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Full text of "Histoire des républiques italiennes du moyen âge"

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HISTOIRE 


REPUBLIQUES    ITALIENNES 

DU  MOYEN  AGE. 


TOME  Fil. 


Imprimerie  d'Amédèe  GRATIOT  et  0%  rue  de  la  Moiioaie,  ii. 


MICHE  IL-AM€]E. 


Publie  par  Fume.   Paris. 


HISTOIRE 


i»40 


Publié  par  P'urne.  J^aris. 


HISTOIRE 


DES 


pu  MOYEN  AGE 

I^AR 

J.  C.  L.  SIMONDE  DE  SlSMONDf. 

NOUVELLE  EDITION. 
TOME  SEPTIÈME 


— I- 


FURNE  ET  €•,  LIBRAIRES-ÉDITEURS 

55,   KUE  SAINT-ANOBÉ-DBS-ABCS; 

TREUTTEL  ET  WURTZ,  LIBRAIRES 

17,   RUE  DS  LILLE. 

>I840 


lui  i^t^>3,>iS'   ... 

HARVARBCaiLItfilliURl 

«If  T  OF 

MARY  E.  HAVEN 

JULY2|I9I4. 


•     M.     •^'^. 


HISTOIRE 

sn 

RÉPUBLIQUES  ITALIENNES 

DU  MOYEN  AGE. 

CHAPITRE  I. 


Suite  de  la  guerre  des  Turcs;  leurs  ravages  dans  la  Carniole  et  le  Friuli; 
ceux  des  Vénitiens  dans  la  Grèce  et  TAsie-Mineure.  —  Révolutions 
de  Chypre  qui  réduisent  ce  royaume  sous  la  dépendance  de  la  répu- 
blique de  Venise. 


1469-1475. 

Paul  II  n*ayait  point  voula,  pendant  son  pontificat,  oon- 
senrer  la  paix  qae  son  prédëoesseor  aTait  établie  en  Italie; 
mais  il  songea  moins  encore  h  défendre  la  chrétienté  contre 
les  invasions  toujours  pins  menaçantes  des  Tores.  Un  des  prin- 
cipaux motifs  qu*  avait  eus  le  conclave  pour  arrêter  son  choix 
sur  loi,  avait  été  sa  naissance  vénitienne.  On  avait  cm  qoeson 
affection  pour  sa  patrie,  que  l'infloence  de  ses  parents,  de 
ses  amis,  seconderaient  les  intentions  de  l'ÉgUse,  qoi  voulait 
rallier  toote  la  chrétienté  à  la  république  de  Venise,  pour  re^ 

vn.  1 


2  HISTpmE  DES  R£PU|iLI9UES  TTAhlESTHES 

pousser  en  commun  les  Ottomans.  On  aviût  to  Pie  II  prêt  à 
monter  sur  la  flotte  da  yieox  doge,  et  l'on  avait  compté  que 
son  saccesseur  s'accorderait  mieux  encore  ayec  le  premier  ma- 
gistrat de  la  république  où  il  était  né.  Mais  Paul  II,  incertain 
dans  ses  rapports  avec  sa  patrie,  fut,  pen^aiit  l'expédition  de 
Goléoni,  sur  le  p<Hnt  de  se  déclarer  contre  elle  ;  et  lorsque 
ensuite  il  contracta  une  étroite  alliance  avec  les  Vénitiens,  ce 
fut  pour  satisfaire  sa  propre  ambition,  en  détournant  à  son 
profit  les  armes  qu'ils  employaient  contre  les  Turcs.  Il  ne  nuisit 
pas  moins  à  leur  cause  en  dirigeant  contre  les  hérétiques  de 
Bohème  les  forces  de  Mathias  Gorvinus,  leur  unique  allié. 

'  Mathias  Gorvinus  était  fils  du  grand  Jean  Huniades,  qui 
avadt  été  yingt  ans  le  bouclier  de  la  Hongrie.  Ladislas  de  Po- 
logne, qu'il  aTait  fait  roi,  lui  avait,  en  retour,  donné  la  di- 
gnité de  waiYode  c|e  Transylvanie.  Pendant  la  minorité  de 
Ladislas  le  Posthume  ou  l'Autrichien,  que  Frédéric  III  rete- 
nait captif  dans  sa  cour,  Jean  Huniades  avait  gouverné  douze 
afas  le  royaume  comme  régent  et  capitaine  général.  Un  mois 
avant  sa  mort,  il  avait  encore,  en  1426,  repoussé  Mahomet  II 
qui  attaquait  Belgrade  * .  Ladislas  le  Posthume,  fils  d'Albert 
d'Autriche,  loin  de  se  montrer  reconnaissant  envers  la  famille 
de  ce  grand  homme,  jeta,  lorsqu'il  parvint  au  trône,  Mathias 
Corvinusdans  un  cachot  à  Prague,  et  fit  mettre  son  frère  àmort. 
Gorvinusf  uttiréde  prison  auboutde  deuxans,parGeorge  Podié- 
lura^»  au  momc^Qt  delà  mort  subite  de  Ladislas,  à  Prague,  le  23 
novembre  \  457  ;iiaTait  encore  leafes^s  aux  pieds  et  anxmaina 
lorsqu'il  fut  prodaméi  roi  de  Hongrie  à  la  place  de  Ladislas,  en 
laême  tempsi  que  pwrge  Podiétûradf  ut  prodainéroi  de  Bohème. 
I^épousalafiUedç  ce  denuer;et9^dei»  souverains,  nommés  par 
d^ux  nations  reconnaissantes,  se  montrèrent  également  dignes 


•  Splegel  der  Ehréh.  B.  V,  c.  X,  p.  «6.  —  Thomas  Ebendorfferi  de  Haselbach.  Chron, 
H^lriççi  U IV»  pii  9|(i  —  ?  9(f^$k  <fcf  Kkren.  B.  V,  e.  II,  p.  633. 


DU  MOYEN   ÂG&.  3 

iû  tténe  * .  Le  règM  de  MâHiitts  Corvinaâ  fut  dès  lors  rignalé 
par  des  tietoires  aussi  brillantes  qse  celles  de  son  père.  En 
1462,  il  reeouyra  Jaicta^  capitale  de  la  Bosnie,  etilladél^ndit 
l'année  snivantè  contre  Mahomet  II  *.  La  ga&rre  s'^ant  dès 
lors  allumée  entre  les  Yéniti^os  et  le»  Turcs,  Gorvinus  con* 
trada  une  étroite  alliance  avec  la  république,  et  cetle-ei  lut 
fit  passer  chaque  année  cent  mille  ducats,  pour  défrayer  en 
partie  ses  armements  '.  Le  roi  de  Hongrie  porta  ses  armes 
tour  à  tour  dans  la  Rasde,  la  Ydachie,  la  Croatie,  la  Transyl- 
Tanie  ;  il  y  remporta  de  brillantes  victoires  sur  les  musul-^ 
mans,  et  plus  encore  sur  les  princes  chrétiens  leurs  mssaux. 
Le  bruit  de  ses  victoires  ayant  donné  au  pape  une  haute  idée 
de  la  puissance  de  Mathias  Gorvinus,  la  cour  de  Borne  le  sol-^ 
licita  de  tomcner  ses  armes  contre  un  ennemi  qu'elle  redon-* 
tait  mcttBs  que  les  Tiùrcs,  mais  qu'elle  haïssait  davantage  ;  c*é* 
tatt  George  Podîébrad,  roi  de  Bohâiie.  La  secte  de  Jean  Huss 
étgiï  toujours  fort  nombreuse  dans  son  royaume  ;  et  Podié* 
brad,  âevé  sur  le  trône  par  les  suffrages  de  sa  nation,  était 
obligé  de  ménager  des  sectaires  qui  faisaient  son  plus  ferme 
appui.  La  cour  de  Bome  ne  lui  reprochait  point  de  partager 
leurs  opinions,  mais  seulement  de  ne  pas  vouloir  sévir  contre 
eux.  Pour  écarter  tout  soupçon  d*hérésie,  il  avait  offert  de  dé- 
clarer solennellement  qu'il  ne  croyait  pas  nécessaire  aux  fi- 
dèles de  recevoir  le  sacrement  sous  les  deux  espèces  ;  et  on 
lui  avait  répondu  que  sa  déclaration  ne  suffisait  point,  s*il 
n'autorisait  rarcfaevêque  à  punir  sévèrement  Ceux  qui  donne- 
raient on  recevraient  la  communion  sous  cette  forme.  «  Qu'il 
«  déclare  expressément,  ajoutait  le  pape,  si  le  bras  séculier 
«  exécutera  les  sentences  de  l'archevêque,  pour  punir  les  pré- 
«  très  qui  favorisent  les  erreurs  $  si  on  lui  donnera  toute  as- 

1  Sfteffèider  Shren.  B.  V,  e.  XII,  p.  644.  Thtmœ  EbenÛorffeH  de  Basèïbacîu  Cfiron. 
ÉÊUf.  U  IV,  p.  88D.  —  «  Spièiiel  der  Éhren,  B^V,  c  XVIIÎ,  p.  734.  —  \B<mfifm  ner. 
Vngorieikf .  Deêa  tlt^  t.  IX,  p.  533. 


4  HrstOIRE  Des  RÉPUBLIQUES  ITALIEimSS 

«  sistance  réelle  et  aetadle  poar  réduire  à  Tobâssance  da 
«  siège  apostolique  tous  ceax  qni  déyient,  et  pour  extirper 
«  toutes  les  hérésies  * .  »  Jamais  le  roi  de  Bohème  ne  yoalatse 
se  soumettre  à  ces  conditioiis  ;  jamais  il  ne  vonlut  livrer  aux 
tribunaux  ecclésiastiques  Rockizane,  archevêque  schismatique 
de  Prï^e  ;  et  ce  refus  de  se  joindre  aux  persécuteurs,  consi- 
déré par  Paul  II  comme  une  rébellion  odieuse  contre  l'Église, 
attira  enfin  de  la  cour  de  Rome  une  sentence  de  déposition. 
George  Podiébrad  fut  condamné,  le  25  décembre  1 466,  comme 
coupable  d*hérésie,  et  déclaré  déchu  du  trône  de  Bohème^. 
Ce  trône  fut  offert  à  Casimir,  roi  de  Pologne,  qui  ne  Youliit 
point  l'accepter  '.Peu  de  mois  après,  une  nouvelle  excommu- 
nication atteignit  tous  les  sujets  demeurés  fidèles  à  Podiébrad, 
et  tous  ceux  qui  lui  prêteraient  aide  ou  faveur.  En  même  temps 
tous  les  princes  chrétiens  furent  dégagés  de  tous  les  serments 
qu'ils  pouvaient  lui  avoir  prêtés,  et  de  tous  les  traités  conclus 
avec  lui  ;  enft^  Rodolphe,  évêque  de  Lavenza,  fut  chargé  de 
prêcher  une  croisade  contre  la  Bohème  *.  C'était  Tannée  qui 
sçdvit  la  mort  de  Scanderbeg  ;  la  Macédoine  venait  d'être  mise 
à  feu  et  à  sang,  et  la  Bosnie  envahie;  et  cependant  le  pape 
allumait,  surles  frontières  même  de  la  chrétienté,  une  guerre 
civile  insensée,  qui  favorisait  les  progrès  des  Turcs.  Mathias 
Gorvinus  se  laissa  séduire  par  l'espéramce  d'une  nouvelle  cou- 
ronne ;  il  dédara  en  i  468  la  guerre  à  George  Podiébrad,  son 
alliéj  son  beau-père  et  son  libérateur  ;  il  dégarnit  les  frontières 
de  la  Hongrie,  pour  dévaster  et  conquérir  la  Bohème  ;  il  aban- 
donna les  Yenitiejis  dans  la  lutte  où  il  s'était  engagé  de  con- 
cert avec  eux.  Pendant  sept  ans  il  continua  ses  attaquesimpo- 
litiques,  non  plus  contre  Podiébrad,  mort  en  1740,  mais 

1  ArtieuHetmodusntperreduetione  Regni  Bohemiœ  in  venan  ApostoHcœ  sedis  obe- 
^entiam,  Responsto  ad  tertiwn  paragraph.  Pauli  il  Uber  Breviwn,  Anno  ?«,  p.  iSO. 
~  Raynaidi  AnnaL  Eccles,  I4ii,  S  i7-2tf,  p.  224.  —  *  Spiegel  der  Ehten.  V.  Rrnch., 
XIX  capitel,  p.  744.—  >  haynaldi  AnnaL  Ecctes,  i466,  $  26-30,.p.  183.—  Jacobt,  Car^ 
din»  PapUnsU,  L.  VI,  «r  ^md,  epistola  382.  —  *  Baynaldi  Annal  1467,  S  8,  p.  186. 


DU  MOYEN  AGE.  5 

contre  tJIaâislas,  flb  da  roi  de  Pologne,  qoe  les  Bohémiens 
loi  avaient  substitaé  ;  et  tandis  qn'iloonsomait  yainèment  ses 
forces  dans  ce  combat,  Mahomet  II  firappait  la  chrétienté  de 
conps  désastreux  ^ 

L'éYénement  qai  cansa  le  pins  de  terreur  anx  Italiens  fat 
une  expédition  conduite  par  Hassan  Bej,  chrétien  renégat  et 
pacha  de  Bosnie.  Il  avait  été  appelé  eh  Croatie,  par  un  gen- 
tilhomme de  cette  province  qui  voulait  se  venger  de  son 
frère;  ily  pénétra,  au  mois  de  juillet  1469,  avec  vingt  mille 
chevaux,  avant  qn'on  y  eût  fait  aucun  préparatif  de  défense  : 
hiiit  mille  chrétiens  qui  s'étaient  réfugiés  dans  une  ville  de 
(ïoatîe  furent  passés  an  fil  de  Tépée;  trois  mille  furent  ré- 
duits en  esclavage.  L'armée  turque,  poursuivant  ses  succès, 
traversa  la  Gamiole  qu'elle  ravagea;  elle  avait  déjà  pénétré 
jusqu'à  cent  soixante  milles  dans  l'intérieur  des  terres,  et  elle 
n'avait  plus  qu'une  petite  journée  de  chemin  à  faire  pour  se 
porter  sur  Trieste  ou  sur  les  frontières  du  Triuli ,  et  pour 
oitrer  en  Italie.  Mais  les  vainqueurs^  se  trouvant  suffisamment 
diargés  de  butin  et  embarrassés  de  captifs ,  retonmèrent  sur 
leurs  pas,  sans  avoir  entrepris  de  s'emparer  d'aucune  place 
forte.  Dix-huit  mille  chrétiens  avaient  été  massacrés ,  quinze 
nulle  étaient  emmenés  en  Turquie  pour  être  vendus  comme 
esdaves;  les  vieillards  ou  les  enfants  n'avaient  point  été  épar- 
gnés^ tontes  les  moissons  avinent  été  brûlées,  tout  le  bétail 
que  les  Turcs  n'avaient  pu  emmener  avait  été  ^rgé ,  et  l'on 
eût  dit,  non  que  des  ennemis,  mais  que  des  furies  avaient 
dévasté  le  pays  *.  Les  Turcs,  pour  rentrer  en  Bosnie,  avaient 
à  traverser  un  fleuve  que  le  cardinal  de  Pavie  nomme  Xu- 
pfatia  '•  n  avait  été  tellement  grossi  par  les  pluies,  que  leur 

1  Bimfinbu  Rer.  Vngar.  Dcca lY,  L.  Il,  p.  574.  BaymUdi  AnnaU  Eccies,  1468,  S  9, p  tss. 
—  Dlttgoss.  Hist.  Pùlon,  L.  XlII,  p.  465.  —  *  Comment.  Jaeobi ,  Card,  Pajrietu.  L.  VII, 
p.  449.  —  ^oidem  episiola  S94.--iâftiial.  Eecles.  1469,  S  14,  p.  ViZ.^SpUgel  der  Ehren 
det  Mnhœues  Oeêterreieh.  Buch.  Y,  capilel  XIX,  p.  752  — '  Fugger  nomme  cette  rivière 
Caraewiie.  Elle  lépare  la  Sosnie  de  la  Croatie.  Spitgel  dtr  Ehrm.  p.  753, 


6  HiSTOIAE  DES  HÉFOSLIQUBS  ITALIE1I9BS 

«nftée  fiit  oMigéB  de  ft'arrMer  hoift  jours  sur  se»  bords  wuA> 
de  pMYoir  le  paMMsr.  Pendait  ce  trai^  il  aunât  été  iMtte  dc( 
tirer  une  juste  ye^ranee  de  leur  harbarie»  et  de  leeMnmr  de 
leurs  mains  les  captifis  et  le  butin  qn^ils  emMUaiont;  nuô» 
e'âatt  justement  la  saison  où  lés  Bongfeis  et  les  Autrkbîeiis , 
lai8Bantleaf»froiitiàresdéDOttiraieft,raiBage«i^  laBobësiev 
Mabias  Covrinna  MmA  alov»  piisonnier  Yiotorin  soà  hem^ 
frère,  fib  de  fieevge  Podiëbrad^  et  11  recevait  à  Olmnt^  le» 
cewonnes  du  royamfte  de  Bohème  el  du  mar^râftt  deltoravtet 
qu'il  croyait  avoir  eoncpûs  * . 

La  répnUKqpie  de  YenlBe,  <|ai  avait  vu  avec  effroi  Tarmée 
turcpie  s'approcher  die  ses  frontières  de  terre  ftime,  n'avait 
garde  cepmdaiit  d'attaquer  ka  masnlmaDs  de  ce  côté.  :  elle 
aurait  ^nt  de  leur  enseigner  ainsi  le  chemin  par  lequel  ito 
pouvaient  pAiétrer  jusqu'au  milieu  de  l'Italie^  Ce  n'était  que 
par  mer  qu'dile  voulait  combattre  les:^infldèle8.1!ii6(daB.Ciattal% 
qm  avait  succédé  à  Jaeqpies  Loredano  dans  le  commandement 
des  troupes  vâ»tiennes  en^  Grèce ,  rassembla  une  flotte  de 
vingt-six  galères  à  Négrepont,  avec  laquelle,  après  avoir  me* 
naeé  plusieurs  lies  de  la  mer  Egée,  il  surprit  la  vitte  d'Éno  sur 
legoUeSaronique,  où  S  entra  par  escalade.  Il  ueparatt  pmnt 
que  les  Turcs  eussent  une  garmson  dans.Éno;  c'était  une  -«Ile 
commerçante,  assez  rictte,  et  habitée  uniquement  par  des 
Grecs.  Elle  fut  abandonnée  au  piHa^ ,  et  après,  en  avoir 
^[irouvé  toutes  les  horreurs ,  die  fut  réduite  en  cendres  :  ke 
lieuK  sainte  ne  ftirent  point  épargnés,  ks  religieuses  enfermées 
dans  des  couvente  que  les  Turcs  avaki^  respectés  forenlk 
abandonnées  à  la  brutalité  des  soldato;  é&ox  miUe  captifs  fti« 
lent  emmenés  à  Négrepo^  :  parmi  eux  on  voyait  ^usieors 
respectables  matrones  grecques  réduites  en  esclavage;  enfin, 
un  butin  très  considérable  enrichit  les  soldats  ^.  La  nouvdle 

^Banfialui.  Ser.  9ngaric,  Deea  IV,  L.  II»  p.  587.  —  âmuO.  EceUê.  1469,  $  i«; 
p.  202.^*  CommênUacoMCard,  Pmp.  L.  VU.  |^.  459.-*l!^wd.«lpteio/lM.  9*2»».^.  Ws 


00  nom  Afit.  7 

lia  «le  d'Àio  fttt  potMe  à  Bam^  m  mUne  tantpt  ftie  «Ue 
d'un  «yantage  rinporté  mir  lès  hérétifBMde  Bahénie)  et  le 
pape  oïdimiia  d0B  actioiiB  de  grio»  dans  tD«s  les  tenpte 
ces  heoreu  SDceès  * . 

Qamqae  les  piraleriss  des  Ténitiais  déeahsssnt  presque 
uniquement  les  sajMehrélîeBsdeMaboiiietlI,  oe  ndontable 
mooarqDe  était  résoki  à  ne  pas  soaffirir  dayenlage  de  pareîHes 
insntles.  Le  S  aeét  1469^  il  pronenfà  à  Coastanlînopie,  et  il 
fit  TépéM  dans  toides  les  mosquées  de  son  empire^  k  ycmi 
Baiyant  :  «  Moi,  Malmneti  fils  d'Àmarath)  sultan  et  goa^er^ 
«  neordeBarametdeBaehmaêl^éleYéparleSiensipfféine'^ 
«  placé  dans  le  eerde  da  soleil,  eootert  de  gloire  parsiesBas 
«  tons  ks  ea^menrs,  kenreux  en  tonte  choee,  tëdenlé  dès 
«  mortels,  pirissant  dans  les  amm,  par  les  prières  des  saints 
«  qui  soDtan  ciel,  etdn  grand  prophète MaboMet)  empereur 
^«  des  empereurs  et  prinœ  des  prteies  qm  eiistint  do  leyant 
«  an  eoodMust;  je  promets  an  Dieu  nnicpie)  oréatsur  de  taole 
«  dMMe,  par  m<m  tsni  et  mon  serinent,  qne  je  ne  Terrât  point 
«  le  sommeil  de  mes  yeux,  que  je  ne  mangerai  point  de  dioses 
«  dflicates,  que  je  ne  recheréherai  point  œ  ^  est  agréaMe> 
«  que  je  ne  toucherai  pobit  à  ce  qui  est  bean,  que  je  ne  dé^ 
•  tournerai  point  mon  tisage  de  rOeeident  à  l'Orient,  si  je  ne 
«  reuTerse  et  ne  foide  aux  j^eds  de  mesehofaux  ks  dknx  des 
«  nations,  ces  dieux  de  haïs,  d'airain»  d'argent^  d'or  on  de 
«  pemt«e,  que  les  disciples  du  Christ  se  pont  faits  de  lenn 
«  mains^  je  jure  que  j'eitenninerai  toute  leur  iniquité  de  k 

.«-a.  Jim.  aabeiaeo^  ai$L  VêmUm.  Deet  III,  L.  ?m,  f.  iMn-Jjid.  imagèBro^  p*  1427. 
•*  *■  Amuti.  Sceies.  BcnfnaUU.  i469,  S  12»  p.  M3.  Lei  comoieaUirat  du  cardinal  de  favie 

.  anteMil  à  la  nMMTt  du  eardinal  Canriû>U  es  i«M,  pe«  de  moii  aprèi  la  priae  drSno.  Ils 
foraMDteDMpliiTresU  «Nittjmalion  da  ceux  dePteU.  Le  réeit  del'eipédilioa  et  de  la 
mort  de  oe  ponUfe  Ml  d'uD  grand  iméréi  t  dans  la  tuile  ou  trouve  encore  dei  faiu  Men 

;  obiorvés  et  des  délaits  curieux  ;  mais  le  eardinal  do  RAVte  était  loin  d'aroir  pour  ta  ré- 
éÊBlkn  et  ta  difpoaiiion  du  loilet»  cl  pour  l'art  de  peindre  le*  Inames  et  les  lieux,  no 
talent  compHaMe  i  celui  de  Pte  IL  Dian  réditkm  in-foOo,  rraaelort,  1614,  ce  c 
lalre.Qcciipe  les  pages  >tt^Uk 


8  HISTOI&E  DJSS  BÉPUBLK^U  iTALI£RlllS8 

«  faee  de  la  terre,  da  levant  an  couchant,  à  la  gloire  dn  Siea 
«  de  Sabaoth ,  et  du  grand  prophète  Mahomet.  Et  pour  cette 
« .  canse ,  je  taàA  savoir  à  tous  les  peuples  drconds ,  mes  sujets 
«  qui  crwent  en  Mahomet,  à  leurs  chefs  et  à  leurs  auxiliaires^ 
«  s'ils  ont  la  crainte  du  Dieu  fondateur  du  ciel  et  de  la  terre , 
«  et  la  crainte  de  ma  puissance  invincible,  qu'ils  aient  à  se 
«  rendre  tous  aiq^rès  de  moi ,  le  septième  de  la  lune  de  rama- 
«  dan  de  cette  année  874  de  l'hégire  (1 1  mars  1470),  obéis^ 
«  sant  au  précepte  de  IHeu  et  de  Mahomet,  dont  le  premier 
«  par  sa  providence  >  et  le  second  par  ses  prières ,  nous  assis- 
«  teront  sans  aucun  doute  ^  » . 

Sur  cette  invitation  de  Mahomet,  une  armée  formidable 
et  une  flotte  comme  les  musulmans  n'en  avaient  > jamcâs  mis 
en  mer,  se  rassemblèrent  à  Gonstantinople.  Les  Latins 
exagéraient  toujours  sans  mesure  la  force  des  armées  mu- 
sulmanes; ils  se  préparaient  ainsi  une  excuse  pour. leur» 
défaites,  ou  plus  (de  gloire  dans  leurs  succès.  Dans  cette  ooca^ 
sion ,  ils  ne  parlent  pas  de  moms  de  quatre  cents  vaisseaux 
sortis  de  l'Hellespont,  le  31  mai  1470,  et  de  trois  cent  mille 
hommes  qui  s'avançaient  de  llirace  dans  la  Grèce  '.  Encore 
qu'on  réduise  infiniment  ces  nombres,  toujours  estrils(Ur  que 
l'année  de  Mahomet  était  de  beaucoup  supâîeure.à  tout  ce 
que  les  Vénitiens  pouvaient  lui  .opposer.  Nicolas  Ganale, 
amiral  de  cenxrci ,  était  à  Négrepont  avec  trente-cinq  galères. 
Quand  on  lui  rapporta  que  la  flotte  turque  avait  paru  près  de 
Ténédos,  il  s'avança  parle  canal  qui  sépare  Lemnos  et  Imbros, 

1  CatHnaU»  PapUnHs  ÉpUtola S80,  p.  73t.  —  Jtaynalcft  ÂtimUs EeeUs. tiTO,  Su, 
p.  310.  —  '  Frandêd  PAite/pAI,  L.  83,  Epistoia  ad  Bemardwn  JustinUmum,  ^  Anto- 
nio de  Ripalu^  dans  les  Annales  de  Piaisance,  assure  que  les  Turcs,  entre  leur  flotte  et 
leur  armée,  avaient  500,ooo  combattants.  AnnaL  PtacenL  T.  XX,  p.  929.  Mais  les  annales 
des  Turcs  n'indiquent  nullement  une  armée  très  formidable.  «  Mahomet,  y  est-il  dit,  ne 
«  pouvant  supporter  une  longue  oisiveté,  s'achemina,  par  terre,  yers  l'Euripe,  tandis 
«  qu'il  envoyait  Mahmud,  pacha,  avec  une  flotte  qui  portait  douze  mille  hommes.  »  An- 
ntUôê  Turda  LemclavU.  T.  XVI,  p.  2S8.  -^  Demetrius  CantenUr,  HisL  OtlL  L..III,  c  1, 
S  23,  p.  lio.  Goriolanus  Cepio  lui  donne  120,000  hommes.  De  Reifut  VenetU,  U  1,  p»  8ii. 


DU  llOY£II   AGE.  .     9 

e|  il  envoya  devant  loi  Laprwt  Loredano  avec  dix  galères , 
pour  reconnaître  les  ennemis.  Il  lui  ordonnait  de  ne  point 
éyiter  la  bataille  s* ils  n'avaient  ;pas  {Ans  de  smxante  vœles , 
car  loi-mème  ne  tarderait  pas  à  venir  an  seconrs  de  son  avant- 
garde  ,  et  il  croyait  avec  confiance  qu'il  battrait  les  infidèles, 
pourvu  que  ceux-ci  ne  fussent  pas  plus  de  deux  contre  un. 
Mais  si  les  Turcs  avaient  plus  de  soixante  vaisseaux,  il  or- 
donnait de  faire  force  de  voiles  et  de  rames  pour  les  éviter  *  • 
Bientôt  Loredano  et  Ganale  lui-même  découvrirent  la  flotte 
musulmane,  qui  couvrait  toute  la  mer.  Les  Turcs,  qui  pour  la 
première  fois  faisaient  Fessai  de  leur  marine ,  sentant  leur  in- 
fériorité pour  la  manoeuvre  et  la  petitesse  de  leurs  vaisseaux, 
avaient  compensé  ce  désavantage  à  la  manière  des  barbares, 
en  redoublant  leur  nombre.  Les  Yénitiens  crurent  n'avoir 
d'autre  parti  à  prendre  que  celui  de  la  fuite  ;  profitant  de  l'ob- 
scurité de  la  nuit,  ils  se  mirent  à  couvert  derrière  l'Ile  de 
Scyros ,  tandis  que  les  Turcs  y  faisaient  une  descente  pour  la 
saccager  et  la  brûler.  Ganale  prévit  alors  que  cet  armement 
était  destiné  contre  Négrepont;  il  envoya  trois  galères,  avec 
le  plus  de  vivr^  qu'il  put  rassembler,  à  Ghalcis,  capitale  de 
l'ile  :  peu  de  jours  après  il  en  envoya  deux  autres  encore  ;  mais 
alors  il  n'était  plus  possible  d'entrer  dans  le  détroit,  les  Turcs 
en  avaient  fortifié  tous  les  passages. 

L'ile  d'Eubée  ou  de  Négrepont  s'étend  le  long  des  côtes  de 
la  Tbessalie,  de  la  Béotie  et  de  l' Attique,  par  une  longueur  de  , 
cent  quarante  milles  :  elle  n'a  nulle  part  plus  de  quarante  ou 
moins  de  vingt  milles  de  largeur,  et  son  circuit,  allongé  par 
beaucoup  de  sinuosités,  est  de  365  milles.  Les  villes  nombreu- 
ses dont  elle  avait  été  couverte  autrefois  étaient  alors  presque 
toutes  détruites.  Celle  de  Négrepont,  ou  Ghalcis,  demeurait 
seule  sur  pied,  au  bord  du  détroit  de  l'Ëuripe,  à  l'endroit  où 

i  M.  ÀtiL  SabelUco.  peca  lll,  L.  viu,  f .  207,  vo.  . 


10  filSTOIBE  DES  BÉPtJfiLIQUlSS  iTALIEllïr]» 

il  a  le  moins  de  largeur.  Laigi  Galvo  oommandait  dans  oetfe 
Tilie  comme  csajfrittaine^  Jean  Bondomieri  comme  protMiteor^ 
et  Paol  Eruzo  eomme  podestat  ;  une  faible  garnison  était  sons 
leurs  ordres,  af? ee  qnelcpies  nobtes  Vâiitiens.  Gepradast  Ma- 
homet Il  arriva  dans  la  Béotie^  vis^à-Tîs  de  Ifégrepont,  ayee 
son  ardiée  de  terre,  que  LabelUçns,  le  pins  modéré  des  La-* 
tins,  dans  son  câlcnl,  porte  à  cent  vingt  mille  hcmimes.  La 
flotte  tnrqoe  s'était  d^  emparée  dn  canal,  et  elle  avait  cher^ 
cbé  à  en  fermer  l'entrée  avec  des  chaînes  arrêtées  à  des  vais^ 
seaux  eoalés  à  fond,  de  place  en  place  * .  Dès  que  le  saltanfnt 
arrivé  en  vile  de  l'Ile,  les  Tares  s'efforcèrent  de  lier,  par  nn 
pont  de  bateaax,  VEnbée  à  la  Béotie;  et  après  quelques  corn-* 
bafei  vayiadsment  sontemis  par  les  habitants,  ce  pont  fut  éta-* 
bH  devant  f^se  de  Saint-^Marc,  à  un  mille  de  distance  de  la 
vflle'.  Ausi^ôt  le  siège  fut  commencé,  plusieurs  batteries 
furent  ouvertes,  et  l'on  regardait  alors  l'activité  de  l'artillerie 
turque  comme  prodigieuse,  parce  que  chaque  bouche  à  feu 
tirait  contre  les  murs  dnquaiite-cinq  coups  paf  jour. 

Cependant  on  avait  porté  à  Venise  la  nouvelle  du  siège  de 
Kégrepont  et  du  danger  que  courait  cette  ile  ;  elle  était  re- 
gardée comme  le  chef-lieu  de  toutes  les  colonies  militaires  des 
Yénitieiis  dans  FArchipel.  Le  sénat  fit  armer  avec  précipita- 
tion tout  ce  qu'il  avait  de  galères,  et  à  mesure  qu^ elles  étaient 
prêtes,  il  les  envoymt  jmudre  Nicolas  Ganale,  en  Inir  donnant 
Tordre  de  tout  hasarder  potir  délivrer  Négrepont.  De  son 
cdté,  Girolamo  Molini  qui,  avec  le  titre  de  duc,  gouvernait 
Candie  pour  la  république,,  avait  envoyé  à  là  flotte  sept  gros-- 
ses  galèiies  chargées  de  vivres.  Après  avoir  reçu  ces  renforts, 
l'amiral  vénitien  pouvait  se  croire  en  état  de  se  mesurer  avec 
les  Turcs.  Il  n'y  avait  plus  de  temps  à  perdre  pour  délivrer 
les  assiégés.  Trois  assauts  leur  avaient  été  fivr^  successive-^ 

1  F.  PhiUlphi  Êpist.  ad  Federicum  Vrbinaii  comUem.  L.  XXXU.  —*  M.  Ant  Sabel-' 
Uco.  Deçà  Ui,  L.  Vlll,  f.  20S.  —  Andr.  Navagicro,  Stofia  fenexiana.  p.  tvn. 


]&6Bt,  le  ihjmij  le  30  jttin  et  le  5  jaiBet*  ;  et  qtKm|iie  le» 
yiatimùJi  cîiereliasftéot  à  g^eaeettrager,  ea  affirmant  que 
16,000  Ton»  avaient  été  tués  dans  lesdem  prenien  assauts, 
^  5,000  dans  le  trmsième,  les  pertes  des  assiégés,  dont  le  cal- 
esH  était  mieaï  até^,  devenaient  pour  e»x  plra  effrayantes. 
Nîeolas  Gaoale,  poussé  par  iin  vent  favorable,  et  secondé  pur 
tes  courants,  rompit  eoiin  les  chaînes  qui  lai  lèi^maient  Ten* 
larée  derEoripe,  et  parnt  le  1 1  jniUet  en  vue  de  k  v^,  de  la 
flotte  torqne,  et  dm  pont,  dont  il  n'Aait  pins  qn-à  nn  n^le. 
les  assiégés,  an  comble  de  la  joie,  se  cnire»t  délivrés.  Ibbo^ 
met,  <s*aignaait  de  voir  le  pont  coupé,  et  de  se  tronver  enferaïé 
dans  nie,  fat,  à  ce  qa^on  assure,  sur  le  peint  de  s'^ftfnr. 
Mais^  CMale  n'avait  é€é  suivi  qne  par  qnatorze  fflkaem  et 
deux  vaisseaox  ;  la  peor,  on  qnelqne  malentendln,  avait  arrèld 
toui;  le  veste  de  sa  ftotte  en  delu«s  de  rEarvpe.  Cependant 
son  pilole ,  Goodiaraej  et  deux  captlaînes  de  vaisseaui,  les  frè^ 
res  Piasamam,  Teih^taient  k  venir  donner  CMtve  le  pont; 
Hase  croyaient  assuré» de  le  rompre,  à  l'aide  du  conrant  et 
dn  vent  qoi  les  seeeockdent,  et  ife  redoutaleiM;  peu  la  flolt«l 
tarqoe  rangée  derrière  le  peirt,  dans  vm  lieu  trop  étrcAt  pour 
Buinœovrer.  Ma»  CSanale  man^eia  de  Tésol«lion  :  il  défenâil;  èl 
son  plote  de  passer  otitre  jnsiqa'à  ce  qn'il  eût  été  rejoint  par 
le  restede  sa  flotte>  à  laquelle  il  envoyait  message  sur  message 
pow  la  pressar.  Pcaidant  ^'il  fatlendait  vainemettt,  Mdio- 
met  II  avait  livré  un  quatrième  assaut,  et  en  même  temps  S 
avait  fait  apprbdier  sa  flotte  dés  mws,  dn  eôté  de  Berga  alla 
Zneeca«  Les  assiégés  avûent  les  yenx  toujours  fisés  sur  le 
Mea  où  ils  avaient  v«  paraître  les  voilesi  vémiifeniies,  dont 
yiflmftobiMté  les  désespérait.  Cependant  ik  se  défendrait  avee 
une  extrême  vaillance,  jusqu'à  ce  que  la  nuit  séparât  les 
combattants.  Au  point  du  jour,  le  12,  le  combat  recommença^ 

>  Marin  Sanuto^  Vite  de'  Ducfù  di  Ventzia.  p.  il 90. 


12  HISTOIAE  DBS  RÉPUBLIQUES  ITAL1££11IJE8 

et  les  assiégés  op(iosèrent  tOQjoiin  la  même  résistance.  D^à 
les  brèche»  étaient  praticables  ;  des  soldats  toujours  nouveaux 
se  présentaient  à  Tattaque,  et  les  Ghalddiens  étaient  accablés 
de  fatigue.  Vers  la  deuxi^ue  heure  du  jour,  ils  furent  re- 
poussés des  murailles;  mais  comme  toutes  les  rues  étaient 
barricadées,. ils  oontinuèrrat  h  se  défendre  dans  la  ville,  jus* 
qu'à  la  mort  du  dernier  d'entre  eux.  Tous  périrent,  car  le 
féroce  Mahomet  avait  fait  publier  dans  son  camp  qu'il  ^i- 
verrait  au  supplice  quiconque  aurait  épargné  un  seul  prison- 
nier âgé  de  plus  de  vingt  aus^  Les  cadavres,  rassemblés  sur 
la  place  de  Saint-François  et  sur  celle  du  Patriarche,  furent 
ensuite  jetés  à  la  mer. 

Pendant  que  cette  effroyable  boucherie  durait  encore,  le 
reste  de  la  flotte  vint  joindre  Ganale;  mais  il  était  trop  tard  ; 
ksétendards  de  Saint-Marc  étaient  arrachés  des  murailles,  la 
ville  était  perdue,  et  les  soldats  des  galères  découragés.  Les 
Vénitiens  ressortirent  en  hAte  du  canal  de  l'Ëuripe,  frémissant 
de  douleur  et  de  rage  d'avoir  laissé  détruire  sous  leurs  yeux 
une  colonie  si  importante.  Deux  des  commandants  vénitiens 
qui  étaient  dans  Ghalds  étaient  morts  les  armes  à  la  main; 
Paul  Erizzo,  le  troisième,  s'était  enfermé  dans  la  citadelle  ;  il 
la  rendit  sous  condition  d'avoir  la  tète  sauve.  Mahcmiet  or- 
d<mna  qu'il  fûtsdé  par  le  miUeu  du  corps,  ajoutant,  avec  une 
atroce  plaisanterie,  qu'il  n'avait  garanti  que  sa  tôte,  et  qu'il 
la  lui  laissait^. 

La  douleur  que  causa  la  perte  de  Négrepont  à  Yenise  fut 
accompagnée  de  la  plus  violente  indignaticm  contre  Nicolas 
Ganale.  Loin  d'encourager  ses  soldats  au  combat,  il  avait  re- 
tenu des  guerriers  plus  ardents  que  lui,  et  il  s'était  reftisé  à 

i  If.  À.  SabeUico,  Deçà  ni ,  L.  Vin,  f.  200.  —  Andréa  îXwagiero^  Siarta  venezUauu 
p.  1138. ->Crt»ii  Tureo-Grofciœ  BUtor.poMc.  L.  1 ,  p.  25.  —  Sansorlno,  Del  origine 
e  Impero  de*  Turchi.  L.  II,  f.  16T.  —  *  Amuks  EccleiiaeiieL  iiio,  $  12-S6,  p.  210.  ^ 
m.AnL  SabelUeo,  Hist.  Veneia.  Deçà  UJ.  L.  VIII,  t  208-209.  —  Marin  Samuo,  VUe  d^ 
Duchi  di  Venezia,  p.  1190. 


DU  MOYEN   AGE.  13 

tenter  de'romprê  le  pont  de  Taisseaux  des  Turcs,  ati  moment 
où  il  aurait  pu  sauver  ainsi  la  yille.  Son  eourage  n* avait  jus- 
qu*  alors  jamais  paru  douteux  dans  les  combats  ;  mais  on  pré- 
tendit que,  dans  cette  occasion,  la  présence  de  son  fils  sur  la 
flotte  lui  avait  inspiré  une  crainte  inaccoutumée.  Après  la 
chute  de  Ghalds  il  ne  fit  rien  pour  réparer  Taffront  que  Té- 
tendard  de  Saint-Marc  avait  reçu.  Cependant  Jacques  Yeniero, 
et  d'autres  encore,  lui  avaient  amené  de  si  puissants  renforts, 
qu'il  avait  enfin  réuni  cent  galères  sous  ses  ordres.  Cet  arme- 
mentétait  bien  plus  redoutable  que  celui  des  Turcs,  lors  même 
que  la  flotte  de  ceux-ci  aurait  été  effectivement  composée  de 
quatre  cents  vaisseaux,  comme  le  rapportent  plusieurs  histo- 
riens. Le  sultan  avait  réuni  tous  ceux  du  commerce,  tous  ceux 
qui  pouvaient  Ini  servir  de  transports,  et  sa  flotte  mal  aguerrie 
ne  savait  ni  manœuvrer  dans  les  batailles,  ni  obéir  aux  si- 
gnaux, tandis  que  les  Vénitiens  étaient  les  plus  hardis  de  la 
Méditerranée,  parce  qu'ils  en  étaient  les  plus  habiles. 

Après  la  conquête  de  Négrepont,  la  flotte  ottomane  se  retira 
«vers  les  Dardanelles,  et  Nicolas  Ganale  la  suivit  jusqu'auprès 
de  Sdo  ;  là,  il  assembla  un  conseil  de  guerre,  et  sur  l'avis  de 
ses  capitaines,  il  s'abstint  d'attaquer  les  Turcs  qui  se  croyaient 
déjà  perdus.  Il  revint  ensuite  à  Négrepont  qu'il  tenta  de  re- 
prendre ;  mais  l'attaque  des  troupes  de  débarquement  n'ayant 
pas  été  bien  combinée  avec  celle  des  galères,  il  fut  repoussé 
avec  perte.  Pendant  que  cette  action  durait  encore,  Pierre 
Mocénigo,  que  la  république  avait  nommé  pour  le  remplacer, 
arriva  auprès  de  lui.  Mocénigo  déclara  que,  pour  ne  point 
déranger,  par  son  arrivée,  des  plans  combinés  d'avance ,  il 
était  prêt  à  combattre  «ons  1^  ordres  de  Ganale,  si  celui-ci 
voulait  renouveler  l'attaque.  Ganale  s'y  refusa,  tout  en  décla- 
rant que  si  Mocénigo  voulait  combattre ,  il  était  prêt  à  servir 
sous  lui.  Tous  deux  semblaient  redouter  la  responsabilité  d'une 
entreprise  trop  périlleuse;  tous  deux  refusèrent  de  tenter  la 


14  HISTOIRE  DES  RÉPUBLIQUXS  ITALIENIIES 

fortun^^  mais  Mecéoigo  ayant  Tamement  oflert  à  «m  prëdë^ 
cessear  une  occasion  de  se  râiabiliter,  prit  le  commandement 
de  la  flotte^  déploya  la  commission  dont  il  était  diargé  par  le 
conseil  des  Dix,  fit  arrêter  Ganale  ^  et  l'envoya  dàargé  de  fers 
à  Yenise;  ai^rès  quoi  il  ram»a  ses  yaisseanx  dans  les  pcHrts 
de  la  Morée.  pour  y  passer  rbiyer  ^ 

Nicolas  Ganale  ne  demeura  pas  sans  apologisle  :  le  pape 
Paul  II  écrÎTit  au  doge  de  Yenise  pour  le  justifier;  François 
Phile^pbe)  auquel  sa  hante  réputation  littéraire  donnail,  ai 
politique,  un  crédit  {Hresque  égal  à  cdui  que  Pétrarque  avait 
exercé  dans  le  siècle  précédent,  composa  aussi  une  apologie  de 
ce  général.  Ganale  fut  néanmoins  rdégué  à  Porto-Grueropour 
)e  reste  de  ses  joars. 

La  conquête  de  Négrepont  causa  dans  la  chrétienté  un  ettrci 
universel.  Jusqu'alors  les  Yénitiens avaient  paru  maîtres  de  la 
mer.  (^odique  supériorité  que  le  nombre  ou  une  force  brutale 
pût  donner  aux  Turcs,  on  les  avait  vus  airêtés  parie  moindre 
€anal.  Un  bras  de  mer  semblait  une  barrière  insurmontable 
pour  les  étendards  du  croissant.  Encore  ^e  la  conquête  de 
riUyrie  les  eût  rapprochés  du  centre  de  1»  dvilisation,  on  sup*- 
posait  toujours  qu'ils  seraient-arrêtés  par  la  double  chaîne  des 
montagnes  qui  se  présenteraient  à  eux  avant  qu'ils  pussent 
entrer  en  ItaUe ,  et  l'on  ne  songeait  pas  même  au  danger  de 
c^te longue  étendue  de  c6tes,  depuis  Beggio de  Calabre jusqu'à 
Yenise,  d'où  Ton  avait  partout  à  la  portée, de  1$.  vue  des 
pays  musulmans.  Gomme  ces  côtes  n'avaient  pas  été  insultées 
depuis  le  x''  siècle,  on  les  croyait  à  l'abri  de  toute  attaque.  La 
création  subite  d'une  redoutable  marine  musulmane  apprit  à 
tous  les  pays  baignés  par  la  mer  que  leurs  portes  étaient  ou- 
vertes à  un  conquérant  résolu  à  détruire  le  siège  de  la  religion 
chrétienne  ^.  Ferdinand,  dont  les  états  n'étaient  séparés  delà 

^  If.  Ant.  SabelUco.  Deçà  III,  L.  W,  f.  so9-3io.  —  Andréa  navagiero^  Storia  Vene- 
sUma.  p.  iii^.-'-'CoHolantttCepio,  De  rébus  Venetit,  L.  1,1».  S4t.— *  Antonio  <n  Rfpalta, 


DU  mxjnm  agb.  15 

Toxquie  qoe  par  on  canal  de  douve  Ueoce  de  largeur ,  fat  à 
juste  titre  le  (ilns  effirayé;  Mabomet  loi  avait  communiqaé, 
avec  Qoe  arrogaaoe  iusiilta&te,  ea  victoire  de  Négrepont,  le 
priant  de  s*eQ  réjouir  ayec  lui.  Le  roi  de  Naples  répondit 
qu'une  victoiie  remportée  sur  des  chrétiens,  ses  alliés,  ne  pou- 
vait être  poor  lui  une  occasion  de  joie  ;  qu'il  ne  pouvait  con- 
server d'amitié  pour  sa  hantesse  tandis  que  sa  foi  était  en 
danger;  qu*il  ne  manquerait  point  aux  besoins  de  sa  religion, 
et  qu'il  donnerait  ordre  à  sa  flotte  de  se  joindre  aux  Yéaitiens 
pour  combattre  les  Ottomans  ^ . 

Bessftiion,  cardinal  de  Nice,  l'un  des  plus  illustres  parmi 
ces  Grecs  qui  avaient  assisté  aux  conciles  de  Ferrare  et  de 
Florence,  invitait  déjà  les  antres  Grecs,  ses  compatriotes,  à 
s'enfuir  loin  de  cette  Italie  où  ils  ne  pouvaient  plus  trouver 
de  sûreté  ^.  Cependant  il  avait  aussi  ivresse  une  exhortation 
âoquente  aux  princes  de  cette  contrée,  pour  leur  montrer  le 
danger  affreux  qui  les  menaçait  '.  Le  pape  Paul  II,  qui  savait 
que  Mahomet  en  voulait  personnellement  à  lui  et  à  son  riége, 
s'adressait  à  tous  les  états  chrétiens  pour  s'efforcer  de  les  réu- 
nir. Galéaz  Sforza  venait  d'attaquer  les  seigneurs  de  Gorreggio , 
et  de  leur  enlever  Brescello;  Paul  le  supplia  de  poser  les 
armes,  et  de  ne  pas  poursuivre  davantage  ces  petits  princes, 
dont  les  autres  fiefs  étaient  sous  la  protection  du  duo  de  Mo- 
dène  *.  Les  Vénitiens  faisaient  sur  le  Mineio  des  travaux  qui 
donnaient  de  l'inquiétude  au  marquis  de  Mantoue,  et  qui  l'a- 
vaient engagé  à  recourir  à  la  garantie  du  duc  de  MUan;  Paul  II 
leur  écrivit  pour  les  presser  de  se  désister  d'une  entreprise  qui 
pouvait  troubler  la  paix  de  l'Italie  '•  Nous  avons  vu  qu'il  re- 


AnnaL  PlacentinL  T.  Xî,  p.  839.  —  ^  tes  deux  lettres  sont  rapportées  dans  Gnemieri 
Beroio/ Croufca  d*Agobbio.  T.  XXI,  p«  1019.  —  *  Lettre  du  cardinal  Bessarion  à  un  abbé 
Besiarioil.  âpud  tbaynàkUan,  ÀnnaL  Eeeles,  IITO.— >  lMd.,S  24,  p.  2t3,  et  S  29,  p.  3i4. 
f<-*  muta  PmU  11,  17  99ptembri8  1470,  Ht  Ubro  Brevium,  Armer  septimo,  p.  Z.^Raynaldi 
ànnaL  S  39,  p.  2i((.  —  b  /n  libro  Brevimi^  et  apud  Baynaldmn,  S  40,  p.  si  7. 


t6  HISTOIBE  DES  BÉPUBLIQÛES  ITAUEUfllES 

nonça  lui-même  à  ses  projets  d'enTàhissement  sor  le  territoire 
de  Bimini,  et  à  sa  Yeogeaaee  contre  Ferdinand.  Tl  ne  négligea 
point  non  pins  les  moindres  potentats  :  Lonis ,  marquis  de 
Mantoue,  Guillaume  de  Montferrat,  Àmédée  IX  de  Savoie,  les 
Siennais,  les  Lucquais,  le  roi  Jean  d'Aragon  à  qui  la  Sicile 
était  soumise.  Il  réussit  enfin,  à  engager  leurs  ambassadeurs  à 
renouveler  la  ligue  d'Italie  aux  mêmes  conditions  sou6  les>- 
qnelles  elle  avait  été  condne  à  Venise  en  1454,  et  confirmée 
à  Naples  le  26  janvier  suivant.  Cette  alliance  de  tous  les  étaVi 
d'Italie  pour  leur  défense  mutuelle  fut  publiée  à  Rome  le 
22  décembre  1470,  et  célébrée  en  chaque  lieu  par  les  fêtes  du 
peupie  * . 

1 47 1  .—Paul  II  avait  aussi  tourné  ses  vues  versrAUemagne; 
ilapprouva,le  14janvier  1471, lapaix  qui  venaitd*  être  conclue 
entre  Mathias  Gorvinus  et  Tempereur  Frédéric  III,  qui  tous 
deux  excités  par  lui  avaientiilrétendu  à  la  couronne  de  Bohême, 
et  se  l'étaient  disputée  par  les  armes  ^.  Il  envoya  François, 
cardinal  de  Sienne,  qui  fut  depuis  Pie  III,  à  la  diète  coiivo^ 
quée  à  Batisbonne  pour  le  25  avril  1471  ^.11  le  chargesl d'une 
double  mission  :  d'une  part,  le  cardinal  devait  hâter  les  se- 
cours nécessaires  pour  préserverrAUemagne  d'invasionssem- 
blablesà  celles  qui  venaient  de  dévaster  la  Camiole  et  la'Ca^- 
rinthie  ;  de  l'autre,  il  devait  empêcher  les  princesde  l'Empire 
de  prendre  quelque  résolution  favorable  à  George  Podiébrad. 
La  mort  de  ce  roi  de  Bohême  rendit  vaine  cette  partie  de  là 
mission  du  légat  ^. 

La  première  séance  de  cette  diète,  dont  on  attendait  de  si 
puissants  secours,  ne  fut  tenue  que  le  24  juin.  L'évêque  de 
Trente  y  parla  le  premier  :  ce  fut  lui  qui  exposa  aux  princes 
les  ravages  commis  par  les  Turcs  sur  les  frontières  d'AlIema- 

1  naynatdi  Annal.  Eccles.  1470,  $  42,  p.  217.  ^  *  PauU  U.lÀberBreviwn,Ànâo  VU. 
V.U.—RaynaldiAttnaL  Eccles.  i47i,  S  <*  P*  231.  —  ^  Spiegelder  Ehren.  B.  v,  c  XX, 
p.  757.  —  *  Baynaldi  Annal.  Eccles,  I47i,  S  3.  p«  32i* 


Ht)   MO^BM   Al&È.  17 

gtie,  dorant  les  deox  précédentes  années  ^  Le  cardinal  de 
Sienne,  qni  .avait  irécn  en  Allemagne  avec  son  oncle  Pie  II,  et 
qui  connaissait  tons  les  intérêts  de  cette  contrée,  parla  à  son 
tonr  ayec  beanconp  de  force,  pour  engager  les  Allemands  à 
défendre  la  patrie  commune  ^.  Le  lendemain,  Paul  Morosino, 
ambassi^ur  des  Vénitiens,  s'adressa  à  la  nation  germanique  : 
«  Depuis  pins  de  deux  cents  ans,  dit-il,  les  Yénitiens  ont  com- 
«  mencé  à  faire  la  guerre  aux  Turcs  :  ils  ont  soutenu  seuls 
«  et  surtout  pendant  les  huit  dernières  années,  leurs  constantes 
*«  attaques  en  Thrace  et  en  Illyrie.  Ils  se  sont  présentés  seuls, 
«  comme  les  défenseurs  de  la  chrétienté,  et  cependant  dans  un 
«  danger  commun  à  tous,  ils  se  trouvent  abandonnés  par  le 
«  reste  des  chrétiens.  La  puissance  de  rennemi  s'est  accrue 
«  pendant  le  sommeil  de  l'Europe.  Plût  à  Dieu  que  celle-ci, 
«  en  se  réveillant ,  fût  encore  assez  forte  pour  lui  résister  !  Cet 
«  ennemi  s'avance  également  par  llllyrie ,  par  la  Pannonie, 
«  et  par  le  golfe  Adriatique  ;  il  ne  laisse  espérer  de  sûreté  ni 
«  sur  la  terre  ni  sur  la  mer.  Que  les  Allemands  voient  enfin 
«  quelle  est  l'espèce  de  guerre  dontils  sont  menacés.  Les  viéil^- 
«  lards  sont  massacrés,  les  enfants  étranglés  ;  tous  ceux  qui, 
«  réduits  en  esdavage,  peuvent  être  mis  à  prix,  sont  entrdnés 
«  par  les  barbares,  pour  être  vendus  dans  le  fond  de  l'Asie; 
«  les  temples  sont  brûlés  avec  leurs  prêtres  qu'on  y  enferme; 
«  tous  les  produits  de  l'agriculture  ou  des  arts  sont  détruits 

«  par  le  fer  et  le  feu Cependant,  ajouta-t-il,  iln'y  apoint 

«  lieu  de  désespérer  encore,  pourvu  que  les  Allemands  ap- 
«  portent  au  combat  cette  videuraveclaqaelleon  doit  défendre 
«  sa  vie  et  la  liberté  des  siens.  Les  Yénitiens  ont  encore  une 
«  flotte  nombreuse  et  des  garnisons  semées  sur  toutes  les  côtes 
«  de  riUyrie  et  de  la  6r^;  vingt-cinq  mille  hommes  servent 
«  sous  leurs  étendards.  Le  roi  Ferdinand  joindra  viugt-trois 


1  Spieget  der  Ehren»  6.  V.  c.  XX,  p,  758.  ^^Ibid. 

TU. 


18  filSTOIBE  DES  EÉPUBLIQUES  ITALIBUlïES 

«  galères  aux  soixante  qo'ik  ont  déjà  ;  le  reste  de  lltalie  por* 
«  tera  aisément  leur  flotte  à  cent  yingt  vaisseaux  ;  si  les  Aile* 
«  mands  les  secondent  par  terre  avec  autant  de  vigueur, 
«  bientôt  ils  seront  hors  de  danger,  et  le  reste  de  la  chrétienté 
«  demeurera  garanti  ^  » 

Dans  une  autre  séance  on  lut  h  la  diète  des  lettres  adres^ 
sées  par  les  états  deCarniole.  Dans  tout  le  pays  ouvert,  y  était* 
il  dit,  il  ne  restait  plus  aucun  temple  ni  aucune  maison  de 
cultivateurs.  Les  cadavres  des  enfants  et  des  vieillards  que  les 
Turcs  avaient  égorgés,  parce  qu'ils  ne  trouvaient  pointa  les 
vendre,  n'avaient  point  encore  été  ensevelis,  et  corrompaient 
l'air  par  leur  puanteur  ;  et  cependant  près  de  vingt  mille  captifs 
avaient  été  enlevés  de  cette  seule  province.  Les  Turcs  7  avaient 
fortifié  quelques  places^  où  ils  mettaient  en  sûreté  leur  butin, 
après  avoir  dévasté  tout  le  voisinage.  D'autre  part,  on  lut  aussi 
des  lettres  reçues  de  Strigonie  et  des  magnats  de  Hongrie  : 
elles  annonçaientquel'arméedes Turcs,  partagée  en  deux^corps, 
menaçait  les  frontières  des  chrétiens  ;  l'un  avait  pris  la  route 
de  la  GarniQle,  et  entrait  en  Allemagne  par  les  états  de  Fré- 
déric III  ;  l'autre  s'était  arrêté  sur  la  Save,  et  il  paraissait 
vouloir  y  établir  un  pont  et  une  forteresse,  pour  étendre  de  là 
ses  ravages  daps  la  Hongrie.  LesHongrois  ajoutaient  que  de- 
puis cent  ans  ils  combattaient  contre  les  Turcs,  que  leur 
vpjanme  était  épuisé  d'hommes  et  d'argent  ;  que  s'ils  ne  rece- 
yaienli  dâ|  .secours  étrangers,  ils  ne  pourraient  soutenir  plus 
lon^mps  les  attaques  d'un  ennemi  si  puissant  et  si  obstiné  ; 
qu'ils  combattaient  autant  pour  la  cause  commune  que  pour 
eux-mêmes  ;  et  que,  quoiqu'ils  fussent  les  premiers  exposés 
au  danger,  ils  ne  périraient  pas  seuls  ;  qu'ils  s'adressaient  à 
l'empereur  et  aux  princes  d'Allemagne,  comme  à  ceux  qui  se 


1  Relation  de  Campanus,  érèqne  de  Téramo,  qui  était  envoyé  à  la  diète  avec  le  cardi- 
nal de  Sienne.  Bj^tol.  L.  VI,  no  13,  funfnaldi  AnnaL  léTi,  $  9«  p.  222. 


lrettY6iraiept  to  propicwà  déeoaTCrt  afili  WMCoahaigiDt  ;  et 
qa'aprè»  tout,  c'était  à  celui  que  le  titn  d'empcfcnr  mettait 
à  la  tète  de  la  répoMifue  «Arétieine,  à  ae  fanger  le  premier 
parmi  lea  définneiiri  de  la  chrélieDté  *• 

Maia  cet  empereur  était  loin  de  répondre  par  aon  lèle  à  ce 
qu'on  demandait  de  lui*  Pendant  qa'on  délibérait,  la  Gamidle 
était  détastée,  et  il  ne  faieait  rien  pour  la  défiendre,  rienpoar 
la  Tcnger  *  $  il  ne  songeait  point  à  eeeonrir  «a  aliiéi  et  ses 
voisina,  mais  tt  demandait  aenkment  à  ladièle  délai  accorder 
dix  mille  hmnmes,  dont  le  quart  ftt  decaTakrie)  pour  garder 
eet  propres  frontières  '  ;  lnent6t  même  û  n*en  iroulut  plus 
que  quatre  mille,  jelErayé  sans  doute  de  l'obligation  que  lui 
imposerait  unearmée  plus  nombreuse,  celle  de  s'engager  dans 
une  guerre  plus  active,  comme  aussi  peut-être  de  la  néces- 
sité de  la  défrayer  tandis  qu'dle  traverserait  ses  étals.  Après 
de  très  bmgues  délibérations,  la  diète  décida  enfin,  dans  sa 
séance  du  19  juillet,  que  fempire  entier  contribuerait  en  {hkh 
portion  de  ses  remmm,  en  sorte  que  chaque  nûBier  de  llo- 
nm  éa  isifiril  fonarirsit  et  entretiendrait  un  caTalier.  On 
anMuça  anx  légatBetàrandMMsadeurténitien  que  cette  levée 
pourrait  produire  deux  crat  mUle  hommes  équipés  et  entre- 
tenus. Ils  répondirent,  avec  défiance,  à  un  calcul  si  exagéré, 
que  quatre-vingt  mille  hommes,  si  on  pouvaitles  obtenir,  suf* 
firaient  de  reste  *.  Mais  il  était  bien  difficile  de  mettre  à  exé* 
cutîon  undécret  anaBivague,et  de  soigner  une  pareille  r4[Murti- 
tion  dans  diaque  état  de  l'empire  $  toute  l'activité  de  l'empe- 
reur le  plus  ambitieux  et  le  plus  accrédité  y  aurait  à  peine  pu 
suffire.  Frédéric  III  n'y  aongea  seulement  pas  ;  déjà  il  n'était 
plus  occupé  que  de  sa  rivalité  avec  l'électeur  palatin  '.  La 


t  toan.  ÀM.  CampaM  ÉpUtoiaF.  L.  VI,  n»  i  s.  *-  jaeoH  Ctvdinak  Popieiulf»  «ptolot 
•îs,  P.1K.—  JUvMAtt  ^nHoL  gceks.  i4ti,  S ".  p  aas.  —  ■  Db/çosê.  Butor^  volo- 
niem.  L.  XIU,  p.  4W.  —  »  SpUgel  der  Ehmu  S.  V,  c.  XX,  p.  T5».  -  ♦  RaynoAtt  Jbmd. 
Kcetei.  1471,  s  13,  p.  393,  —  >  SpUgMldoF  Mhren*  B.  v,  c  XX,  p^  m. 

2* 


20  HISTOIRE  DES  IIÉPUBLIQUE»  ITALIENNES 

diète  fat  transférée  à  Nuremberg  ;  aacime  de  ses  ordonnaneed 
ne  fat  exécatée,  et  rAllanagne,  la  Hongrie  et  Vltalie  forent 
abandonnées  sans  défense  àla  farear  des  Tares  *. 

Paal  II  ayait  chaîné  le  cardinal  de  Sienne  de  solliciter  la 
diète  de  Batisbonne,  pour  qa'elle  dédaràt  la  gaerre  anx  Bo- 
hémiens aussi  bien  qa*aax  Turcs  ^.  Il  repoussa  mèmeycoomie 
une  calomnie,  la  supposition  qu'il  eût  jamais  consenti  à 
quelque  accord  avec  Podiehrad,  si  ce  monarque  avsdt  vécu  '. 
Les  délibérations  des  Allemands,  à  l'égard  de  la  Bohème,  ne 
furent  suivies  d'aucun  effet  ;  mais  Mathias  Gorvinus,  roi  de 
Hongrie,  à  qui  le  pape  avait  accordé  la  couronne  de  Bohême^ 
poursuivait  sesprojéts  de  conquête  dans  ce  royaume.  Les  Bcbé- 
miens,  plutôt  que  de  se  soumettre  àlui,  ayai^atoffert  la  royauté. 
àUladislas,  fite  du  roi  de  Pologne,  qui  vintseinettreà  leur  tète. 
En  même  temps,  Casimir,  son  père,  appelé  parles  mécontents 
de  Hongrie,  vint  attaquer  Gorvinus  dans  ses  propres  états,  et 
s'avança  jusqu'à  Nitria,  où  il  soutint  ensuite  un  siège  ^.  Ainsi 
donc ,  loin  que  les  Hongrois  fussent  assistés  par  le  reste  de  la  chré« 
tienté,  le  pape  les  affaiblissait  par  une  diversion  puissante,  et 
les  Polonais  par  une  invasion  redoutable.  La  campagne  contre 
les  Turcs  ne  fut  cependant  pointaussi  désastreuse  pour  la  chré- 
tienté qu'on  aurait  pu  le  craindre.  Les  Musulmans  avaient 
achevé,  sur  les  frontières  deSyrmie,  au  passage  de  la  Save,  les 
fortifications  d'une  citadelle,  qu'ils  nommèrent  dans  leur  lan- 
gue Sabatz  ou  l'Admirable  ^ .  Mais  Mahomet  ne  conduisit,  cette 
année,  aucune  expédition  par  lui-même,  et  celles  de  ses  pachas 
étaient  beaucoup  moins  redoutables.  H  parut  mên)^  avoir 
quelque  pensée  de  faire  la  paix  avec  les  Vénitiens.  La  veuve 

A  Campant»,  Ub,  VL  Epist.  22.  —  Baynaldi,  $  13-14,  p.  223.  —  *  heure  de  Paul  II, 
du  »  avri^IAber  Breviton,  oimo  VU,  p.  i28.  Raynaldi,  $  26,  p.  325*— >  Bref  de  Paul  II, 
du  25  juin.  Jbid,  S  28,  p.  226. .—  ^  Bonfinius,  herum  VngarUsarum.  Deçà  IV,  L.  li^ 
p.  690.—Dlugossi Hist, Polon,  L.  XIII, page 47i.  —  s  BonfiHius, Ber.  Vngar.  Dec. IV, 
I^.  II,  p.  583.  *  Spiegel  der  Ehren*  B.  V.  c.  XX,  p.  T63. 


DU  MbYER  AGE.  21 

d'Amnrat  II,  filk  de  George  Bnlkoiintz,  demi^  despote  de 
iSeme,  s*  offrit  pour  en  être  médiatrice  ;  et  denx  ambassa- 
deurs Téiiitieiis,  Nicolas  Gocco  et  François  Gapello,  forent  en- 
voyés auprès  deMahomet.  Ce  monarque  aTaitété  informé  des 
armements  de  la  ligne,  et  il  Toulait  les  ralentir  par  une  né- 
gociation :  c'était  dans  ce  but  seul  qu'il  avait  appelé  les  dé- 
putai Ténitiensà  la  Porte,  et  il  les  renvoya  sans  rien  conclure  * . 
Ce  n'était  pas  au  reste  parmi  les  Européens  et  les  chrétiens 
seulement  que  Paul  n  et  les  Vénitiens  avaient  été  chercher 
des  auxiliaires  contre  les  Turcs;  une  n^odation  beaucoup 
plus  extraordinaire  était  entamée  entre  eux  et  Hassan  Beg, 
ou  Ussun  Cassan,  qui  avait  conquis  la  Perse,  en  1468,  sm 
les  descendants  de  Timour,  et  qui  y  avait  fondé  la  dynastie 
du  Mouton  blanc  ^.  Un  frère  Louis  de  Bologne,  de  l'ordre 
de  Saint-François,  se  rendit  par  Caffa  auprès  du  conquérant 
de  la  Perse,  pour  l'exciter  à  faire  valoir  les  droits  de  cet  em- 
pire, qu'il  renouvelait,  sur  la  Colchide  et  Trébisonde,  et  pour 
lui  promettre  en  même  temps  les  secours  des  octidentanx 
dans  une  guerre  contre  les  Turcs.  Ussun  Cassan  s'engagea  en 
effet  dans  la  confédération  qu'on  lui  proposait;  il  émvit  à 
Paul  II  une  lettre  emphatique  et  d'un  style  mental ,  pour 
lui  promettre  sa  coopération.  Après  avoir  pris  pour  lui-même 
les  titres  les  plus  pompeux,  il  en  accorda  aussi  au  pape  de 
très  magnifiques;  l'annaliste  de  l'ÉgUse  y  a  vu  une  confes- 
fflon  de  la  grandeur  des  pontifes  arrachée  à  un  infidèle  par 
la  force  de  la  vérité  '.  Le  défi  qu'Ussun  Cassan  envoya  peu 
de  temps  après  à  Mahomet  II  était  tout  symbolique.  L'am- 
bassadeur persan  versa  devant  le  trône  du  sultan  un  sac  de 
millet,  qu'il  balaya  ensuite  :  ainsi  le  balai  d'Ussun  devait 

1  If.  Ani,  Sabellico,  Deçà  III,  L.  IX,  f.  210,  y.  —  Andr.  Navagiero.  T.  XXIII,  p.  IISO. 
—Cùrtol,  Cepio.  L.  I,  p.  342.— s  Voyez  d'Herbelot,  Bibliothèque  orientale^  au  mot  Uzm 
Basson  Beg.  Vh  aspirée  des  orienUax  ae  confond  aree  le  C.  Le  nom  bire  tf(Jaiui,  de 
même  que  celui  de  Al  Thaui,  que  lui  donnent  les  Arabes,  vent  dire  le  long*  -*'  U  let- 
tre est  rapportée  Annal.   Eccles.  U7|,  $  48,  p.  229.  .     . 


22  HISTOIRE  DES   EEPVBLtQlTES   ITALIEKINES 

emporter  aisément  tonte  la  multitnâe  de  l'armée  ottomane. 
Mahomet  répondit  dans  le  même  style;  après  aToir  fait  éten« 
dre  le  millet  de  nouTean,  il  fit  apporter  des  poales  qui  le 
mangèrent.  «  Dis  à  ton  maître,  ambassadeur,  ajouta-t-il,  qne 
«  comme  mes  ponles  ont  mangé  son  millet,  ainsi  mes  janis- 
«  saires  mangeront  ses  bergers  de  Tartane,  dont  il  a  cm  faire 
«  dessoldat8^  » 

Le  pape,  qui  avait  provoqué  les  Persans  contre  les  Turcs, 
ne  pnt  pas  voir  la  suite  de  ces  menaces  mutuelles;  il  mou- 
mt,  comme  nous  rayons  vu  au  chapitre  précédent,  le  26  juil- 
let 1471  ^.  François  delà  BoTère  de  Savonne,  que  Paul  II 
avait  tiré  de  l'ordre  de  Saint-François  dont  il  était  général, 
et  qu'il  avait  fait  cardinal  de  Saint-Pierre  ad  vincula,  lui  fut 
doimépour  successeur,  le  9  août  1471,  sous  le  nom  de 
Sixte lY  '.  La  Bovère  était  alors  ftgé  de  dnquante-sept  ans; 
il  était  sorti  dé  la  plus  basse  classe;  mais,  depuis  son  exalta- 
tion, il  diercha  à  confondre  son  origine  avec  celle  de  la  noble 
maison  de  la  Bovère  de  Turin,  qui  portait  le  même  nom  que 
lui.  Cette  maison  ayant  répondu  à  ses  avances,  il  récompensa 
«a  condescendance  par  deux  chapeaux  de  cardinaux  ^.  Ce 
pape,  qui  sacrifia  ensuite  scandaleusement  les  intérêts  de 
r%lise  à  la  grandeur  de  sa  famille,  et  qui,  comme  le  re- 
marque Hacchiavel,  «  motitra  le  premier  tout  ce  que  pouvait 
«  un  souverain  pontife ,  et  comment  beaucoup  de  choses 
«  qu'on  appelait  auparavant  des  erreurs  pouvaient  être  ca- 
«  ehées  sous  l'autorité  pontificale  ',  »  parut,  dans  les  premier» 
mois  de  son  règne,  tout  occupé  des  intérêts  publics,  et  de  la 

1  Marin  Sanuto,  Vite  ûe  duchi.  p.  ti97.  —  *  La  mort  subHe  de  Paul  II,  qiû  parait 
arotr  été  causée  par  des  melons  mangés  en  trop  grande  abondance,  fut  prise  par  ses 
nombreux  ennemis  pour  un  jugement  du  ciel.  Guemieri  Berttio,  IHiislorien  d'Agobbio, 
4|iri  termine  sa  narration  à  l'année  suivante,  raconte,  comme  un  fait  constant,  que  ce 
pape  m  étranglé  par  les  diables.  On  trouva,  dit-il,  son  corps  tout  noir,  étendu  par  terre, 
et  la  porte  de  sa  cbambre  fermée  en  dedans.  Cronica  ^Agobbio.  T.  XXI,  p.  1021*—»  Wd- 
fio  fU  sufano  infusura,  L.  lII,P.ll,p.  ii43.  -^^ Annales  Eeelesiastlci.  14T1,  S  66-TO, 
p.  333.  -  s  Macchlavem,  Morte,  T.  vn.  p.  334. 


BU  MOYEN  AGE.  23 

ûéteoise  de  la  chrétienté.  Il  se  montra  même  disposé  à  ac« 
corder  à  la  Bohème  une  padfication  on  une  trftTe,  pour  ré- 
serrer  de  plus  grandes  forces  à  opposer  aux  Turcs  * .  Mais 
tandis  qu'il  s'occupait  d'apaiser  ces  troubles  âoignés,  peu 
s'en  fallut  qu'une  guerre  dnle  allumée  dans  le  duché  de 
Ferrare  ne  contragnlt  la  république  de  Yenise  à  diviser  ses 
forces^  pour  faire  respecta  ses  frontières. 

Borso  d'Esté  était  mort  le  20  aoAt,  moins  d'un  mois  après 
le  pontife  qui  l'avait  fait  duc  de  Ferrare.  Cet  aimable  prince 
ne  laissait  point  d'enfiints;  il  avait  paru  traiter  avec  une 
^ale  prédilection  son  neveu  et  son  frère.  Le  premier,  Ni- 
colas d'Esté,  était  fils  légitime  de  lionnel,  prédécesseur  et 
frère  de  Borso,  et  bâtard  comme  lui  ;  le  second,  Hercule 
d'Esté,  était  fils  légitime  de  Nicolas  III,  père  de  Borso.  Le 
droit  de  succession,  mal  établi  dans  la  maison  d'Esté,  sem- 
blait n'appeler  à  la  couronne  ducale  que  celui  entre  les  prin- 
ces qui  était  en  état  de  gouverner.  Parmi  les  enfants  de  Ni- 
colas m,  les  deux  bâtards  avaient  passé  avant  les  deux  fils 
légitimes,  uniquement  parce  que  ceux-ci,  nés  de  Bicbarde  de 
Saluces,  étaient  encore  en  bas  âge  à  la  mort  de  leur  père.  Le 
fils  de  Lionnel,  né  d'un  légitime  mariage  avec  une  princesse 
de  Gonzague,  avait  pour  la  même  raison  fait  place  à  son 
oncle  Borso.  Mais  à  la  mort  de  ce  dernier,  Nicolas  et  Hercule 
étaient  tous  deux  également  en  âge  de  gouverner.  Les  droits 
deTunet  de  }' autre  paraissaient  égaux.  Ni  l'institution  des 
dudiés  de  Modène  et  de  Beggio  par  l'empereur,  ni  celle  du 
duché  de  Ferrare  par  le  pape,  n'avaient  décidé  entre  eux,  et 
Borso  lui-même  ne  s'était  pas  déclaré  davantage.  Lorsque  sa 
maladie  fit  prévoirune  prochaine  ouverture  de  la  succession, 
les  deux  prétendants  cherchèrent  à  s'emparer  des  lieux  forts, 
pour  être  en  état  de  dicter  la  loi;  en  même  temps  ils  s'assu- 

1  Oiploma  apud  Baynaldum,  t47i ,  S  77,  p.  23». 


24  HISTOlllE  DES  REPUBLIQUES  ITALIEItNES 

rèrent  d*  alliances  étrangères.  |Bercale ,  le  premier,  se  rendit 
mcdtre  de  Gastd-NoYO  sur  le  Pô,  et  y  établit  beaucoup  d'in- 
fanterie; d'autre  part,  il  demanda  Tassistanoe  des  Vénitiens, 
dans  les  armées  desquels  il  avait  serri.  La  Seigneurie  de  Ve- 
nise fit  en  effet  approcher  de  Ferrare  trois  galères,  deuxfustes 
et  soixante-dix  barques,  tandis  qu'elle  assembla  prèsde  quinze 
mille  hommes  dans  le  Polésine  de  Bo?igo.  Nicolas,  de  son 
côté,  s'était  fortifié  dans  le  palais  même  du  duc,  où  ses  amis 
Tinrent  le  joindre.  En  même  temps  il  ayait  sollicité  les  secours 
de  Louis  de  Gonzague,  son  beau-frère,  et  de  Galéaz  Sforza, 
duc  de  Milan.  Le  dernier  avait  rassemblé  quinze  mille 
hommes  dans  le  Parmesan,  pour  favoriser  le  fils  (de  Lionnd  ; 
mais  la  mort  de  Paul  II  dérangea  les  projets  de  Galéaz.  Il  ne 
voulut  pas  s'exposer  à  entrer  en  guerre  avant  de  connaître 
quelle  serait  la  poUtique  du  nouveau  pontife.  Nicolas,  consterné 
de  cette  immobilité  et  de  l'approche  des  Vénitiens,  se  rendit  à 
Manioue  auprès  de  son  beau-frère ,  pour  réveiller  le  zèle  de 
ses  aUiés.  Pendant  ce  temps  Borso  mourut;  Hercule  entra 
dans  la  capitale  avec  une  suite  de  plus  de  deux  mille  hommes 
armés;  il  fut  proclamé  duc  de  Ferrare  et  de  Modène  ;  plusieurs 
des  partisans  de  Nicolas  furent  tués  [dans  les  rues ,  et  celui-ci 
ne  fut  plus,  aux  yeux  du  vainqueur,  qu'  un  exilé  et  un  rebelle  * . 
Le  24  novembre  suivant,  plus  de  quatre-vingts  gentilshommes 
ou  bourgeois  de  Ferrare ,  qui  s'étaient  attadiés  à  Nicolas,  et 
qui  l'avaient  suivi  dans  son  exil,  furent  condamnés  à  mort 
par  contumace.  Plusieurs  d'entre  eux,  étant  tombés  ensuite 
entre  les  mains  d'Hercule,  furent  pendus  ^. 

Cependant,  la  succession  de  Ferrare  ne  causa  qu'une  in- 
quiétude passagère ,  tandis  qu'elle  assura  à  la  république  un 
T(^sin  qui  lui  était  absolument  dévoué.  1472.  —  D'autre  part, 

1  I^arto  Fenarue,  r.  XXIV.  »er»  U.  p.  230.  ^  (Ho.  Boit.  Pigna,  Slorta  de\PrUeipi 
d^SHe.  L.  VIII,  p.  783.—  Cronicadl  Bolagna.  T.  XVIII,  p.  788-789.  —  •  Dtorto  Ftna-^ 
^«e.T.XXtV,  336-338. 


DU  MOTEH  AGE.  25 

nn  noaTeaa  doge,  Nicolas  Tronc,  fut  donné  ponr  saooesaenr 
à  Christophe  Moro,  qui  était  mort  le  9  novembre  * .  Tranqnille 
snr  son  intérieur ,  Venise  s'efforça  de  tirer  parti  des  diffé- 
rentes négociations  qui  rayaient  oocnpée  dans  l'année  précé- 
dente, et  d'attaquer  Mahomet  II  airec  des  forces  redoutables , 
de  tous  les  côlés  à  la  fois.  Gatherino  Zeno  avait  été  envoyé 
dans  r  hiver  à  Ussun  Gassan ,  pour  lui  annoncer  Farmement 
des  Yénitiens,  et  demander  sa  coopération  ^.  Le  roi  de  Perse 
était  en  même  temps  excité  par  sa  femme  qui  était  chrétienne 
et  fille  du  dernier  empereur  de  Trébisonde.  Il  entra  en  Géor- 
gie avec  trente  mille  chevaux  ;  il  massacra  un  grand  nombre 
de  Turcs  et  enleva  un  butin  considérable;  mais,  à  la  réserve 
de  Tocat,  dont  il  s'empara,  dans  la  province  de  Siwas,  en  Ar- 
ménie, il  n'assiégea  aucune  forteresse,  et  il  retourna  dans  son 
pays  sans  avoir  fait  aucune  conquête  '. 

D'autre  part,  Pierre  Mocenigo,  assuré  que  le  grand  Sei- 
gneur dégarnirait  l'Archipel,  pour  s'opposer  à  rinvasion  des 
Persans  et  dâ^endre  ses  provinces  d'Asie,  partit  de  Modon  où 
il  avait  passé  l'hiver.  U  embarqua  beaucoup  de  Stradiotes  ou 


1  tiartnSantUo.  p.  il 95.  —  Andréa  Navagiero,  p.  u 30.  —  *  Catberino  Zeno  avait  une 
sorte  de  parenté  avec  Uisun  Cassan,  oo  du  moins  avec  sa  femme  Despina,  fille  de  David 
Comnène,  empereur  de  Trébisonde.  Despina  avait  une  sœur  mariée  A  Nicolas  Crespo, 
duc  de  la  mer  ^ée.  Les  cinq  filles  de  celles-ci  avaient  toutes  épousé  des  nobles  vénitiens  : 
Pafnée,  femme  d'un  Comaro,  fut  mère  de  Catherine,  reine  de  Chypre;  l.i  troisième,  Vio- 
lante, tui  femme  de  Gatherino  Zeno.  Ussun  Cassan ,  qui  avait  près  de  soixaole-dii  ans 
avait  vécu  dans  une  rare  union  avec  sa  femme,  toujours  demeurée  chrétienne,  et  il  té- 
moigna A  Catberino  Zeno  toute  Taffection  d'un  oncle  et  d'un  ami.  Pétri  Blzarrl  Bluor. 
tierum  Persicarwn.  L.  X,  p.  26i.  Ce  même  Catherine  Zeno  fut  ensuite  renvoyé  par  Ussun 
Cassan  au  roi  de  Pologne,  puis  à  tous  les  princes  chrétiens, pour  les  réunir  contre  Ua- 
lioraei  II.  Il  visiu  la  cour  de  Casimir,  roi  de  Pologne,  en  au.  Dugïost,  Hièt,  Polonicœ. 
L.  XIII,  p.  S09.  Ces  négociations  sont  l'objet  d'un  traité  de  Callimachus  Experiens,  De 
hUçuœa  VeaetiM  tentata  sunt,  pro  Pertis  ae  TartarU  contra  Tweoi  movendif;  traité 
imprimé  A  Francfort,  160 1,  iti-foL,  avec  Y  Histoire  de  Perse  de  Bizarro.  CalKmachus  Ex- 
periens, attaché  comme  historien  au  roi  de  Pologne,  eut  lui-même  une  grande  part  à  ces 
négociations.  H  fait  connaître  aussi  le  chemin  suiii  par  Calherino  Zeno,  p.  408.  ~  >!iR- 
dreallavagiero,T.  XXUI,  p.  1131.— DiigtofS.  Hist.  Pohnicœ,  L.  XXIir,  p.  481.  D'après 
Cnntemir^  oe  ne  fUt  pas  Ussun  Cassan,  mais  son  général  Yusuflche  Beg,  qui  prit  Tocât, 
et  fut  ensuite  battu.  Dem.  Cantemir*  L.  III,  c.  I,  $  2S. 


26  HISTOIRE   DES  RÉPUBLIQUES  rrALlENSES 

de  soldats  grec»  à  Napoli  de  Bomanie,  et  Tint  ratager  Sîity^ 
lène  et  Délos  *  •  Les  Stradiotes  commençaient  alors  à  faire  une 
partie  essentielle  des  armées  Ténitiennes  ,•  vingt  ans  de  malheur 
et  d'oppression  ataient  forcé  les  Grecs  à  reprendre  des  habi- 
tudes militaires.  Ils  avaient  appris  à  former  nne  cavalerie  lé- 
gère, armée  de  boucliers,  de  lances  et  dépées  ;  au  lieu  de 
èuirasses,  ils  garnissaient  leurs  vêtements  d'une  grande  quan- 
tité de  coton ,  pour  amortir  les  coups  ;  leurs  rapides  chevaux 
pouvaient  fournir  les  pins  longues  courses  ;  la  vigueur  de  ces 
ebevaux  fit  bientôt  reconnaître  le  mérite  de  la  nouvelle  milice. 
Les  hommes,  à  leur  tonr^  trouvèrent  moyen  de  se  distinguer. 
Cettx  de  la  Morée ,  et  surtout  du  voisinage  de  Napoli ,  furent 
les  plus  estimés ,  et  le  mot  grec  qui  signifie  soldat  demeura  le 
ncMU  propre  de  cette  cavalerie  légère*. 

Mocénigo  résolut  cette  année  de  porter  ses  armes  vers 
l'Asie,  habitée  presque  uniquement  par  des  musulmans,  plu- 
tôt que  vers  les  îles  et  le  continent  de  Bomauie,  où  les  chré- 
tiens formaient  toute  la  population.  La  guerre  maritime, 
lorsqu'elle  se  fait  entre  cteux  flottes,  est  la  plus  noble  de 
toutes,  parce  qu'elle  ne  compromet  la  vie  et  la  richesse  que 
de  ceux  qui  de  part  et  d'autre  se  sont  destinés  au  combat  ; 
mais  les  ravages  d'une  flotte  sur  les  côtes  sont,  au  contraire, 
presque  toujours  souillés  par  une  honteuse  piraterie  ;  ce  n'est 
pas  au  souverain^  mais  au  peuple;  ce  n'est  pas  au  soldat,  mais 
au  bourgeois,  qu'on  cherche  alors  à  nuire.  Le  but  des  expé- 
ditions maritimes  est  la  destrucjtion,  non  la  conquête;  les 
marins  préfèrent  la  surprise  au  combat,  ils  attaquent  ceux 
qui  sont  hors  de  leurs  gardes ,  et  s'enfuient  à  l'approche  des 
ennemis  ;  ils  s'accoutument  ainsi  à  un  mélange  odieux  de 
crainte  et  de  cruauté.  Par  quelques  épouvantables  dévasta- 
tions que  les  Turcs  eussent  mérité  des  représailles ,  on  ne 

1  NavagUro.  p.  in%  —  Coriol.  Cepio,  L.  I, p.  343.  —  *  Ir^'nèvnw M.  ànU  Sabeh 
lico.  Deçà  III,  L.  IS,  f.  211. 


DU  MOTCIf   AGE.  27 

pent  sMntéfesser  à  Vamiral  cbrélien  qai  promet  un  dacat  de 
récompense  ponr  chaque  tête  de  musnlman  qu'on  lui  apporte, 
gratification  qui  fit  inassacret  plusieurs  centaines  de  Grecs, 
pour  vendre  ensuite  leurs  tètes  comme  enlevées  aux  musul* 
mans.  On  ne  peut  s'intéresser  à  la  flotte  de  Mocénigo,  lors^ 
qu'elle  fait  un  débarquement  près  de  Pergame,  pour  enleveir 
du  butin  sur  les  malheureux  paysans,  et  des  trophées  de  tètes 
plus  honteux  encore  ;  kn^squ'elle  porte  ensuite  les  mêmes  ra- 
vages dauBhla  Carie,  autour  de  Guide,  puis  sur  la  côte  oppo- 
sée à  l'île  de  Gos  * .  Dans  ces  expéditions  de  piraterie,  la  seule 
chose  qui  intéresse  encore,  oe  sont  ces  noms  autrefois  fameux, 
qu'on  ne  prononce  jamais  sans  réveiller  le  souvenir  du  triom- 
phe des  arts,  de  la  poésie,  del'él^ance  et  du  goût  ;  mais  lors- 
que ces  noms  ne  reparaissent  dans  l'histcMre  que  pour  nous 
apprendre  comment  ces  villes  antiques  furent  enlevées  par 
des  barbares  à  d'autres  barbares  ;  lorsque  surtout  c'est  le 
penj^e  le  plus  dvitisé  qui  s'efforce  de  les  détruire,  et  le  peuple 
le  plus  farouche  qui  défend  encore  ces  antiques  monuments 
de  la  civilisation ,  une  profonde  tristesse  s'attache  aux  fastes 
de  cette  horrible  guerre. 

Pierre  Mocénigo  avait  déjà  étendu  ses  ravages  sur  une 
grande  partie  de  l'Asie  Mineure,  et  il  avait  enlevé  un  grand 
nombre  de  tètes  musulmanes,  lorsque,  le  15  juin  1472, 
Bequesens  viiat  le  joindre  près  du  cap  Mallio^  avec  dix-sept 
galères  napolitaines.  Peu  après ,  le  cardinal  Olivier  Garaffa 
lui  amena  aussi  dix-neuf  galères  du  pape.  L'on  et  l'autre 
général  déclara  que,  nonobstant  le  rang  supérieur  de  son 
souverain,  il  avait  onlre  d'obéir  au  généralissime  vénitien, 
et  de  témoigner  ainsi  la  reconnaissance  des  chrétiens  pour  la 
république  qui  soutenait  seule  la  cause  commune  ^. 

1  âr.  Ànt,  SabeUieo.  ïïeeâ  ni,  t.  IX,  t  9t  t,  —  Coriolanus  Ceplo,  De  Reb.  Venetis.  L.  f, 
p.  343.  —  *  JV.  A.  Sabellico^  Deçà  III,  L.  IX,  f.  2ii.  —  Raynaldi  Annal  Ecctes:  1472, 
S  42,  p.  244. ^  Viia  Sixti  IV;  Plaiinœ  trUnaa,  T.  III,  P.  If.  Rer.  Itat  p.  1057.  -*  Jacobi 
Vokuerrani  Diarlum  Romanum,  T.  XXiu.  Rer.  Ual.  p.  90.— CoriO Aint»  Cej^o.  h.  I,p.  340. 


28  HISTOIRE  DES  REPUBLIQUES  ITALIEimSS 

Les  divers  historiens  de  cette  gaerre  ne  s'accordent  pas 
snr  la  force  de  la  flotte  chrétienne  ;  mais  le  calcul  le  plus 
modéré  la  porte  à  quatre-vingt-cinq  galères.  Les  Turcs,  ce- 
pendant, ne  sortirent  point  des  Dardanelles  à  sa  rencontre, 
jm  sorte  qu'un  armement  si  considéraUe,  et  qui  coûtait  au 
pape  seul  plus  de  cent  mille  florins ,  n'eut  d'autre  résultat  que 
de  ravager  quelques  villes  de  l'Asie  Mineure.  La  première  que 
les  Latins  attaquèrent  fut  Attalée,  ou  Satalie,  ville  riche  delà 
Pampbilie,  vis-^à-vis  de  l'Ile  de  Chypre,  qui  servait  de  mar- 
ché aux  Égyptiens  et  aux  Syriens.  Soranzo  franchit  avec  dix 
galères  la  chaîne  qui  fermait  le  port ,  et  s'en  rendit  maître. 
Les  troupes  de  débarquement,  conduites  par  Malipiero,  s'em- 
parèrent de  la  première  enceinte  de  murs  qui  entourait  les 
faubourgs.  Ces  faubourgs  furent  pillés,  aussi  bien  que  le  port, 
et  une  grande  quantité  de  poivre ,  de  cannelle ,  de  gérofle  et 
d'encens  fut  transporta  sur  les  galères.  Mais  les  murs  inté- 
rieurs de  la  ville  furent  défendus  avec  vigueur  ;  on  né  pouvait 
les  attaquer  sans  artillerie,  et  la  flotte  chrétienne  n'en  portait 
.point.  Mocénîgo  fit  ravager  la  Pampbilie  aussi  loin  que  ses 
troupes  purent  s'étendre  ;  puis  il  fit  mettre  le  feu  aux  fau- 
bourgs de  Satalie,  et  il  ramena  sa  flotte  à  Rhodes  *.  Il  y  trou- 
va l'ambassadeur  que  Ussun  Gassan  envoyait  au  pape  et  aux 
Yénitiens^.  Ce  Persan  rendit  compte  aux  généraux  chrétiens 
des  succès  de  son  maître  ;  il  avait  pris  aux  Ottomans  Tocat, 
ville  du  Pont,  sur  les  frontières  de  l'Arménie,  et  il  envoyait 
demander  aux  Européens  de  l'artillerie,  sans  laquelle  le  Sophi 
ne  pouvait  assiéger  d'autres  villes  ' . 
,  La  flotte  vénitienne,  ayant  remis  ^  la  voile,  vint  ravager 
l'antique  lonie,  vis-à-vis  des  rivages  de  Chios.  On  n'y  trouva 


1  M.  Ant  Sabellico,  Deçà  iil,  L.  IX,  f.  212,  yo.  _  CorloUmun  Cepio.  L.  i,  p.  S47.  — 
s  P.  Callimachi,  HisL  de  Venetis  eontra  Turcos,  p.  409.  —  >  Jf.il.  Saftetfico.  Deoa  ni, 
L.  IX,  r.  213.  —  Navagiero,  Storia  Venezlûna.  p.  1132.  —  annal.  Twcici  Lemclmii. 
T.  XVI,  p.  258.  Coriol.  CepiO.  l.  I,  p.  348., 


UO  MOlTEn   AGE.  29 

point  d*  ennemis  à  combattre  ;  mais  les  chréti^Eus  arrachèrent 
les  lignes,  et  brûlèrent  les  oliviers  de  ces  riantes  campagnes  ; 
et  le  légat  paya  cent  trente^sept  ducat» ,  pour  autant  de  tètes 
qu*onlui  apporta  sur  sa  galère.  Tous  les  malheureux  qu'on 
enleva  de  leurs  chaumières,  ou  qu'on  trouva  cachés  dans. les 
bois,  furent  Tendus  comme  esclaves  '  •  Après  cette  expédition, 
Requesens  quitta,  devant  Naios,  la  flotte  vénitienne,  et  ra« 
mena  les  galères  de  Ferdinand  à  Naples,  pour  y  passer  l'hiver. 
Mais  Mocénigo  et  le  légat  voulurent  profiter  de  ce  qui  restait 
encore  de  la  belle  saison,  pour  étendre  plus  loin  leurs  ravages, 
lis  prirent  des  informations  sur  l'état  de  Smyrne.  Cette  ville, 
la  plus  riche  et  la  plus  commerçante  de  l'Ionie,  est  située  an 
fond  d'un  golfe,  et  elle  n'avait  point  vu  d'ennemis  depuis  long-^ 
temps  ;  aussi  les  Turcs  n'avaient  pas  eu  soin  de  relever  ses  mu- 
railles, ou  de  les  faire  garder.  Le  13  septembre  1472,  Mocé^ 
nigo  parut  à  l'aube  du  jour  devant  Smyrne  ;  ses  troupes,  Aé* 
barquéesavec  célérité,  plantèrent  leurs  échelles  contre  les 
murailles,  et  les  attaquèrent  aussitôt.  Les  bourgeois  effrayés 
se  présentèrent  bien  sur  leurs  ruines  pour  les  défendre;  mais 
ils  étaient  si  peu  accoutumés  aux  armes,  et  tant  d'anciennes 
brèches  étaient  demeurées  ouvertes,  qu'ils  ne  retardèrent  que 
de  peu  de  moments  l'entrée  des  soldats  ou  des  marins.  Lesha- 
bitants,  voyant  la  ville  prise,  s'enfuirent  avec  des  cris  lamen- 
tables; les  femmes,  avec  leurs  enfants  dans  les  bras,  se  réfu- 
gièrent dans  les  temples  et  les  mosquées  ;  quelques  hommes 
déiendaient  encore  les  toits  et  les  terrasses  de  leurs  maisons , 
un  grand  nombre  furent  taillés  en  pièces,  d'autres  enlevés 
comme  esclaves  ;  les  femmes  surtout  furent  poursuivies ,  elles 
furent  arrachées  de  leurs  temples,  déshonorées,  etensuiteven- 
dues.  Les  vainqueurs  ne  voulurent  point  distinguer  les  églises 
chrétiennes  des  mosquées  ,  ils  feignirent  de  croire  tous  les  ha- 

<  M.  Ànt,  SabelUcQ,  Deçà  m,  L.  IX,  f.  2U. 


30  filSTOIIUS  BISS  |UKPUBIJQU£;&  lïALUSirirES 

bitants  mosolflians,  pour  les  traiter  tons  avec  la  même  ri* 
goeur  ;  et  cependant  même  anjoard'hui  près  de  la  moitié  des 
habitants  professe  mcore  le  christianisme,  après  être  restés 
si  longtemps  sous  le  joug  des  ïures.  Balaban,  pacha  de  lapro-* 
Tince,  averti  du  débarquement  des  Vénitiens,  accourut  pour 
les  repousser  avec  ce  qu'il  put  rassembler  de  troupes;  il 
fut  lui-même  mis  en  déroute.  Les  vainqueurs,  à  leur  rentrée 
dans  la  ville,  y  mirent  le  feu,  et  en  peu  d'heures  l'antique  par- 
tie d'Homère  fut  réduite  en  cendres.  On  ne  porta  sur  les  vais^- 
seaux  que  deux  cent  quinze  tètes  ;  les  soldats  avaient  trouvé, 
dans  cette  ville  opulente,  à  se  charger  d*un  butin  plus  profit 
table  ;  il  fut  vendu  à  l'enchère,  et  partagé  entre  les  soldats  et 
les  matelots  * . 

En  revenant  du  sac  de  cette  ville,  les  Vénitiens  débarquè- 
rent encore  à  Glazomène,  sur  l'isthme  de  la  péninsule  qui 
fehne  le  golfe  de  Smyme  ;  mais  les  habitants  effrayés  s'étaient 
réfugiés  dans  les  montagnes,  et  l'on  ne  trouva  guère  à  enlever 
que  des  chameaux  et  du  bétail.  Les  galères,  profitant  alors 
d'un  vent  favorable,  firent  voile  vers  Modon  ;  l'amiral  véni<^ 
tien  passa  l'hiver  dans  la  Morée,  et  le  légat  du  pape,  Olivier 
Garaffa,  revint  en  Italie.  Il  fit  son  entrée  à  fiome  le  23  jan-» 
vier  de  Tannée  suivante.  On  conduisait  dans  la  ville  douze 
chameaux  montés  par  vingt*cinq  Turcs,  qu'il  avait  r^ervés 
en  vie  pour  orner  son  triomphe  :  il  fit  aussi  suspendre  ^vimt 
les  portes  du  Vatican  des  fragments  de  la  chaîne  qui  fômait 
le  port  d' Attalée  ». 

Les  ravages  des  Vénitiens  dans  l'Asie  Mineure  étaient  ven- 
gés par  les  ravages  des  Turcs  dans  les  possessions  vénitiennes; 

1  Les  détails  que  donae  Sabellico  sur  ceUe  campagne  (Deçà  III  «  L.  U,  p«  2i4)  sont 
tirés  d'ane  relation  élégamment  écrite  en  latin ,  et  divisée  en  trois  livres,  par  Coriolan 
Cepio,  Dalmate  qui  commandait  une  des  galères  de  Mocémgo  et  qui  ne  quitta  point  l'ex-* 
pédition.  Elle  a  été  imprimée  1556,  à  Bâle,  tn-foL,  à  la  suite  de  Laonicus  Chalcocondytes» 
p.  Ui'ieZfRaunaldi  Annal.  Eccles.  1472,  S  43  )p<  244.  ^  ^Stefano  Infewata,  DIario 
honumo,  p.  U43. 


DU  MOYEN   AGB*  31 

et  dans  cet  échange  de  férocité  et  de  brigandage,  il  est  diffi-* 
cile  de  reconnaître  q[uel  était  le  penple  le  pins  barbare,  qnel 
était  celui  que  les  premiers  outrages  avaient  provoqué  à  user 
de  représailles.  Les  villes  de  l'Albanie ,  qui  étaient  demeurées 
aux  Yénitiens  dans  T  héritage  du  grand  Scanderbeg,  voyaient 
leur  territoire  dévasté  régulièrement  deux  fois  par  année,  aux 
approches  de  la  moisson  et  de  la  vendange,  jusqu'aux  murs 
de  Scutari,  d' Alessio  et  de  Groia  ;  mais  ces  courses  rapides  de 
cavalerie  n'étaient  suivies  d'aucune  attaque  régulière  \ 

L'apparition  du  pacha  de  Bosnie  dans  l'état  vénitien  causa 
bien  plus  de  terreur.  Après  avoir  traversé  rapidement  la  Gar- 
niole  ou  l'Istrie,  il  entra,  au  milieu  de  l'automne,  dans  le 
Friuli.  La  cavalerie  turque  parvint  au  commencement  de  la 
nuit  sur  les  bords  de  J'Isonzo,  et  aussitôt  elle  entreprit  de  le 
passer  à  gué.  La  cavalerie  vénitienne,  cantonnée  sur  ses  bords, 
se  rassembla  en  hâte,  et  repoussa  vivement  au-delà  du  fleuve 
les  premiers  musulmans  qui  l'avaient  traversé  ;  mais  quoique 
restée  maîtresse  de  son  bord,  elle  céda  à  son  tour  à  une  ter* 
reur  panique,  et  se  retira  avant  la  fin  du  jour. dans  File  de 
Ceryia,  formée  par  deux  bras  de  rivière,  devant  Aquilée.  Les 
Turcs  passèrent  Tlsonzo  au  lever  du  soleil,  sans  rencontrer 
aucune  résistance,  et  ils  se  répandirent  dans  les  riches  campa- 
gnes du  Friuli.  1473. — ^L'incendie  de  toutes  les  maisons  et  de 
toutes  les  granges  qu'ils  trouvaient  sur  leur  chemin,  avertit 
de  loin  le  reste  des  habitants  de  se  sauver  dans  les  heux  forts. 
Les  portes  d'Udine,  capitale  de  la  province,  étaient  eneom- 
i)rées  par  les  familles  des  paysans  fugitifs,  leurs  chars  ^  leur 
bétaiU  Les  églises  étaient  remplies  de  femmes  suppliantes,  les 
mars  garnis  de  citoyens  mal  armés  ;  et  si  les  Turcs  avaient 
poussé  plus  loin  leur  cavalerie,  la  ville  aurait  pu  être  prise 
dans  sa  première  terreur.  Mais  ils  s'arrêtèrent  à  trois  milles  de 

i  jf.  AnLSabelUco. Deçà  III,  L.  IX,  f.  213. 


32  HISXOIEE  DES  RÉPUBLIQUfS  lTAU££îA£S 

distance,  et  s'en  retoomèrent  chargés  de  batiD,  chassant  dô« 
Tant  eux  des  troupeaux  d'esclaves. 

Tandis  que  Pierre  Mocénigo,  retiré  pendant  l'hiver  à  Hà^ 
poli  de  Somanie,  s'occupait  de  mettre  sa  flotte  en  état  de 
commencer  vigoureusement  la  campagne  prochaine,  un 
jeune  Sicilien,  nommé  Antonio,  que  les  Turcs  avaient  fait 
prisonnier  dans  Tile  d'Eubée,  et  conduit  à  Gonstantinople, 
s'échappa  de  cette  ville,  et  vint  se  présenter  à  l'amiral  véni- 
tien. Il  lui  demanda  un  bateau  et  quelques  compagnons  ré- 
solus, s' engageant,  avec  leur  aide,  à  mettre  le  feu  à  la  flotte 
turque,  au  milieu  de  laquelle  il  avait  passé  à  Gallipoli.  Il  dé- 
clara avoir  vu  dans  cette  rade  cent  galères  qui,  n'étant  point 
gardées  pendant  la  nuit,  seraient  aisément  détruites  par  un 
seul  incendie.  Mocénigo  combla  de  louanges  le  jeune  homme, 
et  lui  promit  les  plus  magnifiques  récompenses.  Il  lui  fit 
donner  une  barque  chargée  de  fruits,  a?ec  quelques  mate- 
lots les  plus  résolus  de  sa  flotte.  Antonio  s'annonça  aux  Turcs 
comme  un  marchand  de  fruits,  et  remonta  sans  difficulté  les 
Dardanelles  :  quand  il  fut  parvenu  à  Gallipoli,  il  commença 
à  vendre  ses  fruits  aux  soldats;  et  comme  il  ne  leur  causait 
aucune  défiance,  on  lui  laissa  passer  la  nuit  auprès  de  la 
flotte.  Il  en  profita  pour  mettre  le  feu  aux  vaisseaux  les  plus 
près  de  lui;  mais  de  prompts  secours  l'empêchèrent  d^conti- 
nuer  et  le  forcèrent  de  s'enfuir  lui-même  sur  sa  barque,  à 
laquelle  Tincendie  s'était  aussi  communiqué.  Le  feu  l'obligea 
d'en  sortir,  pour  se  cacher  avec  ses  compagnons  dans  le 
premier  bois  qu'il  trouva  le  long  du  détroit.  Il  laissa  sa  bar-^ 
que  à  moitié  consumée  au  lieu  où  il  était  [descendu,  et  elle 
fit  découvrir  sa  retraite,  en  sorte  qu'il  fut  arrêté  avec  ses 
compagnons.  Le  sultan  voulut  le  vmr,  et  il  lui  demanda  s'il 

1  M.  AntJSabeUico.  Deçà  lii,  L.  Ix,  f.  2i4.  Cet  historien  était  lui-même  enfermé  dant 
udioe  au  moment  de  l'apparition  des  Turcs.  •—  Gwmieri  Bernio,  Sior,  d*âgQhbiOé 

p.  1022. 


Dt  MOYEN  A6£.  33 

airait  reçu  quelque  injure  qui  pût  le  porter  à  une  vengeance 
aussi  forcenée.  «  Aucune,  répondit  fièrement  Antonio,  mais 
«  je  t'ai  reconnu  pour  l'ennemi  commun  des  chrétiens  ;  mon 
«  exploit  est  assez  glorieux,  et  il  le  serait  davantage  si  j'avais 
«  pu  brûler  ta  tête  comme  j'ai  brûlé  tes  vaisseaux.  »  Le  Turc, 
peu  touché  du  courage  de  son  ennemi,  le  fit  scier  par  le  mi- 
lieu du  corps  avec  ses  compagnons.  Le  sénat  de  Venise  ne 
voulut  pas  que  tant  de  résolution  demeurât  sans  récompense. 
Ne  pouvant  plus  rien  faire  pour  lui,  il  donna  une  dot  à  sa 
sœur  et  une  pension  annuelle  à  son  frère  * . 

Cependant  Pierre  Mocénigo  reçut  de  Venise  l'ordre  de  met- 
tre en  mer,  et  de  suivre  dans  la  prochaine  campagne  les  in- 
dications que  lui  donnerait  Ussun  Gassan.  L'ambassadeur  de 
celui-ci  avait  resserré  son  alliance  avec  les  Vénitiens  ;  Josa- 
phat  Barbaro,  homme  avancé  en  âge,  qui  parlait  bien  la 
langue  persane,  avait  été  chargé  de  le  reconduire  à  son  maî- 
tre, et  d'offrir  au  sophi,  au  nom  du  sénat  de  Venise,  de  ri- 
ches présents  de  vases  d'or  et  d'étoffes  de  Vérone.  Il  menait 
avec  lui  trois  galères  chargées  d'une  grande  quantité  d'artil- 
lerie, et  cent  artificiers  commandés  par  Thomas  d'Imola,  que 
la  république  mettait  au  service  du  souverain  de  la  Perse. 
C'était  par  les  côtes  de  la  Gilicie  et  de  la  Syrie  qu'ils  comp- 
taient se  rendre  auprès  de  lui  :  ils  devaient  y  trouver  deux 
frères,  princes  de  Caramanie,  déjà  dépouillés  en  partie  par 
Mahomet,  mais  qui  défendaient  encore  contre  lui  le  reste  de 
leurs  états'. 

i  CortolatuuCepio.  L.  U,  p.  350.—  Jf.  Ant.  SabelUco.  Deçà  III,  L.  IX,  r.  215.  —  Ray- 
naba  ÀHnaLEccles.  1473,  S  ^,  P-  348.  —  >  M.  Ant.  SabelUco.  Deçà  III,  L.  IX,  f.  3i5,  vo. 
^  CorioL  Cepio,  L.  Iir,  p.  361. 

Les  premières  commmuDicaiioos  diplomatiques  des  Véoitiens  avec  la  Perse  sont  UD 
éTénemeot  remarquable  dans  l'histoire  des  voyages,  et  par  conséquent  dans  celle  de 
Fesprit  humain;  elles  ouvrirent  aux  obaervations'des  Occidentaux  des  régions  inconnues; 
elles  mirent  en  rapport  des  peuples  toqjours  séparés  ;  elles  jetèrent  de  premières  lueurs 
sur  la  géographie  jusqu'alors  si  confuse,  et  elles  commencèrent  en  quelque  sorte  la  pé- 
riode dans  laquelle  nous  vivons  ai^oard'hui ,  cette  période  dont  le  caractère  le  plus 
frappant  est  le  rapport  établi  entre  tous  les  peuples  de  la  terre*. 

TU,  3 


34  HISTOIBE  DES  R^PUBUQUBS  ITALIENIXES 

Pour  OQTrir,  par  cette  route,  la  commanication  a\ec  Usson 
Gassan,  Pierre  Mocénigo  se  dirigea  d'abord  vers  l'île  de  Chy- 
pre, n  avait  alors  quarante-anq  galères  vénitiennes  ;  den^ 
galères  des  chevaliers  de  Rhodes,  et  quatre  du  roi  de  Chypre 
vinrent  se  joindre  à  lui.  Avec  cette  flotte  il  fit  voile  vers  Séleu- 
cie,  qu*un  des  princes  de  Garamanie  assiégeait.  Pyram^th,  le 
plus  âgé  de  ces  deux  frères,  était  dans  le  camp  d'Ussun  Cas- 
San;  le  plus  jeune,  Gassan  Beth,  donna  rendez-vous  aux 
Yénitiens  à  un  mille  de  distance  de  Séleacie,  auprès  d'un 
temple  ruiné.  Il  expliqua  à  Yictor  Soranzo,  qui  fut  envoyé 
vers  lui,  que  la  Garamanie,  dévouée  à  sa  famille,  était  cepen- 
dac^  retenue  par  Mahomet  II  dans  la  crainte  et  la  dépen- 
dance, à  l'aide  de  trois  forteresses  situées  le  long  de  la  mer, 
vis-à-vis  des  rivages  de  Chypre,  savoir  :  Sichesio,  Séleucie  et 

Les  ftTenlures  de  ces  premiers  voyageurs  en  Orient  ont  été  consignées  dans  des  rela- 
tions originales  qui  nous  ont  été  eonserrées.  Elles  sont  traduites  en  latin  et  imprimées  A 
la  suite  de  VBistoria  RerumPersicaram  de.P.  Bizarro.  La  première  est  celle  de  Josaphat 
Rarbaro,  qu'on  peut  regarder  comme  un  modèle  de  talent,  d'observation,  de  justesse 
d'esprit  et  dlntérèt  (p.  4$s  et  sulvaDtas).  Barbaro,  après  la  prise  de  Séleucie  par  Moce- 
rUgo,  reconnut  Timpossibilité  de  pénétrer  en  Perse  avec  tout  son  cortège.  Il  laissa  en 
<?ète  les  préaents  dom  la  république  rayait  chargé  pour  Ossun  Cassan  ;  il  prit  congé  à 
Séieueie  de  sos  compatriotes  ;  et,  malgré  son  âge  avancé,  il  s'aventura  avec  Tambassa- 
deur  de  Perse,  et  une  suite  très  peu  nombreuse,  au  travers  de  ces  pays  barbares.  De 
Tarse,  il  suivit  la  route  de  la  Petite-Arménie ,  et  ensuite  du  pays  des  Gurdes.  Son  petit 
Qonégeftit  attaqué  ehes  ce  peuple  de  brigands  ;  l'ambassadeur  persan,  son  compagnon 
de  voyage,  Ait  tué  ;  son  secrétaire  et  deux  hommes  de  sa  suite  le  furent  aussi.  Barbaro 
fnt  grièvement  btessé  et  dépouillé  de  tout  ;  son  courage  ne  se  démentit  point  cependant; 
Il  continua  son  vojage,  et  11  trotiva  enfin  Ussun  Cassan  à  tauris.  Ce  monarque  le  reçut 
avec  magnificence,  et  ne  cessa  dès  lors  de  lui  montrer  les  plus  grands  égards  pendant 
dnq  ans  qu'il  le  retint  près  de  lui  A  la  mort  d'Ussun,  en  1488,  Josaphat  Barbaro  revint 
à  Venise  par  Alep  et  la  route  des  Caravanes,  qui  traversait  des  états  soumis  aux  Marne- 
iucks  et  au  Soudan  d'Egypte. 

Pondant  ce  même  temps,  la  république  avait  envoyé  aussi  deux  autres  ambassadeurs 
ausopbi,  par  deux  chemins  différents:  run«  Leopardo  fiettoni,  se  rendit  auprès  de  loi 
par  Trébisonde,  mais  il  n'a  rien  icrit;  Tautre,  Ambroise  Gontarini,  prit  sa  route  par  te 
nord  de  l^fiurçpe,  pour  éviter  plus  sûrement  les  embûches  des  Turcs,  et  nous  avons  sa 
relation.  Conlarini  partit  de  Venise  le  23  février  1478  ;  il  se  rendit  d'abord  à  Francfort 
sur  roder,  odil  arriva  le  29  mars;  il  traversa  ensuite  la  Pologne  par  Posna ,  LuMln  et 
Kiovie  ;  il  était  le  !«*  mai  dans  cette  dernière  ville,  et  le  I6  à  GalTa,  d'où  il  s'embarqua  pour 
la  Colchide  et  les  bords  du  Phase.  Ce  fut  dans  la  Géorgie  et  la  Meogrélte  qu'il  eut  le  plus 
A  soufitrir  de  la  tyrannie  des  princes  et  du  méchant  caraotére  des  peuples  ;  enfin ,  il 


ntJ  MOYEN  AQE^  35 

Goryco  (Sikin,  Selefki,  Curko),  où  les  Turcs  tenaient  garni- 
son, et  dont  les  Caramans  ne  pouvaient  se  rendre  maîtres 
sans  artillerie.  Mocénigo  assiégea  successivement  ces  forte- 
resses, et  il  les  rendit  à  Cassan  Beth,  après  avoir  forcé  les 
garnisons  tur^es  à  capituler.  Cette  première  opération  sem- 
blait devoir  ouvrir  une  communication  facile  avec  Ûssun  Cas- 
san * .  . 

Pendant  ce  temps,  ce  monarque  s'était  avancé  par  V Armé- 
nie jusqu'au  voisinage  de  Trébisonde  et  du  royaume  de  Pont, 
avec  une  armée  que,  malgré  les  calculs  extravagants  des  La^ 
tins,  nous  devons  évaluer  entre  quarante  mille  et,  tout  au  plus, 
soixante-dix  mille  hommes.  Mahomet  II  marchait  à  sa  ren- 
contre avec  dix  mille  janissaires,  dix  mille  gardes  de  la  cour, 
vingt  mille  fantassins  et  trente  mille  auxiliaires.  Avec  ces  forces, 
Uahomet  s' empara  de  jÇarachizar^t  ouCar^-Issar,  sp*  le  fleuve 
Lycus^.GhazMurath,  begUerbey  deBoiname,  .coal^landaitson 


entra  te  25  Juillet,  par  TArménie,  daps  les  états  d'DssuQ  Cassan,  mais  il  ne  put  atteindre 
ce  soitTerain  qu'à  Ispahan,  au  mois  de  notembre  de  la  même  année.  Il  p^assa  l'hiver  au- 
près de  lui;  il  prit  de  justes  rensei^rteinfiniB  sur  la  puissMiee  du  souverain  de  la  Perse , 
que  tous  les  écrivains  latins  se  plaisaient  à  exagérer  ;  il  reconnut  que  sa  patrie  n'en  pou- 
vait pas  tirer  à  beaucoup^rés  le  parti  qa'die  en  attendait,  et  que  dans  la  bataiHe  de  Cara- 
Issar^  Bssun  Cassan  commandait  tout  au  plus  i  quaraMe  mille  homms,  presque  tous  db 
cavalerie.  Après  avoir  recueilli  œs  informations,  qui  pouvaient  avoir  une  grande  in- 
fluence snr  la  république  de  Venise,  ffl  se  mit  en  chemin  au  commencement  de  juin  1474 
pour  rentrer  en  Europe.  Il  revint  par  la  même  route,  avec  des  dangers  et  une  (ïilieiie 
Infinis,  ju^u'aux  bords  du  Phaze.  Mais  là,  il  apprit  avec  une  douleur  profonde  que  les 
tures,  soupçonnant  les  relations  des  Occidentaux  avec  les  Persans,  veillaient  sur  totis  les 
cbemiot,  et  lui  avaient  fermé  la  route  qu'il  oooiptait  suivre,  en  s'emparaot  de  Gaffa* 
Contarini  ne  vit  plus  alors  que  la  Moscovic  par  laquelle  il  pût  rentrer  en  Europe.  Re« 
M'ouBSMl  éhemin  au  travers  de  ta  Ifédie,  il  parvint  jusqu'à  berbent  sur  tather  Caspienhe; 
y  j  passa  l'hiver  ao  mHieu  de  pauvres  p6cbe«rs(  il  an  repartit  le  6  'a^il  |4U  ipour  A»- 
U*acan,  ville  alors  dépendante  des  Tartares  ;  il  traversa  leurs  déaeris  et  ceux  de  la  Mos- 
o^e,  liittanl  sans  cesse  avec  la  misère  et  Hi  l^ltn  ;  le  !29  septeiiibre  efafln,  il  fat  sotl 
entrée  à  Moscou,  où  le  grand-duc  lui  avança  de  l'argent  sur  le  crédit  de  la  république 
deTense.  Mais  Contarini  ne  pot  pasTspartir  de  cette  Capitale  avant  le  ti  janvier  I4t6. 
Passant  par  Smolensto  et  Trahi,  oA  il  retrouva  le  roi  Gàsknir,  par  Warsovie,  Francfort- 
sor-roder  et  liuretnberg,  il  airiva  enfin  à  v^ioiM  lé  i«  a#rt1 1476,  iprin  on  des  voyages 
leifliil  hasardeux  qui  enasent  jamais  été  eotraprii.— «  M.  Anu  SaëeiUco,  0eca  III,  U  iX; 
l  fii«,  v«.  ^  CdlMmoflAtts  BsspMêtis  ito  ymietls  etmîrti  fi»co»,  p.  409.— Oofin(.  Cepio. 
k  lli  p.  3S3,  ^t  MMU$'S¥i9(morm  ùmemidanon,  ab  ip^  TUrcis  memortm  proâHi, 

r 


36  HISTOIRE  DES  EEPUBLIQTJES  ITALI£1<I1H£S 

avant-garde  t  il  se  trouva  au  milieu  des  Persans  avant  de  s'y 
être  attendu.  Ses  troupes,  attaquées  avec  impétuosité,  furent 
défaites,  et  lui-même  fut  tué  dans  ce  premier  choc.  Mais 
comme  les  Persans  poursuivaient  les  fuyards,  ils  rencontrè- 
rent le  corps  de  bataille  q[ue  commandait  Mahomet  avec  ses 
trois  fils,  Bajazet,  Mustapha  et  Gem.  Le  sultan  profita  du  dés- 
ordre des  vainqueurs  pour  les  attaquer.  Ussnn  Gassan  se  dé- 
fendit avec  vigueur;  la  mêlée  fut  longue  et  cruelle.  Gependant 
Dauth-Pacha,  beglierbey  de  Natolie,  qui  commandait  une 
des  ailes ,  ayant  fait  avancer  son  artillerie ,  jeta  le  désordre 
parmi  les  Persans,  peu  accoutumés  aux  armes  à  feu.  Un  des 
fils  d'Ussun  Gassan  fut  tué,  et  sa  tête  fut  présentée  à  Mahomet. 
Ussun  prit  la  fuite ,  et  se  retira  avec  une  partie  de  son  armée 
dans  les  montagnes  de  FArménie.  Son  camp  fut  pillé;  les 
captife  qu'il  avait  enlevés  furent  délivrés,  et  Mahomet',  après 
cette  éclatante  victoire  qui  assurait  ses  frontières,  rentra  en 
triomphe  à  Gonstantinople  * . 

Mocénigo,  avant  d'être  instruit  du  sort  de  T  allié  de  la  ré- 
publique, avait  attaqué  différentes  places  dans  l'Asie  Mineure. 
Il  assiégea  d'abord  Myra  dans  la  Lycie  ;  Aiasa  fieg,  comman- 
dant de  la  province,  rassembla  quelques  troupes  musulmanes, 
et  s'avança  pour  délivrer  la  ville:  il  fut  battu  et  tué  dans  le 
combat.  Myra  se  rendit  alors  aux  Vénitiens,  qui  accordèrent  à 
la  garnison  et  aux  habitants  la  permission  de  se  retirer;  mais 
ils  pillèrent  et  brûlèrent  la  viQe.  Mocénigo  effectua  ensuite  un 
débarquement  devant  Physsus  dans  la  Garie,  dont  il  ravagea 
les  environs.  Il  y  reçut  un  message  de  Gatherino  Zeno,  ambas- 
sadeur auprès  d' Ussun  Gassan  »  qui  l'invitait  à  se  rapprocher 

ecieime/ooio  editU  Byzantin.  T.  XVI,  edUio  Veneu  p.  2S8.  PœMen».  p.  SSo.  Lm  La- 
tins doDoent  820,000  honiaies  à  Mahomet  II,  et  S50,oooà  Ussun  Cassan.  DemêL  Cantendr, 
L.  Iir,  c.  1,  S  27.  —  i  Annales  Tutcicl,  Bytant.  veneta.  p.  258.  —  M.  ânt.  SabeUlco» 
Deçà  III,  L.  IX,  f.  2IT,  V*.  —  annales  Kecles.  Rayn*  1473,  $  8,  p.  249.  Cette  déltfte 
dUssun  Gassan  Hit  représentée  comme  une  victotre  aux  Polonais,  que  Gatherino  Zeno 
voulait  engager  dans  une  ligue  générale  contre  les  Turcs.  Dhigoss.  HUt,  PoUmkœ* 

h.  Xlir,  p.  498. 


DU   MOYEN   AGE.  37 

de  la  Gilicie,  pour  pouvoir  au  besoin  seconder  le  monarque 
persan.  Il  était  revenu  à  Coryeo,  lorsqu'il  reçut  un  nouveau 
courrier  de  Zeno ,  qui  lui  annonçait  la  défaite  du  sophi  et  sa 
retraite  en  Arménie  * . 

Pendant  toute  cette  campagne,  Mocénigo  avait  agi  seul. 
Tandis  qu'il  était  en  Gilide,  l'archevêque  deSpalatro,  nouveau 
légat  du  pape,  lui  avait  bien  fait  dire  qu'il  viendrait  le  joindre 
avec  dix  galères,  s'il  croyait  que  l'amiral  vénitien  voulût  en- 
treprendre quelque  chose  pour  le  bénéfice  de  la  chrétienté. 
Mais  ce  message  blessa  Mocénigo,  qui  croyait  avoir  déjà  beau- 
coup fait  pour  la  cause  commune,  et  il  refusa  des  secours  of- 
ferts d'aussi  mauvaise  grâce.  D'ailleurs  son  attention  commen- 
çait à  être  distraite  par  les  affaires  de  Chypre;  le  crédit  qu'il 
s'arrogeait  déjà  dans  cette  île  était  d'une  plus  haute  impor- 
tance pour  la  république  que  toutes  les  conquêtes  qu'il  avait 
tentées  jusqu'alors,  et  il  ne  voulut  point,  en  traitant  avec  les 
derniers  Lusignan ,  être  gêné  par  un  légat  du  pape ,  qui  lui 
reprocherait  toute  entreprise  étrangère  à  la  guerre  des 
Turcs. 

L'île  de  Chypre  qui,  en  1 191,  avait  été  donnée  si  généreu- 
sement par  fiichard-Cœur-de-Lion  à  Gui  de  Lusignan,  comme 
dédonmiagement  du  royaume  de  Jérusalem,  s'était  conservée 
dès  lors,  jusqu'en  1458,  dans  la  descendance  légitime  de  cette 
illustre  maison.  Janus  III  ^,  le  quatorzième  des  rois  de  Chypre 
de  cette  famille,  était  un  prince  efféminé,  qui  n'avait  vécu 
que  pour  le  plaisir.  Sa  première  femme,  de  la  maison  de 
Montferrat,  était  morte,  non  sans  soupçon  de  poison;  la  se- 
conde, Hélène  Paléologue,  était  une  Grecque  du  Péloponnèse, 
qui  gouvernait  despotiquement  son  mari.  Elle  l'avait  engagé 
à  rétablir  le  culte,  grec  dans  l'île ,  acte  de  justice  et  de  pru- 

i  M.  Ant.  Sabellico.  CorioL  Deçà  111,  L.  ixi  f.  2I6,  v«.  —  Ceph.  L.  II,  p.  357.  —  «  Le 
nom  de  Janus,  dans  la  maison  de  Lusignan,  venait  de  la  naissance  d'un  de  ces  princes 
4  Gcneii,  JanuOj  après  la  brillante  expédition  de  Gaunt  et  de  Frégoso. 


38  HISTOIRE  DJSS  B^PUBLIQUES  ITALI£If»If£S 

dence  que  les  Latins  lui  reprocliaient  comme  un  crime.  Hais 
autant  elle  goutremaii  Janus ,  autant  elle  était  gouvernée  par 
sa  nourrice,  qui  tétait  à  son  tour  par  son  fils.  Le  roi  avait  eu 
une  fille  de  sa  première  fenmie ,  nommée  Charlotte  ;  il  n'en 
avait  point  de  la  seconde,  lùais  il  avait  eu  aussi,  d  une  de  ses 
maîtresses,  un  fils  nommé  Jacques.  Charlotte,  héritière  pré- 
somptive du  royaume,  fut  mariée  à  Jean  de  I^ortugal,  fils  du 
duc  de  Coïmbre,  et  petit-fils  de  Jean  P'^.  Le  prince  portugais 
excita  la  jalousie  du  fils  de  la  nourrice;  après  de  violentes 
querelles  entre  eux,  il  périt  en  1457  *,  et  on  le  crut  empoi- 
sonné. Le  triomphe  insultant  du  fils  de  la  nourrice  ne  fut  ce- 
pendant pas  long.  Jacques,  le  bâtard  â6  Janus,  le  tua  de  sa 
main,  moins  pour  délivrer  Charlotte  de  son  insolence  que 
pour  s'ouvrir  à  lui-même  le  chemin  du  trône,  en  se  défaisant 
d'un  favori  dangereux  ^. 

Janus  destina  ensuite  sa  fille  à  Louis  de  Savoie,  second  fils 
du  duô  Louis,  qui  avait  épousé  lui-même  une  princesse  chy- 
priote; mais  Janus  mourût  avant  d'avoir  pu  effectuer  ce  ma- 
riage. Louis  arriva  cependant  à  Nicosie,  capitale  du  royaume  ; 
il  épousa  Charlotte  le  7  octobre  1459,  et  il  fut  couronné  avec 
les  titres  de  roi  de  Chypre,  de  Jérusalem  et  d'Arménie  *. 

L'intention  de  Janus  avait  été  de  faire  entrer  son  bâtard 
dans  les  ordres,  et  il  lui  destmait  l'archevêché  de  Nicosie,  pre- 
mière prélature  du  royaume.  Mais,  par  une  politique  impru- 
dente, Charlotte  prévint  la  cour  de  Borne  contre  son  frère,  et 
Fempêcha  d'obtenir  ce  siège  éminent^.  Jacques,  Irrité,  se  retira 
auprès  du  Soudan  d'Egypte,  dont  les  rois  de  Chypre  se  recon- 
naissaient feudataires;  d  lui  demanda  pour  lui-même  l'héri- 
tage de  son  père.  L'avantage  du  sexe  est,  aux  yeux  des  Mu- 


1  Kngicenviut  de  ikmureUt,  Cbran.  toL  Ul,  f.  74.  ^  *  Commcntarii  PU  Papct  IL 
L.  Vin,  p.  17^176.  —  s  Cmumenu  m  P.  L.  vu,  p.  177.  --  Guich^nony  MUt.  ginéoL 
de  la  maison  de  SatàoU.  T.  U,  |i.  iis.  —  *  AnnaUi  Scel^iim*\fUtynaldi.  UM,  S  &$• 
p.  99. 


DU   IffOTEir   AGE.  39 

âidmaiis,  bien  plus  important ,  dans  la  saccession,  qae  cfoltâ. 
de  la  légitimité.  D'ailleurs,  le  soudan  voyait  avec  presq[ue  au- 
tant de  défiance  que  Mahomet  II  un  prince  de  F  Occident,  et 
du  sang  français,  s'établir  au  centre  de  la  mer  de  Syrie.  Les 
Chypriotes ,  de  leur  côté,  préféraient  un  Lusignan  né  dans 
leur  pays  à  un  souverain  étranger.  Melec  Ella  donna  donc  à 
Jacques,  avec  la  couronne  royale,  une  armée  de  Mamelucks 
pour  soumettre  file  de  Chypre.  Jacques  fut  reçu  sans  diffi- 
culté dans  Nicosie  ;  il  prit  en  peu  de  temps  les  places  de  Sl- 
gour,Paphoset  Limisso,  mal  défendues  par  desgentilshomiûes 
savoyards;  il  assiégea  Louis  et  Charlotte  dans  Cérines,  et,  à  U 
réserve  de  cette  forteresse,  il  se  rendit  maître  de  tout  le 
royaume  • . 

Louis  de  Savoie  était  un  prince  indolent  et  sensuel ,  mais 
Charlotte  était  douée  d'une  activité  Remarquable.  Elle  quitta 
Cérines  pour  aller  demander  des  secours  à  tous  les  princes  de 
l'Ocddent.  En  1460,  elle  se  présenta  an  pape  Pie  IL  «  Cette 
«  femme,  dit*il  dans  ses  Mémoires,  parait  &gée  de  vingt-quatre 
«  ans;  elle  est  d'une  stature  médiocre;  ses  yeux  sont  pleins  de 
«  feu,  son  visage  jaune  et  pâle,  son  langage  caressant  ;  il  coole 
«  comme  un  fleuve,  avec  l'abondance  propre  aux  Grecs.  ËUe 
«  est  habillée  à  la  f  rançaise^  et  ses  manières  sont  dignes  du 
«  sang  royal  ^.  »  Ce  pape,  touché  des  instances  de  Chariotte, 
et  persuadé  de  son  bon  droit,  lui  {nromitsa  protection.  L'ordre 
ét&  chevaliers  de  Saint- Jean  se  déclara  aussi  pour  elle  ;  il  loi 
accorda  un  asile  à  Rhodes,  ainsi  qu'à  son  mari  ;  et  ce  fut  de 
cette  lie  qu'elle  fit  partir  des  convois  de  vivres  et  de  munition» 
pour  Gârinesy  et  qu'elle  entretint  des  correspondmoes  avec  les 
mécontents.  Enfin  les  Génoin,  qui  possédaient  encore  qud- 
qnes  places  fortes  en  Egypte,  entre  autres  Famagouste,  enif- 
brassërent  aussi  ses  intérêts.  Ce  fut  aux  yeux  des  Vénitiens 

1  (Mchenon,  Bist.  généalog.  p.  ii6.  ^  Commentariî  Pli  PapaiL  L.  vn,  p.  177.— 
s  Comment.  PU  Papœ  U,  L.  VU,  p.  i79. 


40  HISTOIRE  DES  REPUBLIQUES  ITALIENlIBà 

une  raison  suffisante  pour  s'engager  [dans  le  parti  contraire. 

Marco  Gornaro ,  gentilhomme  vénitien ,  exilé  de  sa  patrie 
el  établi  en  Chypre ,  s'était  lié  d'une  étroite  amitié  avec  Jac-> 
ques,  bâtard  de  Lusignan.  Il  lui  fournit  l'argent  nécessaire 
pour  faire  la  guerre ,  d'abord  avec  ses  propres  fonds ,  qu'il  fai- 
sait valoir  dans  le  commerce ,  ensuite  avec  ceux  de  ses  compa- 
triotes. Il  l'aida  aussi  constamment  de  ses  conseils;  il  le  seconda 
surtout  dans  le  siège  de  Gérines,  qui  se  rendit  à  Jacques  à  la 
fin  de  l'année  1 464  ;  et  dans  celui  de  Famagouste ,  qui  ouvrit 
ses  portes  la  même  année,  après  avoir  résisté  trois  ans  * .  Jac- 
ques, se  trouvant  alors  maître  de  toute  File  de  Chypre,  essaya 
de  nouveau  de  se  faire  reconnaître  par  le  pape^  mais  il  ne  put 
y  réussir.  Rebuté  par  tous  les  princes  chrétiens ,  il  s'adressa 
à  Marc  Gornaro ,  pour  contracter  par  son  aide  une  alliance 
avec  la  répubUque  de  Venise.  Marc  avait  une  nièce  remar- 
quable par  sa  beauté  :  c'était  Catherine,  fille  d'André  Gor- 
naro; il  l'offrit  en  mariage  à  Jacques  de  Lusignan ,  avec  une 
dot  de  cent  mille  ducats,  en  stipulant  que  Catherine  serait  au- 
paravant adoptée  pour  fille  par  la  république.  Cette  négocia- 
tion fut  entamée  vers  l'année  1468;  après  d'assez  longs  délais, 
l'alliance  fut  acceptée  des  deux  parts.  Catherine  Gornaro  fut 
solennellement  déclarée  fille  de  Saint-Marc;  elle  fut  mariée 
par  procuration,  en  1471,  en  présence  du  doge  et  de  la  Sei- 
gneurie; elle  fut  accompagnée,  comme  reine,  jusqu'à  sa  flotte, 
par  le  doge,  dans  le  Bucéntaure,  vaisseau  de  l'état  destiné 
aux  grandes  cérémonies;  et  elle  partit  ensuite  pour  Chypre 
avec  quatre  galères  que  commandait  Jérôme  Diédo  ^. 

Jacques  de  Lusignan  ayant  contracté,  par  cette  alliance,  la 
relation  singulière  de  gendre  de  la  république,  se  comporta 
trajours  en  parent  affectueux  et  en  ami  fidèle.  Ses  ports  f ui  ent 


1  Baunaldi  Annal.  Eccles,  1464,  S  ?!•  p.  169.—*  Marin  Sanuto^  Vite  de*  Duchi.  p.  ii«S. 
'^Andr.  Blavagiero,Stor,  Veneziana,  p.  Ii27-a3i.  —  innal,  EçcUsiaêt,  H7i,S  47, 
p.  229. 


DD   MOYEN  AOS.'  41 

oonstamment  ooTerts  aux  flottes*  des  Yénitiens  ;  ses  alliances 
oa  ses  inimitiés  furent  détenninées  par  leurs  conseils;  et  dans 
la  guerre  contre  les  Turcs,  il  leur  envoya  des  renforts  propor- 
tionnés à  la  richesse  et  à  la  population  de  ses  états.  Cependant 
il  y  avait  à  peine  deux  ans  qu'il  était  marié ,  lorscpi'il  mourut 
le  6  juin  1 473.  Il  laissa  sa  femme  grosse ,  et  par  son  testament 
il  institua  pour  son  héritier,  d'abord  Tenfant  qui  naîtrait  d'elle, 
et,  à  son  défaut,  Janus,  Jean  et  Charlotte,  ses  trois  bâtards  *  • 
Les  Chypriotes,  qui  avaient  combattu  avec  acharnement  contre 
Charlotte  pour  qu'elle  ne  portât  pas  la  couronne  à  un  prince 
étranger,  virent  avec  une  profonde  douleur  que  leur  affection 
pour  Jacques  les  avait  réduits  à  se  soumettre  à  sa  veuve ,  plus 
étrangère  encore  au  sang  des  Lusignan  que  le  prince  de  Savoie 
qu'ils  avaient  repoussé.  Leur  mécontentement  éveilla  leur 
défiance ,  et  ils  soupçonnèrent  Cornaro  et  Marco  Bembo,  l'un 
onde,  et  l'autre  cousin  de  la  reine,  d  avoir  empoisonné  son 


man 


2 


L'archevêque  de  Nicosie,  le  comte  de  Zaplana  et  le  comte 
de  Zaffo  ses  frères ,  le  seigneur  de  Tripoli ,  et  Sizzo  de  Hariui , 
étaient  à  la  tête  du  parti  qui  repoussait  le  joug  d'une  reine 
vénitienne  et  de  ses  conseillers  vénitiens  ^.  Ils  s'adressèrent 
secrètement  à  Ferdinand,  roi  de  Naples;  ils  lui  offrirent  de 
faire  épouser  Charlotte,  fille  naturelle  de  Jacques,  à  don 
Aionzo ,  fils  naturel  de  Ferdinand ,  de  destiner  la  couronne  de 
Cliypre  à  ces  deux  enfants  qui  étaient  encore  en  bas  âge ,  et  de 
conserver,  jusqu'à  leur  majorité,  V indépendance  du  royaume, 
sous  la  protection  du  roi  de  Naples  ^.  Cependant  les  bruits 
d'empoisonnement  qu'ils  avaient  accrédités  excitèrent  un 

1  Le  testament  est  du  14  juin  1473.  Guichenon^  Bist,  geneal,  p.  119.  —  CorioL  Ceplo. 
L,  11,  p.  357.  —  >  AnnaL  Ecoles.  Raynaid.  1473,  S  3,  p.  248.  —  *  Uarin  SanuiOy  Vite 
iU^  Duehié  p.  11  M.  -*  *  Don  Aionzo,  que  let  Chyprioten  TOuUient  reoonaatire  pour 
héritier  présomptif  de  la  couronne,  arec  le  titre  de  princ«  de  Galilée,  n'avait  que  six 
ans ,  d'après  Navagiero.  Giannono  n'en  parle  point;  il  n'indique  que  deux  Qls  naturels 
de  Ferdinand,  don  Ueori  c(  don  César.  Uior.  civile^  L.  XXVU,  c.  lU»  p.  iH. 


42  HISTOIRE  DE»  KÉPUBLIQUES   ITALIEICIÏES 

soQlèvement,  dans  lequel  Aiidré  Gornaro,  Marco  Bembo  et  le 
médecin  du  roi  furent  tués  par  le  peuple  furieux.  Les  chefs 
du  parti,  qui  n'étaient  point  encore  prêts  à  défendre  leur  in- 
dépendance ,  et  qui  savaient  la  flotte  vénitienne  dans  ces  pa- 
rages ,  s'efforcèrent  de  calmer  cette  insurrection  qui  les  com- 
promettait, et  de  l'excuser  aux  yeux  des  Vénitiens.  Un  juge 
de  Venise  était  établi  à  Nicosie,  pour  juger  les  procès  qui 
survenaient  entre  ses  compatriotes  ;  ils  allèrent  auprès  de  loi , 
pour  renouveler  leur  promesse  de  demeurer  fidèles  à  la  reine 
Catherine,  au  fils  qui  naîtrait  d'elle,  et  à  la  république  de 
Venise.  Ils  envoyèrent  à  l'amiral  Pierre  Mocénigb  une  pro- 
testation semblable,  et  ils  le  supphèrent  de  ne  point  punir  tout 
le  royaume  pour  un  meurtre  qui  tactait  à  des  ressentiments 
particuliers  ;  ils  accusèrent  Bembo  et  Cornaro  de  concussions 
qui  les  avaient  rendus  odieux ,  et  ils  dissimulèrent  leurs  soup- 
çons de  poison ,  qui  semblaient  compromettre  la  république 
elle-même  * . 

Pierre  Mooénigo  parut  ajouter  foi  à  ces  protestations  ;  ce- 
pendant il  crut  convenable  d'assurer  le  crédit  de  la  jeune  reine, 
en  étalant  aux  yeux  des  Chypriotes  toute  la  puissance  des 
Vénitiens.  Il  s'approcha  de  l'île  avec  sa  flotte ,  et  il  se  trouva 
à  Nicosie  lorsque  la  reine  mit  au  jour  l'enfant  qu'elle  portait. 
Cet  enfant  fut  tenu  sur  les  fonts  baptismaux  par  le  généralis- 
sime et  les  provéditeurs  vénitiens ,  et  il  reçut  le  nom  de  son 
père.  Après  avoir  séjourné  quelques  jours  en  Chypre ,  Mocé- 
nigo  continua  ses  ravages  sur  les  côtes  de  la  Lycie ,  de  la  Carie 
et  de  la  Cilicie.  Il  reçut  sur  sa  flotte  des  ambassadeurs  de  la 
reine  Charlotte  qui  s'était  établie  à  Bhodes ,  tandis  que  son 
mari,  Louis  de  Savoie,  vivait  dans  la  mollesse  à  Ripaille,  au 
milieu  de  ses  maîtresses.  Charlotte,  au  nom  de  l^andeone 
alliance  de  son  père  avec  les  Vénitiens,  au  nom  de  l'umitié  qui 

1  Jf.  AnL  SabelReo.  DM»  ni,  L.  X,  f.  si8,  t.  —  CortoUmat  Ceplo.  L.  m,  p.  S«o. 


DU  lïdTEK   AGE.  43 

Tégiïtàl  entre  le  doc  de  SaytAe ,  sou  bcian-frèlie^  ef  te  i^pdbll- 
qnc  5  an  nom  surtout  de  h  justice,  rcdematrdàit  une  eoaroniie 
qui  ne  pouvait  appartenir  qu'à  elle.  Si  1* usurpation  du  bâtard 
son  frère  était  colorée  par  F  avantage  dn  seie,  la  niort  de  Jac- 
ques devait,  disalt-^Ue,  la  rétablir  dan^  tous  ses  droits.  Mô^ 
cénigo  lui  répondit  qu'il  avait  reaOrinu  Jacques  de  Lusignan , 
confédéré  de  la  république  de  Tenise,  conime  possesseur  légi- 
time du  royanme  de  Chypre;  que  les  royaumes  ne  se  trans- 
mettaient pas  f^lon  les  lormnles  légales,  et  d'après  les  règles 
qu'on  suit  dans  les  procès,  mais  par  la  vertu  et  les  armes;  que 
cTétaît  ainsi  que  Jacques  avait  conquis  l'Ile  de  Chypre  et  sur 
elle  et  sur  les  Génois  ;  que  la  veuve  et  le  fils  de  ce  monarque 
étaient  désorm^  les  seuls  souverains  de  cette  Ile ,  et  que  la 
république ,  les  ayant  adoptés  comme  ses  enfants ,  saurait  les 
défendre*. 

ffientét  eependant  Mocéiiigo  fut  averti  que  de  nouveaux 
Mouvements  avatent  éclaté  à  Nicosie;  il  dépêcha  aussitôt  à  la 
reiUe  Catherine ,  pour  lui  promettre  Une  puissante  assistance , 
èe  même  Goriolan  Cépio  qui  a  écrit  rhistoiire  de  cette  cam- 
pagne. Peu  de  jours  après,  a  le  fit  suivre  par  Victor  SoraUzo, 
provéditeur,  avec  huit  galères,  et  enfin  il  arriva  lui-même 
avec  lé  reste  de  sa  flotte.  Il  trouva  la  reine  dépouillée  de  toute 
antottté,  séparée  de  son  fris,  que  les  Chypriotes  voulaient 
élever  eux-^mémes,  privée  de  la  garde  des  forteresses  et  de! 
kl  dfiS]^ositton  du  trésor,  et  eependafit  obligée  par  ses  eUné-^ 
mis ,  siirtOQt  j^  les  Catalans  qcre  Jèeques  avait  appelés!  dans 
le  royaume,  &  déelarer  qu'elle  était  éonte^te,  et  que  lotrt  s^était 
fiât  par  ikm  autorité  *. 

Api^  la  SicHe  et  la  Batiiaigne,  Chypre  e^t  la  plus  gtàhûé 
des  fiés  delà  Méditerranée  relie  a  environ  cent  quatre-tingiSi 

1  ânâreà  KwagUro,  Slorfo  venez,  p.  lise.  ^  »•  ént.  SaMUcô.  îlMt  fil,  L.  â^ 
t,  a4a.  V.  —  ÇarioL  da^-l*.  U,  p.  U7.  — *  Àtidna  JSma^iero,  p,  iiSS^-^iOri^/  CegHo. 
U  UI,  p.  360. 


44  HISTOIRE  DES  BEPUBLIQUES    ITALIEKNES 

milles  dans  sa  plus  grande  longueur,  soixante  dans  sa  largeur, 
et  plus  de  quatre  cents  de  circonférence.  Située  entre  le  35* 
et  le  3G^  degré  de  latitude,  elle  jouit  d'un  climat  délicieux; 
elle  produit  en  abondance  le  vin,  F  huile,  le  blé,  et  le  cuivre 
qui  a  reçu  son  nom  délie.  Sa  position  entre  la  Syrie,  TÉgypte 
et  l'Asie  Mineure  semble  l'appeler  à  joindre  le  commerce  le 
plus  actif  aux  riches  productions  de  son  sol.  Au  temps  de  sa 
liberté,  on  y  avait  compté  quinze  républiques  florissantes  ; 
mais  sous  le  gouvernement  des  empereurs,  et  ensuite  sous 
celui  des  rois  de  la  maison  de  Lusignan,  on  avait  vu  décliner 
infiniment  sa  population  et  sa  richesse.  La  tyrannie  féodale 
des  barons,  la  souveraineté  réclamée  par  les  soudansd'Égypte, 
et  les  privilèges  exclusifs  des  Génois  et  des  Vénitiens,  qui 
voulaient  réserver  le  commerce  pour  eux  seuls,  empêchaient 
l'établissement  dans  File  d'une  bonne  législation,  de  la  paix 
et  de  la  sûreté.  Cependant  la  conquête  de  l'ile  de  Chypre 
était  encore  une  entreprise  qui  demandait  des  forces  consi- 
dérables ;  et  Pierre  Mocénigo,  qui  n'avait  qu'un  petit  nombre 
de  troupes  de  débarquement  sur  sa  flotte,  voulut,  avant  de 
rien  tenter,  s'en  procurer  davantage.  Il  envoya  des  transports 
à  Candie  et  en  Morée,  pour  y  rassembler  tout  ce  que  les  Vé- 
nitiens avaient  de  troupes  disponibles.  Six  vaisseaux,  qui 
portaient  beaucoup  de  stradiotes  et  de  fantassins,  les  débar- 
quèrent par  son  ordre  à  Famagouste.  A  l'approche  de  cette 
nouvelle  armée,  l'archevêque  de  Nicosie  et  les  comtes  de 
Tripoli  s'enfuirent.  Mocénigo,  au  nom  de  la  reine,  changea 
les  commandants  de  toutes  les  forteresses;  il  y  introduisit 
ensuite  des  capitaines  et  des  soldats  vénitiens,  avec  un  bon 
nombre  d'archers  de  Crète;  il  punit  de  pednes  capitales  tous 
ceux  qui  avaient  eu  part  au  dernier  soulèvement;  il  poursuivit 
ceux  qui  étaient  en  fuite;  il  exila  ceux  qu'il  regardait  seule- 
ment conune  suspects,  et,  sous  prétexte  de  rétablir  et  d'affer- 
mir l'autorité  de  la  reine,  il  réduisit  l'île  entière  à  u^e  abso- 


DU  MOYEil  AGC.  45 

lae  dépendance  des  Yënitiens,  et  il  effraya  tous  leurs  enneipis 
parla  terreur  des  supplices  * . 

La  reine  cependant  perdit  son  fils  un  an  après  sa  naissance, 
ce  qui  la  rendit  toujours  plus  étrangère  à  son  royaume.  Le 
24  mars  1474,  le  sénat  de  Venise  lui  donna  pour  conseillers, 
ou  plutôt  pour  tuteurs,  deux  nobles  vénitiens,  Louis  Gabrielli 
et  Francesco  Minio  ;  le  commandement  de  tous  les  gens  de 
guerre  fut  confié  à  Giovanni  Soranzo  avec  le  titre  de  provédi- 
teur  général.  Le  sénat  de  Venise  nomma  aussi  Içs  comman- 
dants particuliers  de  Famagouste  et  de  Cérines,  et  il  ne  resta 
plus  à  la  reine,  protégée  par  cette  ambitieuse  république,  que 
la  vaine  pompe  de  la  royauté^. 

1  Andr,  'Navagiero,  Storta  Veneziana.  p.  it4o.  »  M.  Ant.  Sabellico.  Deea  III,  L.  X, 
f.  219.  —  Coriol,  Cepio.  L.  III,  p.  362.— *  iitidr.  Navagiero,  p.  Ii4i.— Gto  Batt.  Pigna. 
Storia  de  Prindpî  <F  Este.  L.  vin, p.  m.-^vitœ  Romanor,  Pontif.  T.  III,  P.  II,  p.  i063. 
ËtieoDe  de  Lusignao,  qui  écrivit  l'histoire  de  Chypre  ud  siècle  environ  après  ces  événe- 
ments, attribue  au  poison  la  mort  de  Jacques-le-Posthume,  aussi  bien  qne  celle  de  son 
père.  A  l'en  croire,  ce  fut  par  un  enchaînement  de  crimes  que  la  république  de  Venise 
se  défit  des  derniers  Lusignao,  et  s'empara  de  leur  royaume.  Ses  accusations  ont  été  ré- 
pétées par  les  Savoyards,  dont  les  ducs,  après  la  mort  de  Louis  et  de  Charlotte,  prirent 
le  titre  de  rois  de  Chypre  {Gmchenon^  IJist,  généaU  de  la  maison  de  Savoie.  T.  II,  p.  1 21); 
et  rannattste  de  PËgUse  semble  admettre  ces  lacuipations.  Baynatâi^  ad  ann,  I47S,  $  31, 
p,  263. 


46  HISTOIRE  OKS  JUÉPXmUQITISS  ITALIEiniXS 

CHAPITRE  IL 


Laurent  de  Médicis  succède  au  crédit  de  s<m  père  sur  la  république 
florentine.  —  Faste  et  ambition  des  neveux  de  Sixte  IV  ;  première 
èampâgne  de  Julien  de  la  Rovère,  qui  depuis  fut  Jules  II.— Progrès  des 
Turcs  ;  premier  siège  de  Scutari  ;  siège  de  Lépante  ;  prise  dé  Gaffa. 


1469-I47S. 


Jasqti*id  nous  ny\om  tu  la  républiqae  florentine  se  placer 
au  centre  de  toutes  leB  uégociatious^  diriger  tous  tes  éwén^ 
mentS)  demeurer  tout  au  moins  partie  dans  toutes  les  révolu- 
tions, dans  toutes  les  guerres  importantes  qui  troublaient 
ritalie.  Mais  sous  Tadministration  des  Médicis,  Florence  cessa 
de  tenir  ce  rang  élevé  ;  elle  se  laissa  oublier  dans  la  balance 
de  r Italie;  les  révolutions  des  états  voisins  s'enchaînaient 
Tune  à  Fautre  sans  qu'elle  les  dirigeât,  ou  fit  effort  pour  les 
retenir,-  et  après  avoir  passé  en  revue  ces  grandes  scènes  de 
la  politique,  nous  sommes  obligés  de  retourner  en. arrière 
pour  chercher  ce  qu  elle  faisait  pendant  ce  temps-là  dQUS  son 
administration  intérieure.  Nous  la  trouvons  alors  languis- 
sante par  la  mauvaise  santé  de  son  chef,  ou  affaiblie  par  Tex- 
trême  jeunesse  de  celui  qui  lui  succède;  nous  la  voyons  par- 
ticiper aux  misères  des  régences  et  des  minorités,  et  nous 


DU  MOYEN   AGE.  47 

conceYons  comment,  a^ec  ce  changement  d'esprit,  sa  force  a 
dû  s'évanoair. 

1469.  —  Il  fallait  qae  Tancien  amour  des  Florentins  pour 
1^  liberté  fût  bien  affaibli,  pour  que  la  mort  de  Pierre  de 
Médids  ne  causât  point  de  révolution  dans  la  république. 
Déjà  Gosme  Tancien,  après  avoir  fondé  son  autorité  sur  la 
supériorité  de  ses  richesses,  beaucoup  plus  que  sur  de  grands 
services,  Tavait  transmise  à  Pierre  son  fils,  comme  une  par- 
tie de  son  héritage.  Mais  Pierre  était  parvenu  à  un  âge  où 
la  république  pouvait  sans  honte  lui  obéir.  Ses  infirmités 
Tavaient  rangé  de  bonne  heure  parmi  les  vieillards  ;  il  était 
peut-être  plus  considéré  et  moins  craint  par  cela  seul  qu  il 
ne  pouvait  guère  partager  les  passions  des  autres  hommes.  Sa 
retraite  habituelle  à  la  campagne,  la  peine  et  la  lenteur  avec 
laquelle  on  le  transportait  en  Utière,  dans  un  temps  où  Ton 
ne  voyageait  qu*à  cheval,  donnaient  une  apparence  de  di- 
gnité à  celui  qu'on  ne  manquait  jamais  de  consulter  comme 
un  oracle  dans  toutes  les  occasions  importantes.  Lorsque 
Pierre  mourut,  il  ne  laissa  pour  chefs  à  sa  famille  que  ses 
deux  fils,  dont  F  aine,  Laurent,  n'avait  pas  vingt-un  ans^  Il 
était  contraire  à  T  honneur  de  la  république  que  de  vénéra- 
bles magistrats,  vieillis  dans  les  emplois  publics,  respectés  de 
r  Europe  entière,  et  accoutumés  à  en  diriger  la  politique, 
fussent  considérés  comme  les  simples  partisans  de  deux  jeu- 
nes hommes  dont  les  prétentions  étaient  démenties  par  la 
constitution  et  toutes  les  lois  de  Tétàt,  dont  les  services  étaient 
nuls,  dont  la  naissance  était  inférieure  à  celle  de  tous  leurs 
rivaux,  dont  le  mérite  personnel  n  avait  encore  pu  être  re- 
connu. Cependant  ceux  qui  avaient  gouverné  Florence  au 
nom  de  Pierre,  firent  taire  l'amour  de  leur  pays,  ou  même 
une  ambition  digne  dune  âme  élevée,  pour  n'écouter  que 

t  U  é(«it  né  le  i«r  janvlw  144«. 


48  HISTOIRE  DES  RÉPUBLIQUES  ITALIElflves 

des  intérêts  étroits,  Tesprit  de  parti,  et  Tivressc  de  la  victoire. 
IlsToalarent  conserver  les  abus  d'un  gouvernement  de  fac- 
tion, parce  que  c'étaient  eux  qui  en  profitaient.  Le  crédit 
personnel  des  jeunes  Médicis  ne  devait  remporter  sur  le  leur 
propre  qu^à  une  époque  qui  leur  paraissait  encore  éloignée, 
et  ils  croyaient  plus  facile  de  tenir  leur  parti  réuni  sous  un 
nom  ancien  que  d'élever  ostensiblement  à  la  première  place 
ceux  même  qui  l'occupaient  en  effet. 

Les  citoyens  qui  gouvernaient  alors  réellement  Florence 
étaient  Thomas  Sodérini ,  frère  de  ce  Nicolas  qui  avait  été 
exilé  dans  la  dernière  révolution  ;  André  de  Pazzi,  qui  fut  fait 
chevalier  par  la  république  en  février  1 468 ,  pendant  qu'il 
était  gonfalonnier  de  justice  ^  ;  Louis  Guicciardini ,  Mattéo 
Palmieri  et  Pierre  Minerbetti.  C'étaient  eux  qui,  pendant  les 
douloureuses  maladies  de  Pierre  de  Médicis,  avaient  dirigé  la 
Seigneurie,  et  qui  s'étaient  emparés  de  l'autorité  du  peuple 
pour  élire  les  magistrats  ;  c'étaient  eux  encore  que  Pierre  de 
Médicis,  lassé  de  leur  insolence  et  des  vexations  qu'ils  exer- 
çaient sur  tous  les  citoyens,  avait  menacés  de  faire  rentrer 
dans  les  bornes  de  l'état  civil,  en  rappelant  les  émigrés^ 
Après  sa  mort,  ils  se  concertèrent  pour  continuer  sous  un 
vain  nom  une  junte  qui  leur  assurait  la  distribution  de  toutes 
les  places  et  la  disposition  des  finances  de  l'état.  Les  ambassa- 
deurs, accoutumés  à  traiter  avec  Thomas  Sodérini,  les  citoyens 
qui  savaient  depuis  longtemps  que  leur  fortune  dépendait  de 
sa  faveur,  lui  rendirent  une  sorte  d'hommage,  et  s'empres- 
sèrent de  lui  faire  visite,  dès  qu'ils  apprirent  la  mort  de  Pierre 
de  Médicis.  Mais  Sodérini  craignit  d'exciter  la  jalousie  de  ses 
associés  et  d'affaiblir  son  parti ,  en  acceptant  ces  marques 
extérieures  de  respect.  Il  renvoya  les  citoyens  qui  lui  faisaient 
visite  aux  jeunes  Médicis,  comme  aux  seuls  chefs  de  l'état;  il 

1  Oonaca  di  Lecnardo  MorelU.  T.  XIX.  Deliz,  Erud.  p.  f  85. 


DU   MOTSN   AGIS;  49 

assembla  dans  1&  couvent  de  Saiftt-Antoine  tons  les  hommes 
qai  avaient  le  plus  dHnflaenœ  dans  la  république  ;  il  leur 
présenta  Laurent  et  son  frère^leur  recommandant  de  conser- 
ver à  ces  jeunes  gens  le  crédit  dont  leur  maison  avait  déjà  joui 
pendant  trentcrcinq  ans  ;  et  il  les  avertit  qu'il  était  bien  plus 
facile  de  maintenir  un  pouvoir  affermi  par  le  temps  que  d'en 
fonder  un  nouveau  ^ . 

Les  Médicis  reçurent  avec  modestie  les  marques  d'attache- 
ment et  de  considération  qu'on  leur  donnait  au  nom  de  la 
république  ;  et  pendant  plusieurs  années  ils  n'essayèrent  pas 
d'attirer  à  eux  une  autorité  qui  n'existait  ostensiblement  que 
dans  les  ma^strats,  et  qui  ne  pouvait  être  exercée  secrètement 
9ur  ceux-ci,  que  par  dea  hommes  dont  les  longs  services  et  les 
talents  reconnus  assuraient  la  considération.  Pendant  sept  ans, 
Florence  conserva  une  assez  grande  paix  intérieure  ;  les  Mé- 
dicis, partagés  entre  leurs  études  et  des  goâts  de  jeunesse, 
tantôt  accueillaient  dans  leur  maison  les  hommes  les  plus  dis- 

1  UacchiavelU.  L.  Vil,  p.  32S.  —  Scîpione  Anànirata.  L.  ^Xllt,  p.  t06  —  Jo.  Mich. 
BrutU  Im  V,  p.  103-106W  —  Ricordi  di  Lorenzo  dt  Medtci,  p.  45.  Bf,  Roscoê  (  UfeofL<h- 
renzo^  Chap.  m,  p.  132)  révoque  en  doute  cette  iulerTeutioii  de  Sodérini,  parce  que 
lorenzo,  dans  ses  Rtcordi,  ne  raconte  point  qu'il  dût  aux  bons  offices  de  ce  citoyen 
^autorité  qu'il  exerça  sur  sa  pairie.  M.  Rosooë  suppose  que  le  souYenir  des  senrioes  ren- 
dus par  la  famille  Lorenzo,  ses  alliances  étrangères,  qui  cependant  étaient  un  tort  aux 
yeux  des  Florentins,  et  son  immense  richesse,  devaient  suffire  pour  lui  faire  recueillir 
sans  difficulté  une  autorité  si  vivement  disputée  à  son  père.  M.  Roscoê,  trompé  par  la 
propûrUou  Variable  du  florin  à  la  livre,  fait,  au  reste,  une  forte  erreur  sur  cette  richesse, 
lorsqu'il  évalue  le  florin  d*or  à  deux  shillings  et  six  pences,  au  lieu  de  dix  qu'il  valait 
yéellement.  A  ce  compte,  la  fortune  de  Médicis  n'aurait  pas  monté  à  trente  mille  livres 
sterling  de  capital,  ce  ()ui  sûrement  n'aurait  pas  suffi  pour  acheter  là  liberté  de  l'état  le 
plus  riche  de  l'Europe.  Mais  M.  Roscoë,  comme  tous  les  biographes,  tourne  toute  da- 
vantage de  son  héros  ;  il  recule  de  cent  ans  la  première  apparition  d^un  Médicis  dans 
VBistoire  florentine.  Ce  fut  au  siège  de  Scarperia,en  i35i,  non  en  i25i,  comme  illë 
Irapporle  p.  8.  )1  rehausse  tous  les  services  de  la  famille  ;  il  atténue  ou  passe  sous  silence 
ses  forfaits  ;  il  dissimule  enfin  l'esprit  indépendant  et  ombrageux  des  Florentins,  qui 
étaient  encore  bien  éloignés  de  plier  volontairement  sous  le  joug  d'un  prince,  encore 
qu'ils  laissassent  ébranler  leur  liberté  par  une  faction. 

Je  vois,  par  la  publication  d'un  nouvel  ouvrage  de  M.  Roscoê  (  illustrations  historU- 

cal  and  criticàl  of  the  life  of  Lorenzo»  Loadon,  1822  ) ,  que  cette  note,  et  plus  encore 

le  jugement  que  j'ai  porté  de  l'objet  de  son  idolâtrie,  l'ont  blessé.  Rien  n'était  plUg 

Mn  de  mon  intention.  Je  n'avais  d'autre  but  que  de  prévenir  le  lecteur  contre  cette 

VII.  4 


50  HISTOIRE  DBS  REPC7BLIQUES  ITALISlinES 

tingaés  dans  les  lettres  et  les  arts  ;  tantôt  amusaient  le  peaple 
par  les  fêtes  brillantes  dont  ils  l'occupaient.  1471.  —  Ces 
spectacles  se  multiplièrent  encore ,  et  le  luxe  reâonbla  an 
printemps  de  1 47 1 ,  lorsque  Galéaz  Sforza,  duc  de  Milan,  Tint 
à  norence  avec  sa  femme  Bonne  de  Savoie,  sons  prétexte 
d'accomplir  un  vœu. 

Galéaz,  que  sa  vanité,  son  inconséquence  et  sa  cruauté 
rendaient  déjà  insupportable  à  ses  sujets,  voulut  faire  pompe, 
aux  jeax  de  l'Italie,  des  trésors  qu'il  arrachait  à  ses  peuples 
par  de  cruelles  vexations.  Jamais  voyage  ne  fut  entrepris 
avec  plus  de  faste.  Douze  chars  couverts  de  drap  d'or  furent 
transportés  à  dos  de  mulet,  au  travers  de  l'Apennin,  pour  le 
service  de  la  duchesse  :  aucune  route  sur  laquelle  les  voitures 
pussent  rouler,  n  était  encore  onverte  dans  ces  montagnes. 
Cinquante  haquenées  pour  la  duchesse,  cinquante  chevaux  de 
main  pour  le  duc ,  tous  caparaçonnés  de  drap  d'or  ;  cent 
hommes  d'armes  et  cinq  cents  fantassins  pour  la  garde,  cin- 
quante estaffiers  revêtus  de  drap  d'argent  et  de  soie ,  cinq 
cents  couples  de  chiens  pour  la  chasse,  et  un  nombre  infini  de 
faucons  précédaient  le  duc  de  Milan.  Sa  suite,  grossie  par  tous 


espèce  d'enthousiasme  qu'on  a  remarqué  dans  plus  d'un  biographe  pour  le  héros  au- 
quel U  a  consacré  ses  veilles.  J'avais,  du  reste,  rendu  à  plusieurs  reprises  un  juste  hom- 
mage à  la  vaste  érudition,  à  la  critique  et  au  goût  de  l'historien  de  Lorenzo.  Jejui  avais 
même  payé  un  tribut  qu'il  tourne  aujourd'hui  contre  moL  Lorsque  Je  traçai  te  tableau 
de  la  littérature  italienne  qui  Tut  publié  en  I8i3,  n'étant  point  encore  parvenu  dans  mes 
recherches  historiques  Jusqu'au  temps  des  Médicis,  Je  crus  ne  pouvoir  suivre  de  meil- 
leur guide,  poiir  le  portrait  de  Laurent,  que  son  célèbre  biographe.  D'après  loi  j'écri- 
vis, dans  la  liuérature  du  Midij  T.  II,  p.  37-40,  ce  morceau  que  H.  Roscoë  vient  de 
reproduire,  p.  139,  de  son  nouvel  ouvrage,  pour  me  mettre  en  contradiction  avec  moi- 
même.  En  effet,  je  ne  connaissais  point  encore  Laurent,  comme  j'ai  dû  apprendre  à  le 
connaître  pour  écrire  son  histoire.  La  critique  de  H.  Roscoë  m'a  donné  occasion  d'exa- 
miner de  nouveau  les  passages  de  ce  volume  qu'il  attaque  avec  quelque  acrimonie  ;  cet 
examen  n'a  eu  d'autre  résultat  que  de  me  confirmer  dans  mes  opinions  et  mes  sentiments. 
Cependant  je  ne  fatiguerai  point  à  chaque  occasion  le  lecteur  de  celte  controverse;  sou- 
vent je  craindrais  d'avoir  trop  raison.  Par  exemple,  dans  le  passage  auquel  se  rapporte 
cette  note,  conçoit-on  que  M.  Roscoë  veuille,  p.  98,  infirmer  le  témoignage  positif  de 
trois  historiens,  par  le  silence  de  Laurent  lui-même,  sur  une  anecdote  qui  lui  était  dé- 
savantageuse, et  dont  le  souvenir  devait  l'humilier  ? 


DU  MOYEN   AGE.  51 

ises  conitisaiis,  formait  «ne  troupe  de  deax  mille  chevaux  *. 
Deux  cent  mille  florins  d*or  avaient  été  consacrés  par  lui  à 
cette  pompe  insensée;  avec  la  moitié  de  cette  somme.  File  de 
Négrepont  aurait  été  défendue  peu  de  mois  auparavant,  et  ne 
-serait  point  tombée  entre  les  mains  des  Turcs. 

Laurent  de  Médicis  reçut  dans  son  palais  le  duc  de  Milan  ; 
il  déploya  à  son  tour  sa  propre  magnificence,  pour  fêter  di-^ 
gnemenftun  hôte  si  splendide.  Hoinsd'or  et dediamants étaient 
étalés  sur  ses  habits  et  dans  ses  palais  ;  mais  la  pompe  des  arts 
remplaçait  celle  de  Topulence,  et  le  nombre  d'antiques  mo* 
numents>  de  tableaux  et  de  statues  que  Laurent  avait  rassem** 
blés,  étonna  le  duc  de  Milan^.  La  république,  de  son  côté, 
rivalisa  de  luxe  avec  son  hdte  et  son  riche  oitoyai.  Toute  la 
nombrecise  suite  du  duc  fut  logée  et  entretenue  aux  frais  du 
puUfe;  trms  qpectaito  sacrés,  dans  le  genre  des  mystères, 
furent  successivement  cffitols  aux  yeux  des  Lombards.  Dans 
Téglise  de  Saint-*Félix ,  on  représêiita  rAnnondation  de  la 
Yierge  ;  aux  Garmes,  rAscension  du  Qirist,  et  à  l'église  du 
Saint-Esprit,  la  Descaate  de  l'Esprit  saint  sur  les  Apôtres. 
Cette  dernière  fête  fut  troublée  par  l'incendie  de  l'église  elle- 
même.  Les  flammes  qu*on  y  avmt  multipliées  en  figures  de 
langues,  s'attabhèrent  aux  décorations,  et  les  consumèrent, 
aussi  bien  que  hi  charpente  de  l'édMce^.  Mais  un  dommage 
bien  plus  réel  pour  Florence,  fut  la  communication  des  goûts, 
4u  luxe,  des  pkiars  et  des  vices  d'une  cour  corrompue,  la 
communication  de  son  oisiveté  et  de  sa  galanterie,  à  une  ré^ 
publique  qui  se  maintenait  par  ses  mœurs  austèa^es,  l'écono- 
mie des  chefs  de  fiimiUe,  l'activité  et  le  travail  constant  des 
jeunes  gens.  Gefut pendantla  vie  de  Laurentde  Médids  qu'on 
vit  les  Florentins  se  façonnes'  à  la  servitude;  ils  s'étaient  sou- 
mis auparavant  i^us  d'une  fois  à  l'autorité  vexatohre  d'une 

1  Anlonii  de  B^^a  Anml  PlacentinU  p.  928.  ~  *  Seipione  Ammiraio»  L.  XXIII» 
p.  los.  —  8  itnd, 

4* 


Ô2  HISTOIRE  DES  REPUBLIQUES  ITALlENlVES 

faction  tietoriease  ;  mais  le  ressort  des  anciennes  moeors,  sn^ 
périeur  à  tonte  oppression  passagère,  ramenait  bientôt  le  règne 
des  lois.  Lorsque  la  mollesse  et  le  libertinage  eurent  snccédé  à 
cette  antique  énergie,  les  Médicis  trouvèrent  un  grand  nombre 
de  citoyens  qui  préférèrent  le  repos  de  l'obéissance  à  Tagitar 
tion  du  commandemeht  * . 

Une  entreprise  inconsidérée  d*un  émigré  florentin  avait, 
peu  de  mois  auparavant,  rappçlé  rexistence  et  les  intrigues 
du  parti  qu'on  avait  privé  de  sa  patrie  en  1466.  Tous  les  fils 
d'André  Nardi,  qui  avait  été  gonfalonier  en  1446  ^  étaient 
exilés.  Bernard,  le  plus  jeune  et  le  plus  courageux  d'entre 
eux,  essaya  de  renouveler  la  guerre  en  s' emparant  de  la  ville 
de  Prato.  H  avait  dans  cette  viUe  un  grand  nombre  d'amis;  il 
en  avait  un  plus  grand  nombre  encore  parmi  les  paysans  de 
Pistoia  :  il  savait  de  plus  que  dans  ces  deux  villes  l'amour  de 
l'anci^ne  indépendance  n'était  pas  éteint,  et  qu'on  s'y  plai- 
gnait de  l'injustice  et  des  vexations  des  gouverneurs  florentins. 
Il  communiqua  son  projet  et  ses  espérances  à  Diotisalvi  Né- 
roni,  que  îes  émigrés  regardaient  comme  Jeur  chef,  et  il  en 
obtint  l'assurance  qu'il  lui.arriverait  des  secours  de  Bologne 
ou  de  Ferrare,  s'il  pouvait  se  rendre  maître  de  Prato  et  s'y 
maintenir  quinze  jours.  Sur  cette  promesse,  Bemardo  Nardi 
rassembla,  pendant  la  nuit  du  6  avril  1470,  une  centaine  de 
paysans  en  dehors  de  la  porte  de  Prato,  du  côté  de  Pistoia.  Il 
fit  ensuite  demander  au  podestat  d'ouvrir  la  porte  à  un  voya- 
geur qui  était  arrivé  trop  tard.  En  temps  de  paix  on  n'avait 
point  coutume  de  refuser  cette  faveur.  Nardi  se  jeta  sur  celui 
qui  portait  les  clefs  delà  ville  et  s'en  empara;  il  fit  entrer  tous 
ses  compagnons  et  commença  à  courir  les  rues  en  appelant  les 
habitants  de  Prato  aux  armes  et  à  la  liberté.  U  se  rendit 
maître,  sans  résistance,  de  la  personne  du  podestat  César  Pe- 

1  MacclUaveUif  ht.  L.  VII,  p.  336.  —  J.  UUh.  Bruli.  L.  V,  p.  114. 


DU  MOTEIT  AGE.  53 

traoci,  du  palais  public  et  de  la  citadelle;  mais  aucun  citoyen 
de  Prato  n'avait  pris  les  annes  en  sa  faveur  :  tous  regardaient 
avec  étonnement  un  mouvement  tumultueux  qu'ils  ne  pou-* 
vaient  comprendre.  La  Seigneurie  de  Pratx)  s'était  assemblée; 
Bernard  se  rendit  auprès  d'elle  pour  l'exhorter  à  recouvrer 
sa  liberté,  et  à  aider  les  Florentins  à  reconquérir  la  leur. 
Mais  elle  répondit  avec  calme  qu'elle  ne  voulait  d'autre  liberté 
que  celle  dont  elle  jouissait  sous  la  protection  de  Florence.  Ce- 
pendant on  avait  eu  le  temps  de  remarquer  combien  était  petit 
le  nombre  des  satellites  de  Nardi;  les  Florentins  qui  étaient 
dans  Prato  avaient  commencé  à  se  réunir  et  à  s'armer.  George 
Ginori,  chevalier  de  Bhodes,  se  mit  à  leur  tète;  il  attaqua  les 
factieux  y  en  tua  plusieurs,  et  fit  prisonniers  tous  les  autres. 
Cette  sédition,  qui  fut  apaisée  en  cinq  heures,  et  qui  n'avait  point 
causé  dedanger  réd,fut  punie  avecune  excessive  rigueur.  Nardi 
et  six  de  ses  compagnons  eurent  la  tête  tranchée  à  Florence; 
douze  autres  avaient  été  punis  du  même  snppUce  à  Prato;  plu*- 
sieurs  étaient  morts  en  se  défendant,  en  sorte  qu'à  peu  près  tous 
ceux  qui  avaient  pris  les  armes  périrent  victimes  de  leur  im- 
prudence * . 

1472.  — Deux  ans  après,  une. sédition  d'une  nature  plus 
grave  éclata  dans  la  ville  de  Yolterra,  à  l'occasion  d'une  mine 
d'alun  qui  y  avait  été  découverte.  Un  Siennais,  nommé  Be- 
nuccio  Gapacci,  l'avait  prise  à  ferme  de  la  magistrature  de  la 
ville;  mais  comme  il  paraissait  tirer  de  cette  mine  un  beau- 
coup plus  grand  dvantage  qu'on  ne  l'avait  supposé  d'abord , 
et  comme  ce  profit  était  recueilli  presque  en  entier  par  des 
étrangers ,  les  habitants  de  Yolterra  voulurent  se  prévaloir 
dé  quelques  irrégularités  dans  le  premier  contrat  pour  l'annu- 
ler *.  Les  intérêts  privés  et  Tamour-propre  blessé  de  quelques 


1  nie.  KacchiavelU.  L.  VTI,  p.  330-339.  —  Sdpione  Amndrato.  L.  XXIII,  p.  107.  ~ 
Filippo  de  Nerli,  Comment  L.  III,  p.  53.—J.  If.  RrulU  L.  V,  p.  i07.--  *  Antonii  Hyvani 
Cammentariolus  de  BeUo  Volaterrano-  T.  XXlIl,  Rer.  tu  p.  9. 


54  HISTOIRE   DES  KÉVUBLIQUES   ITALIETfffES 

Yolterrans  ayaieat  tdlement  aigri  les  esprits ,  que  ces  qne* 
relies  sur  la  mine  d*aliui  tarent  saiyies  de  batailles,  de  mear- 
tresy  de  Feiil  de  plnsiears  citoyens,  et  enfin  d*ane  réTolntion 
mtière  dans  le  goa\ernemrat  tnmncipal.  Yolterra  était  une 
Tille  alliée  plutdt  qne  sujette  des  Florentins  :  elle  s'était  obligée 
seulement  à  leur  payer  cbaqne  année  miUe  flcHrins,  qui  ne 
faisaient  pas  la  dixième  partie  de  son  revenu,  et  à  reoeyoir 
tous  les  six  mois  un  podestat  de  Florence.  D*  ailleurs  la  magis- 
trature de  la  Tille  était  tirée  au  sort  tous  les  deux  mois,  sui- 
vant l'ancien  usage  des  républiques  italiennes  :  elle  se  gouTer- 
nait  d'une  manière  indépéndimte;  die  fiiisait  et  abrogeait  ses 
lois,  et  elle  nommait  an  coimnandement  d'une  vingtaine  de 
châteaux  cdtués  dans  le  Yolterran.  Des  décemTirs,  créés  au  mi- 
lien  des  dissensions  causées  par  k  découverte  de  la  mine  d'a- 
lun, trouvèrent  f(»:t  maaTais  que  la  r^ublique  de  Florence 
s'ingérât  dans  son  administration ,  et  eût  fait  rétablir  en  pos- 
session de  la  miné  les  entrepreneurs  qui  en  aTaient  été  chassés 
psff  la  force.  Ils  oublièrent,  dans  leurs  rapports  aTec  les  Flo- 
rentins, les  égards  et  le  respect  que  leurs  prédécesseurs  avaient 
toujours  montrés  à  cet  état  protecteur  :  ils  repoussèrent  enfin 
les  conseils  de  Laurent  de  Médicis,  qui  voulait  leur  faire  com- 
prendre leur  impru^nce,  et  qui,  blessé  de  cette  arrogajice , 
opina  ensaite  à  les  soum^tre  par  les  armes  ' . 

Les  Yolterrans  avaient  d^  envoyé  des  ambassadeurs  à 
plusieurs  puissances  de  l'Italie,  pour  demander  leur  protec- 
tion, et  les  émgrés  florentins,  qui  cherchaient  toutes  les  occa- 
sions d'attaquer  le  gouvem^nent,  leur  promettaient  de  l'ar- 
gent et  des  secours.  Leur  révolte  éclata  enfin  le  27  avril  1472. 
Cependant  Thomas  Sodérini  voulait  encore  tenter  de  conti- 
nuer les  négociations.  Ses  rivaux  préférèrent  le  parti  des 
armes,  et  ils  furent  secondés  par  Laurent  de  Médicis,  qui 

1  Antonii  Hyvani  Commenfar.  p.  14. 


DU  UOTEH  AGE.  55 

désirait  sigQakr  son  aâministraticm  par  quelque  exploit  mili- 
taire. Ce  n'est  pas  qu'il  se  rendit  lui-même  à  l'année  :  elle 
s'assembla  sans  lui  sous  les  ordres  4e  Frédéric  de  Montée 
feltrq,  comte  d'Urbin,  et  bientôt  elle  remporta  une  victoire 
accompagnée  de  [>lus  de  honte  et  de  regrets  que  d'honneur. 
Les  Yolterrans  ayaient  rassemblé  péniblement  un  millier  de 
soldats;  leurs  ayant-postes  furent  enlcTés  avec  fadûté,  et 
leurs  antiques  murailles,  ouvrage  étonnant  des  Étrusques, 
furent  ouvertes  par  l'artillerie.  Ils  capitulèrent  vers  le  milieu 
de  juin,  ving-cinq  jours  après  le  commencement  du  çiége. 
Mais  un  soldat  ayant,  au  mépris  de  la  capitulation,  frappé 
et  dépouillé  un  des  anciens  magistrats  de  Yolterra,  qui  venait 
de  déposer  son  emploi,  cet  exemple  de  licence  militaire  fut 
aussitôt  suivi  par  toute  l'armée  des  vainqueurs.  Yolterra  fut 
liyrée  an  pillage  pendant  tout  un  jour;  on  n'épargna  ni  les  édi- 
fices sacrés,  ni  l'honneur  des  femmes  ;  le  gouvernement  munir 
dpalfut  aboli;  une  forteresse  fut  élevée  sur  la  place  du  palais 
épispopal,  et  durangd'alliéela  ville  futréduiteèceluidesujette  * . 

Les  deux  tumultes  de  Prota  et  de  Yolterra  troublèrent 
seuls  la  paix  dont  Florence  jouit  sous  l'administration  des 
conseillers  et  des  ami^  des  jeunes  Itfédicis.  Déjà  leur  pouvoir 
était  assez  établi  pour  que  les  conjuration^  formées  contre 
eux  l'affermissent  en  échouant,  au  lieu  de  l'ébranler.  Mais  à 
cette  même  époque,  l'homme  qui  devait  se  montrer  leur 
ennemi  le  plus  acharné,  celui  qui  devait  promettre  de  l'ap- 
pui à  de»  conspirations  nouvelles,  et  les  sanctifier  par  ses 
bénédictions,  Sixte  lY,  était  élevé  au  poste  le  plus  éminent 
de  la  chrétienté. 

Le  danger  que  les  invasions  des  Turcs  faisaient  courir  à 
l'Italie,  était  si  univ^sèllement  senti,  un  si  grand  effroi  avait 

1  AntonU  Hyvani  Commentarlolus  de  Belio  yoUUerrano.  T.  XXIII,  p.  5-30.— Sdptone 
AmnOrato,  h.  XXIII,  p.  ui.  —  KaccMaveUi  Istor»  L,  VII,  p.  338-34^  Annides  ForoU- 
vienses.  T.  XXII,  p.  231. 


56  HISTOIRE   DES   RÉPUBLIQUES    ITALIENNES 

frappé  tous  les  esprits,  qu'il  n'y  avait  pas  dans  le  collège  de» 
cardinaux  un  homme  qui  ne  parût  déterminjé  à  employer 
toutes  les  richesses  de.  l'Église  romaine,  aussi  bien  que  toutes 
les  forces  de  la  chrétienté,  à  combattre  les  barbares.  Un  riou- 
Tcau  pontife,  en  montant  sur  le  trône,  y  portait  toujours  ce 
vœu  qu'il  avait  formé  dans  une  situation  moins  élevée  ;  ses 
premières  congrégations,  ses  premières  lettres  étaient  toutes 
pleines  de  l'ardeur  qu'il  voulait  communiquer  à  tous  les  fi- 
dèles. Mais  dès  qu'il  avait  goûté  quelque  temps  le  plaisir  de 
commander,  dès  qu'il  avait  éprouvé  quelque  temps,  d'une  part, 
la  jouissance  d'enrichir  ses  créatures ,  de  satisfaire  ses  propres 
goûts,  ou  ceux  des  hommes  qui  lui  étaient  chers,  d'employer 
enfin  les  trésors  de  l'Église  à  contenter  ses  passions,  non  plus 
à  défendre  la  chrétienté,  tout  son  zèle  se  refroidissait,  il  trou- 
vait des  prétextes  pour  se  dispenser  de  concourir  à  la  croi- 
sade que  lui-même  avait  préchée,  et  ceux  à  qui  il  avait  mis 
les  armes  à  la  main,  devaient  s'estimer  heureux  s'il  ne  pro- 
fitait pas  del'occupation  qu'il  leur  avait  donnée,  pour  lesatta- 
quer  dans  leurs  foyers  et  les  dépouiller. 

Ce  refroidissement  progressif,  qu'on  avait  pu  observer  dans 
Calixte  IH,  dans  Pie  II  et  dans  Paul  II,  devint  plus  frappant 
encore  dans  Sixte  IV.  Depuis  le  pontificat  de  Nicolas  Y,  le 
sceptre  de  l'Église  était  tombé  successivement  dans  des  mains 
toujours  moins  pures,  et  cette  dégradation  progressive  devait 
avoir  pour  terme,  à  la  fin  du  siècle,  le  pontificat  scandaleux 
d'Alexandre  VI.  François  de  la  Rovère,  élevé  au  Saint-Siège 
sous  le  nom  de  Sixte  IV,  y  était  monté,  à  ce  qu'on  assure,  par 
des  intrigues  simoniaques.  La  voix  du  cardinal  Orsini  avait  été 
achetée  par  la  promesse  de  l'emploi  de  trésorier  ou  camerlengo; 
celle  du  vice-chancelier,  par  l'abbaye  de  Subbiaco  ;  celle  du 
cardinal  de Mantoue,  par  l'abbaye  de  Saint-Grégoire  ^ .  De  cette 

>  Stefano  Infessura,  Diario  Bomano,  p.  1142. 


UV  MOYEN   AGE.  57 

manière,  le  cardinal  Bessarion,  qui  avait  parud*abord  réunir 
le  plus  de  yoix,  et  le  cardinal  de  Pavie,  qui  aurait  également 
honoré  la  tiare,  furent  écartés,  non  sans  qu'ils  entrevissent 
eax-mêmes  les  intrigues  qui  les  avaient  repoussés  *. 

L* Église  entière  avait  retenti  de  plaintes  contre  l'avarice 
de  Paul  II  ;  on  l'avait  vu  accumuler  les  revenus  des  bénéfices 
ecclésiastiques,  qu'il  laissait  pendant  de^  longues  années  sans 
possesseurs  ;  on  ne  lui  connaissait  aucun  favori,  aucun  faste, 
eucune  dépense  ruineuse  ;  on  savait  que  son  goût  était  d'en- 
tasser des  trésors  sans  en  faire  usage,  et  on  lui  avait  souvent 
entendu  dire  à  lui-même  que  ses  coffres  étaient  remplis  de 
sommes  immenses.  Cependant  Sixte  lY  déclara  n'y  avoir 
trouvé  que  cinq  mille  florins  ^.  Mais  la  richesse  subite  de  ses 
neveux,  et  le  luxe  scandaleux  qu'ils  étalèrent  aussitôt  aux 
yeux  de  toute  l'Europe,  firent  soupçonner  que  le  trésor  du 
dernier  pontife  n'avait  point  été  à  l'abri  de  leur  spoliation. 

Sixte  lY  avait  quatre  neveux  dont  l'élévation  rapide  fut  un 
objet  de  scandale  pour  toute  la  chétienté.  Léonard  et  JuUen 
qui  portaient  comme  lui  le  nom  de  la  Bovère,  étaient  fils  de 
son  frère/ Pierre  et  Jérôme Riario  étaient  fils  de  sa  sœur.  Des- 
bruits  honteux  attribuaient  la  naissance  de  ces  derniers  à  un 
inceste  ;  d'autres  cherchaient  une  cause  plus  infâme,  s'il  est 
possible,  à  la  prédilection  insensée  de  Sixte  lY  pour  ces  deux 
jeunes  hommes  ;  l'opprobre  de  ces  accusations  était  univer- 
sellement répandu  ;  les  mœurs  et  la  conduite  du  pape  contri- 
buaient à  les  accréditer. 

Cependant  tous  les  intérêts  de  l'élise  et  ceux  de  la  chré- 
tienté étaient  sacrifiés  au  désir  d'agrandir  les  neveux  du  pon- 
tife. Léonard  delà  Rovère  fut  nommé  préfet  deRome  ;  il  épousa 
une  fille  naturelle  de  Ferdinand,  et  à  l'occasion  de  ce  ma- 
riage, Sixte  lY  abandonna  au  roi  de  !Naples  le  duché  de  Sbra, 

1  CardmaL  Popltnsis  epistota  895 ,  p.  733,  et  apud  RayncUd,  Àtmal,  Eccles.  147 1 
S  «6,  p.  333.  ^  *  Vita  Sixii  IV,  Platinœ  tribtaa.  T.  lU,  P.  II,  p.  1057. 


58  HISTOIBB  DES  BÉPUBLIQUES  ITALIE]f]fES 

Arpino  et  toas  les  fiefis  qae  Pie  II  avait  aoqois  à  PÉglise  pen* 
dant  la  dernière  guerre,  et  qae  Paul  II  avait  défendus  si  vi- 
goureusement. En  même  temps,  Sixte  remit  à  Ferdinand,  non 
sans  exciter  de  violentes  rédamations  dans  le  sacré  collège,  ce 
tribut  arriéré  qui  avait  fait  craindre  des  hostilités  entre  le  roi  de 
Naples  et  le  Saint-Siège  * .  Il  len  dispensa  même  àFavenir  pour 
le  reste  de  sa  vie.  Il  s*unit  ainsi  au  prix  des  intérêts  de  son 
église,  par  la  plus  étroite  confédération  avec  le  gouvernement 
napolitain.  Julien  de  la  Bovère,  que  Sixte  lY  fit  cardinal  et 
qu'il  enrichit  de  bénéfices  ecclésiastiques,  fut  ensuite  le  pape 
Jules  IL  Jérôme  Biario  épousa,  par  le  crédit  de  son  oncle, 
Catherine,  UMe  naturelle  de  Galéaz  Sforza  ^.  Mais  ce  n'était 
pas  çnoore  assez  pour  Tambition  du  pontife  :  il  fit  en  1473 
acheter,  pour  Jérôme,  par  son  frère  Pierre,  au  prix  de  qua- 
rapte  mille  ducats  d'or,  la  ville  .et  la  principauté  d'imola,  ou 
Taddéo  Manfrédi ,  qui  soutenait  alors  une  guerre  civile  contre 
sa  femme  et  son  fils ,  ayait  peine  à  se  maintenir  '. 

Quoiqu'un  tel  agrandissement  des  neveux  du  pontife  romain 
fût  encore  sans  exemple  dans  les  annales  de  l Église,  il  pou* 
vait  jusqu'ici  s'expliquer  par  la  cupidité  et  l'ambition  seules. 
Mais  la  prédilection  de  Sixte  lY  pour  son  neveu  Pierre  Biario, 
que  de  simple  moine  franciscain  il  fit  cardinal  prêtre  du  titre 
de  Saint-Sixte,  patriarche  de  Gonstantinople,  et  archevêque 
de  Florence,  donna  lieu  de  soupçonner  des  mOti&  plus  odieux, 
à  tant  de  faveurs.  Pierre  Biario ,  âgé  seulement  de  vingt-six 
ans,  n'était  distingué  par  aucun  talent,  par  aucune  vertu  i  il 
n'était  encore  connu  de  personne ,  lorsque,  dès  le  cinquième 
mois  du  pontificat  de  son  onde,  il  fut  nommé  cardinal.  «  Dès 
«  lors,  dit  Jacob  Ammanati,  cardinal  de  Pavie ,  il  eut  tout 

1  Vitœ  Bxmanor,  Pontif.  T.  III,  P.  II,  p.  1059.  —  Card.  Papienêii  ejpUt  439,  p.  760. 
^AnnaL  Eccles*  1472,  $  56,  p.  247.  —  *  Hieron.  de  Bursel&s,  AmuU.  Banon.p,  90t.  * 
>  VUœ  nomanor.  Pùntlf.  T.  III,  P.  II,  p.  i060.  —  Bier.  de  BurselHs,  Annales  Bono^ 
niemes.  T.  XXIII,  p.  900. 


DU  UOYm  AGE.  59 

«  pouvoir  daus  la  cont.  Son  rang  et  son  faste  dépassèrent  ce 
«  que  croiront  jamais  nos  neveux,  tout  eotnme  le  souvenir  de 
«  ce  qu*ont  jamais  vu  nos  pères.  Quand  il  allait  à  la  cour  on 
«  qu'il  en  revenait,  une  multitude  d*hommes  de  tout  ordre  et 
«  de  toute  dignité  l'accompagnait,  et  aueun  chemin  n'était 
«  suffisant  pour  la  foule  qui  le  précédait  ou  qui  le  suivait. 
<  Chez  lui,  ses  audiences  étaient  bien  plus  fréquentées  que 
«  celles  du  pontife.  Les  évéques,  les  légats,  les  hommes  de  tout 
«  rang ,  affluaient  à  toute  heure  dans  sa  maison.  Il  donna  un 
«  repas  aux  ambassadeurs  de  France,  et  jamais  l'antiquité, 
«  jamais  les  peuples  païens,  n'avaient  rien  connu  de  si  spmp- 
«  tueux.  Les  préparatifs  occupèrent  plusieurs  jours;  tout  l'art 
«  des  Etrusques  y  fut  recherché ,  y  fut  employé  ;  le  pays  en-* 
«  tier  fut  épuisé  de  tout  ce  qu'il  avait  de  rare  et  de  précieux, 
«  et  tout  fut  fait  avec  le  but  d'étaler  un  faste  que  la  postérité 
«  ne  pût  surpasser.  L'étendue  des  préparatifs,  leur  variété, 
«  les  ordres  des  officiers,  le  nombre  des  plats,  le  prix  des  mets 
«  qu'on  servait ,  tout  fut  enregistré  avec  soin  par  des  inspec- 
«  leurs ^  tout  fot  mis  en  vers,  et  répandu  avec  profusion, 
«  non  pas  dans  la  viUe  seulement,  mais  dans  toute  l'Italie.  On 
«  eut  même  soin  d'en  envoyer  des  exemplaires  dans  les  pays 
«  ultramontains  * .  '« 

Peu  de  jours  après  ce  repas ,  dont  la  splendeur  semblait 
insulter  aux  voeux  de  pauvreté  de  l'ordre  de  Saint-François, 
où  le  cardinal  Riario  avait  été  élevé,  Léonore  d'Aragon,  fille 
de  Ferdinand,  promise  au  duc  Hercule  de  Ferrare,  passa  à 
Borne,  pour  se  rendre  auprès  de  son  époux ,  accompagnée  par 
Sigismond ,  frère  d'Hercule.  Un  faste  plus  extravagant  encore 
fut  déployé  à  cette  occasion  par  le  cardinal  fiiario  ;  un  palais 
tout  brillant  d'or  et  de  soie  fut  élevé  sur  la  place  des  Saints- 

-1  Popîensis  CardinaUs  episiola  548.  Ad  FraticUcum  Gonzagam  Cardinalem,  p.  82f . 
—  AnnaL  Ecclet.  1474.  $  23-23,  p.  356.  —  Onofrfo  PanviniOf  Vita  di  Sis(o  iV,  Ad  cal- 
cem  Placentince,Editioveneta,  1730,  p.  456. 


60  HISTOIRE  DES   RÉPUBLIQUES   ITALIEIÏNES 

Apôtres  9  pour  recevoir  Léonore.  Tous  les  yases  destinés  au 
service  de  cette  cour,  et  jusqu'aux  ustensiles  les  plus  vils, 
étaient  d'argent  ou  de  vermeil  * .  Les  fêtes  succédaient  aux 
fêtes;  en  peu  de  temps  le  cardinal  Biario  se  trouva  avoir  dé- 
pensé deux  cent  mille  florins,  et  contracté  pour  soixante  mille 
florins  de  dettes.  Pour  suffire  à  ces  dépenses  insensées ,  qui 
Calaient  ou  surpassaient  les  revenus  des  plus  riches  souve- 
rains, fiiario  avait  réuni  les  prélatures  les  plus  opulentes  de 
la  chrétienté.  Patriarche  titulaire  de  Gonstantinople ,  il  possé- 
dait en  même  temps  trois  archevêchés,  et  un  nombre  infini 
d* autres  bénéfices. 

Bientôt  Pierre  Biario  voulut  montrer  à  l'Italie  entière  le 
luxe  qu'il  avait  d'abord  étalé  à  Bome.  Il  se  rendit  avec  une 
pompe  royale  à  Milan ,  où  il  arriva  le  V2  septembre  1 473.  Il 
s'y  présenta  sous  le  litre  de  légat  de  toute  l'Italie,  que  Sixte  IV 
lui  avait  donné.  Il  y  fit  assaut  de  magnificence  avec  Galéaz , 
qui  comme  lui  s'enivrait  de  vanité.  On  crut  aussi  qu'ils  s'é- 
taieot  promis  de  s'assister  réciproquement  dans  le  projet,  l'un 
de  se  faire  roi  de  Lombardie,  et  l'autre  pape.  De  là,  Biario  se 
rendit  à  Venise ,  pour  y  chercher,  non  pas  seulement  l'éclat 
des  honneurs  qu'on  lui  décernait,  mais  encore  la  jouissance 
de  toutes  les  voluptés.  On  assure  qu'il  s'abandonna  à  tous  les 
excès,  par  delà  ce  que  sa  constitution  pouvait  supporter.  1 474 . 
—  Épuisé  par  des  débauches  plus  scandaleuses ,  mais  moins 
ruineuses  pour  les  peuples  que  son  faste ,  il  fut  à  peine  de  re- 
tour à  Bome  qu'il  y  mourut  le  5  janvier  1474,  après  avoir 
donné  pendant  dix-huit  mois  à  l'IttJie  le  spectacle  d'un  crédit 
dont  le  scandale  était  jusqu'alors  inconnu.  Avec  lui  commença 
le  Népotisme  y  qu'on  avait  eu  peu  d'occasions  encore  de  repro- 
cher auparavant  à  la  conr  romaine  ^. 

Sixte  IV  semblait  avoir  besoin  d'un  favori  pour  lui  prodi- 

»  Diario di  Stefan.  Infessura.  p.  U4I.— Clo.  Batt.Pigna,  L.  Vllf, p.  7S9.— < Diario  ai 
Stefano  infessura.  p.  ti44.  —  Romanor.  Pontificim  vltœ  p.  t060.  —  Bernard.  Corio , 


nu   MOYEN    AGE.  61 

gtier  toutes  les  richesses  de  TÉglise.  Lorsqu'il  perdit  Pierre 
Biario  qu'il  pleura  amèrement,  il  se  hâta  de  produire  au  grand 
jour  un  autre  de  ses  neveux,  que  sa  jeunesse  avait  jusqu'alors 
éloigné  de  la  fortune.  C'était  Jean  de  la  Rovère,  frère  de  Léo^ 
nard  et  de  Julien.  Sixte  IV  lui  fit  épouser  Jeanne  de  Monté- 
feltro,  fille  de  Frédéric,  comte  d'Urbin,  le  plus  distingué  par 
ses  talents  et  ses  vertus  entre  tous  les  feudataires  de  l'Église^ 
Pour  que  cette  fille  d'un  prince  n'épousât  point  un  simple 
particulier,  le  pape  détacha  du  domaine  immédiat  du  Saint- 
Siège,  et  donna  en  fief  à  Jean  de  la  Kovère  les  deux  villes  de 
.Sinigaglia  et  de  Hondavio  avec  leur  territoire.  Le  consente*- 
ment  du  consistoire  des  cardinaux  était  cependant  nécessaire 
à  cette  inféodation,  et  il  ne  fut  pas  facile  de  l'obtenir.  Le  car*- 
dinal  Julien,  frère  du  nouveau  prince,  mit  en  usage  les  plus 
vives  instances  pour  persuader  ses  collègues  $  le  pape  acheta 
l'un  après  l'autre  leurs  suffrages  par  de  riches  bénéfices,  et  les 
plus  rigides  défenseurs  des  intérêts  de  l'Église  furent  enfin  en- 
traînés par  le  vœu  de  la  majorité  * .  Sixte  lY  voulut  ensuite  re- 
lever la  dignité  du  prince  qu'il  venait  d'attacher  à  sa  famille. 
^Frédéric  de  Montéfeltro,  qui  faisait  prospérer  son  petit  état, 
passait  pour  un  des  meilleurs  généraux  de  l'Italie.  Il  avait 
toujours  une  bonne  armée  sous  ses  ordres ,  qu'il  mamtenait 
comme  condottiere  en  recevant  la  solde  de  quelque  souverain 
plus  puissant.  La  situation  de  ses  états  dans  le  voisinage  de 
Bome  rehaussait  le  prix  de  son  alhance.  Le  pape,  pour  s'as- 
surer toujours  plus  de  lui,  le  décora  du  titre  de  duc  d'Urbin 
le  2 1  août  1474,  avec  la  même  pompe  et  les  mêmes  cérémonies 
qui  avaient  accompagné  trois  ans  auparavant  la  nomination 
de  Borso  d'Este  au  duché  de  Ferrare  *.  Le  gendre  de  Frédé- 
ric passa  bientât  lui-même  à  une  nouvelle  dignité  ;  son  frère 

Bisi.  Milan.  P.  Vf,  p.  976.  —  >  Cardinal.  Papiens.  epist,  S89-S0O,  p.  838, 839.  Lei  cita- 
tioDf  de  Raynaldi  ne  se  rapportent  pas  exactement  pour  ces  épttres.  11  désigne  celles -ci 
comme  étant  S88  et  S89.  —  VUœ  Romanor.  Poniif.  T.  III,  P.  ",  p.  |063.— «  cSxrdin.  Pa- 


62  HISTOtEE  DfiS  EEPUBLtQUXS  ITALIEKllf£S 

Léonard  étant  mort  le  1 1  noyemlH^  1475,  il  lui  succéda  daiu 
la  chaîne  de  préfet  de  Rome.  * 

L'autre  frère  de  la  Boyère,  ce  cardinal  Julien  qtd  dey  ait 
ensuite,  dans  un  ftge  ayancé ,  se  montrer  le  plus  belliqueux 
des  pontifes,  fit  yers  le  même  temps  son  apprentissage  de  Fart 
militaire  dans  Tét^t  de  T  Église.  La  yille  de  Todi  fut  la  pre-* 
mière  scène  de  ses  exploits.  On  ayait  yu  se  renouyder  dans 
cette  yille  Tantlipie  discorde  des  Guelfois  et  des  Gibelins,  qu'on 
aurait  dû  croire  éteinte  après  trois  siècles  de  durée.  Gabriel 
Castellani,  le  chef  des  Guelfes  du  pays,  -y  ayait  été  tué.  Mattéo 
GanaH,  chef  des  Gibelins,  s*  était  rendu  en  quelque  sorte  souye^ 
rain  de  Todi.  Toute  la  province  s'était  soulevée  à  cet  événe- 
ment ,  et  le  souvenir  d'anciennes  offenses  avait  ranimé  les 
haines  avec  autant  de  fureur  que  si  les  deux  factions  avaient 
encore  disputé  sur  les  droits  de  TEmpire  et  de  l'Église.  Les 
habitants  de  Spolette,  le  comte  Giordano  Or«ini,  et  le  comte 
de  Pitigliano  étaient  accourus  au  ^cours  du  parti  guelfe; 
Giulio  de  Yarano ,  seigneur  de  Gamérino,  s'était  déclaré  pour 
le  parti  gibelin.  Au  reste  les  sentiments  qui  avaient  autrefo» 
dofiîné  origine  à  ces  factions  étaient  oubliés  par  toutes  deux, 
et  les  Guelfes  étaient  si  peu  demeurés  les  champions  des 
droits  d&rÉglise,  quele  légat  du  pape  embrassa  la  défense  des 
Gibelins.  Il  entra  dans  Todi  à  la  tète  de  sa  petite  armée  :  il  en 
chassa  les  paysans  qu'on  y  avait  introduits ,  il  punit  les  sédi- 
tieux par  la  prison  ou  l'exil,  et  il  ramena  la  province  à  la  dé- 
pendance entière  du  Saint-Siège.  De  Todi,  Julien  de  la  Bovère 
conduisit  son  armée  à  Spolette.  Orieini  et  Pitigliano  s'en  reti-* 
rèrent  à  son  approche ,  et  la  ville  ouvrit  ses  portes  par  capi- 
tulation. Mais  les  conditions  accordées  aux  habitants  par  le 
cardinal  légat  ne  furent  point  observées;  ses  soldats,  en  dépit 
de  lui,  se  jetèrent  sur  les  citoyens  et  les  pillèrent.  Néanmoins 

piensis.  episiolaSûS^  p.  tZ2.^Raynaldl  Annal,  eccles,  tiU,  S ^1}  P-  256.-F{(œ  Ronais 
Pontif.  T.  m,  P.  !r,  p.  1062. 


DU  uoyeu  agb.  63 

ce  ne  furent  pas  les  soldats  qae  l'Eglise  punit  ensuite  de  leur 
indiscipline:  elle  s*en  prit  aux  habitants  deSp<dette,  auxquels 
le  cardinal  crut  ne  pins  rien  deiroir,  pnisqu*aussi  bien  leur 
capitulation  nayait  pas  été  observée.  Plusieurs  d'entre  eux 
furent  jetés  en  prison ,  d'autres  tarent  exilés,  et  leur  juridio* 
tion  sur  la  province  fut  idiolie  ^ 

Il  ne  restait  plus  à  Julien  de  la  Bovère,  pour  terminer  sa 
campagne ,  qu'à  soumettre  Nicolas  Yitelli,  prince  de  Tipher^ 
Bum  on  Gittà  di  CaAello.  ViteUi  ne  prenait  d'autre  titre  que 
cdui  de  vicaire  de  la  sainte  Église;  il  se  déclarait  prêt  à  obéir 
aux  ordres  du  pape;  cependant  il  maintenait,  dans  sa  petite 
souYcraineté,  une  indépendance  que  ses  ancêtres  lui  avaient 
déjà  transmise  depuis  plusieurs  générations.  Il  repoussa  la 
force  par  la  force  ;  il  remporta  un  avantage  sur  les  troupes 
du  cardinal  Julien,  et  il  demanda  en  même  temps  des  secours 
aux  Florentins.  Ceux«*d  ne  voyaient  pas  sans  inquiétude  la 
turbulence  du  pontife  et  de  ses  neveux,  et  ce  changement  dans 
le  gouvernement  de  l'Église  qui  semblait  en  faire  une  monar- 
chie nalitaire.  Ils  ayaient  encore  lieu  de  craindre  pour  Borgo 
San-Sepolcro,  ville  très  rapprochée  du  théâtre  de  la  guerre, 
qu'ils  s'étaient  fait  céder  par  les  papes,  et  qu'ils  pouvaient  se 
voir  ravir.  Ils  y  envoyèrent  une  petite  armée  commandée  par 
Pierre  Nasi;  en  même  temps,  ib  firent  passer  quelques  secours 
à  Yitelli,  et  ils  excitèrent  ainsi  le  courroux  du  pontife,  qui  ne 
leur  pardonna  pas  de  l'avoir  arrêté  dans  ses  projets  ^.  Le  car- 
dinal, perdant  l'espérance  de  soumettre  Yitelli  par  la  force, 
lui  accorda  une  capitulation  honorable.  Deux  cents  soldats  de 
l'Église  forent  admis  dans  Città  di  Gastello,  en  signe  de  sou- 
mission; mais  le  gouvernement  ne  fut  point  changé,  et  la 


1  Bomanor.  Pontif.  vliœ,  T.  IIL  P.  II,  p.  1061.  —  Onofrio  PanvInOt  VUa  di  Siito  ir, 
p.  457.  —  *  Seipione  ànunirato.  L.  XXIV ,  p.  lis.  Ils  eoTojérent  en  même  temps  me 
ambassade  à  Louis  XI«  pour  demander  sa  protection.  ContinuaL  de  Momirckt»,  Chr, 
VoL  Ul,  t.  119,  T. 


64  fiiSTOlRE  DES  BEPUBLIQUES  lTALI£fl]fl£S 

souveraineté  de  Yitélli  fat  reconnue.  Ce  traité,  an  reste,  fut 
vivement  blâmé  dans  le  sBKsré  collée.  Les  cardinaox  les  pins 
vertueux  étaient  justement  ceux  qui  mettaient  le  plus  de  zèle 
à  étendre  la  domination  temporelle  de  l'Église.  Ds  avaient 
espéré  que  Gitta  di  Gastello  serait  ramenée  à  la  directe  du 
Saint-Siège,  et  ils  considérèrent  les  concessions  faites  à  Yitdli 
comme  contraires^  la  dignité  et  à  la  souveraineté  du  pape  * . 

Si  les  Florentins  avaient  conçu  de  l'inquiétude  à  cause  des 
mouvements  de  l'armée  du  cardinalJuliéb  sur  lenrsfîrontières, 
ils  avaient  plus  lieu  encore  de  s'alarmer  de  la  liaison  intime 
du  pape  et  du  roi  de  Naples  ;  surtout  depuis  que  ces  deux 
souverains  s'étaient  attaché  Frédéric  d'Urbin,  qui  jusqu'a- 
lors avait  été  presque  toujours  capitaine  de  la  république.  Les 
Florentins  avaient  vu  avec  étonnement  ce  Frédéric  se  disposer 
à  faire  un  voyage  à  Naples,  et  ils  avaient  voulu  le  retenir, 
persuadés  que  s'il  se  mettait  une  fois  entre  les  mains  de  Fer-^ 
dinand,  celui-ci  le  traiterait  comme  il  avait  traité  Piccinino^. 
Mais  lorsqu'ils  surent,  au  contraire,  que  le  duc  d'Urbin  était 
accueilli  à  Naples  avec  des  honneurs  infinis,  etnommé  général 
de  la  ligue  du  roi  et  du  pape,  ils  crurent  qu'il  était  temps  de 
se  mettre  en  garde  contre  l'ambition  de  ces  redoutables  voisins* 
D'une  part,  ils  nommèrent  pour  leur  capitaine  Robert  Hala«- 
testi,  prince  de  Rimini;  de  l'autre,  ils  envoyèrent  Thomas  So^ 
dérini  à  Yenise,  pour  y  conclure  une  alliance  plus  intime  avec 
cette  république. 

Les  Yénitiens  étaient  alors  plus  pressés  que  jamais  par  les 
armes  des  Turcs  ;  en  même  temps  ils  s'étaient  compromis  paf 
les  affaires  de  Chypre,  avec  les  deux  plus  puissants  états  de 
l'Italie.  Ferdinand  espérait  toujours  faire  obtenir  la  couronne 
de  ce  royaume  à  sou  fils  naturel  don  Àlfonse,  qu'il  avait 
fait  adopter  à  la  reine  Charlotte,  sœur  légitime  de  Jacques, 

f  EpisL  Card,  Papiens,  570,  p.  iZZ.  —  Baynatdi  Annal  1474,  S  i7,  p.  250.  ^  *  Uoo- 
chiavelH,  i,  Vir,  p,  34S.  —  '  Scipione  Ammirato.  L.  X&IV,  p.  us. 


DU  MÔYEUf   AGÎB.  65 

et  qa*il  avait  fiancé  à  Tautre  Charlotte ,  fille  naturelle  du 
même  Jacqaes.  Tandis  que  les  Génois,  sujets  du  due  de  Milan, 
ne  pouvaient  se  oonsoler  de  la  perte  de  Famagouste,  et  me- 
naçaient d'attaquer  Tlle  de  Chypre  avec  les  troupes  mila- 
naises, ponr  recouvrer  cette  forteresse  \  les  Vénitiens,  in- 
quiets des  prétentions  de  leurs  rivaux ,  saisirent  avec  em- 
pressement Toccasion  de  se  confédérer  avec  tout  le  nord  de 
ritaUe. 

La  négodation  fut  conduite  avec  adresse  à  Milan,  en  même 
temps  qu'à  Yenise  ;  et,  le  2  novembre  1474,  les  deux  répu- 
bliques signèrent  avec  Galéaz  Sforza  une  ligue  défensive  pour 
le  terme  de  vingt-cinq  ans.  Il  fut  convenu  que  chacune  de  ces 
trois  puissances  entretiendrait,  même  en  temps  de  paix,  trois 
mille  chevaux,  et  deux  mille  fantassins  sous  les  armes.  Dans 
une  guerre  continentale,  elles  devaient  réunir  entre  elles  vingt- 
un  mille  chevaux  et  quatorze  mille  fantassins;  de  telle  sorte, 
cependant,  que  lorsque  les  Vénitiens  et  le  duc  de  Milan  con- 
tribueraient chacun  comme  trois,  les  Florentins  necontribue- 
rmat  que  comme  deux.  Enfin,  dans  les  guerres  maritimes,  les 
Florentins  et  le  duc  de  Milan  s'engageaient  chacun  à  fournir 
dnq  mille  florins  par  mois  aux  Vénitiens.  Il  fut  convenu  en- 
core qu^on  inviterait  le  duc  de  Ferrare,  le  pape  et  le  roi  Fer- 
dinand à  entrer  dans  cette  alliance.  Le  premier,  en  effet,  y 
accéda  le  13  février  suivant,  tandis  que  le  pape  et  le  roi 
Ferdinand  se  contentèrent  de  donner  des  assurances  générales 
qu'ils  demeureraieat  amis  des  parties  contractantes,  sans 
vouloir  prendre  aucun  engagement  '. 

Mais,  quoique  l'Italie  se  trouvât  partagée  entre  deux  ligues 
rivales,  qui  s'observaient  et  qui  cherchaient  mutuellement  à  se 
nuire,  sa  paix  intérieure  ne  fut  point  troublée  ;  les  négocia- 
tions où  se  manifestait  le  plus  d'animosité  n'amenèrentjpas  de 

t  VUœ  Romanor.  Poniif.  t.  III.  p.  0»  p.  t06S,-s  Gio,  IMI,  Pigna,  Starta  de'  PHh» 
cipi  éTBste.  L.  YIII,  p.  794. 

Tii.  5 


6Q  HI8TOIBB  DE»  ^FUBUftUSS  ITALIENNES 

résultat.  L'blstoii»  d^  Florence,  pendant  pLomears  luviéai  dç 
suite,  HP  pn^ate  aacim  souYenir  ;  «elle  de  Milaa  es|  à  pçii 
pf^  pdle  :  tous  les  intérêts,  toute  l>clàTité  d^ItalieBS  étaieal. 
à  cette  époque  (ling^  xeis  le  Lev^Bt.  La  guerre  4^  Turcs  qo«- 
ci^^ait  tous  le»  esprits,  et  teoût  «a  éetiec  toutes  les  forcw# 
S§i}|efl[ieat  le  piape,  toujours  plus  aliéné  4^8  Yém^eus,  se  reti- 
T0  ^r^diiâllemeujt  du  combat.  Sa  U73,  l»|l9tjte  faotà&r^ 
cale  avait  secondé  de  tout  son  pouvoir  celle  de  la  républiqgif  ; 
l'aiiDiée  suivante,  elle  n'avait  fait  qu'une  v^ii^ P9^ade  ^  sa 
f orœ  dans  les  mers  de  Rhodes  ;  la  tro^ème  ajmée,  elle  ne 
parut  plus  dans  cette  guerre,  à  laïqueUe  le  Saint-Siège  était  si 
immédiatement  intéressé 

4.vant  la  fin  de  Tannée  1473,  Vahomet  II  avait  envoj4  en 
Moldavie  une  armée  commandée  par  Soliman,  bc^ierbâj  4e 
Bt.QfU»f4&*  l^  souverain  qui  portait  le  titre  de  palatin  et  way^ 
vode  de  Moldavie  «  ét«4t  Etienne ,  digne  successeur  du  fâfFom 
BJl^das  Dracula.  Mais  ses  eff rojables  cruautés  étaient  excitées 
p^  )e  zèle  xeygie^  ^  plus  fervent;  aussi  j^nte  IV,  qui  lui 
^liroja  une  pm^e  4^  Tf^iBant  pprodnit  par  to  indulgeràes, 
l*iy)pelait-il  dans  toutes  ses  lettres,  so»  fil»  chéri,  le  vrai 
athlète  du  Chriit  ^  Étbsnne  ne  tenta  point  de  livrer  bataille 
aux  Tnnps  j  pour  défendre  son  pays;  il  le  ravagea  au  contraire 
devant  eux  avec  tant  d  activité ,  que  les  Musulmans.,  en  avaft- 
çaj;it ,  ne  trouvèrent  bientôt  plus  aucun  moyen  de  subsistance* 
Apris  qgie  leur  armée,  épuisée  par  la  faim  et  la  maladie,  ent 
^erd^u  son  courage  aussi  bien  que  ses  forces,  le  wayvode  l'at- 
taqua le  17  janvier,  près  du  marais  de  Backovieckz,  et  la 
défit  i^njtiè^ment.  U  eut  ensuite  l'atrocite  de  faire  empakr  tons 
ses  p^onnij^ ,  à  la  réserve  de  quelques  officiers  généraux  ^ 
^  et  le  même  historié  qui  raconte  cette  barbarie,  ajoute  inuné- 
diateq^ent  q^e,  «  loin  de  s  abandonner  à  l'orgueil  après  cette 

1  Bulle  de  Janvier  I47tf.  In  Hbro  BuUaruaL  U  XXIII,  p.  91.  —  Aimal^t  EecUsâUu^ 


^  tt)6ÉMi  fulie  joon  M  pahi  et  à  Peani ,  et  qaMl  fit 
1^  poUter  diM  tMi(  8M  f9y  q»  péraMner  ii'eM  raadace  de 
«  g'niltrikwr  >  lii  imUaioit  Iwiwm  weeès,  nwrig  qoe  chacnii 
«  «a rtf^peitÉl k  gte» tel  iitta  à  Mes*.  «LewayTode 
»MfaM  If^pMM  fndni  kftéMix  Maée»  ânitaiites,  sand 
liTier  46  beHiMt^  héb  sa  eavaleria  Hgèie,  Tolfigeant  sana 
oeifie  mm  teflaMiiéft  Ifamrfe  aMMdflume,  hii  enteta  des  ntiK 
lÎM»  de'HWMMMniy  fo^Élieiiiie  il  le»  éooreher  tivants  oq 
f^pahif  ^« 

I  La  be^MTbqi  èa  SoaMnie  aTaal  rélMS  mm  armée ,  aprèa 
s»  ijUrtote  d»BMiUMMQkz,  itel  m  eammeneettieiit  de  mai 
147 4>  HKUee  la  aiége  éaTaflU  Beviaii,  Fane  dès  plus  fortes 
^Uca  «M  b»Téftitieaa  pesBédaaaent  dans  r  ABNiiiie  *.  Les  La- 
tWEi  aminnk  qp»  ie|i«iiii  aTSit  amia  ses  ordres  soiiaote 
hfWM»«  fimaadés*  sons  M  par  sept  sangiaks.  Antoine  Lo- 
redano  était  chargé  de  la  défense  de  Sentarl ,  atee  les  titres  de 


et  4ÈmollÊè  ê»  CriMfie ,  aa 
du  xvi<^  siMA»  Omnfc  JUilta»  u^  w,  #»ik  in.  mipuli^  ^mmiI.  flp« 
ciet.  t4f4,  S  10,  p.  354.  ^Andréa  Ifavagiero,  Storia  VeneUana.  p.  W44*  BUenae, 
w»ywéi  d»  Vtlaoiil»  M  A»  IHwiit  mtvmàm  liérot  htorf»  de  DlDgoM,  hhtorieD 
PQlonaiy,  soo  eonimiportiii»  En  iMT*  tt  «raii»  «liafa  MatUafCiirriaiii  (U  Xliv, 
pu  4i8)t  «Il  1M9,  il  aTait  vaiDCU  Pierre,  ton  compétiteur,  et  eoiuite  iei  Çasaquea  Z«r 
poiovH)  «1  a  «Tait  eufeèfl«r  le»  oui  ai  Ibf  anirai  IM  pldt  eft-of aMei  cfuauiét.  i6. 
p.  445, 450.  U  avait  ensuite  (mU  U  guarsa  A  ladali  Slade  QMi»  imnte»  wafvode  di- 
BeÉMnOïke,  et  il  l'avait  forcé  à  le  Jeter  dans  lei  braa  des  Turcs,  p.  50a,  Si«.  Enfla»  m 
Tictonia  wféÊ  det  naraif  de  EaakiMrteala  al  do  Seute  Berldd,  sur  lebegHerbey  de  Ro- 
manie,  le  supplice  de  tous  les,  captif  s,  m  to  Jate»  daa  laiaiqveiirit  a»  piia*al»A  Haan,- 
sont  rtMOBtéasavee  les  mêmes  circonstances  par  Dlugoss  et  par  Micbovias.  Ifisi.  Pohn, 
l^&Ulty>H»,    Saw irraaciiani».  L.m  dha^nSM^p.  ut.^* KafflUtiOus  Annai. 
Eccles.  1406,  S  6  et  7,  p.  2d5.—  '  Marinas  Bariaiiua,  le  mé«Mta««Mal'B#u^de«M»  1» tria- 
de saaoderbeg,  codimence  son  histoire  du  second  siège  de  Scutari«  sa  pairie,  par  une 
bqnn»  daasripiia»  di  ceae  lilh,  U  aooi  «ppwiid'qiWli»'ats»'  été  dbnnée  en  gage  à  la 
Seigneurie  de  Venise,  par  George  BalsUscht  saignaur  épitote,  aalawp>wiM»M»»'aiMr 
erde^SeMiderbeg;  que  la  vUte,  ruinée  par  les  incursions  précédentes  des  Turcs,  ne  s'é^ 
tqsdait  pto% qpiwaa  auiwayaai»  dw  dani  aMéidoraMieii  lit  de  la  ritfère  Lodrtno,  qui 
se  jetait  autrefois  dans  la.  Bogpana»  et  qui  baigna  m^tw^bn^  l^fasusr'al'déiiottcbd  daaa 
l»aerA  dit  lUiNes  de  distance.  Scuuri  était  dés  lors  resserrée  prés  da  confluent  de  eea 
deux  rivières,  dans  l'enceinte  même  qui  servait  de  forteresse  i  oetla  vitta«  au  (an|»dB 
sa>p*<i>giiiia  pwspétilé.  JAarWfu  BartetUu,  de  Seodrensi  ejpptqyuMiosd.  U  1|  p»  iai« 
&uao  BasiUmiit^  foL  15M«  éd  calcm  LwM  CMcocondyta;. 


68  HfSTOtEB  DES  b£pOBUQU]»  ITALlEKNIIâ 

capitaine  et  comte  de  la  "ville.  Les  mors  deScatari  étaient  fai** 
blés  ;  ils  furent  biratôt  entr'onTerts  par  Tartillerie  ;  les  Turcs 
avaient  alors  dans  cette  arme  nne  grande  sapériorité  sur  les 
chrétiens.  Mais  Loredano  faisait  âever  des  remparts  de  terre 
derrière  les  murailles  abattues,  et  trouTait  des  ressources  dans 
la  situation  ayantageusé  du  terrain;  toutes  les  Tilles  d'Albanie 
ajant  été  bâties  dans  des  lieux  naturdlement  très  forts.  Le 
provéditeur  Ludano  Boldù  voulut  introduire  un  renfort  dans 
la  place;  sa  petite  armée  fut  mise  en  fuite.  Les  assiégés  avaient 
épuisé  leurs  provisions;  Teau  surtout  leur  manquait»  et  la 
faible  ration  qu*on  donnait  encore  aux  soldats,  devait  mettre 
à  sec  dans  trois  jours  la  dernière  dterne,  lorsque  vers  le  milieu 
du  mois  d'août,  Soliman  donna  un  assaut.  Il  fut  soutenu  avec 
vaillance  pendant  huit  heures  ;  les  Turcs  y  perdirent  trois  mille 
hommes,  et,  en  abandonnant  enfin  le  combat,  ils  se  détermi- 
nèrent aussi  à  lever  le  siège  * . 

L-armée  turque,  qui  avait  assiégé  Scutari,  avait  fait  une 
perte  prodigieuse  par  les  maladies  qu'engendrait  le  terrain 
marécageux  où  elle  était  campée.  Sabellico  porte  cette  perte 
à  seize  mille  hommes.  L'armée  vénitienne  n'avait  pas  mieux 
évité  l'influence  du  mauvais  air.  Gritti  et  Bembo  avaient  été 
envoyés  les  premiers  avec  six  galères  à  l'embouchure  de  la 
Bogiana,  rivière  qui,  recevant  les  eaux  du  lac  de  Scutari,  se 
jette  à  la  mer  entre  Duldgno  et  Alessio.  Pierre  Mocénigo  était 
venu  ensuite  au  même  mouillage,  avec  la  flotte  qui  avait 
soumis  l'île  de  Chypre;  tous  trois  tombèrent  successivement 
malades,  et  furent  forcé»  de  se  faire  porter  à  Gattaro.  Les  ma- 
telots et  les  soldats  de  marine  furent  plus  exposés  encore  à 
cette  fatale  influence.  L'armée  que  Boldù  rassemblait  en  Alba- 
nie ,  et  à  laquelle  se  joignit  Jean  Gzemowitsch  avec  plusieurs 
braves  Épirotes,  ne  fut  jamais  assez  forte  pour  se  mesurer  avec 

i  Marinus  Barletlus^  De  Scodrensi  expugnatione,  L.  II ,  p.  893.  —  Cor iotoit»  Cepk», 
De  %eb.  renetorum»  L.  Ul,  p.  367. 


DU  MOYEN  AGE.  69 

les  Turcs;  et  tandis  qu'elle  attendait  des  renforts,  la  maladie 
loi  enlevait  les  soldats  qu'elle  avait  déjà.  Enfin  les  habitants 
de  Sctttari ,  aussitôt  que  l'armée  musulmane  fot  partie,  cou- 
rurent en  foule  sur  les  bords  de  la  Bogiana  pour  se  désaltérer, 
après  une  privation  d'eau  si  longue  et  si  cruelle  ;  mais  un  grand 
nombre  d'entre  eux  furent  victimes  de  l'excès  de  boisson  qu'ils 
y  firent;  à  peine  avaient-ils  étanché  leur  soif,  qu'on  voyait 
leurs  membres  se  raidir,  et  qu'ils  tombaient  frappés  d'une  mort 
subite  ^ 

La  république  de  Venise  témoigna  aux  braves  habitants  de 
Scutari,  et  à  leur  commandant,  la  reconnaissance  que  méritait 
leur  fidélité.  Elle  fit  suspendre  le  drapeau  des  premiers  dans 
l'église  de  Saint-Marc,  pour  qu'il  y  demeurât  en  monument 
de  la  constance  de  cette  ville,  et  elle  créa  chevalier  Antonio 
Lorédano,  qu*elle  âeva  rapidement  aux  fonctions  de  prové- 
diteur  et  de  capitaine  général  ^. 

1475.  —  Pendant  l'hiver  qui  suivit  le  si^  de  Scutari, 
les  Vénitiens  cherchèrent  à  faire  quelque  traité  avec  les 
Turcs.;  mais  les  prétentions  du  grand-seigneur  furent  trop 
exorbitantes  pour  qu'ils  pussent  s'accorder  avec  lui.  En  même 
temps  ils  demandèrent  à  leurs  alliés  des  secours  pour  la  cam- 
pagne suivante.  Le  duc  de  Milan  leur  paya  fidèlement  le  sub- 
side auquel  il  s'était  engagé;  le  pape,  au  contraire,  après  avoir 
nommé  dix  cardinaux  pour  s'occuper  de  la  guerre  des  Turcs , 
se  refusa  à  y  prendre  part.  La  république ,  irritée  de  cet 
abandon,  rappela  l'ambassadeur  qu'elle  avait  à  Kome  '. 

La  campagne  de  1475  fut  marquée  par  peu  d'événements. 
Soliman,  beglierbey  de  Romanie,  vint  mettre  le  siège  devant 
Lépante,  forteresse  des  Vénitiens,  dans  l'Étolie,  à  l'entrée  du 


>  ^ndi*.  Navagierot  Stor,  Venez,  p.  1141-1143.  —  Cortolanus  Ceplo,  L.  III  p.  303-368* 
-^Raynald.  Ann,  EccL  iiU,  S.  12, 13,  p.  254.— JT.  A.  SabelUco.  Deçà  III,  L.  X,  f.  239- 
231.  —  <  ^ndi*.  tiavagierop  Stor,  fene».  p.  1U3.— M.  A*  SabelUeo,  Deot  Ul,  L.  X,  f.  232. 
—  8  Andr.  Navagiero»  p.  U44. 


70  HISTOIRE  DBg  ||]£pinNLiQU]»  ITALIElOrES 

ffiVe  cte  C^riiithe.  Depail  loi^tanitMi  les  mars  de  cette  \ilte 
n'aTaieiit  point  été  n^piré«,  et  ils  tombaieiit  en  raine;  mais 
son  assiette  9W  des  rpebem  eseaipés,  qui  la  fennaîent  du  côté 
du  nord,  et  qae  snrmoiifiiit  oa  km  ebfttean ,  Ini  tenait  liéa 
d'oQTrages  de  l'art*  Entre  ces  rocbers  et  le  port ,  les  Vénitiens 
ereusèrçnt  dm  fossés  deifière  les  bi^tebes  des  mnrailles ,  et  ils 
les  appuyèrent  de  bonlevards,  Cinq  cents  dieyau-légers  étaient 
entrés  d^us  U  viUe,  et  lewi  fréquentes  sorties  forent  toutes 
couronnées  par  des  succès.  Antoine  Lorédano  occupait  le  golfb 
9Tec  14  flette  ¥éq|tien9e)  et  il  ne  ImNÂt  manquer  Lépanle  ni 
de  TivreSi  ni  d'ermeSi  m  de  trompes  finatobes.  Après  quatre 
mois  d'une  attaque  niutile,  Soliman  reconnaissant  qu'il  n'aTait 
fait  nucnn  progrès,  se  résolut  à  loyer  le  siège  *.  A  la  fin  de  la 
même  campagne,  la  flotte  ottomane  fit  une  tentatiTe  sur  le  châ- 
teau de  Goeeiiio,  dans  l'Ile  de  Lemnos  ;  son  artillerie  fit  une 
brèche  aux  murailles,  mais  rapproehe  de  Lorédano  avec  la 
flotte  TâiitiaiBe  loifa  len  Tuies  à  se  retirer  >. 

Gependimt  la  même  mméè^  une  anttre  des  républiques  ita- 
liennes fut  enipigée,  ttalgré  éHe^  éâns  1$  guen^e  avec  les 
Turcs,  Iiss  Génois  possédaient  eacsare  Calfa  tm  Grimée,  que 
les  andeua  QOiBffli»ient  Thiodmi^,  el  eelte  ViBe,  la  plus  pois-> 
saute  de  leurs  cok^uies,  élail  «Oiri  le  mardUI  U  {tfos  e^bre» 
de  tout  le  Pon^Buini,  Gafist  demewée  ph»  de  deux  siècles 
sous  logomyero^EBeot  des  GéMHs»  amât  acquis  une  population 
et  une  riebesse  qui  Vég^daient  presfue  à  là  métropole.  Lé  kan 
des  Tartaresi  au  aailieiides  états  docpMl  cette  Ville  était  située, 
ayait  reoenim  que  sa  prospérité  faisait  k  richesse  de  ses  pro- 
pres sujeto.  Gi^  ébût  le  marehé  ds  toutes  les  productions 
du  Ncffd  :  les  bois^  la  cire,  les  pelleteries,  seraient  demeurés 
sans  valeur  entre  les  mains  des  Tartares,  si  les  marchands 
génois  ne  s'étaient  présentés  pour  les  acheter.  Aucune  des 

»  M.  AfH.  MMcê.  Dwet  m»  L.  X.  &  ssa.  *^  jTimatffti'Oi  p^  nm.  Hais  il  rapporte  ee 
siège  àran  1477.-*  M.  JLSabeUieo.  Deea  m,  L. X,  t  9i^ 


t/ti  iiofiÊ  AGI.  71 

jèoiinuices  M  te  yie,  atiettU  pttàm  de  fart  èèH  pèttt^èd  ffltift 
dvilisés  ne  parreaait  dans  ces  déserts,  autrement  que  pfit  Ité 
mardiands  d'Itàlte.  L'Eorope  ddttfnmfii^Udt  aveti  I*Oriènt 
par  rentrdâiisè  desCfénois  de  Gaffa;  les  étoffés  de  soie  et  de 
cDtooi  fàbiKitiées  M  Perse,  les  denrées  et  lès  é(»léèriM  de 
rinde,  j  parvenaJéùt  piai^  Astraean^  et  les  flHned  â«  (Mtmè 
étaient  exploitées  pour  le  compte  des  Liguriens.  Le  kan  lotir 
aYatt  acooràé  des  privU^es  extraordinaires  :  il  attit  pef  fftiff 
que  les  magistrats  génois  jugeassent  tous  les  ptffidèi  9ê  ^ 
propres  sujets,  jusqtf  à  tfne  certaine  distance  de  lêflf  titfi;  tl 
les  consultait  toujours  dans  ta  nomination  du  goutemmr  de 
la  province,  et  il  montrait  tme  grande  èetéteiÈte  pont  ftiméÈ 
te»  d^Qûtandes  de  cette  dié  puisisante.  Le  gouTemeiolètA;  êd 
<$ette  edtotiie  était  eoinposé  d'un  comseil  nommé  etefQile  SetHeb 
par  le  sénat  de  Géûes,  et  deux  asdesseors  et  de  i^uMfé  jilges 
descffifiapàgnes*. 

Les  conquêtes  ût  ttiAoïaet  tl  et  sa  haine  pour  le  mm  la- 
tin avaient  donùé  aul  Génois  de  Pinquîétûde  inr  ledf  co- 
lonie. La  mer  Noire  étalf  fermée  à  leurs  vaisseaux,  où  du 
moins  ib  ne  pouvaient  traverser  rHellespont  et  le  Bosphore, 
qn*en  se  sMifuéttant  aux  avanies  des  Turcs.  Ils  m  pod^aleiit 
envoyer  par  mer  des  soldats  à  Gaffa,  et  ils  craignaieAt  cepen- 
dant ^e  cette  place  n'en  eût  un  pressant  besoin.  Gerio,  ca- 
pîfaiiïe  d'une  compagnie d'aventoriers,  leur  offrit  de  eoiridulNr 
par  terre  en  Grimée  cette  compagnie  qui  était  d'environ  cent 
cinquante  cavaliers^  pourvu  qtf  on  lui  assurât  une  pi^e  pro*- 
portionnée  à  une  expédition  A  difficile,  et  qui  le  paraissaîl! 
plus  encore,  à  cause  des  tàoièbres  dont  la  géogrq^hîe  état 
alors  enveloppée.  En  effet,  Cerio  sortit  d'Italie  pai^  lé  tnxiïï', 
û  traversa  la  Hongrie,  nue  partie  de  hi  Pologne,  et  enfin  nne 
partie  de  la  Petite-Tartarie;  et  après  un  voyage  de  jHuô  dé 

1 9benus  FoBetût  Genums,  Bist.  U IX,  p.  639. 


72  HISTOIBB  DES  BÉPUBLKyJBS  ITALIENNES 

douze  omts  miHeSy  il  amena  ses  cavaliers  sains  et  saojb  à 
Caffa«. 

Ce  renfort  était  peu  considérable,  et  cependant  les  magis- 
trats de  Gaffa,  jugeant  de  leur  importance  et  de  I^r  pouvoir 
par  les  égards  qu'on  avait  pour  eux,  avaient  provoqué  les 
plus  dangereux  ennemis.  A  la  mort  du  gouverneur  de  la  pro- 
vince où  Gaffa  est  située,  le  kan  des  Tartares  lui  avait  donné 
pour  successeur  Eminécés  (Eminachbi  d'après  Barbare)  ', 
que  les  Génois  avaient  reconnu.  Son  prédécesseur  avait  laissé 
un  fils  nonmié  Séitaces,  qui  pour  s'élever  à  la  place  occupée 
par  son  pare,  séduisit  à  prix  d'aif;ent  les  magistrats  de  Gaffa, 
et  réussit  à  employer  leur  crédit  auprès  du  kan.  Il  fit  tant 
par  leurs  instances,  par  leurs  menaces  même,  que  l'empereur 
tartarelconsentit  à  destituer  Eminécés,  et  à  nommer  Sâtaces 
à  sa  place.^Hais  au  milieu  d'un  peuple  de  pasteurs,  l'autorité 
du  monarque  était  quelquefois  peu  sentie,  et  ses  ordres  peu 
respectés.  Eminécés,  courroucé  contre  l'empereur  tartare,  et 
plus  encore  contre  les  Génois,  s'associa  deux  autres  chefs  de 
sa  nation,  Caraimerza  et  Aidar.  Avec  leur  aide  il  souleva  tous 
les  Tartares  de  la  Grimée,  et  vint  mettre  le  siège  devant  Gaffa; 
en  même  temps  il  fit  demander  des  secours  à  Mahomet  IT.  Le 


*  Samortno^  Origine  e  Jmperio  de'  Tvrcki.  L.  II,  U  167,  v».  Uoe  antre  tentatiTe  des 
Génois  de  Gaffa,  pour  augmenter  leur  garnison,  ayail  eu  un  sueeès  moins  heureux. 
Galeazio,  l'un  des  magistrats  de  celle  colonie,  ayait  passé  en  Pologne  en  1403,  et  ob- 
tenu du  roi  Casimir  la  permission  d'y  faire  une  leyée  de  cinq  cents  cavaliers  ;  mais 
eomme  il  les  conduisait  vers  Gaffa,  en  traversant  les  provinces  russes  qui  dépendaient 
des  Lithuaniens,  ces  soldats,  mal  disciplinés,  brûlèrent  le  bourg  de  Bracslaw.  Michel 
Csartoryski,  seigneur  de  la  province,  les  suivit  pour  en  tirer  vengeance,  et  les  ayant 
atteints  sur  les  rives  du  Bug,  il  les  massacra  tous,  à  la  réserve  de  Galeszzo  et  des  ci- 
toyens de  Gaffa  qui  l'avaient  acoompagné.  Dlugosêi  Hist.  Polonicce.  L.  Xin,  p.  318. 
—  t  Joseph  Barbare,  le  même  qui  fot  envoyé  an  travers  de  la  Scythie  à  Hussmi  Gassan, 
raconte  cette  gnerre  d'une  manière  un  peu  eonfose.  Cependant  son  long  séjour  à  Gaffa 
été  la  Tana,  où  il  avait  vécu  comme  marchand  presque  dès  son  enrance,  sa  connais- 
sance de  la  langue  tarUre,  et  ses  liaisons  dans  le  pays,  rendent  sa  relation  un  des  mo- 
numents les  plus  curieux  du  siècle.  Elle  a  été  recueillie  par  Jacob  Gender  d'HeroItxberg, 
et  imprimée  à  la  suite  de  V Histoire  de  Pêne  de  P.  fiisorro,  Francfort,  in-foL ,  J60i, 
sur  la  prise  de  Gaffa,  v.  p.  458. 


ou  MOYJSN  AGJS.  73 

sultan,  toujours  empressé  de  faire  sur  les  chrétiens  one  oon- 
quête  nouvelle,  envoya  devant  Gaffa  la  flotte  considérable 
qa*il  avait  préparée  contre  Candie.  Le  siège  entrepris  par  les 
Tartares  avait  déjà  duré  six  semaines,  lorsque  Ahmed,  qui 
commandait  cette  flotte,  jeta  l'ancre  devant  Gaffa,  le  1^  juin 
1475,  et  planta  ses  batteries  contre  les  murs  de  la  ville.  Les 
fortifications  de  Gaffa  avaient  toujours  paru  inexpugnables  à 
des  armées  tartares ,  qui  ne  les  attaquaient  qu'avec  leurs 
sabres,  leurs  flèches  et  leur  cavalerie  légère;  en  peu  de  jours 
l'artillerie  turque  y  fit  de  larges  brèches.  Pendant  quatre 
jours  encore  les  habitants  défendirent  les  brèches  ouvertes  et 
praticables  ;  ils  signèrent  enfin  une  capitulation  qui  ne  fut 
point  observée.  Un  grand  nombre  de  sénateurs  et  d'anciens 
magistrats  furent  livrés  au  supplice  ;  quinze  cents  enfants  fu- 
rent conduits  à  Gonstantinople,  pour  être  élevésj[)armi*les  ja- 
nissaires; le  reste  des  Latins  fut  transporté  à  Péra,  et  la  do- 
mination des  Génois  sur  la  mer  Noire  fut  détruite  * . 

Du  côté  de  la  Hongrie,  Mathias  Gorvinus  ne  répondait 
point  aux  instantes  soUidtations  des  Vénitiens,  et  ne  tentait 
aucune  diversion  importante.  Gependant  il  prit  cette  année 
la  forteresse  de  Schabatz,  qui  menaçait  la  Sirmie,  mais  il  ne 


<  LaudivUtt  Vezanensis,  LunMiU  Bgues  HierosoL  Cardinalis  Pàpiensis  epUU  661, 
p.  873.  -'Vbertus  Folieia,  h.  XI,  p.  627-628.  P.  Blzwrro.  S.  P.  Q.  Gen.  HM.  L.  XIV, 
p.  ziT  ,^  Agostino  Giustinianl,  Ann,  di  Genova,  L.  V,  f.  236.  —  Tttrco-Gneclœ  HlsL 
Poiit,  L.  r.  p.  25.  —  Jtayna^d.  ann,  M75,  p.  262.  Le  kan  ou  empereur  des  Tartares 
était  alors  Kurduwald,  qui  ayait  succédé  en  1466  à  son  père  Eesiger  Gierai  {Dlugost. 
Hisf.  Polonicœ,  L.  XIII,  p.  403).  H  régnait  encore  en  i478  (Ibld.  p.  566);  mab  son  au> 
torité  était  assez  mal  reconnue.  Les  habitants  de  Caffa  ayaient  engagé,  en  1469,  son 
frère  Mengili-Gierai  à  se  révolter  contre  lui  (Ibid.  p.  438).  Son  autre  ftère  Aidar  avait, 
au  mépris  de  ses  ordres,  envahi  la  Russie  et  la  Podolie  avec  une  armée  tartare  en  i474 
{Ibld.  p.  514),  et  les  bourgeois  de  Caffa  s'étaient  accoutumés  à  se  croire  les  arbitres 
des  princes  tartares  leurs  voisins.  La  conquête  de  la  Bessarabie  par  Mahomet  If,  en  i474, 
aurait  dû  leur  faire  ouvrir  les  yeux  sur  leur  danger.  La  prise  de  Gaffa  répandit  dans 
tout  le  nord  une  consternation  d'autant  plus  grande,  que  cette  ville  était  le  seul  point 
de  communication  entre  les  Européens  et  les  Persans,  également  ennemis  des  Turcs,  et 
que  les  chrétiens  sentaient  le  besoin  de  se  concerter  avec  les  sectateurs  d'Ali.  {Dlugoss, 
mst,  Polon,  U  XUI,  p.  583.)  MengUi-Gierai,  qui  fut  trouTé  par  Aebmet  Giedik  dans  les 


H  HISTOIRE  DM  tâPtÈtlttÇti  irALIENlIES 

partà  pm  m  mmeè  f^lat  avattt  *.  De  mitm  ^oifb,  diez  lé§ 
]itti6Cllfli«iis  ooinmê  chez  les  éhîëtieliM^  teâ  (teUflleii  étaient 
épalfléë  ptir  nue  longue  geerré,  et  aftenn  èffdft  vlgolii^ox 
fi'annôti^t  pluB  de  grands  éVéneitietits. 

nrart  dA  Gift,  «û  il  tiéMU  mil  toi»  là  pMiei^kim  M  ûèmAn  m  ^  reçot  alors  fld 
Mahomet  II  une  armée  avec  laquelle  il  vainquil  son  frère,  hii  le  premier  kan  des  Tarlaret 
<^ii  reçut  fimreifiture  des  Tures,  et  qui  fit  réciter  lé  nom  do  sultan  dans  tes  ^Héres. 
Demeirbu  QMemtt.  W$t»fn  Ottomtue*  U 111.  chap.  1,  $.  tt,  p«  f  f  f^-^  >  mmat  BttL 

147S,  i  28,  p.  362. 


M  «onoi  ABi.  7S 

HUHHnMiHimiiiiiiiiiiiiiiiiiiimtiiiitii 
CHAPITRE  m. 


Cmnaniim  ée  Nieobg  «PBste  à  Forare,  de  lérftiiie  Geotite  à  Gènes , 
d'Olgjallf  ViscoBii  et  LamfMiguBi  à  Milu«  Réf^kilÎMif  4wm  l'Élit  de 
MiUn  après  U  mort  de  Galéaz  Sfurxa« 


I47»4iir7. 


!ik    TéSldiS  ^[M  là  gll6fl"Q  S6  nlOlitiflMtl  Ml  dsilOn  I  ft  f|1l6  l6^ 

difftfraitB  étaits  d'Ilalte  étaEtetit  ilBis  fét  ûtls  dKàncefl  cfui  0eni<* 
Maiefit  dèroir  gér&iitîr  lu  {moi  éntip^  éint ,  l6iit  eonstit&fhm 
mtérieare  fol  â^nlée  coup  flul^  «mp  par  plasieant  eraupi- 
ration».  Bu  tMis  «m,  ôtt  ett  eonpftt  une  à  Ferrare,  éen  ft 
Gènes,  me  è  Milaii  et  one  à  Florence.  Il  seiiAIait  que  les  pevh 
fXes ,  lâs  éiifiii  de  roppronioR  tfow  laqoellâf  Un  ûjtàtnl  fêtÉi, 
éMèût  parUMvt  déterminés  à  Mseï^  tm  fai(Bgne  jMf;  et  par- 
loQt  eepettdant  ils  retombèrent  soUs  la  diaine  qrf  fes  ayait 
aêeabtéi.  Ce  ne  fbrent  ni  le  secret,  ni  h  fidélité,  ni  la  hardiesse 
qni  nânqoèrent  aux  eonspirateQrs  ;  tons  parymrenC  i  exécuter 
ce  qa^*ili  Ataienf  projeté ,  aneim  tf  eti  reeudlKt  le  frait  ;  tant 
il  est  diffinle  derenrerser  iin  gonyernement  existant,  et  tant 
Fliabiliide  dé  robâssanoe  dans  tm  penpie  éonflefit  h  pniîh 
sanee  éds  tyrans  même  ks  plm  o^fienx.  U  n*est  pcmit  rare 
(i  cttfflMflDNi  aeMMv  QSie  nawstt  00  MiBNsse  et  ^n  posiiiSB^ 


76  HISTOIRS  DES  BÉPtJBLlQDJSS  ITALIBNKJSS 

mité,  en  raison  dn  jong  qu'elle  a  supporté.  Lorsqu'on  Toit  des 
milliers  d'hommes  obéir  à  un  seul,  contre  leur  intérêt,  contre 
leur  sentiment,  lorsqu'on  les  Toit  se  soumettre  à  des  caprices 
qu'ils  détestent,  on  dcTcnir  les  instruments  de  passions  qu'ils 
ont  en  horreur,  on  ne  peut  s'empêcher  de  leur  reprocher  de 
servir  là  où  ils  pourraient  commander,  et  de  ne  pas  mesurer 
leurs  forces  avec  la  faiblesse  individuelle  de  celui  qu'ils  crai- 
gnent. Sans  doute  il  serait  heureux  que  ce  préjugé  s'établit 
dans  l'opinion ,  et  que  la  honte  s'attachât  à  toute  espèce  de 
servitude.  Peut-être  les  peuples  feraient-ils  alors  pour  l'hon- 
neur ce  qu'ils  ne  font  pas  même  pour  la  liberté.  Cependant  ils 
ne  serait  point  juste  de  condamner  une  nation  en  raison  seu- 
lement du  joug  qu'elle  a  supporté.  Il  y  a  tant  de  puissance 
dans  l'organisation  sociale,  les  forces  de  tous  sont  si  bien  di- 
rigées par  le  despote  contre  chacun,  que  pour  peu  que  celui-ci, 
ou  que  son  ministre,  soit  habile,  courageux  et  vigilant,  il  est 
toujours  à  temps  d'accabler  ses  ennemis  découverts  par  les 
bras  mêmes  de  ses  ennemis  secrets;  en  sorte  que  la  natioù  la 
plus  noble  et  la  plus  généreuse  n'est  pas  assez  forte  pour  se 
défaire  à  force  ouverte  de  son  tyran.  La  seule  ressource  des 
conjurations  demeure  au  patriote,  qui  avec  ses  faibles  moyens 
personnels  veut  entrer  en  lutte  avec  l'homme  qui  dispose  de 
la  police,  de  l'armée  et  du  trésor.  Plusieurs,  cédant  à  une  noble 
répugnance,  s'écartent  de  ces  entreprises,  parce  qu'ils  y  voient 
quelque  apparence  de  dissimulation  et  de  trahison  ;  tandis 
que  d'autres  prétendent  que  l'extrême  danger  ennoblit  les 
moyens  les  moins  relevés,  et  que  l'assassin  d'un  tyran  doit 
avoir  plus  de  bravoure  que  la  grenadier  qui  enlève  une  batte- 
rie à  la  baïonnette.  Le  préjugé  des  premiers  cependant  affai- 
blit encore  le  parti  des  conspirateurs.  Souvent  il  écarte  d'eux, 
au  moment  du  danger,  ceux  qui,  la  veille,  semblaient  parta- 
ger tous  leurs  sentiments  ;  et  l'homme  audadeux  qui  s'est 
rendu  l'organe  des  volontés  de  tout  un  peuple,  et  rinstmment 


Dt  liôtit  À6Ë.  iy 

de  êeà  Vengeances,  périt  sur  Fëchafand  par  les  mahid  de  ceux 
mêmes  qu'il  a  serais. 

L'imtoire  dltalie,  où  les  éyëiiements  se  pressent  et  s* accu- 
mnlent,  où  tontes  les  passions  ont  à  leur  tour  un  libre  essor, 
où  toutes  les  institutions  se  combinent  de  mille  manières, 
nous  présfflite  sous  des  faces  variées  ces  efforts  des  peuples  et 
d^  individus  pour  secoua  le  joug  de  la  tyrannie.  Nous  y 
voyons  tour  à  tour  des  révoltes  ouvertes  et  des  conspirations  ; 
nous  y  voyons  conjurer  tour  à  tour  en  faveur  d'une  race 
royale,  ou  d'un  souverain  regardé  comme  plus  légitime,  et  en 
faveur  de  la  république  ;  nous  y  voyons  toutes  les  luttes  , 
celle  de  la  loyauté  dévouée,  celle  de  la  fière  noblesse  et  celle 
de  la  liberté.  Malgré  les  principes  divers  qui  servent  de  fon- 
dement à  la  politique  de  chaque  homme,  il  n'y  en  a  aucun 
qui  ne  doive  trouver  dans  le  nombre  une  conspiration  qui  lui 
paraisse  légitime  ;  il  n'y  en  a  aucun  qui  ne  doive  s'associer  de 
oœur  à  quelqu'une  des  entreprises  tendantes  à  rétablir  ou  la 
royauté  de  l'ancienne  dynastie,  on  F  aristocratie  antique,  ou  la 
liberté,  ou  le  règne  glorieux  d'un  grand  condottiere,  ou  la 
domination  de  T  Église  ;  il  n'y  en  a  aucun  qui  ose  considérer 
le  pouvoir,  quel  qu'il  soit,  comme  toujours  également  sacré; 
et  un  sentiment  plus  libéral  devrait  lui  apprendre  que  toutes 
les  conjurations  méritent  un  certain  degré  d'admiration,  lors 
même  que  le  but  que  se  proposent  les  conjurés  les  rend  cou- 
pables à  ses  yeux  ;  car  dans  toutes  il  y  a  un  grand  sacrifice  de 
soi-même  à  un  intérêt  plus  relevé  que  soi,  un  grand  dévoue- 
ment de  sa  personne  à  une  noble  cause,  un  grand  et  effroyable 
danger  bravé  pour  de  lointaines  espérances. 

Entre  les  conjurations  qui  ébranlèrent  l'Italie  en  1476 ,  la 
{M^enûère  à  éclater  fut  celle  de  Ferrare.  Nicolas  d'Esté,  fils  du 
marquis  Lionnel,  vivait  alors  à  Mantoue  auprès  de  son  beau- 
frère  ;  de  nombreux  émigrés  de  Ferrare  l'y  avaient  suivi;  ils  le 
regardaient  comme  le  représentant  et  le  légitime  héritier  de 


7S  HISTOiaB  DE&  9|PiWNP71fr  rrALIEHHES 

la  maison  d'Esté ,  et  ils  lui  persuadaient  que  tout  le  peapte 

partag^ilit  }ffas  ^t^iobenrat  efc  leurs  regr^.  Dan»  cette  oon- 

&m^  KieoU^  eberclii^  leai  m^f%a»  ée  raitnv  à  Ferrai^  mi 

doutant  pas  que,  ifil  fnuKhiwwit  nue  finis  les  orarede  eetto 

lFiUe,ilne  f<^t  wwtdt  sahié  fAr  tout  le  peuple  eowne  soik 

l^era^L  1476.  --r  I«  marquî»  de  Mautoue,  son  beM^flièie,  Ipl 

permettait  de  rasse»lte  des  soldats  dam  sco  étala,  el  6aM«r 

Sforza,  tof\JQiira  ylaun  de  ses  Twins^  enaMW  quiii  nf  eût  poîft% 

di^ projets  oQAtr^  epx»  liii  lûwiufsaît  de  Tairgeni,  et  kû  pn^ 

mettait  des  seeuniv.  Cependant  la  tille  de  Fecearase  troarvail' 

a^HÛdenteUe«isat  «wert^  ^  on  oyait  abattu  uqa  piartis  dtoS' 

n^Ufs  pour  les  rebâtir  sur  un  aoureau  plao;  Nœoks  était  iur* 

sU'uit  jour  p^  joinr  de  ee  qui  se  poBsail  à  la  COQS  doi  soaoMfliB. 

)1  sut  qi^le  l""  septen^  H76»Hereole  l'^sovbtait  de  Immo 

heure  de  la  tille  poi^T  ^  reudro  à  sa  maison  doBefarignavdo» 

et  If^mêm^jour  ilarritode  IfcwloiM)  à  Ferraioaivoa€îii(|  wo* 

seau3^  pointant  six  cents  hommes  d'infanterie.  U  entra  par  kr 

brè4^  qMr*oa  fanait  am  miirs^  en  le»  rebàliasant,  et  il  pts^ 

connut  fk^83itôt  le^  r«es,  en  faisant  répéter  dotant  hii  aoo^evi 

de  guerre  :  La  mihL  Ëa  mâmo  temps  il  promit  aUrpeaptn  do 

lui  rendre  rabondanee,  tandîo  que  la  HMmtakie  admmialffatioM 

dDercttle  ^tait  augmenté  k pii»  du  b^  ;  il  annonça  l'araitéfr 

d*uoc  armée  de  quatorze  n^Uo  hommes  <|ae  le  duc  do  MMoia 

et  le  marqui»  do  Maatoue  lui  atoient  dimnée  pouc  te  seeonder, 

et  U  iatita  se^eon^toyens  à  prendre  les  armea,  sans  atteudio^ 

que  des  étrangers  les  eontraigniosout  à  oeeonnailve  leur  légi»* 

time  souterain. 

Don  S^gifimond,  frir^  du  duo»,  dès  la  première  nouteUe 
qu^il  atait  eue  du  tmmitte,  s^était  enf^nné  en  hâte  au  ehàtsaui 
tieui^,  avec  doua  liéonore  d'Aragoii>  sa  femme  ;  mai»  it  nj 
artait  pas  desr  titre»  p^or  troii.  jjours*  Hercoky  à  qui;  dea 
fugfairÀ  o>aioot  9mm^  tooMe  d/uoo  armée  nombaouHo» 


Wf  KPVIP  AGIS.  79 

F^rrar^i  fr^ionctit  déjà  à  l'espérance  de  repfendf^  ofi(te  ^le, 
iBt  U  rassemblait  seulemeat  ses  soldats  ^  l^eggeiita  et  à  Jjofftf 
pQOP  ^é^P^re  ces  deux  forteresses.  Cependant  aucim  P€flnra<* 
^ais  n'avait  encpre  pris  les  armes  pour  se  joiadrç  à  Nieolaa^ 
iP^lni-ici ,  fjpL  avait  parooaru  Yaliuepupiit  toutes  les  r«es  m 
appelai^  ]gi  peqple  4  $on  seooors,  oommeoiçait  à  perdre  eoiH 
p^.  On  i|y|ât. compté  les  soldats  qui  te  snivaîent,  et  m  mér 
ipsait  lenr  petit  nombre  ;  on  ne  voyait  point  arriver  l'arvé^ 
g^'il  aiinçnti^ti  et  Tm^  n'ajoutait  plus  de  foi  à  a^  parcA^ 
^igismond»  t^oin  du  peu  de  succès  de  son  adversaire,  sortit 
à  cheval  dm  château ,  et  appela  à  son  tour  les  Ferrarais  k  la 
d^pse  de  leyr  soi^tverain.  U  pareoivut  le  Borgo  del  LeosK» 
et  la  grande  rue  de  la  Giudecca,  et  tous  leurs  habitaols  s'ar*  • 
Qiiacsnt  à  sa  voU.  A  inesure  que  Nicolas  voyait  It^  peiqde  tf  a- 
li^eDleri  il  aba^dQ^u^t  un  quartier  après  Fautes  sasa  t^iter 
^  combat.  Enfin,  reconnaissant  que  son  entreprise  ^taît  dé* 
sespérée,  il  sortit  de  la  ville,  traversa  le  Pà,  et  &'ei|{iiit  avec  sa» 
troupe»  Mais  les  pay^ians ,  déjà  souleyés  contre  Iiaî  ,  veillaient 
k  tpus  les  passes  pour  l'arrêter.  Il  tomba  ei^  eflet  entra 
lears  mains  avec  la  plupart  de  ceux  qui  l'accofimagnalsnt,.  et 
^t  reconduit  à  Ferrare.  Le  duc  Hercule ,  son  onde^  lui  fit 
ipo^édiatemei^t  tr^ncber  la  tête,  aussi  bien  qu'à  Azzq  d'SsIe 
soA  cpusin  ;  vingt-cinq  de  ses  compagnons  4imfm  iurenik 
pendus ,  tous  l^s  ennemis  du  duc  Hercule  furent^fraivés  dfeC- 
froi,  et  sa  s^ccession,  affermie  la  même  année  par  1^  najsaaiie» 
de  sçn  fils  Alfonse,  nç  fut  plus  contestée  * . 

1  DiarU)  Fenarese,  T.  XXIV,  p.  250-251.  —Diario  Sanete  di  AllegreUQ  Alfegrem, 
T.  liuu,  p.  :7«J— JMB-Baptisle  Pigiia,  qui  dédia,  en  iS72,  son  Histoire  4es  princes 
d'Ssi«  à  atoDg^  l^  la  i^nfii^et  m  21  juiltot  i47«,  p«c  U  oaiaMoce  du  m»  dHeneiile,  qMt 
fut  depuis  AiroDse  I.  il  s'arréle  cinq  semaines  avant  la  mort  de  Nicolas,  qu'il  regarde 
HDS  doute  lui-même  comme  une  tache  pour  la  mémoire  d'Hercule.  Pigna  est  un  flal- 
lear  d«  ses  princes,  et  un  historien  crédule  ;  toute  la  première  partie  de  son  histoire 
n'est  pas  moins  fabuleuse  que  la  généalogie  insérée  presque  4  la  même  époque  par 
TAriostê  et  le  Tasse  dans  leurs  poèmes.  Hais  les  quatre  derniers  livres^  qui  comprenneni. 
kê  inoéos  isra  *  i4T0,  sont  <rua  grand  Mcoun  pour  l'histoire  4'ltal|$i  ila  sont  écrit* 


M  BISTOIBE  DSd  AÉPttBLtQTIBS  ITALlElS'iNES 

Les  premiers  mouyements  contre  Galéaz-Marié  Sforza,  àaé 
de  IGUÛi,  éclatèrent  à  Gènes,  et  ils  furent  presque  simultanés 
avec  la  conjuration  de  Ferrare.  Par  le  traité  que  Gènes  avait 
fait  avec  le  duc  François  Sforza,  en  se  donnant  à  lui,  cette 
république,  loin  de  renoncer  à  sa  liberté,  semblait  l'avoir 
affermie.  Elle  avait,  il  est  vrai,  admis  dans  ses  murs  an 
gouverneur  milanais  et  une  petite  garnison  ;  mais  cette  force 
étrangère  suffisait  justement  pour  réprimer  les  mouvements 
tumultueux  des  factions ,  et  empècber  ces  révolutions ,  ces 
convulsions  fréquentes,  qui  dans  les  ann^  précédentes  avaient 
épuisé  la  ville  d'hommes  et  d'argent.  D'ailleurs,  le  duc  s'était 
engagé  à  n'augmenter  ni  le  nombre  des  soldats,  ni  les  forti- 
fications de  la  citadelle. 

Il  recevait  annuellement  de  Gènes  un  tribut  de  cinquante 
mille  ducats,  et  cette  somme  suffisait  à  peine  à  la  garde  de  la 
ville  et  des  forteresses.  Non  seulement  il  n'avait  pas  le  droit 
d'augmenter  cette  contribution,  il  ne  pouvait  pas  même  inter- 
venir dans  sa  perception.  Quant  à  la  législation,  à  l'adminis- 
tration de  la  justice,  à  tout  le  gouvernement  intérieur  de  la« 
ville,  il  n'y  avait  absolument  aucune  part  * . 

Aussi  longtemps  que  François  Sforza  vécut,  ces  conditions 
forent  religieusement  observées.  Galeaz,  son  fils ,  était  trop 
inconséquent  dans  tous  ses  projets,  trop  vaniteux  et  trop  em- 
porté ,  pour  respecter  longtemps  les  lois  auxquelles  il  s'était 
soumis.  Cependant  comme  il  n'était  pas  moins  pusillanime 
qu'arrogant,  souvent  il  s'arrêtait  tout  à  coup  dans  une  entre- , 
prise  injuste  et  offensante,  et  il  céaait  à  la  crainte,  après  avoir 
bravé  les  représentations  de  son  peuple.  Les  Milanais,  aumilieo 
desquels  îi  vivait,  ne  souffraient  pas  seulement  de  ses  dtfauts 

avec  élégance  ;  les  événements  des  autres  parties  de  l'Europe,  et  surtout  ceux  qui  se 
rapportent  à  la  maison  d'Esté  en  Allemagne,  sont  introduits  avec  art,  et  lorsque  la  ' 
gloire  de  la  maison  d'Esté  n'y  est  pas  compromise,  les  faits  sont  jugés  avec  une  asseï 
bonne  critique  et  assez  d'impartialité.  —  ^  Antonii  Gaili  Comment,  fter,  GenuiNU.  ab 
mno  1476,  ad  am.  a478,  ner,  ItaUc,  T.  XXIII,  p.  263. 


DD  MOTBm   AGE.  81 

comme  soayerain^  mais  de  ses  Yiœs  domestiques.  Sa  déinu- 
ebe  portait  le  trouble  daus  toutes  les  familles,  [et  sa  cruauté, 
excitée  par  la  moindre  résistance,  n*était  satisfaite  que  par 
daffireux  supplices.  A  Gênes,  ou  était  moins  exposé  à  cette  ty- 
rannie de  détail  ;  et  quoique  le  contrat  entre  le  prince  et  la 
répubtique  fût  violé,  et  que  les  Génois  se  regardassent  en  con- 
séquence comme  dégagés  de  leurs  serments,  les  plus  riches  re- 
doutaient une  révolution  qui  pouvait  les  ruiner,  plus  que  les 
abus  passagers  de  pouvoir  auxquels  ils  espéraient  se  soustraire. 

Cependant  la  ville  entière  avait  paru  vivement  blessée  du 
mépris  que  lui  avait  témoigné  Galéaz,  lorsqu'on  1 47 1 ,  il  avait 
passé  à  Gènes,  au  retour  de  son  somptueux  pèlerinage  de 
Floience.  On  avait  préparé  les  fêtes  les  plus  splendides,  les 
présents  lès  plus  magnifiques  pour  le  recevoir.  Il  affecta  de 
rendre  cette  pompe  ridicule,  en  paraissant  couvert  d'habits 
misérables  ;  il  refusa  les  logements  qu'on  lui  avait  préparés, 
et  il  alla  s'enfermer  dans  le  château,  ou  il  sembla  se  cacher 
avec  crainte.  Enfin,  au  bout  de  trois  jours,  il  quitta  Gênes  sans 
l'avoir  annoncé  et  comme  un  fugitif  * . 

Après  avoir  excité  le  mécontentement  de  cette  ville  puis- 
sante et  'peu  accoutumée  à  supporter  des  mépris,  Galéaz  ne 
songea  plus  qu'à  Tenchatuer  de  manière  à  étouffer  en  elle 
pour  jamais  tout  esprit  de  liberté.  Le  projet  qu'il  forma  pour 
y  parvenir  est  remarquable.  Au-dessus  de  Gênes,  à  l'extrémité 
de  la  montagne  escarpée  qui  sépare  les  vallées  de  Bisagno  et 
de  Polsevera,  était  située  la  forteresse  du  Gastelletto,  où  le 
duc  de  Milan  entretenait  garnison.  Galéaz  ordonna  qu'une 
chaîne  de 'fortifications  fût  prolongée  de  cette  forteresse  jus- 
qu'à la  mer.  Un  double  mur,  garni  de  redoutes,  devait  couper 
la  ville  en  deux  parties  ^ales,  qui,  toutes  les  fois  que  le  gou- 
verneur le  voudrait,  n'auraient  plus  aucune  communication 

t  iftionfi  Gain  de  u»b.  Gmificiu.  OmmtHL  p.  Mf,— (/^«rli  fplUtœ  Gem^jif. 

Bbror.L.  XI,  p.  62S. 

VII.  6 


82  HISTOIEIS  DJCS  BJÉPUBLIQUES  ITALIENNES 

entre  elles,  et  pourraient  être  opprimées  séparément.  î>é|àraifi- 
ghément  des  murs  et  des  tours  était  tracé  sur  le  terrain,  et  les 
ouvriers,  sous  les  ordres  du  lieutenant  du  duc  et  en  sa  présence, 
commençaient  à  creuser  les  fossés.  Les  citoyens  frémissaient 
du  sort  qui  leur  était  réservé,  maiâ  ils  ne  faisaient  rien  pour 
le  prévenir  ,  lorsque  Lazare  Doria  ordonna  aux  ouvriers,  ati 
nom  de  la  l*épublique,  de  suspendre  un  travail  côlitraire  aui 
lois  et  aux  traités,  et  arracha  de  sa  main  les  jàlôti^  qui  letfr 
servaient  de  règle.  La  foule  applaudit  avec  transpoti;  àùet  atte 
de  vigueur;  les  ouvriers  s'arrêtèrent,  et  le  lieutenant  dti  due, 
craigùant  un  soulèvement,  se  retira  dans  le  château  * . 

Lorsque  la  nouvelle  de  cet  événement  fut  portée  à  Bfilan, 
Galéaz  Sforzà  éclata  en  menaces  et  en  imprécations  ;  il  or- 
donna que  la  ville  de  Gènes  lui  envoyât  aussitôt  huit  citoyens 
les  plus  distingués  de  l'état.  D'après  la  violente  colère  qu'il 
avait  ïùânifestée,  on  ne  doutait  pas  qu'il  ne  les  destinât  au 
supplice;  au  contraire,  une  terreur  subite  avait  calmé  son  ir- 
ritation :  il  les  accueillit  avec  bonté,  et  les  renvoya  sans  leur 
avoir  fait  aucun  mal.  Cependant  il  avait  rassemblé  trente  mille 
hommes  pour  envahir  la  Ligurie.  Résolu  à  ne  point  laisser 
de  chef  aux  Génois,  il  avait  fait  enlever ,  à  Yada  ,  Prosper 
Adorno  ,  et,  sans  accusation,  sans  examen,  il  l'avait  fait  jeter 
dans  les  cachots  de  la  forteresse  de  Crémone  ;  puis  tout  à  coup 
il  renonça  à  son  expédition,  et  licencia  toutes  les  troupes  qu'il 
avait  réunies. 

Les  diverses  résolutions  tour  à  tour  embrassées  par  Galéaz 
étaient  toutes  connues  à  Gênes  ;  on  avait  su  toute  la  violence 
de  sa  colère,  et  Ton  n'avait  aucune  garantie  de  la  durée  de  la 
modération  qu'il  affectait.  Aussi  de  toutes  parts  on  achetait  des 
armes,  on  faisait  des  préparatifs  de  défense,  et  l'on  s'encoura- 
geait à  maiAtenir  la  liberté ,  si  elle  était  attaquée.  Pendant  que 

*  p.  Ëliayro,'Un. "Pop.Q.  G'énlièns.'^Wot.X,  XtV,  p.  S^, '^ Agosttno  iHmlnUmij 
Ui9L  (U  G€wva,  L.  V,  r.  338.  ES. 


ou  MOTEH   AGS.  83 

toat  le  peuple  attendait  les  évâiements  aTec  crainte^  Jérôme 
Crentite,  fils  d'André,  jeune  négociant  d'une  fortune  aisée,  qui 
ii*aYait  aucun  sujet  prsonnel  de  plainte  centre  le  gouyerne- 
ment,  résolut  de  s'exposer  le  premier,  pour  r^dre  la  liberté 
à  sa  patrie.  Il  rassembla  chez  lui,  dans  le  faubourg,  au  mois  de 
juin  1 476,  un  grand  nombre  de  gens  armés  :  il  entra  de  nuit 
dans  la  ville  parla  porte  de  Saint-Thomas,  dont  il  s^empara, 
et  il  parcourut  les  rues  en  appelant  ses  concitoyens  aux  armes 
et  à  la  liberté.  Un  çrand  nombre  de  Génois  se  joignirei^t  en 
effet  à  lui,  et  en  peu  de  temps  il  se  rendit  maître  de  toutes 
les  poFtes  ;  mais  il  tarda  trop  à  attaquer  le  palais  public.  Pen- 
dant ce  temps,  les  sénateurs  s'y  rassemblaient  sous  la  prési- 
dence de<juido  Vîsconti,  gouverneur  de  la  ville.  Geuxcpi  ^'é- 
taient  joints  d'abord  à  Gentile  craignirent  akQ]r»  (f  ètrç  cçn- 
damnés  comme  rebefies,  par  f  autorité  qu'ails  recoi^ncûss^aient 
pour  légitime  ^  ils  s'évadèrent,  à  f  approche  du  jour,  les  ui^is 
après  les  autres.  Oentile,  ne  «e  trouvant  plçs  i|ssez  fort  auprès 
leur  désertion,  se  retira  en  bon  ordre  vers  la  porte  de  Saint- 
Thmnas  où  U  se  fortifia  ^ . 

Exà%  cafiitaines  du  peuple  avaiœt  été  nonmiés  par  le  sépi^t 
pour  diasser  Jérôme  Gentile  de  la  ville.  Environ  trois  cents 
hommes  avaient  pris  les  armes  par  ses  ordres,  et  marchaient 
&  l'attaque  de  la  porte  Saint-Thomas.  A  peine  restait-il  à  Gen- 
tile trente  hommes  autour  de  lui,  mais  .c'étaient  tous  des  sol- 
dats déterminés;  tandis  qufil  vlj  avait  pas  un  de  ses  adver- 
saires qui  ne  le  combattit  à  contre-cce^r  ;  aussi  pçu  s'en  fallut 
que  les  capitaines  du  peuple  ne  fussent  faits  p^nniens^  ej; 
que  leur  troupe  ne  fût  dissipée.  Sqr  ces  entrefaites,  Jes  «chefs 
des  arts  et  métiers  s^  offrirent  cpiçme  pédiat^urs  ;  Jérôme  Geç- 
tHe  accepta  leur  arbitrage^  mais  çn  ayerti^sant  ses  CQjmp^r 

p.  «il. -p.  Biiorri  tfi«(.  G^nuens,  L.  XIV,  p.  i^t^-Agott,  GmM(ai/U  L.  Y,  t 


84  HI8T0IRB  DS8  HiFUBUQCJJSS.  ITALIENBXS 

triotes  (ju'ib  ne  tarderaient  pas  à  regretter  l'occaBion  qa*ils 
laissaient  échapper.  Il  demanda  ensuite  qu'on  lui  remboursât 
sept  cents  ducats  que  ses  préparatifs  lui  avaient  coûté,  et  qu'il 
avait  dépensés,  dit-il,  pour  Tayantage  de  la  république.  Après 
les  avoir  reçus  des  mains  des  trésoriers  publics,  il  rendit  la 
porte  aux  capitaines  du  peuple,  et  il  se  retira  * . 

Lorsque  la  nouvelle  de  cette  singulière  capitulation  fut 
portée  à  Milan,  Galéaz  témoigna  beaucoup  de  colère  de  ce 
qu'on  remboursait  à  un  chef  de  factieux  l'argent  qu'il  confes- 
sait lui-même  avoir  dépensé  pour  troubler  l'état.  Cependant 
il  confirma  l'amnistie  qui  avait  été  publiée  par  le  sénat  ;  et  s'il 
cachait  le  dessein  de  revenir  en  arrière  sur  cette  grâce,  il  n'eut 
pas  le  temps  de  le  faire.  Galéaz  n'était  pas  dépourvu  de  tou- 
tes les  qualités  qui  avaient  brillé  dans  son  père  ;  il  entendait 
fort  bien  la  discipline  militaire  et  l'administration  civile  de 
son  état;  il  avait  su  établir  dans  le  Milanais  une  subordination 
plus  rigoureuse  qu'aucun  de  ses  prédécesseurs.  La  justice  était 
rendue  avec  soin  dans  les  tribunaux,  et  la  sûreté  publique  était 
maintenue  par  une  poUoe  sévère.  Galéaz  avait  de  l'éloquence 
dans  les  discours ,  de  l'élégance  dans  les  manières ,  et  quand 
il  le  voulait,  il  savait  réunir  tous  les  dehors  de  la  bonté  à  une 
majesté  imposante  ;  mais  il  joignait  im  faste  extravagant  à  une 
cupidité  sans  bornes  :  il  avait  dans  le  caractère  une  méchan- 
ceté qu'il  exerçait  de  préférence  sur  ceux  qui  avaient  paru  ses 
amis;  il  se  plaisait  à  les  abaisser  d'autant  plus  qu'il  les  avait 
plus  élevés;  jamais  on  ne  l'avait  vu  constant  dans  aucune  af- 
fection, et  l'on  pouvait  toujours  présager  d'avance  la  chute 
prochaine  et  lamentable  de  celui  qui  était  le  ^plus  en  faveur 
auprès  de  lui,  encore  qu'il  n'eût  d'aucune  manière  provoqué 
sa  colère.  Avide  de  tous  les  plaisirs  des  sens,  se  plaisant  à  bra- 
ver les  mœurs  et  les  lois  de  la  société,  il  portait  la  désolation 

^ÀâtonH  GaiR  De  rebut  Genuens,  Comment,  p.  sm.  — udmi  Foiiem  Gcnuenet 
Bisi»  L.  XI,  p*  «82. 


D9  MOYEU  AGE.  85 

et  le  déshonneur  dans  toi}tes  les  familles* .  Ses  débauches  ne 
le  oontentaient  pmnt  encore,  s'il  ne  saTOurait  le  désespoir  des 
pères  on  des  maris  dont  il  ayait  souillé  la  maison.  Il  se  plaisait 
aies  rendre  eux-mêmes  ministres  de  leur  propre  déshonneur  : 
il  abandonnait  à  ses  gardes  les  femmes  qu'il  ayait  enleyées  à 
leurs  maris,  et  il  publiait  ensuite  leurs  outrages^. 

Parmi  ceux  dans  la  maison  desquels  Galéaz  Sforza  ayait 
porté  le  déshonneur  étaient  deux  jeunes  hommes  de  famille 
noble,  Carlo  Tisconti  et  Girolamo  Olgiati,  dont  l'esprit  ayait 
été  préparé  par  leur  instituteur  à  détester  le  joug  de  la  tyran- 
nie. Us  étaient  liés  ayec  Jean-André  Lampugnani,  que  le  duc 
avait  injustement  dépouillé  du  patronage  de  l'abbaye  de  Mi- 
ramondo  '.  Tous  trois  ayaient  suiyi  en  commun  les  leçons 
de  Ciolas  de  Montani  de  Gaggio,  Bolonais,  qui,  yers  l'an  1466, 
ouyrit  à  Milan  une  école  d'éloquence.  On  prétend  qu  aupara- 
vant il  avait  donné  des  leçons  à  Galéaz  lui-même,  et  qu'il  l'a- 
vait puni  plus  d'une  fois  avec  la  sévérité  pratiquée  dans  l'an- 
cienne éducation.  Galéaz,  devenu  souverain,  voulut  se  venger 
sur  son  ancien  maître  des  châtiments  de  son  enfance  par  une 
peine  semblable,  et  il  lui  fit  donner  le  fouet  sur  la  place  pu- 
blique ^.  Hontano  n'avait  pas  besoin  de  cet  affront  pour  dé- 
tester la  tyrannie.  Nourri  de  l'étude  de  l'antiquité,  il  ne  perdait 
jamais  l'occasion  de  faire  remarquer  à  ses  élèves  que  toutes  les 
vertus  qu'ils  admiraient  dans  les  grands  hommes  de  la  Grèce 
et  de  Rome  avaient  été  développées  par  la  liberté;  qu'une 
patrie  libre  encourageait  tous  les  talents,  tous  les  genres  d'é- 
nergie ,  tous  les  progrès  de  l'esprit ,  parce  que  toute  espèce 
de  grandeur  dans  ses  citoyens  était  toujours  employée  pour 

1  ântonii  Gâta  De  féb^Gen,  p.  MS.  —  Jlem.  CoHo,  BUU  MU.  P.  vi,  p.  0$9.~  >  Al- 
kgretto  AttegrettU  Dlart  Sanesi-  T.  XXIII,  p.  777.  —  >  MaechiavelO,  L.  VU,  p.  349.  — 
AUegrettif  Wvl  SanesL  T.  XXIII,  p.  777.  ~  DUirio  Ferrarege»  T.  XXIV,  p.  2S4.  Mais 
lUpuBontias  attribue  à  yisconti  ce  que  les  antres  attribuant  à  Lampugnani.  Hist.  MeétoL 
L.  VI,  p.  630.  —  «  (Slovio^  elogi  âegU  Vomlni  iUmtri,  L*  III,  p.  179.  —  TiraboschU 
h,  Ul.  Cbap.V,  S23,p.9S. 


86  HISTOIRE  DES  BÉPCBI.IQUS6  ITALIESTNES 

l'avantage^e  tOHS,  tandis  qu'un  tyran,  jaloux  de  toute  f€a*Qe 
dont  il  ne  disposait  pas,  s'occupait  sans  cesse  à  contenir,  à  vé-* 
primer  ou  à  détruire  des  talents,  une  énergie  ou  une  profon- 
deur de  caractère  qu'on  pouvait  un  jour  tourner  contre  lui  * . 

Nicolas  de  Montano  voulait  que  les  jeunes  gentilshommes  ^ 
pour  se  rendre  dignes  de  la  liberté,  apprissent  à  commauder 
les^armées^  Il  avait  engagé  en  conséquence  Olgiati  et  qudques 
autres  à  faire  l'apprentissage  de  l'art  de  la  guerre  sous  Bar- 
thélemi  Goléoni.  Les  parents  de  ces  jeimes  gens ,  qui  crai* 
gnaient  plus  qu'eux  les  fatigues  et  le  danger,  avaient  été  outréi 
de  colère  de  ce  qu'un  maître  d'éloquence  avait  fait  de  leurs 
fils  des  soldats.  Àlontano,  ballotté  entre  le  erédit  des  parents 
et  celui  de  ses  disciples  ^  avait  été  tour  à  tour  exilé  puis  rap- 
pelé ,  emprisonné  puis  accueilli  avec  transport,  et  il  devenait 
plus  cher  à  «es  élèves  par  les  persécutions  qu'il  avait  subies 
pour  avoir  voulu  former  leur  âme  autant  que  leur  esprit  ^* 

Galéaz  cependant  avait  mis  le  comble  à  la  haine  du  peuf^ 
par  les  supplices  cruels  qu'il  avait  récemment  ordonnés.  U 
avait  fait  enterrer  vivantes  quelques-unes  de  ses  vktimes;  il  en 
avait  forcé  d'autres  à  se  nourrir  d'excréments  humains,  et  les 
avait  fait  mourir  lentement  par  cet  effroyable  régime  i  il  avait 
mêlé  des  plaisanteries  féroces  aux  supplices  qu'il  ordennuti  il 
avait  comblé  le  déshonneur  des  femmes  nobles  qu'il  avait  sé- 
duites, en  les  livrant  puMiquement  à  la  prostitution  '.  Jérôme 
Olgiati  cmiptait  une  sœur  autr^ois  ebârie  parmi  les  victimes 
de  la  brutalité  du  tyran;  Jugeant  de  l'irritation  uniterseUe 
par  la  sienne,  il  rechercha  Lampugoani^  et  lui  proposa  ,4e 
mettre  fin  à  une  tyrannie  insupportable^  et  de  pumr.^orsa 
de  ses  crimes.  Bientôt  ils  s'associèrent  Charles  Yisconti,  et  ils 
se  lièrent  par  des  serments  mutuel».  C'était  dans  le  jardm  de 


i  MêeeMavem,  U  Vlfi  p.  M,^Vbenui  FoUMa.  h.  XI,  p^  ett.— «  TttatotdU^  8lom 
délia  leu».  ital.  L.  III,  cfaap.  V,  S  9$,  p.  9ie.  —  >  /o«^pfti  B^pam^iti  ^i*<-  ir«ifto& 
L.  VI,  p.  6S7. 


DU   M0YE19    AGE.  87 

la  basUiqaç  de  Saint-Ambroise  qu'ils  tinrent  leur  première 
conférence.  Tous  les  détails  de  cet  événement ,  et,  ce  qui  est 
bien  pln$  reniarqqable,  tous  les  sentiments  du  principal  con- 
juré nous  sont  iidèlcpient  retracés  par  Olgiati  lui-même  dans 
une  relation  qu  il  écrivit  peu  de  jours  après.  «  Au  sortir  de 
cette  coqférence,  rj^conte-t-il,  j'entrai  dans  le  tepiple,  je  me 
jetai  aux  pieds  de  la  statue  du  saint  pontife  qu'on  y  révère, 
et  je  lui  adressai  cette  prière  •  Grand  saint  Ambroi$e,  som- 
tien  de  cette  ville f  espérance  et  gardien  du  peuple  de  Jifilan^ 
si  le  projet  que  tes  concitoyens,  que  tes  enfants  ont  formé 
pour  repousser  loin  d'ici  la  tyrannie ,  l'impureté  et  des  dé- 
bauches  monstrueuses^  est  digne  de  ton  approbation^  sois- 
not^s  favorable  au  milieu  des  hasards  et  des  dangers  auxr 
quels  nous  nous  exposons  pour  la  délivrance  de  la  patrie. 
Après  avoir  prié,  je  retournai  auprès  de  mes  compagnons, 
et  je  }es  exhortai  à  prendre  courage,  les  assu^rant  que  je  me 
sentes  p}us  rempli  d'espérance  et  de  force  depuis  que  j^  avais 
iiivoq«^  e^  £^v^ur  d&  ^otre  entreprise  le  saint  protecteur  de 
notre  patrie.  Pendant  les  jours  qui  suivirent  nous  nous  exer- 
çâaieft4Ji' escrime  avec  des  poignards  pour  acquérir  plusd'agi- 
lité  et  noQS  accoutumer  à  l'image  du  péril  que  nous  allions 
iHraver......  La  mxième  heure  de  la  nuit  avant  l^e  jour  de 

Saint- Étiepne^  désigné  pour  l'exécution,  nous  nous  rassem- 
bl^ii^s  ejdcore  une  fois  comme  pouvant  ne  plus  nous  revoir. 
Nous  arrêtâmes  l'heure  (^  nous  entrerions  ensemble  da&s  le 
teipplei  le  rôle  do^t  cUacmn  serait  chargé,  et  tous  les  détails 
de  l'exécution,  autant  qu'on  pouvait  prévoir  des  choses  qui 
d^ndaient  en  partie  4x1  hasard-  Le  lendemain^  de  gi;and 
matm,  nous  nous  rendîmes  dans  le  temple  de  Saint-Étienne  ; 
nous  suppliâmes  ce  saint  de  favoriser  la  grande  action  que 
nous  devions  aoootOBq[dir  dans  son  sanctuaire,  et  4e  9e  point 
s'indigner  si  nous  souillions  ses  autels  par  du  sang,  puisque 
oe  'Saag  devait  accomplir  la  délivrance  de  la  viUe  d;  de  la 


88  UISTOIIUS  DES  RÉPUBLIQUES  ITALIEIIHES 

«  patrie.  À  la  suite  des  prières  qui  sont  contenues  dans  le 
«  rituaire  de  ce  premier  des  martyrs ,  nous  en  récitâmes  une 
«  autre  qu*  avait  composée  Charles  Tisconti;  enfin  nous  as- 
«  sistâmes  au  sacrifice  de  la  messe,  célébré  par  l'archiprëtre 
«  de  cette  basilique  ;  puis  je  me  fis  donner  les  deft  de  la 
«  maison  de  cet  archiprêtre,  pour  nous  y  retirera  » 

Les  conjurés  étaient  dans  cette  maison  auprès  du  feu ,  car 
un  froid  violent  les  avait  fait  sortir  de  l'église,  lorsque  le  bruit 
de  la  foule  les  avertit  de  rapproche  du  prince  :  c'était  le  len- 
demain de  Noël ,  26  décembre  1 476.  Galéaz ,  qui  semblait  re- 
tenu par  des  pressentiments,  ne  s'était  déterminé  qu'à  regret 
à  sortir  de  chez  lui.  Il  marchait  cependant  à  la  fête,  entre 
l'ambassadeur  de  Ferrare  et  celui  de  Mantoue.  Jean-Andié 
Lampugnani  s'avança  au-devant  de  lui,  dans  l'intérieur  même 
du  tempk^,  jusqu'à  la  pierre  des  Innocents.  De  la  main  et  de  la 
voix  ilyécartait  la  foule.  Quand  il  fut  tout  près  de  lui,  il  porta 
la  main  gauche,  comme  par  respect,  à  la  toque  que  Galéaz 
tenait  à  la  main;  il  mit  un  genou  en  terre,  comme  s'il  voulait 
lui  présenter  une  requête,  et  en  même  temps  de  la  droite,  dans 
laquelle  il  tenait  un  court  poignard  caché  dans  sa  manche,  il 
le  frappa  au  ventre  de  bas  en  haut.  Jérôme  Olgiati,  au  même 
instant,  le  frappa  à  la  gorge  et  à  la  poitrine,  Charles  Tis- 
conti à  l'épaule  et  au  milieu  du  dos.  Sforza  tomba  entre  les 
bras  des  deux  ambassadeurs  qui  marchaient  à  ses  côtés ,  en 
criant  :  Ah  !  Dieul  Les  coups  avaient  été  si  prompts,  que  ces 
ambassadeurs  eux-mêmes  ne  savaient  pas  encore  ce  qui  s'était 
passé*. 

Au  moment  où  le  duc  fut  tué,  un  violent  tumulte  s'éleva 
dans  le  temple  :  plusieurs  tirèrent  leurs  épées  ;  les  uns  fuyaient, 

*  Confeisiû  HleronifnaOgUatfnwrimtU,apiÊdRlpamontiMm  mstorta  MedioL  L.  vi, 
p.  049.  — s  AnioiL  GaiU  Berebui  Genueru.  p.  2a9,'^MaechlavelU  Ut,  L.  VII,  p.  SS4.— 
Vbertut  FoUeta,  Gen.  H^tC  L.  XI,  p.  63S, —Ant.  de  Ripalia,  Annal,  Placent.  T.  XX, 
p.  952.— INa)*.  Pannense  Anonym,  T.  XXII,  p.  247.~  Jlein.  CoHo.  P.  VI«  p.9IO.  Gorio 
était  don  lai-mAme  au  nombre  des  pages  qui  suiTaient  Galéai. 


DU  MOTlSn   AGE.  89 

tf antres  accouraient,  personne  ne  connaissait  encore  ou  le 
hut  on  les  forces  des  conjurés.  Mais  les  gardes  da  duc  et  ses 
courtisans,  qui  avaient  reconnu  les  meurtriers,  s'animèrent 
bientôt  à  leur  poursuite.  Lampugnani,  en  voulant  sortir  de 
Féglise ,  se  jeta  dans  un  groupe  de  femmes  qui  étaient  à  ge- 
noux ;  leurs  habits  s'engagèrent  dans  ses  éperons;  il  tomba ,  et 
un  éoiyer  maure  du  duc  l'atteignit  et  le  tua.  Charles  Tisconti 
fut  arrêté  un  peu  plus  tard,  et  fut  aussi  tué  par  les  gardes  du 
duc.  Jérôme  Olgiati  sortit  de  l'église  et  se  présenta  chez  lui  ; 
mais  son  père  ne  voulut  pas  le  recevoir,  et  lui  ferma  les 
portes  de  sa  maison.  Un  ami  lui  donna  une  retraite ,  où  il  ne 
fut  pas  longtemps  en  sûreté.  Il  était ,  dit-il  lui-même ,  sur  le 
point  d'en  sortir,  et  d'appeler  le  peuple  à  une  liberté  que  les 
Milanais  ne  connaissaient  plus,  lorsqu'il  entendit  les  vociféra- 
tions de  la  populace,  qui  traînait  dans  la  boue  le  corps  déchiré 
de  son  ami  Lampugnani  ;  glacé  d'horreur,  et  perdant  courage , 
il  attendit  le  moment  fatal  où  il  fut  découvert.  Il  fut  soumis  à 
une  effroyable  torture;  et  c'était  avec  le  corps  déchiré,  et  les 
os  disloqués,  qu'il  composa  la  relation  circonstanciée  de  sa 
conspiration  qu'on  lui  demandait ,  et  qui  nous  est  restée.  Mais 
cette  espèce  de  confession  écrite  entre  la  torture  et  le  supplice, 
par  Tordre  de  ses  juges,  et  sous  les  yeux  de  ses  bourreaux ,  est 
animée  de  ce  même  courage,  de  cette  même  confiance  dans  la 
justice  de  sa  cause  qui  ont  immortalisé  les  plus  grands  hommes 
de  l'antiquité.  Il  la  termine  par  ces  mots  :  «  A  présent,  sainte 
«  mère  de  notre  Seigneur,  et  vous ,  ô  princesse  Bonne!  je  vous 
«  implore  pour  que  votre  clémence  et  votre  bonté  pourvoient 
«  au  salut  de  mon  àme.  Je  demande  seulement  qu'on  laisse  à 
«  ce  corps  misérable  assez  de  vigueur  pour  que  je  puisse  con- 
«  fesser  mes  péchés  suivant  les  rites  de  l'Église,  et  subir  ensuite 
«  mon  sort*.  » 

1  Oonftê^  Olçka^  apud  Biftamnaum,  Butor.  MediokuU.  L.  VI,  p.  0SO.  tn  GrasvH 
Th£iauro  Mr.  llaOcT.  11. 


90  HISTOIRE  DES  ft^PUBLIQUES   ITALIEIIIIES 

Olgiati  était  alors  Agé  de  Tingt-deux  ans;  il  fut  condamné 
à  être  tenaillé  et  coupé  vivaat  en  morceaux*  Au  mlUeu  de  ces 
atroces  douleurs,  uu  prêtre  l'exhortait  à  se  repentir.  «  Je  sais, 
«  reprit  Olgiati ,  que  j*ai  mérité  ^  par  beaucoup  de  fautes ,  ces 
«  tourments,  et  de  plus  grands  encore,  si  mou  faible  corps 

•  pouvait  les  supporter.  HaiS)  quant  à  la  belle  action  pour 
«  laqudle  je  meurs ,  c*est  elle  qui  soulage  ma  conscience  :  loiu 
'^  de  croire  que  j'ai  par  elle  mérité  ma  peine ,  c'est  eu  elle  que 
«  je  me  confie  pour  espérer  que  le  juge  suprême  me  pardon<- 
«  nera  mes  autres  péchés.  Ce  n*est  point  une  cupidité  coupable 
«  qui  m'a  porté  à  cette  action ,  c'est  If  seul  désir  d'dter  du 
«  milieu  de  nous  un  tyran  que  noos  ne  pouvions  phis  sup* 
«  porter.  Loin  de  m'en  repentir,  si  je  devais  dix  fois  revivre 
«  pour  périr  dix  fois  dans  les  mêmes  tourments ,  je  n'en  con* 
«  sacrerais  pas  moins  tout  ce  que  j'ai  de  sang  et  de  forces  à 

*  un  si  noble  but  ^  »  Le  bourreau ,  en  lui  arrachant  la  peau 
de  dessus  la  poitrine ,  lui  fit  pousser  un  cri  ;  mais  il  se  reprit 
aussitôt.  «  Cette  mort  est  dure,  dit-il  en  latin,  mais  la  gloire 
«  en  est  éternelle!  Mors  ucerba ,  fama  perpétua,  stabit  vêtus 
«  memoria  fucti  *.  » 

1477.  —  Le  fils  aîné  du  duc  de  MiJaa,  Jeau-Galéaz  Sforza, 
n'était  alors  âgé  que  de  huit  ans  ^  il  fut  cependant  reconnu 
sans  aucune  difficulté.  Les  sentiments  de  liberté  que  les  trois 
conjurés  avaient  cru  ranimer,  n'existaienl;  plus  dsAS  le  peuple  ; 
personne  ne  £t  un  mouvement  pour  renvess^  un  gouverne- 
ment qui  n'était  plus  en  état  de  se  défendre.  Les  d^tés  de 
tous  les  états  d'Italie  vinrent  cois^imenter  la  duchesse  Bonne 
de  Savoie,  veuve  de  Galéaz ,  et  kii  offrir  leur  assistance  pour 
la  maintenir  sur  le  trône,  anssi  lùen  que  son  fils.  Le  |iape  lui 


1  Anton.  GaUi^  De  reb,  Genuens*  p.  260.  —  Mlegreito  AUtffretti,  fikoA  StmeêL 
T.  XXni,  p.  Tn.—Giovio,  Eiogio  degU  Comlni  UhutrL  L.  Ul,  p.  180.  —  <  Macebia-^ 
vefli.L.  VII,  p.  as.  — Obéra  Foiietœ  Gemœrts,  Hin.  L.  XI,  p.  en.—Agost,  Gbu- 
waaniy  ârtMâ.  1.  V,  f.  3S0.T. 


0V  MOYIOI  àQB.  9t 

WToya  deax  eardteMx  chargés  d'exeommiHim'  ceux  qui  yoxy- 
draieBt  émiser  qudqoe  révolution  dan»  Milan  '  •  Bonne  se  mit 
en  possession  de  la  régenoe.  Jusqu'alors  le  gouvernement  était 
à  peine  ebangé,  car  Tàme  de  tous  les  conseils  était  encore 
Gecco  ou  Franç(HS  Simonétai  Calabrais,  qui  avait  été  secrétaire 
et  conseiller  de  François  Sforza,  et  qui,  après  Favoir  servi  avec 
une  fidélité  rare ,  était  demeuré  premier  ministre  de  son  fils , 
et  avait  d^;uisé ,  par  son  talent  et  ses  vertus ,  les  caprices  et 
les  extrayagances  de  ce  tjran.  Il  avait  pour  frère  ce  Jean  Si- 
monéta  qui  écrivit  avec  tant  délégance  et  d'exactitude  Fbis- 
toire  de  François  Sforza.  Tous  deux  avaient,  en  littérature, 
une  réputation  presque  égale  à  cdle  que  leur  avait  faite  leur 
carrière  .politique.  Ils  étaient  en  correspondance  avec  tous  les 
savants  de  l'Italie  :  ils  avaient  été  les  ministres  de  toutes  les 
grâces  que  les  deux  ducs  de  Milan  avaient  répandues  sur  les 
gens  de  lettres,  et  il  reste  encore  dans  la  correspondance  de 
Filelfo,  dans  celle  de  Décembrio ,  et  dans  d'autres  écrits  de  ce 
siècle ,  des  monuments  de  la  proteotioo  qu'ils  accordèrent  aux 
études  ^. 

D*  autre  part,  Galéax  avait  laissé  cinq  frères  qui,  pendant 
la  minorité  de  son  fils,  pouvaient  former  quelque  prétention 
sur  la  régence.  Les  quatre  premiers  |  Sforza,  duc  de  Bari, 
Louis  surnommé  le  Maure^  Octavien  et  Àscagne,  avaient  déjà 
excité  la  défiance  de  GaléaZ|  et  il  les  tenait  éloignés  de  Milau. 
lïès  qu'ils  t^^iprirent  sa  mort,  ils  revinre^it  en  bâte,  et  ils 
s'efforcèrent  de  saisir  une  autorité  à  laquelle  l'ainé  de  leur 
maison  avait,  disaient-ils,  plus  de  droit  qu'une  femme  et  un 
nûnistre  étrangers.  Pour  déguiser  leur  rivalité^  ils  cherchè- 
reoi  à  faire  revivre  l'ancien  «sprit  du  parti  gibelin.  Ils  se  dé- 
clarant les  |>rotectears  de  cette  faction  à  laquelle  la  maison 


1  Boue  en  date  4a  «  des  cal.  de  mar».  AnnaLJbicies.  1477,'S  U  P*  ^S*  —  '  Tii^kos- 
cki^  Sior.  àeUa  Ut(.  U  l|Oha^*  I,  S  4,^.  1$.  xt«  liécle. 


93  HISTOIBE  DES  HéPUBLIQUES  ITALIENNES 

Yisoonti  avait  dû  son  éléTation  :  ils  aocnsèrent  la  dachesse  et 
Cecco  Simonéta  de  partialité  ponr  les  Gaelfes,  et  ils  les  forcè- 
rent en  effet  à  se  jeter  dans  lears  bras;  car  les  familles  an- 
trefois  divisées  par  la  querelle  de  l'empire  et  de  l'église,  con- 
servaient leur  rivaUté,  encore  que  les  causes  de  leurs  haines 
passées  n'existassent  plus.  Ponr  concitier,  s'il  était  possible, 
les  prétentions  des  frères  Sforza  et  celles  de  la  duchesse,  il  fut 
convenu,  sur  la  proposition  de  Louis  de  Gonzague,  marquis 
de  Mantoue,  que  le  conseil  de  régence  serait  composé  par 
égales  parts  de  Guelfes  et  de  Gibelins  ^ 

Lorsque  la  nouvelle  de  la  mort  de  Galéaz  fut  portée  à  Gè- 
nes, Jean-François  Pallavichd,  lieutenant  du  duc,  assembla 
le  sénat  pour  l'engager  à  prévenir  par  sa  vigilance  les  révolu- 
tions que  cet  événement  pouvait  exdter.  Huit  capitaines  du 
peuple  furent  nommés  par  la  république,  selon  la  coutume 
observée  dans  toutes  les  circonstances  difficiles,  et  quelques 
troupes  furent  rassemblées  pour  contenir  les  mécontents^. 

Toutes  les  factions  de  Gènes  semblaient  également  impa- 
tientes de  rendre  à  la  république  son  ancienne  liberté.  Les 
Sforza,  pour  les  contenir,  avaient  eu  la  précaution  de  disper- 
ser leurs  chefs  dans  toute  l'Italie.  Prosper  Adôrno  était  en 
prison  à  Crémone,  les  Fieschi  étaient  retenus  h  Rome  sous  la 
surveillance  du  pape,  les  Frégosi  et  les  autres  hommes  puis- 
sants exilés.  Cependant  leurs  partisans,  privés  de  directeurs, 
étaient  partout  en  mouvement.  Le  16  mars  1477,  les  amis 
des  Fieschi  s'approchèrent  des  murs  de  Gènes  ;  ils  avaient  à 
leur  tète  Jean-George  et  Matthieu,  deux  jeunes  gens  de  cette 
famille,  les  seuls  que  le  gouvernement  n'eût  pas  éloignés, 
parce  qu'ils  étaient  à  peine  sortis  de  l'enfance.  Ces  factieux 
entrèrent  dans  la  ville  par  escalade,  du  côté  de  Carignan'. 
Ds  appelèrent  le  peuple  à  la  liberté,  et  ils  excitèrent  ainsi  un 

1  DiaHum  Parmense  ânonym .  T.  XXH,  p.  250.  —  *  Anton.  GaB  De  rebut  Genuens, 
p.  27(».— I7»«rti  FoUetœ.  L.  XI,  ^  «S4.  —  >  Mftmtf  CoiH  J^  rebut  Genuent.  p.  271. 


m  MOtEM  AGB4  93 

moinrémmt  assez  vif;  mais  ils  commirent  la  même  faute  qui 
araitperda  Jérôme  Gentile  peu  de  mois  auparaTant  :  ils  hési- 
tèrent trop  à  attaquer  le  palais  publie.  Ils  allaimt  se  voir 
abandonnés,  lorsque  Pierre  Doria,  étouffant  toute  jalonsierde 
famille,  exhorta  eeux  qui  l'entouraient  à  ne  pas  perdre  une 
occasion  peut-être  unique  de  rendre  la  liberté  à  leur  patrie. 
U  sortit  en  même  temps  des  rangs  du  parti  milanais;  il  en- 
traîna le  peuple  à  le  suivre  ;  la  garnison  se  retira  dans  les 
deux  forteresses,  et  la  ville,  se  trouvant  en  liberté,  nomma 
des  magistrats  populaires. 

Déjà,  sur  la  nouvelle  de  cette  révolution,  Ibletto  de  lies- 
chi,  en  qui  toute  sa  famille  reconnaissait  un  chef,  s'était 
évadé  de  Bome  pour  venir  se  mettre  à  la.  tète  de  son  parti,  et 
les  Fregosi,  d'accord  avec  lui,  se  rapprochaient  de  leur  patrie, 
sans  oser  cependant  entrer  dans  la  ville.  La  régence  de  Milan 
comprit  alors  qu'elle  ne  pouvait  sauver  son  autorité  dans  Gè- 
nes, que  par  un  chef  de  parti  génois.  Simonéta  fit  sortir  Pros- 
per  Adorno  de  prison;  il  lui  offrit,  au  nom  du  jeune  duc  de 
Milan,  le  gouvernement  de  Gènes  et  le  commandement  de 
l'armée  destinée  à  secourir  les  deux  forteresses,  pourvu 
qu' Adorno  promit  d'oublier  complètement  les  injures  qu'il 
avait  reçues,  et  de  rétablir  à  Gènes,  non  point  la  souverai- 
neté despotique  du  duc  de  Milan^.mtvis  la  même  autorité  li- 
mitée qu'un  traité  avait  accordée  à  François  Sforza.  Prosper 
Adorno  en  contracta  l'engagement  ^  U  se  mit  à  la  tète  d'une 
arlnée  d'environ  douze  mille  hommes,  rassemblée  par  Robert 
de  San-Sévérino,  Louis4e-Maure  et  Octavien^Sforza,  et  il  prit 
la  route  de  Gènes. 

Adorno,  4éterminé  à  concilier  les  intérêts  de  sa  patrie  et 

—  tJberti  FoUetœ  Genuettê,  aistûr.  L.  XI,  p.  «ss.  —  P.  Blxtmo,  S,  P.  Q,  Genuem. 
Eitt.  L.  XIV,  p.  S38.  —  Agoit.  GUutiniani,  ÂnnaU  di  Genova.  L.  V.  f.  2Si.  T.—  i  Anto* 
Rtf  GalU.  p.  273.  —  VberH  FqIUUb.  L.  XI,  p.  63S.  —  Aib.  de  tOpaita,  AnmL  Plaeent. 
T.  XX,  p.  954.  —  P.  mzano,  L.  XIV.  p.  Zio.-^g.  GlustinUmi,  L.  V,  L  333.  A.  Biurro^ 
dut  ee  récit,  inculpe  F,  Adorno,  et  Giastipûni  le  Juittfle. 


94  HIS1X>IAE  DM  UimWAqV»  ITAtîtlIKES 

ceux  dfii  doc  ée  Mlan',  eat  besoin  de  ménagements  infinis 
ponr  éviter  an  combat  dédslf ,  <jai  aurait  miné  on  son  propre 
parti,  on  la  liberté  de  la  république  II  fit  passer  son  frère, 
Ghiaiies  Adorno,  dans  la  forteresse  de  Castelletto,  et  il  lui 
donna  eommission  de  descendre  dans  la  yiUe,  pour  en  chasser 
Ibletto  de  Fiesehi  au  moment  où  lui-même  serait  engagé  avec 
les  Frégoi»  dans  une  escarmouche.  Ses  ordres  furent  exécutés 
•vec  précision.  Prosper  combattit  les  Fregosi  à  Promontorio, 
mais  sans  pousser  ses  avantages;  et  son  frère  se  rendit  maître 
de  la  ville  et  de  la  porte  Saint-Thomas,  qui  pouvait  M  ouvrir 
une  communication  avec  l'armée  milanaise  *.  Ce  fut  alors 
surtout  que  Prosper  Adomo  montra  sa  modération  et  son 
adresse  :  il  fit  demeurer  les  troupes  de  San-Sévérino  dans  leur 
camp ,  et  il  entra  seul  dans  la  vUle ,  avec  les  hommes  de  sa 
fection.  Ceux-ci  augmentaient  en  nombre  à  mesure  qu'il 
avançait  ;  les  rues  retentissaient  des  cris  de  vive  les  Âdorni 
et  les  Spinolal  et  dans  toute  la  multitude,  personne  ne  pro- 
nonçait le  nom  du  duc  de  Milan.  Prosper,  {arrivé  au  palais, 
déclara  qu'il  accordait  î  impunité  à  tous  ceux  qui  avaient  eu 
part  aux  derniers  troubles  ;  H  assembla  le  sénat  qui  le  re- 
connut pour  gouverneur;  il  demanda  un  présent  de  six  mille 
florins  pour  les  diefe  de  Tannée,  et  les  citoyens,  qui  s'étaient 
lïttendus  à  des  contributions  bien  plus  considérables,  payè- 
rent avec  plaimr  cette  petite  somme  avant  le  terme  de  trois 
jours  *. 

Ce  fut  te  30  avril  que  Gènes  retourna  aînSî  sous  la  domi- 
nation limitée  du  duc  de  Milan.  Bobert  de  San-Sévérino  y 
entra  sans  armes,  avec  Louis  et  Octavien,  oncles  de  Jean 
Craléaz,  eft  avec  leurs  principaux  offiders.  Us  en  ressortirent 
presque  aussitôt,  jet  conduisirent  leur  armée  w  ûége  de  fia-^ 

A  émon.  ^m.  1^  aM.«-'0»«4Hroitoli)BéC.  SI,^.  «M.  ^«  énUm.  GM  De  rébus  Ge- 
^iiii«..p.  2M.  -«  UkeHi  foUeîm,  L.  ,^,  p.  ^40.  —  P.  to«m),  Uist*  Genuent,  L.  XIV , 
p.  W.-'^ott.  GimaniaHi,^%  f.  999.  «. 


M  MOTKir  A6C.  9& 

tinione,  riiàteau  des  Fieschi  dans  les  Apemmis.  Pour  faire 
lever  ee  siège,  Ibletto  de  Fieschi  rassemMa  une  tronpe  de 
dnq  mille  paysans  :  Jean-Baptiste  Goano  Tenait  le  joindre 
avec  les  habitants  de  la  Polseyera  ;  mais  San-Séyérino  arrêta 
te  àenâer  par  des  négociations  trompenses,  et  dissipa  son 
armée.  Cdle  d'Ibletto  reçut  quelque  échec  d;  se  retira  daus 
les  montagnes.  SaTimone  capitula  ;  Ibletto  fit  alors  sa  paix 
Avec  les  généraux  milanais  :  une  même  activité,  un  même 
gofttpour  Fiirtrigue  les  disposèrent  à  s'associer,  et  îexpédi- 
tionde  Gènes  étant  finie,  lÙetto  accompagna  San-8évérino  et 
les  firèresSforza  à  Milan  <. 

les  deniers  étaient  impatients  de  retourner  à  la  cour  de 
lent  neveu,  pour  disputer  l'autorité  de  Gecco  Simonéta.  Ils 
voyaient  «et  habile  mmistre  exercer  au  nom  de  la  dudiesse 
Bouoeune  souyeràineté  absolue.  La  supériorité  de  ses  talents 
et  de  son  caractère  soumettait  tout  à  ses  volontés.  On  avait 
pris,  sous  les  deux  précédents  princes,  l'habitude  de  ne  pmnt 
lui  résister  ;  d'autre  paît,  les  frères  du  duc,  qui  annonçaierrt 
seulement  le  désir  de  limiter  son  pouvoir,  ayaiait  peut-être 
'formé  le  projet  de  supplanter  et  lui  et  son  maître.  On  assure 
'que  leur  intention  était  de  faire  périr  la  duchesse  et  ses  deux 
Ils,  de  donnera  Ijouis-Ie-Maure  le  titre  de  duc  de  Milan,  à 
diaeun  de  ses  frères  la  seigneurie  d'une  ville,  à  Bobert  de 
San-Sévérino  cale 'de  Parme,  et  à  Ibletto  de  Fieschi  celle  de 
Gênes  ^.  C'était  pour  exécuter  ces  projets  qu'ils  avaient  mis 
fin  précipitamment  à  la  guerre  de  Ligurie,  et  quMls  uvaiedt 
ramené  à  grandes  marches  leur  armée  vers  Milan.  Mais  Si- 
monéta, qui  les'SurvdHait,  fit  arrêter,  le  25  nmi,  Donalo  de 
donti,  leur  agent  principal  et  le  dépositaire  île  tous  leurs  se- 
lîrets*. 


-  s  JNoritan  JiormcsM.  T.  XXII,  ^.  H9.^  >  ÀièÊHi  (tff  MUfoUQ,  4mmi*  MflMiKM. 
T.  XX,  p.  9S«. 


d6  HISTOIRB  BBS  BipUBLIQITn  ITALIBlfia» 

Les  frères  Sforza  étaient  à  table  atec  ks  autres  chefr  4e 
leur  parti,  lorsqu^ou  leur  annonça  Farrestation  de  Donato  de 
Conti*  Qs  sortirent  arec  impétuosité  de  leur  palais,  appelant 
le  peuple  aux  armes.  En  effet,  une  grande  multitude  se  ras^ 
sembla  autour  d*eux,  et  les  aida  à  se  rendre  nudtres  de  Porta- 
Tosa.  Robert  de  San-Sévérino  et  Octa^ien  Sforza  youlaient 
attaquer  le  palais,  et  s'attacher  la  populace  en  lui  abandon- 
donnant  le  trésor  et  les  magasins  de  blé  qu'il  contenait.  Le 
duc  de  Bari  et  Louis-le-Maure  s'y  opposèrent.  Déjà  la  du- 
chesse, qui  s'était  réfugiée  dans  la  citadelle,  avait  promis  de 
remettre  en  liberté  Donato  de  Gonti  ;  mais,  pendant  ce  temps, 
ses  amis  se  rassemblaient  autour  d'elle,  et  ceux  de  ses  beaux- 
frères  perdaient  courage.  Robert  de  San-Sévérino,  Ibletto  et 
Octavien  essayèrent  de  nouveau  d'ameuter  la  populace  en 
parcourant  la  ville,  et  faisant  crier  :  A  mort  les  étrangers! 
Mais  les  frères  Simonéta,  qu'ils  désignaient  par  ce  nom,  n'é- 
taient point  odieux  aux  Milanais,  et  personne  ne  prit  les  ar- 
mes. Le  lendemain,  tous  ces  chefs  sortirent  de  bonne  heure 
de  la  ville  par  la  porte  de  Verceil.  Robert  de  San-Sévérino 
et  Iblettode  Fieschi  ne  s'arrêtèrent  point  qu'ils  ne  fussent 
parvenus  sur  le  territoire  d'Asti.  Sur  cette  frontière  même, 
Ibletto,  accablé  de  fatigue,  entra  dans  une  auberge  pour  se 
reposer,  et  il  y  fut  arrêté.  Robert  passa  outre,  et  se  mit  en 
sûreté  sous  la  protection  du  duc  d'Orléans.  Les  frères  Sforza 
s'étaient  échappés  par  des  routes  différentes.  Octavien,  dont 
le  caractère  turbulent  était  le  plus  redoutable,  périt  au  pas- 
sage de  l'Adda;  on  dit  qu'il  voulut  traverser  la  rivière  à  la 
nage  et  qu'il  s'y  noya.  D'autres  assurent,  au  contraire,  qu'il 
fut  tué  sur  ses  bords  par  des  satellites  de  Simonéta,  qui  le 
poursuivaient.  Ses  frères  jfurent  exilés  par  un  jugement  de  la 
régence  de  Milan,  avec  ordre  de  résider  :  Sforza  l'aîné,  dans 
le  duché  de  Bari  dont  il  portait  le  titre;  Louis  à  Pise,  et  le 
cardinal  Âscagne  à  Pérouse.  A  cette  condition,  on  leur  pro- 


ou  MOYEU   AGX.  97 

mit  à  diacan  ane  pension  de  dooze  mille  dnetto  * .  Le  niième 
frère,  Philippe  Sforza,  demeora  seol  à  Milan  :  il  n'ayait  Tonb 
prendre  ancone  part  anx  intrigues  de  ses  frères,  et  il  s'était 
rangé  du  parti  de  la  dnehesseet  deSimoneta*. 

Lorsqu'on  avait  annoncé  an  pape  Sixte  Vf  la  mort  de  6a- 
léaz  Sforza,  il  s'était  écrié  :  «  La  paix  de  Fltalie  a  péri  au- 
«  jourd'hni  ayeclni' i  »  En  cdffet,  cette  pnfssance  imposante 
qui  contenait  dans  le  repos  tout  le  nord  de  l'Italie,  était  dé- 
truite; les  états  de  Crènes  et  de  Milan  étaient  de  nouveau  li- 
vrés anx  fureurs  des  guerres  civiles  :  la  longue  alliance  que 
François  Sforza  avait  contractée  avec  là  république  florentine 
était  ébranlée;  le  contrepoids  que  le  duché  de  Milan  oppo- 
sait à  l'ambition  du  roi  Ferdinand  de  Naples,  n'existait  plus, 
le  champ  était  ouvert  pour. de  nouvelles  combinaisons  poli- 
tiques, et  nous  allons  voir  ce  même  pape,  qui  se  plaignait  de 
ce  que  la  paix  d'Italie  était  détruite,  jeter  les  semences  d'une 
guerre  nouvelle,  et  augmenter  la  confusion  générale. 

i  Atàerti  de  Ripaita,  ^nnoL  PUteent.  T.  XX,  p,  9S4-9SS. — Bem.  Corio,  Hiit.  Miian. 
P.  VI.  p.  ni, —Anton  Gain,  De  rébus  Genueiu.  p.  378.  ^  >  Anwn^GaUL  p.  3TS.  — 
—  '  JoseplU  BipamwtiL  h.  ¥i,  p.  eso. — Bem»  CortQ.  P.  VI,  M3- 


TU* 


d8  HIsrOIBZ  DBS  BSPUBUQOES  ITAI.IEI(I(ES 

HHiiiitiHuiiimiitsiîiiiiiimiiintnniUii 


CHAPITRE   IV. 


GoiQuration  des  Pazzi. 


t478. 


La  république  de  Florence  devenait  chaque  jour  plus  étran- 
gère à  la  politique  générale  de  l'Italie  et  de  TEu  rope.  £l|e  ne 
se  mettait  point  en  me^qre  d'arrêter  les  projets  ambitieux  de 
Ferdinand  et  de  Sixte  IV  ;  elle  ne  secondait  point  les  Vénitiens 
dans  leur  guerre  contre  les  Turcs,  les  Génois  dans  le  recou- 
vrement de  leur  liberté,  la  duchesse  régente  de  Milan,  ou  ses 
rivaux,  les  frères  Sforza,  dans  leur  lutte  pour  la  puissance 
suprême.  Les  magistrats  se  succédaient  à  Florence,  sans  que 
leur  administration  fût  marquée  par  aucun  fait  important. 
Le  minutieux  historien  Sctpion  Ammirati  trouve  à  peine,  en 
six  ans,  à  remplir  quatre  pages,  et  son  silence  atteste  la  lan- 
gueur, la  torpeur  universelle  ^  Les  deux  frères  Médids,  de- 
venus des  hommes  faits,  mettaient  leur  ambition  à  substituer, 
en  toute  chose,  leur  autorité  personnelle  à  celle  de  la  répu- 
blique 1478.  —  Les  Florentins,  se  défiant  des  intrigues  qui 

>  Sctpiottç  AwmltNUo,SMr.  Fior,  U  XXUI,  p.  iii-ii4. 


BU  HOYEN   AGE.  99 

aeeompagnent  soavent  les  élections,  avaient  cta  obtenir  une 
i*epr^ntation  pins  égale,  en  faisant  nommer  ^ar  le  sort  leurs 
magistfâts;  maïs  à  eette  forme  d'élections,  la  plus  démocra- 
tique de  toutes,  les  Médicis  avaient  substitué  la  plus  arbi- 
traire de  tontes  les  oligarchies.  Us  noïnmaiept  eux-mêmes 
cinq  électeurs  ou  accoppiatoriy  et  ceux-ci  faisaient  des  gon- 
faloniers  et  des  prieurs,  sans  consulter  le  peuple,  et  sans  qu'il 
restât  plus  le  moindre  lien  entre  les  magistrats  et  ceux  qu'ils 
représentaient.  Gomme  la  Seigneurie  était  encore  trop  nom- 
Inreuse  pour  être  maintenue  aisément  dans  l'obéissance,  ils 
avaient  augmenté  le  pouvoir  du  gonfalonier  au^c  dépens  de 
ses  collègues  les  prieurs,  dont  il  n'était  d'abord  que  le  prési- 
dait, ils  rappelaient  seul  à  leurs  délibérations,  et  ils  l'^nga- 
geaioBt  h  donner  des  ordres  au  nom  d'un  corps  qu'ils  na 
daigàtieut  plus  consulter.  La  commission  extraordinaire, 
qa'oQ  nommait  battes  ne  devait,  selon  les  usages  antiques, 
être  4ifféée  que  dans  les  temps  de  trouble,  pour  i^uver  la  ré- 
pabttque  d'un  grand  danger;  mais  les  Médicis   l'avaient 
AaofgÉi^  CQ  on  corps  permanent,  auquel  ils  attribusdent  l'en- 
«Mntde  des  poavoim  législatif,  administratif  et  judiciaire. 
Ken  1^,  Us  la  mettaient  au-dessus  de  la  souveraineté  na- 
liapale  elle-même;  car  ils  lui  attribuaient  des  pouvoirs  que 
les  peiqdet  n'ont  p(rint  dâégués  à  leurs  souverains.  Ainsi,  la 
btlie  «ndamnait  sans  procédures  les  individus  suspects  aux 
■édMs,  dde  substit&ait  aux  impôts  des  taxes  arbitraire,  elle 
pfrtirit  des  lois  réti^oâêtiYeS,  eUé  aggravait  les  sentences  an>- 
fiieuBei,  en  sotoiiettant'à^ife  îiouvelles  peines  ceux  qui  n'a^ 
YiûeBit point  commis  de  nouVeaus  délits;  elle  disposait  de  la 
totaiité  ésè  finances  de  l'état  sans  en  rendre  compte.  On  lui 
vit  empk»^  cent  mille  Siaim  à  sauver  d'une  faillite  la  n\ai- 
Mm  de  bloque  ^e  Themas  des  Portinari  dirigeait  à  Bruges, 
pour  le  compte  de  Laurent  de  Médicis.  D'autres  somme»  fu- 
rent, eu  d'autres  occastgus,  détournées  de  même  des  caisses 


100  HISTOIRE  DIS  REPUBLIQUES  ITALIBKKES 

publiques,  pour  les  besoius  du  conunerce  de  ces  mêmes  chefs 
de  rétat.  Os  aTaient  Timprudeiice  de  continuer  les  grandes 
spéculations  de  banque  qui  avaient  enrichi  leur  a'ieul,  tan^ 
qu  ils  n'y  donnaient  aucune  application,  et  qu'ils  en  igno- 
raient les  principes.  Aussi,  leur  faste  et  leur  incapacité  les 
auraient  bientôt  ruinés,  si  les  deniers  de  l'état  n'avaient  souvent 
été  appropriés  à  leur  profit  * . 

Les  Médicis,  en  marchant  ainsi  à  la  tyrannie,  avaient  ce- 
pendant un  parti  nombreux  dans  Florence  :  il  était  composé 
d'abord  de  quelques  citoyens  d'anciennes  fainilles,  qui  par- 
tageaient avec  eux  les  magistra,tures  et  les  revonus  publics, 
et  qui  n'étaient  pas  sûrsde  conserver  sans  eux  leur  importance  ; 
ensuite  de  tous  les  gens  de  lettres,  les  poètes  et  lies  artistes, 
que  Laurent  et  Julien  attiraient  dans  leur  maison,  qu'ils  com- 
blaient d'honneurs  et  de  présents,  qu'ils  élevaient  jusqu'à 
eux,  tandis  qu'ils  prétendaient  se  séparer  de  tous  les  autres  ; 
enfin,  leur  parti  se  composait  de  la  basse  populace,  toujours 
enchantée  des  spectacles  et  des  fêtes  quelui  donnaient  les  Mé- 
dids  :  elle  ne  s'apercevait  pas  qu'on  la  corrompait  avec  son 
propre  argent,  et  qu'on  lui  avait  pris  d'une  main  ce  qu'on  fei- 
gnait de  lui  donner  de  l'autre.  Mais  d'autre  part,  malgré  les 
sentences  révolutionnaires  qui  depuis  1434  avaient  frappé  par 
classes  toutes  les  familles  anciennes  et  illustres  de  Florence, 
qui  avaient  rempli  l'Italie  et  la  France  d'exilés,  et  compris 
dans  les  proscriptions  tous  les  noms  historiques  de  la  républi- 
que, la  masse  entière  des  anciens  citoyens  était  encore  op- 
posée aux  Médicis.  Des  transports  de  joie  universels  avaient 
éclaté,  douze  ans  auparavant,  lorsque  quelque  liberté  avait  été 
tendue  aux  élections,  et  un  morne  abattement  acconq[Mignait, 
depuis  quelques  années,  l'établissement  de  la  tyrannie. 

Laurent  de  Médicis  et  son  frère  Julien  n'étaient  pas  oom- 

1  UtorU  <U  Giovi  CambL  T.  XXI.  DeUz,  Erudit.  p.  1-3. 


DU  MOTEn    AGE.  101 

plétement  d* accord  dans  lëar  système  d'administration.  Le 
second,  plus  doux,  plus  modeste,  plus  disposé  à  vivre  en  égal 
an  milieu  de  ses  concitoyens,  ressentait  quelque  inquiétude 
de  la  fougue,  de  l'orgueil  et  des  violences  de  son  frère  ;  aussi 
cherchait-il  à  l'arrêter  par  ses  représentations  ^ .  Mais  Laurent 
voyant  les  familles  des  Ricci,  des  Albizzi,  des  Barbadori,  des 
Perozzi,  des  Strozzi,  eiilées  dès  1434,  celle  des  Macchiavelli 
en  1458,  celles  des  Aociaiuoli,  desNéroni,  des  Sodérini  en 
1 466  ;  celles  enfin  des  Pitti  etdes  Gapponi,  dépouillées  de  leur 
afiden  crédit,  cherchait  seulement  à  faire  en  sorte  qu'au- 
cune d'elles  ne  pût  se  relever,  qu'aucune  autre  n'acquit  des 
richesses  ou  une  considération  qui  pût  lui  faire  ombrage  ;  as- 
suré qu'autant  qu'il  ne  laisserait  point  de  chef  à  la  multitude , 
il  pourrait  sans  danger  provoquer  son  ressentiment. 
$  Parmi  les  familles  dont  les  Médicis  pouvaient  craindre  la 
rivalité,  celle  des  Pazzi  tenait  le  premier  rang.  Les  Pazzi  de 
Yal  d'Amo,  longtemps  associés  aux  Ubaldini,  aux  Ubertini  et 
aux  Tarlati^  étaient  d'anciens  feudataires  gibelins,  habituel- 
lement en  guerre  avec  la  république  florentine.  Après  que 
l'agrandissement  de  celle-ci  les  eut  engagés  à  quitter  leurs  for- 
teresses'pour  venir  vivre  dans  la  capitale ,  ils  continuèrent  à 
exciter  la  défiance  d'une  démocratie  jalouse  ;  ils  furent  com- 
pris dans  la  classe  des  magnats ,  et  exclus  de  tous  les  emplois 
par  l'mrdonnanoe  de  justice.  Hais  lorsque  Gosme  de  Médicis 
eut  chassé,  en  1434,  la  noblesse  populaire  du  gouvernement, 
il  sentit  la  nécessité  de  se  fortifier  par  l'alliance  de  l'ancienne 
noblesse.  Dans  ce  but,  il  accorda  à  plusieurs  magnats  le  privi- 
1^  de  rentra  dans  la  classe  du  peuple.  La  famille  des  Pazzi 
fut  une  de  celles  qui  acceptèrent  ce  droit  de  bourgeoisie ,  jugé 

»  J.  MicheL  BnUo^HisL  Florent.  L.  VI,  p.  148.  AMeri  a  Uré  i>arH  deceUe  opposi- 
tiOD  de  caractéredans  sa  tragédie  de  la  Cwgiuraslane  de'  Pazzi-  H.  Roseoë  {llbuttations, 
p.  101)  oppose  au  lémoigDage  de  Bruto,  et  à  la  tradition  florentine  dont  AlSeri  a  Tait 
«sage,  des  vers  faiu  à  la  louange  des  deux  frères  par  un  poète  â  leurs  gages;  s'i| 
4vaii  vécu  en  IUlie,  il  saurait  le  crédit  qu'on  y  donne  à  de  tels  vefs. 


1Q2  HISTOIBE  DES  HEPVmitDES  ITALIEIIIIES 

par  ploâienn  nue  dégradation,  et  André  fat,  en  1439,  le 
premier  de' cette  famille  qui  siége&t  dans  la  Seigneurie.  André 
eut  trois  fils,  Antoine,  Pierre  et  Jacob  $  Ton  lui  donna  dnq 
petits-fils,  r autre  trois,  et  Jacob,  le  plus  jeune,  ne  se  maria 
pas  ^ .  Cette  nombreux  maison  n*a^ait  pas  seulement  été  ad* 
mise  dans  Tordre  du  peuple  par  un  décret,  elle  a^ait  ausn 
pris  les  mœurs  de  la  bourgeoisie  iorentÎBe.  Les  Pazsi  s'étaiest 
engagés  dans  le  commerce,  et  leur  maison  de  banque  était  une 
des  plus  riches  et  des  plus  eonsidérée»  de  l'Italie.  Non  moins 
supérieurs  aux  Médieis  comme  marchwds  que  comme  gen- 
tilshommes, il9.  n'avaient  pas  besoin^  pour  se  soutenir,  de 
détourner  à  leur  avantage  les  deniers  publies. 

Gosme  de  Médids  avait  voulu  s' attacher ^  par  les  liens  da 
sang,  cette  famille  si  nombreuse,  si  riche,  et  dent  le  crédit 
pouvait  être  pour  lui  si  utile  eu  si  dangereux-  Il  avùl  fait 
épouser  sa  petite-fille^  Blanche,  sceur  de  Laurent  et  de  Julien, 
à  Guillaume  des  Paz^i,  fils  d'Antoine  et  petitTfils  d'André  K 
Laurent  avait  eu  une  politiq^ue  toute  coptraire)  il  avait  pour 
principe  de  les  ruiner,  ou  tout  au  moios^  d'arrêter  l'aeeroîsse* 
ment  de  teur  fortune  ;  et  comme  Jean  dea  Pa^ai,  beau-^fièee  de 
sa  sœur,  avait  épousé  la  fille  «t  1  unique héritièFe  de  Jean 
Borroméi,  citoyen  immensément  riebe,  Laurmt  fit  raidret 
une  loi,  à  la  mort  de  Borr(Mnéiy  par  laquelle  lesvuevei»  d«^ 
sexe  masculin  étaient  préférésir  aux  filles- dans  l'hâ^itage-d'n^ 
père  mort  ab  intemty  et  il  donna  à  cette  k»  im  efl(etrélyo* 
actif  :  en  sorte  q^e  Pasuû  perdit  l'héritage  da  scmbeau-pèrei  qui 
n'avait  pas  cru  néce^saijre  de  faîve^  un  teptanf  «^  m  Uymi  ^ 
son  unique  ei^ant'. 


1  Scipiotm  Ammiraio.  L.  XXIV,  p.  iis.-^  Ibid.  p.  li«.— /o.  Mieh.  Bmi,  Hiit.  FAv. 
L.  VI,  p.  140.  —  >  MaccMavelU,  Maria,  h.  VII!,  p.  S61  .—Jacopo  Nordi,  Ut.  Flor,  L.  1, 
p.  1^.  U  rumm^pÊtq»  46  wd  tempk  c«tle  M  éMt  ebeorè  en  vigueur.  /.  uiûL  Bralf. 
L.  Vl«  p.  i4Sk  »  aoâouttp  dtelnrtàBl  b  ntnra  pr*eis6  ds  eeHe  to)uiftee,  prétend  qu'elle 
apparUentà  «ieép»q«fr  oé  fiiuraiit,  «neore  fort  jeUdé,  étiit  Iwrs  de  sa  pairie  ;  et  il  en 
dotne  pour  preuve  de»  pteaaei  d^e  lelM  de  lioiill  P«lei  à  LMreql  de  Médicis,  du  22 


DU  MOYEN   AGE.  103 

Des  trois  fils  d'André  Pazzi ,  le  seul  qat  Técût  encore  était 
Jacob,  qui  n avait  point  été  marié.  Il  avait  été,  en  1469, 
gonfalonier  de  justice,  et  le  peuple  T avait  fait  chevalier; 
mais  dès  lors  Laurent  de  Médicis  avait  exclu  tous  les  Pazzi  de 
la  Seigneurie,  à  Texception  de  Jean,  beau-frère  de  sa  sœur, 
qui  avait  siégé  une  seule  fois  en  1472  parmi  les  prieurs  ^ 


avril  I46S  ;  •  iId  cfaïamau  ptai  YoUé  lUidseima  questa  toa  partenEa,  acdo  che  tu  bon 
«  abbi  commefso  peçeato,  ad  aiutare  della  sua  petizlone  nuoTamente  affermaia  quello 
«  con  che  Fainico  di  val  d*Arno  de!  Corno,  volevé  eritrare  nell'  orio  dîel  norrbmèo 
«<  per  le  mmà  :  OTYero  con  che  egli  porta  le  pergo  e,  quando  non  v'agKlugne  o*appie* 
N  col  8U0  peonaluzxo.  »  ^e  ne  comprend^  pas  trop  ces  plaisanteries  en  langue  baroque, 
mais  je  doute  que  H.  Roscoë  les  comprenne  mieux  que  mol.  A  suppoâef  cependant 
qu'il  8'agissA  ici  d&  Giovanni  Borronéi,  que  Vamieo  di  ValifAmo  soit  un  t»azzi,  parce 
que  les  Pazzi  avaient  été  seigneurs  dans  le  Val  d'Arno  ;  à  supposer  aussi  que  ces  murs 
dé  jardin  é  escalader,  cette  serpette  à  tailler  les  vignes,  aient  un  sens  figurtà,  ei  ne 
taflseiiC  pas  allusion  i  des  espiègleries  très  réelles  de  jeunes  gens  de  dix -sept  ans,  en- 
core s'agirait-il  d'une  entreprise  où  Laurent  de  Médicis  aurait  été  de  moiiié»  avec  Tami 
dd  val  d'Arno,  et  aurait  réussi,  comme  son  mariage,  par  exemple;  non  'de  dépouiller 
cet  ami,  dont  la  pétition,  dit-il,  a  é\é  confirmée.  11  faut  des  divinations  mieux  fondées 
pour  détruire  le  témoignage  de  deux  historiens  presque  contemporains,  et  une  loi 
longtemps  eiistante.  On  se  tient  en  garde  contre  la  partialité  d'un  racùeox  qui  écrit 
pour  son  pa^^,  dU  lla^telir  d'ud  pritf  ce  qui  écrit  pour  son  souverain ,  même  d'un  ci- 
toyen qui  veut  relever  la  gloire  de  sa  patrie  ;  mais  devait-on  s'attendre  à  ce  qu'à  trois 
cents  ans  et  trois  cents  lieues  de  dUunce,  un  habile  écrivain  emploièt-aii  la  plus 
vatte  érudilioli  à  se  tromper  liri-m6oM  aussi  bien  que  les  autres  sur  rimportaDce,  les 
droits  et  Içs  vertus  de  son  héros?  Roscoi,  Ufe  of  Lorenzo.  Cbap.  iV,  p.  i82. 

Je  ne  sais  pbùfquoi  M.  Roscoë  prétend  (lUustrotiom,  p.  105}  que  Je  n'illègûe  ponr 
06  £iii  d'autre  auiorilô  que  Scipione  Ammirato  et  J.  M.  Brato,  tandis  qtie  j6  cite  au  col^ 
traire  Macchiavelli  et  Mardi,  tous  deux  contemporains,  tous  deux  précis  dans  leur  té- 
moignage, et  absotoment  irrécusables.  Je  ne  comprends  pài  mieux  comme  11  dit,  p.  los, 
qn'à  moids  qu'on  puisse  moâtrer  que  la  lettre  qu'il  a  reproduite  se  rapporte  â  quel- 
que autre  urausaction  eotre  les  Pazzi  et  les  Borroméi,  il  croira  toujours  qu'elle  suffit 
pour  Justifier  Lorenzo  ;  cooime  si  Vamieo  di  Val  d*xnio,  entre  cinquante  miâe  Hlibi- 
taiHs  de  cette  prOvineei  ne  pouvait  être  qu'un  PassL  Je  n'irai  point,  comme  il  me  lo 
conseille,  exercer  mon  talent  de  deviner  sur  BurcliieUo^  pour  me  préparer  à  la  lec- 
ture (Se  ($étte  lettre.  Je  ne  comprends  point,  il  est  vrai,  à  quoi  fait  aOusioh  la  plaièàii- 
terie  de  la  serpette,  ni  lui  non  plus;  mais  je  comprends  quePuki  Mlicite  Laurent  de 
n'avoir  pas  comniis  le  péché  d'aider  l'ami  du  Val  d'Arno  contre  Borroméi,  et  non 
d^aider  un  nëteu  de  borroméi  é  eillëver  A  ce^  ami  ses  droits.  Â'àiHeurs  il  t  À  cbbtrë  U 
snppoiilioB  de  M.  Rosooë  une  preuve  plus  décisive.  Pour  que  la  letue  de  PulCl;  du 
n  avril  14Q5,  se  rapportât  A  la  succession  de  Giovanni  Borroméi,  il  faudrait  que  celui- 
ci  fOt  mort  é  cette  époque  ;  liiâls  im  Voit  pir  fè  Pifioraid  que  Oiovalmi  bi  Bi^rêiMO  dit 
ser  Filippo  Borroméi,  était  prieur  de  Uberié  en  mars  et  avril  liii,  —  m  DeAai^  4fgii 
Brudit.  T.  XX,  p.  407.  —  >  Voyez  le  Priorato.  DeUz,  Brudit.  T.  XX,  p.  401  et  suivantes. 


104  HISTOIHB  DES  REPUBLIQUES  ITALlBNlfES 

Cette  eiclusion  était  d'autant  plus  offensante,  qu'il  y  avait  à 
cette  époque  neuf  hommes  dans  cette  famille  en  âge  d'exer- 
cer les  magistratures,  qu'ils  tenaient  le  premier  rang  dans  la 
ville,  et  que  toutes  les  élections  dépendaient  uniquement  des 
Médids. 

François  Pazzi ,  l'aîné  des  beaux-frères  de  Blanche  de 
Hédicis,  ne  put  supporter  qu'un  homme  se  mit  à  la  place 
de  la  patrie,  qu'il  accordât  ou  refusât  comme  une  faveur  ce 
qui  appartenait  à  tous,  et  qu'il  exigeât  de  la  reconnaissance 
de  ceux  à  qui  il  en  devait,  lorsqu'il  se  faisait  fort  de  leur  cré- 
dit, et  qu'il  s'enrichissait  de  leur  argent.  Il  alla  s'établir  à 
Bome,  où  il  avait  un  de  ses  principaux  comptoirs  de  com- 
merce ;  le  pape  Sixte  j V  le  choisit  pour  son  banquier ,  de 
préférence  aux  Médicis,  et  ce  pontife,  aussi  bien  que  son 
fils  Jérôme  Biario,  formèrent  dès  lors  avec  lui  des  relations 
intimes. 

Autant  les  citoyens  florentins  ressentaient  de  jalousie  contre 
la  maison  de  Médicis,  autant  Sixte  lY  et  Jérôme  Biario  nour- 
rissaient de  haine  contre  elle  ;  ils  la  regardaient  comme  ap- 
portant un  obstacle  à  tous  leurs  projets  d'agrandissement. 
Sixte  n'avait  oublié  ni  les  seciours  donnés  à  Mcolas  Titelli, 
seigneur  de  Gittà  del  Gastello,  ni  la  ligue  formée  dans  le  nord 
de  l'Italie,  ni  les  négociations  entamées  par  Laurent  pour 
empêcher  Jérôme  Biario  d'acquérir  Imola.  Jérôme,  de  son 
côté,  craignait  qu'à  la  mort  du  pape  les  Médicis  ne  le  dépouil- 
lassent aisément  d'une  souverainetéquin'aurait  plus  d'appui. 
Il  désirait  rendre  à  Florence  sa  liberté,  pour  se  mettre  ensuite 
sous  la  protection  de  cette  république.  François  desPazzi,  qui 
voyait  familièrement  Sixte  et  Biario,  envenimait  leur  haine 
en  l'unissant  à  la  sienne,  et  il  cherchait  avec  eux  les  moyens 
de  mettre  un  terme  à  une  usurpation  qui  s' affermissait  chaque 
jour*. 

1  IfICi  MoffMwem.  L.  VIII,  p.  S59. 


DU  MOYEN  AGE.  105 

l'histoire  pafisée  de  la  république  ne  laissait  aucun  doute 
sur  le  mauVais  succès  de  toutes  les  tentatives  d'émigrés  ;  une 
agression  extérieure,  loin  d'ébranler  le  gouvernement,  raf- 
fermissait en  lui  donnant  occasion  d'emprisonner  ou  d'exiler 
ses  ennemis  secrets,  et  d'employer  les  ressources  de  l'état  avec 
plus  d'énergie.  La  tentative  d'une  réforme  légale  était  tout 
aussi  inutile  ;  quand  on  aurait  trouvé  au  milieu  de  conseils 
corrompus  un  homme  assez  courageux  pour  réclamer ,  au 
nom  des  lois,  le  maintien  de  la  liberté,  son  dévouement  n'au- 
rait produit  autre  chose  que  sa  perte  immédiate..  Les  M^icis 
n'étaient  plus  soumis  aux  lois,  n'étaient  plus  justiciables  d'au- 
cuns tribunaux,  et  tout  recours  contre  eux  n'aurait  seryi  qu'à 
leur  défflgner  de  nouvelles  victimes.  Une  levée  de  boucliers 
était  également  impraticable  ;  la  vigilance  constante  du  gou- 
vernement aurait  empêché  les  Pazzi  de  réunir  chez  eux,  en 
armes,  les  citoyens  de  leur  parti,  ou  les  paysans  de  leurs  cam- 
pagnes. Et  quand  encore  on  aurait  pu  dérober  aux  Médicis  la 
première  connaissance  d'uu  rassemblement  hostile,  comme  ils 
étaient  maîtres  du  palais,  des  portes  et  de  tous  les  lieux  forts, 
comme  les  magistrats  et  les  juges  étaient  leurs  clients  et.  leurs 
créatures,  toutes  les  forces  militaires  de  l'état  et  tout  l'appa- 
reil de  la  justice  auraient  été  tournés  contre  les  insurgés.  Il 
ne  restait  donc  d'autre  parti  à  prendre  à  leurs  ennemis  que 
celui  d'une  conjuration,  car  ils  se  croyaient  bien  sûrs  qu'a- 
près que  les  deux  Médids  auraient  été  tués,  les  citoyens  qui 
tremblaient  devant  eux  s'empresseraient  de  condamner  leur 
mémoire,  et  de  reconnaître,  comme  un  acte  de  la  vengeance 
publique,  l'attentat  de  leurs  meurtriers.  L'exemple  récent  de 
la  conspiration  de  Milan,  loin  de  décourager  les  conjurés, 
pouvait  leur  inspirer  de  la  confiance  ;  il  avait  montré  combien 
il  était  facile  de  se  défoire  d'un  tyran  ;  et  si  le  peuple  de  ItGlan 
ne  s'était  pas  soulevé  ensuite,  on  pouvait  allier  qu'il  re- 
connaissait Galéaz  Sforza,  quelque  odieux  qu'il  fût,  pour  son 


106  HISTOIRE  DES  REPUBLIQUES  TTAJLimnHES 

souveraiD  ;  tandis  qae  les  Médicis  n'osaient  pas  même  avouer 
ouvertement  qu'ils  se  crussent  d  un  rang  supérieur  aux  autres 
Florentins. 

Les  esprits  étaient  aigris  par  des  offenses  mutuelles,  et  les 
ennemis  des  Médicis  se  préparaient  d^à  à  une  conjuration, 
lorsque  de  nouvelles  injures  leur  procurèrent  des  alliés  ines- 
pérés. D'une  part,  Philippe  de  Médicis,  archevêque  de  Pise, 
étant  mort,  Sixte  I Y  lui  donna  pour  successeur  François  Sal- 
viati,  parent  d'un  Jacob  Salviati  que  les  Médicis  avaient  fait 
déclarer  rebelle  * .  Ils  ne  voulurent  point  reconBaltre  ee 
nouveau  prélat,  et  ils  lui  r^usèrent  la  possession  de  son  ar- 
chevêché. D'autre  part,  Charles  de  Montone,  fils  de  Bracdo, 
l'un  des  restaurateurs  de  l'art  militaire  en  Italie,  ayant  acquis 
lui-même  quelque  réputation  dans  les  armes,  voulut  tcmter  de 
recouvrer  l'autorité  que  son  père  avait  exercée  sur  Péroose. 
Il  était  venu  à  Florence,  après  livoir  terminé  le  temps  de  sa*- 
viee  pour  lequel  il  s'était  engagé  avec  les  Vénitiens ,  et  il  y 
avait  rassemblé  quelques  compagnies  d'hommes  d'armes.  Ce- 
pendant, comme  il  apprit  que  les  Florentins  venaient  de  re- 
nouveler leur  alliance  avec  Pérouse,  il  renonça  à  son  entre- 
prise sur  celte  ville,  et  il  tournis  ses  armas  contrôla  république 
de  Sienne,  avec  laquelle  Florence  n'était  point  en  guerre,  mais 
qu'elle  n'était  point  fâchée  de  voir  humiliée.  Charles  de 
*Montone,  pendant  l'été  de  1477,  enleva  un  grand  nombre 
de  châteaux  aux  Siennais ,  de  qui  il  réclamait  le  payement 
d'une  dette  contractée  envers  son  père 4  et  comme  il  les  trou- 
va mal  préparés  à  se  défendre,  il  se  flattait  dé^à  de  soumettre 
cette  république  ;  mais  les  Florentins  avm^nt  coaaenti  à  causer 
quelque  dommage  à  des  voisins  qu'ils  n'aimaient  pas,  sans 
vouloir  pour  cela  laisser  allumer  une  guerre  sur  leurs  fron- 
tières. Us  forcèrent  Montone  à  abandonner  son  entreprise  ;  la 

«  Vatthmem.  U  Tiff,  p.  S59. — ^iptotie  Ammfratô.l ,  XXlV,  p.  tlè.~  (ionjurtf 
tumii  PtteHtmœ,  CMnmem»  PùkilmH,  p.  «< 


j)U  iiO¥fiir  A01S.  107 

répablique  de  Sienne  n'en  garda  pas  moins  an  Tif  reNSenti- 
ment  de  ce  que  T  armée  gui  avait  enyabi  Bon  territoire  était 
partie  des  états  florentins  ^ .  Poar  s  en  venger,  elle  contracta 
une  étroite  alliance  avec  le  pape  et  le  roi  de  Naples'^  tandis 
que  Sixte  TV,  de  son  côté,  rai^mbla  une  petite  armée  sur  les 
frontières  florentines,  sous  prétexte  d'assiéger  le  cb&teaa  de 
Montone,  et  de  punir  ainsi  le  capitaine  qui  venait  de  troubler 
la  paix  ^. 

Sur  ces  entrefaites,  le  projet  de  changer  le  gouvernement  de 
Florenee  par  le  meurtre  des  Médicis  fut  arrêté  entre  François 
des  Pazzi  et  Jérôme  Biario  ^  ils  le  communiquèrent  à  F  arche* 
vèque  François  Salviati ,  qu'ils  savaient  irrité  par  des  injures 
récentes  :  et  en  effet  ce  prélat  y  entra  avec  ardeur.  François 
Pazzi  vint  ensuite  à  Florence,  pour  associer  à  la  conjuration 
son  oncle  Jacob,  le  chef  de  la  famille^  mais  il  y  trouva  plus 
de  difficultés  gu  il  n'en  avait  attendu.  Jean-Baptiste  de  Mon- 
tesecco,  condottiere  assez  accrédité  au  service  du  pape ,  et 
confident  de  Jérôme  Biario,  fut  dépêché  à  son  tour  auprès  de 
ce  vieux  magistrat,  pour  le  persuader.  Montesecco  s'était 
rendu  en  Toscane  chargé  d'une  feinte  négociation  avec  Lan- 
rent  de  Médicis^  et  avant  sou  diépart  il  avait  eu  une  audybence 
du  pape,  qiii  avait  offert  toutes  ses  forces  pour  appuyer  la 
conjuration  *.  Ce  fut  cette  accession  du  pape  au  complot  qai 
entrdna  enfin  Jacob  des  Pazzi  ;  il  consentit  alors  à  s  es  rap- 
porter à  ce  C|ue  son  neveu  ferait  pour  lui  à  Rome.  En  effet , 
François  y  était  retourné  pour  mûrir  ses  projets,  de  concert 
avec  le  pape,  le  comte  Biario  et  l'ambassadeur  de  Ferdinand, 
qui  de  son  côté  promettait  une  puissante  coopérati<m.  H  fut 
convenu  qoe«  sous  prétexte  d'attaquer  Montone ,  u&e  u^oiée 


1  Sdpione  Ammirato.  L.  XXIII,  p.  114.  —  MacchiavelU,  Utor.  L.  VII,  p.  346.—  *  Al- 
legreno  AUegreUU  lUari  SaneH.  p.  782.  -^  '  Ua^cbiaveUi.  h.  vm,  p.  aB6i  —  âH^r, 
Atiçgreii'u  Diqri  ^on^L  p.  t«3,  —  «  UatckHmm*  h,  v»f,  p.  set.  —  A  mMï.  BfuH. 

L.5LI,  p   146. 


108  HISTOIRE  DES  RÉPUBLIQUES  ITALIEIinES 

pontificale  s'assemblerait  dans  ïétat  de  Pérouse  ;  que  Lorenzo 
Giastini  de  Città  di  Gastello,  le  rival  de  Nicolas  Vitelli,  lève- 
rait des  soldats,  comme  pour  attaquer  la  famille  de  ses  adver- 
saires ;  qae  Jean-François  de  Tolentino,  an  des  condottieri  du 
pape ,  passerait  avec  sa  troupe  en  Boipagne,  et  que  François 
des  Pazzi,  T  archevêque  Salviati  et  Jean-Baptiste  de  Montesecco 
reviendraient  à  Florence  pour  augmenter  le  nombre  des  con- 
jurés ,  et  trouver  le  moment  d'accabler  en  même  temps  les 
deux  frères  * . 

Parmi  ceux  qui  s'engagèrent  à  seconder  Pazzi  et  Salviati , 
on  comptait  Jacques,  fils  de  Poggio  BraccioUni,  l'écrivain  cé- 
lèbre auquel ,  parmi  plusieurs  autres  ouvrages ,  nous  devons 
une  histoire  florentine.  Jacques  était  auteur  lui-même  de  quel- 
ques ouvrages  d'érudition  ^.  On  y  voyait  encore  deux  Jacques 
Salviati,  l'un  frère,  l'autre  cousin  de  l'archevêque;  Bernard 
Bandini  et  Napoléon  Francesi,  jeunes  gens  pleins  d'audace,  et 
tout  dévoués  à  la  maison  Pazzi  ;  Antoine  Mafféi ,  [prêtre  de 
Volterra  et  scribe  apostolique,  et  Etienne  Bagnoni,  prêtre  qui 
enseignait  la  langue  latine  à  une  fille  naturelle  de  Jacob  Pazzi. 
Tous  les  membres  de  la  famille  de  ce  dernier  ne  prirent  point 
part  au  complot.  René,  l'un  des  cinq  frères,  fils  de  Pierre, 
refusa  avec  fermeté  de  s'y  engager,  et  se  retira  à  la  campagne 
pour  n'être  pas  confondu  avec  les  conspirateurs  '. 

I/C  pape  avait  envoyé  à  l'université  de  Pise  Baphaël  Biario, 
neveu  du  comte  Jérôme ,  jeune  homme  à  peine  âgé  de  dix- 
huit  ans;  et  le  10  décembre  1477,  il  le  fit  cardinal.  Son  élé- 
vation à  cette  nouvelle  dignité  devait  être  célébrée  par  des 
fêtes.  Les  conjurés  pensèrent  qu'elles  offriraient  une  occasion 
facile  de  réunir  Laurent  et  Julien  de  Médicis  en  un  même  lieu 
pour  les  tuer  ensemble,  car  il  leur  paraissait  essentiel  que  les 

^Maeehiavem.  L.  VIII,  p.  366.  —  >  ir.  Roseoe,  Ufe  of  Lorenzo,  Cbap.  v,  p.  i85, 
note.  — s  JfaccAiaveW.  L.  VIII,  p;  367.  —  FoUtkmus,  Conjurai.  Paetianœ  Conmem, 
p.  8-9. 


DU  MOTBK  AGB<  109 

denx  frères  fassent  attaqués  en  même  temps ,  autrement  la 
mort  de  Fan  aurait  averti  F  autre  de  se  mettre  sur.  ses  gardes. 
Le  pape  écrii^it  en  conséquence  au  cardinal  Biario  de  faire 
tout  ce  que  lui  ordonnerait  rarcheyèque  de  Pise^  et  peu  après» 
l'archevêque  fit  venir  le  cardinal  à  Florence.  Jacob  des  Pazzi 
lui  donna  un  festin  à  sa  maison  de  Montughi,  à  un  mille  de 
la  ville.  Il  y  avait  invité  les  denx  frères  Médids,  mais  Julien 
n*7  vint  point.  Il  n'assista  pas  davantage  à  un  festin  donné 
au  cardinal  par  Laurent  à  Fiesole;  enfin,  Ton  apprit  qu'il  ne 
serait  pas  non  plus  à  celui  que  Laurent  destinait  à  Biario  dans 
sa  maison  de  la  ville,  le  26  avril  1478.  Ce  fut  alors  seulement 
qu'on  résolut  d'attaquer  les  deux  frères  ce  même  jour  à  la  ca^- 
thédrale,  oh  le  cardinal  Biario  devait  entendre  la  messe,  et  où 
les  Médicis  ne  pourraient  guère  se  dispenser  d'assister  avec 
lui  au  service  divin  * . 

François  des  Pazzi  et  Bernard  Bandini  se  chargèrent  de  tuer 
Julien.  On  regardait  leur,  entreprise  comme  plus  difficile , 
parce  que  ce  jeune  homme  timide  portait  habituellement  une 
cuirasse  sous  ses  habits  :  et  on  avait  donné  à  Jean-Baptiste  de 
Montesecco  la  commission  de  tuer  Laurent.  Montesecco  s'en 
'était  chargé  volontiers  lorsque  le  meurtre  avait  dû  s'exécuter 
dans  un  festin;  mais  quand  le  lieu  destiné  à  l'entreprise  fut 
changé,  et  que  ce  fut  dans  Féglise,  et  pendant  la  messe,  qu'il 
dût  tuer  un  homme  avec  lequel  il  avait  eu  des  rapports  d'hos- 
pitalité, il  déclara  qu'il  ne  se  sentait  point  capable  de  joindre 
le  sacrilège  à  la  trahison.  Les  scrupules  de  ce  miUtaire  cau- 
sèrent le  mauvais  succès  de  tout  le  complot,  parce  qu'entre 
les  conjurés  il  ne  se  trouva  plus  que  des  prêtres  que  l'habi- 
tude de  vivre  dans  l'église  rendît  indifférents  au  lieu  où  ils  se 
trouvaient,  et  que  l'idée  du  sacrilège  n'effrayât  pas  ^.  On  fut 

1  MaechiaveUL  L.  vill,  p.  S68.  —  Sdpione  AmnOraio,  L.  XXIV,  p.  U7.  —  /.  mehael 
Bnui,  L.  VI.  p.  148.  —  >  Parumper  hœsitalum  est,  cum  obtruncaQdo  Caurentio  miles 
d«leetiif 9  et  muita  emtos  nercede,  negaret  aese  In  looo  saero  ondein  oUam  perpetraui- 


ItO  HISTOlfiB  Dis  mémJtelQUES  ITALUSHKES 

doue  rëdnil  à  remettre  !e  soin  de  frapper  Laurent  an  scribe 
apoRloliqae,  Antoine  de  Yolterra,  et  à  Etienne  Bagnoni,  curé 
de  Montemnrk).  Le  moment  fixé  fut  celni  où  le  prêtre  éleyant 
l'hostie,  les  deni  Tictamesà  genoox  baisseraient  la  tète,  et  ne 
pourraient  iFoir  leurs  assassins.  Les  cloches  de  la  messe  de- 
vraient t&pte  eonnattre  anx  autres  conjurés,  chargés  (f  attaquer 
te  palais  public,  llnstanl  du  sacrifice,  l'archevêque  Sahiati, 
arec  les  siens ,  et  Jacob,  fils  de  Poggio  Bracciolini,  devaient 
se  rendre  maîtres  delà  Seigneurie,  et  la  forcer  d'approuver 
un  meurtre  déjà  exéeuté  * . 

Les  conjurés  étaient  dans  le  temple,  Laurent  et  le  cardinal 
y  étaient  arrivés,  l'église  était  pleine  de  monde,  le  service  di- 
vin était  commencé,  et  Julien  ne  paraissait  point  encore.  Fran- 
çois dtos  Pazzi  et  Bernard  Bandmi  altèrent  le  chercher;  ils  lui 
persuadèrent  que  sa  présence  était  nécessaire;  en  même  temps 
ils  passteent ,  comme  en  plaisantant ,  les  bras  autour  de  son 
corps ,  pour  reconnattre  s'il  avait  sa  cuirasse.  Mais  Julien,  qui 
souffrait  d'un  mal  de  jambe,  n'avait  pris  aucune  armure;  il 
avait  même ,  contre  sa  coutume ,  quitté  son  couteau  de  chasse, 
parce  qu'il  frappait  sur  sa  jambe  malade.  Julien,  cependant^ 
entra  dans  l'église  et  s'approcha  de  l'autel;  deux  conjurés 
étaient  auprès  de  lui,'  deux  autres  auprès  de  son  frère,  et  la 
foule  qui  tes  entourait,  teur  donnait  un  prétexte  pour  serrer 
de  près  les  Médieis.  Le  prêtre  souleva  l'hostie ,  et  à  Ilnstant 
Bernard  Bandrni  frappa  de  son  poignard  Julien  à  la  poitrine* 
Celui-ci,  après  avoir  fait  quelques  pas,  tomba  par  terre.  Fran- 
co© des  Pazzi  se  jeta  sur  lui ,  et  le  frappa  à  coups  redoublés 
a\ec  tant  de  fureur,  qu'en  même  temps  il  se  blessa  lui-même 
grièvement  à  la  cuisse.  Au  même  instant,  les  deux  prêtres 
attaquaient  Laurent.  Antoine  de  Yolterra,  appuyant  la  main 

ram;  deinde  alio  negoiianuBuscipiente,  qui  familiarior,  ut  pote  sacerdos,  et  ob  id  mipui 
sacroruiB  locorom  metuem.  ^  Anton,  Gâta ,  De  rébus  Genuens,  T.  XXUI,  p.  i^  -^ 
i  Mwmwem.  b,  ym,  p.  m.  «  t^Uttani  ommvnm.  p.  11. 


DU  MOYEN  A6S.  111 

gaudie  sur  son  épaule ,  voalot  loi  porter  an  coup  de  poignard 
dans  h  col;  mais  Laurent  se  dégagea  rapidement,  il  enveloppa 
son  bras  gauche  de  son  manteau  dont  il  se  fit  un  bouclier,  il 
tira  son  ép^ ,  et  se  défendit  avec  l'aide  de  ses  deux  écujers , 
André  et  Laurent  Gavalcanti.  Le  dernier  fut  blessé,  Laurent 
Tétait  lui-même  légèrement  au  col,  lorsque  les  deux  prêtres 
perdirent  courage  et  s'enfuirent.  Bernard  Bandini,  au  con- 
traire, laissant  Julien  qu*il  Tenait  de  tuer,  courut  vers  Laurent, 
et  tua  sur  sa  route  François  Nori  qui  lui  barrait  le  chemin. 
Laurent  s'était  réfugié  dans  la  sacristie  atec  ses  amis.  PoUtien 
en  fermait  les  portes  de  bronze,  tandis  qu'Antoine  Bidolfi  su- 
çait la  blessure  qpe  son  patron  avait  reçue ,  et  y  mettait  un 
premier  appareil. 

Cependant  les  amis  des  Médicis,  épars  dans  le  temple,  se 
rassemblèrent  l'épée  à  la  main  devant  les  portes  de  la  sacris- 
tie; ils  demandèrent  qu'on  leur  ouvrît,  et  que  Laurent  se  mit 
h  leur  tète.  Celui-ci  craignait  d'être  trompé  par  ces  cris,  et  il 
n'osa  point  ouvrir,  jusqu'à  ce  que  Sismondi  délia  Stufa, 
jeune  homme  qui  lui  était  attaché,  fût  monté  par  l'escalier 
de  l'orgue  à  une  fenêtre  d'où  il  pouvait  voir  l'intérieur  de 
l'église  :  d'autre  part,  il  reconnut  Julien,  dont  Laurent  igno- 
rait le  sort;  iî  le  vit  baigné  dans  son  sang  et  étendu  par 
terre;  de  l'autre,  il  s'assura  que  ceux  qui  demandaient  à  en- 
trer étaient  de  vrais  amis  des  Médicis.  Sur  son  rapport  on 
leur  ouvrit  la  porte,  et  Laurent  se  mit  au  milieu  d'eux  pour 
r^agner  sa  maison  * . 

Les  conjurés  n'avaient  point  disposé  de  renforts  dans  l'é- 
glise pour  velancer  leurs  victimes  dans  leur  retraite,  ce  qui 
probablement  n'aurait  pas  été  difficile;  ils  avaient  réservé 
toutes  leurs  forces  pour  se  rendre  maîtres  du  palais  public. 
Bs  savaient,  en  effet,  que  la  multitude  ne  juge  que  sur  des 

1  oof^ai.  ivifif<<»i(9  cojMi^i.  p«  1)  «1 14.  —  çommanmi  ik  Sm  fUM»  lfer& 

L.  IV,  p.  54. 


112  HISTOIBB  D£S  BSPUBLIQIIES  ITALIEiSlfES 

images  grossières,  .et  qa*elie  reconnaîtrait,  pour  dépositaires 
de  Fautorité  souveraine,  les  vainqueurs  quels  qu'ils  fussent, 
dès  qu'ils  seraient  entourés  des  gardes  de  la  Seigneurie,  et 
qu'ils  siégeraient  sur  le  tribunal.  L'archevêque  s'était  rendu 
au  palais  avec  les  Salviati  ses  parents,  Jacques  Bracciolini,  et 
une  troupe  de  conjurés  d'un  ordre  inférieur,  troupe  composée 
surtout  d'habitants  de  Pérouse.  Il  laissa  à  la  première  entrée 
une  partie  de  ses  satellites,  avec  ordre  de  s'emparer  de  la 
porte  principale  dès  qu'ils  entendraient  du  bruit.  Il  en  con- 
duisit d'autres  avec  lui  jusqu'à  l'appartement  qu'habitait  la 
Seigneurie  ;  il  leur  donna  ordre  de  se  cacher  dans  la  chancel- 
lerie, pour  ne  point  causer  d'alarme.  Mais  ceux-ci  ayant  tiré 
la  porte  sur  eux,  elle  se  trouva  fermée  à  Vessort,  de  manière 
à  ne  pouvoir  plus  se  rouvrir  sans  clef  ;  en  sorte  que  cette 
bande  de  conjurés,  la  plus  nécessaire  de  toutes  à  l'action,  de- 
meura dans  l'impossibilité  d'y  participer. 

Cependant  rarchevècpie  Salviati  était  entré  auprès  du  gon- 
falonier,  et  avait  prétendu  avoir  quelque  chose  à  lui  commu- 
niquer de  la  part  du  pape.  Ce  premier  magistrat  était  alors 
le  même  César  Petrucci  qui  avait  été  surpris  à  Prato  par 
Bernardo  Nardi,  et  qui  avait  couru  risque  d'être  tué  dans 
cette  conjuration.  Dès  lors  il  était  demeuré  plus  défiant  qu'un 
autre  :  il  remarqua  que  l'archevêque,  en  lui  parlant,  était 
tellement  troublé,  qu'à  peine  les  paroles  qu'il  balbutiait 
avaient  un  sens.  Salviati  changeait  sans  cesse  de  couleur,  il  se 
tournait  vers  la  porte,  il  toussait  comme  s'il  voulait  donner 
an  signal,  et  il  ne  réussissait  point  à  maîtriser  son  agitation. 
César  Petrucci  s'élança  lui-même  à  cette  porte,  il  y  trouva 
Jacques  Bracciolini  qu'il  saisit  par  les  cheveux,  qu'il  renversa 
par  terre,  et  qu'il  donna  à  garder  à  ses  sergents.  Il  appela  en 
même  temps  les  prieurs  à  se  défendre  :  traversant  avec  eux  la 
cuisine  du  palais,  il  y  saisit  une  broche  avec  laquelle  il  se  mit 
en  garde  à  la  porte  de  la  tour,  où  la  Seigneurie  se  retira. 


ou  MOYEN   AGE.  1 1  3 

Pendant  œtempS)  les  sergents  fermèrent  les  diverses  {Kurtes 
des  corridors  da  palais,  et  attaquèrent  alors  séparément  les 
çonjnrés,  dont  la  plupart  s'étaient  déjà  emprisonnés  d'eux- 
mêmes  dans  la  chancellerie.  Tous  ceux  qui  avaient  suivi 
Salviati  à  Tétage  supérieur  furent  bientôt  arrêtés  ;  ils  furent 
tous  tués  à  rinstant,  ou  jetât  vivants  par  les  fenêtres.  Mais 
l'autre  bande  de  conjurés,  qui  était  demeurée  à  la  porte  d'en- 
trée, s'était  saisie  de  cette  porte;  et  au  moment  du  tumulte, 
lors<pie  les  amis  des  Médieis  accoururent  eh  foulé  an  pakds 
pour  porter  secours  à  la  Seigneurie,  lès  conjurés  leur  en 
fermèrent  l'entrée,  et  soutinrent  quelque  temps  une  sorte  de 
MégeS 

Parmi  ceux  qui  s'élaieiit  chargés  de  tnèr  les  Médids^  les 
deux  prêtres  qui  s'étaient  enfuis  làdbiement  furent  poursui- 
vis par  les  amis  de  Laurent,  et  mis  en  pièces.  IBernard  Ban- 
dini,  après  que  Laurent  lui  eut  échappé,  lorsqu'il  vit  que  son 
«ompagûon  François  Pazzi  était  ble«;é,  et  que  le  peuple  sedé^  ' 
.clarait  contre  lui,  comprit  que  la  partie  était  perdue.  Il  ne 
balança  point  à  sortir  de  la  ville,  et  il  se  mit  aussitôt  en  sû- 
reté. François  Pazzi,  de  retour  chez  lui,  se  trouva  tellement 
affaibli  par  le  sang  qu'il  avait  perdu  de  la  blessure  qu'il  s'é- 
tait faite  lui-même,  qu'il  ne  put  pas  se  tenir  à  cheval.  Renon- 
çant donc  à  parcourir  la  ville  en  appelant  le  peui^e  à  la  li- 
berté, comme  il  avait  compté  le  faire,  il  pria  Jacob'Pazzi,  son 
oncle,  de  le  tenter  à  sa  place.  Jacob,  malgré  son  grand  âge, 
se  mit  h  la  tète  d'une  centaine  d'hommes  rassemblés  disuis  sa 
maison  à  cet  effet,  et  marcha  vers  la  place  du  Palais  en  invi^- 
tant  les  dto;ens,  auxquels  l'occasion  de  Redevenir  libres  létatt 
présentée,  à  prendre  les  armes.  Mais  personne  n&  vint  se 
jQjnilre  à  lui,  -tandis  que  les  prieurs,  du  haut  du  palais  qu'ils^ 
occupaient,  lui  lançaient  des  pierres.  Son  beau-frère,  Sèrris- 

«  ËmeehiavelH,  U  Vill,  p.  373.  ^  Conjurais  Pactianm  CfmmenU  p.  is.  —  ScipUme 
âmmirato.  L.  XXIV,  p.  lis.  — D/or.  Pannente,T*  XXII,  p.  278. 

vil.  8 


U4  HISTOIRE  DES  REPUBLIQUES  ITALIEIIHES 

ton,  ga*il  rcaicontra  seol  dans  les  mes,  loi  reprocha  le  ta* 
milite  qu'il  causait  dans  Florence,  et  lui  conseilla  de  se  reti- 
rer«  Jacob  des  Pazzi,  ne  recevant  de  secours  d  aucun  côté, 
«larcha  atec  sa  troupe  irers  une  des  portes  de  la  ville  ;  il  en 
sortit  et  prit  la  route  de  Bomagne  ^, 

Laurent,  retiré  chez  lui,  n*ayait  pris  aucune  mesure  pour 
arrêter  les  conspirateurs  ;  il  arait  abandonne  sa  Tcn^eance  au 
peuple  2  elle  n*ea  fot  que  plus  cruelle.  Le  gonfalonnier,  César 
Petmcci,  irrité  du  danger  qu'il  avait  couru,  fit  pœdre  au: 
fenêtres  du  palais  F  archevêque  Sabriati,  avec  son  frète,  son 
cousin  et  Jacob  Bracdolini.  Tous  ceux  qui  FaTaient  suivi  pé- 
rirent également,  à  l'exception  d'un  seul  qui  s'était  cadiié  sous 
nu  monceau  de  bois.  Lorsqu*on  le  découvrit  au  bout  de 
quatre  jours,  on  te  regarda  comme  assez  puni  par  ta  fafan  et 
la  peur  qu'il  avait  éprouvées.  Le  peuple  furieux  Aait,  de  son 
QÔté,  à  la  recherche  de  tous  ceux  qm  avaic»t  montré  quelque 
opposition  à  Fambition  des  Médicis,  ou  quelque  liaison  d'à* 
mitié  avec  les  conjurés.  Dès  qu'ils  lui  étaient  déncmcés,  il  les 
mettait  en  pièces  et  traînait  leurs  cadavres  par  les  rues  ^  ; 
leurs  membres  déchirés  étaient  portés  sur  des  lances  dans  les 
divers  quartiers  de  la  ville,  et  cette  scnf  frénétique  semblait  ne 
pouTCÛ*  jamais  s'assouvir.  Le  jeune  cardinal  Biario,  qui  n'é'- 
tait  point  instruit  du  complot,  s'était  sauvé  sur  l'autel,  où  il 
avait  été  défendu  avec  peine  par  les  prêtres.  François  Pazzi, 
tiré  du  Ut  sur  lequel  sa  blessure  l'avait  forcé  de  se  ^ter,  fut 
conduit  au  palais,  sans  qu'on  lui  permit  de  reprendre  ses  ha- 
bits, et  pendu  aini^  à  la  même  fenêtre  que  l'archevêque.  Ea 
chemin  toutes  les  injures  du  peuple  ne  purent  lui  arracher  un 
seul  mot  ;  il  regardait  seulement  d'un  œil  fixe  ses  concitoyens 
qui  retxmmaient  à  leur  esclavage,  et  il  soupirait  '.  Guillaume 
des  Pazzi  s^était  réfugié  dans  la  maison  de  Laurent  son 

1  MaeeMWé  L  Vllt,  p,  »T».— i*  Mîâh,  BntH.  t.  VT,  p.  15».—^  Comnentarti  M  ^er/l. 
L.  m,  p.  S5.  -  *  ifaceAfovelA.  L.  vin,  p.  370. 


ou  ipatra  AOB.  ns 

beaa^frè^,  et  les  ioUroesslons  de  âa  femme,  Btoiudie  de  Mé« 
dkis^  le  lamèrant.  René  des  Pazâ,  qui  s'était  retiré  d'ayance 
à  la  campagne,  pour  ne  pren^  anémie  part  à  la  révolation, 
Tmdak  oepeadant  s'ettfiiir  qaand  il  sot  qu'elle  avait  éclaté  ; 
nais,  reoQBna  sons  F  baUt  de  paysan  qa'il  avait  revèta,  il  fat 
araèté  et  leeondait  à  Fhttenoe  où  ilfat  pendo.  Jacd)  des  Pam 
fut  égaleHient  anrèté  par  les  montagnards  à  son  passage  ée» 
Âpemiins  ;  il  les  supplia  de  le  toer  immédiatement ,  il  leur 
^rit  même  poar  cela  une  récompense;  mais  il  ne  pat  les 
fléchir,  et  il  fot  pendu  avec  son  neveu  Béné.  C'était  d^à  le 
foatrième  joar  depuis  la  eonjuratton,  et  pendant  tout  ce  temps 
la  populace  s'était  baignée  dans  le  sang.  Plus  de  aoixante^x 
citoyeas,  coopidiles  ou  suspects  d'avoir  eu  part  an  complot, 
avaint  ai  m»  ea  pièces  et  teurs  meari>res  tratnés  dans  les 
rats  ^.  Le  oovpade  Jaodi  des  Pasn  fut  soumis  à  pluaienrare* 
|»jfles  à  cette  in^gnité  :  U  avait  d*diefd  été  enterré  dans  la 
tombeau  de  ses  ancêtres  ;mais,  commemi  prétendit  l'avoir  en-» 
tendu  Uaq^émer  àsa  mort,  babitudeà  laquelle  il  parait  avoir 
été  sujet,  on  attribua  lea  ptaiâs  violentes  qui  suivkent  à  ca 
fue  le  oûrpa  d^un  blasphémateur  reposait  dans  une  terre  cou- 
aaeiée.  Il  en  ftik  enlevé  pour  être  enterré  le  long  dea  murs; 
des  enfants  l'airacbèrent  de  nouveau  de  cette  seconde  Bépak^ 
Imt,  pnmr  le  traîner  longfcempsdans  les  mes,  avwt  de  le  jeter 
dans  l' Arno.  Jean-^Baptiste  deMimteseeoo  eut  la  tète  trandiée, 

!  ^H^fTtHi  mon  91e,  pcii4BDl  Im  jcMireiutTantf,  on  Bt  mourir  encore  plus  ûe  deux 
cents  persoDoes.  Dinri  Sanesi  p.  7«4. 

M.  Roioo«  s'étonne  (ïlbuiraUons,  p.  111  )  que  cette  foreur  du  peuple  ne  m^ait  pas 
fait  reoowiilire  In  co^ivration  4m  Paul  poqr  une  enirepriM  de  raristocraUe  contce 
l'élu  do  peuple.  Non,  les  citoyens,  les  marchands,  tous  ceux  qui  avaient  quelque  indé- 
pendance de  forume  étaient  atlachés  A  rancienoe  liberté.  Llristorlen  Cambi  appartenait 
à  ces  bons  bourgeois,  il  est  leur  contemporain,  et  Tinterpréte  de  leurs  sentiments  ;  il 
doniM  toujours  à  XauœM  le  nom  de  tyran,  et  déplore  le  sort  de  Florence  tombée  sous 
la  Ijfwuiie.  Mais  ia  pop«l«f e  était  attachée  aux  liédicis.  Je  Tai  dit  dés  le  commencement 
de  ce  chepiiro»  p*  leo  ;  et  cette  populace,  que  je  ne  confonds  point  avec  le  peuple,  quoi- 
q|ie  Je  sois  «ourent  réduit  A  l'appeler  du  même  nom,  ne  s'eat  montrée  qiie  trop  empres- 
sée dans  tous  les  pays  A  se  ruer  sur  les  vaincus. 

8* 


116  HISTOIHIS  DES  b£pCBLIQ17K9  ITALIElTirES 

après  un  long  interrogatoire,  par  leqnel  il  fit  connaître  toute 
la  part  que  le  pape  avait  ene  à  la  conspiration.  BemardBan-' 
dini,  ne  s*  arrêtant  point  dans  sa  faite,  avait  été  cherdier  unr 
refuge  à  Constantinople,  mais  dans  cette  ville  même  Laurent 
de  Médids  eut  le  crédit  de  le  faire  arrêter.  Le  sultan  Ma^ 
homet  II  le  rendit,  et  Bàndini,  rentré  à  Florence  le  14  dé- 
cembre de  Tannée  suivante,  fat  pehdn  aux  fenêtres  du  Bar- 
gello  le  29  décembre  1479  *. 

Les  historiens  florentins  qui  ont  vécn  sons  les  Médida 
ont  fait  des  Pazzi  le  portrait  le  pins  désavantageux.  Politien 
leur  attribue  tous  les  vices,  même  les  plus  incompatibles  :  on 
les  accuse  en  général  d*un  orgueil  excessif;  François  se  laissait 
aveugler  par  la  colère,  et  c'est  dans  cet  égarement  qu'il  se 
blessa  lui-même,  crojant  frapper  son  ennemi.  Jacob'  étmt 
adonné  au  jeu  et  à  I* habitude  de  blasphémer  ;  c!était  d'aiUeura  ' 
un  homme  fort  charitable^  Il  consacrait  une  partie  de  son  re^ 
venu  à  secourir  les  pauvres  et  à  enrichir  les  églises.  Pour  ne 
point  courir  risque  d'envelopper  dans  son  mattienr  ceux  qni 
qui  avaient  eu  confiance  en  lui,  il  avait  payé  tontes  ses  dettes 
la  veille  du  jour  fixé  pour  exéeuter  la  conspiration,  et  il  avait 
consigné  à  leurs  propriétaires  toutes  les  mardmndites  qu'il 
avait  en  douane  pour  le  compte  d' autrui  ^. 

Encore  que  les  conjurés  n'eussent  pas  réiùsi  dans  leur 
attaque,  la  situation  de  Laurent  de  Médids  était  toujours  fort 
dangereuse.  Les  troupes  assemblées  dans  la  vallée  du  Tibre 
sous  Laurent  Giusttni,  et  en  Bomagne  sous  Jean-François  de 
Tolentino,  étaient  d^à  entrées  sor  le  territoire  florentin  ;  mais, 
ayant  appris  le  désastre  des  Pazzi,  dies  se  retirèrent  sans  se 
laisser  entamer.  Pendant  ce  temps  le  roi  Ferdinand  envoyait 

'^  Strinahu  apnd  âdimartan,  in  notU  ad  Conjunu  Paelianœ  Comment,  p.  56.  — 
ânnatei  Bononiwtté  Bieronffmi  de  BurseUis,  T.  XXiii,  p.  903.  Cet  historien  le  nomme 
Bernardo  diBandioo  Baroncelli.  En  effet,  Bandinoest  en  Toscme  mi  nom  de  bipiême; 
tons  les  antres  cependant  prennent  Bandini  pour  nn  nom  de  bmille.  —  *  Moeebimfem, 
L.TIll,p.  S78. 


.    va  MOYEN  A0B4  117 

d'autres  ttoopes  qui  ayaieiit  déjà  paflié  le  Tronto  :  il  a^t  pih- 
Mié  son  affianœ  a^ree  le  pape  et  la  répablkiiie  de  Siome.  Cette 
^gae  avait  efaoisi  pour  gé&énl  le  duc  d'Urbin»  IMdérie  de 
Montéfidtto,  et  die  Tenait  de  dédarar  la  guerre,  non  point 
à  la  république  florentine,  mais  au  seul  Laurent  de  Médicia, 
qa*dle  ne  Yoakit  pas  eonfondreaTee  sa  patrie.  En  même  temps 
le  pape  frappait  la  r^[iobliqne  florentine  d*anathèoie,  si,  dans 
le  courant  du  mois,  à  dater  du  l**  de  juin,  jour  oii  sa  bulle 
fot  publiée,  eue  ne  fiTrait  pas  aux  tribunaux  eedédastignes 
Laurent  de  Médicîs,  le  gonfidonier,  les  prieurs  et  les  huit  de 
la  balie,  avec  tous  leurs  fauteurs,  pour  être  punis  selon  Fé*- 
nonnitéde  leur  crime  *.  Ce  crime  était  celui  d'aToir  porté  les 
mains  sur  un  ecclésiastique.  «  Paroe  que  les  citoyens,  dit  le 
«  pape,enétairaitTenusentreeuxàqudquesdissensionsdTiles 

«  et  privées,  ce  Laurent,  aTccles  {Hrieurs  de  liberté,  etc 

«  ayant  tout  à  fait  rejeté  la  crainte  de  Dieu ,  et  se  trouvant 
«  enflammés  de  fureur,  Taxés  par  une  suggestion  diabolique, 
«  et  emportés  comme  des  diiens  à  une  rage  insensée,  ont  sévi 
«  avec  le  plus  d'ignominieqn'ib  ont  pu  sur  des  personnes  eo- 
«  clésiastiques.  Oh  douleur!  oh  crime  inouï!  ils  ont  porté 
«  leurs,  mains  Tiolentes  sur  un  ardicTèque ,  et  le  jour  même 
«  du  Seigneur  ils  l'ont  pendu  puMîquement  aux  fenêtres  de 
«  leur  palais^.  » 

Le  pape  ne  se  défendit  point  d'aToir  eu  part  à  la  conjura- 
tion; il  ne  cherdia  dans  aucune  de  ses  bulles  à  repousser  cette 
accusation;  les  Florentins,  an  contraire,  reconnurent  leur 
tort  d'aToir  fait  mourir  l'archeTèque  de  Pise  et  les  prêtres 
conjurés,  qui  n'étaient  justidables  que  des«  tribunaux  ecdé- 
siastiqaes  ;  ils  cherchèrent  à  apaiser  le  pape  en  se  soumettant 
à  ses  censures ,  et  ils  rendirent  la  liberté  an  cardinal  Riario  '. 
Cette  modération  leur  fut  inutile;  le  10  des  calendes  de  juillet 

.  1  BuUa  Sixti  I V,  apud  Raynald,  Anntl.  EccUi.  t47t,  $  10,  p.  27S.— «  Ibid,  S  9,  p.  8I3. 
—  8  Scipione  AmnOnuo,  L.  X\1V,  p.  129.       • 


118  HISTOIRE  DBS  UÉMBLIQUBS  ITALI£1I1I£S 

ime  noa yeUe  bolle  les  f rqipa  de  ^Ines  plos  gmves  :  die  pr^^ 
iaat  oommeroe  ayeé  eux  à  tons  les  fidèles,  elle  rdmpit  leurs 
préeédeûies  alliances ,  elle  ééfiendit  à  tons  les  états  d'en  ecm*' 
tracter  aTeceox  de  nouTeUes,  et  elle  inter^  à  tooft  imiftBiiv 
de  se  ndettre  à  leur  solde  *. 

Les  Floreiitins  œpendaiit  se  panéparèrent  à  repousser  par 
les  arme^  Tattaqae  dontib  étaient  menaoés,  et  le  13  juin  Us 
créèrent,  selon  leor  ancien  usage,  les  déeemws  de  la  gneire  K 
Ils  adressèrent  en  mèine  ten^»  à  tons  les  princes  chrétiens  «é 
récit  de  la  conspiration  ;  ib  rédamèrefat  pur  kors  ainbass»^» 
deors  les  secours  do  doc  de  MHsin  d  cen  de  la  république  db 
YenÎBe,  en  vertu  de  leur  alliance^.  En  même  temps  ils  assem- 
blèrent à  Florence  un  coneOe  provindal  de  tons  les  prélats 
toscans;  ils  leur  demandèrent  une  protestation  ccmtre  là  seir- 
tence  de  Sixte  lY,  et  un  appd  de  son  excommunication  k  un 
concile  cecumémque  *.  Ils  publièrent  aussi  la  confession  au>- 
thentique  de  Monteseooo,  afin  de  mdtre  hors  de  doute  la  part 
qu'avait  eue  le  pape  à  la  conspiration,  d  ils  envoyèrent  cette 
jHèce,  avec  leur  appd,  à  femperenr ,  au  roi  de  France  et  aux 
prindpaux  souverains  de  la  chrétienté^.  Enfin,  pour  mettre 
Laurent  de  Médids  à  l'abri  d'entreprises  semblables  à  cdie  à 
laquelle  il  venait  d'édiapper,  la  Se^nenrie  lui  accorda  la  per^ 
mission  d'entretenir  autour  de  sa  personne  une  garde  de  douze 
honimes^. 

Les  monarques  àe  l'Europe  pouvaient  difficilement  appré*^ 


>  Armai.  Eeeleg,  1478,  $  12,  p.  373.  -^  tKarium  Pcûmtense,  p.  279.  ^  *  Les  dii  de  b 
guerre  Dommés  dans  cette  occasioii  (arent  Laurent  de  MédieU,  Thonas  Sodéridi»  Louie 
Guicciardioi,  BoDgiani  Gianfigliazzi,  Pierre  Mlnerbetti,  Bernard  Buongirolami ,  Roberto 
Lioni,  GedoSenistori,  Antonio Dini,  Nicolo  Fedint.-^^^cr^ione  âmrnirato.  L.  XXIV,  p  tTO^ 
•^  »  UacchlavetlL  L  Viii,  p.  S8».  —  «  H.  R08oo«  a  pid>lid  cette  proteMation,  qui  peut- 
être  ne  reçut  jamais  la  sanction  formelte  du  condie  toscan,  âppend.  no  27,  p.  114-153; 
—  <^  Elle  est  aussi  publiée  par  H.  Boscoë,  no  33,  p.  i54-t73.  M.  F.  H.  Egerton  a  pubRé, 
de  son  c6lé  (Paris,  35  mars  1814,  in-4o),  une  lettre  de  la  Seigneurie  de  Florence  à 
Sixte  IV,  en  date  du  ai  Juillet  I4i».  Gotto  lettre  est  noble,  ferme,  ei  d'nn  style  fort  élé- 
gant. —  «  Sc'pton«  Ammirato.  L.  XXIV,  p.  133. 


tkî  leB  moifo  te  citoyens  flonntiAfl  {ton  mettre  im  terme 
à  l'iuHirpaâon  de  k  maison  de  Médkis.  Ik  regardaient  déjà 
ees  desx  f rèanes  comme  te  soavcraias  légltimea ,  et  im  0(im«^ 
fiût  contre  eux  lenr  paraimait  une  attaque  oont^  la  majesté 
des  trôner.  D'affleors,  sans  examiner  les  droite  qoe  {K>aTaient 
avoir  les  conjurés,  la  conduite  du  pape,  en  s'associent  à  e«i , 
poor  satisfdre  la  haine  et  la  capidité  d*nn  ncTen  qai  passait 
poor  son  fils,  leur  paraissait  nécessairement  scandalensê.  Aœsi 
le  roi  de  France,  l'emperear  Frédéric,  les  Yénitiens,  le  duc 
de  Milan,  le  duc  de  Ferrare^  menacèrent-^fls  Siite  lY  de  lui 
retirer  leur  obéissance^  s*il  continuait  à  troubler  la  chrétienté 
par  ime  guerre  injuste.  Louis  XI  renouirela  les  disputes  sur 
la  pragmatiqne««anction;  il  Toulnt  arrdter  les  sonates,  ptm^ 
que  les  trésors  qu'elles  portaimt  à  Rome  étaient  employée  à 
fait»  la  guerre  aux  chrétiens,  n<m  à  les  défendre  contre  les 
Turcs.  Il  dta  même  Sixte  lY  à  im  concile  qu'il  parla  d'assem- 
ULer,  d'abord  à  Orléans,  puis  à  Lyon,  nuds  tpii  n'eut  jamais 
lieu*.  Enfin,  il  envoya  en  ambassade  à  Florence  Ihistmien 
célèbre  Pbilii^  ^  Gmnines,  pour  relever  le  (»édit  te  Hë^ 
dids  par  une  promesse  éclatante  de  protection^. 

Les  {dus  sages  cardinaux  voyaient  avec  douleur  l'autorité 
pontificale  compromise  par  l'inconsidéralMm  éa  pontife  ;  mats 
ils  croyaient  bien  plus  important  de  la  sauver  que  de  cmir^ 
traindre  Sixte  lY  à  écouter  les  conseils  de  la  prudence  et  de 
la  justice.  Dans  une  de  ses  dernières  kttMi',  le  4»ffdinal  de 
Pavîe  écrivait  au  pape  :  «  te  sais  qu'il  vient  à  nous,  de  la 
«  part  dn  roi  de  France,  un  ambassadeur  fort  estimé  dasis  les 
«  Gattks,  dont  la  oomnission  est  toute  pleine  d'orgueil.  JQ-est 
«  diargé  de  nous  re&w  fobéissance  des  Aranoais,  et  d'en 
«  ailler  à  un  cowOe,  si  nous  m  révoquons  pas  les  censures 

>  AnnaL  Eecles.  mYS,  S  13,  p.  974.  — *  Mémoires  de  PhiLde  Comineg.  L.  VI,  cb.  v. 
^CoUeet.  unii>.  des  Mémoires,  T.  XII,  p.  40.— >>  Le  cardîBAl  de  PaTîe  mourut  le  il  sep- 
tembre 147f. 


V20  HISTOIAE  I>£S  HÉFUBLIQUES  ITALUSSBCS 

«  psouoDoées  contre  les  Floreiitkis,  si  ceux  qni  ont  taë  Julieir^ 
«  ceux  même  qui  ont  approuvé  ce  meortre,  ne  sont  pas  pn^ 
«  nis  ;  enfin  A  non»  ne  renonçons  pas  à  la  gaerre  que  non» 
«  venons  de  commencer....  Cependant  qne  ponrrions-nous 
«faire  de . pins . hontenx,  qneUe  pins  grande  plaie,  quelle 
«  mort  plus  cruelle  pourrions-nous  mflige^  à  l'autorité  de 
«  Rome,  que  de  révoquer  notre  sentence^  avant  même  que 
«  Tencreavec  laquelle  elte  a  été  écrite  mt  séchée?  Le  seul 
«  Qéau  que  Dieu  nous. ait  accordé  pour  notre  conservation 
«  tomberait  de  nos  mains  f  le  bâton  apostolique  né  conserve-^ 
«  rait  plus  de  force  pour  briser  les  vases  inutiles;  la  puis** 
«  sauce  sécuUère  aurait  alors  un  refuge  contre  les  censures^ 
«  et  ce  que  notre  faiblesse  aurait  abandonné  une  fois,  notre 
«  courage  ne  pourrait  jamais  plus  le  recouvrer^  « 
.  Le  cardinal  proposa  ensuite  au  pontife  de  gagner  du  temps 
par  des  réponses  évasives,  de  promettre  qn*il  admettrait  les 
Florentins  en  grâce  s'ils  témoignaient  leur  repœtance;  mais 
de  déclarer  qu'il  ne  pouvait  le  faire  que  dans  une  assemblée 
de  tous  les  cardmauz,  et  que  cette  assemblée  était  impossible 
pendant  la  peste  ;  de  retenir,,  sous  ee  même  prétexte  de  la 
peste,  les  ambassadeurs  français  dans  un  Ueu  éloigné  de  la 
cour  ;  de  suivre  enfin  l'exemple  du  roi  de  France,  qui  quel-* 
quefois  avait  différé  un  an  entier  avsmt  de  donner  réponse 
aux  légats  de  Borne.  «  Si  le  roi,  dit-il,  aceède,  comme  il  est 
«  probable,  à  ces  délais,  vous  aurez  du  temps  pour  atterrer 
«  les  armes  de  .vos  ennemis,  et  Dieu  dans  sa  misâricorde  nous 
«  octroie  souvent  des  délivrances  inattendues;  si  le  roi  n'y 
«  aequiesee^pas,  ce  sera  lui  qui  sera  coupable  et  resprasable 
«  de  toutes  les  suite»  de  son  impatience....  Alors,  que  votre 
m  sainteté  se  confie  entièrement  en  Dieu;  celui  qui  règne 
«  dans  les  deux  est  plus  grand  que  celui  qui  vit  sur  la  terre. 
«  Le  premier  a  soutenu  ses  prêtres  dans  de  plus  graves  con- 
«  tentions,  il  ne  leur  manquera  pas  dans  un  moindre  péril  :: 


DU  UOJJSR  AGS.  121  • 

«  d'ailleurs  nos  ennemis  combattraiait  poor  le  pëché;  eox 
«  voudraient  notre  perte,  et  nous  oe  que  nous  Tenions,  e'esl 
«  leur  salut  et  leur  vie.  Dans  une  situation  si  disssemblable, 
«  et  quand  notre  eause  est  si  juste,  sans  doute  nous  devons 
«  placer  en  Dieu  toute  notre  espérance^  » 

Les  conseils  du  cardinal  de  Pavie  furent  suivis  :  Sixte  IV 
différa  jusqu'au  27  janvier  suivant  d'accorder  une  première 
audience  aux  ambassadeurs  de  France  ;  alors  même  il  ne  leur 
donna  point  une  réponse  positive;  il  leur  dit  qu'il  chargerait 
un  légat  de  porter  à  Louis  XI  l'expression  de  ses  sentiments; 
cependant  il  ajouta  qu'il  avait  vu  avec  peine  ce  monarque 
prêter  l'oreille  à  Laurent  et  à  ses  complices,  plutôt  qu'à  cdui 
qui  n'a  reçu  son  autorité  que  de  Dieu  lui*même,  et  qui  n'en 
doit  compte  qu'à  lui  ;  car  le  texte  sacré  a  dit  :  «  L'oi^ueilleux 
«  qui  ne  veut  pas  obéir  à  l'ordre  du  pontife  qui  rend  un 
«  culte  à  ton  Dieu ,  doit  mourir  par  le  décret  du  juge.  Ainsi 
«  tu  ôteras  le  mal  du  milieu  d'Isiraël  ;  le  peuple,  en  le  yoyant, 
«  rentrera  dans  le  tremblement,  et  aucun  ne  s'enflera  plus. 
«  d'un  vain  orgueil  ^.  »  Et  pendant  que  le  pape  paralysait, 
par  ses  lenteurs  et  ses  réponses  ambiguës,  la  ligue  qui  sem- 
blait se  former. contre  lui,  il  poursuivait  avec  vigueur  la 
guerre  qu'il  avait  entreprise  en  Toscane. 

<  Cardin.  Papiensls  Ep.  693,  16  JqIK  1478.  —  Ann.  Bcel,  1478,  S  15,  16,  p.  274.  — 
s  Jfaqrnafttt  AmiaL  Eeclet.  I4f  8»  S  18,  if ,  p.  375.  Ex  JrebMo  nmteto  VaHeanU 


122  atSIOIRX  DKS  BifUMLiqviES  RALlKimtt 

iinmnmHm»»tiiminimint»Mn»im» 
CHAPITRE  V. 


Guerre  entre  Sixte  IV|  allié  de  FerdioAiid  de  Naples,  el  leâ  florenCins^ 
-^Gênes  recouvre  sa  liberté.^Suite  et  fin  de  la  guerre  de  Venise  coie 
tre  les  Turcs. 


1478. 

1 478«  —  La  ooadaite  d*ane  conspirattoB  demande  toojaons 
ûû  oertaln  degré  de  dissimolatioii,  et  même  de  fausseté;  leê 
hcmmes  contre  lesquels  de  pareilles  attaques  sont  dirigées  se 
plaignent  souvent  avec  amertume  de  la  perfidie  de  ceux  qu'ils 
avaient  regardés  comme  leurs  amis;  ils  oublient  leurs  pro« 
près  offenses,  parce  que  ceux  qui  s'en  sont  vengés  n'en  té^ 
moignaient  point  de  ressentiment,  et  ils  demandent  qu'on 
les  attaque  à  visage  découvert  et  à  armes  égales,  tmdifi 
qu'eux-mêmes  s'enferment  dans  des  forteresses,  qu'ils  s'en- 
tourent de  gardes,  et  qu'ils  arment  tout  un  peuple  pour  se 
défendre.  HarmodiuB  et  Aiistogiton,  Pélopidas,  Timoléon, 
Dion,  les  deux  Brutus,  tous  ceux  que  l'antiquité  a  célébrés 
comme  les  restaurateurs  des  libertés  usurpées,  dissimulèrent. 
Mais,  pour  que  le  reproche  de  dissimulation  n'entadie  pas  la 
réputation  des  conspirateurs,  il  faut  qu'un  danger  imminent, 
un  danger  personnel  les  justifie.  Ceux  qui  dirigent  leurs  coups 
d'un  lieu  de  sûreté,  qui,  pouvant  combattre  avec  les  armes 


M  mtnuti  AGB.  123 

deBfM^ttces,  ont  reoeon  au  peignaid  dtes  asBasiiiis,  tnéritent 
seuls  l'opprobre  ^4(Nt  f^tombër  sar  la  trahîsoii.  Les  Paszi 
et  les  Salviati  aaraiait  para  grmds  et  dignes  de  respect  aux 
yeux  des  andeas  répuUlcains  de  la  Grèee  et  de  Borne,  lois 
mèmeqiills  endoittuôeiit  les  Méditaîs  par  de  fausses  caresses, 
et  que,  les  semmt  dans  km»  bras  en  signe  d*  amitié,  ils  dier^ 
ohaient  sous  leurs  habits  si  ces  TidSines  dévouées  portaient 
une  cuirasse;  mais  Sixte  lY  qui  bàût  les  armes  des  conspira- 
teursi,  et  FerdiniBad  de  Nafdes  qui  fût  avaneer  son  armée 
pour  les  seconder,  ce  souyerain  pontifie  et  ce  monarque  qui 
ébnmlent  eux-mêmes  la  législation  sous  la  protection  de  la- 
qudOe  ils  viveot,  ne  méritent  pas  plus  d'estime  ^le  les  lâdies 
qui  payent  des  meurtriers  mercenaires  pour  satûtfaire  leur 
vengeance.  Toutes  les  fois  que  le  recours  à  la  vindicte  publi*- 
que  est  possible,  la  vindicte  privée  est  interdite.  Les  vengeurs 
des  partieuliers  sont  les  tribunaux,  le  tribunal  des  souverains 
c'est  la  guerre.  Les  tribunaux  sont  impuissants  pour  défen^- 
dre  l'honneur,  infidèles  lorsqu'il  faudrait  défendre  la  liberté; 
c'est  pourquoi  le  glaive  a  été  rendu  par  l'opinion  aux  diojens 
pour  veng»  leur  honneur  dans  dœ  duels,  aux  républicains 
pour  recouvrer  leor  Uberté  dans  des  conspirations  légitimes^ 
Les  duels,  conune  les  conspirations,  sont  interdits  par  l' hon*- 
neur  aux  souverains,  çoi  ont  un  ntre  juge  dans  le  sort  des 
armes  puUiipies. 

Sixte  lY  avait  peut-être  de  grandes  pensées  et  de  uoiUes 
préfets  pomr  l'indépendance  de  l'Italie  ;  sans  apprécier  la  li« 
bertéy  il  connaissaitla  puissance  des  républiques,  il  voulait  as*^ 
surer  à  la  pârâisuie  tous  les  moyens  de  repmiss^  les  attaques 
des  étrangers  et  de»  barbares,  en  Téunissant  la  Lombardie  à 
la  Toscane,  sous  l'égide  de  gouvernements  que  la  confiance 
et  l'amour  des  peuples  rendissent  inâiraniables.  Le  pian  qu'il 
avait  conçu  dans  sa  tête,  et  que  nous  verrons  se  développer, 
était  digne  d'im  homme  de  génie,  et  même  d*un  ami  vrai  de 


124  HKÎOIBE  DIS  ]IÉPU]II.X^JSS  ITALiraifïlSS 

80D  pajB  ;  mais  le  caractère  du  pape  corrompait  mm  egptit^ 
et  mëait  de  la  fausseté  et  de  la  perfidie  à  ses  castes  coneep'» 
lions.  Incapable  de  distmgner  la  Terta  d'avec  le  aime,  tous 
les  moyens  d'etéention  lui  étaient  indifférents,  et  il  désh<mo^ 
rait  ses  ]^jets  par  les  instruments  dont  il  faisait  choix  pour 
les  accomplir.  Ainsi,  tout  en  s'armant  pour  la  liberté,  il  se 
rendait  odiaix  aux  républicains  eux-mêmes  ;  en  invoquant  le 
pouvoir  de  l'Église,  il  scandalisait  les  catholiques,  et  en  pro- 
jetant l'indépendance  de  l'Italie,  il  l'exposait  le  premier  aux 
invasions  de  l'étranger. 

Sixte  lY  et  Ferdinand  s'étaient  préparés  à  la  guerre  avant 
que  lés  premiers  coups  fussent  portés  par  les  Pazzi  contre  les 
Médids.  Les  Florentins,  au  contraire,  n'avaient  point  encore 
d'armée,  et  il  leur  fallait  un  temps  assez  long  pour  s'en  former 
une.  On  rassemblait  pour  eux  en  Lombardie  tous  les  eapi^ 
taines  qui  cherchaient  du  service,  et  on  avait  engagé  sous 
leurs  drapeaux  Nicolas  Orsini,  ccMrate  dé  Pitigliane;  Conrad 
Orskû,  Bôdolpfae  deGonzague,  frère  du  marquis  de  Mantoue, 
ses  deux  fils,  et  d'autres  capitaines.  Quant  aux  petits  princes 
de  Boinagne  qui  faisaienttous  leméli^de  candottierty  Sixte  lY 
avait  prévenu  les  Florentins.  Il  avait  pris  à  sa  solde  Fré- 
déric, duc  d'Urlnn  ;  Robert  Malatesti ,  seigneur  de  Bimini,  et 
Costanzo  Sfors«i,  semeur  de  Pesâro.  L'armée  pontificale, 
ainsi  complétée,  entra  sur  les  terres  de  la  république  au  mois 
de  juillet,  avec  ceHe  du  ^c  de  Galabre  ^ .  Les  Florentins  ne 
pouvant  tenhr  la  campagne,  distribuèrent  lem^s  soldats  dans 
les  lieux  forts,  sur  les  confins  de  l'état  de  Sienne  et  du  dudbé 
d'Urbin.  Us  formèrent  aussi  un  camp  au  Pog^o  impériale  ; 
mais  là  on  voyaitautantdetFoupes  indépendantes^'ilsavaient 
de  condottieri  dans^  leur  iarmée  ^  aucun  ne  voiddt  reconnaître 
l'autorité  d*nn  autre;  les  ordres  des  commissaires  nommés 

1  Scipione  Âmmirato»  L.  XUV,  p.  121. 


DU  «omi  AOi.  125 

par  la  répoUiqve  étaient  mépriaiê;  diaqoe  capitame  se  croyait 
aa  moins  Fégal  des  boargmis  qm  siégeaient  dans  le  con- 
seil, il  aurait  cm  manquer  à  son  honneor  s'il  a^ait  obéi  anz 
oommandeoMits  tfon  boaune  fw  sa  naissance  et  son  rang 
0*  élevassent  pas  an-dessns  de  tons  les  antres. 

Les  Florentois,  pour  rétablir  la  subordination,  oCMrent  an 
duc  Hercule  de  Fenrare  le  commandement  de  leur  armée, 
avec  ime  paye  desoixanle  miUeflorins,  qui  se  réduirait  à  qua- 
rante mUle  à  la  paix.  Ils  ne  voulurent  point  écouter  les  con- 
seils de  la  SeigneiBie  de  Venise,  qui  leur  représentait  qu'Her- 
cule, ayant  épousé  une  fUle  de  Ferdinand,  mettrait  peu  de 
vigueur  à  combattre  Alfonse  de  Calabre,  son  beau-frère  *• 
Hjercule  hésita  lui-même  âmes  longtemps  avant  d'accepter  les 
offres  qui  lui  étaient  faites,  et  ce  ne  fut  que  le  30  août  qu'il 
signa  son  traité  avec  les  commissaires  florentins  *• 

Cependant  les  hostilités  avaient  commencé  dès  le  milieu  de 
juillet  ;  les  ducs  d'UrUn  et  de  Calabre  avaient  ravagé,  avec 
une  extrême  cruauté,  la  partie  du  t^ritoire  florentin  qu'ils 
avaient  envdbie  ;  ils  avaient  assiégé  successivement  Bendne, 
la  Gastellina,  ch&teau-fortà  huitmillesdeSîenne,etBadda.  Ces 
trois  forteresses  avaimt  été  défendues  avec  courage  ;  mais 
toutes  trois  avaient  capitulé  sous  condition  d'ouvrir  leurs 
portes  aux  ennemis  si  elles  n'étaient  pas  secourues  avant  un 
terme  donné;  et  l'armée  florentine,  instruite  de  cette  capi- 
tulation, n'avait  point  osé  livrer  bataille  pour  ks  sauver  '.  Les 
enn^nis  avaient  pris  ensuite  Hortaio;  ils  assiégeaient  Brolio, 
ils  menaçaient  Cacehiano,  lorsque  le  duc  de  Ferrare  arriva 
enfin,  le  8  septembre,  à  Florence.  Le  12 ,  il  alla  visiter  le 
camp  ;  mais ,  pendant  ce  temps  même ,  Brolio  se  rendait  aux 
ennemis  presque  eu  sa  présence;  et  ceux-ci,  au  mépris  de  la 

1  ifflfiii  SanutOt  Vite  de^  tmchi  di  Venezia.  T.  XXII,  p.  iso0.  — *  Sdpione  Mnmiraio. 
L.  XXIV,  p.  ia«.  *  s  mario  Sanese  diÂUegretio  AUegreW,  p.  785.  —  Orlanâo  ffo/o- 
voUi,  Slorta  diSiema,  P.  m,  L.  m,  f.  7S. 


136  HISTOIRE   DES  l^PVBLiQIJES  ITAUENHES 

capitulation  ip'iki  aiment  signée,  piflaient  et  brûlaient  cq 
cb&teau,  comme  îla  avaient  pea  anparamnt  pillé  et  bràlé  œhii 
de  Badda  * . 

Jusqu'à  ramvëe  dn  dnc  de  Forraie ,  les  Florentins  a^aienl 
pn  s'affliger  de  n'ait>ir  point  de  éhef  ;  ils  ne  tavd^ent  pas  en* 
suite  à  se  repentir  d'en  avoir  choisi  un  qni  masquait  de  talent 
ou  de  résdutiiHi,  si  même  il  n'était  pas  en  secret  d'accord 
ayec  leurs  ennemk.  On  avait  attendu  le  moment  Bxé  pav  les 
astrologues  pour  lui  remettre  le  bâton  du  eommandem^t  s 
et  C6ux<-ci  l'avaient  différé  jaaqu'au  27  sqprt^nbre,  àdix  heures 
et  demie,  ou  seize  heures  à  l'italieniM.  En  attendant  que  le 
moment  favorable  ttA  venu,  Hercule  avmt  laissé  prenait 
Cacchiano  sous  ses  yeux ,  et  il  lansidt  assiéger  Monte-Ssanfio* 
viuo  dans  le  val  de  Ghiana,  une  des  places  les  plus  impor* 
tantes  de  la  frontière,  puisqu'elle  commandait  l'entrée  ds  la 
plaine  d'Arezzo  et  de  celle  de  Gortone ,  du  val  d' Ambra  et  du 
val  d'Amo  *. 

Tantôt  le  duc  de  Ferrare  disputait  aveo  les  commissaires  ilo* 
rentins,  tantôt  avec  ses  propres  officiers  ;  il  ne  trouvait  jaiâals 
qu'aucun  lieu  fût  assez  sûr  pour  y  asseoir  son  camp;  11  refu* 
sait  de  s'approcher  des  ennemis,  et  il  s'empressa  do  coneiore 
avec  eux  un  armistice  aux  conditions  les  plus  désavantageuses^ 
Il  consentit  à  ce  que  pendant  sa  durée  le  duc  tf  Urbln  eonti* 
nuàt  les  travaux  du  siège  de  San-Sovino.  Cet  armistiee  i^^nnt 
terminé  à  la  fin  d'octobre,  le  duc  de  Ferrare  proposa  de  re- 
mettre SanrSovino  en  mmns  tierces  pour  donner  le  temps  de 
recommaieer  des  négociations;  il  sucera  encore  d'autres 
expédients  qui  montraient  tous  ou  la  faiblesse  de  son  earae^ 
tère,  ou  sa  mauvaise  foi,  et  il  se  refusa  constamment  à  Uvr^ 
bataille  pour  délivrer  les  asâégés  :  ses  fixées  étai»t  cepen^ 
dant  à  peu  près  égales  à  celles  des  ennemis  ;  il  avait  sous  lui 

1  Scfyttme  Ammfrato.h.  XXIV,  p.  tvt,  —  «  ibid.^.  i^. 


W  MOYEU  Ai&M.  127 

9ept  mille  hommes  de  cavalerie  et  six  mille  fantasaiiis;  le  dao 
d'Urbin  avait  mille  cavaliers  de  plus  et  deux  mille  fantasûns 
de  moins  * .  Enfin,  San-Sovino  se  rendit  le  8  novembre,  pre»* 
que  sous  les  yeux  du  duc  de  Ferrare  ;  et  les  ennemis  s*  étant 
vus  w  quartiers  d'hiver  entre  Foiano,  Ludgnano  et  A^na-^ 
lunga,  sur  les  frontières  de  Tétat  de  Sienne,  il  termina  de  son 
côté  cette  honteuse  campagne  en  logeant  ses  troupes  entre 
r  Olmo  et  Pullicdano  ^ , 

On  ne  peut  se  défendre  de  quelque  surprise  en  voyant  que 
Laurwt  de  Médim  ne  parut  point  dans  le  camp  florentin 
pendant  le  cours  d'une  guerre  où  sa  patrie  n*était  engagée  que 
pour  lui.  Il  avaijt  laissé  Tarm^  prouver  les  inconvénients, 
d'alxNrd  de  Tinsubordination  avant  que  le  duo  de  Ferrare  y 
fût  arrivé,  ensuite  de  la  défiance,  et  peut-être  de  la  trahison, 
aprèssa  venue,  sansessayer  d  y  rétablir  l'ordre  ou  d*en  presser 
les  opérations.  Le  gouvernement,  et  lui-même  peut-être,  n'a^ 
Tait  pas  une  grande  confiance  en  ses  talents  militaires  ;  mais 
les  commissaires  que  la  républiqueenvoyait à  l'armée  n'étaient 
probablement  pas  plus  belliqueux  que  lui.  Lorsque  le  mani* 
feste  de  Sixte  lY  et  de  Ferdinand  avait  Aé  porté  à  Florence, 
et  que  Laurent  s'y  était  vu  désigné  cooune  seul  ennemi  de  ces 
deux  souverains,  il  avait  convoqué  un  conseil  de  RiehiestU  où 
trois  cents  dtoyms  avaient  été  invités.  Il  leur  avait  dédaré 
qu'il  était  prêt  à^se  soumettre  à  l'exil,  à  la  prison,  à  la  mort 
même,  si  sa  patrie  croyait  devoir  le  sacrifier ,  pour  se  sous^ 
traire  à  l'attaque  de  ses  ennemis.  Mms  en  même  temps  il  leur 
avaitrappdé  que  leur  prudence  et  leur  persévérance  suffisaient 
seules  pour  résister  à  l'orage  et  parvenir  au  terme  des  maux 
dont  on  les  menaçait.  Les  Florentins,  appelés  à  ce  conseil,  ré- 


1  On  commençait  alors  à  compter  la  cayalerie  par  escadrons,  on  squadre,  le  plas 
souvent  de  s oixante-quime  hommes.  Le  duc  dllrbin  en  avait  cent  neuf,  et  les  Floren- 
tins qaatre-yingt-<|uatorze.  Diarium  Parmense.  p.  289.— *Sc/piofte  ^mmirato.L.  XXIV, 
p  130.  -^AHegr,  AUegHtti,  mari  Senesi.  T.  XXin,  p.  784. 


1:28  HISTOIRE  DBS  BÈVWLiqGlA  rTALISHlISS 

pondirent  à  cette  interpellation  généreiise  en  s'eiigageant  à 
consacrer  leurs  fortunes  et  leurs  Ties  à  la  défense  de  Laurent 
deMédids*. 

Tandis  que  les  décemvirs  de  la  guerre  faisaient  de  nouTdks 
levées  de  soldats,  rassemblaient  des  munitions  et  léUldissaient 
le  matériel  de  Tannée,  la  république  envoyait  ses  plus  habiles 
négociateurs  aux  puissances  dont  elle  pouvait  espérer  des  se-^ 
cours.  Donato  Àcdaiuoli ,  Tun  des  hommes  de  lettres  les  plus 
recommandables  du  nècle,  avait  été  chargé  de  l'ambassade  [de 
France  ;  mais  il  mourut  à  Milan  avant  d'avoir  pu  se  rendre  à 
sa  destination ,  et  Guid*  Antonio  Yespuod  lui  fut  donné  pour 
successeur  *.  Cependant  tous  les  témoignages  d'aimtié  que 
Louis  XI  avait  donnés  à  la  république  fhNPentine  ne  devaient 
avoir  aucun  résultat.  Ce  monarque,  vieux  et  malade,  craignait 
toujours  que  l'Europe  ne  s'aperçût  de  sa  décadence,  et  n'y 
vit  un  pronostic  de  sa  fin  prochaine  ;  aussi  cherchait-il  à  F  oc- 
cuper par  des  négociations,  à  l'étonner  par  des  menaces,  à  lui 
iminimer  la  pensée  de  sa  constante  avidité,  et  cependant  il  se 
gardait  en  même  temps  de  s'engager  dans  des  entreprises  qu'il 
n'aurait  plus  ila  force  de  suivre '.  Les  Rennais,  ménagés  en 
vain  par  les  Florentins,  s'étaient  déclarés  ouvertement  pour 
leurisr  ennemis.  Les  Lucquois,  toujours  jaloux  de  leurs  puissants 
voisins,  étaient  aussi  tout  disposés  à  prendre  parti  contreeux  ; 
et  Pierre  Gaponi,  fils  de  Néri,  qu'on  leur  envoya  comme  am^- 
bassadeur,  eut  la  ;plus  grande  peine  à  les  retenir  dans  la  neu- 
tralité par  des  concesâons  de  tout  genre  ^.  Jean  Bentivoglio^ 
qui  occupait  à  Bologne  à  peu  près  le  même  rang  que  Médids 

&  sapUme  iâfimilrafo.  l.  XXIV,  |i.  iOU.-^MaeehUwem  Ut.  L.  vm,  p.  880. 

M.  Roscoë  ne  conçoit  pas  que  Laurent,  qui  deyait  assembler  ce  conseil  de  tâehiettU 
pût  s'absenter  de  Florence  ;  mais  il  n'y  a  pas  quinze  lieues  de  Florence  à  San-SoTîno,  et, 
durant  une  campagne  de  quatre  mois,  on  pourrait  revenir  de  pins  loin  pour  remédier 
au  désordre  on  de  l'armée,  ou  de  la  capitale,  lllustr.  p.  133.— >  "^  Scipione  Ammiralo. 
UXXIV,  p.  i^.^J.Mlch.  Brun^Uist,  Florent,  L.  VII,  p.  167.— S|fémot>e«  dePhi- 
lippe  de  Comines.  L.  VT,  chap.  VII,  p.  53.  —  *  Scipione  ^mmirato,  L.  XXIV ,  p.  180.  -> 
MaechiaveUi.  L.  Viil,  p.  393. 


DU   MOYElî    AGE.  ISif) 

à  MorèBce,  demeurait  dans  rinacHon,  encore  qu*il  fût  allié 
de  Laurent.  Manfredi,  seigneur  de  Faenza,  n'était  pas  plus 
actif.  Les  Vénitiens  s'étaient  formellement  opposés  à  ce  que 
ces  deux  seigneurs  attaquassent  la  principauté  d'Imola,  appar- 
tenant à  Jérôme  Riario,  pour  que  la  guerre  ne  s*allumàt  pas 
en  Bomagne. 

Toute  l'espérance  de  Bfédicis  et  des  Florentins  reposait  sur 
leur  alliance  avec  les  deux  états  de  Milan  et  de  Venise.  Mais 
les  Vénitiens  profitèrent  de  ce  que  les  alliés  avaient  déclaré  ne 
faire  la  guerre  qu*à  Laurent  de  Médicis,  non  à  la  république 
florentine,  et  ils  protestèrent  qu'ils  n'étaient  point  obligés  à 
défendre  de  simples  citoyens  dans  leurs  querelles  privées. 
D'ailleurs,  ils  étaient  encore  engagés  dans  une  guerre  ruineuse 
arec  les  Turcs,  et  cette  année  même  une  invasion  formidable 
les  avait  fait  trembler.  La  régence  de  Milan  secondait  de  bonne 
foi  le  gouvernement  florentin  ;  mais  le  roi  de  Naples,  pour 
ôter  à  Laurent  ce  puissant  auxiliaire,  avait  trouvé  moyen  d'oc- 
coper  la  duchesse  Bonne  d'une  manière  plus  grave  dans  ses 
propres  états. 

Ferdinand  commença  d'abord  par  traiter  avec  Prosper 
Adorno,  qui  était  toujours  gouverneur  de  Gênes  au  nom  du 
duc  de  Milan,  mais  qui  avait  montré  l'année  précédente  pres- 
que autant  de  défiance  de  ses  auxiliaires  milanais  que  de  ses 
propres  ennemis.  Ferdinand  lui  offrit  de  l'aider  à  rétablir  les 
Génois  dans  leur  indépendance,  et  lui  envoya  à  cet  effet  deux 
galères  avec  de  grosses  sommes  d'argent.  La  duchesse  Bonne, 
avertie  aussitôt  de  cette  négociation,  chargea  Févêqûe  de  Gomo 
de  venir  prendre  le  gouvernement  de  Grênes.  Gelui-d  arriva 
dans  la  ville  sans  suite  et  déguisé,  il  assembla  le  sénat  dans 
l'église  de  San-Syro  ;  il  lui  communiqua  les  lettres  du  prince 
qui  rappelaient  Prosper,  et  le  nommaient  à  sa  pkee  *  ;  il  n'osa 

»  Àntonii  Gain,  De  rébus  Genuens,  p.  284.  — Dioi*.  Pamense.  T.  XXIÎ,  p.  28t|  — 
Vbert*  FoUeiœ,  Genvens,  ttisu  L.  XI,  p.  642.  —P.  Btzarro,  But,  Gen,  L.  XV,  p.  845, 
VII.  9 


13P  HISTOIBB  DB6  BÉPUBUQÛSS  ITALIEnilES 

ppmt  œpenâaot  faire  cette  déclaration  au  pahiipabfic,  et  4^ 
in^ndei*  rinTcstiture  a  vaut  d*  avoir  rasseioUé  qu^lgaes  sqI- 
fjifts.  Prqsper  Adomo  profita  de  ce  délai  ;  il  appela  4  loi  toi|3 
ses  partlaaiiSy  tPH^  ceux  qiéme  qui,  dans  les  factions  ep^nemî^ 
l|û  paraiwaien);  attachés  à  la  liberté  de  Géoes.  Il  leur  fit  créer 
six  capitaines  du  peuple,  pris  parmi  les  bourgeois  et  les  artir 
«ans,  et  cbangeantle  titre  4^  gouTemeiir  qoirt»^  celui  d«  dpge, 
il  proclama  rindépendance  de  sa  patrie  *  • 

Cependant,  la  garnison  milanaise  n'occ9ip«U  pm  s^id^ineiit 
les  forteresses,  elle  s  était  aussi  retranchée  dans  les  lies  de 
maisons  qui  en  étaient  le  [^us  rapprochées,  en  sorte  qu'on  fut 
obligé  de  livrer  dans  les  rues  des  combats  joumidiprs.  Les 
fanulles  nobles  paraissaient  toutes  favprafato  à  la  domMtton 
çtoi  ducs  de  Milan.  Les  Doria  et  les  Spnoia  s'étaient  mime 
fBufeanésftAus  les  ^u^eresses  pour  courir  kê  mêmes  cbanees 
gue  la  garnisopi.  d^acan  d»  c^s  magnîfiqtm  pal»s,  qui  méri- 
taient d^  à  Grénes  le  titre  4e  £up^r^,  était  attaqué  ^d#eodu 
ayeis  4^  rartilleri^.  Profper  Adomo  invita  Bohert  de  SaurSé- 
yérino ,  alors  réfugié  à  Asti,  à  venir  se  mettre  À  la  tétp  des 
fiéi^o^,  et  JBobert  saisit  ^yep  ^mpresseoeuit  ïiifXfMou  de  4spm- 
liattre  li^  r^nce  de  Milan,  k  laquelle  il  venait  Ipat  récemmmt 
d^échaj^er.  De  son  eMé,  Louis  f  r^oso^  qui  deux  lois  avait 
été  dqgede  Gènes,  amena  dans  le  port  de  sa  pati:ie tse(>t  ga- 
lères napolitaines  ^vep  pn  petit  nombi^  de  soldaM  ^. 

JU  n^ence  de  Mils^i  sentait  comlûen  il  était  ùnpprtaftt  de 
détendre  Gênes  avant  que  ses  ^teresses  lussent  eide vées  par 
le ^eiy^ei  A  comme  ies  cbevianx  ne  peuvent  ôHiRe^e  de  fm 
4e  dB^sf^uEoe  dans  Isa  montagnes  de  la  L^puie,  eti^  avait,  rw- 
>s^^|éune  armée  ou  Ton  comptait  huit  mille  £sntas^^s  arm^ 


'^'àgoêê.  pUamùtiLiL.  X,  t.  »7«J».  — ^  -ént.  G0Vi,  De  feà..  Qmtent.  p.  28S. -^  ObcfU 
Folieiœ.  L.  XI,  p.  643.  —  *  Mton.  GaUi^De  rébus  Genuens.  p.  286.  —  C?6erii  FoUeiœ  ^ 
Genuens.  ^istor,  JL.  XI,  p.  644.  —  ^nnal,  Placeniini  ^m,  de  Ripalta.  T.  XX,  p.  9S6-  — 
Pt  BiiOfitCl,  'Uùt^i^n^9,  L.  XV,  p.  948.  —  Agost,  GUisUnUinL  L.  V,  T.  238,  G, 


Ab  Aii|rasses  cçivmfi  leg  gendarfnosi  h:^  p))]}p  hoqiines  de 
trQjqfpps  ^gère^,  pt  s^^lennept  p[eux  qùlle  e{(ifal|^rf  * .  M  {lis  cUe 
cai  donna  impri}demmen|;  \e  cpmmande)nen|;  à  Sfprzino,  Qls 
natarel  deFrai^çûis  p,  4uç  di^  M|lap,  qfU  Q'ayait  pi  le^  verta^y 
ni  les  tal^t3  die  çpn  père.  Pi^rre-FraocQÛf  yUoofiti  et  Pierre 
del  Yerm^e  lui  furent  donnés  pour  conseillent^  on  reconnalfh- 
sait  le  mérite  de  ces  deux  citoyens  dans  les  affaires  civiles,  et 
on  se  figufa  qu'ils  seraient  égalemei^t  prppres  ^  cpnduipe  les 
itrmées  ^. 

Bobert  de  San^Sévérino  était  au  iioptraire  pn  esprit  turbin- 
lent  et  f^ctiiBux  dans  les  consuls,  n^ais  uq  scellent  hoqoHie 
de  guerre.  Laissant  derrière  lui  lep  deux  qtadelles  entre  l^ 
.  maif^  de  la  garnison  milanaise,  il  alla  porter  se^  lignes  de  dé^ 
fen§^  4^119  les  d^és  les  plo^  étroits  j^esApeniiiiis,  j^  sept  nulles 
jde  distance  de  la  yille,  et  près  des  forbf  ^ppelj^  1|^  ^%tx  Ju-^ 
tneaux.  Il  y  éleya  à  1a  hâte  de^  fp^rtifications  dpnt  la  situa- 
tipi^  augmentait  beaucoup  Timportapce.  Son  armée  était  peu 
npmbreuse^  et  la  ^niliçe  de  Gènes  ^  (fuyait  |a|re  toute  la  toscp. 
fqifx  être  plus  ^ûr  de  la  réunir,  il  fit  lire  devant  ^e  peuple , 
par  un  religieux  dpminicain,  une  lettre  qu'il  prétei^di)  avoir 
iQt^ceptjte,  par  laguM^P  la  dgphpa%s  <^]}(ilm  annonc^H  ^  1>- 
yèqufi  de  Pon^o  La  procbaipe  arrjyée  de  1  ^rmée  qui  veni^it  le 
^éij.yrer.  Dans  cette  lettre,  Of^  promettait  à  la  giu^ni^qn  djç  ré- 
pompisnser  saeonstançp  pa  lui  j^ndonnanlt  ]fi  pillage  dP 
(^es  peoflant  trois  jours,  pui^qa  il  fiait  temps  4f  dppopt;^ 
çejtte  yille  turbulente  que  la  mû^e  seule  pourrait  iramieuev  à 
une  p))éif|sance  p^siyp  ?.  £n  pftet,  ^p^è^  (^tfa3  le^j^u^e,  tPHt 
pe  qn*il  y  avait  à  Gênes  d*h6|i^^  e»  ^ajt  d?  9^^v  les  armes 
i}pfx>jaf:ttt  flfc  capger  ^ou^  les  drapeaux  dp  Robert  de  g^-Sév^ 
riw.  ij  ^^  foifi  de  lea  partager  e»  b!»tait)ons  i^oonMa  è  des  pf- 


t  Vberii 


ï  FoUetœ,  L.  XI,  p.  9|4.  Le  Jouroal  9901^7100  de  Panne  porte  Vx^f»  à  ^^ 


GemuM.  p.  2M.  -^  s  ^im.  Gam^  L*  !«  P*  239.  —  Ob^uà  foUfita.  U  XI,  p.  «4ft. 

r 


132  HISTOIRE  DES  Bl^PtrBLlQtfiS  ITALIENKBS 

fidcrs  expérimentés,  et  Forganisation  qu'il  donna  à  cette  mi- 
lice régala  presque  à  la  troupe  de  ligne.  Il  s'assura  aussi  de 
Tavantage  du  terrain,  non  seulement  en  face,  mais  sur  les 
flancs  des  Milanais,  et  il  attendit  leur  attaque. 

La  bataille  commença  le  matin  du  7  août  1478,  et  conti- 
nua pendant  plus  de  sept  heures  avec  un  extrême  acharne- 
ment. Trois  divisions  furent  successivement  conduites  à  l'at- 
taque des  lignes  occupées  par  les  Génois,  et  elles  furent 
constamment  repoussées.  Les  Milanais  ayant  eu  six  cents 
hommes  tués  et  un  grand  nombre  de  blessés  se  déterminèrent 
enfin  à  la  retraite  ;  mais  ils  s'étaient  imprudemment  engagés 
dans  des  défilés  d'où  ils  ne  pouvaient  sortir  que  par  une  vic- 
toire. San-Sévérino  ne  permit  point  qu'on  les  suivit  immédia- 
tement dans  les  gorges  des  montagnes  par  lesquelles  ils  de- 
vaient repasser.  Il  craignit  qu'ils  ne  fussent  encore  à  temps 
de  se  retourner,  et  que  les  milices  qui  s'ébranleraient  pour  les 
poursuivre  ne  sussent  point  conserver  leurs  rangs.  Mais  lors- 
que les  Milanais  se  virent  au  milieu  de  ces  dangereux  défilés, 
ils  sentirent  eux-mêmes  combien  il  serait  facile  de  les  y  acca- 
bler, et  cette  crainte  suffit  pour  jeter  le  désordre  parmi  eux  ; 
chacun  voulut  devancer  ses  compagnons  pour  échapper  de  ces 
gorges  redoutables;  chacun  jeta  ses  armes  pour  être  plus 
agile,  et  l'armée  qui  venait  de  combattre  avec  vaillance  ne 
sembla  plus  être  qu'un  troupeau  timide  qui  fuyait.  Alors  les 
Génois  attaquant  les  Milanais  par  derrière  ne  trouvèrent  plus 
de  résistance,  les  montagnards  les  accablèrent  du  haut  des 
rochers  en  faisant  rouler  des  pierres  sur  eux.  Les  assaillants 
s'attachaient  surtout  à  faire  des  prisonniers  pour  les  vendre 
aux  capitaines  des  galères  du  roi  de  Naples  qui  venaient  d'en- 
trer dans  le  port  * .  Cependant  le  nombre  de  ceux  qu'on  pou- 
vait employer  à  ce  travail  était  borné,  tandis  que  l'armée  mi- 

1  Cbertus  FoUeta,  Genuens,  But,  L.  XI,  p.646.  «P«BiMtTi.  Bi$t.  ÇenueniU.  L«  XV, 
p.  Z^,-^Ag08L  Giustiniani,  L.  V,f.  238. 


DU  JtLOYES  AGE.  133 

lanaise,  presqae  entière,  fat  obligée  de  se  rendre  avantâ* avoir 
franchi  toute  la  chaîne  des  montagnes.  Les  paysans  ne  trou- 
Yant  alors  plus  davantage  à  faire  des  prisonniers,  se  conten- 
tèrent de  les  dépouiller,  non  pas  seulement  de  leurs  armes , 
mais  de  leurs  habits  et  même  de  leurs  chemises;  et  Ton  vit 
rentrer  en  Lombardie  plusieurs  milliers  de  soldats  qui  ne 
portaient  pour  tout  vêtement  que  des  ceintures  de  feuil- 


La  régence  de  Milan,  renonçant  à  Fespérance  de  soumettre 
Gènes  par  la  force,  essaya  du  moins  d* y  exciter  une  nouvelle 
guerre  civile,  en  réveillant  des  partis  qui  semblaient  assoupis. 
D*une  part,  elle  rendit  la  liberté  à  Ibletto  de  Fieschi;  de  l'au- 
tre, elle  engagea  la  faction  des  nobles  à  faire  revenir  à  fiènes 
Baptiste  Frégoso,  fils  du  doge  Pierre.  Les  Milanais,. assli^és 
dans  les  deux  forteresses,  sans  espérance  d'être  secourus,  ies 
consignèrent  à  ce  Baptiste.  Quelques  coups  de  canon  ayant 
annoncé  à  ses  partisans  qu'il  en  avait  pris  possession,  ils  s'ar- 
mèrent dans  toute  la  ville,  et  attaquèrent  avec  acharnement 
la  porte  Saint-Thomas.  Le  parti  deProsper  Adorno  paraissait 
y  avoir  l'avantage,  lorsque  Ibletto  de  Fieschi ,  qui  avec  tous 
ses  clients  s'était  rangé  du  côté  du  doge,  prêta  l'oreille  à  des 
propositions  qui  lui  furent  faites  de  la  part  de  Baptiste  Fré- 
goso. Il  se  fit  payer  six  mille  florins  pour  abandonner  la 
cause  des  Adomi  ;  moyennant  ce  prix  il  entraîna  encore  le 
lieutenant  du  roi  de  Naples  dans  le  parti  opposé.  Il  était  in- 
différent à  Ferdinand  qu'un  Frégoso  ou  un  Adorno  fût  doge 
de  Gênes,  pourvu  que  la  ville  n'obéit  plus  au  duc  de  Milan. 
Prosper,  qui  venait  d'abuser  de  sa  victoire  en  faisant  punir 
de  mort ,  comme  rebelles,  quelques-uns  de  ses  ennemis ,  fut 
tout  à  coup  abandonné  par  le  plus  grand  nombre  de  ses  par- 
tisans. Il  se  vit  obligé  de  sortir  de  la  ville ,  le  26  novembre 

1  Anton.  Gam,  De  relm  GentMW»  p.  39l-S92.r-Mar.  JParmffiif .  T»  XXD.  p.  384. 


134  HISIOOUB  DBS  VÈPtJalifiilli  ITALIEIIIIXS 

1478,  et  de  ^einbarqner  éqt  iitie  galère  de  lïaples.  Peu  de 
jours  après^  Baptiste  Fr^oso,  déjà  en  possession  de  toutes  le^ 
foiteresses,  fdt  prodanlé  doge  de  Gfines  et  reconna  par  tons 
les  partis; 

Lorsque  la  régeîite  dé  Milan  àyait  entoyé  son  armée  dans 
168  montagnes  de  Gènes,  elle  àirait  ordobné  à  Sforzind,  qui  là 
commandait,  de  la  bonduire  en  Toscane  aussitôt  qu'il  aurait 
soumis  les  Génois  révoltés,  et  de  seconder  de  tout  son  pou- 
voir Laurent  de  Médids.  là  défaite  de  cette  àmée  détrtdsit 
les  espéradcèS  dé  LKttrent,  et  M  rétolutioil  dé  Gènes  le  mena- 
çait eneore  d'nnè  antre  calamité.  Lès  marchands  florentins, 
comptant  snr  ralliâncè  du  ddc  de  Élilàn  ^  ^igiieor  de  Gènes; 
avaient  fait  de  cette  tille  le  grand  entrepôt  de  leur  commerce 
maritinie.  Quatre  gàlèkiS  chargées  ^ttr  leur  eoinpte,  dont  la 
valeur  i^étevait  à  plus  de  trois  eent  niille  florins,  devaièiit  y 
entrer  sons  pen  de  j^mrs.  Si  elleé  étaient  sidsiès  et  confisquées 
par  le  nouveau  gouvernement  alKé  de  Ferdinand,  une  perte 
si  considérable  découragerait  les  Fioretitii:<s,  et  leur  ôterait  les 
moyens  de  oonlinner  la  guerre.  Laufent  se  vit  doiib  obligé  de 
ménager  les  Génois,  ad  risque  de  méeoûténter  la  dtich^se  dé 
Milan.  La  Seigneurie  de  Florence  félicita  Baptisttè  Frégoso  sur 
son  fleetion^  et  lui  offrit  son  amitié,  en  mêinë  temps  qu'elle 
s* excusa  auprès  de  Bonne  de  êes  égards  forcés  qu'ële  monti*ait 
à  ses  ememis  * . 

Les  négoèiations  de  Laurent  dé  Médids  aveb  Veniâe  acqué* 
raient  d*  autant  plus  cPîmportànèe ,  ({ue  ses  àtftrés  altiéâ  lui 
offraient  moins  de  ressources.  Getter  réptdiiliqde  deveûtflt  td-^ 
nique  espérance,  l'nmpie  appui  des  Flbrèntiiri.  VLiâÉi  pehdâtnt 
toute  la  preraière  aiinée  de  la  guerre,  elle  atait  8te  actaMée 

1  jnion.  Çalà^De  f^utGmuem,  U  II,  p.  99<-30(f.  Ceit  la  fin  de  oe  peUi  oanmgé; 
éènt  avec  cbaleur,  avec  ^gaîice,  et  an  grand  amour  pour  la  liberté.— Dtarûim  Por- 
maue.  7Al  et  290.  —  OherA  FpBetœ,  L.  XI,  p.  «47-tf48.  —AnnaL  PUteentinL  T.  XX, 
p.  957.  ~  P.  Bizarro.  L.  XV,  p.  ZiZ.-^Ag.  Gittflinlanl.  L.  V,  f.  240.-**  Sdpione  Ammi-' 
raM«L.XXIV»p.iSO, 


DO  UOYEB  àBM.  US 

fut  deft  «UmMb  qâ  MMâmt  joqa'à  la  pOttiliUlté  de  se- 
courir les  Médias.  La  première  et  la  {Ans  redoutable  était 
eommiine  à  Teniie  et  à  Florence  :  c'était  la  peste;  die  parait 
avoir  été  causée  en  Italie  par  une  intaition  de  sauterelles*  An 
mois  de  jnin  1478 1  nue  armée  de  ces  redoutables  inseolsa 
ccnTrit  trente  milles  de  longueur  et  quatre  de  largeur  dans 
les  territoires  de  Hantoae  et  de  Breseîa.  Le  marquis  Louis  de 
Mantoae  employa  des  milliers  d'ouvriers  à  les  tuer,  mais  il  ne 
prit  point  la  précaution  de  les  faire  enterrer  ensuite;  la  con- 
tagion, cooséquence  de  leur  déeompoàtion,  se  manifatfa  ansi> 
sitAt  ^  Elle  avait  gagné  la  Toscane ,  ravagé  Florence  ateon 
territoire,  et  enlevé  à  la  république  plusieurs  de  ses  ottriart 
les  pins  distingués;  elle  avait  même  forcé  à  abandonner  oaad 
dâhnse  qnalques^nnesdes  forteresses,  et  parmi  les  deux  années 
die  avait,  en  tm  mois^  enlevé  plus  de  deux  mille  soldais^.  A 
Venise^  h  peste  avdl  éclatéavec  test  de  vîolenoe  qu'on  ne 
ponvaît  plus  rassembler  le  conseil  des  Piégadi;  tous  les  «obles 
qui  le  compeeaîent  s'étaiest  «^ais  à  la  campagne.  Dans  ce 
danger  tenjoars  imminent  d*nne  mort  Indeuse,  tous  lescalods 
d'une  poMttque  éloignée  devenaient  sans  intâ^  i  waàsk  les 
Yénitiens,  loin  de  pouvoir  fournir  anx  Florentins  les  awaurs 
4f  lioaunes  et  d'argent  sur  lesquels  cenx-d  avaient  dioit  de 
^oempter,  ne  témsifent  qu'après  de  longs  retards  à  aasenUsr 
le  séiat  penr  donner  leun  ordres  auk  ambassadeurs  qu*ik 
«nv^yalMt  à  Borne.  Ceux-dfknwt  (Aiargés  de  représenter  ai 
fi^pe  «qu'il  mettait  en  danger  k  chrétienlé  fht  la  gmerfe  Jfà% 
«^tdMIea  Italie  ;  que  «'étaîten  quelque  sorte  flaire  canseeMH 
munè  avec  le  OrÛMi-^Ture,  dont  on  pouvait  à  toute  lieon 
«alddre l'invasion;  qned  lepape  neaedésbtait  pasée  ^^eilfs 
4eoBèËilè,  Ia%dgnéarie^4'^<!it»i4  tfvec  IVas^perenr  etliroî4e 


t  marimn  Pamense.  T.  XXII,  |i.  280.**  SdpUmê  limnirafo.  L.  ZXIV,  p.  iss.» 
jNor.  Fametiêe,  p>  3». 


136  HISTOIBE  DES  BKPUBLIQUBS  ITALiraHSS 

France»  loi  leUreratt  Boa  obâsBauee,  et  en  appdlerait  de  ses 
injostes  décrets  à  nn  concile  fdtnr  ^ 

L'accosation,  portée  contre  le  pape,  de  seconder  les  projets 
de  Mahomet  II,  n'était  qne  trop  fondée.  Jamais  les  progrès 
des  Turcs  n'avaient  mis  l'Italie  dans  un  plus  grand  danger  ; 
l'existence  de  Venise  elle-même  se  trouyait  compromise ,  et  la 
moindre  diversion  de  ses  forces  pouvait  la  faire  succombor 
aux  attaques  du  grand  ennemi  de  la  chrétienté. 

1475.  —  Les  Vénitiens,  épuisés  par  les  longs  efforts  qu'ils 
avaient  déjà  foits,  avaient,  dès  la  fin  de  l'année  1475,  fait 
faire  à  Mahomet  U  des  propositions  de  paix.  Celui-ci  avait 
demandé  que  Croia  fût  remise  en  son  pouvoir,  avec  tons  les 
lieux  forts  que  la  Seigneurie  avait  acquis  depuis  le  commen- 
cement de  la  ^erre.  Il  réclamait  de  plus  le  paiement  de  cent 
cinquante  mQle  florins  pour  une  dette  contractée  par  les 
adnûnistrateurs  des  mines  d'alun,  et  pour  un  vol  fait  à  son 
fisc,  que  la  république  avait  en  quelque  sorte  autorisé.  Ces 
dures  conditions  ne  furent  point  acceptées,  mais  elles  donnè- 
rent lien  de  conclure  un  armistice  de  six  mois  ^.  1476.  —  Pen- 
dant l'année  1476,  les  Vénitiens  n'avaient  point  agi  contre 
les  Turcs;  ils  n'avaient  pas  cependant  été  sans  inquiétudes  pour 
leurs  possessions  du  Levant.  La  reine  Charlotte  de  Chypre , 
cherchant  toujours  de  nouveaux  expédients  pour  rentrer  dans 
son  royaume,  avait  adopté  don  Âlonzo,  fils  naturel  du  roi 
Ferdinand.  Deux  galères  napolitaines  devaient  la  prendre  à 
Rhodes,  pour  la  conduire  au  Caire,  où  elle  voulait  solliciter  la 
protection  du  Soudan  d'Egypte.  Le  conseil  des  Dix  en  ayant 
eu  avis,  ordonna  à  Antoine  Lorédano,  capitaine-général  de 
ses  galères,  d'enlever  de  Chypre  les  trois  fils  naturels  du  der- 
nier roi,  aussi  bien  que  sa  mère  Mariette,  sous  la  garde  de 
laquelle  il  les  avait  laissés.  Tous  quatre  furent  conduits  à  Ve- 


IMl  Momi  AGI.  137 

nise,  et  retans  ions  bomie  garde.  Aioti  la  tipaiikpam  abo* 
sait  de  la  oonfianœqae  le  dernier  des  Lnsigiian  avait  reposée 
en  elle;  oa  lni^mèine était  un  usurpateur,  et  n'avait  pa  trans- 
mettre aucon  droit  à  sa  veine,  oa  ses  fils  natords  avaient  le 
même  droit  que  loi.  Lonqn'ilsse  réonisBaient  à  la  reine  Char- 
lotte, lorsque  les  fils  légitimes  et  les  bâtards  des  Lusignan 
confondaîmt  leurs  intérêts  ensemble,  les  prétentions  de  Ca- 
therine Comaro  et  de  la  république  de  Venise  devenaient 
tout  à  fait  insoutenables  ^ 

1 476.  —  La  guerre  avec  les  Turcs  se  renouvela  en  1477. 
Achmet,  sangiak  d'Albanie,  vint  mettre  le  siège  devant 
Groia,  avec  huit  mille  chevaux.  Les  campagnes  furent  rava« 
gées,  et  leurs  habitants  s'enfuirent  dans  les  montagnes ,  mais 
la  ville  était  tellement  forte,  bien  plus  par  sa  situation  que  par 
des  ouvrages  élevés  de  main  d'hommes,  qu*elie  pouvait  défier 
les  attaques  des  ennemis.  Pietro  Yettori  y  commandait,  et 
FrancesooContarini,  provéditeur  d'Albanie,  était  chargé  de 
rassembler  une  armée  dans  la  province,  pour  faire  lever  le 
siège.  Pendant  tout  Tété,  les  habitants  de  Croia  se  défendi- 
r^it  avec  beaucoup  de  vigueur.  A  la  fin  du  mois  d*aoùt, 
Contarini  parut  à  Alessio,  avec  deux  mille  hommes  de  cava- 
lerie vénitienne,  cinq  cents  chevau-légers,  et  une  bonne  in- 
fanterie albanaise,  que  Nicolas  Ducaïni  lui  avait  amenée.  De 
là  il  s'avança,  le  2  septembre,  dans  la  plaine,  au  pied  de 
Croia,  que  les  habitants  nommaient  la  TirannUy  et  où  les 
Turcs  avaient  formé  leur  camp  à  quatre  milles  de  la  ville.  Le 
combat  entre  les  deux  armées  s'engagea  vers  midi,  et  dura 
jasqu'au  soir  sans  que  rin&nterie  vénitienne  se  détachât  ja- 
mais de  la  cavalerie  pesante.  L'une  et  l'autre  opposaient  aux 
Turcs  un  rempart,  que  les  chaînes  redoublées  de  leur  cavale- 
rie ne  purent  âmuder.  A  la  fin  de  la  journée^  les  Turcs  s'en- 


ISS  HISTOIRE  DM  «É^mLl^n  ITALIEHinSS 

fmten%  à  bridfe  abattae^  ablmâonaant  ifième  Ufttf  egaûp.  LM 
habitants  de  Groia  ûteûi  nhe  Bortie  ;  ils  renTersèretit  les  dôtix 
r<$doutes  qui  leiir  fermaient  le  passage^  et  ifinrent  partager  te 
pillage  du  eàmp  ottoman,  où  ils  trouvèrent  demandes  rieites^ 
ses  et  beftttconp  de  vivres  qui  ooinmeaçaient  à  leuf  ffianquèr^ 
Mais  les  Turcs^  retirée  sur  les  moàtagùeS  voiÀines^  voyaient 
au  clair  de  lalane  le  désordre  des  vaiiiquëurs^  dtms  tie  oAïup 
qu'ils  venaient  d*Àbabdonnér.  Revenant  phis  rapidiêÈieiit  M-> 
core  qu'ils  ne  s'étaient  éloignés,  ilsfonditeut  sur  lësYënittens 
qui  se  disputaient  leur  butin  \  ils  en  massacrèrent  leplinl  g^ànd 
nombre^  ils^^  trinefaèrent  la  tète  à  Goùtariiii  tfoi  était  tombe 
entre  leurs  mains;  ils  dissipèrent  toute  Fannëe  blbatiaiiiô,  et 
ils  tuèrent  plus  de  mille  bommes  au  b6u1  dor^s  deè  troâpes 
italiennes  * . 

On  n'était  point  encore  revehù  à  Yeniie  de  TefiEroi  qtt*atàft 
causé  ciette  déroute,  lorsqu'on  apprit  an  mois  d*octx)btQ  ^e  lé 
pacba  de  Bosnie  venait  d'envahir  le  Friuli.  Cependant  kl  ré'- 
pubUque,  tirée  de  sa  sécurité  parla  précédente  iavambh^  avait 
chargé  le  provéditeur  Fràhlçois  Trotai  ûfe  fortifier  «ette  trm* 
tière  t  une  chaîne  de  retranchements  avait  élé  étevée  (tes 
boudies  de  Tlsonzo^  près  d'Aquilée,  juscjâ'à  Sorieiài.  Lebdi*" 
gués  des  fleuves  avaient  été  mifees  à  profit  pour  cet  oïlvrage} 
de  longues  courtines  avaient  été  éiefées  en  tem^  ilBVètiM  de 
gazon^  et  fortifiée!^  dé  place  en  platse  paf  <Aesr  tSMm  ou  dêè 
bastions  de  même  fkature.  Tous  ces  ouVrag<^  évaiëift  €té  plah^ 
tés  de  palissades^  bu  plutôt  de  troncs  de  saute  vivaniS)  et  si 
serrés  les  Uns  contre  les  autres,  qu'ils  ne  léissaient  oucM  pas-^ 
sage.  Ge  retranchement,  qui  s'étendëSt  sur  «me  lottgoeer  éé 
douze  OH  quinze  aîUes^  raneihbkitfttt  mur  d'un»  ftnèrM&i 
Deun  camps  avaient  étë  égalemeht  fèrtiAés  défis  les  itett  ob 
risonsK)  avait  paru  guéablei  rtm  à  OrfldiriKâ,  fMA!»  à  I^ 


Dti  ttdYÈBr  Aét.  139 

gHano.  fidriÉla  etiàiï,  Qui  àvât  ni  ^i  itif  (se  déure,  tftèat 
été  forttllft  atec  (flttft  de  Mn  thisote^ .  Oehmyrtid  Notello  de 
Vérone,  vieux  èapitAlne^  qui  àtiât  sod  fib  et  hn  grand 
nombre  de  bravèft  offlèièl*»  abtonr  de  lui ,  avait  étë  cbàrgé 
de  garder  ees  retranchemedUr,  âVèe  ërivih)h  trdis  hiille  fab- 
tissios ,  et  plusiedrs  corps  dé  bonne  ëaiâleriè  :  i\nni  proté- 
gés, les  habitants  da  Friuli  reposaient  dads  Une  entiè^e 
sécurité. 

Mais  leé  Tënitiend  n*  avàieht  pa^  pris  d' a^sez  bonnes  mesures 

pour  être  averlis  d*titânce  des  mouvementé  de  Tennenri.  tîn 

soir  du  mois  d'octobre,  ils  virent  paraiti^ë  M  tavàlerie  turqile 

autour  dé  celui  de  leurs  campa  qdl  étiilt  au-delà  du  fleuve, 

avant  qtf  (m  leiirèùt  annoncé  sasortiéde  le  Bosnie.  Là  jburuée 

était  d^6  trop  avancée  pour  combattit;  aus^i,  de  part  et 

d'autre^  on  se  prépara  ft  la  bataille  pbur  Ik  lèhdeniàin.  Sans 

cette  nuit  même,  cependadt,  les  Turès  s*emt)àrèitnt  du  f^ont 

de  Gorizia,  sans  qu*on  en  fût  idforiné  ad  camp  dé  GrâdisiLd. 

Par  ee  pout  le  pacha  Ha^  Be^,  Amat  Be^^  ou  plutôt  Achmbt 

Giedick  ^,  fit  pdssér  ub  milKer  dé  chevaux  au-delà  du  fleuve 

tandis  liUé  dans  un  aUtre  éUdi^it  la  cavalerie  turque  ay^lni 

découvert  une  clairière  sur  lé  bord  opposé,  traversa  l'Isonzd 

à  la  nage,  et  plaça  une  embuscade  dans  le  lieu  où^ellé  voulait 

attirer  les  Témtieus.  Lelendëmâid,  Achmetfit  passer  fisonzo 

à  toute  son  armée,  et  tint  offrir  la  bataillé  à  Geronymô  No- 

vello,  ({ûi  Taocepta.  Elle  fbt  soutenue  quelque  temps  avec 

assez  de  courage.  Le  fils  de  Geronymô^  qui  commandait  la 

première  eâicôuadë^  repoussa  vàllléiiiment  les  enneinls.  Mais, 

BflUgfë  là)  avertissements  dé  sbn  père ,  <tdi  ^  dé&ait  de 

leur  fadtité  a  prendre  te  lUtê,  II  se  MM  eiUpdftél^  à  lëtrr 

1  Jtf.  A.  SabelUep.  D.  iii,  L.  X,  f.  223.  T.  —  *  Deméirios  Gantemir  attribue  cette 
ét^kâHhA  k  À'cAihêt  ditùitk.  L.  m,  i^ip.  T,  S  32  ;  et  U  Vêtaârqiiè  qMé  tA  noms  Hb- 
bey,  Amathey,  Marbey,  ne  sont  point  Turcs.  Fugger  nomme  aussi  le  chef  de  cette  ex- 
pédition Acbmet,  sans  dire  que  ce  soit  le  visir.  Spiegel  dsr  Bhren,  Bueh.  V^  cap.  XXV , 
p.  836. 


140  HISTOIBB  DES  BSPUBUQUES  ITAUBNUES 

poursuite,  et  tomba  dans  remboscade  ^i  lui  ayait  été  i»ré- 
parée;  son  escouade  y  fut  détruite  en  enti^.  La  seconde  qui 
le  suivait  lâcha  pied,  et  sa  fuite,  aperçue  jusque  dans  les 
derniers  rangs,  mit  en  désordre  toute  Tannée.  Chacun  ne 
songea  plus  qu'à  gagner  un  lieu  de  sûreté.  La  cavalerie  tur- 
que, terrible  dans  la  poursuite,  était  sur  le  dos  des  fuyards,  et 
elle  continua  d'abattre  des  tètes  jusqu'au-delà  de  Mersan.  Ge- 
ronymo  Novello  fut  tué  dans  la  bataille,  de  même  que  son 
fils,  que  Jacques  Badoero,  Anastask)  Flaminio,  et  beaucoup 
d'autres  gens  de  marque.  Les  Turcs  firent  aussi  un  grand 
nombre  de  prisonniers  * . 

Cependant  la  cavalerie  ottomane  se  répandit  aussitôt  dans 
toute  la  plaine  qui  est  entre  l'Isonzo  et  le  Tagliamento.  Tout 
ce  que  le  feu  pouvait  dévorer  fut  livré  aux  flammes.  On  voyait 
brûler  en  même  temps  les  fourrages ,  les  récoltes ,  les  bois ,  les 
fermes,  les  villages  et  une  centaine  de  maisons  de  campagne, 
ou  plutôt  de  palais,  appartenant  à  des  nobles  vénitiens.  L'his- 
torien Sabellico ,  qui  était  alors  lui-même  dans  un  château ,  à 
quelque  distance  d'Udine ,  avait  sous  les  yeux  cet  immense 
incendie,  qui  du  haut  d'une  tour  paraissait  pendant  la  nuit 
une  mer  de  feu.  Après  deux  jours  donnés  au  ravage  de  cette 
plaine,  les  Turcs  passèrent  encore  le  Tagliamento,  et  incen- 
dièrent aussi  le  pays  situé  entre  ce  fleuve  et  la  Piave.  La  nuit 
on  voyait  de  Venise  même  les  flammes  de  ces  incendies,  et 
elles  y  répandaient  la  consternation.  On  élut  un  provéditeur- 
général  pour  Tlstrie  :  on  donna  ordre  à  celui  de  l'Albanie  de 
se  rendre  dans  le  Friuli,  on  chargea  le  provéditeur  de  Lom- 
bardie  d'assembler  les  milices  de  Vérone ,  de  Vicence  et  de  Pa- 
doue  ;  des  nobles  vénitiens  furent  députés  à  la  garde  de  chaque 
forteresse ,  et ,  le  2  novembre ,  une  armée  nouvelle  se  mit  en 
mouvement  pour  chasser  les  Turcs  des  lieux  qu'ils  occupaient; 

1  jf.  A.  soteiHco,  D.  m,  u  X,  f,  sUt-iroHN  aamo,  rue.  t.  xxn,  p.  im. 


tt  MOYEN  AGE.  141 

mdSà  ils  étaient  repartis  d'eax-mêmes ,  et  fb  diraient  repassé 
risonzo  * . 

1478.  —  Toutes  les  conquêtes  des  Tores  avaient  été  précé- 
da par  des  eipéditions  semblables  à  celle  qa*  ils  venaient  de 
foire  dans  le  Friali.  Us  ruinaient  le  pays  par  leurs  incursions, 
pendant  plusieurs  campagnes  de  suite ,  avant  de  songer  à  y 
faire  des  établissements.  Si  on  les  eût  laissés  pénétrer  de  nou- 
veau dans  le  nord  de  l'Italie,  ces  provinces  dévastées  n'au- 
raient bientôt  plus  été  susceptibles  de  défense,  et  en  peu  d'an- 
nées les  armes  du  croissant  auraient  été  portées  jusqu'au  cœur 
de  la  Lombardie.  Les  Vénitiens  firent  tout  ce  qui  dépendait 
d'eux  pour  se  mettre  à  couvert  de  ce  malheur.  Us  avaient 
reconnu  qu'ils  n'avaient  pas  assez  de  cavalerie  sur  cette  fron- 
tière, et  ils  y  rappelèrent  Charles  de  Montone,  fils  de  Braccio, 
au  retour  de  son  expédition  contre  Sienne.  Tls  fortifièrent 
Gradiska ,  ils  relevèrent  les  remparts  qui  avaient  été  abattus; 
ils  enrégimentèrent  vingt  mille  hommes  de  milices  dans  leurs 
provinces  de  terre-ferme,  et  ils  distribuèrent  tous  les  habitants 
de  Venise  en  compagnies,  qu'ils  obligèrent  à  s'exercer  aux 
évolutions  militaires  ^. 

Cependant  le  siège  de  Croia  avait  toujours  continué,  et  cette 
ville  commençait  à  manquer  de  vivres.  La  république  de  Ve- 
nise, abandonnée  par  les  autres  états  de  l'Italie,  inquiétée  par 
les  intrigues  et  l'ambition  du  pape  et  de  son  fils  Jérôme  Bia- 
rio ,  craignit  de  n'être  plus  assez  puissante  pour  fermer  long- 
temps aux  barbares  l'entrée  de  la  péninsule.  Elle  essaya  de 
nouveau  d'obtenir  la  paix  de  Mahomet  II.  Thomas  Malipieri , 
pr  ovéditeur  de  la  flotte ,  fut  autorisé ,  au  mois  de  janvier  1 478, 
à  se  rendre  lui-même  à  Constantinople ,  pour  offrir  à  la  Porte 
jH  ville  de  Croia ,  l'île  de  Statimène ,  le  bras  de  Maino  dans  le 

1  Andr.  Navagiero,  Stor,  Venes,  p.  H49.^M.  À,  Sabeltteo,  D.  ni,  L.  X,  f.  32S.— 
D  iarioPamense.  T.  XXIJ,  p.  338.  —  *  ândr.  Ifwagiero^  T.  XXm,  P.  |149.  —  Jf.  A. 
«o^ettiM.  D.  ni,  L.  X,  f.  92S. 


)42  HISTOIBB  D|^  ^iffBff4&0»  TtALOmUtB 

Pélppoffgaè^i  to^  Ifs  a^Jtr^  li^^x  que  la  Çeigoâuâ^  avait  coa^ 
qois  pendant  la  gaerre,  et  cent  mille  dacats,  an  nom  de  la 
^4ne  4fis  fil^fi^ ,  f^pfe  Ifsss^^  Ma)ipwet  faisait  dea  vtfdama- 
tiQ^,  Toptes  ces  poi^ ditioBui  fm^eot  «i^oeptéea  par  le  aoltan , 
;^ais  il  y  joignit  celle  4' no  ixïbsfX  ammel  de  m  mMle  dneata. 
Ijjlalipjlç^i  répondit  qu'^  n*étf4t  ppint  aatorioé  k  le  promettra  » 
et  il  i^ejotm^ ,  pojor  çoo^t/^  aes  popmettaals ,  deox  mois  à 
.dater  dç  1 5  avrÎ!.  Pendant  /ce  temps ,  on  apprit  à  Vraise  qne 
le  roi  ,4e  Qqpgcie  et  le  lyH  de  Na|riLes  avaient  Ixaité  avec  le 
grwd-sôgneur^  ,et  veçapftfi  toutes  %e9  cmqaètea.  On  ne  poa- 
Y^t  espér^  ajacune  diy«jrsiofi  ji^  fàU  d,e  la  Pjgrae;  Usaon 
iCassa^  était  p^ort^  et  ses  qçftvf  ^s  él^ûi^l;  divisés  ei^tre  eox. 
Groi^  ét^it  rédnitç  au^:  extrémités^  jet  ne  pouvait  pUis  se  dé- 
fendre.. Dans  des  (#c9ps]j9^$^  awfi  meofiçantes ,  le  sénat  de 
Yei^i^e  résolijit^  Iç  3  mai,  d*apqspf^r  Ifis  conditions  dictées  par 
les  Tu^os,  .quelque  ^w^lS  qu*çjl}ep  l^ipsi^t.  JULm  qp^aud  on  porta 
cet^te  ^réponse  a  Mahomet,  |1  /^éc^ara  n*^e  plus  tepu  par  sa 
parole.  La  situation  des  deu^  fiEir^!^  ^y^  cbjangé,  di&aift-il, 
pendant  le  temps  ^i  s'était  fSçffplé  y  il  rendait  dcoîa  comme 
déjà  à  lui ,  puisque  aucun  pouvoir  humain  ne  pioinvait  plus  la 
sapxi^r  ;  çt  ^  les  y^itie^çs  ^fj^]^  Ci^<^Lus  k  ftohetfflr  la  pfix  par 
le  $,açriûça  d'une  ville  d'AU>anie,  c'ié^  Scutari,  et  non  {Ans 
Grpia,  qu*ils  devaient  lui  f^f^jdop^er.  Mulipieri,  n  ayant 
^ucuji  ordjre  relatif  à  cette  d^y^a^j^e  nouTiiette ,  quitia  fionstan- 
,tinopIe  sans  a.\oir  rien  conclu  * . 

Les  habitants  de  Groia  avai^i^  foutçnn  le  siège  pendip^  un 
ap  enti^,  et  durant  les  derni^  jupif;  ^s  avaient /été  jréduits  à 
.^  i^Qurr^r  desaliiueijits  les  plus  ^ppio^des.  Us  apprirent  o^ 
^p^pd^nt  qpe  le.sviltAn,  pi;^cédé  par  le  s«u[^ak  Soliman,  et  par 
.le  b^gUerbey  jte  Ift  Bcpanie^  j^tfât  a^ivé  devant  Scntad  av^ 
une  nombreuse  armée.  Ils  lui  envoyèrent ,  le  lô  juin,  une 

'     «  JMf.  «a»aglero.  p.  tii3, 


4éput^tipQ  pour  offrir  de  9g  rendre  à  loi.  Us  e»  o)>Mf|pei)|  mi 
écrit  signé  de  la  main  même  de  ]!|abon)Q| ,  paf  l^guel  ce  mo^ 
parque  s*  engageait  à  leur  perniettre  h  tou^  d^  ^  fetirer  ayep 
tPiis  leurs  biens,  i»*ils  n'aimaient  mieux  yiyr^  d4P!^Çroia  ^ii^ 
sa  prote(^on  et  asi^uré^  de  s^  faveur.  Ç0q  ^l^j^^sivr^  leiir 
étant  olferte,  tous  déclarèrent  gu  i}p  r^fî09^rai^{:  à  ](eur  par 
trie^  ^t  qtf'iis  iraipQl;  vivre  dauf  Ip  lien  qnp  la  Seigneurie  |i}(3 
Venise  leur  assignerai!;.  Çependapt  }\»  livrèrent  leur  forterense^ 
et  ils  s§  Qiirent  soui^  la  icpnduite  d§  l'^corte  qnp  )§  piacb^ 
Âaron ,  commandant  dq  siège  ^  l^r  donna.  A  peine  furentj- 
ils  parvenus  dans  la  plaine ,  que  celui-cji  les  fit  charger  da 
fers^  pour  les  conduire  au  grand-seigneur.  Mahomet,  après 
avoir  réservé  quelques  prisonniers  de  marque  qpi  pouyai^t 
pç^er  leur  rançon ,  fit  trançh/gr  la  tète  à  tou^  Iç  r^tP*  Amisi 
finirent  les  derniers  des  çpmpagnons  d'armes  d^  Spander))^. 
Son  peuple  tout  ^nti^r  deyait  j^  suivras  de  bien  pr^  4ans  le 
tombeau  * . 

Mahomet  pendant  ce  temps  assiégeait  déj^  Sculari;  pais  }^ 
habitants  de  cette  ville,  qui  s  étaient  attendna.^  son  ^taqne, 
aviaient  tout  préparé  pour  une  vigonrense  défem^*  Tops  ceu^ 
c^ui  n'étaient  pas  en  état  de  porter  le^  arme^  av^ut  4té  ren- 
voyés de  la  ville  î  II  n'y  resjiait  plMS  que  sei^e  c^ts  cilpyens , 
et  deux  cent  cingu^ute  femmes.  Ii^  garnison  était  ;Qomp99# 
de  six  cents  spldats.  Le  prpvéditeur  véùitien  ^tait  Antc^o  4e 
I^zze.  Mahomet  avait  dans  son  camp  )e  hçglierbey  de  Bomanw, 
le  saugiak  SoUman ,  et  les  plus  grandj^  placiers  de  son  empir(9- 
Les  papillons  de  son  armée  couvraient  toute  la  pla|ue  dç  Scu- 
tari^  toutes  les  pentes  des  montagnes.,  et  tout  le  pays,  aus^ 
loin  que  la  yue  pouvait  s'ét^ndjce  ^, 

On  avait  attendu  T  arrivée  de  Mahomet  au  pamp  mnsnlmaii, 


^^ndr.  Kouagiero.  T.  XXUI,  p.  inz^-^Marinus  BarleHus,  De  ScodrenH  expugna- 
Urne,  L.  II,  p.  300.  —  s  If.  ^ni.  Sabellico.  D.  III,  L.  X,  f.  93«.  —  Ifor.  Barletius.  De 
Scadr,  exp,  L,  11,  jp.  }94, 


144  HISTOIRE  DEë  RÉlOTBtlQUfiâ  ITALIElVîiES 

pour  ouvrir  les  premières  batteries  contre  Scutari  ;  mais  le 
soltan ,  loin  de  savoir  gré  à  ses  généraux  de  cette  déférence , 
leur  reprocha  de  n'avoir  pas  fait  plus  de  progrès.  Une  simple 
enceinte  de  murailles  fermait  la  ville,  et  la  redoutable  artil- 
lerie des  Turcs  y  ouvrit  bientôt  une  large  brèche.  Cependant 
la  pente  rapide  du  terrain ,  et  la  difficulté  de  gravir  la  mon- 
tagne, sur  le  haut  de  laquelle  le  mur  était  assis,  suppléèrent 
à  la  faiblesse  des  remparts.  Les  Turcs  donnèrent  un  assaut  à 
cette  brèche  le  22  juillet;  après  un  combat  obstiné  ils  furent 
repoussés  avec  beaucoup  de  perte ,  et  accablés  par  les  pierres 
et  les  feux  d'artifice  qu'on  faisait  pleuvoir  sur  eux  * . 

Mahomet  fit  alors  dresser  ses  batteries  contre  une  partie  des 
murs  dont  l'accès  lui  parut  plus  facile.  Comme  ils  n'étaient 
soutenus  par  aucun  terre-plein,  ils  furent  bientôt  entr' ouverts, 
et  le  sultan  ordonna  un  nouvel  assaut  pour  pour  le  27  juillet. 
Mais  afin  de  profiter  de  l'immense  supériorité  de  ses  forces,  il 
divisa  son  armée,  que  les  historiens  vénitiens  portent  à  quatre- 
vingt  mille  hommes,  en  plusieurs  corps  qui  devaient  se  suc- 
céder sans  interruption,  et  renouveler  l'assaut,  jusqu'à  ce  que 
les  habitants  de  Scutari  succombassent  à  tant  de  fatigue.  An- 
tonio de  Lezze,  averti  de  cet  ordre  donné  par  l'ennemi ,  par- 
tagea également  sa  garnison  en  quatre  brigades,  qui  devaient 
se  renouveler  toutes  les  six  heures.  L'assaut  commença  avant 
le  point  du  jour  ;  les  janissaires  montaient  à  la  brèche  avec 
intrépidité,  au  travers  des  pierres  roulantes,  des  feux  et  des 
flèches  qu'on  lançait  sur  eux  ;  ils  franchissaient  les  ruines  des 
murs,  et  s'efforçaient  ensuite  de  gravir  le  long  du  rempart  in- 
térieur qui  formait  la  dernière  enceinte.  De  nouveaux  as- 
saillants arrivant  toujours  par  derrière  portaient  en  quelque 
sorte  les  premiers  rangs,  et  les  poussaient  par  force  jusqu'au 
sommet  du  rempart  ;  mais  ils  n'y  arrivaient  jamais  que  trans- 

1  ândr,  itavagiero,  p.  itS4.  Mar.  Bartotlofl  eo  donne  la  date.  L.  n,  p.  4if. 


DU  MOYEN   AGB.  145 

percés  de  coups  de  lances  et  d'épées  ;  avant  d'avoir  pn  com- 
battre eux-mêmes,  ils  retombaient  morts  sar  lears  camarades, 
qai  ne  se  décourageaient  point.  Mahomet,  fùrienx  de  ren- 
contrer une  résistance  si  obstinée,  donna  ordre  de  continuer 
rattaque  avec  des  troupes  toujours  nouvelles  pendant  toute  la 
nuit,  et  pendant  la  moitié  du  jour  suivant.  Enfin ,  soit  que 
ses  soldats,  rebutés  de  tant  d'efforts,  refusassent  de  combattre 
plus  longtemps,  ou  que  lui-même  sentît  l'inutilité  de  cet  ef- 
froyable carnage,  il  fit  sonner  la  retraite,  après  avoir  perdu 
un  tiers  de  son  armée  * . 

Le  sultan,  changeant  alors  en  blocus  le  siège  de  Scutari , 
s'occupa  de  réduire  sous  sou  obéissance  le  reste  de  la  pro- 
vmce ,  afin  d'dter  aux  assiégés  tout  espoir  de  secours.  Gomme 
la  flotte  vénitienne  aurait  pu  arriver  jusqu'auprès  de  la  ville , 
en  remontant  la  Bogiana,  il  ferma  l'embouchure  de  cette 
rivière  par  un  pont  garni  de  deux  redoutes.  Tl  envoya  le  be- 
^rbey  de  Bomanie  assiéger  les  divers  châteaux  du  voisinage; 
celui  de  Sebenico,  qui  appartenait  à  Jean  Gzernowitsch ,  se 
rendit  sans  combattre;  là  ville  de  Drivas  fut  prise  le  sixième 
jour  après  l'ouverture  du  siège.  Jacques  de  Mosto ,  qui  y  était 
provéditeur,  fut  conduit  avec  tous  les  habitants  sous  les  murs 
de  Scutari,  où  Mahomet  lui  fit  trancher  la  tête ,  afin  de  faire 
connaître  aux  assiégés  le  sort  qui  les  attendait ,  s'ils  ne  se  hâ- 
taient d'apaiser  sa  colère.  La  ville  d'Alessio  fut  abandonnée, 
mais  deux  galères  furent  surprises  dans  son  port,  et  deux  cents 
marins  qui  les  montaient  furent  envoyés  au  supplice.  La  seule 
forteresse  d'Antivari  brava  toutes  les  attaques  des  Turcs.  La 
plus  grande  partie  de  l'été  ayant  été  consumée  à  la  poursuite 
de  ces  différents  sièges,  Mahomet  confia  le  commandement  de 
l'armée  qui  bloquait  Scutari  à  son  viâr  Achmet  Giedik,  et  il 
retourna  à  Constantinople  ^. 

t  Andréa  Navagiero.  p.  iiSS.-^Martnus Barletim,  De  Seodrensi  expudnatione,  L.  Il, 
p.  430-433.  —  s  Andr,  tfavogUro,  T.  XXUI^  p.  itss.  -^  If.  A,  Sahettico,  Deçà  III,  L.  X , 
VII.  10 


1^6  mSTOIBB  DIS»  |lS?yPf|QU](|  ITALIENRES 

bllqjîie,  M^llftîff^  II  ftyait;  donné  prdre  aa  paç^^a  ^  Bpç^fe 
d'enyahir  dp  ^^ouvfftï^  fe  yrij^i,  et  Tpp  prétendit  q»?  ^  ^pi  de 
Hongrie,  à  la  pçr^afusfQp  d^  Fçf^iujmd  de  Ni|p|fi§,  ^\  il 
avait  éB9pé^  en  1476,  ^a  ûlle  Béatri^j»  aççQfd*  §tgx  Turcn  le 
passage  par  f^  états  pqi^r  qije  cett§  ^v^jr^^^ji  fi^i^h^f  îçs 
Vén^tipqs  de  iffe^jlre  pfur^  ^  ^  gHcr^e  de  Tçm^  -  t^  !»«*** 
de  Bosnie  parut  sur  le^  ^^  dfl  H^^i^  ^ïi^  SP^^  WiUe 
chevaux,  mais  U  les  ^nva  |(a^(w  P»i^  dc^  Q^Uc^f^u^ftwM^ 
sous  les  ordres  de  Victor  Soranzo,  provédite^r  dp  l^  prqvî^çe) 
tanflis  qpe  Ip  comte  Çt^Ar^N  4e  IKç^tf^^e  copunandait  les  gen- 
dj^rn^es  enfercné^  d^xf^  Iç  c^p  ^  i$r«di^<^*  Ce  ^ut  çft  Y«p 
<jue  le  p^chî^  prqvqqpa.  Mpntqij^e  ^  çwj^t  :  w\«i-ci,  ^yip^ti 
pg^ç  rç^inérieuce  de  T^çn^ée  préc^efttç,  ^ay^t  w'H  arirêtççflit 
ipieux  les  ^rhares  çn  res^^  iipimobji^.  Les  Ti^ç^;,  apr^ 
plu^eurs  tçp^tiyçf  ^RUtm  Çipi^ç  entrer  daçls  le.  ^KW^y  \f»fr- 
nèreri^  du.  çô^  ^e^  «^^[i^^ne*  4e  la  Ci^wq^Ç  ^\  PP^Ï^Çe^it  (içfirs 
dévi^tatio^^  Sjiif  Içs  i^qutière^  d?  fAl^ag^  ^. 

Cette  invasion  avs4^  ç^  \yçn  ai;  qàoo^nt  QÙ,  l^  pçstç  exerçait 
le  plus  de  çaxfl«e3  c^ç»  \enise,  w  8Qi[t§.  qvi'w  Uftvait  pu 
réussir  à  armer  les  biques  destw^^  à.  garder  VemlHHicliure 
de  risonzo '•  Ia  g^^e  d'Albani^  et  celle  dv  friu^  désqlaiept 
en  même  temps  la  i^éj^ublique  ;  les  armements  d^  p^e  et  ^e 
Ferdiijian^  et  TinyaçiÂn  4^  W  ^oscape  y  cai^aieAt  ipie  noiji- 
'  velle  terrçur  ;  enfin  lei^  affaires,  (^ç.  Cl\y.Rrc  dçp^ii^eut  ^^gsi  de 
vives  inquiétudes,  tandis  quç  1^^^  cpnta^oi^,  4^n9  Ve^^  9e 
permëtt^t  pas  mén^e  d*  assembler  les  conseils.  {4  rei^eOb^- 
îptte  de  Li,isignan ,  après  avoir  soJUicité  le  papq  de  la  rétal^r 
d^  son  rojaume^  s  étdt  enfiç,  djét^mmi^e  à  passer  en  Égyple, 
ce  qu'elle  n'avait  |^as  pu,  ou,  p^a^vait  pas  o$é  faire  Tannée  pré- 

f.  225,  To.— JforifitM  BarleiiuSj  De  Scodrensi  expugnatione,  L.  III,  p.  434.  —  t  Dtarium 
Parmeme.  p.  a»4. — «  af .  4^  SabelUçjqt  Dpc«  Ul,  i,,  X,  f.  atj^.  —  »  Uwfm  Smuto,  >  M« 
d^  Diichi  di  Venezi(u  p.  nç^. 


«SAeBtt.  Le  im  flesiîiMiid  avait  fiât  oraiep  pwf  elle  quatre 
fpttUres  à  6âMs^  qui  devaiie^  T^seurlep.  En  mteoc  temps  H 
4iaii  Mvoyé  à  YiCsÎK  un  krigaiitiQ  «ati^n*,  ésnt  le  patron^ 
^  6e  dqppait  pciui  «Nurahaiié ,  «  ^taMi  diaf^é  d'enlerer  la 
jetiaa  ChaskÉbe,  iHe  attareUe  4ie  Jaeqoes.  le  eonseil  des  Bix, 
averti  ds  et&maMttvres ,  it  enfennep,  par  une  délibération 
4ii  %7  AiMÛd^  I47819  les  trois  enfeols  de  Jaeqpies  dans  le  efaâteau 
46  Vadaatu  La  |(HHI9  fille  se  laT4a  pas  è  j  motirir,  et  ses 
gavdieDs  impent  soapçoiiBéa  de  ravek»  empeiseanée.  Un  pro^ 
léditaïur  ait  cmna^édant  les  mers  de  €andïe  a^ee  dix  galères  ; 
il  avait  oedre  de  veiller  an  passage  desqoatre  vaisseacn:  génois, 
de  kft  attaquer^  et  de  se  défaire  de  la  reine  {Starlette,  ea  ré- 
fndaitf  le  bnâtqn^^le  «wà  été  tnée  dans  le  combat  * .  Cette 
fliAe  aegro8âl€i|SQite  }iis(ia*«tt  noifibre  de  TingtHiept  galères  ; 
mais  GbifflDtte  avait  devancé  son  armée ,  elle  étmt  déjà  par- 
-Mfiiie  à  AleooMiMe ,  et  le  soadan  M  tm^  donné  de  bonnes 
espéraïKM.  Par  l'ordre  des  Vénitiens,  l'autre  reine  de  Gh  jpiie, 
Ci^fcbepiBe  €omaa<Q ,  cn^^ya  aossi  nne  ambassade  au  Soudan, 
pouc  lui  offrir  le  tribat  .annuel  du  rojmime,  que  jnsqif  alors 
«Ilea'aTait  point  payé.  Les  deux  renies  chrétiennes  plaidèrent 
kur^mM devant  le  souveraRi  musulman  de  l'Egypte;  celni^ 
<i  n^  se  prononça  point,  ms^  il  paraifssait  pencher  pour 
^kwMskt^  efl  yerase  ponmt  «'attendre  &  une  guerre  nouvdle 
ooi^e  les  Mameluks,  ponf  la  défense  d^lin  royaume  qui  n'é- 
tait plos  déjà  qaf  «mie  oolome  vénitienne^. 

LeatconseilB  de  la  vépubMque,  fKappé&detmrt  demalbeur», 
iMDacéade  tant  de  éan^rs,  héiSteient  'sur  lepniti  qu*ib  dé- 
laient aume,  loicqntls  veçatent  une  lettre  du  gouverneur 
ée  âontan,  qui  rendait  compte  de  la  situation  db  la  place. 
Oausio dnnaer  assaut,  it ^feaH;  avoir  perdu titât'de  ses méit- 
lencs  eapMnes,  mm  xm  très  grand  nombre  de  soldats^  il  ne 


i4S  HlffTOIBE  DXS  BÉPUBUQUn  ITÀLIlSJIfîlES 

lui  restait  plas  de  Tiyres  qne  pour  quatre  mois,  et  s'il  n'était 
pas  promptement  secoura,  il  déclarait  qu'il  serait  réduit  à  ca- 
pituler. On  eut  beaucoup  de  peine  à  assembler  le  sâiat  di- 
spersé par  la  peste,  pour  lui  faire  comiudtre  ce  rapport.  Enfin 
il  se  réunit  le  14  novembre,  et  après  une  discussion  très  vive, 
il  résolut  de  solder  six  mille  chevaux  et  huit  mille  fantasâns 
italiens;  de  souleyer  rAlbanie,  à  laide  de  Geoi^  Gzemo- 
witsch,  pour  joindre  ses  peuples  belUqueux  à  Tarmée  vém- 
tienue,  de  rappeler  le  capitaine  général  Yenieri,  qui  était  avec 
sa  (lotte  dans  les  mers  de  Chypre,  et  d'emj^oyer  ainsi  toutes 
les  forces  de  la  république  à  faire  lever  le  siège  de  Scatarl. 
Mais,  quatre  jours  après,  le  sénat  se  rassembla  de  nouveau,  et 
ce  fut  pour  céder  au  découragement.  Les  militaires  rq>ré8en- 
taient  que  la  Bogiana  étant  fermée  par  un  pont  et  par  deux 
redoutes,  il  était  presque  impossible  d'y  effectuer  un  débar- 
quement. Les  directeurs  du  trésor  rendirent  ^compte  de  son 
épuisement,  et  de  la  pauvreté  universelle,  conséquence  d'une 
si  longue  guerre.  D'autres  faisaient  sentir  que  si  l'on  rappelait 
de  Chypre  la  flotte  de  Yenieri,  on  perdrait  cette  ile,  qui  se 
trouverait  abandonnée  aux  intrigues  de  la  reine  Charlotte,  et 
peut-être  à  l'invasion  du  soudan  d'Egypte.  Plusieurs,  ef- 
frayés des  fréquentes  [attaques  des  Turcs  sur  le  Friuli ,  an- 
nonçaient qu'on  ne  serait  bientôt  plus  en  mesure  pour  les  re- 
pousser. Les  amis  de  Laurent  de  Médids  et  caix  de  la 
duchesse  de  Milan  sollicitaient  leurs  collées  de  terminer  la 
guerre  du  Levant,  pour  que  Yenise  fût  en  état  de  se  faune 
respecter  en  Italie.  Ils  faisaient  remarquer  que  les  deux  plus 
puissants  alliés  de  la  république,  les  Florentins  et  les  Mila- 
nais, étaient  obligés  de  recourir  à  sa  protection,  au  lien  de 
l'assister  dans  ses  nécessités;  que  le  roi  Ferdinand  âait  oa- 
vertement  ennemi,  qu'il  s'était  même  engagé  avec  les  Turcs 
par  un  traité  de  paix  et  d'alUance  ;  que  le  pape,  livré  à  ses 
ressentiments,  ne  parlait  qu'avec  menaces;  que  la  république 


DU  HOVEM   AGE.  149 

de  Gènes,  enfin,  ayait  commencé  des  hostilités  contre  les  Yé 
nitiens.  Dans  une  situation  aussi  dangereuse,  la  paix  avec  les 
Turcs  parut  seule  pouvoir  sauT^  la  république,  et  le  sénat  se 
résolut  à  accepter  les  conditions  mêmes  que  Mahomet  Ton- 
drait dicter. 

Eu  conséquence  de  ces  délibérations,  Giovanni  Dario ,  se- 
crétaire d'état,  fut  envoyé  au  travers  de  1*  Albanie  à  Gonstan- 
tinople;  il  trouva  le  sultan  disposé  à  maintenir  à  peu  près  les 
mêmes  conditions  qu'il  avait  proposées  au  commencement  de 
l'année.  1 479.  —  En  conséquence,  cet  ambassadeur  signa,  le 
26  janvier  1 479,  un  traité  de  paix  entre  la  Porte  et  la  répu- 
blique de  Venise,  en  vertu  duquel  Scutari  et  son  territoire 
devaient  être  abandonnés  au  grandnseigneur  ;  toutes  les  con- 
quêtes faites  pendant  la  guerre,  dans  la  Morée,  l'Albanie  et  la 
Dalmatie,  devaient  être  restituées  réciproquement.  Les  Véni- 
tiens devaient  payer  au  sultan  cent  mille  ducats,  au  nom  de 
la  ferme  des  aluns,  qui  avait  fait  banqueroute  à  Gonstantino- 
ple  au  commencement  de  la  guerre  ;  ils  devaient  payer  de 
plos  un  tribut  annuel  de  dix  mille  ducats;  mais  cette  condi- 
tion, qui  pouvait  paraître  humiliante,  n'était  au  fond  qu'un 
abonnement  aux'droits  et  gabelles  de  l'empire  ottoman  ;  car, 
moyennant  ce  payement,  les  Vénitiens  devaient  jouir  d'une 
franchise  absolue  pour  toutes  leurs  marchandises,  dans  tous 
les  états  de  sa  hautesse.  L'ambassadeur  eut  aussi  l'adresse  de 
faire  insérer  au  traité  que,  si  quelque  état  arborait  les  éten- 
dards de  Saint-Marc  avant  d'être  inmiédiatement  attaqué  par 
le  sultan,  celui-ci  reconnaîtrait  un  tel  état  pour  sujet  de  la  ré- 
publique, et  respecterait  son  territoire,  en  sorte  que  les  Véni- 
tiens conservèrent  l'espérance  de  faire  des  conquêtes,  par  la 
terreur*  même  des  armes  musulmanes  ^ . 

En  conséquence  de  ce  traité,  Antoine  de  Lezze,  provédi- 

>  ÀHdr.  NttvaQiero,  Stor,  Venez,  p.  Ii59<-ii60.-l>emelftfi«  Canttmir.  L.  Ul,  cliap.  I, 
S  32.  —  Cailimachus  Experiens,  De  Venetit  contra  Turcos,  p.  419. 


l&O  HISTOIIUE   DES   R£PV»MQ|[Eft  rrALI£]VI<£S 

teiir,  sortilde  Seutari  aree  qtiatre  omit  dnqaante  hommes  el 
cent  dnqiiattte  femme»,  qvà  seuls  avaie&t  sorTéco  à  ce  siège 
meurtrier^  Ik  «mporUôent  9ste  em  k»  reliques  de  leurs  égH^ 
ses,  les  vases  sacrés^  rarliUeriey  et  ce  qui  refait  de  leurs  rn 
cbesses.  Ils  passèrent  aiiisi  au  milieu  de  1* armée  ottomane,  il 
laquelle  ces  brave»  guemèrs  p&inretit  impirer  du  itspeêt  * . 
La  répuMiqtte  s'engagea  à  poutroir  hlewr  sdbsistantiie ;  elle 
voulait  d'abord  leur  donner  des  fiefs  dani^  l'île  de  Chypre; 
mai»y  comma  ils  craignirent  l'sir  nudsaiu  de  ce  pa^s,  eHe  les 
distribua  dan*  ses  diverses  forteresses,  de«rtelle  leur  confia  la 
garde^  et  eUe  assctra  à  cbacnn  une  pension  de  deux  dacâts  et 
demi  par  ukâs^.  En  asèfiie  temps,  kl  république  lit  consigner 
aux  officiers  do  sultatt  tes  montagnes  de  fai  Cbiiâère^  Slrlmoli^ 
le  pays  de»  Maïnotes  m  Moréè^^  Gostel^Bditipano,  Sarafona,  et 
rile  de  SUlimène.  Tous  les  pnttomikrs  fdît^  par  1^  Tanai  fu- 
rent remis  en  liberté  Mms  rançon^  el  la  paix  fut  jurée  par  le 
doge }  et  publiée  à!  Yenise  atee  une  alléj^sse  universelle,  le 
2&  avril  1479)  îour  àb  Saint  Mare  évaûgélirte,  après  qdînze 
ans  de  la  guerre  k  pk»  radeMablc  que  là  lépaèB^  eût  m- 
core  soiit^me^. 

1  M.  Ant.  SabeUico,  Deea  ttl,  L.  X,  U  v^i  To.-'jtforiii.  BarUtius,  De  Scody.  êxj^n, 
L.  m^  p.  A2n-'440,'^*M(ù^.  I^avagiero.  p.  U6i-ii«3.  —  ^  Jo.  AcTls^eiitery  dsos  ses  An- 
nalM  de  Striékv,  lopfNliie  MrMlMM  éâ (M|ié,  dà  1t$Uyn8f  fl7^  pêitMtiaéSteê  édat- 
ci  anoooçait  aux  prÎBces  chrétiens  la  oéeesstté  où  il  s'élait  trouvé  réduU  de  Mre  la  pais 
aved  les  fttfbs  ;  Adtareittéf  fait  coùnatire  en  même  temps  Teffroî  qu'on  ressentit  dans 
tout  reokpif»  d'Attenag^œ  qitaM  oa  mi  ^tte  Maiioiacft  fi  ne  È9nii  (lUw  refétra  par  fe» 
armes  de  la  république  de  Veniae/iimalM  Boict»  gentU,  P«  II,  k*  1%^  e»p,  SS«  p.  198.. 


bv  iàûiiif  Aot.  I5f 


CHAPITRE  VI. 


Sixte  IV  attire  les  Suisses  en  Itatre  ;  leur  yictoire  sur  les  l^lllanais  à 
Giornico.  —  11  excite  Louis- le-Maure  à  s'emparer  du  gouvernement 
de  Milan. — Détresse  de  Laurent  de  Alédicisiil  se  rend  à  Naples,  où  it 
Sfgàcutfé  pà\±  qui  cOhfipfofnet  J'rtrdépendance  de  la  Toscane.— I^rc^elt  du 
(Kie  êê  ÙMfirèsttf  Èïetiae  ;  rëvolutioii  de  cette  république. 


1478-1480. 


1 479.'  -^  1m  |mti  de»  Téfaitieni»  a^ee  les  Tores  meftiiît  F  Ita- 
H6  à  emNeH  ik  rinTasioÀ  la  jàvà  redoutâbte  de  tcmte»^  elle 
fatikatt  cesHlef  nit  éjangèr  qm  jaouiis  n'avait  été  plu»  prelsSaiit , 
et  cèto  ssrfflt  èâi  être  p(mf  âès  diverses  piiissances  aa  inotif  de 
Gonflance  et  de  repos.  Gependanl  la  nouvelle  eiï  fut  reçue  par 
1»  fAipaÉrt  d-castnef  cHes  svéfe  eonsternatioii.  Aveuglées  par 
Imr  fUmesiéi  elles  n  y  virent  que  le  râtatAissemeot  dit  erédil 
ik^  la  fliiiÉsaiite  répidiliqpe  qu'elles  redoutaieaf.  EUecr  eomprl- 
féut  (fk  désormaÉs  Veniscr  pourrait  eiaiploy^  Mus  partagé  ses 
IMceitettlliÉiie^coÉioi^  Refaisait apttet  1463.  Le rdi de N«^ 
pies  et  la  république  de  Gènes,  qui  lui  avaient  témoigné  leur 
iMiSJiliéy  èrai^tïireût  son  resBMtnmntf  la  dochbssè  ût  Milaft , 
le  duc  dfe  ("errare ,  te  iuaft|uis  ^e  âfanioue  él  les  pèli&  piiiïcès 


152  HISTOIRE  DBS  fiÉPtOBUQUES  ITALUSSIIIS 

de  Bomagne,  qaoique  alliés  de  Yenise,  s'affligèrent  se(»*ète- 
ment  de  voir  diminuer  leur  importanee.  Pendant  la  guerre  du 
Levant,  le  sénat  les  avait  ménagés  avec  un  soin  extrême;  à 
présent  leur  tour  était  venu  de  lui  montrer  de  la  déférence. 
Mais  le  pape  surtout ,  à  la  nouvelle  de  cette  paix  y  ne  put  dis- 
simuler son  chagrin  et  son  indignation.  Lui  qui  n  avait  pris 
aucune  part  à  une  guerre  qu'il  appelait  sacrée,  il  prétendit 
que  des  chrétiens  n'avaient  pu  la  terminer  sans  trahir  la  chré- 
tienté. Il  annonça  à  l'Europe  qu'il  avait  alors  même  entamé 
des  négociations  avec  le  roi  de  France,  l'empereur  Frédéric  III, 
et  Maximilien  son  fils ,  duc  de  Bourgogne  ;  que  son  but  était 
de  terminer  la  guerre  de  Florence,  et  de  tourner  contre  les 
Turcs  les  armes  de  tout  l'Occident  * .  C'était  sur  ces  entre- 
faites, disait*il ,  que  les  Vénitiens  avaient  abandonné  la  cause 
commune,  qu'ils  avaient  signé  la  paix,  et  qu'ils  s'y  étaient 
engagés  par  serment.  «  Non  contents  de  cette  désertion ,  ajoù- 
«  tait-il  dans  une  nouvelle  bulle,  ils  se  sont  rendus  plus  cou- 
«  pables  encore;  ils  n'ont  pas  rougi  d'affirmer  en  notre  pré- 
«  sence,  en  présence  de  nos  vénérables  ifrères  les  cardinaux, 
«  des  ambassadeurs  de  Tempereur,  du  roi,  du  duc  de  Milan , 
«  des  prélats ,  et  d'une  grande  multitude  de  chrétiens,  qu'ils 
«  observeraient  fidèlement  leur  traité  avec  les  méeipéants,  et 
«  qu'ils  n'y  porteraient  aucune  atteinte^.  »  En  effet,  tous  les 
efforts  du  pape  pour  engager  les  Vénitiens  à  recommencer  la 
guerre  avaient  été  inutiles. 

Sixte  IV  était  cependant  fort  éloigné  de  la  pensée  de  réunir 
les  chrétiens ,  ou  de  leur  faire  former  une  ligue  contre  les 
Turcs.  L'ambition  s'était  accrue  en  lui  avec  l'âge;  la  passion 
de  la  guerre  et  de  l'intrigue  s'était  emparée  de  son  àme;  la 
colère,  la  haine  et  le  désir  d'augmenter  la  puissance  de  Je- 

<  Stxti  IV  uber  brevium  et  buUanun  ;  MpUt.  119.  Apud  haynaldum^  AnnaL  Eccies. 
1478,  S  S9,p.  377.  —  >  BuUa  Si^joii  IV.  H  kal.  septembriç  1479.  Ap.  tbaynald.  S  il  t 
p.  381. 


BU  ttonsH  AGE.  153 

rône  Mario,  son  fils  oia  son  nerm,  lai  mettaient  tour  à  tour 
les  armes  à  la  main.  Il  aorait  Tonla  entraîner  les  Vénitiens 
dans  de  noayelles  hostilités ,  pour  les  af&iblir  et  ponr  priver 
les  Florentins  de  leur  appui.  De  la  même  manière  fl  voulut 
troaUer  l'état  de  Milan,  paiement  allié  des  Médids;  et  /pour 
y  râissir,  il  s*«bessa  à  un  peuple  plus  religieux ,  plus  doeile 
à  sa  ydx ,  et  plus  disposé  qpie  ne  l'avaient  été  les  Vénitiens  à 
faire  dépendre  les  lois  de  la  morale  publique  des  décisions 
arbitraires  de  ses  prêtres.  Il  engagea  les  Suisses  à  violer  les 
serments  qui  les  unissaient  au  duc  de  Milan ,  et  à  détourner, 
par  une  puissante  invasion,  les  secours  que  Laurent  de  Médicis 
pouvait  attendre  de  la  maison  Sforza. 

Depuis  deux  ans  environ,  les  vendeurs  d'indulgences  s'é- 
taient répandus  en  Suisse,  à  l'occaâon  (fun  jubilé,  et  ils 
avai^it  trouvé  chez  les  bonnes  gens  qui  habitaient  les  Alpes , 
une  fermeté  de  foi ,  une  confiance  aveugle  dans  le  pape,  un 
empressement  à  se  dépouiller  de  tous  leurs  biens  pour  acheter 
des  grâces  spirituelles  dont  les  Italiens ,  témoins  des  désor- 
dres de  la  cour  de  Borne ,  étaient  fort  éloignés.  Un  tribunal  de 
quatre-vingts  à  cent  prêtres  fut  établi  en  Suisse,  pour  distri- 
buer les  indulgences  de  la  bulle ,  et  décider  dans  les  cas  dou- 
teux; et  fiome  apprit  avec  étonnement  combien  d'argent  elle 
pouvait  retirer  de  ces  cantons  qu'elle  avait  regardés  comme  si 
pauvres.  Mais  l'attention  de  Sixte  IV  étant  attirée  sur  les 
Suisses,  il  remarqua  bientôt  dans  ce  peuple  quelque  chose 
qui  l'intéressait  pku  encore  que  le  commerce  des  indulgences. 
1478.  — Il  comprit  quel  parti  il  pourrait  tirer,  dans  les  guer- 
res du  SaintrSiége,  de  pareils  fidèles  et  de  pareils  soldats  ;  il 
leur  envoya  un  drapeau  rouge  béni  de  sa  main ,  et  il  les 
exhorta  à  se  souvenir  que  c'était  leur  devoir  de  ne  point  épar- 
gner leur  sang  pour  la  liberté  de  l'Église.  Son  légat,  Guido 
de  Spoleto,  évèque  d'Anagni,  fit  convoquer  une  diète  à  Lu- 
cerne;  et  là,  dans  une  séance  secrète,  le  1*^  novembre  1478, 


154  HISTOIRE  DES  BtPUHimiES  ITALIiaNllES 


il  iMTOpOM  aiBL  fitolM»  de  seeiMider  an  parti  nombrwx  4b  nm^ 
Ues  et  de  bourgeois  de  Ifilan ,  qui  désirûeBt  irétaUir  une 
répabKciiie  en  LomtMUrdie.  Il  ae  s'agbisàit  phift  91e  d'ééarter 
un  eDfadt  peu  propre  à  goUveHier^  qui  était  dors  ehef  Ai  k 
maison  «foctuiy  et  Sîtte  lY  Ie«r  eifràit  v  l^Mr  iréesMipeDM  de 
ocAte  expédition^  le  pvtage  dée  ieuDeiKieB  Matfn  aiÉaeatfft  dès» 
las  châteaiit  de  Fttvk  lA  de  MiiaB;  finido  ifoiitiât  à  cette  offre 
celle  de  ii%  tfiiHe  dliliats  par  aanée  y  poor  faciliter  hors  anné«^ 
mebtaw  Gepeudant  le»  dépaté»  des  cantons  confédéré»  ne  pàé*- 
Taient  ptelidre  une  dlétérBfeiiMifîo&  ainsi  importatile  saila  1'»^ 
sentiment  dd  peuple^  et  k  chose  n*étaH  pas  de  mtttre  à  M 
être  communiquée  ^  ;  aussi  k  ll%at  efaerchaitr^îl  stnndtailéiHest 
à  exciter  k  Mseirtimanl  des  pa^sansv  tandis  qu'il  ecnimtfiii- 
quait  à  leeuT»  chatà  ses  pisoycU  politiqiNi.  La  dîbte  se  sépHra 
sans  rien  conâurë^  mais  k  m^ontsùteÉient  ef  k  hAitie  ùm 
hommes  d'Uri  contre  les  Miknéis  «viôent  éfflaK,  ei  k  légat 
réussitenfiA  à  aUumer  Une  go#re  entre  k  Saisie  et  k  Lém- 
bardk,  à  roccasko  d'un  bofs  de  eMt»glii«l»  dan»  k  TaUéé 
Levttntiiie ,  dont  k  pl-opriété  tbÊàï  éontsaléë  ^w 

UneaiHsienne  capltoktiofn  Maity  dès  Fanilée  1 467^  Me  SoUses 
àkmuson  ^erza;  par  Thabiteté  db  Geeo9  afaMnèta^  dk 
atait  été  redoureke  le  10  jiHHel  1477  entre  leaii  QàSUto  etki^ 
cantons<  L'ancienne  araif  reçu  qaefhpie»  mediteMsaile;  lee 
ai^érages  due  aun  Smists^  avaient  été  p^é»y  et  tontes  ks  dis^ 
pntce  de  frontières  avaient  été  termiaé^s  ',  krsqae^  paidénl 
Tété  de  1478  ^  des  sujets  mikuns  eeniièreiit  qn^qnetf  arbree 
dans  UB  boid  qœ  h»  Sonsses  prétenAriant  leor  af^i^MiFtéÉir^ 
Geeco  Sintonétaf  aj^enoBt  fitritatkn  des  geà#  drUrf,  ctfMe 
de  faire  visiter  les  Hèux  par  des  arMlias,  et  ai  k  dc«tt  dei^ 
Suîsase  était  reo<»iiiii  i  de  pdyér  des 


1  Jo.  MuÙer  GetchUhte  dû  SebMebt,  Bitc^.  V,  cap.  Il ,  p.  1^4.  —  >  ibid.  p.  Ùl.  — 


DO  Umtm  AGE.  155 

Téréque  d'Anagni  réussit  à  rendra  imititolA  moéémtioB  de  œ 
Yieai  et  Mge  fnifiistre  ;  il  pattint  Cj^liimt  A  titotiffer  leA  té'- 
présentàtfOfis  pftcffiques  des  eatitoas  d«  Zaricfi  et  dé  Berne. 
Le  eanton  d'Un  déclara  la  guerre  au  duc  de  Milan  ;  11  aomina 
ses  alliés  de  Itfi  envoytff  les  fronts  «tipolés  {Mir  lea  traiKtfs  d» 
là  confédënttion,  et  tous  les  caulôâs ,  qaotqtfà  eofitre-ocedr^ 
firent  marcher  letir  contingent.  tJrte  «rrmée  de  din  mille  eno*^ 
fédérés  passa  le  mont  Saint-Gotbani  au  moisde  noTend)re  1 478, 
comme  la  neige  commençait  h  le  couvrir.  Un  bërant  d'arme^ 
était  allé  défii^r  le  due  de  Milan  ;  et  le  comte  Marsilîo  TorelH , 
avec  une  armée  de  dii-bult  m^fe  tfommes,  attendait  lés  Saisses 
sur  leur  frontière  *.  Cependant  tmt^  commencèrent  à  m^ 
irager  le  territoire  dlragna;  Ils  poussèrent  )osqu*à  BeUlnr/tutt 
dont  ils  priaient  d'assaot  la  première  enceinte;  il»  «nraient  pv^ 
avec  la  même  facilité,  s'emparer  de  la  seconde,  si  leurs  cbeAi 
eut-mêmes  n'avaient  craint  d'elEposef  an  pillAge  une  tHte  qui 
servait  d'entrepôt  k  leur  commerce.  Lee  oonf édéM»  tri^«- 
sèrent  ensuite  le  Généré,  tttoirtbgne  qui  Sépure  fes dettU  Mes, 
et  H*  menacèrent  Lngano.  Mai»  spfés  Avoir  eHnjé  le  LOM- 
bardie  par  une  courte  apparttfon ,  comme  un  bivet  trèe  ri* 
goureux  s'annonçait  déjà  sur  les  Hautes- Alpes,  ils  les  repêlK 
sérenf  avant  que  des  neiges  trop  profondes  les  rendissebt 
absolumeut  im|>raticabTe»^. 

Les  Suisses  n'avaient  laissé  dans  la  vAllée  Levantine  que  dem 
cents  hommes  tournis  par  les  cantons  d'Vri',  de  Zorleb,  de 
Lucerne  et  de  Scbwitz  ;  et  la  milice  de  la  vallée  qtà  se  Je^gnit 
à  cette  faible  garnison  ne  paâMit  pas  qnëtre  centcf  bOmmes. 
Le  comte  Harsilio  Torelli  crut  pouvoir  détruire  aisément  œtfe 
pétKe  troupe,  et  ^emparer  de  Glomico,  ferferesse  qd  ûtttàt 


^  MulloF  Ge$chiehte  der  Schwelz.  Bach  V,  cap.  U,  p.  177.  —  DUtrtwn  Parmense, 
T.  XXff,  p.^  2»».  tfàllÉT  ft  êet\i  BM^tt  ai  li««<l»Toff»Ui(  ëtnitattiÊtaMêsmimtâl 
ia*iMai#  «tf  rMMpMDC  iM  prtifillr  utif  fiiÉÉ'ilfci.  ^  ^HvMÊUefÙHtÊiêktë  ê^ 
Sehweii.  Bucli  V,  cap.  U,  p.  178. 


156  HISTOIJaS  DSS  B^PUBLIQinSS  ITALIENHES 

devmoe  la  def  du  passage  da  Saint-Gothard.  Il  s'arança  jus- 
qu'à Poleggio  ayecenyiron  quinze  mille  hommes.  Henri  Troger, 
commandant  de  Giornico,  se  retira  à  son  approche,  mais 
il  eut  soin  en  même  temps  de  détourner  le  Tésin  de  son  lit,  et 
de  répancher  sur  les  prairies  qui  occupent  le  fond  de  cette 
vallée.  Le  froid  très  vif  de  la  nuit  changea  aussitôt  tout  ce 
bassin  en  un  seul  miroir  de  glace.  Les^  Suisses,  retirés  sur  les 
hauteurs,  s'étaient  pourvus  de  crampons;  ils  attendirent  qae 
la  cavalerie  milanaise  se  fût  engagée  sur  cette  glace  polie 
avant  de  l'attaquer.  Tandis  que  les  chevaux  tombaient  à  chaque 
pas,  que  les  hommes  appuyés  sur  leurs  lances  avaient  peine 
à  demeurer  debout ,  ces  montagnards  fondirent  sur  eux,  par- 
courant aussi  lestement  cette  plaine  de  glace  qu'ils  auraient  pu 
faire  une  prairie.  Les  Milanais  ne  pouvaient  faire  usage  d'au- 
cune de  leurs  armes,  ils  reculaient,  ils  voulaient  fuir  ;  mais  les 
chevaux  qui  s' abattaient  sous  eux  obstruaient  tous  les  passages. 
Plus  ^e  quinze  crats  d'entre  eux  furent  tués,  le  nombre  des 
prisonniers  fut  considérable  ;  une  bonne  artillerie ,  demeurée 
entre  les  mains  du  vainqueur,  servit  à  garnir  les  remparts 
de  Giomico ,  et  un  riche  [butin  fut  partagé  entre  les  sol- 
dats ^ 

1 479.  —  Cependant  Gecco  Simonéta  souhaitait  sincèrement 
la  paix,  et  il  fit  rouvrir  la  négociation  :  ceux  d'entre  les  can- 
tons ou  les  villes  sont  souveraines  ne  désiraient  pas  moins  que 
lui  de  mettre  fin  à  une  guerre  qui  troublait  leur  commerce. 
Ils  contraignirent  enfin  les  habitants  d'Uri  à  la  modération; 
le  bois  contesté  fut  cédé  aux  Suisses;  quelques  milliers  de  flo- 
rins leur  furent  payés  en  dédommagement ,  et  la  bonne  har- 
monie fut  rétablie  entre  les  deux  états.  Mais  cette  courte  ex- 
pédition rehaussa  le  crédit  des  Suisses  dans  toute  l'Italie ,  et 


1  MuUer  Gtschicie,  Budi  V,  cap.  II,  p.  isi.  —  Dùtr.  Panneme,  T.  XXII,  p.  29i«— 
ÂibOFU  de  mpaUa,  ànn.  Placent,  T.  XX,  p.  958,  —B€n.  Corio^  Storie  UUatu  F.  VI, 
p.  Ml. 


JbtJ  MOTBH  AGB.  là7 

augmenta,  aux  yeux  du  pape  Sixte  lY,  le  prix  qd'il  attachait 
à  lenr  alliance  ^ 

D'aatresintrigaesda  pontifeavaient  suscité  en  même  temps 
des  ennemis  domestiques  à  la  régence  de  Hilan  et  aux  Floren- 
tins. Sixte  avait  attiré  dans  la  Lunigiane  ^Robert  de  San-Sévé- 
rino,  Louis  Frégoso  et  Ibletto  de  Fieschi  ;  et  tandis  que  ces  ca- 
pitaines, avec  des  troupes  génoises,  prenaient  des  châteaux 
aux  Halespina  et  attaquaient  Sarzana  ^,  les  frères  Sforza^, 
oncles  du  jeune  duc,  quittaient  le  lieu  de  leur  exil,  parcou- 
raient la  Toscane  dans  un  appareil  menaçant,  et  venaient  en- 
fin se  réunir  à  San-Sévérino  '.  Les  Florentins,  alarmés  de  voir 
paraître  ces  nouveaux  ennemis,  appelèrent  à  leur  solde  plu- 
rieurs  condottieri  renommés.  Charles  de  Hontone  et  Déiphobe 
de  l'Anguillara  leur  furent  cédés  par  les  Vénitiens.  Robert 
Malatesti,  seigneur  de  Rimini,  Costanzo  Sforza ,  seigneur  de 
Pésaro,  et  Tun  des  Manfredi,  seigneur  de  Forli,  quittèrent 
les  drapeaux  du  pape  pour  passer  sous  les  leurs  * . 

Plus  r  esprit  militaire  renaissait  en  Italie,p]usle  gouvernement 
florentin  éprouvait  d'inconvénients  à  y  demeurer  absolument 
étranger.  LeducdeFerrare,  général  de  la  république,  avait  été 
chargéde  repousser  San-Sévérino,  tandis  que  ses  adversaires,  les 
ducs  d*Urbin  et  de  Galabre,  étaient  restés  dans  leurs  quartiers 
d'hiver.  Il  le  fit  en  effet,  mais  avec  tant  de  lenteur,  avec  tant 
de  mollesse,  avec  une  si  grande  défiance  d'un  ennemi  beaucoup 
plus  faible  que  lui,  qu'il  mit  trois  semaines  à  parcourir  la 
côte  de  Piseà  Sarzane,  qui  n'a  pas  plus  de  cinquante  milles  de 
longueur  :  jamais  il  n'atteignit,  jamais  il  n'entrevit  seule- 
ment San-Sévérino,  à  qui  il  laissait  toujours  prendre  deux  ou 
trois  marches  d'avance  sur  lui.  Et  après  cette  expédition ,  où 

1  Mutiez Gesehichte.  Iliich  V,  cap.  ff;  Ib.  p.  U3.  —  Diw.  Parmense.  p,  S03.  — *  Sci- 
f^tme  Ammiraio,  L.  XXIV,  p,  i3i.  —  Alà,  de  Rlpalta,  Am.  Placent,  p.  958.  —  >  Le 
^  Janvier,  mar*  Parmens,  p.  ^S.^Sdpn  âmnomui.  L.  XXIV,  p.  |S9.—  *  Sc4>iotie 
immiralo.  U  XXIV,  p.  ut. 


U8  HISTOlU£  DS»  fâWJOJQtSU  rtALIE9lï£S 

4  W  iCétnt  P^  4onDé  M  çMp  de  Iw^»  U  mvipi  Afij^  kt 
même  lenteur  se  placer  sur  les  frontières  de  SÛWW-  I^  ^W 
ÏUmuk  de  Ferrace  n*4«Mrait  osé  §d  penoetlxe  me  «Qpdaite 
^ossi  honteuse  s'il  %\mi  eu  à  en  raidre  compte  k  «fi  Jgfi^v^^ 
oement  mUitaire  ;  iBais  U  ét«U  peu  touc^bé  des  repr^^ 
vaientUttadj^esserlesMédicif ,  ^Toçieur  cooseilde  mmsbapd»  ' . 

A  roavertore  de  la  campa^^,  on  désocdre  î^attendu  a^î- 
l^t  encore  Varoée  flof^tîne*  On  y  iroyait  tiHii^  le  copite 
Cbairles  de  Moptpne  avec  aea  soldats^  dernier  reste  de  léaçie. 
de  Braeeio«  fon  père,  et  Costen^p  Sfeoia,  avea  de»  seldele  de 
récQle  de  Sfor^i  Ittendola^  soo  aïeul.  Iiw*  rivalité  datait 
déià  de  près  d'an  siècle,  et  la  moirt  de  leniv  iàf&,  le  diesige- 
ment  de  toute  leur  argaïusntîan,  aiuraieiildâ  j  mettoe  un 
terme.  Cependant  il  fut  impossible  de  les  faii^eeiinliettre  soi» 
les  marnes  drapeaux.  Des  quereUes  violentes,  de^  déie,  ées 
dods^  faisaient  craindire  une  batatfle  générale  entpe  les  deQx 
troupes.  On  fut  obligé  de  les  divi^r^.  Montone,  avee  Aobert 
Malatestl,  fat  envoyé  dans  TétaJ;  de  Pérouse,  sa  patrie,  où  il 
espérait  trou\er  des  partisana;  en  eSEeti  une  viAgliMie  de 
châteaux  se  soumirent  à  lui  ou  à  son  fils  Berardipo^  maia  «a 
mort,  siurvenue  à  Gortone  le  17  juin,  d^uisît  toptes  les  e#- 
pérances  que  tes  Florentins  avaient  mises  en  lui  ^. 

L'autre  armée,  que  commandait  Herx^ule  d'Esté,  fat  plvs 
malheureuse  encore;  pendant  la  première  partie  de  la  cam- 
pagne, elle  demeura  dans  une  honteuse  oisiveté.  Bercée 
Tayaut  laissa,  le  iO  août,  sou^  les  ordres  de  son  fnène  Sîgis- 
^nd,  pour  retourner  dans  ses  états ,  elle  fut  surprise  ie 
7  ^temhre  au  Pog^  iis^pénale,  par  le  duc  de  Calahre,  et 
mise  dans  une  entière  déroute,  preaque  sans  avoir  cMobatbi  *  • 


1  Scipkme  AmmU^tm.  L.  UiV,  p.  m^-^DiatUm  Pammse.  p.  asi. *- 9  MoceAio- 
vem,  isktrie.  L .  vui,  p.  aM.*->  âdptafie  dmmimo.  L,  XXIV,  p.  1M.^«  UUU  u  XX|V, 
p.  a».  *-  Aliêm^o  MÉBigmiKMKria  $tm$â6.  x,  uiu,  p.  7Si. — /.  ukh,  mm^Bku 
Flor.  L.  VU,  p.  ui), 


m  mmm  mm.  ift9 

Ibei  dhftiMn  4e  PosBi-Boiiii  et  ^  CUto  «  fat  df  lik  «^ 
lèvMt  eefMttdmt  kt  NapelitaiiM;  UtiMlkii^t  l'oa  et  l'entre 
M  eîé9lohitîiié.  Maie  oommt  lee  Fkiraiitei  ne  fireotaneon 
aHrat  pe«r  lee  dâiveer»  leoe  dea^i  dinrantee  feadbre  avant  le 
«1  de  la  eeniMgM.  0dm  de  Goile  eapieala  le  dender,  le 
14  novettlwB,  ela|ieèe  aelte  eoaqaèle  le  duc  de  Galatee  ait 
ee^tmîpte  ea  qoarlieia  d'bhrer  ^ 

9à  deu  eM^^egve  iiiallieHreiiaee^é|»aiilaieDt  topoaTofar  de 
JbeuMit  de  Médkâiy  et  lai  fûeiMit  entvefoir  ta  fuiae  pro- 
ebeiM,  iléleH  eneoia  idui  alarmé  de»  réfolaUow  ^^^ 
ntae  kmfBj  nBmenaieat  la  pniiianee  de  loa  plot  fldëe  al- 
Méi^  Bqhert  de  Saft»8<fériiiQ|  apfèe  ion  eaipédlliOB  de  Laiii- 
p^pa»  e'#rit  reliaé  daoe  lee  montagnefl  qui  whiI  eatre  Parme 
et  l'^t  deCMnae.  Là,  il  avait  plaeésan  camp  f^  de  Borgo- 
dîi*¥«l*di^Taro,  de  manièiie  à  sMiiacer  tour  è  tour  les  Flo- 
ittrtipp  et  la  dnoiiMH  de  miaa.  Le»  beaax-frèfes  de  cette  do- 
ckeseeélaieiit  aopièi  de  Saa-SévériDO,  et  son  eamp  était  le 
fejer  de  lemraeeofMe»  iatHgaeck  L*qb  cf  en,  le  dae  de  Bari, 
«womt  «nhiiemeat  le  27  jiâilet,  et  l'on  soupçotma  les  deux 
entiea  de  Favoff  empoiseimé'.  Moine  d'nn  qm»  après  cet 
événeoMU,  Um^  8feraa,  qui  li4  sueeéda  dans  le  doehé  de 
Bari,  parai  lent  j^  eenp  avee  San^vérmo  et  son  armée 
devant  ka  porlni  de  ïorlone,  qni  ku  forent  livrées  le 
38  aeAk^.  Il  en  prit  possession  an  non  do  dne  Jean  Galéaz, 
san  naveu,  et  de  la  dnohesse  Benne  otta-méme  ;  il  déeiara 
qn^  éftail  lenr  sarvitenr  à  Ton  et  à  Fantre  ;  qoe  loin  de  pren- 
dmleaaamBa  ecmlvf  eux,  il  ne  s'avançait  qne  ponr  les  défi- 
"«Ber^dQ  loirs  ennsans,  etsnrtoirt  de  leurs  ministres  infidèks. 
Jbes  penples^  tpnjonvs  disposda  à  refeler  sor  les  ministres  tes 
msns  qa'iia  sooffreo^  seoondaient  avee  joie  une  révolution 

«  Seipioue  Ammirato,  L.  XXIY,  p«  U2.^AUegretio  AUeQrettL  p.  795.  —  *  DUw.  Par^ 
•«  Bernard  CoHo,  Bui,  Milan,  P.  Yl,  p.  988^ 


160  ttKTOIU  DBS  HiFDBMQinS  ITALIENNES 

qui  ne  semblait  pas  dirigée  ccfntre  leur  soaverain.  Tcms  les 
lieux  forte  s'empressaient  d* envoyer  leurs  elefs  à  Louis  l^orsa. 
Un  historien  contemporain  assure  que  quarante^nx  châ- 
teaux se  rendirent  à  lui  en  un  même  jour  ^  Mais  ce  qui  était 
{dus  important  enocNce,  un  parti  tout  formé  le  favorisait  d^kfà 
la  cour  de  la  duchesse.  Cette  cour  était  partage  en  deux 
factions.  D'une  part,  Geoco  Simonéla,  plus  souvrâiin  que 
ministre,  exerçait  un  pouvoir  confirmé  par  cinquante  ans  de 
faveur,  sous,  trois  règnes  successifs;  son  fils  Antoine,  son 
friire  Jean,  son  ami  Orphée  deRicavo,  et  tous  les  vieux  con- 
seillers, la  plupart  élevés  sous  lui,  le  regardaient  comme  leur 
chef  et  leur  oracle.  D* autre  part,  Ant<»ne  Tassiui,  nourri 
dans  la  faveur  de  la  nouvdle  cour,  s'était  fonné  un  parti 
de  tous  les  envieux  du  ministre,  de  tous  ceux  qui  espéraient 
s'agrandir  par  un  changement.  Tassini  était  un  Ferrarais  de 
la  plus  b^sse  origine,  placé  d'abord  comme  valet  de  chambre 
auprès  du  duc  Galéaz.  De  là  il  avait  passé  au  service  de  la 
duchesse  ;  il  s'était  tellement  emparé  de  son  esprit,  il  lui  avait 
inspiré  tant  de  confiance,  et  peut-être  d'amour,  qu'elle  ne 
voulait  plus  consulter  que  lui  dans  les  affaires  d'état.  Le 
chancelier  Simonéta  ne  voyait  pas  sans  dépit  s'élever  sur  ses 
ruines  cet  indigne  rival.  Tassini,  blessé  peut-être  ctes  mépris 
du  vieux  ministre,  avait  conçu  pour  lui  une  haine  implacable. 
Dans  l'espérance  de  le  renverser,  il  avait  formé  quelques  Mai- 
sons avec  les  beaux-frères  de  la  duchesse;  et  lorsque  Louis- 
le-Maure  parut  à  Tortone,  Tassini  persuada  à  Bonne  de  le 
rappeler  à  sa  cour.*  «  Le  parti  que  vous  prenez,  kû  dit  Kmo- 
«  néta,  quand  il  en  fut  informé,  vous  coûtera  l'empire  et  à 
«  moi  la  vie^  ;  »  et  cette  prof^étie  ne  tarda  pas  à  se  vérifia*. 
Loms  Sforza  entra  à  Milan  Ie8sq[)te0ibre;  il  protesta  aussitôt 
qu'il  y  arrivait  comme  serviteur  de  la  duchesse,  et  son  gar- 

t  àlb.  de  mpaUa,  Annal.  Placent.  T.  XX,  p.  959^*-*  Maechim^tUy  M.  L.  VUI,  p.  492. 
—  Bern.  Corto,  Hi$t.  MUan.  P.  VI,  p.  99t»      . 


■r  mi   M0¥£9f   A0£.  161 

dieu  le  pins  fidèle  *  ;  mais  dès  le  1 1,  Geeeo  Siiiuméta  fat  tur- 
rèté  avec  son  fitey  son  fMire,  et  tous  ses  anus'. 

SimoDéta,  traimféré  au  château  de  Pavie,  y  fut  d'akvd 
traité  avec  beaucoup  d'égards;  mais,  an  sois  d'octobre, 
liouis  Sfoiea  lui  envoya  un  de  ses  secfélakrea,  pour  ravertir 
que,  s*  il  vwlait  recouvrer  la  liberté,  il  devait  Tacheter  en  li- 
vrant environ  cinquante  mille  flmns  qu'il  avût  chez  des 
banquiers  àFlorenoe.  «  J'ai  été  incarcéré  d'une  maoiàre  fflé- 
«  gale,  r^ondit  Simonéta;  ma  lyiaison  a  été  piUée,  cm  oà'a 
«  abreuvé  d'outrages  :  tdle  a  été  ma  récoaaq^Mise  pour  avoir 
«  servi  fidèlement  et  avec  asèle  l'état  de  Milan*  ;8î  j'ai  conimis 
«  quelque  faute,  (pi'on  me  punisse;  maislafortattieiqQe.j'ai 
•  amassée  par  un  travaU  honor^ji^le  et  .une  longue  éeonttmie, 
«  passera  à  mes  enfleuits.  Dieu  m'a  liât  as^ez  de  g^sàms  en 
«  prolongeant  ma  vie  jusqu'à  ce  jour;  à  présent,  je  ne  dâsire 
«  plps  que  la  mort'.  «  Dès  lors^  gimanéfai  fut  traité  avec  une 
excessive  rigueur  ;  il  fut  soumis  à  une  indigne  torture,. poilr 
Iniarraetier  la  omfe$sion  de  crimes  dent  on  ne  le  souJiçfflL* 
nait  même  pas  :  sa  femme,  qui  était  de  la  maison  Visoontî, 
devint  folle  de  désetqppir;  et,  léSOoetobre  1480;  ileutlatftte 
tranchée  au  château  de  Pa  vie  ^ . 

La  prédiction  que  Simonâia  aviait  faite  à  la  ducbesse  se  vé-r 
nfia  de  tout  point,  et  Tassini,  qui  l'avait  supplanté,  n'eut 
pas  longtemps  lieu  de  s'applaudir  de  son  triwiphe.  Dès  le 
7  octobre  148^,  Ixmis-le-Miaure  fit  déclarer  majeur  sonne* 
veu  Jean*Galéaz-Marie  ;  il  prétendit  qqe  ce  prJnjce,  qui  n'était 
enoc^e  &gé  qne  de  douze  ans,  était  déj^  eaa  état  de  gouver* 
ner,  et,  sons  ce  prétexte,  il  Ma  à  la  duchesse  Bonne  toute 
part  aux  affaires.  Le  même  jour,  Antoine  Tassini  fut  arrêté 

1  Dlwiwrn  Parmense.  T.  XXII,  p.  318.  —  *  Ibid,  p.  319.  —  >  Ibld,  p.  323.  —  Bernard, 
Corto,  P.  VI,  p.  993, 994.  —  «  Albert,  de  ï&paHa,  Annal  Placent-  p.  9«i.  —  iHar,  Par^ 
mente,  p.  354.  —Benumt.  QoHù*  p.  997.  Gorio  éuU  piéMnt  et  acteur  ton  eeiétéiie- 
menu,  nais  U  oe  lea  raeoDle  pu  de  bonne  foi,  poar  mèsager  la  répautton  de  Louis-le- 
Maare. 

▼II.  11 


162         HISTOIRE  D»  mivmi^^vj»  rrALiENitiss 

et  «Éif^rtooMë  su  iMieaa  d«  FortsnXdbbia  :  l&pèie  de  fis* 
sini,  Gabriel,  qui  Avait  été  Mt  eonseiler  diied,  M;  arritë  cftt 
Jn*M  leÉi^i  MM  den,  déprailMi  èe  knâr«  biini9,  fissent 
fflriiSs.  du  dm&hê  et  Wkm.  La  dwbewe  Boaae,  irriM  et  Im- 
■flMe,  soflM;,  ](^  ï  iiMttiiferey  de  Ifitm,  pcw  cn»  reta^  i 
^nsefl;  cÉ^fltétaMIl  ensaife  è  A»Mil«  Svadso,  •*  elle  irfUitf 
«ëBotmiieBt;  étbigaée  âe»  aflUres  *. 

£mrail  de  MédMâs»  «$  snAiminqx  âsns'  sts^  dbtti  ]p¥é- 
■(iiirc»«c«fii|^agiie8 ,  si  manfeureaii  éam  ratliîMi^  mt  laquelle 
il  avait,  le  pta»  omaptij  m  pefdlA^  point  ooufi^age;  eepenéiiit 
il  diereluiit  en  Itriie  Éième ,  et  bors  cfe  FRaliê ,  des  seeoors 
«D^tse  la  lf|;[te  faiMMIef  ffà  Ftttaïqoait;  B^  eMeertf  Wfce.  Ids 
YéiiMtai»,  d  seogea  à  mtàmfft  Fimdeii  parH  A'Aj^jWij  peur 
IfappMHiir  dans  le  royaanfe&de  Naples  ft  la  pirisianee  etiwsAre 
é»  f  «rdBnatid*  Les  m^(Q4»  âm  deux  vé^bKqties  aSJrent  doN 
Mailer  étt  Lorraâie  fb^MfepdQ  ^rieiHi  roi  Be»é,  el  As  le  trei»- 
^«teeiitenpfessd  i  s'engagier dtui»  fie» itotriigtte» et  Ie9  goenes 
dflMii»^,  poar  ftitee  i^^Hrre  des  pf^eatioBs  q«i  deaiiaieat  (À» 
d»  knlre  *  m  flatisên . 

I^-^ÊtUKL  Bméj  eoml^de  ProTenee,  le  rivât  (^Alioâse  ^ 
de  Ferdinand,  vivait  encore.  Or  moamt  en  Froveàioe  senlëitteftt 
rannée  smvanle,  le  1^0  jaillet  1480^;  mal»  M  «vait  sorvéea  à 
tonte  s»  descendance  mascidine,  et  fl  était  parvenues  an>àge 
où  il  n*av«tt  pins  i^  la  forée,  ni  ta  volonté  de  t«onftl^  po:** 
sonne.  Son  généreox  fia  Jean,  Amt  deCMabne,  était  moFten 
1470»^  il  avait  laissé,  de  son  marfieige  avec  Marie  de  Boiti4)M , 
dem  tts ,  dont  l'ainé',  qui  portiri^  aussi  le  nom  dit  Jean,  M  Itti 
sÉnëettt  que  peu  d^jouie;  te  plus  jeone,  Nicoi»,  mourot 
en  1 4? 9,  à  Fftge  de  vingt--cinqf  ans,  sans  «voir  en  iPenfanVi  '; 
Cependant  une  fille  de  Bené ,  Yolande ,  avait  été  mariée  à 


tMt*  ^ÊtfoUoiJnit,  ffaMMt.  pu  98i.-*4MaHtaii  Vmnmtm. ^  vu. ^ Ban, «Ssnte, 
MAH,  tU  mtano*  K  Vl^  p.  MU  -^  ÊtmcMmUi^  JH.  ii.  ¥lii^  p.  4M.  —  t  QomU».  4» 
MoMireUu  Vol.  UI,  f.  174. 


Ifeéff^  èo*te  Ae  THUdMomi^  éC  M  imal  p6né  tmi§  les  drotto 
de  fA  Bftère  à  k  Lonrainè.  Deeo  flnrhigef  auqôèl  B«ié  tf  arrail 
GûÊïMÉà  qa*k  c«Blàp»-éQÉir^  c«  j^F  Foeofayra?  s»  liberté  ^  éuéi> 
né Beaé  11^  Aidée Leffraitoy  qn,  per  b mlMdie  «Bt^ oooiiâi 
Jéad  et  Nîori»^  éeTénait  iHis^t  l' hâritier  de  tè^leb  les  ppéteo^ 
tioilsde  k  vaimm  d*l6joa  sar  k  royawnfe  ^Naf^lee.  Le  vkex 
Beiié,  il  ecft  Trai,  ii*aiF«t  pôkit  ptê^oné  à  son  pelt%-6b  sa 
nflSssatioe  ûb  smg  de  YalideiÉoiit  ;  il-  i^aît  fiiit  nû  tesiament  y 
k  22  juillet  1 474>  pour  k  fimstrar  de  son  hââtilge>  et  j  appelœ 
Charles  du  Mfdae,  file  dua  iMre  Charles ,  eomte  du  Maine i 
800  plus  jetiae  fHfte  ^  LéB  prétentîolle  q»  Gharks  YIU  fit 
retàt  plu»  taré  sûf  le  royaume  de  Ifapkby  hu  yeuakut  de 
Charles  du  Maine;  ce  prince  ayant,  le  10  déceiobre  1481,. 
iFciitede  sa  nerl,!  légné  to«er  ses  droiftià  Louis  XL 

Mm  k  drdt  desf  gâitf  ilê  rsoenatfH  pbini  dMl  lei  moBar*> 
^KS  k  pecpréîc  de  ré^kr  arilMtraitaMtil  laf  suecessku  de  kurs 
étuts;  esile  sdoeeMsktf  est  &iée  pltr  kS'kii'dB eh>iqaifr poopk; 
et  l  ordre  iâMmBeikélahKp»l*hfa<aMtet^ 
■mtaÉehim  âentre  kfe  guiBrfe8>citiltisi  Aiksii.  ne  ^t-oii  hifibm 
aou^^éàt  de  parâlk  testatueùts  q^e  krs^ue  k  eoBtffâft  eulre  k 
sourfonfaebstà  IfeupbeAt  Bosa^pfàr  oneeoifquèleyet^ue* 
k  monuRpie  dépeisédé  ne  transmèl-j^us  qn*u&«  "v^Au  titre  è  ses 
MriëeiB^  Le  royauM  de  Napies  était  un  fief  féminiii ,  eitaai 
qufit  restait  Ou  desemdunl  en  Ugu^  ^peote  du  dernier  son^ 
lemn^  ks eoUatémiiK n'y  pohvaiMii  tity^t aueundr^it»  Lssr 
Vénilkne,  les^Flôreurtiiis  et  toute  FHitHe,^  reeonnaiesaietn  daniA^ 
fiené  II  r biiitiér  de  k  unisonfd* AfijiQ^  ;  c*<tait  à  de-titre  çi'ib 
M>  offraient  de  fddbr  à  reeMqudrilp  krojomM  deNèpks,  et^ 
ikkMmtukut  disposé,  dto  son  eôlé,  à'ks  assîrter  de  toirtes: 
sesfoMM. 

PsffidaM  fâ'Oft  sliifAit  ponc  «il  eu  LAMisib  ees  négoeî»- 


^  Comte,  (te  Momireùu  Vol.  III,  f.  |8t,  y«. 

XV 


164!        Huroiu  DB8  Mkpmuqois  rrAUEnni» 

tkn»  importaiiteBy  Laueiit  de  Médieto  reçût  da  dac  de  Galabrd 
et  da  dac  d'UrUii ,  ses  adversaires ,  des  oavertures  ioatten- 
does  de  padfleation.  Loois-le-llaare  loi-mtoie,  le  régent  de 
Milan,  qa'il  avait  cm  son  ennemi,  n'y  était  pas  étranger. 
I>q[niis  qae  Louis  avait  saisi  les  rênes  da  goovemement,  il 
avait  revAta  les  sentiments  de  ses  prédécessenrs;  il  voulait 
sauver  Florence,  dont  1* alliance  lui  convenait ,  et  la  détacher 
de  Tenise;  il  voulait  de  même  détacher  le  roi  de  Naples  du 
pape ,  et  il  voyait  d^à  entre  eux  des  semences  de  division.  Le 
24  novembre,  on  trompette  vint  annoncer  à  Florence,  où 
Ton  ne  s*y  attendait  nullement,  qa*ane  trêve  avait  été  signée 
entre  le  roi  dé  Naples,  le  pape  et  la  république,  pour  traiter 
de  la  paix*. 

Ferdinand  n'avait  aucun  ressenthnoit  personnel  contre 
Laurent  de  Hédids  ;  la  guerre  qu'il  lui  faisait  était  purement 
politiqne  :  il  pouvait  lai  terminer  sans  rancune,  dès  que  d'au* 
très  projets  d'agrandissement  se  présentaient  à  lui.  Maître  de 
l'Italie  méridionale,  il  désirait  étendre  son  pouvoir  dans  l'Italie 
supérieure.  Déjà  la  révolution  de  Milan  lui  avait  donné  une 
gfetinde  influence  sur  la  Lombardie;  la  république  de  Gtoes 
était  presque  dans  sa  dép^dance;  le  duc  de  Calabre  formait 
sur  celle  de  Sienne  des  projets  que  SenAlait  favoriser  un  puis- 
sant parti  ,  et  il  pouvait  s'attendre  à  ce  ^'avant  peu  de  mois 
cet  état  reconnût  volontairement  sa  souveraineté.  Il  ne  con- 
venait donc  point  à  Ferdinimd  de  pomnniivre ,  de  concert  avec 
Silte  lY ,  une  guerre  dont  celui-ci  aurait  voulu  tout  au  moins 
partager  les  fruits,  n  valait  mieux  pour  le  roi  laisser  Florence 
soumise  à  un  gouvernement  qu'aftaibUssait  la  haine  d'un  parti 
nond>reux,  tandis  que  les  Napolitains  prendraient  pied  en 
Toscane  d'une  manière  stable,  qu'ils  y  attendraient  les  événe- 
ments, et  surtout  la:mort  du  pontife.  Les  dispositions  de 

«  adfioM  êmrimo,  U  XXIV,  p,  ï^^HUqnm  âUitfntH,  MoH  Soneii.  T.  XXD» 


ou  ifona  Aos.  165 

Sxte  lY  étaient  abedanint  «fiéniitea;  UaeMitait  huulié 
do  mal  même  qu'il  ayait  Toola  faire  aos  Flofeatiiia,  aotamt 
que  des  Tcproehea  et  des  menaças  qu'il  aTait  reçus  de  toute  la 
duétieuté;  il  ne  pouTait  panloimer  à  Laurent  ni  le  meurtre 
de  tous  les  amis  de  JértaieBîario,  ni  le  {Hroeès  scandaleux  qui 
ayait  révélé  à  FEurope  leurs  complots ,  ni  la  terreur  du  jeune 
cardinal ,  son  neveu.  On  l'arait  obligé  de  proposer  les  condi- 
tions qn*il  mettrait  à  la  paix  :  toutes  celles  qu'il  osa  dictar 
étaient  souyerainement  humiliantes.  Il  youlait  que  Laurent  et 
les  Florentins  bâtissent  une  chapelle,  et  qu'ils  fondassent  des 
messes  pour  les  âmes  de  ceux  qui  étaient  mcMrts  dans  la  con- 
j  nration  des  Pazâ  ;  il  youlait  que  la  république  demandât  so- 
lennellement pardon  à  l'Église,  pour  ayoir  attenté  aux  per- 
sonnes sacrées  de  rarebeyèque  et  de  ses  j^rètres  •  Il  youlait  ôilin 
qu'elle  restituât  au  Saint-Siège  Borgo  San*Sép(4cro,  Modi- 
gliana  et  Castro-Garo,  quoique  ces  diverses  yilles  eussent  été 
Intimement  acquises  par  les  Florentins,  longtemps  ayant  la 
guerre  dont  il  s'agisBait  ^ 

Cependant  la  situation  des  Médids  à  Florence  même  deye- 
:  nait  tous  les  jours  plus  dangereuse.  La  yille  était  lasse  d'une 
guorren  ruineuse,  soutenue  ayeesipeude  succès  ;  ses  troupes, 
qui  ayaient  coûté  des  sommes  immenses  à  solder,  étaient  dis- 
sipées; les  ennemis  étaient  maîtres  de  plusieurs  des  meilleures 
forteresses;  ils  ayaient  portésueeesâyementleursrayagesdana 
lePisan,  l*Arétin,le  yal  d'Eisa,  leyal  de  Niéyole,leyald'Amo, 
la  Lunig^e;  presque  aucune  proyince  n'était  demeurée  in- 
tacte, le  commerce  était  éteanlé  dans  la  capitale,  il  avait  été 
frappé  dans  les  pays  les  plus  éloignés  par  la  confiscation  des 
biens  des  marchands  florentins  que  le  pape  ayait  prononcée; 
chacun  senteit  que  la  guerre  n'était  soutenue  que  pour  la  dé- 
fense des  Médids,  qu'elle  était  étrangère  aux  yrais  intérêts  de 

1  Seipione  Ammiraio,  L.  XXIV,  p.  136. 


166  HISTOIEB  DBS  ftJSmWiQlIBS  ITALIEIIIIES 

VéM  t  ebâona  woelalC  y  mettre  fin  \  et  JëfAme  Morelli ,  qui 
passait  pour  un  des  amis  et  des  partiMiiis  les  plus  sélés  des  Mé- 
dids,  dit  à  ^auront  en  pldn  oonseil  :  «  Notre  ville  est  au- 
«  jourd'hui  fatigote,  elle  ne  veiU  plus  de  guerre,  elle  ne  veut 
«  plus  demeurer  int^dlte  et  excommuniée  pour  défendre  Totre 
«  crédit*.  » 

Dans  ces  eiroonstanoes  difficiles ,  Laurent  de  Médim  prit 
une  résolution  en  apparence  hardie,  et  qui  cependant  était  la 
seule  sage,  celle  de  se  rendre  lui-même  auprès  de  Ferdinand, 
de  connaître  ses  dispositions  secrètes,  et  de  les  mettre  à  profit 
pour  négocier  avec  lui  ;  d'arrêter  les  plaintes  des  mécontrats 
à  Florence  par  l'espérance  d^upe  paix  prochaine,  et  de  prou- 
va en  même  tempe  à  rEurope  qu'il  n'était  point  le  tyran  de 
sa  patrie,  puisqu'il  osait,  comme  un  autre  dtoyen,  se  mettre 
«itre  les  maips  des  ennemis,  sous  la  simple  garantie  du  drdt 
des  ambassadeurs.  Le  sort  qu'avait  éprouvé  PtcciBittO  à  cette 
même  coiir  d^  Naples  donnait  lieu  aux  partisans  de  Laurent 
de  célébrer  le  courage  avec  lequel  il  s'^posait  à  un  traitement 
smblabte,  et  néanmoins  il  ne  courait  point  le  même  danger. 
Picdniiio,  seul  chrf  de  son  armée,  ne  laissait  après  loi  ni  états 
ni  vengeurs  ;  sa  mort  n'avait  coûté  à  FercKnand  qu'un  crime 
et  non  des  combats.  La  république  de  Florence,  au  ecmtraire, 
aurait  soFvéeu  tout  entièape  à  Laurent  $  eBe  aurait  montré  [dus 
de  zMe  pour  pairir  les  BMwrtriers  de  ce  dtoym  iHusb^  que 
pcmr  k  défendre,  et  Ferdmand  n  aurait  recueilM  d'autre  fruit 
d'ime  traihison  que^la  honte  de  ravekoepimise.  Laurenl,  kh 
vite  par  le  duc  de  CaUbn  et  fediBcd'lJrlMn  à  Mv%  ce  voyago^ 
eyaat  refu  do  Naptea  ra^soraneQ  ^*il  y  savait  bien  reçu , 
fit  ooMfliqaer,  k  &  d^cembfc,  par  k  gonltAonier,  un  coBsril 

1  laeopo  Hardi,  Utor.  Fior.  t.  L  p.  13.  -*  J.  Ificft.  Rruii,  L,  Vil,  p.  m.  —  »  U 
letlre  de  Laurent,  du  &  décembre,  à  ces  deux  ducs,  nous  a  été  conservée  par  Hala- 
volti.  atoria  di  Sienna,  P.  III,  L.  IV,  f.  76.  Hédicis  déclare  qu'il  entreprend  ce  voyage 
sous  leurs  auspices  et  par  leurs  conseils ,  ^  il  leur  recommiande  ses  intérêts  en  son 


IMi   UOUM^  Jk/&M.  i$7 

4êfi  AMMfSitf»  B^nr  Imr  com^imvtgs  m  intentioiœ  *»  Jlpirtil 
je  même  jour,  .et  le  «oilea4emaiii  il  écrivit  de  Saa-Mtaiato  à 
ift  Seigaeiim  pour  prendre  congé  d'elle.  Dans  sa  lettre,  il  ee 
représet^t  c^moM  une  i^ictime  qui  s*olfre  en  sacrifice  pour 
détourner  te  toorrow  de  puissants  eanemis  ^.  A  son  arrivée 
à  Pise ,  il  y  trouira  de  pleins  pouvoirs  des  déo^nvirs  de  la 
gqerre  pour  troiter  au  nom  <te  la  république;  aes  partismtf» 
n'avaient  pes  osé  les  demander  au  conseil  des  Gait,  de  peur 
d'y  renccntrer  de  roppositi(Ni  '.  Une  |;alère  de  Naples  Tat- 
lemdait  à  livourne  par  les  ordres  de  Ferdinand,  et  tecapMne 
Je  jreçut  à  son  bord  avec  les  plus  grands  honneurs* 

1480.  --  L'arrivée  de  iMrent  de  Médids  à  Naples  fut  on 
Iriompbie;  le  second  fils  du  roi,  Frédéric,  et  son  petit^fils  Fer- 
dînaad  vîArent  le  recevoir  au  rivage,  et  le  monarque  lui-m^e 
.parut  se  laroire  honoré  par  l'arrivée  d'un  pareil  h6te  *.  Il  eut 
avec  lui  de  longues  conférenoessur  l^politiquede  l'Italie.  Mé- 
dicis  fit  conni^tre  au  rm  le  traité  déjà  entamé  avec  Bené  II  de 
liOrraine,  par  lequel  ce  duc  s'engag^it  envers  les  deuK  répu- 
JUiques  à  conduire  àx  nulle  chevaux  en  Italie  pour  combattre 
la  maison  d'Aragon  '.  Il  lui  communiqua  aussi  les  offres  de 
«Louis  XI ,  ^i  parawait  tour  à  tour  vouloir  faire  valoir  cm 
Jas  écwf»  de  la  maison  de  Lorraine,  ou  les  siens  propres  sur 
le  royaume  de  Naples.  Ce  monarque,  par  son  activité,  par  sfs 
fM^gooiatiQiis  con^tîquéeS)  par  sa  politique  mystérieuse^  faisait 
alors  JUlusion  à  toute  l'Europe  sur  le  dédin  de  sa  santé.  L'ia- 
yasion  inmgaise  qui  renversa  quinze  ans  plus  tard  le  roi  de 
JNi^^yles  de  soi»  trône,  semblait  déjà  le  menacer.  L'appui  que 
FjerduMad  trouvait  dans  la  cwr  de  JBcme  était  trof  incertain 
poor  âtre  us  en  balance  avec  ce  danger.  Le  pape  était  vieux 


1  SdpUme  AtmOrato.  1.  XXHT,  ?.  143.  -«  «  tMM  apud  noêeéê^  Ufê  of  Unmnù*  V.  I, 
p.  396.  —  >  BpUiola  BainhoL  Scaiœ,  apud  Boscoê,  Appendlx  XXX.  T.  111,  p.  174.  — 
*  Vahri  in  Vita  haurentih  p.  34.  —  8  Andr,  Navagiero,  Sior.  Venez,  p.  ii6h^$cipione 
4mminao,  L.  xxiv,  p.  i44. 


168  HISTOIRJi  DES  BiPUBLIQOSS  ITALIEIIIIBS 

et  malade,  et  s'il  Tenait  à  mourir,  son  sacoesseor  pourrait  étie 
ansisi  empressé  que  Ini  d*  agrandir  ses  propres  neTeox,  'et  se 
jeter  pour  eela  dans  un  parti  opposé,  qui  Ini  offrirait  les  dé- 
poniDes  de  JérAme  Biario  et  de  ses  amis.  Mais  Laurent  de  Mé- 
dids,  en  présentant  à  Ferdinand  ce  tableau  de  l'Europe,  con- 
vint qu'il  était  plusfadleàla  répub)iqueflorentiuede[se  Tcnger 
que  de  se  défendre.  Il  convint  que,  lorsqu'une  fois  elle  aurait 
appelé  les  ultramontains  en  Italie,  elle  ne  serait  plus  midtresse 
d'arrêter  leur  impétuosité,  et  qu'elle  souffrirait  probablement 
autant  que  Ferdinand  lui-même  d'une  guerre  où  la  Tos- 
cane deviendrait  leur  place  d*armes.  L'intérêt  de  Ferdinand 
et  des  Florentins  était  trop  conforme  pour  qu'ils  ne  dussent 
pas  préférer  une  fidèle  alliance  à  une  guerre  sans  but.  Il  im- 
portait à  tous  deux  également  [de  maintenir  en  paix  l'Italie, 
d'en  fermer  l'entrée  aux  Turcs  par  les  Vénitiens,  aux  Français 
par  le  duc  de  Milan  ;  d'affermir  le  gouvernement  de  celui-ci, 
que  la  dernière  révolution  avait  ébranlé;  de  surveiller  au  con- 
traire l'ambition  et  les  progrès  de  Venise,  qui,  depuis  qu'elle 
avait  recouvré  la  paix  sur  sa  frontière  orientale,  pouvait  seule 
dicter  des  lois  à  ses  voisins  ;  enfin,  de  contenir  l'esprit  turbu- 
lent du  pape  qui,  pour  assurer  à  son  fils  la  possession  d'une 
petite  principauté,  avait  compromis  l'Italie  entière  parles  plus 
funestes  intrigues  * . 

Ces  considérations  n'étaient  pas  nouvelles  pour  Ferdinand, 
et  elles  firent  impression  sur  lui.  Cependant,  on  l'avait  long- 
temps entretenu  de  la  haine  et  du  mécontentement  que  Lau- 
rent avait  excité  à  Florence;  avant  de  compter  sur  l'alliance 
de  ce  chef  de  parti,  il  hii  importait  de  savoir  si  les  Florentins 
ne  sépareraient  point  leurs  intérêts  des  siens.  Dans  ce  but, 
Ferdinand  retint  Laurent  longtemps  auprès  de  lui,  et  il  ob- 
serva soigneusement  en  même  temps  si  son  absence  faisait 

t  j^mmU  auhf  Bruii,  uut.  rkr.  L.  vn,  p.  ITC. 


Mf  Motnr  â0i.  169 

lutfta  qoekioe  moatement.  Les  ennemis  de  IMAcis  prirent 
cette  occasion  poar  témoigner  btntement  les  craintes  sor  Mm 
smt  :  ils  rappdaîent  la  mort  eraelle  de  Picdnino»  espérant 
fBii«  natfere  an  rd  la  pensée  de  traiter  de  même  knr  adver- 
saire.  En  même  temps  ils  iTopposaient  ayec  obstination,  dmie 
les  oonseik,  à  tontes  les  demandes  de  ses  amis,  et  ils  déplo- 
raient le  sort  de  la  répobliqoe,  engagée  dans  denx  guerres  à 
la  fois  pendant  qne  son  dief  était  absent,  car  le  jonr  même 
où  Lanrent  était  parti  de  Florenoe  poor  traiter  a^ec  le  roi  de 
Naples,  Aogostin,  filsde  Loois  Fr^Me,  an  mépris  de  la  trêve, 
s*était  emparé  par  surprise  delà  iriUedeSarzane,  qne  son  père 
andt  irendoe  à  la  république  florentine  plusieurs  années  au- 
paravant*. 

Enfin,  Ferdinand  omaentit  à  signer  à  Naples,  avec  Lanrent 
deMëdids,  le  6  mars  1 480,  un  traitéde  paix  entre  son  royaume 
et  la  république  florentine.  Il  exigea  que  les  membres  restants 
de  la  famille  des  Pazzi,  qu'on  retenait  prisonniers  dansla  tour 
de  Yolterra,  quoiqu'ils  ne  fussent  point  entrés  dans  la  conju- 
ratîcm,  fussent  remis  en  liberté;  que  les  Florentins  payassent 
au  duc  de  C!dd>re,  son  flis,  à  titre  de  solde,  une  somme  |an- 
nnélle  de  soixante  mille  florins.  De  son  côté,  il  promit  la  res- 
titution des  villes  et  forteresses  prises  aux  Florentins  pendant 
la  guerre,  etles  deux  gouvernements  se  rendirent  garants  des 
états  Fun  de  l'autre  *.  Quelque  opposition  que  lé  pape  eût 
apportée  à  cette  négociation,  quelque  mécontentement  qu'il 
témoignât  de  n'avoir  pas  été  consulté,  quelque  empressement 
qu'il  marquAt  pour  s'allier  à  la  république  de  Venise,  puis- 
qu'dle  avait  à  se  plaindre  aussi  bien  que  lui  du  manque  d'é- 
gards de  ses  précédents  alliés,  il  se  laissa  comprendre  dans  le 
traité  de  Naples,  et  les  hostilités,  suspendues  l'année  précé* 


*«  S€lfkmejmmkni9.L.  Xinr^p.  ii%^  mar^nnmnut,  p.  SST.  —  itaecMÉMA, 
1$t.  L.  vm,  p.  «M.  -  •  804».  âmmlHUo.  ^  lll.  -  MnethimfeUL  L.  vni,  p.  4os.  «- 


170        HISTOIRE  DO  nérwmnpw  rrALusnnEs 

4eDte  pwie  trè^e,  M«ereMbydèmit|^t^Lap«ixfit 
aassi  publiée  à  Sieniie  le  25  mars  1 480  ^« 

La  paix  qoe  Laurent  de  llédîeis  a? ait  obteiiw  aiigmeata 
swoi  cnédit  |t  florenee;  il  j  fut  reca  à  «m  n^liiir  ecmme  k 
^mt^ew  4^  «1^  patrie*  Umil  à  itrofil  cette  mwaMwaime  de 
peaple  popr  comoUder  loa  autMrUd.  Il  fit  arder,  le  12  avril, 
pue  iMHiv^JbaIie«  maie  avec  Tiideiitîm  de  B*m  plu  cmr 
a  ravenir,  car  le  nom  et  faotorifté  Févelatioonaîffe  des  telies 
coptribuaîeat  à  nendre  ectienx  le  poniToir  dm  Alédîeis*  U  ai 
donc  altribaer  à  an  corps  pemuuieBt  dans  1*  état  celle  aolerilé 
sapérieace  qu*il  vwlsit  cwserver.  Ce  CDi!pe  fut  pa  cDOsâl 
nouveau  de  soimde-dix  eîtajene  q/à  devait  être  cwsullié  sur 
toutes  les  affaires  avant  tous  les  autres.  Les  goviUoiiîars 
devaient  j  être  admis  à  mesure  qu'ils  sartirMeiad;  d'ofl&oC)  à 
moins  qu'ils  n'en  fussent  exdns  à  la  mi^aritf  des  vcâi.  Le 
conseil  des  soixante-dix  commença  un  noQTeau  sorotia  d'é- 
lection pour  composer  les  magist^tures  à  venir,  et  il  fit  durer 
quatre  ans  ce  scrutin,  afin  de  conserver  plas  longtenq»  dans 
la  dépendance  ceux  qui  briguaient  ies  emplois*  £n  «|6aie 
temps  il  employa  les  deniers  d^  l'état  ^  pigr^er  to  dettes  con- 
tractées par  Laurent  de  Mé^Uicis  '• 

Laurent ,  que  la  postérité  a  décoré  du  nom  de  Jf  ogiiî/^f^, 
tandis  que  ses  concitoyens  et  les  éorivains  de  son  tepips  ne 
lui  donnaient  cett^  épithëte  que  comme  un  titre  d'bp9nettr 
commun  à  tous  les  princes  qui  n'eu  avaient  pas  d'antre,  à 
tous  les  condottieri  et  à  tous  les  ambasspdjrars ,  Lanrent  mé- 
riUdt  le  surnom  dont  une  erreur  l'a  mis  en  possesëon^.  La 

f  Jaeobl  Volaterranlj  Diarium  Bomanum.  T.  XXIII,  p.  los.  —  *  Allegretto  Àttêgrein, 
tor.  StneêL  p.  T9f .  —  Orltmd.  MûkmkL  P.  m,  h.  IV,  f .  ts.  ^  s  leMrU  El  eioMMuii 
Crnnbi,  DcHzie  degUErudUi.  T.  XXI,  p.  9,  |.  —  *  M.  Roicofi  HUmtratUmt^  f,  91),  pow 
fulre  voir  que  ce  n'est  pas  la  neule  postérilé,  mais  aussi  les  contemporains  de  Laurent 
qui  l'ont  décoré  da  nom  de  Magniflgue,  cite  raulorilé  de  FabbronI  en  iT84 ,  et  de  Pi- 
gnottl  en  A|ia.  J'en  tppeVe  «u  coi^traire  ai»  lettres  et  aoi  jalrat  piftetp  j«pBDd«fief 
par  M.  Rofoaë  Ini-mAoe  dana  son  Afipendix.  M  j  veira  ^m  Uoreait  »'eit  peint  appelé 
par  sei  contemporains  Lorenzo  U  Magnifico,  comme  U  Test  de.wis^o«f%  Mje  U  Jls- 


M  Momi  AGt.  171 

m&ffBiAatfOd  étrit  dam  n  poUtkpe  aatant  que  dans  mm  ca- 
neHèm  :  il  aimait  à  donner  ridée  d'une  riehease  infinie,  ponr 
nhaniser  ainsi  Topinion  qu'on  avait  de  son  ponyoir  ;  il  ne 
neanniit  jamais  «on  faste  sur  ses  revenus  :  pendant  son  séjour 
à  Naples,  après  une  guerre  mineuse  pour  sa  patrie  comme 
^MMff  lui,  tantAt  il  distribua  des  dots  à  une  foule  déjeunes 
femmes  de  Pouiile  et  de  Galalire  qui  avaient  recouru  à  sa 
munifiomee ,  tantM  il  déploya  aux  yeux  des  Napolitidns,  dans 
sesadiats,  dans  sa  suite,  dans  ses  équipages,  toute  la  pompe 
d'une  richesse  qui  n'avait  rien  de  réel  :  toujours  il  voulut 
étonner  et  éblouir  " . 

Le  traité  dé  paix  qui  coDsoRdaK  sa  puissance  ne  laissait 
ipm  d'exposer  sa  patrie  au  danger  le  plus  redoutable  qu'elle 
eàt  jamais  couru.  F^dinand  s'y  était  déterminé,  surtout  pour 
donner  le  temps  au  due  de  Galabre  d'affermir  son  crédit  dans 
Sienne,  et  de  réduire  cette  ombrageuse  république  à  une  dé- 
pendance absolue  de  la  couroone  de  Naples.  Ce  projet  avait 
déjà  été  secrètement  entretenu  par  le  roi  Alfonse  ,  lors- 
qu'il vint  en  Toscane  en  1446  ^  il  avait  été  repris  en  1452,  et 
en  1456;  mais  jamais  il  n'avait  paru  plus  près  de  son  exé- 
cution que  lorsque  Laurent,  sacrifiant  sa  patrie  à  sa  sûreté 
pertoanelle,  etTintérAt  des  sièdes  à  celui  du  moment,  avMt 
eonsfi^  à  y  donner  les  nudns  en  recherchant  la  paix,  que  le 
duc  de  Calabre  désirait  plus  que  Im. 

Sienne  avait  consacré  par  ses  l<ris  l'existenoe  de  tous  les 
partis  qui  l'avaient  suooesslvement  dominée  ;  et  ses  citoyens 
se  trouvaient  divisés  eu  plnsieurs  ordres,  qui  étaient  plut6t 
des  factions,  et  qui  portaient  tons  le  nom  de  Monti.  Le  pre- 
mier, et  celui  qui  avait  exdté  la  plus  constanitB  jidousîe,  était 


gniftco  Lorenzo^  et  qu'en  lui  adreisant  la  parole  on  emploie  Perpresiion  magnifiée  vfr, 
on  voaira  magnificenza,  précisément  comme  en  t'adresunt  aux  généraux  de  la  répo- 
Uiqoe  ou  au  duc  d'Urldn,  ou  comme  Politien  appelle  la  femme  de  Laurent  magnifiea 
domino.  —  ^  Vaiori.tnfUa  Lammm,p.U.^Vitnhm  BmmmÊi.  T.  XXU»  pi.  US. 


172  HISTOIBB  on  BiFQBLlQIJtt  ITALIXniS 

odni  des  nobles ,  autrefois  profunétaires  de  tout  le  ten^tcûre. 
On  les  ayait  sacoessiTement  privés  de  tontes  lenrs  forteresses, 
et  exclos  en  même  temps  de  tontes  les  magistratares*  Le  soi- 
yant  était  le  Mont  des  neuf  y  qni  formait  à  Sienne  nne  noblesse 
populaire,  telle  à  peu  près  que  l'avait  été  à  Florence  celle  des 
Albiezi  et  de  leur  parti.  C'étaient  des  liommes  à  qni  d'an- 
ciennes richesses ,  acquises  par  le  commerce,  avaient  assuré 
aussi  un  ancien  crédit,  et  qui  en  demeuraient  en  possession 
par  un  drmt  héréditaire.  L'ordre  ou  le  Mont  des  douze  était 
plus  immédiatement  en  rivalité  avec  celui  des  neuf.  U.  étmtde 
même  composé  de  riches  marchands ,  et  à  cette  époque  il 
comptait  dans  son  sem  environ  quatre  cents  hommes  propres 
àentrer  dans  les  conseils,  mais  que  la  jalousie  du  gouverne- 
ment en  tenait  constanunent  écartés.  Le.  reste  de  la  nation 
était  partagé  entre  les  deux  ordres  ou  Monts,  plus  nouveaux, 
des  ri  formateurs  et  du  peuple. 

Depuis  le  27  novembre  1403 ,  une  coalition  existait  entre 
trois  de  ces  ordres,  les  neuf,  les  réformateurs  et  le  peuple.  Ils 
étaient  seuls  admis  au  gouvernement,  et  les  deux  autres  en 
étaient  exdus.  La  Seigneurie  était  composée  de  neuf  prieurs, 
trois  de  chaque  Mont,  et  un  gonfabnier  de  justice  fourni 
tour  à  tour  par  chaque  ordre  * .  Cette  forme  de  gouvemem^t 
s'était  maintenue  avec  plus  de  stabilité  qu'aucune  des  précé- 
dentes, malgré  les  tentatives  que  Pie  II,  qui  était  noble  sien- 
nais,  delà  maison  Piccolomini,  avait  faites  pour  la  renverser. 
Ce  pape  avait  demandé  qu'on  rétablit  dans  tous  les  droits  de 
dté  les  nobles  et  le  Mont  des  douze;  on  avait  en  1458  rejeté 
sa  demande,  mais  on  avait  en  môme  temps  cherché  à  le  satis- 
faire lui-même ,  en  admettant  les  membres  de  la  famille  Pic- 
colomini dans  l'ordre  du  peuple.  L'année  suivante  on  avait 
même  donné  une  part  dans  les  emplois  publics  à  l'ordre  des 

1  OHmOo  MoXtwoM.Sieriamsumia.  P.  ii,li.  x,MM. 


t>U  MOT»  AU.  173 

noUtt*  ;ttite  Mavaitrefitté  àiMolmnent  d^étendre  œtte  fa- 
Tcnr  aa  Ifoat  des  dooze*,  et  dès  la  mort  de  Pie  II,  en  1464, 
on  ani^  priirtf  de  noayeaii  les  nobles  tfhonneurs  qa'on  ne 
kor  a^mt  accordés  qa*h  la  sollicitation  da  pape  '. 

Qadqne  împradente  qne  fùl  cette  exclosion,  les  Siennais 
n'aTaient  pas  en  lien  de  se  repentir  d*  être  demenrés  attachés  à 
ce  qn'ils  afqielaient  la  TriniU  de  leur  gouTemement.  Les  trois 
fMlioiis  réoUiies  paraissaient  avoir  confondu  leors  intérêts 
entre  ^es;  Fadministration  avait  été  assez  éqpiitable  ponr  qne 
les  ridiesses  privées  et  la  population  s'augmentassent  visible- 
ment. Sienne  s*oniait  de  palais  somptnenx,  qui  montraient  en 
même  temps  les  progrès  de  l'opnlenoe  et  ceux  des  arts  et  du 
goût;  la  république  avait  prouvé  peu  de  commotions  inté- 
rieures; die  s'était  engagée  dans  peu  de  guerres  an  dehors; 
et  quoique  éolipsée  par  l'édat  de  Florence,  sa  puissante  voi- 
sine, qui  causait  aux  Simnaisune  constante  défiance,  elle  con- 
servait à  Textérieur  l'honneur  de  son  indépendance,  au  dedans 
la  paix  et  la  prospérité. 

Mais  l'existence  de  deux  partis  formés  en  dehors  du  gou- 
vernement était  nécessairemenC  dangereuse  pour  la  républi- 
que. Cétait  parmi  eux  que  les  étrangers  qui  voulaient  l'asservir 
étaient  sûrs  de  trouver  des  partisans  ;  c'étaient  eux  que  le  doc 
de  Galabre  faisait  agir,  eux  qu'il  cherchait  à  faire  rentrer  dans 
la  SdgDcurie.  Il  demanda  d'abord  le  rappel  de  tous  ceux  qui 
avaient  été  exilés  en  1456  ^.  If  ayant  pn  l'obtenir,  il  sema  la 
discœrde  entre  les  trois  ordres  qui  gonvernaient  en  commun  ; 
n  en  arma  deux  contre  le  troisième ,  et,  le  22  juin  1480,  les 
citoyens  des  neuf  et  du  peuple  prirent  les  armes.  Ils  furent 
secondés  par  les  soldats  du  duc  de  Galabre,  qui  occupaient  la 
place  publique.  Un  conseil  général,  d'où  ils  écartèrent  tous 
ceux  qui  ne  leur  étaient  pas  dévoués ,  et  qui  se  trouva  cepen- 

t  OrtMdo  MtOnàUL  V.  lU,  L.  IV,  f.  M,  61.  -«  im.  1 64,  —  >1M.  r.69.*-  *  ibld, 
r,  76,  ^àUeqr,  ÉttegretOs  Mari  AmmI,  p.  MO, 


174        BisToiEE  DES  MtspvKAqums  rtAhîtSmiXËS 

dant  encore  wmf^  de  quatre  omt  qawanfte^edi  neliiblé»» 
exclut  pour  jamais  k  Mont  des  réforouiteiirs^  dm  gouvene* 
ment  »  sur  la  propositioD  qui  co  fut  faite  par  la  goof àlMicr 
de  justice  * .  dette  Tioleate  réYolution ,  qui  fra^pût  m  tîen> 
des  citojreui  de  la  république,  et  les  dépouHlait  duoa  part  à 
la  souveraiuetéy  dont  ils  étaient  m  possassion  depius  aoixMrté* 
dix-sept  ans>  avait  été  préparée  avec  tavt  de  seeret^  elMéeaUa 
ayec  tant  de  j^mptitude,  qu'elle  s'accomplit  sanaefiusiott  éé^ 
sang»  Le  duc  de  Galabre^  fû  l'aTsit  #rigfe  et  sobtMMe  aiteo 
ses  soldats^  s'était  cependant âmgné  de  Sienne  k  j/m»  ipfelk 
s* effectuait  y  pour  n'être  paa  acenaé  d'agir  est  maiire  4ana  la 
r^ublique^  maia  à  son  retour  il  avait  âé  re«apair  ks  m*- 
Teaux  magistrats ,  comme  k  bieniaitei»  de  l'état*  U  étrit  ci»* 
venu  avec  eux  de  former  un  Mont  nouvea»  pour  t%mfHmuit 
celai  des  râormateurs,  et  partiôpes  pour  un  tiafs  «a  km^ 
neurs  publics,  détordre  nouveau^ Boq/ààt  om  deua»  kmm  dè> 
Mont  des  oj^égés^^  fut  composé  d'un  certain  nombier  de  §tm^ 
tilshommes ,  connus  pour  leur  dévouement  a»  due  de  Cdabre,^ 
et  de  pkuskuvs  membres  soit  du  Mont  des  douae  y  seît  de  edui 
des  r^ormateurs,  qu'une  ambition  pnvéendétaehail  de  kw» 
confrères ;.  enfin,  des  famiUea  qui  avaient  été  exducs  en  1 45^ 
du  Mont  des  neuf  et  de  celui  do  praple,  pour  avoir  voulu,  de 
concert  avec  Jacques  Piccinino  y  soumettre  k  répubttqoe  au 
ifoi  Alfonse.  Ainsi  les  cinq  anciens  oidres  avaient  eoncoura  èi 
la  formation  de  l'ordre  nouveau  *' . 

Le  gouvernement  qui  venait  d'établir  k  violence  éMà  en- 
touré d'ennemis^  il  avait  toujours  plus  besoin  du  duc  de  da«- 
kbre  pour  se  soutenir,  et  il  se  rendait  aussi  toujours  phi»  dé- 
pendant de  ses  volontés.  De  mauvais  citoyens  qui  se  flattaimit 
d'amasser  plus  de  richesses,  d'exercer  pks  de  pouvmr,  de 
satisfaire  plus  aisément  tous  leurs  vices,  sous  la  protection  d'u» 

C  v;  f.  TS."*—  JacQÔi  VQlàtcrroni  Ptariim  KoffUMum*  m  m* 


DO  Momr  A«£.  I7S 

tyran  qae  dans  leur  patrie  encore  Hbre,  araient  bien  calcolé 
lorsque  araient  compté  que  la  conséquence  de  cette  réTolo- 
tien  serait  de  forcer  en  peu  de  temps  les  Siennais  à  se  donner 
eai-mèmes  au  duc  de  Galabre.  Tout  ce  qu'il  y  avait  à  Sienne 
d*amis  de  la  liberté  était  frappé  de  terreur;  la  crainte  n*était 
pas  moins  grande  à  I!lorence.  Si  l'acquisition  que  le  roi  de 
Naples  avait  faite,  v^ngt  am  au^af avant,  de  quelques  miséra- 
bles châteaux  dans  la  Marenune  toscane,  avait  causé  tant  d'ef- 
froi, comment  espérer  de  sauver  la  liberté  de  Florence,  une 
fois  que  l'état  de  Sienne  tout  enëer  seniîl  entre  les  nains  d'fui 
mm  ied0iitd>k  vchsîb?  Mab  vm  événonent  inatteadtt,  qui 
glaça  cfe terreur  le  reste  de  rnaKe,  délitra  Sienne  et  Florence 
9m  aftcfrvlsseinenC  presque  inévitable,  en  rappdanf  le  duc  de 
Calabre ,  pour  défendre  ses  propres  foyers. 


176        msroiBS  ras  airai&iiiras  ixAUsimics 

f»»mimimtmi»nnMnm»uiiiMm.nn 


CHAPITRE  VII. 


Mabomet  II  s'empare  d'OtrSfite;  Sixte  IV  effhiyé  fait  la  paix  avec  les 
Florentiiis,  et  le  due'  de  càlabne  qiriCte  Sienne  pour  déli?rer  Otraote. 
— lioit  de  Mahomet  II.— Nmivdie  guerre  altamée  dans  tftirte  TlUlie 
par  Sixte  IV,  pour  le  duché  de  Ferrare.  Il  paase  d*wi  partîà  Faiitre, 
et  meurt  enfin  de  chagrin  de  la  paix. 


1480-1484. 


1 480 .  —  Mahomet  II  ne  faisait  jamais  la  paix  ayec  un  prince 
chrétien  que  pour  en  attaquer  un  autre  ayec  plus  d'avantage; 
aussi  comptait-on  que  durant  son  long  règne  il  avait  subjugué 
deux  empires,  douze  royaumes,  et  plus  de  deux  cents  dtés. 
Dans  Tannée  1480,  il  prépara  deux  expéditions  en  même 
temps:  l'une,  sous  la  conduite  du  pacha  Mésithès,  Grec  d'ori- 
gine, et  issu  des  Paléologue,  était  destinée  à  conquérir  Bhodes 
sur  les  chevaliers  de  Saint- Jean  de  Jérusalem;  mais  le  grand- 
maitre  d'Aubusson  repoussa  glorieusement  les  Turcs,  qui, 
après  avoir  asnégé  la  capitale  du  33  mai  au  22  aoàt,  furent 
contraints  de  se  retirer  ayec  perte  * .  L' autre  armée  de  Mahomet 

*  EpUloia  PeiH  itâubuston  ad  Pontificem,  is  septembria  t4S0.  Saynalditt.  »-i3, 
p.  S86.  — JocoM  Volatenani  DUur.  tumm,  p.  109.-^  Annal,  TureM  LemeUwU. 
p.  8S8.  —  Mot Jtofi  Pamense.  p.  a44.  «-  Twco^rœcUg  aui,  poUi,  U  I,  p.  iM 


Btl  MOTXR  AGC.  177 

fie  irassemblait  à  la  Yalonne,  soos  les  ordres  de  son  grand-visir 
Achmet-Giédik,  ou  le  Brèche-Dent,  natif  d'Albanie.  Une  flotte 
de  cent  Taisseaux  ^int  la  prendre  à  bord  ;  celle  des  Vénitiens, 
qui  était  de  soixante  voiles ,  Fescorta  comme  pour  l'empêcher 
d'entrer  dans  le  golfe  ^ ,  et  tout  à  coup  les  Turcs  débarquèrent 
sur  la  côte  d'Italie,  près  d'Otrante,  le  yendredi  28  juillet, 
après  avoir  traversé  la  mer  Adriatique,  qui,  dans  ce  lien ,  n'a 
pas  plus  de  cinquante  milles  de  largeur. 

Les  habitants  d'Otrante,  qumqn'ils  ne  fussent  nullement 
préparés  à  cette  attaque ,  défendirent  avec  vigueur  leurs  mu- 
railles; mais  ils  n'étaient  pas  en  état  d'opposer  une  longue  ré- 
sistance; beaucoup  d'artillerie  et  de  machines  de  guerre  furent 
débarquées  par  Achmet-Giédik  ;  de  larges  brèches  furent  bien- 
tôt ouvertes ,  et  la  ville  fut  prise  d'assaut  le  1 1  août  1 480  2 
La  population  s'élevait ,  dit  Sanuto ,  à  vingt-deux  mille  âmes  ; 
douze  mille  habitants  furent  massacrés  dans  la  première  fu- 
reur de  la  victoire  ;  mais  les  enfants  qui  pouvaient  être  ven- 
dus avec  avantage,  et  les  hommes  faits  qu'on  crut  assez 
riches  pour  en  tirer  une  forte  rançon ,  furent  réduits  en  es- 
clavage ^.  L'archevêque  et  lesi prêtres,  objets  de  la  haine  des 
Turcs,  farent  soumis  à  d'affreux  supplices,  et  tous  les  genres 
d'outrages  et  de  profanations  furent  prodigués  au  culte  des 
chrétiens  ^. 


1  Martn  Sanuto.  tite  d^Èmehi  di  Venes»  t.  XXIt ,  p.  I2is.  —  ^  I}emeirlu8  Can- 
iemir,  U III,  chap.  1,  S  32,  ]^  m.  —  •  Martn  Sanuto,  Vite  de'  DuchL  T.  XXII,  p.  isia. 
Cependant  Giannone  n'estime  qu'à  800  le  nombre  des  morts.  L.  XXVIII,  IntroÎL  p.  |03* 
>--  *  Jacob  Volatenani^  Diar,  Boman.  L.  H,  p.  iiO.  DtaHum  Parmense.  p.  346,  3«2. 
Deux  oent  vingt  ans  après  ees  éTénements ,  la  légende  s'en  est  emparée,  et  y  a  mêlé 
son  merveilleux.  Francois-Harie  d'Asti,  archevêque  d'OUraote  en  1700,  a  écrit  que  huit 
cents  martyrs  préférèrent  le  supplice  à  l'abjuration,  et  que,  conduits  au  lieu  où  Us  de- 
vaient mourir,  le  vénérable  Antonio  Primaldi,  demeuré  chef  du  clergé  après  la  mort  de 
Tarchevêque  Etienne,  eut  le  premier  la  tête  tranchée  ;  mais  que  son  corps,  au  lien  de 
tomber  sans  vie,  resu  debout,  malgré  tous  les  eflToru  des  Tores  pour  le  renverser,  et 
qu'il  coDtfaïua,  par  ses  geates,  â  exhorter  ses  compagnons  de  malheur  A  la  constance, 
Jusqu'à  ce  que  tous  eussent  subi  le  même  supplice  ;  alors,  et  après  eux  tous,  il  con- 
sentit aussi  à  se  coucher  parmi  les  morts.  Francisci  Mariœ  de  Asie  in  memorabittbus 
vu.  12 


178  HISTOIBE  DXS  BfoOlOJQUXS  ITALUEHHES 

Cette  attaque  inattendoe,  et  qpi  remplit  l'Italie  d'effrei^ 
avait  été  ménagée  par  les  Vénitiens.  Les  historiens  de  la  ré^ 
publique  ne  dissiomlent  p(Mnt  qu'après  la  paix  entre  I^aurent 
de  Médids  et  le  roi  de  Naples,  leur  patrie  envoya  deox  am- 
bassadeurs, Vun  au  pape,  l'autre  au  grand-seignenr,  pour 
concerter  la  ruine  de  Ferdinand.  Sébastiano  Oritti  devait  in- 
viter  Mahomet  II  à  reprendre  les  provinces  de  l'Italie  méri- 
dionale qui  avaient  relevé  de  l'empire  d'Orient  *•  Zadiarie 
Barbaro  devait  proposer  an  pape  de  prendre  à  la  solde  com- 
mune de  sa  république  et  du  Saint-^Siége,  et  de  nommer  capi- 
taine-général de  leur  Ugue,  Bené  II  de  Lorraine,  qu'Ss  invi- 
teraient à  passer  en  Itahe ^.  Il  est  pnd)able  cqpenduit  que  les 
Yénitiens  n'avaient  pas  communiqué  à  Sixte  lY  le  projet  de 
l'attaque  des  Turcs  sur  Otrante,  {«ojet  dangeveioL  pour  le 
Saint-Siège;  mais  Ferdinand,  qui  ne  doutait  pas  de  l'immttié 
de  Sixte  lY,  le  soupçonna  d'avoir  attiré  sur  lui  l'invasion 
des  musulmans,  et  lui  fit  dire  au  mois  d'août,  par  son  ambas- 
sadeur, que,  s'il  n'obtenaitde  l'Église  de  prompts  et  puissants 
secours,  il  traiterait  avec  les  Turcs^et  leur  dcmnerait  passive 
par  ses  états  pour  se  rendre  à^Rome  '. 

L'effroi  de  Sixte  lY  fut  extrène  à  la  nouvelle  de  ci^te  in- 
vasion :  il  hésita  s'il  n'abandonnerait  point  Borne  et  l'Italie 
pour  chercher  en  France  un  refuge.  Il  savait  que  Mahomet 
en  voulait  au  siège  de  la  religion  chrétienne,  et  que  lui-même 
et  son  clergé  seraient  exposés  à  d'affreux  supplices,  s'ils 
tombaient  entre  les  mains  des  Turcs  ;*.  Si  y  avait  enccHre  loin, 
il  est  vrai,  d'OtraAte  jusqu'à  Borne;  mais  on  pouvait  redou- 
ter un  second  débarquement  sur  les  côtes  de  la  Marche,  et 
l'on  assure  en  effet  que  les  Turcs  firent  cette  année  une  ten- 

9^l4runiitui  KochtkB EpUome,  L.  Il,«ap.  II,  p.  il.  —  in  Burmanni  Thetauro  Aniiq. 
et  HiHor^  iiaiiœ.  T.  XI,  Pin  Vllf.->«  jlnA*.  Navagltnô,  Btor,  T9ntt.  T.  XXIII,  p.  lf«5. 
—  jfoHii  Stmâo»  p.  111  s.  ^  Albert,  de  nspàitû,  dnnaL  Placent.  T,  XX,  p.  90i.  — 
s  Marin  Smmo.  VUe  de  DmhL  p.  tnx  —  >  iHd.  p.  I3I3.  —  *  naynùtdi  ^rmal  Ec 


DU  HOtEH  A0£.  l79 

lalive  pour  |nU«rle  trésor  de  Laiurette*  •  D'ailteo»  les  muspl- 
10808,  doot  les  ocmitBnies  victoires  avaient  ébloiii  l'Ëiirope» 
cmoptaieut  aloss  ea  ItaUe  même  des  partisans»  qai  parais- 
saient  prêts  à  ae  joiodre  à  eux  pour  brider  le  joag  de  leurs 
prttres  et  de  leurs  princes.  Bientôt  le  broit  se  répandit  qae 
Mahomet  n,  pour  j^fiter  du  mécontnitément  des  barons  de 
Napks,  atmit  fait  prodamer  à  Otrante  qa*ll  aocorderait  une 
exemption  d'inqpMs  poor  dix  ans  anx  pays  conquis ,  qu'il 
n^imposerait  ensuite  d* antre  tibat  qne  celni  d'une  piastre  par 
tète,  qu'il  kôsscrait  les  chrétiens  suivre  leurs  lois  et  leur  re- 
ligitfD,  cenune  ils  le  faisaient  à  Gonstantinople,  et  qu'enfin  il 
avait  poBî  les  onumtés  exeessiveB  CKeroées  par  les  vainqurars 
dKHrante.  Qaiue  cents  soldats  de  Ferdinand  passèrent,  an 
mois  de  février  1481,  à  la  solde  des  Tores,  et  l'on  craignait 
h  défectloii  de  tonte  la  proviaoe^. 

Cepoidant  Sixte  IV  adnssa  aossitôt  des  baUes  à  tous  les 
princes  dirétiens,  et  surtout  anx  étate  d'Italie,  pour  les 
eihorter  à  f aire  la  paix  entre  enx,  et  à  tourner  k^nrs  armes 
contre  ïmoemi  de  la  rdigmi.  «  Si  les  fidèles  du  Christ,  di* 
«  fait-'il,«i  les  Italiens  «irtootvealent  défendre  leurs  champs, 
«  knis  maisons,  leun  fenunes,  leurs  enfants,  leur  liberté, 
«  kur  vie;  s'ils  venknt  conserver  cette  foi  dans  k^i^pieUe  nous 
«  avons  été  baptisés,  et  par  laquée  nous  avons  reçu  une 
"  nonvifie naissance,  c'est  le  moment  d*eu  croire  nos  paroles, 
«  de  sairir  Icnrs  aomes  et  de  mardier  à  la  fuerre.  Que  les 
«  phis  lAoignés  dn  royaume  de  Sidle  ne  ae  figurent  point 
«qu'ils  sont  en  sArelé;  s'ils  (ne  vont  pas  an-devant  d^ 
"  Tores  popr  les  coadmttpe,  cenx*^  arriveront  bientôt  joa- 
«  qu'à  eax>.  >» 

iMinand  ae  bâta  de  rappeler  de  Toscane  le  duc  de  Cala- 


*  Snr  la  foi  seulement  de  TiinelHiiiu.  A/«iofla  Laufeumœ  MâU*  L.  II,  eap.  IV.  Apwi 
RoyiMU.  S  sa ,  p.  99S.  —  «  l^aiimn  Patmemte.  p.  Ml»  3M  tt  pataim.  —  *  BaiftuUdi 
^mal.  Ecoles,  i4to,  S  ^i»  P*  180* 

12* 


180  HISTOIRE  DES  BÉPUBLIQUES  ITALIEBUfES 

bre;  et  il  le  sollicita,  par  les  plus  pressantes  instances,  deiie 
pas  tarder  à  venir  à  son  aide.  Ce  duc  sortit  de  Siramele 
7  août,  non  sans  exprimer  le  profond  regret  avec  lequel  il 
abandonnait  un  projet  nourri  longtemps  par  sa  famille,  m 
moment  où  rien  ne  semblait  plus  pouvoir  en  arrêter  reiéca- 
tion.  Comme  il  partait,  les  magistrats  de  Sienne  lui  rendirent 
les  plus  grands  honneurs  ;  mais  tous  les  bons  citoyens  que 
comptait  encore  la  république  se  sentirent  avec  joie  délivrés 
d'un  joug  qu'ils  croyaient  déjà  inévitable^  Le  duc  de  Calabre 
passa  le  10  septembre  à  Naples,  où  il  incorpora  dans  son 
armée  un  grand  nombre  de  gentilshommes  qui  s'y  étaient 
rassemblés.  Il  reçut  aussi  un  corps  auxiliaire  de  dix-sept  cents 
fantassins  et  trois  cents  cavaliers,  qui  lui  fut  envoyé  par  son 
beau- frère  Mathias  Corvinus,  roi  de  Hongrie.  11  continaa 
ensuite  sa  route  vers  là  Pomlle.  Achmet  Giédik  avait  éW 
rappelé  par  Mahomet,  et  Ariadeno,  auparavant  gouverneur 
deNégrepont,  commandait  à  Otrante  une  garnison  de  sept 
mille  cinq  cents  hommes.  Il  avait  étendu  ses  dévastations 
dans  toute  la  province,  et  menacé  Brindes  d'un  si^^^  Mais 
l'arrivée  du  duc  de  Calabre  te  força  de  se  renfermer  dans 
Otrante,  et  bientôt  après,  Galéaz  Caracciolo,  ayant  conduit 
devant  le  port  une  flotte  napolitaine,  ôte  aux  as^égés  la  com- 
munication avec  la  Turquie^. 

L'effroi  de  l'invasion  des  Turcs  avait  &aËn  déterminé  le 
pape  à  se  réconcilier  avec  Florence  ;  mais  même  dians  cette 
récondliation,  que  les  circonstances  le  forçaient  à  désirer,  il 
laissa  voir  toute  la  hauteur  de  son  caractère.  Douze  ambas- 
sadeurs, les  plus  illustres  et  les  plus  accrédités  parmi  les  ci- 
toyens qui  gouvernaient  alors  la  répubUqoe,  furent  nommés 
au  commencement  de  novembre,  pour  se  rendre  à  Borne.  Ils 
y  entrèrent  sans  pompe,  dans  la  nuit  du  25  novembre,  et  per- 

1  orlando  tialavoUi.  P.  III,  L.  V,  f.  iQ.^àUegrcUo  AUegreiU.  p.  807.  -^«  &(mmme 
I  storia  civ/te.  L,  XXVIII,  ïntroducl.  p.  eo2.  —  »  iWrf,  p.  6«3, 


DU  MOYEN   AGE.  181 

sonne  de  la  famille  du  pape  on  des  cardinaux  n'alla  an-de- 
irant  d'eux.  François  Sodérini,  é:vèqae  de  Volterra  et  chef  de 
la  légation,  exprima  le  surlendemain,  dans  une  audience  se- 
crète, les  regrets  de  la  république,  sa  soumission  aux  juge- 
ments du  pape  et  son  désir  d'être  réconciliée  à  l'Église.  Les 
conditions  de  la  paix  furent  débattues  arec  les  cardinaux  dans 
plunenrs  conférences  :  lorsqu'enfin  tout  fut  réglé  entre  eux, 
Jés  députés  furent  incités  à  se  rendre  à  la  basilique  de  Saint- 
Pierre,  le  3  décembre  1480,  premier  dimanche  de  l'avent. 
Après  qu'on  les  eut  fait  atten<be  quelque  temps  sur  le  porti- 
que, le  pontife  Tint  au-devant  d'eux  ayec  ses  cardinaux,*  on 
lui  dressa  un  trône  en  avant  de  la  principale  entrée,  dont  les 
portes  demeurèrent  fermées  :  les  ambassadeurs,  la  tête  nue, 
se  jetèrent  alors  tous  à  ses  pieds,  et,  après  les  avoir  baisés, 
ils  restèrent  à  genoux,  confessant  qu'ils  avaient  péché  contre 
l'élise  et  contre  le  pontife,  et  implorant  sa  compassion  en  fa- 
veur du  peuple  qui  les  envoyait.  Louis  Guicçiardini,  vieillard 
septuagénaire,  parla  au  nom  de  tous,  mais  à  voix  basse  et  en 
italien.  Un  notaire  apostolique  lut  ensuite  la  formule  de  con- 
fession et  les  conditions  de  la  paix.  Alors  le  pontife,  ayant 
imposé  silence,  prononça  ces  propres  paroles  :  «  Yous  avez 
«  péché,  mes  ils,  premièrement  contre  le  Seigneur  Dieu  no- 
«  tre  Sauveur,  en  tuant  cruellement  et  criminellement  l'ar- 
«  cbevêque  de  Pise  et  les  prêtres  de  Dieu;  car  il  est  écrit  : 
«  Vous  ne  toucherez  point  à  mes  oints  1  Vous  avez  péché 
«  contre  le  pontife  romain,  qui  exerce  sur  la  terre  les  fonc- 
«  tions  de  N.  S.  Jésus-Christ,  car  vous  l'avez  diffamé  dans 
«  Tnnivers  entier.  Vous  ^vez  péché  contre  le  saint  ordre  des 
«  cardinaux,  en  retenant  malgré  loi  un  cardinal  légat  dû 
«  Satnt-Siége  apostolique.  Vous  avez  péché  contre  tout  l'ordre 
«  ecclésiastique,  en  retirant  vos  tributs  au  clergé  de  votre 
«  territoire  ;  vous  avez  été  la  cause  de  beaucoup  de  rapines, 
«  d'incendies,  de  pillages  et  de  maux  infinis,  en  n'obéissant 


182  HISTOIRE  DES  aBPIIBX.IQUES  ITALIEITRES 

«  poist  à  nos  ordres  apooloUqaefi.  Pldt  à  DieH  40e  c^  le 
«  commeiieeraeiit  tous  fouiez  yentm  à  noâs^  le  père  de  toi 
«  âmes!  alors  nous  n'aurions  point  reooom  aux  armes  de  la 
«  chair  pour  yenger  les  injures  inffif^  à  l'Église*  Geitaine^ 
«  nemait  cTest  à  regret  que  noQS  aTons  sévi  contre  tous  ;  ee« 
«  pendant  nous  avons  dû  le  faire  pepr  l'honnetir  de  l'apos** 
«  tolat  dont  nous  sommes  diai^.  Mais  à  présent,  met  fils, 
«  que  TOUS  revenez  avec  humiUté^  notis  tous  reoevons  en 
«  grâce  dans  notire  sein,  nous  tous  donnons  l'absolntion  des 
«  erreurs  et  des  exoès  qne  tous  aves  confessés.  Ne  péehea  pas 
«  daTantage,  mes  fils  ;  ne  faUis  poinl  comme  lee  chiens,  qui^ 
«  après  avoir  été  punis ,  retoumen$  à  leurs  turpitudes. 
«  Vous  avez  éprouvé  du  reste  la  puissance  de  l'élise,  et  vous 
«  deveï  savoir  oottibien  il  est  dur  d'opposer  sa  tôte  au  bou» 
«  cfier  de  Dieu,  ou  de  vouloir  brisi^  sa  cuirasse*.  « 

Après  avoir  ainsi  parlé,  le  pape  prit  des  baguettes  des 
mains  du  grand-pénitencier,  et  en  frappa  l^;èremcsit  ke 
épaules  de  chaque  ambassadeur,  qpii  à  chaque  coup  baissait 
la  tète,  et  répondait  par  les  va:*sets  du  psaume  Miserere  mei. 
Domine  !  Après  cela,  ils  furait  de  nouveau  admis  au  baiser 
des  pieds,  et  bâiis  par  le  ponttfe  qui,  relevé  sur  son  trAne, 
fut  reporté  au  gr»id  autel.  Les  portes  de  l'égUse  furent  ou- 
vertes, et  les  ambassadeurs  7  entrèrent  avec  tous  les  assis- 
tants f  mais  aux  conditions  du  traité  stipulées  d'avance,  le 
pontife  ajouta,  comme  pénitenee,  que  les  Flormtins  arme- 
raient à  leurs  frais  quinze  galères  pour  fanre  la  guerre  aux 
Turcs  ^.  Ainsi  se  termina  la  guerre  née  de  la  coqnnAion  des 
Pazzi,  et  tel  fut  l'orgueil  avec  lequel  le  pontilè  punit  d'être 
demeurés  en  vie  ceux  qu'il  n'avait  pas  réusâ  à  fake 
siner  '. 


^Jaeobi  VokUenanU  Dlarium  Bomamim.  U  II,  p.  1H«— Sayno/di  4iifMl.ilMlef. 
1180,  S  40,  p.  394.  «  *  Jacobi  VolaterranU  Dior,  Rom.  L.  Il,  p.  ii*,-^  Raynald,  Atm, 
Bcel  1480,  S  40,  »i.  —  s  Jac*  V^ùuen,,  «al^  Rom.  p.  ns.  —  Sd^one  âmmêroi». 


DU  MOYEH   AGE.  183 

Les  Florentins  piofitèrent  aussi  de  Y^Stroi  de  Ferdinand, 
et  dn  bepoin  qa*il  a^ait  à'eox  poor  se  faire  restituer  les  for- 
teresses que  le  doc  de  CaUbre  airait  oecopées  en  Toscane. 
Ferdinand  s'était  engagé  enters  la  répnUiqae  de  Sienne,  à  loi 
céd^  tontes  les  oonqnètes  faites  sor  les  Florentins,  qni  se- 
raient en  dedans  d*nn  rayon  de  quinze  milles  pris  des  mars 
de  la  yiUe.  li  airait  en  effet  consigné  anx  Siennais  Monte- 
Domenicbi,  la  Gastellina  et  San-Polo;  mais  il  avait  conservé 
sons  les  ordres  de  Prenâvalle  Gennaio,  gealiUiomme  napo* 
litain»  Colle  de  Yal  d'£lsa,  Po^^^bonâ,  Poggio  impériale. 
Monte  San^Savino,  et  d'antres  places  mcnns  importantes. 
1481.  —  A  la|  fin  de  mars  1481,  U  fit  livrer  aux  Florentins 
tons  les  lieux  qœ  Ciennaro  occupait,  et  bientôt  après  il  si*- 
gnifia  aux  Siennais  l'ordre  de  restituer  aussi  les  conquêtes  où 
.  enx-mèmes  avaient  nus  garnison.  Un  vif  ressentiment  rem- 
plaça dès  lors  à  ^ënn^  l'affectiou  qu'on  y  avait  conservée 
pour  la  maison  de  Naples^ 

Le  pape,  qui  avait  ordonné  anx  Florentins  de  ecincourir  à 
la  défense  de  l'Italie  contre  les  Turcs,  voulut  y  contribner 
aussi.  U  fit  armer  une  flotte  dans  le  Tibre,  et  il  fit  choix  pour 
la  commander  de  celui  de  ses  prélats  qui  était  le  plus  propre 
à  la  guerre  maritime.  C'était  ce  mâme  Paul  Frégoso,  ardie- 
vèque  de  Gènes,  si  redoutable  comme  chef  de  parti,  que  nous 
avon&  vu  se  vouer  à  la  piraterie  lorsqu'il  sortit  de  la  ville 
ou  il  avait  régné.  Sixte  lY  le  fit  cardinal  au  mois  de  mai  de 
l'année  1480  ^,  et  lui  donna  au  printemps  suivant  le  com- 
mandement de  ses  galères.  Paul  Frégoso  vint  joindre  Graléa^ 
Caracdoli  devant  Otrante.  Déjà  le  redoutable  grand-visir 
Achmet  Giédik  avait  rassemblé  à  la  Yaloone  vingt-cinq  miUe 
houHaaeSy  qu'il  aHait  transporter  à  Otrante,  pour  eontinuw  la 


L.  X&IV,  fK  146.  -*>  /Vie.  MQDcmmêUL  U  ¥1U,  p.  410.  Jo.  MiOu  firttK.  L.  VU,  p.  1S4. 
—  <  OrlonOo  9laUafoUU  P.  Hf,  L.  V,  f.  19. — AUegrem  âtlegHtiU  Biart  Seumi.  p.  80«. 
-»  Dior.  paniMfiM.  p.  368.  —  '  JacM  Wolat^maa,  Diof,  Boman.  p.  ist. 


184  HISTOIBS  DES  BiPUBLIQUES  ITALIEHITES 

conquête  de  FltaHe,  lorsqu'il  reçat  la  nouvelle  de  la  mort  de 
Mabometll,  sarrenoe  le  3  mai  1481,  près  de  Nîcomédie, 
niort  qoe  soiiit  an  boat  de  quelques  mois  la  guerre  civile  qui 
édata  entre  ses  fils  Bajazet  II  et^  Jem  ou  Zizim  U  Achmet, 
abandonnant  alors  tout  projet  de  conquête  sur  le  royaume  de 
Naples,  conduisit  son  armée  au  secours  de  Bajazet,  encore 
qu'O.eùt  à  craindre  le  ressentiment  de  ce  prince  pour  une 
ancienne  offense.  Il  parut  devant  lui  avec  son  cimeterre  at- 
taché an  pommeau  de  sa  selle;  car  il  se  souvasait  qu'il  lui 
avait  dit  :  «  Si  tu  deviens  sultan ,  jamais  je  ne  le  tirerai  pour 
«.ta  défense.  »  Mais  lorsque  Bajazet,  rappelant  son  père,  l'in- 
vita à  oublier  les  fautes  de  sa  jeunesse,  Achmet  Giédik  com- 
battit les  ennemis  du  sultan  avec  sa  valeur  accoutumée  :  le 
16  juin  1482  il  vainquit  Zizim  à  Serviza,  près  d'Iconium;  il 
le  poursuivit  dans  la  Garamanie,  et  fl  le  força  enfin  à  se  ré- 
fugier à  Rhodes  2.  Ariadeno,  laissé  dans  Otrante  à  la  tête 
d'une  garnison  qui  ne  pouvait  plus  recevoir  de  secours,  se 
défendit  néanmoins  avec  un  grand  courage,  et  remporta  plu- 
sieurs avantages  sur  le  duc  de  Galabre  qui  l'attaquait;  [mais 
il  accepta  enfin  une  capitulation  honorable  qui  lui  fut  offerte, 
et  il  rendit  la  place  le  10  août.  Plusieurs  des  bataillons  turcs 
qui  la  défendaient  passèrent  au  service  du  duc  de  Galabre, 
et  on  les  employa  dès  lors  utilement  dans  les  guerres  d'Italie^. 
La  nouvelle  de  la  mort  de  Mahomet  II  avait  été  rapidement 
portée  à  Yenise,  et  le  doge  Mocénigo  la  communiqua  le  29  mai 
à  tous  les  états  d'Italie  ^.  Tous  la  regardèrent  comme  délivrant 
la  chrétienté  du  plus  grand  péril  qu'elle  eût  encore  couru; 
tous  donnèrent  un  nouvel  essor  à  des  passions  qae  la  crainte 

1  Gelia  guerre  eitile  appartient  à  l'année  anivante,  imaiet  ayant  comoMneé  par  ae- 
complir  le  pèlerinage  de  U  Mecque,  pendant  lequel  11  mit  son  fils  Gorcud  à  la  léie  de 
Fempire  ottoman.  Demetriu»  Cantemir.  L.  III ,  chap.  II,  S  i  *  5«  P-  "«•  —  *  annales 
Turciei haûUcImm.  p.  3S9.  —  >  EpUiola  Ferdinandl ad  XUium^de  idrmtùfUMj^erato, 
Jaeobi  VoUaerrtmi  Diarhm-  p.  146.  —  Giamune,  utar.  civile,  L.  XXVIU ,  p.  «U.  — 
*  Orlando  MaUwoliL  P.  III,  L.  V,  f.  79.  ^  Jaeob  YolaiemaH,  L.  Il,  p.  IS4. 


DU  MOYEN  AGE.  185 

avait  josqn' alors  comprimées:  Mais  Sixte  lY,  plus  qae  tons  les 
autres,  se  regardant  désormais  comme  mis  à  concert  du  seul 
danger  qui  pût  Tatteindre  snr  son  trône,  ne  contint  pins  dans 
aucune  borne  son  ambition ,  ses  projets  de  Tengeanoe  et  les 
passiims  turbulentes  qu'il  ayait  été  quelquefois  forcé  de  âis-> 
simular.  Il  commença  par  rappeler  la  flotte  qu'il  avait  en- 
voyée à  Otrante,  sous  les  ordres  de  Paul  Frégoso  :  il  ne  tou<- 
lut  point  permettre  qu'elle  profitât  des  guerres  civiles  des 
Turcs  pour  tenter  des  conquêtes  en  Orient  ^  C'était  plus  près 
de  lui  qu'il  voulait  employer  toutes  ses  forces,  et  il  destinait 
la  Bomagne  entière  à  devenir  Tapanage  de  son  neveu  favori. 
Dès  le  4  septembre  1480,  il  avait  ajouté  la  principauté  de 
Forli  à  celle  d'Imola  que  possédait  déjà  Jérôme  Biario.  Pour 
la  lui  donner,  il  l'avait  enlevée  à  la  maison  Ordélaffi  qui  l'a- 
vait possédée  cent  cinquante  ans.  Pino  des  Ordélafft,  le  der* 
nier  des  princes  de  cette  famille,  venait  de  mourir,  destinant 
son  héritage  à  un  fils  naturel  qu'il  laissait  en  bas  âge.  Ses 
deux  neveux,  Antoine-Marie  et  François-Marie,  fils  légitimes 
de  Galéotto,  frère  de  Pino,  prétendaient,  peut-être  à  plus  juste 
titre,  à  une  principauté  dont  leur  onde  avait  voulu  les  exclure 
en  les  exilant.  Sixte  lY  se  porta  pour  juge  de  leur  débat,  et  les 
dépouilla  tous  deux  au  profit  de  son  neveu,  sans  qu'aucune 
puissance  voisine  osât  réclamer  contre  cette  criante  injustice  2. 
Il  envoya  ensuite  ce  même  neveu  à  Venise  pour  resserrer  l'al- 
liance qu'il  avait  conclue  le  1 1  mai  1480  avec  cette  puissante 
république,  et  pour  méditer  avec  elle  le  partage  de  nouveaux 
états  3. 

Pour  subvenir  aux  guerres  qu'il  avait  soutenues,  aux  guerres 
bien  plus  importantes  encore  qu'il  projetait  pour  suffire  au 
luxe  extravagant  de  ses  neveux  et  à  celui  de  sa  propre  mai- 


1  Andr.  Ifavagîero.  p.  1168.  --jaeob,  Vofaterr.  p.  148-153.  —  *  Jaeob,  Volaterranh 
Wof.  Rom.  L.  II,  p.  IIS.  —  Mot*,  farmense,  T.  XXII ,  p.  345.  —  Marin  5^nttfo,  Vite 
de*  DucM  di  Venezia,  p  1211.  —  »  Jacobi  Voiaierranij  Dior,  homan.  p.  140. 


186         HisrroiHK  des  b^pubuodis  itàlieniies 

son,  Sifte IV  ayait  besoin  de  toutes  ks  resioiiroes  delà  fisea- 
Itté,  et  il  soQBiettait  à  ce  «ytâiéme  son  adraînistration  ecclé- 
siastiqne  autant  cpie  la  séeaiièare.  Il  rendit  Yâianx  à  pen  près 
tons  les  emi^msde  la  ooor  apostolique,  il  en  ann^iça  le  prix^ 
d'aTanee,  et  il  le  fit  connaître  pnblîqoemmt  * .  Il  Teidit  aussi, 
mais  un  peu  plu»  en  secret,  pour  ne  pas  être  accusé  de  simo<- 
nie,  les  plus  ricèes  bénéfices,  et  même  qudques  chapeam  ^ 
cardinaux  ^.  Il  poussa  plus  loinqu'aueun  de  ses  pfrfdéoesseurs 
le  scandale  du  craimeroe  des  indulgences.  lyaulre  part  il  ex- 
torqua de  Targait  de  ses  sujets  de  Rome,  eonune  souverain 
et  non  [duft  comme  prêtre  ;  il  soumit  le  commerce  des  grains 
au  plua  cruel  monopole.  Au  moment  de  la  récolte,  il  achetait 
tous  les  blés  de  ses  états  au  prix  fixe  d'un  ducat  le  rubbio  : 
lorsque  ses  magasms  étaient  remplis,  il  causmt  des  famines 
artificielles,  tantôt  par  des  Tentes  considérables  qu'il  fusait 
aux  6énois,  tantôt  par  des  passages  de  troupes.  Il  né  laissait 
sortir  aucun  blé  de  ses  magasins  jusqu'à  ce  que  le  couro  du 
mardié  se  fût  élevé  à  quatre  ou  cinq  ducats  le  rubbio.  Alors 
il  fixait  Im--méffle  le  prix  de  ses  grains,  et  ne  permettait  plus 
aux  boulangers,  sous  peine  de  prison,  d'employer  aucun  autre 
Mé  que  le  sien.  Souvent,  par  ses  manœuTres,  le  pain  manqua 
tout  à  fait  dans  ses  étal».  Alors  il  achetait  à  bas  prix  des  blés 
deNaplesde  la  plus  mauvaise  qualité,  et  il  forfait  à  n'ra  ccm- 
sommer  aucun  autre.  On  fut  plu»  d'une  fois  réduit  à  se  nour- 
rir d'un  pain  noir  qui,  par  son  odeur  infecte,  annonçât  la 
conruption  du  gram  dont  il  était  fabriqué,  et  l'on  attribua  à 
cet  aliment  les  maladies  pestilentielles  qui  désolèrent  Borne 
presque  dmque  année  pendant  tout  le  règne  de  l^te  lY  '. 
Jérôme  Biario  cependant  était  arrivé  à  Yemse;  il  y  avait 


>  r.«phaei  de  Volterra  en  a  ooDaervé  la  liste  arec  les  prix,  que  Raynakliis  puUfe 
d'aprôs  lut  Ce  dernier  ose  raéine  Jeter,  à  eette  occasioiiy  un  léger  Uàma  «nr  le  pape; 
AmaL  KccUs.  i4si,  S  9$  >  P>  3Sd.  ^  *  Diario  ttomam  4t  Stefcmo  Infessura,  T.  111» 
P.  11,  p.  115t.  —  s  ibid.  9.  1U3-11S4. 


DU  MOYJEn  A&tU  187 

été  reçu  arree  des  bonneors  infinis ,  et  il  'avait  été  inscrit  aa 
livre  d'or  de  la  noblesse  vénitienne  *.  U  venait  proposera 
cette  république  d*  attaquer  à  frais  eommuns  un  prince  voisin^ 
et  de  partager  ensuite  entre  eux  les  conqnêtes  qu'ils  feraient 
sor  loi;  la  Seigneurie  était  d'autant  |^us  di^sée  à  entrer 
dans  ces  projets  ambitieux,  que  le  pape  était  vienx^  que  son 
snceesseur  pouvait  avdr  nne  politique  différente,  et  ne  point 
songer,  à  défendre  Jérôme  Biario,  tandis  qiie  la  répubUque,, 
forte  de  «m  immortalité,  pouvait  espérer  de  recueillir  un  jour 
tout  le  frmt  des  combats  qu'ils  livreraient  ensemble.  C'était  la 
maison  d'Esté  que  le  pape  proposait  de  traiter  oomme  il  avait 
trmté  l'année  précédente  les  Orddaffi.  Les  Vénitiens  avaient 
TU  avec  jalousie  Hercule  d'Esté  épouser  Léonore,  fille  du  roi 
Ferdinand.  Ce  mariage,  il  est  vrai,  ne  l'aviât  pas  empêché  de 
combattre  son  beau-père  dans  la  guerre  de  Florence;  mais 
àm:9  même  il  s'était  rendu  suspect  d'une  entente  secrète  avec 
ses  «memis.  Ferdinand,  toujours  irrilé  c<mtre  Yeniae,  poafvait 
trouver  dans  les  forteresses  de  son  gendre  des  points  d'appui 
pour  porter  la  guerre  jusqu'au  centre  des  âats  de  terre-ferme 
de  la  répubii<pie«  Celle-ci,  d'autre  part,  avait  étendu  sa  do- 
mination jusqu'aux  frontières  du  ducbé  de  Milan;  pom*  la 
porter  également  jiisqu'à  celles  de  Toscane,  les  états  dudii^ 
de  Ferrare  devaient  être  envahis  ;  et  comme  une  partie  de  ces 
états  relevait!  de  ^empire,  l'autre  de  I  église,  les  confédérés  con- 
vinrent que  la  république  de  Yeniee  s'emparerait  des  premier» 
ou  de  Mbdène  et  de  Reggio,  et  céderait  à  Jérôme  Riario  les  se^ 
eonds,.  ou  le  duché  de  Ferrare  ^. 

Lee  Yénitiens  cherchiûent  des  sujets  de  querelle  au  due  de 
Ferrare  pour  commencer  la  guerre  concertée  avec  Jéràme 

1  Jaeobi  VolaUnaniy  Diorlton  Komanum.  p.  t4Z.~rVac€MavelU,  Istofie.%.  VIII,  p.  4 14. 
—  *  PetH  Cym<ei  Clerici  AteriensiSy  De  belto  FerrariensL  T.  XXI,  p.  1193.  L'auteui' 
vécot  Â  Vmiie  pendant  touto  ccue  guerre,  —«ie,  Mathimem.  L.  Vlll,  p.  414.— itaH» 
Samao^  vue  de  DucM.  p  I2t4.^  Jf.  ànt.  SabclUco.  Deçà  IV,  L.  I,  f.  a39«~Bcm.  Cwio» 
P.  Vl,p.iMl. 


]88  HISTOIBE  DES  RÉFiniI.IQinSS  ITAUENlfES 

Biario  et  le  pape.  Ib  avaient  avec  lai  quelques  coatestations 
sur  rétendue  de  leurs  firoutières,  et  se  faisant  justice  par  eux- 
mêmes,  ils  avaient  bâti  trois  redoutes  sur  le  terrain  même  du 
duc.  Ils  nommaient  un  juge  yénitien  qui  résidait  à  Ferrare 
avec  le  titre  de  vidame,  pour  rendre  justice  à  ceux  de  leurs 
sujets  qui  habitaient  les  états  de  la  maison  d*£ste.  La  juridic-. 
tion  de  ce  Tidame  avait  aussi  donné  lieu  à  des  différends  entre 
les  deux  gouvernements.  Enfin,  la  république,  comme  sou- 
veraine des  lagunes ,  prétendait  avoir  droit  au  monopole  du 
sel;  elle  ne  voulait  point  permettre  aux  habitants  de  Ferrare 
de  recueillir  celui  même  qui  était  déposé  par  la  mer  sur  leur 
territoire,  et  elle  se  plaignait,  comme  d*une  infraction  aux 
traités,  de  toutes  les  tentatives  des  sujets  de  la  maison  d'Esté 
pour  profiter  de  leurs  marais  salants.  Le  duc  de  Ferrare,  sen- 
tant sa  faiblesse,  avait  offert  de  donner  au  sénat  satisfaction 
entière  sur  chacun  de  ces  griefe.  En  même  temps,  il  avait  inn 
voqué  la  protection  du  pape,  son  suzerain,  ne  sachant  pas  en^ 
eore  qu'il  devait  le  regarder  comme  son  principal  ennemi. 

1 482.  —  Cependant,  quelques  efforts  que  fit  Hercule  d'Esté 
pour  apaiser  les  Vénitiens  et  se  réconcilier  avec  eux,  il  ne  put 
éviter  que  la  guerre  lui  fût  déclarée  le  3  mai  1482,  au  nom 
du  doge  Jean  Mocénigo  et  de  la  république  de  Venise,  comme 
au  nom  du  pape  Sixte  lY  et  de  Jérôme  Biario,  s^neur  de 
ForU  et  d'Imohu  Dans  la  même  ligue  on  vit  encore  entrer 
Guillaume,  marquis  de  Montferrat,  la  république  de  Gênes, 
et  Pierre-Marie  de  Bossi,  comte  de  San-Secondo  dans  Fétat  de 
Parme.  D  autre  part,  le  roi  Ferdinand,  le  duc  de  Milan  et  les 
Florentins,  après  avoir  inutilement  tenté  de  détourner  Sixte  IV 
de  cette  guerre  injuste,  rappelèrent  leurs  ambassadeurs,  qui 
partirent  de  Bome  le  14  mai.  Ils  déclarèrent  qu'ils  défen- 
draient le  duc  de  Ferrare,  et  ils  admirent  encore  à  leur  al- 
liance Frédéric,  marquis  de  Mantoue  ;  Jean  Bentivoglio,  chef 
de  la  république  de  Bologne,  et  la  maison  Colonna,  qui  reçut 


DU   VLOYESi   AGE.  189 

garnison  napolitaine  dans  ses  fiefs  de  Marino  et  de  Genazzane, 
presque  aux  portes  de  Borne  i. 

L'Italie  se  trouvait  ainsi  divisée  en  deux  grandes  lignes  :  la 
guerre  éclata  partout  en  même  temps,  et  elle  fnt  d'autant 
plus  ruineuse  pour  les  peuples,  que  de  plus  petits  seigneurs 
avaient  été  admis  à  Fallianee  des  grandes  poissanoes.  Dans 
rétat  del'Église,  les  Gol<mna  sortaient  de  leurs  cfaàteanx--forto, 
pour  porter  le  ravage  dans  les  campagnes  voiles;  et  les  rues 

t  mêmes  de  Rome  étaient,  souvent  ensanglaDitées  par  des  com- 
bats. Les  Savelli  s'étaient  joints  à  eux,  tandis  que  les  Orsiai, 
n'écoutant  que  leur  antique  haine  pour  ces  deux  maisons, 

^  avaient  embrassé  la  cause  du  pape.  A  peu  de  distance  de  là, 
les  Florentins  avaient  rétabli ,  les  armes  à  la  main  ,  Nicolas 
Yitelli  dans  sa  seigneurie  de  GiUà  di  Gastello,  et  en  avaient 
chassé  Lorenzo  Giustini,  créature  du  pape^  qui,  pour  se  ven- 
ger, ravageait  les  campagnes.  Enfin  le  duc  de  Galabre,  qui 
avec  l'armée  napolitaine  avait  voulu  pcMrter  du  secours  à  son 
beau-frère  le  duc  de  Ferrare,  s'-était  trouvé  arrêté  dans  l'état 
de  Bome  par  Farmée  pontificale  ;  et  il  contribuait  de  son  côté 
à  dévaster  le  patrimoine  de  Saint-Pierre^.  En  Bomagne,  Jean 
Bentivoglio  se  trouvait,  avec  les  Bolonais,  opposé  à  Jérôme 
Biario;  Ibletto  de  Fieschi,  descendu  des  montagnes  de  la 
Ligurie,  ravageait  les  frontières  milanaises  ;  Pierre-Marie  des 
Bossi ,  auquel  les  Vénitiens  accordaient  un  subside  annuel  de 
vingt  mille  florins  pour  troubler  le  gouvernement  de  Milan 
dans  l'état  de  Parme,  portait  la  désolation  autour  de  ses  n<Mn- 
breux  châteaux.  Ilsputint  dans  Torre-Ghiara,  Noceto,  Berceto 
et  Preda  Baleia,  des  sièges  obstinés,  et  lorsqu'il  mourut  à 
Torre-Chiara,  le  V^  septembre  1482,  à  l'âge  de  quatre-vingts 

1  Petfi  Cgmœi,  De  bello  ferrarlénsl,  p*  119S*1201.  -^Jacobi  Volateirani,  Dior,  Ra- 
mon.  p.  171-173.— JMofio  Bomano  di  Stefano  Infessura.  T.  Ili,  P.  il,  p.  ii40.  —  >  Sei- 
plane  Àmminto.  L.  XXV ,  p.  i49.  —  ^lutr.  «waifUro^  8tor,  renez^  p.  iiri.  «^Ak. 
MacckUofem,  L.  VUI,  p.  416.— Dtario  ai  homa,  del  Nolaio  <U  Hmtip^io^  %.  Ul,  P.  U, 
JUt.  itaL  p.  1971. 


190  HISTOIRE  DÈS  BÉPDBLIQOIS  ITALISHH]» 

ans,  il  fat  remplaeé  par  sonfih  Guido  de  Rasa,  qniiMiitra 
pour  la  même  caase  la  même,  obstinatioii  et  la  même  Talear  * . 
Mais  h  gaerre  principale  était  cependant  celle  qui  se  ftdsait 
sur  ks  frontières  da  Ferrarab.  Elle  présentait,  par  la  nature 
da  pays,  un  genre  de  difficultés  que  les  soldats  snt  penacoou* 
tumés  à  sarmouter.  Presque  toute  la  campagne  située  entre 
llaTenne ,  Ymse  et  Ferrare,  est  coupée  par  d*innonil»iible8 
canaux,  ou  inondée  par  des  eaux  stagnantes.  Tons  les  fleuves 
qui  descendent  du  vasle  amphithéâtre  queformentrApennin 
et  la  longue  chaîne  des  Alpes  se  réunissent  à  Feitrémilë  de 
la  mer  Adriatique.  Le  gravier  et  le  limon  qu'ils  entraînent 
des  montagnes  rehaussent  leur  lit,  enoomlnrent  leur  embou- 
chure, les  forcmt  à  se  couper  par  des  miUinri  d*tles,  et  les  re- 
Tcrsent  enfin  dans  de  vastes  lagunes,  qni  ont  trop  peu  de 
fond  pour  qu'on  puisse  les  franchir  dans  des  bateaux ,  et  qui 
sont  cependant  trop  inondées  pour  que  des  hommes  on  de» 
«hevaux  puissent  s'y  engager.  La  route  de  Bologne  à  Fenrare 
traverse  une  partie  de  ces  marais,  et  là  même  Vosâ  n'j  dé- 
couvre point  de  limites  ;  d'autres,  faim  plua  considérables, 
s'étendent  au-dessous  de  Bovigo,  autour  de  Mesola,  d' Adria, 
de  Gomacddo,  petites  villes  qui,  comme  Teinse,  s'élèvent  au 


t  Lft  guerre  de  Pierre-ttarle  de  fuxâ  est  racontée  avec  une  ftaiidieiise  mlnutfe  dans 
IM  iflWMHs  do  BMine^  compoeés  par  «b  portiMn  de  oeu«  mâÊom{B»»  i§aL  t.  xxn« 
p.  d39-39ft).  Ces  journaux  finissent  arec  Tannée  1482.  ils  sont  écriu  dans  un  latin  bar- 
bare, remplis  de  contes  populaires,  et  de  circonstanoes  minutieuses  sur  l'administnH 
Hou  A»  la  Jutliee;  nais  ils  fontanoa  Men  conn^m  ^anarchie  des  pais  gouremés  aa 
nom  du  duc  de  Milan,  les  brigandages  continuels  auxquels  Us  étaient  exposés,  et  FiuH 
possibilité  oA  étaient  tes  citoyens  d'7  obtenir  aucune  Justice.  Tous  ces  détails  échap- 
pent à  IllialoirQ,  parte  ^if ils  me .  soai  releréi  ftr  aneu»  gnnd  tieii;  parce  qo'aiieaae 
vertu,  aucun  sentiment  généreux  ne  réTcille  Ilntérét  dans  ces  petites  villes,  une  Cois 
qu'elles  ont  perdu  leur  liberté;  mats  lorsqu'on  a  le  courage  de  lire  Jusqu'au  bout  de 
pareils  Journaux,  on  reste  conTaincu  que  le  sUenee  des  historiens  sur  le  sort  des  peu- 
ples eealaves  nlndlqne  ni  leur  boehcur  ni  leur  aÉwié.  Im  PanuMau  éptouniait,  à 
eette  époque,  leus  les  troubles  de  la  sépuMiqne  la  plus  Iketieiise,-  sans,  en  être  dédoM" 
•nagea  par  auiuu sentiment;  noble  et  élefé,  saai  avoir  une  volonté  qui  Mt  à  eux,  um 
Biéiiier  etfin  qne  ndsieritn,  en  voyant  lenrs  fenfflriBOiB,  Carrelât  pour  las  ttp- 
peler. 


BU  MOtn   AGE.  loi 

nuBea  des  eaox.  Les  tleB  formées  par  l' Adige,  le  Pô,  le  Tartan), 
■ont  appelées  des  PolésîiMB.  L'une  des  plos  grandes  et  des 
pins  fertiles  est  ceUe  de  BoTigo ,  qui  est  baignée  en  même 
temps  par  FAdige  et  le  Pô,  et  ooapëe  par  de  nombreiu  ea- 
BaQx.  La  conquête  de  oesPolésîneS)  la  conquête  de  ces  grosses 
bompgadfisqui  s'élèrent  au  milieu  de  ces  immenses  marais, 
élût  une  entreprise  singulièrement  difficile  ^  •  Les  Yéaitiens  la 
tentèrent  sous  la  direotion  dun  général  qu'on  aurait  dû  s*a1r 
tendre  à  Toir  àxûs  le  parti  opposé. 

L'homme  qu'ils  mirant  à  la  tête  de  leut»  armées  fut  ce 
même  Roiiert  de  San-^Sé^ériao,  qui,  moins  de  trois  ans  aupara* 
Tant,  avait,  par  son  heureuse  hardiesse,  placé  Louis4e«4|[àure 
à  la  tâbe  de  la  régenee  de  Milan.  Soit  qu'un  si  grand  service 
lui  Hispir&t  des  prétentions  exagéra,  soit  que  le  régent  de 
Afilan  tvoUTêt  toute  reconuaissattce  onéreuse,  Rob^t  de  San- 
Sé^rino  fut  déclaré  rebelk,  le  37  janvier  1482,  aussi  bien 
que  ses  sept  fils,  tous  en  état  de  porter  les  armes.  Il  occupait 
alcors  le  cbAtera  neuf  de  Tortime;  il  en  «ortit  avec  quatre- 
vingts  cavaliers  et  un  grand  nmnbre  de  grais  de  jned  ;  et,  s' ou- 
vrant un  patoage  au  tra^rs  d'une  petite  armée  milanaise  qui 
venait  l'assiéger,  il  gagna  les  montagnes  de  Gênes,*  de  là  il 
s'empressa  de  passer  à  Yenise,  pour  offrir  ses  services  à  une 
r^pubMque  qui  faisait  la  guerre  à  son  ingrat  associé  ^. 

8an-Sév<kîno  ne  démentit  point  sa  réputation  dans  cette 
campagne  difficile,  encore  que  la  nature  du  terrain  ne  lui 
pemtft  ni  marches  rapides,  ni  batailles,  ni  actions  d'éclat. 
Pour  attaquer  les  Polé8inés,'il  employa  tour  à  tour  les  ba- 
te«ix  et  rittfanterie  ;  tantôt  il  formait  des  tranchées  avec  des 
fagots,  au  travers  des  lacs  du  Tartaro,  entre  Legnago  et  Bo- 
vigo;  et  c'est  ainsi  que  plusieurs  de  ses  capitaines  s'empa- 
lèrent de  Mellaria ,  de  Trécento  et  de  Brigantino  '  ;  tantôt  il 

*  M.  ânt.  SabeUieo.  Deçà  W,  L.  I,  f.  2S0-231 .  r*  *  Àlberti  de  Blpaka^  âmuU,  Plaant, 

T.  XX,  p  064,  — >Sa»e//iCO.  MM  IV,  L.  I,  f.  2li.  Y. 


192  HISTOULB  DSS  BiPCBLIQUES  ITALIBMIVJSS 

faisait  avancer  par  les  bonches  da  P6  de  petits  bàtlmaDts  qui 
demandaient  pea  de  fond  :  c'est  ainsi  qoe  Damiano  Moro  prit 
Adria,  qu'il  pilla  avec  une  extrême  cruauté,  et  dont  il  mas- 
sacra une  partie  des  habitants..  Les  soldats  da  la  r^ubliqne, 
longtemps  engagés  dans  la  guerre  ccmtre  les  Turcs  i  appor- 
taient ea  Italie  les  habitudes  de  férocîtéqu*iIs  avaient  ecmtrae- 
tées  dans  ces  combats  à  outrance.  Damiano  Moro  prit  enenre 
Gomacchio,  et  emporta  de  force  les  trois  redoutes  que  le  duc 
de  Ferrare  avait  fait  élever  sur  le  Pô,  à  Pelosella  ^ 

Le  commandement  de  l'armée  que  la  ligue  avait  mvoyée 
dans  le  Ferrarais  p<Mir  défendre  le  due  Hercide,  avait  été 
confié  à  Frédéric  de  Montéfeltro,  duc  d'Urbin.  Mais,  sdt 
que  ce  cai»taine  illustre  fùt  afEaibli  par  l'âge,  ou  qu'il  eédftt  à 
la  supériorité  de  San-Sévérino,  il  parut  avoir  du  désavantage 
dans  toute  la  campagne.  Au  reste,  quoique  ks  deux  armées 
fussent  nombreuses,  de  part  et  d'autre  on  ne  les  fit  agir  que 
par  corps  détachés,  pour  de  petites  npéditions.  Chaque 
parti,  séparé  de  tous  les  autres  par  des  marais,  ou  par  des 
canaux  et  des  rivières,  sur  lesquels  on  n'avait  point  encore 
l'art  de  jeter  promptement  des  ponts,  devait  se  conduire 
d'après  ses  propres  convenances,  et  sans  suivre  au  plan  gé- 
néral. 

Dans  cette  guerre,  le  fer  des  ennemis  était  moins  redouta- 
ble que  le  climat  meurtrier  qu'il  fallait  braifer  au  milieu  des 
marais.  Aussi  la  mortalité  fut  effrayante  parmi  les  soldats, 
parmi  les  paysans  employés  aux  corvées,  et  même  parmi  les 
officiers  supérieurs.  Les  Yénitiens  seuls  perdirent  trois  géné- 
raux en  chefs,  Pierre  Trivisani,  Lorédano  et  Damiano  Moro. 
.  On  assura  que  les  fièvres  pestilentielles  avaient  emporté  plus 
de  vingt  mille  personnes  entre  les  deux  armées  K 

Le  duc  Hercule  lui-même  tomba  grièvement  malade,  an 

1  SttbettiCO,  Deçà  IV,  L.  1.  L  2S2.  -»  >  IbUt,  f.  233,  y. 


DU   MOYEN    AGE.  193 

moment  où  il  aurait  eu  besoin  de  toute  sa  force  et  de  toute 
sa  présence  d'esprit  pour  se  défendre.  Cependant  sa  femme, 
Léonore  d'Aragon,  suppléa  par  son  courage  à  tout  ce  qu'on 
devait  attendre  de  lui.  Elle  voulait  réveiller  le  zèle  de  ses  su- 
jets pour  la  maison  d'Esté,  partons  les  moyens  qui  pouvaient 
agir  sur  leur  imagination,  et  elle  essaya  aussi  de  l'enthou- 
siasme religieux.  Elle  fit  venir  de  Bologne  un  ermite,  qui, 
dans  ses  prédications,  encourageait  le  peuple  à  combattre, 
comme  dans  une  guerre  sacrée.  Cet  ermite  prêcha  huit  Tois  de 
suite  devant  une  assemblée  toujours  plus  nombreuse.  Lors- 
que les  Ferrarais  commençaient  enfin  à  s'animer  par  ses  dis- 
cours, il  déclara  qu'il  allait  créer  une  flotte  de  douze  galions, 
qui  mettrait  en  déroute  l'armée  vénitienne  occupée  au  siège 
de  Figheruolo.  La  ville  entière  écouta  cette  promesse  avec 
étonnement  :  le  bon  ermite  seul  ne  doutait  pas  d'avoir  le 
pouvoir  des  miracles.  Au  jour  fixé,  il  déploya  du  haut  de  sa 
chaire,  dans  la  cathédrale,  douze  drapeaux  surmontés  de 
croix,  sur  lesquels  étaient  peints  Jésus-Christ,  la  Vierge  et 
quarante  saints.  Il  descendit  alors  au  milieu  de  son  troupeau; 
il  fit  porter  ses  drapeaux  devant  lui,  et  sortit  de  la  ville,  ac- 
compagné par  tout  le  peuple.  Il  suivit  la  rive  droite  du  Pô, 
pour  arriver  au  camp  de  la  Stellata,  d'où  il  voulait  adresser 
on  sermon  à  Robert  de  San-Sévérino,  campé  sur  la  rive  op- 
posée. Tout  le  long  du  chemin  il  avait  chanté  des  oraisons  et 
des  antiennes,  auxquelles  le  peuple  répondait.  Frédéric  d'Ur- 
bin,  en  voyant  arriver  cette  étrange  procession,  se  prit  à  rire; 
il  comprit  qu'il  n'y  avait  aucun  parti  à  tirer  d'un  homme 
aveuglé  le  premier  par  sa  crédule  superstition^  et  qui  comp- 
tait, pour  obtenir  la  victoire,  sur  ses  images  miraculeuses, 
non  sur  l'enthousiasme  qu'on  lui  demandait  de  communiquer 
aux  soldats.  «  Mon  père,  lui  dit-il,  les  Vénitiens  ne  sont  point 
«  possédés  du  diable  ;  au  lieu  de  les  exorciser,  retournez  à 
«  Ferrare,  et  dites  à  madame  Éléonore  que  c'est  d'argent, 

VJi.  13 


194  HISTOIKE  DES  R£PnBLIQI]£S  ITALIElflIES 

«1  d*artillerie  et  d'hosimcss,  non  de  prièrosi  ((|a9  noug  avon^ 
«  besoin  pour  chasser  les  ennemis.  »  L'ermite,  |a  t^t^  b^sse, 
S' en  retourna  à  Ferrare  avec  ses  drapeaux*.  Cependant  Fi- 
gheruolo  fut  pris  le  29  juin,  après  cinquante  Jours  de  siège*. 
Lendénara  et  la  Bâdia  le  furent  aussi ,  llovigo  enfin,  capitale 
du  Polésine,  et  ancien  patrimoine  de  la  maisQa  d'fste^  se 
rendit  à  son  tour  le  17  aoùt^. 

Sur  ces  entrefaites  le  duc  de  Galabre  était  entré  4^qs  Tétat 
romain,  avec  Tarmée  napolitaine  (ju'il  voulait  çoadqirç  à 
Ferrare.  Le  pape  lui  avait  d'abord  opposé  Jérôme  Riario, 
quil  avait  nommé  gonfalonier  de  T Église^  mais  ne  «e  fiant 
pas  pleinement  à  la  capacité  de  son  neveu,  il  avait  demande 
aux  Vénitiens  et  obtenu  d'eux  Robert  Malatesti,  qui  était 
venu  renforcer  son  armée  avec  deux  mille  quatre  cents  che- 
vaux, et  qui  en  avait  pris  le  commandement.  Malatesti.passait 
pour  un  des  meilleurs  généraux  du  siècle  ;  U  força  le  duc  de 
Calabre  à  accepter  la  bataille  le  21  août,  à  Campo-Morlo 
près  de  Vellétri.  Il  avait  dans  son  armée  Jeaa-Jacqi|es  Viçd- 
nino,  fils  de  celui  que  Ferdinand  avait  fait  périr  d*une  ma- 
nière si  perfide  ;  il  l'appela  à  la  tète  de  ses  troupes  :  il  lui  dit 
que  le  moment  était  venu  de  venger  la  mort  de  spu  père,  tué 
en  trahison  par  son  hôte  j  il  lui  confia  en  même  temps  le  com- 
mandement de  l'aile  droite,  qui  devait  la  preitûèrci  attaquer 
les  Napolitains.  La  valeur  et  le  ressentiment  de  ficcininp^  et 
des  soldats  de  son  père  qu'il  avait  avec  lui,  contribuèrent 
beaucoup  à  la  victoire*.  Elle  fut  vivement  disputée;  on 
combattit  de  part  et  d'autre  avec  un  acharnemept  peu  com- 
mun dans  les  guerres  d'Italie^  plus  de  mille  morts  demeurè- 
rent sur  le  champ  de  bataille,  ce  qui  était  beaucoup  pour  des 

1  Marin  $anuto»  Vite  (^'  mehi  m  Vene^icu  p.  1218.  •-»  peiri  Cymœi  De  belifl  Fer- 
rariensi,  p.  1202.  —  Andréa  Navagieroj  Sior.  Venez,  p.  ii74 — -4/^.  de  HipcUiOf  >4«n. 
PUifi^t.  p  »M.  -^U.  ^,  Sabemco.  Dect  IV,  L.  1,  f.  asa.  —  »  àiarin  Sowwo.p.  laao^ 
*  Mb.  iU  Aipo^o.  ^nn*  P(ac«R(m|»  T*  XX,  p.  907. 


m  MOY£9  AOM.  195 

armées  peu  noiobreasea,  et  des  combattants  tout  revètua  de 

fer.  Enfia,  les  NapoUtaias  furent  mis  en  déroute;  le  duc  de 

Galabre  fut  sauvé  par  les  Turcs  qu'il  avait  pris  à  son  service  à 

Otrante,  et  qui  combattirent  vaillamment  pour  lui  ;  mais 

I  Bobert  Malatesti  lui  fit  un  grand  nombre  de  prisonniers, 

1  parmi  lesquels  se  trouvèrent  trois  cent  soixante  gentilsbom- 

mes  ^ .  Quelques  eon^agnies  de  Turcs  furent  aussi  enveloppées, 

i  et  posèrent  les  armes  ;  bientôt  on  les  leur  rendit  pour  les  f«ir# 

entrer  au  service  du  pape  ;  elles  furent  dès  lors  employées  h 

Borne  pour  contenir  le  peuple  da^  les  fêtes  et  les  cérémonie* 

i  publiques,   et  il  ne  parait  point  qu'on  ait  essayé  de  les  con*» 

f         vertir^, 

;  Ensuite  de  la  victoire  de  Campo^Uorto,  plusieurs  des  cbâ<^ 

i  teaux  des  Golonna,  où  les  Napolitains  avaient  garnison,  furent 

j  repria  par  l'armée  de  FÉglise  ;  mais  on  ue  permit  pas  à  Bobert 

\         Malatesti  de  poursuivre  longtemps  ses  avantages  :  rappelé  à 
i  Bome,  il  y  mourut  le  10  ou  le  11  septembre,  moins  d'un 

mois  après  sa  victoire}  et  le  comte  Jérôme  Biario  fut  violem*" 
meut  soupçonné  de  l'avoûr  empoisonné.  Ce  comte  et  toute  la 
\  cQur  de  Bome  ue  dissimulèrent  pcânt  la  joie  qu  ils  éprouvaient 

de  cette  mort.  Aucune  récompense,  disait  Biario,  n'aurait 
paru  suffisante  à  l'ambition  de  Bobert,  et  ceux  à  qui  il  avait 
[  rendu  service  auraient  dû  porter  tout  le  poids  de  son  arro- 

gance. On  lui  éleva  cependant  une  statue  de  bronze  à  Bome, 
avec  les  mots  de  César,  Fmt,  vidi,  viciy  pour  inscription.  Mais 
1  en  même  temps  Jérôme  Biario  s'approcha  de  Bimini,  pour 

enlever  cette  ville  à  la  maison  Malatesti.  Bobert,  qui  était  âgé 
de  quarante  ans  lorsqu'il  mourut ,  n'avait  point  d'enfants  de 

^Diarium  Romanum,  Stefani  InfesmuE,  T.  m,  p.  Il,  p.  usa.  (Cette  partie  est  en 
btin.;  Warlo  di  Affma  del  liotailo  di  «amipoHo.  T.  m,  p.  Il«  p.  i077.  -^Jae,  Vokuep- 
roui,  piar,  RO0W1.  p.  1 7a,  *-4<#lfi  Cymmi  Ae  keUê  têtfarUn»,  p^  IM4— i*ftdr.  /¥•• 
vm^lero  p,  UY«.—  mçrin  SoNUlp.  p.  x%n.  -*  M.  4.  SiAMieo,  D.  IV,  L.  I,r.  »Si.  ^ 
8oipiQ|i«  AffViiinilo.  I4.  3(XV,  i^  IMv^lIcMdMttdia^  U  Vlllt  p.4|î.^«IM««»  M 
Jloiaio  <U  Haniiporto.  p.  t078-t09l. 


196  HISTOIRB  DES  BiPIIBLIQUBâ  ITAUENKES 

sa  femme,  Allé  de  Frédéric,  dac  d*Urbm.  H  laissait  seulement 
un  fils  Datm^d,  Pandolfe,  auquel  il  destinait  sa  succession, 
d'après  le  droit  reçu  dans  la  maison  Malatesti,  où  T héritage 
avait  presque  toujours  été  transmis  de  bâtards  en  bâtards.  En 
mourant,  il  confia  ce  fils  à  la  protection  de  son  beau-père  le 
duc  dTrbin,  quoique  celui-ci  commandât  Tarmée  ennemie* 
Hais,  par  une  singulière  fatalité,  le  duc  d'Urbin  mourut  le 
même  jour  à  Ferrare ,  en  recommandant  à  son  gendre  la  dé- 
fense de  sa  famille,  et  lui  demandant  son  amitié  pour  son  fils 
Guid'Ubaldo,  qui  devait  lui  succéder.  La  femme  de  Robert 
reçut  en  même  temps,  à  Bimini,  la  nouvelle  de  la  mort  de 
son  père  et  de  son  mari ,  et  elle  trouva  dans  les  Florentins, 
que  ce  mari  venait  de  combattre,  une  protection  contre  l' Eglise 
pour  laquelle  il  avait  vaincu  ^ 

Tout  semblait  prospérer  à  la  ligue  du  pape  et  des  Yénitiens  ; 
car,  pendant  que  le  duc  de  Galabre  était  battu  à  Gampo-Mor- 
to,  Robert  de  San-Sévérino  avait  passé  le  Pô  devant  Ferrare; 
il  avait  fortifié  le  pont  qu'il  avait  jeté  sur  le  fleuve,  et  il  s'était 
emparé  du  parc  que  Borso  d'Esté  avait  formé  et  entouré  de 
murs,  à  un  mille  de  sa  capitale.  Cette  enceinte ,  plantée  de 
bosquets  charmants,  coupée  de  canaux  et  de  pièces  d'eau ,  et 
rempUe  de  bêtes  fauves ,  avait  été  dévastée  par  les  ennemis. 
Entre  elle  et  le  pont ,  ils  avaient  élevé  un  fort ,  dont  les  bas- 
tions et  les  ravelins  étaient  entourés  de  larges  fossés,  en  sorte 
que  les  assaillants  étaient  protégés  par  une  citadelle,  dans  leurs 
déprédations,  jusqu'aux  portes  de  la  ville  ^.  Les  Florentins, 
découragés  par  tant  de  mauvais  succès^  semblaient  prêts  à  se 
retirer  de  la  Mgue.  Gostanzo  Sforza,  qu'ils  avaient  appelé  pour 
être  leur  général,  n'avait  jamais  pu  se  résoudre  à  sortir  des 

t  MacchiavêlH.  L.  VIII,  p.  4t9.  ^  Sdpione  Ammirato.  L.  XXV,  p.  152.  --Jacobi  Vo- 
iatenani  Dior,  Boman.  p.  179.  — ^^ndr.  Navagiero^  Stor.  Venez,  p.  ii77.  —  Stefano 
infestura,  Dior,  Roman,  p.  11S7.— Santiro,  rite  de'  Duchi,  p.  1224  —  Diorio  Bommo 
delUfoUOo  di  Hkmtiporto.  p.  1098. -^  iU^orf •  ^Uegretti  Diati  SanesL  p.  811.  — *  ir<  ^t. 
sofre/fico,  D,  nr,  L.  I,  f.  SM,  T. 


DU  MOYEU  AGE.  197 

murs  de  Pésaro  * .  Mais  pendant  qae  les  Vénitiens  se  croyaient 
assnrés  de  partager  bientôt  lenrs  conquêtes,  le  pape  arait  déjà 
entamé  une  négociation  secrète  avec  Ferdinand.  Le  1 4  octo« 
bre ,  il  lui  envoya  à  Naples  le  cardinal  de  Saint«Pierre  ad 
vincula.  Il  semble  qu'il  se  sentit  alarmé  de  F  agrandissement 
des  Vénitiens  sur  les  frontières  de  l'état  de  r%lise,  qu'il  com- 
prit que  leur  ambition  ne  respecterait  pas  longtemps  le  traité 
de  partage  n^ocié  avec  eux,  et  peut-être  aussi  que  Jérôme 
Biario  avait  déjà  éprouvé  de  leur  part  quelque  mortification. 
Du  moins  parut-il  empressé  de  détruire  l'ouvrage  auquel  il 
avait  travaillé  jusqu'alors  avec  tant  d'ardeur.  L'une  etTautre 
armée  apprit  avec  un  égal  étonnement  qu'une  trêve  avait  été 
conclue,  le  28  novembre,  entre  le  pape  et  Ferdinand.  Elle  fut 
bientôt  suivie  d'une  paix  signée  à  Bome,  le  12  décembre,  dans 
la  chambre  même  du  pape.  Ce  traité  de  paix  portait  la  garantie 
de  l'état  du  duc  de  Ferrare,  la  restitution  de  toutes  les  con- 
quêtes faites  de  part  et  d'autre,  une  alliance  jpour  vingt  ans 
entre  toutes  les  parti^  contractantes ,  alliance  dans  laquelle 
les  Vénitiens  eux-mêmes  seraient  admis,  pourvu  qu'ils  y  accé- 
dassent avant  l'expiration  de  trente  jours  ;  enfin  un  subside 
annuel  de  quarante  mille  florins  d'or,  que  les  alliés  devaient 
payer  en  commun  au  comte  Jérôme  Riario ,  à  titre  de  solde. 
Les  différends  entre  les  Florentins  et  le  pape  étaient  remis  à 
l'arbitrage  des  ambassadeurs  d'Espagne  ^. 

Sixte  IV  mit,  à  l'accomplissement  des  conditions  de  cette 
nouvelle  alliance,  la  même  impétuosité  avec  laquelle  il  s'était 
engagé  dans  la  précédente.  Il  écrivit  immédiatement  au  doge 
deVmse,  pour  le  sommer  d'accéder  à  la  pacification  de 
l'Italie,  de  restituer  ses  conquêtes,  et  de  s'abstenir  de  tour- 
menter davantage  la  ville  de  Ferrare  qui  relevait  du  Saint- 


>  Sciplone  Ammipato.  L.  XXV,  p.  tS8.  —  *  Jaeob»  rclaierrafil  nuxr.  Homan.  p.  181. 
'^DUvio di  H&ma del KoHào  di NanUporto.l.  m,  P.  If, p.  iOW.'-MaccMavem,  L.  Viif, 
p.  430.—  Marin  Santao,  Vite  de*  Duchi  p.  !W5. 


198  HISTOIRE   DES  REPUBLIQUES  ITALIENNES 

Siëge,  et  que  Sixte  prenait  sous  sa  protection  immédiate  *. 
En  même  temps,  il  écrivit  au  duc  de  Ferrare  pour  l'assurer 
que  sa  réconciliation  était  sincère  ;  il  écrivit  aux  Ferrarais 
pour  les  exhorter  à  une  vigoureuse  défense,  aux  Bolonais  et 
à  Jean  Bentivoglio,  pour  les  exciter  à  Foutenir  la  maison 
d'Esté  *.  Avant  de  pouvoir  recevoir  une  réponse  du  sénat  de 
Venise,  il  permit  au  duc  de  Calabre  de  traverser  le  territoire 
de  l'Église  pour  se  rendre  à  Ferrare,  et  il  lui  laissa  engager  à 
son  service  Virginio  Orsini,  et  plusieurs  autres  capitaines, 
qui  étaient  auparavant  dans  Tarmée  de  T Église,  et  qui  par- 
tirent de  Borne  le  30  décembre  *.  1483.  — Enfin,  le  10  jan- 
vier 1 483,  il  adressa  à  Tempereur  et  à  tous  les  princes  de  l'Eu- 
rope, une  sorte  de  manifeste  contre  les  Vénitiens  ;  il  les  accusa 
d'une  coupable  obstination  à  continuer  la  guerre;  il  promit 
de  les  en  punir  par  toutes  les  peines  ecclésiastiques  en  son 
pouvoir;  et  en  effet,  le  10  juin  suivant,  il  frappa  les  chefs  de 
la  république  d'excommunication,  et  tout  son  territoire  d'in- 
terdit *. 

Les  Vénitiens  virent  arec  autant  d'indignation  que  de  sur- 
prise le  pape  punir  en  eux,  comme  un  crime,  la  guerre  même 
à  laquelle  il  les  avait  encouragés,  et  qu'il  avait  soutenue  de 
concert  avec  eux.  Ils  rappelèrent  de  Borne  leur  ambassadeur, 
François  Diedo,  et  ils  se  préparèrent  seuls  à  tenir  tête  à  toute 
l'Italie  ^.  Un  congrès  de  leurs  ennemis  avait  été  assemblé  à 
Crémone,  le  dernier  jour  de  février,  soûs  la  présidence  de 
François  de  Gonzague,  cardinal  de  Mantoue  et  légat  du  pape. 
Là,  s'étaient  réunis  te  duc  de  Calabre,  le  duc  de  Ferrare, 
Louis  Sforza-le-Maore,  régent  de  Milan,  avec  deux  de  ses 
frères  ;  Laurent  de  Médieis,  Jean  Bentivoglio,  le  marquis  de 

1  Epiêtolœ  PonUficUapud  Peinon  Cymœum.  DêbeUo  F$rrar,  p.  I209, 1210.  —  Jndr, 
Navagiero,  Stor.  Venez,  p.  U79.  —  *  AnnaL  Eceies,  Raynald,  i482.  S  17.  is,  p.  309. 
—  '  Stefani  lnfes9wce  Dfor.  ttoman,  p.  117S.  —  *  hMa  exconammleatiôms  ap.  Bay- 
nabU  1483,  S  8-i««  p.  319.  —  s  And,  Smoffi»».  p.  11^.  —  narin  Samu^  p.  i3S7.  -^ 
M.  AnL  SabeUieo,  D.  IV,  L.  U,  f.  336. 


DU   MdTIElï   AG£.  199 

Mahtôue,  Jean-Jacques  trivalzîo,  et  plusieurs  capitaines 
moins  renommés  ^  On  y  avait  proposé  d'envahir  en  même 
temps  les  domaines  de  la  république,  du  côté  du  Milanais,  diî 
Mantouan  et  de  la  Romagne.  Mais  il  était  reçu  à  cette  époque 
qu  on  pouvait  faire  la  guerre  pour  le  compte  de  ses  alliés,  sans 
s'y  engager  en  son  propre  nom,  et  ni  le  duc  de  Milan,  ni  le 
marquis  de  Mantoue,  ne  voulurent  entrer  les  premiers  eq 
hostilités  directes  avec  les  Vénitiens,  en  sorte  que  la  diète  se 
sépara  sans  avoir  rien  conclu.  Cette  réserve  n'empêcha  pas  la 
guerre  de  s'étendre  aussi  sur  les  frontières  qu'on  avait  voulu 
préserver.  Robert  de  San-Sévérino  entra  dans  le  Milanais ,  le 
1 2  juillet,  espérant  y  réveiller  le  zèle  des  partisans  de  la  du-* 
chesse  Bonne.  Louis-le-Maure  fit,  à  son  tour,  ravager  les  ter- 
ritoires de  Bergame  et  de  Brescia  ;  mais  Tune  et  l'autre  expé- 
dition n'eurent  aucun  résultat  *. 

Cette  guerre,  dans  laquelle  on  voyait  engagées  les  pre- 
mières puissances  de  l'Italie,  était  soutenue  de  part  et  d'autre 
avec  uoe  mollesse,  avec  une  lâcheté  qui  contraste,  d'une  ma- 
nière bien  frappante,  avec  les  guerres  que  les  Français  de- 
vaient bientôt  porter. en  Italie.  On  n'y  voyait  ni  batailles 
générales,  ni  sièges  de  villes;  on  n'attaquait  jamais  que  de 
faibles  châteaux,  et  les  escarmouches  mêmes  étaient  peu  im- 
portantes. Les  deux  armées  s'enfermaient  dans  des  retran- 
chements à  peu  de  distance  l'une  de  l'autre;  elles  se  mena- 
çaient et  ne  s'attaquaient  point;  elles  attendaient  dans  leur 
camp  la  mortalité,  conséqu€ince  inévitable  du  climat  malsain 
des  bouches  du  Pô,  et  elles  n'osaient  pas  braver  la  mort  dans 
les  batailles.  Le  peuple  de  Ferrare,  accablé  par  les  logements 
des  soldats,  les  contributions  et  le  piUage,  paraissait  ne  vou- 
loir plus  faire  de  sacrifices  pour  la  maison  d'Esté;  et  cepen* 

^  Scipione  Ammirato,  L.XXV,p.  1S5.  — ilH».  de  Ripalla,  AnnaLPlac.  T.  XX,  p.  »70. 
•^Bem,  Corio,  Stor.  Mil.  P.  VI,  p.  ioo4.  —  «  Andr.  ttavagiero^Slor,  Venes.  ç.  Ii84.— 
PeiH  Cyrnœi  De  belio  Ferrât,  T.  XXI ,  p.  121|.  —  if.  À,  SabeUico.  D.  IV,  L.  II.  f.  3*37. 


200  HISTOIRE  DES  BÉPUBLIQUES  ITALISUHSS 

dant  rien  ne  faisait  prévoir  la  fin  d'une  gnerre  qni  n'était 
signalée  par  aucun  exploit  glorieux.  Le  duc  de  Galabre  avait 
porté  le  ravage  autour  de  Brescia,  et  les  Milanais  autour  de 
Bergame  ;  le  marquis  de  Mantoue  avait  pris  Asola,  château 
sur  le  fleuve  de  Ghiesa,  qui  avait  appartenu  à  ses  ancêtres. 
Dans  Tétat  de  Parme,  les  Bossi  ne  pouvant  pas  résister  plus 
longtemps  aux  forces  supérieures  qu'on  dirigeait  contre  eux, 
s'étaient  enfuis  vers  les  montagnes  de  Gènes  ;  de  là  ils  avaient 
passé  à  Yenise  ;  et  le  sénat,  pour  les  dédommager  des  fiefs 
qu'ils  avaient  perdus,  leur  avait  assigné  une  solde  considérable. 
Mais  ces  petits  succès  de  la  ligue  qui  se  faisait  appeler  sainte, 
parce  qu'elle  avait  le  pape  à  sa  tête,  n'apportaient  aucun  sou- 
lagement au  duc  de  Ferrare.  L'ennemi  était  toujours  campé 
aux  portes  de  sa  capitale,  et  ses  sujets  avaient  été  deux  ans 
de  suite  privés  de  leurs  récoltes.  San-Sévérino  cependant 
n'avait  jamais  osé  planter  ses  batteries  contre  les  murs  de 
cette  ville;  le  duc  de  Galabre,  d'autre  part,  avec  une  armée 
fort  supérieure,  n'avait  su,  ni  amener  les  Vénitiens  à  la  ba- 
taille pour  faire  lever  le  siège,  ni  attaquer  la  redoute  bâtie 
entre  le  parc  et  la  rivière.  Il  manquait  alors  à  l'art  de  la 
guerre  les  moyens  d'arriver  aux  opérations  décisives  ;  on 
n'attaquait  que  ce  qui  n'était  pas  défendu,  et  on  né  savait  ni 
forcer  l'ennemi  au  combat,  ni  ouvrir  les  murs  d'une  place 
dans  laquelle  il  s'enfermait  * . 

La  guerre  semblait  se  faire  en  Toscane  avec  plus  de  mol- 
lesse et  de  lâcheté  encore.  Les  Florentins  n'avaient  d'autre 
ennemi  qu'Augustin  Frégoso,  nouveau  seigneur  de  Sarzane, 
que  les  Génois  mêmes  ne  secondaient  pas  ouvertement.  L'armée 
destinée  à  le  combattre  était  considérable  ;  elle  aurait  suffi  de 
reste  pour  emporter  Sarzane  après  un  siège  qui  n'aurait  pu 
être  long;  elle  ne  l'entreprit  pas  même,  et  elle  se  borna  à  de 

>  Jlf.  AHL  SabeUico.  D.  IV,  L.  II,  f .  239. 


DU  MOYEU  AGB.  201 

misérables  escarmonches  * .  Les  Siennais  avaient  contracté  al« 

liance  avec  les  Florentins  ;  ils  n'avaient  plus  ponr  ennemis 
que  leurs  émigrés,  qui  s' étaient  enfermés  dans  Monte-Beggioni; 
mais  ils  essayèrent  vainement  de  les  y  forcer  ^.  On  aurait  dit 
que  les  soldats  italiens  ne  connaissaient  plus  d'autre  moyen 
pour  entrer  dans  une  place  que  d'attendre  patiemment  le  mo- 
ment où  leurs  ennemis  en  sortiraient. 

Cette  manière  de  faire  la  guerre  dut  paraître  bien  étrange 
à  René  II,  duc  de  Lorraine,  que  les  Vénitiens  appelèrent  cette 
année  en  Italie  pour  prendre  le  commandementde  leuriœmée, 
Leur  traité  avec  ce  prétendant  au  royaume  de  Naples,  qu'ils 
voulaient  opposer  à  Ferdinand,  fut  signé  le  30  avril,  ou,  selon 
d'autres,  le  9  mai  1483.  René  s'était  engagé  à  leur  amener 
quinze  cents  chevaux  et  mille  fantassins,  et  on  lui  avait  promis 
une  solde  de  dix-sept  ducats  et  deux  tiers  par  mois  pour 
chaque  lance,  composée,  suivant  l'usage  de  France,  de  six 
hommes  à  cheval.  On  y  avait  ajouté  une  gratification  de  dix 
mille  ducats  par  année  pour  la  table  du  prince  '.  René  ne  par- 
vint à  Yenise  qu'après  avoir  perdu  beaucoup  de  temps  et  sur- 
monté beaucoup  de  difficultés  dans  sa  route.  Le  pape,  averti 
de  sa  venue,  avait  menacé  d'excommunication  tous  les  princes 
d'Allemagne  qui  lui  accorderaient  un  passage,  et  le  duc  de 
Lorraine  fut  forcé  pour  avancer  à  plusieurs  négociations  et  à 
plusieurs  détours.  Il  y  avait  peu  de  temps  qu'il  était  dans  le 
camp  vénitien,  et  il  avait  eu  à  peine  le  loisir  d'étudier  ce  sys- 
tème de  guerre  si  différent  du  sien,  lorsqu'il  apprit  la  mort 
de  Louis XI,  roi  de  France,  survenue  le  30  août  1483.  Gomme 
ce  monarque  avait  cherché  à  lui  enlever  la  succession  de  la 
maison  d'Anjou,  en  dictant  des  testaments  injustes  à  son  grand- 
père  et  à  son  grand-oncle,  René  retourna  en  hâte  dans  ses 

1  Seipione  âmmirato.  L.  XXV,  p.  1S0.  —  *  Ibid-  p.  157.  —  Allegretto  AUegretaDiari 
Saneêi.  p.  Sii.— >  Marin  Sanuto,  XXII,  p.  !!»«.— 4nifr.  liavagiero,  Stor,  Ven,  p.  1182. 
'^etri  CymœiDebetto  Fmw,  p.  lais.  —  ir.  A,  SabettUo.  D.  IV,  L.  H ,  f.  33$,  v. 


202  BISTOIKE   D£&  ftEimCtIQUfiâ  ITALIENNES 

états  pont  dierchcr  k  recouvrer,  pendant  la  minorité  de 
Charles  Yîll ,  ce  que  la  politique  de  Louis  XI  lui  avait  fait 
perdre  • . 

Une  autre  guerre  était  soutenue  avec  plus  de  vigueur  par  la 
république  de  Yecise;  c'était  celle  que  lui  faisait  le  pape  au 
Ittoyëa  des  foudres  de  l'Église.  Sixte  tV  avait  publié,  ïe  24  mai, 
à  la  fête  de  la  Pentecôte,  une  bulle  contre  Yenise,  par  laquelle 
il  ordonnait  à  tous  les  religieux  de  sortir  sous  trois  jours 
de  cette  ville  excommuniée.  Le  conseil  des  Dix  en  fut  averti, 
et  il  fit  surveiller  tous  ceux  qui  arrivaient  de  Rome  pour  ar- 
rêter cette  bulle  entre  leurs  mains.  Il  mit  sous  la  responsabi- 
lité des  curés  toutes  les  affiches  qu'on  pourrait  trouver  aux 
portes  de  leurs  églises,  et  il  ordonna  au  patriarche  et  à  tous 
les  ecclésiastiques  vénitiens  de  remettre  aux  inquisiteurs  d'état, 
sans  l'ouvrir,  toute  bulle  gui  leur  serait  adressée  par  le  Saint- 
Siège.  Cet  ordre  fut  scrupuleusement  exécuté  ;  Vexcomrauni- 
cation  encore  cachetée  fut  transmise  au  conseil  des  Dix  par  le 
patriarche,  sans  qu'aucun  Vénitien  en  eût  connaissance  2.  Ce 
conseil  ordonna  à  tous  les  cardinaux  et  prélats  qui  relevaient 
de  la  Seigneurie ,  muk  peine  de  saisie  de  leurs  bénéfices ,  de 
s'assembler  à  Venise,  le  15  juillet,  en  un  concile  provincial.  En 
même  temps  il  remit  à  Jérôme  Lando ,  patriarche  titulaire  de 
Constantinople,  un  appel  au  futur  concile  de  la  sentence  d' ex- 
communication.  Le  patriarche,  faisant  droit  sur  cet  appel, 
suspendit  l'injerdit,  et  envoya  au  pape  lui-même  une  citation 
par-devant  le  concile  futur.  On  trouva  des  hommes  détermi- 
nés qui  affichèrent  cette  citation  sur  le  pont  Saint- Ange  et  aux 
portes  du  Vatican  et  de  la  Rotonde.  Cette  hardiesse  cependant 
coûta  la  vie  aux  gardes  de  nuit,  que  le  pape  fit  pendre,  pour 
ne  l'avoir  pas  prévenue  '.  Tous  les  prêtres  vénitiens  qui  étaient 
à  Rome  furent  rappelés  sous  peine  de  perdre  leurs  bénéfices , 

«  Andr,  Navaniero.  p.  USa.-^Af.  A.  SabtUicd,h,  l\ ,  L,  11,  (.  237,  f.  ->  s  .m^.  ffo^ 
vogierà.  p.  ntZ.^M,  A.  SabelUco.  0.  IV,  L.  Il,  f.  237,  ?.  — s  Andr,  Navagiero.  p.  1184. 


DU    MOTElf   A6£.  203 

et  le  pape  opposa  à  cette  sdmmation  an  édit  en  tertu  duqael 
les  prâats  et  les  prêtres  qui  quitteraient  Borne  pourraient  être 
vendus  comme  esclayes  *. 

Cette  lutte  violente  avec  le  dhef  de  FÉglise  n'attirait  plus 
aucun  blâme  sur  les  Yénitiens.  L'emportement  de  Siite  lY, 
ses  injustices,  iton  avfugle  tendresse  pour  Jérôme  Biario,  que 
toute  r Italie  regardait  comme  un  fits,  et  comme  un  fils  né 
d'un  inceste,  avaient  détruit  tout  le  respect  que  les  peuples 
portaient  à  la  tiare.  Tous  les  genres  de  scandale  s'attachaient 
à  sa  conduite  ;  on  le  voyait  toujours  entouré  de  jeunes  favoris 
auxquels  on  ne  connaissait  de  mérite  que  leur  figure,  et  aux- 
quels il  prodigtiait  les  trésots  de  l'Église.  Cette  année  même, 
le  19  novembre  1483,  il  offensa  le  sacré  collège  eu  ôccordant 
révècfaé  de  Parme  et  le  chapeau  de  cardinal  à  un  jeune  homme 
qui  n'avait  pas  vingt  ans,  et  qui,  sorti  du  plus  bas  lieu,  avait 
été  d'abord  page  du  comte  Jérôme,  ensuite  valet  de  chambre 
du  cardinal  de  Saint-Yital.  Sixte  lY,  frappé  de  sa  beauté,  le 
prit  pour  son  valet  de  chambre,  entassa  sur  lui  les  plus  ricbei^ 
bénéfices,  le  fit  châtelain  du  château  Saint-Ange ,  et  le  porta 
enfin  au  faite  des  honneurs  ecclésiastiques.  Cependant  le  car- 
dinal Jacques  de  Parme  se  trouTa  être  un  jeune  homme  d'un 
bon  caracrère,  même  de  bonnes  mceurs,  et  sans  autre  défaut 
qu'une  extrême  ignorance  '^, 

1484.  —  Dans  Tannée  1484,  les  ravages  de  la  guerre  s'é- 
tendirent sur  de  nouvelles  province»  :  les  Yénitiens  voulurent 
faire  sentir  son  poids  à  Ferdinand,  qui  jusqu'alors  n'en  avait 
^  point  souffert.  Ils  armèrent  une  flotte  de  trente-une  galères, 
dont  ils  donnèrent  le  commandement  à  Jacques  Marcello  ;  ib 
l'envoyèrent  dans  le  golfe  de  Tarente,  où  Marcello  vint  atta- 
quer Gallipoli.  Cet  amiral  fut  taé  ver»  la  fin  de  mai,  dans  un 

1  Andr.  Saungiero^  p.  ii«4.— *  SUfano  Snfesswa,  DUiHo  Mmano^  p.  iii,-^acôb. 
YoUenanU  War.  BtmoH.  p.  i9i.  -*  woflhtiêl  VoUemmuê  Opui  kaw^ald.  i4Mf,$  %f, 

p^  336. 


204  HISTOIHS  DBS  BiPÛBLIQUES  ITALIENIÏES 

des  assauts  qa'il  donna  à  la  place  ;  mais  le  même  jour  elle  ca- 
pitula entre  les  mains  de  son  successeur  Dominique  Malipiéri. 
Celui-ci  fortifia  avec  soin  sa  conquête  ;  il  soumit  ensuite  les 
châteaux  et  les  petites  Tilles  du  voisinage.  Au  mois  de  juin,  il 
s'empara  également  de  Policastro  et  de  Geri  en  Galabre;  ses 
soldats,  accoutumés  à  la  guerre  des  Turcs,  traitaient  avec  une 
affreuse  barbarie  les  pays  qu'ils  rayageaient,  et  cependant  leurs 
conquêtes  causaient  d'autant  plus  d'inquiétude  à  Ferdinand, 
que,  connaissant  le  mécontentement  de  ses  barons,  il  craignait 
sans  cesse  de  les  Yoir  s'unir  aux  étrangers  pour  secouer  son 
autorité*. 

La  guerre  se  faisait  en  même  temps  dans  l'état  de  Rome 
avec  un  redoublement  de  fureur.  D'une  part,  Nicolas  Titelli , 
abandonné  par  les  Florentins,  avait  été  chassé  de  Gittà  di  Gas- 
tellOy  et  Lorenzo  Giustini  avait  été  rétabli  à  sa  place;  de  l'antre, 
Sixte  lY  et  Jérôme  Biario  avaient  poursuivi  les  Golonna  avec 
un  acharnement  pour  lequel  on  ne  voit  point  de  motif  poli- 
tique. Biario  rejeta  toutes  les  offres  d'accommodement  qui  lui 
furent  faites  par  ces  puissants  seigneurs.  Lorsqu'ils  propo- 
sèrent de  remettre  au  pape  toutes  leurs  forteresses,  Biario  ré- 
pondit qu'il  ne  voulait  y  entrer  que  par  une  brèche  qu'il  au- 
rait ouverte  avec  son  canon.  Des  écrivains  postérieurs  ont 
donné  pour  motif  à  cette  guerre  la  possession  du  comté  de 
Tagliacozzo,  que  la  maison  Orsini  réclamait  de  la  maison  Go- 
lonna ^;  mais  il  n'en  est  point  question  dans  les  journaux  du 
temps,  et  tout  indique  dans  la  conduite  de  Jérôme  Biario  un 
ressentiment  personnel.  La  moitié  des  palais  de  Bome  furent, 
pendant  l'été,  souillés  par  des  massacres  continuels;  le  pape 
fit  brûler  un  grand  nombre  de  rues,  parce  que  quelques-uns 
de  leurs  habitants  lui  étaient  suspects.  Le  palais  du  protono- 

^  Andr,  Nûvagiero^  8t0r,  Venez,  p.  iiss.  —  Pétri  Cymagi  De  bello  Fevrar,  p.  1217. 
—  AmaL  Placentint  p.  975.  —  JV.  A.  SabelHco,  D.  ly,  L.  n ,  f.  240,  t.  —  >  Jo.  Mieh. 
Bmii.  I*.  VIIL  —  Raynald.  Annal.  Beeks*  1484,  $  U,  p.  3S4. 


DtJ  Mônn  AGE.  205 

taire^  Loob  Oidoniia,  et  celai  da  cardinal  de  la  même  famille 
forent  livrés  aux  flammes  par  son  ordre.  Le  protonotaire,  ar- 
rêté dans  le  premier,  ne  s*  était  rendu  qne  sur  la  foi  de  Yir- 
ginio  Orsini;  etYii^nio,  en  le  conduisant  en  prison,  eut 
beanconp  de  peine  à  empêcher  Jérôme  Biario  de  le  tner.  On 
n'avait  aneone  confession  à  exiger  de  loi,  car  il  n'y  avait  rien 
en  deseoret  dans  sa  conduite  ;  cependant  le  pape  ordonna  qu'il 
fût  livré  i  la  torture  seulement  pour  rendre  son/upplice  plus 
ctuéL  ;  et  cette  torture  fut  si  atroce,  que,  quand  on  len  retira, 
il  n'avait  plus  que  pour  peu  d'heures  à  vivre.  On  prévint  son 
agonie  en  lui  trandiant  la  tête.  Pendant  ce  temps,  la  Gava, 
Marino ,  et  tous  les  fiefs  dé  la  maison  Golonna  furent  conquis 
par  Jérôme  Biario  * . 

En  Lombardie,  la  guerre  ne  faisait  aucun  progès  ;  la  ligue 
aTttt  une  grande  supériorité  en  cavalerie ,  et  elle  en  profita 
pour  faire  ravager  les  territoires  de  Bergame,  de  Brescia  et  de 
Vérone  jusqu'aux  portes  de  ces  trois  villes  ^.  Mais  ces  opé- 
rations ne  paraissaient  point  pouvoir  amener  encore  la  déli- 
Tranoe  du  duc  de  Ferrare;  et  celui-ci,  épuisé  par  le  séjour  de 
tant  d'armées,  soupirait  après  la  paix,  à  quelque  condition 
qn  il  pût  l'obtenir.  La  ligue,  qui  avait  été  formée  sans  motifs 
suffisants,  était  divisée  par  mille  intérêts  divers,  et  Ton  pouvait 
prévoir  sa  prochaine  dissolution.  Le  pape ,  dans  toutes  ses 
gnerres,  n'avait  d'autre  but  que  l'agrandissement  de  Jérôme 
Biario;  il  méditait  alors  de  nouveaux  projets  sur  la  Bomagne; 
il  voulait  assurer  à  ce  fils  chéri  l'héritage  de  Bobert  Mala» 
testi  et  celui  de  Gostanzo  Sforza ,  tous  deux  morts  à  son  ser- 
vice. Le  second  avait  été  emporté  par  une  maladie  le  1 7  juillet 
1483,  et  son  fils  Jean,  héritier  de  la  principauté  de  Pésaro, 


1  Slefano  Infessura  donne  de  très  longs  détails  sur  cette  guerre,  p.  11S8-1183.  Voyez 
mmijacobi  Volierrani  Dior.  Roman*  p.  190-198.  <—  Dlario  di  Roma  del  Notaio  di  Non- 
tiporto,  p.  1088-I9S7.  —  s  Ricùl  MaeeMmelU,  L.  VllI,  p,  423,*P«tri  cWei  m  belh 
rmw«  p.  131 4-ists.  —  Hoffit  SamttOf  p,  1239. 


2Q$  HISTOIRE  DCS  HEPU^UQUIÇ»  ITALlBKlIfiS 

était  encore  entmt  ^  }llm  ccijtte  posgesaioq  m  p9ttF«it  éftn» 
assurée  à  Biario  qo^  p^j:  jiç  cpnsentçiQeat  <to  Vévîlieiia  cA  des 
Florentins  ;  Sixte  lY ,  qui  le  sentait»  entra  a^ec  mx  daas  quair 
gués  négociations  secrètes  poqr  faireime  paix  toi^t  |i  mm  ftTait^ 
tage. 

D'autre  part,  Alfoose,  duc  de  Calabre»avi4t  mkQomrimié^ 
voir  clairement,  depuis  que  la  guerre  de  JSwmm  Vwmt  a^ 
pelé  en  Lombardie^  que  Jean  Gal4a«  Sfor»^,  âm  d«  lUaa, 
auquel  sa  flllfe  était  depuis  loingtepjj^  prompt  f»  manager 
n'avait  aucune  part  au  gof^X'^^emfiut  4^  sw>P  pMfpoe  dnohé, 
quoiqu'il  fût  déjà  en  âge  d'y  prétendes  tandis 4[iifli  1*4 
tieux  Louis-le-Maure,  onde  d^  |BP  4pc,  ^'arropalt  seul  i 
l'autorité.  Alfonse  en  avait  témoigné  s(mi  jo^ntentemeat, 
avec  quelque  vivacité,  à  Lonisn^ez-ll^ure^  etie^NHsi,  cxmce- 
vaut  une  défiance  sii&crète  de  sqn  allié,  s^  rapppoehait  dea  Vér 
nitiens^.  De  leur  côt^  ,  Ifis  jFloreoJms,  <|iii  d^piw  loiNj^^MiK 
contribuaient  à  la  guerre,  n'en  pûuv#îe9;t  eifémt  ikmhb 
avantage,  et  n'y  avaient  auciw  internet  v6A.  Twdia^a'oo  its 
épuisait  d'hommes  et  d'argwt  po^ur  soutenir  nm  année  ékét 
gnée,  on  laissait  ravager  leurs  fcoi^ti^^i^  {»ar  los  tnrapfia  qoi 
occupaient  Sarzane  j  on  ne  ^ur  per<inettait  ppioli  d^  ira|>peler 
en  Toscane  le  comte  de  Pitigliano,  c^ui  49  Isfm  wpîlâinaa 
en  qui  ils  avaient  le  plus  de  icqnfia^ice,  et  on  1^9  ^tacrifitit  mk 
toutes  choses  à  leurs  alliés.  Ainsi,  il  i^e  restailt  flu$  d'wMtt* 
ble  entre  les  coalisés;  chacun  d'fsux  é^  pcôt  i.8(B  déta^hâr 
de  tous  les  autres.  Le  marquis  Frédéric  de  StasiOM  teaait 
encore  réunie  cette  ligue  prête  à  .se  dissoudre,  par  Ift/^çoasidér 
ration  que  lui  assurait  son  âge  et  soyi  l^JnletéiMltpâriettre; 
mais  il  mourut  le  15  juillet,  et  l'aiiié  de  sea  trois  fik, 
Jean-François  II,  qui  lui  succéda,  n'était  âgé  que  de  dix- 
huit  ans'. 

<  Jacobl  VoUenani  Dior.  Êiomm.  T.  XXIII ,  p.  i«8.  -^  *  Hic  MficehiwfUL  U  V1U« 
p.  48S.  ^  «  Hivifi  Samtto.  p.  1331*.  Une  (i9  m  filles  éuU  it^9ôi^iM'Mt^^^ilm 


DU   MOT]EN   AGB.  307 

Les  Vénitiens,  quoique  plus  faibles  que  lenrs  ^fe,  ayai^nt 
le  grand  avantage  de  faire  mouvoir  toutes  leurs  forces  par 
une  seule  volonté;  ils  avaient  encore  celui  d'avoir  mis  à  la 
tète  de  leurs  armées  Bobert  de  San-Sévérino,  qui  se  montrait 
homme  d*état  autant  que  général.  Bobert  abandonna  les  né- 
gociations déjà  commencées  avec  le  comte  Biario,  s'^attacha  h 
LonisJe-Maure,  qù*il  regardait  comme  bien  autrement  puis- 
sant*.  Son  intelligence  avec  lui  causa  d'abord  assez  d'inquié- 
tude à  la  Seigneurie,  pour  que  le  doge  fit  au  conseil  des  Dix 
la  proposition  d'arrêter  San-Sévérino.  Bientôt,  cependant,  ce 
général  montra  qu'il  avait  su  démêler  les  vrais  intérêts  de  la 
république,  aussi  bien  que  les  siens.  Une  diète^  assemblée  à 
Bagnolo,  prit  connaissance,  le  7  août,  des  articles  dont  il 
était  déjà  convenu  avec  Louis-le-Maure,  et  elle  les  accepta  le 
même  jour.  En  vain  le  légat  du  pape  et  Jérôme  Biario  voulu- 
rent troubler  la  négociation,  parce  qu'elle  ne  contenait,  en 
faveur  du  fils  de  Siite  lY,  aucun  des  avantages  qui  lui 
avaient  été  précédemment  promis  ;  en  vain  ils  déclarèrent 
que  la  Seigneurie,  après  avoir  offensé  séparément  chacun  des 
confédérés,  s'était  enfin  attaquée  à  Dieu  lui-même,  lorsqu'elle 
airait  méprisé  les  admonitions  et  les  interdits  du  pape,  et 
lorsqu'elle  avait  saisi  les  bénéfices  ecclésiastiques.  Par  cette 
conduite,  ajoutaient-ils,  elle  s'était  rendue  à  jamais  indigne 
d'obtenir  la  paix  2.  Les  autres  confédérés  ne  voulurent  pas 
continuer  plus  longtemps  des  hostilités  dont  ils  n'attendaient 
aucun  avantage;  et,  malgré  les  succès  qu'ils  avaient  rempor- 
tés, ils  permirent  aux  Vénitiens  de  gagner  plus  par  la  paix, 
qu'ils  n'auraient  pu  perdre  parla  guerre. 

Par  le  traité  de  Bagnolo,  le  duc  Hercule  d'Esté  fut  obligé 
à  rétablir  la  répubUque  de  Venise  dans  toutes  les  prérogatives 
qu'elle  ayait  précédemment  exercées  à  Ferrare  et  dans  son 

d'OrUiii  rinire  au  comte  de  Gorltia.  *  *  Anir,  !9wagi€ro,  {u  U88«  —  «  Ibid.  p.  iioo, 


208  HISTOIRE  DES  REPUBLIQUES  ITALIENNES 

district;  à  lui  céder  en  même  temps  la  Polésine,  et  toat  le 
territoire  de  Bovigo.  Les  autres  conquêtes  que  les  Vénitiens 
avaient  faites  sur  le  duc  de  Ferrare,  devaient  être  restituées  à 
celui-ci  douze  jours  après  la  paix.  De  leur  côté,  le  duc  de 
Milan  et  le  marquis  de  Mautoue  devaient  rendre  aux  Yéni- 
tiens  tout  ce  qu'ils  avaient  conquis  sur  eux.  Les  villes  que  les 
Vénitiens  tenaient  dans  le  royaume  de  Naples,  devaient  être 
remises  par  eux  à  Ferdinand  au  bout  d*un  mois,  et  celui-ci 
leur  confirmait  en  retour  tous  leurs  privilèges  mercantiles 
dans  ses  états.  Toutes  les  parties  contractantes  s'engageaient 
enfin  dans  une  ligue  commune  pour  la  défense  de  leurs  états 
respectifs,  et  Robert  de  San-Sévérino  était  déclaré  capitaine 
général  de  cette  ligue.  A  ce  titre,  il  devait  recevoir  une  solde 
de  cent  quarante  mille  ducats,  dont  cinquante  mille  seraient 
payés  par  le  duc  de  Milan,  cinquante  mille  par  la  Seigneurie 
de  Venise,  et  les  quarante  mille  restants,  répartis  entre  le 
pape,  le  roi  de  Naples,  les  Florentins  et  le  duc  de  Ferrare  • . 

Les  plus  faibles  entre  les  puissances  d'Italie  se  trouvaient, 
par  ce  traité,  sacrifiées  aux  plus  fortes  :  le  duc  de  Ferrare  de- 
vait renoncer  à  des  provinces  qui  faisaient  l'ancien  patrimoine 
de  la  maison  d'Esté,  et  auxquelles  les  Vénitiens  n'avaient  au- 
cun titre  :  aussi  ne  se  soumit-il  pas  à  ces  conditions  sans  un 
extrême  ressentiment  ^,  Les  Bossi ,  comtes  de  San-Secondo 
dans  l'état  de  Parme,  que  les  Vénitiens  avaient  engagés  à 
prendre  les  armes  contre  le  duc  de  Milan,  demeurèrent  dé- 
pouillés de  leurs  fiefs.  Le  marquis  de  Mautoue  ne  s'était  en- 
gagé dans  la  ligue  que  pour  recouvrer  Asola  et  les  autres 
châteaux  que  les  Vénitiens  lui  avaient  enlevés  ;  mais  après 
s'en  être  rendu  maître ,  il  était  obligé  de  les  restituer'.  Les 


i  Àndr.  Navagiero^Stor.  Venez,  p.  U90.  —  Marin  Sanuto.  p.  1232.  -^  M.  À.  Sabel- 
Uco.  D.  IV,  L.  11.  r.  241.  ->  Diario  Rotnano  diStephano  Infessura.  T.  III,  P«  U,  p.  i  i8o. 
—  Bem.  Corio,  Bisu  Milan,  P.  VI,  p.  1014.  —  *  Dior,  Ferrar.  T.  XXIV,  p.  277.  — 
'  De  beUo  Ferrarienst»  T.  XXr,  p.  f 3ie.  Ce  peUt  onyrage,  d'uo  praire  cône,  déToné  au 


DU  MOYEN   AG£.  209 

intérêts  des  Florentins  n'étaient  pas  pins  ménagés  parle  traité 
de  paix  qu'ils  ne  V  avaient  été  pendant  la  gnerre.  On  ne  sti- 
pulait rien  pour  eux ,  et  Sarzane  ne  leur  était  pas  rendue. 
Cependant  le  plus  mécontent  de  tous  était  encore  le  pape  ; 
longtemps  il  ayait  espéré  enrichir  son  fils ,  ou  des  dépouilles 
du  duc  de  Ferrare ,  ou  de  celles  des  Vénitiens.  Il  s*était  en- 
suite réduit  à  lui  faire  assurer  les  petites  principautés  de  Ro- 
magne,  qu'il  ne  doutait  pas  qu'on  ne  sacrifiât  à  son  ambition. 
n  comptait  surtout  que  Jérôme  Biario  aurait  le  rang  que  s'é- 
tait fait  attribuer   San-Sévérino ,   que    ce   serait   lui  qui 
serait  nommé  général  de  la  ligue ,'  et  ce  rang  et  cette  solde 
devaient  le  dédommager  des  prétentions  auxquelles  il  était 
forcé  de  renoncer. 

La  nouvelle  d'une  paix  qui  répondait  si  mal  à  ses  projets 
ambitieux ,  fut  un  coup  de  foudre  pour  ce  turbulent  pontife. 
Il  était  déjà  tourmenté  par  de»  douleurs  de  goutte ,  elles  tom- 
bèrent aussitôt  sur  sa  poitrine.  Les  ambassadeurs  qui  appor- 
taient les  conditions  de  la  paix  de  Bagnolo  furent  introduits 
auprès  de  lui  le  mercredi  soir  12  août.  Après  qu'on  lui  eut 
fait  lecture  du  traité ,  il  se  récria  sur  ce  que  les  avantages 
qu'on  lui  accordait  étaient  si  inférieurs  à  ceux  qui  lui  avaient 
été  offerts  à  lui-même  par  les  ennemis.  «  C'est  une  paix.de 
«  honte  et  d'ignominie  que  vous  m'annoncez,  leur  dit-il; 
«  elle  est  pleine  de  confusion  et  d'opprobre,  et  elle  amènera 

fine  de  Ferrare,  quoIqn'D  Técût  à  Venise  pendant  la  guerre,  contienl  beaucoup  de  deuils 
•or  la  premidre  campagne  :  il  est  plus  court  sur  la  seconde,  et  tout  à  fait  incomplet 
aiir  la  trouième.  11  finit  à  la  paix. 

.  Ces!  aussi  â  la  paix  de  Bagnolo,  le  7  août  1484, 4ne  finissent  les  Annales  de  Plaisance, 
composées  par  Antoine  et  son  fils  Albert  de  Ripalta.  Ces  deux  hommes  avaient  quelque 
part  au  gouvernemem  municipal;  mais  c'était  dans  une  ville  sujette,  où  aucun  sentiment 
ne  les  attachait  à  un  parti  plutôt  qu'à  Tautre  ;  aussi  tous  leurs  éloges  sont-ils  toujours 
pour  le  vainqueur,  et  la  déclamation  ou  la  pédanterie  prennent-elles  la  place  de  tous 
les  sentiments  noWes  et  élevés.  Les  deux  Ripalta  paraissent  avoir  été  estimés  dans  leur 
paya  comme  d'habiles  rhéteurs  ;  ce  qui  donne  une  assez  mauvaise  idée  de  Tétat  des 
.lettres  à  Plaisance.  Les  Amiatei  d'Antoine  s'étendent  de  Tan  i4oi  à  l'an  1463,  qu'il  mou- 
rut. Albert  a  continué  dés  cette  époque  jusqu'à  1184.  Ces  Annales  sont  imprimées.  Her, 
iial,  T.  XX,  p.  859-978. 

VU.  14 


210  HISTOIBE  DBS  BiFin|](JQ0l|K  italiehubs 

«  aTec  le  temps  bieo  plus  de  mal  qae  de  biea.  Je  n#  pà9y  mei 
«  fils^nî  r approuver  ni  la  béoir^.  »  Lesambassadmrs  nfaper^ 
cevant  que  le  neiUan)}  affligé  par  cette  aouvelle)  perdait  aea 
forces,  et  semblait  accablé  d'angoisses  y  que  sa  langue  mèniB 
paraissait  s'embarrasser,  lui  dirent  qu'ils  espéraient  trouver 
une  autre  fois  sa  Sainteté  plus,  tranquille,.  lOflis  qu'ils  la 
priaient,  en  attendant,  de  bénir  une  pais  qù  ne  pou-* 
Yait  plus  être  changée,  te  pape,  dégageant  al^va  sa  main 
goutteuse  de  l'écharpe  qui  la  soutenait ,  fit  ua  mouTe* 
ment  que  les  uns  prirent  pour  un  refus ,  d'autres  pour  une 
i)énédiction  des  ambassadeurs,  ou  de  la  paix  elle-même.  Mais 
il  ne  parla  plus,  et  il  mourut  dans  la  nuit  suiisante,  le  jeiuK 
13  août,  peu  après  minuit,  ne  pouvant  supporter  de  laisser 
en  paix  cette  Italie  que  pendant  son  règne  il  avait  constam- 
ment tenue  en  guerres. 

1 9iic»M  Tvkaèrrant  Éiar»  âî^o^.  p.  i9r.  Ce  jbvnàr  finit  âtec  la  ^  de  âxié  IV. 
yaiMeiU!,  qui  éiaii  leribe  apoatMifwe,  dottuodes  déuH»  scjttrtfiùlrcjarléttx  Air  les  eèvéM^ 
nies  religieuses,  sur  It  cour,  et  même  sur  les  sermens  des  cardinaux,  dont  il  npporle 
presquè^  lonjour»  unie  coutib  aimlf^.  Il  éùJt  attafctté  à  Slite  iV,  ei  il  se  moutre  en  gén^ 
rai  partie  pour  lui  :  oepeiidant  ili|9  i^dussit  guère  à  d«^itaar  les  Tiees  de  son  pabnMk 
Ce  Journal  est  iâiprimé.  T.  XXIil.  Rar.  UaL  p.  »7-20O.  —  *  Dior,  Boman.  Jaeom 
Toimwroxà,  p.  300.  —  Diorlo  dei  KotaXo  (S  SaiHipwiû.  p.  lOSS.  —  mario  di  Stefano 
infeuwra,  p.  no»  ^  BaynaMà  ânn.  Sccks  148«^  S  i^^U  P-  m*  ^  Jtimaà  Ron^ 
nienê.  Fratr.  Hieronymi  de  BurseUis.  T.  XXIil,  p.  904.  —  Maeehiav-  U/k,  h,  VllI , 
p.  i7fl,^-Scipione  âmnUHUb,  L.  XXV,  p.  iS2.— ila/iri  Sanuto,  Vite  dl^Dûchi.  p.  i*i34. 

Ce  pape,  qui  Uni  l'IiaHe  fre«iiw  omi^tymniett  en  guerre,  alnâii  Int-àéifte  toi  «pee- 
tacles  sanglants  ;  dans  les  derniers  mois  de  sa  vie  il  ftit  deux  (ois  averti  que  des  soldats 
do  SB  garde  à  pied  étaient  convenus  de  se  battre*  à  oulfancè,  comme  on  rappelait,  à 
stecccUo  chiuto^  pour  quelque  qnerelle  survenue  entre  eux,  et  qu'Us  avaient  Tait  choix 
i>our  cela  d'un  lieu  écarté  à  U  campagne.  Il  leur  fU  dire  qu'4  i»#aH,  OtroléOMiiii  AsteÉr 
(eodôft'at,  qu'ils  se  battissent  donc  au  bas  de  l'escalier  de  son  palais»  dans  la  iMocA  da  Saîn^ 
nerré,  él  qu'i^  se  gardassent  de  commencer  avant  qu'il  leur  en.eAt  4oiHlé  tvHli^ae 
le  signal  de  sa  Cenétre  à  l'heure  fixées  et,  lor^'il  vit  q|ae  les  conbalUni^  étalent  prAis , 
^  étendiC  son  bras ,  leur  donna  sa  bénédiction^  fit  le  signe  de  la  eroix«.el  les  inyiia  à 
commencer.  Dans  le  premier  et  le  plus  long  de  ces  deux  duels,  l'up  des  combattant»  Ait 
tué  sur  la  place,  après  avoir  auparavant  donné  efcre^  déj^  beaucoup  de  blesaorae.'; 
dans  le  second  duel,  les  combattants  furent  tous  blessés  si  griôvement,  qulla  ne  parent 
pas  continuer  jusqu^ii  la  inoirt  de  l'un  des  dais,  et  qn'oaftA  obligé  de  les  enponer.  Le 
pape,  dit  le  journaliste  de  Home.,  prit  beaucoup  do  piaisic  A^ceo  oonbats,  et  ténoigoa 
e  désir  d'ofi  voir  d'autres,  ^efano  infewiM^  IHqria  Aooiom»  1»  111,  P.  ÏU  aei%  MqA 
p*  u«4. 


se  ■on»  À«Ei  i\  I 

w4«8i»Hi»»8»i»n»iim«iHinm»iiiiiii 


CHAPITRE  VIll 


Élection  d'Innoceiit  YIII;  ce  pape  fait  écltter  la  guerre  entre  FerdinamI 
et  ses  barons.  —  Le  cardioal  Paul  Frégoso.  doge  de  Gènea.  —  Con- 
quête de  San^anè  paît  les  Florentins.  ^  Anarchie  et  pâciËcation  dé 
Sienbe.  «-^  GoBJurations  contre  Jérôme  fti^rio,  et  coiitrê  €déoh^  l^an- 
fréil. 


1484-1488. 


LU  èotistitatiôtt  pdlitiqne  dfr  FÉglisé  rtrtn&ittè  n'êtéSt  paÈr 
étabfle  mt  des  bases  très  asscih^és.  Les  drdîls  et  lés  fi^iiérdga- 
WireB  du  jÉpe,  éeà  cardinaiiz,  des  éVêqiiteis,  n'avaient  point 
des  Ikdites  assez  reconnues  poor  eâipècfaef  tout  tonflit  èè 
joridielioâ.  Cependant  cette  constihition,  danfil  siiii  étisend>Ie, 
était  celte  dune  monarchie  tempérée,  et  ùon  dfui^  état  des- 
{Nybijtie.  L'atitoritédti  pape  était  balancée,  non  seuienicnt  pat 
celle  des  conciles,  états-généraux  de  î Église  qu'on  n'assem-» 
blaitque  rarement,  mais  encore  par  celle  des  cardinaux,  dont 
le  edûége  permanent  devait  être  irrévocablement  le  conseif 
des  pontifes,  en  sorte  qu'il  était  censé  concourir  à  toutéfi" 
leiife  dKfeni)hidti0ns'Tb|rôrt«nté^  ÎÉ  pècpu  ^  'at(^6lfltt  «fà« 


213  HISTOIEE  DES  UPUBLIQUES  ITAUENNES 

jours  ses  frères;  il  insérait  dans  toutes  ses  bulles,  quelque^ 
fois  même  sans  les  aToir  consultés,  la  formule,  d'après  le  con- 
$eil  de  nos  frères,  pour  donner  à  tout  ce  qu'il  ordonnait 
r  autorité  du  sacré  collège. 

Mais  à  la  fin  du  x\^  siècle,  lorsque  Félection  successive  de 
plusieurs  pontifes  entachés  de  vices  honteux  ébranla  le  cré- 
dit du  Saint-Siège,  et  amena  enfin  la  révolution  qu'on  vit 
éclater  au  commencement  du  xvi''  siècle,  l'Église  put  recon- 
naître que  les  droits  réciproques  de  ses  représentants  n'étaient 
point  suffisamment  établis,  ou  assez  sagement  balancés.  Ja- 
mais on  n'avait  mieux  senti  que  sous  Sixte  lY  le  besoin  de 
limiter  l'autorité  du  pontife  par  celle  des  cardinaux  ;  jamais 
on  n'avait  plus  éprouvé  combien  Finfluence  d'un  mauvais 
pape  sur  le  sacré  collège  devenait  irré^sistible,  s'il  voulait  em- 
ployer toutes  les  ressources  qu'il  pouvait  trouver  dans  l'in- 
trigue et  la  séduction.  11  pouvait  accroître  indéfiniment  le 
nombre  de  ses  conseillers,  et  s'assurer  toujours  ainsi  de  la 
majorité  des  suffrages;  il  disposait  seul  de  toutes  les  grâces 
ecclésiastiques,  et  tous  ceux  dont  l'âme  n'était  pas  à  l'épreuve 
des  séductions  de  la  richesse  et  des  honneurs,  se  rangeaient 
bientôt  de  son  côté.  Enfin,  la  violence  même  lui  était  per- 
mise; la  personne  des  cardinaux  n'était  point  à  l'abri  de  ses 
yengeances;  on  les  avait  vus  plus  d'une  fois  excommuniés, 
emprisonnés,  soumis  à  la  torture,  envoyés  même  au  dernier 
supplice,  par  des  ordres  arbitraires,  seulement  pour  avoir 
voulu  défendre  les  libertés  de  leur  collège  ;  et  l'idée  de  la  sou- 
veraineté du  pape  était  tellement  confondue  avec  celle  de 
l'autorité  de  l'Église,  que  des  théologiens  de  très  bonne  foi 
justifiaient  ensuite  ces  violences,  et  affirmaient  comme  une 
maxime  incontestable  qu'aucune  opposition,  même  celle  du 
corps  entier  des  cardinaux,  n'était  légitime  contre  aucune  des 
volontés  du  pape. 

Cependant  ce  pontife  souverain,  qui  exerçait  sur  tous  les 


DtJ  MOTSN  AGE.  213 

cardinaux  une  autorité  si  illimitée,  était,  après  tout,  leur  créa- 
ture. S*il  les  nommait  pendant  son  règne,  eux  à  leur  tour 
nommaient  son  successeur;  et  comme  on  ne  parvenait  guère 
à  la  tiare  que  dans  un  âge  avancé,  les  élections  du  souverain 
étaient  plus  fréquentes  dans  la  monarchie  de  I*  Église  que 
dans  aucune  autre  monarchie  élective.  D'ailleurs  le  pouvoir 
pontifical  pouvait  être  souvent  affaibli  par  les  infirmité 
de  Tâge,  tandis  que  le  sénat  des  cardinaux,  composé  en 
grande  partie  d'hommes  exercés  dans  les  affaires  et  les  intri- 
gues, réunissait  les  qualités  propres  aux  aristocraties,  la  con- 
stance, la  sagesse,  Texpérience  et  T esprit  de  corps.  A  chaque 
vacance  du  SaintrSiége,  le  conclave,  avant  de  nommer  un 
nouveau  pontife,  ne  manquait  jamais  de  poser  des  bornes  à 
sa  puissance,  de  corriger  les  abus  par  des  lois  nouvelles, 
d'imposer  des  conditions  au  candidat,  et  de  les  con&*mer  par 
des  serments.  C'est  par  cette  même  marche  que  les  capitula- 
tions avaient  peu  à  peu  restreint  l'autorité  des  empereurs 
d'Allemagne,  et  que  les  correcteurs  à  la  promission  ducale 
avaient  anéanti  les  prérogatives  des  doges  de  Yeuise.  Chaque 
vacance  du  trône  de  Pologne  avait  de  même  été  signalée  par 
quelques  conquêtes  de  la  noblesse  sur  les  rois  ;  et  comme  les 
cardinaux  renouvelaient  leurs  tentatives  avec  la  même  cons- 
tance, mais  plus  fréquemment  encore;  comme  ceux  qui  étaient 
les  plus  considérés  dans  la  chrétienté,  qui  jouissaient  de  la 
plus  grande  réputation  de  vertu  et  de  sainteté,  étaient  aussi 
ceux  qui  mettaient  le  plus  d'importance  aux  privil^es  de 
leur  corps  et  aux  libertés  de  r%lise,  on  aurait  pu  s'attendre 
à  ce  que  le  gouvernement  de  la  cour  de  Rome  devint  abso- 
lument aristocratique. 

Mais  les  bornes  de  l'autorité  royale  étaient  affermies  par 
les  serments  des  rois,  et  l'on;fnt  forcé  de  reconnaître,  sans 
doute  avec  étonnement,  que  cet  acte  religieux  ne  conservait 
aucune  efficace  sur  les  prêtres.  Une  des  prérogatives  que  les 


2  H  HISTOIRE  DBS  BEFCflLiQUKS   ITALiENlIES 

papeg  f*4tai99(  4|;ttfibpéés,  et  qv'ik  délenâakot  avec  le  pli» 
d'oUtioatioa,  était  celle  de  âélîer  les  fidèles  des  serments 
qu'ils  avaieqt  prêtés  imprudemment;  et  dans  une  religion 
gui  admet  des  yœui  éternelSy  peutrdtre  était-il  nécessaire  de 
reconnaître  ^ans  F^Usi^  un  pouvoir  qui  pût  en  relever.  Le 
pape  avait  reçu  au  nom  ^  INeu  les  engagements  pds  sons 
serment  eiiversspn  Église;  lui  seul,  et  juge  et  partie,  poo- 
Yait  en  dispenser.  Bientôt  il  crut  avcdr  de  même  le  droit  de 
dissoqdfc  le$  i^ments  qui  lient  ks  hommes  entre  eux.  On  le 
Tit  rampç^  4e  son  autorité»  tantôt  les  pactes  et  les  aUiatioes, 
tantôt  1^  serment!  de  fidélité  des  sujets  aux  souirerains,  tan- 
tôt les  serments  âe  garanties  des  souyerakis  aux  sujets.  Far 
ce  droit  q^'il  pr^ndit  inhérent  à  son  siège,  il  se  dispensa 
lui-ipéme  le  pcemi^  de  tout  œ  qu'il  avait  promis.   Autant 
les  çondav^  lurept  foigueux,  danatout  le  xv^  siècle,  d'exiger 
de  chacun  des  membres  du  sacré  oollégç  le  serment  d'obser- 
Yer  les  pactes  cqpvenus,  s'il  menait  à  être  désigné  par  le  Saint- 
fisprit,  autant  H»  papçs  mirent  de  constance  à  annuler  par 
leur  <|utorité  suprèQie  les  sermenta  ^'ils  aTaient  prêtés 
comme  cardinaux,  et  qu'cm  avait  cependant  toujours  m  soin 
de  leur  faire  re9(Mi vêler  au  moment  de  leur  couronnement. 
Dès  l'aune  13â3,  Innocent  VI  avait  même  établi,  par  une 
tPipinstitiM^n,  le  scandaleux  principe  qu'ancun  engagement, 
au(»in  fiermeut  prêt^  d'avanès  ne  pouvait  Bmiler  l^autorilé 
pontificale;  pami  que  les  cartihnaux,  lorsque  f  Église  était 
privée  desop  pa(rteur,  n^avaient  plus  d'autre  autorité  que  celle 
d'en  créer  nu  uiUiveAU.  Ce  principe  est  repiésenté  oanune 
une  des  \m  inv«fiaUes  de,  l'Église,  par  son  anualisie  S  9^ 
écrivait  au  xvii*  siècle  ;  il  est  encore  ça  vigueur  aia|ou]v 
d'bui. 
Cette  ooQstitution  est  fondée  sur  um  sophisme.  Beu  importe 

t  Ratf«aM.iiw.afleL  1«|3,  m^T,  XVI {6l  IMI,  S  »$  T.. XIX,  p.  BST. 


ra  MOYBH  AGE.  2 16 

^Kleseardlâmix  n'aient  pas  le  droit  cTimiKMer  un  settnent , 
9Am  qui  ïiL  ptM  TokmtaireiBeBt  n'en  a  pas  moins  contracté 
«ne  iddigaftioa  ;  ânisi  ne  wiïlat-eii  point  admettre  sans  eon-^ 
leslatioDs,  même  à  la  fin  du  w  siècle ,  éans  la  déiirâyation 
ot  la  eour  de  Bîmie  était  tombée,  le  pdnape  immoral  qui  aa- 
tm^isait  le  parjnre  dn  dhef  de  la  religion.  Les  prélats  ^gnalés 
l^r  leurs  lanières,  leur  piaé  et  leurs  mœurs  s'étaient  hante-» 
ment  prononcés  contre  ce  séandale.  Jacques  Âmmanati ,  car« 
4iMl  de  Pairie  ;  Bessaiion,  cardinal  de  Nice  ;  Jean  Carvajal , 
^cardinal  espagnol,  avaient  constamment  invoqué  Icts  serments 
prêtés  pttP  tanl  H  avant  d'être  pape  ;  et  le  dernier  «'était  im- 
mortalisé aux  yeui  de  FÉglise  par  sa  courageuse  «t  fnâMran- 
iaUe  opposition  à  la  eonslitation  qui  devait  les  amniler  t. 

Mais  te  sénat  des  cardinaui  se  ressentait  des  vices  de  celui 
ffA  avait  seul  le  pouvoir  d'en  élire  les  membres;  il  falfant  que 
^des  papes  tels  que  Paul  II  et  Sixte  I¥  eossrat  rempU  te  saert 
ieanége  de  leurs  oréslores  pour  qu'on  pftt  vdr  loisuiie  des 
Sections  telles  que  celles  41nnooent  YIII  et  tf  Aleiafrdre  Yl. 
1 484. — Bile  conclave  peu  MTUpuleux  qui  s'assemlilâ  à  k  mcM 
de  Sixte  lY  voulut  à  son  tour  imposer  des  conifitims  au  pape 
qu'il  allait  éiirè,  les  oardiviaugt  «'occupèrent  bien  plus  ^'teurs 
Intérêts  persObneb  que  de  cela  de  f  Église.  Ils  exigèrentvvaaft 
tout  r  augmentation  de  leurs  propres  revenus.  Aucttn  parmi 
Mx  ne  devait  avoir  mcfins  de  quatre  mUte  fterins  de  renAe,  «t 
cie^eomme  devait  leur  être  'complélée  par  la  riMrmbre  apo»- 
talique  à  lecM  bénéices  ecciéitfastiqttes  ne  rendaient  pas  tant. 
Ils  demandaient  de  {Aus  qu'ttucun  et  eut  M  pftt  être  tmfpé 
f^r  des  censures,  par  une  excommunieaJBim  ou  un  }ugeme»t 
WitÊSiàAj  A  la  sentence  qui  le  «cmdamBait  in'élmt  smctionnée 
fMfr  kssileuï  tS^rs  «des  Vtiix  dans  le  «aoni  «dMge.  One  daoïe 
flus  importaflfte  cMore  fttt  ^e^e  par  laquelle  fls  iimttàreiit 

I  CardUu  PapUntU  BpiiL  18^  —  nagiuM.  itai.  Meet  14^4,  S IMO,  p.  m. 


216  BfSTOIBE  DES  BÉPUBLIQUIS  ITALIKinfES 

leur  nombre  à  Tingt-qaatre.  Le  pape  fiitor  ne  deyait  faire  an- 
cane  promotion  jusqu'à  ce  qu*ib  fussent  réduits  au-dessous  de 
ce  nombre;  il  ne  pouYait  de  plus  décorer  du  chapeau  aocon 
bomme  âgé  de  moins  de  trente  ans  ;  il  ^ne  pouvait  prendre 
qu'un  seul  cardinal  dans  sa  famille;  tous  ceux  qu'il  élèverait 
à  cette  éminente  dignité  devaient  avoir  été  reçus  auparavant 
docteurs  en  théologie  ou  eu  droit,  à  la  réserve  des  seuls  fils  ou 
neveux  de  rois;  et  ces  derniers  même  devaient  faire  preuve 
d'une  instruction  compétente.  Enfin,  le  pape  devait  désormais 
ne  gouverner  plus  que  de  concert  avec  les  cardinaux,  et  dans 
toutes  les  occasions  importantes,  surtout  lorsqu'ils' agirait  d'a- 
liéner quelque  fief  de  l'ÉgUse,  ses  bulles  ne  devaient  avoir  de 
force  qu'autant  qu'elles  seraient  sanctionnées  par  les  deux 
tiers  ^  suffrages  dans  le  sacré  collège  ^  Si  les  deux  con- 
stitutions qui  contenaient  toutes  ces  conditions  étaient  éerm- 
nues  la  loi  de  l'Église,  peut-être  la  cour  de  Borne  ne  se  serait- 
elle  pas  conduite  avec  moins  d'ambition  et  de  hauteur  ;  mais 
sans  doute  sa  politique  aurait  été  plus  prudente,  et  ses  chefe 
n'auraient  pas  donné,  par  leurs  mœurs,  le  scandale  qui  devait 
hâter  la  réformation. 

Après  que  tous  les  cardinaux  se  furent  engagés  par  sermoit 
à  observer  toutes  ces  conditions  s'ils  étaient  appelés  au  trône 
pontifical,  ils  allèrent  aux  suffrages.  Des  intrigues  fort  actives 
et  de  libérales  promesses  avaient  déjà  préparé  l'élection  2,  et 
les  suffrages  se  réunirent  en  faveur  de  Jean-Baptiste  C;bo> 
Génois,  cardinal-prètre  du  titre  de  Sainte-GécQe,  qui  fut  pro- 
damé le  29  août  1484,  sous  le  nom  d'Innocent  YIII  3.  Dès  le 
jour  dé  son  installation,  il  confirma,  par  un  nouveau  serment, 
le  traité  fait  avec  les  cardinaux,  et  il  s'engagea,  sous  peine  de 
parjure  et  d'anathème,  à  ne  s'en  point  absoudre  lui-même, 
et  à  ne  s'en  point  faire  absoudre  par  d'autres.  Cependant , 

«  àimaL  Bcclts,  i4ft4,  S  38-30,  p.  317.  —  I  Diariû  di  Stefano  infeuura.  p.  1 190.  — 
s  0Ufrio  4i  Rama  tfe/  ifoUMio  dl  i9mliporiQ,jp.  looi. 


.  DU  MOTER  A6B*  217 

dès  qu*il  se  sentit  mieux  affenni  snr  mm  trAne,  il  abolit  et  son 
traité  et  ses  deux  serments,  comme  contraires  aa  droit  da 
Saint-Siège  i. 

Mais  Innocent  YIII  devait  la  tiace  à  on  grand  nombre  de 
traités  secrets  faits  avec  chacun  des  cardinaux;  et  ceux-ci, 
dont  Texécution  devait  être  immédiate,  furent  observés  avec 
plus  d'exactitude.  Celui  entre  les  membres  du  conclave  qui 
favait  servi  avec  le  plus  d'activité  et  de  zèle  était  le  cardinal 
Julien  de  Saint-Pierre  ad  vincula ,  qui  fut  depuis  pape,  sous 
le  nom  de  Jules  II.  Ce  prélat  guerrier  avait  demandé  pour 
récompense,  non  des  bénéfices  ecclésiastiques,  maisrdes  forte- 
resses. Il  en  obtint  plusieurs  en  effet,  et  pour  lui-même,  et 
pour  son  frère  Jean  de  la  Bovère,  que  Sixte  lY  avait  fait  prince 
de  SinigagUa  et  préfet  de  Bome.  Ce  même  Jean  fut  nommé 
par  Innocent  YIII  capitaine-général  de  1*  Église  ;  en  sorte  que 
le  pouvoir  et  la  faveur  de  la  cour  de  Rome  ne  sortirent  point 
de  la  maison  du  précédent  pontife.  Tous  les  autres  cardinaux 
obtinrent  les  prélatures  et  les  abbayes  pour  lesquelles  ils 
avaient  vendu  leurs  voix.  Les  écrivains  du  temps  n*hésitent 
pas  à  taxer  de  simoniaqùe  une  élection  préparée  par  ces  mar- 
ché qu'on  ne  put  tenir  secrets/^.  Mais  un  pan^riste  d'In- 
nocent YIII,  en  rapportant  ces  mêmes  libéralités,  les  donne 
pour  preuves  du  cœur  reconnaissant  du  nouveau  pontife  ^. 

Innocent  YIII  ne  ressemblait  pas  au  pape  qu'il  remplaçait; 
et  cependant  la  comparaison  avec  un  homme  aussi  odieux  que 
Sixte  lY  ne  lui  fut  point  avantageuse.  Faible,  corrompu,  sans 
caractère,  sans  vues  profondes  ou  suivies ,  Innocent  fut  tou- 
jours gouverné  par  d'indignes  favoris,  et  son  administration 
fut  souillée  par  tous  leurs  vices.  Il  avait  eu  sept  enfants  natu- 

^  Raynaidus^ annal  Ecoles.  i484,  S  4i,  p.  340.~*  Stefano  infessura^  Diario  Romano, 
p.  1190.  ^  Lettres  de  Guid'  ADtonio  Vespucci  à  Laurent  de  Hédicis,  où  il  nieoDte  à  quel 
prix  le  cardinal  Julien  avait  acheté  pour  J.>B.  Cybo  le  vote  de  chacun  de  ses  collèguei. 
Apiid  Rùicoe  àppend.  n»  44.  T.  IV,  p.  7.  —  >  Onofirio  Panvino,  Vite  de  PonUfM. 
p.  4M. 


218  HISTOIBE  DËê  ttSPm^USS  ITALIEIfHES 

nk  d6  âMKreirtttt  Itowed,  et  il  donna  le  scandale,  noateaii 
pour  rÉglMe,  de  les  reeonnatlTe  publiqaement.  L'atné  de  ses 
fils,  que  sa  petite  taille  fit  désigner  par  le  nom  de  Frances- 
ehetto,  deTiut  ensuite  la  tige  des  ducs  de  Massa  et  Garrara  de 
ja  nMÔBon  Gybo.  Une  des  filles  d'Innocent  était  mariée  à  un 
iuuiqaieii  iftt^il  chargea  des  fiMnces  de  la  cour;  les  autres  ne 
ÎOfient  aaoïm  riXe  dans  l* histoire  «.  Ce  ne  fut  plus  Tambitioii 
mi  la  {nsflioli  de  la  guerre,  mais  l'avariée,  la  débauche,  et  une 
wéo»]x\é  d^hontée  qui  earactérisèrent  la  nouvelle  cour.  Inno* 
eeut  VIII  fit  peu  de  mal  par  lui-même,  mais  il  laissa  tout  faire, 
et  son  indfikttce  ne  fut  pas  moinB  fatale  aux  peuples  que  la 
turbulence  de  son  prédécesseur. 

Le  roi  de  Naples,  Ferdinand ,  Uimoigna  beaueouj[i  de  joie 
de  rélectiom  du  cardnial  Jean-Baptiste  Gjbô  $  il  le  regardait 
comme  une  créature  de  ma  fkfe  et  de  lui-même.  En  effet, 
fybo,  quoique  Génois,  avait  <tté  élev<  à  la  eour  d'Âlfonfie, 
^t  il  avatt  reçu  de  Ferdinand  809  prraiier  évédbé,  celui  d*À- 
malpfai  h  Mais  les  papes  ont  rarement  montré  de  la  reconnais^ 
sanise  aui  souverains  qui  comme&cèrMt  leur  fortune  ;  souvent 
ils  4é»renl  faire  sentir  leur  nouveaa  pouvoir  à  ceui:  de  qui 
ik»  ont  dépendu,  ou  bien  ils  sa  blessent  de  m  ^e  le  lespêot 
m  ssmcède  p^int  assez  tel  au  Ion  de  bieinnsillanee  et  de  pro- 
tec^ûn. 

Ia  hfme  qui  avait  éplaté  oontre  Ferdinand  dans  le  r^^anme 
de  NsideB ,  lorsqu'il  élut  monté  snr  k  Iràiie,  ne  s^était  poiat 
éteinte  pwdant  aon  long  vègne.  On  reo^nnaissatt  Thabilelé 
de  sa  polHiqite,  la  yigueur  amc  laqueUe  fl  maintsnaiison  au- 
tarité,  l'ovére  et  la  justiee  qu'il  faisait  obserrar  dan^  ass  états  ; 
mm  on  raeenssuil  cb  nsvancbe  d'une  estrAme  aifai^,  tf  une 
cruauté  impitoyable,  et  surtout  d'une  mauvaisç  foi,  d'çne b^- 
Kdie  dout,  ^  \9pwi^  av^ei]^t  4^  vjçlÂineS)  wm  Ui$  qn»  les 

>  Mdrto  ât  mhna  ttt  Stefùno  infeman.  p.  iiW».  —  OtiôIKo  ranvino  né  parle  ^  égf 
«eux  ttnés.  p.  466.  —  «  Raynaldi  AnnaL  Beeles.  14M,  S  «T*  P>  84i. 


ou  MOY]»  AGS.  919 

étnogen.  L'animositë  que  les  Napolitains  conservaiait  dans 
léiir  ccpar  contre  Ferdinand  redoubla  l(»«fae  son  fils  aîné , 
Alltmse,  duc  de  Galabre ,  commença  à  le  remplaoer  dans  les 
«oias  da  gouyemement.  Aifonse  portait  à  Teicès  tons  les  yioes 
qa'avait  eos  son  père.  «  Nul  homme^  dit  Philippe  de  Gomines, 
«  n'a  erté  fim  cruel  que  lui,  ne  plus  mauTais,  ne  plus  vicienx 
«  et  plus  infect,  ne  plus  gourmand  que  lui.  Le  père  estoit 
«  plus  dangereux,  car  nul  ne  se  eongnoissoil  en  lui  ne  en  son 
«  courroux  ;  car  en  faisant  bonne  chère ,  il  prenoît  et  trahis- 
«  soit  les  gms. . . .  Jamais  en  lui  n*y  avoit  grâce  ne  miséricorde, 
«  comme  m'ont  conté  ses  prochains  parents  et  amis^  et  jamais 
«  n'aToit  eu  pitië  ne  compassion  de  son  pauvre  peuple,  quant 
«  aux  deniers.  11  faisoit  tonte  la  marchandise  du  royaume , 
<  jusqufis  à  bailler  les  pourceaux  à  garder  au  peuple,  et  les  leur 
'^  faisoit  engraisser  pour  mieux  les  Tendre.  S'ils  mouroient, 
«  fiAkit  qtt*ils  les  payassent.  Aux  liaix  où  crott  l'huile  d'o- 
«  Kve,  comme  ea  la  Fouille,  ils  Tacbetoient,  lui  et  son  fils,  à 
«  leur  plaisir,  et  semblablement  le  froment,  et  avant  quHlfM 
«  meur,  et  le  vendoient  après  le  plus  cher  qu'ils  pouvoieat. 
«  E|  si  la  dite  marchandise  s'dMiissoit  de  prix,  eontraignoient 
«  k  peuple  de  la  prendre;  et  par  le  temps  quMls  vraioient 
«  vendre,  nul  ne  pouvdt  vendre  qu'eux  ^  » 

Ges  monopoles  avaient  ressent  l'amitié  et  la  confiasee  entre 
Ferdinand  et  Sixte  iV  ;  ils  s*eiitead|iient  pour  fouler  en  com» 
mun  leurs  peuples,  et  faire  de  vive  force  un  eommerce  ruineux 
pour  leurs  sujets.  Innocent  YIII  eq  arrivant  au  tr6M  fit 
«esser  ce  trafic,  scandaleux  ;  mais  en  même  temps  il  rompit 
les  rdakiona  d'amitié  et  de  bon  voisinage  que  Sixte  avait  for- 
mées ;  il  réclaaia  avec  hauteur  le  trÂut  pécuniaire  que  le 
iayaume  de  Baplea  devait  au  Sainl^Si^,  révoquant  k  grâce 
accordée  à  Ferdinand  de  convertir  ce  tribut,  pendant  sa  vie, 

*  ÊUmoifeê  de  PMITppe  êe  CotiUnes.  L.  VU,  oliap.  xm.  CoUeeiion  dM  Uemhtet 
pour  tHUtoWe  de  Fnmce.  T.  Xii ,  p,  Mk  '        "  "  "  —  -     -  - 


220  HISTOIRE  BBS  BBPTTBUQITES  ITAXnSRKES 

en  la  présentation  d'une  haqaenëei.  Il  témoigna  ouvertement 
son  mécontentement  de  cette  maison  d*  Aragon  à  laquelle  il 
devait  sa  grandeur;  il  fit  valoir  la  suzeraineté  du  Saint-Siège 
sur  le  royaume;  il  invita  les  barons  napolitains  à  porter  par- 
devant  lui  leurs  plaintes  contre  Ferdinand,  et  il  s'établit  en 
quelcpie  sorte  juge  des  différends  entre  le  monarque  et  ses 


1485.  —  Un  acte  de  violence  exercé  l'année  suivante  par 
le  duc  de  Galabre  fournit  au  pape  l'occasion  de  donner  car- 
rière à  toutes  ses  prétentions.  La  ville  d'Aquila,  dans  les 
Abru2zes ,  profitant  de  sa  forte  position  an  milieu  des  mon- 
tagnes ,  de  la  richesse  de  son  territoire,  et  du  grand  nombre 
de  ses  habitants,  s'était  mise  en  possession,  sous  la  protection 
des  roisdeNaples,  de  presque  tous  les  privilèges  d'une  répu- 
blique ;  die  nommait  ses  magistrats  et  levait  ses  impôts  elle- 
même  ;  elle  ne  permettait  point  aux  troupes  royales  d'entrer 
dans  ses  murs,  et  elle  concluait  de  sa  seule  autorité  des  traités 
et  des  alliances,  même  avec  les  ennemis  du  roi.  C'est  ainsi 
qu'elle  était  alliée  de  la  maison  Golonna,  dont  les  fiefs 
s'étendaient  dans  son  voisinage.  Cette  alliance  n'avait  point 
été  détruite  par  la  guerre  que  Ferdinand  avait  faite  aux  Co- 
lonna,  de. concert  avec  Sixte  lY  ;  et  comme  Innocent  YIII 
avait  reçu  dans  ses  bonnes  grâces  cette  maison  puissante ,  et 
cherchait  à  la  dédommager  par  tout  son  crédit  de  la  persé- 
cution qu'elle  avait  éprouvée,  les  Colonna  donnaient  à  la  ville 
d'Àquila  un  nouvel  appni  à  la  cour  de  Rome  2. 

La  famille  des  Lalli,  comtes  de  Montorio,  exerçait  dans 
Aquila ,  depuis  plus  d'un  siècle ,  et  dès  les  temps  de  la  pre- 
mière Jeanne ,  une  autorité  non  moins  grande  que  celle  des 
Médicis  à  Florence.  Son  chef  était  alors  messire  Pierre  Lallo. 


1  naynaldi  Ann.  Eccles.  148S,  S  40,  p.  S5S,  —  '  Une  collection  des  historiCDS  oi+- 
Siiiaiix  d'Aquila  a  été  publiée  par  Muralori.  ànUq,  Itat.  Med»  JEvi.  T.  VI,  p.  iSS-'lOSS. 
—  IHarlo  homàno  di  Stefano  infessura,  p.  U9i  e(  (  t94.  \ 


DU  MOTSH  AGJS.  22  i 

Le  dae  deCalabre,  ayant  le  dessein  de  dépouiller  les  habitants 
de  tons  leors  priTil^ea,  jngea  eonTenable  de  les  priver  avant 
tont  de  leor  premier  magistrat.  Alfonse  avait  cantonné  à  Gi- 
vità  di  Chieti  Tannée  qa*il  avait  ramenée  de  la  gaerre  de 
Ferrare  ;  il  invita  le  comte  de  Montorio  à  8*7  rendre  auprès 
de  lai,  pour  traiter  des  affaires  de  la  province.  Le  comte  n'a- 
vait pas  même  en  la  pensée  de  nnire  an  gonvemement,  en 
sorte  qu'il  vint  au  rendez-vous  sans  aucune  défiance.  Le  duc 
de  Galabre  le  fit  arrêter  le  28  juin  1485 1.  Il  obligea  la  com- 
tesse, sa  femme,  à  se  rendre  à  Naples,  et  il  fit  en  même  temps 
filer  vers  Aqnila  des  troupes,  qui  y  entrèrent  par  petits  déta- 
chements, et  qui  se  trouvèrent  maîtresses  de  la  place  avant 
que  les  habitants  en  eussent  conçu  de  la  défiance.  Cependant 
les  magistrats  d'Aquila  adressèrent  au  duc  des  instances  res- 
pectueuses pour  qu'il  en  retirât  ses  troupes,  conformément  à 
leurs  privilèges.  Us  les  répétèrent  à  plusieurs  reprises,  et  tou- 
jours sans  succès  ;  enfin,  le  25  octobre,  ils  donnèrent  ordre  à 
toute  la  bourgeoisie  de  prendre  les  armes  ;  ils  attaquèrent  dans 
les  rues  les  soldats  napoUtains ,  ils  en  tuèrent  une  partie ,  ils 
mirent  le  reste  en  fuite,  et  déclarant  alors  que  le  roi  Ferdi- 
nand avait  perdu  toute  souveraineté  sur  eux,  pour  en  avoir 
abusé,  ils  se  donnèrent  à  l'Église,  sous  condition  qu'elle  pro- 
tégeât leur  liberté  2. 

Innocent  YIII  ne  fit  aucune  difficulté  d*  accepter  l'offre  des 
habitants  d'Aquila  ;  il  prit  sous  sa  protection  le  comte  et  la 
comtesse  de  Montorio;  il  fit  passer,  par  les  fiefs  des  Golonna, 
des  soldats  dans  l' Abruzze  ;  il  sollicita  les  barons  du  royaume 
à  s'engager,  pour  défendre  leur  liberté,  dans  une  confédération 
générale ,  dont  il  voulait  être  le  chef ,  et  il  se  prépara  à  la 
guerre.  Bientôt  il  apprit  que  Ferdinand,  pour  faire  oublier 
le  mécontentement  et  l'insurrection  d'Aquila,  avait  remis,  le 

i  Antiq.  liai.  T.  VI.  GronaeaàquUana,  S  70,  p.  921.  -r  MacGhktuetti,  L-JOU,  p.  43«. 
^tcr9iiaca49»itoia»Sn,Pf  9M»  >> 


23d         HisTontB  DES  BiPim>.iQiTBa  rTALuanns 

16  nimmbre^  le  eonte  de Moukom  m  liberté,  nfir^Vwfmf 
ttigagé  dans  ses  iotérôts«  Le  pape  éerint  à  ee  fnàgKlar  pomP 
le  féliciteri  mais  U  ne  renonfa  {KMnt  à  ses  prépertUfii  éar 
guerre.^ 

En  même  temps  qa'Inooeeat  YIU  sottieitait  ks  barcNM  n»* 
politainsde  [urendre  les  armes  eontfe  leurieii  edm-^k  leH  inr^ 
citait,  à  Naples,  à  une  assemblée  de  bon  partomt.  Tim» 
gprands  seigneurs  aenlonent  osèrrat  s*y  tronTer,  fe  Mute  im 
Fondiy  le  dne  d* Amalfii  et  le  priaee  de  Tarente  ;  tow  les  au^ 
très  refusèrent  de  se  mettre  entre  les  mains  du  rm^  persuadés 
que  s'il  les  tenait  une  fois,  il  leuic  ferait  trandter  à  te«s  la  tète^. 
Au  lieu  de  se  rendre  à  Naples,  ils  s'assemUèrent  chea  le  dm 
de  Melfi,  dans  la  ville  de  même  nom,  sons  préte&te  d'assister 
aux  noces  de  Trajan  Garacciolo,  son  fils.  On  vit  dans  ee 
congrès  le  grand-amiral  dn  royaume,  Antoine  de  San-Séyé* 
rino,  prince  de  Salerne  ;  le  grand-connétable,  Pierre  dd 
Balzo,  prince  d'Altamura;  le  grand-sénéchal,  Pierre  de  Gne- 
Tara,  marquis  del  Yasto^  Jérôme  San-Sévérino,  prince  de 
Bisignano;  André-Matthieu  AcquaTiva,  duc  d'Atri^  le  due 
de  Melfi,  celui  de  Nardo,  les  comtes  de  Lauria,  de  MéUto,  de 
Nola,  et  une  foule  de  moindres  gentilshommes.  Ces  seigpieiirs 
étaient  résolus  à  ne  pas  souffrir  davantage  Tq^pression  dans 
laquelle  ils  languissaient.  Ils  étaient  entrés  en  eorrespondanee 
avec  Innocent  YIU  \  ils  avaient  aussi  des  intelligences  avec 
deux  confidents  du  vieux  roi,  dont  le  duc  de  Calabre  était  ja- 
loux, et  qu*il  voulait  perdre  :  F  un  était  François  Goppola, 
comte  de  Sarno,  qui  avait  administré  les  deniers  du  roi  dana 
son  commerce  de  monopole  ;  Tautre,  Antoine  Pétrueei^  qu'il 
avait  fait  son  secrétaire.  Tous  deux  avaient  amassé  à  la  cour 
de  grandes  richesses,  qui  tentaient  la  cupidité  d'Alfonse^. 


1  Lettre  d'Innocent  vui  au  comte  de  Montorio  pour  le  féliciter  sur  le  recouTrement 
de  sa  liberté^  annal,  Ecqieê,  HSâ,  $  4i,  j>.  Si?.^  mmio  4i  sufùm  infêaw^u  T.  m, 
P.  n;  p.  ii9â.->  GUMnom^  imria  cWiU  del  Regm  tfi  9fofQ(k  1»  JttViH,  c  V  |k ^Hr 


06  UmEM  A01.  ttt 

CehriHiit  oonnauttiit  h  mëcoftaitMMnt  ée  tostola  no- 
blesse^ M  douta  pas  qoe  YmmaMé»  de  Mdi  s'atootit  à«M 
rébellion,  n  voulat  donc  prévenir  iea  tetien  paf  k  rapiditt 
de  ses  attaques.  U  tomba  à  l'iaprofiate  aor  le  eoiÉtf  de  Nota;» 
il  s'empara  de  tons  Iea  liMxfbfta,  il  yanrpritlatoniiisetlA 
deux  fils  do  eomte»  qn'il  eoToja  priaiimiers  à  Naplni'.  âoilf 
intention  était  d'écraser  de  même  les  antM^  mécontents  avmit 
qn*ils  eossent  réani  lovs  farces;  mais  la  râMUmn,  aœélérée 
par  cette  violence,  édaAa  ëÉ  mtee  temps  dans  tout  te 
royanme,  et  le  doc  de  Galabre  AitoU%é  d'oser  de  pins  grands 
mém^ments  avec  des  ennemit  phis  nombren  qo^il  ne  sTy 
était  attoido. 

Enoora  qoe  la  gnerre  eftt  éélaté,  ni  le  roi,  ni  soi  baronsi 
ni  le  pape  ne  se  taroovmeni  prMs  poor  le  ooiti)«t  ;  aossl  l'on 
commença  de  tontes  parts  à  négocia,  plutM  avec  l'mtentlûn 
de  gagner  do  tempa^  on  de  se  tromper  les  ons  les  stttnes,  qoe 
de  se  réconcAier.  Des  ambassaéeors  de  Ferdinand  se  présen- 
tèrent à  la  fin  d'aoftt^  à  Florence  et  à  Milan,  panr  drasander 
à  ces  deox  états  les  seeoors  qn'ils  étaient  oUigéi  dé  foomir^ 
d'après  leor  tnôté  d'alliance^  Loois  Slorza,  fcntla  poKtiqué 
tortneose  sembknt  n'avmr  d'iotre  bûil  qpé  d^étonndr  et  dé 
confondre  ses  alliés,  évita  qoet^K  temps,  et  par  plosieufs 
subterfuges^  d'énoncer  ce  qn'il  yoolait  faire.  Mm  la  répoM}- 
que  florentine,  entraînée  par  Lanrent  de  Hédids,  promit  an 
rci  une  vigooreose  astâstftnce.  Elle  se  chargea  d'attaqtier  le 
pape  dans  les  états  même  de  l'Église,  tan<Us  qoe  Ferdinand 
combattrait  omtre  ses  bsoxms.  gforza  s*étant  enfin  rangé  au 
même  parti,  ils  prirMt  en  commun  à  leor  séicte  le  comte  de 
Pitigliano,  le  seignear  de  Piombino,  et  toos  les  capitaines  èè 
la  maison  Orsini  ;  et  dès  le  mois  de  novembre  ils  attaquèrent 
Innocent  YIII^. 

^lSSip6>ne  ilmmiraio.  U IXV,  p.  te».  ^  t  mn*  u  XXV,  |i.  m . 


224  HISTOIBE  DES  RÉPtJDLiQUES  ITALIEUSES 

Le  pape  deflon  e6té  avait  cherché  des  alliances  et  dans  le 
reste  dé  l'Italie,  et  en  France.  Poar  s'attacher  les  Vénitiens, 
il  les  avait  relevés  de  tontes  les  censures  prononcées  contre 
eux  par  Siile  lY  ^  Il  avait  vonhi  leur  persuader  que  le  mo- 
ment était  venu  de  se  venger  du  roi  de  Naples;  mais  cette 
sage  r^^lique,  à  peine  reposée  de  ses  précéientes  guerres, 
ne  trouva  point  qu'elle  eût  d'assez  fortes  raisons  pour  s'enga- 
ger dans  de  nouvelles  hostilités.  Elle  se  contenta  de  céder  au 
pape  son  général,  Robert  de  ^an-Sévérîno,  qui  passa  au  ser- 
vice de  l'Église  avec  deux  de  ses  fils  et  trente-deux  esca- 
drons de  cavalerie^.  Innocent  offrit  en  même  temps  à 
Bené  II,  duc  de  Lorraine,  qu'il  regardait  comme  représentant 
de  la  maison  d'Anjou,  l'investiture  du  royaume  de  Naples.  Il 
ne  doutait  pas  de  trouver  ce  prince  prêt  à  tenter  une  entre- 
prise qu'il  jugeait  glorieuse.  Mais  René  était  alors  même 
obligé  de  pkiider  à  la  cour  de  France  contre  le  testament  de 
son  grand-père  qui  l'excluait  de  sa  succession.  Il  ne  put  ob- 
tenir du  roi  qu'un  misérable  secours  de  vingt  mille  francs  en 
argent,  et  de  cent  lances,  pour  tenter  la  conquête  d*un 
royaume  auquel  Charles  Yiil  prétendait  lui-même  ;  et  comme 
il  ne  voulait  pas  appauvrir  la  Lorraine  pour  une  gueire  dont 
il  n'attendait  peut-être  pas  de  grands  succès,  et  qui  dans 
aucun  cas  ne  serait  favorable  à  ce  duché,  il  renonça  à  son 
expédition^. 

Cependant  Ferdinand  avait  fait  déclarer  à  ses  barons  qu'il 
était  prêt  à  écouter  leurs  doléances,  et  à  réformer  les  abus 
dont  ils  se  plaignaient.  Geux-d  avaient  nommé  le  prince  de 
Bisignano  pour  exposer  leurs  grie&;  mais,  [comme  ils  avaient 
alors  l'espérance  d'être  soutenus  par  le  pape,  les  Vénitiens  et 


1  BuUa  innoe,  VllU  op.  haynald.  1485,  S  45,  p.  359.  —  And,  Navagiero^  p.  1192.  — 
s  M.  AnL  SabelUco,  Dect  IV,  L.  III,  f.  2iZ.—Dfano  di  Roma  del  Noiaio  di  BantiportOi 
p.  1098.  "  Dlario  Ferrofese,  T.  XXIV ,  p.  STT.  —  s  PhU,  de  Comin€9,  L.  VII ,  cbap.  I» 
p.  135,  T.  XII.  Mém.  pour  l'Hiit.  de  France. 


ni  MOTn  àBM.  2tS 


le  éfc  Biné,  ib  fiieot  aa  roi  dn  dnMwdn  fa'ib  «toyaaeat 
an-mèmes  aboolaioiBQt  inaeceptables.  Ferdinand  répondit 
qa'il  était  prêt  à  signer  la  paix  aux  oonditioBS  qoeks  barons 
proposaient;  et  son  seoMd  fils,  Fiédâie,  se  rendit  i  leur 
assemblée  avec  eeUe  aoœptation  pleine  et  entière.  L*  extrême, 
débonnaireté  de  Ferdinand,  loin  de  fadliter  la  négodation, 
glata  d'efboiks  confédérés;  ilsreoonnurentaisémentrinten- 
tion  de  leur  maître  de  tont  aoeorder,  de  toat  jarer,  et  de  ne 
respecter  ancnn  de  ses  serments.  An  lieu  d'accepter  la  paix 
anx  conditions  qu'eux-mêmes  avaient  demandées,  ils  offrirent 
la  couronne  à  Frédéric  d'Aragon,  qui  Tenait  auprès  d*eux 
pour  les  leur  accorder.  Ce  prince  avait  inspiré,  par  ses  ver- 
tus, autant  de  bienveillance  et  de  respect,  que  son.  frère  de 
méfiance  etde  haine.  S'il  avait  été  Théritier  légitime  du  trône, 
il  aurait  sans  doute  sauvé  la  maison  d'Aragon  du  sort  qui  la 
menaçait  ;  mais  il  ne  pouvait  accepter  des  propositions  cou- 
pables, e1;;il  aima  mieux  demeurer  prisonnier  des  rebelles,  que 
de  régner  sur.  eux  1.  i  .   :    . 

Le  roi  avait  jugé  que  le  parti  nombreux  formé  contse  lui, 
s'il  commençait  à  faire  la  guerre,  se  déterminerait  aussitôt  à 
des  mesures  vigoureuses,  tandis. que  s'il  eontinuait.à  négoder, 
le  respect  pour  T  autorité  royale  arrêterait  tous  les  efforts  de 
cette  ligue  mal  affermie,  et  la  discorde  ne  tarderait  pas  à  s'y 
introduire.  Il  donna  donc  à  son  petit-fils,  Ferdinand,  prince 
de  Gapoue ,  une  armée  d'observation ,  chargée  seulement  de 
contenir  les  rebelles,  tandis  qu'il  mit  la.  pius^grande partie  de 
ses  forces  sous  les  ordres  du  duc  de  Galabre,  qui  marcha  sur 
Borne  pour  s'y  réunir  au  comte  de.Pitigtiano  et  anx  Onâni,. 
soldés  par  le  duc  de  Milan  et  les  Florentins  ^. 

Aucune  action  d'éclat  ne  signala  cette  guerre.  :  Bobert  de 
San-Sévérino  voulut  s'ouvrir  un  passage  an  travers  des  états 


1  GUmnûne,  utorïa  ctvU.  L.  XXVUI»  c.  I,  p.  613.  *-  *  Ihid.  p.  tfH. 

VB.  15 


3KI  HISTOIRE  DBS  HBraBCi^HJBB  ITALlJSlIlfBS 

dfi  rÉ|^  pcM^  93lêf  ie  joiadre,  4ans  1b  royaome  deN^^, 
an  bfurons  qui  latteiMbiieDt.  Le  duc  de  C^labre^'  «ree  kt 
Osmàf  prit  à  tàobe  de  l'arrêter  ^  Les  Florenliair  toojoura 
lests  à  se  mettie  en  mmiireiBeiit,  wlêf^&^  avec  qoel^se^  yi^ 
gaeur  qu'au  eaauDeneement  de  fasBée  sui^attlew  14^.  -*• 
^locB  ils  étendireiit  leurs  négoeiations  dftas  Umécs  les  nffles  de 
rÉgMsequi  caDfinaientàleMternIcype*  LesBsglIeiddeyaievI 
fubre  révolter  Pérouse  et  y  rétablit  legMverMiiieBt  r^oMi 
oaiu,;  les  fils  de  Nicolas  \MÊî,  qœ  nenoit  de.ao«rlr^  de* 
nakat,  avec  leurs  partÎBaiis,  recouf rer  la  sei(pieHfie  de  Gîllà 
di  GasteUo.;  Jean  des  G^ti  devait  faire  valoir  les  droits  de  » 
famille  sur  Yiterbe;  les  villes  d'Assise,  FoUgiie,  Meutéfaleo, 
Spolète,  Todi  et  Orviètç  recebdeat  de  même  ehaenae  un  ftmû 
qm  traitait  ayeeles  f lormtiiBS  2.  Aacuae  de  ees  coojitfatîoWf 
il.  est  yrûf  n'eut  wte  heureuse  issue  ;  mais  la  pape  qm  en  arvait 
eonnaissance  ea  conçut  wàe  ^trôme  inquiétude.  11  flil  obligé 
de  diviser  ses  lorees  pour  coi^air  toutes  ses'  viUea  daas  le 
devoir,  et  il  ne  put  point  donner  aux  barons  napolitakis  les 
seooum  cpi'il  leur  avait  preoûs. 

Cependant  les  deux  avmées  da  duc  de  Calabre  et  de  San- 
$évérâio,  qui  s'étaient  longtemps  menacées,  se  rracenipàient 
enfin,  le  8  mai  1486,au  pont  de  Lamentana.  Un  combid  s'en- 
gagea entre  ees  denx  corps  de  cavalerie,  mais-  aveo  si  peu 
d'ardenr  militaire  qu'on  assure  qu'il  n'y  eut  persosueni  de 
tué  ni  de  blessé.  Gomme  le  duc  de  Calabre  enievadss  prison^ 
niers  à  Bobert  de  San-Sévérino,  et  le  repoussa  dn  champ  de 
bataille»  il  futi  supposé  avoir  remporté  la  victoire  \  Il  s'ap* 
procbii  ensuite  de  Borne  ;  et  lesOrsim  qui  lui  étaient  dévoués, 
jetèrent  la  ville  dans  une  extrême  confusion,  car  mitant  la 
guwre  était  peu  meurtrière  poisff  les  soldats,  autant  elle  était 
rc^Qutable  pour  kft  peuples* 

1  Sdpiùne  Ammiraio.  L,  2U^v,  p,  m,  «.  t  ibid,  p^  173.  «-  s  ii,id,  *  n^  4<  Sab^CQ^ 


DtJ  MOlEll  AOB.  i^7 

le  Aonger  de  tôiit'  l'él&t  de  l'ÉgHiSë,  te  déVa^tsttioii  deri 
OHDfagBes^  Ift  ruine  de  la  tille  dle-méme,  iHâpiraient  d^à  an 
fttble  Innooent  VHI  ds  repentir  de  s*  être  engagé  dans  nne 
lutte  «u-d60aB»  de  ses  forées.  At)rès  aToir  alknné  dne  guerre 
improdente^  il  tf  ataif  pris  aucune  mesure  piour  la  soutenir  ; 
il  se  défiait  de^tbus  également,  et/  dans  son  indécision,  il  lais- 
sdfit  échairper  ses  dernières  ressources.  Laurent  de  Médicis 
augmenta  emore  soù  irrésototlon  et  sek  craintes,  en  faisant 
tomber  entre  Ses  mains  de  fausses  lettres  de  Rdbért  de  San- 
Sévérinoi,  qpii  deraient  faire  appréhender  une  trahison  de  sa 
puMi;  Les  caFdinanx  s'aeoordaiènt  à  f)resser  le  {/ape  de  tenùi- 
ner  oette  guerre  mineuse  ;  le  seul  cardinal  de  La  Balùe,  comme 
Français,  se  ttonyait  en  opposition  atee  tout  le  sacré  collège. 
Il  rappelait  les  démarches  faites  par  U  coiâ*  dé  Èome  stupres 
chi  roi  de  Franee,  et  il  protestait  (fit  le  pape  ûe  porivàit  sans 
déshomoemr  abandonner  une  entrêf^K^è  <|ui  avait  déjà  Àis  la 
Franee  entière  sou^  te^  armes.  Lé  Vtce-cliancefier  Rèdériè 
B^MTgki  lui  réponditf  arrec  tant  de  violence,  qu'on  eut  peine  à 
empêcher  ks  deux  éar^aux  de  se  battre  ^. 

Fefdinâùd  et'Isiibelle ,  refis  ff  Aragon  et  de  Gastfllè,  cher- 
diaient  par  leurs  amlMBàideàr^  à  rétablir  la  paii^  dd  midi  de 
r  Italie.  La  réunion  de  ces  deux  antiques  monarchies  leur  àvaSt 
domté  une  grande  prépondérance  ^anS  la  poKtiqoe  de  fËu- 
rope;  Fenfinand  étsitt  roi  de  Sdle,  et  il  atait  par  cèn^ûent 
im  iniérèt  direct  à  éoartar  dd  royaume  de  Faùtre  Ferdinand, 
son  eoosin,  les  prétmdants  ^ançaSs  c(ui  pouyaièoft  Âïranler  sa 
propre  dèafination.  D* antre  phré,  il  avait  «  cMnfiré'  plour  là' 
Si^le  Finvasion  des  Turcs,  qui  tftîrâSéVit  pu  faSre  ainsi  une 
dtversiott  à  la  guerre  qaf  il  portait  daàs  le  royadme  mnstilman 

1  Rttynaldi  AnnaL  Eccles.  1488,  S 18  >  P*  M8.  —  >  Rodério  Borgia  l'écrii  que  le  S«iolr 
Père  ne  deTtit  pas  éoou  ier  les  propos  d'ua  îTrogiie  :  le  cardinal  de  La  Balae  répondit  A  oeUe 
insnitQ  pair  dei  iilMfiai  plus  dhretVB^  encore  sur  les  nk'èilrs ,  la  naissance  et  la  foi  du 
lÊÊmihi  0«r  VBA»f^m  ^i»^\$Xi  S^fim  tnfèmrù,  Dlw^lo  Honmo*  t.  UI,  P.  a 


228  HISTOIBB  DES  luEPIJBIIQITES  ITALIERlfES 

de  Grenade.  Il  importait  donc  anx  rois  d*Espagne  qae  Fltalie 
demearàt  unie  pour  paraître  redoutable  anx  étrangers  ;  anssi 
s'oflrirent-ils  pour  médiateurs  dans  la  guerre  entre  le  pape  et 
le  roi  de  Naples.  L'érèque  d'O^iedo  et  Francisco  de  Boxas 
Tinrent  à  Rome  pour  négocier.  Plus  tard,  ils  furent  suim  par 
don  Inigo  de  Handoza,  comte  de  TendOla,  et  tous  les  partis 
parurent  également  empressés  d'accepter  km*  médiation  ^. 

Ferdinand  de  lïaples  accorda  au  pape  toutes  ses  demandes. 
U  s'engagea  à  payer  à  l'Église  le  tribut  annuel,  avec  tous  ses 
arrérages;  il  reconnut  pour  Tasseaux  immédiats  de  l'Église, 
et  la  ville  d'Aquila,  et  tous  les  barons  rebelles  qcà  avaioit 
fait  au  pape  hommage  de  leurs  fiefs.  Seulement  il  stipula  que  les 
cens,  payés  annuellement  à  l'Eglise  par  cette  ville  ou  ces  ba- 
rons, seraient  reçus  en  déduction  du  tribut  qu'il  reconnaissait 
devoir  lui-même.  Il  ne  se  contenta  pas  de  pardonner  â  tous. 
ses  barons,  il  les  dispensa  de  venir  lui  rendre  bommage  à 
Naples;  il  leur  permit  de  rester  dans  leurs  forteresses  au 
milieu  de  leurs  vassaux,  et  il  donna  cependant  pour  garants 
de  leur  sûreté  les  rois  d'Aragon  et  de  Gastille,  le  duc  de  Milan 
et  Laurent  de  Médids.  Ce  traité,  qui  n'avait  point  été  commu- 
niqué aux  cardinaux,  fut  signé,  le  1 1  août,  à  Rome,  et  publié 
immédiatement  ^. 

Les  deux  confidents  de  Ferdinand,  qui  avaient  entretenu 
avec  les  rebelles  une  secrète  correspondance,  n'étaient  pas 
explicitement  compris  dans  le.  traité.  Aussi  F<sdinand,  an 
moment  où  il  reçut,  le  31  août,  la  nouvelle  de  la  «gnatoi^ 
de  la  paix,  pour  mèlmr  dans  le  cœur  de  ses  sujets  la  terreur  à 
respâ*ance,  fit-il  arrêter  François  Coppola,  comte  de  Samo; 
les  comtes  de  Garinola  et  de  Policastro,  ses  fils;  Antoine  Pé- 
trucd,  sonsecrétaire,  et  deux  de  leurs  confidents.  Leurs  biens, 

t  BauwOdi  Annal,  EeeUs,  i486,  S  !->>  P*  3M.— *  SUfmio  infeuuro^  maio  jummm. 
p.  1211.  —  Wiario  delttouà^  di  NmUp<>rto.  p.  iios«— JU^ioAti étmÊU,  Seekt  S IS et 
14,  p.  Ml. 


DU  MOT»  AOB.  229 

qui  montaient,  dit-on,  à  trois  cent  mille  dncats,  fiirent  sains; 
et,  peu  de  jours  après,  on  fit  périr  tous  ces  prisonniers  dans 
de  cmds  supplices  ^.  Les  barons,  qui  avaient  été  en  guerre 
avec  le  roi,  se  crurent  dans  ce  moment  abandonnés  à  ses  Ten- 
geances  par  le  traité  de  paix,  ou  peut-être  paa-  une  oollasion 
honteuse  des  puissances  mêmes  qui  ay aient  garanti  leur  sil- 
reté.  Le  grand  sénéchal,  Pierre  de  Guévara,  mourut  de  dou- 
leur de  TaTilissanent  oèi  Aait  tombé  son  parti.  Antoine  de 
Sao-Sévérino,  prince  de  Saleme,  connaissant  trop  Ferdinand 
pour  se  fier  jamais  à  Im,  passa  en  France,  et,  après  de  longs 
efforts,  il  réiMit  enfin  à  j  susdler  un  yengeur  ^.  Les  autres 
barons,  retirés  dans  leurs  terres,  fionrent  ménagés  quelque 
temps  encore  par  le  roi,  et  ils  cherchèrent  alors  à  se  persua- 
der que  leur  cause  n'était  point  la  même  que  celle  du  comte 
de  Samo  et  de  Pétrucci. 

Cependant  Ferdinand,  après  s*être  assuré  que  le  roi  d*Es- 
.  pagne,  le  duc  de  lUlan  et  Laurent  de  Médids  ne  tiendraient 
poiïitlamain  àrexécution  de  ses  piromesses,  ne  tarda  pas  à 
les  Tiokr  toutes  effrontément.  Il  fit  entrer  au  mois  de  sep- 
tembre dans  Aquila,  ce  même  comte  de  Montorio  qu*il  avait 
fait  arrêter  un  an  auparavant,  mais  qui  depuis  s*était  entiè- 
rement dévoué  à  lui.  Le  comte  tomba  à  Fimproviste  sar  les  ^ 
.soldats  d'Innocent  TIII;  il  en  tua  une  partie,  et  contraignit 
le  reste  à  la  fnite.  Il  fit  mettre  à  mort  1*  archidiacre,  chef  du 
parti  de  TEglise,  et  représentant  du  pape  dans  Aquila  ;  enfin 
il  soumit,  sans  réserve,  cette  ville  à  l'autorité  royale  3. 

Les  barons  n'échappèretit  pas  lonigtanps  non  plus  à  la  per- 
fidie du  roi.  Le  10  octobre,  ou,>  selon  d'autres,  le  10  juin 
suivant,  il  fit  arrêter  les  princes  d'Altamura  et  de  Bisigano, 
les  ducs  de  Mélft  et  de  Nardo,  les  comtes.de  Morcone,  de 


1  Atinali  Wapotttmiidi  Haimo,  T.  XXIir,  p.  338.  —  >  UémoiHs  de  PML  de  Contines 
U  VIT,  chap.  1I«  p.  139.  —  >  Stefano  Infesevra^  DiaHo  dl  Aoma.  T.  III,  P.  II,  p.  1314.  — 
Baynaldi  Annal.  Ecctet.  1486^  S  19,  p.  369* 


330  HISTOIRE  DBS  BI^PUDUQUCS  ITALIENlfES 

Lauria,  de  MilHo,  de  Ncda,  et  filasîean  antres  gentfls^ 
hommes.  On  prétend  que  tons  ces  seigneurs  furent  immé- 
diatement égorgés,  et  que  leurs  eorps,  cousus  dans  des  sacs, 
furent  jetés  à  la  mer.  Mais  Ferdinand,  poor  contenir  leurs 
partisans,  yonlut  ftiire  croire  qu'il  retenait  -  toujours  ces 
princes  comme  otages,  et  il  eut  soin  de  faire  porter  diaqne 
jour  des  provisions  à  leur  prison.  Feu  de  temps  après,  on 
arrêta  encore  leurs  femmes  et  lents  enfants,  et  tons  leurs 
biens  furent  oonfisqués.  La  princesse  de  Bisignano  réussit 
seide  à  s'enffitr  avec  sa  famffle.  Le  roi  fit  périr  en  même  temps 
Marm  Marzono,  due  de  Snessa,  qui,  d^uis  Tingt-dnq  ans, 
languissait  dans  ses  cadx^  1. 

I^  roi  n'ayant  j^os  rien  à  craindre  de  ses  barons,  se  dé- 
gagea de  tout  reste  d'égards  pour  le  pape.  H  continua  &  dis- 
poser, sans  le  consulter,  de  tous  les  bénéfices  ecdésiastiques 
4e  ses  états;  il  refusa  le  tribnt  annpel  qu'il  s'était  engagé  à 
payer,  et  locsqne  l'érèqne  de  Gésène  fut  envoyé  par  Inno- 
cent YIII  auprès  de  lui,  pour  réclamer  sur  ces  deux  objets, 
Ferdinand  répondit  qu'il  connaissait  mieux  ses  propres  sujets 
qne  le  pape,  et  qu'il  savait  mienx  que  loi  quels  étaient  ceux 
qui  étaient  dignes  d'avancem^t.  il  ^ciaXk  qu'il  était  sans 
argent,  et  que  d'ailleurs  il  avtift  tant  fait  de  dépenses  pour 
l'Église,  qu'il  avait  mérijbé  de  jouir  d'une  plus  longue  exemp- 
tion encore  *. 

Robert  de  San:*Sé?érino  sachant  qne  le  traité  de  paix  ne 
contenait  aucune  dauie  en  sa  faveur,  se  mit  en  marche  pour 
regagner,  avec  sa  eayalerie,  le  territoire  de  Venise ,  déterminé 
à  s'ouvrir  un  diemin  à  la  pointe  de  l'épée.  Il  avait  d^ 
passé  Todi  et  le  bourg  Saint-Sépulcre,  lorsque  le  duc  de  Ca- 
labre  se  mit  à  ses  tnoiissea,*  ce  duc,  qui  encourageait  à  la  ré- 
sistance toutes  les  villes  dont  San-Sévérino  s'approchait, 

^  Giaanone,  Ijl.  dv.  I*.  XXViu,  e.  l ,  p.  su.  —  «  Stefono  infessura,  DUa^  tmi, 
p.  1218.  —  ttannald.  ânnoL  EecUi.  1487,  S  H»  p.  182. 


ou   HOfElf    AGS.  231 

cMBWiMfa  hi0JEAàt  à  gpgaer  des  mrehes  sor  lui.  Jea&  Beii'*- 
tÎTOglia  et  les  Bolonais  fermèreot  enfin  le  passage  an  ^oénfl 
do  pai^e^  el^tti-ci  ^abUgé  d'abandonner  tons  ses  bagages 
et  la  plos  f^rande  paa^tie  de  son  armée,  tandis  ^'a^ec  cent 
cbevau-l^gers  seul^neni^  il  édiappa  à  ses  ennemis  el  rentra 
sur  te  territoire  de  Yeniae  ^ 

iamm  le  Sai&t-8iége  n*  avait  fait  une  paix  plus  honteoae 
que  celle  qne  venait  de  oMelnre  Inno^nt  YIII.  Sans  avoir 
éfnmivé  anonne  grande  dt^aute,  auoun  reyers  qui  pèt  mo- 
tirar  tant  de  f «blesse,  il  avait  sacri&éle  général  qol  ébA 
veno  à  son  service  de  r  antre  extrânité  de  lltaËe  :  il  av«t 
abandonné  tous  ses  engagements  avec  Bené  de  Lorraine  et  la 
CflUr  de  France }  il  avsât  fait  traîner  dans  les  cadH>ts  et  périr 
daas  les  «itppliees  des  hommes  qui  n'étaient  coupables  qne 
pMT  avwr  soBtenn  son  parti,  et  qu'il  s'était  engagé  sdlennd- 
iemeni  à  défendre.  Il  perdint  le  Mbut  du  royaoïae  de  NafriLes, 
et  la  présentation  aux  béntôces,  que  le  S^nt*8iége  distri- 
bMkaufartfvaifetdans  ce  rayaame;  qt  pour  comble  de  bontCi 
toii»eeaontAge»l»  élûeat  fcûts  en  contradietion  ouverte  avec 
im  traité  salennenement  Jofé,  et  annracé  à  toute  l'Borapei 
8««s  ^'11  osât  ea  témoigner  aucun  ressentiment.  Inno* 
cent  YIII  c|tti  il  qiKlqoes  faibles  t^rtatives  pour  se  faire 
pajFer  par  Vendiaand,  n'en  At  aucune  fow  sauver  les  mal- 
heureuses vîotimes  de  leur  attachement  au  Saint«8iége.  Il 
n'en  eensarva  pas  moins  des  relations  de  bon  voisinage  avec 
le  roi  de  Ifapto;  il  n'invoqua  point  la  garantie  des  média- 
teurs du  traité  de  Borne,  et  bientôt  il  se  jeta  entièrement  dans 
les  bras  de  l'un  deux.  Il  sentait  sa  propre  faiblesse,  il  avait 
besoin  de  tBMveir  de  la  force,  il  désirait  être  conduit  et  se 
eonfiar  en  avtfagle.,  et  il  cbœsit  pour  son  confident  et  mu 
guide,  edoî  en  qui  il  venait  de  trouver  l'opposition  la  ]^ub 

*  mtktn^  Mmmt»*  u  xxv,  p.  m. ~  M.  MU  SobtUUo.  p.  |V  «  L.  UI t  '•  34$.  T. 
—  If  ter.  de  Bursellis  Ann.  Bonon,  T.  lUUII,  p.  906. 


232  HI8T0IEE  DES  BÎ^FUBLIQUES  ITALIElflfKS 

"vigooraiée  :  laoreùt  de  Médiois/ rallié  et  le  stoténr  de  Fer- 
dmand; 

Ce  chef  câèbre  de  la  répuUiqae  florentine  avait  rencontré 
un  jnste  mécontentement  dans  le  conseil  même  des  Septante, 
qn*il  avait  créé,  lorsqu'il'avait  voulu  engager  Fk»rence  à  se- 
conder Ferdinand  dans  nne  oppreèâon  injuste^  età  sebroniller 
avec  rÉglise,  dont  riïiimitié  était  toujours  redoutable.  Son 
historien,  Tàlori,  assure  que  jamaisil  ne  déploya  tant  d'âo- 
quence,  que  dans  le  discours  qui  persuada  ses  collègues i. 
Jamais  aussi  il  n'avait  eu  besoin  de  plus  d'artifice  que  dans 
cette  occasion,  où  il  voulait  faire  sacrifier  l'avantage  comme  les 
principes  de  la  république  à  son  intérêt  personnel.  Laurent 
Téussit  à  procurer  à  sa  famille  l'amitié  de  Ferdinand  en  lui 
rendant  service,  et  celle  d'Innocent  YIII  en  l'intimidant; 
mais  ni  l'un  ni  l'autre  n'étaient  les  vrais  alliés  que  devait 
désirer  Florence  ;  ni  l'un  ni  Fautre  ne  pouvaient  promettre 
de  la  constance  dans  leurs  affections,  ou  delà  suite  dans  leur 
politique.  Florence  était  déchue  de  sa  grandeur  depuis  qu'elle 
avait  abandonné  le  système  des  Âlbizzi,  et  qu'eUe  ne  faisait 
plus  cause  commune  avec  tous  les  peuples  libres.  Les  Médicis, 
humiliés  de  n'être  considérés  dans  les  autres  républiques  que 
comme  de  simples  citoyens,  manifestaient  de  la  jalousie  contre 
Yenise;  ils  inspiraient  de  la  défiance  à  Gènes,  à  Lucques  et  à 
Sienne  ;  ils  mettaient  enfin  tout  leur  art  à  maintenir  un  esprit 
de  rivalité  entre  leur  patrie  et  les  villes  libres.  Dès  lors  Flo- 
rence n'eut  plus  de  partisans  héréditaires  dans  le  reste  de 
l'Italie;  on  savait  que  son  alliance  dépendait  des  intrigues 
secrètes  du  cabinet,  qu'elle  était  variable  comme  les  intérêts 
du  jour  et  la  faveur  des  princes  ;  ceux  qui  souffraient  pour  la 
^use  la  plus  Intime  n'étaient  plus  assurés  de  ses  seeours  ; 
les  aniis  de  la  liberté  ne  songèrent  plus  dès  lors  à  venk  à  son 

1  Vidort  in  vUa  Loutenm.  p.  5$.  —  Ro^coéf,  iife  ofLorenxo  de  MeiieL  T.  H,  eb.  VI, 

p.  27. 


UD  MOnU  A6B.  233 

aide  9  qu'autant  qu'ib  8*7  sentiieut  eouiiés  par  un  intérêt 
présent. 

La  iranité  de  Laurent  de  Médicis,  au  contraire!  était  flattée 
toateft  les  fois  ^'il  traitait  avec  des  princes  ;  Ferdinand  avait 
pour  lui  tous  les  égards  résenrés  aux  souTcrains.  Son  fils  Pierre 
fot  aeeueilli  ayec  bien  plus  de  respect,  aux  noces  d'Isabelle 
d'Aragon  avec  Jean  Galéaz,  que  les  ambassadeurs  de  la  répu- 
blique 1.  Innocent  TIII,  de  son  côté ,  ne  s'alliait  pas  à  Flo- 
rence, mais  aux  Médicis.  Son  fils,  Franœschetto  Gybo,  épousa 
Madeleine,  fille  de  Laurent  et  de  Clarisse  Orsini.  Clarisse  fut 
à  cette  occasion  reçue  ayec  pompe  à  la  cour  de  Rome,  aussi 
bien  que  son  père  Yii^inio  Orsini,  qui  depuis  le  commen- 
cement de  ce  pontificat  avait  été  en  guerre  avec  le  Saint-Siège  : 
tous  les  Orsini,  qui  avaient  été  persécutés  avec  acharnemcRt, 
furent  rappelés  à  la  faveur  et  à  bi  toute-puissance  dans  Rome. 
Enfin,  le  pape  promit  au  frère  de  sa  belie-fiUe,  au  second  fils 
de  Laurent  de  Medids,  un  chapeau  de  cardinal.  Celui  dont  la 
fortune  commençait  ainsi  devait  être  un  jour  le  pape  Léon  X; 
idors  il  était  encore  enfant ,  et  jamais  la  première  dignité  de 
l'Église  n'avait  été  obtenue  dans  un  âge  aussi  tendre.  Le  ma- 
riage de  Francescbetto  Cybo  et  de  Madeleine  de  Médicis  ne  se 
célébra  qu'en  novembre  1487,  et  la  consécration  de  Jean  de 
Médidsfut  différée  jusqu'au  commencement  de  l'année  1 462  2. 

Laurent  de  Médicis  était  à  peine  réconcilié  avec  l'Église 
qu'il  rendit  à  Innocent  YIII  un  service  éminent  en  terminant 
honorablement  pour  lui  une  petite  guerre,  qui  menaçait  d*  être 
suivie  de  grands  désastres.  La  ville  d'Osimo,  dans  la  Marche, 
avait  éprouvé  une  révolution,  h  la  suite  de  laquelle  die  avait 
secoué  la  d<miination  de  l'Église,  et  Boccolino  Guzzoni,  Tun 


1  istùrte  di  Giovanni  CambU  T. XXIV,  p.  %9.—*  MaechkweiU  Ut.  L.  vni,  p.  43S. 
-^Sdpione  AmnOrato.  L.  XXV,  p.  177.  —  /.  Mieh.  Bruti,  L.  Vlir,  p.  209.  —  Diario  di 
Stefano  infesava.  T.  UI ,  P.  II  >  p.  isi>.  —  Mario  di  Jtoma  del  «otaio  di  ifmtip&rto. 
p.  1106. 


834  HISTOIUE   DES  ]l£PU1ILlQDaB(  ITALIMHES 

de  ses  citoyens,  s'en  était  fait  dtfoiarer  selgneor.  de  petit  nm^ 
irerain ,  abandonné  à  ses  seules  forces ,  aurait  été  aisément 
ramené  a  1  obéissance  envers  le  siège  apostofiqœ  ;  mais  vers 
le  même  temps,  Bajazeth  II,  demeuré  vaiaqueur  daos  les 
guerres  civiles  des  Turcs ,  avait  repris  Je  dessân  de  pénétfur 
en  Italie.  Bes  poignées  d'aventuriers  nmanlmans  avaient  fait 
plusieurs  descente»  dans  la  marche  d*Àncône  ;  ils  avaient  es* 
myé  de  surprendre  Fano,  et  ils  avaient  trouvé ,  dons  les  états 
du  pape,  des  correspondants  et  des  partisans,  «ottme  ib.«Q 
avaient  trouvé  dans  ceui  de  Fordinand^  Boecdin»,  qui  ne 
pouvait  guère  espérer  de  former  des  alliances  ea  Italie ,  fit 
offrir  à  fiajazet  II  de  tçnir  de  lui  la  ville  d'ûsimo  enfief  ;  il 
lui  envoya  son  frère  à  Gonstantinople,  tandis  qu'un  ageat  du 
sultan  vint  à  Venise  pour  suivre  cette  négqdation.  La  ville 
dOsimo  est  située  à  qudque  diMauce  du  rivage ,  et  Iimo-^ 
cent  VIII 9  pour  supprimer  une  révolte  qui  poav«t  avoir 
de  si  funestes  conséquences ,  avait  envoyé  immédiatement 
dans  la  Marche  le  cardinal  Julien  de  la  Rovère,  qsi  avait 
coupé  ks  communications  de  Boccolino  avee  la  mer*  li  Ta»» 
siégea  ensuite  dans  Osimo,  place  assez  forte,  et  qui  sedéfeindit 
avec  vigueur  :  si  la  garnison  turque  qu'on  y  attendait  était 
entrée  dans  ses  murs,  U  est  peu  probable  qaem  eût  jan^MS  pu 
chasser  ensuite  les  Musulmans  du  seia  def  états  de  TEgiiBe^. 
lauréat  de  Médicis  interposa  sa  médiatioa  pour  trraânfv  cette 
guerre  dangereuse  :  il  envoya  Févèque  d' Arez2o  à  Boecottuo, 
et  il  lui  persuada  de  vendre  au  pape  la  ville  é'Osi«a,  pour  la 
somme  de  sept  mille  florins.  BqccoUdo  viaait  jenraîte  à  ïlo- 
senee ,  où  il  fut  bien  accueilli;  mais,  lorsque  de  Ik  il  se  ren-* 
èà  à  Milaa^  il  fut  aerêté  à  son  entrée  .Aêm  Mtte  denûèra 
ville,  et  pendu  sans  jugement,  et  sans  égard  pour  la  pro- 


^  Bû8û0e  Uf4  of  iM^zfi.  CiMf.  VI,  p.  ai.  ^  s  Stefcaw  infessuf^  Diwie  Romtmom 
p.  371.  ' 


nu  motbh  ags.  235 

tectton  de  MédîeiSy  oa  peut-être  avec  sa  oMiiiveiiee  secrète  i. 

Il  ue  restait  plos  en  Italie  d'autre  gaerra  qae  celle  entre  les 
républiques  de  Florence  et  de6toes;elle  n'avait  point  été 
terminée  par  le  traité  de  Bagnolo,  en  1484;  elle  ne  le  fut 
point  par  celai  de  Rome  en  i486.  Le  premier  avait  laissé 
aux  Florfflitins  le  droit  de  poorsuivre  par  les  armes  la  restitu- 
tion de  Saraane,  qu'Augustin  Prégoso  leur  avait  enlevée  : 
dans  ce  bot  ils  avaient  pris  à  leur  solde  le  comte  Antoine  de 
Hardano,  et  BanueciQ  Farnèse,  et  ils  les  avaient  envoyés  dans 
4a  Lunigiane,  dès  le  mois  de  septemlM^  1484  3. 

1484.  —  Gènes  se  trouvait  alors  avmr  pour  doge  ce  même 
Psaul  Prégoso,  son  archevêque,  qui  s'était  assis  deux  fois,  en 
i464y  sur  le  trône  ducal,  et  qui  s'était  voué  à  la  piraterie, 
lorsqu'il  avait  été  forcé  d'en  descendre.  Il  était  rentré  dans 
sa  patne,  ea  1 479,  avec  le  reste  de  sa  famille.  Son  neveu,  Bap- 
•tist^,  avait  été  décoré  par  Sixte  IV  du  chapeau  de  cardinal,  et 
chargé  du  commandement  de  la  flotte  envoyée  eontre  les 
Turcs.  Mais  ni  ces  honneurs,  ni  1^  rang  qu'il  occupait  dans 
rÉgiise  et  dans  sa  patrie,  ni  le  (S'édit  qu'il  conservait  sur  le 
jdoge  Baptiste  Frégoso  son  uev^eu,  ne  suffisaient  encore  pour 
satisfaire  l'ambitieux  archevêque.  Il  accusa  Baptiste,  auprès 
des  efaefs  de  sa  faction,  de  dorelé,  d'arrogance  et  d'injustice, 
il  prétendit  que  ce  doge  était  en  négociation  avec  l'empereur; 
pouv  lui  soumettre  Gènes,  et  la  tenir  ensuite  en  fief  de  lui  ;  il 


H.  Ro^oë  »  pcogYé  psr  la  piibUcalio»  <fuQip  lettre  de  laurent  i  l'^o^iapisideur  Hq- 
rentin  à  Rome,  que  son  héros  s'était  employé  avec  zèle  è  faire  teoir  par  le  pape,  au 
moins  jusqu'à  la  date  du  18  août  lOT,  les  promesses  faites  é  Bocoottno.'  {lUtuir.  p.  i63, 
4fipenA'  p-  140.)  Mais  il  pe  deTait  p«  s'qo  preqdre  à  moi  du  foupçoQ  qms  j'ayiJs  iooi- 
demment  laissé  peser  sur  Hédicis  ;  les  paroles  de  TauDaliste  de  l'Église  l'inculpaient  bien 
davantage.  Ad  artes  confagiendvm  fuit,  Uaque  Laurentius  Mediceus,  etc...  Qulbus  de- 
UnUus  illecebrts  iurannus  ad  Laurentium  Florentiam  perrexlt ,  ubt  laute  habim  est; 
à  Mediolanensi  vero  duce  acdtus.:  justo'scelerwn^  contra  spes  suà8,prcpmi0f  ninU' 
riim  suspendio  affeclus  est.  Raynald.  i487,  S  T.  Les  papiers  conservés  dans  l'archive  du 
Vatican,  que  l'annaliste  cite  à  Kappai  de  son  récit,  ne  sont  pas  accessibles  pour  moi. 
^«  Seiplane  Énimti>aio.  L.  X^V,  p.  t$ft. 


236         msTonus  des  lufipuBLiQiiis  iTALiBinnss 

s'associa  avec  Lazare  Doria,  qui  avait  oomme  loi  an  grand 
nombre  de  f actieox  à  ses  ordres  ;  et  le  doge  son  neveu  étant 
venalni  rendre  visite  à  Tarchevêché,  le  25  novembre  1483, 
il  l'y  fit  arrêter;  il  loi  demanda,  an  nom  de  tonte  sa  famille, 
de  déposer  la  couronne  dncale,  et  il  ne  le  remit  en  liberté 
qn' après  s*  être  fait  livrer  le  palais  et  les  forteresses.  Ensuite 
Paul  Frégoso  ayant  assemblé  un  conseil  de  trois  cents  d- 
toyens,  se  fit  proclamer  d(^  de  Gênes  par  leurs  suffrages  ^ 
Ce  chef  de  factieux,  habile  et  entreprenant,  était  un  des 
plus  redoutables  adversaires  que  les  Florentiiks  pussent  ren- 
contrer dans  leur  entreprise  sur  Sarzane.  Ce  n'était  plus  à 
Augustin  Frégoso  seul  qu'ils  devaient  disputer  la  petite  ville 
dont  ils  réclamaient  la  souveraineté,  mais  au,  doge,  et  en 
même  temps  à  la  banque  de  Saint-George.  Cette  compagnie 
de  commerce ,  sous  prétexte  d'administrer  les  revenus  des 
créanciers  de  l'état  de  Gênes,  avait  un  gouvernement  repré- 
sentatif, un  trésor,  une  armée  et  un  système  de  liberté  et 
d'administration  bien  supérieur  à  celui  de  la  république  au 
milieu  de  laquelle  elle  était  instituée 2.  Augustin  Frégoso, 
qui  ne  s'était  pas  senti  assez  fort  pour  défendre  seul  Sarzane, 
avait  cédé  à  cette  banque  tous  ses  droits.  . 
.  La  Banque  de  Saint-George  possédait  également  le  fort 
château  de  Piétra-Santa,  qui  commande  le  passage  de  la  Lu- 
nigiane,  sur  le  chemin  de  Florence  à  Sarzane.  Ce  château  est 
situé  dans  une  plaine  fertile,  couverte  par  des  bois  d'oliviers, 
mais  resserrée  entre  les  montagnes  et  la  mer.  Les  eaux,  qui 
ne  peuvent  y  trouver  un  écoulement  suffisant ,  y  forment 
quelques  marais  qui  rendent  cette  campagne  très- mal- 
saine. Piétra-Santa  avait  été  bâtie  au  xni"  siècle  par  un 


1  Baptiste  Frégoso  a  écrit  lui-même  rhisloire  de  cette  rérolutioii,  et  fait  le  t«bleau  des 
crimes  et  des  Yices  honteux  de  son  oncle,  dans  son  livre  De  Factiê  et  Dictis  miraàià- 
bus,—  VbertiFolUtœ,h.  Xl,^.6S0.^Ag.  GiuatinUmiAnnalL  L.  V,  f.  241, F.  ~  P. 
mxano,  BUt.  Gemient,  L.  XV,  p.  35«.  -  »  NIç.  MaçcMmms  imr*  h.  vm,  p.  M. 


DU  MOmr  AGB.  ûil 

pôdflrtftklloftatiii.  Les  Ptoans  et  kg  Locqnois  l'aTaient  possédée 
toarà  toar^etla  républiqae  florentiner  a^ait  définitiTement  alié- 
née en  1 3  43 .  La  banque  de  Saint-Geoi^  y  tenait  alors  trois  cents 
hommes  de  garnison.  Il  était  difficile  d'attaquer  Sarzane  sans 
posséder  Piétra-Santa.Gependant  lesPlorentios^qui  ne  se  regar- 
daient point  comme  en  guerre  avec  les  Génois,  ne  voulaient  pas 
ocmunencer  les  hostilités  en  attaquant  cette  forteresse.  Mais 
on  conToi  faiblonent  escorté,  qu'ils  envoyaient  à  leur  ar-^ 
mée,  et  qui  passait  sous  les  murs  de  Pietra-Santa,  fut  pillé 
par  la  garnison.  Dès  lors  ils  se  crurent  en  droit  d'assi^r  ce 
château,  et  la  guerre  au  lieu  de  n'être  dirigée  que  contre  Au- 
gustin Frégoso,  devint  publique  entre  les  deux  états  ^  Les 
Génois,  de  leur  côté,  envoyèrent  Constantin  Doria,  avec  une 
flotte  de  dix  galères  et  quatre  vaisseaux  ronds  pour  porter  le 
ravage  à  Livoume,  à  Yado,  et  sur  tontes  les  c6tes  de  Toscane  ^. 
Le  mauvais  air  de  Piétra-Santa  rendit  très  meurtrier  le 
siège  de  cette  petite  ville,  qui  avait  été  entrepris  dans  la  saison 
des  fièvres.  Il  y  avait  eu  peu  d'actions  militaires,  les  batteries 
n'étaient  point  encore  plantées  devant  les  murs,  et  déjà  les  trois 
capitaines  des  Florentins,  les  comtes  de  Pitigliano  et  de  Mar- 
dano,  et  Ranucdo  Famèse  étaient  malades;  la  plupart  de 
leurs  soldats  étaient  hors  d'état  de  faire  aucun  service.  Ils 
étaient  sur  le  point,  le  10  octobre,  de  lever  le  siège  ^,  lorsque 
les  Florentins  envoyèrent  à  leur  armée  des  renforts  considé- 
rables, avec  trois  nouveaux  commissaires.  Ceux-ci  s'efforcè- 
rent défaire  comprendre  aux  soldats  que,  dans  un  climat 
chaud  et  fiévreux,  l'automne  était  bien  plutôt  la  saison  de 
commencer  que  de  terminer  la  campagne.  Us  les  engagèrent 
donc  à  demeurer  encore  devant  Piétra-Santa,  et  les  21  et  22 


>  irfo. Maeehkwem.  L.  vui, p.  isu—Sdplone âmmbraio.lmJXV^ p^  tes.—/.  JficA. 
BntH.  L.  VllI ,  p.  ifS.  -^  s  Vberti  Folietœ  Genuenê.  Bi$L  L.  XI ,  p.  $5i.  —  P.  Bizarro, 
L.  XV,  p.  SST.  —  égoit.  GlmiMOHi  énnoL  U  v,  f.  24i.  —  s  Seiplone  àmmtaio, 
Ih  XXV,  p.  US. 


238^  HtSTO^B  DIS»  fiimUflOVS  ITAtttlfllES 

octobre,  ils  les  ocntiteisifeot  à  ï  «ttaqnéfé^  dèn  teAnMf  qd^ikf 
entevèrentyPiiae  aa  SaltoàlaCerpia,  ïox^ge  dans  lie  viAéef  ikf 
Corvara.  La  garnison  avtttjumiit' alors  oonservé  anecomiiKi-' 
nication  avec  les  montagaes  au  mo^ea  de  oe»  redostes.  Cepen- 
dant le  comte  de  Marciano  ftit  tué  dans  nue  de  ces  attaques  ; 
les  trois  nouveaux  commisttnres*,  Grokdardinii  Gi^^VigUmid' 
et  Pacciy  furent  atteints  par  la  fièrre  épidémiqoe,  et  l'on  fM' 
obligé  d'en  envoyer  un  nouveaU)  B«mard  ési1SérOy-fOm}è» 
remplacer.  Il  arriva  au  can^  le  2  novembre^  k  garâAKHï  étail^ 
déjà  aux  abois;  un  assaut  fut  livré  à  la  plaee  le  5r  no^^)il>re,> 
et  les  Florentins  demeurèrent  maîtres  d'Ui»ba^os«  Al(^tirLau^ 
rent  de  MédiciSy  qiâ  ne  s'approchait  goi^  des  cafm^s  ausdi 
longtemps  qu'il  y  avait  quelque  danger^,  aceouruli  à  eekâ  de^ 
assiégeants  pour  recevoir  la  capitufetkKi'de  PiéM-^^Stota  ;  ^e 
fut  signée  le  8  novembre  K 

Les  Florentins  cependant  avaient  pris  à  leur  solde  dix-btait 
galères  catalanes,  sous  les  Ordres  de  Bequesens  et  de  Yilla^ 
Marina  ;  ils  avaient  formé  un  parti  parmi  tes  émigrés  génois' 
ennemis  de  Paul  Frégoso,  et  ils  vx)ulurent  attatpier  ee  doge 
dans  sa  capitale.  Bernard  dd  Néro  eut  beaucoup  de  peine  à* 
tenir  réunie  Farmée  qui  aveût  pris  Piétra-Santa,  et  qui  étint' 
affaiblie  et  découragée  par  des  maladies  toi^ours  renaânottles. 
Il  se  préparait  cependant  à  coilti&uer  la  campagne,-  ldi^[U*î! 
apprit  que  les  émigrés  génois  auraient  été  défaôts  le  22  décem- 
bre ;  alors  il  céda  aux  sollicitations  de  ses  soldats,  et  il  les  mit^ 
en  quartiers  d' hiver  2. 

1485.  —  Louis-le-Maure,  régent  de  Milan,  et  le  pape,*  of- 
frirent aux  deux  républiques  leur  médiation  :  iteproposèi^ent, 
ou  de  laisser  aux  Géuois  la  possesâon  de  Sarzane,  et  MX'  Flo- 
rentins celle  de  Piétra-Santa ,  ou  d'échanger  ces  deux  places 

1  Sèi^ne  àmtMraio,  L,  3^V,  p.  164.  —  MaccMavèUi  Utor»  L.  VUI,  p.  434.  — 
féBbsairo,  L.  XV,  p.  9«tf*'  —  Agost.  &MtihianU  L.  V,  L  243.  -  >  S^iQH^  4mmirai9i 
IrfXXV,  p.  iw. 


jm  iHyRR  AGS.  239 

p  ïmm  ooàla^tnxAsey  pour  qne^haqoe  répviësfm  mnMt  dans 

Il  M§  aneienlM  fEropriétés.  Les  Géiieis,  dans  la  première  suppo- 

I  8^08,  demaiidiiiait  que  les  Fiorentios  éTaeuassent  Sarzanelto, 

I  fûrteresse  atkeiiMrte  à  Sana&e ,  qu'ils  possédaient  tonjrars. 

f  Q&xt^  M  Toidaient  le  faire  q^'anlaot  qo'ils  seraîait  rou- 

k  koofités  do  prix  d*adiat  qu'ils  avaient  payé  à  Fr^^oso  pouf 

I!  tiNfttes  deox.  Ces  prétaottions,  quoique  opposées,  ne  parai»- 

I!  Èmeal  pas  bien  diffiettss  à  aocoider;  aossî,  peodaïkt  toute  Tas- 

I  Bée  1 48&,  ks bostiUlés  demeurèreat-eUes  suspendues,  d'autant 
k  00»  que  la  guerre  de  Na^  et  de  l'Eglise  attirait  d'un  autre 

II  Gâté  l'attefttioa  et  les  foroes  des  Florenthis  ^  Mais  les  nou- 
I  jéUm  Qjdgodifltions'  entamées  par  le  pape  furent  infructueuses^ 
i  le  tratté  signé  par  son  cntreaise  fbt  ronrpu,  les  deux  peuples 
i  a'aeaaaèreHt  mntneUement  de  mavfaise  foi,  et  de  nouveau  ils 

reooorure&t  aux  armes  ^. 

I  i48'7.  -^  Vers  la  fin  de  nm  1487,  les  Génois  surprirent  la 

\        fovteresse  de  Sarzanello  ;  mais  ils  ne  purent  se  rendre  maîtres 

I        du  «diàteau  oè  lés  Florentins  s'étaient  réfugiés.  Florence  en- 

I        ¥07a  en  hÀte  tous  ses  condottieri  sur  cette  frontière  :  c'étaient 

le  comtedePiligtîaiio,  le  seigneur  de  Piombino,  celui  de  Faenza 

j        et  les  Orsim.  Leur  armée  rentra  le  13  avril  dam  Sarzanello, 

efe  JeasD-Louis  és^  Fiesopie,  qui  cammandatt  les  Génois,  y  fut 

!         fait  prisonnier  «ree*  un  de  ses  neyeux^.  Pitigliano  entreprit 

aussitôt  le  siège  de  Sarxane;  il  bâtit  trois  redoutes  entre  cette 

ville  et  la  Magra  ;  il  ouvrit  une  batterie  de  huit  bombardes, 

çii  fit  au  eovps  de  la  ^aee  une  brèche  praticable,  et  il  allait 

ordoBuer  un  assaut,  lorsque  Laurent  de  Médids,  averti  que 

les  habitants  étaâent  sur  le  point  de  se  rendre,  accourut  pour 

recevoir  leur  oaptuiation  :  elle  fut  signée  le  22  mai  1487,  et 

l'armée  viétorieuse  prit  l'engagement  de  respecter  les-  pro^ 

priétés  des  botu^eois  ^. 

p.  m —  s  Sdpione  âmmimo,  h,  XXV,  p,  i7$«  -  ^  IbUU  p.  179.  -  Uberti  VoUêm. 


240  HISTOIRE  DBS  KÉPUBLIQUES  ITALIEKIHES 

Au  lieu  de  poursaivre  la  gaerre  après  cette  Tîctoiie,  cm  de 
la  terminer  par  une  bonne  paix,  Laurent  de  Médids  ne  laissa 
qu'un  millier  de  soldats  à  Sarzane ,  et  il  s'unit  à  Louis-Ie- 
Maure  pour  décider  Paul  Frégoso  à  soumettre  de  nouveau 
Gènes  au  duc  de  Milan.  Quoique  l'âge  avancé  du  cardinal  Fré- 
goso commençât  à  calmer  ses  passioiis,  la  double  dignité 
d'archevêque  et  de  doge  n'avait  pu  le  faire  rasoncer  au  carac- 
tère d'un  chef  de  factieux.  Son  flls  naturel  Frégonîso  mar- 
chait, comme  lui,  entouré  de  bandits  accoutumés  à  braver 
toutes  les  lois  pour  satisfaire  ses  moindres  désirs.  Un  conseil 
des  Dix,  nouvellement  institué  à  Gènes  pour  réprimer  ces  dés- 
ordres, avait  fait  arrêter  Thomas  Frégoso.  Le  cardinal,  ou  son 
fils,  prenant  la  défense  de  leur  parent,  firent  assassiner  Ange 
Grimaldi,  l'un  des  décemvirs,  et  Tobie  Lomellini  i.  Enmème 
temps  ils  entrèrent  en;  traité  avec  Louis-le-Maure  pour  loi 
soumettre  Gènes  aux  mêmes  conditions  si  souvent  accordées 
avec  les  ducs  de  Milan,  et  si  souvent  violées;  mais  ils  cher- 
chèrent dans  cet  accord  une  garantie  pour  leur  famille  qu'ils 
ne  pouvaient  trouver  pour  leur  patrie.  La  fille  naturdle  do 
dernier  duc.  Glaire  Sforza,  veuve  de  Pierre  del  Yerme,  fot 
donnée  en  mariage  à  Frégoniso,  fils  de  F  archevêque;  leurs 
noces  furent  célébrées  avec  un  faste  royal  à  Milan,  au  mois  de 
juillet  1487,  en  présence  des  ambassadeurs  de  la  républiqae. 
Ainsi,  la  liberté  de  Gênes  allait  être  sacrifiée  par  un  marché 
honteux  au  mariage  de  deux  bâtards  ^. 

Mais  l'alliance  de  Paul  Frégoso  avec  le  duc  de  Milan  exdta 
la  défiance  de  toas  les  Génois,  et  les  ennemis  du  doge  profi- 
tèrent de  ces  dispositions  publiques  pour  se  réunir  contre  lui. 
Ibletto  et  Jean-Louis  de  Fiesque,  deux  frères  qui  avaient  con- 
tribué à  sa  grandeur,  se  préparèrent  à  abattre  l'idole  qu'ils 

L.  XI,  p.  6t3.  —  1  Vb.  FoUetœ  Bist.  Genuenê,  L.  xr,  p.  6S4.  —  t  DUirto  dei  \NoUâo  di 
aanUporte.  p.  itos.  —  BanhoL  Senwegcn  Qonmenu  de  rébus  Genuci».  T.  XXI?.  ner. 
UaL  p.  SIS.    . 


BU  McynsH  AGE»  241 

«itaièst  âeyé  :  ils  s^'adrâ^sèrent  à  Baptâfite  Frégôso;  qtie  le  car*- 
dinal,  son  onde,  retenait  en  exil  dans  le  Friuli,  après  TaToir 
trahi  et  chassé  du  palais  ducal  cinq  ans  aoparayant.  Us  s*a^ 
dressèrent  aussi  à  Jean  et  AngAstin  Adomo,  chefs  de  la  fac- 
ti<Hi  opposée,  qui  Tiyaient  à  Selva  dans  la  retraite,  et  ils  con- 
tinrent aTec  enx  da  joar  où  ils  attaiqaeraient  à  rimproyisle 
lé  doge  qu'ils  détestaient  tous  ^ 

1488.— ^  Jèan'-Louis  de  Fiesque  s'enfonça  dans  les  mon- 
tagnes pour  armer  ses  yassaux,  et  joindre  à  leur  troupe  tous 
lies  soldats  Tagabonds  qu'il  pourrait  recruter.  Ibletto,  chargé 
de  diriger  des  rassemblements  dans  les  faubourgs  mêmes  de 
Gènes,  cacha  ses  intrigues  sous  l'appareil  de  festins  conti- 
nuels, et  d'une  di8sq>ation  qui  frappait  tous  les  yeux.  Le  doge 
le  fit  interroger  sur  les  soldats  qu'on  yoyait  autour  de  lui. 
Ibletto  répondit  que  c'étaient  d'anciens  compagnons  d'armes 
qui  profitaient  de  ce  que  l'Italie  entière  était  en  paix  pour 
yenir  passer  dans  la  joie  quelques  jours  ayec  lui.  Cependant 
l'inquiétude  que  Paul  Frégoso  ayait  maitifestéefit  comprendre 
à  Ibletto  qu'il  n'ayait  pas  un  moment  à  perdre,  Le  même 
soir,  an  mois  d'août  1488,  il  surprit  la  Porte-aux-Ghèyres, 
près  de  Saint-Étienne,  et  il  s'y  fortifia  ayec  une  centaine  de 
soldats;  il  fit  en  même  temps  ayertir  de  son  entreprise  tons 
sÈsassodés,  et  il  les  fit  prier  instamment  d'accourir  aussitôt 
à  son  aide,  Paul  Frégoso  crut  deyoir  attendre  le  jour  ayant 
de yènir  l'attaquer;  il  ignorait  et  les  forces  de  son  ennemi  et 
les  dispositions  de  la  yille,  et  il  ne  ybulait  pas  th^r.  des  sol^- 
dats  de  ses  forteresses,  au  risqué  d'en'  affaiblir  la  garnison, 
au  moment  où  l'on  songeait  peut-être  à  les  surprendre  :  ce 
délai  assura  le  succès  des  conjurés.  Ayant  le  jour,  Jean-Louis 
de  Fiesque  entra  dans  la  yille  ayec  la  petite  armée  qu'il  ayait 
rassemblée  dans  les  montagnes.  Augustin  et  Jean  Adorno  y 


>  Barih.  Senaregœ  CommenU  p.  5Hr  —  Vhert,  Folktœ,  L.  XI,  p.  655» 


242         HisrrotBE  en  BipuBUQcn  irAummiA 

^ntrè^ent  de  kàr  côté,  aTèc  tonte  leur  hcXmi  depuis  Icn^ 
tea^  imprimée.  Ba|Aiite  frëgoso  n'avait  pas  hésité  à  s'allier 
«Teo  les  plus  anciens  ennemis  de  sa  maiscm,  poor  se  venger 
delà  perfidie  de  son  oftde.  Lear  almfe  était  dé|à  fort  snpé^ 
«eore  à  celle  dti  doge;  an  point  du  jour  elle  Tint  l'attaquer 
ail  pdds  publié  ;  et  Paul,  reconnaissant  trop  tard  que  k  délai 
d'une  nuit  atait  causé  sa  ruine,  s'enfuit  aree  son  fils  dam  k 
eitadBlle,  tandis  que  son  ami  Paul  Doria  retardait  la  marche 
des  asiniUants  ^«*  des  propositions  ariffîdeuses,  et  le  déro** 
bût  ainsi  au  poignard  de  Baptiste  Frégoso,  qui  ne  respirait 
que  Tengeance  ^ 

Les  ennemis  du  cardinal,  maîtres  du  patate  public,  oher^ 
ehèrent  à  donner  une  forme  nouvelle  à  la  république.  Ils  ne 
Youlùrent  pas  nommer  de  doge;  cette  dignité  suprême  aurait 
réreillé  la  rivalitâ  des  Adomi  et  des  Fregosi;  elle  aurait  ausin 
mécontenté  les  Fiesques,  que  leur  noMesse  excluait  d'uM 
magistrature  populaire^  Le  sénat  dMNsit  donc  douae  cîto}rens, 
qu'il  nomma  d'abord  capitaines,  et  enibuite  réformiUeors  de 
la  république  de;  Oëdes«  Les  chefs  des  deux  factiond  popu*^ 
laires,  ceux  de  toutes  les  familles  nobles,  et  ceux  qui,  à  quel-» 
que  titre  que  ce  fût,  jouissaient  de  la  confiance  de  kors 
eoneito^ns,  se  trouvèrent  réunis  dans  ce  nouveau  conseil^. 

Le  premier  ordre  donné  par  ces  magistrats  fut  cdai  d'aV» 
taquer  la  foHeresse.  Le  cardinal  ne  s'était  pas  contenté  de 
l'occuper;  il  avait  aussi  logé  des  soldats  dans  ks  maismi» 
voisines,  il  en  avait  chassé  ks  halntànts,  il  avait  coupé  kd 
rues  par  des  barricades,  et  il  s'était  mis  en  état  de  soutenir 
on  siège  qui  pouvait  être  kng.  Les  combats  livra  autour  de 
cette  forteresse  réduisirent  Gênes  à  k  plus  effrayante  déso^ 
lation.  Chaque  palais  était  à  son  tour  attaqué  et  défendu  av«c 
de  l'artiUark;  quand  l'un  ou  l'autre  parti  était  oUigé  de 

1  Barth.  Senaregcc  De  rébus  Gen,  p.  515.  —  Vberl.  FoUetœ,  L.  XI,  p.  655.  —  *  Êarik. 
SenaregcB,  p.  si  5. 


m  MOYEU  A6£.  ^43 

4'ëiracner,  il  y  mettait  le  feu  en  se  retirant  ;  an  miliea  des 
combats  et  de  rincendie,  on  toyait  les  habitants,  les  femmeft 
et  les  enfants  disputer  aux  soldats  qm  les  pillaient  leurk 
meublés  et  leurs  richesses.  Chaque  jour  la  dévastation  s'ëten^ 
-dait  plus  loin  ;  et  cette  opulente  cité ,  si  renomniée  par  sk 
magnificence,  semblait  menacée  d*être  rasée  par  ses  propreb 
tcitoyens  ». 

Pendant  que  ces  combats  se  prolongeaient,  les  magistrats 
n'étaient  adressés  au  pape  leur  compatriote ,  dont  ils  implo- 
rèrent la  médiation,  et  au  roi  de  France  Gharleiï  VlII,  auquel 
ils  offrirent  la  seigneurie  de  leur  tille,  aux  mêmes  conditions 
auxquelles  son  père  Tavait  possédée.  D'autre  part,  Paul  Fré* 
goso  avait  demandé  des  secours  au  duc  de  Milan ,  qui  fit 
avancer  vers  la  Ligurie  Jean^^François  de  San^Sévérino,  comte 
de  Caiazzo,  fils  de  Bobert,  qui  était  mort  l'année  précédente. 
fin  même  temps  des  ambassadeurs  milanais  arrivèrent  BtxaA 
à  Gênes ,  et  leur  médiation  tnt  acceptée  par  les  deux  partis. 
Bs  proposèrent  de  partager  la  république  entre  les  Adomi 
^  les  Frégosi  ;  de  céder  aux  premiers  Savonne,  avec  toute  la 
ftvière  dé  *Ponerit;  de  conserver  aux  seconds  Gènes  et  la  ri- 
*Vlère  de  Levant;  de  reconnaître  enfin  la  suzeraineté  du  duc 
"de  Milan  sur  l'une  et  sur  l'autre  partie  2.  Cette  proportion , 
qui  sacrifiait  la  gloire  et  l'existence  même  de  la  nation  à 
l'avantage  des  chefs  de  parti,  fut  rqetée  par  tous  deux,  mais 
eRe  augmenta  leur  défiance  réciproque.  Baptiste  Frégoso 
cependant  était  odieux  et  suspect  à  Louis4e-Maure,  et  les 
ambassadeurs  milanais  travaillaient  en  secret  à  détacher  de 
lui  ses  nouveaux  associés.  Us  réussirent  en  effet  à  obtenir 
qu'on  le  leur  sacrifiât.  Baptiste  fut  arrêté  dans  la  maison 
même  d'Augustin  Adomo,  où  il  s^était  rendu  sans  défiance. 
On  le  fit  monter  sur  une  galère,  et  partir  pour  Antipoli  dans 

s  €^eH.  FclUtœ,  L.  XI,  p.  «SB.—  taHh,  Senùre^œ.  p.  S18.  P.  BtùirH.  L.  XV,  p.  3«3. 
—  «  Ubert,  FolUm*  L..XI,  p.  6M.  —  BoKft.  S9nwre§m.  p.  M7. 

16* 


244  HISTOIRE  DES  HEPUBUQUES  FTALIEIINES 

le  Frioul;  c'était  le  même.  lieu  d*exil  d*où  il  était  revenn  pea 
de  semaines  auparavant.  Les  autres  cheb  avaient  donné  leur 
consentement  aux  nouvelles  propositions  des  ambassadeurs 
.milanais.  Augustin  Àdomo  devait  exercer  pendant  dix  ans 
l'autorité  ducale  dans  Gènes,  avec  le  titre  de  lieutenant  du 
duc  de  Milan.  Ibletto  et  Jean-Louis  de  Fiescbi  devaient  être 
conservés  dans  tous  leurs  bonneurs  et  tout  leur  crédit.  Le 
.cardinal  Paul  Frégoso  devait  abdiquer  la  dignité  ducale,  et 
,con»gner  aux  Milanais  le  Gastelletto  et  toutes  ses  forteresses. 
En  retour,  on  lui  promettait  une  pension  annuelle  de  six 
mille  florins,  et  on  en  promettait  mille  à  son  fils  Fr^osino, 
jusqu'à  ce  que  le  pape  leur  eût  assuré,  en  bénéfices  ecclésias- 
tiques, un  revenu  égal  à  cette  somme.  A  ces  conditions,  on 
permettait  à  Paul  Frégoso  de  demeurer  à  Gènes,  pourvu  qu'i} 
s'y  renfermât  dans  ses  fonctions  ecclésiastiques;  mais  il  eut 
trop  d'oi^eil  pour  vouloir  obéir  là  où  il  avait  commandé. 
En  sortant  du  Gastelletto,  au  mois  d'octobre  1488,  il  monta 
avec  tous  ses  effets  sur  deux  galères  qui  lui  étaient  préparées,* 
elles  furent  jetées  par  une  violente  tempête  sur  les  rivages  de 
Gorse;  l'une  y  périt  avec  tout  ce  qu'elle  portait;  l'autre, 
après  avoir  perdu  tous  ses  agrès,  échappa,  comme  par  mi- 
racle, à  la  tempête,  et  vint  déposer  Paul  Frégoso  à  Givitta- 
Tecchia,  d'où  il  se  rendit  à  Rome,  qu'il  ne  quitta  plus  jusqu'à 
sa  mort  survenue  le  2  mars  1498  K 

La  république  florentine  n'avait  pas  lieu  de  s'applaudir  de 
cette  révolution,  à  laquelle  elle  avait  contribué,  en  continuant 
une  petite  guerre  sur  les  frontières  de  la  Ligurie.  Le  duc  de 
Milan  ne  fut  pas  plus  tôt  maître  de  Gênes,  qu'il  témoigna  son 
regret  de  la  perte  de  Sarzane  et  de  Piétra-Santa,  et  qu'il 
songea  aux  moyens  de  recouvrer  ses  deux  villes  ^.  Mais  Lau- 
rent de  Médicis,  persistant  dans  sa  défiance  de  toutes  les  ré- 

t  Vkertm  FoHeil  Girmem,  UisU  t.  XI,  p.  9S7.  ^Barth.  Senaregm*  T.  XXIV,  p.  itt. 
—  P.  hi%ano.  L.  XV,  p.  3««.  •«-  *  SieipioM  AmmU^atû,  i.  XH^il,  p.  t»a. 


DU  MOTEH  AQB.  245 

pubtiqim,  ledootait  moing  les  intrigues  et  les  eomplots  d'nni 
prince  son  Toisin,  qae  Texemple  de  liberté  et  d*indépaidanoe 
qne  des  citoyens  ponvaient  donner  anx  Florentins.  IMgà  Pé- 
roose,  Bologne  et  GAnes  ne  pouvaient  pins  lui  eanser  ce  genre 
d'inqniétade.  Venise  était  toujours  regardée  connue  une  puis- 
sanee  ennemie;  enfin  les  deux  républiques  qui  partageaient 
«yec  Florence  la  souveraineté  de  la  Toscane  perdaient  cha* 
que  jour  de  leur  importance.  Celle  de  Lucques  semblait  met- 
tre tous  sessoins  à  se  fiiire  oublier  :  on  ne  la  voit  presque 
jamais  n<munée  par  aucun  des  éerivains  du  siède,  et  comme 
son  gouvernement/ par  une  jalouse  défiance,  a  empAcbé  la 
publication  de  tous  les  historiens  nationaux,  on  s*  aperçoit  à 
peine  de  son  existence.  Celle  de  Sienne  occupait  alors  pins 
tristement  la  renommée;  elle  consumait  ses  forces  dans  son 
propre  sdn. 

Depuis  que  le  duc  de  Calabre  était  sorti  de  cette  ville,  en 
1480,  elle  avait  tpujours  été  en  proie  à  une  effroyable  anar- 
chie. Des  démagogues  furieux  avaient  tour  à  tour  exilé^  pros- 
crit, [précipité  des  fenêtres  du  palais,  ou  fait  périr  sur  Técha- 
f  aud  tous  ceux  que  leur  naissance,  leurs  talent»,  leurs  services 
avaient  rendus  éminoits  aux  yeux  de  leurs  condtoyms.  Les 
ordres,  ou  Monts  des  neuf,  des  douce,  des  réformateurs,  des 
gentilshommes,  tour  à  tour  en  butte  à  la  persécution,  avaient 
été  tantôt  exclus  de  toute  part  an  pouvoir  suprême,  tantôt 
abolis,  tantôt  proscrits.  La  r^ublique,  en  1482,  n'avait  plus 
voulu  reconnaître  que  Tordre  du  peuple,  auquel  on  avait 
réimi  tous  les  autres  ^  Mais  cette  sage  résolution,  qui  devait 
fidre  diq[Kiraltre  une  distinction  propre  seulement  à  perpétuer 
les  troubles,  avait  été  abolie,  en  liSi,  par  les  démocrates 
eux-mêmes.  Ils  avaient  voulu  séparer  de  nouveau  de  leur 
corps  tous  ceux  qui  avaient  quelque  inrétaoïtion  aristocratique, 

t  Orkmdo  Malmoia,  Storia  ai  Sima.  P.  Ill,  L.  v,  f.  88,  t. 


246  HISTOIRE   DES   REPUBLUiUSS   ITALIEKINCS 

|KMir£râe dateurs drdl&aboliB  imtiti^  djeaediisiQq,  et  l-^« 
blissement  de  oette  <digarcbie,  toute  roturière,  ayait  été  ae^ 
compagne  de  nouyeiiux  ma^sacffes  i.  Le  nombre  dea  exilés  de 
Sienne  était  chaqiie  jour  plus  grand.  Ils  ne  YÎTaient  pku 
isolés  dansteur  bannissement,  ils  se  réunissaient  en  tnmpes 
formidables  dans  les  états  Toisina,  et  ila  eKrayaûsot  le  gou- 
Temement  révolutiouDaire,  par  leurs  tentatiTea  oonlinaelles 
pour  rentrer  dans  leur  patrie,  ou.  pw  foroe  ou  piur  suri^ise. 
Laurent  de  M édicis^était  allié  de  ce  gonvemem^t  anarebîque. 
Il  avait  fait  renoncer  les  Florentins  à  leur.aacienne  maxime, 
de  ne  cberoher  jamais  des  amis  que  parmi  ceux  de  la  jostice, 
de  Thonneur  et  de  la  liberté.  Ses  traitée,  étaient  toujours  dictés 
par  rintérêtdu  moment,  par  la  jalousie,  par  te  désir  d'affai- 
blir  ses  voisins,  par  la  politique  enfin,  dont  tes  vue»  sont 
bien  courtes  à  côté  de  celles  de  la  morale.  Il  avait  sacrifié,  en 
1482,  les  émigrés  siennais,  maîtres  du  Monte^Beggioni,  qui, 
privés  tout  à  coup  de  ses  secours,  avaient  été  contraints  da* 
bandonner  ce  cbàteau  à  leurs  ennemis  ^  ;  et  il  avait  conda, 
te  14  juin  1483)  une  ligue  pour  vingt*einq  ans,  au  nom  des 
Florentins,  avec  te  poputeçe  qui  tyrannisait  Sienne^;  mais 
les  émigrés  n'en  avaient  pas  moins  cherché  à  s'emparer  tan^ 
tôt  du  château  de  Saturnia,  tantôt  de  te  ville  de  Chiusi,  tan-* 
tôt  de  te  bourgade  de  San-Quirico. 

Ce»  émigrés  siennaifk  étaient  de  tous  les  partis,  de  tous  les 
Jfon^t,  suivant  te  langage  consacré  à  Sienne.  Plusteurs  de 
ceux  qui  avaient  été  envoyés  en  exil  les  derniers,  avaient  en 
part  à  la  proscription^  au  supplice  même  des  {ffemiènes  victi-' 
mes.  Le  juste  ressentiment  qui  les  tenait  divisés  faisait  Tes- 
pérance  des  oppresseurs  de  leur  patrie.  1487.  —  Ils  te  sen- 
tirent: ils  mirent  de  côté  tout  souvenir  doffenses.que  le  sort 
avait  déjà  vengées,  et  ils  prirent  te  résolution  de  se  réimir 

1  Ortando  Malavolll  y  Stûrla  dl  Siena,  P.  III,  L.  v,  f.  99.—*  Ibid.  f.  8S.  ^  J/l!00f. 
Alkçrem ,  Diaii  Sanesi,  p.  eit-«i3.  —  *  Orlando  MUavoUi»  L.  V,  t.  6T,  y. 


M  HOns  AOB.  347 

mnlrelcsMlris  eniaiiysdoBtoQne  éàm  pmat  coUior  iaifmr* 
faits,  cmt  qai  sont  toiqem  tout  pnJuwntfi.  NîooIm  SorglMflî 
et  Neri  Maddi  signèrent  à  Borne,  an  nmn  de  Tordie  des  Henf , 
la  paix  a^ree  Laurent  et  Gnid*AnloBia  Bainasegni,  vepcén»* 
tai^  dn  Mont  des  réfbmatenvs.  En  niAme  temps,  Léonard, 
ffla  de  Baptiste  Bdlanti,  anssi  de  rordie  des  Nenf,  dont  In 
part  avttt  pari  snr  réeha&od,  signa  à  Pise  la  paix  aTee  Bar^ 
tliâin»  Sonsini  et  Nindas  SéTérini  du  Mont  des  DoiMe,  qéL 
avaieiU;  oontifimé  à  ces  exécntîMS  erneUes»  Tons  ensemble 
s'engagèrent  à  n'agir  pins  ^e  de  oonoart  ponr  faTantage  de 
tons  les  exilés,  et  i  n*av«)ir  pins  d'antre  bqt  qne  eeloi  d'af* 
frandiir  leur  patiie  da  jong  de  la  tyrannie  sons  laquelle  cHe 
gémissait  ^ 

Les  émigrés  se  réunirent  alors  à  Staggia,  sur  l'extrême 
JFrontière  florentine.  De  là  ils  partirent,  le  21  juillet  1487, 
avec  cent  fantassins  ]^  à  leur  solde,  et  «n  petit  nxNBbre  de 
caTdKers,  que  le  capitaine  Bruno  de  Crémone  commandait 
Au  lieu  de  suivre  la  grande  route,  ils  s'enfoncèrent  dans  les 
bois  par  des  chemins  détournés.  Cependant  on  avait  en  avis 
à  Sienne  de  leur  entreprise,  et  l'on  avait  envoyé  à  la  décou- 
verte un  grand  nombre  de  détacbements  qui  s'avancèrent  jus- 
que très  inrès  de  Staggia,  et  s' assurant  qu'on  n'y  entendait, 
aucun  bruit.  Ih  avaient  auparavant  battn  tous  les  bois  prèa 
de  Sienne,  et  ils  n'y  avaient  rien  découvert.  Ces  édainews 
Devinent  donc  à  la  ville,  et  rapportèrent  au  gouvernement 
qu'on  avait  donné  une  fansse  akrme,^  et  qu'il  n'y  avait  d'en- 
nemis nuUe  part.  Un  accident  ridicule  avait  dérobé  à  leur 
reditfche  la  petite  troupe  des  émigrés;  ceux-ci  avaient  diargé 
sur  un  mulet  les  instruments  dont  ils  eomptaienk  se  servir 
pour  enfoncer  la  porte  t  ce  mulet  s'échappa  dans  les  bois,  et 
entraîna  à  sa  smte  toute  F  aimée,  f(«i;  loin  du  chemin  qpa'elle 

^OrlandoMatûVoUUP,înth.yi,î,n. 


248  HISTOIRE  DES  BipUBLIQUES  ITALIENNES 

devait  pourBoiTre.  Le  mulet  fat  enfin  atteint  après  deux  hedre9> 
d'nne  oonne  fatigante,  et  les  émigrés  reprirent  le  chemin  de 
ârane,  non  sans  craindre  que  ce  retard  ne  fit  manquer  leor 
entreprise  ;  il  fnt  an  contraire  la  cause  de  leur  succès.  Toutes- 
les  patrouilles  étaient  rentrées,  les  gardes  extraordinaires 
avaient  été  relevées,  les  gardes  de  nuit  dormaient,  lorsque  cette 
poignée  de  conjurés  arriva  un  peu  avant  le  point  du  jour  a  la; 
porte  de  Fonte-Branda.  Ceux  qui  les  attendaient  sur  le  mur 
leur  descendirent  des  échelles  de  cordes;  trente  d'entre  eux.se 
rendirent  maîtres  de  la  porte  et  V  ouvrirent  au  reste  de  la  troupe. 
Mais  on  avait  promis  au  capitaine  Bruiio  qu'aussitôt  qu'il 
aurait  planté  son  étœdard  dans  la  ville,  de  nombreuses 
bandes  de  mécontents  viendraient  se  joindre  à  lui;  persrane 
cependant  ne  paraissait,  et  ce  condottiere  découragé  n'osait 
s'avancer  dans  les  rues.  Les  émigrés  les  parcoururent  presque 
seuls,  en  répétant  les  noms  des  Neuf,  du  peuple,  de  la  liberté, 
et  de  la  paix.  Peu  de  gens  venaient  à  leur  aide,  personne* 
d'autre  part  ne  s'armait  pour  leur  résister.  Le  gouvernement, 
était  trop  détesté  pour  qu'on  voulût  le  défendre,  il  était  trop 
craint  pour  qu'on  s'armât  contre  lui.  Un  de  ses  chefs,  Chris- 
tophe de  Guiduceio,  trompé  par  la  voix  de  ceux  qui  l'appe*- 
laient  et  qu'il  prit  pour  ses  partisans,  se  Uvra  lui-même  aux 
émigrés  qui  le  tuèrent.  D'autres,  au  nombre  de  quarante  seu- 
lement, se  rassemblèrent  à  Gamporeggio;  ils  auraient  suffi 
cependant  pour  chasser  les  émigrés,  ceux-ci  étant  dispersés 
dans  les  rues  d'une  grande  ville,  et  découragés  par  l'abandon 
où  ils  étaient  laissés;  mais  lorsque  les  partisans  du  gouver-^ 
nement  se  virent  en  si  petit  nombre,  ils  n'osèrent  rien  entre-: 
prendre.  Plusieurs  d'entre  eux  rentrèrent  furtivement  dans 
leurs  maisons,  et  posèrent  les  armes  pour  n'être  responsables 
de  rien;  et  les  chefe,  se  voyant  abandonnés,  s'enfuirent  hors, 
la  ville.  Ainsi  deux  poignée  d*hommes  se  disputaient  la  pos- 
session d'une  cité  puissante  et  belliqueuse.  Chacune  connais- 


^  DUJfOUR.  AGE.  "  249 

saut  sa  propre  faitdease,  et  ignorant  celle  de  Tennemî,  se' 
erojait  perdue.  Enfin,  après  plusieurs  courses,  les  divers  partis  * 
d'émigrés  se  réunirent  de  nouveau  sur  la  place;  leur  troupe 
se  trouva  forte  de  quatre-vingts  hommes,  et  ils  assiégèrent  le^^ 
palais.  Matteo  Pannilini,  capitaine  du  peuple,  abandonné  par 
tous  ses  gardes,  s'était  enirarmé  seul  dans  la  grande  tour. 
Il  s*y  défendit  quelques  heures,  au  bout  desqjaelles  il  fut 
obligé  de  se  rendre  prisonnier,  et  de  livrer  aux  émigrés  le' 
siège  du  gouvernement.  La  révolution  qui  leur  rendait  leur- 
patrie  fut  ainsi  accomplie,  presque  sans  effusion  de  sang  i* 

Gomme  la  révolution  de  Sienne  avait  été  l'ouvrage  de  tous 
les  ordres,  tous  furent  admis  d'abord  à  partager  l'autorité 
suprême.  On  voulut  que  la  république  fût  gouvernée  par 
quatre  monts,  dont  chacun  donnerait  quatre-vingts  conseil*. 
1ers  au  conseil  général.  Les  ordres  des  gentilshommes  et  des  ^ 
Douze  ne  furent  compta  chacun  que  pour  un  demi-mont  ; .  les 
Neuf,  le  peuple  et  les  réformateurs  étaient  les  trois  antres  ^.< 
Ce  partage  était  sage.et  conforme  à  peu  près  au  nombre  de 
citoyens  que  chaque  mont  avait  précédemment  choisi,  sous  le.» 
nom  de  risedutij  pour  exercer  les  magistratures;  mais  il.ne* 
fat  pas  longtemps  observé  :  une  balie,  composée  de  vingt-* 
quatre  citoyens,  fut  autorisée  à  exercer  pendant  c|nq  ans  un 
pouvoir  dictatorial,  et  le  nouveau  gouvernement  de  Sienne,  < 
comme  celui  qu'il  avait  remplacé,  crut  ne  pouvoir, établir i 
solidairement  son  autorité  qu'en  privant  ses  ennemis  du  droit  > 
de  cité,  eu  les  exilant  ou  les  envoyant  même  au  supplice  s. 

1488.  —  Dans  cet  intervalle  de  paix  générale  pour  l'I- 
talie, les  républiques  ne  furent  pas  seules  à  éprouver  des  ré-  ^ 
Tolutions  intestines  ;  les  petites  principautés  furent  à  leur 
tour  troublées  par  des  conjurations,  et  l'on  crut  reconnaître  ^ 


1  OrUmdo  MaUwoltL  P.  III,  L.  V,  f.  92-92.  ^  Allegretto  AikgretH^  Mari  SanesL 
T.  XXIII,  p.  iz'i.^Stefano  Infessura,  Dlorio  di  Rtfma.T.  ill,  P.  U,  p.  121 7.  —  «  Orlaniù  ' 

maïQvoitu  P.  III,  L.  VI,  r.  94.  —  s  ib^.  r.  95. 


350  HICTOIRE  DES  nÈPVEUqVËS  TTAUmUitS 

ém^etiOM  ^  ééUànnX  enBomagne,  en  1488,  la  eonsé^ 
qaence  des  intrigiieg  de  Laurent  de  Médicis,  et  le  ressenti- 
rent d'an  homme  qui  poursÛTait,  après  de  Icmgaes  années^ 
la  yeogeanoe  de  Vielles  otfenses  *  • 

Ce  Jérôme  Biario,  fib  on  ne^eQ  et  faTori  de  Siite  IV^  qoi 
dix  ans  auparavant  avait  étériysae  de  la  oonjnration  des  Pazzî, 
s'ânit  retiré,  après  l'âection  dlnnocttt  YIII,  dans  sa  son-* 
veraineté  de  Forli  et  d'Imda.  Il  était  aussi  demeuré  déposi-> 
taire  du  diâteau  Saint  *  Ange  ;  mais  sa  femme  remit  celte 
forteresse  aux  cardinaux,  le  25  aoM  1484,  moyennant  le 
paiement  d'mia  grosse  somme  d'argent  ^.  Cette  princesse  ^ 
qui  ébiit  fiUe  nalurelle  du  dernier  duc  de  Milan;  avait  con^ 
cilié  à  Riario  la  i«x>tection  de  la  maison  Shnm.  D'autre  part, 
UUsol  de  la  Rovère,  cardinal  de  Saint-Pierre,  tout  puissant  à 
la  conr  d'bmocent  YIII,  se  faisait  une  affaire  de  défendre  le 
prince  de  Forli  son  parent.  Aussi  les  noml^reux  ennemis  quMl 
s'était  faits  pendant  le  pontificat  de  Sixte  lY ,  ne  tentèrent-^ 
ils  peint  contre  lui.  d'attaques  ouvertes,  mais  il  est  probable 
qu'ib  ne  furent  pas  étrangers  à  une  conspiration  formée  dans 
sa  maison.  Ceooo  del  Orso,  capitaine  de  ses  gardes,  Louis 
Fanzero  et  Jacques  Ronco,  ses  officiers,  résolurent  de  se  dé^ 
faiee  de  lui,  encore  qu'on  ne  leur  connAt  d'autre  motif  de 
nesaimliment  que  celui  de  n'avoir  pu  obtenir  de  lui  leur  solde 
arriérée,  tandis  qu'ils  étaient  poursuivis  pour  le  paiement  de 
leur»  proj^res  contributi<ws. 


s  K .  Ro8co«  {tllustr,  p.  196)  affirme ,  sar  l'autorité  de  PigootU ,  que  les  coDtemp<H 
raktt. ne  soupfoimèrent Jamais  Lorenio  d'être  entré  dans  là  coQjiiration  eontre  Riario; 
tous  deux  se  trompent  La  chronique  de  Marin  Sanuto  qae  j'avais  oilée,  écrite  jour  par 
jour,  s'exprime  ainsi  :  A  di  sedid  tPAprtle  sHntese.  Suit  le  détail  de  l'assassinat  :  Questa 
nwom  sarkge  aUë  Ognorta  Marcù  Sorte  Voàeità  e  Caplianù  di  moenna,  e  ai  dieeva 
clCera  stata  opéra  dl  Lorenzo  dé'  Medlci ,  e  di  Giovanni  Bentivogllo ,  per  dore  quelle 
terre  al  eignor  Franceschetto  Cibo,  figUuolo  di  papa  innoeento  Vlti,  eh*  é  genero 
del  detto  lamtte  de*  Mediei.  Script.  Rer.  Ital.  T.  XXII,  p.  1244.  On  voit  que  l'accusa- 
ti«B  «it  présentée  par  l'autorité  effieielle  la  plus  voisine ,  deux  jours  après  l'évéoemenL 
—  s  Stefano  infestwa  Mario  Romano»  T.  m,  P.  II.  Her.  Hat,  p.  f  i87. 


IHJ  II6YE1I   A&C.  251 

Le  1 4  atril  1488,  pendant  le  dîner  des  gens  de  IKario,  les 
trais  oonjnrés  entrèrent  dans  sa  chambre,  sons  prétexte  de  loi 
parler  de  leurs  fonctions,  et  ïj  ayant  trouvé  seul,  ils  le  poi-* 
gnacdèrent,  se  partagèrent  ses  habits,  et  jetèrent  par  la  fenê- 
tre son  eorps  dépouillée  La  populace,  appelée  par  eux  à.  se  yen- 
ger  de  son  tyran,  tratna.  ce  corps  par  les  cbereux  au  travers 
de  toute  la  ville.  Catherine  Sforza,  sa  veuve,  et  ses  enfants, 
forent  immédiatement  arrêtés,  et  la  dtaddle  dans  la^dle 
commandait  un  lieutenant  Mêle  à  Biario  fut  sommée 
de  se  rendre.  Cependant  les  conjurés  écrivirent,  le  19  avril, 
à  Laurent  de  Médieis,  pour  lui  aniK>ncer  qu'ils  T  avaient  ddi- 
vré  de  rhomme  qui  méritait  le  plus  sa  haine,  et  pour  lui  de*- 
.iBander  des  seêonrs  ^ 

Le  commandant  de  la  citadelle,  sans  se  laisser  effrayer  par 
les  (nris  de  la  populace  ou  la  mort  de  son  maître,  refusa  defon*- 
vrir  aux  assiégeants,  s* il  n'en  recevait  Tordre  de  Catherine 
Sforsa  elliB*-niême,  après  qn^dle  serait  mise  en  liberté.  Gelle-d: 
offrit  de  son  côté  aux  insurgés  de  déterminer  le  châtelain  à 
eéder  à  une  fortune  inévitable  ,*  elle  ne  demandait  pour  cela 
que  de  lui  parter.  Comme  on  gardait  ses  enfants  en  otage,  on 
ne  fit  pas  difficulté  de  la  laisser  entrer  dans  le  fort.  Elle  n'y 
fnt  pas  phis  tôt  introduite,  qu'elle  fit  tirer  sur  les  assiégeants. 
On  menaça  ses  Bis  du  supplice,  elle  répondit  :  «  Si  vous  les 
«  tues,  j'aiun  fils  &  Imola,  j'en  porte  un  autre  dans  mon  sdn, 
«  qui  grandiront  pour  être  les  vengeurs  d'un  semblable 
«  crime  ^  ;  »  et  la  populace,  intimidée,  n  exécuta  point  sa  me- 
nace. 

1  Leur  lettre  est  imprimée  dans  Roscoê,  Appendfx,  no  71,  p.  101.  Marin  Saiiuto  ao- 
cme  formellemeni  Laurent  de  Médieis  d'avoir  été  l'instigateur  de  cet  attentat,  p.  ia44. 
—  *  Bayle ,  Dieiionnaire  criiiquef  au  mot  S/brza  (Catherine),  prête  à  oette  princesse 
une  réponse  immodeste^  devenue  célèbre  ;  et  il  a  pour  lui  les  autorités  de  MacchiaveUi , 
U  VAll,  p.  443  ;  d9  J.  if.  Ji^icrp,  L.  Vlii,  p.  313  ;  et  de  MumoH,  AmmU  itimUa^  d'après 
UM  aknwk|iia  maïuscrilft  da  Bologne;  mais  fiayto,  qui  aimait  le  seandale,  n'a  poinl 
parié  4u  réeitp  beaiconp  plus  natiwel  «1  bcaiieiM|i  plus  honnête ,  de  la  plupart  des  his- 
toriens contemporains ,  leils  que  Slêfimo  inf^sswrût  qu'UcoBMissaitbien,  T.ni,  P.  II.' 


252  HISTOIRE  DES.  BÉPUBUQUJESiITALIEimES 

Les  meQrtriers  de  Jérôme  Biario  ament  aussi  imploré  la 
protection  d'Innooeut  YIII;  et  ce  pape,  espérant  par  leur^ 
aide  recouvrer  la  sonyeraineté  d'une  ville  importante,  avait 
ordonné  au  gouverneur  de  Gésène  de  leur  conduire  tout  ce 
qu'il  pourrait  rassembler,  de  soldats,  et  toute  son  artillerie. 
En  même  temps,  Louis  Sforza  envoyait  au  secours  de  sa; 
nièce  une.  armée  milanaise,  qu'il  avait  déjà  rassemblée  decon-- 
cert  avec  Jean  Bèntivoglio  sur  les  frontières  de  Romagne. 
Cette  armée,  entrée  dans  Forli  par  la  citadelle,  tomba  à  l'im- 
proviste  sur  les  soldats  de  l'i^lise,  et  les  fit  tous,  prisonniers. 
Six  des  plus  notables  d^entre  eux  eurent  la  tàte  tranchée,  et 
fuient  coupés  en  moiy^aux,  par  ordre  de  Bergamâno,  le  gé^ 
néral  milanais.  Le  gouverneur  de  Gésène  et  te  reste  de  ses 
soldats  furent  rasuite  échangés  contre  les  fils  de  Jérôme  Bia- 
rio, que  ce  gpuvemeur  avait  fait  conduire  dans  sa  forteresse.' 
Les  conjurés  se  réfugièrent  à  Sienne,  avec  tous  leurs  effets 
précieux.  Catherine  Sforza  fut  chargée,  comme  tutrice  de  ses 
enfants,  de  gouverner  la  principauté  de  ForU;  et  le  pape  In- 
nocent YIII,  toujours  prompt  à  entreprendre  une  chose  har- 
die, toujours  effrayé  de  la  soutenir  dès  qu'il  rencontrait  de 
la  résistance,  n'osa  pas. se  plaindre  du  traitement  qu'avaient 
éprouvé  des  soldats  qui  n'avaient  fait  qu'exécuter  ses  pv- 
dres  1. 

Mais  les  conspirations  se  succédaient  en  £(Mmagne  avec  une 
effrayante  rapidité.  Le  29  avril,  Octavien  Biario,  jeune  fils  du 
comte  Jérôme,  avait  été  proclamé  seigneur  de  Forli  et  d'I* 
mola,  et  lé  31  mai,  Galéotto  Manfredi,  seigneur  de  Faenza, 
perdit  Ja  vie  par  lés  mains  de  Françoise,  sa  femme,  fille  de 
Jean  Bèntivoglio.  Celle-ci,  qui  se  croyait  abandonnée  pour, 


Jt0r.  itaL  p.  IS9Q. — AUegretto  àUeQrtUi  ,■  Wari  SanesL  T.  XX1II«  p«  83S. — Hierofi.  de 
BuneUig  ànnoL  Bonon»  p.  907. — Bernard.  Corto^  StorU  Mlian.  P.  Vi,  p.  i«2S.  — Morf» 
Ftnarese.  T.  XXIV,  p.  2S0.  —  filcontoize  di  THbtUdo  de'Rossi^  DeUzie  degUErwl, 
T.  xxm,  p.  24o«  —  t  Diarto  di  Stefano  infesswa.  p.  i3i9-ii«w. 


BU  MOTSR  AGB.  363 

une  miitresBe)  et  qa'mie  fNMiibie  jalousie  dévorait,  feignit 
d'être  malade,  et  invita  Galéotto  à  voiîr  la  voir.  Trois  assas- 
.skis  étaient  «adiés  sous  son  lit,  un  qaatrième  s'élança ^  sur 
.Manfredi  au  mùment  où  il  entrait  auprès  d'elle.  Mais  comme 
:6e  seigneor  était  dTcme  forée  et  d'une  agilité  remarquable,  il 
était  sur  le  point  de  tmrasser  son  adversaire  avant  que  les 
assassins  sortis  de  dessous  le  lit  se  fussent  relevés,  lorsque  sa 
iemme,  pendant  la  lutte,  s'élança  hors  du  lit,  saWt  une  épée, 
et  la  lui  plongea  elle-nième  dans  le  sein.  Mie  prit  ensuite  ses 
enfants  avec  elle,  et  se  rtfugm  dans  la  forteresse  ^ 

Jean  Bentivoglio,  père  de  Francesca,  princesse  de  Faenza, 
était  alors  à  Forli,  avec  Bergamino,  commandant  de  l'armée 
nnlanaise.  Tons  deux  accoururent  ausiitèt  à  Taide  de  oette 
^use  criminelle,  et  ils  entrèrent  sans  résistance  dans  Faenza. 
Cependant  les  habitant*  de  cette  ville  étaient  attadiés  à  la 
famille  de  Manfredi,  et  ils  avaient  vu  l'assassinat  de  Galéotto 
avec  horreur.  Les  courageux  paysans  du  val  de  Làmone  se 
rendirent  en  foule  dans  la  ville;  les  uns  et  les  autres ^soup* 
çcmnaient  Bentivoglio  ou  Bergamino  de  vonlcnr  s'emparer  de 
leur  prindpanté  ;  ib  les  attaquerait  avec  fureur.  Bergamino 
fut  tué  dans  le  combat,  et  Jean  Bentivoglio  fut  fait  pri* 
sonnier. 

:  Antoine  Bosooli,  commissaige  de  la  république  flormtine 
auprès  de  Galéotto  Manfredi,  était  alors  à  Faenza.  Les  in-* 
surgés  lui  témoignèrent  les  plus  grands  égards,  et  lui  deman- 
dèrent la  protection  de  son  gouvernement.  Les  Florentins 
n'avaient  pas  vu  sans  une  vive  inquiétude  s'ouvrir  des  négo- 
ciations entre  Galéotto  Manfredi  et  les  Vénitiens,  pour  la 
vente  de  Faenza.  Par  l'acquisition  de  cette  petite  principauté, 
Yenise  serait  devenue  limitrophe  de  Florence,  et  le  gouver- 


*■  Stefano  In fessvtra,  Mario  Bomano,.  ^^x^th-rBieron,  de  BurseUU  Annal,  fionon. 
p.  907.  -^Diario  Ferrarese.  T.  XXIV,  p.  280.  —  Mich,  Bruto,  L.  Vllf,  p.  2U.  —  P«lf« 
Bembi,  HUt,  Veneta,  L.  I,  p.  to. 


254  HISTOIRE  DES  lléPllBt.IQtlBS  itàtSMtiM$ 

neffleiit  des  Médicis  deyait  ia*aiiiâre  le  vokifiage  de  cette  puis* 
sanoe  rivale.  Aussi  toute  Farniée  qui  aTiiit  été  raseeffiblée  à 
Sarzane  fat  envoyée  en  grande  liftte  an  secours  de  Faenza  sous 
les  ordres  da  comte  de  Pitigliano  et  de  Baiiacck)  Famèse^ 
Elle  arrêta  les  Bolonais,  qui  s'armaient  de  leur  odté  pour  la 
délivrance  du  ahef  de  leur  république.  Jean  BeiHitoglio  M 
retenu  en  otage  à  Modigliana,  jusqu'à  ce  que  fcfrdre  fût  ré*- 
tabli  dans  la  principauté  qu'il  avait  probafblemént  touln  en- 
vahir. Seize  citoyens,  dont  huit  étalettl  de  Faenza,  et  huit  da 
val  de  Lamoine,  furent  diargés  de  la  régence,  et  de  fo  tnteHè 
du  jeune  Astorre  de  Manfredi.  Lorsque  ce  gouvernœkent  fut 
établi,  BentivogMo  fut  remis  en  liberté,  apl'ës  avoir  eu  une 
entrevue  avec  Laurent  de  Médiote  à  Cafftigginolè.  8a  fffiehn 
fut  rmlue;  et  cette  révolution,  en  mettant  Faenza  S6us  la 
prote<^on  des  Florentins,  augmenta  leur  inllaence  en  Boma- 
gne  ^  Celle  de  Forli  né  leur  avait  été  gu^e  moins  ulîle.  Pen-' 
dant  les  troubleB  que  la  mort  de  lérôme  fiiado  avait  exdtés, 
les  Florentins  avaient  recouvré  Pian  Gfddoli,  qàe  Ce  seigneuî' 
leur  retenait  injustement  ^.  Ib  r&issirent  peu  après  à  faire 
^^OHser  à  sa  veuve  Jean  de  Médicis,  issu  d'un  frère  de  Cosme 
Tïmcien,  etij^ré  d'*un  autre  Jean  de  Médids,  èeveiHi  célèbre 
dans  les  guerres  d'Italie  par  sa  valeur ,  sa  férocité,  et  l'atta-* 
ehementqu'eeâ^cM  pour  lui  les  baaiéesnoiréiw  jASbsi  Forli  et 
haolA  se  trouvèrent  sous  lia  dépendance  d'un  Itédids,  et  Ca<* 
therine  Riorîo  entra  dans  cette  famille  isème  qoe  son  premier 
mari  av^t  vodlu  détruire. 


*■  Sçipkme  âmmUftao.  t.  XXVI^  p.  t%%.  ^  tuaseee^  Uf&  cf  tmmso  de*  meMs 
Chap.  VIII,  p.  174.  —  Dioi'i  Sanesi  ai  Allegretto  AlUgrettU  p.  »a3.  —  *  tUcordame  à 
THtoM»  de*  lUw<  ^{  £hKl.  T.  xxm ,  p.  241 . 


BV  mntm  agc.  255 

UiHHHHHUlimimmmHHHHfHiHHHH 


CHAPITRE  IX. 


La  refùe  Catheriae  Cornaro  abandonné  Hle  de  Chypre  aux  VénAiens.  -^ 
Zizim  à  Rome. ->•  Repos  appaf-eut  de  tdute  ritalie. — État  dé  PËuropOi 
et  pronostics,  de  souv^aux  orages.  ^-*  Mort  de  lauréat  de  lHédicis  et 
d'IimoeeBtyiII. 


148»-14M. 


tia  tépabli^e  de  TeHise  n'avait  vôulii  prëddire  aàcimé 
part  aux  petites  gtietres  qm  avaient  agité  l'Italie  pendant 
la  période  précédente,  innocent  YIII  avait  fait  difficulté  de 
la  retevei*  des  oendures  que  Sixte  IV  atait  A  injusteniiônt  prô^ 
bonéées  contre  elle  )  il  àvdit  voulu  lui  imposer  des  con^* 
tions  onéreuses,  l'astreindre  à  ne  point  se  mêler  des  présen- 
tations aux  bénéfices ,  et  l'ismpécher  de  lever  auéiin  impôt 
sur  les  gens  d'église  '.  Il  est  vrai  qu' Innocent  VII t  aban- 
donna ensuite  ées  prétentions ,  lorsqu'il  essaya  d'engager  la 
république  dans  la  guerre  de  Naples;  mais  les  Vénitiens, 
avertis  par  nue  récente  expérience ,  du  peu  de  fonds  qu'ilii 
pouvaient  feire  sur  l'alliance  dé  Rome ,  ne  voulurent  don- 

1  Andréa  PtavagierOj  Slor»  Venez*  T.  XXIH,  p.  liM. 


256         msioiBS  dis  wiswuiftats  itaukhbjs 

ner  ancmie  awMtance  aux  ennemift  de  Ferdmand,  qodqoe 
ressoitiiiient  qa'ils  ooiuervasseat  contre  lid  pour  la  goeme 
de  Fenare.  Ib  continiièrait  à  maintenir  omtre  le  pape 
rindépendance  de  leors  prérogatives  eedésiastiqaes.  L'éirè- 
due  de  Padooe,  anqœl  ils  Toolamit  faire  passer  FéTéque  de 
Bdlona,  ayant  été  donné,  en  1485,  par  la  conr  de  Borne  an 
cardinal  de  Yérone,  non  seotement  ils  Ini  refusèrent  la  pos- 
session de  ce  noarean  sî^^  mais  ils  le  forcèrent  à  j  renon^ 
cer,  en  saisissant  ses  autres  revenus^  Leur  ambassadeur  à 
Borne,  Hermolao  Barbaro ,  ayant  obtenu  du  pape  Inno- 
cent YIII  le  patriarcat  d'Aquilée,  le  consdl  des  IMx  témoir 
gna  pins  de  ressentiment  encore  de  ce  que  cette  nomination 
importante  s'était  faite  sans  attendre  son  am.  M  la  répu- 
tation dn  nouveau  patriarche,  le  premier  Uttérateor  de  Te- 
nise,  et  peut-être  de  l'Italie,  ni  le  rang  distingué  qu'occu- 
pait son  père  dans  l'état,  ne  les  dérobèrent  l'un  et  l'autre 
à  des  censures  sévères,  et  à  une  humiliation  qui  causa  bien^ 
tôt  la  mort  de  tous  deux  ^.  Pendant  la  guerre  de  Napks 
enfin,  les  Yénitiens  empêchèrent  le  pape  de  lever,  pour  la 
sout^iir,  un  décime  sur  leur  dei^,  et  ils  s'opposèrent  avec 
la  même  fermeté  à  tout  empiétement  sur  leurs  droits. 

Cette  guerre  de  Naplesj  qui  ne  dura  que  peu  de  mois, 
aurait  probablement  ravagé  longtemps  l'Italie,  si  les  Té^ 
nitiens  avaient  voulu  y  prendre  part,  et  s'ils  avaient  ainsi 
rétabli  l'équilibre  entre  les  deux  partis.  Bientôt  ils  eurent 
lieu  de  s'applaudir  d'y  être  demeurés  étrangers,  lorsqu'ils 
se  trouvèrent  engagés  sur  les  frontières  d'Itelie,  dans  une 
nutre  guerre  qui  pouvait  devenir  plus  dangereuse.  Sgis- 
môndj  comte  du  Tyrol,  l'un  des  ducs  d'Autriche,  avait 
des  prétentions  opposées  à  celles  de  la  Seigneurie,  sur  les 
limites  de  ses  états  dans  le  comté  d'Arco  et  le  Gadorin,  et 

*  Andr.  liavagiero^  Slor»  Venez,  p.  ii9S.->s  Peiri  Bembi  Herum  Veneutnm  BistoriBs 
L.  I,  p.  16  m  ThesQUro  Aniiq.  liai.  T.  V,  p.  1. 


DU  MOIEIV  AGE.  257 

sur  les  'droits  aux  mines  de  fer  de  ce  dernier  district.  Dé- 
terminé à  les  faire  yaloir  par  les  armes,  il  fit  saisir,  en 
1487,  tons  les  marchands  yénitiens  Tenus  à  la  foire  de  Bolzano, 
ainsi  qne  tons  les  fers  trayaillés  à  Cadoro  ;  en  même  temps  il 
déclara  la  guerre  à  la  république  de  Venise.  Sept  mille  fantassins 
et  cinq  cents  chevaux  allemands  pillèrent  et  brûlèrent  le 
district  de  Bovérédo  ;  ils  assiégèrent  dans  le  château  de  cette 
Tille  Nicolas  de  Priuli  qui  en  était  gouTerneur,  et  celui-d 
ne  se  rendit  qu*après  une  vigoureuse  résistance  U  Les  Yé* 
nitiens  opposèrent  d'abord  à  cette  invasion  Jules-Gésar  de 
Yarano,  seigneur  de  Gamérino  ;  ils  mirent  ensuite  à  la  tête 
de  leur  armée  le  même  Robert  de  San-Sévérino,  qui  les 
avait  commandés  avec  tant  de  succès  dans  la  guerre  de 
Ferrare.  La  mort  de  ce  vieux  général,  qui  avait  eu  une 
part  si  active  à  toutes  les  révolutions  de  lltalie,  fut  Févé- 
nement  le  plus  remarquable  de  la  guerre  du  TyroL  Après 
avoir  remporté  quelques  avantages  sur  les  Allemands,  il 
tomba  dans  une  embuscade  que  les  ennemis  lui  avaient  dres- 
sée.. 11  y  fut  tué,  le  9  août  1487,  auprès  de  TAdige  qu'il 
voulait  passer  pour  assiéger  Trente  2.  Les  Vénitiens  se  reti- 
rèrent à  Serravalle;  et,  coupant  toute  communication  avec 
TAlIemagne,  ils  forcèrent  bientôt  les  Tyroliens  à  demander 
une  paix  nécessaire  au  soutien  de  leur  industrie.  Elle  fut 
conclue  le  14  novembre  de  la  même  année,  moyennant  la 
restitution  de  tout  ce  qui  avait  été  conquis  de  part  et 
d'autre  3. 

Yers  le  même  temps,  la  seule  apparence  d'une  guerre  tur- 
que servit  de  prétexte  à  la  république  pour  soumettre  à  sa  ju- 
ridiction immédiate  l'Ile  de  Chypre,  qui,  depuis  la  mort  de 

1  Anàr,  KavagUro,  Sior.  Tenez,  p.  1194.  ^  PetH  Bembi  Ber,  Yen.  L.  I,  p.  2.  ^ 
SplegelderEhren.  B.  V,  c.  XXXIV.  p.  «97.— «  And,  Wmagiero.  p.  ii95.-PeiH  BenOL 
L. I,  p.  8.  —  Spiegel  tfer  Ehren.  B.  V,  c  XXXIV,  p.  968.  —  *  And.  Nauaglero,  p.  ii96. 
-  SUfano  Jnfeuura,  Dter.  Ronum.  p.  121T.  —  Mario  Fenareie.  T.  XXIV,  p.  vtg.  — 
PetfiBcm^i.  L.l,p.  16. 

▼II.  17 


258  HISTOIRE  DES  REPUBLIQUES   ITALIEUVES 

Jacques  de  liUsignan,  n'était  réellement  pins  qu*nne  province 
yénitienne.  L'empereur  turc,  Bajazeth  H ,  avait  préparé  dès 
Tan  1486  une  forte  armée  pour  attaquer  Gait-Bai,  Soudan 
d'Egypte.  Et  le  soudan,  qui  sentait  tout  le  danger  que  courait 
son  royaume,  si  les  ports  d'une  ile  située  en  face  de  ses  rivages 
étaient  entre  les  mains  de  ses  ennemis,  avait  demandé  à  la  reine 
Catherine  Gornaro  de  se  mettre  en  état  de  défense.  La  répu- 
blique lui  avait  envoyé  immédiatement  cinq  cents  stradiotes  de 
Morée  et  trois  cents  archers  de  Gandie  pour  garnir  ses  forte- 
resses U 

1488.— -Cependant  l'expédition  turque  fut  différée  jjusqu' en 
1488.  A  cette  époque,  une  armée  qu'on  prétendit  forte  de 
quatre-vingt  mille  hoinmes  vint  attaquer  le  soudan  en  Pales- 
tine. Gomme  elle  traversait  la  Garamanie,  après  s'être  empa- 
rée des  villes  d'Adéna  et  de  Tarse ,  elle  fut  défaite  au  mois 
d*aoàt  par  les  niamelucks  au  pied  du  mont  Aman,  dans  ce 
même  défilé  d'Issus  déjà  illustré  par  la  victoire  d'Alexandre. 
La  flotte  ottomane  fut  dispersée  et  en  partie  détruite  par  une 
tempête,  et  le  Turc  renonça  à  l'invasion  de  l'Egypte  2.    ' 

Pendant  cette  courte  guerre,  François  Priuli  avait  protégé 
les  rivages  de  l'île  de  Chypre  avec  vingt-sept  galères.  Lors- 
qu'il la  vit  terminée,  il  crut  pouvoir  ramener  sa  flotte  à  Ve- 
liise,  et  il  était  déjà  arrivé  en  Istrie  quand  il  reçut  l'ordre  de 
jpetourner  d'où  il  venait.  Le  sénat ,  en  abusant  de  l'autorité 
qu'il  avait  usurpée  en  Chypre,  avait  Vendu  son  joug  odieux 
et  aux  peuples  et  à  la  reine;  il  savait  que  celle-ci  souffrait  avec 
impatience  son  exclusion  absolue  de  toute  part  au  gouverne- 
ment, la  sévérité  des  ordres  qu'on  lui  donnait ,  et  la  défiance 
qu'on  témoignait  d'elle.  Il  avait  vu  les  Chypriotes  prêts  à  ^e 
sacriAer  pour  Charlotte  de  Lusignan,  pour  Louis  de  Savoie, 
pour  Alfonse,  bâtard  de  Naples;  pour  quiconque  enfin  aurait 

>  Andr»  «avagiaroj  Stor.  Venez,  p.  1 193.  —  *  ibid,  p.  il 97,  —  Baynaldi  ÀimUs 
Kecles.im,i  9, p.  1*9. 


DU  MOYEU  AGE.  259 

rendu  à  leur  royaume  son  antique  indépendance  et  leur  aurait 
fait  recouvrer  leur  rang  parmi  les  peuples  libres.  la  première 
guerre  maritime  couvait  rendre  aux  Chypriote»  cette  liberté , 
et  ils  étaient  prêts  à  s'adresser  aux  infidèles  eux-mêmes  pour 
l'obtenir,  si  aucun  état  chrétien  ne  voulait  les  protéger.  D'ail- 
leurs, la  reine  était  encore  jeune,  elle  était  belle,  elle  pouvait 
porter  une  riche  dot  à  un  nouvel  époux;  on  disait  que  Fré- 
déric, second  fils  de  Ferdinand,  la  demandait  en  mariage  ;  et 
si  elle  avait  des  enfants,  tous  les  droits  que  la  république  pré- 
tendait avoir  acquis  par  elle  se  seraient  trouvés  anéantis.  Les 
jurisconsultes  vénitiens  soutenaient  que  le  fils  de  Jacques  de 
Lusignanavaitbéritéde  la  couronnede  don  père  ;  que  comme 
il  était  mort  en  bas  âge,  sa  mère  avait  hérité  de  lui  ;  qu'enfin 
leur  république  hériterait  delà  mèi'e,  parce  que  celle-ci  avait 
été  déclarée  fille  de  Saint-Marc.  Mais  si  elle  se  remariait,  tous 
les  efforts  qu'ils  avaient  faits  pour  établir  les  droits  de  Ca- 
therine n'auraient  servi  qu'à  confirmer  ceux  d'un  second  mari 
et  de  nouveaux  enfants. 

George  Cornaro,  frère  de  la  reine,  fut  donc  envoyé  en  Chy-r 
pre  sur  la  flotte  de  François  Priuli.  Le  conseil  des  Dix,  dont 
les  ordres  redoutables  l'emportaient  sur  toute  considération 
de  parenté  ou  d'ambition  personnelle,  l'avait  chargé,  sur  sa 
responsabilité,  de  ramener  sa  sœur  à  Venise.  1489.  —  La 
flotte  étant  arrivée  devant  l'île  de  Rhodes,  Cornaro  se  rendit 
auprès  de  Catherine  le  24  janvier  1489  ^  Il  lui  communiqua 
les  ordres  dont  il  était  porteur,  il  lui  fit  sentir  sa  dépendance 
et  la  nécessité  de  ce  dernier  sacrifice,  conséquence  dé  tous  les 
autres  ;  U.  calma  autant  qu'il  put  sa  douleur  et  ses  regrets  ;  il 
lui  fit  comprendre  qu'il  serait  inutile  de  justifier  sa  conduite 
auprès  du  conseil  des  Dix  comme  elle  voulait  le  faire,  puisque 
persoune  n'y  révoquait  en  doute  son  innocence^  eofin,  il  ob- 


1  Anir,  Navagiero,  Stor,  Vênei,  p.  U97.  *  PeM  Bernbi  Uisior,  fènet,  L.'  I,  p.  i% 


260  HISTOIBE  DES  B^ÉPUBLIQUES  ITALIENNBS 

tint  d'elle  la  promesse  d*ane  entière  soumission  aux  vo- 
lontés de  la  république.  Aussitôt  il  en  dépêcha  la  nouyeUe 
au  capitaine  général ,  qui  s'était  arrêté  à  Almizza,  et  qui, 
sur  cet  aviS|  entra  dans  la  rade  de  Famagouste  le  2  fé- 
vrier 1489  ^ 

Ce  fut  le  16  du  même  mois  que  la  reine  prit  congé  des  ha- 
bitants de  Nicosie.  Ils  versèrent  des  torrents  de  larmes  en 
perdant  avec  elle  jusqu'au  simulacre  de  leur  indépendance.  Us 
se  voyaient  privés  de  leur  seule  protectrice,  en  même  temps 
qu'ils  perdaient  les  avantages  pécuniaires  qu'une  cour  assurait 
à  leur  ville  en  y  répandant  quelque  argent.  Catherine,  accom- 
pagnée par  son  frère,  par  Tun  des  conseillers  et  par  le  pro- 
véditeur  de  l'île,  escortée  par  toute  la  noblesse  chypriote  et 
par  un  corps  de  cavalerie,  s'achemina  vers  Famagouste.  Elle 
fut  reçue  sur  les  galères  de  Tenise  avec  un  respect  et  une 
pompe  royale  ;  elle  profita  de  cette  cérémonie  publique  pour 
recommander  ses  sujets  à  la  seigneurie  de  Venise  par  l'organe 
du  comte  de  Zaffo ,  son  cousin ,  et  pour  réclamer  en  faveur 
des  Chypriotes  la  conservation  de  leurs  lois  et  de  leurs  privi- 
lèges. Dès  le  26  février,  l'étendard  de  Saint-Marc  flotta  sur 
le  palais  de  Famagouste  et  sur  toutes  les  forteresses.  La  reine 
cependant  ne  partit  avec  la  flotte  que  le  1 4  mai.  Le  6  juin 
elle  arriva  à  Venise,  et  le  20  du  même  mois ,  le  château  d'A- 
solo,  dans  le  Trévisan,  lui  fat  donné  en  souveraineté  pour  le 
reste  de  sa  vie,  avec  un  revenu  de  huit  mille  ducats.  La  petite 
cour  de  la  reine  de  Chypre  à  Asolo  a  conservé  quelque  célé- 
brité dans  les  lettres  par  les  dialogues  de  Bembo.  La  fiction 
âégante  des  Asolani  représentait  apparemment  les  manières 
de  cette  cour,  et  l'on  doit  croire  que  Catherine  oublia, 
au  milieu  de  propos  d'amour  et  de  galanterie,  dans  des  enr 
tretiens  alors  à  la  mode  sur  la  métaphysique  du  sentiment, 

t  dndr*  aavagiero,  Sior,  VeniM,  p.  ti98. 


DU  MOTEH  AGB.  261 

tes  peines,  tes  soucis  et  les  hamiliations  de  sa  senritade 
royale  ^ 

La  même  année  nn  antre  éyénement ,  égatement  lié  à  la 
politiqne  dn  Levant  et  aox  entreprises  des  Tnrcs,  fixa  Fatten- 
tion  de  l'Italie.  Jem  on  SSzim  2,  fils  de  ITahomet  II,  frère  et 
rival  du  soltan  Bajazeth  II ,  fit  son  entrée  à  Borne ,  et  vint  se 
mettre  sons  la  protection  dn  pape.  Il  avait  fait  valoir,  ponr 
snccéder  à  son  père,  nne  prétention  souvent  mise  en  avant 
par  les  princes  grecs  de  Byzance.  Il  était  porphyrogénète,  on 
né  pendant  que  son  père  était  sur  le  trône,  et  il  se  croyait  par 
là  supérieur  à  son  frère  aine ,  Bajazeth,  qu'il  disait  n'être  fib 
que  d'un  particulier.  Cette  vaine  distinction  était  suffisante 
pour  tenter  le  sort  des  armes  dans  un  état  despotique ,  où 
aucun  droit  n'est  réel  s'il  n*est  fondé  sur  la  force.  Mais  la 
force  manqua  à  Jem  ;  vaincu  en  Asie  en  1 482  dans  un  combat 
sanglant,  il  fut  obligé  de  s'embarquer  en  Gilide ,  de  se  réfu- 
gier à  Bbodes,  et  d'y  implorer  la  protection  des  chevaliers  de 
Saint-Jean^.  Geux-d  n'osèrent  pas  conserver  sur  les  frontières 
mêmes  de  l'Asie  un  hôte  qui  pouvait  attirer  sur  eux  toutes  les 
forces  du  grand-seigneur  ;  ils  l'envoyèrent  en  France,  et  le 
firent  garder  soigneusement  en  Auvergne ,  dans  une  comman- 
derie  de  leur  ordre.  Bajazeth  II  leur  offrit  des  sommes  im- 
menses ,  des  reliques  sans  nombre ,  des  privilèges  inouïs  pour 
se  te  faire  livrer.  Les  princes  chrétiens  ne  furent  pas  tellement 
dépourvus  d'honneur  que  de  consentir  à  cette  indignité  ; 

1  Anàr,  Navaglero^  Stor,  Venez»  p.  iiM.  On  tarait  pn  •'attendre  à  tfooTer  beaucoup 
de  détails  sur  la  réyolution  de  Chypre  dans  lliistoire  de  ce  même  Bembo ,  dont  nous 
commençons  vers  cette  époque  à  faire  usage.  Hais  il  est,  au  contraire ,  d'une  concision 
«ottrème.  L.  I ,  p.  13.  St  poUtique  ne  lui  permettait  Jamais  de  s'étendre  sur  un  événe- 
ment d'od  pouvait  résulter  quelque  blâme  pour  son  gouvemement.  —  *  Jem ,  en  turc , 
est  le  nom  d'une  sorte  de  raisins  exquis.  Jemm  est  un  nom  magique  appliqué  d'ordinaire 
à  Salomon.  Oémétrius  Cantemir  est  incertain  entre  les  deux  étymologies ,  et  il  remarque 
qu'aucun  autre  Turc  n'a  Jamais  porté  ce  nom.  Ziaim ,  dil-il,  est  un  mot  corrompu  par 
les  Européens.  L.  lU,  chap.  Il,  S  6*  Note.*»  Bmynaidi  annal.  Eeeiu.  1483,  S  3S,  p.  Si3. 
—  Turco^rœciœUUt.pQmica.  L.  I,  p.  sa.-^PtfmciriM  Caniemir*  L*  lU,  chap.  U,  S  7 
et  8,  p.  128. 


263  HISTOIRB  DSS  BÉPlTBLIQUfS  ITALIEIÏITBS 

mais  il  serait  difficile  d* expliquer  par  des  motifs  honorables 
pourquoi  ils  ne  permirent  jamais  à  Jem  de  se  rendre  auprès 
de  Gait-Bai,  Soudan  d'Egypte  S  qui,  se  trouvant  éogagé  dans 
une  guerre  acharnée  avec  Bajazeth ,  le  demandait  pour  don- 
ner du  crédit  à  ses  armes  ^  pourquoi  ils  le  refusèrent  égale- 
ment à  Mathias  Gorvinus ,  roi  de  Hongrie ,  qui  espérait  faire 
par  son  entremise  une  diversion  dans  les  états  de  son  ennemi. 
Sixte  IV  écrivit  au  grand-maître  dé  Rhodes  et  à  Louis  XI, 
pour  Jes  exhorter  à  retenir  Jem  en  France,  et  ne  point  le  laisser 
partir  pour  les  armées  où  on  l'appelait  2.  Innocent  VIII  refusa 
également  de  confier  ce  prince  à  Ferdinand,  roi  d Aragon  et 
de  Sicile  ;  à  T  autre  Ferdinand,  roi  de  Naples  ;  à  Mathias  Gor- 
vinus ^  au  Soudan  et  au  prince  de  Garamanie;  mais  en  même 
temps  il  avait  demandé  avec  instance  qu'on  le  lui  livrât  à  lui- 
même,  pour  être  assuré,  dirait-il,  que  Jem  ne  passerait  pas 
les  frontières  des  Turcs  sans  être  appuyé  par  une  ligue  de 
toute  la  chrétienté  ^. 

De  son  côté,  Bajazeth  avait  envoyé  à  Gharles  VIII  de  nou- 
veaux ambassadeurs  pour  qu'il  promit  de  retenir  Jem  en 
France.  A  cette  condition ,  Bajazeth  lui  offrait  une  pension 
très  considérable,  et  il  garantissait  à  la  France  la  souverai- 
neté de  la  Terre-Sainte,  après  qu'elle  aurait  été  conquise  sur 
le  Soudan  d'Egypte  par  les  armes  réunies  des  Français  et  des 
Turcs,  Mais  Gharles  VIII ,  d'accord  avec  le  grand-maître 
d' Aubusson,  avait  déjà  cédé  aux  sollicitations  du  pape,  et  Jein 
était  en  route  pour  Rome^. 

Il  y  fit  son  entrée  le  13  macs  1489;  il  était  à  dieTal,  le 
turban  en  tête,  entre  François  Cybo,  fils  du  pape,  et  le  prieur 
d'Auvergne,  nenw  du  grand-maitre  d*  Aubusscm,  et  ambass»* 


1  Cait-Bai ,  le  phn  litbile  èl  to  phis  reMmaié  4es  flondMM  de  l'Egypte,  était  CircaarieB 
d'origine,  et  sen  nom  est  tartare.  Cait^  en  cette  langue ,  veut  dire  conversion  ;  el  Btâ, 
riche.  DemciHtis  Ccmtemfts  L.  III,  eiiap.  Il,  f.  —  *  AnnaL  Eoeles,  t4&i,  S  86,  p.  Ml.  -^ 

s  im.  iiê5,  S  ti  et  is,  p.  3Gi.  ^  *  iM,  im^  $  i,  p.  ms. 


DU   MOYEU    AGE.  263 

denr  de  France.  Un  ambassadear  da  soodan  d'Egypte  était 
alors  à  ftottié,  pour  l^oiliciter  les  princes  chrétien^  de  s'allieb 
avec  son  maître  contre  Bajazeth.  îl  alla  aussi  au-devant  dé 
Jem  :  dès  (Ju'il  lé  vit,  il  descendit  de  cheval,  et  il  se  prosterna 
à  terre;  trois  fois  il  baisa  la  terre  en  tf avançant  vers  lui  ;  ii 
baisa  lés  pieds  de  son  cheval,  et  le  suivit  ensuite  jusqu'à  son 
palais  i. 

Le  lendemain,  le  pape  assembla  le  consistoire  pour  y  rece- 
voir Jem  dans  une  audience  publique.  Vainement  ce  prince 
avait  été^averti  des  respects  que  les  monarques  chrétiens  ren- 
daient à  leur  grand  pontife  ;  il  ne  voulut  point  abaisser  devant 
lui  Torgueil  du  sang  ottoman.  La  tête  couverte  de  son  turban, 
que  les  Asiatiques  ne  déposent  point,  et  qu'ils  regardent 
comme  un  symbole  de  leur  religion ,  il  traversa  la  saÛe  sans 
s'incliner,  il  monta  sur  le  trône  où  était  Innocent,  et  l'em- 
brassa en  appliquant  ses  lèvres  sur  l'épaule  dtoîte  du  pape, 
signe  d'amitié  plutôt  que  de  respedt,  qu'il  AiSniià  ensuite  à 
tous  les  cardinaux.  Son  interprète  dit  au  pape  qu'il  se  ré- 
jouissait d'étré  en  sa  présence  ;  qtl'il  se  recommandait  à  lui, 
et  qu'il  aurait  du  plaisir  à  conférer  plus  en  secret  avec  lui  sur 
leurs  intérêts  communs.  Le  pape  répondit  en  l'exhortant  à 
avoir  bon  courage,  puisque  c'était  pour  le  bien  de  sa  noblesse 
(titre  que  la  cour  de  Rome  jugea  convenable  de  lui  donner  ) 
qu'il  était  conduit  dans  cette  capitale 2. 

Ce  plus  grand  bien  de  Jem ,  qu'il  devait  ttouvet*  dans  son 
«éjdur  à  Roine,  n'était  qu'une  hoûôrable  j[)rison.  Bajazeth  II 
payait  chaque  année,  d'abord  au  roi  de  France,  ensuite  à  W- 
nocent  YIIÏ,  quarante  mille  ducats  pour  la  pension  de  son 
ftère.  La  jouissance  de  0ette  rente  n'était  pas  le  moindre  des 


i  marte  di  Stefa/io  Infétium,  p.  i«s.  ^  >  D*$fium  BUNihwdi  ùpud  Bauttùldum 
Afuau.  E&ël  1489,  S  ïei  S,  piMni'-Siifiméinfiuwm,  Mia^  di  tmm.  p.  i3».-*MarlR 
saMa^ntihde^mtmdifffmm.p.  tm^^mMêimumo  dêêtMm  dimmiipori». 


264  HISTOIRE  DES  REPUBLIQUES  ITALIENNES 

motifs  qui  avaient  déterminé  Innocent  à  demander  que  Jem 
lui  fût  remis,  et  à  acheta  en  quelque  sorte  le  consentement 
du  grand-mattre  d*  Aubusson^  en  lui  envoyant  un  chapeau  de 
cardinal  1.  Bajazeth  cependant,  ne  se  regardant  point  comme 
assez  assuré  de  son  frère  par  sa  captivité,  chercha  les  moyens 
de  le  faire  périr.  Un  gentilhomme  de  la  Marche  d'Âncône, 
nommé  Christophe  Macrino  del  Gastagno,  prit  avec  Bajazeth 
rengagement  d'empoisonner  une  fontaine  qui  servait  pour  la 
table  4'Innocent  et  de  Jem  ;  le  poison  ne  devait  faire  effet 
qu'an  bout  de  cinq  jours,  mais  le  malfaiteur  fut  découvert, 
au  mois  de  mai  1 490,  avant  Texécution  de  son  crime,  et  il  pé- 
rit dans  un  horrible  supplice.  D'autres  tentatives  de  même 
nature  furent  également  déjouées,  et  la  vie  tout  au  moins 
de  Jem  fut  mise  en  sûreté  2. 

Il  n'était  pas  difficile  de  trouver  à  Bome  des  hommes  prêts 
à  commettre  des  actions  aussi  exécrables  ;  jamais  la  ville 
n'avait  été  remplie  de  plus  de  scélérats,  ou  troublée  par  plus 
de  crimes.  Les  meurtriers  marchaient  la  tète  levée,  sans  avoir 
satisfait  ni  la  famille  dont  ils  avaient  versé  le  sang,  ni  la 
justice.  Le  pape  ou  ses  ministres  leur  vendaient  des  buUes  de 
rémission,  par  lesquelles  leurs  offenses,  et  celles  d'un  nom- 
bre déterminé  de  leurs  complices,  étaient  aboUes  ;  et  lorsqu'on 
reprochait  au  vice-camérier  cette  vénalité  de  la  justice,  il  ré- 
pondait en  parodiant  les  paroles  de  l'Évangile  :  Le  Seigneur 
ne  veut  point  la  mort  du  pécheur,  mais  plutôt  qu'il  paye  et 
qu'il  vive  ^. 

Le  clergé  donnait  au  peuple  des  exemples  si^iscandaleux, 
qu'Innocent  YIIl  se  vit  obligé  de  renouveler,  le  0  avril  1488, 
une  constitution  de  Pie  U,  par  laquelle  il  était  interdit  aux 

i  Dkaio  di  Siefano  infessura.  p.  1224.  —  >  Annah  Beciea.  1490,  S  5,  p.  4M.  —  mario 
di  StefoHO  Infe$surtu  p.  t9$t.  ^  *  £t  qaum  senel  int^rrogaFeUir  viceeaiiier«rius  quare 
de  delinquentibiu  non  QiwH  Joslitii,  sed  peouoia  «xigeretar,  taHM>ndit  mb  prjssents 
videlieet  :  Deui  non  vuU  moriem  pecaOoHs,  sed  maqis  ut  totoot  et  vivaL  St^mp 
Infeuwta^  DUirto  Bommo»  p.  1336. 


DU  MOTSH  AOB. 

prêtres  de  tenir  des  boucheries,  des  auberges,  des  maisons 
de  jea,  des  maisons  de  prostitotion,  de  se  faire,  poar  de  Far- 
gant ,  les  entremetteurs  et  les  agents  des  courtisanes.  Si, 
avertis  par  trois  fois,  ils  n'abandonnaient  pas  cette  vie  hon- 
teuse, le  pape  les  primait  du  droit  de  décliner  les  tribunaux 
séculiers,  et  d'invoquer  le  bénéfice  du  clergé  dans  les  causes 
criminelles  oà  ils  pourraient  être  compromis  i. 

Innocent  VIU  n'avait  point  donné  de  principauté  à  sa 
nombreuse  famille,  mais  il  partagea  entre  ses  enfanta  les  im- 
menses revenus  de  l'Église;  il  en  accorda  surtout  la  plus 
grosse  part  à  Franceschetto  Gybo,  son  fils  aîné.  C'était  Fran- 
cescbetto  qui,  pour  amasser  plus  d'argent,  avait  rendu  la  jus- 
tice si  indignement  vénale.  Il  convint  en  1490,  avec  les  juges 
du  pape,  que  la  cour  apostolique  ne  recouvrerait  le  paiement 
que  des  amendes  inférieures  à  cent  cinquante  ducats,  tandis 
que  toutes  celles  qui  passeraient  cette  somme  seraient  à  son 
profit  2. 

Pour  ajouter  encore  à  l'ignominie  dont  la  vénalité  de  la 
justice  couvrait  la  cour  de  Rome,  Dominique  dcYiterbe, 
scribe  apostolique,  de  concert  avec  François  Maldente,  fabri- 
quèrent de  fausses  bulles,  par  lesquelles  Innocent  permettait, 
pour  de  l'argent,  les  désordres  les  plus  honteux.  1490.  — La 
fraude  cependant  fut  reconnue,  les  deux  faussaires  furent 
arrêtés;  leurs  biens  confisqués  rapportèrent  douze  mille  du- 
cats à  la  chambre  apostolique.  Les  parents  des  coupables 
espéraient  encore  les  racheter  de  la  peine  de  mort.  Maître 
Gentile  de  Yiterbe,  médecin,  père  du  scribe  apostolique,  offrit, 
par  r  entremise  de  Franceschetto  Gybo,  dnq  mille  ducats  pour 
sauver  la  tète  de  son  fils;  c'était  tout  ce  qu'il  possédait.  Mais 
le  pape  répondit  que,  comme  il  y  allait  de  son  honneur,  il 
ne  pouvait  lui  faire  grâce  pour  moins  de  six  mille  ducats; 

1  ConsUlutio  apvd  Baynaldum  AmaL  BecUi.  lûs,  "S  31,  p.  302.  —  Celle  de.  Pie  Jf 
ètâl du f  mai  1401.—* SUfano Inf^uwa^DMo  mnmmo.  p. iWu 


266  HISTOIRE  DES   RÉPUBLIQUES   ITALIEHUES 

etf  comme  on  ne  pat  trouver  cette  somme,  les  deux  faussaires 
forent  exécutés  ' . 

te  dérèglement  des  mœurs  des  papes,  le  partage  des  tré- 
sors de  l'Église  entre  leurs  enfants  naturels,  avaient  presque 
cessé  d*étre  des  objets  de  scandale  ;  en  effet,  ce  n'était  pas  de 
péchés  seulemeilt ,  mais  de  crimes  que  les  derniers  pontifes 
avaient  été  accusés.  Le  clergé  tout  entier  seniblait  s'être  cor- 
rompu à  leur  exemple,  et  les  écrivains  contemporains  pré- 
sentent le  tableau  le  plus  hideux  du  débordement  des  prêtres. 
En  voyant  les  niinistres  de  la  religion  si  universellement  dé- 
criés ,  on  serait  tenté  de  croire  que  cette  religion  elle-même 
n'avait  plus  aucun  pouvoir,  et  que  les  prêtres  qui  TinVOquaient 
encore ,  ou  les  souverains  et  les  peuples  qui  la  maintenaient 
par  leurs  lois,  n'étaient  que  d'effrontés  hypocrites  qui  trafi- 
quaient du  christianisme  pour  leurs  seuls  intérêts.  Mais ,  si 
l'on  examine  de  plus  près  les  passions  qui  agitaient  l'Italie, 
ou  les  préjugés  qui  régnaient  toujours,  on  s'aperçoit  bientôt 
que  la  religion  n'avait  rien  perdu  de  son  empire,  encore 
qu'elle  eût  été  absolument  détachée  de  la  morale.  La  croyance 
que  le  pape  et  ses  prêtres  disposaient  seuls  des  clefs  de  l'enfer 
et  du  paradis  lie  s'était  nullement  affaiblie  ;  l'horreur  pour 
toute  opinion  indépendante  en  matière  de  foi,  opinion  aussitôt 
talée  d'hérésie,  était  toujours  universelle,  et  la  justice  de  Dieu^ 
pervertie  entre  les  mains  des  hommes,  n'était  plus  invoquée 
que  comme  garantie  de  la  croyance ,  non  de  la  probité  et  de 
l'honneur. 

Ce  fut  dans  ce  siècle  dépravé ,  ce  fut  sous  le  pontificat  de 
Sixte  IV,  l'instigateur  de  tant  de  crimes,  que  l'inquisition  fat 
intj[H)âuite  en  Espagne,  et  que  ce  tribunal  de  sang  reçut  une 
jurisprudence  bien  plus  forihidablé  et  bien  plus  atroce  que 
celle  qui  Favait  régi  trois  siècles  auparavant,  dans  sa  pre- 

>  $<eAiiio  infenun,  Mario  Aornono.  p.  1399.  —  RavnaU&  AnnaL  BeeUs.  t490\  S  92, 
p.4ot. 


DU   MOYEN  AGE.  267 

mière  institution  contre  les  Albigeois.  De  1 478  à  1 482,  les  tri- 
bunaux établis  en  Castille  pour  examiner  la  foi  des  nouveaux 
iîonvèrtis  firent  brûler  deux  mille  personnes  ;  un  nombre  de 
prévenus  beaucoup  plus  grand  encore  périt  dans  les  cachots  ; 
d'autres,  et  c'étaient  ceux  qui  furent  traités  avec  le  plus  d'in- 
dulgence, furent  marques  d'une  croix  couleur  de  feu  sur  la 
poitrine  et  sur  les  épaules,  dêclcirés  infâmes  et  dépouillés  de 
tous  leurs  biens.  Les  nouveaux  tribunaux  ne  pardonnèrent 
pas  même  aux  morts  ;  leurs  os  furent  arrachés  de  la  sépulture 
pour  être  brûlés,  leurs  biens  confisqués,  et  leurs  fils  notés 
d'infamie.  Ceux  qui  avaient  dans  leur  famille  le  sang  de 
quelque  Maure  ou  de  quelque  Juif  fuyaient  de  celte  terre  de 
proscription,  et  dans  la  seule  Andalousie,  cinq  mille  maisons 
Turent  abandonnées*.  Cent  soixante  et  dix  mille  familles  jui- 
ves ,  faisant  ensemble  huit  cent  mille  individus,  furent  ainsi 
chassées  du  territoire  de  rEspagne  ;  et  cependant  le  plus 
grand  nombre  dissimula  sa  religion  pour  conserver  sa  patrie, 
tandis  qu'une  foule  d'autres  furent  réduits  en  esclavage,  et 
vendus  sous  la  lance  du  préteur  2. 

«  Cette  sévérité  dans  la  punition  des  apostats  néophytes  de 
«  la  race  juive,  dit  Raynaldiis,  l'annaliste  de  l'Église,  assura 
«  auprès  des  âmes  pieuses  la  plus  haute  gloire  à  Isabelle, 
«  reine  de  Castille  ;  quelques-uns  cependant  la  calomnièrent  : 
«  on  répandit  que  ce  n'était  point  pour  venger  l'injure  de  la 
«  divinité  offensée,  mais  pour  rassembler  de  l'or,  pour  accu- 
«  muler  des  richesses,  qu'on  avait  apporté  tant  de  sévérité 
«  dans  les  jugements.  La  reine  elle-même  ayant  témoigné  la 
«  crainte  que  cette  accusation  n'eût  été  portée  aux  oi'eilles  du 
«  pontife.  Sixte  IV  écarta  de  son  àme  tout  soupçon  formidable 


1  Martnœas  SlciUus  j  De  relm  Mitpumich  L.  XIX  «  o.  32,  p.  iZi.'^ Annales  BccU- 
êtast.  Kaynaldi,  r483,  S  47-48,  p.  338.—  UarUma,  L  XXIV,  c.  XVII,  p.  106. 
—  <  MarianafHistoria  de  las  Espanas.  L.  XXVI,  c.  I,  p.  142.  -^  Rayn.  Ann.  1492 ,  S  8, 
p.  408. 


268  HISTOIRE  DSS  BEPUBLIQUES  fTALISNHIS 

«  et  applaudit  à  sa  piété  par  sa  lettre  du  25  février  1483  * .  » 
,  Les  écrivains  italiens  du  xv®  siècle,  de  même  que  ceux  du 
xvii%  ne  parlaient  jamais  de  ces  persécutions,  sans  en  ap- 
prouver hautement  le  principe.  Les  plus  modérés,  les  plus 
humains  se  contentaient  seulement  de  blâmer  les  détails  de 
l'exécution.  Ainsi  Barthélémy  Senarega,  historien  de  Gênes, 
qui  vit  plusieurs  milliers  de  juifs  s'arrêter  dans  cette  ville, 
et  qui  fut  touché  de  leurs  souffrances,  nous  donne  par 
son  récit  une  juste  mesure  des  opinions  des  hommes  les  plus 
philosophes  et  les  plus  tolérants  de  ce  siècle.  «  La  loi  de  leur 
«  bannissement,  dit-il,  parut  louable  au  premier  aspect,  puis- 
«  qu'elle  conservait  l'honneur  de  notre  religion  ;  mais  elle 
«  contenait  peut-être  en  soi  tant  soit  peu  de  cruauté,  si  du 
«  moins  nous  considérons  les  juifs  comme  des  hommes  créés 
«  par  la  divinité,  non  comme  des  bêtes  féroces.  On  ne  pouvait 
«  voir  sans  compassion  leurs  calamités;  un  grand  nombre 
«  d'entre  eui  périssaient  de  faim,  surtout  les  enfants  en  bas 
«  âge  ou  à  la  mamelle  ;  les  mères,  se  soutenant  à  peine,  por- 
«  talent  dans  leurs  bras  leurs  nourrissons  affamés  et  périssaient 
«  avec  eux;  plusieurs  succombaient  au  froid,  d'autres  à  la 
«  soif;  le  mouvement  de  la  mer  et  la  navigation  à  laquelle 
«  ils  n'étaient  point  accoutumés,  aggravaient  toutes  leurs 
«  maladies.  Je  ne  dirai  point  avec  quelle  cruauté,  avec  quelle 
«  avarice  ils  étaient  traités  par  leurs  conducteurs.  Plusieurs 
«  furent  noyés  par  la  cupidité  des  matelots,  plusieurs  furent 
«  forcés  de  vendre  leurs  fils,  parce  qu'ils  n'avaient  plus  de 
«  quoi  payer  le  nolis  ;  ils  arrivèrent  à  Gênes  en  fort  grand 
«  nombre;  mais  on  ne  leur  permit  pas  d'y  demeurer  long- 
V  temps,  car,  d'après  d'anciennes  lois,  les  juifs  voyageurs  n'y 
«  peuvent  séjourner  plus  de  trois  jours.  On  les  laissa  cepen- 
«  dant  radouber  leurs  vaisseaux,  et  se  refaire  pendant  qud- 

1  Exuu  apud  Vmwdd,  énmO,  egcIm.  1483,  $  49,  p.  329. 


DT7  Moins»  AGS.  269 

«  qoas  jouf^  des  souffrances  de  la  naTigation.  Vons  les  auriez 
«  pris  pour  des  spectres  :  ils  étaient  maigres,  pâles,  les  yeax 
«  rentrés  ;  ils  ne  différaient  des  morts  qne  par  le  monvemént, 
«  quoiqu'ils  ne  se  soutinssent  qu'à  peine.  Un  grand  nombre 
«  d'entre  eux  moururent  auprès  du  môle,  car  ce  quartier, 
«  entouré  par  la  mer,  était  le  seul  où  Ton  permit  aux  juifs 
«  de  se  reposer.  On  ne  reconnut  pas  tout  de  suite  que  tant  de 
«  malades  et  de  mourants  devaient  apporter  la  contagion; 
«  mais  au  printemps  on  yit  paraître  beaucoup  d'ulcères  qui 
«  ne  s'étaient  point  manifestés  en  hiver,  et  ce  mal,  longtemps 
«  caché  dans  la  ville,  fit  éclater  la  peste  l'année  suivante  ^  » 
Ce  n'était  pas  seulement  en  Espagne  que  ce  nouveau  zèle 
de  persécution  était  excité  par  les  prêtres  ;  le  clergé  d'Italie 
s'efforçait  de  rivaliser,  dans  ses  sanglantes  vengeances,  avec 
celui  d'au-delà  des  Pyrénées.  Chaque  année  on  faisait  circuler 
quelque  nouvelle  histoire  d'un  enfant  chrétien  que  des  juifs 
avaient  volé,  et  qu'ils  faisaient  périr  lentement  sous  le  couteau, 
le  jour  de  Pâques,  en  buvant  son  sang  à  la  ronde  ;  et  par  ces 
contes  effroyables  on  communiquait  au  peuple  la  même  fureur 
contre  eux 2.  A  Florence,  frère  Bernardino  d'Asti,  franciscain, 
prêcha  contre  les  Juifs  pendant  une  partie  du  carême  de  1 487 . 
Il  recommanda  qu'on  eût  soin  d'envoyer  tous  les  enfants  de 
la  ville  au  sermon  qu'il  voulait  prêcher  le  1 2  mars  :  quand  il  en 
eut  rassemblé  entre  deux  et  trois  mille,  il  leur  dit  qu'il  faisait 
choix  d'eux  pour  être  ses  soldats;  il  leur  commanda  d'aller 
prier  chaque  matin  le  Saint-Sacrement  dans  la  chapelle  de 
l'élise,  pour  qu'il  inspirât  aux  hommes  faits  la  sainte  résolu- 
tion de  chasser  les  juifs  ;  pour  cela  ils  devaient  dire  trois  Pater 
noster  et  trois  Ave  Maria  à  genoux.  Le  matin  suivant,  tous 
oes  enfants  s'attroupèrent  en  effet  dans  l'église,  et  lorsqu'ils 

i  Barthotomœl  Senaregœ  Ùe  rébus  GenuensUntt,  T.  XXIV,  p.  ssi.  —  "'AoynaMI 
Am.  Ecoles.  A  Trente ,  en  an ,  S  37  ;  dans  la  Harche ,  en  1476 ,  S  3^  ;  *  Hégalopolif , 
en  1492^  S  9)  el  passkn,  —  Qontiiiuatear  dei  Chronique  de  Monetrelei.  Vol.  m,  f.  19». 


270  HÎStOttlÈ  DES  REPUBLIQUES    ITAtîENtïÊS 

en  sortirent  ce  fut  pour  mettre  au  pillage  le  quartier  des 
juifs.  La  Seigneurie  eut  beaucou|^  dé  peine  à  les  arrêter;  elle 
Voulut  réprimander  le  prédicateur,  qui  répondit  que  les  or- 
dres de  Dieu  étaient  supérieurs  à  ceux  des  magistrats,^  et  que 
rien  ne  l'empêcherait  de  dire  dan^  la  chaire  ce  qu'il  croirait 
convenable  au  salut  du  peuple.  On  fut  forcé  de  le  faire  sortir 
de  la  ville,  au  grand  scandale  de  l'écrivain  qui  nous  a  trans- 
mis la  connaissance  de  cette  anecdbte  ^  Frère  Bemardino  alla 
terminer  le  carême  à  Sienne,  où  il  s'efforça  d'ameuter  de  la 
même  manière  le  peuple  contre  les  juifs  2. 

Au  mois  d'avril  1492,  un  père  Francisco,  Espagnol,  s'ef- 
força d'exciter  à  Naples  une  persécution  semblable  contre  les 
juifs.  Après  avoir  vainement  épuisé,  toutes  les  ressources  de 
son  éloquence,  et  devant  la  cour  et  dfevant  le  peuple,  il  tenta 
aussi  de  faire  parler  les  morts;  il  fit  apparaître  l'ombre  dé 
saint  Cataldus,  patron  de  la  ville  de  Tarente,  qui  avait  vécu 
au  V®  siècle  ;  il  fit  déterrer  une  cassette  où  il  avait  enfermé  des 
prophéties  écrites  sur  des  lames  de  plomb,  dans  lesquelles  la 
ruine  du  royaume  de  Naples  et  lîi  mort  prochaine  du  roi 
étaient  prédîtes,  s'il  ne  se  hâtait  d'expulser  les  juifs  de  ses 
états  ;  et  comme  Ferdinand  ne  lui  donnait  point  assez  de  cré- 
dit, il  occupa  la  cour  de  Kome  et  l'Italie  entière  de  ces  pro- 
phéties, qu'on  prétendit  plus  tard  avoir  été  réalisées  par  l'ex- 
pulsion de  la  maison  d'Aragon  du  trône  de  Naples 3. 

En  même  temps  les  tribunaux  ecclésiastiques  retentissaient 
d'accusations  de  sorcellerie,  et  le  spectacle  de  malheureux  pé- 
rissant dans  les  flammes,  comme  magiciens  ou  comme  héréti- 
ques, devenait  chaque  jour  plus  fréquent*. 

Les  dominicains  ne  voulaient  point  consentir  à  ce  que  lè 

1  tdeordmze  di  THbaldo  de  RossU  DeL  Erud.  T.  XXIII,  p.  2S8.  *  *  Allegrttlo  AUe- 
0ft«ui,  Htaeto  Siime9€.  p.  %9i,'.^  8  iç^umw-  PAfUanv»,  d^  Savume^  u  IJI,  cap  oit. 
Pk  i6ja>.-"ikwfi^^  Biçtiifmfmiyç  a^M^tms  nu  Ga(aik^.r-  Jf^moir^  de  mum^ 
em^^f  hk^lUf^f^UY, 9^ )N19^  —  *  ûa «0  l|»pvf«|ùyfc.âiffifii)«iwml m ei«inf|« plus 
offtoyabte  que  celui  die  la  penéoution  d'Airai  en  1459,  contre  les  malbeureux  acciuét  de 


DU  MOYEN   AGB.  271 

pouvoir  civil  prit  connaissance  de  leurs  sentences,  encore  que 
ce  fût  à  lui  seul  à  les  exécuter.  Innocent  "YIII  privait,  le 
30  septembre  1486,  à  Tévêque  de  Bresda  :  «  Notre  fils  chéri, 
«  frère  Antoine  de  Brescia,  inquisiteur  de  T  hérésie  en  X^om- 
«  bardie^  ayant  condapné  quelques  héréUques  de&  dieux  sexes 
«  comme  impénitents,  et  ayant  requis  les  ofQciers  de  justice 
«  de  Brescia  d'ei^écutêr  sa  sentence,  noua  ayons  appris  avec 
«  étonnement  que  ces  officiers  avaient!  refusé  de  rendre  j^Sr 
«  tice,  et  d'exécuter  les  jugements  de  la  sainte  inquisition, 
«  si  on  ^e  leur  donnait  connaissance  du  procès.  £n  consé- 
«  quence,  nous  yous  commettons  et  vous  ordonnons  par  les 
«  présentes,  de  j[nwder  et  d'enjoindre  aux  officiers  séculiers 
«  de  la  ville  de  Brescia,  d*  exécuter  les  pi^ocès  que  vous  aurez 
«  jugés,  sans  appel,  et  sans  les  revoir  nullement,  dans  le  terme 
«  de  six  jours  après  qu'ils  en  auront  été  légitimement  requis, 
«  sous  peine  d'excommunication  et  de  toutes  les  cœsures  éc^ 

vaudoiaie.  Voici  comme  MoDStrelet  la  raconte,  ChrofAqwu  du  roi  Charles  flL  Vol.  Ul, 
C.S4: 

9  En  celte  anoée,  ea  la  ville  dTAiraB,  au  pays  d'Artois ,  adWDt  un  terrible  cas  et.  pi- 
«t  toyable,  que  l'on  nommait  vaudoisie ,  ne  sçais  pourquoi.  Mais  l'on  disoit  que  ce  esloit 
«  aucunes  gens,  hommes  et  femmes,  qui  de  nuict  se  transportoient,  par  yeriudu  diable, 
«  des  places  où  ils  étoient,  et  soudainement  se  trouvoieot  en  aucuns  lieux  arriére  de 
«  gens  y  es  iwis  on.  es  diserts,  ta  oâ  ils  se  tronvocent  ep  Drèi  grand  nombm  hnanee  et 
«  femmes  \  et  trouvoient  ijlec  un  diable  en  forme  d'honupe,  duquel  ils  n»  veoient  jamais 
«c  le  visage  :  ei  ce  diable  leur  lisoit  ou  disoit  ses  commandements  et  ordonnances ,  et 
«  comment  et  par  quelle  manière  ils  le  dévoient  adorer  el  servir.  Puis  Ciiaoit  par 
«  chacun  d'eux  baiser  son  derrière,  et  puis  il  bailipit  à  chacun  un  peu. d'argent,  et  fins- 
«  blement  leur  adminislroit  vins  et  viandes  en  grande  largesse,  dont  ils  se  repaissoieni: 
«  et  puis  tout  à  coup  chacun  prenoit  sa  chacune  ;  et  en  oe  point  fl'estwdoit  la  lumière, 
«  et  cognoissoient  l'un  l'autre  charncUement  ;  et  ce  fait,  tout  soudainement  se  retrouvoit 
«  chacun  en  sa  p^aca»  dont  ils  étoient  partis  premièremçnt. 

«  Pour  cette  fplie  fureot  prips  et  emprisonnés  plusieurs  notables  gans  de  la  dicte  ville 
«  d'Arras,  et  autres  moindres  gens,  femmes  folieuses,  et  autres;  el  fkureni  tellement 
«c  géhéoés,  et  si  lerriblemeut  tormeutés,  que  les  uns  confessèrent  le  cas  leur  être  ainsi 
«  advenu ,  coinme  ditest ,  et  outre  plus  confessèrent  avoir  vu  et  eogtiu  en  leur  assem- 
«  blée  plusieurs  gens  notables,  prélats,  seigneun  et  autres,  gouyenseunde  bailliages 
«  et  de  villes;  voire  lels, selon  commune  renommée,  que  les  etamimiput» et.les  juges 
«  leur  nommoieut,  et  metlpient  en  bouchç ,  si  que  par  forçA  de  piiMftet.de  toraiens 
«  lus  les  accusoienty^e^disoiem  qpe  voij^em^  i(|  les  y.gVQieiil  vus  ;  H  lo8.aiicuni  «insi 
«  nonqpèB  étaient  tantôt  après  pris  et  emprisonnés ,  et  mis  à  la  torture,  tant  et  si  tréi 


272  HISTOIU  DIS  BfpiJBLIQUKS  ITALIEIIHSS 

«  dériarticpies,  qa*ils  encoarront  par.lear  seule  désobâssanoe, 
«  sans  nonyelle  promulgation  *.  » 

Ainsi  ce  ne  fut  ni  la  barbarie  da  moyen  âge,  ni  un  zèle  ar- 
dent et  enthousiaste,dans  un  temps  où  la  religion  échauffait  ton- 
tes les  âmes,  qui  allumèrent  les  bûchers  de  Tinquisition.  Gène 
fut  pas  dayantage  la  nécessité  de  défendre  TÉglise  contre  les 
progrès  des  noyateurs,  comme  d^autres  l'ont  supposé.  Les 
persécutions  les  plus  furieuses,  les  plus  implacables,  entre 
celles  qui  souillent  Thistoire  du  clergé,  sont  antérieures  de 
quarante  ans  aux  premières  prédications  de  la  réforme  ;  elles 
sont  contemporaines  du  plus  grand  déyeloppement  qu'aient 
reçu  les  lettres,  la  philosophie,  la  culture  de  la  raison  hu- 
maine, ayant  cette  époque  mémorable;  elles  datent  aussi  du 
moment  oii  la  cour  romaine  était  arriyée  au  dernier  degré  de 
corruption,  et  elles  sont  la  conséquence  nouYclleet  effrayante 
du  système  de  compensation  que  cette  corruption  même  ayait 
fait  adopter  aux  croyants.  Aux  yeux  des  Sixte  IV,  des  Inno- 
cent Vin,  des  Alexandre  VI,  on  effaçait  la  tache  du  crime 
par  la  rigueur  ayec  laquelle  on  préservait  la  pureté  de  la  foi. 
Une  persécution  sufJBisait  pour  layer  la  honte  de  mille  parju- 
res, de  mille  impuretés,  de  mille  forfaits.  Ceux  qui  dans  leur 

«  loBflEaeaMDty  et  par  tant  de  fois,  que  confesser  le  lenr  conyenoU  ;  et  furent  ceux-ci 
«  qui  éloient  de  moindrai  gens ,  exécutés  et  brûlés  inhumainement.  Aucuns  autres  phis 
«  ricties  et  plus  puissans ,  se  rachetèrent  par  force  d'argent,  pour  éviter  les  peines  et 
«  les  hontes  qu'on  leur  falsoit,  et  de  tels  y  eut  des  pins  grands ,  qui  furent  prêches  et 
«  séduits  par  les  examinateurs,  qui  leur  donnoienté  entendre ,  et  leur  promettoient, 
«  sUs  confessoient  le  cas,  qu'ils  ne  perdroient  ne  corps  ne  biens.  Tels  y  eut  que  souf- 
re tKrent  en  merreilleuse  patience  et  constance  les  peines  et  les  tormens ,  mais  ne  you- 

«  lurent  rien  confesser  é  leur  préjudice et  ne  fait  ici  à  taire  ce  que  plusieurs  gens 

«c  de  bien  cognurent  assez ,  que  cette  manière  de  accusation  tai  une  chose  con- 
«r  trouvée  par  aucunes  mauvaises  personnes ,  pour  grever  et  détruire  ou  déshonorer, 
«  ou  par  ardeur  de  convoitise,  aucunes  notables  personnes,  que  ceux  haioient  de 
«  vieille  haine.  » 

Cest  à  cause  dé  ce  loapçon  que  l'historien  ose  cette  fois  en  parler  avec  liberté.  A 
chaque  année  presque  on  trouve  Pindicallon  de  persécutions  semblables  dans  un  lieu  ou 
dans  un  autre;  mais  les  chroniqueurs  les  regardant  comme  justes  et  saintes ,  ne  les 
rappelaient  ordinairement  que  par  un  seul  mot.  —  i  BuUarlum  Bommum,  innoûn- 
tU  nu  CoMfUullo  ileclma»  ifwd  BaynM.  Amud,  Becles.  I4t6,  S  S7,  T.  XIX,  p.  37T. 


DU   MOYEN   A6£.  273 

jeunesse  oa  leur  âge  mûr  avaient  cédé  à  la  fougue  du  tempé- 
rament, ou  aux  fureurs  de  Tambition  et  de  la  yengeance, 
pouvaient  se  faire  tout  pardonner,  si,  dans  le  dernier  déclin 
de  leur  vie,  ils  allumaient  des  bûchers  pour  les  juifs,  les  Mau- 
res et  les  hérétiques.  Cette  affreuse  morale,  dominante  en  Es- 
pagne, prèchée  en  Italie,  soutenue  dans  toute  la  chrétienté 
par  les  bulles  des  papes,  s'étendait  rapidement  vers  les  pays 
moins  éclairés.  Il  est  difficile  de  prévoir  quel  aurait  été  le 
terme  de  cette  progression  effrayante,  si  la  révolte  d*une  par- 
tie de  l'Allemagne  contre  la  tyrannie  de  Kome  n  avait,  après 
une  longue  lutte,  forcé  les  papes  à  renoncer  à  cette  intolé- 
rance sanguinaire,  qui  était  devenue  pour  eux  le  but  unique 
de  la  religion. 

A  peine  le  collège  des  cardinaux,  si  zélé  pour  maintenir  la 
pureté  de  la  foi,  remarqua-t-il  le  parjure  du  chef  de  TÉglise, 
lorsque,  au  mois  de  mars  1489,  Innocent  YIII,  au  mépris  de 
ses  serments,  ajouta  six  nouveaux  cardinaux  au  consistoire, 
encore  que  ce  collège  ne  fût  pas  réduit  à  moins  de  vingt-qua- 
tre membres;  au  contraire,  l'annaliste  ecclésiastique  approuve 
cette  conduite,  parce  que  les  conditions  imposées  par  les  car- 
dinaux pendant  que  l'Église  est  privée  de  son  pasteur,  sont 
annulées  par  une  constitution  d'Innocent  YI.  Mais  ce  même 
annaliste  Baynaldi,  toujours  si  dévoué  ail  Saint-Siège,  se  ré- 
crie sur  ce  que,  «  par  un  honteux  exemple  de  mépris  pour  la 
«  discipUne  ecclésiastique.  Innocent  YIII  avait  nommé  car- 
«  dinal  le  fils  adultérin  de  son  frère,  et  le  beau-frère  encore 
«  enfant  de  son  propre  bâtard  ^  »  La  seconde  de  ces  élec- 
tions qui  excite  l'indignation  du  plus  orthodoxe  des  servi- 
teurs de  l'Église,  est  celle  de  Jean,  fils  de  Laurent  deMédicis, 
qui  fut  ensuite  Léon  X.  Il  n'était  en  effet  âgé  que  de  treize  ans, 
et  le  scandale  de  donner  à  l'Église  un  si  jeune  prince  était 


1  annal.  Eccles.  RaynaldL  U89,  S  19,  p*  396. 

VII.  18 


274  HISTOIRE  DES   BÉPUBLIQUES   ITALIEiniES 

an  de  ceax  contre  lesquels  le  serment  d*  Innocent  YIII  aorfât 
dà  le  mettre  en  garde.  Il  sentit  cependant  quelque  honte 
d'une  élection  désapprouvée  par  plusieurs  membres  da  sacré 
collège,  et  il  imposa  pour  condition  au  jeune  Médicis  l'obli- 
gation de  ne  point  prendre  sa  décoration  nouvelle,  et  de 
ne  point  venir  à  Rome  pour  siéger  dans  le  consistoire  avant 
que  trois  ans  se  fussent  écoulés,  et  qu'il  eût  atteint  sa  seizième 
année  1. 

L'alliance  intime  entre  Laurent  de  Médicis  et  Tnuo- 
cent  YIII,  conséquence  de  la  faiblesse  du  pape,  établissait 
ain^  sur  de  nouveaux  fondements  la  grandeur  de  la  mai-: 
son  de  Médicis.  Cependant  Laurent  appesantissait  chaque 
jour  davantage  le  joug  que  portaient  ses  concitoyens  :  an 
commencement  de  Tannée  1489 ,  il  osa  punir  avec  une  ii^o- 
lence  révoltante  le  gonfalonier  Néri  Gambi,  qui  venait  de 
sortir  de  charge,  pour  avoir  lui-môme  maintenu  les  droits 
de  sa  magistrature,  et  admonété,  sanjs  consulter  Laurent^ 
quelques  gonfaloniers  de  compagnies  qui  ne  s'étaient  pas 
rendus  à  leur  devoir.  On  trouva  une  telle  conduite  trop 
orgueilleuse  vis-à-vis  de  Laurent ,  prince  du  gouvernement, 
et  ce  nom  de  prince,  jusqu'alors  inconnu  à  une  cité  libre, 
commença  à  être  prononcé  dans  Florence  s. 

La  conséquence  de  ce  changement  fut  d'ôter  à  l'histoire 
de  Florence  tout  mouvement  et  tout  intérêt.  Toute  la  po- 
litique de  la  république  fut  concentrée  dans  le  cabinet  de 
Laurent  de  Médicis,  et  se  trouva  par  conséquent  ensevelie 

1  AtmaL  Eccles»  ê»  Burchaydi  DiàrUs.  U89 ,  S  21 ,  p.  397.  —  IstoHe  ai  Giovanni 
CambL  T.  XXI  «p.  63.  ~  La  cérémonie  de  l'envoi  du  chapeau  et  de  la  cooséeration  de 
Jean  de  Médicis  se  flt  dans  l'abbaye  de  Fiésole,  le  9  janvier  1492.  Scipione  Ajnmiraio, 
L.  XXVI,  p.  186  ;  et,  plus  en  détail ,  Roscoe,  Ufe  of  Lorenzo,  Appendix .  S  65.— Roscoê 
a  reproduit  aussi  une  lettre  fort  sensée  de  Laurent  à  son  jîls,  sur  ses  deyoirs  et  sa  con- 
duite dans  le 'sacré  collège,  où  il  se  trouvait  le  plus  jeune,  non  pas  seuleo;ieot  des 
cardinaux  présents,  mais  ^e  tous  ceux  qui  y  avaient  jamais  été.  ibid  S  66.  T.  ÏV,  p.  89. 
^s  Scipione  Ammirato-  L.  XXVI ,  p.  184-186.  —  Istorie  di  Gio.  Gambi,  T.  XXI,  p.  39. 
Cet  historien  était  fils  du  gonfalonier  Neri  Gambi ,  admonesté  dans  cetlo  occasion. 


BU  MOTEH  AGE.  375 

dm»  le  inlenoe  et  ]lç  «ecret.  Ses  panégyristes  OQt  écrit  qu'il 
HYait  tecu  la  balance  de  T Italie;  qu'il  avait  empêché  Inno- 
$mt  yiU  de  faire  h  guerre  à  F^diuaud,,  après  Tavoir 
e^coa^nuinié  j^  1 489^  ^  déelajné  déchi^  du  troue  de  Naples^; 
fQ'il  avait  «pnpèclié  1^  duc  de  ç;ala)>re  de  j^eudre,  les 
armes  à  la  maiu,  to  défense  de  Jeau  Galéaz  Sforza,  son  geu* 
dre,  ooûtre  Loms-le^Maure;  qu*il  avait  enfin  été  constamment 
le  garant  ^  le  médiateur  de  la  paix  en  Italie.  Cette  action 
continuelle  de  Laurent  de  Médicis  est  possible,  elle  n'est  point 
improbable^  maïs  il  n'en  reste  aucune  trace  dans  les  historiens 
jSoràitins.  Cette  république,  autrefois  le  centre  de  toutes  les 
uégodaiions  de  l'Italie,  semblait  devenir  étrangère  à  tous  les 
pwds  iutérêto  de  cette  contrée.  Ses  annales  soqt  vides.  Sci-r 
pian  AmmiratP  passe  rapidement  sur  le^  ooms  d(3  plusieurs 
gosfaloniers  sans  «mrquer  leur  admipuMratioa  par  aucun 
événement  3.  I^^  «utres  historiens  se  taisent  iégaiement  sur 
00tt3  épocprn;  ils  ne  S(e  sentateut  plus  entraînés  k  écrire  ï  histoire 
lorsque  les  inlécèls  de  la  patrie  u'étaieat  fd^ps  c^^  de 
chaeun  ^. 
Dans  ce  silenea  universel,  on  fait  presque  d<mestîq99  fi^a 

1  Annal'  EceUs.  Baynaldi.  1489,  S  S  et  9,  p.  394.  —  >  Sdpione  Ammirato,  L.  XXVI , 
p.  1I4-18S.— s  M.  Rofcoé  me  reproche  avec  un  redoublement d'ameriume  (lllustr.  p.  i67), 
mon  dédain  pour  lei  négociations  seeréles  de  Uureni  à  la  cour  d'Innocent  Vill.  11  pnJblif 
un  bug  fragment  de  Fabbroni  destiné  à  en  yndre  compte,  et  partie  de  la  corresponUance 
de  Laurent  avec  J.  Lanfredini ,  ambassadeur  de  la  république  à  Rome.  La  nature  du 
crédit  que  Laurent  exerçait  A  Rome  par  le  mariage  de  sa  fille  arec  le  fils  du  pape,  if 
but  de  ces  négociations,  par  lesquelles  il  youlait  déterminer  Innocent  VUI  à  abandonner 
les  barons  napolitains ,  protégés  par  l'Eglise ,  aux  vengeances  de  Ferdinand  ;  leur  ré^ 
wltat,  la  tyrannie  du  roi,  le  déshonneur  du  pape, et  l'accumutation  de  beaqcqup  de 
bénéfices  ecclésiastiques  dans  la  maison  de  Médicis ,  me  paraissent  mériter  des  éloges 
moins  pompeux.  Je  vois  dans  celle  correspondance  des  intrigues  plus  ou  moins  habiles, 
]0  n*y  trouve  plus  rinterreotion  honorable  et  franche  de  la  république  en  farcurde  tous 
les  opprimés ,  telle  que  nous  l'avons  vue  dans  le  siècle  précédent.  Au  reste ,  j'ai  dit 
seulement  que  ces  négociations  étaient  ignorées  des  historiens  florentins  ;  et  ce  n'est' 
pas  seulement  de  Scipiooe  Ammirato,  qui  avait  les  archives  publiques  à  sa  dispositio}i.« 
mfiis  de  Gio.  Gambi,  de  Lioaarda  MorelU  et  de  Tribaldo  de  Rossi,  tout  trois  contem- 
porains, et  qui  tous  trois  font  senlir  dans  quelle  Ignorance  des  affaires  publiques  étaient^ 
alors  laissés  les  citoyens  floreotins.  Dans  la  oolloction  DeliUe  d^gU  E^wiU.  T.  XlX^X&ilI. 

M' 


276        Hisronas  des  BÉPUBLK^tjEâ  italienihes 

rattention.  Laurent  de  Médicis,  toujours  engagé  dans  le  côiH^ 
merce  qu'il  ne  pratiquait  point  Id-mëme,  et  qu'il  n'entendait 
point,  avait  remis  ses  affaires  à  des  commis  et  à  des  agents 
établis  dans  diverses  places  de  l'Europe.  Ceux-ci  se  regar- 
daient comme  les  ministres  d'un  prince;  ils  étalaient  dans  leurs 
comptoirs  un  luxe  ridicule,  et  ils  unissaient  la  négligence  à  la 
prodigalité.  La  fortune  brillante  que  Gosme  avait  laissée  à  ses 
petits-fils  fut  dissipée  par  ce  luxe  insensé  ;  mais  pendant  long- 
temps les  obligations  des  receveurs  delà  république  couvrirent 
le  vide  que  laissaient  les  opérations  de  banque.  Tous  les  re- 
Ycnusde  l'état  étaient  distraits  par  ces  anticipations,  ils  avaient 
passé  tout  entiers  entre  les  mains  des  commis  de  la  maison  de 
Médicis ,  et  ils  étaient  dissipés  comme  le  reste  dé  la  fortune 
de  cette  maison  avant  même  d'avoir  été  perçus.  Le  moment 
vint  oti  ces  opérations  ruineuses  ne  purent  pas  être  conti- 
nuées plus  longtemps,  et  il  Tint  au  milieu  de  la  paix  qui  aurait 
dû  ramener  l'aisance  dans  les  finances  de  la  république.  Le 
13  août  1490;  la  Seigneurie  et  les  conseils  se  virent  obligés 
de  nommer  une  commission  de  dix-sept  membres  pour  réta- 
blir l'équilibre  entre  les  monnaies,  les  gabelles  et  toutes  les 
finances  de  la  république.  Telle  était  la  corruption  dans  la- 
quelle eette  noble  cité  était  tombée,  que  cette  commission  ne 
rougit  pas  de  faire  faire  banqueroute  à  la  patrie,  pour  sauver 
les  Médicis  de  la  banqueroute.^La  dette  publique ,  dont  l'in- 
térêt était  fixé  à  trois  pour  cent,  fut  réduite  à  ne  rendre  qu'un 
et  demi;  et  la  défiance  ajoutant  encore  à  cette  réduction,  les 
luoghi  ai  monter  ou  actions  de  cent  écus ,  qui  se  vendaient 
vingt-sept  écus  avant  cet  édit»  tombèrent  à  onze  écus  et  demi. 
Les  fondations  pieuses  qui  avaient  été  faites  par  la  république 
et  par  un  grand  nombre  de  familles  pour  payer  des  dots  aux 
filles  à  marier,  furent  supprimées  ;  on  en, promit  seulement 
l'intérêt  au  bout  de  vingt  ans,  à  raison  de  sept  pour  cent  ^ 

1    iJiarie  di  Giov.  CambL  T.  XXI ,  p.  S4. 


DU  MOTEN  AGE.  277 

Pea  après,  ces  magistrats,  qui  se  fidsaient  nommer  les  ré/br- 
mat€ur$^  décrièrent  les  monnaies  qui  étaient  en  conrs,  décla- 
rant qu'ils  ne  les  receTraient  plus  dans  les  caisses  publiques 
que  pour  un  cinquième  au-dessous  de  leur  valeur.  Cependant 
la  Seigneurie  continuait  ensuite  à  les  donner  elle-même  en 
paiement  au  cours  du  marché ,  en  sorte  que  ce  décri  fut  une 
manière  frauduleuse  d'augmenter  d*un  cinquième  les  reyenus 
de  rétat,  sans  faire  porter  de  loi  à  cet  effet  par  les  seuls  con- 
seils qui  eussent  le  droit  d'établir  des  impôts  i.  La  fortune  de 
Laurent  de  Médicis  ayant  été  ainsi  sauvée  aux  dépens  de  la 
patrie,  il  sentit  Timprudence  de  la  laisser  davantage  dans  un 
commerce  ruineux,  et  il  employa  les  capitaux  qui  lui  étaient 
rendus  à  acheter  de  vastes  fonds  de  terre  ^. 

Les  annales  de  Bologne,  république  longtemps  alliée  de  Flo- 
rence, et  qui  avait  tenu  en  Italie  un  rang  presque  ^al ,  ne 
présentaient  de  même  plus  aucun  intérêt,  depuis  qu'un  dtoyen 
puissant  a\ait  abusé  du  crédit  que  sa  famille  avait  acquis  par 
de  longs  services,  et  s'était  emparé  de  tout  le  pouvoir.  Jean 
des  Bentivogli  occupait  à  Bologne,  dès  Tan  1 462,  précisément 
le  même  rang  que  Laurent  de  Médicis  occupait  à  Florence. 
Gomme  lui,  il  était  entouré  d'artistes  et  d'hommes  de  lettres 
distingués,  qui,  par  un  éclat  d'emprunt,  faisaient  illusion  aux 
Bolonais  sur  la  perte  de  leur  liberté.  Gomme  lui,  il  alliait  sa 
famille  aux  maisons  souveraines  :  Annibal,  l'atnéde  ses  quatre 
fils,  avait  épousé  la  fille  d'Hercule,  duc  de  Ferrare 3.  Violante, 
l'une  de  ses  sept  filles,  épousa,  en  1 480,  Pandolfe  Halatesti,  sei- 
gneur de  Bimini,  et  nous  avons  vu  une  autre  de  ses  filles,  Fran- 
çoise, femme  du  prince  de  Faenza ,  qu'elle  assassina.  Gomme 
Médicis,  Bentivoglio  donnait  au  peuple  des  fêtes  splendidcs , 
et  lui  présentait ,  en  dédommagement  des  droits  qu*il  avait 
perdus,  l'éclat  et  le  spectacle  d'une  cour.  Gomme  lui  encore, 

*  Sc'tpione  Ammirato.  L.  XXVI,  p.  i85.  —  Bïacchiavellû  r..  Viii,  p.  448.—  «  Annales 
Bononienses  nier,  de  BwtieUU^  T.  XSUI,  p.  906.  —  >  Ibld.  p.  908. 


^78  HISTOIRE  DES   fiÉPUBtiQVES  ITALIENNES 

jH  ornait  sa  résidence  d'édifices  somptuieiix,  de  pateis,  de  tem- 
ples, dont  la  construction  remplît  seule  les  annales  de  Bolo- 
gne 1.  Bentivoglio  l'emportait  sur  Médîcis  par  la  vertu  mili- 
taire; il  pouvait  conduire  lor-môme  ses  armées,  il  faisait  foire  à 
ses  fils  le  métier  de  condottiere,  et  il  n'était  pas  obligé  de  s'en 
fier  uniquement  à  des  bras  mercenaires  pour  la  défense  de  son 
état  ;  maïs  Bentivoglio  était  inférieur  à  Laurent  par  les  talents 
personnels.  Il  n'avait  point  ce  goût ,  cette  élégance  qui  ont 
fait  oublier  dansMédicis  l'oppresseur  de  la  république  floren- 
tine, pour  ne  voir  en  lui  que  le  protecteur  des  lettres.  Il  n'a- 
vait pas  non  plus  cette  facilité  de  caractère,  cette  douceur 
dans  le  commerce  intime  de  9es  familiers  qui  assurèrent  à 
Laurent  des  amis  distingués,  dont  le  témoignage  nous  fait  il- 
lusion encore  aujourd'hui. 

La  grandeur  de  Bentivoglio  excitait  cependant  autant  de 
jalousie  à  Bologne  que  celle  de  Médîcis  à  Florence  ;  la  famille 
des  Malvezzi,  comme  celle  des  Pazzi  dans  l'autre  république , 
ne  pouvait  se  i^ésigner  à  descendre  ad  rang  de  sujette  après 
avoir  joui  de  l'égalité.  Jules,  fils  de  Virgilîo  Malvezzi,  et  Jean, 
Philippe  et  Jérôme,  fils  de  Baptiste  Malvezzi,  ourdirent  une 
conjuration  pour  tuer  Jean  Bentivoglio.  Ils  furent  découverts 
fe  27  novembre  1488,  avant  d*avoir  t^nté  Texécution':  plu- 
sieurs d'entre  leurs  associés  s'échappèrent,  aussi  bien  que  Jé- 
rôme et  Philippe  Malvezzi;  mais  Jean  Malvezzi,  Jacques  Bar- 
zellîni  et  dïx-huit  de  leurs  complices  furent  pendus  ;  tous  les 
membres  de  cette  famille  nombreuse  furent  exilés  dès  le  matin 
suivant,  encore  qu'ils  n'eussent  aucune  connaissance  de  la 
conspiration,  et  leurs  biens  forent  confisqués-.  Jusqu'à  deur 
religieuses  qui  étaient  au  couvent  de  Sainte-Agnès  en  furent 
tirées  pour  être  transportées  à  .Modène ,  parce  qu'elles  por- 
taient ce  nom  odieux;  et  la  conjuration  des  Malvezzi,  en 

»  Atmal.  BoHonien$€$Bier.  de  Bursemi.  p.  m,  906  ^pa$êlm. 


DU   MOYEN   AGE.  279 

caiisant  la' raine  d* une  maison  qui,  par  son  crédit  et  ses  ri- 
chesses, occupait  le  second  rang  à  Bologne,  ne  servit  qu*à 
augmenter  la  puissance  de  ceux  contre  qui  elle  avait' été  di- 
rigée ^ 

La'  ville  de  Pérouse,  qui  longtemps  avait  tenu  uii  rang  dis- 
tingué parmi  les  républiques  de  Toscane,  n* était  pas  exempte 
de  troubles  à  peu  près  semblables,  encore  qu'elle  eût  perdu, 
avec  son  indépendance,  sa  population  et  son  antique  opu- 
lence. Toujours  divisée  entre  les  deux  factions  des  Oddi  et  des 
Baglioni,  leur  guerre  civile  s'était  terminée,  en'  1489,  par 
Texil  des  premiers,  aussi  bien  que  de  tout  ce  qui  restait  de  la 
famille  de  Braccio  de  Môntone^.  Ces  exilés,  secourus  par  le 
duc  d'Urbin,  et  assurés  de  l'assentiment  secret  d'Inno- 
cent Vlfl,  trouvèrent  moyen  de  rentrer  dans  Pérouse  le  6 
juin  1491,  à  la  quatrième  heure  de  la  nuit;  ils  comptaient 
sur  les  intelligences  qu'ils  croyaient  trouver  dans  la  ville.  Ils 
furent  au  contraire  à  peine  découverts  que  tous  les  citoyens 
lés  attaquèrent  avec  acharnement.  Une  cinquantaine  d'émi- 
grés rentrés  furent  tués  dauff  ce  combat;  une  centaine  d'au- 
tres ,  déjà  couverts  de  blessures ,  furent  faits  prisonniers  et 
pendus  incontinent.  Le  protonotaire  Fabrice  et  un  autre  prélat, 
nommé  Bodolphe ,  chefs  principaux  de  la  faction  des  Oddi, 
furent  massacrés;  et  le  i^ape,  apprenant  la  défaite  du  parti  qu'il 
avait  paru  favoriser,  ne  fit  point  de  difficulté  d'accorder  aux 
fils  des  vainqueurs  les  bénéfices  des  prêtres  morts  dans  cette 
déroute  3. 

Enfin,  la  ville  de  Gènes  n'était  pas  alors  plus  libre  que  les 
antres  républiques  auparavant  ses  alliées.  La  révolution  du 
mois  d'octobre  1488  Tavalt  soumise  au  duc  de  Milan,  et  Au- 
gustin Àdorno  la  gouvernait  en  son  nom;  mais,  comme  un 


>  Hieron*  de  BurselUs,  p.  907-908.  —  DIarto.  Fenann,  %  XXIV,  p.  281.  —  Stefan^ 
infessuroj  Diario  di  Aoma.  p.  1222.  —  *  Stefano  infeêwra,  DiaHo  di  JUnna,  p.  ist». 
—8  ibid. p.  1387,—  Orhndo  MalwolH,Siorttt di SUna.  P.  UI,  L.  VI,  f.  M* 


280  HISTOIRE  DES  BÉPUBLIQUES  ITALIEimES 

parti  avait  pea  auparavant  ioToqné  la  protection  da  roi  de 
France  en  loi  offrant  la  Seigneurie  de  Gênes,  Louis-le^Maore, 
pour  concilier  ses  prétentions  avec  celles  de  son  puissant  voi- 
sin, avait  demandé  à  tenir  Gênes  comme  un  fief  mouvant  de 
la  couronne  de  France,  et  Charles  YIII  Ten  avait  investi  en 
effet  en  1490  à  cette  condition  ^ 

Les  autres  états  de  l'Europe,  distraits  à  cette  époque  par 
des  guerres  intérieures,  exerçaient  peu  d'influence  sur  la  po- 
litique italienne  ;  aussi  le  repos  qu'on  goûtait  à  la  fin  du  quin- 
zième siècle,  ce  repos  si  favorable  aux  lettres  et  aux  arts,  et 
que  tous  les  Italiens  ont  célébré  pour  Topposer  aux  guerres 
longues  et  sanglantes  qui  allaient  bientôt  commencer,  n'était- 
il  point  le  fruit  de  la  politique,  mais  le  résultat  d'un  ensemble 
de  circonstances  qui  ne  pouvaient  pas  durer  longtemps.  La 
France,  d'où  l'orage  devait  bientôt  fondre  sur  l'Italie,  n*était 
pas  encore  prête  pour  la  guerre  qu'elle  méditait,  Charles  VIII 
avait  déjà  conçu  dans  sa  jeune  tète  le  projet  de  conquérir  le 
royaume  de  Naples,  projet  qu'il  exécuta  ensuite  avec  un  suc- 
cès si  disproportionné  à  ses  forces  ou  à  ses  talents  2.  Mais  la 
rivalité  entre  la  dame  de  Beaujeu,  sa  sœur,  gouvernante  du 
royaume,  et  le  duc  d'Orléans;  la  guerre  contre  le  duc  de  Bre- 
tagne et  celle  contre  Maximilien,  fils  de  Frédéric  III,  qui  par 
sa  femme  avait  hérité  de  la  maison  de  Bourgogne,  occupaient 
alors  la  France  par  des  intérêts  trop  pressants  pour  qu'on 
pût  prévoir  qu'elle  quitterait  tout  à  coup  toute  autre  pensée, 
et  verserait  tontes  ses  forces  sur  l'Italie. 

Maximilien,  qui  devait  à  son  tour  y  porter  la  guerre ,  tan- 
tôt comme  rival ,  tantôt  comme  allié  du  monarque  français, 
était  alors  uniquement  occupé  de  ses  démêles  dans  les  Pays- 
Bas.  Au  mois  de  juillet  1477,  il  avait  épousé  Marie ,  héritière 

^  Barth.  Senaregœ  De  rébus  Genuens.  T.  XXIV,  p.  sss.  -^  Philippe  de  Comines^ 
Mémoires,  L.  VU,  chap,  m,  p.  isi.— 9  PhiUppe  de  Cçmines,  Mémoires.  L.  VII,  chap.  V, 
p.  158. 


00  MOTD  A0S.  281 

de  Bourgogne  ;  il  Tarait  perdue  le  28  Bnn  1482,  et  dfs  1(« 
ses  sujets  avaient  commencé  à  hû  contester  la  régence  de  ses 
états,  et  le  droit d'élerer  son  fils  Philippe.  Maximilien  fut  leur 
prisonnier  pendant  neuf  mois  à  Bruges,  et  à  cette  époque,  il 
songeait  peu  à  faire  valoir  les  droits  de  roi  des  Romains  qu'il 
aTait  acquis  en  1484,  ou  à  descendre  en  Italie  pour  ppotégw 
Innocent  YIII,  comme  odui-d  l'y  iuTitait  en  1490  ^ 

Frédéric  III,  son  père,  arrivé  à  une  grande  vieillesse,  était 
loin  de  montrer,  après  cinquante  ans  de  règne,  une  vigueur 
qu*on  avait  vainement  attendue  de  lui  dans  ses  jeunes  années. 
n  n'avait  su  ni  repousser  les  Turcs,  ni  se  foire  aimer  des  Alle- 
mands, ni  maintenir  les  droits  de  sa  couronne.  S'engageant 
dans  des  guerres  injustes  avec  Mathias  Gorvinus,  le  héros  de  la 
Hongrie,  il  n'avait  pas  mieux  défendu  contre  lui  son  propre 
héritage.  L'Autriche  était  envahie,  et  il  errait  de  ville  impé- 
riale en  ville  impériale,  ou  de  couvent  en  couvent,  vivant  aux 
dépens  de  celui  qui  lui  donnait  l'hospitalité  s. 

Mathias  Gorvinus,  roi  de  Hongrie,  qui  seul  avait  eu  la  gloire 
d'arrêter  Mahomet  II  au  milieu  de  ses  conquêtes ,  et  d'avoir 
sauvé  peut-être  la  chrétienté,  s'était  trouvé  plus  mêlé  à  la  po- 
litique de  ritalie  qu'aucun  de  ses  prédécesseurs,  si  l'on  ex- 
cepte Louis^le-Grand  de  la  maison  d'Anjou.  Son  alliance  avec 
Yenise,  son  mariage  avec  Béatrix  d'Aragon,  fille  de  Ferdinand 
et  belle-sœur  d'Hercule,  duc  de  Ferrare,  son  obéissance  aux 
Tolontés  du  pape  et  ses  guerres  avec  l'empereur  avaient  mul- 
tiplié ses  rapports  avec  les  Italiens  ;  mais  il  mourut  le  5  avril 
1490  ^.  Ginq  prétendants  se  présentèrent  pour  disputer  sa 


s  Amal,  Eedetiast,  Baynaldl,  1490,  $  S,  6  et  T,  p.  498.  —  Spiegel  der  Bbren.  B.  V, 
c.  XXXn ,  p.  9S6  ;  c.  XXXV,  p.  978.  —  *  Spiegel  der  Ehren  der  Erzhautes  von  Oester- 
reich,  B.  V,  c.  XXXI,  p.  92».  —  Fugger  compte  cependant  Yingl-six  guerres  différenles 
de  ce  souTenin.  ibid.  B.  V,  c.  XLI,  p.  1073.  —  *  Bonfinius ,  de  rebm  Hungaricis*  D.  IV, 
L.  VIII,  p.  612,-^  Annal,  Eecles,  1490,  $  lo  et  il,  p.  399.  ^ Marin  Sanuio^  Vile  de* 
duehi  di  venexitu  p.  1247.  —  Diario  Ferrarese,  p.  nt,  — Spiegel  der  Ehren,  Buch.  V, 
cap.  XXXVIII,  p.  102S. 


3d2  HISTOIRE  DÉ&  BEPÛBLIQUES   ITALIENNES 

conroniLe.  Jmû  Êorrinus,  son  bâtard,  était  enû'e  enx  celai 
cpii,  par  Fhéritage  de  plus  de'  vertus,  semblait  y  avoir  le  plus 
dte  droits.  Néanmoins,  Uladislas,  roi  de  Bohême  et  fils  du  roi 
de  Pologne,  lui  fut  préféré.  Cette  élection  amena  ledéchire- 
meût  de  la  Hongrie.  Les  Allemands,  les  Polonais,  lies  Turcs 
et  les  mécéttteufs  hongrois  s'en  disputèi'ent  les  provinces;  tous 
les  temples  chrétiens  furent  mis  .en  cendres  jusqu'à  Waraddin; 
la  Croatie  et^fe  Transylvanie  furent  ravagées  en  1 49 1 ,  et  Schà- 
batz,  le  boutevard  de  la  chrétienté,  fut  assiégé  par  les  musul- 
mans. Albe  royale  et  Schabatz  ne  tombèrent  pomt  cepen- 
dant att  pouvoir  des  Turcs;  mais  Paul  deKinitz,  qui  les  délivra 
Tannée  suivante ,  souilla  sa  victoire  en  exerçant  sur  ses  pri- 
sonniers d'effroyables  cruautés  i. 

En  Angleterre  Henri  VII  avait  mis,  en  1485,  un  terme  à 
la  tyrannie  de  Richard  III,  et  il  cherchait  à  affermirune  au- 
torité encore  mal  reconnue.  En  Espagne,  Ferdinand  et  fsa- 
belle,  rois  d'Aragon  et  de  Castille,  acquéraient  bien  plus  ra- 
pidement (}ué  tous  ces  souverains  un  pouvoir  plus  étendu,  et 
Uti  réputation  européenne.  Ils  avaient  obtenu  à  la  cour  du 
pape  un' crédit  qu'on  n'avait  vu  exercer  par  aucun  de  leurs 
prédét5esseurs;  et  toutes  les  puissances  de  l'Italie  tournaient 
constamment  les  yeux  vers  l'Espagne.  A  cette  époque  même 
il»  jetaièîtt  les  fondements  d'une  puissance  bien  plus  vaste  : 
Christopbe  Colomb  découvrait  pour  eux,  en  1492,  lé  Nou- 
veiffi-Mofiâe,  tandis  que  les  Portugais  étendaient  leurs  éta- 
btissements  sur  toutes  les  côtes  d'Afrique,  et  qtt'en  1486, 
BsatlhélëoA  Dtez  franchissait  le  cap  de  Ëoiioe-Esjpérance. 
Mais  toutes  les  forces,  toutes  les  richesses  des  souverains 
d'Espagne  étaient  dirigées  eontre  le  TXiymmieêé€iMmie\ 
dont  la  conquête  était,  à  cette  époque ,  l^objèt  unique  de 
leur  ambition.  La  capitale  seule  de  ce  dernier  rt^fiimie  des 

*  BonfinHà^ner,  Bwtffat.  Déca  V,'L.  Il,  p.  7ÏT,^AnnaL  Bccles,  1491,  S  U,  p«  40S. 
^^iegel  der  Ehrcn.  h,  V,  c.  XXXViii,  p.  i03l. 


oà  Étoiià  Kùf.  28S 

lÊà»en  &ï  Ésjîmgflé,  ce  foyef  &oh  les  lofiïMfereïf ,  les  artsr  ef 
tes  seierice»  asiatiques  et  des  anciens  à'éfâiént'  rëpandûs  sur 
r  Occident,  conservait  encore  son  itidépeudarice.  L' attaque  de 
Ferdinand  et  d*  Isabelle  était  considérée  par  les  Latins 
eomme  une  guerre  sacrée,  eh*coT*é'(![u'iI  ne  s'agît  point,  pour 
les  chrétiens,  de  recouvrer  detf  lîeûx  consacrés  à  la  religion, 
comme  eiï  Syrie,  ou  de  se  défendVé  co'Mrë  Tinvasion  des  bar- 
bares, comme  en  Grèce  et  en  Hongrie  ;  maïs  au  contraire  dé 
ohasser  nu  peuple  plus  civilisé  que  ses  agresseurs  d*une  de- 
meure qu'il  ôcèUpËit  depuis  huit?  cèiltà  ans.  La  chute  du  i*oï 
Boafodil  et  lia  priée  de  Grenade,  le  2  janvier  1 492,  furertt 
cél^rée»  dans  toute  FEurope  comnië  lé  tridînlphé  de  la  chré- 
tienté f. 

C'est  ainsi  que  tout  se  préiiarait  pour  une  ère  nouvelle, 
non  paë  ddbs  T  Europe  seule,  mais  dans  le  monde  entier.  Les 
régîonsdér Orient  et  de  1* Occident,  rapprochée^  paruhe  na- 
vigatiotljusqu'alors  jugée  impossible,  venaient  se  lier  à  l*Eu- 
rope,  comme  au  centre  de  la  puissance  et  de  la  civilisation. 
Les  nationsr  s'éprouvaient  dàtis  dé  dernières  guerres  dvîles, 
et  développaient  ainsi  des  foi-ëès  qu'elles'  devaient  bientôt 
tomiîér  au  dehorà.  L'EspcIgtte,  là  Fi-aiic^,  rAlIemagne,  TAn- 
gleterre,  allaient  arriver  sur  le  champ  de  bataille,  comme  des 
cotossés',  avec  lesquels*  lés  fitif^sànëè^  qui' jusqu'alors  avaient 
cru  tieiSfr  la  balance  de  rEufôpcr  ne  seraient  plus  en  état'  de 
hitt^.  Lé  temps  était  venu  où  l'africien  ordre  de  choses  de- 
vait cfttatiger  ;  la  liberté  des  petitsf  peuplés  s'était  successîve- 
nlent  anéantie,-  fous  les  princes  d'une  même  nation  qui ,  au- 
irefois'ittdépendÀntS,  n'étaient  dnis  que  par  les  lieùS  relâchés 
detefj^odalité,  étaient  tombés  du  rangde rivaux  du  nfiotlarque 
k  ceitti  de  sojétt.  La  force  qu'il»'  avaient  si  longtemps  dépen*^ 
sée  lei^mis  contre  les  autres,  poui*  satisfaire  leurs' propres  pas^ 

1  Voyez,  sur  les  fétei  de  l'Italie  à  cette  oecasion,  BarthoL  Senaregœ,  De  rehiu  09- 
tmenê.  p'.  53f.  —  Annal  Eccla,  Raynald.  i493,  S  it  Sf  S»  P*  406. 


284  mSTOIBE  0JE5  SiPDBLKIUES  rTALIEHlVIS 

flknig,  pour  détoidre  leors  droits  oa  leur  orgueil,  ib  aDaient 
la  prb^goer  gom  les  ordres  d!oQ  mdtre.  Ils  allaient  diercher 
an  loin  la  gaerre  qae  â  longtemps  ils  ayaient  trouvée  à  leur 
porte.  Les  armées  allaient  compter  aatant  de  milliers  de  sol- 
dats qu'elles  en  comptaient  auparavant  de  centaines;  les 
guerres  allaient  prendre  un  caractère  nouveau  de  férocité, 
parce  que  les  peuples  qui  allaient  combattre  différeraient  ab* 
solnment  de  coutumes,  de  mœurs,  d'opinions,  surtout  de 
langage  ;  en  sorte  que  la  prière  ne  serait  plus  entendue, 
que  la  pitié  n'ébranlerait  plus  les  âmes.  Le  ressentiment  de 
longues  privations  dans  de  longues  marches,  de  longs  campe- 
ments, de  longues  maladies,  allait  endurcir  le  cœur  des  guer- 
riers. Les  hôpitaux  militaires,  dont  l'existence  avait  été  jus- 
qu'alors imx)nnue,  allaient  bientôt  consommer  plus  de  soldats 
que  le  fer  et  le  feu;  et  cependant  les  batailles  devaient  rougir, 
en  peud'années,  le  sol  italien  de  plus  de  sang  qu'on  n'en  avait 
versé  pendant  tout  le  dernier  siède.  Tout  devait  prendre  un 
caractère  plus  fort,  plus  sévère  ;  tout  préparait  à  des  révolu- 
tions plus  douloureuses,  à  des  secousses  plus  violentes,  et  il 
ne  dépendait  point  du  génie  d'un  homme  de  retarder  ou 
de  b&ter  une  crise  que  la  nature  des  choses  rendait  néces- 
saire. 

Les  ItaUens,  qui  virent  tout  à  coup  succéder  ce  boulever- 
sement de  leur  patrie  à  une  période  de  calme,  de  richesses  et 
d'éclat  dans  les  lettres,  attribuèrent  le  changement  dont  ils 
ressentaient  les  effets  aux  hommes  qu'ils  avaient  connus.  Ils 
firent  honneur  à  Laurent  de  Médicis  d'avoir  maintenu  en 
paix  l'Italie,  parce  que  la  grande  invasion  qni1a  bouleversa 
n'eut  lieu  que  deux  ans  après  sa  mort.  Ils  accusèrent  Louis- 
le-Maure  d'avoir,  par  son  ambition  privée  et  parla  plus  fausse 
politique,  livré  sa  patrie  à  ces  étrangers  qu'ils  nommaient 
barbares^  parce  qu'il  renouvela  l'invitation  qui  leur  avait  été 
adressée  déjà  vingt  fois,  dans  ce  siècle  et  le  précédent,  de 


hV  MOYEU  AM.  lâ& 

prendre  part  ML  guerres  d'Italie.  Mais  Laurent  de  Médicis 
n'ayait  point  empëdié  Loais  XI  de  dicter  an  yieox  roi  Bené 
son  testament  da  22  juillet  1474,  ea  fayeurdo  comte  da 
Maine,  on  de  dicter  à  celni-ci  son  testament  du  10  décembre 
148  U  enfayeur  de  la  couronne  de  France.  Toutes  les  pré- 
tentions des  rois  français  au  royaume  de  Naples  ayaient  donc 
été  préparées  de  longue  main,  douze  ans  ayant  la  mort  de 
Laurent.  Ces  prétentions  ne  pouyaient  amener  de  guerre,  ni 
pendant  qu'un  roi  yieux,  malade,  timide,' ayare,  soupçon- 
neux, occupait  le  trône,  ni  pendant  la  minorité  de  son  fils. 
Le  moment  était  cependant  si  bien  yenu  où  une  telle  ambi- 
tion deyiendrait  naturelle  à  la  France,  que  trois  de  ses  rois, 
différents  par  leur  caractère,  par  leurs  talents,  par  le  saug 
même  dont  ils  sortaient,  Charles  YIII,  Louis  XII  et  Fran- 
çois 1'"'',  s'y  liyrèrent  ayec  une  égale  ardeur.  Laurent  de  Hé- 
dids  n'aurait  point  pu  les  arrêter  si  sa  yie  s'était  prolongée 
jusqu'à  l'âge  qu'il  pouyait  naturellement  atteindre.  Il  ne 
pouyait  non  plus  préyenir  la  réunion  de  toutes  les  couronnes 
d'Espagne  entre  les  mains  de  Ferdinand  et  d'Isabelle ,  la 
réunion  des  héritages  de  Bourgogne  et  d'Autriche  dans  celles 
de  Maiimilien*  Il  n'ayait  point  suscité  aux  premiers  la  guerre 
de  Grenade;  au  second,  la  révolte  des  Flamands,  et  il  ne  pou- 
yait s'attribuer  le  mérite  ni  de  leur  activité  ni  de  leur 
repos. 

Il  n'y  aurait  eu  qu'un  seul  moyen  de  sauver  l'Italie,  c'é- 
tait de  suivre  le  projet  des  républicains  florentins  que  Gosme 
de  Médicis  fit  échouer;  de  maintenir  la  république  de  Milan 
lorsqu'elle  recouvra  sa  liberté,  en  1447;  de  partager  ainsi  la 
Lombardie  entr^  deux  puissants  états  libres,  Milan  et  Venise; 
de  conserver  entre  eux  l'équilibre  par  le  poids  que  Florence 
et  la  Toscane  mettraient  dans  la  balance  ;  de  les  réunir  par  un 
intérêt  commun  toutes  les  fois  qu'il  s'agirait  de  la  défense  de 
la  liberté  et  de  I indépendance  italienne;  de  les  appuyer  par 


âM  HISTOIBB  DES  ^VVJBLlQtJtS  ITALItlimSS 

rallîm^  4^  Sttissq^,  selon  le  projet  que  Sixte  IV  (QonmKUiir 
^ua  j)ia8  tar4  aux  (gâtons  ;  ie  réunir  ainsi  au  ^$oia  les  lir 
dresses  ^e  Florence  e;t  ,de  D^ilan,  les  flottes  de  ye^ûse  et  de 
iSênes  et  la  milice  indompta])le  des  Buisses,  pour  ^a  /c^use  4ia 
Ifi  liberté.  Alors  cette  chaîne  de  républiques  auriât  présent^ 
aux  puissiances  étrangères  une  barrière  que  ni  Chyles  YIU| 
jf^  Maximilien,  ni  Ferdinand  et  Isabelle  n'auraient  jamais  pg 
renverser.  Mais  ce  projet,  ,qjae  les  Àlbim  auraient  ^té  dignes 
de  former,  que  Néri  Gapponi  conçut  et  spntint  avec  fermeté^ 
^ue  Sixte  lY  I:e^o.aYela,  jéchoua  par  rambitipn  perspnneUe 
de  Cosme  et  de  sop  petit-fils,  qui,  pour  être  leç  premiers  ci* 
toyens  de  leur  patrie,  et  pour  élever  leur  famiUe  à  ui^ pouvoir 
souverain,  avaient  l^soin  de  ratUfji^  d'an^xes  pfripces  e|  noç 
d'états  libres.  Dans  le  même  esprit,  Laurent  tij^  toujours 
Florence  éloignée  de  son  ai^ique  allianjee  avec  Vérifie  ^  il  ins- 
pira  au  peuple  un  esprit  de  défiance  et  de  rivalité  contre 
cette  grande  république,  au  lieu  de  maintenir  cet  ancien  ais* 
cord  qui  avait  arrêté  tour  à  tour  Mastino  de  la  Scala,  Berna* 
bos,  Jean-Galéaz  et  Philippe-Marie  Yisconti.  ^  T  Italie  fut 
perdue  par  une  erreur  de  politique,  c'est  à  Laurent  qp'dte 
dut  sa  perte  plus  qu'à  Louî^4e-MaurjB. 

Ce  dernier,  tutejur  ambijtîeux  de  son  neveo  qi^il  voirait 
détrôner,  lieut^oant  d'un  décote  et  aspirant  à  la  tyrannie, 
était  fait  pour  sacrifier  tout  à  son  intérêt  personnel.  Ce  n'est 
pas  à  de  tels  hommes  qu'il  faut  demander  des  vertus  publi- 
ques, et  tojut  ce  qu'on  pouvait  attendre  de  lui  c'éta^  qu'il  calr 
culàt  juste.  Il  se  trompa,  il  est  vrai,  lorsqu'il  recpurjut  à  f  aide 
des  étrangers  qui  devaient  bientôt  l'écraser;  mais  stm  .erreur 
n'était  pas  nouvelle.  Depuis  le  premier  Charles  d'Ai^QU,  au 
milieu  du  xiii®  »ècle  ;  depuis  Philippe  et  Charles  de  Yalois, 
les  papes,  les  barons  ^apolil^ins,  les  Toscans,  les  Loi^bards, 
les  Yénitiens,  les  Génois,  avaient  tous  les  dix  ras  appelé  les 
Français  ^n  f ta})e.  JLo^v»  I,  I^uis  I),  Louis  Jll,  de  la  seponde 


maison  d'Anjou  ;  JRené  rAacien,  son  fils  ^ean,  ,dn^  4e  £a*- 
îabre,  et  Bené  de  Lorraine,  ayaienl  chacun,  à  plQ£(iew^  m- 
prises,  tenté  la  conquête  du  royaume  de  Naples  ^vecv4e0  Atr 
mées  françaises.  Dans  les  dix  dernières  années,  Siené  Jl  avait 
été  deux  fois  appelé  par  les  Vénitiens,  et  ^enix  f mç  pftr  ifi  pape. 
Deux  fois  aussi,  jg^esque  dans  la  même  période,  IcisGrénoif 
if  étaient  offerts  au  roi  de  France.  Enfin,  Jpmu^jat  yill,  Tami 
et  le  confédéré  de  Laurent  de  Médicis,  ayait  de  pQuyeau  dé* 
claré  la  gueri:e  à  Ferdinand  de  Nappes,  au  mois  de  ^s^^mbre 
1 489,  comptant  uniquement  sur  Tappui  de  Cbarbs  YIII  qu'il 
appela  à  son  aide  i  ;  et  qe  fut  la  nonchalance  de  Gh^rlea,  non 
lés  persuasions  de  Laurent,  qui  forjçèrent  enfin  le  pape  à  la 
paix,  le  28  janvier  1492,  Ipr^qu'il  vit  ,que  s^s  hvef»  «tues 
bulles,  seules  armes  qui  eui^nt  été  employée^  i^enjyuit'trois 
ans ,  n'avaient  point  ^ulû  pour  attirer  les  Fra^çidg  ea 
Italie. 

Ferdinand  néanmoins,  daps  la  crainte  de  voir  enfin  &'ef-^ 
fectuer  cette  invasion  dont  il  était  sans  cesse  menacé,  renou- 
vela, p^r  ce  .dernier  4;raité,  à  peu  près  tontes  les  conditions  de 
8on  précédent  acox)rd  avec  ^e  pape.  Il  pronût  de  remettre 
en  liberté  ks  ^  des  barons  qu'il  avait  fait  mourir  ;   il 
promît  de  payer  le  tribut    annuel  auquel  il  s'était  sou- 
mis ;  il  promit  enfin  de  ne  point  troubler  dans  son  royaume 
l'exercice  de  la  juridiction  ecclésiastique.  Il  envoya  son  petit- 
fils  Ferdinand,  prince  de  Gapoue,  rendre  hommage  au  pape, 
et  celui-ci  investit.de  nojaves^^  le  foi  de  son  royaume,  comme 
d'uja  fief  relevant  de  T Église.  Innocent  fixa  Tordre  de  la  suc- 
cession, en  y  appelant  jie  duc  de  iCalabre,  et,  s'il  mourait 
avant  iM)n  père,  le  prince  de  €apoue  ;  enfin  il  reçut  le  ser- 
ment du  roi.  La  bulle  qui  jtern^nidt  ce  diffécend  est  du  4  juin 


%  ^otfnaldi  àimai.  Eeele9,  tm,  S  7>  8,  9,  p.  394.  —  Dlario  Bn^ff^ç  lU  $t«ifano  Infes" 
Mira  |K  14199. 


288  HISXOIflE  DES  HÉPUBLIQUBS  ITALIEHKES 

1492  ^  et  le  15  juillet  suivant,  Innocent  TIII  mounit  avant 
d'avoir  en  le  temp»  de  voir  Ferdinand  fausser  tontes  ses 
promesses,  suivant  son  usage  ^.  Innocent  YIII  souffrait  de- 
puis longtemps  de  plusieurs  maladies,  et  déjà  le  27  septembre 
1490  un  évanouissement  de  vingt  heures  T  avait  fait  passer 
pour  mort.  Pendant  sa  léthargie,  son  fils  Franceschetto  Cybo 
voulut  s'emparer  du  trésor  pontifical,  puis  de  Jem,  qui  ha- 
bitait dans  le  palais  même  du  pape  ;  mais  les  gardes  de  Tun 
et  de  l'autre  s'étaient  opposés  à  ses  tentatives  ^.  Les  cardinaux 
qui  étaient  alors  à  Kome  s'étaient  rendus  de  grand  matin  au 
palais  et  avaient  commencé  l'inventaire  du  trésor.  Quoique 
Francesehetto  Cybo  eût  depuis  longtemps  détourné  une  partie 
des  richesses  de  l'Église  et  les  eût  envoyées  à  Florence,  les 
cardinaux  trouvèrent  encore  dans  la  chambre  apostolique 
des  sommes  immenses  dont  ils  confièrent  la  garde  au  cardinal 
Savelli.  Mais  sur  ces  entrefaites  le  pape  revint  à  lui  ;  et  dès 
qu'il  sentit  renaître  ses  forces,  il  renvoya  tous  les  cardinaux 

1  Dlploma  apud  Baynaid,  4nn.  1482,  S  ^U  >2, 13,  p.  408-410.  — Dtor/o  di  SUfanù 
Infessurtu  T.  lU,  P.  II,  p.  1240.  — >  Istorie  di  Giovanni  Cambt.  T.  XXI,  p,  7 1.  Le 
DUirto  Romofio  du  Netairf  de  Nantiporto  finit  à  la  mort  d'inDocent  Viu  ,  T.  ii,  P.  Il, 
p.  1108.  Huratori,  en  le  faisant  imprimer,  a  Toula  l'opposer  au  joamal  d'Etienne  In- 
ressura ,  qui  prend  la  qualité  de  secrétaire ,  scriba^  du  sénat  et  du  peuple  romain.  U 

'  Yeut  qu'on  révoque  en  doute  les  médisances  d'Infessura  sur  Sixte  IV  et  Innocent  VUI , 
parce  qu'on  ne  trouve  rien  de  semblable  ^ans  le  journal  du  notaire  de  Nantiporto-  Mais 
pour  dire  vrai,  on  ne  trouve,  dans  ce  journal,  ni  cela  ni  autre  chose,  sauf  la  date 
toute  nue  des  événements.  Les  plus  minutieux,  comme  les  plus  Importants,  sont  éga- 
lemeot  indiqués  par  une  courte  phrase  ;  le  notaire  né  met  entre  eux  aucune  différence. 
«  Le  15  mai ,  dit-il,  le  cardioal  de  Médicis  fut  fait  légat  du  patrimoine  ;  le  16,  le  due  de 
«  Ferrare  partit  de  Rome ,  et  s'en  alla  ;  le  36,  l'ambassadeur  de  Venise  entra  à  Rome  avec 
«  beaucoup  d'honneur  ;  le  27,  le  prince  de  Gapoue .  fils  du  due  de  Calabre ,  entra  à  Rome 
«  en  grand  triomphe ,  entre  le  cardinal  de  Bénévent  et  celui  de  Sienne  ;  il  mena  avec 

V  «  loi  beaucoup  de  seigneurs ,  et  logea  au  palais  du  pape  ;  le  29,  le  prince  alla  visiter  les 
«c)cardinaux,  en  commençant  par  le  vice-chancelier;  »  et  tout  son  récit  est  dans  ce 
style.  Certainement  on  ne  peut  opposer  de  bonne  foi  le  silence  d'un  journal  écrit  de 
cette  manière  à  l'autorité  d'une  histoire  raisonnée  et  circonstanciée ,  où  l'on  voit  la 
volonté  et  le  sentiment  de  l'écrivain.  Le  journal  du  notaire  de  Nautiporto  est  imprimé 
T.  III,  P.  U,  p.  1071-1108.  Celui  de  SIefano  Infessura  se  trouve  dans  le  même  volume, 
I».  1109-1252.  Hais  Muratori  a  supprimé  des  détails  qu'il  a  trouvés  trop  scandaleux  pour 
Sixte  IV.  Le  même  journal  se  trouve  sans  lacunes  dans  Eccardw ,  ^ïsU  Mcd,  MvU  T.  U» 
Lipsiv,  1723.  —  >  Diario  di  Stefan,  Infessurtu  p.  123S. 


LÂUBBNT  Bîâ  MEMCI^ 


Piilslié  par  Furne  ,  Pau 


Dl)  MOTÊX  A0B.  289 


-  Scipione  Anmirato,  L.  XXVI,  p.  isa. 


Publié  par  Fume  ,  Patrie  . 


Dl)  MOTEX  AGB.  289 

eu  leur  disant  qa*il  espérait  encore  leur  survivre  à  tou&^ 
149^.  -^  Dans  sa  dernière  maladie,  Innocent  YIII  se 
laissa  persuader  par  on  médecin  juif  de  tenter  le  remède  de 
la  transfusion  du  sang,  souvent  proposé  par  des  charlatans, 
mais  qu'on  n'avait  jusqu'alors  jamais  éprouvé  que  sur  des 
animaux.  Trois  jeunes  garçons,  âgés  de  dix  ans,  furent  suc- 
cessivement ,  moyennant  une  récompense  donnée  à  leurs 
parents,  soumis  à  l'appareil  qui  devait  faire  passer  le  sang  de 
leurs  veines  dans  celles  du  vieillard  et  le  remplacer  par  le 
sien.  Tous  trois  moururent  dès  le  commencement  de  l'opéra- 
tion, pîrobablement  par  l'introduction  de  quelque  balle  d'air 
dans  leurs  veines ,  et  le  médecin  juif  prit  la  faite  plutôt  que 
de  s'essayer  sur  de  nouvelles  victimes  ^.  Pendant  la  maladie 
d'Innocent  YIII,  et  dès  le  milieu  de  juillet,  le  malheureux 
Jem,  dont  la  tète  avait  été  mise  eu  quelque  sorte  à  l'enchère 
par  Bi^azeth  II,  fut  enfermé,  par  ordre  des  cardinaux,  au 
château  Saint-Ange.  Il  était  regardé  comme  une  partie  im- 
portante de  l'héritage  du  pape  futur.  ■  ■  • 

^Laurent  de  Médicis  ne  vit  point  la  mort  d'Innocent  VIII, 
ou  la  scandaleuse  élection  de  Roderic  fiorgia,  qui  lui  succéda 
sous  le  nom  d'Alexandre  YI.  Atteint  d*une  fièvre  lente  qui 
se*' joignit  à  la  goutte,  héréditaire  dans  sa  famille,  il  s'était 
retiré,  "presque  dès  le  commencement  de  l'année,  à  Garreggi^ 
sa'fiiaison  de  campagne,  pour  se  mettre  entre  les  mains  des 
médecins.  Ceux-ci  semblèrent  proportionner  leurs  remèdes  à 
la  richesse,  plutôt  qu'aux  besoins  de  leur  malade  ;  ils  lui  &*- 
renit  prendre  des  décompositions  de  perles  et  de  pierres  pré- 
cieuses qui  n'arrêtèrent  point  les  progrès  de  la  maladie.  Lau^^ 
rent,  entouré  de  ses  amis,  mourut  entre  leurs  bras,  le  8  ayiri^ 
1492,  avant  d'avoir  accompli  sa  quarante-quatrième  année  K 

i  Dlano  di  Stefan.  Infessura.  p.  I23i.  —  *  lUd,  p.  1241.  —Raynaldi  AiinaL  RccUts* 
1492,  i  19/p.  412;  ex  VolaUrifano.  L.  XXIJ,  a  aUis,  —  ^  MacchiavaUi,  L.  VIU,  p.  ''.47.' 
«*  Scipione  Ammirato.  L.  XXVl,  p.  186. 

¥11.  19 


290  HISTOIBB   DES  RÉPUBLIQUES   ITALIEBBES 

Qqelle  cpxfd  fût  Thabileté  de  Laurent  de  Mëdicis  dam  les 
affaires,  ce  n'est  pas  comme  homme  d^état  qu'il  peat  être 
placé  au  ranç  des  plus  grands  hommes  dont  T  Italie  se  glo- 
'rifle.  ^atit  d'honneur  n'est  réservé  quà  ceux  qui,  élevant 
leurs  vues  au-dessus  de  l'intérêt  personnel,  assurent,  par  le 
travail  de  leur  vie,  la  paix,  la  gloire  ou  la  liberté  de  leur  pays, 
tiaurent  poursuivît ,  au  contrmre^  presque  toujours  une  poli- 
tique tout  égoïste  ;  il  soutint  par  des  exécutions  sanglantes 
un  pouvoir  usurpé  ^  j  il  appesantit  chaque  jour  un  joug  dé- 
testé sur  une  ville  libre ,  il  enleva  aux  magistrats  légitimes 
r  autorité  que  leur  donnait  la  constitution ,  et  il  détourna  ses 
concitoyens  de  cette  carrière  publique  dans  laquelle,  avant 
lui,  ils  avaient  développé  tant  de  talents.  Nous  verrons,  dans 
la  dernière  partie  dé  cet  ouvrage,  les  conséquences  funestes 

i  M.  RoseoS  a  Jugé  A  propos  de  teire  eontre  moi,  à  Toccasion  de  cette  pbrase,  une 
sortie  qî  yiolenie,  que  j9  Q'*i  qQ9  ie  jeboix  jf/ou  rire  ou  de  m'en  fâcber.  Je  demaode  la 
permisNon  de  m'en  tenir  au  premier  parti  ;  c'est  le  public  qui  rirait,  si,  nouveaux  pa- 
ladins ,  nous  entrions  dans  te  champ  clos  pour  assigner  lé  rang  et' la  gloire,  non  de  nos 
belles ,  mais  d'un  ancien  usurpatejir  des  Ûbertâs  de  son  pays ,  qui  n'esl  pas  le  nôtre. 

La  dénégation  de  M.  Roscoë  me  force  cependant  A  justifier  ma  phrase ,  que  Laurent 
êomint  par  det  exécutions  sanglantes  un  pouvoir  usurpé,  en  récapitulant  les  faits 

En  1466,  quand  Laurent  n'avait  que  dix-huit  ans,  et  que  son  père  vivait  encore, 
Gontme  oelui-oi  était  retenu  au  lit  par  sa  maladie,  ce  f&t  Laurent  qui  traita  avec  Lnra 
pitli;  qua^e  dei  pbis  ^illustres  familles  de  Dorence,  et  un  grand  noqU)re  de  celles  du 
second  rang  furent  exilées,  et  une  imposition  de  cent  mille  florins  fut  levée  sur  le  parti 
vmaea,  Sdp,  Ananir.  Û  XXllI,  p.  loo. 

jBp  14^7,  le  is  et  le  30  juin ,  Iji  bi9ie  nommée  par  les  Médids  oJTri^  deux  mille  llorins 
de  récompense  A  qui  lui  apporterait  la  tête  de  DioUsaIvi  de  Nérone  Kigi,  d'Ângelo  An- 
tlnori ,  de  Niccolb  Sodéridi ,  ou  de  Gian  Fràncesco  Strotzi ,  chefs  de  quatre  familles  illus- 
tres ;  le  double  |  qui  l«i  iivrerflt  vivants,  lioi^.  MorsUf, ,  p.  1 13. 

En  1468,  le  fils  de  Papi  Orlandi  eut  la  tête  tranchée  pour  le  complot  de  Pes<»a,  un 
Nérofti  fut  déclaré  rebelle ,  un  grand  nombre  d'autres  furent  jetés  en  prison  on  coa- 

La  môme  année,  Fràncesco  de  Brisigheila  avec  quinze  de  ses  associés  eurent  |a  tête 
tranchée  ou  ftarent  pendus,  pour  le  complot  tle  Castlglionchio.  Scip.  Ammir.T,  lU, 

En  14T0,  peu  après  la  mort  de  Pierre  de  Hédicis ,  et  depuis  que  Laurent  était  demeuré 
seul  chef  de  l'état,  Bemardo  Nardi  eut  la  tête  tranchée  à  Florence  ;  six  de  ses  associa  y 
,  f tirent  pendus,  quatorie  autres  furent  pendus  A  Prato ,  pour  le  complot  de  Prato.  Liots» 
«oreW,  p.  lE».  - 


M  NLOfrni  Aop.  Ml 

4e  ix^  anolttti^ ,  €$  du  i^y^nement  des  iurtitntioiis  nalio- 
iiales.  Upe  lotjte  dés^treuse  se  perpétua  pendaid;  trente-huit 
ans  entre  1^  faiaiUe  de  Laorrat  et  sa  patrie,  et  die  ne  se 
^nmna  que  par  TétaJili^çeiDeni;  de  h  tyrawe  A*Alesuaête 
^de  Médids. 

^Gepend^t  U  ne  s^ait  pas  joste  de  déponiU^  hmaà,  4e 
Hédieis  d'ifne  gloire  ,qi^  les  sièges  ont  reownne.  Cl*est  par  la 
pj^otectipi^  «^ctiye  et  «^daicée  q/iii  accorda  anx  arts,  aux  ietties 
et  ^  ]^ philosophie,  cpi'il  laéi^  d'a<itadi^  son  nom  à  Fépo- 
q}fp  la  plus  hrttlante  de  Ibistoire  littéraire  italienne,  ^arla 
^r<9i^ptii;ade  et  1^  pierspicacitié  4e  9on  esprit ,  par  la  flexibilité 
de  i^n  talent,  par  la  chaleur  de  son  âme,  il  devint  ledief  et 
le  promoteur  d'une  assodaiion  de  grai^ds  hommes  empressés 
à  faire  renaître  les  lettres  et  J^e  £a<^t.  Il  était  fait  ponr  tout 
cpn^ait]:^,  tojut  apprécier^  \/o^  Sf^ptipr.  ^1  ffitoptrpût  me  égale 


Vntmt  PmcMfio  SétODk  iM  dédale  rateUe  (ooDteiraé  à  mort  jmt  coommaee).  Selp. 
itmiii.  L.  XXllI,  p.  110. 

Ed  1473,  pour  le  tumulte  de  Volterra ,  la  çapitiihulton  fyt  f  lol^ ,  la  yille  pillée ,  ses 
ppâHSégciflIppriiDiéBf  fi«  seçiU  ancof  deUa  ttm^  Iqpo  marie  <euomitti...  di  ad  pero  è 
ben  taçere,  Uon»  MorelU,  p- 18».  '  '  *>  ^    ' 

Bd  1478,  époque  de  la  conjuralloo  des  Pazii,  plas'de  dev^  cei^s  citoyens  Turent  mis 
à  mort,  pour  venger  Julien  de  Médids.  DUvi  Sarieti  p':  w'I. 

Eo  1^79,  Berpardo  di  Bandino  fut  rw^en^.  d«  T^rq^iff  jpouif  fin  peoil^  to  ftt  avril. 

lion.  MOHiU,  p.  195. 

fin  i4ti,  Jmbnvseobaldi,  Amoretto  BaldovinetU,  et  Hwo Balduoei ,  aecuiés  d'ope 
nouvelle  coiyurfUiop  contre  Laurent ,  ftireot  pendus  le  is  jMll|)|a3f  (ei^|^  ^ullfyrge||p. 
Uon,  Morellij'p,  196.  —  Scip,  Ammir.  T.  III,  p.  148.  ..      . 

EO  1488, .Im  émigrés  floreuiins  s'étant  rassemblés  en  anne^  éûÂ  fttat  de  Sienne, 
quand  on  sut  qu'ils  avaient  trouvé  Thospitalité  à  Saturnia,  fit  scritto  a  BienaOrnna, 
contena  di  Soana,  e  a  Gukto  Sforta,  conte  di  Saniafiore,  cite  essendo  toro  vicini 
s' ingegnastero  levarteH  dinantU  Sdp,  Anmu  T.  III,  p.  158.  Je  laisse  é  M.  Rosco«  le 
soin  d'expliquer  la  Qç^nmipiion  que  unE^niCainit  ^oiiiier  à  sa  bette-sœur,  pour  éditer 
les  dangers  de  la  force  oiurertfl.  '  ' 

Eo  MJ5,  ep.ttçpxpse  d88  ^Mgrés  flgreuliQ» «or  «aa-Quiilea,  oà  plusieurs  d'entre  Mx 
(preot  tifés.  3(;ifl.  i|Bcni^  T.  Uf,  p.  i89. 

Le  i^i.9C(Qbi»,FrMMBa80fteMii^«ldi  «a.ia  tàt»  tNuicbéd  é FloreAoe.  lÀen.  MùnlU, 

If.  197. 

Jl  est  probable  ^  .vm  IMf  aTust^poiat  asoor*  «odiplèie;  mais  eHe  snSk,  Je  penst , 
pour  juiUfter  mxk  allégiUon.  QpmM  é  M.  Roioul^,  fignore  sll  y  a  là  as8ex  de  sang 
pour  le  satisfaiev. 

10* 


292  HISTOlfiB  DfiS  niVtfitlQI»  ITALIEHIIISS 

aptitoée  aux  arts ,  dont  il  rassemblait ,  doat  il  maltipliait  lés 
ehefiMi'<Bavre,-  à  lapo&ie,  à  laquelle  il  rendait  Fandenne 
harmonie  de  Pétrarque;  à  la  philosophie,  qai  reçut  dans  sa 
maison  nne  lie  nouvelle  par  Tétnde  approfondie  des  Plato- 
nieiens  *•  Laurent  n'était  peut-être  un  homme  supérieur,  ni 
oomone  poète,  m  comme  philosophe,  ni  comme  artiste  ;  mais 
il  avait  un  sentiment  si  vif  du  beau  et  du  juste ,  quMI  mettait 
sur  la  toie  ceux  qu'il  ne  pouvait  pas  suivre  lui-même.  Aussi 
la  profoÉideur  de  pensées  de  Politien  et  de  Pic  de  la  Hiran- 
dole,  le  génie  poétique  de  Marullo  et  des  Pulci,  Vérudition 
de  Landino,  de  Sèala  et  de  Fidno,  font-elles  une  partie  essen- 
tielle de  la  gloire  du  protecteur  auquel  ils  dorent  presque 
r existence.  Nous  avons  cru  qu'à  uue  époque  aussi  chargée 
d'événeihénts,  il  fallait  détacher  l'histoire  politique  de  celle 
do  la  littérature  du  Midi  ;  et  c'est  dans  un  autre  ouvrage  que 
nous  avons  cherché  à  donner  quelque  idée  du  mérite  littéraire 
de  Laurent.  MM .  Ginguené  et  Roscoe  ont  rendu  un  hommage 
plus  brillant  au  génie  de  cet  homme  extraordinaire.  Ils  l'ont 
présenté  au  milieu  de  seç  amis,  des  illustres  littérateurs  dont 
il  était  chéri  ^;  ils  ont  fait  ressortir  ainsi  les  charmes  de  son 
caractère,  sa  faciUté,  son  enjouement ,  sa  constance  et  sa  ma- 
gnanimité. Mais  pour  s'attacher  si  vivement  à  lui,  il  fout 
qqelquefois  admc^ttre,  avec  complaisance  les  firaudes  pieuses 
de  ses  amis  et  dé  ses  adulateurs;  il  faut  surtout  détourner 
ses  regards  de  l'antique  Florence ,  et  oubher  si  l'on  peut  ce 


t  MauhiaoeUU  Uim.  L.  VIII,  p.  449.—»  M.  Roieoë  a  imprimé,  Append,  S  77.  T.  IV, 
p.  1S2,  une  lettre  toueiiuite  d'Ange  Poiitien,  du  17  Juin  i492,  dans  Uquelie  il  raeonle 
,  \m  derniers  moments  et  la  mort  de  Laurent.  Les  amis  de  Laurent,  dans  la  douleur  fré- 
nétique que  leur  causa  sa  mort ,  tuèrent  le  médecin  Pierre  Léoni  de  Spoléte ,  qui  l'avait 
traité ,  ou  du  moins  le  menacèrent  si  violemment ,  q«1l  se  jeu  loiHBéme,  de  désespoir, 
dans  un  puits ,  à  San-Cervagia.  Ricordonze  di  Tribaldo  de*  R099i^  Del,  Entd.  T.  XXIU, 
p.  375.  —  ficjpjone  ^mmirato»  l.  XXVI,  p.  m.-^àUegtetto  àUêgreUi,  DUtH  SanesL 
T.  XXIII ,  p.  82S.  —  imrie  di  Giw.  GambL  T.  XXi,  p.  <7.  —  Wme  di  Jacopo  Sonna- 
zaro  nella  morte  di  Pler.  Leone  medieo.  —  Roicoe,  App^ndix.  S  78-7». 


DV  MOT»  AOB.  993 

qa'dle  avait  été  aux  jours  de  sa  vraie  gloire,  ce  qu'elle 
fat  dorant  la  dictature  de  Laurent,  ce  qu'elle  devint  après 
loi^ 


1  Lliiflloire  florentiiie  de  Maechiavel  floit  en  i492,  à  la  mon  de  Laurenl  de  Médieif; 
maif  ses  fragments  Usloriqnes ,  ses  décennales ,  et  surtout  les  lettres  qo'U  écri? U  pen- 
dant ses  légations,  nons  serviront  encore  de  guides  pendant  une  grande  partie  de  Tespaoe 
qui  nous  reste  à  parcourir. 

V Histoire  florentine  de  J,  Michel  Bruto,  savant  vénitien,  qui  vécut  de  i Sis  à  1S94, 
finit  aussi  à  la  mort  de  Laurent  de  Médicis,  après  avoir  commencé  à  celle  de  Gosme 
l'ancien.  {Burmanntu,  Thésaurus  ânliquUai.  et  HixtoHar.  Ita&œ.  T.  Vill,  P.  Il, 
p.  1-216.)  On  met  Bruto  dans  les  premiers  rangs  parmi  les  historiens  du  xvi«  siècle  ; 
mais  c'est  uniquement  à  cause  de  Téléganee  de  son  langage.  Il  avait  vécu  à  Lyon  parmi 
lei  émigrés  florentins,  ennemis  de  la  maison  de  Médicis,  et  il  adopte  en  général  leun 
sentiments  et  leur  baine  ;  cependant  il  ajoute  très  peu  de  faits  à  ceux  que  nous  connais- 
sons déjà.  Ses  autorités  sont  Mmechiavel,  les  Commentfûres  et  les  Lettres  du  cardinal 
de  Pavle,  et  la  Vie  de  Laurent  de  Médicis  par  Kicoias  Valori,  U  discute  leurs  opinions , 
et  choisit  entre  elles  avec  peu  de  critique  ;  et  les  longs  discours  dont  U  a  panemé  sa 
narration  sont  des  ampUflcaUons  de  ceux  de  Maochlavei ,  aoxqueb  U  a  fait  perdre  leur 
couleur  originale. 


90f  HISTOIBE  DE»  «ipOBËIQtl»  ITAUENNXS 


CHAPITRE   X; 


CûffirttfértlîoflS  8u!^  ré  cartigftfc  et  les  révôlatTObs  du  xv^  siècle. 


Dans  le  cours  de  cette  histoire,  nous  avons  déjà  invité  deux 
fois  nos  lecteurs  à  s'arrêter  avec  nous,  pour  mesurer  de  leurs 
regards  l'espace  que  nous  venions  de  parcourir  ensemble. 
Après  Tannée  1303,  nous  avons  cherché  à  leur  présenter  un 
tableau  du  xiii''  siècle,  et,  après  l'année  1402,  un  tableau  du 
xiv'.  Avant  de  reprendre- notwrtcit,  nous  leur  demanderons 
d'embrasser  aussi  d'un  seul  coup  d'œil  le  xv*"  siècle,  pour  se 
faire  une  idée  précise  de  ce  qu'était  l'indépendance  italienne, 
de  ce  qu'était  l'état  sodal  de  toute  la  contrée,  au  moment  où 
s'engagea  la  lutte  effroyable  qui  priva  l'Italie  de  son  indépen- 
dance, et  qui  bouleversa  son  état  social. 

Si  nous  ne  nous  sommes  pas  cru  obligé  de  choisir  notre 
point  de  repos  à  Tépoque  précise  de  la  fin  du  xiii"  et  de  celle 
du  XIV®  siècle,  nous  avons  plus  lieu  encore  de  nous  en  dis- 
penser en  rendant  compte  du  xv®  ;  car,  peu  avant  la  fin  de 
,  ce  siècle,  il  se  présente  à  nous,  au  point  où  nous  sommes  par- 


DC   MOTKH   AGS.  295 

Tenus,  une  de  ces  époques  importantes  qui  partagent  1* histoire 
en  deux  périodes  dont  le  caractère  est  absolument  différent, 
qui  terminent  en  quelque  sorte  les  révolutions  précédentes  et 
qui  en  commencent  de  nouYcUes  pour  d'autres  causes  et  ayec 
d'autres  passions.  Nous  ayons  yu  jusqu'ici  les  temps  qui  ap- 
partenaient proprement  au  moyen  âge  :  nous  entrons  dans  la 
révolution  qui  fit  succéder  à  son  organisation  antique  celle 
des  temps  modernes,  qui  mêla  les  nations  jusqu'alors  séparées, 
qui  les  fit  dépendre  les  unes  des  autres,  et  qui  leur  donna  des 
intérêts  dont  jusqu'alors  elles  n'avaient  pas  même  eu  con- 
naissance. 

Jusqu'à  la  mort  de  Laurent  de  Hédicis,  survenue  en  1492, 
époque  à  laquelle  nous  nous  sommes  arrêtés  dans  le  cha- 
pitre précédent,  la  nation  italienne  donnait,  si  ce  n'est  des 
lois,  du  moins  des  leçons  et  des  exemples  à  toutes  les  autres. 
Seule  civilisée,  elle  confondait  le  reste  des  peuples  européens 
sous  le  nom  de  Barbares,  et  elle  commandait  leur  respect. 
Elle  n'avait  point  étendu  sur  eux  son  empire;  mais  elle  n'avait 
point  subi  leur  joug.  Quelques  souverains  étrangers  s'étaient 
assis,  il  est  vrai,  sur  le  trône  de  Naples,  mais  auparavant  ils 
étaient  devenus  Italiens  :  quelques  armées  ultramontaines 
avaient  traversé  l'Italie,  mais  elles  s'étaient  mises  auparavant 
à  la  solde  des  souverains  de  la  contrée.  La  prétention  d'asser- 
vir l'Italie  n'avait  jamais  été  formée  par  aucun  des  princéâ 
qui  7  avaient  porté  la  guerre;  jamais  les  peuples  n'avaient 
conçu  la  crainte  de  cette  servitude,  jamais  ils  n'avaient  pu  en 
soupçonner  le  danger. 

Mais  en  1494,  tous  les  peuples  limitrophes,  jaloux  de  la 
prospérité  de  l'Italie  ou  avides  de  ses  dépouilles,  commen- 
cèrent en  même  temps  l'invasion  de  cette  riche  contrée  :  des 
armées  dévastatrices  sortirent  de  la  France,  de  la  Suisse,  de 
l'Espagne  et  de  l'Allemagne,  et  pendant  près  d'un  demi- 
siècle  elles  ne  laissèrent  aucun  repos  aux  malheureux  Italiens; 


296  HisTOins  des  républiques  italiennes 

elles,  portèrent  le  fer  et  le  feu  jusqu'aux  cimes  les  plus  reca- 
lées de  rApennin,  et  jusqu'aux  rivages  des  deux  mers;  la 
peste  et  la  famine  marchèrent  avec  elles  :  la  misère,  la  douleur 
et  la  mort  pénétrèrent  dans  les  palais  les  plus  somptueux 
comme  dans  les  cabanes  les. plus  écartées  ;  jamais  tant  de  souf- 
frances n'avaient  accablé  Tbumanité,  jamais  une  aussi  grande 
partie  de  îa  population  n'avait  été  détruite  par  la  guerre.  Des 
motifs  différents  mettaient  aux  combattants  les  armes  à  la 
main,  mais  le  résultat  de  leurs  combats  était  toujours  le  même, 
Chaque  invasion  nouvelle  rainait  les  fortiGcations  de  l'Italie, 
détruisait  ses  richesses  et  faisait  disparaître  sa  population.  Ses 
divers  gouvernements  se.  partageaient  entre  F  alliance  des 
puissances  étrangères;  ils  s'intéressaient  à  leurs  querelles  en 
oubliant  leur  propre  destinée  :  ils  ne  savaient  pas  encore  que 
leur  existence  même  était  mise  en  jeu ,  et  ils  furent  adjugés 
conmie  prix  au  vainqueur,  avant  d'avoir  compris  que  l'Italie 
pouvait  être  asservie. 

C'est  vers  la  fin  du  xv**  siècle  que,  parvenus  en  quelque 
sorte  au  point  le  plus  élevé  de  la  carrière  que  nous  parcou- 
rons, nous  la  dominons  tout  entière,  et  nous  voyons  l'histoire 
de  l'Italie  se  diviser  en  ses  différentes  périodes.  Les  six  pre- 
miers siècles  qui  s'écoulèrent  depuis  le  renversement  de  l'em- 
pire d'Occident  préparèrent,  par  le  mélange  des  peuples 
barbares  avec  les  peuples  dégénérés  de  l'Italie,  la  nation  nou- 
velle qui  devait  succéder  aux  Romains.  Dans  le  xii<^  siècle, 
cette  nation  conquit  sa  liberté;  elle  en  jouit  dans  le'xiii*  et 
le  XIV®,  en  y  joignant  toute  la  gloire  que  pouvaient  lui  assurer 
les  vertus,  les  talents,  les  arts,  la  philosophie  et  le  goût;  elle 
la  laissa  se  corrompre  dans  le  ^ v«^  et  elle  perdit  en  même 
temps  son' ancienne  vigueur.  Près  d'un  demi-siècle  d'une 
guerre  effroyable  détruisit  alors  sa  prospérité ,  anéaiitit  ses 
moyens  de  défense  et  lui  ravit  enfin  son  indépendance.  Après 
cette  guerre,  qui  formera  lé  sujet  principal  de  ces  derniers 


DU    MOYEli   AGE.  297 

Yolumes,  près  de  trois  siècles  se  sont  passés  dans  la  servitude, 
rindoleuce,  la  mollesse  et  Toubli. 

Lorsqu'une  nation  est  malheureuse  et  vicieuse  en  même 
temps,  on  est  toujours  disposé  à  attribuer  ses  malheurs  à  ses 
vices,  tandis  qu'il  serait  souvent  plus  juste  d'attribuer  ses 
vices  à  ses  malheurs.  On  dirait  que  la  compassion  est  pour 
nous  un  sentiment  trop  pénible,  et  que  nous  saisissons  avide- 
ment toutes  les  raisons,  tous  les  prétextes  par  lesquels  nous 
pouvons  nous  dispenser  de  plaindre  les  autres.  Sans  doute 
aussi,  chacun  veut  éviter  de  prendre  pour  soi-même,  pour  ses 
compatriotes  et  son  pays  la  leçon  et  l'exemple  des  grands 
malheurs  publics  :  on  aime  mieux  s'en  croire  à  l'abri  en  se 
persuadant  qu'on  ne  commettra  jamais  les  fautes  qu'on  relève 
dans  les  autres;  et  lorsqu'on  accuse  une  nation  d'être  dégra- 
dée on  croit  trouver  la  garantie  de,  la  gloire  de  sa  propre 
nation.  «  Le  peuple  qui  a  pu.tipmber  sous  le  joug  de  la  ser- 
«  vitude,  disent  aujourd'hui  les  vainqueurs ,  le  peuple  qui  la 
«  supporte  la  mérite.  Ceux  qui  npnt  pas  frémi  à  l'approche 
«  de  l'étranger,  ceux  qui  n'ont  pas.  senti  que  pour  le  repous- 
«  ser  il  fallait  sacrifier  ses  biens,  sa  vie  et  celle  de  ses  enfants, 
«  sont  faits  pour  demeurer  sous  la  loi  ;  ils  ne  sont  point  dignes 
«  de.  compassion,  car  jamais  une  nation  généreuse  n'aurait 
«  subi  un  pareil  sort.  » 

Gepend.ant  l'histoire  n'enseigne  point  aux  hommes  tant  de 
confiance  ;  elle  nous  montre  que  si  les  vertus  sont  nécessaires 
à  l'existence  des  nations,  elles  ne  suffisent  point  seules,  pour 
la  garantir  ;  que  la  constitution  la  plus  sage  est  encore  un  ou- 
vrage humain;  que  comme  œuvre  de  l'homme  eUe  contient 
en  elle-même  de  nombreux  germes  de  rume  ;  que  même  ao 
sein  de  la  liberté,  de  la  vertu  publique,  du  patriotisme,  on  a 
vu  éclater  les  excès  de  l'ambition  ;  qu'on  les  a  vus  précipiter 
une  nation  dans  l'abus  de  ses  forces  et  dans  l'épuisement  qui 
en  est  la  suite  ;  qu'enfin,  nous  ne  faisons  pas  seuls  notre  desti-^ 


298  HISTOIRE  DES   REPUBLIQUES  ITALIENNES 

Aéé,  et  que  les  nombreuses  causes  qui  sont  en  dehors  de  nous, 
et  que  nous  comprenons  sous  le  nom  de  hasard  pafce  qu'elles 
ne  dépendent  pas  de  nous,  peuvent  rendre  inutiles  tous  nos 
efforts. 

La  nation  anglaise  est  peut-être  aujourd'hui  ce  qu'était  la 
nation  itaiietihe  il  y  a  trois  siècles.  De  même  elle  a  cherché  la 
liberté  avant  tous  les  autres  biens,  et  celui-là  seul  lui  a  donné 
tous  les  autres;  de  même,  la  liberté  d'esprit  lui  â  donne 
l'empire  de  la  philosophie  et  des  lettres  ;  de  même,  la  liberté 
d'actions  lui  a  donné  l'empire  du  commerce  et  Topûlencè  ;  de 
même ,  la  puissance  de  l'opinioii  sur  son  propre  gouverne- 
ment lui  a  donné  la  prééminence  sur  tous  les  autres,  et  Ta 
placée  au  centre  de  la  politique  européenne  ;  mais  par  com- 
bien de  chances  rAngleterre  n'a-t-elle  pas  été  sur  le  point  de 
perdre  le  bonheur  dont  elle  jouit  aujourd'hui,  et  de  tomber 
plus  bas  peut-être  que  l'Italie  !  Quel  aurait  été  son  sort  si  la 
reine  Marie  avait  vécu  plus  longteaips,  ou  si  elle  avait  laissé 
dés  enfants  de  Philippe  II;  si  Elisabeth  avait  accepté  un  des 
nombreux  époux  catholiques  qui  s'offrirent  à  elle  ;  si  Charles  I 
n'avait  pas  été  si  imprudent,  Charles  If  si  vil,  Jacques  II  si 
insensé?  Combien  de  fois  a-t-elle  dû,  son  salut  aux  vents  et 
aux  tempêtes  qui  dissipèrent  les  flottes  de  ses  ennemis,  tandis 
qu'ils  pouvaient  détruire  les  siennes?  tiombien  de  fois  l'extra- 
vagance de  ceux  qui  cherchaient  sa  perte  lui  a-t-elle  été  plus 
salutaire  que  sa  propre  prudence?  Combien  de  fois  n' a-t-elle 
pas  été  secourue  par  une  heureuse  destinée,  loi^squie  son  salut 
n'était  déjà  plus  dans  ses  propres  mains? 

Si  les  Italiens,  dit-on  souvent,  avaient  formé,  à  l'exemple 
des  autres  nations  de  l'Europe,  une  seule  et  forte  monarchie, 
s'ils  avaient  renoncé  à  la  discorde  insensée  de  leurs  petits 
ëtdts,  si  au  Ueu  de  conserver  leurs  forces  les  uns  contre  les 
autres  ils  les  avaient  toutes  tournées  au  dehof  s,  ils  auraient  été 
pltis  que  sufflsaiits  pobr  repousser  les  étrangers,  et  en  se  ooa- 


Dt)  bIoyeW  Àéif.  299 

vrànt  ëé  gTdire  dans  lés  Batailles  ^  ifs  atiraîcnt!  assuré  leur 
prospérité  intérieure  avec  leur  iùdépfehdaiïôé.  Mais  6ii  pdur- 
raît  dire  plul^t  :  Si  les  Itafienif  âVàiènt  ftit  ébmine  l'es  Espa- 
gnols, Fltalîé  aàrait  sdbî  le  sôrf  de  l'Êrf^â'giié;  et  té  sort  n*est' 
pas  pMs  digne  d'envie  qàë  lé  ledi'.  A  P époque,  en  effet,  où 
coiiiméncérënt  les  guerres  cruelles  qui  asservirent  l'If  alie,  F  Espa- 
gne, auparavant  div&ée  entre  un  nombre  d'états  beaucoup  plus 
ceâsidérablé,  comptait  encore  cinq  monarchies  indépendantes 
et  aâtàtaôiiEtt^nt  ennemies  Tune  de  l'autre  :  celles  de  Castffle, 
d* Aragon,  de  Navarre,  de  Portugal  et  de  Grenade.* Ce  Ait 
dfiarl^-Qtfnl  qcA  fe  premier  réunit  quatre  dé  ces  cihq  mo- 
narcbfes,  c^tnme  ce  fut  lui  qui  le  premier  subjugua  l'Italie. 
Cette  fêàmàn  coûta  aux  Espagnols  leur  liberté  :  leurs  consti- 
tnfioitis  né  Éê  trouvèrent  plus  assez  fortes  poiuJ  contenir  un 
môâarqut^  qtîl  employait  contre'  ses  sujets  dé  l'un  dé  ses 
royaumes  lëà"  armées  de  l'autre/  L'agriculture,  les  manîifac- 
tu'résj  le  com[m«*ce furent' cbasfeéî  d'Espagne  par  ïadmimstra- 
tîott'^èîénte  qftd  succéda  auï  anciennes  et  sàgeslois  dés  tbrtès. 
Les  ftrhiîitîs  lirîvéès  furent  détruites,  la  sééurité  des  citoyens 
di8{)àîrdt,  h  population  fut  atiéàntië  :  tous  lés  objets  que  les 
KotiàmëS'  Èe  sont  proposés  d'obtenir  par  l'établissement  de 
rord!*èri*ôëîël  furent  perdus,  et  T indépendance  de  la  ilalîoti  né 
fnf  pÔilÊil:  attirée  aux  dépens  dé  sa  liberté.  Sous  le  règne  dé 
ebàWéfe-Qfflnt,  tottte  rEspdgriè  retentît  de  pîaiiités  de  ce  que' 
Jï^âief'aVâît  potté  à  uti  souverain  étranger  l'héritage  dé  ses 
^es,  et  âé  ce  que  les  Espagnols  éfàient  gouvernés  par  dès 
PTatfiàèai'.  Soiii^  lé  règne  dé  Philippin' n,  les  Aragoiiàife ,  les' 
Portugais,  lés  Navarrais,  et  les  Iffaurés  de  Grenade  ne  se  plai- 
^t)*eitt  pïfe  avec  moins  c^amef'tumë  du  gbùVérnëuient  des 
Castmàiis.  Les  autres  peuplés  de  l'Europe  les  regardaient, 
il  est  Vrai,  lés  uns  et  les  autres  coinnië  également  Espagnols; 
étix  qui  oBëissaient,  ils  itegardaient  leurs  maîtres  comme  étran- 
gers :  (îés  Aéttres  étaient  étrangers  pour  eux  par  les  nièédrs , 


300  HISIOnUB  DIS  REPUBLIQUES  ITALIEIflISS 

les  lois,  le  langage,  les  haines  héréditaires;  et  la  pesanteor 
de  leur  joug  fit  éclater  de  fréquentes  réyoltes. 

Cette  réunion  des  monarchies  espagnoles  forma,  il  est  vrai, 
une  puissance  redoutable  pour  les  étrangers,  et  elle  défendit 
contre  eux  la  péninsule.  Sans  doute;  mais  ce  fut  la  cause  des 
projets  gigantesques  de  la  maison  d'Autriche,  de  cet  abus  de 
ses  forces  qui  dépassa  encore  ses  ressources,  de  ces  guerres  ef- 
froyables et  toutes  inutiles  dans  lesquelles  elle  fut  engagée , 
de  la  haine  qu'elle  excita  contre  eUe  dans  toute  l'Europe,  et 
de  l'affreuse  misère  à  laquelle  elle  réduisit  les  Espagnols.  Une 
ambition  démesurée  amène  enfin  des  revers  démesurés,  et 
tandis  que  l'Espagne  n'avait  jamais  vu,  au  temps  où  elle  était 
divisée  en  petits  états ,  d'armée  étrangère  franchir  impuné- 
ment ses  frontières  y  toutes  ses  capitales  furent  obligées  d'ou- 
vrir tour  à  tour  leurs  portes  aux  armées  françaises  et  an- 
glaises pendant  la  guerre  de  la  succession  d'Espagne. 

Si  les  Italiens  n'avaient  formé  qu'une  seule  monarchie,  qui 
peut  répondre  qu'ils  n'eussent  été  ou  conquérants  ou  conquis? 
Cependant,  l'une  et  l'autre  carrière  mène  presque  également 
à  la  servitude.  Ce  n'est  pas  par  les  forces  d'une  seule  nation 
que  l'Italie  fut  subjuguée.  Pendant  plus  d'un  demi  siècle  elle 
fat  attaquée  et  dévastée  en  même  temps  par  les  Espagnols,  les 
Français ,  les  Flamands,  les  Suisses],  les  Allemands,  les  Hon- 
groiSy  les  Turcs  et  les  Barbaresques.  Aucune  organisation  inté- 
rieure n'aurait  pu  la  rendre  égale  en  force  à  tous  ces  peuples 
à  la  fois.  Loin  d'être  alliés,  ils  étaient,  il  est  vrai,  ennemis  les 
uns  des  autres  ;  mais  le  vainqueur  profita  de  tout  le  mal  qu'a- 
vaient fait  les  vaincus.  Charles-Quint  et  Philippe  II  furent 
servis  par  les  Français,  les  Suisses  et  les  Musulmans  autant  que 
par  leurs  propres  sujets,  Allemands  ou  Espagnols.  En  minant 
l'Italie,  les  premiers  l'avait  rendue  plus  facile  à  conquérir, 
plus  impuissante  lorsqu'elle  aurait  voulu  secouer  le  joug.  Tous 
ces  peuples  vinrent  se  combattre  sur  le  sol  italien  ;  mfiîs  si  les 


0tJ  MOtËH  A6S.  âOl 

Italiens  avaient  commencé  par  être  conquérants ,  qui  sait  si 
leurs  premiers  revers  n'auraient  pas  attiré  sur  leurs  bras  les 
mêmes  ennemis ,  et  n'auraient  pas  été  suivis  des  mêmes  partages? 
Si  les  Italiens  n'avaient  formé  qu'une  seule  monarchie,  qui 
peut  répondre  aussi  qu'une  guerre  civile  n'aurait  pas  ouvert 
leurs  frontières  à  l'étranger?  Les  guerres  civiles  qui  naissent 
d'une  succession  contestée  sont  un  fléau  inhérent  aux  mo- 
narchies héréditaires  ;  elles  ne  sont  peut-être  ni  moins  fré-» 
queutes  ni  moins  ruineuses  que  celles  qui  naissent  des  élec- 
tions contestées  dans  les  monarchies  électives.  La  France  seule 
en  est  demeurée  presque  à  l'abri,  parce  que  la  loi  salique  y  a 
simplifié  la  question  de  droit  sur  l'hérédité  ;  mais  en  revanche, 
combien  de  guerres  civiles  y^sont  nées  du  droit  contesté  de  la 
régence?  D'ailleurs,  la  question  essentielle  de  l'hérédité  des 
femmes  était  si  peu  décidée  pour  l'Italie,  que  c'est  justement 
par  elles  que  les  étrangers  ont  prétendu  acquérir  des  droits 
sur  ce  pays.  La  guerre  de  Charles  VIII  dans  le  royaume  de 
Naples,  celle  de  Louis  XII  dans  le  duché  de  Milan,  furent  en- 
treprises pour  soutenir  des  droits  de  succession  dans  une  mo- 
narchie. Un  parti  nombreux  crut  ces  droits  légitimes,  et  s'arma 
pour  les  défendre;  ce  parti  crut  faire  son  devoir  en  ouvrant 
les  forteresses  de  l'état  aux  armées  étrangères.  On  enseigne 
anx  sujets,  dans  une  monarchie,  que  leur  loyauté  consiste  à 
défendre  la  ligne  légitime  de  leurs  rois,  et  à  la  rétablir  sur  le 
trône,  au  péril  même  de  l'indépendance  nationale.  Si  les  ducs 
de  Milan  ou  les  rois  de  Naples  avaient  réussi  dans  le  xv^  siècle 
à  réunir  toute  l'Italie  sons  leur  souveraineté ,  la  question  des 
droits  de  la  seconde  maison  d'Anjou  ou  de  ceux  de  Valentine 
Visconti  ne  s'en  serait  pas  moins  présentée  au  xvi®  siècle;  et 
le  parti  angevin ,  le  parti  français,  au  lieu  de  ne  se  montrer 
que  dans  le  royaume  de  Naples  et  le  duché  de  Milan,  aurait 
pris  les  armes  dans  toute  l'Italie  sur  une  question  qui  aurait 
intéressé  tous  les  Italiens. 


303  HISTOIKB  DljjS  j^ja^JùQVJBS  ITALUSHlflSS 

n  |B8^  de  r£$8enpe  des  xDon«a:)chies  de  àxmpet  eoi^rtaynya;* 
des  droits  sur  elles  aux  étrangers  ;  il  est  de  Tessenoe  des  répu- 
bliques de  ne  reconnaître  aucun  droit  sur  elles  CEOie  ceux  qui 
partent  du  centre  même  de  I4  nation.  Dans  les  om^ftrcjiiies  où 
la  suçcess^ojji  des  femmes  est  admise^  on  ne  donne  pas  en  ^- 
f ^age  fffïe  ç^ei^e  princesse  du  sang  royal  qui  ne  yui^  ^6iE^? 
ui^  jour  ou  ^'ai^jtre  les  étrange  à  hérite^  du  ir/^^e.  ])ans  celU» 
pfji  h  ^Qcjces^on  esjb  jyupitée  aux  mâles,  le  daA(jer  est  n^if^^j 
et  il  ne  c^oa^^ce  q^jç  lojrpqu'une  ^ancbe  cadette  se  trffffe 
Tjigfxev  sur  nn  irf>w  étraug)Br.  Ainsi  les  maisons  dÀi^,  /^ 
Tiapleç  çt  i^e  lip^gp/d  (^observèrent  près  ^  deux  q^  ajpi^  m 
droit  éventuel  à  la  s^cce^sionde  France.  lia  maison  de  Bour- 
bon-Navarre en  acquit  plus  tard  un 'semblable,  mais  Henri 
ne  possédait  pas  le  royaume  delSavarre  lor^u  il  parvint  à  la 
«couronne  de  France,  en  sorte  qu'il  n'appela  pas  les  I<^avarrais 
à  dominer  sur  les  Français.  Les  branches  italienne  et  eapagude 
de  la  maison  de  Bou,r](K>p  ont  de  même  aujourd'hui^  ,et  4^BMis 
un  siècle,  des  droits  éventuels  à  )a  sucçe^ion  de  Fnoice;  et  ks 
renonciations  de  ces  deux  ^laisons,  en  rendant  cei^  droits  dour 
teux,  ajouteraient  encore  aux  dangers  d'une  guerjçe  civile  et 
d'une  invasion  étrangère  pour  les  faire  valoir,  si  jamais  la 
succession  venait  à  s'ouvrir.  Gomment  donc  l'établissanei^ 
d'une  seule  monarchie  en  Italie  aurait-il  garanti  l'indépen- 
dance italienne,  tandis  que  les  guerres  pi^^  qui  aqi)ei)èrei$ 
l'asservissement  de  l'Italie  eurent  tout^  pour  origjine  les  pré- 
tentions héréditaires  qu'admet  seul  le  régii^e  mqnarchjipie? 

C'était  bien  moins  en  réunissant  l'Italie  eu  un  ^fi^l  empire, 
qu'en  conservant  ses  républiques,  qu'qn  ppi^v^iit  e^rer  de 
sauvqr  son  ij;Ldépei)dapçe  :  si  du  mQJns  p|i  ]^  avait  en  même 
temps  unies  entre  elles  par  un  Uep  fédératif ,  qu  par  de$  al- 
liances temporaires,  mais  conformes  à  leurs  iivtéiiêtSj  ces  al- 
liances auraient  suffi  pour  repousser  les  étrangers,  et  non 
pour  les  attaquer  chez  eux;  elles  auF&ien);  |^:^é$eryé  1^  1^* 


DU  tfpirra  ^GJB.  aos 

UfiDs  des  égarements  de  leur  propre  ambiUoa,  QOQu^e  ^  ^* at- 
taque de  leurs  ennemis.  Une  république  fédérative  ne  saurait 
assez  compter  sur  Tunion  de  ses  membres  pour  devenir  con- 
quérante^ elle  échappe  à  tous  les  prétextes  de  ^erre  que 
donnent  aux  rois  la  demande  dé  la  dot  d*une  fille ,  ou  celle  ^e 
l'héritage  d'un  aïeul  éloigné;  et  lorsqu'elle  est  forcée  h  pren- 
dre les  armes  pour  sa  défense,  elle  trouve  des  ressources  qu'elle 
n'aurait  plus  si  elle  était  gouvernée  mpnarchiquement.Yenise» 
avec  une  population  de  deux  millions  deux  cent  mille  4nies,  a 
fait  respecter  sa  puissance  jusqu'à  la  fin  du  xviif  siècle,  bien 
mieux  que  le  royaume  de  Naples  avec  six  niillions  d'habitants. 
L'occasion  se  présenta  de  rétablir  la  république  milanaise  au 
milieu  du  xv®  siècle ,  et  de  l'unir  à  celles  de  Yenise  et  de  Flo- 
rence, peut-être  à  celles  de  Gênes  et  des  ligues  suisses,  pour 
la  défense  de  la  liberté.  Cest  lorsque  ce  moment  fut  manqué 
qu'on  peut  dire  cpe  l'Italie  fut  perdue. 

Au  reste,  les  petits  états  ei;i  Italie,  comme  ailleurs,  tendirent 
vers  leur  réunion  en  états  plus  grands  pendant  tout  le  cours 
du  XY^  siècle.  C'est  la  conséquepce  naturelle  de  toutes  les 
chances  des  guerres,  des  révolutions  et  des  héritages.  Les  sou- 
verains de  la  France,  de  l'Espagne  et  de  ^Allemagne  réunis- 
saient chaque  année  de  nouveaux  fiefs  aux  domaines  de  leur 
couronne  ;  les  petits  princes  et  les  villes  libres  disparaissaient  : 
cependant  chacune  de  ces  nations  était  bien  loin  encore  de 
n'obéir  plus  qu'à  une  seule  volonté.  La  maison  d'Autriche, 
divisée  entre  plusieurs  branches ,  n'avait  point  encore  acquis 
la  Hongrie  et  la  Bohême  :  elle  ne  l'emportait  point  encore  en 
puissance  sur  la  maison  de  fiavière  ou  sur  celle  de  Saxe ,  et 
ison  accroissement,  pendant  le  xv*  siècle,  avait  à  peine  été 
proportionné  à  celui  des  ducs  de  Milan.  La  France  ne  comp- 
tait point  encore  parmi  ses  provinces  l'Alsace,  la  Lorraine, 
la  Franche-Comté,  la  Bourgogne,  le  Hainaut,  la  Flandre  et 
FArtois.  Le  duc  de  Bretagne  était  encore  indépendant;  les 


304  HISIOI1UI  DES  kiPUftLIQUES  ITALIEIIIIBS 

aatres  grands  feadataires  n^étaient  rangés  qu'à  demi  sons 
Vautorité  royale;  la  noblesse  seule  était  armée,  et  le  penple 
était  trop  opprimé  pour  ajouter  rien  à  la  force  nationale.  Des 
guerres  civiles  avaient  occupé  chez  eux  les  Allemands ,  les 
Français  et  les  Espagnols  ;  et  personne  ne  soupçonnait  en  Eu- 
rope qu'il  existât  une  disproportion  entre  les  forces  et  les 
ressources*  de  ces  diverses  monarchies  et  des  états  d'Italie  : 
celle  qii'étabUt  tout  à  coup  la  supériorité  de  bravoure  ou  l'art 
militaire  des  ultramontains  n'était  point  irrémédiable,  car  ils 
firent  longtemps  la  guerre  avec  des  mercenaires  qu'ils  levè- 
rent en  Suisse,  et  qui  étaient  tout  aussi  disposés  à  prendre  la 
solde  des  Italiens  que  celle  des  Français. 

Bien  n'annonçait  à  l'ItaUe,  rien  ne  faisait  prévoir  aux  puis- 
sances étrangères  l'issue  de  la  guerre  qui  s'alluma  à  la  fin  du 
xv''  siècle  :  aussi,  loin  d'accuser  les  Italiens  de  n'avoir  pas 
bouleversé  toutes  leurs  anciennes  institutions  pour  la  prévenir, 
doit-on  leur  reprocher  plutôt  de  n'avoir  pas  assez  ménagé 
ces  institutions  anciennes,  de  n'avoir  pas  assez  respecté  l'in- 
dépendance de  chaque  état  et  la  liberté  de  tous ,  et  d'avoir 
laissé  s'éteindre  ainsi  le  patriotisme  qui  les  attachait  à  leur 
cité,  non  à  l'idée  abstraite  de  la  nation  italienne.  Après  avoir 
perdu  leurs  droits,  ils  furent  moins  disposés  à  faire  des  sacri-^ 
fices  à  une  patrie  qui  leur  assurait  moins  de  jouissances,  et 
ils  ne  trouvèrent  plus  en  eux-mêmes  l'énergie  républicaine 
qui  les  aurait  sauvés,  si  quelque  chose  pouvait  les  sauver. 

En  effet,  le  vice  essentiel  qui,  au  xv°  siècle,  minait  le  corps 
social  en  Italie,  c'était  l'affaiblissement  de  l'esprit  de  liberté. 
L'aristocratie  faisait  des  conquêtes  dans  le  sein  des  républi- 
ques; puis  le  despotisme  conquérait  les  répubUques  elles- 
mêmes.  Les  cités,  jalouses  de  leur  souveraineté,  n'avaient 
donné  aucun  droit  de  représentation  aux  campagnes;  en 
sorte  que  lorsqu'elles  étendaient  leur  territoire,  elles  augmen- 
taient le  nombre  de  leurs  sujets,  non  celui  de  leurs  citoyens. 


ut  MOYESI   AGE.  305* 

La  liberté  leur  paraissait  un  droit  héréditaire  dans  les  familles, 
plutôt  qu'un  droit  inhérent  à  la  nature  humaine;  aussi  ad- 
mettaient-elles rarement  des  familles  nouTelles  à  partager  les 
prérogatiTes  des  anciennes,  et  à  remplacer  celles  qui  s'étei- 
gnaient naturellement.  La  population  de  l'état  s'accroissait, 
ipais  le  nombre  des  citoyens  diminuait  sans  cesse  :  cependant 
les  citoyens  seuls  faisaient  sa  force,  car  les  sujets  d'une  répu- 
blique ne  lui  étaient  pas  plus  attachés  que  les  sujets  d'une 
monarchie  ne  l'étaient  à  leur  prince. 

Si  l'on  avait  fait  à  la  fin  du  xv*  siècle  le  recensement  de 
tons  ceux  qui  participaient  à  la  souveraineté  dans  toute  l'Ita- 
lie, oh  aurait  probablement  trouvé  que  Venise  ne  comptait 
plus  que  deux  ou  trois  mille  citoyens  ;  Gènes,  quatre  à  cinq 
mille  ;  Florence,  Sienne  et  Lucques  entre  elles  cinq  ou  six 
mille,  tandis  que  toutes  les  républiques  de  l'état  de  l'Église, 
toutes  celles  de  la  Lombardie,  toutes  celles  qui  avaient  existé 
dans  le  pays  soumis  ensuite  aux  rois  de  Naples,  a?aient  perdu 
leur  liberté  :  en  tout,  à  peine  seize  ou  dix-huit  mille  Italiens 
jouissaient  pleinement  de  tous  les  droits  de  citoyen,  sur  une 
population  de  dix-huit  millions  d'âmes.  Un  même  recense- 
ment en  aurait  peut-être  donné  cent  quatre-svingt  mille  au 
XIV*  siècle,  et  dix-huit  cent  mille  au  xiw.  Cette  diminution 
graduelle  du  nombre  de  ceux  qui  avaient  des  droits  dans  leur 
patrie,  et  qui  étaient  prêts  à  lec|  défendre  par  d'immenses  sa- 
crifices, était  peut-être  la  cause  principale  de  Tinstabilité  des 
gouvernements  italiens,  et  de  la  diminution  de  leurs  ressour- 
ces. La  liberté,  qui  avait  d'abord  été  assise  sur  la  base  la  plus 
large,  ne  reposait  plus  désormais  que  sur  la  pointe  d'une  py- 
ramide. 

Il  faut  une  participation  beaucoup  plus  universelle  de  la 
nation  aux  honneurs  publics,  pour  réveiller  l'enthousiasme, 
animer  le  patriotisme,  et  mettre  entre  les  mains  des  chefs  de 
Félat  la  force  de  chacun  des  individus.  C'est  seulement  en 

V».  20 


306  HISTOIBE  DES  BS  PUBLIQUES  ITAL££19S£$ 

raison  de  cette  piwticipatîoii  réelle  oa  imaginaire  de  tons  les 
habitants  de  Fétat  à  la  sonirerainetéy  que  les  répaUiqoes 
acquièrent,  avec  une  énergie  si  supâieore,des  moyens  d*  atta- 
que ou  de  défense  d<mt  ne  sauraient  approcher  ks  monar^ 
dues  qni  les  égalent  en  fM^ulation  et  en  richesses.  La  souve- 
raineté  d'une  républkpie   sur   tous  ses  citoyens   séteod 
loiyoïursphis  loin  que  ne  saurait  le  laire  celle  du  monacque 
le  plus  despotique.,  par  la  même  iraison  qu'on  est  phis  maitce 
de  ses  propres  mouvements  cp'on  ne  saurait  jamais  ÏHMis 
ceux  d'un  autre,  même  id^un  esclave.  Dans  les  temps  de 
calme,  lil  est  «vrai,  de  prince  absolu  se  «permet  un  grand  nom- 
bre d'actes  arbitraires  qui  sont  interdits  an  genvennement  ii* 
bre;mais*atttanl;dltrouvc  alors  de  forces  superflues,  amant 
il  liû^n  manque  au  moment  du  besom.  Lorsqu'il  voudrait 
réunir  tous  les  efforts  individuels  vers  le  fleul  but  de  la  dé* 
lense  nationale,  il  .est  obligé  d'employer  une  partie  de  ses  sq- 
jets  à  oontraiiiâre  l'antre,  et  la«moitié.de  ses  forces  se  jMuraly  se 
d'elle^mAme.  l]n<âuc.de  Hilan  aurait  ^u  la  révolte  éclater  de 
Aoutes  pajsts  dans  ses  ^éfcats,  s'il  avait  .chargé  ses  sujets,  ea 
4emps  de  guerre,  de  la  moitié  seulement  du  fardeau  que  les 
florentins  e'ttmposaientjoyeusement  à  eux-mêmes;  parce  qu'il 
n'importait  après  toqt^que  médiocrement  à  un  Milanais  dV 
<béir  à  un  ^isoonti  on  à  un  gforza,  plutôt  qu'à  un  Français 
x)u  à  un  AUimiand,  tandis  que  pour  un  Florentin  il  s'agiss&ît 
(de  commander  fOU:d!obéir.  Maisauxui''  siècle,  lorsque ^ba- 
igne  ville  était  libre  et  gooi^ernée  populairement,  on  anroit 
4xouvé  le -mAme,  pouvoir  de  résistance  dans  diaque  petit  csb- 
Ion  de  ta  Toscane.  A  la  fin  du  xv"",  lorsque  Pis(3,  Pistoïa, 
Prato,  Arezzo,  Cortone,  Volterra,  étaient  soumises  à  la  ré- 
publique florentine,  ces  villes  et  leurs  districts  ne  la  serv^ent 
plus  que.  comme  les  sujets  servent  un  monarque  :  les  babir 
etants  mesuraient  leurs  sacrifices  aux  avantages  souvent  dou" 
.teux  qu'ils  pouvaient  attendre  de  leur  obéissance ,  et  la  ré^ 


DU   MOYEU   AGE.  307 

puli^lique  éXét  encore  heureuse  s'ils  ne  prenaient  pas  le 
moment  de  son  plus  grand  danger  pour  se  révolter. 

Dans  le  cours  du  w^  siècle,  Pise  fut  la  seule  république 
du  prenâer  ordjre  qui  tombât  sous  le  joug  d'une  république 
rii^ale.  Son  asservissement  priva  l'Italie  entière  de  la  popula- 
tion,  du  commerce»  de  la  navigation,  de  la  valeur  guerrière, 
d'une  de  ses  plus  florissantes  cités  ;  et  cette  conquête,  loin 
4'au^enter  la  puissance  de  Florence,  la  diminua,  parce  que 
les  Florentins  ne  surent  pas  ou  ne  voulurent  pas  faire  entrer 
les  ipîsans  dans  leur  république  ;  ils  ne  songèrent  qu'à  les  af- 
faiblir, à  les  enchaîner  par  des  forteresses,  à  leur  ôter  tout 
moyen  de  se  révolter  :  dès  lors,  toutes  les  forces  employées  à 
garder  Pise  furent  retrandiées  de  celles  avec  lesqueUes  ils 
pouvaient  se  défendre.  Hais  si  le  nombre  des  cités  libres  n'é- 
prouva presque  pas  d*  autre  diminution,  le  joug  qui  pesait  sur 
les  cités  sujettes  fut  sans  cesse  aggravé  par  le  travail  insen- 
sible de  tout  le  siècle.  Celles  qui  s'étaient  mises  d'elles-mê- 
mes sous  la  protection  des  républiques  plus  puissantes  n'a- 
vaient point  cru  perdre  ainsi  leur  liberté;  elles  n'avaient 
fait  que  contracter  une  alliance  inégale  qui  n*avait  point  al- 
téré leur  gouvernement  municipal,  qui  souvent  même  les 
avait  délivrées  d'une  tyrannie  domestique.  Seulement  le  pro- 
grès du  temps  enlève  à  celui  qui  a  peu,  et  ajoute  à  celui  qui  a 
beaucoup  i  les  privilèges  des  plus  faibles  sont  chaque  jour 
moins  respectés,  les  prérogatives  du  plus  fort  se  consolident 
chaque  jour  davantage,  par  des  abus  qui  se  changent  en 
droits.  C'est  ainsi  que  la  ville  dominante  devint  une  capitale, 
que  les  villes  protégées  devinrent  sujettes.  Ce  changement 
b' opéra  en  même  temps  dans  toutes  les  villes  que  les  Vénitiens 
avaient  enlevées  aux  tyrans  de  la  Marche  Trévisane,  quoique, 
en  leur  envoyant  les  drapeaux  de  Saint-Marc,  ils  leur  annon- 
çassent qu'ils  leur  rendaient  la  liberté  ;  il  s'opéra  dans  toutes 
celles  que  les  Florentins  avaient  conquises  en  Toscane,  dans 

^0 


308  HISTOIBS  DES  BEPUBUQUES  ITALIEIIIIES 

tootes  celles  des  deux  rivières  qai  obéissaient  aux  Génois. 

La  liberté  politique,  on  la  participation  du  peuple  à  la 
souYcraineté 9  ayait  diminué  dans  les  capitales,  parce  que  le 
nombre  des  citoyens  était  toujours  plus  restreint  ;  elle  avait 
diminué  dans  les  villes  sujettes,  parce  que  les  privilèges  de  ces 
villes  avaient  été  considérablement  réduits  ;  elle  avait  diminué 
enfin  en  intensité,  s*il  est  permis  de  s'exprimer  ainsi,  parce 
que  les  droits  de  ceux  qui  étaient  demeurés  citoyens  dans  les 
républiques  indépendantes  avaient  été  entamés  ou  dixon- 
scrits,  et  que  la  souveraineté  du  peuple  avait  cessé  d*ètre  res- 
pectée. Tandis  que  la  république  de  Yenise  se  soumettait 
toujours  plus  aveuglément  à  une  aristocratie  jalouse,  la  liberté 
à  Florence,  à  Gènes,  à  Lucques  et  à  Sienne,  était  exposée  tout 
au  moins  à  demeurer  souvent  et  longtemps  suspendue.  Les 
Florentins  laissèrent  usurper  à  la  famille  des  Médids,  pendant 
le  XV*  siècle,  un  pouvoir  à  peine  inférieur  à  celui  des  rois 
d*une  monarchie  tempérée;  les  Génois  précipitèrent  leur 
république,  avec  frénésie  et  à  plusieurs  reprises,  sous  le  joug 
d'un  prince  étranger  ;  Lucques  demeura  trente  ans  sons  la 
tyrannie  de  Paul  Guinigi  ;  Sienne  se  prépara,  par  une  longue 
anarchie ,  à  la  tyrannie  de  Fandolfe  Pétrucci  ;  Bologne ,  qui 
avait  tenu  un  des  rangs  les  plus  distingués  parmi  les  repu-» 
bliques  italiennes,  se  façonna  peu  à  peu  au  joug  des  Bentivo-^ 
glio  ;  Pérouse,  qui  avait  brillé  de  presqueautant  d'éclat,  après 
s'être  laissé  ballotter  par  les  factions  des  Oddi  et  des  Baglioni, 
abandonna  enfin  aux  derniers  un  pouvoir  souverain  ;  et  toutes 
les  villes  de  l'état  de  l'Église,  qui  pendant  deux  ou  trois  siècles 
s*  étaient  gouvernées  en  républiques,  perdirent  jusqu'à  Fombre 
de  leur  liberté. 

Après  même  que  les  peuples  s'étaient  laissé  priver  de  l'exer- 
cice de  leurs  droits,  ils  conservaient  encore  quelque  sentiment 
d'orgueil  national,  lorsqu'ils  reconnaissaient  comme  leur  pro- 
pre ouvrage  l'autorité  à  laquelle  ils  devaient  se  soumettre.  Au 


DO   MOYE5  AGE.  309 

commenoement  du  xy«  siècle ,  la  plupart  des  princes  qui  ré- 
gnaient dans  les  villes  d'Italie  avaient  été  élevés  à  la  souve- 
raineté  par  un  parti  formé  entre  leurs  concitoyens  :  ils  te- 
naient ainsi  nominalement  leur  autorité  du  peuple  ;  et  lors 
même  qu'ils  n'avaient  aucun  égard  pour  sa  liberté,  ils  con- 
servaient du  moins  et  développaient  en  lui  son  amour  pour 
l'indépendance  nationale.  Tous  les  droits  exercés  par  une 
nation  sont  d'une  nature  en  partie  métaphysique,  et  il  n'est 
pas  facile  de  les  définir  pour  des  esprits  grossiers  :  aussi  ne 
faut-il  pas  s'étonner  s'ils  sont  souvent  confondus  les  uns  avec 
les  autres.  En  effet,  l'indépendance  reçoit  des  Italiens  le  nom 
de  liberté  ;  les  habitants  de  Bavenne  se  disaient  libres  sous 
Tautorité  de  la  maison  de  Pollenta ,  parce  qu'ils  n'obéissaient 
ni  au  pape  ni  aux  Yénitiens  ;  les  Milanais  se  disaient  libres 
sous  les  Yisconti ,  parce  qu'ils  ne  recevaient  les  ordres  ni  de 
Tempereùr,  ni  du  pape,  ni  du  roi  de  France.  L'illusion  même 
que  faisait  encore  un  nom  chéri  attachait  le  peuple  à  la  chose 
publique  ;  et  elle  ne  pouvait  être  détruite  sans  laisser  voir  c^ 
découvert  que  le  glaive  seul  donnait  la  loi.  Mais  le  xv®  siècle 
détruisit,  pour  la  plupart  des  sujets  des  princes,  cette  illusion 
d'indépendance  y  comme  il  détruisit  le  sentiment  de  liberté 
pour  presque  tous  les  citoyens  des  républiques  ;  et  par  ce 
changement  funeste,  il  ôta  aux  gouvernements  leur  caractère 
national,  et  affaiblit  toujours  plus  l'Italie. 

En  effet ,  aucun  siècle  ne  fut  plus  fatal  aux  maisons  prin- 
cières  de  l'Italie ,  et  ne  détruisit  plus  de  dynasties  ;  et  cette 
fatalité  s'accrut  encore  dans  les  années  qui  s'écoulèrent  depuis 
l'époque  où  nous  nous  sommes  arrêtée  jusqu'à  l'an  1500.  Les 
premières  années  du  siècle  virent  périr  les  Carrare  de  Padoue 
et  les  de  la  Scala  de  Vérone  ;  elles  virent  disparaître  en  même 
temps  tous  ces  soldats  de  fortune  élevés  par  Jean  Galéaz  Yis- 
conti, qui  ,  à  sa  mort,  s'étaient  formé  une  souveraineté  dans 
leur  ville  natale,  ou  dans  celle  où  ils  étaient  en  garnison,  et 


310  HISTOIRE  DES  REPUBLIQUES   ITALIET9NES 

qui  ne  purent  la  défendre  longtemps,  lés  conquêtes  d'un 
antre  soldat  de  fortune  plus  illustre  qu'eux  tons,  de  Fran- 
çois Sforza,  furent  plus  fatales  encore  aux  anciennes  dynasties 
italiennes.  Il  avait  dépouillé  d*  abord  un  grand  nombre  de 
fendataires  de  T  Église  durant  les  guerres  auxcpietles  il  dut 
son  premier  établissement  dans  la  Marche  d'Âncône  :  lors- 
qu'ensuite  il  s'assura  par  les  armes  lliéritage  àe  son  beau-père, 
et  qu'il  fit  succéder  les  Sforza  aux  Visconti,  il  priva  la  Lom- 
bardie  tout  entière ,  Tun  des  plus  puissants  et  des  plus  im- 
portants états  de  l'Italie,  de  l'illusion  de  la  légitimité ,  qui 
dédommageait  les  sujets  de  la  liberté  qulls  avaient  perdue. 
Tous  les  habitants  du  duché  de  Milan  surent  désormais  qu'ils 
obéissaient  au  pouvoir  de Tépée,  et  que  comme  elle  seule  leur 
avait  donné  un  maître ,  elle  avait  un  droit  égal  pour  le  leur 
ravir. 

Un  second  état  monarcliique,  qui  contenait  à  lui  seul  plus 
du  tiers  de  la  population  italienne,  le  royaume  de  TTaples, 
avait  de  son  côté,  par  la  force  des  armes,  changé  de  maître 
au  milien  du  siècle.  Le  titre  qu'Àlfonse  d'Aragon  faisait  va- 
loir sur  l'héritage  de  la  seconde  Jeanne,  lui  paraissait  à  lui- 
même  si  douteux,  qu'il  préféra  fonder  son  autorité  sur  le  droit 
de  conquête  :  il  considéra  même  cette  conquête  comme  une 
raison  suffisante  pour  disposer  par  testament  du  royaume  de 
Naples  en  faveur  de  son  fils  naturel  Ferdinand,  tandis  qu'il 
laissait  en  héritage  à  son  frère  et  aux  enfants  de  celui-ci  les 
états  qu'il  possédait  par  un  droit  héréditaire. 

Enfin,  au  centre  de  i'Ilalie,  des  papes  ambitieux,  peu  scru- 
puleux et  peu  dignes  de  respect,  relevèrent  par  des  efforts 
constants  la  monarchie  temporelle  de  l'Église,  qui,  au  com- 
mencement du  XV*  siècle,  étwt  réduite  à  une  extrême  fai- 
blesse. Mais,  soit  qu'ils  aliénassent  de  nouveau,  en  faveur  de 
leurs  fils  et  de  leurs  neveux,  les  fiefs  apostoliques  qu'ils  re- 
couvraient, soit  qu'ils  les  réunissent  à  la  directe  de  l'Église, 


DU  MOTER  AGE.  311 

ib  détachaieiit  également  le  peuple  de  eoD  goa?erneinent,  ea 
SQbsâtaaiit  lear  propre  aotorilé  à  celle  qoe  les  aneieiis  cbefis 
tenaient  de  leur  patrie;  et  ils  laissaient  dans  ohaqœ  ville  on 
germe  de  méoontentementy  en  loi  ôtant^  avec  sa  petite  coor, 
tons  les  propriétaires,  tans  les  riches,  tons  les  hommes  actift, 
qni  passaieirt  dansUi  capibde  poor  s'y  attacher  an  gonvemei- 
ment.  Ainsi,  tandis  que  rdMoratenr  superficiel  considtee  le 
xv«  aède  ea  Itdte  cérame  pen  [fertile  en  résolutions;  tandis 
4fÊt  tons  les  historiens  ont  ùHébré  sa  tranqniilité  et  sa  prai^ 
périté,  par  o^^mition  aax  gaene$  effroyables  qni  vinrent  enr 
snile,  nn  examen  ^ns  atlentif  Ant  découTrir  dans  ce  sièete 
même  lescaMesjMremières  de  ces  gnerreset  de  leuns  ianesM 
eooBéqneaces.  Ces  causes  f  ar«it  le  rdftohemeat  dn  tien  soctai 
d*ime  extrânslé  àTavAre  de  Iltalie,  raf&dhUssemeàt  dn  pa«* 
tâotime,  4st  la  diffnsieii  en  tm»  lienx  de  ^nmes  de  mécoor 
toitement. 

Hais  si  r  Rdie  n'avait  pas  été  «a  effet  iToinée  an  aièdte  4aàr 
vailt,  on  n'aarait  jamais  recennn  4{ue  les  ^nâiemenis  da 
xv«  siècle  devaient  imdnke  cette  raine.  Les  (eonleinpntfaias, 
tooten  regrettamt  sans  doute  plusieurs  des  mslitutioas  aux- 
quelles leurs  pères  avaient  été  attachés,  n'encent  point  lieu 
de  se  plaincbe  de  cafamités  extcaoïniiaaires,  et  crurent  platdt, 
sans-doute,  leur  pays  dms  un  état  de  prospérité  croissante. 
Ces  mêmes  rrévolntions  qui  changèrent  le  gous^ernement  de 
presque  tontes  les  parties  <de  ritahe  «développèrent  les  plus 
grandi  talents  et  les  pins  grands  cafactères,  .et  récorafiettsè- 
rent  souvent  glorieusement  leurs  auteurs.  François  gforza  ne 
temdt  son  pouvoir  que  des  soldats,  tandis  que  les  Yisconti 
avaient  reçu  le  leur  du  peuple  ;  mais  Sforza  était  bien  sopé- 
nenr  aox  Viseonti  p»  la  noblesse  de  ses  s^timents ,  p«^  ses 
.talents<poiir  gouverner,  comme  par  ses  vertus  mihtaires.  J«e 
roi  Alfonse  était  de.mème  étranger  dans  le  '•ova-^t^^  *ip  t^jj^ 
pies,  et  son  atmrpation  violente  pouvait  à  peine  dounernai^ 


312  HISTOIRE   DES  BÉPÙBLIQUES  ITALIEVUSS 

sauce  à  un  pouvoir  légal  ;  mais  Alfonse  était  un  grand  homme 
qui  saceédait  à  une  femme  faible,  méprisable  et  débordée.  11 
inspirait  par  ses  vertns  cbevaleresqnes  de  l'enthousiasme  à  tons 
cenx  qni  l'approchaient  ;  il  était  le  pins  ardent  admirateur 
de  l'antiquité,  le  père  des  lettres,  le  fondateur  de  toutes  les 
institutions  qni  donnèrent  de  l'éclat  à  Naples.  Nicolas  Y  di- 
minua les  Ubertés  des  citoyens  romains ,  et  Pie  II  réunit  an 
Saint-Siège  les  fiefs  de  plusieurs  petits  princes  de  Bomagne  : 
mais  tous  deux  illustrèrent  le  Saint-Siège  par  un  amour  pour 
les  lettres,  un  savoir,  une  éloquence,  une  libâralité  qu'on  ne 
trouverait  peut-être  dans  aucun  de  leurs  prédécesseurs  ou  de 
leurs  successeurs.  Côme  de  Hédicis  ébranla  la  constitution  de 
sa  patrie;  mais  ses  projets  furent  si  vastes,  sa  mamère  de 
penser  si  élevée,  sa  magnificence  si  brillante,  que  la  postérité 
est  encore  disposée,  comme  ses  concitoyens,  à  le  nommer  père 
de  cette  patrie.  Aucune  période  ne  fut  riche  en  grands  hom- 
mes autant  que  le  xv*  siècle;  et  l'édat  qni  rayonne  autour 
d'eux  semble  se  réfléchir  sur  leur  famille,  sur  leur  patrie, 
sur  tous  ceux  qui  furent  soumis  à  leur  autorité. 

Le  xy«  siècle  ne  fut  point  exempt  de  guerres  ;  cette  cala- 
mité, la  plus  terrible  de  cdles  auxquelles  la  race  humaine  est 
exposée,  est  peut-être  nécessaire  aux  sociétés  politiques  pour 
leur  conserver  leur  énergie:  mais  au  x\^  siècle,  on  observa  dans 
les  guerres  mêmes  quelque  respect  pour  l'humanité.  Pendant 
tout  son  cours,  la  ville  de  Plaisance  fut  la  seule,  entre  les 
grandes  dtés  d'Italie,  qui  fut  exposée  aux  horreurs  du  pil- 
lage et  à  toute  la  cupidité  du  soldat.  Aucune  campagne  ne 
fut  dévastée  de  manière  à  détruire  pour  de  longues  années 
l'espérance  de  l'agriculture;  les  prisonniers  forent  traités 
avec  humanité,  et  presque  toujours  rendus  sans  rançon,  après 
avoir  été  dépouillés;  les  batailles  furent  peu  meurtrières, 
trop  peu  même  sans  doute,  puisqu'elles  réduisirent  quelque- 
fois la  guerre  à  n'être  plus  qu'un  jeu  entré  des  soldats  .mer- 


DU   MtOTJSl!!   AGE.  313 

cenaires,  qui  évitaient  réciproquement  toute  occasion  de  se 
nuire.  Mais  personne  alors  n'aurait  pu  prévoir  que  ces  égards 
mutuels  exposeraient  les  Italiens  à  de  honteuses  défaites, 
lorsqu'ils  auraientà  soutenir  le  choc  des  autres  nations.  Leurs 
troupes  étaient  sans  cesse  exercées,  leurs  armes  étaient  de  la 
meilleure  trempe,  leurs  chevaux  de  la  race  la  plus  vigou- 
reuse. Les  gendarmes  italiens  que  François  Sforza  avait  en- 
Toyés  à  Louis  XI  étaient  revenus  couverts  d'honneur  des 
guerres  civiles  de  France.  Les  Vénitiens  ne  s'étaient  trouvés 
nullement  inférieurs  aux  Allemands  lorsqu'ils  avaient  eu 
quelques  hostilités  à  soutenir  contre  les  ducs  d'Autriche  :  un 
nombre  infini  de  capitaines,  tous  Italiens  de  naissance,  s'é- 
taient formés  dans  les  deux  écoles  des  Bracceschi  et  des  Sfor- 
zeschi  ;  ils  s'étaient  maintenus  en  exercice,  et  n'avaient  jamais 
déposé  le  harnais  après  aucun  traité  de  paix,  parce  qu'ils 
louaient  alternativement  leurs  services  à  tous  les  états  qui 
avaient  une  guerre  à  soutenir;  enfin  ils  avaient  appliqué  à 
l'étude  théorique  de  leur  métier  toutes  les  lumières  de  l'es- 
prit le  plus  éclairé.  Sans  doute,  celui  qui,  avant  le  xv«  siècle, 
aurait  annoncé  aux  Italiens  que  leurs  troupes  ne  tiendraient 
pas  un  instant  devant  celles  des  ultramontains,  aurait  excité  la 
risée  :  on  lui  aurait  demandé  s'il  croyait  que  les  Barbiano, 
les  Carmagnola,  les  deux  Sforza,  les  Braccio,  les  Galdora,  les 
deux  Piccinini,  les  Goléoni,  les  Malatesti  n'avaient  point 
laissé  de  successeurs,  et  si  les  ultramontains  avaient  un  seul 
homme  qui  entendit  comme  eux  la  théoiie  aussi  bien  que  la 
pratique  de  l'art  de  la  guerre. 

Le  temps  des  chefs-d'œuvre  de  la  langue  italienne  n'était 
pas  encore  venu  ;  mais  aucun  siècle  n'éprouva  peut-être  plus 
d'enthousiasme  pour  les  lettres  que  le  xv©,  et  ne  se  sentit 
iBieux  sur  le  chemin  de  la  gloire  qu'elles  peuvent  assurer. 
Tandis  que  dans  le  reste  de  l'Europe  la  noblesse  se  faisait  un 
point  d'honneur  de  ne  savoir  pas  même  lire,  il  n'y  avait  pas 


314  HISTOIRE  DES  RÉPUEtlQUÉS  ITALIENNES 

«n  des  princes,  pas  «b  des  capitames,  pas  on  des  grands  ci- 
toyens de  r  Italie  qui  n*eût  reçu  ime  éducation  littéraire,  qui 
n*étudi&t  l'antiquité  ayee  une  sorte  de  passion,  et  qui  ne  s'at- 
tachât à  la  gloire  des  héros  du  temps  passé  ayec  d'autant  plus 
d'ardeur  qu'il  aqiirait  plus  à  la  gloire  pour  lui-mèBcie.  Les 
-grands  philosophes  qui  restaurèrent  à  cette  épo^e  tous  les 
ttionuiEients  littéraires  de  l'antiquité,  les  savants  qui  renouve- 
lèrent la  philosophie  platonieieiine,  les  poêles  qui  réveiHèrent 
lés  nuises  italiennes,  entrèrent  tous  dans  les  conseils  des  prin- 
ces ou  dans  éeui:  des  républiques,  et  obtinrent,  dans  le  gon- 
vemeinent  de  leur  patrie,  une  iidlueiice  à  laquelle  s'élèvent 
rarement  les  lettres. 

Le  dertdw  des  Yisconti  et  le  prenûer  des  Sforza  furent 
^[alement  généreux  envers  les  savants  qu'ils  attirèrent  à  leur 
cour.  Ils  7  retinrent  longtemps  ^François  Filelfo,  I  homme  du 
siècle  à  qui  SB  profonde  érudition,  ton  travail  infatigable,  et 
les  milliers  d'élèves  cpi'il  avait  formés,  avaient  procuré  la 
plus  haute  réputation.  Geéoo  Simonetta,  secrétaire  de  Fran- 
çois Sf0pza,  son  premier  mmistré,  et  gouverneur  de  ses  en- 
fants, était  lui-même  un  savant  du  preimer  ordre.  Les  conseils 
d'Alfonse  et  la  cour  de  Naples  offraient  le  même  mélange 
d'érudition  et  de  politique.  Barthélémy  Fazk^,  Laurent 
Walla,  et  Surtout  Antoine 'Beecadelli,  plus  connu  sous  le  nom 
'  de  Panhormita,  étaient  au  nombre  des  confidents  les  plus  in- 
times et  des  consdllers  les  plus  habituels  du  monarque.  La 
république  florentine  avait  compté  panni  ses  secrétaires  en 
chef  Gollucdo  Saluttai,  Léonard  Arétin,  et  Poggio  Bracdo- 
lini.  Gème  de  Médids  'mettait  au  n^âbre  de  ses  premiers  amis 
Ambroise  Traversari  et  Marsile  Fido.  Nicolas  Y  et  Pie  II, 
que  la  culture  des  lettres  avait  élevés  jusqu'au  Satnt-Siége, 
semblèrent  vouloir  consacrer  à  elles  seules  la  souveraineté 
'  qufils  leur  devaietit.  Flavio  Blondo,  Platina,  Jaeob  Amma- 
natî,  obtinrent  les  premières  places  dans  leur  confiance.  Gua- 


D0  MOtElf   AGE.  315 

linD  et  Jean  Aorispa  ornèrent  les  cours  moins  puissantes  de 
Ferrare  et  (te  Mantone,  et  furent  chargés  de  Féducation  de 
leors  pfinces.  Les  Montéfeltro  à  Urbin,  les  Halhtesti  à  Rtinini, 
diangèrent  en  quelque  sorte  leurs  palais  en  académies. 

Ce  Ait  pir  celte  émnlation  constante  entre  de  petits  états, 
ce  fut  par  ces  foyers  de  lumières  distribués  dans  toutes  les 
provinces,  que  la  culture  spirituelle  de  Tltalie  fit  en  peu  de 
temps  des  pidgrèsn  rapides.  Hais  si  toute  la  péninsule  avait 
été  réunie  en  une  seule  monarchie,  cette  émulation  aurait 
cessé  à  Finstant.  Avec  une  seule  capitale,  les  Italiens  n*au- 
raient  formé  qu'une  seule  école  ;  les  mêmes  préjugés,  les  mê- 
mes erreore,  devenus  dominants  par  le  talent  d'un  profes- 
seur, rintrigue  d'tme  cabale  ou  la  protection  d'un  maître,  se 
seraient  répandus  uhiformémént  sur  toute  la  contrée.  On  au- 
rait cru  ne  pouvoir  penser,  écrire,  parler  purement  la  langue, 
qu'à  Rome,  par  exemple,  comme  en  France  on  croit  ne  pou- 
voir le  faire  qu'à  Paris  :  la  poésie  italienne  y  aurait  perdu  de 
son  originalité  et  de  sa  variété;  mais  le  dommage  aurait  sur- 
tout été  senti  par  les  provinces,  qui,  n'espérant  plus  d'illus- 
tration, n'auraient  plus  contribué  aux  progrès  de  l'esprit,  et 
en  retour,  n'en  auraient  point  ressenti  le  bénéfice.  Dans  le 
TLY^  siède,  il  n'y  eut  pas  de  chef-lieu  d'tm  état  indépendant, 
quelque  petit  qu'il  Ait,  qui  ne  coùiptàt  plusieurs  hommes  dis- 
tingtiés  ;  iln'y  eut  pas  de  ville  sujette,  quelque  grande  qu'elle 
fût,  qui  en  conservât  un  seul  dans  son  sein.  lîse,  malgré  sa 
déicadence,  était  une  ville  bien  plus  riche,  bien  plus  peuplée, 
bien  plus  considérable  qu'Urbin,  que  Bimini,  que  Pésaro  ; 
mais  Pise,  une  fois  assujettie  aux  Florentins,  n'a  plus  produit 
un  homtne  marquant  dans  la  littérature  ou  la  politique,  tan- 
dis que  les  petites  cours  de  Frédéric  de  Montéfeltro  à  Urbhi, 
de  Sigismend  Malatesta  à  Bimini,  d'Alexandre  Sforka  à  Pé- 
saro, rassemblaient  chacune  plusieurs  philosophes  et  plu- 
sieurs littérateurs.  Ferrare  et  Mantoue  n'étaient  pmnt  supé- 


316  HISTOIBE  DE5  HEPUBUQUES  ITALUSIIIIES 

rieares  en  population  à  Payie,  à  Paime  et  à  Plaisance  ;  mais 
antoor  de  la  résidence  du  gouvernement  dans  les  premières 
villes,  brillait  tout  le  lustre  jdes  arts,  de  la  poésie  et  de  la 
science;  tandis  que  dans  tout  le  duché  de  Milan,  la  ville  de 
Milan  seule  possédait  la  même  illustration.  Le  royaume  de 
Naples  était  un  exemple  plus  frappant  encore  de  la  dépres- 
sion des  provinces,  lorsqu'une  capitale  s'élève  à  leurs  dépens. 
Bans  ce  beau  royaume  qui  comprenait  seul  un  tiers  de  la  na- 
tion italienne,  qui,  plus  que  tout  le  reste  de  la  péninsule, 
était  favorisé  par  la  nature,  et  qui  n'ayant  qu'une  seule  fron- 
tière, et  pour  voisin  que  l'Église,  était  moins  exposé  aux  ra- 
vages de  la  guerre  qu'aucun  autre  état  de  l'Italie ,  la  capitale 
seule  avait  pairticipé  au  mouvement  qui  dans  le  xv«  siècle 
avait  ranimé  la  culture  des  lettres  et  de  la  philosophie.  Mal- 
gré la  faveur  d' Alfonse,  malgré  le  crédit  drâ  grands  littéra- 
teurs qui  formèrent  sa  cour,  aucun  homme  de  talent  n'avait 
ouvert  d'école  dans  les  villes  si  nombreuses  et  si  heureusement 
situées  de  la  Galabre  et  de  la  Pouille.  Ces  provinces  apparte- 
naient encore  à  la  barbarie,  et  jusqu'à  nos  jours  elles  ont  à 
peine  ressenti  l'influence  de  la  civilisation  européenne. 

Les  progrès  de  cette  civilisation,  partout  où  ils  s'étaient 
étendus,  avaient  prodigieusement  augmenté  les  jouissances 
de  la  vie  :  les  études  du  xv*"  siècle  n'étaient  point  tournées,  il 
est  vrai,  vers  les  sciences  naturelles,  dont  les  résultats  sont 
applicables  à  l'utilité  pratique,  mais  vers  l'érudition  et  la 
poésie,  qui  n'offrent  de  jouissances  qu'à  l'esprit.  Cependant 
l'habitude  de  l'observation  d'une  part,  l'étude  des  anciens  de 
l'autre,  avaient  développé  plusieurs  des  sciences  qui  se  pro- 
posent pour  but  le  bonheur  des  hommes.  La  législation  avait 
fait  des  progrès,  la  jurisprudence  s'était  éclaircie,  les  finances 
étaient  administrées  avec  régularité,  et  l'économie  politique, 
quoique  son  nom  même  fût  inconnu,  n'était  point  outragée 
par  des  r^lements  absurdes,  comme  elle  le  fut  sous  les  mains 


DU  MOTSH  AGB.  317 

défi  Espagnols  après  qae  l'Italie  eut  perda  son  indëpendance. 
Les  gonTemements  se  laissèrent  sooTent  entraîner  dans  de 
très  grandes  dépenses,  et  ils  leyèrent  quelquefois  des  sommes 
prodigieuses  sur  leurs  sujets  :  mais  leur  manière  d'asseoir  les 
taxes  n'aggravait  pas  la  souffrance  de  payer  l'impôt  lui-même; 
eUe  n'étouffait  pas  le  commerce  et  n'écrasait  pas  l'agri- 
ODlture. 

Plus  une  histoire  est  détaillée,  plus  elle  présente  au  grand 
jour,  lorsqu'elle  est  yéridique,  les  erreurs  et  les  souffrances 
des  hommes.  Peut-être  celle  de  l'Italie  au  xv*  siècle  aura- 
t-eUe  laissé  dans  fesprit  du  lecteur  l'impression  de  beaucoup 
plus  de  malheurs  et  de  crimes  que  n'en  offre  le  plus  souYcnt 
une  contrée  de  même  étendue  dans  le  même  espace  de  temps. 
On  se  tromperait  fort  cependant  si  l'on  en  concluait  que  les 
Italiens  étaient  à  cette  époque  plus  malheureux  et  plus  hi- 
deux que  leurs  contemporains  dans  le  reste  de  l'Europe, 
qu'ils  l'étaient  autant  que  leurs  sncc*esseurs  dans  leur  propre 
pays.  La  y\e  priyée  des  Italiens,  dans  d'aussi  petits  états  que 
ceux  qui  composaient  alors  l'Italie,  était  toute  en  dehors,  et 
tous  leurs  malheurs  étaient  historiques.  Chaque  individu  se 
trouvait  en  contact  avec  la  souveraineté  ;  et  ses  passions,  ses 
intrigues,  ses  vengeances,  se  liaient  aux  révolutionsj^de  l'état 
et  aux  événements  publics.  Bans  les  grandes  monarchies  où 
les  provindaux  vivaient  enveloppés  d'une  obscurité  profonde, 
et  dans  les  prindpautés  modernes  où  l'état  lui-même  n'a 
point  d'histoire,  et  où  un  espace  infini  sépare  le  souverain 
d'avec  le  sujet,  chacun  souffre  en  silence  sa  part  des  calamités 
publiques,  et  cette  part  lui  est  infligée  plutôt  par  l'effet  des 
mauvaises  lois  que  par  les  violences  des  hommes.  Les  malver- 
sations des  ministres  subalternes  ne  réveillent  point  l'attention  ; 
lés  dénis  de  justice ,  les  arrestations  arbitraires  ordon- 
nées par  un  bailli  ou  un  intendant,  ne  sont  pas  des  événe- 
ments historiques  ;  les  crimes  des  particuliers  sont  du  ressort 


318  HISTOimS  DES  &ÉPUBUQUE8  ITALIEEIIIES 

des  tribiùiaux  aeuleuiieiit,  et  la  ruine,  des  faimUeS)  celle  de 
ragricoltare,  du  conunerce  et  de  riadustrie»  est  tout  au  plus 
indiquée  en  masse  par  rhistprieu,  sapa  qu'il  faaae  jamais  rea^ 
sortir  les  infortuné  individuelles.  Pour  comparer  les  souf- 
frances dq  peuple  français,  au  i^v""  siècle»  à  ceUe  des  Italieusi 
il  faudrait  que  l'histoire  du.  premier  noua  p^péaentftt,  avec  lea 
grandes  révolutions  de  la  monarchie,  toutes  les  injuaticea 
éprouvées  dans  le  même  temps  par  les  )>oi|rgeon  de  Blois  et 
d'Angers,  de  Tours  et  de  Bourgei!|,  et. de  toptes  lea  autres 
Tilles  du  royaume  ;  qu'elle  nous  montra  l'élévation  et  la  mine 
^es  familles  privées,  les  jalousies  secrètes,  les  intrigues  oou« 
pables  par  lesquelles  les  plus  ohscqrs  citoyens  se  supplantaient 
les  uns  les  autres,  et  les  crimes  que  les  tribunaux  punissaient 
chez  eux.  Mais  lorsqu'il  n'y  a  dans  les  provinces  ni  liberté  ni 
indépendance,  de  tels  détails  sont  sans  intérêt  comme  sans 
dignité  :  encore  que  les  passions  privéçs  çxercent  tqnt  leur 
jeu  dans  le  manoir  du  moindre  baron,  et  dans  la  sphère  d'ae* 
tivité  du  dernier  échevin,  leur  résultat  n'affecte  que  les  in* 
dividus,  et  ne  se  rallie  point  ai|x  destinées  de  la  natio^  ;  au- 
cune passion  généreuse  n'ennoblit  aux  yeux  des  vietimes  la 
calamité  qu'elles  souffrent  en  commun  ;  et  l'histoire  ne  daigne 
pas  loême  nommer  deux  ou  trfHs  fois  par  siècle  des  grandes 
vîUes  qui,  si  elles  avaient  été  libres,  auraient  fourni  ebaeune 
tant  ()e  sujets  distingués  aux  études  des  moralistes. 

Poqr  çQnnaitr^  si  nue  nation  est  heureuse  ou  malbeareose , 
û  la  mfLSse  des  individus  qui  la  composent  participe  à  sji  pros- 
périté ,  si  la  gloire  que  recueillent  ses  chefs  est  stérile  on  f ino- 
tueuse  pour  elle,  il  faut  examiner  l'état  de  s^  travaux,  son 
agriculture,  ses  manufactures ,  son  commerce  ;  il  faut  se  faire 
npe  idée  de  la  vie  privée  de  ses  diverses  classes  de  citoyens  ; 
il  faut  se  mettre  à  la  place  du  père  de  famille  dans  les  diverB 
états  de  la  sopiété ,  et  en  lui  voyant  donner  une  carrière  ^ 
chacun  de  ses  fils ,  il  faut  se  demander  quelles  chances  de 


DU  MOT!»  ÂGE.  319 

BQceès  il  voit  devant  eax.  £a  jogeaût  r Italie  daprès  ces  r^es, 
nous  troavws  qu'au  xv*  nède  elle  était  parvenue  à  un  haut 
degré  de  prospérité  dont  die  est  bienredesoenduede  nos  jours, 
et  nous  demeurerons  bien  eonvaincus  qu'aujDune  contrée  dp 
rSorope  ne  pouvait  alors  soutenir  de  oomparaison  avec  die. 

Sons  le  rapport  de  l'agriculture ,  1* Italie  était  alors,  OHume 
aujourd'hui,  cultivée  par  des  métayers  qui,  faisant  tous  Isa 
travaux  et  toiries  les  avances,  retenaient  en  paiement  la  moitié 
des  récottes.  Ainsi,  tandis  que  dans  le  reste  de  l'Occident  1^^ 
paysans  étaient  encore  attachés  à  la  glèbe ,  ou  tout  aa  mw^ 
soumis  par  les  coutumes  du  vilénage  à  l'oppression  de  lieurs 
sagneurs,  ceux  de  l'Italie  étaient  libres  ;  ils  étaient  égaux  aux 
citadins  quant  aux  droits  civils  ;  ils  ne  dépendaient  poM^t  du 
caprice  d'un  maître;  ils  ne  recevaiei^  point  de  lui  un  salaire, 
et  quoiqoffls  ne  fussent  pas  i^opriétaires,  ce  n'étajit  que  de  la 
terre  et.  de  leur  travafl  qu'ils  attendaient  leur  revenu.  La  fer- 
tile LoB^Murdie  était,  comme  aujourd'hui,  soumise  à  d'indusr 
trieux  assolements;  la  culture  du  blé  de  Turquie  et  (çdle  des 
fourrage»  y  avaient  fait  admettre  d'avantageuses  succefpion^ 
deréodtes  :  les  eaux  avaient  été  habilement  répailjes  sur  tout 
son  sol  pur  des  canaux  construits  à  grands  frais;  et  ce  système 
d'arrosement  j  qui  la  couvre  tout  entière  comme  un  ré^em , 
avait  été  complété  par  Louis-^le-Maure ,  qui  avait  donné  fK)n 
nom  à  quelques-uns  des  ouvrages  hydrauliques  qu'il  avait  fait 
construire.  Les  collines  de  Toscane  étaient,  comme  aujour- 
d'hui, couvertes  d'oliviers  et  de  vig^ies  ;  et  pour  q#e  les  /eapx 
n'en  entraînassent  pas  le  terrain ,  il  avait  été  soutenu  par 
étages  avec  des  murs  sans  ciment  près  de  Flonence,  ,et  avec 
des  terrasses  de  gazon  près  de  Luoques. 

Les  histori^is  contemporains  n'ont  point  dierché  ji  nous 
peindre  l'mtpectdu  pays;  c'estsouvent  d'après  desdesçriptiaus 
de  bataille^  ou  d'après  les  accidents  d'un  campement  d  armée, 
que  UQW  arivons  à  connaître  quel  était  l'état  de  l'agriculture, 


320  HIStOIHB  BES  HiPUBIiIQUES  ITAUBNKIS 

on  le  sort  des  paysans  dans  les  temps  éloignés  de  noi»5  ;  mm 
si  ces  droonstanoes  détachées  ne  nous  laissent  point  lien  de 
douter  ({ne  F  Italie  ne  présentât  la  même  apparence  qa'anjoor- 
d'hoi  dans  les  provinces  qni  ont  conservé  leur  prospérité,  elles 
nous  apprennent  aussi  que  la  campagne  était  encore  couverte 
de  villages  et  de  moissonneurs  dans  les  provinces  qui  sont 
aujourd'hui  changées  en  déserts^  La  désolation  s'est  ét^due 
sur  une  partie  considérable  et  autrefois  infiniment  fert^e  de 
l'Italie,  depuis  les  rives  du  Serchio  jusqu'à  celles  du  Yultume. 
Les  riches  campagnes  de  Pise  furent,  il  est  vrai,  ravagées  par 
des  inondations,,  et  rendues,  dès  le  iey®  siècle,  insalubres  par 
les  eaux  stagnantes,  ensuite  de  la  négligence  ou  de  la  jalousie 
de  la  république  florentine;  cependant  de  puissants  villages 
animaient  encore  toute  la  côte  qui  s'étend  de  Livoume  jusqu'à 
rOmbrone,  et  qui  est  aujourd'hui  désolée.  Qn  peut  juger  de 
la  nombreuse  population  de  l'état  de  Sienne  et  de  la  Maremme 
siennoise  par  la  quantité  de  villages  que  le  marquis  de  Mari* 
gnan  y  fit  raser  dans  le  siècle  suivant,  et  dont  il  passa  les  ha- 
bitants au  fil  de  répée.  Les  guerres  des  barons,  feudataires  de 
l'Église,  font  voir  que  la  campagne  de  fiome  oonten«t  <^ale- 
ment  une  population  nombreuse;  les  Golonna  seuls  y  possé- 
daient plus  de  villages  populeui  au  xv""  siècle  que  toute  cette 
province  ne  compte  aujourd'hui  de  fermiers.  Toute  la  province 
maritime,  il  est  vrai,  ou,  comme  on  l'appelle  encore,  toute  la 
Maremme,  était  réputée  malsaine,  mais  non  pas  au  point  où 
elle  l'est  aujourd'hui.  Flavio  Blondo ,  en  la  décrivant  sous  le 
pontificat  de  Nicolas  Y,  se  contente  de  dire  qu'elle  ur'est  plus 
de  son  temps  aussi  florissante  qu'elle  l'était  du  temps  des  Ro- 
mains ;  et  lorsqu'il  parle  d'Ostie,  il  dit  que  cette  ville  ne  jouit 
pas  d'un  air  très  salubre  parce  qu'elle  est  située  au  bord  de  la 
mer  * .  Mais  s'il  avait  dû  parler  de  son  état  actuel,  à  pdne  la 

<  Italia  lUmirata^  di  Flavio  Blondo,  traduz.  di  Lucio  Famo,  Venezia,  1542,  ifi-8. 
hegione  lit ,  fol.  94.  Oslie  qui ,  du  temps  des  RomaÎDS ,  comptait  au  moins  eioqaaDl» 


DU  MOYEN   AGE.  3*21 

langae  loi  aurait^elle  fourni  'des  termes  pour  peindre  Fef* 
frayante  désolation  do  pays,  et  les  effets  de  l'air  pestilentiel 
qn'on  y  respire. 

Les  paysans  italiens,  au  xv*  siècle,  différaient  cependant 
de  ceox  de  nos  jours,  en  ce  qu'an  lieu  d'habiter  au  milieu  de 
leurs  champs,  oà  ils  avaient  toujours  une  maison  rustique,  ils 
vivaient  presque  tous  dans  des  bourgades  fermées  de  murs  ; 
de  là  ils  se  rendaient  chaque  matin  à  leurs  travaux ,  et  lors* 
qu'une  invasion  ennemie  menaçait  leur  sûreté,  ils  ramenaient 
dans  leur  bourgade  leur  bétail,  leurs  instruments  aratoires  et 
leurs  récoltes.  Les  historiens,  en  rapportant  plusieurs  inva- 
sions inopinées,  ajoutent  souvent  que  les  paysans  n'avaient 
point  eu  le  temps  de  faire  rentrer  dans  les  lieox  forts  leur  bé- 
tail et  leur  famille;  ce  qui  montre  que  dans  l'habitude  de  la 
vie  ils  ne  leor  faisaient  point  abandonner  les  champs. 

La  réunion  des  paysans  dans  les  bourgades  nuisait  sans 
doute  à  la  perfection  de  ragriculture,  et  die  diminuait  les 
jouissances  que  leur  famille  pouvait  retirer  d'une  terre  fertile. 
Hais  lorsqu'on  examine  ces  bourgades,  qui  sont  aujourd'hui 
presque  toutes  dépeuplées,  ontrouvedans  leurs  maisons  aban- 
données depuis  des  siècles  des  traces  de  l'opulence  de  ceux 
qui  les  habitèrent  autrefois.  Ces  maisons  sont  pour  la  plupart 
vastes  et  commodes  ;  elles  réunissent  la  solidité  à  l'élégance , 
et  elles  donnent  lieu  de  croire  que  les  paysans  italiens,  au 
xv^  siècle,  étaient  mieux  logés  que  ne  le  sont  aujourd'hui  les 
bourgeois  d'une  fortune  médiocre  dans  les  pays  les  plus  pros- 
pérants de  l'Europe. 

De  plus,  cette  réunion  des  paysans  dans  des  villages  fortifiés 
qu'ils  nommaient  châteaux,  leur  donnait  une  importance  et 


raille  habitants,  ne  compte  plm  que  trente  habitanU  dans  la  bonne  laison ,  dix  dans  la 
maaraise,  et  deux  ou  trois  femmes.  De  tous  les  côtés,  dans  les  campagnes ,  A  dix  milles 
de  disUnce ,  il  n'y  a  pas  un  seul  habitant,  excepté  A  Porto ,  Tille  plus  désolée  encore 
que  ne  Test  Ostie. 

TU,  21 


322  HISTOIRE  DES  REPUBLIQUES  ITALIENNES 

des  droits  politiqaes  dont  Us  n'aaraient  pu  jouir  eu  restant 
isolés.  Ils  étaient  chargés  de  la  défense  de  leor  patrie;  et  le 
gouvernement  leur  avait  confié  pour  cela  des  armes,  un  trésor 
commun  et  une  administration  régie  par  des  magistrats  da 
leur  choix.  Il  les  avait  ainsi  mis  en  état  de  se  défendre  contre 
un  ennemi  étranger  ;  mais  en  même  temps  il  leur  avait  donné 
les  moyens  de  repousser  les  entreprises  oppressives  de  tout 
autre  corps  de  l'état. 

Tel  était  le  sort  de  cette  moitié  de  la  nation  italienne  qui , 
par  son  travail,  faisait  mdtre  tous  les  fruits  de  la  terre.  Si  on 
le  cooipare  à  celui  des  paysans  de  la  France,  de  F  Angleterre, 
de  l'Espagne  et  de  l'Allemagne,  à  la  même  époque,  sans  doute 
on  le  trouvera  infiniment  plus  heureux.  Les  pères  de  famille 
étaient  affranchis  de  tout  esclavage,  de  tout  vasselage  domes- 
tique. Ils  n'avaient  d'inquiétude  ni  sur  les  conditions  de  leur 
bail,  qui  d^neurait  le  même  de  générations  en  générations, 
si  sur  le  paiement  des  contributions  qui  ne  regardait  que  leurs 
maîtres,  ni  sur  celui  du  fermage  de  leurs  terres  qu'ils  acquit- 
taient en  nature.  Ils  pouvaient  sans  crainte  élever  leurs  en- 
fonts  dans  l'assurance  que  le  travail  leur  fournirait  toujours 
une  abondante  subsistance,  et  si  leur  famille  venait  à  s'ac- 
<^tre  au-delà  de  ce  que  la  culture  perfectionnée  de  leur  mé- 
tairie pourrait  employer  de  bras,  ils  voyaient  tonfonrs  un  em- 
]^9i,  pour  cet  ^cès  de  population,  dans  l'armée,  dans  le 
clergé,  et  dans  les  professions  mécaniques  des  villes. 

Tous  ceux  qui  travaillaient  aux  champs  vivaient  sur  une 
moitié  des  fruits  de  la  terre  ;  on  a  donc  lieu  de  croire  qu'ils 
formaient  eux-mêmes  au  moins  une  moitié  de  la  nation  * .  La 
partie  des  récoltes  que  les  métayers  remettaient  en  nature  à 

1  Celle  éyaloatioD  n'est  pas  une  mefure  fixe,  mais  un  minimum.  Tout  le  blé  qui  est 
porté  au  marché  n'est  |MUI  nécessairement  consommé  dans  les  villes  ;  les  paysans  qui  ne 
cuitiYent  que  des  vi|snobles  et  des  oliviers  en  racbéteni  une  grande  partie.  Cette  pro- 
portion s'est  augmentée  depuis  que  les  vastes  terres  à  blé  des  Maremmcs  et  celles  de  la 
rottiUe  lont  abandOBA^W  A  U  désolation.  U  seule  partie  de  la  campagne  italienne  qui 


tl»tJ  MOTEN    AGE.  323 

leors  mattreSy  étût  eonsommée  dans  les  villes,  et  elle  7  main- 
tenait ane  antre  moitié  de  la  nation.  Mais  la  condition  de 
cette  seconde  partie  dn  peuple  était  bien  différente  de  oe 
qu'elle  est  aujourd'hui  :  an  lieu  de  languir  dans  la  fainéantise, 
faute  de  pouvoir  trouva*  un  emploi  pour  son  travail,  ou  faute 
d'avoir  conservé  la  volonté  de  travailler  et  l'habileté  dans 
un  art  utite ,  cette  classe  produisait  des  valeurs  commerciales 
avec  noû  moins  d'activité  que  la  première  produisait  des  va- 
leurs agricbles.  L'Italie  était  encore  le  pays  de  l'Europe  le 
plus  riche  en  manufactures  :  les  soies  qu'elle  fournit  en  si 
gfande  abondance ,  les  laines,  le  lin ,  le  chanvre ,  lés  pellete- 
ries, les  métaux,  l'alun,  le  soufre,  le  bitume,  tous  les  produits 
brute  de  la  terre  qui  doivent  recevoir  du  travail  de  l'honune 
nne  nouvelle  préparation  avant  d'être  employés  à  son  usage, 
obtenaient  ce  dernier  fini  en  Italie,  et  par  des  maiiis  italieur 
nes,  avant  d'être  livrés  à  la  consommation  intérieure  ou  étran- 
gère. Hais  les  matières  premières  fournies  par  l' Italie  ne 
suffisaient  pas  aux  ateliers  itahens  ;  et  c'était  une  des  fot^ctions 
importantes  du  commerce  que  d'en  rassembler  de  nouvelles 
sur  les  côtes  de  la  mer  Noire ,  en  Afrique ,  en  Espagne  et 
dans  les  pays  du  nord ,  tout  èomiiie  le  commerce  les  distri- 
buait ensuite  au  loin,  après  qu'un  travail  italien  en  avait 
augmenté  la  valeur.  Ce  travail  était  l'objet  d'une  constante 
demande  :  il  suffisait  au  pauvre  d'apporter  ses  bras  au  mar- 
ché; il  était  toujours  sûr  d'y  trouver  des  entrepreneurs  prêts 
à  les  mettre  à  l'ouvrage,  et  à  le  récompenser  en  proportion  de 
son  habileté. 

Le  géde  des  artistes  ne  doit  sans  doute  pas  être  confondu 
avec  le  travail  mécanique  des  manouvriers  :  mais  leâ  arts 

soit  aosti  pei^lée  qu'elle  l'était  au  xt*  siteie,  est  celle  qui  rachète  les  blés  portés  au 
marché;  la  dimiautioa  de  la  culture  des  graios,  dans  les  pays  aujourd'hui  déserts ,  à  été 
proportioQUée  à  la  dépopuUtioa  des  villes;  aussi  quelques  économistes  préteodeiit^s 
qu'aujounrhui  les  quatre  cUiquiémes  de  la  naUoa  italieime  appartieimeat  à  la  classe' dei 
cultivateurs, 

21* 


321  HISTOIEE  DSS  REPUBLIQUES  ITALIElKfllËS 

étaient  aussi  une  carrière  profitable  ;  et  même  sons  le  point  de 
\ue  de  réconomie  politique ,  il  ne  fant  pas  oublier  que  le 
môme  pays  qui  possédait  les  plus  nombreuses  papeteries  et 
les  imprimeries  les  plus  actives,  possédait  aussi  le  plus  grand 
nombre  de  ces  savants  dont  les  livres  devenaient  un  objet  de 
commerce  dans  toute  l*£urope  ;  que,  non.loin  des  carrières  de 
marbre  blanc  de  Carrare,  ou  des  fonderies  des  Marenunes, 
4^taient  les  ateliers  de  statuaire  des  Donatelli  et  des  Ghiberti, 
ou  la  coupole  admirable  de  Sainte*  Marie  Beparata,  ouvrage 
de  Brunelleschi,  à  Florence;  et  qu*àcôté  des  ouvriers  qui  tra- 
vaillaient la  toile,  les  pinceaux  et  les  couleurs,  on  voyait  naître 
les  Massaccio,  lesGhirlandaio,  et  tous  les  fondateurs  des  écoles 
de  peinture.  Ainsi  tous  les  travaux  prospéraient  à  la  fois,  de- 
puis celui  du  tisserand,  condamné  à  une  opération  toujours 
uniforme,  jusqu'à  celui  de  Fartiste  qui  devait  faire  la  gloire 
de  son  pays.  Dès  lors  le  père  de  famille  qui  ne  léguait  à  ses 
enfants  que  de  la  sieinté,  de  Factivité  et  du  courage  pour  tout 
entreprendre,  les  lançait  sans  crainte  dans  la  carrière  de  la 
vie. 

Le  commerce  italien  attendait,  et  payait  souvent  d'avance 
tous  ces  produits  de  l'industrie  italienne ,  pour  les  distribuer 
ensuite  aux  diverses  nations  de  la  terre.  Le  temps  n'était  pas 
eucore  venu  où  les  princes,  jaloux  de  l'indépendance  de  ces 
hommes  qui  peuvent  soustraire  avec  facilité  leur  fortune  à  la 
tyrannie,  armèrent  toutes  les  vanités  contre  l'activité  et  l'in- 
dustrie mercantiles.  Les  ultramontains  n'avaient  pas  encore 
easdgné  aux  Italiens  que  le  commerce  dérogeait  à  la  noblesse; 
et  les  familles  les  plus  illustres  de  Florence,  de  Yenise,  de 
Gènes,  de  Luçques  et  de  Bologne  fournissaient  des  chefs  aux 
maisons  de  commerce,  en  même  temps  que  des  cardinaux  à 
l'Église  et  des  grands-prieurs  à  l'ordre  de  Malte.  Tandis  que 
les  hommes  les  plus  considérés  de  la  nation  mettaient  le  tra- 
vail en  honneur ,  en  donnant  eux-mêmes  l'exemple  de  l'acti- 


DD  MOY£JN   AÙÉ.  US 

vite  ;  qu'ils  enseignaient  à  considérer  l'oisiveté  comme  un  YÎce, 
comme  an  déshonneur,  et  comme  un  délit  contre  la  société  ; 
on  commwce  qui  embrassait  la  moitié  du  monde  alors  connu 
les  formait  eux-mêmes  à  la  dextérité  des  habiles  négociateurs, 
aux  connaissances  positives  des  législateurs ,  et  leur  donnut 
occasion  d'étudier  les  éléments  de  la  prospérité  publique  qu'ils 
devaient  conserver  et  accroître  dans  leur  administration. 
D*  autre  part,  des  négociants,  tirés  d*un  ordre  aussi  relevé  de 
la  société,  s'accoutumaient  à  porter  dans  leur  commerce  plus 
de  loyauté ,  des  sentiments  plus  libéraux,  des  connaissances 
plus  yariées.  L'esprit  appliqué  tour  à  tour  aux  affaires  pu- 
bliques et  aux  affaires  privées,  en  acquérait  plus  de  souplesse, 
et  s'acquittait  mieux  de  Tune  et  de  l'autre  de  ses  fonctions. 

La  quantité  de  travail  qu'une  nation  peut  faire,  la  subsis- 
tance qu'elle  peut  se  procurer,  et  la  population  qu'elle  peut 
nourrir,  se  mesurent  toujours  sur  la  quantité  de  capitaux 
dont  elle  dispose.  Or,  le  capital  productif  qui  appartenait  aux 
Italiens  au  xv«  siècle,  égalait  peut-être  celui  de  toutes  les  au- 
tres nations  de  l'Europe  réunies;  et  ce  capital ,  confié  à  des 
mains  économes  et  industrieuses ,  n'était  jamais  laissé  oisif. 
Aujourd'hui  le  revenu  annuel  de  l'Italie  consiste  presque  uni- 
quement dans  cette  moitié  du  produit  des  terres,  que  les  mé- 
tayers remettent  en  nature  aux  propriétaires,  et  que  ceux-ci, 
par  eux-mêmes  ou  par  leurs  divers  salariés,  consomment  dans 
l'oisiyeté.  Au  xv''  siècle  il  y  avait  parmi  les  propriétaires  des 
terres,  un  grand  nombre  de  négociants,  qui  ajoutaient  chaque 
année  à  leurs  capitaux  productifs  la  partie  souvent  très  con- 
sidérable des  revenus  de  leurs  possessions ,  qu'ils  ne  consom- 
maient pas  oisivement.  Ils  augmentaient  ainsi  sans  cesse  des 
capitaux  dont  le  revenu  annuel  surpassait  peut-être  de  beau- 
coup celui  des  terres.  Une  population  plus  nombreuse  pouvait 
donc  vivre  sur  le  même  terrain  avec  une  aisance  beaucoup 
plus  grande.  Tandis  qu'aujourd'hui  une  partie  considérable 


326  HISTOIRE  DES  BÉPUBLIQUES  ITALUSIilTES 

4es  80109  et  des  huiles  de  Tltalie,  et  même  de  son  blé,  sont 
échangés  contre  des  objets  de  luxe;  alors  les  objets  de  liue 
{Nresque  seuls  étaient  échange  contre  de  nouveaux  blés.  Au- 
cune limite  n'arrêtait  les  spéculations  du  négociant,  qui  voyait 
s'accrottre  sans  cesse  le  fonds  avec  lequel  il  les  entreprenait  : 
le  pauvre  était  riche  de  son  travail  ;  le  ridbe  avait  la  certitude 
d'augmenter  sa  fortune  par  une  activité  nouvelle  :  l'un  et 
Vautre  pouvaient  sans  crainte  voir  croître  une  famille  qui 
n'avait  rien  à  redouter  de  la  misère. 

Au  moment  où  l'Italie  sortait  à  peine  de  la  barbarie ,  noi^ 
avons  lait  remaïquer  la  maoièçe  glorieux  dont  elle  se  présen- 
tait dans  la  carrière  des  lettres  et  des  arts.  Mais  au  xV"  siècle 
l'histoire  littéraire  et  l'histoire  des  arts  ne  sont  pas  moins 
importantes  que  l'histoire  politique  elle-même  ;  il  faut  donc 
ka  abandonner  à  ceux  qui  eu  ont  fait  l'objet  d'une  étude  par- 
ticuUèce*  Dans  nu  autre  ouvrage  j'ai  présenté  en  raccourci  un 
tableau  de  la  littérature  italienne,  tandis  qu'une  histoire 
complète  de  cette  même  littérature  était  publiée  par  un  de9 
plus  illustres  écrivains  de  la  France.  Plusieurs  autres  ont  tmci 
les  admirables  progrès  de  l'architecture,  de  la  sculpture  et  de 
la  peinture  :  on  ne  saurait  ici  ni  en  parler  dignement  en  peq 
de  mots ,  ni  en  parler  à  fond,  sans  sortir  de  l'unité  d'un  sujet 
historique.  Ce  n'est  donc  que  comme  preuve  nouvelle  de  cette 
prospérité,  de  ce  seulîment  de  repos  et  de  bonheur»  répandu^ 
dans  la  natjipQ  au  xv*  siècle,  que  j'en  appellerai  au  progrès 
rapide  des  arts.  Sans  doute  lorsqu'ils  furent  parvenus  à  leoc 
entier  développement,  lorsque  des  hommes  tds  qne  Michel- 
Ange,  Raphaël ,  Titien ,  eurent  été  formés?  les  a^ts  se  soutin- 
rent au  xvi''  siècle  ;  ils  brillèrent  même  d'uu  plus  grand  éclat 
encore  an  milieu  des  plus  effroyables  calamités.  Les  malheurs 
n'éteignent  pas  toujours  le  génie;'mais  il  faut  un  état  de  sé- 
curité et  de  jouissance  de  la  vie,  pour  allumer  la  première 
fois  son  flambeau.  Il  faut  qq'une  nation  reg^u'de  le  présent 


Puhhf  par   l'urne.   Pans. 


DU   MOTKlf  AGE.  327 

a¥ec  coofianee  et  rayenir  sans  crainte,  pour  qa'dle  associe 
aux  {daisirs  fagitiâ  de  1*  aisance  la  pompe  éterndle  des  beanx- 
arts. 

Les  monoments  dont  Fltalie  se  cooirit  an  xv*  siècle  n'in- 
diqoent  donc  pas  seulement  qu'un  sentiment  délicat  du  beau 
dirigea  le  ciseau,  le  pinceau  on  l'équerre  de  ses  sculptenrs,  de 
ses  peintres  et  de  ses  architectes  illustres;  rensemble  de  ces 
monuments  fait  encore  connaître  une  nation  pleine  de  confiance 
dans  sa  force ,  d*espérance  dand  son  avenir,  de  satisfaction 
pour  ses  succès  passés.  Ses  temples  surpassent  infiniment  en 
magnificence  et  en  solidité  tous  les  plus  célèbres  de  la  Grèce; 
les  palais  de  ses  citoyens  remportent  par  leur  étendue,  par 
Tépaisseur  colossale  de  leurs  murailles,  sur  ceux  des  emper^irs 
romains;  les  plus  simples  de  ses  maisons  pcNrtent  un  caractère 
de  force ,  d'aisance  et  de  commodité.  Lorsqu'aiujourd'hoi  ea 
parcourt  ces  dtés  de  l'Italie,  toutes  à  moitié  dés^tes,  tontes 
déchues  de  leur  anciennne  opulence  ;  lorsqu*on  entre  dans  cea 
temples  que  la  foule  ne  peut  remplir,  même  dans  les  plus 
grandes  solennités;  lorsqu'on  visite  ces  palais  dont  les  pro-> 
priétaires  occupent  à  peine  la  dixièiQ/e  partie  ;  lorsqu'cm  re- 
marque les  panneaux  brisés  de  ces  l^étres  construites  avec 
tant  d'élégance,  l'herbe  qui  croit  au  (Hed  des  murs,  le  silenee 
de  ces  vastes  demeures,  la  pauvreté  des  habituts  qu'<m  en 
voit  sortir,  la  démarche  lente,  l'air  inoccupé  de  tous  ceux  qsà 
traversent  les  rues ,  et  les  mendiants  qui  semblent  formes 
seuls  la  moitié  de  la  population;  l'on  sent  que  de  telles  villes 
ont  été  bâties  par  un  autre  peuple  que  celui  qu'on  j  voit  au- 
jourd'hui, qu'elles  sont  le  produit  de  la  vie,  et  que  la  mort 
en  a  hérité;  qu'elles  ont  appartenu  à  l'opulence,  et  que  la 
misère  est  venue  ensuite;  quelles  sont  l'ouvrage  d'un  graild 
peuple,  et  que  ce  grand  pea{de  ne  se  trouve  plua  nidl^  part. 

Le  luxe  des  rois  peut  quelquefois  créer  une  capitale  magn^ 
fiqne,  lors  même  que  leur  nation  est  encore  misérable  on 


3.28  HISTOIRE  DES  BBPUBUQUES  ITALIENNES 

dan^barbare,  et  qa*elle  n*a  aocun  désir  de  prendre  sur  son 
nécessaire  pour  s'entourer  d'une  pompe  dont  elle  ne  jouit  pas. 
C'est  Louis  XIV  et  non  la  France,  Frédéric  et  non  la  Prusse, 
Pierre  ou  Catherine  et  non  la  Russie,  qu'on  voit  dans  les  pa- 
lais de  Paris,  de  Berlin ,  de  Pétersbourg  ;  aussi  les  provinces 
reculées  étaient-elles,  à  l'époque  de  ces  constructions,  d'autant 
plus  misérables ,  que  ces  capitales  étaient  plus  somptueuses. 
Mais  la  richesse  et  l'élégance  de  rarchitecture  italienne  sont 
spontanées  ;  on  lui  trouve  dans  les  yillages  le  même  caractère 
que  dans  les  villes  :  partout  elle  est  supérieure  à  la  condition 
des  propriétaires  actuels,  partout  elle  leur  offre  des  habitations 
plus  vastes  et  plus  commodes  que  celles  que  la  même  classe 
de  la  société  occupe  dans  des  pays  réputés  aujourd'hui  très 
prospérants.  Les  bourgades  sans  illustration  d'Uzzano ,  de 
Boggiano,  dé  Montécatini,  situées  sur  le  penchant  des  collines 
du  Val-de-Nievole ,  si  elles  étaient  transportées  tout  entières 
au  milieu  des  plus  anciennes  villes  de  France,  de  Troyes,  de 
Sens,  de  Bourges,  en  formeraient  les  quartiers  les  mieux  bâtis; 
leurs  temples  seraient  faits  pour  orner  les  plus  grandes  villes. 
Lors  même  que  l'on  s'enfonce  dans  les  vallées  des  Apennins, 
loin  de  toute  grande  route,  de  tout  commerce,  de  l'abord  de 
tout  voyageur,  on  y  retrouve  encore  des  villages  où  aucune 
maison  nouvelle  n'a  été  bâtie  depuis  le  xv°  siècle ,  où  aucune 
maison  ancienne  n'a  été  réparée,  tels  que  Pontito,la  Schiappa 
ou  Yellano,  et  qui  cependant  sont  composés  uniquement  de 
maisons  de  pierre  et  de  ciment  à  plusieurs  étages,  et  d'une 
élégante  architecture. 

C'est  ainsi  que  l'Italie  presque  entière,  que  son  agriculture, 
que  ses  chemins,  que  l'aspect  donné  à  la  terre  par  les  mains 
de  l'homme ,  que  l'architecture  des  villes  et  celle  des  villages 
conservent  des  monuments  de  son  antique  opulence,  d'une 
prospérité  sentie  par  toutes  les  classes,  d'une  activité  d'esprit, 
d  iiLi  zèle  d'entreprises  qui  étaient  l'effet  et  qui  devenaient  de 


IM   MOYEU   AO£.  3*29 

nouveau  la  cause  da  bonheur  national.  Cette  opulence,  malgré 
toutes  les  révolutious  dont  nous  avons  rendu  compte,  subsistait 
encore  à  la  fin  du  xv'  siècle.  Il  ne  nous  reste  plus  qu*à  voir 
par  quel  enchaînement  de  calamités  elle  fut  détruite,  et  par 
quelles  entraves  V esprit  de  la  nation  fut  dompté;  en  sorte 
que,  même  après  la  cessation  de  la  guerre,  même  après  la  fin 
de  tous  les  fléaux  qui  se  succédèrent  pendant  un  demi-siècle, 
le  retour  de  la  tranquillité,  la  jouissance  d'une  longue  paix,  à 
laquelle  les  autres  nations  de  TEurope  portaient  envie ,  n^ont 
pu  rendre  à  f  Italie  qu'une  ombre  de  son  ancienne  félicité. 


33Q  HISTOIBB  DBS  BiPOBUqOlB  ITALIIRIIES 


CHAPITRE  XL 


Election  d'Alexandre  VI.  —  Projets  de  réforme  de  Jérôme  Savonarolc; 
vanité  de  Pierre  de  Médicis*  nouveau  chef  de  la  républiqiie  florentine. 
—  Louis  Sforza  invite  Charles  VIII  à  faire  valoir  ses  droits  sur  le 
royaume  de  Naples  :  fermentation  de  toute  PJtalie;  Ferdinand  I" 
meurt  avant  d'être  attaqué. 


1492-1494. 


Les  croyances  religieuses  et  la  politique  contribuaient  à 
l'envi  en  Italie  à  placer  le  pape  à  la  tête  de  la  confédération 
d* états  indépendants,  entre  lesquels  cette  contrée  était  par- 
tagée. Cétait  surtout  pendant  le  cours  du  xv®  siècle  que  les 
papes  avaient  élevé  leur  monarchie  temporelle  ;  ils  avaient 
réduit  la  ville  de  Rome  à  n*avoir  plus  qu'un  gouvernement 
municipal  :  ils  avaient  substitué  leur  propre  autorité  à  celle 
du  sénat  et  de  la  république  ;  et  depuis  la  conjuration  de  Sté- 
fano  Porcari,  ils  avaient  aboli  les  derniers  restes  de  la  liberté 
romaine.  Dans  les  provinces  voisines,  les  papes  avaient  tra- 
vaillé avec  ardeur  à  réduire  la  noblesse  feudataire  à  Fobéis- 
sance;  et  la  violence  avec  laquelle  les  deux  plus  puissantes  mai- 
sons avaient  été  persécutées,  celle  des  Colonna  par  Sixte  lY, 
et  celle  des  Orsini  par  Innocent  YIII,  au  commencement  de 


IH)   MOTBB   AGB.  331 

son  pontificat,  les  axaient  affaiblies  tOBtesL  deux.  Preç^ie 
tons  les  petits  princes,  et  presque  tojiteB  les  xiUes  libres  si^ 
toées  entre  Rome,  les  états,  de  Florence  et  ceux  de  Venise, 
aYaieat  été  forcés  à  reconnaître  1* autoiâté  snprèiae  dp  Saint- 
Siège.  Les  princes  de  Somagne  consenraient,  il  est  yrai,  leur 
souveraineté  sous  Taotorité  de  l'Église;  mais  ils  obéissaient 
aiEcc  empressement  au  pape,  qu'ils  craignaient;  et  ils  lui  four- 
nissaient dans  toutes  ses  guerres  de  bons  capitaines  rt  de  bons 
soldats.  Aussi  les  derniers  pontifes  s'étaient-ils  montrés  plu» 
gi&erria»  que  prêtres,  et  l'importance  militaire  de  l'état  de 
VÉgMse  avait-elle  été  mieux  septie. 

D'ailleui!»  le  pape,  suzerain  du  royaume  de  Naples,  direc- 
teur du  parti  guelfe  en  Lombardie  et  en  Toscane,  et  chef  su- 
prême de  r  Église,  ne  mesurait  pas  sa  puissance  sur  la  seule 
étendue  dqs  états  soumis  à  sa  juridiction  immédiate.  Au-delà, 
et  à  une  grande  distance  de  ses  pcopres  froutîères,  il  pouvatt 
e»core  gagner  de^  créature»  sans  leur  donner  d* argent,  faire 
la  guerre  sai^  soldats,  menacer  et  iptimîder  sans  foires  réel- 
les. Aussi  rUstoire  des  papes  était-die  peut-être  la  partie  la 
plus  essentielle  de  l'histoire  d'Italie.  Les  révolutions  ctes  ré- 
publiques, comme  celles  des  monarchies,  se  trouvaient  cob-> 
sitammqnt  liées  à  celles  de  la  cour  pontificale;  et  presque 
tout^  les  grandes  catastrophes  qui  devaient  â>i'anier  l'Italie 
avaient  été  préparées  par  les  intrigues  ou  les  passions  d^ 
prêtres. 

1 492.  —  Le  commencement  de  la  âeri]^ière  périqde  de  la 
liberté  italienne,  à  laquelle  nous  sommes  parvenus,  le  but  de 
te  longue  guerre  que  les  ultramontains  devaient  porter  dans 
toute  la  presqu'île,  fut  lui-même  un  moment  de  crise  pour  le 
pouvoir  pontifical  ;  car  c'est  alors  que  fut  élevé  sur  la  ^aire 
de  saint  Pierre  le  plus  odieux,  le  plus  impudent,  le  plus  cri- 
minel de  tous  ceux  qui  abusèrent  jamais  d*une  autorité  sa- 
crée pour  outrager  et  asservir  les  hommes.  Alexandre  YI  fut 


332  HISrOIHB  DES  aÉPUSLIQCES  ITALIENIfXS 

âfi  pour  succéder  à  Innocent  YIII.  Le  scandale  de  la  cour 
de  Borne,  toujours  croissant  depuis  un  demi*siède,  ne  punirait 
pas  arriver  à  un  excès  plus  révoltant;  dès  lors  on  le  vit  dé- 
eroitre  par  degrés.  Aucun  écrivain  ecclésiastique  n*a  osé  dé- 
fendre la  mémoire  de  ce  pape,  indigne  du  nom  de  chrétien  ; 
et  l'opprobre  dont  il  couvrit  l'Église  romaine  pendant  son 
rè^e  anéantit  ce  respect  religieux  qui  protégeait  l'Italie  en- 
tière, et  la  livra  aux  étrangers  comme  une  proie  plus  fadle  à 
saisir. 

Innocent  YIII  était  mort  le  25  juillet  1 492  ;  quelques  jours 
furent  consacrés,  selon  l'usage,  à  la  pompe  de  ses  funérailles, 
et  le  6  août  suivant  les  cardinaux  entrèrent  au  conclave  pour 
éUre  son  successeur.  Ils  se  trouvaient  réduits  au  nombre  de 
vingt-trois  *  •  Chacun  d'eux  sentait  son  importance  s'accroître, 
comme  il  voyait  diminuer  le  nombre  de  ceux  qui  avaient 
droit  à  siéger  dans  ce  sénat;  le  partage  des  richesses,  des  hon- 
neurs, des  principautés  dont  disposait  l'Église,  leur  était  en 
grande  partie  attribué  ;  chacun,  en  raison  du  petit  nombre 
de  ses  compétiteurs,  pouvait  réserver,  pour  lui-même  on  pour 
ses  créatures,  une  portion  plus  avantageuse  dans  cette  grande 
loterie.  Aussi,  malgré  l'expérience  de  l'inutilité  de  tontes  les 
conditions  imposées,  pendant  la  vacance  du  Saint-Siège,  par 
les  conclaves  précédents  aux  papes  futurs,  les  cardinaux,  soi- 
gnant avant  tout  leurs  propres  intérêts,  s'engagèrent-ils  par 
serment  à  ce  que  celui  d'entre  eux  qui  parviendrait  à  la  tiare 
ne  ferait  point  de  promotion  nouvelle  sans  le  consentement 
de  leur  collège^. 

Tous  les  vœux  se  trouvaient  d'accord  pour  cette  première 
résolution  qui  pourvoyait  à  ïintérét  de  tous;  mais  dans  l'élec- 
tion d'un  nouveau  chef  de  l'Église,  chacun  prêta  de  nouveau 


1  SUfmo  infesturaj  Blarlo  Romano ,  T.  III.  Script,  rer.  Itattear,  T.  Il,  p.  1343.— 
àntial,  eccUsitut,  Raynaldi,  ii92,  S  22 ,  T.  XU ,  p.  4i2.  —  *  tUiynaldi  ÀMMd,  eccUt, 

1492,  S  38,  p.  414. 


DtJ  MOTXn  AGE.  333 

l'oreille  mx  conseils  de  son  ambition  prirée  on  de  sa  cupidité. 
Le  conclave  n'était  presque  composé  que  de  créatures  d'In^ 
nocent  VIII  et  de  Sixte  lY  ;  et  des  hommes  élus  dans  ces 
temps  de  corruption  ne  pouvaient  être  doués  de  beaucoup  de 
désintéressement,  ni  de  sentiments  bien  élevés.  Un  seul  d'en- 
tre eux,  Roderic  Borgia,  était  d'une  création  beaucoup  plus 
ancienne  ;  et  plus  il  avait  vieilli  dans  les  dignités  de  l'Église, 
plus  il  avait  pu  y  accumuler  de  richesses.  Il  était  fils  d'une 
sœur  de  Galixte  III,  et  pour  complaire  à  cet  onde  qui  l'avait 
adopté,  il  avait  quitté  son  nom  de  Lenzuoli  pour  prendre  celui 
des  Borgia.  Très  jeune  encore,  il  avait  été  comblé  par  le  vieux 
Galixte  de  toutes  les  grâces  qu'un  pape  peut  accumuler  sur 
son  neveu  ;  c'était  à  lui  que  le  pontife  avait  résigné  son  pro- 
pre archevêché  de  Valence  en  Espagne;  il  l'avait  créécardinat- 
diacre  le  21  septembre  1456,  et  en  même  temps  il  lui  avait 
donné  la  fonction  lucrative  de  vice-chancelier  de  l'Église. 
Sixte  IV,  qui  avait  employé  Roderic  Borgia  dans  plusieurs 
légations,  lui  avait  conféré  les  évèchés  d'Alba  et  de  Porto. 
De  nouvelles  missions,  dans  lesquelles  Borgia  avait  fait  briller 
la  dextérité  de  son  esprit,  lui  avaient  valu  de  nouvelles  ré- 
compenses *  ;  et  en  1492  il  réunissait  les  revenus  de  trois 
archevêchés  en  Espagne,  et  d'un  grand  nombre  de  bénéfices 
ecclésiastiques  dans  toute  la  chrétienté.  Les  richesses  d'un 
cardinal  ont  une  influence  presque  nécessaire  sur  les  vœux 
de  ses  collègues  :  comme  il  ne  peut  garder  ses  bénéfices  en 
parvenant  au  pontificat,  il  est  naturel  qu'il  les  répartisse  en- 
tre ceux  qui  ont  le  plus  contribué  à  son  élection  ;  et  plus  il 
a  été  comblé  lui-même  des  faveurs  de  l'Église,  plus  il  peut 
en  distribuer  à  ses  partisans,  sans  exciter  les  réclamations  de 
personne.  Borgia,  pendant  près  d'un  demi-siècle  de  prospé- 
rité, avait  amassé  des  trésors  immenses;  et  la  nature  lui  avait 

1  Onofrio  Pofivteo,  Vite  i^e*  Pontefiei»  in  Aléas.  F/,  p.  4T2« 


334  IIISTOIRB  DÈS  REPtJBLIQteS  ITALIKNKBS     ' 

en  niëme  temps  aocordé  tous  les  taleÉts  propres  à  en  fidre 
oflage  ponr  seconder  son  ambition  ;  son  éloqnaice  était  facile, 
qnoiqu  il  ne  fût  que  médiocrement  versé  dans  les  lettres;  son 
esj^t,  d'une  fleiilMiité  remarquable,  était  propre  à  tonte 
chose  ;  mais  surtout  il  était  doué  du  talent  des  négociations, 
et  d'une  adresse  incraiparable  ponr  conduire  à  ses  fins  l'esprit 
de  ses  tlTàux  *• 

Borgià,  que  ëss  iouBenses  richesses  et  son  andennefé  dans 
le  collège  des  cardiimux  ndettaient  au  premier  rang  entre  les 
candidats  pour  le  Saint-SIége,  paraissait,  aux  yeux  des  plus 
sages  ikième,  justifier  en  partie  ses  prétentions,  par  les  talents 
distingués  qu'il  avait  déjà  déployés  au  service  de  l'Église.  Ce- 
pendant ses  mœurs  auraient  pu  motiver  de  fortes  objections 
contre  lui.  Déjà,  sous  le  pontËftcat  de  Pie  II,  ses  débauches, 
plus  pardonnables  alors  à  cause  de  sa  jeunesse,  l'avaient  ex- 
posé à  une  censure  publique  ^  :  il  avait  depuis  j^is  une  mai- 
tresse  noomiée  Yanosna,  avec  laquelle  il  vivait  comme  si  elle 
e&t  été  sa  femme;  et  en  même  temps  il  l'avait  fait  épouser  à 
un  citoyen  romain.  Il  avait  eu  d'elle  quatre  fils  et  une  fille, 
que  nous  verrous  ensuite  prendre  une  part  im{K>rtante  aux 
affaires.  On  ne  trouvait  ni  dans  ses  manières  ni  dans  son  lan- 
gage la  retenue  d'un  homme  d'église.  Hais  le  libertinage  était 
déjà  monté  sur  le  trône  pontifical  avec  Sixte  lY  et  Inno- 
cent YIII,  et  le  sacré  consistoire  n'était  plus  composé  d'h<Hn- 
mes  assez  irréprochables  pour  que  les  vices  de  Bodtoic  Borgia 
fussent  un  motif  suffisant  d'exclusion. 

Deux  rivaux  paraissaient  pouvoir  disputer  la  tiare  à  Bor- 
gia^ savoir,  Ascagne  ^rza  et  Julien  de  la  fiovère  :  Asca- 
gne,  fils  du  grand  François  Sforza,  duc  de  Milan,  était  oncle 
de  Jean  Galéaz^  qui  régnait  alors,  et  frère  de  Louis-le-Maure, 
qui|  au  nom  de  ce  duc,  gouvernait  la  Lombardie  :  il  avait 

^  Jaeobut  Voiaterranut^  IHarium  Bonumum.  T.  XXIII,  Ber,  IL  p.  i30.— iniuU.  eedUn 
Bayn,  U92,  $  25,  L.  2U}^  p.  W*  «  *  ^ntU,  «cc(e«.  ii»s,  $  M»  p.  411. 


DO   MOTSH   AGI.  335 

été  eréé,  par  Bixte  lY ,  cardinal-diacre  du  tStte  des  saints  Yito 
et  Hodesto;  il  était,  après  Borgia,  Ton  des  cardinaux  les 
plus  riches  en  bénéfices  ecclésiastiques  ;  et  il  était  soutenu 
par  tout  le  crédit  de  son  frère  et  des  alliés  du  dncbé  de  Milan. 
Mais  après  avoir  fait  quelques  épreuves  infructueuses  de  la 
force  dé  son  parti,  il  aima  mieut  vendre  son  adhésion  à  son 
rival  qu*ètre  vaincu  par  lui  ;  il  traita  avec  Borgia,  et  se  fit 
promettre  la  place  de  vice-chancelier  qu*eiereait  celui-ci  : 
en  retour,  il  lui  assura  toutes  les  voix  doiït  il  disposait  * . 

Julien  de  la  Bovère,  fils  d'un  frère  de  Sixte  IT,  cardinal- 
prêtre  du  titre  de  Saint-Pierre  ad  vincula,  était  l'autre  can- 
didat. Ses  talents  distingués,  et  le  rôle  important  qu'il  avait 
joué  pendant  le  pontificat  de  son  oncle,  avaient  réuni  sur  lui 
plusieurs  8ufh*ages  ;  mais  Boderic  Borgia,  en  répandant  F  ar- 
gent à  pleines  mains,  sut  gagner eeux  qui  paraissaient  hésiter 
enc<H*è.  n  avait  envoyé,  chez  le  cardinal  Ascagne  Sforza, 
quatre  mulets  chargés  d'argent,  sous  prétexte  de  les  mettre 
en  sûreté  pendant  la  durée  du  conclave.  Cet  argent  fut  em- 
ployé à  acheter  les  consciences  incertaines.  La  voix  du  car- 
dinal-patriarclie  de  Venise  fut  payée  cinq  mille  ducats  ;  tou- 
tes les  autres  furent  mises  à  prix  de  la  iitème  manière^  ;  et  le 
samedi  matin,  1 1  aoftt,  Boderic  Borgia  fut  proclamé  pape  à 
la  majorité  des  deux  tiers  des  suffrages,  sous  le  nom  d'A- 
lexandre VI  *. 

On  connut  presque  aussitôt  à  quels  marchés  honteux  le 
noaveau  pape  avait  dû  son  élection;  car  on  lui  vit,  dans  les 
premiers  jours  qui  la  suivirent,  payer  les  primes  dont  il  était 
eonvenu.  Il  transmit  au  cardinal  Ascagne  Sforza  sa  dignité 
lucrative  de  vice-chancelier  ;  il  céda  au  cardinal  Orsini  son 


^  JoHpM  RipamontH  Hist.  urbis  MedioUmi.  L.  V,  p.  653.  —  *  Stefam  Infesswa^ 
Diarlo  RomanOf  p.  t244.  —  8  AnncU.  eccles.  1492 ,  p.  4i3.  Quelques  autres  iDdiquenl 
cepeodanl  un  jour  différeuL  Le  jouraa}  de  Sie&ne  met  rilection  au  lO  août  :  Âikqrtuo 
JdUgntU,  T.  XXIU,  p.  «46.  Oiwfm  Panvino^  au  t». 


336  HISTOIRB  BXS  UraBLIQUES  ITALIEIVHES 

palais  à  Borne,  avec  les  deux  chAteaox  de  HontioeHo  et  de 
Soriauo^  il  donna  au  cardinal  Cdonna  l'abbaye  de  Sobbiaco 
avec  tous  ses  châteaux;  au  cardinal  de  Saint- Ange,  Tévéché 
de  Porto,  avec  son  propre  mobilier,  qui  était  magnifique,  et 
sa  cave,  fournie  des  vins  les  plus  exquis;  au  cardinal  de 
Parme,  la  ville  de  Nopi  ;  &  celui  de  Gènes,  féglise  de  Sainte- 
Marie  in  Via  lata  ;  au  cardinal  Savelli,  T  église  de  Sainte-Marie- 
Majeure ,  et  la  ville  de  Gittà-Gastèltano;  les  autres  lurent  ré- 
compensés en  argent  comptant.  Il  n'y  en  eut  que  dnq,  à  b 
tète  desquels  on  plaça  Julien  de  la  Bovère  et  son  cousin  Ba- 
phaël  Biario,  qui  n'eussent  pas  consenti  à  vendre  leurs  suf- 


Les  Bomains  célébrèrent  l'élection  d'Alexandre  YI  par- des 
fêtes  qui  auraient  été  plus  convenables  pour  le  couronnement 
d'un  jeune  conquérant  que  pour  celui  d'un  vieux  pontife.  Ou 
eût  dit  que  le  peuple-roi  demandait  à  son  nouveau  souverain 
de  ramener  sous  son  empire  les  nations  autrefois  soumises 
par  ses  armes.  La  plupart  des  inscriptions  qui  décoraient  les 
maisons  romaines,  jouaient  sur  le  nom  d'Alexandre  qu'avait 
choisi  Borgia  ;  si  elles. rappelaient  de  qudque  manière  la  reli- 
gion dont  il  était  pontife,  c'était  eu  promettant  au  nouvel 
Alexandre  des  victoires  d'autant  plus  brillantes,  qu'il  était 
un  Dieu  et  non  plus  un  héros  ^.  Cet  excès  d'adulation  ne  fut 
point  immédiatement  démenti  par  les  faits.  Une  effroyable 
anarchie  avait  été  la  conséquence  du  règne  vénal  et  efféminé 
d'Innocent  YIII  ;  elle  s'était  encore  accrne  pendant  la  léthar- 
gie de  ce  pontife  :  deux  cent  vingt  citoyens  romains  avaient 
été  assassinés  depuis  la  dernière  crise  de  sa  maladie  jusqu'à 


I  StefBno  iHfeuwn ,  IHar.  Bom.  p.  1244.  —  Fr.  GtAedardinl ,  Ub.  I,  p.  4.  -^isL  di 
GUw.  Cambi.  DeUi,  Emd.  T.  XXI,  p.  n. 

*  CcuarCf  magna  fuU,  nunc  Borna  est  max'mOj  sexius 

Begnat  Alexandeu  lUe  vir,  Uie  Dciu, 

Bpimia  P^tri  DclphM.  L.  III,  Ep.  38.  -*  RaijnahH  AnnaU  ece^.  S  t7,  p.  414. 


,  DU  uoxm  Aj($f*     .  337 

sa  mort  * .  Aleiandre  YI,  qui  Youlilit  régnètf  et  qui  savait  se 
faire  craindre,  mit  aussitôt  un  terme  à  ci|4^rdre,  et  rendit 
la  sûreté  aux  rues  de  Borne.  Le  seul  cardlbal  de  la  Aovère  ne 
se  laissa  point  séduire  par  ce  calme  apparent;  l'apostat  espa* 
gnol,  le  Marrano,  comme  il  appelait  Borgia^,  ne  pouvait  lui 
inspirer  aucune  confiance.  Il  s'enferma  dans  le  château  d'Os- 
lie  jusqu'au  moment  où  il  crut  plus  prudpnt  [de  s'éloigner 
davantage  encore;  et  il  n'assista  point  aux  fêtes  scandaleuses 
par  lesquelles  le  pape  célébra,  dans  son  propre  palais,  le  ma- 
riage de  sa  fille  Lucrezia  avec  Jean,  fils  de  Ck>nstaazo  Sforza, 
seigneur  de  Pesaro  ' . 

Le  moment  où  l'Église  romaine,  dégradée  par  les  vices  de 
quelques  chefs  du  clergé,  venait  de  mettre  sur  le  trône  un 
pontife  dont  elle  devait  roughr,  ne  pouvait  manquer  d'être 
marqué  par  les  tentatives  de  réforme  de  ceux  qui,  plus  sin- 
cères dans  leur  foi,  cherchaient  dans  la  religion  un  appui  à 
la  morale,  et  qui  entrevoyaient  les  funestes  conséquences  de 
l'exemple  donné  à  toute  la  chrétienté  par  un  pape  adultère, 
peut-être  même  incestueux.  Le  sentiment  religieux  avait  en- 
core trop  de  ferveur  et  de  vérité  à  la  fin  du  xv®  siècle,  et  au 
commencement  du  xvi",  pour  que  de  grands  scandales  dans 
l'Église  n'amenassent  pas  de  grandes  révolutions.  Ceux  qu'une 
indignation  yertueuse  éloignait  d'un  Sixte  lY,  d'un  Inno- 
cent YIII,  d'un  Alexandre  YI,  n'en  demeuraient  pas  moins 
chrétiefns;  ils  n'en  étaient  pas  moins  attachés  à  l'Église  que 
quelques-uns  de  ses  chefs  déshonoraient  -  ils  attribuaient  tous 
les  vices  aux  hommes  et  non  an  système  ;  et  plus  ils  voyaient 
de  désordres  et  de  scandales,  plus  ils  se  faisaient  un  devoir 
de  chasser  l'abomination  du  sanctuaire;  plus  ils  étaient  prêts 


>  Stefano  infesswta»  p.  1944.  —  *  Les  Espagnols  appellent  Mananos  les  Maures  eon- 
Yertis  ;  peu  d*i>:spagnols  échappaient  alors  à  ce  reproche  d'apostasie.  —  >  Le  mariage  de 
Xucrèce  Borgia  fut  célébré  le  9  et  le  lo  Juin  1493*  InfesiWOy  Diarlo  Romano,  p.  U46. 
-^AUegrctto  Alkg.  p.  837. 

VU*  22 


338  HISTOIRE  DES   RÉPUBLIQUES  ITALIEKNES 

à  compromettre  lear  yie  pour  une  réforme  quMls  regardaient 
comme  Fœavre  da  Seigneur. 

Le  scandale  de  la  cour  de  Borne  n* était  cependant  encore 
connu  qtfimparfeitèment  au-delà  des  Alpes.  Avant  lès  guerres 
des  uliramontains  eh  Italie,  un  respect  profond  couvrait  d'un 
voite  impénétrable  lé  palais  de  Saint-Pierre  à  Rome,  et  il 
n'eût  guère  été  possible  aux  réformateurs  qui  levèrent  plus 
tard  l'étendard  de  la  rébellion  contre  T Église  romaine  d'ac- 
éomplir  leur  ouvrage  en  Allemagne  et  en  France,  qu'après  le 
mélange  des  nations,  la  même  entreprise  devait  être  tentée 
plus  tôt  en  Italie,  où  les  abus  étaient  plus  tôt  connus  de  tous  ; 
elle  devait  recevoir  un  autre  caractère  du  peuple  môme  qui 
commençait  Ik  réforme  ;  elle  devait  éclater  chez  lès  Italiens 
avec  plus  d'enthousiasme,  elle  devait  parler  davantage  à  l'i- 
magination et  au  cœur,  elle  devait  emprunter  moins  de  se- 
cours i  là  philosophie,  et  être  marquée  peut-être  par  une 
moins  grande  indépendance  d'opinions  religieuses;  mais  en 
sevanche  elle  devait  s'allier  davantage  à  la  jpolitiqbe.  L'ordre 
dvil  et  l'ordre  religieux  avalent  été  en  Italie  également  cor- 
itompus;  tandis  que  les  principes  constitutifs  deï'onetdel'autrè 
avaient  été  également  approfondis  par  une  longue  étuÏÏe  :  le 
réformateuir  devait  entreprendre  de  porter  la  main  à  tous  les 
deux  en  même  temps.  Ces  causes  déterminèrent  en  effet  le  ca- 
lïwîtère  et  les  desseins  de  Jérôme  Savonarole,  et  ce  précurseur 
de  Luther  différa  de  lui  autant  qu'un  Italien  devait  cfifférer 
d'Uti  Allemand. 

Jérôme-f'irançois  Savonarole  était  d'une  illustre  famille  ori- 
ginaire de  Padooe,  mais  appelée  à  Ferrare  par  le  marquis  Ni- 
colas d'Esté.  Il  naquit  dans  cette  dernière  ville  le  21  septem- 
bre 1452,  de  Nicolas  Savonarole  et  d'Annalena  Bonaccorsi 
de  Mantoue  ^  Distingué  de  bonne  heure  dans  ses  études,  qui 

f  DeUa  storta  e  dette  gesta  del  Paâre  GfPoUmo  Savtmùroia.  Libii  IV,  dedicaii  a  P.  ■ 
Uopoklo.  Liyorno ,  t793, 4*,  LU>.  I,  S  ^i  P«  ?• 


DU  MOYEN   AGB.  ÎJ39 

aVafeût  eu  surtout  la  théologie  pour  objet ,  il  se  déroba  à  sa 
famille  à  îàge  de  yiugt-trois  ans,  et  s'enfuit  dans  le  cloître  des 
religieux  dominicains  de  Bologne;  il  y  fit  profession  le  23  avril 
1475,  avec  une  ferveur  religieuse,  une  humilité  et  un  désir 
de  pénitence  qui  ne  se  démentirent  jamais  • .  Bientôt  ses  supé- 
rieurs, reconnaissant  les  talents  distingués  du  jeune  domini- 
cain, le  destinèrent  à  donner  des  leçons  publiques  de  philo- 
sophie. Savonarole,  appelé  ainsi  à  parler  en  public,  avait  à 
lutter  contre  lès  défauts  de  son  organe,  faible  et  dur  en  même 
temps,  côïitre  la  mauvaise  grâce  de  sa  déclamation  et  cx)ntre 
l'abattement  de  ses  forces  physiques,  épuisées  par  une  absti- 
nence trop  sévère.  * 

On  admira  F  érudition  dti  non  Veau  professeur,  maison  né- 
gligea te  prédicateur  lorsque  le  méittë  homme  essaya  de  mon- 
ter en  chaire  ;*et  r<m  ne  prévoyait  guère  alors  le  pouvoir  que 
flon  éloquence  devait  bientôt  acquérir  sur  un  plus  nombreux 
auditoire^.  La  force  flù  talent  et  c^le  de  la  volonté  triomphè- 
rent de  tous  ces  obstacles  :  Savonarole  acquit  dans  la  retraite 
les  avantages  que  la  natuV'e  paraissait  lui  avoir  refusés.  Ceux 
qui  avaient  été  choqués  de  sa  récitation  en  1 482  purent  à  pd ne 
le  reconnaître,  lorsqu*en  1489  ils  rentèndirent  moduler  à  son 
gré  une  voix'harmonieusc  et  forte,  et  la  soutenir  par  une  dé- 
clamation noble,  imposante  et  gracieuse  '.  Le  prédicateur 
liii-méme ,  craignant  de  s'enorgueillir  des  efforts  quMl  avait 
faits  pour  se  perfectionner,  rapporta  lau  ciel  ses  progrès  par 
humilité  chrétienne ,  et  regarda  sa  propre  métamorphose 
comme  un  premier  miracle  qui  prouvait  sa  mission' divine. 

C'était  dans  Tannée  1483  que  Savonarole  avdlt  cru  sentir 
en  lui-miéàië  (sette  impulsion  secrète  et  prophétique  qui  le  dé- 
signait comme  réformateur  de  l'Église,  et  qui  l'appelait  à  prê- 
cher aux  chrétiens  la  repentance,  en  leur  dénonçant  par  avance 

t  VUa  <U  Savonarola.  Lib.  I,  $  3,  p.  S.  —  *  Ikkl,  Aono  M78.  S  9,  p.  la^^Anao  1482, 
S  11,  p.  1$.  —  >  VUa  (U  SavQtwrola.  $  t9,  p.  33, 

22" 


â4Ô  ltl9tt)lllB  DES  ll£l?UfitkQtJB5  rtAlkËNKES 

les  calamités  dont  Tétat  et  TÉglise  étaient  également  menâtes. 
Il  commença  en  1484,  à  Brescia,  sa  prédication  sur  l'Apoca- 
lypse, et  il  annonça  à  ses  auditeurs  que  leurs  murs  seraient 
un  jour  baignés  par  des  torrents  de  sang.  Cette  menace  parut 
recevoir  son  accomplissement  deux  ans  après  la  mort  de  ^Sa- 
yonarole ,  lorsqu'en  1 500  les  Français,  sous  les  ordres  du  duc 
de  Nemours,  s  emparèrent  de  Brescia  et  en  livrèrent  les  habi- 
tants à  un  affreux  massacre  ^  En  1189,  Savonarole  se  rendit 
à  pied  à  Florence;  il  y  fixa  sa  résidence  dans  le  couvent  de  son 
ordre,  bâti  nous  1  invocation  de  saint  Marc  :  c  était  là  qu'il 
devait,  pendant  huit  ans,  continuer  à  prêcher  la  réforme  jus- 
qu'au moment  où  il  fut  livré  aii  supplice,  comme  ses  disci- 
ples assurent  qu'il  l'avait  prédit  lui-même. 

Cette  réforme,  que  Savonarole  recommandait  comme  une 
œuvre  de  pénitence  pour  détourner  les  calamités  qu'il  disait 
prêtes  à  fondre  sur  l'Italie,  devait  changer  les  mœurs  du  monde 
cluétieu  et  non  sa  foi.  Savonarole  croyait  la  discipline  de  TÉ- 
glisc  corrompue,  il  croyait  les  pasteurs  des  âmes  infidèles,  mais 
il  ne  s'était  jaiimis  permis  d'élever  un  doute  sur  les  dogmes 
que  professait  celte  Église,  ou  de  les  soumettre  à  Texamea. 
La  nature  même  de  son  enthousiasme  ne  devait  pas  le  lui  per- 
mettre; ce  n'était  pas  au  nom  de  la  raison  qu'il. attaquait 
Tordre,  mais  au  nom  d'une  inspiration  qu'il  croyait  surna- 
turelle ;  ce  n'était  pas  par  un  examen  logique,  mais  par  des 
prophéties  et  des  miracles. 

La  hardiesse  de  son  esprit,  qui  s'était  arrêtée  devant  l'au- 
torité de  l'Église,  avait  cependant  mesuré  avec  moins  de  res- 
pect les  autorités  temporelles.  Dans  tout  ce  qui  était  l'ouvrage 
des  hommes,  il  voulait  qu'on  pût  rt- connaître  pour  but  l'uti- 
lité des  hommes,  et  pour  règle  le  respect  de  leurs  droits.  La 
.  liberté  ne  lui  paraissait  guère  moins  sacrée  que  la  religion  ;  il 


bu   MOYEN   AG£.  341 

regardait  comme  un  bien  mal  acquis,  et  qu  on  ne  pouvait  con- 
server sans  renoncera  son  salut,  le  pouvoir  qu'un  prince  avait 
usurpé  en  s' élevant  dans  le  sein  de  la  république.  Laurcnt*de 
Hédicis  était  à  ses  yeux  le  détenteur  illégitime  de  la  propriété 
des  Florentins.  Malgré  les  invitations  réitérées  de  ce  chef  de 
l'état,  il  ne  voulut  point  lui  rendre  visite,  ni  lui  témoigner 
aucune  déferrée,  pour  ne  pas  être  censé  reconnaître  son  auto- 
rité *  ;  et  lorsque  Laurent,  au  lit  de  mort,  appela  ce  confes- 
seur auprès  de  lui  pour  recevoir  de  ses  mains  Fabsolution, 
Savonarole  lui  demanda  préalablement  s'il  avait  une  foi  en- 
tière dans  la  miséricorde  de  Dieu ,  et  le  moribond  déclara  la 
sentir  dans  son  cœur;  s'il  était  prêt  à  restituer  tout  le  bien 
qu'il  avait  illégitimement  acquis,  et  Laurent,  après  quel- 
que hésitation,  se  déclara  disposé  à  le  faire;  enfin,  s'il  réta- 
blirait la  liberté  florentine  et  le  gouvernement  populaire  de  la 
république  ;  mais  Laurent  refusa  décidément  de  se  soumettre 
à  cette  condition,  et  renvoya  Savonarole  sans  avoir  reçu  de 
lui  l'absolution  ^. 

Si  Savonarole  avait  cru  devoir  prêcher  à  Laurent  deMédicis 
la  restitution  de  l'autorité  souveraine  à  Florence  comme  celle 
d*un  bien  mal  acquis ,  il  avait  de  plus  fortes  raisons  encore 
pour  engager  Pierre  de  Médicis  à  se  démettre  de  cette  auto- 
rité que  celui-ci  n'avait  ni  la  force  ni  l'habileté  de  conserver. 
Pierre,  l'ainé  des  trois  fils  de  Laurent,  n'avait  que  vingt-un 
ans  lorsque  son  père  mourut,  et  sa  prudence  n'égalait  pas 
même  ses  années.  Les  lois  fixaient,  à  Florence,  Tâge  où  Ton 
pouvait  exercer  chaque  magistrature,  et  elles  avaient  en  gé- 
néral fort  reculé  oette  époque  :  les  conseils  dispensèrent  Pierre 
des  conditions  de  l'âge ,  et  le  déclarèrent  propre  à  recevoir 
tous  les  honneurs ,  à  exercer  toutes  les  magistratures  de  son 
père'.  Cette  violation  de  la  constitution  était  une  conséquence 


1  Storla  di  F.  Girolamo  Stwanaroku  Lib.  I,  S  22,  P-  35.  —  *  ilfifi.  Lib  f,  S  2^,  P-  ^« 
—  3  Sçipione  Ammirato.  Storia  Fiorent,  LIb.  XXVJ,  p.  m. 


342  HISTOIRE  DES  HÉPUBUQUJÇS  ITALIEIfNES 

de  TaBservissementdela  Seigneurie;  maiselle  blessa  les  Floreu^ 
tins  auxquels  elle  montrait  le  joug  sous  lequel  ils  étaient  tombés. 
^Pierre,  passionné  pour  les  plaisirs  de  la  jeunesse ,  pour 
les  femmes,  pour  les  exercices  du  corps  qui  pouvi^ent  le  faire 
briller  à  leurs  yeux,  n'occupait  plus  la  république  que  des 
fêtes  et  des  divertissements  auxquels  tout  son  temps  était  con**' 
sacré.  Sa  taille  était  au-dessus  de  la  moyeni^e,  m  poitrine  et 
ses  épaules  étaient  fort  larges,  sa  force  et  son  adresse  étaient 
remarquables.  Il  rassemblait  à  l'entour  de  lui  les  plus  brillants 
joueurs  de  paume  de  toutç  T Italie;  mais  U  était  plus  bs^ilc 
qu'eux  U>m  dans  cet  exercice^  et  dans  ççux  de  la  lutte  et  d^ 
réquitatiou.  Sou  élocutiou  était  facile,  sa  prononciation  agréa- 
ble et  sa  voix  harmonieuse ,  taudis  que  son  père  ayait  tou- 
jours nasillé  par  nue  conformation  défectueuse  de  son  organe. 
Pierre  avait  fait  ^des  progrès  remarquables  dans  les  lèpres 
grecques  et  latines  en  suivant  les  leçons  d'Ange  Politien;  il 
avait  de  la  facilité  pour  improviser  en  vers  ;  sa  conversation 
était  agréable  et  variée,  mais  son  orgueil  éclatait  d'u^e  m^-- 
nière  insultante  toutes  les  fois  qu'il  éprouvait  quelque  con- 
tradiction. Ce  vice  de  sou  caractère  était  le  plus  dominant  dç 
tous  ;  il  avait  été  développé  eu  lui  par  sa  mère  Clarioe  et  m 
femme  Alfonsine,  toutes  deux  de  la  famille  Orsipi  :  ces  prin^ 
cesses  romaines  lui  avaieut  apporté  toute  V  arrogance  d^  leur 
maisou,  Il  prétendait  que  la  république  reçut  aveuglémePt 
ses  ordres,  et  cepeudant  U  regardait  comme  au-dessous  de  luî 
le  travail  d'étudier  les  affaires  publiques;  il  le^  abandonnait 
à  ses  familiers,  à  ses  confidents,  et  surtout  h  Vmt^  Poviziq  ^ 
Bibbiena,  frère  aîné  de  ce  Berpard  que  I^ltou  X  fttepwite  çar^ 
dinal  i  et  qui  s' acquit  un  nom  dans  les  lettres,  Pierre  4c  Bibbieuft 
avait  été  secrétaire  de  Laurent,  et  Médicis,  en  lui  f|cc(»:dant 
sa  coqfiance,  mettait  ce  subalterne,  né  dans  une  province  su* 
jette,  au-dessus  des  anciens  magistrats  de  la  république  S 

1  jacop9  (Hardie  Sioria  FiorêntUuu  I4b.  h  P*  li* 


DU   MOYEN   AGB.  343 

Sfoios  Pierre  de  Médicis  avaft  de  capacité  ppur  gonycirner 
)*état,  plus  il  refisentait  de  défiance  de  ce|ix  c[ui  pouvaient 
prétendre  dans  la  république  à  un  rang  ég^l  au  siep.  Une 
autre  |>rai^pbe  de  la  maison  de  Médicis  commençait  alors  a 
att^rcf  sur  elle  Tattention  des  Floreutips  :  c'étaieqf;  les  petits- 
fil^  de  ]L.apreut,  frère  de  Gôme  F  ancien.  \ie  plus  jeqpe  des 
deux  était  de  quatre  ans  plus  4gé  que  Pierre;  Us  avaient  suc- 
cédé à  la  richesse  que  leur  aïeul  avait  ams^ssée  dans  \e  com- 
merce ;  mais  soit  qu'aucun  talent  distingué  ne  sci  fût  dcvelqppé 
dans  cette  branche  de  la  famille,  ou  que  ses  fneiqbrps  se  crias- 
sent assez  hoQorés  par  leur  parenté  avec  les  chef^  de  létal» 
ou  14* avait  jamais  vu  ni  Pier-Francesco,  père  de  ces  jeunes 
geu9,  ni  Laurent,  leur  aïeul,  prendre  part  aux  qifierelles  po- 
liti(^ues  de  Florence.  1493.  —  Pierre  découvrit  le  premier  des 
rivaux  dans  ses  cousins  ;  il  les  Ht  arrêter  au  mois  d* avril  149 3, 
et  mit  en  délibération  s'il  ne  les  ferait  pas  mourir  :  ses  amis 
obtiurent  avec  peiue  qu'il  se  contentât  de  les  faire  sortir  de 
la  ville,  et  de  leur  assigner  pour  prison  leurs  deux  maisons 
de  campague.  lUais  le  peuple  avait  regardé  leur  arrestation 
comme  une  violation  de  ses  droits;  leur  mise  en  liberté  fut 
pour  lui  un  triomphe ,  il  les  accompagna  de  ses  acclamations 
et  de  ses  vœux  comme  ils  sortaient  de  la  ville,  et  il  fit  sentir 
toujours  plus  à  Pierre  que  toute  popularité  lui  échappait  * . 

Peut-être  Pierre  aurait-il  plus  facilement  supprimié  ces  pre- 
miers symptômes  de  fermeutatiou ,  s  il  s  était  hâté  d'éloiguer 
de  Florence  celui  qui  donnait  une  direction  à  T esprit  populaire,^ 
en  rattachant  la  liberté  à  la  réforme  de  T  Église  et  des  mœurs. 
Mais  Jérôme  Savonarole  ébranlait  tous  les  jours  un  nombreux 
auditoire  par  le  développement  des  prophéties  où  il  croyait 
voir  Fannonce  de  la  ruine  future  de  Florence.  Il  parlait  au 
peuple,  au  nom  du  ciel,  des  calamités  qui  le  menaçaient;  il 

1  Jacopo  lianU,  Stçr»  Fiar,  Lib.  I,  p.  i«.  *  CommemaH  dl  FiUppo  de'  «»U.  hih,  lU, 
p.  5ft. 


344  HISTOIKB   DES   REPUBLIQUES   ITALIENNES 

le  suppliait  de  se  convertir  :  il  peignait  snccessivement  à  ses 
yenx  le  désordre  des  mœurs  privées,  et  les  progrès  du  luxe  et 
de  Fimmoralité  dans  toutes  les  classes  de  citoyens ,  le  désordre 
de  r Église  et  la  corruption  de  ses  prélats,  le  désordre  de  l'état 
et  la  tyrannie  de  ses  chefs  ;  il  invoquait  la  réforme  de  tous 
ces  abus  ;  et  autant  son  imagination  était  brillante  et  enthou- 
siaste quand  il  parlait  des  intérêts  du  ciel ,  autant  sa  logique 
était  vigoureuse,  et  son  éloquence  entrsdnante,  quand  il  ré- 
glait les  intérêts  de  la  terre.  Déjà  les  citoyens  de  Florence  té- 
moignaient, par  la  modestie  de  leurs  habits,  de  leurs  discours, 
dé  leur  contenance,  qu'ils  avaient  embrassé  la  réforme  de  Sa- 
vonarole;  déjà  les  'femmes  avaient  renoncé  à  leur  parure;  le 
changement  des  mœurs  était  frappant  dans  toute  la  ville,  et 
il  était  facile  de  prévoir  que  l'instruction  politique  du  prédi- 
cateur ne  ferait  pas  moins  d'impression  sur  ses  auditeurs  que 
son  instruction  morale  * . 

Les  prédications  de  Savonarole  étaient  appuyées  par  la  me- 
nace de  calamités  nouvelles  et  effroyables  que  des  armées 
étrangères  devaient  apporter  à  l'Italie  :  chaque  jour  en  effet 
ces  calamités  s'approchaient,  et  elles  commençaient  à  devenir 
visibles  h  tous  les  yeux.  Les  prétentions  de  la  maison  d'Anjou 
sur  le  royaume  de  Naples  avaient  troublé  l'Italie  pendant  un 
siècle  entier  ;  en  sorte  qu'on  était  accoutumé  à  tourner  ses  re- 
gards du  côté  de  la  France ,  pour  y  chercher  le  signal  des 
orages  qui  menaçaient  de  détruire  la  paix.  Depuis  vingt  ans 
les  droits  de  la  maison  d'Anjou  avaient  été  transférés  au  roi  de 
France;  et  l'on  pouvait  prévoir  que  lorsque  le  jeune  prince 
qui  était  alors  sur  le  trône  serait  parvenu  à  l'âge  où  il  se 
croirait  propre  à  conduire  les  araiées,  la  gloire  des  conquérants 
pourrait  le  tenter.  On  sentait  donc  depuis  longtemps  que  Tu- 


>  Commentarl  di  «er  fUippo  de  Ntrlt.  L.  111,  p.  S«.  —  S/0rto  di  Fr,  GiroL  Swonarôla. 
Lib.  I,  S  35,  p.  49. 


Dr   MOYEIf   AGE.  345 

nioD  des  puissances  de  F  Italie  était  nécessaire,  pour  fermer  la  . 
porte  de  cette  contrée  aux  ultramontains.  Cette  union  existait 
dans  les  chartes  publiques;  elle  avait  entre  autres  été  con- 
firmée par  le  traité  de  Bagnolo  du  7  août  1484 ,  et  par  celui 
de  Borne  du  11  août  1489,  qui  étaient  tous  deux  en  pleine 
ligueur  i-mais  elle  n'avait  point  étouffé  les  rivalités  secrètes 
des  souverains,  les  jalousies  et  l«s  haines  qui  divisaient  ritalie 
en  deux  factions  rivales ,  et  qui  n'attendaient  qu'une  occasion 
pour  éclater. 

Louis  Sforza,  surnommé  le  Maure,  qui  gouvernait  le  duché 
de  Milan  au  nom  de  son  neveu  Jean  Galéaz ,  paraissait  sentir 
plus  qu'un  autre ,  parce  qu'il  était  plus  rapproché  des  ultra- 
montains ,  la  nécessité  de  cette  union  des  états  de  l'Italie  :  il 
voulait  non  seulement  qu'elle  existât  réellement,  mais  encore 
qu'elle  fût  annoncée  à  toute  l'Europe  avec  une  sorte  d'ap- 
pareil. L'élévation  d'Alexandre  VI  au  pontificat  lui  parut  une 
circonstance  favorable   pour  le  faire,  parce  qu'à  l'élection 
d'un  nouveau  pape,  tous  les  états  chrétiens  envoyaient  à 
Rome  une  ambassa(}e  solennelle  pour  lui  rendre  l'obédience. 
Le  duché  de  Milan  était  uni  par  une  confédération  particu- 
lière, renouvelée  pour  vingt -cinq  ans  en   1480,  avec  le 
royaume  de  Naples,  le  duché  de  Ferrare  et  la  république 
florentine  :  Louis-le-Maure  proposa  à  ses  alliés  de  faire  partir 
en  même  temps  les  ambassadeurs  de  ces  quatre  puissances, 
d'ordonner  pour  le  même  jour  leur  entrée  à  Rome,  de  les 
faire  présenter  ensemble  au  pape ,  et  de  charger  celui  du  roi 
de  Naples  de  parler  seul  au  nom  de  tous.  Il  voulait  ainsi 
montrer  au  pape ,  aux  Vénitiens  et  aux  autres  puissances  de 
FEurope ,  que  leur  union  subsistait  dans  toute  sa  force ,  eu* 
gager  les  deux  premiers  à  s'attacher  à  eux  pour  la  défense  de 
r  Italie,  et  faire  comprendre  aux  autres  que  cette  contrée  n'a- 
vait rien  a  craindre  des  étrangers.  La  vanité  puérile  de  Pierre 
de  Médicis  fit  abandonner  ce  projet  ;  et  en  excitant  la  défiance 


346  HISTOIRE   DES   BEPUBLIQUES  ITALIENNES 

de  Louis-le-Maure ,  elle  le  jeta  daBs  une  politique  toute 
contraire  * . 

Pierre  de  Médicis  était  an  des  ambassadeurs  nommés  par 
sa  république  pour  se  rendre  à  Bome  ;  il  voulait  briller  dai^ 
cette  occasion  solennelle ,  en  étalant  aux  yeux  des  fiomains 
et  des  étrangjers  les  trésors  de  pierres  précieuses  amitôsées  pair 
son  père,  le  luxe  de  ses  équipages  et  T  élégance  de  ses  livrées. 
Sa  maison  avait  été  pendant  deux  mois  remplie  de  tailleurs, 
de  brodeurs  et  de  décorateurs  :  tous  ses  joyaux  étaient  semés 
sur  les  babits  de  ses  pages  ;  un  seul  collier  qu'il  $.t  porter  à 
Fun  d'eux  était  évalué  à  deux  cent  mille  florins.  Tout  ce  luxe 
aurait  été  moins  remarqué  si  qualité  ambassades  solennelles 
avaient  du  faire  en  même  temps  leur  entrée.  Pierre  avait  pour 
collègue  Gentile,  évêque  d'Arezzo,  Fun  des  instituteurs  de 
Laurent  de  Médicis  ;  c'était  lui  qu'il  avait  chargé  de  porter 
la  parole,  et  Gentile  ne  sentait  pas  moins  d'impatience  de  ré- 
citer le  discours  qu'il  avait  composé  que  Pierre  de  faire  voir 
ses  livrées.  Cependant ,  d'après  le  projet  de  Louis-le-Maure^ 
l'ambassadeur  seul  du  roi  de  Naples  aurait  parlé  2.  Médicis  ne 
voulut  point  renoncer  à  toutes  ces  petites  gratifications  d'a- 
mour-propre ;  il  engagea  le  roi  de  Naples  Ferdinand  à  retirer 
i^a  parole  déjà  donnée  à  Louis-le-Maure.  Celui-ci  sentit  à  son 
tour  sa  vanité  blessée  de  ce  qu'un  projet  proposé  par  lui ,  et 
soutenu  par  des  motifs  plausibles,  était  si  légèrement  aban- 
donné ;  tandis  que  le  crédit  que  Pierre  venait  d'exercer  sur 
Ferdinand  fut  pour  lui  un  juste  sujet  d'inquiétu4ej  il  soup- 
çonna et  découvrit  en  effet  une  ligue  entre  le  roi  et  le  chef  de 
la  république  florentine. -Cette  alliance ,  indépendante  de  celle 
dont  lui-même  faisait  partie,  semblait  le  menacer  :  la  maison 
de  Médicis ,  de  tout  temps  alliée  des  Sforza ,  était  prête  à  les 

1  Scipione  Ammiraio,  L.  XXVI,  p.  m,  ^  Franc,  Belcarii  Comment,  rer,  Callic.  L.  V, 
P.  114,  Lugduni,  1835,  fol.  ~^^  Fn  GuicdardinU  Lib.  I,  p.  6.^Ricorâanzedi  Tribal^ 
de'  Bo8H,DeU%ke  degU EruéÙLT,  XUil,  p.  2t0.  "^     \ 


pu   HOYSH   AGIS.  347 

abim^ciuper  pour  la  maison  rivale  d'Aragw  ,  et  im  change- 
gement  complet  dans  tout  le  système  politique  de  TltaUe  pou- 
vait s'ensuivre*. 

Bientôt  de  nouvelles  preuves  de  çf^^tcf  iutçjiUgeuçe  augmen- 
tèrent V  Alarme  de  Louis-le-ïil^^urc-  F^^diuand  et  Pierre  de 
Médicis  engagèrent  Virginio  Orsini ,  paççi^t  de  Tjun*  et  de 
l'antre,  à  acheter  le^  |iefs  d'Auguillar^  ç\  d^.  C^vetri,  qu'In- 
E^ocent  YUl  ayMt  donnés  en  souveraineté  q  ^ju  fils  Frances- 
çhetto  Gyl)Q.  liçurprix  fq^fiiéà  quaraqte-quatre.  mille  ducats, 
et  Mé4ici9  e,i^  fouruit  quarante,  mille ^-  Le»  fiefs  des  Orsini, 
^tués  pour  la  pluf^ft  entre  ]|^(^m^,  Yitçrl]ie  e%  Givita-Yeccliia, 
{tssi^rs^lei^t  la  commupicaUQU  d^  ^oi  4p.  Kaples  five.c  la  répu- 
blique florç^Une.,  et  enchaînaieQt  en  qq^ue  sorte  le  pape, 
dont  Iç  plm  puis«apt  feudataire  était  protégé,  jusqu'aux  portes 
de  sa  capitale,  par  i^  deux  p|i;^  ptiissaufs  yoisins.  Louis-le- 
Maure  fit  ççntir  ç^  dai^ger  à  Al^^anclre  YJ  ;  il  l'engagea  à 
refuser  ^  la  vente  del' AnguiUarst  son  çonseqtemept,  s  ans  lequel 
|in  fief  de  TÉglise  nç  pouvait  êt^e  aliéné  p^r  un  feudalaire^. 

{iQUis*l6-]|[aurQ  profita  d^  Vînq^i^tude  que  cetlçt  u^oeiar 
tion  et  les  menaces  de  Fer(linan4  eX  çl^  V\^^V^  de  Médicis  cau- 
saifint  à  4lpxaqdre  YJ,  pouçcîppfilm'e  ayeç  l»iet  la  république 
(le  Ye^isp  \^ï\e  alliance  qui  servit.  (Jçi  ç9n(re.pQids  à  l'asçppdant 
qqe  parais^a^  prendre  la  maisQ()  d' ArpgoQ,  (^tfe  alliance  fut 
gjgnée  le  22  pril  1493,  malgré  FpppositiQï^  du  doge  de  Ye- 
nise,  qiû  ne  pouyaij;  se  résoudre  à  accorder  aucpne  confiance 
§u  caractère  d'Alexandre  Yf .  f^e  duc  ^erci}le  III  de  Ferrare  y 
apcéda  peu  de  temps  après,  tan^jf^  que  la  r^pnliliquq  à^  tienne 
refusa  d'y  concourir  *. 

Les  confédérés  s'engageaient  à  mettre  sur  pi^d,  pour  le 


1  Seipione Ammirato,  L.  XXVI,  p.  1S9.^>  AUeçreito  Allegreiti, DiariSanesLT,  XXIII, 
p.  839.  —  »  Fr.  GuUcciardinL  Lib.  ï,  p.  8.  —  Scipioue  Ammirmo.  Lib.  XXVI ,  p.  119  — 
*  Andréa  Kavagi'ero^Storla  Veneziana,  T.  XXIU,  p.  1201.  ^  Allegretto  AUegretti,  Diarl 
Sanffi.  T.  XXllI.p.  827. 


348  HISTOIBE  DfES  ftÉPBCLlQUËâ  ITALtBBlfES 

mainiien  de  la  paix  publique,  une  armée  de  vingt  mille  che- 
vaux et  de  dix  mille  fantassins,  à  laquelle  le  pape  contribue- 
rait pour  un  cinquième,  le  duc  de  Milan  et  les  Vénitiens 
chacun  pour  deux  cinquièmes.  L'alliance  cependant  n* avait 
aucun  but  hostile,  et  tous  les  états  d'Italie  pouvaient  y  ac- 
céder «'ils  le  désiraient  ^ . 

Louis-le-Maure  redoutait  moins  Ferdinand  que  son  fils  Al- 
fonse,  parce  qtfil  voyait  dans  celui-ci  le  protecteur  naturel 
de  son  propre  neveu,  Jean  Galéaz,  dont  il  avait  usurpé  toute 
l'autorité.  Lorsqu'en  1479  Louis-le-Maure  s'était  emparé, 
les  armes  à  la  main,  de  la  régence  de  Milan,  et  avait  sup- 
planté la  duchesse  Bonne  et  le  vieux  Gecco  Simoneta,  il  avait 
eu  un  motif  plausible  pour  s'arroger  tous  les  pouvoirs  de  son 
neveu  Jean  Galéaz  :  celui-ci  était  évidemment  trop  jeune  pour 
qu'on  pût  lui  confier  le  gouvernement  ;  et  encore  qu'on  l'eût 
déclaré  majeur  à  quatorze  ans,  on  savait  à  Milan,  comme  dans 
toutes  les  monarchies,  que  cette  formalité  n'avait  d'autre  effet 
que  d'ôter  l'autorité  aux  tuteurs  que  la  loi  désigne,  pour  la 
transmettre  aux  favoris  du  jeune  prince,  ou  à  ceux  qui  s'é- 
taient emparés  du  pouvoir  en  son  nom. 

Mais  quatorze  ans  s'étaient  déjà  écoulés  depuis  que  Louis- 
ie-Maure  avait  pris  en  mains  les  rênes  du  gouvernement.  Son 
neveu  était  parvenu  à  l'âge  oh  sa  raison  n'avait  plus  rien  à 
attendre  du  temps;  il  était  marié  à  Isabelle,  fille  d'Âlfonse 
et  petite-fille  du  roi  Ferdinand  :  «  Ladite  fille  était  fort  coura- 
«  geuse,  nous  dit  Gomines,  et  eût  volontiers  donné  crédit  à 
«  son  mari,  si  elle  l'eût  pu;  mais  il  n'était  guère  sage,  et  ré- 

1  Marin  Sanuto,  vite  de*  DudU  di  vene%iaf  p.  i2so.  C'est  par  cet  érénenentqiie  se 
lemiine  cette  Tolumineuie  chroniqae.  Pendant  les  dernières  années,  elle  est  écrite  Jour  . 
par  Jour  d'une  manière  fort  diffuse,  et  elle  contient  beaucoup  de  faits  hasardés  ;  c'est 
un  registre  de»  bruits  publics  de  Venise,  bien  plus  que  des  événcroenls.  Son  auteur,  fib 
de  Léonard  Sanuto ,  était  sénateur  vénitien ,  et  vivait  encore  en  1&22.  Muralori,  qui  a 
imprimé  ces  vies  pour  la  première  fois.  T.  XXII  Rer.  liai,  p.  400-1 -'52; regarde  h  Cbro- 
nique  vénitienne,  qu'il  a  aussi  imprimée,  T.  XXIV,  p  t-lH,  comme  en  élaot  ta  continua- 
tion par  le  même  auteur. 


Dt7  MOYfiR   AGE.  S49 

«  vâait  ce  qu'elle  lui  disait  *  ».  Eu  effets  la  fortune,  ou  l'édu^ 
cation  qu'on  donne  aux  princes,  avait  servi  F  ambition  de 
Louis-le-Maure.  On  accusa  celui-ci  d'avoir  à  dessein  écarté 
son  neveu  de  toute  étude  littéraire,  de  tout  exercice  militaire^ 
de  toute  instruction  qui  pût  le  rendre  propre  à  gouverner; 
de  ravoir,  au  contraire,  entouré  de  flatteurs  dès  ses  plus 
jeunes  années,  pour  l'accoutumer  au  luxe  et  à  la  mollesse  '• 
Peut-être  cependant  ne  serait-il  pas  juste  de  lui  prêter  le 
dessein  d'énerver  son  neveu,  tandis  qu'il  n'avait  fait  en  cela 
que  suivre  l'usage  ordinaire  des  cours.  Jean  Galéaz,  en  avan- 
çant en  âge,  n'était  point  sorti  de  l'enfance  :  sa  faiblesse,  sa 
pusillanimité,  son  incapacité,  ne  pouvaient  se  dissimuler  à 
ceux  qui  l'approchaient;  et  il  suffisait  à  Louis-le-Maure  de 
montrer  le  prince  légitime^pour  se  justifier  de  ce  qu  il  l'ex- 
cluait rigoureusement  de  toute  part  à  l'administration. 

Isabelle  d'Aragon  reconnaissait  elle-même  l'incapacité  de 
son  mari;  mais  il  lui  semblait  qu'à  elle  seule  appartenait  le 
droit  de  le  remplacer.  Nourrie  près  du  trône  et  danç  l'espé- 
rance de  régner,  elle  prenait  son  orgueil  pour  du  caractère, 
et  sa  décision  pour  de  l'habileté  :  elle  aurait  voulu  gouverner 
l'état  comme  elle  gouvernait  son  mari.  D'ailleurs  la  femme 
de  Louis-le-Maure,  Béatrix  d'Esté,  semblait  avoir  pris  à  t<\che 
de  l'humilier,  en  se  mettant,  en  toute  occasion,  au-dessus 
d'elle.  La  pompe  des  habits  et  des  équipages,  l'aifluence  des 
courtisans  et  la  servilité  de  la  flatterie  entouraient  sans  cesse 
Béatrix,  tandis  qu'Isabelle  vivait  solitaire  dans  le  palais  de 
Pavie,  qu'elle  y  luttait  en  quelque  sorte  avec  la  pauvreté,  et 
les  couches  par  lesquelles  die  donnait  un  héritier  à  l'état 
étaient  à  peine  annoncées  au  public.  Isabelle  avait  porté  à  son 
père  les  plaintes  les  plus  amères  contre  Louis-le-Maure ,  et 
Ferdinand  fit  demander,  par  ses  ambassadeurs  à  Milan,  que 

1  Mémoires  do  Philippe  de  Commines.  iiv.  VU,  eh.  II,  p.  m,  —  *  Peirl  Bcmbi  rerwn 
V^worw»  Ui9{orieu  lii)«  U,  p.  '^, 


350  HfSTOÎftE   Dfô  KÉmjlîtlQtJES  ITALIEIIIÏES 

le  jeane  duc  fût  mu  en  jouissance  d*nne  autorité  qm  lui  ap^ 
partenait  de  droit  * . 

Loin  de  renoncer  à  fadtninistratfon  dn  duché  de  ITiIân, 
Louis-Ie-Manre  comniença  dès  lors  A  chercher  des  prétextes 
pour  s'asseoir  hii*mème  sur  le  trône;  l'empereur  Frédéric  m 
étaitmort  à  l'âge  de  quatre-vingts  ans^  dans  la  nuit  du  19  au 
20  août  1493^  et  son  fils  Maximilien,  qui  lui  avait  suc^dé 
avec  le  titre  de  roi  d«B  Romains,  éprouvait,  dèà  le  fcoinmènce- 
ment  de  son  règnes  cet  embatras  dans  ses  finances  qu'entre- 
tinrent jusqu'à  Ik  fin  iie  sb  vie  ^n  désordre  et  sa  prodigalité. 
Louis-le-Màure  lui  Offrit  en  mariage  Blanche-Marie  sa  nièce, 
arec  une  dot  de  quatre  cent  mille  ducats  ^;  mais  eù'retour  il 
demanda  pour  tei-mèmè  l'investiture  du  duché  de  Milan.  Les 
chanceliers  impériaux  trbuvèî^énl  aii^ément  des  prétextes  pour 
autoriser  cette  injustice.  François  Sforza,  et  après  lui  son  fils 
Galéaz,  n'avaient  jamais  obtenu  l'investiture  impériale;  le 
diplôme  accordé  à  Lôilîs  déclara  cjtie  les  empereurs  romains 
s'étaient  imposé  la  loi  de  refuser  la  possession  légitime  d'un 
fief  à  quiconque  l'avàît  vîoleïttméttt  usurpé,  et  que  pour  Cette 
raison  Maximilien  t^t&l  rejeté  les  instantes  faites  par  ïiOuis 
Sforza  en  faveur  de  son  neVeù,  et  avait  plutôt  résolu  de  le 
choisir  lui-même^.  (!!epéndant  Louis  ne  se  hâta  pas  de  pu- 
blier ce  diplôme;  il  contiàna  'de  se  faii^  'appeler  duc  dé  Bari, 
et  il  laissa  à  son  neveU  les  tibreà,  tandis  qh'â  -éonservait  seul 
la  puissance  et  la  pompe  dé  la  souvèràittèië. 

L'ambition  personnelle  de  Louis  était  «la^faite  par  la  ré- 
gence qu'il  exerçait  :  il  désirait,  il  est  Vi'al,  assurer  à  ses  fils 
l'héritage  dudutlifé  dfe  Mlfàh,  <te  prèférfeiice  à  teùï  de  son 

1  Josephl  RipamomHUîst^MiàiokmU  fib.  Vf,  p.  ÎB^.^i'ràttcÛiacektrdiià.  Lft».  f, 
p,  ».—  Scipione  Ammirato.  Lib. XXVI,  p.  187.—  Poufi  JovU Bistor,  nti  temporis,  Lib.  I, 
p.  8;  edttio  Basileœ,  fol.  1578.  —  darlo  de'  RosnUni,  Stor,  di  Gtan  Jacopo  Trivulzio. 
Lib.  V,  p.  198,  2yol.  iii-4o.  Milan,  I8is.  —  *  BarthoL  Senaregœ  de  rébus  Genuens , 
T.  XXIV,  p.  584.  —  s  6til<:ci<rdlnii  Ut,  Ub.  I,  p.  M,  9»,  e<fitio  4«.  1948.  ^JOteptU  Hipa- 
montU  aUt.  MedioU  L.  VI,  p.  8S4. 


DU  MOYEN   AGE.  351 

neyea;  mais  il  ne  s'engageait  pas  sans  crainte  dans  cette  en- 
treprise, où  il  devait  s'attendre  à  être  traversé  par  le  roi  de- 
Naples.  Il  connaissait  assez  le  nouveau  roi  des  Romains  poar 
n*  espérer  de  lai  ancnn  secours;  il  commençait  à  démêler  la 
Tcrsatilité  du  pape,  qu'il  s'était  d'abord  flatté  de  diriger  par 
le  crédit  du  cardinal  Ascagne,  son  frère  ;  il  plaçait  peu  de 
confiance  dans  lesTénitiens,  de  tout  temps  ennemis  de  sa  fa- 
mille ;  les  Florentins  lui  étaient  contraires,  et  ses  sujets  même 
de  Lombardie  pouvaient  manifester  tout  à  coup  une  violente 
opposition  à  des  projets  qui  tendaient  à  déposséder  la  ligne  lé- 
gitime de  leurs  princes.  Dans  cet  embarras,  Louis-le-Maure 
crut  convenable  de  cbercber  au-delà  des  monts  un  allié  dont 
il  n'avait  point  encore  pu  apprendre  à  évaluer  la  puissance, 
et  il  s'adressa  à  Charles  Vlfï,  roi  de  France. 

Charles  VIII  avait  succédé,  le  30  août  1483,  à  son  père 
iiOuis  XI,  allié  du  père  de  Louis-le-Maure  ;  mais  il  n'avait 
que  treize  ans  et  quelques  mois  lorsqu'il  monta  sur  le  trône, 
et  Louis  XI  en  mourant  avait  confié  le  gouvernement  du 
royaume  à  la  dame  de  Beaujeu,  sa  fille  atnée,  femme  de  Pierre 
de  Bourbon.  Pendant  dix  ans  d'une  administration  glorieuse, 
cette  princesse  avait  contenu  les  prétentions  des  princes  du 
sang,  terminé  des  guerres  civiles  dangereuses,  et  soumis  ou 
réuni  à  la  couronne  des  grands  fiefs,  auparavant  indépen- 
dants • .  Charles  VIII  n'avait  proprement  commencé  à  gou- 
verner par  lui-même  que  depuis  l'année  1492.  L'éclat  d'une 
expédition  brillante,  et  la  conquête  d'un  royaume,  ont  en- 
touré ce  monarque  d'une  gloire  à  laquelle  la  nature  ou  son 
éducation  ne  l'avait  point  destiné.  Tandis  que  la  plupart  des 
historiens  français  l'ont  représenté,  dans  les  termes  de  Louis 
de  la  Trémouille,  comme  «  petitde  corps  et  grand  de  cœtir  ',  » 
les  deux  meilleurs  observateurs  du  siècle,  Philippe  de  Go- 

«  Mdm.  de  L.  de  la  Trénouille ,  ch.  VI  et  Vll,  T.  XIV,  p.  1S7.  -*  *  Ibid,  cb.  VIII,  p.  145, 
tome  XIV  dei  Mémoires  pour  senrir  à  l'Hlii.  de  France. 


3à2  HISl:OiaB  des  AEPUBLIQUBS  ITALIEBIllEd 

mines  et  Guiociardin  en  font  le  portrait  le  plus  désavantagciix*. 
Le  premier  le  dit  «  très  jeune,  ne  faisant  que  saillir  du  nid  ; 
«  point  pourvu  ne  de  sens,  ne  d'argent  ;  faible  personne,  plein 
«  de  son  Youloir,  pas  accompagné  de  sages  gens  * .  »  Le  se- 
cond dit  que  «  ce  jeune  homme,  âgé  de  vingt-deux  ans,  et  de 
«  son  naturel  peu  intelligent  des  actions  humaines,  était 
«  transporté  par  un  ardent  désir  de  régner  et  d'acquérir  de  la 
«  gloire,  bien  plus  fondé  sur  sa  légèreté  et  son  impétuosité 
«  que  sur  la  maturité  de  ses  conseils.  D'après  sa  propre  iueli- 
«  nation  et  d'après  les  exemples  et  les  avis  de  son  père,  il 
«  prêtait  peu   de  foi  aux  seigneurs  et  aux  nobles  de  son 
«  royaume;  et,  depuis  qu'il  était  sorti  de  la  tutelle  d^Anne 
«  de  Bourbon,  sa  sœur,  il  n'écoutait  plus  les  conseils  de  Fa- 
«  mirai,  ou  des  autres  qui  avaient  eu  du  crédit  sur  elle  ;  il  ne 
«  suivait  plus  que  les  avis  d'hommes  de  bas  lieu,  pour  la  plu- 
«  part  attachés  au  service  de  sa  personne,  et  qui  n'avaient 
«  point  été  difficiles  à  corrompre^.  » 

La  figure  de  Charles  YIILrépondait  à  cette  faiblesse  d'esprit 
et  de  caractère  ;  il  était  petit;  sa  tète  était  grosse,  son  cou  très 
court,  sa  poitrine  et  ses  épaules  larges  et  élevées,  ses  cuisses 
et  ses  jambes  longues  et  grêles.  «  Dès  son  enfance  il  avait  été 
«  d'une  complexion  faible  et  malsaine;  sa  stature  était  courte, 
«  et  sou  visage  fort  laid,  à  la  réserve  de  son  regard,  qui  avait 
«  de  la  dignité  et  de  la  vigueur;  tous  ses  membres  étaient 
«  disproportionnée,  au  point  qu'il  semblait  plutôt  un  mon&trc 
«  qu'un  homme.  Non  seulement  il  n'avait  aucune  connais- 
«  sance  des  arts  libéraux,  mats  à  peine  il  connaissait  les  carac- 
«  tères  de  l'écriture.  Désireux  de  commander,  il  était  cepen- 
«  dant  fait  pour  toute  autre  chose  ;  sans  cesse  conduit  par  les 
«  siens,  il  ne  conservait  sur  eux  aucune  autorité.  Ennemi  de 


t  Mé.noireiile  Phil  ippe  de  Comines,  L.  Vil,  Proposition,  p.  128;  et  cfiap.  V,  p.  163, 
tome  XII  des  Mémoires  pour  servir  à  i'tlist  de  V>nnce.  ^  *  Fr,  Çuieciardini  ^  Storia, 
iib  I,  p.  tS« 


PO  MOTXn  agb;  353 

•  txmte  fatigue  €*  de  toate  affaire,  lorsqu'il  essayait  d'y  don- 
«  aer  son  attention,  fl  se  montrait  dëpoonm  de  pmdence  et 
«  de  JQ^sment.  Si  quelque  chose  paraissait  en  lai*  digne 
«  de  louange,  lorsqu'on  la  considérait  de^plus  près,  on  la 
«  troorait  eaxxxe  plus  âoignée  de  la  vertu  que  du  vice,  n 
«  avait  de  l'indination  à  la  gloire  ;  mais  c'était  pins  par  im- 
«  pftuosilë  que  par  raison;  il  était  libéral,  mais  inconsidéré- 

•  ment^  sans  mesure  et  sans  distinction;  U  était  quelquefois 
«  immuable  dans  ses  volontés,  mais  alors  c'était  plus  par 
«  obstination  que  par  constance,  et  ce  que  plusieurs  appe- 
«  laient  en  lui  bmté  aurait  bien  plus  mérité  le  nom  d'însen- 

•  sibilité  aux  injures,  ou  de  faiUesse  d'âme«.  »  Tel  était 
rhomme  dont  les  dreoostances  firent  un  conquérant,  et  que 
la  fortune  duogea  de  plus  de  gloire  qu'il  ne  pouvait  en 
porter. 

Louis  gforza  envoya  en  France  Charles  de  Barbiano,  comte 
de  BelgioiosD,  et  le  comte  de  Gaiazzo,  fils  aîné  de^Robert  de 
8an-Sévérino,  mwt  peu  d'années  auparavant,  pour  inviter  le 
roi  Caiariefr  VIII  à  se  saisir  de  la  couronne  de  Naples,  qui  lui 
appartenttt,  à  profiter  des  dispositions  favorables  des  sei- 
gneur» du  royaume,  lassés  du  joug  de  la  maison  d'Aragon, 
et  à  s'appuyer  des  ressentiments  du  pape  contre  Ferdinand! 
En  mtoe  temps  il  lui  offrait  une  alliance  intime,  qui  lui  ou- 
vrirait l'entrée  de  l'Italie  par  la  Lombardie,  et  qui  lui  assure- 
rait h  domination  de  la  mer  par  les  ports  de  l'état  de  Gênes. 
Il  flattait  aussi  sa  vafiité  et  son  ambition  par  l'espoir  de  con- 
quêtes plus  brillantes  encore;  et  il  lui  faisait  entrevoir  dans 
leldntain  la  soumission  de  la  Turquie,  et  la  délivrance  de 
Gonstantinople  et  de  Jérusalem,  comme  réservées  à  la  valeur 
française*. 

»  n-.  GOeeltmm.  m.  I,  p.  «.-  Bm,.  OrtceBarU  de  beUo  UalUo  Commentarbu 
*•  ïïl~.  '*■•  <':*'«'"*'•'•  "«>•  ».  P-  '«•  - P""»  fo^  «i»wr  au  lefmr. LU>.  I, pTi' 
xrhfl.  deComi]ie<,HémoirM.Lib.  VlI,ch.Ill,p.  IM. 

TH.  23 


354  HISTOIBE  DBS  1LÉVI7BIJQUI9  ITALIEmVES 

lie  comte  de  GaîaasTa,  chef  de  la  branche  bâtarde  de  la  laai^ 
9on  de  San-rSévénop»  ^1  s'était  distiagaée  en  Lombaidie]^ar 
de  si  rares  talents  snlitaires  et  tant  d'habileté  diuui  les  intri* 
jpies  pqHtiqcies,  aTi^it  trwvé  à  la  eonr  de  France  les  ebefe  de 
}a  branche  aînée  et  légitioie  de  sa  maîsoii,  samir,  AntoncUo 
de  San-Sévérino,  prince  de  Sakme,  et  Bemardtno,  prince  de 
Bisignano ,  qvà,  après  ayoîr  échappé  aix  perséocdioiis  de  la 
maison  d' Aragon,  cherduôeiit,  deconc^  atec  tons  les  4m^ 
grés  dn  parti  d'Anjou,  à  attirer  les  armes  de  la  Franee  dans 
le  royaume  de  lîaple^.  Tronupés  p«r  ks  illusions  auxquelles 
les  émigrés  de  tous  le^  tepip9  se  sont  toujours  livrés,  ils  pre- 
liaient  leurs  ressentiments  pour  la  mesure  des  affections  de 
leurs  compt^trioteii,  et  îls  wy^ent  aTeo  plaisk  une  goecre 
étrangère  leor  offrir  ^  cfafmces  qne  les  forces. de  leur-  pro- 
pre parti  ne  présentaient  plus.  Ils  secondèrent  donc  de  tant 
leur  pouyoir  le  cpipte  de  Cfdazzo  * . 

De  ^on  çOté  le  cquite  de  B^gioioqo  avait  préparé  la  réos^ 
Bte  de  ses  conseils,  par  toutes  les  secrètes  infriguci»  d'an  ha*- 
bile  courtisan.  Il  avait  rec)ierché  tous  ceux  qui  avaient  le  plus 
d'influence  sur  l'esprit  du  rqi  {  il  avait  eorrompai  les  uns  par 
des  présent)^,  les  autres  par  des  promesçea  ;  il  taur  avait;  fait 
espérer  des  fiefs  et  de^  emplois  de  confiance  dans  le  royaume 
de  Naples,^  des  titres  à  la  (KMMT  de  Rome,  des  bénéfices  eedé- 
ûastiques  d$ms  toute  la  (^irétle^té.  U  avait  surtout  séduit 
Etienne  de  Yesc,  ]janguedpcien,  qui  longtemps  aviât  été  sou- 
ple valet  de  chambire  du  roi ,  mais  qui  ^t  devenu  aâiéchal 
de  Beaucaire;  et  Guillaume  Briçonnet,  d' abord  mardumd,  puis 
fermier  de  la  généralité  de  Languedoc,  ce  qui  loi  faisait  don- 
ner le  nom  de  général,  et  enfin  évéque  de  Saint^Malo,  en 
même  temps  que  surintendant  des  finances^.  Ces  denx  hom- 

1  PhU.  de  Gommes.  Ut.  VII,  cb.  II,  p.  138,  H2;  eb,  III,  p.  IM.  —  Pétri  Bmbi  Bi^, 
Vtnetœ.  Ub.  II,  p.  29.  —  »  Godefiroi ,  Obsenraaons  sur  l'Histoire  du  roi  Charles  VIII  « 
PL  618.  EOtHo  Ptfi4.  foL  1684.  -  Fr.  GuicciardinU  Lib.  I,  p.  18.  -  Poic^  iûlM.  IHk  1» 


im  moteh  agb.  3&S 

kaesi  $;f0c  to  astre»  parveMS,  appkndksakmt  à  ant  etpé^ 
ditîoQ  qui  leur  oairnôt  des  seotien  noa^enx  ^erfi  l'efiiiknee^ 
saag  IfiB  exposer  autant  à  k  jalousie  des  grands.  Geox^  aneoiit 
trûre,  foe  leur  rang  et  leur  cré^  héréditaire  attachaieiit 
plus  h  la  France  qu'à  la  fortune  da  moDarque»  désapproa* 
Ydksat  «ne  entmprûe  qui  leur  paraissait  offrir  pea  de  chance 
d'imsiioeèsdarable,  et  qui  demandait^' an  préalaUelaFranee, 
poor  assurer  ses  frontières ,  achetai;  de  ses  yœsûis  la  paix,  et 
samfiit  des  ayantagea  cèrtainsà dss  espérances  lointaines. 

Enfin^  après  de  lo]^  débi^,  une  confaition  ftit  coMtae 
entre  le  roi  et  les  ambassadeurs  de  Ixms^le-Mnre,  par  Fen** 
trenUse  de  Briçonnet  et  du  sénéchal  de  Beancaire»  Il  fut  cour 
Tenu  que  lorsque  Charles  YIII  passerait  en  Italie,  ou  qu'ily 
ferait  entrer  son  armée,  le  due  de  Mflan  lui  accorderait  le 
passage  dans  ses  états,  k  fenùt  accompagner  à  ses  frais  par 
cinq  cents  honunes  d'armes,  lui  perowttrait  d'armer  à  Gènes 
autant  de  vaûaseaux  qu'il  Toadrait,  et  lui  prêterait  deux 
cent  miUe  ducats^  pa;jahles  au  mooaent  de  son  départ  de 
ftaace.  D'autre  part,  kroi  s'obligeait  à  défendre  contre  tona 
le  duché  de  Milan ,  et  l'autorité  personnelle  de  Louis-le* 
Maure  ;  à  kuiser  dans  Asti ,  yilk  appartenant  au  duc 
d'Orkaaa,  deux  cents  lances  françaises,  topjouis  j^tes  à  se-^ 
courir  k  maison  ^orza;  enfin,  à  gratifier  Louis  de  k  princi«^ 
pauté  de  TarentCi  après  k  ccmquéte  du  rojanme  de  Naples« 
Ces  craditiona  furent  cependant  tenues  secrètes  pendant  plu<* 
sieurs  mois,  et  kursque  le  bruit  de  k  produône  invasion  des 
Français  commença  à  se  répandre  en  Italie,  Loois-le*M auie^ 
loin  de  convenir  qu'il  fût  leur  alhé,  s'efforça  de  persuader 
aux  états  itatiens  qa!ïk  redoutait  autant  qu'eux  cette  invasion 
âebarbare9\ 

▲a  momeat  oà  Charles  VIII  eut  résolu  de  tenter  la  oon<** 


^  a.  ^fMk  i» QmiOM.  Lir.  Vil,  cb.  flB^p.  U9^  -^  &  Fr»  Oukielùf^iM.  L.  i,  ^  10. 

23* 


356  HI8IOIBS  DES  nÉPUBLlQUJSS  tTAUEinCES 

qaète  da  royaume  de  Naples,  il  ne  songea  plos  qa*à  se  rendra 
les  mains  libres  par  des  traités  de  paix  arec  tous  ses  voisins; 
et  ponr  les  obtenir,  il  ne  craignit  pas  de  sacrifier  les  avantagea 
qœ  la  dame  de  Beanjeu  avait  acquis  par  sa  prudence,  pendant 
le  cora»  si  glorieux  de  son  administration.  En  prenant  les 
rênes  du  gouvernement,  Charles  YIII  s'était  trouvé  en  guerre 
avec  deux  des  0us  puissants  voisins  de  la  France,  Henri  YII, 
roi  d'Angleterre,  et  Maximilien ,  roi  des  Romains  ;  en  même 
temps  il  était  mal  assuré  4^  Ferdinand  et  Isabelle,  rois  d*  A- 
m^on  et  de  Gasiille.  Mais  ces  souverains,  quoique  tous  enne- 
mis de  la  France,  étaient  fort  mal  unis  entre  eux.  Charles  YIII 
fit  à  chacun  séparément  des  of&es  si  séduisantes  qu'il  ne  loi  fut 
pas  difficile  d'obtoiir  la  paix.  Le  premier  avec  lequel  il  traita 
Ait  Henri  YII ,  qui  avait  débarqué  à  Calais  avec  une  armée 
formidable  :  un  traité  fut  conclu  entre  eux  à  Étaples,  le  3 
novembre  1492  ;  le  monarque  anglais  se  détacha  de  l'alliance 
du  roi  des  Romains,  et,  pour  prix  de  cette  défection,  il  reçut 
de  Charles  YIII  la  somme  de  sept  cent  quarante-cinq  mille 
écus  d'or,  comme  remboursement  des  frais  de  la  guerre  de 
Bretagne  ^ 

La  guerre  de  la  France  avec  le  roi  des  Romains  semblait 
devoir  être  envenimée  par  l'affront  personnel  que  Charles  YIII 
avait  fait  à  Maximilien  :  il  lui  avait  renvoyé  Marguerite  de 
Bourgogne ,  sa  fille,  à  qui  il  avait  déjà  promis  sa  main ,  et  il 
avait  épousé  Anne  de  Bretagne,  déjà  fiancée  à  MaximiUen. 
Cependant  la  cour  de  France  réussit  à  apaiser  le  souvek'ain 
autrichien  par  le  traité  de  Senlis,  du  23  mai  1493;  elle  lui 
restitua  les  comtés  de  Bourgogne,  d'Artois,  de  Charolais,  et 
la  sdgneurie  de  Noyers,  que  Charles  YIII  occupait  déjà 
comme  dot  de  Marguerite.  Ce  prince  s'engagea  également 
à  jrendre  à  Philippe  d'Autriche,  à  sa  majmté,  les  villes  de 

1  Le  traité  d'Étaples  eit  rapporté  textueUement  par  Denys  Godellroy.  Obseru*  sut 
rfiitt  (U  ChaHei  VUI,  p.  839-«3T«  '^  VeUj,  ttlst.  de  Franoe.  T»  X,  p.  >?•,  éditfoo  iii-4». 


DU   MOYEU   AGE.  357 

Hesdin,  Aire  et  Béthune  sur  lesquelles  Philippe  ayait  des 
droits*. 

Le  troisième  traité  de  Charles  YEI  fat  plus  désayantagear 
encore.  Son  père,  Loais  XI,  ayait  reça  da  roi  Jean  d'Aragon 
Perpignan ,  le  comté  de  Bonssillon  et  la  Gerdagne ,  en  gage, 
ponr  la  somme  de  trois  cent  mille  ducats.  Les  places  fortes  de 
ces  petites  proyinces  étaient  comme  les  clefs  de  la  France  du 
côté  des  Pyrénées,  et  Louis  XI  en  sentait  si  bien  Timportance, 
qu'il  n'ayait  point  yonlu  ensuite  les  rendre  à  l' Aragonais  con- 
tre la  restitution  deFargentprèté.  Charles  YIII,  au  contraire, 
les  restitua  gratuitement  à  Ferdinand-le-Gatbolique,  moyen- 
nant la  promesse  que  lui  fit  celui-ci  de  ne  point  donner  de 
secours  à  son  cousin  Ferdinand  de  Naples ,  et  de  ne  point 
mettre  obstacle  aux  projets  de  la  cour  de  France  sur  l'Italie. 
Ce  fut  l'objet  du  traité  de  Barcelonne  du  19  janyier  1493  >. 

Tandis  que  ces  négociations  deyaient  assurer  la  paix  sur  les 
frontières  de  France ,  Charles  YIII  en  ayait  entamé  d'au- 
tres pour  préparer  la  guerre  en  Italie.  Il  y  ayait  enyoyé 
quatre  ambassadeurs,  ayec  ordre  de  yisiter  tous  les  états  de 
cette  contrée  et  de  demander  à  tous  leur  coopération  pour 
faire  rëcouyrer  ses  justes  droits  à  la  couronne  de  France. 
Perron  de  Baschi,  dont  la  famille  originaire  d'Oryiéto  a  depuis 
donné  à  la  France  les  marquis  d'Aubais,  était  chef  de  cette 
ambassade;  il  ayait  précédemment  accompagné  Jean  d'An  ou 
en  Italie,  et  il  connaissait  bien  les  intérêts  de  ses  différents 
princes.  Baschi  s'adressa  d'abord  aux  Vénitiens  ;  il  ayait  ordre 
de  leur  demander  aide  et  conseil  pour  le  roi  sofi  mattre.  Les 
Vénitiens  répondirent  qu'il  serait  présomptueux  à  eux  de 
donner  des  conseils  à  un  prince  entouré  d'hommes  si  sages, 


*  Le  traité  de  SeDlis  est  rapporté  par  Denys  CodeAroi,  p.  640.  •—  Philippe  de  Comi- 
nés.  L.  VU,  ch.  IV,  p.  iS3.  —  VeUy.  T.  X,  p.  ssi.  —  ^  Teite  du  traité  dans  Denys  Gode- 
Iroi,  p.  669.  —  Guîeekurâlni  But,  Ub.  1,  p.  23.  ^  Pauli  Jovii  But,  L.  I,  p.  16.  —  Veliy. 

T.  X,  p.  382. 


358  HISTOIRE   DES  EÉPCBLIQUES  ITALIENHES 

qu'il  serait  impradent  de  lui  promettre  leor  aide,  tandis  qu'ils 
ayatent  sans  cesse  à  se  tenir  en  garde  contre  les  armes  de 
l'empire  turc  ;  mais  qae  Gharks  Yin  ne  devait  pas  mettre  en 
doute  l'attachement  et  le  détouement  de  leur  république  à  la 
couronne  de  France. -Par  ces  paroles  équivoques,  le  sénat 
croyait  ae  mettre  à  l'abri  de  tout  reproche  de  la  part  des  âats 
d'Italie.  Cependant  il  désirait  seorëtement  l'abaissement  de  la 
maison  d'Aragcm,  et  il  serait  entré  dans  l'allimce  de  la  France, 
s'il  n'avait  pas  craint  d'être  abandonné  par  elte,  et  d'avw 
seul  à  soutenir  tout  le  fiaix  de  la  guerre^. 

Perron  de  Baschi  passa  ensuite  à  Florence.  Il  avait  alors 
pour  collègues  dans  son  ambassade,  d'Aubigny,  le  surinten- 
dant Briçonnet  et  le  président  du  parlement  de  Provence.  Ces 
seigneurs  {urest  introduits  dans  le  conseil  des  soixantenlix, 
auquel  ou  avAit  appelé  sous  le  nom  d'adjoints  tous  ceux  qoi, 
dans  les  trente-quatre  demiihres  années ,  avaient  siégé  comme 
gonfidooiers  dans  la  seigneurie.  Cette  assemblée  étût  dim 
composée  des  hosunes  ea  qui  la  maison  de  Médicis  avait  la 
plus  entière  oonSanœ.  Les  asibassadaurs  demandèrent  que  la 
répuMique  promit  à  l'armée  française  le  passage  par  son  t«r- 
ritcHre,  et  des  vivres  pour  son  argent.  Mais  le  conseil ,  sous 
l'influeneeiâe  Pierre  de  M^cis ,  fol;  unanime  dans  la  déter- 
mination de  demeurer  fidèle  à  l'allkmce  de  la  maison  d'Ara- 
gon^ Gepmdànt,  comme  les^  Florentins  avaient  en  France  na 
grand  noixd>re  de  leurs  plus  ridies  étabtissements  de  coai- 
merce,  ila  se  contentèrent  de  donner  au  roi  une  réponse  éva- 
sive ,  et  ils  lui  envoyèrent  même  à  leur  tour  Pierre  Ct^poni 
et  Guid*  Antonio  Yespucci,  pour  chercher  à  eonserver  son 

WBBàtàé^. 

L'ambassade  française  n'arriva  point  à  Sienne  avant  le  9 


>  Mémoires  de  Phil.  de  Comines.  t.  VII ,  eh.  V,  p.  1S8.  —  Ahdpea  Ufavogiero,  Siiif' 
Venez,  T.  XXUi ,  p.  «Oi.  —  PeiH  Bembi  Hisior.  Ven,  t.  ir,  p.  21.  —  »  Sdpfoiie^w- 
mirato.  L.  XXVI ,  p.  192-197.  —  Fr,  GidcclardinU  L.  I ,  p.  25-29. 


UQ  MOYEN  A6B.  S59 

mai  1494.  Cette  fépoUiqoe  protesta  de  soft  désir  de  conserver 
une  exacte  matralité,  et  elle  fit  sentir  qne  dans  sa  faiblesse 
elle  ne  ponrait,  sans  on. danger  extrtoie ,  se  déiilarer  pai" 
ayanoe  entre  des  rivaux  si  redoutables  ^  Alexandre  TI ,  qui 
fat  le  dernier  vers  lequel  se  rendirent  les  ambassadeurs ,  leur 
dédara  qu'après  que  ses  prédécesseurs  avaient  accordé  riil-< 
vestiture  du  royaume  de  Naples  aux  princes  de  la  maison  d*  A- 
ragoo,  il  ne  pouvait  la  leur  retirer  sans  un  jugement  qui  mit 
en  évidence  que  la  maison  d'Anjou  y  avait  plus  de  droit  qu'eut. 
Il  chargea  les  ambassadeurs  de  rappeler  à  leur  souverain  que 
le  royaume  de  Napies  était  un  fief  du  Saint-^ége  ;  qu*au  pape 
seul  appartaiait  le  drmt  de  proiM>ncer  entre  les  compétiteur^ 
par  voie  juridique ,  et  que  vouloir  se  mettre  en  possesirion  dil 
royaume  par  la  niAeaodj  ce  serait  attaquer  TÉglise  elle- 
méme  ^. 

F^srdinand,  de  son  c&té,  ne  nég^geait  pdnt  la  voie  des  né« 
godations  ;  il  envoya  auf^ès  de  Charles  lui-même  Camille 
Pandone,  dans  l'habileté  duquel  il  avait  une  grande  confiance, 
pour  demander  au  roi  de  France  de  renouveler  les  traités 
condus  précédemment  avec  Louis  XI,  lui  offrir  de  soumettre 
tous  les  diff^ends  à  l'arbitrage  du  souverain  pontife ,  et  lui 
laisser  «atrevoir  même  la  possibilité  de  reconnaître  sans  com- 
bat la  couronne  de  Naides  pour  tributaire  de  la  France  ^. 
Mais  toutes  ces  propositions  furent  repoussées  par  le  présomp- 
tueux Charles  YIII,  qui  donna  aux  ambassadeurs  napolitains 
l'ordre  de  sortir  de  ses  états  ^. 

Dans  le  même  t^oips,  Ferdinand  négodait  aussi  avec  le  pape, 
et  obtenait  près  de  lui  plus  de  succès.  Alexandre  YI  destinait 
avec  ardeur  affermir  la  fortune  de  sa  f amiUe  par  ctes  alliances 


1  Orkmdo  MakmoM,  Siorta  di  Siena.  P.  m ,  L.  Vl,  f.  9 ,  t.-^AUegnm  AUe^tui, 
mon  Sanesir  p,  SM.--*  Fr*  OaietAordlnL  U I ,  p.  Se«  -^  BpynaUtl  AnnaL  eeeies.  t49l, 
S  18,  p«  489.  —  >  IV.  GutceiardinL  1. 1,  p.  3i.— Pa«/i /dvii.  L.  f,  p.  I9.— ♦  Fr.  Gerftf- 
ciardini.  L.  I,  p.  27. 


360  HISTOinZ  DES  B£PUBLIQUES  ITALIENNES 

brillantes.  UaTaitexigéqaesa  récondliatioii  avec  la  maisoii 
d'Aragon  fût  scellée  par  an  mariage  ;  et  quoiqu'il  se  conten- 
tât pour  un  de  ses  fils  d'une  fille  naturelle  d' Alfonse,  fils  de 
Ferdinand,  ila\ait  d'abord  éprouvé  le  refus  de  celui-ci.  La 
crainte  des  Français  rendit  l'orgueil  d' Alfonse  plus  traitable. 
Don  Geoffroi  Borgia,  le  plus  jeune  des  fils  du  pape,  épousa 
dona  Sancia,  fille  d' Alfonse.  Les  deux  époux  n'étaient  pas  en- 
core nubiles  :  cependant  don  Geoffroi  passa  en  même  temps 
au  service  de  la  maison  d'Aragon  avec  une  compagnie  de  cent 
hommes  d'armes  ;  il  vint  s*établir  à  Naples  pour  y  jouir  de  la 
principauté  de  Squillace,  qa*il  reçut  à  titre  de  dot  avec  dix 
mille  ducats  de  rente.  En  même  temps  le  pape  donna  son  con- 
sentement à  la  vente  des  denx  comtés  d' Angnillara  et  de  Cer- 
yetri,  qui  avait  été  la  première  cause  des  brouilleries  entre 
lui  et  Ferdinand.  Il  obligea,  seulement  Virginio  Orsini  à  en 
payer  une  seconde  fois  le  prix  entre  ses  mains,  et  Ferdinand 
fournit  à  Orsini  l'argent  nécessaire  pour  le  faire  * . 

Ferdinand  ne  négligea  point  d'entrer  en  négociation  avec 
Louis  Sforza  lui-même;  il  lui  fit  représenter  que  leurs  denx 
familles  étaient  unies  par  tant  de  liens  de  parenté,  que  c'était 
comme  entre  parents  et  à  fanûable  que  leurs  différends  de- 
vaient s'arranger;  que  si  la  fille  de  son  fils  avait  épousé  Jean 
Galéaz,  la  fille  de  la  duchesse  de  Ferrare,  sa  fille,  avait  épousé 
Louis^le-Maure;  en  sorte  qu'il  verrait  toujours  son  arrière- 
petit-fils  dans  l'héritier  du  trône,  smtque  l'un  ou  l'autre  {Nrinee 
conservât  le  duché  de  Milan  *.  Le  mariage  de  Blanche-Marie 
Sforza  avec  le  duc  des  Romains  semblait  annoncer  que  Louis- 
le-Maure  abandonnait  l'alliance  de  la  France,  car  on  savait 
que,  malgré  le  traité  de  SenUs,  Maximilîen  conservait  un  pro- 


^JPf.  Giae^ardinU  Ub.  I,  p.  W.  —  S<^i(me  Ammlrato.h.  XXVI*  p.  192.— *«»**'- 
reW,  Frammenti  stor.  T.  III ,  p.  4.  —  «  Celte  dachesse  de  Ferrare ,  fllïe  de  Ferdinand 
et  belle-mère  de  ïiouis-Ie-Maure ,  mourut  le  il  octobre  1493.  Diarto  Ferrarese.  T.  XXiV, 

p.  286. 


DU  MOTEH   àGB.  361 

fond  nessentiment  eontre  Charles  YIII  * .  Mais  Lonis-Ie-Maure 
était  désonnais  réduit  à  s  abandonner  à  la  destinée  qu'il  avait 
proToquée,  et  à  courir  toutes  les  chances  de  Falliance  dange- 
reuse qu'il  avait  sollicitée.  Après  avoir  éveillé  F  ambition  et  la 
vanité  du  jeune  roi,  il  ne  dépendait  plus  de  lui  de  les  calmer. 
Il  ne  pouvait  même  prudemment  se  séparer  de  Charles,  ni  se 
p^river.de  sou  assistance ,  après  avoir  aussi  grièvement  pro- 
voqué ses  ennemis  ;  aussi  s'étudiait-il  seulement  à  gagner  du 
temps  pour  ne  pas  être  attaqué  seul  avant  que  les  Français 
fussent  descendus  en  Italie  ;  et  au  lieu:  d'entrer  de  bonne  foi 
dans  les  propositions  d'accommodement  que  lui  faisait  le  roi 
de  ïlaples ,  s^efforçait^il  de  lui  persuader  qu'il  n'avait  aucun 
arrangement  avec  les  Français,  et  qu'il  sentait  mieux  que  per- 
sonne tous  les  dangers  qu'il  courrait  si  les  années  françaises 
pénétraient  une  fois  en  Italie  ^. 

■  Ferdinand  prenait  en  même  temps  ses  mesures  ppur  se  dé- 
fendre par  les  armes.  Incertain  de  la  route  par  laquelle  les 
Français  tenteraient  leur  invasion,  il  avait  rassemblé,  sous  les 
ordres  de  don  Frédéric,  son  second  fils,  une  flotte  de  cin- 
quante galères  et  de  douze  gros  vaisseaux  pour  leur  fermer  le 
chemin  de  la  mer,  tandis  qu'Alfonse,  duc  de  Calabre,  auquel 
la  prise  d'Otrante  avait  donné  une  grande  réputation  mili- 
taire, rassemblait  sur  les  confins  du  ro^i^iMimeune  armée  qu'il 
s' efforçait  de  rendre  redoutable  ^.  Mais  la  défense  de  Naples 
paraissait  surtout  devoir  être  as^rée  par  l'alliance  de  l'Église, 
bien  qu'Alexandre  YI  cherchât  jusqu'au  dernier  moment  à 
profiter  des  inquiétudes  et  des  embarras  de  son  allié  pour  ar- 
rÎYer  à  ses  fins  particulières.  Julien  de  la  Rovère,  cardinal  de 
Saint-Pierre  ad  vincula,  n'avait  voulu  à  aucun  prix  se  récon- 
cilier avec  Alexandre  VI;  il  s'était  retiré  dans  son  évêché 
d'Ostie,  et  il  s'était  fortifié  dans  le  château  qu'il  avait  bâti 

>  Scipione  Àmmiralo,  L.  XXVI,  p.  103.  —  *  MacchiavelU ,  Frammenti  storici.  T.  III, 
p.  5.  "Franc,  CuicciardinL  Lib.  1^  p.  35.  —  >  Scipione  Amniirato,  L.  XXVI,  p.  191; 


362  HISTOIRE   DES  BiPGBLUiUES  IXALIEHIIES 

dans  œtte  Tille,  et  qm  sai:  toates  ses  tonfs  porte  encore  ma 
armoiries.  Le  pape  feignit  de  croire  que  Julien  8*7  maintenait 
de  concert  avec  Ferdinand,  et  déclara  qn*il  retoaraenat  à  l'al^ 
liance  de  la  France  si  cette  Tille  ne  lai  était  pas  livrée.  En 
vain  Ferdinand  protestait  que  le  cardinal  de  La  Bovère  ne  dé^ 
pendait  nullement  délai,  et  il  incitait  le  pape  à  s'oeoaper  Inen 
plutôt  des  ravages  des  Turcs  en  Croatie  que  de  k  garnison 
d*Ostie  ;  un  nouTcau  leyain  de  discorde  fermwtait  eetre  eux, 
et  le  roi  de  Naples  reconnaissait  qu'il  ne  pooYait  faire  «tcun 
fonds  sur  un  allié  qu'il  ayait  acheté  à  on  aï  haut  prix  * . 

Chaque  jour  la  position  du  rieux  Fardiaand  paraissait  de- 
venir plus  dangereuse  $  ses  alliés  ne  songeaient  qu'à  lui  Tendre 
chèrement  la  promesse  de  leurs  secours ,  tandis  qq^ib  ne  se 
mettaient  point  en  mesure  de  lui  donner  une  asssistaiiee  rédle. 
Ses  ennemis  n'avaient  encore  d'actiTité  que  dans  les  intrigues^ 
mais  ils  aTaient  déjà  anéanti  cette  confédération  de  ritalie  qui 
pouvait  inspirer  de  la  crainte  aux  ultramoi^ins.  Depms  quel- 
ques années ,  lltalie  avait  joui  de  la  pûi  plutôt  que  du  bon^ 
heur;  sa  prospérité  s'était  accrue^  mais  ses  désirs  n'étaioil 
pas  satisfaits  ;  elle  se  confiait  dans  ses  forces  qui  n'âaie&t  point 
encore  entamées,  et  elle  nourrissait  une  envie  aecrëte  de  cou- 
rir des  chances  nouvelles.  Avant  que  les  penses  oient  éprouvé 
le  poids  des  calamités  de  la  guerre,  des  passions  l»en  futiles^ 
l'inquiétude,  la  curiosité,  le  besoin  des  émotions  Tives,  l'a- 
mour du  plus  grand  des  jeux  He  hasard,  les  déeiâwt  MNirent 
à  provoquer  les  révolutions.  Louis-le-Maure  avait  seul  négo^ 
cié  avec  la  France;  mais  d'une  ettréimté  à  l'antre  dela.Pé^ 
ninsole ,  la  moitié  des  esprits  attendait  avec  impatience  une 
invasion  dont  les  mêmes  hommes  ne  laissaient  pas  d'avw 
peur.  Le  duc  Jean  Galéaz  Sfona  lui-même  se  flattait  que  l'ar- 
rivée dans  ses  états  d'un  roi ,  son  parent,  pourrait  changer 

1  Setpione  àmnitaio.  L.  XXVI ,  p.  19 1.  -»  Franc^  Guiccbardinif  tJlb.  I,  p.  ift. 


DU  MOTCH  A6X.  %3 

son  sort.  Le  dac  Hercule  III  de  Ferrare,  qui  s'était  associé 
aux  oégoiiationsde  son  gendre  Louis-le^Maore,  espérait,  dans 
le  trouUe  futur,  recouvrer  le  Polésine  de  Rovigo  que  la  der- 
mère  pèix  lui  avait  rairi.  Les  Yéuitiens  dénraient  f  oir  humi-» 
Ikr  la  maison  d'Aragim  ;  les  Florentins,  seeouer  le  joug  de  la 
maison  de  Médids;  le  pape,  se  faire  Farbitre  entre  les  deux 
pot»t«ls;  les  nombreux  ennemis  de  la  maison  d'Aragon  dans 
le  royaume  de  Naples,  se  yenger  de  leur  longue  oppression. 
On  assmre  que  Ferdinand,  témoin  de  cette  fermentation  uni-* 
TersdUe,  songea,  malgré  son  âge  avancé,  à  se  rendre  à  Géoes 
pour  s'aboucher  avec  Louis-le^Maure,  et  lui  faire  reconnaître 
à  quels  dangers  il  expesait  f  Italie  e1^1ui<^mème,  en  ouvrant  im^ 
prudemasent  ses  portes  à  un  ennemi  plus  fort  qu'eue  tous.  Il 
comptait  pouvoir  exercer  encore  l'ascendant  de  la  raison  et 
de  la  saine  politique  sur  utt  prince  dont  il  reconnaissait  l'es* 
prit  délié  et  l' habileté  siqpérieure  * .  1 494.— Mais  au  miËeu  de 
ces  projets,  un  jour  qu'il  revenait  de  la  chasse ,  il  fut  atteint 
d'une  manière  inojRnée  par  une  affection  catarrhale,  qui  le 
mit  en  deux  jours  au  tombeau.  Il  mourut  le  25  janvier  1 494, 
à  l'âge  de  soixante-dix  ans^  après  un  règne  de  trenlenûx  ans, 
laissant  deux  ffls,  Alfonse  et  Frédéric,  déjàr  £stingués  dans  la 
carrière  militaire ,  dont  l'ati^  fot  immédieilement  reeenmu 
pour  son  successeur  ^, 

La  fortune,  qui  avait  favorisé  Ferdinand  pendant  tonte  sa 
vie  par  des  dims  qu'il  semblait  ae  pas  mériter^  le  servit  en-* 
core  en  le  retirant  du  monde  au  seul  moment  où  sa  mort 
pouvait  esert^  des.  regrets.  Sa  naissance  n'avait  pas  seulement 
été  illégitime,  elle  était  assez,  honteuse  pour  que  son  père 
ft'eàt  jamais  voulu  en  révâer  le  mystère,  cpii  donna  Ueu  aux 


*  F^.  euUekmUnt,  ttb.  I ,  p.  SS.  "^MaeehkafelU,  Frammenti  ttor.  T.  III,  p.  4.  -* 
>  Fr.  omtcUa^iUni.  Ub»  I,  p.  27.»  PauU  JoviiUUL  Uh.  1,  p.  ao.  ^Sdpiùne  Ammt-- 
rato.  L.  XXVI,  p.  195.  — Pe/ri  Bembl  EisU  Ven.  L.  II,  p.  2*, -- Summonte ,  Stor.  di 
ftepofi.  L.  T,  T.  III,  p,  539.  —  Giwmone;  L.  XXVUI,  c.  3,  p:  09f • 


364  HISTOIRE  DES  BSPUBLIQUES  ITALTElXIflSS 

conjectares  les  plus  opposées;  et  cette  tache  ne  Tempècha 
point  de  parvenir  sur  un  trône  que  les  plus  puissants  mo- 
narques devaient  envier.  Il  ne  montra  ni  une  valeur  bril- 
lante, ni  des  talents  distingués  pour  la  guerre,  soit  dans  les 
expéditions  dont  il  fut  chargé  par  son  père,  soit  dans  les  lattes 
violentes  oii  il  fut  engagé  contre  ses  sujets  rebelles  ;  et  cepen- 
dant il  triompha  de  tous  ses  ennemis.  Il  n'avait  hérité  ni  de 
la  franchise,  ni  de  la  galanterie,  ni  de  la  générosité,  ni  d'au- 
cune des  qualités  aimables  de  son  père  Alfonse,  encore  qu'il 
eût  eu  le  bonheur  de  captiver  toutes  les  affections  de  ce  grand 
homme.  Il  eut  pour  compétiteurs  deux  princes  qui  lui  étaient 
autant  supérieurs  par  les  talents  que  par  toutes  les  qualités  du 
cœur.  L'un,  le  comte  de  Yiane»  stm  neveu,  disposait  de  tout 
le  parti  aragonais  ;  l'autre,  le  duc  Jean  de  Galabre,  de  tout  le 
parti  angevin.  Ceux  des  barons  napolitains  qui  n'avaient  pas 
embrassé  l'une  ou  l'autre  faction  semblaient  prêts  à  se  ran- 
ger à  celle  qui  les  délivrerait  de  Ferdinand  ;  mais  tous  deux 
échouèrent,  et  Ferdinand  régna  trente-six  ans.  Il  fit  périr 
dans  les  cachots  ceux  qui  avaient  à  plusieurs  reprises  essayé 
de  secouer  son  joug;  et  il  affermit  par  des  cruautés  et  des 
perfidies  une  autorité  toujours  plus  détestée*  Les  premiers 
succès  sont  souvent  l'ouvrage  d'une  fortune  aveugle;  mais 
leur  constance  doit  toujours  être  attribuée  à  une  habileté  qui 
souvent  nous  est  si  odieuse,  que  nous  ne  voulons  pas  la  re- 
connaître :  telle  fut  celle  de  Ferdinand.  Il  n'eut  rien  de  ce 
qui  caractérise  les  grands  hommes,  rien  de  généreux,  rien  de 
noble  ;  mais  sa  prudence  était  consommée,  et  sa  politique  fut 
rarement  en  défaut.  Il  réussit,  comme  les  méchants  réussis- 
sent quelquefois,  au  mépris  de  toutes  les  règles  de  la  justice  et 
de  tous  les  sentiments  moraux.  Il  régna  longtemps,  et  il  mou- 
rut sur  le  trône.  Si  ce  fut  là  son  but,  il  l'att^gnit;  mais  il 
régna  détesté,  il  vécut  dans  la  crainte,  et  il  mourut  laissant 
sa  famille  dans  un  danger  pressant,  au  moment  où  cette  pra- 


m  moteh  agk.  365 

denœ  qu'on  reconnaissait  en  lui,  en  l'abhorrant,  ponvait  seule 
sauTer  son  fils  d'une  ruine  prochaine. 

Ferdinand  était  d*une  taille  médiocre  ;  sa  tète  était  grande 
et  belle,  entourée  d'une  longue  cheyelure  de  couleur  châtain; 
ses  traits  étaient  agréables  ;  il  avait  le  front  ouvert,  la  figure 
pleine,  la  taille  bien  proportionnée.  Sa  force  de  corps  était 
extraordinaire  :  ayant  un  jour  rencontré  un  taureau  échappé 
qui  traversait  la  place  du  Marché  de  Naples,  il  le  saisit  par  la 
corne  et  l'arrêta.  Son  esprit  était  orné;  il  possédait  plusieurs 
sciences,  mais  surtout  la  jurisprudence,  qu'il  regardait  comme 
nécessaire  aux  rois.  Il  parlait  avec  grâce;  en  donnant  au- 
dience à  ses  sujets,  il  savait  dissimuler  tous  les  sentiments  qui 
auraient  pu  le  rendre  odieux,  et  il  avait  en  général  l'art  de  les 
renvoyer  satisfaits.  Ses  cruautés,  qui  furent  innombrables,  ne 
durent  pas  toutes  être  attribuées  à  la  politique  ;  sa  passion 
pour  la  chasse  lui  en  suggéra  un  grand  nombre  :  ce  fut  par 
les  ordonnances  les  plus  atroces  qu'il  pourvut  à  la  conser- 
Tation  du  gibier  réservé  pour  ses  plaisirs,  et  il  les  fit  exé- 
cuter impitoyablement  sur  les  malheureux  paysans  de  son 
royaume*. 

<  Summonte^  Stor,  di  Ifapoli.  T.  III,  Lib.  V,  p.  S40,  editio  in^«.  Napoli,  1679. 


366         HisroiBS  des  AénnLiQOB  itaueiiiies 

«iii»i8ni!i8i»ii8Mmii8iu»îittui»Bîmii 


CHAPITRE  Xn. 


Préparatifs  de  défense  d'Alfoose  II.  -^  Premières  ftttaqneé  des  Prasfaif 
dans  l'état  de  Gêqes  et  eo  Romagœ.  --  Entrée  de  Charles  VllI  m 
Italie/  —  Pierre  de  Médicis  lui  livre  toutes  les  forteresses  de  la  Tos« 
cane.  —  Rérolte  de  Pise  ;  révolution  de  Florence  j  exil  de  Médicis. 


1494. 


Qaelqaes^anes  des  grandes  réyolatioiis  qui  changent  la  face 
du  mande  mettent  en  éyidence  tons  les  ponvoirs  de  l'esprit 
bnmain  ;  ponr  elles  les  combinaifons  les  pins  babiles  ont  été 
calculées  dans  Fattaqne  et  dans  la  défense,  tons  les  accidents 
ont  été  prévus,  tons  les  obstacles  ont  été  fortifiés  avec  art  par 
les  uns,  tournés  ayec  adresse  par  le»  antres.  La  fortune,  qu'on 
ne  peut  exclure  des  <2ho8e&  homaines,  a  du  moins  été  corrigée 
par  une  constante  prévoyance  ^  et  la  juste  confiance  en  sd^ 
même,  qu'on  acquiert  par  le  déploiement  de  toutes  ses  fa-^ 
cultes,  se  communiquant  des  chefs  aux  subordonnés,  chacun 
a  fait  son  devoir  dans  sa  place  comme  citoyen  ou  comme 
soldat,  chaque  ordre  a  été  exécuté  comme  il  a  été  donné  ;  et 
ceux  mêmes  qui  succombent  peuvent  encore  se  yanter  d'a- 
voir été  à  la  meilleure  école  et  de  la  guerre  et  de  la  politique. 


0U  MOTEtr  AGE.  367 

Mais  d'anti^  réVolotionfl  tout  aussi  importantes  dans  leurs 
résultats  sqnt  quelquefois  accomplies  par  des  moyens  abso- 
luBiffiit  différeuts:  Timpéritie  est  opposée  à  Timpéritie;  la 
faute  quidevnât  perdre  un  parti  ne  le  perd  pas,  parce  qu'elle 
est  QDii^>eDsée  par  la  foute  plus  grande  encore  que  commet  le 
parti  eentairc*  Àueuiie  prëyoyance  ne  peut  calculer  les  chan- 
ces d'oD^  pareille  lutle,  parce  qu'on  peut  bien  soumettre  au 
calcul  les,  intérêts^humains^  mais  non  pas  les  folies  humaines  : 
pour  on  parti  sage,  ily  en  anûllede  déraisonnables,  etVempire 
de  1a  fortune  est  prodigieusement  étendu,  lorsque  l'enchaîne- 
ment même  des  idées  s*y  trouve  compris.  Le  sort  de  Fltalie 
fut  défâdé  en  1494  par  une  lutte  seml>|[able  entre  Tincapacité 
et  rimpéritie  :  Tnn  et  l'autre  parti,  considéré  isolément,  sem- 
blait ne  pouvoir  éviter  de  succomber  ;  et  en  voyant  la  con- 
duite du  roi  de  France  et  de  celui  de  Naples,  il  semblait  éga- 
kmait  impossible  à  Charles  TIII  de  faire  la  conquête  de 
l'Italie,  et  à  Alfonse  II  de  l'empêcher. 

Deux^heiures  apris  la  mort  de  Ferdinand,  Alfonse  II,  sui- 
vant l'usage  d'Italie^  avait  parcouru  à  cheval  les  rues  deNa- 
(dfit  fit  liçs  six  placer  ou  seggi  où  se  rassemblaient  la  noblesse 
et  le  peuple  pour  concourir  au  gouvernement  municipal  ;  il  y 
avait  recueilli  les  applaudissements  populaires,  et  il  avait  pris 
posses^n  de  la  couronne  à  la  cathédrale,  puis  il  s'était  fait 
dopner  la  gardedes  châteaux *. 

Le  nouveau  m  avùt  fdusieurs  fois  commandé  les  armées  de 
«m  père  eonire  ks  Florentins,  les  Vénitiens  et  les  Turcs;  il 
avait  duMié  les  derni^n»  <f  Otrante,  et  cette  expédition  lui  avait 
valu  une  grande  réputHlkm  militaire.  II  joignait  à  cet  avan- 
ti^  cehiî  de  dieqposer  d'un  immense  trésor  que  son  père  avait 
rassemblé  par  son  avarice,  et  que  lui-même  augmenta  encore 
par  la  levée  d'une  contribution  extraordinaire  fort  onéreuse, 

«  Summonte,  âtW  Utoria  âel  regm  e  cHtà  <fi  NapoU.  L.  VI ,  c«p.  I ,  p.  4&i,  «ditio 
Hapol.  in-4o.  ia75. 


36S  HISTOIEB  DES  a£FUB{.IQU£8  ITALIlSBIirKS 

à  l'occasion  de  son  ayénement  au  txànt  ^  Alfoosé  a\aît 
enfin  la  réputation  d'exceller  dans  cette  politique  parfide,  qoe 
Ton  suppose  habile  tant  que  le  succès  la  comxHme.  «  Hosen'- 
«  nemiS)  dit  Philippe  de  Gomines,  Paient  tenus  très  sages 
«  et  expérimentés  au  fait  de  la  guerre;  riches  et  pocu'vug 
«  de  sages  hommes  et  bons  capitaines,  et  en  possession  du 
«  royaume  '.»  Mais  toute  leur  réputation  ne  soutint  point  une 
première  épreuve. 

En  montant  sur  le  tr^e»  A}fonse  devait  se  préparer  à  le 
défendre  contre  l'attaque  prochaine  qui  kd  étiût  annonoéé  :  il 
fallait  pour  cela,  d'une  part,  s'i^puyer  par  un  bon  système 
d'alliance;  de  l'autre,  rassembler  une  armée  qui  pillt  saile 
tenir  tête  à  l'ennemi;  car  il  ne  devait  pas  s'attendre  à  ce 
qu'aucun  allié  embrassât  jamais  sa  cause  avec  plusdevigu^ir 
qu'il  ne  la  dâfendrait  lui-même;  mais  le  nouveau  roi  parut 
mettre  beaucoup  plus  de  confiance  dans  ses  négocÉatioas  ^e 
dans  ses  armes. 

Il  envoya  d'abord  Gamillo  Pandooe,  un  de  ses  ministres 
de  confiance,  et  le  même  qui  revenait  de  l'ambassade  de 
France,  à  Bajazet  II,  empereur  des  Turcs,  pour  loi  représenter 
que  Charles  YIU  annonçait  ouvertement  qu'il  ne  ccmsidiérait 
la  conquête  du  royaume  de  Naples  que  comâie  un  échelon 
nécessaire  pour  arriver  à  celle  de  l'empire  d'Orient;  et  qu'en 
effet,  ses  ports  sur  l'Adriatique,  qui  n'étaient  séparés  qne  par 
une  journée  de  navigation  de  ceux  de  la  Macédoine,  une  fois 
entre  les  mains  d'une  nation  aussi  entreprenante  et  aussi  bel* 
liqueuse  que  les  Français,  pourraient  &eiliter  ies  attaques  les 
plus  dangereuses  contre  l'empire  turc.  Alfonse  demandait,  en 
conséquence,  six  mille  chevaux  et  autant  de  fantassins  tures  à 
Bajazet  ;  et  il  offrait  de  payer  leur  solde  tant  ^'ils  servirai^t 


1  PauH  jovU  Bislor,  sut  temporis.  Lib.  I,  p.  SO.  —  s  Philippe  de  domines,  Ménteûes. 
L.  vn,  ch.  V,  p.  16S. 


DU  MOYEN  AjGE.  369 

en  Italie  *  •  Au  boot  de  peo  de  mois,  Pandone  fut  envoyé  nne 
seconde  fois  àBajazet;etle  pape,Tonlant  aussi  traiter  en  son 
nom,  loi  jcngnit  Georges Bucciarda,  Génois,  qa* Innocent  YIII 
avait  déjà  chargé  d*une  négociation   peu  honorable  avec 
la  Porte  '.  Alexandre  YI,  qui  dans  ses  bulles  exhortait  Char- 
les YIII  à,  tourner  toutes  ses  forces  contre  les  Turcs,  puisque 
les  guerres  avec  un  prince  chrétien  étaient  indignes  d'un  mo- 
narque qui  prenait  le  titre  de  très  chrétien  et  de  fils  aîné  de 
l'Église',  cherchait  d'autre  part  à  exdter  les  Turcs  contre  ce 
monarque  même.  En  même  temps  il  accordait  à  Ferdinand- 
le-Gatholique  les  produits  des  taxes  de  la  croisade  qu'il  faisait 
prêcher  en  Espagne,  pourvu  que  ce  roi  les  employât  contre 
les  Français  et  non  contre  les  infidèles^.  Mahomet  II  n'aurait 
sûrement  point  laissé  échapper  une  occasion  aussi  favorable 
de  mettre  le  pied  en  Italie,  et  de  réduire  à  une  espèce  de  vas- 
selageun  nouveau  prince  chrétien  :  mais  son  faible  successeur 
n'étendait  pas  si  loin  sa  politique,  il  craignait  de  troubler  son 
propre  repos;  il  se  contenta  de  donner  ordre  au  pacha  d'Al- 
banie de  rassembler  environ  quatre  mille  soldats  turcs  à  la 
Talonne,  et  il  ne  prit  aucune  part  à  la  guerre  ^. 

En  même  temps,  Alfonse  avait  envoyé  quatre  ambassadeurs 
an  souverain  pontife ,  pour  resserrer  avec  lui  l'alUance  cofl^ 
due  par  son  père ,  et  obtenir  l'investiture  de  l'Eglise. 
Alexandre  YI ,  dont  toute  la  politique  consistait  à  mettre  ef- 
frontément sa  fidélité  à  l'enchère,  avait  paru  prêter  l'oreille 
aux  propositions  du  cardinal  Ascagne  Sforza,  qui,  dans  le 
collège  des  cardinaux,  soutenait  le  parti  français,  tandis  que 
le  cardinal  Piccolomini  dirigeait  le  parti  aragonais.  Ce  n'était 
cependant  qu'une  rose  du  pape ,  pour  mettre  ses  concessions 

1  Pauli  Javii  Bist,  tui  Umporis.  Lib.  I,  p.  20.  —  Franc  Guicciardlni  Hittor.  lib.  I, 
p.  34.  —  s  Franc.  GuieeUmIinU  Lib.  I ,  p.  S».  —  >  BuUa  Âlexandri  ad  regem  Franeor, 
8  idut  octobris  1494.  Baynaldi  AtmoL  S  16,  T.  XIX,  p.  iZu-^^AnnoL  ecctes,  HaynaldU 
T.  XIX,  p.  432 ,  S  21.— Ji>.  Guicciardini.  1. 1,  p.  M*  ^  »  Sloria  Veneia.  T.  XXIX ,  Ber. 
Ital  p.  8. 

VII.  24 


370  HISTOlllE  D£S  BÈPVmAXpjK  ITALIEKIfïS 

à  on  ipbaB  haat  prit;  et,  le  18  aTiil  1494;ilae(»Ma  à  AlfdDM 
des  bulles  d'inTestiture  pour  le  royaume  de  Kafilee ,  aoiiB  les 
C»iiditioDS  auxquelles  elles  avaient  été  aoec»;^!^^  à  woê  prédë- 
«aaseura*. 

Le  cardinal  Jean  Borgia,  fils  du  papd,  et  archevêque  de 
Montréal^  avait  été  nommé  légat  à  laterê^  pour  la  oérémoniè 
du  couronnement  d'AIfonse;  il  vint  reeuefllir,  pour  sa  famille, 
lès  récompenteê  an  prix  deaqneltes  ce  monarque  avait  acheté 
l'alliance  des  Borgia.  On  reconnaissait  à  Naples  sept  grands 
offices  de  la  couronne,  ({ni,  suivant  les  institutions  féodale», 
étaient  des  mtnistàfes  à  vie,  presque  indépendants  de  Tautorité 
royale  :  Tuà  d*eux^  celui  de  protonotairé,  fut  accordé  à  Gef- 
finoi  Borgia,  avec  la  pfindpauté  de  Squillace,  le  comté  de  Ca^ 
rii^  et  dix  miUe  ducats  de  rente  ;  un  autre ,  et  ce  devait  être 
le  premiEer  qui  deviendrait  vacant,  fut  promis  au  duc  deGan- 
éie<)  second  fils  du  pape ,  avec  la  principauté  de  Tricarico ,  les 
comtés  de  Ghiaramonte,  Lauria  et  Gaiinola ,  et  douze  mille 
dbcatsde  rente;  enfin,  Yirgtnio  Orsini,  qui  avait  négocié  ce 
t^aitéy  reçut  en  récompense  un  troisième  de  ces  grands  offices 
de  la  couronne ,  et  c'était  celui  de  grand  connétable ,  le  plus 
éntneat  de  tous  *.  Des  rentes  ecdésiasrtiques  dans  le  royaume 
teent  en  même  temps  assurées  à  César  Borgta  que  son  père 
yenait.de  créer  curdiueil)  en  fiii«»gmt  prouver,  par  de  faux  té- 
moins et  de  faux  serments,  qu'il  éki^t  fils  légitime  €xm  d- 
lojren  fiomaiii)  et  isxpBiblt  d'exercct  les  banles  dignité  de  TÉ- 
flise'. 

L'alliance  de  Pierire  de  Médicis  n'avait  point  été  achetée  à 
un  si  haut  prix,  sa  vaniAéBeule  avait  suffi  pcfétt  le  séduire.  On 
«f^jait  qu'Alfonse  lui  avait  promte  de  l'aider  à  changer  son 
autorité  sur  Florence  en  une  domination  absolue,  avec  titre 

t  Raynaldi  AnwiL  eeeUê.  14M^  S  3Ht ,  p.  4n.^->8immàme,  St»r,ëi  Nap^fU.  Ub.  Vi, 
eap.  I,  p. 4»2.  —  «  ScipUme âmmirato.  h,  XXVl^p.  lOT— J^.  Guicctof^iiti.  L.  1, p.  99. 
--'^  fr.  GuiccUxr^inU  Ub.  1^  p.  ^ 


DÛ   MOTTEW   AGE.  37 1 

àt  principaoté  *.  £n  retour,  Médicis,  par  une  convention  se- 
crète qui  n'avait  point  été  communiquée  aux  )3onseils  de  la 
république,  avait  promis  au  roi  de  Naples  de  recevoir  la  flotte 
napolitaine  dans  k  port  de  Livourne,  de  fiàire  pour  loi  des 
levées  de  soldats  en  Toscane ,  et  de  résister  à  mam  armée  à 
Tattaqoe  des  Françsâs  ^.  Médids  crojait  en  outre  pouvoir  ré- 
pondre des  répubUcpies  de  Sieune  et  de  Ltteqnes,  qtA  se  trou- 
vaient oomme  eiidavées  dans  les  états  florentins,  et  qm  né 
pouvaient  songer  à  suivre  une  Ugne  séparée  de  poKtique.  At- 
foBse  avmt  ég^l^nent  étendu  ses  négociations  du  c6té  de  la 
Bomagne.  Césène  était  rentrée  sous  l'autorité  immédiate  du 
pontife,  qui  en  répondait;  Faenza,  principauté  du  jeune  As- 
torre  Manfrédi,  était  alors  sous  la  tutelie  des  Florentins;  Imota 
el  FopM,  qui  appartenaient  à  Oetàvien  Riario,  sous  te  tutelle 
de  sa  mère,  la  eéièbre  Catherine  gforza,  s'engagèrent  danà  la 
ligue,  moyennant  un  subside  promis  par  Alfonse  et  les  Flo- 
rentius.  Enfin  Jean  Bentivogbo,  seigneur  de  Bologne,  em- 
brassa le  même  parti  sous  des  conditions  sen^lables  ^. 

Aii^  toute  r  Italie  méridionale  paraissait  unie  par  une  seule 
aUiance,  el  ne  présentait  plus  qu'une  seule  frontière  des  bords 
é&  l'Adriatique  à  la  mer  Tjrrbénienne.  \La  f uscaae  et  le  Bo« 
louais  étaient  les  seuls  pays  par  lesquels  les  armées  françaises 
pussest  s'avance  vers  Rome  et  Naples;  et  Ati'onse  s'engagea 
à  d^endre  l'un  et  l'autre  par  deux  armées  qui  occuperaient 
tous  les  défiAës  des  montagnes,  et  tous  les  passage^  fèrtifiés  des 
rivières.  En  même  temps,  comme  H  était  déjà  averti  que  lès 
Français  faisaient  à  Gênes  de  grands  préparati&  maritimes^  èC 
eemme  il  se  souvenait  que  Jean,  due  de  Galabre,  le  dernier 
des  princes  angevins ,  avait  envahi  par  mcAr  le  royaume  de 
Maples^  Atfoase  donna  à  don  Frédério,  sou  frère,  le  eofl»nan«^ 
érairat  doue  flotte  de  trente-oiiiq  gdâres,  dix-hiBt  grands 


1  Fr,  GiaectatdinU  Ub.  1,  p.  31.  —■  «  im.  p.  38.  -  s  Ibii. 


372  fttSTOIR£  DES  AEPUfitlQUBS  ITALIElClfES 

Yaisseaux,  et  douze  bâtiments  plus  petits,  qui  dat  se  rendre  à 
Livourne  pour' attendre  les  Français  au  passage ,  et  leur  fer- 
mer le  trajet  de  la  mer  inférieure,  s'ils  voulaient  le  tenter  ^ 

Pour  régler  de  concert  avec  ses  alliés  la  distribution  des 
forces  de  terre,  Alfonse  se  rendit  le  13  juillet  à  Yicovaro,  près 
de  Tivoli,  où  il  avait  donné  rendez-vous  au  pape  AlexandreYI 
et  aux  ambassadeurs  florentins.  On  assure  que  dans  ce  con- 
grès Alfonse  parla  avec  beaucoup  d'éloquence  sur  la  néces- 
sité de  sauver,  par  les  efforts  les  plus  vigoureux,  non  point 
son  trône,  mais  l'indépendance  de  toute  l'Italie,  l'existence 
de  tous  les  états ,  le  maintien  des  lois  et  des  mœurs  qui  leur 
étaient  propres.  Il  fallait,  disait-il,  ou  engager  Louis^le-Maure 
à  renoncer  à  l'alliance  française  pour  rentrer  dans  les  intérêts 
italiens,  ou  le  forcer  à  descendre  du  trône,  et  à  rendre  l'au- 
torité à  son  neveu  '.  Pour  atteindre  ce  but,  Alfonse  offrait  sa 
flotte  commandée  par  son  frère  don  Frédéric,  et  son  armée , 
composée  de  cent  escadrons  de  cavalerie  pesante,  à  vingt 
hommes  d'armes  par  escadron,  et  de  trois  mille  arbalétriers 
ou  cbevau-légers.  A  la  tète  de  ces  troupes ,  il  se  proposait  de 
s'avancer  par  la  Romagne ,  et  de  causer  une  révolution  en 
Lombardie  avant  que  Louis-le-Maure  eût  reçu  les  secours 
des  Français'. 

Mais  ces  déterminations  vigoureuses  furent  renversées  par 
les  intérêts  et  les  passions  privées  du  pape.  Gdui-ci  voulait 
profiter  des  forces  rassemblées  dans  ses  états  pour  se  défaire, 
avant  tout,  de  tous  ses  ennemis.  Il  avait  d'abord  pressé  le 
siège  d'Ostie,  pour  se  délivrer  du  voisinage  du  cardinal  Ju- 
lien de  la  Bovère  qu'il  poursuivait  avec  la  haine  la  plus  ar- 
dente. La  Rovère,  qui  savait  bien  le  sort  qui  lui  était  destiné 
8*il  tombait  entre  les  mains  de  son  ennemi,  s'enfuit  enfin 
d'Ostie  le  23  avril  à  trois  heures  de  nuit,  et  se  fit  transporter 

1  Sf^pUme  AmnOnto.  L.  XXVI,  p.  199.-»  PauH  JovU  Bist.  sui  tempor.  Ub.  I,  p.  31. 
-  Smmmc,  Stor,  di  «qpoU.  Ub.  VI,  cap.  I,  p.  4M.  -^}Fr.  CviccUxrdini.  Ub.  I,  p.  S5. 


BU  MOYEU  AGE.  373 

Bar  un  brigantin,  d*abord  à  Sayonne,  ensuite  à  Lyon,  auprès 
de  Charles  YIII  ^  Après  qn*il  se  fat  échappé,  sa  forteresse  ne 
fit  plus  une  longue  résistance.  Alexandre  YI  voulait  de  même 
employer  les  troupes  napolitaines  à  écraser  les  Colonna.  Pros- 
per  et  Fabrice,  deux  chefs  de  cette  maison  illustre,  avaient 
déjà*  acquis  une  grande  réputation  dans  les  armes,  à  la  solde 
du  roi  Ferdinand  ;  mais  ils  avaient  conçu  de  la  jalousie  pour 
les  faveurs  dont  avait  été  comblé  dernièrement  Yirginio 
Orsîni,  chef  d'une  maison  rivale  de  la  leur.  Ils  s'étaient 
secrètement  engagés  à  la  solde  de  France;  et  jusqu'à  ce 
que  le  moment  de  se  déclarer  fût  venu,  ils  s'étaient  retirés 
dans  leurs  fiefs  avec  le  cardinal  Ascagne  Sforza,  et  ils  cher- 
chaient à  gagner  du  temps  par  des  négociations  trompeuses 
avec  le  pape  et  le  roi  de  Naples*. 

L'inimitié  du  pape  contre  les  Colonna  força  Alfonse  à  divi- 
ser son  armée.  Il  renonça  à  la  conduire  lui-même  en  Boma- 
gne,  et  il  en  donna  le  commandement  à  son  fils  Ferdinand; 
mais  il  en  détacha  auparavant  trente  escadrons  de  cavalerie, 
qu'il  garda  sur  les  confins  de  l'Abruzze,  pour  couvrir  l'état 
ecclésiastique  et  le  sien  ;  et  une  partie  de  ses  chevau-légers, 
qu'il  donna  à  Virginio  Orsini,  avec  deux  cents  hommes  d'ar- 
mes du  pape,  pour  se  cantonner  autour  de  Rome,  et  tenir  les 
Colonna  dans  le  devoir.  Ferdinand,  duc  de  Galabre,  brave 
prince  âgé  de  vingt-cinq  ans,  également  cher  aux  sujets  et 
aux  soldats,  devait  s'avancer  en  Bomagne  avec  soixante-dix 
escadrons  et  le  reste  de  la  cavalerie  légère,  réunir  à  son  ar- 
mée les  compagnies  de  gendarmes  qu'avaient  promis  Biario  et 
Bentivoglio,  tenter  d'exciter  une  révolution  en  Lombardie,  et, 

1  FK  GuieeiardInU  lib.  I,  p.  99.  —  RarihoL  Senareçœ ,  de  rébus  Genuene.  T.  XXIV, 
p.  S^g.  — Allegretto  Allegreta,  Diarl  Saneef,  T.  XXIII ,  p.  829.  —  Stefano  Infessura^ 
Dlarlo  Romano^  p.  1353.  Cest  par  cet  événement  que  le  termine  le  curieux  journal 
dlnfessura,  qui ,  au  milieu  de  beaucoup  de  conles  populaires  et  de  beaucoup  de  médi- 
sances, peint  si  bien  ie  gouTemement  pontifical  au  xv«  siècle.  Muraton  i'a  imprimé 
a?ec  quelques  suppressions.  T.  111,  P.  Il,  |^.  ItoL  p.  ti05-t3fi3.  JSckard  Fa  donné  loni 
eptier.  —  *  Fr.  GuieciardbH,  Lib.  I,  p.  M. 


374  HISTOIRE  DES  VàwVIMfOf»  ITALIElinES 

Ç*il  ne  pouvait  t  réussir,  fermer  du  moins  |iux  Franchis,  jus- 
qfx*k  rbiveri  le  chemin  de  la  B(HBague. 

Les  Italiens  ne  supposaient  pas  qu*on  pût  faire  la  guerre 
pendant  l'hiver;  et  s* ils  gagnaient  six  mois,  ils  ne  doutaient 
pas  que  l'attaque  des  Français,  entreprise  avec  légèreté,  ne 
fût  abandonnée  de  même*.  Jean-Jacques  Trivul^ûo,  guelfe 
milanais^  le  comte  de  Pitigliano,  |de  la  maison  Orsim,  et  Al- 
fonse  d^Avalos,  marquis  de  Pescaire,  furent  donnés  pour  con- 
seillers au  jeune  prince  napolitain.  Pierre  de  Médicis  promit 
de  se  charger  de  la  défense  de  la  Toscane  et  des  défilés  des 
Apennins  ;  mais,  avec  une  imprévoyance  inconcevable,  il  nj 
appela  point  de  troupes  étrai^ères. 

A  l'assemblée  de  Yicovaro  s* était  trouvé  le  vieux  cardinal 
Paul  Frégose,  archevêque  de  Gènes,  qui  avait  joué  si  long- 
tei^dans  oette  ville  le  rôle  de  chef  des  factieux.  Il  offrit 
SQQ.assistançe  pour  chasser  de  sa  patrie  les  Adorni,  ses  adver- 
saires, et  avec  eux  les  Milanais;  il  promit  qu'avec  l'aide 
d'Hjbletto  de  Fieschi  et  de  sa  propre  faction,  il  se  rendrait 
aisément  maître  de  la  république,  s'il  pouvait  se  présenter 
dans  les  mers  de  Ligurie,  avec  la  flotte  napolitaine^  avant  qMe 
les  galères  du  parti  contraire  fassent  complètement  armées, 
et  que  la  flotte  française  fût  arrivée  à  Gènes.  Son  offre  fut  ac- 
ceptée; et  la  flotte  de  don  Frédéric,  ayant  pris  à  bord  les 
émigrés  génois,  avec  environ  cinq  mille  fantassins  rassemblés 
dans  Fétat  de  Sienne  et  à  livourne,  se  dirigea  vers  la  rivière 
du  Levant  *. 

Mais  le  cardinal  Julien  de  la  Bovèrç,  qui  d*Ostie  avait 
passé  à  Savonne ,  sa  patrie ,  y  avait  découvert  les  intrigues 
liées  par  le  cardinal  Frégose  dans  toute  la  Ligurie  ;  il  s'était 
àAlé  de  m  rendre  à  Lyon  peur  en  avertir  le  roi  Charles  TIIL 


t  fy.  OykmlwâM,  Ifb.  I, p.  W.  —  PauU  hmH  BUl  sui  temporîs.  1. 1, p.  94.^Plnl. 
iêê  GMMnes.  t.  Vif ,  cb.  V,  p.  U4.  —  •  PauU  lovtt  MUt.  «ttt  tempùrts.  Lib.  1 ,  p.  21.  — 
Mwic.  «MfOtfiiH'dM.  Ub.  I,  p.  M.  ^  eHando  MaUwcUi.  P.  m,  L.  Vf,  t.  M. 


U  rnYwt  eogagi  À  hm  passer  âeoi  miUe  SuMOi  à  fiAocs, 
pMT  4éjoaer  ces  ooa^ptojU  ;  m  fflàn^e  tep^  il  «vêtt;  employé 
toirte  8oa  éloqoeaoe  ^  toute  ïmpAomté  dé  âoii  ImA  trdenie 
k  pmmf  te«(  furéiHirdtifi»  de  guerre  ^oiAm  l'U^lie,  fit  à  dissiper 
tw»  )^  dwtef»  et  \wim  k&  b^i^Mom  de  Cl^orlei^  ViK,  dam 
l>9|)9if  de  hâter  wm§9^  propre  wengetoc^  * , 

£q  ^f{et,  Charles  VIU,  majgiïé  loqtes  ^ie9  wefiaim,  nalgf^é. 
iofa^tes  Jies  négoc^kwts  qui  n'av^ent  <m»  d'autre  i)ut  .^w  son 
expédition  d'Italie»  éleît  ewpre  Âucertaiu»  et  mv  la i^ute  qu  il 
l#  £«nT«BBdrait  de  prepdJ^e,  #t  ly^r  XméQ^Uou  misue  de  son 
PfKojet.  Capeudant,  pr  es(we4^rwaé  àaAtaqfiisr  te  royauwe  de 
Ki^s  par  mer  ^  il  fit  ipaaser  à  <ivtoe^  tMt  Tattg^t  dwt  il  4»e«i- 
ymi  disposer  ^  il  4î|  puép^rcy  ppur  MrmAmi^'  d^  iogemants 
spleudides  dans  les  p«^ts  des  ^liRobi  «et -des  I^pria;,  Hik  f 
envoya  mn  grafid-ée^jer,  l^erj^  d  U^le,  petir  y  lajre  armer 
une  flotte  puissante,  qw  dev^t  as  jr^u^ir  4  celle  qii'<m  ai<mait 
eu  même  temps  poui*  bii  h  Yillefffan^he  ,et  à  Mav^eiiUe'.  I4^ 
première ,  qui  ne  hû  roodU  ensuite  ai^uo  fteryioe,,  parce  qpHÀ 
abandonna  tous  «es  projets  a^^  m»\j^  ide  ^è^reté  qu'il  l#s 
avait  fornu^  lut  la  fim  magnifique  qu*Q^  eût  jamais  vi^  dana 
les  ports  de  la  république  de  :Qânes.  On  y  conoypftaitdoiue 
grauda  :«msseaiix  de  transport  pour  la  A^voierie,  daus  ^n^ 
on  fouvatt  lo^er  qnûue  cents  obovaust  ;  quatr^ivÂngt^w^ 
transpmis  plus  pe^  pour  Vii^aj^Aevie,  dii^^^pt  apéraniitas, 
inngt^trois  vaisseaux  du  port  de  oinq  ^9t  soixante,  et  vingtr 
aix  du  p<M^4e  cinq  ecHi^t  qnt^re^vingte  ^to^iiueau^i,  ^me  grande 
galéaioe  qui  portait  cent  chevaux,  trente  g^^^f^  ai^mées  ipoiur 
le  .combat^  ei^n  <la  gal^  Jirof  aie,  dont^a  jioupe  étidt  «doi^ée, 
et^  étmt  converie  tout  entl^  d*un  pairmondesoîe'. 


1  BarthoL  Senaregœ  de  relnu  Genuent»  T.  XXIY,  p.  539.  ^  Frime  Giâccia^igiL 
lib.  I,  p.  34.  —  >  Vberii  FoUetœ  Genuent.  But»  L.  XII,  p«  663.  —  BarthoL  Senaregçe 
de  rébus  Genuens.  p.  $39.  —  Pb.  de  Comines.  L.  VII,  çb.  V,  p.  i«5.  —  ^BwtthoL  Sena- 
regœ  de  rébus  Genuens.  T.  XXIV,  p.  M2. 


376  HISTOIHE  D£S  BiPVBUQU£S  ITALIENIIES 

Pour  eonumnder  ce  prodigieux  armement,  Charks  XUÎ 
eiiToya  i  Gènes  avec  la  flotte  française  son  ooasin  y  le  dnc  I 

d'Orléans,  qni  fat  depuis  Lonis  XII.  Gelai^ci  fit  son  entrée 
dans  la  ville  le  jour  même  où  la  flotte  napolitaine  parat  en 
vae  des  côtes  de  la  Lignrie',  tandis  qu'Antoine  de  Bessey, 
baron  de  Tricastel  et  bailli  de  Dijon,  qui  avait  été  chargé  des 
négociations  du  roi  avec  les  Suisses,  auprès  desquels  il  jouissait 
d'un  grand  crédit,  amenait  à  Gènes  les  deux  mille  hommes 
d'infanterie  qu'il  avait  levés  dans  les  cantons  3. 

Iblctto  de  Fieschi  avait  promis  à  Paul  Frégoso  et  à  don 
Frédéric  d'Aragon  que  tous  ses  partisans  l'attendraient  en 
armes  dans  la  rivière  du  Levant;  il  détermina  donc  la  flotte 
napolitaine  à  se  présenter  devant  Porto- Yénéré,  petite  ville 
en  face  de  Lérici,  qui  commande  l'entrée  du  magnifique  golfe 
de  la  Spézia.  Hais  son  propre  frère,  Jean-Louis  de  Fies- 
chi, qni  était  attaché  au  parti  contraire ,  s'était  rendu  à  la 
Spézia,  et  avait  exhorté  les  habitants  de  ces  parages  à  demeu- 
rer fidèles  à  la  république  ;  et  Jean-Jacques  Balbi  était  entré 
dans  la  ville  même  de  Porto- Yénéré  avec  quatre  cents  fantas- 
sins'. Du  côté  de  terre,  cette  ville  n'était  défendue  que  par 
une  misérable  enceinte  de  murailles  ;  quelques  corps  d'infan- 
terie napolitaine  essayèrent  de  les  attaquer,  tandis  que  la  flotte, 
portant  une  redoutable  artillerie,  entrait  dans  la  rade,  et  ten- 
tait d'opérer  un  débarquement  sur  la  plage  même.  Mais  tous 
les  habitants,  et  jusqu'aux  femmes  de  Porto- Yénéré,  s'étaient 
rangés  avec  les  soldats  derrière  les  murs ,  et  repoussa  ent  les 
assaillants  en  faisant  rouler  des  pierres  sur  eux.  Quelques 
rochers  i  fleur  d'eau  avaient  été  antiquement  façonnés  en 
forme  de  débarcadour  sur  le  port  pour  la  commodité  des  ma- 

1  Mémoires  de  PhQippe  de  Comines.  Liy.  VII,  ohap.  V,  p.  i62.  —  >  Fr-  Gtdcciardini, 
Lib.  I ,  p.  37.  —  Fr.  Belcarii  Comment,  rerwn  GalUcar,  Lib.  V,  p.  12».  —  »  Sdpione 
Ammirato.  E.  XXVI,  p.  199.  —  Vberti  Folielœ  *UsU  Cenitem.  Lib.  XII,  p  664.  —  Gim- 
tittkml  Ann,  di  Genova,  Lib.  V,  T.  319. 


DU  MOYEN  A6B.  377 

télotg  ;  les  habitants  avaient  en  soin  de  graisser  de  suif  ces 
pierres  polies,  qui  s'ayançaient  an  milieu  d*ane  mer  profonde 
et  agitée.  Les  Napolitains  s'en  approchaient  dans  les  chaloupes 
delénrsTaisseanx;  qnand  ils  se  croyaient  assez  près,  d'un  saut 
ils  s'élançaiint  tout  armés  sur  le  rivage  ;  mais  leurs  pieds  ne 
ponvaîents^affermirsnrla  pierre  glissante;  ils  retombaient  dans 
la  mer,  et  lenr  chnte,  pour  eux  si  fatale,  apprêtait  à  rire  aux 
défenseurs  de  Porto-Yâiéré,  et  relevait  leur  courage.  Le  com- 
bat continua  sept  heures  avec  un  acharnement  égal  des  deux 
parts;  enfin,  à  l'approche  de  la  nuit,  don  Frédéric  rappela 
ses  troupes  sur  ses  vaisseaux ,  et  il  s'éloigna  d'une  petite  ville 
devant  laqndle  il  avait  commencé  le  cours  de  [sa  mauvaise 
fortune^ 

Après  cet  édiec,  don  Frédéric  revint  à  Livourne  pour  ra- 
fraichir  sa  flotte  et  y  embarquer  de  nouveaux  soldats  ;  il  en 
repartttenvironunmoisaprès,  sur  la  nouvelle  que  Charles  YIII 
s'était  mis  en  route  pour  passer  les  Alpes.  Le  4  septembre 
Frédéric  se  présenta  devant  Kapallo,  riche  boui^ade,  située 
à  peu  près  à  ^ale  distance  ^tre  Porto-Fino  et  Sestri  di 
Levante.  Comme  elle  n'était  pas  fortifiée,  Louis-le-Maure  n'y 
avait  point  mis  de  garnison ,  et  les  Napolitains  n'éprouvèrent 
ancnne  difficulté  à  s'en  emparer;  Ils  y  mirent  à  terre  Hybletto 
de  Fieschi  avec  trois  mille  fantassins  et  les  émigrés  génois,  et' 
ils  s'entourèrent  provisoirement  d'nne  palissade.  Celle-ci  con- 
sistait seulement  en  grandes  fourches  de  bois  plantées  en  terre, 
sur  lesquelles  reposaient  des  solives  à  hauteur  d'appui.  Il 
n'en  fallait  pas  davantage  pour  arrêter  la  cavalerie ,  et  pour 
inspirer  de  la  confiance  aux  hommes  qui  devaient  défendre 
ces  faibles  barrières  *. 


1  PauR  JùvU  HUt.  mi  tempor,  Ub.  I,  p.  3S.  '—  Ftwic,  Guieciardini  uist.  Lib.  1,  p.  37. 
—  Barttu  Senaregœ  de  rebu$  Genuent.  p.  S40.  -^  Ob»H  FûUeîas  Genuênt.  ATM. 
Lib.  XII,  p.  M4.  —  s  PauU  JovH  HUU  m  lemp,  Ub.  I,  p.  30.  — Fr.  Guieciardini.  Lib.  1, 
p.  44. 


378  HISTOIBE  DES  a^P^BU^iUlSS  ITAUEnifES 

VUi»  ni  Slora  ni  te  4iKs  d*Or]itepi  ii*aviieBt  l'èiiMitioii  4e 
laisser  leurs  «nqeims  a§  ù^rti&w  à  Ba^bUo.  Im  pomier  airak 
pris  à  son  service  les  sept  frères  Sai^SériSrhtt,  ife  ds  Tîam 
^Robert,  qqii  dw§  Jiigéiiératîou  précédente,  snit  en  tanl  de 
part  au}(  riévoltttioQs  de  la  Lombardie,  Sforva  avait  troaié 
parmi  ces  frères  w  plus  babiks  eenseâUers  et  ses  pisa  fara- 
Tes  généraux.  U^  avait  ebai^  deuKi  Anien-Narie  «t  Irar 
cassa,  de  la  défense  de  Gènes  s  h  pranier  partit  aoasiiéjt  fsenr 
Bapallo  par  le  ebemn  de  terre^  avec  dent  tsebortas  ite  vété- 
rans et  un  escadron  de  cavalerie,  taadis  que  le  àsm  d'OrUans 
y  ooodoiaait  sa  fl(4to,  cmnpQsée  de  dix^hnit  gaièffea  «t  doo» 
gros  vaisseau^^  mv  ksqu^  U  «vaii  fëi  meoler  les  SmmetL 
Don  Frédéric  n*osa  point  se  laisser  acculer  dans  le  goile  de 
Bapallo  par  une  flotte  4|ipi  Tespp^i^  aqr  la  aianne  feur 
rhabilcté  delà  manediivre  et  pour  le  û«4ibre<de8ieanws'qa'elle 
portait.  U  prit  le  large,  et  laifi^  le  due  4*0rléans  aeh^«i^<saniB 
obstacle  son  débarquement.  Lei  tr«k^pies  venues  fapteri^^  et 
celtes  venues  par  mer,  avaient  parecMira  à  peu  ipeès  en  mime 
temps  les  vingt  rnUks  qui  séfi^rent  fiapaHo  de  Gènes.  ïEVes 
étaient  atrivées  devapt  la  première  viUe  pMenvs  bfiimsA 
avant  la  fin  du  jour;  rintenlaon  de  Jenra  ^&  était  «epen- 
dant  de  les  faire  camper  dans  iwf  petite  |Mne  à  .peu  de 
distance  de  Bapallo,  et  d*  attendre  le  lendeffaki  pmt  ««a* 
quer.  Mm  la.  rivalité  entre  )^  sol^ets  v^éiiipe  ide  Sioraa 
et  la  garde  ducale  de  G^nes  ne  le  permit  pas.  K^  pomimi, 
pour  s' assurer  le  p^te  dbpnnenr  an  ^eembat  du  te^demain, 
et  pour  braver  en  môme  temps  les  «noemis  mnfepnée  dmi 
Bapallo ,  vinrent  tracer  Jaivrs  logements  ai^si  près  ^pi'îb 
purent  de  la  viUe.  La  garde  ducale,  aceofdWIléP  4  vivce 
dans  une  cité  opulente,  et  à  se  faire  remarquer  par  Féclat  de 
ses  armes,  la  richesse  de  ses  habits  et  Taudace  deeespiq^ns, 
ne  put  sonlfrir  qn*un  antre  corps  d'ornée  prit  le  paa  sur  dHe. 
Elle  se  mit  en  marche  pour  établir  ses  quartiers  dans  le  court 


u|j  iioYiui  iu>ç*  379 

e^p^cis  qui  l'était  çqtre  lie^  Tétérann  à^  Sform  ^  B^p^llo»  Le» 
Kapolitoios^  jiigcaDi;  à  ce  mouy^QUSïit  qu'op  y^pait  i^  at|a- 
quer,  sortirent  au*devant  des  a&sailk|ot»  * . 

Le  couchât  ^epga^a  aiosi^  sau^  c^^  ^  part  n\  4'aotfe  l#g 
ehefs  ^e^^â^t  ordonné  i  il  fut  souteBa  a^ec  Jieauooup  d*acbaiv 
nement  :  mais  rémulation  entre  les  nations  diverses  qui  sert- 
y^jent  dam  l'armée  du  duc  d'Orléans  lui  assura  enfin  ravan- 
t^ge;  d'ailleurs  sa  flotte,  sapprocbaut  jusque  lORt  près  du 
rivage,  foudroyait  ]^  ^applitains*  C'était  le  premier  cam)^t  dç 
pette guerre  terrible  où  \ on  \^  lies  ulir^montains  aux.  [uîses  avee 
les  Italiens,  Us  se  firent  reniarqqer  ^ieu  plus  pap  I^r  férocité 
que  par  leur  bravoure  :  non  seulement  les  Suisses  ne  firent 
pas  grâce  aux  prisonnieFs  qui  se  rendirent  à  lenx ,  ils  turent 
la  plupart  de  ceux  qui  s'étaient  rendus  à  leurs  alliés.  Ils  n'é- 
|}arguèrent  |^as  pLqs  les  bourgeois  de  Ra|>al]x>  q^  leurs  eu- 
oemiS}  ils  les  pUlèreut  sapsf  miséricorde,  sans  distinction  diç 
paiti,  et  ils  poussèrent  la  {éro^Hté  jusqu'à  massacrer  einquaute 
malades  dans  l'bApital  de  lu  vUle.  Les  Génois  ne  les  virent  piis 
patiemment  exposer  en  vente,  h  leur  ret^w,  les  dépouilles  de 
ces  malUwreux  ;  le  peuple  soulevé  tua  une  vingtaine  de  Suis^, 
et  ce  4xe  fut  qu'avec  une  peiuf  infinie  que  Jean  Ad^uoparr 
vint  à  l'api^iser  2. 

Quelques  prisonniers  de  distinction  avaient  âé  conduits  h 
fiâoes  par  l'armée  victorieuse,  «ntre  autres  Frégoâao,  fiif 
naturel  du  cardinal^  Julio  Qr^iui  ^t  Qrlaiido  Frégose-  Hyblette 
de  Fiescbi,  le  princi^l  chef  du  parti  vaiucu^  s'enfuit  avee 
$04  fik  Bolandino,  au  travers  des  mimtf^gqes^  tr<Ms  im  df 
suite-  il  fut  dépouillé  par  d^  brigands.  Les  de^i^  .premiè* 
res  fois  les  paysans  du  voisinage  lui  rendirent  des  habits; 
inais  la  troisi^e  fois,  il  se  taurna  en  riaut  vers  sou  fils, 
«alÉe  tranquillité  impertorbable  qui  le  earactérisait  * 


1  PauH  Jovii  ^isu  stA  temp,  lib.  I,  p.  27.  ~  ^  Bartkol.  Senoregœ  de  rébus  Genuens» 
<r.  KSIV,  p.  543.  — >  Mémoires  de  Phil.  de  Gomines.  L.  VII,  ch.  VI,  p.  168. 


380  HISTOIRE  DES  BÉPUBLtQUES  ITiXIEIllIES 

«  Allons,  mon  flis,  tenons-noas-en  aux  habits  de  notre  pre- 
«  mier  père,  loi  dit-il  ;  autrement  je  Yois  bien  que  cela  ne  fini- 
«  rait  pas  * .  »  Don  Frédéric,  que  le  vent  avait  retenu  à  distance 
pendant  tout  le  combat,  ne  put  recueillir  qu'un  très  petit 
nombre  de  fugitifs,  avec  lesquels  il  s'en  retourna  tristement  à 
livoume*. 

Pendant  ce  temps  don  Ferdinand  s'avançait  par  la  route 
de  Bomagne  avec  l'intention  de  pénétrer  dans  l'état  de  Parme, 
d'appeler  les  peuples  à  retourner  sous  l'autorité  de  Jean  Ga- 
léaz,  leur  légitime  souverain,  et  à  secouer  le  joug  d'un  tyran 
qui  voulait  les  exposer  à  toute  la  furie  des  nltramontains. 
Mais  Ferdinand  n'avait  sous  ses  ordres  immédiats  que  quatorze 
cents  hommes  d'armes,  et  environ  deux  mille  arbalétriers  ou 
chevau-légers  :  après  même  qu'il  eut  réuni  à  son  armée  celle 
de  Guîd'  Ubaldo ,  duc  d'Urbin,  les  troupes  des  Florentins  et 
celles  que  lui  fournirent  les  petits  princes  de  Romagne,  cette 
armée ,  d'après  les  calculs  les  plus  élevés,  ne  passait  pas  deux 
mille  cinq  cents  cuirassiers  et  cinq  mille  fantassins  ^.  De 
son  côté  Charles  VIII,  avant  de  sortir  lui-même  de  ses  irréso- 
lutions, avait  fait  passer  en  Italie  le  sire  d' Aubigny,  de  la  mai- 
son Stuart  et  de  la  branche  de  Lénox,  avec  environ  deux  cents 
maîtres  ou  cavaliers  français  et  plusieurs  bataillons  d'in- 
fanterie suisse  qui,  descendus  par  le  Saint -Bernard  et  le 
Simplon,  s'étaient  réunis  à  Vcrceil  *.  Louis-le-Manre  se  hâta 
d'envoyer  ces  troupes  dans  les  provinces  menacées  d'une  in- 
vasion; il  leur  joignit  Francesco  San-Sévérini,  comte  de 
Gaiazzo,  avec  environ  six  cents  hommes  d'armes  et  trois  mille 
fantassins  vétérans.  Le  comte  de  Gaiazzo  prit  une  forte  posi- 


^Barthol  Senaregœ  de  rébus  Genuens»  T.  XXIV,  p.  543.  —  s  Paua  Jovli  nist.  sti 
temp.  Lib.  I ,  p.  28.  -*  Fr.  GuleciardinL  Lib.  1 ,  p.  44.  —  Seipione  ArnmUtato.  L.  XXVI, 
p  199.  —  /acopo  Nardl,  Stor.  Fior.  Lib.  f,  p.  17.  ~  Belcarius,  Comment»  Rer.  GalHe. 
Lib.  V,  p.  130.  —  s  Petrl  Bembi  Hisi.  venet.  Lib.  Il,p  27.  —  SOplone  AmnUraio, 
L.  XXVI,  p.  199.  -^  Fr.  Guicciardini.  Lib.  I,  p.  35.  —  *  Philippe  de  CpniiiieSy  Mèmoirci. 
Liv.  VII,  eh.  VI,  p.  167,  et  note ,  p.  482; 


DU  MOTBH  AGE.  381 

h,  tion  à  Fossa  GUiola,  sur  les  frontières  du  Ferrarais,  et  ohserva 

i  de  là  les  mouyements  de  Ferdinaad  * . 

^  Ce  jeane  prince  avait  eu  à  la  fin  de  juillet  nné  conférence 

;.  avec  Pierre  de  Médids  à  Gittà  di  Gastello.  Il  avait  ensuite  tra- 

r  versé  le  val  de  Lamone  et  fait  de  nombreuses  levées  de  sol- 

dats dans  cette  province  belliqueuse.  Tous  les  renforts  qu*il 
pouvait  attendre  s* étaient  réunis  à  lui,  le  moment  semblait 
^  donc  venu  d  attaquer  Tarmée  du  comte  de  Gaiazzo  et  du  sire 

d'Âubigny  avant  qu'elle  eût  reçu  les  renforts  de  Suisses  et  de 
Français  qui  descendaient  chaque  jour  des  Alpes.  Hais  Al- 
fonse  II ,  en  donnant  à  son  fils  une  armée  tout  à  fait  dispro- 
portionnée avec  Tentreprise  dont  il  le  chargeait,  l'avait  en 
même  temps  laissé  dans  une  dépendance  absolue  des  conseil- 
lers dont  il  l'avait  entouré.  Le  premier  d'entre  eux,  le  comte 
de  Pitigliano ,  devait  sa  réputation  militaire  bien  plus  à  la 
prudence  par  laquelle  il  avait  évité  des  revers  qu'à  l'au- 
dace qui  assure  des  succès.  Il  inâsta,  dans  le  conseil  de  guerre, 
pour  que  l'armée,  de  Ferdinand  demeurât  sur  la  défensive  : 
son  infanterie,  disait-il,  ne  pourrait  jamais  tenir  tète  aux 
Suisses,  ni  son  artillerie  être  comparée,  pour  la  rapidité  de  la 
manœuvre,  à  c^e  des  Français;  enfin,  sa  gendarmerie  le  cé- 
dait de  beaucoup  en  impétuosité  à  celle  des  ultramontains  2. 
Jean-Jacques  Trivulzio  au  contraire,  dont  le  caractère  n'était 
pas  moins  bouillant  que  celui  de  Pitigliano,  était  réservé,  dé- 
clarait qu'il  avait  combattu  les  Suisses  à  Domo  d'Ossola,  la 
gendarmerie  et  l'artillerie  française  en  France,  dans  la  guerre 
du  Bien  public,  et  qu'il  n'y  avait  rien  dans  cette  armée 
qui  dût  étonner  des  Italiens;  qu'il  promettait  la  victoire  si 
l'attaque  était  immédiate  ;  qu'il  ne  répondait  point  de  la  ré- 


1  PauU  JovH  Uiiior,  $ui  temp,  Lib  I ,  p.  29.  —  Franc,  GtdeciardinL  Lib.  I ,  p.  38.  — 
Scipione  Ammiralo,  L.  XXVI,  p.  200.  —  Franc  BeleartU  Comment,  rer»  GalUe,  Lib.  V» 
p.  isi.  —  HemoMii  OriceltorH ,  (U  Bello  UaUco.  p.  9«.  —  *  PauU  JavU  Hlst,  sui  temp, 
Lib.  I,  p.  09. 


382  HISTOIRE  DSS   ftéf^tJBlTQueS  ITALIEimES 

sMlftiiee  si  Ton  attendait  ïarritée  de  nonveaâi  ennanis*. 

Mais  déjà  la  nouvelle  des  mauvais  sueeès  de  den  Frédéric 
avait  jeté  plusieurs  des  alMés  dans  le  déeouraganent  et  firré- 
sotoition.  Jean  Bentivegio  eraigftait  la  vengeanee  des  Français 
et  do  due  de  Milan  H'il  i^nsentait  à  une  guerre  effendve ,  et 
le  eoDisU  de  gMnre  déeMa  qu'oo  if  attaquerait  point  les  en- 
neans  dam  hues  rstranebemMts.  Tout  ee  qii^Alfonse  d^ Ava- 
le» et  Bartbâeoii  d*Alvlane,  alors  élève  de  PItigHano,  purettt 
obtenir  par  leurs  instanees,  tetleavoi  de  trompette»  au  comte 
dé  Gaiazzo  pour  le  déflf^  de  $orttr  en  rase  campagne.  Gelui-ri 
n'ayant  pas  vonlu  renoncer  à  ses  avantages  pour  livrer  ba- 
taille ,  Ferdifirad  se  retira  B&m  les  murs  de  Faen^^ ,  derrièBe 
un  large  canal  atimenté  par  le»  eaux  du  Làffione,  qui  rendaft 
sa  position  très  forte  ;  et  eosiBie  il  apprit  que  Charles  TOI 
avait  passé  les  A^ms,  tt  iiédolfit  d'attMdre,  sans  se  mouvoif , 
les  troupes  allemandes  que  son  pêne  faisait  en&i,  Balais  Ire^ 
tard>  solder  dans  la  Souabe  et  f  AutriiÉie. 

Oiarles  YIII  s'était  rendu  à  Lyon  aveé  toute  sa  eéur  pour 
se  rapprocher  de  TltaMe,  et  il  y  avait  passé  Vête  âmis  les. 
joutes  elles tournoia,  an  hm^bh  desquels  il  paraissait  oaUier 
tous  ses  projets  de  eeaqu^s.  Il  avait  d^n«é,  pour  Fa^^me- 
ment  de  sa  flotte  à  Gènes,  presque  toutl'aifiditcoffîptaftt  dont 
il  pouvait  disposer.  La  dame  de  Beanjeu^  le  due  do  Bourbon 
et  presque  tous  les  grands  seigneurs  Mtaiaieiit  une  entrepriss 
lointaine  qui  ne  pouvait  rien  ajouter  à  la  ierce  réelle  du 
royaume.  Briçonnel,  qui  l'aviût  toogteÉips  coindllée,  n'osait 
pins  en  prendre  la  responsabilité  j  le  sénéchcd  de  Beaucaire, 
qui  la  pressait  a^ec  ardeur,  avaitété  vers  ee  mèBie temps  obligé 
de  s'éloigner  du  t^i  parée  qu'un  de  ses  domeslîcpies  était  mort 
avec  des  symptômes  de  peste  ^.  Les  courtisans  donnaient  au 


1  SminM  UU  di  Qlûn  HKopo  rmtihiù.  L.  V,  p.  2t4.  —  *  PauU  Java  Bist.  «uf  temp. 
Mémoires.  Uv.  VU,  cb.  V,  p.  194. 


lier  Môtbh  AGE.  â83 

roi  des  coiiscÂlft  contradictoires,  selon  qu'ils  étaient  alternati- 
Temeat  gagnés  par  les  agents  du  roi  de  Naples  et  par  ceux  du 
duc  de  Milan  :  Pierre  de  Médicis  avait  même  cherché  à  rendre 
ce  dernier  suspect  à  la  cour  de  France,  en  cachant  un  envoyé 
de  Charles  ¥in  dans  son  cabinet  pendant  une  conférence 
ednfidentielle  qu'il  eut  avec  un  ambassadeur  de  Louisle- 
Maure  ^  Au  milieu  de  ces  craintes  et  de  ces  contradictions , 
(âiarles  YIII  idMindonna  plusieurs  fois  ses  projets  que  la  pour- 
suite de  pkdrirs  le  #iposait  toujours  à  oubKer  :  il  avait  même 
dottué  des  contre-ordres  à  plusieurs  seigneurs  partis  avec  leurs 
troupes  ;  et;  il  les  avait  rappelés  à  la  cour  lorsque  le  cardinal 
Julien  de  La  Rovère,  que  sa  haine  hnplacable  contre  Alexan- 
dre YI  rendait  plus  ardent  que  personne  pour  Texpédition 
d'Italie,  ^arta  au  roi  aVec  une  batdiesse  qu'aucun  autre  n'au- 
rait osé  se  peitnettre.  Charles ,  dit-il,  se  côuvilrait  de  honte 
s'il  renonçait  à  des  prétentions  proclamées  dans  toute  l'Eu- 
rope, s'il  ne  retirait  aueun  fruit  des  sacrifices  qu*il  avait  faits 
par  ses  traités  avec  le  roi  des  Bomains  et  ceux  d'Espagne  ;  s'il 
abandonnait  les  alKés  et  les  soldats  qui  combattaient  déjà  va- 
koteusement  pour  lui  dans  la  rivière  de  6ènes  et  en  Roma- 
gne.  Charles  Vtll ,  entraîné  par  l'impétuosité  du  cardinal 
doi^  il  respectait  la  haute  dignité ,  et  séduit  par  les  flatteries 
ifai  sénécàal  de  Beaucaffe  qui  de  nouvean  pouvait  enfin  s*  ap- 
procher de  lui,  parfit  de  Vienne  en  Dauphiné  le  23  août  1 494; 
il  ae  dirigea  pair  te  mont  Genèvre,  et  il  traversa  les  Alpes  sans 
qw  personne  songe&t  à  lui  en  disputer  le  passage  ^. 

L'armée  firamçaise  était  composée  de  trois  mille  six  cents 
bommcs  d'anaca^  âx  mille  archers  à  pieds  levés  en  Bretagne, 
sil  mUle  arbalétriers  des  provinces  du  coeur  de  la  France, 
h«ît  miUe  fantassûis  gascons  armés  d'arquebuses  et  d'épées  à 

^  Fr.  QiAcciatêM,  lib.  I ,  p.  40.  ^  Ptatii  Jovii  Hist.  siA  têmp&f.  Lib.  I ,  p.  21  — 
Btnwrdi  QHceUmtii  de  beUo  liatieo.  p.  2.  —  >  Franc.  Guicciardirti.  Lib.  I ,  p.  42.  — 
Pmli  JovU.  Lib.  l,  p.  24.  ^-HiUippe  de  Gomines,  Mémoires.  Uv.  VII,  cb.  VI,  p.  166. 


384  HISTOIAB  DES  b£p19BLI4XUSS  ITAtlEBIllJSS 

deux  maiag,  et  huit  mille  Suisses  ou  Allemands  armés  de  pi^* 
ques  et  de  hallebardes  ^  Un  nombre  considérable  de  iral^ 
suivait  Tarmée,  qui  fut  encore  grossie  par  la  contingent  de 
Louis-le-Maore.  Lorsqu'elle  trayersa  la  Toscane,  on  y  compta 
soixante  mille  hommes  ^.  Parmi  ses  chefs,  on  remarquait  le 
duc  d'Orléans,  depuis  Louis  XII,  alors  commandant  de  la 
flotte  à  Gênes  ;  le  duc  de  Vendôme,  le  comte  de  Montp^iâer, 
Louis  de  Ligny,  seigneur  de  Luxembourg,  Louis  de  la  Tré- 
mouille  et  plusieurs  autres  des  plus  grands  srîgneurs  de 
France.  Le  sénéchal  de  Beaucahre  et  le  surintendant  Briçonnet, 
évéque  de  Saint-Malo,  confidents  du  monarque,  qu'ils  sui- 
vaient aussi,  ayaient  plus  de  crédit  auprès  de  lui  que  tous  les 
seigneurs  de  sa  cour  ^. 

Une  armée  aussi  nombreuse  aurait  eu  beaucoup  de  pdne  à 
traverser  les  Alpes»  si  elle  avait  dû  y  rencontrer  un  ennemi; 
mais  le  malheur  de  l'Italie  avait  voulu  que  le  Piémont  et  le 
Montferrat,  qui  tous  deux  étaient  gouvernés  par  des  princes 
absolus,  fussent  tous  deux  réduits  à  cet  état  de  faiblesse  et 
d'incapacité  auquel  une  minorité  condamne  une  monarchie. 
Gbarles-Jean-Amé,  né  le  24  juin  1488,  était  alors  duc  de  Sa- 
voie; il  n'avait  que  neuf  mois  lorsqu'il  avait  succédé,  le  13 
mars  1489,  au  duc  Charles,  son  père.  Blanche  de  Montferrat, 
sa  mère,  quoique  fort  jeune,  avait  obtenu  la  tutelle,  par  la 
faveur  du  peuple  de  Turin,  au  préjudice  de  ses  beaux-frères, 
les  comtes  de  Genève  et  de  Bresse.  Blanche  avait  bien  condu, 
le  20  juin  1493,  un  traité  d'alliance  avec  Ferdinand,  roi  de 
Naples  ;  mais  elle  n'avait  point  osé  ensuite  provoquer  l'orage 
sur  ses  états  :  elle  fit  ouvrir  à  Charles  YUI  tontes  ses  villes  et 
tous  ses  châteaux,  et  elle  le  reçut  lui-même  à  Turin  avec  la 
plus  grande  magnificence  ^.  Marie,  marquise  de  Montferrat, 

1  Hémoires  de  Louis  de  La  Trémouille.  Ch.  Viu,  p.  14S,  T.  XIV  des  Mém.  —  •  Jacopo 
Nardi  Uist.  Fior.  Ub,  I ,  p.  2$.  —  »  Mém.  de  La  Trémouille.  Ch.  Viii ,  p.  136.  —  Fr, 
Guicciardinu  Ub.  I,  p.  4«.  —  Belcarius  CommenL  Rer,  CalUc,  L.  V,  p.  133.  —  ♦  Gui- 
chenon ,  Hist.  générale  de  la  maison  de  Savoie.  T.  Jl,  p.  16O-162. 


M  MOYBN  AGI.  385 

ttttrke  deCrufflaime-Jean,  né  le  tO  aoât  14S6,  suivit  la  même 
poUtiQae^ 

G6B  deux  régentes  avaient  para  aax  yeux  de'  Charles  YIII) 
Tniie  à  Torin,  Faiiitre  à  Casai,  ornées  de  beaucoup  de  dia* 
mats  :  le  jeone  roi,  qm  se  troavait  déjà  manquer  d'argent, 
se  les  fit  prAter  pour  les  mettre  en  gage  diez  des  usuriers,  et 
il  se  fit  donner  douze  mille  ducats  sor  les  uns  et  autant  sur 
les  antres  K  Le  19  septend^re,  il  entra  dans  Asti ,  ville  dont 
le  duc  d'Orléans  avait  conservé  la  souvenuneté,  comme  dot 
de  sa  mève,  Valentine  Viscontt.  C'est  là  que  Louis  Sférza  vint 
le  joindre  avec  sa  femme  et  son  beau^père.  Hercule  d'Esté, 
duc  de  F^rrare  ^.  Ces  princes  conuaîBsaimt  les  penchants  de 
Charles  YIII  :  ils  voulaient  le  captiver  par  les  voluptés  ;  et  ils 
avairat  conduit  avec  eux  les  dames  milanaises  dont  la  vertu 
passait  pour  la  moins  sévère,  et  la  beauté  pour  la  plus  sédui- 
sante ^«  Plutteurs  jours  furent  donnés  aux  plaisirs  et  aux 
fêtes;  mais  ces  divertissements  furent  interrompus  par  une 
Budadie  grave  dont  le  roi  fut  attânt  :  aux  pustules  dont  son 
visage  fut  couvert,  on  jugea  que  c'était  la  petite-vérole.  Ce- 
paidant  cette  première  campagne  des  Français  en  Italie  fut 
signalée  par  l'introduction  en  Europe  d'une  maladie  jILm 
cruelle  encore,  à  laquelle  le  roi  semblait  s'être  exposé  plus 
qu'à  toute  autre.  Il  se  rétablit  en  assez  peu  de  temps; 
et  fl  se  dirigea  sur  Pavie,  où  il  fat  reçu  avec  de  grands  hon- 
neurs ^ 

Le  malheureux  Jean  Galeaz  vivait  avec  sa  femme  et  ses 
enfants,  dans  le  chftteau  de  cette  ville.  Depuis  quelque  temps, 
on  voyait  sa  santé  déchoir  d'une  manière  maïaçante  :  les  uns 

1  Benvenuti  de  Sancto  Georgio,  HisL  Moniis  Ferrati.  T.  XXiii,  p.  756.  —  >  Mémoire! 
de  Phil.  de  Comines.  L.  VU,  cb.  Yl,  p.  166.  -^  Fr,  GuicciardinL  Ub.  1,  p.  41.  ~  >  Diarto 
Ferrareie.  T.  XXIV.  Rer.  Ital  p.  3ft8.— Ff.  Caûcckofdini,  Lib.  I,  p.  45. —D^rnanft  on- 
eellarU  de  bello  Iialico,  p.  34.  —*  Josephi  RipamontU  HisL  urbis  UedioUmL  L.  VI^ 
p.  654.  —  Pauli  JovU  Histor.  Lib.  I,  p.  30. -^  b  pquU  joviL  Lib.  I,  p.  30.  —  f>.  Guie-' 
ciardini.  Lib.  I,  p.  45.  ^Sciplone  Ammiralo,  L.  XXVI,  p.  199.  — Roscoë,  Vie  de  Léoo  X. 
Cbap.  III,  p.  iW,^ÀmoUus  Ferronius  Burdigal,  de  rébus  GulL  Lib.  I,  p.  4. 
vu.  26 


386  HISTOIBE  DS8  BEPUBEiItUBt  ITALIENNES 

prétendaient  qu'il  l'avait  détroile  par  l'abua  dtt  pUbin  ée» 
sens;  d'autres  soupçonnaient  un  crime  là  où  ils  yojmiÊkt  oa 
ipl^t  ^  te  cphipa^ttre,  et  ils  aepowmit  Laaîs4e-MaHre  de  lui 
^oir  fid(  aduiipi^tcec  an  pcâsou  lent.  Les  eoortiaaiis  fraufais 
T^^  pn^At  poiqt  ym  le  due  ^'  k  rcH  sml  tut  admis  aiiprèi  de 
Ici  »  iC^  d^dx  0€Hi<era|mf  étaient  ooosins  germains  ^  fils  de 
4§n^  mOP  4q  I4.  malsoii  à»  Savoie.  Gepeatent  Giiaries  YIIT, 
qm  pe  vpulait  en  rien  déplaire  à  Loaiik^le^aure,  ne  paria  à 
ie^n  G^^9^  gne  de  ch(ises  générales,  et  toujoars  ea  présence 
4e  f^n  onele  ^  ;  mais,  pendant  oekl»  eonversation,  la  duchesse 
^i^lle  viiit  s§  jeter  m%  genwx  du  foi,  le  suppliant  d'épar- 
pier  MIqusp  spu  pèi^,  «t  son  f«ère  Ferdinand.  Charles  ré- 
pondit aveo  (^nbiirraa  qu'il  s'hait  désorauds  trop  avanaé  pour 
pplilFoir  ra€9i^li;  rt  il  se  hâta  de  quîtier  nne  ville  en  il  avait 
£plis  les  jmx,  use  seèue  aussi  doulonreuse,  qull  «ontriboait 
tuçote  k  rendre  plus  pendule.  Il  reçut  de  Lonis-le-Hanre  les 
«p))6ides  qui  lai  avaient  été  promis;  son  année  tira  des  arse- 
mn  de  Milan  les  anneset  les  équipages  qm  lui  mcH[iqaai€nt, 
et  il  continua  sa  route  par  Plaisanoe  ^* 

Lou»^-le*Hanre  acciMsapagnait  Charles  YIII;  mais,  ayant 
:1ifilga  4  Plimmce  ou  h  Parme  la  nouvelle  que  son  neven  se 
H^purait^  il  retourna  en  baie  à  Milan,  pwr  i^cueiUir  sa  soo- 
é^^mx^.  J^p  jQaléf^  Sforaa  expira  le  2a  ocUdire^.  Le  séuatde 
IfJÛan^  qui  était  opmpoaé  nuiquement  des  eréatures  dn  Manre, 
Ini  représenta  que,  dans  les  circonstances  critiques  éa  se 
trouvait  l'Italie»  un  ^n&ot  de  <tioq  ai|»,  tel  que:  eetui  de  Jean 
Çaléaz,  ne  pouvait  être  chargé  du  gouvernemjBnt;  que  l'état 
ne  pouvait  tomber  de  minorité  en  minorité;  qu'il  avait  be- 
soin d'un  souverain  qui  régnât  réellement;  qu'enfin,  Louis- 


1  Mémoires  de  Ph.  de  Gomines.  Lib.  VII,  chap.  VII,  p.  i77.  Fr.  Guicciarditti  Ub  I, 
p.  4d.  —  Bemardi  (Meeliarii  de  belle  f/afico,  p. ^5.  —  «  Pauli  Jovti  Hist  sui  temp. 
llb.  I,  p.  30.  —  àmold,  FerroniU  Lib.  I,  p.  0.  —  >  lodovici  CtxvUeUU  Cremon,  Annales. 
T.  ni.  Tft^^owH  aniiq»  UqI.  p.  |4«9. 


M  w>rm  AGS.  tB9 

le^lfautfe  ^M^  Déoessaire  à  la  patrie^  et  qae  le  flacrifiee  q/aiàkt 
demandait  de  lui  était  de  monter  sur  le  tiM^ae.  Louis  parut 
faire  quelque  résistauee  :  cependant,  dès  le  lendeouiin  jnatia^ 
U  prit  le  titre  et  les  décorations  de  duc  de  Milaoi,  et  il  pni^ 
testa  même  ea  secret  qu'il  les  recevait  conune  lui  appartenant 
en  propre,  d'après  FiavesMtqT&queMaxioiîiieii  M  atait  doa^- 
née^  11^  hâta  ensuite  de  reyoij^dne  T  armée  française,  dont 
il  ne  pouvait  s'éloiigivar  sanis  4jpie|que  danger  2. 

£n  effet,  cett^  iM:'mée  aiirait  ébé  frappée  d'un  sentimamt 
d'effroi  par  la  «lort  de  Jean  Galéav  :  chacun  se  demandai; 
avec  inquiétude  comment  le  roi  pouvait  s*  engager  dans  le  food 
de  rxtalie,  sans  laisser  derrière  lui  d'autre  allié  que  ce  même 
duc  qui  venait  de  s'ouvrir  le  chemin  du  trteie  par  le  poison. 
Ghaqjoe  action  des  lMilanai$  devenait  iaq[)ec!te  aux  Fj^nçaîs, 
qu'on  avait  sans  cesse  entretenus  de  la  fourberie  italienne,  et 
qui  souvent  usaient  de  mauvaise  foi  pour  se  mattoe  en  garde 
contre  celle  qu'ils  croyaienit  deyoir  craindre.  Le  duc  .d*X)i^ 
léans,  qui  prétendait  à  tout  l'héritage  des  Sforza^  s'effoccait 
de  persiiader  à  son  cousin  que  l'expédition  de  Naples  serait 
plus  facile  s'il  commençait  par  conquérir  le  Milanais^.  Le 
prince  d'Orange,  le  seigne^r  de  Miolans, Paihppe  des  Cordes 
et  les  autres,  qui  regardaient  la  marche  de  l'ariNiée  jusqu'à 
Kaples  comme  trop  dangereuse,  prireiM;  oocasion^  cotte  fer- 
mentation pour  presser  le  roi  d'y  renoncer  :  mais  Charles  VUE 
n'écoutait  que  l'obstination  qu'il  prenait  pour  l'amour  de  la 
gloire;  et  selon  qu'il  en  ét^^tcoBvenu  avec  le  uouvenu  due  de 
Milan,  il  prit  la  route  qui  de  Parme  débouche  dans  la  JUmi- 
giane,  pour  entrer  en  Toscane.  Cette  route  passait  ,par  Jor- 
novo  et  San-Terenzio,  et  elle  aboutissait  à  P(mtremoU,  vflte 

f  Franc*  GuiceiardinL  Lib.  1 ,  p.  49.  —  Pauii  Jovii  BisL  «id  tempor.  Lib.  H ,  p.  37. 
—  Josepia  HipamoniU.  Bisi,  Orbis.  MedioL  L.  VI,  p.  655.  —  PetH  Bembi  Hist.  Veneia, 
!..  li,  p.  27.  —  iVavotfltfro  Storia  Fm«s.  p^  i3»i;  mais  il  prêt»  les  sophismes  à  iduis, 
el  U  résistance  au  sénat.  — «*  Bar  th.  Smaregœ  de  reb,  Genuttu,  p.  543.  Il  rejoisnt  Ib 
roi  A  Villa,  à  peu  de  disUnce  de  Sariane  —  '  PauU  JovU  Hisi,  mi  temp,  Ut>.  i,  p.  n 

25' 


386  HlStOIBB  DE»  BiFOUtlOUKS  rrALIEHHES 

qai  appartenait  alors  aux  Sforza,  elle  était  donc  tout  entière 
en  pays  ami,  et  toujours  à  portée  de  la  division  qui  occupait 
Gènes,  coBune  de  la  flotte  française.  Aussi  conyenait-elie  si 
éridenunent  aux  Français,  qu'on  ne  peut  conoeroir  Fimpré- 
toyanœ  des  Napolitains  qui  rayaient  laissée  dégarme,  en  por- 
tant toutes  leuiB  forces  dans  la  Romagne^ 

Le  pape  Alexandre  YI  et  Pierre  de  Médids  ayaient  pris 
rengi^ment  de  fermer  la  Toscane  aux  Français.  Mais  tà  le 
pape  y  youlnt  faire  marcher  quelques  troupes,  elles  furent 
anrètées  par  la  rébellion  des  Golonna,  qui,  au  moment  où  ils 
apprirent  rapproche  des  Français,  rejetèrent  les  offres  bril- 
lantes qui  leur  ayait  faites  Alfonse  II,  se  déclarèrent  soldats 
du  roi  de  France,  et  s*emparèrent  d'Ostie,  où  ils  attendaient 
sans  doute  la  flotte  française.  Le  pape,  loin  de  pouvoir  en- 
voyer des  troupes  en  Toscane, fut  obligé  de  rappeler  celles 
qu'il  avait  en  Romagne,  pour  les  envoyer  contre  les  Colonna^ 
sous  les  ordres  de  Yirginio  Orsini^. 

La  république  florentine  avait  envoyé  des  ambassadeurs  à 
celle  de  Lucques  et  au  duc  de  Ferrare,  pour  les  engager  à  ne 
point  accorder  le  passage  parleurs  états  à  ceux  qui  voudraient 
envahir  la  Toscane;  elle  avait  en  même  temps  nommé  des 
commissaires  extraordmaires  pour  veiller  à  la  sûreté  de  Fétat. 
Mais  Pierre  de  Médicis  n'avait  point  voulu  qu'on  mit  des 
troupes  à  leur  disposition  3.  Cependant  une  armée  aussi  nom- 
breuse et  aussi  mal  disciplinée  que  celle  des  Français,  pouvait 
bientôt  manquer  de  vivres  dans  une  province  montueuse,qui 
n'en  fournit  point  assez  pour  ses  propres  habitants.  Il  suffi- 
sait, pour  la  réduire  à  une  grande  détresse,  de  lui  disputer  le 
terrain  pied  à  pied,  en  profitant  pour  cela  des  nombreux 
cfaàteaux-forts  qui  commandent  tous  les  passages.  L'armée 

1  Bemardi  OrteeUarttde  beUo  ItaUeo,  p.  ST.  edilîo  noreiittiii  iiH4o.  iTSS.  sub  no- 
mliie  Loodini.  — *  f>.  GuleciardM.  L.  I,  p.  47.  —Fana  Jcvii,  L.  I,  p.  33,  -;  >  Sd- 
piofie  Àmmirato*  L.  XXVI ,  p,  9M. 


.     O0  MOYEU  AGB.  389 

descendant  de  Pontremofi,  le  Icmg  de  la  Magra,  traTena  les 
fiefs  du  marquis  Malespina.  An  milieu  deux  était  située  b 
bourgade  de  Fivizzano,  qui  appartenait  aux  Florentins.  C'é- 
tait le  premier  pays  eimemi  dont  l'armée  se  fût  approdiée. 
Le  marquis  de  Fcsdinovo,  n'écoutant  qu'une  jalousie  de  voi- 
sinage, indiqua  aux  Français  le  côté  faible  des  fortifications, 
et  les  moyens  de  prendre  la  forteresse.  Elle  fut  en  effet  atta- 
quée et  emportée  d'assaut  :  tous  les  soldai»  et  une  grande 
partie  des  habitants  furent  massacrés,  toutes  les  maisons  fo- 
rent pillées  ;  et  cette  première  exécution  militaire,  qui  répan- 
dit une  extrême  terreur,  fit  connaître  la  différence  entre  la 
guerre  nouvelle  et  les  guerres  sans  effusion  de  sang  qu'on 
avait  soutenues  jusqu'alors  ^  En  même  temps  Gilbert  de 
Montpensier,  qui  commandait  l'avant-^arde  française,  sur- 
prit, le  long  de  la  mer,  un  détadiement  que  Paul  Orsîni  eor 
voyait  à  Sarzane  pour  en  raiforcer  la  garnison ,  et  il  ne  fit  de 
quartier  à  aucun  soldat^. 

Sarzane  était  en  quelque  sorte  la  def  de  la  Lunigiane  :  on 
nomme  ainsi  un  rivage  resserré  entre  la  mer  et  les  monta- 
gnes, qui  s'étend  des  frontières  de  Gênes  jusqu'à  Pise,  sur 
une  largeur  qui  ne  pas^e  jamais  deux  liraes.  Sarzane  était 
une  ville  assez  forte;  et  sa  citadelle,  Sarzanello,  passait  pres- 
que pour  imprenable.  Si  l'armée  française  avait  laissé  cette 
forteresse  derrière  elle,  elle  se  serait  trouvée  ensuite  arrêtée 
par  celle  de  Piétra-Santa ,  qui  appartenait  également  aux 
Florentins,  et  qui  ferme  le  chemin  dans  un  endroit  où  il  est 
plus  étroit.  Tout  le  pays  pouvait  être  défendu  de  mille  en 
mille.  Il  ne  produit  que  de  l'huile;  et  il  est  si  dépourvu  de 
blé,  qu'il  tire  la  moitié  de  ses  vivres,  à  dos  de  mulet,  de 
Lombardie  :  il  est  si  malsain  au  commencement  de  l'auttomne, 

>  Franc.  GideclaréM.  Ub.  1,  p.  5i.  —  Jacopo  NimU  BU,.  Flor*  Ub.  I ,  p.  t7.  ~ 
>  Pauli  jcvU  Hisu  stA  temp>  Ub.  I ,  p.  $i.  —  B»tboi.  Smnangœ  4e  rcfr.  Genuism» 
p.  544.  —  BelcarU  Iter.  Gaitte,  Ub.  v,  p.  i|7. 


890  HISTOIRE  DES  B^PITBllQlTEd  ITALIENITES 

qd'me  anftée  entière  j  se^sX  détMifê  en  peu  de  semaines 
fkT  te  fièrrè.  Les  ca|Nta!iies  français  montraient  donc  quel- 
le inqniétDde  en  s'j  engageant,-  muis  la  pusiUanimité  de 
Pierre  de  Médids  se  hâta  de  la  dissiper. 

yeditrie  des  Français  en  Toscane,  en  répandant  à  Tlorence 
une  terrènr  extrême^  fit  éclater  en  même  temps  contre  Pierre 
de  Médids  le  niéedotenteinent  qu'on  avait  longtemps  com- 
primé. Lea  florentins  étaieiit  attachés  de  tout  temps  à  la 
fMisoD  de  Franee^  ils  la  regardaient  comme  protectrice  da 
parti  guelfe  el  de  la  liberté  :  ils  murmuraient  hautement  dé 
eè  qtie  le  dief  ée  Tétat  les  atait  engagés  dans  une  guerre 
mnirairc  à  leurs  intérêts,  et  les  exposait  les  premiers  à  tous 
lA  daugers  d'une  querelle  qui  leur  était  étrangère  ;  les  amfbas- 
sadeuff»  florentius  avaient  été  renvoyés  de  la  cour  de  France; 
ICRis  le»  associés ,  tous  les  commis  des  maisons  de  commerce 
dtes  Ittdteis  avaient  été  èhnssés  de  tout  te  toyaume  :  mais 
cette  rigueur  n'avait  point  été  étendiie  anx  autres  Florentins, 
emnme  poor  leur  faire  sentir  qne  la  France  satait  distingner 
entre  eux  et  l'usurpateur  de  leur  liberté  ^  On  savait  qoe 
Laurent  et  Jean  deMédids,  ces  cousins  de  Pierre,  qu'il  avait 
Êiialtraités  quelques  mes»  auparavant,  et  qu'il  avait  ensuite 
exilés  à  leur  maison  de  eampagne,  s'étaient  rendus  auprès  de 
(Mrles  TIII ,  et  qù'%  tè  soilldtaient  de  renverser  un  gou- 
vernement odieux  à  hi  itiasse  des  citoyens  3.  Le  ponvoir  de 
ee  ebëf  vaiiiteux,  qui  n'avait  point  touIu  reconnaître  de  li- 
taites,  se  trouvait  tout  à  cemp  ne  plus  reposer  que  sur  une 
opinion  chancelante. 

Pierre  dé  Méâieis,  effrayé  de  la  ferniëntation  intérieure, 
dont  il  voyait  de  toutes  parts  éclater  les  marques  ;  effrayé  de 
J»  godrie  élMigè»^,  qu'tt  ne  se  trouvait  p^int  en  mesure  de 

i  SOfUMe  Ifénfr^aio.  L.  XXVI^  p.  ffS.  '^Fr,  êuiecièrdiM.  h.  I,  p.  S3.^*  Seit4ùne 
^nmmh.  «b.'XXVi,  f>.  m,  -^FK  GatceUtréOni.  hih:  ft,  p.  St.  ^  FUutt  JwU  «ist. 
Lib.  I,  p.  32.  —  Jacobo  Nardl  HisU  Fior,  Ub.  If  ().  t«. 


«Niteirif ,  KéBMot  éé  céd«r  à  forage,  dt  fiimi  sa  paix  at^c  \m 
Fnmçais,  et  d' iimler  la  oondoîle  que  sêii  père  avait  team 
avec  Ferdinand,  conduite  qu'il  avait  si  dourent  entendu  louer, 
li  ignorait  qde  pour;  imiter  un  grand  liomme,  il  faut  avoir 
flon  talent  pour  juger  ded  eiroonatanoaa^  et  Éon  oaraotère  pont 
braver  les  dangers.  Pierre  de  Médieis  fit  nommer  pst  la  ré* 
publique  une  nombreuse  amba^aade,  dont  il  faisait  partie, 
avec  commission  de  se  rendre  auprès  du  roi  de  France,  el 
de  chercher  à  Tapaîser.  Mais  averti  en  chemin  qu'on  col*p9 
de  trois  cents  hommes,  que  la  république  envojait  à  Sarzane, 
«vait  été  surpris  et  mis  e»  pièces,  il  n'osa  poin&  d'avancer^ 
•ans  sauf-conduit,  au-delà  de  Pîétra^Santa.  Quelques  sdi-^ 
gneur^  de  la  cour,  entre  ailtre»^  Briçcm^et  et  c'e  Pienac»^ 
vinrent  Fy  chercher  et  le  conduisirent  devant  le.rjirà,  le  )owr 
inéme  où  Ton  eommen^ait  F  attaque  de  Sarzanello  ^ 

Pierre,  pour  justifier  la  conduite  qu  il  avait  tenue,  en  ré<- 
fusant  au  roi  le  passage  par  la  Toscane,  rappela  son  tnété 
avec  Ferdinand ,  conclu  do  consentement  de  Louis  Xi  lui* 
même;  il  ajouta  que,  jusqu'au  moment  oii  les  arméaa  fraii* 
çaisea  avaient  pénétré  en  Italie,  il  n'aurait  pu  f' écarter  de  oe 
traité  sans  s'esiposer  à  toute  la  vengeance  des  Aragonaie  ;  maisi 
puisque  désormais  il  ne  courait  plus  le  même  danger,  il  était 
prêt  à  montrer  tout  son  déyouement  à  la  maison  de  France  d# 
Le  roi,  en  réponse  à  ce  discours,  lui  demanda  que  les  portée^ 
de  Saroane  lui  fussent  ouvertes.  Pierre  y  consentit  immédia* 
tement^  et,  sans  même  consulte^r  ses  compagnons  d'ambaasa<te| 
il  donna  des  ordres  pour  que  Sarzane  et  Sarzanello  fusaei^i; 
livrées  au  roi.  Celui-ci,  étonné  de  cette  facilité,  demanda  au»- 
Mtôt  que  Piétra-Santa ,  librafratta ,  Pise  et  Livoume  Im  f us^ 
sent  également  livrées.  En  faisant  cette  demande,  les  Français 

<  Franc.  Gidcclariini  Hist,  Lib.  I,  p.  5^  —  Sdplone  Ammirato.  L.  XlVI,  p.  208.  — 
Philippe  de  Comines ,  Mémoires.  U  Vil,  cbap.  JX,  p.  i8&.  »  *  Bemardi  OriceliarH  4e 
bello  lialico  comment,  p.  89. 


393  HBTOIBE  DIS  lÉPOBUQIJIS  ITALIEIIIIISS 

nerfattgndanent  mdBenient  à  oMenir  ces  places,  do  moins  sans 
donner  de  grandes  steelés  pour  lear  restitiition  après  le  pas- 
sage de  r  armée  ;  mais  Pierre  n'en  demanda  aucune  :  il  oon^int 
verbalement  qoe  le  roi  s'obligerait  à  rec^tner  les  forteresses 
de  Toscane  qpiand  il  aurait  acberé  la  conquête  du  royaume 
de  Naples;  que  les  Florentins  lai  prèteraioit  deux  cmt  mille 
florins;  qu'ils  seraient  reçus  à  cette  condition  sous  la  pro- 
tection du  roi,  et  que  le  traité  de  paix  entre  eux  et  lui  serait 
rédigé  et  signé  à  Florence.  Sw  cette  simple  conyentioa  ver- 
bale ,  il  fit  ouvrir  aux  Français  toutes  les  forteresses  de  Fétat 
de  Pise,  non  sans  exdt^  le  ressentiment  de  ses  compagnons 
d'ambassade,  qui,  n'étant  arrivés  qu'après  lui,  croyaient  faire 
beaucoup  pour  le  roi  en  lui  ofirant  un  libre  passage  |au  tra- 
vers de  leur  état  i. 

Les  Florentins,  en  recevant  la  nouvdle  de  la  convention 
deSarzane,  furent  plus  irrités  encore  que  leurs  ambassadeurs. 
Depuis  longtemps  ils  accusaient  Pierre  de  Médids  de  se  con- 
duire comme  sdgneor,  et  non  plus  comme  premier  citoyen 
de  pa  patrie  ;  de  prendre  des  airs  de  maître  que  n'avaient  ja- 
mais affectés  Laurent  son  père ,  on  Gosme  son  aieuI;  de  né- 
gliger entièrement  de  se  rendre  aux  conseils  ou  de  si^r  avec 
ses  coU^fues,  lorsqu'il  était  revêtu  de  quelqae  magistrature^. 
Mais  on  ne  l'avait  point  encore  vu  fouler  aussi  complètement 
aux  pieds  les  lois  de  la  république ,  ou  prendre  sur  lui  une 
autorité  qu'on  n'avait  jamais  songé  à  lui  déléguer.  C'était  lui, 
disait-on,  qui  avait  prédpité  sa  patrie  dans  une  guerre  con- 
traire à  tous  ses  intérêts,  et  lui  encore  qui,  pour  l'en  tirer, 
sacrifiait  les  conquêtes  de  plusieurs  générations.  Le  parti  de 
la  liberté,  qui  s'était  successivement  grossi  de  tous  ceux  que 

t  fy.  Gukxiardini,  Ui.  Ub.  I,  p.  5S.  —  PauU  Jovii  ^ist.  mi  tem^orU.  Ub.  T,  p.  Si. 
—  Se^ne  inw^rafo.  Ub.  XXVi,  p.  903.  -^  Jaeopo  NardU  UUU  Fiùr.  Ub.  I,  p.  it,  — 
Phil.  de  Comiaes ,'  Btém.  Lib.  VH,  ch.  IX ,  p.  its.  —  Arnold  FerronU.  Lib.  I ,  p.  6.  ~ 
«  PauU  SovU  Bisi.  Lib.  I,  p.  31.  —  Jaeopo  NardL  bib.  I,  p.  15.  —  PblU  de  Comines. 
Lit.  vu,  ebap.  VI,  p.  ni. 


D0  HOTIH  AU.  S9S 

nerre  avait  rdmléB  par  ma  inflolenoe,  et  qui  «rail  élë  tout 
récemment  ranimé  par  les  prédications  de  SaTonarole,  tirait 
parti  de  ces  éTénements  pour  montrer  combien  il  est  dange- 
reux de  donner  on  chef  à  une  ville  libre  :  sons  sa  domination, 
un  état  perd  bientôt  la  vigueur  de  ses  armées,  la  prudence  de 
ses  conseils,  et  enfin  ses  meilleures  provinces  ou  son  indépen- 
dance. Mettons  du  moins,  disaient  les  Florentins,  nos  cala- 
mités à  profit  ;  et  puisque  l'armée  française  doit  traverser  nos 
murs,  qu'elle  serve  au  renversement  de  la  tjrrannie  ^ 

Pendant  que  l'armée  firançaise  se  dirigeait  vers  Lucques  et 
vers  Pise,  Pierre  de  Hédids,  averti  de  la  fermentation  de 
Florence,  se  hâtait  d'y  revenir,  espérant  encore  contenir  la 
ville  dans  l'obéissance.  Il  y  arriva  le  8  novembre  ;  et  après 
avoir  pris  dans  la  soirée  conseil  de  ses  amis,  qu'il  trouva  ou 
ckksouragés,  ou  aliénés  de  lui,  il  résolut  de  se  rendre  le  len- 
demain au  palais,  auprès  delà  Seigneurie.  Ce  palais  était  fermé» 
et  l'on  avait  mis  des  gardes  à  la  porte,  comme  on  le  faisait 
toujours  dans  les  temps  de  tumulte.  La  Seigneurie  résolut  de 
ne  point  recevoir  la  visite  de  Pierre  de  Médids  ;  elle  Ini  en- 
voya Jacob  de  Nerli,  gonfalonier  de  compagnie,  pour  le  lui 
signifier,  tandis  que  Lucas  Gorsini,  l'un  des  prieurs,  s*arrèta 
à  la  porte)  pour  lui  en  disputer  le  passage,|  si  cela  devenait 
nécessaire^. 

Pierre  de  Médids  ne  mit  point  leur  constance  à  l'épreuve  : 
étonné  d'une  résistance  qu'il  n'avait  jamais  connue,  il  ne  re- 
courut ni  aux  prières  ni  aux  menaces;  il  se  retira  chez  lui, 
pour  appeler  à  son  aide  Paul  Orsini,  son  beau-frère,  avec  les 
gendarmes  qu'il  commandait  :  mais  le  message  qu'il  lui  en- 
voyait ayant  été  surpris,  les  dtoyeDS  s'armèrent  et  se  rassem- 


<  Fr.  McdonlM.  Ub.  I,  p.  54.  —  *  Sd^^om  âmnOnao.  bib.  XXVI ,  p.  2M.  -* 
iae.  Hardi.  L.  I,  p.  21.  —  Pwifi  jom  ÉUU  lî.  I,  p.  SS.  •«  Fr.  GvUeyariMU  b.  I, 
p.  ss.  — Vémoires  de  PhU.  de  Gonrioet.  fify.  VU,  ehap.  X,  p.  191.  —  BelearU  Comment. 
fter.Go/ttcLib  V,p.  ist. 


884  HISTOIRK  DB8  BlPVBUqUBI  ITALIENNES 

MèreUt  sur  la  i^lace  du  Palais  ^  pour  être  prête  à  eiémtar  les 
ordres  delà  Seigneurie.  Gependant  le  cardinal  Jeim  de  Médids 
aTait  parooani  quelques  rues,  suivi  de  serviteurs  de  sa  inai* 
son,  aniquris  il  faisait  répéter  le  cri  d'armes  de  sa  famille, 
Palle  !  palle  I  mais  ce  cri,  autrefois  si  cher  à  la  populace,  n  a* 
irait  rassemblé  aucun  de  ses  partisans.  Le  cardinal  n'uTiut  pu 
passer  au-ddà  du  milieu  de  la  rue  des  Cabaioli  ;  de  toutes 
parts  on  entendait  des  cris  menaçants  pour  les  Hédieis.  Pierre 
et  son  frère  Julien,  déjà  entourés  des  soldats  que  leur  a^ait 
amenés  Paul  Orsini,  se  retirerait  vers  la  porte  San-Gallo,  et 
essayèrent  encore^  en  jetant  de  fargent  au  peuple,  d'engager 
les  artisans  qui  habitent  ce  quartier  à  pr^idre  les  armes  pour 
eux.  On  ne  leur  répendit  que  par  des  menaces;  et  lorsqu'ils 
entendirent  sonner  le  tocsiù ,  ils  sortirent  de  la  ville,  dont 
on  referma  les  portes  après  eux.  Le  cardinal  Jean  de  Médicis, 
s'étant  déguisé  en  moine  franciscain,  se  déroba  de  son  côté 
au  tumulte,  et  rejoignit  ses  deux  frères  dans  les  Apennâns  K 
Pierre  de  Médicis  avait  pris  inconsidérément  la  route  de 
Bologne,  au  lieu  de  s'adresser  au  roi  de  France,  auprès  du* 
quel  il  aurait  probablement  trouvé  protection*  Les  soldats  de 
Paul  Orsmi,  qui  le  suivaient,  attaqués  par  les  paysans^  se  dé- 
bandèreut  presque  tous;  et  Paul  Orsinti  jugea  lui-même  que 
pour  la  sûreté  de  sou  beau-frère,  il  valait  mieut  eneore  se 
séparer*  Les  Médleis  arrivèrent  cependant  à  Boiogue  sans 
nouvel  accident.  Mais  lorsque  Pierre  se  présenta  à  Jean  Ben- 
tivogUo,  son  allié  et  son  ami,  celui-K^i,  étonné  de  yoûp  mi 
bomme  qui  occupait  le  mèiue  rang  que  lui  renversé  ^  facile- 
ment, lui  dit  :  «  Si  jamais  on  vous  raconte  que  Jean  Bentivo* 
«  glie  a  été  obassé  de  Bolegne  cemdie  vous  rèles.  aqanid'hui 
«  de  Florence,  ne  le  crojez  pas  ;  mais  assurez  plutôt  qu'il  s'est 


1  Utorie  di  Giov-  CambL  DeUz,  Erud.  T.  XXI»  p.  78.  —  PtorI  Sanesi  d*AUeifreno  àUe- 
greitL  T.  XXlil,  p.  8SS.—  kemardi  OHceÙarii  de  bello  Ital  p.  41,^ 


DB  IfOYSH  A6E.  39$ 

«  fait  tailler  en  pièces  par  ges  enâemis,  âtant  ikleirr  céder  ^  « 
Jean!  Benti^ogliaiie  savait  pas  qu*i]  ne  dépetiâ  sott^ent  ni  dn 
prince,  ni  du  général  d*  armée,  de  troifvei*la  mort  qtfil  cber- 
che;  qu'après  l'avoir  bratée  longtempîT,  i^'H  survit  malgré  loî 
à  sa  défaite,  le  désir  de  la  consetvatioii  reniait  dans  le  cœar 
dn  plo»  vaillant,  et  qu'il  s'y  joint  Ta  secret*  espérance  que, 
pirisque  la  fortune  s'est  chargée  setile  de  son  salut,  elle  le  ré'' 
jjerve  encore  à  des  jours  meilleurs.  Son  expérience  le  lui  ap- 
prit :  le  mcfftietrt  du  revers  arriva  anssî  pour  BentivogRo  ;  et 
malgré  sa  résolution,  il  ne  mourut  point,  mais  îl  traîna  ses 
jours  dans  Verxil. 

Lé  populace  de  Florence  piHaÉ  les  maisons  du  chancelier  et 
du  provéditeur  du  mont-de-piété,  qui  dès  longtemps  étaient 
accusés  d'avoir  Inventé  les  gabelles  nouvelles,  et  les  diverses 
i?!itotsions  par  lesquelles  on  avait  augmenté  les  impôts.  Elle 
pfWla  encore  les  jardins  de  Saint-Marc,  et  la  maison  du  car- 
dinal Jean  à  Saint- Antoine.  Dés  gardes  placés  an  grand  palais 
des  Médicîs,  in  via  Larga,  pour  le  réserver  au  logcrtient  âti 
roi  de  Ffanoe,  le  sauvèrent  du  pillage  dans  ce  premier  mo-^ 
metit.  Mais  les  Français  qui  y  forent  logés  s'emparèrent  sans 
pudeur  de  tout  oe  qui  tenta  leur  cupidité  ;  et  après  leur  dé- 
part le  reste  de  l'ameublement  fut  vendu  par  autorité  de  jus^ 
tice.  Ainsi  furent  dispersées  ces  mftgnifiquea  collections  iê 
iitsataes,  de  pierres  gravées,  de  livres^  que  Gosme  et  Laurent 
àTflient  recueillis,  avec  tant  de  diligende»  dans  tous  lea  lieux 
où  s'étendait  leur  commerce  s. 

La  Seigneurie,  après  la  fuite  des  Médlcis,  rendit  im  décret 
pmr  les  déclarer  rebelles,  confisquer  leurs  biens,  et  promettre 
«ne  récompense  de  cinq  mille  ducats  à  quiconque  les  arrête^ 
rait,  et  de  deux  mille  à  quiconque  apporterait  leur  tète.  Toutes 
les  familles  exilées  ou  privées  des  honneurs  publics  pendant 

t  Saeop0ll(9tdUiU  Fk»,  Lib.  I,  p.  n.^Fr.  Guieciafdini  Mlit,  bfti.  I,  p.  ftS.^->  Plift. 
de  Comines.  h,  VU,  ch.  XI,  p.  195.  —  B.  Oricellarii^  pt  4/%,  êi. 


396        HiSTonut  des  BipuBUQm»  THàuxsmss 

les  soixante  ans  qu'avait  doré  Taotorité  des  MédiciS)  forent 
rétablies  dans  leurs  droits  :  les  tableaux  qui  rappelaient  ou 
les  condamnations  de  1434,  ou  celles  de  1478  pour  la  conju- 
ration des  Pazâ ,  furent  effacés  ;  et  les  deux  Médicis ,  fils  de 
Pierre-François,  rentrés  dans  leur  patrie  au  moment  où  leurs 
cousins  en  sortaient,  ne  youlant  avoir  rien  de  commun  avec 
une  famille  qui  avait  affecté  la  tyrannie ,  firent  effacer  les  six 
globes  de  Irars  armes ,  pour  y  substituer  la  croix  d*  argent  en 
champ  de  gueules  des  Guelfes,  et  changèrent  leur  nom  de 
Médicis  en  celui  de  Popolani  t. 

Cependant  le  nouveau  gouvernement  se  hâta  d'envoyer  des 
ambassadeurs  au  roi  de  France ,  pour  rejeter  sur  celui  qui 
l'avait  précédé  la  faute  d'une  inimitié  si  contraire  aux  intérêts 
de  la  république ,  et  pour  donner  une  forme  plus  authenti- 
que au  traité  condu  si  étourdiment  avec  Médicis.  Il  fit  choix 
de  Pierre  Gapponi ,  qui  déjà ,  dans  son  ambassade  à  Lyon, 
avait  fait  connaître  combien  les  Florentins  étaient  impatiente 
du  joug  qu'ils  portaient  2  ;  de  Tanai  de  Nerli,  Pandoifo  Ruo- 
cellai,  Giovanni  Gavalcanti,  et  du  père  Girolamo  Savonarola, 
que  l'on  chargea  de  porter  la  parole  au  nom  de  tous.  Celui- 
ci  ,  regardé  par  les  Florentins  comme  doué  du  pouvoir  des 
miracles  et  des  prophéties,  leur  semblait  un  avocat  céleste 
que  la  Providence  leur  envoyait  pour  les  défendre. 

Les  ambassadeurs  florentins  se  rendirent  à  Lucques  où 
était  le  roi;  mais  ils  ne  purent  y  obtenir  audience,  et  ils  furent 
obligés  de  le  suivre  à  Pise.  Là,  le  père  Savonarole  s'adressa 
au  monarque  victorieux,  avec  ce  ton  d'autorité  qu'il  était  ac- 
coutumé à  prendre  vis-à-vis  de  son  auditoire.  Ce  n'était  point 
le  député  d'une  république  qui  parlait  à  un  roi ,  c'était  l'en- 
voyé de  Dieu,  celui  qui  avait  prophétisé  la  venue  des  Français, 


1  Jacùpo  Nardi  Hitt.  Fiot,  L.  I,  p.  93.  —  PauU  jovil  Bisi.  Lih,  I.  p.  3S.  —  Selpkmê 
AmmiratQ.  L.  XXVI,  p.  a<H.  --itt*  4i  Oov.Camki.  p.  79.—*  Mémolns  de  PhiL  deCoo- 
mines.  Uv.  VII,  chap.  .VI»  p.  tia. 


DtT  MônSU  AGE.  3d7 

qai  en  aTait  longtemps  menacé  les  peuples  comme  d'un  fléau 
céleste,  et  qui  s'adressait  à  présent  à  celui  que  la  main  divine 
avait  conduit,  pour  lui  indiquer  comment  il  deyait  terminer 
l'ouvrage  dont  la  Providence  l'avait  chargé. 

«  Yi&oBf  lui  dit-il,  viens  donc  avec  coi^ance,  viens  joyeux 
«  et  triomphant;  car  celui  qui  t'envoie  est  celui  même  qui 
«  pour  notre  salut  trion^)ha  sur  le  bois  de  la  croix.  Gepen- 
«  dant  9  écoute  mes  paroles ,  ô  roi  très  chrétien  !  et  grave-les 
«  dans  ton  cœur.  Le  serviteur  de  Dieu  auquel  ces  choses  ont 

«  été  révélées  de  la  part  de  Dieu t'avertit,  toi,  qui  as  été 

«c  envoyé  par  sa  majesté  divine,  qu'à  son  exemple  tu  aies  à 
«  faire  miséricorde  en  tous  lieux,  mais  surtout  dans  sa  ville  de 
«  Florence,  dans  laquelle,  bien  qu'il  y  ait  beaucoup  de  pé- 
«  chés,  il  conserve  aussi  beaucoup  de  serviteurs  fidèles,  soit 
«  dans  le  siècle,  soit  dans  la  religion.  A  cause  d'eux  tu  dois 
«  épargner  la  ville,  pour  qu'ils  prient  pour  toi,  et  qu'ils  te 
«  secondent  dans  tes  expéditions.  Le  serviteur  inutile  qui  te 
«  parle  t'avertit  encore  au  nom  de  Dieu ,  et  t'exhorte  à  dé- 
«  fendre  de  tout  ton  pouvoir  linnocence,  les  veuves,  les  pu- 
«  piUes,  les  malheureux,  et  surtout  la  pudeur  des  épouses  du 
«  Christ  qui  sont  dans  les  monastères,  pour  que  tu  ne  sois 
«  point  cause  de  la  multiplication  des  péchés  ;  car  par  eux 
«  s'affaiblirait  la  grande  puissance  que  Dieu  t'a  donnée.  £n- 
«  fin,  pour  la  troisième  fois,  le  serviteur  de  Dieu  t'exhorte  au 
«  nom  de  Dieu  à  pardonner  les  offenses.  Si  tu  te  crois  offensé 
«  par  le  peuple  florentin  ou  par  aucun  autre  peuple,  pardon- 
«  ne-leur,  car  ils  ont  péché  par  ignorance ,  ne  sachant  pas 
«  que  tu  étais  l'envoyé  de  Dieu.  Kappelle-toi  ton  Sauveur, 
«  qui,  suspendu  sur  la  croix,  pardonna  à  ses  meurtriers.  Si  tu 
«  fais  toutes  ces  choses,  6  roi!  Dieu  étendra  ton  royaume  tem- 
«  porel  ;  il  te  donnera  en  tous  lieux  la  victoire,  et  finalement, 
«  il  t'admettra  dans  son  royaume  éternel  des  cieux^  » 

i  fUaM  PtSavanarola,  L.  n,  S  8»  p.  6S,  dal  compendio  uamj^aio  délie  sue  rivekaUmi. 


308  HISTOIHB  D^  nipUMLHÏOtê  ItAtlENHfS 

La  cépoUtUHi  de  Savooarole  ^tftît  à  peine  par¥M9e  jo^ 
qu'aux  oreilleB  du  roi  de  Frauce  :  il  ne  YÎt  en  lui  qu'un  boa 
religieux  ^  son  disooun^  lui  parut  un  sermon  chrétien,  et  aanci 
vouloir  entrer  en  matière ,  U  promit  qu'à  son  arrivée  à  Flo- 
rence il  arrangerait  toutes  chofles  à  la  satisfaction  du  peuple  ^ 
Cependant  il  avait  déjà  porté  atteinte  au  traité  conclu  avec 
Pierre  de  Médiçi^,  et»  par  une  démaç^inconsidéréei  il  «'était 
jejté  dans  des  em)>arras  dont  il  ne  put  plus  se  tirer  avec 
honneur. 

Il  7  avait  déjà  quatre-vingt-sept  a^s  que  la  ville  de  Pise 
était  tombée  sous  la  dominaticm  des  Florentins  2.  Les  Pîsans 
auraient  pu  s'attendre  à  ce  que,  dimsles  pi^emères  années  de 
leur  servitude,  le  vainqueur  leur  fît  éprouver  un  ressentiment 
qui  durait  encore ,  et  une  défiance  qu'entretenait  le  i^oavenir 
d'offenses  récentes.  Vais  d'autre  part,  ils  devaient  espérer  du 
temps  la  fusion  des  deux  états  en  un  seul,  puisque  1^  prospé- 
rité du  pays  conquis  était  nécessaire  à  celle  du  vainqueur. 
Cependant  tout  le  contraire  était  arrivé  :  dans  les  années  qui 
suivirent  immédiatement  la  conquête,  I  administration  floren- 
tine fut  plus  équitable  qu'elle  ne  le  devint  dans  la  suite.  Le 
premier  commissaire  florentin  envoyé  à  Pise,  Gino  Gapponi, 
était  un  homme  juste  et  modéré ,  et  il  avait  cherché  |l  rame- 
ner les  esprits.  Lorsque,  deux  ans  après,  les  Florentins  offri- 
rent Pise  à  l'Église,  pour  y  rassembler  le  concile  qui  devait 
terminer  le  schisme,  ils  eurent  en  vue  de  procurer  des  avan- 
tages pécuniaires  à  cette  ville,  et  d!y  rappeler  ainsji  les  citoyens 
qui  émigraient.  C'était  par  la  douceur  que  Pistoïa  avait  été 
attachée  pour  jamais  au  sort  de  la  république  florentine ,  et 
les  Albizzi  avaient  assez  de  prudence  pour  profiter  de  cet 
exemple  domestique.  Mais  la  révolution  de  1434,  qui  diminua 
la  Uberté  de  Florence ,  diminua  aussi  la  libéralité  Je  sa  eon- 

t  Jaeopo  Nwdi  ut.  FUtr.  lib.  I,  p.  93,  ~  >  Depuis  le  9  pcl<^e  .MM* 


BIT  UCfTBS  AGS.  399 

doite  à  l'égard  des  peuples  sujets.  Les  droits  politiqaes  da 
peaple  vainqueur  étaient  réduits  à  û  peu  de  chose ,  qu'en  se 
isomparaut  aux  vaincus,  il  n'aurait  plus  vu  aucun  avantage 
jdans  sa  condition,  si  ceux-ci  n'avaient  été  privés  de  ces  droits 
icivite  eux-mêmes ,  qui  ne  devraient  jamais  être  enfreints.  La 
politique  florentine  à  l'égard  des  villes  sujettes  fut  réduite  à  un 
adage  qui  justifiait  les  magistrats  de  leurs  fautes  en  les  chan- 
geant en  maximes  d*état.  Il  faut  tenir ^  disaient*its ,  Pislôîa 
dans  la  sujétion  par  ses  factions,  et  Pise  par  ses  forteresses^. 
Les  Florentins  bâtirent  en  effet  deux  citadelles  à  Pise ,  qui 
paraissaient  commander  la  viUe  ;  et  comptant  sur  cette  chaîne 
nud  assurée,  ils  abusèrent  cruellement  de  leur  pouvœr.  A  des 
impôts  onéreux  ils  joignirent  des  exactions  privées,  et  les  vo- 
l^ries  de  tous  les  agents  du  gouvernement  ;  ils  exclurent  les 
Pisans  de  tout  emploi,  de  toute  fonction  publique,  même  de 
(Celles  qui  par  les  lois  étaient  réservées  aux  étrangers  ;  ils  les 
offensèrent  sans  cesse  par  F  expression  du  mépris,  de  la  haine 
0n  de  la  dérision.  Étonnés  cependant  de  trouver  dans  les  es- 
{Hijts  une  résistance  proportionnée  à  cette  violence,  et  voulant 
dompter  ce  qu'As  appelaient  Torgueil  des  Pisans ,  ils  réso- 
lurent, pour  les  appauvrir,  d'attaquer  en  même  temps  leur 
agriculture  et  leur  commerce. 

Tout  le  Delta  de  T  Arno,  exposé  aux  inondations,  et  n'ayant 
point  vers  la  mer  un  écoulement  facile ,  avait  été  cependant 
pr^eryé  des  eaux  stagnantes ,  et  rendu  au  labourage  et  à  la 
salubrité,  par  l'industrie  et  la  constante  attention  de  la  ré- 
publique pisane,  pour  maintenir  tous  les  canaux  qui  coupent 
la  plaine.  Ces  canaux  furent  abandonnés  par  les  Florentins  2. 
Bientôt  des  çaux  croupissantes  infectèrent  les  campagnes  par 

t  MaechiaveUi  de*  Dlscofsi  sopra  TUo  Uvio.  Lib.  H,  c.  24  et  S5.  Tom.  V,  p.  374.  — 
•  Le*  plainief  des  PisaDs  à  cet  égard  semblent  démenties  par  l'institution  de  VVffizio 
ite*  foêêi ,  magistrature  sanitaire  chargée  du  soin  des  canaui ,  qui  date  à  Pise  de  l'année 
1477.  Peut-être  trouvaii-on  déjà  alors  que  le  mal  causé  aux  Pisans  par  une  basse 
laloosie  étaU  fnmali  égalemam  par  tout  réiat. 


400  HISTOIRE  DIS  BÉFUBLIQUES  ITALIEIOIJES 

leurs  exhalaisons  ;  les  maladies  dëtraisirent  la  population ,  et 
rendirent  an  désert  les  champs  que  Findostrie  humaine  M 
avait  arrachés.  La  ville  fut  à  son  tour  dépeuplée  par  les  fièvres 
maremmanes;  enfin  les  édifices  et  les  palais  somptueux  qui 
rayaient  rendue  superbe  entre  les  villes  d'Italie,  éprouvèrent 
eux-mêmes  l'influence  délétère  de  l'humidité  et  de  la  pourri- 
ture. 

D'autre  part,  Pise  qui  s'était  élevée  par  le  commerce,  qui 
avait  couvert  la  Méditerranée  de  ses  flottes ,  et  introduit  des 
premières  en  Occident  les  arts  des  Orientaux,  par  ses  com- 
munications journalières  avec  Gonstantinople,  la  Sjrie  et  l'A- 
frique, se  trouvait  soumise  à  l'administration  jalouse  d'un 
gouvernement  de  marchands,  qui  croyaient  s'enrichir  de  toutes 
les  branches  de  commerce  qu'ils  lui  ôtaient.  Des  lois  interdi- 
rent aux  Pisans  les  manufactures  de  soie  et  celles  de  laine  :  te 
commerce  en  gros  fut  aussi  réservé,  comme  un  privil^e,  aux 
seuls  Florentins ,  et  la  ville  fut  ainsi  réduite  à  un  état  de  mi- 
sère et  de  dépopulation  qui  faisait  la  honte  de  ses  maîtres  *. 

Mais  dans  cet  état  d'abaissement,  l'orgueil  du  nom  pisan, 
et  l'ancien  amour  de  la  liberté,  n'avaient  point  été  abandonnés 
par  les  généreux  descendants  des  dtoyens  de  Pise.  Les  gen- 
tilshommes »  comme  le  peuple,  étaient  animés  d'un  même 
sentiment;  tous  étaient  prêts  à  sacrifier  pour  la  liberté  une 


I  Vberti  Fottelœ  Geuuens,  Hui,  Lib.  XII,  66T.  •—  Fr.  Guicdartfini,  Wor.  Lib.  II, 
p.  T4. 

II  raut  considérer  comme  une  conséquence  de  cette  désolation  à  laquelle  Pise  avait 
été  réduite,  le  silence  de  ses  historiens,  non  seulement  pendant  sa  longue  servitude, 
mais  même  pendant  la  lutte  foutenue  avec  tant  de  générosité  et  de  constance  contre 
les  Florentins^  après  avoir  secoué  leur  joug.  Dans  la  collection  de  Muratori,on  ne  trouve 
aucun  historien  pisan  après  lo  milieu  du  xiv«  siècle.  Paolo  Tronci ,  et  celui  que  nous 
avons  cité  sous  le  nom  de  Marangoni,  qui  sont  imprimés  séparément,  terminent  tous 
deux  leur  récit  à  Tannée  1406,  quoique  leurs  auteurs  aient  vécu  dans  le  xvii«  siècle.  La 
maison  Roocioui,  à  Pise,  conserve  dans  ses  riches  arcliives,  parmi  un  très  grand 
nombre  de  diplômes  curieux ,  une  chronique  de  Pise ,  écrite  par  un  chanoine  Raphafl 
r«oncioni ,  et  dédiée  au  grand-duc  Ferdinand  U.  Hais  le  soutèrenent  de  1494  occupée 
peine  quelques  lignes  de  la  dernière  page  de  cette  chronique,  A  la  chanoeUerie  de  la 


DU   MOY£M  AC£.  401 

vie  et  des  richesses  qa*ils  estimaient  être  à  peine  à  eux ,  puis- 
que la  volonté  arbitraire  de  leurs  maîtres  pouvait  lés  leur 
enlever  d'une  heure  à  l'autre.  A  l'approche  de  Charles  YIII, 
leurs  espérances  furent  renouvelées  avec  artifice  par  Louis-le- 
Maure,  qui  se  souvenait  que  Jean  Galéaz  Yisconti,  premier 
duc  de  Milan,  avait  possédé  Pise,  et  qui  espérait  joindre  cette 
ville  à  ses  états,  en  se  faisant  rendre  Sarzane  et  Piétra  Santa, 
villes  qui  avaient  appartenu  aux  Génois.  Il  n'avait  pas  suivi 
le  roi  plus  loin  que  Sarzane  ;  mais  Galéaz  de  San-Sévérino , 
Fan  de  ses  capitaines  les  plus  affidés,  le  remplaçait  à  1* armée, 
et  il  aida  les  Pisans ,  dans  le  moment  le  plus  critique ,  de  ses 
conseils  et  de  tout  son  crédit  à  la  cour  K 

Entre  les  gentilshommes  pisans,  Simon  Orlandi  s'était  fait 
remarquer  par  sa  haine  contre  les  Florentins  :  c'était  chez  lui, 
c  était  par  son  activité  que  tous  ceux  qui  avaient  été  persoa- 
nellement  offensés  se  réunissaient  pour  aviser  aux  moyens  de 
se  venger  et  de  délivrer  leur  patrie.  Gomme  il  parlait  avec  fa- 
cilité la  langue  française ,  ses  concitoyens  le  choisirent  pour 
invoquer  la  faveur  du  roi ,  et  le  supplier  de  dérober  Pise  à 
un  joug  insupportable  ^.  Ses  amis  l'embrassèrent  cependant , 
et  lui  dirent  un  adieu  qui  pouvait  être  le  dernier,  au  moment 
où,  se  dévouant  pour  sa  patrie ,  il  se  signalait  à  toute  la  ven* 
geance  des  Florentins.  Il  se  rendit  au  palais  des  Médicis  où 
logeait  Charles  YIII;  et  embrassant  ses  genoux,  il  fit  un  ta- 


conuBianautô  on  en  conserve  une  autre ,  également  manuscrite ,  et  qui  y  fut  déposée 
par  Fauteur  Jacopo  Arrosli ,  le  26  avril  165S  :  la  deniiéi'e  guerre  de  Pife  y  est  traitée  avec 
quelque  détail;  mais  c'est  uniquemeui  d'après  Guicciardini,  Glovio,  Nardi ,  et  les  his- 
toriens florentins  :  il  n'y  a  ni  un  fait  nouveau ,  ni  l'indication  d'aucun  mouvement  d'ori- 
gine pisane.  Dans  les  mêmes  archives  enfin ,  on  conserve  les  registres  des  soignenn 
Ansiani,  de  Pise  ;  ceux  de  chaque  année  forment  un  volume.  On  y  trouverait  sans  doute, 
an  milieu  de  beaucoup  d'inutilités  ou  d'affaires  privées ,  quelques  renseignements  cu- 
rieux pour  l'histoTre  particulière  de  Plse  ;  mais  comme  presque  chaque  séance  est 
écrite  ffun  caractère  différent ,  et  avec  beaucoup  d'abréviations ,  il  faudrait  un  long 
travail  pour  apprendre  é  les  lire ,  et  un  travail  bien  plus  long  encore  pour  les  dépouiller. 
— ^  GuicciarcUnL  Lib.  I,  p.  M.  — Mémoires  de  Phil.  de  CÔmines.  Liv.  VU,  ch.  IX,  p.  isi 
—  Fr.  UekarU  Comment  L«  V,  p.  139,  —  <  PauU  Jovii  Bis(.  sul  temp,  Lib.  I,  p.  34. 
VU.  26 


402  HISTOIRE   DES   RÉPUBLIQUES   ITAUENIIES 

bleao  frappant  de  Tancienne  grandeur  des  Pisans,  de  Tef- 
froyable  détresse  à  laquelle  ils  étaient  réduits,  et  de  la  tyrannie 
cruelle  qui  les  avait  ainsi  accablés.  Il  se  livra ,  en  parlant  des 
Florentins,  à  toute  la  violence  de  son  ressentiment;  et  il  fit 
frémir  le  roi  et  toute  sa  cour  par  le  récit  des  injustices  qu  il 
disait  avoir  éprouvées.  Il  rappela  à  Charles  VIII  qu'il  s'était 
annoncé  à  l'Italie  comme  Tenant  la  délivrer  de  toutes  les  ty- 
rannies sous  lesquelles  elle  gémissait.  Là  première  occasion 
de  mettre  à  exécution  ses  promesses  se  présentait  pour  lui  à 
Pise.  S'il  voulait  persuader  les  peuples  de  sa  sincérité,  il  devait 
se  hâter  de  rendre  la  liberté  aux  Pisans.  Ce  mot  de  liberté,  le 
seul  que  les  Pisans  qui  avaient  suivi  Orlandi  puisent  com- 
prendre de  tout  son  discours ,  fut  répété  par  eux  avec  accla- 
mation. Toitô  les  gentilshommes  de  Charles,  entraînés  par 
l'éloquence  d'Orlandi,  joignirent  leurs  supplications  aux  sien- 
nes ;  et  le  roi,  sans  réfléchir  davantage,  sans  songer  qu'il  dis- 
posait d'une  chose  qui  n'était  point  à  lui,  répondit  qu'il  voulait 
tout  ce  qui  était  juste ,  et  qu'il  serait  content  de  voir  les  Pi- 
sans recouvrer  leur  liberté  ^ 

Aussitôt  que  la  réponse  de  Charles  fut  connue,  le  cri  de 
vive  la  France,  et  vive  la  liberté,  retentit  dans  toutesles  rues  ; 
les  soldats  jflorentins,  les  douaniers,  les  percepteurs  de  contri- 
butions^ furent  poursuivis,  et  forcés  de  s'enfuir  de  la  ville  : 
les  lions  de  marbre  que  le  peuple  désignait  par  le  nom  de 
marzocchij  et  qui  étaient  élevés  sur  les  portes  et  sur  les  édi- 
fices publics,  en  signe  de  l'autorité  du  parti  guelfe  et  de  la 
ï^publique  florentine,  furent  renversés  et  jetés  dans  l'Amo; 
et  dix  citoyens  réunis  pour  former  une  seigneurie  furent 
'chargée  de  l'administration  de  la  république  renaissante^. 


1  Paua  JovU  Histor.  Ub.  I,  p.  34.  —  ^iwo/di  FenonH.  L.  I,  p.  7.  —  «  PauU  JovH 
Hiit.  Ub.  I,  p.  3S.  —  Fr.  GuicciardinU  L.  l',  p.  56.  7- Mémoires  de  Phil.  de  Comines. 
L.  VH,  ch.  IX,  p.  189.  —  Scipione  Ammtrato,  L.  XXVI,  p.  304.  —  Jacopo  irOfiU^  Ut, 
Fior.  tib.  I,  p«  i9t  —  ÀUegr^UQ  4liegreui ,  iHar.  SaneêU  p.  833. 


DÎJ  MOYEN   AGB.  403 

Par  une  étrange  rencontre,  c'était  le  9  novembre,  jour  même 
où  les  Florentins  avaient  recouvré  leur  liberté  en  cliassant  les 
Médicis,  que  les  Pisans  recouvrèrent  aussi  la  lei^r,  en  chas- 
sant la  garnison  florentine. 

Cependant  Charles  Vllt  sçmblait  hésiter  à  se  croire  lié  en- 
vers la  république  florentine  par  le  traité  qu'avait  négocié 
Pierre  de  Sfédiçis.  La  ville  de  FOccident  la  plqs  célèbre  pour 
le  commerce  et  les  richesses  tentait  la  cupidité  de  son  armée.; 
il  aurait  saisi  avec  joie  une  occasion*  de  renouveler  les  hosti- 
lités. Après  avoir  établi  une  garnison  française  dans  la  forte- 
resse neuve  de  Pise,  et  avoir  livré  la  vieille  aux  Pisans,  fl 
s'approchait  de  Florence  avec  son  armée,  sans  donner  de  ré- 
ponse aux  ambassadeurs  de  la  république,  et  sans  même  vou- 
loir prendre  de  détermination  jusqu'à  ce  qu'il  fût  informé 
des  progrès  de  l'armée  que  commandait  d'Aubigny  ep  Bo- 
magne,  et  des  résolutions  de  Ferdinand  qui  lui  était  op- 
posé*; 

Don  Ferdinand  avait  montré  du  talent  militaire  dans  }e 
choix  des  positions  par  lesquelles  il  avait  arrêté  les  progrès 
de  d*  Aubigny.  Mais  au  moment  où  les  Colonna  avaient  pris  les 
armes  autour  deBome,  il  avait  été  obligé  d'affaiblir  son  ar- 
mée, pour  envoyer  à  son  père  les  renforts  que  celui-ci  de- 
mandait. Alfonse  avait  joint  ses  troupes  et  celle  que  lui  ren- 
voyait son  fils  à  celles  du  pape  :  il  avait  attaqué  les  Colonne 
avec  vigueur,  quoique  sans  succès.  Cependant  Ferdinand  ne 
s'était  plus  trouvé  assez  de  forces  pour  tenir  tête  à  d'Aubigny. 
Il  n'avait  pu  empêcher  celui-ci  de  prendre  le  château  de 
Mordano,  dans  le  comté  d'Imola,  dont  tous  les  habitants 
furent  passés  au  fil  de  l'épée^.  Cette  cruelle  exécution  mili- 
taire glaça  de  terreur  les  petits  princes  de  Romagne ,  que 
Ferdinand  n'avait  plus  la  force  4e  protéger;  Catherine 

1  Seip^  ÀmnUrato.  L.  XXVI,  p.  aos.  —  PauU  Jovii.  L  H ,  p.  M.  —  >  Pauii  /ovtf  Uiif, 
Ub,  U,  p.  S6.  —  f>.  t^HiceUmilnL  Ub.  1«  p.  S4. — iocopo  «ardl,  Ub.  I,  p.  19. 

Î6* 


404  HtSTOIK£  DES  RBPUBLIQUBS  ITAtlEinilSS 

Sforza,  la  première,  traita  séparément  ayec  d'Âobigny,  et  loi 
ouvrit  les  états  de  son  fils.  En  même  temps  on  apprit  en  Bo- 
magne  que  Pierre  de  Médieis  avait  livré  à  Charles  YIII  les 
forteresses  de  Toscane  :  dès  lors  la  position  du  prince  arago- 
nais  n*  était  plus  tenable;  il  fit  sa  retraite  sur  Borne,  et  son 
oncle  don  Frédéric  ramena  sa  flotté  dans*  lés  ports  du  royaume 
de  Naples  ^ 

Charles  YIII,  apprenant  la  retraite  de  don  Ferdinand, 
donna  ordre  à  d' Aubîgnj  de  venir  le  joindre  devant  Florence, 
avec sagendarmerie française,  ses  Suisses,  et  trois  cents  chevaa- 
légers  du  comte  de  Caiazzo,  tandis  qu'il  licencierait  les  hom- 
mes d*armes  italiens  à  sa  solde,  aussi-bien  que  ceux  du  duc 
de  Milan.  Charles  VIII  s'arrêta  ensuite  à  la  villa  Pandolfini, 
près  de  Signa,  à  huit  milles  de  Florence,  pour  donner  à  d'Au- 
bigny  le  temps  d'arriver,  et  faire  son  entrée  d'une  manière 
plus  imposante  ^. 

L'évèque  de  Saint-Malo,  Brioonnet,  le  sénéchal  de  Bao- 
caire,  et  Philippe  de  Bresse,  frère  du  duc  de  Savoie,  les  trois 
hommes  qui  avaient  le  plus  de  part  à  la  faveur  du  roi,  lui  re- 
présentaient que  Pierre  de  Médids  ne  s'était  perdu  que  par 
les  services  qu'il  avait  rendus  aux  Français.  Ses  ennemis  ne 
lui  reprochaient  rien  avec  tant  d'amertume  que  d'avoir  livré 
les  forteresses  de  l'état,  et  ils  n'avaient  pris  de  la  hardiesse 
que  parce  que  Pierre  s'était  éloigné  pour  venir  trouver  le  roi. 
Ces  trois  seigneurs  sollicitaient  donc  Charles  VIII  de  rétablir 
Pierre  de  Médieis  à  Florence,  et  le  roi  lui  dépêcha  en  ^etun 
courrier  à  Bologne  pour  l'engager  à  revenir.  Mais  Pierre, 
mécontent  du  froid  accueil  que  lui  avait  fait  Bentivoglio,  avait 
poursuivi  son  chemin  jusqu'à  Venise^;  et  lorsqu'il  reçut  le 


t  PmU  JwU  BitL  Lib.  U,  p.  S7.  —  Fr.  Guiceiardk^L  Lib.  I,  p.  64.— MOL  de  ( 
LIt.  vu,  chap.  Viii,  p.  180.  —  s  Franc*  GidcciardùiL  lib.  I,  p.  ST.  —  Jacopo  StrdL 
Lib.  1,  p.  21.  —  '  FouU  JotfU  Lib.  II»  p.  Zi,^Bekarti  Comm,  Renan  OtUHearum.  Lib.  V, 

p.  140. 


DU  MOYEN   AGE.  405 

message  du  roi,  il  se  crut  obligé  de  le  communiquer  à  la  sei- 
gneurie, pour  liii  demander  conseil.'  Les  Vénitiens  jugèrent 
qu'en  rétablissant  les  Médids  à  Florence,  le  roi  tiendrait  cette 
\ille  dans  une.  plus  absolue  dépendance  ;  et  comme  ils  com- 
mençaient déjà  à  être  inquiets  dé  sa  puissance,  ils  Toulurent 
lui  ôter  ce  moyen  de  raffermir.  Ib  conseillèrent  donc  à  Pierre 
de  ne  point  se  mettre  entre  les  mains  d'un  moparque  qu'il 
avait  offensé;  et  pour  être  plus  sûrs  de  sa  docilité,  ils  l'en- 
tourèrent secrètement  de  gardes  qui  ne  le  perdaiept  pas  de 
Tue^  . 

Charles  VIII,  n'ayant  point  reçu  de  Bologne  la  réponse 
qu'il  en  attendait,  fit  son  entrée  à. Florence  par  la  porte  de 
San-Friano  le  17  novembre  au  soir.  Il  fut  reçu  à  Cette  porte 
sous  un  baldaquin  doré  que  portait  la  jeune  noblesse  floren- 
tine ;  le  clergé  l'entourait  en  chantant  des  hymnes,  et  tout  le 
peuple  l'accueillait  avec  tontes  les  démonstrations  de  l'amour 
et  de  la  joie.  Cependant  Charles  lui-même  était  loin  de  consi- 
dérer cette  entrée  comme  si  pacifique;  il  portait  la  lance  sur 
la  cuisse,  ce  qu'il  expliqua  ensuite  comme  un  symbole  de  la 
conquête  qu'il  faisait  du  pays;  toutes  ses  troupes  le  suivaient 
les  armes  hautes  et  en  appareil  menaçant;  le  langage  étranger 
et  l'impétuosité  des  Français,  les  longues  hallebardes  des 
Suisses  qu'on  n'avait  point  encore  vues  en  Toscane,  et  l'artil- 
lerie attelée,  que  les  Français  les  premiers  avaient  rendue  aussi 
mobile  que  leurs  armées,  inspiraient  autant  de  terreur  que  de 
curiosité  ou  d'étonnement  ^.  Les  Florentins  ,  qui  recevaient 
avec  inquiétude  ces  hôtes  barbares  dans  l'intérieur  de  leurs 
murs,  n'avaient  cependant  pas  négligé  tout  moyen  de  défense» 
Chaque  citoyen  avait  été  invité  à  réunir  dans  sa  maison  de  la 

^  Fr.  Guieaardhd.  Ub.  I,  p.  69.  —  BemarcU  OHcelkoFH  de  biUo  UaHco  comment. 
p.  5S.  -^^Fr.  Guicdaràkii.  lib.  I,  p.  SS.  —  Jacof  HanU  Sior.  Ub.  I,  p.  33.  —  PauU 
JovH  Uist.  sui  tmp.  Lib.  Il,  p.  M.  —  Scipione  Ammirato.  Lib.  XXVI,  p.  S04.—  Istorie 
ai  Giùv,  CambL  T.  XXI ,  p.  80*  —  André  de  La  Vigne,  Journal  de  Charles  Viii ,  dans 
G«offroi,  p.  lis. 


406  HISTOIRE   DES  ^VmhlQJJfS  ITALIENIIISS 

jille  tons  ses  paysans,  et  à  les  tenir  prêts  et  armés  gonr  dé- 
fendre la  liberté ,  si  la  cloche  d'alarme  itenait  à  sonner. 
Les  condottieri  à  la  solde  de  la  république  avaient  aussi  été 
appelés  à  la  ville  avec  tous  leurs  soldats ,  «t  à  côté  de  l'ar- 
mée française,  qui  avait  pris  ses  logements  à  Florence ,  une 
autre  armée  s'était  formée  en  secret,  et  était  prête  à  lui 
résister 

Dès  que  le  roi  fut  établi  dans  le  palais  des  Médicis  qui  lui 
avait  été  assigné  pour  demeure,  il  commença  à  traiter  avec 
les  coibmissaires  delà  Seigùeurie.  Mais  ses  premières  demandes 
causèrent  autant  de  surprise  que  d'effroi  ;  il  déclara  que  puis- 
qu'il était  entré  dans  la  ville  avec  la  laiice  sur  la  cuisse,  ïlo- 
jrencG  était  sa  conquête,  qu'il  s'en  réservait  la  souveraineté,  et 
iju  il  ne  s'agissait  plus  que  de  savoir  s'il  y  rétablirait  les  Mé- 
dicis pour  exercer  cette  souveraineté  en  son  nom,  ou  s'ilcon- 
.^entirait  à  déléguer  son  autorité  à  la  Seigneurie  sous  l'inspec- 
tion de  conseillers  de  robe  longue  qu'il  entendait  lui  adjoindre. 
JjCs  Florentins  répondirent ,  avec  une  respectueuse  fermeté , 
qu'ils  avaient  recule  roi  comme  leur  bote,  qu'ils  n'avaient 
point  voulu  lui  prescrire  un  cérémonial  sur  l' appareil  avec  le- 
quel il  entrait  chez  eux,  mais  qu'ils  lui  avaient  ouvert  leurs 
portes  par  respect  et  non  par  force,  et  qu'ils  ne  renonceraient 
Jamais,  ou  pour  lui,  ou  pour  aucun  autre,  à  la  moindre  pré- 
rogative de  leur  indépendance  ou  de  leur  liberté  ^ 

Quelque  éloigné  qu'on  fût  de  s'entendre,  ni  l'un  ni  f  autre 
4)arti  ne  désirait  en  venir  aux  mains.  Les  Français,  étonnés  de 
la  population  inaccoutumée  de  Florence»  de  ces  palais  massifs 
qui  semblaient  autant  de  forteresses,  et  du  courage  que  les  ci- 
toyens avaient  montré  en  secouant  le  joug  des  Médicis ,  re- 
doutaient d'engager  dans  les  rues  un  combat  où  ils  seraient 
aceiMés^  pierres  «dtibaiit  des4oit8*et  des  fenêtres;  les  flo- 

1  JacopoyiarcU^  Utor.  Fior,  LÎb.  1,  p.  24. 


DU    MOYEN   AGE.  40? 

rentins,  cootents  défaire  bonne  contenance,  ne  désiraient  gne 
gagner  du  temps  et  attendre  le  inoraent  où  il  conviendrait  au 
roi  de  partir.  Les  conférences* continuaient  cependant ,  et  le 
roi  avait  réduit  ses  prétentions  à  une  demande  d'argent;  maïs 
elle  était  tellement  exorbitante,  qu  aprèsque  le  secrétaire  royal 
eut  fait  lecture  de  ce  qu*il  déclarait  être  i* ultimatum  de  son 
maître,  Pierre  Capponi,  le  premier  des  secrétaires  florentins , 
lui  arracha  son  papier  des  mains,  et  le  déchirant ,  il  s'écria  ! 
«  Eh  bien!  s'il  en  est  ainsi,  vous  sonnerez  vos  trompettes,  et 
*  nous  sonnerons  nos  cloches.  »»  En  même  temps,  il  sortit  de 
la  ç}iambre.  Cette  impétuosité  et  ce  courage  intimidèrent  le 
Eoi  et  sa  cour  ;  ils  jugèreujt  que  Jies  EloreatiQS  avaient  dfi 
grande»  ressources  puisqu'ils  osaient  parler  si  haut,  et  ils  rap- 
pelèrent Pierre  Capponi.  Ils  préseptèreut  .iilors  des  prqj^si- 
tions  plus  modérées,  et  elles  furent  bientôt  acceptées.  La  prin- 
cipale était  de  fixer  à  cent  vingt  mille  florins  le  subside  par 
lequel  les  Florentins  devaient  concourir  à  l'entreprise  du 
royaume  de  !Naples.  Cette  somme  était  payable  en  trois  termes, 
dont  le  plus  éloigné  devait  échoir  au  mois  de  juin  suivant. 
D'autre  part,  le  roi  s'engageait  à  restituer  les  forteresses  qui 
lui  avaient  été  consignées,  soit  lorsqu'il  se  serait  rendu  maître 
de  la  ville  de  Naples,  soit  lorsqu'il  aurait  terminé  cette  guerre 
par  une  paix  ou  une  trêve  de  deux  ans,  soit  enfin  lorsque, 
pour  quelque  raison  que  ce  fût,  il  aurait  quitté  l'Italie. 
Charles  YIII  stipula  en  faveur  des  Pisans  le  pardon  de  leurs 
offenses,  pourvu  qu'ils  rentrassent  sous  lobéissance  des  Flo« 
rentins;  en  faveur  des  Médids,  la  levée  du  séquestre  mis  sur 
leurs  biens,  et  l'abolition  du  décret  qui  mettait  leur  tête  à 
prix;  enfin,  en  faveur  du  duc  de  Milan,  qui  réclamait  m  nom 
des  Génois  la  propriété  de  Sarzane  et  de  Piétra-Santa;  il  exigea 
que  les  droits  respectifs  sur  ces  villes  fussent  réglés  par  des 
arbitres.  A  ces  conditions,  il  déclara  qu'il  rendrait  aux  Flo- 
rentins et  sa  protection  et  tous  les  privilèges  de  conmieroe 


408  HISTOIBE  DES  RiFUBLIQUSS  ITALIERIfBS 

dont  ils  jouissaient  antrefois  en  France  ^ .  Ce  traité  fat  publié 
dans  la  cathédrale  de  Florence ,  le  26  novembre,  pendant  la 
célébration  de  la  messe  :  les  parties  s'engagèrent  par  un  ser- 
ment solennel  à  Tobserver.  Cependant  d'Aabîgny  pressait  le 
roi  de  mettre  à  profit  un  temps  précieux  ;  et  deux  jours  après 
la  célébration  de  la  paix ,  il  partit  avec  toute  son  armée  par 
la  route  de  Poggibonzi  et  de  Sienne,  soulageant  ainsi  les  Flo- 
rentins de  la  plus  mortelle  inquiétude  qu'ils  eussent  éprouvée 
depuis  longtemps  ^. 

1  jacopo  mardi,  lat.  Fior,  Lib.  I,  p.  25.  «  Bemardi  OricellarU  Comment,  p.  54.  — 
Fr.  Guicciarditii.  Ub.  I,  p.  60.  —  Pauti  jovU  Hist.  sui  temp.  Lib.  H ,  p.  3«.  —  SeêpUme 
Amndratù,  Ub.  XXVI,  p.  205.  —  t  jacopo  Nardi^  Ut.  Lib.  I,  p.  38.  —  Sdplùne  JiiwU 
rata.  L.  XXVI ,  p.  306.  —  Fr.  GuieciardinL  Lib.  1 ,  p.  61.  —  PauU  JoviL  Lib.  II,  p.  59. 
--  Philippe  de  Gomines ,  Mémoires.  L.  VII,  eh.  XI,  p.  m. 


DO  MOTIH  A6B.-  409 

»»»»unniH»8tiimn»i»8»îMHt»n»i»» 


CHAPITRE  XIIL 


Terreur  et  irrésolution  du  pape  à  l'approche  de  Charles  VIII;  ce  monar- 
'  que  entre  à  Rome.  —  Abdication  et  fuite  d'Alfonse  II;  dispersion  de 
l'armée  de  Ferdinand  II.  —  Le  royaume  de  Naples  se  soumet  à  Char- 
les VIII. 


1494-1495. 


1494.  —  Le  pape  Alexandre  YI  avait  obtenu  cette  répu- 
tation de  prudence  et  d*habileté  que  le  monde  accorde  souvent 
sans  réflexion  à  ceux  qui,  s*  élevant  au-dessus  de  toute  consi- 
dération de  morale  et  d'honneur,  ne  se  proposent  que  leur 
seule  utilité  pour  but  de  leur  politique.  Le  vulgaire  les  voit 
marcher  vers  raccomplissement  de  leurs  desseins  avec  une 
hardiesse  qui  Tétonne;  il  demeure  pei^uadé  que  ce  n*est  pas 
sans  une  mûre  délibération  qu*ils  ont  osé  renverser  ces  bar- 
rières, que  lui-même  s* est  accoutumé  à  respecter.  Lorsqu'il 
voit  révoquer  en  doute  les  principes  auxquels  la  grande  masse 
des  hommes  reste  soumise,  et  peser  dans  uqe  nouvelle  balance 
les  droits  divins  et  humains,  il  s'adonne  à  une  admiration 
crédule  pour  celui  dont  la  tète  est  si  forte  qu'elle  s'élève  au- 


4iO  HISTOIEB  DIS  K|pyBUQU]SS  ITALISHIIJSS 

àesÊm  de  tous  les  préjugés.  Cependant  ces  prindpes  moraux 
qne  le  talgaire  a  adoptés  oomme  préjagés  sont  pour  le  fdiilo- 
sophe  r  essence  la  plus  pure  de  la  raison  humaine,  le  fruit  le 
plus  parfait  de  ses  méditations.  De  môme  que  la  ^ertu  est 
pour  chaque  individu  le  seul  moyen  d* atteindre  le  but  de  son 
existence,  d'arriTcr  à  cette  paix  de  Fàme,  fruit  constant  da 
développement  de  nos  facultés  et  du  perfectionnement  de 
notre  être;  de  même  la  morale  est  pour  toute  société  politi- 
que, et  pour  tout  gouyernement,  la  vraie,  la  seule  voie  vers 
la  prospérité  publique  et  la  conservation  de  Tétat.  La  com- 
plète coïncidence  de  la  morale  avec  Tintérét  bien  entendu  a 
souvent  été  remarquée  ;  cependant  lorsqu'il  s'agit  des  indi- 
yidus  seulement,  cet  iatérét  peut  être  modifié  de  tant  de  ma- 
nières par  les  circonstancesi  les  payons  ou  tes  obaoce^  con- 
traires, qu'on  ne  peut  point  se  fier  à  lui  comme  à  ta  iguide 
assuré;  mais  son  application  à  la  conduite  des  nations  est 
tout  autrement  certaine,  parce  que  plus  le  nombre  des  indi- 
vidus qui  sont  dirigés  d'après  las  prindpes  de  morale  est 
grand,  plus  le  calcul  d'après  lequel  ces  principes  ont  été  éta- 
blis acquiert  de  force  ;  les  circonstances  accidentelles  se  com- 
pensent, les  passions  se  neutralisent,  les  chances  contr^ireç  se 
détruisent  l'une  l'autre,  et  en  résultat  général  il  d^nieure 
toujours  vrai  que  la  politique  la  mieux  entendue  est  là  plus 
conforme  à  la  probité. 

L'histoire  est  riche  en  applications  de  ce 'principe;  elle  a 
rarement  mis  en  évidence  un  de  ces  hommes  célèbres  par  leur 
immoralité,  sans  montrer  comment  ses  calculs  perso^nel^ 
l'ont  égaré,  et  comment  ses  crimes  ont  pesé  sur  sa  tête.  Ces 
politiques  réputés  si  habiles,  qui  ont  voulu  mettre  leurs  pro- 
pres intérêts  à  la  place  des  grands  principes  de  la  société  hu- 
maine, une  fois  aux  prises  avec  le  danger,  perdent  tout  point 
d'appui,  toute  direction  sûre,  toute  base]  pour  leurs  combi- 
naisons. Le  scandaleux  Alexandre  YI  devient  le  plus  lâche  et 


m  MOYJSB   AGE.  411 

le  plas  iirrésolQ  des  homipes  ;  le  cruel  et  fijgrj&de  AKQ^se  II, 
effrayé  par  sa  propre  conscience,  se  laisse  tojpaber  du  trône 
sans  attendre  un  choc  étranger. 

Il  paraît  qu'Alexandre  YI,  dans  la  versatilité  desapolitique, 
avait  eu  quelque  part  aux  négodiatious  qui  avaient  appelé 
Charles  VIII  en  Italie.  Il  voulait  alors  obtenir  de  meilleures 
conditions  de  la  maison  d  Aragon,  et  intimider  Yirginio  Or- 
sini  ^  Mais  depuis,  lorsqu'il  eut  assuré  à  ses  bâtards  le  sort 
le  plus  brillant  dans  le  royaume  de  Naples,  il  changea  abso- 
lument de  parti  ;  il  déclara  que  ses  prédécesseurs  ayant  ac- 
cordé trois  investitures  à  la  maison  dAragon,  ilse  croyait 
obligé  à  ne  point  lui  en  refuser  une  quatrième  :  il  protesta 
que  le  royaume  de  Naples  étant  un  fief  de  l'Église,  Char- 
les YIII  ne  pouvait  l'attaquer  par  les  armes  sans  attaquer 
VÉglise  elle-mème9  ^^  îl  ^tT^  ^^^^  ardeur  dans  la  ligue  des- 
tinée à  le  défendre.  Dans  ce  temps,  Alexandre  était  fort 
éloigné  de  croire  aux  rapides  succès  des  .Français,  et  il  ne 
s'était  si  ouvertement  compromis  que  d'après  la  persuasion 
qu  il  ne  courait  aucun  danger.  Les  n^ciations  de  Pierre  de 
Médicisà  Sarzane,  et  je  bouleversement  de  la  Toscane,  por- 
tèrent une  terreur  subite  dans  son  âme;  celte  terreur  s'aug- 
menta encore  lorsqu' ayant  envoyé  à  Charles,  qui  était  tou- 
jours à  Florence,  lé  cardinal  François  Piccolomini  comme 
légat,  Charles  refusa  de  le  recevoir,  autant  en  haine  de  son 
oncle  Pic  II,  qui  avait  combattu  avec  acharnement  la  mai- 
son d'Anjou,  que  par  aversion  jpour  le  pontife  qui  l'en- 
voyait 2. 

Le  pape  avait  reçu  le  duc  de  Calabre  avec  son  armée  dans 
les  terres  de  l'Église;  il  lui  avait  envoyé  tout  ce  qu'il  avait 
de  soldats  disponibles  :  il  avait  levé  en  bâte  parmi  le  peuple 
des  compagnies  de  fantassins;  et  il  avait  invité,  par  ses  brefs, 

^  Fy.GtiteéHortffiti.  llb.  I,  p.  63.  --  s  pauU  JovU  HUt.  m  ten^.  Lib.  H,  p.  17. 


412  HISIOIBX  DK8  RÉPUBLIQUBS  ITALI2H1I15S 

les  Bomains  à  prendre  les  armes  pour  défendre  leur  patrie. 
Cependant  sa  terreur  croissant  aTec  les  succès  des  Français,  il 
avait  bientôt  témoigné  le  désir  d* ouvrir  de  nouyelles  confé- 
rences. Le  cardinal  Ascagne  Sforza  était  alors  \^  chef  princi- 
pal du  parti  français  dans  le  sacré-collége.  Alexandre  Tinvilâ 
à  se  rendre  à  Rome;  mais  comme  Sforza  pouvait  ne  s'^y  pas 
croire  en  sûreté,  il  lui  envoya  pour  otage  son  propre  fib  le 
cardinal  de  Yalence,  qui  fut  gardé  à  Marino,  entre  les  mains 
des  Colonne.  Cette  première  conférence  n'eut  pas  de  r&ultat; 
Ascagne  retourna  au  camp  français,  et  le  cardinal  de  Yalence 
auprès  de  son  père,  sans  qu*il  y  eût  rien  de  conclu  :  mais  les 
premières  paroles  ayant  été  portées,  Alexandre  envoya  au- 
près de  Charles,  les  évoques  de  Concordia  et  de  Terni,  et 
maitre  Gratian,  son  confesseur,  pour  traiter  eu  même  temps 
en  son  nom  et  en  celui  du  roi  de  Naples.  Charles  YIII,  dé- 
terminé à  ne  rien  entendre  de  la  part  d* Alfonse  II,  voulutbien 
cependant  négocier  avec  le  pape  seul  ;  l'excès  de  sa  défiance 
s'était  un  peu  calmé,  et  il  envoya  à  Bome  la  Trémouille,  le 
président  de  Gannay,  le  cardinal  Ascagne,  et  Prosper  Co- 
lonne, sans  demander  d'otages  pour  leur  sûreté.  Dans  ce  mo- 
ment l'armée  napolitaine,  commandée  par  Ferdinand,  rentra 
à  Bome;  et  le  pape,  prenant  confiance  à  la  vue  de  tant  de 
soldats,  ne  voulut  pas  perdre  l'occasion  de  se  saisir  de  ses  en- 
nemis. Le  9  décembre,  il  fit  arrêter  le  cardinal  Ascagne  et 
Prosper  Colonne  ;  il  les  jeta  dans  les  prisons  du  château  Saint- 
Ange,  et  il  leur  déclara  qu'il  ne  les  remettrait  en  liberté 
qu'autant  qu'on  lui  livrerait  Ostie.  Les  deux  ambassadeurs 
français  avaient  aussi  été  arrêta  ;  mais  le  pape  les  fit  aussitôt 
relâcher. 
Charles  YIII  avançait  toujours;  il  était  entré  à  Sienne  le 

1  Franc,  GuiccfordM.  Lib.  I,  p.  62,  —  PatiH  jûvii  UUt.  sui  temporis.  Lib.  II,  p.  40. 
—  Hém.  de  P)i.  d^  GomiDes.  L.  vu ,  ch.  XII ,  p.  203.  —  Bvrdiardi  Dior,  Apud  Rai/Hald» 
1494,  S  33,  p.  434.  —AlîegreUO  Allegretii  Dlari  SanesL  p.  836. 


DU  MOYEU  AGB,  413 

2  dëoembre,  ayec  le  même  appareil  militaire  qa*il  avait  dé- 
ployé à  Florence  :  il  avait  fait  sortir  de  la  ville  la  garde  de  la 
Seigneurie;  il  avait  demandé  qu'on  lui  consignât  quelques 
forteresses  dans  la  Maremme  siennaise;  et  lorsqu  il  était  re^ 
j)arti  de  cette  ville  le  surlendemain,  il  y  avait  laissé  quelques 
troupes,  pour  maintenir  dans  1*  obéissance  une  république  dont 
il  se  défiait .^  Ferdinand,  duc  de  Galabre,  abandonné  sucoesr 
sivement  par  les  soldats  de  la  république  florentine,  par  An- 
nibal  Bentivoglio  avec  sa  troupe,  par  Jean  Sforza,  seigneur 
de  Pésaro,  et  par  Guidode  Montéfeltro,  ducd'Urbin,  qui  tous 
se  retiraient  chez  eux  pour  é\iter  de  se  compromettre  avec  les 
Français,  avait  perdu  aussi  presque  tous  ses  gens  de  pied, 
qui,  frappés  de  terreur,  désertaient  en  foule.   Il  avait  pris 
par  rOmbrie  le  chemin  de  Borne  ^.  Son  intention  avait  été 
d'abord  de  faire  tête  à  Viterbe,  parce  que  cette  ville  se  trou- 
vait au  milieu  des  terres  des  Orsini,  qu  il  regardait  comme 
ses  plus  fidèles  alUés,  que  Rome  était  derrière  lui,  et  que  sa 
retraite  sur  Maples  était  assurée  en  cas  de  malheur  S;  mais 
les  négociations  d'Alexandre  YI  et  ses  continuelles  irrésolu- 
tions ne  permirent  pas  à  Ferdinand  de  prendre  un  parti  vi- 
goureux. Charles  YUI  entra  dans  Yiterbe  sans  coup  férir, 
tandis  que  Ferdinand  se  repliait  sur  Rome  ;  et  ce  dernier  s'oc- 
cupait à  fermer  les  brèches  des  vieilles  murailles  de  cette  ville 
et  à  les  mettre  en  état  de  défense  au  moment  où  le  pape  fai- 
sait arrêter  le  cardinal  Ascagne  et  Prosper  Colonne  ^. 

Cependant  cette  violation  même  du  droit  des  gens  n'avait 
pas  rompu  toute  négociation  ;  le  19  décembre,  le  pape  avait 
retiré  de  prison  le  cardinal  Frédjéric  de  San-Sévérino ,  arrêté 
en  même  temps  qu' Ascagne,  et  l'avait  envoyé  à  Népi  auprès 


*  AUegretto  AllegntU  Diari  Saneti,  T.  XXIII ,  p.  S3S.  —  Fr,  GuleciardinU  Lib.  I , 
p.  61.  >-  Amoldi  Ferronii.  Lib.  I,  p.  8.  —  *  Pauii  Jovii  HiéUsuitemp,  Lib.  II,  p.  39.— 
*  Mémoires  de  Phil.  deComiaes.  L.  VU»  ch.  XI,  p.  t97.  —  ^  Fr,  Guicciardini*  Lib,  I , 
p.  83. 


414  HISTOIRB  DBS   ftéPUVtlQtlES  ITAUEUIïES 

de  Charles  YIII,  en  lui  faisant  dire  qu'il  était  prêt  à  séparer 
ses  intérêts  de  ceux  du  roi  de  Naples  t.  Mais  dans  le  tumulte 
de  son  âme,  il  ne  savait  se  fixer  à  aucune  résolution  ;  tantôt 
il  prétendait  défendre  Borne,  et  il  délibérait  avec  Ferdinand 
sur  les  moyens  d*en  relever  les  fortifications;  tantôt  il  s'ef- 
frayait de  ta  difficulté  de  se  maintenir  dans  une  s!  vaste  et  $i 
faible  enceinte ,  de  celte  de  I* arrivage  des  vivres  par  mer  tan- 
dis qu'Ostie  était  aux  mains  des  ennemis,  dû  mécontentement 
sourd  du  peuple  et  des  factions  diverses  qui  éclataient  dans 
Rome.  Alors,  déterminé  à  s'enfuir,  il  demandait  à  chaque  car- 
dinal un  engagement  par  écrit  de  le  suivre  partout;  puis,  le 
courage  lui  manquant  encore ,  il  revenait  à  des  projets  d'ac- 
commodement. 

L'irrésolution  du  chef  de  Tétat  forçait  chacun  de  ses  mem- 
bres à  chercher  séparément  le  moyen  de  pourvoir  à  sa  propre 
sûreté.  Les  Français  avaient  passé  le  Tibre ,  ils  parcouraient 
en  tous  sens  le  patrimoine  de  saint  Pierre  et  la  campagne  de 
Bome,  et  tous  les  feudataires  de  T Église  s'efforçaient  de  faire 
avec  eux  leur  paix  particulière.  Virginio  Orsini  lui-même,  qui 
par  tant  de  liens  devait  être  attaché  à  la  maison  d'Aragon , 
qui  était  capitaine  général  de  l'àrmëe  royale  et  grand  conné- 
table du  royaume,  qui  avait  fait  épouser  son  fils  à  une  sœur 
naturelle  d*  Alfonse  II,  et  qui  tèliâit  de  lui  les  plus  riches  fiefs 
dans  le  royaume  de  Naples,  consentît,  sans  abandonner  sa  solde, 
à  ce  que  ses  fils  traitassent  avec  le  roî  de  France ,  lui  accor- 
dassent un  libre  passage  dans  toutes  leurs  terres;  et  lui  don- 
nassent quelques  lieux  forts  en  gage  de  leur  fidélité^. 

Le  comte  dé  Pttîglîano  et  les  autres  membres  de  la  famille 
Orsfaiî  firent  aus^l  leur  traité  particulier  :  Ives  tf  Allègre  et 
Louis  de  Ligny  entrèrent  à  Ostie  avec  dnq  cents  lances  et 


p.  63.  -»  PauU  JovÙ  BiiU  8ui  tmp\  tlb.  li,  p.  40.  *  Hwwàx  mcflfwU  COi^qi^i, 
p.  61. 


DU  ttÔT£!T   ACS.  4t5 

detix  làâle  Stiisseâ  ;  Charles  avait  été  reça  à  Bracciano,  prin- 
cipale forteresse  des  Orsini;  Cii^ita-Vecchia  et  Gorneto  avaient 
ouvert  leurs  portes;  les  postes  français  communiquaient  avec 
ceux  des  Colonna,  qui  de  l'autre  côté  du  Tibre  soulevaient  toute 
la  campagne  de  Rome  ;  les  prélats  et  la  populace  demandaient 
avec  une  égale  ardeur  une  paii  qui  mit  fin  à  leurs  craintes. 
Cependant,  plus  le  danger  approchait,  plus  Alexandre,  trem- 
blant pour  lui-même,  s'embarrassait  dans  ses  négociations.  Il 
voyait  dans  le  camp  ennemi  le  cardinal  de  Saint-Pierre  ad 
t?inctito,  Julien  de  la  Rovère,  son  ennemi  personnel  ;  il  con- 
naissait le  crédit  de  ce  prélat  à  la  cour  de  France,  son  impé- 
tuosité, son  penchant  pour  les  mesures  extrêmes  et  son  désir 
lirdent  de  le  précipiter  lui-même  du  trône  pontifical.  On  sa- 
vait par  quels  moyens  honteux  il  avait  obtenu  la  tiare,  par 
quels  vices  scandaleux,  par  quel  étalage  de  son  immoralité  il 
Tavait  souillée,  et  il  craignait  par-dessus  tout  un  concile  et  un 
jugement  dé  FÈglise  î. 

Muis  Charles  YIII,  malgré  les  instances  des  cardinaux  eii- 
ttéifiis  d' Alexandre ,  redoutait  de  son  côté  de  s'engager  dans 
une  lutte  a:vec  le  pape.  Il  étsdt  impatient  d'arriver  à  Napleé , 
et  toute  diversion  lui  paraissait  dangereuse.  D'ailleurs,  au  mi- 
lieu même  de  ses  succès,  il  avait  chaque  jour  à  surmonter  des 
difficultés  qui  semblaient  de  nature  à  faire  débander  son  ar- 
mée. Comme  il  marchait  sans  magasins,  il  avait  bientôt 
éprouvé,  à  son  entrée  dans  l'état  de  Rome,  les  conséquences 
de  l'extrême  pauvreté  du  pays.  Les  paysans  avaient  été  ruinés 
par  les  guerres  continuelles  entre  les  Colonne  et  les  Orsini  ; 
les  châteaux  les  plus  faibles  avaient  été  pillés  ou  volés  ;  toutes 
les  récoltes  étaient  enfermées  dans  les  plus  forts ,  et  les  sol- 
dats français  ne  trouvaient  pas  dans  les  champs  une  seule 
tnaison  qu'ils  pussent  mettre  à  contribution.  La  place  du  Brac  - 

1  f>.  GuicçUirdini.  lib.  l,  p.  d3.  -  PauU  Jovii  Uisu  m  tmip%  Vàh  II ,  p.  40, 


416  UISTOnUS  des  BÉraBUQI]JSS  ITALIENIïES 

dona  fooniit  en  abondanoe  da  Tiyres  à  Tannée  royale  ;  mais 
celle-ci,  dans  les  jours  qai  avaient  précédé,  avait  éprouvé 
d* extrêmes  besoins  ^  Vers  le  même  temps,  Perron  de  Baschi, 
maître  d'hôtel  du  roi,  était  arrivé  à  Piombino  avec  vingt 
mille  ducats  que  lui  envoyait  le  duc  de  Milan  ;  pui$  la  flotte 
qui  l'avait  porté,  et  que  commandait  le  prince  de  Salerne, 
avait  été  battue  par  les  vents,  poussée  en  Corse  et  dispersée, 
en  sorte  qu'elle  nejrendait  plus  aucun  serviceà  Tarmée  et  n'as- 
surait plus  ses  convois  ^.  Enfin,  Charles  YIII  était  entouré  de 
conseillers  qui  tous  prétendaient  obtenir  de  T  Église  quelque 
gnité  ou  quelque  bénéfice.  Le  surintendant  des  finances,  Bri- 
çonnet,  déjàévéque  de  Saint-Malo,  désirait  le  chapeau  de  car- 
dinal, et  il  sentait  qu'il  lui  serait  plus  facile  de  l'obtenir  d'un 
pape  qui  se  croyait  sur  le  point  d'être  déposé  que  d'une 
église  réformée.  Il  engagea  donc  le  foi  à  renouer  les  négo- 
ciations. 

D'après  ces  considérations,  le  maréchal  de  Giez,  le  sénéchal 
de  Beaucaire  et  Jean  de  Gannay,  premier  président  du  parle- 
ment de  Paris,  furent  envoyés  de  nouveau  au  pontife.  Ils  de- 
mandèrent que  le  roi  fût  admis  sans  résistance  à  Bome  ;  ils 
promirent  que  Charles  respecterait  l'autorité  pontificale  et  les 
immunités  de  l'Église,  et  ils  assurèrent  que,  dès  sa  première 
conférence  avec  le  pape,  toutes  les  difficultés  qui  existaient 
encore  encore  entre  eux  seraient  levées.  Alexandre  trouvait 
bien  dur  de  mettre  sa  capitale  entre  les  mains  de  ses  en- 
nemis, et  de  renvoyer  ses  auxiliaires  avant  d'avoir  ar- 
rêté aucune  condition.  Cependant  l'armée  de  Charles  avan- 
çait toujours,  jamais  il  ne  séjournait  plus  de  deux  jours  dans 
une  même  ville;  les  GoUonne  avaient  assemblé  une  armée  à 
Génazzano,  le  cardinal  de  la  Bovère  en  avait  une  autre  à  Os- 
tie  :  toute  résistance  paraissait  impossible,  et  Alexandre  con- 

1  PhU.  de  GomiiM»,  Mémoires.  Uv.  VU,  chap.  IX,  p.  198.—*  Fr.  GOcçiafdihl,  Ub.  I, 
p.  71. —PhU.  de  Comines ,  Mémoires.  Ub.  VH,  cbap.  Xlf,  p.  20i. 


DO  MOTEUR   AG£.  417 

sentit  enfiû  à  faire  retirer  de  Borne  le  due  de  Calabre  ayec  son 
armée  ^  Il  demanda  pour  lui  un  sauf-conduit  afin  que  le  prince 
napolitain  sortit  de  TÉtat  Ecclésiastique  sans  être  molesté,  mais 
Ferdinand  ne  voulut  pas  F  accepter.  Seulement  le  cardinal  As- 
cagne  Sforza  raccompagna ,  pour  contenir  le  peuple ,  jusqu'à 
la  porte  San-Sébastiano  par  laquelle  il  sortit  de  fiome ,  tan- 
dis qu'à  la  même  heure,  le  3 1  décembre  1 494 ,  le  roi  de  France 
y  entrait  à  la  tête  de  son  armée  par  la  porte  de  Sainte-Marie 
du  Peuple  2, 

L'apparition  de  cette  armée,  qui  pour  la  première  fois  fai- 
sait connaître  aux  Romains  la  force  et  la  nonvelle  organisa- 
tion militaire  des  ultramontains,  leur  inspira  un  étonnement 
mêlé  de  terreur.  L'ayant-garde  était  composée  des  Suisses  et 
des  Allemands  qui  marchaient  au  son  des  tambours,  par  ba- 
taillons et  sous  leurs  drapeaux.  Leurs  habits  étaient  courts  et 
de  couleurs  variées,  et  ils  étaient  coupés  selon  la  forme  même 
du  corps.  Leurs  chefs  portaient,  pour  se  distinguer,  de  hauts 
plumets  sur  leurs  casques.  Les  soldats  étaient  armés  de  courtes 
épées  et  de  lances  de  bois  de  frêne,  de  dix  pieds  de  long,  dont 
le  fer  était  étroit  et  acéré.  Un  quart  d'entre  eux  portait  des 
hallebardes  au  lieu  de  lances,  le  fer  de  celles-ci  ressemblait  à 
uneliache  tranchante  surmontée  d'une  pointe  à  quatre  angles; 
ils  les  maniaient  à  deux  mains,  et  frappaient  également  du 
tranchant  et  de  la  pointe.  A  chaque  miUier  de  soldats  était 
attachée  une  compagnie  de  cent  fusiliers.  Le  premier  rang  de 
chaque  bataillon  était  armé  de  casques  et  de  cuirasses  qui  cou- 
vraient la  poitrine,  c'était  aussi  I armure  des  capitaines;  les 
autres  n'avaient  point  d'armes  défensives. 

Après  les  Suisses  marchaient  cinq  mille  Gascons,  presque 


i  Mémoires  de  PhH.  de  ComiiMS.  L.  VII,  ch.  XII,  p.  303.  —  *  Fr.  GuicciardinL  Lib.  I, 
p.  63.  —  PauU  Jovii  Hist,  sui  temp,  Lib.  II ,  p.  40.  —  Fr.  Belcarii  Comment.  Rer,  Gai- 
Uc.  Ub.  V,  p.  143.  ^  K€asn(^(ii  AnnaL  H9I,  S  SO,  p.  43$.  —  Amotdi  Ferranit  Lib.  C , 
p.  9. 

VII.  27 


418  HISTOIRB  DBS  EBPUBLIQUISS  ITALIEHHBS 

tous  arbalétriers;  la  promptitude  a^ec  laquelle  ils  tendaient 
et  tiraient  leors  arbalètes  de  fer  était  remarquable  ;  du  reste , 
la  petitesse  de  leur  taille  et  Tabsence  de  tout  ornement  dans 
leur  costume  les  faisait  contraster  désavantageûsement  avec 
les  Suisses.  La  cavalerie  Tenait  ensuite,  elle  était  composée  de 
la  fleur  de  la  noblesse  française,  et  elle  brillait  par  ses  man- 
teaux de  soie ,  ses  casqués  et  colliers  dorés.  On  y  comptait 
âsswi  mille  cinq  cents  cuirassiers  et  deux  fois  autant  de  cava- 
lerie étrangère.  Les  premiers  portaient,  comme  les  gendarmes 
italiens,  une  lance  forte,  striée,  ornée  d'une  pointe  solide,  et 
une  masse  d* armes  de  fer.  Leurs  chevaux  étaient  grands  et 
forts,  mais  selonf  usage  français,  on  leur  avait  coupé  la  queue 
et  les  oreilles.  La  plupart  n'étaient  point  couverts,  comme  ceux 
des  gendarmes  italiens ,  de  caparaçons  de  cuir  bouilli  qui  les 
missent  à  Tabri  des  coups.  Chaque  cuirassier  était  suivi  par 
ttois  chevaux ,  le  premier  monté  par  un  page  armé  comme 
lui,  les  deux  autres  par  des  écuyers  qu'on  nommait  les  auxi- 
liaires latéraux. 

Les  chevau-légers  portaient  de  grands  arcs  de  bois,  à  l'u- 
sage d'Angleterre,  i^opres  à  lancer  de  longues  flèches  -,  ils  n'a- 
vtiient  pour  ardies  défensives  que  le  casqae  et  la  cuirasse  ^ 
c^elqûes-tins  portaient  une  demi-pique  pour  transpercer  par 
terre  ceux  que  la  cavalerie  pesante  avait  renversés.  Leurs 
inanteaux  étaient  ornés  d*  aiguillettes  et  de  plaques  d' Urgent 
qui  dessinaient  les  armoiries  de  chacun  de  leurs  chefs.  Quatre 
cents  archers ,  parmi  lesquels  cent  Écossais,  marchaient  aux 
oMés  du  roi;  deux  dents  dievaliers  français,  choisis  sur  toute 
la  fleur  de  là  noblesse,  l'entouraient  à  pied.  Ils  portaient  sur 
leurs  épaules  des  masses  d'armes  de  fèr,  semblables  à  de  pe- 
santes haches.  Lès  mêmes,  lorsqu'ils  montaient  à  cheval,  pre- 
naieut  tout  l'accoutrement  des  gendarmes;  seulement  ils 
étaiœt  distingués  par  la  beauté  de  leurs  chevaux ,  l'or  et  la 
pourpre  qui  les  couvraient.  Les  cardinaux  Ascague  Sforzct  et 


DU  MOYEU   AGE.  419^ 

Joliea  de  la  Bovère  marchaieat  à  côté  du  roi  ;  les  cardinaux 
GolonuC'  et  Savelli  le  suivaient  immédiatement.  Prosper  et  Fa^ 
brioe  Colonne  et  tous  les  généraux  italiens  marchaient  entre- 
mêlés avec  les  grands  seigneurs  de  France. 

Trente-six  canons  de  bronze,  attelés,  étaient  traînés  à  la 
suite  de  T  armée.  Leur  longueur  était  d'environ  huit  pieds, 
leur  poids  ^e  m  imtters^  et  leur  calibre  à  peu  près  comme  la 
tète  d'un  bomi«e;  les  couleovrines,  de  moitié  plus  longues^ 
iliarchaieiit  ensuite  ;  {wis  les  fauconneaux,  dont  les  plus  petits 
lançaient  des  boulets  de  la  grosseur  d'une  ^enade.  Les 
affûts  étaient  formés,  comme  aajoiu*d'hui,  de  deux  pesantes 
pièces  de  bois,  unies  par  des  traverses;  ils  n'étaient  soutenus 
que  par  deux  roues  :  mais  pour  marcher  on  en  joignait  deux 
autres  avec  un  avant-train  qui  m  séparait  de  la  pièce  en  la 
m^taiit  en  batterie.  L'avantr^rde  avsiit  commencé  à  passer 
la  porte  du  Peuple  à  trois  heures  après  aûdi',  mais  la  maix^be 
dura  jusqu'à  neuf  heures  du  sok*,  à  la  lueur  des  torches  et  des 
flambeaux,  qui  en  édairant  l'armée  lui  donnaient  quelqoe 
chose  de  plus  lugubre  et  de  plus  imposant  ^ 

1495.  —  Gq^ndant  le  pape  s'était  retiré  dans  le  château 
Saint-Ange,  avec  six  cardinaux  seiUement  :  presque  tous  ks 
autres  seçoudaient  les  instani^  de  Juhen  de  la  Rovère  et 
d' Ascagne  Sfor^,  qui  sollicitait  le  roi  de  délivrer  l'ÉgUse  d'un 
pape  qui  la  couvrait  de  honte,  et  dont  la  conduite  était  aussi 
scandaleuse  que  son  élection  avait  été  simouiaque.  Le  nom  de 
concile,  répété  par  tout  le  parti  qui  reconnaissait  Ascagne 
pour  son  chef,  rempUssait  de  terreur  Tàme  du  pape  ^.  Ausù, 
plus  il  tremblait  pour  sa  propre  sûreté,  plus  U  s'obstinait  à 
refuser  de  remettre  au  roi  le  château  Saint-Ange,  que  celui-ci 
diimaudait  comme  un  gage  de  la  bonne  loi  d'Alexandre,  et 

1  Toute  celte  descripUoa  est  prise  de  Fwi  J<>to,  qui  «ans  doute  était  prteeut.  Lit).ll, 
p.  41.  ^  voy&i  amsi  Mémoirei  de  Louis  de  la  TrâmouiUe.  Vol.  XiV,  p.  i-H.  — André 
dd  u  vigoe.  Àpud  («odeTroi.  p.  iâ;t.  —  <  PmU  iovU  Hmi»  «ni  MiVh  ^'  u,  p,  4o, 

2r 


420  filSTOIHÊ   DES   REPUBLIQUES  ITALlEItHES 

que  le  dernier  regardait,  au  contraire,  comme  son  plus  sâr 
asile.  Deux  fois  Tartillerie  française,  qui  était  au  palais  de 
Saint-Marc  où  logeait  le  roi,  en  fut  tirée  et  braquée  contre 
le  château  Saint- Ange  ;  mais  deux  fois  les  courtisans  français 
qui  convoitaient  les  dignités  de  l  Église,  réussirent  à  empê- 
cher les  premières  hostilités  i. 

Enfin  les  conditions  de  la  paix  furent  arrêtées  le  11  janvier. 
Le  roi  promit  de  regarder  le  pape  comme  ami  et  comme  al- 
lié dans  la  paix  et  dans  la  guerre,  et  de  respecter  en  tout  point 
son  autorité  pontificale  ;  mais  en  même  temps  il  demanda  que 
les  citadelles  de  Givita-Yecchia,  de  Terradne  et  de  Spolèfee 
lui  fussent  livrées,  pour  les  tenir  jusqu'à  la  fin  de  la  guerre  ; 
que  César  Borgia,  fils  d'Alexandre,  suivit  pendant  quatre 
mois  l'armée  française  comme  otage,  encore  que,  par  égard 
pour  les  apparences,  il  dût  y  prendre  le  titre  de  cardinal-lé- 
gat; que  Jem,  frère  de  Bajazeth,  fût  remis  aux  Français, 
pour  les  seconder  dans  leur  attaque  contre  la  Turquie  ;  enfin, 
que  Briçonnet,  évéque  de  Saint-Malo,  fàt  admis  dans  le  col- 
lège des  cardinaux.  Le  pape,  déterminé  à  n'observer  d'autres 
traités  que  ceux  qui  lui  seraient  avantageux,  et  se  regardant 
déjà  comme  délié  de  ses  serments  par  la  violence  qu'il  éprou^ 
vait,  ne  disputa  sur  aucune  des  conditions.  Il  se  rendit  au 
palais  du  Vatican;  il  admit  au  baisement  des  pieds  le  roi  et 
toute  sa^cour,  il  donna  de  sa  mdin  le  chapeau  de  cardinal  à 
Briçonnet,  aussi  bien  qu'à  Philippe,  évèque  du  Mans,  de  la 
maison  de  Luxembourg,  et  il  remit  entre  les  mains  du  roi  le 
sultan  Jem,  après  avoir  fait  dresser  par  un  notaire  un  acte 
authentique  de  cette  consignation  2. 

Le  malheureux  fils  de  Mahomet  II,  s' approchant  de  Char- 
les YIII,  baisa  sa  main,  puis  son  épaule  ;  ensuite  il  se  retourna 

1  Franc.  GuteciardinL  Lib.  I,  p.  «4.— Mémoires  de  Phil.  deComioes.  Liv.  VII,  eh.  XV, 
p.  919.  —  ^  PauUJom  BM,  ttd  temp.  Lib.  II,  p.  43.  —  Philippe  de  Gomines.  Lib.  VII, 
cbap.  XV,  p.  m«— tmfmOdus^  ex  Biireharéi  DUtrlo,  1495 ,  S  2,  p.  438. 


0D  MOTEK  AGS.  421 

T^rs  le  pape  et  le  pria,  avec  noblesse  et  modestie  en  même 
tanps,  de  le  recommander  à  la  protection  da  grand  roi  au- 
quel il  le  confiait,  et  qni  se  préparait  à  la  conquête  de  F  Orient. 
Il  se  flattait,  ajouta-t-il,  que  le  pontife  n'aurait  point  à  se  re- 
pentir de  lui  avoir  rendu  la  liberté,  ni  Charles ,  s'il  suivait  ses 
conseils  après  avoir  passé  en  Grèce,  de  1*  avoir  pris  pour  com- 
pagnon de  voyage.  Jem  avait  quelque  chose  de  noble  et  de 
royal  dans  son  aspect;  son  esprit  était  cultivé  par  l'étude  de 
la  littérature  arabe  :  il  montrait  dans  ses  discours  une  poli- 
tesse flatteuse,  et  quelque  chose  de  piquant  dans  son  expres- 
sion. La  grandeur  de  son  âme  et  la  noblesse  de  sa  figure  ré- 
pondaient à  l'impression  que  faisait  d'avance  son  malheur  ^ 
Mais  tandis  que  Jem  se  livrait  à  l'espoir  île  sortir  bientôt 
de  sa  captivité,  et  de  rentrer  dans  sa  patrie,  le  terme  de  sa  vie 
était  déjà  fixé  par  celui  qui  le  livrait  ainsi  à  un  nouveau  gar- 
dieû.  Cette  captivité  avait  valu  au  pape  un  revenu  considé- 
rable ;  Bajazeth  lui  payait  quarante  mille  ducats  sôus  le  titre 
de  pension  de  son  frère,  mais  plutôt  comme  récompense  de 
ce  qu'on  le  retenait  éloigné  de  ses  états.  Lorsque  le  Génois 
George  Bucciardi  fut  envoyé  par  le  pape  au  sultan  pour  en- 
gager celui-ci  à  concourir  à  la  défense  du  royaume  de  Naples, 
Bajazeth,  toujours  inquiet  de  l'existence  de  son  frère,  voulut 
profiter  de  cette  négodation  pour  se  défaire  de  lui.  Il  renvoya 
Bucciardi  au  pape,  et  le  fit  accompagner  par  Dauth,  son 
propre  ambassadeur.  Celui-ci  portait  une  lettre  du  sultan, 
adressée  en  grec  à  Alexandre  YL  Des  ménagements  hypocrites 
pour  le  caractère  de  celui  qui  écrivait  la  lettre,  et  de  celui  à 
qui  il  l'adressait,  y  étaient  observés.  Bajazeth,  disait-il,  sentait 
une  profonde  commisération  pour  le  sort  de  son  frère;  il  était 
temps  de  mettre  un  terme  à  sa  captivité  chez  les  étrangers  et 
à  sa  dépendance  ;  la  mort  pour  un  sultan  ottoman  était  mille 

1  PauU  Jovii  HiiL  sut  temp.  Ub.  Il,  p.  4S. 


4S2  HI9IOIRS  DU  aiPUBLiqU»  ITALiraifSS 

fois  {Mrëférable  à  cet  état  d* anxiété,  et  puisque  ce  n'était  paint 
un  crime  aux  yeax  d'un  chrétien  de  donner  la  mort  à  un 
rauauhnan,  il  incitait  Alexandre  à  le  défaire  par  le  poison  de 
cet  enn^ni  domestique,  lui  promettant  en  récompense  une 
somme  de  deux  cent  mille  ducats  i,  la  relique  prédense  de 
lé  tunique  du  Christ,  et  la  promesse  de  ne  point  porter  de 
toute  sa  vie  les  armée  contre  les  chrétiens  2. 

Les  deux  ambassadeurs ,  en  débarquant  sur  le  rivage  près 
d*Ancàne,  furent  arrêtés  par  Jean  de  la  BoTère,  préfet  de 
Sinigallia,  qui  avait  embrassé  le  parti  de  son  frère  le  carcKnaf 
de  Saint-Pierre  ad  vincula,  et  qui  avait  commencé  des  hosti- 
lités contre,  le  pape  ;  il  leur  enleva  Vargent  qu'ils  portaient 
pour  payer  pendant  deux  années  la  pension  de  Jiera.  Dauth 
réussit  cependant  à  s'échapper  ;  il  se  réfugia  auprès  de  Fran- 
çois de  Gonzague,  marquis  de  Bfantoue,  qui  avait  contracté 
une  alliance  avec  le  grand-seigneur,  et  qui  le  ratvoya  à  Gons- 
tantinople^. 

On  ignore  si  Alesxandre  avait  accepté  les  conditions  que  le 
sultan  lui  offrait,  ou  s*il  n*eut  d  autre  motif  pour  agir  que  la 
jalousie  qu'il  avait  conçue  contre  Gbaries  YIIl  ;  mais  on  as« 
sure  qu'avant  de  livrer  Jem  à  celui-ci,  il  avait  fint  mêler  an 
sucre  dont  ce  prince  faisait  un  grand  usage  ime  pondre  blan- 
che d'an  goût  agréable,  et  dont  l'effet  n était  point  snlAt, 
mais  qui  opprimait  lentement  les  esprits  vitanx,  et  causait 
sans  convulsion  une  mort  certaine.  Ce  fut  le  même  poison 
qn' Alexandre  YI  employa  ensuite  pour  se  défaire  de  plusieurs 
cardinaux,  et  dcmt  il  fut  enfin  lui**-mème  victime.  Jem,  arrivé 
à  Capoue  à  la  suite  de  l'armée  française ,  y  tomba  dangereu- 
sement malade;  il  moarnt,  ou  dans  cette  ville,  ou  à  Naples, 


i  LeiUrèé^Pt^keifi,  T.  I;  f.  4.llam  It  tettre  rapportée  par  Biirctaard.,  on  lit  Soo,ooo. 
—  ^  Pattli  Jovii  HUU  «uf  temp,  Lib.  II ,  p.  44.  —  Burchardu»  in  mario,  Lib.  Il ,  apod 
Raynald.  1494,  S  ^,  p.  4SS.  —  >  PmiU  JovU  BUt.  $ui  temp,  Lib.  II ,  p.  44.  —  Fr.  (kHc- 
eiardini.  Ub.  I,p.  «S. 


DU   MOTEIf   A6£.  423 

le  26  février.  Charles  VITI  le  fit  ensevelir  à  Gaëte.  Mais,  m 
i  497,  le  roi  don  Frédéric  rendit  son  corps  à  Bajazeth  II  ^ 

Charles  demenra  près  d*nn  mois  à  Borne;  mais,  pendant 
ce  temps  même,  il  continuait  à  faire  avancer  ses  troupes  vers 
les  frontières  du  royaume  de  Naples.  Il  en  avait  fait  deux 
corps  d'armée,  dont  Fun  devait  entrer  dans  le  pays  ennemi 
par  les  Abruzzes,  T  autre  par  la  Terre  de  Labour.  Il  donna  le 
commandement  du  premier  à  Fabrice  Colonna ,  à  Antoiiello 
Savelli,  et  à  Bobert  de  Lenoncourt,  bailli  de  Vitri.  Il  joignit 
aux  compagnies  des  deux  premiers  quelques  brigades  de  gen- 
darmerie française,  et  quelques  bataillons  d* infanterie  suisse  et 
gasconne.  Cette  division  s'avança  par  le  comté  de  Tagliacozzo 
dans  les  Abruzzes.  Ces  provinces,  et  surtout  TAquila  leur 
capitale,  étaient  toutes  pleines  du  souvenir  des  Àugevins,  et 
toutes  disposées  à  la  révolte  ;  en  sorte  qu'en  peu  de  tempg 
elles  arborèrent  partout  les  étendards  de  France.  Barthéle^ii 
d'Alviano'  avait  été  envoyé  par  Ferdinand  sur  les  bords  du 
lac  de  Celano,  pour  défendre  les  passages  des  montagnes  et 
l'entrée  de  F  Abruzze  :  mais  il  s'était  trouvé  trop  inférieur  en 
forces,  et  il  avait  été  obligé  d'évacuer  toute  cette  province 
sans  livrer  de  combat  ^. 

D'autre  part,  Charles  YIII,  àla  tète  delà  plus  grande  partie 
de  son  armée,  se  mit  en  route  le  23  janvier  ^,  traversant  Iç 
Latium,  et  s' avançant  vers  Naples  par  la  route  de  Cépérano^ 
Aquino,  et  San-Germano,  qui  est  un  peu  plus  éloignée  de  la 
mer  que  celle  qu'on  suit  aujourd'hui  pour  aller  de  Bome  à 
Naples.  A  peine  était-il  sorti  de  la  première  de  ces  deux  villes, 
que  le  pontife  romain,  humilié  de  la  paix  qu'il  venait  de 
signer,  prit  ses  mesures  pour  en  rejeter  le  joug.  Don  Antonio 

1  PauU  jovii  HUt,  std  tmnp.  Lflb.  U,  f.  4i^kem»éi  QHêeUarH  éommem»  p:  «4!-^ 
PetH  Bembi  HisL  Ven.  L.  II ,  p.  80.  -^  Gronict^  di  Venezia  qnoih  T,  ^JVi*  Bfr,  lia/, 
p.  16.  —  Fr.  Guieeiardini.  Lib.  Il,  p.  SS.  —  Summonu,  Istorie  di  «ttpott,  Lib.  Vf,  e.  Il, 
p.  sti.  —  ^PoiOi iovu  Bm.  Ub.  U,  p. 45.  — Pbil.  d» Cmbhhm, ««nu  Uf.  Vll,€h.  XVi, 
p.  226.  —  S  Aileçretto  àUegreui  ,  DiaH  Sam€iL  p.  tM. 


424  HISTOIRE  DES  REPUBLIQUES  ITALIENNES 

de  Fonseca,  ambassadeur  des  rois  d*  Espagne,  accompagnait 
Charles  dans  cette  expédition  :  il  ne  pouvait  voir  sans  dou- 
leur dépouiller  la  branche  bâtarde  d'Aragon  d'un  royaume 
conquis  originairement  avec  les  armes  de  f  Espagne.  Il  con- 
naissait r  inquiétude  du  pape  et  la  fermentation  de  tous  les 
états  d'Italie,  alarmés  par  les  succès  rapides  des  Français,  et 
il  convint  avec  Alexandre  VI  de  teliter  quel  serait  l'effet  d'une 
protestation  éclatante;  se  flattant  que  si  elle  n'arrêtait  pas 
Charles  VIII,  du  moins  elle  ranimerait  le  courage  des  princes 
de  Naples.  A  l'arrivée  du  roi  à  Velletri^  il  lui  demanda  une 
audience  :  alors  il  lui  représenta  que  lorsque  Ferdinand  et 
Isabelle  s'étaient  engagés,  moyennant  la  restitution  de  Per- 
pignan ,  à  né  point  passer  les  Pyrénées ,  et  à  ne  point  atta- 
quer la  France,  ils  avaient  cru,  sur  la  parole  du  roi,  que 
celui-ci  avait  surtout  en  vue  de  porter  la  guerre  contre  les 
Turcs;  qu'avant  d'attaquer  le  royaume  de  Naples  par  les 
armes,  il  consentirait  à  soumettre  sa  cause  à  un  juste  arbi- 
trage ;  qu'il  respecterait  la  liberté  de  tout  le  reste  de  l'Italie, 
et  surtout  celle  de  l'Église.  Mais  Fonseca  n'avait  pu  voir  sans 
étonnement,  et  ses  maîtres  n'apprendraient  pas  sans  douleur 
que  Charles  VIII  avait  décliné  la  jurisprudence  du  pape  à 
laquelle  Alfonse  II  était  disposé  à  se  soumettre,  tandis  que  le 
royaume  de  Naples,  qui  était  en  litige  entre  eux,  étant  un 
fief  de  l'Église,  ne  pouvait  être  possédé  légitimement  par  l'un 
m  par  l'autre  prétendant,  sans  une  décision  de  la  cour  de 
Borne;  que  Charles  VIII,  loin  de  respecter  l'indépendance 
des  autres  états  d'Italie,  les  avait  tous  forcés  à  lui  fournir  des 
subsides  prodigieux,  qu'il  avait  bouleversé  leurs  constitutions 
et  mis  garnison  dans  leurs  forteresses.  Lucques  avait  dû 
se  racheter  à  prix  d'argent;  les  Médiçis  avaient  été  chassés  de 
Florence;  Pise  avait  été  encouragée  à  la  révolte,  Sienne  obli- 
gée de  recevoir  garnison,  et  tous  les  lieux  forts  de  ces  divers 
états  étaient  entre  les  mains  des  Français.  Enfin  le  pape^  objet 


DU  MOYim  AGE.  425 

de  la  yénératioii  de  tons  les  princes  chrétieiis,  a^ait  été  forcé 
par  la  terreur  à  signer  une  paix  humiliante  ;  il  avait  reçu  des 
garnisons  françaises  dans  ses  forteresses,  livré  en  otage  le 
cardinal  de  Valence,  abandonné  le  sultan  Jem  à  Charles  YIII; 
et,  par  toutes  ces  concessions,  il  n*avait  qu'avec  peine  sauvé 
Rome  de  Tincendie  et  du  pillage.  Puisque  le  roi  de  France 
ne  se  croyait  obligé  à  respecter  aucun  traité ,  ni  aucune  des 
garanties  du  droit  des  gens,  T  ambassadeur  de  Ferdinand  et 
dlsabelle  était  appelé  à  lui  déclarer  que  ses  maîtres  ne  souf- 
friraient point  qu'il  enlevât  à  des  princes  aragonais  un 
royaume  qu'une  possession  de  soixante  ans  et  les  décisions 
de  plusieurs  papes  avaient  rendu  hérédaire  dans  leur  famille  ^ 

A  peine  les  gentilshommes  français  qui  entouraient  le  roi 
permirent-ils  à  Fonseca  d'achever  son  discours;  ils  répon- 
dirent, avec  cette  impétuosité  et  cet  orgueil  qu'avaient  nourris 
des  succès  inespérés  :  que  les  armes  ne  leur  avaient  jamais 
manqué  pour  soutenir  leurs  droits;  que  si  Ferdinand  oubliait 
ses  traités  et  ses  engagements  dont  la  restitution  de  Perpi- 
gnan avait  été  le  prix,  les  chevaliers  français  étaient  bons 
pour  l'en  faire  ressouvenir,  et  qu'ils  lui  feraient  connaître 
bientôt  la  différence  qui  existait  entre  eux  et  les  archers 
maures,  qu'il  était  si  fier  d'avoir  vaincus  en  Andalousie.  Des 
paroles  toujours  plus  piquantes  furent  alors  échangées  des 
deux  côtés  ;  et  Fonseca,  qui  cependant  était  un  homme  grave 
et  modéré,  se  laissa  tellement  transporter  par  la  colère,  qu'il 
déchira  sous  les  yeux  du  roi  le  traité  signé  entre  la  France 
et  l'Espagne,  et  qu'il  signifia  à  deux  Espagnols  qui  servaient 
dans  l'armée  française  l'ordre  d'en  sortir  sous  trois  jours,  s'ils 
ne  voulaient  tomber  dans  le  crime  de  haute  trahison  ^. 

Le  roi  de  France  avait  à  peine  reçu  cette  dénonciation  d'une 

i  Pauli  JovH  Hist,  sui  temp,  L.  H ,  p.  46.—  Fr.  Guieciardini  UU  Lib.  II,  p.  87.— 
BarlhoL  Senaregœ  de  rébus  Genuens,  T.  XXIV.  Rer,  ItaL  p.  Ui»^Fr.  BekarU  Comm, 
Réf.  GaU.  Lib.  VI,  p.  i49.  —  >  PauU  JovU.  Ub.  II,  p.  40. 


426  HISTOIRB   DES  REPUBLIQUES  ITALIEIIIIES 

guerre  imminente',  lorsqu'il  apprit  que  le  cardinal  de  Yalenoe 
s'était  enfui  de  Velletri  sous  un  déguisement,  et  qu'il  était  re- 
tourné à  Rome  ;  que  le  pape  refusait  de  remettre  Spolète  à 
ses  lieutenants,  comme  il  s'y  était  engagé,  et  qu'enfin  le  mal- 
heureux Jem  paraissait  atteint  par  un  poison  qu'il  portait 
dans  ses  entrailles.  Mais  Charles  ne  se  laissa  point  arrêter  par 
ces  preuves  de  la  mauvaise  foi  d'Alexandre  VI.  La  flotte 
qu'Alfonse  avait  chargée  de  défendre  les  côtes  de  la  Campauie 
et  de  s'emparer  de  Nettuno  avait  été  battue  par  la  tempête 
et  forcée  de  rentrer  dans  le  port  de  Naples.  La  flotte  française 
n'avait  pas  été  plos  heureuse,  et  après  avoir  été  jetée  en  Corse 
par  le  même  coup  de  vent,  elle  était  revenue  à  Porto-Ercole, 
où-  pre^^que  tous  ses  soldats  l'avaient  quittée  ^  Après  les  avoir 
réunis  à  son  armée,  Charles  attaqua  Monte-Fortino,  château 
de  la  campagne  de  Borne ,  qui  appartenait  à  Jacob  des  Conti, 
baron  romain.  Celui-ci,  après  avoir  été  quelque  temps  au 
service  de  Charles,  avait  passé  dans  le  camp  des  Aragonais, 
pour  ne  pas  servir  sous  les  mêmes  drapeaux  que  les  Colonna. 
L'artillerie  française  ouvrit' en  peu  d'heures  une  brèche  dans 
les  murs  de  ce  château,  qu'on  regardait  comme  très  fort.  Il 
fut  pris,  et  tous  ses  habitants  furent  massacrés.  Les  Français 
attaquèrent  ensuite,  sur  la  frontière  même  du  royaume.  Te 
Hont-Saint-Jean,  qui  appartenait  au  marquis  de  Pescaire,  AI* 
fonse  d*  Avalos.  Ce  château-fort  contenait  une  garnison  de  trois 
eents  hommes,  et  cinq  cents  paysans  bien  armés;  il  fut  cepen- 
dant pris  en  peu  d'heures,  sous  les  yeux  mêmes  du  roi  :  celui- 
ci  ordonna  également  qu'on  massacrât  tous  les  habitants,  et 
ne  se  laissa  point  fléchir  pendant  les  huit  heures  qiie  dura  cette 
boucherie.  Le  Mont-Saint-Jean  fut  ensuite  brûlé.  Cette  féro- 
dté ,  dont  l'Italie  n'avait  point  encore  vu  d'exemple,  répandit 
au  loin  la  terreur  du  nom  français  t  les  soldats  déjà  découra- 

i  Poua  leva  Hiit.  nd  tmç.  Uki;  B»  ^  4n. 


00  wrtES  AGt.  427 

gës^  et  la»  habitants  qni  n*aTaieDt  peint  d^Affectkfti  pOBr  lears 
princes,  perdirent  dès  lors  tonte  envie  de  se  défendre  i. 

Mais  la  terreur  du  roi  de  Naples  passait  encore  celle  que 
ressentaient  ses  soldats  ou  ses  sujets.  Cet  Alfonse  II  qui ,  dans 
les  guerres  dltalie  et  dans  celle  des  Turcs ,  s'était  acquis  une 
grande  répfutation  de  bravoure ,  que  Ton  croyait  non  moins 
sage  que  courageux,  non  moins  ferme  que  prudent,  ne  trouva 
plus  de  force  en  Ini-raéme  lorsqu'il  eut  besoin  de  rési^r  aux 
dameurs  publiq»es  :  pendant  sa  toute-puissance  elles  avaient 
été  supprimées  ;  BMiis  lorsqu'elles  assaillirent  pour  k  première 
fois  ses  oreilles ,  elles  réveittèFent  aussi  les  remords  de  sa  con- 
science. 

Alfonse >  il  est  vrai,  n'avait  pas  encore  régné  une  année; 
mais  depuis  l^en  plus  longtemps  te  royacnne  de  Inaptes  était 
sounns  à  son  autorité.  Dès  l'époque  oh  û  était  parvenu  &  l'àge 
d'homme,  son  père  Ferdinand  hd  avaift  donné  une  part  im- 
portante dans  l'administratka,  ei  avait  paru  le  plus  souvent 
déférer  à  ses  coa^seils.  Tout  ce  qu'il  y  avait  eu  de  plus  perfide 
dans  la  politique  du  cabinet  de  Naples ,  de  plus  cruel  dans  ses 
vengeances ,  de  plus  vexatotve  dans  son  système  de  finances , 
avait  constamment  été  attribué  par  le  peuple  à  Alfonse  plutôt 
qu'à  Ferdinand.  Des  exactions^  intolérables  appauvrissaient  la 
ville  et  les  campagnes;  tons  les  genres^industrie  étaient 
soumis  à  des  monopoles  ruineux  :  le  roi  achetait  Fhuile,  le 
blé,  le  Tin ,  à  un  prix  fixe ,  qui  dédommageait  à  peine  le  cul- 
tivateur de  ses  avances  ;  et  il  les  revendait  eifêoite  avec  un  bé- 
néfice considérable ,  lorsque,  par  une  famine  artifieielle,  il  en 
avait  augmenté  déaiesuréln^t  le  prix  ^.  Aucun  sujet  de  Tétat 
ne  pouvait  se  eraire  assuré  dans  la  possession  de  ses  biens  ou 


1  Fr.  Guieciardini.  Lib.  I,  p.  6«.  —  PauU  Jovii  HisU  L.  lî,  p.  W.  —  WoHo  Ferranse^ 
Pi  s»s.  -««ikii4ré  de  La  VigAe,  SmrwA  dniig  Godefroy.  p.  i!29.  —  Ptail.  de  Comines, 
ifénoire*.  U  VII«  «bk  XVI,  p.  Mt.  —  *  Fhil.  deT  ComtiiM  ;  ttéittdfa^  Ur.  ^11,  cli.  xnt, 

p.  200. 


428  HISXOIBB  D£9  AÉPUBLIQUJSS  rrALlEHlIES 

de  sa  liberté indÎTidadle.  Le  roi,  par  des  actes  àrbitraiFes, 
dépouillait,  arrêtait,  faisait  périr  sans  jagemant  les  plus  grands 
seigneurs  comme  les  gens  du  peuple.  Alfonse  avait  encore 
enchéri  sur  son  përe  dansées  actes  de  vengeance  et  de  cruauté 
politique.  LorsquHl  était  monté  sur  le  trAne,  il  avait  trouvé 
dans  les  prisons  de  Naples  un  grand  nombre  de  seigneurs  ar- 
rêtés sous  le  règne  de  Ferdinand.  Philippe  de  Comines,  qui,  à 
cet  égard,  ne  s'accorde  pas  avec  les  historiens  italiens,  déclare 
s'être  assuré,  par  le  témoignage  d'un  Africain  employé  à  ces 
exécutions ,  que  parmi  ces  prkonniers  se  trouvaient  encore  le 
duc  de  Suessa  et  le  prince  de  Rossano,  arrêtés  en  1 464,  contre 
la  foi  jurée ,  après  la  guerre  dans  laquelle  Jean  d'Anjou  avait 
disputé  à  Ferdinand  la  succession  au  trône ,  et  vingt-quatre 
barons  arrêtés  en  1486 ,  après  la  guerre  d'Innocent  YIII  et 
des  seigneurs  mécontents.  Il  ajoute  que,  aussitôt  qu' Alfonse 
fut  monté  sur  le  trône ,  il  les  fît  transporter  à  Ischia ,  et  les  y 
fit  tous  assommer  i.  Cependant  on  croyait  généralement  que 
tous  ces  prisonniers  avaient  péri  plus  tôt ,  mais  d'après  les 
conseils  qu' Alfonse  avait  donnés  à  son  père. 

Cette  haine  populaire  que  les  tyrans  excitent  contre  eux, 
et  qu'ils  ne  connaissent  cependant  point,  qu'ils  ne  devinent 
point  au  miUeu  du  concert  de  flatteries  dont  leurs  courtisans 
les  entourent,  n'attend  pour  se  manifester  que  le  moment  où 
le  trône  estjcn  danger.  De  toutes  parts  on  invoquait  dans  le 
royaume  de  Naples  les  Français  comme  des  libérateurs  :  on 
détestait  la  cruauté  et  l'avarice  d' Alfonse  et  de  son  père,  ou 
maudissait  le  joug  des  Aragonais;  et  les  cris  de  la  populace 
enhardie  retentissaient  jusque  sous  les  fenêtres  du  palais,  où 
Alfonse  craignait  à  toute  heure  de  demeurer  victime  d'ua 
peuple  furieux  2. 

1  Mémoires  de  Phil.  de  Comines.  Ut.  VII ,  ch.  Xm ,  p.  306.  —  Vouez  ci-deraiil 
chap.  LXXX,  Tol.  X,  p.  260  ;  et  chap.  LXXXIX,  vd.  XI,  p.  376.  —  <  nwA/Otfii  JTfof.  md 
temp.  Lib.  II,  p.  ^l. 


DD   MOYEN  AGE.  429 

On  assure  qu*à  ces  dangers  extériears,  la  conscience  trou^ 
hléc  d*AlfoDse  joignit  bientôt  des  craintes  superstitieuses.  Il 
passait  pour  n^a^oir  point  dç  croyance  religieuse,  et  pour 
n* observer  point  les  pratiques  de  TÉglise  ^  Hais  Tàme  d'un 
tyran  est  toujours  accessible  à  la  superstition,  parce  que  la 
fàtaUté  lai  paorait  avoir  une  grande  part  à  sa  destinée;  et 
l'autorité  supérieure  qu'il  n'a  point  trouvée  sur  la  terre,  il 
la  cherche  avec  inquiétude  dans  des  dtres  surhumains.  On 
répandit  le  bruit  que  Jacques,  premier  chirurgien  de  la  cour, 
était  venu  déclarer  à  Àlfonse  que  l'ombre  de  Ferdinand  lui 
avait  apparu  par  trois  fois,  en  trois  différentes  nuits;  qu'elle 
loi  avait  ordonné,  la  première  fois  avec  douceur,  la  seconde 
et  la  troisième  fois  avec  menaces,  d'aller  dire  à  Àlfonse  en 
son  nom  qu'il  n'errât  point  de  résister  au  roi  de  France, 
parce  qu'il  était  arrêté  dans  sa  destinée,  que  sa  race,  tour- 
mentée par  des  maux  infinis,  serait  privée  de  ce  beau 
royaume,  et  bientôt  après  éteinte;  que  les  cruautés  dont 
ils  s'étaient  rendus  coupables  en  étaient  la  cause,  mais, 
plus  que  toutes,  celles  que  lui  Ferdinand  avait  commises 
à  la  persuasion  d' Alfonse,  à  son  retour  de  Pozzaolo,  dans 
l'église  de  Sâiat-Léonard  à  Ghiaia,  près  de  Naples.  On 
disait  que  l'ombre,  ou  le  chirargien  qui  la  faisait  parler,  ne 
s  était  pas  expliquée  davantage  ;  mais  on  supposait  que  c'était 
dans  ce  lieu  qu' Alfonse  avait  persuadé  à  son  père  défaire 
mourir  les  barons  qu'il  tenait  depuis  si  longtemps  prison- 
niers 2, 

Cette  dénonciation,  qui  peut-être  était  elle-même  l'effet  de 
la  haine  universelle  du  peuple,  ajouta  encore  aux  terreurs 
qui  troublaient  Alfonse,  et  aux  remords  de  sa  conscience. 
Dans  ses  songes,  tantôt  il  croyait  voir  les  ombres  de  tant  de 
seigneurs  qu'il  avait  fait  inhumainement  massacrer,  tantôt  il 

1  Pbll.  de  ComiDes,  Mémoires.  Liv.  VII,  ch.  xiH»  p.  210.— >  Fr.  GuicciardinL  LibJ, 
p.  ae.  —  Swnmoiiie  BUtoria  di  napoU,  Lib.  VI,  p.  S02. 


43A  HISTOIRE   DES  EjIrtJBtiQUiSS  rtALlEnNES 

se  figurait  être  kii-méme  entre  les  mams  du  peuple  qui  le  li- 
yrait  à  d'affreux  supplices.  Il  ne  pouvait  trouva*  un  instant 
de  repos,  ni  pendant  les  jours  ni  pendant  ks  nuits.  Le  23  jan- 
vier il  se  retira  au  cbàteau  de  f  Œuf  avec  un  petit  nombre  de 
ses  façàiliars.  Cette  fuite  causa  dans  la  ville  un  deuil  et  un  ef- 
froi extrêmes.  Le  I^demain,  le  peuple  se  rassembla  de  toutes 
parts  en  armesi  mais  plutôt  par  une  intiuiétode  vague,  qu'a- 
vec un  dessein  dét^miné  ;  aussi  Ferdinand,  due  de  Galabre, 
quii  après  avoir  rani^ié  sao  armée  sur  les  frontières,  était  re- 
venu à  Naples,  néussit-il  à  apaiser  le  tumulte  en  pareourant 
la  ville  à  dieval,  ^  invoquant  Taide  des  corporations  de  la 
noblesse,  qui,  au  nombre  de  six,  sous  le  nom  de  Sefjgi  ou 
Sedili^  exerçaient  Tiiutorité  municipale  i. 

On  assure  que  le  cardinal  Aseagne  Sf<wza  avait  fait  don- 
ner à  AlfoQse  le  conseil  d'abdiquer  en  faveâr  de  son  fils,  lui 
représentant  que  ce  deroier  était  fils  dune  sosur  du  duc  <|e 
Milan ,  et  que  les  frères  Sforza,  qui  haïssaient  leur  beau-frère, 
étaient  prêts  cepen^nt  à  protéger  leur  neveu  2.  La  terreur 
dAlfonse  lui  fit  adopter  ce  conseil;  il  signa,  le  23  janvier, 
l'acte  d'abdicatioa,  tel  qu'il  fut  dressé  par  Jovianus  Pcata- 
uus  ^  ;  il  refusa  à  la  reine,  sa  belle-mère,  de  différer  au  moins 
de  deux  jours  cet  acte  de  faiblesse,  pour  accomplir  l'année  de 
son  règne.  Il  fit  charger  précipitamment  toui^  ses  effets  les 
plus  précieux  sur  quatre  galères  ;  son  trésor,  partie  en  aident 
monnajré,  partie  en  pierreries,  iiaoïtfait  alors  à  la  somme  de 
300,000  ducats,  avec  laquelle  il  aurait  pu  solder  un  corps  de 
troupes  bien  suffisant  pour  se  déf^dre.  Mais  il  ne  voulut 
point  le  laisser  à  son  fils  ;  et  tandis  qu'il  le  f aisiût  emballer, 
il  montrait  une  si  grande  terreur  qu'on  aurait  dit  qu'il  était 
déjà  entouré  de  Français*  Au  moindre  bruit  qu'il  aitendait, 

1  BarihoL  Senartgœ  de  rébus  Genuens.  T.  XXIV,  p.  546c  —  >  Summonte  HUt.  di  Ko- 
poU,  L.  VI,  e.  I,  p.  900.  -  BernaiH  Qric^lUxHi  Cmm*  p.  «0.  -<- >  Pauti  Jovii.  Ub.  K, 
p.  49. 


DU  MOYEU    AGS.  431 

il  se  retournait  avec  effroi,  comme  si  le  ciel  et  les  hommes 
étaient  également  conjurés  contre  lui.  Cependant  le  yent  du 
midi  retenait  sa  flotte  dans  le  port  ;  ce  ne  fut  que  le  3  février 
qu'il  put  la  faire  cingler  vers  Mazah,  petite  ville  de  Sicile, 
dont  Ferdinand  d'Espagne  lui  avait  donné  la  seigneurie  ^ ,  et 
là,  ne  s' entourant  plus  que  de  religieux  olivétans,  il  passa  le 
reste  de  ses  jours  uniquement  occupé  d  œuvres  de  péni- 
tence, déjeunes,  d'abstinences  et  d'aumônes.  Une  maladie 
douloureuse  ajouta  encore  à  ses  peines  :  elle  F  enleva  de 
ce  monde  le  19  novembre  de  la  même  année,  avant  qu'il 
eût  pu  accomplir  le  projet  qu'il  avait  formé  de  revêtir  l'ha- 
bit religieux^  et  d'entrer  dans  un  couvent  à  Valence  en 
ï!spagne3. 

Ferdinand,  précédé  par  l'étendard  royal,  entouré  de  tonte 
8a  noblesse  et  suivi  par  le  peuple,  fit  le  tour  de  la  ville  de 
Pïaples  le  24  janvier,  pour  prendre  possession  du  royau- 
me :  il  se  rendit  ainsi  à  la  cathédrale ,  où  il  fit  sa  prière 
à  haute  voix ,  à  genoux  et  la  tète  nue  ;  après  quoi  il  repartit 
pour  l'armée ^  Ce  jeune  prince  n'avait  point  hérité  de  la  haine 
qu'on  portait  à  son  père  et  à  son  aïeul.  On  n'avait  remarqué 
en  lui  que  des  qualités  aimables,  de  l'humanité,  de  la  loyauté 
et  du  courage.  Peut-être  s'il  était  monté  plus  tôt  sur  le  trône, 
aurait-il  été  défendu  avec  enthousiasme  par  tout  le  peuple  : 
mais  il  était  déjà  trop  tard.  Dans  chaque  province  les  gentils- 
hommes ou  les  citoyens  les  plus  considérés  s'étaient  déjà  com* 
promis  aux  yeux  de  la  maison  d'Aragon,  en  arborant  l'étendard 
de  France,  et  Alfonse,  en  emportant  son  trésor  avec  lui,  u'a- 


1  IFr.  GuiccUffdinL  Llb.  U,  p.  66.  —  PauU  JùvU.  L.  II,  p.  49.  —  >  Mémoires  de  PliU. 
de  Coftitees.  L.  Vil,  th.  XIV,  p.  215.  —Pétri  Bembi Uist.  Ven,  L.  II,  p.  29.— Fr.  Belcarii 
Conm.  LU».  VI ,  p.  45.  -^Summonie  Eut,  di  KapoU.  Ub.  VI,  cap.  I,  p.  fioo.  —  àrnold, 
Ferronii.  Lib.  1,  p.  9.  —  >  Barilu  Senaregœ  de  rebut  Genuens.  p.  546.  —  Allegreiio 
AlUqrttii  Diari  Sem^L  p.  839.  —  Diario  Penarese.  T.  XXIX,  p.  291.  —  Guicciardini 
diffère  d'axée  tes  autres  daAs  son  récil;  U  prétend  que  Ferdinand  n'étUt  poiaUNapi^s, 
•i  M  AH  pat  MAdie^oMalié  au «omeni  êb  rabdkwtiim  de  sob  père. 


43*2  HISTOIRB  DBS  RÉPUBLIQUES  rTALIENlXES 

vait  pas  même  laissé  à  son  fils  les  moyens  de  défense  dont  il 
aurait  pu  disposer  lui-même. 

Cependant  Ferdinand  était  yenu  se  placer  à  San-Germano, 
à  quinze  milles  eu  arrière  des  frontières  du  royaume,  dans  un 
défilé  resserré  entre  des  montagnes  âpres  et  impraticables,  et 
des  marais  qui  s'étendent  jusqu'au  GarigHano.  Ce  passage, 
facile  à  défendre,  était  considéré  conmie  une  des  clefs  du 
royaume  de  Naples.  Ferdinand  avait  eu  le  temps  de  le  forti- 
fier avec  soin ,  d'élever  des  bastions  à  Ventrée  de  la  route,  et 
de  fermer  tous  les  défilés  des  montagnes  avec  des  abatis  d'ar- 
bres. Il  avait  sous  ses  ordres  deux  mille  six  cents  gendarmes 
et  cinq  cents  cbevau-légers,  qui  ne  semblaient  nullement  infé- 
rieurs à  la  cavalerie  française  :  mais  son  infanterie,  levée  tout 
récemment  dans  le  royaume,  n'était  point  accoutumée  aux 
armes,  et  ne  pouvait  tenir  en  rase  campagne  contre  les  Suisses 
ou  les  Gascons.  Les  Français,  qui  avaient  appris  Fabdication 
d'Alfonse  le  jour  même  où  Charles  YIII  sortit  de  Rome  i, 
s'attendaient  à  éprouver  à  San-Germano  une  longue  résistan- 
ce. La  saison,  qui  jusqu'alors  leur  avait  été  favorable  d'une 
manière  qui  tenait  du  prodige,  pouvait  changer  d'un  moment 
à  l'autre,  et  s'ils  avaient  été  assailUs  par  les  pluies  ou  les  nei- 
ges de  l'hiver,  il  leur  serait  devenu  fort  difficile  de  faire  venir 
de  loin  des  vivres  et  des  fourrages,  car  Ferdinand  avait  dé- 
truit par  avance  tout  ce  qui  se  trouvait  sur  leur  route^. 

Mais  tous  les  calculs  militaires  deviennent  vains  lorsque 
les  troupes  ont  perdu  la  confiance  et  le  courage.  Les  massacres 
de  Monte-Fortino  et  de  Mont  Saint-Jean  avaient  répandu  une 
indicible  terreur  chez  les  soldats  et  les  paysans  ;  aucune  trou- 
pe n'était  préparée  à  soutenir  une  guerre  où  elle  n'attendait 


1  Burchardi  Dlar,  ap,  Raynald.  ânnaL  1494,  S  S  et  6,  p.  440.  —  *  Pauli  Jovii  Hist. 
std  temp.  Lib.  Il,  p.  47.  ~  GuicdanUni  Histor,  Lib.  I,  p.  61.  —  Mémoires  de  Phil.  de 
Comlnes.  LIv.  VI,  ch.  XV,  p.  3j 8.  — André  de  la  Vigne,  Journal  de  Charles  Viiiv  in 
Godefroy.  p.  130. 


BU  MOTEH  AGE.  .433 

point  de  quartier.  Les  séditions  dans  les  provinces,  dont  cm 
recevait  à  chaque  heure  les  nouvelles,  faisaient  craindre  aux 
soldats  de  se  trouver  coupés  par  un  soulèvement;  les  progrès 
de  Fabrice  Colonne  dans  les  Abruzzes  pouvaient  lui  donner 
les  moyens  de  tourner  l'armée ,  et  de  descendre  sur  ses  der- 
rières dans  la  Gampanie^  Enfin  les  capitaines  au  service  de 
Ferdinand,  regardant  la  lutte  comme  trop  inégale,  songeaient 
déjà  à  faire  leur  paix  particulière ,  et  ils  évitaient  tout  com- 
bat, de  peur  d'exciter  le  ressentiment  de  Charles,  ou  de  perdre 
leur  importance  à  ses  yeux,  si  leur  compagnie  était  diminuée 
par  les  suites  d'une  action.  Aussi,  quelque  effort  que  Ferdi- 
nand eût  fait  pour  rendre  du  courage  à  ses  soldats,  avec  quel- 
que soin  qu'il  eut  fortifié  San-Germano  et  le  Pas  de  Gancello, 
à  six  milles  de  distance ,  dès  que  les  Napolitains  virent  pa- 
raître l'avant-garde  française,  conduite  ce  jour-là  par  le  duc 
de  Guise  et  par  Jean ,  sire  de  Bieux,  maréchal  de  Bretagne, 
ils  se  retirèrent  en  désordre ,  et  ne  s'arrêtèrent  point  jusqu'à 
Capoue^. 

Cependant  il  y  avait,  de  nouveau,  moyen  de  tenir  à  Ga- 
poue,  et  d'y  arrêter  l'ennemi,  qui  marchait  sur  Naples.  Les 
diverses  routes  qui  entrent  dans  le  royaume,  se  réunissent  de- 
vant cette  ville  ;  elle  est  couverte  par  le  Vulturne,  rivière  trop 
profonde,  et  trop  bien  encaissée  pour  que  l'armée  pût  la  pas- 
ser à  gué  :  les  Napolitains  avaient  retiré  tous  les  bateaux  sur 
la  gauche  du  fleuve;  et  le  seul  pont  de  pierre  qui  communi- 
quait de  Capoue  au  faubourg,  était  facile  à  défendre.  Mais 
pendant  que  Ferdinand  songeait  à  s'y  fortifier,  il  reçut  de 
Naples  un  messager  de  son  oncle  Frédéric,  qui  lui  annonçait 
un  soulèvement  de  la  populace.  Déjà  toutes  les  banques  des 
Juifs  avaient  été  pillées  par  ceux  qui  les  accusaient  d'usure; 


i  PauU  JovU  HUt,  Ub.  II,  p.  so.  —  >  F)*.  Guicciardini.  Lib.  I,  p.  67.  —Pau/i  Jovii 
Blst,  L.  II ,  p.  50.  —  Phil.  de  Comines ,  Hémoires.  L.  VII ,  ch.  XVI ,  p.  224.  --  Le  roi 
coucha  à  Saint-Germain  le  i3  février.  André  de  La  Vigne,  Jooroai,  p.  130. 
VH.  28 


434  HISTOIRE   DES  REPUBLIQUES   ITALIENHES 

lès  édifs  des  magistrats  étaient  méprisés,  Taotorité  royale  mé- 
connae;  la  garde  urbaine  se  cachait,  et  la  dernière  elasse  du 
peuple  dominait  seule  dans  la  ^illei.  Quoique  Ferdinand  sen- 
tit combien  il  était  dangereux  pour  lui  d'abandonner  son 
armée,  il  jugea  plus  dangereux  encore  de  laisser  s'étendre 
l'insurrection  de  la  capitale.  Il  supplia  les  capitaines,  aux- 
quels il  confia  le  commandement  de  ses  troupes,  de  poursui- 
vre les  préparatifs  de  défense  qu'il  avait  commença;,  mais 
d'éviter  tout  combat  jusqu'à  son  retour.  Il  promit  de  revenir 
dès  le  lendemain,  après  avoir  apaisé  le  tumulte  de  Naples  ;  et 
it  courut  vers  sa  capiale  avec  une  escorte  peu  nombreuse.  La 
présence  de  ce  jeune  roi  si  loyal,  si  franc,  si  connu  pour  sa 
bonté,  de  ce  roi  qui  avait  commencé  son  administration  par 
remettre  en  liberté  tous  les  prisonniers  d'état  retenus  par  son 
père  ^,  eut  sur  les  séditeax  un  effet  magique.  Le  peuple  as- 
semblé écouta  ses  discours  en  silence  ;  Ferdinand  promit  de 
se  dévouer  à  Capoue,  pour  la  défense  de  ses  sujets  :  mais  il  an- 
nonça aussi  que  s'il  ne  réussissait  pas  à  arrêter  au-delà  du 
Yulturne  l'ennemi  barbare  qui  les  menaçait,  il  n'exposerait 
point  sa  capitale  au  danger  d'être  prise  d'assaut  et  pillée.  On 
répondit  à  Ferdinand  par  des  protestations  de  dévouement  et 
d'obéissance  ;  tout  parut  rentrer  dans  l'ordre;  et  le  jeune 
prince  se  hâta  de  repartir  pour  son  camp  ^. 

Mais  pendant  sa  courte  absence,  les  condottieri,  qu'il  avait 
livrés  à  eux-mêmes,  avaiedt  déjà  commencé  à  traiter  avec 
l'ennemi.  Jean-Jacques  Trivulzio,  qui,jusqu  à  cette  époque,  ne 
s'était  point  écarté  des  lois  de  l'honneur,  qui  depuis  y  demeura 
fidèle  dans  le  reste  de  sa  carrière  militaire,  ayant  eu  de  Fer- 
dinand la  commission  d'entamer  quelques  négociations  avec 
les  Français,  se  rendit  à  Galvi,  ou  Charles  YIII  était  déjà  9  et 

1  PauU  JiwU.  iib.  U,  p.  Si.  —  >  Peiri  Bembi  UUL  VeneUu  Lib.  il,  p.  29.  -  >  Pmii 
jovU  UUU  Uh.  U,  p.  (1.  —  Le  19  Tévrier,  selon  SummoHie  Ulor,  <ii  KapolU  U  VJ, 
cap.  Ù,  p.  5lt, 


Dt  VLÔYtS  AGE.  435 

^mme  il  ne  trouva  aucune  ouverture  pour  négocier  au  nom 
de  son  maître,  il  n'hésita  pas  à  signer  pour  lui-même  son 
traité  particulier.  Il  s'engagea  au  service  du  roi  de  France^ 
avec  la  même  compagnie  de  cavalerie  qu'il  avait  jusqu'a- 
lors tenue  au  service  des  rois  aragonaiâ,  et  pour  la  même 
golde^ 

Aussitôt  que  la  nouvelle  de  cette  honteuse  défection  fut  par- 
▼enue  à  Capode,  elle  y  répandit  un  trouble  égal  parmi  les 
itoldats  et  parmi  les  bourgeois.  Tirginio  Orsini  et  le  comte  de 
f  itîghanô,  se  toyant  trahis  par  Trivulzio,  s'enfuirent  en  dé- 
sordre vers  Nola,  avec  toute  leur  cavalerie,  laissant  Naples  à 
découvert.  Les  habitants  de  Gapoue,  quoiqu'ils  eussent  jus- 
qu'alors paru  attachés  à  la  maison  d'Aragon,  abandonnèrent 
^n  parti,  lorsqu'ils  se  virent  les  premiers  exposés  à  la  fureur 
d*une  armée  barbare  ;  tandis  que  la  noblesse  envoyait  des  dé- 
putations  au  roi  de  France,  la  populace  commençait  à  piller 
les  équipages  de  l'armée  et  ceux  de  Ferdinand.  Sur  ces  entre- 
fadtes,  quelques  coureurs  français  s'avancèrent  jusqu'aux  por- 
tes de  Gapoue;  deux  capitaines  allemands,  Gaspard  et  Go- 
defroi,   qui  avec  quelques-uns  de  leurs  compatriotes  se 
trouvaient  à  la  solde  de  Ferdinand,  étaient  alors  de  garde  à  la 
porte  :  ils  en  sortirent  avec  toute  leur  troupe,  pour  repousser 
au-delà  du  pont  les  maraudeurs  français.  Mais  il  ne  furent 
pas  plutôt  hors  des  murs,  que  les  habitants  de  Gapoue  fer- 
mèrent les  portes  après  eux,  et  aborèrent  les  étendards  de 
France.  Les  Allemands,  de  retour  à  la  porte  :  furent  réduits 
à  supplier  à  genoux  qu*oii  leur  ouvrit,  pour  ne  pas  les  ex- 
poser, au  moment  où  ils  avaient  hasardé  leurs  vies  pour  dé- 

t  fiaitU  JùvU  iffef.  tui  ttmp.  L.  Il,  p.  &i.  ^  fV.  Guicctortfhti.  Lft.  I,  p.  ^.  ^  FVatr . 
Belûwrii  cotwntaU  Rêr,  GaUle.  U  Vi,  p.  iii. -^ArnokU  Ferroi^  lib.  1,  p.  ft^  —  U 
nouveau  biographe  de  Triyulcio,  Hosmiai,  cherche  à  justifler  oeite  défection,  L.  V» 
p.  2^7;  et  il  assure  que  Trivulzio  obtiat  ua  coogé  de  Ferdinand  avant  .de  passer  au  ser- 
vice de  son  nouveau  maître ,  mais  il  ne  nous  parait  point  réussir  A  «ffaoer  cetie  UGlie« 
de  U  Yie  de  s«li  MrOi, 

2«* 


436  HttîOtU  DBS  RiPimUQUtB  trALmHtt 

fendre  les  Capooans,  à  être  massaerés  joaqa'an  damier,  pur 
fennemi  qa*ib  Tenaient  de  provoquer.  Après  de  longues  in- 
stances, on  leur  permit  enfin  de  traverser  la  ville,  mais  dé- 
sarmés, et  par  bandes  de  dix  hommes  à  la  fois,  en  les  faisant 
aussitôt  ressortir  par  la  porte  opposée.  Ces  Allemands  avaient 
fait  à  pdne  deux  milles,  sur  le  diemin  d' Averse  à  Naples, 
kffsqn'ils  rencontrèrent  Ferdinand,  qui  revenait  en  hâte  à 
son  camp.  Quelque  troublé  que  fut  ce  jeune  prince,  des  nou- 
vdles  qu'il  recevait  d'eux,  il  poursuivit  sa  route  jusqu'aux 
portes  de  Capoue,  qu'il  trouva  fermées,  n  supplia  qu'on  le 
reçut  dans  la  ville,  que  les  magistrats  consentissent  du  m<»ns 
à  venir  conférer  avec  lui  :  mais  n'obtenant  aucune  réponse, 
et  ne  voyant  paridtre  aucun  de  ceux  qu  il  savait  lui  être  dé- 
voués, tandis  que  l'étendard  de  France  flottait  déjà  sur  les 
murs,  il  reprit  tristement  le  chemin  de  Naples^. 

La  nouvelle  de  la  défection  de  Trivulzio,  et  du  soulèvement 
de  Capoue,  était  arrivée  avant  lui  dans  cette  capitale.  Averse 
avait  déjà  envoyé  des  députés  à  Charles  :  la  populace  de  Na- 
ples avait  de  nouveau  pris  les  armes;  elle  avait  fermé  les 
portes  de  la  ville,  déterminée  à  n'y  point  recevoir  l'armée  fu- 
gitive, et  Ferdinand  fut  obligé  de  faire  un  détour,  et  de  pas- 
ser par  Coronata,  pour  entrer  par  le  château  dans  la  ville, 
avec  les  débris  de  son  armée.  La  populace  qui  parcourait 
les  mes  en  tumulte,  vint  bientôt  piller  sous  ses  yeux  mêmes 
les  écuries  royale.  Ferdinand  ne  put  supporter  cette  indi- 
gnité; il  sortit  presque  seul  du  château,  et  se  jeta  au  miheu 
des  pillards  pour  les  arrêter.  La  majesté  royale,  et  le  respect 
qu'imprimait  encore  son  caractère,  les  continrent  pour  la  se- 
conde fois;  les  uns  jetèrent  leurs  armes  et  tombèrent  à  ses 
pieds  en  demandant  leur  pardon;  d'antres  s'enfuirent  en 
abandonnant  leur  butin,  et  Ferdinand,  ayant  éloigné  les  sé- 

i  PauH  JWU  HitU  Lib*  II,  p.  51.  -  Guicdardlni  BUtor,  Ub,  I,  p«  (9. 


DU  MOYEN   AGE.  437 

ditienx  de  sa  demeure,  rentra  dans  le  châtean.  Il  y  ayait  ras- 
semblé environ  cinq  cents  soldats  allemands,  que  jusqu'alors 
il  avait  trouvés  fidèles  ;  il  avait  mis  à  leur  tète  Alphonse  d' A- 
valos,  marquis  de  Pescaire  ;  mais  bientôt  il  eu  quelque  lieu 
de  soupçonner  que  ces  Allemands  mêmes  songeaient  à  le  faire 
prisonnier  pour  le  livrer  aux  Français  :  aussitôt  il  leur  aban- 
donna une  partie  des  richesses  qui  ^e  trouvaient  dans  le  châ- 
teau; et  pendant  qu'ils  étaient  occupés  à  se  les  partager,  il 
fit  brûler  ceux  des  vaisseaux  qu'il  ne  pouvait  emmener  :  il 
remit  en  liberté  tout  ce  qui  restait  de  prisonniers  d'état,  à  la 
réserve  du  fils  du  prince  de  Rossano  et  du  comte  de  Popoli 
qu'il  emmena  avec  lui;  puis  il  monta,  le  21  février,  avec  son 
oncle  don  Frédéric,  la  reine-mère,  veuve  de  son  aïeul,  et  la 
princesse  Jeanne,  sœur  de  son  père,  sur  les  galères  légères 
qu'il  tenait  prêtes.  Environ  vingt  vaisseaux  étaient  demeurés 
sous  ses  ordres^. 

Une  nouvelle  trahison  attendait  Ferdinand  à  Ischia,  où  il 
vint  aborder.  Giusto  de  la  Gandina,  Catalan,  commandant  de 
la  forteresse  de  cette  île,  ne  voulut  point  recevoir  le  roi  fu- 
gitif. Ferdinand  demanda  avec  instance  d'être  admis  au 
moins  avec  un  seul  compagnon  auprès  du  gouverneur.  Il  n'y 
fut  pas  plus  tôt,  que,  tirant  son  poignard,  il  accabla  Giusto 
de  reproches  sur  son  ingratitude  ;  il  le  saisit  au  milieu  de  ses 
gardes  armés,  et  lui  inspira  tant  de  terreur,  comme  tant  de 
respect  aux  soldats,  qu'il  fit  ouvrir  les  portes  à  sa  garde  qui 
l'attendait  au-dehors,  et  qu'il  demeura  seul  maître  de  l'île  et 
de  la  forteresse  2. 

Cependant  la  soumission  de  Capoue,  et  bientôt  après  l'éva- 
cuation de  Naples  par  Ferdinand,  avaient  fait  perdre  courage 


i  fV.  Gtdeciardini»  Lib.  I,  p.  70.  —  Pt^JùvQ  Hfst.  ad  temp.  Ub.  II,  p.  i%  -^  Cf^- 
nica  Venez.  T.  XXIV,  p.  H.  —  *  Fr.  Otdccicffdini.  Ub.  I,  p.  70.  —  PauU  JaviL  Lib.  II. 
p.  53.  —  Belearti  Cammeni.  ^er»  GalL  Lib.  VI,  p.  t5%  ^  Sunmonte*  Ub.  VI,  c.  Il« 
p.  513, 


43S  HISTOIRE  DES  BEPUBUQUES»  ITALIElTIfES 

à  tpqs  les  partisans  qne  conservait  encore  la  maison  d'Ara- 
gon. Virginio  Orsini  et  le  comte  de  Pitîgliano,  qui  s  étaient 
retira  à  Kola,  avec  environ  quatre  cents  chevaux,  firent 
demander  un  sauf  -  conduit  à  Charles  :  déjà  on  le  leur 
avait  promis,  lorsqu'ils  furent  attaqués  par  deux  cents  che- 
vaux de  la  compagnie  de  Lignj.  lis  se  rendirent  sans  résis- 
tafice,  et  se  laissèrent  conduire  prisonniers  à  la  forteresse 
4e  Mondragone,  tandis  que  tous  leurs  équipages  furent 
pillés  1. 

Des  députât  de  Naples  avaient  été  au-devant  de  Charles, 
jusqu'à  Averse,  et  lui  avaient  offert  les  clefs  de  la  ville.  Ils 
avaient  été  accueillis  avec  joie  :  le  roi  s'était  empressé  de  con- 
firmer les  privilèges  de  sa  nouvelle  capitale,  et  d'en  accorder 
de  nouveaux  ;  et  il  avait  fixé  son  entrée  au  lendemain  diman- 
che, 22  février  2.  Elle  fut  aussi  brillante  qu'aurait  pu  Têtre 
celle  d'un  ancien  monarque,  ou  d'un  libérateur  retournant 
9près  une  longue  absence  dans  des  états  oti  il  serait  chéri. 
Tputes  les  factions ,  même  celle  qui  avait  été  dévouée  à  la 
maison  d'Aragon,  et  qui  avait  reçu  d'elle  tant  de  bienfaits, 
semblaient  se  confondre  en  une  seule,  pour  célébrer  avec 
joie  un  événement  qui  aurait  dû  paraître  si  humiliant  à  la 
fierté  italienne.  C'était  un  roi  étranger,  accompagné  de  trou- 
pes étrangères,  qui  venait  chasser  du  milieu  de  ses  compj^- 
triotes  un  roi  italien  et  toute  sa  famille,  et  qui  s'asseyait  sur 
son  trône  par  droit  de  conquête.  Mais  on  ne  voulait  voir  en 
lui  que  le  représentant  de  la  maison  d'Anjou,  le  successeur 
légitime  des  princes  qui  avaient  illustré  ce  royaume.  Comme 
le  château  Neuf  et  le  château  de  l'Œuf  étaient  encore  occupés 
par  les  soldats  de  Ferdinand,  Charles,  après  avoir  été  rendre 


msL  Fçn.  jLib.J^Î, p.  ^.r-'  André  ^e  La  Vigne,  Journal  fie  Charlf»  Viii,  p.  lU.— 
Jl^aripj^rr^ftei  J.  ;^iy  »p.  2fl4.  —  marip  Sqnefe  At^gr.  AUegretU^  p,  MO.  —  «ay> 
'  naidi  AnnaÛ  S  7«  p,  440.  ~  Summante,  Lib.  \1,  c.  II,  p.  513. 


DU  |[QT£If   ^G£.  4^^ 

^^œs  à  la  grande  église,  alla  loger  au  château  de  Çaf^apa, 
apcienne  résidence  des  rois  français  i. 

Charles  YIII  n'ayait  pas  dessein  de  laisser  longtemps  des 
garnisons  étrangères  dans  les  châteaux  de  sa  capitale.  Dès  le 
len.deipain  de  sou  arrivée,  il  fit  dresser  des  batteries  contre  le 
château  Neuf,  dans  la  grande  place  qui  est  en  face,  et  dans 
le  jardin  royal  qui  est  derrière.  Quoique  les  assiégés  eussen|, 
<}e  leur  côté  de  rartillerie,  ils  ne  savaient  point,  comme  les 
Français,  en  faire  usage  de  nuit  aussi  bien  que  le  jour.  I)*ail- 
leurs,  les  boulets  tombant  dans  une  enceinte  murée,  faisaient 
voler  des  éclats  de  pierres  et  de  muraille,  et  causaient  beau- 
coup plus  de  ravages  que  dans  la  rase  campagne.  On  n^avait 
point  encore  inventé  les  bombes,  ni  aucun  projectile  incen- 
diaire; mais  un  boulet,  en  tirant  une  étincelle  d'un  caillou, 
produisit  l  effet  d'une  grenade,  dans  le  n^agasin  à  j[)oudre  où 
il  était  entré.  Une  effroyable  explosion  tua  ou  blessa  un  grapd 
nombre  de  soldats  ;  le  magasin  de  la  poix  et  de  la  résine , 
que  Ton  conservait  pour  les  lancer  enflammées  sur  les  assail- 
lans,  prit  feu  à  son  tour,  et  remplit  de  flammes  et  de  fumée 
toute  la  partie  du  château  qui  n'avait  pas  été  détruite  par  la 
détonation.  Les  blessés  et  ceux  qui  s'échappaient  à  moitié 
brûlés  du  milieu  de  l'incendie,  ne  trouvaient  aucun  lien  pour 
se  mettre  en  sûreté,  aucun  secours  pour  se  faire  panser  j  et 
leurs  cris  lamentables  glaçaient  de  terreur  leurs  compagnons 
d'arn^es.  Le  même  capitaine  allemand,  Gaspard,  qui  s'était 
distingué  par  sa  constance  à  Gapoue,  regardant  désormais  la 
.cause  de  Ferdinand  comme  perdue,  exhorta  ses  compatriotes 
à  se  partager  les  restes  des  trésors  des  monarques  aragonais^ 
confiés  à  leur  garde,  et  à  se  rendre  ensuite.  Us  capitulèrent, 
en  effet,  après  ce  honteux  pillage,  et  ouvrirent,  le  6  mars,  la 

1  Fr.  GuicciftrdinL  Lib.  I,  p.  71.  -  PauU  Jùvii  Eisior.  Lib.  Il ,  p.  52.  —  Pbil.  de  Co- 
mises ,  Mémoires.  L.  VII.  ch.  XVI,  p.  22s.  —  fr.  BdchfU  Comment.  Ber.  Gall.  Lib.  VI , 
p,iSZ,^Amold»FerronU,Ub,Up,iL 


440  HISTOIBB  DIS  BiPUBUQUES  ITALIEUHES 

INMrte  do  cb&teao  Neuf  aax  Français,  tandis  qa*  Alfonse  d*  A- 
Talos  s'enfuit  snr  une  galère  légère  qui  était  demeorée  à 
Fancre  dans  le  port  ^ 

Le  château  de  l'Œuf,  seconde  forteresse  de  Naples,  avait 
été  confié  à  la  garde  d' Antonello  Piccioli,  capitaine  dévoué  à  la 
maison  d'Aragon  :  il  est  bâti  dans  la  mer,  sur  un  rocher  isolé, 
et  séparé  du  continent  par  la  main  des  hommes,  mais  dominé 
par  un  autre  rocher  élevé,  qui  porte  aujourd'hui  le  fort 
Sauf  Elmo,  et  sur  lequel  les  Aragonais  avaient  bâti  une  sim- 
ple redoute ,  nommée  Pizzifalcone.  Les  Français  eurent  peu 
de  peine  à  s'emparer  de  celle-ci;  ils  y  traînèrent  de  l'artil- 
lerie, et,  foudroyant  de  là  le  château  de  TOEuf,  ils  le  contrai- 
gnirent, le  15  mars,  à  capituler^. 

Don  César  d'Aragon  frère  naturel  du  roi,  qui  avait  défendu 
les  Abruzzes  ayec  Bartbélemi  d'Alviano,  et  André-Hathien 
d' Aquaviva,  avait  fait  sa  retraite  sur  le  comté  de  Molise,  avec 
environ  cinq  cents  gendarmes  et  trois  mille  fantassins.  Il  se 
proposait  de  traverser  la  Fouille,  pour  s'arrêter  àBrindes,  à 
Otrantc  ou  à  Tarente,  en  attendant  qu'il  pût  recevoir  les  se- 
cours de  Ferdinaud-le-Gatholique,  ceux  des  Turcs,  et  ceux 
des  états  de  la  haute  Italie,  dont  on  savait  déjà  le  méconten- 
tement. Mais  Fabrice  Colonne ,  qui  poursuivait  cette  petite 
armée,  ne  lui  laissa  pas  un  jour  de  repos  ;  de  toutes  parts  le 
pays  se  révoltait  autour  d'elle;  tous  les  défilés,  tous  les  pas- 
sages de  fleuves  étaient  gardés  par  des  paysans  qui  avaient 
déjà  arboré  les  étendards  de  France.  Don  César,  dont  la  troupe 
diminuait  d'heure  en  heure  par  des  désertions,  arriva  à  Brin- 
des  avec  quelques  gendarmes  seulement  ;  et  il  conserva  cette 
forteresse  à  son  frère.  Tout  le  reste  de  sa  compagnie  se  dis- 


t  PmU  JwU  HisL  Lib.  H,  p.  53.  —  Fr.  Guiedardini  HUl  Lib.  II,  p.  83.  —  UAmoires 
de  PbU.  de  Comines.  Uv.  Vil,  ch.  XVII,  p.  231.  —  >  Fr,  Gmcciardini,  Lib.  II ,  p.  83.  — 
Pauk  JovH  UisL  Lib.  II  «  p.  ii^-^Burchardi  ÙiarUm,  apwi  tumnatd*  Annal.  149S,  S  i, 
p.  440. 


DU  MOTDf  AOS.  441 

persa;  etdaos  toutes  les  provinces  qui  bordent  F  Adriatique, 
U  ne  se  trouva  bientôt  plus  un  seul  petit  corps  d'armée  qui 
défendit  le  parti  d'Aragon  ^ 

La  terreur  qui  précédait  les  armées  françaises,  et  qui  ac- 
complissait seule  pour  eux  leurs  conquêtes,  s'étendit  même 
sur  l'autre  rive  du  golfe  Adriatique.  Les  Turcs  de  l'Épire  et 
de  la  Macédoine,  voyant  partout  les  drapeaux  français  arbo- 
rés sur  les  villes  napolitaines,  furent  frappés  d'un  tel  effroi, 
qu'ils  abandonnèrent  presque  toutes  les  villes  des  côtes  où  ils 
étaient  en  garnison.  Les  Grecs,  au  contraire,  se  hâtèrent  d'a- 
cheter des  armes,  des  chevaux,  des  vivres,  et  de  se  préparer, 
avec  une  imprudente  publicité,  au  massacre  de  leurs  oppres- 
seurs, qui  devait  commencer,  disaient-ils,  dès  que  les  pre- 
miers bataillons  français  auraient  abordé  sur  leurs  rivages. 
Ces  démonstrations  inconsidérées  amenèrent  bientôt  sur  eux 
la  ruine  et  l'écrasement^.  Un  archevêque  de  Durazzo,  alba- 
nais de  naissance,  avait  été  chargé  par  Charles  YIII  de  ses 
négociations  en  Grèce  :  il  était  secondé  par  Constantin  Aria- 
nitès,  oncle  de  Marie,  marquise  de  Montferrat,  chez  laquelle 
il  s'était  réfugié;  Constantin  prétendait  être  héritier  des 
royaumes  de  Thessalonique  et  de  Servie*.  Il  vint  avec  l'ar- 
chevêque, joindre  à  Venise  Philippe  de  Gomines  :  de  là  ils 
avaient  étendu  leurs  intrigues  sur  toutes  les  côtes  de  l'Alba- 
nie. Mais  l'archevêque  de  Durazzo,  homme  léger  et  vaniteux, 
loin  de  cacher  ses  négociations,  y  mit  une  telle  ostentation, 
que  les  Yénitiens,  déjà  jaloux  des  succès  des  Français,  le  fi- 
rent arrêter  au  moment  où  il  partait  imr  un  vaisseau  chargé 
d'armes  pour  les  côtes  d'Épire.  Ils  envoyèrent  tous  ses  pa- 
piers à  Bajazeth  ;  et  des  milliers  de  chrétiens  grecs  furent 

1  PauH  JoviL  Ub.  If,  p.  S4.  —  PhU.  de  Gomines,  Mém.  Uy.  VII,  ch.  XVI,  p.  226.  — 
s  Pauli  JoviL  Ub.  II,  p.  SS.  —  Pétri  Bembi  HisU  Yen,  Lib.  II,  p.  31.  —  >  Marie,  mère 
et  tutrice  de  Gnillàume-Jean  de  Montferrat,  dernier  despote  de  Serrie.  Elle  fit  venir  é 
sa  cour,  en  I48d,  Constantin  Arianitës»  son  oncle  >  qni  acquit  dés  lors  tm  crédit  absoln 
sur  son  esprit.  ïï9Menmo  cTe  8aRclo*6eof0<o  BiiU  MonUtferré  T.  l^Xiif^p.  r56« 


4^2  HISTOIRE  DES  Jt|P|^;4qpB$  ITALIENNES 

Tîctimef  de  Fimpradeiioe  française  et  de  la  poQ^epex$^  . 
de  Yenisei. 

Cependant  il  suffisait  d'observer  de  près  Tannée  française 
pour  ne  mettre  plus  aucune  confiance  dans  la  durée  de  pies 
fpecès  ou  de  sa  domination  en  Italie.  Le  pape  Alexandre  YI  di- 
fiiait  d'elle,  q;u'elle  ^vait  fait  la  conquête  du  royap^  de  Na- 
ples  avec  de  la  oraie  et  des  éperons  de  bois,  parce  que,  comme 
elle  m  troi^v^it  nulle  part  de  résistance,  ses  fourriers  la  prié- 
cédaient  toujours,  marquant  les  logements  avec  de  la  craie 
dans  les  villes  où  elle  devait  arriver  pour  prendre  se|s  qi^ur- 
tiers  ;  et  parce  que,  les  gj^ndarmes,  pour  ne  point  se  fatjigaer 
en  portant  leur  pesante  armure  qu'ils  réservaient  pour  le 
jour  du  combat,  s'avançaient  à  cheval,  en  veste  du  matin,  et 
les  pied0  dans  des  pantoufles  auiquelles  ils  adoptaient  une 
aiguille  pointue  de  bois,  pour  leur  tenir  lieu  d'éperons^.  Mais 
cette  armée,  qui  n'avait  point  encore  combattu,  avait  cepen- 
dant conçu  d elle-même  une  si  haute  opinion,  et  un  si  profond 
mépris  pour  les  Italiens  qui  s'étaient  enfuis  devant  elle,  que 
gon  insolence  devait  rendre  bientôt  son  joug  insupportable. 

Perron  de  Baschi  et  d'Aubigny  furent  envoyés  en  Calabre 
sans  soldats,  pour  prendre  possessiQu  de  la  province,  et  non 
pour  la  conquérir  ;  en  effet,  toutes  les  villes  leur  ouvrirent 
leurs  portes,  à  la  réserve  de  Tropéa  et  d'Amantéa,  sur  le  golfe 
de  Sainte-Euphémie  :  celles-ci  même  avaient  arboré  les  éten- 
dards de  France;  mais  apprenant  qu'elles  avaient  été  données 
en  fief  à  un  baron  français,  comme  elles  voulaient  ne  dépen- 
dre que  de  la  coçropne,  elles  relevèrent  les  drapeaux  d'Ara- 
gon 3,  Reggio,  la  citadelle  de  Scylla,  celles  de  Bari  et  de  Galli- 
poli,  dans  la  mer  dOtrante,  demeurèrent  au^si  fidèles  à  Fer- 
dinand^. D'ailleurs  toutes  les  provinces  étaient  soumises;  et 

i  Pbil.  de  Comioet,  Mémoires,  h.  VU,  cb.  XV|I,  p.  232.  —  Fr.  GvicciardiffL  Lib.  U, 
p.  «6.  —  *  Phil.  4e  Comines.  L.  VU,  ch.  XIV,  p.  213.  —  >  Ibid.  L.  Vlî,  ch.  XVI,  p.  22«. 
r-  ^r.  ÇtOeciardini  Bist.  Lib.  I|,  p.  84,  —  *  BarOioL  Senarega  de  J^b.  Gcnvew. 
T.  XXIV,  p.  ^7. 


0ir  KOTisq  AipB.  443 

tons  les  grands  seignefirs  du  royaume  /ic^ogrjou^  j^  Naples 
pour  faire  leur  cour  au  monarque  fr^pç^ls.  Le  mijourqi^is  de 
Pescaire  seulement,  le  comte  d*  Acri  et  le  marquis  ^e  Squillaee, 
s'étaient  retirés  en  Sicile,  tandis  qp'on  voyait  auprès  de 
Charles  YIII  le  prince  de  ^aleroe  qui  jetait  arrivé  avec  la 
flotte  française,  le  prince  de  Bisignano  son  frère,  et  ses  en- 
fants; le  duc  de  Melfi,  le  duc  de  Graviiip,  le  vlepx  duc  d^ 
Sora,  le  frères  et  les  neveux  du  marquis  de  Pescaire,  le  comte 
de  M ontorio,  les  comtes  de  Fondi,d'Atripalda,  de  Gélapo^  de 
Troïa,  celui  de  }?opoli  que  Ion  trouva  dans  les  prisons  de 
Naples,  le  marquis  de  Veaafro,  tous  les  Galdorescfai  et  les 
comtes  de  Matalona  et  deMérillano  * .  Mais  teindis  qu  ils  s'em- 
pressaient tous  de  témoigner  leur  dévoùment  et  leur  obéis- 
sance, les  Français  semblaient  n  en  trouver  aucun  digne  de 
ménagement  ou  d'estime.  Charles  VIII  retira,  à  la  plupart 
d'entre  eux  les  fiefs  ou  les  offices  qu'ils  tenaient  de  la  cou- 
ronne, pour  les  donner  à  des  Français.  A  peine  y  eut-il  un 
gentilhomme  auquel  le  roi  n'enlevât  qqelque  chose,  et  qu'il 
lie  jetât  ainsi  dans  le  parti  des  mécontents.  Les  anciens  parti- 
sans de  la  maison  d'Anjou  avaient  espéré  être  rétablis,  parle 
triomphe  de  leur  faction ,  daps  la  possession  des  biens  autre- 
fois confisqués  sur  eux  ;  un  pareil  bouleversement  de  toutes 
les  fortunes,  après  soixante  ans  de  possession,  aurait  sans 
doute  été  aussi  impolitique  qu'injuste;  il  aurait  renouvelé  le 
mal  de  la  première  spoliation,  au  lieu  de  le  réparer.  Cepen- 
dant il  pe  fallait  pas,  sans  de  grands  ménagements ,  confon- 
dre les  espérances  du  seul  parti  sur  lequel  la  maison  de 
France  pût  compter  dans  le  royaume  :  la  prodeace^  au  dé- 
faut de  la  reconnaissance,  aurait  conseillé  au  roi  d^  chercher 
tous  les  moyens  de  compenser  les  pertes  des  faûiilles  qqi 
avaient  souffert  pour  sa  cause;  il  aurait  dû  réprimer  toutpen- 

1  Mémoires  de  Pha.  de  Cominei.  L.  VII,  cfa.  XVI,  p.  327. 


444  HI8TOIBB  DES  BÉPUBLIQtJES  ITAIiIEinrES 

chant  à  des  largesses  grataites,  lorsqu'il  avait  auparavant  une 
dette  si  sacrée  à  payer  :  aussi  le  parti  d*  Anjou  reçut-il  ayec 
indignation  l'édit  qui  maintenait  les  nouveaux  acquéreurs 
dans  les  possessions  confisquées,  et  qui  leur  promettait  main- 
forte  pour  les  y  rétablir,  s'ils  en  avaient  été  chassés  par  la 
force,  d'autant  plus  qu'il  sut  que  le  président  de  Gannay 
et  le  sénéchal  de  Beaucaire  avaient  rendu  cet  édit  à  prix  d'ar- 
gent <. 

Le  roi  semblait  n'avoir  entrepris  la  conquête  de  Naples 
que  pour  se  livrer  au  plaisir  dans  sa  nouvelle  capitale,  y  célé- 
brer des  fêtes  et  des  tournois ,  et  associer  la  galanterie  fran- 
çaise au  luxe  et  à  la  délicatesse  des  IVapolitains.  Ses  courtisans, 
enflés  d'orgueil  après  cette  guerre  sans  combats,  s'abandon- 
naient sans  réserve  à  l'enivrement  de' toutes  les  jouissances. 
Les  simples  soldats  eux-mêmes,  Suisses,  Français  et  Alle- 
mands, étaient  énervés  par  la  mgllesse  qu'inspire  un  climat 
délicieux.  L'abondance  et  le  bas  prix  des  vins  les  plus  exquis, 
la  variété  des  fruits  et  des  productions  de  cette  terre  fertile 
les  acoutumaient  à  des  jouissances  jusqu'alors  inconnue  s 
Personne  ne  songeait  plus  à  l'expédition  de  Grèce ,  personne 
ne  désirait  s'exposer  à  de  nouvelles  fatigues  et  de  nouveaia 
combats  ;  et  ce  projet ,  annoncé  par  la  chrétienté  pour  sanc- 
tifier la  guerre  d'Italie,  ne  semblait  plus  qu'un  vain  prétexte 
par  lequel  on  avait  voulu  tromper  tous  les  princes  de  l'Eu- 
rope 2. 

Charles  ne  songeait  pas  plus  aux  préparatifs  de  défense  et 
aux  moyens  de  se  maintenir,  qu'à  ceux  de  porter  plus  loin  ses 
attaques.  Deux  fois ,  il  est  vrai ,  il  avait  eu  des  conférences 
avec  don  Frédéric  d'Aragon,  qui  était  venu  à  lui  sous  la  foi 
d'un  sauf-conduit.  Charles,  pour  engager  Ferdinand  à  renon- 

1  Mém.  de  Phil.  de  Comines.  L.  VII,  ch.  XVII,  p.  330.  —  «  PaaU  Jovii  Bist.  Lib.  II, 
p.  5S.  — BurcAâKfi  Dior,  apud  Rai^no/tt  1495,  S  lo,  p.  44o«»l>.  Bêkarii  Comment. 
U  VI,  p.  IM. 


Dt  MOTlSn  AGB*  445 

cer  à  ses  prétentions  snr  h  conronne  de  Naples,  loi  offrait 
en  dédommagement  an  duché  dans  Tintérienr  de  la  France  ; 
mais  Ferdinand  Yoolait  conserver  le  titre  de  roi  et  le  gonver- 
nement  de  Naples  en  offrant  seulement  de  rendre  sa  couronne 
tributaire  de  celle  de  France,  et  de  donner  aux  Français  des 
places  de  sûreté.  La  négociation  se  rompit,  et  cependant 
Charles  ne  fit.aacane  tentative  pour  forcer  son  rival  dans  Is- 
chia*.  Il  ne  maintint  point  approvisionnées  les  places  de 
guerre  dont  il  s* était  emparé  ;  il  abandonna  inconsidérément 
tous  les  vivres  rassemblés  dans  le  château  de  Naples  à  ceux 
qui  les  lui  demandèrent  en  présent.  U  nomma  des  Français 
pour  gouverneurs  de  toutes  lesvilles  et  forteresses  du  royaume, 
et  ceux-ci,  avec  la  même  légèreté,  ne  songeant  gu*à  amasser 
de  Taisent  au  moyen  du  rang  qu'ils  avaient  obtenu,  loin 
d'augmenter  leurs  forces  et  de  se  mettre  en  état  de  défense, 
vendirent  au  plus  offrant  les  approvisionnements  et  les  armes 
qu'ils  trouvèrent  dans  les  forteresses.  C'est  au  milieu  de  cette 
profonde  sécurité,  de  ces  festins  et  de  cette  dissipation  que  le 
roi  et  l'armée  française  furent  tout  à  coup  éveillés  par  la  nou- 
velle de  l'orage  qui  se  formait  contre  eux  dans  le  nord  de 
l'Italie,  et  qu'ils  virent  succéder  à  une  prospérité  presque 
miraculeuse  le  torrent  non  moins  rapide  de  l'adversité  ^. 

1  Phil.  de  Comines.  Ut.  VII,  eh.  XVII,  p.  278.  —  Franc.  GuieeiardinU  Lib.  II,  p.  t4. 
—  Àmoldi  Ferronii.  L.  I,  p.  il.  —  *  Mémoires  de  Phil.  de  Comines.  Liv.  VU,  ch.  XVII, 
p.  231.  —  Fr.  GuiceiardinL  Lib.  II ,  p.  ftS.  —  Histoire  de  Fnnce ,  par  uu  gentilhomme 
du  duc  d'ADgoulôme ,  publiée  par  Denys  Godeflroy.  Charles  Vlll,  p.  103. 


446  mSTOUK  Ulà$  kÉPO^LIQOËà  ITALlCmiKS 


CHAPITRE  XIV. 


Revolutioas  pccasionées  en  Toscane  pir  le  pafisa^e  de  Gharies  YllI.  — 
Efforts  des  Florentins  pour  reconstituer  leur  république^  sottinettre 
Pise,  et  se  soustraire  à  la  malveillance  des  Siennais,  des  Lucquois  et 
deé  Génois.  —  Inquiétudes  des  Vénitiens  sur  les  succès  de  Char- 
les Vllt  ;  ligtre  dé  Tllalie  pour  maintenir  son  indépendance. 


1494-14»». 


1494.  —  Charles  TIII  n'aviét  guère  pas^  plod  d'un  mcas 
en  Toscane,  depuis  son  entrée  à  Sarzane  jusqu'à  sa  sortie  de 
Fétat  de  Sienne;  mais  dans  ce  court  espace  de  temps,  il  avait 
entièrement  bouleversé  rot^ganisation  de  cette  province.  Dé- 
puis plus  d^uti  siècle,  les  Florentins  y  avaieilt  acquis  une  telle 
prépondérance,  qu  ils  conservaient  seuls  une  influence  mar- 
quée sur  la  politique  du  reste  de  l'Italie,  ou  sur  celle  de  F  Eu- 
rope. Les  différentes  villes  de  leur  territoire  leur  était  si  com- 
plètement soumises,  quoni  n'entendait  plus  parler  de  leurs 
anciennes  factions,  et  que  si  quelque  abus  de  pouvoir,  ou  les 
intrigues  de  quelque  ambitieux  y  faisaient  naître  un  soulève- 
ment, il  était  presque  inuuédiatement  étouffé.  Sienne  et 


DU  MOYEN  Aén.  447 

Lacqde^  éSiiservaiènf  seules  leur  indépèiiâànée  ;  niais  né  pou- 
vant lutlët'  filvèc  un  état  aussi  puissant  que  celui  de  Florence , 
elles  cherchaient  à  se  faire  oublier  ;  elles  demeuraient  étran- 
gères à  la  politique  générale  de  l'Italie,  et  malgré  leur  secrète 
jalousie,  elles  entretenaient  avec  les  Florentins  une  constante 
ptàjL.  Tout  à  coup,  r armée  française  qui  traverse  la  Toscane 
rend  à  Pise  une  liberté  dont  cette  ville  avait  été  privée  quatre- 
vingt-sq^t  ans  ^  renverse  le  gouvernement  établi  â  Florence 
depuis  soixante  ans,  répand  dans  tout  Fétat  florentin  des 
gennes  d'insubordination  et  des  projets  d* indépendance  qui 
fiirent  bientôt  suivis  par  la  révolte  de  Montépulciano  :  elle 
CKncourage  les  Génois  à  recouvrer  par  le^  armes  la  possession 
de  Sarzane  et  de  Piétra-Santa  qu'ils  avaient  perdue  dans 
une  précédente  guerre  ;  rend  aux  Lucquois  et  aux  Siennais 
Taudace,  qu'  ils  avaient  depuis  longtemps  déposée,  de  provoquer 
le  ressentiment  des  Florentins  et  de  faire  alliance  avec  leurs 
ennemis;  anéantit  enfin^  par  cette  opposition  universelle  d'iù- 
téréts  et  de  passion^,  les  forces  d'une  des  plus  puissantes  ré- 
gions de  l'Italie,  d'une  région  qui  plus  que  toute  autre  &e 
serait  empressée  de  défendre  l'indépendance  nationale,  et  qui 
en  aurait  trouvé  le  pouvoir,  si  œ  n'est  dans  l'esprit  beUi- 
Qtieux  de  ses  liabitaûts,  du  moins  dans  la  richesse  de  ses  villes 
et  l'habileté  de  ses  gouvernements. 

Florence  aVait  perdu  la  plupart  de  ses  habitudes  répubh- 
caines,  pendant  les  soixante  ans  durant  lesquels  elle  avait 
obéi  à  Une  £Êiniille  qui ,  pour  déguisel:  son  despotisme ,  s'en- 
tourait d'une  étroite  oligarchie.  £n  recouvrant  l'ensemble  de 
sèB  droits,  cette  république  Ignorait  elle-même  qu'elle  était 
leur  étenâhe.  Presque  tous  les  Italiens  désiraient  la  hberté  : 
mais  cette  liberté  n'était  nullement  définie  ;  et  personne  ne  se 
rendait  coiilpte  avec  netteté  du  but  qu'il  voulait  atteindtiB. 
Quelque»  abus  criants  dans  le  gouvernement  d'un  seul,  bles- 
saient tdttë  ùMl^  qtû  les  avaient  éprbuvéd;  et  le  nom  mètbe 


448  HISTOIRE  DES  BiFUBLIQUXS  ITALlEIlirES 

de  monarchie  paraimit  exclure  tonte  idée  de  Bberté»  Par  op- 
position, on  n<mimait  république  le  gonvemement  oii  Tan- 
torité  de  plusieurs  était  substituée  à  celle  d'un  seul  ;  et  Ton 
regardait  comme  la  république  la  mieux  constituée ,  celle  qui 
avait  entouré  son  existence  de  plus  de  garanties ,  et  qui  avait 
réussi  à  repousser  le  plus  longtemps  le  pouvoir  monarchique. 
Mais  Ton  n'examinait  jamais  si  dans  telle  ou  telle  république, 
il  y  avait  plus  ou  moins  de  liberté ,  si  même ,  les  institutions 
qui  garantissaient  le  mieux  sa  durée^  n'avaient  pas  absolument 
détruit  la  sûreté  du  citoyen  ;  et  l'on  nie  soumettait  jamais  le 
gouvernement  à  la  seule  épreuve  qui  puisse  dédder  de  sa  bonté 
ou  de  ses  défauts;  l'on  n'examinait  pas  s'il  rendait  heureux 
le  plus  grand  nombre  possible  parmi  les  citoyens  qui  lui 
étaient  soumis,  et  s'il  le&  perfectionnait  en  même  temps,  en 
développant  leurs  facultés. 

La  Providence  a  imprimé  dans  le  cœur  de  chaque  homme 
le  désir  du  bonheur,  et  c'est  le  mobile  de  ses  actions  ;  mais 
elle  semble  lui  indiquer  en  même  temps  un  but  plus  relevé, 
par  les  facultés  qu'elle  a  mises  en  lai ,  par  les  jouissances 
qu'elle  a  attachées  à  leur  développement,  par  le  désir  constant 
d'un  état  plus  parfait,  qui  donne  du  ressort  à  l'esprit  de 
l'homme.  Il  y  a  pour  chaque  condition ,  pour  chaque  degré 
de  lumières 9  un  degré  de  bonheur  correspondant;  et  il  sa- 
tisfait ceux  qui  n'en  connaissent  pas  un  plus  relevé.  Les  peu- 
ples les  plus  abrutis  prennent  pour  du  bonheur,  le  repos, 
l'ivresse ,  et  les  accès  de  joie  qui  tiennent  à  des  causes  toutes 
physiques.  On  nous  dit  que  l'esclave  nègre  est  heureux,  parce 
que  dans  les  courts  repos  qu'on  lui  accorde  les  jours  de  fête , 
des  cris  de  joie  animent  ses  danses,  ou  bien  parce  qu'il  s'aban- 
donne aux  plaisirs  de  l'ivresse  ou  de  l'amour.  Mais  à  mesure 
qu'on  écarte  les  obstadesqui  s'opposent  au  développement  des 
facultés  de  l'homme,  son  bonheur  se  compose  de  jouissances 
plus  nobles;  la  pensée,  le  sentiment,  la  conscience  de  soi- 


DU   MOYEIH   AGE.  449 

même,  ont  plas  de  part  à, ses  plaiflirs.  Son  âme  devient  une 
plus  grande  partie  de  son  être;  e*est  elle  qui  demande  à  être 
satisfaite,  c'est  elle  qui  peut  être  blessée  de  mille  manières,  et 
qui  s'indigne  contre  les  entraves  dont  on  veut  encore  la  char- 
ger. Dans  cet  état  perfectionné,  les  souffrances  sont  plus  vives 
peut-être;  mais  les  jouissances  sont  plus  nobles;  elles  sont 
plus  conformes  à  la  nature  humaine,  elles  remplissent  mieux 
le  but  de  la  Providence  :  car  celle-ci  ne  nous  a  pas  donné  le 
désir  et  le  pouvoir  de  nous  élever,  pour  que  nous  cherchas- 
sions le  bonheur  dans  l'abrutissement;  elle  a  voulu  au  con- 
traire le  développement  de  toutes  les  facultés  dojit  elle  a  mis 
en  nous  les  germes.  On  ne  peut  pas  plus  répondre  à  la  ques- 
tion :  l'homme  pensant,  l'homme  moral,  l'homme  libre,  est- 
il  plus  heureux  que  l'homme  abruti ,  qu'on  ne  peut  comparer 
le  bonheur  de  la  brute  à  celui  d'une  intelligence  céleste.  Mais 
l'on  peut  répondre  que  l'homme  pensant,  l'homme  moral, 
l'homme  libre,  s'est  conformé  à  sa  nature;  et  que  l'homme 
qui  a  perdu  la  réflexion ,  la  liberté,  et  cette  fierté  qui  repose 
toujours  sur  le  sentiment  de  l'honneur  et  du  devoir,  que  cet 
homme  a  dépravé  sa  nature. 

Un  gouvernement  doit  donc  être  estimé  bon,  lorsque  non 
seulement  il  rend  les  honunes  heureux,  mais  qu'il  les. rend 
heureux  conmie  dès  hcHnmes  :  il  doit  être  estimé  mauvais,  s'il 
ne  leur  permet  d'autre  bonheur  que  celui  des  brutes.  Le  pre- 
mier est  d'autant  meilleur  qu'il  rend,  proportionnellement, 
plus  de  membres  de  l'état  susceptibles  du  bonheur  moral;  le 
second  est  d'autant  plus  mauvais  qu'il  en  réduit  un  plus 
grand  nombre  à  ne  désirer  que  les  seules  jouissances  phy- 
siques. 

Ceux  qui  ont  une  fois  goûté  de  la  liberté  politique  savent 
que  le  plus  sûr  moyen  d'élever  l'âme,  de  la  tirer  du  cercle 
étroit  des  intérêts  égoïstes,  de  l'accoutumer  à  des  pensées 
plus  nobles,  à  des  idées  plus  générales,  de  la  convaincre  de  sa 

VII.  29 


450  HISTOI&B   DES  RfiPXJBLIQUCS   ITALI£1IH£S 

propre  ^gnité,  de  loi  faire  désirer  les  connaissances ,  et  pré- 
férer les  jouissances  qni  Tiennent  de  la  pensée  ou  du  coeur, 
c'est  d* élever  rhomme  au  rang  de  citoyen ,  de  lui  donner  un 
intérêt  dans  la  chose  publique  et  une  part  à  la  souveraineté. 
Ils  savent  encore  que  le  moyen  le  plus  sûr  de  dégrader  Tàme, 
c'est  de  la  tenir  constamment  en  tuteHe ,  de  la  nourrir  de 
craintes  vagues,  de  lui  ôter  toute  confiance  dans  son  bon 
droit ,  toute  indépendance  dans  ses  choix ,  de  la  soumettre 
enfin  à  une  autorité  arbitraire ,  qui  remplace  dans  toutes  les 
occasions  de  la  vie  la  volonté  de  l'individu  par  le  commande- 
ment du  supérieur.  Ainsi  le  grand  but  d'un  bon  gouverne- 
ment devant  être  d'âever  des  hommes,  il  y  réussit  d'autant 
mieux  qu'il  admet  un  plus  grand  nombre  de  citoyens  à  parti- 
cipa à  faatorité  souveraine,  et  qu'il  protège  )e  mieui  le  libre 
arbitre  de  chaque  sujet ,  sa  sécurité  et  ses  droits ,  contre  tout 
abus  du  pouvmr. 

Sous  le  nofli  ke  la  liberté  on  confond  sans  cesse  une  faculté 
et  une  garantie  qui  n'ont  pas  de  rapports  très  immédiats  :  ia 
Ifi^erté  politique  des  états  consiste  dans  la  participation  du  plus 
grand  nond)re  possible  à  la  souveraineté  :  la  liberté  individuelle 
des  citoyens  consiste  dans  la  garantie  de  tous  ceux  de  lears 
d^ts  dont  il  n'a  pas  été  nécessaire  de  les  dépouiller  pour  que 
le  gouvernement  p6t  se  maintenir  ;  elte  se  compose  donc  de 
leur  sûreté  personnelle,  du  maintien  de  leur  propriété,  de  Tim- 
parttatité  des  tribunaux,  de  la  certitude  de  la  justice,  de  l'im- 
peisâhilité  des  vexations  arbitraires.  Ces  deux  Ôb^rtés  n'étaient 
point  d^silea  dans  ks  républiques  du  moyen  âge ,  et  elles  n'é- 
tttcnt  que  fort  inégalement  garanties.  Dans  aucun  pays  peut- 
être,  la  grande  masse  des  sujets  del'étatn' était  plusqu'à  Yeniae 
exclue  de  toute  part  au  gouv^nement  *  Tandis  que  deux  ou  trois 
mille  gentilsbomsies  composaient  seuls  toute  la  république, 
on  èomi^aâidans  Venise  même  cent  cinquante  mille  habitants; 
et  les  provinces  de  teire^-^me ,  en  ItaUe,  avec  celles  de  Dal* 


ou  MOTCK  AG2.  451 

matie  et  de  Grèce ,  contenaient  quelques  milHons  de  sujets. 
Tous  étident  exclus,  par  la  plus  soupçonneuse  jalousie,  de  la 
connaissance  de  ce  qu  on  appelait  les  secrets  de  l'état.  Toute 
tentative  qu'ils  auraient  faite  pour  participer  au  gouTeme- 
meut  aurait  été  considérée  comme  une  conspiration  et  punie 
comme  un  crime.  Dans  aucun  état  d'ailleurs,  même  dans  le 
plus  despotiqiie ,  l'autorité  du  goorememeot  ne  reposait  au- 
tant sur  la  crainte  ;  nulle  part  les  tribunaux  ne  s'entouraient 
d'un  plus  profond  secret  et  de  formes  plus  redoutables  ;  nulle 
part  ils  ne  disposaient  plus  arbitrairement  de  la  propriété,  de 
kl  liberté  et  de  la  m  des  citoyens  comme  des  sujets  ;  nulle 
part  des  coups  d'état  ne  frappaient  de  punitions  plus  terrible», 
et  enveloppées  en  même  temps  de  jim  de  mystère,  ceux  qM 
avaient  excité  les  soupçons  d'une  jalouse  oligarchie. 

Cependant  alors  la  république  de  Venise  avait  déjà  subsisté 
plus  de  mille  ans  :  die  avait  à  peine  été  agitée  par  quelques 
guerres  dviles ,  et  depuis  plusieurs  siècles  elle  avait  réprimé 
tooles  les  factions,  prévenu  tons  les  complots  avant  leol^  ex* 
ploBÎon ,  évité  toutes  les  révolutions.  Au  dehors,  sa  politique , 
eonstamment  heureuse,  avait  soumis  plusieurs  nouveaux  états^ 
étendu  dans  tous  les  sens  sa  d(»nination  autour  des  lagunes 
eu  elle  était  origimûrement  renfermée,  augmenté  sa  richesse, 
son  eommeiree  et  son  industrfe,  et  imprimé  à  tous  ses  voisins 
de  la  crattite  et  du  respect.  Tous  ces  avantages  n'étaient  p<»ttt 
dus  à  la  vraie  liberté;  car  celle-ci  n'était  point  connue  à  Ve- 
nise, mais  à  k  fmrim  républicaine  de  son  gouvernement,  à  la 
prudence  de  son  sénat,  bien  supérieure  à  celle  d'un  prinee,  à 
sa  eonstance  inébranlable,  à  son  éconcffliie,  qui  aocunHsâait 
sans  relâche  ks  trésors  que  tes  prodigalités  d'une  jeune  oonr 
auraient  cfesîpés,  enfin  au  défou^nent  pour  la  fshose  publique 
de  celte  classe  peu  nombreuse ,  mais  riche  et  ornée  de  grands 
talents,  à  qui  la  chose  publique  appartenait. 

Mais  la  durée  et  la  puissance  sont  les  deia  prérogative»  f  «i 

a»! 


452  HISTOIUS  DBS  RÉPUBLIQUES  ITALIBNUrSS 

frappent  le  plus  les  yeax  des  hommes  ;  et  Venise  inspirait  à 
toute  l'Italie  Fadmiration  et  le  respect  qn*une  république  ne 
mérite  que  par  une  oonstitation  juste  et  libre.  Lorsqu'il  fut 
question  de  reconstituer  le  gouTcmement  de  Florence ,  cette 
admiration  pour  Venise  fut  également  professée  par  tous  les 
partis  :  ce  fut  le  modèle  que  les  hommes  d'état  se  mirent  ré- 
ciproquement sous  les  yeux,  cdui  d'après  lequel  chacun  cher- 
cha à  justifier  son  système  propre.  De  même  qu'on  a  -vu  de  nos 
jours  l'exemple  de  l'Angleterre  invoqué  par  tous  les  partis, 
dans  tous  les  pays  qui  prétendent  à  être  libres  ;  de  même  on 
Tif  à  Florence,  après  la  chate  du  gouyemement  des  Médicis, 
tous  les  hommes  d'état  chercher  à  Venise  un  modèle  pour  la 
nouvelle  république.  Pi^nl-Antoine  Sodérini ,  citoyen  univcar- 
sellement  estimé,  et  qui  désirait  élargir  le  cercle  de  l'aristo- 
cratie ,  et  faire  participer  à  la  souveraineté  un  plus  grand 
nombre  de  Florentins,  proposa  Venise  à  ses  concitoyens  pour 
modèle  ;  il  montra  que  le  nombre  de  ses  gentilshommes  éga- 
lait celui  des  hommes  qu'il  invitait  à  reconnaître  à  Florence 
comme  citoyens  actifs  :  il  regretta  que  d'anciennes  habitudes, 
des  préjugés  enracinés  dans  le  peuple ,  ne  permissent  pas  de 
rendre  la  ressemblance  des  deux  républiques  plus  parfaite,  et 
il  déclara  enfin  qu'à  ses  yeux  le  sort  le  plus  heureux  pour  Flo- 
rence serait  d'arriver  au  même  degré  de  stabilité  et  de  sagesse 
que  les  Vénitiens  avaient  su  donner  à  leur  gouvernement*. 
On  vit  ensuite  Guid' Antonio  Vespucci,  jurisconsulte  fameux, 
et  renommé  surtout  pour  son  adresse  et  sa  forte  logique, 
maintenir  les  avantages  de  l'aristocratie,  déclamer  contre 
l'imprudence  et  la  versatilité  du  peuple,  opposer  la  sagesse 
d'un  sâiat  à  l'instabilité  de  la  multitude,  en  rétorquant  contre 
son  adversaire  l'exemple  de  Venise,  et  en  faisant  voir  que  dans 
cette  république,  objet  de  l'admiration  universelle,  ce  n'était 


na  MOYEN   AGE.  453 

point  le  oorps  des  gentilshommes,  mais  ane  oligarchie  resser- 
rée entre  un  très  petit  nombre  de  membres  des  conseils  supé- 
rieurs, qui  exerçait  en  effet  la  souveraineté  * .  On  vit  le  père 
Sayonarole,  mêlant  l'autorité  divine  aux  affaires  d*état,  s* ap- 
puyant sur  ses  propres  révélations ,  et  sur  le  droit  de  Jésus- 
Christ  à  être  seul  roi  dans  Florence,  consulter  cependant 
Texemple  des  Yénitiens,  dans  la  constitution  qu'il  voulait 
donner  à  la  république^.  On  vit  enfin  tous  les  politiques  spé- 
culatifs de  l'Italie,  Guicciardini,  Giovio,  Yarchi  et  surtout 
Macchiavel,  s'accorder  dans  leur  admiration  pour  Venise. 
Philippe  de  Gomines ,  le  plus  philosophe  des  historiens  fran- 
çais de  ce  siècle ,  et  celui  qui  avait  le  plus  réfléchi  sur  la  con- 
stitution des  gouvernements,  professait  les  mêmes  sentiments'. 
Macchiavel  ne  voyait  que  trois  républiques  qui,  dans  l'histoire 
du  monde,  méritassœt  d'être  étudiées  et  imitées,  savoir  :  Ho- 
me, Sparte  et  Venise.  Les  deux  dernières  lui  paraissaient  ap- 
partenir à  une  même  classe  :  il  concluait  du  long  maintien  de 
leur  constitution  que  sa  forme  était  la  meilleure  ;  mais  il  ne 
la  jugeait  propre  qu'à  l'état  stationnaire,  autant  qu'une  cité 
évite  le  danger  d'être  attaquée  et  qu'elle  résiste  à  la  tentation 
de  faire  des  conquêtes  :  aussi  regardait-il  la  constitution  de  la 
république  romaine,  non  comme  la  mdUeure,  mais  comme  la 
plus  digne  d'être  imitée,  et  comme  s' adaptant  le  mieux  aux 
circonstances  dans  lesquelles  entraine  la  f ataUté  ou  la  force 
des  passions  humaines.  Le  défaut  de  celle  de  Venise  à  ses  yeux 
n'était  pas  de  méconnaître  la  liberté,  mais  d'être  exposée  à  se 
corrompre  lorsque  des  conquêtes  viendraient  augmenter  le 
territoire  de  la  république  ^. 
On  distinguait  alors,  dans  Florence,  trois  partis,  entre  les- 


'  1  Fr.  GuîccUvdini.  Lib.  Il,  p.  80.^<  Vita  delP.  Savonarola,  Lib.  II,  cap.  17  et  seq. 
p.  ZS.^Jacopo  «anU  Ut.  Fior.  Lib.  I,  p.  29.— >  Mémoires  de  Phii.  de  Comlnes.  Ut.  VII, 
cb.  xviii,  p.  243.  —  *  MacchimelU  Discorsi  êopra  TiUh-UvIOp  Libro  I,  capo  5 ,  c.  c, 

p.  35-47. 


454  HISTOIEK  DES  eépubliquis  italiehues 

quels  se  discutait  la  nouvelle  omstitutioB  à  douner  à  la  ré- 
publique; etchaeuncfaercbait  à  s'assurer  à  lui  seul  k  pouvoir* 
Le  premier  et  le  plus  ooDsidérable,  soit  par  le  rang  et  fan- 
denueté  des  maisons  qui  8*y  étairat  attachées,  soit  par  le  nom- 
bre des  citoyens  plus  obscurs  qui  se  rangeaient  sous  leurs 
drapeaux ,  soit  par  le  désintéressanent  de  les  vMs  et  la  mo* 
ralité  dont  il  faisait  profession,  était  sous  Vinfluenoe  inuné- 
diate  du  frère  Jér6me  SaTunarole.  C'étaient  des  citoyens  qui, 
se  proposant  en  même  temps  une  réforme  dans  l'état  et  dans 
l'égal  regardaient  la  liberté  et  la  religion  comme  insépara- 
bles, accusaient  la  tyrannie  des  Médicis  d'avoir  corrompu  les 
mœurs  et  ébranlé  la  foi,  et  n'espéraient  le  rétablissement  de 
l'andenoe  pureté  qu'autant  que  la  liberté  en  sorait  la  garan- 
tie. Ceux-là  désiraient  un  gouvernement  populaire  auquel  la 
grande  masse  des  citoyens  fût  intéressée;  mais  comme  ib  ne 
séparaient  jamais  leurs  vœux  pour  une  constitution  plus  libre, 
d'exhortations  à  la  réforme  et  à  la  pénitence,  on  les  désignait 
par  les  surnoms  de  Fraieiehi  et  de  Piagnonù  de  Monacaux 
ou  de  Pénitents.  François  Yalori  et  PAul-Antoine  Sodânni , 
étaient,  après  Savonarole,  les  cbefe  les  plus  distûigués  de  ce 
parti  ^ 

La  faction  immédiatement  imposée  à  celle-d  était  com^ 
posée  principalement  de  ceux  qui,  ayant  participé  au  gouver- 
nement des  Médids,  et  s'étant  ensuite  brouilla  avec  les  diefii 
de  cette  famille,  auraient  voulu  conserver  pour  eux-mêmes 
l'autorité  qu'ils  lui  avaient  enlevée,  et  remplacer  les  préroga- 
tives presque  monarchiques  de  Pi^re  par  celle  d'une  étroite 
oligarchie.  Us  étaient  secondés  par  la  plupart  des  jeunes  gens 
de  lamiUe  noUe,  qui  ne  pouvaient  se  soumettre  à  la  réf<Mrme 
des  moeurs  et  à  l'austérité  monacale  imposée  par  Savonarole. 
Ils£Soupçonnaient  d'hypocrisie  et  de  fraude  ceux  qui  les  en- 

^[CommenUai  <S  FlUppo^dt^  VerU,  Ub.  IV,  p.  M. 


DU  MOYElf  AGI.  455 

tretenaient  sans  c&m  de  prophéties,  de  miracles  et  de  mortir- 
fications,  et  ils  ne  voulaient  point  d'une  liberté  qui  ôterait  à 
la.  vie  tontes  ses  jouissances^  Ces  jeunes  patriciens  avaient 
formé  une  société,  à  la  tête  de  laquelle  ils  avaient  placé  Dolfo 
Spini^  homme  d'une  famille  illustre  et  riche,  mais  qui  n  avait 
ni  le^  talents  ni  le  caractère  d'un  chef  de  parti.  Quoique  cette 
société  fût  principalement  destinée  au  plaisir,  elle  acquérait 
par  son  union  une  assez  grande  influence  politique.  Elle  donna 
son  nom  au  parti  des  arrabiati  ou  des  compagnacci  (des  en- 
ragés, ou  des  méchants  compagnons);  tandis  que  les  oligar- 
ques plus  sages,  qui  se  servaient  d'elle  sans  s*y  associer,  s'é- 
clairaient surtout  par  les  conseils  de  Guid' Antonio  Vespncci  • . 

Enfin  il  restait  dans  la  république  un  troisième  parti,  celui 
des  Médicis,  qui ,  égalemeut  aux  prises  avec  les  deux  autres, 
n'osait  point  avouer  publiquement  ses  vœux.  Il  gardait  le 
silence  dans  les  conseils,  et  ne  paraissait  point  prendre  part 
aux  déUbérations  ;  mais  quand  le  moment  de  voter  était  venu. 
Ion  s  apercevait  de  l'influence  de  ses  suffrages. 

On  distioguait  les  membres  de  ce  parti  par  le  nom  de  bigi 
ou  gris,  comme  pour  indiquer  l'ombre  dont  ils  s'envelop- 
paient. L'oUgarchie  avait  voulu  les  proscrire,  pour  s'établir 
pins  sc^dement,  tandis  que  Savonarole  prêchait  à  son  parti 
l'oubli  et  la  réconciliation  ;  c'en  fut  assez  pour  quelesgrm 
secondassent  par  leurs  votes  la  faction  populaire,  qui  déjà 
sans  eux  avait  l'avantage  du  nombre  ^. 

Charles  VIII  était  parti  de  Florence  le  26  novembre^  et, 
le  2  décembre,  la  seigneurie  assembla  le  peuple  en  parlement, 
sur  la  place  publique.  Quoique  le  parlement  sanctionnât  tou- 
jours toutes  les  révolutions,  sa  convocation  était  cependant 
un  hommage  rendu  à  la  souveraineté  du  peuple.  On  le  regar- 
dait comme  pouvant  seul  dispenser  de  la  constitution,  et 

1  rmfn>o  de*  N»à  Cûrmenu  Lit),  rf,  p.  es.  —  «  tm.  Ltb.  iv,  p.  49. 


4S6  HISXOIBB  BX8  BiPUBLIQUSS  ITALIENIVJSS 

étabUr  une  autorité  supérieure  aux  lois.  C'était  cette  autorité 
que  la  seigneurie  et  le  collège  comptaient  demander,  sous  le 
nom  de  balie,  afin  de  pouvoir  reconstituer  la  république. 
Gommé  les  prieurs  voulaient  cependant  s'assurer  des  suffrages 
de  ce  peuple  qu'ils  semblaient  consulter,  ils  postèrent,  à  tou- 
tes les  ouvertures  de  la  place,  quelques  jeunes  gens  de  bonne 
famille,  avec  desfantassins  armés,  pour  empêcher,  disaient-ils, 
que  la  place  ne  se  remplît  de  plébéiens,  ou  d'ennemis  du 
nouveau  gouvernement^  lorsque  le  son  de  la  cloche  inviterait 
tous  les  citoyens  à  se  ranger  sans  armes  sous  leurs  gonfalons, 
et  à  se  réunir  par  compagnies  ^  Le  peuple  s' étant  rassemblé 
sans  tumulte,  de  cette  manière,  la  seigneurie  descendit  du 
palais,  sur  le  balcon  qui  dominait  la  place.  Elle  fit  lire  les 
conditions  de  la  balie  qu'elle  demandait^  ensuite  elle  invita 
le  peuple  à  déclarer  s'il  se  trouvait  sur  la  place  les  deux  tiers 
des  citoyens  florentins  :  on  répondit,  par  acclamation ,  que 
oui  ;  elle  demanda  encore  si  le  peuple  voulait  que  la  seigneurie 
et  le  collège  fussent  revêtus  temporairement  de  toute  l'auto- 
rité de  la  nation  florentine  ;  on  répondit  de  nouveau ,  par 
acclamation,  que  oui  :  alors  la  seigneurie  remonta  dans  le 
palais,  et  le  peuple  se  retira  ^. 

Les  partis  n'avaient  point  encore  suffisamment  éprouvé 
leurs  forces,  et,  dans  cette  révolution  si  subite,  on  savait  à 
peine  vers  quel  but  tendait  chaque  citoyen  i  aussi  les  pre- 
mières opérations  de  la  balie  furent-elles  incertaines,  et  ne 
laissèrent-elles  point  connaître  si  le  gouvernement  penche- 
rait vers  r  aristocratie  ou  la  démocratie  :  il  se  contenta  de 
nommer  vingt  commissaires  qui,  sons  le  nom  d*  accoppiatorij 
devaient,  pendant  une  année,  faire  seuls  les  élections  de  la 
seigneurie,  ou,  selon  le  langage  usité  à  Florence,  tenir  les 
bourses  à  la  main.  Un  seul  de  ces  accoppiatori  pouvait  avoir 

&  Scipione  Ammirato.  L.  XXVI ,  p.  206.  —  Gio,  Cambi.  T.  XXI ,  p.  82,  —  <  ScipU»i» 
Jbmmrau»  Ùb.  XXVI,  p.  ao9.  —  Gio»  Cambl.  T.  XXI,  p.  ft2. 


DU  MOTER  AGB*  457 

moins  de  quarante  ans;  et  cette  exception  fat  réservée  en 
faveur  de  Laurent,  fils  de  Pierre-François  de  Médicîs,  que  le 
parti  oligarchique  songeait  à  élever  à  la  place  que  son  cousin 
avait  occupée.  Eu  même  temps  la  balie  renouvela  Foffîce  die* 
tatorial  des  dix  de  la  guerre,  que  Ton  créait  toujours  dans  les 
circonstances  critiques  :  seulement,  pour  leur  donner  un  nom 
de  meilleur  augure,  on  les  appela  cette  fois  les  dix  de  la  liberté 
et  de  la  paix  * . 

Mais  les  vingt  accopiatori,  auxquels  le  pouvoir  essentielle- 
ment ijopulaire  de  faire  toutes  les  élections  de  la  république 
avait  été  imprudemment  transféré,  se  trouvèrent,  dès  leur 
première  réunion,  si  peu  d'accOTd  dans  leurs  vues,  et  divisés 
en  tant  de  partis,  qu*il  leur  devint  fort  difficile  d'exécuter 
l'office  dont  ils  étaient  chargés.  Ne  pouvant  obtenir  entre 
eux  une  majorité  absolue  pour  aucune  élection,  et  n'ayant 
point  trouvé  l'expédient  de  ballotter  dans  un  second  scrutin 
ceux  qui  avaient  réuni  le  plus  de  suffrages  au  premier,  ils 
furent  obligés  de  se  contenter  d'une  majorité  relative  ;  et  Ton 
vit  des  gonfaloniers  et  des  prieurs  élus  par  trois  ou  quatre 
Toix  seulement  ^.  Le  manque  d'accord  entre  eux  les  priva 
bientôt  de  toute  considération  dans  la  république  ;  et  cepen- 
dant Savonarole,  dans  ses  prédications,  et  les  chefs  du  parti 
populaire,  dans  leurs  discours,  attaquaient  hautement  Tou- 
irrage  du  parlement  et  de  la  balie  '  :  ils  disaient  que  l'un  et 
l'autre  n'avaient  fait  que  déplacer  la  tyrannie,  au  lieu  de  la 
détruire.  Ils  demandaient  que  le  pouvoir  des  élections  fût 
rendu  au  peuple,  qui  a  bien  plus  d'aptitude  à  connaître  les 
sujets  dignes  de  confiance  qu'à  délibérer  lui-même;  que  tous 
les  citoyens  dont  les  ancêtres  avaient  joui  des  honneurs  de 
l'état  fassent  admis  au  consdl  souverain,  et  que  ce  conseil 
donnât  sa  sanction  à  toutes  les  lois,  tandis  qu'un  conseil  bean- 

1  Istor.  di  Gio.  CambL  T.  XXI,  p.  83.  —  >  Scipione  Ammirato.  LU».  XXVI ,  p.  287.  -• 
>#>.  Guicdardini,  Ub.  il,  p.83. 


458  HISTOIRE  DES  RÉPIÏBU^UIS  nALIENlfES 

coap  moins  nombreux,  et  dépoté  par  Ini,  conooniTatt  avee  la 
seigneurie  à  Tadministratioii  poUiqoe.  Savonarote  mvita  la 
seigneurie  et  le  peuple  à  se  rendre  à  son  église,  d'où  cette  fw 
il  avait «xdu  les  femmes;  et^  dans  un  discours  âoqo«it  pro* 
nonce  en  chaire,  il  récapitula  ces  propositions,  et  les  termina 
par  rinstante  prière  de  publier  une  amnistie  pour  tous  les 
délits  qui  avaient  pu  être  ecmimis  sons  le  précédent  gouver- 
nement, jusqu'à  la  révolution  *. 

Ces  propositions  ne  s*acoordaient  point  avte  les  vues  se- 
crètes de  la  balie  et  des  accoppiatori  ;  surtout  T  amnistie  ^tait 
repoussée  pai*  leur  désir  de  vengeance  et  par  leur  espoir  de 
s'enrichir  aux  dépens  de  ceu  qu'ils  proscriraient,  dépendant 
ils  commençaient  à  sentir  la  puissance  de  1* opinion  publique; 
et  sur  chaque  point  successivement  ils  se  voyaient  obligés  de 
céder.  Le  plus  important  de  tous  était  la  formation  dn  conseil 
général  :  la  seigneurie  fit,  le  23  décembre,  aux  deux  andens 
conseils  des  cent  et  des  soixante*dii,  la  proposition  de  former 
un  conseil  souverain  de  tous  les  citoyens  de  Florence^  et 
cette  proposition  fut  adoptée.  Tous  ceux  qui  purent  prouver 
que  leur  père,  grand-père  et  arrière-grand**père ,  avaient 
joui  des  droits  de  dté ,  furent  déclarés  membres  du  grand 
conseil;  et  oe  conseil,  qui  comprit  jusqu'à  dix-hmt  ceftts  d^ 
toyens,  dut  être  consulté  sur  tous  les  impôts  et  sur  tpotes  les 
lois,  après  que  la  seigneurie  en  aurait  fait  la  proposition  à  un 
conseil  de  quatre-vingts  membres,  qui  fut  choisi  pour  inter- 
médiaire entre  le  gouvernement  et  le  peuple.  Peu  après»  l'am- 
nistie proposée  par  Savonarole  fut  promulguée  craime  loi  de 
l'état^;  et  au  bout  de  quelques  m(»s,  le  T**  juillet  149d,  le 
pouvoir  d'élire  la  seigneurie,  qui  avait  été  i^égoé  pour  une 
année  aux  vingt  accoppiatori,  leur  fut  retiré  pour  être  attri- 
bué au  conseil  général.  Ce  fut  la  première  fois  qu'à  FkNnenoa 

t  Jaeapo  Mardis  M.  Fior.  Lib.  1»  p.  90.—  <  Fr,  GuiceiardinU  Lib.  H,  p.  SS.— ^oeopo 
nardi,  M.  Fior.  lib.  II,  p.  S4. 


DO  uoihsM  A«ft.  iSê 

une  éleclioQ  vraiment  populaire  fut  sabstitnée  aux  éeax  mé- 
thodes également  ^ngereuses  d*ua  tirage  an  sort  et  d'sn 
choix  oligarchique  *  •' 

Tandis  que  les  Florentins  réformaient  une  répuMiqoe  eoiv 
rompue  par  soixante  années  d'habitudes  monarcbiqnes  »  les 
Pisans  reconstituaient  la  leur  après  plus  de  quatre-vingts  ans 
d'une  oppression  complète.  Le  cours  de  la  prospérité  ne  s'était 
point  interrompu  pour  les  premiers,  en  sorte  que,  marchant 
avec  leur  siècle,  ils  avaient  toujours  plus  cultivé  leur  esprit, 
et  jamais  leur  république  n'avait  eu  un  (dus  grand  nomln^e 
d'écrivains  distingués.  Les  Pisans,  au  contraire,  repoussés  de 
toutes  les  carrières  qui  pouvaient  augmenter  leurs  richesses 
ou  récompeufcr  leurs  efforts,  avaient  abandonné  les  lettres 
comme  le  commerce,  en  sorte  qu'il  n'est  pas  resté  un  seul  his- 
torien de  leur  pays,  pas  même  une  chronique  informe  pour 
raconter  les  longs  et  généreux  sacrifices  par  lesquels  ils  dé- 
fendirent à  outrance  l'indépendance  qu'ils  avaient  recouvrée 
en  1494.  G* est  uniquement  suc  la  foi  d'historiens  étrangers, 
et  le  plus  souvent  de  leurs  ennemis ,  que  nous  devons  rap- 
porter toute  cette  suite  d'événements. 

Cependant  si  Pise  n'avait  alors  ni  historiens  ni  législateurs, 
si  elle  délibéra  peu  sur  la  constitution  qu'elle  devait  se  don- 
ner, et  ne  conserva  point  la  mémoire  des  exploits  par  lesquels 
elle  la  défendit,  cette  ville  n'en  fut  pas  moins  animée  d'un 
vrai  esprit  républicain,  d'un  amour  ardent  pour  la  patrie  que 
tous  les  ordres  de  l'état  sentaient  à  Fenvi,  d'une  déternûnatioa 
universelle  de  tout  sacrifier,  d'endurer  jusqu'aux  dernières 
calamités  pour  conserver  la  liberté  qu'elle  avait  recouvrée. 
Avec  un  tel  accord  d'opinions,  tout  gouvernement  parait 
bon,  parce  qu'il  devient  toujours  l'organe  de  la  volonté  pu- 
blique. 


<  istarle  di  Gio,  CambL  T.  XXI,  p.  90. 


460  HI8IOIBX  DS8  BiPtJBUQIÏSS  ITALIJSNlfJB 

Ce  n'était  pas  Tnsage  des  Florentins  d*abolir  les  magis- 
tratures municipales  des  villes  sujettes.  Us  avaient  laissé  sub- 
sister à  Pise  une  seigneurie  composée  d' Anziani,  dont  le  pre- 
mier pQrtait  le  titre  de  prieur,  et  auquel  on  donna  ensuite,  à 
rimitation  des  Florentins ,  le  titre  de  gonfalonier  de  justice. 
Cette  seigneurie  se  renouvelait  tous  les  deux  mois;  elle  était 
secondée  par  d'autres  corps  qu'on  nommait  le  collège,  les  six 
bons  hommes  et  le  conseil  secret  des  douze  * .  En  rejetant  le 
joug  des  Florentins,  il  parsdtque  les  Pisans  instituèrent  encore 
un  conseil  de  peu[de  ;  c'était  la  forme  antique  de  leur  consti- 
tution, et  ils  n'eurent  besoin  d'aucune  innovation  pour  que 
leurs  affaires  fussent  bien  administrées. 

Les  Pisansavaient  commencé  par  chasser  de  chez  eux  tous  les 
percepteurs  de  contributions  et  tous  les  fonctionnaires  publics 
florentins;  ils  avaient  ensuite  ordonné  par  un^t,  à  tous  ks 
Florentins  domiciliés  dans  leur  ville,  d'en  sortir  avant  qu'une 
bougie  allumée  sous  la  porte  fûit  entièrement  consumée.  Ënfio, 
ils  avaient  envoyé  dans  tous  les  villages  qui  avaient  ancien- 
nement dépendu  de  leur  république,  la  croix  pisane,  comme 
bannière  de  leur  liberté.  Partout  elle  avait  réveillé  les  mêmes 
souvenirs  antiques  et  excité  le  même  enthousiasme;  tout  le 
territoire  pisan  était  rentré  en  peu  de  jours  sous  leur  domina- 
tion. Cependant  les  Florentins,  qui  d'abord  avaient  été  uni- 
quement occupa  chez  eux  ou  de  la  crainte  du  roi  de  France, 
ou  de  l'accord  à  établir  entre  leurs  factions ,  et  qui ,  se 
croyant  ensuite  assurés  de  la  restitution  de  Pise  par  leur 
traité  avec  Charles  YIII,  ne  voulaient  pas  se  hâter  de  recou- 
rir aux  armes  de 'crainte  d'offenser  le  roi  >,  virent  enfin  la 
nécessité  de  s'opposer  par  la  force  au  soulèvement  de  leurs 


1  Oq  peut  yoir  l'&iuméraUon  de  toutes  les  différentes  magislratures  de  Pise  en  iSis, 
dans  un  traité  de  paix  de  la  république  avec  Robert,  roi  de  Naples.  BaccoUa  dei  diplomi 
PisatU  di  PMvntnio  del  Borgo,  n«  27 ,  p.  237;  et  la  comparer  arec  celles  qui  ezisUieot 
encore  to  6  décembre  1S3».  JMd.  p.  433»  ->  <  Scipione  Amminuot  Ub,  XXVJ,  p.  207. 


DU  MOYSH  A01«  46 1 

pro^moes.  1495.  — Dans  cette  Tae^ib  engagèvent  à  lear 
service  Hercule  BeotiToglio,  Francesco  Seeco  et  Banncdo  de 
Mardano,  ayec  plusieurs  compagnies  de  geodarmes  ;  ils  nont^ 
mèrent  Pierre  Gappoui  coimnissaire  de  la  république  aujvès 
de  cette  armée,  et  ils  le  firent  entrer  sur  le  territoire  de  Pise 
an  commaMxment  de  janvier  1495.  Les  Pisans  n'ay^ent  esùr 
core  pour  se  défendre  que  des  paysans  mal  armés  :  Gapponi 
n*eut  pas  de  peine  à  leur  reprendre  d'abord  Bientina  et  Pon- 
tadéra  ;  et  avant  la  fin  du  mois  de  janvier  il  avait  recouvré 
tout  le  territoire  de  Pise,  à  la  réserve  de  Yico  Pisano,  de  Cas- 
dnaet  de  Bâti*. 

De  son  côté,  la  seigneurie  de  Pise  n'avait  rien  négligé  pour 
s'assurer  des  secours  étrangers  :  elle  cherchait  à  lier  C3iar- 
les  YIII  par  la  reconnaissance  même  qu'dle  professait  pour 
lui  :  elle  lui  témoignait  tant  d'amour  et  tant  de  gratitude 
que  ce  jeune  monarque,  combattu  entre  les  encouragements 
qu'il  avait  donnés  aux  Pisans»  et  les  engagements  qu'il  avait 
pris  avec  les  Florentins,  ne  savait  ni  comment  retirer  aux  pre- 
miers la  grâce  qu'il  leur  avait  accordée,  ni  comment  se  libérer 
de  sa  promesse  avec  les  seconds.  D'ailleurs,  presque  tous 
les  seigneurs  de  sa  cour,  touchés  ou  des  plaintes  des  Pisans , 
ou  de  l'accueil  qu'on  leur  avait  fait  à  eux-mêmes  à  Pise,  pre- 
naient hautement  le  parti  de  ce  peuple  opprimé  ^.  Le  sénéchal 
de  Beaucaire,  soit  qu'il  fût  jaloux  du  cardhial  de  Saint-Malo^ 
qui  insistait  seul  pour  l'exécution  du  traité  conclu  avec  Flo- 
rence, soit  qu'il  eût  été  gagné ,  comme  on  l'en  accusait,  par 
l'argent  des  Pisans,  rq>résentait  au  roi  qu'illuiconvenait  déte- 
nir la  Toscane  divisée,  et  que  la  guerre  de  Pise  empêcherait  les 
Florentins  de  s' engager  dans  les  intrigues  du  nord  de  l'Italie'. 

Quatre  orateurs  chiHsis  dans  les  familles  les  plus  distin- 


1  Patdi  Jovli  Hist.  std  temp.  Lib.  If,  p.  S8.  —  Jacapo  ttardl,  uu  Fior.  L.  If,  p.  3t.  — 
Fr,  Gtiicciardini.  Lib.  II,  p.  T3.»Sdptone  Ananirato»  Lib.  XXVI ,  p.  208.  —  *  PotiA  ^o- 
V»  Hiit.  9và  temp*  Uh.  H»  p.  6i.  -  *  Fr.  GuiedcmfM.  Ub.  U ,  p.  74. 


442  UlStOIRt:  Dtt  ttSt^tTStlQUl»  italieihues 

guées  de  Pise  a?aieiit  été  dépéchés  pour  suivre  le  roi  au  mfh 
ment  ssème  où  il  tiortait  de  Toscane,  et  pour  d^eodre  auprès 
de  lui  les  intérêts  de  leur  répviblique  *.  Le  rm  Youkit  que  oes 
aoibassadeufa  exposasseut  leurs  griefe  en  présence  de  ceux 
des  Florentins,  se  réservait  ainsi  en  quelque  sorte  de  pronon- 
ûsr  entre  eux  un  jugement.  Les  Pisans  firent  en  effet  le  ta- 
Meau  de  l'oppression  dont  ik  avaient  été  victimes  ;  et  se  jetant 
è  genoux^  Ib  sopfdièteQt  te  rm,  avec  des  tonreiits  de  larmes, 
de  ne  leur  point  retirer  la  gràee  qu'il  leur  avait  accordée, 
fraofoia  Sodérini,  évèque  de  Tolteira  et  ambassadeur  des 
Florentins,  s'efforça  à  son  tour  de  disculper  sa  rëpul^lique;  fl 
tewta  sur  les  droits  légitimes  q^e  lui  avait  transmis  Gabriel- 
Marie  Viâconti  par  un  contrat  de  vente ,  et  il  prétende  que 
lea  Ptsans»  gouTemé»  comme  tous  les  autres  peuples  soumis 
aux  Florentin&,  no  se  tronvaiaEit  mi^eureux  d'im  swt  qm 
eoBtentait  les  autres  que  parée  que  leur  (»*goeil  élaH  tout  à 
fait  disproportîoimé  è  leur  pnisaaoee  et  à  leur  mérite  ^. 

Le  roi ,  dans  eetle  discussion ,  penchait  évidemment  pour 
tes  Pisans.  Gepeodaat  il  s'offrit  pour  mMateor  enti^  les  den 
peuplea,  et  il  iemf  propesa  une  suspension  d'hos^téîs  jusqu'à 
çon  retour  de  l'ei^pédition  de  Naples^  promettant  de  pr<»one^ 
alors  d'après  la  jusiiee  et  les  traités.  Hais  les  Flofenlins;  qui 
se  défiaient  de  sea  parotes  ambiguâs,  tesommètent  d'néeutep 
çans  retard  une  conveatkm  scdoinélIemeQt  jurée.  Gomme  ik 
n'avai^tpoint  encore  payé  la  {Nation  la  plus  constdérable  du 
subside  qu  ils  avaient  promis,  le  roi,  qui  avait  bes^n  d'ar- 
gent, déclara  ^'it  enverrait  firiçonnet,  cardinal  de  Smnt- 
Mato,  à  tifmmey  pour  retirer  celte  somme,  et  faire  exécuter 
le  traitée 

Bri^ttset  se  présenta  le  5  février  à  la  seigneurie  de  Flo- 
rence ;  il  la  persuada  si  bien  de  sa  bonne  foi  et  de  son  em- 


0U  HOYISN   AGB.  468 

^«K9iiMil  à  eoB^^ner  runé  des  drax  forteresses  de  Pise, 
tocyoïBrg  oeoopée  par  les  Français,  qa'il  ot^int  d'elle,  en  re- 
tour, qtt'on  lui  avancerait  le  paiement  de  quarante  nsille  da- 
eats  qui  n'éU^nt  pas  euoore  échus  * .  Après  avoir  touché  far- 
g<»t,  il  fiarttt  le  1 7  février  pour  Pîse  ;  mais  il  «n  revint  le  24, 
déclarant  que  tes  Pisans  n'avaient  pas  voulu  lui  obéir,  et  qu'il 
m*avait  pu  eBuploj^r  la  force,  parce  qu'étant  homme  d'église, 
»'il  faisail  verser  du  sang,  il  en  serait  responsable  devant  Dieu. 
La  nouvelle  de  ta  prise  de  Na{des  arriva  fort  à  propos  pour 
lui  éonner  ma  prétexte  de  repartir,  et  de  rejrâiâre  son  maître 
,  m  le  tirant  d'une  situation  équivoque  ^. 

Les  Pisans  ainéent  aussi  envoyé  des  ambassadeurs  à  l^nne 
etàjùicques  pour  demander  des  secours  à  ces  deux  républi- 
ques, avec  lesquelles  ik  avaient  eu  d'audennes  alliances,  et 
qm  étmnt  dMieurées  rivales  des  Florentins.  Toutes  deux 
parttssaimt  de  nouveau  disposées  à  les  assister;  mais  toutes 
deux  craîgarient  encore  de  se  eon^romettre  trop  onverte- 
mest.  G^MHidsmt  les  Lucquois  leur  firent  passer  quelque  ar- 
gent et  quelques  centaines  de  sacs  de  blé  ^  ;  les  Siennais  leur 
ettwyère&t  imniédiatcmrat  ^elques  gendarmes  qui  étaient  à 
leur  solde  ^.  Les  Pisans  voyaient  pouvoir  attendre  une  assis- 
tanboe  plus  efficaeedu  duc  de  Milan,  Louis-le*Maure  :  il  avait 
été  des  premiers  à  les  encourager  à  prendre  les  armes;  il  les 
avsdt  protégés  a^ee  zèle  à  la  cour  de  France,  et  il  paraissait 
s'iatéresaer  vivement  à  ce  qu'ils  ne  retombassent  pas  sous  le 
joug.  En  effet,  si  celte  guerre  se  prolongeait,  il  se  flattait  que 
Piae^  trop  iuli^le  f^ur  se  d^ndre  par  elle-même ,  finirait 
par  se  doimer  à  lui,  comme  elle  s'était  donnée  autrefois  à 
Jean  Galéaz  Yîsccmti,  un  de  ses  prédécesseurs.  Néanmmns, 


1  Seipione  Ammirato.  lib.  XXVI,  p.  208.  —  *  Fr.  Guicclardinl,  U II,  p.  l1,^Jacopo 
Nardl  Utor.  Fior.  Lib.  II ,  p.  33.  —  HcijHone  Ammircao,  LU>.  XXVI,  p.  209.  —  >  mtser- 
uaioni  sopm  ta  storta  iMchese.  Dis».  Viii,  !•  JI,  p.  210.  —  *  Fr .  &accU(KUHL  Lib.  U , 
p.  73. 


464  HISTOIRK  DES  aéPUBUQUBS  ITALIElilNES 

comme  il  aYait  ayec  les  Florwtias  ua  traiM  d'aUiaooe»  iioe 
Toalutpasle  \ioIer  ojVTertemeDl^î  il  se  oQnteRta  4e.  renvoyer 
les  ambassadeurs  pisaos  aux  Génois,  qui  loi  avaieiit  déféré  la 
seigneurie  de  leur  ^illç,  rnai^  qui  n'en  avaii^t  pas  moins 
conservé,  par  leurs  capituLatioiis,  le  droit  de  fakepour  leur 
propre  compte  la  paix  ou  la  goerre  ^ 

Deux  siècles  auparavant,  les  GéÊW^t  apcès  leurs  ancâennes 
victoires  sur  les  Pisans,  s'étaient  flattés  d'étendre  k«r  domi- 
nation sur  tout  le  rivage  de  Toacanf  •  Ils  y  possédiôent  d^à 
quelques  châteaux  ;  ils  y  acquirent  mèm^  le  port  de  liveume, 
que  leur  doge,  Thomas  Frégoso,  vo^dit  eimàt  aus  Fferen- 
tins.  Dès  cette  époque,  ils  furent  repousses  toujown  {dos  loin 
des  frontières  toscanes.  Ils  perdirent  succesaivemenl  Piétra- 
Santa  et  Sarzane ,  et  la  riviè»*e  Magra  fut  enfin  fixée  peur  li- 
mite entre  leur  territoire  et  celui  de  Flonence^  Les  Génois,  de- 
meurés dès  lors  rivaux  des  Florentins,  ressent  aviee  faveur 
les  députés  de  Pise.  Un. historien  s^nois  contea^raîa  rap- 
porte le  discours  suivant,  que  les  députés  fimm  proooncèjrent 
devant  le  sénat  de  Gènes  : 

«  £xcusez-nous,  pères  cwserits,  dirent-ils,  si  nous  ne  sa- 
«  vous  point  parler  d'une  maniée  a|M[Nropriée  ou  à  la  dignité 
«  de  ce  sénat,  ou  i  nos  malheurs;  atbîbuez-en  la  faute  uni- 
«  quement  à  cette  servitude  si  Içngne,  si  mâsârable^  si  cmeile, 
«  dans  laquelle  les  Florentins  nous  ont  retenus.  Une  longue 
«  interruption  nous  a  fait  oublier  comment  on  s'adresse  à  des 
«  hommes  de  votre  rang*  Nous  n'avions  plus  occasion  de  par- 
«  1er  qu'avec  nos  paysans,  sur  les  tribul»^  que  nous  devions 
«  payer,  ou  sur  la  culture  de  nos  champs,  qu'à  prîae  on  nous 
«  laissait  encore.  Nous  n'avions  plus  d'autres  pensées  que  de 
«  fournir  à  ces  exactions  sans  cesse  répétées,  pour  éviter  les 
«  dures  prisons  dont  on  i^ous  menaçait.  Le  souvenir  de  cette 

*  Fr.  Guicciardint  Lib.  II,  p.  73. 


DTJ  HOTKN  AGE.  46& 

N  abjecte  servitude  nous  remplit  encore  d'effroi.  Pardonnez 
«  donc,  nobles  sénateurs  ;  car  nos  besoins  parlent  poumons, 
«  encore  que  nous  ne  sachions  le  faire.  Nous  respirons  en 
«  tournant  nos  regards  vers  vous.  Tout  à  l'heure  encore  nous 
«  étions  dans  les  fers,  nous  sommes  libres  ;  nous  étions  comme 
«  morts,  nous  vivons  en  mettant  en  vous  notre  espérance. 
«  Dieu,  dans  sa  miséricorde,  s'est  souvenu  de  nous,  et  du  ciel 
«  il  nous  a  envoyé  la  liberté.  Le  rm  Charles  nous  l'a  donnée  ; 
«  mais  il  nous  a  imposé  l'obligation  de  la  défendre  nous-mè- 
«  mes.  Seuls  nous  ne  sommes  pas  en  état  de  le  faire;  nous 
«  sammes faibles,  et  à  peine  nous  reste-t-il  un  souffle  de  vie: 
«  toute  notre  espérance  est  en  vous  ;  c'est  par  vous  que  nous 
«  pourrons  vivre,  ou  que  nous  devrons  mourir.  Ayez  donc 
«  pitié  de  nous.  Si  vous  nous  assistez,  notre  ville  sera  comme 
«  à  vous  ;  c'est  à  vous  que  nous  attribuerons  le  bienfait  de 
«  cette  liberté  qu'un  roi  clément  nous  a  donnée.  Nous  serons 
«  vos  soldats  ;  et  nous  combattrons  avec  zèle  contre  tous  ceux 
«  que  voyis  nommerez  vos  ennemis.  Mais  si  nous  ne  pouvons 
«  obtenir  de  vous  tant  de  grâces,  nous  sommes  résolus  à  sui- 
«  '  vre  r  exemple  des  Sagontins,  et  à  devancer  sur  nous-mêmes  la 
«  cruauté  de  nos  ennemis.  Nous  égorgerons  de  nos  propres 
«  mainanos  fils  et  nos  femmes;  nous  brûlerons  nos  maisons 
«  et  nos  temples;  puis  nous  nous  précipiterons  sur  ces  bù- 
«  chers,  pour  ne  pas  laisser  à  nos  ennemis  le  pouvoir  d'exer- 
«  cer  leurs  vengeances  ^  » 

Les  Génois,  touchés  de  ces  instantes  sollicitations  et  des  flots 
de  larmes  par  lesquels  les  Pisans  avaient  terminé  leur  haran- 
gue, leur  firent  passer  des  armes  de  toute  espèce,  dont  les 
suppliants  avaient  le  plus  pressant  besoin ,  et  qu'ils  eurent 
soin  d'exposer  sur  la  place  pubUque,  pour  que  chacun  connût 
l'assistance  que  leur  état  venait  de  recevoir,  et  en  conçût  plus 

1  BariJioL  Senaregœ  de  rébus  \jienuens.  T.  XXIV,  p.  548.  ^  Agost.  Giustiniani,  An- 
nan di  Genova,  Lib.  V,  p.  350. 

VII.  30 


i^  HISTOIRE   DBS  BBPUBLIQUB6  ITALIENNES 

4e  coafiaiioe.  Ea  même  temps,  Aleiandre  Négrooi  lot  envoyé 
à  Pise;  et  U  fut  autorisé  à  appeler  à  l'side  d^  Pisaos,  louées 
les  fois  qu'il  eu  verrait  la. nécessité,  les  habitants  limitrophes 
de  la  Ligurie,  Enfin,  des  mesures  furent  prises  pour  entre- 
tenir au  service  des  Pisans ,  mais  aux  frais  des  trois  répubii* 
ques  de  Gènes,  de  Lucqueset  de  Sienne,  deux  eentsgendarmbos, 
deux  cents  ohevau-légers  et  huit  cents  fantassins,  que  aom->* 
mandèrent  Jacques  d'Àppiaino,  seigneur  de  Piombiuo,  et  Jeaa 
Savel^^ 

Les  Pisans  eux-mêmes  avaient  pris  à  leur  solde  Ludo  M4I* 
vezzi,  émigré  bolonais,  que  les  BentivogU  poursuivaiei^t  avec 
acharnement,  mais  que  protégeait  le  due  de  Milan  ^.  Mal- 
yem  ét^t  un  bpn  capitaine ,  et  il  avait  aniené  avec  lui  en- 
viron trois  cents  soldats  vétérans^  Il  avait  attaqué  les  Florentins 
cpmme  ils  étaient  occupés  au  siège  de  Buti,  et  illes  avait  forcés 
^  se  renfermer  dans  Bientina.  Il  est  vrai  que,  peu  de  temps 
après,  les  Florentins  avaient  à  leur  tour  forcé  1^  Pisans  d'à- 
Imndûuner  le  siège  de  Librafratta,  ^près  9voir  enterré  1^  canon 
qn'ils  y  avaient  conduit.  Les  Florenliqs  s  étaient  alor^  rép^n- 
dni»  dans  la  vallée  du  Serchio  ;  ils  avaient  occop^  les  baiiis 
de  Pi^e,  et  ils  menaçaient  jusqvi'aux  faubourgs  de  cette  ville. 
Lupio  lUalvezzi,  qui  s 7  était  retiré,  fit  sonner  1%  dpclifi  d*a- 
larme  ;  et  renforçant  son  armée  d^  tout  le  corps  d^  la  milice 
pisa^e,  il  vint  attaq^çr  les  Floi:eQtins  le  long  du  ç^nal  dérivé 
du  Sercbio,  les  battit,  les  chassa  jusqu'à  Librafratta,  où  il  re- 
couvra ses  canonii,  çt  rentra  dans, Pise  en  trion^plie^  avec 
beaucoup  de  prisonniers  et  de  chevaux  ^ . 

Les  Flprentins  avaient  fait  leur  retraite  par  Tétat  de  Luc- 
ques;  Lucio  Malvezzi  l^s  7  poursuivit,  et  ayaqt  fait  occuper 
d'avance  le  pont  du  Sercbio  par  un  détachement,  il  les  nut 

*  Burthol.  Senaregœ  de  rébus  Genuens.  p.  54».  —  Pauli  Jovii  HisU  sui  temp,  L.  II, 
p.  58.— Fr.  Guicciardini.  L.  Il,  p.  77.—»  Micron,  de  Bursellis  Annal.  Bouon.  T.  XXJII, 
p.  91^  —  »  PauU  Jovii  Hist,  Ub.  ïi,  p.  68.  —  Sçipione  Ammirato.  Ub.  XXVI,  p.  2U, 


DO   MOY»   AG£.  467 

entre  deux  feux.  La  cai^alerie,  guidée  par  Hercule  Bentivoglio, 
8*édiappa  cepeudaut  eu  traversant  le  fleuve  à  gué;  et  après 
s'être  urne  eu  sûreté  à  Monte-Carlo,  elle  revint  occuper  sou 
ancien  camp  à  Pontad'  £ra;  mais  les  gens  de  pied  furent 
presque  tous  ou  tués  ou  faits  prisonniers  * . 

Tandis  que  les  florentins  poursuivaient  la  guerre  contre 
Pise  avec  si  peu  de  succès ,  une  nouvelle  révolte  de  leurs  su- 
jet» i^ioula  encore  à  leur  inquiétude.  Le  26  mars  1495  la 
puissante  })ourgade  de  Montépulciano  rejeta  le  joug  de  la  sei- 
gneurie ^.  Les  f  loreQtins  avaient ,  dans  chaque  bourgade  de 
lenir  territoire ,  une  eitadelle  qui  avait  toujours  une  porte  ex- 
térieure j  pour  recevoir  des  secours.  Dans  chacune  de  ces  ci- 
tadelles ils  n'entretenaient  que  quatre  ou  cinq  soldats,  qui 
s  enfermaient  sQigneusement,  et  faisaient  une  garde  sévère; 
ces  quatre  hommes  sutlisaient  pour  tenir  la  place  quarante- 
huit  heures,  en  cas  de  révolte  de  la  bourgade  ou  d'attaque  im- 
prévue ;  et  la  seigneurie  de  Florence  n'avait  pas  besoin  qur  ils 
lissent  une  plus  longue  résistance  pour  avoir  le  temps  de  les 
secourir.  Mais  les  quatre  gardes  de  la  citadelle  de  Moutépul^ 
ciano  n  avaient  point  eu  soin  de  renouveler  leurs  provisions  : 
d'aiUeurs,  observant  mal  leur  consigne,  trois  d'entre  eux  sor- 
taient quelquefois  ensemble;  et  il  n'en  restait  qu'un  seul. au 
château,  pour  ouvrir  et  fermer  la  porte.  Les  habitants  de 
Montépulciano,  mécontents  du  gouvernement  tlorentin,  de  la 
pesanteur  des  impôts  et  de  l'altération  des  monnaies,  réso- 
lurent de  se  mettre  en  liberté,  sous  la  protection  de  Sienne, 
lis  s'entendirent  avec  les  magistrats  de  cette  republique,  dont 
ils  étaient  proches  voisins;  puis,  saisissant  le  moment  où  trois 
des  soldats  de  la  dtadelle  en  étaient  sortis,  ils  y  enfermèrent 
le  quatrième,  le  poussèrent  dans  la  grande  tour,  l'effrayèrent, 
et  le  réduisirent  a  se  rendre  au  bout  d' une  heure  ^.  Ils  se  b&tè« 

1  PauH  JovU  BisL  sut  temp,  Ub.  II,  p.  Stf.  —  ^  JacQpo  iVordi  deUe  Istor*  Fior^m% 
lé,  U,  p.  H.  --  »  àiQÇGiiUmUi,  Framm^nU  istoHçi*  T.  ui,  p.  lo. 

8q: 


468  MISTOIRB  DES   RÉPUBLIQUES   ITALIENNES 

rent  de  raser  cette  forteresse,  qui  ne  pouvait  servir  qu'aies  tenir 
dans  la  dépendance  ;  et  pendant  ce  temps  ils  envoyèrent  des  dé- . 
pâtés aoxSiennais,  quoiqaeliésaveclesFlorentinspar  de  précé- 
dents traités,  ponr  se  mettre  sons  leur  protection.  Les  Siennais 
ne  firent  aucune  difficulté  de  les  accueillir.  Ils  s'engagèrent  à 
i^cevoirMontépuldano  soos  leur  protection  perpétuelle,  et  à  en 
traiter  les  habitants  comme  confédâ*és,  non  comme  sujets.  En 
même  temps  ils  envoyèrent  quelques  troupes  à  leurs  secours  ^ 

Les  Fior^tins,  qui  s'étaient  attachés  sincèrement  à  Fal- 
lianoe  de  la  France,  ef  qui,  d'après  les  eihortations  de  Savo- 
narole,  continuaient  à  lui  être  fidèles,  malgré  les  sujets  de 
mécontentement  que  le  roi  leur  avait  donnés,  envoyèrent  à 
Naples,  à  Charles  YIII,  pour  lui  demander  de  garantir  leurs 
possessions,  comme  il  s'y  était  engagé  par  son  traité,  et  d'o- 
bliger les  Siennais,  ses  alliés  à  leur  rendre  une  bourgade  et 
son  territoire,  dont  ils  s'étaient  emparés  injustement.  Mais 
Charles  leur  répondit  avec  un  sarcasme  amer  :  «  Que  puis-je 
«  faire  pour  vous,  si  vous  traitez  si  mal  vos  sujets  qu'ils  se 
«  révoltent  tous  contre  vous  *?  » 

Les  actions  de  Charles  ne  démontraient  pas  moins  que  ses 
paroles  combien  il  tenait  peu  de  compte  de  son  traité  avec 
Florence  et  de  l'appui  que  cette  rét)ublique  pourrait  lui  assu- 
rer, pendant  qu'un  orage  se  formait  contre  lui  dans  le  nord 
de  l'Italie.  Les  ambassadeurs  pisans,  qui  étaient  à  Naples, 
obtinrent  de  lui  six  cents  soldats  suisses  et  gascons,  qui  arri- 
vèrent à  Pise  sur  un  vaisseau  de  transport,  et  qui  recom- 
mencèrent au  mois  d'avril  le  siège  de  Librafratta,  dont  ils 
s'emparèrent.  Lucio  Malvezzi  reprit  à  peu  près  tous  les  châ- 
teaux de  l'état  pisan  qu'il  avait  été  forcé  d'abandonner'.  La 


1  Âllegreito  Allègre  ni  Diari  Sanesi ,  p.  848.  —  Orlando  MalavoUi  Stor.  di  ^ena, 
P.  m ,  L.  VI,  f.  100,  V.  —  Scipione  Ammirato.  Lib,  XXVI,  p.  2io.  —  «  Fr.  GuicciardinU 
LU).  II ,  p.  89.  —  8  PûuU  Jovii  Hist.  Lib.  II,  p.  60.  —  Jucopo  Hardi,  UL  Fior.  Lib.  II , 
R.  SS,  —  Scipione  Ammirato.  Lib.  XXVI,  p.  212. 


BU   MOY£N  AGE.  469 

forteresse  de  Yeiraoola  était eatre  ses  mains;  oeIle*ci  est  bâtie 
sur  la  sommité  la  phis  orientale  de  la  montagne  qui  sépare  le 
Pisan  dn  Lacquois  ;  elle  domine  la  vallée  de  TArno,  et  dé-» 
couvre  tonte  la  plaine  par  laquelle  lès  Florentiïis  pouvaient 
s'approcher  de  Pise.  Cette  situation  donnait  à  Malvezzi  l'a-* 
vantage  de  connaître  toifô  les  {Hrojets  de  Tennemi  d'après  sea 
mouvements,  et  de  les  prévenir.  Francesco  Secco,  général  flo- 
rentin, se  disposait  à  attaquer  Yermoola  ;  mais  Malvezzi  le 
surprit  à  Buti,  disoipa  son  armée,  et  lui  fit  un  grand  nombre 
de  prisonniers.  Il  s*  empara  ensuite  de  San  Bomano  et  de 
Montopoli  ;  et  les  Florentins,  voyant  des  drapeaux  français 
parmi  ses  troupes,  ne  voulurent  point  les  combattre  :  ils 
abandonnèrent  Pontad'  £ra  et  tout  le  territoire  pisan  ^ . 

L*  ancien  attadiement  des  Florentins  pour  la  couronne  de 
France  était  altéré  par  tant  d'injures  et  par  un  maiiqoe  de  foi 
si  constant.  Dana  ce  temps  même  toute  lltalie  s'ébranlait 
contre  les  Français,  et  des  députés  de  Yenise  et  de  Hilan 
scdlicitaieut  les  Florentins  de  s!unir  à  la  cause  de  l'indépen- 
dance italienne^.  Ils  auraient  réussi  sans  doute  si  Jérôme 
Savonarole  n'awit  pas  redoublé  par  ses  exhortations  prophé- 
tiques la  crainte  que  ressentait  la  seigneurie  en  se  trouvant  la 
première  sur  le  passage  de  l'armée  française  à  son  retour.  Hais 
depuis  plusieurs  années  Savonarole  avait  anncmcé  qu'une  in- 
vasion étrangère  causerait  le  malheur  de  l'Italie.  A  l'appa- 
rition de  Charles  YIII^  il  avait  dédaré  que  c'était  là  le  mo- 
narque: que  Dieu  avait  duoisi  pour  punir  les  méchants  et 
réformer  l'église^.  II  persistait  encore  à  dire  que,  quoique 
Charles  YIII  n'eût  point  accompli  la  tâche  qui  lui  avait  été 
imposée  parla  Divinité,  il  était  toujours  son  envoyé,  que  Dieu 
continuerait  à  le  conduire  comme  par  la  main ,  et  le  tirerait 

f  PauUJoviiHUL  sui  temp,  Lib.  il,  p.  61.  —  3  adpUme  Ammirato.  L.  XXVI,  p  210. 
—  »  Jacopo  Nardi ,  ist.  Fior.  Lib.  ii,  p.  34. 


470  HISTOfRS   DBft  BÉPDBLIQtflS   TTALIEnilES 

de  tontes  Jes  cKfficaltés  où  il  tétait  en^^^^  Ces  prophéties, 
répétées  aTec  tant  d'aasaranoe  dans  la  chaire,  étaient  accneil- 
lies  aTee  la  foi  la  plos  entière  par  le  peuple  et  par  les  chefs 
de  la  république.  Ce  ii*éiait  pins  par  nne  polîtiqne  hnmaine 
qae  Florence  se  eondafsait,  mais  d'après  les  révélations  qn'elte 
croyait  recevoir  du  ciel  ;  et  le  réformalenr  italien  exerçait  snr 
la  république  florentine  cette  même  influence  qne  cinquante 
ans  plus  tard  le  réformateur  français  exerça  sur  la  république 
de  Genève:  Savonarole  et  Calvin  avaient  à  peu  près  les  mêmes 
sentiments  ;  ils  associaient  de  même  la  relieion  et  la  politique  : 
mais  Savonarole,  avecVimafrination  du  midi  et  Tardeur  de  son 
caractère ,  croyait  recevoir  immédiatement  de  la  Divinité  les 
inspirations  quMl  ne  devait  qu'à  ses  réflexions  et  ft  ses  eon- 
naissances.  Cette  même  imafnnation  maîtrisait  trop  sa  raison, 
pour  <|Q*il  soni^ieAt  à  soumettre  h  V examen  lensemble  de  la 
faligioQ«  Il  bornait  sa  réformera  Torganisation  de  l'église  et 
à  la  purification  de  ses  mœurs,  et  il  n*  avait  jamais  Voulu  intro- 
duire ancnne  variation  dans  sa  foi. 

Les  autres  états  de  l'Italie,  dont  la  politique. n'était  point 
dirigée  par  des  prophéties  et  par  les  prédictions  d'tin  hoihme 
qni  se  croyait  envoyé  de  Weu,  n'avaient  pu  tewr  satis  la  plus 
violente  inquiétude  les  succès  inouïs  des  Français,  la  conquête 
de  Naples  achevée  sans  qu'il  y  eAt  eu  besoin  de  Htrer  une 
seule  bataille,  le  renversement  si  subit  de  cette  maisorn  d'Ara- 
gon, qui  pendant  longtemps  avait  inspiré  de  Yettrin  à  totrs  le^ 
états  italiens,  et  qui  avait  disparu  au  premier  souffle  de  la 
fortune.  L'arrogance  desf'rançais  ajoutait  à  cette  inquiétude  : 
ccmime  leur  ambition  mal  dissimulée  embrassait  toute  Fltalie, 
elle  faisait  trembler  chacun  des  souverains  pour  sa  propre 
existenoe.  La  duo  d'Orléans,  qui  avait  été  laissé  k  Asfi,  an- 
nonçait hautement  ses  prétentions  sur  l'état  de  Milan,  et  me- 

i  Vtta  âtU  padM  immiafûkL  Ub.  tl,  $  H,  p*  •i.-^Mémoif«»  dé  Philippe  de  ComÎDet* 
tlbi  Vlit,  t\u  nu  P«  ftf Oi  -  HCùpo  tiQfâi»  Ub.  Ut  pi  H» 


DU   MOYEU   AGI.  471 

naçait  Lmis-le-Haure ,  tandis  qae  Charles  TIII^  à  Itâplea, 
Bcrablait  prendre  à  tâche  d'augmenter  la  défiance  de  eè  pre^ 
mier  allié.  Charles  s'était  attaché  Jean-Jacques  Tritubdo,  en» 
Demi  personnel  de  Sforza,  proscrit  comme  rebelle  de  Tétat  de 
Milan  ;  et  il  Tavait  pris  à  sa  solde  avec  cent  lances.  Il  s'était 
aussi  attaché  par  beaucoup  de  promesses  te  cardinal  Frégoso 
et  Ibletto  de  Fieschi»  ks  deux  chefs  des  émigrés  génois,  etone^ 
mis  de  Sforza  ;  enfin  il  avait  refusé  à  Louis-le-Maure  la  prin- 
cipauté de  Tarente,  qu'il  lui  avait  promâe,  dédarant  n'être 
tenu  à  l'en  mettre  en  possession  qu'après  que  le  royaume  de  « 
ri[aplc&  tout  entier  serait  entré  sous  son  obéissance  * . 

Les  Français  occupaient  toujours  par  des  garnisons  les 
places  de  Sarzane  et  de  Piétra-Santa,  qu'ils  ayaient  prcmiis 
de  restituer  aux  Génois  ;  ils  étaient  demeurés  maîtres  des 
principales  forteresses  des  états  de  Lueques,  de  Pise^  de 
Florence  et  de  Sienne^  et  ils  donnaient  ainsi  la  loi  à  toute  la 
Toscane  :  ils  avaient  de  même  obligé  les  Orsini  et  les  ColcmnA 
de  leur  livrer  des  châteaux*forts,  pour  gnges  de  leur  dévoue* 
meut|  enfin  ils  avaient -réduit  le  pape  à  les  mettre  eu  posses- 
sion de  ses  meilleures  forteresses*  Un  projet  de  dominer  sur 
toute  r  Italie  parûssait  avoir  été  arrêté  par  la  cour  ambitieuse 
de  Charles  VIII,  et  substitué  au  projet  de  l'expédition  de 
Grèoe,qu'on  ne  regardait  plus  queeommeun  stratagèmeinventé 
pour  désarmer  les  peuples  chrétiens.  Les  souverains  étran^ 
gers  à  ritalie  partageaient  le  mécontentement  et  linquiéUide 
des  habitants  de  la  péninsule.  Ferdinand  et  Isabelle  s'affli-* 
geaient  en  Espagne  de  l'infortune  de  leur  cousin,  et  de  la 
perte  d'un  royaume  qui  ajoutait  au  lustre  et  au  pouvoir  de  la 
maison  d'Aragon.  D'ailleurs  ils  craignaient  pour  la  Sicile,  qui,' 
ayant  appartenu  aux  Angevins,  pouvait  être,  aussi*bien  que 
JNaples,  réclamée  parles  Français,  et  qu'il  deviendrait  difficile 

i  Fr.  omcciardm,  L.  II,  p.  M.  —  PetH  Bémhi  Biêt.  Yen,  L.  U,  p.  SI.  —  Pm/i  i9lM 
Bist.  nui  lemp.  Lib.  II,  p.  S«. 


472  HISTOIRE  DES  aiPUBLIQUES   ITALIENNES 

de  défendre  contre  eux  s'ils  s'affermissaient  de  Vantre  côté 
du  phare.  Maximilien,  roi  des  Bomàios^  conservait  une  amère 
rancune  contre  Charles  VIII,  qui,  à  roccasion  de  son  ma- 
riage, Ini  avait  fait  les  deux  affronts  les  plus  sanglants  qu'an 
père  et  qu'un  époux  pussent  recevoir.  Il  avait  fait  la  paix,  il 
est  vnd;  nuos  Charles  YIII,  en  traversant  Tltalie,  n'avait 
montré  aucun  respect  pour  les  droits  impériaux  :  il  était  en- 
tré en  conquérant  dans  les  terres  d'empire,  et  il  avait  parlé  en 
maître;  en  sorte  qu'il  avait  donné  à  l'empereur-élu  de  nom- 
breux motifs  de  se  plaindre  et  de  recommencer  la  guerre  * . 

Philippe  de  Comines,  seigneur  d' Argenton,  le  politique  si 
subtil,  et  l'historien  qui  a  raconté  avec  tant  d'intérêt  le  règne 
de  LouisXI  et  Texpédition  de  Charles  YIII,  était  alors  ambas- 
sadeur de  France  à  Venise,  où  il  passa  huit  mois.  II  y  avait 
été  envc^é  pour  engager  cette  puissante  république  à  s'atta- 
cher à  l'alliance  de  France,  ou  du  moins  à  maintenir  la  neu- 
tralité qu'elle  avait  promis  d'observer.  Dans  le  premier  cas  il 
lui  offrait  comme  récompense  Brindes  et  Otrante ,  sous  con- 
dition que  les  Vénitiens  rendraient  ces  deux  villes,  si  le  roi , 
faisant  plus  tard  la  conquête  de  la  Grèce,  pouvait  leur  assigner 
un  meilleur  partage  dans  ce  pays.  Mais  les  Vénitiens,  qui, 
loin  de  crdre  à  la  prompte  réussite  du  roi,  ne  se  figuraient 
même  pas  qu'il  persistât  dans  ses  projets,  avaient  refusé  hon- 
nêtement ces  concessions  magnifiques,  qui  semblaient  si  loin 
de  pouvoir  être  exécutées,  et  ils  avaient  protesté  qu'ils  reste- 
raient neutres^.  De  la  même  manière  ils  avaient  rebuté  les 
ambassadeurs  du  roi  Àlfonse,  et  celui  du  sultan  Bajazet,  qui 
l'un  et  l'autre  voulaient  les  engager  à  la  défense  du  roi  de 
Nafdes  ;  tandis  que  l'ambassadeur  milanais,  qui  était  aussi  à 
Venise,  les  confirmait  dans  cette  sécurité,  en  assurant  que 

1  PauU  JevU  Bist.  aui  temp-  Lib.  ii,  p.  S6.  —  GuieciardinL  L.  ii,  p.  «7.  —  Pétri 
BenM  Hist,  rené».  L.  il,  p.  31.  «-.<  PhU.  de  Comines ,  Mémoires. Liv.  vu,  cb.  XIX* 
p.  244. 


m  MOYBN  AGB.  473 

son  maître  saurait  fort  Yà&a  comment  s'y  prendre  pour  ren- 
voyer, quand  il  en  serait  temps,  le  roi  de  France  au-delà 
des  monts  * . 

Le  traité  de  Pierre  de  Médicis  avec  Charles  éveilla  enfin 
Tinquiétude  de  la  seigneurie;  et  les  rapides  progrès  de  l'ar- 
mée française  firent  partager  cette  iuquiétade  au  duc  de  Mi- 
lan, au  roi  des  Bomains,  qui  craignit  q«e  Charles  YIII  ne 
reçût  d'Alexandre  Yl  la  couronne  impériale,  et  au  roi  d'Espa- 
gne. Ce  fut  à  Venise  que  ces  princes  entamèr^t  des  négo- 
ciations pour  la  sûreté  général^.  On  y  vit  arriver  successive- 
ment réyéque  de  Corne  et  Fran^i&-Bernardin  Yisoonti, 
ambassadeur  du  duc  de  Milan;  Ukichde  Frondsberg,  évèque 
de  Trente,  avcfc  trois  autres  ambassadeurs  de  Maximilien  ;  en- 
fin Lorenzo  Suarez  de  Mendoça  y  Figueroa,  ambassadeur 
d'Espagne'^*  Ces  diplomates  commencèrent  par  n'avoir  des 
conférences  que  de  nuit,  soit  entre  eux,  soit  avec  les  secrétai- 
res de  la  seigueurie.  Ils  se  flattaient  d'éviter  ainsi  les  observa* 
tions.de  Philippe  de  Commues  :  mais  celui-ci,  ayant  découvert 
de  bonne  heure  leurs  menées,  pressa  avec  franchise  les  am- 
bassadeurs milanais  de  lui  faire  part  de  leurs  doléances,  pour 
y  remédier  à  l'amiable,  plutôt  que  de  s'aliéner  de  la  France, 
dont  l'alliance  avait  été  et  pouvait  être  encore  si  utile  à  leur 
maître'. 

Gomines  essaya  aussi  de  détourner  la  république  de  Yenise 
de  ses  projets  hostiles  ;  mais  il  avait  affaire  à  la  ruse  ita- 
lienne ;  les  ambassadeurs  milanais  lui  avaient  protesté,  avec 
de  grands  serments,  que  tous  ses  soupçons  étaient  faux  :  la 
seigneurie  l'avait  assuré  que  la  ligue  qu'elle  projetait,  loin 
d'être  dirigée  contre  le  roi,  devait  être  signée  de  concert  avec 
lui,  puisqu'il  s'agissait  de  faire  en  conunun  la  gu^re  aux 


1  Pfail.  de  Gomines,  Hémoirei .  Uv.  VII,  eh.  XIX,  p.  345.  -*  >  PeM  Bembi  Hist,  Yen, 
Lib.  II,  p.  32.  —  Cro»tica  VenezianaattrilmUa  a  Marin  Sanuio,  T.  XXIV,  p.  16. ->*  Phi- 
lippe de  ComiDes.  Liv.  Vu,  ch.  XIX,  p.  248. 


474  HISTOIBE   DBS  BÉPUTOiIQUSS  ITALISiniSS 

Tores»  de  forcei*  ehacnn  des  alliés  de  conconrir  à  la  dépense, 
et  d*aflsiiifir  à  Charles  VI H  la  saseraineté  du  rojanme  de 
Naples,ayec  trois  de  ses  meillenres  places  pour  garantie,  toat 
en  eonsenrant  la  cooronnc  an  prince  aragonais,  comme  fen- 
dataire  de  la  France.  Gomines  demanda  du  temps  pour  com- 
Binnîquer  ces  propositions  an  roi,  et  insista  pour  que  les  Vé- 
nitiens ne  terminassent  rien  avant  d'avoir  eu  une  réponse. 
Mais  GharleSi  dont  les  succès  dépassaient  toutes  les  espéran- 
ces, ne  voulut  entendre  à  aucun  accommodement  * .  Cepen- 
dant les  ambassadeurs,  voyant  dès  lors  que  leurs  conférences 
étaient  connues,  ne  se  cachèrent  plus,  et  s* assemblèrent  tous 
les  jours.  Ils  songeaient  alors  à  ce  que  lés  Vénitiens  fissent 
passer  des  troupes  à  Borne,  pendant  que  Ferdinand  dé- 
fendait Vilerbe  :  mais  lorsqu'ils  apprirent  qne  cette  ville 
avait  été  abandonnée  sans  coup  férir;  que  Borne,  peu 
après,  avait  été  évacuée  de  même,  leur  alarme  s'en  augmenta 
ayec  les  difficultés  de  leur  situation^. 

«  Voyant  les  Vénitiens  tout  cela  abandonné,  dît  Philippe 
«  de  Gomines,  et  adverîis  que  le  roi  estoit  dedans  la  ville  de 
•  Naples,  ils  m'envoyèrent  quérir  et  me  dirent  ces  nouvelles, 
«  monstrant  en  estre joyeux;  toutesfois  ils  disoieut  que  ledit 
«  cfaasteau  estoit  bien  fort  garny,  et  voyois  bien  qu'ils  avoient 
•t  bonne  et  seure  espérance  qu  il  tint,  et  consentirent  que 
•t  Tarabassadeur  de  Naples  levast  gens  d'armes  à  Venise,  pour 
<  envoyer  à  Brandis  (Brindes),  et  estoientsurla  conclusion  de 
«  leur  ligue,  quand  leurs  ambassadeurs  leur  escrivirent  que 
«  le  cfaasteau  estoit  rendu.  Lors  Us  m' envoyèrent  quérir  de- 
«  rechef  à  un  matin,  et  les  tronvay  en  grand  nombre,  comme 
«'  de  cinquante  on  soixante,  en  la  chambre  du  prince  qui 
«  estoit  malade  de  la  colique  ;  et  il  me  conta  ces  nouvelles  de 


1  Pfail.  ie OMBittet.  Lf?.  VU,  ch.  XIX,  p.  2so.  —  tUtynotdi  Afin,  eectes.  1495,  $  u, 
p.  441.  —  ■  ContoM  LiT.  VII ,  eh.  XIX,  p.  !isi.  -  Petti  Benibi  HUu  y  en.  Lib.  ii , 
p.  33. 


011  MOTEll  4dl»  475 

«  yisage  joyeux,  mais  nul  en  là  compagtite  né  ^  HAytat  feiùdre 
«  si  bien  comme  Ini.  Les  uns  estofent  a&dis  iëttr  un  tDarcbe- 
«  pied  des  bancs,  et  ayc^ent  la  tète  appuyée  é&tre  leUM  mains, 
«  les  autres  d  une  autre  sorte;  tous  deMumtraiis  atoi^^  gfande 
«  tristesse  au  cœur,  et  croy  que  quand  tes  nouvelles  tinrent 
•  à  fiome  de  la  bataille  perdue  à  Cannes  contre  Hannibfail,  les 
«  sénateurs  qui  estoient  demeurés^  n'estoien$  pas  plus  esbahis, 
«  ne  plus  espouyantés  qu  ils  estoient.  Caï*  un  seul  hê  At  sem- 
«  bknt  de  me  regarder,  ni  ne  me  dit  un  mot  que  lui.  Et  les 
«f  regardois  à  grande  merveille»  Le  duc  me  demanda  si  le  roi 
«  leur  tiendrott  ce  que  toujou^  leur  nvolt  mandé  et  que  je 
«  leur  avois  dit.  Je  les  asseurai  fort  que  oui,  et  ouvris  les  voies 
«  pour  demeurer  en  bonne  paii^  et  m'offris  fort  de  la  faire 
«  tenir,  espérant  les  oster  de  soupçon,  et  puis  me  départis.  *  * 
Malgré  rabattement  des  seigneurs  vénitiens,  Gomities  com- 
prit bien  que  la  situatiotn  du  toi,  dans  le  fond  de  F  Italie, 
pouvait  devenir  très  dangereuse  s'ils  se  déclaraient  coùtre  lui  ; 
et  tandis  que  le  duc  de  Milan  faisait  encore  des  difficultés 
pour  signer  avec  eux  le  traité  d'alliance,  il  pressa  Charles  TIII, 
ou  de  faire  venir  de  France  de  nouveanit  renforts,  s'il  voulait 
semaiutenir  lui-même  dans  le  royaume,  ou  d'en  ressortir  au 
plus  tôt  avec  son  armée,  avant  qu'on  lui  barrât  le  ishemin , 
et  de  laisser  seulement  des  garnisons  dans  les  places  fortes. 
En  même  temps  il  écrivit  au  due  de  Bourbon,  resté  en  France 
comme  lieutenant  du  royaume,  et  à  la  marquise  de  Montferrat, 
pour  les  engager  à  envoyer  lé  plus  t4t  possible  des  renforts 
au  duc  d'Orléans^  qui  était  resté  à  Asti  avec  sa  maison  seu- 
lement :  car  cette  ville  était  en  quelque  sorte  la  porte  ouverte 
au  roi  pour  rentrer  en  Franœ;  et  si  elle  était  prise,  flUU  dan- 
ger pouvait  devenir  extrèoie  K 

1  MéiBOiras  de  PhU.  de  Comines.  L.  VH,  ch.  XX,  p«  tst.  ---  «  MénusMB  éb  GbftiiKi. 
£iT.  vu,  cb,  XX ,  p.  3M.  ^  Op  œ  trouTe  {M  BM>iJM  de  «is  lettres  écritel  dii  14  ati 
90  arril,  par  le  duc  d'Orléans  au  duc  de  Bourbon,  pour  lui  demander  des  stooduri.  llllei 


476  HISTOIBK  BBS  RÉPUBLIQCES  ITALIEMIIES 

«  La  ligne  fdt  oonelue,  dit  Comines,  un  soir  bien  tard.  » 
Ce  fat  le  3 1  mars  1 495  * .  «  Le  matin  me  demanda  la  seîgnea- 
«  rie  plos  matin  qu'ils  n'ayoient  de  coutume.  Comme  je  fus 
«  arrivé  et  assis,  me  dit  le  duc  qu'en  Tbonneur  de  la  Sainte- 
«  Trinité,  ils  ayoient  conclu  ligue  aVec  notre  saint  père  le 
«  pape,  les  rois  des  Romains  et  de  Castille,  eux  et  le  duc  de 
«  Milan,  à  trois  fins;  la  première  pour  défendre  la  chrétienté 
«  contre  le  Turk;  la  seconde,  pour  la  défense  de  l'Italie;  la 
«  tierce,  à  la  préservation  de  leurs  états,  et  que  le  fisse  savoir 
«  au  roi.  Et  estoient  assemblés  en  grand  nombre,  comme  de 
«  cent  ou  plus,  et  avoient  le^  tètes  hautes,  faisoient  bonne 
«  chère  (mine),  et  n'avoient  point  contenances  semblables  à 
«  celles  qu'ils  avoient  le  jour  qu'ils  me  dirent  la  prise  du 
«  cbasteau  de  Naples.  Me  dit  aussi  qu'ils  avoient  escrit  à 
«  leurs  ambassadeurs  qui  estoient  devers  le  roi ,  qu'ils  s'en 
«  vinssent,  et  qu'ils  prissent  congé.  L'un  avoit  nom  messire 
«  Dominique  Lorédan,  et  l'autre  messire  Dominique  Trevisan. 
«  J'avois  le  cœur  serré,  et  estois  en  grand  doute  de  la  per- 
«  scmne  du  roi  et  de  toute  sa  compaignie,  et  cuidois  leur  cas 
«  plas  prêt  qu'il  n'estoit,  et  aussi  faisoient-ils  eux  ;  et  doutois 
«  qu'ils  eussent  des  Allemands  prêts;  et  si  cela  y  eût  été, 
«  jamais  le  roi  ne  fût  sorti  d'Italie.  Je  me  délibérai  ne  dire 
«  point  trop  de  paroles  en  ce  courroux  ;  toutesfois  ils  me 
«  tirèrent  un  peu  aux  champs.  Je  leur  fis  response  que  dès  le 
«  soir  avant,  je  l'avois  escrit  au  roi,  et  plusieurs  fois,  et  que 
«  lui  aussi  m'en  avoit  escrit,  qu'il  en  estoit  adverti  de  Rome 
«  et  de  Milan.  Ils  me  firent  tout  estrange  visage  de  ce  que 
«  je  disois  l'avoir  escrit  le  soir  au  roi,  car  il  n'est  nuls  gens 
«  au  mcmde  si  soupçonneux,  ne  qui  tiennent  leurs  conseils 
«  plus  secrets  ;  et  par  soupçons  seulement  confinent  souvent 

sont  rapporiées  dans  Deoys  Godefroy.  Sist*  de  Charles  nu ,  p.  700.  —  1  PetH  Bembi 
Hist,  Yen,  Lib.  Il ,  p.  42.  —  Seipione  Ammirato,  Lib.  XXVI ,  p.' 310,  —  Cronica  Ven. 
T.  XXIV,  p.  17. 


DD   MOYEN  ÀGK.  477 

«  les  gens;  et  à  cette  cause  le  leur  disois-je.  Outre  ce  je  leur 
«  dis  ravoir  aussi  escrit  à  monseigneur  d'Orléans  et  à  mon- 
«  seigneur  de  Bourbon,  afin  qu'ils  pourvussent  Ast;  et  le 
«  disois  espérant  que  cela  donneroit  quelque  délai  d'aller  de- 
«  vaut  Âst$  car  s'ils  eussent  été  aussi  prêts  comme  ils  se  van- 
«  toient  et  cuidpient^  ils  Feusseivt  pris  sans  remède  ;  car  il 
«  estoit  et  fut  mal  pourvu  de  longtemps  après  *  •  » 

Mais  tandis  que  Philippe  de  Gomines  attache  quelque  va- 
nité  à  montrer  comme  il  était  bien  informé,  Pietro  Bembo , 
l'historien  vénitien,  se  complaît. à  peindre  sa  surprise  et  son 
effroi,  «i  Encore,  dit-il,  qu'il  y  eût  un  si  grand  nombre  d'am- 
«  bassadeurs,  tant  de  citoyens  appelés  aui^  négociations,  et 
«  que  le  sénat  eut  été  engagé  dans  de  si  fréquentes  délibéra- 
«  tions,  telle  avait  été  cependant  la  vigilance  du  conseil  des 
«  dix ,  pour  supprimer  tout  bruit  public  à  cet  égard ,  que 
«<  Philippe  de  Gomines,  envoyé  de  Gh^rles,  quoiqu'il  fré- 
«  quentàt  chaque  jour  le  palais,  et  qu'il  traitât  avec  chacun 
«  des  ambassadeurs,  n'en  avait  pas  eu  le  moindre  soupçon. 
«  Aussi,  lorsque  le  lendemain  de  la  signature  il  fut  appelé  au 
«  palais,  où  le  prince  lui  communiqua  la  conclusion  du  traité 
«  et  les  noms  des  confédérés,  il  en  perdit  presque  l'entende- 
«  ment.  Gependant  le  doge  lui  avait  dit  que  tout  ce  qu'on 
«  avait  fait  n'avait  point  pour  but  de  faire  la  guerre  à  per- 
«  sonne,  mais  de  se  défendre  si  l'on  était  attaqué.  Ayant 
«  enfin  un  peu  repris  ses  esprits  :  Quoi  donc,  dit-il,  mon  rot 
«  ne  pourra  pas  revenir  en  France?  Il  le  pourra,  répondit  le 
«  doge,  s'il  veut  se  retirer  en  ami  ;  et  nous  l'aiderons  de  tout 
«  notre  pouvoir.  Après  cette  réponse,  Gomines  se  rietira  ;  et 
«  comme  il  sortait  du  palais,  qu'il  avait  descendu  le  grand 
«  escalier  et  qu'il  traversait  la  place,  il  se  tourna  vers  le  se- 
«  crétaire  du  sénat  qui  l'accompagnait,  le  priant  de  lui  répé- 

*  Mémoires  de  Phil.  de  Gonûoes.  Liv.  Vii ,  chap.  XX,  p.  255.  —  Amoldi  Ferroni  de 
gettis  Francor.  IXb.  I,  p.  is. 


478  HISTOIRE  0JSS  H^UBIiIQUES  ItAUEUNES 

«  ter  ce  que  h  doga  \m  avait  dit,  car  il  r  avait  toat  oublié  * .  » 
Le  peaple  de  Yeaise  célébra  cette  ligue  le  lendemaiD  de  sa 
signature  par  dea  réiouissancea  iuflaies  ^  les  fêtes  recamm»- 
cèrent  encore  le  )2  avril,  dimanehe  des  Bameaux,  jour  où 
elle  fut  publiée  eu  même  t^odps  dans  tous  les  états  confé- 
dérés ^.  D'après  les  articles  qui  furent  arrêtés,  rallîanee  de- 
vait durer  vingt-einq  ans,  et  avoir  pour  but  de  défendre  la 
majesté  du  pontife  rQUi^n^  la  dignité,  la  liberté,  les  droits  de 
tous  les  confédérés,  e|  tes  possessions  de  tous.  Les  puissaneea 
alliées  devaient  Wtre  ^ea  toutes  mettre  sur  pied  trente- 
quatre  inille  chevaiix  et  vingt  mille  fantassins,  savoir  :  le 
pape,  quatre  mille  chevaux;  MaximiliBn,  six;  le  roi  d'£e^ 
pagne,  la  république  de  Venise  et  le  duc  de  Milan,  cbaeun 
huit.  Chaque  Qonfédéré  devait  fournir  quatre  mille  fantas- 
sins. Ceux  dont  te  contingent  ne  serait  pas  prêt  devaient 
le  compenser  en  argaiit.  De  même,  s  il  était  nécessaire  deno- 
plojer  une  flattas,  te^  puissances  maritimes  devaient  la  four- 
nir, tandis  que  teii  frais  devaient  en  être  supportés  par  tous 
les  alliés  dune  maiûèrfi  proportionnelle^^. 

Mais  à  ces  artictes  qui  furent  publiés,  les  eonfédérés 
avaient  joint  des. clauses  secrètes,  qui  ahangeaimt  absolu- 
méat  la  nature  df^  i  alliance,  et  qui  la  préparaient  poitf  une 
guisrre  offensive.  Déjà  f^erdinand  et  Isabelle  avaient  envoyé 
en  Sicile  nue  ftotte  de  soixaute  galères,  qui  portait  six  e^ats 
cavaliers  et  ciaq  i^iUe  faulai^sins;  et  ils  avaiaftt  donsoé  le  eom- 
m^demept  de  eea  troupes  à  Gonaalve  de  Cordoue,  qui  s'é- 
tait illustré  d^ns  la  guerre  de  Grenade^.  Les  alliés  convinrent 
4US  c^lt^  ^rm^  st^fcoadjerait  Ferdinand  d^  INaptes,  pour  le 
faire  rempnteir  Màr  le  trône,  ou  ses  sujets,  désabusés  de  leur 

^  PelH  Bembi  UUl.  Veneiœ.  Lib.  1T,  p.  32.  —  *  Diorio  Fenarese,  T.  XXIV,  p.  299.  — 
lUii^mMii  AimaL  nccéukuut.  149^,  $  i4,  T.  XIX,  p.  Am,  —  *  ».  Guicôanlmi.  L.  ii , 
p.  »8.  —  PiàuU  Jovii.  L.  Il,  p.  »«.  —  tetn  BetnbiUiii,  Yen.  L.  il,  p.  32,  —  Anàr,  Aoi/o- 
9^TQ,  Smia  r^Hêi.  t.  XXUI,  p.  1«H.  —  fï*.  mlcweU  GommêHt,  m.  CMC,  LU).  VI , 
p.  i»7.  --  «  PtuiU  JQVii  Mi9U  m.  Il ,  p.  16. 


DU   MOYEU   AGB.  é79 

confiance  en  Charles  VIII,  le  rappelaient  déjà.  Les  rois  d'Es- 
pagne s'étaient  engagés,  il  est  vrai,  par  le  traité  de  Perpi- 
gnan, à  ne  point  empêcher  le  roi  de  France  de  tenter  l'acqui- 
sition du  royaume  de  ?Iaples  *  ;  mais  ils  y  avaient  ajouté  la 
clause  qu'aucune  condition  ne  serait  obUgatoire  si  elle  se 
trouvait  pr^udiciable  à  l'église;  et  ils  prétendaient  que  le 
royaume  de  Naples  étant  un  fief  ecclésiastique, Jk  ne  pou- 
vaient s'abstenir  de  le  défendre,  si  le  pape  les  invitait  a  le 
faire  ^.  Les  confédérés  convinrent  encore  secrètemeat  entre 
eux  que  les  Vénitiens  attaqueraient  les  établissements  fran- 
çais sur  les  côtes.du  royaume  de  Naples,  avec  leur  flotte  qu'ils 
avaient  portée  à  quarante  galères,  sous  le  commandement 
d  Antonio  Grimani  ^;  que  le  duc  de  iVlilan  arrêterait  les  se^ 
cours  qui  pourraient  arriver  de  France,  qu'il  attaquerait 
Asti,  et  qu'il  en  chasserait  le  duc  d' Orléans;  que  le  roi  des 
Bomains  et  les  roi^  d' Espagne  attaqueraient  pendant  le  même 
temps  les  frontières  de  France  avec  de  puissantes  amoées,  ^ 
qu'ils  recevraient  pour  cette  guerre  des  subsides  des  autres 
alliés^. 

Maximilien  faisait  aux  états  d'Iteliedes  proaiesses  splendi- 
des;  mais  ou  s'aperçut  bientôt  qu'il  n  apf^ortait  a  f  alliance 
qu'un  grand  nom.  11  ne  savait  mettre  4iucttn  ordre  ni  aacune 
économie  dans  l'administration  de  ses  états  héréditaires;  et  il 
ne  pouvail  obtenir  de  1  empire  ni  hommes  ni  argent,  encore 
qu'il  prétendit  qu'il  ne  s'engageait  dans  la  f^erre  contre  la 
France  que  poiir  l'intérêt  des  fiefs  impériaux.  La  diète  de 
Worms,  en  149ô|  lui  promit  seulement  cent  cinquante  mille 


t  C'eft  dans  l'arSeie  3  du  Irailô  de;PerpigD«]i  que  cet  engagement  est  contena,  mais 
3808  nommer  cepeDdaat  le  roi  de  Naples.  Les  rois  d'Espagne  s'obligent  seulement  à  pré- 
férer l'alliance  de  France  :  Àliis  gulbmcwnque  ligis  et  confedtraiiombu»  factis  vel 
faciencUs,  cum  quocumque  principe  vel  principibus...  Vigabio  christi  bxcepto.  Denys 
Goderroy.  Hist.  de  Gh.  Viii,  p.  664.  —  ^  tr,  Guicciardini,  Lib.  il,  p.  87.  —  *PauU  JovU 
Utst.  suiiemp.  Lib.  Il,  p.  id.^  Andréa  Nauagiero,  Storia  VcnM,!,  SUUOy  p.  1209. 
—  *  Fr.  GtOcciardini,  tib.  il ,  p.  88. 


480  HISTOIRE  DEd  REPUBLIQUES  ITALIEIIRES 

florins  assigoés  sar  le  denier  commun  qu'on  devait  lever  dans 
tout  l'empire,  et  qui  ne  fut  payé  presque  nulle  part;  en  sorte 
qu'au  lieu  de  six  mille  chevaux  et  quatre  mille  fantassins 
qu'il  avait  promis,  il  put  à  peine  lever  trois  mille,  hommes  * . 

Il  n'y  avait  peut-être  aucun  duc  d'Italie  qui  ne  fût  réelle- 
ment plus  puissant  que  l'empereur,  ou  du  moins  dont  la  coo- 
pération ne  fût  beaucoup  plus  efficace  :  aussi  les  puissances 
alliées  auraient-elles  fort  désiré  que  l'Italie  entière  fût  entrée 
dans  la  même  confédération,  et  insistèrent-elles  auprès  du  duc 
de  Ferrare  et  des  Florentins  pour  qu'ils  se  réunissent  à  la  li- 
gue. Le  duc  de  Ferraré  le  refusa  ^  ;  mais,  pour  se  ménager  des 
ressources  auprès  de  tous  les  partis,  il  consentit  à  ce  que  son 
fils  aine,  don  Alfonse,  passât  au  service  du  duc  de  Milan, 
avec  le  titre  de  lieutenant-général  de  ses  troupes,  et  le  com- 
mandement de  cent  cinquante  lances  î^.  Les  Florentins,  aux- 
quels Louis  Sforza  offrait  de  leur  envoyer  une  armée,  pour 
les  défendre  contre  Charles  YIII  à  son  retour,  et  de  les  secon- 
der ensuite  pour  recouvrer  Pise  ettoutes  leurs  forteresses,  re- 
fusèrent constamment  de  se  détacher  d'un  prince  dont  ils 
avaient  cependant  si  fort  lieu  de  se  plaindre.  Ils  aimèrent 
mieux  attendre  de  lui  la  restitution  de  leurs  provinces  que 
de  la  lui  arracher  de  force,  à  l'aide  d'alliés  dont  ils  se  défiaient 
plus  encore^. 

Cependant  tous  les  confédérés  faisaient  avec  activité  leurs 
préparatifs  de  guerre  :  les  Vénitiens  appelaient  un  grand 
nombre  de  Stradiotes  ou  de  chevau-légers,  de  TÉpire,  de  la 
Macédoine  et  du  Péloponèse  ;  Louis  Sforza  avait  envoyé 
beaucoup  d'argent  en  Souabe,  pour  y  lever  des  troupes  mer- 
cenaires; Maximilien  promettait  qu'il  passerait  en  Italie 
avec  ces  redoutables  bataillons  allemands,  dont  les  Français 


i  Schmidl,  Hist.  des  Allemands.  Liv.  Vit,  chap.  XXVII ,  t.  V,  p.  369.  —  «  niario  Fer- 
rarese.  T.  XXIV,  p.  298.  —  »  Ibid.  p.  802.  —  ♦  Fr,  Gwcdardini,  Lib.  n,  p.  «9.—  Sch 
pione  Ammirato,  Lib.  XXVI ,  p.  210. 


i)ti  MotÊîi  À&Ë.  481 

Avaient  iptoaré  la  valeur  en  1492,  dans  les  plaint  de  TAr^ 
fois.  Bajazet  II  offrait  aax  Vénitiens  de  les  seconder  de  ton- 
tes ses  forces  par  terre  et  par  mer  contre  les  Français  ^  Le 
sultan  n'était  pas  comi»ris  dans  Talliance  ;  elle  semblait  même, 
d'après  le  traité  public,  être  faite  contre  lui  :  cependant  son 
ambassadeur  avait  pris  part  à  toute  la  négociation  ;  et  après 
sa  mission  finie,  il  était  resté  à  Yenise  pour  assister  anx  fêtes 
par  lesquelles  on  célébra  la  publication  de  la  ligne^.  De  tontes 
parts  l'Europe  prenait  une  apparence  bostite  pour  les  Fran- 
çais ;  et  Philippe  de  Gomines,  qni  depuis  longtemps  avertis- 
sait son  maître  de  l'orage  qui  se  formait,  étant  encore  resté 
un  mois  à  Yenise,  depuis  la  signatiue  de  la  Ugue,  se  mit  en 
chonin  pour  aller  au-devant  de  Charles,  par  les  états  dn  duc 
de  Ferrare,  de  Jean  BentivogUo  et  des  Florentins.  Il  fut  ac- 
cueilli par  eux  c(Nnme  l'ambassadeur  d'un  monarque  allié, 
tandis  «pie  son  départ  de  Yenise  fut  en  quelque  sorte  le  signal 
de  la  rupture  de  toute  négociation  s. 

i  PauU  JùvU  aut.  sui  temp.  Ub.  u,  p.  M.  —  *  Phil.  de  Gomioee,  Hénoiret.  Liv.  VU 
ch.  XX,  p.  259.  —  s  ibid,  p.  260. 


Fin   DU   TOME  SEPTIÈME. 


im»  tt 


TABLE  CHRONOLOGIQUE. 


«• 


im»sinnmmii»M»n»i»u»in»ntnMi 


TABLE  CHRONOLOGIQUE 


DU  TOHE   SEPTIEME. 


Pag.   Ami. 


P«g. 


.CHAPITRE  PREMIER. 

Suite  de  la  guerre  de* 
Turcs;  leurs  ravages 
dans  la  Carniole  et  le 
Friuli;  ceux  des  Véni- 
tiens dans  la  Grèce  éi 
V  Asie-Mineure,  —  Hé-- 
volutions  de  Chypre,  qui 
réduisent  ce  royaume 
sous  la  dépendance  de 
la  répi^lique  de  Ve- 
nise. 1 

Mauvaise  politique  de  Paal  II , 
pour  la  défease  de  la  chré- 
tienté. Ib. 

1458-1468.  Bfathias  Gorvinus,  fils 
de  Jean  Huniades,  défend 
la  Hongrie  contre  les 
Turcs.  2 

.  Paul  II  le  sollicite  de  tourner 
ses  armes  contre  George 
Podiébrad,  roi  de  Bo- 
hême. 3 

1468.Mathias  Goryinus  aban- 
donne la  défense  de  la 
Hongrie,  pour  attaquer 
les  Bohémiens  déclarés 
hérétiques.  4 

1469.  Invasion  de  la  Croatie  par 
Hassan  Bey,  et  massacre 
de  ses  habitants.  5 


1469.  Nicolas  Canale ,  général  vé- 
nitien, surprend  et  pille  la 
ville  d'Eno. 

2  août.  Vœu  de  Mahomet  II 
de  détruire  l'idolâtrie  des 
chrétiens. 
1470. 31  mai.  Une  puissante  flotte 
turque  sort  pour  la  pre- 
mière fois  des  Dardanel- 
les. 

La  flotte  vénitienne  évite  le 
combat. 

Les  Turcs  se  préparent  à 
l'attaque  de  Négrepont 
ou  l'Eubée. 

Ils  lient  la  Thessalie  à  TEu- 
bée  par  un  pont. 

25  Juin,  30  juin,  5  juUlet. 
Us  livrent  trois  assauts 
meurtriers  à  la  vUle. 

Nicolas  Canale  manque  de 
résolution  pour  rompre  le 
pont  et  attaquer  la  flotte 
turque. 

12  juillet.  Les  Turcs  pren- 
nent d'assaut  Négrepont, 
et  en  massacrent  tous  les 
habitants. 

Canale  accusé  de  manquer 
de  courage. 

Ilestarrêtéet  chargé  defers, 
et  P.  Mocénigolui  succède. 


Ib. 

10 


/6. 


11 


Ib. 
13 
14 


486 


TABU 


Hg.   Anii. 


Pig. 


1470.  Effiroique  causent  «oi  chré- 
tiens la  prise  de  Négre- 
pont  et  la  nouTello  ma- 

u  rine  des  Turcs.  14 

Paul  II  s'elTorce  de  rêébncf- 
iier  les  Ilaliens.  15 

22  décembre.  Ligue  d'Italie 
pour  la  défense  commune. 
1471.24  juin.  Diète  de  Mis- 
bonne,  pour  pourvoir  i 
la  défense  de  la  chrétien- 
té. Ib. 

Discours  de  Paul  Morodni, 
ambassadeur  vénitien, 
pour  demander  des  se- 
cours aux  princes  alle- 
mands. 17 

Les  états  de  Gamiole  et  les 


magnais  de  Hongrie  de- 
mandent aussi  dès   6e- 


18 


cours. 

19juUlet.  Armement  liui^- 
saHt,  ordonné  parla  diète, 
qiie  l'indoledce  de  Frédé- 
r4c  m  n'essaie  pas  même 
iÉ'eCTecluér.  ii 

te  pape  sollicité  là  diète  de 
faire  attaquer  le^  Bohé- 
miens en  même  temps  que 
les  Turcs.  20 

Vaine  négociation  de  Itfa- 
homel  II  avec  là  rëpiibll- 
quede  Venise..  ,  21 

N^ociations  dé  Faut  tl  et 
des  Vénittens  avec  tJ^sun 
Cassaki,  con(|uéranl  delà 
Perse,  .  Ib. 

Défi  réciproque  ^  d'Ussun 
Gassâb  et  de  M^nometlI.  Ib. 

9 août. François  delà  libvère, 
spiis  le  nom  de  Sixte  IV, 
succède  à  Paul  tl.  22 

20aoùt.  Oercule  d'Esté  sup- 
çèdé  à  Borso,  duc  de  Feir- 
irare,  dé  préférence  à  Ni- 
colas ,  itis  de  LiohneU         23 

NéRfciations  dé  CâthéHno 
Zeno  atec  TTssun  Caçskn.    25 
1472.  Exjpédition^.de  Pierre  Mbc^ 
higo  pour  aésoler  l'isie- 
Mirfeure.  Ib. 


1 473. 11  fortifie  son  armée  par  des 

Stradioles  de  Romanie.      36 
Il  cayage  la  Carie  et  nie  de 
.  Co^  27 

f  S  Juin.  Réqùesénl  avec  lel 
galères  de  Naples,  et  Oli- 
vier Caraffa  avec  celles 
du  pQpUfe,  viennent  le 

Pillage  et  Incendie  des  fau- 
bourgs d'Attalée,  ou  Sa- 
talie,  dans  la  Pamphilie.    28 

Ravage  de  l'Ion  le.  Ib. 

18  septembre.  Pillage  et 
incendie  de  Smyrne  par 
les  Vénitiens.  29 

H73.  Entrée  triomphale  d'Olivier 
Caraffa  à  Rome,  après  son 
expédition  dans  l'Asie- 
liiièùi«.  30 

1472.  Ravages  des  Tores   dans 

i  rAlbamé.  76. 

Le  pacha  de  Bosnie  s'avance 
dans  lé  Friuii  Jusqu'à 
trois  milies  d'Udine.  31 

1473.  TenlaUve  do  Sicilien  An- 

tonio^ pour  brûler  la  flotte 

,  turque  à.  GaliipQli. ..  32 

.Correspondance  de  ifocé- 
pigp  avec  JJssuQ  Cassan 
et  les  princes  de  Cara- 

,  manie.  33 

1473-148^.  Athbëssadeéh  PéHè 
de  Bârbaro  et  dé  Cbnta- 
rini,  ,,  Ib. 

1473.  Mocénigb  Ë$^d  sdr  \è8 
tbi-cs  et  i^lilî  ibi  Céra- 
niahs  Séfëtii^  et  deux 
autres  forteresse^.   ,  35 

tfsÈm  Gassaii  béhu  p^Sfi- 
bbmet  II  àur  les  froQtiè- 
res  de  l'Armëiiié  et  de 
L'empire  de  Trébisonde.    36 

fflbbénigô  ^  j)ilM  et  brfile 
Nyrà  dabà  la  fcycie,  et 
ravage  les.  campagnes  de 
Physsus  dans  ta  Carié.       76. 

Il  refuse  l'assistance  du  lé- 

Sat  éi  tourné  son  atten- 
oh  vers  les  affiiires  de 
Chypre.  37 


cBuasovooaçioz. 


W7 


Pag.   Aon^ 


14&8.  Faiblesse,  de  4anHS  III  de 

Lusigiian  ;  troubles  souf 
son  règne.  37 

i4&9.  Jac4ues«  bâtard  de  Losit 
goan,  enlève  la  couronne 
à  CbarloUe,  fille  de  ee 
roi,  et  a  Louis  de  Savoie 

^onuiari*     .    ,  38 

1460.  Charfotte  demandé  des  se- 
cours ail  papei  et  à  tous 
tes  princes  dé  ta  chré- 
lienlév  ,  .     , ,,  ,     39 

14  60- 14 68,  Marc  Comàro  pro- 
cure à  Jacques  de  tilsi- 
gnan  l'alliance  dé  là  ré- 
pubiijjué  dé  Veriisè»  et 
lui  soumet  toute  la  Chf«- 

.  pre.  40 

1471  Jacques  de  I.u6ignan  épduse 
Galberlne  GOrnaro,  adop- 
tée par  la  république  de 
Venise .  comme   fille  de 

,  Saint  Marc.  /*. 

1473.  6]liini  Mort  de  Jacques  de 
I^uslgnan  «  lai^ant  sa 
fpmme  grosse.,  . ,_..  .^     *^ 

Jalousie  des  Cbyprlptes. 
contre  les  Vénitiens  ; 
massacré  des  parents  de 
ta  relne^  ,        ^* 

flocériigo  et  les  proyéditeurs 

vén|tien8  présentent .  au 

bapiêmé  f ^cques-le-Pos- 

tbume,  fils  dé  Calberine 

,  Cornaro.   r    ,     •  z         ,      ^ 

Ejichessé^de  IMl'è  de  Chypre.    43 

Âocéolgo  débarque  des 
trouncf. en  Chypre.  44 

n  punit  seyèremeni  tous  les 
ennemis  dé  la  reine  Ga- 
,  iheripe..}.         ,  ..    ,       ■'&• 

À'u  obiii  de  cétie  reine,  Il 
réduit  la  Chypre  sous 
Tabsolùe  dépendance  dés 
Vénitiens.  46 

GHiitPITRE  II. 

Laurent  de  Médicis  suc- 
cède, au  crédit  de  son 
père  sur  la  république 
florentine.  —  Faste  et 


1469 


l41l 


1470 


1472 


1471 


La  répKbIiqué  itorénane 
cessé  de  diriger  la  politi- 
.  quedeîMlaÏÏé, 

.  Les  fils  de  Pierre  dé  Medî- 
qis,  trop  jeunes  pour  gôU; 
verner  à  là  mort  de  leur 

La  jfaaion  âltàcb'ée  à  reur 
famille  leur  défère  cépert- 
dant  raùlorilé,    .^ 

Politique  de  Thomas  Sodér 
rjni,  qui  màintieùl  le  cré- 
dtl  dés  làédicis.    ,.    . 

Lajrépublifliie.dpmeiiftf  w 
r^pos  pendant  leur  Jeu- 
nesse. , 
.  Voyage  pomneux  që  Ga- 
léàz  Sforia  a  jrdrence. 

Influence  fatale  dé  lîi  <50ur 
dé  èforzâ  sur  les  moeuïfs 
dés  Florentins 

é^  avril'.  Ëërnardo  itafdi  se 
r,end  maître  de  l^rato  par 

.  surprise. 

fl  est  fait  prisonnier  et  puni 
de  mort  avec  ses  com- 
,pUces.  ^  .   . 

Troubles  iVoUéttS,  à  roc- 
G^ion  d*une  miné  d'a- 
lun. 

2t  avril.  VoUeirra  sëréVolte 
contre  Florence. 

Juin.  Volterra  prise  e\  pillée 
par  Frédétic  dé  Monté- 
,feliro.    ;  .     . 

.  j)  aiiût.  Election  de  Sixte 
IV,  suspectée  de  simonie. 

Le  trésor  de  Paul  U  sous- 
trait par  ce  pape  dti  se» 
neveux. 

Sixte  IV  sacrifié  à  seis  qua- 


Ib. 


47 


Ib. 


48 


60 
Ib, 


61 


62 


63 


Ib. 

64 


66 
66 


67 


m 


Tà3^t 


Pig.    Ans. 


P««. 


tre  nereiix  léi  intéiMs  de 
l'église.  67 

1471  .Grâces  qu'il  accorde  à  Léo- 
nard et  Julien  de  la  Ro- 
vére,  et  à  Jérôme  Ria- 
rio.  58 

Puissance  et  luxe  extrava- 
gant de  Pierre  Riario, 
cardinal  de  Saint-Sixte.   Ib. 

1473.  12  septembre.  Il  anive  à 

Milan  avec  le  titrede  légat 
de  tonte  ritalie.  60 

1474.  5  janvier.  Sa  mort,  suite  de 

ses  débauches.  Ib, 

Jean  de  la  Rovére,  autre 
neveu  du  pape,  épouse 
Jeanne  de  Monléfeltro.       61 

21  août.  Frédéric  de  Mon- 
téfeltro  créé  duc  d'Urbin 
par  le  pape.  Ib, 

Campagne  du  cardinal  Ju- 
lien de  la  Rovére  contre 
Todi.  62 

Il  attaque  Nicolas  YitelU, 
prince  de  GiUà  di  Gas- 
tello.  63 

Les  Florentins  prennent  sa 
défense.  Ib. 

Défiance  que  cause  aux  Flo- 
rentins ralliance  dupape, 
du  roi  de  Naples  et  du 
duc  d'Urbin.  64 

2  novembre.  Alliance  entre 
Florence,  Venise  et  le  duc 
de  Milan.  65 

Nullité  de  l'histoire  d'Italie 
pendant  plusieurs  an- 
nées. 66 

Le  pape  se  refuse  à  pren- 
dre part  à  la  guerre  con- 
tre les  Turcs.  ib, 

17  janv.  Défaite  des  Turcs  à 
Rackowieckz  par  le  way- 
vodc  de  Moldavie.  Ib. 

Mai.  Le  Beglierbey  de  Re- 
manie entreprend  le  siè- 
ge de  Scutari.  67 

Août.  Il  lève  le  siège,  après 
avoir  beaucoup  souffert 
parles  maladies.  68 

Soufllrances    des    assiégés 


et  de  Tarmée  vénitienne.    68 

1475.  Les  Turcs  assiègent  inutile- 

ment Lépante.  69 

Importance  de  la  colonie 

génoise  de  Gaffa.  70 

Secours  envoyés  à  GaflTapar 

terre.  71 

Démêlés  des  Génois  de  Gaffa 

avec  un  kan  de  Tartarie.  72 
Juin.  Gaffa  prise  et  ruinée 

par  Mahomet  II.  78 

AfRdblissement  dotons  les 

partis  dans  la  guerre  des 

Turcs.  A, 

GHAPITRE  III. 

Conjuration  de  NieoUu 
d'Esté  à  Ferrare  ,  de 
Jérôme  Gentile  à  Gé- 
nés,  d'Olgiaii,  Fis^ 
conti  et  Lainpttgnani  d 
Milan.  —  Jiévolutions 
dans  l'état  de  Milan  , 
après  la  mort  de  Galéaz 
Sforxa.  1476-1477.  75 

Tons  les  étals  d'Italie  ébran- 
lés  en  même  temps  par 
des  conjurations.  i6. 

Un  tyran  peut-il  être  ren- 
versé autrement  que  par 
une  conjuration  ?  76 

Motif  de  llntérêt  qu'excite 
l'histoire  de  toute  conju- 
ration. 77 

1476.  Gonjuration  de  Nicolas,  fils 

de  Lionnel  d'Esté,  contre 
Hercule.  Ib. 

I  «<^  septembre.  Nicolas  entre 

avec  six  cents  hommes  ï 
Ferrare.  78 

II  est  chassé,  fait  prisonnier 

et  mis  Â  mort.  79 

Pouvoir  limité  du  duc  de 
Milan  à  Gênes,  d'après 
les  capitulations.  80 

Galéaz  Sforza  ne  les  observe 
pas.  Ib, 

Galéaz  veut  partager  la  ville 
de  Gênes  en  deux  pour  la 
dompter.  81 

Gourage  de  Lazare  Doria , 


cHRonoimiQux. 


489 


4al  le  fcH  rcnoneer  à  ce 
VN^  82 

1476.  Juin.  Jérôme  Gentile  prand 

les  armef  pour  délitrer 
Gènes.  88 

Il  est  obligé  de  renoncer  à 

,  sou  projet  et  de  sortir  de 
la  ville.  ib. 

Caractère  et  vices  de  Galéaz 
Sforza.  84 

Jérôme  Olgiati,  Garlo  Vis- 
conti  et  Jean -André 
Lampognani ,  élèves  de 
Colas  de  Montani,  for- 
més par  loi  à  la  haine  de 
la  tyrannie.  85 

Il  leur  fait  apprendre  Vart 
de  la  guerre.  86 

Animés  par  les  outrages 
qu'ils  reçoivent  de  Sfoiza, 
ils  conspirent  contre  lui.      Ib^ 

Prière  des  conjurés  dans  le 
temple  de  Saint  -  Am- 
broise.  ,   87 

26  décembre.  Ils  tuent  Ga- 
léaz dans  ce  temple.  88 

Lampngnani  et  Yisconti 
sont  massacrés  immédia- 
tement. 89 

Constancede  Jérôme  Olgiati 
durant  le  plus  ainreuxsup-  ' 
plice.  Ib, 

1477.  Jean  Galéaz  Sforza,  fils  de 

Galéaz,  reconnu  comme 
duc  de  Milan ,  sous  la  ré- 
gence de  sa  mère»  Bonne 
de  Savoie.  90 

Jalousie  entre  SImonéta,  son 
premier  ministre,  et  les 
fkères  de  Galéaz.  91 

16  mars.  Tumulte  A  Gènes 
sur  la  nouvelle  de  la  mort 
du  duc  de  Milan.  92 

Prosper  Adomo  tiré  de  pri- 
son par  la  régence  de  Mi- 
lan, et  chargé  d'apaiser 
les  troubles  de  Gènes.         93 

30  avril.  Adomo  réUblit  A 
Gènes  l'autorité  limitée 
du  duc  de  Milan.  94 

l^es  frères  Sforza  léduisent 


AM.  Pag. 

les  neichi  à  l'obélssnice.    96 
1477.  Mai.  Us  reviennent  à  Milan, 
dans  Tespérance  de  s'em- 
parer de  l'autorité.  Ib. 

26  mai.  Leur  confident  Do- 
nato  de  Conti  est  arrêté.    Ib. 

Ils  veulent  soulever  le  peu- 
ple, mais  ils  sont  forcés  à 
s'enfuir.  96 

Mort  d'Octavien  Sforza  au 
bord  de  l'Adda  ;  exil  de 
ses  frères  ;  victoire  com- 
plète de  Gecco  SImonéta.   Ib. 

CHAPITRE  IV. 

'  r  Conjuration  des  Paxxi. 

1478.  98 

1472-1477  Insignifiance  de  l'his- 
toire florentine  pendant 
plusieurs  années.  Ib. 

Pouvoir  vezatoire  que  s'ar- 
-    rogent  les  Médicis.  99 

Dissipation  de  lafortune  pu- 
blique pour  soutenir  leur 
commerce.  Ib. 

Partisans  des  Médicis,  et 
leurs  ennemis.  100 

Jalousie  de  Laurent  contre 
la  famille  des  Pazzl.  101 

Il  prive  Jean  des  Pazzi  de 
l'héritage  des  Borromei.    102 

François  Pazzl  quitte  Flo- 
rence pour  s'établir  à 
Rome.  104 

U  associe  sa  haine  A  celle  de 
SIzlelVetdeJérômeRla- 
rio.  Ib. 

Il  reconnaît  qu'il  ne  peut 
attaquer  les  Médicis  que 
par  une  conspiration.       105 

U  attache  à  son  parti  Fran- 
çois Salvlati,  archevêque 
nommé  de  Pise.  106 

1477.  Charles  de  Montone, 
enatiaquant  les  Siennais, 
les  indispose  contre  Flo- 
rence. Ib. 

Jacob  des  Pazzi  entre  dans  la 
conjuration  de  son  neveu.  107 

D'autres  ennemis  des  Médi- 


490 


TJUmB 


H§.  km* 


Pm. 


cb  se  Joignent  aux  eon- 

1472-1477.  10  décembre.  Ra- 
pbAél  RiArio  nommé  car- 
dinal à  dix-luiH  ans.  Ib. 
14T8.  Le  cardinal  Riario  revient  à 
Flomiee,  et  lei  conjura 
veulent  attaquer  les  Hé- 
dicis  pendant  ica  fêtes 
données  é  ee  eardinaL      109 

36  arvril.  Les  conjurés  atta- 
quent lea    deux   frères 

.  pendant  la  messe»  à  la 
cathédrale.  là, 

Julien  est  tué,  f^urcntse 
dérobe  à  ses  meurtriers,    1 1 0 

Laurent  se  retiré  chez  lui 
entouré  de  ses  amis.  1 1 1 

L'archevêque  SaWiali  vent^ 
pendant  ce  temps,  s'em- 
parer du  palais  ptH:»Kc.     112 

Le  gonfalonler .  s'éehap^ 
de  ses  mains,  le  fait  sai- 
sir et  le  fait  pendte  ailx 
fenêtres  du  palaiSg  1 13 

Efforts  inutiles  de  Jacob  des 
Pazzi  pour  animer  le  pen- 
pie.  114 

Tous  les  conjurés  massa- 
crés par  le  peuple  furieux.  là. 

Soixante-dix  citoyens  ihis 
co  pièces  dans  les  rues.    1 1 5 

Garactére  des  Pazzi.  1 1 6 

Attaque  des  alliés  contre  la 
république  florentine.       là. 

4  juin.  Bulle  de  Sixte  IV 
contfeélle.  117 

13  Juin.  Les  Florentins 
nomment  les  déeemvSrs 
de  la  guerre  pour  se  dé- 
fendre. 118 

Le  roi  de  France  et  d'autres 
souverains  veiident  dé- 
tourner Sixte  lY  de  la 
guerre.  119 

Le  cardinal  de  Pavie  con- 
SeHteàSixtelY  de  don- 
ner des  réponses  évasives.  Ib, 

Il  représente  la  cause  des 
conjurés  comme  devenue 
cdle  du  SaintpSiége.        1 20 


1478. Le   pape 

toute  l'année  de  répondre 
aux  ambassadelHra  de 
iFraUce»^^  et  se  prépare  â  la 
guerre.  121 

CHÀPïtl^ïr  t. 
Ôuerre  entre  Sixte  ÎV^ 
allié  de  Ferdinand  de 
NapleSt  èi  les  Floren- 
tif^s.  —  Génfis  recouvre 
sa  liberté.  Suite  et  fin 
de  la  guerre  de  Fenise 
contre  les  TutcàAVl^.  122 
La  dissimulation  des  eonspi- 
rateurs  ne  peut  étre^fcu- 
aéei  qu'en  raison  du  ésiè- 
ger  qu'ils  courenlii.  Ib* 

Les  souverains  qui  s'enga- 
gent dans  une  cen&pka- 
tlon  desceiftdent  an  rôle 
.  d'assassins.  l    123 

JLe  caractère  de  Sixte  IV 
corrompait  son  esprit  et 
dés.^onorait  ses  projets;     Ib, 
1478.  Ses  préparatifs  pour  la  gder- 

.  re ,  et  ceux  des  Fk>rentinf.  124 
30  aoûtt  Le  due  Hercule  de 
Ferrare  accepte  le  cam- 
ipandement  de  l'armée 
florentine^  125 

Conduite  suspecte  dndocde 
.  Ferrare.  ibt 

N  laisse  prendre  sMceessIve- 
m»t  le^  |»las  forts  ehà- 
,  teanx  des  Flor§nUns«,       126 
Novembre.  Il  met  ses  tron- 
.  pes  en  quartiers  d'hiver^.  127 
Lam-ent  de  Médieis  «e  Uent 
to^jours  éloigné  de  car- 
mée   qui   combat  poar 
hii.  /*. 

Les  Florentins  sollicitent  les 
secours  des  autres  pub- 
sanees.  128 

Ils  ontrecoqrs  à  Bonnes  ré- 
gente du  duché,  de  Milan.  129 
Le  roi  de  Naples  donne  à 
Bumne  des  occq^aliens, 
pour  l'empêcher  de  secou- 
rir les  Florentins*  Ib. 


GHROVaUNnQUE. 


491 


Plg. 

129 

131 
Ib. 

\n 
Ib, 

133 


1478.  Il  exdte  Proiper  Adomo  & 
soQleyer  Gènes. 

Sfonino  eiiYoyé  à  Gènes 
atec  ime  nombreuse  aN 
mée,  pottr  soumettre  celte 
▼ille. 

Robert  de  San-Sévérino  se 
charge  de  la  défense  de 
Gênes, 

7  août.  Bataille  sous  H  due 
Gemelli  entre  les  Mila- 
nais et  les  Génois. 

L'armée  des  Milanais  dé- 
faite et  dépouillée  par  les 
paysans. 

26 novembre.  Prosper  AdoN 
no  oblifé  de  céder  sa 
place  à  Baptiste  r  régdso. 

Les  Florentins  cherchent  à 

'  demeurer  en  paix  avec  fe 
gouyereement  de  Gênes.  134 

Peste  à  Florence  et  à  Venise.  1 35 

Négociations  des  Florentins 
aTec  Venise,  pouir  en  ob- 
tenir des  secours.  ib* 

Les  Vénitiens,  épuisés  par  la 
guerre  des  Turcs,  ne  peil- 
vent  secourir  Florence.      Ib. 
1475.  Leurs  efforts  pour  obtenir  la 

paît  de  Mahomet  II.  136 

Us  font  conduire  à  Venise 
les  fils  naturels  de  Jac- 
ques de  Lusignan.  Ib, 
1477.Acfamet,sangiakd*Âlbante,     ., 
met  le  siège  dcYant  Croia.  1 37 

2  septembre.  François  Con- 
tarini  défait  devant  Grola, 
par  Achmel.  Ib, 

Octobre.  Le  pacha  de  Boi- 
nie  attaque  le  Frioli.         138 

Acbmet  Giedik  s*empare  du 
pont  de  Goriza.  139 

Géronimo  Aorello  battu  sur 
les  bords  de  l'isonzo,  par 
les  Turcs.  Ib, 

Le  nord  de  l'Italie,  jus(|a'A 

ta  Piave,  ravagé  par  les 

Turcs.  140 

14781.  Les  VéniUens  foHifient  de 

nouveau  les  bords  de  TI- 

141 


AOD.  Mk. 

1478.Janfiier.  Ha  font  de  nbo- 
veAux  efforts  pour  «Menir 
la  paix.  141 

Mal.  Mahomet  rejette  les 
ootidUtoiia  qu'il  avait  lui- 
tnème  dictées;  142 

15  Juinv  Groia  se  rond  A 
Mahomet,  qui  yfole  la 
capitulation.  lè, 

Hahbmet  assiège.  Scatari .      143 

27  juillets  Assaut  terrible 
donneAScutari.  144 

Mahomet  s'empare  de  diver- 
ses places  de  l'Albanie.      1 45 

Il  attaque  de  nouyeao  le 
Frioli.  116 

Inquiétude  que  les  ifiRiires 
de  Chypre  donnent  à  la 
répobliiiue.  Ib. 

27  aoftt.  Les  Vénitiens  en- 
ferment dane  le  château 
de  Padoue  les  enfants  de 
.  Jacques  de  Lusignan.       147 

Extrémités  ou  la  ville  de 
Scatari  se  trouvait  ré- 
duite. Ib, 

1 8  novembre.  Le  sénat  prêt 
à    accepter   la    paix    à' 
toute  condition.  148 

1479;  26  janvier.  La  paix  est  Si- 
gnée avec  le  sultan,  par 
•  Giovanni  Dario,  ambas-* 
sadeur  de  Venise.  149 

La  république  donné  des 
pensions  aux  habitants 
de  Scatari,  qui  abandon- 
nent feur  patrie,  cédée 
aux  Tures.  150 

25  avril.  Là  paix  avec  les 
Tdrc^  publiée  à  Venise.      Ib, 

CHAPITRE  ^1. 

Sixte  If^atUre  les  Suis- 
see  en  Italie;  leur  vic- 
toire sur  les  Miianaii  à 
Giorniào,  —  Il  excite 
Louis-le-Maure  à  s'em- 
parer du  gouvemetnent 
de  Milan.  Détresse  de 
Laurent  de  Médicis  ; 
il  se  rend  à  JYapleè,  où 


402 


TABIiB 


Pjff.    ABB. 


il  Hgm  tm«  paix  qui 

omnpromet  Pindipen^ 
dance  de  la  Toscane. 
Projet  du  due  de  Cala-' 
bre  sur  Sienne;  révolu-- 
Hons  de  cette  républi' 
que.  1478-1480. 


151 


1479.  Jalousie  des  Italieu  contre 
Venise,  après  la  paix  de 
Gonstantinople.  Ib, 

Colère  de  Sixte  IV  contre 
enx.  162 

U  yeut  susciter  de  nouvelles 
guerres  en  Italie.  Ib. 

1476-1478.  (lommencement  du 
commerce  des  indulgen- 
ces en  Suisse.  1S3 

Sixte  IV  Ycut  appeler  les 
Suisses  aux  guerres  d'Ita^ 
lie.  Ib. 

Intrigues  en  Suisse  de  son 
légat  Guido  de  SpcHieto.    154 

Novembre.  Le  canton  d'Uri 
déclare  la  gueire  au  duc 
de  Milan.  155 

Les  Suisses  ravagent  le  voi- 
dnage  des  laos,  et  mena- 
cent Beilinzona.  Ib, 
1479.  Janvier.  Ils  défont  le  comte 

Torelli,  À  Giomico.  156 

Paix  entre  le  duc  de  Milaaet 
les  cantons  suisses.  Ib. 

Intrigues  de  Sixte  IV  avec 
San-Sévérino  et  les  frères 
Sforza.  157 

Faiblesse  des  Florentins 
dans  leur  guerre  contre 
RolMsrt  de  San-Sévérino.   Ib. 

Aitfmosité  des  soldats  de 
Bracdo  contre  ceux  de 
Sforza,  qui  servdientavec 
eux  dans  rarmée  floren- 
tine. 158 

7  septembre.  L'armée  des 
Florentins  défaite  au  Pog- 
gio-Imperiale ,  et  leurs 
forteresses  prises  par  le 
duc  de  Galabre.  Ib* 

'    Les  frères  Sforza  passent  en 
Lombardie.  159 


1479.23  août.  Tortene  te  rend  à 
Louis  Sforza ,  dit  le 
Maure.  159 

8  septembre.  Il  est  rappelé 
à  Milan  par  les  ennemis 
du  ministre  Cecco  Simo- 
néta.  160 

1 1  septembre.  Lonls-le- 
Maure  fait  arrêter  Simo- 
néta,  et  on  an  après  il  le 
fait  périr.  161 

1480.  7  octobre.  H  renvoie  la  du- 
cbesse  Bonne,  et  déclare 
son  fils  msjeur  A  douze 
ans.  Ib. 

1479.  Les  Vénitiens  et  les  Floren- 

tins veulent  opposer  René 
II  de  Loriraine  A  Ferdi- 
nand. 162 

Droits  de  René  II  à  repré- 
senter la  maison  d'An- 
jou. 163 

Les  ducs  de  Galabre  et  d'Ur- 
bin  Invitent  Laurent  de 
Médids  à  traiter  avec 
Ferdinand.  164 

Dissentiments  entre  le  roi 
de  Napies  et  le  pape  sur 
la  guerre  de  Florence.       165 

Dangers  de  la  situation  de 
Laurent  de  Médicis.  Ib. 

5  décembre.  Il  part  pour 
traiter  la  paix  à  Napies.  166 

1480.  n  est  reçu  A  Napies  avec 

les  plus  grands  hon- 
neurs. 167 

11  expose  A  Ferdinand  les 
principes  de  sa  polilique.  168 

Ferdinand  veut  s'assurer  si 
les  ennemis  de  Laurent 
ne  profiteront  point  de 
son  absence.  Ib. 

6  mars.  Ferdinand  signe  la 
paix  avec  la  république 
florentine.  169 

12  avril.  Laurent,  de  retour 
A  l'Iorence,  rend  son 
autorité  plus  absolue.        170 

Magnificence  et  prodigalité 

de  Laurent.  171 

Projets  de  Ferdinand  sur 


CHR<»l&Ï.Oi}IQU. 


m 


P«g.     AUB. 


^8. 


Sienne,  i^fA  l'avaient  en-* 
gagé  A  la  paix.  171 

1403«'1480.  Sienne  gooTernée  par 
'     les  trois  monts  réonis , 
des  Neafi  des  RMorma- 
tears  et  da  Peaple.  172 

Prospérité  de  la  répobUqne . 
sons  ce  goaTemement.      178 

Mécontentement  des  partis 
exclos  da  gouyemement.  Ib* 
1480.  22  juin.  Le  mont  des  Ré- 
formatenrs  exclu  da  goa- 
vemement  par  le  duc  de 
Galabre.  Ib» 

NoaTcaa  goaTemement  prêt 
à  soumettre  Sienne  aà 
toi  de  Naples.  174 

Sienne  sanvée  par  le  dé- 
barquement des  Tares  à 
Otarante.        ^  175 

CHAPITRE*  VU. 

Mahomet  .  II  t'empâte 
d'Oirantei  Sixte  ir 
effrayé  fait  la  paix  avec 
ùe  Florentine,  et  le  due 
de  Calabre  quitte  Sien- 
ne pour  délivrer  Otran- 
UMort  de  Mahomet  IL 
Nouvelle  guerre  allu^ 
mée  dane  toute  ritalie 
parSixtelF'tPourledur 
chideFerrare.  ilpaeee 
d'un  parti  à  Vautre,  et 
meurt  enfin  de  chagrin 
de  la  paix.  1480-1484.  176 
1480.  Expédition  de  Vahomet  II 
contre  l'Ile  de  Rhodes , 
commandée  par  Mésithés.  Ib» 

28  Joiliet.  Débarquement 
des  Turcs,  conduits  par 
Achmet-Giédik,AOtrante.  177 

1 1  août.  Prise  d'Otranle,  et 
massacre  de  ses  habitants.  Ib, 

Les  Vénitiens  avaient  favo- 
risé cette  Invasion,  et  le 
pape  était  accusé  d'y 
avoir  consenti.  178 

Effiroide  SixtelY ,  envoyant 
les  Tares  en  Italie.  Ib. 

Il  appelle  tons  les  Italiois  A 


la  défense  de  rÉgltse.       i79 

1480.7  août.  Le  duc  de  Calabre 
quitte  Sienne  pour  défen^  - 
dre  le  royaume  de  son 
père.  >  180 

Le  pape,  effrayé,  consent  A 
se  récondlieravecies  Flo- 
rentins. A. 

8  décembre.  Pénitence  des 
Florentins ,  et  discours 
que  leur  adresse  le  pape.  181 
1481.  Mars.  Les  Florentins  recôo- 
vrejnt  leurs  forteresses, 
sut  les  firontières  de  Té- 
tât de  Sienne.  188 

Paul  Frégoso  envoyé  par 
SIxIe  I Y  contre  Otrante.   Ib. 

8mal  1481.  Mort  de  Maho- 
met II,  qui  met  un  ter- 
me  à  la  terreur  de  nulle.  184 

10  août.  Otrante  reprise  par 
le  duc  de  Galabre.  Ib. 

1480.4  septembre.  Le  pape  dé- 
pouille les  Ordelaffi  de  la 
principauté  de  Forli,  et 
la  donne  A  son  npveu  Jé- 
rûme  Rlario.  185 

Extorsions  par  lesquelles  le 
pape  relève  ses  finances.  186 
1481.  Il  envoie  Rlario  A  Venise, 
pour  s'allier  avec  cette  ré- 
publi(;^e.  187 

Rlario  songe  A  partager  avec 
Venise  les  états  du  duc 
de  Ferrare.  Ib. 

Griefs  de  la  république  de 
Venise  contre  le  duc  de 
Ferrare.  Ib. 

1482. 8  mai.  Le  pape  et  la  répa- 
bUque  déclarent  la  guer- 
re au  duc  de  Ferrare.        188 

Ligue  da  roi  de  Naples,  da 
duc  de  Milan  et  des  Flo- 
rentins, pour  le  défendre.  189 

Gœrre  des  seigneurs  de 
châteaux  dans  l'état  de 
Rome.  Ib. 

Gaerre  des  Fieschi  en  Llgo- 
rie,  et  desRossi  dans  l'é- 
tat de  Parme.  Ib» 

Difficulté  de  la  gaerre  dans 


494 


^AMtM 


m*  A^B* 


«nie» 


duP6.  190 

Hsa.Boberi  de  Sw-Séyédno, 
glanerai  de#  Vé^iËeDs, 
soumet  plasiem  chft- 
teau^-forlf.  191 

f^rédérie  dé  ftfonUleltro  est 
nommé  général  de  la  li- 
gue qui  Refend  Fer^jre.     1 92 

jLJp  ermite  Yeut  d^fîendre  Ff- 
ghérnolo  par  un  m^acle.  193 

21  août.  L>  duc'die  Câlabre 
déCait  À  Çampo-jiforto , 
près  de  yejtetri,  par  Ro- 
bert Malate^ti,  génial  du 
pape.  194 

Ingratitude  4vl  p^  pour 
^alatesti,  ipo^t  jwi0oi- 
sonné  le  1 1  sep^eiait^e       1 95 

1 1  septembre.  ^(>A  ^  Fré- 
déric de  MontéJSeltro,  duc 
d'UrbIn.  Ib. 

1 4  octobre.  Première  ouver- 
ture de  pa|x  entre  Sixte 
IV  et  Ferdinand.  197 

1 2  décembre.  S|itelV  aban- 
donne les  y.éniUens  et 
S*alta.cbeà|aUgneoppoçée.  Ib, 

H83.  i,Q  janvier.  Il  publie  un  ma- 
nifeste contre  les  Yéni-  ' 
tiens,  et  lés  excommunie 
ensuite.  198 

?8  lévrier.  Congrès  de  Cré- 
mone pour  aittaquer  les 
Vénitiens.  Ib, 

U  gueire  se  lait  avec  ^e 
extrême  mpJle^^e.  199 

Guerre  de  Toscane  faite 
pluf  lâcbemeht  encore.      200 

9  mai.  Traité  des  Vénitiens 
ayec  Kené  II  ^  liorraine, 
qu'ils  jireçnent  ^  leur 
sc^de.  201 

30  aoàt.  Lamortde  Louis  XI 
oblige  Renë  i  retourner 
en  Lorraine.  Ib, 

24  mai.  Sixte  IV  excommu- 
nie les  Vénitlqos.  202 

19  novembre.  jU  fait  cardi- 
nal son  valet  ^e  cba^^ibre, 


1484.  Vm  et  jirit.  Ut  iotte 
TénitieoDe  prend  au  roi 
4eNap|es<ïa)lipoHèt9o- 
licastro.  203 

Le^GoioBiit  poursulti^aTec 
acbamemeut  ^ar  Elario , 
à  Rome  çtdani  leurs  iefs.  204 
H73.  Supplice   du  protÔQptaire 

Louis  Goloom*  205 

JS^égociations  de  I^WVme 
l^^rio,  pour  s'empa|!gr  4e 
RimUii  et  de  Pésarq.         Ib, 

aelroidissanwnt  entre  les 
alliés.  206 

i5}uHle(.l|lQKi.deFi4dénc, 
marqnisde  Mantou^.        Ib. 

NégociatiopH»  de  Robert  de 
San-Sévéïr^  aveoLoni»- 
le*Maure.  207 

7  août.  Paix  d^J^agpolo  en- 
tre la  H^eet  les  Vénitiens.  Ib, 

Les  états  les  plus  familles  sa- 
crifiés pir  la  iMâi'dèBa- 
gn<^*.  '^  Ib. 

Mécontentemem  du  pape 
loi-squ^il  apprend  les  né- 
gociations.      '  209 

12  août.  Il  refuse  iFipprou- 
ver  et  île  bénir la^x.     Ib. 

13  août.  Il  meurt  m  bout 
de  quelques  lieures  d'un 
accès  de  goutte  reaw&tée.  210 

Son  goût  pour  les  cembats  à 
outrance.  Ib, 

qiiPiTitE  ym. 

Election  4' Innocent  yf^J- 
Ce  pape  faif  déclifrer  la 
guerre  entre  Ferdinand 
et  ses  barons.  —  Le  <wr- 
dinal  Paul  Frégoso , 
doge  de  Gênes,  —  Con» 
quête  4e  iSarzane  ]far 
les  Florentins. — ^nar- 
chie  et  pacification  de 
Sienne,  —  Conjuration 
contre  Jérûmo  R^iario 
et  contre  Galéotto  Mon- 
fridi.  1484-1488.  211 

Autorité  des  caritinai»  dans 
I'£^  roHMlAV,  A. 


GHROfiOIiOGIQUS. 


495 


Pag.   âin. 


»«g. 


GowmMU  le  pape  tes  Césait 
cédera  868  tiioBtéfl.        212 

A  el)e<iae  élecllen  tes  cardi- 
naux essayaient  d*  res- 
treindre les  piérogaftiYes 
du  pape.  21^ 

Mais  les  papes  se  déga- 
geaient de  leurs  sennenis, 
en  verta-deleMrsttpréma- 
tie.  Ib, 

Le  4roit  du  parjcue  garanti 
an  Saint-Siège  par  one 
Imite  d'Innoeent  VI.         2U 

Opposition  des  plus  ver- 
toeoz  enrdiaaax  A  eeican- 
date.  216 

1484 Xondiltens  imposées  au  pape 
ttOstf  après  la  mort  de 
Siite  lY.  Ib. 

29  août.  Jeao-Baptiste  Gybo 
éla  pape  sons  le  nom 
û'InmùGont  Fin.  216 

Il  avait  ao^té  les  Tttix  des 
cardinaux  par  des  mar- 
eh^  secnets.  217 

Garactèned'tonooent  VIII.   Ib. 

Innocent  VIII  se  montre 
l'ennemi  de  Ferdinand.    218 

Haine  des  aqjets  dé  Fer- 
naAdjQopJtreLi^.  Ib, 

Innocent  interrompt  le  com- 
merce de  monopole  éta- 
bli entre  Sixte  iV  et  Fer- 
dinand. 219 
1485.  Indépendance    des     habi- 

tanls  d'Àquila.  220 

28  Juih.  Us  sont  privés  de 

'  léiàrs  droits  par  le  dac 
de€a!abre.  221 

Octobre.  Ii^nocent  VIII  les 
prend  sous  sa  protec- 
tion. Ib. 
.  Assemldée  A  Melfî  des  ba- 
rons napoKtains  ennemis 
du  roi.                             222 

Le  duc  de  Galabre  attaque 
les  barons  mécontents.      223 

Les  Florentins  et  Louis  Sfor- 
za  promettent  leurs  se- 
cours A  Ferdinand.  Ib. 

I^égociatioiu  des  toons  de 


Napifis  et  d'Imeoeiil  VIII 
avec  René  H.  224 

1485.  Le  roi  envoie  Frédéiio,  son 

fils»  poor  oflSnr  aux  barons 
les  conditions  les  plus 
avantageuses.  Ib. 

Ferdinand  faft  maielief  te 
dno  de  Galabre  contre 
Rome.  225 

1486.  Négœiattons  des  Florentins 

pour  faire  f  év^eiter  l'Ëtat 
del'EgKse.  226 

8  moi.  Victoire  du  duc  de 
Galabre,  an  pont  de  La- 
mentana ,  stms  effusion 
de  sang.  Ib. 

Innocent  Vlil,  elfi«yé,  vent 
faire  te  paix.  227 

Médiation  de  Ferdinand  et 
d'IsabeUe,  rois  d'Arragon 
etdeGastille.  Ib. 

11  août.  Traité  de  Rome, 
par  lequel  Ferdinand  ac- 
corde au  pape  et  aux  ba- 
rons toutes  leurs  deman- 
des. 228 

13  aoDit.  Ferdinand  fait  pé- 
rir ceux  de  ses  ennemis 
qu'il  peut  saisit  A  Naples.  Ib, 

Septembre.  Il  s'empare  d'A- 
quila ,  et  en  cbasse  les 
troupes  du  pape.  229 

10  octobre,  il  arrête  et  fait 
périr  tous  tes  barons  aux- 
quels il  avait  accordé  la 
paix.  Ib. 

Robert  de  San-Sévérino , 
aband(»mè  par  le  pape  , 
est  mis  en  déroute.  230 

Le  pape  se  soumet  A  la  vio- 
lation de  la  paix  de  Rome.  Ib. 

11  se  réconoitte  avec  Lau- 
rent de  IMédicis,  et  lui 
doiMieloute  sa  confiance.  231 

1487.  Novembre.  U  fait  épouser  A 

son  fils  une  fille  de  Lau- 
rent, et  promet  au  fils  de 
Laurent  un  chapeau  de 
cardinal.  233 

MSe.MédiaUon  de  Médicis  pour 
terminer  la  guened  Osi-* 


496 


TAmJS 


Hf.    AiB. 


n«. 


mo>  dont  te  MigDéfir  ap- 
pelait les  Turci  dansFEtat 
deTEgltee.  233 

1483. 25  noYembre.  Paol  Frégoio 
arrête  son  neveu  Baptiste, 
et  se  fait  doge  de  Gènes.  236 
1 484.  Sardane  et  Piétra-Santa  oé- 
déa  à  la  banque  de  Saint- 
George  de  Gênes.  Ib. 

Octobre.  Les  Florentins  aa- 
siêgent  Piêtra-Santa.       237 

Maladies  cruelles  dans  te 
camp  des  assiégeants.     238 

8  Novembre.  Piétra-Santa 

se  rend  aux  Florentins.      Ib. 

1485-1486.  Négocialions  pour  la 

paii  entre  Paul  Frégoso 

et  Laurent  de  Mêdids.    239 

1487. 22  mai.  Prise  de  Sarzane 

par  les  Florentins .  Ib. 

Juillet.  AlUance  de  Paul  Fré- 
goso et  de  Louis  Sforza.    240 

1^8  anciens  partisans  de 
Paul  Frégoso  se  réunis- 
sent aux  Adorni oontrelui.  Ib. 
1488. Août.  Paul  Frégoso,  atta- 
qué par  les  Fiesques  et  lea 
Adorni,  se  réfugie  dans 
la  forteresse.  241 

Guerre  civile  dans  Gènes.      242 

Projet  de  parUge  de  la  ré- 
publique entre  les  Adorni 
et  les  Frégosi.  243 

Augustin  Adomo  est  ren- 
voyé en  exil  dans  le  Friuli.  Ib» 

Octobre.  Paul  Frégoso  se  re- 
tire à  Rome ,  où  U  meurt 
le  2  mars  1498.  244 

Laurent  de  Médicis  Jaloux 
de  toutes  les  républiques.   Ib, 

Troubles  de  Sienne,  qu'il 
envenime.  245 

1483. 14  juin.  IV  s'alKe  aux  déma- 
gogues de  Sienne.  246 
1487  .Tous  les  émigrés  de  Sienne, 
quoique  departisopposés, 
font  la  paix  entre  eux.       Ib, 

21  juillet.  Ils  partent  de 
SUggia,  où  ils  s'étaient 
réunis,  pour  surprendre. 
Sienne.  247 


1487. L6  gdmrenietattil  léroki- 
tionnaire  de  Sienne  est 
renversé  par  une  poignée 
de  conjurés.  248 

Tous  les  ordres  admis  de 
nouveau  au    gouverne- 
ment de  Sienne.  249 
1 488 .  Conjurations  dans  les  petites 

principautés  de  Romagne.  Ib. 

14 avril.  Jérôme Riario as- 
sassiné à  Forii  par  ses 
gardes.  251 

Courage  de  sa  veuve,  Cathe- 
rine Sforza.  Ib. 

29  avril.  OcUvien  Riario 
succède  &  son  père,  sous 
la  tutelle  de  Catherine.      252 

31  mai.  Galéotto  Manfrédi, 
seigneur  de  Faenza,  as- 
sassiné par  Ftancesca 
Benlivoglio,  sa  femme.      Ib* 

Jean  Bentivoglio,  seigneur 
de  Bologne,  vient  à  Faen- 
za  pour  secourir  sa  fille, 
et  il  est  fait  prisonnier 
par  les  habitants.  253 

Avantages  que  retire  Lau- 
rent de  Médicis  de  ces 
deux  révolutions.  254 

CHAPITRE  IX. 

La  reine  CatheHne  Cor^ 
naro  aboÊuUmne  Vile  de 
Chypre  aux  Vénitiens, 
ZizimàRome.  —As-  . 
pos  apparent  de  toute 
l'Italie.-^Etat  de  l'Eu- 
rope, et  pronoetiee  de 
nouveaux  orages.  — 
Mort  de  Laurent  de 
Médieie  et  d'Innocent 
FUI.  1488-1492.  255 

Fermeté  de  la  république  de 
Venise  dans  ses  rapports 
avec  le  pape.  Ib. 

1487. Guerre  des  Vénitiens  avec 
Sigismond,  comte  de  Ty- 
rol.  256 

9  août.  Robert  de  San-Sé- 
vérino  y  est  tué  auprès  de 
l'Adige.  257 


CHROHOLOGIQUE. 


497 


H§.     âBft. 


Pa«. 


1487.6aeiTe  eûtre  B^azelh  II  e( 
Cait-Bai,  soadan  d'É- 
«Tpte.  258 

liSS.Août.  Défaite  de  Tannée 
tarque  |Mur  les  Mamelucks, 
à  Isstti.  Ib. 

Lesénat  de  Yanlie  enprend 
pccaaioiide  fdreer  Cathe- 
rine Goroiho  à  abdiquer 
la  eowponnt  de  Gliypre.     269 

1489.24  Ja^Tier.  George  Gomaro 
serend  aoivrés  de  sa  toear 
pour  rengager  àoédersôn 
royaume.  Ib. 

15  février.  La  reine  prend 
congé  des  habitants  de 
Nleosle.  260 

20  Juin.  Elle  se  retire  à  Aso- 
lo ,  dans  le  Trérisan.        Ib. 

i  482.  Jem  ou  Zlzlm,  frère  de  Ba- 
Jazeth  II,  se  rétagie  à 
Rhodes.  261 

1482-1479.  Il  Tit  en  Aoyetgne, 
dans   une  commanderie 
de  Tordre  de  Saint-Jean.  Ib. 
18  mars.  H  fait  son  entrée  à 
Rome  en  grande  pompe.   262 

] 490. Mal.  Complot  décontert  à 
Rome,  pour  assassiner 
Jenu  263 

14S4-1482. Malfaiteurs  impuais  à 
Rome.  Vénalité  de  la  Jus- 
tice. 264 

l490.Fausses  bulles  vendues  au 
nom  du  pape,  pour  auto- 
riser les  crimes.  265 

1478-1492.  L'esprit  de  persécu- 
tion croissait  atec  rim- 
moralité  du  clergé.  266 

1478-1482.  L'inquisition  établie 
en  Espagne  par  Sixte  IV, 
en  chasse ,  pendant  son 
règne,  170,000  familles 
Juives.  267 

ISÉbéHe  excusée  d'avoir  con- 
fisqué les  biens  des  Juifs 
par  cupidité.  Ib. 

I482.TOUS  les  écrivains  du  siècle 
approuventia  persécution, 
en  M&mant  tout  au  plus        { 
les  moyens  employés.      268  ' 


1482.LesJaifs  exilés  apportent  la 
peste  à  Gènes  à  leur  pas- 
sage. 269 

1487.12  mars.  Tentatives  d'un 
mohie  poar  faire  massa- 
crer les  Juifs  à  Florence 

et  à  Sienne.  16. 

1 492 .Tentatives  d'un  autre  moine 
pour  exciter  une  persécu- 
tion A  Naples  270 
Persécution  de  la  vaudoisie 
A  Arras.  Ib 

1486. 30  sept.  Innocent  VIII  or- 
donne aux  magistrats  ita- 
liens d'exécuter  les  sen- 
tences des  tribunaux  d'in- 
quisition sans  examen.  271 
Les  plus  violentes  persécu- 
tions ont  commencé  qua- 
rante ans  avant  la  réfor-  2 
mation.  27 

1 4  89 .  Mars .  Innocent  VIII  nomme 
Jean  de  Médicis  cardinal 
à  l'Age  de  treize  ans. 
Arrogancede  Laurent  de  Mé- 
dias ,  dans  le  gouverne- 
ment de  Florence.  274 
Les  Annales  florentines  sans 
intérêt  A  cette  époque.       Ib . 

1490. 13  août.  Les  Florentins  font 
faire  banqueroute  A  l'état, 
pour  sauver  Laurent  d'u- 
ne banqueroute.  276 

1462-1606.   Puissance  de  Jean  iKP^- 
Bentivoglio  A  Bologne.      277 

1488.27  novembre.  Conjuration 
des  Malvezzi  contre  Benti- 
voglio, et  leur  suppHce.     278 

1491 . 6  Juin.  Conjuration  des  Od- 
di  A  Pèrouse,  contre  les 
BagUonI,  et  leur  défaite.  279 

1490.  Le  duc  de  Milan  consent  de 
tenir  Gènes  en  fief  de  la 
France.  280 

148$«1 492 .  État  des  autres  puis- 
sances de  l'Europe.  La 
France  gouvernée  par  la 
dame  de  Beanjeu.  Ib 

Maximllien  en  lutte  avec  les 
Flamands,  et  Frédéric  III 
chassé  de  l'Autriche.        281 
32 


498 


TABLE 


Pig.  ABU. 


1400.5  avril.  Mort  de  MattliiaB 
Gorviniu  ;  gûeiTes  civiles 
de  Hongrie.  281 

1486-1492.  La  route  des  Indes  et 
celle  de  l'Amériqae,  ou- 
vertes an  Portugal  et  à 
l'Espagne.  982 

1492. 2  Janvier.  Grenade  prisepar 

les  rois  d'Espagne.  283 

Formation  des  grandespois- 
sances  qui  doivent  rem- 
placer les  petites,  sar  la 
scène  de  Thistoire.  Ib, 

Une  nouvelle  époque  devait 
nécessairement  commen- 
cer. 284 

Laurent  de  Médicis  ne  re- 
tarda point  la  révolution 
qui  se  préparait.  285 

Le  projet  de  Néri  Capponi  et 
de  Siite  lY  aurait  seul  pu 
sauver  rindépendance  ita- 
lienne. 286 

Louis-le-Maore,  en  appe- 
lant les  Français  en  Italie» 
ne  fit  que  ce  qui  s'était 
fait  vingt  fois  avant  lui.    Ib. 

A  juin.  Paii  de  Ferdinand 
deNaples  avecTéglise.  '287 
1490.27  septembre.  Léthargie 
d'Innocent  VIII ,  pen- 
dant laquelle  on  le  croit 
mort.  288 

1492.Tentotlve  d'un  médecin 
pour  rajeunir  Innocent 
VIII  par  la  *  transfusion 
dusang.  ^        289 

25  Juniet;  Mort  d'Innocent 
VIIL  ;  Ib. 

8  avril.  Mort  de  Laurent  de 
Médicis.  Jb. 

,    .    PoHlique  dé  Laurent  de  Mé- 

dlds.  &, 

Son  eitrème  aptitude  aui 
arts,  à  la  poésie  et  à  la 
philosophie.  290 

Charme  de  son  caractère, 
qui  contribue  encore  au- 
jourd'hui è  sa  célébrité.    291 


CHAPITRE  X. 

Conêidératitms  iur  le  ea» 
raetère  et  les  rivolutions 
du  xy«  sièele.  294 

Eut  de  prospérité  de  l'Itafie 
au  moment  où  s'engagea 
la  lutte  pour  son  indépen- 
dance.. Ib. 

Importance  de  l'époque  où 
nous  nous  sommes  arrêtés.  Ib. 

Jusqu'en  1492,  l'Italie  oc- 
cupa le  premier  rang  en- 
tre les  nations  eoropéea- 
nes.  295 

Calamités  qui  commenoè- 

-  rent  à  cette  époque,  el 
qui  réduisirent  fltalle  en 
servitude.  Ib, 

Coup  d'œil  sur  l'histoire  en- 
tière de  l'ItaUe.  296 

Est-on  fondé  A  accuser  les 
Italiens  d'avoir  mérité  de 
perdre  leurindépendancef  297 

La  nation  la  plus  sage  ne 
peut  point  endialner  tons 
les  événements  qui  font 
sa  destinée.  Ib. 

La  nation  anglaise  a  couru 
plusieurs  fois  les  chances 
'  qui  ont  perdu  l'Italie.       298 

Les  Italiens  n'auraient  point 
sauvé  leur  indépendance 
en  se  réunissant  en  une 
seule  monarchie.  Exem- 
ple des  Epagnols.  Ib. 

L'Italie  ne  pouvait  résister 
à  toutes  les  nations  qui 
l'attaquèrentA  la  fols.       299 

Une  guerre  civile  pouvait 
également  ouvrir  l'Italie 
aui  étrangersv.quand  elle 
n'aurait  tows^-  qu'une 
seule  monarchie.  309 

Droits  éventdelft  de  soeoes- 
sion  qu'une  monarchie 
laisse  toiijours  auxétran- 

'  gers.  301 

L'Italie  aurait  plutôt  pu  être 
sauvée  par  l'union  de  ses 
vépubtiques.  302 


GHROHOIiOGlQUS. 


499 


Les  éUtf  de  ritalie  éUlent 
aussi  puissants  au  xv»  siè^ 
de  que  ceux  de  la  France 
et  de  l'Allemagne.  803 

L'Italie  ne  pouvait  prévoir 
le  danger  qu'elle  coih 
rait.  304 

L'affaiblissement  de  l'esprit 
de  Wbené  en  IUlie  dimi« 
nua  sa  force  de  résistance.  /6. 

Diminution  considérable 
dans  le  nombre  des  ci- 
toyens souverains.  30& 

La  puissance  d'une  républi- 
que sur  elle-même  aug- 
mentée par  la  participa- 
tion de  tous  à  la  souve- 
raineté.' U, 

Le  Joug  imposé  sur  les  cités 
sujettes  des  républiques» 
aggravé  pendant  le  xv« 
siècle.  306 

Diminution  de  la  liberté  po- 
litique dans  les  capitales 
mêmes  des  républiques.  307 

Diminution  du  sentiment 
d'indépendance  dans  les 
principautés  italiennes 
pendant  le  xv»  siècle.        808 

Un  grand  nombre  des  an- 
ciennes dynasties  élevées 
par  le  peuple  perdit  au 
xy«  siècle  sa  souverai- 
neté. Ib, 

Les  états  monarchiques  ces- 
sèrent de  s'appuyer  sur  on 
principe  de  légitimité.       309 

Malgré  ces  germes  de  désor- 
dres futurs,  le  xv«  siècle 
fut  un  temps  de  haute 
prospérité.  311 

Grands  hommes  qui  brillè- 
rent au  xv«  siècle.  Ib. 

Les  guerres  du  xy«  siècle  se 
firent  avec  humanité.       812 

La  milice  italiennese  fit  hon- 
neur à  cette  époque  aux 
yeux  des  ultramontains.    318 

Enthousiasme  de  toute  la 
nation  pour  les  lettres.       Ib. 

Créjdit  politique  des  gens  de 


Pag.  ABB.  Pag. 

lettres  dans  tous  les  états 

,  d'Italie.  314 

Emulation  exdtée  par  le 
grand  nombre  des  petits 
étau.  Ib. 

Grande  diflérence  entre  les 
provinces  et  les  ea|rftales» 
pour  les  progrès  de  la  d- 
vilisation.  31  & 

UUIité  pratique.  BésuUat  du 
progrès  des  sdences.         31 0 

L'histoire  d'un  pays  libre 
met  en  évidence  toutes 
les  soufflrances  des  indiyl- 
dus  ;  celle  d'un  pays  as- 
servi les  dissimule.  317 

Recherche  du  bonheur  réel 
d'une  nation  dans  cha- 
cune des  classes  de  la  so- 
délé.  318 

Etat  de  bonheur  des  paysans 
italiens,  comparé  à  celui 
des  autres  nations.  319 

Prospérité  de  l'agriculture 
au  xve  siècle.  Ib. 

Les  provinces  aujourd'hui 
désertes  étaient  alors  cul- 
tivées. 830 

Les  paysans  italiens  étaient 
alors  enfermés  dans  des 
bourgades.  321 

Importance  politique  que 
leur  donnait  cette  réunion.  Ib, 

Condition  du  peuple  des 
villes,  bien  plus  heureuse 
qu'aujourd'hui.  322 

Activité  de  toutes  les  manu- 
factures. 323 

Les.  artistes  contribuaient 
aussi  à  la  prospérité  pu- 
blique. Ib. 

Activité  du  commerce  ita- 
lien, exercé  par  la  pre- 
mière classe  de  la  nation.  324 

Augmentation  prodigieuse 
du  capital  italien.  325 

Espérance  toujours  offerte  A 
tout  père  de  famille.         326 

Prospérité  des  arts  et  des 
lettres,  preuve  nouvelle 
decdSB  de  la  nation.      Ib. 


500 


TABUt 


Pag,      AU. 


Fag* 


toutes  les  conitractions 
da  xv«  siècle ,  con- 
trastant avec  la  misère 
actaelle.  837 

lia  magnificeDCè  de  Tltalia 
était  alors  toute  sponta- 
née; il  ne  faut  point  la 
confondre  avec  le  faste 
des  goaveraements.      .  828 

On  trouve  partout  les  monu- 
ments du  bonheur  onit 
versel  au  xv«  siècle  : 
dès  lors  on  n*a  vu  que 
des,  événements  qui  pou- 
vaient le  détraire,  /6. 

CHAPITRE  Xt. 

ÉleeUond'Alexandre  ri; 
projetg  de  réforme  de 
Jérôme  Savonarole  ;  tya- 
nité  de  Pierre  de  Mi- 
dieigf  nouveau  chef  de 
la  république  florentine, 
Louie  Sforxa  invite 
CharUe  FUI  à  faire 
valoir  eee  droits  sur  le 
royaume  de  Naples;  fer- 
mentation de  toute  l'I- 
talie, —  Ferdinand  /«' 
m^eurt  avant  d'être  at^ 
taqué.  1492-1494.  830 

La  puissance  temporelle  des 
papes  s'était  accrue  pen- 
dant le  xve  siècle.  Ib. 

Us  se  trouvaient  À  la  tète  de 
la  confédération  des  états 
indépendants  de  VlMe .  881 
1492.25  joiUet.  Leur  pouvoir 
éprouva  une  crise  fâcheu- 
se à   la   mort   d'Inno- 

.  centYIlI.  Ib. 

Egolsme  des  vingt -trois 
eardinaox  rassemblés  en 
conclave.  332 

Crédit  et  richesse  de  Rodé- 
ric  Borgia',  vice- chan- 
celier. 333 

licBnrsdeBorgia>  et  sçs  cinq 
enfants.  334 

Rivaux  de  Borgia,  Ascagne 


Sfona  et  Julien  de  La  Ro- 
vére.  384 

1402.11  août.  Élection  simoBla- 
que  de  Borgia,  qui  prend 
le  nom  d'Alexandre  VI..    335 
Joie  des  Romains  au  com- 
mencement de  son  règne.  336 
Désir  de  réforme  qtd  se  ré- 
pand dans  la  chrétienté.  337 
Caractère  de  la  réforme  , 
telle  qu'elle  fui  entreprise 
en  Italie.  Ib. 

1452.21  septembre.  Naissance  de 

Jérôme  Savonarole.      .   838 

1 48  J .  Premières  prédications  pro- 
phétiques de  Savonarole.  339 

1489 .Arrivée  de  Savonarole   à' 

Florence.  840 

La  réforme  de  Savonarole:    ^x 
ne     s'étendait     qu'aux 
mœurs  et  à  la  discipline» 
et  ne  touchait  pomt  au 
dogme.  Ib. 

1492  Savonarole  refuse  l'absolu- 
tion k  Laurent  de  Médicla 
BU  Ht  de  mort,  parce  qae 
celui-ci  ne  veut  pas  ren- 
dre la  liberté  à  Florence.  341 
Vanité  et  incapacité  de  Pier- 
re, qui  succède  à  Laurent 
de  Médlds.  842 

1493.  Jalousie  de  Pierre  de  tfédi- 
cis  contre  ses  cousins,  fils 
de  Pier-Francesco ,  quil 
exUe  de  Florence.  343 

fiiavonarole  prêche  k  Floren- 
ce la  réforme  politique , 
aussi  l^en  que  religieuse.  844 
Savonarole  menace  l'Italie 
des  calamités  que  devait 
lui  apporter  la  guerre.  Ib. 
Pronostics  d'une  guerre  pro- 
chaine dans  les  préten- 
tions de  la  maison  de 
France,  héritière  de  celle 
d'Anjou.  Ib. 

Louis-  le-Maure ,  gouver- 
neur de  Milan,  veut  réu- 
nir l'Italie  contre  les  nl- 
tramontains.  345 

Pierre  de  Médlds  s'oppose 


CHAOHOIMIIQUE. 


sot 


plurv«Dilééo0tt«iiidotf.  146 
1493.1iritati(mde  LoaiSN.|e^Biaii- 
re,  et  mm  inralétiKle  sur 
FaUlance  Beciéteide  Pierte 
de  Médlds  &ftc  Fordi- 
Dand  de  Na^let.  846 

1%  atrtl.  Il  forme  une  d- 
iianœ  séparée  avec  Ve- 
nise et  Alexandre  VI.        847 

Louis- le  -  Manie  craigiullt 
qne  le  roi  de  Naples  ne 
Yonlût  protéger  son  ne- 
Ten  contre  lui.  846 

Incapacité  de  Jean  Galéas 
SCona,  souyeraln  nomi- 
nal de  Milan.  349 

Rivalité  de  sa  femme  Isa- 
belle d'Aragon,  et  deBéa- 
tiix  d'Esté ,  femme  de 
Loids-lMIIaiire.  Ib. 

20  août.  Haiimltten  soc- 
cède  à  son  père  l'empe- 
reur Frédéric  III.  860 

Lonis-le^Maore  marie  sa 
nièoe  A  Maximilieny  et  ob- 
tient secrètement  pour 
lut-mème  rimrestitaredn 
ducbédeMUan.  76. 

Il  recherche  TalUance  de  la 
France,  avant  de  dépouil- 
ler son  neveu,  et  de  firen- 
dre  lu^môme  le  titre  de 
duc.  351 

1483. 30 août.  Charlce  VIII  «valt 
succédé  àcoii  pèreijoiili 
XL  Ib. 

Caractère  de  Qhirlei  VIII, 
d'après  Gnicctaidim  et 
Philippe  de  Gomlnes.        362 

6a  figure  moMlraeaie  et 
son  IneapttdlA.  Ib. 

I493?0(fteft  d'^aillanee  de  Louis- 

le-MaureiûharlMVIll.  363 

NégoclattODS  du  comAe  de 
Oiiaxf 0,  de  eenoeri  «vee 
lea  émigrés  napOUUtas.     864 

KégodattOM  du  eomte  de 
Beigiolee»a«pfès  des  fa- 
voris de  Oharies  Vlli.      Ib. 

ConvemlODi  enire  Lools-le- 
Maore  et  Charles  VIII , 


amk  PS» 

arrêtées  par  Mconnetet  le 
sénéchal  de  Beaocaire.     365 
1493.  MégodationsdeCharies  VIII 

avec  toufl  ses  voisins. ,  356 
1492.8  novembre.  Traité  d'EU- 
plesa?ec  Henri  VU  d'An- 
gleterre. Ib, 
1493. 23  mai.  Traité  de  Senlis 
avec  MaiimlUen»  roi  des 
Romains.  Jb, 

19  Janvier.  Traité  de  Barce- 
lonne  avec  Ferdinand  et 
Isabelle  d'Espagne.  367 

Zfégociatlons  de  Pemm  de 
BaschI  à  Venise.  Ib. 

L'ambassade  française  passe 
à  Florence.  358 

1494«Puls  A  Sienne.  Jb. 

Et  enfin  à  Rome.  369 

Négociations  de  Ferdinand 
avec  Charles  VIII ,  par 
l'entremise  de  Camillo 
Pandone.  359 

Son  aliianee  avec  le  pape,  et 
mariage  de  Geoffroi  Bor- 
gta.  360 

Onvertores  de  réconciliation 
faites,  par  Ferdinand  A 
Leois^le-fllaure.  Ib. 

Préparatifs  de  guerre  de 
Ferdtaiattd.  361 

Mouveanméconlentenientet 
artifices  du  pape.  362 

Amnentation  de  toute  l'I- 
talie. Ib. 

Fterdhiand  pense  A  s'abou- 
cher A  Gènes  avec  Louis- 
le^laiin.  363 

34  Janfier.  Il  meurt  iiK^iiné- 
menté  l'Age  de  70  ans.     Ib. 

Caractère  de  Ferdinand  et 
desonrèpie.  364 

Sa  fignaett  ses  manières.      866 

CHAPITRE  XIÏ. 

PrépamUft  dé  déftniê 
d'Aifimsê  II.  —  Pre-^ 
mtèfêê  aUagues  dei 
Frmnpmi9  dam  l'étai  de 
GéiU$  et  en  Romagne. 
—   EnUrie   de   Ckar- 


502 


'TAS&S 


ADO.  C3lg. 

UiFïilmimU.  — 

Pierre  de  Médieiê  lui 
livre  toutes  lee  forte- 
reêseê  de  la  Toscane 
—  Révolte  de  PUe;  té- 
volution  de  Florence! 
exil  des  MédieU.  366 

Quelques  rérolations  s'opè- 
rent en  dépit  de  Tbabi-- 
leté,  d'autres  en  dépit  de 
riropéritie  réciproques.      Ih, 

La  guerre  d'Italie  fut  soute- 
nue avec  une  égale  mal- 
habileté des  deux  parts.    367 
1494.26  janvier.  Alfonse  II  est 

proclamé  roi  de  Naples      Ib. 

Ses  préparatifs  de  défense    - 
par  les  négociations  et  les 
armes.  368 

Ses  négociations  avec  Baja- 
zeth  II.  Ib. 

Alexandre  YI  se  j<rint  a  lui 
pour  demander  l'assis- 
tance des  Turcs.  369 

Alfonse  resserre  son  alliance 
aveclepapeAlexandreVI.  370 

Faveurs  dont  il  comble  la 
maison  Borgia  dans  le 
royaume  de  Naples.  Jb, 

Alliance  d'Alfonse  avec 
Pierre  de  Médicis^  les  ré- 
publiques de  Toscane  et 
les  principautés  de  Ro- 
magne.  371 

Alfonse  veut  défendre  par 
des  armées  les  routes  de 
Toscane  et  de  Romagne , 
et  la  mer  par  une  flotte 
sous  les  ordres  de  son 
frëredon  Frédéric.  372 

1 3  juillet.  Congrès  de  Vico- 
▼aro  pour  régler  la  dé- 
fense de  l'Italie.  Jb, 

Diversion  causée  par  le 
pape,  cpii  emploie  les  for- 
ces napolitaines  centre  ses 
ennemis  particuUers;         Ib- 

Une  partie  de  farmée,  char- 
gée de  contenir  les  Co- 
lonne. 373 


âWi.  Pflg. 

1494.  FsMbsoA  i  doc  :de  Catabre, 
-  en  conduit  une  autre  par- 
UeenRomagne.  373 

Proposition' du  vieux  Paul 
Frégofio  de  causer  une  rë- 
voiulion  Gène».  374 

Chaiies  VIII  avait  fait  pré- 
parer une  flotte  roagnifl-r 
que  à  Gênes.  375 

U  y  avait  envoyé  le  ducd'6r- 
léans  et  deux  mille 
Suisses.  Ib. 

Fin  de  juillet.  Don  Fiédéric 
et  les  émigrés  génois  at- 
taquent Porto-Vénéré;  et 
sont  repoussés.  376 

4  septembre.  Il  opère  on 
débarquement  à  Rapallo, 
et  y  met  i  terre  Hybletto 
de  Fieschi  avec  les  émi- 
grés génois.  377 

Les  émigrés  attaqués  A  Ra- 
pallo  par  mer  et  par  terre.  378 

Rapallo est  pris;  premières 
cruautés  des  ultramoa- 
tains.  Jb. 

Fuite  d^fiybletto  de  Fieschi 
et  de  son  fils.  Jb. 

Juillet.  Don  Ferdinand  con- 
duit son  armée  en  Ro- 
magne.  380 

Le  sire  d'Aubigny  et  le 
comte  de  Gaiazzo  lui  tien- 
nent tête.  Jb. 

Xes  conseillers  de  Ferdi- 
nand l'empêchent  d'atta- 
quer d'Aubigny;  381 

Ferdinand  se  retire  sous  les 
murs  de  Faenza.  382 

IriésolotiondeCharlesVnL  Jb. 

Le  cardinal  Julien  de  La 
Rovère  le  décide  A  tenter 
son  expédition.  383 

23  août.  Charles  Vlil  part  de 
Vienne  pour  passer  les  Al- 
pes avec  une  forte  armée.  I&. 

Le  duc  de  Savoie  et  le  mar- 
quis de  Montferrat,  tous 
deux  mineurs,  ne  gardent 
point  les  passages  des  M^ 
nés.  384 


CHAOROMOIQUB. 


503 


Pag.    Ann. 


1494.9  septembre.  Cfatilet  YIII 
reçoit  A  Asii  là  visite  de 
Louis-le-Uaore  et  de  sa 
coar.  385 

Maladie  de  Charles  VUI  A 
Asti.  Ib. 

Entrevue  de  Gliaries  VIII 
ayee  Jean  Galéaz  et  Isa- 
belle sa  femme.  386 

20  octobre.  Mort  de  Jean 
Galéaz;  Louis,  proclamé 
duc  de  Milan.  Ib, 

££nroi  que  la  mort  de  Jean 
Galéaz,  qu'on  croit  em- 
poisonné ,  répand  dans 
l'armée,  française.  387 

Charles  YIII  prend  le  che- 
min de  Pontrémoli,  pour 
entrer  en  Toscane.  Ib, 

Soulèvement  des  Colonne  A 
Kome,  qui  empêche,  le 
pape  de  défendre  la  Tos- 
cane. 388 

Faibles  préparatifs  de  dé- 
fense des  Florentins.         Ib . 

L'armée  française  pouvait 
être  arrêtée  devant  Sar- 
zane  et  Piétra-Santa.         389 

Fermentation  de  Florence 
contre  les  Médiois,  A  rap- 
proche des  Français.        390 

Pierre  de.  Médicis  eifraYé  se 
rend  au  camp  français.      Ib . 

NovembrcMédicis  livre  tou- 
tes les  forteresses  floren- 
thies  aux  Français.  39 1 

[     irritation    des     Florentins 

contre  Pierre  de  Médicis.  392 

8  novembre.  Médicis  revient 
A  Florence,  et  n'est  pas 
reçu  au  palais  par  la  sei- 
fleurie.  393 

9  novembre.  Il  est  forcé 
par  le  peuple  insurgé  A 
sortir  de  Florence  avec 

ses  frères.  .    ,       394 

Pierre  de  Médicis  se  réfugie 

à  Bologne.  Ib. 

Jean  BentivogUohii  rcpro- 
.    che.  de  n'avoir  pas   su 

moq^rAson  poste.  Ib. 


1494.  PiUage  des  richesses  et  des 

collections  précieuses  des 
Médids. 

Décret  de  la  seigneurie  con- 
tre les  Médicis,  et  pour 
un  changement  de  gou- 
vernement. 

Négociations  du  nouveau 
gouvernement  avec  Char- 
les YIII. 

Jérôme  Savonarole  parie  au 
roi  de  France,  comme  un 
prophète  Inspiré. 

Fermentation  du  peuple  de 
Pise  A  rapproche  de 
Charles  YIII. 

Le  gouvernement  de  Flo- 
rence sur  les  villes  sujet- 
tes était  devenu  beaucoup 
plus  oppressif,  pendant  la 
grandeur  des  Médicis. 

L'agriculture  et  la  salubrité 
de  Plse,  ruinées  par  l'a- 
bandon des  canaux  et  des 


Pag. 

395 

Ib, 

396 
397 


Le  commerce  en  gros  et 
les  manufactures  interdits 
aux  Pisans. 

Pise  n'a  plus  aucun  histo- 
rien après  l'année  1406. 
IVote. 

Unanimité  des  Pisans  pour 
secouer  le  joug. 

Louls-le-Maure  les  y  fait 
exciter  par  Galéazzo  de 
San-Sévérino. 

Simon  Orlandi  demande  A 
Charles  YIII  la  liberté  de 
Pise. 

Charles  YIII  promet  incon- 
sidérément cette  liberté. 

9  novembre.  Les  Florentins 
chassés  de  Pise,  qui  sere- 
met  en  liberté. 

Chartes  YIII  se  conoerte 
avec  d'Aubigny;  avant  de 
marcher  sur  Florence. 

Octobre  et  novembre.  Fer- 
dinand abandonne  la  Ro- 
magne  A  d'Aubigny. 

D'Aubigny   vient    Joindre 


399 

Ib. 

400 

Ib. 
401 

Ib. 

402 
Ib. 

403 

Ib. 

Ib. 


504 


TABLB 


Vi» 


GfaariM  TIU  dmiun*. 


404 

1494.  Chartes  VIII  yeot  i^Ublir 

Médtcli  A  Ftoreoce»  maii 

oelai-cl  ne  revieot  pts  à 

fon  appel.  Ib. 

17  novembre.   Bntrée  de 

CberiesyiIIàHoraiice.    405 
Négociation  de  Ghariei  YIII 

avec  la  leignenrie.  406 

HardleMede  Pierre  Gappo- 
ni ,  qui  déchire  lea  pro- 
positiona  do  roi,  et  en  ap- 
pelle aax  Mmes»  407 
2G  novenlbre.  CSonventlon 
de  Charles  TIII  avec  la 
république  de  Florence.  Ib. 
26  novembre.  Départ    de 
Charles  YIU  pour  Sienne.  408 

CHAPITRE  XIU. 

Terreur  et  irrésolution  au 
pape  à  rapproche  de 
Charlee  f^ilL  —  Ce 
monarque  entre  à  Ro^ 
me  ;  abdication  et  fuite 
d^Alfonee  11,-^  Die- 
pereion  de  l'armée  de 
Ferdinand  IL  ^  U 
royaume  de  Nuplee  ee 
eoumet  à  Charlee  J^II M, 
1494-1496.  409 

1494.RépttUUoB  d'habileté  d'A- 
leiandre  VI,  fondée  a«r 
sa  niaavaise  foi.  Ib. 

La  politiquei  qui  n'ettpas 
d'ftecord  avec  la  morale, 
reste  «n  défeot  dans  le 
danger  410 

Versatilité  de  la  conduite 
d'Aleiandroavee  les  Fran- 
çais. 411 

A  l'^approche  de  Chartes 
VIII,  ttTenlDégôcler  avec 
tut.  Ib. 

9  déeembre.  Bncovragé  par 
la  présence  4e  l'année  du 
dncdoGaMM«,U  fait  at- 
teler les  Dégodaians  qui 
venaient  à  lni«  412 

t  décembreé    Cntrée  de 


im.  Pag. 

Chtttos  Vm  a  SkmsMt.  412 
1 494 .  Reiraile  de  Fetdinand ,  duc 
deCalabre ,  par  l'Ombrie 
}osqu'ARome.  413 

19  décembre.  Nouvelle  ten- 
tative de  négociation  du 
pape  avec  lea  Francaj».      Ib . 

Us  feodataires  de  l'Bglise 
font  leur  paix  particulière 
avec  les  Français.  415 

Tonte  la  campagne  de  Rome 
est  au  pouvoir  dea  Fran- 
çais. Ib. 

UoiifÉ  de  Chartes  VIII  pour 
traiter  avec  le  pape.  Ib. 

Ses  oonseillers  se  flattait 
d'obtenir  du  pape  les 
filos  hautes  dignités  de 
l'église.  416 

31  décembre.  Le  roi  enlie 
dans  Rome  à  la  tète  de 
son  armée,  tandis  que  le 
duc  de  Calabreensortpar 
une  antre  porte.  417 

Aspect  de  cette  armée;  les 
Suisses.  Ib. 

Les  Gascons,  la  gendanne- 
rie.  Ib. 

la  cavalerie  légère»  la  md- 
sondaroi«  418 

L'artillerie.  419 

149&.Jânvldr.  Lepape,  lettréan 

chétean  Saint^Ange  avec 

six  cardiaaux  seulement, 

est  deux  fols  menaoé  par 


76. 


11  Janv.  Paix  entre  le  roi  et 
lepipe>etsesooBdillon8.  430 

Le  sultan  Jem  livré  an  roi 
par  le  pape.  421 

Négociation  antérieura  de 
Bajaieth  avec  le  pape 
pour*  Etire  emanisenner 
aoo  frère.  Ib. 

L'ambassadenrde  Bafaieth 
et  celui  du  pape  tombent 
aux  malDi  de  lews  enno* 
mis.  4» 

n  février.  Le^soltan  lem 
meurt  empoisonné.  Ib. 

Fabriae  C9laane  ooadatt  on 


CHROirOLOGIQUE. 


505 


AM. 


p»». 


eorps  d'année  française 
dans  les  Abrozies.  423 

1495.38  Janvier.  Charles  Vm 
partdeRome  poar  Naples, 
par  la  roule  de  San-Ger- 
mano.  Ib, 

30  janvier.  L'ambassadeur 
d'Espagne  déclare  à  Char- 
les YIII  que  ses  maîtres 
défendront  le  roi  de  Na- 
ples.  434 

Réponse  des  Français ,  et 
emportement  deFambas- 
sadeor.  425 

Fuite  do  etrdina!  de  Va- 
lence, qai  devait  rester  en 
otage  auprès  da  roi.         426 

Prise,  pillage  et  massacre  de 
Monte-Fortino  et  Blont<* 
Saint-Jean.  i». 

Terreor  d'Alfonse  II,  etirri- 
tation  da  peuple  contre 
lui.  427 

Massacre  des  prisonniers 
d'état,  au  moment  où  il 
était  monté  sur  le  trône.    428 

Terreurs  superstitieuses 
d'Alfonse.  439 

23  Janv.  Aifonse  s'enferme 
au  château  de  rOEuf       430 

11  signe  un  acte  d'abdica- 
tion en  faveur  de  son 
fils,  et  fait  embarquer  ses 
trésors.  76. 

8  février.  Il  part  pour  Va- 
zari,  en  Sicile.  431 

19  novembre.  Il  y  meurt 
après  beaucoup  d'actes  de 
pénitence.  Ib. 

.  24  janvier.  Inauguration  de 
Ferdinand  II  A  Naples, 
après  laquelle  il  repart 
pour  Vannée.  76. 

II  se  fortifie  A  8an-Germano.  432 

Son  armée ,  frappée  de  ter- 
reur ,  abandonne  San- 
Germano.  Il  se  repHe  sur 
Capoue.  76. 

19  février.  Soulèvement  du 
peuple  à  Naples.  433 

Ferdinand  court  A  ISapIes, 


ABD.  Pag. 

pour  apaiser  le  soulève- 
ment du  peuple.  434 
1495.  Son  armée  se  débande  pen- 
dant son  absence,  et  Ca- 
poue se  soulève  contre 
lui.  435 

20  février.  Vains  efforts  de 
Ferdinand  pour  ramener 
les  habitants  de  Capoue 

A  l'obéissance.  436 

t1  se  retire  dans  le  chAteau 
de  Naples.  437 

21  fév.  Il  s'embarque  dans 
la  crainte  d'être  trahi  par 

ses  soldats  allemands.        16. 
Il  se  rend  maître  de  lUe 
d'ischia.  76. 

22  fév.  Entrée  de  Char- 
les VIII A  Naples.  338 

Charles  attaque  les  forte- 
resses de  Naples.  439 

6  mars.  Capitulation  du 
chAteau  neuf  de  Naples.    16. 

15  mars.  Capitulation  du 
ChAteau  de  l'OEuf.  440 

Dispersion  de  l'armée  de 
D.  César  d'Aragon ,  qui 
défendait  les  Abmzzes  et 
laPoniile.  76. 

Terreur  des  Tores  sur  l'au- 
tre rive  de  l'Adriatique.    44 1 

Intrigues  de  l'archevêque 
de  Durazzo  et  de  Con- 
stantin Arianilès ,  pour 
préparer  une  révolte  en 
Albanie.  76. 

Désordre  et  orgueil  de  l'ar- 
mée française.  442 

Tous  les  grands  seigneurs 
napolitains  accourent  A  la 
cour  de  Chartes  Vllf.        76. 

Le  roi  mécontente  tous  les 
paras.  443 

II  s'abandonne  aux  plaisirs 
et  A  la  mollesse.  444 

Toutes  les  forteresses  sont 
désarmées  par  l'impru- 
dence de  ses  officiers.       445 

CHAPITRE  XIV, 

Révolutions  œeoBionnées 


506 


TABLE 


INig.   â«b 


P»fr 


«Il  Toêeanê  par  le  pat^ 
sage  de  Charles  f^llL 

—  Efforiê  des  Florenr 
tint  pour  reconstituer 
leur  répt^lique^  sou^ 
mettre  Pise^  et  se  sou-* 
straire  à  la  malveil-' 
lance  des  Siennais,  des 
Lucquds  et  des  Génois, 

—  Inquiétudes  des  Fé" 
nitiens  sur  les  succès 
de  Charles  Fin  ;  ligue 
de  V Italie  pour  mainte^ 
nir  son  indépendance. 
1494,  1495.  446 

1 494.ÉlatdelaTo8C«neAvant  Tex- 

pédition  de  Charles  VIII.  Ib. 

RéTolattons  qu'il  prodoit  A 
Florence,  Pif  e,  Sienne  et 
Looqaes.  447 

Iiei  Florentins,  en.reeon- 
vrant  la  liberté,  savaient 
A  peine  en  quoi  elle  con- 
siste. Ib, 

Le  bonheur  que  désire  cha- 
que homme  est  propor- 
tionné au  développement 
de  ses.  facultés.  Il  n'est 
pas  le  même  pour  Joos .    448 

Le  but  du  gouyem^ment  est 
de  rendre  heureux  le  plus 
grand  nombre  possible 
d'hommes,  en  les  élevant, 
non  en  les  abrutissant.      449 

La  liberté  politique  est  le 
plus  puissant  des  moyens 
d'élever  les  hommes.        Ib. 

Confusion  de  la  liberté  po- 
litique et  de  ki  liberté  hi- 
dividuelle.  4&0 

Toutes  deux  étaient  fort  peu 
respectées  à  Venise.  Ib. 

Cependant  Venise  prospé- 
rait par  sa  prudence.,  et 
son  gouvernement;  était 
l'objet  de  l'admiration 
universelle.  451 

Tous  les  politiques  floren- 
tins proposent  d'Imiter  A 
Florence  la  constitution 
de  Vepise.  453 


14  94.  Trois  partis  opposés  A  Flo- 
rence se  font  tous  trois 
forts  de  l'exemple  de  Ve- . 
Dise.  453 

Parti  des  piagnoni,  dirigé 
par  le  père  Savonarole , 
Valori,etSodérini.  Ib. 

Parti  des  arrabiati^  dirigé 
par  Dolfo  Spinl  et  Guid' 
Antonio  Vespacl .  4  55 

Parti  des  bigi,  attaché  aux 
Médicis  absents.  Ib. 

2  décembre.  Le  parlement 
assemblé,  confère  A  la  sei- 
gneurie le  pouvoir  de  ba- 
lie.  Ib. 

La  balle  nomme  vingt  élec- 
teurs, chargés  de  désigner 
tous  les  magistrats.  456 

Les  vingt  électeurs  ne  peu- 
vent point  s'accorder  en- 
tre eux,  et  ils  perdent 
toui  crédit  457 

Savonarole  propos^des  élec- 
tions populaires,  un  con- 
seil composé  de  tous  les 
citoyens  et  une  amnis- 
tie. Ib. 

33  déc.  La  formation  du 
grand  conseil  est  décré- 
tée. 458 
1495.1"  juillet.  Les  élecUons 
sont  rendues  au  peu- 
ple, tb. 

1494.  Les  Pisans  de  leur  côté  re- 

constituent leur  républi- 
que. 459 
Ils  défèrent  les  pouvoirs 
souverains  aux  magistra- 
tures municipales  qui  le8_ 
avaient  gouvernés  pen- 
dant leur  servitude.  Ib. 

1495.  Janvier.  Premières  hostili- 

tés entre  les  Pisans  et  les 
Florenlins.  460 

Négociations  des  Pisans  au- 
près .  de  Charles  VIII, 
poor  se  conserver  la  pro- 
tection de  la  France.         Ib. 

Briçonnet  vient  A  Florence 
pour  exécuter  le  traité , 


GHBOSOLOGIQUE. 


507 


Pag.   Aon. 


KceToir  de  l'argeot  etli- 
yrerPi86.  462 

14962.4  février.  Il  dédare  n'a- 
voir pa  réussir  à  persua- 
der les  Pisans»  et  repart 
pour  Naples.  463 

NégociallODS  des  Pisans 
avec  Sienne,  Lucqnes  et 
le  duc  de  Hllan.  Ib. 

Le  due  de  MUan  les  renvoie 
aux  Génois.  464 

Discours  des  amlMSsadenrs 
pisans  au  sénat  de  Gènes.  Ib . 

SecoursacGordés  aux  Pisans 
parlesGénds.  465 

Premiers  succès  de  Lucie 
Malvezzi,  capitaine  des 
Pisans.  466 

26  mars .  Montépnlciano  se 
révolte  contre  les  Flo- 
rentins, et  se  met  sous  la 
protection  de  Sienne,        467 

Les  Florentins  recourent 
vainementà  Charles  VIII. 

Charles  VIII  envoie  des  se- 
cours aux  Pisans  contre 
Florence.  Ib. 

Savonarole  maintient  les 
Florentins  dans  raUiance 
de  France,  par  le  crédit 
de  ses  prophéties.  469 

Inquiétude  et  mécontente- 
ment des  autres  états  d'I- 
talie. 470 

Griefs  de  Louis-to-Maure 
contre  les  Français .  Ib» 

Anlmosité  des  rois  d'Espa- 
gne et  des  Romains.        471 


l495.Négociatlons  de  Philippe  de 
Gomines  à  Venise^  pour 
unir  cette  république  A  la 
France.  472 

Congrès  à  Voilse  pour  for- 
mer une  alliance  contre 
la  France.  473 

Terreur  des  Vénitiens  en 
apprenant  la  prise  de  Na- 
ples. 474 

Danger  du  roi,  si  la  ligne  de 
la  haute  Italie  avait  en- 
levé Asti  an  duc  d'Or- 
léans. 475 

31  mars.  La  ligue  contre  la 
France  est  signée  à  Ve- 
nise, entre  le  pape,  les 
rois  d'Espagne  et  des  Ro- 
mains, les  Vénitiens  et 
Milan.  476 

Communication  de  cette  li- 
gue à  Philippe  de  Gomi- 
nes. Ib, 

Secret  des  négociations  et 
trouble  de  Gomines.         477 

Articles  publics  de  l'alliance 
purement  défensifs.         478 

Articles  secrets  qui  la  ren- 
dent offensive.  Ib. 

Faiblesse  de  Maximillen, 
qui  ne  peut  tenir  ses  en- 
gagemento  479 

Leduc  de  Ferrare  et  les 
Florentins  refusent  d'en- 
trer dans  la  ligue.  480 

Préparatifs  de  guerre  des 
confédérés  ,  et  retraite 
des  ambassadeurs.  Ib. 


Fin  DE  LA  TABLE  DU  TOME  SEPTIEME. 


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