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HISTOIRE
REPUBLIQUES ITALIENNES
DU MOYEN AGE.
TOME Fil.
Imprimerie d'Amédèe GRATIOT et 0% rue de la Moiioaie, ii.
MICHE IL-AM€]E.
Publie par Fume. Paris.
HISTOIRE
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>I840
lui i^t^>3,>iS' ...
HARVARBCaiLItfilliURl
«If T OF
MARY E. HAVEN
JULY2|I9I4.
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HISTOIRE
sn
RÉPUBLIQUES ITALIENNES
DU MOYEN AGE.
CHAPITRE I.
Suite de la guerre des Turcs; leurs ravages dans la Carniole et le Friuli;
ceux des Vénitiens dans la Grèce et TAsie-Mineure. — Révolutions
de Chypre qui réduisent ce royaume sous la dépendance de la répu-
blique de Venise.
1469-1475.
Paul II n*ayait point voula, pendant son pontificat, oon-
senrer la paix qae son prédëoesseor aTait établie en Italie;
mais il songea moins encore h défendre la chrétienté contre
les invasions toujours pins menaçantes des Tores. Un des prin-
cipaux motifs qu* avait eus le conclave pour arrêter son choix
sur loi, avait été sa naissance vénitienne. On avait cm qoeson
affection pour sa patrie, que l'infloence de ses parents, de
ses amis, seconderaient les intentions de l'ÉgUse, qoi voulait
rallier toote la chrétienté à la république de Venise, pour re^
vn. 1
2 HISTpmE DES R£PU|iLI9UES TTAhlESTHES
pousser en commun les Ottomans. On aviût to Pie II prêt à
monter sur la flotte da yieox doge, et l'on avait compté que
son saccesseur s'accorderait mieux encore ayec le premier ma-
gistrat de la république où il était né. Mais Paul II, incertain
dans ses rapports avec sa patrie, fut, pen^aiit l'expédition de
Goléoni, sur le p<Hnt de se déclarer contre elle ; et lorsque
ensuite il contracta une étroite alliance avec les Vénitiens, ce
fut pour satisfaire sa propre ambition, en détournant à son
profit les armes qu'ils employaient contre les Turcs. Il ne nuisit
pas moins à leur cause en dirigeant contre les hérétiques de
Bohème les forces de Mathias Gorvinus, leur unique allié.
' Mathias Gorvinus était fils du grand Jean Huniades, qui
avadt été yingt ans le bouclier de la Hongrie. Ladislas de Po-
logne, qu'il aTait fait roi, lui avait, en retour, donné la di-
gnité de waiYode c|e Transylvanie. Pendant la minorité de
Ladislas le Posthume ou l'Autrichien, que Frédéric III rete-
nait captif dans sa cour, Jean Huniades avait gouverné douze
afas le royaume comme régent et capitaine général. Un mois
avant sa mort, il avait encore, en 1426, repoussé Mahomet II
qui attaquait Belgrade * . Ladislas le Posthume, fils d'Albert
d'Autriche, loin de se montrer reconnaissant envers la famille
de ce grand homme, jeta, lorsqu'il parvint au trône, Mathias
Corvinusdans un cachot à Prague, et fit mettre son frère àmort.
Gorvinusf uttiréde prison auboutde deuxans,parGeorge Podié-
lura^» au momc^Qt delà mort subite de Ladislas, à Prague, le 23
novembre \ 457 ;iiaTait encore leafes^s aux pieds et anxmaina
lorsqu'il fut prodaméi roi de Hongrie à la place de Ladislas, en
laême tempsi que pwrge Podiétûradf ut prodainéroi de Bohème.
I^épousalafiUedç ce denuer;et9^dei» souverains, nommés par
d^ux nations reconnaissantes, se montrèrent également dignes
• Splegel der Ehréh. B. V, c. X, p. «6. — Thomas Ebendorfferi de Haselbach. Chron,
H^lriççi U IV» pii 9|(i — ? 9(f^$k <fcf Kkren. B. V, e. II, p. 633.
DU MOYEN ÂG&. 3
iû tténe * . Le règM de MâHiitts Corvinaâ fut dès lors rignalé
par des tietoires aussi brillantes qse celles de son père. En
1462, il reeouyra Jaicta^ capitale de la Bosnie, etilladél^ndit
l'année snivantè contre Mahomet II *. La ga&rre s'^ant dès
lors allumée entre les Yéniti^os et le» Turcs, Gorvinus con*
trada une étroite alliance avec la république, et cetle-ei lut
fit passer chaque année cent mille ducats, pour défrayer en
partie ses armements '. Le roi de Hongrie porta ses armes
tour à tour dans la Rasde, la Ydachie, la Croatie, la Transyl-
Tanie ; il y remporta de brillantes victoires sur les musul-^
mans, et plus encore sur les princes chrétiens leurs mssaux.
Le bruit de ses victoires ayant donné au pape une haute idée
de la puissance de Mathias Gorvinus, la cour de Borne le sol-^
licita de tomcner ses armes contre un ennemi qu'elle redon-*
tait mcttBs que les Tiùrcs, mais qu'elle haïssait davantage ; c*é*
tatt George Podîébrad, roi de Bohâiie. La secte de Jean Huss
étgiï toujours fort nombreuse dans son royaume ; et Podié*
brad, âevé sur le trône par les suffrages de sa nation, était
obligé de ménager des sectaires qui faisaient son plus ferme
appui. La cour de Bome ne lui reprochait point de partager
leurs opinions, mais seulement de ne pas vouloir sévir contre
eux. Pour écarter tout soupçon d*hérésie, il avait offert de dé-
clarer solennellement qu'il ne croyait pas nécessaire aux fi-
dèles de recevoir le sacrement sous les deux espèces ; et on
lui avait répondu que sa déclaration ne suffisait point, s*il
n'autorisait rarcfaevêque à punir sévèrement Ceux qui donne-
raient on recevraient la communion sous cette forme. « Qu'il
« déclare expressément, ajoutait le pape, si le bras séculier
« exécutera les sentences de l'archevêque, pour punir les pré-
« très qui favorisent les erreurs $ si on lui donnera toute as-
1 Sfteffèider Shren. B. V, e. XII, p. 644. Thtmœ EbenÛorffeH de Basèïbacîu Cfiron.
ÉÊUf. U IV, p. 88D. — « Spièiiel der Éhren, B^V, c XVIIÎ, p. 734. — \B<mfifm ner.
Vngorieikf . Deêa tlt^ t. IX, p. 533.
4 HrstOIRE Des RÉPUBLIQUES ITALIEimSS
« sistance réelle et aetadle poar réduire à Tobâssance da
« siège apostolique tous ceax qni déyient, et pour extirper
« toutes les hérésies * . » Jamais le roi de Bohème ne yoalatse
se soumettre à ces conditioiis ; jamais il ne vonlut livrer aux
tribunaux ecclésiastiques Rockizane, archevêque schismatique
de Prï^e ; et ce refus de se joindre aux persécuteurs, consi-
déré par Paul II comme une rébellion odieuse contre l'Église,
attira enfin de la cour de Rome une sentence de déposition.
George Podiébrad fut condamné, le 25 décembre 1 466, comme
coupable d*hérésie, et déclaré déchu du trône de Bohème^.
Ce trône fut offert à Casimir, roi de Pologne, qui ne Youliit
point l'accepter '.Peu de mois après, une nouvelle excommu-
nication atteignit tous les sujets demeurés fidèles à Podiébrad,
et tous ceux qui lui prêteraient aide ou faveur. En même temps
tous les princes chrétiens furent dégagés de tous les serments
qu'ils pouvaient lui avoir prêtés, et de tous les traités conclus
avec lui ; enft^ Rodolphe, évêque de Lavenza, fut chargé de
prêcher une croisade contre la Bohème *. C'était Tannée qui
sçdvit la mort de Scanderbeg ; la Macédoine venait d'être mise
à feu et à sang, et la Bosnie envahie; et cependant le pape
allumait, surles frontières même de la chrétienté, une guerre
civile insensée, qui favorisait les progrès des Turcs. Mathias
Gorvinus se laissa séduire par l'espéramce d'une nouvelle cou-
ronne ; il dédara en i 468 la guerre à George Podiébrad, son
alliéj son beau-père et son libérateur ; il dégarnit les frontières
de la Hongrie, pour dévaster et conquérir la Bohème ; il aban-
donna les Yenitiejis dans la lutte où il s'était engagé de con-
cert avec eux. Pendant sept ans il continua ses attaquesimpo-
litiques, non plus contre Podiébrad, mort en 1740, mais
1 ArtieuHetmodusntperreduetione Regni Bohemiœ in venan ApostoHcœ sedis obe-
^entiam, Responsto ad tertiwn paragraph. Pauli il Uber Breviwn, Anno ?«, p. iSO.
~ Raynaidi AnnaL Eccles, I4ii, S i7-2tf, p. 224. — * Spiegel der Ehten. V. Rrnch.,
XIX capitel, p. 744.— > haynaldi AnnaL Ecctes, i466, $ 26-30,.p. 183.— Jacobt, Car^
din» PapUnsU, L. VI, «r ^md, epistola 382. — * Baynaldi Annal 1467, S 8, p. 186.
DU MOYEN AGE. 5
contre tJIaâislas, flb da roi de Pologne, qoe les Bohémiens
loi avaient substitaé ; et tandis qn'iloonsomait yainèment ses
forces dans ce combat, Mahomet II firappait la chrétienté de
conps désastreux ^
L'éYénement qai cansa le pins de terreur anx Italiens fat
une expédition conduite par Hassan Bej, chrétien renégat et
pacha de Bosnie. Il avait été appelé eh Croatie, par un gen-
tilhomme de cette province qui voulait se venger de son
frère; ily pénétra, au mois de juillet 1469, avec vingt mille
chevaux, avant qn'on y eût fait aucun préparatif de défense :
hiiit mille chrétiens qui s'étaient réfugiés dans une ville de
(ïoatîe furent passés an fil de Tépée; trois mille furent ré-
duits en esclavage. L'armée turque, poursuivant ses succès,
traversa la Gamiole qu'elle ravagea; elle avait déjà pénétré
jusqu'à cent soixante milles dans l'intérieur des terres, et elle
n'avait plus qu'une petite journée de chemin à faire pour se
porter sur Trieste ou sur les frontières du Triuli , et pour
oitrer en Italie. Mais les vainqueurs^ se trouvant suffisamment
diargés de butin et embarrassés de captifs , retonmèrent sur
leurs pas, sans avoir entrepris de s'emparer d'aucune place
forte. Dix-huit mille chrétiens avaient été massacrés , quinze
nulle étaient emmenés en Turquie pour être vendus comme
esdaves; les vieillards ou les enfants n'avaient point été épar-
gnés^ tontes les moissons avinent été brûlées, tout le bétail
que les Turcs n'avaient pu emmener avait été ^rgé , et l'on
eût dit, non que des ennemis, mais que des furies avaient
dévasté le pays *. Les Turcs, pour rentrer en Bosnie, avaient
à traverser un fleuve que le cardinal de Pavie nomme Xu-
pfatia '• n avait été tellement grossi par les pluies, que leur
1 Bimfinbu Rer. Vngar. Dcca lY, L. Il, p. 574. BaymUdi AnnaU Eccies, 1468, S 9, p tss.
— Dlttgoss. Hist. Pùlon, L. XlII, p. 465. — * Comment. Jaeobi , Card, Pajrietu. L. VII,
p. 449. — ^oidem episiola S94.--iâftiial. Eecles. 1469, S 14, p. ViZ.^SpUgel der Ehren
det Mnhœues Oeêterreieh. Buch. Y, capilel XIX, p. 752 — ' Fugger nomme cette rivière
Caraewiie. Elle lépare la Sosnie de la Croatie. Spitgel dtr Ehrm. p. 753,
6 HiSTOIAE DES HÉFOSLIQUBS ITALIE1I9BS
«nftée fiit oMigéB de ft'arrMer hoift jours sur se» bords wuA>
de pMYoir le paMMsr. Pendait ce trai^ il aunât été iMtte dc(
tirer une juste ye^ranee de leur harbarie» et de leeMnmr de
leurs mains les captifis et le butin qn^ils emMUaiont; nuô»
e'âatt justement la saison où lés Bongfeis et les Autrkbîeiis ,
lai8Bantleaf»froiitiàresdéDOttiraieft,raiBage«i^ laBobësiev
Mabias Covrinna MmA alov» piisonnier Yiotorin soà hem^
frère, fib de fieevge Podiëbrad^ et 11 recevait à Olmnt^ le»
cewonnes du royamfte de Bohème el du mar^râftt deltoravtet
qu'il croyait avoir eoncpûs * .
La répnUKqpie de YenlBe, <|ai avait vu avec effroi Tarmée
turcpie s'approcher die ses frontières de terre ftime, n'avait
garde cepmdaiit d'attaquer ka masnlmaDs de ce côté. : elle
aurait ^nt de leur enseigner ainsi le chemin par lequel ito
pouvaient pAiétrer jusqu'au milieu de l'Italie^ Ce n'était que
par mer qu'dile voulait combattre les:^infldèle8.1!ii6(daB.Ciattal%
qm avait succédé à Jaeqpies Loredano dans le commandement
des troupes vâ»tiennes en^ Grèce , rassembla une flotte de
vingt-six galères à Négrepont, avec laquelle, après avoir me*
naeé plusieurs lies de la mer Egée, il surprit la vitte d'Éno sur
legoUeSaronique, où S entra par escalade. Il ueparatt pmnt
que les Turcs eussent une garmson dans.Éno; c'était une -«Ile
commerçante, assez rictte, et habitée uniquement par des
Grecs. Elle fut abandonnée au piHa^ , et après, en avoir
^[irouvé toutes les horreurs , die fut réduite en cendres : ke
lieuK sainte ne ftirent point épargnés, ks religieuses enfermées
dans des couvente que les Turcs avaki^ respectés forenlk
abandonnées à la brutalité des soldato; é&ox miUe captifs fti«
lent emmenés à Négrepo^ : parmi eux on voyait ^usieors
respectables matrones grecques réduites en esclavage; enfin,
un butin très considérable enrichit les soldats ^. La nouvdle
^Banfialui. Ser. 9ngaric, Deea IV, L. II» p. 587. — âmuO. EceUê. 1469, $ i«;
p. 202.^* CommênUacoMCard, Pmp. L. VU. |^. 459.-*l!^wd.«lpteio/lM. 9*2»».^. Ws
00 nom Afit. 7
lia «le d'Àio fttt potMe à Bam^ m mUne tantpt ftie «Ue
d'un «yantage rinporté mir lès hérétifBMde Bahénie) et le
pape oïdimiia d0B actioiiB de grio» dans tD«s les tenpte
ces heoreu SDceès * .
Qamqae les piraleriss des Ténitiais déeahsssnt presque
uniquement les sajMehrélîeBsdeMaboiiietlI, oe ndontable
mooarqDe était résoki à ne pas soaffirir dayenlage de pareîHes
insntles. Le S aeét 1469^ il pronenfà à Coastanlînopie, et il
fit TépéM dans toides les mosquées de son empire^ k ycmi
Baiyant : « Moi, Malmneti fils d'Àmarath) sultan et goa^er^
« neordeBarametdeBaehmaêl^éleYéparleSiensipfféine'^
« placé dans le eerde da soleil, eootert de gloire parsiesBas
« tons ks ea^menrs, kenreux en tonte choee, tëdenlé dès
« mortels, pirissant dans les amm, par les prières des saints
« qui soDtan ciel, etdn grand prophète MaboMet) empereur
^« des empereurs et prinœ des prteies qm eiistint do leyant
« an eoodMust; je promets an Dieu nnicpie) oréatsur de taole
« dMMe, par m<m tsni et mon serinent, qne je ne Terrât point
« le sommeil de mes yeux, que je ne mangerai point de dioses
« dflicates, que je ne recheréherai point œ ^ est agréaMe>
« que je ne toucherai pobit à ce qui est bean, que je ne dé^
• tournerai point mon tisage de rOeeident à l'Orient, si je ne
« reuTerse et ne foide aux j^eds de mesehofaux ks dknx des
« nations, ces dieux de haïs, d'airain» d'argent^ d'or on de
« pemt«e, que les disciples du Christ se pont faits de lenn
« mains^ je jure que j'eitenninerai toute leur iniquité de k
.«-a. Jim. aabeiaeo^ ai$L VêmUm. Deet III, L. ?m, f. iMn-Jjid. imagèBro^ p* 1427.
•* *■ Amuti. Sceies. BcnfnaUU. i469, S 12» p. M3. Lei comoieaUirat du cardinal de favie
. anteMil à la nMMTt du eardinal Canriû>U es i«M, pe« de moii aprèi la priae drSno. Ils
foraMDteDMpliiTresU «Nittjmalion da ceux dePteU. Le réeit del'eipédilioa et de la
mort de oe ponUfe Ml d'uD grand iméréi t dans la tuile ou trouve encore dei faiu Men
; obiorvés et des délaits curieux ; mais le eardinal do RAVte était loin d'aroir pour ta ré-
éÊBlkn et ta difpoaiiion du loilet» cl pour l'art de peindre le* Inames et les lieux, no
talent compHaMe i celui de Pte IL Dian réditkm in-foOo, rraaelort, 1614, ce c
lalre.Qcciipe les pages >tt^Uk
8 HISTOI&E DJSS BÉPUBLK^U iTALI£RlllS8
« faee de la terre, da levant an couchant, à la gloire dn Siea
« de Sabaoth , et du grand prophète Mahomet. Et pour cette
« . canse , je taàA savoir à tous les peuples drconds , mes sujets
« qui crwent en Mahomet, à leurs chefs et à leurs auxiliaires^
« s'ils ont la crainte du Dieu fondateur du ciel et de la terre ,
« et la crainte de ma puissance invincible, qu'ils aient à se
« rendre tous aiq^rès de moi , le septième de la lune de rama-
« dan de cette année 874 de l'hégire (1 1 mars 1470), obéis^
« sant au précepte de IHeu et de Mahomet, dont le premier
« par sa providence > et le second par ses prières , nous assis-
« teront sans aucun doute ^ » .
Sur cette invitation de Mahomet, une armée formidable
et une flotte comme les musulmans n'en avaient > jamcâs mis
en mer, se rassemblèrent à Gonstantinople. Les Latins
exagéraient toujours sans mesure la force des armées mu-
sulmanes; ils se préparaient ainsi une excuse pour. leur»
défaites, ou plus (de gloire dans leurs succès. Dans cette ooca^
sion , ils ne parlent pas de moms de quatre cents vaisseaux
sortis de l'Hellespont, le 31 mai 1470, et de trois cent mille
hommes qui s'avançaient de llirace dans la Grèce '. Encore
qu'on réduise infiniment ces nombres, toujours estrils(Ur que
l'année de Mahomet était de beaucoup supâîeure.à tout ce
que les Vénitiens pouvaient lui .opposer. Nicolas Ganale,
amiral de cenxrci , était à Négrepont avec trente-cinq galères.
Quand on lui rapporta que la flotte turque avait paru près de
Ténédos, il s'avança parle canal qui sépare Lemnos et Imbros,
1 CatHnaU» PapUnHs ÉpUtola S80, p. 73t. — Jtaynalcft ÂtimUs EeeUs. tiTO, Su,
p. 310. — ' Frandêd PAite/pAI, L. 83, Epistoia ad Bemardwn JustinUmum, ^ Anto-
nio de Ripalu^ dans les Annales de Piaisance, assure que les Turcs, entre leur flotte et
leur armée, avaient 500,ooo combattants. AnnaL PtacenL T. XX, p. 929. Mais les annales
des Turcs n'indiquent nullement une armée très formidable. « Mahomet, y est-il dit, ne
« pouvant supporter une longue oisiveté, s'achemina, par terre, yers l'Euripe, tandis
« qu'il envoyait Mahmud, pacha, avec une flotte qui portait douze mille hommes. » An-
ntUôê Turda LemclavU. T. XVI, p. 2S8. -^ Demetrius CantenUr, HisL OtlL L..III, c 1,
S 23, p. lio. Goriolanus Cepio lui donne 120,000 hommes. De Reifut VenetU, U 1, p» 8ii.
DU llOY£II AGE. . 9
e| il envoya devant loi Laprwt Loredano avec dix galères ,
pour reconnaître les ennemis. Il lui ordonnait de ne point
éyiter la bataille s* ils n'avaient ;pas {Ans de smxante vœles ,
car loi-mème ne tarderait pas à venir an seconrs de son avant-
garde , et il croyait avec confiance qu'il battrait les infidèles,
pourvu que ceux-ci ne fussent pas plus de deux contre un.
Mais si les Turcs avaient plus de soixante vaisseaux, il or-
donnait de faire force de voiles et de rames pour les éviter * •
Bientôt Loredano et Ganale lui-même découvrirent la flotte
musulmane, qui couvrait toute la mer. Les Turcs, qui pour la
première fois faisaient Fessai de leur marine , sentant leur in-
fériorité pour la manoeuvre et la petitesse de leurs vaisseaux,
avaient compensé ce désavantage à la manière des barbares,
en redoublant leur nombre. Les Yénitiens crurent n'avoir
d'autre parti à prendre que celui de la fuite ; profitant de l'ob-
scurité de la nuit, ils se mirent à couvert derrière l'Ile de
Scyros , tandis que les Turcs y faisaient une descente pour la
saccager et la brûler. Ganale prévit alors que cet armement
était destiné contre Négrepont; il envoya trois galères, avec
le plus de vivr^ qu'il put rassembler, à Ghalcis, capitale de
l'ile : peu de jours après il en envoya deux autres encore ; mais
alors il n'était plus possible d'entrer dans le détroit, les Turcs
en avaient fortifié tous les passages.
L'ile d'Eubée ou de Négrepont s'étend le long des côtes de
la Tbessalie, de la Béotie et de l' Attique, par une longueur de ,
cent quarante milles : elle n'a nulle part plus de quarante ou
moins de vingt milles de largeur, et son circuit, allongé par
beaucoup de sinuosités, est de 365 milles. Les villes nombreu-
ses dont elle avait été couverte autrefois étaient alors presque
toutes détruites. Celle de Négrepont, ou Ghalcis, demeurait
seule sur pied, au bord du détroit de l'Ëuripe, à l'endroit où
i M. ÀtiL SabelUco. peca lll, L. viu, f . 207, vo. .
10 filSTOIBE DES BÉPtJfiLIQUlSS iTALIEllïr]»
il a le moins de largeur. Laigi Galvo oommandait dans oetfe
Tilie comme csajfrittaine^ Jean Bondomieri comme protMiteor^
et Paol Eruzo eomme podestat ; une faible garnison était sons
leurs ordres, af? ee qnelcpies nobtes Vâiitiens. Gepradast Ma-
homet Il arriva dans la Béotie^ vis^à-Tîs de Ifégrepont, ayee
son ardiée de terre, que LabelUçns, le pins modéré des La-*
tins, dans son câlcnl, porte à cent vingt mille hcmimes. La
flotte tnrqoe s'était d^ emparée dn canal, et elle avait cher^
cbé à en fermer l'entrée avec des chaînes arrêtées à des vais^
seaux eoalés à fond, de place en place * . Dès que le saltanfnt
arrivé en vile de l'Ile, les Tares s'efforcèrent de lier, par nn
pont de bateaax, VEnbée à la Béotie; et après quelques corn-*
bafei vayiadsment sontemis par les habitants, ce pont fut éta-*
bH devant f^se de Saint-^Marc, à un mille de distance de la
vflle'. Ausi^ôt le siège fut commencé, plusieurs batteries
furent ouvertes, et l'on regardait alors l'activité de l'artillerie
turque comme prodigieuse, parce que chaque bouche à feu
tirait contre les murs dnquaiite-cinq coups paf jour.
Cependant on avait porté à Venise la nouvelle du siège de
Kégrepont et du danger que courait cette ile ; elle était re-
gardée comme le chef-lieu de toutes les colonies militaires des
Yénitieiis dans FArchipel. Le sénat fit armer avec précipita-
tion tout ce qu'il avait de galères, et à mesure qu^ elles étaient
prêtes, il les envoymt jmudre Nicolas Ganale, en Inir donnant
Tordre de tout hasarder potir délivrer Négrepont. De son
cdté, Girolamo Molini qui, avec le titre de duc, gouvernait
Candie pour la république,, avait envoyé à là flotte sept gros--
ses galèiies chargées de vivres. Après avoir reçu ces renforts,
l'amiral vénitien pouvait se croire en état de se mesurer avec
les Turcs. Il n'y avait plus de temps à perdre pour délivrer
les assiégés. Trois assauts leur avaient été fivr^ successive-^
1 F. PhiUlphi Êpist. ad Federicum Vrbinaii comUem. L. XXXU. —* M. Ant Sabel-'
Uco. Deçà Ui, L. Vlll, f. 20S. — Andr. Navagicro, Stofia fenexiana. p. tvn.
]&6Bt, le ihjmij le 30 jttin et le 5 jaiBet* ; et qtKm|iie le»
yiatimùJi cîiereliasftéot à g^eaeettrager, ea affirmant que
16,000 Ton» avaient été tués dans lesdem prenien assauts,
^ 5,000 dans le trmsième, les pertes des assiégés, dont le cal-
esH était mieaï até^, devenaient pour e»x plra effrayantes.
Nîeolas Gaoale, poussé par iin vent favorable, et secondé pur
tes courants, rompit eoiin les chaînes qui lai lèi^maient Ten*
larée derEoripe, et parnt le 1 1 jniUet en vue de k v^, de la
flotte torqne, et dm pont, dont il n'Aait pins qn-à nn n^le.
les assiégés, an comble de la joie, se cnire»t délivrés. Ibbo^
met, <s*aignaait de voir le pont coupé, et de se tronver enferaïé
dans nie, fat, à ce qa^on assure, sur le peint de s'^ftfnr.
Mais^ CMale n'avait é€é suivi qne par qnatorze fflkaem et
deux vaisseaox ; la peor, on qnelqne malentendln, avait arrèld
toui; le veste de sa ftotte en delu«s de rEarvpe. Cependant
son pilole , Goodiaraej et deux captlaînes de vaisseaui, les frè^
res Piasamam, Teih^taient k venir donner CMtve le pont;
Hase croyaient assuré» de le rompre, à l'aide du conrant et
dn vent qoi les seeeockdent, et ife redoutaleiM; peu la flolt«l
tarqoe rangée derrière le peirt, dans vm lieu trop étrcAt pour
Buinœovrer. Ma» CSanale man^eia de Tésol«lion : il défenâil; èl
son plote de passer otitre jnsiqa'à ce qn'il eût été rejoint par
le restede sa flotte> à laquelle il envoyait message sur message
pow la pressar. Pcaidant ^'il fatlendait vainemettt, Mdio-
met II avait livré un quatrième assaut, et en même temps S
avait fait apprbdier sa flotte dés mws, dn eôté de Berga alla
Zneeca« Les assiégés avûent les yenx toujours fisés sur le
Mea où ils avaient v« paraître les voilesi vémiifeniies, dont
yiflmftobiMté les désespérait. Cependant ik se défendrait avee
une extrême vaillance, jusqu'à ce que la nuit séparât les
combattants. Au point du jour, le 12, le combat recommença^
> Marin Sanuto^ Vite de' Ducfù di Ventzia. p. il 90.
12 HISTOIAE DBS RÉPUBLIQUES ITAL1££11IJE8
et les assiégés op(iosèrent tOQjoiin la même résistance. D^à
les brèche» étaient praticables ; des soldats toujours nouveaux
se présentaient à Tattaque, et les Ghalddiens étaient accablés
de fatigue. Vers la deuxi^ue heure du jour, ils furent re-
poussés des murailles; mais comme toutes les rues étaient
barricadées,. ils oontinuèrrat h se défendre dans la ville, jus*
qu'à la mort du dernier d'entre eux. Tous périrent, car le
féroce Mahomet avait fait publier dans son camp qu'il ^i-
verrait au supplice quiconque aurait épargné un seul prison-
nier âgé de plus de vingt aus^ Les cadavres, rassemblés sur
la place de Saint-François et sur celle du Patriarche, furent
ensuite jetés à la mer.
Pendant que cette effroyable boucherie durait encore, le
reste de la flotte vint joindre Ganale; mais il était trop tard ;
ksétendards de Saint-Marc étaient arrachés des murailles, la
ville était perdue, et les soldats des galères découragés. Les
Vénitiens ressortirent en hAte du canal de l'Ëuripe, frémissant
de douleur et de rage d'avoir laissé détruire sous leurs yeux
une colonie si importante. Deux des commandants vénitiens
qui étaient dans Ghalds étaient morts les armes à la main;
Paul Erizzo, le troisième, s'était enfermé dans la citadelle ; il
la rendit sous condition d'avoir la tète sauve. Mahcmiet or-
d<mna qu'il fûtsdé par le miUeu du corps, ajoutant, avec une
atroce plaisanterie, qu'il n'avait garanti que sa tôte, et qu'il
la lui laissait^.
La douleur que causa la perte de Négrepont à Yenise fut
accompagnée de la plus violente indignaticm contre Nicolas
Ganale. Loin d'encourager ses soldats au combat, il avait re-
tenu des guerriers plus ardents que lui, et il s'était reftisé à
i If. À. SabeUico, Deçà ni , L. Vin, f. 200. — Andréa îXwagiero^ Siarta venezUauu
p. 1138. ->Crt»ii Tureo-Grofciœ BUtor.poMc. L. 1 , p. 25. — Sansorlno, Del origine
e Impero de* Turchi. L. II, f. 16T. — * Amuks EccleiiaeiieL iiio, $ 12-S6, p. 210. ^
m.AnL SabelUeo, Hist. Veneia. Deçà UJ. L. VIII, t 208-209. — Marin Samuo, VUe d^
Duchi di Venezia, p. 1190.
DU MOYEN AGE. 13
tenter de'romprê le pont de Taisseaux des Turcs, ati moment
où il aurait pu sauver ainsi la yille. Son eourage n* avait jus-
qu* alors jamais paru douteux dans les combats ; mais on pré-
tendit que, dans cette occasion, la présence de son fils sur la
flotte lui avait inspiré une crainte inaccoutumée. Après la
chute de Ghalds il ne fit rien pour réparer Taffront que Té-
tendard de Saint-Marc avait reçu. Cependant Jacques Yeniero,
et d'autres encore, lui avaient amené de si puissants renforts,
qu'il avait enfin réuni cent galères sous ses ordres. Cet arme-
mentétait bien plus redoutable que celui des Turcs, lors même
que la flotte de ceux-ci aurait été effectivement composée de
quatre cents vaisseaux, comme le rapportent plusieurs histo-
riens. Le sultan avait réuni tous ceux du commerce, tous ceux
qui pouvaient Ini servir de transports, et sa flotte mal aguerrie
ne savait ni manœuvrer dans les batailles, ni obéir aux si-
gnaux, tandis que les Vénitiens étaient les plus hardis de la
Méditerranée, parce qu'ils en étaient les plus habiles.
Après la conquête de Négrepont, la flotte ottomane se retira
«vers les Dardanelles, et Nicolas Ganale la suivit jusqu'auprès
de Sdo ; là, il assembla un conseil de guerre, et sur l'avis de
ses capitaines, il s'abstint d'attaquer les Turcs qui se croyaient
déjà perdus. Il revint ensuite à Négrepont qu'il tenta de re-
prendre ; mais l'attaque des troupes de débarquement n'ayant
pas été bien combinée avec celle des galères, il fut repoussé
avec perte. Pendant que cette action durait encore, Pierre
Mocénigo, que la république avait nommé pour le remplacer,
arriva auprès de lui. Mocénigo déclara que, pour ne point
déranger, par son arrivée, des plans combinés d'avance , il
était prêt à combattre «ons 1^ ordres de Ganale, si celui-ci
voulait renouveler l'attaque. Ganale s'y refusa, tout en décla-
rant que si Mocénigo voulait combattre , il était prêt à servir
sous lui. Tous deux semblaient redouter la responsabilité d'une
entreprise trop périlleuse; tous deux refusèrent de tenter la
14 HISTOIRE DES RÉPUBLIQUXS ITALIENIIES
fortun^^ mais Mecéoigo ayant Tamement oflert à «m prëdë^
cessear une occasion de se râiabiliter, prit le commandement
de la flotte^ déploya la commission dont il était diargé par le
conseil des Dix, fit arrêter Ganale ^ et l'envoya dàargé de fers
à Yenise; ai^rès quoi il ram»a ses yaisseanx dans les pcHrts
de la Morée. pour y passer rbiyer ^
Nicolas Ganale ne demeura pas sans apologisle : le pape
Paul II écrÎTit au doge de Yenise pour le justifier; François
Phile^pbe) auquel sa hante réputation littéraire donnail, ai
politique, un crédit {Hresque égal à cdui que Pétrarque avait
exercé dans le siècle précédent, composa aussi une apologie de
ce général. Ganale fut néanmoins rdégué à Porto-Grueropour
)e reste de ses joars.
La conquête de Négrepont causa dans la chrétienté un ettrci
universel. Jusqu'alors les Yénitiens avaient paru maîtres de la
mer. (^odique supériorité que le nombre ou une force brutale
pût donner aux Turcs, on les avait vus airêtés parie moindre
€anal. Un bras de mer semblait une barrière insurmontable
pour les étendards du croissant. Encore ^e la conquête de
riUyrie les eût rapprochés du centre de 1» dvilisation, on sup*-
posait toujours qu'ils seraient-arrêtés par la double chaîne des
montagnes qui se présenteraient à eux avant qu'ils pussent
entrer en ItaUe , et l'on ne songeait pas même au danger de
c^te longue étendue de c6tes, depuis Beggio de Calabre jusqu'à
Yenise, d'où Ton avait partout à la portée, de 1$. vue des
pays musulmans. Gomme ces côtes n'avaient pas été insultées
depuis le x'' siècle, on les croyait à l'abri de toute attaque. La
création subite d'une redoutable marine musulmane apprit à
tous les pays baignés par la mer que leurs portes étaient ou-
vertes à un conquérant résolu à détruire le siège de la religion
chrétienne ^. Ferdinand, dont les états n'étaient séparés delà
^ If. Ant. SabelUco. Deçà III, L. W, f. so9-3io. — Andréa navagiero^ Storia Vene-
sUma. p. iii^.-'-'CoHolantttCepio, De rébus Venetit, L. 1,1». S4t.— * Antonio <n Rfpalta,
DU mxjnm agb. 15
Toxquie qoe par on canal de douve Ueoce de largeur , fat à
juste titre le (ilns effirayé; Mabomet loi avait communiqaé,
avec Qoe arrogaaoe iusiilta&te, ea victoire de Négrepont, le
priant de s*eQ réjouir ayec lui. Le roi de Naples répondit
qu'une victoiie remportée sur des chrétiens, ses alliés, ne pou-
vait être poor lui une occasion de joie ; qu'il ne pouvait con-
server d'amitié pour sa hantesse tandis que sa foi était en
danger; qu*il ne manquerait point aux besoins de sa religion,
et qu'il donnerait ordre à sa flotte de se joindre aux Yéaitiens
pour combattre les Ottomans ^ .
Bessftiion, cardinal de Nice, l'un des plus illustres parmi
ces Grecs qui avaient assisté aux conciles de Ferrare et de
Florence, invitait déjà les antres Grecs, ses compatriotes, à
s'enfuir loin de cette Italie où ils ne pouvaient plus trouver
de sûreté ^. Cependant il avait aussi ivresse une exhortation
âoquente aux princes de cette contrée, pour leur montrer le
danger affreux qui les menaçait '. Le pape Paul II, qui savait
que Mahomet en voulait personnellement à lui et à son riége,
s'adressait à tous les états chrétiens pour s'efforcer de les réu-
nir. Galéaz Sforza venait d'attaquer les seigneurs de Gorreggio ,
et de leur enlever Brescello; Paul le supplia de poser les
armes, et de ne pas poursuivre davantage ces petits princes,
dont les autres fiefs étaient sous la protection du duo de Mo-
dène *. Les Vénitiens faisaient sur le Mineio des travaux qui
donnaient de l'inquiétude au marquis de Mantoue, et qui l'a-
vaient engagé à recourir à la garantie du duc de MUan; Paul II
leur écrivit pour les presser de se désister d'une entreprise qui
pouvait troubler la paix de l'Italie '• Nous avons vu qu'il re-
AnnaL PlacentinL T. Xî, p. 839. — ^ tes deux lettres sont rapportées dans Gnemieri
Beroio/ Croufca d*Agobbio. T. XXI, p« 1019. — * Lettre du cardinal Bessarion à un abbé
Besiarioil. âpud tbaynàkUan, ÀnnaL Eeeles, IITO.— > lMd.,S 24, p. 2t3, et S 29, p. 3i4.
f<-* muta PmU 11, 17 99ptembri8 1470, Ht Ubro Brevium, Armer septimo, p. Z.^Raynaldi
ànnaL S 39, p. 2i((. — b /n libro Brevimi^ et apud Baynaldmn, S 40, p. si 7.
t6 HISTOIBE DES BÉPUBLIQÛES ITAUEUfllES
nonça lui-même à ses projets d'enTàhissement sor le territoire
de Bimini, et à sa Yeogeaaee contre Ferdinand. Tl ne négligea
point non pins les moindres potentats : Lonis , marquis de
Mantoue, Guillaume de Montferrat, Àmédée IX de Savoie, les
Siennais, les Lucquais, le roi Jean d'Aragon à qui la Sicile
était soumise. Il réussit enfin, à engager leurs ambassadeurs à
renouveler la ligue d'Italie aux mêmes conditions sou6 les>-
qnelles elle avait été condne à Venise en 1454, et confirmée
à Naples le 26 janvier suivant. Cette alliance de tous les étaVi
d'Italie pour leur défense mutuelle fut publiée à Rome le
22 décembre 1470, et célébrée en chaque lieu par les fêtes du
peupie * .
1 47 1 .—Paul II avait aussi tourné ses vues versrAUemagne;
ilapprouva,le 14janvier 1471, lapaix qui venaitd* être conclue
entre Mathias Gorvinus et Tempereur Frédéric III, qui tous
deux excités par lui avaientiilrétendu à la couronne de Bohême,
et se l'étaient disputée par les armes ^. Il envoya François,
cardinal de Sienne, qui fut depuis Pie III, à la diète coiivo^
quée à Batisbonne pour le 25 avril 1471 ^.11 le chargesl d'une
double mission : d'une part, le cardinal devait hâter les se-
cours nécessaires pour préserverrAUemagne d'invasionssem-
blablesà celles qui venaient de dévaster la Camiole et la'Ca^-
rinthie ; de l'autre, il devait empêcher les princesde l'Empire
de prendre quelque résolution favorable à George Podiébrad.
La mort de ce roi de Bohême rendit vaine cette partie de là
mission du légat ^.
La première séance de cette diète, dont on attendait de si
puissants secours, ne fut tenue que le 24 juin. L'évêque de
Trente y parla le premier : ce fut lui qui exposa aux princes
les ravages commis par les Turcs sur les frontières d'AlIema-
1 naynatdi Annal. Eccles. 1470, $ 42, p. 217. ^ * PauU U.lÀberBreviwn,Ànâo VU.
V.U.—RaynaldiAttnaL Eccles. i47i, S <* P* 231. — ^ Spiegelder Ehren. B. v, c XX,
p. 757. — * Baynaldi Annal. Eccles, I47i, S 3. p« 32i*
Ht) MO^BM Al&È. 17
gtie, dorant les deox précédentes années ^ Le cardinal de
Sienne, qni .avait irécn en Allemagne avec son oncle Pie II, et
qui connaissait tons les intérêts de cette contrée, parla à son
tonr ayec beanconp de force, pour engager les Allemands à
défendre la patrie commune ^. Le lendemain, Paul Morosino,
ambassi^ur des Vénitiens, s'adressa à la nation germanique :
« Depuis pins de deux cents ans, dit-il, les Yénitiens ont com-
« mencé à faire la guerre aux Turcs : ils ont soutenu seuls
« et surtout pendant les huit dernières années, leurs constantes
*« attaques en Thrace et en Illyrie. Ils se sont présentés seuls,
« comme les défenseurs de la chrétienté, et cependant dans un
« danger commun à tous, ils se trouvent abandonnés par le
« reste des chrétiens. La puissance de rennemi s'est accrue
« pendant le sommeil de l'Europe. Plût à Dieu que celle-ci,
« en se réveillant , fût encore assez forte pour lui résister ! Cet
« ennemi s'avance également par llllyrie , par la Pannonie,
« et par le golfe Adriatique ; il ne laisse espérer de sûreté ni
« sur la terre ni sur la mer. Que les Allemands voient enfin
« quelle est l'espèce de guerre dontils sont menacés. Les viéil^-
« lards sont massacrés, les enfants étranglés ; tous ceux qui,
« réduits en esdavage, peuvent être mis à prix, sont entrdnés
« par les barbares, pour être vendus dans le fond de l'Asie;
« les temples sont brûlés avec leurs prêtres qu'on y enferme;
« tous les produits de l'agriculture ou des arts sont détruits
« par le fer et le feu Cependant, ajouta-t-il, iln'y apoint
« lieu de désespérer encore, pourvu que les Allemands ap-
« portent au combat cette videuraveclaqaelleon doit défendre
« sa vie et la liberté des siens. Les Yénitiens ont encore une
« flotte nombreuse et des garnisons semées sur toutes les côtes
« de riUyrie et de la 6r^; vingt-cinq mille hommes servent
« sous leurs étendards. Le roi Ferdinand joindra viugt-trois
1 Spieget der Ehren» 6. V. c. XX, p, 758. ^^Ibid.
TU.
18 filSTOIBE DES EÉPUBLIQUES ITALIBUlïES
« galères aux soixante qo'ik ont déjà ; le reste de lltalie por*
« tera aisément leur flotte à cent yingt vaisseaux ; si les Aile*
« mands les secondent par terre avec autant de vigueur,
« bientôt ils seront hors de danger, et le reste de la chrétienté
« demeurera garanti ^ »
Dans une autre séance on lut h la diète des lettres adres^
sées par les états deCarniole. Dans tout le pays ouvert, y était*
il dit, il ne restait plus aucun temple ni aucune maison de
cultivateurs. Les cadavres des enfants et des vieillards que les
Turcs avaient égorgés, parce qu'ils ne trouvaient pointa les
vendre, n'avaient point encore été ensevelis, et corrompaient
l'air par leur puanteur ; et cependant près de vingt mille captifs
avaient été enlevés de cette seule province. Les Turcs 7 avaient
fortifié quelques places^ où ils mettaient en sûreté leur butin,
après avoir dévasté tout le voisinage. D'autre part, on lut aussi
des lettres reçues de Strigonie et des magnats de Hongrie :
elles annonçaientquel'arméedes Turcs, partagée en deux^corps,
menaçait les frontières des chrétiens ; l'un avait pris la route
de la GarniQle, et entrait en Allemagne par les états de Fré-
déric III ; l'autre s'était arrêté sur la Save, et il paraissait
vouloir y établir un pont et une forteresse, pour étendre de là
ses ravages daps la Hongrie. LesHongrois ajoutaient que de-
puis cent ans ils combattaient contre les Turcs, que leur
vpjanme était épuisé d'hommes et d'argent ; que s'ils ne rece-
yaienli dâ| .secours étrangers, ils ne pourraient soutenir plus
lon^mps les attaques d'un ennemi si puissant et si obstiné ;
qu'ils combattaient autant pour la cause commune que pour
eux-mêmes ; et que, quoiqu'ils fussent les premiers exposés
au danger, ils ne périraient pas seuls ; qu'ils s'adressaient à
l'empereur et aux princes d'Allemagne, comme à ceux qui se
1 Relation de Campanus, érèqne de Téramo, qui était envoyé à la diète avec le cardi-
nal de Sienne. Bj^tol. L. VI, no 13, funfnaldi AnnaL léTi, $ 9« p. 222.
lrettY6iraiept to propicwà déeoaTCrt afili WMCoahaigiDt ; et
qa'aprè» tout, c'était à celui que le titn d'empcfcnr mettait
à la tète de la répoMifue «Arétieine, à ae fanger le premier
parmi lea définneiiri de la chrélieDté *•
Maia cet empereur était loin de répondre par aon lèle à ce
qu'on demandait de lui* Pendant qa'on délibérait, la Gamidle
était détastée, et il ne faieait rien pour la défiendre, rienpoar
la Tcnger * $ il ne songeait point à eeeonrir «a aliiéi et ses
voisina, mais tt demandait aenkment à ladièle délai accorder
dix mille hmnmes, dont le quart ftt decaTakrie) pour garder
eet propres frontières ' ; lnent6t même û n*en iroulut plus
que quatre mille, jelErayé sans doute de l'obligation que lui
imposerait unearmée plus nombreuse, celle de s'engager dans
une guerre plus active, comme aussi peut-être de la néces-
sité de la défrayer tandis qu'dle traverserait ses étals. Après
de très bmgues délibérations, la diète décida enfin, dans sa
séance du 19 juillet, que fempire entier contribuerait en {hkh
portion de ses remmm, en sorte que chaque nûBier de llo-
nm éa isifiril fonarirsit et entretiendrait un caTalier. On
anMuça anx légatBetàrandMMsadeurténitien que cette levée
pourrait produire deux crat mUle hommes équipés et entre-
tenus. Ils répondirent, avec défiance, à un calcul si exagéré,
que quatre-vingt mille hommes, si on pouvaitles obtenir, suf*
firaient de reste *. Mais il était bien difficile de mettre à exé*
cutîon undécret anaBivague,et de soigner une pareille r4[Murti-
tion dans diaque état de l'empire $ toute l'activité de l'empe-
reur le plus ambitieux et le plus accrédité y aurait à peine pu
suffire. Frédéric III n'y aongea seulement pas ; déjà il n'était
plus occupé que de sa rivalité avec l'électeur palatin '. La
t toan. ÀM. CampaM ÉpUtoiaF. L. VI, n» i s. *- jaeoH Ctvdinak Popieiulf» «ptolot
•îs, P.1K.— JUvMAtt ^nHoL gceks. i4ti, S ". p aas. — ■ Db/çosê. Butor^ volo-
niem. L. XIU, p. 4W. — » SpUgel der Ehmu S. V, c. XX, p. T5». - ♦ RaynoAtt Jbmd.
Kcetei. 1471, s 13, p. 393, — > SpUgMldoF Mhren* B. v, c XX, p^ m.
2*
20 HISTOIRE DES IIÉPUBLIQUE» ITALIENNES
diète fat transférée à Nuremberg ; aacime de ses ordonnaneed
ne fat exécatée, et rAllanagne, la Hongrie et Vltalie forent
abandonnées sans défense àla farear des Tares *.
Paal II ayait chaîné le cardinal de Sienne de solliciter la
diète de Batisbonne, pour qa'elle dédaràt la gaerre anx Bo-
hémiens aussi bien qa*aax Turcs ^. Il repoussa mèmeycoomie
une calomnie, la supposition qu'il eût jamais consenti à
quelque accord avec Podiehrad, si ce monarque avsdt vécu '.
Les délibérations des Allemands, à l'égard de la Bohème, ne
furent suivies d'aucun effet ; mais Mathias Gorvinus, roi de
Hongrie, à qui le pape avait accordé la couronne de Bohême^
poursuivait sesprojéts de conquête dans ce royaume. Les Bcbé-
miens, plutôt que de se soumettre àlui, ayai^atoffert la royauté.
àUladislas, fite du roi de Pologne, qui vintseinettreà leur tète.
En même temps, Casimir, son père, appelé parles mécontents
de Hongrie, vint attaquer Gorvinus dans ses propres états, et
s'avança jusqu'à Nitria, où il soutint ensuite un siège ^. Ainsi
donc , loin que les Hongrois fussent assistés par le reste de la chré«
tienté, le pape les affaiblissait par une diversion puissante, et
les Polonais par une invasion redoutable. La campagne contre
les Turcs ne fut cependant pointaussi désastreuse pour la chré-
tienté qu'on aurait pu le craindre. Les Musulmans avaient
achevé, sur les frontières deSyrmie, au passage de la Save, les
fortifications d'une citadelle, qu'ils nommèrent dans leur lan-
gue Sabatz ou l'Admirable ^ . Mais Mahomet ne conduisit, cette
année, aucune expédition par lui-même, et celles de ses pachas
étaient beaucoup moins redoutables. H parut mên)^ avoir
quelque pensée de faire la paix avec les Vénitiens. La veuve
A Campant», Ub, VL Epist. 22. — Baynaldi, $ 13-14, p. 223. — * heure de Paul II,
du » avri^IAber Breviton, oimo VU, p. i28. Raynaldi, $ 26, p. 325*— > Bref de Paul II,
du 25 juin. Jbid, S 28, p. 226. .— ^ Bonfinius, herum VngarUsarum. Deçà IV, L. li^
p. 690.—Dlugossi Hist, Polon, L. XIII, page 47i. — s BonfiHius, Ber. Vngar. Dec. IV,
I^. II, p. 583. * Spiegel der Ehren* B. V. c. XX, p. T63.
DU MbYER AGE. 21
d'Amnrat II, filk de George Bnlkoiintz, demi^ despote de
iSeme, s* offrit pour en être médiatrice ; et denx ambassa-
deurs Téiiitieiis, Nicolas Gocco et François Gapello, forent en-
voyés auprès deMahomet. Ce monarque aTaitété informé des
armements de la ligne, et il Toulait les ralentir par une né-
gociation : c'était dans ce but seul qu'il avait appelé les dé-
putai Ténitiensà la Porte, et il les renvoya sans rien conclure * .
Ce n'était pas au reste parmi les Européens et les chrétiens
seulement que Paul n et les Vénitiens avaient été chercher
des auxiliaires contre les Turcs; une n^odation beaucoup
plus extraordinaire était entamée entre eux et Hassan Beg,
ou Ussun Cassan, qui avait conquis la Perse, en 1468, sm
les descendants de Timour, et qui y avait fondé la dynastie
du Mouton blanc ^. Un frère Louis de Bologne, de l'ordre
de Saint-François, se rendit par Caffa auprès du conquérant
de la Perse, pour l'exciter à faire valoir les droits de cet em-
pire, qu'il renouvelait, sur la Colchide et Trébisonde, et pour
lui promettre en même temps les secours des octidentanx
dans une guerre contre les Turcs. Ussun Cassan s'engagea en
effet dans la confédération qu'on lui proposait; il émvit à
Paul II une lettre emphatique et d'un style mental , pour
lui promettre sa coopération. Après avoir pris pour lui-même
les titres les plus pompeux, il en accorda aussi au pape de
très magnifiques; l'annaliste de l'ÉgUse y a vu une confes-
fflon de la grandeur des pontifes arrachée à un infidèle par
la force de la vérité '. Le défi qu'Ussun Cassan envoya peu
de temps après à Mahomet II était tout symbolique. L'am-
bassadeur persan versa devant le trône du sultan un sac de
millet, qu'il balaya ensuite : ainsi le balai d'Ussun devait
1 If. Ani, Sabellico, Deçà III, L. IX, f. 210, y. — Andr. Navagiero. T. XXIII, p. IISO.
—Cùrtol, Cepio. L. I, p. 342.— s Voyez d'Herbelot, Bibliothèque orientale^ au mot Uzm
Basson Beg. Vh aspirée des orienUax ae confond aree le C. Le nom bire tf(Jaiui, de
même que celui de Al Thaui, que lui donnent les Arabes, vent dire le long* -*' U let-
tre est rapportée Annal. Eccles. U7|, $ 48, p. 229. . .
22 HISTOIRE DES EEPVBLtQlTES ITALIEKINES
emporter aisément tonte la multitnâe de l'armée ottomane.
Mahomet répondit dans le même style; après aToir fait éten«
dre le millet de nouTean, il fit apporter des poales qui le
mangèrent. « Dis à ton maître, ambassadeur, ajouta-t-il, qne
« comme mes ponles ont mangé son millet, ainsi mes janis-
« saires mangeront ses bergers de Tartane, dont il a cm faire
« dessoldat8^ »
Le pape, qui avait provoqué les Persans contre les Turcs,
ne pnt pas voir la suite de ces menaces mutuelles; il mou-
mt, comme nous rayons vu au chapitre précédent, le 26 juil-
let 1471 ^. François delà BoTère de Savonne, que Paul II
avait tiré de l'ordre de Saint-François dont il était général,
et qu'il avait fait cardinal de Saint-Pierre ad vincula, lui fut
doimépour successeur, le 9 août 1471, sous le nom de
Sixte lY '. La Bovère était alors ftgé de dnquante-sept ans;
il était sorti dé la plus basse classe; mais, depuis son exalta-
tion, il diercha à confondre son origine avec celle de la noble
maison de la Bovère de Turin, qui portait le même nom que
lui. Cette maison ayant répondu à ses avances, il récompensa
«a condescendance par deux chapeaux de cardinaux ^. Ce
pape, qui sacrifia ensuite scandaleusement les intérêts de
r%lise à la grandeur de sa famille, et qui, comme le re-
marque Hacchiavel, « motitra le premier tout ce que pouvait
« un souverain pontife , et comment beaucoup de choses
« qu'on appelait auparavant des erreurs pouvaient être ca-
« ehées sous l'autorité pontificale ', » parut, dans les premier»
mois de son règne, tout occupé des intérêts publics, et de la
1 Marin Sanuto, Vite ûe duchi. p. ti97. — * La mort subHe de Paul II, qiû parait
arotr été causée par des melons mangés en trop grande abondance, fut prise par ses
nombreux ennemis pour un jugement du ciel. Guemieri Berttio, IHiislorien d'Agobbio,
4|iri termine sa narration à l'année suivante, raconte, comme un fait constant, que ce
pape m étranglé par les diables. On trouva, dit-il, son corps tout noir, étendu par terre,
et la porte de sa cbambre fermée en dedans. Cronica ^Agobbio. T. XXI, p. 1021*—» Wd-
fio fU sufano infusura, L. lII,P.ll,p. ii43. -^^ Annales Eeelesiastlci. 14T1, S 66-TO,
p. 333. - s Macchlavem, Morte, T. vn. p. 334.
BU MOYEN AGE. 23
ûéteoise de la chrétienté. Il se montra même disposé à ac«
corder à la Bohème une padfication on une trftTe, pour ré-
serrer de plus grandes forces à opposer aux Turcs * . Mais
tandis qu'il s'occupait d'apaiser ces troubles âoignés, peu
s'en fallut qu'une guerre dnle allumée dans le duché de
Ferrare ne contragnlt la république de Yenise à diviser ses
forces^ pour faire respecta ses frontières.
Borso d'Esté était mort le 20 aoAt, moins d'un mois après
le pontife qui l'avait fait duc de Ferrare. Cet aimable prince
ne laissait point d'enfiints; il avait paru traiter avec une
^ale prédilection son neveu et son frère. Le premier, Ni-
colas d'Esté, était fils légitime de lionnel, prédécesseur et
frère de Borso, et bâtard comme lui ; le second, Hercule
d'Esté, était fils légitime de Nicolas III, père de Borso. Le
droit de succession, mal établi dans la maison d'Esté, sem-
blait n'appeler à la couronne ducale que celui entre les prin-
ces qui était en état de gouverner. Parmi les enfants de Ni-
colas m, les deux bâtards avaient passé avant les deux fils
légitimes, uniquement parce que ceux-ci, nés de Bicbarde de
Saluces, étaient encore en bas âge à la mort de leur père. Le
fils de Lionnel, né d'un légitime mariage avec une princesse
de Gonzague, avait pour la même raison fait place à son
oncle Borso. Mais à la mort de ce dernier, Nicolas et Hercule
étaient tous deux également en âge de gouverner. Les droits
deTunet de }' autre paraissaient égaux. Ni l'institution des
dudiés de Modène et de Beggio par l'empereur, ni celle du
duché de Ferrare par le pape, n'avaient décidé entre eux, et
Borso lui-même ne s'était pas déclaré davantage. Lorsque sa
maladie fit prévoirune prochaine ouverture de la succession,
les deux prétendants cherchèrent à s'emparer des lieux forts,
pour être en état de dicter la loi; en même temps ils s'assu-
1 Oiploma apud Baynaldum, t47i , S 77, p. 23».
24 HISTOlllE DES REPUBLIQUES ITALIEItNES
rèrent d* alliances étrangères. |Bercale , le premier, se rendit
mcdtre de Gastd-NoYO sur le Pô, et y établit beaucoup d'in-
fanterie; d'autre part, il demanda Tassistanoe des Vénitiens,
dans les armées desquels il avait serri. La Seigneurie de Ve-
nise fit en effet approcher de Ferrare trois galères, deuxfustes
et soixante-dix barques, tandis qu'elle assembla prèsde quinze
mille hommes dans le Polésine de Bo?igo. Nicolas, de son
côté, s'était fortifié dans le palais même du duc, où ses amis
Tinrent le joindre. En même temps il ayait sollicité les secours
de Louis de Gonzague, son beau-frère, et de Galéaz Sforza,
duc de Milan. Le dernier avait rassemblé quinze mille
hommes dans le Parmesan, pour favoriser le fils (de Lionnd ;
mais la mort de Paul II dérangea les projets de Galéaz. Il ne
voulut pas s'exposer à entrer en guerre avant de connaître
quelle serait la poUtique du nouveau pontife. Nicolas, consterné
de cette immobilité et de l'approche des Vénitiens, se rendit à
Manioue auprès de son beau-frère , pour réveiller le zèle de
ses aUiés. Pendant ce temps Borso mourut; Hercule entra
dans la capitale avec une suite de plus de deux mille hommes
armés; il fut proclamé duc de Ferrare et de Modène ; plusieurs
des partisans de Nicolas furent tués [dans les rues , et celui-ci
ne fut plus, aux yeux du vainqueur, qu' un exilé et un rebelle * .
Le 24 novembre suivant, plus de quatre-vingts gentilshommes
ou bourgeois de Ferrare , qui s'étaient attadiés à Nicolas, et
qui l'avaient suivi dans son exil, furent condamnés à mort
par contumace. Plusieurs d'entre eux, étant tombés ensuite
entre les mains d'Hercule, furent pendus ^.
Cependant, la succession de Ferrare ne causa qu'une in-
quiétude passagère , tandis qu'elle assura à la république un
T(^sin qui lui était absolument dévoué. 1472. — D'autre part,
1 I^arto Fenarue, r. XXIV. »er» U. p. 230. ^ (Ho. Boit. Pigna, Slorta de\PrUeipi
d^SHe. L. VIII, p. 783.— Cronicadl Bolagna. T. XVIII, p. 788-789. — • Dtorto Ftna-^
^«e.T.XXtV, 336-338.
DU MOTEH AGE. 25
nn noaTeaa doge, Nicolas Tronc, fut donné ponr saooesaenr
à Christophe Moro, qui était mort le 9 novembre * . Tranqnille
snr son intérieur , Venise s'efforça de tirer parti des diffé-
rentes négociations qui rayaient oocnpée dans l'année précé-
dente, et d'attaquer Mahomet II airec des forces redoutables ,
de tous les côlés à la fois. Gatherino Zeno avait été envoyé
dans r hiver à Ussun Gassan , pour lui annoncer Farmement
des Yénitiens, et demander sa coopération ^. Le roi de Perse
était en même temps excité par sa femme qui était chrétienne
et fille du dernier empereur de Trébisonde. Il entra en Géor-
gie avec trente mille chevaux ; il massacra un grand nombre
de Turcs et enleva un butin considérable; mais, à la réserve
de Tocat, dont il s'empara, dans la province de Siwas, en Ar-
ménie, il n'assiégea aucune forteresse, et il retourna dans son
pays sans avoir fait aucune conquête '.
D'autre part, Pierre Mocenigo, assuré que le grand Sei-
gneur dégarnirait l'Archipel, pour s'opposer à rinvasion des
Persans et dâ^endre ses provinces d'Asie, partit de Modon où
il avait passé l'hiver. U embarqua beaucoup de Stradiotes ou
1 tiartnSantUo. p. il 95. — Andréa Navagiero, p. u 30. — * Catberino Zeno avait une
sorte de parenté avec Uisun Cassan, oo du moins avec sa femme Despina, fille de David
Comnène, empereur de Trébisonde. Despina avait une sœur mariée A Nicolas Crespo,
duc de la mer ^ée. Les cinq filles de celles-ci avaient toutes épousé des nobles vénitiens :
Pafnée, femme d'un Comaro, fut mère de Catherine, reine de Chypre; l.i troisième, Vio-
lante, tui femme de Gatherino Zeno. Ussun Cassan , qui avait près de soixaole-dii ans
avait vécu dans une rare union avec sa femme, toujours demeurée chrétienne, et il té-
moigna A Catberino Zeno toute Taffection d'un oncle et d'un ami. Pétri Blzarrl Bluor.
tierum Persicarwn. L. X, p. 26i. Ce même Catherine Zeno fut ensuite renvoyé par Ussun
Cassan au roi de Pologne, puis à tous les princes chrétiens, pour les réunir contre Ua-
lioraei II. Il visiu la cour de Casimir, roi de Pologne, en au. Dugïost, Hièt, Polonicœ.
L. XIII, p. S09. Ces négociations sont l'objet d'un traité de Callimachus Experiens, De
hUçuœa VeaetiM tentata sunt, pro Pertis ae TartarU contra Tweoi movendif; traité
imprimé A Francfort, 160 1, iti-foL, avec Y Histoire de Perse de Bizarro. CalKmachus Ex-
periens, attaché comme historien au roi de Pologne, eut lui-même une grande part à ces
négociations. H fait connaître aussi le chemin suiii par Calherino Zeno, p. 408. ~ >!iR-
dreallavagiero,T. XXUI, p. 1131.— DiigtofS. Hist. Pohnicœ, L. XXIir, p. 481. D'après
Cnntemir^ oe ne fUt pas Ussun Cassan, mais son général Yusuflche Beg, qui prit Tocât,
et fut ensuite battu. Dem. Cantemir* L. III, c. I, $ 2S.
26 HISTOIRE DES RÉPUBLIQUES rrALlENSES
de soldats grec» à Napoli de Bomanie, et Tint ratager Sîity^
lène et Délos * • Les Stradiotes commençaient alors à faire une
partie essentielle des armées Ténitiennes ,• vingt ans de malheur
et d'oppression ataient forcé les Grecs à reprendre des habi-
tudes militaires. Ils avaient appris à former nne cavalerie lé-
gère, armée de boucliers, de lances et dépées ; au lieu de
èuirasses, ils garnissaient leurs vêtements d'une grande quan-
tité de coton , pour amortir les coups ; leurs rapides chevaux
pouvaient fournir les pins longues courses ; la vigueur de ces
ebevaux fit bientôt reconnaître le mérite de la nouvelle milice.
Les hommes, à leur tonr^ trouvèrent moyen de se distinguer.
Cettx de la Morée , et surtout du voisinage de Napoli , furent
les plus estimés , et le mot grec qui signifie soldat demeura le
ncMU propre de cette cavalerie légère*.
Mocénigo résolut cette année de porter ses armes vers
l'Asie, habitée presque uniquement par des musulmans, plu-
tôt que vers les îles et le continent de Bomauie, où les chré-
tiens formaient toute la population. La guerre maritime,
lorsqu'elle se fait entre cteux flottes, est la plus noble de
toutes, parce qu'elle ne compromet la vie et la richesse que
de ceux qui de part et d'autre se sont destinés au combat ;
mais les ravages d'une flotte sur les côtes sont, au contraire,
presque toujours souillés par une honteuse piraterie ; ce n'est
pas au souverain^ mais au peuple; ce n'est pas au soldat, mais
au bourgeois, qu'on cherche alors à nuire. Le but des expé-
ditions maritimes est la destrucjtion, non la conquête; les
marins préfèrent la surprise au combat, ils attaquent ceux
qui sont hors de leurs gardes , et s'enfuient à l'approche des
ennemis ; ils s'accoutument ainsi à un mélange odieux de
crainte et de cruauté. Par quelques épouvantables dévasta-
tions que les Turcs eussent mérité des représailles , on ne
1 NavagUro. p. in% — Coriol. Cepio, L. I, p. 343. — * Ir^'nèvnw M. ànU Sabeh
lico. Deçà III, L. IS, f. 211.
DU MOTCIf AGE. 27
pent sMntéfesser à Vamiral cbrélien qai promet un dacat de
récompense ponr chaque tête de musnlman qu'on lui apporte,
gratification qui fit inassacret plusieurs centaines de Grecs,
pour vendre ensuite leurs tètes comme enlevées aux musul*
mans. On ne peut s'intéresser à la flotte de Mocénigo, lors^
qu'elle fait un débarquement près de Pergame, pour enleveir
du butin sur les malheureux paysans, et des trophées de tètes
plus honteux encore ; kn^squ'elle porte ensuite les mêmes ra-
vages dauBhla Carie, autour de Guide, puis sur la côte oppo-
sée à l'île de Gos * . Dans ces expéditions de piraterie, la seule
chose qui intéresse encore, oe sont ces noms autrefois fameux,
qu'on ne prononce jamais sans réveiller le souvenir du triom-
phe des arts, de la poésie, del'él^ance et du goût ; mais lors-
que ces noms ne reparaissent dans l'histcMre que pour nous
apprendre comment ces villes antiques furent enlevées par
des barbares à d'autres barbares ; lorsque surtout c'est le
penj^e le plus dvitisé qui s'efforce de les détruire, et le peuple
le plus farouche qui défend encore ces antiques monuments
de la civilisation , une profonde tristesse s'attache aux fastes
de cette horrible guerre.
Pierre Mocénigo avait déjà étendu ses ravages sur une
grande partie de l'Asie Mineure, et il avait enlevé un grand
nombre de tètes musulmanes, lorsque, le 15 juin 1472,
Bequesens viiat le joindre près du cap Mallio^ avec dix-sept
galères napolitaines. Peu après , le cardinal Olivier Garaffa
lui amena aussi dix-neuf galères du pape. L'on et l'autre
général déclara que, nonobstant le rang supérieur de son
souverain, il avait onlre d'obéir au généralissime vénitien,
et de témoigner ainsi la reconnaissance des chrétiens pour la
république qui soutenait seule la cause commune ^.
1 âr. Ànt, SabeUieo. ïïeeâ ni, t. IX, t 9t t, — Coriolanus Ceplo, De Reb. Venetis. L. f,
p. 343. — * JV. A. Sabellico^ Deçà III, L. IX, f. 2ii. — Raynaldi Annal Ecctes: 1472,
S 42, p. 244. ^ Viia Sixti IV; Plaiinœ trUnaa, T. III, P. If. Rer. Itat p. 1057. -* Jacobi
Vokuerrani Diarlum Romanum, T. XXiu. Rer. Ual. p. 90.— CoriO Aint» Cej^o. h. I,p. 340.
28 HISTOIRE DES REPUBLIQUES ITALIEimSS
Les divers historiens de cette gaerre ne s'accordent pas
snr la force de la flotte chrétienne ; mais le calcul le plus
modéré la porte à quatre-vingt-cinq galères. Les Turcs, ce-
pendant, ne sortirent point des Dardanelles à sa rencontre,
jm sorte qu'un armement si considéraUe, et qui coûtait au
pape seul plus de cent mille florins , n'eut d'autre résultat que
de ravager quelques villes de l'Asie Mineure. La première que
les Latins attaquèrent fut Attalée, ou Satalie, ville riche delà
Pampbilie, vis-^à-vis de l'Ile de Chypre, qui servait de mar-
ché aux Égyptiens et aux Syriens. Soranzo franchit avec dix
galères la chaîne qui fermait le port , et s'en rendit maître.
Les troupes de débarquement, conduites par Malipiero, s'em-
parèrent de la première enceinte de murs qui entourait les
faubourgs. Ces faubourgs furent pillés, aussi bien que le port,
et une grande quantité de poivre , de cannelle , de gérofle et
d'encens fut transporta sur les galères. Mais les murs inté-
rieurs de la ville furent défendus avec vigueur ; on né pouvait
les attaquer sans artillerie, et la flotte chrétienne n'en portait
.point. Mocénîgo fit ravager la Pampbilie aussi loin que ses
troupes purent s'étendre ; puis il fit mettre le feu aux fau-
bourgs de Satalie, et il ramena sa flotte à Rhodes *. Il y trou-
va l'ambassadeur que Ussun Gassan envoyait au pape et aux
Yénitiens^. Ce Persan rendit compte aux généraux chrétiens
des succès de son maître ; il avait pris aux Ottomans Tocat,
ville du Pont, sur les frontières de l'Arménie, et il envoyait
demander aux Européens de l'artillerie, sans laquelle le Sophi
ne pouvait assiéger d'autres villes ' .
, La flotte vénitienne, ayant remis ^ la voile, vint ravager
l'antique lonie, vis-à-vis des rivages de Chios. On n'y trouva
1 M. Ant Sabellico, Deçà iil, L. IX, f. 212, yo. _ CorloUmun Cepio. L. i, p. S47. —
s P. Callimachi, HisL de Venetis eontra Turcos, p. 409. — > Jf.il. Saftetfico. Deoa ni,
L. IX, r. 213. — Navagiero, Storia Venezlûna. p. 1132. — annal. Twcici Lemclmii.
T. XVI, p. 258. Coriol. CepiO. l. I, p. 348.,
UO MOlTEn AGE. 29
point d* ennemis à combattre ; mais les chréti^Eus arrachèrent
les lignes, et brûlèrent les oliviers de ces riantes campagnes ;
et le légat paya cent trente^sept ducat» , pour autant de tètes
qu*onlui apporta sur sa galère. Tous les malheureux qu'on
enleva de leurs chaumières, ou qu'on trouva cachés dans. les
bois, furent Tendus comme esclaves ' • Après cette expédition,
Requesens quitta, devant Naios, la flotte vénitienne, et ra«
mena les galères de Ferdinand à Naples, pour y passer l'hiver.
Mais Mocénigo et le légat voulurent profiter de ce qui restait
encore de la belle saison, pour étendre plus loin leurs ravages,
lis prirent des informations sur l'état de Smyrne. Cette ville,
la plus riche et la plus commerçante de l'Ionie, est située an
fond d'un golfe, et elle n'avait point vu d'ennemis depuis long-^
temps ; aussi les Turcs n'avaient pas eu soin de relever ses mu-
railles, ou de les faire garder. Le 13 septembre 1472, Mocé^
nigo parut à l'aube du jour devant Smyrne ; ses troupes, Aé*
barquéesavec célérité, plantèrent leurs échelles contre les
murailles, et les attaquèrent aussitôt. Les bourgeois effrayés
se présentèrent bien sur leurs ruines pour les défendre; mais
ils étaient si peu accoutumés aux armes, et tant d'anciennes
brèches étaient demeurées ouvertes, qu'ils ne retardèrent que
de peu de moments l'entrée des soldats ou des marins. Lesha-
bitants, voyant la ville prise, s'enfuirent avec des cris lamen-
tables; les femmes, avec leurs enfants dans les bras, se réfu-
gièrent dans les temples et les mosquées ; quelques hommes
déiendaient encore les toits et les terrasses de leurs maisons ,
un grand nombre furent taillés en pièces, d'autres enlevés
comme esclaves ; les femmes surtout furent poursuivies , elles
furent arrachées de leurs temples, déshonorées, etensuiteven-
dues. Les vainqueurs ne voulurent point distinguer les églises
chrétiennes des mosquées , ils feignirent de croire tous les ha-
< M. Ànt, SabelUcQ, Deçà m, L. IX, f. 2U.
30 filSTOIIUS BISS |UKPUBIJQU£;& lïALUSirirES
bitants mosolflians, pour les traiter tons avec la même ri*
goeur ; et cependant même anjoard'hui près de la moitié des
habitants professe mcore le christianisme, après être restés
si longtemps sous le joug des ïures. Balaban, pacha de lapro-*
Tince, averti du débarquement des Vénitiens, accourut pour
les repousser avec ce qu'il put rassembler de troupes; il
fut lui-même mis en déroute. Les vainqueurs, à leur rentrée
dans la ville, y mirent le feu, et en peu d'heures l'antique par-
tie d'Homère fut réduite en cendres. On ne porta sur les vais^-
seaux que deux cent quinze tètes ; les soldats avaient trouvé,
dans cette ville opulente, à se charger d*un butin plus profit
table ; il fut vendu à l'enchère, et partagé entre les soldats et
les matelots * .
En revenant du sac de cette ville, les Vénitiens débarquè-
rent encore à Glazomène, sur l'isthme de la péninsule qui
fehne le golfe de Smyme ; mais les habitants effrayés s'étaient
réfugiés dans les montagnes, et l'on ne trouva guère à enlever
que des chameaux et du bétail. Les galères, profitant alors
d'un vent favorable, firent voile vers Modon ; l'amiral véni<^
tien passa l'hiver dans la Morée, et le légat du pape, Olivier
Garaffa, revint en Italie. Il fit son entrée à fiome le 23 jan-»
vier de Tannée suivante. On conduisait dans la ville douze
chameaux montés par vingt*cinq Turcs, qu'il avait r^ervés
en vie pour orner son triomphe : il fit aussi suspendre ^vimt
les portes du Vatican des fragments de la chaîne qui fômait
le port d' Attalée ».
Les ravages des Vénitiens dans l'Asie Mineure étaient ven-
gés par les ravages des Turcs dans les possessions vénitiennes;
1 Les détails que donae Sabellico sur ceUe campagne (Deçà III « L. U, p« 2i4) sont
tirés d'ane relation élégamment écrite en latin , et divisée en trois livres, par Coriolan
Cepio, Dalmate qui commandait une des galères de Mocémgo et qui ne quitta point l'ex-*
pédition. Elle a été imprimée 1556, à Bâle, tn-foL, à la suite de Laonicus Chalcocondytes»
p. Ui'ieZfRaunaldi Annal. Eccles. 1472, S 43 )p< 244. ^ ^Stefano Infewata, DIario
honumo, p. U43.
DU MOYEN AGB* 31
et dans cet échange de férocité et de brigandage, il est diffi-*
cile de reconnaître q[uel était le penple le pins barbare, qnel
était celui que les premiers outrages avaient provoqué à user
de représailles. Les villes de l'Albanie , qui étaient demeurées
aux Yénitiens dans T héritage du grand Scanderbeg, voyaient
leur territoire dévasté régulièrement deux fois par année, aux
approches de la moisson et de la vendange, jusqu'aux murs
de Scutari, d' Alessio et de Groia ; mais ces courses rapides de
cavalerie n'étaient suivies d'aucune attaque régulière \
L'apparition du pacha de Bosnie dans l'état vénitien causa
bien plus de terreur. Après avoir traversé rapidement la Gar-
niole ou l'Istrie, il entra, au milieu de l'automne, dans le
Friuli. La cavalerie turque parvint au commencement de la
nuit sur les bords de J'Isonzo, et aussitôt elle entreprit de le
passer à gué. La cavalerie vénitienne, cantonnée sur ses bords,
se rassembla en hâte, et repoussa vivement au-delà du fleuve
les premiers musulmans qui l'avaient traversé ; mais quoique
restée maîtresse de son bord, elle céda à son tour à une ter*
reur panique, et se retira avant la fin du jour. dans File de
Ceryia, formée par deux bras de rivière, devant Aquilée. Les
Turcs passèrent Tlsonzo au lever du soleil, sans rencontrer
aucune résistance, et ils se répandirent dans les riches campa-
gnes du Friuli. 1473. — ^L'incendie de toutes les maisons et de
toutes les granges qu'ils trouvaient sur leur chemin, avertit
de loin le reste des habitants de se sauver dans les heux forts.
Les portes d'Udine, capitale de la province, étaient eneom-
i)rées par les familles des paysans fugitifs, leurs chars ^ leur
bétaiU Les églises étaient remplies de femmes suppliantes, les
mars garnis de citoyens mal armés ; et si les Turcs avaient
poussé plus loin leur cavalerie, la ville aurait pu être prise
dans sa première terreur. Mais ils s'arrêtèrent à trois milles de
i jf. AnLSabelUco. Deçà III, L. IX, f. 213.
32 HISXOIEE DES RÉPUBLIQUfS lTAU££îA£S
distance, et s'en retoomèrent chargés de batiD, chassant dô«
Tant eux des troupeaux d'esclaves.
Tandis que Pierre Mocénigo, retiré pendant l'hiver à Hà^
poli de Somanie, s'occupait de mettre sa flotte en état de
commencer vigoureusement la campagne prochaine, un
jeune Sicilien, nommé Antonio, que les Turcs avaient fait
prisonnier dans Tile d'Eubée, et conduit à Gonstantinople,
s'échappa de cette ville, et vint se présenter à l'amiral véni-
tien. Il lui demanda un bateau et quelques compagnons ré-
solus, s' engageant, avec leur aide, à mettre le feu à la flotte
turque, au milieu de laquelle il avait passé à Gallipoli. Il dé-
clara avoir vu dans cette rade cent galères qui, n'étant point
gardées pendant la nuit, seraient aisément détruites par un
seul incendie. Mocénigo combla de louanges le jeune homme,
et lui promit les plus magnifiques récompenses. Il lui fit
donner une barque chargée de fruits, a?ec quelques mate-
lots les plus résolus de sa flotte. Antonio s'annonça aux Turcs
comme un marchand de fruits, et remonta sans difficulté les
Dardanelles : quand il fut parvenu à Gallipoli, il commença
à vendre ses fruits aux soldats; et comme il ne leur causait
aucune défiance, on lui laissa passer la nuit auprès de la
flotte. Il en profita pour mettre le feu aux vaisseaux les plus
près de lui; mais de prompts secours l'empêchèrent d^conti-
nuer et le forcèrent de s'enfuir lui-même sur sa barque, à
laquelle Tincendie s'était aussi communiqué. Le feu l'obligea
d'en sortir, pour se cacher avec ses compagnons dans le
premier bois qu'il trouva le long du détroit. Il laissa sa bar-^
que à moitié consumée au lieu où il était [descendu, et elle
fit découvrir sa retraite, en sorte qu'il fut arrêté avec ses
compagnons. Le sultan voulut le vmr, et il lui demanda s'il
1 M. AntJSabeUico. Deçà lii, L. Ix, f. 2i4. Cet historien était lui-même enfermé dant
udioe au moment de l'apparition des Turcs. •— Gwmieri Bernio, Sior, d*âgQhbiOé
p. 1022.
Dt MOYEN A6£. 33
airait reçu quelque injure qui pût le porter à une vengeance
aussi forcenée. « Aucune, répondit fièrement Antonio, mais
« je t'ai reconnu pour l'ennemi commun des chrétiens ; mon
« exploit est assez glorieux, et il le serait davantage si j'avais
« pu brûler ta tête comme j'ai brûlé tes vaisseaux. » Le Turc,
peu touché du courage de son ennemi, le fit scier par le mi-
lieu du corps avec ses compagnons. Le sénat de Venise ne
voulut pas que tant de résolution demeurât sans récompense.
Ne pouvant plus rien faire pour lui, il donna une dot à sa
sœur et une pension annuelle à son frère * .
Cependant Pierre Mocénigo reçut de Venise l'ordre de met-
tre en mer, et de suivre dans la prochaine campagne les in-
dications que lui donnerait Ussun Gassan. L'ambassadeur de
celui-ci avait resserré son alliance avec les Vénitiens ; Josa-
phat Barbaro, homme avancé en âge, qui parlait bien la
langue persane, avait été chargé de le reconduire à son maî-
tre, et d'offrir au sophi, au nom du sénat de Venise, de ri-
ches présents de vases d'or et d'étoffes de Vérone. Il menait
avec lui trois galères chargées d'une grande quantité d'artil-
lerie, et cent artificiers commandés par Thomas d'Imola, que
la république mettait au service du souverain de la Perse.
C'était par les côtes de la Gilicie et de la Syrie qu'ils comp-
taient se rendre auprès de lui : ils devaient y trouver deux
frères, princes de Caramanie, déjà dépouillés en partie par
Mahomet, mais qui défendaient encore contre lui le reste de
leurs états'.
i CortolatuuCepio. L. U, p. 350.— Jf. Ant. SabelUco. Deçà III, L. IX, r. 215. — Ray-
naba ÀHnaLEccles. 1473, S ^, P- 348. — > M. Ant. SabelUco. Deçà III, L. IX, f. 3i5, vo.
^ CorioL Cepio, L. Iir, p. 361.
Les premières commmuDicaiioos diplomatiques des Véoitiens avec la Perse sont UD
éTénemeot remarquable dans l'histoire des voyages, et par conséquent dans celle de
Fesprit humain; elles ouvrirent aux obaervations'des Occidentaux des régions inconnues;
elles mirent en rapport des peuples toqjours séparés ; elles jetèrent de premières lueurs
sur la géographie jusqu'alors si confuse, et elles commencèrent en quelque sorte la pé-
riode dans laquelle nous vivons ai^oard'hui , cette période dont le caractère le plus
frappant est le rapport établi entre tous les peuples de la terre*.
TU, 3
34 HISTOIBE DES R^PUBUQUBS ITALIENIXES
Pour OQTrir, par cette route, la commanication a\ec Usson
Gassan, Pierre Mocénigo se dirigea d'abord vers l'île de Chy-
pre, n avait alors quarante-anq galères vénitiennes ; den^
galères des chevaliers de Rhodes, et quatre du roi de Chypre
vinrent se joindre à lui. Avec cette flotte il fit voile vers Séleu-
cie, qu*un des princes de Garamanie assiégeait. Pyram^th, le
plus âgé de ces deux frères, était dans le camp d'Ussun Cas-
San; le plus jeune, Gassan Beth, donna rendez-vous aux
Yénitiens à un mille de distance de Séleacie, auprès d'un
temple ruiné. Il expliqua à Yictor Soranzo, qui fut envoyé
vers lui, que la Garamanie, dévouée à sa famille, était cepen-
dac^ retenue par Mahomet II dans la crainte et la dépen-
dance, à l'aide de trois forteresses situées le long de la mer,
vis-à-vis des rivages de Chypre, savoir : Sichesio, Séleucie et
Les ftTenlures de ces premiers voyageurs en Orient ont été consignées dans des rela-
tions originales qui nous ont été eonserrées. Elles sont traduites en latin et imprimées A
la suite de VBistoria RerumPersicaram de.P. Bizarro. La première est celle de Josaphat
Rarbaro, qu'on peut regarder comme un modèle de talent, d'observation, de justesse
d'esprit et dlntérèt (p. 4$s et sulvaDtas). Barbaro, après la prise de Séleucie par Moce-
rUgo, reconnut Timpossibilité de pénétrer en Perse avec tout son cortège. Il laissa en
<?ète les préaents dom la république rayait chargé pour Ossun Cassan ; il prit congé à
Séieueie de sos compatriotes ; et, malgré son âge avancé, il s'aventura avec Tambassa-
deur de Perse, et une suite très peu nombreuse, au travers de ces pays barbares. De
Tarse, il suivit la route de la Petite-Arménie , et ensuite du pays des Gurdes. Son petit
Qonégeftit attaqué ehes ce peuple de brigands ; l'ambassadeur persan, son compagnon
de voyage, Ait tué ; son secrétaire et deux hommes de sa suite le furent aussi. Barbaro
fnt grièvement btessé et dépouillé de tout ; son courage ne se démentit point cependant;
Il continua son vojage, et 11 trotiva enfin Ussun Cassan à tauris. Ce monarque le reçut
avec magnificence, et ne cessa dès lors de lui montrer les plus grands égards pendant
dnq ans qu'il le retint près de lui A la mort d'Ussun, en 1488, Josaphat Barbaro revint
à Venise par Alep et la route des Caravanes, qui traversait des états soumis aux Marne-
iucks et au Soudan d'Egypte.
Pondant ce même temps, la république avait envoyé aussi deux autres ambassadeurs
ausopbi, par deux chemins différents: run« Leopardo fiettoni, se rendit auprès de loi
par Trébisonde, mais il n'a rien icrit; Tautre, Ambroise Gontarini, prit sa route par te
nord de l^fiurçpe, pour éviter plus sûrement les embûches des Turcs, et nous avons sa
relation. Conlarini partit de Venise le 23 février 1478 ; il se rendit d'abord à Francfort
sur roder, odil arriva le 29 mars; il traversa ensuite la Pologne par Posna , LuMln et
Kiovie ; il était le !«* mai dans cette dernière ville, et le I6 à GalTa, d'où il s'embarqua pour
la Colchide et les bords du Phase. Ce fut dans la Géorgie et la Meogrélte qu'il eut le plus
A soufitrir de la tyrannie des princes et du méchant caraotére des peuples ; enfin , il
ntJ MOYEN AQE^ 35
Goryco (Sikin, Selefki, Curko), où les Turcs tenaient garni-
son, et dont les Caramans ne pouvaient se rendre maîtres
sans artillerie. Mocénigo assiégea successivement ces forte-
resses, et il les rendit à Cassan Beth, après avoir forcé les
garnisons tur^es à capituler. Cette première opération sem-
blait devoir ouvrir une communication facile avec Ûssun Cas-
san * . .
Pendant ce temps, ce monarque s'était avancé par V Armé-
nie jusqu'au voisinage de Trébisonde et du royaume de Pont,
avec une armée que, malgré les calculs extravagants des La^
tins, nous devons évaluer entre quarante mille et, tout au plus,
soixante-dix mille hommes. Mahomet II marchait à sa ren-
contre avec dix mille janissaires, dix mille gardes de la cour,
vingt mille fantassins et trente mille auxiliaires. Avec ces forces,
Uahomet s' empara de jÇarachizar^t ouCar^-Issar, sp* le fleuve
Lycus^.GhazMurath, begUerbey deBoiname, .coal^landaitson
entra te 25 Juillet, par TArménie, daps les états d'DssuQ Cassan, mais il ne put atteindre
ce soitTerain qu'à Ispahan, au mois de notembre de la même année. Il p^assa l'hiver au-
près de lui; il prit de justes rensei^rteinfiniB sur la puissMiee du souverain de la Perse ,
que tous les écrivains latins se plaisaient à exagérer ; il reconnut que sa patrie n'en pou-
vait pas tirer à beaucoup^rés le parti qa'die en attendait, et que dans la bataiHe de Cara-
Issar^ Bssun Cassan commandait tout au plus i quaraMe mille homms, presque tous db
cavalerie. Après avoir recueilli œs informations, qui pouvaient avoir une grande in-
fluence snr la république de Venise, ffl se mit en chemin au commencement de juin 1474
pour rentrer en Europe. Il revint par la même route, avec des dangers et une (ïilieiie
Infinis, ju^u'aux bords du Phaze. Mais là, il apprit avec une douleur profonde que les
tures, soupçonnant les relations des Occidentaux avec les Persans, veillaient sur totis les
cbemiot, et lui avaient fermé la route qu'il oooiptait suivre, en s'emparaot de Gaffa*
Contarini ne vit plus alors que la Moscovic par laquelle il pût rentrer en Europe. Re«
M'ouBSMl éhemin au travers de ta Ifédie, il parvint jusqu'à berbent sur tather Caspienhe;
y j passa l'hiver ao mHieu de pauvres p6cbe«rs( il an repartit le 6 'a^il |4U ipour A»-
U*acan, ville alors dépendante des Tartares ; il traversa leurs déaeris et ceux de la Mos-
o^e, liittanl sans cesse avec la misère et Hi l^ltn ; le !29 septeiiibre efafln, il fat sotl
entrée à Moscou, où le grand-duc lui avança de l'argent sur le crédit de la république
deTense. Mais Contarini ne pot pasTspartir de cette Capitale avant le ti janvier I4t6.
Passant par Smolensto et Trahi, oA il retrouva le roi Gàsknir, par Warsovie, Francfort-
sor-roder et liuretnberg, il airiva enfin à v^ioiM lé i« a#rt1 1476, iprin on des voyages
leifliil hasardeux qui enasent jamais été eotraprii.— « M. Anu SaëeiUco, 0eca III, U iX;
l fii«, v«. ^ CdlMmoflAtts BsspMêtis ito ymietls etmîrti fi»co», p. 409.— Oofin(. Cepio.
k lli p. 3S3, ^t MMU$'S¥i9(morm ùmemidanon, ab ip^ TUrcis memortm proâHi,
r
36 HISTOIRE DES EEPUBLIQTJES ITALI£1<I1H£S
avant-garde t il se trouva au milieu des Persans avant de s'y
être attendu. Ses troupes, attaquées avec impétuosité, furent
défaites, et lui-même fut tué dans ce premier choc. Mais
comme les Persans poursuivaient les fuyards, ils rencontrè-
rent le corps de bataille q[ue commandait Mahomet avec ses
trois fils, Bajazet, Mustapha et Gem. Le sultan profita du dés-
ordre des vainqueurs pour les attaquer. Ussnn Gassan se dé-
fendit avec vigueur; la mêlée fut longue et cruelle. Gependant
Dauth-Pacha, beglierbey de Natolie, qui commandait une
des ailes , ayant fait avancer son artillerie , jeta le désordre
parmi les Persans, peu accoutumés aux armes à feu. Un des
fils d'Ussun Gassan fut tué, et sa tête fut présentée à Mahomet.
Ussun prit la fuite , et se retira avec une partie de son armée
dans les montagnes de FArménie. Son camp fut pillé; les
captife qu'il avait enlevés furent délivrés, et Mahomet', après
cette éclatante victoire qui assurait ses frontières, rentra en
triomphe à Gonstantinople * .
Mocénigo, avant d'être instruit du sort de T allié de la ré-
publique, avait attaqué différentes places dans l'Asie Mineure.
Il assiégea d'abord Myra dans la Lycie ; Aiasa fieg, comman-
dant de la province, rassembla quelques troupes musulmanes,
et s'avança pour délivrer la ville: il fut battu et tué dans le
combat. Myra se rendit alors aux Vénitiens, qui accordèrent à
la garnison et aux habitants la permission de se retirer; mais
ils pillèrent et brûlèrent la viQe. Mocénigo effectua ensuite un
débarquement devant Physsus dans la Garie, dont il ravagea
les environs. Il y reçut un message de Gatherino Zeno, ambas-
sadeur auprès d' Ussun Gassan » qui l'invitait à se rapprocher
ecieime/ooio editU Byzantin. T. XVI, edUio Veneu p. 2S8. PœMen». p. SSo. Lm La-
tins doDoent 820,000 honiaies à Mahomet II, et S50,oooà Ussun Cassan. DemêL Cantendr,
L. Iir, c. 1, S 27. — i Annales Tutcicl, Bytant. veneta. p. 258. — M. ânt. SabeUlco»
Deçà III, L. IX, f. 2IT, V*. — annales Kecles. Rayn* 1473, $ 8, p. 249. Cette déltfte
dUssun Gassan Hit représentée comme une victotre aux Polonais, que Gatherino Zeno
voulait engager dans une ligue générale contre les Turcs. Dhigoss. HUt, PoUmkœ*
h. Xlir, p. 498.
DU MOYEN AGE. 37
de la Gilicie, pour pouvoir au besoin seconder le monarque
persan. Il était revenu à Coryeo, lorsqu'il reçut un nouveau
courrier de Zeno , qui lui annonçait la défaite du sophi et sa
retraite en Arménie * .
Pendant toute cette campagne, Mocénigo avait agi seul.
Tandis qu'il était en Gilide, l'archevêque deSpalatro, nouveau
légat du pape, lui avait bien fait dire qu'il viendrait le joindre
avec dix galères, s'il croyait que l'amiral vénitien voulût en-
treprendre quelque chose pour le bénéfice de la chrétienté.
Mais ce message blessa Mocénigo, qui croyait avoir déjà beau-
coup fait pour la cause commune, et il refusa des secours of-
ferts d'aussi mauvaise grâce. D'ailleurs son attention commen-
çait à être distraite par les affaires de Chypre; le crédit qu'il
s'arrogeait déjà dans cette île était d'une plus haute impor-
tance pour la république que toutes les conquêtes qu'il avait
tentées jusqu'alors, et il ne voulut point, en traitant avec les
derniers Lusignan , être gêné par un légat du pape , qui lui
reprocherait toute entreprise étrangère à la guerre des
Turcs.
L'île de Chypre qui, en 1 191, avait été donnée si généreu-
sement par fiichard-Cœur-de-Lion à Gui de Lusignan, comme
dédonmiagement du royaume de Jérusalem, s'était conservée
dès lors, jusqu'en 1458, dans la descendance légitime de cette
illustre maison. Janus III ^, le quatorzième des rois de Chypre
de cette famille, était un prince efféminé, qui n'avait vécu
que pour le plaisir. Sa première femme, de la maison de
Montferrat, était morte, non sans soupçon de poison; la se-
conde, Hélène Paléologue, était une Grecque du Péloponnèse,
qui gouvernait despotiquement son mari. Elle l'avait engagé
à rétablir le culte, grec dans l'île , acte de justice et de pru-
i M. Ant. Sabellico. CorioL Deçà 111, L. ixi f. 2I6, v«. — Ceph. L. II, p. 357. — « Le
nom de Janus, dans la maison de Lusignan, venait de la naissance d'un de ces princes
4 Gcneii, JanuOj après la brillante expédition de Gaunt et de Frégoso.
38 HISTOIRE DJSS B^PUBLIQUES ITALI£If»If£S
dence que les Latins lui reprocliaient comme un crime. Hais
autant elle goutremaii Janus , autant elle était gouvernée par
sa nourrice, qui tétait à son tour par son fils. Le roi avait eu
une fille de sa première fenmie , nommée Charlotte ; il n'en
avait point de la seconde, lùais il avait eu aussi, d une de ses
maîtresses, un fils nommé Jacques. Charlotte, héritière pré-
somptive du royaume, fut mariée à Jean de I^ortugal, fils du
duc de Coïmbre, et petit-fils de Jean P'^. Le prince portugais
excita la jalousie du fils de la nourrice; après de violentes
querelles entre eux, il périt en 1457 *, et on le crut empoi-
sonné. Le triomphe insultant du fils de la nourrice ne fut ce-
pendant pas long. Jacques, le bâtard â6 Janus, le tua de sa
main, moins pour délivrer Charlotte de son insolence que
pour s'ouvrir à lui-même le chemin du trône, en se défaisant
d'un favori dangereux ^.
Janus destina ensuite sa fille à Louis de Savoie, second fils
du duô Louis, qui avait épousé lui-même une princesse chy-
priote; mais Janus mourût avant d'avoir pu effectuer ce ma-
riage. Louis arriva cependant à Nicosie, capitale du royaume ;
il épousa Charlotte le 7 octobre 1459, et il fut couronné avec
les titres de roi de Chypre, de Jérusalem et d'Arménie *.
L'intention de Janus avait été de faire entrer son bâtard
dans les ordres, et il lui destmait l'archevêché de Nicosie, pre-
mière prélature du royaume. Mais, par une politique impru-
dente, Charlotte prévint la cour de Borne contre son frère, et
Fempêcha d'obtenir ce siège éminent^. Jacques, Irrité, se retira
auprès du Soudan d'Egypte, dont les rois de Chypre se recon-
naissaient feudataires; d lui demanda pour lui-même l'héri-
tage de son père. L'avantage du sexe est, aux yeux des Mu-
1 Kngicenviut de ikmureUt, Cbran. toL Ul, f. 74. ^ * Commcntarii PU Papct IL
L. Vin, p. 17^176. — s Cmumenu m P. L. vu, p. 177. -- Guich^nony MUt. ginéoL
de la maison de SatàoU. T. U, |i. iis. — * AnnaUi Scel^iim*\fUtynaldi. UM, S &$•
p. 99.
DU IffOTEir AGE. 39
âidmaiis, bien plus important , dans la saccession, qae cfoltâ.
de la légitimité. D'ailleurs, le soudan voyait avec presq[ue au-
tant de défiance que Mahomet II un prince de F Occident, et
du sang français, s'établir au centre de la mer de Syrie. Les
Chypriotes , de leur côté, préféraient un Lusignan né dans
leur pays à un souverain étranger. Melec Ella donna donc à
Jacques, avec la couronne royale, une armée de Mamelucks
pour soumettre file de Chypre. Jacques fut reçu sans diffi-
culté dans Nicosie ; il prit en peu de temps les places de Sl-
gour,Paphoset Limisso, mal défendues par desgentilshomiûes
savoyards; il assiégea Louis et Charlotte dans Cérines, et, à U
réserve de cette forteresse, il se rendit maître de tout le
royaume • .
Louis de Savoie était un prince indolent et sensuel , mais
Charlotte était douée d'une activité Remarquable. Elle quitta
Cérines pour aller demander des secours à tous les princes de
l'Ocddent. En 1460, elle se présenta an pape Pie IL « Cette
« femme, dit*il dans ses Mémoires, parait &gée de vingt-quatre
« ans; elle est d'une stature médiocre; ses yeux sont pleins de
« feu, son visage jaune et pâle, son langage caressant ; il coole
« comme un fleuve, avec l'abondance propre aux Grecs. ËUe
« est habillée à la f rançaise^ et ses manières sont dignes du
« sang royal ^. » Ce pape, touché des instances de Chariotte,
et persuadé de son bon droit, lui {nromitsa protection. L'ordre
ét& chevaliers de Saint- Jean se déclara aussi pour elle ; il loi
accorda un asile à Rhodes, ainsi qu'à son mari ; et ce fut de
cette lie qu'elle fit partir des convois de vivres et de munition»
pour Gârinesy et qu'elle entretint des correspondmoes avec les
mécontents. Enfin les Génoin, qui possédaient encore qud-
qnes places fortes en Egypte, entre autres Famagouste, enif-
brassërent aussi ses intérêts. Ce fut aux yeux des Vénitiens
1 (Mchenon, Bist. généalog. p. ii6. ^ Commentariî Pli PapaiL L. vn, p. 177.—
s Comment. PU Papœ U, L. VU, p. i79.
40 HISTOIRE DES REPUBLIQUES ITALIENlIBà
une raison suffisante pour s'engager [dans le parti contraire.
Marco Gornaro , gentilhomme vénitien , exilé de sa patrie
el établi en Chypre , s'était lié d'une étroite amitié avec Jac->
ques, bâtard de Lusignan. Il lui fournit l'argent nécessaire
pour faire la guerre , d'abord avec ses propres fonds , qu'il fai-
sait valoir dans le commerce , ensuite avec ceux de ses compa-
triotes. Il l'aida aussi constamment de ses conseils; il le seconda
surtout dans le siège de Gérines, qui se rendit à Jacques à la
fin de l'année 1 464 ; et dans celui de Famagouste , qui ouvrit
ses portes la même année, après avoir résisté trois ans * . Jac-
ques, se trouvant alors maître de toute File de Chypre, essaya
de nouveau de se faire reconnaître par le pape^ mais il ne put
y réussir. Rebuté par tous les princes chrétiens , il s'adressa
à Marc Gornaro , pour contracter par son aide une alliance
avec la répubUque de Venise. Marc avait une nièce remar-
quable par sa beauté : c'était Catherine, fille d'André Gor-
naro; il l'offrit en mariage à Jacques de Lusignan , avec une
dot de cent mille ducats, en stipulant que Catherine serait au-
paravant adoptée pour fille par la république. Cette négocia-
tion fut entamée vers l'année 1468; après d'assez longs délais,
l'alliance fut acceptée des deux parts. Catherine Gornaro fut
solennellement déclarée fille de Saint-Marc; elle fut mariée
par procuration, en 1471, en présence du doge et de la Sei-
gneurie; elle fut accompagnée, comme reine, jusqu'à sa flotte,
par le doge, dans le Bucéntaure, vaisseau de l'état destiné
aux grandes cérémonies; et elle partit ensuite pour Chypre
avec quatre galères que commandait Jérôme Diédo ^.
Jacques de Lusignan ayant contracté, par cette alliance, la
relation singulière de gendre de la république, se comporta
trajours en parent affectueux et en ami fidèle. Ses ports f ui ent
1 Baunaldi Annal. Eccles, 1464, S ?!• p. 169.—* Marin Sanuto^ Vite de* Duchi. p. ii«S.
'^Andr. Blavagiero,Stor, Veneziana, p. Ii27-a3i. — innal, EçcUsiaêt, H7i,S 47,
p. 229.
DD MOYEN AOS.' 41
oonstamment ooTerts aux flottes* des Yénitiens ; ses alliances
oa ses inimitiés furent détenninées par leurs conseils; et dans
la guerre contre les Turcs, il leur envoya des renforts propor-
tionnés à la richesse et à la population de ses états. Cependant
il y avait à peine deux ans qu'il était marié , lorscpi'il mourut
le 6 juin 1 473. Il laissa sa femme grosse , et par son testament
il institua pour son héritier, d'abord Tenfant qui naîtrait d'elle,
et, à son défaut, Janus, Jean et Charlotte, ses trois bâtards * •
Les Chypriotes, qui avaient combattu avec acharnement contre
Charlotte pour qu'elle ne portât pas la couronne à un prince
étranger, virent avec une profonde douleur que leur affection
pour Jacques les avait réduits à se soumettre à sa veuve , plus
étrangère encore au sang des Lusignan que le prince de Savoie
qu'ils avaient repoussé. Leur mécontentement éveilla leur
défiance , et ils soupçonnèrent Cornaro et Marco Bembo, l'un
onde, et l'autre cousin de la reine, d avoir empoisonné son
man
2
L'archevêque de Nicosie, le comte de Zaplana et le comte
de Zaffo ses frères , le seigneur de Tripoli , et Sizzo de Hariui ,
étaient à la tête du parti qui repoussait le joug d'une reine
vénitienne et de ses conseillers vénitiens ^. Ils s'adressèrent
secrètement à Ferdinand, roi de Naples; ils lui offrirent de
faire épouser Charlotte, fille naturelle de Jacques, à don
Aionzo , fils naturel de Ferdinand , de destiner la couronne de
Cliypre à ces deux enfants qui étaient encore en bas âge , et de
conserver, jusqu'à leur majorité, V indépendance du royaume,
sous la protection du roi de Naples ^. Cependant les bruits
d'empoisonnement qu'ils avaient accrédités excitèrent un
1 Le testament est du 14 juin 1473. Guichenon^ Bist, geneal, p. 119. — CorioL Ceplo.
L, 11, p. 357. — > AnnaL Ecoles. Raynaid. 1473, S 3, p. 248. — * Uarin SanuiOy Vite
iU^ Duehié p. 11 M. -* * Don Aionzo, que let Chyprioten TOuUient reoonaatire pour
héritier présomptif de la couronne, arec le titre de princ« de Galilée, n'avait que six
ans , d'après Navagiero. Giannono n'en parle point; il n'indique que deux Qls naturels
de Ferdinand, don Ueori c( don César. Uior. civile^ L. XXVU, c. lU» p. iH.
42 HISTOIRE DE» KÉPUBLIQUES ITALIEICIÏES
soQlèvement, dans lequel Aiidré Gornaro, Marco Bembo et le
médecin du roi furent tués par le peuple furieux. Les chefs
du parti, qui n'étaient point encore prêts à défendre leur in-
dépendance , et qui savaient la flotte vénitienne dans ces pa-
rages , s'efforcèrent de calmer cette insurrection qui les com-
promettait, et de l'excuser aux yeux des Vénitiens. Un juge
de Venise était établi à Nicosie, pour juger les procès qui
survenaient entre ses compatriotes ; ils allèrent auprès de loi ,
pour renouveler leur promesse de demeurer fidèles à la reine
Catherine, au fils qui naîtrait d'elle, et à la république de
Venise. Ils envoyèrent à l'amiral Pierre Mocénigb une pro-
testation semblable, et ils le supphèrent de ne point punir tout
le royaume pour un meurtre qui tactait à des ressentiments
particuliers ; ils accusèrent Bembo et Cornaro de concussions
qui les avaient rendus odieux , et ils dissimulèrent leurs soup-
çons de poison , qui semblaient compromettre la république
elle-même * .
Pierre Mooénigo parut ajouter foi à ces protestations ; ce-
pendant il crut convenable d'assurer le crédit de la jeune reine,
en étalant aux yeux des Chypriotes toute la puissance des
Vénitiens. Il s'approcha de l'île avec sa flotte , et il se trouva
à Nicosie lorsque la reine mit au jour l'enfant qu'elle portait.
Cet enfant fut tenu sur les fonts baptismaux par le généralis-
sime et les provéditeurs vénitiens , et il reçut le nom de son
père. Après avoir séjourné quelques jours en Chypre , Mocé-
nigo continua ses ravages sur les côtes de la Lycie , de la Carie
et de la Cilicie. Il reçut sur sa flotte des ambassadeurs de la
reine Charlotte qui s'était établie à Bhodes , tandis que son
mari, Louis de Savoie, vivait dans la mollesse à Ripaille, au
milieu de ses maîtresses. Charlotte, au nom de l^andeone
alliance de son père avec les Vénitiens, au nom de l'umitié qui
1 Jf. AnL SabelReo. DM» ni, L. X, f. si8, t. — CortoUmat Ceplo. L. m, p. S«o.
DU lïdTEK AGE. 43
Tégiïtàl entre le doc de SaytAe , sou bcian-frèlie^ ef te i^pdbll-
qnc 5 an nom surtout de h justice, rcdematrdàit une eoaroniie
qui ne pouvait appartenir qu'à elle. Si 1* usurpation du bâtard
son frère était colorée par F avantage dn seie, la niort de Jac-
ques devait, disalt-^Ue, la rétablir dan^ tous ses droits. Mô^
cénigo lui répondit qu'il avait reaOrinu Jacques de Lusignan ,
confédéré de la république de Tenise, conime possesseur légi-
time du royanme de Chypre; que les royaumes ne se trans-
mettaient pas f^lon les lormnles légales, et d'après les règles
qu'on suit dans les procès, mais par la vertu et les armes; que
cTétaît ainsi que Jacques avait conquis l'Ile de Chypre et sur
elle et sur les Génois ; que la veuve et le fils de ce monarque
étaient désorm^ les seuls souverains de cette Ile , et que la
république , les ayant adoptés comme ses enfants , saurait les
défendre*.
ffientét eependant Mocéiiigo fut averti que de nouveaux
Mouvements avatent éclaté à Nicosie; il dépêcha aussitôt à la
reiUe Catherine , pour lui promettre Une puissante assistance ,
èe même Goriolan Cépio qui a écrit rhistoiire de cette cam-
pagne. Peu de jours après, a le fit suivre par Victor SoraUzo,
provéditeur, avec huit galères, et enfin il arriva lui-même
avec lé reste de sa flotte. Il trouva la reine dépouillée de toute
antottté, séparée de son fris, que les Chypriotes voulaient
élever eux-^mémes, privée de la garde des forteresses et de!
kl dfiS]^ositton du trésor, et eependafit obligée par ses eUné-^
mis , siirtOQt j^ les Catalans qcre Jèeques avait appelés! dans
le royaume, & déelarer qu'elle était éonte^te, et que lotrt s^était
fiât par ikm autorité *.
Api^ la SicHe et la Batiiaigne, Chypre e^t la plus gtàhûé
des fiés delà Méditerranée relie a environ cent quatre-tingiSi
1 ânâreà KwagUro, Slorfo venez, p. lise. ^ »• ént. SaMUcô. îlMt fil, L. â^
t, a4a. V. — ÇarioL da^-l*. U, p. U7. — * Àtidna JSma^iero, p, iiSS^-^iOri^/ CegHo.
U UI, p. 360.
44 HISTOIRE DES BEPUBLIQUES ITALIEKNES
milles dans sa plus grande longueur, soixante dans sa largeur,
et plus de quatre cents de circonférence. Située entre le 35*
et le 3G^ degré de latitude, elle jouit d'un climat délicieux;
elle produit en abondance le vin, F huile, le blé, et le cuivre
qui a reçu son nom délie. Sa position entre la Syrie, TÉgypte
et l'Asie Mineure semble l'appeler à joindre le commerce le
plus actif aux riches productions de son sol. Au temps de sa
liberté, on y avait compté quinze républiques florissantes ;
mais sous le gouvernement des empereurs, et ensuite sous
celui des rois de la maison de Lusignan, on avait vu décliner
infiniment sa population et sa richesse. La tyrannie féodale
des barons, la souveraineté réclamée par les soudansd'Égypte,
et les privilèges exclusifs des Génois et des Vénitiens, qui
voulaient réserver le commerce pour eux seuls, empêchaient
l'établissement dans File d'une bonne législation, de la paix
et de la sûreté. Cependant la conquête de l'ile de Chypre
était encore une entreprise qui demandait des forces consi-
dérables ; et Pierre Mocénigo, qui n'avait qu'un petit nombre
de troupes de débarquement sur sa flotte, voulut, avant de
rien tenter, s'en procurer davantage. Il envoya des transports
à Candie et en Morée, pour y rassembler tout ce que les Vé-
nitiens avaient de troupes disponibles. Six vaisseaux, qui
portaient beaucoup de stradiotes et de fantassins, les débar-
quèrent par son ordre à Famagouste. A l'approche de cette
nouvelle armée, l'archevêque de Nicosie et les comtes de
Tripoli s'enfuirent. Mocénigo, au nom de la reine, changea
les commandants de toutes les forteresses; il y introduisit
ensuite des capitaines et des soldats vénitiens, avec un bon
nombre d'archers de Crète; il punit de pednes capitales tous
ceux qui avaient eu part au dernier soulèvement; il poursuivit
ceux qui étaient en fuite; il exila ceux qu'il regardait seule-
ment conune suspects, et, sous prétexte de rétablir et d'affer-
mir l'autorité de la reine, il réduisit l'île entière à u^e abso-
DU MOYEil AGC. 45
lae dépendance des Yënitiens, et il effraya tous leurs enneipis
parla terreur des supplices * .
La reine cependant perdit son fils un an après sa naissance,
ce qui la rendit toujours plus étrangère à son royaume. Le
24 mars 1474, le sénat de Venise lui donna pour conseillers,
ou plutôt pour tuteurs, deux nobles vénitiens, Louis Gabrielli
et Francesco Minio ; le commandement de tous les gens de
guerre fut confié à Giovanni Soranzo avec le titre de provédi-
teur général. Le sénat de Venise nomma aussi Içs comman-
dants particuliers de Famagouste et de Cérines, et il ne resta
plus à la reine, protégée par cette ambitieuse république, que
la vaine pompe de la royauté^.
1 Andr, 'Navagiero, Storta Veneziana. p. it4o. » M. Ant. Sabellico. Deea III, L. X,
f. 219. — Coriol, Cepio. L. III, p. 362.— * iitidr. Navagiero, p. Ii4i.— Gto Batt. Pigna.
Storia de Prindpî <F Este. L. vin, p. m.-^vitœ Romanor, Pontif. T. III, P. II, p. i063.
ËtieoDe de Lusignao, qui écrivit l'histoire de Chypre ud siècle environ après ces événe-
ments, attribue au poison la mort de Jacques-le-Posthume, aussi bien qne celle de son
père. A l'en croire, ce fut par un enchaînement de crimes que la république de Venise
se défit des derniers Lusignao, et s'empara de leur royaume. Ses accusations ont été ré-
pétées par les Savoyards, dont les ducs, après la mort de Louis et de Charlotte, prirent
le titre de rois de Chypre {Gmchenon^ IJist, généaU de la maison de Savoie. T. II, p. 1 21);
et rannattste de PËgUse semble admettre ces lacuipations. Baynatâi^ ad ann, I47S, $ 31,
p, 263.
46 HISTOIRE OKS JUÉPXmUQITISS ITALIEiniXS
CHAPITRE IL
Laurent de Médicis succède au crédit de s<m père sur la république
florentine. — Faste et ambition des neveux de Sixte IV ; première
èampâgne de Julien de la Rovère, qui depuis fut Jules II.— Progrès des
Turcs ; premier siège de Scutari ; siège de Lépante ; prise dé Gaffa.
1469-I47S.
Jasqti*id nous ny\om tu la républiqae florentine se placer
au centre de toutes leB uégociatious^ diriger tous tes éwén^
mentS) demeurer tout au moins partie dans toutes les révolu-
tions, dans toutes les guerres importantes qui troublaient
ritalie. Mais sous Tadministration des Médicis, Florence cessa
de tenir ce rang élevé ; elle se laissa oublier dans la balance
de r Italie; les révolutions des états voisins s'enchaînaient
Tune à Fautre sans qu'elle les dirigeât, ou fit effort pour les
retenir,- et après avoir passé en revue ces grandes scènes de
la politique, nous sommes obligés de retourner en. arrière
pour chercher ce qu elle faisait pendant ce temps-là dQUS son
administration intérieure. Nous la trouvons alors languis-
sante par la mauvaise santé de son chef, ou affaiblie par Tex-
trême jeunesse de celui qui lui succède; nous la voyons par-
ticiper aux misères des régences et des minorités, et nous
DU MOYEN AGE. 47
conceYons comment, a^ec ce changement d'esprit, sa force a
dû s'évanoair.
1469. — Il fallait qae Tancien amour des Florentins pour
1^ liberté fût bien affaibli, pour que la mort de Pierre de
Médids ne causât point de révolution dans la république.
Déjà Gosme Tancien, après avoir fondé son autorité sur la
supériorité de ses richesses, beaucoup plus que sur de grands
services, Tavait transmise à Pierre son fils, comme une par-
tie de son héritage. Mais Pierre était parvenu à un âge où
la république pouvait sans honte lui obéir. Ses infirmités
Tavaient rangé de bonne heure parmi les vieillards ; il était
peut-être plus considéré et moins craint par cela seul qu il
ne pouvait guère partager les passions des autres hommes. Sa
retraite habituelle à la campagne, la peine et la lenteur avec
laquelle on le transportait en Utière, dans un temps où Ton
ne voyageait qu*à cheval, donnaient une apparence de di-
gnité à celui qu'on ne manquait jamais de consulter comme
un oracle dans toutes les occasions importantes. Lorsque
Pierre mourut, il ne laissa pour chefs à sa famille que ses
deux fils, dont F aine, Laurent, n'avait pas vingt-un ans^ Il
était contraire à T honneur de la république que de vénéra-
bles magistrats, vieillis dans les emplois publics, respectés de
r Europe entière, et accoutumés à en diriger la politique,
fussent considérés comme les simples partisans de deux jeu-
nes hommes dont les prétentions étaient démenties par la
constitution et toutes les lois de Tétàt, dont les services étaient
nuls, dont la naissance était inférieure à celle de tous leurs
rivaux, dont le mérite personnel n avait encore pu être re-
connu. Cependant ceux qui avaient gouverné Florence au
nom de Pierre, firent taire l'amour de leur pays, ou même
une ambition digne dune âme élevée, pour n'écouter que
t U é(«it né le i«r janvlw 144«.
48 HISTOIRE DES RÉPUBLIQUES ITALIElflves
des intérêts étroits, Tesprit de parti, et Tivressc de la victoire.
IlsToalarent conserver les abus d'un gouvernement de fac-
tion, parce que c'étaient eux qui en profitaient. Le crédit
personnel des jeunes Médicis ne devait remporter sur le leur
propre qu^à une époque qui leur paraissait encore éloignée,
et ils croyaient plus facile de tenir leur parti réuni sous un
nom ancien que d'élever ostensiblement à la première place
ceux même qui l'occupaient en effet.
Les citoyens qui gouvernaient alors réellement Florence
étaient Thomas Sodérini , frère de ce Nicolas qui avait été
exilé dans la dernière révolution ; André de Pazzi, qui fut fait
chevalier par la république en février 1 468 , pendant qu'il
était gonfalonnier de justice ^ ; Louis Guicciardini , Mattéo
Palmieri et Pierre Minerbetti. C'étaient eux qui, pendant les
douloureuses maladies de Pierre de Médicis, avaient dirigé la
Seigneurie, et qui s'étaient emparés de l'autorité du peuple
pour élire les magistrats ; c'étaient eux encore que Pierre de
Médicis, lassé de leur insolence et des vexations qu'ils exer-
çaient sur tous les citoyens, avait menacés de faire rentrer
dans les bornes de l'état civil, en rappelant les émigrés^
Après sa mort, ils se concertèrent pour continuer sous un
vain nom une junte qui leur assurait la distribution de toutes
les places et la disposition des finances de l'état. Les ambassa-
deurs, accoutumés à traiter avec Thomas Sodérini, les citoyens
qui savaient depuis longtemps que leur fortune dépendait de
sa faveur, lui rendirent une sorte d'hommage, et s'empres-
sèrent de lui faire visite, dès qu'ils apprirent la mort de Pierre
de Médicis. Mais Sodérini craignit d'exciter la jalousie de ses
associés et d'affaiblir son parti , en acceptant ces marques
extérieures de respect. Il renvoya les citoyens qui lui faisaient
visite aux jeunes Médicis, comme aux seuls chefs de l'état; il
1 Oonaca di Lecnardo MorelU. T. XIX. Deliz, Erud. p. f 85.
DU MOTSN AGIS; 49
assembla dans 1& couvent de Saiftt-Antoine tons les hommes
qai avaient le plus dHnflaenœ dans la république ; il leur
présenta Laurent et son frère^leur recommandant de conser-
ver à ces jeunes gens le crédit dont leur maison avait déjà joui
pendant trentcrcinq ans ; et il les avertit qu'il était bien plus
facile de maintenir un pouvoir affermi par le temps que d'en
fonder un nouveau ^ .
Les Médicis reçurent avec modestie les marques d'attache-
ment et de considération qu'on leur donnait au nom de la
république ; et pendant plusieurs années ils n'essayèrent pas
d'attirer à eux une autorité qui n'existait ostensiblement que
dans les ma^strats, et qui ne pouvait être exercée secrètement
9ur ceux-ci, que par dea hommes dont les longs services et les
talents reconnus assuraient la considération. Pendant sept ans,
Florence conserva une assez grande paix intérieure ; les Mé-
dicis, partagés entre leurs études et des goâts de jeunesse,
tantôt accueillaient dans leur maison les hommes les plus dis-
1 UacchiavelU. L. Vil, p. 32S. — Scîpione Anànirata. L. ^Xllt, p. t06 — Jo. Mich.
BrutU Im V, p. 103-106W — Ricordi di Lorenzo dt Medtci, p. 45. Bf, Roscoê ( UfeofL<h-
renzo^ Chap. m, p. 132) révoque en doute cette iulerTeutioii de Sodérini, parce que
lorenzo, dans ses Rtcordi, ne raconte point qu'il dût aux bons offices de ce citoyen
^autorité qu'il exerça sur sa pairie. M. Rosooë suppose que le souYenir des senrioes ren-
dus par la famille Lorenzo, ses alliances étrangères, qui cependant étaient un tort aux
yeux des Florentins, et son immense richesse, devaient suffire pour lui faire recueillir
sans difficulté une autorité si vivement disputée à son père. M. Roscoê, trompé par la
propûrUou Variable du florin à la livre, fait, au reste, une forte erreur sur cette richesse,
lorsqu'il évalue le florin d*or à deux shillings et six pences, au lieu de dix qu'il valait
yéellement. A ce compte, la fortune de Médicis n'aurait pas monté à trente mille livres
sterling de capital, ce ()ui sûrement n'aurait pas suffi pour acheter là liberté de l'état le
plus riche de l'Europe. Mais M. Roscoë, comme tous les biographes, tourne toute da-
vantage de son héros ; il recule de cent ans la première apparition d^un Médicis dans
VBistoire florentine. Ce fut au siège de Scarperia,en i35i, non en i25i, comme illë
Irapporle p. 8. )1 rehausse tous les services de la famille ; il atténue ou passe sous silence
ses forfaits ; il dissimule enfin l'esprit indépendant et ombrageux des Florentins, qui
étaient encore bien éloignés de plier volontairement sous le joug d'un prince, encore
qu'ils laissassent ébranler leur liberté par une faction.
Je vois, par la publication d'un nouvel ouvrage de M. Roscoê ( illustrations historU-
cal and criticàl of the life of Lorenzo» Loadon, 1822 ) , que cette note, et plus encore
le jugement que j'ai porté de l'objet de son idolâtrie, l'ont blessé. Rien n'était plUg
Mn de mon intention. Je n'avais d'autre but que de prévenir le lecteur contre cette
VII. 4
50 HISTOIRE DBS REPC7BLIQUES ITALISlinES
tingaés dans les lettres et les arts ; tantôt amusaient le peaple
par les fêtes brillantes dont ils l'occupaient. 1471. — Ces
spectacles se multiplièrent encore , et le luxe reâonbla an
printemps de 1 47 1 , lorsque Galéaz Sforza, duc de Milan, Tint
à norence avec sa femme Bonne de Savoie, sons prétexte
d'accomplir un vœu.
Galéaz, que sa vanité, son inconséquence et sa cruauté
rendaient déjà insupportable à ses sujets, voulut faire pompe,
aux jeax de l'Italie, des trésors qu'il arrachait à ses peuples
par de cruelles vexations. Jamais voyage ne fut entrepris
avec plus de faste. Douze chars couverts de drap d'or furent
transportés à dos de mulet, au travers de l'Apennin, pour le
service de la duchesse : aucune route sur laquelle les voitures
pussent rouler, n était encore onverte dans ces montagnes.
Cinquante haquenées pour la duchesse, cinquante chevaux de
main pour le duc , tous caparaçonnés de drap d'or ; cent
hommes d'armes et cinq cents fantassins pour la garde, cin-
quante estaffiers revêtus de drap d'argent et de soie , cinq
cents couples de chiens pour la chasse, et un nombre infini de
faucons précédaient le duc de Milan. Sa suite, grossie par tous
espèce d'enthousiasme qu'on a remarqué dans plus d'un biographe pour le héros au-
quel U a consacré ses veilles. J'avais, du reste, rendu à plusieurs reprises un juste hom-
mage à la vaste érudition, à la critique et au goût de l'historien de Lorenzo. Jejui avais
même payé un tribut qu'il tourne aujourd'hui contre moL Lorsque Je traçai te tableau
de la littérature italienne qui Tut publié en I8i3, n'étant point encore parvenu dans mes
recherches historiques Jusqu'au temps des Médicis, Je crus ne pouvoir suivre de meil-
leur guide, poiir le portrait de Laurent, que son célèbre biographe. D'après loi j'écri-
vis, dans la liuérature du Midij T. II, p. 37-40, ce morceau que H. Roscoë vient de
reproduire, p. 139, de son nouvel ouvrage, pour me mettre en contradiction avec moi-
même. En effet, je ne connaissais point encore Laurent, comme j'ai dû apprendre à le
connaître pour écrire son histoire. La critique de H. Roscoë m'a donné occasion d'exa-
miner de nouveau les passages de ce volume qu'il attaque avec quelque acrimonie ; cet
examen n'a eu d'autre résultat que de me confirmer dans mes opinions et mes sentiments.
Cependant je ne fatiguerai point à chaque occasion le lecteur de celte controverse; sou-
vent je craindrais d'avoir trop raison. Par exemple, dans le passage auquel se rapporte
cette note, conçoit-on que M. Roscoë veuille, p. 98, infirmer le témoignage positif de
trois historiens, par le silence de Laurent lui-même, sur une anecdote qui lui était dé-
savantageuse, et dont le souvenir devait l'humilier ?
DU MOYEN AGE. 51
ises conitisaiis, formait «ne troupe de deax mille chevaux *.
Deux cent mille florins d*or avaient été consacrés par lui à
cette pompe insensée; avec la moitié de cette somme. File de
Négrepont aurait été défendue peu de mois auparavant, et ne
-serait point tombée entre les mains des Turcs.
Laurent de Médicis reçut dans son palais le duc de Milan ;
il déploya à son tour sa propre magnificence, pour fêter di-^
gnemenftun hôte si splendide. Hoinsd'or et dediamants étaient
étalés sur ses habits et dans ses palais ; mais la pompe des arts
remplaçait celle de Topulence, et le nombre d'antiques mo*
numents> de tableaux et de statues que Laurent avait rassem**
blés, étonna le duc de Milan^. La république, de son côté,
rivalisa de luxe avec son hdte et son riche oitoyai. Toute la
nombrecise suite du duc fut logée et entretenue aux frais du
puUfe; trms qpectaito sacrés, dans le genre des mystères,
furent successivement cffitols aux yeux des Lombards. Dans
Téglise de Saint-*Félix , on représêiita rAnnondation de la
Yierge ; aux Garmes, rAscension du Qirist, et à l'église du
Saint-Esprit, la Descaate de l'Esprit saint sur les Apôtres.
Cette dernière fête fut troublée par l'incendie de l'église elle-
même. Les flammes qu*on y avmt multipliées en figures de
langues, s'attabhèrent aux décorations, et les consumèrent,
aussi bien que hi charpente de l'édMce^. Mais un dommage
bien plus réel pour Florence, fut la communication des goûts,
4u luxe, des pkiars et des vices d'une cour corrompue, la
communication de son oisiveté et de sa galanterie, à une ré^
publique qui se maintenait par ses mœurs austèa^es, l'écono-
mie des chefs de fiimiUe, l'activité et le travail constant des
jeunes gens. Gefut pendantla vie de Laurentde Médids qu'on
vit les Florentins se façonnes' à la servitude; ils s'étaient sou-
mis auparavant i^us d'une fois à l'autorité vexatohre d'une
1 Anlonii de B^^a Anml PlacentinU p. 928. ~ * Seipione Ammiraio» L. XXIII»
p. los. — 8 itnd,
4*
Ô2 HISTOIRE DES REPUBLIQUES ITALlENlVES
faction tietoriease ; mais le ressort des anciennes moeors, sn^
périeur à tonte oppression passagère, ramenait bientôt le règne
des lois. Lorsque la mollesse et le libertinage eurent snccédé à
cette antique énergie, les Médicis trouvèrent un grand nombre
de citoyens qui préférèrent le repos de l'obéissance à Tagitar
tion du commandemeht * .
Une entreprise inconsidérée d*un émigré florentin avait,
peu de mois auparavant, rappçlé rexistence et les intrigues
du parti qu'on avait privé de sa patrie en 1466. Tous les fils
d'André Nardi, qui avait été gonfalonier en 1446 ^ étaient
exilés. Bernard, le plus jeune et le plus courageux d'entre
eux, essaya de renouveler la guerre en s' emparant de la ville
de Prato. H avait dans cette viUe un grand nombre d'amis; il
en avait un plus grand nombre encore parmi les paysans de
Pistoia : il savait de plus que dans ces deux villes l'amour de
l'anci^ne indépendance n'était pas éteint, et qu'on s'y plai-
gnait de l'injustice et des vexations des gouverneurs florentins.
Il communiqua son projet et ses espérances à Diotisalvi Né-
roni, que îes émigrés regardaient comme Jeur chef, et il en
obtint l'assurance qu'il lui.arriverait des secours de Bologne
ou de Ferrare, s'il pouvait se rendre maître de Prato et s'y
maintenir quinze jours. Sur cette promesse, Bemardo Nardi
rassembla, pendant la nuit du 6 avril 1470, une centaine de
paysans en dehors de la porte de Prato, du côté de Pistoia. Il
fit ensuite demander au podestat d'ouvrir la porte à un voya-
geur qui était arrivé trop tard. En temps de paix on n'avait
point coutume de refuser cette faveur. Nardi se jeta sur celui
qui portait les clefs delà ville et s'en empara; il fit entrer tous
ses compagnons et commença à courir les rues en appelant les
habitants de Prato aux armes et à la liberté. U se rendit
maître, sans résistance, de la personne du podestat César Pe-
1 MacclUaveUif ht. L. VII, p. 336. — J. UUh. Bruli. L. V, p. 114.
DU MOTEIT AGE. 53
traoci, du palais public et de la citadelle; mais aucun citoyen
de Prato n'avait pris les annes en sa faveur : tous regardaient
avec étonnement un mouvement tumultueux qu'ils ne pou-*
vaient comprendre. La Seigneurie de Pratx) s'était assemblée;
Bernard se rendit auprès d'elle pour l'exhorter à recouvrer
sa liberté, et à aider les Florentins à reconquérir la leur.
Mais elle répondit avec calme qu'elle ne voulait d'autre liberté
que celle dont elle jouissait sous la protection de Florence. Ce-
pendant on avait eu le temps de remarquer combien était petit
le nombre des satellites de Nardi; les Florentins qui étaient
dans Prato avaient commencé à se réunir et à s'armer. George
Ginori, chevalier de Bhodes, se mit à leur tète; il attaqua les
factieux y en tua plusieurs, et fit prisonniers tous les autres.
Cette sédition, qui fut apaisée en cinq heures, et qui n'avait point
causé dedanger réd,fut punie avecune excessive rigueur. Nardi
et six de ses compagnons eurent la tête tranchée à Florence;
douze autres avaient été punis du même snppUce à Prato; plu*-
sieurs étaient morts en se défendant, en sorte qu'à peu près tous
ceux qui avaient pris les armes périrent victimes de leur im-
prudence * .
1472. — Deux ans après, une. sédition d'une nature plus
grave éclata dans la ville de Yolterra, à l'occasion d'une mine
d'alun qui y avait été découverte. Un Siennais, nommé Be-
nuccio Gapacci, l'avait prise à ferme de la magistrature de la
ville; mais comme il paraissait tirer de cette mine un beau-
coup plus grand dvantage qu'on ne l'avait supposé d'abord ,
et comme ce profit était recueilli presque en entier par des
étrangers , les habitants de Yolterra voulurent se prévaloir
dé quelques irrégularités dans le premier contrat pour l'annu-
ler *. Les intérêts privés et Tamour-propre blessé de quelques
1 nie. KacchiavelU. L. VTI, p. 330-339. — Sdpione Amndrato. L. XXIII, p. 107. ~
Filippo de Nerli, Comment L. III, p. 53.—J. If. RrulU L. V, p. i07.-- * Antonii Hyvani
Cammentariolus de BeUo Volaterrano- T. XXlIl, Rer. tu p. 9.
54 HISTOIRE DES KÉVUBLIQUES ITALIETfffES
Yolterrans ayaieat tdlement aigri les esprits , que ces qne*
relies sur la mine d*aliui tarent saiyies de batailles, de mear-
tresy de Feiil de plnsiears citoyens, et enfin d*ane réTolntion
mtière dans le goa\ernemrat tnmncipal. Yolterra était une
Tille alliée plutdt qne sujette des Florentins : elle s'était obligée
seulement à leur payer cbaqne année miUe flcHrins, qui ne
faisaient pas la dixième partie de son revenu, et à reoeyoir
tous les six mois un podestat de Florence. D* ailleurs la magis-
trature de la Tille était tirée au sort tous les deux mois, sui-
vant l'ancien usage des républiques italiennes : elle se gouTer-
nait d'une manière indépéndimte; die fiiisait et abrogeait ses
lois, et elle nommait an coimnandement d'une vingtaine de
châteaux cdtués dans le Yolterran. Des décemTirs, créés au mi-
lien des dissensions causées par k découverte de la mine d'a-
lun, trouvèrent f(»:t maaTais que la r^ublique de Florence
s'ingérât dans son administration , et eût fait rétablir en pos-
session de la miné les entrepreneurs qui en aTaient été chassés
psff la force. Ils oublièrent, dans leurs rapports aTec les Flo-
rentins, les égards et le respect que leurs prédécesseurs avaient
toujours montrés à cet état protecteur : ils repoussèrent enfin
les conseils de Laurent de Médicis, qui voulait leur faire com-
prendre leur impru^nce, et qui, blessé de cette arrogajice ,
opina ensaite à les soum^tre par les armes ' .
Les Yolterrans avaient d^ envoyé des ambassadeurs à
plusieurs puissances de l'Italie, pour demander leur protec-
tion, et les émgrés florentins, qui cherchaient toutes les occa-
sions d'attaquer le gouvem^nent, leur promettaient de l'ar-
gent et des secours. Leur révolte éclata enfin le 27 avril 1472.
Cependant Thomas Sodérini voulait encore tenter de conti-
nuer les négociations. Ses rivaux préférèrent le parti des
armes, et ils furent secondés par Laurent de Médicis, qui
1 Antonii Hyvani Commenfar. p. 14.
DU UOTEH AGE. 55
désirait sigQakr son aâministraticm par quelque exploit mili-
taire. Ce n'est pas qu'il se rendit lui-même à l'année : elle
s'assembla sans lui sous les ordres 4e Frédéric de Montée
feltrq, comte d'Urbin, et bientôt elle remporta une victoire
accompagnée de [>lus de honte et de regrets que d'honneur.
Les Yolterrans ayaient rassemblé péniblement un millier de
soldats; leurs ayant-postes furent enlcTés avec fadûté, et
leurs antiques murailles, ouvrage étonnant des Étrusques,
furent ouvertes par l'artillerie. Ils capitulèrent vers le milieu
de juin, ving-cinq jours après le commencement du çiége.
Mais un soldat ayant, au mépris de la capitulation, frappé
et dépouillé un des anciens magistrats de Yolterra, qui venait
de déposer son emploi, cet exemple de licence militaire fut
aussitôt suivi par toute l'armée des vainqueurs. Yolterra fut
liyrée an pillage pendant tout un jour; on n'épargna ni les édi-
fices sacrés, ni l'honneur des femmes ; le gouvernement munir
dpalfut aboli; une forteresse fut élevée sur la place du palais
épispopal, et durangd'alliéela ville futréduiteèceluidesujette * .
Les deux tumultes de Prota et de Yolterra troublèrent
seuls la paix dont Florence jouit sous l'administration des
conseillers et des ami^ des jeunes Itfédicis. Déjà leur pouvoir
était assez établi pour que les conjuration^ formées contre
eux l'affermissent en échouant, au lieu de l'ébranler. Mais à
cette même époque, l'homme qui devait se montrer leur
ennemi le plus acharné, celui qui devait promettre de l'ap-
pui à de» conspirations nouvelles, et les sanctifier par ses
bénédictions, Sixte lY, était élevé au poste le plus éminent
de la chrétienté.
Le danger que les invasions des Turcs faisaient courir à
l'Italie, était si univ^sèllement senti, un si grand effroi avait
1 AntonU Hyvani Commentarlolus de Belio yoUUerrano. T. XXIII, p. 5-30.— Sdptone
AmnOrato, h. XXIII, p. ui. — KaccMaveUi Istor» L, VII, p. 338-34^ Annides ForoU-
vienses. T. XXII, p. 231.
56 HISTOIRE DES RÉPUBLIQUES ITALIENNES
frappé tous les esprits, qu'il n'y avait pas dans le collège de»
cardinaux un homme qui ne parût déterminjé à employer
toutes les richesses de. l'Église romaine, aussi bien que toutes
les forces de la chrétienté, à combattre les barbares. Un riou-
Tcau pontife, en montant sur le trône, y portait toujours ce
vœu qu'il avait formé dans une situation moins élevée ; ses
premières congrégations, ses premières lettres étaient toutes
pleines de l'ardeur qu'il voulait communiquer à tous les fi-
dèles. Mais dès qu'il avait goûté quelque temps le plaisir de
commander, dès qu'il avait éprouvé quelque temps, d'une part,
la jouissance d'enrichir ses créatures , de satisfaire ses propres
goûts, ou ceux des hommes qui lui étaient chers, d'employer
enfin les trésors de l'Église à contenter ses passions, non plus
à défendre la chrétienté, tout son zèle se refroidissait, il trou-
vait des prétextes pour se dispenser de concourir à la croi-
sade que lui-même avait préchée, et ceux à qui il avait mis
les armes à la main, devaient s'estimer heureux s'il ne pro-
fitait pas del'occupation qu'il leur avait donnée, pour lesatta-
quer dans leurs foyers et les dépouiller.
Ce refroidissement progressif, qu'on avait pu observer dans
Calixte IH, dans Pie II et dans Paul II, devint plus frappant
encore dans Sixte IV. Depuis le pontificat de Nicolas Y, le
sceptre de l'Église était tombé successivement dans des mains
toujours moins pures, et cette dégradation progressive devait
avoir pour terme, à la fin du siècle, le pontificat scandaleux
d'Alexandre VI. François de la Rovère, élevé au Saint-Siège
sous le nom de Sixte IV, y était monté, à ce qu'on assure, par
des intrigues simoniaques. La voix du cardinal Orsini avait été
achetée par la promesse de l'emploi de trésorier ou camerlengo;
celle du vice-chancelier, par l'abbaye de Subbiaco ; celle du
cardinal de Mantoue, par l'abbaye de Saint-Grégoire ^ . De cette
> Stefano Infessura, Diario Bomano, p. 1142.
UV MOYEN AGE. 57
manière, le cardinal Bessarion, qui avait parud*abord réunir
le plus de yoix, et le cardinal de Pavie, qui aurait également
honoré la tiare, furent écartés, non sans qu'ils entrevissent
eax-mêmes les intrigues qui les avaient repoussés *.
L* Église entière avait retenti de plaintes contre l'avarice
de Paul II ; on l'avait vu accumuler les revenus des bénéfices
ecclésiastiques, qu'il laissait pendant de^ longues années sans
possesseurs ; on ne lui connaissait aucun favori, aucun faste,
eucune dépense ruineuse ; on savait que son goût était d'en-
tasser des trésors sans en faire usage, et on lui avait souvent
entendu dire à lui-même que ses coffres étaient remplis de
sommes immenses. Cependant Sixte lY déclara n'y avoir
trouvé que cinq mille florins ^. Mais la richesse subite de ses
neveux, et le luxe scandaleux qu'ils étalèrent aussitôt aux
yeux de toute l'Europe, firent soupçonner que le trésor du
dernier pontife n'avait point été à l'abri de leur spoliation.
Sixte lY avait quatre neveux dont l'élévation rapide fut un
objet de scandale pour toute la chétienté. Léonard et JuUen
qui portaient comme lui le nom de la Bovère, étaient fils de
son frère/ Pierre et Jérôme Riario étaient fils de sa sœur. Des-
bruits honteux attribuaient la naissance de ces derniers à un
inceste ; d'autres cherchaient une cause plus infâme, s'il est
possible, à la prédilection insensée de Sixte lY pour ces deux
jeunes hommes ; l'opprobre de ces accusations était univer-
sellement répandu ; les mœurs et la conduite du pape contri-
buaient à les accréditer.
Cependant tous les intérêts de l'élise et ceux de la chré-
tienté étaient sacrifiés au désir d'agrandir les neveux du pon-
tife. Léonard delà Rovère fut nommé préfet deRome ; il épousa
une fille naturelle de Ferdinand, et à l'occasion de ce ma-
riage, Sixte lY abandonna au roi de !Naples le duché de Sbra,
1 CardmaL Popltnsis epistota 895 , p. 733, et apud RayncUd, Àtmal, Eccles. 147 1
S «6, p. 333. ^ * Vita Sixii IV, Platinœ tribtaa. T. lU, P. II, p. 1057.
58 HISTOIBB DES BÉPUBLIQUES ITALIE]f]fES
Arpino et toas les fiefis qae Pie II avait aoqois à PÉglise pen*
dant la dernière guerre, et qae Paul II avait défendus si vi-
goureusement. En même temps, Sixte remit à Ferdinand, non
sans exciter de violentes rédamations dans le sacré collège, ce
tribut arriéré qui avait fait craindre des hostilités entre le roi de
Naples et le Saint-Siège * . Il len dispensa même àFavenir pour
le reste de sa vie. Il s*unit ainsi au prix des intérêts de son
église, par la plus étroite confédération avec le gouvernement
napolitain. Julien de la Bovère, que Sixte lY fit cardinal et
qu'il enrichit de bénéfices ecclésiastiques, fut ensuite le pape
Jules IL Jérôme Biario épousa, par le crédit de son oncle,
Catherine, UMe naturelle de Galéaz Sforza ^. Mais ce n'était
pas çnoore assez pour Tambition du pontife : il fit en 1473
acheter, pour Jérôme, par son frère Pierre, au prix de qua-
rapte mille ducats d'or, la ville .et la principauté d'imola, ou
Taddéo Manfrédi , qui soutenait alors une guerre civile contre
sa femme et son fils , ayait peine à se maintenir '.
Quoiqu'un tel agrandissement des neveux du pontife romain
fût encore sans exemple dans les annales de l Église, il pou*
vait jusqu'ici s'expliquer par la cupidité et l'ambition seules.
Mais la prédilection de Sixte lY pour son neveu Pierre Biario,
que de simple moine franciscain il fit cardinal prêtre du titre
de Saint-Sixte, patriarche de Gonstantinople, et archevêque
de Florence, donna lieu de soupçonner des mOti& plus odieux,
à tant de faveurs. Pierre Biario , âgé seulement de vingt-six
ans, n'était distingué par aucun talent, par aucune vertu i il
n'était encore connu de personne , lorsque, dès le cinquième
mois du pontificat de son onde, il fut nommé cardinal. « Dès
« lors, dit Jacob Ammanati, cardinal de Pavie , il eut tout
1 Vitœ Bxmanor, Pontif. T. III, P. II, p. 1059. — Card. Papienêii ejpUt 439, p. 760.
^AnnaL Eccles* 1472, $ 56, p. 247. — * Hieron. de Bursel&s, AmuU. Banon.p, 90t. *
> VUœ nomanor. Pùntlf. T. III, P. II, p. i060. — Bier. de BurselHs, Annales Bono^
niemes. T. XXIII, p. 900.
DU UOYm AGE. 59
« pouvoir daus la cont. Son rang et son faste dépassèrent ce
« que croiront jamais nos neveux, tout eotnme le souvenir de
« ce qu*ont jamais vu nos pères. Quand il allait à la cour on
« qu'il en revenait, une multitude d*hommes de tout ordre et
« de toute dignité l'accompagnait, et aueun chemin n'était
« suffisant pour la foule qui le précédait ou qui le suivait.
< Chez lui, ses audiences étaient bien plus fréquentées que
« celles du pontife. Les évéques, les légats, les hommes de tout
« rang , affluaient à toute heure dans sa maison. Il donna un
« repas aux ambassadeurs de France, et jamais l'antiquité,
« jamais les peuples païens, n'avaient rien connu de si spmp-
« tueux. Les préparatifs occupèrent plusieurs jours; tout l'art
« des Etrusques y fut recherché , y fut employé ; le pays en-*
« tier fut épuisé de tout ce qu'il avait de rare et de précieux,
« et tout fut fait avec le but d'étaler un faste que la postérité
« ne pût surpasser. L'étendue des préparatifs, leur variété,
« les ordres des officiers, le nombre des plats, le prix des mets
« qu'on servait , tout fut enregistré avec soin par des inspec-
« leurs ^ tout fot mis en vers, et répandu avec profusion,
« non pas dans la viUe seulement, mais dans toute l'Italie. On
« eut même soin d'en envoyer des exemplaires dans les pays
« ultramontains * . '«
Peu de jours après ce repas , dont la splendeur semblait
insulter aux voeux de pauvreté de l'ordre de Saint-François,
où le cardinal Riario avait été élevé, Léonore d'Aragon, fille
de Ferdinand, promise au duc Hercule de Ferrare, passa à
Borne, pour se rendre auprès de son époux , accompagnée par
Sigismond , frère d'Hercule. Un faste plus extravagant encore
fut déployé à cette occasion par le cardinal fiiario ; un palais
tout brillant d'or et de soie fut élevé sur la place des Saints-
-1 Popîensis CardinaUs episiola 548. Ad FraticUcum Gonzagam Cardinalem, p. 82f .
— AnnaL Ecclet. 1474. $ 23-23, p. 356. — Onofrfo PanviniOf Vita di Sis(o iV, Ad cal-
cem Placentince,Editioveneta, 1730, p. 456.
60 HISTOIRE DES RÉPUBLIQUES ITALIEIÏNES
Apôtres 9 pour recevoir Léonore. Tous les yases destinés au
service de cette cour, et jusqu'aux ustensiles les plus vils,
étaient d'argent ou de vermeil * . Les fêtes succédaient aux
fêtes; en peu de temps le cardinal Biario se trouva avoir dé-
pensé deux cent mille florins, et contracté pour soixante mille
florins de dettes. Pour suffire à ces dépenses insensées , qui
Calaient ou surpassaient les revenus des plus riches souve-
rains, fiiario avait réuni les prélatures les plus opulentes de
la chrétienté. Patriarche titulaire de Gonstantinople , il possé-
dait en même temps trois archevêchés, et un nombre infini
d* autres bénéfices.
Bientôt Pierre Biario voulut montrer à l'Italie entière le
luxe qu'il avait d'abord étalé à Bome. Il se rendit avec une
pompe royale à Milan , où il arriva le V2 septembre 1 473. Il
s'y présenta sous le litre de légat de toute l'Italie, que Sixte IV
lui avait donné. Il y fit assaut de magnificence avec Galéaz ,
qui comme lui s'enivrait de vanité. On crut aussi qu'ils s'é-
taieot promis de s'assister réciproquement dans le projet, l'un
de se faire roi de Lombardie, et l'autre pape. De là, Biario se
rendit à Venise , pour y chercher, non pas seulement l'éclat
des honneurs qu'on lui décernait, mais encore la jouissance
de toutes les voluptés. On assure qu'il s'abandonna à tous les
excès, par delà ce que sa constitution pouvait supporter. 1 474 .
— Épuisé par des débauches plus scandaleuses , mais moins
ruineuses pour les peuples que son faste , il fut à peine de re-
tour à Bome qu'il y mourut le 5 janvier 1474, après avoir
donné pendant dix-huit mois à l'IttJie le spectacle d'un crédit
dont le scandale était jusqu'alors inconnu. Avec lui commença
le Népotisme y qu'on avait eu peu d'occasions encore de repro-
cher auparavant à la conr romaine ^.
Sixte IV semblait avoir besoin d'un favori pour lui prodi-
» Diario di Stefan. Infessura. p. U4I.— Clo. Batt.Pigna, L. Vllf, p. 7S9.— < Diario ai
Stefano infessura. p. ti44. — Romanor. Pontificim vltœ p. t060. — Bernard. Corio ,
nu MOYEN AGE. 61
gtier toutes les richesses de TÉglise. Lorsqu'il perdit Pierre
Biario qu'il pleura amèrement, il se hâta de produire au grand
jour un autre de ses neveux, que sa jeunesse avait jusqu'alors
éloigné de la fortune. C'était Jean de la Rovère, frère de Léo^
nard et de Julien. Sixte IV lui fit épouser Jeanne de Monté-
feltro, fille de Frédéric, comte d'Urbin, le plus distingué par
ses talents et ses vertus entre tous les feudataires de l'Église^
Pour que cette fille d'un prince n'épousât point un simple
particulier, le pape détacha du domaine immédiat du Saint-
Siège, et donna en fief à Jean de la Kovère les deux villes de
.Sinigaglia et de Hondavio avec leur territoire. Le consente*-
ment du consistoire des cardinaux était cependant nécessaire
à cette inféodation, et il ne fut pas facile de l'obtenir. Le car*-
dinal Julien, frère du nouveau prince, mit en usage les plus
vives instances pour persuader ses collègues $ le pape acheta
l'un après l'autre leurs suffrages par de riches bénéfices, et les
plus rigides défenseurs des intérêts de l'Église furent enfin en-
traînés par le vœu de la majorité * . Sixte lY voulut ensuite re-
lever la dignité du prince qu'il venait d'attacher à sa famille.
^Frédéric de Montéfeltro, qui faisait prospérer son petit état,
passait pour un des meilleurs généraux de l'Italie. Il avait
toujours une bonne armée sous ses ordres , qu'il mamtenait
comme condottiere en recevant la solde de quelque souverain
plus puissant. La situation de ses états dans le voisinage de
Bome rehaussait le prix de son alhance. Le pape, pour s'as-
surer toujours plus de lui, le décora du titre de duc d'Urbin
le 2 1 août 1474, avec la même pompe et les mêmes cérémonies
qui avaient accompagné trois ans auparavant la nomination
de Borso d'Este au duché de Ferrare *. Le gendre de Frédé-
ric passa bientât lui-même à une nouvelle dignité ; son frère
Bisi. Milan. P. Vf, p. 976. — > Cardinal. Papiens. epist, S89-S0O, p. 838, 839. Lei cita-
tioDf de Raynaldi ne se rapportent pas exactement pour ces épttres. 11 désigne celles -ci
comme étant S88 et S89. — VUœ Romanor. Poniif. T. III, P. ", p. |063.— « cSxrdin. Pa-
62 HISTOtEE DfiS EEPUBLtQUXS ITALIEKllf£S
Léonard étant mort le 1 1 noyemlH^ 1475, il lui succéda daiu
la chaîne de préfet de Rome. *
L'autre frère de la Boyère, ce cardinal Julien qtd dey ait
ensuite, dans un ftge ayancé , se montrer le plus belliqueux
des pontifes, fit yers le même temps son apprentissage de Fart
militaire dans Tét^t de T Église. La yille de Todi fut la pre-*
mière scène de ses exploits. On ayait yu se renouyder dans
cette yille Tantlipie discorde des Guelfois et des Gibelins, qu'on
aurait dû croire éteinte après trois siècles de durée. Gabriel
Castellani, le chef des Guelfes du pays, -y ayait été tué. Mattéo
GanaH, chef des Gibelins, s* était rendu en quelque sorte souye^
rain de Todi. Toute la province s'était soulevée à cet événe-
ment , et le souvenir d'anciennes offenses avait ranimé les
haines avec autant de fureur que si les deux factions avaient
encore disputé sur les droits de TEmpire et de l'Église. Les
habitants de Spolette, le comte Giordano Or«ini, et le comte
de Pitigliano étaient accourus au ^cours du parti guelfe;
Giulio de Yarano , seigneur de Gamérino, s'était déclaré pour
le parti gibelin. Au reste les sentiments qui avaient autrefo»
dofiîné origine à ces factions étaient oubliés par toutes deux,
et les Guelfes étaient si peu demeurés les champions des
droits d&rÉglise, quele légat du pape embrassa la défense des
Gibelins. Il entra dans Todi à la tète de sa petite armée : il en
chassa les paysans qu'on y avait introduits , il punit les sédi-
tieux par la prison ou l'exil, et il ramena la province à la dé-
pendance entière du Saint-Siège. De Todi, Julien de la Bovère
conduisit son armée à Spolette. Orieini et Pitigliano s'en reti-*
rèrent à son approche , et la ville ouvrit ses portes par capi-
tulation. Mais les conditions accordées aux habitants par le
cardinal légat ne furent point observées; ses soldats, en dépit
de lui, se jetèrent sur les citoyens et les pillèrent. Néanmoins
piensis. episiolaSûS^ p. tZ2.^Raynaldl Annal, eccles, tiU, S ^1} P- 256.-F{(œ Ronais
Pontif. T. m, P. !r, p. 1062.
DU uoyeu agb. 63
ce ne furent pas les soldats qae l'Eglise punit ensuite de leur
indiscipline: elle s*en prit aux habitants deSp<dette, auxquels
le cardinal crut ne pins rien deiroir, pnisqu*aussi bien leur
capitulation nayait pas été observée. Plusieurs d'entre eux
furent jetés en prison , d'autres tarent exilés, et leur juridio*
tion sur la province fut idiolie ^
Il ne restait plus à Julien de la Bovère, pour terminer sa
campagne , qu'à soumettre Nicolas Yitelli, prince de Tipher^
Bum on Gittà di CaAello. ViteUi ne prenait d'autre titre que
cdui de vicaire de la sainte Église; il se déclarait prêt à obéir
aux ordres du pape; cependant il maintenait, dans sa petite
souYcraineté, une indépendance que ses ancêtres lui avaient
déjà transmise depuis plusieurs générations. Il repoussa la
force par la force ; il remporta un avantage sur les troupes
du cardinal Julien, et il demanda en même temps des secours
aux Florentins. Ceux«*d ne voyaient pas sans inquiétude la
turbulence du pontife et de ses neveux, et ce changement dans
le gouvernement de l'Église qui semblait en faire une monar-
chie nalitaire. Ils ayaient encore lieu de craindre pour Borgo
San-Sepolcro, ville très rapprochée du théâtre de la guerre,
qu'ils s'étaient fait céder par les papes, et qu'ils pouvaient se
voir ravir. Ils y envoyèrent une petite armée commandée par
Pierre Nasi; en même temps, ib firent passer quelques secours
à Yitelli, et ils excitèrent ainsi le courroux du pontife, qui ne
leur pardonna pas de l'avoir arrêté dans ses projets ^. Le car-
dinal, perdant l'espérance de soumettre Yitelli par la force,
lui accorda une capitulation honorable. Deux cents soldats de
l'Église forent admis dans Città di Gastello, en signe de sou-
mission; mais le gouvernement ne fut point changé, et la
1 Bomanor. Pontif. vliœ, T. IIL P. II, p. 1061. — Onofrio PanvInOt VUa di Siito ir,
p. 457. — * Seipione ànunirato. L. XXIV , p. lis. Ils eoTojérent en même temps me
ambassade à Louis XI« pour demander sa protection. ContinuaL de Momirckt», Chr,
VoL Ul, t. 119, T.
64 fiiSTOlRE DES BEPUBLIQUES lTALI£fl]fl£S
souveraineté de Yitélli fat reconnue. Ce traité, an reste, fut
vivement blâmé dans le sBKsré collée. Les cardinaox les pins
vertueux étaient justement ceux qui mettaient le plus de zèle
à étendre la domination temporelle de l'Église. Ds avaient
espéré que Gitta di Gastello serait ramenée à la directe du
Saint-Siège, et ils considérèrent les concessions faites à Yitdli
comme contraires^ la dignité et à la souveraineté du pape * .
Si les Florentins avaient conçu de l'inquiétude à cause des
mouvements de l'armée du cardinalJuliéb sur lenrsfîrontières,
ils avaient plus lieu encore de s'alarmer de la liaison intime
du pape et du roi de Naples ; surtout depuis que ces deux
souverains s'étaient attaché Frédéric d'Urbin, qui jusqu'a-
lors avait été presque toujours capitaine de la république. Les
Florentins avaient vu avec étonnement ce Frédéric se disposer
à faire un voyage à Naples, et ils avaient voulu le retenir,
persuadés que s'il se mettait une fois entre les mains de Fer-^
dinand, celui-ci le traiterait comme il avait traité Piccinino^.
Mais lorsqu'ils surent, au contraire, que le duc d'Urbin était
accueilli à Naples avec des honneurs infinis, etnommé général
de la ligue du roi et du pape, ils crurent qu'il était temps de
se mettre en garde contre l'ambition de ces redoutables voisins*
D'une part, ils nommèrent pour leur capitaine Robert Hala«-
testi, prince de Rimini; de l'autre, ils envoyèrent Thomas So^
dérini à Yenise, pour y conclure une alliance plus intime avec
cette république.
Les Yénitiens étaient alors plus pressés que jamais par les
armes des Turcs ; en même temps ils s'étaient compromis paf
les affaires de Chypre, avec les deux plus puissants états de
l'Italie. Ferdinand espérait toujours faire obtenir la couronne
de ce royaume à sou fils naturel don Àlfonse, qu'il avait
fait adopter à la reine Charlotte, sœur légitime de Jacques,
f EpisL Card, Papiens, 570, p. iZZ. — Baynatdi Annal 1474, S i7, p. 250. ^ * Uoo-
chiavelH, i, Vir, p, 34S. — ' Scipione Ammirato. L. X&IV, p. us.
DU MÔYEUf AGÎB. 65
et qa*il avait fiancé à Tautre Charlotte , fille naturelle du
même Jacqaes. Tandis que les Génois, sujets du due de Milan,
ne pouvaient se oonsoler de la perte de Famagouste, et me-
naçaient d'attaquer Tlle de Chypre avec les troupes mila-
naises, ponr recouvrer cette forteresse \ les Vénitiens, in-
quiets des prétentions de leurs rivaux , saisirent avec em-
pressement Toccasion de se confédérer avec tout le nord de
ritaUe.
La négodation fut conduite avec adresse à Milan, en même
temps qu'à Yenise ; et, le 2 novembre 1474, les deux répu-
bliques signèrent avec Galéaz Sforza une ligue défensive pour
le terme de vingt-cinq ans. Il fut convenu que chacune de ces
trois puissances entretiendrait, même en temps de paix, trois
mille chevaux, et deux mille fantassins sous les armes. Dans
une guerre continentale, elles devaient réunir entre elles vingt-
un mille chevaux et quatorze mille fantassins; de telle sorte,
cependant, que lorsque les Vénitiens et le duc de Milan con-
tribueraient chacun comme trois, les Florentins necontribue-
rmat que comme deux. Enfin, dans les guerres maritimes, les
Florentins et le duc de Milan s'engageaient chacun à fournir
dnq mille florins par mois aux Vénitiens. Il fut convenu en-
core qu^on inviterait le duc de Ferrare, le pape et le roi Fer-
dinand à entrer dans cette alliance. Le premier, en effet, y
accéda le 13 février suivant, tandis que le pape et le roi
Ferdinand se contentèrent de donner des assurances générales
qu'ils demeureraieat amis des parties contractantes, sans
vouloir prendre aucun engagement '.
Mais, quoique l'Italie se trouvât partagée entre deux ligues
rivales, qui s'observaient et qui cherchaient mutuellement à se
nuire, sa paix intérieure ne fut point troublée ; les négocia-
tions où se manifestait le plus d'animosité n'amenèrentjpas de
t VUœ Romanor. Poniif. t. III. p. 0» p. t06S,-s Gio, IMI, Pigna, Starta de' PHh»
cipi éTBste. L. YIII, p. 794.
Tii. 5
6Q HI8TOIBB DE» ^FUBUftUSS ITALIENNES
résultat. L'blstoii» d^ Florence, pendant pLomears luviéai dç
suite, HP pn^ate aacim souYenir ; «elle de Milaa es| à pçii
pf^ pdle : tous les intérêts, toute l>clàTité d^ItalieBS étaieal.
à cette époque (ling^ xeis le Lev^Bt. La guerre 4^ Turcs qo«-
ci^^ait tous le» esprits, et teoût «a éetiec toutes les forcw#
S§i}|efl[ieat le piape, toujours plus aliéné 4^8 Yém^eus, se reti-
T0 ^r^diiâllemeujt du combat. Sa U73, l»|l9tjte faotà&r^
cale avait secondé de tout son pouvoir celle de la républiqgif ;
l'aiiDiée suivante, elle n'avait fait qu'une v^ii^ P9^ade ^ sa
f orœ dans les mers de Rhodes ; la tro^ème ajmée, elle ne
parut plus dans cette guerre, à laïqueUe le Saint-Siège était si
immédiatement intéressé
4.vant la fin de Tannée 1473, Vahomet II avait envoj4 en
Moldavie une armée commandée par Soliman, bc^ierbâj 4e
Bt.QfU»f4&* l^ souverain qui portait le titre de palatin et way^
vode de Moldavie « ét«4t Etienne , digne successeur du fâfFom
BJl^das Dracula. Mais ses eff rojables cruautés étaient excitées
p^ )e zèle xeygie^ ^ plus fervent; aussi j^nte IV, qui lui
^liroja une pm^e 4^ Tf^iBant pprodnit par to indulgeràes,
l*iy)pelait-il dans toutes ses lettres, so» fil» chéri, le vrai
athlète du Chriit ^ Étbsnne ne tenta point de livrer bataille
aux Tnnps j pour défendre son pays; il le ravagea au contraire
devant eux avec tant d activité , que les Musulmans., en avaft-
çaj;it , ne trouvèrent bientôt plus aucun moyen de subsistance*
Apris qgie leur armée, épuisée par la faim et la maladie, ent
^erd^u son courage aussi bien que ses forces, le wayvode l'at-
taqua le 17 janvier, près du marais de Backovieckz, et la
défit i^njtiè^ment. U eut ensuite l'atrocite de faire empakr tons
ses p^onnij^ , à la réserve de quelques officiers généraux ^
^ et le même historié qui raconte cette barbarie, ajoute inuné-
diateq^ent q^e, « loin de s abandonner à l'orgueil après cette
1 Bulle de Janvier I47tf. In Hbro BuUaruaL U XXIII, p. 91. — Aimal^t EecUsâUu^
^ tt)6ÉMi fulie joon M pahi et à Peani , et qaMl fit
1^ poUter diM tMi( 8M f9y q» péraMner ii'eM raadace de
« g'niltrikwr > lii imUaioit Iwiwm weeès, nwrig qoe chacnii
« «a rtf^peitÉl k gte» tel iitta à Mes*. «LewayTode
»MfaM If^pMM fndni kftéMix Maée» ânitaiites, sand
liTier 46 beHiMt^ héb sa eavaleria Hgèie, Tolfigeant sana
oeifie mm teflaMiiéft Ifamrfe aMMdflume, hii enteta des ntiK
lÎM» de'HWMMMniy fo^Élieiiiie il le» éooreher tivants oq
f^pahif ^«
I La be^MTbqi èa SoaMnie aTaal rélMS mm armée , aprèa
s» ijUrtote d»BMiUMMQkz, itel m eammeneettieiit de mai
147 4> HKUee la aiége éaTaflU Beviaii, Fane dès plus fortes
^Uca «M b»Téftitieaa pesBédaaaent dans r ABNiiiie *. Les La-
tWEi aminnk qp» ie|i«iiii aTSit amia ses ordres soiiaote
hfWM»« fimaadés* sons M par sept sangiaks. Antoine Lo-
redano était chargé de la défense de Sentarl , atee les titres de
et 4ÈmollÊè ê» CriMfie , aa
du xvi<^ siMA» Omnfc JUilta» u^ w, #»ik in. mipuli^ ^mmiI. flp«
ciet. t4f4, S 10, p. 354. ^Andréa Ifavagiero, Storia VeneUana. p. W44* BUenae,
w»ywéi d» Vtlaoiil» M A» IHwiit mtvmàm liérot htorf» de DlDgoM, hhtorieD
PQlonaiy, soo eonimiportiii» En iMT* tt «raii» «liafa MatUafCiirriaiii (U Xliv,
pu 4i8)t «Il 1M9, il aTait vaiDCU Pierre, ton compétiteur, et eoiuite iei Çasaquea Z«r
poiovH) «1 a «Tait eufeèfl«r le» oui ai Ibf anirai IM pldt eft-of aMei cfuauiét. i6.
p. 445, 450. U avait ensuite (mU U guarsa A ladali Slade QMi» imnte» wafvode di-
BeÉMnOïke, et il l'avait forcé à le Jeter dans lei braa des Turcs, p. 50a, Si«. Enfla» m
Tictonia wféÊ det naraif de EaakiMrteala al do Seute Berldd, sur lebegHerbey de Ro-
manie, le supplice de tous les, captif s, m to Jate» daa laiaiqveiirit a» piia*al»A Haan,-
sont rtMOBtéasavee les mêmes circonstances par Dlugoss et par Micbovias. Ifisi. Pohn,
l^&Ulty>H», Saw irraaciiani». L.m dha^nSM^p. ut.^* KafflUtiOus Annai.
Eccles. 1406, S 6 et 7, p. 2d5.— ' Marinas Bariaiiua, le mé«Mta««Mal'B#u^de«M» 1» tria-
de saaoderbeg, codimence son histoire du second siège de Scutari« sa pairie, par une
bqnn» daasripiia» di ceae lilh, U aooi «ppwiid'qiWli»'ats»' été dbnnée en gage à la
Seigneurie de Venise, par George BalsUscht saignaur épitote, aalawp>wiM»M»»'aiMr
erde^SeMiderbeg; que la vUte, ruinée par les incursions précédentes des Turcs, ne s'é^
tqsdait pto% qpiwaa auiwayaai» dw dani aMéidoraMieii lit de la ritfère Lodrtno, qui
se jetait autrefois dans la. Bogpana» et qui baigna m^tw^bn^ l^fasusr'al'déiiottcbd daaa
l»aerA dit lUiNes de distance. Scuuri était dés lors resserrée prés da confluent de eea
deux rivières, dans l'enceinte même qui servait de forteresse i oetla vitta« au (an|»dB
sa>p*<i>giiiia pwspétilé. JAarWfu BartetUu, de Seodrensi ejpptqyuMiosd. U 1| p» iai«
&uao BasiUmiit^ foL 15M« éd calcm LwM CMcocondyta;.
68 HfSTOtEB DES b£pOBUQU]» ITALlEKNIIâ
capitaine et comte de la "ville. Les mors deScatari étaient fai**
blés ; ils furent biratôt entr'onTerts par Tartillerie ; les Turcs
avaient alors dans cette arme nne grande sapériorité sur les
chrétiens. Mais Loredano faisait âever des remparts de terre
derrière les murailles abattues, et trouTait des ressources dans
la situation ayantageusé du terrain; toutes les Tilles d'Albanie
ajant été bâties dans des lieux naturdlement très forts. Le
provéditeur Ludano Boldù voulut introduire un renfort dans
la place; sa petite armée fut mise en fuite. Les assiégés avaient
épuisé leurs provisions; Teau surtout leur manquait» et la
faible ration qu*on donnait encore aux soldats, devait mettre
à sec dans trois jours la dernière dterne, lorsque vers le milieu
du mois d'août, Soliman donna un assaut. Il fut soutenu avec
vaillance pendant huit heures ; les Turcs y perdirent trois mille
hommes, et, en abandonnant enfin le combat, ils se détermi-
nèrent aussi à lever le siège * .
L-armée turque, qui avait assiégé Scutari, avait fait une
perte prodigieuse par les maladies qu'engendrait le terrain
marécageux où elle était campée. Sabellico porte cette perte
à seize mille hommes. L'armée vénitienne n'avait pas mieux
évité l'influence du mauvais air. Gritti et Bembo avaient été
envoyés les premiers avec six galères à l'embouchure de la
Bogiana, rivière qui, recevant les eaux du lac de Scutari, se
jette à la mer entre Duldgno et Alessio. Pierre Mocénigo était
venu ensuite au même mouillage, avec la flotte qui avait
soumis l'île de Chypre; tous trois tombèrent successivement
malades, et furent forcé» de se faire porter à Gattaro. Les ma-
telots et les soldats de marine furent plus exposés encore à
cette fatale influence. L'armée que Boldù rassemblait en Alba-
nie , et à laquelle se joignit Jean Gzemowitsch avec plusieurs
braves Épirotes, ne fut jamais assez forte pour se mesurer avec
i Marinus Barletlus^ De Scodrensi expugnatione, L. II , p. 893. — Cor iotoit» Cepk»,
De %eb. renetorum» L. Ul, p. 367.
DU MOYEN AGE. 69
les Turcs; et tandis qu'elle attendait des renforts, la maladie
loi enlevait les soldats qu'elle avait déjà. Enfin les habitants
de Sctttari , aussitôt que l'armée musulmane fot partie, cou-
rurent en foule sur les bords de la Bogiana pour se désaltérer,
après une privation d'eau si longue et si cruelle ; mais un grand
nombre d'entre eux furent victimes de l'excès de boisson qu'ils
y firent; à peine avaient-ils étanché leur soif, qu'on voyait
leurs membres se raidir, et qu'ils tombaient frappés d'une mort
subite ^
La république de Venise témoigna aux braves habitants de
Scutari, et à leur commandant, la reconnaissance que méritait
leur fidélité. Elle fit suspendre le drapeau des premiers dans
l'église de Saint-Marc, pour qu'il y demeurât en monument
de la constance de cette ville, et elle créa chevalier Antonio
Lorédano, qu*elle âeva rapidement aux fonctions de prové-
diteur et de capitaine général ^.
1475. — Pendant l'hiver qui suivit le si^ de Scutari,
les Vénitiens cherchèrent à faire quelque traité avec les
Turcs.; mais les prétentions du grand-seigneur furent trop
exorbitantes pour qu'ils pussent s'accorder avec lui. En même
temps ils demandèrent à leurs alliés des secours pour la cam-
pagne suivante. Le duc de Milan leur paya fidèlement le sub-
side auquel il s'était engagé; le pape, au contraire, après avoir
nommé dix cardinaux pour s'occuper de la guerre des Turcs ,
se refusa à y prendre part. La république , irritée de cet
abandon, rappela l'ambassadeur qu'elle avait à Kome '.
La campagne de 1475 fut marquée par peu d'événements.
Soliman, beglierbey de Romanie, vint mettre le siège devant
Lépante, forteresse des Vénitiens, dans l'Étolie, à l'entrée du
> ^ndi*. Navagierot Stor, Venez, p. 1141-1143. — Cortolanus Ceplo, L. III p. 303-368*
-^Raynald. Ann, EccL iiU, S. 12, 13, p. 254.— JT. A. SabelUco. Deçà III, L. X, f. 239-
231. — < ^ndi*. tiavagierop Stor, fene». p. 1U3.— M. A* SabelUeo, Deot Ul, L. X, f. 232.
— 8 Andr. Navagiero» p. U44.
70 HISTOIRE DBg ||]£pinNLiQU]» ITALIElOrES
ffiVe cte C^riiithe. Depail loi^tanitMi les mars de cette \ilte
n'aTaieiit point été n^piré«, et ils tombaieiit en raine; mais
son assiette 9W des rpebem eseaipés, qui la fennaîent du côté
du nord, et qae snrmoiifiiit oa km ebfttean , Ini tenait liéa
d'oQTrages de l'art* Entre ces rocbers et le port , les Vénitiens
ereusèrçnt dm fossés deifière les bi^tebes des mnrailles , et ils
les appuyèrent de bonlevards, Cinq cents dieyau-légers étaient
entrés d^us U viUe, et lewi fréquentes sorties forent toutes
couronnées par des succès. Antoine Lorédano occupait le golfb
9Tec 14 flette ¥éq|tien9e) et il ne ImNÂt manquer Lépanle ni
de TivreSi ni d'ermeSi m de trompes finatobes. Après quatre
mois d'une attaque niutile, Soliman reconnaissant qu'il n'aTait
fait nucnn progrès, se résolut à loyer le siège *. A la fin de la
même campagne, la flotte ottomane fit une tentatiTe sur le châ-
teau de Goeeiiio, dans l'Ile de Lemnos ; son artillerie fit une
brèche aux murailles, mais rapproehe de Lorédano avec la
flotte TâiitiaiBe loifa len Tuies à se retirer >.
Gependimt la même mméè^ une anttre des républiques ita-
liennes fut enipigée, ttalgré éHe^ éâns 1$ guen^e avec les
Turcs, Iiss Génois possédaient eacsare Calfa tm Grimée, que
les andeua QOiBffli»ient Thiodmi^, el eelte ViBe, la plus pois->
saute de leurs cok^uies, élail «Oiri le mardUI U {tfos e^bre»
de tout le Pon^Buini, Gafist demewée ph» de deux siècles
sous logomyero^EBeot des GéMHs» amât acquis une population
et une riebesse qui Vég^daient presfue à là métropole. Lé kan
des Tartaresi au aailieiides états docpMl cette Ville était située,
ayait reoenim que sa prospérité faisait k richesse de ses pro-
pres sujeto. Gi^ ébût le marehé ds toutes les productions
du Ncffd : les bois^ la cire, les pelleteries, seraient demeurés
sans valeur entre les mains des Tartares, si les marchands
génois ne s'étaient présentés pour les acheter. Aucune des
» M. AfH. MMcê. Dwet m» L. X. & ssa. *^ jTimatffti'Oi p^ nm. Hais il rapporte ee
siège àran 1477.-* M. JLSabeUieo. Deea m, L. X, t 9i^
t/ti iiofiÊ AGI. 71
jèoiinuices M te yie, atiettU pttàm de fart èèH pèttt^èd ffltift
dvilisés ne parreaait dans ces déserts, autrement que pfit Ité
mardiands d'Itàlte. L'Eorope ddttfnmfii^Udt aveti I*Oriènt
par rentrdâiisè desCfénois de Gaffa; les étoffés de soie et de
cDtooi fàbiKitiées M Perse, les denrées et lès é(»léèriM de
rinde, j parvenaJéùt piai^ Astraean^ et les flHned â« (Mtmè
étaient exploitées pour le compte des Liguriens. Le kan lotir
aYatt acooràé des privU^es extraordinaires : il attit pef fftiff
que les magistrats génois jugeassent tous les ptffidèi 9ê ^
propres sujets, jusqtf à tfne certaine distance de lêflf titfi; tl
les consultait toujours dans ta nomination du goutemmr de
la province, et il montrait tme grande èetéteiÈte pont ftiméÈ
te» d^Qûtandes de cette dié puisisante. Le gouTemeiolètA; êd
<$ette edtotiie était eoinposé d'un comseil nommé etefQile SetHeb
par le sénat de Géûes, et deux asdesseors et de i^uMfé jilges
descffifiapàgnes*.
Les conquêtes ût ttiAoïaet tl et sa haine pour le mm la-
tin avaient donùé aul Génois de Pinquîétûde inr ledf co-
lonie. La mer Noire étalf fermée à leurs vaisseaux, où du
moins ib ne pouvaient traverser rHellespont et le Bosphore,
qn*en se sMifuéttant aux avanies des Turcs. Ils m pod^aleiit
envoyer par mer des soldats à Gaffa, et ils craignaieAt cepen-
dant ^e cette place n'en eût un pressant besoin. Gerio, ca-
pîfaiiïe d'une compagnie d'aventoriers, leur offrit de eoiridulNr
par terre en Grimée cette compagnie qui était d'environ cent
cinquante cavaliers^ pourvu qtf on lui assurât une pi^e pro*-
portionnée à une expédition A difficile, et qui le paraissaîl!
plus encore, à cause des tàoièbres dont la géogrq^hîe état
alors enveloppée. En effet, Cerio sortit d'Italie pai^ lé tnxiïï',
û traversa la Hongrie, nue partie de hi Pologne, et enfin nne
partie de la Petite-Tartarie; et après un voyage de jHuô dé
1 9benus FoBetût Genums, Bist. U IX, p. 639.
72 HISTOIBB DES BÉPUBLKyJBS ITALIENNES
douze omts miHeSy il amena ses cavaliers sains et saojb à
Caffa«.
Ce renfort était peu considérable, et cependant les magis-
trats de Gaffa, jugeant de leur importance et de I^r pouvoir
par les égards qu'on avait pour eux, avaient provoqué les
plus dangereux ennemis. A la mort du gouverneur de la pro-
vince où Gaffa est située, le kan des Tartares lui avait donné
pour successeur Eminécés (Eminachbi d'après Barbare) ',
que les Génois avaient reconnu. Son prédécesseur avait laissé
un fils nonmié Séitaces, qui pour s'élever à la place occupée
par son pare, séduisit à prix d'aif;ent les magistrats de Gaffa,
et réussit à employer leur crédit auprès du kan. Il fit tant
par leurs instances, par leurs menaces même, que l'empereur
tartarelconsentit à destituer Eminécés, et à nommer Sâtaces
à sa place.^Hais au milieu d'un peuple de pasteurs, l'autorité
du monarque était quelquefois peu sentie, et ses ordres peu
respectés. Eminécés, courroucé contre l'empereur tartare, et
plus encore contre les Génois, s'associa deux autres chefs de
sa nation, Caraimerza et Aidar. Avec leur aide il souleva tous
les Tartares de la Grimée, et vint mettre le siège devant Gaffa;
en même temps il fit demander des secours à Mahomet IT. Le
* Samortno^ Origine e Jmperio de' Tvrcki. L. II, U 167, v». Uoe antre tentatiTe des
Génois de Gaffa, pour augmenter leur garnison, ayail eu un sueeès moins heureux.
Galeazio, l'un des magistrats de celle colonie, ayait passé en Pologne en 1403, et ob-
tenu du roi Casimir la permission d'y faire une leyée de cinq cents cavaliers ; mais
eomme il les conduisait vers Gaffa, en traversant les provinces russes qui dépendaient
des Lithuaniens, ces soldats, mal disciplinés, brûlèrent le bourg de Bracslaw. Michel
Csartoryski, seigneur de la province, les suivit pour en tirer vengeance, et les ayant
atteints sur les rives du Bug, il les massacra tous, à la réserve de Galeszzo et des ci-
toyens de Gaffa qui l'avaient acoompagné. Dlugosêi Hist. Polonicce. L. Xin, p. 318.
— t Joseph Barbare, le même qui fot envoyé an travers de la Scythie à Hussmi Gassan,
raconte cette gnerre d'une manière un peu eonfose. Cependant son long séjour à Gaffa
été la Tana, où il avait vécu comme marchand presque dès son enrance, sa connais-
sance de la langue tarUre, et ses liaisons dans le pays, rendent sa relation un des mo-
numents les plus curieux du siècle. Elle a été recueillie par Jacob Gender d'HeroItxberg,
et imprimée à la suite de V Histoire de Pêne de P. fiisorro, Francfort, in-foL , J60i,
sur la prise de Gaffa, v. p. 458.
ou MOYJSN AGJS. 73
sultan, toujours empressé de faire sur les chrétiens one oon-
quête nouvelle, envoya devant Gaffa la flotte considérable
qa*il avait préparée contre Candie. Le siège entrepris par les
Tartares avait déjà duré six semaines, lorsque Ahmed, qui
commandait cette flotte, jeta l'ancre devant Gaffa, le 1^ juin
1475, et planta ses batteries contre les murs de la ville. Les
fortifications de Gaffa avaient toujours paru inexpugnables à
des armées tartares , qui ne les attaquaient qu'avec leurs
sabres, leurs flèches et leur cavalerie légère; en peu de jours
l'artillerie turque y fit de larges brèches. Pendant quatre
jours encore les habitants défendirent les brèches ouvertes et
praticables ; ils signèrent enfin une capitulation qui ne fut
point observée. Un grand nombre de sénateurs et d'anciens
magistrats furent livrés au supplice ; quinze cents enfants fu-
rent conduits à Gonstantinople, pour être élevésj[)armi*les ja-
nissaires; le reste des Latins fut transporté à Péra, et la do-
mination des Génois sur la mer Noire fut détruite * .
Du côté de la Hongrie, Mathias Gorvinus ne répondait
point aux instantes soUidtations des Vénitiens, et ne tentait
aucune diversion importante. Gependant il prit cette année
la forteresse de Schabatz, qui menaçait la Sirmie, mais il ne
< LaudivUtt Vezanensis, LunMiU Bgues HierosoL Cardinalis Pàpiensis epUU 661,
p. 873. -'Vbertus Folieia, h. XI, p. 627-628. P. Blzwrro. S. P. Q. Gen. HM. L. XIV,
p. ziT ,^ Agostino Giustinianl, Ann, di Genova, L. V, f. 236. — Tttrco-Gneclœ HlsL
Poiit, L. r. p. 25. — Jtayna^d. ann, M75, p. 262. Le kan ou empereur des Tartares
était alors Kurduwald, qui ayait succédé en 1466 à son père Eesiger Gierai {Dlugost.
Hisf. Polonicœ, L. XIII, p. 403). H régnait encore en i478 (Ibld. p. 566); mab son au>
torité était assez mal reconnue. Les habitants de Caffa ayaient engagé, en 1469, son
frère Mengili-Gierai à se révolter contre lui (Ibid. p. 438). Son autre ftère Aidar avait,
au mépris de ses ordres, envahi la Russie et la Podolie avec une armée tartare en i474
{Ibld. p. 514), et les bourgeois de Caffa s'étaient accoutumés à se croire les arbitres
des princes tartares leurs voisins. La conquête de la Bessarabie par Mahomet If, en i474,
aurait dû leur faire ouvrir les yeux sur leur danger. La prise de Gaffa répandit dans
tout le nord une consternation d'autant plus grande, que cette ville était le seul point
de communication entre les Européens et les Persans, également ennemis des Turcs, et
que les chrétiens sentaient le besoin de se concerter avec les sectateurs d'Ali. {Dlugoss,
mst, Polon, U XUI, p. 583.) MengUi-Gierai, qui fut trouTé par Aebmet Giedik dans les
H HISTOIRE DM tâPtÈtlttÇti irALIENlIES
partà pm m mmeè f^lat avattt *. De mitm ^oifb, diez lé§
]itti6Cllfli«iis ooinmê chez les éhîëtieliM^ teâ (teUflleii étaient
épalfléë ptir nue longue geerré, et aftenn èffdft vlgolii^ox
fi'annôti^t pluB de grands éVéneitietits.
nrart dA Gift, «û il tiéMU mil toi» là pMiei^kim M ûèmAn m ^ reçot alors fld
Mahomet II une armée avec laquelle il vainquil son frère, hii le premier kan des Tarlaret
<^ii reçut fimreifiture des Tures, et qui fit réciter lé nom do sultan dans tes ^Héres.
Demeirbu QMemtt. W$t»fn Ottomtue* U 111. chap. 1, $. tt, p« f f f^-^ > mmat BttL
147S, i 28, p. 362.
M «onoi ABi. 7S
HUHHnMiHimiiiiiiiiiiiiiiiiiiimtiiiitii
CHAPITRE m.
Cmnaniim ée Nieobg «PBste à Forare, de lérftiiie Geotite à Gènes ,
d'Olgjallf ViscoBii et LamfMiguBi à Milu« Réf^kilÎMif 4wm l'Élit de
MiUn après U mort de Galéaz Sfurxa«
I47»4iir7.
!ik TéSldiS ^[M là gll6fl"Q S6 nlOlitiflMtl Ml dsilOn I ft f|1l6 l6^
difftfraitB étaits d'Ilalte étaEtetit ilBis fét ûtls dKàncefl cfui 0eni<*
Maiefit dèroir gér&iitîr lu {moi éntip^ éint , l6iit eonstit&fhm
mtérieare fol â^nlée coup flul^ «mp par plasieant eraupi-
ration». Bu tMis «m, ôtt ett eonpftt une à Ferrare, éen ft
Gènes, me è Milaii et one à Florence. Il seiiAIait que les pevh
fXes , lâs éiifiii de roppronioR tfow laqoellâf Un ûjtàtnl fêtÉi,
éMèût parUMvt déterminés à Mseï^ tm fai(Bgne jMf; et par-
loQt eepettdant ils retombèrent soUs la diaine qrf fes ayait
aêeabtéi. Ce ne fbrent ni le secret, ni h fidélité, ni la hardiesse
qni nânqoèrent aux eonspirateQrs ; tons parymrenC i exécuter
ce qa^*ili Ataienf projeté , aneim tf eti reeudlKt le frait ; tant
il est diffinle derenrerser iin gonyernement existant, et tant
Fliabiliide dé robâssanoe dans tm penpie éonflefit h pniîh
sanee éds tyrans même ks plm o^fienx. U n*est pcmit rare
(i cttfflMflDNi aeMMv QSie nawstt 00 MiBNsse et ^n posiiiSB^
76 HISTOIRS DES BÉPtJBLlQDJSS ITALIBNKJSS
mité, en raison dn jong qu'elle a supporté. Lorsqu'on Toit des
milliers d'hommes obéir à un seul, contre leur intérêt, contre
leur sentiment, lorsqu'on les Toit se soumettre à des caprices
qu'ils détestent, on dcTcnir les instruments de passions qu'ils
ont en horreur, on ne peut s'empêcher de leur reprocher de
servir là où ils pourraient commander, et de ne pas mesurer
leurs forces avec la faiblesse individuelle de celui qu'ils crai-
gnent. Sans doute il serait heureux que ce préjugé s'établit
dans l'opinion , et que la honte s'attachât à toute espèce de
servitude. Peut-être les peuples feraient-ils alors pour l'hon-
neur ce qu'ils ne font pas même pour la liberté. Cependant ils
ne serait point juste de condamner une nation en raison seu-
lement du joug qu'elle a supporté. Il y a tant de puissance
dans l'organisation sociale, les forces de tous sont si bien di-
rigées par le despote contre chacun, que pour peu que celui-ci,
ou que son ministre, soit habile, courageux et vigilant, il est
toujours à temps d'accabler ses ennemis découverts par les
bras mêmes de ses ennemis secrets; en sorte que la natioù la
plus noble et la plus généreuse n'est pas assez forte pour se
défaire à force ouverte de son tyran. La seule ressource des
conjurations demeure au patriote, qui avec ses faibles moyens
personnels veut entrer en lutte avec l'homme qui dispose de
la police, de l'armée et du trésor. Plusieurs, cédant à une noble
répugnance, s'écartent de ces entreprises, parce qu'ils y voient
quelque apparence de dissimulation et de trahison ; tandis
que d'autres prétendent que l'extrême danger ennoblit les
moyens les moins relevés, et que l'assassin d'un tyran doit
avoir plus de bravoure que la grenadier qui enlève une batte-
rie à la baïonnette. Le préjugé des premiers cependant affai-
blit encore le parti des conspirateurs. Souvent il écarte d'eux,
au moment du danger, ceux qui, la veille, semblaient parta-
ger tous leurs sentiments ; et l'homme audadeux qui s'est
rendu l'organe des volontés de tout un peuple, et rinstmment
Dt liôtit À6Ë. iy
de êeà Vengeances, périt sur Fëchafand par les mahid de ceux
mêmes qu'il a serais.
L'imtoire dltalie, où les éyëiiements se pressent et s* accu-
mnlent, où tontes les passions ont à leur tour un libre essor,
où toutes les institutions se combinent de mille manières,
nous présfflite sous des faces variées ces efforts des peuples et
d^ individus pour secoua le joug de la tyrannie. Nous y
voyons tour à tour des révoltes ouvertes et des conspirations ;
nous y voyons conjurer tour à tour en faveur d'une race
royale, ou d'un souverain regardé comme plus légitime, et en
faveur de la république ; nous y voyons toutes les luttes ,
celle de la loyauté dévouée, celle de la fière noblesse et celle
de la liberté. Malgré les principes divers qui servent de fon-
dement à la politique de chaque homme, il n'y en a aucun
qui ne doive trouver dans le nombre une conspiration qui lui
paraisse légitime ; il n'y en a aucun qui ne doive s'associer de
oœur à quelqu'une des entreprises tendantes à rétablir ou la
royauté de l'ancienne dynastie, on F aristocratie antique, ou la
liberté, ou le règne glorieux d'un grand condottiere, ou la
domination de T Église ; il n'y en a aucun qui ose considérer
le pouvoir, quel qu'il soit, comme toujours également sacré;
et un sentiment plus libéral devrait lui apprendre que toutes
les conjurations méritent un certain degré d'admiration, lors
même que le but que se proposent les conjurés les rend cou-
pables à ses yeux ; car dans toutes il y a un grand sacrifice de
soi-même à un intérêt plus relevé que soi, un grand dévoue-
ment de sa personne à une noble cause, un grand et effroyable
danger bravé pour de lointaines espérances.
Entre les conjurations qui ébranlèrent l'Italie en 1476 , la
{M^enûère à éclater fut celle de Ferrare. Nicolas d'Esté, fils du
marquis Lionnel, vivait alors à Mantoue auprès de son beau-
frère ; de nombreux émigrés de Ferrare l'y avaient suivi; ils le
regardaient comme le représentant et le légitime héritier de
7S HISTOiaB DE& 9|PiWNP71fr rrALIEHHES
la maison d'Esté , et ils lui persuadaient que tout le peapte
partag^ilit }ffas ^t^iobenrat efc leurs regr^. Dan» cette oon-
&m^ KieoU^ eberclii^ leai m^f%a» ée raitnv à Ferrai^ mi
doutant pas que, ifil fnuKhiwwit nue finis les orarede eetto
lFiUe,ilne f<^t wwtdt sahié fAr tout le peuple eowne soik
l^era^L 1476. --r I« marquî» de Mautoue, son beM^flièie, Ipl
permettait de rasse»lte des soldats dam sco étala, el 6aM«r
Sforza, tof\JQiira ylaun de ses Twins^ enaMW quiii nf eût poîft%
di^ projets oQAtr^ epx» liii lûwiufsaît de Tairgeni, et kû pn^
mettait des seeuniv. Cependant la tille de Fecearase troarvail'
a^HÛdenteUe«isat «wert^ ^ on oyait abattu uqa piartis dtoS'
n^Ufs pour les rebâtir sur un aoureau plao; Nœoks était iur*
sU'uit jour p^ joinr de ee qui se poBsail à la COQS doi soaoMfliB.
)1 sut qi^le l"" septen^ H76»Hereole l'^sovbtait de Immo
heure de la tille poi^T ^ reudro à sa maison doBefarignavdo»
et If^mêm^jour ilarritode IfcwloiM) à Ferraioaivoa€îii(| wo*
seau3^ pointant six cents hommes d'infanterie. U entra par kr
brè4^ qMr*oa fanait am miirs^ en le» rebàliasant, et il pts^
connut fk^83itôt le^ r«es, en faisant répéter dotant hii aoo^evi
de guerre : La mihL Ëa mâmo temps il promit aUrpeaptn do
lui rendre rabondanee, tandîo que la HMmtakie admmialffatioM
dDercttle ^tait augmenté k pii» du b^ ; il annonça l'araitéfr
d*uoc armée de quatorze n^Uo hommes <|ae le duc do MMoia
et le marqui» do Maatoue lui atoient dimnée pouc te seeonder,
et U iatita se^eon^toyens à prendre les armea, sans atteudio^
que des étrangers les eontraigniosout à oeeonnailve leur légi»*
time souterain.
Don S^gifimond, frir^ du duo», dès la première nouteUe
qu^il atait eue du tmmitte, s^était enf^nné en hâte au ehàtsaui
tieui^, avec doua liéonore d'Aragoii> sa femme ; mai» it nj
artait pas desr titre» p^or troii. jjours* Hercoky à qui; dea
fugfairÀ o>aioot 9mm^ tooMe d/uoo armée nombaouHo»
Wf KPVIP AGIS. 79
F^rrar^i fr^ionctit déjà à l'espérance de repfendf^ ofi(te ^le,
iBt U rassemblait seulemeat ses soldats ^ l^eggeiita et à Jjofftf
pQOP ^é^P^re ces deux forteresses. Cependant aucim P€flnra<*
^ais n'avait encpre pris les armes pour se joiadrç à Nieolaa^
iP^lni-ici , fjpL avait parooaru Yaliuepupiit toutes les r«es m
appelai^ ]gi peqple 4 $on seooors, oommeoiçait à perdre eoiH
p^. On i|y|ât. compté les soldats qui te snivaîent, et m mér
ipsait lenr petit nombre ; on ne voyait point arriver l'arvé^
g^'il aiinçnti^ti et Tm^ n'ajoutait plus de foi à a^ parcA^
^igismond» t^oin du peu de succès de son adversaire, sortit
à cheval dm château , et appela à son tour les Ferrarais k la
d^pse de leyr soi^tverain. U pareoivut le Borgo del LeosK»
et la grande rue de la Giudecca, et tous leurs habitaols s'ar* •
Qiiacsnt à sa voU. A inesure que Nicolas voyait It^ peiqde tf a-
li^eDleri il aba^dQ^u^t un quartier après Fautes sasa t^iter
^ combat. Enfin, reconnaissant que son entreprise ^taît dé*
sespérée, il sortit de la ville, traversa le Pà, et &'ei|{iiit avec sa»
troupe» Mais les pay^ians , déjà souleyés contre Iiaî , veillaient
k tpus les passes pour l'arrêter. Il tomba ei^ eflet entra
lears mains avec la plupart de ceux qui l'accofimagnalsnt,. et
^t reconduit à Ferrare. Le duc Hercule , son onde^ lui fit
ipo^édiatemei^t tr^ncber la tête, aussi bien qu'à Azzq d'SsIe
soA cpusin ; vingt-cinq de ses compagnons 4imfm iurenik
pendus , tous l^s ennemis du duc Hercule furent^fraivés dfeC-
froi, et sa s^ccession, affermie la même année par 1^ najsaaiie»
de sçn fils Alfonse, nç fut plus contestée * .
1 DiarU) Fenarese, T. XXIV, p. 250-251. —Diario Sanete di AllegreUQ Alfegrem,
T. liuu, p. :7«J— JMB-Baptisle Pigiia, qui dédia, en iS72, son Histoire 4es princes
d'Ssi« à atoDg^ l^ la i^nfii^et m 21 juiltot i47«, p«c U oaiaMoce du m» dHeneiile, qMt
fut depuis AiroDse I. il s'arréle cinq semaines avant la mort de Nicolas, qu'il regarde
HDS doute lui-même comme une tache pour la mémoire d'Hercule. Pigna est un flal-
lear d« ses princes, et un historien crédule ; toute la première partie de son histoire
n'est pas moins fabuleuse que la généalogie insérée presque 4 la même époque par
TAriostê et le Tasse dans leurs poèmes. Hais les quatre derniers livres^ qui comprenneni.
kê inoéos isra * i4T0, sont <rua grand Mcoun pour l'histoire 4'ltal|$i ila sont écrit*
M BISTOIBE DSd AÉPttBLtQTIBS ITALlElS'iNES
Les premiers mouyements contre Galéaz-Marié Sforza, àaé
de IGUÛi, éclatèrent à Gènes, et ils furent presque simultanés
avec la conjuration de Ferrare. Par le traité que Gènes avait
fait avec le duc François Sforza, en se donnant à lui, cette
république, loin de renoncer à sa liberté, semblait l'avoir
affermie. Elle avait, il est vrai, admis dans ses murs an
gouverneur milanais et une petite garnison ; mais cette force
étrangère suffisait justement pour réprimer les mouvements
tumultueux des factions , et empècber ces révolutions , ces
convulsions fréquentes, qui dans les ann^ précédentes avaient
épuisé la ville d'hommes et d'argent. D'ailleurs, le duc s'était
engagé à n'augmenter ni le nombre des soldats, ni les forti-
fications de la citadelle.
Il recevait annuellement de Gènes un tribut de cinquante
mille ducats, et cette somme suffisait à peine à la garde de la
ville et des forteresses. Non seulement il n'avait pas le droit
d'augmenter cette contribution, il ne pouvait pas même inter-
venir dans sa perception. Quant à la législation, à l'adminis-
tration de la justice, à tout le gouvernement intérieur de la«
ville, il n'y avait absolument aucune part * .
Aussi longtemps que François Sforza vécut, ces conditions
forent religieusement observées. Galeaz, son fils , était trop
inconséquent dans tous ses projets, trop vaniteux et trop em-
porté , pour respecter longtemps les lois auxquelles il s'était
soumis. Cependant comme il n'était pas moins pusillanime
qu'arrogant, souvent il s'arrêtait tout à coup dans une entre- ,
prise injuste et offensante, et il céaait à la crainte, après avoir
bravé les représentations de son peuple. Les Milanais, aumilieo
desquels îi vivait, ne souffraient pas seulement de ses dtfauts
avec élégance ; les événements des autres parties de l'Europe, et surtout ceux qui se
rapportent à la maison d'Esté en Allemagne, sont introduits avec art, et lorsque la '
gloire de la maison d'Esté n'y est pas compromise, les faits sont jugés avec une asseï
bonne critique et assez d'impartialité. — ^ Antonii Gaili Comment, fter, GenuiNU. ab
mno 1476, ad am. a478, ner, ItaUc, T. XXIII, p. 263.
DD MOTBm AGE. 81
comme soayerain^ mais de ses Yiœs domestiques. Sa déinu-
ebe portait le trouble daus toutes les familles, [et sa cruauté,
excitée par la moindre résistance, n*était satisfaite que par
daffireux supplices. A Gênes, ou était moins exposé à cette ty-
rannie de détail ; et quoique le contrat entre le prince et la
répubtique fût violé, et que les Génois se regardassent en con-
séquence comme dégagés de leurs serments, les plus riches re-
doutaient une révolution qui pouvait les ruiner, plus que les
abus passagers de pouvoir auxquels ils espéraient se soustraire.
Cependant la ville entière avait paru vivement blessée du
mépris que lui avait témoigné Galéaz, lorsqu'on 1 47 1 , il avait
passé à Gènes, au retour de son somptueux pèlerinage de
Floience. On avait préparé les fêtes les plus splendides, les
présents lès plus magnifiques pour le recevoir. Il affecta de
rendre cette pompe ridicule, en paraissant couvert d'habits
misérables ; il refusa les logements qu'on lui avait préparés,
et il alla s'enfermer dans le château, ou il sembla se cacher
avec crainte. Enfin, au bout de trois jours, il quitta Gênes sans
l'avoir annoncé et comme un fugitif * .
Après avoir excité le mécontentement de cette ville puis-
sante et 'peu accoutumée à supporter des mépris, Galéaz ne
songea plus qu'à Tenchatuer de manière à étouffer en elle
pour jamais tout esprit de liberté. Le projet qu'il forma pour
y parvenir est remarquable. Au-dessus de Gênes, à l'extrémité
de la montagne escarpée qui sépare les vallées de Bisagno et
de Polsevera, était située la forteresse du Gastelletto, où le
duc de Milan entretenait garnison. Galéaz ordonna qu'une
chaîne de 'fortifications fût prolongée de cette forteresse jus-
qu'à la mer. Un double mur, garni de redoutes, devait couper
la ville en deux parties ^ales, qui, toutes les fois que le gou-
verneur le voudrait, n'auraient plus aucune communication
t iftionfi Gain de u»b. Gmificiu. OmmtHL p. Mf,— (/^«rli fplUtœ Gem^jif.
Bbror.L. XI, p. 62S.
VII. 6
82 HISTOIEIS DJCS BJÉPUBLIQUES ITALIENNES
entre elles, et pourraient être opprimées séparément. î>é|àraifi-
ghément des murs et des tours était tracé sur le terrain, et les
ouvriers, sous les ordres du lieutenant du duc et en sa présence,
commençaient à creuser les fossés. Les citoyens frémissaient
du sort qui leur était réservé, maiâ ils ne faisaient rien pour
le prévenir , lorsque Lazare Doria ordonna aux ouvriers, ati
nom de la l*épublique, de suspendre un travail côlitraire aui
lois et aux traités, et arracha de sa main les jàlôti^ qui letfr
servaient de règle. La foule applaudit avec transpoti; àùet atte
de vigueur; les ouvriers s'arrêtèrent, et le lieutenant dti due,
craigùant un soulèvement, se retira dans le château * .
Lorsque la nouvelle de cet événement fut portée à Bfilan,
Galéaz Sforzà éclata en menaces et en imprécations ; il or-
donna que la ville de Gènes lui envoyât aussitôt huit citoyens
les plus distingués de l'état. D'après la violente colère qu'il
avait ïùânifestée, on ne doutait pas qu'il ne les destinât au
supplice; au contraire, une terreur subite avait calmé son ir-
ritation : il les accueillit avec bonté, et les renvoya sans leur
avoir fait aucun mal. Cependant il avait rassemblé trente mille
hommes pour envahir la Ligurie. Résolu à ne point laisser
de chef aux Génois, il avait fait enlever , à Yada , Prosper
Adorno , et, sans accusation, sans examen, il l'avait fait jeter
dans les cachots de la forteresse de Crémone ; puis tout à coup
il renonça à son expédition, et licencia toutes les troupes qu'il
avait réunies.
Les diverses résolutions tour à tour embrassées par Galéaz
étaient toutes connues à Gênes ; on avait su toute la violence
de sa colère, et Ton n'avait aucune garantie de la durée de la
modération qu'il affectait. Aussi de toutes parts on achetait des
armes, on faisait des préparatifs de défense, et l'on s'encoura-
geait à maiAtenir la liberté , si elle était attaquée. Pendant que
* p. Ëliayro,'Un. "Pop.Q. G'énlièns.'^Wot.X, XtV, p. S^, '^ Agosttno iHmlnUmij
Ui9L (U G€wva, L. V, r. 338. ES.
ou MOTEH AGS. 83
toat le peuple attendait les évâiements aTec crainte^ Jérôme
Crentite, fils d'André, jeune négociant d'une fortune aisée, qui
ii*aYait aucun sujet prsonnel de plainte centre le gouyerne-
ment, résolut de s'exposer le premier, pour r^dre la liberté
à sa patrie. Il rassembla chez lui, dans le faubourg, au mois de
juin 1 476, un grand nombre de gens armés : il entra de nuit
dans la ville parla porte de Saint-Thomas, dont il s^empara,
et il parcourut les rues en appelant ses concitoyens aux armes
et à la liberté. Un çrand nombre de Génois se joignirei^t en
effet à lui, et en peu de temps il se rendit maître de toutes
les poFtes ; mais il tarda trop à attaquer le palais public. Pen-
dant ce temps, les sénateurs s'y rassemblaient sous la prési-
dence de<juido Vîsconti, gouverneur de la ville. Geuxcpi ^'é-
taient joints d'abord à Gentile craignirent akQ]r» (f ètrç cçn-
damnés comme rebefies, par f autorité qu'ails recoi^ncûss^aient
pour légitime ^ ils s'évadèrent, à f approche du jour, les ui^is
après les autres. Oentile, ne «e trouvant plçs i|ssez fort auprès
leur désertion, se retira en bon ordre vers la porte de Saint-
Thmnas où U se fortifia ^ .
Exà% cafiitaines du peuple avaiœt été nonmiés par le sépi^t
pour diasser Jérôme Gentile de la ville. Environ trois cents
hommes avaient pris les armes par ses ordres, et marchaient
& l'attaque de la porte Saint-Thomas. A peine restait-il à Gen-
tile trente hommes autour de lui, mais .c'étaient tous des sol-
dats déterminés; tandis qufil vlj avait pas un de ses adver-
saires qui ne le combattit à contre-cce^r ; aussi pçu s'en fallut
que les capitaines du peuple ne fussent faits p^nniens^ ej;
que leur troupe ne fût dissipée. Sqr ces entrefaites, Jes «chefs
des arts et métiers s^ offrirent cpiçme pédiat^urs ; Jérôme Geç-
tHe accepta leur arbitrage^ mais çn ayerti^sant ses CQjmp^r
p. «il. -p. Biiorri tfi«(. G^nuens, L. XIV, p. i^t^-Agott, GmM(ai/U L. Y, t
84 HI8T0IRB DS8 HiFUBUQCJJSS. ITALIENBXS
triotes (ju'ib ne tarderaient pas à regretter l'occaBion qa*ils
laissaient échapper. Il demanda ensuite qu'on lui remboursât
sept cents ducats que ses préparatifs lui avaient coûté, et qu'il
avait dépensés, dit-il, pour Tayantage de la république. Après
les avoir reçus des mains des trésoriers publics, il rendit la
porte aux capitaines du peuple, et il se retira * .
Lorsque la nouvelle de cette singulière capitulation fut
portée à Milan, Galéaz témoigna beaucoup de colère de ce
qu'on remboursait à un chef de factieux l'argent qu'il confes-
sait lui-même avoir dépensé pour troubler l'état. Cependant
il confirma l'amnistie qui avait été publiée par le sénat ; et s'il
cachait le dessein de revenir en arrière sur cette grâce, il n'eut
pas le temps de le faire. Galéaz n'était pas dépourvu de tou-
tes les qualités qui avaient brillé dans son père ; il entendait
fort bien la discipline militaire et l'administration civile de
son état; il avait su établir dans le Milanais une subordination
plus rigoureuse qu'aucun de ses prédécesseurs. La justice était
rendue avec soin dans les tribunaux, et la sûreté publique était
maintenue par une poUoe sévère. Galéaz avait de l'éloquence
dans les discours , de l'élégance dans les manières , et quand
il le voulait, il savait réunir tous les dehors de la bonté à une
majesté imposante ; mais il joignait im faste extravagant à une
cupidité sans bornes : il avait dans le caractère une méchan-
ceté qu'il exerçait de préférence sur ceux qui avaient paru ses
amis; il se plaisait à les abaisser d'autant plus qu'il les avait
plus élevés; jamais on ne l'avait vu constant dans aucune af-
fection, et l'on pouvait toujours présager d'avance la chute
prochaine et lamentable de celui qui était le ^plus en faveur
auprès de lui, encore qu'il n'eût d'aucune manière provoqué
sa colère. Avide de tous les plaisirs des sens, se plaisant à bra-
ver les mœurs et les lois de la société, il portait la désolation
^ÀâtonH GaiR De rebut Genuens, Comment, p. sm. — udmi Foiiem Gcnuenet
Bisi» L. XI, p* «82.
D9 MOYEU AGE. 85
et le déshonneur dans toi}tes les familles* . Ses débauches ne
le oontentaient pmnt encore, s'il ne saTOurait le désespoir des
pères on des maris dont il ayait souillé la maison. Il se plaisait
aies rendre eux-mêmes ministres de leur propre déshonneur :
il abandonnait à ses gardes les femmes qu'il ayait enleyées à
leurs maris, et il publiait ensuite leurs outrages^.
Parmi ceux dans la maison desquels Galéaz Sforza ayait
porté le déshonneur étaient deux jeunes hommes de famille
noble, Carlo Tisconti et Girolamo Olgiati, dont l'esprit ayait
été préparé par leur instituteur à détester le joug de la tyran-
nie. Us étaient liés ayec Jean-André Lampugnani, que le duc
avait injustement dépouillé du patronage de l'abbaye de Mi-
ramondo '. Tous trois ayaient suiyi en commun les leçons
de Ciolas de Montani de Gaggio, Bolonais, qui, yers l'an 1466,
ouyrit à Milan une école d'éloquence. On prétend qu aupara-
vant il avait donné des leçons à Galéaz lui-même, et qu'il l'a-
vait puni plus d'une fois avec la sévérité pratiquée dans l'an-
cienne éducation. Galéaz, devenu souverain, voulut se venger
sur son ancien maître des châtiments de son enfance par une
peine semblable, et il lui fit donner le fouet sur la place pu-
blique ^. Hontano n'avait pas besoin de cet affront pour dé-
tester la tyrannie. Nourri de l'étude de l'antiquité, il ne perdait
jamais l'occasion de faire remarquer à ses élèves que toutes les
vertus qu'ils admiraient dans les grands hommes de la Grèce
et de Rome avaient été développées par la liberté; qu'une
patrie libre encourageait tous les talents, tous les genres d'é-
nergie , tous les progrès de l'esprit , parce que toute espèce
de grandeur dans ses citoyens était toujours employée pour
1 ântonii Gâta De féb^Gen, p. MS. — Jlem. CoHo, BUU MU. P. vi, p. 0$9.~ > Al-
kgretto AttegrettU Dlart Sanesi- T. XXIII, p. 777. — > MaechiavelO, L. VU, p. 349. —
AUegrettif Wvl SanesL T. XXIII, p. 777. ~ DUirio Ferrarege» T. XXIV, p. 2S4. Mais
lUpuBontias attribue à yisconti ce que les antres attribuant à Lampugnani. Hist. MeétoL
L. VI, p. 630. — « (Slovio^ elogi âegU Vomlni iUmtri, L* III, p. 179. — TiraboschU
h, Ul. Cbap.V, S23,p.9S.
86 HISTOIRE DES BÉPCBI.IQUS6 ITALIESTNES
l'avantage^e tOHS, tandis qu'un tyran, jaloux de toute f€a*Qe
dont il ne disposait pas, s'occupait sans cesse à contenir, à vé-*
primer ou à détruire des talents, une énergie ou une profon-
deur de caractère qu'on pouvait un jour tourner contre lui * .
Nicolas de Montano voulait que les jeunes gentilshommes ^
pour se rendre dignes de la liberté, apprissent à commauder
les^armées^ Il avait engagé en conséquence Olgiati et qudques
autres à faire l'apprentissage de l'art de la guerre sous Bar-
thélemi Goléoni. Les parents de ces jeimes gens , qui crai*
gnaient plus qu'eux les fatigues et le danger, avaient été outréi
de colère de ce qu'un maître d'éloquence avait fait de leurs
fils des soldats. Àlontano, ballotté entre le erédit des parents
et celui de ses disciples ^ avait été tour à tour exilé puis rap-
pelé , emprisonné puis accueilli avec transport, et il devenait
plus cher à «es élèves par les persécutions qu'il avait subies
pour avoir voulu former leur âme autant que leur esprit ^*
Galéaz cependant avait mis le comble à la haine du peuf^
par les supplices cruels qu'il avait récemment ordonnés. U
avait fait enterrer vivantes quelques-unes de ses vktimes; il en
avait forcé d'autres à se nourrir d'excréments humains, et les
avait fait mourir lentement par cet effroyable régime i il avait
mêlé des plaisanteries féroces aux supplices qu'il ordennuti il
avait comblé le déshonneur des femmes nobles qu'il avait sé-
duites, en les livrant puMiquement à la prostitution '. Jérôme
Olgiati cmiptait une sœur autr^ois ebârie parmi les victimes
de la brutalité du tyran; Jugeant de l'irritation uniterseUe
par la sienne, il rechercha Lampugoani^ et lui proposa ,4e
mettre fin à une tyrannie insupportable^ et de pumr.^orsa
de ses crimes. Bientôt ils s'associèrent Charles Yisconti, et ils
se lièrent par des serments mutuel». C'était dans le jardm de
i MêeeMavem, U Vlfi p. M,^Vbenui FoUMa. h. XI, p^ ett.— « TttatotdU^ 8lom
délia leu». ital. L. III, cfaap. V, S 9$, p. 9ie. — > /o«^pfti B^pam^iti ^i*<- ir«ifto&
L. VI, p. 6S7.
DU M0YE19 AGE. 87
la basUiqaç de Saint-Ambroise qu'ils tinrent leur première
conférence. Tous les détails de cet événement , et, ce qui est
bien pln$ reniarqqable, tous les sentiments du principal con-
juré nous sont iidèlcpient retracés par Olgiati lui-même dans
une relation qu il écrivit peu de jours après. « Au sortir de
cette coqférence, rj^conte-t-il, j'entrai dans le tepiple, je me
jetai aux pieds de la statue du saint pontife qu'on y révère,
et je lui adressai cette prière • Grand saint Ambroi$e, som-
tien de cette ville f espérance et gardien du peuple de Jifilan^
si le projet que tes concitoyens, que tes enfants ont formé
pour repousser loin d'ici la tyrannie , l'impureté et des dé-
bauches monstrueuses^ est digne de ton approbation^ sois-
not^s favorable au milieu des hasards et des dangers auxr
quels nous nous exposons pour la délivrance de la patrie.
Après avoir prié, je retournai auprès de mes compagnons,
et je }es exhortai à prendre courage, les assu^rant que je me
sentes p}us rempli d'espérance et de force depuis que j^ avais
iiivoq«^ e^ £^v^ur d& ^otre entreprise le saint protecteur de
notre patrie. Pendant les jours qui suivirent nous nous exer-
çâaieft4Ji' escrime avec des poignards pour acquérir plusd'agi-
lité et noQS accoutumer à l'image du péril que nous allions
iHraver...... La mxième heure de la nuit avant l^e jour de
Saint- Étiepne^ désigné pour l'exécution, nous nous rassem-
bl^ii^s ejdcore une fois comme pouvant ne plus nous revoir.
Nous arrêtâmes l'heure (^ nous entrerions ensemble da&s le
teipplei le rôle do^t cUacmn serait chargé, et tous les détails
de l'exécution, autant qu'on pouvait prévoir des choses qui
d^ndaient en partie 4x1 hasard- Le lendemain^ de gi;and
matm, nous nous rendîmes dans le temple de Saint-Étienne ;
nous suppliâmes ce saint de favoriser la grande action que
nous devions aoootOBq[dir dans son sanctuaire, et 4e 9e point
s'indigner si nous souillions ses autels par du sang, puisque
oe 'Saag devait accomplir la délivrance de la viUe d; de la
88 UISTOIIUS DES RÉPUBLIQUES ITALIEIIHES
« patrie. À la suite des prières qui sont contenues dans le
« rituaire de ce premier des martyrs , nous en récitâmes une
« autre qu* avait composée Charles Tisconti; enfin nous as-
« sistâmes au sacrifice de la messe, célébré par l'archiprëtre
« de cette basilique ; puis je me fis donner les deft de la
« maison de cet archiprêtre, pour nous y retirera »
Les conjurés étaient dans cette maison auprès du feu , car
un froid violent les avait fait sortir de l'église, lorsque le bruit
de la foule les avertit de rapproche du prince : c'était le len-
demain de Noël , 26 décembre 1 476. Galéaz , qui semblait re-
tenu par des pressentiments, ne s'était déterminé qu'à regret
à sortir de chez lui. Il marchait cependant à la fête, entre
l'ambassadeur de Ferrare et celui de Mantoue. Jean-Andié
Lampugnani s'avança au-devant de lui, dans l'intérieur même
du tempk^, jusqu'à la pierre des Innocents. De la main et de la
voix ilyécartait la foule. Quand il fut tout près de lui, il porta
la main gauche, comme par respect, à la toque que Galéaz
tenait à la main; il mit un genou en terre, comme s'il voulait
lui présenter une requête, et en même temps de la droite, dans
laquelle il tenait un court poignard caché dans sa manche, il
le frappa au ventre de bas en haut. Jérôme Olgiati, au même
instant, le frappa à la gorge et à la poitrine, Charles Tis-
conti à l'épaule et au milieu du dos. Sforza tomba entre les
bras des deux ambassadeurs qui marchaient à ses côtés , en
criant : Ah ! Dieul Les coups avaient été si prompts, que ces
ambassadeurs eux-mêmes ne savaient pas encore ce qui s'était
passé*.
Au moment où le duc fut tué, un violent tumulte s'éleva
dans le temple : plusieurs tirèrent leurs épées ; les uns fuyaient,
* Confeisiû HleronifnaOgUatfnwrimtU,apiÊdRlpamontiMm mstorta MedioL L. vi,
p. 049. — s AnioiL GaiU Berebui Genueru. p. 2a9,'^MaechlavelU Ut, L. VII, p. SS4.—
Vbertut FoUeta, Gen. H^tC L. XI, p. 63S, —Ant. de Ripalia, Annal, Placent. T. XX,
p. 952.— INa)*. Pannense Anonym, T. XXII, p. 247.~ Jlein. CoHo. P. VI« p.9IO. Gorio
était don lai-mAme au nombre des pages qui suiTaient Galéai.
DU MOTlSn AGE. 89
tf antres accouraient, personne ne connaissait encore ou le
hut on les forces des conjurés. Mais les gardes da duc et ses
courtisans, qui avaient reconnu les meurtriers, s'animèrent
bientôt à leur poursuite. Lampugnani, en voulant sortir de
Féglise , se jeta dans un groupe de femmes qui étaient à ge-
noux ; leurs habits s'engagèrent dans ses éperons; il tomba , et
un éoiyer maure du duc l'atteignit et le tua. Charles Tisconti
fut arrêté un peu plus tard, et fut aussi tué par les gardes du
duc. Jérôme Olgiati sortit de l'église et se présenta chez lui ;
mais son père ne voulut pas le recevoir, et lui ferma les
portes de sa maison. Un ami lui donna une retraite , où il ne
fut pas longtemps en sûreté. Il était , dit-il lui-même , sur le
point d'en sortir, et d'appeler le peuple à une liberté que les
Milanais ne connaissaient plus, lorsqu'il entendit les vociféra-
tions de la populace, qui traînait dans la boue le corps déchiré
de son ami Lampugnani ; glacé d'horreur, et perdant courage ,
il attendit le moment fatal où il fut découvert. Il fut soumis à
une effroyable torture; et c'était avec le corps déchiré, et les
os disloqués, qu'il composa la relation circonstanciée de sa
conspiration qu'on lui demandait , et qui nous est restée. Mais
cette espèce de confession écrite entre la torture et le supplice,
par Tordre de ses juges, et sous les yeux de ses bourreaux , est
animée de ce même courage, de cette même confiance dans la
justice de sa cause qui ont immortalisé les plus grands hommes
de l'antiquité. Il la termine par ces mots : « A présent, sainte
« mère de notre Seigneur, et vous , ô princesse Bonne! je vous
« implore pour que votre clémence et votre bonté pourvoient
« au salut de mon àme. Je demande seulement qu'on laisse à
« ce corps misérable assez de vigueur pour que je puisse con-
« fesser mes péchés suivant les rites de l'Église, et subir ensuite
« mon sort*. »
1 Oonftê^ Olçka^ apud Biftamnaum, Butor. MediokuU. L. VI, p. 0SO. tn GrasvH
Th£iauro Mr. llaOcT. 11.
90 HISTOIRE DES ft^PUBLIQUES ITALIEIIIIES
Olgiati était alors Agé de Tingt-deux ans; il fut condamné
à être tenaillé et coupé vivaat en morceaux* Au mlUeu de ces
atroces douleurs, uu prêtre l'exhortait à se repentir. « Je sais,
« reprit Olgiati , que j*ai mérité ^ par beaucoup de fautes , ces
« tourments, et de plus grands encore, si mou faible corps
• pouvait les supporter. HaiS) quant à la belle action pour
« laqudle je meurs , c*est elle qui soulage ma conscience : loiu
'^ de croire que j'ai par elle mérité ma peine , c'est eu elle que
« je me confie pour espérer que le juge suprême me pardon<-
« nera mes autres péchés. Ce n*est point une cupidité coupable
« qui m'a porté à cette action , c'est If seul désir d'dter du
« milieu de nous un tyran que noos ne pouvions phis sup*
« porter. Loin de m'en repentir, si je devais dix fois revivre
« pour périr dix fois dans les mêmes tourments , je n'en con*
« sacrerais pas moins tout ce que j'ai de sang et de forces à
* un si noble but ^ » Le bourreau , en lui arrachant la peau
de dessus la poitrine , lui fit pousser un cri ; mais il se reprit
aussitôt. « Cette mort est dure, dit-il en latin, mais la gloire
« en est éternelle! Mors ucerba , fama perpétua, stabit vêtus
« memoria fucti *. »
1477. — Le fils aîné du duc de MiJaa, Jeau-Galéaz Sforza,
n'était alors âgé que de huit ans ^ il fut cependant reconnu
sans aucune difficulté. Les sentiments de liberté que les trois
conjurés avaient cru ranimer, n'existaienl; plus dsAS le peuple ;
personne ne £t un mouvement pour renvess^ un gouverne-
ment qui n'était plus en état de se défendre. Les d^tés de
tous les états d'Italie vinrent cois^imenter la duchesse Bonne
de Savoie, veuve de Galéaz , et kii offrir leur assistance pour
la maintenir sur le trône, anssi lùen que son fils. Le |iape lui
1 Anton. GaUi^ De reb, Genuens* p. 260. — Mlegreito AUtffretti, fikoA StmeêL
T. XXni, p. Tn.—Giovio, Eiogio degU Comlni UhutrL L. Ul, p. 180. — < Macebia-^
vefli.L. VII, p. as. — Obéra Foiietœ Gemœrts, Hin. L. XI, p. en.—Agost, Gbu-
waaniy ârtMâ. 1. V, f. 3S0.T.
0V MOYIOI àQB. 9t
WToya deax eardteMx chargés d'exeommiHim' ceux qui yoxy-
draieBt émiser qudqoe révolution dan» Milan ' • Bonne se mit
en possession de la régenoe. Jusqu'alors le gouvernement était
à peine ebangé, car Tàme de tous les conseils était encore
Gecco ou Franç(HS Simonétai Calabrais, qui avait été secrétaire
et conseiller de François Sforza, et qui, après Favoir servi avec
une fidélité rare , était demeuré premier ministre de son fils ,
et avait d^;uisé , par son talent et ses vertus , les caprices et
les extrayagances de ce tjran. Il avait pour frère ce Jean Si-
monéta qui écrivit avec tant délégance et d'exactitude Fbis-
toire de François Sforza. Tous deux avaient, en littérature,
une réputation presque égale à cdle que leur avait faite leur
carrière .politique. Ils étaient en correspondance avec tous les
savants de l'Italie : ils avaient été les ministres de toutes les
grâces que les deux ducs de Milan avaient répandues sur les
gens de lettres, et il reste encore dans la correspondance de
Filelfo, dans celle de Décembrio , et dans d'autres écrits de ce
siècle , des monuments de la proteotioo qu'ils accordèrent aux
études ^.
D* autre part, Galéax avait laissé cinq frères qui, pendant
la minorité de son fils, pouvaient former quelque prétention
sur la régence. Les quatre premiers | Sforza, duc de Bari,
Louis surnommé le Maure^ Octavien et Àscagne, avaient déjà
excité la défiance de GaléaZ| et il les tenait éloignés de Milau.
lïès qu'ils t^^iprirent sa mort, ils revinre^it en bâte, et ils
s'efforcèrent de saisir une autorité à laquelle l'ainé de leur
maison avait, disaient-ils, plus de droit qu'une femme et un
nûnistre étrangers. Pour déguiser leur rivalité^ ils cherchè-
reoi à faire revivre l'ancien «sprit du parti gibelin. Ils se dé-
clarant les |>rotectears de cette faction à laquelle la maison
1 Boue en date 4a « des cal. de mar». AnnaLJbicies. 1477,'S U P* ^S* — ' Tii^kos-
cki^ Sior. àeUa Ut(. U l|Oha^* I, S 4,^. 1$. xt« liécle.
93 HISTOIBE DES HéPUBLIQUES ITALIENNES
Yisoonti avait dû son éléTation : ils aocnsèrent la dachesse et
Cecco Simonéta de partialité ponr les Gaelfes, et ils les forcè-
rent en effet à se jeter dans lears bras; car les familles an-
trefois divisées par la querelle de l'empire et de l'église, con-
servaient leur rivaUté, encore que les causes de leurs haines
passées n'existassent plus. Ponr concitier, s'il était possible,
les prétentions des frères Sforza et celles de la duchesse, il fut
convenu, sur la proposition de Louis de Gonzague, marquis
de Mantoue, que le conseil de régence serait composé par
égales parts de Guelfes et de Gibelins ^
Lorsque la nouvelle de la mort de Galéaz fut portée à Gè-
nes, Jean-François Pallavichd, lieutenant du duc, assembla
le sénat pour l'engager à prévenir par sa vigilance les révolu-
tions que cet événement pouvait exdter. Huit capitaines du
peuple furent nommés par la république, selon la coutume
observée dans toutes les circonstances difficiles, et quelques
troupes furent rassemblées pour contenir les mécontents^.
Toutes les factions de Gènes semblaient également impa-
tientes de rendre à la république son ancienne liberté. Les
Sforza, pour les contenir, avaient eu la précaution de disper-
ser leurs chefs dans toute l'Italie. Prosper Adôrno était en
prison à Crémone, les Fieschi étaient retenus h Rome sous la
surveillance du pape, les Frégosi et les autres hommes puis-
sants exilés. Cependant leurs partisans, privés de directeurs,
étaient partout en mouvement. Le 16 mars 1477, les amis
des Fieschi s'approchèrent des murs de Gènes ; ils avaient à
leur tète Jean-George et Matthieu, deux jeunes gens de cette
famille, les seuls que le gouvernement n'eût pas éloignés,
parce qu'ils étaient à peine sortis de l'enfance. Ces factieux
entrèrent dans la ville par escalade, du côté de Carignan'.
Ds appelèrent le peuple à la liberté, et ils excitèrent ainsi un
1 DiaHum Parmense ânonym . T. XXH, p. 250. — * Anton. GaB De rebut Genuens,
p. 27(».— I7»«rti FoUetœ. L. XI, ^ «S4. — > Mftmtf CoiH J^ rebut Genuent. p. 271.
m MOtEM AGB4 93
moinrémmt assez vif; mais ils commirent la même faute qui
araitperda Jérôme Gentile peu de mois auparaTant : ils hési-
tèrent trop à attaquer le palais publie. Ils allaimt se voir
abandonnés, lorsque Pierre Doria, étouffant toute jalonsierde
famille, exhorta eeux qui l'entouraient à ne pas perdre une
occasion peut-être unique de rendre la liberté à leur patrie.
U sortit en même temps des rangs du parti milanais; il en-
traîna le peuple à le suivre ; la garnison se retira dans les
deux forteresses, et la ville, se trouvant en liberté, nomma
des magistrats populaires.
Déjà, sur la nouvelle de cette révolution, Ibletto de lies-
chi, en qui toute sa famille reconnaissait un chef, s'était
évadé de Bome pour venir se mettre à la. tète de son parti, et
les Fregosi, d'accord avec lui, se rapprochaient de leur patrie,
sans oser cependant entrer dans la ville. La régence de Milan
comprit alors qu'elle ne pouvait sauver son autorité dans Gè-
nes, que par un chef de parti génois. Simonéta fit sortir Pros-
per Adorno de prison; il lui offrit, au nom du jeune duc de
Milan, le gouvernement de Gènes et le commandement de
l'armée destinée à secourir les deux forteresses, pourvu
qu' Adorno promit d'oublier complètement les injures qu'il
avait reçues, et de rétablir à Gènes, non point la souverai-
neté despotique du duc de Milan^.mtvis la même autorité li-
mitée qu'un traité avait accordée à François Sforza. Prosper
Adorno en contracta l'engagement ^ U se mit à la tète d'une
arlnée d'environ douze mille hommes, rassemblée par Robert
de San-Sévérino, Louis4e-Maure et Octavien^Sforza, et il prit
la route de Gènes.
Adorno, 4éterminé à concilier les intérêts de sa patrie et
— tJberti FoUetœ Genuettê, aistûr. L. XI, p. «ss. — P. Blxtmo, S, P. Q, Genuem.
Eitt. L. XIV, p. S38. — Agoit. GUutiniani, ÂnnaU di Genova. L. V. f. 2Si. T.— i Anto*
Rtf GalU. p. 273. — VberH FqIUUb. L. XI, p. 63S. — Aib. de tOpaita, AnmL Plaeent.
T. XX, p. 954. — P. mzano, L. XIV. p. Zio.-^g. GlustinUmi, L. V, L 333. A. Biurro^
dut ee récit, inculpe F, Adorno, et Giastipûni le Juittfle.
94 HIS1X>IAE DM UimWAqV» ITAtîtlIKES
ceux dfii doc ée Mlan', eat besoin de ménagements infinis
ponr éviter an combat dédslf , <jai aurait miné on son propre
parti, on la liberté de la république II fit passer son frère,
Ghiaiies Adorno, dans la forteresse de Castelletto, et il lui
donna eommission de descendre dans la yiUe, pour en chasser
Ibletto de Fiesehi au moment où lui-même serait engagé avec
les Frégoi» dans une escarmouche. Ses ordres furent exécutés
•vec précision. Prosper combattit les Fregosi à Promontorio,
mais sans pousser ses avantages; et son frère se rendit maître
de la ville et de la porte Saint-Thomas, qui pouvait M ouvrir
une communication avec l'armée milanaise *. Ce fut alors
surtout que Prosper Adomo montra sa modération et son
adresse : il fit demeurer les troupes de San-Sévérino dans leur
camp , et il entra seul dans la vUle , avec les hommes de sa
fection. Ceux-ci augmentaient en nombre à mesure qu'il
avançait ; les rues retentissaient des cris de vive les Âdorni
et les Spinolal et dans toute la multitude, personne ne pro-
nonçait le nom du duc de Milan. Prosper, {arrivé au palais,
déclara qu'il accordait î impunité à tous ceux qui avaient eu
part aux derniers troubles ; H assembla le sénat qui le re-
connut pour gouverneur; il demanda un présent de six mille
florins pour les diefe de Tannée, et les citoyens, qui s'étaient
lïttendus à des contributions bien plus considérables, payè-
rent avec plaimr cette petite somme avant le terme de trois
jours *.
Ce fut te 30 avril que Gènes retourna aînSî sous la domi-
nation limitée du duc de Milan. Bobert de San-Sévérino y
entra sans armes, avec Louis et Octavien, oncles de Jean
Craléaz, eft avec leurs principaux offiders. Us en ressortirent
presque aussitôt, jet conduisirent leur armée w ûége de fia-^
A émon. ^m. 1^ aM.«-'0»«4Hroitoli)BéC. SI,^. «M. ^« énUm. GM De rébus Ge-
^iiii«..p. 2M. -« UkeHi foUeîm, L. ,^, p. ^40. — P. to«m), Uist* Genuent, L. XIV ,
p. W.-'^ott. GimaniaHi,^% f. 999. «.
M MOTKir A6C. 9&
tinione, riiàteau des Fieschi dans les Apemmis. Pour faire
lever ee siège, Ibletto de Fieschi rassemMa une tronpe de
dnq mille paysans : Jean-Baptiste Goano Tenait le joindre
avec les habitants de la Polseyera ; mais San-Séyérino arrêta
te àenâer par des négociations trompenses, et dissipa son
armée. Cdle d'Ibletto reçut quelque échec d; se retira daus
les montagnes. SaTimone capitula ; Ibletto fit alors sa paix
Avec les généraux milanais : une même activité, un même
gofttpour Fiirtrigue les disposèrent à s'associer, et îexpédi-
tionde Gènes étant finie, lÙetto accompagna San-8évérino et
les firèresSforza à Milan <.
les deniers étaient impatients de retourner à la cour de
lent neveu, pour disputer l'autorité de Gecco Simonéta. Ils
voyaient «et habile mmistre exercer au nom de la dudiesse
Bouoeune souyeràineté absolue. La supériorité de ses talents
et de son caractère soumettait tout à ses volontés. On avait
pris, sous les deux précédents princes, l'habitude de ne pmnt
lui résister ; d'autre paît, les frères du duc, qui annonçaierrt
seulement le désir de limiter son pouvoir, ayaiait peut-être
'formé le projet de supplanter et lui et son maître. On assure
'que leur intention était de faire périr la duchesse et ses deux
Ils, de donnera Ijouis-Ie-Maure le titre de duc de Milan, à
diaeun de ses frères la seigneurie d'une ville, à Bobert de
San-Sévérino cale 'de Parme, et à Ibletto de Fieschi celle de
Gênes ^. C'était pour exécuter ces projets qu'ils avaient mis
fin précipitamment à la guerre de Ligurie, et quMls uvaiedt
ramené à grandes marches leur armée vers Milan. Mais Si-
monéta, qui les'SurvdHait, fit arrêter, le 25 nmi, Donalo de
donti, leur agent principal et le dépositaire île tous leurs se-
lîrets*.
- s JNoritan JiormcsM. T. XXII, ^. H9.^ > ÀièÊHi (tff MUfoUQ, 4mmi* MflMiKM.
T. XX, p. 9S«.
d6 HISTOIRB BBS BipUBLIQITn ITALIBlfia»
Les frères Sforza étaient à table atec ks autres chefr 4e
leur parti, lorsqu^ou leur annonça Farrestation de Donato de
Conti* Qs sortirent arec impétuosité de leur palais, appelant
le peuple aux armes. En effet, une grande multitude se ras^
sembla autour d*eux, et les aida à se rendre nudtres de Porta-
Tosa. Robert de San-Sévérino et Octa^ien Sforza youlaient
attaquer le palais, et s'attacher la populace en lui abandon-
donnant le trésor et les magasins de blé qu'il contenait. Le
duc de Bari et Louis-le-Maure s'y opposèrent. Déjà la du-
chesse, qui s'était réfugiée dans la citadelle, avait promis de
remettre en liberté Donato de Gonti ; mais, pendant ce temps,
ses amis se rassemblaient autour d'elle, et ceux de ses beaux-
frères perdaient courage. Robert de San-Sévérino, Ibletto et
Octavien essayèrent de nouveau d'ameuter la populace en
parcourant la ville, et faisant crier : A mort les étrangers!
Mais les frères Simonéta, qu'ils désignaient par ce nom, n'é-
taient point odieux aux Milanais, et personne ne prit les ar-
mes. Le lendemain, tous ces chefs sortirent de bonne heure
de la ville par la porte de Verceil. Robert de San-Sévérino
et Iblettode Fieschi ne s'arrêtèrent point qu'ils ne fussent
parvenus sur le territoire d'Asti. Sur cette frontière même,
Ibletto, accablé de fatigue, entra dans une auberge pour se
reposer, et il y fut arrêté. Robert passa outre, et se mit en
sûreté sous la protection du duc d'Orléans. Les frères Sforza
s'étaient échappés par des routes différentes. Octavien, dont
le caractère turbulent était le plus redoutable, périt au pas-
sage de l'Adda; on dit qu'il voulut traverser la rivière à la
nage et qu'il s'y noya. D'autres assurent, au contraire, qu'il
fut tué sur ses bords par des satellites de Simonéta, qui le
poursuivaient. Ses frères jfurent exilés par un jugement de la
régence de Milan, avec ordre de résider : Sforza l'aîné, dans
le duché de Bari dont il portait le titre; Louis à Pise, et le
cardinal Âscagne à Pérouse. A cette condition, on leur pro-
ou MOYEU AGX. 97
mit à diacan ane pension de dooze mille dnetto * . Le niième
frère, Philippe Sforza, demeora seol à Milan : il n'ayait Tonb
prendre ancone part anx intrigues de ses frères, et il s'était
rangé du parti de la dnehesseet deSimoneta*.
Lorsqu'on avait annoncé an pape Sixte Vf la mort de 6a-
léaz Sforza, il s'était écrié : « La paix de Fltalie a péri au-
« jourd'hni ayeclni' i » En cdffet, cette pnfssance imposante
qui contenait dans le repos tout le nord de l'Italie, était dé-
truite; les états de Crènes et de Milan étaient de nouveau li-
vrés anx fureurs des guerres civiles : la longue alliance que
François Sforza avait contractée avec là république florentine
était ébranlée; le contrepoids que le duché de Milan oppo-
sait à l'ambition du roi Ferdinand de Naples, n'existait plus,
le champ était ouvert pour. de nouvelles combinaisons poli-
tiques, et nous allons voir ce même pape, qui se plaignait de
ce que la paix d'Italie était détruite, jeter les semences d'une
guerre nouvelle, et augmenter la confusion générale.
i Atàerti de Ripaita, ^nnoL PUteent. T. XX, p, 9S4-9SS. — Bem. Corio, Hiit. Miian.
P. VI. p. ni, —Anton Gain, De rébus Genueiu. p. 378. ^ > Anwn^GaUL p. 3TS. —
— ' JoseplU BipamwtiL h. ¥i, p. eso. — Bem» CortQ. P. VI, M3-
TU*
d8 HIsrOIBZ DBS BSPUBUQOES ITAI.IEI(I(ES
HHiiiitiHuiiimiitsiîiiiiiimiiintnniUii
CHAPITRE IV.
GoiQuration des Pazzi.
t478.
La république de Florence devenait chaque jour plus étran-
gère à la politique générale de l'Italie et de TEu rope. £l|e ne
se mettait point en me^qre d'arrêter les projets ambitieux de
Ferdinand et de Sixte IV ; elle ne secondait point les Vénitiens
dans leur guerre contre les Turcs, les Génois dans le recou-
vrement de leur liberté, la duchesse régente de Milan, ou ses
rivaux, les frères Sforza, dans leur lutte pour la puissance
suprême. Les magistrats se succédaient à Florence, sans que
leur administration fût marquée par aucun fait important.
Le minutieux historien Sctpion Ammirati trouve à peine, en
six ans, à remplir quatre pages, et son silence atteste la lan-
gueur, la torpeur universelle ^ Les deux frères Médids, de-
venus des hommes faits, mettaient leur ambition à substituer,
en toute chose, leur autorité personnelle à celle de la répu-
blique 1478. — Les Florentins, se défiant des intrigues qui
> Sctpiottç AwmltNUo,SMr. Fior, U XXUI, p. iii-ii4.
BU HOYEN AGE. 99
aeeompagnent soavent les élections, avaient cta obtenir une
i*epr^ntation pins égale, en faisant nommer ^ar le sort leurs
magistfâts; maïs à eette forme d'élections, la plus démocra-
tique de toutes, les Médicis avaient substitué la plus arbi-
traire de tontes les oligarchies. Us noïnmaiept eux-mêmes
cinq électeurs ou accoppiatoriy et ceux-ci faisaient des gon-
faloniers et des prieurs, sans consulter le peuple, et sans qu'il
restât plus le moindre lien entre les magistrats et ceux qu'ils
représentaient. Gomme la Seigneurie était encore trop nom-
Inreuse pour être maintenue aisément dans l'obéissance, ils
avaient augmenté le pouvoir du gonfalonier au^c dépens de
ses collègues les prieurs, dont il n'était d'abord que le prési-
dait, ils rappelaient seul à leurs délibérations, et ils l'^nga-
geaioBt h donner des ordres au nom d'un corps qu'ils na
daigàtieut plus consulter. La commission extraordinaire,
qa'oQ nommait battes ne devait, selon les usages antiques,
être 4ifféée que dans les temps de trouble, pour i^uver la ré-
pabttque d'un grand danger; mais les Médicis l'avaient
AaofgÉi^ CQ on corps permanent, auquel ils attribusdent l'en-
«Mntde des poavoim législatif, administratif et judiciaire.
Ken 1^, Us la mettaient au-dessus de la souveraineté na-
liapale elle-même; car ils lui attribuaient des pouvoirs que
les peiqdet n'ont p(rint dâégués à leurs souverains. Ainsi, la
btlie «ndamnait sans procédures les individus suspects aux
■édMs, dde substit&ait aux impôts des taxes arbitraire, elle
pfrtirit des lois réti^oâêtiYeS, eUé aggravait les sentences an>-
fiieuBei, en sotoiiettant'à^ife îiouvelles peines ceux qui n'a^
YiûeBit point commis de nouVeaus délits; elle disposait de la
totaiité ésè finances de l'état sans en rendre compte. On lui
vit empk»^ cent mille Siaim à sauver d'une faillite la n\ai-
Mm de bloque ^e Themas des Portinari dirigeait à Bruges,
pour le compte de Laurent de Médicis. D'autres somme» fu-
rent, eu d'autres occastgus, détournées de même des caisses
100 HISTOIRE DIS REPUBLIQUES ITALIBKKES
publiques, pour les besoius du conunerce de ces mêmes chefs
de rétat. Os aTaient Timprudeiice de continuer les grandes
spéculations de banque qui avaient enrichi leur a'ieul, tan^
qu ils n'y donnaient aucune application, et qu'ils en igno-
raient les principes. Aussi, leur faste et leur incapacité les
auraient bientôt ruinés, si les deniers de l'état n'avaient souvent
été appropriés à leur profit * .
Les Médicis, en marchant ainsi à la tyrannie, avaient ce-
pendant un parti nombreux dans Florence : il était composé
d'abord de quelques citoyens d'anciennes fainilles, qui par-
tageaient avec eux les magistra,tures et les revonus publics,
et qui n'étaient pas sûrsde conserver sans eux leur importance ;
ensuite de tous les gens de lettres, les poètes et lies artistes,
que Laurent et Julien attiraient dans leur maison, qu'ils com-
blaient d'honneurs et de présents, qu'ils élevaient jusqu'à
eux, tandis qu'ils prétendaient se séparer de tous les autres ;
enfin, leur parti se composait de la basse populace, toujours
enchantée des spectacles et des fêtes quelui donnaient les Mé-
dids : elle ne s'apercevait pas qu'on la corrompait avec son
propre argent, et qu'on lui avait pris d'une main ce qu'on fei-
gnait de lui donner de l'autre. Mais d'autre part, malgré les
sentences révolutionnaires qui depuis 1434 avaient frappé par
classes toutes les familles anciennes et illustres de Florence,
qui avaient rempli l'Italie et la France d'exilés, et compris
dans les proscriptions tous les noms historiques de la républi-
que, la masse entière des anciens citoyens était encore op-
posée aux Médicis. Des transports de joie universels avaient
éclaté, douze ans auparavant, lorsque quelque liberté avait été
tendue aux élections, et un morne abattement acconq[Mignait,
depuis quelques années, l'établissement de la tyrannie.
Laurent de Médicis et son frère Julien n'étaient pas oom-
1 UtorU <U Giovi CambL T. XXI. DeUz, Erudit. p. 1-3.
DU MOTEn AGE. 101
plétement d* accord dans lëar système d'administration. Le
second, plus doux, plus modeste, plus disposé à vivre en égal
an milieu de ses concitoyens, ressentait quelque inquiétude
de la fougue, de l'orgueil et des violences de son frère ; aussi
cherchait-il à l'arrêter par ses représentations ^ . Mais Laurent
voyant les familles des Ricci, des Albizzi, des Barbadori, des
Perozzi, des Strozzi, eiilées dès 1434, celle des Macchiavelli
en 1458, celles des Aociaiuoli, desNéroni, des Sodérini en
1 466 ; celles enfin des Pitti etdes Gapponi, dépouillées de leur
afiden crédit, cherchait seulement à faire en sorte qu'au-
cune d'elles ne pût se relever, qu'aucune autre n'acquit des
richesses ou une considération qui pût lui faire ombrage ; as-
suré qu'autant qu'il ne laisserait point de chef à la multitude ,
il pourrait sans danger provoquer son ressentiment.
$ Parmi les familles dont les Médicis pouvaient craindre la
rivalité, celle des Pazzi tenait le premier rang. Les Pazzi de
Yal d'Amo, longtemps associés aux Ubaldini, aux Ubertini et
aux Tarlati^ étaient d'anciens feudataires gibelins, habituel-
lement en guerre avec la république florentine. Après que
l'agrandissement de celle-ci les eut engagés à quitter leurs for-
teresses'pour venir vivre dans la capitale , ils continuèrent à
exciter la défiance d'une démocratie jalouse ; ils furent com-
pris dans la classe des magnats , et exclus de tous les emplois
par l'mrdonnanoe de justice. Hais lorsque Gosme de Médicis
eut chassé, en 1434, la noblesse populaire du gouvernement,
il sentit la nécessité de se fortifier par l'alliance de l'ancienne
noblesse. Dans ce but, il accorda à plusieurs magnats le privi-
1^ de rentra dans la classe du peuple. La famille des Pazzi
fut une de celles qui acceptèrent ce droit de bourgeoisie , jugé
» J. MicheL BnUo^HisL Florent. L. VI, p. 148. AMeri a Uré i>arH deceUe opposi-
tiOD de caractéredans sa tragédie de la Cwgiuraslane de' Pazzi- H. Roseoë {llbuttations,
p. 101) oppose au lémoigDage de Bruto, et à la tradition florentine dont AlSeri a Tait
«sage, des vers faiu à la louange des deux frères par un poète â leurs gages; s'i|
4vaii vécu en IUlie, il saurait le crédit qu'on y donne à de tels vefs.
1Q2 HISTOIBE DES HEPVmitDES ITALIEIIIIES
par ploâienn nue dégradation, et André fat, en 1439, le
premier de' cette famille qui siége&t dans la Seigneurie. André
eut trois fils, Antoine, Pierre et Jacob $ Ton lui donna dnq
petits-fils, r autre trois, et Jacob, le plus jeune, ne se maria
pas ^ . Cette nombreux maison n*a^ait pas seulement été ad*
mise dans Tordre du peuple par un décret, elle a^ait ausn
pris les mœurs de la bourgeoisie iorentÎBe. Les Pazsi s'étaiest
engagés dans le commerce, et leur maison de banque était une
des plus riches et des plus eonsidérée» de l'Italie. Non moins
supérieurs aux Médieis comme marchwds que comme gen-
tilshommes, il9. n'avaient pas besoin^ pour se soutenir, de
détourner à leur avantage les deniers publies.
Gosme de Médids avait voulu s' attacher ^ par les liens da
sang, cette famille si nombreuse, si riche, et dent le crédit
pouvait être pour lui si utile eu si dangereux- Il avùl fait
épouser sa petite-fille^ Blanche, sceur de Laurent et de Julien,
à Guillaume des Paz^i, fils d'Antoine et petitTfils d'André K
Laurent avait eu une politiq^ue toute coptraire) il avait pour
principe de les ruiner, ou tout au moios^ d'arrêter l'aeeroîsse*
ment de teur fortune ; et comme Jean dea Pa^ai, beau-^fièee de
sa sœur, avait épousé la fille «t 1 unique héritièFe de Jean
Borroméi, citoyen immensément riebe, Laurmt fit raidret
une loi, à la mort de Borr(Mnéiy par laquelle lesvuevei» d«^
sexe masculin étaient préférésir aux filles- dans l'hâ^itage-d'n^
père mort ab intemty et il donna à cette k» im efl(etrélyo*
actif : en sorte q^e Pasuû perdit l'héritage da scmbeau-pèrei qui
n'avait pas cru néce^saijre de faîve^ un teptanf «^ m Uymi ^
son unique ei^ant'.
1 Scipiotm Ammiraio. L. XXIV, p. iis.-^ Ibid. p. li«.— /o. Mieh. Bmi, Hiit. FAv.
L. VI, p. 140. — > MaccMavelU, Maria, h. VII!, p. S61 .—Jacopo Nordi, Ut. Flor, L. 1,
p. 1^. U rumm^pÊtq» 46 wd tempk c«tle M éMt ebeorè en vigueur. /. uiûL Bralf.
L. Vl« p. i4Sk » aoâouttp dtelnrtàBl b ntnra pr*eis6 ds eeHe to)uiftee, prétend qu'elle
apparUentà «ieép»q«fr oé fiiuraiit, «neore fort jeUdé, étiit Iwrs de sa pairie ; et il en
dotne pour preuve de» pteaaei d^e lelM de lioiill P«lei à LMreql de Médicis, du 22
DU MOYEN AGE. 103
Des trois fils d'André Pazzi , le seul qat Técût encore était
Jacob, qui n avait point été marié. Il avait été, en 1469,
gonfalonier de justice, et le peuple T avait fait chevalier;
mais dès lors Laurent de Médicis avait exclu tous les Pazzi de
la Seigneurie, à Texception de Jean, beau-frère de sa sœur,
qui avait siégé une seule fois en 1472 parmi les prieurs ^
avril I46S ; • iId cfaïamau ptai YoUé lUidseima questa toa partenEa, acdo che tu bon
« abbi commefso peçeato, ad aiutare della sua petizlone nuoTamente affermaia quello
« con che Fainico di val d*Arno de! Corno, volevé eritrare nell' orio dîel norrbmèo
«< per le mmà : OTYero con che egli porta le pergo e, quando non v'agKlugne o*appie*
N col 8U0 peonaluzxo. » ^e ne comprend^ pas trop ces plaisanteries en langue baroque,
mais je doute que H. Roscoë les comprenne mieux que mol. A suppoâef cependant
qu'il 8'agissA ici d& Giovanni Borronéi, que Vamieo di ValifAmo soit un t»azzi, parce
que les Pazzi avaient été seigneurs dans le Val d'Arno ; à supposer aussi que ces murs
dé jardin é escalader, cette serpette à tailler les vignes, aient un sens figurtà, ei ne
taflseiiC pas allusion i des espiègleries très réelles de jeunes gens de dix -sept ans, en-
core s'agirait-il d'une entreprise où Laurent de Médicis aurait été de moiiié» avec Tami
dd val d'Arno, et aurait réussi, comme son mariage, par exemple; non 'de dépouiller
cet ami, dont la pétition, dit-il, a é\é confirmée. 11 faut des divinations mieux fondées
pour détruire le témoignage de deux historiens presque contemporains, et une loi
longtemps eiistante. On se tient en garde contre la partialité d'un racùeox qui écrit
pour son pa^^, dU lla^telir d'ud pritf ce qui écrit pour son souverain , même d'un ci-
toyen qui veut relever la gloire de sa patrie ; mais devait-on s'attendre à ce qu'à trois
cents ans et trois cents lieues de dUunce, un habile écrivain emploièt-aii la plus
vatte érudilioli à se tromper liri-m6oM aussi bien que les autres sur rimportaDce, les
droits et Içs vertus de son héros? Roscoi, Ufe of Lorenzo. Cbap. iV, p. i82.
Je ne sais pbùfquoi M. Roscoë prétend (lUustrotiom, p. 105} que Je n'illègûe ponr
06 £iii d'autre auiorilô que Scipione Ammirato et J. M. Brato, tandis qtie j6 cite au col^
traire Macchiavelli et Mardi, tous deux contemporains, tous deux précis dans leur té-
moignage, et absotoment irrécusables. Je ne comprends pài mieux comme 11 dit, p. los,
qn'à moids qu'on puisse moâtrer que la lettre qu'il a reproduite se rapporte â quel-
que autre urausaction eotre les Pazzi et les Borroméi, il croira toujours qu'elle suffit
pour Justifier Lorenzo ; cooime si Vamieo di Val d*xnio, entre cinquante miâe Hlibi-
taiHs de cette prOvineei ne pouvait être qu'un PassL Je n'irai point, comme il me lo
conseille, exercer mon talent de deviner sur BurcliieUo^ pour me préparer à la lec-
ture (Se ($étte lettre. Je ne comprends point, il est vrai, à quoi fait aOusioh la plaièàii-
terie de la serpette, ni lui non plus; mais je comprends quePuki Mlicite Laurent de
n'avoir pas comniis le péché d'aider l'ami du Val d'Arno contre Borroméi, et non
d^aider un nëteu de borroméi é eillëver A ce^ ami ses droits. Â'àiHeurs il t À cbbtrë U
snppoiilioB de M. Rosooë une preuve plus décisive. Pour que la letue de PulCl; du
n avril 14Q5, se rapportât A la succession de Giovanni Borroméi, il faudrait que celui-
ci fOt mort é cette époque ; liiâls im Voit pir fè Pifioraid que Oiovalmi bi Bi^rêiMO dit
ser Filippo Borroméi, était prieur de Uberié en mars et avril liii, — m DeAai^ 4fgii
Brudit. T. XX, p. 407. — > Voyez le Priorato. DeUz, Brudit. T. XX, p. 401 et suivantes.
104 HISTOIHB DES REPUBLIQUES ITALlBNlfES
Cette eiclusion était d'autant plus offensante, qu'il y avait à
cette époque neuf hommes dans cette famille en âge d'exer-
cer les magistratures, qu'ils tenaient le premier rang dans la
ville, et que toutes les élections dépendaient uniquement des
Médids.
François Pazzi , l'aîné des beaux-frères de Blanche de
Hédicis, ne put supporter qu'un homme se mit à la place
de la patrie, qu'il accordât ou refusât comme une faveur ce
qui appartenait à tous, et qu'il exigeât de la reconnaissance
de ceux à qui il en devait, lorsqu'il se faisait fort de leur cré-
dit, et qu'il s'enrichissait de leur argent. Il alla s'établir à
Bome, où il avait un de ses principaux comptoirs de com-
merce ; le pape Sixte j V le choisit pour son banquier , de
préférence aux Médicis, et ce pontife, aussi bien que son
fils Jérôme Biario, formèrent dès lors avec lui des relations
intimes.
Autant les citoyens florentins ressentaient de jalousie contre
la maison de Médicis, autant Sixte lY et Jérôme Biario nour-
rissaient de haine contre elle ; ils la regardaient comme ap-
portant un obstacle à tous leurs projets d'agrandissement.
Sixte n'avait oublié ni les seciours donnés à Mcolas Titelli,
seigneur de Gittà del Gastello, ni la ligue formée dans le nord
de l'Italie, ni les négociations entamées par Laurent pour
empêcher Jérôme Biario d'acquérir Imola. Jérôme, de son
côté, craignait qu'à la mort du pape les Médicis ne le dépouil-
lassent aisément d'une souverainetéquin'aurait plus d'appui.
Il désirait rendre à Florence sa liberté, pour se mettre ensuite
sous la protection de cette république. François desPazzi, qui
voyait familièrement Sixte et Biario, envenimait leur haine
en l'unissant à la sienne, et il cherchait avec eux les moyens
de mettre un terme à une usurpation qui s' affermissait chaque
jour*.
1 IfICi MoffMwem. L. VIII, p. S59.
DU MOYEN AGE. 105
l'histoire pafisée de la république ne laissait aucun doute
sur le mauVais succès de toutes les tentatives d'émigrés ; une
agression extérieure, loin d'ébranler le gouvernement, raf-
fermissait en lui donnant occasion d'emprisonner ou d'exiler
ses ennemis secrets, et d'employer les ressources de l'état avec
plus d'énergie. La tentative d'une réforme légale était tout
aussi inutile ; quand on aurait trouvé au milieu de conseils
corrompus un homme assez courageux pour réclamer , au
nom des lois, le maintien de la liberté, son dévouement n'au-
rait produit autre chose que sa perte immédiate.. Les M^icis
n'étaient plus soumis aux lois, n'étaient plus justiciables d'au-
cuns tribunaux, et tout recours contre eux n'aurait seryi qu'à
leur défflgner de nouvelles victimes. Une levée de boucliers
était également impraticable ; la vigilance constante du gou-
vernement aurait empêché les Pazzi de réunir chez eux, en
armes, les citoyens de leur parti, ou les paysans de leurs cam-
pagnes. Et quand encore on aurait pu dérober aux Médicis la
première connaissance d'uu rassemblement hostile, comme ils
étaient maîtres du palais, des portes et de tous les lieux forts,
comme les magistrats et les juges étaient leurs clients et. leurs
créatures, toutes les forces militaires de l'état et tout l'appa-
reil de la justice auraient été tournés contre les insurgés. Il
ne restait donc d'autre parti à prendre à leurs ennemis que
celui d'une conjuration, car ils se croyaient bien sûrs qu'a-
près que les deux Médids auraient été tués, les citoyens qui
tremblaient devant eux s'empresseraient de condamner leur
mémoire, et de reconnaître, comme un acte de la vengeance
publique, l'attentat de leurs meurtriers. L'exemple récent de
la conspiration de Milan, loin de décourager les conjurés,
pouvait leur inspirer de la confiance ; il avait montré combien
il était facile de se défoire d'un tyran ; et si le peuple de ItGlan
ne s'était pas soulevé ensuite, on pouvait allier qu'il re-
connaissait Galéaz Sforza, quelque odieux qu'il fût, pour son
106 HISTOIRE DES REPUBLIQUES TTAJLimnHES
souveraiD ; tandis qae les Médicis n'osaient pas même avouer
ouvertement qu'ils se crussent d un rang supérieur aux autres
Florentins.
Les esprits étaient aigris par des offenses mutuelles, et les
ennemis des Médicis se préparaient d^à à une conjuration,
lorsque de nouvelles injures leur procurèrent des alliés ines-
pérés. D'une part, Philippe de Médicis, archevêque de Pise,
étant mort, Sixte I Y lui donna pour successeur François Sal-
viati, parent d'un Jacob Salviati que les Médicis avaient fait
déclarer rebelle * . Ils ne voulurent point reconBaltre ee
nouveau prélat, et ils lui r^usèrent la possession de son ar-
chevêché. D'autre part, Charles de Montone, fils de Bracdo,
l'un des restaurateurs de l'art militaire en Italie, ayant acquis
lui-même quelque réputation dans les armes, voulut tcmter de
recouvrer l'autorité que son père avait exercée sur Péroose.
Il était venu à Florence, après livoir terminé le temps de sa*-
viee pour lequel il s'était engagé avec les Vénitiens , et il y
avait rassemblé quelques compagnies d'hommes d'armes. Ce-
pendant, comme il apprit que les Florentins venaient de re-
nouveler leur alliance avec Pérouse, il renonça à son entre-
prise sur celte ville, et il tournis ses armas contrôla république
de Sienne, avec laquelle Florence n'était point en guerre, mais
qu'elle n'était point fâchée de voir humiliée. Charles de
*Montone, pendant l'été de 1477, enleva un grand nombre
de châteaux aux Siennais , de qui il réclamait le payement
d'une dette contractée envers son père 4 et comme il les trou-
va mal préparés à se défendre, il se flattait dé^à de soumettre
cette république ; mais les Florentins avm^nt coaaenti à causer
quelque dommage à des voisins qu'ils n'aimaient pas, sans
vouloir pour cela laisser allumer une guerre sur leurs fron-
tières. Us forcèrent Montone à abandonner son entreprise ; la
« Vatthmem. U Tiff, p. S59. — ^iptotie Ammfratô.l , XXlV, p. tlè.~ (ionjurtf
tumii PtteHtmœ, CMnmem» PùkilmH, p. «<
j)U iiO¥fiir A01S. 107
répablique de Sienne n'en garda pas moins an Tif reNSenti-
ment de ce que T armée gui avait enyabi Bon territoire était
partie des états florentins ^ . Poar s en venger, elle contracta
une étroite alliance avec le pape et le roi de Naples'^ tandis
que Sixte TV, de son côté, rai^mbla une petite armée sur les
frontières florentines, sous prétexte d'assiéger le cb&teaa de
Montone, et de punir ainsi le capitaine qui venait de troubler
la paix ^.
Sur ces entrefaites, le projet de changer le gouvernement de
Florenee par le meurtre des Médicis fut arrêté entre François
des Pazzi et Jérôme Biario ^ ils le communiquèrent à F arche*
vèque François Salviati , qu'ils savaient irrité par des injures
récentes : et en effet ce prélat y entra avec ardeur. François
Pazzi vint ensuite à Florence, pour associer à la conjuration
son oncle Jacob, le chef de la famille^ mais il y trouva plus
de difficultés gu il n'en avait attendu. Jean-Baptiste de Mon-
tesecco, condottiere assez accrédité au service du pape , et
confident de Jérôme Biario, fut dépêché à son tour auprès de
ce vieux magistrat, pour le persuader. Montesecco s'était
rendu en Toscane chargé d'une feinte négociation avec Lan-
rent de Médicis^ et avant sou diépart il avait eu une audybence
du pape, qiii avait offert toutes ses forces pour appuyer la
conjuration *. Ce fut cette accession du pape au complot qai
entrdna enfin Jacob des Pazzi ; il consentit alors à s es rap-
porter à ce C|ue son neveu ferait pour lui à Rome. En effet ,
François y était retourné pour mûrir ses projets, de concert
avec le pape, le comte Biario et l'ambassadeur de Ferdinand,
qui de son côté promettait une puissante coopérati<m. H fut
convenu qoe« sous prétexte d'attaquer Montone , u&e u^oiée
1 Sdpione Ammirato. L. XXIII, p. 114. — MacchiavelU, Utor. L. VII, p. 346.— * Al-
legreno AUegreUU lUari SaneH. p. 782. -^ ' Ua^cbiaveUi. h. vm, p. aB6i — âH^r,
Atiçgreii'u Diqri ^on^L p. t«3, — « UatckHmm* h, v»f, p. set. — A mMï. BfuH.
L.5LI, p 146.
108 HISTOIRE DES RÉPUBLIQUES ITALIEIinES
pontificale s'assemblerait dans ïétat de Pérouse ; que Lorenzo
Giastini de Città di Gastello, le rival de Nicolas Vitelli, lève-
rait des soldats, comme pour attaquer la famille de ses adver-
saires ; qae Jean-François de Tolentino, an des condottieri du
pape , passerait avec sa troupe en Boipagne, et que François
des Pazzi, T archevêque Salviati et Jean-Baptiste de Montesecco
reviendraient à Florence pour augmenter le nombre des con-
jurés , et trouver le moment d'accabler en même temps les
deux frères * .
Parmi ceux qui s'engagèrent à seconder Pazzi et Salviati ,
on comptait Jacques, fils de Poggio BraccioUni, l'écrivain cé-
lèbre auquel , parmi plusieurs autres ouvrages , nous devons
une histoire florentine. Jacques était auteur lui-même de quel-
ques ouvrages d'érudition ^. On y voyait encore deux Jacques
Salviati, l'un frère, l'autre cousin de l'archevêque; Bernard
Bandini et Napoléon Francesi, jeunes gens pleins d'audace, et
tout dévoués à la maison Pazzi ; Antoine Mafféi , [prêtre de
Volterra et scribe apostolique, et Etienne Bagnoni, prêtre qui
enseignait la langue latine à une fille naturelle de Jacob Pazzi.
Tous les membres de la famille de ce dernier ne prirent point
part au complot. René, l'un des cinq frères, fils de Pierre,
refusa avec fermeté de s'y engager, et se retira à la campagne
pour n'être pas confondu avec les conspirateurs '.
I/C pape avait envoyé à l'université de Pise Baphaël Biario,
neveu du comte Jérôme , jeune homme à peine âgé de dix-
huit ans; et le 10 décembre 1477, il le fit cardinal. Son élé-
vation à cette nouvelle dignité devait être célébrée par des
fêtes. Les conjurés pensèrent qu'elles offriraient une occasion
facile de réunir Laurent et Julien de Médicis en un même lieu
pour les tuer ensemble, car il leur paraissait essentiel que les
^Maeehiavem. L. VIII, p. 366. — > ir. Roseoe, Ufe of Lorenzo, Cbap. v, p. i85,
note. — s JfaccAiaveW. L. VIII, p; 367. — FoUtkmus, Conjurai. Paetianœ Conmem,
p. 8-9.
DU MOTBK AGB< 109
denx frères fassent attaqués en même temps , autrement la
mort de Fan aurait averti F autre de se mettre sur. ses gardes.
Le pape écrii^it en conséquence au cardinal Biario de faire
tout ce que lui ordonnerait rarcheyèque de Pise^ et peu après»
l'archevêque fit venir le cardinal à Florence. Jacob des Pazzi
lui donna un festin à sa maison de Montughi, à un mille de
la ville. Il y avait invité les denx frères Médids, mais Julien
n*7 vint point. Il n'assista pas davantage à un festin donné
au cardinal par Laurent à Fiesole; enfin, Ton apprit qu'il ne
serait pas non plus à celui que Laurent destinait à Biario dans
sa maison de la ville, le 26 avril 1478. Ce fut alors seulement
qu'on résolut d'attaquer les deux frères ce même jour à la ca^-
thédrale, oh le cardinal Biario devait entendre la messe, et où
les Médicis ne pourraient guère se dispenser d'assister avec
lui au service divin * .
François des Pazzi et Bernard Bandini se chargèrent de tuer
Julien. On regardait leur, entreprise comme plus difficile ,
parce que ce jeune homme timide portait habituellement une
cuirasse sous ses habits : et on avait donné à Jean-Baptiste de
Montesecco la commission de tuer Laurent. Montesecco s'en
'était chargé volontiers lorsque le meurtre avait dû s'exécuter
dans un festin; mais quand le lieu destiné à l'entreprise fut
changé, et que ce fut dans Féglise, et pendant la messe, qu'il
dût tuer un homme avec lequel il avait eu des rapports d'hos-
pitalité, il déclara qu'il ne se sentait point capable de joindre
le sacrilège à la trahison. Les scrupules de ce miUtaire cau-
sèrent le mauvais succès de tout le complot, parce qu'entre
les conjurés il ne se trouva plus que des prêtres que l'habi-
tude de vivre dans l'église rendît indifférents au lieu où ils se
trouvaient, et que l'idée du sacrilège n'effrayât pas ^. On fut
1 MaechiaveUL L. vill, p. S68. — Sdpione AmnOraio, L. XXIV, p. U7. — /. mehael
Bnui, L. VI. p. 148. — > Parumper hœsitalum est, cum obtruncaQdo Caurentio miles
d«leetiif 9 et muita emtos nercede, negaret aese In looo saero ondein oUam perpetraui-
ItO HISTOlfiB Dis mémJtelQUES ITALUSHKES
doue rëdnil à remettre !e soin de frapper Laurent an scribe
apoRloliqae, Antoine de Yolterra, et à Etienne Bagnoni, curé
de Montemnrk). Le moment fixé fut celni où le prêtre éleyant
l'hostie, les deni Tictamesà genoox baisseraient la tète, et ne
pourraient iFoir leurs assassins. Les cloches de la messe de-
vraient t&pte eonnattre anx autres conjurés, chargés (f attaquer
te palais public, llnstanl du sacrifice, l'archevêque Sahiati,
arec les siens , et Jacob, fils de Poggio Bracciolini, devaient
se rendre maîtres delà Seigneurie, et la forcer d'approuver
un meurtre déjà exéeuté * .
Les conjurés étaient dans le temple, Laurent et le cardinal
y étaient arrivés, l'église était pleine de monde, le service di-
vin était commencé, et Julien ne paraissait point encore. Fran-
çois dtos Pazzi et Bernard Bandmi altèrent le chercher; ils lui
persuadèrent que sa présence était nécessaire; en même temps
ils passteent , comme en plaisantant , les bras autour de son
corps , pour reconnattre s'il avait sa cuirasse. Mais Julien, qui
souffrait d'un mal de jambe, n'avait pris aucune armure; il
avait même , contre sa coutume , quitté son couteau de chasse,
parce qu'il frappait sur sa jambe malade. Julien, cependant^
entra dans l'église et s'approcha de l'autel; deux conjurés
étaient auprès de lui,' deux autres auprès de son frère, et la
foule qui tes entourait, teur donnait un prétexte pour serrer
de près les Médieis. Le prêtre souleva l'hostie , et à Ilnstant
Bernard Bandrni frappa de son poignard Julien à la poitrine*
Celui-ci, après avoir fait quelques pas, tomba par terre. Fran-
co© des Pazzi se jeta sur lui , et le frappa à coups redoublés
a\ec tant de fureur, qu'en même temps il se blessa lui-même
grièvement à la cuisse. Au même instant, les deux prêtres
attaquaient Laurent. Antoine de Yolterra, appuyant la main
ram; deinde alio negoiianuBuscipiente, qui familiarior, ut pote sacerdos, et ob id mipui
sacroruiB locorom metuem. ^ Anton, Gâta , De rébus Genuens, T. XXUI, p. i^ -^
i Mwmwem. b, ym, p. m. « t^Uttani ommvnm. p. 11.
DU MOYEN A6S. 111
gaudie sur son épaule , voalot loi porter an coup de poignard
dans h col; mais Laurent se dégagea rapidement, il enveloppa
son bras gauche de son manteau dont il se fit un bouclier, il
tira son ép^ , et se défendit avec l'aide de ses deux écujers ,
André et Laurent Gavalcanti. Le dernier fut blessé, Laurent
Tétait lui-même légèrement au col, lorsque les deux prêtres
perdirent courage et s'enfuirent. Bernard Bandini, au con-
traire, laissant Julien qu*il Tenait de tuer, courut vers Laurent,
et tua sur sa route François Nori qui lui barrait le chemin.
Laurent s'était réfugié dans la sacristie atec ses amis. PoUtien
en fermait les portes de bronze, tandis qu'Antoine Bidolfi su-
çait la blessure qpe son patron avait reçue , et y mettait un
premier appareil.
Cependant les amis des Médicis, épars dans le temple, se
rassemblèrent l'épée à la main devant les portes de la sacris-
tie; ils demandèrent qu'on leur ouvrît, et que Laurent se mit
h leur tète. Celui-ci craignait d'être trompé par ces cris, et il
n'osa point ouvrir, jusqu'à ce que Sismondi délia Stufa,
jeune homme qui lui était attaché, fût monté par l'escalier
de l'orgue à une fenêtre d'où il pouvait voir l'intérieur de
l'église : d'autre part, il reconnut Julien, dont Laurent igno-
rait le sort; iî le vit baigné dans son sang et étendu par
terre; de l'autre, il s'assura que ceux qui demandaient à en-
trer étaient de vrais amis des Médicis. Sur son rapport on
leur ouvrit la porte, et Laurent se mit au milieu d'eux pour
r^agner sa maison * .
Les conjurés n'avaient point disposé de renforts dans l'é-
glise pour velancer leurs victimes dans leur retraite, ce qui
probablement n'aurait pas été difficile; ils avaient réservé
toutes leurs forces pour se rendre maîtres du palais public.
Bs savaient, en effet, que la multitude ne juge que sur des
1 oof^ai. ivifif<<»i(9 cojMi^i. p« 1) «1 14. — çommanmi ik Sm fUM» lfer&
L. IV, p. 54.
112 HISTOIBB D£S BSPUBLIQIIES ITALIEiSlfES
images grossières, .et qa*elie reconnaîtrait, pour dépositaires
de Fautorité souveraine, les vainqueurs quels qu'ils fussent,
dès qu'ils seraient entourés des gardes de la Seigneurie, et
qu'ils siégeraient sur le tribunal. L'archevêque s'était rendu
au palais avec les Salviati ses parents, Jacques Bracciolini, et
une troupe de conjurés d'un ordre inférieur, troupe composée
surtout d'habitants de Pérouse. Il laissa à la première entrée
une partie de ses satellites, avec ordre de s'emparer de la
porte principale dès qu'ils entendraient du bruit. Il en con-
duisit d'autres avec lui jusqu'à l'appartement qu'habitait la
Seigneurie ; il leur donna ordre de se cacher dans la chancel-
lerie, pour ne point causer d'alarme. Mais ceux-ci ayant tiré
la porte sur eux, elle se trouva fermée à Vessort, de manière
à ne pouvoir plus se rouvrir sans clef ; en sorte que cette
bande de conjurés, la plus nécessaire de toutes à l'action, de-
meura dans l'impossibilité d'y participer.
Cependant rarchevècpie Salviati était entré auprès du gon-
falonier, et avait prétendu avoir quelque chose à lui commu-
niquer de la part du pape. Ce premier magistrat était alors
le même César Petrucci qui avait été surpris à Prato par
Bernardo Nardi, et qui avait couru risque d'être tué dans
cette conjuration. Dès lors il était demeuré plus défiant qu'un
autre : il remarqua que l'archevêque, en lui parlant, était
tellement troublé, qu'à peine les paroles qu'il balbutiait
avaient un sens. Salviati changeait sans cesse de couleur, il se
tournait vers la porte, il toussait comme s'il voulait donner
an signal, et il ne réussissait point à maîtriser son agitation.
César Petrucci s'élança lui-même à cette porte, il y trouva
Jacques Bracciolini qu'il saisit par les cheveux, qu'il renversa
par terre, et qu'il donna à garder à ses sergents. Il appela en
même temps les prieurs à se défendre : traversant avec eux la
cuisine du palais, il y saisit une broche avec laquelle il se mit
en garde à la porte de la tour, où la Seigneurie se retira.
ou MOYEN AGE. 1 1 3
Pendant œtempS) les sergents fermèrent les diverses {Kurtes
des corridors da palais, et attaquèrent alors séparément les
çonjnrés, dont la plupart s'étaient déjà emprisonnés d'eux-
mêmes dans la chancellerie. Tous ceux qui avaient suivi
Salviati à Tétage supérieur furent bientôt arrêtés ; ils furent
tous tués à rinstant, ou jetât vivants par les fenêtres. Mais
l'autre bande de conjurés, qui était demeurée à la porte d'en-
trée, s'était saisie de cette porte; et au moment du tumulte,
lors<pie les amis des Médieis accoururent eh foulé an pakds
pour porter secours à la Seigneurie, lès conjurés leur en
fermèrent l'entrée, et soutinrent quelque temps une sorte de
MégeS
Parmi ceux qui s'élaieiit chargés de tnèr les Médids^ les
deux prêtres qui s'étaient enfuis làdbiement furent poursui-
vis par les amis de Laurent, et mis en pièces. IBernard Ban-
dini, après que Laurent lui eut échappé, lorsqu'il vit que son
«ompagûon François Pazzi était ble«;é, et que le peuple sedé^ '
.clarait contre lui, comprit que la partie était perdue. Il ne
balança point à sortir de la ville, et il se mit aussitôt en sû-
reté. François Pazzi, de retour chez lui, se trouva tellement
affaibli par le sang qu'il avait perdu de la blessure qu'il s'é-
tait faite lui-même, qu'il ne put pas se tenir à cheval. Renon-
çant donc à parcourir la ville en appelant le peui^e à la li-
berté, comme il avait compté le faire, il pria Jacob'Pazzi, son
oncle, de le tenter à sa place. Jacob, malgré son grand âge,
se mit h la tète d'une centaine d'hommes rassemblés disuis sa
maison à cet effet, et marcha vers la place du Palais en invi^-
tant les dto;ens, auxquels l'occasion de Redevenir libres létatt
présentée, à prendre les armes. Mais personne n& vint se
jQjnilre à lui, -tandis que les prieurs, du haut du palais qu'ils^
occupaient, lui lançaient des pierres. Son beau-frère, Sèrris-
« ËmeehiavelH, U Vill, p. 373. ^ Conjurais Pactianm CfmmenU p. is. — ScipUme
âmmirato. L. XXIV, p. lis. — D/or. Pannente,T* XXII, p. 278.
vil. 8
U4 HISTOIRE DES REPUBLIQUES ITALIEIIHES
ton, ga*il rcaicontra seol dans les mes, loi reprocha le ta*
milite qu'il causait dans Florence, et lui conseilla de se reti-
rer« Jacob des Pazzi, ne recevant de secours d aucun côté,
«larcha atec sa troupe irers une des portes de la ville ; il en
sortit et prit la route de Bomagne ^,
Laurent, retiré chez lui, n*ayait pris aucune mesure pour
arrêter les conspirateurs ; il arait abandonne sa Tcn^eance au
peuple 2 elle n*ea fot que plus cruelle. Le gonfalonnier, César
Petmcci, irrité du danger qu'il avait couru, fit pœdre au:
fenêtres du palais F archevêque Sabriati, avec son frète, son
cousin et Jacob Bracdolini. Tous ceux qui FaTaient suivi pé-
rirent également, à l'exception d'un seul qui s'était cadiié sous
nu monceau de bois. Lorsqu*on le découvrit au bout de
quatre jours, on te regarda comme assez puni par ta fafan et
la peur qu'il avait éprouvées. Le peuple furieux Aait, de son
QÔté, à la recherche de tous ceux qm avaic»t montré quelque
opposition à Fambition des Médicis, ou quelque liaison d'à*
mitié avec les conjurés. Dès qu'ils lui étaient déncmcés, il les
mettait en pièces et traînait leurs cadavres par les rues ^ ;
leurs membres déchirés étaient portés sur des lances dans les
divers quartiers de la ville, et cette scnf frénétique semblait ne
pouTCÛ* jamais s'assouvir. Le jeune cardinal Biario, qui n'é'-
tait point instruit du complot, s'était sauvé sur l'autel, où il
avait été défendu avec peine par les prêtres. François Pazzi,
tiré du Ut sur lequel sa blessure l'avait forcé de se ^ter, fut
conduit au palais, sans qu'on lui permit de reprendre ses ha-
bits, et pendu aini^ à la même fenêtre que l'archevêque. Ea
chemin toutes les injures du peuple ne purent lui arracher un
seul mot ; il regardait seulement d'un œil fixe ses concitoyens
qui retxmmaient à leur esclavage, et il soupirait '. Guillaume
des Pazzi s^était réfugié dans la maison de Laurent son
1 MaeeMWé L Vllt, p, »T».— i* Mîâh, BntH. t. VT, p. 15».—^ Comnentarti M ^er/l.
L. m, p. S5. - * ifaceAfovelA. L. vin, p. 370.
ou ipatra AOB. ns
beaa^frè^, et les ioUroesslons de âa femme, Btoiudie de Mé«
dkis^ le lamèrant. René des Pazâ, qui s'était retiré d'ayance
à la campagne, pour ne pren^ anémie part à la révolation,
Tmdak oepeadant s'ettfiiir qaand il sot qu'elle avait éclaté ;
nais, reoQBna sons F baUt de paysan qa'il avait revèta, il fat
araèté et leeondait à Fhttenoe où ilfat pendo. Jacd) des Pam
fut égaleHient anrèté par les montagnards à son passage ée»
Âpemiins ; il les supplia de le toer immédiatement , il leur
^rit même poar cela une récompense; mais il ne pat les
fléchir, et il fot pendu avec son neveu Béné. C'était d^à le
foatrième joar depuis la eonjuratton, et pendant tout ce temps
la populace s'était baignée dans le sang. Plus de aoixante^x
citoyeas, coopidiles ou suspects d'avoir eu part an complot,
avaint ai m» ea pièces et teurs meari>res tratnés dans les
rats ^. Le oovpade Jaodi des Pasn fut soumis à pluaienrare*
|»jfles à cette in^gnité : U avait d*diefd été enterré dans la
tombeau de ses ancêtres ;mais, commemi prétendit l'avoir en-»
tendu Uaq^émer àsa mort, babitudeà laquelle il parait avoir
été sujet, on attribua lea ptaiâs violentes qui suivkent à ca
fue le oûrpa d^un blasphémateur reposait dans une terre cou-
aaeiée. Il en ftik enlevé pour être enterré le long dea murs;
des enfants l'airacbèrent de nouveau de cette seconde Bépak^
Imt, pnmr le traîner longfcempsdans les mes, avwt de le jeter
dans l' Arno. Jean-^Baptiste deMimteseeoo eut la tète trandiée,
! ^H^fTtHi mon 91e, pcii4BDl Im jcMireiutTantf, on Bt mourir encore plus ûe deux
cents persoDoes. Dinri Sanesi p. 7«4.
M. Roioo« s'étonne (ïlbuiraUons, p. 111 ) que cette foreur du peuple ne m^ait pas
fait reoowiilire In co^ivration 4m Paul poqr une enirepriM de raristocraUe contce
l'élu do peuple. Non, les citoyens, les marchands, tous ceux qui avaient quelque indé-
pendance de forume étaient atlachés A rancienoe liberté. Llristorlen Cambi appartenait
à ces bons bourgeois, il est leur contemporain, et Tinterpréte de leurs sentiments ; il
doniM toujours à XauœM le nom de tyran, et déplore le sort de Florence tombée sous
la Ijfwuiie. Mais ia pop«l«f e était attachée aux liédicis. Je Tai dit dés le commencement
de ce chepiiro» p* leo ; et cette populace, que je ne confonds point avec le peuple, quoi-
q|ie Je sois «ourent réduit A l'appeler du même nom, ne s'eat montrée qiie trop empres-
sée dans tous les pays A se ruer sur les vaincus.
8*
116 HISTOIHIS DES b£pCBLIQ17K9 ITALIElTirES
après un long interrogatoire, par leqnel il fit connaître toute
la part que le pape avait ene à la conspiration. BemardBan-'
dini, ne s* arrêtant point dans sa faite, avait été cherdier unr
refuge à Constantinople, mais dans cette ville même Laurent
de Médids eut le crédit de le faire arrêter. Le sultan Ma^
homet II le rendit, et Bàndini, rentré à Florence le 14 dé-
cembre de Tannée suivante, fat pehdn aux fenêtres du Bar-
gello le 29 décembre 1479 *.
Les historiens florentins qui ont vécn sons les Médida
ont fait des Pazzi le portrait le pins désavantageux. Politien
leur attribue tous les vices, même les plus incompatibles : on
les accuse en général d*un orgueil excessif; François se laissait
aveugler par la colère, et c'est dans cet égarement qu'il se
blessa lui-même, crojant frapper son ennemi. Jacob' étmt
adonné au jeu et à I* habitude de blasphémer ; c!était d'aiUeura '
un homme fort charitable^ Il consacrait une partie de son re^
venu à secourir les pauvres et à enrichir les églises. Pour ne
point courir risque d'envelopper dans son mattienr ceux qni
qui avaient eu confiance en lui, il avait payé tontes ses dettes
la veille du jour fixé pour exéeuter la conspiration, et il avait
consigné à leurs propriétaires toutes les mardmndites qu'il
avait en douane pour le compte d' autrui ^.
Encore que les conjurés n'eussent pas réiùsi dans leur
attaque, la situation de Laurent de Médids était toujours fort
dangereuse. Les troupes assemblées dans la vallée du Tibre
sous Laurent Giusttni, et en Bomagne sous Jean-François de
Tolentino, étaient d^à entrées sor le territoire florentin ; mais,
ayant appris le désastre des Pazzi, dies se retirèrent sans se
laisser entamer. Pendant ce temps le roi Ferdinand envoyait
'^ Strinahu apnd âdimartan, in notU ad Conjunu Paelianœ Comment, p. 56. —
ânnatei Bononiwtté Bieronffmi de BurseUis, T. XXiii, p. 903. Cet historien le nomme
Bernardo diBandioo Baroncelli. En effet, Bandinoest en Toscme mi nom de bipiême;
tons les antres cependant prennent Bandini pour nn nom de bmille. — * Moeebimfem,
L.TIll,p. S78.
. va MOYEN A0B4 117
d'autres ttoopes qui ayaieiit déjà paflié le Tronto : il a^t pih-
Mié son affianœ a^ree le pape et la répablkiiie de Siome. Cette
^gae avait efaoisi pour gé&énl le duc d'Urbin» IMdérie de
Montéfidtto, et die Tenait de dédarar la guerre, non point
à la république florentine, mais au seul Laurent de Médicia,
qa*dle ne Yoakit pas eonfondreaTee sa patrie. En même temps
le pape frappait la r^[iobliqne florentine d*anathèoie, si, dans
le courant du mois, à dater du l** de juin, jour oii sa bulle
fot publiée, eue ne fiTrait pas aux tribunaux eedédastignes
Laurent de Médicîs, le gonfidonier, les prieurs et les huit de
la balie, avec tous leurs fauteurs, pour être punis selon Fé*-
nonnitéde leur crime *. Ce crime était celui d'aToir porté les
mains sur un ecclésiastique. « Paroe que les citoyens, dit le
« pape,enétairaitTenusentreeuxàqudquesdissensionsdTiles
« et privées, ce Laurent, aTccles {Hrieurs de liberté, etc
« ayant tout à fait rejeté la crainte de Dieu , et se trouvant
« enflammés de fureur, Taxés par une suggestion diabolique,
« et emportés comme des diiens à une rage insensée, ont sévi
« avec le plus d'ignominieqn'ib ont pu sur des personnes eo-
« clésiastiques. Oh douleur! oh crime inouï! ils ont porté
« leurs, mains Tiolentes sur un ardicTèque , et le jour même
« du Seigneur ils l'ont pendu puMîquement aux fenêtres de
« leur palais^. »
Le pape ne se défendit point d'aToir eu part à la conjura-
tion; il ne cherdia dans aucune de ses bulles à repousser cette
accusation; les Florentins, an contraire, reconnurent leur
tort d'aToir fait mourir l'archeTèque de Pise et les prêtres
conjurés, qui n'étaient justidables que des« tribunaux ecdé-
siastiqaes ; ils cherchèrent à apaiser le pape en se soumettant
à ses censures , et ils rendirent la liberté an cardinal Riario '.
Cette modération leur fut inutile; le 10 des calendes de juillet
. 1 BuUa Sixti I V, apud Raynald, Anntl. EccUi. t47t, $ 10, p. 27S.— « Ibid, S 9, p. 8I3.
— 8 Scipione AmnOnuo, L. X\1V, p. 129. •
118 HISTOIRE DBS UÉMBLIQUBS ITALI£1I1I£S
ime noa yeUe bolle les f rqipa de ^Ines plos gmves : die pr^^
iaat oommeroe ayeé eux à tons les fidèles, elle rdmpit leurs
préeédeûies alliances , elle ééfiendit à tons les états d'en ecm*'
tracter aTeceox de nouTeUes, et elle inter^ à tooft imiftBiiv
de se ndettre à leur solde *.
Les Floreiitins œpendaiit se panéparèrent à repousser par
les arme^ Tattaqae dontib étaient menaoés, et le 13 juin Us
créèrent, selon leor ancien usage, les déeemws de la gneire K
Ils adressèrent en mèine ten^» à tons les princes chrétiens «é
récit de la conspiration ; ib rédamèrefat pur kors ainbass»^»
deors les secours do doc de MHsin d cen de la république db
YenÎBe, en vertu de leur alliance^. En même temps ils assem-
blèrent à Florence un coneOe provindal de tons les prélats
toscans; ils leur demandèrent une protestation ccmtre là seir-
tence de Sixte lY, et un appd de son excommunication k un
concile cecumémque *. Ils publièrent aussi la confession au>-
thentique de Monteseooo, afin de mdtre hors de doute la part
qu'avait eue le pape à la conspiration, d ils envoyèrent cette
jHèce, avec leur appd, à femperenr , au roi de France et aux
prindpaux souverains de la chrétienté^. Enfin, pour mettre
Laurent de Médids à l'abri d'entreprises semblables à cdie à
laquelle il venait d'édiapper, la Se^nenrie lui accorda la per^
mission d'entretenir autour de sa personne une garde de douze
honimes^.
Les monarques àe l'Europe pouvaient difficilement appré*^
> Armai. Eeeleg, 1478, $ 12, p. 373. -^ tKarium Pcûmtense, p. 279. ^ * Les dii de b
guerre Dommés dans cette occasioii (arent Laurent de MédieU, Thonas Sodéridi» Louie
Guicciardioi, BoDgiani Gianfigliazzi, Pierre Mlnerbetti, Bernard Buongirolami , Roberto
Lioni, GedoSenistori, Antonio Dini, Nicolo Fedint.-^^^cr^ione âmrnirato. L. XXIV, p tTO^
•^ » UacchlavetlL L Viii, p. S8». — « H. R08oo« a pid>lid cette proteMation, qui peut-
être ne reçut jamais la sanction formelte du condie toscan, âppend. no 27, p. 114-153;
— <^ Elle est aussi publiée par H. Boscoë, no 33, p. i54-t73. M. F. H. Egerton a pubRé,
de son c6lé (Paris, 35 mars 1814, in-4o), une lettre de la Seigneurie de Florence à
Sixte IV, en date du ai Juillet I4i». Gotto lettre est noble, ferme, ei d'nn style fort élé-
gant. — « Sc'pton« Ammirato. L. XXIV, p. 133.
tkî leB moifo te citoyens flonntiAfl {ton mettre im terme
à l'iuHirpaâon de k maison de Médkis. Ik regardaient déjà
ees desx f rèanes comme te soavcraias légltimea , et im 0(im«^
fiût contre eux lenr paraimait une attaque oont^ la majesté
des trôner. D'affleors, sans examiner les droite qoe {K>aTaient
avoir les conjurés, la conduite du pape, en s'associent à e«i ,
poor satisfdre la haine et la capidité d*nn ncTen qai passait
poor son fils, leur paraissait nécessairement scandalensê. Aœsi
le roi de France, l'emperear Frédéric, les Yénitiens, le duc
de Milan, le duc de Ferrare^ menacèrent-^fls Siite lY de lui
retirer leur obéissance^ s*il continuait à troubler la chrétienté
par ime guerre injuste. Louis XI renouirela les disputes sur
la pragmatiqne««anction; il Toulnt arrdter les sonates, ptm^
que les trésors qu'elles portaimt à Rome étaient employée à
fait» la guerre aux chrétiens, n<m à les défendre contre les
Turcs. Il dta même Sixte lY à im concile qu'il parla d'assem-
ULer, d'abord à Orléans, puis à Lyon, nuds tpii n'eut jamais
lieu*. Enfin, il envoya en ambassade à Florence Ihistmien
célèbre Pbilii^ ^ Gmnines, pour relever le (»édit te Hë^
dids par une promesse éclatante de protection^.
Les {dus sages cardinaux voyaient avec douleur l'autorité
pontificale compromise par l'inconsidéralMm éa pontife ; mats
ils croyaient bien plus important de la sauver que de cmir^
traindre Sixte lY à écouter les conseils de la prudence et de
la justice. Dans une de ses dernières kttMi', le 4»ffdinal de
Pavîe écrivait au pape : « te sais qu'il vient à nous, de la
« part dn roi de France, un ambassadeur fort estimé dasis les
« Gattks, dont la oomnission est toute pleine d'orgueil. JQ-est
« diargé de nous re&w fobéissance des Aranoais, et d'en
« ailler à un cowOe, si nous m révoquons pas les censures
> AnnaL Eecles. mYS, S 13, p. 974. — * Mémoires de PhiLde Comineg. L. VI, cb. v.
^CoUeet. unii>. des Mémoires, T. XII, p. 40.— >> Le cardîBAl de PaTîe mourut le il sep-
tembre 147f.
V20 HISTOIAE I>£S HÉFUBLIQUES ITALUSSBCS
« psouoDoées contre les Floreiitkis, si ceux qni ont taë Julieir^
« ceux même qui ont approuvé ce meortre, ne sont pas pn^
« nis ; enfin A non» ne renonçons pas à la gaerre que non»
« venons de commencer.... Cependant qne ponrrions-nous
«faire de . pins . hontenx, qneUe pins grande plaie, quelle
« mort plus cruelle pourrions-nous mflige^ à l'autorité de
« Rome, que de révoquer notre sentence^ avant même que
« Tencreavec laquelle elte a été écrite mt séchée? Le seul
« Qéau que Dieu nous. ait accordé pour notre conservation
« tomberait de nos mains f le bâton apostolique né conserve-^
« rait plus de force pour briser les vases inutiles; la puis**
« sauce sécuUère aurait alors un refuge contre les censures^
« et ce que notre faiblesse aurait abandonné une fois, notre
« courage ne pourrait jamais plus le recouvrer^ «
. Le cardinal proposa ensuite au pontife de gagner du temps
par des réponses évasives, de promettre qn*il admettrait les
Florentins en grâce s'ils témoignaient leur repœtance; mais
de déclarer qu'il ne pouvait le faire que dans une assemblée
de tous les cardmauz, et que cette assemblée était impossible
pendant la peste ; de retenir,, sous ee même prétexte de la
peste, les ambassadeurs français dans un Ueu éloigné de la
cour ; de suivre enfin l'exemple du roi de France, qui quel-*
quefois avait différé un an entier avsmt de donner réponse
aux légats de Borne. « Si le roi, dit-il, aceède, comme il est
« probable, à ces délais, vous aurez du temps pour atterrer
« les armes de .vos ennemis, et Dieu dans sa misâricorde nous
« octroie souvent des délivrances inattendues; si le roi n'y
« aequiesee^pas, ce sera lui qui sera coupable et resprasable
« de toutes les suite» de son impatience.... Alors, que votre
m sainteté se confie entièrement en Dieu; celui qui règne
« dans les deux est plus grand que celui qui vit sur la terre.
« Le premier a soutenu ses prêtres dans de plus graves con-
« tentions, il ne leur manquera pas dans un moindre péril ::
DU UOJJSR AGS. 121 •
« d'ailleurs nos ennemis combattraiait poor le pëché; eox
« voudraient notre perte, et nous oe que nous Tenions, e'esl
« leur salut et leur vie. Dans une situation si disssemblable,
« et quand notre eause est si juste, sans doute nous devons
« placer en Dieu toute notre espérance^ »
Les conseils du cardinal de Pavie furent suivis : Sixte IV
différa jusqu'au 27 janvier suivant d'accorder une première
audience aux ambassadeurs de France ; alors même il ne leur
donna point une réponse positive; il leur dit qu'il chargerait
un légat de porter à Louis XI l'expression de ses sentiments;
cependant il ajouta qu'il avait vu avec peine ce monarque
prêter l'oreille à Laurent et à ses complices, plutôt qu'à cdui
qui n'a reçu son autorité que de Dieu lui*même, et qui n'en
doit compte qu'à lui ; car le texte sacré a dit : « L'oi^ueilleux
« qui ne veut pas obéir à l'ordre du pontife qui rend un
« culte à ton Dieu , doit mourir par le décret du juge. Ainsi
« tu ôteras le mal du milieu d'Isiraël ; le peuple, en le yoyant,
« rentrera dans le tremblement, et aucun ne s'enflera plus.
« d'un vain orgueil ^. » Et pendant que le pape paralysait,
par ses lenteurs et ses réponses ambiguës, la ligue qui sem-
blait se former. contre lui, il poursuivait avec vigueur la
guerre qu'il avait entreprise en Toscane.
< Cardin. Papiensls Ep. 693, 16 JqIK 1478. — Ann. Bcel, 1478, S 15, 16, p. 274. —
s Jfaqrnafttt AmiaL Eeclet. I4f 8» S 18, if , p. 375. Ex JrebMo nmteto VaHeanU
122 atSIOIRX DKS BifUMLiqviES RALlKimtt
iinmnmHm»»tiiminimint»Mn»im»
CHAPITRE V.
Guerre entre Sixte IV| allié de FerdioAiid de Naples, el leâ florenCins^
-^Gênes recouvre sa liberté.^Suite et fin de la guerre de Venise coie
tre les Turcs.
1478.
1 478« — La ooadaite d*ane conspirattoB demande toojaons
ûû oertaln degré de dissimolatioii, et même de fausseté; leê
hcmmes contre lesquels de pareilles attaques sont dirigées se
plaignent souvent avec amertume de la perfidie de ceux qu'ils
avaient regardés comme leurs amis; ils oublient leurs pro«
près offenses, parce que ceux qui s'en sont vengés n'en té^
moignaient point de ressentiment, et ils demandent qu'on
les attaque à visage découvert et à armes égales, tmdifi
qu'eux-mêmes s'enferment dans des forteresses, qu'ils s'en-
tourent de gardes, et qu'ils arment tout un peuple pour se
défendre. HarmodiuB et Aiistogiton, Pélopidas, Timoléon,
Dion, les deux Brutus, tous ceux que l'antiquité a célébrés
comme les restaurateurs des libertés usurpées, dissimulèrent.
Mais, pour que le reproche de dissimulation n'entadie pas la
réputation des conspirateurs, il faut qu'un danger imminent,
un danger personnel les justifie. Ceux qui dirigent leurs coups
d'un lieu de sûreté, qui, pouvant combattre avec les armes
M mtnuti AGB. 123
deBfM^ttces, ont reoeon au peignaid dtes asBasiiiis, tnéritent
seuls l'opprobre ^4(Nt f^tombër sar la trahîsoii. Les Paszi
et les Salviati aaraiait para grmds et dignes de respect aux
yeux des andeas répuUlcains de la Grèee et de Borne, lois
mèmeqiills endoittuôeiit les Méditaîs par de fausses caresses,
et que, les semmt dans km» bras en signe d* amitié, ils dier^
ohaient sous leurs habits si ces TidSines dévouées portaient
une cuirasse; mais Sixte lY qui bàût les armes des conspira-
teursi, et FerdiniBad de Nafdes qui fût avaneer son armée
pour les seconder, ce souyerain pontifie et ce monarque qui
ébnmlent eux-mêmes la législation sous la protection de la-
qudOe ils viveot, ne méritent pas plus d'estime ^le les lâdies
qui payent des meurtriers mercenaires pour satûtfaire leur
vengeance. Toutes les fois que le recours à la vindicte publi*-
que est possible, la vindicte privée est interdite. Les vengeurs
des partieuliers sont les tribunaux, le tribunal des souverains
c'est la guerre. Les tribunaux sont impuissants pour défen^-
dre l'honneur, infidèles lorsqu'il faudrait défendre la liberté;
c'est pourquoi le glaive a été rendu par l'opinion aux diojens
pour veng» leur honneur dans dœ duels, aux républicains
pour recouvrer leor Uberté dans des conspirations légitimes^
Les duels, conune les conspirations, sont interdits par l' hon*-
neur aux souverains, çoi ont un ntre juge dans le sort des
armes puUiipies.
Sixte lY avait peut-être de grandes pensées et de uoiUes
préfets pomr l'indépendance de l'Italie ; sans apprécier la li«
bertéy il connaissaitla puissance des républiques, il voulait as*^
surer à la pârâisuie tous les moyens de repmiss^ les attaques
des étrangers et de» barbares, en Téunissant la Lombardie à
la Toscane, sous l'égide de gouvernements que la confiance
et l'amour des peuples rendissent inâiraniables. Le pian qu'il
avait conçu dans sa tête, et que nous verrons se développer,
était digne d'im homme de génie, et même d*un ami vrai de
124 HKÎOIBE DIS ]IÉPU]II.X^JSS ITALiraifïlSS
80D pajB ; mais le caractère du pape corrompait mm egptit^
et mëait de la fausseté et de la perfidie à ses castes coneep'»
lions. Incapable de distmgner la Terta d'avec le aime, tous
les moyens d'etéention lui étaient indifférents, et il désh<mo^
rait ses ]^jets par les instruments dont il faisait choix pour
les accomplir. Ainsi, tout en s'armant pour la liberté, il se
rendait odiaix aux républicains eux-mêmes ; en invoquant le
pouvoir de l'Église, il scandalisait les catholiques, et en pro-
jetant l'indépendance de l'Italie, il l'exposait le premier aux
invasions de l'étranger.
Sixte lY et Ferdinand s'étaient préparés à la guerre avant
que lés premiers coups fussent portés par les Pazzi contre les
Médids. Les Florentins, au contraire, n'avaient point encore
d'armée, et il leur fallait un temps assez long pour s'en former
une. On rassemblait pour eux en Lombardie tous les eapi^
taines qui cherchaient du service, et on avait engagé sous
leurs drapeaux Nicolas Orsini, ccMrate dé Pitigliane; Conrad
Orskû, Bôdolpfae deGonzague, frère du marquis de Mantoue,
ses deux fils, et d'autres capitaines. Quant aux petits princes
de Boinagne qui faisaienttous leméli^de candottierty Sixte lY
avait prévenu les Florentins. Il avait pris à sa solde Fré-
déric, duc d'Urlnn ; Robert Malatesti , seigneur de Bimini, et
Costanzo Sfors«i, semeur de Pesâro. L'armée pontificale,
ainsi complétée, entra sur les terres de la république au mois
de juillet, avec ceHe du ^c de Galabre ^ . Les Florentins ne
pouvant tenhr la campagne, distribuèrent lem^s soldats dans
les lieux forts, sur les confins de l'état de Sienne et du dudbé
d'Urbin. Us formèrent aussi un camp au Pog^o impériale ;
mais là on voyaitautantdetFoupes indépendantes^'ilsavaient
de condottieri dans^ leur iarmée ^ aucun ne voiddt reconnaître
l'autorité d*nn autre; les ordres des commissaires nommés
1 Scipione Âmmirato» L. XUV, p. 121.
DU «omi AOi. 125
par la répoUiqve étaient mépriaiê; diaqoe capitame se croyait
aa moins Fégal des boargmis qm siégeaient dans le con-
seil, il aurait cm manquer à son honneor s'il a^ait obéi anz
oommandeoMits tfon boaune fw sa naissance et son rang
0* élevassent pas an-dessns de tons les antres.
Les Florentois, pour rétablir la subordination, oCMrent an
duc Hercule de Fenrare le commandement de leur armée,
avec ime paye desoixanle miUeflorins, qui se réduirait à qua-
rante mUle à la paix. Ils ne voulurent point écouter les con-
seils de la SeigneiBie de Venise, qui leur représentait qu'Her-
cule, ayant épousé une fUle de Ferdinand, mettrait peu de
vigueur à combattre Alfonse de Calabre, son beau-frère *•
Hjercule hésita lui-même âmes longtemps avant d'accepter les
offres qui lui étaient faites, et ce ne fut que le 30 août qu'il
signa son traité avec les commissaires florentins *•
Cependant les hostilités avaient commencé dès le milieu de
juillet ; les ducs d'UrUn et de Calabre avaient ravagé, avec
une extrême cruauté, la partie du t^ritoire florentin qu'ils
avaient envdbie ; ils avaient assiégé successivement Bendne,
la Gastellina, ch&teau-fortà huitmillesdeSîenne,etBadda. Ces
trois forteresses avaimt été défendues avec courage ; mais
toutes trois avaient capitulé sous condition d'ouvrir leurs
portes aux ennemis si elles n'étaient pas secourues avant un
terme donné; et l'armée florentine, instruite de cette capi-
tulation, n'avait point osé livrer bataille pour ks sauver '. Les
enn^nis avaient pris ensuite Hortaio; ils assiégeaient Brolio,
ils menaçaient Cacehiano, lorsque le duc de Ferrare arriva
enfin, le 8 septembre, à Florence. Le 12 , il alla visiter le
camp ; mais , pendant ce temps même , Brolio se rendait aux
ennemis presque eu sa présence; et ceux-ci, au mépris de la
1 ifflfiii SanutOt Vite de^ tmchi di Venezia. T. XXII, p. iso0. — * Sdpione Mnmiraio.
L. XXIV, p. ia«. * s mario Sanese diÂUegretio AUegreW, p. 785. — Orlanâo ffo/o-
voUi, Slorta diSiema, P. m, L. m, f. 7S.
136 HISTOIRE DES l^PVBLiQIJES ITAUENHES
capitulation ip'iki aiment signée, piflaient et brûlaient cq
cb&teau, comme îla avaient pea anparamnt pillé et bràlé œhii
de Badda * .
Jusqu'à ramvëe dn dnc de Forraie , les Florentins a^aienl
pn s'affliger de n'ait>ir point de éhef ; ils ne tavd^ent pas en*
suite à se repentir d'en avoir choisi un qni masquait de talent
ou de résdutiiHi, si même il n'était pas en secret d'accord
ayec leurs ennemk. On avait attendu le moment Bxé pav les
astrologues pour lui remettre le bâton du eommandem^t s
et C6ux<-ci l'avaient différé jaaqu'au 27 sqprt^nbre, àdix heures
et demie, ou seize heures à l'italieniM. En attendant que le
moment favorable ttA venu, Hercule avmt laissé prenait
Cacchiano sous ses yeux , et il lansidt assiéger Monte-Ssanfio*
viuo dans le val de Ghiana, une des places les plus impor*
tantes de la frontière, puisqu'elle commandait l'entrée ds la
plaine d'Arezzo et de celle de Gortone , du val d' Ambra et du
val d'Amo *.
Tantôt le duc de Ferrare disputait aveo les commissaires ilo*
rentins, tantôt avec ses propres officiers ; il ne trouvait jaiâals
qu'aucun lieu fût assez sûr pour y asseoir son camp; 11 refu*
sait de s'approcher des ennemis, et il s'empressa do coneiore
avec eux un armistice aux conditions les plus désavantageuses^
Il consentit à ce que pendant sa durée le duc tf Urbln eonti*
nuàt les travaux du siège de San-Sovino. Cet armistiee i^^nnt
terminé à la fin d'octobre, le duc de Ferrare proposa de re-
mettre SanrSovino en mmns tierces pour donner le temps de
recommaieer des négociations; il sucera encore d'autres
expédients qui montraient tous ou la faiblesse de son earae^
tère, ou sa mauvaise foi, et il se refusa constamment à Uvr^
bataille pour délivrer les asâégés : ses fixées étai»t cepen^
dant à peu près égales à celles des ennemis ; il avait sous lui
1 Scfyttme Ammfrato.h. XXIV, p. tvt, — « ibid.^. i^.
W MOYEU Ai&M. 127
9ept mille hommes de cavalerie et six mille fantasaiiis; le dao
d'Urbin avait mille cavaliers de plus et deux mille fantasûns
de moins * . Enfin, San-Sovino se rendit le 8 novembre, pre»*
que sous les yeux du duc de Ferrare ; et les ennemis s* étant
vus w quartiers d'hiver entre Foiano, Ludgnano et A^na-^
lunga, sur les frontières de Tétat de Sienne, il termina de son
côté cette honteuse campagne en logeant ses troupes entre
r Olmo et Pullicdano ^ ,
On ne peut se défendre de quelque surprise en voyant que
Laurwt de Médim ne parut point dans le camp florentin
pendant le cours d'une guerre où sa patrie n*était engagée que
pour lui. Il avaijt laissé Tarm^ prouver les inconvénients,
d'alxNrd de Tinsubordination avant que le duo de Ferrare y
fût arrivé, ensuite de la défiance, et peut-être de la trahison,
aprèssa venue, sansessayer d y rétablir l'ordre ou d*en presser
les opérations. Le gouvernement, et lui-même peut-être, n'a^
Tait pas une grande confiance en ses talents militaires ; mais
les commissaires que la républiqueenvoyait à l'armée n'étaient
probablement pas plus belliqueux que lui. Lorsque le mani*
feste de Sixte lY et de Ferdinand avait Aé porté à Florence,
et que Laurent s'y était vu désigné cooune seul ennemi de ces
deux souverains, il avait convoqué un conseil de RiehiestU où
trois cents dtoyms avaient été invités. Il leur avait dédaré
qu'il était prêt à^se soumettre à l'exil, à la prison, à la mort
même, si sa patrie croyait devoir le sacrifier , pour se sous^
traire à l'attaque de ses ennemis. Mms en même temps il leur
avaitrappdé que leur prudence et leur persévérance suffisaient
seules pour résister à l'orage et parvenir au terme des maux
dont on les menaçait. Les Florentins, appelés à ce conseil, ré-
1 On commençait alors à compter la cayalerie par escadrons, on squadre, le plas
souvent de s oixante-quime hommes. Le duc dllrbin en avait cent neuf, et les Floren-
tins qaatre-yingt-<|uatorze. Diarium Parmense. p. 289.— *Sc/piofte ^mmirato.L. XXIV,
p 130. -^AHegr, AUegHtti, mari Senesi. T. XXin, p. 784.
1:28 HISTOIRE DBS BÈVWLiqGlA rTALISHlISS
pondirent à cette interpellation généreiise en s'eiigageant à
consacrer leurs fortunes et leurs Ties à la défense de Laurent
deMédids*.
Tandis que les décemvirs de la guerre faisaient de nouTdks
levées de soldats, rassemblaient des munitions et léUldissaient
le matériel de Tannée, la république envoyait ses plus habiles
négociateurs aux puissances dont elle pouvait espérer des se-^
cours. Donato Àcdaiuoli , Tun des hommes de lettres les plus
recommandables du nècle, avait été chargé de l'ambassade [de
France ; mais il mourut à Milan avant d'avoir pu se rendre à
sa destination , et Guid* Antonio Yespuod lui fut donné pour
successeur *. Cependant tous les témoignages d'aimtié que
Louis XI avait donnés à la république fhNPentine ne devaient
avoir aucun résultat. Ce monarque, vieux et malade, craignait
toujours que l'Europe ne s'aperçût de sa décadence, et n'y
vit un pronostic de sa fin prochaine ; aussi cherchait-il à F oc-
cuper par des négociations, à l'étonner par des menaces, à lui
iminimer la pensée de sa constante avidité, et cependant il se
gardait en même temps de s'engager dans des entreprises qu'il
n'aurait plus ila force de suivre '. Les Rennais, ménagés en
vain par les Florentins, s'étaient déclarés ouvertement pour
leurisr ennemis. Les Lucquois, toujours jaloux de leurs puissants
voisins, étaient aussi tout disposés à prendre parti contreeux ;
et Pierre Gaponi, fils de Néri, qu'on leur envoya comme am^-
bassadeur, eut la ;plus grande peine à les retenir dans la neu-
tralité par des concesâons de tout genre ^. Jean Bentivoglio^
qui occupait à Bologne à peu près le même rang que Médids
& sapUme iâfimilrafo. l. XXIV, |i. iOU.-^MaeehUwem Ut. L. vm, p. 880.
M. Roscoë ne conçoit pas que Laurent, qui deyait assembler ce conseil de tâehiettU
pût s'absenter de Florence ; mais il n'y a pas quinze lieues de Florence à San-SoTîno, et,
durant une campagne de quatre mois, on pourrait revenir de pins loin pour remédier
au désordre on de l'armée, ou de la capitale, lllustr. p. 133.— > "^ Scipione Ammiralo.
UXXIV, p. i^.^J.Mlch. Brun^Uist, Florent, L. VII, p. 167.— S|fémot>e« dePhi-
lippe de Comines. L. VT, chap. VII, p. 53. — * Scipione ^mmirato, L. XXIV , p. 180. ->
MaechiaveUi. L. Viil, p. 393.
DU MOYElî AGE. ISif)
à MorèBce, demeurait dans rinacHon, encore qu*il fût allié
de Laurent. Manfredi, seigneur de Faenza, n'était pas plus
actif. Les Vénitiens s'étaient formellement opposés à ce que
ces deux seigneurs attaquassent la principauté d'Imola, appar-
tenant à Jérôme Riario, pour que la guerre ne s*allumàt pas
en Bomagne.
Toute l'espérance de Bfédicis et des Florentins reposait sur
leur alliance avec les deux états de Milan et de Venise. Mais
les Vénitiens profitèrent de ce que les alliés avaient déclaré ne
faire la guerre qu*à Laurent de Médicis, non à la république
florentine, et ils protestèrent qu'ils n'étaient point obligés à
défendre de simples citoyens dans leurs querelles privées.
D'ailleurs, ils étaient encore engagés dans une guerre ruineuse
arec les Turcs, et cette année même une invasion formidable
les avait fait trembler. La régence de Milan secondait de bonne
foi le gouvernement florentin ; mais le roi de Naples, pour
ôter à Laurent ce puissant auxiliaire, avait trouvé moyen d'oc-
coper la duchesse Bonne d'une manière plus grave dans ses
propres états.
Ferdinand commença d'abord par traiter avec Prosper
Adorno, qui était toujours gouverneur de Gênes au nom du
duc de Milan, mais qui avait montré l'année précédente pres-
que autant de défiance de ses auxiliaires milanais que de ses
propres ennemis. Ferdinand lui offrit de l'aider à rétablir les
Génois dans leur indépendance, et lui envoya à cet effet deux
galères avec de grosses sommes d'argent. La duchesse Bonne,
avertie aussitôt de cette négociation, chargea Févêqûe de Gomo
de venir prendre le gouvernement de Grênes. Gelui-d arriva
dans la ville sans suite et déguisé, il assembla le sénat dans
l'église de San-Syro ; il lui communiqua les lettres du prince
qui rappelaient Prosper, et le nommaient à sa pkee * ; il n'osa
» Àntonii Gain, De rébus Genuens, p. 284. — Dioi*. Pamense. T. XXIÎ, p. 28t| —
Vbert* FoUeiœ, Genvens, ttisu L. XI, p. 642. —P. Btzarro, But, Gen, L. XV, p. 845,
VII. 9
13P HISTOIBB DB6 BÉPUBUQÛSS ITALIEnilES
ppmt œpenâaot faire cette déclaration au pahiipabfic, et 4^
in^ndei* rinTcstiture a vaut d* avoir rasseioUé qu^lgaes sqI-
fjifts. Prqsper Adomo profita de ce délai ; il appela 4 loi toi|3
ses partlaaiiSy tPH^ ceux qiéme qui, dans les factions ep^nemî^
l|û paraiwaien); attachés à la liberté de Géoes. Il leur fit créer
six capitaines du peuple, pris parmi les bourgeois et les artir
«ans, et cbangeantle titre 4^ gouTemeiir qoirt»^ celui d« dpge,
il proclama rindépendance de sa patrie * •
Cependant, la garnison milanaise n'occ9ip«U pm s^id^ineiit
les forteresses, elle s était aussi retranchée dans les lies de
maisons qui en étaient le [^us rapprochées, en sorte qu'on fut
obligé de livrer dans les rues des combats joumidiprs. Les
fanulles nobles paraissaient toutes favprafato à la domMtton
çtoi ducs de Milan. Les Doria et les Spnoia s'étaient mime
fBufeanésftAus les ^u^eresses pour courir kê mêmes cbanees
gue la garnisopi. d^acan d» c^s magnîfiqtm pal»s, qui méri-
taient d^ à Grénes le titre 4e £up^r^, était attaqué ^d#eodu
ayeis 4^ rartilleri^. Profper Adomo invita Bohert de SaurSé-
yérino , alors réfugié à Asti, à venir se mettre À la tétp des
fiéi^o^, et JBobert saisit ^yep ^mpresseoeuit ïiifXfMou de 4spm-
liattre li^ r^nce de Milan, k laquelle il venait Ipat récemmmt
d^échaj^er. De son eMé, Louis f r^oso^ qui deux lois avait
été dqgede Gènes, amena dans le port de sa pati:ie tse(>t ga-
lères napolitaines ^vep pn petit nombi^ de soldaM ^.
JU n^ence de Mils^i sentait comlûen il était ùnpprtaftt de
détendre Gênes avant que ses ^teresses lussent eide vées par
le ^eiy^ei A comme ies cbevianx ne peuvent ôHiRe^e de fm
4e dB^sf^uEoe dans Isa montagnes de la L^puie, eti^ avait, rw-
>s^^|éune armée ou Ton comptait huit mille £sntas^^s arm^
'^'àgoêê. pUamùtiLiL. X, t. »7«J». — ^ -ént. G0Vi, De feà.. Qmtent. p. 28S. -^ ObcfU
Folieiœ. L. XI, p. 643. — * Mton. GaUi^De rébus Genuens. p. 286. — C?6erii FoUeiœ ^
Genuens. ^istor, JL. XI, p. 644. — ^nnal, Placeniini ^m, de Ripalta. T. XX, p. 9S6- —
Pt BiiOfitCl, 'Uùt^i^n^9, L. XV, p. 948. — Agost, GUisUnUinL L. V, T. 238, G,
Ab Aii|rasses cçivmfi leg gendarfnosi h:^ p))]}p hoqiines de
trQjqfpps ^gère^, pt s^^lennept p[eux qùlle e{(ifal|^rf * . M {lis cUe
cai donna impri}demmen|; \e cpmmande)nen|; à Sfprzino, Qls
natarel deFrai^çûis p, 4uç di^ M|lap, qfU Q'ayait pi le^ verta^y
ni les tal^t3 die çpn père. Pi^rre-FraocQÛf yUoofiti et Pierre
del Yerm^e lui furent donnés pour conseillent^ on reconnalfh-
sait le mérite de ces deux citoyens dans les affaires civiles, et
on se figufa qu'ils seraient égalemei^t prppres ^ cpnduipe les
itrmées ^.
Bobert de San^Sévérino était au iioptraire pn esprit turbin-
lent et f^ctiiBux dans les consuls, n^ais uq scellent hoqoHie
de guerre. Laissant derrière lui lep deux qtadelles entre l^
. maif^ de la garnison milanaise, il alla porter se^ lignes de dé^
fen§^ 4^119 les d^és les plo^ étroits j^esApeniiiiis, j^ sept nulles
jde distance de la yille, et près des forbf ^ppelj^ 1|^ ^%tx Ju-^
tneaux. Il y éleya à 1a hâte de^ fp^rtifications dpnt la situa-
tipi^ augmentait beaucoup Timportapce. Son armée était peu
npmbreuse^ et la ^niliçe de Gènes ^ (fuyait |a|re toute la toscp.
fqifx être plus ^ûr de la réunir, il fit lire devant ^e peuple ,
par un religieux dpminicain, une lettre qu'il prétei^di) avoir
iQt^ceptjte, par laguM^P la dgphpa%s <^]}(ilm annonc^H ^ 1>-
yèqufi de Pon^o La procbaipe arrjyée de 1 ^rmée qui veni^it le
^éij.yrer. Dans cette lettre, Of^ promettait à la giu^ni^qn djç ré-
pompisnser saeonstançp pa lui j^ndonnanlt ]fi pillage dP
(^es peoflant trois jours, pui^qa il fiait temps 4f dppopt;^
çejtte yille turbulente que la mû^e seule pourrait iramieuev à
une p))éif|sance p^siyp ?. £n pftet, ^p^è^ (^tfa3 le^j^u^e, tPHt
pe qn*il y avait à Gênes d*h6|i^^ e» ^ajt d? 9^^v les armes
i}pfx>jaf:ttt flfc capger ^ou^ les drapeaux dp Robert de g^-Sév^
riw. ij ^^ foifi de lea partager e» b!»tait)ons i^oonMa è des pf-
t Vberii
ï FoUetœ, L. XI, p. 9|4. Le Jouroal 9901^7100 de Panne porte Vx^f» à ^^
GemuM. p. 2M. -^ s ^im. Gam^ L* !« P* 239. — Ob^uà foUfita. U XI, p. «4ft.
r
132 HISTOIRE DES Bl^PtrBLlQtfiS ITALIENKBS
fidcrs expérimentés, et Forganisation qu'il donna à cette mi-
lice régala presque à la troupe de ligne. Il s'assura aussi de
Tavantage du terrain, non seulement en face, mais sur les
flancs des Milanais, et il attendit leur attaque.
La bataille commença le matin du 7 août 1478, et conti-
nua pendant plus de sept heures avec un extrême acharne-
ment. Trois divisions furent successivement conduites à l'at-
taque des lignes occupées par les Génois, et elles furent
constamment repoussées. Les Milanais ayant eu six cents
hommes tués et un grand nombre de blessés se déterminèrent
enfin à la retraite ; mais ils s'étaient imprudemment engagés
dans des défilés d'où ils ne pouvaient sortir que par une vic-
toire. San-Sévérino ne permit point qu'on les suivit immédia-
tement dans les gorges des montagnes par lesquelles ils de-
vaient repasser. Il craignit qu'ils ne fussent encore à temps
de se retourner, et que les milices qui s'ébranleraient pour les
poursuivre ne sussent point conserver leurs rangs. Mais lors-
que les Milanais se virent au milieu de ces dangereux défilés,
ils sentirent eux-mêmes combien il serait facile de les y acca-
bler, et cette crainte suffit pour jeter le désordre parmi eux ;
chacun voulut devancer ses compagnons pour échapper de ces
gorges redoutables; chacun jeta ses armes pour être plus
agile, et l'armée qui venait de combattre avec vaillance ne
sembla plus être qu'un troupeau timide qui fuyait. Alors les
Génois attaquant les Milanais par derrière ne trouvèrent plus
de résistance, les montagnards les accablèrent du haut des
rochers en faisant rouler des pierres sur eux. Les assaillants
s'attachaient surtout à faire des prisonniers pour les vendre
aux capitaines des galères du roi de Naples qui venaient d'en-
trer dans le port * . Cependant le nombre de ceux qu'on pou-
vait employer à ce travail était borné, tandis que l'armée mi-
1 Cbertus FoUeta, Genuens, But, L. XI, p.646. «P«BiMtTi. Bi$t. ÇenueniU. L« XV,
p. Z^,-^Ag08L Giustiniani, L. V,f. 238.
DU JtLOYES AGE. 133
lanaise, presqae entière, fat obligée de se rendre avantâ* avoir
franchi toute la chaîne des montagnes. Les paysans ne trou-
Yant alors plus davantage à faire des prisonniers, se conten-
tèrent de les dépouiller, non pas seulement de leurs armes ,
mais de leurs habits et même de leurs chemises; et Ton vit
rentrer en Lombardie plusieurs milliers de soldats qui ne
portaient pour tout vêtement que des ceintures de feuil-
La régence de Milan, renonçant à Fespérance de soumettre
Gènes par la force, essaya du moins d* y exciter une nouvelle
guerre civile, en réveillant des partis qui semblaient assoupis.
D*une part, elle rendit la liberté à Ibletto de Fieschi; de l'au-
tre, elle engagea la faction des nobles à faire revenir à fiènes
Baptiste Frégoso, fils du doge Pierre. Les Milanais,. assli^és
dans les deux forteresses, sans espérance d'être secourus, ies
consignèrent à ce Baptiste. Quelques coups de canon ayant
annoncé à ses partisans qu'il en avait pris possession, ils s'ar-
mèrent dans toute la ville, et attaquèrent avec acharnement
la porte Saint-Thomas. Le parti deProsper Adorno paraissait
y avoir l'avantage, lorsque Ibletto de Fieschi , qui avec tous
ses clients s'était rangé du côté du doge, prêta l'oreille à des
propositions qui lui furent faites de la part de Baptiste Fré-
goso. Il se fit payer six mille florins pour abandonner la
cause des Adomi ; moyennant ce prix il entraîna encore le
lieutenant du roi de Naples dans le parti opposé. Il était in-
différent à Ferdinand qu'un Frégoso ou un Adorno fût doge
de Gênes, pourvu que la ville n'obéit plus au duc de Milan.
Prosper, qui venait d'abuser de sa victoire en faisant punir
de mort , comme rebelles, quelques-uns de ses ennemis , fut
tout à coup abandonné par le plus grand nombre de ses par-
tisans. Il se vit obligé de sortir de la ville , le 26 novembre
1 Anton. Gam, De relm GentMW» p. 39l-S92.r-Mar. JParmffiif . T» XXD. p. 384.
134 HISIOOUB DBS VÈPtJalifiilli ITALIEIIIIXS
1478, et de ^einbarqner éqt iitie galère de lïaples. Peu de
jours après^ Baptiste Fr^oso, déjà en possession de toutes le^
foiteresses, fdt prodanlé doge de Gfines et reconna par tons
les partis;
Lorsque la régeîite dé Milan àyait entoyé son armée dans
168 montagnes de Gènes, elle àirait ordobné à Sforzind, qui là
commandait, de la bonduire en Toscane aussitôt qu'il aurait
soumis les Génois révoltés, et de seconder de tout son pou-
voir Laurent de Médids. là défaite de cette àmée détrtdsit
les espéradcèS dé LKttrent, et M rétolutioil dé Gènes le mena-
çait eneore d'nnè antre calamité. Lès marchands florentins,
comptant snr ralliâncè du ddc de Élilàn ^ ^igiieor de Gènes;
avaient fait de cette tille le grand entrepôt de leur commerce
maritinie. Quatre gàlèkiS chargées ^ttr leur eoinpte, dont la
valeur i^étevait à plus de trois eent niille florins, devaièiit y
entrer sons pen de j^mrs. Si elleé étaient sidsiès et confisquées
par le nouveau gouvernement alKé de Ferdinand, une perte
si considérable découragerait les Fioretitii:<s, et leur ôterait les
moyens de oonlinner la guerre. Laufent se vit doiib obligé de
ménager les Génois, ad risque de méeoûténter la dtich^se dé
Milan. La Seigneurie de Florence félicita Baptisttè Frégoso sur
son fleetion^ et lui offrit son amitié, en mêinë temps qu'elle
s* excusa auprès de Bonne de êes égards forcés qu'ële monti*ait
à ses ememis * .
Les négoèiations de Laurent dé Médids aveb Veniâe acqué*
raient d* autant plus cPîmportànèe , ({ue ses àtftrés altiéâ lui
offraient moins de ressources. Getter réptdiiliqde deveûtflt td-^
nique espérance, l'nmpie appui des Flbrèntiiri. VLiâÉi pehdâtnt
toute la preraière aiinée de la guerre, elle atait 8te actaMée
1 jnion. Çalà^De f^utGmuem, U II, p. 99<-30(f. Ceit la fin de oe peUi oanmgé;
éènt avec cbaleur, avec ^gaîice, et an grand amour pour la liberté.— Dtarûim Por-
maue. 7Al et 290. — OherA FpBetœ, L. XI, p. «47-tf48. —AnnaL PUteentinL T. XX,
p. 957. ~ P. Bizarro. L. XV, p. ZiZ.-^Ag. Gittflinlanl. L. V, f. 240.-** Sdpione Ammi-'
raM«L.XXIV»p.iSO,
DO UOYEB àBM. US
fut deft «UmMb qâ MMâmt joqa'à la pOttiliUlté de se-
courir les Médias. La première et la {Ans redoutable était
eommiine à Teniie et à Florence : c'était la peste; die parait
avoir été causée en Italie par une intaition de sauterelles* An
mois de jnin 1478 1 nue armée de ces redoutables inseolsa
ccnTrit trente milles de longueur et quatre de largeur dans
les territoires de Hantoae et de Breseîa. Le marquis Louis de
Mantoae employa des milliers d'ouvriers à les tuer, mais il ne
prit point la précaution de les faire enterrer ensuite; la con-
tagion, cooséquence de leur déeompoàtion, se manifatfa ansi>
sitAt ^ Elle avait gagné la Toscane , ravagé Florence ateon
territoire, et enlevé à la république plusieurs de ses ottriart
les pins distingués; elle avait même forcé à abandonner oaad
dâhnse qnalques^nnesdes forteresses, et parmi les deux années
die avait, en tm mois^ enlevé plus de deux mille soldais^. A
Venise^ h peste avdl éclatéavec test de vîolenoe qu'on ne
ponvaît plus rassembler le conseil des Piégadi; tous les «obles
qui le compeeaîent s'étaiest «^ais à la campagne. Dans ce
danger tenjoars imminent d*nne mort Indeuse, tous lescalods
d'une poMttque éloignée devenaient sans intâ^ i waàsk les
Yénitiens, loin de pouvoir fournir anx Florentins les awaurs
4f lioaunes et d'argent sur lesquels cenx-d avaient dioit de
^oempter, ne témsifent qu'après de longs retards à aasenUsr
le séiat penr donner leun ordres auk ambassadeurs qu*ik
«nv^yalMt à Borne. Ceux-dfknwt (Aiargés de représenter ai
fi^pe «qu'il mettait en danger k chrétienlé fht la gmerfe Jfà%
«^tdMIea Italie ; que «'étaîten quelque sorte flaire canseeMH
munè avec le OrÛMi-^Ture, dont on pouvait à toute lieon
«alddre l'invasion; qned lepape neaedésbtait pasée ^^eilfs
4eoBèËilè, Ia%dgnéarie^4'^<!it»i4 tfvec IVas^perenr etliroî4e
t marimn Pamense. T. XXII, |i. 280.** SdpUmê limnirafo. L. ZXIV, p. iss.»
jNor. Fametiêe, p> 3».
136 HISTOIBE DES BKPUBLIQUBS ITALiraHSS
France» loi leUreratt Boa obâsBauee, et en appdlerait de ses
injostes décrets à nn concile fdtnr ^
L'accosation, portée contre le pape, de seconder les projets
de Mahomet II, n'était qne trop fondée. Jamais les progrès
des Turcs n'avaient mis l'Italie dans un plus grand danger ;
l'existence de Venise elle-même se trouyait compromise , et la
moindre diversion de ses forces pouvait la faire succombor
aux attaques du grand ennemi de la chrétienté.
1475. — Les Vénitiens, épuisés par les longs efforts qu'ils
avaient déjà foits, avaient, dès la fin de l'année 1475, fait
faire à Mahomet U des propositions de paix. Celui-ci avait
demandé que Croia fût remise en son pouvoir, avec tons les
lieux forts que la Seigneurie avait acquis depuis le commen-
cement de la ^erre. Il réclamait de plus le paiement de cent
cinquante mQle florins pour une dette contractée par les
adnûnistrateurs des mines d'alun, et pour un vol fait à son
fisc, que la république avait en quelque sorte autorisé. Ces
dures conditions ne furent point acceptées, mais elles donnè-
rent lien de conclure un armistice de six mois ^. 1476. — Pen-
dant l'année 1476, les Vénitiens n'avaient point agi contre
les Turcs; ils n'avaient pas cependant été sans inquiétudes pour
leurs possessions du Levant. La reine Charlotte de Chypre ,
cherchant toujours de nouveaux expédients pour rentrer dans
son royaume, avait adopté don Âlonzo, fils naturel du roi
Ferdinand. Deux galères napolitaines devaient la prendre à
Rhodes, pour la conduire au Caire, où elle voulait solliciter la
protection du Soudan d'Egypte. Le conseil des Dix en ayant
eu avis, ordonna à Antoine Lorédano, capitaine-général de
ses galères, d'enlever de Chypre les trois fils naturels du der-
nier roi, aussi bien que sa mère Mariette, sous la garde de
laquelle il les avait laissés. Tous quatre furent conduits à Ve-
IMl Momi AGI. 137
nise, et retans ions bomie garde. Aioti la tipaiikpam abo*
sait de la oonfianœqae le dernier des Lnsigiian avait reposée
en elle; oa lni^mèine était un usurpateur, et n'avait pa trans-
mettre aucon droit à sa veine, oa ses fils natords avaient le
même droit que loi. Lonqn'ilsse réonisBaient à la reine Char-
lotte, lorsque les fils légitimes et les bâtards des Lusignan
confondaîmt leurs intérêts ensemble, les prétentions de Ca-
therine Comaro et de la république de Venise devenaient
tout à fait insoutenables ^
1 476. — La guerre avec les Turcs se renouvela en 1477.
Achmet, sangiak d'Albanie, vint mettre le siège devant
Groia, avec huit mille chevaux. Les campagnes furent rava«
gées, et leurs habitants s'enfuirent dans les montagnes , mais
la ville était tellement forte, bien plus par sa situation que par
des ouvrages élevés de main d'hommes, qu*elie pouvait défier
les attaques des ennemis. Pietro Yettori y commandait, et
FrancesooContarini, provéditeur d'Albanie, était chargé de
rassembler une armée dans la province, pour faire lever le
siège. Pendant tout Tété, les habitants de Croia se défendi-
r^it avec beaucoup de vigueur. A la fin du mois d*aoùt,
Contarini parut à Alessio, avec deux mille hommes de cava-
lerie vénitienne, cinq cents chevau-légers, et une bonne in-
fanterie albanaise, que Nicolas Ducaïni lui avait amenée. De
là il s'avança, le 2 septembre, dans la plaine, au pied de
Croia, que les habitants nommaient la TirannUy et où les
Turcs avaient formé leur camp à quatre milles de la ville. Le
combat entre les deux armées s'engagea vers midi, et dura
jasqu'au soir sans que rin&nterie vénitienne se détachât ja-
mais de la cavalerie pesante. L'une et l'autre opposaient aux
Turcs un rempart, que les chaînes redoublées de leur cavale-
rie ne purent âmuder. A la fin de la journée^ les Turcs s'en-
ISS HISTOIRE DM «É^mLl^n ITALIEHinSS
fmten% à bridfe abattae^ ablmâonaant ifième Ufttf egaûp. LM
habitants de Groia ûteûi nhe Bortie ; ils renTersèretit les dôtix
r<$doutes qui leiir fermaient le passage^ et ifinrent partager te
pillage du eàmp ottoman, où ils trouvèrent demandes rieites^
ses et beftttconp de vivres qui ooinmeaçaient à leuf ffianquèr^
Mais les Turcs^ retirée sur les moàtagùeS voiÀines^ voyaient
au clair de lalane le désordre des vaiiiquëurs^ dtms tie oAïup
qu'ils venaient d*Àbabdonnér. Revenant phis rapidiêÈieiit M->
core qu'ils ne s'étaient éloignés, ilsfonditeut sur lësYënittens
qui se disputaient leur butin \ ils en massacrèrent leplinl g^ànd
nombre^ ils^^ trinefaèrent la tète à Goùtariiii tfoi était tombe
entre leurs mains; ils dissipèrent toute Fannëe blbatiaiiiô, et
ils tuèrent plus de mille bommes au b6u1 dor^s deè troâpes
italiennes * .
On n'était point encore revehù à Yeniie de TefiEroi qtt*atàft
causé ciette déroute, lorsqu'on apprit an mois d*octx)btQ ^e lé
pacba de Bosnie venait d'envahir le Friuli. Cependant kl ré'-
pubUque, tirée de sa sécurité parla précédente iavambh^ avait
chargé le provéditeur Fràhlçois Trotai ûfe fortifier «ette trm*
tière t une chaîne de retranchements avait élé étevée (tes
boudies de Tlsonzo^ près d'Aquilée, juscjâ'à Sorieiài. Lebdi*"
gués des fleuves avaient été mifees à profit pour cet oïlvrage}
de longues courtines avaient été éiefées en tem^ ilBVètiM de
gazon^ et fortifiée!^ dé place en platse paf <Aesr tSMm ou dêè
bastions de même fkature. Tous ces ouVrag<^ évaiëift €té plah^
tés de palissades^ bu plutôt de troncs de saute vivaniS) et si
serrés les Uns contre les autres, qu'ils ne léissaient oucM pas-^
sage. Ge retranchement, qui s'étendëSt sur «me lottgoeer éé
douze OH quinze aîUes^ raneihbkitfttt mur d'un» ftnèrM&i
Deun camps avaient étë égalemeht fèrtiAés défis les itett ob
risonsK) avait paru guéablei rtm à OrfldiriKâ, fMA!» à I^
Dti ttdYÈBr Aét. 139
gHano. fidriÉla etiàiï, Qui àvât ni ^i itif (se déure, tftèat
été forttllft atec (flttft de Mn thisote^ . Oehmyrtid Notello de
Vérone, vieux èapitAlne^ qui àtiât sod fib et hn grand
nombre de bravèft offlèièl*» abtonr de lui , avait étë cbàrgé
de garder ees retranchemedUr, âVèe ërivih)h trdis hiille fab-
tissios , et plusiedrs corps dé bonne ëaiâleriè : i\nni proté-
gés, les habitants da Friuli reposaient dads Une entiè^e
sécurité.
Mais leé Tënitiend n* avàieht pa^ pris d' a^sez bonnes mesures
pour être averlis d*titânce des mouvementé de Tennenri. tîn
soir du mois d'octobre, ils virent paraiti^ë M tavàlerie turqile
autour dé celui de leurs campa qdl étiilt au-delà du fleuve,
avant qtf (m leiirèùt annoncé sasortiéde le Bosnie. Là jburuée
était d^6 trop avancée pour combattit; aus^i, de part et
d'autre^ on se prépara ft la bataille pbur Ik lèhdeniàin. Sans
cette nuit même, cependadt, les Turès s*emt)àrèitnt du f^ont
de Gorizia, sans qu*on en fût idforiné ad camp dé GrâdisiLd.
Par ee pout le pacha Ha^ Be^, Amat Be^^ ou plutôt Achmbt
Giedick ^, fit pdssér ub milKer dé chevaux au-delà du fleuve
tandis liUé dans un aUtre éUdi^it la cavalerie turque ay^lni
découvert une clairière sur lé bord opposé, traversa l'Isonzd
à la nage, et plaça une embuscade dans le lieu où^ellé voulait
attirer les Témtieus. Lelendëmâid, Achmetfit passer fisonzo
à toute son armée, et tint offrir la bataillé à Geronymô No-
vello, ({ûi Taocepta. Elle fbt soutenue quelque temps avec
assez de courage. Le fils de Geronymô^ qui commandait la
première eâicôuadë^ repoussa vàllléiiiment les enneinls. Mais,
BflUgfë là) avertissements dé sbn père , <tdi ^ dé&ait de
leur fadtité a prendre te lUtê, II se MM eiUpdftél^ à lëtrr
1 Jtf. A. SabelUep. D. iii, L. X, f. 223. T. — * Deméirios Gantemir attribue cette
ét^kâHhA k À'cAihêt ditùitk. L. m, i^ip. T, S 32 ; et U Vêtaârqiiè qMé tA noms Hb-
bey, Amathey, Marbey, ne sont point Turcs. Fugger nomme aussi le chef de cette ex-
pédition Acbmet, sans dire que ce soit le visir. Spiegel dsr Bhren, Bueh. V^ cap. XXV ,
p. 836.
140 HISTOIBB DES BSPUBUQUES ITAUBNUES
poursuite, et tomba dans remboscade ^i lui ayait été i»ré-
parée; son escouade y fut détruite en enti^. La seconde qui
le suivait lâcha pied, et sa fuite, aperçue jusque dans les
derniers rangs, mit en désordre toute Tannée. Chacun ne
songea plus qu'à gagner un lieu de sûreté. La cavalerie tur-
que, terrible dans la poursuite, était sur le dos des fuyards, et
elle continua d'abattre des tètes jusqu'au-delà de Mersan. Ge-
ronymo Novello fut tué dans la bataille, de même que son
fils, que Jacques Badoero, Anastask) Flaminio, et beaucoup
d'autres gens de marque. Les Turcs firent aussi un grand
nombre de prisonniers * .
Cependant la cavalerie ottomane se répandit aussitôt dans
toute la plaine qui est entre l'Isonzo et le Tagliamento. Tout
ce que le feu pouvait dévorer fut livré aux flammes. On voyait
brûler en même temps les fourrages , les récoltes , les bois , les
fermes, les villages et une centaine de maisons de campagne,
ou plutôt de palais, appartenant à des nobles vénitiens. L'his-
torien Sabellico , qui était alors lui-même dans un château , à
quelque distance d'Udine , avait sous les yeux cet immense
incendie, qui du haut d'une tour paraissait pendant la nuit
une mer de feu. Après deux jours donnés au ravage de cette
plaine, les Turcs passèrent encore le Tagliamento, et incen-
dièrent aussi le pays situé entre ce fleuve et la Piave. La nuit
on voyait de Venise même les flammes de ces incendies, et
elles y répandaient la consternation. On élut un provéditeur-
général pour Tlstrie : on donna ordre à celui de l'Albanie de
se rendre dans le Friuli, on chargea le provéditeur de Lom-
bardie d'assembler les milices de Vérone , de Vicence et de Pa-
doue ; des nobles vénitiens furent députés à la garde de chaque
forteresse , et , le 2 novembre , une armée nouvelle se mit en
mouvement pour chasser les Turcs des lieux qu'ils occupaient;
1 jf. A. soteiHco, D. m, u X, f, sUt-iroHN aamo, rue. t. xxn, p. im.
tt MOYEN AGE. 141
mdSà ils étaient repartis d'eax-mêmes , et fb diraient repassé
risonzo * .
1478. — Toutes les conquêtes des Tores avaient été précé-
da par des eipéditions semblables à celle qa* ils venaient de
foire dans le Friali. Us ruinaient le pays par leurs incursions,
pendant plusieurs campagnes de suite , avant de songer à y
faire des établissements. Si on les eût laissés pénétrer de nou-
veau dans le nord de l'Italie, ces provinces dévastées n'au-
raient bientôt plus été susceptibles de défense, et en peu d'an-
nées les armes du croissant auraient été portées jusqu'au cœur
de la Lombardie. Les Vénitiens firent tout ce qui dépendait
d'eux pour se mettre à couvert de ce malheur. Us avaient
reconnu qu'ils n'avaient pas assez de cavalerie sur cette fron-
tière, et ils y rappelèrent Charles de Montone, fils de Braccio,
au retour de son expédition contre Sienne. Tls fortifièrent
Gradiska , ils relevèrent les remparts qui avaient été abattus;
ils enrégimentèrent vingt mille hommes de milices dans leurs
provinces de terre-ferme, et ils distribuèrent tous les habitants
de Venise en compagnies, qu'ils obligèrent à s'exercer aux
évolutions militaires ^.
Cependant le siège de Croia avait toujours continué, et cette
ville commençait à manquer de vivres. La république de Ve-
nise, abandonnée par les autres états de l'Italie, inquiétée par
les intrigues et l'ambition du pape et de son fils Jérôme Bia-
rio , craignit de n'être plus assez puissante pour fermer long-
temps aux barbares l'entrée de la péninsule. Elle essaya de
nouveau d'obtenir la paix de Mahomet II. Thomas Malipieri ,
pr ovéditeur de la flotte , fut autorisé , au mois de janvier 1 478,
à se rendre lui-même à Constantinople , pour offrir à la Porte
jH ville de Croia , l'île de Statimène , le bras de Maino dans le
1 Andr. Navagiero, Stor, Venes, p. H49.^M. À, Sabeltteo, D. ni, L. X, f. 32S.—
D iarioPamense. T. XXIJ, p. 338. — * ândr. Ifwagiero^ T. XXm, P. |149. — Jf. A.
«o^ettiM. D. ni, L. X, f. 92S.
)42 HISTOIBB D|^ ^iffBff4&0» TtALOmUtB
Pélppoffgaè^i to^ Ifs a^Jtr^ li^^x que la Çeigoâuâ^ avait coa^
qois pendant la gaerre, et cent mille dacats, an nom de la
^4ne 4fis fil^fi^ , f^pfe Ifsss^^ Ma)ipwet faisait dea vtfdama-
tiQ^, Toptes ces poi^ ditioBui fm^eot «i^oeptéea par le aoltan ,
;^ais il y joignit celle 4' no ixïbsfX ammel de m mMle dneata.
Ijjlalipjlç^i répondit qu'^ n*étf4t ppint aatorioé k le promettra »
et il i^ejotm^ , pojor çoo^t/^ aes popmettaals , deox mois à
.dater dç 1 5 avrÎ!. Pendant /ce temps , on apprit à Vraise qne
le roi ,4e Qqpgcie et le lyH de Na|riLes avaient Ixaité avec le
grwd-sôgneur^ ,et veçapftfi toutes %e9 cmqaètea. On ne poa-
Y^t espér^ ajacune diy«jrsiofi ji^ fàU d,e la Pjgrae; Usaon
iCassa^ était p^ort^ et ses qçftvf ^s él^ûi^l; divisés ei^tre eox.
Groi^ ét^it rédnitç au^: extrémités^ jet ne pouvait pUis se dé-
fendre.. Dans des (#c9ps]j9^$^ awfi meofiçantes , le sénat de
Yei^i^e résolijit^ Iç 3 mai, d*apqspf^r Ifis conditions dictées par
les Tu^os, .quelque ^w^lS qu*çjl}ep l^ipsi^t. JULm qp^aud on porta
cet^te ^réponse a Mahomet, |1 /^éc^ara n*^e plus tepu par sa
parole. La situation des deu^ fiEir^!^ ^y^ cbjangé, di&aift-il,
pendant le temps ^i s'était fSçffplé y il rendait dcoîa comme
déjà à lui , puisque aucun pouvoir humain ne pioinvait plus la
sapxi^r ; çt ^ les y^itie^çs ^fj^]^ Ci^<^Lus k ftohetfflr la pfix par
le $,açriûça d'une ville d'AU>anie, c'ié^ Scutari, et non {Ans
Grpia, qu*ils devaient lui f^f^jdop^er. Mulipieri, n ayant
^ucuji ordjre relatif à cette d^y^a^j^e nouTiiette , quitia fionstan-
,tinopIe sans a.\oir rien conclu * .
Les habitants de Groia avai^i^ foutçnn le siège pendip^ un
ap enti^, et durant les derni^ jupif; ^s avaient /été jréduits à
.^ i^Qurr^r desaliiueijits les plus ^ppio^des. Us apprirent o^
^p^pd^nt qpe le.sviltAn, pi;^cédé par le s«u[^ak Soliman, et par
.le b^gUerbey jte Ift Bcpanie^ j^tfât a^ivé devant Scntad av^
une nombreuse armée. Ils lui envoyèrent , le lô juin, une
' « JMf. «a»aglero. p. tii3,
4éput^tipQ pour offrir de 9g rendre à loi. Us e» o)>Mf|pei)| mi
écrit signé de la main même de ]!|abon)Q| , paf l^guel ce mo^
parque s* engageait à leur perniettre h tou^ d^ ^ fetirer ayep
tPiis leurs biens, i»*ils n'aimaient mieux yiyr^ d4P!^Çroia ^ii^
sa prote(^on et asi^uré^ de s^ faveur. Ç0q ^l^j^^sivr^ leiir
étant olferte, tous déclarèrent gu i}p r^fî09^rai^{: à ](eur par
trie^ ^t qtf'iis iraipQl; vivre dauf Ip lien qnp la Seigneurie |i}(3
Venise leur assignerai!;. Çependapt }\» livrèrent leur forterense^
et ils s§ Qiirent soui^ la icpnduite d§ l'^corte qnp )§ piacb^
Âaron , commandant dq siège ^ l^r donna. A peine furentj-
ils parvenus dans la plaine , que celui-cji les fit charger da
fers^ pour les conduire au grand-seigneur. Mahomet, après
avoir réservé quelques prisonniers de marque qpi pouyai^t
pç^er leur rançon , fit trançh/gr la tète à tou^ Iç r^tP* Amisi
finirent les derniers des çpmpagnons d'armes d^ Spander))^.
Son peuple tout ^nti^r deyait j^ suivras de bien pr^ 4ans le
tombeau * .
Mahomet pendant ce temps assiégeait déj^ Sculari; pais }^
habitants de cette ville, qui s étaient attendna.^ son ^taqne,
aviaient tout préparé pour une vigonrense défem^* Tops ceu^
c^ui n'étaient pas en état de porter le^ arme^ av^ut 4té ren-
voyés de la ville î II n'y resjiait plMS que sei^e c^ts cilpyens ,
et deux cent cingu^ute femmes. Ii^ garnison était ;Qomp99#
de six cents spldats. Le prpvéditeur véùitien ^tait Antc^o 4e
I^zze. Mahomet avait dans son camp )e hçglierbey de Bomanw,
le saugiak SoUman , et les plus grandj^ placiers de son empir(9-
Les papillons de son armée couvraient toute la pla|ue dç Scu-
tari^ toutes les pentes des montagnes., et tout le pays, aus^
loin que la yue pouvait s'ét^ndjce ^,
On avait attendu T arrivée de Mahomet au pamp mnsnlmaii,
^^ndr. Kouagiero. T. XXUI, p. inz^-^Marinus BarleHus, De ScodrenH expugna-
Urne, L. II, p. 300. — s If. ^ni. Sabellico. D. III, L. X, f. 93«. — Ifor. Barletius. De
Scadr, exp, L, 11, jp. }94,
144 HISTOIRE DEë RÉlOTBtlQUfiâ ITALIElVîiES
pour ouvrir les premières batteries contre Scutari ; mais le
soltan , loin de savoir gré à ses généraux de cette déférence ,
leur reprocha de n'avoir pas fait plus de progrès. Une simple
enceinte de murailles fermait la ville, et la redoutable artil-
lerie des Turcs y ouvrit bientôt une large brèche. Cependant
la pente rapide du terrain , et la difficulté de gravir la mon-
tagne, sur le haut de laquelle le mur était assis, suppléèrent
à la faiblesse des remparts. Les Turcs donnèrent un assaut à
cette brèche le 22 juillet; après un combat obstiné ils furent
repoussés avec beaucoup de perte , et accablés par les pierres
et les feux d'artifice qu'on faisait pleuvoir sur eux * .
Mahomet fit alors dresser ses batteries contre une partie des
murs dont l'accès lui parut plus facile. Comme ils n'étaient
soutenus par aucun terre-plein, ils furent bientôt entr' ouverts,
et le sultan ordonna un nouvel assaut pour pour le 27 juillet.
Mais afin de profiter de l'immense supériorité de ses forces, il
divisa son armée, que les historiens vénitiens portent à quatre-
vingt mille hommes, en plusieurs corps qui devaient se suc-
céder sans interruption, et renouveler l'assaut, jusqu'à ce que
les habitants de Scutari succombassent à tant de fatigue. An-
tonio de Lezze, averti de cet ordre donné par l'ennemi , par-
tagea également sa garnison en quatre brigades, qui devaient
se renouveler toutes les six heures. L'assaut commença avant
le point du jour ; les janissaires montaient à la brèche avec
intrépidité, au travers des pierres roulantes, des feux et des
flèches qu'on lançait sur eux ; ils franchissaient les ruines des
murs, et s'efforçaient ensuite de gravir le long du rempart in-
térieur qui formait la dernière enceinte. De nouveaux as-
saillants arrivant toujours par derrière portaient en quelque
sorte les premiers rangs, et les poussaient par force jusqu'au
sommet du rempart ; mais ils n'y arrivaient jamais que trans-
1 ândr, itavagiero, p. itS4. Mar. Bartotlofl eo donne la date. L. n, p. 4if.
DU MOYEN AGB. 145
percés de coups de lances et d'épées ; avant d'avoir pn com-
battre eux-mêmes, ils retombaient morts sar lears camarades,
qai ne se décourageaient point. Mahomet, fùrienx de ren-
contrer une résistance si obstinée, donna ordre de continuer
rattaque avec des troupes toujours nouvelles pendant toute la
nuit, et pendant la moitié du jour suivant. Enfin , soit que
ses soldats, rebutés de tant d'efforts, refusassent de combattre
plus longtemps, ou que lui-même sentît l'inutilité de cet ef-
froyable carnage, il fit sonner la retraite, après avoir perdu
un tiers de son armée * .
Le sultan, changeant alors en blocus le siège de Scutari ,
s'occupa de réduire sous sou obéissance le reste de la pro-
vmce , afin d'dter aux assiégés tout espoir de secours. Gomme
la flotte vénitienne aurait pu arriver jusqu'auprès de la ville ,
en remontant la Bogiana, il ferma l'embouchure de cette
rivière par un pont garni de deux redoutes. Tl envoya le be-
^rbey de Bomanie assiéger les divers châteaux du voisinage;
celui de Sebenico, qui appartenait à Jean Gzernowitsch , se
rendit sans combattre; là ville de Drivas fut prise le sixième
jour après l'ouverture du siège. Jacques de Mosto , qui y était
provéditeur, fut conduit avec tous les habitants sous les murs
de Scutari, où Mahomet lui fit trancher la tête , afin de faire
connaître aux assiégés le sort qui les attendait , s'ils ne se hâ-
taient d'apaiser sa colère. La ville d'Alessio fut abandonnée,
mais deux galères furent surprises dans son port, et deux cents
marins qui les montaient furent envoyés au supplice. La seule
forteresse d'Antivari brava toutes les attaques des Turcs. La
plus grande partie de l'été ayant été consumée à la poursuite
de ces différents sièges, Mahomet confia le commandement de
l'armée qui bloquait Scutari à son viâr Achmet Giedik, et il
retourna à Constantinople ^.
t Andréa Navagiero. p. iiSS.-^Martnus Barletim, De Seodrensi expudnatione, L. Il,
p. 430-433. — s Andr, tfavogUro, T. XXUI^ p. itss. -^ If. A, Sahettico, Deçà III, L. X ,
VII. 10
1^6 mSTOIBB DIS» |lS?yPf|QU](| ITALIENRES
bllqjîie, M^llftîff^ II ftyait; donné prdre aa paç^^a ^ Bpç^fe
d'enyahir dp ^^ouvfftï^ fe yrij^i, et Tpp prétendit q»? ^ ^pi de
Hongrie, à la pçr^afusfQp d^ Fçf^iujmd de Ni|p|fi§, ^\ il
avait éB9pé^ en 1476, ^a ûlle Béatri^j» aççQfd* §tgx Turcn le
passage par f^ états pqi^r qije cett§ ^v^jr^^^ji fi^i^h^f îçs
Vén^tipqs de iffe^jlre pfur^ ^ ^ gHcr^e de Tçm^ - t^ !»«***
de Bosnie parut sur le^ ^^ dfl H^^i^ ^ïi^ SP^^ WiUe
chevaux, mais U les ^nva |(a^(w P»i^ dc^ Q^Uc^f^u^ftwM^
sous les ordres de Victor Soranzo, provédite^r dp l^ prqvî^çe)
tanflis qpe Ip comte Çt^Ar^N 4e IKç^tf^^e copunandait les gen-
dj^rn^es enfercné^ d^xf^ Iç c^p ^ i$r«di^<^* Ce ^ut çft Y«p
<jue le p^chî^ prqvqqpa. Mpntqij^e ^ çwj^t : w\«i-ci, ^yip^ti
pg^ç rç^inérieuce de T^çn^ée préc^efttç, ^ay^t w'H arirêtççflit
ipieux les ^rhares çn res^^ iipimobji^. Les Ti^ç^;, apr^
plu^eurs tçp^tiyçf ^RUtm Çipi^ç entrer daçls le. ^KW^y \f»fr-
nèreri^ du. çô^ ^e^ «^^[i^^ne* 4e la Ci^wq^Ç ^\ PP^Ï^Çe^it (içfirs
dévi^tatio^^ Sjiif Içs i^qutière^ d? fAl^ag^ ^.
Cette invasion avs4^ ç^ \yçn ai; qàoo^nt QÙ, l^ pçstç exerçait
le plus de çaxfl«e3 c^ç» \enise, w 8Qi[t§. qvi'w Uftvait pu
réussir à armer les biques destw^^ à. garder VemlHHicliure
de risonzo '• Ia g^^e d'Albani^ et celle dv friu^ désqlaiept
en même temps la i^éj^ublique ; les armements d^ p^e et ^e
Ferdiijian^ et TinyaçiÂn 4^ W ^oscape y cai^aieAt ipie noiji-
' velle terrçur ; enfin lei^ affaires, (^ç. Cl\y.Rrc dçp^ii^eut ^^gsi de
vives inquiétudes, tandis quç 1^^^ cpnta^oi^, 4^n9 Ve^^ 9e
permëtt^t pas mén^e d* assembler les conseils. {4 rei^eOb^-
îptte de Li,isignan , après avoir soJUicité le papq de la rétal^r
d^ son rojaume^ s étdt enfiç, djét^mmi^e à passer en Égyple,
ce qu'elle n'avait |^as pu, ou, p^a^vait pas o$é faire Tannée pré-
f. 225, To.— JforifitM BarleiiuSj De Scodrensi expugnatione, L. III, p. 434. — t Dtarium
Parmeme. p. a»4. — « af . 4^ SabelUçjqt Dpc« Ul, i,, X, f. atj^. — » Uwfm Smuto, > M«
d^ Diichi di Venezi(u p. nç^.
«SAeBtt. Le im flesiîiMiid avait fiât oraiep pwf elle quatre
fpttUres à 6âMs^ qui devaiie^ T^seurlep. En mteoc temps H
4iaii Mvoyé à YiCsÎK un krigaiitiQ «ati^n*, ésnt le patron^
^ 6e dqppait pciui «Nurahaiié , « ^taMi diaf^é d'enlerer la
jetiaa ChaskÉbe, iHe attareUe 4ie Jaeqoes. le eonseil des Bix,
averti ds et&maMttvres , it enfennep, par une délibération
4ii %7 AiMÛd^ I47819 les trois enfeols de Jaeqpies dans le efaâteau
46 Vadaatu La |(HHI9 fille se laT4a pas è j motirir, et ses
gavdieDs impent soapçoiiBéa de ravek» empeiseanée. Un pro^
léditaïur ait cmna^édant les mers de €andïe a^ee dix galères ;
il avait oedre de veiller an passage desqoatre vaisseacn: génois,
de kft attaquer^ et de se défaire de la reine {Starlette, ea ré-
fndaitf le bnâtqn^^le «wà été tnée dans le combat * . Cette
fliAe aegro8âl€i|SQite }iis(ia*«tt noifibre de TingtHiept galères ;
mais GbifflDtte avait devancé son armée , elle étmt déjà par-
-Mfiiie à AleooMiMe , et le soadan M tm^ donné de bonnes
espéraïKM. Par l'ordre des Vénitiens, l'autre reine de Gh jpiie,
Ci^fcbepiBe €omaa<Q , cn^^ya aossi nne ambassade au Soudan,
pouc lui offrir le tribat .annuel du rojmime, que jnsqif alors
«Ilea'aTait point payé. Les deux renies chrétiennes plaidèrent
kur^mM devant le souveraRi musulman de l'Egypte; celni^
<i n^ se prononça point, ms^ il paraifssait pencher pour
^kwMskt^ efl yerase ponmt «'attendre & une guerre nouvdle
ooi^e les Mameluks, ponf la défense d^lin royaume qui n'é-
tait plos déjà qaf «mie oolome vénitienne^.
LeatconseilB de la vépubMque, fKappé&detmrt demalbeur»,
iMDacéade tant de éan^rs, héiSteient 'sur lepniti qu*ib dé-
laient aume, loicqntls veçatent une lettre du gouverneur
ée âontan, qui rendait compte de la situation db la place.
Oausio dnnaer assaut, it ^feaH; avoir perdu titât'de ses méit-
lencs eapMnes, mm xm très grand nombre de soldats^ il ne
i4S HlffTOIBE DXS BÉPUBUQUn ITÀLIlSJIfîlES
lui restait plas de Tiyres qne pour quatre mois, et s'il n'était
pas promptement secoura, il déclarait qu'il serait réduit à ca-
pituler. On eut beaucoup de peine à assembler le sâiat di-
spersé par la peste, pour lui faire comiudtre ce rapport. Enfin
il se réunit le 14 novembre, et après une discussion très vive,
il résolut de solder six mille chevaux et huit mille fantasâns
italiens; de souleyer rAlbanie, à laide de Geoi^ Gzemo-
witsch, pour joindre ses peuples belUqueux à Tarmée vém-
tienue, de rappeler le capitaine général Yenieri, qui était avec
sa (lotte dans les mers de Chypre, et d'emj^oyer ainsi toutes
les forces de la république à faire lever le siège de Scatarl.
Mais, quatre jours après, le sénat se rassembla de nouveau, et
ce fut pour céder au découragement. Les militaires rq>ré8en-
taient que la Bogiana étant fermée par un pont et par deux
redoutes, il était presque impossible d'y effectuer un débar-
quement. Les directeurs du trésor rendirent ^compte de son
épuisement, et de la pauvreté universelle, conséquence d'une
si longue guerre. D'autres faisaient sentir que si l'on rappelait
de Chypre la flotte de Yenieri, on perdrait cette ile, qui se
trouverait abandonnée aux intrigues de la reine Charlotte, et
peut-être à l'invasion du soudan d'Egypte. Plusieurs, ef-
frayés des fréquentes [attaques des Turcs sur le Friuli , an-
nonçaient qu'on ne serait bientôt plus en mesure pour les re-
pousser. Les amis de Laurent de Médids et caix de la
duchesse de Milan sollicitaient leurs collées de terminer la
guerre du Levant, pour que Yenise fût en état de se faune
respecter en Italie. Ils faisaient remarquer que les deux plus
puissants alliés de la république, les Florentins et les Mila-
nais, étaient obligés de recourir à sa protection, au lien de
l'assister dans ses nécessités; que le roi Ferdinand âait oa-
vertement ennemi, qu'il s'était même engagé avec les Turcs
par un traité de paix et d'alUance ; que le pape, livré à ses
ressentiments, ne parlait qu'avec menaces; que la république
DU HOVEM AGE. 149
de Gènes, enfin, ayait commencé des hostilités contre les Yé
nitiens. Dans une situation aussi dangereuse, la paix avec les
Turcs parut seule pouvoir sauT^ la république, et le sénat se
résolut à accepter les conditions mêmes que Mahomet Ton-
drait dicter.
Eu conséquence de ces délibérations, Giovanni Dario , se-
crétaire d'état, fut envoyé au travers de 1* Albanie à Gonstan-
tinople; il trouva le sultan disposé à maintenir à peu près les
mêmes conditions qu'il avait proposées au commencement de
l'année. 1 479. — En conséquence, cet ambassadeur signa, le
26 janvier 1 479, un traité de paix entre la Porte et la répu-
blique de Venise, en vertu duquel Scutari et son territoire
devaient être abandonnés au grandnseigneur ; toutes les con-
quêtes faites pendant la guerre, dans la Morée, l'Albanie et la
Dalmatie, devaient être restituées réciproquement. Les Véni-
tiens devaient payer au sultan cent mille ducats, au nom de
la ferme des aluns, qui avait fait banqueroute à Gonstantino-
ple au commencement de la guerre ; ils devaient payer de
plos un tribut annuel de dix mille ducats; mais cette condi-
tion, qui pouvait paraître humiliante, n'était au fond qu'un
abonnement aux'droits et gabelles de l'empire ottoman ; car,
moyennant ce payement, les Vénitiens devaient jouir d'une
franchise absolue pour toutes leurs marchandises, dans tous
les états de sa hautesse. L'ambassadeur eut aussi l'adresse de
faire insérer au traité que, si quelque état arborait les éten-
dards de Saint-Marc avant d'être inmiédiatement attaqué par
le sultan, celui-ci reconnaîtrait un tel état pour sujet de la ré-
publique, et respecterait son territoire, en sorte que les Véni-
tiens conservèrent l'espérance de faire des conquêtes, par la
terreur* même des armes musulmanes ^ .
En conséquence de ce traité, Antoine de Lezze, provédi-
> ÀHdr. NttvaQiero, Stor, Venez, p. Ii59<-ii60.-l>emelftfi« Canttmir. L. Ul, cliap. I,
S 32. — Cailimachus Experiens, De Venetit contra Turcos, p. 419.
l&O HISTOIIUE DES R£PV»MQ|[Eft rrALI£]VI<£S
teiir, sortilde Seutari aree qtiatre omit dnqaante hommes el
cent dnqiiattte femme», qvà seuls avaie&t sorTéco à ce siège
meurtrier^ Ik «mporUôent 9ste em k» reliques de leurs égH^
ses, les vases sacrés^ rarliUeriey et ce qui refait de leurs rn
cbesses. Ils passèrent aiiisi au milieu de 1* armée ottomane, il
laquelle ces brave» guemèrs p&inretit impirer du itspeêt * .
La répuMiqtte s'engagea à poutroir hlewr sdbsistantiie ; elle
voulait d'abord leur donner des fiefs dani^ l'île de Chypre;
mai»y comma ils craignirent l'sir nudsaiu de ce pa^s, eHe les
distribua dan* ses diverses forteresses, de«rtelle leur confia la
garde^ et eUe assctra à cbacnn une pension de deux dacâts et
demi par ukâs^. En asèfiie temps, kl république lit consigner
aux officiers do sultatt tes montagnes de fai Cbiiâère^ Slrlmoli^
le pays de» Maïnotes m Moréè^^ Gostel^Bditipano, Sarafona, et
rile de SUlimène. Tous les pnttomikrs fdît^ par 1^ Tanai fu-
rent remis en liberté Mms rançon^ el la paix fut jurée par le
doge } et publiée à! Yenise atee une alléj^sse universelle, le
2& avril 1479) îour àb Saint Mare évaûgélirte, après qdînze
ans de la guerre k pk» radeMablc que là lépaèB^ eût m-
core soiit^me^.
1 M. Ant. SabeUico, Deea ttl, L. X, U v^i To.-'jtforiii. BarUtius, De Scody. êxj^n,
L. m^ p. A2n-'440,'^*M(ù^. I^avagiero. p. U6i-ii«3. — ^ Jo. AcTls^eiitery dsos ses An-
nalM de Striékv, lopfNliie MrMlMM éâ (M|ié, dà 1t$Uyn8f fl7^ pêitMtiaéSteê édat-
ci anoooçait aux prÎBces chrétiens la oéeesstté où il s'élait trouvé réduU de Mre la pais
aved les fttfbs ; Adtareittéf fait coùnatire en même temps Teffroî qu'on ressentit dans
tout reokpif» d'Attenag^œ qitaM oa mi ^tte Maiioiacft fi ne È9nii (lUw refétra par fe»
armes de la république de Veniae/iimalM Boict» gentU, P« II, k* 1%^ e»p, SS« p. 198..
bv iàûiiif Aot. I5f
CHAPITRE VI.
Sixte IV attire les Suisses en Itatre ; leur yictoire sur les l^lllanais à
Giornico. — 11 excite Louis- le-Maure à s'emparer du gouvernement
de Milan. — Détresse de Laurent de Alédicisiil se rend à Naples, où it
Sfgàcutfé pà\± qui cOhfipfofnet J'rtrdépendance de la Toscane.— I^rc^elt du
(Kie êê ÙMfirèsttf Èïetiae ; rëvolutioii de cette république.
1478-1480.
1 479.' -^ 1m |mti de» Téfaitieni» a^ee les Tores meftiiît F Ita-
H6 à emNeH ik rinTasioÀ la jàvà redoutâbte de tcmte»^ elle
fatikatt cesHlef nit éjangèr qm jaouiis n'avait été plu» prelsSaiit ,
et cèto ssrfflt èâi être p(mf âès diverses piiissances aa inotif de
Gonflance et de repos. Gependanl la nouvelle eiï fut reçue par
1» fAipaÉrt d-castnef cHes svéfe eonsternatioii. Aveuglées par
Imr fUmesiéi elles n y virent que le râtatAissemeot dit erédil
ik^ la fliiiÉsaiite répidiliqpe qu'elles redoutaieaf. EUecr eomprl-
féut (fk désormaÉs Veniscr pourrait eiaiploy^ Mus partagé ses
IMceitettlliÉiie^coÉioi^ Refaisait apttet 1463. Le rdi de N«^
pies et la république de Gènes, qui lui avaient témoigné leur
iMiSJiliéy èrai^tïireût son resBMtnmntf la dochbssè ût Milaft ,
le duc dfe ("errare , te iuaft|uis ^e âfanioue él les pèli& piiiïcès
152 HISTOIRE DBS fiÉPtOBUQUES ITALUSSIIIS
de Bomagne, qaoique alliés de Yenise, s'affligèrent se(»*ète-
ment de voir diminuer leur importanee. Pendant la guerre du
Levant, le sénat les avait ménagés avec un soin extrême; à
présent leur tour était venu de lui montrer de la déférence.
Mais le pape surtout , à la nouvelle de cette paix y ne put dis-
simuler son chagrin et son indignation. Lui qui n avait pris
aucune part à une guerre qu'il appelait sacrée, il prétendit
que des chrétiens n'avaient pu la terminer sans trahir la chré-
tienté. Il annonça à l'Europe qu'il avait alors même entamé
des négociations avec le roi de France, l'empereur Frédéric III,
et Maximilien son fils , duc de Bourgogne ; que son but était
de terminer la guerre de Florence, et de tourner contre les
Turcs les armes de tout l'Occident * . C'était sur ces entre-
faites, disait*il , que les Vénitiens avaient abandonné la cause
commune, qu'ils avaient signé la paix, et qu'ils s'y étaient
engagés par serment. « Non contents de cette désertion , ajoù-
« tait-il dans une nouvelle bulle, ils se sont rendus plus cou-
« pables encore; ils n'ont pas rougi d'affirmer en notre pré-
« sence, en présence de nos vénérables ifrères les cardinaux,
« des ambassadeurs de Tempereur, du roi, du duc de Milan ,
« des prélats , et d'une grande multitude de chrétiens, qu'ils
« observeraient fidèlement leur traité avec les méeipéants, et
« qu'ils n'y porteraient aucune atteinte^. » En effet, tous les
efforts du pape pour engager les Vénitiens à recommencer la
guerre avaient été inutiles.
Sixte IV était cependant fort éloigné de la pensée de réunir
les chrétiens , ou de leur faire former une ligue contre les
Turcs. L'ambition s'était accrue en lui avec l'âge; la passion
de la guerre et de l'intrigue s'était emparée de son àme; la
colère, la haine et le désir d'augmenter la puissance de Je-
< Stxti IV uber brevium et buUanun ; MpUt. 119. Apud haynaldum^ AnnaL Eccies.
1478, S S9,p. 377. — > BuUa Si^joii IV. H kal. septembriç 1479. Ap. tbaynald. S il t
p. 381.
BU ttonsH AGE. 153
rône Mario, son fils oia son nerm, lai mettaient tour à tour
les armes à la main. Il aorait Tonla entraîner les Vénitiens
dans de noayelles hostilités , pour les af&iblir et ponr priver
les Florentins de leur appui. De la même manière fl voulut
troaUer l'état de Milan, paiement allié des Médids; et /pour
y râissir, il s*«bessa à un peuple plus religieux , plus doeile
à sa ydx , et plus disposé qpie ne l'avaient été les Vénitiens à
faire dépendre les lois de la morale publique des décisions
arbitraires de ses prêtres. Il engagea les Suisses à violer les
serments qui les unissaient au duc de Milan , et à détourner,
par une puissante invasion, les secours que Laurent de Médicis
pouvait attendre de la maison Sforza.
Depuis deux ans environ, les vendeurs d'indulgences s'é-
taient répandus en Suisse, à l'occaâon (fun jubilé, et ils
avai^it trouvé chez les bonnes gens qui habitaient les Alpes ,
une fermeté de foi , une confiance aveugle dans le pape, un
empressement à se dépouiller de tous leurs biens pour acheter
des grâces spirituelles dont les Italiens , témoins des désor-
dres de la cour de Borne , étaient fort éloignés. Un tribunal de
quatre-vingts à cent prêtres fut établi en Suisse, pour distri-
buer les indulgences de la bulle , et décider dans les cas dou-
teux; et fiome apprit avec étonnement combien d'argent elle
pouvait retirer de ces cantons qu'elle avait regardés comme si
pauvres. Mais l'attention de Sixte IV étant attirée sur les
Suisses, il remarqua bientôt dans ce peuple quelque chose
qui l'intéressait pku encore que le commerce des indulgences.
1478. — Il comprit quel parti il pourrait tirer, dans les guer-
res du SaintrSiége, de pareils fidèles et de pareils soldats ; il
leur envoya un drapeau rouge béni de sa main , et il les
exhorta à se souvenir que c'était leur devoir de ne point épar-
gner leur sang pour la liberté de l'Église. Son légat, Guido
de Spoleto, évèque d'Anagni, fit convoquer une diète à Lu-
cerne; et là, dans une séance secrète, le 1*^ novembre 1478,
154 HISTOIRE DES BtPUHimiES ITALIiaNllES
il iMTOpOM aiBL fitolM» de seeiMider an parti nombrwx 4b nm^
Ues et de bourgeois de Ifilan , qui désirûeBt irétaUir une
répabKciiie en LomtMUrdie. Il ae s'agbisàit phift 91e d'ééarter
un eDfadt peu propre à goUveHier^ qui était dors ehef Ai k
maison «foctuiy et Sîtte lY Ie«r eifràit v l^Mr iréesMipeDM de
ocAte expédition^ le pvtage dée ieuDeiKieB Matfn aiÉaeatfft dès»
las châteaiit de Fttvk lA de MiiaB; finido ifoiitiât à cette offre
celle de ii% tfiiHe dliliats par aanée y poor faciliter hors anné«^
mebtaw Gepeudant le» dépaté» des cantons confédéré» ne pàé*-
Taient ptelidre une dlétérBfeiiMifîo& ainsi importatile saila 1'»^
sentiment dd peuple^ et k chose n*étaH pas de mtttre à M
être communiquée ^ ; aussi k ll%at efaerchaitr^îl stnndtailéiHest
à exciter k Mseirtimanl des pa^sansv tandis qu'il ecnimtfiii-
quait à leeuT» chatà ses pisoycU politiqiNi. La dîbte se sépHra
sans rien conâurë^ mais k m^ontsùteÉient ef k hAitie ùm
hommes d'Uri contre les Miknéis «viôent éfflaK, ei k légat
réussitenfiA à aUumer Une go#re entre k Saisie et k Lém-
bardk, à roccasko d'un bofs de eMt»glii«l» dan» k TaUéé
Levttntiiie , dont k pl-opriété tbÊàï éontsaléë ^w
UneaiHsienne capltoktiofn Maity dès Fanilée 1 467^ Me SoUses
àkmuson ^erza; par Thabiteté db Geeo9 afaMnèta^ dk
atait été redoureke le 10 jiHHel 1477 entre leaii QàSUto etki^
cantons< L'ancienne araif reçu qaefhpie» mediteMsaile; lee
ai^érages due aun Smists^ avaient été p^é»y et tontes ks dis^
pntce de frontières avaient été termiaé^s ', krsqae^ paidénl
Tété de 1478 ^ des sujets mikuns eeniièreiit qn^qnetf arbree
dans UB boid qœ h» Sonsses prétenAriant leor af^i^MiFtéÉir^
Geeco Sintonétaf aj^enoBt fitritatkn des geà# drUrf, ctfMe
de faire visiter les Hèux par des arMlias, et ai k dc«tt dei^
Suîsase était reo<»iiiii i de pdyér des
1 Jo. MuÙer GetchUhte dû SebMebt, Bitc^. V, cap. Il , p. 1^4. — > ibid. p. Ùl. —
DO Umtm AGE. 155
Téréque d'Anagni réussit à rendra imititolA moéémtioB de œ
Yieai et Mge fnifiistre ; il pattint Cj^liimt A titotiffer leA té'-
présentàtfOfis pftcffiques des eatitoas d« Zaricfi et dé Berne.
Le eanton d'Un déclara la guerre au duc de Milan ; 11 aomina
ses alliés de Itfi envoytff les fronts «tipolés {Mir lea traiKtfs d»
là confédënttion, et tous les caulôâs , qaotqtfà eofitre-ocedr^
firent marcher letir contingent. tJrte «rrmée de din mille eno*^
fédérés passa le mont Saint-Gotbani au moisde noTend)re 1 478,
comme la neige commençait h le couvrir. Un bërant d'arme^
était allé défii^r le due de Milan ; et le comte Marsilîo TorelH ,
avec une armée de dii-bult m^fe tfommes, attendait lés Saisses
sur leur frontière *. Cependant tmt^ commencèrent à m^
irager le territoire dlragna; Ils poussèrent )osqu*à BeUlnr/tutt
dont ils priaient d'assaot la première enceinte; il» «nraient pv^
avec la même facilité, s'emparer de la seconde, si leurs cbeAi
eut-mêmes n'avaient craint d'elEposef an pillAge une tHte qui
servait d'entrepôt k leur commerce. Lee oonf édéM» tri^«-
sèrent ensuite le Généré, tttoirtbgne qui Sépure fes dettU Mes,
et H* menacèrent Lngano. Mai» spfés Avoir eHnjé le LOM-
bardie par une courte apparttfon , comme un bivet trèe ri*
goureux s'annonçait déjà sur les Hautes- Alpes, ils les repêlK
sérenf avant que des neiges trop profondes les rendissebt
absolumeut im|>raticabTe»^.
Les Suisses n'avaient laissé dans la vAllée Levantine que dem
cents hommes tournis par les cantons d'Vri', de Zorleb, de
Lucerne et de Scbwitz ; et la milice de la vallée qtà se Je^gnit
à cette faible garnison ne paâMit pas qnëtre centcf bOmmes.
Le comte Harsilio Torelli crut pouvoir détruire aisément œtfe
pétKe troupe, et ^emparer de Glomico, ferferesse qd ûtttàt
^ MulloF Ge$chiehte der Schwelz. Bach V, cap. U, p. 177. — DUtrtwn Parmense,
T. XXff, p.^ 2»». tfàllÉT ft êet\i BM^tt ai li««<l»Toff»Ui( ëtnitattiÊtaMêsmimtâl
ia*iMai# «tf rMMpMDC iM prtifillr utif fiiÉÉ'ilfci. ^ ^HvMÊUefÙHtÊiêktë ê^
Sehweii. Bucli V, cap. U, p. 178.
156 HISTOIJaS DSS B^PUBLIQinSS ITALIENHES
devmoe la def du passage da Saint-Gothard. Il s'arança jus-
qu'à Poleggio ayecenyiron quinze mille hommes. Henri Troger,
commandant de Giornico, se retira à son approche, mais
il eut soin en même temps de détourner le Tésin de son lit, et
de répancher sur les prairies qui occupent le fond de cette
vallée. Le froid très vif de la nuit changea aussitôt tout ce
bassin en un seul miroir de glace. Les^ Suisses, retirés sur les
hauteurs, s'étaient pourvus de crampons; ils attendirent qae
la cavalerie milanaise se fût engagée sur cette glace polie
avant de l'attaquer. Tandis que les chevaux tombaient à chaque
pas, que les hommes appuyés sur leurs lances avaient peine
à demeurer debout , ces montagnards fondirent sur eux, par-
courant aussi lestement cette plaine de glace qu'ils auraient pu
faire une prairie. Les Milanais ne pouvaient faire usage d'au-
cune de leurs armes, ils reculaient, ils voulaient fuir ; mais les
chevaux qui s' abattaient sous eux obstruaient tous les passages.
Plus ^e quinze crats d'entre eux furent tués, le nombre des
prisonniers fut considérable ; une bonne artillerie , demeurée
entre les mains du vainqueur, servit à garnir les remparts
de Giomico , et un riche [butin fut partagé entre les sol-
dats ^
1 479. — Cependant Gecco Simonéta souhaitait sincèrement
la paix, et il fit rouvrir la négociation : ceux d'entre les can-
tons ou les villes sont souveraines ne désiraient pas moins que
lui de mettre fin à une guerre qui troublait leur commerce.
Ils contraignirent enfin les habitants d'Uri à la modération;
le bois contesté fut cédé aux Suisses; quelques milliers de flo-
rins leur furent payés en dédommagement , et la bonne har-
monie fut rétablie entre les deux états. Mais cette courte ex-
pédition rehaussa le crédit des Suisses dans toute l'Italie , et
1 MuUer Gtschicie, Budi V, cap. II, p. isi. — Dùtr. Panneme, T. XXII, p. 29i«—
ÂibOFU de mpaUa, ànn. Placent, T. XX, p. 958, —B€n. Corio^ Storie UUatu F. VI,
p. Ml.
JbtJ MOTBH AGB. là7
augmenta, aux yeux du pape Sixte lY, le prix qd'il attachait
à lenr alliance ^
D'aatresintrigaesda pontifeavaient suscité en même temps
des ennemis domestiques à la régence de Hilan et aux Floren-
tins. Sixte avait attiré dans la Lunigiane ^Robert de San-Sévé-
rino, Louis Frégoso et Ibletto de Fieschi ; et tandis que ces ca-
pitaines, avec des troupes génoises, prenaient des châteaux
aux Halespina et attaquaient Sarzana ^, les frères Sforza^,
oncles du jeune duc, quittaient le lieu de leur exil, parcou-
raient la Toscane dans un appareil menaçant, et venaient en-
fin se réunir à San-Sévérino '. Les Florentins, alarmés de voir
paraître ces nouveaux ennemis, appelèrent à leur solde plu-
rieurs condottieri renommés. Charles de Hontone et Déiphobe
de l'Anguillara leur furent cédés par les Vénitiens. Robert
Malatesti, seigneur de Rimini, Costanzo Sforza , seigneur de
Pésaro, et Tun des Manfredi, seigneur de Forli, quittèrent
les drapeaux du pape pour passer sous les leurs * .
Plus r esprit militaire renaissait en Italie,p]usle gouvernement
florentin éprouvait d'inconvénients à y demeurer absolument
étranger. LeducdeFerrare, général de la république, avait été
chargéde repousser San-Sévérino, tandis que ses adversaires, les
ducs d*Urbin et de Galabre, étaient restés dans leurs quartiers
d'hiver. Il le fit en effet, mais avec tant de lenteur, avec tant
de mollesse, avec une si grande défiance d'un ennemi beaucoup
plus faible que lui, qu'il mit trois semaines à parcourir la
côte de Piseà Sarzane, qui n'a pas plus de cinquante milles de
longueur : jamais il n'atteignit, jamais il n'entrevit seule-
ment San-Sévérino, à qui il laissait toujours prendre deux ou
trois marches d'avance sur lui. Et après cette expédition , où
1 Mutiez Gesehichte. Iliich V, cap. ff; Ib. p. U3. — Diw. Parmense. p, S03. — * Sci-
f^tme Ammiraio, L. XXIV, p, i3i. — Alà, de Rlpalta, Am. Placent, p. 958. — > Le
^ Janvier, mar* Parmens, p. ^S.^Sdpn âmnomui. L. XXIV, p. |S9.— * Sc4>iotie
immiralo. U XXIV, p. ut.
U8 HISTOlU£ DS» fâWJOJQtSU rtALIE9lï£S
4 W iCétnt P^ 4onDé M çMp de Iw^» U mvipi Afij^ kt
même lenteur se placer sur les frontières de SÛWW- I^ ^W
ÏUmuk de Ferrace n*4«Mrait osé §d penoetlxe me «Qpdaite
^ossi honteuse s'il %\mi eu à en raidre compte k «fi Jgfi^v^^
oement mUitaire ; iBais U ét«U peu touc^bé des repr^^
vaientUttadj^esserlesMédicif , ^Toçieur cooseilde mmsbapd» ' .
A roavertore de la campa^^, on désocdre î^attendu a^î-
l^t encore Varoée flof^tîne* On y iroyait tiHii^ le copite
Cbairles de Moptpne avec aea soldats^ dernier reste de léaçie.
de Braeeio« fon père, et Costen^p Sfeoia, avea de» seldele de
récQle de Sfor^i Ittendola^ soo aïeul. Iiw* rivalité datait
déià de près d'an siècle, et la moirt de leniv iàf&, le diesige-
ment de toute leur argaïusntîan, aiuraieiildâ j mettoe un
terme. Cependant il fut impossible de les faii^eeiinliettre soi»
les marnes drapeaux. Des quereUes violentes, de^ déie, ées
dods^ faisaient craindire une batatfle générale entpe les deQx
troupes. On fut obligé de les divi^r^. Montone, avee Aobert
Malatestl, fat envoyé dans TétaJ; de Pérouse, sa patrie, où il
espérait trou\er des partisana; en eSEeti une viAgliMie de
châteaux se soumirent à lui ou à son fils Berardipo^ maia «a
mort, siurvenue à Gortone le 17 juin, d^uisît toptes les e#-
pérances que tes Florentins avaient mises en lui ^.
L'autre armée, que commandait Herx^ule d'Esté, fat plvs
malheureuse encore; pendant la première partie de la cam-
pagne, elle demeura dans une honteuse oisiveté. Bercée
Tayaut laissa, le iO août, sou^ les ordres de son fnène Sîgis-
^nd, pour retourner dans ses états , elle fut surprise ie
7 ^temhre au Pog^ iis^pénale, par le duc de Calahre, et
mise dans une entière déroute, preaque sans avoir cMobatbi * •
1 Scipkme AmmU^tm. L. UiV, p. m^-^DiatUm Pammse. p. asi. *- 9 MoceAio-
vem, isktrie. L . vui, p. aM.*-> âdptafie dmmimo. L, XXIV, p. 1M.^« UUU u XX|V,
p. a». *- Aliêm^o MÉBigmiKMKria $tm$â6. x, uiu, p. 7Si. — /. ukh, mm^Bku
Flor. L. VU, p. ui),
m mmm mm. ift9
Ibei dhftiMn 4e PosBi-Boiiii et ^ CUto « fat df lik «^
lèvMt eefMttdmt kt NapelitaiiM; UtiMlkii^t l'oa et l'entre
M eîé9lohitîiié. Maie oommt lee Fkiraiitei ne fireotaneon
aHrat pe«r lee dâiveer» leoe dea^i dinrantee feadbre avant le
«1 de la eeniMgM. 0dm de Goile eapieala le dender, le
14 novettlwB, ela|ieèe aelte eoaqaèle le duc de Galatee ait
ee^tmîpte ea qoarlieia d'bhrer ^
9à deu eM^^egve iiiallieHreiiaee^é|»aiilaieDt topoaTofar de
JbeuMit de Médkâiy et lai fûeiMit entvefoir ta fuiae pro-
ebeiM, iléleH eneoia idui alarmé de» réfolaUow ^^^
ntae kmfBj nBmenaieat la pniiianee de loa plot fldëe al-
Méi^ Bqhert de Saft»8<fériiiQ| apfèe ion eaipédlliOB de Laiii-
p^pa» e'#rit reliaé daoe lee montagnefl qui whiI eatre Parme
et l'^t deCMnae. Là, il avait plaeésan camp f^ de Borgo-
dîi*¥«l*di^Taro, de manièiie à sMiiacer tour è tour les Flo-
ittrtipp et la dnoiiMH de miaa. Le» beaax-frèfes de cette do-
ckeseeélaieiit aopièi de Saa-SévériDO, et son eamp était le
fejer de lemraeeofMe» iatHgaeck L*qb cf en, le dae de Bari,
«womt «nhiiemeat le 27 jiâilet, et l'on soupçotma les deux
entiea de Favoff empoiseimé'. Moine d'nn qm» après cet
événeoMU, Um^ 8feraa, qui li4 sueeéda dans le doehé de
Bari, parai lent j^ eenp avee San^vérmo et son armée
devant ka porlni de ïorlone, qni ku forent livrées le
38 aeAk^. Il en prit possession an non do dne Jean Galéaz,
san naveu, et de la dnohesse Benne otta-méme ; il déeiara
qn^ éftail lenr sarvitenr à Ton et à Fantre ; qoe loin de pren-
dmleaaamBa ecmlvf eux, il ne s'avançait qne ponr les défi-
"«Ber^dQ loirs ennsans, etsnrtoirt de leurs ministres infidèks.
Jbes penples^ tpnjonvs disposda à refeler sor les ministres tes
msns qa'iia sooffreo^ seoondaient avee joie une révolution
« Seipioue Ammirato, L. XXIY, p« U2.^AUegretio AUeQrettL p. 795. — * DUw. Par^
•« Bernard CoHo, Bui, Milan, P. Yl, p. 988^
160 ttKTOIU DBS HiFDBMQinS ITALIENNES
qui ne semblait pas dirigée ccfntre leur soaverain. Tcms les
lieux forte s'empressaient d* envoyer leurs elefs à Louis l^orsa.
Un historien contemporain assure que quarante^nx châ-
teaux se rendirent à lui en un même jour ^ Mais ce qui était
{dus important enocNce, un parti tout formé le favorisait d^kfà
la cour de la duchesse. Cette cour était partage en deux
factions. D'une part, Geoco Simonéla, plus souvrâiin que
ministre, exerçait un pouvoir confirmé par cinquante ans de
faveur, sous, trois règnes successifs; son fils Antoine, son
friire Jean, son ami Orphée deRicavo, et tous les vieux con-
seillers, la plupart élevés sous lui, le regardaient comme leur
chef et leur oracle. D* autre part, Ant<»ne Tassiui, nourri
dans la faveur de la nouvdle cour, s'était fonné un parti
de tous les envieux du ministre, de tous ceux qui espéraient
s'agrandir par un changement. Tassini était un Ferrarais de
la plus b^sse origine, placé d'abord comme valet de chambre
auprès du duc Galéaz. De là il avait passé au service de la
duchesse ; il s'était tellement emparé de son esprit, il lui avait
inspiré tant de confiance, et peut-être d'amour, qu'elle ne
voulait plus consulter que lui dans les affaires d'état. Le
chancelier Simonéta ne voyait pas sans dépit s'élever sur ses
ruines cet indigne rival. Tassini, blessé peut-être ctes mépris
du vieux ministre, avait conçu pour lui une haine implacable.
Dans l'espérance de le renverser, il avait formé quelques Mai-
sons avec les beaux-frères de la duchesse; et lorsque Louis-
le-Maure parut à Tortone, Tassini persuada à Bonne de le
rappeler à sa cour.* « Le parti que vous prenez, kû dit Kmo-
« néta, quand il en fut informé, vous coûtera l'empire et à
« moi la vie^ ; » et cette prof^étie ne tarda pas à se vérifia*.
Loms Sforza entra à Milan Ie8sq[)te0ibre; il protesta aussitôt
qu'il y arrivait comme serviteur de la duchesse, et son gar-
t àlb. de mpaUa, Annal. Placent. T. XX, p. 959^*-* Maechim^tUy M. L. VUI, p. 492.
— Bern. Corto, Hi$t. MUan. P. VI, p. 99t» .
■r mi M0¥£9f A0£. 161
dieu le pins fidèle * ; mais dès le 1 1, Geeeo Siiiuméta fat tur-
rèté avec son fitey son fMire, et tous ses anus'.
SimoDéta, traimféré au château de Pavie, y fut d'akvd
traité avec beaucoup d'égards; mais, an sois d'octobre,
liouis Sfoiea lui envoya un de ses secfélakrea, pour ravertir
que, s* il vwlait recouvrer la liberté, il devait Tacheter en li-
vrant environ cinquante mille flmns qu'il avût chez des
banquiers àFlorenoe. « J'ai été incarcéré d'une maoiàre fflé-
« gale, r^ondit Simonéta; ma lyiaison a été piUée, cm oà'a
« abreuvé d'outrages : tdle a été ma récoaaq^Mise pour avoir
« servi fidèlement et avec asèle l'état de Milan* ;8î j'ai conimis
« quelque faute, (pi'on me punisse; maislafortattieiqQe.j'ai
• amassée par un travaU honor^ji^le et .une longue éeonttmie,
« passera à mes enfleuits. Dieu m'a liât as^ez de g^sàms en
« prolongeant ma vie jusqu'à ce jour; à présent, je ne dâsire
« plps que la mort'. « Dès lors^ gimanéfai fut traité avec une
excessive rigueur ; il fut soumis à une indigne torture,. poilr
Iniarraetier la omfe$sion de crimes dent on ne le souJiçfflL*
nait même pas : sa femme, qui était de la maison Visoontî,
devint folle de désetqppir; et, léSOoetobre 1480; ileutlatftte
tranchée au château de Pa vie ^ .
La prédiction que Simonâia aviait faite à la ducbesse se vé-r
nfia de tout point, et Tassini, qui l'avait supplanté, n'eut
pas longtemps lieu de s'applaudir de son triwiphe. Dès le
7 octobre 148^, Ixmis-le-Miaure fit déclarer majeur sonne*
veu Jean*Galéaz-Marie ; il prétendit qqe ce prJnjce, qui n'était
enoc^e &gé qne de douze ans, était déj^ eaa état de gouver*
ner, et, sons ce prétexte, il Ma à la duchesse Bonne toute
part aux affaires. Le même jour, Antoine Tassini fut arrêté
1 Dlwiwrn Parmense. T. XXII, p. 318. — * Ibid, p. 319. — > Ibld, p. 323. — Bernard,
Corto, P. VI, p. 993, 994. — « Albert, de ï&paHa, Annal Placent- p. 9«i. — iHar, Par^
mente, p. 354. —Benumt. QoHù* p. 997. Gorio éuU piéMnt et acteur ton eeiétéiie-
menu, nais U oe lea raeoDle pu de bonne foi, poar mèsager la répautton de Louis-le-
Maare.
▼II. 11
162 HISTOIRE D» mivmi^^vj» rrALiENitiss
et «Éif^rtooMë su iMieaa d« FortsnXdbbia : l&pèie de fis*
sini, Gabriel, qui Avait été Mt eonseiler diied, M; arritë cftt
Jn*M leÉi^i MM den, déprailMi èe knâr« biini9, fissent
fflriiSs. du dm&hê et Wkm. La dwbewe Boaae, irriM et Im-
■flMe, soflM;, ](^ ï iiMttiiferey de Ifitm, pcw cn» reta^ i
^nsefl; cÉ^fltétaMIl ensaife è A»Mil« Svadso, •* elle irfUitf
«ëBotmiieBt; étbigaée âe» aflUres *.
£mrail de MédMâs» «$ snAiminqx âsns' sts^ dbtti ]p¥é-
■(iiirc»«c«fii|^agiie8 , si manfeureaii éam ratliîMi^ mt laquelle
il avait, le pta» omaptij m pefdlA^ point ooufi^age; eepenéiiit
il diereluiit en Itriie Éième , et bors cfe FRaliê , des seeoors
«D^tse la lf|;[te faiMMIef ffà Ftttaïqoait; B^ eMeertf Wfce. Ids
YéiiMtai», d seogea à mtàmfft Fimdeii parH A'Aj^jWij peur
IfappMHiir dans le royaanfe&de Naples ft la pirisianee etiwsAre
é» f «rdBnatid* Les m^(Q4» âm deux vé^bKqties aSJrent doN
Mailer étt Lorraâie fb^MfepdQ ^rieiHi roi Be»é, el As le trei»-
^«teeiitenpfessd i s'engagier dtui» fie» itotriigtte» et Ie9 goenes
dflMii»^, poar ftitee i^^Hrre des pf^eatioBs q«i deaiiaieat (À»
d» knlre * m flatisên .
I^-^ÊtUKL Bméj eoml^de ProTenee, le rivât (^Alioâse ^
de Ferdinand, vivait encore. Or moamt en Froveàioe senlëitteftt
rannée smvanle, le 1^0 jaillet 1480^; mal» M «vait sorvéea à
tonte s» descendance mascidine, et fl était parvenues an>àge
où il n*av«tt pins i^ la forée, ni ta volonté de t«onftl^ po:**
sonne. Son généreox fia Jean, Amt deCMabne, était moFten
1470»^ il avait laissé, de son marfieige avec Marie de Boiti4)M ,
dem tts , dont l'ainé', qui portiri^ aussi le nom dit Jean, M Itti
sÉnëettt que peu d^jouie; te plus jeone, Nicoi», mourot
en 1 4? 9, à Fftge de vingt--cinqf ans, sans «voir en iPenfanVi ';
Cependant une fille de Bené , Yolande , avait été mariée à
tMt* ^ÊtfoUoiJnit, ffaMMt. pu 98i.-*4MaHtaii Vmnmtm. ^ vu. ^ Ban, «Ssnte,
MAH, tU mtano* K Vl^ p. MU -^ ÊtmcMmUi^ JH. ii. ¥lii^ p. 4M. — t QomU». 4»
MoMireUu Vol. UI, f. 174.
Ifeéff^ èo*te Ae THUdMomi^ éC M imal p6né tmi§ les drotto
de fA Bftère à k Lonrainè. Deeo flnrhigef auqôèl B«ié tf arrail
GûÊïMÉà qa*k c«Blàp»-éQÉir^ c« j^F Foeofayra? s» liberté ^ éuéi>
né Beaé 11^ Aidée Leffraitoy qn, per b mlMdie «Bt^ oooiiâi
Jéad et Nîori»^ éeTénait iHis^t l' hâritier de tè^leb les ppéteo^
tioilsde k vaimm d*l6joa sar k royawnfe ^Naf^lee. Le vkex
Beiié, il ecft Trai, ii*aiF«t pôkit ptê^oné à son pelt%-6b sa
nflSssatioe ûb smg de YalideiÉoiit ; il- i^aît fiiit nû tesiament y
k 22 juillet 1 474> pour k fimstrar de son hââtilge> et j appelœ
Charles du Mfdae, file dua iMre Charles , eomte du Maine i
800 plus jetiae fHfte ^ LéB prétentîolle q» Gharks YIU fit
retàt plu» taré sûf le royaume de Ifapkby hu yeuakut de
Charles du Maine; ce prince ayant, le 10 déceiobre 1481,.
iFciitede sa nerl,! légné to«er ses droiftià Louis XL
Mm k drdt desf gâitf ilê rsoenatfH pbini dMl lei moBar*>
^KS k pecpréîc de ré^kr arilMtraitaMtil laf suecessku de kurs
étuts; esile sdoeeMsktf est &iée pltr kS'kii'dB eh>iqaifr poopk;
et l ordre iâMmBeikélahKp»l*hfa<aMtet^
■mtaÉehim âentre kfe guiBrfe8>citiltisi Aiksii. ne ^t-oii hifibm
aou^^éàt de parâlk testatueùts q^e krs^ue k eoBtffâft eulre k
sourfonfaebstà IfeupbeAt Bosa^pfàr oneeoifquèleyet^ue*
k monuRpie dépeisédé ne transmèl-j^us qn*u&« "v^Au titre è ses
MriëeiB^ Le royauM de Napies était un fief féminiii , eitaai
qufit restait Ou desemdunl en Ugu^ ^peote du dernier son^
lemn^ ks eoUatémiiK n'y pohvaiMii tity^t aueundr^it» Lssr
Vénilkne, les^Flôreurtiiis et toute FHitHe,^ reeonnaiesaietn daniA^
fiené II r biiitiér de k unisonfd* AfijiQ^ ; c*<tait à de-titre çi'ib
M> offraient de fddbr à reeMqudrilp krojomM deNèpks, et^
ikkMmtukut disposé, dto son eôlé, à'ks assîrter de toirtes:
sesfoMM.
PsffidaM fâ'Oft sliifAit ponc «il eu LAMisib ees négoeî»-
^ Comte, (te Momireùu Vol. III, f. |8t, y«.
XV
164! Huroiu DB8 Mkpmuqois rrAUEnni»
tkn» importaiiteBy Laueiit de Médieto reçût da dac de Galabrd
et da dac d'UrUii , ses adversaires , des oavertures ioatten-
does de padfleation. Loois-le-llaare loi-mtoie, le régent de
Milan, qa'il avait cm son ennemi, n'y était pas étranger.
I>q[niis qae Louis avait saisi les rênes da goovemement, il
avait revAta les sentiments de ses prédécessenrs; il voulait
sauver Florence, dont 1* alliance lui convenait , et la détacher
de Tenise; il voulait de même détacher le roi de Naples du
pape , et il voyait d^à entre eux des semences de division. Le
24 novembre, on trompette vint annoncer à Florence, où
Ton ne s*y attendait nullement, qa*ane trêve avait été signée
entre le roi dé Naples, le pape et la république, pour traiter
de la paix*.
Ferdinand n'avait aucun ressenthnoit personnel contre
Laurent de Hédids ; la guerre qu'il lui faisait était purement
politiqne : il pouvait lai terminer sans rancune, dès que d'au*
très projets d'agrandissement se présentaient à lui. Maître de
l'Italie méridionale, il désirait étendre son pouvoir dans l'Italie
supérieure. Déjà la révolution de Milan lui avait donné une
gfetinde influence sur la Lombardie; la république de Gtoes
était presque dans sa dép^dance; le duc de Calabre formait
sur celle de Sienne des projets que SenAlait favoriser un puis-
sant parti , et il pouvait s'attendre à ce ^'avant peu de mois
cet état reconnût volontairement sa souveraineté. Il ne con-
venait donc point à Ferdinimd de pomnniivre , de concert avec
Silte lY , une guerre dont celui-ci aurait voulu tout au moins
partager les fruits, n valait mieux pour le roi laisser Florence
soumise à un gouvernement qu'aftaibUssait la haine d'un parti
nond>reux, tandis que les Napolitains prendraient pied en
Toscane d'une manière stable, qu'ils y attendraient les événe-
ments, et surtout la:mort du pontife. Les dispositions de
« adfioM êmrimo, U XXIV, p, ï^^HUqnm âUitfntH, MoH Soneii. T. XXD»
ou ifona Aos. 165
Sxte lY étaient abedanint «fiéniitea; UaeMitait huulié
do mal même qu'il ayait Toola faire aos Flofeatiiia, aotamt
que des Tcproehea et des menaças qu'il aTait reçus de toute la
duétieuté; il ne pouTait panloimer à Laurent ni le meurtre
de tous les amis de JértaieBîario, ni le {Hroeès scandaleux qui
ayait révélé à FEurope leurs complots , ni la terreur du jeune
cardinal , son neveu. On l'arait obligé de proposer les condi-
tions qn*il mettrait à la paix : toutes celles qu'il osa dictar
étaient souyerainement humiliantes. Il youlait que Laurent et
les Florentins bâtissent une chapelle, et qu'ils fondassent des
messes pour les âmes de ceux qui étaient mcMrts dans la con-
j nration des Pazâ ; il youlait que la république demandât so-
lennellement pardon à l'Église, pour ayoir attenté aux per-
sonnes sacrées de rarebeyèque et de ses j^rètres • Il youlait ôilin
qu'elle restituât au Saint-Siège Borgo San*Sép(4cro, Modi-
gliana et Castro-Garo, quoique ces diverses yilles eussent été
Intimement acquises par les Florentins, longtemps ayant la
guerre dont il s'agisBait ^
Cependant la situation des Médids à Florence même deye-
: nait tous les jours plus dangereuse. La yille était lasse d'une
guorren ruineuse, soutenue ayeesipeude succès ; ses troupes,
qui ayaient coûté des sommes immenses à solder, étaient dis-
sipées; les ennemis étaient maîtres de plusieurs des meilleures
forteresses; ils ayaient portésueeesâyementleursrayagesdana
lePisan, l*Arétin,le yal d'Eisa, leyal de Niéyole,leyald'Amo,
la Lunig^e; presque aucune proyince n'était demeurée in-
tacte, le commerce était éteanlé dans la capitale, il avait été
frappé dans les pays les plus éloignés par la confiscation des
biens des marchands florentins que le pape ayait prononcée;
chacun senteit que la guerre n'était soutenue que pour la dé-
fense des Médids, qu'elle était étrangère aux yrais intérêts de
1 Seipione Ammiraio, L. XXIV, p. 136.
166 HISTOIEB DBS ftJSmWiQlIBS ITALIEIIIIES
VéM t ebâona woelalC y mettre fin \ et JëfAme Morelli , qui
passait pour un des amis et des partiMiiis les plus sélés des Mé-
dids, dit à ^auront en pldn oonseil : « Notre ville est au-
« jourd'hui fatigote, elle ne veiU plus de guerre, elle ne veut
« plus demeurer int^dlte et excommuniée pour défendre Totre
« crédit*. »
Dans ces eiroonstanoes difficiles , Laurent de Médim prit
une résolution en apparence hardie, et qui cependant était la
seule sage, celle de se rendre lui-même auprès de Ferdinand,
de connaître ses dispositions secrètes, et de les mettre à profit
pour négocier avec lui ; d'arrêter les plaintes des mécontrats
à Florence par l'espérance d^upe paix prochaine, et de prou-
va en même tempe à rEurope qu'il n'était point le tyran de
sa patrie, puisqu'il osait, comme un autre dtoyen, se mettre
«itre les maips des ennemis, sous la simple garantie du drdt
des ambassadeurs. Le sort qu'avait éprouvé PtcciBittO à cette
même coiir d^ Naples donnait lieu aux partisans de Laurent
de célébrer le courage avec lequel il s'^posait à un traitement
smblabte, et néanmoins il ne courait point le même danger.
Picdniiio, seul chrf de son armée, ne laissait après loi ni états
ni vengeurs ; sa mort n'avait coûté à FercKnand qu'un crime
et non des combats. La république de Florence, au ecmtraire,
aurait soFvéeu tout entièape à Laurent $ eBe aurait montré [dus
de zMe pour pairir les BMwrtriers de ce dtoym iHusb^ que
pcmr k défendre, et Ferdmand n aurait recueilM d'autre fruit
d'ime traihison que^la honte de ravekoepimise. Laurenl, kh
vite par le duc de CaUbn et fediBcd'lJrlMn à Mv% ce voyago^
eyaat refu do Naptea ra^soraneQ ^*il y savait bien reçu ,
fit ooMfliqaer, k & d^cembfc, par k gonltAonier, un coBsril
1 laeopo Hardi, Utor. Fior. t. L p. 13. -* J. Ificft. Rruii, L, Vil, p. m. — » U
letlre de Laurent, du & décembre, à ces deux ducs, nous a été conservée par Hala-
volti. atoria di Sienna, P. III, L. IV, f. 76. Hédicis déclare qu'il entreprend ce voyage
sous leurs auspices et par leurs conseils , ^ il leur recommiande ses intérêts en son
IMi UOUM^ Jk/&M. i$7
4êfi AMMfSitf» B^nr Imr com^imvtgs m intentioiœ *» Jlpirtil
je même jour, .et le «oilea4emaiii il écrivit de Saa-Mtaiato à
ift Seigaeiim pour prendre congé d'elle. Dans sa lettre, il ee
représet^t c^moM une i^ictime qui s*olfre en sacrifice pour
détourner te toorrow de puissants eanemis ^. A son arrivée
à Pise , il y trouira de pleins pouvoirs des déo^nvirs de la
gqerre pour troiter au nom <te la république; aes partismtf»
n'avaient pes osé les demander au conseil des Gait, de peur
d'y renccntrer de roppositi(Ni '. Une |;alère de Naples Tat-
lemdait à livourne par les ordres de Ferdinand, et tecapMne
Je jreçut à son bord avec les plus grands honneurs*
1480. -- L'arrivée de iMrent de Médids à Naples fut on
Iriompbie; le second fils du roi, Frédéric, et son petit^fils Fer-
dînaad vîArent le recevoir au rivage, et le monarque lui-m^e
.parut se laroire honoré par l'arrivée d'un pareil h6te *. Il eut
avec lui de longues conférenoessur l^politiquede l'Italie. Mé-
dicis fit conni^tre au rm le traité déjà entamé avec Bené II de
liOrraine, par lequel ce duc s'engag^it envers les deuK répu-
JUiques à conduire àx nulle chevaux en Italie pour combattre
la maison d'Aragon '. Il lui communiqua aussi les offres de
«Louis XI , ^i parawait tour à tour vouloir faire valoir cm
Jas écwf» de la maison de Lorraine, ou les siens propres sur
le royaume de Naples. Ce monarque, par son activité, par sfs
fM^gooiatiQiis con^tîquéeS) par sa politique mystérieuse^ faisait
alors JUlusion à toute l'Europe sur le dédin de sa santé. L'ia-
yasion inmgaise qui renversa quinze ans plus tard le roi de
JNi^^yles de soi» trône, semblait déjà le menacer. L'appui que
FjerduMad trouvait dans la cwr de JBcme était trof incertain
poor âtre us en balance avec ce danger. Le pape était vieux
1 SdpUme AtmOrato. 1. XXHT, ?. 143. -« « tMM apud noêeéê^ Ufê of Unmnù* V. I,
p. 396. — > BpUiola BainhoL Scaiœ, apud Boscoê, Appendlx XXX. T. 111, p. 174. —
* Vahri in Vita haurentih p. 34. — 8 Andr, Navagiero, Sior. Venez, p. ii6h^$cipione
4mminao, L. xxiv, p. i44.
168 HISTOIRJi DES BiPUBLIQOSS ITALIEIIIIBS
et malade, et s'il Tenait à mourir, son sacoesseor pourrait étie
ansisi empressé que Ini d* agrandir ses propres neTeox, 'et se
jeter pour eela dans un parti opposé, qui Ini offrirait les dé-
poniDes de JérAme Biario et de ses amis. Mais Laurent de Mé-
dids, en présentant à Ferdinand ce tableau de l'Europe, con-
vint qu'il était plusfadleàla répub)iqueflorentiuede[se Tcnger
que de se défendre. Il convint que, lorsqu'une fois elle aurait
appelé les ultramontains en Italie, elle ne serait plus midtresse
d'arrêter leur impétuosité, et qu'elle souffrirait probablement
autant que Ferdinand lui-même d'une guerre où la Tos-
cane deviendrait leur place d*armes. L'intérêt de Ferdinand
et des Florentins était trop conforme pour qu'ils ne dussent
pas préférer une fidèle alliance à une guerre sans but. Il im-
portait à tous deux également [de maintenir en paix l'Italie,
d'en fermer l'entrée aux Turcs par les Vénitiens, aux Français
par le duc de Milan ; d'affermir le gouvernement de celui-ci,
que la dernière révolution avait ébranlé; de surveiller au con-
traire l'ambition et les progrès de Venise, qui, depuis qu'elle
avait recouvré la paix sur sa frontière orientale, pouvait seule
dicter des lois à ses voisins ; enfin, de contenir l'esprit turbu-
lent du pape qui, pour assurer à son fils la possession d'une
petite principauté, avait compromis l'Italie entière parles plus
funestes intrigues * .
Ces considérations n'étaient pas nouvelles pour Ferdinand,
et elles firent impression sur lui. Cependant, on l'avait long-
temps entretenu de la haine et du mécontentement que Lau-
rent avait excité à Florence; avant de compter sur l'alliance
de ce chef de parti, il hii importait de savoir si les Florentins
ne sépareraient point leurs intérêts des siens. Dans ce but,
Ferdinand retint Laurent longtemps auprès de lui, et il ob-
serva soigneusement en même temps si son absence faisait
t j^mmU auhf Bruii, uut. rkr. L. vn, p. ITC.
Mf Motnr â0i. 169
lutfta qoekioe moatement. Les ennemis de IMAcis prirent
cette occasion poar témoigner btntement les craintes sor Mm
smt : ils rappdaîent la mort eraelle de Picdnino» espérant
fBii« natfere an rd la pensée de traiter de même knr adver-
saire. En même temps ils iTopposaient ayec obstination, dmie
les oonseik, à tontes les demandes de ses amis, et ils déplo-
raient le sort de la répobliqoe, engagée dans denx guerres à
la fois pendant qne son dief était absent, car le jonr même
où Lanrent était parti de Florenoe poor traiter a^ec le roi de
Naples, Aogostin, filsde Loois Fr^Me, an mépris de la trêve,
s*était emparé par surprise delà iriUedeSarzane, qne son père
andt irendoe à la république florentine plusieurs années au-
paravant*.
Enfin, Ferdinand omaentit à signer à Naples, avec Lanrent
deMëdids, le 6 mars 1 480, un traitéde paix entre son royaume
et la république florentine. Il exigea que les membres restants
de la famille des Pazzi, qu'on retenait prisonniers dansla tour
de Yolterra, quoiqu'ils ne fussent point entrés dans la conju-
ratîcm, fussent remis en liberté; que les Florentins payassent
au duc de C!dd>re, son flis, à titre de solde, une somme |an-
nnélle de soixante mille florins. De son côté, il promit la res-
titution des villes et forteresses prises aux Florentins pendant
la guerre, etles deux gouvernements se rendirent garants des
états Fun de l'autre *. Quelque opposition que lé pape eût
apportée à cette négociation, quelque mécontentement qu'il
témoignât de n'avoir pas été consulté, quelque empressement
qu'il marquAt pour s'allier à la république de Venise, puis-
qu'dle avait à se plaindre aussi bien que lui du manque d'é-
gards de ses précédents alliés, il se laissa comprendre dans le
traité de Naples, et les hostilités, suspendues l'année précé*
*« S€lfkmejmmkni9.L. Xinr^p. ii%^ mar^nnmnut, p. SST. — itaecMÉMA,
1$t. L. vm, p. «M. - • 804». âmmlHUo. ^ lll. - MnethimfeUL L. vni, p. 4os. «-
170 HISTOIRE DO nérwmnpw rrALusnnEs
4eDte pwie trè^e, M«ereMbydèmit|^t^Lap«ixfit
aassi publiée à Sieniie le 25 mars 1 480 ^«
La paix qoe Laurent de llédîeis a? ait obteiiw aiigmeata
swoi cnédit |t florenee; il j fut reca à «m n^liiir ecmme k
^mt^ew 4^ «1^ patrie* Umil à itrofil cette mwaMwaime de
peaple popr comoUder loa autMrUd. Il fit arder, le 12 avril,
pue iMHiv^JbaIie« maie avec Tiideiitîm de B*m plu cmr
a ravenir, car le nom et faotorifté Févelatioonaîffe des telies
coptribuaîeat à nendre ectienx le poniToir dm Alédîeis* U ai
donc altribaer à an corps pemuuieBt dans 1* état celle aolerilé
sapérieace qu*il vwlsit cwserver. Ce CDi!pe fut pa cDOsâl
nouveau de soimde-dix eîtajene q/à devait être cwsullié sur
toutes les affaires avant tous les autres. Les goviUoiiîars
devaient j être admis à mesure qu'ils sartirMeiad; d'ofl&oC) à
moins qu'ils n'en fussent exdns à la mi^aritf des vcâi. Le
conseil des soixante-dix commença un noQTeau sorotia d'é-
lection pour composer les magist^tures à venir, et il fit durer
quatre ans ce scrutin, afin de conserver plas longtenq» dans
la dépendance ceux qui briguaient ies emplois* £n «|6aie
temps il employa les deniers d^ l'état ^ pigr^er to dettes con-
tractées par Laurent de Mé^Uicis '•
Laurent , que la postérité a décoré du nom de Jf ogiiî/^f^,
tandis que ses concitoyens et les éorivains de son tepips ne
lui donnaient cett^ épithëte que comme un titre d'bp9nettr
commun à tous les princes qui n'eu avaient pas d'antre, à
tous les condottieri et à tous les ambasspdjrars , Lanrent mé-
riUdt le surnom dont une erreur l'a mis en possesëon^. La
f Jaeobl Volaterranlj Diarium Bomanum. T. XXIII, p. los. — * Allegretto Àttêgrein,
tor. StneêL p. T9f . — Orltmd. MûkmkL P. m, h. IV, f . ts. ^ s leMrU El eioMMuii
Crnnbi, DcHzie degUErudUi. T. XXI, p. 9, |. — * M. Roicofi HUmtratUmt^ f, 91), pow
fulre voir que ce n'est pas la neule postérilé, mais aussi les contemporains de Laurent
qui l'ont décoré da nom de Magniflgue, cite raulorilé de FabbronI en iT84 , et de Pi-
gnottl en A|ia. J'en tppeVe «u coi^traire ai» lettres et aoi jalrat piftetp j«pBDd«fief
par M. Rofoaë Ini-mAoe dana son Afipendix. M j veira ^m Uoreait »'eit peint appelé
par sei contemporains Lorenzo U Magnifico, comme U Test de.wis^o«f% Mje U Jls-
M Momi AGt. 171
m&ffBiAatfOd étrit dam n poUtkpe aatant que dans mm ca-
neHèm : il aimait à donner ridée d'une riehease infinie, ponr
nhaniser ainsi Topinion qu'on avait de son ponyoir ; il ne
neanniit jamais «on faste sur ses revenus : pendant son séjour
à Naples, après une guerre mineuse pour sa patrie comme
^MMff lui, tantAt il distribua des dots à une foule déjeunes
femmes de Pouiile et de Galalire qui avaient recouru à sa
munifiomee , tantM il déploya aux yeux des Napolitidns, dans
sesadiats, dans sa suite, dans ses équipages, toute la pompe
d'une richesse qui n'avait rien de réel : toujours il voulut
étonner et éblouir " .
Le traité dé paix qui coDsoRdaK sa puissance ne laissait
ipm d'exposer sa patrie au danger le plus redoutable qu'elle
eàt jamais couru. F^dinand s'y était déterminé, surtout pour
donner le temps au due de Galabre d'affermir son crédit dans
Sienne, et de réduire cette ombrageuse république à une dé-
pendance absolue de la couroone de Naples. Ce projet avait
déjà été secrètement entretenu par le roi Alfonse , lors-
qu'il vint en Toscane en 1446 ^ il avait été repris en 1452, et
en 1456; mais jamais il n'avait paru plus près de son exé-
cution que lorsque Laurent, sacrifiant sa patrie à sa sûreté
pertoanelle, etTintérAt des sièdes à celui du moment, avMt
eonsfi^ à y donner les nudns en recherchant la paix, que le
duc de Calabre désirait plus que Im.
Sienne avait consacré par ses l<ris l'existenoe de tous les
partis qui l'avaient suooesslvement dominée ; et ses citoyens
se trouvaient divisés eu plnsieurs ordres, qui étaient plut6t
des factions, et qui portaient tons le nom de Monti. Le pre-
mier, et celui qui avait exdté la plus constanitB jidousîe, était
gniftco Lorenzo^ et qu'en lui adreisant la parole on emploie Perpresiion magnifiée vfr,
on voaira magnificenza, précisément comme en t'adresunt aux généraux de la répo-
Uiqoe ou au duc d'Urldn, ou comme Politien appelle la femme de Laurent magnifiea
domino. — ^ Vaiori.tnfUa Lammm,p.U.^Vitnhm BmmmÊi. T. XXU» pi. US.
172 HISTOIBB on BiFQBLlQIJtt ITALIXniS
odni des nobles , autrefois profunétaires de tout le ten^tcûre.
On les ayait sacoessiTement privés de tontes lenrs forteresses,
et exclos en même temps de tontes les magistratares* Le soi-
yant était le Mont des neuf y qni formait à Sienne nne noblesse
populaire, telle à peu près que l'avait été à Florence celle des
Albiezi et de leur parti. C'étaient des liommes à qni d'an-
ciennes richesses , acquises par le commerce, avaient assuré
aussi un ancien crédit, et qui en demeuraient en possession
par un drmt héréditaire. L'ordre ou le Mont des douze était
plus immédiatement en rivalité avec celui des neuf. U. étmtde
même composé de riches marchands , et à cette époque il
comptait dans son sem environ quatre cents hommes propres
àentrer dans les conseils, mais que la jalousie du gouverne-
ment en tenait constanunent écartés. Le. reste de la nation
était partagé entre les deux ordres ou Monts, plus nouveaux,
des ri formateurs et du peuple.
Depuis le 27 novembre 1403 , une coalition existait entre
trois de ces ordres, les neuf, les réformateurs et le peuple. Ils
étaient seuls admis au gouvernement, et les deux autres en
étaient exdus. La Seigneurie était composée de neuf prieurs,
trois de chaque Mont, et un gonfabnier de justice fourni
tour à tour par chaque ordre * . Cette forme de gouvemem^t
s'était maintenue avec plus de stabilité qu'aucune des précé-
dentes, malgré les tentatives que Pie II, qui était noble sien-
nais, delà maison Piccolomini, avait faites pour la renverser.
Ce pape avait demandé qu'on rétablit dans tous les droits de
dté les nobles et le Mont des douze; on avait en 1458 rejeté
sa demande, mais on avait en môme temps cherché à le satis-
faire lui-même , en admettant les membres de la famille Pic-
colomini dans l'ordre du peuple. L'année suivante on avait
même donné une part dans les emplois publics à l'ordre des
1 OHmOo MoXtwoM.Sieriamsumia. P. ii,li. x,MM.
t>U MOT» AU. 173
noUtt* ;ttite Mavaitrefitté àiMolmnent d^étendre œtte fa-
Tcnr aa Ifoat des dooze*, et dès la mort de Pie II, en 1464,
on ani^ priirtf de noayeaii les nobles tfhonneurs qa'on ne
kor a^mt accordés qa*h la sollicitation da pape '.
Qadqne împradente qne fùl cette exclosion, les Siennais
n'aTaient pas en lien de se repentir d* être demenrés attachés à
ce qn'ils afqielaient la TriniU de leur gouTemement. Les trois
fMlioiis réoUiies paraissaient avoir confondu leors intérêts
entre ^es; Fadministration avait été assez éqpiitable ponr qne
les ridiesses privées et la population s'augmentassent visible-
ment. Sienne s*oniait de palais somptnenx, qui montraient en
même temps les progrès de l'opnlenoe et ceux des arts et du
goût; la république avait prouvé peu de commotions inté-
rieures; die s'était engagée dans peu de guerres an dehors;
et quoique éolipsée par l'édat de Florence, sa puissante voi-
sine, qui causait aux Simnaisune constante défiance, elle con-
servait à Textérieur l'honneur de son indépendance, au dedans
la paix et la prospérité.
Mais l'existence de deux partis formés en dehors du gou-
vernement était nécessairemenC dangereuse pour la républi-
que. Cétait parmi eux que les étrangers qui voulaient l'asservir
étaient sûrs de trouver des partisans ; c'étaient eux que le doc
de Galabre faisait agir, eux qu'il cherchait à faire rentrer dans
la SdgDcurie. Il demanda d'abord le rappel de tous ceux qui
avaient été exilés en 1456 ^. If ayant pn l'obtenir, il sema la
discœrde entre les trois ordres qui gonvernaient en commun ;
n en arma deux contre le troisième , et, le 22 juin 1480, les
citoyens des neuf et du peuple prirent les armes. Ils furent
secondés par les soldats du duc de Galabre, qui occupaient la
place publique. Un conseil général, d'où ils écartèrent tous
ceux qui ne leur étaient pas dévoués , et qui se trouva cepen-
t OrtMdo MtOnàUL V. lU, L. IV, f. M, 61. -« im. 1 64, — >1M. r.69.*- * ibld,
r, 76, ^àUeqr, ÉttegretOs Mari AmmI, p. MO,
174 BisToiEE DES MtspvKAqums rtAhîtSmiXËS
dant encore wmf^ de quatre omt qawanfte^edi neliiblé»»
exclut pour jamais k Mont des réforouiteiirs^ dm gouvene*
ment » sur la propositioD qui co fut faite par la goof àlMicr
de justice * . dette Tioleate réYolution , qui fra^pût m tîen>
des citojreui de la république, et les dépouHlait duoa part à
la souveraiuetéy dont ils étaient m possassion depius aoixMrté*
dix-sept ans> avait été préparée avec tavt de seeret^ elMéeaUa
ayec tant de j^mptitude, qu'elle s'accomplit sanaefiusiott éé^
sang» Le duc de Galabre^ fû l'aTsit #rigfe et sobtMMe aiteo
ses soldats^ s'était cependant âmgné de Sienne k j/m» ipfelk
s* effectuait y pour n'être paa acenaé d'agir est maiire 4ana la
r^ublique^ maia à son retour il avait âé re«apair ks m*-
Teaux magistrats , comme k bieniaitei» de l'état* U étrit ci»*
venu avec eux de former un Mont nouvea» pour t%mfHmuit
celai des râormateurs, et partiôpes pour un tiafs «a km^
neurs publics, détordre nouveau^ Boq/ààt om deua» kmm dè>
Mont des oj^égés^^ fut composé d'un certain nombier de §tm^
tilshommes , connus pour leur dévouement a» due de Cdabre,^
et de pkuskuvs membres soit du Mont des douae y seît de edui
des r^ormateurs, qu'une ambition pnvéendétaehail de kw»
confrères ;. enfin, des famiUea qui avaient été exducs en 1 45^
du Mont des neuf et de celui do praple, pour avoir voulu, de
concert avec Jacques Piccinino y soumettre k répubttqoe au
ifoi Alfonse. Ainsi les cinq anciens oidres avaient eoncoura èi
la formation de l'ordre nouveau *' .
Le gouvernement qui venait d'établir k violence éMà en-
touré d'ennemis^ il avait toujours plus besoin du duc de da«-
kbre pour se soutenir, et il se rendait aussi toujours phi» dé-
pendant de ses volontés. De mauvais citoyens qui se flattaimit
d'amasser plus de richesses, d'exercer pks de pouvmr, de
satisfaire plus aisément tous leurs vices, sous la protection d'u»
C v; f. TS."*— JacQÔi VQlàtcrroni Ptariim KoffUMum* m m*
DO Momr A«£. I7S
tyran qae dans leur patrie encore Hbre, araient bien calcolé
lorsque araient compté que la conséquence de cette réTolo-
tien serait de forcer en peu de temps les Siennais à se donner
eai-mèmes au duc de Galabre. Tout ce qu'il y avait à Sienne
d*amis de la liberté était frappé de terreur; la crainte n*était
pas moins grande à I!lorence. Si l'acquisition que le roi de
Naples avait faite, v^ngt am au^af avant, de quelques miséra-
bles châteaux dans la Marenune toscane, avait causé tant d'ef-
froi, comment espérer de sauver la liberté de Florence, une
fois que l'état de Sienne tout enëer seniîl entre les nains d'fui
mm ied0iitd>k vchsîb? Mab vm événonent inatteadtt, qui
glaça cfe terreur le reste de rnaKe, délitra Sienne et Florence
9m aftcfrvlsseinenC presque inévitable, en rappdanf le duc de
Calabre , pour défendre ses propres foyers.
176 msroiBS ras airai&iiiras ixAUsimics
f»»mimimtmi»nnMnm»uiiiMm.nn
CHAPITRE VII.
Mabomet II s'empare d'OtrSfite; Sixte IV effhiyé fait la paix avec les
Florentiiis, et le due' de càlabne qiriCte Sienne pour déli?rer Otraote.
— lioit de Mahomet II.— Nmivdie guerre altamée dans tftirte TlUlie
par Sixte IV, pour le duché de Ferrare. Il paase d*wi partîà Faiitre,
et meurt enfin de chagrin de la paix.
1480-1484.
1 480 . — Mahomet II ne faisait jamais la paix ayec un prince
chrétien que pour en attaquer un autre ayec plus d'avantage;
aussi comptait-on que durant son long règne il avait subjugué
deux empires, douze royaumes, et plus de deux cents dtés.
Dans Tannée 1480, il prépara deux expéditions en même
temps: l'une, sous la conduite du pacha Mésithès, Grec d'ori-
gine, et issu des Paléologue, était destinée à conquérir Bhodes
sur les chevaliers de Saint- Jean de Jérusalem; mais le grand-
maitre d'Aubusson repoussa glorieusement les Turcs, qui,
après avoir asnégé la capitale du 33 mai au 22 aoàt, furent
contraints de se retirer ayec perte * . L' autre armée de Mahomet
* EpUloia PeiH itâubuston ad Pontificem, is septembria t4S0. Saynalditt. »-i3,
p. S86. — JocoM Volatenani DUur. tumm, p. 109.-^ Annal, TureM LemeUwU.
p. 8S8. — Mot Jtofi Pamense. p. a44. «- Twco^rœcUg aui, poUi, U I, p. iM
Btl MOTXR AGC. 177
fie irassemblait à la Yalonne, soos les ordres de son grand-visir
Achmet-Giédik, ou le Brèche-Dent, natif d'Albanie. Une flotte
de cent Taisseaux ^int la prendre à bord ; celle des Vénitiens,
qui était de soixante voiles , Fescorta comme pour l'empêcher
d'entrer dans le golfe ^ , et tout à coup les Turcs débarquèrent
sur la côte d'Italie, près d'Otrante, le yendredi 28 juillet,
après avoir traversé la mer Adriatique, qui, dans ce lien , n'a
pas plus de cinquante milles de largeur.
Les habitants d'Otrante, qumqn'ils ne fussent nullement
préparés à cette attaque , défendirent avec vigueur leurs mu-
railles; mais ils n'étaient pas en état d'opposer une longue ré-
sistance; beaucoup d'artillerie et de machines de guerre furent
débarquées par Achmet-Giédik ; de larges brèches furent bien-
tôt ouvertes , et la ville fut prise d'assaut le 1 1 août 1 480 2
La population s'élevait , dit Sanuto , à vingt-deux mille âmes ;
douze mille habitants furent massacrés dans la première fu-
reur de la victoire ; mais les enfants qui pouvaient être ven-
dus avec avantage, et les hommes faits qu'on crut assez
riches pour en tirer une forte rançon , furent réduits en es-
clavage ^. L'archevêque et lesi prêtres, objets de la haine des
Turcs, farent soumis à d'affreux supplices, et tous les genres
d'outrages et de profanations furent prodigués au culte des
chrétiens ^.
1 Martn Sanuto. tite d^Èmehi di Venes» t. XXIt , p. I2is. — ^ I}emeirlu8 Can-
iemir, U III, chap. 1, S 32, ]^ m. — • Martn Sanuto, Vite de' DuchL T. XXII, p. isia.
Cependant Giannone n'estime qu'à 800 le nombre des morts. L. XXVIII, IntroÎL p. |03*
>-- * Jacob Volatenani^ Diar, Boman. L. H, p. iiO. DtaHum Parmense. p. 346, 3«2.
Deux oent vingt ans après ees éTénements , la légende s'en est emparée, et y a mêlé
son merveilleux. Francois-Harie d'Asti, archevêque d'OUraote en 1700, a écrit que huit
cents martyrs préférèrent le supplice à l'abjuration, et que, conduits au lieu où Us de-
vaient mourir, le vénérable Antonio Primaldi, demeuré chef du clergé après la mort de
Tarchevêque Etienne, eut le premier la tête tranchée ; mais que son corps, au lien de
tomber sans vie, resu debout, malgré tous les eflToru des Tores pour le renverser, et
qu'il coDtfaïua, par ses geates, â exhorter ses compagnons de malheur A la constance,
Jusqu'à ce que tous eussent subi le même supplice ; alors, et après eux tous, il con-
sentit aussi à se coucher parmi les morts. Francisci Mariœ de Asie in memorabittbus
vu. 12
178 HISTOIBE DXS BfoOlOJQUXS ITALUEHHES
Cette attaque inattendoe, et qpi remplit l'Italie d'effrei^
avait été ménagée par les Vénitiens. Les historiens de la ré^
publique ne dissiomlent p(Mnt qu'après la paix entre I^aurent
de Médids et le roi de Naples, leur patrie envoya deox am-
bassadeurs, Vun au pape, l'autre au grand-seignenr, pour
concerter la ruine de Ferdinand. Sébastiano Oritti devait in-
viter Mahomet II à reprendre les provinces de l'Italie méri-
dionale qui avaient relevé de l'empire d'Orient *• Zadiarie
Barbaro devait proposer an pape de prendre à la solde com-
mune de sa république et du Saint-^Siége, et de nommer capi-
taine-général de leur Ugue, Bené II de Lorraine, qu'Ss invi-
teraient à passer en Itahe ^. Il est pnd)able cqpenduit que les
Yénitiens n'avaient pas communiqué à Sixte lY le projet de
l'attaque des Turcs sur Otrante, {«ojet dangeveioL pour le
Saint-Siège; mais Ferdinand, qui ne doutait pas de l'immttié
de Sixte lY, le soupçonna d'avoir attiré sur lui l'invasion
des musulmans, et lui fit dire au mois d'août, par son ambas-
sadeur, que, s'il n'obtenaitde l'Église de prompts et puissants
secours, il traiterait avec les Turcs^et leur dcmnerait passive
par ses états pour se rendre à^Rome '.
L'effroi de Sixte lY fut extrène à la nouvelle de ci^te in-
vasion : il hésita s'il n'abandonnerait point Borne et l'Italie
pour chercher en France un refuge. Il savait que Mahomet
en voulait au siège de la religion chrétienne, et que lui-même
et son clergé seraient exposés à d'affreux supplices, s'ils
tombaient entre les mains des Turcs ;*. Si y avait enccHre loin,
il est vrai, d'OtraAte jusqu'à Borne; mais on pouvait redou-
ter un second débarquement sur les côtes de la Marche, et
l'on assure en effet que les Turcs firent cette année une ten-
9^l4runiitui KochtkB EpUome, L. Il,«ap. II, p. il. — in Burmanni Thetauro Aniiq.
et HiHor^ iiaiiœ. T. XI, Pin Vllf.->« jlnA*. Navagltnô, Btor, T9ntt. T. XXIII, p. lf«5.
— jfoHii Stmâo» p. 111 s. ^ Albert, de nspàitû, dnnaL Placent. T, XX, p. 90i. —
s Marin Smmo. VUe de DmhL p. tnx — > iHd. p. I3I3. — * naynùtdi ^rmal Ec
DU HOtEH A0£. l79
lalive pour |nU«rle trésor de Laiurette* • D'ailteo» les muspl-
10808, doot les ocmitBnies victoires avaient ébloiii l'Ëiirope»
cmoptaieut aloss ea ItaUe même des partisans» qai parais-
saient prêts à ae joiodre à eux pour brider le joag de leurs
prttres et de leurs princes. Bientôt le broit se répandit qae
Mahomet n, pour j^fiter du mécontnitément des barons de
Napks, atmit fait prodamer à Otrante qa*ll aocorderait une
exemption d'inqpMs poor dix ans anx pays conquis , qu'il
n^imposerait ensuite d* antre tibat qne celni d'une piastre par
tète, qu'il kôsscrait les chrétiens suivre leurs lois et leur re-
ligitfD, cenune ils le faisaient à Gonstantinople, et qu'enfin il
avait poBî les onumtés exeessiveB CKeroées par les vainqurars
dKHrante. Qaiue cents soldats de Ferdinand passèrent, an
mois de février 1481, à la solde des Tores, et l'on craignait
h défectloii de tonte la proviaoe^.
Cepoidant Sixte IV adnssa aossitôt des baUes à tous les
princes dirétiens, et surtout anx étate d'Italie, pour les
eihorter à f aire la paix entre enx, et à tourner k^nrs armes
contre ïmoemi de la rdigmi. « Si les fidèles du Christ, di*
« fait-'il,«i les Italiens «irtootvealent défendre leurs champs,
« knis maisons, leun fenunes, leurs enfants, leur liberté,
« kur vie; s'ils venknt conserver cette foi dans k^i^pieUe nous
« avons été baptisés, et par laquée nous avons reçu une
" nonvifie naissance, c'est le moment d*eu croire nos paroles,
« de sairir Icnrs aomes et de mardier à la fuerre. Que les
« phis lAoignés dn royaume de Sidle ne ae figurent point
«qu'ils sont en sArelé; s'ils (ne vont pas an-devant d^
" Tores popr les coadmttpe, cenx*^ arriveront bientôt joa-
« qu'à eax>. >»
iMinand ae bâta de rappeler de Toscane le duc de Cala-
* Snr la foi seulement de TiinelHiiiu. A/«iofla Laufeumœ MâU* L. II, eap. IV. Apwi
RoyiMU. S sa , p. 99S. — « l^aiimn Patmemte. p. Ml» 3M tt pataim. — * BaiftuUdi
^mal. Ecoles, i4to, S ^i» P* 180*
12*
180 HISTOIRE DES BÉPUBLIQUES ITALIEBUfES
bre; et il le sollicita, par les plus pressantes instances, deiie
pas tarder à venir à son aide. Ce duc sortit de Siramele
7 août, non sans exprimer le profond regret avec lequel il
abandonnait un projet nourri longtemps par sa famille, m
moment où rien ne semblait plus pouvoir en arrêter reiéca-
tion. Comme il partait, les magistrats de Sienne lui rendirent
les plus grands honneurs ; mais tous les bons citoyens que
comptait encore la république se sentirent avec joie délivrés
d'un joug qu'ils croyaient déjà inévitable^ Le duc de Calabre
passa le 10 septembre à Naples, où il incorpora dans son
armée un grand nombre de gentilshommes qui s'y étaient
rassemblés. Il reçut aussi un corps auxiliaire de dix-sept cents
fantassins et trois cents cavaliers, qui lui fut envoyé par son
beau- frère Mathias Corvinus, roi de Hongrie. 11 continaa
ensuite sa route vers là Pomlle. Achmet Giédik avait éW
rappelé par Mahomet, et Ariadeno, auparavant gouverneur
deNégrepont, commandait à Otrante une garnison de sept
mille cinq cents hommes. Il avait étendu ses dévastations
dans toute la province, et menacé Brindes d'un si^^^ Mais
l'arrivée du duc de Calabre te força de se renfermer dans
Otrante, et bientôt après, Galéaz Caracciolo, ayant conduit
devant le port une flotte napolitaine, ôte aux as^égés la com-
munication avec la Turquie^.
L'effroi de l'invasion des Turcs avait &aËn déterminé le
pape à se réconcilier avec Florence ; mais même dians cette
récondliation, que les circonstances le forçaient à désirer, il
laissa voir toute la hauteur de son caractère. Douze ambas-
sadeurs, les plus illustres et les plus accrédités parmi les ci-
toyens qui gouvernaient alors la répubUqoe, furent nommés
au commencement de novembre, pour se rendre à Borne. Ils
y entrèrent sans pompe, dans la nuit du 25 novembre, et per-
1 orlando tialavoUi. P. III, L. V, f. iQ.^àUegrcUo AUegreiU. p. 807. -^« &(mmme
I storia civ/te. L, XXVIII, ïntroducl. p. eo2. — » iWrf, p. 6«3,
DU MOYEN AGE. 181
sonne de la famille du pape on des cardinaux n'alla an-de-
irant d'eux. François Sodérini, é:vèqae de Volterra et chef de
la légation, exprima le surlendemain, dans une audience se-
crète, les regrets de la république, sa soumission aux juge-
ments du pape et son désir d'être réconciliée à l'Église. Les
conditions de la paix furent débattues arec les cardinaux dans
plunenrs conférences : lorsqu'enfin tout fut réglé entre eux,
Jés députés furent incités à se rendre à la basilique de Saint-
Pierre, le 3 décembre 1480, premier dimanche de l'avent.
Après qu'on les eut fait atten<be quelque temps sur le porti-
que, le pontife Tint au-devant d'eux ayec ses cardinaux,* on
lui dressa un trône en avant de la principale entrée, dont les
portes demeurèrent fermées : les ambassadeurs, la tête nue,
se jetèrent alors tous à ses pieds, et, après les avoir baisés,
ils restèrent à genoux, confessant qu'ils avaient péché contre
l'élise et contre le pontife, et implorant sa compassion en fa-
veur du peuple qui les envoyait. Louis Guicçiardini, vieillard
septuagénaire, parla au nom de tous, mais à voix basse et en
italien. Un notaire apostolique lut ensuite la formule de con-
fession et les conditions de la paix. Alors le pontife, ayant
imposé silence, prononça ces propres paroles : « Yous avez
« péché, mes ils, premièrement contre le Seigneur Dieu no-
« tre Sauveur, en tuant cruellement et criminellement l'ar-
« cbevêque de Pise et les prêtres de Dieu; car il est écrit :
« Vous ne toucherez point à mes oints 1 Vous avez péché
« contre le pontife romain, qui exerce sur la terre les fonc-
« tions de N. S. Jésus-Christ, car vous l'avez diffamé dans
« Tnnivers entier. Vous ^vez péché contre le saint ordre des
« cardinaux, en retenant malgré loi un cardinal légat dû
« Satnt-Siége apostolique. Vous avez péché contre tout l'ordre
« ecclésiastique, en retirant vos tributs au clergé de votre
« territoire ; vous avez été la cause de beaucoup de rapines,
« d'incendies, de pillages et de maux infinis, en n'obéissant
182 HISTOIRE DES aBPIIBX.IQUES ITALIEITRES
« poist à nos ordres apooloUqaefi. Pldt à DieH 40e c^ le
« commeiieeraeiit tous fouiez yentm à noâs^ le père de toi
« âmes! alors nous n'aurions point reooom aux armes de la
« chair pour yenger les injures inffif^ à l'Église* Geitaine^
« nemait cTest à regret que noQS aTons sévi contre tous ; ee«
« pendant nous avons dû le faire pepr l'honnetir de l'apos**
« tolat dont nous sommes diai^. Mais à présent, met fils,
« que TOUS revenez avec humiUté^ notis tous reoevons en
« grâce dans notire sein, nous tous donnons l'absolntion des
« erreurs et des exoès qne tous aves confessés. Ne péehea pas
« daTantage, mes fils ; ne faUis poinl comme lee chiens, qui^
« après avoir été punis , retoumen$ à leurs turpitudes.
« Vous avez éprouvé du reste la puissance de l'élise, et vous
« deveï savoir oottibien il est dur d'opposer sa tôte au bou»
« cfier de Dieu, ou de vouloir brisi^ sa cuirasse*. «
Après avoir ainsi parlé, le pape prit des baguettes des
mains du grand-pénitencier, et en frappa l^;èremcsit ke
épaules de chaque ambassadeur, qpii à chaque coup baissait
la tète, et répondait par les va:*sets du psaume Miserere mei.
Domine ! Après cela, ils furait de nouveau admis au baiser
des pieds, et bâiis par le ponttfe qui, relevé sur son trAne,
fut reporté au gr»id autel. Les portes de l'égUse furent ou-
vertes, et les ambassadeurs 7 entrèrent avec tous les assis-
tants f mais aux conditions du traité stipulées d'avance, le
pontife ajouta, comme pénitenee, que les Flormtins arme-
raient à leurs frais quinze galères pour fanre la guerre aux
Turcs ^. Ainsi se termina la guerre née de la coqnnAion des
Pazzi, et tel fut l'orgueil avec lequel le pontilè punit d'être
demeurés en vie ceux qu'il n'avait pas réusâ à fake
siner '.
^Jaeobi VokUenanU Dlarium Bomamim. U II, p. 1H«— Sayno/di 4iifMl.ilMlef.
1180, S 40, p. 394. « * Jacobi VolaterranU Dior, Rom. L. Il, p. ii*,-^ Raynald, Atm,
Bcel 1480, S 40, »i. — s Jac* V^ùuen,, «al^ Rom. p. ns. — Sd^one âmmêroi».
DU MOYEH AGE. 183
Les Florentins piofitèrent aussi de Y^Stroi de Ferdinand,
et dn bepoin qa*il a^ait à'eox poor se faire restituer les for-
teresses que le doc de CaUbre airait oecopées en Toscane.
Ferdinand s'était engagé enters la répnUiqae de Sienne, à loi
céd^ tontes les oonqnètes faites sor les Florentins, qni se-
raient en dedans d*nn rayon de quinze milles pris des mars
de la yiUe. li airait en effet consigné anx Siennais Monte-
Domenicbi, la Gastellina et San-Polo; mais il avait conservé
sons les ordres de Prenâvalle Gennaio, gealiUiomme napo*
litain» Colle de Yal d'£lsa, Po^^^bonâ, Poggio impériale.
Monte San^Savino, et d'antres places mcnns importantes.
1481. — A la| fin de mars 1481, U fit livrer aux Florentins
tons les lieux qœ Ciennaro occupait, et bientôt après il si*-
gnifia aux Siennais l'ordre de restituer aussi les conquêtes où
. enx-mèmes avaient nus garnison. Un vif ressentiment rem-
plaça dès lors à ^ënn^ l'affectiou qu'on y avait conservée
pour la maison de Naples^
Le pape, qui avait ordonné anx Florentins de ecincourir à
la défense de l'Italie contre les Turcs, voulut y contribner
aussi. U fit armer une flotte dans le Tibre, et il fit choix pour
la commander de celui de ses prélats qui était le plus propre
à la guerre maritime. C'était ce mâme Paul Frégoso, ardie-
vèque de Gènes, si redoutable comme chef de parti, que nous
avon& vu se vouer à la piraterie lorsqu'il sortit de la ville
ou il avait régné. Sixte lY le fit cardinal au mois de mai de
l'année 1480 ^, et lui donna au printemps suivant le com-
mandement de ses galères. Paul Frégoso vint joindre Graléa^
Caracdoli devant Otrante. Déjà le redoutable grand-visir
Achmet Giédik avait rassemblé à la Yaloone vingt-cinq miUe
houHaaeSy qu'il aHait transporter à Otrante, pour eontinuw la
L. X&IV, fK 146. -*> /Vie. MQDcmmêUL U ¥1U, p. 410. Jo. MiOu firttK. L. VU, p. 1S4.
— < OrlonOo 9laUafoUU P. Hf, L. V, f. 19. — AUegrem âtlegHtiU Biart Seumi. p. 80«.
-» Dior. paniMfiM. p. 368. — ' JacM Wolat^maa, Diof, Boman. p. ist.
184 HISTOIBS DES BiPUBLIQUES ITALIEHITES
conquête de FltaHe, lorsqu'il reçat la nouvelle de la mort de
Mabometll, sarrenoe le 3 mai 1481, près de Nîcomédie,
niort qoe soiiit an boat de quelques mois la guerre civile qui
édata entre ses fils Bajazet II et^ Jem ou Zizim U Achmet,
abandonnant alors tout projet de conquête sur le royaume de
Naples, conduisit son armée au secours de Bajazet, encore
qu'O.eùt à craindre le ressentiment de ce prince pour une
ancienne offense. Il parut devant lui avec son cimeterre at-
taché an pommeau de sa selle; car il se souvasait qu'il lui
avait dit : « Si tu deviens sultan , jamais je ne le tirerai pour
«.ta défense. » Mais lorsque Bajazet, rappelant son père, l'in-
vita à oublier les fautes de sa jeunesse, Achmet Giédik com-
battit les ennemis du sultan avec sa valeur accoutumée : le
16 juin 1482 il vainquit Zizim à Serviza, près d'Iconium; il
le poursuivit dans la Garamanie, et fl le força enfin à se ré-
fugier à Rhodes 2. Ariadeno, laissé dans Otrante à la tête
d'une garnison qui ne pouvait plus recevoir de secours, se
défendit néanmoins avec un grand courage, et remporta plu-
sieurs avantages sur le duc de Galabre qui l'attaquait; [mais
il accepta enfin une capitulation honorable qui lui fut offerte,
et il rendit la place le 10 août. Plusieurs des bataillons turcs
qui la défendaient passèrent au service du duc de Galabre,
et on les employa dès lors utilement dans les guerres d'Italie^.
La nouvelle de la mort de Mahomet II avait été rapidement
portée à Yenise, et le doge Mocénigo la communiqua le 29 mai
à tous les états d'Italie ^. Tous la regardèrent comme délivrant
la chrétienté du plus grand péril qu'elle eût encore couru;
tous donnèrent un nouvel essor à des passions qae la crainte
1 Gelia guerre eitile appartient à l'année anivante, imaiet ayant comoMneé par ae-
complir le pèlerinage de U Mecque, pendant lequel 11 mit son fils Gorcud à la léie de
Fempire ottoman. Demetriu» Cantemir. L. III , chap. II, S i * 5« P- "«• — * annales
Turciei haûUcImm. p. 3S9. — > EpUiola Ferdinandl ad XUium^de idrmtùfUMj^erato,
Jaeobi VoUaerrtmi Diarhm- p. 146. — Giamune, utar. civile, L. XXVIU , p. «U. —
* Orlando MaUwoliL P. III, L. V, f. 79. ^ Jaeob YolaiemaH, L. Il, p. IS4.
DU MOYEN AGE. 185
avait josqn' alors comprimées: Mais Sixte lY, plus qae tons les
autres, se regardant désormais comme mis à concert du seul
danger qui pût Tatteindre snr son trône, ne contint pins dans
aucune borne son ambition , ses projets de Tengeanoe et les
passiims turbulentes qu'il ayait été quelquefois forcé de âis->
simular. Il commença par rappeler la flotte qu'il avait en-
voyée à Otrante, sous les ordres de Paul Frégoso : il ne tou<-
lut point permettre qu'elle profitât des guerres civiles des
Turcs pour tenter des conquêtes en Orient ^ C'était plus près
de lui qu'il voulait employer toutes ses forces, et il destinait
la Bomagne entière à devenir Tapanage de son neveu favori.
Dès le 4 septembre 1480, il avait ajouté la principauté de
Forli à celle d'Imola que possédait déjà Jérôme Biario. Pour
la lui donner, il l'avait enlevée à la maison Ordélaffi qui l'a-
vait possédée cent cinquante ans. Pino des Ordélafft, le der*
nier des princes de cette famille, venait de mourir, destinant
son héritage à un fils naturel qu'il laissait en bas âge. Ses
deux neveux, Antoine-Marie et François-Marie, fils légitimes
de Galéotto, frère de Pino, prétendaient, peut-être à plus juste
titre, à une principauté dont leur onde avait voulu les exclure
en les exilant. Sixte lY se porta pour juge de leur débat, et les
dépouilla tous deux au profit de son neveu, sans qu'aucune
puissance voisine osât réclamer contre cette criante injustice 2.
Il envoya ensuite ce même neveu à Venise pour resserrer l'al-
liance qu'il avait conclue le 1 1 mai 1480 avec cette puissante
république, et pour méditer avec elle le partage de nouveaux
états 3.
Pour subvenir aux guerres qu'il avait soutenues, aux guerres
bien plus importantes encore qu'il projetait pour suffire au
luxe extravagant de ses neveux et à celui de sa propre mai-
1 Andr. Ifavagîero. p. 1168. --jaeob, Vofaterr. p. 148-153. — * Jaeob, Volaterranh
Wof. Rom. L. II, p. IIS. — Mot*, farmense, T. XXII , p. 345. — Marin 5^nttfo, Vite
de* DucM di Venezia, p 1211. — » Jacobi Voiaierranij Dior, homan. p. 140.
186 HisrroiHK des b^pubuodis itàlieniies
son, Sifte IV ayait besoin de toutes ks resioiiroes delà fisea-
Itté, et il soQBiettait à ce «ytâiéme son adraînistration ecclé-
siastiqne autant cpie la séeaiièare. Il rendit Yâianx à pen près
tons les emi^msde la ooor apostolique, il en ann^iça le prix^
d'aTanee, et il le fit connaître pnblîqoemmt * . Il Teidit aussi,
mais un peu plu» en secret, pour ne pas être accusé de simo<-
nie, les plus ricèes bénéfices, et même qudques chapeam ^
cardinaux ^. Il poussa plus loinqu'aueun de ses pfrfdéoesseurs
le scandale du craimeroe des indulgences. lyaulre part il ex-
torqua de Targait de ses sujets de Rome, eonune souverain
et non [duft comme prêtre ; il soumit le commerce des grains
au plua cruel monopole. Au moment de la récolte, il achetait
tous les blés de ses états au prix fixe d'un ducat le rubbio :
lorsque ses magasms étaient remplis, il causmt des famines
artificielles, tantôt par des Tentes considérables qu'il fusait
aux 6énois, tantôt par des passages de troupes. Il né laissait
sortir aucun blé de ses magasins jusqu'à ce que le couro du
mardié se fût élevé à quatre ou cinq ducats le rubbio. Alors
il fixait Im--méffle le prix de ses grains, et ne permettait plus
aux boulangers, sous peine de prison, d'employer aucun autre
Mé que le sien. Souvent, par ses manœuTres, le pain manqua
tout à fait dans ses étal». Alors il achetait à bas prix des blés
deNaplesde la plus mauvaise qualité, et il forfait à n'ra ccm-
sommer aucun autre. On fut plu» d'une fois réduit à se nour-
rir d'un pain noir qui, par son odeur infecte, annonçât la
conruption du gram dont il était fabriqué, et l'on attribua à
cet aliment les maladies pestilentielles qui désolèrent Borne
presque dmque année pendant tout le règne de l^te lY '.
Jérôme Biario cependant était arrivé à Yemse; il y avait
> r.«phaei de Volterra en a ooDaervé la liste arec les prix, que Raynakliis puUfe
d'aprôs lut Ce dernier ose raéine Jeter, à eette occasioiiy un léger Uàma «nr le pape;
AmaL KccUs. i4si, S 9$ > P> 3Sd. ^ * Diario ttomam 4t Stefcmo Infessura, T. 111»
P. 11, p. 115t. — s ibid. 9. 1U3-11S4.
DU MOYJEn A&tU 187
été reçu arree des bonneors infinis , et il 'avait été inscrit aa
livre d'or de la noblesse vénitienne *. U venait proposera
cette république d* attaquer à frais eommuns un prince voisin^
et de partager ensuite entre eux les conqnêtes qu'ils feraient
sor loi; la Seigneurie était d'autant |^us di^sée à entrer
dans ces projets ambitieux, que le pape était vienx^ que son
snceesseur pouvait avdr nne politique différente, et ne point
songer, à défendre Jérôme Biario, tandis qiie la répubUque,,
forte de «m immortalité, pouvait espérer de recueillir un jour
tout le frmt des combats qu'ils livreraient ensemble. C'était la
maison d'Esté que le pape proposait de traiter oomme il avait
trmté l'année précédente les Orddaffi. Les Vénitiens avaient
TU avec jalousie Hercule d'Esté épouser Léonore, fille du roi
Ferdinand. Ce mariage, il est vrai, ne l'aviât pas empêché de
combattre son beau-père dans la guerre de Florence; mais
àm:9 même il s'était rendu suspect d'une entente secrète avec
ses «memis. Ferdinand, toujours irrilé c<mtre Yeniae, poafvait
trouver dans les forteresses de son gendre des points d'appui
pour porter la guerre jusqu'au centre des âats de terre-ferme
de la répubii<pie« Celle-ci, d'autre part, avait étendu sa do-
mination jusqu'aux frontières du ducbé de Milan; pom* la
porter également jiisqu'à celles de Toscane, les états dudii^
de Ferrare devaient être envahis ; et comme une partie de ces
états relevait! de ^empire, l'autre de I église, les confédérés con-
vinrent que la république de Yeniee s'emparerait des premier»
ou de Mbdène et de Reggio, et céderait à Jérôme Riario les se^
eonds,. ou le duché de Ferrare ^.
Lee Yénitiens cherchiûent des sujets de querelle au due de
Ferrare pour commencer la guerre concertée avec Jéràme
1 Jaeobi VolaUnaniy Diorlton Komanum. p. t4Z.~rVac€MavelU, Istofie.%. VIII, p. 4 14.
— * PetH Cym<ei Clerici AteriensiSy De belto FerrariensL T. XXI, p. 1193. L'auteui'
vécot  Vmiie pendant touto ccue guerre, —«ie, Mathimem. L. Vlll, p. 414.— itaH»
Samao^ vue de DucM. p I2t4.^ Jf. ànt. SabclUco. Deçà IV, L. I, f. a39«~Bcm. Cwio»
P. Vl,p.iMl.
]88 HISTOIBE DES RÉFiniI.IQinSS ITAUENlfES
Biario et le pape. Ib avaient avec lai quelques coatestations
sur rétendue de leurs firoutières, et se faisant justice par eux-
mêmes, ils avaient bâti trois redoutes sur le terrain même du
duc. Ils nommaient un juge yénitien qui résidait à Ferrare
avec le titre de vidame, pour rendre justice à ceux de leurs
sujets qui habitaient les états de la maison d*£ste. La juridic-.
tion de ce Tidame avait aussi donné lieu à des différends entre
les deux gouvernements. Enfin, la république, comme sou-
veraine des lagunes , prétendait avoir droit au monopole du
sel; elle ne voulait point permettre aux habitants de Ferrare
de recueillir celui même qui était déposé par la mer sur leur
territoire, et elle se plaignait, comme d*une infraction aux
traités, de toutes les tentatives des sujets de la maison d'Esté
pour profiter de leurs marais salants. Le duc de Ferrare, sen-
tant sa faiblesse, avait offert de donner au sénat satisfaction
entière sur chacun de ces griefe. En même temps, il avait inn
voqué la protection du pape, son suzerain, ne sachant pas en^
eore qu'il devait le regarder comme son principal ennemi.
1 482. — Cependant, quelques efforts que fit Hercule d'Esté
pour apaiser les Vénitiens et se réconcilier avec eux, il ne put
éviter que la guerre lui fût déclarée le 3 mai 1482, au nom
du doge Jean Mocénigo et de la république de Venise, comme
au nom du pape Sixte lY et de Jérôme Biario, s^neur de
ForU et d'Imohu Dans la même ligue on vit encore entrer
Guillaume, marquis de Montferrat, la république de Gênes,
et Pierre-Marie de Bossi, comte de San-Secondo dans Fétat de
Parme. D autre part, le roi Ferdinand, le duc de Milan et les
Florentins, après avoir inutilement tenté de détourner Sixte IV
de cette guerre injuste, rappelèrent leurs ambassadeurs, qui
partirent de Bome le 14 mai. Ils déclarèrent qu'ils défen-
draient le duc de Ferrare, et ils admirent encore à leur al-
liance Frédéric, marquis de Mantoue ; Jean Bentivoglio, chef
de la république de Bologne, et la maison Colonna, qui reçut
DU VLOYESi AGE. 189
garnison napolitaine dans ses fiefs de Marino et de Genazzane,
presque aux portes de Borne i.
L'Italie se trouvait ainsi divisée en deux grandes lignes : la
guerre éclata partout en même temps, et elle fnt d'autant
plus ruineuse pour les peuples, que de plus petits seigneurs
avaient été admis à Fallianee des grandes poissanoes. Dans
rétat del'Église, les Gol<mna sortaient de leurs cfaàteanx--forto,
pour porter le ravage dans les campagnes voiles; et les rues
t mêmes de Rome étaient, souvent ensanglaDitées par des com-
bats. Les Savelli s'étaient joints à eux, tandis que les Orsiai,
n'écoutant que leur antique haine pour ces deux maisons,
^ avaient embrassé la cause du pape. A peu de distance de là,
les Florentins avaient rétabli , les armes à la main , Nicolas
Yitelli dans sa seigneurie de GiUà di Gastello, et en avaient
chassé Lorenzo Giustini, créature du pape^ qui, pour se ven-
ger, ravageait les campagnes. Enfin le duc de Galabre, qui
avec l'armée napolitaine avait voulu pcMrter du secours à son
beau-frère le duc de Ferrare, s'-était trouvé arrêté dans l'état
de Bome par Farmée pontificale ; et il contribuait de son côté
à dévaster le patrimoine de Saint-Pierre^. En Bomagne, Jean
Bentivoglio se trouvait, avec les Bolonais, opposé à Jérôme
Biario; Ibletto de Fieschi, descendu des montagnes de la
Ligurie, ravageait les frontières milanaises ; Pierre-Marie des
Bossi , auquel les Vénitiens accordaient un subside annuel de
vingt mille florins pour troubler le gouvernement de Milan
dans l'état de Parme, portait la désolation autour de ses n<Mn-
breux châteaux. Ilsputint dans Torre-Ghiara, Noceto, Berceto
et Preda Baleia, des sièges obstinés, et lorsqu'il mourut à
Torre-Chiara, le V^ septembre 1482, à l'âge de quatre-vingts
1 Petfi Cgmœi, De bello ferrarlénsl, p* 119S*1201. -^Jacobi Volateirani, Dior, Ra-
mon. p. 171-173.— JMofio Bomano di Stefano Infessura. T. Ili, P. il, p. ii40. — > Sei-
plane Àmminto. L. XXV , p. i49. — ^lutr. «waifUro^ 8tor, renez^ p. iiri. «^Ak.
MacckUofem, L. VUI, p. 416.— Dtario ai homa, del Nolaio <U Hmtip^io^ %. Ul, P. U,
JUt. itaL p. 1971.
190 HISTOIRE DÈS BÉPDBLIQOIS ITALISHH]»
ans, il fat remplaeé par sonfih Guido de Rasa, qniiMiitra
pour la même caase la même, obstinatioii et la même Talear * .
Mais h gaerre principale était cependant celle qui se ftdsait
sur ks frontières da Ferrarab. Elle présentait, par la nature
da pays, un genre de difficultés que les soldats snt penacoou*
tumés à sarmouter. Presque toute la campagne située entre
llaTenne , Ymse et Ferrare, est coupée par d*innonil»iible8
canaux, ou inondée par des eaux stagnantes. Tons les fleuves
qui descendent du vasle amphithéâtre queformentrApennin
et la longue chaîne des Alpes se réunissent à Feitrémilë de
la mer Adriatique. Le gravier et le limon qu'ils entraînent
des montagnes rehaussent leur lit, enoomlnrent leur embou-
chure, les forcmt à se couper par des miUinri d*tles, et les re-
Tcrsent enfin dans de vastes lagunes, qni ont trop peu de
fond pour qu'on puisse les franchir dans des bateaux , et qui
sont cependant trop inondées pour que des hommes on de»
«hevaux puissent s'y engager. La route de Bologne à Fenrare
traverse une partie de ces marais, et là même Vosâ n'j dé-
couvre point de limites ; d'autres, faim plua considérables,
s'étendent au-dessous de Bovigo, autour de Mesola, d' Adria,
de Gomacddo, petites villes qui, comme Teinse, s'élèvent au
t Lft guerre de Pierre-ttarle de fuxâ est racontée avec une ftaiidieiise mlnutfe dans
IM iflWMHs do BMine^ compoeés par «b portiMn de oeu« mâÊom{B»» i§aL t. xxn«
p. d39-39ft). Ces journaux finissent arec Tannée 1482. ils sont écriu dans un latin bar-
bare, remplis de contes populaires, et de circonstanoes minutieuses sur l'administnH
Hou A» la Jutliee; nais ils fontanoa Men conn^m ^anarchie des pais gouremés aa
nom du duc de Milan, les brigandages continuels auxquels Us étaient exposés, et FiuH
possibilité oA étaient tes citoyens d'7 obtenir aucune Justice. Tous ces détails échap-
pent à IllialoirQ, parte ^if ils me . soai releréi ftr aneu» gnnd tieii; parce qo'aiieaae
vertu, aucun sentiment généreux ne réTcille Ilntérét dans ces petites villes, une Cois
qu'elles ont perdu leur liberté; mats lorsqu'on a le courage de lire Jusqu'au bout de
pareils Journaux, on reste conTaincu que le sUenee des historiens sur le sort des peu-
ples eealaves nlndlqne ni leur boehcur ni leur aÉwié. Im PanuMau éptouniait, à
eette époque, leus les troubles de la sépuMiqne la plus Iketieiise,- sans, en être dédoM"
•nagea par auiuu sentiment; noble et élefé, saai avoir une volonté qui Mt à eux, um
Biéiiier etfin qne ndsieritn, en voyant lenrs fenfflriBOiB, Carrelât pour las ttp-
peler.
BU MOtn AGE. loi
nuBea des eaox. Les tleB formées par l' Adige, le Pô, le Tartan),
■ont appelées des PolésîiMB. L'une des plos grandes et des
pins fertiles est ceUe de BoTigo , qui est baignée en même
temps par FAdige et le Pô, et ooapëe par de nombreiu ea-
BaQx. La conquête de oesPolésîneS) la conquête de ces grosses
bompgadfisqui s'élèrent au milieu de ces immenses marais,
élût une entreprise singulièrement difficile ^ • Les Yéaitiens la
tentèrent sous la direotion dun général qu'on aurait dû s*a1r
tendre à Toir àxûs le parti opposé.
L'homme qu'ils mirant à la tête de leut» armées fut ce
même Roiiert de San-^Sé^ériao, qui, moins de trois ans aupara*
Tant, avait, par son heureuse hardiesse, placé Louis4e«4|[àure
à la tâbe de la régenee de Milan. Soit qu'un si grand service
lui Hispir&t des prétentions exagéra, soit que le régent de
Afilan tvoUTêt toute reconuaissattce onéreuse, Rob^t de San-
Sé^rino fut déclaré rebelk, le 37 janvier 1482, aussi bien
que ses sept fils, tous en état de porter les armes. Il occupait
alcors le cbAtera neuf de Tortime; il en «ortit avec quatre-
vingts cavaliers et un grand nmnbre de grais de jned ; et, s' ou-
vrant un patoage au tra^rs d'une petite armée milanaise qui
venait l'assiéger, il gagna les montagnes de Gênes,* de là il
s'empressa de passer à Yenise, pour offrir ses services à une
r^pubMque qui faisait la guerre à son ingrat associé ^.
8an-Sév<kîno ne démentit point sa réputation dans cette
campagne difficile, encore que la nature du terrain ne lui
pemtft ni marches rapides, ni batailles, ni actions d'éclat.
Pour attaquer les Polé8inés,'il employa tour à tour les ba-
te«ix et rittfanterie ; tantôt il formait des tranchées avec des
fagots, au travers des lacs du Tartaro, entre Legnago et Bo-
vigo; et c'est ainsi que plusieurs de ses capitaines s'empa-
lèrent de Mellaria , de Trécento et de Brigantino ' ; tantôt il
* M. ânt. SabeUieo. Deçà W, L. I, f. 2S0-231 . r* * Àlberti de Blpaka^ âmuU, Plaant,
T. XX, p 064, — >Sa»e//iCO. MM IV, L. I, f. 2li. Y.
192 HISTOULB DSS BiPCBLIQUES ITALIBMIVJSS
faisait avancer par les bonches da P6 de petits bàtlmaDts qui
demandaient pea de fond : c'est ainsi qoe Damiano Moro prit
Adria, qu'il pilla avec une extrême cruauté, et dont il mas-
sacra une partie des habitants.. Les soldats da la r^ubliqne,
longtemps engagés dans la guerre ccmtre les Turcs i appor-
taient ea Italie les habitudes de férocîtéqu*iIs avaient ecmtrae-
tées dans ces combats à outrance. Damiano Moro prit enenre
Gomacchio, et emporta de force les trois redoutes que le duc
de Ferrare avait fait élever sur le Pô, à Pelosella ^
Le commandement de l'armée que la ligue avait mvoyée
dans le Ferrarais p<Mir défendre le due Hercide, avait été
confié à Frédéric de Montéfeltro, duc d'Urbin. Mais, sdt
que ce cai»taine illustre fùt afEaibli par l'âge, ou qu'il eédftt à
la supériorité de San-Sévérino, il parut avoir du désavantage
dans toute la campagne. Au reste, quoique ks deux armées
fussent nombreuses, de part et d'autre on ne les fit agir que
par corps détachés, pour de petites npéditions. Chaque
parti, séparé de tous les autres par des marais, ou par des
canaux et des rivières, sur lesquels on n'avait point encore
l'art de jeter promptement des ponts, devait se conduire
d'après ses propres convenances, et sans suivre au plan gé-
néral.
Dans cette guerre, le fer des ennemis était moins redouta-
ble que le climat meurtrier qu'il fallait braifer au milieu des
marais. Aussi la mortalité fut effrayante parmi les soldats,
parmi les paysans employés aux corvées, et même parmi les
officiers supérieurs. Les Yénitiens seuls perdirent trois géné-
raux en chefs, Pierre Trivisani, Lorédano et Damiano Moro.
. On assura que les fièvres pestilentielles avaient emporté plus
de vingt mille personnes entre les deux armées K
Le duc Hercule lui-même tomba grièvement malade, an
1 SttbettiCO, Deçà IV, L. 1. L 2S2. -» > IbUt, f. 233, y.
DU MOYEN AGE. 193
moment où il aurait eu besoin de toute sa force et de toute
sa présence d'esprit pour se défendre. Cependant sa femme,
Léonore d'Aragon, suppléa par son courage à tout ce qu'on
devait attendre de lui. Elle voulait réveiller le zèle de ses su-
jets pour la maison d'Esté, partons les moyens qui pouvaient
agir sur leur imagination, et elle essaya aussi de l'enthou-
siasme religieux. Elle fit venir de Bologne un ermite, qui,
dans ses prédications, encourageait le peuple à combattre,
comme dans une guerre sacrée. Cet ermite prêcha huit Tois de
suite devant une assemblée toujours plus nombreuse. Lors-
que les Ferrarais commençaient enfin à s'animer par ses dis-
cours, il déclara qu'il allait créer une flotte de douze galions,
qui mettrait en déroute l'armée vénitienne occupée au siège
de Figheruolo. La ville entière écouta cette promesse avec
étonnement : le bon ermite seul ne doutait pas d'avoir le
pouvoir des miracles. Au jour fixé, il déploya du haut de sa
chaire, dans la cathédrale, douze drapeaux surmontés de
croix, sur lesquels étaient peints Jésus-Christ, la Vierge et
quarante saints. Il descendit alors au milieu de son troupeau;
il fit porter ses drapeaux devant lui, et sortit de la ville, ac-
compagné par tout le peuple. Il suivit la rive droite du Pô,
pour arriver au camp de la Stellata, d'où il voulait adresser
on sermon à Robert de San-Sévérino, campé sur la rive op-
posée. Tout le long du chemin il avait chanté des oraisons et
des antiennes, auxquelles le peuple répondait. Frédéric d'Ur-
bin, en voyant arriver cette étrange procession, se prit à rire;
il comprit qu'il n'y avait aucun parti à tirer d'un homme
aveuglé le premier par sa crédule superstition^ et qui comp-
tait, pour obtenir la victoire, sur ses images miraculeuses,
non sur l'enthousiasme qu'on lui demandait de communiquer
aux soldats. « Mon père, lui dit-il, les Vénitiens ne sont point
« possédés du diable ; au lieu de les exorciser, retournez à
« Ferrare, et dites à madame Éléonore que c'est d'argent,
VJi. 13
194 HISTOIKE DES R£PnBLIQI]£S ITALIElflIES
«1 d*artillerie et d'hosimcss, non de prièrosi ((|a9 noug avon^
« besoin pour chasser les ennemis. » L'ermite, |a t^t^ b^sse,
S' en retourna à Ferrare avec ses drapeaux*. Cependant Fi-
gheruolo fut pris le 29 juin, après cinquante Jours de siège*.
Lendénara et la Bâdia le furent aussi , llovigo enfin, capitale
du Polésine, et ancien patrimoine de la maisQa d'fste^ se
rendit à son tour le 17 aoùt^.
Sur ces entrefaites le duc de Galabre était entré 4^qs Tétat
romain, avec Tarmée napolitaine (ju'il voulait çoadqirç à
Ferrare. Le pape lui avait d'abord opposé Jérôme Riario,
quil avait nommé gonfalonier de T Église^ mais ne «e fiant
pas pleinement à la capacité de son neveu, il avait demande
aux Vénitiens et obtenu d'eux Robert Malatesti, qui était
venu renforcer son armée avec deux mille quatre cents che-
vaux, et qui en avait pris le commandement. Malatesti.passait
pour un des meilleurs généraux du siècle ; U força le duc de
Calabre à accepter la bataille le 21 août, à Campo-Morlo
près de Vellétri. Il avait dans son armée Jeaa-Jacqi|es Viçd-
nino, fils de celui que Ferdinand avait fait périr d*une ma-
nière si perfide ; il l'appela à la tète de ses troupes : il lui dit
que le moment était venu de venger la mort de spu père, tué
en trahison par son hôte j il lui confia en même temps le com-
mandement de l'aile droite, qui devait la preitûèrci attaquer
les Napolitains. La valeur et le ressentiment de ficcininp^ et
des soldats de son père qu'il avait avec lui, contribuèrent
beaucoup à la victoire*. Elle fut vivement disputée; on
combattit de part et d'autre avec un acharnemept peu com-
mun dans les guerres d'Italie^ plus de mille morts demeurè-
rent sur le champ de bataille, ce qui était beaucoup pour des
1 Marin $anuto» Vite (^' mehi m Vene^icu p. 1218. •-» peiri Cymœi De belifl Fer-
rariensi, p. 1202. — Andréa Navagieroj Sior. Venez, p. ii74 — -4/^. de HipcUiOf >4«n.
PUifi^t. p »M. -^U. ^, Sabemco. Dect IV, L. 1, f. asa. — » àiarin Sowwo.p. laao^
* Mb. iU Aipo^o. ^nn* P(ac«R(m|» T* XX, p. 907.
m MOY£9 AOM. 195
armées peu noiobreasea, et des combattants tout revètua de
fer. Enfia, les NapoUtaias furent mis en déroute; le duc de
Galabre fut sauvé par les Turcs qu'il avait pris à son service à
Otrante, et qui combattirent vaillamment pour lui ; mais
I Bobert Malatesti lui fit un grand nombre de prisonniers,
1 parmi lesquels se trouvèrent trois cent soixante gentilsbom-
mes ^ . Quelques eon^agnies de Turcs furent aussi enveloppées,
i et posèrent les armes ; bientôt on les leur rendit pour les f«ir#
entrer au service du pape ; elles furent dès lors employées h
Borne pour contenir le peuple da^ les fêtes et les cérémonie*
i publiques, et il ne parait point qu'on ait essayé de les con*»
f vertir^,
; Ensuite de la victoire de Campo^Uorto, plusieurs des cbâ<^
i teaux des Golonna, où les Napolitains avaient garnison, furent
j repria par l'armée de FÉglise ; mais on ue permit pas à Bobert
\ Malatesti de poursuivre longtemps ses avantages : rappelé à
i Bome, il y mourut le 10 ou le 11 septembre, moins d'un
mois après sa victoire} et le comte Jérôme Biario fut violem*"
meut soupçonné de l'avoûr empoisonné. Ce comte et toute la
\ cQur de Bome ue dissimulèrent pcânt la joie qu ils éprouvaient
de cette mort. Aucune récompense, disait Biario, n'aurait
paru suffisante à l'ambition de Bobert, et ceux à qui il avait
[ rendu service auraient dû porter tout le poids de son arro-
gance. On lui éleva cependant une statue de bronze à Bome,
avec les mots de César, Fmt, vidi, viciy pour inscription. Mais
1 en même temps Jérôme Biario s'approcha de Bimini, pour
enlever cette ville à la maison Malatesti. Bobert, qui était âgé
de quarante ans lorsqu'il mourut , n'avait point d'enfants de
^Diarium Romanum, Stefani InfesmuE, T. m, p. Il, p. usa. (Cette partie est en
btin.; Warlo di Affma del liotailo di «amipoHo. T. m, p. Il« p. i077. -^Jae, Vokuep-
roui, piar, RO0W1. p. 1 7a, *-4<#lfi Cymmi Ae keUê têtfarUn», p^ IM4— i*ftdr. /¥••
vm^lero p, UY«.— mçrin SoNUlp. p. x%n. -* M. 4. SiAMieo, D. IV, L. I,r. »Si. ^
8oipiQ|i« AffViiinilo. I4. 3(XV, i^ IMv^lIcMdMttdia^ U Vlllt p.4|î.^«IM««» M
Jloiaio <U Haniiporto. p. t078-t09l.
196 HISTOIRB DES BiPIIBLIQUBâ ITAUENKES
sa femme, Allé de Frédéric, dac d*Urbm. H laissait seulement
un fils Datm^d, Pandolfe, auquel il destinait sa succession,
d'après le droit reçu dans la maison Malatesti, où T héritage
avait presque toujours été transmis de bâtards en bâtards. En
mourant, il confia ce fils à la protection de son beau-père le
duc dTrbin, quoique celui-ci commandât Tarmée ennemie*
Hais, par une singulière fatalité, le duc d'Urbin mourut le
même jour à Ferrare , en recommandant à son gendre la dé-
fense de sa famille, et lui demandant son amitié pour son fils
Guid'Ubaldo, qui devait lui succéder. La femme de Robert
reçut en même temps, à Bimini, la nouvelle de la mort de
son père et de son mari , et elle trouva dans les Florentins,
que ce mari venait de combattre, une protection contre l' Eglise
pour laquelle il avait vaincu ^
Tout semblait prospérer à la ligue du pape et des Yénitiens ;
car, pendant que le duc de Galabre était battu à Gampo-Mor-
to, Robert de San-Sévérino avait passé le Pô devant Ferrare;
il avait fortifié le pont qu'il avait jeté sur le fleuve, et il s'était
emparé du parc que Borso d'Esté avait formé et entouré de
murs, à un mille de sa capitale. Cette enceinte , plantée de
bosquets charmants, coupée de canaux et de pièces d'eau , et
rempUe de bêtes fauves , avait été dévastée par les ennemis.
Entre elle et le pont , ils avaient élevé un fort , dont les bas-
tions et les ravelins étaient entourés de larges fossés, en sorte
que les assaillants étaient protégés par une citadelle, dans leurs
déprédations, jusqu'aux portes de la ville ^. Les Florentins,
découragés par tant de mauvais succès^ semblaient prêts à se
retirer de la Mgue. Gostanzo Sforza, qu'ils avaient appelé pour
être leur général, n'avait jamais pu se résoudre à sortir des
t MacchiavêlH. L. VIII, p. 4t9. ^ Sdpione Ammirato. L. XXV, p. 152. --Jacobi Vo-
iatenani Dior, Boman. p. 179. — ^^ndr. Navagiero^ Stor. Venez, p. ii77. — Stefano
infestura, Dior, Roman, p. 11S7.— Santiro, rite de' Duchi, p. 1224 — Diorio Bommo
delUfoUOo di Hkmtiporto. p. 1098. -^ iU^orf • ^Uegretti Diati SanesL p. 811. — * ir< ^t.
sofre/fico, D, nr, L. I, f. SM, T.
DU MOYEU AGE. 197
murs de Pésaro * . Mais pendant qae les Vénitiens se croyaient
assnrés de partager bientôt lenrs conquêtes, le pape arait déjà
entamé une négociation secrète avec Ferdinand. Le 1 4 octo«
bre , il lui envoya à Naples le cardinal de Saint«Pierre ad
vincula. Il semble qu'il se sentit alarmé de F agrandissement
des Vénitiens sur les frontières de l'état de r%lise, qu'il com-
prit que leur ambition ne respecterait pas longtemps le traité
de partage n^ocié avec eux, et peut-être aussi que Jérôme
Biario avait déjà éprouvé de leur part quelque mortification.
Du moins parut-il empressé de détruire l'ouvrage auquel il
avait travaillé jusqu'alors avec tant d'ardeur. L'une etTautre
armée apprit avec un égal étonnement qu'une trêve avait été
conclue, le 28 novembre, entre le pape et Ferdinand. Elle fut
bientôt suivie d'une paix signée à Bome, le 12 décembre, dans
la chambre même du pape. Ce traité de paix portait la garantie
de l'état du duc de Ferrare, la restitution de toutes les con-
quêtes faites de part et d'autre, une alliance jpour vingt ans
entre toutes les parti^ contractantes , alliance dans laquelle
les Vénitiens eux-mêmes seraient admis, pourvu qu'ils y accé-
dassent avant l'expiration de trente jours ; enfin un subside
annuel de quarante mille florins d'or, que les alliés devaient
payer en commun au comte Jérôme Riario , à titre de solde.
Les différends entre les Florentins et le pape étaient remis à
l'arbitrage des ambassadeurs d'Espagne ^.
Sixte IV mit, à l'accomplissement des conditions de cette
nouvelle alliance, la même impétuosité avec laquelle il s'était
engagé dans la précédente. Il écrivit immédiatement au doge
deVmse, pour le sommer d'accéder à la pacification de
l'Italie, de restituer ses conquêtes, et de s'abstenir de tour-
menter davantage la ville de Ferrare qui relevait du Saint-
> Sciplone Ammipato. L. XXV, p. tS8. — * Jaeob» rclaierrafil nuxr. Homan. p. 181.
'^DUvio di H&ma del KoHào di NanUporto.l. m, P. If, p. iOW.'-MaccMavem, L. Viif,
p. 430.— Marin Santao, Vite de* Duchi p. !W5.
198 HISTOIRE DES REPUBLIQUES ITALIENNES
Siëge, et que Sixte prenait sous sa protection immédiate *.
En même temps, il écrivit au duc de Ferrare pour l'assurer
que sa réconciliation était sincère ; il écrivit aux Ferrarais
pour les exhorter à une vigoureuse défense, aux Bolonais et
à Jean Bentivoglio, pour les exciter à Foutenir la maison
d'Esté *. Avant de pouvoir recevoir une réponse du sénat de
Venise, il permit au duc de Calabre de traverser le territoire
de l'Église pour se rendre à Ferrare, et il lui laissa engager à
son service Virginio Orsini, et plusieurs autres capitaines,
qui étaient auparavant dans Tarmée de T Église, et qui par-
tirent de Borne le 30 décembre *. 1483. — Enfin, le 10 jan-
vier 1 483, il adressa à Tempereur et à tous les princes de l'Eu-
rope, une sorte de manifeste contre les Vénitiens ; il les accusa
d'une coupable obstination à continuer la guerre; il promit
de les en punir par toutes les peines ecclésiastiques en son
pouvoir; et en effet, le 10 juin suivant, il frappa les chefs de
la république d'excommunication, et tout son territoire d'in-
terdit *.
Les Vénitiens virent arec autant d'indignation que de sur-
prise le pape punir en eux, comme un crime, la guerre même
à laquelle il les avait encouragés, et qu'il avait soutenue de
concert avec eux. Ils rappelèrent de Borne leur ambassadeur,
François Diedo, et ils se préparèrent seuls à tenir tête à toute
l'Italie ^. Un congrès de leurs ennemis avait été assemblé à
Crémone, le dernier jour de février, soûs la présidence de
François de Gonzague, cardinal de Mantoue et légat du pape.
Là, s'étaient réunis te duc de Calabre, le duc de Ferrare,
Louis Sforza-le-Maore, régent de Milan, avec deux de ses
frères ; Laurent de Médieis, Jean Bentivoglio, le marquis de
1 Epiêtolœ PonUficUapud Peinon Cymœum. DêbeUo F$rrar, p. I209, 1210. — Jndr,
Navagiero, Stor. Venez, p. U79. — * AnnaL Eceies, Raynald, i482. S 17. is, p. 309.
— ' Stefani lnfes9wce Dfor. ttoman, p. 117S. — * hMa exconammleatiôms ap. Bay-
nabU 1483, S 8-i«« p. 319. — s And, Smoffi»». p. 11^. — narin Samu^ p. i3S7. -^
M. AnL SabeUieo, D. IV, L. U, f. 336.
DU MdTIElï AG£. 199
Mahtôue, Jean-Jacques trivalzîo, et plusieurs capitaines
moins renommés ^ On y avait proposé d'envahir en même
temps les domaines de la république, du côté du Milanais, diî
Mantouan et de la Romagne. Mais il était reçu à cette époque
qu on pouvait faire la guerre pour le compte de ses alliés, sans
s'y engager en son propre nom, et ni le duc de Milan, ni le
marquis de Mantoue, ne voulurent entrer les premiers eq
hostilités directes avec les Vénitiens, en sorte que la diète se
sépara sans avoir rien conclu. Cette réserve n'empêcha pas la
guerre de s'étendre aussi sur les frontières qu'on avait voulu
préserver. Robert de San-Sévérino entra dans le Milanais , le
1 2 juillet, espérant y réveiller le zèle des partisans de la du-*
chesse Bonne. Louis-le-Maure fit, à son tour, ravager les ter-
ritoires de Bergame et de Brescia ; mais Tune et l'autre expé-
dition n'eurent aucun résultat *.
Cette guerre, dans laquelle on voyait engagées les pre-
mières puissances de l'Italie, était soutenue de part et d'autre
avec uoe mollesse, avec une lâcheté qui contraste, d'une ma-
nière bien frappante, avec les guerres que les Français de-
vaient bientôt porter. en Italie. On n'y voyait ni batailles
générales, ni sièges de villes; on n'attaquait jamais que de
faibles châteaux, et les escarmouches mêmes étaient peu im-
portantes. Les deux armées s'enfermaient dans des retran-
chements à peu de distance l'une de l'autre; elles se mena-
çaient et ne s'attaquaient point; elles attendaient dans leur
camp la mortalité, conséqu€ince inévitable du climat malsain
des bouches du Pô, et elles n'osaient pas braver la mort dans
les batailles. Le peuple de Ferrare, accablé par les logements
des soldats, les contributions et le piUage, paraissait ne vou-
loir plus faire de sacrifices pour la maison d'Esté; et cepen*
^ Scipione Ammirato, L.XXV,p. 1S5. — ilH». de Ripalla, AnnaLPlac. T. XX, p. »70.
•^Bem, Corio, Stor. Mil. P. VI, p. ioo4. — « Andr. ttavagiero^Slor, Venes. ç. Ii84.—
PeiH Cyrnœi De belio Ferrât, T. XXI , p. 121|. — if. À, SabeUico. D. IV, L. II. f. 3*37.
200 HISTOIRE DES BÉPUBLIQUES ITALISUHSS
dant rien ne faisait prévoir la fin d'une gnerre qni n'était
signalée par aucun exploit glorieux. Le duc de Galabre avait
porté le ravage autour de Brescia, et les Milanais autour de
Bergame ; le marquis de Mantoue avait pris Asola, château
sur le fleuve de Ghiesa, qui avait appartenu à ses ancêtres.
Dans Tétat de Parme, les Bossi ne pouvant pas résister plus
longtemps aux forces supérieures qu'on dirigeait contre eux,
s'étaient enfuis vers les montagnes de Gènes ; de là ils avaient
passé à Yenise ; et le sénat, pour les dédommager des fiefs
qu'ils avaient perdus, leur avait assigné une solde considérable.
Mais ces petits succès de la ligue qui se faisait appeler sainte,
parce qu'elle avait le pape à sa tête, n'apportaient aucun sou-
lagement au duc de Ferrare. L'ennemi était toujours campé
aux portes de sa capitale, et ses sujets avaient été deux ans
de suite privés de leurs récoltes. San-Sévérino cependant
n'avait jamais osé planter ses batteries contre les murs de
cette ville; le duc de Galabre, d'autre part, avec une armée
fort supérieure, n'avait su, ni amener les Vénitiens à la ba-
taille pour faire lever le siège, ni attaquer la redoute bâtie
entre le parc et la rivière. Il manquait alors à l'art de la
guerre les moyens d'arriver aux opérations décisives ; on
n'attaquait que ce qui n'était pas défendu, et on né savait ni
forcer l'ennemi au combat, ni ouvrir les murs d'une place
dans laquelle il s'enfermait * .
La guerre semblait se faire en Toscane avec plus de mol-
lesse et de lâcheté encore. Les Florentins n'avaient d'autre
ennemi qu'Augustin Frégoso, nouveau seigneur de Sarzane,
que les Génois mêmes ne secondaient pas ouvertement. L'armée
destinée à le combattre était considérable ; elle aurait suffi de
reste pour emporter Sarzane après un siège qui n'aurait pu
être long; elle ne l'entreprit pas même, et elle se borna à de
> Jlf. AHL SabeUico. D. IV, L. II, f . 239.
DU MOYEU AGB. 201
misérables escarmonches * . Les Siennais avaient contracté al«
liance avec les Florentins ; ils n'avaient plus ponr ennemis
que leurs émigrés, qui s' étaient enfermés dans Monte-Beggioni;
mais ils essayèrent vainement de les y forcer ^. On aurait dit
que les soldats italiens ne connaissaient plus d'autre moyen
pour entrer dans une place que d'attendre patiemment le mo-
ment où leurs ennemis en sortiraient.
Cette manière de faire la guerre dut paraître bien étrange
à René II, duc de Lorraine, que les Vénitiens appelèrent cette
année en Italie pour prendre le commandementde leuriœmée,
Leur traité avec ce prétendant au royaume de Naples, qu'ils
voulaient opposer à Ferdinand, fut signé le 30 avril, ou, selon
d'autres, le 9 mai 1483. René s'était engagé à leur amener
quinze cents chevaux et mille fantassins, et on lui avait promis
une solde de dix-sept ducats et deux tiers par mois pour
chaque lance, composée, suivant l'usage de France, de six
hommes à cheval. On y avait ajouté une gratification de dix
mille ducats par année pour la table du prince '. René ne par-
vint à Yenise qu'après avoir perdu beaucoup de temps et sur-
monté beaucoup de difficultés dans sa route. Le pape, averti
de sa venue, avait menacé d'excommunication tous les princes
d'Allemagne qui lui accorderaient un passage, et le duc de
Lorraine fut forcé pour avancer à plusieurs négociations et à
plusieurs détours. Il y avait peu de temps qu'il était dans le
camp vénitien, et il avait eu à peine le loisir d'étudier ce sys-
tème de guerre si différent du sien, lorsqu'il apprit la mort
de Louis XI, roi de France, survenue le 30 août 1483. Gomme
ce monarque avait cherché à lui enlever la succession de la
maison d'Anjou, en dictant des testaments injustes à son grand-
père et à son grand-oncle, René retourna en hâte dans ses
1 Seipione âmmirato. L. XXV, p. 1S0. — * Ibid- p. 157. — Allegretto AUegretaDiari
Saneêi. p. Sii.— > Marin Sanuto, XXII, p. !!»«.— 4nifr. liavagiero, Stor, Ven, p. 1182.
'^etri CymœiDebetto Fmw, p. lais. — ir. A, SabettUo. D. IV, L. H , f. 33$, v.
202 BISTOIKE D£& ftEimCtIQUfiâ ITALIENNES
états pont dierchcr k recouvrer, pendant la minorité de
Charles Yîll , ce que la politique de Louis XI lui avait fait
perdre • .
Une autre guerre était soutenue avec plus de vigueur par la
république de Yecise; c'était celle que lui faisait le pape au
Ittoyëa des foudres de l'Église. Sixte tV avait publié, ïe 24 mai,
à la fête de la Pentecôte, une bulle contre Yenise, par laquelle
il ordonnait à tous les religieux de sortir sous trois jours
de cette ville excommuniée. Le conseil des Dix en fut averti,
et il fit surveiller tous ceux qui arrivaient de Rome pour ar-
rêter cette bulle entre leurs mains. Il mit sous la responsabi-
lité des curés toutes les affiches qu'on pourrait trouver aux
portes de leurs églises, et il ordonna au patriarche et à tous
les ecclésiastiques vénitiens de remettre aux inquisiteurs d'état,
sans l'ouvrir, toute bulle gui leur serait adressée par le Saint-
Siège. Cet ordre fut scrupuleusement exécuté ; Vexcomrauni-
cation encore cachetée fut transmise au conseil des Dix par le
patriarche, sans qu'aucun Vénitien en eût connaissance 2. Ce
conseil ordonna à tous les cardinaux et prélats qui relevaient
de la Seigneurie , muk peine de saisie de leurs bénéfices , de
s'assembler à Venise, le 15 juillet, en un concile provincial. En
même temps il remit à Jérôme Lando , patriarche titulaire de
Constantinople, un appel au futur concile de la sentence d' ex-
communication. Le patriarche, faisant droit sur cet appel,
suspendit l'injerdit, et envoya au pape lui-même une citation
par-devant le concile futur. On trouva des hommes détermi-
nés qui affichèrent cette citation sur le pont Saint- Ange et aux
portes du Vatican et de la Rotonde. Cette hardiesse cependant
coûta la vie aux gardes de nuit, que le pape fit pendre, pour
ne l'avoir pas prévenue '. Tous les prêtres vénitiens qui étaient
à Rome furent rappelés sous peine de perdre leurs bénéfices ,
« Andr, Navaniero. p. USa.-^Af. A. SabtUicd,h, l\ , L, 11, (. 237, f. -> s .m^. ffo^
vogierà. p. ntZ.^M, A. SabelUco. 0. IV, L. Il, f. 237, ?. — s Andr, Navagiero. p. 1184.
DU MOTElf A6£. 203
et le pape opposa à cette sdmmation an édit en tertu duqael
les prâats et les prêtres qui quitteraient Borne pourraient être
vendus comme esclayes *.
Cette lutte violente avec le dhef de FÉglise n'attirait plus
aucun blâme sur les Yénitiens. L'emportement de Siite lY,
ses injustices, iton avfugle tendresse pour Jérôme Biario, que
toute r Italie regardait comme un fits, et comme un fils né
d'un inceste, avaient détruit tout le respect que les peuples
portaient à la tiare. Tous les genres de scandale s'attachaient
à sa conduite ; on le voyait toujours entouré de jeunes favoris
auxquels on ne connaissait de mérite que leur figure, et aux-
quels il prodigtiait les trésots de l'Église. Cette année même,
le 19 novembre 1483, il offensa le sacré collège eu ôccordant
révècfaé de Parme et le chapeau de cardinal à un jeune homme
qui n'avait pas vingt ans, et qui, sorti du plus bas lieu, avait
été d'abord page du comte Jérôme, ensuite valet de chambre
du cardinal de Saint-Yital. Sixte lY, frappé de sa beauté, le
prit pour son valet de chambre, entassa sur lui les plus ricbei^
bénéfices, le fit châtelain du château Saint-Ange , et le porta
enfin au faite des honneurs ecclésiastiques. Cependant le car-
dinal Jacques de Parme se trouTa être un jeune homme d'un
bon caracrère, même de bonnes mceurs, et sans autre défaut
qu'une extrême ignorance '^,
1484. — Dans Tannée 1484, les ravages de la guerre s'é-
tendirent sur de nouvelles province» : les Yénitiens voulurent
faire sentir son poids à Ferdinand, qui jusqu'alors n'en avait
^ point souffert. Ils armèrent une flotte de trente-une galères,
dont ils donnèrent le commandement à Jacques Marcello ; ib
l'envoyèrent dans le golfe de Tarente, où Marcello vint atta-
quer Gallipoli. Cet amiral fut taé ver» la fin de mai, dans un
1 Andr. Saungiero^ p. ii«4.— * SUfano Snfesswa, DUiHo Mmano^ p. iii,-^acôb.
YoUenanU War. BtmoH. p. i9i. -* woflhtiêl VoUemmuê Opui kaw^ald. i4Mf,$ %f,
p^ 336.
204 HISTOIHS DBS BiPÛBLIQUES ITALIENIÏES
des assauts qa'il donna à la place ; mais le même jour elle ca-
pitula entre les mains de son successeur Dominique Malipiéri.
Celui-ci fortifia avec soin sa conquête ; il soumit ensuite les
châteaux et les petites Tilles du voisinage. Au mois de juin, il
s'empara également de Policastro et de Geri en Galabre; ses
soldats, accoutumés à la guerre des Turcs, traitaient avec une
affreuse barbarie les pays qu'ils rayageaient, et cependant leurs
conquêtes causaient d'autant plus d'inquiétude à Ferdinand,
que, connaissant le mécontentement de ses barons, il craignait
sans cesse de les Yoir s'unir aux étrangers pour secouer son
autorité*.
La guerre se faisait en même temps dans l'état de Rome
avec un redoublement de fureur. D'une part, Nicolas Titelli ,
abandonné par les Florentins, avait été chassé de Gittà di Gas-
tellOy et Lorenzo Giustini avait été rétabli à sa place; de l'antre,
Sixte lY et Jérôme Biario avaient poursuivi les Golonna avec
un acharnement pour lequel on ne voit point de motif poli-
tique. Biario rejeta toutes les offres d'accommodement qui lui
furent faites par ces puissants seigneurs. Lorsqu'ils propo-
sèrent de remettre au pape toutes leurs forteresses, Biario ré-
pondit qu'il ne voulait y entrer que par une brèche qu'il au-
rait ouverte avec son canon. Des écrivains postérieurs ont
donné pour motif à cette guerre la possession du comté de
Tagliacozzo, que la maison Orsini réclamait de la maison Go-
lonna ^; mais il n'en est point question dans les journaux du
temps, et tout indique dans la conduite de Jérôme Biario un
ressentiment personnel. La moitié des palais de Bome furent,
pendant l'été, souillés par des massacres continuels; le pape
fit brûler un grand nombre de rues, parce que quelques-uns
de leurs habitants lui étaient suspects. Le palais du protono-
^ Andr, Nûvagiero^ 8t0r, Venez, p. iiss. — Pétri Cymagi De bello Fevrar, p. 1217.
— AmaL Placentint p. 975. — JV. A. SabelHco, D. ly, L. n , f. 240, t. — > Jo. Mieh.
Bmii. I*. VIIL — Raynald. Annal. Beeks* 1484, $ U, p. 3S4.
DtJ Mônn AGE. 205
taire^ Loob Oidoniia, et celai da cardinal de la même famille
forent livrés aux flammes par son ordre. Le protonotaire, ar-
rêté dans le premier, ne s* était rendu qne sur la foi de Yir-
ginio Orsini; etYii^nio, en le conduisant en prison, eut
beanconp de peine à empêcher Jérôme Biario de le tner. On
n'avait aneone confession à exiger de loi, car il n'y avait rien
en deseoret dans sa conduite ; cependant le pape ordonna qu'il
fût livré i la torture seulement pour rendre son/upplice plus
ctuéL ; et cette torture fut si atroce, que, quand on len retira,
il n'avait plus que pour peu d'heures à vivre. On prévint son
agonie en lui trandiant la tête. Pendant ce temps, la Gava,
Marino , et tous les fiefs dé la maison Golonna furent conquis
par Jérôme Biario * .
En Lombardie, la guerre ne faisait aucun progès ; la ligue
aTttt une grande supériorité en cavalerie , et elle en profita
pour faire ravager les territoires de Bergame, de Brescia et de
Vérone jusqu'aux portes de ces trois villes ^. Mais ces opé-
rations ne paraissaient point pouvoir amener encore la déli-
Tranoe du duc de Ferrare; et celui-ci, épuisé par le séjour de
tant d'armées, soupirait après la paix, à quelque condition
qn il pût l'obtenir. La ligue, qui avait été formée sans motifs
suffisants, était divisée par mille intérêts divers, et Ton pouvait
prévoir sa prochaine dissolution. Le pape , dans toutes ses
gnerres, n'avait d'autre but que l'agrandissement de Jérôme
Biario; il méditait alors de nouveaux projets sur la Bomagne;
il voulait assurer à ce fils chéri l'héritage de Bobert Mala»
testi et celui de Gostanzo Sforza , tous deux morts à son ser-
vice. Le second avait été emporté par une maladie le 1 7 juillet
1483, et son fils Jean, héritier de la principauté de Pésaro,
1 Slefano Infessura donne de très longs détails sur cette guerre, p. 11S8-1183. Voyez
mmijacobi Volierrani Dior. Roman* p. 190-198. <— Dlario di Roma del Notaio di Non-
tiporto, p. 1088-I9S7. — s Ricùl MaeeMmelU, L. VllI, p, 423,*P«tri cWei m belh
rmw« p. 131 4-ists. — Hoffit SamttOf p, 1239.
2Q$ HISTOIRE DCS HEPU^UQUIÇ» ITALlBKlIfiS
était encore entmt ^ }llm ccijtte posgesaioq m p9ttF«it éftn»
assurée à Biario qo^ p^j: jiç cpnsentçiQeat <to Vévîlieiia cA des
Florentins ; Sixte lY , qui le sentait» entra a^ec mx daas quair
gués négociations secrètes poqr faireime paix toi^t |i mm ftTait^
tage.
D'autre part, Alfoose, duc de Calabre»avi4t mkQomrimié^
voir clairement, depuis que la guerre de JSwmm Vwmt a^
pelé en Lombardie^ que Jean Gal4a« Sfor»^, âm d« lUaa,
auquel sa flllfe était depuis loingtepjj^ prompt f» manager
n'avait aucune part au gof^X'^^emfiut 4^ sw>P pMfpoe dnohé,
quoiqu'il fût déjà en âge d'y prétendes tandis 4[iifli 1*4
tieux Louis-le-Maure, onde d^ |BP 4pc, ^'arropalt seul i
l'autorité. Alfonse en avait témoigné s(mi jo^ntentemeat,
avec quelque vivacité, à Lonisn^ez-ll^ure^ etie^NHsi, cxmce-
vaut une défiance sii&crète de sqn allié, s^ rapppoehait dea Vér
nitiens^. De leur côt^ , Ifis jFloreoJms, <|iii d^piw loiNj^^MiK
contribuaient à la guerre, n'en pûuv#îe9;t eifémt ikmhb
avantage, et n'y avaient auciw internet v6A. Twdia^a'oo its
épuisait d'hommes et d'argwt po^ur soutenir nm année ékét
gnée, on laissait ravager leurs fcoi^ti^^i^ {»ar los tnrapfia qoi
occupaient Sarzane j on ne ^ur per<inettait ppioli d^ ira|>peler
en Toscane le comte de Pitigliano, c^ui 49 Isfm wpîlâinaa
en qui ils avaient le plus de icqnfia^ice, et on 1^9 ^tacrifitit mk
toutes choses à leurs alliés. Ainsi, il i^e restailt flu$ d'wMtt*
ble entre les coalisés; chacun d'fsux é^ pcôt i.8(B déta^hâr
de tous les autres. Le marquis Frédéric de StasiOM teaait
encore réunie cette ligue prête à .se dissoudre, par Ift/^çoasidér
ration que lui assurait son âge et soyi l^JnletéiMltpâriettre;
mais il mourut le 15 juillet, et l'aiiié de sea trois fik,
Jean-François II, qui lui succéda, n'était âgé que de dix-
huit ans'.
< Jacobl VoUenani Dior. Êiomm. T. XXIII , p. i«8. -^ * Hic MficehiwfUL U V1U«
p. 48S. ^ « Hivifi Samtto. p. 1331*. Une (i9 m filles éuU it^9ôi^iM'Mt^^^ilm
DU MOT]EN AGB. 307
Les Vénitiens, quoique plus faibles que lenrs ^fe, ayai^nt
le grand avantage de faire mouvoir toutes leurs forces par
une seule volonté; ils avaient encore celui d'avoir mis à la
tète de leurs armées Bobert de San-Sévérino, qui se montrait
homme d*état autant que général. Bobert abandonna les né-
gociations déjà commencées avec le comte Biario, s'^attacha h
LonisJe-Maure, qù*il regardait comme bien autrement puis-
sant*. Son intelligence avec lui causa d'abord assez d'inquié-
tude à la Seigneurie, pour que le doge fit au conseil des Dix
la proposition d'arrêter San-Sévérino. Bientôt, cependant, ce
général montra qu'il avait su démêler les vrais intérêts de la
république, aussi bien que les siens. Une diète^ assemblée à
Bagnolo, prit connaissance, le 7 août, des articles dont il
était déjà convenu avec Louis-le-Maure, et elle les accepta le
même jour. En vain le légat du pape et Jérôme Biario voulu-
rent troubler la négociation, parce qu'elle ne contenait, en
faveur du fils de Siite lY, aucun des avantages qui lui
avaient été précédemment promis ; en vain ils déclarèrent
que la Seigneurie, après avoir offensé séparément chacun des
confédérés, s'était enfin attaquée à Dieu lui-même, lorsqu'elle
airait méprisé les admonitions et les interdits du pape, et
lorsqu'elle avait saisi les bénéfices ecclésiastiques. Par cette
conduite, ajoutaient-ils, elle s'était rendue à jamais indigne
d'obtenir la paix 2. Les autres confédérés ne voulurent pas
continuer plus longtemps des hostilités dont ils n'attendaient
aucun avantage; et, malgré les succès qu'ils avaient rempor-
tés, ils permirent aux Vénitiens de gagner plus par la paix,
qu'ils n'auraient pu perdre parla guerre.
Par le traité de Bagnolo, le duc Hercule d'Esté fut obligé
à rétablir la répubUque de Venise dans toutes les prérogatives
qu'elle ayait précédemment exercées à Ferrare et dans son
d'OrUiii rinire au comte de Gorltia. * * Anir, !9wagi€ro, {u U88« — « Ibid. p. iioo,
208 HISTOIRE DES REPUBLIQUES ITALIENNES
district; à lui céder en même temps la Polésine, et toat le
territoire de Bovigo. Les autres conquêtes que les Vénitiens
avaient faites sur le duc de Ferrare, devaient être restituées à
celui-ci douze jours après la paix. De leur côté, le duc de
Milan et le marquis de Mautoue devaient rendre aux Yéni-
tiens tout ce qu'ils avaient conquis sur eux. Les villes que les
Vénitiens tenaient dans le royaume de Naples, devaient être
remises par eux à Ferdinand au bout d*un mois, et celui-ci
leur confirmait en retour tous leurs privilèges mercantiles
dans ses états. Toutes les parties contractantes s'engageaient
enfin dans une ligue commune pour la défense de leurs états
respectifs, et Robert de San-Sévérino était déclaré capitaine
général de cette ligue. A ce titre, il devait recevoir une solde
de cent quarante mille ducats, dont cinquante mille seraient
payés par le duc de Milan, cinquante mille par la Seigneurie
de Venise, et les quarante mille restants, répartis entre le
pape, le roi de Naples, les Florentins et le duc de Ferrare • .
Les plus faibles entre les puissances d'Italie se trouvaient,
par ce traité, sacrifiées aux plus fortes : le duc de Ferrare de-
vait renoncer à des provinces qui faisaient l'ancien patrimoine
de la maison d'Esté, et auxquelles les Vénitiens n'avaient au-
cun titre : aussi ne se soumit-il pas à ces conditions sans un
extrême ressentiment ^, Les Bossi , comtes de San-Secondo
dans l'état de Parme, que les Vénitiens avaient engagés à
prendre les armes contre le duc de Milan, demeurèrent dé-
pouillés de leurs fiefs. Le marquis de Mautoue ne s'était en-
gagé dans la ligue que pour recouvrer Asola et les autres
châteaux que les Vénitiens lui avaient enlevés ; mais après
s'en être rendu maître , il était obligé de les restituer'. Les
i Àndr. Navagiero^Stor. Venez, p. U90. — Marin Sanuto. p. 1232. -^ M. À. Sabel-
Uco. D. IV, L. 11. r. 241. -> Diario Rotnano diStephano Infessura. T. III, P« U, p. i i8o.
— Bem. Corio, Bisu Milan, P. VI, p. 1014. — * Dior, Ferrar. T. XXIV, p. 277. —
' De beUo Ferrarienst» T. XXr, p. f 3ie. Ce peUt onyrage, d'uo praire cône, déToné au
DU MOYEN AG£. 209
intérêts des Florentins n'étaient pas pins ménagés parle traité
de paix qu'ils ne V avaient été pendant la gnerre. On ne sti-
pulait rien pour eux , et Sarzane ne leur était pas rendue.
Cependant le plus mécontent de tous était encore le pape ;
longtemps il ayait espéré enrichir son fils , ou des dépouilles
du duc de Ferrare , ou de celles des Vénitiens. Il s*était en-
suite réduit à lui faire assurer les petites principautés de Ro-
magne, qu'il ne doutait pas qu'on ne sacrifiât à son ambition.
n comptait surtout que Jérôme Biario aurait le rang que s'é-
tait fait attribuer San-Sévérino , que ce serait lui qui
serait nommé général de la ligue ,' et ce rang et cette solde
devaient le dédommager des prétentions auxquelles il était
forcé de renoncer.
La nouvelle d'une paix qui répondait si mal à ses projets
ambitieux , fut un coup de foudre pour ce turbulent pontife.
Il était déjà tourmenté par de» douleurs de goutte , elles tom-
bèrent aussitôt sur sa poitrine. Les ambassadeurs qui appor-
taient les conditions de la paix de Bagnolo furent introduits
auprès de lui le mercredi soir 12 août. Après qu'on lui eut
fait lecture du traité , il se récria sur ce que les avantages
qu'on lui accordait étaient si inférieurs à ceux qui lui avaient
été offerts à lui-même par les ennemis. « C'est une paix.de
« honte et d'ignominie que vous m'annoncez, leur dit-il;
« elle est pleine de confusion et d'opprobre, et elle amènera
fine de Ferrare, quoIqn'D Técût à Venise pendant la guerre, contienl beaucoup de deuils
•or la premidre campagne : il est plus court sur la seconde, et tout à fait incomplet
aiir la trouième. 11 finit à la paix.
. Ces! aussi â la paix de Bagnolo, le 7 août 1484, 4ne finissent les Annales de Plaisance,
composées par Antoine et son fils Albert de Ripalta. Ces deux hommes avaient quelque
part au gouvernemem municipal; mais c'était dans une ville sujette, où aucun sentiment
ne les attachait à un parti plutôt qu'à Tautre ; aussi tous leurs éloges sont-ils toujours
pour le vainqueur, et la déclamation ou la pédanterie prennent-elles la place de tous
les sentiments noWes et élevés. Les deux Ripalta paraissent avoir été estimés dans leur
paya comme d'habiles rhéteurs ; ce qui donne une assez mauvaise idée de Tétat des
.lettres à Plaisance. Les Amiatei d'Antoine s'étendent de Tan i4oi à l'an 1463, qu'il mou-
rut. Albert a continué dés cette époque jusqu'à 1184. Ces Annales sont imprimées. Her,
iial, T. XX, p. 859-978.
VU. 14
210 HISTOIBE DBS BiFin|](JQ0l|K italiehubs
« aTec le temps bieo plus de mal qae de biea. Je n# pà9y mei
« fils^nî r approuver ni la béoir^. » Lesambassadmrs nfaper^
cevant que le neiUan)} affligé par cette aouvelle) perdait aea
forces, et semblait accablé d'angoisses y que sa langue mèniB
paraissait s'embarrasser, lui dirent qu'ils espéraient trouver
une autre fois sa Sainteté plus, tranquille,. lOflis qu'ils la
priaient, en attendant, de bénir une pais qù ne pou-*
Yait plus être changée, te pape, dégageant al^va sa main
goutteuse de l'écharpe qui la soutenait , fit ua mouTe*
ment que les uns prirent pour un refus , d'autres pour une
i)énédiction des ambassadeurs, ou de la paix elle-même. Mais
il ne parla plus, et il mourut dans la nuit suiisante, le jeiuK
13 août, peu après minuit, ne pouvant supporter de laisser
en paix cette Italie que pendant son règne il avait constam-
ment tenue en guerres.
1 9iic»M Tvkaèrrant Éiar» âî^o^. p. i9r. Ce jbvnàr finit âtec la ^ de âxié IV.
yaiMeiU!, qui éiaii leribe apoatMifwe, dottuodes déuH» scjttrtfiùlrcjarléttx Air les eèvéM^
nies religieuses, sur It cour, et même sur les sermens des cardinaux, dont il npporle
presquè^ lonjour» unie coutib aimlf^. Il éùJt attafctté à Slite iV, ei il se moutre en gén^
rai partie pour lui : oepeiidant ili|9 i^dussit guère à d«^itaar les Tiees de son pabnMk
Ce Journal est iâiprimé. T. XXIil. Rar. UaL p. »7-20O. — * Dior, Boman. Jaeom
Toimwroxà, p. 300. — Diorlo dei KotaXo (S SaiHipwiû. p. lOSS. — mario di Stefano
infeuwra, p. no» ^ BaynaMà ânn. Sccks 148«^ S i^^U P- m* ^ Jtimaà Ron^
nienê. Fratr. Hieronymi de BurseUis. T. XXIil, p. 904. — Maeehiav- U/k, h, VllI ,
p. i7fl,^-Scipione âmnUHUb, L. XXV, p. iS2.— ila/iri Sanuto, Vite dl^Dûchi. p. i*i34.
Ce pape, qui Uni l'IiaHe fre«iiw omi^tymniett en guerre, alnâii Int-àéifte toi «pee-
tacles sanglants ; dans les derniers mois de sa vie il ftit deux (ois averti que des soldats
do SB garde à pied étaient convenus de se battre* à oulfancè, comme on rappelait, à
stecccUo chiuto^ pour quelque qnerelle survenue entre eux, et qu'Us avaient Tait choix
i>our cela d'un lieu écarté à U campagne. Il leur fU dire qu'4 i»#aH, OtroléOMiiii AsteÉr
(eodôft'at, qu'ils se battissent donc au bas de l'escalier de son palais» dans la iMocA da Saîn^
nerré, él qu'i^ se gardassent de commencer avant qu'il leur en.eAt 4oiHlé tvHli^ae
le signal de sa Cenétre à l'heure fixées et, lor^'il vit q|ae les conbalUni^ étalent prAis ,
^ étendiC son bras , leur donna sa bénédiction^ fit le signe de la eroix«.el les inyiia à
commencer. Dans le premier et le plus long de ces deux duels, l'up des combattant» Ait
tué sur la place, après avoir auparavant donné efcre^ déj^ beaucoup de blesaorae.';
dans le second duel, les combattants furent tous blessés si griôvement, qulla ne parent
pas continuer jusqu^ii la inoirt de l'un des dais, et qn'oaftA obligé de les enponer. Le
pape, dit le journaliste de Home., prit beaucoup do piaisic A^ceo oonbats, et ténoigoa
e désir d'ofi voir d'autres, ^efano infewiM^ IHqria Aooiom» 1» 111, P. ÏU aei% MqA
p* u«4.
se ■on» À«Ei i\ I
w4«8i»Hi»»8»i»n»iim«iHinm»iiiiiii
CHAPITRE VIll
Élection d'Innoceiit YIII; ce pape fait écltter la guerre entre FerdinamI
et ses barons. — Le cardioal Paul Frégoso. doge de Gènea. — Con-
quête de San^anè paît les Florentins. ^ Anarchie et pâciËcation dé
Sienbe. «-^ GoBJurations contre Jérôme fti^rio, et coiitrê €déoh^ l^an-
fréil.
1484-1488.
LU èotistitatiôtt pdlitiqne dfr FÉglisé rtrtn&ittè n'êtéSt paÈr
étabfle mt des bases très asscih^és. Les drdîls et lés fi^iiérdga-
WireB du jÉpe, éeà cardinaiiz, des éVêqiiteis, n'avaient point
des Ikdites assez reconnues poor eâipècfaef tout tonflit èè
joridielioâ. Cependant cette constihition, danfil siiii étisend>Ie,
était celte dune monarchie tempérée, et ùon dfui^ état des-
{Nybijtie. L'atitoritédti pape était balancée, non seuienicnt pat
celle des conciles, états-généraux de î Église qu'on n'assem-»
blaitque rarement, mais encore par celle des cardinaux, dont
le edûége permanent devait être irrévocablement le conseif
des pontifes, en sorte qu'il était censé concourir à toutéfi"
leiife dKfeni)hidti0ns'Tb|rôrt«nté^ ÎÉ pècpu ^ 'at(^6lfltt «fà«
213 HISTOIEE DES UPUBLIQUES ITAUENNES
jours ses frères; il insérait dans toutes ses bulles, quelque^
fois même sans les aToir consultés, la formule, d'après le con-
$eil de nos frères, pour donner à tout ce qu'il ordonnait
r autorité du sacré collège.
Mais à la fin du x\^ siècle, lorsque Félection successive de
plusieurs pontifes entachés de vices honteux ébranla le cré-
dit du Saint-Siège, et amena enfin la révolution qu'on vit
éclater au commencement du xvi'' siècle, l'Église put recon-
naître que les droits réciproques de ses représentants n'étaient
point suffisamment établis, ou assez sagement balancés. Ja-
mais on n'avait mieux senti que sous Sixte lY le besoin de
limiter l'autorité du pontife par celle des cardinaux ; jamais
on n'avait plus éprouvé combien Finfluence d'un mauvais
pape sur le sacré collège devenait irré^sistible, s'il voulait em-
ployer toutes les ressources qu'il pouvait trouver dans l'in-
trigue et la séduction. 11 pouvait accroître indéfiniment le
nombre de ses conseillers, et s'assurer toujours ainsi de la
majorité des suffrages; il disposait seul de toutes les grâces
ecclésiastiques, et tous ceux dont l'âme n'était pas à l'épreuve
des séductions de la richesse et des honneurs, se rangeaient
bientôt de son côté. Enfin, la violence même lui était per-
mise; la personne des cardinaux n'était point à l'abri de ses
yengeances; on les avait vus plus d'une fois excommuniés,
emprisonnés, soumis à la torture, envoyés même au dernier
supplice, par des ordres arbitraires, seulement pour avoir
voulu défendre les libertés de leur collège ; et l'idée de la sou-
veraineté du pape était tellement confondue avec celle de
l'autorité de l'Église, que des théologiens de très bonne foi
justifiaient ensuite ces violences, et affirmaient comme une
maxime incontestable qu'aucune opposition, même celle du
corps entier des cardinaux, n'était légitime contre aucune des
volontés du pape.
Cependant ce pontife souverain, qui exerçait sur tous les
DtJ MOTSN AGE. 213
cardinaux une autorité si illimitée, était, après tout, leur créa-
ture. S*il les nommait pendant son règne, eux à leur tour
nommaient son successeur; et comme on ne parvenait guère
à la tiare que dans un âge avancé, les élections du souverain
étaient plus fréquentes dans la monarchie de I* Église que
dans aucune autre monarchie élective. D'ailleurs le pouvoir
pontifical pouvait être souvent affaibli par les infirmité
de Tâge, tandis que le sénat des cardinaux, composé en
grande partie d'hommes exercés dans les affaires et les intri-
gues, réunissait les qualités propres aux aristocraties, la con-
stance, la sagesse, Texpérience et T esprit de corps. A chaque
vacance du SaintrSiége, le conclave, avant de nommer un
nouveau pontife, ne manquait jamais de poser des bornes à
sa puissance, de corriger les abus par des lois nouvelles,
d'imposer des conditions au candidat, et de les con&*mer par
des serments. C'est par cette même marche que les capitula-
tions avaient peu à peu restreint l'autorité des empereurs
d'Allemagne, et que les correcteurs à la promission ducale
avaient anéanti les prérogatives des doges de Yeuise. Chaque
vacance du trône de Pologne avait de même été signalée par
quelques conquêtes de la noblesse sur les rois ; et comme les
cardinaux renouvelaient leurs tentatives avec la même cons-
tance, mais plus fréquemment encore; comme ceux qui étaient
les plus considérés dans la chrétienté, qui jouissaient de la
plus grande réputation de vertu et de sainteté, étaient aussi
ceux qui mettaient le plus d'importance aux privil^es de
leur corps et aux libertés de r%lise, on aurait pu s'attendre
à ce que le gouvernement de la cour de Rome devint abso-
lument aristocratique.
Mais les bornes de l'autorité royale étaient affermies par
les serments des rois, et l'on;fnt forcé de reconnaître, sans
doute avec étonnement, que cet acte religieux ne conservait
aucune efficace sur les prêtres. Une des prérogatives que les
2 H HISTOIRE DBS BEFCflLiQUKS ITALiENlIES
papeg f*4tai99( 4|;ttfibpéés, et qv'ik délenâakot avec le pli»
d'oUtioatioa, était celle de âélîer les fidèles des serments
qu'ils avaieqt prêtés imprudemment; et dans une religion
gui admet des yœui éternelSy peutrdtre était-il nécessaire de
reconnaître ^ans F^Usi^ un pouvoir qui pût en relever. Le
pape avait reçu au nom ^ INeu les engagements pds sons
serment eiiversspn Église; lui seul, et juge et partie, poo-
Yait en dispenser. Bientôt il crut avcdr de même le droit de
dissoqdfc le$ i^ments qui lient ks hommes entre eux. On le
Tit rampç^ 4e son autorité» tantôt les pactes et les aUiatioes,
tantôt 1^ serment! de fidélité des sujets aux souirerains, tan-
tôt les serments âe garanties des souyerakis aux sujets. Far
ce droit q^'il pr^ndit inhérent à son siège, il se dispensa
lui-ipéme le pcemi^ de tout œ qu'il avait promis. Autant
les çondav^ lurept foigueux, danatout le xv^ siècle, d'exiger
de chacun des membres du sacré oollégç le serment d'obser-
Yer les pactes cqpvenus, s'il menait à être désigné par le Saint-
fisprit, autant H» papçs mirent de constance à annuler par
leur <|utorité suprèQie les sermenta ^'ils aTaient prêtés
comme cardinaux, et qu'cm avait cependant toujours m soin
de leur faire re9(Mi vêler au moment de leur couronnement.
Dès l'aune 13â3, Innocent VI avait même établi, par une
tPipinstitiM^n, le scandaleux principe qu'ancun engagement,
au(»in fiermeut prêt^ d'avanès ne pouvait Bmiler l^autorilé
pontificale; pami que les cartihnaux, lorsque f Église était
privée desop pa(rteur, n^avaient plus d'autre autorité que celle
d'en créer nu uiUiveAU. Ce principe est repiésenté oanune
une des \m inv«fiaUes de, l'Église, par son anualisie S 9^
écrivait au xvii* siècle ; il est encore ça vigueur aia|ou]v
d'bui.
Cette ooQstitution est fondée sur um sophisme. Beu importe
t Ratf«aM.iiw.afleL 1«|3, m^T, XVI {6l IMI, S »$ T.. XIX, p. BST.
ra MOYBH AGE. 2 16
^Kleseardlâmix n'aient pas le droit cTimiKMer un settnent ,
9Am qui ïiL ptM TokmtaireiBeBt n'en a pas moins contracté
«ne iddigaftioa ; ânisi ne wiïlat-eii point admettre sans eon-^
leslatioDs, même à la fin du w siècle , éans la déiirâyation
ot la eour de Bîmie était tombée, le pdnape immoral qui aa-
tm^isait le parjnre dn dhef de la religion. Les prélats ^gnalés
l^r leurs lanières, leur piaé et leurs mœurs s'étaient hante-»
ment prononcés contre ce séandale. Jacques Âmmanati , car«
4iMl de Pairie ; Bessaiion, cardinal de Nice ; Jean Carvajal ,
^cardinal espagnol, avaient constamment invoqué Icts serments
prêtés pttP tanl H avant d'être pape ; et le dernier «'était im-
mortalisé aux yeui de FÉglise par sa courageuse «t fnâMran-
iaUe opposition à la eonslitation qui devait les amniler t.
Mais te sénat des cardinaui se ressentait des vices de celui
ffA avait seul le pouvoir d'en élire les membres; il falfant que
^des papes tels que Paul II et Sixte I¥ eossrat rempU te saert
ieanége de leurs oréslores pour qu'on pftt vdr loisuiie des
Sections telles que celles 41nnooent YIII et tf Aleiafrdre Yl.
1 484. — Bile conclave peu MTUpuleux qui s'assemlilâ à k mcM
de Sixte lY voulut à son tour imposer des conifitims au pape
qu'il allait éiirè, les oardiviaugt «'occupèrent bien plus ^'teurs
Intérêts persObneb que de cela de f Église. Ils exigèrentvvaaft
tout r augmentation de leurs propres revenus. Aucttn parmi
Mx ne devait avoir mcfins de quatre mUte fterins de renAe, «t
cie^eomme devait leur être 'complélée par la riMrmbre apo»-
talique à lecM bénéices ecciéitfastiqttes ne rendaient pas tant.
Ils demandaient de {Aus qu'ttucun et eut M pftt être tmfpé
f^r des censures, par une excommunieaJBim ou un }ugeme»t
WitÊSiàAj A la sentence qui le «cmdamBait in'élmt smctionnée
fMfr kssileuï tS^rs «des Vtiix dans le «aoni «dMge. One daoïe
flus importaflfte cMore fttt ^e^e par laquelle fls iimttàreiit
I CardUu PapUntU BpiiL 18^ — nagiuM. itai. Meet 14^4, S IMO, p. m.
216 BfSTOIBE DES BÉPUBLIQUIS ITALIKinfES
leur nombre à Tingt-qaatre. Le pape fiitor ne deyait faire an-
cane promotion jusqu'à ce qu*ib fussent réduits au-dessous de
ce nombre; il ne pouYait de plus décorer du chapeau aocon
bomme âgé de moins de trente ans ; il ^ne pouvait prendre
qu'un seul cardinal dans sa famille; tous ceux qu'il élèverait
à cette éminente dignité devaient avoir été reçus auparavant
docteurs en théologie ou eu droit, à la réserve des seuls fils ou
neveux de rois; et ces derniers même devaient faire preuve
d'une instruction compétente. Enfin, le pape devait désormais
ne gouverner plus que de concert avec les cardinaux, et dans
toutes les occasions importantes, surtout lorsqu'ils' agirait d'a-
liéner quelque fief de l'ÉgUse, ses bulles ne devaient avoir de
force qu'autant qu'elles seraient sanctionnées par les deux
tiers ^ suffrages dans le sacré collège ^ Si les deux con-
stitutions qui contenaient toutes ces conditions étaient éerm-
nues la loi de l'Église, peut-être la cour de Borne ne se serait-
elle pas conduite avec moins d'ambition et de hauteur ; mais
sans doute sa politique aurait été plus prudente, et ses chefe
n'auraient pas donné, par leurs mœurs, le scandale qui devait
hâter la réformation.
Après que tous les cardinaux se furent engagés par sermoit
à observer toutes ces conditions s'ils étaient appelés au trône
pontifical, ils allèrent aux suffrages. Des intrigues fort actives
et de libérales promesses avaient déjà préparé l'élection 2, et
les suffrages se réunirent en faveur de Jean-Baptiste C;bo>
Génois, cardinal-prètre du titre de Sainte-GécQe, qui fut pro-
damé le 29 août 1484, sous le nom d'Innocent YIII 3. Dès le
jour dé son installation, il confirma, par un nouveau serment,
le traité fait avec les cardinaux, et il s'engagea, sous peine de
parjure et d'anathème, à ne s'en point absoudre lui-même,
et à ne s'en point faire absoudre par d'autres. Cependant ,
« àimaL Bcclts, i4ft4, S 38-30, p. 317. — I Diariû di Stefano infeuura. p. 1 190. —
s 0Ufrio 4i Rama tfe/ ifoUMio dl i9mliporiQ,jp. looi.
. DU MOTER A6B* 217
dès qu*il se sentit mieux affenni snr mm trAne, il abolit et son
traité et ses deux serments, comme contraires aa droit da
Saint-Siège i.
Mais Innocent YIII devait la tiace à on grand nombre de
traités secrets faits avec chacun des cardinaux; et ceux-ci,
dont Texécution devait être immédiate, furent observés avec
plus d'exactitude. Celui entre les membres du conclave qui
favait servi avec le plus d'activité et de zèle était le cardinal
Julien de Saint-Pierre ad vincula , qui fut depuis pape, sous
le nom de Jules II. Ce prélat guerrier avait demandé pour
récompense, non des bénéfices ecclésiastiques, maisrdes forte-
resses. Il en obtint plusieurs en effet, et pour lui-même, et
pour son frère Jean de la Bovère, que Sixte lY avait fait prince
de SinigagUa et préfet de Bome. Ce même Jean fut nommé
par Innocent YIII capitaine-général de 1* Église ; en sorte que
le pouvoir et la faveur de la cour de Rome ne sortirent point
de la maison du précédent pontife. Tous les autres cardinaux
obtinrent les prélatures et les abbayes pour lesquelles ils
avaient vendu leurs voix. Les écrivains du temps n*hésitent
pas à taxer de simoniaqùe une élection préparée par ces mar-
ché qu'on ne put tenir secrets/^. Mais un pan^riste d'In-
nocent YIII, en rapportant ces mêmes libéralités, les donne
pour preuves du cœur reconnaissant du nouveau pontife ^.
Innocent YIII ne ressemblait pas au pape qu'il remplaçait;
et cependant la comparaison avec un homme aussi odieux que
Sixte lY ne lui fut point avantageuse. Faible, corrompu, sans
caractère, sans vues profondes ou suivies , Innocent fut tou-
jours gouverné par d'indignes favoris, et son administration
fut souillée par tous leurs vices. Il avait eu sept enfants natu-
^ Raynaidus^ annal Ecoles. i484, S 4i, p. 340.~* Stefano infessura^ Diario Romano,
p. 1190. ^ Lettres de Guid' ADtonio Vespucci à Laurent de Hédicis, où il nieoDte à quel
prix le cardinal Julien avait acheté pour J.>B. Cybo le vote de chacun de ses collèguei.
Apiid Rùicoe àppend. n» 44. T. IV, p. 7. — > Onofirio Panvino, Vite de PonUfM.
p. 4M.
218 HISTOIBE DËê ttSPm^USS ITALIEIfHES
nk d6 âMKreirtttt Itowed, et il donna le scandale, noateaii
pour rÉglMe, de les reeonnatlTe publiqaement. L'atné de ses
fils, que sa petite taille fit désigner par le nom de Frances-
ehetto, deTiut ensuite la tige des ducs de Massa et Garrara de
ja nMÔBon Gybo. Une des filles d'Innocent était mariée à un
iuuiqaieii iftt^il chargea des fiMnces de la cour; les autres ne
ÎOfient aaoïm riXe dans l* histoire «. Ce ne fut plus Tambitioii
mi la {nsflioli de la guerre, mais l'avariée, la débauche, et une
wéo»]x\é d^hontée qui earactérisèrent la nouvelle cour. Inno*
eeut VIII fit peu de mal par lui-même, mais il laissa tout faire,
et son indfikttce ne fut pas moinB fatale aux peuples que la
turbulence de son prédécesseur.
Le roi de Naples, Ferdinand , Uimoigna beaueouj[i de joie
de rélectiom du cardnial Jean-Baptiste Gjbô $ il le regardait
comme une créature de ma fkfe et de lui-même. En effet,
fybo, quoique Génois, avait <tté élev< à la eour d'Âlfonfie,
^t il avatt reçu de Ferdinand 809 prraiier évédbé, celui d*À-
malpfai h Mais les papes ont rarement montré de la reconnais^
sanise aui souverains qui comme&cèrMt leur fortune ; souvent
ils 4é»renl faire sentir leur nouveaa pouvoir à ceui: de qui
ik» ont dépendu, ou bien ils sa blessent de m ^e le lespêot
m ssmcède p^int assez tel au Ion de bieinnsillanee et de pro-
tec^ûn.
Ia hfme qui avait éplaté oontre Ferdinand dans le r^^anme
de NsideB , lorsqu'il élut monté snr k Iràiie, ne s^était poiat
éteinte pwdant aon long vègne. On reo^nnaissatt Thabilelé
de sa polHiqite, la yigueur amc laqueUe fl maintsnaiison au-
tarité, l'ovére et la justiee qu'il faisait obserrar dan^ ass états ;
mm on raeenssuil cb nsvancbe d'une estrAme aifai^, tf une
cruauté impitoyable, et surtout d'une mauvaisç foi, d'çne b^-
Kdie dout, ^ \9pwi^ av^ei]^t 4^ vjçlÂineS) wm Ui$ qn» les
> Mdrto ât mhna ttt Stefùno infeman. p. iiW». — OtiôIKo ranvino né parle ^ égf
«eux ttnés. p. 466. — « Raynaldi AnnaL Beeles. 14M, S «T* P> 84i.
ou MOY]» AGS. 919
étnogen. L'animositë que les Napolitains conservaiait dans
léiir ccpar contre Ferdinand redoubla l(»«fae son fils aîné ,
Alltmse, duc de Galabre , commença à le remplaoer dans les
«oias da gouyemement. Aifonse portait à Teicès tons les yioes
qa'avait eos son père. « Nul homme^ dit Philippe de Gomines,
« n'a erté fim cruel que lui, ne plus mauTais, ne plus vicienx
« et plus infect, ne plus gourmand que lui. Le père estoit
« plus dangereux, car nul ne se eongnoissoil en lui ne en son
« courroux ; car en faisant bonne chère , il prenoît et trahis-
« soit les gms. . . . Jamais en lui n*y avoit grâce ne miséricorde,
« comme m'ont conté ses prochains parents et amis^ et jamais
« n'aToit eu pitië ne compassion de son pauvre peuple, quant
« aux deniers. 11 faisoit tonte la marchandise du royaume ,
< jusqufis à bailler les pourceaux à garder au peuple, et les leur
'^ faisoit engraisser pour mieux les Tendre. S'ils mouroient,
« fiAkit qtt*ils les payassent. Aux liaix où crott l'huile d'o-
« Kve, comme ea la Fouille, ils Tacbetoient, lui et son fils, à
« leur plaisir, et semblablement le froment, et avant quHlfM
« meur, et le vendoient après le plus cher qu'ils pouvoieat.
« E| si la dite marchandise s'dMiissoit de prix, eontraignoient
« k peuple de la prendre; et par le temps quMls vraioient
« vendre, nul ne pouvdt vendre qu'eux ^ »
Ges monopoles avaient ressent l'amitié et la confiasee entre
Ferdinand et Sixte iV ; ils s*eiitead|iient pour fouler en com»
mun leurs peuples, et faire de vive force un eommerce ruineux
pour leurs sujets. Innocent YIII eq arrivant au tr6M fit
«esser ce trafic, scandaleux ; mais en même temps il rompit
les rdakiona d'amitié et de bon voisinage que Sixte avait for-
mées ; il réclaaia avec hauteur le trÂut pécuniaire que le
iayaume de Baplea devait au Sainl^Si^, révoquant k grâce
accordée à Ferdinand de convertir ce tribut, pendant sa vie,
* ÊUmoifeê de PMITppe êe CotiUnes. L. VU, oliap. xm. CoUeeiion dM Uemhtet
pour tHUtoWe de Fnmce. T. Xii , p, Mk ' " " " — - - -
220 HISTOIRE BBS BBPTTBUQITES ITAXnSRKES
en la présentation d'une haqaenëei. Il témoigna ouvertement
son mécontentement de cette maison d* Aragon à laquelle il
devait sa grandeur; il fit valoir la suzeraineté du Saint-Siège
sur le royaume; il invita les barons napolitains à porter par-
devant lui leurs plaintes contre Ferdinand, et il s'établit en
quelcpie sorte juge des différends entre le monarque et ses
1485. — Un acte de violence exercé l'année suivante par
le duc de Galabre fournit au pape l'occasion de donner car-
rière à toutes ses prétentions. La ville d'Aquila, dans les
Abru2zes , profitant de sa forte position an milieu des mon-
tagnes , de la richesse de son territoire, et du grand nombre
de ses habitants, s'était mise en possession, sous la protection
des roisdeNaples, de presque tous les privilèges d'une répu-
blique ; die nommait ses magistrats et levait ses impôts elle-
même ; elle ne permettait point aux troupes royales d'entrer
dans ses murs, et elle concluait de sa seule autorité des traités
et des alliances, même avec les ennemis du roi. C'est ainsi
qu'elle était alliée de la maison Golonna, dont les fiefs
s'étendaient dans son voisinage. Cette alliance n'avait point
été détruite par la guerre que Ferdinand avait faite aux Co-
lonna, de. concert avec Sixte lY ; et comme Innocent YIII
avait reçu dans ses bonnes grâces cette maison puissante , et
cherchait à la dédommager par tout son crédit de la persé-
cution qu'elle avait éprouvée, les Colonna donnaient à la ville
d'Àquila un nouvel appni à la cour de Rome 2.
La famille des Lalli, comtes de Montorio, exerçait dans
Aquila , depuis plus d'un siècle , et dès les temps de la pre-
mière Jeanne , une autorité non moins grande que celle des
Médicis à Florence. Son chef était alors messire Pierre Lallo.
1 naynaldi Ann. Eccles. 148S, S 40, p. S5S, — ' Une collection des historiCDS oi+-
Siiiaiix d'Aquila a été publiée par Muralori. ànUq, Itat. Med» JEvi. T. VI, p. iSS-'lOSS.
— IHarlo homàno di Stefano infessura, p. U9i e( ( t94. \
DU MOTSH AGJS. 22 i
Le dae deCalabre, ayant le dessein de dépouiller les habitants
de tons leors priTil^ea, jngea eonTenable de les priver avant
tont de leor premier magistrat. Alfonse avait cantonné à Gi-
vità di Chieti Tannée qa*il avait ramenée de la gaerre de
Ferrare ; il invita le comte de Montorio à 8*7 rendre auprès
de lai, pour traiter des affaires de la province. Le comte n'a-
vait pas même en la pensée de nnire an gonvemement, en
sorte qu'il vint au rendez-vous sans aucune défiance. Le duc
de Galabre le fit arrêter le 28 juin 1485 1. Il obligea la com-
tesse, sa femme, à se rendre à Naples, et il fit en même temps
filer vers Aqnila des troupes, qui y entrèrent par petits déta-
chements, et qui se trouvèrent maîtresses de la place avant
que les habitants en eussent conçu de la défiance. Cependant
les magistrats d'Aquila adressèrent au duc des instances res-
pectueuses pour qu'il en retirât ses troupes, conformément à
leurs privilèges. Us les répétèrent à plusieurs reprises, et tou-
jours sans succès ; enfin, le 25 octobre, ils donnèrent ordre à
toute la bourgeoisie de prendre les armes ; ils attaquèrent dans
les rues les soldats napoUtains , ils en tuèrent une partie , ils
mirent le reste en fuite, et déclarant alors que le roi Ferdi-
nand avait perdu toute souveraineté sur eux, pour en avoir
abusé, ils se donnèrent à l'Église, sous condition qu'elle pro-
tégeât leur liberté 2.
Innocent YIII ne fit aucune difficulté d* accepter l'offre des
habitants d'Aquila ; il prit sous sa protection le comte et la
comtesse de Montorio; il fit passer, par les fiefs des Golonna,
des soldats dans l' Abruzze ; il sollicita les barons du royaume
à s'engager, pour défendre leur liberté, dans une confédération
générale , dont il voulait être le chef , et il se prépara à la
guerre. Bientôt il apprit que Ferdinand, pour faire oublier
le mécontentement et l'insurrection d'Aquila, avait remis, le
i Antiq. liai. T. VI. GronaeaàquUana, S 70, p. 921. -r MacGhktuetti, L-JOU, p. 43«.
^tcr9iiaca49»itoia»Sn,Pf 9M» >>
23d HisTontB DES BiPim>.iQiTBa rTALuanns
16 nimmbre^ le eonte de Moukom m liberté, nfir^Vwfmf
ttigagé dans ses iotérôts« Le pape éerint à ee fnàgKlar pomP
le féliciteri mais U ne renonfa {KMnt à ses prépertUfii éar
guerre.^
En même temps qa'Inooeeat YIU sottieitait ks barcNM n»*
politainsde [urendre les armes eontfe leurieii edm-^k leH inr^
citait, à Naples, à une assemblée de bon partomt. Tim»
gprands seigneurs aenlonent osèrrat s*y tronTer, fe Mute im
Fondiy le dne d* Amalfii et le priaee de Tarente ; tow les au^
très refusèrent de se mettre entre les mains du rm^ persuadés
que s'il les tenait une fois, il leuic ferait trandter à te«s la tète^.
Au lieu de se rendre à Naples, ils s'assemUèrent chea le dm
de Melfi, dans la ville de même nom, sons préte&te d'assister
aux noces de Trajan Garacciolo, son fils. On vit dans ee
congrès le grand-amiral dn royaume, Antoine de San-Séyé*
rino, prince de Salerne ; le grand-connétable, Pierre dd
Balzo, prince d'Altamura; le grand-sénéchal, Pierre de Gne-
Tara, marquis del Yasto^ Jérôme San-Sévérino, prince de
Bisignano; André-Matthieu AcquaTiva, duc d'Atri^ le due
de Melfi, celui de Nardo, les comtes de Lauria, de MéUto, de
Nola, et une foule de moindres gentilshommes. Ces seigpieiirs
étaient résolus à ne pas souffrir davantage Tq^pression dans
laquelle ils languissaient. Ils étaient entrés en eorrespondanee
avec Innocent YIU \ ils avaient aussi des intelligences avec
deux confidents du vieux roi, dont le duc de Calabre était ja-
loux, et qu*il voulait perdre : F un était François Goppola,
comte de Sarno, qui avait administré les deniers du roi dana
son commerce de monopole ; Tautre, Antoine Pétrueei^ qu'il
avait fait son secrétaire. Tous deux avaient amassé à la cour
de grandes richesses, qui tentaient la cupidité d'Alfonse^.
1 Lettre d'Innocent vui au comte de Montorio pour le féliciter sur le recouTrement
de sa liberté^ annal, Ecqieê, HSâ, $ 4i, j>. Si?.^ mmio 4i sufùm infêaw^u T. m,
P. n; p. ii9â.-> GUMnom^ imria cWiU del Regm tfi 9fofQ(k 1» JttViH, c V |k ^Hr
06 UmEM A01. ttt
CehriHiit oonnauttiit h mëcoftaitMMnt ée tostola no-
blesse^ M douta pas qoe YmmaMé» de Mdi s'atootit à«M
rébellion, n voulat donc prévenir iea tetien paf k rapiditt
de ses attaques. U tomba à l'iaprofiate aor le eoiÉtf de Nota;»
il s'empara de tons Iea liMxfbfta, il yanrpritlatoniiisetlA
deux fils do eomte» qn'il eoToja priaiimiers à Naplni'. âoilf
intention était d'écraser de même les antM^ mécontents avmit
qn*ils eossent réani lovs farces; mais la râMUmn, aœélérée
par cette violence, édaAa ëÉ mtee temps dans tout te
royanme, et le doc de Galabre AitoU%é d'oser de pins grands
mém^ments avec des ennemit phis nombren qo^il ne sTy
était attoido.
Enoora qoe la gnerre eftt éélaté, ni le roi, ni soi baronsi
ni le pape ne se taroovmeni prMs poor le ooiti)«t ; aossl l'on
commença de tontes parts à négocia, plutM avec l'mtentlûn
de gagner do tempa^ on de se tromper les ons les stttnes, qoe
de se réconcAier. Des ambassaéeors de Ferdinand se présen-
tèrent à la fin d'aoftt^ à Florence et à Milan, panr drasander
à ces deox états les seeoors qn'ils étaient oUigéi dé foomir^
d'après leor tnôté d'alliance^ Loois Slorza, fcntla poKtiqué
tortneose sembknt n'avmr d'iotre bûil qpé d^étonndr et dé
confondre ses alliés, évita qoet^K temps, et par plosieufs
subterfuges^ d'énoncer ce qn'il yoolait faire. Mm la répoM}-
que florentine, entraînée par Lanrent de Hédids, promit an
rci une vigooreose astâstftnce. Elle se chargea d'attaqtier le
pape dans les états même de l'Église, tan<Us qoe Ferdinand
combattrait omtre ses bsoxms. gforza s*étant enfin rangé au
même parti, ils prirMt en commun à leor séicte le comte de
Pitigliano, le seignear de Piombino, et toos les capitaines èè
la maison Orsini ; et dès le mois de novembre ils attaquèrent
Innocent YIII^.
^lSSip6>ne ilmmiraio. U IXV, p. te». ^ t mn* u XXV, |i. m .
224 HISTOIBE DES RÉPtJDLiQUES ITALIEUSES
Le pape deflon e6té avait cherché des alliances et dans le
reste dé l'Italie, et en France. Poar s'attacher les Vénitiens,
il les avait relevés de tontes les censures prononcées contre
eux par Siile lY ^ Il avait vonhi leur persuader que le mo-
ment était venu de se venger du roi de Naples; mais cette
sage r^^lique, à peine reposée de ses précéientes guerres,
ne trouva point qu'elle eût d'assez fortes raisons pour s'enga-
ger dans de nouvelles hostilités. Elle se contenta de céder au
pape son général, Robert de ^an-Sévérîno, qui passa au ser-
vice de l'Église avec deux de ses fils et trente-deux esca-
drons de cavalerie^. Innocent offrit en même temps à
Bené II, duc de Lorraine, qu'il regardait comme représentant
de la maison d'Anjou, l'investiture du royaume de Naples. Il
ne doutait pas de trouver ce prince prêt à tenter une entre-
prise qu'il jugeait glorieuse. Mais René était alors même
obligé de pkiider à la cour de France contre le testament de
son grand-père qui l'excluait de sa succession. Il ne put ob-
tenir du roi qu'un misérable secours de vingt mille francs en
argent, et de cent lances, pour tenter la conquête d*un
royaume auquel Charles Yiil prétendait lui-même ; et comme
il ne voulait pas appauvrir la Lorraine pour une gueire dont
il n'attendait peut-être pas de grands succès, et qui dans
aucun cas ne serait favorable à ce duché, il renonça à son
expédition^.
Cependant Ferdinand avait fait déclarer à ses barons qu'il
était prêt à écouter leurs doléances, et à réformer les abus
dont ils se plaignaient. Geux-d avaient nommé le prince de
Bisignano pour exposer leurs grie&; mais, [comme ils avaient
alors l'espérance d'être soutenus par le pape, les Vénitiens et
1 BuUa innoe, VllU op. haynald. 1485, S 45, p. 359. — And, Navagiero^ p. 1192. —
s M. AnL SabelUco, Dect IV, L. III, f. 2iZ.—Dfano di Roma del Noiaio di BantiportOi
p. 1098. " Dlario Ferrofese, T. XXIV , p. STT. — s PhU, de Comin€9, L. VII , cbap. I»
p. 135, T. XII. Mém. pour l'Hiit. de France.
ni MOTn àBM. 2tS
le éfc Biné, ib fiieot aa roi dn dnMwdn fa'ib «toyaaeat
an-mèmes aboolaioiBQt inaeceptables. Ferdinand répondit
qa'il était prêt à signer la paix aux oonditioBS qoeks barons
proposaient; et son seoMd fils, Fiédâie, se rendit i leur
assemblée avec eeUe aoœptation pleine et entière. L* extrême,
débonnaireté de Ferdinand, loin de fadliter la négodation,
glata d'efboiks confédérés; ilsreoonnurentaisémentrinten-
tion de leur maître de tont aoeorder, de toat jarer, et de ne
respecter ancnn de ses serments. An lieu d'accepter la paix
anx conditions qu'eux-mêmes avaient demandées, ils offrirent
la couronne à Frédéric d'Aragon, qui Tenait auprès d*eux
pour les leur accorder. Ce prince avait inspiré, par ses ver-
tus, autant de bienveillance et de respect, que son. frère de
méfiance etde haine. S'il avait été Théritier légitime du trône,
il aurait sans doute sauvé la maison d'Aragon du sort qui la
menaçait ; mais il ne pouvait accepter des propositions cou-
pables, e1;;il aima mieux demeurer prisonnier des rebelles, que
de régner sur. eux 1. i . : .
Le roi avait jugé que le parti nombreux formé contse lui,
s'il commençait à faire la guerre, se déterminerait aussitôt à
des mesures vigoureuses, tandis. que s'il eontinuait.à négoder,
le respect pour T autorité royale arrêterait tous les efforts de
cette ligue mal affermie, et la discorde ne tarderait pas à s'y
introduire. Il donna donc à son petit-fils, Ferdinand, prince
de Gapoue , une armée d'observation , chargée seulement de
contenir les rebelles, tandis qu'il mit la. pius^grande partie de
ses forces sous les ordres du duc de Galabre, qui marcha sur
Borne pour s'y réunir au comte de.Pitigtiano et anx Onâni,.
soldés par le duc de Milan et les Florentins ^.
Aucune action d'éclat ne signala cette guerre. : Bobert de
San-Sévérino voulut s'ouvrir un passage an travers des états
1 GUmnûne, utorïa ctvU. L. XXVUI» c. I, p. 613. *- * Ihid. p. tfH.
VB. 15
3KI HISTOIRE DBS HBraBCi^HJBB ITALlJSlIlfBS
dfi rÉ|^ pcM^ 93lêf ie joiadre, 4ans 1b royaome deN^^,
an bfurons qui latteiMbiieDt. Le duc de C^labre^' «ree kt
Osmàf prit à tàobe de l'arrêter ^ Les Florenliair toojoura
lests à se mettie en mmiireiBeiit, wlêf^&^ avec qoel^se^ yi^
gaeur qu'au eaauDeneement de fasBée sui^attlew 14^. -*•
^locB ils étendireiit leurs négoeiations dftas Umécs les nffles de
rÉgMsequi caDfinaientàleMternIcype* LesBsglIeiddeyaievI
fubre révolter Pérouse et y rétablit legMverMiiieBt r^oMi
oaiu,; les fils de Nicolas \MÊî, qœ nenoit de.ao«rlr^ de*
nakat, avec leurs partÎBaiis, recouf rer la sei(pieHfie de Gîllà
di GasteUo.; Jean des G^ti devait faire valoir les droits de »
famille sur Yiterbe; les villes d'Assise, FoUgiie, Meutéfaleo,
Spolète, Todi et Orviètç recebdeat de même ehaenae un ftmû
qm traitait ayeeles f lormtiiBS 2. Aacuae de ees coojitfatîoWf
il. est yrûf n'eut wte heureuse issue ; mais la pape qm en arvait
eonnaissance ea conçut wàe ^trôme inquiétude. 11 flil obligé
de diviser ses lorees pour coi^air toutes ses' viUea daas le
devoir, et il ne put point donner aux barons napolitakis les
seooum cpi'il leur avait preoûs.
Cependant les deux avmées da duc de Calabre et de San-
$évérâio, qui s'étaient longtemps menacées, se rracenipàient
enfin, le 8 mai 1486,au pont de Lamentana. Un combid s'en-
gagea entre ees denx corps de cavalerie, mais- aveo si peu
d'ardenr militaire qu'on assure qu'il n'y eut persosueni de
tué ni de blessé. Gomme le duc de Calabre enievadss prison^
niers à Bobert de San-Sévérino, et le repoussa dn champ de
bataille» il futi supposé avoir remporté la victoire \ Il s'ap*
procbii ensuite de Borne ; et lesOrsim qui lui étaient dévoués,
jetèrent la ville dans une extrême confusion, car mitant la
guwre était peu meurtrière poisff les soldats, autant elle était
rc^Qutable pour kft peuples*
1 Sdpiùne Ammiraio. L, 2U^v, p, m, «. t ibid, p^ 173. «- s ii,id, * n^ 4< Sab^CQ^
DtJ MOlEll AOB. i^7
le Aonger de tôiit' l'él&t de l'ÉgHiSë, te déVa^tsttioii deri
OHDfagBes^ Ift ruine de la tille dle-méme, iHâpiraient d^à an
fttble Innooent VHI ds repentir de s* être engagé dans nne
lutte «u-d60aB» de ses forées. At)rès aToir alknné dne guerre
improdente^ il tf ataif pris aucune mesure piour la soutenir ;
il se défiait de^tbus également, et/ dans son indécision, il lais-
sdfit échairper ses dernières ressources. Laurent de Médicis
augmenta emore soù irrésototlon et sek craintes, en faisant
tomber entre Ses mains de fausses lettres de Rdbért de San-
Sévérinoi, qpii deraient faire appréhender une trahison de sa
puMi; Les caFdinanx s'aeoordaiènt à f)resser le {/ape de tenùi-
ner oette guerre mineuse ; le seul cardinal de La Balùe, comme
Français, se ttonyait en opposition atee tout le sacré collège.
Il rappelait les démarches faites par U coiâ* dé Èome stupres
chi roi de Franee, et il protestait (fit le pape ûe porivàit sans
déshomoemr abandonner une entrêf^K^è <|ui avait déjà Àis la
Franee entière sou^ te^ armes. Lé Vtce-cliancefier Rèdériè
B^MTgki lui réponditf arrec tant de violence, qu'on eut peine à
empêcher ks deux éar^aux de se battre ^.
Fefdinâùd et'Isiibelle , refis ff Aragon et de Gastfllè, cher-
diaient par leurs amlMBàideàr^ à rétablir la paii^ dd midi de
r Italie. La réunion de ces deux antiques monarchies leur àvaSt
domté une grande prépondérance ^anS la poKtiqoe de fËu-
rope; Fenfinand étsitt roi de Sdle, et il atait par cèn^ûent
im iniérèt direct à éoartar dd royaume de Faùtre Ferdinand,
son eoosin, les prétmdants ^ançaSs c(ui pouyaièoft Âïranler sa
propre dèafination. D* antre phré, il avait « cMnfiré' plour là'
Si^le Finvasion des Turcs, qui tftîrâSéVit pu faSre ainsi une
dtversiott à la guerre qaf il portait daàs le royadme mnstilman
1 Rttynaldi AnnaL Eccles. 1488, S 18 > P* M8. — > Rodério Borgia l'écrii que le S«iolr
Père ne deTtit pas éoou ier les propos d'ua îTrogiie : le cardinal de La Balae répondit A oeUe
insnitQ pair dei iilMfiai plus dhretVB^ encore sur les nk'èilrs , la naissance et la foi du
lÊÊmihi 0«r VBA»f^m ^i»^\$Xi S^fim tnfèmrù, Dlw^lo Honmo* t. UI, P. a
228 HISTOIBB DES luEPIJBIIQITES ITALIERlfES
de Grenade. Il importait donc anx rois d*Espagne qae Fltalie
demearàt unie pour paraître redoutable anx étrangers ; anssi
s'oflrirent-ils pour médiateurs dans la guerre entre le pape et
le roi de Naples. L'érèque d'O^iedo et Francisco de Boxas
Tinrent à Rome pour négocier. Plus tard, ils furent suim par
don Inigo de Handoza, comte de TendOla, et tous les partis
parurent également empressés d'accepter km* médiation ^.
Ferdinand de lïaples accorda au pape toutes ses demandes.
U s'engagea à payer à l'Église le tribut annuel, avec tous ses
arrérages; il reconnut pour Tasseaux immédiats de l'Église,
et la ville d'Aquila, et tous les barons rebelles qcà avaioit
fait au pape hommage de leurs fiefs. Seulement il stipula que les
cens, payés annuellement à l'Eglise par cette ville ou ces ba-
rons, seraient reçus en déduction du tribut qu'il reconnaissait
devoir lui-même. Il ne se contenta pas de pardonner â tous.
ses barons, il les dispensa de venir lui rendre bommage à
Naples; il leur permit de rester dans leurs forteresses au
milieu de leurs vassaux, et il donna cependant pour garants
de leur sûreté les rois d'Aragon et de Gastille, le duc de Milan
et Laurent de Médids. Ce traité, qui n'avait point été commu-
niqué aux cardinaux, fut signé, le 1 1 août, à Rome, et publié
immédiatement ^.
Les deux confidents de Ferdinand, qui avaient entretenu
avec les rebelles une secrète correspondance, n'étaient pas
explicitement compris dans le. traité. Aussi F<sdinand, an
moment où il reçut, le 31 août, la nouvelle de la «gnatoi^
de la paix, pour mèlmr dans le cœur de ses sujets la terreur à
respâ*ance, fit-il arrêter François Coppola, comte de Samo;
les comtes de Garinola et de Policastro, ses fils; Antoine Pé-
trucd, sonsecrétaire, et deux de leurs confidents. Leurs biens,
t BauwOdi Annal, EeeUs, i486, S !->> P* 3M.— * SUfmio infeuuro^ maio jummm.
p. 1211. — Wiario delttouà^ di NmUp<>rto. p. iios«— JU^ioAti étmÊU, Seekt S IS et
14, p. Ml.
DU MOT» AOB. 229
qui montaient, dit-on, à trois cent mille dncats, fiirent sains;
et, peu de jours après, on fit périr tous ces prisonniers dans
de cmds supplices ^. Les barons, qui avaient été en guerre
avec le roi, se crurent dans ce moment abandonnés à ses Ten-
geances par le traité de paix, ou peut-être paa- une oollasion
honteuse des puissances mêmes qui ay aient garanti leur sil-
reté. Le grand sénéchal, Pierre de Guévara, mourut de dou-
leur de TaTilissanent oèi Aait tombé son parti. Antoine de
Sao-Sévérino, prince de Saleme, connaissant trop Ferdinand
pour se fier jamais à Im, passa en France, et, après de longs
efforts, il réiMit enfin à j susdler un yengeur ^. Les autres
barons, retirés dans leurs terres, fionrent ménagés quelque
temps encore par le roi, et ils cherchèrent alors à se persua-
der que leur cause n'était point la même que celle du comte
de Samo et de Pétrucci.
Cependant Ferdinand, après s*être assuré que le roi d*Es-
. pagne, le duc de lUlan et Laurent de Médids ne tiendraient
poiïitlamain àrexécution de ses piromesses, ne tarda pas à
les Tiokr toutes effrontément. Il fit entrer au mois de sep-
tembre dans Aquila, ce même comte de Montorio qu*il avait
fait arrêter un an auparavant, mais qui depuis s*était entiè-
rement dévoué à lui. Le comte tomba à Fimproviste sar les ^
.soldats d'Innocent TIII; il en tua une partie, et contraignit
le reste à la fnite. Il fit mettre à mort 1* archidiacre, chef du
parti de TEglise, et représentant du pape dans Aquila ; enfin
il soumit, sans réserve, cette ville à l'autorité royale 3.
Les barons n'échappèretit pas lonigtanps non plus à la per-
fidie du roi. Le 10 octobre, ou,> selon d'autres, le 10 juin
suivant, il fit arrêter les princes d'Altamura et de Bisigano,
les ducs de Mélft et de Nardo, les comtes.de Morcone, de
1 Atinali Wapotttmiidi Haimo, T. XXIir, p. 338. — > UémoiHs de PML de Contines
U VIT, chap. 1I« p. 139. — > Stefano Infesevra^ DiaHo dl Aoma. T. III, P. II, p. 1314. —
Baynaldi Annal. Ecctet. 1486^ S 19, p. 369*
330 HISTOIRE DBS BI^PUDUQUCS ITALIENlfES
Lauria, de MilHo, de Ncda, et filasîean antres gentfls^
hommes. On prétend que tons ces seigneurs furent immé-
diatement égorgés, et que leurs eorps, cousus dans des sacs,
furent jetés à la mer. Mais Ferdinand, poor contenir leurs
partisans, yonlut ftiire croire qu'il retenait - toujours ces
princes comme otages, et il eut soin de faire porter diaqne
jour des provisions à leur prison. Feu de temps après, on
arrêta encore leurs femmes et lents enfants, et tons leurs
biens furent oonfisqués. La princesse de Bisignano réussit
seide à s'enffitr avec sa famffle. Le roi fit périr en même temps
Marm Marzono, due de Snessa, qui, d^uis Tingt-dnq ans,
languissait dans ses cadx^ 1.
I^ roi n'ayant j^os rien à craindre de ses barons, se dé-
gagea de tout reste d'égards pour le pape. H continua & dis-
poser, sans le consulter, de tous les bénéfices ecdésiastiques
4e ses états; il refusa le tribnt annpel qu'il s'était engagé à
payer, et locsqne l'érèqne de Gésène fut envoyé par Inno-
cent YIII auprès de lui, pour réclamer sur ces deux objets,
Ferdinand répondit qu'il connaissait mieux ses propres sujets
qne le pape, et qu'il savait mienx que loi quels étaient ceux
qui étaient dignes d'avancem^t. il ^ciaXk qu'il était sans
argent, et que d'ailleurs il avtift tant fait de dépenses pour
l'Église, qu'il avait mérijbé de jouir d'une plus longue exemp-
tion encore *.
Robert de San:*Sé?érino sachant qne le traité de paix ne
contenait aucune dauie en sa faveur, se mit en marche pour
regagner, avec sa eayalerie, le territoire de Venise , déterminé
à s'ouvrir un diemin à la pointe de l'épée. Il avait d^
passé Todi et le bourg Saint-Sépulcre, lorsque le duc de Ca-
labre se mit à ses tnoiissea,* ce duc, qui encourageait à la ré-
sistance toutes les villes dont San-Sévérino s'approchait,
^ Giaanone, Ijl. dv. I*. XXViu, e. l , p. su. — « Stefono infessura, DUa^ tmi,
p. 1218. — ttannald. ânnoL EecUi. 1487, S H» p. 182.
ou HOfElf AGS. 231
cMBWiMfa hi0JEAàt à gpgaer des mrehes sor lui. Jea& Beii'*-
tÎTOglia et les Bolonais fermèreot enfin le passage an ^oénfl
do pai^e^ el^tti-ci ^abUgé d'abandonner tons ses bagages
et la plos f^rande paa^tie de son armée, tandis ^'a^ec cent
cbevau-l^gers seul^neni^ il édiappa à ses ennemis el rentra
sur te territoire de Yeniae ^
iamm le Sai&t-8iége n* avait fait une paix plus honteoae
que celle qne venait de oMelnre Inno^nt YIII. Sans avoir
éfnmivé anonne grande dt^aute, auoun reyers qui pèt mo-
tirar tant de f «blesse, il avait sacri&éle général qol ébA
veno à son service de r antre extrânité de lltaËe : il av«t
abandonné tous ses engagements avec Bené de Lorraine et la
CflUr de France } il avsât fait traîner dans les cadH>ts et périr
daas les «itppliees des hommes qui n'étaient coupables qne
pMT avwr soBtenn son parti, et qu'il s'était engagé sdlennd-
iemeni à défendre. Il perdint le Mbut du royaoïae de NafriLes,
et la présentation aux béntôces, que le S^nt*8iége distri-
bMkaufartfvaifetdans ce rayaame; qt pour comble de bontCi
toii»eeaontAge»l» élûeat fcûts en contradietion ouverte avec
im traité salennenement Jofé, et annracé à toute l'Borapei
8««s ^'11 osât ea témoigner aucun ressentiment. Inno*
cent YIII c|tti il qiKlqoes faibles t^rtatives pour se faire
pajFer par Vendiaand, n'en At aucune fow sauver les mal-
heureuses vîotimes de leur attachement au Saint«8iége. Il
n'en eensarva pas moins des relations de bon voisinage avec
le roi de Ifapto; il n'invoqua point la garantie des média-
teurs du traité de Borne, et bientôt il se jeta entièrement dans
les bras de l'un deux. Il sentait sa propre faiblesse, il avait
besoin de tBMveir de la force, il désirait être conduit et se
eonfiar en avtfagle., et il cbœsit pour son confident et mu
guide, edoî en qui il venait de trouver l'opposition la ]^ub
* mtktn^ Mmmt»* u xxv, p. m. ~ M. MU SobtUUo. p. |V « L. UI t '• 34$. T.
— If ter. de Bursellis Ann. Bonon, T. lUUII, p. 906.
232 HI8T0IEE DES BÎ^FUBLIQUES ITALIElflfKS
"vigooraiée : laoreùt de Médiois/ rallié et le stoténr de Fer-
dmand;
Ce chef câèbre de la répuUiqae florentine avait rencontré
un jnste mécontentement dans le conseil même des Septante,
qn*il avait créé, lorsqu'il'avait voulu engager Fk»rence à se-
conder Ferdinand dans nne oppreèâon injuste^ età sebroniller
avec rÉglise, dont riïiimitié était toujours redoutable. Son
historien, Tàlori, assure que jamaisil ne déploya tant d'âo-
quence, que dans le discours qui persuada ses collègues i.
Jamais aussi il n'avait eu besoin de plus d'artifice que dans
cette occasion, où il voulait faire sacrifier l'avantage comme les
principes de la république à son intérêt personnel. Laurent
Téussit à procurer à sa famille l'amitié de Ferdinand en lui
rendant service, et celle d'Innocent YIII en l'intimidant;
mais ni l'un ni l'autre n'étaient les vrais alliés que devait
désirer Florence ; ni l'un ni Fautre ne pouvaient promettre
de la constance dans leurs affections, ou delà suite dans leur
politique. Florence était déchue de sa grandeur depuis qu'elle
avait abandonné le système des Âlbizzi, et qu'eUe ne faisait
plus cause commune avec tous les peuples libres. Les Médicis,
humiliés de n'être considérés dans les autres républiques que
comme de simples citoyens, manifestaient de la jalousie contre
Yenise; ils inspiraient de la défiance à Gènes, à Lucques et à
Sienne ; ils mettaient enfin tout leur art à maintenir un esprit
de rivalité entre leur patrie et les villes libres. Dès lors Flo-
rence n'eut plus de partisans héréditaires dans le reste de
l'Italie; on savait que son alliance dépendait des intrigues
secrètes du cabinet, qu'elle était variable comme les intérêts
du jour et la faveur des princes ; ceux qui souffraient pour la
^use la plus Intime n'étaient plus assurés de ses seeours ;
les aniis de la liberté ne songèrent plus dès lors à venk à son
1 Vidort in vUa Loutenm. p. 5$. — Ro^coéf, iife ofLorenxo de MeiieL T. H, eb. VI,
p. 27.
UD MOnU A6B. 233
aide 9 qu'autant qu'ib 8*7 sentiieut eouiiés par un intérêt
présent.
La iranité de Laurent de Médicis, au contraire! était flattée
toateft les fois ^'il traitait avec des princes ; Ferdinand avait
pour lui tous les égards résenrés aux souTcrains. Son fils Pierre
fot aeeueilli ayec bien plus de respect, aux noces d'Isabelle
d'Aragon avec Jean Galéaz, que les ambassadeurs de la répu-
blique 1. Innocent TIII, de son côté , ne s'alliait pas à Flo-
rence, mais aux Médicis. Son fils, Franœschetto Gybo, épousa
Madeleine, fille de Laurent et de Clarisse Orsini. Clarisse fut
à cette occasion reçue ayec pompe à la cour de Rome, aussi
bien que son père Yii^inio Orsini, qui depuis le commen-
cement de ce pontificat avait été en guerre avec le Saint-Siège :
tous les Orsini, qui avaient été persécutés avec acharnemcRt,
furent rappelés à la faveur et à bi toute-puissance dans Rome.
Enfin, le pape promit au frère de sa belie-fiUe, au second fils
de Laurent de Medids, un chapeau de cardinal. Celui dont la
fortune commençait ainsi devait être un jour le pape Léon X;
idors il était encore enfant , et jamais la première dignité de
l'Église n'avait été obtenue dans un âge aussi tendre. Le ma-
riage de Francescbetto Cybo et de Madeleine de Médicis ne se
célébra qu'en novembre 1487, et la consécration de Jean de
Médidsfut différée jusqu'au commencement de l'année 1 462 2.
Laurent de Médicis était à peine réconcilié avec l'Église
qu'il rendit à Innocent YIII un service éminent en terminant
honorablement pour lui une petite guerre, qui menaçait d* être
suivie de grands désastres. La ville d'Osimo, dans la Marche,
avait éprouvé une révolution, h la suite de laquelle die avait
secoué la d<miination de l'Église, et Boccolino Guzzoni, Tun
1 istùrte di Giovanni CambU T. XXIV, p. %9.—* MaechkweiU Ut. L. vni, p. 43S.
-^Sdpione AmnOrato. L. XXV, p. 177. — /. Mieh. Bruti, L. Vlir, p. 209. — Diario di
Stefano infesava. T. UI , P. II > p. isi>. — Mario di Jtoma del «otaio di ifmtip&rto.
p. 1106.
834 HISTOIUE DES ]l£PU1ILlQDaB( ITALIMHES
de ses citoyens, s'en était fait dtfoiarer selgneor. de petit nm^
irerain , abandonné à ses seules forces , aurait été aisément
ramené a 1 obéissance envers le siège apostofiqœ ; mais vers
le même temps, Bajazeth II, demeuré vaiaqueur daos les
guerres civiles des Turcs , avait repris Je dessân de pénétfur
en Italie. Bes poignées d'aventuriers nmanlmans avaient fait
plusieurs descente» dans la marche d*Àncône ; ils avaient es*
myé de surprendre Fano, et ils avaient trouvé , dons les états
du pape, des correspondants et des partisans, «ottme ib.«Q
avaient trouvé dans ceui de Fordinand^ Boecdin», qui ne
pouvait guère espérer de former des alliances ea Italie , fit
offrir à fiajazet II de tçnir de lui la ville d'ûsimo enfief ; il
lui envoya son frère à Gonstantinople, tandis qu'un ageat du
sultan vint à Venise pour suivre cette négqdation. La ville
dOsimo est située à qudque diMauce du rivage , et Iimo-^
cent VIII 9 pour supprimer une révolte qui poav«t avoir
de si funestes conséquences , avait envoyé immédiatement
dans la Marche le cardinal Julien de la Rovère, qsi avait
coupé ks communications de Boccolino avee la mer* li Ta»»
siégea ensuite dans Osimo, place assez forte, et qui sedéfeindit
avec vigueur : si la garnison turque qu'on y attendait était
entrée dans ses murs, U est peu probable qaem eût jan^MS pu
chasser ensuite les Musulmans du seia def états de TEgiiBe^.
lauréat de Médicis interposa sa médiatioa pour trraânfv cette
guerre dangereuse : il envoya Févèque d' Arez2o à Boecottuo,
et il lui persuada de vendre au pape la ville é'Osi«a, pour la
somme de sept mille florins. BqccoUdo viaait jenraîte à ïlo-
senee , où il fut bien accueilli; mais, lorsque de Ik il se ren-*
èà à Milaa^ il fut aerêté à son entrée .Aêm Mtte denûèra
ville, et pendu sans jugement, et sans égard pour la pro-
^ Bû8û0e Uf4 of iM^zfi. CiMf. VI, p. ai. ^ s Stefcaw infessuf^ Diwie Romtmom
p. 371. '
nu motbh ags. 235
tectton de MédîeiSy oa peut-être avec sa oMiiiveiiee secrète i.
Il ue restait plos en Italie d'autre gaerra qae celle entre les
républiques de Florence et de6toes;elle n'avait point été
terminée par le traité de Bagnolo, en 1484; elle ne le fut
point par celai de Rome en i486. Le premier avait laissé
aux Florfflitins le droit de poorsuivre par les armes la restitu-
tion de Saraane, qu'Augustin Prégoso leur avait enlevée :
dans ce bot ils avaient pris à leur solde le comte Antoine de
Hardano, et BanueciQ Farnèse, et ils les avaient envoyés dans
4a Lunigiane, dès le mois de septemlM^ 1484 3.
1484. — Gènes se trouvait alors avmr pour doge ce même
Psaul Prégoso, son archevêque, qui s'était assis deux fois, en
i464y sur le trône ducal, et qui s'était voué à la piraterie,
lorsqu'il avait été forcé d'en descendre. Il était rentré dans
sa patne, ea 1 479, avec le reste de sa famille. Son neveu, Bap-
•tist^, avait été décoré par Sixte IV du chapeau de cardinal, et
chargé du commandement de la flotte envoyée eontre les
Turcs. Mais ni ces honneurs, ni 1^ rang qu'il occupait dans
rÉgiise et dans sa patrie, ni le (S'édit qu'il conservait sur le
jdoge Baptiste Frégoso son uev^eu, ne suffisaient encore pour
satisfaire l'ambitieux archevêque. Il accusa Baptiste, auprès
des efaefs de sa faction, de dorelé, d'arrogance et d'injustice,
il prétendit que ce doge était en négociation avec l'empereur;
pouv lui soumettre Gènes, et la tenir ensuite en fief de lui ; il
H. Ro^oë » pcogYé psr la piibUcalio» <fuQip lettre de laurent i l'^o^iapisideur Hq-
rentin à Rome, que son héros s'était employé avec zèle è faire teoir par le pape, au
moins jusqu'à la date du 18 août lOT, les promesses faites é Bocoottno.' {lUtuir. p. i63,
4fipenA' p- 140.) Mais il pe deTait p« s'qo preqdre à moi du foupçoQ qms j'ayiJs iooi-
demment laissé peser sur Hédicis ; les paroles de TauDaliste de l'Église l'inculpaient bien
davantage. Ad artes confagiendvm fuit, Uaque Laurentius Mediceus, etc... Qulbus de-
UnUus illecebrts iurannus ad Laurentium Florentiam perrexlt , ubt laute habim est;
à Mediolanensi vero duce acdtus.: justo'scelerwn^ contra spes suà8,prcpmi0f ninU'
riim suspendio affeclus est. Raynald. i487, S T. Les papiers conservés dans l'archive du
Vatican, que l'annaliste cite à Kappai de son récit, ne sont pas accessibles pour moi.
^« Seiplane Énimti>aio. L. X^V, p. t$ft.
236 msTonus des lufipuBLiQiiis iTALiBinnss
s'associa avec Lazare Doria, qui avait oomme loi an grand
nombre de f actieox à ses ordres ; et le doge son neveu étant
venalni rendre visite à Tarchevêché, le 25 novembre 1483,
il l'y fit arrêter; il loi demanda, an nom de tonte sa famille,
de déposer la couronne dncale, et il ne le remit en liberté
qn' après s* être fait livrer le palais et les forteresses. Ensuite
Paul Frégoso ayant assemblé un conseil de trois cents d-
toyens, se fit proclamer d(^ de Gênes par leurs suffrages ^
Ce chef de factieux, habile et entreprenant, était un des
plus redoutables adversaires que les Florentiiks pussent ren-
contrer dans leur entreprise sur Sarzane. Ce n'était plus à
Augustin Frégoso seul qu'ils devaient disputer la petite ville
dont ils réclamaient la souveraineté, mais au, doge, et en
même temps à la banque de Saint-George. Cette compagnie
de commerce , sous prétexte d'administrer les revenus des
créanciers de l'état de Gênes, avait un gouvernement repré-
sentatif, un trésor, une armée et un système de liberté et
d'administration bien supérieur à celui de la république au
milieu de laquelle elle était instituée 2. Augustin Frégoso,
qui ne s'était pas senti assez fort pour défendre seul Sarzane,
avait cédé à cette banque tous ses droits. .
. La Banque de Saint-George possédait également le fort
château de Piétra-Santa, qui commande le passage de la Lu-
nigiane, sur le chemin de Florence à Sarzane. Ce château est
situé dans une plaine fertile, couverte par des bois d'oliviers,
mais resserrée entre les montagnes et la mer. Les eaux, qui
ne peuvent y trouver un écoulement suffisant , y forment
quelques marais qui rendent cette campagne très- mal-
saine. Piétra-Santa avait été bâtie au xni" siècle par un
1 Baptiste Frégoso a écrit lui-même rhisloire de cette rérolutioii, et fait le t«bleau des
crimes et des Yices honteux de son oncle, dans son livre De Factiê et Dictis miraàià-
bus,— VbertiFolUtœ,h. Xl,^.6S0.^Ag. GiuatinUmiAnnalL L. V, f. 241, F. ~ P.
mxano, BUt. Gemient, L. XV, p. 35«. - » NIç. MaçcMmms imr* h. vm, p. M.
DU MOmr AGB. ûil
pôdflrtftklloftatiii. Les Ptoans et kg Locqnois l'aTaient possédée
toarà toar^etla républiqae florentiner a^ait définitiTement alié-
née en 1 3 43 . La banque de Saint-Geoi^ y tenait alors trois cents
hommes de garnison. Il était difficile d'attaquer Sarzane sans
posséder Piétra-Santa.Gependant lesPlorentios^qui ne se regar-
daient point comme en guerre avec les Génois, ne voulaient pas
ocmunencer les hostilités en attaquant cette forteresse. Mais
on conToi faiblonent escorté, qu'ils envoyaient à leur ar-^
mée, et qui passait sous les murs de Pietra-Santa, fut pillé
par la garnison. Dès lors ils se crurent en droit d'assi^r ce
château, et la guerre au lieu de n'être dirigée que contre Au-
gustin Frégoso, devint publique entre les deux états ^ Les
Génois, de leur côté, envoyèrent Constantin Doria, avec une
flotte de dix galères et quatre vaisseaux ronds pour porter le
ravage à Livoume, à Yado, et sur tontes les c6tes de Toscane ^.
Le mauvais air de Piétra-Santa rendit très meurtrier le
siège de cette petite ville, qui avait été entrepris dans la saison
des fièvres. Il y avait eu peu d'actions militaires, les batteries
n'étaient point encore plantées devant les murs, et déjà les trois
capitaines des Florentins, les comtes de Pitigliano et de Mar-
dano, et Ranucdo Famèse étaient malades; la plupart de
leurs soldats étaient hors d'état de faire aucun service. Ils
étaient sur le point, le 10 octobre, de lever le siège ^, lorsque
les Florentins envoyèrent à leur armée des renforts considé-
rables, avec trois nouveaux commissaires. Ceux-ci s'efforcè-
rent défaire comprendre aux soldats que, dans un climat
chaud et fiévreux, l'automne était bien plutôt la saison de
commencer que de terminer la campagne. Us les engagèrent
donc à demeurer encore devant Piétra-Santa, et les 21 et 22
> irfo. Maeehkwem. L. vui, p. isu—Sdplone âmmbraio.lmJXV^ p^ tes.—/. JficA.
BntH. L. VllI , p. ifS. -^ s Vberti Folietœ Genuenê. Bi$L L. XI , p. $5i. — P. Bizarro,
L. XV, p. SST. — égoit. GlmiMOHi énnoL U v, f. 24i. — s Seiplone àmmtaio,
Ih XXV, p. US.
238^ HtSTO^B DIS» fiimUflOVS ITAtttlfllES
octobre, ils les ocntiteisifeot à ï «ttaqnéfé^ dèn teAnMf qd^ikf
entevèrentyPiiae aa SaltoàlaCerpia, ïox^ge dans lie viAéef ikf
Corvara. La garnison avtttjumiit' alors oonservé anecomiiKi-'
nication avec les montagaes au mo^ea de oe» redostes. Cepen-
dant le comte de Marciano ftit tué dans nue de ces attaques ;
les trois nouveaux commisttnres*, Grokdardinii Gi^^VigUmid'
et Pacciy furent atteints par la fièrre épidémiqoe, et l'on fM'
obligé d'en envoyer un nouveaU) B«mard ési1SérOy-fOm}è»
remplacer. Il arriva au can^ le 2 novembre^ k garâAKHï étail^
déjà aux abois; un assaut fut livré à la plaee le 5r no^^)il>re,>
et les Florentins demeurèrent maîtres d'Ui»ba^os« Al(^tirLau^
rent de MédiciSy qiâ ne s'approchait goi^ des cafm^s ausdi
longtemps qu'il y avait quelque danger^, aceouruli à eekâ de^
assiégeants pour recevoir la capitufetkKi'de PiéM-^^Stota ; ^e
fut signée le 8 novembre K
Les Florentins cependant avaient pris à leur solde dix-btait
galères catalanes, sous les Ordres de Bequesens et de Yilla^
Marina ; ils avaient formé un parti parmi tes émigrés génois'
ennemis de Paul Frégoso, et ils vx)ulurent attatpier ee doge
dans sa capitale. Bernard dd Néro eut beaucoup de peine à*
tenir réunie Farmée qui aveût pris Piétra-Santa, et qui étint'
affaiblie et découragée par des maladies toi^ours renaânottles.
Il se préparait cependant à coilti&uer la campagne,- ldi^[U*î!
apprit que les émigrés génois auraient été défaôts le 22 décem-
bre ; alors il céda aux sollicitations de ses soldats, et il les mit^
en quartiers d' hiver 2.
1485. — Louis-le-Maure, régent de Milan, et le pape,* of-
frirent aux deux républiques leur médiation : iteproposèi^ent,
ou de laisser aux Géuois la possesâon de Sarzane, et MX' Flo-
rentins celle de Piétra-Santa , ou d'échanger ces deux places
1 Sèi^ne àmtMraio, L, 3^V, p. 164. — MaccMavèUi Utor» L. VUI, p. 434. —
féBbsairo, L. XV, p. 9«tf*' — Agost. &MtihianU L. V, L 243. - > S^iQH^ 4mmirai9i
IrfXXV, p. iw.
jm iHyRR AGS. 239
p ïmm ooàla^tnxAsey pour qne^haqoe répviësfm mnMt dans
Il M§ aneienlM fEropriétés. Les Géiieis, dans la première suppo-
I 8^08, demaiidiiiait que les Fiorentios éTaeuassent Sarzanelto,
I fûrteresse atkeiiMrte à Sana&e , qu'ils possédaient tonjrars.
f Q&xt^ M Toidaient le faire q^'anlaot qo'ils seraîait rou-
k koofités do prix d*adiat qu'ils avaient payé à Fr^^oso pouf
I! tiNfttes deox. Ces prétaottions, quoique opposées, ne parai»-
I! Èmeal pas bien diffiettss à aocoider; aossî, peodaïkt toute Tas-
I Bée 1 48&, ks bostiUlés demeurèreat-eUes suspendues, d'autant
k 00» que la guerre de Na^ et de l'Eglise attirait d'un autre
II Gâté l'attefttioa et les foroes des Florenthis ^ Mais les nou-
I jéUm Qjdgodifltions' entamées par le pape furent infructueuses^
i le tratté signé par son cntreaise fbt ronrpu, les deux peuples
i a'aeaaaèreHt mntneUement de mavfaise foi, et de nouveau ils
reooorure&t aux armes ^.
I i48'7. -^ Vers la fin de nm 1487, les Génois surprirent la
\ fovteresse de Sarzanello ; mais ils ne purent se rendre maîtres
I du «diàteau oè lés Florentins s'étaient réfugiés. Florence en-
I ¥07a en hÀte tous ses condottieri sur cette frontière : c'étaient
le comtedePiligtîaiio, le seigneur de Piombino, celui de Faenza
j et les Orsim. Leur armée rentra le 13 avril dam Sarzanello,
efe JeasD-Louis és^ Fiesopie, qui cammandatt les Génois, y fut
! fait prisonnier «ree* un de ses neyeux^. Pitigliano entreprit
aussitôt le siège de Sarxane; il bâtit trois redoutes entre cette
ville et la Magra ; il ouvrit une batterie de huit bombardes,
çii fit au eovps de la ^aee une brèche praticable, et il allait
ordoBuer un assaut, lorsque Laurent de Médids, averti que
les habitants étaâent sur le point de se rendre, accourut pour
recevoir leur oaptuiation : elle fut signée le 22 mai 1487, et
l'armée viétorieuse prit l'engagement de respecter les- pro^
priétés des botu^eois ^.
p. m — s Sdpione âmmimo, h, XXV, p, i7$« - ^ IbUU p. 179. - Uberti VoUêm.
240 HISTOIRE DBS KÉPUBLIQUES ITALIEKIHES
Au lieu de poursaivre la gaerre après cette Tîctoiie, cm de
la terminer par une bonne paix, Laurent de Médids ne laissa
qu'un millier de soldats à Sarzane , et il s'unit à Louis-Ie-
Maure pour décider Paul Frégoso à soumettre de nouveau
Gènes au duc de Milan. Quoique l'âge avancé du cardinal Fré-
goso commençât à calmer ses passioiis, la double dignité
d'archevêque et de doge n'avait pu le faire rasoncer au carac-
tère d'un chef de factieux. Son flls naturel Frégonîso mar-
chait, comme lui, entouré de bandits accoutumés à braver
toutes les lois pour satisfaire ses moindres désirs. Un conseil
des Dix, nouvellement institué à Gènes pour réprimer ces dés-
ordres, avait fait arrêter Thomas Frégoso. Le cardinal, ou son
fils, prenant la défense de leur parent, firent assassiner Ange
Grimaldi, l'un des décemvirs, et Tobie Lomellini i. Enmème
temps ils entrèrent en; traité avec Louis-le-Maure pour loi
soumettre Gènes aux mêmes conditions si souvent accordées
avec les ducs de Milan, et si souvent violées; mais ils cher-
chèrent dans cet accord une garantie pour leur famille qu'ils
ne pouvaient trouver pour leur patrie. La fille naturdle do
dernier duc. Glaire Sforza, veuve de Pierre del Yerme, fot
donnée en mariage à Frégoniso, fils de F archevêque; leurs
noces furent célébrées avec un faste royal à Milan, au mois de
juillet 1487, en présence des ambassadeurs de la républiqae.
Ainsi, la liberté de Gênes allait être sacrifiée par un marché
honteux au mariage de deux bâtards ^.
Mais l'alliance de Paul Frégoso avec le duc de Milan exdta
la défiance de toas les Génois, et les ennemis du doge profi-
tèrent de ces dispositions publiques pour se réunir contre lui.
Ibletto et Jean-Louis de Fiesque, deux frères qui avaient con-
tribué à sa grandeur, se préparèrent à abattre l'idole qu'ils
L. XI, p. 6t3. — 1 Vb. FoUetœ Bist. Genuenê, L. xr, p. 6S4. — t DUirto dei \NoUâo di
aanUporte. p. itos. — BanhoL Senwegcn Qonmenu de rébus Genuci». T. XXI?. ner.
UaL p. SIS. .
BU McynsH AGE» 241
«itaièst âeyé : ils s^'adrâ^sèrent à Baptâfite Frégôso; qtie le car*-
dinal, son onde, retenait en exil dans le Friuli, après TaToir
trahi et chassé du palais ducal cinq ans aoparayant. Us s*a^
dressèrent aussi à Jean et AngAstin Adomo, chefs de la fac-
ti<Hi opposée, qui Tiyaient à Selva dans la retraite, et ils con-
tinrent aTec enx da joar où ils attaiqaeraient à rimproyisle
lé doge qu'ils détestaient tous ^
1488.— ^ Jèan'-Louis de Fiesque s'enfonça dans les mon-
tagnes pour armer ses yassaux, et joindre à leur troupe tous
lies soldats Tagabonds qu'il pourrait recruter. Ibletto, chargé
de diriger des rassemblements dans les faubourgs mêmes de
Gènes, cacha ses intrigues sous l'appareil de festins conti-
nuels, et d'une di8sq>ation qui frappait tous les yeux. Le doge
le fit interroger sur les soldats qu'on yoyait autour de lui.
Ibletto répondit que c'étaient d'anciens compagnons d'armes
qui profitaient de ce que l'Italie entière était en paix pour
yenir passer dans la joie quelques jours ayec lui. Cependant
l'inquiétude que Paul Frégoso ayait maitifestéefit comprendre
à Ibletto qu'il n'ayait pas un moment à perdre, Le même
soir, an mois d'août 1488, il surprit la Porte-aux-Ghèyres,
près de Saint-Étienne, et il s'y fortifia ayec une centaine de
soldats; il fit en même temps ayertir de son entreprise tons
sÈsassodés, et il les fit prier instamment d'accourir aussitôt
à son aide, Paul Frégoso crut deyoir attendre le jour ayant
de yènir l'attaquer; il ignorait et les forces de son ennemi et
les dispositions de la yille, et il ne ybulait pas th^r. des sol^-
dats de ses forteresses, au risqué d'en' affaiblir la garnison,
au moment où l'on songeait peut-être à les surprendre : ce
délai assura le succès des conjurés. Ayant le jour, Jean-Louis
de Fiesque entra dans la yille ayec la petite armée qu'il ayait
rassemblée dans les montagnes. Augustin et Jean Adorno y
> Barih. Senaregœ CommenU p. 5Hr — Vhert, Folktœ, L. XI, p. 655»
242 HisrrotBE en BipuBUQcn irAummiA
^ntrè^ent de kàr côté, aTèc tonte leur hcXmi depuis Icn^
tea^ imprimée. Ba|Aiite frëgoso n'avait pas hésité à s'allier
«Teo les plus anciens ennemis de sa maiscm, poor se venger
delà perfidie de son oftde. Lear almfe était dé|à fort snpé^
«eore à celle dti doge; an point du jour elle Tint l'attaquer
ail pdds publié ; et Paul, reconnaissant trop tard que k délai
d'une nuit atait causé sa ruine, s'enfuit aree son fils dam k
eitadBlle, tandis que son ami Paul Doria retardait la marche
des asiniUants ^«* des propositions ariffîdeuses, et le déro**
bût ainsi au poignard de Baptiste Frégoso, qui ne respirait
que Tengeance ^
Les ennemis du cardinal, maîtres du patate public, oher^
ehèrent à donner une forme nouvelle à la république. Ils ne
Youlùrent pas nommer de doge; cette dignité suprême aurait
réreillé la rivalitâ des Adomi et des Fregosi; elle aurait ausin
mécontenté les Fiesques, que leur noMesse excluait d'uM
magistrature populaire^ Le sénat dMNsit donc douae cîto}rens,
qu'il nomma d'abord capitaines, et enibuite réformiUeors de
la république de; Oëdes« Les chefs des deux factiond popu*^
laires, ceux de toutes les familles nobles, et ceux qui, à quel-»
que titre que ce fût, jouissaient de la confiance de kors
eoneito^ns, se trouvèrent réunis dans ce nouveau conseil^.
Le premier ordre donné par ces magistrats fut cdai d'aV»
taquer la foHeresse. Le cardinal ne s'était pas contenté de
l'occuper; il avait aussi logé des soldats dans ks maismi»
voisines, il en avait chassé ks halntànts, il avait coupé kd
rues par des barricades, et il s'était mis en état de soutenir
on siège qui pouvait être kng. Les combats livra autour de
cette forteresse réduisirent Gênes à k plus effrayante déso^
lation. Chaque palais était à son tour attaqué et défendu av«c
de l'artiUark; quand l'un ou l'autre parti était oUigé de
1 Barth. Senaregcc De rébus Gen, p. 515. — Vberl. FoUetœ, L. XI, p. 655. — * Êarik.
SenaregcB, p. si 5.
m MOYEU A6£. ^43
4'ëiracner, il y mettait le feu en se retirant ; an miliea des
combats et de rincendie, on toyait les habitants, les femmeft
et les enfants disputer aux soldats qm les pillaient leurk
meublés et leurs richesses. Chaque jour la dévastation s'ëten^
-dait plus loin ; et cette opulente cité , si renomniée par sk
magnificence, semblait menacée d*être rasée par ses propreb
tcitoyens ».
Pendant que ces combats se prolongeaient, les magistrats
n'étaient adressés au pape leur compatriote , dont ils implo-
rèrent la médiation, et au roi de France Gharleiï VlII, auquel
ils offrirent la seigneurie de leur tille, aux mêmes conditions
auxquelles son père Tavait possédée. D'autre part, Paul Fré*
goso avait demandé des secours au duc de Milan , qui fit
avancer vers la Ligurie Jean^^François de San^Sévérino, comte
de Caiazzo, fils de Bobert, qui était mort l'année précédente.
fin même temps des ambassadeurs milanais arrivèrent BtxaA
à Gênes , et leur médiation tnt acceptée par les deux partis.
Bs proposèrent de partager la république entre les Adomi
^ les Frégosi ; de céder aux premiers Savonne, avec toute la
ftvière dé *Ponerit; de conserver aux seconds Gènes et la ri-
*Vlère de Levant; de reconnaître enfin la suzeraineté du duc
"de Milan sur l'une et sur l'autre partie 2. Cette proportion ,
qui sacrifiait la gloire et l'existence même de la nation à
l'avantage des chefs de parti, fut rqetée par tous deux, mais
eRe augmenta leur défiance réciproque. Baptiste Frégoso
cependant était odieux et suspect à Louis4e-Maure, et les
ambassadeurs milanais travaillaient en secret à détacher de
lui ses nouveaux associés. Us réussirent en effet à obtenir
qu'on le leur sacrifiât. Baptiste fut arrêté dans la maison
même d'Augustin Adomo, où il s^était rendu sans défiance.
On le fit monter sur une galère, et partir pour Antipoli dans
s €^eH. FclUtœ, L. XI, p. «SB.— taHh, Senùre^œ. p. S18. P. BtùirH. L. XV, p. 3«3.
— « Ubert, FolUm* L..XI, p. 6M. — BoKft. S9nwre§m. p. M7.
16*
244 HISTOIRE DES HEPUBUQUES FTALIEIINES
le Frioul; c'était le même. lieu d*exil d*où il était revenn pea
de semaines auparavant. Les autres cheb avaient donné leur
consentement aux nouvelles propositions des ambassadeurs
.milanais. Augustin Àdomo devait exercer pendant dix ans
l'autorité ducale dans Gènes, avec le titre de lieutenant du
duc de Milan. Ibletto et Jean-Louis de Fiescbi devaient être
conservés dans tous leurs bonneurs et tout leur crédit. Le
.cardinal Paul Frégoso devait abdiquer la dignité ducale, et
,con»gner aux Milanais le Gastelletto et toutes ses forteresses.
En retour, on lui promettait une pension annuelle de six
mille florins, et on en promettait mille à son fils Fr^osino,
jusqu'à ce que le pape leur eût assuré, en bénéfices ecclésias-
tiques, un revenu égal à cette somme. A ces conditions, on
permettait à Paul Frégoso de demeurer à Gènes, pourvu qu'i}
s'y renfermât dans ses fonctions ecclésiastiques; mais il eut
trop d'oi^eil pour vouloir obéir là où il avait commandé.
En sortant du Gastelletto, au mois d'octobre 1488, il monta
avec tous ses effets sur deux galères qui lui étaient préparées,*
elles furent jetées par une violente tempête sur les rivages de
Gorse; l'une y périt avec tout ce qu'elle portait; l'autre,
après avoir perdu tous ses agrès, échappa, comme par mi-
racle, à la tempête, et vint déposer Paul Frégoso à Givitta-
Tecchia, d'où il se rendit à Rome, qu'il ne quitta plus jusqu'à
sa mort survenue le 2 mars 1498 K
La république florentine n'avait pas lieu de s'applaudir de
cette révolution, à laquelle elle avait contribué, en continuant
une petite guerre sur les frontières de la Ligurie. Le duc de
Milan ne fut pas plus tôt maître de Gênes, qu'il témoigna son
regret de la perte de Sarzane et de Piétra-Santa, et qu'il
songea aux moyens de recouvrer ses deux villes ^. Mais Lau-
rent de Médicis, persistant dans sa défiance de toutes les ré-
t Vkertm FoHeil Girmem, UisU t. XI, p. 9S7. ^Barth. Senaregm* T. XXIV, p. itt.
— P. hi%ano. L. XV, p. 3««. •«- * SieipioM AmmU^atû, i. XH^il, p. t»a.
DU MOTEH AQB. 245
pubtiqim, ledootait moing les intrigues et les eomplots d'nni
prince son Toisin, qae Texemple de liberté et d*indépaidanoe
qne des citoyens ponvaient donner anx Florentins. IMgà Pé-
roose, Bologne et GAnes ne pouvaient pins lui eanser ce genre
d'inqniétade. Venise était toujours regardée connue une puis-
sanee ennemie; enfin les deux républiques qui partageaient
«yec Florence la souveraineté de la Toscane perdaient cha*
que jour de leur importance. Celle de Lucques semblait met-
tre tous sessoins à se fiiire oublier : on ne la voit presque
jamais n<munée par aucun des éerivains du siède, et comme
son gouvernement/ par une jalouse défiance, a empAcbé la
publication de tous les historiens nationaux, on s* aperçoit à
peine de son existence. Celle de Sienne occupait alors pins
tristement la renommée; elle consumait ses forces dans son
propre sdn.
Depuis que le duc de Calabre était sorti de cette ville, en
1480, elle avait tpujours été en proie à une effroyable anar-
chie. Des démagogues furieux avaient tour à tour exilé^ pros-
crit, [précipité des fenêtres du palais, ou fait périr sur Técha-
f aud tous ceux que leur naissance, leurs talent», leurs services
avaient rendus éminoits aux yeux de leurs condtoyms. Les
ordres, ou Monts des neuf, des douce, des réformateurs, des
gentilshommes, tour à tour en butte à la persécution, avaient
été tantôt exclus de toute part an pouvoir suprême, tantôt
abolis, tantôt proscrits. La r^ublique, en 1482, n'avait plus
voulu reconnaître que Tordre du peuple, auquel on avait
réimi tous les autres ^ Mais cette sage résolution, qui devait
fidre diq[Kiraltre une distinction propre seulement à perpétuer
les troubles, avait été abolie, en liSi, par les démocrates
eux-mêmes. Ils avaient voulu séparer de nouveau de leur
corps tous ceux qui avaient quelque inrétaoïtion aristocratique,
t Orkmdo Malmoia, Storia ai Sima. P. Ill, L. v, f. 88, t.
246 HISTOIRE DES REPUBLUiUSS ITALIEKINCS
|KMir£râe dateurs drdl&aboliB imtiti^ djeaediisiQq, et l-^«
blissement de oette <digarcbie, toute roturière, ayait été ae^
compagne de nouyeiiux ma^sacffes i. Le nombre dea exilés de
Sienne était chaqiie jour plus grand. Ils ne YÎTaient pku
isolés dansteur bannissement, ils se réunissaient en tnmpes
formidables dans les états Toisina, et ila eKrayaûsot le gou-
Temement révolutiouDaire, par leurs tentatiTea oonlinaelles
pour rentrer dans leur patrie, ou. pw foroe ou piur suri^ise.
Laurent de M édicis^était allié de ce gonvemem^t anarebîque.
Il avait fait renoncer les Florentins à leur.aacienne maxime,
de ne cberoher jamais des amis que parmi ceux de la jostice,
de Thonneur et de la liberté. Ses traitée, étaient toujours dictés
par rintérêtdu moment, par la jalousie, par te désir d'affai-
blir ses voisins, par la politique enfin, dont tes vue» sont
bien courtes à côté de celles de la morale. Il avait sacrifié, en
1482, les émigrés siennais, maîtres du Monte^Beggioni, qui,
privés tout à coup de ses secours, avaient été contraints da*
bandonner ce cbàteau à leurs ennemis ^ ; et il avait conda,
te 14 juin 1483) une ligue pour vingt*einq ans, au nom des
Florentins, avec te poputeçe qui tyrannisait Sienne^; mais
les émigrés n'en avaient pas moins cherché à s'emparer tan^
tôt du château de Saturnia, tantôt de te ville de Chiusi, tan-*
tôt de te bourgade de San-Quirico.
Ce» émigrés siennaifk étaient de tous les partis, de tous les
Jfon^t, suivant te langage consacré à Sienne. Plusteurs de
ceux qui avaient été envoyés en exil les derniers, avaient en
part à la proscription^ au supplice même des {ffemiènes victi-'
mes. Le juste ressentiment qui les tenait divisés faisait Tes-
pérance des oppresseurs de leur patrie. 1487. — Ils te sen-
tirent: ils mirent de côté tout souvenir doffenses.que le sort
avait déjà vengées, et ils prirent te résolution de se réimir
1 Ortando Malavolll y Stûrla dl Siena, P. III, L. v, f. 99.—* Ibid. f. 8S. ^ J/l!00f.
Alkçrem , Diaii Sanesi, p. eit-«i3. — * Orlando MUavoUi» L. V, t. 6T, y.
M HOns AOB. 347
mnlrelcsMlris eniaiiysdoBtoQne éàm pmat coUior iaifmr*
faits, cmt qai sont toiqem tout pnJuwntfi. NîooIm SorglMflî
et Neri Maddi signèrent à Borne, an nmn de Tordie des Henf ,
la paix a^ree Laurent et Gnid*AnloBia Bainasegni, vepcén»*
tai^ dn Mont des réfbmatenvs. En niAme temps, Léonard,
ffla de Baptiste Bdlanti, anssi de rordie des Nenf, dont In
part avttt pari snr réeha&od, signa à Pise la paix aTee Bar^
tliâin» Sonsini et Nindas SéTérini du Mont des DoiMe, qéL
avaieiU; oontifimé à ces exécntîMS erneUes» Tons ensemble
s'engagèrent à n'agir pins ^e de oonoart ponr faTantage de
tons les exilés, et i n*av«)ir pins d'antre bqt qne eeloi d'af*
frandiir leur patiie da jong de la tyrannie sons laquelle cHe
gémissait ^
Les émigrés se réunirent alors à Staggia, sur l'extrême
JFrontière florentine. De là ils partirent, le 21 juillet 1487,
avec cent fantassins ]^ à leur solde, et «n petit nxNBbre de
caTdKers, que le capitaine Bruno de Crémone commandait
Au lieu de suivre la grande route, ils s'enfoncèrent dans les
bois par des chemins détournés. Cependant on avait en avis
à Sienne de leur entreprise, et l'on avait envoyé à la décou-
verte un grand nombre de détacbements qui s'avancèrent jus-
que très inrès de Staggia, et s' assurant qu'on n'y entendait,
aucun bruit. Ih avaient auparavant battn tous les bois prèa
de Sienne, et ils n'y avaient rien découvert. Ces édainews
Devinent donc à la ville, et rapportèrent au gouvernement
qu'on avait donné une fansse akrme,^ et qu'il n'y avait d'en-
nemis nuUe part. Un accident ridicule avait dérobé à leur
reditfche la petite troupe des émigrés; ceux-ci avaient diargé
sur un mulet les instruments dont ils eomptaienk se servir
pour enfoncer la porte t ce mulet s'échappa dans les bois, et
entraîna à sa smte toute F aimée, f(«i; loin du chemin qpa'elle
^OrlandoMatûVoUUP,înth.yi,î,n.
248 HISTOIRE DES BipUBLIQUES ITALIENNES
devait pourBoiTre. Le mulet fat enfin atteint après deux hedre9>
d'nne oonne fatigante, et les émigrés reprirent le chemin de
ârane, non sans craindre que ce retard ne fit manquer leor
entreprise ; il fnt an contraire la cause de leur succès. Toutes-
les patrouilles étaient rentrées, les gardes extraordinaires
avaient été relevées, les gardes de nuit dormaient, lorsque cette
poignée de conjurés arriva un peu avant le point du jour a la;
porte de Fonte-Branda. Ceux qui les attendaient sur le mur
leur descendirent des échelles de cordes; trente d'entre eux.se
rendirent maîtres de la porte et V ouvrirent au reste de la troupe.
Mais on avait promis au capitaine Bruiio qu'aussitôt qu'il
aurait planté son étœdard dans la ville, de nombreuses
bandes de mécontents viendraient se joindre à lui; persrane
cependant ne paraissait, et ce condottiere découragé n'osait
s'avancer dans les rues. Les émigrés les parcoururent presque
seuls, en répétant les noms des Neuf, du peuple, de la liberté,
et de la paix. Peu de gens venaient à leur aide, personne*
d'autre part ne s'armait pour leur résister. Le gouvernement,
était trop détesté pour qu'on voulût le défendre, il était trop
craint pour qu'on s'armât contre lui. Un de ses chefs, Chris-
tophe de Guiduceio, trompé par la voix de ceux qui l'appe*-
laient et qu'il prit pour ses partisans, se Uvra lui-même aux
émigrés qui le tuèrent. D'autres, au nombre de quarante seu-
lement, se rassemblèrent à Gamporeggio; ils auraient suffi
cependant pour chasser les émigrés, ceux-ci étant dispersés
dans les rues d'une grande ville, et découragés par l'abandon
où ils étaient laissés; mais lorsque les partisans du gouver-^
nement se virent en si petit nombre, ils n'osèrent rien entre-:
prendre. Plusieurs d'entre eux rentrèrent furtivement dans
leurs maisons, et posèrent les armes pour n'être responsables
de rien; et les chefe, se voyant abandonnés, s'enfuirent hors,
la ville. Ainsi deux poignée d*hommes se disputaient la pos-
session d'une cité puissante et belliqueuse. Chacune connais-
^ DUJfOUR. AGE. " 249
saut sa propre faitdease, et ignorant celle de Tennemî, se'
erojait perdue. Enfin, après plusieurs courses, les divers partis *
d'émigrés se réunirent de nouveau sur la place; leur troupe
se trouva forte de quatre-vingts hommes, et ils assiégèrent le^^
palais. Matteo Pannilini, capitaine du peuple, abandonné par
tous ses gardes, s'était enirarmé seul dans la grande tour.
Il s*y défendit quelques heures, au bout desqjaelles il fut
obligé de se rendre prisonnier, et de livrer aux émigrés le'
siège du gouvernement. La révolution qui leur rendait leur-
patrie fut ainsi accomplie, presque sans effusion de sang i*
Gomme la révolution de Sienne avait été l'ouvrage de tous
les ordres, tous furent admis d'abord à partager l'autorité
suprême. On voulut que la république fût gouvernée par
quatre monts, dont chacun donnerait quatre-vingts conseil*.
1ers au conseil général. Les ordres des gentilshommes et des ^
Douze ne furent compta chacun que pour un demi-mont ; . les
Neuf, le peuple et les réformateurs étaient les trois antres ^.<
Ce partage était sage.et conforme à peu près au nombre de
citoyens que chaque mont avait précédemment choisi, sous le.»
nom de risedutij pour exercer les magistratures; mais il.ne*
fat pas longtemps observé : une balie, composée de vingt-*
quatre citoyens, fut autorisée à exercer pendant c|nq ans un
pouvoir dictatorial, et le nouveau gouvernement de Sienne, <
comme celui qu'il avait remplacé, crut ne pouvoir, établir i
solidairement son autorité qu'en privant ses ennemis du droit >
de cité, eu les exilant ou les envoyant même au supplice s.
1488. — Dans cet intervalle de paix générale pour l'I-
talie, les républiques ne furent pas seules à éprouver des ré- ^
Tolutions intestines ; les petites principautés furent à leur
tour troublées par des conjurations, et l'on crut reconnaître ^
1 OrUmdo MaUwoltL P. III, L. V, f. 92-92. ^ Allegretto AikgretH^ Mari SanesL
T. XXIII, p. iz'i.^Stefano Infessura, Dlorio di Rtfma.T. ill, P. U, p. 121 7. — « Orlaniù '
maïQvoitu P. III, L. VI, r. 94. — s ib^. r. 95.
350 HICTOIRE DES nÈPVEUqVËS TTAUmUitS
ém^etiOM ^ ééUànnX enBomagne, en 1488, la eonsé^
qaence des intrigiieg de Laurent de Médicis, et le ressenti-
rent d'an homme qui poursÛTait, après de Icmgaes années^
la yeogeanoe de Vielles otfenses * •
Ce Jérôme Biario, fib on ne^eQ et faTori de Siite IV^ qoi
dix ans auparavant avait étériysae de la oonjnration des Pazzî,
s'ânit retiré, après l'âection dlnnocttt YIII, dans sa son-*
veraineté de Forli et d'Imda. Il était aussi demeuré déposi->
taire du diâteau Saint * Ange ; mais sa femme remit celte
forteresse aux cardinaux, le 25 aoM 1484, moyennant le
paiement d'mia grosse somme d'argent ^. Cette princesse ^
qui ébiit fiUe nalurelle du dernier duc de Milan; avait con^
cilié à Riario la i«x>tection de la maison Shnm. D'autre part,
UUsol de la Rovère, cardinal de Saint-Pierre, tout puissant à
la conr d'bmocent YIII, se faisait une affaire de défendre le
prince de Forli son parent. Aussi les noml^reux ennemis quMl
s'était faits pendant le pontificat de Sixte lY , ne tentèrent-^
ils peint contre lui. d'attaques ouvertes, mais il est probable
qu'ib ne furent pas étrangers à une conspiration formée dans
sa maison. Ceooo del Orso, capitaine de ses gardes, Louis
Fanzero et Jacques Ronco, ses officiers, résolurent de se dé^
faiee de lui, encore qu'on ne leur connAt d'autre motif de
nesaimliment que celui de n'avoir pu obtenir de lui leur solde
arriérée, tandis qu'ils étaient poursuivis pour le paiement de
leur» proj^res contributi<ws.
s K . Ro8co« {tllustr, p. 196) affirme , sar l'autorité de PigootU , que les coDtemp<H
raktt. ne soupfoimèrent Jamais Lorenio d'être entré dans là coQjiiration eontre Riario;
tous deux se trompent La chronique de Marin Sanuto qae j'avais oilée, écrite jour par
jour, s'exprime ainsi : A di sedid tPAprtle sHntese. Suit le détail de l'assassinat : Questa
nwom sarkge aUë Ognorta Marcù Sorte Voàeità e Caplianù di moenna, e ai dieeva
clCera stata opéra dl Lorenzo dé' Medlci , e di Giovanni Bentivogllo , per dore quelle
terre al eignor Franceschetto Cibo, figUuolo di papa innoeento Vlti, eh* é genero
del detto lamtte de* Mediei. Script. Rer. Ital. T. XXII, p. 1244. On voit que l'accusa-
ti«B «it présentée par l'autorité effieielle la plus voisine , deux jours après l'évéoemenL
— s Stefano infestwa Mario Romano» T. m, P. II. Her. Hat, p. f i87.
IHJ II6YE1I A&C. 251
Le 1 4 atril 1488, pendant le dîner des gens de IKario, les
trais oonjnrés entrèrent dans sa chambre, sons prétexte de loi
parler de leurs fonctions, et ïj ayant trouvé seul, ils le poi-*
gnacdèrent, se partagèrent ses habits, et jetèrent par la fenê-
tre son eorps dépouillée La populace, appelée par eux à. se yen-
ger de son tyran, tratna. ce corps par les cbereux au travers
de toute la ville. Catherine Sforza, sa veuve, et ses enfants,
forent immédiatement arrêtés, et la dtaddle dans la^dle
commandait un lieutenant Mêle à Biario fut sommée
de se rendre. Cependant les conjurés écrivirent, le 19 avril,
à Laurent de Médieis, pour lui aniK>ncer qu'ils T avaient ddi-
vré de rhomme qui méritait le plus sa haine, et pour lui de*-
.iBander des seêonrs ^
Le commandant de la citadelle, sans se laisser effrayer par
les (nris de la populace ou la mort de son maître, refusa defon*-
vrir aux assiégeants, s* il n'en recevait Tordre de Catherine
Sforsa elliB*-niême, après qn^dle serait mise en liberté. Gelle-d:
offrit de son côté aux insurgés de déterminer le châtelain à
eéder à une fortune inévitable ,* elle ne demandait pour cela
que de lui parter. Comme on gardait ses enfants en otage, on
ne fit pas difficulté de la laisser entrer dans le fort. Elle n'y
fnt pas phis tôt introduite, qu'elle fit tirer sur les assiégeants.
On menaça ses Bis du supplice, elle répondit : « Si vous les
« tues, j'aiun fils & Imola, j'en porte un autre dans mon sdn,
« qui grandiront pour être les vengeurs d'un semblable
« crime ^ ; » et la populace, intimidée, n exécuta point sa me-
nace.
1 Leur lettre est imprimée dans Roscoê, Appendfx, no 71, p. 101. Marin Saiiuto ao-
cme formellemeni Laurent de Médieis d'avoir été l'instigateur de cet attentat, p. ia44.
— * Bayle , Dieiionnaire criiiquef au mot S/brza (Catherine), prête à oette princesse
une réponse immodeste^ devenue célèbre ; et il a pour lui les autorités de MacchiaveUi ,
U VAll, p. 443 ; d9 J. if. Ji^icrp, L. Vlii, p. 313 ; et de MumoH, AmmU itimUa^ d'après
UM aknwk|iia maïuscrilft da Bologne; mais fiayto, qui aimait le seandale, n'a poinl
parié 4u réeitp beaiconp plus natiwel «1 bcaiieiM|i plus honnête , de la plupart des his-
toriens contemporains , leils que Slêfimo inf^sswrût qu'UcoBMissaitbien, T.ni, P. II.'
252 HISTOIRE DES. BÉPUBUQUJESiITALIEimES
Les meQrtriers de Jérôme Biario ament aussi imploré la
protection d'Innooeut YIII; et ce pape, espérant par leur^
aide recouvrer la sonyeraineté d'une ville importante, avait
ordonné au gouverneur de Gésène de leur conduire tout ce
qu'il pourrait rassembler, de soldats, et toute son artillerie.
En même temps, Louis Sforza envoyait au secours de sa;
nièce une. armée milanaise, qu'il avait déjà rassemblée decon--
cert avec Jean Bèntivoglio sur les frontières de Romagne.
Cette armée, entrée dans Forli par la citadelle, tomba à l'im-
proviste sur les soldats de l'i^lise, et les fit tous, prisonniers.
Six des plus notables d^entre eux eurent la tàte tranchée, et
fuient coupés en moiy^aux, par ordre de Bergamâno, le gé^
néral milanais. Le gouverneur de Gésène et te reste de ses
soldats furent rasuite échangés contre les fils de Jérôme Bia-
rio, que ce gpuvemeur avait fait conduire dans sa forteresse.'
Les conjurés se réfugièrent à Sienne, avec tous leurs effets
précieux. Catherine Sforza fut chargée, comme tutrice de ses
enfants, de gouverner la principauté de ForU; et le pape In-
nocent YIII, toujours prompt à entreprendre une chose har-
die, toujours effrayé de la soutenir dès qu'il rencontrait de
la résistance, n'osa pas. se plaindre du traitement qu'avaient
éprouvé des soldats qui n'avaient fait qu'exécuter ses pv-
dres 1.
Mais les conspirations se succédaient en £(Mmagne avec une
effrayante rapidité. Le 29 avril, Octavien Biario, jeune fils du
comte Jérôme, avait été proclamé seigneur de Forli et d'I*
mola, et lé 31 mai, Galéotto Manfredi, seigneur de Faenza,
perdit Ja vie par lés mains de Françoise, sa femme, fille de
Jean Bèntivoglio. Celle-ci, qui se croyait abandonnée pour,
Jt0r. itaL p. IS9Q. — AUegretto àUeQrtUi ,■ Wari SanesL T. XX1II« p« 83S. — Hierofi. de
BuneUig ànnoL Bonon» p. 907. — Bernard. Corto^ StorU Mlian. P. Vi, p. i«2S. — Morf»
Ftnarese. T. XXIV, p. 2S0. — filcontoize di THbtUdo de'Rossi^ DeUzie degUErwl,
T. xxm, p. 24o« — t Diarto di Stefano infesswa. p. i3i9-ii«w.
BU MOTSR AGB. 363
une miitresBe) et qa'mie fNMiibie jalousie dévorait, feignit
d'être malade, et invita Galéotto à voiîr la voir. Trois assas-
.skis étaient «adiés sous son lit, un qaatrième s'élança ^ sur
.Manfredi au mùment où il entrait auprès d'elle. Mais comme
:6e seigneor était dTcme forée et d'une agilité remarquable, il
était sur le point de tmrasser son adversaire avant que les
assassins sortis de dessous le lit se fussent relevés, lorsque sa
iemme, pendant la lutte, s'élança hors du lit, saWt une épée,
et la lui plongea elle-nième dans le sein. Mie prit ensuite ses
enfants avec elle, et se rtfugm dans la forteresse ^
Jean Bentivoglio, père de Francesca, princesse de Faenza,
était alors à Forli, avec Bergamino, commandant de l'armée
nnlanaise. Tons deux accoururent ausiitèt à Taide de oette
^use criminelle, et ils entrèrent sans résistance dans Faenza.
Cependant les habitant* de cette ville étaient attadiés à la
famille de Manfredi, et ils avaient vu l'assassinat de Galéotto
avec horreur. Les courageux paysans du val de Làmone se
rendirent en foule dans la ville; les uns et les autres ^soup*
çcmnaient Bentivoglio ou Bergamino de vonlcnr s'emparer de
leur prindpanté ; ib les attaquerait avec fureur. Bergamino
fut tué dans le combat, et Jean Bentivoglio fut fait pri*
sonnier.
: Antoine Bosooli, commissaige de la république flormtine
auprès de Galéotto Manfredi, était alors à Faenza. Les in-*
surgés lui témoignèrent les plus grands égards, et lui deman-
dèrent la protection de son gouvernement. Les Florentins
n'avaient pas vu sans une vive inquiétude s'ouvrir des négo-
ciations entre Galéotto Manfredi et les Vénitiens, pour la
vente de Faenza. Par l'acquisition de cette petite principauté,
Yenise serait devenue limitrophe de Florence, et le gouver-
*■ Stefano In fessvtra, Mario Bomano,. ^^x^th-rBieron, de BurseUU Annal, fionon.
p. 907. -^Diario Ferrarese. T. XXIV, p. 280. — Mich, Bruto, L. Vllf, p. 2U. — P«lf«
Bembi, HUt, Veneta, L. I, p. to.
254 HISTOIRE DES lléPllBt.IQtlBS itàtSMtiM$
neffleiit des Médicis deyait ia*aiiiâre le vokifiage de cette puis*
sanoe rivale. Aussi toute Farniée qui aTiiit été raseeffiblée à
Sarzane fat envoyée en grande liftte an secours de Faenza sous
les ordres da comte de Pitigliano et de Baiiacck) Famèse^
Elle arrêta les Bolonais, qui s'armaient de leur odté pour la
délivrance du ahef de leur république. Jean BeiHitoglio M
retenu en otage à Modigliana, jusqu'à ce que fcfrdre fût ré*-
tabli dans la principauté qu'il avait probafblemént touln en-
vahir. Seize citoyens, dont huit étalettl de Faenza, et huit da
val de Lamoine, furent diargés de la régence, et de fo tnteHè
du jeune Astorre de Manfredi. Lorsque ce gouvernœkent fut
établi, BentivogMo fut remis en liberté, apl'ës avoir eu une
entrevue avec Laurent de Médiote à Cafftigginolè. 8a fffiehn
fut rmlue; et cette révolution, en mettant Faenza S6us la
prote<^on des Florentins, augmenta leur inllaence en Boma-
gne ^ Celle de Forli né leur avait été gu^e moins ulîle. Pen-'
dant les troubleB que la mort de lérôme fiiado avait exdtés,
les Florentins avaient recouvré Pian Gfddoli, qàe Ce seigneuî'
leur retenait injustement ^. Ib r&issirent peu après à faire
^^OHser à sa veuve Jean de Médicis, issu d'un frère de Cosme
Tïmcien, etij^ré d'*un autre Jean de Médids, èeveiHi célèbre
dans les guerres d'Italie par sa valeur , sa férocité, et l'atta-*
ehementqu'eeâ^cM pour lui les baaiéesnoiréiw jASbsi Forli et
haolA se trouvèrent sous lia dépendance d'un Itédids, et Ca<*
therine Riorîo entra dans cette famille isème qoe son premier
mari av^t vodlu détruire.
*■ Sçipkme âmmUftao. t. XXVI^ p. t%%. ^ tuaseee^ Uf& cf tmmso de* meMs
Chap. VIII, p. 174. — Dioi'i Sanesi ai Allegretto AlUgrettU p. »a3. — * tUcordame à
THtoM» de* lUw< ^{ £hKl. T. xxm , p. 241 .
BV mntm agc. 255
UiHHHHHUlimimmmHHHHfHiHHHH
CHAPITRE IX.
La refùe Catheriae Cornaro abandonné Hle de Chypre aux VénAiens. -^
Zizim à Rome. ->• Repos appaf-eut de tdute ritalie. — État dé PËuropOi
et pronostics, de souv^aux orages. ^-* Mort de lauréat de lHédicis et
d'IimoeeBtyiII.
148»-14M.
tia tépabli^e de TeHise n'avait vôulii prëddire aàcimé
part aux petites gtietres qm avaient agité l'Italie pendant
la période précédente, innocent YIII avait fait difficulté de
la retevei* des oendures que Sixte IV atait A injusteniiônt prô^
bonéées contre elle ) il àvdit voulu lui imposer des con^*
tions onéreuses, l'astreindre à ne point se mêler des présen-
tations aux bénéfices , et l'ismpécher de lever auéiin impôt
sur les gens d'église '. Il est vrai qu' Innocent VII t aban-
donna ensuite ées prétentions , lorsqu'il essaya d'engager la
république dans la guerre de Naples; mais les Vénitiens,
avertis par nue récente expérience , du peu de fonds qu'ilii
pouvaient feire sur l'alliance dé Rome , ne voulurent don-
1 Andréa PtavagierOj Slor» Venez* T. XXIH, p. liM.
256 msioiBS dis wiswuiftats itaukhbjs
ner ancmie awMtance aux ennemift de Ferdmand, qodqoe
ressoitiiiient qa'ils ooiuervasseat contre lid pour la goeme
de Fenare. Ib continiièrait à maintenir omtre le pape
rindépendance de leors prérogatives eedésiastiqaes. L'éirè-
due de Padooe, anqœl ils Toolamit faire passer FéTéque de
Bdlona, ayant été donné, en 1485, par la conr de Borne an
cardinal de Yérone, non seotement ils Ini refusèrent la pos-
session de ce noarean sî^^ mais ils le forcèrent à j renon^
cer, en saisissant ses autres revenus^ Leur ambassadeur à
Borne, Hermolao Barbaro , ayant obtenu du pape Inno-
cent YIII le patriarcat d'Aquilée, le consdl des IMx témoir
gna pins de ressentiment encore de ce que cette nomination
importante s'était faite sans attendre son am. M la répu-
tation dn nouveau patriarche, le premier Uttérateor de Te-
nise, et peut-être de l'Italie, ni le rang distingué qu'occu-
pait son père dans l'état, ne les dérobèrent l'un et l'autre
à des censures sévères, et à une humiliation qui causa bien^
tôt la mort de tous deux ^. Pendant la guerre de Napks
enfin, les Yénitiens empêchèrent le pape de lever, pour la
sout^iir, un décime sur leur dei^, et ils s'opposèrent avec
la même fermeté à tout empiétement sur leurs droits.
Cette guerre de Naplesj qui ne dura que peu de mois,
aurait probablement ravagé longtemps l'Italie, si les Té^
nitiens avaient voulu y prendre part, et s'ils avaient ainsi
rétabli l'équilibre entre les deux partis. Bientôt ils eurent
lieu de s'applaudir d'y être demeurés étrangers, lorsqu'ils
se trouvèrent engagés sur les frontières d'Itelie, dans une
nutre guerre qui pouvait devenir plus dangereuse. Sgis-
môndj comte du Tyrol, l'un des ducs d'Autriche, avait
des prétentions opposées à celles de la Seigneurie, sur les
limites de ses états dans le comté d'Arco et le Gadorin, et
* Andr. liavagiero^ Slor» Venez, p. ii9S.->s Peiri Bembi Herum Veneutnm BistoriBs
L. I, p. 16 m ThesQUro Aniiq. liai. T. V, p. 1.
DU MOIEIV AGE. 257
sur les 'droits aux mines de fer de ce dernier district. Dé-
terminé à les faire yaloir par les armes, il fit saisir, en
1487, tons les marchands yénitiens Tenus à la foire de Bolzano,
ainsi qne tons les fers trayaillés à Cadoro ; en même temps il
déclara la guerre à la république de Venise. Sept mille fantassins
et cinq cents chevaux allemands pillèrent et brûlèrent le
district de Bovérédo ; ils assiégèrent dans le château de cette
Tille Nicolas de Priuli qui en était gouTerneur, et celui-d
ne se rendit qu*après une vigoureuse résistance U Les Yé*
nitiens opposèrent d'abord à cette invasion Jules-Gésar de
Yarano, seigneur de Gamérino ; ils mirent ensuite à la tête
de leur armée le même Robert de San-Sévérino, qui les
avait commandés avec tant de succès dans la guerre de
Ferrare. La mort de ce vieux général, qui avait eu une
part si active à toutes les révolutions de lltalie, fut Févé-
nement le plus remarquable de la guerre du TyroL Après
avoir remporté quelques avantages sur les Allemands, il
tomba dans une embuscade que les ennemis lui avaient dres-
sée.. 11 y fut tué, le 9 août 1487, auprès de TAdige qu'il
voulait passer pour assiéger Trente 2. Les Vénitiens se reti-
rèrent à Serravalle; et, coupant toute communication avec
TAlIemagne, ils forcèrent bientôt les Tyroliens à demander
une paix nécessaire au soutien de leur industrie. Elle fut
conclue le 14 novembre de la même année, moyennant la
restitution de tout ce qui avait été conquis de part et
d'autre 3.
Yers le même temps, la seule apparence d'une guerre tur-
que servit de prétexte à la république pour soumettre à sa ju-
ridiction immédiate l'Ile de Chypre, qui, depuis la mort de
1 Anàr, KavagUro, Sior. Tenez, p. 1194. ^ PetH Bembi Ber, Yen. L. I, p. 2. ^
SplegelderEhren. B. V, c. XXXIV. p. «97.— « And, Wmagiero. p. ii95.-PeiH BenOL
L. I, p. 8. — Spiegel tfer Ehren. B. V, c XXXIV, p. 968. — * And. Nauaglero, p. ii96.
- SUfano Jnfeuura, Dter. Ronum. p. 121T. — Mario Fenareie. T. XXIV, p. vtg. —
PetfiBcm^i. L.l,p. 16.
▼II. 17
258 HISTOIRE DES REPUBLIQUES ITALIEUVES
Jacques de liUsignan, n'était réellement pins qu*nne province
yénitienne. L'empereur turc, Bajazeth H , avait préparé dès
Tan 1486 une forte armée pour attaquer Gait-Bai, Soudan
d'Egypte. Et le soudan, qui sentait tout le danger que courait
son royaume, si les ports d'une ile située en face de ses rivages
étaient entre les mains de ses ennemis, avait demandé à la reine
Catherine Gornaro de se mettre en état de défense. La répu-
blique lui avait envoyé immédiatement cinq cents stradiotes de
Morée et trois cents archers de Gandie pour garnir ses forte-
resses U
1488.— -Cependant l'expédition turque fut différée jjusqu' en
1488. A cette époque, une armée qu'on prétendit forte de
quatre-vingt mille hoinmes vint attaquer le soudan en Pales-
tine. Gomme elle traversait la Garamanie, après s'être empa-
rée des villes d'Adéna et de Tarse , elle fut défaite au mois
d*aoàt par les niamelucks au pied du mont Aman, dans ce
même défilé d'Issus déjà illustré par la victoire d'Alexandre.
La flotte ottomane fut dispersée et en partie détruite par une
tempête, et le Turc renonça à l'invasion de l'Egypte 2. '
Pendant cette courte guerre, François Priuli avait protégé
les rivages de l'île de Chypre avec vingt-sept galères. Lors-
qu'il la vit terminée, il crut pouvoir ramener sa flotte à Ve-
liise, et il était déjà arrivé en Istrie quand il reçut l'ordre de
jpetourner d'où il venait. Le sénat , en abusant de l'autorité
qu'il avait usurpée en Chypre, avait Vendu son joug odieux
et aux peuples et à la reine; il savait que celle-ci souffrait avec
impatience son exclusion absolue de toute part au gouverne-
ment, la sévérité des ordres qu'on lui donnait , et la défiance
qu'on témoignait d'elle. Il avait vu les Chypriotes prêts à ^e
sacriAer pour Charlotte de Lusignan, pour Louis de Savoie,
pour Alfonse, bâtard de Naples; pour quiconque enfin aurait
> Andr» «avagiaroj Stor. Venez, p. 1 193. — * ibid, p. il 97, — Baynaldi ÀimUs
Kecles.im,i 9, p. 1*9.
DU MOYEU AGE. 259
rendu à leur royaume son antique indépendance et leur aurait
fait recouvrer leur rang parmi les peuples libres. la première
guerre maritime couvait rendre aux Chypriote» cette liberté ,
et ils étaient prêts à s'adresser aux infidèles eux-mêmes pour
l'obtenir, si aucun état chrétien ne voulait les protéger. D'ail-
leurs, la reine était encore jeune, elle était belle, elle pouvait
porter une riche dot à un nouvel époux; on disait que Fré-
déric, second fils de Ferdinand, la demandait en mariage ; et
si elle avait des enfants, tous les droits que la république pré-
tendait avoir acquis par elle se seraient trouvés anéantis. Les
jurisconsultes vénitiens soutenaient que le fils de Jacques de
Lusignanavaitbéritéde la couronnede don père ; que comme
il était mort en bas âge, sa mère avait hérité de lui ; qu'enfin
leur république hériterait delà mèi'e, parce que celle-ci avait
été déclarée fille de Saint-Marc. Mais si elle se remariait, tous
les efforts qu'ils avaient faits pour établir les droits de Ca-
therine n'auraient servi qu'à confirmer ceux d'un second mari
et de nouveaux enfants.
George Cornaro, frère de la reine, fut donc envoyé en Chy-r
pre sur la flotte de François Priuli. Le conseil des Dix, dont
les ordres redoutables l'emportaient sur toute considération
de parenté ou d'ambition personnelle, l'avait chargé, sur sa
responsabilité, de ramener sa sœur à Venise. 1489. — La
flotte étant arrivée devant l'île de Rhodes, Cornaro se rendit
auprès de Catherine le 24 janvier 1489 ^ Il lui communiqua
les ordres dont il était porteur, il lui fit sentir sa dépendance
et la nécessité de ce dernier sacrifice, conséquence dé tous les
autres ; U. calma autant qu'il put sa douleur et ses regrets ; il
lui fit comprendre qu'il serait inutile de justifier sa conduite
auprès du conseil des Dix comme elle voulait le faire, puisque
persoune n'y révoquait en doute son innocence^ eofin, il ob-
1 Anir, Navagiero, Stor, Vênei, p. U97. * PeM Bernbi Uisior, fènet, L.' I, p. i%
260 HISTOIBE DES B^ÉPUBLIQUES ITALIENNBS
tint d'elle la promesse d*ane entière soumission aux vo-
lontés de la république. Aussitôt il en dépêcha la nouyeUe
au capitaine général , qui s'était arrêté à Almizza, et qui,
sur cet aviS| entra dans la rade de Famagouste le 2 fé-
vrier 1489 ^
Ce fut le 16 du même mois que la reine prit congé des ha-
bitants de Nicosie. Ils versèrent des torrents de larmes en
perdant avec elle jusqu'au simulacre de leur indépendance. Us
se voyaient privés de leur seule protectrice, en même temps
qu'ils perdaient les avantages pécuniaires qu'une cour assurait
à leur ville en y répandant quelque argent. Catherine, accom-
pagnée par son frère, par Tun des conseillers et par le pro-
véditeur de l'île, escortée par toute la noblesse chypriote et
par un corps de cavalerie, s'achemina vers Famagouste. Elle
fut reçue sur les galères de Tenise avec un respect et une
pompe royale ; elle profita de cette cérémonie publique pour
recommander ses sujets à la seigneurie de Venise par l'organe
du comte de Zaffo , son cousin , et pour réclamer en faveur
des Chypriotes la conservation de leurs lois et de leurs privi-
lèges. Dès le 26 février, l'étendard de Saint-Marc flotta sur
le palais de Famagouste et sur toutes les forteresses. La reine
cependant ne partit avec la flotte que le 1 4 mai. Le 6 juin
elle arriva à Venise, et le 20 du même mois , le château d'A-
solo, dans le Trévisan, lui fat donné en souveraineté pour le
reste de sa vie, avec un revenu de huit mille ducats. La petite
cour de la reine de Chypre à Asolo a conservé quelque célé-
brité dans les lettres par les dialogues de Bembo. La fiction
âégante des Asolani représentait apparemment les manières
de cette cour, et l'on doit croire que Catherine oublia,
au milieu de propos d'amour et de galanterie, dans des enr
tretiens alors à la mode sur la métaphysique du sentiment,
t dndr* aavagiero, Sior, VeniM, p. ti98.
DU MOTEH AGB. 261
tes peines, tes soucis et les hamiliations de sa senritade
royale ^
La même année nn antre éyénement , égatement lié à la
politiqne dn Levant et aox entreprises des Tnrcs, fixa Fatten-
tion de l'Italie. Jem on SSzim 2, fils de ITahomet II, frère et
rival du soltan Bajazeth II , fit son entrée à Borne , et vint se
mettre sons la protection dn pape. Il avait fait valoir, ponr
snccéder à son père, nne prétention souvent mise en avant
par les princes grecs de Byzance. Il était porphyrogénète, on
né pendant que son père était sur le trône, et il se croyait par
là supérieur à son frère aine , Bajazeth, qu'il disait n'être fib
que d'un particulier. Cette vaine distinction était suffisante
pour tenter le sort des armes dans un état despotique , où
aucun droit n'est réel s'il n*est fondé sur la force. Mais la
force manqua à Jem ; vaincu en Asie en 1 482 dans un combat
sanglant, il fut obligé de s'embarquer en Gilide , de se réfu-
gier à Bbodes, et d'y implorer la protection des chevaliers de
Saint-Jean^. Geux-d n'osèrent pas conserver sur les frontières
mêmes de l'Asie un hôte qui pouvait attirer sur eux toutes les
forces du grand-seigneur ; ils l'envoyèrent en France, et le
firent garder soigneusement en Auvergne , dans une comman-
derie de leur ordre. Bajazeth II leur offrit des sommes im-
menses , des reliques sans nombre , des privilèges inouïs pour
se te faire livrer. Les princes chrétiens ne furent pas tellement
dépourvus d'honneur que de consentir à cette indignité ;
1 Anàr, Navaglero^ Stor, Venez» p. iiM. On tarait pn •'attendre à tfooTer beaucoup
de détails sur la réyolution de Chypre dans lliistoire de ce même Bembo , dont nous
commençons vers cette époque à faire usage. Hais il est, au contraire , d'une concision
«ottrème. L. I , p. 13. St poUtique ne lui permettait Jamais de s'étendre sur un événe-
ment d'od pouvait résulter quelque blâme pour son gouvemement. — * Jem , en turc ,
est le nom d'une sorte de raisins exquis. Jemm est un nom magique appliqué d'ordinaire
à Salomon. Oémétrius Cantemir est incertain entre les deux étymologies , et il remarque
qu'aucun autre Turc n'a Jamais porté ce nom. Ziaim , dil-il, est un mot corrompu par
les Européens. L. lU, chap. Il, S 6* Note.*» Bmynaidi annal. Eeeiu. 1483, S 3S, p. Si3.
— Turco^rœciœUUt.pQmica. L. I, p. sa.-^PtfmciriM Caniemir* L* lU, chap. U, S 7
et 8, p. 128.
263 HISTOIRB DSS BÉPlTBLIQUfS ITALIEIÏITBS
mais il serait difficile d* expliquer par des motifs honorables
pourquoi ils ne permirent jamais à Jem de se rendre auprès
de Gait-Bai, Soudan d'Egypte S qui, se trouvant éogagé dans
une guerre acharnée avec Bajazeth , le demandait pour don-
ner du crédit à ses armes ^ pourquoi ils le refusèrent égale-
ment à Mathias Gorvinus , roi de Hongrie , qui espérait faire
par son entremise une diversion dans les états de son ennemi.
Sixte IV écrivit au grand-maître dé Rhodes et à Louis XI,
pour Jes exhorter à retenir Jem en France, et ne point le laisser
partir pour les armées où on l'appelait 2. Innocent VIII refusa
également de confier ce prince à Ferdinand, roi d Aragon et
de Sicile ; à T autre Ferdinand, roi de Naples ; à Mathias Gor-
vinus ^ au Soudan et au prince de Garamanie; mais en même
temps il avait demandé avec instance qu'on le lui livrât à lui-
même, pour être assuré, dirait-il, que Jem ne passerait pas
les frontières des Turcs sans être appuyé par une ligue de
toute la chrétienté ^.
De son côté, Bajazeth avait envoyé à Gharles VIII de nou-
veaux ambassadeurs pour qu'il promit de retenir Jem en
France. A cette condition , Bajazeth lui offrait une pension
très considérable, et il garantissait à la France la souverai-
neté de la Terre-Sainte, après qu'elle aurait été conquise sur
le Soudan d'Egypte par les armes réunies des Français et des
Turcs, Mais Gharles VIII , d'accord avec le grand-maître
d' Aubusson, avait déjà cédé aux sollicitations du pape, et Jein
était en route pour Rome^.
Il y fit son entrée le 13 macs 1489; il était à dieTal, le
turban en tête, entre François Cybo, fils du pape, et le prieur
d'Auvergne, nenw du grand-maitre d* Aubusscm, et ambass»*
1 Cait-Bai , le phn litbile èl to phis reMmaié 4es flondMM de l'Egypte, était CircaarieB
d'origine, et sen nom est tartare. Cait^ en cette langue , veut dire conversion ; el Btâ,
riche. DemciHtis Ccmtemfts L. III, eiiap. Il, f. — * AnnaL Eoeles, t4&i, S 86, p. Ml. -^
s im. iiê5, S ti et is, p. 3Gi. ^ * iM, im^ $ i, p. ms.
DU MOYEU AGE. 263
denr de France. Un ambassadear da soodan d'Egypte était
alors à ftottié, pour l^oiliciter les princes chrétien^ de s'allieb
avec son maître contre Bajazeth. îl alla aussi au-devant dé
Jem : dès (Ju'il lé vit, il descendit de cheval, et il se prosterna
à terre; trois fois il baisa la terre en tf avançant vers lui ; ii
baisa lés pieds de son cheval, et le suivit ensuite jusqu'à son
palais i.
Le lendemain, le pape assembla le consistoire pour y rece-
voir Jem dans une audience publique. Vainement ce prince
avait été^averti des respects que les monarques chrétiens ren-
daient à leur grand pontife ; il ne voulut point abaisser devant
lui Torgueil du sang ottoman. La tête couverte de son turban,
que les Asiatiques ne déposent point, et qu'ils regardent
comme un symbole de leur religion , il traversa la saÛe sans
s'incliner, il monta sur le trône où était Innocent, et l'em-
brassa en appliquant ses lèvres sur l'épaule dtoîte du pape,
signe d'amitié plutôt que de respedt, qu'il AiSniià ensuite à
tous les cardinaux. Son interprète dit au pape qu'il se ré-
jouissait d'étré en sa présence ; qtl'il se recommandait à lui,
et qu'il aurait du plaisir à conférer plus en secret avec lui sur
leurs intérêts communs. Le pape répondit en l'exhortant à
avoir bon courage, puisque c'était pour le bien de sa noblesse
(titre que la cour de Rome jugea convenable de lui donner )
qu'il était conduit dans cette capitale 2.
Ce plus grand bien de Jem , qu'il devait ttouvet* dans son
«éjdur à Roine, n'était qu'une hoûôrable j[)rison. Bajazeth II
payait chaque année, d'abord au roi de France, ensuite à W-
nocent YIIÏ, quarante mille ducats pour la pension de son
ftère. La jouissance de 0ette rente n'était pas le moindre des
i marte di Stefa/io Infétium, p. i«s. ^ > D*$fium BUNihwdi ùpud Bauttùldum
Afuau. E&ël 1489, S ïei S, piMni'-Siifiméinfiuwm, Mia^ di tmm. p. i3».-*MarlR
saMa^ntihde^mtmdifffmm.p. tm^^mMêimumo dêêtMm dimmiipori».
264 HISTOIRE DES REPUBLIQUES ITALIENNES
motifs qui avaient déterminé Innocent à demander que Jem
lui fût remis, et à acheta en quelque sorte le consentement
du grand-mattre d* Aubusson^ en lui envoyant un chapeau de
cardinal 1. Bajazeth cependant, ne se regardant point comme
assez assuré de son frère par sa captivité, chercha les moyens
de le faire périr. Un gentilhomme de la Marche d'Âncône,
nommé Christophe Macrino del Gastagno, prit avec Bajazeth
rengagement d'empoisonner une fontaine qui servait pour la
table 4'Innocent et de Jem ; le poison ne devait faire effet
qu'an bout de cinq jours, mais le malfaiteur fut découvert,
au mois de mai 1 490, avant Texécution de son crime, et il pé-
rit dans un horrible supplice. D'autres tentatives de même
nature furent également déjouées, et la vie tout au moins
de Jem fut mise en sûreté 2.
Il n'était pas difficile de trouver à Bome des hommes prêts
à commettre des actions aussi exécrables ; jamais la ville
n'avait été remplie de plus de scélérats, ou troublée par plus
de crimes. Les meurtriers marchaient la tète levée, sans avoir
satisfait ni la famille dont ils avaient versé le sang, ni la
justice. Le pape ou ses ministres leur vendaient des buUes de
rémission, par lesquelles leurs offenses, et celles d'un nom-
bre déterminé de leurs complices, étaient aboUes ; et lorsqu'on
reprochait au vice-camérier cette vénalité de la justice, il ré-
pondait en parodiant les paroles de l'Évangile : Le Seigneur
ne veut point la mort du pécheur, mais plutôt qu'il paye et
qu'il vive ^.
Le clergé donnait au peuple des exemples si^iscandaleux,
qu'Innocent YIIl se vit obligé de renouveler, le 0 avril 1488,
une constitution de Pie U, par laquelle il était interdit aux
i Dkaio di Siefano infessura. p. 1224. — > Annah Beciea. 1490, S 5, p. 4M. — mario
di StefoHO Infe$surtu p. t9$t. ^ * £t qaum senel int^rrogaFeUir viceeaiiier«rius quare
de delinquentibiu non QiwH Joslitii, sed peouoia «xigeretar, taHM>ndit mb prjssents
videlieet : Deui non vuU moriem pecaOoHs, sed maqis ut totoot et vivaL St^mp
Infeuwta^ DUirto Bommo» p. 1336.
DU MOTSH AOB.
prêtres de tenir des boucheries, des auberges, des maisons
de jea, des maisons de prostitotion, de se faire, poar de Far-
gant , les entremetteurs et les agents des courtisanes. Si,
avertis par trois fois, ils n'abandonnaient pas cette vie hon-
teuse, le pape les primait du droit de décliner les tribunaux
séculiers, et d'invoquer le bénéfice du clergé dans les causes
criminelles oà ils pourraient être compromis i.
Innocent VIU n'avait point donné de principauté à sa
nombreuse famille, mais il partagea entre ses enfanta les im-
menses revenus de l'Église; il en accorda surtout la plus
grosse part à Franceschetto Gybo, son fils aîné. C'était Fran-
cescbetto qui, pour amasser plus d'argent, avait rendu la jus-
tice si indignement vénale. Il convint en 1490, avec les juges
du pape, que la cour apostolique ne recouvrerait le paiement
que des amendes inférieures à cent cinquante ducats, tandis
que toutes celles qui passeraient cette somme seraient à son
profit 2.
Pour ajouter encore à l'ignominie dont la vénalité de la
justice couvrait la cour de Rome, Dominique dcYiterbe,
scribe apostolique, de concert avec François Maldente, fabri-
quèrent de fausses bulles, par lesquelles Innocent permettait,
pour de l'argent, les désordres les plus honteux. 1490. — La
fraude cependant fut reconnue, les deux faussaires furent
arrêtés; leurs biens confisqués rapportèrent douze mille du-
cats à la chambre apostolique. Les parents des coupables
espéraient encore les racheter de la peine de mort. Maître
Gentile de Yiterbe, médecin, père du scribe apostolique, offrit,
par r entremise de Franceschetto Gybo, dnq mille ducats pour
sauver la tète de son fils; c'était tout ce qu'il possédait. Mais
le pape répondit que, comme il y allait de son honneur, il
ne pouvait lui faire grâce pour moins de six mille ducats;
1 ConsUlutio apvd Baynaldum AmaL BecUi. lûs, "S 31, p. 302. — Celle de. Pie Jf
ètâl du f mai 1401.—* SUfano Inf^uwa^DMo mnmmo. p. iWu
266 HISTOIRE DES RÉPUBLIQUES ITALIEHUES
etf comme on ne pat trouver cette somme, les deux faussaires
forent exécutés ' .
te dérèglement des mœurs des papes, le partage des tré-
sors de l'Église entre leurs enfants naturels, avaient presque
cessé d*étre des objets de scandale ; en effet, ce n'était pas de
péchés seulemeilt , mais de crimes que les derniers pontifes
avaient été accusés. Le clergé tout entier seniblait s'être cor-
rompu à leur exemple, et les écrivains contemporains pré-
sentent le tableau le plus hideux du débordement des prêtres.
En voyant les niinistres de la religion si universellement dé-
criés , on serait tenté de croire que cette religion elle-même
n'avait plus aucun pouvoir, et que les prêtres qui TinVOquaient
encore , ou les souverains et les peuples qui la maintenaient
par leurs lois, n'étaient que d'effrontés hypocrites qui trafi-
quaient du christianisme pour leurs seuls intérêts. Mais , si
l'on examine de plus près les passions qui agitaient l'Italie,
ou les préjugés qui régnaient toujours, on s'aperçoit bientôt
que la religion n'avait rien perdu de son empire, encore
qu'elle eût été absolument détachée de la morale. La croyance
que le pape et ses prêtres disposaient seuls des clefs de l'enfer
et du paradis lie s'était nullement affaiblie ; l'horreur pour
toute opinion indépendante en matière de foi, opinion aussitôt
talée d'hérésie, était toujours universelle, et la justice de Dieu^
pervertie entre les mains des hommes, n'était plus invoquée
que comme garantie de la croyance , non de la probité et de
l'honneur.
Ce fut dans ce siècle dépravé , ce fut sous le pontificat de
Sixte IV, l'instigateur de tant de crimes, que l'inquisition fat
intj[H)âuite en Espagne, et que ce tribunal de sang reçut une
jurisprudence bien plus forihidablé et bien plus atroce que
celle qui Favait régi trois siècles auparavant, dans sa pre-
> $<eAiiio infenun, Mario Aornono. p. 1399. — RavnaU& AnnaL BeeUs. t490\ S 92,
p.4ot.
DU MOYEN AGE. 267
mière institution contre les Albigeois. De 1 478 à 1 482, les tri-
bunaux établis en Castille pour examiner la foi des nouveaux
iîonvèrtis firent brûler deux mille personnes ; un nombre de
prévenus beaucoup plus grand encore périt dans les cachots ;
d'autres, et c'étaient ceux qui furent traités avec le plus d'in-
dulgence, furent marques d'une croix couleur de feu sur la
poitrine et sur les épaules, dêclcirés infâmes et dépouillés de
tous leurs biens. Les nouveaux tribunaux ne pardonnèrent
pas même aux morts ; leurs os furent arrachés de la sépulture
pour être brûlés, leurs biens confisqués, et leurs fils notés
d'infamie. Ceux qui avaient dans leur famille le sang de
quelque Maure ou de quelque Juif fuyaient de celte terre de
proscription, et dans la seule Andalousie, cinq mille maisons
Turent abandonnées*. Cent soixante et dix mille familles jui-
ves , faisant ensemble huit cent mille individus, furent ainsi
chassées du territoire de rEspagne ; et cependant le plus
grand nombre dissimula sa religion pour conserver sa patrie,
tandis qu'une foule d'autres furent réduits en esclavage, et
vendus sous la lance du préteur 2.
« Cette sévérité dans la punition des apostats néophytes de
« la race juive, dit Raynaldiis, l'annaliste de l'Église, assura
« auprès des âmes pieuses la plus haute gloire à Isabelle,
« reine de Castille ; quelques-uns cependant la calomnièrent :
« on répandit que ce n'était point pour venger l'injure de la
« divinité offensée, mais pour rassembler de l'or, pour accu-
« muler des richesses, qu'on avait apporté tant de sévérité
« dans les jugements. La reine elle-même ayant témoigné la
« crainte que cette accusation n'eût été portée aux oi'eilles du
« pontife. Sixte IV écarta de son àme tout soupçon formidable
1 Martnœas SlciUus j De relm Mitpumich L. XIX « o. 32, p. iZi.'^ Annales BccU-
êtast. Kaynaldi, r483, S 47-48, p. 338.— UarUma, L XXIV, c. XVII, p. 106.
— < MarianafHistoria de las Espanas. L. XXVI, c. I, p. 142. -^ Rayn. Ann. 1492 , S 8,
p. 408.
268 HISTOIRE DSS BEPUBLIQUES fTALISNHIS
« et applaudit à sa piété par sa lettre du 25 février 1483 * . »
, Les écrivains italiens du xv® siècle, de même que ceux du
xvii% ne parlaient jamais de ces persécutions, sans en ap-
prouver hautement le principe. Les plus modérés, les plus
humains se contentaient seulement de blâmer les détails de
l'exécution. Ainsi Barthélémy Senarega, historien de Gênes,
qui vit plusieurs milliers de juifs s'arrêter dans cette ville,
et qui fut touché de leurs souffrances, nous donne par
son récit une juste mesure des opinions des hommes les plus
philosophes et les plus tolérants de ce siècle. « La loi de leur
« bannissement, dit-il, parut louable au premier aspect, puis-
« qu'elle conservait l'honneur de notre religion ; mais elle
« contenait peut-être en soi tant soit peu de cruauté, si du
« moins nous considérons les juifs comme des hommes créés
« par la divinité, non comme des bêtes féroces. On ne pouvait
« voir sans compassion leurs calamités; un grand nombre
« d'entre eui périssaient de faim, surtout les enfants en bas
« âge ou à la mamelle ; les mères, se soutenant à peine, por-
« talent dans leurs bras leurs nourrissons affamés et périssaient
« avec eux; plusieurs succombaient au froid, d'autres à la
« soif; le mouvement de la mer et la navigation à laquelle
« ils n'étaient point accoutumés, aggravaient toutes leurs
« maladies. Je ne dirai point avec quelle cruauté, avec quelle
« avarice ils étaient traités par leurs conducteurs. Plusieurs
« furent noyés par la cupidité des matelots, plusieurs furent
« forcés de vendre leurs fils, parce qu'ils n'avaient plus de
« quoi payer le nolis ; ils arrivèrent à Gênes en fort grand
« nombre; mais on ne leur permit pas d'y demeurer long-
V temps, car, d'après d'anciennes lois, les juifs voyageurs n'y
« peuvent séjourner plus de trois jours. On les laissa cepen-
« dant radouber leurs vaisseaux, et se refaire pendant qud-
1 Exuu apud Vmwdd, énmO, egcIm. 1483, $ 49, p. 329.
DT7 Moins» AGS. 269
« qoas jouf^ des souffrances de la naTigation. Vons les auriez
« pris pour des spectres : ils étaient maigres, pâles, les yeax
« rentrés ; ils ne différaient des morts qne par le monvemént,
« quoiqu'ils ne se soutinssent qu'à peine. Un grand nombre
« d'entre eux moururent auprès du môle, car ce quartier,
« entouré par la mer, était le seul où Ton permit aux juifs
« de se reposer. On ne reconnut pas tout de suite que tant de
« malades et de mourants devaient apporter la contagion;
« mais au printemps on yit paraître beaucoup d'ulcères qui
« ne s'étaient point manifestés en hiver, et ce mal, longtemps
« caché dans la ville, fit éclater la peste l'année suivante ^ »
Ce n'était pas seulement en Espagne que ce nouveau zèle
de persécution était excité par les prêtres ; le clergé d'Italie
s'efforçait de rivaliser, dans ses sanglantes vengeances, avec
celui d'au-delà des Pyrénées. Chaque année on faisait circuler
quelque nouvelle histoire d'un enfant chrétien que des juifs
avaient volé, et qu'ils faisaient périr lentement sous le couteau,
le jour de Pâques, en buvant son sang à la ronde ; et par ces
contes effroyables on communiquait au peuple la même fureur
contre eux 2. A Florence, frère Bernardino d'Asti, franciscain,
prêcha contre les Juifs pendant une partie du carême de 1 487 .
Il recommanda qu'on eût soin d'envoyer tous les enfants de
la ville au sermon qu'il voulait prêcher le 1 2 mars : quand il en
eut rassemblé entre deux et trois mille, il leur dit qu'il faisait
choix d'eux pour être ses soldats; il leur commanda d'aller
prier chaque matin le Saint-Sacrement dans la chapelle de
l'élise, pour qu'il inspirât aux hommes faits la sainte résolu-
tion de chasser les juifs ; pour cela ils devaient dire trois Pater
noster et trois Ave Maria à genoux. Le matin suivant, tous
oes enfants s'attroupèrent en effet dans l'église, et lorsqu'ils
i Barthotomœl Senaregœ Ùe rébus GenuensUntt, T. XXIV, p. ssi. — "'AoynaMI
Am. Ecoles. A Trente , en an , S 37 ; dans la Harche , en 1476 , S 3^ ; * Hégalopolif ,
en 1492^ S 9) el passkn, — Qontiiiuatear dei Chronique de Monetrelei. Vol. m, f. 19».
270 HÎStOttlÈ DES REPUBLIQUES ITAtîENtïÊS
en sortirent ce fut pour mettre au pillage le quartier des
juifs. La Seigneurie eut beaucou|^ dé peine à les arrêter; elle
Voulut réprimander le prédicateur, qui répondit que les or-
dres de Dieu étaient supérieurs à ceux des magistrats,^ et que
rien ne l'empêcherait de dire dan^ la chaire ce qu'il croirait
convenable au salut du peuple. On fut forcé de le faire sortir
de la ville, au grand scandale de l'écrivain qui nous a trans-
mis la connaissance de cette anecdbte ^ Frère Bemardino alla
terminer le carême à Sienne, où il s'efforça d'ameuter de la
même manière le peuple contre les juifs 2.
Au mois d'avril 1492, un père Francisco, Espagnol, s'ef-
força d'exciter à Naples une persécution semblable contre les
juifs. Après avoir vainement épuisé, toutes les ressources de
son éloquence, et devant la cour et dfevant le peuple, il tenta
aussi de faire parler les morts; il fit apparaître l'ombre dé
saint Cataldus, patron de la ville de Tarente, qui avait vécu
au V® siècle ; il fit déterrer une cassette où il avait enfermé des
prophéties écrites sur des lames de plomb, dans lesquelles la
ruine du royaume de Naples et lîi mort prochaine du roi
étaient prédîtes, s'il ne se hâtait d'expulser les juifs de ses
états ; et comme Ferdinand ne lui donnait point assez de cré-
dit, il occupa la cour de Kome et l'Italie entière de ces pro-
phéties, qu'on prétendit plus tard avoir été réalisées par l'ex-
pulsion de la maison d'Aragon du trône de Naples 3.
En même temps les tribunaux ecclésiastiques retentissaient
d'accusations de sorcellerie, et le spectacle de malheureux pé-
rissant dans les flammes, comme magiciens ou comme héréti-
ques, devenait chaque jour plus fréquent*.
Les dominicains ne voulaient point consentir à ce que lè
1 tdeordmze di THbaldo de RossU DeL Erud. T. XXIII, p. 2S8. * * Allegrttlo AUe-
0ft«ui, Htaeto Siime9€. p. %9i,'.^ 8 iç^umw- PAfUanv», d^ Savume^ u IJI, cap oit.
Pk i6ja>.-"ikwfi^^ Biçtiifmfmiyç a^M^tms nu Ga(aik^.r- Jf^moir^ de mum^
em^^f hk^lUf^f^UY, 9^ )N19^ — * ûa «0 l|»pvf«|ùyfc.âiffifii)«iwml m ei«inf|« plus
offtoyabte que celui die la penéoution d'Airai en 1459, contre les malbeureux acciuét de
DU MOYEN AGB. 271
pouvoir civil prit connaissance de leurs sentences, encore que
ce fût à lui seul à les exécuter. Innocent "YIII privait, le
30 septembre 1486, à Tévêque de Bresda : « Notre fils chéri,
« frère Antoine de Brescia, inquisiteur de T hérésie en X^om-
« bardie^ ayant condapné quelques héréUques de& dieux sexes
« comme impénitents, et ayant requis les ofQciers de justice
« de Brescia d'ei^écutêr sa sentence, noua ayons appris avec
« étonnement que ces officiers avaient! refusé de rendre j^Sr
« tice, et d'exécuter les jugements de la sainte inquisition,
« si on ^e leur donnait connaissance du procès. £n consé-
« quence, nous yous commettons et vous ordonnons par les
« présentes, de j[nwder et d'enjoindre aux officiers séculiers
« de la ville de Brescia, d* exécuter les pi^ocès que vous aurez
« jugés, sans appel, et sans les revoir nullement, dans le terme
« de six jours après qu'ils en auront été légitimement requis,
« sous peine d'excommunication et de toutes les cœsures éc^
vaudoiaie. Voici comme MoDStrelet la raconte, ChrofAqwu du roi Charles flL Vol. Ul,
C.S4:
9 En celte anoée, ea la ville dTAiraB, au pays d'Artois , adWDt un terrible cas et. pi-
«t toyable, que l'on nommait vaudoisie , ne sçais pourquoi. Mais l'on disoit que ce esloit
« aucunes gens, hommes et femmes, qui de nuict se transportoient, par yeriudu diable,
« des places où ils étoient, et soudainement se trouvoieot en aucuns lieux arriére de
« gens y es iwis on. es diserts, ta oâ ils se tronvocent ep Drèi grand nombm hnanee et
« femmes \ et trouvoient ijlec un diable en forme d'honupe, duquel ils n» veoient jamais
«c le visage : ei ce diable leur lisoit ou disoit ses commandements et ordonnances , et
« comment et par quelle manière ils le dévoient adorer el servir. Puis Ciiaoit par
« chacun d'eux baiser son derrière, et puis il bailipit à chacun un peu. d'argent, et fins-
« blement leur adminislroit vins et viandes en grande largesse, dont ils se repaissoieni:
« et puis tout à coup chacun prenoit sa chacune ; et en oe point fl'estwdoit la lumière,
« et cognoissoient l'un l'autre charncUement ; et ce fait, tout soudainement se retrouvoit
« chacun en sa p^aca» dont ils étoient partis premièremçnt.
« Pour cette fplie fureot prips et emprisonnés plusieurs notables gans de la dicte ville
« d'Arras, et autres moindres gens, femmes folieuses, et autres; el fkureni tellement
«c géhéoés, et si lerriblemeut tormeutés, que les uns confessèrent le cas leur être ainsi
« advenu , coinme ditest , et outre plus confessèrent avoir vu et eogtiu en leur assem-
« blée plusieurs gens notables, prélats, seigneun et autres, gouyenseunde bailliages
« et de villes; voire lels, selon commune renommée, que les etamimiput» et.les juges
« leur nommoieut, et metlpient en bouchç , si que par forçA de piiMftet.de toraiens
« lus les accusoienty^e^disoiem qpe voij^em^ i(| les y.gVQieiil vus ; H lo8.aiicuni «insi
« nonqpèB étaient tantôt après pris et emprisonnés , et mis à la torture, tant et si tréi
272 HISTOIU DIS BfpiJBLIQUKS ITALIEIIHSS
« dériarticpies, qa*ils encoarront par.lear seule désobâssanoe,
« sans nonyelle promulgation *. »
Ainsi ce ne fut ni la barbarie da moyen âge, ni un zèle ar-
dent et enthousiaste,dans un temps où la religion échauffait ton-
tes les âmes, qui allumèrent les bûchers de Tinquisition. Gène
fut pas dayantage la nécessité de défendre TÉglise contre les
progrès des noyateurs, comme d^autres l'ont supposé. Les
persécutions les plus furieuses, les plus implacables, entre
celles qui souillent Thistoire du clergé, sont antérieures de
quarante ans aux premières prédications de la réforme ; elles
sont contemporaines du plus grand déyeloppement qu'aient
reçu les lettres, la philosophie, la culture de la raison hu-
maine, ayant cette époque mémorable; elles datent aussi du
moment oii la cour romaine était arriyée au dernier degré de
corruption, et elles sont la conséquence nouYclleet effrayante
du système de compensation que cette corruption même ayait
fait adopter aux croyants. Aux yeux des Sixte IV, des Inno-
cent Vin, des Alexandre VI, on effaçait la tache du crime
par la rigueur ayec laquelle on préservait la pureté de la foi.
Une persécution sufJBisait pour layer la honte de mille parju-
res, de mille impuretés, de mille forfaits. Ceux qui dans leur
« loBflEaeaMDty et par tant de fois, que confesser le lenr conyenoU ; et furent ceux-ci
« qui éloient de moindrai gens , exécutés et brûlés inhumainement. Aucuns autres phis
« ricties et plus puissans , se rachetèrent par force d'argent, pour éviter les peines et
« les hontes qu'on leur falsoit, et de tels y eut des pins grands , qui furent prêches et
« séduits par les examinateurs, qui leur donnoienté entendre , et leur promettoient,
« sUs confessoient le cas, qu'ils ne perdroient ne corps ne biens. Tels y eut que souf-
re tKrent en merreilleuse patience et constance les peines et les tormens , mais ne you-
« lurent rien confesser é leur préjudice et ne fait ici à taire ce que plusieurs gens
«c de bien cognurent assez , que cette manière de accusation tai une chose con-
«r trouvée par aucunes mauvaises personnes , pour grever et détruire ou déshonorer,
« ou par ardeur de convoitise, aucunes notables personnes, que ceux haioient de
« vieille haine. »
Cest à cause dé ce loapçon que l'historien ose cette fois en parler avec liberté. A
chaque année presque on trouve Pindicallon de persécutions semblables dans un lieu ou
dans un autre; mais les chroniqueurs les regardant comme justes et saintes , ne les
rappelaient ordinairement que par un seul mot. — i BuUarlum Bommum, innoûn-
tU nu CoMfUullo ileclma» ifwd BaynM. Amud, Becles. I4t6, S S7, T. XIX, p. 37T.
DU MOYEN A6£. 273
jeunesse oa leur âge mûr avaient cédé à la fougue du tempé-
rament, ou aux fureurs de Tambition et de la yengeance,
pouvaient se faire tout pardonner, si, dans le dernier déclin
de leur vie, ils allumaient des bûchers pour les juifs, les Mau-
res et les hérétiques. Cette affreuse morale, dominante en Es-
pagne, prèchée en Italie, soutenue dans toute la chrétienté
par les bulles des papes, s'étendait rapidement vers les pays
moins éclairés. Il est difficile de prévoir quel aurait été le
terme de cette progression effrayante, si la révolte d*une par-
tie de l'Allemagne contre la tyrannie de Kome n avait, après
une longue lutte, forcé les papes à renoncer à cette intolé-
rance sanguinaire, qui était devenue pour eux le but unique
de la religion.
A peine le collège des cardinaux, si zélé pour maintenir la
pureté de la foi, remarqua-t-il le parjure du chef de TÉglise,
lorsque, au mois de mars 1489, Innocent YIII, au mépris de
ses serments, ajouta six nouveaux cardinaux au consistoire,
encore que ce collège ne fût pas réduit à moins de vingt-qua-
tre membres; au contraire, l'annaliste ecclésiastique approuve
cette conduite, parce que les conditions imposées par les car-
dinaux pendant que l'Église est privée de son pasteur, sont
annulées par une constitution d'Innocent YI. Mais ce même
annaliste Baynaldi, toujours si dévoué ail Saint-Siège, se ré-
crie sur ce que, « par un honteux exemple de mépris pour la
« discipUne ecclésiastique. Innocent YIII avait nommé car-
« dinal le fils adultérin de son frère, et le beau-frère encore
« enfant de son propre bâtard ^ » La seconde de ces élec-
tions qui excite l'indignation du plus orthodoxe des servi-
teurs de l'Église, est celle de Jean, fils de Laurent deMédicis,
qui fut ensuite Léon X. Il n'était en effet âgé que de treize ans,
et le scandale de donner à l'Église un si jeune prince était
1 annal. Eccles. RaynaldL U89, S 19, p* 396.
VII. 18
274 HISTOIRE DES BÉPUBLIQUES ITALIEiniES
an de ceax contre lesquels le serment d* Innocent YIII aorfât
dà le mettre en garde. Il sentit cependant quelque honte
d'une élection désapprouvée par plusieurs membres da sacré
collège, et il imposa pour condition au jeune Médicis l'obli-
gation de ne point prendre sa décoration nouvelle, et de
ne point venir à Rome pour siéger dans le consistoire avant
que trois ans se fussent écoulés, et qu'il eût atteint sa seizième
année 1.
L'alliance intime entre Laurent de Médicis et Tnuo-
cent YIII, conséquence de la faiblesse du pape, établissait
ain^ sur de nouveaux fondements la grandeur de la mai-:
son de Médicis. Cependant Laurent appesantissait chaque
jour davantage le joug que portaient ses concitoyens : an
commencement de Tannée 1489 , il osa punir avec une ii^o-
lence révoltante le gonfalonier Néri Gambi, qui venait de
sortir de charge, pour avoir lui-môme maintenu les droits
de sa magistrature, et admonété, sanjs consulter Laurent^
quelques gonfaloniers de compagnies qui ne s'étaient pas
rendus à leur devoir. On trouva une telle conduite trop
orgueilleuse vis-à-vis de Laurent , prince du gouvernement,
et ce nom de prince, jusqu'alors inconnu à une cité libre,
commença à être prononcé dans Florence s.
La conséquence de ce changement fut d'ôter à l'histoire
de Florence tout mouvement et tout intérêt. Toute la po-
litique de la république fut concentrée dans le cabinet de
Laurent de Médicis, et se trouva par conséquent ensevelie
1 AtmaL Eccles» ê» Burchaydi DiàrUs. U89 , S 21 , p. 397. — IstoHe ai Giovanni
CambL T. XXI «p. 63. ~ La cérémonie de l'envoi du chapeau et de la cooséeration de
Jean de Médicis se flt dans l'abbaye de Fiésole, le 9 janvier 1492. Scipione Ajnmiraio,
L. XXVI, p. 186 ; et, plus en détail , Roscoe, Ufe of Lorenzo, Appendix . S 65.— Roscoê
a reproduit aussi une lettre fort sensée de Laurent à son jîls, sur ses deyoirs et sa con-
duite dans le 'sacré collège, où il se trouvait le plus jeune, non pas seuleo;ieot des
cardinaux présents, mais ^e tous ceux qui y avaient jamais été. ibid S 66. T. ÏV, p. 89.
^s Scipione Ammirato- L. XXVI , p. 184-186. — Istorie di Gio. Gambi, T. XXI, p. 39.
Cet historien était fils du gonfalonier Neri Gambi , admonesté dans cetlo occasion.
BU MOTEH AGE. 375
dm» le inlenoe et ]lç «ecret. Ses panégyristes OQt écrit qu'il
HYait tecu la balance de T Italie; qu'il avait empêché Inno-
$mt yiU de faire h guerre à F^diuaud,, après Tavoir
e^coa^nuinié j^ 1 489^ ^ déelajné déchi^ du troue de Naples^;
fQ'il avait «pnpèclié 1^ duc de ç;ala)>re de j^eudre, les
armes à la maiu, to défense de Jeau Galéaz Sforza, son geu*
dre, ooûtre Loms-le^Maure; qu*il avait enfin été constamment
le garant ^ le médiateur de la paix en Italie. Cette action
continuelle de Laurent de Médicis est possible, elle n'est point
improbable^ maïs il n'en reste aucune trace dans les historiens
jSoràitins. Cette république, autrefois le centre de toutes les
uégodaiions de l'Italie, semblait devenir étrangère à tous les
pwds iutérêto de cette contrée. Ses annales soqt vides. Sci-r
pian AmmiratP passe rapidement sur le^ ooms d(3 plusieurs
gosfaloniers sans «mrquer leur admipuMratioa par aucun
événement 3. I^^ «utres historiens se taisent iégaiement sur
00tt3 épocprn; ils ne S(e sentateut plus entraînés k écrire ï histoire
lorsque les inlécèls de la patrie u'étaieat fd^ps c^^ de
chaeun ^.
Dans ce silenea universel, on fait presque d<mestîq99 fi^a
1 Annal' EceUs. Baynaldi. 1489, S S et 9, p. 394. — > Sdpione Ammirato, L. XXVI ,
p. 1I4-18S.— s M. Rofcoé me reproche avec un redoublement d'ameriume (lllustr. p. i67),
mon dédain pour lei négociations seeréles de Uureni à la cour d'Innocent Vill. 11 pnJblif
un bug fragment de Fabbroni destiné à en yndre compte, et partie de la corresponUance
de Laurent avec J. Lanfredini , ambassadeur de la république à Rome. La nature du
crédit que Laurent exerçait A Rome par le mariage de sa fille arec le fils du pape, if
but de ces négociations, par lesquelles il youlait déterminer Innocent VUI à abandonner
les barons napolitains , protégés par l'Eglise , aux vengeances de Ferdinand ; leur ré^
wltat, la tyrannie du roi, le déshonneur du pape, et l'accumutation de beaqcqup de
bénéfices ecclésiastiques dans la maison de Médicis , me paraissent mériter des éloges
moins pompeux. Je vois dans celle correspondance des intrigues plus ou moins habiles,
]0 n*y trouve plus rinterreotion honorable et franche de la république en farcurde tous
les opprimés , telle que nous l'avons vue dans le siècle précédent. Au reste , j'ai dit
seulement que ces négociations étaient ignorées des historiens florentins ; et ce n'est'
pas seulement de Scipiooe Ammirato, qui avait les archives publiques à sa dispositio}i.«
mfiis de Gio. Gambi, de Lioaarda MorelU et de Tribaldo de Rossi, tout trois contem-
porains, et qui tous trois font senlir dans quelle Ignorance des affaires publiques étaient^
alors laissés les citoyens floreotins. Dans la oolloction DeliUe d^gU E^wiU. T. XlX^X&ilI.
M'
276 Hisronas des BÉPUBLK^tjEâ italienihes
rattention. Laurent de Médicis, toujours engagé dans le côiH^
merce qu'il ne pratiquait point Id-mëme, et qu'il n'entendait
point, avait remis ses affaires à des commis et à des agents
établis dans diverses places de l'Europe. Ceux-ci se regar-
daient comme les ministres d'un prince; ils étalaient dans leurs
comptoirs un luxe ridicule, et ils unissaient la négligence à la
prodigalité. La fortune brillante que Gosme avait laissée à ses
petits-fils fut dissipée par ce luxe insensé ; mais pendant long-
temps les obligations des receveurs delà république couvrirent
le vide que laissaient les opérations de banque. Tous les re-
Ycnusde l'état étaient distraits par ces anticipations, ils avaient
passé tout entiers entre les mains des commis de la maison de
Médicis , et ils étaient dissipés comme le reste dé la fortune
de cette maison avant même d'avoir été perçus. Le moment
vint oti ces opérations ruineuses ne purent pas être conti-
nuées plus longtemps, et il Tint au milieu de la paix qui aurait
dû ramener l'aisance dans les finances de la république. Le
13 août 1490; la Seigneurie et les conseils se virent obligés
de nommer une commission de dix-sept membres pour réta-
blir l'équilibre entre les monnaies, les gabelles et toutes les
finances de la république. Telle était la corruption dans la-
quelle eette noble cité était tombée, que cette commission ne
rougit pas de faire faire banqueroute à la patrie, pour sauver
les Médicis de la banqueroute.^La dette publique , dont l'in-
térêt était fixé à trois pour cent, fut réduite à ne rendre qu'un
et demi; et la défiance ajoutant encore à cette réduction, les
luoghi ai monter ou actions de cent écus , qui se vendaient
vingt-sept écus avant cet édit» tombèrent à onze écus et demi.
Les fondations pieuses qui avaient été faites par la république
et par un grand nombre de familles pour payer des dots aux
filles à marier, furent supprimées ; on en, promit seulement
l'intérêt au bout de vingt ans, à raison de sept pour cent ^
1 iJiarie di Giov. CambL T. XXI , p. S4.
DU MOTEN AGE. 277
Pea après, ces magistrats, qui se fidsaient nommer les ré/br-
mat€ur$^ décrièrent les monnaies qui étaient en conrs, décla-
rant qu'ils ne les receTraient plus dans les caisses publiques
que pour un cinquième au-dessous de leur valeur. Cependant
la Seigneurie continuait ensuite à les donner elle-même en
paiement au cours du marché , en sorte que ce décri fut une
manière frauduleuse d'augmenter d*un cinquième les reyenus
de rétat, sans faire porter de loi à cet effet par les seuls con-
seils qui eussent le droit d'établir des impôts i. La fortune de
Laurent de Médicis ayant été ainsi sauvée aux dépens de la
patrie, il sentit Timprudence de la laisser davantage dans un
commerce ruineux, et il employa les capitaux qui lui étaient
rendus à acheter de vastes fonds de terre ^.
Les annales de Bologne, république longtemps alliée de Flo-
rence, et qui avait tenu en Italie un rang presque ^al , ne
présentaient de même plus aucun intérêt, depuis qu'un dtoyen
puissant a\ait abusé du crédit que sa famille avait acquis par
de longs services, et s'était emparé de tout le pouvoir. Jean
des Bentivogli occupait à Bologne, dès Tan 1 462, précisément
le même rang que Laurent de Médicis occupait à Florence.
Gomme lui, il était entouré d'artistes et d'hommes de lettres
distingués, qui, par un éclat d'emprunt, faisaient illusion aux
Bolonais sur la perte de leur liberté. Gomme lui, il alliait sa
famille aux maisons souveraines : Annibal, l'atnéde ses quatre
fils, avait épousé la fille d'Hercule, duc de Ferrare 3. Violante,
l'une de ses sept filles, épousa, en 1 480, Pandolfe Halatesti, sei-
gneur de Bimini, et nous avons vu une autre de ses filles, Fran-
çoise, femme du prince de Faenza , qu'elle assassina. Gomme
Médicis, Bentivoglio donnait au peuple des fêtes splendidcs ,
et lui présentait , en dédommagement des droits qu*il avait
perdus, l'éclat et le spectacle d'une cour. Gomme lui encore,
* Sc'tpione Ammirato. L. XXVI, p. i85. — Bïacchiavellû r.. Viii, p. 448.— « Annales
Bononienses nier, de BwtieUU^ T. XSUI, p. 906. — > Ibld. p. 908.
^78 HISTOIRE DES fiÉPUBtiQVES ITALIENNES
jH ornait sa résidence d'édifices somptuieiix, de pateis, de tem-
ples, dont la construction remplît seule les annales de Bolo-
gne 1. Bentivoglio l'emportait sur Médîcis par la vertu mili-
taire; il pouvait conduire lor-môme ses armées, il faisait foire à
ses fils le métier de condottiere, et il n'était pas obligé de s'en
fier uniquement à des bras mercenaires pour la défense de son
état ; maïs Bentivoglio était inférieur à Laurent par les talents
personnels. Il n'avait point ce goût , cette élégance qui ont
fait oublier dansMédicis l'oppresseur de la république floren-
tine, pour ne voir en lui que le protecteur des lettres. Il n'a-
vait pas non plus cette facilité de caractère, cette douceur
dans le commerce intime de 9es familiers qui assurèrent à
Laurent des amis distingués, dont le témoignage nous fait il-
lusion encore aujourd'hui.
La grandeur de Bentivoglio excitait cependant autant de
jalousie à Bologne que celle de Médîcis à Florence ; la famille
des Malvezzi, comme celle des Pazzi dans l'autre république ,
ne pouvait se i^ésigner à descendre ad rang de sujette après
avoir joui de l'égalité. Jules, fils de Virgilîo Malvezzi, et Jean,
Philippe et Jérôme, fils de Baptiste Malvezzi, ourdirent une
conjuration pour tuer Jean Bentivoglio. Ils furent découverts
fe 27 novembre 1488, avant d*avoir t^nté Texécution': plu-
sieurs d'entre leurs associés s'échappèrent, aussi bien que Jé-
rôme et Philippe Malvezzi; mais Jean Malvezzi, Jacques Bar-
zellîni et dïx-huit de leurs complices furent pendus ; tous les
membres de cette famille nombreuse furent exilés dès le matin
suivant, encore qu'ils n'eussent aucune connaissance de la
conspiration, et leurs biens forent confisqués-. Jusqu'à deur
religieuses qui étaient au couvent de Sainte-Agnès en furent
tirées pour être transportées à .Modène , parce qu'elles por-
taient ce nom odieux; et la conjuration des Malvezzi, en
» Atmal. BoHonien$€$Bier. de Bursemi. p. m, 906 ^pa$êlm.
DU MOYEN AGE. 279
caiisant la' raine d* une maison qui, par son crédit et ses ri-
chesses, occupait le second rang à Bologne, ne servit qu*à
augmenter la puissance de ceux contre qui elle avait' été di-
rigée ^
La' ville de Pérouse, qui longtemps avait tenu uii rang dis-
tingué parmi les républiques de Toscane, n* était pas exempte
de troubles à peu près semblables, encore qu'elle eût perdu,
avec son indépendance, sa population et son antique opu-
lence. Toujours divisée entre les deux factions des Oddi et des
Baglioni, leur guerre civile s'était terminée, en' 1489, par
Texil des premiers, aussi bien que de tout ce qui restait de la
famille de Braccio de Môntone^. Ces exilés, secourus par le
duc d'Urbin, et assurés de l'assentiment secret d'Inno-
cent Vlfl, trouvèrent moyen de rentrer dans Pérouse le 6
juin 1491, à la quatrième heure de la nuit; ils comptaient
sur les intelligences qu'ils croyaient trouver dans la ville. Ils
furent au contraire à peine découverts que tous les citoyens
lés attaquèrent avec acharnement. Une cinquantaine d'émi-
grés rentrés furent tués dauff ce combat; une centaine d'au-
tres , déjà couverts de blessures , furent faits prisonniers et
pendus incontinent. Le protonotaire Fabrice et un autre prélat,
nommé Bodolphe , chefs principaux de la faction des Oddi,
furent massacrés; et le i^ape, apprenant la défaite du parti qu'il
avait paru favoriser, ne fit point de difficulté d'accorder aux
fils des vainqueurs les bénéfices des prêtres morts dans cette
déroute 3.
Enfin, la ville de Gènes n'était pas alors plus libre que les
antres républiques auparavant ses alliées. La révolution du
mois d'octobre 1488 Tavalt soumise au duc de Milan, et Au-
gustin Àdorno la gouvernait en son nom; mais, comme un
> Hieron* de BurselUs, p. 907-908. — DIarto. Fenann, % XXIV, p. 281. — Stefan^
infessuroj Diario di Aoma. p. 1222. — * Stefano infeêwra, DiaHo di JUnna, p. ist».
—8 ibid. p. 1387,— Orhndo MalwolH,Siorttt di SUna. P. UI, L. VI, f. M*
280 HISTOIRE DES BÉPUBLIQUES ITALIEimES
parti avait pea auparavant ioToqné la protection da roi de
France en loi offrant la Seigneurie de Gênes, Louis-le^Maore,
pour concilier ses prétentions avec celles de son puissant voi-
sin, avait demandé à tenir Gênes comme un fief mouvant de
la couronne de France, et Charles YIII Ten avait investi en
effet en 1490 à cette condition ^
Les autres états de l'Europe, distraits à cette époque par
des guerres intérieures, exerçaient peu d'influence sur la po-
litique italienne ; aussi le repos qu'on goûtait à la fin du quin-
zième siècle, ce repos si favorable aux lettres et aux arts, et
que tous les Italiens ont célébré pour Topposer aux guerres
longues et sanglantes qui allaient bientôt commencer, n'était-
il point le fruit de la politique, mais le résultat d'un ensemble
de circonstances qui ne pouvaient pas durer longtemps. La
France, d'où l'orage devait bientôt fondre sur l'Italie, n*était
pas encore prête pour la guerre qu'elle méditait, Charles VIII
avait déjà conçu dans sa jeune tète le projet de conquérir le
royaume de Naples, projet qu'il exécuta ensuite avec un suc-
cès si disproportionné à ses forces ou à ses talents 2. Mais la
rivalité entre la dame de Beaujeu, sa sœur, gouvernante du
royaume, et le duc d'Orléans; la guerre contre le duc de Bre-
tagne et celle contre Maximilien, fils de Frédéric III, qui par
sa femme avait hérité de la maison de Bourgogne, occupaient
alors la France par des intérêts trop pressants pour qu'on
pût prévoir qu'elle quitterait tout à coup toute autre pensée,
et verserait tontes ses forces sur l'Italie.
Maximilien, qui devait à son tour y porter la guerre , tan-
tôt comme rival , tantôt comme allié du monarque français,
était alors uniquement occupé de ses démêles dans les Pays-
Bas. Au mois de juillet 1477, il avait épousé Marie , héritière
^ Barth. Senaregœ De rébus Genuens. T. XXIV, p. sss. -^ Philippe de Comines^
Mémoires, L. VU, chap, m, p. isi.— 9 PhiUppe de Cçmines, Mémoires. L. VII, chap. V,
p. 158.
00 MOTD A0S. 281
de Bourgogne ; il Tarait perdue le 28 Bnn 1482, et dfs 1(«
ses sujets avaient commencé à hû contester la régence de ses
états, et le droit d'élerer son fils Philippe. Maximilien fut leur
prisonnier pendant neuf mois à Bruges, et à cette époque, il
songeait peu à faire valoir les droits de roi des Romains qu'il
aTait acquis en 1484, ou à descendre en Italie pour ppotégw
Innocent YIII, comme odui-d l'y iuTitait en 1490 ^
Frédéric III, son père, arrivé à une grande vieillesse, était
loin de montrer, après cinquante ans de règne, une vigueur
qu*on avait vainement attendue de lui dans ses jeunes années.
n n'avait su ni repousser les Turcs, ni se foire aimer des Alle-
mands, ni maintenir les droits de sa couronne. S'engageant
dans des guerres injustes avec Mathias Gorvinus, le héros de la
Hongrie, il n'avait pas mieux défendu contre lui son propre
héritage. L'Autriche était envahie, et il errait de ville impé-
riale en ville impériale, ou de couvent en couvent, vivant aux
dépens de celui qui lui donnait l'hospitalité s.
Mathias Gorvinus, roi de Hongrie, qui seul avait eu la gloire
d'arrêter Mahomet II au milieu de ses conquêtes , et d'avoir
sauvé peut-être la chrétienté, s'était trouvé plus mêlé à la po-
litique de ritalie qu'aucun de ses prédécesseurs, si l'on ex-
cepte Louis^le-Grand de la maison d'Anjou. Son alliance avec
Yenise, son mariage avec Béatrix d'Aragon, fille de Ferdinand
et belle-sœur d'Hercule, duc de Ferrare, son obéissance aux
Tolontés du pape et ses guerres avec l'empereur avaient mul-
tiplié ses rapports avec les Italiens ; mais il mourut le 5 avril
1490 ^. Ginq prétendants se présentèrent pour disputer sa
s Amal, Eedetiast, Baynaldl, 1490, $ S, 6 et T, p. 498. — Spiegel der Bbren. B. V,
c. XXXn , p. 9S6 ; c. XXXV, p. 978. — * Spiegel der Ehren der Erzhautes von Oester-
reich, B. V, c. XXXI, p. 92». — Fugger compte cependant Yingl-six guerres différenles
de ce souTenin. ibid. B. V, c. XLI, p. 1073. — * Bonfinius , de rebm Hungaricis* D. IV,
L. VIII, p. 612,-^ Annal, Eecles, 1490, $ lo et il, p. 399. ^ Marin Sanuio^ Vile de*
duehi di venexitu p. 1247. — Diario Ferrarese, p. nt, — Spiegel der Ehren, Buch. V,
cap. XXXVIII, p. 102S.
3d2 HISTOIRE DÉ& BEPÛBLIQUES ITALIENNES
conroniLe. Jmû Êorrinus, son bâtard, était enû'e enx celai
cpii, par Fhéritage de plus de' vertus, semblait y avoir le plus
dte droits. Néanmoins, Uladislas, roi de Bohême et fils du roi
de Pologne, lui fut préféré. Cette élection amena ledéchire-
meût de la Hongrie. Les Allemands, les Polonais, lies Turcs
et les mécéttteufs hongrois s'en disputèi'ent les provinces; tous
les temples chrétiens furent mis .en cendres jusqu'à Waraddin;
la Croatie et^fe Transylvanie furent ravagées en 1 49 1 , et Schà-
batz, le boutevard de la chrétienté, fut assiégé par les musul-
mans. Albe royale et Schabatz ne tombèrent pomt cepen-
dant att pouvoir des Turcs; mais Paul deKinitz, qui les délivra
Tannée suivante , souilla sa victoire en exerçant sur ses pri-
sonniers d'effroyables cruautés i.
En Angleterre Henri VII avait mis, en 1485, un terme à
la tyrannie de Richard III, et il cherchait à affermirune au-
torité encore mal reconnue. En Espagne, Ferdinand et fsa-
belle, rois d'Aragon et de Castille, acquéraient bien plus ra-
pidement (}ué tous ces souverains un pouvoir plus étendu, et
Uti réputation européenne. Ils avaient obtenu à la cour du
pape un' crédit qu'on n'avait vu exercer par aucun de leurs
prédét5esseurs; et toutes les puissances de l'Italie tournaient
constamment les yeux vers l'Espagne. A cette époque même
il» jetaièîtt les fondements d'une puissance bien plus vaste :
Christopbe Colomb découvrait pour eux, en 1492, lé Nou-
veiffi-Mofiâe, tandis que les Portugais étendaient leurs éta-
btissements sur toutes les côtes d'Afrique, et qtt'en 1486,
BsatlhélëoA Dtez franchissait le cap de Ëoiioe-Esjpérance.
Mais toutes les forces, toutes les richesses des souverains
d'Espagne étaient dirigées eontre le TXiymmieêé€iMmie\
dont la conquête était, à cette époque , l^objèt unique de
leur ambition. La capitale seule de ce dernier rt^fiimie des
* BonfinHà^ner, Bwtffat. Déca V,'L. Il, p. 7ÏT,^AnnaL Bccles, 1491, S U, p« 40S.
^^iegel der Ehrcn. h, V, c. XXXViii, p. i03l.
oà Étoiià Kùf. 28S
lÊà»en &ï Ésjîmgflé, ce foyef &oh les lofiïMfereïf , les artsr ef
tes seierice» asiatiques et des anciens à'éfâiént' rëpandûs sur
r Occident, conservait encore son itidépeudarice. L' attaque de
Ferdinand et d* Isabelle était considérée par les Latins
eomme une guerre sacrée, eh*coT*é'(![u'iI ne s'agît point, pour
les chrétiens, de recouvrer detf lîeûx consacrés à la religion,
comme eiï Syrie, ou de se défendVé co'Mrë Tinvasion des bar-
bares, comme en Grèce et en Hongrie ; maïs au contraire dé
ohasser nu peuple plus civilisé que ses agresseurs d*une de-
meure qu'il ôcèUpËit depuis huit? cèiltà ans. La chute du i*oï
Boafodil et lia priée de Grenade, le 2 janvier 1 492, furertt
cél^rée» dans toute FEurope comnië lé tridînlphé de la chré-
tienté f.
C'est ainsi que tout se préiiarait pour une ère nouvelle,
non paë ddbs T Europe seule, mais dans le monde entier. Les
régîonsdér Orient et de 1* Occident, rapprochée^ paruhe na-
vigatiotljusqu'alors jugée impossible, venaient se lier à l*Eu-
rope, comme au centre de la puissance et de la civilisation.
Les nationsr s'éprouvaient dàtis dé dernières guerres dvîles,
et développaient ainsi des foi-ëès qu'elles' devaient bientôt
tomiîér au dehorà. L'EspcIgtte, là Fi-aiic^, rAlIemagne, TAn-
gleterre, allaient arriver sur le champ de bataille, comme des
cotossés', avec lesquels* lés fitif^sànëè^ qui' jusqu'alors avaient
cru tieiSfr la balance de rEufôpcr ne seraient plus en état' de
hitt^. Lé temps était venu où l'africien ordre de choses de-
vait cfttatiger ; la liberté des petitsf peuplés s'était successîve-
nlent anéantie,- fous les princes d'une même nation qui , au-
irefois'ittdépendÀntS, n'étaient dnis que par les lieùS relâchés
detefj^odalité, étaient tombés du rangde rivaux du nfiotlarque
k ceitti de sojétt. La force qu'il»' avaient si longtemps dépen*^
sée lei^mis contre les autres, poui* satisfaire leurs' propres pas^
1 Voyez, sur les fétei de l'Italie à cette oecasion, BarthoL Senaregœ, De rehiu 09-
tmenê. p'. 53f. — Annal Eccla, Raynald. i493, S it Sf S» P* 406.
284 mSTOIBE 0JE5 SiPDBLKIUES rTALIEHlVIS
flknig, pour détoidre leors droits oa leur orgueil, ib aDaient
la prb^goer gom les ordres d!oQ mdtre. Ils allaient diercher
an loin la gaerre qae â longtemps ils ayaient trouvée à leur
porte. Les armées allaient compter aatant de milliers de sol-
dats qu'elles en comptaient auparavant de centaines; les
guerres allaient prendre un caractère nouveau de férocité,
parce que les peuples qui allaient combattre différeraient ab*
solnment de coutumes, de mœurs, d'opinions, surtout de
langage ; en sorte que la prière ne serait plus entendue,
que la pitié n'ébranlerait plus les âmes. Le ressentiment de
longues privations dans de longues marches, de longs campe-
ments, de longues maladies, allait endurcir le cœur des guer-
riers. Les hôpitaux militaires, dont l'existence avait été jus-
qu'alors imx)nnue, allaient bientôt consommer plus de soldats
que le fer et le feu; et cependant les batailles devaient rougir,
en peud'années, le sol italien de plus de sang qu'on n'en avait
versé pendant tout le dernier siède. Tout devait prendre un
caractère plus fort, plus sévère ; tout préparait à des révolu-
tions plus douloureuses, à des secousses plus violentes, et il
ne dépendait point du génie d'un homme de retarder ou
de b&ter une crise que la nature des choses rendait néces-
saire.
Les ItaUens, qui virent tout à coup succéder ce boulever-
sement de leur patrie à une période de calme, de richesses et
d'éclat dans les lettres, attribuèrent le changement dont ils
ressentaient les effets aux hommes qu'ils avaient connus. Ils
firent honneur à Laurent de Médicis d'avoir maintenu en
paix l'Italie, parce que la grande invasion qni1a bouleversa
n'eut lieu que deux ans après sa mort. Ils accusèrent Louis-
le-Maure d'avoir, par son ambition privée et parla plus fausse
politique, livré sa patrie à ces étrangers qu'ils nommaient
barbares^ parce qu'il renouvela l'invitation qui leur avait été
adressée déjà vingt fois, dans ce siècle et le précédent, de
hV MOYEU AM. lâ&
prendre part ML guerres d'Italie. Mais Laurent de Médicis
n'ayait point empëdié Loais XI de dicter an yieox roi Bené
son testament da 22 juillet 1474, ea fayeurdo comte da
Maine, on de dicter à celni-ci son testament du 10 décembre
148 U enfayeur de la couronne de France. Toutes les pré-
tentions des rois français au royaume de Naples ayaient donc
été préparées de longue main, douze ans ayant la mort de
Laurent. Ces prétentions ne pouyaient amener de guerre, ni
pendant qu'un roi yieux, malade, timide,' ayare, soupçon-
neux, occupait le trône, ni pendant la minorité de son fils.
Le moment était cependant si bien yenu où une telle ambi-
tion deyiendrait naturelle à la France, que trois de ses rois,
différents par leur caractère, par leurs talents, par le saug
même dont ils sortaient, Charles YIII, Louis XII et Fran-
çois 1'"'', s'y liyrèrent ayec une égale ardeur. Laurent de Hé-
dids n'aurait point pu les arrêter si sa yie s'était prolongée
jusqu'à l'âge qu'il pouyait naturellement atteindre. Il ne
pouyait non plus préyenir la réunion de toutes les couronnes
d'Espagne entre les mains de Ferdinand et d'Isabelle , la
réunion des héritages de Bourgogne et d'Autriche dans celles
de Maiimilien* Il n'ayait point suscité aux premiers la guerre
de Grenade; au second, la révolte des Flamands, et il ne pou-
yait s'attribuer le mérite ni de leur activité ni de leur
repos.
Il n'y aurait eu qu'un seul moyen de sauver l'Italie, c'é-
tait de suivre le projet des républicains florentins que Gosme
de Médicis fit échouer; de maintenir la république de Milan
lorsqu'elle recouvra sa liberté, en 1447; de partager ainsi la
Lombardie entr^ deux puissants états libres, Milan et Venise;
de conserver entre eux l'équilibre par le poids que Florence
et la Toscane mettraient dans la balance ; de les réunir par un
intérêt commun toutes les fois qu'il s'agirait de la défense de
la liberté et de I indépendance italienne; de les appuyer par
âM HISTOIBB DES ^VVJBLlQtJtS ITALItlimSS
rallîm^ 4^ Sttissq^, selon le projet que Sixte IV (QonmKUiir
^ua j)ia8 tar4 aux (gâtons ; ie réunir ainsi au ^$oia les lir
dresses ^e Florence e;t ,de D^ilan, les flottes de ye^ûse et de
iSênes et la milice indompta])le des Buisses, pour ^a /c^use 4ia
Ifi liberté. Alors cette chaîne de républiques auriât présent^
aux puissiances étrangères une barrière que ni Chyles YIU|
jf^ Maximilien, ni Ferdinand et Isabelle n'auraient jamais pg
renverser. Mais ce projet, ,qjae les Àlbim auraient ^té dignes
de former, que Néri Gapponi conçut et spntint avec fermeté^
^ue Sixte lY I:e^o.aYela, jéchoua par rambitipn perspnneUe
de Cosme et de sop petit-fils, qui, pour être leç premiers ci*
toyens de leur patrie, et pour élever leur famiUe à ui^ pouvoir
souverain, avaient l^soin de ratUfji^ d'an^xes pfripces e| noç
d'états libres. Dans le même esprit, Laurent tij^ toujours
Florence éloignée de son ai^ique allianjee avec Vérifie ^ il ins-
pira au peuple un esprit de défiance et de rivalité contre
cette grande république, au lieu de maintenir cet ancien ais*
cord qui avait arrêté tour à tour Mastino de la Scala, Berna*
bos, Jean-Galéaz et Philippe-Marie Yisconti. ^ T Italie fut
perdue par une erreur de politique, c'est à Laurent qp'dte
dut sa perte plus qu'à Louî^4e-MaurjB.
Ce dernier, tutejur ambijtîeux de son neveo qi^il voirait
détrôner, lieut^oant d'un décote et aspirant à la tyrannie,
était fait pour sacrifier tout à son intérêt personnel. Ce n'est
pas à de tels hommes qu'il faut demander des vertus publi-
ques, et tojut ce qu'on pouvait attendre de lui c'éta^ qu'il calr
culàt juste. Il se trompa, il est vrai, lorsqu'il recpurjut à f aide
des étrangers qui devaient bientôt l'écraser; mais stm .erreur
n'était pas nouvelle. Depuis le premier Charles d'Ai^QU, au
milieu du xiii® »ècle ; depuis Philippe et Charles de Yalois,
les papes, les barons ^apolil^ins, les Toscans, les Loi^bards,
les Yénitiens, les Génois, avaient tous les dix ras appelé les
Français ^n f ta})e. JLo^v» I, I^uis I), Louis Jll, de la seponde
maison d'Anjou ; JRené rAacien, son fils ^ean, ,dn^ 4e £a*-
îabre, et Bené de Lorraine, ayaienl chacun, à plQ£(iew^ m-
prises, tenté la conquête du royaume de Naples ^vecv4e0 Atr
mées françaises. Dans les dix dernières années, Siené Jl avait
été deux fois appelé par les Vénitiens, et ^enix f mç pftr ifi pape.
Deux fois aussi, jg^esque dans la même période, IcisGrénoif
if étaient offerts au roi de France. Enfin, Jpmu^jat yill, Tami
et le confédéré de Laurent de Médicis, ayait de pQuyeau dé*
claré la gueri:e à Ferdinand de Nappes, au mois de ^s^^mbre
1 489, comptant uniquement sur Tappui de Cbarbs YIII qu'il
appela à son aide i ; et qe fut la nonchalance de Gh^rlea, non
lés persuasions de Laurent, qui forjçèrent enfin le pape à la
paix, le 28 janvier 1492, Ipr^qu'il vit ,que s^s hvef» «tues
bulles, seules armes qui eui^nt été employée^ i^enjyuit'trois
ans , n'avaient point ^ulû pour attirer les Fra^çidg ea
Italie.
Ferdinand néanmoins, daps la crainte de voir enfin &'ef-^
fectuer cette invasion dont il était sans cesse menacé, renou-
vela, p^r ce .dernier 4;raité, à peu près tontes les conditions de
8on précédent acox)rd avec ^e pape. Il pronût de remettre
en liberté ks ^ des barons qu'il avait fait mourir ; il
promît de payer le tribut annuel auquel il s'était sou-
mis ; il promit enfin de ne point troubler dans son royaume
l'exercice de la juridiction ecclésiastique. Il envoya son petit-
fils Ferdinand, prince de Gapoue, rendre hommage au pape,
et celui-ci investit.de nojaves^^ le foi de son royaume, comme
d'uja fief relevant de T Église. Innocent fixa Tordre de la suc-
cession, en y appelant jie duc de iCalabre, et, s'il mourait
avant iM)n père, le prince de €apoue ; enfin il reçut le ser-
ment du roi. La bulle qui jtern^nidt ce diffécend est du 4 juin
% ^otfnaldi àimai. Eeele9, tm, S 7> 8, 9, p. 394. — Dlario Bn^ff^ç lU $t«ifano Infes"
Mira |K 14199.
288 HISXOIflE DES HÉPUBLIQUBS ITALIEHKES
1492 ^ et le 15 juillet suivant, Innocent TIII mounit avant
d'avoir en le temp» de voir Ferdinand fausser tontes ses
promesses, suivant son usage ^. Innocent YIII souffrait de-
puis longtemps de plusieurs maladies, et déjà le 27 septembre
1490 un évanouissement de vingt heures T avait fait passer
pour mort. Pendant sa léthargie, son fils Franceschetto Cybo
voulut s'emparer du trésor pontifical, puis de Jem, qui ha-
bitait dans le palais même du pape ; mais les gardes de Tun
et de l'autre s'étaient opposés à ses tentatives ^. Les cardinaux
qui étaient alors à Kome s'étaient rendus de grand matin au
palais et avaient commencé l'inventaire du trésor. Quoique
Francesehetto Cybo eût depuis longtemps détourné une partie
des richesses de l'Église et les eût envoyées à Florence, les
cardinaux trouvèrent encore dans la chambre apostolique
des sommes immenses dont ils confièrent la garde au cardinal
Savelli. Mais sur ces entrefaites le pape revint à lui ; et dès
qu'il sentit renaître ses forces, il renvoya tous les cardinaux
1 Dlploma apud Baynaid, 4nn. 1482, S ^U >2, 13, p. 408-410. — Dtor/o di SUfanù
Infessurtu T. lU, P. II, p. 1240. — > Istorie di Giovanni Cambt. T. XXI, p, 7 1. Le
DUirto Romofio du Netairf de Nantiporto finit à la mort d'inDocent Viu , T. ii, P. Il,
p. 1108. Huratori, en le faisant imprimer, a Toula l'opposer au joamal d'Etienne In-
ressura , qui prend la qualité de secrétaire , scriba^ du sénat et du peuple romain. U
' Yeut qu'on révoque en doute les médisances d'Infessura sur Sixte IV et Innocent VUI ,
parce qu'on ne trouve rien de semblable ^ans le journal du notaire de Nantiporto- Mais
pour dire vrai, on ne trouve, dans ce journal, ni cela ni autre chose, sauf la date
toute nue des événements. Les plus minutieux, comme les plus Importants, sont éga-
lemeot indiqués par une courte phrase ; le notaire né met entre eux aucune différence.
« Le 15 mai , dit-il, le cardioal de Médicis fut fait légat du patrimoine ; le 16, le due de
« Ferrare partit de Rome , et s'en alla ; le 36, l'ambassadeur de Venise entra à Rome avec
« beaucoup d'honneur ; le 27, le prince de Gapoue . fils du due de Calabre , entra à Rome
« en grand triomphe , entre le cardinal de Bénévent et celui de Sienne ; il mena avec
V « loi beaucoup de seigneurs , et logea au palais du pape ; le 29, le prince alla visiter les
«c)cardinaux, en commençant par le vice-chancelier; » et tout son récit est dans ce
style. Certainement on ne peut opposer de bonne foi le silence d'un journal écrit de
cette manière à l'autorité d'une histoire raisonnée et circonstanciée , où l'on voit la
volonté et le sentiment de l'écrivain. Le journal du notaire de Nautiporto est imprimé
T. III, P. U, p. 1071-1108. Celui de SIefano Infessura se trouve dans le même volume,
I». 1109-1252. Hais Muratori a supprimé des détails qu'il a trouvés trop scandaleux pour
Sixte IV. Le même journal se trouve sans lacunes dans Eccardw , ^ïsU Mcd, MvU T. U»
Lipsiv, 1723. — > Diario di Stefan, Infessurtu p. 123S.
LÂUBBNT Bîâ MEMCI^
Piilslié par Furne , Pau
Dl) MOTÊX A0B. 289
- Scipione Anmirato, L. XXVI, p. isa.
Publié par Fume , Patrie .
Dl) MOTEX AGB. 289
eu leur disant qa*il espérait encore leur survivre à tou&^
149^. -^ Dans sa dernière maladie, Innocent YIII se
laissa persuader par on médecin juif de tenter le remède de
la transfusion du sang, souvent proposé par des charlatans,
mais qu'on n'avait jusqu'alors jamais éprouvé que sur des
animaux. Trois jeunes garçons, âgés de dix ans, furent suc-
cessivement , moyennant une récompense donnée à leurs
parents, soumis à l'appareil qui devait faire passer le sang de
leurs veines dans celles du vieillard et le remplacer par le
sien. Tous trois moururent dès le commencement de l'opéra-
tion, pîrobablement par l'introduction de quelque balle d'air
dans leurs veines , et le médecin juif prit la faite plutôt que
de s'essayer sur de nouvelles victimes ^. Pendant la maladie
d'Innocent YIII, et dès le milieu de juillet, le malheureux
Jem, dont la tète avait été mise eu quelque sorte à l'enchère
par Bi^azeth II, fut enfermé, par ordre des cardinaux, au
château Saint-Ange. Il était regardé comme une partie im-
portante de l'héritage du pape futur. ■ ■ •
^Laurent de Médicis ne vit point la mort d'Innocent VIII,
ou la scandaleuse élection de Roderic fiorgia, qui lui succéda
sous le nom d'Alexandre YI. Atteint d*une fièvre lente qui
se*' joignit à la goutte, héréditaire dans sa famille, il s'était
retiré, "presque dès le commencement de l'année, à Garreggi^
sa'fiiaison de campagne, pour se mettre entre les mains des
médecins. Ceux-ci semblèrent proportionner leurs remèdes à
la richesse, plutôt qu'aux besoins de leur malade ; ils lui &*-
renit prendre des décompositions de perles et de pierres pré-
cieuses qui n'arrêtèrent point les progrès de la maladie. Lau^^
rent, entouré de ses amis, mourut entre leurs bras, le 8 ayiri^
1492, avant d'avoir accompli sa quarante-quatrième année K
i Dlano di Stefan. Infessura. p. I23i. — * lUd, p. 1241. —Raynaldi AiinaL RccUts*
1492, i 19/p. 412; ex VolaUrifano. L. XXIJ, a aUis, — ^ MacchiavaUi, L. VIU, p. ''.47.'
«* Scipione Ammirato. L. XXVl, p. 186.
¥11. 19
290 HISTOIBB DES RÉPUBLIQUES ITALIEBBES
Qqelle cpxfd fût Thabileté de Laurent de Mëdicis dam les
affaires, ce n'est pas comme homme d^état qu'il peat être
placé au ranç des plus grands hommes dont T Italie se glo-
'rifle. ^atit d'honneur n'est réservé quà ceux qui, élevant
leurs vues au-dessus de l'intérêt personnel, assurent, par le
travail de leur vie, la paix, la gloire ou la liberté de leur pays,
tiaurent poursuivît , au contrmre^ presque toujours une poli-
tique tout égoïste ; il soutint par des exécutions sanglantes
un pouvoir usurpé ^ j il appesantit chaque jour un joug dé-
testé sur une ville libre , il enleva aux magistrats légitimes
r autorité que leur donnait la constitution , et il détourna ses
concitoyens de cette carrière publique dans laquelle, avant
lui, ils avaient développé tant de talents. Nous verrons, dans
la dernière partie dé cet ouvrage, les conséquences funestes
i M. RoseoS a Jugé A propos de teire eontre moi, à Toccasion de cette pbrase, une
sortie qî yiolenie, que j9 Q'*i qQ9 ie jeboix jf/ou rire ou de m'en fâcber. Je demaode la
permisNon de m'en tenir au premier parti ; c'est le public qui rirait, si, nouveaux pa-
ladins , nous entrions dans te champ clos pour assigner lé rang et' la gloire, non de nos
belles , mais d'un ancien usurpatejir des Ûbertâs de son pays , qui n'esl pas le nôtre.
La dénégation de M. Roscoë me force cependant A justifier ma phrase , que Laurent
êomint par det exécutions sanglantes un pouvoir usurpé, en récapitulant les faits
En 1466, quand Laurent n'avait que dix-huit ans, et que son père vivait encore,
Gontme oelui-oi était retenu au lit par sa maladie, ce f&t Laurent qui traita avec Lnra
pitli; qua^e dei pbis ^illustres familles de Dorence, et un grand noqU)re de celles du
second rang furent exilées, et une imposition de cent mille florins fut levée sur le parti
vmaea, Sdp, Ananir. Û XXllI, p. loo.
jBp 14^7, le is et le 30 juin , Iji bi9ie nommée par les Médids oJTri^ deux mille llorins
de récompense A qui lui apporterait la tête de DioUsaIvi de Nérone Kigi, d'Ângelo An-
tlnori , de Niccolb Sodéridi , ou de Gian Fràncesco Strotzi , chefs de quatre familles illus-
tres ; le double | qui l«i iivrerflt vivants, lioi^. MorsUf, , p. 1 13.
En 1468, le fils de Papi Orlandi eut la tête tranchée pour le complot de Pes<»a, un
Nérofti fut déclaré rebelle , un grand nombre d'autres furent jetés en prison on coa-
La môme année, Fràncesco de Brisigheila avec quinze de ses associés eurent |a tête
tranchée ou ftarent pendus, pour le complot tle Castlglionchio. Scip. Ammir.T, lU,
En 14T0, peu après la mort de Pierre de Hédicis , et depuis que Laurent était demeuré
seul chef de l'état, Bemardo Nardi eut la tête tranchée à Florence ; six de ses associa y
, f tirent pendus, quatorie autres furent pendus A Prato , pour le complot de Prato. Liots»
«oreW, p. lE». -
M NLOfrni Aop. Ml
4e ix^ anolttti^ , €$ du i^y^nement des iurtitntioiis nalio-
iiales. Upe lotjte dés^treuse se perpétua pendaid; trente-huit
ans entre 1^ faiaiUe de Laorrat et sa patrie, et die ne se
^nmna que par TétaJili^çeiDeni; de h tyrawe A*Alesuaête
^de Médids.
^Gepend^t U ne s^ait pas joste de déponiU^ hmaà, 4e
Hédieis d'ifne gloire ,qi^ les sièges ont reownne. Cl*est par la
pj^otectipi^ «^ctiye et «^daicée q/iii accorda anx arts, aux ietties
et ^ ]^ philosophie, cpi'il laéi^ d'a<itadi^ son nom à Fépo-
q}fp la plus hrttlante de Ibistoire littéraire italienne, ^arla
^r<9i^ptii;ade et 1^ pierspicacitié 4e 9on esprit , par la flexibilité
de i^n talent, par la chaleur de son âme, il devint ledief et
le promoteur d'une assodaiion de grai^ds hommes empressés
à faire renaître les lettres et J^e £a<^t. Il était fait ponr tout
cpn^ait]:^, tojut apprécier^ \/o^ Sf^ptipr. ^1 ffitoptrpût me égale
Vntmt PmcMfio SétODk iM dédale rateUe (ooDteiraé à mort jmt coommaee). Selp.
itmiii. L. XXllI, p. 110.
Ed 1473, pour le tumulte de Volterra , la çapitiihulton fyt f lol^ , la yille pillée , ses
ppâHSégciflIppriiDiéBf fi« seçiU ancof deUa ttm^ Iqpo marie <euomitti... di ad pero è
ben taçere, Uon» MorelU, p- 18». ' ' *> ^ '
Bd 1478, époque de la conjuralloo des Pazii, plas'de dev^ cei^s citoyens Turent mis
à mort, pour venger Julien de Médids. DUvi Sarieti p': w'I.
Eo 1^79, Berpardo di Bandino fut rw^en^. d« T^rq^iff jpouif fin peoil^ to ftt avril.
lion. MOHiU, p. 195.
fin i4ti, Jmbnvseobaldi, Amoretto BaldovinetU, et Hwo Balduoei , aecuiés d'ope
nouvelle coiyurfUiop contre Laurent , ftireot pendus le is jMll|)|a3f (ei^|^ ^ullfyrge||p.
Uon, Morellij'p, 196. — Scip, Ammir. T. III, p. 148. .. .
EO 1488, .Im émigrés floreuiins s'étant rassemblés en anne^ éûÂ fttat de Sienne,
quand on sut qu'ils avaient trouvé Thospitalité à Saturnia, fit scritto a BienaOrnna,
contena di Soana, e a Gukto Sforta, conte di Saniafiore, cite essendo toro vicini
s' ingegnastero levarteH dinantU Sdp, Anmu T. III, p. 158. Je laisse é M. Rosco« le
soin d'expliquer la Qç^nmipiion que unE^niCainit ^oiiiier à sa bette-sœur, pour éditer
les dangers de la force oiurertfl. ' '
Eo MJ5, ep.ttçpxpse d88 ^Mgrés flgreuliQ» «or «aa-Quiilea, oà plusieurs d'entre Mx
(preot tifés. 3(;ifl. i|Bcni^ T. Uf, p. i89.
Le i^i.9C(Qbi»,FrMMBa80fteMii^«ldi «a.ia tàt» tNuicbéd é FloreAoe. lÀen. MùnlU,
If. 197.
Jl est probable ^ .vm IMf aTust^poiat asoor* «odiplèie; mais eHe snSk, Je penst ,
pour juiUfter mxk allégiUon. QpmM é M. Roioul^, fignore sll y a là as8ex de sang
pour le satisfaiev.
10*
292 HISTOlfiB DfiS niVtfitlQI» ITALIEHIIISS
aptitoée aux arts , dont il rassemblait , doat il maltipliait lés
ehefiMi'<Bavre,- à lapo&ie, à laquelle il rendait Fandenne
harmonie de Pétrarque; à la philosophie, qai reçut dans sa
maison nne lie nouvelle par Tétnde approfondie des Plato-
nieiens *• Laurent n'était peut-être un homme supérieur, ni
oomone poète, m comme philosophe, ni comme artiste ; mais
il avait un sentiment si vif du beau et du juste , quMI mettait
sur la toie ceux qu'il ne pouvait pas suivre lui-même. Aussi
la profoÉideur de pensées de Politien et de Pic de la Hiran-
dole, le génie poétique de Marullo et des Pulci, Vérudition
de Landino, de Sèala et de Fidno, font-elles une partie essen-
tielle de la gloire du protecteur auquel ils dorent presque
r existence. Nous avons cru qu'à uue époque aussi chargée
d'événeihénts, il fallait détacher l'histoire politique de celle
do la littérature du Midi ; et c'est dans un autre ouvrage que
nous avons cherché à donner quelque idée du mérite littéraire
de Laurent. MM . Ginguené et Roscoe ont rendu un hommage
plus brillant au génie de cet homme extraordinaire. Ils l'ont
présenté au milieu de seç amis, des illustres littérateurs dont
il était chéri ^; ils ont fait ressortir ainsi les charmes de son
caractère, sa faciUté, son enjouement , sa constance et sa ma-
gnanimité. Mais pour s'attacher si vivement à lui, il fout
qqelquefois admc^ttre, avec complaisance les firaudes pieuses
de ses amis et dé ses adulateurs; il faut surtout détourner
ses regards de l'antique Florence , et oubher si l'on peut ce
t MauhiaoeUU Uim. L. VIII, p. 449.—» M. Roieoë a imprimé, Append, S 77. T. IV,
p. 1S2, une lettre toueiiuite d'Ange Poiitien, du 17 Juin i492, dans Uquelie il raeonle
, \m derniers moments et la mort de Laurent. Les amis de Laurent, dans la douleur fré-
nétique que leur causa sa mort , tuèrent le médecin Pierre Léoni de Spoléte , qui l'avait
traité , ou du moins le menacèrent si violemment , q«1l se jeu loiHBéme, de désespoir,
dans un puits , à San-Cervagia. Ricordonze di Tribaldo de* R099i^ Del, Entd. T. XXIU,
p. 375. — ficjpjone ^mmirato» l. XXVI, p. m.-^àUegtetto àUêgreUi, DUtH SanesL
T. XXIII , p. 82S. — imrie di Giw. GambL T. XXi, p. <7. — Wme di Jacopo Sonna-
zaro nella morte di Pler. Leone medieo. — Roicoe, App^ndix. S 78-7».
DV MOT» AOB. 993
qa'dle avait été aux jours de sa vraie gloire, ce qu'elle
fat dorant la dictature de Laurent, ce qu'elle devint après
loi^
1 Lliiflloire florentiiie de Maechiavel floit en i492, à la mon de Laurenl de Médieif;
maif ses fragments Usloriqnes , ses décennales , et surtout les lettres qo'U écri? U pen-
dant ses légations, nons serviront encore de guides pendant une grande partie de Tespaoe
qui nous reste à parcourir.
V Histoire florentine de J, Michel Bruto, savant vénitien, qui vécut de i Sis à 1S94,
finit aussi à la mort de Laurent de Médicis, après avoir commencé à celle de Gosme
l'ancien. {Burmanntu, Thésaurus ânliquUai. et HixtoHar. Ita&œ. T. Vill, P. Il,
p. 1-216.) On met Bruto dans les premiers rangs parmi les historiens du xvi« siècle ;
mais c'est uniquement à cause de Téléganee de son langage. Il avait vécu à Lyon parmi
lei émigrés florentins, ennemis de la maison de Médicis, et il adopte en général leun
sentiments et leur baine ; cependant il ajoute très peu de faits à ceux que nous connais-
sons déjà. Ses autorités sont Mmechiavel, les Commentfûres et les Lettres du cardinal
de Pavle, et la Vie de Laurent de Médicis par Kicoias Valori, U discute leurs opinions ,
et choisit entre elles avec peu de critique ; et les longs discours dont U a panemé sa
narration sont des ampUflcaUons de ceux de Maochlavei , aoxqueb U a fait perdre leur
couleur originale.
90f HISTOIBE DE» «ipOBËIQtl» ITAUENNXS
CHAPITRE X;
CûffirttfértlîoflS 8u!^ ré cartigftfc et les révôlatTObs du xv^ siècle.
Dans le cours de cette histoire, nous avons déjà invité deux
fois nos lecteurs à s'arrêter avec nous, pour mesurer de leurs
regards l'espace que nous venions de parcourir ensemble.
Après Tannée 1303, nous avons cherché à leur présenter un
tableau du xiii'' siècle, et, après l'année 1402, un tableau du
xiv'. Avant de reprendre- notwrtcit, nous leur demanderons
d'embrasser aussi d'un seul coup d'œil le xv*" siècle, pour se
faire une idée précise de ce qu'était l'indépendance italienne,
de ce qu'était l'état sodal de toute la contrée, au moment où
s'engagea la lutte effroyable qui priva l'Italie de son indépen-
dance, et qui bouleversa son état social.
Si nous ne nous sommes pas cru obligé de choisir notre
point de repos à Tépoque précise de la fin du xiii" et de celle
du XIV® siècle, nous avons plus lieu encore de nous en dis-
penser en rendant compte du xv® ; car, peu avant la fin de
, ce siècle, il se présente à nous, au point où nous sommes par-
DC MOTKH AGS. 295
Tenus, une de ces époques importantes qui partagent 1* histoire
en deux périodes dont le caractère est absolument différent,
qui terminent en quelque sorte les révolutions précédentes et
qui en commencent de nouYcUes pour d'autres causes et ayec
d'autres passions. Nous ayons yu jusqu'ici les temps qui ap-
partenaient proprement au moyen âge : nous entrons dans la
révolution qui fit succéder à son organisation antique celle
des temps modernes, qui mêla les nations jusqu'alors séparées,
qui les fit dépendre les unes des autres, et qui leur donna des
intérêts dont jusqu'alors elles n'avaient pas même eu con-
naissance.
Jusqu'à la mort de Laurent de Hédicis, survenue en 1492,
époque à laquelle nous nous sommes arrêtés dans le cha-
pitre précédent, la nation italienne donnait, si ce n'est des
lois, du moins des leçons et des exemples à toutes les autres.
Seule civilisée, elle confondait le reste des peuples européens
sous le nom de Barbares, et elle commandait leur respect.
Elle n'avait point étendu sur eux son empire; mais elle n'avait
point subi leur joug. Quelques souverains étrangers s'étaient
assis, il est vrai, sur le trône de Naples, mais auparavant ils
étaient devenus Italiens : quelques armées ultramontaines
avaient traversé l'Italie, mais elles s'étaient mises auparavant
à la solde des souverains de la contrée. La prétention d'asser-
vir l'Italie n'avait jamais été formée par aucun des princéâ
qui 7 avaient porté la guerre; jamais les peuples n'avaient
conçu la crainte de cette servitude, jamais ils n'avaient pu en
soupçonner le danger.
Mais en 1494, tous les peuples limitrophes, jaloux de la
prospérité de l'Italie ou avides de ses dépouilles, commen-
cèrent en même temps l'invasion de cette riche contrée : des
armées dévastatrices sortirent de la France, de la Suisse, de
l'Espagne et de l'Allemagne, et pendant près d'un demi-
siècle elles ne laissèrent aucun repos aux malheureux Italiens;
296 HisTOins des républiques italiennes
elles, portèrent le fer et le feu jusqu'aux cimes les plus reca-
lées de rApennin, et jusqu'aux rivages des deux mers; la
peste et la famine marchèrent avec elles : la misère, la douleur
et la mort pénétrèrent dans les palais les plus somptueux
comme dans les cabanes les. plus écartées ; jamais tant de souf-
frances n'avaient accablé Tbumanité, jamais une aussi grande
partie de îa population n'avait été détruite par la guerre. Des
motifs différents mettaient aux combattants les armes à la
main, mais le résultat de leurs combats était toujours le même,
Chaque invasion nouvelle rainait les fortiGcations de l'Italie,
détruisait ses richesses et faisait disparaître sa population. Ses
divers gouvernements se. partageaient entre F alliance des
puissances étrangères; ils s'intéressaient à leurs querelles en
oubliant leur propre destinée : ils ne savaient pas encore que
leur existence même était mise en jeu , et ils furent adjugés
conmie prix au vainqueur, avant d'avoir compris que l'Italie
pouvait être asservie.
C'est vers la fin du xv** siècle que, parvenus en quelque
sorte au point le plus élevé de la carrière que nous parcou-
rons, nous la dominons tout entière, et nous voyons l'histoire
de l'Italie se diviser en ses différentes périodes. Les six pre-
miers siècles qui s'écoulèrent depuis le renversement de l'em-
pire d'Occident préparèrent, par le mélange des peuples
barbares avec les peuples dégénérés de l'Italie, la nation nou-
velle qui devait succéder aux Romains. Dans le xii<^ siècle,
cette nation conquit sa liberté; elle en jouit dans le'xiii* et
le XIV®, en y joignant toute la gloire que pouvaient lui assurer
les vertus, les talents, les arts, la philosophie et le goût; elle
la laissa se corrompre dans le ^ v«^ et elle perdit en même
temps son' ancienne vigueur. Près d'un demi-siècle d'une
guerre effroyable détruisit alors sa prospérité , anéaiitit ses
moyens de défense et lui ravit enfin son indépendance. Après
cette guerre, qui formera lé sujet principal de ces derniers
DU MOYEli AGE. 297
Yolumes, près de trois siècles se sont passés dans la servitude,
rindoleuce, la mollesse et Toubli.
Lorsqu'une nation est malheureuse et vicieuse en même
temps, on est toujours disposé à attribuer ses malheurs à ses
vices, tandis qu'il serait souvent plus juste d'attribuer ses
vices à ses malheurs. On dirait que la compassion est pour
nous un sentiment trop pénible, et que nous saisissons avide-
ment toutes les raisons, tous les prétextes par lesquels nous
pouvons nous dispenser de plaindre les autres. Sans doute
aussi, chacun veut éviter de prendre pour soi-même, pour ses
compatriotes et son pays la leçon et l'exemple des grands
malheurs publics : on aime mieux s'en croire à l'abri en se
persuadant qu'on ne commettra jamais les fautes qu'on relève
dans les autres; et lorsqu'on accuse une nation d'être dégra-
dée on croit trouver la garantie de, la gloire de sa propre
nation. « Le peuple qui a pu.tipmber sous le joug de la ser-
« vitude, disent aujourd'hui les vainqueurs , le peuple qui la
« supporte la mérite. Ceux qui npnt pas frémi à l'approche
« de l'étranger, ceux qui n'ont pas. senti que pour le repous-
« ser il fallait sacrifier ses biens, sa vie et celle de ses enfants,
« sont faits pour demeurer sous la loi ; ils ne sont point dignes
« de. compassion, car jamais une nation généreuse n'aurait
« subi un pareil sort. »
Gepend.ant l'histoire n'enseigne point aux hommes tant de
confiance ; elle nous montre que si les vertus sont nécessaires
à l'existence des nations, elles ne suffisent point seules, pour
la garantir ; que la constitution la plus sage est encore un ou-
vrage humain; que comme œuvre de l'homme eUe contient
en elle-même de nombreux germes de rume ; que même ao
sein de la liberté, de la vertu publique, du patriotisme, on a
vu éclater les excès de l'ambition ; qu'on les a vus précipiter
une nation dans l'abus de ses forces et dans l'épuisement qui
en est la suite ; qu'enfin, nous ne faisons pas seuls notre desti-^
298 HISTOIRE DES REPUBLIQUES ITALIENNES
Aéé, et que les nombreuses causes qui sont en dehors de nous,
et que nous comprenons sous le nom de hasard pafce qu'elles
ne dépendent pas de nous, peuvent rendre inutiles tous nos
efforts.
La nation anglaise est peut-être aujourd'hui ce qu'était la
nation itaiietihe il y a trois siècles. De même elle a cherché la
liberté avant tous les autres biens, et celui-là seul lui a donné
tous les autres; de même, la liberté d'esprit lui â donne
l'empire de la philosophie et des lettres ; de même, la liberté
d'actions lui a donné l'empire du commerce et Topûlencè ; de
même , la puissance de l'opinioii sur son propre gouverne-
ment lui a donné la prééminence sur tous les autres, et Ta
placée au centre de la politique européenne ; mais par com-
bien de chances rAngleterre n'a-t-elle pas été sur le point de
perdre le bonheur dont elle jouit aujourd'hui, et de tomber
plus bas peut-être que l'Italie ! Quel aurait été son sort si la
reine Marie avait vécu plus longteaips, ou si elle avait laissé
dés enfants de Philippe II; si Elisabeth avait accepté un des
nombreux époux catholiques qui s'offrirent à elle ; si Charles I
n'avait pas été si imprudent, Charles If si vil, Jacques II si
insensé? Combien de fois a-t-elle dû, son salut aux vents et
aux tempêtes qui dissipèrent les flottes de ses ennemis, tandis
qu'ils pouvaient détruire les siennes? tiombien de fois l'extra-
vagance de ceux qui cherchaient sa perte lui a-t-elle été plus
salutaire que sa propre prudence? Combien de fois n' a-t-elle
pas été secourue par une heureuse destinée, loi^squie son salut
n'était déjà plus dans ses propres mains?
Si les Italiens, dit-on souvent, avaient formé, à l'exemple
des autres nations de l'Europe, une seule et forte monarchie,
s'ils avaient renoncé à la discorde insensée de leurs petits
ëtdts, si au Ueu de conserver leurs forces les uns contre les
autres ils les avaient toutes tournées au dehof s, ils auraient été
pltis que sufflsaiits pobr repousser les étrangers, et en se ooa-
Dt) bIoyeW Àéif. 299
vrànt ëé gTdire dans lés Batailles ^ ifs atiraîcnt! assuré leur
prospérité intérieure avec leur iùdépfehdaiïôé. Mais 6ii pdur-
raît dire plul^t : Si les Itafienif âVàiènt ftit ébmine l'es Espa-
gnols, Fltalîé aàrait sdbî le sôrf de l'Êrf^â'giié; et té sort n*est'
pas pMs digne d'envie qàë lé ledi'. A P époque, en effet, où
coiiiméncérënt les guerres cruelles qui asservirent l'If alie, F Espa-
gne, auparavant div&ée entre un nombre d'états beaucoup plus
ceâsidérablé, comptait encore cinq monarchies indépendantes
et aâtàtaôiiEtt^nt ennemies Tune de l'autre : celles de Castffle,
d* Aragon, de Navarre, de Portugal et de Grenade.* Ce Ait
dfiarl^-Qtfnl qcA fe premier réunit quatre dé ces cihq mo-
narcbfes, c^tnme ce fut lui qui le premier subjugua l'Italie.
Cette fêàmàn coûta aux Espagnols leur liberté : leurs consti-
tnfioitis né Éê trouvèrent plus assez fortes poiuJ contenir un
môâarqut^ qtîl employait contre' ses sujets dé l'un dé ses
royaumes lëà" armées de l'autre/ L'agriculture, les manîifac-
tu'résj le com[m«*ce furent' cbasfeéî d'Espagne par ïadmimstra-
tîott'^èîénte qftd succéda auï anciennes et sàgeslois dés tbrtès.
Les ftrhiîitîs lirîvéès furent détruites, la sééurité des citoyens
di8{)àîrdt, h population fut atiéàntië : tous lés objets que les
KotiàmëS' Èe sont proposés d'obtenir par l'établissement de
rord!*èri*ôëîël furent perdus, et T indépendance de la ilalîoti né
fnf pÔilÊil: attirée aux dépens dé sa liberté. Sous le règne dé
ebàWéfe-Qfflnt, tottte rEspdgriè retentît de pîaiiités de ce que'
Jï^âief'aVâît potté à uti souverain étranger l'héritage dé ses
^es, et âé ce que les Espagnols éfàient gouvernés par dès
PTatfiàèai'. Soiii^ lé règne dé Philippin' n, les Aragoiiàife , les'
Portugais, lés Navarrais, et les Iffaurés de Grenade ne se plai-
^t)*eitt pïfe avec moins c^amef'tumë du gbùVérnëuient des
Castmàiis. Les autres peuplés de l'Europe les regardaient,
il est Vrai, lés uns et les autres coinnië également Espagnols;
étix qui oBëissaient, ils itegardaient leurs maîtres comme étran-
gers : (îés Aéttres étaient étrangers pour eux par les nièédrs ,
300 HISIOnUB DIS REPUBLIQUES ITALIEIflISS
les lois, le langage, les haines héréditaires; et la pesanteor
de leur joug fit éclater de fréquentes réyoltes.
Cette réunion des monarchies espagnoles forma, il est vrai,
une puissance redoutable pour les étrangers, et elle défendit
contre eux la péninsule. Sans doute; mais ce fut la cause des
projets gigantesques de la maison d'Autriche, de cet abus de
ses forces qui dépassa encore ses ressources, de ces guerres ef-
froyables et toutes inutiles dans lesquelles elle fut engagée ,
de la haine qu'elle excita contre eUe dans toute l'Europe, et
de l'affreuse misère à laquelle elle réduisit les Espagnols. Une
ambition démesurée amène enfin des revers démesurés, et
tandis que l'Espagne n'avait jamais vu, au temps où elle était
divisée en petits états , d'armée étrangère franchir impuné-
ment ses frontières y toutes ses capitales furent obligées d'ou-
vrir tour à tour leurs portes aux armées françaises et an-
glaises pendant la guerre de la succession d'Espagne.
Si les Italiens n'avaient formé qu'une seule monarchie, qui
peut répondre qu'ils n'eussent été ou conquérants ou conquis?
Cependant, l'une et l'autre carrière mène presque également
à la servitude. Ce n'est pas par les forces d'une seule nation
que l'Italie fut subjuguée. Pendant plus d'un demi siècle elle
fat attaquée et dévastée en même temps par les Espagnols, les
Français , les Flamands, les Suisses], les Allemands, les Hon-
groiSy les Turcs et les Barbaresques. Aucune organisation inté-
rieure n'aurait pu la rendre égale en force à tous ces peuples
à la fois. Loin d'être alliés, ils étaient, il est vrai, ennemis les
uns des autres ; mais le vainqueur profita de tout le mal qu'a-
vaient fait les vaincus. Charles-Quint et Philippe II furent
servis par les Français, les Suisses et les Musulmans autant que
par leurs propres sujets, Allemands ou Espagnols. En minant
l'Italie, les premiers l'avait rendue plus facile à conquérir,
plus impuissante lorsqu'elle aurait voulu secouer le joug. Tous
ces peuples vinrent se combattre sur le sol italien ; mfiîs si les
0tJ MOtËH A6S. âOl
Italiens avaient commencé par être conquérants , qui sait si
leurs premiers revers n'auraient pas attiré sur leurs bras les
mêmes ennemis , et n'auraient pas été suivis des mêmes partages?
Si les Italiens n'avaient formé qu'une seule monarchie, qui
peut répondre aussi qu'une guerre civile n'aurait pas ouvert
leurs frontières à l'étranger? Les guerres civiles qui naissent
d'une succession contestée sont un fléau inhérent aux mo-
narchies héréditaires ; elles ne sont peut-être ni moins fré-»
queutes ni moins ruineuses que celles qui naissent des élec-
tions contestées dans les monarchies électives. La France seule
en est demeurée presque à l'abri, parce que la loi salique y a
simplifié la question de droit sur l'hérédité ; mais en revanche,
combien de guerres civiles y^sont nées du droit contesté de la
régence? D'ailleurs, la question essentielle de l'hérédité des
femmes était si peu décidée pour l'Italie, que c'est justement
par elles que les étrangers ont prétendu acquérir des droits
sur ce pays. La guerre de Charles VIII dans le royaume de
Naples, celle de Louis XII dans le duché de Milan, furent en-
treprises pour soutenir des droits de succession dans une mo-
narchie. Un parti nombreux crut ces droits légitimes, et s'arma
pour les défendre; ce parti crut faire son devoir en ouvrant
les forteresses de l'état aux armées étrangères. On enseigne
anx sujets, dans une monarchie, que leur loyauté consiste à
défendre la ligne légitime de leurs rois, et à la rétablir sur le
trône, au péril même de l'indépendance nationale. Si les ducs
de Milan ou les rois de Naples avaient réussi dans le xv^ siècle
à réunir toute l'Italie sons leur souveraineté , la question des
droits de la seconde maison d'Anjou ou de ceux de Valentine
Visconti ne s'en serait pas moins présentée au xvi® siècle; et
le parti angevin , le parti français, au lieu de ne se montrer
que dans le royaume de Naples et le duché de Milan, aurait
pris les armes dans toute l'Italie sur une question qui aurait
intéressé tous les Italiens.
303 HISTOIKB DljjS j^ja^JùQVJBS ITALUSHlflSS
n |B8^ de r£$8enpe des xDon«a:)chies de àxmpet eoi^rtaynya;*
des droits sur elles aux étrangers ; il est de Tessenoe des répu-
bliques de ne reconnaître aucun droit sur elles CEOie ceux qui
partent du centre même de I4 nation. Dans les om^ftrcjiiies où
la suçcess^ojji des femmes est admise^ on ne donne pas en ^-
f ^age fffïe ç^ei^e princesse du sang royal qui ne yui^ ^6iE^?
ui^ jour ou ^'ai^jtre les étrange à hérite^ du ir/^^e. ])ans celU»
pfji h ^Qcjces^on esjb jyupitée aux mâles, le daA(jer est n^if^^j
et il ne c^oa^^ce q^jç lojrpqu'une ^ancbe cadette se trffffe
Tjigfxev sur nn irf>w étraug)Br. Ainsi les maisons dÀi^, /^
Tiapleç çt i^e lip^gp/d (^observèrent près ^ deux q^ ajpi^ m
droit éventuel à la s^cce^sionde France. lia maison de Bour-
bon-Navarre en acquit plus tard un 'semblable, mais Henri
ne possédait pas le royaume delSavarre lor^u il parvint à la
«couronne de France, en sorte qu'il n'appela pas les I<^avarrais
à dominer sur les Français. Les branches italienne et eapagude
de la maison de Bou,r](K>p ont de même aujourd'hui^ ,et 4^BMis
un siècle, des droits éventuels à )a sucçe^ion de Fnoice; et ks
renonciations de ces deux ^laisons, en rendant cei^ droits dour
teux, ajouteraient encore aux dangers d'une guerjçe civile et
d'une invasion étrangère pour les faire valoir, si jamais la
succession venait à s'ouvrir. Gomment donc l'établissanei^
d'une seule monarchie en Italie aurait-il garanti l'indépen-
dance italienne, tandis que les guerres pi^^ qui aqi)ei)èrei$
l'asservissement de l'Italie eurent tout^ pour origjine les pré-
tentions héréditaires qu'admet seul le régii^e mqnarchjipie?
C'était bien moins en réunissant l'Italie eu un ^fi^l empire,
qu'en conservant ses républiques, qu'qn ppi^v^iit e^rer de
sauvqr son ij;Ldépei)dapçe : si du mQJns p|i ]^ avait en même
temps unies entre elles par un Uep fédératif , qu par de$ al-
liances temporaires, mais conformes à leurs iivtéiiêtSj ces al-
liances auraient suffi pour repousser les étrangers, et non
pour les attaquer chez eux; elles auF&ien); |^:^é$eryé 1^ 1^*
DU tfpirra ^GJB. aos
UfiDs des égarements de leur propre ambiUoa, QOQu^e ^ ^* at-
taque de leurs ennemis. Une république fédérative ne saurait
assez compter sur Tunion de ses membres pour devenir con-
quérante^ elle échappe à tous les prétextes de ^erre que
donnent aux rois la demande dé la dot d*une fille , ou celle ^e
l'héritage d'un aïeul éloigné; et lorsqu'elle est forcée h pren-
dre les armes pour sa défense, elle trouve des ressources qu'elle
n'aurait plus si elle était gouvernée mpnarchiquement.Yenise»
avec une population de deux millions deux cent mille 4nies, a
fait respecter sa puissance jusqu'à la fin du xviif siècle, bien
mieux que le royaume de Naples avec six niillions d'habitants.
L'occasion se présenta de rétablir la république milanaise au
milieu du xv® siècle , et de l'unir à celles de Yenise et de Flo-
rence, peut-être à celles de Gênes et des ligues suisses, pour
la défense de la liberté. Cest lorsque ce moment fut manqué
qu'on peut dire cpe l'Italie fut perdue.
Au reste, les petits états ei;i Italie, comme ailleurs, tendirent
vers leur réunion en états plus grands pendant tout le cours
du XY^ siècle. C'est la conséquepce naturelle de toutes les
chances des guerres, des révolutions et des héritages. Les sou-
verains de la France, de l'Espagne et de ^Allemagne réunis-
saient chaque année de nouveaux fiefs aux domaines de leur
couronne ; les petits princes et les villes libres disparaissaient :
cependant chacune de ces nations était bien loin encore de
n'obéir plus qu'à une seule volonté. La maison d'Autriche,
divisée entre plusieurs branches , n'avait point encore acquis
la Hongrie et la Bohême : elle ne l'emportait point encore en
puissance sur la maison de fiavière ou sur celle de Saxe , et
ison accroissement, pendant le xv* siècle, avait à peine été
proportionné à celui des ducs de Milan. La France ne comp-
tait point encore parmi ses provinces l'Alsace, la Lorraine,
la Franche-Comté, la Bourgogne, le Hainaut, la Flandre et
FArtois. Le duc de Bretagne était encore indépendant; les
304 HISIOI1UI DES kiPUftLIQUES ITALIEIIIIBS
aatres grands feadataires n^étaient rangés qu'à demi sons
Vautorité royale; la noblesse seule était armée, et le penple
était trop opprimé pour ajouter rien à la force nationale. Des
guerres civiles avaient occupé chez eux les Allemands , les
Français et les Espagnols ; et personne ne soupçonnait en Eu-
rope qu'il existât une disproportion entre les forces et les
ressources* de ces diverses monarchies et des états d'Italie :
celle qii'étabUt tout à coup la supériorité de bravoure ou l'art
militaire des ultramontains n'était point irrémédiable, car ils
firent longtemps la guerre avec des mercenaires qu'ils levè-
rent en Suisse, et qui étaient tout aussi disposés à prendre la
solde des Italiens que celle des Français.
Bien n'annonçait à l'ItaUe, rien ne faisait prévoir aux puis-
sances étrangères l'issue de la guerre qui s'alluma à la fin du
xv'' siècle : aussi, loin d'accuser les Italiens de n'avoir pas
bouleversé toutes leurs anciennes institutions pour la prévenir,
doit-on leur reprocher plutôt de n'avoir pas assez ménagé
ces institutions anciennes, de n'avoir pas assez respecté l'in-
dépendance de chaque état et la liberté de tous , et d'avoir
laissé s'éteindre ainsi le patriotisme qui les attachait à leur
cité, non à l'idée abstraite de la nation italienne. Après avoir
perdu leurs droits, ils furent moins disposés à faire des sacri-^
fices à une patrie qui leur assurait moins de jouissances, et
ils ne trouvèrent plus en eux-mêmes l'énergie républicaine
qui les aurait sauvés, si quelque chose pouvait les sauver.
En effet, le vice essentiel qui, au xv° siècle, minait le corps
social en Italie, c'était l'affaiblissement de l'esprit de liberté.
L'aristocratie faisait des conquêtes dans le sein des républi-
ques; puis le despotisme conquérait les répubUques elles-
mêmes. Les cités, jalouses de leur souveraineté, n'avaient
donné aucun droit de représentation aux campagnes; en
sorte que lorsqu'elles étendaient leur territoire, elles augmen-
taient le nombre de leurs sujets, non celui de leurs citoyens.
ut MOYESI AGE. 305*
La liberté leur paraissait un droit héréditaire dans les familles,
plutôt qu'un droit inhérent à la nature humaine; aussi ad-
mettaient-elles rarement des familles nouTelles à partager les
prérogatiTes des anciennes, et à remplacer celles qui s'étei-
gnaient naturellement. La population de l'état s'accroissait,
ipais le nombre des citoyens diminuait sans cesse : cependant
les citoyens seuls faisaient sa force, car les sujets d'une répu-
blique ne lui étaient pas plus attachés que les sujets d'une
monarchie ne l'étaient à leur prince.
Si l'on avait fait à la fin du xv* siècle le recensement de
tons ceux qui participaient à la souveraineté dans toute l'Ita-
lie, oh aurait probablement trouvé que Venise ne comptait
plus que deux ou trois mille citoyens ; Gènes, quatre à cinq
mille ; Florence, Sienne et Lucques entre elles cinq ou six
mille, tandis que toutes les républiques de l'état de l'Église,
toutes celles de la Lombardie, toutes celles qui avaient existé
dans le pays soumis ensuite aux rois de Naples, a?aient perdu
leur liberté : en tout, à peine seize ou dix-huit mille Italiens
jouissaient pleinement de tous les droits de citoyen, sur une
population de dix-huit millions d'âmes. Un même recense-
ment en aurait peut-être donné cent quatre-svingt mille au
XIV* siècle, et dix-huit cent mille au xiw. Cette diminution
graduelle du nombre de ceux qui avaient des droits dans leur
patrie, et qui étaient prêts à lec| défendre par d'immenses sa-
crifices, était peut-être la cause principale de Tinstabilité des
gouvernements italiens, et de la diminution de leurs ressour-
ces. La liberté, qui avait d'abord été assise sur la base la plus
large, ne reposait plus désormais que sur la pointe d'une py-
ramide.
Il faut une participation beaucoup plus universelle de la
nation aux honneurs publics, pour réveiller l'enthousiasme,
animer le patriotisme, et mettre entre les mains des chefs de
Félat la force de chacun des individus. C'est seulement en
V». 20
306 HISTOIBE DES BS PUBLIQUES ITAL££19S£$
raison de cette piwticipatîoii réelle oa imaginaire de tons les
habitants de Fétat à la sonirerainetéy que les répaUiqoes
acquièrent, avec une énergie si supâieore,des moyens d* atta-
que ou de défense d<mt ne sauraient approcher ks monar^
dues qni les égalent en fM^ulation et en richesses. La souve-
raineté d'une républkpie sur tous ses citoyens séteod
loiyoïursphis loin que ne saurait le laire celle du monacque
le plus despotique., par la même iraison qu'on est phis maitce
de ses propres mouvements cp'on ne saurait jamais ÏHMis
ceux d'un autre, même id^un esclave. Dans les temps de
calme, lil est «vrai, de prince absolu se «permet un grand nom-
bre d'actes arbitraires qui sont interdits an genvennement ii*
bre;mais*atttanl;dltrouvc alors de forces superflues, amant
il liû^n manque au moment du besom. Lorsqu'il voudrait
réunir tous les efforts individuels vers le fleul but de la dé*
lense nationale, il .est obligé d'employer une partie de ses sq-
jets à oontraiiiâre l'antre, et la«moitié.de ses forces se jMuraly se
d'elle^mAme. l]n<âuc.de Hilan aurait ^u la révolte éclater de
Aoutes pajsts dans ses ^éfcats, s'il avait .chargé ses sujets, ea
4emps de guerre, de la moitié seulement du fardeau que les
florentins e'ttmposaientjoyeusement à eux-mêmes; parce qu'il
n'importait après toqt^que médiocrement à un Milanais dV
<béir à un ^isoonti on à un gforza, plutôt qu'à un Français
x)u à un AUimiand, tandis que pour un Florentin il s'agiss&ît
(de commander fOU:d!obéir. Maisauxui'' siècle, lorsque ^ba-
igne ville était libre et gooi^ernée populairement, on anroit
4xouvé le -mAme, pouvoir de résistance dans diaque petit csb-
Ion de ta Toscane. A la fin du xv"", lorsque Pis(3, Pistoïa,
Prato, Arezzo, Cortone, Volterra, étaient soumises à la ré-
publique florentine, ces villes et leurs districts ne la serv^ent
plus que. comme les sujets servent un monarque : les babir
etants mesuraient leurs sacrifices aux avantages souvent dou"
.teux qu'ils pouvaient attendre de leur obéissance , et la ré^
DU MOYEU AGE. 307
puli^lique éXét encore heureuse s'ils ne prenaient pas le
moment de son plus grand danger pour se révolter.
Dans le cours du w^ siècle, Pise fut la seule république
du prenâer ordjre qui tombât sous le joug d'une république
rii^ale. Son asservissement priva l'Italie entière de la popula-
tion, du commerce» de la navigation, de la valeur guerrière,
d'une de ses plus florissantes cités ; et cette conquête, loin
4'au^enter la puissance de Florence, la diminua, parce que
les Florentins ne surent pas ou ne voulurent pas faire entrer
les ipîsans dans leur république ; ils ne songèrent qu'à les af-
faiblir, à les enchaîner par des forteresses, à leur ôter tout
moyen de se révolter : dès lors, toutes les forces employées à
garder Pise furent retrandiées de celles avec lesqueUes ils
pouvaient se défendre. Hais si le nombre des cités libres n'é-
prouva presque pas d* autre diminution, le joug qui pesait sur
les cités sujettes fut sans cesse aggravé par le travail insen-
sible de tout le siècle. Celles qui s'étaient mises d'elles-mê-
mes sous la protection des républiques plus puissantes n'a-
vaient point cru perdre ainsi leur liberté; elles n'avaient
fait que contracter une alliance inégale qui n*avait point al-
téré leur gouvernement municipal, qui souvent même les
avait délivrées d'une tyrannie domestique. Seulement le pro-
grès du temps enlève à celui qui a peu, et ajoute à celui qui a
beaucoup i les privilèges des plus faibles sont chaque jour
moins respectés, les prérogatives du plus fort se consolident
chaque jour davantage, par des abus qui se changent en
droits. C'est ainsi que la ville dominante devint une capitale,
que les villes protégées devinrent sujettes. Ce changement
b' opéra en même temps dans toutes les villes que les Vénitiens
avaient enlevées aux tyrans de la Marche Trévisane, quoique,
en leur envoyant les drapeaux de Saint-Marc, ils leur annon-
çassent qu'ils leur rendaient la liberté ; il s'opéra dans toutes
celles que les Florentins avaient conquises en Toscane, dans
^0
308 HISTOIBS DES BEPUBUQUES ITALIEIIIIES
tootes celles des deux rivières qai obéissaient aux Génois.
La liberté politique, on la participation du peuple à la
souYcraineté 9 ayait diminué dans les capitales, parce que le
nombre des citoyens était toujours plus restreint ; elle avait
diminué dans les villes sujettes, parce que les privilèges de ces
villes avaient été considérablement réduits ; elle avait diminué
enfin en intensité, s*il est permis de s'exprimer ainsi, parce
que les droits de ceux qui étaient demeurés citoyens dans les
républiques indépendantes avaient été entamés ou dixon-
scrits, et que la souveraineté du peuple avait cessé d*ètre res-
pectée. Tandis que la république de Yenise se soumettait
toujours plus aveuglément à une aristocratie jalouse, la liberté
à Florence, à Gènes, à Lucques et à Sienne, était exposée tout
au moins à demeurer souvent et longtemps suspendue. Les
Florentins laissèrent usurper à la famille des Médids, pendant
le XV* siècle, un pouvoir à peine inférieur à celui des rois
d*une monarchie tempérée; les Génois précipitèrent leur
république, avec frénésie et à plusieurs reprises, sous le joug
d'un prince étranger ; Lucques demeura trente ans sons la
tyrannie de Paul Guinigi ; Sienne se prépara, par une longue
anarchie , à la tyrannie de Fandolfe Pétrucci ; Bologne , qui
avait tenu un des rangs les plus distingués parmi les repu-»
bliques italiennes, se façonna peu à peu au joug des Bentivo-^
glio ; Pérouse, qui avait brillé de presqueautant d'éclat, après
s'être laissé ballotter par les factions des Oddi et des Baglioni,
abandonna enfin aux derniers un pouvoir souverain ; et toutes
les villes de l'état de l'Église, qui pendant deux ou trois siècles
s* étaient gouvernées en républiques, perdirent jusqu'à Fombre
de leur liberté.
Après même que les peuples s'étaient laissé priver de l'exer-
cice de leurs droits, ils conservaient encore quelque sentiment
d'orgueil national, lorsqu'ils reconnaissaient comme leur pro-
pre ouvrage l'autorité à laquelle ils devaient se soumettre. Au
DO MOYE5 AGE. 309
commenoement du xy« siècle , la plupart des princes qui ré-
gnaient dans les villes d'Italie avaient été élevés à la souve-
raineté par un parti formé entre leurs concitoyens : ils te-
naient ainsi nominalement leur autorité du peuple ; et lors
même qu'ils n'avaient aucun égard pour sa liberté, ils con-
servaient du moins et développaient en lui son amour pour
l'indépendance nationale. Tous les droits exercés par une
nation sont d'une nature en partie métaphysique, et il n'est
pas facile de les définir pour des esprits grossiers : aussi ne
faut-il pas s'étonner s'ils sont souvent confondus les uns avec
les autres. En effet, l'indépendance reçoit des Italiens le nom
de liberté ; les habitants de Bavenne se disaient libres sous
Tautorité de la maison de Pollenta , parce qu'ils n'obéissaient
ni au pape ni aux Yénitiens ; les Milanais se disaient libres
sous les Yisconti , parce qu'ils ne recevaient les ordres ni de
Tempereùr, ni du pape, ni du roi de France. L'illusion même
que faisait encore un nom chéri attachait le peuple à la chose
publique ; et elle ne pouvait être détruite sans laisser voir c^
découvert que le glaive seul donnait la loi. Mais le xv® siècle
détruisit, pour la plupart des sujets des princes, cette illusion
d'indépendance y comme il détruisit le sentiment de liberté
pour presque tous les citoyens des républiques ; et par ce
changement funeste, il ôta aux gouvernements leur caractère
national, et affaiblit toujours plus l'Italie.
En effet , aucun siècle ne fut plus fatal aux maisons prin-
cières de l'Italie , et ne détruisit plus de dynasties ; et cette
fatalité s'accrut encore dans les années qui s'écoulèrent depuis
l'époque où nous nous sommes arrêtée jusqu'à l'an 1500. Les
premières années du siècle virent périr les Carrare de Padoue
et les de la Scala de Vérone ; elles virent disparaître en même
temps tous ces soldats de fortune élevés par Jean Galéaz Yis-
conti, qui , à sa mort, s'étaient formé une souveraineté dans
leur ville natale, ou dans celle où ils étaient en garnison, et
310 HISTOIRE DES REPUBLIQUES ITALIET9NES
qui ne purent la défendre longtemps, lés conquêtes d'un
antre soldat de fortune plus illustre qu'eux tons, de Fran-
çois Sforza, furent plus fatales encore aux anciennes dynasties
italiennes. Il avait dépouillé d* abord un grand nombre de
fendataires de T Église durant les guerres auxcpietles il dut
son premier établissement dans la Marche d'Âncône : lors-
qu'ensuite il s'assura par les armes lliéritage àe son beau-père,
et qu'il fit succéder les Sforza aux Visconti, il priva la Lom-
bardie tout entière , Tun des plus puissants et des plus im-
portants états de l'Italie, de l'illusion de la légitimité , qui
dédommageait les sujets de la liberté qulls avaient perdue.
Tous les habitants du duché de Milan surent désormais qu'ils
obéissaient au pouvoir de Tépée, et que comme elle seule leur
avait donné un maître , elle avait un droit égal pour le leur
ravir.
Un second état monarcliique, qui contenait à lui seul plus
du tiers de la population italienne, le royaume de TTaples,
avait de son côté, par la force des armes, changé de maître
au milien du siècle. Le titre qu'Àlfonse d'Aragon faisait va-
loir sur l'héritage de la seconde Jeanne, lui paraissait à lui-
même si douteux, qu'il préféra fonder son autorité sur le droit
de conquête : il considéra même cette conquête comme une
raison suffisante pour disposer par testament du royaume de
Naples en faveur de son fils naturel Ferdinand, tandis qu'il
laissait en héritage à son frère et aux enfants de celui-ci les
états qu'il possédait par un droit héréditaire.
Enfin, au centre de i'Ilalie, des papes ambitieux, peu scru-
puleux et peu dignes de respect, relevèrent par des efforts
constants la monarchie temporelle de l'Église, qui, au com-
mencement du XV* siècle, étwt réduite à une extrême fai-
blesse. Mais, soit qu'ils aliénassent de nouveau, en faveur de
leurs fils et de leurs neveux, les fiefs apostoliques qu'ils re-
couvraient, soit qu'ils les réunissent à la directe de l'Église,
DU MOTER AGE. 311
ib détachaieiit également le peuple de eoD goa?erneinent, ea
SQbsâtaaiit lear propre aotorilé à celle qoe les aneieiis cbefis
tenaient de leur patrie; et ils laissaient dans ohaqœ ville on
germe de méoontentementy en loi ôtant^ avec sa petite coor,
tons les propriétaires, tans les riches, tons les hommes actift,
qni passaieirt dansUi capibde poor s'y attacher an gonvemei-
ment. Ainsi, tandis que rdMoratenr superficiel considtee le
xv« aède ea Itdte cérame pen [fertile en résolutions; tandis
4fÊt tons les historiens ont ùHébré sa tranqniilité et sa prai^
périté, par o^^mition aax gaene$ effroyables qni vinrent enr
snile, nn examen ^ns atlentif Ant découTrir dans ce sièete
même lescaMesjMremières de ces gnerreset de leuns ianesM
eooBéqneaces. Ces causes f ar«it le rdftohemeat dn tien soctai
d*ime extrânslé àTavAre de Iltalie, raf&dhUssemeàt dn pa«*
tâotime, 4st la diffnsieii en tm» lienx de ^nmes de mécoor
toitement.
Hais si r Rdie n'avait pas été «a effet iToinée an aièdte 4aàr
vailt, on n'aarait jamais recennn 4{ue les ^nâiemenis da
xv« siècle devaient imdnke cette raine. Les (eonleinpntfaias,
tooten regrettamt sans doute plusieurs des mslitutioas aux-
quelles leurs pères avaient été attachés, n'encent point lieu
de se plaincbe de cafamités extcaoïniiaaires, et crurent platdt,
sans-doute, leur pays dms un état de prospérité croissante.
Ces mêmes rrévolntions qui changèrent le gous^ernement de
presque tontes les parties <de ritahe «développèrent les plus
grandi talents et les pins grands cafactères, .et récorafiettsè-
rent souvent glorieusement leurs auteurs. François gforza ne
temdt son pouvoir que des soldats, tandis que les Yisconti
avaient reçu le leur du peuple ; mais Sforza était bien sopé-
nenr aox Viseonti p» la noblesse de ses s^timents , p«^ ses
.talents<poiir gouverner, comme par ses vertus mihtaires. J«e
roi Alfonse était de.mème étranger dans le '•ova-^t^^ *ip t^jj^
pies, et son atmrpation violente pouvait à peine dounernai^
312 HISTOIRE DES BÉPÙBLIQUES ITALIEVUSS
sauce à un pouvoir légal ; mais Alfonse était un grand homme
qui saceédait à une femme faible, méprisable et débordée. 11
inspirait par ses vertns cbevaleresqnes de l'enthousiasme à tons
cenx qni l'approchaient ; il était le pins ardent admirateur
de l'antiquité, le père des lettres, le fondateur de toutes les
institutions qni donnèrent de l'éclat à Naples. Nicolas Y di-
minua les Ubertés des citoyens romains , et Pie II réunit an
Saint-Siège les fiefs de plusieurs petits princes de Bomagne :
mais tous deux illustrèrent le Saint-Siège par un amour pour
les lettres, un savoir, une éloquence, une libâralité qu'on ne
trouverait peut-être dans aucun de leurs prédécesseurs ou de
leurs successeurs. Côme de Hédicis ébranla la constitution de
sa patrie; mais ses projets furent si vastes, sa mamère de
penser si élevée, sa magnificence si brillante, que la postérité
est encore disposée, comme ses concitoyens, à le nommer père
de cette patrie. Aucune période ne fut riche en grands hom-
mes autant que le xv* siècle; et l'édat qni rayonne autour
d'eux semble se réfléchir sur leur famille, sur leur patrie,
sur tous ceux qui furent soumis à leur autorité.
Le xy« siècle ne fut point exempt de guerres ; cette cala-
mité, la plus terrible de cdles auxquelles la race humaine est
exposée, est peut-être nécessaire aux sociétés politiques pour
leur conserver leur énergie: mais au x\^ siècle, on observa dans
les guerres mêmes quelque respect pour l'humanité. Pendant
tout son cours, la ville de Plaisance fut la seule, entre les
grandes dtés d'Italie, qui fut exposée aux horreurs du pil-
lage et à toute la cupidité du soldat. Aucune campagne ne
fut dévastée de manière à détruire pour de longues années
l'espérance de l'agriculture; les prisonniers forent traités
avec humanité, et presque toujours rendus sans rançon, après
avoir été dépouillés; les batailles furent peu meurtrières,
trop peu même sans doute, puisqu'elles réduisirent quelque-
fois la guerre à n'être plus qu'un jeu entré des soldats .mer-
DU MtOTJSl!! AGE. 313
cenaires, qui évitaient réciproquement toute occasion de se
nuire. Mais personne alors n'aurait pu prévoir que ces égards
mutuels exposeraient les Italiens à de honteuses défaites,
lorsqu'ils auraientà soutenir le choc des autres nations. Leurs
troupes étaient sans cesse exercées, leurs armes étaient de la
meilleure trempe, leurs chevaux de la race la plus vigou-
reuse. Les gendarmes italiens que François Sforza avait en-
Toyés à Louis XI étaient revenus couverts d'honneur des
guerres civiles de France. Les Vénitiens ne s'étaient trouvés
nullement inférieurs aux Allemands lorsqu'ils avaient eu
quelques hostilités à soutenir contre les ducs d'Autriche : un
nombre infini de capitaines, tous Italiens de naissance, s'é-
taient formés dans les deux écoles des Bracceschi et des Sfor-
zeschi ; ils s'étaient maintenus en exercice, et n'avaient jamais
déposé le harnais après aucun traité de paix, parce qu'ils
louaient alternativement leurs services à tous les états qui
avaient une guerre à soutenir; enfin ils avaient appliqué à
l'étude théorique de leur métier toutes les lumières de l'es-
prit le plus éclairé. Sans doute, celui qui, avant le xv« siècle,
aurait annoncé aux Italiens que leurs troupes ne tiendraient
pas un instant devant celles des ultramontains, aurait excité la
risée : on lui aurait demandé s'il croyait que les Barbiano,
les Carmagnola, les deux Sforza, les Braccio, les Galdora, les
deux Piccinini, les Goléoni, les Malatesti n'avaient point
laissé de successeurs, et si les ultramontains avaient un seul
homme qui entendit comme eux la théoiie aussi bien que la
pratique de l'art de la guerre.
Le temps des chefs-d'œuvre de la langue italienne n'était
pas encore venu ; mais aucun siècle n'éprouva peut-être plus
d'enthousiasme pour les lettres que le xv©, et ne se sentit
iBieux sur le chemin de la gloire qu'elles peuvent assurer.
Tandis que dans le reste de l'Europe la noblesse se faisait un
point d'honneur de ne savoir pas même lire, il n'y avait pas
314 HISTOIRE DES RÉPUEtlQUÉS ITALIENNES
«n des princes, pas «b des capitames, pas on des grands ci-
toyens de r Italie qui n*eût reçu ime éducation littéraire, qui
n*étudi&t l'antiquité ayee une sorte de passion, et qui ne s'at-
tachât à la gloire des héros du temps passé ayec d'autant plus
d'ardeur qu'il aqiirait plus à la gloire pour lui-mèBcie. Les
-grands philosophes qui restaurèrent à cette épo^e tous les
ttionuiEients littéraires de l'antiquité, les savants qui renouve-
lèrent la philosophie platonieieiine, les poêles qui réveiHèrent
lés nuises italiennes, entrèrent tous dans les conseils des prin-
ces ou dans éeui: des républiques, et obtinrent, dans le gon-
vemeinent de leur patrie, une iidlueiice à laquelle s'élèvent
rarement les lettres.
Le dertdw des Yisconti et le prenûer des Sforza furent
^[alement généreux envers les savants qu'ils attirèrent à leur
cour. Ils 7 retinrent longtemps ^François Filelfo, I homme du
siècle à qui SB profonde érudition, ton travail infatigable, et
les milliers d'élèves cpi'il avait formés, avaient procuré la
plus haute réputation. Geéoo Simonetta, secrétaire de Fran-
çois Sf0pza, son premier mmistré, et gouverneur de ses en-
fants, était lui-même un savant du preimer ordre. Les conseils
d'Alfonse et la cour de Naples offraient le même mélange
d'érudition et de politique. Barthélémy Fazk^, Laurent
Walla, et Surtout Antoine 'Beecadelli, plus connu sous le nom
' de Panhormita, étaient au nombre des confidents les plus in-
times et des consdllers les plus habituels du monarque. La
république florentine avait compté panni ses secrétaires en
chef Gollucdo Saluttai, Léonard Arétin, et Poggio Bracdo-
lini. Gème de Médids 'mettait au n^âbre de ses premiers amis
Ambroise Traversari et Marsile Fido. Nicolas Y et Pie II,
que la culture des lettres avait élevés jusqu'au Satnt-Siége,
semblèrent vouloir consacrer à elles seules la souveraineté
' qufils leur devaietit. Flavio Blondo, Platina, Jaeob Amma-
natî, obtinrent les premières places dans leur confiance. Gua-
D0 MOtElf AGE. 315
linD et Jean Aorispa ornèrent les cours moins puissantes de
Ferrare et (te Mantone, et furent chargés de Féducation de
leors pfinces. Les Montéfeltro à Urbin, les Halhtesti à Rtinini,
diangèrent en quelque sorte leurs palais en académies.
Ce Ait pir celte émnlation constante entre de petits états,
ce fut par ces foyers de lumières distribués dans toutes les
provinces, que la culture spirituelle de Tltalie fit en peu de
temps des pidgrèsn rapides. Hais si toute la péninsule avait
été réunie en une seule monarchie, cette émulation aurait
cessé à Finstant. Avec une seule capitale, les Italiens n*au-
raient formé qu'une seule école ; les mêmes préjugés, les mê-
mes erreore, devenus dominants par le talent d'un profes-
seur, rintrigue d'tme cabale ou la protection d'un maître, se
seraient répandus uhiformémént sur toute la contrée. On au-
rait cru ne pouvoir penser, écrire, parler purement la langue,
qu'à Rome, par exemple, comme en France on croit ne pou-
voir le faire qu'à Paris : la poésie italienne y aurait perdu de
son originalité et de sa variété; mais le dommage aurait sur-
tout été senti par les provinces, qui, n'espérant plus d'illus-
tration, n'auraient plus contribué aux progrès de l'esprit, et
en retour, n'en auraient point ressenti le bénéfice. Dans le
TLY^ siède, il n'y eut pas de chef-lieu d'tm état indépendant,
quelque petit qu'il Ait, qui ne coùiptàt plusieurs hommes dis-
tingtiés ; iln'y eut pas de ville sujette, quelque grande qu'elle
fût, qui en conservât un seul dans son sein. lîse, malgré sa
déicadence, était une ville bien plus riche, bien plus peuplée,
bien plus considérable qu'Urbin, que Bimini, que Pésaro ;
mais Pise, une fois assujettie aux Florentins, n'a plus produit
un homtne marquant dans la littérature ou la politique, tan-
dis que les petites cours de Frédéric de Montéfeltro à Urbhi,
de Sigismend Malatesta à Bimini, d'Alexandre Sforka à Pé-
saro, rassemblaient chacune plusieurs philosophes et plu-
sieurs littérateurs. Ferrare et Mantoue n'étaient pmnt supé-
316 HISTOIBE DE5 HEPUBUQUES ITALUSIIIIES
rieares en population à Payie, à Paime et à Plaisance ; mais
antoor de la résidence du gouvernement dans les premières
villes, brillait tout le lustre jdes arts, de la poésie et de la
science; tandis que dans tout le duché de Milan, la ville de
Milan seule possédait la même illustration. Le royaume de
Naples était un exemple plus frappant encore de la dépres-
sion des provinces, lorsqu'une capitale s'élève à leurs dépens.
Bans ce beau royaume qui comprenait seul un tiers de la na-
tion italienne, qui, plus que tout le reste de la péninsule,
était favorisé par la nature, et qui n'ayant qu'une seule fron-
tière, et pour voisin que l'Église, était moins exposé aux ra-
vages de la guerre qu'aucun autre état de l'Italie , la capitale
seule avait pairticipé au mouvement qui dans le xv« siècle
avait ranimé la culture des lettres et de la philosophie. Mal-
gré la faveur d' Alfonse, malgré le crédit drâ grands littéra-
teurs qui formèrent sa cour, aucun homme de talent n'avait
ouvert d'école dans les villes si nombreuses et si heureusement
situées de la Galabre et de la Pouille. Ces provinces apparte-
naient encore à la barbarie, et jusqu'à nos jours elles ont à
peine ressenti l'influence de la civilisation européenne.
Les progrès de cette civilisation, partout où ils s'étaient
étendus, avaient prodigieusement augmenté les jouissances
de la vie : les études du xv*" siècle n'étaient point tournées, il
est vrai, vers les sciences naturelles, dont les résultats sont
applicables à l'utilité pratique, mais vers l'érudition et la
poésie, qui n'offrent de jouissances qu'à l'esprit. Cependant
l'habitude de l'observation d'une part, l'étude des anciens de
l'autre, avaient développé plusieurs des sciences qui se pro-
posent pour but le bonheur des hommes. La législation avait
fait des progrès, la jurisprudence s'était éclaircie, les finances
étaient administrées avec régularité, et l'économie politique,
quoique son nom même fût inconnu, n'était point outragée
par des r^lements absurdes, comme elle le fut sous les mains
DU MOTSH AGB. 317
défi Espagnols après qae l'Italie eut perda son indëpendance.
Les gonTemements se laissèrent sooTent entraîner dans de
très grandes dépenses, et ils leyèrent quelquefois des sommes
prodigieuses sur leurs sujets : mais leur manière d'asseoir les
taxes n'aggravait pas la souffrance de payer l'impôt lui-même;
eUe n'étouffait pas le commerce et n'écrasait pas l'agri-
ODlture.
Plus une histoire est détaillée, plus elle présente au grand
jour, lorsqu'elle est yéridique, les erreurs et les souffrances
des hommes. Peut-être celle de l'Italie au xv* siècle aura-
t-eUe laissé dans fesprit du lecteur l'impression de beaucoup
plus de malheurs et de crimes que n'en offre le plus souYcnt
une contrée de même étendue dans le même espace de temps.
On se tromperait fort cependant si l'on en concluait que les
Italiens étaient à cette époque plus malheureux et plus hi-
deux que leurs contemporains dans le reste de l'Europe,
qu'ils l'étaient autant que leurs sncc*esseurs dans leur propre
pays. La y\e priyée des Italiens, dans d'aussi petits états que
ceux qui composaient alors l'Italie, était toute en dehors, et
tous leurs malheurs étaient historiques. Chaque individu se
trouvait en contact avec la souveraineté ; et ses passions, ses
intrigues, ses vengeances, se liaient aux révolutionsj^de l'état
et aux événements publics. Bans les grandes monarchies où
les provindaux vivaient enveloppés d'une obscurité profonde,
et dans les prindpautés modernes où l'état lui-même n'a
point d'histoire, et où un espace infini sépare le souverain
d'avec le sujet, chacun souffre en silence sa part des calamités
publiques, et cette part lui est infligée plutôt par l'effet des
mauvaises lois que par les violences des hommes. Les malver-
sations des ministres subalternes ne réveillent point l'attention ;
lés dénis de justice , les arrestations arbitraires ordon-
nées par un bailli ou un intendant, ne sont pas des événe-
ments historiques ; les crimes des particuliers sont du ressort
318 HISTOimS DES &ÉPUBUQUE8 ITALIEEIIIES
des tribiùiaux aeuleuiieiit, et la ruine, des faimUeS) celle de
ragricoltare, du conunerce et de riadustrie» est tout au plus
indiquée en masse par rhistprieu, sapa qu'il faaae jamais rea^
sortir les infortuné individuelles. Pour comparer les souf-
frances dq peuple français, au i^v"" siècle» à ceUe des Italieusi
il faudrait que l'histoire du. premier noua p^péaentftt, avec lea
grandes révolutions de la monarchie, toutes les injuaticea
éprouvées dans le même temps par les )>oi|rgeon de Blois et
d'Angers, de Tours et de Bourgei!|, et. de toptes lea autres
Tilles du royaume ; qu'elle nous montra l'élévation et la mine
^es familles privées, les jalousies secrètes, les intrigues oou«
pables par lesquelles les plus ohscqrs citoyens se supplantaient
les uns les autres, et les crimes que les tribunaux punissaient
chez eux. Mais lorsqu'il n'y a dans les provinces ni liberté ni
indépendance, de tels détails sont sans intérêt comme sans
dignité : encore que les passions privéçs çxercent tqnt leur
jeu dans le manoir du moindre baron, et dans la sphère d'ae*
tivité du dernier échevin, leur résultat n'affecte que les in*
dividus, et ne se rallie point ai|x destinées de la natio^ ; au-
cune passion généreuse n'ennoblit aux yeux des vietimes la
calamité qu'elles souffrent en commun ; et l'histoire ne daigne
pas loême nommer deux ou trfHs fois par siècle des grandes
vîUes qui, si elles avaient été libres, auraient fourni ebaeune
tant ()e sujets distingués aux études des moralistes.
Poqr çQnnaitr^ si nue nation est heureuse ou malbeareose ,
û la mfLSse des individus qui la composent participe à sji pros-
périté , si la gloire que recueillent ses chefs est stérile on f ino-
tueuse pour elle, il faut examiner l'état de s^ travaux, son
agriculture, ses manufactures , son commerce ; il faut se faire
npe idée de la vie privée de ses diverses classes de citoyens ;
il faut se mettre à la place du père de famille dans les diverB
états de la sopiété , et en lui voyant donner une carrière ^
chacun de ses fils , il faut se demander quelles chances de
DU MOT!» ÂGE. 319
BQceès il voit devant eax. £a jogeaût r Italie daprès ces r^es,
nous troavws qu'au xv* nède elle était parvenue à un haut
degré de prospérité dont die est bienredesoenduede nos jours,
et nous demeurerons bien eonvaincus qu'aujDune contrée dp
rSorope ne pouvait alors soutenir de oomparaison avec die.
Sons le rapport de l'agriculture , 1* Italie était alors, OHume
aujourd'hui, cultivée par des métayers qui, faisant tous Isa
travaux et toiries les avances, retenaient en paiement la moitié
des récottes. Ainsi, tandis que dans le reste de l'Occident 1^^
paysans étaient encore attachés à la glèbe , ou tout aa mw^
soumis par les coutumes du vilénage à l'oppression de lieurs
sagneurs, ceux de l'Italie étaient libres ; ils étaient égaux aux
citadins quant aux droits civils ; ils ne dépendaient poM^t du
caprice d'un maître; ils ne recevaiei^ point de lui un salaire,
et quoiqoffls ne fussent pas i^opriétaires, ce n'étajit que de la
terre et. de leur travafl qu'ils attendaient leur revenu. La fer-
tile LoB^Murdie était, comme aujourd'hui, soumise à d'indusr
trieux assolements; la culture du blé de Turquie et (çdle des
fourrage» y avaient fait admettre d'avantageuses succefpion^
deréodtes : les eaux avaient été habilement répailjes sur tout
son sol pur des canaux construits à grands frais; et ce système
d'arrosement j qui la couvre tout entière comme un ré^em ,
avait été complété par Louis-^le-Maure , qui avait donné fK)n
nom à quelques-uns des ouvrages hydrauliques qu'il avait fait
construire. Les collines de Toscane étaient, comme aujour-
d'hui, couvertes d'oliviers et de vig^ies ; et pour q#e les /eapx
n'en entraînassent pas le terrain , il avait été soutenu par
étages avec des murs sans ciment près de Flonence, ,et avec
des terrasses de gazon près de Luoques.
Les histori^is contemporains n'ont point dierché ji nous
peindre l'mtpectdu pays; c'estsouvent d'après desdesçriptiaus
de bataille^ ou d'après les accidents d'un campement d armée,
que UQW arivons à connaître quel était l'état de l'agriculture,
320 HIStOIHB BES HiPUBIiIQUES ITAUBNKIS
on le sort des paysans dans les temps éloignés de noi»5 ; mm
si ces droonstanoes détachées ne nous laissent point lien de
douter ({ne F Italie ne présentât la même apparence qa'anjoor-
d'hoi dans les provinces qni ont conservé leur prospérité, elles
nous apprennent aussi que la campagne était encore couverte
de villages et de moissonneurs dans les provinces qui sont
aujourd'hui changées en déserts^ La désolation s'est ét^due
sur une partie considérable et autrefois infiniment fert^e de
l'Italie, depuis les rives du Serchio jusqu'à celles du Yultume.
Les riches campagnes de Pise furent, il est vrai, ravagées par
des inondations,, et rendues, dès le iey® siècle, insalubres par
les eaux stagnantes, ensuite de la négligence ou de la jalousie
de la république florentine; cependant de puissants villages
animaient encore toute la côte qui s'étend de Livoume jusqu'à
rOmbrone, et qui est aujourd'hui désolée. Qn peut juger de
la nombreuse population de l'état de Sienne et de la Maremme
siennoise par la quantité de villages que le marquis de Mari*
gnan y fit raser dans le siècle suivant, et dont il passa les ha-
bitants au fil de répée. Les guerres des barons, feudataires de
l'Église, font voir que la campagne de fiome oonten«t <^ale-
ment une population nombreuse; les Golonna seuls y possé-
daient plus de villages populeui au xv"" siècle que toute cette
province ne compte aujourd'hui de fermiers. Toute la province
maritime, il est vrai, ou, comme on l'appelle encore, toute la
Maremme, était réputée malsaine, mais non pas au point où
elle l'est aujourd'hui. Flavio Blondo , en la décrivant sous le
pontificat de Nicolas Y, se contente de dire qu'elle ur'est plus
de son temps aussi florissante qu'elle l'était du temps des Ro-
mains ; et lorsqu'il parle d'Ostie, il dit que cette ville ne jouit
pas d'un air très salubre parce qu'elle est située au bord de la
mer * . Mais s'il avait dû parler de son état actuel, à pdne la
< Italia lUmirata^ di Flavio Blondo, traduz. di Lucio Famo, Venezia, 1542, ifi-8.
hegione lit , fol. 94. Oslie qui , du temps des RomaÎDS , comptait au moins eioqaaDl»
DU MOYEN AGE. 3*21
langae loi aurait^elle fourni 'des termes pour peindre Fef*
frayante désolation do pays, et les effets de l'air pestilentiel
qn'on y respire.
Les paysans italiens, au xv* siècle, différaient cependant
de ceox de nos jours, en ce qu'an lieu d'habiter au milieu de
leurs champs, oà ils avaient toujours une maison rustique, ils
vivaient presque tous dans des bourgades fermées de murs ;
de là ils se rendaient chaque matin à leurs travaux , et lors*
qu'une invasion ennemie menaçait leur sûreté, ils ramenaient
dans leur bourgade leur bétail, leurs instruments aratoires et
leurs récoltes. Les historiens, en rapportant plusieurs inva-
sions inopinées, ajoutent souvent que les paysans n'avaient
point eu le temps de faire rentrer dans les lieox forts leur bé-
tail et leur famille; ce qui montre que dans l'habitude de la
vie ils ne leor faisaient point abandonner les champs.
La réunion des paysans dans les bourgades nuisait sans
doute à la perfection de ragriculture, et die diminuait les
jouissances que leur famille pouvait retirer d'une terre fertile.
Hais lorsqu'on examine ces bourgades, qui sont aujourd'hui
presque toutes dépeuplées, ontrouvedans leurs maisons aban-
données depuis des siècles des traces de l'opulence de ceux
qui les habitèrent autrefois. Ces maisons sont pour la plupart
vastes et commodes ; elles réunissent la solidité à l'élégance ,
et elles donnent lieu de croire que les paysans italiens, au
xv^ siècle, étaient mieux logés que ne le sont aujourd'hui les
bourgeois d'une fortune médiocre dans les pays les plus pros-
pérants de l'Europe.
De plus, cette réunion des paysans dans des villages fortifiés
qu'ils nommaient châteaux, leur donnait une importance et
raille habitants, ne compte plm que trente habitanU dans la bonne laison , dix dans la
maaraise, et deux ou trois femmes. De tous les côtés, dans les campagnes , A dix milles
de disUnce , il n'y a pas un seul habitant, excepté A Porto , Tille plus désolée encore
que ne Test Ostie.
TU, 21
322 HISTOIRE DES REPUBLIQUES ITALIENNES
des droits politiqaes dont Us n'aaraient pu jouir eu restant
isolés. Ils étaient chargés de la défense de leor patrie; et le
gouvernement leur avait confié pour cela des armes, un trésor
commun et une administration régie par des magistrats da
leur choix. Il les avait ainsi mis en état de se défendre contre
un ennemi étranger ; mais en même temps il leur avait donné
les moyens de repousser les entreprises oppressives de tout
autre corps de l'état.
Tel était le sort de cette moitié de la nation italienne qui ,
par son travail, faisait mdtre tous les fruits de la terre. Si on
le cooipare à celui des paysans de la France, de F Angleterre,
de l'Espagne et de l'Allemagne, à la même époque, sans doute
on le trouvera infiniment plus heureux. Les pères de famille
étaient affranchis de tout esclavage, de tout vasselage domes-
tique. Ils n'avaient d'inquiétude ni sur les conditions de leur
bail, qui d^neurait le même de générations en générations,
si sur le paiement des contributions qui ne regardait que leurs
maîtres, ni sur celui du fermage de leurs terres qu'ils acquit-
taient en nature. Ils pouvaient sans crainte élever leurs en-
fonts dans l'assurance que le travail leur fournirait toujours
une abondante subsistance, et si leur famille venait à s'ac-
<^tre au-delà de ce que la culture perfectionnée de leur mé-
tairie pourrait employer de bras, ils voyaient tonfonrs un em-
]^9i, pour cet ^cès de population, dans l'armée, dans le
clergé, et dans les professions mécaniques des villes.
Tous ceux qui travaillaient aux champs vivaient sur une
moitié des fruits de la terre ; on a donc lieu de croire qu'ils
formaient eux-mêmes au moins une moitié de la nation * . La
partie des récoltes que les métayers remettaient en nature à
1 Celle éyaloatioD n'est pas une mefure fixe, mais un minimum. Tout le blé qui est
porté au marché n'est |MUI nécessairement consommé dans les villes ; les paysans qui ne
cuitiYent que des vi|snobles et des oliviers en racbéteni une grande partie. Cette pro-
portion s'est augmentée depuis que les vastes terres à blé des Maremmcs et celles de la
rottiUe lont abandOBA^W A U désolation. U seule partie de la campagne italienne qui
tl»tJ MOTEN AGE. 323
leors mattreSy étût eonsommée dans les villes, et elle 7 main-
tenait ane antre moitié de la nation. Mais la condition de
cette seconde partie dn peuple était bien différente de oe
qu'elle est aujourd'hui : an lieu de languir dans la fainéantise,
faute de pouvoir trouva* un emploi pour son travail, ou faute
d'avoir conservé la volonté de travailler et l'habileté dans
un art utite , cette classe produisait des valeurs commerciales
avec noû moins d'activité que la première produisait des va-
leurs agricbles. L'Italie était encore le pays de l'Europe le
plus riche en manufactures : les soies qu'elle fournit en si
gfande abondance , les laines, le lin , le chanvre , lés pellete-
ries, les métaux, l'alun, le soufre, le bitume, tous les produits
brute de la terre qui doivent recevoir du travail de l'honune
nne nouvelle préparation avant d'être employés à son usage,
obtenaient ce dernier fini en Italie, et par des maiiis italieur
nes, avant d'être livrés à la consommation intérieure ou étran-
gère. Hais les matières premières fournies par l' Italie ne
suffisaient pas aux ateliers itahens ; et c'était une des fot^ctions
importantes du commerce que d'en rassembler de nouvelles
sur les côtes de la mer Noire , en Afrique , en Espagne et
dans les pays du nord , tout èomiiie le commerce les distri-
buait ensuite au loin, après qu'un travail italien en avait
augmenté la valeur. Ce travail était l'objet d'une constante
demande : il suffisait au pauvre d'apporter ses bras au mar-
ché; il était toujours sûr d'y trouver des entrepreneurs prêts
à les mettre à l'ouvrage, et à le récompenser en proportion de
son habileté.
Le géde des artistes ne doit sans doute pas être confondu
avec le travail mécanique des manouvriers : mais leâ arts
soit aosti pei^lée qu'elle l'était au xt* siteie, est celle qui rachète les blés portés au
marché; la dimiautioa de la culture des graios, dans les pays aujourd'hui déserts , à été
proportioQUée à la dépopuUtioa des villes; aussi quelques économistes préteodeiit^s
qu'aujounrhui les quatre cUiquiémes de la naUoa italieime appartieimeat à la classe' dei
cultivateurs,
21*
321 HISTOIEE DSS REPUBLIQUES ITALIElKfllËS
étaient aussi une carrière profitable ; et même sons le point de
\ue de réconomie politique , il ne fant pas oublier que le
môme pays qui possédait les plus nombreuses papeteries et
les imprimeries les plus actives, possédait aussi le plus grand
nombre de ces savants dont les livres devenaient un objet de
commerce dans toute l*£urope ; que, non.loin des carrières de
marbre blanc de Carrare, ou des fonderies des Marenunes,
4^taient les ateliers de statuaire des Donatelli et des Ghiberti,
ou la coupole admirable de Sainte* Marie Beparata, ouvrage
de Brunelleschi, à Florence; et qu*àcôté des ouvriers qui tra-
vaillaient la toile, les pinceaux et les couleurs, on voyait naître
les Massaccio, lesGhirlandaio, et tous les fondateurs des écoles
de peinture. Ainsi tous les travaux prospéraient à la fois, de-
puis celui du tisserand, condamné à une opération toujours
uniforme, jusqu'à celui de Fartiste qui devait faire la gloire
de son pays. Dès lors le père de famille qui ne léguait à ses
enfants que de la sieinté, de Factivité et du courage pour tout
entreprendre, les lançait sans crainte dans la carrière de la
vie.
Le commerce italien attendait, et payait souvent d'avance
tous ces produits de l'industrie italienne , pour les distribuer
ensuite aux diverses nations de la terre. Le temps n'était pas
eucore venu où les princes, jaloux de l'indépendance de ces
hommes qui peuvent soustraire avec facilité leur fortune à la
tyrannie, armèrent toutes les vanités contre l'activité et l'in-
dustrie mercantiles. Les ultramontains n'avaient pas encore
easdgné aux Italiens que le commerce dérogeait à la noblesse;
et les familles les plus illustres de Florence, de Yenise, de
Gènes, de Luçques et de Bologne fournissaient des chefs aux
maisons de commerce, en même temps que des cardinaux à
l'Église et des grands-prieurs à l'ordre de Malte. Tandis que
les hommes les plus considérés de la nation mettaient le tra-
vail en honneur , en donnant eux-mêmes l'exemple de l'acti-
DD MOY£JN AÙÉ. US
vite ; qu'ils enseignaient à considérer l'oisiveté comme un YÎce,
comme an déshonneur, et comme un délit contre la société ;
on commwce qui embrassait la moitié du monde alors connu
les formait eux-mêmes à la dextérité des habiles négociateurs,
aux connaissances positives des législateurs , et leur donnut
occasion d'étudier les éléments de la prospérité publique qu'ils
devaient conserver et accroître dans leur administration.
D* autre part, des négociants, tirés d*un ordre aussi relevé de
la société, s'accoutumaient à porter dans leur commerce plus
de loyauté , des sentiments plus libéraux, des connaissances
plus yariées. L'esprit appliqué tour à tour aux affaires pu-
bliques et aux affaires privées, en acquérait plus de souplesse,
et s'acquittait mieux de Tune et de l'autre de ses fonctions.
La quantité de travail qu'une nation peut faire, la subsis-
tance qu'elle peut se procurer, et la population qu'elle peut
nourrir, se mesurent toujours sur la quantité de capitaux
dont elle dispose. Or, le capital productif qui appartenait aux
Italiens au xv« siècle, égalait peut-être celui de toutes les au-
tres nations de l'Europe réunies; et ce capital , confié à des
mains économes et industrieuses , n'était jamais laissé oisif.
Aujourd'hui le revenu annuel de l'Italie consiste presque uni-
quement dans cette moitié du produit des terres, que les mé-
tayers remettent en nature aux propriétaires, et que ceux-ci,
par eux-mêmes ou par leurs divers salariés, consomment dans
l'oisiyeté. Au xv'' siècle il y avait parmi les propriétaires des
terres, un grand nombre de négociants, qui ajoutaient chaque
année à leurs capitaux productifs la partie souvent très con-
sidérable des revenus de leurs possessions , qu'ils ne consom-
maient pas oisivement. Ils augmentaient ainsi sans cesse des
capitaux dont le revenu annuel surpassait peut-être de beau-
coup celui des terres. Une population plus nombreuse pouvait
donc vivre sur le même terrain avec une aisance beaucoup
plus grande. Tandis qu'aujourd'hui une partie considérable
326 HISTOIRE DES BÉPUBLIQUES ITALUSIilTES
4es 80109 et des huiles de Tltalie, et même de son blé, sont
échangés contre des objets de luxe; alors les objets de liue
{Nresque seuls étaient échange contre de nouveaux blés. Au-
cune limite n'arrêtait les spéculations du négociant, qui voyait
s'accrottre sans cesse le fonds avec lequel il les entreprenait :
le pauvre était riche de son travail ; le ridbe avait la certitude
d'augmenter sa fortune par une activité nouvelle : l'un et
Vautre pouvaient sans crainte voir croître une famille qui
n'avait rien à redouter de la misère.
Au moment où l'Italie sortait à peine de la barbarie , noi^
avons lait remaïquer la maoièçe glorieux dont elle se présen-
tait dans la carrière des lettres et des arts. Mais au xV" siècle
l'histoire littéraire et l'histoire des arts ne sont pas moins
importantes que l'histoire politique elle-même ; il faut donc
ka abandonner à ceux qui eu ont fait l'objet d'une étude par-
ticuUèce* Dans nu autre ouvrage j'ai présenté en raccourci un
tableau de la littérature italienne, tandis qu'une histoire
complète de cette même littérature était publiée par un de9
plus illustres écrivains de la France. Plusieurs autres ont tmci
les admirables progrès de l'architecture, de la sculpture et de
la peinture : on ne saurait ici ni en parler dignement en peq
de mots , ni en parler à fond, sans sortir de l'unité d'un sujet
historique. Ce n'est donc que comme preuve nouvelle de cette
prospérité, de ce seulîment de repos et de bonheur» répandu^
dans la natjipQ au xv* siècle, que j'en appellerai au progrès
rapide des arts. Sans doute lorsqu'ils furent parvenus à leoc
entier développement, lorsque des hommes tds qne Michel-
Ange, Raphaël , Titien , eurent été formés? les a^ts se soutin-
rent au xvi'' siècle ; ils brillèrent même d'uu plus grand éclat
encore an milieu des plus effroyables calamités. Les malheurs
n'éteignent pas toujours le génie;'mais il faut un état de sé-
curité et de jouissance de la vie, pour allumer la première
fois son flambeau. Il faut qq'une nation reg^u'de le présent
Puhhf par l'urne. Pans.
DU MOTKlf AGE. 327
a¥ec coofianee et rayenir sans crainte, pour qa'dle associe
aux {daisirs fagitiâ de 1* aisance la pompe éterndle des beanx-
arts.
Les monoments dont Fltalie se cooirit an xv* siècle n'in-
diqoent donc pas seulement qu'un sentiment délicat du beau
dirigea le ciseau, le pinceau on l'équerre de ses sculptenrs, de
ses peintres et de ses architectes illustres; rensemble de ces
monuments fait encore connaître une nation pleine de confiance
dans sa force , d*espérance dand son avenir, de satisfaction
pour ses succès passés. Ses temples surpassent infiniment en
magnificence et en solidité tous les plus célèbres de la Grèce;
les palais de ses citoyens remportent par leur étendue, par
Tépaisseur colossale de leurs murailles, sur ceux des emper^irs
romains; les plus simples de ses maisons pcNrtent un caractère
de force , d'aisance et de commodité. Lorsqu'aiujourd'hoi ea
parcourt ces dtés de l'Italie, toutes à moitié dés^tes, tontes
déchues de leur anciennne opulence ; lorsqu*on entre dans cea
temples que la foule ne peut remplir, même dans les plus
grandes solennités; lorsqu'on visite ces palais dont les pro->
priétaires occupent à peine la dixièiQ/e partie ; lorsqu'cm re-
marque les panneaux brisés de ces l^étres construites avec
tant d'élégance, l'herbe qui croit au (Hed des murs, le silenee
de ces vastes demeures, la pauvreté des habituts qu'<m en
voit sortir, la démarche lente, l'air inoccupé de tous ceux qsà
traversent les rues , et les mendiants qui semblent formes
seuls la moitié de la population; l'on sent que de telles villes
ont été bâties par un autre peuple que celui qu'on j voit au-
jourd'hui, qu'elles sont le produit de la vie, et que la mort
en a hérité; qu'elles ont appartenu à l'opulence, et que la
misère est venue ensuite; quelles sont l'ouvrage d'un graild
peuple, et que ce grand pea{de ne se trouve plua nidl^ part.
Le luxe des rois peut quelquefois créer une capitale magn^
fiqne, lors même que leur nation est encore misérable on
3.28 HISTOIRE DES BBPUBUQUES ITALIENNES
dan^barbare, et qa*elle n*a aocun désir de prendre sur son
nécessaire pour s'entourer d'une pompe dont elle ne jouit pas.
C'est Louis XIV et non la France, Frédéric et non la Prusse,
Pierre ou Catherine et non la Russie, qu'on voit dans les pa-
lais de Paris, de Berlin , de Pétersbourg ; aussi les provinces
reculées étaient-elles, à l'époque de ces constructions, d'autant
plus misérables , que ces capitales étaient plus somptueuses.
Mais la richesse et l'élégance de rarchitecture italienne sont
spontanées ; on lui trouve dans les yillages le même caractère
que dans les villes : partout elle est supérieure à la condition
des propriétaires actuels, partout elle leur offre des habitations
plus vastes et plus commodes que celles que la même classe
de la société occupe dans des pays réputés aujourd'hui très
prospérants. Les bourgades sans illustration d'Uzzano , de
Boggiano, dé Montécatini, situées sur le penchant des collines
du Val-de-Nievole , si elles étaient transportées tout entières
au milieu des plus anciennes villes de France, de Troyes, de
Sens, de Bourges, en formeraient les quartiers les mieux bâtis;
leurs temples seraient faits pour orner les plus grandes villes.
Lors même que l'on s'enfonce dans les vallées des Apennins,
loin de toute grande route, de tout commerce, de l'abord de
tout voyageur, on y retrouve encore des villages où aucune
maison nouvelle n'a été bâtie depuis le xv° siècle , où aucune
maison ancienne n'a été réparée, tels que Pontito,la Schiappa
ou Yellano, et qui cependant sont composés uniquement de
maisons de pierre et de ciment à plusieurs étages, et d'une
élégante architecture.
C'est ainsi que l'Italie presque entière, que son agriculture,
que ses chemins, que l'aspect donné à la terre par les mains
de l'homme , que l'architecture des villes et celle des villages
conservent des monuments de son antique opulence, d'une
prospérité sentie par toutes les classes, d'une activité d'esprit,
d iiLi zèle d'entreprises qui étaient l'effet et qui devenaient de
IM MOYEU AO£. 3*29
nouveau la cause da bonheur national. Cette opulence, malgré
toutes les révolutious dont nous avons rendu compte, subsistait
encore à la fin du xv' siècle. Il ne nous reste plus qu*à voir
par quel enchaînement de calamités elle fut détruite, et par
quelles entraves V esprit de la nation fut dompté; en sorte
que, même après la cessation de la guerre, même après la fin
de tous les fléaux qui se succédèrent pendant un demi-siècle,
le retour de la tranquillité, la jouissance d'une longue paix, à
laquelle les autres nations de TEurope portaient envie , n^ont
pu rendre à f Italie qu'une ombre de son ancienne félicité.
33Q HISTOIBB DBS BiPOBUqOlB ITALIIRIIES
CHAPITRE XL
Election d'Alexandre VI. — Projets de réforme de Jérôme Savonarolc;
vanité de Pierre de Médicis* nouveau chef de la républiqiie florentine.
— Louis Sforza invite Charles VIII à faire valoir ses droits sur le
royaume de Naples : fermentation de toute PJtalie; Ferdinand I"
meurt avant d'être attaqué.
1492-1494.
Les croyances religieuses et la politique contribuaient à
l'envi en Italie à placer le pape à la tête de la confédération
d* états indépendants, entre lesquels cette contrée était par-
tagée. Cétait surtout pendant le cours du xv® siècle que les
papes avaient élevé leur monarchie temporelle ; ils avaient
réduit la ville de Rome à n*avoir plus qu'un gouvernement
municipal : ils avaient substitué leur propre autorité à celle
du sénat et de la république ; et depuis la conjuration de Sté-
fano Porcari, ils avaient aboli les derniers restes de la liberté
romaine. Dans les provinces voisines, les papes avaient tra-
vaillé avec ardeur à réduire la noblesse feudataire à Fobéis-
sance; et la violence avec laquelle les deux plus puissantes mai-
sons avaient été persécutées, celle des Colonna par Sixte lY,
et celle des Orsini par Innocent YIII, au commencement de
IH) MOTBB AGB. 331
son pontificat, les axaient affaiblies tOBtesL deux. Preç^ie
tons les petits princes, et presque tojiteB les xiUes libres si^
toées entre Rome, les états, de Florence et ceux de Venise,
aYaieat été forcés à reconnaître 1* autoiâté snprèiae dp Saint-
Siège. Les princes de Somagne consenraient, il est yrai, leur
souveraineté sous Taotorité de l'Église; mais ils obéissaient
aiEcc empressement au pape, qu'ils craignaient; et ils lui four-
nissaient dans toutes ses guerres de bons capitaines rt de bons
soldats. Aussi les derniers pontifes s'étaient-ils montrés plu»
gi&erria» que prêtres, et l'importance militaire de l'état de
VÉgMse avait-elle été mieux septie.
D'ailleui!» le pape, suzerain du royaume de Naples, direc-
teur du parti guelfe en Lombardie et en Toscane, et chef su-
prême de r Église, ne mesurait pas sa puissance sur la seule
étendue dqs états soumis à sa juridiction immédiate. Au-delà,
et à une grande distance de ses pcopres froutîères, il pouvatt
e»core gagner de^ créature» sans leur donner d* argent, faire
la guerre sai^ soldats, menacer et iptimîder sans foires réel-
les. Aussi rUstoire des papes était-die peut-être la partie la
plus essentielle de l'histoire d'Italie. Les révolutions ctes ré-
publiques, comme celles des monarchies, se trouvaient cob->
sitammqnt liées à celles de la cour pontificale; et presque
tout^ les grandes catastrophes qui devaient â>i'anier l'Italie
avaient été préparées par les intrigues ou les passions d^
prêtres.
1 492. — Le commencement de la âeri]^ière périqde de la
liberté italienne, à laquelle nous sommes parvenus, le but de
te longue guerre que les ultramontains devaient porter dans
toute la presqu'île, fut lui-même un moment de crise pour le
pouvoir pontifical ; car c'est alors que fut élevé sur la ^aire
de saint Pierre le plus odieux, le plus impudent, le plus cri-
minel de tous ceux qui abusèrent jamais d*une autorité sa-
crée pour outrager et asservir les hommes. Alexandre YI fut
332 HISrOIHB DES aÉPUSLIQCES ITALIENIfXS
âfi pour succéder à Innocent YIII. Le scandale de la cour
de Borne, toujours croissant depuis un demi*siède, ne punirait
pas arriver à un excès plus révoltant; dès lors on le vit dé-
eroitre par degrés. Aucun écrivain ecclésiastique n*a osé dé-
fendre la mémoire de ce pape, indigne du nom de chrétien ;
et l'opprobre dont il couvrit l'Église romaine pendant son
rè^e anéantit ce respect religieux qui protégeait l'Italie en-
tière, et la livra aux étrangers comme une proie plus fadle à
saisir.
Innocent YIII était mort le 25 juillet 1 492 ; quelques jours
furent consacrés, selon l'usage, à la pompe de ses funérailles,
et le 6 août suivant les cardinaux entrèrent au conclave pour
éUre son successeur. Ils se trouvaient réduits au nombre de
vingt-trois * • Chacun d'eux sentait son importance s'accroître,
comme il voyait diminuer le nombre de ceux qui avaient
droit à siéger dans ce sénat; le partage des richesses, des hon-
neurs, des principautés dont disposait l'Église, leur était en
grande partie attribué ; chacun, en raison du petit nombre
de ses compétiteurs, pouvait réserver, pour lui-même on pour
ses créatures, une portion plus avantageuse dans cette grande
loterie. Aussi, malgré l'expérience de l'inutilité de tontes les
conditions imposées, pendant la vacance du Saint-Siège, par
les conclaves précédents aux papes futurs, les cardinaux, soi-
gnant avant tout leurs propres intérêts, s'engagèrent-ils par
serment à ce que celui d'entre eux qui parviendrait à la tiare
ne ferait point de promotion nouvelle sans le consentement
de leur collège^.
Tous les vœux se trouvaient d'accord pour cette première
résolution qui pourvoyait à ïintérét de tous; mais dans l'élec-
tion d'un nouveau chef de l'Église, chacun prêta de nouveau
1 SUfmo infesturaj Blarlo Romano , T. III. Script, rer. Itattear, T. Il, p. 1343.—
àntial, eccUsitut, Raynaldi, ii92, S 22 , T. XU , p. 4i2. — * tUiynaldi ÀMMd, eccUt,
1492, S 38, p. 414.
DtJ MOTXn AGE. 333
l'oreille mx conseils de son ambition prirée on de sa cupidité.
Le conclave n'était presque composé que de créatures d'In^
nocent VIII et de Sixte lY ; et des hommes élus dans ces
temps de corruption ne pouvaient être doués de beaucoup de
désintéressement, ni de sentiments bien élevés. Un seul d'en-
tre eux, Roderic Borgia, était d'une création beaucoup plus
ancienne ; et plus il avait vieilli dans les dignités de l'Église,
plus il avait pu y accumuler de richesses. Il était fils d'une
sœur de Galixte III, et pour complaire à cet onde qui l'avait
adopté, il avait quitté son nom de Lenzuoli pour prendre celui
des Borgia. Très jeune encore, il avait été comblé par le vieux
Galixte de toutes les grâces qu'un pape peut accumuler sur
son neveu ; c'était à lui que le pontife avait résigné son pro-
pre archevêché de Valence en Espagne; il l'avait créécardinat-
diacre le 21 septembre 1456, et en même temps il lui avait
donné la fonction lucrative de vice-chancelier de l'Église.
Sixte IV, qui avait employé Roderic Borgia dans plusieurs
légations, lui avait conféré les évèchés d'Alba et de Porto.
De nouvelles missions, dans lesquelles Borgia avait fait briller
la dextérité de son esprit, lui avaient valu de nouvelles ré-
compenses * ; et en 1492 il réunissait les revenus de trois
archevêchés en Espagne, et d'un grand nombre de bénéfices
ecclésiastiques dans toute la chrétienté. Les richesses d'un
cardinal ont une influence presque nécessaire sur les vœux
de ses collègues : comme il ne peut garder ses bénéfices en
parvenant au pontificat, il est naturel qu'il les répartisse en-
tre ceux qui ont le plus contribué à son élection ; et plus il
a été comblé lui-même des faveurs de l'Église, plus il peut
en distribuer à ses partisans, sans exciter les réclamations de
personne. Borgia, pendant près d'un demi-siècle de prospé-
rité, avait amassé des trésors immenses; et la nature lui avait
1 Onofrio Pofivteo, Vite i^e* Pontefiei» in Aléas. F/, p. 4T2«
334 IIISTOIRB DÈS REPtJBLIQteS ITALIKNKBS '
en niëme temps aocordé tous les taleÉts propres à en fidre
oflage ponr seconder son ambition ; son éloqnaice était facile,
qnoiqu il ne fût que médiocrement versé dans les lettres; son
esj^t, d'une fleiilMiité remarquable, était propre à tonte
chose ; mais surtout il était doué du talent des négociations,
et d'une adresse incraiparable ponr conduire à ses fins l'esprit
de ses tlTàux *•
Borgià, que ëss iouBenses richesses et son andennefé dans
le collège des cardiimux ndettaient au premier rang entre les
candidats pour le Saint-SIége, paraissait, aux yeux des plus
sages ikième, justifier en partie ses prétentions, par les talents
distingués qu'il avait déjà déployés au service de l'Église. Ce-
pendant ses mœurs auraient pu motiver de fortes objections
contre lui. Déjà, sous le pontËftcat de Pie II, ses débauches,
plus pardonnables alors à cause de sa jeunesse, l'avaient ex-
posé à une censure publique ^ : il avait depuis j^is une mai-
tresse noomiée Yanosna, avec laquelle il vivait comme si elle
e&t été sa femme; et en même temps il l'avait fait épouser à
un citoyen romain. Il avait eu d'elle quatre fils et une fille,
que nous verrous ensuite prendre une part im{K>rtante aux
affaires. On ne trouvait ni dans ses manières ni dans son lan-
gage la retenue d'un homme d'église. Hais le libertinage était
déjà monté sur le trône pontifical avec Sixte lY et Inno-
cent YIII, et le sacré consistoire n'était plus composé d'h<Hn-
mes assez irréprochables pour que les vices de Bodtoic Borgia
fussent un motif suffisant d'exclusion.
Deux rivaux paraissaient pouvoir disputer la tiare à Bor-
gia^ savoir, Ascagne ^rza et Julien de la fiovère : Asca-
gne, fils du grand François Sforza, duc de Milan, était oncle
de Jean Galéaz^ qui régnait alors, et frère de Louis-le-Maure,
qui| au nom de ce duc, gouvernait la Lombardie : il avait
^ Jaeobut Voiaterranut^ IHarium Bonumum. T. XXIII, Ber, IL p. i30.— iniuU. eedUn
Bayn, U92, $ 25, L. 2U}^ p. W* « * ^ntU, «cc(e«. ii»s, $ M» p. 411.
DO MOTSH AGI. 335
été eréé, par Bixte lY , cardinal-diacre du tStte des saints Yito
et Hodesto; il était, après Borgia, Ton des cardinaux les
plus riches en bénéfices ecclésiastiques ; et il était soutenu
par tout le crédit de son frère et des alliés du dncbé de Milan.
Mais après avoir fait quelques épreuves infructueuses de la
force dé son parti, il aima mieut vendre son adhésion à son
rival qu*ètre vaincu par lui ; il traita avec Borgia, et se fit
promettre la place de vice-chancelier qu*eiereait celui-ci :
en retour, il lui assura toutes les voix doiït il disposait * .
Julien de la Bovère, fils d'un frère de Sixte IT, cardinal-
prêtre du titre de Saint-Pierre ad vincula, était l'autre can-
didat. Ses talents distingués, et le rôle important qu'il avait
joué pendant le pontificat de son oncle, avaient réuni sur lui
plusieurs 8ufh*ages ; mais Boderic Borgia, en répandant F ar-
gent à pleines mains, sut gagner eeux qui paraissaient hésiter
enc<H*è. n avait envoyé, chez le cardinal Ascagne Sforza,
quatre mulets chargés d'argent, sous prétexte de les mettre
en sûreté pendant la durée du conclave. Cet argent fut em-
ployé à acheter les consciences incertaines. La voix du car-
dinal-patriarclie de Venise fut payée cinq mille ducats ; tou-
tes les autres furent mises à prix de la iitème manière^ ; et le
samedi matin, 1 1 aoftt, Boderic Borgia fut proclamé pape à
la majorité des deux tiers des suffrages, sous le nom d'A-
lexandre VI *.
On connut presque aussitôt à quels marchés honteux le
noaveau pape avait dû son élection; car on lui vit, dans les
premiers jours qui la suivirent, payer les primes dont il était
eonvenu. Il transmit au cardinal Ascagne Sforza sa dignité
lucrative de vice-chancelier ; il céda au cardinal Orsini son
^ JoHpM RipamontH Hist. urbis MedioUmi. L. V, p. 653. — * Stefam Infesswa^
Diarlo RomanOf p. t244. — 8 AnncU. eccles. 1492 , p. 4i3. Quelques autres iDdiquenl
cepeodanl un jour différeuL Le jouraa} de Sie&ne met rilection au lO août : Âikqrtuo
JdUgntU, T. XXIU, p. «46. Oiwfm Panvino^ au t».
336 HISTOIRB BXS UraBLIQUES ITALIEIVHES
palais à Borne, avec les deux chAteaox de HontioeHo et de
Soriauo^ il donna au cardinal Cdonna l'abbaye de Sobbiaco
avec tous ses châteaux; au cardinal de Saint- Ange, Tévéché
de Porto, avec son propre mobilier, qui était magnifique, et
sa cave, fournie des vins les plus exquis; au cardinal de
Parme, la ville de Nopi ; & celui de Gènes, féglise de Sainte-
Marie in Via lata ; au cardinal Savelli, T église de Sainte-Marie-
Majeure , et la ville de Gittà-Gastèltano; les autres lurent ré-
compensés en argent comptant. Il n'y en eut que dnq, à b
tète desquels on plaça Julien de la Bovère et son cousin Ba-
phaël Biario, qui n'eussent pas consenti à vendre leurs suf-
Les Bomains célébrèrent l'élection d'Alexandre YI par- des
fêtes qui auraient été plus convenables pour le couronnement
d'un jeune conquérant que pour celui d'un vieux pontife. Ou
eût dit que le peuple-roi demandait à son nouveau souverain
de ramener sous son empire les nations autrefois soumises
par ses armes. La plupart des inscriptions qui décoraient les
maisons romaines, jouaient sur le nom d'Alexandre qu'avait
choisi Borgia ; si elles. rappelaient de qudque manière la reli-
gion dont il était pontife, c'était eu promettant au nouvel
Alexandre des victoires d'autant plus brillantes, qu'il était
un Dieu et non plus un héros ^. Cet excès d'adulation ne fut
point immédiatement démenti par les faits. Une effroyable
anarchie avait été la conséquence du règne vénal et efféminé
d'Innocent YIII ; elle s'était encore accrne pendant la léthar-
gie de ce pontife : deux cent vingt citoyens romains avaient
été assassinés depuis la dernière crise de sa maladie jusqu'à
I StefBno iHfeuwn , IHar. Bom. p. 1244. — Fr. GtAedardinl , Ub. I, p. 4. -^isL di
GUw. Cambi. DeUi, Emd. T. XXI, p. n.
* CcuarCf magna fuU, nunc Borna est max'mOj sexius
Begnat Alexandeu lUe vir, Uie Dciu,
Bpimia P^tri DclphM. L. III, Ep. 38. -* RaijnahH AnnaU ece^. S t7, p. 414.
, DU uoxm Aj($f* . 337
sa mort * . Aleiandre YI, qui Youlilit régnètf et qui savait se
faire craindre, mit aussitôt un terme à ci|4^rdre, et rendit
la sûreté aux rues de Borne. Le seul cardlbal de la Aovère ne
se laissa point séduire par ce calme apparent; l'apostat espa*
gnol, le Marrano, comme il appelait Borgia^, ne pouvait lui
inspirer aucune confiance. Il s'enferma dans le château d'Os-
lie jusqu'au moment où il crut plus prudpnt [de s'éloigner
davantage encore; et il n'assista point aux fêtes scandaleuses
par lesquelles le pape célébra, dans son propre palais, le ma-
riage de sa fille Lucrezia avec Jean, fils de Ck>nstaazo Sforza,
seigneur de Pesaro ' .
Le moment où l'Église romaine, dégradée par les vices de
quelques chefs du clergé, venait de mettre sur le trône un
pontife dont elle devait roughr, ne pouvait manquer d'être
marqué par les tentatives de réforme de ceux qui, plus sin-
cères dans leur foi, cherchaient dans la religion un appui à
la morale, et qui entrevoyaient les funestes conséquences de
l'exemple donné à toute la chrétienté par un pape adultère,
peut-être même incestueux. Le sentiment religieux avait en-
core trop de ferveur et de vérité à la fin du xv® siècle, et au
commencement du xvi", pour que de grands scandales dans
l'Église n'amenassent pas de grandes révolutions. Ceux qu'une
indignation yertueuse éloignait d'un Sixte lY, d'un Inno-
cent YIII, d'un Alexandre YI, n'en demeuraient pas moins
chrétiefns; ils n'en étaient pas moins attachés à l'Église que
quelques-uns de ses chefs déshonoraient - ils attribuaient tous
les vices aux hommes et non an système ; et plus ils voyaient
de désordres et de scandales, plus ils se faisaient un devoir
de chasser l'abomination du sanctuaire; plus ils étaient prêts
> Stefano infesswta» p. 1944. — * Les Espagnols appellent Mananos les Maures eon-
Yertis ; peu d*i>:spagnols échappaient alors à ce reproche d'apostasie. — > Le mariage de
Xucrèce Borgia fut célébré le 9 et le lo Juin 1493* InfesiWOy Diarlo Romano, p. U46.
-^AUegrctto Alkg. p. 837.
VU* 22
338 HISTOIRE DES RÉPUBLIQUES ITALIEKNES
à compromettre lear yie pour une réforme quMls regardaient
comme Fœavre da Seigneur.
Le scandale de la cour de Borne n* était cependant encore
connu qtfimparfeitèment au-delà des Alpes. Avant lès guerres
des uliramontains eh Italie, un respect profond couvrait d'un
voite impénétrable lé palais de Saint-Pierre à Rome, et il
n'eût guère été possible aux réformateurs qui levèrent plus
tard l'étendard de la rébellion contre T Église romaine d'ac-
éomplir leur ouvrage en Allemagne et en France, qu'après le
mélange des nations, la même entreprise devait être tentée
plus tôt en Italie, où les abus étaient plus tôt connus de tous ;
elle devait recevoir un autre caractère du peuple môme qui
commençait Ik réforme ; elle devait éclater chez lès Italiens
avec plus d'enthousiasme, elle devait parler davantage à l'i-
magination et au cœur, elle devait emprunter moins de se-
cours i là philosophie, et être marquée peut-être par une
moins grande indépendance d'opinions religieuses; mais en
sevanche elle devait s'allier davantage à la jpolitiqbe. L'ordre
dvil et l'ordre religieux avalent été en Italie également cor-
itompus; tandis que les principes constitutifs deï'onetdel'autrè
avaient été également approfondis par une longue étuÏÏe : le
réformateuir devait entreprendre de porter la main à tous les
deux en même temps. Ces causes déterminèrent en effet le ca-
lïwîtère et les desseins de Jérôme Savonarole, et ce précurseur
de Luther différa de lui autant qu'un Italien devait cfifférer
d'Uti Allemand.
Jérôme-f'irançois Savonarole était d'une illustre famille ori-
ginaire de Padooe, mais appelée à Ferrare par le marquis Ni-
colas d'Esté. Il naquit dans cette dernière ville le 21 septem-
bre 1452, de Nicolas Savonarole et d'Annalena Bonaccorsi
de Mantoue ^ Distingué de bonne heure dans ses études, qui
f DeUa storta e dette gesta del Paâre GfPoUmo Savtmùroia. Libii IV, dedicaii a P. ■
Uopoklo. Liyorno , t793, 4*, LU>. I, S ^i P« ?•
DU MOYEN AGB. ÎJ39
aVafeût eu surtout la théologie pour objet , il se déroba à sa
famille à îàge de yiugt-trois ans, et s'enfuit dans le cloître des
religieux dominicains de Bologne; il y fit profession le 23 avril
1475, avec une ferveur religieuse, une humilité et un désir
de pénitence qui ne se démentirent jamais • . Bientôt ses supé-
rieurs, reconnaissant les talents distingués du jeune domini-
cain, le destinèrent à donner des leçons publiques de philo-
sophie. Savonarole, appelé ainsi à parler en public, avait à
lutter contre lès défauts de son organe, faible et dur en même
temps, côïitre la mauvaise grâce de sa déclamation et cx)ntre
l'abattement de ses forces physiques, épuisées par une absti-
nence trop sévère. *
On admira F érudition dti non Veau professeur, maison né-
gligea te prédicateur lorsque le méittë homme essaya de mon-
ter en chaire ;*et r<m ne prévoyait guère alors le pouvoir que
flon éloquence devait bientôt acquérir sur un plus nombreux
auditoire^. La force flù talent et c^le de la volonté triomphè-
rent de tous ces obstacles : Savonarole acquit dans la retraite
les avantages que la natuV'e paraissait lui avoir refusés. Ceux
qui avaient été choqués de sa récitation en 1 482 purent à pd ne
le reconnaître, lorsqu*en 1489 ils rentèndirent moduler à son
gré une voix'harmonieusc et forte, et la soutenir par une dé-
clamation noble, imposante et gracieuse '. Le prédicateur
liii-méme , craignant de s'enorgueillir des efforts quMl avait
faits pour se perfectionner, rapporta lau ciel ses progrès par
humilité chrétienne , et regarda sa propre métamorphose
comme un premier miracle qui prouvait sa mission' divine.
C'était dans Tannée 1483 que Savonarole avdlt cru sentir
en lui-miéàië (sette impulsion secrète et prophétique qui le dé-
signait comme réformateur de l'Église, et qui l'appelait à prê-
cher aux chrétiens la repentance, en leur dénonçant par avance
t VUa <U Savonarola. Lib. I, $ 3, p. S. — * Ikkl, Aono M78. S 9, p. la^^Anao 1482,
S 11, p. 1$. — > VUa (U SavQtwrola. $ t9, p. 33,
22"
â4Ô ltl9tt)lllB DES ll£l?UfitkQtJB5 rtAlkËNKES
les calamités dont Tétat et TÉglise étaient également menâtes.
Il commença en 1484, à Brescia, sa prédication sur l'Apoca-
lypse, et il annonça à ses auditeurs que leurs murs seraient
un jour baignés par des torrents de sang. Cette menace parut
recevoir son accomplissement deux ans après la mort de ^Sa-
yonarole , lorsqu'en 1 500 les Français, sous les ordres du duc
de Nemours, s emparèrent de Brescia et en livrèrent les habi-
tants à un affreux massacre ^ En 1189, Savonarole se rendit
à pied à Florence; il y fixa sa résidence dans le couvent de son
ordre, bâti nous 1 invocation de saint Marc : c était là qu'il
devait, pendant huit ans, continuer à prêcher la réforme jus-
qu'au moment où il fut livré aii supplice, comme ses disci-
ples assurent qu'il l'avait prédit lui-même.
Cette réforme, que Savonarole recommandait comme une
œuvre de pénitence pour détourner les calamités qu'il disait
prêtes à fondre sur l'Italie, devait changer les mœurs du monde
cluétieu et non sa foi. Savonarole croyait la discipline de TÉ-
glisc corrompue, il croyait les pasteurs des âmes infidèles, mais
il ne s'était jaiimis permis d'élever un doute sur les dogmes
que professait celte Église, ou de les soumettre à Texamea.
La nature même de son enthousiasme ne devait pas le lui per-
mettre; ce n'était pas au nom de la raison qu'il. attaquait
Tordre, mais au nom d'une inspiration qu'il croyait surna-
turelle ; ce n'était pas par un examen logique, mais par des
prophéties et des miracles.
La hardiesse de son esprit, qui s'était arrêtée devant l'au-
torité de l'Église, avait cependant mesuré avec moins de res-
pect les autorités temporelles. Dans tout ce qui était l'ouvrage
des hommes, il voulait qu'on pût rt- connaître pour but l'uti-
lité des hommes, et pour règle le respect de leurs droits. La
. liberté ne lui paraissait guère moins sacrée que la religion ; il
bu MOYEN AG£. 341
regardait comme un bien mal acquis, et qu on ne pouvait con-
server sans renoncera son salut, le pouvoir qu'un prince avait
usurpé en s' élevant dans le sein de la république. Laurcnt*de
Hédicis était à ses yeux le détenteur illégitime de la propriété
des Florentins. Malgré les invitations réitérées de ce chef de
l'état, il ne voulut point lui rendre visite, ni lui témoigner
aucune déferrée, pour ne pas être censé reconnaître son auto-
rité * ; et lorsque Laurent, au lit de mort, appela ce confes-
seur auprès de lui pour recevoir de ses mains Fabsolution,
Savonarole lui demanda préalablement s'il avait une foi en-
tière dans la miséricorde de Dieu , et le moribond déclara la
sentir dans son cœur; s'il était prêt à restituer tout le bien
qu'il avait illégitimement acquis, et Laurent, après quel-
que hésitation, se déclara disposé à le faire; enfin, s'il réta-
blirait la liberté florentine et le gouvernement populaire de la
république ; mais Laurent refusa décidément de se soumettre
à cette condition, et renvoya Savonarole sans avoir reçu de
lui l'absolution ^.
Si Savonarole avait cru devoir prêcher à Laurent deMédicis
la restitution de l'autorité souveraine à Florence comme celle
d*un bien mal acquis , il avait de plus fortes raisons encore
pour engager Pierre de Médicis à se démettre de cette auto-
rité que celui-ci n'avait ni la force ni l'habileté de conserver.
Pierre, l'ainé des trois fils de Laurent, n'avait que vingt-un
ans lorsque son père mourut, et sa prudence n'égalait pas
même ses années. Les lois fixaient, à Florence, Tâge où Ton
pouvait exercer chaque magistrature, et elles avaient en gé-
néral fort reculé oette époque : les conseils dispensèrent Pierre
des conditions de l'âge , et le déclarèrent propre à recevoir
tous les honneurs , à exercer toutes les magistratures de son
père'. Cette violation de la constitution était une conséquence
1 Storla di F. Girolamo Stwanaroku Lib. I, S 22, P- 35. — * ilfifi. Lib f, S 2^, P- ^«
— 3 Sçipione Ammirato. Storia Fiorent, LIb. XXVJ, p. m.
342 HISTOIRE DES HÉPUBUQUJÇS ITALIEIfNES
de TaBservissementdela Seigneurie; maiselle blessa les Floreu^
tins auxquels elle montrait le joug sous lequel ils étaient tombés.
^Pierre, passionné pour les plaisirs de la jeunesse , pour
les femmes, pour les exercices du corps qui pouvi^ent le faire
briller à leurs yeux, n'occupait plus la république que des
fêtes et des divertissements auxquels tout son temps était con**'
sacré. Sa taille était au-dessus de la moyeni^e, m poitrine et
ses épaules étaient fort larges, sa force et son adresse étaient
remarquables. Il rassemblait à l'entour de lui les plus brillants
joueurs de paume de toutç T Italie; mais U était plus bs^ilc
qu'eux U>m dans cet exercice^ et dans ççux de la lutte et d^
réquitatiou. Sou élocutiou était facile, sa prononciation agréa-
ble et sa voix harmonieuse , taudis que son père ayait tou-
jours nasillé par nue conformation défectueuse de son organe.
Pierre avait fait ^des progrès remarquables dans les lèpres
grecques et latines en suivant les leçons d'Ange Politien; il
avait de la facilité pour improviser en vers ; sa conversation
était agréable et variée, mais son orgueil éclatait d'u^e m^--
nière insultante toutes les fois qu'il éprouvait quelque con-
tradiction. Ce vice de sou caractère était le plus dominant dç
tous ; il avait été développé eu lui par sa mère Clarioe et m
femme Alfonsine, toutes deux de la famille Orsipi : ces prin^
cesses romaines lui avaieut apporté toute V arrogance d^ leur
maisou, Il prétendait que la république reçut aveuglémePt
ses ordres, et cepeudant U regardait comme au-dessous de luî
le travail d'étudier les affaires publiques; il le^ abandonnait
à ses familiers, à ses confidents, et surtout h Vmt^ Poviziq ^
Bibbiena, frère aîné de ce Berpard que I^ltou X fttepwite çar^
dinal i et qui s' acquit un nom dans les lettres, Pierre 4c Bibbieuft
avait été secrétaire de Laurent, et Médicis, en lui f|cc(»:dant
sa coqfiance, mettait ce subalterne, né dans une province su*
jette, au-dessus des anciens magistrats de la république S
1 jacop9 (Hardie Sioria FiorêntUuu I4b. h P* li*
DU MOYEN AGB. 343
Sfoios Pierre de Médicis avaft de capacité ppur gonycirner
)*état, plus il refisentait de défiance de ce|ix c[ui pouvaient
prétendre dans la république à un rang ég^l au siep. Une
autre |>rai^pbe de la maison de Médicis commençait alors a
att^rcf sur elle Tattention des Floreutips : c'étaieqf; les petits-
fil^ de ]L.apreut, frère de Gôme F ancien. \ie plus jeqpe des
deux était de quatre ans plus 4gé que Pierre; Us avaient suc-
cédé à la richesse que leur aïeul avait ams^ssée dans \e com-
merce ; mais soit qu'aucun talent distingué ne sci fût dcvelqppé
dans cette branche de la famille, ou que ses fneiqbrps se crias-
sent assez hoQorés par leur parenté avec les chef^ de létal»
ou 14* avait jamais vu ni Pier-Francesco, père de ces jeunes
geu9, ni Laurent, leur aïeul, prendre part aux qifierelles po-
liti(^ues de Florence. 1493. — Pierre découvrit le premier des
rivaux dans ses cousins ; il les Ht arrêter au mois d* avril 149 3,
et mit en délibération s'il ne les ferait pas mourir : ses amis
obtiurent avec peiue qu'il se contentât de les faire sortir de
la ville, et de leur assigner pour prison leurs deux maisons
de campague. lUais le peuple avait regardé leur arrestation
comme une violation de ses droits; leur mise en liberté fut
pour lui un triomphe , il les accompagna de ses acclamations
et de ses vœux comme ils sortaient de la ville, et il fit sentir
toujours plus à Pierre que toute popularité lui échappait * .
Peut-être Pierre aurait-il plus facilement supprimié ces pre-
miers symptômes de fermeutatiou , s il s était hâté d'éloiguer
de Florence celui qui donnait une direction à T esprit populaire,^
en rattachant la liberté à la réforme de T Église et des mœurs.
Mais Jérôme Savonarole ébranlait tous les jours un nombreux
auditoire par le développement des prophéties où il croyait
voir Fannonce de la ruine future de Florence. Il parlait au
peuple, au nom du ciel, des calamités qui le menaçaient; il
1 Jacopo lianU, Stçr» Fiar, Lib. I, p. i«. * CommemaH dl FiUppo de' «»U. hih, lU,
p. 5ft.
344 HISTOIKB DES REPUBLIQUES ITALIENNES
le suppliait de se convertir : il peignait snccessivement à ses
yenx le désordre des mœurs privées, et les progrès du luxe et
de Fimmoralité dans toutes les classes de citoyens , le désordre
de r Église et la corruption de ses prélats, le désordre de l'état
et la tyrannie de ses chefs ; il invoquait la réforme de tous
ces abus ; et autant son imagination était brillante et enthou-
siaste quand il parlait des intérêts du ciel , autant sa logique
était vigoureuse, et son éloquence entrsdnante, quand il ré-
glait les intérêts de la terre. Déjà les citoyens de Florence té-
moignaient, par la modestie de leurs habits, de leurs discours,
dé leur contenance, qu'ils avaient embrassé la réforme de Sa-
vonarole; déjà les 'femmes avaient renoncé à leur parure; le
changement des mœurs était frappant dans toute la ville, et
il était facile de prévoir que l'instruction politique du prédi-
cateur ne ferait pas moins d'impression sur ses auditeurs que
son instruction morale * .
Les prédications de Savonarole étaient appuyées par la me-
nace de calamités nouvelles et effroyables que des armées
étrangères devaient apporter à l'Italie : chaque jour en effet
ces calamités s'approchaient, et elles commençaient à devenir
visibles h tous les yeux. Les prétentions de la maison d'Anjou
sur le royaume de Naples avaient troublé l'Italie pendant un
siècle entier ; en sorte qu'on était accoutumé à tourner ses re-
gards du côté de la France , pour y chercher le signal des
orages qui menaçaient de détruire la paix. Depuis vingt ans
les droits de la maison d'Anjou avaient été transférés au roi de
France; et l'on pouvait prévoir que lorsque le jeune prince
qui était alors sur le trône serait parvenu à l'âge où il se
croirait propre à conduire les araiées, la gloire des conquérants
pourrait le tenter. On sentait donc depuis longtemps que Tu-
> Commentarl di «er fUippo de Ntrlt. L. 111, p. S«. — S/0rto di Fr, GiroL Swonarôla.
Lib. I, S 35, p. 49.
Dr MOYEIf AGE. 345
nioD des puissances de F Italie était nécessaire, pour fermer la .
porte de cette contrée aux ultramontains. Cette union existait
dans les chartes publiques; elle avait entre autres été con-
firmée par le traité de Bagnolo du 7 août 1484 , et par celui
de Borne du 11 août 1489, qui étaient tous deux en pleine
ligueur i-mais elle n'avait point étouffé les rivalités secrètes
des souverains, les jalousies et l«s haines qui divisaient ritalie
en deux factions rivales , et qui n'attendaient qu'une occasion
pour éclater.
Louis Sforza, surnommé le Maure, qui gouvernait le duché
de Milan au nom de son neveu Jean Galéaz , paraissait sentir
plus qu'un autre , parce qu'il était plus rapproché des ultra-
montains , la nécessité de cette union des états de l'Italie : il
voulait non seulement qu'elle existât réellement, mais encore
qu'elle fût annoncée à toute l'Europe avec une sorte d'ap-
pareil. L'élévation d'Alexandre VI au pontificat lui parut une
circonstance favorable pour le faire, parce qu'à l'élection
d'un nouveau pape, tous les états chrétiens envoyaient à
Rome une ambassa(}e solennelle pour lui rendre l'obédience.
Le duché de Milan était uni par une confédération particu-
lière, renouvelée pour vingt -cinq ans en 1480, avec le
royaume de Naples, le duché de Ferrare et la république
florentine : Louis-le-Maure proposa à ses alliés de faire partir
en même temps les ambassadeurs de ces quatre puissances,
d'ordonner pour le même jour leur entrée à Rome, de les
faire présenter ensemble au pape , et de charger celui du roi
de Naples de parler seul au nom de tous. Il voulait ainsi
montrer au pape , aux Vénitiens et aux autres puissances de
FEurope , que leur union subsistait dans toute sa force , eu*
gager les deux premiers à s'attacher à eux pour la défense de
r Italie, et faire comprendre aux autres que cette contrée n'a-
vait rien a craindre des étrangers. La vanité puérile de Pierre
de Médicis fit abandonner ce projet ; et en excitant la défiance
346 HISTOIRE DES BEPUBLIQUES ITALIENNES
de Louis-le-Maure , elle le jeta daBs une politique toute
contraire * .
Pierre de Médicis était an des ambassadeurs nommés par
sa république pour se rendre à Bome ; il voulait briller dai^
cette occasion solennelle , en étalant aux yeux des fiomains
et des étrangjers les trésors de pierres précieuses amitôsées pair
son père, le luxe de ses équipages et T élégance de ses livrées.
Sa maison avait été pendant deux mois remplie de tailleurs,
de brodeurs et de décorateurs : tous ses joyaux étaient semés
sur les babits de ses pages ; un seul collier qu'il $.t porter à
Fun d'eux était évalué à deux cent mille florins. Tout ce luxe
aurait été moins remarqué si qualité ambassades solennelles
avaient du faire en même temps leur entrée. Pierre avait pour
collègue Gentile, évêque d'Arezzo, Fun des instituteurs de
Laurent de Médicis ; c'était lui qu'il avait chargé de porter
la parole, et Gentile ne sentait pas moins d'impatience de ré-
citer le discours qu'il avait composé que Pierre de faire voir
ses livrées. Cependant , d'après le projet de Louis-le-Maure^
l'ambassadeur seul du roi de Naples aurait parlé 2. Médicis ne
voulut point renoncer à toutes ces petites gratifications d'a-
mour-propre ; il engagea le roi de Naples Ferdinand à retirer
i^a parole déjà donnée à Louis-le-Maure. Celui-ci sentit à son
tour sa vanité blessée de ce qu'un projet proposé par lui , et
soutenu par des motifs plausibles, était si légèrement aban-
donné ; tandis que le crédit que Pierre venait d'exercer sur
Ferdinand fut pour lui un juste sujet d'inquiétu4ej il soup-
çonna et découvrit en effet une ligue entre le roi et le chef de
la république florentine. -Cette alliance , indépendante de celle
dont lui-même faisait partie, semblait le menacer : la maison
de Médicis , de tout temps alliée des Sforza , était prête à les
1 Scipione Ammiraio, L. XXVI, p. m, ^ Franc, Belcarii Comment, rer, Callic. L. V,
P. 114, Lugduni, 1835, fol. ~^^ Fn GuicdardinU Lib. I, p. 6.^Ricorâanzedi Tribal^
de' Bo8H,DeU%ke degU EruéÙLT, XUil, p. 2t0. "^ \
pu HOYSH AGIS. 347
abim^ciuper pour la maison rivale d'Aragw , et im change-
gement complet dans tout le système politique de TltaUe pou-
vait s'ensuivre*.
Bientôt de nouvelles preuves de çf^^tcf iutçjiUgeuçe augmen-
tèrent V Alarme de Louis-le-ïil^^urc- F^^diuand et Pierre de
Médicis engagèrent Virginio Orsini , paççi^t de Tjun* et de
l'antre, à acheter le^ |iefs d'Auguillar^ ç\ d^. C^vetri, qu'In-
E^ocent YUl ayMt donnés en souveraineté q ^ju fils Frances-
çhetto Gyl)Q. liçurprix fq^fiiéà quaraqte-quatre. mille ducats,
et Mé4ici9 e,i^ fouruit quarante, mille ^- Le» fiefs des Orsini,
^tués pour la pluf^ft entre ]|^(^m^, Yitçrl]ie e% Givita-Yeccliia,
{tssi^rs^lei^t la commupicaUQU d^ ^oi 4p. Kaples five.c la répu-
blique florç^Une., et enchaînaieQt en qq^ue sorte le pape,
dont Iç plm puis«apt feudataire était protégé, jusqu'aux portes
de sa capitale, par i^ deux p|i;^ ptiissaufs yoisins. Louis-le-
Maure fit ççntir ç^ dai^ger à Al^^anclre YJ ; il l'engagea à
refuser ^ la vente del' AnguiUarst son çonseqtemept, s ans lequel
|in fief de TÉglise nç pouvait êt^e aliéné p^r un feudalaire^.
{iQUis*l6-]|[aurQ profita d^ Vînq^i^tude que cetlçt u^oeiar
tion et les menaces de Fer(linan4 eX çl^ V\^^V^ de Médicis cau-
saifint à 4lpxaqdre YJ, pouçcîppfilm'e ayeç l»iet la république
(le Ye^isp \^ï\e alliance qui servit. (Jçi ç9n(re.pQids à l'asçppdant
qqe parais^a^ prendre la maisQ() d' ArpgoQ, (^tfe alliance fut
gjgnée le 22 pril 1493, malgré FpppositiQï^ du doge de Ye-
nise, qiû ne pouyaij; se résoudre à accorder aucpne confiance
§u caractère d'Alexandre Yf . f^e duc ^erci}le III de Ferrare y
apcéda peu de temps après, tan^jf^ que la r^pnliliquq à^ tienne
refusa d'y concourir *.
Les confédérés s'engageaient à mettre sur pi^d, pour le
1 Seipione Ammirato, L. XXVI, p. 1S9.^> AUeçreito Allegreiti, DiariSanesLT, XXIII,
p. 839. — » Fr. GuUcciardinL Lib. ï, p. 8. — Scipioue Ammirmo. Lib. XXVI , p. 119 —
* Andréa Kavagi'ero^Storla Veneziana, T. XXIU, p. 1201. ^ Allegretto AUegretti, Diarl
Sanffi. T. XXllI.p. 827.
348 HISTOIBE DfES ftÉPBCLlQUËâ ITALtBBlfES
mainiien de la paix publique, une armée de vingt mille che-
vaux et de dix mille fantassins, à laquelle le pape contribue-
rait pour un cinquième, le duc de Milan et les Vénitiens
chacun pour deux cinquièmes. L'alliance cependant n* avait
aucun but hostile, et tous les états d'Italie pouvaient y ac-
céder «'ils le désiraient ^ .
Louis-le-Maure redoutait moins Ferdinand que son fils Al-
fonse, parce qtfil voyait dans celui-ci le protecteur naturel
de son propre neveu, Jean Galéaz, dont il avait usurpé toute
l'autorité. Lorsqu'en 1479 Louis-le-Maure s'était emparé,
les armes à la main, de la régence de Milan, et avait sup-
planté la duchesse Bonne et le vieux Gecco Simoneta, il avait
eu un motif plausible pour s'arroger tous les pouvoirs de son
neveu Jean Galéaz : celui-ci était évidemment trop jeune pour
qu'on pût lui confier le gouvernement ; et encore qu'on l'eût
déclaré majeur à quatorze ans, on savait à Milan, comme dans
toutes les monarchies, que cette formalité n'avait d'autre effet
que d'ôter l'autorité aux tuteurs que la loi désigne, pour la
transmettre aux favoris du jeune prince, ou à ceux qui s'é-
taient emparés du pouvoir en son nom.
Mais quatorze ans s'étaient déjà écoulés depuis que Louis-
ie-Maure avait pris en mains les rênes du gouvernement. Son
neveu était parvenu à l'âge oh sa raison n'avait plus rien à
attendre du temps; il était marié à Isabelle, fille d'Âlfonse
et petite-fille du roi Ferdinand : « Ladite fille était fort coura-
« geuse, nous dit Gomines, et eût volontiers donné crédit à
« son mari, si elle l'eût pu; mais il n'était guère sage, et ré-
1 Marin Sanuto, vite de* DudU di vene%iaf p. i2so. C'est par cet érénenentqiie se
lemiine cette Tolumineuie chroniqae. Pendant les dernières années, elle est écrite Jour .
par Jour d'une manière fort diffuse, et elle contient beaucoup de faits hasardés ; c'est
un registre de» bruits publics de Venise, bien plus que des événcroenls. Son auteur, fib
de Léonard Sanuto , était sénateur vénitien , et vivait encore en 1&22. Muralori, qui a
imprimé ces vies pour la première fois. T. XXII Rer. liai, p. 400-1 -'52; regarde h Cbro-
nique vénitienne, qu'il a aussi imprimée, T. XXIV, p t-lH, comme en élaot ta continua-
tion par le même auteur.
Dt7 MOYfiR AGE. S49
« vâait ce qu'elle lui disait * ». Eu effets la fortune, ou l'édu^
cation qu'on donne aux princes, avait servi F ambition de
Louis-le-Maure. On accusa celui-ci d'avoir à dessein écarté
son neveu de toute étude littéraire, de tout exercice militaire^
de toute instruction qui pût le rendre propre à gouverner;
de ravoir, au contraire, entouré de flatteurs dès ses plus
jeunes années, pour l'accoutumer au luxe et à la mollesse '•
Peut-être cependant ne serait-il pas juste de lui prêter le
dessein d'énerver son neveu, tandis qu'il n'avait fait en cela
que suivre l'usage ordinaire des cours. Jean Galéaz, en avan-
çant en âge, n'était point sorti de l'enfance : sa faiblesse, sa
pusillanimité, son incapacité, ne pouvaient se dissimuler à
ceux qui l'approchaient; et il suffisait à Louis-le-Maure de
montrer le prince légitime^pour se justifier de ce qu il l'ex-
cluait rigoureusement de toute part à l'administration.
Isabelle d'Aragon reconnaissait elle-même l'incapacité de
son mari; mais il lui semblait qu'à elle seule appartenait le
droit de le remplacer. Nourrie près du trône et danç l'espé-
rance de régner, elle prenait son orgueil pour du caractère,
et sa décision pour de l'habileté : elle aurait voulu gouverner
l'état comme elle gouvernait son mari. D'ailleurs la femme
de Louis-le-Maure, Béatrix d'Esté, semblait avoir pris à t<\che
de l'humilier, en se mettant, en toute occasion, au-dessus
d'elle. La pompe des habits et des équipages, l'aifluence des
courtisans et la servilité de la flatterie entouraient sans cesse
Béatrix, tandis qu'Isabelle vivait solitaire dans le palais de
Pavie, qu'elle y luttait en quelque sorte avec la pauvreté, et
les couches par lesquelles die donnait un héritier à l'état
étaient à peine annoncées au public. Isabelle avait porté à son
père les plaintes les plus amères contre Louis-le-Maure , et
Ferdinand fit demander, par ses ambassadeurs à Milan, que
1 Mémoires do Philippe de Commines. iiv. VU, eh. II, p. m, — * Peirl Bcmbi rerwn
V^worw» Ui9{orieu lii)« U, p. '^,
350 HfSTOÎftE Dfô KÉmjlîtlQtJES ITALIEIIIÏES
le jeane duc fût mu en jouissance d*nne autorité qm lui ap^
partenait de droit * .
Loin de renoncer à fadtninistratfon dn duché de ITiIân,
Louis-Ie-Manre comniença dès lors A chercher des prétextes
pour s'asseoir hii*mème sur le trône; l'empereur Frédéric m
étaitmort à l'âge de quatre-vingts ans^ dans la nuit du 19 au
20 août 1493^ et son fils Maximilien, qui lui avait suc^dé
avec le titre de roi d«B Romains, éprouvait, dèà le fcoinmènce-
ment de son règnes cet embatras dans ses finances qu'entre-
tinrent jusqu'à Ik fin iie sb vie ^n désordre et sa prodigalité.
Louis-le-Màure lui Offrit en mariage Blanche-Marie sa nièce,
arec une dot de quatre cent mille ducats ^; mais eù'retour il
demanda pour tei-mèmè l'investiture du duché de Milan. Les
chanceliers impériaux trbuvèî^énl aii^ément des prétextes pour
autoriser cette injustice. François Sforza, et après lui son fils
Galéaz, n'avaient jamais obtenu l'investiture impériale; le
diplôme accordé à Lôilîs déclara cjtie les empereurs romains
s'étaient imposé la loi de refuser la possession légitime d'un
fief à quiconque l'avàît vîoleïttméttt usurpé, et que pour Cette
raison Maximilien t^t&l rejeté les instantes faites par ïiOuis
Sforza en faveur de son neVeù, et avait plutôt résolu de le
choisir lui-même^. (!!epéndant Louis ne se hâta pas de pu-
blier ce diplôme; il contiàna 'de se faii^ 'appeler duc dé Bari,
et il laissa à son neveU les tibreà, tandis qh'â -éonservait seul
la puissance et la pompe dé la souvèràittèië.
L'ambition personnelle de Louis était «la^faite par la ré-
gence qu'il exerçait : il désirait, il est Vi'al, assurer à ses fils
l'héritage dudutlifé dfe Mlfàh, <te prèférfeiice à teùï de son
1 Josephl RipamomHUîst^MiàiokmU fib. Vf, p. ÎB^.^i'ràttcÛiacektrdiià. Lft». f,
p, ».— Scipione Ammirato. Lib. XXVI, p. 187.— Poufi JovU Bistor, nti temporis, Lib. I,
p. 8; edttio Basileœ, fol. 1578. — darlo de' RosnUni, Stor, di Gtan Jacopo Trivulzio.
Lib. V, p. 198, 2yol. iii-4o. Milan, I8is. — * BarthoL Senaregœ de rébus Genuens ,
T. XXIV, p. 584. — s 6til<:ci<rdlnii Ut, Ub. I, p. M, 9», e<fitio 4«. 1948. ^JOteptU Hipa-
montU aUt. MedioU L. VI, p. 8S4.
DU MOYEN AGE. 351
neyea; mais il ne s'engageait pas sans crainte dans cette en-
treprise, où il devait s'attendre à être traversé par le roi de-
Naples. Il connaissait assez le nouveau roi des Romains poar
n* espérer de lai ancnn secours; il commençait à démêler la
Tcrsatilité du pape, qu'il s'était d'abord flatté de diriger par
le crédit du cardinal Ascagne, son frère ; il plaçait peu de
confiance dans lesTénitiens, de tout temps ennemis de sa fa-
mille ; les Florentins lui étaient contraires, et ses sujets même
de Lombardie pouvaient manifester tout à coup une violente
opposition à des projets qui tendaient à déposséder la ligne lé-
gitime de leurs princes. Dans cet embarras, Louis-le-Maure
crut convenable de cbercber au-delà des monts un allié dont
il n'avait point encore pu apprendre à évaluer la puissance,
et il s'adressa à Charles Vlfï, roi de France.
Charles VIII avait succédé, le 30 août 1483, à son père
iiOuis XI, allié du père de Louis-le-Maure ; mais il n'avait
que treize ans et quelques mois lorsqu'il monta sur le trône,
et Louis XI en mourant avait confié le gouvernement du
royaume à la dame de Beaujeu, sa fille atnée, femme de Pierre
de Bourbon. Pendant dix ans d'une administration glorieuse,
cette princesse avait contenu les prétentions des princes du
sang, terminé des guerres civiles dangereuses, et soumis ou
réuni à la couronne des grands fiefs, auparavant indépen-
dants • . Charles VIII n'avait proprement commencé à gou-
verner par lui-même que depuis l'année 1492. L'éclat d'une
expédition brillante, et la conquête d'un royaume, ont en-
touré ce monarque d'une gloire à laquelle la nature ou son
éducation ne l'avait point destiné. Tandis que la plupart des
historiens français l'ont représenté, dans les termes de Louis
de la Trémouille, comme « petitde corps et grand de cœtir ', »
les deux meilleurs observateurs du siècle, Philippe de Go-
« Mdm. de L. de la Trénouille , ch. VI et Vll, T. XIV, p. 1S7. -* * Ibid, cb. VIII, p. 145,
tome XIV dei Mémoires pour senrir à l'Hlii. de France.
3à2 HISl:OiaB des AEPUBLIQUBS ITALIEBIllEd
mines et Guiociardin en font le portrait le plus désavantagciix*.
Le premier le dit « très jeune, ne faisant que saillir du nid ;
« point pourvu ne de sens, ne d'argent ; faible personne, plein
« de son Youloir, pas accompagné de sages gens * . » Le se-
cond dit que « ce jeune homme, âgé de vingt-deux ans, et de
« son naturel peu intelligent des actions humaines, était
« transporté par un ardent désir de régner et d'acquérir de la
« gloire, bien plus fondé sur sa légèreté et son impétuosité
« que sur la maturité de ses conseils. D'après sa propre iueli-
« nation et d'après les exemples et les avis de son père, il
« prêtait peu de foi aux seigneurs et aux nobles de son
« royaume; et, depuis qu'il était sorti de la tutelle d^Anne
« de Bourbon, sa sœur, il n'écoutait plus les conseils de Fa-
« mirai, ou des autres qui avaient eu du crédit sur elle ; il ne
« suivait plus que les avis d'hommes de bas lieu, pour la plu-
« part attachés au service de sa personne, et qui n'avaient
« point été difficiles à corrompre^. »
La figure de Charles YIILrépondait à cette faiblesse d'esprit
et de caractère ; il était petit; sa tète était grosse, son cou très
court, sa poitrine et ses épaules larges et élevées, ses cuisses
et ses jambes longues et grêles. « Dès son enfance il avait été
« d'une complexion faible et malsaine; sa stature était courte,
« et sou visage fort laid, à la réserve de son regard, qui avait
« de la dignité et de la vigueur; tous ses membres étaient
« disproportionnée, au point qu'il semblait plutôt un mon&trc
« qu'un homme. Non seulement il n'avait aucune connais-
« sance des arts libéraux, mats à peine il connaissait les carac-
« tères de l'écriture. Désireux de commander, il était cepen-
« dant fait pour toute autre chose ; sans cesse conduit par les
« siens, il ne conservait sur eux aucune autorité. Ennemi de
t Mé.noireiile Phil ippe de Comines, L. Vil, Proposition, p. 128; et cfiap. V, p. 163,
tome XII des Mémoires pour servir à i'tlist de V>nnce. ^ * Fr, Çuieciardini ^ Storia,
iib I, p. tS«
PO MOTXn agb; 353
• txmte fatigue €* de toate affaire, lorsqu'il essayait d'y don-
« aer son attention, fl se montrait dëpoonm de pmdence et
« de JQ^sment. Si quelque chose paraissait en lai* digne
« de louange, lorsqu'on la considérait de^plus près, on la
« troorait eaxxxe plus âoignée de la vertu que du vice, n
« avait de l'indination à la gloire ; mais c'était pins par im-
« pftuosilë que par raison; il était libéral, mais inconsidéré-
• ment^ sans mesure et sans distinction; U était quelquefois
« immuable dans ses volontés, mais alors c'était plus par
« obstination que par constance, et ce que plusieurs appe-
« laient en lui bmté aurait bien plus mérité le nom d'însen-
• sibilité aux injures, ou de faiUesse d'âme«. » Tel était
rhomme dont les dreoostances firent un conquérant, et que
la fortune duogea de plus de gloire qu'il ne pouvait en
porter.
Louis gforza envoya en France Charles de Barbiano, comte
de BelgioiosD, et le comte de Gaiazzo, fils aîné de^Robert de
8an-Sévérino, mwt peu d'années auparavant, pour inviter le
roi Caiariefr VIII à se saisir de la couronne de Naples, qui lui
appartenttt, à profiter des dispositions favorables des sei-
gneur» du royaume, lassés du joug de la maison d'Aragon,
et à s'appuyer des ressentiments du pape contre Ferdinand!
En mtoe temps il lui offrait une alliance intime, qui lui ou-
vrirait l'entrée de l'Italie par la Lombardie, et qui lui assure-
rait h domination de la mer par les ports de l'état de Gênes.
Il flattait aussi sa vafiité et son ambition par l'espoir de con-
quêtes plus brillantes encore; et il lui faisait entrevoir dans
leldntain la soumission de la Turquie, et la délivrance de
Gonstantinople et de Jérusalem, comme réservées à la valeur
française*.
» n-. GOeeltmm. m. I, p. «.- Bm,. OrtceBarU de beUo UalUo Commentarbu
*• ïïl~. '*■• <':*'«'"*'•'• "«>• ». P- '«• - P""» fo^ «i»wr au lefmr. LU>. I, pTi'
xrhfl. deComi]ie<,HémoirM.Lib. VlI,ch.Ill,p. IM.
TH. 23
354 HISTOIBE DBS 1LÉVI7BIJQUI9 ITALIEmVES
lie comte de GaîaasTa, chef de la branche bâtarde de la laai^
9on de San-rSévénop» ^1 s'était distiagaée en Lombaidie]^ar
de si rares talents snlitaires et tant d'habileté diuui les intri*
jpies pqHtiqcies, aTi^it trwvé à la eonr de France les ebefe de
}a branche aînée et légitioie de sa maîsoii, samir, AntoncUo
de San-Sévérino, prince de Sakme, et Bemardtno, prince de
Bisignano , qvà, après ayoîr échappé aix perséocdioiis de la
maison d' Aragon, cherduôeiit, deconc^ atec tons les 4m^
grés dn parti d'Anjou, à attirer les armes de la Franee dans
le royaume de lîaple^. Tronupés p«r ks illusions auxquelles
les émigrés de tous le^ tepip9 se sont toujours livrés, ils pre-
liaient leurs ressentiments pour la mesure des affections de
leurs compt^trioteii, et îls wy^ent aTeo plaisk une goecre
étrangère leor offrir ^ cfafmces qne les forces. de leur- pro-
pre parti ne présentaient plus. Ils secondèrent donc de tant
leur pouyoir le cpipte de Cfdazzo * .
De ^on çOté le cquite de B^gioioqo avait préparé la réos^
Bte de ses conseils, par toutes les secrètes infriguci» d'an ha*-
bile courtisan. Il avait rec)ierché tous ceux qui avaient le plus
d'influence sur l'esprit du rqi { il avait eorrompai les uns par
des présent)^, les autres par des promesçea ; il taur avait; fait
espérer des fiefs et de^ emplois de confiance dans le royaume
de Naples,^ des titres à la (KMMT de Rome, des bénéfices eedé-
ûastiques d$ms toute la (^irétle^té. U avait surtout séduit
Etienne de Yesc, ]janguedpcien, qui longtemps aviât été sou-
ple valet de chambire du roi , mais qui ^t devenu aâiéchal
de Beaucaire; et Guillaume Briçonnet, d' abord mardumd, puis
fermier de la généralité de Languedoc, ce qui loi faisait don-
ner le nom de général, et enfin évéque de Saint^Malo, en
même temps que surintendant des finances^. Ces denx hom-
1 PhU. de Gommes. Ut. VII, cb. II, p. 138, H2; eb, III, p. IM. — Pétri Bmbi Bi^,
Vtnetœ. Ub. II, p. 29. — » Godefiroi , Obsenraaons sur l'Histoire du roi Charles VIII «
PL 618. EOtHo Ptfi4. foL 1684. - Fr. GuicciardinU Lib. I, p. 18. - Poic^ iûlM. IHk 1»
im moteh agb. 3&S
kaesi $;f0c to astre» parveMS, appkndksakmt à ant etpé^
ditîoQ qui leur oairnôt des seotien noa^enx ^erfi l'efiiiknee^
saag IfiB exposer autant à k jalousie des grands. Geox^ aneoiit
trûre, foe leur rang et leur cré^ héréditaire attachaieiit
plus h la France qu'à la fortune da moDarque» désapproa*
Ydksat «ne entmprûe qui leur paraissait offrir pea de chance
d'imsiioeèsdarable, et qui demandait^' an préalaUelaFranee,
poor assurer ses frontières , achetai; de ses yœsûis la paix, et
samfiit des ayantagea cèrtainsà dss espérances lointaines.
Enfin^ après de lo]^ débi^, une confaition ftit coMtae
entre le roi et les ambassadeurs de Ixms^le-Mnre, par Fen**
trenUse de Briçonnet et du sénéchal de Beancaire» Il fut cour
Tenu que lorsque Charles YIII passerait en Italie, ou qu'ily
ferait entrer son armée, le due de Mflan lui accorderait le
passage dans ses états, k fenùt accompagner à ses frais par
cinq cents honunes d'armes, lui perowttrait d'armer à Gènes
autant de vaûaseaux qu'il Toadrait, et lui prêterait deux
cent miUe ducats^ pa;jahles au mooaent de son départ de
ftaace. D'autre part, kroi s'obligeait à défendre contre tona
le duché de Milan , et l'autorité personnelle de Louis-le*
Maure ; à kuiser dans Asti , yilk appartenant au duc
d'Orkaaa, deux cents lances françaises, topjouis j^tes à se-^
courir k maison ^orza; enfin, à gratifier Louis de k princi«^
pauté de TarentCi après k ccmquéte du rojanme de Naples«
Ces craditiona furent cependant tenues secrètes pendant plu<*
sieurs mois, et kursque le bruit de k produône invasion des
Français commença à se répandre en Italie, Loois-le*M auie^
loin de convenir qu'il fût leur alhé, s'efforça de persuader
aux états itatiens qa!ïk redoutait autant qu'eux cette invasion
âebarbare9\
▲a momeat oà Charles VIII eut résolu de tenter la oon<**
^ a. ^fMk i» QmiOM. Lir. Vil, cb. flB^p. U9^ -^ & Fr» Oukielùf^iM. L. i, ^ 10.
23*
356 HI8IOIBS DES nÉPUBLlQUJSS tTAUEinCES
qaète da royaume de Naples, il ne songea plos qa*à se rendra
les mains libres par des traités de paix arec tous ses voisins;
et ponr les obtenir, il ne craignit pas de sacrifier les avantagea
qœ la dame de Beanjeu avait acquis par sa prudence, pendant
le cora» si glorieux de son administration. En prenant les
rênes du gouvernement, Charles YIII s'était trouvé en guerre
avec deux des 0us puissants voisins de la France, Henri YII,
roi d'Angleterre, et Maximilien , roi des Romains ; en même
temps il était mal assuré 4^ Ferdinand et Isabelle, rois d* A-
m^on et de Gasiille. Mais ces souverains, quoique tous enne-
mis de la France, étaient fort mal unis entre eux. Charles YIII
fit à chacun séparément des of&es si séduisantes qu'il ne loi fut
pas difficile d'obtoiir la paix. Le premier avec lequel il traita
Ait Henri YII , qui avait débarqué à Calais avec une armée
formidable : un traité fut conclu entre eux à Étaples, le 3
novembre 1492 ; le monarque anglais se détacha de l'alliance
du roi des Romains, et, pour prix de cette défection, il reçut
de Charles YIII la somme de sept cent quarante-cinq mille
écus d'or, comme remboursement des frais de la guerre de
Bretagne ^
La guerre de la France avec le roi des Romains semblait
devoir être envenimée par l'affront personnel que Charles YIII
avait fait à Maximilien : il lui avait renvoyé Marguerite de
Bourgogne , sa fille, à qui il avait déjà promis sa main , et il
avait épousé Anne de Bretagne, déjà fiancée à MaximiUen.
Cependant la cour de France réussit à apaiser le souvek'ain
autrichien par le traité de Senlis, du 23 mai 1493; elle lui
restitua les comtés de Bourgogne, d'Artois, de Charolais, et
la sdgneurie de Noyers, que Charles YIII occupait déjà
comme dot de Marguerite. Ce prince s'engagea également
à jrendre à Philippe d'Autriche, à sa majmté, les villes de
1 Le traité d'Étaples eit rapporté textueUement par Denys Godellroy. Obseru* sut
rfiitt (U ChaHei VUI, p. 839-«3T« '^ VeUj, ttlst. de Franoe. T» X, p. >?•, éditfoo iii-4».
DU MOYEU AGE. 357
Hesdin, Aire et Béthune sur lesquelles Philippe ayait des
droits*.
Le troisième traité de Charles YEI fat plus désayantagear
encore. Son père, Loais XI, ayait reça da roi Jean d'Aragon
Perpignan , le comté de Bonssillon et la Gerdagne , en gage,
ponr la somme de trois cent mille ducats. Les places fortes de
ces petites proyinces étaient comme les clefs de la France du
côté des Pyrénées, et Louis XI en sentait si bien Timportance,
qu'il n'ayait point yonlu ensuite les rendre à l' Aragonais con-
tre la restitution deFargentprèté. Charles YIII, au contraire,
les restitua gratuitement à Ferdinand-le-Gatbolique, moyen-
nant la promesse que lui fit celui-ci de ne point donner de
secours à son cousin Ferdinand de Naples , et de ne point
mettre obstacle aux projets de la cour de France sur l'Italie.
Ce fut l'objet du traité de Barcelonne du 19 janyier 1493 >.
Tandis que ces négociations deyaient assurer la paix sur les
frontières de France , Charles YIII en ayait entamé d'au-
tres pour préparer la guerre en Italie. Il y ayait enyoyé
quatre ambassadeurs, ayec ordre de yisiter tous les états de
cette contrée et de demander à tous leur coopération pour
faire rëcouyrer ses justes droits à la couronne de France.
Perron de Baschi, dont la famille originaire d'Oryiéto a depuis
donné à la France les marquis d'Aubais, était chef de cette
ambassade; il ayait précédemment accompagné Jean d'An ou
en Italie, et il connaissait bien les intérêts de ses différents
princes. Baschi s'adressa d'abord aux Vénitiens ; il ayait ordre
de leur demander aide et conseil pour le roi sofi mattre. Les
Vénitiens répondirent qu'il serait présomptueux à eux de
donner des conseils à un prince entouré d'hommes si sages,
* Le traité de SeDlis est rapporté par Denys CodeAroi, p. 640. •— Philippe de Comi-
nés. L. VU, ch. IV, p. iS3. — VeUy. T. X, p. ssi. — ^ Teite du traité dans Denys Gode-
Iroi, p. 669. — Guîeekurâlni But, Ub. 1, p. 23. ^ Pauli Jovii But, L. I, p. 16. — Veliy.
T. X, p. 382.
358 HISTOIRE DES EÉPCBLIQUES ITALIENHES
qu'il serait impradent de lui promettre leor aide, tandis qu'ils
ayatent sans cesse à se tenir en garde contre les armes de
l'empire turc ; mais qae Gharks Yin ne devait pas mettre en
doute l'attachement et le détouement de leur république à la
couronne de France. -Par ces paroles équivoques, le sénat
croyait ae mettre à l'abri de tout reproche de la part des âats
d'Italie. Cependant il désirait seorëtement l'abaissement de la
maison d'Aragcm, et il serait entré dans l'allimce de la France,
s'il n'avait pas craint d'être abandonné par elte, et d'avw
seul à soutenir tout le fiaix de la guerre^.
Perron de Baschi passa ensuite à Florence. Il avait alors
pour collègues dans son ambassade, d'Aubigny, le surinten-
dant Briçonnet et le président du parlement de Provence. Ces
seigneurs {urest introduits dans le conseil des soixantenlix,
auquel ou avAit appelé sous le nom d'adjoints tous ceux qoi,
dans les trente-quatre demiihres années , avaient siégé comme
gonfidooiers dans la seigneurie. Cette assemblée étût dim
composée des hosunes ea qui la maison de Médicis avait la
plus entière oonSanœ. Les asibassadaurs demandèrent que la
répuMique promit à l'armée française le passage par son t«r-
ritcHre, et des vivres pour son argent. Mais le conseil , sous
l'influeneeiâe Pierre de M^cis , fol; unanime dans la déter-
mination de demeurer fidèle à l'allkmce de la maison d'Ara-
gon^ Gepmdànt, comme les^ Florentins avaient en France na
grand noixd>re de leurs plus ridies étabtissements de coai-
merce, ila se contentèrent de donner au roi une réponse éva-
sive , et ils lui envoyèrent même à leur tour Pierre Ct^poni
et Guid* Antonio Yespucci, pour chercher à eonserver son
WBBàtàé^.
L'ambassade française n'arriva point à Sienne avant le 9
> Mémoires de Phil. de Comines. t. VII , eh. V, p. 1S8. — Ahdpea Ufavogiero, Siiif'
Venez, T. XXUi , p. «Oi. — PeiH Bembi Hisior. Ven, t. ir, p. 21. — » Sdpfoiie^w-
mirato. L. XXVI , p. 192-197. — Fr, GidcclardinU L. I , p. 25-29.
UQ MOYEN A6B. S59
mai 1494. Cette fépoUiqoe protesta de soft désir de conserver
une exacte matralité, et elle fit sentir qne dans sa faiblesse
elle ne ponrait, sans on. danger extrtoie , se déiilarer pai"
ayanoe entre des rivaux si redoutables ^ Alexandre TI , qui
fat le dernier vers lequel se rendirent les ambassadeurs , leur
dédara qu'après que ses prédécesseurs avaient accordé riil-<
vestiture du royaume de Naples aux princes de la maison d* A-
ragoo, il ne pouvait la leur retirer sans un jugement qui mit
en évidence que la maison d'Anjou y avait plus de droit qu'eut.
Il chargea les ambassadeurs de rappeler à leur souverain que
le royaume de Napies était un fief du Saint-^ége ; qu*au pape
seul appartaiait le drmt de proiM>ncer entre les compétiteur^
par voie juridique , et que vouloir se mettre en possesirion dil
royaume par la niAeaodj ce serait attaquer TÉglise elle-
méme ^.
F^srdinand, de son c&té, ne nég^geait pdnt la voie des né«
godations ; il envoya auf^ès de Charles lui-même Camille
Pandone, dans l'habileté duquel il avait une grande confiance,
pour demander au roi de France de renouveler les traités
condus précédemment avec Louis XI, lui offrir de soumettre
tous les diff^ends à l'arbitrage du souverain pontife , et lui
laisser «atrevoir même la possibilité de reconnaître sans com-
bat la couronne de Naides pour tributaire de la France ^.
Mais toutes ces propositions furent repoussées par le présomp-
tueux Charles YIII, qui donna aux ambassadeurs napolitains
l'ordre de sortir de ses états ^.
Dans le même t^oips, Ferdinand négodait aussi avec le pape,
et obtenait près de lui plus de succès. Alexandre YI destinait
avec ardeur affermir la fortune de sa f amiUe par ctes alliances
1 Orkmdo MakmoM, Siorta di Siena. P. m , L. Vl, f. 9 , t.-^AUegnm AUe^tui,
mon Sanesir p, SM.--* Fr* OaietAordlnL U I , p. Se« -^ BpynaUtl AnnaL eeeies. t49l,
S 18, p« 489. — > IV. GutceiardinL 1. 1, p. 3i.— Pa«/i /dvii. L. f, p. I9.— ♦ Fr. Gerftf-
ciardini. L. I, p. 27.
360 HISTOinZ DES B£PUBLIQUES ITALIENNES
brillantes. UaTaitexigéqaesa récondliatioii avec la maisoii
d'Aragon fût scellée par an mariage ; et quoiqu'il se conten-
tât pour un de ses fils d'une fille naturelle d' Alfonse, fils de
Ferdinand, ila\ait d'abord éprouvé le refus de celui-ci. La
crainte des Français rendit l'orgueil d' Alfonse plus traitable.
Don Geoffroi Borgia, le plus jeune des fils du pape, épousa
dona Sancia, fille d' Alfonse. Les deux époux n'étaient pas en-
core nubiles : cependant don Geoffroi passa en même temps
au service de la maison d'Aragon avec une compagnie de cent
hommes d'armes ; il vint s*établir à Naples pour y jouir de la
principauté de Squillace, qa*il reçut à titre de dot avec dix
mille ducats de rente. En même temps le pape donna son con-
sentement à la vente des denx comtés d' Angnillara et de Cer-
yetri, qui avait été la première cause des brouilleries entre
lui et Ferdinand. Il obligea, seulement Virginio Orsini à en
payer une seconde fois le prix entre ses mains, et Ferdinand
fournit à Orsini l'argent nécessaire pour le faire * .
Ferdinand ne négligea point d'entrer en négociation avec
Louis Sforza lui-même; il lui fit représenter que leurs denx
familles étaient unies par tant de liens de parenté, que c'était
comme entre parents et à fanûable que leurs différends de-
vaient s'arranger; que si la fille de son fils avait épousé Jean
Galéaz, la fille de la duchesse de Ferrare, sa fille, avait épousé
Louis^le-Maure; en sorte qu'il verrait toujours son arrière-
petit-fils dans l'héritier du trône, smtque l'un ou l'autre {Nrinee
conservât le duché de Milan *. Le mariage de Blanche-Marie
Sforza avec le duc des Romains semblait annoncer que Louis-
le-Maure abandonnait l'alliance de la France, car on savait
que, malgré le traité de SenUs, Maximilîen conservait un pro-
^JPf. Giae^ardinU Ub. I, p. W. — S<^i(me Ammlrato.h. XXVI* p. 192.— *«»**'-
reW, Frammenti stor. T. III , p. 4. — « Celte dachesse de Ferrare , fllïe de Ferdinand
et belle-mère de ïiouis-Ie-Maure , mourut le il octobre 1493. Diarto Ferrarese. T. XXiV,
p. 286.
DU MOTEH àGB. 361
fond nessentiment eontre Charles YIII * . Mais Lonis-Ie-Maure
était désonnais réduit à s abandonner à la destinée qu'il avait
proToquée, et à courir toutes les chances de Falliance dange-
reuse qu'il avait sollicitée. Après avoir éveillé F ambition et la
vanité du jeune roi, il ne dépendait plus de lui de les calmer.
Il ne pouvait même prudemment se séparer de Charles, ni se
p^river.de sou assistance , après avoir aussi grièvement pro-
voqué ses ennemis ; aussi s'étudiait-il seulement à gagner du
temps pour ne pas être attaqué seul avant que les Français
fussent descendus en Italie ; et au lieu: d'entrer de bonne foi
dans les propositions d'accommodement que lui faisait le roi
de ïlaples , s^efforçait^il de lui persuader qu'il n'avait aucun
arrangement avec les Français, et qu'il sentait mieux que per-
sonne tous les dangers qu'il courrait si les années françaises
pénétraient une fois en Italie ^.
■ Ferdinand prenait en même temps ses mesures ppur se dé-
fendre par les armes. Incertain de la route par laquelle les
Français tenteraient leur invasion, il avait rassemblé, sous les
ordres de don Frédéric, son second fils, une flotte de cin-
quante galères et de douze gros vaisseaux pour leur fermer le
chemin de la mer, tandis qu'Alfonse, duc de Calabre, auquel
la prise d'Otrante avait donné une grande réputation mili-
taire, rassemblait sur les confins du ro^i^iMimeune armée qu'il
s' efforçait de rendre redoutable ^. Mais la défense de Naples
paraissait surtout devoir être as^rée par l'alliance de l'Église,
bien qu'Alexandre YI cherchât jusqu'au dernier moment à
profiter des inquiétudes et des embarras de son allié pour ar-
rÎYer à ses fins particulières. Julien de la Rovère, cardinal de
Saint-Pierre ad vincula, n'avait voulu à aucun prix se récon-
cilier avec Alexandre VI; il s'était retiré dans son évêché
d'Ostie, et il s'était fortifié dans le château qu'il avait bâti
> Scipione Àmmiralo, L. XXVI, p. 103. — * MacchiavelU , Frammenti storici. T. III,
p. 5. "Franc, CuicciardinL Lib. 1^ p. 35. — > Scipione Amniirato, L. XXVI, p. 191;
362 HISTOIRE DES BiPGBLUiUES IXALIEHIIES
dans œtte Tille, et qm sai: toates ses tonfs porte encore ma
armoiries. Le pape feignit de croire que Julien 8*7 maintenait
de concert avec Ferdinand, et déclara qn*il retoaraenat à l'al^
liance de la France si cette Tille ne lai était pas livrée. En
vain Ferdinand protestait que le cardinal de La Bovère ne dé^
pendait nullement délai, et il incitait le pape à s'oeoaper Inen
plutôt des ravages des Turcs en Croatie que de k garnison
d*Ostie ; un nouTcau leyain de discorde fermwtait eetre eux,
et le roi de Naples reconnaissait qu'il ne pooYait faire «tcun
fonds sur un allié qu'il ayait acheté à on aï haut prix * .
Chaque jour la position du rieux Fardiaand paraissait de-
venir plus dangereuse $ ses alliés ne songeaient qu'à lui Tendre
chèrement la promesse de leurs secours , tandis qq^ib ne se
mettaient point en mesure de lui donner une asssistaiiee rédle.
Ses ennemis n'avaient encore d'actiTité que dans les intrigues^
mais ils aTaient déjà anéanti cette confédération de ritalie qui
pouvait inspirer de la crainte aux ultramoi^ins. Depms quel-
ques années , lltalie avait joui de la pûi plutôt que du bon^
heur; sa prospérité s'était accrue^ mais ses désirs n'étaioil
pas satisfaits ; elle se confiait dans ses forces qui n'âaie&t point
encore entamées, et elle nourrissait une envie aecrëte de cou-
rir des chances nouvelles. Avant que les penses oient éprouvé
le poids des calamités de la guerre, des passions l»en futiles^
l'inquiétude, la curiosité, le besoin des émotions Tives, l'a-
mour du plus grand des jeux He hasard, les déeiâwt MNirent
à provoquer les révolutions. Louis-le-Maure avait seul négo^
cié avec la France; mais d'une ettréimté à l'antre dela.Pé^
ninsole , la moitié des esprits attendait avec impatience une
invasion dont les mêmes hommes ne laissaient pas d'avw
peur. Le duc Jean Galéaz Sfona lui-même se flattait que l'ar-
rivée dans ses états d'un roi , son parent, pourrait changer
1 Setpione àmnitaio. L. XXVI , p. 19 1. -» Franc^ Guiccbardinif tJlb. I, p. ift.
DU MOTCH A6X. %3
son sort. Le dac Hercule III de Ferrare, qui s'était associé
aux oégoiiationsde son gendre Louis-le^Maore, espérait, dans
le trouUe futur, recouvrer le Polésine de Rovigo que la der-
mère pèix lui avait rairi. Les Yéuitiens dénraient f oir humi-»
Ikr la maison d'Aragim ; les Florentins, seeouer le joug de la
maison de Médids; le pape, se faire Farbitre entre les deux
pot»t«ls; les nombreux ennemis de la maison d'Aragon dans
le royaume de Naples, se yenger de leur longue oppression.
On assmre que Ferdinand, témoin de cette fermentation uni-*
TersdUe, songea, malgré son âge avancé, à se rendre à Géoes
pour s'aboucher avec Louis-le^Maure, et lui faire reconnaître
à quels dangers il expesait f Italie e1^1ui<^mème, en ouvrant im^
prudemasent ses portes à un ennemi plus fort qu'eue tous. Il
comptait pouvoir exercer encore l'ascendant de la raison et
de la saine politique sur utt prince dont il reconnaissait l'es*
prit délié et l' habileté siqpérieure * . 1 494.— Mais au miËeu de
ces projets, un jour qu'il revenait de la chasse , il fut atteint
d'une manière inojRnée par une affection catarrhale, qui le
mit en deux jours au tombeau. Il mourut le 25 janvier 1 494,
à l'âge de soixante-dix ans^ après un règne de trenlenûx ans,
laissant deux ffls, Alfonse et Frédéric, déjàr £stingués dans la
carrière militaire , dont l'ati^ fot immédieilement reeenmu
pour son successeur ^,
La fortune, qui avait favorisé Ferdinand pendant tonte sa
vie par des dims qu'il semblait ae pas mériter^ le servit en-*
core en le retirant du monde au seul moment où sa mort
pouvait esert^ des. regrets. Sa naissance n'avait pas seulement
été illégitime, elle était assez, honteuse pour que son père
ft'eàt jamais voulu en révâer le mystère, cpii donna Ueu aux
* F^. euUekmUnt, ttb. I , p. SS. "^MaeehkafelU, Frammenti ttor. T. III, p. 4. -*
> Fr. omtcUa^iUni. Ub» I, p. 27.» PauU JoviiUUL Uh. 1, p. ao. ^Sdpiùne Ammt--
rato. L. XXVI, p. 195. — Pe/ri Bembl EisU Ven. L. II, p. 2*, -- Summonte , Stor. di
ftepofi. L. T, T. III, p, 539. — Giwmone; L. XXVUI, c. 3, p: 09f •
364 HISTOIRE DES BSPUBLIQUES ITALTElXIflSS
conjectares les plus opposées; et cette tache ne Tempècha
point de parvenir sur un trône que les plus puissants mo-
narques devaient envier. Il ne montra ni une valeur bril-
lante, ni des talents distingués pour la guerre, soit dans les
expéditions dont il fut chargé par son père, soit dans les lattes
violentes oii il fut engagé contre ses sujets rebelles ; et cepen-
dant il triompha de tous ses ennemis. Il n'avait hérité ni de
la franchise, ni de la galanterie, ni de la générosité, ni d'au-
cune des qualités aimables de son père Alfonse, encore qu'il
eût eu le bonheur de captiver toutes les affections de ce grand
homme. Il eut pour compétiteurs deux princes qui lui étaient
autant supérieurs par les talents que par toutes les qualités du
cœur. L'un, le comte de Yiane» stm neveu, disposait de tout
le parti aragonais ; l'autre, le duc Jean de Galabre, de tout le
parti angevin. Ceux des barons napolitains qui n'avaient pas
embrassé l'une ou l'autre faction semblaient prêts à se ran-
ger à celle qui les délivrerait de Ferdinand ; mais tous deux
échouèrent, et Ferdinand régna trente-six ans. Il fit périr
dans les cachots ceux qui avaient à plusieurs reprises essayé
de secouer son joug; et il affermit par des cruautés et des
perfidies une autorité toujours plus détestée* Les premiers
succès sont souvent l'ouvrage d'une fortune aveugle; mais
leur constance doit toujours être attribuée à une habileté qui
souvent nous est si odieuse, que nous ne voulons pas la re-
connaître : telle fut celle de Ferdinand. Il n'eut rien de ce
qui caractérise les grands hommes, rien de généreux, rien de
noble ; mais sa prudence était consommée, et sa politique fut
rarement en défaut. Il réussit, comme les méchants réussis-
sent quelquefois, au mépris de toutes les règles de la justice et
de tous les sentiments moraux. Il régna longtemps, et il mou-
rut sur le trône. Si ce fut là son but, il l'att^gnit; mais il
régna détesté, il vécut dans la crainte, et il mourut laissant
sa famille dans un danger pressant, au moment où cette pra-
m moteh agk. 365
denœ qu'on reconnaissait en lui, en l'abhorrant, ponvait seule
sauTer son fils d'une ruine prochaine.
Ferdinand était d*une taille médiocre ; sa tète était grande
et belle, entourée d'une longue cheyelure de couleur châtain;
ses traits étaient agréables ; il avait le front ouvert, la figure
pleine, la taille bien proportionnée. Sa force de corps était
extraordinaire : ayant un jour rencontré un taureau échappé
qui traversait la place du Marché de Naples, il le saisit par la
corne et l'arrêta. Son esprit était orné; il possédait plusieurs
sciences, mais surtout la jurisprudence, qu'il regardait comme
nécessaire aux rois. Il parlait avec grâce; en donnant au-
dience à ses sujets, il savait dissimuler tous les sentiments qui
auraient pu le rendre odieux, et il avait en général l'art de les
renvoyer satisfaits. Ses cruautés, qui furent innombrables, ne
durent pas toutes être attribuées à la politique ; sa passion
pour la chasse lui en suggéra un grand nombre : ce fut par
les ordonnances les plus atroces qu'il pourvut à la conser-
Tation du gibier réservé pour ses plaisirs, et il les fit exé-
cuter impitoyablement sur les malheureux paysans de son
royaume*.
< Summonte^ Stor, di Ifapoli. T. III, Lib. V, p. S40, editio in^«. Napoli, 1679.
366 HisroiBS des AénnLiQOB itaueiiiies
«iii»i8ni!i8i»ii8Mmii8iu»îittui»Bîmii
CHAPITRE Xn.
Préparatifs de défense d'Alfoose II. -^ Premières ftttaqneé des Prasfaif
dans l'état de Gêqes et eo Romagœ. -- Entrée de Charles VllI m
Italie/ — Pierre de Médicis lui livre toutes les forteresses de la Tos«
cane. — Rérolte de Pise ; révolution de Florence j exil de Médicis.
1494.
Qaelqaes^anes des grandes réyolatioiis qui changent la face
du mande mettent en éyidence tons les ponvoirs de l'esprit
bnmain ; ponr elles les combinaifons les pins babiles ont été
calculées dans Fattaqne et dans la défense, tons les accidents
ont été prévus, tons les obstacles ont été fortifiés avec art par
les uns, tournés ayec adresse par le» antres. La fortune, qu'on
ne peut exclure des <2ho8e& homaines, a du moins été corrigée
par une constante prévoyance ^ et la juste confiance en sd^
même, qu'on acquiert par le déploiement de toutes ses fa-^
cultes, se communiquant des chefs aux subordonnés, chacun
a fait son devoir dans sa place comme citoyen ou comme
soldat, chaque ordre a été exécuté comme il a été donné ; et
ceux mêmes qui succombent peuvent encore se yanter d'a-
voir été à la meilleure école et de la guerre et de la politique.
0U MOTEtr AGE. 367
Mais d'anti^ réVolotionfl tout aussi importantes dans leurs
résultats sqnt quelquefois accomplies par des moyens abso-
luBiffiit différeuts: Timpéritie est opposée à Timpéritie; la
faute quidevnât perdre un parti ne le perd pas, parce qu'elle
est QDii^>eDsée par la foute plus grande encore que commet le
parti eentairc* Àueuiie prëyoyance ne peut calculer les chan-
ces d'oD^ pareille lutle, parce qu'on peut bien soumettre au
calcul les, intérêts^humains^ mais non pas les folies humaines :
pour on parti sage, ily en anûllede déraisonnables, etVempire
de 1a fortune est prodigieusement étendu, lorsque l'enchaîne-
ment même des idées s*y trouve compris. Le sort de Fltalie
fut défâdé en 1494 par une lutte seml>|[able entre Tincapacité
et rimpéritie : Tnn et l'autre parti, considéré isolément, sem-
blait ne pouvoir éviter de succomber ; et en voyant la con-
duite du roi de France et de celui de Naples, il semblait éga-
kmait impossible à Charles TIII de faire la conquête de
l'Italie, et à Alfonse II de l'empêcher.
Deux^heiures apris la mort de Ferdinand, Alfonse II, sui-
vant l'usage d'Italie^ avait parcouru à cheval les rues deNa-
(dfit fit liçs six placer ou seggi où se rassemblaient la noblesse
et le peuple pour concourir au gouvernement municipal ; il y
avait recueilli les applaudissements populaires, et il avait pris
posses^n de la couronne à la cathédrale, puis il s'était fait
dopner la gardedes châteaux *.
Le nouveau m avùt fdusieurs fois commandé les armées de
«m père eonire ks Florentins, les Vénitiens et les Turcs; il
avait duMié les derni^n» <f Otrante, et cette expédition lui avait
valu une grande réputHlkm militaire. II joignait à cet avan-
ti^ cehiî de dieqposer d'un immense trésor que son père avait
rassemblé par son avarice, et que lui-même augmenta encore
par la levée d'une contribution extraordinaire fort onéreuse,
« Summonte, âtW Utoria âel regm e cHtà <fi NapoU. L. VI , c«p. I , p. 4&i, «ditio
Hapol. in-4o. ia75.
36S HISTOIEB DES a£FUB{.IQU£8 ITALIlSBIirKS
à l'occasion de son ayénement au txànt ^ Alfoosé a\aît
enfin la réputation d'exceller dans cette politique parfide, qoe
Ton suppose habile tant que le succès la comxHme. « Hosen'-
« nemiS) dit Philippe de Gomines, Paient tenus très sages
« et expérimentés au fait de la guerre; riches et pocu'vug
« de sages hommes et bons capitaines, et en possession du
« royaume '.» Mais toute leur réputation ne soutint point une
première épreuve.
En montant sur le tr^e» A}fonse devait se préparer à le
défendre contre l'attaque prochaine qui kd étiût annonoéé : il
fallait pour cela, d'une part, s'i^puyer par un bon système
d'alliance; de l'autre, rassembler une armée qui pillt saile
tenir tête à l'ennemi; car il ne devait pas s'attendre à ce
qu'aucun allié embrassât jamais sa cause avec plusdevigu^ir
qu'il ne la dâfendrait lui-même; mais le nouveau roi parut
mettre beaucoup plus de confiance dans ses négocÉatioas ^e
dans ses armes.
Il envoya d'abord Gamillo Pandooe, un de ses ministres
de confiance, et le même qui revenait de l'ambassade de
France, à Bajazet II, empereur des Turcs, pour loi représenter
que Charles YIU annonçait ouvertement qu'il ne ccmsidiérait
la conquête du royaume de Naples que comâie un échelon
nécessaire pour arriver à celle de l'empire d'Orient; et qu'en
effet, ses ports sur l'Adriatique, qui n'étaient séparés qne par
une journée de navigation de ceux de la Macédoine, une fois
entre les mains d'une nation aussi entreprenante et aussi bel*
liqueuse que les Français, pourraient &eiliter ies attaques les
plus dangereuses contre l'empire turc. Alfonse demandait, en
conséquence, six mille chevaux et autant de fantassins tures à
Bajazet ; et il offrait de payer leur solde tant ^'ils servirai^t
1 PauH jovU Bislor, sut temporis. Lib. I, p. SO. — s Philippe de domines, Ménteûes.
L. vn, ch. V, p. 16S.
DU MOYEN AjGE. 369
en Italie * • Au boot de peo de mois, Pandone fut envoyé nne
seconde fois àBajazet;etle pape,Tonlant aussi traiter en son
nom, loi jcngnit Georges Bucciarda, Génois, qa* Innocent YIII
avait déjà chargé d*une négociation peu honorable avec
la Porte '. Alexandre YI, qui dans ses bulles exhortait Char-
les YIII à, tourner toutes ses forces contre les Turcs, puisque
les guerres avec un prince chrétien étaient indignes d'un mo-
narque qui prenait le titre de très chrétien et de fils aîné de
l'Église', cherchait d'autre part à exdter les Turcs contre ce
monarque même. En même temps il accordait à Ferdinand-
le-Gatholique les produits des taxes de la croisade qu'il faisait
prêcher en Espagne, pourvu que ce roi les employât contre
les Français et non contre les infidèles^. Mahomet II n'aurait
sûrement point laissé échapper une occasion aussi favorable
de mettre le pied en Italie, et de réduire à une espèce de vas-
selageun nouveau prince chrétien : mais son faible successeur
n'étendait pas si loin sa politique, il craignait de troubler son
propre repos; il se contenta de donner ordre au pacha d'Al-
banie de rassembler environ quatre mille soldats turcs à la
Talonne, et il ne prit aucune part à la guerre ^.
En même temps, Alfonse avait envoyé quatre ambassadeurs
an souverain pontife , pour resserrer avec lui l'alUance cofl^
due par son père , et obtenir l'investiture de l'Eglise.
Alexandre YI , dont toute la politique consistait à mettre ef-
frontément sa fidélité à l'enchère, avait paru prêter l'oreille
aux propositions du cardinal Ascagne Sforza, qui, dans le
collège des cardinaux, soutenait le parti français, tandis que
le cardinal Piccolomini dirigeait le parti aragonais. Ce n'était
cependant qu'une rose du pape , pour mettre ses concessions
1 Pauli Javii Bist, tui Umporis. Lib. I, p. 20. — Franc Guicciardlni Hittor. lib. I,
p. 34. — s Franc. GuieeUmIinU Lib. I , p. S». — > BuUa Âlexandri ad regem Franeor,
8 idut octobris 1494. Baynaldi AtmoL S 16, T. XIX, p. iZu-^^AnnoL ecctes, HaynaldU
T. XIX, p. 432 , S 21.— Ji>. Guicciardini. 1. 1, p. M* ^ » Sloria Veneia. T. XXIX , Ber.
Ital p. 8.
VII. 24
370 HISTOlllE D£S BÈPVmAXpjK ITALIEKIfïS
à on ipbaB haat prit; et, le 18 aTiil 1494;ilae(»Ma à AlfdDM
des bulles d'inTestiture pour le royaume de Kafilee , aoiiB les
C»iiditioDS auxquelles elles avaient été aoec»;^!^^ à woê prédë-
«aaseura*.
Le cardinal Jean Borgia, fils du papd, et archevêque de
Montréal^ avait été nommé légat à laterê^ pour la oérémoniè
du couronnement d'AIfonse; il vint reeuefllir, pour sa famille,
lès récompenteê an prix deaqneltes ce monarque avait acheté
l'alliance des Borgia. On reconnaissait à Naples sept grands
offices de la couronne, ({ni, suivant les institutions féodale»,
étaient des mtnistàfes à vie, presque indépendants de Tautorité
royale : Tuà d*eux^ celui de protonotairé, fut accordé à Gef-
finoi Borgia, avec la pfindpauté de Squillace, le comté de Ca^
rii^ et dix miUe ducats de rente ; un autre , et ce devait être
le premiEer qui deviendrait vacant, fut promis au duc deGan-
éie<) second fils du pape , avec la principauté de Tricarico , les
comtés de Ghiaramonte, Lauria et Gaiinola , et douze mille
dbcatsde rente; enfin, Yirgtnio Orsini, qui avait négocié ce
t^aitéy reçut en récompense un troisième de ces grands offices
de la couronne , et c'était celui de grand connétable , le plus
éntneat de tous *. Des rentes ecdésiasrtiques dans le royaume
teent en même temps assurées à César Borgta que son père
yenait.de créer curdiueil) en fiii«»gmt prouver, par de faux té-
moins et de faux serments, qu'il éki^t fils légitime €xm d-
lojren fiomaiii) et isxpBiblt d'exercct les banles dignité de TÉ-
flise'.
L'alliance de Pierire de Médicis n'avait point été achetée à
un si haut prix, sa vaniAéBeule avait suffi pcfétt le séduire. On
«f^jait qu'Alfonse lui avait promte de l'aider à changer son
autorité sur Florence en une domination absolue, avec titre
t Raynaldi AnwiL eeeUê. 14M^ S 3Ht , p. 4n.^->8immàme, St»r,ëi Nap^fU. Ub. Vi,
eap. I, p. 4»2. — « ScipUme âmmirato. h, XXVl^p. lOT— J^. Guicctof^iiti. L. 1, p. 99.
--'^ fr. GuiccUxr^inU Ub. 1^ p. ^
DÛ MOTTEW AGE. 37 1
àt principaoté *. £n retour, Médicis, par une convention se-
crète qui n'avait point été communiquée aux )3onseils de la
république, avait promis au roi de Naples de recevoir la flotte
napolitaine dans k port de Livourne, de fiàire pour loi des
levées de soldats en Toscane , et de résister à mam armée à
Tattaqoe des Françsâs ^. Médids crojait en outre pouvoir ré-
pondre des répubUcpies de Sieune et de Ltteqnes, qtA se trou-
vaient oomme eiidavées dans les états florentins, et qm né
pouvaient songer à suivre une Ugne séparée de poKtique. At-
foBse avmt ég^l^nent étendu ses négociations du c6té de la
Bomagne. Césène était rentrée sous l'autorité immédiate du
pontife, qui en répondait; Faenza, principauté du jeune As-
torre Manfrédi, était alors sous la tutelie des Florentins; Imota
el FopM, qui appartenaient à Oetàvien Riario, sous te tutelle
de sa mère, la eéièbre Catherine gforza, s'engagèrent danà la
ligue, moyennant un subside promis par Alfonse et les Flo-
rentius. Enfin Jean Bentivogbo, seigneur de Bologne, em-
brassa le même parti sous des conditions sen^lables ^.
Aii^ toute r Italie méridionale paraissait unie par une seule
aUiance, el ne présentait plus qu'une seule frontière des bords
é& l'Adriatique à la mer Tjrrbénienne. \La f uscaae et le Bo«
louais étaient les seuls pays par lesquels les armées françaises
pussest s'avance vers Rome et Naples; et Ati'onse s'engagea
à d^endre l'un et l'autre par deux armées qui occuperaient
tous les défiAës des montagnes, et tous les passage^ fèrtifiés des
rivières. En même temps, comme H était déjà averti que lès
Français faisaient à Gênes de grands préparati& maritimes^ èC
eemme il se souvenait que Jean, due de Galabre, le dernier
des princes angevins , avait envahi par mcAr le royaume de
Maples^ Atfoase donna à don Frédério, sou frère, le eofl»nan«^
érairat doue flotte de trente-oiiiq gdâres, dix-hiBt grands
1 Fr, GiaectatdinU Ub. 1, p. 31. —■ « im. p. 38. - s Ibii.
372 fttSTOIR£ DES AEPUfitlQUBS ITALIElClfES
Yaisseaux, et douze bâtiments plus petits, qui dat se rendre à
Livourne pour' attendre les Français au passage , et leur fer-
mer le trajet de la mer inférieure, s'ils voulaient le tenter ^
Pour régler de concert avec ses alliés la distribution des
forces de terre, Alfonse se rendit le 13 juillet à Yicovaro, près
de Tivoli, où il avait donné rendez-vous au pape AlexandreYI
et aux ambassadeurs florentins. On assure que dans ce con-
grès Alfonse parla avec beaucoup d'éloquence sur la néces-
sité de sauver, par les efforts les plus vigoureux, non point
son trône, mais l'indépendance de toute l'Italie, l'existence
de tous les états , le maintien des lois et des mœurs qui leur
étaient propres. Il fallait, disait-il, ou engager Louis^le-Maure
à renoncer à l'alliance française pour rentrer dans les intérêts
italiens, ou le forcer à descendre du trône, et à rendre l'au-
torité à son neveu '. Pour atteindre ce but, Alfonse offrait sa
flotte commandée par son frère don Frédéric, et son armée ,
composée de cent escadrons de cavalerie pesante, à vingt
hommes d'armes par escadron, et de trois mille arbalétriers
ou cbevau-légers. A la tète de ces troupes , il se proposait de
s'avancer par la Romagne , et de causer une révolution en
Lombardie avant que Louis-le-Maure eût reçu les secours
des Français'.
Mais ces déterminations vigoureuses furent renversées par
les intérêts et les passions privées du pape. Gdui-ci voulait
profiter des forces rassemblées dans ses états pour se défaire,
avant tout, de tous ses ennemis. Il avait d'abord pressé le
siège d'Ostie, pour se délivrer du voisinage du cardinal Ju-
lien de la Bovère qu'il poursuivait avec la haine la plus ar-
dente. La Rovère, qui savait bien le sort qui lui était destiné
8*il tombait entre les mains de son ennemi, s'enfuit enfin
d'Ostie le 23 avril à trois heures de nuit, et se fit transporter
1 Sf^pUme AmnOnto. L. XXVI, p. 199.-» PauH JovU Bist. sui tempor. Ub. I, p. 31.
- Smmmc, Stor, di «qpoU. Ub. VI, cap. I, p. 4M. -^}Fr. CviccUxrdini. Ub. I, p. S5.
BU MOYEU AGE. 373
Bar un brigantin, d*abord à Sayonne, ensuite à Lyon, auprès
de Charles YIII ^ Après qn*il se fat échappé, sa forteresse ne
fit plus une longue résistance. Alexandre YI voulait de même
employer les troupes napolitaines à écraser les Colonna. Pros-
per et Fabrice, deux chefs de cette maison illustre, avaient
déjà* acquis une grande réputation dans les armes, à la solde
du roi Ferdinand ; mais ils avaient conçu de la jalousie pour
les faveurs dont avait été comblé dernièrement Yirginio
Orsîni, chef d'une maison rivale de la leur. Ils s'étaient
secrètement engagés à la solde de France; et jusqu'à ce
que le moment de se déclarer fût venu, ils s'étaient retirés
dans leurs fiefs avec le cardinal Ascagne Sforza, et ils cher-
chaient à gagner du temps par des négociations trompeuses
avec le pape et le roi de Naples*.
L'inimitié du pape contre les Colonna força Alfonse à divi-
ser son armée. Il renonça à la conduire lui-même en Boma-
gne, et il en donna le commandement à son fils Ferdinand;
mais il en détacha auparavant trente escadrons de cavalerie,
qu'il garda sur les confins de l'Abruzze, pour couvrir l'état
ecclésiastique et le sien ; et une partie de ses chevau-légers,
qu'il donna à Virginio Orsini, avec deux cents hommes d'ar-
mes du pape, pour se cantonner autour de Rome, et tenir les
Colonna dans le devoir. Ferdinand, duc de Galabre, brave
prince âgé de vingt-cinq ans, également cher aux sujets et
aux soldats, devait s'avancer en Bomagne avec soixante-dix
escadrons et le reste de la cavalerie légère, réunir à son ar-
mée les compagnies de gendarmes qu'avaient promis Biario et
Bentivoglio, tenter d'exciter une révolution en Lombardie, et,
1 FK GuieeiardInU lib. I, p. 99. — RarihoL Senareçœ , de rébus Genuene. T. XXIV,
p. S^g. — Allegretto Allegreta, Diarl Saneef, T. XXIII , p. 829. — Stefano Infessura^
Dlarlo Romano^ p. 1353. Cest par cet événement que le termine le curieux journal
dlnfessura, qui , au milieu de beaucoup de conles populaires et de beaucoup de médi-
sances, peint si bien ie gouTemement pontifical au xv« siècle. Muraton i'a imprimé
a?ec quelques suppressions. T. 111, P. Il, |^. ItoL p. ti05-t3fi3. JSckard Fa donné loni
eptier. — * Fr. GuieciardbH, Lib. I, p. M.
374 HISTOIRE DES VàwVIMfOf» ITALIElinES
Ç*il ne pouvait t réussir, fermer du moins |iux Franchis, jus-
qfx*k rbiveri le chemin de la B(HBague.
Les Italiens ne supposaient pas qu*on pût faire la guerre
pendant l'hiver; et s* ils gagnaient six mois, ils ne doutaient
pas que l'attaque des Français, entreprise avec légèreté, ne
fût abandonnée de même*. Jean-Jacques Trivul^ûo, guelfe
milanais^ le comte de Pitigliano, |de la maison Orsim, et Al-
fonse d^Avalos, marquis de Pescaire, furent donnés pour con-
seillers au jeune prince napolitain. Pierre de Médicis promit
de se charger de la défense de la Toscane et des défilés des
Apennins ; mais, avec une imprévoyance inconcevable, il nj
appela point de troupes étrai^ères.
A l'assemblée de Yicovaro s* était trouvé le vieux cardinal
Paul Frégose, archevêque de Gènes, qui avait joué si long-
tei^dans oette ville le rôle de chef des factieux. Il offrit
SQQ.assistançe pour chasser de sa patrie les Adorni, ses adver-
saires, et avec eux les Milanais; il promit qu'avec l'aide
d'Hjbletto de Fieschi et de sa propre faction, il se rendrait
aisément maître de la république, s'il pouvait se présenter
dans les mers de Ligurie, avec la flotte napolitaine^ avant qMe
les galères du parti contraire fassent complètement armées,
et que la flotte française fût arrivée à Gènes. Son offre fut ac-
ceptée; et la flotte de don Frédéric, ayant pris à bord les
émigrés génois, avec environ cinq mille fantassins rassemblés
dans Fétat de Sienne et à livourne, se dirigea vers la rivière
du Levant *.
Mais le cardinal Julien de la Bovèrç, qui d*Ostie avait
passé à Savonne , sa patrie , y avait découvert les intrigues
liées par le cardinal Frégose dans toute la Ligurie ; il s'était
àAlé de m rendre à Lyon peur en avertir le roi Charles TIIL
t fy. OykmlwâM, Ifb. I, p. W. — PauU hmH BUl sui temporîs. 1. 1, p. 94.^Plnl.
iêê GMMnes. t. Vif , cb. V, p. U4. — • PauU lovtt MUt. «ttt tempùrts. Lib. 1 , p. 21. —
Mwic. «MfOtfiiH'dM. Ub. I, p. M. ^ eHando MaUwcUi. P. m, L. Vf, t. M.
U rnYwt eogagi À hm passer âeoi miUe SuMOi à fiAocs,
pMT 4éjoaer ces ooa^ptojU ; m fflàn^e tep^ il «vêtt; employé
toirte 8oa éloqoeaoe ^ toute ïmpAomté dé âoii ImA trdenie
k pmmf te«( furéiHirdtifi» de guerre ^oiAm l'U^lie, fit à dissiper
tw» )^ dwtef» et \wim k& b^i^Mom de Cl^orlei^ ViK, dam
l>9|)9if de hâter wm§9^ propre wengetoc^ * ,
£q ^f{et, Charles VIU, majgiïé loqtes ^ie9 wefiaim, nalgf^é.
iofa^tes Jies négoc^kwts qui n'av^ent <m» d'autre i)ut .^w son
expédition d'Italie» éleît ewpre Âucertaiu» et mv la i^ute qu il
l# £«nT«BBdrait de prepdJ^e, #t ly^r XméQ^Uou misue de son
PfKojet. Capeudant, pr es(we4^rwaé àaAtaqfiisr te royauwe de
Ki^s par mer ^ il fit ipaaser à <ivtoe^ tMt Tattg^t dwt il 4»e«i-
ymi disposer ^ il 4î| puép^rcy ppur MrmAmi^' d^ iogemants
spleudides dans les p«^ts des ^liRobi «et -des I^pria;, Hik f
envoya mn grafid-ée^jer, l^erj^ d U^le, petir y lajre armer
une flotte puissante, qw dev^t as jr^u^ir 4 celle qii'<m ai<mait
eu même temps poui* bii h Yillefffan^he ,et à Mav^eiiUe'. I4^
première , qui ne hû roodU ensuite ai^uo fteryioe,, parce qpHÀ
abandonna tous «es projets a^^ m»\j^ ide ^è^reté qu'il l#s
avait fornu^ lut la fim magnifique qu*Q^ eût jamais vi^ dana
les ports de la république de :Qânes. On y conoypftaitdoiue
grauda :«msseaiix de transport pour la A^voierie, daus ^n^
on fouvatt lo^er qnûue cents obovaust ; quatr^ivÂngt^w^
transpmis plus pe^ pour Vii^aj^Aevie, dii^^^pt apéraniitas,
inngt^trois vaisseaux du port de oinq ^9t soixante, et vingtr
aix du p<M^4e cinq ecHi^t qnt^re^vingte ^to^iiueau^i, ^me grande
galéaioe qui portait cent chevaux, trente g^^^f^ ai^mées ipoiur
le .combat^ ei^n <la gal^ Jirof aie, dont^a jioupe étidt «doi^ée,
et^ étmt converie tout entl^ d*un pairmondesoîe'.
1 BarthoL Senaregœ de relnu Genuent» T. XXIY, p. 539. ^ Frime Giâccia^igiL
lib. I, p. 34. — > Vberii FoUetœ Genuent. But» L. XII, p« 663. — BarthoL Senaregçe
de rébus Genuens. p. $39. — Pb. de Comines. L. VII, çb. V, p. i«5. — ^BwtthoL Sena-
regœ de rébus Genuens. T. XXIV, p. M2.
376 HISTOIHE D£S BiPVBUQU£S ITALIENIIES
Pour eonumnder ce prodigieux armement, Charks XUÎ
eiiToya i Gènes avec la flotte française son ooasin y le dnc I
d'Orléans, qni fat depuis Lonis XII. Gelai^ci fit son entrée
dans la ville le jour même où la flotte napolitaine parat en
vae des côtes de la Lignrie', tandis qu'Antoine de Bessey,
baron de Tricastel et bailli de Dijon, qui avait été chargé des
négociations du roi avec les Suisses, auprès desquels il jouissait
d'un grand crédit, amenait à Gènes les deux mille hommes
d'infanterie qu'il avait levés dans les cantons 3.
Iblctto de Fieschi avait promis à Paul Frégoso et à don
Frédéric d'Aragon que tous ses partisans l'attendraient en
armes dans la rivière du Levant; il détermina donc la flotte
napolitaine à se présenter devant Porto- Yénéré, petite ville
en face de Lérici, qui commande l'entrée du magnifique golfe
de la Spézia. Hais son propre frère, Jean-Louis de Fies-
chi, qni était attaché au parti contraire , s'était rendu à la
Spézia, et avait exhorté les habitants de ces parages à demeu-
rer fidèles à la république ; et Jean-Jacques Balbi était entré
dans la ville même de Porto- Yénéré avec quatre cents fantas-
sins'. Du côté de terre, cette ville n'était défendue que par
une misérable enceinte de murailles ; quelques corps d'infan-
terie napolitaine essayèrent de les attaquer, tandis que la flotte,
portant une redoutable artillerie, entrait dans la rade, et ten-
tait d'opérer un débarquement sur la plage même. Mais tous
les habitants, et jusqu'aux femmes de Porto- Yénéré, s'étaient
rangés avec les soldats derrière les murs , et repoussa ent les
assaillants en faisant rouler des pierres sur eux. Quelques
rochers i fleur d'eau avaient été antiquement façonnés en
forme de débarcadour sur le port pour la commodité des ma-
1 Mémoires de PhQippe de Comines. Liy. VII, ohap. V, p. i62. — > Fr- Gtdcciardini,
Lib. I , p. 37. — Fr. Belcarii Comment, rerwn GalUcar, Lib. V, p. 12». — » Sdpione
Ammirato. E. XXVI, p. 199. — Vberti Folielœ *UsU Cenitem. Lib. XII, p 664. — Gim-
tittkml Ann, di Genova, Lib. V, T. 319.
DU MOYEN A6B. 377
télotg ; les habitants avaient en soin de graisser de suif ces
pierres polies, qui s'ayançaient an milieu d*ane mer profonde
et agitée. Les Napolitains s'en approchaient dans les chaloupes
delénrsTaisseanx; qnand ils se croyaient assez près, d'un saut
ils s'élançaiint tout armés sur le rivage ; mais leurs pieds ne
ponvaîents^affermirsnrla pierre glissante; ils retombaient dans
la mer, et lenr chnte, pour eux si fatale, apprêtait à rire aux
défenseurs de Porto-Yâiéré, et relevait leur courage. Le com-
bat continua sept heures avec un acharnement égal des deux
parts; enfin, à l'approche de la nuit, don Frédéric rappela
ses troupes sur ses vaisseaux , et il s'éloigna d'une petite ville
devant laqndle il avait commencé le cours de [sa mauvaise
fortune^
Après cet édiec, don Frédéric revint à Livourne pour ra-
fraichir sa flotte et y embarquer de nouveaux soldats ; il en
repartttenvironunmoisaprès, sur la nouvelle que Charles YIII
s'était mis en route pour passer les Alpes. Le 4 septembre
Frédéric se présenta devant Kapallo, riche boui^ade, située
à peu près à ^ale distance ^tre Porto-Fino et Sestri di
Levante. Comme elle n'était pas fortifiée, Louis-le-Maure n'y
avait point mis de garnison , et les Napolitains n'éprouvèrent
ancnne difficulté à s'en emparer; Ils y mirent à terre Hybletto
de Fieschi avec trois mille fantassins et les émigrés génois, et'
ils s'entourèrent provisoirement d'nne palissade. Celle-ci con-
sistait seulement en grandes fourches de bois plantées en terre,
sur lesquelles reposaient des solives à hauteur d'appui. Il
n'en fallait pas davantage pour arrêter la cavalerie , et pour
inspirer de la confiance aux hommes qui devaient défendre
ces faibles barrières *.
1 PauR JùvU HUt. mi tempor, Ub. I, p. 3S. '— Ftwic, Guieciardini uist. Lib. 1, p. 37.
— Barttu Senaregœ de rebu$ Genuent. p. S40. -^ Ob»H FûUeîas Genuênt. ATM.
Lib. XII, p. M4. — s PauU JovH HUU m lemp, Ub. I, p. 30. — Fr. Guieciardini. Lib. 1,
p. 44.
378 HISTOIBE DES a^P^BU^iUlSS ITAUEnifES
VUi» ni Slora ni te 4iKs d*Or]itepi ii*aviieBt l'èiiMitioii 4e
laisser leurs «nqeims a§ ù^rti&w à Ba^bUo. Im pomier airak
pris à son service les sept frères Sai^SériSrhtt, ife ds Tîam
^Robert, qqii dw§ Jiigéiiératîou précédente, snit en tanl de
part au}( riévoltttioQs de la Lombardie, Sforva avait troaié
parmi ces frères w plus babiks eenseâUers et ses pisa fara-
Tes généraux. U^ avait ebai^ deuKi Anien-Narie «t Irar
cassa, de la défense de Gènes s h pranier partit aoasiiéjt fsenr
Bapallo par le ebemn de terre^ avec dent tsebortas ite vété-
rans et un escadron de cavalerie, taadis que le àsm d'OrUans
y ooodoiaait sa fl(4to, cmnpQsée de dix^hnit gaièffea «t doo»
gros vaisseau^^ mv ksqu^ U «vaii fëi meoler les SmmetL
Don Frédéric n*osa point se laisser acculer dans le goile de
Bapallo par une flotte 4|ipi Tespp^i^ aqr la aianne feur
rhabilcté delà manediivre et pour le û«4ibre<de8ieanws'qa'elle
portait. U prit le large, et laifi^ le due 4*0rléans aeh^«i^<saniB
obstacle son débarquement. Lei tr«k^pies venues fapteri^^ et
celtes venues par mer, avaient parecMira à peu ipeès en mime
temps les vingt rnUks qui séfi^rent fiapaHo de Gènes. ïEVes
étaient atrivées devapt la première viUe pMenvs bfiimsA
avant la fin du jour; rintenlaon de Jenra ^& était «epen-
dant de les faire camper dans iwf petite |Mne à .peu de
distance de Bapallo, et d* attendre le lendeffaki pmt ««a*
quer. Mm la. rivalité entre )^ sol^ets v^éiiipe ide Sioraa
et la garde ducale de G^nes ne le permit pas. K^ pomimi,
pour s' assurer le p^te dbpnnenr an ^eembat du te^demain,
et pour braver en môme temps les «noemis mnfepnée dmi
Bapallo , vinrent tracer Jaivrs logements ai^si près ^pi'îb
purent de la viUe. La garde ducale, aceofdWIléP 4 vivce
dans une cité opulente, et à se faire remarquer par Féclat de
ses armes, la richesse de ses habits et Taudace deeespiq^ns,
ne put sonlfrir qn*un antre corps d'ornée prit le paa sur dHe.
Elle se mit en marche pour établir ses quartiers dans le court
u|j iioYiui iu>ç* 379
e^p^cis qui l'était çqtre lie^ Tétérann à^ Sform ^ B^p^llo» Le»
Kapolitoios^ jiigcaDi; à ce mouy^QUSïit qu'op y^pait i^ at|a-
quer, sortirent au*devant des a&sailk|ot» * .
Le couchât ^epga^a aiosi^ sau^ c^^ ^ part n\ 4'aotfe l#g
ehefs ^e^^â^t ordonné i il fut souteBa a^ec Jieauooup d*acbaiv
nement : mais rémulation entre les nations diverses qui sert-
y^jent dam l'armée du duc d'Orléans lui assura enfin ravan-
t^ge; d'ailleurs sa flotte, sapprocbaut jusque lORt près du
rivage, foudroyait ]^ ^applitains* C'était le premier cam)^t dç
pette guerre terrible où \ on \^ lies ulir^montains aux. [uîses avee
les Italiens, Us se firent reniarqqer ^ieu plus pap I^r férocité
que par leur bravoure : non seulement les Suisses ne firent
pas grâce aux prisonnieFs qui se rendirent à lenx , ils turent
la plupart de ceux qui s'étaient rendus à leurs alliés. Ils n'é-
|}arguèrent |^as pLqs les bourgeois de Ra|>al]x> q^ leurs eu-
oemiS} ils les pUlèreut sapsf miséricorde, sans distinction diç
paiti, et ils poussèrent la {éro^Hté jusqu'à massacrer einquaute
malades dans l'bApital de lu vUle. Les Génois ne les virent piis
patiemment exposer en vente, h leur ret^w, les dépouilles de
ces malUwreux ; le peuple soulevé tua une vingtaine de Suis^,
et ce 4xe fut qu'avec une peiuf infinie que Jean Ad^uoparr
vint à l'api^iser 2.
Quelques prisonniers de distinction avaient âé conduits h
fiâoes par l'armée victorieuse, «ntre autres Frégoâao, fiif
naturel du cardinal^ Julio Qr^iui ^t Qrlaiido Frégose- Hyblette
de Fiescbi, le princi^l chef du parti vaiucu^ s'enfuit avee
$04 fik Bolandino, au travers des mimtf^gqes^ tr<Ms im df
suite- il fut dépouillé par d^ brigands. Les de^i^ .premiè*
res fois les paysans du voisinage lui rendirent des habits;
inais la troisi^e fois, il se taurna en riaut vers sou fils,
«alÉe tranquillité impertorbable qui le earactérisait *
1 PauH Jovii ^isu stA temp, lib. I, p. 27. ~ ^ Bartkol. Senoregœ de rébus Genuens»
<r. KSIV, p. 543. — > Mémoires de Phil. de Gomines. L. VII, ch. VI, p. 168.
380 HISTOIRE DES BÉPUBLtQUES ITiXIEIllIES
« Allons, mon flis, tenons-noas-en aux habits de notre pre-
« mier père, loi dit-il ; autrement je Yois bien que cela ne fini-
« rait pas * . » Don Frédéric, que le vent avait retenu à distance
pendant tout le combat, ne put recueillir qu'un très petit
nombre de fugitifs, avec lesquels il s'en retourna tristement à
livoume*.
Pendant ce temps don Ferdinand s'avançait par la route
de Bomagne avec l'intention de pénétrer dans l'état de Parme,
d'appeler les peuples à retourner sous l'autorité de Jean Ga-
léaz, leur légitime souverain, et à secouer le joug d'un tyran
qui voulait les exposer à toute la furie des nltramontains.
Mais Ferdinand n'avait sous ses ordres immédiats que quatorze
cents hommes d'armes, et environ deux mille arbalétriers ou
chevau-légers : après même qu'il eut réuni à son armée celle
de Guîd' Ubaldo , duc d'Urbin, les troupes des Florentins et
celles que lui fournirent les petits princes de Romagne, cette
armée , d'après les calculs les plus élevés, ne passait pas deux
mille cinq cents cuirassiers et cinq mille fantassins ^. De
son côté Charles VIII, avant de sortir lui-même de ses irréso-
lutions, avait fait passer en Italie le sire d' Aubigny, de la mai-
son Stuart et de la branche de Lénox, avec environ deux cents
maîtres ou cavaliers français et plusieurs bataillons d'in-
fanterie suisse qui, descendus par le Saint -Bernard et le
Simplon, s'étaient réunis à Vcrceil *. Louis-le-Manre se hâta
d'envoyer ces troupes dans les provinces menacées d'une in-
vasion; il leur joignit Francesco San-Sévérini, comte de
Gaiazzo, avec environ six cents hommes d'armes et trois mille
fantassins vétérans. Le comte de Gaiazzo prit une forte posi-
^Barthol Senaregœ de rébus Genuens» T. XXIV, p. 543. — s Paua Jovli nist. sti
temp. Lib. I , p. 28. -* Fr. GuleciardinL Lib. 1 , p. 44. — Seipione ArnmUtato. L. XXVI,
p 199. — /acopo Nardl, Stor. Fior. Lib. f, p. 17. ~ Belcarius, Comment» Rer. GalHe.
Lib. V, p. 130. — s Petrl Bembi Hisi. venet. Lib. Il,p 27. — SOplone AmnUraio,
L. XXVI, p. 199. -^ Fr. Guicciardini. Lib. I, p. 35. — * Philippe de CpniiiieSy Mèmoirci.
Liv. VII, eh. VI, p. 167, et note , p. 482;
DU MOTBH AGE. 381
h, tion à Fossa GUiola, sur les frontières du Ferrarais, et ohserva
i de là les mouyements de Ferdinaad * .
^ Ce jeane prince avait eu à la fin de juillet nné conférence
;. avec Pierre de Médids à Gittà di Gastello. Il avait ensuite tra-
r versé le val de Lamone et fait de nombreuses levées de sol-
dats dans cette province belliqueuse. Tous les renforts qu*il
pouvait attendre s* étaient réunis à lui, le moment semblait
^ donc venu d attaquer Tarmée du comte de Gaiazzo et du sire
d'Âubigny avant qu'elle eût reçu les renforts de Suisses et de
Français qui descendaient chaque jour des Alpes. Hais Al-
fonse II , en donnant à son fils une armée tout à fait dispro-
portionnée avec Tentreprise dont il le chargeait, l'avait en
même temps laissé dans une dépendance absolue des conseil-
lers dont il l'avait entouré. Le premier d'entre eux, le comte
de Pitigliano , devait sa réputation militaire bien plus à la
prudence par laquelle il avait évité des revers qu'à l'au-
dace qui assure des succès. Il inâsta, dans le conseil de guerre,
pour que l'armée, de Ferdinand demeurât sur la défensive :
son infanterie, disait-il, ne pourrait jamais tenir tète aux
Suisses, ni son artillerie être comparée, pour la rapidité de la
manœuvre, à c^e des Français; enfin, sa gendarmerie le cé-
dait de beaucoup en impétuosité à celle des ultramontains 2.
Jean-Jacques Trivulzio au contraire, dont le caractère n'était
pas moins bouillant que celui de Pitigliano, était réservé, dé-
clarait qu'il avait combattu les Suisses à Domo d'Ossola, la
gendarmerie et l'artillerie française en France, dans la guerre
du Bien public, et qu'il n'y avait rien dans cette armée
qui dût étonner des Italiens; qu'il promettait la victoire si
l'attaque était immédiate ; qu'il ne répondait point de la ré-
1 PauU JovH Uiiior, $ui temp, Lib I , p. 29. — Franc, GtdeciardinL Lib. I , p. 38. —
Scipione Ammiralo, L. XXVI, p. 200. — Franc BeleartU Comment, rer» GalUe, Lib. V»
p. isi. — HemoMii OriceltorH , (U Bello UaUco. p. 9«. — * PauU JavU Hlst, sui temp,
Lib. I, p. 09.
382 HISTOIRE DSS ftéf^tJBlTQueS ITALIEimES
sMlftiiee si Ton attendait ïarritée de nonveaâi ennanis*.
Mais déjà la nouvelle des mauvais sueeès de den Frédéric
avait jeté plusieurs des alMés dans le déeouraganent et firré-
sotoition. Jean Bentivegio eraigftait la vengeanee des Français
et do due de Milan H'il i^nsentait à une guerre effendve , et
le eoDisU de gMnre déeMa qu'oo if attaquerait point les en-
neans dam hues rstranebemMts. Tout ee qii^Alfonse d^ Ava-
le» et Bartbâeoii d*Alvlane, alors élève de PItigHano, purettt
obtenir par leurs instanees, tetleavoi de trompette» au comte
dé Gaiazzo pour le déflf^ de $orttr en rase campagne. Gelui-ri
n'ayant pas vonlu renoncer à ses avantages pour livrer ba-
taille , Ferdifirad se retira B&m les murs de Faen^^ , derrièBe
un large canal atimenté par le» eaux du Làffione, qui rendaft
sa position très forte ; et eosiBie il apprit que Charles TOI
avait passé les A^ms, tt iiédolfit d'attMdre, sans se mouvoif ,
les troupes allemandes que son pêne faisait en&i, Balais Ire^
tard> solder dans la Souabe et f AutriiÉie.
Oiarles YIII s'était rendu à Lyon aveé toute sa eéur pour
se rapprocher de TltaMe, et il y avait passé Vête âmis les.
joutes elles tournoia, an hm^bh desquels il paraissait oaUier
tous ses projets de eeaqu^s. Il avait d^n«é, pour Fa^^me-
ment de sa flotte à Gènes, presque toutl'aifiditcoffîptaftt dont
il pouvait disposer. La dame de Beanjeu^ le due do Bourbon
et presque tous les grands seigneurs Mtaiaieiit une entrepriss
lointaine qui ne pouvait rien ajouter à la ierce réelle du
royaume. Briçonnel, qui l'aviût toogteÉips coindllée, n'osait
pins en prendre la responsabilité j le sénéchcd de Beaucaire,
qui la pressait a^ec ardeur, avaitété vers ee mèBie temps obligé
de s'éloigner du t^i parée qu'un de ses domeslîcpies était mort
avec des symptômes de peste ^. Les courtisans donnaient au
1 SminM UU di Qlûn HKopo rmtihiù. L. V, p. 2t4. — * PauU Java Bist. «uf temp.
Mémoires. Uv. VU, cb. V, p. 194.
lier Môtbh AGE. â83
roi des coiiscÂlft contradictoires, selon qu'ils étaient alternati-
Temeat gagnés par les agents du roi de Naples et par ceux du
duc de Milan : Pierre de Médicis avait même cherché à rendre
ce dernier suspect à la cour de France, en cachant un envoyé
de Charles ¥in dans son cabinet pendant une conférence
ednfidentielle qu'il eut avec un ambassadeur de Louisle-
Maure ^ Au milieu de ces craintes et de ces contradictions ,
(âiarles YIII idMindonna plusieurs fois ses projets que la pour-
suite de pkdrirs le #iposait toujours à oubKer : il avait même
dottué des contre-ordres à plusieurs seigneurs partis avec leurs
troupes ; et; il les avait rappelés à la cour lorsque le cardinal
Julien de La Rovère, que sa haine hnplacable contre Alexan-
dre YI rendait plus ardent que personne pour Texpédition
d'Italie, ^arta au roi aVec une batdiesse qu'aucun autre n'au-
rait osé se peitnettre. Charles , dit-il, se côuvilrait de honte
s'il renonçait à des prétentions proclamées dans toute l'Eu-
rope, s'il ne retirait aueun fruit des sacrifices qu*il avait faits
par ses traités avec le roi des Bomains et ceux d'Espagne ; s'il
abandonnait les alKés et les soldats qui combattaient déjà va-
koteusement pour lui dans la rivière de 6ènes et en Roma-
gne. Charles Vtll , entraîné par l'impétuosité du cardinal
doi^ il respectait la haute dignité , et séduit par les flatteries
ifai sénécàal de Beaucaffe qui de nouvean pouvait enfin s* ap-
procher de lui, parfit de Vienne en Dauphiné le 23 août 1 494;
il ae dirigea pair te mont Genèvre, et il traversa les Alpes sans
qw personne songe&t à lui en disputer le passage ^.
L'armée firamçaise était composée de trois mille six cents
bommcs d'anaca^ âx mille archers à pieds levés en Bretagne,
sil mUle arbalétriers des provinces du coeur de la France,
h«ît miUe fantassûis gascons armés d'arquebuses et d'épées à
^ Fr. QiAcciatêM, lib. I , p. 40. ^ Ptatii Jovii Hist. siA têmp&f. Lib. I , p. 21 —
Btnwrdi QHceUmtii de beUo liatieo. p. 2. — > Franc. Guicciardirti. Lib. I , p. 42. —
Pmli JovU. Lib. l, p. 24. ^-HiUippe de Gomines, Mémoires. Uv. VII, cb. VI, p. 166.
384 HISTOIAB DES b£p19BLI4XUSS ITAtlEBIllJSS
deux maiag, et huit mille Suisses ou Allemands armés de pi^*
ques et de hallebardes ^ Un nombre considérable de iral^
suivait Tarmée, qui fut encore grossie par la contingent de
Louis-le-Maore. Lorsqu'elle trayersa la Toscane, on y compta
soixante mille hommes ^. Parmi ses chefs, on remarquait le
duc d'Orléans, depuis Louis XII, alors commandant de la
flotte à Gênes ; le duc de Vendôme, le comte de Montp^iâer,
Louis de Ligny, seigneur de Luxembourg, Louis de la Tré-
mouille et plusieurs autres des plus grands srîgneurs de
France. Le sénéchal de Beaucahre et le surintendant Briçonnet,
évéque de Saint-Malo, confidents du monarque, qu'ils sui-
vaient aussi, ayaient plus de crédit auprès de lui que tous les
seigneurs de sa cour ^.
Une armée aussi nombreuse aurait eu beaucoup de pdne à
traverser les Alpes» si elle avait dû y rencontrer un ennemi;
mais le malheur de l'Italie avait voulu que le Piémont et le
Montferrat, qui tous deux étaient gouvernés par des princes
absolus, fussent tous deux réduits à cet état de faiblesse et
d'incapacité auquel une minorité condamne une monarchie.
Gbarles-Jean-Amé, né le 24 juin 1488, était alors duc de Sa-
voie; il n'avait que neuf mois lorsqu'il avait succédé, le 13
mars 1489, au duc Charles, son père. Blanche de Montferrat,
sa mère, quoique fort jeune, avait obtenu la tutelle, par la
faveur du peuple de Turin, au préjudice de ses beaux-frères,
les comtes de Genève et de Bresse. Blanche avait bien condu,
le 20 juin 1493, un traité d'alliance avec Ferdinand, roi de
Naples ; mais elle n'avait point osé ensuite provoquer l'orage
sur ses états : elle fit ouvrir à Charles YUI tontes ses villes et
tous ses châteaux, et elle le reçut lui-même à Turin avec la
plus grande magnificence ^. Marie, marquise de Montferrat,
1 Hémoires de Louis de La Trémouille. Ch. Viu, p. 14S, T. XIV des Mém. — • Jacopo
Nardi Uist. Fior. Ub, I , p. 2$. — » Mém. de La Trémouille. Ch. Viii , p. 136. — Fr,
Guicciardinu Ub. I, p. 4«. — Belcarius CommenL Rer, CalUc, L. V, p. 133. — ♦ Gui-
chenon , Hist. générale de la maison de Savoie. T. Jl, p. 16O-162.
M MOYBN AGI. 385
ttttrke deCrufflaime-Jean, né le tO aoât 14S6, suivit la même
poUtiQae^
G6B deux régentes avaient para aax yeux de' Charles YIII)
Tniie à Torin, Faiiitre à Casai, ornées de beaucoup de dia*
mats : le jeone roi, qm se troavait déjà manquer d'argent,
se les fit prAter pour les mettre en gage diez des usuriers, et
il se fit donner douze mille ducats sor les uns et autant sur
les antres K Le 19 septend^re, il entra dans Asti , ville dont
le duc d'Orléans avait conservé la souvenuneté, comme dot
de sa mève, Valentine Viscontt. C'est là que Louis Sférza vint
le joindre avec sa femme et son beau^père. Hercule d'Esté,
duc de F^rrare ^. Ces princes conuaîBsaimt les penchants de
Charles YIII : ils voulaient le captiver par les voluptés ; et ils
avairat conduit avec eux les dames milanaises dont la vertu
passait pour la moins sévère, et la beauté pour la plus sédui-
sante ^« Plutteurs jours furent donnés aux plaisirs et aux
fêtes; mais ces divertissements furent interrompus par une
Budadie grave dont le roi fut attânt : aux pustules dont son
visage fut couvert, on jugea que c'était la petite-vérole. Ce-
paidant cette première campagne des Français en Italie fut
signalée par l'introduction en Europe d'une maladie jILm
cruelle encore, à laquelle le roi semblait s'être exposé plus
qu'à toute autre. Il se rétablit en assez peu de temps;
et fl se dirigea sur Pavie, où il fat reçu avec de grands hon-
neurs ^
Le malheureux Jean Galeaz vivait avec sa femme et ses
enfants, dans le chftteau de cette ville. Depuis quelque temps,
on voyait sa santé déchoir d'une manière maïaçante : les uns
1 Benvenuti de Sancto Georgio, HisL Moniis Ferrati. T. XXiii, p. 756. — > Mémoire!
de Phil. de Comines. L. VU, cb. Yl, p. 166. -^ Fr, GuicciardinL Ub. 1, p. 41. ~ > Diarto
Ferrareie. T. XXIV. Rer. Ital p. 3ft8.— Ff. Caûcckofdini, Lib. I, p. 45. —D^rnanft on-
eellarU de bello Iialico, p. 34. —* Josephi RipamontU HisL urbis UedioUmL L. VI^
p. 654. — Pauli JovU Histor. Lib. I, p. 30. -^ b pquU joviL Lib. I, p. 30. — f>. Guie-'
ciardini. Lib. I, p. 45. ^Sciplone Ammiralo, L. XXVI, p. 199. — Roscoë, Vie de Léoo X.
Cbap. III, p. iW,^ÀmoUus Ferronius Burdigal, de rébus GulL Lib. I, p. 4.
vu. 26
386 HISTOIBE DS8 BEPUBEiItUBt ITALIENNES
prétendaient qu'il l'avait détroile par l'abua dtt pUbin ée»
sens; d'autres soupçonnaient un crime là où ils yojmiÊkt oa
ipl^t ^ te cphipa^ttre, et ils aepowmit Laaîs4e-MaHre de lui
^oir fid( aduiipi^tcec an pcâsou lent. Les eoortiaaiis fraufais
T^^ pn^At poiqt ym le due ^' k rcH sml tut admis aiiprèi de
Ici » iC^ d^dx 0€Hi<era|mf étaient ooosins germains ^ fils de
4§n^ mOP 4q I4. malsoii à» Savoie. Gepeatent Giiaries YIIT,
qm pe vpulait en rien déplaire à Loaiik^le^aure, ne paria à
ie^n G^^9^ gne de ch(ises générales, et toujoars ea présence
4e f^n onele ^ ; mais, pendant oekl» eonversation, la duchesse
^i^lle viiit s§ jeter m% genwx du foi, le suppliant d'épar-
pier MIqusp spu pèi^, «t son f«ère Ferdinand. Charles ré-
pondit aveo (^nbiirraa qu'il s'hait désorauds trop avanaé pour
pplilFoir ra€9i^li; rt il se hâta de quîtier nne ville en il avait
£plis les jmx, use seèue aussi doulonreuse, qull «ontriboait
tuçote k rendre plus pendule. Il reçut de Lonis-le-Hanre les
«p))6ides qui lai avaient été promis; son année tira des arse-
mn de Milan les anneset les équipages qm lui mcH[iqaai€nt,
et il continua sa route par Plaisanoe ^*
Lou»^-le*Hanre acciMsapagnait Charles YIII; mais, ayant
:1ifilga 4 Plimmce ou h Parme la nouvelle que son neven se
H^purait^ il retourna en baie à Milan, pwr i^cueiUir sa soo-
é^^mx^. J^p jQaléf^ Sforaa expira le 2a ocUdire^. Le séuatde
IfJÛan^ qui était opmpoaé nuiquement des eréatures dn Manre,
Ini représenta que, dans les circonstances critiques éa se
trouvait l'Italie» un ^n&ot de <tioq ai|», tel que: eetui de Jean
Çaléaz, ne pouvait être chargé du gouvernemjBnt; que l'état
ne pouvait tomber de minorité en minorité; qu'il avait be-
soin d'un souverain qui régnât réellement; qu'enfin, Louis-
1 Mémoires de Ph. de Gomines. Lib. VII, chap. VII, p. i77. Fr. Guicciarditti Ub I,
p. 4d. — Bemardi (Meeliarii de belle f/afico, p. ^5. — « Pauli Jovti Hist sui temp.
llb. I, p. 30. — àmold, FerroniU Lib. I, p. 0. — > lodovici CtxvUeUU Cremon, Annales.
T. ni. Tft^^owH aniiq» UqI. p. |4«9.
M w>rm AGS. tB9
le^lfautfe ^M^ Déoessaire à la patrie^ et qae le flacrifiee q/aiàkt
demandait de lui était de monter sur le tiM^ae. Louis parut
faire quelque résistauee : cependant, dès le lendeouiin jnatia^
U prit le titre et les décorations de duc de Milaoi, et il pni^
testa même ea secret qu'il les recevait conune lui appartenant
en propre, d'après FiavesMtqT&queMaxioiîiieii M atait doa^-
née^ 11^ hâta ensuite de reyoij^dne T armée française, dont
il ne pouvait s'éloiigivar sanis 4jpie|que danger 2.
£n effet, cett^ iM:'mée aiirait ébé frappée d'un sentimamt
d'effroi par la «lort de Jean Galéav : chacun se demandai;
avec inquiétude comment le roi pouvait s* engager dans le food
de rxtalie, sans laisser derrière lui d'autre allié que ce même
duc qui venait de s'ouvrir le chemin du trteie par le poison.
Ghaqjoe action des lMilanai$ devenait iaq[)ec!te aux Fj^nçaîs,
qu'on avait sans cesse entretenus de la fourberie italienne, et
qui souvent usaient de mauvaise foi pour se mattoe en garde
contre celle qu'ils croyaienit deyoir craindre. Le duc .d*X)i^
léans, qui prétendait à tout l'héritage des Sforza^ s'effoccait
de persiiader à son cousin que l'expédition de Naples serait
plus facile s'il commençait par conquérir le Milanais^. Le
prince d'Orange, le seigne^r de Miolans, Paihppe des Cordes
et les autres, qui regardaient la marche de l'ariNiée jusqu'à
Kaples comme trop dangereuse, prireiM; oocasion^ cotte fer-
mentation pour presser le roi d'y renoncer : mais Charles VUE
n'écoutait que l'obstination qu'il prenait pour l'amour de la
gloire; et selon qu'il en ét^^tcoBvenu avec le uouvenu due de
Milan, il prit la route qui de Parme débouche dans la JUmi-
giane, pour entrer en Toscane. Cette route passait ,par Jor-
novo et San-Terenzio, et elle aboutissait à P(mtremoU, vflte
f Franc* GuiceiardinL Lib. 1 , p. 49. — Pauii Jovii BisL «id tempor. Lib. H , p. 37.
— Josepia HipamoniU. Bisi, Orbis. MedioL L. VI, p. 655. — PetH Bembi Hist. Veneia,
!.. li, p. 27. — iVavotfltfro Storia Fm«s. p^ i3»i; mais il prêt» les sophismes à iduis,
el U résistance au sénat. — «* Bar th. Smaregœ de reb, Genuttu, p. 543. Il rejoisnt Ib
roi A Villa, à peu de disUnce de Sariane — ' PauU JovU Hisi, mi temp, Ut>. i, p. n
25'
386 HlStOIBB DE» BiFOUtlOUKS rrALIEHHES
qai appartenait alors aux Sforza, elle était donc tout entière
en pays ami, et toujours à portée de la division qui occupait
Gènes, coBune de la flotte française. Aussi conyenait-elie si
éridenunent aux Français, qu'on ne peut conoeroir Fimpré-
toyanœ des Napolitains qui rayaient laissée dégarme, en por-
tant toutes leuiB forces dans la Romagne^
Le pape Alexandre YI et Pierre de Médids ayaient pris
rengi^ment de fermer la Toscane aux Français. Mais tà le
pape y youlnt faire marcher quelques troupes, elles furent
anrètées par la rébellion des Golonna, qui, au moment où ils
apprirent rapproche des Français, rejetèrent les offres bril-
lantes qui leur ayait faites Alfonse II, se déclarèrent soldats
du roi de France, et s*emparèrent d'Ostie, où ils attendaient
sans doute la flotte française. Le pape, loin de pouvoir en-
voyer des troupes en Toscane, fut obligé de rappeler celles
qu'il avait en Romagne, pour les envoyer contre les Colonna^
sous les ordres de Yirginio Orsini^.
La république florentine avait envoyé des ambassadeurs à
celle de Lucques et au duc de Ferrare, pour les engager à ne
point accorder le passage parleurs états à ceux qui voudraient
envahir la Toscane; elle avait en même temps nommé des
commissaires extraordmaires pour veiller à la sûreté de Fétat.
Mais Pierre de Médicis n'avait point voulu qu'on mit des
troupes à leur disposition 3. Cependant une armée aussi nom-
breuse et aussi mal disciplinée que celle des Français, pouvait
bientôt manquer de vivres dans une province montueuse,qui
n'en fournit point assez pour ses propres habitants. Il suffi-
sait, pour la réduire à une grande détresse, de lui disputer le
terrain pied à pied, en profitant pour cela des nombreux
cfaàteaux-forts qui commandent tous les passages. L'armée
1 Bemardi OrteeUarttde beUo ItaUeo, p. ST. edilîo noreiittiii iiH4o. iTSS. sub no-
mliie Loodini. — * f>. GuleciardM. L. I, p. 47. —Fana Jcvii, L. I, p. 33, -; > Sd-
piofie Àmmirato* L. XXVI , p, 9M.
. O0 MOYEU AGB. 389
descendant de Pontremofi, le Icmg de la Magra, traTena les
fiefs du marquis Malespina. An milieu deux était située b
bourgade de Fivizzano, qui appartenait aux Florentins. C'é-
tait le premier pays eimemi dont l'armée se fût approdiée.
Le marquis de Fcsdinovo, n'écoutant qu'une jalousie de voi-
sinage, indiqua aux Français le côté faible des fortifications,
et les moyens de prendre la forteresse. Elle fut en effet atta-
quée et emportée d'assaut : tous les soldai» et une grande
partie des habitants furent massacrés, toutes les maisons fo-
rent pillées ; et cette première exécution militaire, qui répan-
dit une extrême terreur, fit connaître la différence entre la
guerre nouvelle et les guerres sans effusion de sang qu'on
avait soutenues jusqu'alors ^ En même temps Gilbert de
Montpensier, qui commandait l'avant-^arde française, sur-
prit, le long de la mer, un détadiement que Paul Orsîni eor
voyait à Sarzane pour en raiforcer la garnison , et il ne fit de
quartier à aucun soldat^.
Sarzane était en quelque sorte la def de la Lunigiane : on
nomme ainsi un rivage resserré entre la mer et les monta-
gnes, qui s'étend des frontières de Gênes jusqu'à Pise, sur
une largeur qui ne pas^e jamais deux liraes. Sarzane était
une ville assez forte; et sa citadelle, Sarzanello, passait pres-
que pour imprenable. Si l'armée française avait laissé cette
forteresse derrière elle, elle se serait trouvée ensuite arrêtée
par celle de Piétra-Santa , qui appartenait également aux
Florentins, et qui ferme le chemin dans un endroit où il est
plus étroit. Tout le pays pouvait être défendu de mille en
mille. Il ne produit que de l'huile; et il est si dépourvu de
blé, qu'il tire la moitié de ses vivres, à dos de mulet, de
Lombardie : il est si malsain au commencement de l'auttomne,
> Franc. GideclaréM. Ub. 1, p. 5i. — Jacopo NimU BU,. Flor* Ub. I , p. t7. ~
> Pauli jcvU Hisu stA temp> Ub. I , p. $i. — B»tboi. Smnangœ 4e rcfr. Genuism»
p. 544. — BelcarU Iter. Gaitte, Ub. v, p. i|7.
890 HISTOIRE DES B^PITBllQlTEd ITALIENITES
qd'me anftée entière j se^sX détMifê en peu de semaines
fkT te fièrrè. Les ca|Nta!iies français montraient donc quel-
le inqniétDde en s'j engageant,- muis la pusiUanimité de
Pierre de Médids se hâta de la dissiper.
yeditrie des Français en Toscane, en répandant à Tlorence
une terrènr extrême^ fit éclater en même temps contre Pierre
de Médids le niéedotenteinent qu'on avait longtemps com-
primé. Lea florentins étaieiit attachés de tout temps à la
fMisoD de Franee^ ils la regardaient comme protectrice da
parti guelfe el de la liberté : ils murmuraient hautement dé
eè qtie le dief ée Tétat les atait engagés dans une guerre
mnirairc à leurs intérêts, et les exposait les premiers à tous
lA daugers d'une querelle qui leur était étrangère ; les amfbas-
sadeuff» florentius avaient été renvoyés de la cour de France;
ICRis le» associés , tous les commis des maisons de commerce
dtes Ittdteis avaient été èhnssés de tout te toyaume : mais
cette rigueur n'avait point été étendiie anx autres Florentins,
emnme poor leur faire sentir qne la France satait distingner
entre eux et l'usurpateur de leur liberté ^ On savait qoe
Laurent et Jean deMédids, ces cousins de Pierre, qu'il avait
Êiialtraités quelques mes» auparavant, et qu'il avait ensuite
exilés à leur maison de eampagne, s'étaient rendus auprès de
(Mrles TIII , et qù'% tè soilldtaient de renverser un gou-
vernement odieux à hi itiasse des citoyens 3. Le ponvoir de
ee ebëf vaiiiteux, qui n'avait point touIu reconnaître de li-
taites, se trouvait tout à cemp ne plus reposer que sur une
opinion chancelante.
Pierre dé Méâieis, effrayé de la ferniëntation intérieure,
dont il voyait de toutes parts éclater les marques ; effrayé de
J» godrie élMigè»^, qu'tt ne se trouvait p^int en mesure de
i SOfUMe Ifénfr^aio. L. XXVI^ p. ffS. '^Fr, êuiecièrdiM. h. I, p. S3.^* Seit4ùne
^nmmh. «b.'XXVi, f>. m, -^FK GatceUtréOni. hih: ft, p. St. ^ FUutt JwU «ist.
Lib. I, p. 32. — Jacobo Nardl HisU Fior, Ub. If (). t«.
«Niteirif , KéBMot éé céd«r à forage, dt fiimi sa paix at^c \m
Fnmçais, et d' iimler la oondoîle que sêii père avait team
avec Ferdinand, conduite qu'il avait si dourent entendu louer,
li ignorait qde pour; imiter un grand liomme, il faut avoir
flon talent pour juger ded eiroonatanoaa^ et Éon oaraotère pont
braver les dangers. Pierre de Médieis fit nommer pst la ré*
publique une nombreuse amba^aade, dont il faisait partie,
avec commission de se rendre auprès du roi de France, el
de chercher à Tapaîser. Mais averti en chemin qu'on col*p9
de trois cents hommes, que la république envojait à Sarzane,
«vait été surpris et mis e» pièces, il n'osa poin& d'avancer^
•ans sauf-conduit, au-delà de Pîétra^Santa. Quelques sdi-^
gneur^ de la cour, entre ailtre»^ Briçcm^et et c'e Pienac»^
vinrent Fy chercher et le conduisirent devant le.rjirà, le )owr
inéme où Ton eommen^ait F attaque de Sarzanello ^
Pierre, pour justifier la conduite qu il avait tenue, en ré<-
fusant au roi le passage par la Toscane, rappela son tnété
avec Ferdinand , conclu do consentement de Louis Xi lui*
même; il ajouta que, jusqu'au moment oii les arméaa fraii*
çaisea avaient pénétré en Italie, il n'aurait pu f' écarter de oe
traité sans s'esiposer à toute la vengeance des Aragonaie ; maisi
puisque désormais il ne courait plus le même danger, il était
prêt à montrer tout son déyouement à la maison de France d#
Le roi, en réponse à ce discours, lui demanda que les portée^
de Saroane lui fussent ouvertes. Pierre y consentit immédia*
tement^ et, sans même consulte^r ses compagnons d'ambaasa<te|
il donna des ordres pour que Sarzane et Sarzanello fusaei^i;
livrées au roi. Celui-ci, étonné de cette facilité, demanda au»-
Mtôt que Piétra-Santa , librafratta , Pise et Livoume Im f us^
sent également livrées. En faisant cette demande, les Français
< Franc. Gidcclariini Hist, Lib. I, p. 5^ — Sdplone Ammirato. L. XlVI, p. 208. —
Philippe de Comines , Mémoires. U Vil, cbap. JX, p. i8&. » * Bemardi OriceliarH 4e
bello lialico comment, p. 89.
393 HBTOIBE DIS lÉPOBUQIJIS ITALIEIIIIISS
nerfattgndanent mdBenient à oMenir ces places, do moins sans
donner de grandes steelés pour lear restitiition après le pas-
sage de r armée ; mais Pierre n'en demanda aucune : il oon^int
verbalement qoe le roi s'obligerait à rec^tner les forteresses
de Toscane qpiand il aurait acberé la conquête du royaume
de Naples; que les Florentins lai prèteraioit deux cmt mille
florins; qu'ils seraient reçus à cette condition sous la pro-
tection du roi, et que le traité de paix entre eux et lui serait
rédigé et signé à Florence. Sw cette simple conyentioa ver-
bale , il fit ouvrir aux Français toutes les forteresses de Fétat
de Pise, non sans exdt^ le ressentiment de ses compagnons
d'ambassade, qui, n'étant arrivés qu'après lui, croyaient faire
beaucoup pour le roi en lui ofirant un libre passage |au tra-
vers de leur état i.
Les Florentins, en recevant la nouvdle de la convention
deSarzane, furent plus irrités encore que leurs ambassadeurs.
Depuis longtemps ils accusaient Pierre de Médids de se con-
duire comme sdgneor, et non plus comme premier citoyen
de pa patrie ; de prendre des airs de maître que n'avaient ja-
mais affectés Laurent son père , on Gosme son aieuI; de né-
gliger entièrement de se rendre aux conseils ou de si^r avec
ses coU^fues, lorsqu'il était revêtu de quelqae magistrature^.
Mais on ne l'avait point encore vu fouler aussi complètement
aux pieds les lois de la république , ou prendre sur lui une
autorité qu'on n'avait jamais songé à lui déléguer. C'était lui,
disait-on, qui avait prédpité sa patrie dans une guerre con-
traire à tous ses intérêts, et lui encore qui, pour l'en tirer,
sacrifiait les conquêtes de plusieurs générations. Le parti de
la liberté, qui s'était successivement grossi de tous ceux que
t fy. Gukxiardini, Ui. Ub. I, p. 5S. — PauU Jovii ^ist. mi tem^orU. Ub. T, p. Si.
— Se^ne inw^rafo. Ub. XXVi, p. 903. -^ Jaeopo NardU UUU Fiùr. Ub. I, p. it, —
Phil. de Comiaes ,' Btém. Lib. VH, ch. IX , p. its. — Arnold FerronU. Lib. I , p. 6. ~
« PauU SovU Bisi. Lib. I, p. 31. — Jaeopo NardL bib. I, p. 15. — PblU de Comines.
Lit. vu, ebap. VI, p. ni.
D0 HOTIH AU. S9S
nerre avait rdmléB par ma inflolenoe, et qui «rail élë tout
récemment ranimé par les prédications de SaTonarole, tirait
parti de ces éTénements pour montrer combien il est dange-
reux de donner on chef à une ville libre : sons sa domination,
un état perd bientôt la vigueur de ses armées, la prudence de
ses conseils, et enfin ses meilleures provinces ou son indépen-
dance. Mettons du moins, disaient les Florentins, nos cala-
mités à profit ; et puisque l'armée française doit traverser nos
murs, qu'elle serve au renversement de la tjrrannie ^
Pendant que l'armée firançaise se dirigeait vers Lucques et
vers Pise, Pierre de Hédids, averti de la fermentation de
Florence, se hâtait d'y revenir, espérant encore contenir la
ville dans l'obéissance. Il y arriva le 8 novembre ; et après
avoir pris dans la soirée conseil de ses amis, qu'il trouva ou
ckksouragés, ou aliénés de lui, il résolut de se rendre le len-
demain au palais, auprès delà Seigneurie. Ce palais était fermé»
et l'on avait mis des gardes à la porte, comme on le faisait
toujours dans les temps de tumulte. La Seigneurie résolut de
ne point recevoir la visite de Pierre de Médids ; elle Ini en-
voya Jacob de Nerli, gonfalonier de compagnie, pour le lui
signifier, tandis que Lucas Gorsini, l'un des prieurs, s*arrèta
à la porte) pour lui en disputer le passage,| si cela devenait
nécessaire^.
Pierre de Médids ne mit point leur constance à l'épreuve :
étonné d'une résistance qu'il n'avait jamais connue, il ne re-
courut ni aux prières ni aux menaces; il se retira chez lui,
pour appeler à son aide Paul Orsini, son beau-frère, avec les
gendarmes qu'il commandait : mais le message qu'il lui en-
voyait ayant été surpris, les dtoyeDS s'armèrent et se rassem-
< Fr. McdonlM. Ub. I, p. 54. — * Sd^^om âmnOnao. bib. XXVI , p. 2M. -*
iae. Hardi. L. I, p. 21. — Pwifi jom ÉUU lî. I, p. SS. •« Fr. GvUeyariMU b. I,
p. ss. — Vémoires de PhU. de Gonrioet. fify. VU, ehap. X, p. 191. — BelearU Comment.
fter.Go/ttcLib V,p. ist.
884 HISTOIRK DB8 BlPVBUqUBI ITALIENNES
MèreUt sur la i^lace du Palais ^ pour être prête à eiémtar les
ordres delà Seigneurie. Gependant le cardinal Jeim de Médids
aTait parooani quelques rues, suivi de serviteurs de sa inai*
son, aniquris il faisait répéter le cri d'armes de sa famille,
Palle ! palle I mais ce cri, autrefois si cher à la populace, n a*
irait rassemblé aucun de ses partisans. Le cardinal n'uTiut pu
passer au-ddà du milieu de la rue des Cabaioli ; de toutes
parts on entendait des cris menaçants pour les Hédieis. Pierre
et son frère Julien, déjà entourés des soldats que leur a^ait
amenés Paul Orsini, se retirerait vers la porte San-Gallo, et
essayèrent encore^ en jetant de fargent au peuple, d'engager
les artisans qui habitent ce quartier à pr^idre les armes pour
eux. On ne leur répendit que par des menaces; et lorsqu'ils
entendirent sonner le tocsiù , ils sortirent de la ville, dont
on referma les portes après eux. Le cardinal Jean de Médicis,
s'étant déguisé en moine franciscain, se déroba de son côté
au tumulte, et rejoignit ses deux frères dans les Apennâns K
Pierre de Médicis avait pris inconsidérément la route de
Bologne, au lieu de s'adresser au roi de France, auprès du*
quel il aurait probablement trouvé protection* Les soldats de
Paul Orsmi, qui le suivaient, attaqués par les paysans^ se dé-
bandèreut presque tous; et Paul Orsinti jugea lui-même que
pour la sûreté de sou beau-frère, il valait mieut eneore se
séparer* Les Médleis arrivèrent cependant à Boiogue sans
nouvel accident. Mais lorsque Pierre se présenta à Jean Ben-
tivogUo, son allié et son ami, celui-K^i, étonné de yoûp mi
bomme qui occupait le mèiue rang que lui renversé ^ facile-
ment, lui dit : « Si jamais on vous raconte que Jean Bentivo*
« glie a été obassé de Bolegne cemdie vous rèles. aqanid'hui
« de Florence, ne le crojez pas ; mais assurez plutôt qu'il s'est
1 Utorie di Giov- CambL DeUz, Erud. T. XXI» p. 78. — PtorI Sanesi d*AUeifreno àUe-
greitL T. XXlil, p. 8SS.— kemardi OHceÙarii de bello Ital p. 41,^
DB IfOYSH A6E. 39$
« fait tailler en pièces par ges enâemis, âtant ikleirr céder ^ «
Jean! Benti^ogliaiie savait pas qu*i] ne dépetiâ sott^ent ni dn
prince, ni du général d* armée, de troifvei*la mort qtfil cber-
che; qu'après l'avoir bratée longtempîT, i^'H survit malgré loî
à sa défaite, le désir de la consetvatioii reniait dans le cœar
dn plo» vaillant, et qu'il s'y joint Ta secret* espérance que,
pirisque la fortune s'est chargée setile de son salut, elle le ré''
jjerve encore à des jours meilleurs. Son expérience le lui ap-
prit : le mcfftietrt du revers arriva anssî pour BentivogRo ; et
malgré sa résolution, il ne mourut point, mais îl traîna ses
jours dans Verxil.
Lé populace de Florence piHaÉ les maisons du chancelier et
du provéditeur du mont-de-piété, qui dès longtemps étaient
accusés d'avoir Inventé les gabelles nouvelles, et les diverses
i?!itotsions par lesquelles on avait augmenté les impôts. Elle
pfWla encore les jardins de Saint-Marc, et la maison du car-
dinal Jean à Saint- Antoine. Dés gardes placés an grand palais
des Médicîs, in via Larga, pour le réserver au logcrtient âti
roi de Ffanoe, le sauvèrent du pillage dans ce premier mo-^
metit. Mais les Français qui y forent logés s'emparèrent sans
pudeur de tout oe qui tenta leur cupidité ; et après leur dé-
part le reste de l'ameublement fut vendu par autorité de jus^
tice. Ainsi furent dispersées ces mftgnifiquea collections iê
iitsataes, de pierres gravées, de livres^ que Gosme et Laurent
àTflient recueillis, avec tant de diligende» dans tous lea lieux
où s'étendait leur commerce s.
La Seigneurie, après la fuite des Médlcis, rendit im décret
pmr les déclarer rebelles, confisquer leurs biens, et promettre
«ne récompense de cinq mille ducats à quiconque les arrête^
rait, et de deux mille à quiconque apporterait leur tète. Toutes
les familles exilées ou privées des honneurs publics pendant
t Saeop0ll(9tdUiU Fk», Lib. I, p. n.^Fr. Guieciafdini Mlit, bfti. I, p. ftS.^-> Plift.
de Comines. h, VU, ch. XI, p. 195. — B. Oricellarii^ pt 4/%, êi.
396 HiSTonut des BipuBUQm» THàuxsmss
les soixante ans qu'avait doré Taotorité des MédiciS) forent
rétablies dans leurs droits : les tableaux qui rappelaient ou
les condamnations de 1434, ou celles de 1478 pour la conju-
ration des Pazâ , furent effacés ; et les deux Médicis , fils de
Pierre-François, rentrés dans leur patrie au moment où leurs
cousins en sortaient, ne youlant avoir rien de commun avec
une famille qui avait affecté la tyrannie , firent effacer les six
globes de Irars armes , pour y substituer la croix d* argent en
champ de gueules des Guelfes, et changèrent leur nom de
Médicis en celui de Popolani t.
Cependant le nouveau gouvernement se hâta d'envoyer des
ambassadeurs au roi de France , pour rejeter sur celui qui
l'avait précédé la faute d'une inimitié si contraire aux intérêts
de la république , et pour donner une forme plus authenti-
que au traité condu si étourdiment avec Médicis. Il fit choix
de Pierre Gapponi , qui déjà , dans son ambassade à Lyon,
avait fait connaître combien les Florentins étaient impatiente
du joug qu'ils portaient 2 ; de Tanai de Nerli, Pandoifo Ruo-
cellai, Giovanni Gavalcanti, et du père Girolamo Savonarola,
que l'on chargea de porter la parole au nom de tous. Celui-
ci , regardé par les Florentins comme doué du pouvoir des
miracles et des prophéties, leur semblait un avocat céleste
que la Providence leur envoyait pour les défendre.
Les ambassadeurs florentins se rendirent à Lucques où
était le roi; mais ils ne purent y obtenir audience, et ils furent
obligés de le suivre à Pise. Là, le père Savonarole s'adressa
au monarque victorieux, avec ce ton d'autorité qu'il était ac-
coutumé à prendre vis-à-vis de son auditoire. Ce n'était point
le député d'une république qui parlait à un roi , c'était l'en-
voyé de Dieu, celui qui avait prophétisé la venue des Français,
1 Jacùpo Nardi Hitt. Fiot, L. I, p. 93. — PauU jovil Bisi. Lih, I. p. 3S. — Selpkmê
AmmiratQ. L. XXVI, p. a<H. --itt* 4i Oov.Camki. p. 79.—* Mémolns de PhiL deCoo-
mines. Uv. VII, chap. .VI» p. tia.
DtT MônSU AGE. 3d7
qai en aTait longtemps menacé les peuples comme d'un fléau
céleste, et qui s'adressait à présent à celui que la main divine
avait conduit, pour lui indiquer comment il deyait terminer
l'ouvrage dont la Providence l'avait chargé.
« Yi&oBf lui dit-il, viens donc avec coi^ance, viens joyeux
« et triomphant; car celui qui t'envoie est celui même qui
« pour notre salut trion^)ha sur le bois de la croix. Gepen-
« dant 9 écoute mes paroles , ô roi très chrétien ! et grave-les
« dans ton cœur. Le serviteur de Dieu auquel ces choses ont
« été révélées de la part de Dieu t'avertit, toi, qui as été
«c envoyé par sa majesté divine, qu'à son exemple tu aies à
« faire miséricorde en tous lieux, mais surtout dans sa ville de
« Florence, dans laquelle, bien qu'il y ait beaucoup de pé-
« chés, il conserve aussi beaucoup de serviteurs fidèles, soit
« dans le siècle, soit dans la religion. A cause d'eux tu dois
« épargner la ville, pour qu'ils prient pour toi, et qu'ils te
« secondent dans tes expéditions. Le serviteur inutile qui te
« parle t'avertit encore au nom de Dieu , et t'exhorte à dé-
« fendre de tout ton pouvoir linnocence, les veuves, les pu-
« piUes, les malheureux, et surtout la pudeur des épouses du
« Christ qui sont dans les monastères, pour que tu ne sois
« point cause de la multiplication des péchés ; car par eux
« s'affaiblirait la grande puissance que Dieu t'a donnée. £n-
« fin, pour la troisième fois, le serviteur de Dieu t'exhorte au
« nom de Dieu à pardonner les offenses. Si tu te crois offensé
« par le peuple florentin ou par aucun autre peuple, pardon-
« ne-leur, car ils ont péché par ignorance , ne sachant pas
« que tu étais l'envoyé de Dieu. Kappelle-toi ton Sauveur,
« qui, suspendu sur la croix, pardonna à ses meurtriers. Si tu
« fais toutes ces choses, 6 roi! Dieu étendra ton royaume tem-
« porel ; il te donnera en tous lieux la victoire, et finalement,
« il t'admettra dans son royaume éternel des cieux^ »
i fUaM PtSavanarola, L. n, S 8» p. 6S, dal compendio uamj^aio délie sue rivekaUmi.
308 HISTOIHB D^ nipUMLHÏOtê ItAtlENHfS
La cépoUtUHi de Savooarole ^tftît à peine par¥M9e jo^
qu'aux oreilleB du roi de Frauce : il ne YÎt en lui qu'un boa
religieux ^ son disooun^ lui parut un sermon chrétien, et aanci
vouloir entrer en matière , U promit qu'à son arrivée à Flo-
rence il arrangerait toutes chofles à la satisfaction du peuple ^
Cependant il avait déjà porté atteinte au traité conclu avec
Pierre de Médiçi^, et» par une démaç^inconsidéréei il «'était
jejté dans des em)>arras dont il ne put plus se tirer avec
honneur.
Il 7 avait déjà quatre-vingt-sept a^s que la ville de Pise
était tombée sous la dominaticm des Florentins 2. Les Pîsans
auraient pu s'attendre à ce que, dimsles pi^emères années de
leur servitude, le vainqueur leur fît éprouver un ressentiment
qui durait encore , et une défiance qu'entretenait le i^oavenir
d'offenses récentes. Vais d'autre part, ils devaient espérer du
temps la fusion des deux états en un seul, puisque 1^ prospé-
rité du pays conquis était nécessaire à celle du vainqueur.
Cependant tout le contraire était arrivé : dans les années qui
suivirent immédiatement la conquête, I administration floren-
tine fut plus équitable qu'elle ne le devint dans la suite. Le
premier commissaire florentin envoyé à Pise, Gino Gapponi,
était un homme juste et modéré , et il avait cherché |l rame-
ner les esprits. Lorsque, deux ans après, les Florentins offri-
rent Pise à l'Église, pour y rassembler le concile qui devait
terminer le schisme, ils eurent en vue de procurer des avan-
tages pécuniaires à cette ville, et d!y rappeler ainsji les citoyens
qui émigraient. C'était par la douceur que Pistoïa avait été
attachée pour jamais au sort de la république florentine , et
les Albizzi avaient assez de prudence pour profiter de cet
exemple domestique. Mais la révolution de 1434, qui diminua
la Uberté de Florence , diminua aussi la libéralité Je sa eon-
t Jaeopo Nwdi ut. FUtr. lib. I, p. 93, ~ > Depuis le 9 pcl<^e .MM*
BIT UCfTBS AGS. 399
doite à l'égard des peuples sujets. Les droits politiqaes da
peaple vainqueur étaient réduits à û peu de chose , qu'en se
isomparaut aux vaincus, il n'aurait plus vu aucun avantage
jdans sa condition, si ceux-ci n'avaient été privés de ces droits
icivite eux-mêmes , qui ne devraient jamais être enfreints. La
politique florentine à l'égard des villes sujettes fut réduite à un
adage qui justifiait les magistrats de leurs fautes en les chan-
geant en maximes d*état. Il faut tenir ^ disaient*its , Pislôîa
dans la sujétion par ses factions, et Pise par ses forteresses^.
Les Florentins bâtirent en effet deux citadelles à Pise , qui
paraissaient commander la viUe ; et comptant sur cette chaîne
nud assurée, ils abusèrent cruellement de leur pouvœr. A des
impôts onéreux ils joignirent des exactions privées, et les vo-
l^ries de tous les agents du gouvernement ; ils exclurent les
Pisans de tout emploi, de toute fonction publique, même de
(Celles qui par les lois étaient réservées aux étrangers ; ils les
offensèrent sans cesse par F expression du mépris, de la haine
0n de la dérision. Étonnés cependant de trouver dans les es-
{Hijts une résistance proportionnée à cette violence, et voulant
dompter ce qu'As appelaient Torgueil des Pisans , ils réso-
lurent, pour les appauvrir, d'attaquer en même temps leur
agriculture et leur commerce.
Tout le Delta de T Arno, exposé aux inondations, et n'ayant
point vers la mer un écoulement facile , avait été cependant
pr^eryé des eaux stagnantes , et rendu au labourage et à la
salubrité, par l'industrie et la constante attention de la ré-
publique pisane, pour maintenir tous les canaux qui coupent
la plaine. Ces canaux furent abandonnés par les Florentins 2.
Bientôt des çaux croupissantes infectèrent les campagnes par
t MaechiaveUi de* Dlscofsi sopra TUo Uvio. Lib. H, c. 24 et S5. Tom. V, p. 374. —
• Le* plainief des PisaDs à cet égard semblent démenties par l'institution de VVffizio
ite* foêêi , magistrature sanitaire chargée du soin des canaui , qui date à Pise de l'année
1477. Peut-être trouvaii-on déjà alors que le mal causé aux Pisans par une basse
laloosie étaU fnmali égalemam par tout réiat.
400 HISTOIRE DIS BÉFUBLIQUES ITALIEIOIJES
leurs exhalaisons ; les maladies dëtraisirent la population , et
rendirent an désert les champs que Findostrie humaine M
avait arrachés. La ville fut à son tour dépeuplée par les fièvres
maremmanes; enfin les édifices et les palais somptueux qui
rayaient rendue superbe entre les villes d'Italie, éprouvèrent
eux-mêmes l'influence délétère de l'humidité et de la pourri-
ture.
D'autre part, Pise qui s'était élevée par le commerce, qui
avait couvert la Méditerranée de ses flottes , et introduit des
premières en Occident les arts des Orientaux, par ses com-
munications journalières avec Gonstantinople, la Sjrie et l'A-
frique, se trouvait soumise à l'administration jalouse d'un
gouvernement de marchands, qui croyaient s'enrichir de toutes
les branches de commerce qu'ils lui ôtaient. Des lois interdi-
rent aux Pisans les manufactures de soie et celles de laine : te
commerce en gros fut aussi réservé, comme un privil^e, aux
seuls Florentins , et la ville fut ainsi réduite à un état de mi-
sère et de dépopulation qui faisait la honte de ses maîtres *.
Mais dans cet état d'abaissement, l'orgueil du nom pisan,
et l'ancien amour de la liberté, n'avaient point été abandonnés
par les généreux descendants des dtoyens de Pise. Les gen-
tilshommes » comme le peuple, étaient animés d'un même
sentiment; tous étaient prêts à sacrifier pour la liberté une
I Vberti Fottelœ Geuuens, Hui, Lib. XII, 66T. •— Fr. Guicdartfini, Wor. Lib. II,
p. T4.
II raut considérer comme une conséquence de cette désolation à laquelle Pise avait
été réduite, le silence de ses historiens, non seulement pendant sa longue servitude,
mais même pendant la lutte foutenue avec tant de générosité et de constance contre
les Florentins^ après avoir secoué leur joug. Dans la collection de Muratori,on ne trouve
aucun historien pisan après lo milieu du xiv« siècle. Paolo Tronci , et celui que nous
avons cité sous le nom de Marangoni, qui sont imprimés séparément, terminent tous
deux leur récit à Tannée 1406, quoique leurs auteurs aient vécu dans le xvii« siècle. La
maison Roocioui, à Pise, conserve dans ses riches arcliives, parmi un très grand
nombre de diplômes curieux , une chronique de Pise , écrite par un chanoine Raphafl
r«oncioni , et dédiée au grand-duc Ferdinand U. Hais le soutèrenent de 1494 occupée
peine quelques lignes de la dernière page de cette chronique, A la chanoeUerie de la
DU MOY£M AC£. 401
vie et des richesses qa*ils estimaient être à peine à eux , puis-
que la volonté arbitraire de leurs maîtres pouvait lés leur
enlever d'une heure à l'autre. A l'approche de Charles YIII,
leurs espérances furent renouvelées avec artifice par Louis-le-
Maure, qui se souvenait que Jean Galéaz Yisconti, premier
duc de Milan, avait possédé Pise, et qui espérait joindre cette
ville à ses états, en se faisant rendre Sarzane et Piétra Santa,
villes qui avaient appartenu aux Génois. Il n'avait pas suivi
le roi plus loin que Sarzane ; mais Galéaz de San-Sévérino ,
Fan de ses capitaines les plus affidés, le remplaçait à 1* armée,
et il aida les Pisans , dans le moment le plus critique , de ses
conseils et de tout son crédit à la cour K
Entre les gentilshommes pisans, Simon Orlandi s'était fait
remarquer par sa haine contre les Florentins : c'était chez lui,
c était par son activité que tous ceux qui avaient été persoa-
nellement offensés se réunissaient pour aviser aux moyens de
se venger et de délivrer leur patrie. Gomme il parlait avec fa-
cilité la langue française , ses concitoyens le choisirent pour
invoquer la faveur du roi , et le supplier de dérober Pise à
un joug insupportable ^. Ses amis l'embrassèrent cependant ,
et lui dirent un adieu qui pouvait être le dernier, au moment
où, se dévouant pour sa patrie , il se signalait à toute la ven*
geance des Florentins. Il se rendit au palais des Médicis où
logeait Charles YIII; et embrassant ses genoux, il fit un ta-
conuBianautô on en conserve une autre , également manuscrite , et qui y fut déposée
par Fauteur Jacopo Arrosli , le 26 avril 165S : la deniiéi'e guerre de Pife y est traitée avec
quelque détail; mais c'est uniquemeui d'après Guicciardini, Glovio, Nardi , et les his-
toriens florentins : il n'y a ni un fait nouveau , ni l'indication d'aucun mouvement d'ori-
gine pisane. Dans les mêmes archives enfin , on conserve les registres des soignenn
Ansiani, de Pise ; ceux de chaque année forment un volume. On y trouverait sans doute,
an milieu de beaucoup d'inutilités ou d'affaires privées , quelques renseignements cu-
rieux pour l'histoTre particulière de Plse ; mais comme presque chaque séance est
écrite ffun caractère différent , et avec beaucoup d'abréviations , il faudrait un long
travail pour apprendre é les lire , et un travail bien plus long encore pour les dépouiller.
— ^ GuicciarcUnL Lib. I, p. M. — Mémoires de Phil. de CÔmines. Liv. VU, ch. IX, p. isi
— Fr. UekarU Comment L« V, p. 139, — < PauU Jovii Bis(. sul temp, Lib. I, p. 34.
VU. 26
402 HISTOIRE DES RÉPUBLIQUES ITAUENIIES
bleao frappant de Tancienne grandeur des Pisans, de Tef-
froyable détresse à laquelle ils étaient réduits, et de la tyrannie
cruelle qui les avait ainsi accablés. Il se livra , en parlant des
Florentins, à toute la violence de son ressentiment; et il fit
frémir le roi et toute sa cour par le récit des injustices qu il
disait avoir éprouvées. Il rappela à Charles VIII qu'il s'était
annoncé à l'Italie comme Tenant la délivrer de toutes les ty-
rannies sous lesquelles elle gémissait. Là première occasion
de mettre à exécution ses promesses se présentait pour lui à
Pise. S'il voulait persuader les peuples de sa sincérité, il devait
se hâter de rendre la liberté aux Pisans. Ce mot de liberté, le
seul que les Pisans qui avaient suivi Orlandi puisent com-
prendre de tout son discours , fut répété par eux avec accla-
mation. Toitô les gentilshommes de Charles, entraînés par
l'éloquence d'Orlandi, joignirent leurs supplications aux sien-
nes ; et le roi, sans réfléchir davantage, sans songer qu'il dis-
posait d'une chose qui n'était point à lui, répondit qu'il voulait
tout ce qui était juste , et qu'il serait content de voir les Pi-
sans recouvrer leur liberté ^
Aussitôt que la réponse de Charles fut connue, le cri de
vive la France, et vive la liberté, retentit dans toutesles rues ;
les soldats jflorentins, les douaniers, les percepteurs de contri-
butions^ furent poursuivis, et forcés de s'enfuir de la ville :
les lions de marbre que le peuple désignait par le nom de
marzocchij et qui étaient élevés sur les portes et sur les édi-
fices publics, en signe de l'autorité du parti guelfe et de la
ï^publique florentine, furent renversés et jetés dans l'Amo;
et dix citoyens réunis pour former une seigneurie furent
'chargée de l'administration de la république renaissante^.
1 Paua JovU Histor. Ub. I, p. 34. — ^iwo/di FenonH. L. I, p. 7. — « PauU JovH
Hiit. Ub. I, p. 3S. — Fr. GuicciardinU L. l', p. 56. 7- Mémoires de Phil. de Comines.
L. VH, ch. IX, p. 189. — Scipione Ammtrato, L. XXVI, p. 304. — Jacopo irOfiU^ Ut,
Fior. tib. I, p« i9t — ÀUegr^UQ 4liegreui , iHar. SaneêU p. 833.
DÎJ MOYEN AGB. 403
Par une étrange rencontre, c'était le 9 novembre, jour même
où les Florentins avaient recouvré leur liberté en cliassant les
Médicis, que les Pisans recouvrèrent aussi la lei^r, en chas-
sant la garnison florentine.
Cependant Charles Vllt sçmblait hésiter à se croire lié en-
vers la république florentine par le traité qu'avait négocié
Pierre de Sfédiçis. La ville de FOccident la plqs célèbre pour
le commerce et les richesses tentait la cupidité de son armée.;
il aurait saisi avec joie une occasion* de renouveler les hosti-
lités. Après avoir établi une garnison française dans la forte-
resse neuve de Pise, et avoir livré la vieille aux Pisans, fl
s'approchait de Florence avec son armée, sans donner de ré-
ponse aux ambassadeurs de la république, et sans même vou-
loir prendre de détermination jusqu'à ce qu'il fût informé
des progrès de l'armée que commandait d'Aubigny ep Bo-
magne, et des résolutions de Ferdinand qui lui était op-
posé*;
Don Ferdinand avait montré du talent militaire dans }e
choix des positions par lesquelles il avait arrêté les progrès
de d* Aubigny. Mais au moment où les Colonna avaient pris les
armes autour deBome, il avait été obligé d'affaiblir son ar-
mée, pour envoyer à son père les renforts que celui-ci de-
mandait. Alfonse avait joint ses troupes et celle que lui ren-
voyait son fils à celles du pape : il avait attaqué les Colonne
avec vigueur, quoique sans succès. Cependant Ferdinand ne
s'était plus trouvé assez de forces pour tenir tête à d'Aubigny.
Il n'avait pu empêcher celui-ci de prendre le château de
Mordano, dans le comté d'Imola, dont tous les habitants
furent passés au fil de l'épée^. Cette cruelle exécution mili-
taire glaça de terreur les petits princes de Romagne , que
Ferdinand n'avait plus la force 4e protéger; Catherine
1 Seip^ ÀmnUrato. L. XXVI, p. aos. — PauU Jovii. L H , p. M. — > Pauii /ovtf Uiif,
Ub, U, p. S6. — f>. t^HiceUmilnL Ub. 1« p. S4. — iocopo «ardl, Ub. I, p. 19.
Î6*
404 HtSTOIK£ DES RBPUBLIQUBS ITAtlEinilSS
Sforza, la première, traita séparément ayec d'Âobigny, et loi
ouvrit les états de son fils. En même temps on apprit en Bo-
magne que Pierre de Médieis avait livré à Charles YIII les
forteresses de Toscane : dès lors la position du prince arago-
nais n* était plus tenable; il fit sa retraite sur Borne, et son
oncle don Frédéric ramena sa flotté dans* lés ports du royaume
de Naples ^
Charles YIII, apprenant la retraite de don Ferdinand,
donna ordre à d' Aubîgnj de venir le joindre devant Florence,
avec sagendarmerie française, ses Suisses, et trois cents chevaa-
légers du comte de Caiazzo, tandis qu'il licencierait les hom-
mes d*armes italiens à sa solde, aussi-bien que ceux du duc
de Milan. Charles VIII s'arrêta ensuite à la villa Pandolfini,
près de Signa, à huit milles de Florence, pour donner à d'Au-
bigny le temps d'arriver, et faire son entrée d'une manière
plus imposante ^.
L'évèque de Saint-Malo, Brioonnet, le sénéchal de Bao-
caire, et Philippe de Bresse, frère du duc de Savoie, les trois
hommes qui avaient le plus de part à la faveur du roi, lui re-
présentaient que Pierre de Médids ne s'était perdu que par
les services qu'il avait rendus aux Français. Ses ennemis ne
lui reprochaient rien avec tant d'amertume que d'avoir livré
les forteresses de l'état, et ils n'avaient pris de la hardiesse
que parce que Pierre s'était éloigné pour venir trouver le roi.
Ces trois seigneurs sollicitaient donc Charles VIII de rétablir
Pierre de Médieis à Florence, et le roi lui dépêcha en ^etun
courrier à Bologne pour l'engager à revenir. Mais Pierre,
mécontent du froid accueil que lui avait fait Bentivoglio, avait
poursuivi son chemin jusqu'à Venise^; et lorsqu'il reçut le
t PmU JwU BitL Lib. U, p. S7. — Fr. Guiceiardk^L Lib. I, p. 64.— MOL de (
LIt. vu, chap. Viii, p. 180. — s Franc* GidcciardùiL lib. I, p. ST. — Jacopo StrdL
Lib. 1, p. 21. — ' FouU JotfU Lib. II» p. Zi,^Bekarti Comm, Renan OtUHearum. Lib. V,
p. 140.
DU MOYEN AGE. 405
message du roi, il se crut obligé de le communiquer à la sei-
gneurie, pour liii demander conseil.' Les Vénitiens jugèrent
qu'en rétablissant les Médids à Florence, le roi tiendrait cette
\ille dans une. plus absolue dépendance ; et comme ils com-
mençaient déjà à être inquiets dé sa puissance, ils Toulurent
lui ôter ce moyen de raffermir. Ib conseillèrent donc à Pierre
de ne point se mettre entre les mains d'un moparque qu'il
avait offensé; et pour être plus sûrs de sa docilité, ils l'en-
tourèrent secrètement de gardes qui ne le perdaiept pas de
Tue^ .
Charles VIII, n'ayant point reçu de Bologne la réponse
qu'il en attendait, fit son entrée à. Florence par la porte de
San-Friano le 17 novembre au soir. Il fut reçu à Cette porte
sous un baldaquin doré que portait la jeune noblesse floren-
tine ; le clergé l'entourait en chantant des hymnes, et tout le
peuple l'accueillait avec tontes les démonstrations de l'amour
et de la joie. Cependant Charles lui-même était loin de consi-
dérer cette entrée comme si pacifique; il portait la lance sur
la cuisse, ce qu'il expliqua ensuite comme un symbole de la
conquête qu'il faisait du pays; toutes ses troupes le suivaient
les armes hautes et en appareil menaçant; le langage étranger
et l'impétuosité des Français, les longues hallebardes des
Suisses qu'on n'avait point encore vues en Toscane, et l'artil-
lerie attelée, que les Français les premiers avaient rendue aussi
mobile que leurs armées, inspiraient autant de terreur que de
curiosité ou d'étonnement ^. Les Florentins , qui recevaient
avec inquiétude ces hôtes barbares dans l'intérieur de leurs
murs, n'avaient cependant pas négligé tout moyen de défense»
Chaque citoyen avait été invité à réunir dans sa maison de la
^ Fr. Guieaardhd. Ub. I, p. 69. — BemarcU OHcelkoFH de biUo UaHco comment.
p. 5S. -^^Fr. Guicdaràkii. lib. I, p. SS. — Jacof HanU Sior. Ub. I, p. 33. — PauU
JovH Uist. sui tmp. Lib. Il, p. M. — Scipione Ammirato. Lib. XXVI, p. S04.— Istorie
ai Giùv, CambL T. XXI , p. 80* — André de La Vigne, Journal de Charles Viii , dans
G«offroi, p. lis.
406 HISTOIRE DES ^VmhlQJJfS ITALIENIIISS
jille tons ses paysans, et à les tenir prêts et armés gonr dé-
fendre la liberté , si la cloche d'alarme itenait à sonner.
Les condottieri à la solde de la république avaient aussi été
appelés à la ville avec tous leurs soldats , «t à côté de l'ar-
mée française, qui avait pris ses logements à Florence , une
autre armée s'était formée en secret, et était prête à lui
résister
Dès que le roi fut établi dans le palais des Médicis qui lui
avait été assigné pour demeure, il commença à traiter avec
les coibmissaires delà Seigùeurie. Mais ses premières demandes
causèrent autant de surprise que d'effroi ; il déclara que puis-
qu'il était entré dans la ville avec la laiice sur la cuisse, ïlo-
jrencG était sa conquête, qu'il s'en réservait la souveraineté, et
iju il ne s'agissait plus que de savoir s'il y rétablirait les Mé-
dicis pour exercer cette souveraineté en son nom, ou s'ilcon-
.^entirait à déléguer son autorité à la Seigneurie sous l'inspec-
tion de conseillers de robe longue qu'il entendait lui adjoindre.
JjCs Florentins répondirent , avec une respectueuse fermeté ,
qu'ils avaient recule roi comme leur bote, qu'ils n'avaient
point voulu lui prescrire un cérémonial sur l' appareil avec le-
quel il entrait chez eux, mais qu'ils lui avaient ouvert leurs
portes par respect et non par force, et qu'ils ne renonceraient
Jamais, ou pour lui, ou pour aucun autre, à la moindre pré-
rogative de leur indépendance ou de leur liberté ^
Quelque éloigné qu'on fût de s'entendre, ni l'un ni f autre
4)arti ne désirait en venir aux mains. Les Français, étonnés de
la population inaccoutumée de Florence» de ces palais massifs
qui semblaient autant de forteresses, et du courage que les ci-
toyens avaient montré en secouant le joug des Médicis , re-
doutaient d'engager dans les rues un combat où ils seraient
aceiMés^ pierres «dtibaiit des4oit8*et des fenêtres; les flo-
1 JacopoyiarcU^ Utor. Fior, LÎb. 1, p. 24.
DU MOYEN AGE. 40?
rentins, cootents défaire bonne contenance, ne désiraient gne
gagner du temps et attendre le inoraent où il conviendrait au
roi de partir. Les conférences* continuaient cependant , et le
roi avait réduit ses prétentions à une demande d'argent; maïs
elle était tellement exorbitante, qu aprèsque le secrétaire royal
eut fait lecture de ce qu*il déclarait être i* ultimatum de son
maître, Pierre Capponi, le premier des secrétaires florentins ,
lui arracha son papier des mains, et le déchirant , il s'écria !
« Eh bien! s'il en est ainsi, vous sonnerez vos trompettes, et
* nous sonnerons nos cloches. »» En même temps, il sortit de
la ç}iambre. Cette impétuosité et ce courage intimidèrent le
Eoi et sa cour ; ils jugèreujt que Jies EloreatiQS avaient dfi
grande» ressources puisqu'ils osaient parler si haut, et ils rap-
pelèrent Pierre Capponi. Ils préseptèreut .iilors des prqj^si-
tions plus modérées, et elles furent bientôt acceptées. La prin-
cipale était de fixer à cent vingt mille florins le subside par
lequel les Florentins devaient concourir à l'entreprise du
royaume de !Naples. Cette somme était payable en trois termes,
dont le plus éloigné devait échoir au mois de juin suivant.
D'autre part, le roi s'engageait à restituer les forteresses qui
lui avaient été consignées, soit lorsqu'il se serait rendu maître
de la ville de Naples, soit lorsqu'il aurait terminé cette guerre
par une paix ou une trêve de deux ans, soit enfin lorsque,
pour quelque raison que ce fût, il aurait quitté l'Italie.
Charles YIII stipula en faveur des Pisans le pardon de leurs
offenses, pourvu qu'ils rentrassent sous lobéissance des Flo«
rentins; en faveur des Médids, la levée du séquestre mis sur
leurs biens, et l'abolition du décret qui mettait leur tête à
prix; enfin, en faveur du duc de Milan, qui réclamait m nom
des Génois la propriété de Sarzane et de Piétra-Santa; il exigea
que les droits respectifs sur ces villes fussent réglés par des
arbitres. A ces conditions, il déclara qu'il rendrait aux Flo-
rentins et sa protection et tous les privilèges de conmieroe
408 HISTOIBE DES RiFUBLIQUSS ITALIERIfBS
dont ils jouissaient antrefois en France ^ . Ce traité fat publié
dans la cathédrale de Florence , le 26 novembre, pendant la
célébration de la messe : les parties s'engagèrent par un ser-
ment solennel à Tobserver. Cependant d'Aabîgny pressait le
roi de mettre à profit un temps précieux ; et deux jours après
la célébration de la paix , il partit avec toute son armée par
la route de Poggibonzi et de Sienne, soulageant ainsi les Flo-
rentins de la plus mortelle inquiétude qu'ils eussent éprouvée
depuis longtemps ^.
1 jacopo mardi, lat. Fior, Lib. I, p. 25. « Bemardi OricellarU Comment, p. 54. —
Fr. Guicciarditii. Ub. I, p. 60. — Pauti jovU Hist. sui temp. Lib. H , p. 3«. — SeêpUme
Amndratù, Ub. XXVI, p. 205. — t jacopo Nardi^ Ut. Lib. I, p. 38. — Sdplùne JiiwU
rata. L. XXVI , p. 306. — Fr. GuieciardinL Lib. 1 , p. 61. — PauU JoviL Lib. II, p. 59.
-- Philippe de Gomines , Mémoires. L. VII, eh. XI, p. m.
DO MOTIH A6B.- 409
»»»»unniH»8tiimn»i»8»îMHt»n»i»»
CHAPITRE XIIL
Terreur et irrésolution du pape à l'approche de Charles VIII; ce monar-
' que entre à Rome. — Abdication et fuite d'Alfonse II; dispersion de
l'armée de Ferdinand II. — Le royaume de Naples se soumet à Char-
les VIII.
1494-1495.
1494. — Le pape Alexandre YI avait obtenu cette répu-
tation de prudence et d*habileté que le monde accorde souvent
sans réflexion à ceux qui, s* élevant au-dessus de toute consi-
dération de morale et d'honneur, ne se proposent que leur
seule utilité pour but de leur politique. Le vulgaire les voit
marcher vers raccomplissement de leurs desseins avec une
hardiesse qui Tétonne; il demeure pei^uadé que ce n*est pas
sans une mûre délibération qu*ils ont osé renverser ces bar-
rières, que lui-même s* est accoutumé à respecter. Lorsqu'il
voit révoquer en doute les principes auxquels la grande masse
des hommes reste soumise, et peser dans uqe nouvelle balance
les droits divins et humains, il s'adonne à une admiration
crédule pour celui dont la tète est si forte qu'elle s'élève au-
4iO HISTOIEB DIS K|pyBUQU]SS ITALISHIIJSS
àesÊm de tous les préjugés. Cependant ces prindpes moraux
qne le talgaire a adoptés oomme préjagés sont pour le fdiilo-
sophe r essence la plus pure de la raison humaine, le fruit le
plus parfait de ses méditations. De môme que la ^ertu est
pour chaque individu le seul moyen d* atteindre le but de son
existence, d'arriTcr à cette paix de Fàme, fruit constant da
développement de nos facultés et du perfectionnement de
notre être; de même la morale est pour toute société politi-
que, et pour tout gouyernement, la vraie, la seule voie vers
la prospérité publique et la conservation de Tétat. La com-
plète coïncidence de la morale avec Tintérét bien entendu a
souvent été remarquée ; cependant lorsqu'il s'agit des indi-
yidus seulement, cet iatérét peut être modifié de tant de ma-
nières par les circonstancesi les payons ou tes obaoce^ con-
traires, qu'on ne peut point se fier à lui comme à ta iguide
assuré; mais son application à la conduite des nations est
tout autrement certaine, parce que plus le nombre des indi-
vidus qui sont dirigés d'après las prindpes de morale est
grand, plus le calcul d'après lequel ces principes ont été éta-
blis acquiert de force ; les circonstances accidentelles se com-
pensent, les passions se neutralisent, les chances contr^ireç se
détruisent l'une l'autre, et en résultat général il d^nieure
toujours vrai que la politique la mieux entendue est là plus
conforme à la probité.
L'histoire est riche en applications de ce 'principe; elle a
rarement mis en évidence un de ces hommes célèbres par leur
immoralité, sans montrer comment ses calculs perso^nel^
l'ont égaré, et comment ses crimes ont pesé sur sa tête. Ces
politiques réputés si habiles, qui ont voulu mettre leurs pro-
pres intérêts à la place des grands principes de la société hu-
maine, une fois aux prises avec le danger, perdent tout point
d'appui, toute direction sûre, toute base] pour leurs combi-
naisons. Le scandaleux Alexandre YI devient le plus lâche et
m MOYJSB AGE. 411
le plas iirrésolQ des homipes ; le cruel et fijgrj&de AKQ^se II,
effrayé par sa propre conscience, se laisse tojpaber du trône
sans attendre un choc étranger.
Il paraît qu'Alexandre YI, dans la versatilité desapolitique,
avait eu quelque part aux négodiatious qui avaient appelé
Charles VIII en Italie. Il voulait alors obtenir de meilleures
conditions de la maison d Aragon, et intimider Yirginio Or-
sini ^ Mais depuis, lorsqu'il eut assuré à ses bâtards le sort
le plus brillant dans le royaume de Naples, il changea abso-
lument de parti ; il déclara que ses prédécesseurs ayant ac-
cordé trois investitures à la maison dAragon, ilse croyait
obligé à ne point lui en refuser une quatrième : il protesta
que le royaume de Naples étant un fief de l'Église, Char-
les YIII ne pouvait l'attaquer par les armes sans attaquer
VÉglise elle-mème9 ^^ îl ^tT^ ^^^^ ardeur dans la ligue des-
tinée à le défendre. Dans ce temps, Alexandre était fort
éloigné de croire aux rapides succès des .Français, et il ne
s'était si ouvertement compromis que d'après la persuasion
qu il ne courait aucun danger. Les n^ciations de Pierre de
Médicisà Sarzane, et je bouleversement de la Toscane, por-
tèrent une terreur subite dans son âme; celte terreur s'aug-
menta encore lorsqu' ayant envoyé à Charles, qui était tou-
jours à Florence, lé cardinal François Piccolomini comme
légat, Charles refusa de le recevoir, autant en haine de son
oncle Pic II, qui avait combattu avec acharnement la mai-
son d'Anjou, que par aversion jpour le pontife qui l'en-
voyait 2.
Le pape avait reçu le duc de Calabre avec son armée dans
les terres de l'Église; il lui avait envoyé tout ce qu'il avait
de soldats disponibles : il avait levé en bâte parmi le peuple
des compagnies de fantassins; et il avait invité, par ses brefs,
^ Fy.GtiteéHortffiti. llb. I, p. 63. -- s pauU JovU HUt. m ten^. Lib. H, p. 17.
412 HISIOIBX DK8 RÉPUBLIQUBS ITALI2H1I15S
les Bomains à prendre les armes pour défendre leur patrie.
Cependant sa terreur croissant aTec les succès des Français, il
avait bientôt témoigné le désir d* ouvrir de nouyelles confé-
rences. Le cardinal Ascagne Sforza était alors \^ chef princi-
pal du parti français dans le sacré-collége. Alexandre Tinvilâ
à se rendre à Rome; mais comme Sforza pouvait ne s'^y pas
croire en sûreté, il lui envoya pour otage son propre fib le
cardinal de Yalence, qui fut gardé à Marino, entre les mains
des Colonne. Cette première conférence n'eut pas de r&ultat;
Ascagne retourna au camp français, et le cardinal de Yalence
auprès de son père, sans qu*il y eût rien de conclu : mais les
premières paroles ayant été portées, Alexandre envoya au-
près de Charles, les évoques de Concordia et de Terni, et
maitre Gratian, son confesseur, pour traiter eu même temps
en son nom et en celui du roi de Naples. Charles YIII, dé-
terminé à ne rien entendre de la part d* Alfonse II, voulutbien
cependant négocier avec le pape seul ; l'excès de sa défiance
s'était un peu calmé, et il envoya à Bome la Trémouille, le
président de Gannay, le cardinal Ascagne, et Prosper Co-
lonne, sans demander d'otages pour leur sûreté. Dans ce mo-
ment l'armée napolitaine, commandée par Ferdinand, rentra
à Bome; et le pape, prenant confiance à la vue de tant de
soldats, ne voulut pas perdre l'occasion de se saisir de ses en-
nemis. Le 9 décembre, il fit arrêter le cardinal Ascagne et
Prosper Colonne ; il les jeta dans les prisons du château Saint-
Ange, et il leur déclara qu'il ne les remettrait en liberté
qu'autant qu'on lui livrerait Ostie. Les deux ambassadeurs
français avaient aussi été arrêta ; mais le pape les fit aussitôt
relâcher.
Charles YIII avançait toujours; il était entré à Sienne le
1 Franc, GuiccfordM. Lib. I, p. 62, — PatiH jûvii UUt. sui temporis. Lib. II, p. 40.
— Hém. de P)i. d^ GomiDes. L. vu , ch. XII , p. 203. — Bvrdiardi Dior, Apud Rai/Hald»
1494, S 33, p. 434. —AlîegreUO Allegretii Dlari SanesL p. 836.
DU MOYEU AGB, 413
2 dëoembre, ayec le même appareil militaire qa*il avait dé-
ployé à Florence : il avait fait sortir de la ville la garde de la
Seigneurie; il avait demandé qu'on lui consignât quelques
forteresses dans la Maremme siennaise; et lorsqu il était re^
j)arti de cette ville le surlendemain, il y avait laissé quelques
troupes, pour maintenir dans 1* obéissance une république dont
il se défiait .^ Ferdinand, duc de Galabre, abandonné sucoesr
sivement par les soldats de la république florentine, par An-
nibal Bentivoglio avec sa troupe, par Jean Sforza, seigneur
de Pésaro, et par Guidode Montéfeltro, ducd'Urbin, qui tous
se retiraient chez eux pour é\iter de se compromettre avec les
Français, avait perdu aussi presque tous ses gens de pied,
qui, frappés de terreur, désertaient en foule. Il avait pris
par rOmbrie le chemin de Borne ^. Son intention avait été
d'abord de faire tête à Viterbe, parce que cette ville se trou-
vait au milieu des terres des Orsini, qu il regardait comme
ses plus fidèles alUés, que Rome était derrière lui, et que sa
retraite sur Maples était assurée en cas de malheur S; mais
les négociations d'Alexandre YI et ses continuelles irrésolu-
tions ne permirent pas à Ferdinand de prendre un parti vi-
goureux. Charles YUI entra dans Yiterbe sans coup férir,
tandis que Ferdinand se repliait sur Rome ; et ce dernier s'oc-
cupait à fermer les brèches des vieilles murailles de cette ville
et à les mettre en état de défense au moment où le pape fai-
sait arrêter le cardinal Ascagne et Prosper Colonne ^.
Cependant cette violation même du droit des gens n'avait
pas rompu toute négociation ; le 19 décembre, le pape avait
retiré de prison le cardinal Frédjéric de San-Sévérino , arrêté
en même temps qu' Ascagne, et l'avait envoyé à Népi auprès
* AUegretto AllegntU Diari Saneti, T. XXIII , p. S3S. — Fr, GuleciardinU Lib. I ,
p. 61. >- Amoldi Ferronii. Lib. I, p. 8. — * Pauii Jovii HiéUsuitemp, Lib. II, p. 39.—
* Mémoires de Phil. deComiaes. L. VU» ch. XI, p. t97. — ^ Fr, Guicciardini* Lib, I ,
p. 83.
414 HISTOIRB DBS ftéPUVtlQtlES ITAUEUIïES
de Charles YIII, en lui faisant dire qu'il était prêt à séparer
ses intérêts de ceux du roi de Naples t. Mais dans le tumulte
de son âme, il ne savait se fixer à aucune résolution ; tantôt
il prétendait défendre Borne, et il délibérait avec Ferdinand
sur les moyens d*en relever les fortifications; tantôt il s'ef-
frayait de ta difficulté de se maintenir dans une s! vaste et $i
faible enceinte , de celte de I* arrivage des vivres par mer tan-
dis qu'Ostie était aux mains des ennemis, dû mécontentement
sourd du peuple et des factions diverses qui éclataient dans
Rome. Alors, déterminé à s'enfuir, il demandait à chaque car-
dinal un engagement par écrit de le suivre partout; puis, le
courage lui manquant encore , il revenait à des projets d'ac-
commodement.
L'irrésolution du chef de Tétat forçait chacun de ses mem-
bres à chercher séparément le moyen de pourvoir à sa propre
sûreté. Les Français avaient passé le Tibre , ils parcouraient
en tous sens le patrimoine de saint Pierre et la campagne de
Bome, et tous les feudataires de T Église s'efforçaient de faire
avec eux leur paix particulière. Virginio Orsini lui-même, qui
par tant de liens devait être attaché à la maison d'Aragon ,
qui était capitaine général de l'àrmëe royale et grand conné-
table du royaume, qui avait fait épouser son fils à une sœur
naturelle d* Alfonse II, et qui tèliâit de lui les plus riches fiefs
dans le royaume de Naples, consentît, sans abandonner sa solde,
à ce que ses fils traitassent avec le roî de France , lui accor-
dassent un libre passage dans toutes leurs terres; et lui don-
nassent quelques lieux forts en gage de leur fidélité^.
Le comte dé Pttîglîano et les autres membres de la famille
Orsfaiî firent aus^l leur traité particulier : Ives tf Allègre et
Louis de Ligny entrèrent à Ostie avec dnq cents lances et
p. 63. -» PauU JovÙ BiiU 8ui tmp\ tlb. li, p. 40. * Hwwàx mcflfwU COi^qi^i,
p. 61.
DU ttÔT£!T ACS. 4t5
detix làâle Stiisseâ ; Charles avait été reça à Bracciano, prin-
cipale forteresse des Orsini; Cii^ita-Vecchia et Gorneto avaient
ouvert leurs portes; les postes français communiquaient avec
ceux des Colonna, qui de l'autre côté du Tibre soulevaient toute
la campagne de Rome ; les prélats et la populace demandaient
avec une égale ardeur une paii qui mit fin à leurs craintes.
Cependant, plus le danger approchait, plus Alexandre, trem-
blant pour lui-même, s'embarrassait dans ses négociations. Il
voyait dans le camp ennemi le cardinal de Saint-Pierre ad
t?inctito, Julien de la Rovère, son ennemi personnel ; il con-
naissait le crédit de ce prélat à la cour de France, son impé-
tuosité, son penchant pour les mesures extrêmes et son désir
lirdent de le précipiter lui-même du trône pontifical. On sa-
vait par quels moyens honteux il avait obtenu la tiare, par
quels vices scandaleux, par quel étalage de son immoralité il
Tavait souillée, et il craignait par-dessus tout un concile et un
jugement dé FÈglise î.
Muis Charles YIII, malgré les instances des cardinaux eii-
ttéifiis d' Alexandre , redoutait de son côté de s'engager dans
une lutte a:vec le pape. Il étsdt impatient d'arriver à Napleé ,
et toute diversion lui paraissait dangereuse. D'ailleurs, au mi-
lieu même de ses succès, il avait chaque jour à surmonter des
difficultés qui semblaient de nature à faire débander son ar-
mée. Comme il marchait sans magasins, il avait bientôt
éprouvé, à son entrée dans l'état de Rome, les conséquences
de l'extrême pauvreté du pays. Les paysans avaient été ruinés
par les guerres continuelles entre les Colonne et les Orsini ;
les châteaux les plus faibles avaient été pillés ou volés ; toutes
les récoltes étaient enfermées dans les plus forts , et les sol-
dats français ne trouvaient pas dans les champs une seule
tnaison qu'ils pussent mettre à contribution. La place du Brac -
1 f>. GuicçUirdini. lib. l, p. d3. - PauU Jovii Uisu m tmip% Vàh II , p. 40,
416 UISTOnUS des BÉraBUQI]JSS ITALIENIïES
dona fooniit en abondanoe da Tiyres à Tannée royale ; mais
celle-ci, dans les jours qai avaient précédé, avait éprouvé
d* extrêmes besoins ^ Vers le même temps, Perron de Baschi,
maître d'hôtel du roi, était arrivé à Piombino avec vingt
mille ducats que lui envoyait le duc de Milan ; pui$ la flotte
qui l'avait porté, et que commandait le prince de Salerne,
avait été battue par les vents, poussée en Corse et dispersée,
en sorte qu'elle nejrendait plus aucun serviceà Tarmée et n'as-
surait plus ses convois ^. Enfin, Charles YIII était entouré de
conseillers qui tous prétendaient obtenir de T Église quelque
gnité ou quelque bénéfice. Le surintendant des finances, Bri-
çonnet, déjàévéque de Saint-Malo, désirait le chapeau de car-
dinal, et il sentait qu'il lui serait plus facile de l'obtenir d'un
pape qui se croyait sur le point d'être déposé que d'une
église réformée. Il engagea donc le foi à renouer les négo-
ciations.
D'après ces considérations, le maréchal de Giez, le sénéchal
de Beaucaire et Jean de Gannay, premier président du parle-
ment de Paris, furent envoyés de nouveau au pontife. Ils de-
mandèrent que le roi fût admis sans résistance à Bome ; ils
promirent que Charles respecterait l'autorité pontificale et les
immunités de l'Église, et ils assurèrent que, dès sa première
conférence avec le pape, toutes les difficultés qui existaient
encore encore entre eux seraient levées. Alexandre trouvait
bien dur de mettre sa capitale entre les mains de ses en-
nemis, et de renvoyer ses auxiliaires avant d'avoir ar-
rêté aucune condition. Cependant l'armée de Charles avan-
çait toujours, jamais il ne séjournait plus de deux jours dans
une même ville; les GoUonne avaient assemblé une armée à
Génazzano, le cardinal de la Bovère en avait une autre à Os-
tie : toute résistance paraissait impossible, et Alexandre con-
1 PhU. de GomiiM», Mémoires. Uv. VU, chap. IX, p. 198.—* Fr. GOcçiafdihl, Ub. I,
p. 71. —PhU. de Comines , Mémoires. Ub. VH, cbap. Xlf, p. 20i.
DO MOTEUR AG£. 417
sentit enfiû à faire retirer de Borne le due de Calabre ayec son
armée ^ Il demanda pour lui un sauf-conduit afin que le prince
napolitain sortit de TÉtat Ecclésiastique sans être molesté, mais
Ferdinand ne voulut pas F accepter. Seulement le cardinal As-
cagne Sforza raccompagna , pour contenir le peuple , jusqu'à
la porte San-Sébastiano par laquelle il sortit de fiome , tan-
dis qu'à la même heure, le 3 1 décembre 1 494 , le roi de France
y entrait à la tête de son armée par la porte de Sainte-Marie
du Peuple 2,
L'apparition de cette armée, qui pour la première fois fai-
sait connaître aux Romains la force et la nonvelle organisa-
tion militaire des ultramontains, leur inspira un étonnement
mêlé de terreur. L'ayant-garde était composée des Suisses et
des Allemands qui marchaient au son des tambours, par ba-
taillons et sous leurs drapeaux. Leurs habits étaient courts et
de couleurs variées, et ils étaient coupés selon la forme même
du corps. Leurs chefs portaient, pour se distinguer, de hauts
plumets sur leurs casques. Les soldats étaient armés de courtes
épées et de lances de bois de frêne, de dix pieds de long, dont
le fer était étroit et acéré. Un quart d'entre eux portait des
hallebardes au lieu de lances, le fer de celles-ci ressemblait à
uneliache tranchante surmontée d'une pointe à quatre angles;
ils les maniaient à deux mains, et frappaient également du
tranchant et de la pointe. A chaque miUier de soldats était
attachée une compagnie de cent fusiliers. Le premier rang de
chaque bataillon était armé de casques et de cuirasses qui cou-
vraient la poitrine, c'était aussi I armure des capitaines; les
autres n'avaient point d'armes défensives.
Après les Suisses marchaient cinq mille Gascons, presque
i Mémoires de PhH. de ComiiMS. L. VII, ch. XII, p. 303. — * Fr. GuicciardinL Lib. I,
p. 63. — PauU Jovii Hist, sui temp, Lib. II , p. 40. — Fr. Belcarii Comment. Rer, Gai-
Uc. Ub. V, p. 143. ^ K€asn(^(ii AnnaL H9I, S SO, p. 43$. — Amotdi Ferranit Lib. C ,
p. 9.
VII. 27
418 HISTOIRB DBS EBPUBLIQUISS ITALIEHHBS
tous arbalétriers; la promptitude a^ec laquelle ils tendaient
et tiraient leors arbalètes de fer était remarquable ; du reste ,
la petitesse de leur taille et Tabsence de tout ornement dans
leur costume les faisait contraster désavantageûsement avec
les Suisses. La cavalerie Tenait ensuite, elle était composée de
la fleur de la noblesse française, et elle brillait par ses man-
teaux de soie , ses casqués et colliers dorés. On y comptait
âsswi mille cinq cents cuirassiers et deux fois autant de cava-
lerie étrangère. Les premiers portaient, comme les gendarmes
italiens, une lance forte, striée, ornée d'une pointe solide, et
une masse d* armes de fer. Leurs chevaux étaient grands et
forts, mais selonf usage français, on leur avait coupé la queue
et les oreilles. La plupart n'étaient point couverts, comme ceux
des gendarmes italiens , de caparaçons de cuir bouilli qui les
missent à Tabri des coups. Chaque cuirassier était suivi par
ttois chevaux , le premier monté par un page armé comme
lui, les deux autres par des écuyers qu'on nommait les auxi-
liaires latéraux.
Les chevau-légers portaient de grands arcs de bois, à l'u-
sage d'Angleterre, i^opres à lancer de longues flèches -, ils n'a-
vtiient pour ardies défensives que le casqae et la cuirasse ^
c^elqûes-tins portaient une demi-pique pour transpercer par
terre ceux que la cavalerie pesante avait renversés. Leurs
inanteaux étaient ornés d* aiguillettes et de plaques d' Urgent
qui dessinaient les armoiries de chacun de leurs chefs. Quatre
cents archers , parmi lesquels cent Écossais, marchaient aux
oMés du roi; deux dents dievaliers français, choisis sur toute
la fleur de là noblesse, l'entouraient à pied. Ils portaient sur
leurs épaules des masses d'armes de fèr, semblables à de pe-
santes haches. Lès mêmes, lorsqu'ils montaient à cheval, pre-
naieut tout l'accoutrement des gendarmes; seulement ils
étaiœt distingués par la beauté de leurs chevaux , l'or et la
pourpre qui les couvraient. Les cardinaux Ascague Sforzct et
DU MOYEU AGE. 419^
Joliea de la Bovère marchaieat à côté du roi ; les cardinaux
GolonuC' et Savelli le suivaient immédiatement. Prosper et Fa^
brioe Colonne et tous les généraux italiens marchaient entre-
mêlés avec les grands seigneurs de France.
Trente-six canons de bronze, attelés, étaient traînés à la
suite de T armée. Leur longueur était d'environ huit pieds,
leur poids ^e m imtters^ et leur calibre à peu près comme la
tète d'un bomi«e; les couleovrines, de moitié plus longues^
iliarchaieiit ensuite ; {wis les fauconneaux, dont les plus petits
lançaient des boulets de la grosseur d'une ^enade. Les
affûts étaient formés, comme aajoiu*d'hui, de deux pesantes
pièces de bois, unies par des traverses; ils n'étaient soutenus
que par deux roues : mais pour marcher on en joignait deux
autres avec un avant-train qui m séparait de la pièce en la
m^taiit en batterie. L'avantr^rde avsiit commencé à passer
la porte du Peuple à trois heures après aûdi', mais la maix^be
dura jusqu'à neuf heures du sok*, à la lueur des torches et des
flambeaux, qui en édairant l'armée lui donnaient quelqoe
chose de plus lugubre et de plus imposant ^
1495. — Gq^ndant le pape s'était retiré dans le château
Saint-Ange, avec six cardinaux seiUement : presque tous ks
autres seçoudaient les instani^ de Juhen de la Rovère et
d' Ascagne Sfor^, qui sollicitait le roi de délivrer l'ÉgUse d'un
pape qui la couvrait de honte, et dont la conduite était aussi
scandaleuse que son élection avait été simouiaque. Le nom de
concile, répété par tout le parti qui reconnaissait Ascagne
pour son chef, rempUssait de terreur Tàme du pape ^. Ausù,
plus il tremblait pour sa propre sûreté, plus U s'obstinait à
refuser de remettre au roi le château Saint-Ange, que celui-ci
diimaudait comme un gage de la bonne loi d'Alexandre, et
1 Toute celte descripUoa est prise de Fwi J<>to, qui «ans doute était prteeut. Lit).ll,
p. 41. ^ voy&i amsi Mémoirei de Louis de la TrâmouiUe. Vol. XiV, p. i-H. — André
dd u vigoe. Àpud («odeTroi. p. iâ;t. — < PmU iovU Hmi» «ni MiVh ^' u, p, 4o,
2r
420 filSTOIHÊ DES REPUBLIQUES ITALlEItHES
que le dernier regardait, au contraire, comme son plus sâr
asile. Deux fois Tartillerie française, qui était au palais de
Saint-Marc où logeait le roi, en fut tirée et braquée contre
le château Saint- Ange ; mais deux fois les courtisans français
qui convoitaient les dignités de l Église, réussirent à empê-
cher les premières hostilités i.
Enfin les conditions de la paix furent arrêtées le 11 janvier.
Le roi promit de regarder le pape comme ami et comme al-
lié dans la paix et dans la guerre, et de respecter en tout point
son autorité pontificale ; mais en même temps il demanda que
les citadelles de Givita-Yecchia, de Terradne et de Spolèfee
lui fussent livrées, pour les tenir jusqu'à la fin de la guerre ;
que César Borgia, fils d'Alexandre, suivit pendant quatre
mois l'armée française comme otage, encore que, par égard
pour les apparences, il dût y prendre le titre de cardinal-lé-
gat; que Jem, frère de Bajazeth, fût remis aux Français,
pour les seconder dans leur attaque contre la Turquie ; enfin,
que Briçonnet, évéque de Saint-Malo, fàt admis dans le col-
lège des cardinaux. Le pape, déterminé à n'observer d'autres
traités que ceux qui lui seraient avantageux, et se regardant
déjà comme délié de ses serments par la violence qu'il éprou^
vait, ne disputa sur aucune des conditions. Il se rendit au
palais du Vatican; il admit au baisement des pieds le roi et
toute sa^cour, il donna de sa mdin le chapeau de cardinal à
Briçonnet, aussi bien qu'à Philippe, évèque du Mans, de la
maison de Luxembourg, et il remit entre les mains du roi le
sultan Jem, après avoir fait dresser par un notaire un acte
authentique de cette consignation 2.
Le malheureux fils de Mahomet II, s' approchant de Char-
les YIII, baisa sa main, puis son épaule ; ensuite il se retourna
1 Franc. GuteciardinL Lib. I, p. «4.— Mémoires de Phil. deComioes. Liv. VII, eh. XV,
p. 919. — ^ PauUJom BM, ttd temp. Lib. II, p. 43. — Philippe de Gomines. Lib. VII,
cbap. XV, p. m«— tmfmOdus^ ex Biireharéi DUtrlo, 1495 , S 2, p. 438.
0D MOTEK AGS. 421
T^rs le pape et le pria, avec noblesse et modestie en même
tanps, de le recommander à la protection da grand roi au-
quel il le confiait, et qni se préparait à la conquête de F Orient.
Il se flattait, ajouta-t-il, que le pontife n'aurait point à se re-
pentir de lui avoir rendu la liberté, ni Charles , s'il suivait ses
conseils après avoir passé en Grèce, de 1* avoir pris pour com-
pagnon de voyage. Jem avait quelque chose de noble et de
royal dans son aspect; son esprit était cultivé par l'étude de
la littérature arabe : il montrait dans ses discours une poli-
tesse flatteuse, et quelque chose de piquant dans son expres-
sion. La grandeur de son âme et la noblesse de sa figure ré-
pondaient à l'impression que faisait d'avance son malheur ^
Mais tandis que Jem se livrait à l'espoir île sortir bientôt
de sa captivité, et de rentrer dans sa patrie, le terme de sa vie
était déjà fixé par celui qui le livrait ainsi à un nouveau gar-
dieû. Cette captivité avait valu au pape un revenu considé-
rable ; Bajazeth lui payait quarante mille ducats sôus le titre
de pension de son frère, mais plutôt comme récompense de
ce qu'on le retenait éloigné de ses états. Lorsque le Génois
George Bucciardi fut envoyé par le pape au sultan pour en-
gager celui-ci à concourir à la défense du royaume de Naples,
Bajazeth, toujours inquiet de l'existence de son frère, voulut
profiter de cette négodation pour se défaire de lui. Il renvoya
Bucciardi au pape, et le fit accompagner par Dauth, son
propre ambassadeur. Celui-ci portait une lettre du sultan,
adressée en grec à Alexandre YL Des ménagements hypocrites
pour le caractère de celui qui écrivait la lettre, et de celui à
qui il l'adressait, y étaient observés. Bajazeth, disait-il, sentait
une profonde commisération pour le sort de son frère; il était
temps de mettre un terme à sa captivité chez les étrangers et
à sa dépendance ; la mort pour un sultan ottoman était mille
1 PauU Jovii HiiL sut temp. Ub. Il, p. 4S.
4S2 HI9IOIRS DU aiPUBLiqU» ITALiraifSS
fois {Mrëférable à cet état d* anxiété, et puisque ce n'était paint
un crime aux yeax d'un chrétien de donner la mort à un
rauauhnan, il incitait Alexandre à le défaire par le poison de
cet enn^ni domestique, lui promettant en récompense une
somme de deux cent mille ducats i, la relique prédense de
lé tunique du Christ, et la promesse de ne point porter de
toute sa vie les armée contre les chrétiens 2.
Les deux ambassadeurs , en débarquant sur le rivage près
d*Ancàne, furent arrêtés par Jean de la BoTère, préfet de
Sinigallia, qui avait embrassé le parti de son frère le carcKnaf
de Saint-Pierre ad vincula, et qui avait commencé des hosti-
lités contre, le pape ; il leur enleva Vargent qu'ils portaient
pour payer pendant deux années la pension de Jiera. Dauth
réussit cependant à s'échapper ; il se réfugia auprès de Fran-
çois de Gonzague, marquis de Bfantoue, qui avait contracté
une alliance avec le grand-seigneur, et qui le ratvoya à Gons-
tantinople^.
On ignore si Alesxandre avait accepté les conditions que le
sultan lui offrait, ou s*il n*eut d autre motif pour agir que la
jalousie qu'il avait conçue contre Gbaries YIIl ; mais on as«
sure qu'avant de livrer Jem à celui-ci, il avait fint mêler an
sucre dont ce prince faisait un grand usage ime pondre blan-
che d'an goût agréable, et dont l'effet n était point snlAt,
mais qui opprimait lentement les esprits vitanx, et causait
sans convulsion une mort certaine. Ce fut le même poison
qn' Alexandre YI employa ensuite pour se défaire de plusieurs
cardinaux, et dcmt il fut enfin lui**-mème victime. Jem, arrivé
à Capoue à la suite de l'armée française , y tomba dangereu-
sement malade; il moarnt, ou dans cette ville, ou à Naples,
i LeiUrèé^Pt^keifi, T. I; f. 4.llam It tettre rapportée par Biirctaard., on lit Soo,ooo.
— ^ Pattli Jovii HUU «uf temp, Lib. II , p. 44. — Burchardu» in mario, Lib. Il , apod
Raynald. 1494, S ^, p. 4SS. — > PmiU JovU BUt. $ui temp, Lib. II , p. 44. — Fr. (kHc-
eiardini. Ub. I,p. «S.
DU MOTEIf A6£. 423
le 26 février. Charles VITI le fit ensevelir à Gaëte. Mais, m
i 497, le roi don Frédéric rendit son corps à Bajazeth II ^
Charles demenra près d*nn mois à Borne; mais, pendant
ce temps même, il continuait à faire avancer ses troupes vers
les frontières du royaume de Naples. Il en avait fait deux
corps d'armée, dont Fun devait entrer dans le pays ennemi
par les Abruzzes, T autre par la Terre de Labour. Il donna le
commandement du premier à Fabrice Colonna , à Antoiiello
Savelli, et à Bobert de Lenoncourt, bailli de Vitri. Il joignit
aux compagnies des deux premiers quelques brigades de gen-
darmerie française, et quelques bataillons d* infanterie suisse et
gasconne. Cette division s'avança par le comté de Tagliacozzo
dans les Abruzzes. Ces provinces, et surtout TAquila leur
capitale, étaient toutes pleines du souvenir des Àugevins, et
toutes disposées à la révolte ; en sorte qu'en peu de tempg
elles arborèrent partout les étendards de France. Barthéle^ii
d'Alviano' avait été envoyé par Ferdinand sur les bords du
lac de Celano, pour défendre les passages des montagnes et
l'entrée de F Abruzze : mais il s'était trouvé trop inférieur en
forces, et il avait été obligé d'évacuer toute cette province
sans livrer de combat ^.
D'autre part, Charles YIII, àla tète delà plus grande partie
de son armée, se mit en route le 23 janvier ^, traversant Iç
Latium, et s' avançant vers Naples par la route de Cépérano^
Aquino, et San-Germano, qui est un peu plus éloignée de la
mer que celle qu'on suit aujourd'hui pour aller de Bome à
Naples. A peine était-il sorti de la première de ces deux villes,
que le pontife romain, humilié de la paix qu'il venait de
signer, prit ses mesures pour en rejeter le joug. Don Antonio
1 PauU jovii HUt, std tmnp. Lflb. U, f. 4i^kem»éi QHêeUarH éommem» p: «4!-^
PetH Bembi HisL Ven. L. II , p. 80. -^ Gronict^ di Venezia qnoih T, ^JVi* Bfr, lia/,
p. 16. — Fr. Guieeiardini. Lib. Il, p. SS. — Summonu, Istorie di «ttpott, Lib. Vf, e. Il,
p. sti. — ^PoiOi iovu Bm. Ub. U, p. 45. — Pbil. d» Cmbhhm, ««nu Uf. Vll,€h. XVi,
p. 226. — S Aileçretto àUegreui , DiaH Sam€iL p. tM.
424 HISTOIRE DES REPUBLIQUES ITALIENNES
de Fonseca, ambassadeur des rois d* Espagne, accompagnait
Charles dans cette expédition : il ne pouvait voir sans dou-
leur dépouiller la branche bâtarde d'Aragon d'un royaume
conquis originairement avec les armes de f Espagne. Il con-
naissait r inquiétude du pape et la fermentation de tous les
états d'Italie, alarmés par les succès rapides des Français, et
il convint avec Alexandre VI de teliter quel serait l'effet d'une
protestation éclatante; se flattant que si elle n'arrêtait pas
Charles VIII, du moins elle ranimerait le courage des princes
de Naples. A l'arrivée du roi à Velletri^ il lui demanda une
audience : alors il lui représenta que lorsque Ferdinand et
Isabelle s'étaient engagés, moyennant la restitution de Per-
pignan , à né point passer les Pyrénées , et à ne point atta-
quer la France, ils avaient cru, sur la parole du roi, que
celui-ci avait surtout en vue de porter la guerre contre les
Turcs; qu'avant d'attaquer le royaume de Naples par les
armes, il consentirait à soumettre sa cause à un juste arbi-
trage ; qu'il respecterait la liberté de tout le reste de l'Italie,
et surtout celle de l'Église. Mais Fonseca n'avait pu voir sans
étonnement, et ses maîtres n'apprendraient pas sans douleur
que Charles VIII avait décliné la jurisprudence du pape à
laquelle Alfonse II était disposé à se soumettre, tandis que le
royaume de Naples, qui était en litige entre eux, étant un
fief de l'Église, ne pouvait être possédé légitimement par l'un
m par l'autre prétendant, sans une décision de la cour de
Borne; que Charles VIII, loin de respecter l'indépendance
des autres états d'Italie, les avait tous forcés à lui fournir des
subsides prodigieux, qu'il avait bouleversé leurs constitutions
et mis garnison dans leurs forteresses. Lucques avait dû
se racheter à prix d'argent; les Médiçis avaient été chassés de
Florence; Pise avait été encouragée à la révolte, Sienne obli-
gée de recevoir garnison, et tous les lieux forts de ces divers
états étaient entre les mains des Français. Enfin le pape^ objet
DU MOYim AGE. 425
de la yénératioii de tons les princes chrétieiis, a^ait été forcé
par la terreur à signer une paix humiliante ; il avait reçu des
garnisons françaises dans ses forteresses, livré en otage le
cardinal de Valence, abandonné le sultan Jem à Charles YIII;
et, par toutes ces concessions, il n*avait qu'avec peine sauvé
Rome de Tincendie et du pillage. Puisque le roi de France
ne se croyait obligé à respecter aucun traité , ni aucune des
garanties du droit des gens, T ambassadeur de Ferdinand et
dlsabelle était appelé à lui déclarer que ses maîtres ne souf-
friraient point qu'il enlevât à des princes aragonais un
royaume qu'une possession de soixante ans et les décisions
de plusieurs papes avaient rendu hérédaire dans leur famille ^
A peine les gentilshommes français qui entouraient le roi
permirent-ils à Fonseca d'achever son discours; ils répon-
dirent, avec cette impétuosité et cet orgueil qu'avaient nourris
des succès inespérés : que les armes ne leur avaient jamais
manqué pour soutenir leurs droits; que si Ferdinand oubliait
ses traités et ses engagements dont la restitution de Perpi-
gnan avait été le prix, les chevaliers français étaient bons
pour l'en faire ressouvenir, et qu'ils lui feraient connaître
bientôt la différence qui existait entre eux et les archers
maures, qu'il était si fier d'avoir vaincus en Andalousie. Des
paroles toujours plus piquantes furent alors échangées des
deux côtés ; et Fonseca, qui cependant était un homme grave
et modéré, se laissa tellement transporter par la colère, qu'il
déchira sous les yeux du roi le traité signé entre la France
et l'Espagne, et qu'il signifia à deux Espagnols qui servaient
dans l'armée française l'ordre d'en sortir sous trois jours, s'ils
ne voulaient tomber dans le crime de haute trahison ^.
Le roi de France avait à peine reçu cette dénonciation d'une
i Pauli JovH Hist, sui temp, L. H , p. 46.— Fr. Guieciardini UU Lib. II, p. 87.—
BarlhoL Senaregœ de rébus Genuens, T. XXIV. Rer, ItaL p. Ui»^Fr. BekarU Comm,
Réf. GaU. Lib. VI, p. i49. — > PauU JovU. Ub. II, p. 40.
426 HISTOIRB DES REPUBLIQUES ITALIEIIIIES
guerre imminente', lorsqu'il apprit que le cardinal de Yalenoe
s'était enfui de Velletri sous un déguisement, et qu'il était re-
tourné à Rome ; que le pape refusait de remettre Spolète à
ses lieutenants, comme il s'y était engagé, et qu'enfin le mal-
heureux Jem paraissait atteint par un poison qu'il portait
dans ses entrailles. Mais Charles ne se laissa point arrêter par
ces preuves de la mauvaise foi d'Alexandre VI. La flotte
qu'Alfonse avait chargée de défendre les côtes de la Campauie
et de s'emparer de Nettuno avait été battue par la tempête
et forcée de rentrer dans le port de Naples. La flotte française
n'avait pas été plos heureuse, et après avoir été jetée en Corse
par le même coup de vent, elle était revenue à Porto-Ercole,
où- pre^^que tous ses soldats l'avaient quittée ^ Après les avoir
réunis à son armée, Charles attaqua Monte-Fortino, château
de la campagne de Borne , qui appartenait à Jacob des Conti,
baron romain. Celui-ci, après avoir été quelque temps au
service de Charles, avait passé dans le camp des Aragonais,
pour ne pas servir sous les mêmes drapeaux que les Colonna.
L'artillerie française ouvrit' en peu d'heures une brèche dans
les murs de ce château, qu'on regardait comme très fort. Il
fut pris, et tous ses habitants furent massacrés. Les Français
attaquèrent ensuite, sur la frontière même du royaume. Te
Hont-Saint-Jean, qui appartenait au marquis de Pescaire, AI*
fonse d* Avalos. Ce château-fort contenait une garnison de trois
eents hommes, et cinq cents paysans bien armés; il fut cepen-
dant pris en peu d'heures, sous les yeux mêmes du roi : celui-
ci ordonna également qu'on massacrât tous les habitants, et
ne se laissa point fléchir pendant les huit heures qiie dura cette
boucherie. Le Mont-Saint-Jean fut ensuite brûlé. Cette féro-
dté , dont l'Italie n'avait point encore vu d'exemple, répandit
au loin la terreur du nom français t les soldats déjà découra-
i Poua leva Hiit. nd tmç. Uki; B» ^ 4n.
00 wrtES AGt. 427
gës^ et la» habitants qni n*aTaieDt peint d^Affectkfti pOBr lears
princes, perdirent dès lors tonte envie de se défendre i.
Mais la terreur du roi de Naples passait encore celle que
ressentaient ses soldats ou ses sujets. Cet Alfonse II qui , dans
les guerres dltalie et dans celle des Turcs , s'était acquis une
grande répfutation de bravoure , que Ton croyait non moins
sage que courageux, non moins ferme que prudent, ne trouva
plus de force en Ini-raéme lorsqu'il eut besoin de rési^r aux
dameurs publiq»es : pendant sa toute-puissance elles avaient
été supprimées ; BMiis lorsqu'elles assaillirent pour k première
fois ses oreilles , elles réveittèFent aussi les remords de sa con-
science.
Alfonse > il est vrai, n'avait pas encore régné une année;
mais depuis l^en plus longtemps te royacnne de Inaptes était
sounns à son autorité. Dès l'époque oh û était parvenu & l'àge
d'homme, son père Ferdinand hd avaift donné une part im-
portante dans l'administratka, ei avait paru le plus souvent
déférer à ses coa^seils. Tout ce qu'il y avait eu de plus perfide
dans la politique du cabinet de Naples , de plus cruel dans ses
vengeances , de plus vexatotve dans son système de finances ,
avait constamment été attribué par le peuple à Alfonse plutôt
qu'à Ferdinand. Des exactions^ intolérables appauvrissaient la
ville et les campagnes; tons les genres^industrie étaient
soumis à des monopoles ruineux : le roi achetait Fhuile, le
blé, le Tin , à un prix fixe , qui dédommageait à peine le cul-
tivateur de ses avances ; et il les revendait eifêoite avec un bé-
néfice considérable , lorsque, par une famine artifieielle, il en
avait augmenté déaiesuréln^t le prix ^. Aucun sujet de Tétat
ne pouvait se eraire assuré dans la possession de ses biens ou
1 Fr. Guieciardini. Lib. I, p. 6«. — PauU Jovii HisU L. lî, p. W. — WoHo Ferranse^
Pi s»s. -««ikii4ré de La VigAe, SmrwA dniig Godefroy. p. i!29. — Ptail. de Comines,
ifénoire*. U VII« «bk XVI, p. Mt. — * Fhil. deT ComtiiM ; ttéittdfa^ Ur. ^11, cli. xnt,
p. 200.
428 HISXOIBB D£9 AÉPUBLIQUJSS rrALlEHlIES
de sa liberté indÎTidadle. Le roi, par des actes àrbitraiFes,
dépouillait, arrêtait, faisait périr sans jagemant les plus grands
seigneurs comme les gens du peuple. Alfonse avait encore
enchéri sur son përe dansées actes de vengeance et de cruauté
politique. LorsquHl était monté sur le trAne, il avait trouvé
dans les prisons de Naples un grand nombre de seigneurs ar-
rêtés sous le règne de Ferdinand. Philippe de Comines, qui, à
cet égard, ne s'accorde pas avec les historiens italiens, déclare
s'être assuré, par le témoignage d'un Africain employé à ces
exécutions , que parmi ces prkonniers se trouvaient encore le
duc de Suessa et le prince de Rossano, arrêtés en 1 464, contre
la foi jurée , après la guerre dans laquelle Jean d'Anjou avait
disputé à Ferdinand la succession au trône , et vingt-quatre
barons arrêtés en 1486 , après la guerre d'Innocent YIII et
des seigneurs mécontents. Il ajoute que, aussitôt qu' Alfonse
fut monté sur le trône , il les fît transporter à Ischia , et les y
fit tous assommer i. Cependant on croyait généralement que
tous ces prisonniers avaient péri plus tôt , mais d'après les
conseils qu' Alfonse avait donnés à son père.
Cette haine populaire que les tyrans excitent contre eux,
et qu'ils ne connaissent cependant point, qu'ils ne devinent
point au miUeu du concert de flatteries dont leurs courtisans
les entourent, n'attend pour se manifester que le moment où
le trône estjcn danger. De toutes parts on invoquait dans le
royaume de Naples les Français comme des libérateurs : on
détestait la cruauté et l'avarice d' Alfonse et de son père, ou
maudissait le joug des Aragonais; et les cris de la populace
enhardie retentissaient jusque sous les fenêtres du palais, où
Alfonse craignait à toute heure de demeurer victime d'ua
peuple furieux 2.
1 Mémoires de Phil. de Comines. Ut. VII , ch. Xm , p. 306. — Vouez ci-deraiil
chap. LXXX, Tol. X, p. 260 ; et chap. LXXXIX, vd. XI, p. 376. — < nwA/Otfii JTfof. md
temp. Lib. II, p. ^l.
DD MOYEN AGE. 429
On assure qu*à ces dangers extériears, la conscience trou^
hléc d*AlfoDse joignit bientôt des craintes superstitieuses. Il
passait pour n^a^oir point dç croyance religieuse, et pour
n* observer point les pratiques de TÉglise ^ Hais Tàme d'un
tyran est toujours accessible à la superstition, parce que la
fàtaUté lai paorait avoir une grande part à sa destinée; et
l'autorité supérieure qu'il n'a point trouvée sur la terre, il
la cherche avec inquiétude dans des dtres surhumains. On
répandit le bruit que Jacques, premier chirurgien de la cour,
était venu déclarer à Àlfonse que l'ombre de Ferdinand lui
avait apparu par trois fois, en trois différentes nuits; qu'elle
loi avait ordonné, la première fois avec douceur, la seconde
et la troisième fois avec menaces, d'aller dire à Àlfonse en
son nom qu'il n'errât point de résister au roi de France,
parce qu'il était arrêté dans sa destinée, que sa race, tour-
mentée par des maux infinis, serait privée de ce beau
royaume, et bientôt après éteinte; que les cruautés dont
ils s'étaient rendus coupables en étaient la cause, mais,
plus que toutes, celles que lui Ferdinand avait commises
à la persuasion d' Alfonse, à son retour de Pozzaolo, dans
l'église de Sâiat-Léonard à Ghiaia, près de Naples. On
disait que l'ombre, ou le chirargien qui la faisait parler, ne
s était pas expliquée davantage ; mais on supposait que c'était
dans ce lieu qu' Alfonse avait persuadé à son père défaire
mourir les barons qu'il tenait depuis si longtemps prison-
niers 2,
Cette dénonciation, qui peut-être était elle-même l'effet de
la haine universelle du peuple, ajouta encore aux terreurs
qui troublaient Alfonse, et aux remords de sa conscience.
Dans ses songes, tantôt il croyait voir les ombres de tant de
seigneurs qu'il avait fait inhumainement massacrer, tantôt il
1 Pbll. de ComiDes, Mémoires. Liv. VII, ch. xiH» p. 210.— > Fr. GuicciardinL LibJ,
p. ae. — Swnmoiiie BUtoria di napoU, Lib. VI, p. S02.
43A HISTOIRE DES EjIrtJBtiQUiSS rtALlEnNES
se figurait être kii-méme entre les mams du peuple qui le li-
yrait à d'affreux supplices. Il ne pouvait trouva* un instant
de repos, ni pendant les jours ni pendant ks nuits. Le 23 jan-
vier il se retira au cbàteau de f Œuf avec un petit nombre de
ses façàiliars. Cette fuite causa dans la ville un deuil et un ef-
froi extrêmes. Le I^demain, le peuple se rassembla de toutes
parts en armesi mais plutôt par une intiuiétode vague, qu'a-
vec un dessein dét^miné ; aussi Ferdinand, due de Galabre,
quii après avoir rani^ié sao armée sur les frontières, était re-
venu à Naples, néussit-il à apaiser le tumulte en pareourant
la ville à dieval, ^ invoquant Taide des corporations de la
noblesse, qui, au nombre de six, sous le nom de Sefjgi ou
Sedili^ exerçaient Tiiutorité municipale i.
On assure que le cardinal Aseagne Sf<wza avait fait don-
ner à AlfoQse le conseil d'abdiquer en faveâr de son fils, lui
représentant que ce deroier était fils dune sosur du duc <|e
Milan , et que les frères Sforza, qui haïssaient leur beau-frère,
étaient prêts cepen^nt à protéger leur neveu 2. La terreur
dAlfonse lui fit adopter ce conseil; il signa, le 23 janvier,
l'acte d'abdicatioa, tel qu'il fut dressé par Jovianus Pcata-
uus ^ ; il refusa à la reine, sa belle-mère, de différer au moins
de deux jours cet acte de faiblesse, pour accomplir l'année de
son règne. Il fit charger précipitamment toui^ ses effets les
plus précieux sur quatre galères ; son trésor, partie en aident
monnajré, partie en pierreries, iiaoïtfait alors à la somme de
300,000 ducats, avec laquelle il aurait pu solder un corps de
troupes bien suffisant pour se déf^dre. Mais il ne voulut
point le laisser à son fils ; et tandis qu'il le f aisiût emballer,
il montrait une si grande terreur qu'on aurait dit qu'il était
déjà entouré de Français* Au moindre bruit qu'il aitendait,
1 BarihoL Senartgœ de rébus Genuens. T. XXIV, p. 546c — > Summonte HUt. di Ko-
poU, L. VI, e. I, p. 900. - BernaiH Qric^lUxHi Cmm* p. «0. -<- > Pauti Jovii. Ub. K,
p. 49.
DU MOYEU AGS. 431
il se retournait avec effroi, comme si le ciel et les hommes
étaient également conjurés contre lui. Cependant le yent du
midi retenait sa flotte dans le port ; ce ne fut que le 3 février
qu'il put la faire cingler vers Mazah, petite ville de Sicile,
dont Ferdinand d'Espagne lui avait donné la seigneurie ^ , et
là, ne s' entourant plus que de religieux olivétans, il passa le
reste de ses jours uniquement occupé d œuvres de péni-
tence, déjeunes, d'abstinences et d'aumônes. Une maladie
douloureuse ajouta encore à ses peines : elle F enleva de
ce monde le 19 novembre de la même année, avant qu'il
eût pu accomplir le projet qu'il avait formé de revêtir l'ha-
bit religieux^ et d'entrer dans un couvent à Valence en
ï!spagne3.
Ferdinand, précédé par l'étendard royal, entouré de tonte
8a noblesse et suivi par le peuple, fit le tour de la ville de
Pïaples le 24 janvier, pour prendre possession du royau-
me : il se rendit ainsi à la cathédrale , où il fit sa prière
à haute voix , à genoux et la tète nue ; après quoi il repartit
pour l'armée ^ Ce jeune prince n'avait point hérité de la haine
qu'on portait à son père et à son aïeul. On n'avait remarqué
en lui que des qualités aimables, de l'humanité, de la loyauté
et du courage. Peut-être s'il était monté plus tôt sur le trône,
aurait-il été défendu avec enthousiasme par tout le peuple :
mais il était déjà trop tard. Dans chaque province les gentils-
hommes ou les citoyens les plus considérés s'étaient déjà com*
promis aux yeux de la maison d'Aragon, en arborant l'étendard
de France, et Alfonse, en emportant son trésor avec lui, u'a-
1 IFr. GuiccUffdinL Llb. U, p. 66. — PauU JùvU. L. II, p. 49. — > Mémoires de PliU.
de Coftitees. L. Vil, th. XIV, p. 215. —Pétri Bembi Uist. Ven, L. II, p. 29.— Fr. Belcarii
Conm. LU». VI , p. 45. -^Summonie Eut, di KapoU. Ub. VI, cap. I, p. fioo. — àrnold,
Ferronii. Lib. 1, p. 9. — > Barilu Senaregœ de rebut Genuens. p. 546. — Allegreiio
AlUqrttii Diari Sem^L p. 839. — Diario Penarese. T. XXIX, p. 291. — Guicciardini
diffère d'axée tes autres daAs son récil; U prétend que Ferdinand n'étUt poiaUNapi^s,
•i M AH pat MAdie^oMalié au «omeni êb rabdkwtiim de sob père.
43*2 HISTOIRB DBS RÉPUBLIQUES rTALIENlXES
vait pas même laissé à son fils les moyens de défense dont il
aurait pu disposer lui-même.
Cependant Ferdinand était yenu se placer à San-Germano,
à quinze milles eu arrière des frontières du royaume, dans un
défilé resserré entre des montagnes âpres et impraticables, et
des marais qui s'étendent jusqu'au GarigHano. Ce passage,
facile à défendre, était considéré conmie une des clefs du
royaume de Naples. Ferdinand avait eu le temps de le forti-
fier avec soin , d'élever des bastions à Ventrée de la route, et
de fermer tous les défilés des montagnes avec des abatis d'ar-
bres. Il avait sous ses ordres deux mille six cents gendarmes
et cinq cents cbevau-légers, qui ne semblaient nullement infé-
rieurs à la cavalerie française : mais son infanterie, levée tout
récemment dans le royaume, n'était point accoutumée aux
armes, et ne pouvait tenir en rase campagne contre les Suisses
ou les Gascons. Les Français, qui avaient appris Fabdication
d'Alfonse le jour même où Charles YIII sortit de Rome i,
s'attendaient à éprouver à San-Germano une longue résistan-
ce. La saison, qui jusqu'alors leur avait été favorable d'une
manière qui tenait du prodige, pouvait changer d'un moment
à l'autre, et s'ils avaient été assailUs par les pluies ou les nei-
ges de l'hiver, il leur serait devenu fort difficile de faire venir
de loin des vivres et des fourrages, car Ferdinand avait dé-
truit par avance tout ce qui se trouvait sur leur route^.
Mais tous les calculs militaires deviennent vains lorsque
les troupes ont perdu la confiance et le courage. Les massacres
de Monte-Fortino et de Mont Saint-Jean avaient répandu une
indicible terreur chez les soldats et les paysans ; aucune trou-
pe n'était préparée à soutenir une guerre où elle n'attendait
1 Burchardi Dlar, ap, Raynald. ânnaL 1494, S S et 6, p. 440. — * Pauli Jovii Hist.
std temp. Lib. Il, p. 47. ~ GuicdanUni Histor, Lib. I, p. 61. — Mémoires de Phil. de
Comlnes. LIv. VI, ch. XV, p. 3j 8. — André de la Vigne, Journal de Charles Viiiv in
Godefroy. p. 130.
BU MOTEH AGE. .433
point de quartier. Les séditions dans les provinces, dont cm
recevait à chaque heure les nouvelles, faisaient craindre aux
soldats de se trouver coupés par un soulèvement; les progrès
de Fabrice Colonne dans les Abruzzes pouvaient lui donner
les moyens de tourner l'armée , et de descendre sur ses der-
rières dans la Gampanie^ Enfin les capitaines au service de
Ferdinand, regardant la lutte comme trop inégale, songeaient
déjà à faire leur paix particulière , et ils évitaient tout com-
bat, de peur d'exciter le ressentiment de Charles, ou de perdre
leur importance à ses yeux, si leur compagnie était diminuée
par les suites d'une action. Aussi, quelque effort que Ferdi-
nand eût fait pour rendre du courage à ses soldats, avec quel-
que soin qu'il eut fortifié San-Germano et le Pas de Gancello,
à six milles de distance , dès que les Napolitains virent pa-
raître l'avant-garde française, conduite ce jour-là par le duc
de Guise et par Jean , sire de Bieux, maréchal de Bretagne,
ils se retirèrent en désordre , et ne s'arrêtèrent point jusqu'à
Capoue^.
Cependant il y avait, de nouveau, moyen de tenir à Ga-
poue, et d'y arrêter l'ennemi, qui marchait sur Naples. Les
diverses routes qui entrent dans le royaume, se réunissent de-
vant cette ville ; elle est couverte par le Vulturne, rivière trop
profonde, et trop bien encaissée pour que l'armée pût la pas-
ser à gué : les Napolitains avaient retiré tous les bateaux sur
la gauche du fleuve; et le seul pont de pierre qui communi-
quait de Capoue au faubourg, était facile à défendre. Mais
pendant que Ferdinand songeait à s'y fortifier, il reçut de
Naples un messager de son oncle Frédéric, qui lui annonçait
un soulèvement de la populace. Déjà toutes les banques des
Juifs avaient été pillées par ceux qui les accusaient d'usure;
i PauU JovU HUt, Ub. II, p. so. — > F)*. Guicciardini. Lib. I, p. 67. —Pau/i Jovii
Blst, L. II , p. 50. — Phil. de Comines , Hémoires. L. VII , ch. XVI , p. 224. -- Le roi
coucha à Saint-Germain le i3 février. André de La Vigne, Jooroai, p. 130.
VH. 28
434 HISTOIRE DES REPUBLIQUES ITALIENHES
lès édifs des magistrats étaient méprisés, Taotorité royale mé-
connae; la garde urbaine se cachait, et la dernière elasse du
peuple dominait seule dans la ^illei. Quoique Ferdinand sen-
tit combien il était dangereux pour lui d'abandonner son
armée, il jugea plus dangereux encore de laisser s'étendre
l'insurrection de la capitale. Il supplia les capitaines, aux-
quels il confia le commandement de ses troupes, de poursui-
vre les préparatifs de défense qu'il avait commença;, mais
d'éviter tout combat jusqu'à son retour. Il promit de revenir
dès le lendemain, après avoir apaisé le tumulte de Naples ; et
it courut vers sa capiale avec une escorte peu nombreuse. La
présence de ce jeune roi si loyal, si franc, si connu pour sa
bonté, de ce roi qui avait commencé son administration par
remettre en liberté tous les prisonniers d'état retenus par son
père ^, eut sur les séditeax un effet magique. Le peuple as-
semblé écouta ses discours en silence ; Ferdinand promit de
se dévouer à Capoue, pour la défense de ses sujets : mais il an-
nonça aussi que s'il ne réussissait pas à arrêter au-delà du
Yulturne l'ennemi barbare qui les menaçait, il n'exposerait
point sa capitale au danger d'être prise d'assaut et pillée. On
répondit à Ferdinand par des protestations de dévouement et
d'obéissance ; tout parut rentrer dans l'ordre; et le jeune
prince se hâta de repartir pour son camp ^.
Mais pendant sa courte absence, les condottieri, qu'il avait
livrés à eux-mêmes, avaiedt déjà commencé à traiter avec
l'ennemi. Jean-Jacques Trivulzio, qui,jusqu à cette époque, ne
s'était point écarté des lois de l'honneur, qui depuis y demeura
fidèle dans le reste de sa carrière militaire, ayant eu de Fer-
dinand la commission d'entamer quelques négociations avec
les Français, se rendit à Galvi, ou Charles YIII était déjà 9 et
1 PauU JiwU. iib. U, p. Si. — > Peiri Bembi UUL VeneUu Lib. il, p. 29. - > Pmii
jovU UUU Uh. U, p. (1. — Le 19 Tévrier, selon SummoHie Ulor, <ii KapolU U VJ,
cap. Ù, p. 5lt,
Dt VLÔYtS AGE. 435
^mme il ne trouva aucune ouverture pour négocier au nom
de son maître, il n'hésita pas à signer pour lui-même son
traité particulier. Il s'engagea au service du roi de France^
avec la même compagnie de cavalerie qu'il avait jusqu'a-
lors tenue au service des rois aragonaiâ, et pour la même
golde^
Aussitôt que la nouvelle de cette honteuse défection fut par-
▼enue à Capode, elle y répandit un trouble égal parmi les
itoldats et parmi les bourgeois. Tirginio Orsini et le comte de
f itîghanô, se toyant trahis par Trivulzio, s'enfuirent en dé-
sordre vers Nola, avec toute leur cavalerie, laissant Naples à
découvert. Les habitants de Gapoue, quoiqu'ils eussent jus-
qu'alors paru attachés à la maison d'Aragon, abandonnèrent
^n parti, lorsqu'ils se virent les premiers exposés à la fureur
d*une armée barbare ; tandis que la noblesse envoyait des dé-
putations au roi de France, la populace commençait à piller
les équipages de l'armée et ceux de Ferdinand. Sur ces entre-
fadtes, quelques coureurs français s'avancèrent jusqu'aux por-
tes de Gapoue; deux capitaines allemands, Gaspard et Go-
defroi, qui avec quelques-uns de leurs compatriotes se
trouvaient à la solde de Ferdinand, étaient alors de garde à la
porte : ils en sortirent avec toute leur troupe, pour repousser
au-delà du pont les maraudeurs français. Mais il ne furent
pas plutôt hors des murs, que les habitants de Gapoue fer-
mèrent les portes après eux, et aborèrent les étendards de
France. Les Allemands, de retour à la porte : furent réduits
à supplier à genoux qu*oii leur ouvrit, pour ne pas les ex-
poser, au moment où ils avaient hasardé leurs vies pour dé-
t fiaitU JùvU iffef. tui ttmp. L. Il, p. &i. ^ fV. Guicctortfhti. Lft. I, p. ^. ^ FVatr .
Belûwrii cotwntaU Rêr, GaUle. U Vi, p. iii. -^ArnokU Ferroi^ lib. 1, p. ft^ — U
nouveau biographe de Triyulcio, Hosmiai, cherche à justifler oeite défection, L. V»
p. 2^7; et il assure que Trivulzio obtiat ua coogé de Ferdinand avant .de passer au ser-
vice de son nouveau maître , mais il ne nous parait point réussir A «ffaoer cetie UGlie«
de U Yie de s«li MrOi,
2«*
436 HttîOtU DBS RiPimUQUtB trALmHtt
fendre les Capooans, à être massaerés joaqa'an damier, pur
fennemi qa*ib Tenaient de provoquer. Après de longues in-
stances, on leur permit enfin de traverser la ville, mais dé-
sarmés, et par bandes de dix hommes à la fois, en les faisant
aussitôt ressortir par la porte opposée. Ces Allemands avaient
fait à pdne deux milles, sur le diemin d' Averse à Naples,
kffsqn'ils rencontrèrent Ferdinand, qui revenait en hâte à
son camp. Quelque troublé que fut ce jeune prince, des nou-
vdles qu'il recevait d'eux, il poursuivit sa route jusqu'aux
portes de Capoue, qu'il trouva fermées, n supplia qu'on le
reçut dans la ville, que les magistrats consentissent du m<»ns
à venir conférer avec lui : mais n'obtenant aucune réponse,
et ne voyant paridtre aucun de ceux qu il savait lui être dé-
voués, tandis que l'étendard de France flottait déjà sur les
murs, il reprit tristement le chemin de Naples^.
La nouvelle de la défection de Trivulzio, et du soulèvement
de Capoue, était arrivée avant lui dans cette capitale. Averse
avait déjà envoyé des députés à Charles : la populace de Na-
ples avait de nouveau pris les armes; elle avait fermé les
portes de la ville, déterminée à n'y point recevoir l'armée fu-
gitive, et Ferdinand fut obligé de faire un détour, et de pas-
ser par Coronata, pour entrer par le château dans la ville,
avec les débris de son armée. La populace qui parcourait
les mes en tumulte, vint bientôt piller sous ses yeux mêmes
les écuries royale. Ferdinand ne put supporter cette indi-
gnité; il sortit presque seul du château, et se jeta au miheu
des pillards pour les arrêter. La majesté royale, et le respect
qu'imprimait encore son caractère, les continrent pour la se-
conde fois; les uns jetèrent leurs armes et tombèrent à ses
pieds en demandant leur pardon; d'antres s'enfuirent en
abandonnant leur butin, et Ferdinand, ayant éloigné les sé-
i PauH JWU HitU Lib* II, p. 51. - Guicdardlni BUtor, Ub, I, p« (9.
DU MOYEN AGE. 437
ditienx de sa demeure, rentra dans le châtean. Il y ayait ras-
semblé environ cinq cents soldats allemands, que jusqu'alors
il avait trouvés fidèles ; il avait mis à leur tète Alphonse d' A-
valos, marquis de Pescaire ; mais bientôt il eu quelque lieu
de soupçonner que ces Allemands mêmes songeaient à le faire
prisonnier pour le livrer aux Français : aussitôt il leur aban-
donna une partie des richesses qui ^e trouvaient dans le châ-
teau; et pendant qu'ils étaient occupés à se les partager, il
fit brûler ceux des vaisseaux qu'il ne pouvait emmener : il
remit en liberté tout ce qui restait de prisonniers d'état, à la
réserve du fils du prince de Rossano et du comte de Popoli
qu'il emmena avec lui; puis il monta, le 21 février, avec son
oncle don Frédéric, la reine-mère, veuve de son aïeul, et la
princesse Jeanne, sœur de son père, sur les galères légères
qu'il tenait prêtes. Environ vingt vaisseaux étaient demeurés
sous ses ordres^.
Une nouvelle trahison attendait Ferdinand à Ischia, où il
vint aborder. Giusto de la Gandina, Catalan, commandant de
la forteresse de cette île, ne voulut point recevoir le roi fu-
gitif. Ferdinand demanda avec instance d'être admis au
moins avec un seul compagnon auprès du gouverneur. Il n'y
fut pas plus tôt, que, tirant son poignard, il accabla Giusto
de reproches sur son ingratitude ; il le saisit au milieu de ses
gardes armés, et lui inspira tant de terreur, comme tant de
respect aux soldats, qu'il fit ouvrir les portes à sa garde qui
l'attendait au-dehors, et qu'il demeura seul maître de l'île et
de la forteresse 2.
Cependant la soumission de Capoue, et bientôt après l'éva-
cuation de Naples par Ferdinand, avaient fait perdre courage
i fV. Gtdeciardini» Lib. I, p. 70. — Pt^JùvQ Hfst. ad temp. Ub. II, p. i% -^ Cf^-
nica Venez. T. XXIV, p. H. — * Fr. Otdccicffdini. Ub. I, p. 70. — PauU JaviL Lib. II.
p. 53. — Belearti Cammeni. ^er» GalL Lib. VI, p. t5% ^ Sunmonte* Ub. VI, c. Il«
p. 513,
43S HISTOIRE DES BEPUBUQUES» ITALIElTIfES
à tpqs les partisans qne conservait encore la maison d'Ara-
gon. Virginio Orsini et le comte de Pitîgliano, qui s étaient
retira à Kola, avec environ quatre cents chevaux, firent
demander un sauf - conduit à Charles : déjà on le leur
avait promis, lorsqu'ils furent attaqués par deux cents che-
vaux de la compagnie de Lignj. lis se rendirent sans résis-
tafice, et se laissèrent conduire prisonniers à la forteresse
4e Mondragone, tandis que tous leurs équipages furent
pillés 1.
Des députât de Naples avaient été au-devant de Charles,
jusqu'à Averse, et lui avaient offert les clefs de la ville. Ils
avaient été accueillis avec joie : le roi s'était empressé de con-
firmer les privilèges de sa nouvelle capitale, et d'en accorder
de nouveaux ; et il avait fixé son entrée au lendemain diman-
che, 22 février 2. Elle fut aussi brillante qu'aurait pu Têtre
celle d'un ancien monarque, ou d'un libérateur retournant
9près une longue absence dans des états oti il serait chéri.
Tputes les factions , même celle qui avait été dévouée à la
maison d'Aragon, et qui avait reçu d'elle tant de bienfaits,
semblaient se confondre en une seule, pour célébrer avec
joie un événement qui aurait dû paraître si humiliant à la
fierté italienne. C'était un roi étranger, accompagné de trou-
pes étrangères, qui venait chasser du milieu de ses compj^-
triotes un roi italien et toute sa famille, et qui s'asseyait sur
son trône par droit de conquête. Mais on ne voulait voir en
lui que le représentant de la maison d'Anjou, le successeur
légitime des princes qui avaient illustré ce royaume. Comme
le château Neuf et le château de l'Œuf étaient encore occupés
par les soldats de Ferdinand, Charles, après avoir été rendre
msL Fçn. jLib.J^Î, p. ^.r-' André ^e La Vigne, Journal fie Charlf» Viii, p. lU.—
Jl^aripj^rr^ftei J. ;^iy »p. 2fl4. — marip Sqnefe At^gr. AUegretU^ p, MO. — «ay>
' naidi AnnaÛ S 7« p, 440. ~ Summante, Lib. \1, c. II, p. 513.
DU |[QT£If ^G£. 4^^
^^œs à la grande église, alla loger au château de Çaf^apa,
apcienne résidence des rois français i.
Charles YIII n'ayait pas dessein de laisser longtemps des
garnisons étrangères dans les châteaux de sa capitale. Dès le
len.deipain de sou arrivée, il fit dresser des batteries contre le
château Neuf, dans la grande place qui est en face, et dans
le jardin royal qui est derrière. Quoique les assiégés eussen|,
<}e leur côté de rartillerie, ils ne savaient point, comme les
Français, en faire usage de nuit aussi bien que le jour. I)*ail-
leurs, les boulets tombant dans une enceinte murée, faisaient
voler des éclats de pierres et de muraille, et causaient beau-
coup plus de ravages que dans la rase campagne. On n^avait
point encore inventé les bombes, ni aucun projectile incen-
diaire; mais un boulet, en tirant une étincelle d'un caillou,
produisit l effet d'une grenade, dans le n^agasin à j[)oudre où
il était entré. Une effroyable explosion tua ou blessa un grapd
nombre de soldats ; le magasin de la poix et de la résine ,
que Ton conservait pour les lancer enflammées sur les assail-
lans, prit feu à son tour, et remplit de flammes et de fumée
toute la partie du château qui n'avait pas été détruite par la
détonation. Les blessés et ceux qui s'échappaient à moitié
brûlés du milieu de l'incendie, ne trouvaient aucun lien pour
se mettre en sûreté, aucun secours pour se faire panser j et
leurs cris lamentables glaçaient de terreur leurs compagnons
d'arn^es. Le même capitaine allemand, Gaspard, qui s'était
distingué par sa constance à Gapoue, regardant désormais la
.cause de Ferdinand comme perdue, exhorta ses compatriotes
à se partager les restes des trésors des monarques aragonais^
confiés à leur garde, et à se rendre ensuite. Us capitulèrent,
en effet, après ce honteux pillage, et ouvrirent, le 6 mars, la
1 Fr. GuicciftrdinL Lib. I, p. 71. - PauU Jùvii Eisior. Lib. Il , p. 52. — Pbil. de Co-
mises , Mémoires. L. VII. ch. XVI, p. 22s. — fr. BdchfU Comment. Ber. Gall. Lib. VI ,
p,iSZ,^Amold»FerronU,Ub,Up,iL
440 HISTOIBB DIS BiPUBUQUES ITALIEUHES
INMrte do cb&teao Neuf aax Français, tandis qa* Alfonse d* A-
Talos s'enfuit snr une galère légère qui était demeorée à
Fancre dans le port ^
Le château de l'Œuf, seconde forteresse de Naples, avait
été confié à la garde d' Antonello Piccioli, capitaine dévoué à la
maison d'Aragon : il est bâti dans la mer, sur un rocher isolé,
et séparé du continent par la main des hommes, mais dominé
par un autre rocher élevé, qui porte aujourd'hui le fort
Sauf Elmo, et sur lequel les Aragonais avaient bâti une sim-
ple redoute , nommée Pizzifalcone. Les Français eurent peu
de peine à s'emparer de celle-ci; ils y traînèrent de l'artil-
lerie, et, foudroyant de là le château de TOEuf, ils le contrai-
gnirent, le 15 mars, à capituler^.
Don César d'Aragon frère naturel du roi, qui avait défendu
les Abruzzes ayec Bartbélemi d'Alviano, et André-Hathien
d' Aquaviva, avait fait sa retraite sur le comté de Molise, avec
environ cinq cents gendarmes et trois mille fantassins. Il se
proposait de traverser la Fouille, pour s'arrêter àBrindes, à
Otrantc ou à Tarente, en attendant qu'il pût recevoir les se-
cours de Ferdinaud-le-Gatholique, ceux des Turcs, et ceux
des états de la haute Italie, dont on savait déjà le méconten-
tement. Mais Fabrice Colonne , qui poursuivait cette petite
armée, ne lui laissa pas un jour de repos ; de toutes parts le
pays se révoltait autour d'elle; tous les défilés, tous les pas-
sages de fleuves étaient gardés par des paysans qui avaient
déjà arboré les étendards de France. Don César, dont la troupe
diminuait d'heure en heure par des désertions, arriva à Brin-
des avec quelques gendarmes seulement ; et il conserva cette
forteresse à son frère. Tout le reste de sa compagnie se dis-
t PmU JwU HisL Lib. H, p. 53. — Fr. Guiedardini HUl Lib. II, p. 83. — UAmoires
de PbU. de Comines. Uv. Vil, ch. XVII, p. 231. — > Fr, Gmcciardini, Lib. II , p. 83. —
Pauk JovH UisL Lib. II « p. ii^-^Burchardi ÙiarUm, apwi tumnatd* Annal. 149S, S i,
p. 440.
DU MOTDf AOS. 441
persa; etdaos toutes les provinces qui bordent F Adriatique,
U ne se trouva bientôt plus un seul petit corps d'armée qui
défendit le parti d'Aragon ^
La terreur qui précédait les armées françaises, et qui ac-
complissait seule pour eux leurs conquêtes, s'étendit même
sur l'autre rive du golfe Adriatique. Les Turcs de l'Épire et
de la Macédoine, voyant partout les drapeaux français arbo-
rés sur les villes napolitaines, furent frappés d'un tel effroi,
qu'ils abandonnèrent presque toutes les villes des côtes où ils
étaient en garnison. Les Grecs, au contraire, se hâtèrent d'a-
cheter des armes, des chevaux, des vivres, et de se préparer,
avec une imprudente publicité, au massacre de leurs oppres-
seurs, qui devait commencer, disaient-ils, dès que les pre-
miers bataillons français auraient abordé sur leurs rivages.
Ces démonstrations inconsidérées amenèrent bientôt sur eux
la ruine et l'écrasement^. Un archevêque de Durazzo, alba-
nais de naissance, avait été chargé par Charles YIII de ses
négociations en Grèce : il était secondé par Constantin Aria-
nitès, oncle de Marie, marquise de Montferrat, chez laquelle
il s'était réfugié; Constantin prétendait être héritier des
royaumes de Thessalonique et de Servie*. Il vint avec l'ar-
chevêque, joindre à Venise Philippe de Gomines : de là ils
avaient étendu leurs intrigues sur toutes les côtes de l'Alba-
nie. Mais l'archevêque de Durazzo, homme léger et vaniteux,
loin de cacher ses négociations, y mit une telle ostentation,
que les Yénitiens, déjà jaloux des succès des Français, le fi-
rent arrêter au moment où il partait imr un vaisseau chargé
d'armes pour les côtes d'Épire. Ils envoyèrent tous ses pa-
piers à Bajazeth ; et des milliers de chrétiens grecs furent
1 PauH JoviL Ub. If, p. S4. — PhU. de Gomines, Mém. Uy. VII, ch. XVI, p. 226. —
s Pauli JoviL Ub. II, p. SS. — Pétri Bembi HisU Yen, Lib. II, p. 31. — > Marie, mère
et tutrice de Gnillàume-Jean de Montferrat, dernier despote de Serrie. Elle fit venir é
sa cour, en I48d, Constantin Arianitës» son oncle > qni acquit dés lors tm crédit absoln
sur son esprit. ïï9Menmo cTe 8aRclo*6eof0<o BiiU MonUtferré T. l^Xiif^p. r56«
4^2 HISTOIRE DES Jt|P|^;4qpB$ ITALIENNES
Tîctimef de Fimpradeiioe française et de la poQ^epex$^ .
de Yenisei.
Cependant il suffisait d'observer de près Tannée française
pour ne mettre plus aucune confiance dans la durée de pies
fpecès ou de sa domination en Italie. Le pape Alexandre YI di-
fiiait d'elle, q;u'elle ^vait fait la conquête du royap^ de Na-
ples avec de la oraie et des éperons de bois, parce que, comme
elle m troi^v^it nulle part de résistance, ses fourriers la prié-
cédaient toujours, marquant les logements avec de la craie
dans les villes où elle devait arriver pour prendre se|s qi^ur-
tiers ; et parce que, les gj^ndarmes, pour ne point se fatjigaer
en portant leur pesante armure qu'ils réservaient pour le
jour du combat, s'avançaient à cheval, en veste du matin, et
les pied0 dans des pantoufles auiquelles ils adoptaient une
aiguille pointue de bois, pour leur tenir lieu d'éperons^. Mais
cette armée, qui n'avait point encore combattu, avait cepen-
dant conçu d elle-même une si haute opinion, et un si profond
mépris pour les Italiens qui s'étaient enfuis devant elle, que
gon insolence devait rendre bientôt son joug insupportable.
Perron de Baschi et d'Aubigny furent envoyés en Calabre
sans soldats, pour prendre possessiQu de la province, et non
pour la conquérir ; en effet, toutes les villes leur ouvrirent
leurs portes, à la réserve de Tropéa et d'Amantéa, sur le golfe
de Sainte-Euphémie : celles-ci même avaient arboré les éten-
dards de France; mais apprenant qu'elles avaient été données
en fief à un baron français, comme elles voulaient ne dépen-
dre que de la coçropne, elles relevèrent les drapeaux d'Ara-
gon 3, Reggio, la citadelle de Scylla, celles de Bari et de Galli-
poli, dans la mer dOtrante, demeurèrent au^si fidèles à Fer-
dinand^. D'ailleurs toutes les provinces étaient soumises; et
i Pbil. de Comioet, Mémoires, h. VU, cb. XV|I, p. 232. — Fr. GvicciardiffL Lib. U,
p. «6. — * Phil. 4e Comines. L. VU, ch. XIV, p. 213. — > Ibid. L. Vlî, ch. XVI, p. 22«.
r- ^r. ÇtOeciardini Bist. Lib. I|, p. 84, — * BarOioL Senarega de J^b. Gcnvew.
T. XXIV, p. ^7.
0ir KOTisq AipB. 443
tons les grands seignefirs du royaume /ic^ogrjou^ j^ Naples
pour faire leur cour au monarque fr^pç^ls. Le mijourqi^is de
Pescaire seulement, le comte d* Acri et le marquis ^e Squillaee,
s'étaient retirés en Sicile, tandis qp'on voyait auprès de
Charles YIII le prince de ^aleroe qui jetait arrivé avec la
flotte française, le prince de Bisignano son frère, et ses en-
fants; le duc de Melfi, le duc de Graviiip, le vlepx duc d^
Sora, le frères et les neveux du marquis de Pescaire, le comte
de M ontorio, les comtes de Fondi,d'Atripalda, de Gélapo^ de
Troïa, celui de }?opoli que Ion trouva dans les prisons de
Naples, le marquis de Veaafro, tous les Galdorescfai et les
comtes de Matalona et deMérillano * . Mais teindis qu ils s'em-
pressaient tous de témoigner leur dévoùment et leur obéis-
sance, les Français semblaient n en trouver aucun digne de
ménagement ou d'estime. Charles VIII retira, à la plupart
d'entre eux les fiefs ou les offices qu'ils tenaient de la cou-
ronne, pour les donner à des Français. A peine y eut-il un
gentilhomme auquel le roi n'enlevât qqelque chose, et qu'il
lie jetât ainsi dans le parti des mécontents. Les anciens parti-
sans de la maison d'Anjou avaient espéré être rétablis, parle
triomphe de leur faction , daps la possession des biens autre-
fois confisqués sur eux ; un pareil bouleversement de toutes
les fortunes, après soixante ans de possession, aurait sans
doute été aussi impolitique qu'injuste; il aurait renouvelé le
mal de la première spoliation, au lieu de le réparer. Cepen-
dant il pe fallait pas, sans de grands ménagements , confon-
dre les espérances du seul parti sur lequel la maison de
France pût compter dans le royaume : la prodeace^ au dé-
faut de la reconnaissance, aurait conseillé au roi d^ chercher
tous les moyens de compenser les pertes des faûiilles qqi
avaient souffert pour sa cause; il aurait dû réprimer toutpen-
1 Mémoires de Pha. de Cominei. L. VII, cfa. XVI, p. 327.
444 HI8TOIBB DES BÉPUBLIQtJES ITAIiIEinrES
chant à des largesses grataites, lorsqu'il avait auparavant une
dette si sacrée à payer : aussi le parti d* Anjou reçut-il ayec
indignation l'édit qui maintenait les nouveaux acquéreurs
dans les possessions confisquées, et qui leur promettait main-
forte pour les y rétablir, s'ils en avaient été chassés par la
force, d'autant plus qu'il sut que le président de Gannay
et le sénéchal de Beaucaire avaient rendu cet édit à prix d'ar-
gent <.
Le roi semblait n'avoir entrepris la conquête de Naples
que pour se livrer au plaisir dans sa nouvelle capitale, y célé-
brer des fêtes et des tournois , et associer la galanterie fran-
çaise au luxe et à la délicatesse des IVapolitains. Ses courtisans,
enflés d'orgueil après cette guerre sans combats, s'abandon-
naient sans réserve à l'enivrement de' toutes les jouissances.
Les simples soldats eux-mêmes, Suisses, Français et Alle-
mands, étaient énervés par la mgllesse qu'inspire un climat
délicieux. L'abondance et le bas prix des vins les plus exquis,
la variété des fruits et des productions de cette terre fertile
les acoutumaient à des jouissances jusqu'alors inconnue s
Personne ne songeait plus à l'expédition de Grèce , personne
ne désirait s'exposer à de nouvelles fatigues et de nouveaia
combats ; et ce projet , annoncé par la chrétienté pour sanc-
tifier la guerre d'Italie, ne semblait plus qu'un vain prétexte
par lequel on avait voulu tromper tous les princes de l'Eu-
rope 2.
Charles ne songeait pas plus aux préparatifs de défense et
aux moyens de se maintenir, qu'à ceux de porter plus loin ses
attaques. Deux fois , il est vrai , il avait eu des conférences
avec don Frédéric d'Aragon, qui était venu à lui sous la foi
d'un sauf-conduit. Charles, pour engager Ferdinand à renon-
1 Mém. de Phil. de Comines. L. VII, ch. XVII, p. 330. — « PaaU Jovii Bist. Lib. II,
p. 5S. — BurcAâKfi Dior, apud Rai^no/tt 1495, S lo, p. 44o«»l>. Bêkarii Comment.
U VI, p. IM.
Dt MOTlSn AGB* 445
cer à ses prétentions snr h conronne de Naples, loi offrait
en dédommagement an duché dans Tintérienr de la France ;
mais Ferdinand Yoolait conserver le titre de roi et le gonver-
nement de Naples en offrant seulement de rendre sa couronne
tributaire de celle de France, et de donner aux Français des
places de sûreté. La négociation se rompit, et cependant
Charles ne fit.aacane tentative pour forcer son rival dans Is-
chia*. Il ne maintint point approvisionnées les places de
guerre dont il s* était emparé ; il abandonna inconsidérément
tous les vivres rassemblés dans le château de Naples à ceux
qui les lui demandèrent en présent. U nomma des Français
pour gouverneurs de toutes lesvilles et forteresses du royaume,
et ceux-ci, avec la même légèreté, ne songeant gu*à amasser
de Taisent au moyen du rang qu'ils avaient obtenu, loin
d'augmenter leurs forces et de se mettre en état de défense,
vendirent au plus offrant les approvisionnements et les armes
qu'ils trouvèrent dans les forteresses. C'est au milieu de cette
profonde sécurité, de ces festins et de cette dissipation que le
roi et l'armée française furent tout à coup éveillés par la nou-
velle de l'orage qui se formait contre eux dans le nord de
l'Italie, et qu'ils virent succéder à une prospérité presque
miraculeuse le torrent non moins rapide de l'adversité ^.
1 Phil. de Comines. Ut. VII, eh. XVII, p. 278. — Franc. GuieeiardinU Lib. II, p. t4.
— Àmoldi Ferronii. L. I, p. il. — * Mémoires de Phil. de Comines. Liv. VU, ch. XVII,
p. 231. — Fr. GuiceiardinL Lib. II , p. ftS. — Histoire de Fnnce , par uu gentilhomme
du duc d'ADgoulôme , publiée par Denys Godeflroy. Charles Vlll, p. 103.
446 mSTOUK Ulà$ kÉPO^LIQOËà ITALlCmiKS
CHAPITRE XIV.
Revolutioas pccasionées en Toscane pir le pafisa^e de Gharies YllI. —
Efforts des Florentins pour reconstituer leur république^ sottinettre
Pise, et se soustraire à la malveillance des Siennais, des Lucquois et
deé Génois. — Inquiétudes des Vénitiens sur les succès de Char-
les Vllt ; ligtre dé Tllalie pour maintenir son indépendance.
1494-14»».
1494. — Charles TIII n'aviét guère pas^ plod d'un mcas
en Toscane, depuis son entrée à Sarzane jusqu'à sa sortie de
Fétat de Sienne; mais dans ce court espace de temps, il avait
entièrement bouleversé rot^ganisation de cette province. Dé-
puis plus d^uti siècle, les Florentins y avaieilt acquis une telle
prépondérance, qu ils conservaient seuls une influence mar-
quée sur la politique du reste de l'Italie, ou sur celle de F Eu-
rope. Les différentes villes de leur territoire leur était si com-
plètement soumises, quoni n'entendait plus parler de leurs
anciennes factions, et que si quelque abus de pouvoir, ou les
intrigues de quelque ambitieux y faisaient naître un soulève-
ment, il était presque inuuédiatement étouffé. Sienne et
DU MOYEN Aén. 447
Lacqde^ éSiiservaiènf seules leur indépèiiâànée ; niais né pou-
vant lutlët' filvèc un état aussi puissant que celui de Florence ,
elles cherchaient à se faire oublier ; elles demeuraient étran-
gères à la politique générale de l'Italie, et malgré leur secrète
jalousie, elles entretenaient avec les Florentins une constante
ptàjL. Tout à coup, r armée française qui traverse la Toscane
rend à Pise une liberté dont cette ville avait été privée quatre-
vingt-sq^t ans ^ renverse le gouvernement établi â Florence
depuis soixante ans, répand dans tout Fétat florentin des
gennes d'insubordination et des projets d* indépendance qui
fiirent bientôt suivis par la révolte de Montépulciano : elle
CKncourage les Génois à recouvrer par le^ armes la possession
de Sarzane et de Piétra-Santa qu'ils avaient perdue dans
une précédente guerre ; rend aux Lucquois et aux Siennais
Taudace, qu' ils avaient depuis longtemps déposée, de provoquer
le ressentiment des Florentins et de faire alliance avec leurs
ennemis; anéantit enfin^ par cette opposition universelle d'iù-
téréts et de passion^, les forces d'une des plus puissantes ré-
gions de l'Italie, d'une région qui plus que toute autre &e
serait empressée de défendre l'indépendance nationale, et qui
en aurait trouvé le pouvoir, si œ n'est dans l'esprit beUi-
Qtieux de ses liabitaûts, du moins dans la richesse de ses villes
et l'habileté de ses gouvernements.
Florence aVait perdu la plupart de ses habitudes répubh-
caines, pendant les soixante ans durant lesquels elle avait
obéi à Une £Êiniille qui , pour déguisel: son despotisme , s'en-
tourait d'une étroite oligarchie. £n recouvrant l'ensemble de
sèB droits, cette république Ignorait elle-même qu'elle était
leur étenâhe. Presque tous les Italiens désiraient la hberté :
mais cette liberté n'était nullement définie ; et personne ne se
rendait coiilpte avec netteté du but qu'il voulait atteindtiB.
Quelque» abus criants dans le gouvernement d'un seul, bles-
saient tdttë ùMl^ qtû les avaient éprbuvéd; et le nom mètbe
448 HISTOIRE DES BiFUBLIQUXS ITALlEIlirES
de monarchie paraimit exclure tonte idée de Bberté» Par op-
position, on n<mimait république le gonvemement oii Tan-
torité de plusieurs était substituée à celle d'un seul ; et Ton
regardait comme la république la mieux constituée , celle qui
avait entouré son existence de plus de garanties , et qui avait
réussi à repousser le plus longtemps le pouvoir monarchique.
Mais Ton n'examinait jamais si dans telle ou telle république,
il y avait plus ou moins de liberté , si même , les institutions
qui garantissaient le mieux sa durée^ n'avaient pas absolument
détruit la sûreté du citoyen ; et l'on nie soumettait jamais le
gouvernement à la seule épreuve qui puisse dédder de sa bonté
ou de ses défauts; l'on n'examinait pas s'il rendait heureux
le plus grand nombre possible parmi les citoyens qui lui
étaient soumis, et s'il le& perfectionnait en même temps, en
développant leurs facultés.
La Providence a imprimé dans le cœur de chaque homme
le désir du bonheur, et c'est le mobile de ses actions ; mais
elle semble lui indiquer en même temps un but plus relevé,
par les facultés qu'elle a mises en lai , par les jouissances
qu'elle a attachées à leur développement, par le désir constant
d'un état plus parfait, qui donne du ressort à l'esprit de
l'homme. Il y a pour chaque condition , pour chaque degré
de lumières 9 un degré de bonheur correspondant; et il sa-
tisfait ceux qui n'en connaissent pas un plus relevé. Les peu-
ples les plus abrutis prennent pour du bonheur, le repos,
l'ivresse , et les accès de joie qui tiennent à des causes toutes
physiques. On nous dit que l'esclave nègre est heureux, parce
que dans les courts repos qu'on lui accorde les jours de fête ,
des cris de joie animent ses danses, ou bien parce qu'il s'aban-
donne aux plaisirs de l'ivresse ou de l'amour. Mais à mesure
qu'on écarte les obstadesqui s'opposent au développement des
facultés de l'homme, son bonheur se compose de jouissances
plus nobles; la pensée, le sentiment, la conscience de soi-
DU MOYEIH AGE. 449
même, ont plas de part à, ses plaiflirs. Son âme devient une
plus grande partie de son être; e*est elle qui demande à être
satisfaite, c'est elle qui peut être blessée de mille manières, et
qui s'indigne contre les entraves dont on veut encore la char-
ger. Dans cet état perfectionné, les souffrances sont plus vives
peut-être; mais les jouissances sont plus nobles; elles sont
plus conformes à la nature humaine, elles remplissent mieux
le but de la Providence : car celle-ci ne nous a pas donné le
désir et le pouvoir de nous élever, pour que nous cherchas-
sions le bonheur dans l'abrutissement; elle a voulu au con-
traire le développement de toutes les facultés dojit elle a mis
en nous les germes. On ne peut pas plus répondre à la ques-
tion : l'homme pensant, l'homme moral, l'homme libre, est-
il plus heureux que l'homme abruti , qu'on ne peut comparer
le bonheur de la brute à celui d'une intelligence céleste. Mais
l'on peut répondre que l'homme pensant, l'homme moral,
l'homme libre, s'est conformé à sa nature; et que l'homme
qui a perdu la réflexion , la liberté, et cette fierté qui repose
toujours sur le sentiment de l'honneur et du devoir, que cet
homme a dépravé sa nature.
Un gouvernement doit donc être estimé bon, lorsque non
seulement il rend les honunes heureux, mais qu'il les. rend
heureux conmie dès hcHnmes : il doit être estimé mauvais, s'il
ne leur permet d'autre bonheur que celui des brutes. Le pre-
mier est d'autant meilleur qu'il rend, proportionnellement,
plus de membres de l'état susceptibles du bonheur moral; le
second est d'autant plus mauvais qu'il en réduit un plus
grand nombre à ne désirer que les seules jouissances phy-
siques.
Ceux qui ont une fois goûté de la liberté politique savent
que le plus sûr moyen d'élever l'âme, de la tirer du cercle
étroit des intérêts égoïstes, de l'accoutumer à des pensées
plus nobles, à des idées plus générales, de la convaincre de sa
VII. 29
450 HISTOI&B DES RfiPXJBLIQUCS ITALI£1IH£S
propre ^gnité, de loi faire désirer les connaissances , et pré-
férer les jouissances qni Tiennent de la pensée ou du coeur,
c'est d* élever rhomme au rang de citoyen , de lui donner un
intérêt dans la chose publique et une part à la souveraineté.
Ils savent encore que le moyen le plus sûr de dégrader Tàme,
c'est de la tenir constamment en tuteHe , de la nourrir de
craintes vagues, de lui ôter toute confiance dans son bon
droit , toute indépendance dans ses choix , de la soumettre
enfin à une autorité arbitraire , qui remplace dans toutes les
occasions de la vie la volonté de l'individu par le commande-
ment du supérieur. Ainsi le grand but d'un bon gouverne-
ment devant être d'âever des hommes, il y réussit d'autant
mieux qu'il admet un plus grand nombre de citoyens à parti-
cipa à faatorité souveraine, et qu'il protège )e mieui le libre
arbitre de chaque sujet , sa sécurité et ses droits , contre tout
abus du pouvmr.
Sous le nofli ke la liberté on confond sans cesse une faculté
et une garantie qui n'ont pas de rapports très immédiats : ia
Ifi^erté politique des états consiste dans la participation du plus
grand nond)re possible à la souveraineté : la liberté individuelle
des citoyens consiste dans la garantie de tous ceux de lears
d^ts dont il n'a pas été nécessaire de les dépouiller pour que
le gouvernement p6t se maintenir ; elte se compose donc de
leur sûreté personnelle, du maintien de leur propriété, de Tim-
parttatité des tribunaux, de la certitude de la justice, de l'im-
peisâhilité des vexations arbitraires. Ces deux Ôb^rtés n'étaient
point d^silea dans ks républiques du moyen âge , et elles n'é-
tttcnt que fort inégalement garanties. Dans aucun pays peut-
être, la grande masse des sujets del'étatn' était plusqu'à Yeniae
exclue de toute part au gouv^nement * Tandis que deux ou trois
mille gentilsbomsies composaient seuls toute la république,
on èomi^aâidans Venise même cent cinquante mille habitants;
et les provinces de teire^-^me , en ItaUe, avec celles de Dal*
ou MOTCK AG2. 451
matie et de Grèce , contenaient quelques milHons de sujets.
Tous étident exclus, par la plus soupçonneuse jalousie, de la
connaissance de ce qu on appelait les secrets de l'état. Toute
tentative qu'ils auraient faite pour participer au gouTeme-
meut aurait été considérée comme une conspiration et punie
comme un crime. Dans aucun état d'ailleurs, même dans le
plus despotiqiie , l'autorité du goorememeot ne reposait au-
tant sur la crainte ; nulle part les tribunaux ne s'entouraient
d'un plus profond secret et de formes plus redoutables ; nulle
part ils ne disposaient plus arbitrairement de la propriété, de
kl liberté et de la m des citoyens comme des sujets ; nulle
part des coups d'état ne frappaient de punitions plus terrible»,
et enveloppées en même temps de jim de mystère, ceux qM
avaient excité les soupçons d'une jalouse oligarchie.
Cependant alors la république de Venise avait déjà subsisté
plus de mille ans : die avait à peine été agitée par quelques
guerres dviles , et depuis plusieurs siècles elle avait réprimé
tooles les factions, prévenu tons les complots avant leol^ ex*
ploBÎon , évité toutes les révolutions. Au dehors, sa politique ,
eonstamment heureuse, avait soumis plusieurs nouveaux états^
étendu dans tous les sens sa d(»nination autour des lagunes
eu elle était origimûrement renfermée, augmenté sa richesse,
son eommeiree et son industrfe, et imprimé à tous ses voisins
de la crattite et du respect. Tous ces avantages n'étaient p<»ttt
dus à la vraie liberté; car celle-ci n'était point connue à Ve-
nise, mais à k fmrim républicaine de son gouvernement, à la
prudence de son sénat, bien supérieure à celle d'un prinee, à
sa eonstance inébranlable, à son éconcffliie, qui aocunHsâait
sans relâche ks trésors que tes prodigalités d'une jeune oonr
auraient cfesîpés, enfin au défou^nent pour la fshose publique
de celte classe peu nombreuse , mais riche et ornée de grands
talents, à qui la chose publique appartenait.
Mais la durée et la puissance sont les deia prérogative» f «i
a»!
452 HISTOIUS DBS RÉPUBLIQUES ITALIBNUrSS
frappent le plus les yeax des hommes ; et Venise inspirait à
toute l'Italie Fadmiration et le respect qn*une république ne
mérite que par une oonstitation juste et libre. Lorsqu'il fut
question de reconstituer le gouTcmement de Florence , cette
admiration pour Venise fut également professée par tous les
partis : ce fut le modèle que les hommes d'état se mirent ré-
ciproquement sous les yeux, cdui d'après lequel chacun cher-
cha à justifier son système propre. De même qu'on a -vu de nos
jours l'exemple de l'Angleterre invoqué par tous les partis,
dans tous les pays qui prétendent à être libres ; de même on
Tif à Florence, après la chate du gouyemement des Médicis,
tous les hommes d'état chercher à Venise un modèle pour la
nouvelle république. Pi^nl-Antoine Sodérini , citoyen univcar-
sellement estimé, et qui désirait élargir le cercle de l'aristo-
cratie , et faire participer à la souveraineté un plus grand
nombre de Florentins, proposa Venise à ses concitoyens pour
modèle ; il montra que le nombre de ses gentilshommes éga-
lait celui des hommes qu'il invitait à reconnaître à Florence
comme citoyens actifs : il regretta que d'anciennes habitudes,
des préjugés enracinés dans le peuple , ne permissent pas de
rendre la ressemblance des deux républiques plus parfaite, et
il déclara enfin qu'à ses yeux le sort le plus heureux pour Flo-
rence serait d'arriver au même degré de stabilité et de sagesse
que les Vénitiens avaient su donner à leur gouvernement*.
On vit ensuite Guid' Antonio Vespucci, jurisconsulte fameux,
et renommé surtout pour son adresse et sa forte logique,
maintenir les avantages de l'aristocratie, déclamer contre
l'imprudence et la versatilité du peuple, opposer la sagesse
d'un sâiat à l'instabilité de la multitude, en rétorquant contre
son adversaire l'exemple de Venise, et en faisant voir que dans
cette république, objet de l'admiration universelle, ce n'était
na MOYEN AGE. 453
point le oorps des gentilshommes, mais ane oligarchie resser-
rée entre un très petit nombre de membres des conseils supé-
rieurs, qui exerçait en effet la souveraineté * . On vit le père
Sayonarole, mêlant l'autorité divine aux affaires d*état, s* ap-
puyant sur ses propres révélations , et sur le droit de Jésus-
Christ à être seul roi dans Florence, consulter cependant
Texemple des Yénitiens, dans la constitution qu'il voulait
donner à la république^. On vit enfin tous les politiques spé-
culatifs de l'Italie, Guicciardini, Giovio, Yarchi et surtout
Macchiavel, s'accorder dans leur admiration pour Venise.
Philippe de Gomines , le plus philosophe des historiens fran-
çais de ce siècle , et celui qui avait le plus réfléchi sur la con-
stitution des gouvernements, professait les mêmes sentiments'.
Macchiavel ne voyait que trois républiques qui, dans l'histoire
du monde, méritassœt d'être étudiées et imitées, savoir : Ho-
me, Sparte et Venise. Les deux dernières lui paraissaient ap-
partenir à une même classe : il concluait du long maintien de
leur constitution que sa forme était la meilleure ; mais il ne
la jugeait propre qu'à l'état stationnaire, autant qu'une cité
évite le danger d'être attaquée et qu'elle résiste à la tentation
de faire des conquêtes : aussi regardait-il la constitution de la
république romaine, non comme la mdUeure, mais comme la
plus digne d'être imitée, et comme s' adaptant le mieux aux
circonstances dans lesquelles entraine la f ataUté ou la force
des passions humaines. Le défaut de celle de Venise à ses yeux
n'était pas de méconnaître la liberté, mais d'être exposée à se
corrompre lorsque des conquêtes viendraient augmenter le
territoire de la république ^.
On distinguait alors, dans Florence, trois partis, entre les-
' 1 Fr. GuîccUvdini. Lib. Il, p. 80.^< Vita delP. Savonarola, Lib. II, cap. 17 et seq.
p. ZS.^Jacopo «anU Ut. Fior. Lib. I, p. 29.— > Mémoires de Phii. de Comlnes. Ut. VII,
cb. xviii, p. 243. — * MacchimelU Discorsi êopra TiUh-UvIOp Libro I, capo 5 , c. c,
p. 35-47.
454 HISTOIEK DES eépubliquis italiehues
quels se discutait la nouvelle omstitutioB à douner à la ré-
publique; etchaeuncfaercbait à s'assurer à lui seul k pouvoir*
Le premier et le plus ooDsidérable, soit par le rang et fan-
denueté des maisons qui 8*y étairat attachées, soit par le nom-
bre des citoyens plus obscurs qui se rangeaient sous leurs
drapeaux , soit par le désintéressanent de les vMs et la mo*
ralité dont il faisait profession, était sous Vinfluenoe inuné-
diate du frère Jér6me SaTunarole. C'étaient des citoyens qui,
se proposant en même temps une réforme dans l'état et dans
l'égal regardaient la liberté et la religion comme insépara-
bles, accusaient la tyrannie des Médicis d'avoir corrompu les
mœurs et ébranlé la foi, et n'espéraient le rétablissement de
l'andenoe pureté qu'autant que la liberté en sorait la garan-
tie. Ceux-là désiraient un gouvernement populaire auquel la
grande masse des citoyens fût intéressée; mais comme ib ne
séparaient jamais leurs vœux pour une constitution plus libre,
d'exhortations à la réforme et à la pénitence, on les désignait
par les surnoms de Fraieiehi et de Piagnonù de Monacaux
ou de Pénitents. François Yalori et PAul-Antoine Sodânni ,
étaient, après Savonarole, les cbefe les plus distûigués de ce
parti ^
La faction immédiatement imposée à celle-d était com^
posée principalement de ceux qui, ayant participé au gouver-
nement des Médids, et s'étant ensuite brouilla avec les diefii
de cette famille, auraient voulu conserver pour eux-mêmes
l'autorité qu'ils lui avaient enlevée, et remplacer les préroga-
tives presque monarchiques de Pi^re par celle d'une étroite
oligarchie. Us étaient secondés par la plupart des jeunes gens
de lamiUe noUe, qui ne pouvaient se soumettre à la réf<Mrme
des moeurs et à l'austérité monacale imposée par Savonarole.
Ils£Soupçonnaient d'hypocrisie et de fraude ceux qui les en-
^[CommenUai <S FlUppo^dt^ VerU, Ub. IV, p. M.
DU MOYElf AGI. 455
tretenaient sans c&m de prophéties, de miracles et de mortir-
fications, et ils ne voulaient point d'une liberté qui ôterait à
la. vie tontes ses jouissances^ Ces jeunes patriciens avaient
formé une société, à la tête de laquelle ils avaient placé Dolfo
Spini^ homme d'une famille illustre et riche, mais qui n avait
ni le^ talents ni le caractère d'un chef de parti. Quoique cette
société fût principalement destinée au plaisir, elle acquérait
par son union une assez grande influence politique. Elle donna
son nom au parti des arrabiati ou des compagnacci (des en-
ragés, ou des méchants compagnons); tandis que les oligar-
ques plus sages, qui se servaient d'elle sans s*y associer, s'é-
clairaient surtout par les conseils de Guid' Antonio Vespncci • .
Enfin il restait dans la république un troisième parti, celui
des Médicis, qui , égalemeut aux prises avec les deux autres,
n'osait point avouer publiquement ses vœux. Il gardait le
silence dans les conseils, et ne paraissait point prendre part
aux déUbérations ; mais quand le moment de voter était venu.
Ion s apercevait de l'influence de ses suffrages.
On distioguait les membres de ce parti par le nom de bigi
ou gris, comme pour indiquer l'ombre dont ils s'envelop-
paient. L'oUgarchie avait voulu les proscrire, pour s'établir
pins sc^dement, tandis que Savonarole prêchait à son parti
l'oubli et la réconciliation ; c'en fut assez pour quelesgrm
secondassent par leurs votes la faction populaire, qui déjà
sans eux avait l'avantage du nombre ^.
Charles VIII était parti de Florence le 26 novembre^ et,
le 2 décembre, la seigneurie assembla le peuple en parlement,
sur la place publique. Quoique le parlement sanctionnât tou-
jours toutes les révolutions, sa convocation était cependant
un hommage rendu à la souveraineté du peuple. On le regar-
dait comme pouvant seul dispenser de la constitution, et
1 rmfn>o de* N»à Cûrmenu Lit), rf, p. es. — « tm. Ltb. iv, p. 49.
4S6 HISXOIBB BX8 BiPUBLIQUSS ITALIENIVJSS
étabUr une autorité supérieure aux lois. C'était cette autorité
que la seigneurie et le collège comptaient demander, sous le
nom de balie, afin de pouvoir reconstituer la république.
Gommé les prieurs voulaient cependant s'assurer des suffrages
de ce peuple qu'ils semblaient consulter, ils postèrent, à tou-
tes les ouvertures de la place, quelques jeunes gens de bonne
famille, avec desfantassins armés, pour empêcher, disaient-ils,
que la place ne se remplît de plébéiens, ou d'ennemis du
nouveau gouvernement^ lorsque le son de la cloche inviterait
tous les citoyens à se ranger sans armes sous leurs gonfalons,
et à se réunir par compagnies ^ Le peuple s' étant rassemblé
sans tumulte, de cette manière, la seigneurie descendit du
palais, sur le balcon qui dominait la place. Elle fit lire les
conditions de la balie qu'elle demandait^ ensuite elle invita
le peuple à déclarer s'il se trouvait sur la place les deux tiers
des citoyens florentins : on répondit, par acclamation , que
oui ; elle demanda encore si le peuple voulait que la seigneurie
et le collège fussent revêtus temporairement de toute l'auto-
rité de la nation florentine ; on répondit de nouveau , par
acclamation, que oui : alors la seigneurie remonta dans le
palais, et le peuple se retira ^.
Les partis n'avaient point encore suffisamment éprouvé
leurs forces, et, dans cette révolution si subite, on savait à
peine vers quel but tendait chaque citoyen i aussi les pre-
mières opérations de la balie furent-elles incertaines, et ne
laissèrent-elles point connaître si le gouvernement penche-
rait vers r aristocratie ou la démocratie : il se contenta de
nommer vingt commissaires qui, sons le nom d* accoppiatorij
devaient, pendant une année, faire seuls les élections de la
seigneurie, ou, selon le langage usité à Florence, tenir les
bourses à la main. Un seul de ces accoppiatori pouvait avoir
& Scipione Ammirato. L. XXVI , p. 206. — Gio, Cambi. T. XXI , p. 82, — < ScipU»i»
Jbmmrau» Ùb. XXVI, p. ao9. — Gio» Cambl. T. XXI, p. ft2.
DU MOTER AGB* 457
moins de quarante ans; et cette exception fat réservée en
faveur de Laurent, fils de Pierre-François de Médicîs, que le
parti oligarchique songeait à élever à la place que son cousin
avait occupée. Eu même temps la balie renouvela Foffîce die*
tatorial des dix de la guerre, que Ton créait toujours dans les
circonstances critiques : seulement, pour leur donner un nom
de meilleur augure, on les appela cette fois les dix de la liberté
et de la paix * .
Mais les vingt accopiatori, auxquels le pouvoir essentielle-
ment ijopulaire de faire toutes les élections de la république
avait été imprudemment transféré, se trouvèrent, dès leur
première réunion, si peu d'accOTd dans leurs vues, et divisés
en tant de partis, qu*il leur devint fort difficile d'exécuter
l'office dont ils étaient chargés. Ne pouvant obtenir entre
eux une majorité absolue pour aucune élection, et n'ayant
point trouvé l'expédient de ballotter dans un second scrutin
ceux qui avaient réuni le plus de suffrages au premier, ils
furent obligés de se contenter d'une majorité relative ; et Ton
vit des gonfaloniers et des prieurs élus par trois ou quatre
Toix seulement ^. Le manque d'accord entre eux les priva
bientôt de toute considération dans la république ; et cepen-
dant Savonarole, dans ses prédications, et les chefs du parti
populaire, dans leurs discours, attaquaient hautement Tou-
irrage du parlement et de la balie ' : ils disaient que l'un et
l'autre n'avaient fait que déplacer la tyrannie, au lieu de la
détruire. Ils demandaient que le pouvoir des élections fût
rendu au peuple, qui a bien plus d'aptitude à connaître les
sujets dignes de confiance qu'à délibérer lui-même; que tous
les citoyens dont les ancêtres avaient joui des honneurs de
l'état fassent admis au consdl souverain, et que ce conseil
donnât sa sanction à toutes les lois, tandis qu'un conseil bean-
1 Istor. di Gio. CambL T. XXI, p. 83. — > Scipione Ammirato. LU». XXVI , p. 287. -•
>#>. Guicdardini, Ub. il, p.83.
458 HISTOIRE DES RÉPIÏBU^UIS nALIENlfES
coap moins nombreux, et dépoté par Ini, conooniTatt avee la
seigneurie à Tadministratioii poUiqoe. Savonarote mvita la
seigneurie et le peuple à se rendre à son église, d'où cette fw
il avait «xdu les femmes; et^ dans un discours âoqo«it pro*
nonce en chaire, il récapitula ces propositions, et les termina
par rinstante prière de publier une amnistie pour tous les
délits qui avaient pu être ecmimis sons le précédent gouver-
nement, jusqu'à la révolution *.
Ces propositions ne s*acoordaient point avte les vues se-
crètes de la balie et des accoppiatori ; surtout T amnistie ^tait
repoussée pai* leur désir de vengeance et par leur espoir de
s'enrichir aux dépens de ceu qu'ils proscriraient, dépendant
ils commençaient à sentir la puissance de 1* opinion publique;
et sur chaque point successivement ils se voyaient obligés de
céder. Le plus important de tous était la formation dn conseil
général : la seigneurie fit, le 23 décembre, aux deux andens
conseils des cent et des soixante*dii, la proposition de former
un conseil souverain de tous les citoyens de Florence^ et
cette proposition fut adoptée. Tous ceux qui purent prouver
que leur père, grand-père et arrière-grand**père , avaient
joui des droits de dté , furent déclarés membres du grand
conseil; et oe conseil, qui comprit jusqu'à dix-hmt ceftts d^
toyens, dut être consulté sur tous les impôts et sur tpotes les
lois, après que la seigneurie en aurait fait la proposition à un
conseil de quatre-vingts membres, qui fut choisi pour inter-
médiaire entre le gouvernement et le peuple. Peu après» l'am-
nistie proposée par Savonarole fut promulguée craime loi de
l'état^; et au bout de quelques m(»s, le T** juillet 149d, le
pouvoir d'élire la seigneurie, qui avait été i^égoé pour une
année aux vingt accoppiatori, leur fut retiré pour être attri-
bué au conseil général. Ce fut la première fois qu'à FkNnenoa
t Jaeapo Mardis M. Fior. Lib. 1» p. 90.— < Fr, GuiceiardinU Lib. H, p. SS.— ^oeopo
nardi, M. Fior. lib. II, p. S4.
DO uoihsM A«ft. iSê
une éleclioQ vraiment populaire fut sabstitnée aux éeax mé-
thodes également ^ngereuses d*ua tirage an sort et d'sn
choix oligarchique * •'
Tandis que les Florentins réformaient une répuMiqoe eoiv
rompue par soixante années d'habitudes monarcbiqnes » les
Pisans reconstituaient la leur après plus de quatre-vingts ans
d'une oppression complète. Le cours de la prospérité ne s'était
point interrompu pour les premiers, en sorte que, marchant
avec leur siècle, ils avaient toujours plus cultivé leur esprit,
et jamais leur république n'avait eu un (dus grand nomln^e
d'écrivains distingués. Les Pisans, au contraire, repoussés de
toutes les carrières qui pouvaient augmenter leurs richesses
ou récompeufcr leurs efforts, avaient abandonné les lettres
comme le commerce, en sorte qu'il n'est pas resté un seul his-
torien de leur pays, pas même une chronique informe pour
raconter les longs et généreux sacrifices par lesquels ils dé-
fendirent à outrance l'indépendance qu'ils avaient recouvrée
en 1494. G* est uniquement suc la foi d'historiens étrangers,
et le plus souvent de leurs ennemis , que nous devons rap-
porter toute cette suite d'événements.
Cependant si Pise n'avait alors ni historiens ni législateurs,
si elle délibéra peu sur la constitution qu'elle devait se don-
ner, et ne conserva point la mémoire des exploits par lesquels
elle la défendit, cette ville n'en fut pas moins animée d'un
vrai esprit républicain, d'un amour ardent pour la patrie que
tous les ordres de l'état sentaient à Fenvi, d'une déternûnatioa
universelle de tout sacrifier, d'endurer jusqu'aux dernières
calamités pour conserver la liberté qu'elle avait recouvrée.
Avec un tel accord d'opinions, tout gouvernement parait
bon, parce qu'il devient toujours l'organe de la volonté pu-
blique.
< istarle di Gio, CambL T. XXI, p. 90.
460 HI8IOIBX DS8 BiPtJBUQIÏSS ITALIJSNlfJB
Ce n'était pas Tnsage des Florentins d*abolir les magis-
tratures municipales des villes sujettes. Us avaient laissé sub-
sister à Pise une seigneurie composée d' Anziani, dont le pre-
mier pQrtait le titre de prieur, et auquel on donna ensuite, à
rimitation des Florentins , le titre de gonfalonier de justice.
Cette seigneurie se renouvelait tous les deux mois; elle était
secondée par d'autres corps qu'on nommait le collège, les six
bons hommes et le conseil secret des douze * . En rejetant le
joug des Florentins, il parsdtque les Pisans instituèrent encore
un conseil de peu[de ; c'était la forme antique de leur consti-
tution, et ils n'eurent besoin d'aucune innovation pour que
leurs affaires fussent bien administrées.
Les Pisansavaient commencé par chasser de chez eux tous les
percepteurs de contributions et tous les fonctionnaires publics
florentins; ils avaient ensuite ordonné par un^t, à tous ks
Florentins domiciliés dans leur ville, d'en sortir avant qu'une
bougie allumée sous la porte fûit entièrement consumée. Ënfio,
ils avaient envoyé dans tous les villages qui avaient ancien-
nement dépendu de leur république, la croix pisane, comme
bannière de leur liberté. Partout elle avait réveillé les mêmes
souvenirs antiques et excité le même enthousiasme; tout le
territoire pisan était rentré en peu de jours sous leur domina-
tion. Cependant les Florentins, qui d'abord avaient été uni-
quement occupa chez eux ou de la crainte du roi de France,
ou de l'accord à établir entre leurs factions , et qui , se
croyant ensuite assurés de la restitution de Pise par leur
traité avec Charles YIII, ne voulaient pas se hâter de recou-
rir aux armes de 'crainte d'offenser le roi >, virent enfin la
nécessité de s'opposer par la force au soulèvement de leurs
1 Oq peut yoir l'&iuméraUon de toutes les différentes magislratures de Pise en iSis,
dans un traité de paix de la république avec Robert, roi de Naples. BaccoUa dei diplomi
PisatU di PMvntnio del Borgo, n« 27 , p. 237; et la comparer arec celles qui ezisUieot
encore to 6 décembre 1S3». JMd. p. 433» -> < Scipione Amminuot Ub, XXVJ, p. 207.
DU MOYSH A01« 46 1
pro^moes. 1495. — Dans cette Tae^ib engagèvent à lear
service Hercule BeotiToglio, Francesco Seeco et Banncdo de
Mardano, ayec plusieurs compagnies de geodarmes ; ils nont^
mèrent Pierre Gappoui coimnissaire de la république aujvès
de cette armée, et ils le firent entrer sur le territoire de Pise
an commaMxment de janvier 1495. Les Pisans n'ay^ent esùr
core pour se défendre que des paysans mal armés : Gapponi
n*eut pas de peine à leur reprendre d'abord Bientina et Pon-
tadéra ; et avant la fin du mois de janvier il avait recouvré
tout le territoire de Pise, à la réserve de Yico Pisano, de Cas-
dnaet de Bâti*.
De son côté, la seigneurie de Pise n'avait rien négligé pour
s'assurer des secours étrangers : elle cherchait à lier C3iar-
les YIII par la reconnaissance même qu'dle professait pour
lui : elle lui témoignait tant d'amour et tant de gratitude
que ce jeune monarque, combattu entre les encouragements
qu'il avait donnés aux Pisans» et les engagements qu'il avait
pris avec les Florentins, ne savait ni comment retirer aux pre-
miers la grâce qu'il leur avait accordée, ni comment se libérer
de sa promesse avec les seconds. D'ailleurs, presque tous
les seigneurs de sa cour, touchés ou des plaintes des Pisans ,
ou de l'accueil qu'on leur avait fait à eux-mêmes à Pise, pre-
naient hautement le parti de ce peuple opprimé ^. Le sénéchal
de Beaucaire, soit qu'il fût jaloux du cardhial de Saint-Malo^
qui insistait seul pour l'exécution du traité conclu avec Flo-
rence, soit qu'il eût été gagné , comme on l'en accusait, par
l'argent des Pisans, rq>résentait au roi qu'illuiconvenait déte-
nir la Toscane divisée, et que la guerre de Pise empêcherait les
Florentins de s' engager dans les intrigues du nord de l'Italie'.
Quatre orateurs chiHsis dans les familles les plus distin-
1 Patdi Jovli Hist. std temp. Lib. If, p. S8. — Jacapo ttardl, uu Fior. L. If, p. 3t. —
Fr, Gtiicciardini. Lib. II, p. T3.»Sdptone Ananirato» Lib. XXVI , p. 208. — * PotiA ^o-
V» Hiit. 9và temp* Uh. H» p. 6i. - * Fr. GuiedcmfM. Ub. U , p. 74.
442 UlStOIRt: Dtt ttSt^tTStlQUl» italieihues
guées de Pise a?aieiit été dépéchés pour suivre le roi au mfh
ment ssème où il tiortait de Toscane, et pour d^eodre auprès
de lui les intérêts de leur répviblique *. Le rm Youkit que oes
aoibassadeufa exposasseut leurs griefe en présence de ceux
des Florentins, se réservait ainsi en quelque sorte de pronon-
ûsr entre eux un jugement. Les Pisans firent en effet le ta-
Meau de l'oppression dont ik avaient été victimes ; et se jetant
è genoux^ Ib sopfdièteQt te rm, avec des tonreiits de larmes,
de ne leur point retirer la gràee qu'il leur avait accordée,
fraofoia Sodérini, évèque de Tolteira et ambassadeur des
Florentins, s'efforça à son tour de disculper sa rëpul^lique; fl
tewta sur les droits légitimes q^e lui avait transmis Gabriel-
Marie Viâconti par un contrat de vente , et il prétende que
lea Ptsans» gouTemé» comme tous les autres peuples soumis
aux Florentin&, no se tronvaiaEit mi^eureux d'im swt qm
eoBtentait les autres que parée que leur (»*goeil élaH tout à
fait disproportîoimé è leur pnisaaoee et à leur mérite ^.
Le roi , dans eetle discussion , penchait évidemment pour
tes Pisans. Gepeodaat il s'offrit pour mMateor enti^ les den
peuplea, et il iemf propesa une suspension d'hos^téîs jusqu'à
çon retour de l'ei^pédition de Naples^ promettant de pr<»one^
alors d'après la jusiiee et les traités. Hais les Flofenlins; qui
se défiaient de sea parotes ambiguâs, tesommètent d'néeutep
çans retard une conveatkm scdoinélIemeQt jurée. Gomme ik
n'avai^tpoint encore payé la {Nation la plus constdérable du
subside qu ils avaient promis, le roi, qui avait bes^n d'ar-
gent, déclara ^'it enverrait firiçonnet, cardinal de Smnt-
Mato, à tifmmey pour retirer celte somme, et faire exécuter
le traitée
Bri^ttset se présenta le 5 février à la seigneurie de Flo-
rence ; il la persuada si bien de sa bonne foi et de son em-
0U HOYISN AGB. 468
^«K9iiMil à eoB^^ner runé des drax forteresses de Pise,
tocyoïBrg oeoopée par les Français, qa'il ot^int d'elle, en re-
tour, qtt'on lui avancerait le paiement de quarante nsille da-
eats qui n'éU^nt pas euoore échus * . Après avoir touché far-
g<»t, il fiarttt le 1 7 février pour Pîse ; mais il «n revint le 24,
déclarant que tes Pisans n'avaient pas voulu lui obéir, et qu'il
m*avait pu eBuploj^r la force, parce qu'étant homme d'église,
»'il faisail verser du sang, il en serait responsable devant Dieu.
La nouvelle de ta prise de Na{des arriva fort à propos pour
lui éonner ma prétexte de repartir, et de rejrâiâre son maître
, m le tirant d'une situation équivoque ^.
Les Pisans ainéent aussi envoyé des ambassadeurs à l^nne
etàjùicques pour demander des secours à ces deux républi-
ques, avec lesquelles ik avaient eu d'audennes alliances, et
qm étmnt dMieurées rivales des Florentins. Toutes deux
parttssaimt de nouveau disposées à les assister; mais toutes
deux craîgarient encore de se eon^romettre trop onverte-
mest. G^MHidsmt les Lucquois leur firent passer quelque ar-
gent et quelques centaines de sacs de blé ^ ; les Siennais leur
ettwyère&t imniédiatcmrat ^elques gendarmes qui étaient à
leur solde ^. Les Pisans voyaient pouvoir attendre une assis-
tanboe plus efficaeedu duc de Milan, Louis-le*Maure : il avait
été des premiers à les encourager à prendre les armes; il les
avsdt protégés a^ee zèle à la cour de France, et il paraissait
s'iatéresaer vivement à ce qu'ils ne retombassent pas sous le
joug. En effet, si celte guerre se prolongeait, il se flattait que
Piae^ trop iuli^le f^ur se d^ndre par elle-même , finirait
par se doimer à lui, comme elle s'était donnée autrefois à
Jean Galéaz Yîsccmti, un de ses prédécesseurs. Néanmmns,
1 Seipione Ammirato. lib. XXVI, p. 208. — * Fr. Guicclardinl, U II, p. l1,^Jacopo
Nardl Utor. Fior. Lib. II , p. 33. — HcijHone Ammircao, LU>. XXVI, p. 209. — > mtser-
uaioni sopm ta storta iMchese. Dis». Viii, !• JI, p. 210. — * Fr . &accU(KUHL Lib. U ,
p. 73.
464 HISTOIRK DES aéPUBUQUBS ITALIElilNES
comme il aYait ayec les Florwtias ua traiM d'aUiaooe» iioe
Toalutpasle \ioIer ojVTertemeDl^î il se oQnteRta 4e. renvoyer
les ambassadeurs pisaos aux Génois, qui loi avaieiit déféré la
seigneurie de leur ^illç, rnai^ qui n'en avaii^t pas moins
conservé, par leurs capituLatioiis, le droit de fakepour leur
propre compte la paix ou la goerre ^
Deux siècles auparavant, les GéÊW^t apcès leurs ancâennes
victoires sur les Pisans, s'étaient flattés d'étendre k«r domi-
nation sur tout le rivage de Toacanf • Ils y possédiôent d^à
quelques châteaux ; ils y acquirent mèm^ le port de liveume,
que leur doge, Thomas Frégoso, vo^dit eimàt aus Fferen-
tins. Dès cette époque, ils furent repousses toujown {dos loin
des frontières toscanes. Ils perdirent succesaivemenl Piétra-
Santa et Sarzane , et la riviè»*e Magra fut enfin fixée peur li-
mite entre leur territoire et celui de Flonence^ Les Génois, de-
meurés dès lors rivaux des Florentins, ressent aviee faveur
les députés de Pise. Un. historien s^nois contea^raîa rap-
porte le discours suivant, que les députés fimm proooncèjrent
devant le sénat de Gènes :
« £xcusez-nous, pères cwserits, dirent-ils, si nous ne sa-
« vous point parler d'une maniée a|M[Nropriée ou à la dignité
« de ce sénat, ou i nos malheurs; atbîbuez-en la faute uni-
« quement à cette servitude si Içngne, si mâsârable^ si cmeile,
« dans laquelle les Florentins nous ont retenus. Une longue
« interruption nous a fait oublier comment on s'adresse à des
« hommes de votre rang* Nous n'avions plus occasion de par-
« 1er qu'avec nos paysans, sur les tribul»^ que nous devions
« payer, ou sur la culture de nos champs, qu'à prîae on nous
« laissait encore. Nous n'avions plus d'autres pensées que de
« fournir à ces exactions sans cesse répétées, pour éviter les
« dures prisons dont on i^ous menaçait. Le souvenir de cette
* Fr. Guicciardint Lib. II, p. 73.
DTJ HOTKN AGE. 46&
N abjecte servitude nous remplit encore d'effroi. Pardonnez
« donc, nobles sénateurs ; car nos besoins parlent poumons,
« encore que nous ne sachions le faire. Nous respirons en
« tournant nos regards vers vous. Tout à l'heure encore nous
« étions dans les fers, nous sommes libres ; nous étions comme
« morts, nous vivons en mettant en vous notre espérance.
« Dieu, dans sa miséricorde, s'est souvenu de nous, et du ciel
« il nous a envoyé la liberté. Le rm Charles nous l'a donnée ;
« mais il nous a imposé l'obligation de la défendre nous-mè-
« mes. Seuls nous ne sommes pas en état de le faire; nous
« sammes faibles, et à peine nous reste-t-il un souffle de vie:
« toute notre espérance est en vous ; c'est par vous que nous
« pourrons vivre, ou que nous devrons mourir. Ayez donc
« pitié de nous. Si vous nous assistez, notre ville sera comme
« à vous ; c'est à vous que nous attribuerons le bienfait de
« cette liberté qu'un roi clément nous a donnée. Nous serons
« vos soldats ; et nous combattrons avec zèle contre tous ceux
« que voyis nommerez vos ennemis. Mais si nous ne pouvons
« obtenir de vous tant de grâces, nous sommes résolus à sui-
« ' vre r exemple des Sagontins, et à devancer sur nous-mêmes la
« cruauté de nos ennemis. Nous égorgerons de nos propres
« mainanos fils et nos femmes; nous brûlerons nos maisons
« et nos temples; puis nous nous précipiterons sur ces bù-
« chers, pour ne pas laisser à nos ennemis le pouvoir d'exer-
« cer leurs vengeances ^ »
Les Génois, touchés de ces instantes sollicitations et des flots
de larmes par lesquels les Pisans avaient terminé leur haran-
gue, leur firent passer des armes de toute espèce, dont les
suppliants avaient le plus pressant besoin , et qu'ils eurent
soin d'exposer sur la place pubUque, pour que chacun connût
l'assistance que leur état venait de recevoir, et en conçût plus
1 BariJioL Senaregœ de rébus \jienuens. T. XXIV, p. 548. ^ Agost. Giustiniani, An-
nan di Genova, Lib. V, p. 350.
VII. 30
i^ HISTOIRE DBS BBPUBLIQUB6 ITALIENNES
4e coafiaiioe. Ea même temps, Aleiandre Négrooi lot envoyé
à Pise; et U fut autorisé à appeler à l'side d^ Pisaos, louées
les fois qu'il eu verrait la. nécessité, les habitants limitrophes
de la Ligurie, Enfin, des mesures furent prises pour entre-
tenir au service des Pisans , mais aux frais des trois répubii*
ques de Gènes, de Lucqueset de Sienne, deux eentsgendarmbos,
deux cents ohevau-légers et huit cents fantassins, que aom->*
mandèrent Jacques d'Àppiaino, seigneur de Piombiuo, et Jeaa
Savel^^
Les Pisans eux-mêmes avaient pris à leur solde Ludo M4I*
vezzi, émigré bolonais, que les BentivogU poursuivaiei^t avec
acharnement, mais que protégeait le due de Milan ^. Mal-
yem ét^t un bpn capitaine , et il avait aniené avec lui en-
viron trois cents soldats vétérans^ Il avait attaqué les Florentins
cpmme ils étaient occupés au siège de Buti, et illes avait forcés
^ se renfermer dans Bientina. Il est vrai que, peu de temps
après, les Florentins avaient à leur tour forcé 1^ Pisans d'à-
Imndûuner le siège de Librafratta, ^près 9voir enterré 1^ canon
qn'ils y avaient conduit. Les Florenliqs s étaient alor^ rép^n-
dni» dans la vallée du Serchio ; ils avaient occop^ les baiiis
de Pi^e, et ils menaçaient jusqvi'aux faubourgs de cette ville.
Lupio lUalvezzi, qui s 7 était retiré, fit sonner 1% dpclifi d*a-
larme ; et renforçant son armée d^ tout le corps d^ la milice
pisa^e, il vint attaq^çr les Floi:eQtins le long du ç^nal dérivé
du Sercbio, les battit, les chassa jusqu'à Librafratta, où il re-
couvra ses canonii, çt rentra dans, Pise en trion^plie^ avec
beaucoup de prisonniers et de chevaux ^ .
Les Flprentins avaient fait leur retraite par Tétat de Luc-
ques; Lucio Malvezzi l^s 7 poursuivit, et ayaqt fait occuper
d'avance le pont du Sercbio par un détachement, il les nut
* Burthol. Senaregœ de rébus Genuens. p. 54». — Pauli Jovii HisU sui temp, L. II,
p. 58.— Fr. Guicciardini. L. Il, p. 77.—» Micron, de Bursellis Annal. Bouon. T. XXJII,
p. 91^ — » PauU Jovii Hist, Ub. ïi, p. 68. — Sçipione Ammirato. Ub. XXVI, p. 2U,
DO MOY» AG£. 467
entre deux feux. La cai^alerie, guidée par Hercule Bentivoglio,
8*édiappa cepeudaut eu traversant le fleuve à gué; et après
s'être urne eu sûreté à Monte-Carlo, elle revint occuper sou
ancien camp à Pontad' £ra; mais les gens de pied furent
presque tous ou tués ou faits prisonniers * .
Tandis que les florentins poursuivaient la guerre contre
Pise avec si peu de succès , une nouvelle révolte de leurs su-
jet» i^ioula encore à leur inquiétude. Le 26 mars 1495 la
puissante })ourgade de Montépulciano rejeta le joug de la sei-
gneurie ^. Les f loreQtins avaient , dans chaque bourgade de
lenir territoire , une eitadelle qui avait toujours une porte ex-
térieure j pour recevoir des secours. Dans chacune de ces ci-
tadelles ils n'entretenaient que quatre ou cinq soldats, qui
s enfermaient sQigneusement, et faisaient une garde sévère;
ces quatre hommes sutlisaient pour tenir la place quarante-
huit heures, en cas de révolte de la bourgade ou d'attaque im-
prévue ; et la seigneurie de Florence n'avait pas besoin qur ils
lissent une plus longue résistance pour avoir le temps de les
secourir. Mais les quatre gardes de la citadelle de Moutépul^
ciano n avaient point eu soin de renouveler leurs provisions :
d'aiUeurs, observant mal leur consigne, trois d'entre eux sor-
taient quelquefois ensemble; et il n'en restait qu'un seul. au
château, pour ouvrir et fermer la porte. Les habitants de
Montépulciano, mécontents du gouvernement tlorentin, de la
pesanteur des impôts et de l'altération des monnaies, réso-
lurent de se mettre en liberté, sous la protection de Sienne,
lis s'entendirent avec les magistrats de cette republique, dont
ils étaient proches voisins; puis, saisissant le moment où trois
des soldats de la dtadelle en étaient sortis, ils y enfermèrent
le quatrième, le poussèrent dans la grande tour, l'effrayèrent,
et le réduisirent a se rendre au bout d' une heure ^. Ils se b&tè«
1 PauH JovU BisL sut temp, Ub. II, p. Stf. — ^ JacQpo iVordi deUe Istor* Fior^m%
lé, U, p. H. -- » àiQÇGiiUmUi, Framm^nU istoHçi* T. ui, p. lo.
8q:
468 MISTOIRB DES RÉPUBLIQUES ITALIENNES
rent de raser cette forteresse, qui ne pouvait servir qu'aies tenir
dans la dépendance ; et pendant ce temps ils envoyèrent des dé- .
pâtés aoxSiennais, quoiqaeliésaveclesFlorentinspar de précé-
dents traités, ponr se mettre sons leur protection. Les Siennais
ne firent aucune difficulté de les accueillir. Ils s'engagèrent à
i^cevoirMontépuldano soos leur protection perpétuelle, et à en
traiter les habitants comme confédâ*és, non comme sujets. En
même temps ils envoyèrent quelques troupes à leurs secours ^
Les Fior^tins, qui s'étaient attachés sincèrement à Fal-
lianoe de la France, ef qui, d'après les eihortations de Savo-
narole, continuaient à lui être fidèles, malgré les sujets de
mécontentement que le roi leur avait donnés, envoyèrent à
Naples, à Charles YIII, pour lui demander de garantir leurs
possessions, comme il s'y était engagé par son traité, et d'o-
bliger les Siennais, ses alliés à leur rendre une bourgade et
son territoire, dont ils s'étaient emparés injustement. Mais
Charles leur répondit avec un sarcasme amer : « Que puis-je
« faire pour vous, si vous traitez si mal vos sujets qu'ils se
« révoltent tous contre vous *? »
Les actions de Charles ne démontraient pas moins que ses
paroles combien il tenait peu de compte de son traité avec
Florence et de l'appui que cette rét)ublique pourrait lui assu-
rer, pendant qu'un orage se formait contre lui dans le nord
de l'Italie. Les ambassadeurs pisans, qui étaient à Naples,
obtinrent de lui six cents soldats suisses et gascons, qui arri-
vèrent à Pise sur un vaisseau de transport, et qui recom-
mencèrent au mois d'avril le siège de Librafratta, dont ils
s'emparèrent. Lucio Malvezzi reprit à peu près tous les châ-
teaux de l'état pisan qu'il avait été forcé d'abandonner'. La
1 Âllegreito Allègre ni Diari Sanesi , p. 848. — Orlando MalavoUi Stor. di ^ena,
P. m , L. VI, f. 100, V. — Scipione Ammirato. Lib, XXVI, p. 2io. — « Fr. GuicciardinU
LU). II , p. 89. — 8 PûuU Jovii Hist. Lib. II, p. 60. — Jucopo Hardi, UL Fior. Lib. II ,
R. SS, — Scipione Ammirato. Lib. XXVI, p. 212.
BU MOY£N AGE. 469
forteresse de Yeiraoola était eatre ses mains; oeIle*ci est bâtie
sur la sommité la phis orientale de la montagne qui sépare le
Pisan dn Lacquois ; elle domine la vallée de TArno, et dé-»
couvre tonte la plaine par laquelle lès Florentiïis pouvaient
s'approcher de Pise. Cette situation donnait à Malvezzi l'a-*
vantage de connaître toifô les {Hrojets de Tennemi d'après sea
mouvements, et de les prévenir. Francesco Secco, général flo-
rentin, se disposait à attaquer Yermoola ; mais Malvezzi le
surprit à Buti, disoipa son armée, et lui fit un grand nombre
de prisonniers. Il s* empara ensuite de San Bomano et de
Montopoli ; et les Florentins, voyant des drapeaux français
parmi ses troupes, ne voulurent point les combattre : ils
abandonnèrent Pontad' £ra et tout le territoire pisan ^ .
L* ancien attadiement des Florentins pour la couronne de
France était altéré par tant d'injures et par un maiiqoe de foi
si constant. Dana ce temps même toute lltalie s'ébranlait
contre les Français, et des députés de Yenise et de Hilan
scdlicitaieut les Florentins de s!unir à la cause de l'indépen-
dance italienne^. Ils auraient réussi sans doute si Jérôme
Savonarole n'awit pas redoublé par ses exhortations prophé-
tiques la crainte que ressentait la seigneurie en se trouvant la
première sur le passage de l'armée française à son retour. Hais
depuis plusieurs années Savonarole avait anncmcé qu'une in-
vasion étrangère causerait le malheur de l'Italie. A l'appa-
rition de Charles YIII^ il avait dédaré que c'était là le mo-
narque: que Dieu avait duoisi pour punir les méchants et
réformer l'église^. II persistait encore à dire que, quoique
Charles YIII n'eût point accompli la tâche qui lui avait été
imposée parla Divinité, il était toujours son envoyé, que Dieu
continuerait à le conduire comme par la main , et le tirerait
f PauUJoviiHUL sui temp, Lib. il, p. 61. — 3 adpUme Ammirato. L. XXVI, p 210.
— » Jacopo Nardi , ist. Fior. Lib. ii, p. 34.
470 HISTOfRS DBft BÉPDBLIQtflS TTALIEnilES
de tontes Jes cKfficaltés où il tétait en^^^^ Ces prophéties,
répétées aTec tant d'aasaranoe dans la chaire, étaient accneil-
lies aTee la foi la plos entière par le peuple et par les chefs
de la république. Ce ii*éiait pins par nne polîtiqne hnmaine
qae Florence se eondafsait, mais d'après les révélations qn'elte
croyait recevoir du ciel ; et le réformalenr italien exerçait snr
la république florentine cette même influence qne cinquante
ans plus tard le réformateur français exerça sur la république
de Genève: Savonarole et Calvin avaient à peu près les mêmes
sentiments ; ils associaient de même la relieion et la politique :
mais Savonarole, avecVimafrination du midi et Tardeur de son
caractère , croyait recevoir immédiatement de la Divinité les
inspirations quMl ne devait qu'à ses réflexions et ft ses eon-
naissances. Cette même imafnnation maîtrisait trop sa raison,
pour <|Q*il soni^ieAt à soumettre h V examen lensemble de la
faligioQ« Il bornait sa réformera Torganisation de l'église et
à la purification de ses mœurs, et il n* avait jamais Voulu intro-
duire ancnne variation dans sa foi.
Les autres états de l'Italie, dont la politique. n'était point
dirigée par des prophéties et par les prédictions d'tin hoihme
qni se croyait envoyé de Weu, n'avaient pu tewr satis la plus
violente inquiétude les succès inouïs des Français, la conquête
de Naples achevée sans qu'il y eAt eu besoin de Htrer une
seule bataille, le renversement si subit de cette maisorn d'Ara-
gon, qui pendant longtemps avait inspiré de Yettrin à totrs le^
états italiens, et qui avait disparu au premier souffle de la
fortune. L'arrogance desf'rançais ajoutait à cette inquiétude :
ccmime leur ambition mal dissimulée embrassait toute Fltalie,
elle faisait trembler chacun des souverains pour sa propre
existenoe. La duo d'Orléans, qui avait été laissé k Asfi, an-
nonçait hautement ses prétentions sur l'état de Milan, et me-
i Vtta âtU padM immiafûkL Ub. tl, $ H, p* •i.-^Mémoif«» dé Philippe de ComÎDet*
tlbi Vlit, t\u nu P« ftf Oi - HCùpo tiQfâi» Ub. Ut pi H»
DU MOYEU AGI. 471
naçait Lmis-le-Haure , tandis qae Charles TIII^ à Itâplea,
Bcrablait prendre à tâche d'augmenter la défiance de eè pre^
mier allié. Charles s'était attaché Jean-Jacques Tritubdo, en»
Demi personnel de Sforza, proscrit comme rebelle de Tétat de
Milan ; et il Tavait pris à sa solde avec cent lances. Il s'était
aussi attaché par beaucoup de promesses te cardinal Frégoso
et Ibletto de Fieschi» ks deux chefs des émigrés génois, etone^
mis de Sforza ; enfin il avait refusé à Louis-le-Maure la prin-
cipauté de Tarente, qu'il lui avait promâe, dédarant n'être
tenu à l'en mettre en possession qu'après que le royaume de «
ri[aplc& tout entier serait entré sous son obéissance * .
Les Français occupaient toujours par des garnisons les
places de Sarzane et de Piétra-Santa, qu'ils ayaient prcmiis
de restituer aux Génois ; ils étaient demeurés maîtres des
principales forteresses des états de Lueques, de Pise^ de
Florence et de Sienne^ et ils donnaient ainsi la loi à toute la
Toscane : ils avaient de même obligé les Orsini et les ColcmnA
de leur livrer des châteaux*forts, pour gnges de leur dévoue*
meut| enfin ils avaient -réduit le pape à les mettre eu posses-
sion de ses meilleures forteresses* Un projet de dominer sur
toute r Italie parûssait avoir été arrêté par la cour ambitieuse
de Charles VIII, et substitué au projet de l'expédition de
Grèoe,qu'on ne regardait plus queeommeun stratagèmeinventé
pour désarmer les peuples chrétiens. Les souverains étran^
gers à ritalie partageaient le mécontentement et linquiéUide
des habitants de la péninsule. Ferdinand et Isabelle s'affli-*
geaient en Espagne de l'infortune de leur cousin, et de la
perte d'un royaume qui ajoutait au lustre et au pouvoir de la
maison d'Aragon. D'ailleurs ils craignaient pour la Sicile, qui,'
ayant appartenu aux Angevins, pouvait être, aussi*bien que
JNaples, réclamée parles Français, et qu'il deviendrait difficile
i Fr. omcciardm, L. II, p. M. — PetH Bémhi Biêt. Yen, L. U, p. SI. — Pm/i i9lM
Bist. nui lemp. Lib. II, p. S«.
472 HISTOIRE DES aiPUBLIQUES ITALIENNES
de défendre contre eux s'ils s'affermissaient de Vantre côté
du phare. Maximilien, roi des Bomàios^ conservait une amère
rancune contre Charles VIII, qui, à roccasion de son ma-
riage, Ini avait fait les deux affronts les plus sanglants qu'an
père et qu'un époux pussent recevoir. Il avait fait la paix, il
est vnd; nuos Charles YIII, en traversant Tltalie, n'avait
montré aucun respect pour les droits impériaux : il était en-
tré en conquérant dans les terres d'empire, et il avait parlé en
maître; en sorte qu'il avait donné à l'empereur-élu de nom-
breux motifs de se plaindre et de recommencer la guerre * .
Philippe de Comines, seigneur d' Argenton, le politique si
subtil, et l'historien qui a raconté avec tant d'intérêt le règne
de LouisXI et Texpédition de Charles YIII, était alors ambas-
sadeur de France à Venise, où il passa huit mois. II y avait
été envc^é pour engager cette puissante république à s'atta-
cher à l'alliance de France, ou du moins à maintenir la neu-
tralité qu'elle avait promis d'observer. Dans le premier cas il
lui offrait comme récompense Brindes et Otrante , sous con-
dition que les Vénitiens rendraient ces deux villes, si le roi ,
faisant plus tard la conquête de la Grèce, pouvait leur assigner
un meilleur partage dans ce pays. Mais les Vénitiens, qui,
loin de crdre à la prompte réussite du roi, ne se figuraient
même pas qu'il persistât dans ses projets, avaient refusé hon-
nêtement ces concessions magnifiques, qui semblaient si loin
de pouvoir être exécutées, et ils avaient protesté qu'ils reste-
raient neutres^. De la même manière ils avaient rebuté les
ambassadeurs du roi Àlfonse, et celui du sultan Bajazet, qui
l'un et l'autre voulaient les engager à la défense du roi de
Nafdes ; tandis que l'ambassadeur milanais, qui était aussi à
Venise, les confirmait dans cette sécurité, en assurant que
1 PauU JevU Bist. aui temp- Lib. ii, p. S6. — GuieciardinL L. ii, p. «7. — Pétri
BenM Hist, rené». L. il, p. 31. «-.< PhU. de Comines , Mémoires. Liv. vu, cb. XIX*
p. 244.
m MOYBN AGB. 473
son maître saurait fort Yà&a comment s'y prendre pour ren-
voyer, quand il en serait temps, le roi de France au-delà
des monts * .
Le traité de Pierre de Médicis avec Charles éveilla enfin
Tinquiétude de la seigneurie; et les rapides progrès de l'ar-
mée française firent partager cette iuquiétade au duc de Mi-
lan, au roi des Bomains, qui craignit q«e Charles YIII ne
reçût d'Alexandre Yl la couronne impériale, et au roi d'Espa-
gne. Ce fut à Venise que ces princes entamèr^t des négo-
ciations pour la sûreté général^. On y vit arriver successive-
ment réyéque de Corne et Fran^i&-Bernardin Yisoonti,
ambassadeur du duc de Milan; Ukichde Frondsberg, évèque
de Trente, avcfc trois autres ambassadeurs de Maximilien ; en-
fin Lorenzo Suarez de Mendoça y Figueroa, ambassadeur
d'Espagne'^* Ces diplomates commencèrent par n'avoir des
conférences que de nuit, soit entre eux, soit avec les secrétai-
res de la seigueurie. Ils se flattaient d'éviter ainsi les observa*
tions.de Philippe de Commues : mais celui-ci, ayant découvert
de bonne heure leurs menées, pressa avec franchise les am-
bassadeurs milanais de lui faire part de leurs doléances, pour
y remédier à l'amiable, plutôt que de s'aliéner de la France,
dont l'alliance avait été et pouvait être encore si utile à leur
maître'.
Gomines essaya aussi de détourner la république de Yenise
de ses projets hostiles ; mais il avait affaire à la ruse ita-
lienne ; les ambassadeurs milanais lui avaient protesté, avec
de grands serments, que tous ses soupçons étaient faux : la
seigneurie l'avait assuré que la ligue qu'elle projetait, loin
d'être dirigée contre le roi, devait être signée de concert avec
lui, puisqu'il s'agissait de faire en conunun la gu^re aux
1 Pfail. de Gomines, Hémoirei . Uv. VII, eh. XIX, p. 345. -* > PeM Bembi Hist, Yen,
Lib. II, p. 32. — Cro»tica VenezianaattrilmUa a Marin Sanuio, T. XXIV, p. 16. ->* Phi-
lippe de ComiDes. Liv. Vu, ch. XIX, p. 248.
474 HISTOIBE DBS BÉPUTOiIQUSS ITALISiniSS
Tores» de forcei* ehacnn des alliés de conconrir à la dépense,
et d*aflsiiifir à Charles VI H la saseraineté du rojanme de
Naples,ayec trois de ses meillenres places pour garantie, toat
en eonsenrant la cooronnc an prince aragonais, comme fen-
dataire de la France. Gomines demanda du temps pour com-
Binnîquer ces propositions an roi, et insista pour que les Vé-
nitiens ne terminassent rien avant d'avoir eu une réponse.
Mais GharleSi dont les succès dépassaient toutes les espéran-
ces, ne voulut entendre à aucun accommodement * . Cepen-
dant les ambassadeurs, voyant dès lors que leurs conférences
étaient connues, ne se cachèrent plus, et s* assemblèrent tous
les jours. Ils songeaient alors à ce que lés Vénitiens fissent
passer des troupes à Borne, pendant que Ferdinand dé-
fendait Vilerbe : mais lorsqu'ils apprirent qne cette ville
avait été abandonnée sans coup férir; que Borne, peu
après, avait été évacuée de même, leur alarme s'en augmenta
ayec les difficultés de leur situation^.
« Voyant les Vénitiens tout cela abandonné, dît Philippe
« de Gomines, et adverîis que le roi estoit dedans la ville de
• Naples, ils m'envoyèrent quérir et me dirent ces nouvelles,
« monstrant en estre joyeux; toutesfois ils disoieut que ledit
« cfaasteau estoit bien fort garny, et voyois bien qu'ils avoient
•t bonne et seure espérance qu il tint, et consentirent que
•t Tarabassadeur de Naples levast gens d'armes à Venise, pour
< envoyer à Brandis (Brindes), et estoientsurla conclusion de
« leur ligue, quand leurs ambassadeurs leur escrivirent que
« le cfaasteau estoit rendu. Lors Us m' envoyèrent quérir de-
« rechef à un matin, et les tronvay en grand nombre, comme
«' de cinquante on soixante, en la chambre du prince qui
« estoit malade de la colique ; et il me conta ces nouvelles de
1 Pfail. ie OMBittet. Lf?. VU, ch. XIX, p. 2so. — tUtynotdi Afin, eectes. 1495, $ u,
p. 441. — ■ ContoM LiT. VII , eh. XIX, p. !isi. - Petti Benibi HUu y en. Lib. ii ,
p. 33.
011 MOTEll 4dl» 475
« yisage joyeux, mais nul en là compagtite né ^ HAytat feiùdre
« si bien comme Ini. Les uns estofent a&dis iëttr un tDarcbe-
« pied des bancs, et ayc^ent la tète appuyée é&tre leUM mains,
« les autres d une autre sorte; tous deMumtraiis atoi^^ gfande
« tristesse au cœur, et croy que quand tes nouvelles tinrent
• à fiome de la bataille perdue à Cannes contre Hannibfail, les
« sénateurs qui estoient demeurés^ n'estoien$ pas plus esbahis,
« ne plus espouyantés qu ils estoient. Caï* un seul hê At sem-
« bknt de me regarder, ni ne me dit un mot que lui. Et les
«f regardois à grande merveille» Le duc me demanda si le roi
« leur tiendrott ce que toujou^ leur nvolt mandé et que je
« leur avois dit. Je les asseurai fort que oui, et ouvris les voies
« pour demeurer en bonne paii^ et m'offris fort de la faire
« tenir, espérant les oster de soupçon, et puis me départis. * *
Malgré rabattement des seigneurs vénitiens, Gomities com-
prit bien que la situatiotn du toi, dans le fond de F Italie,
pouvait devenir très dangereuse s'ils se déclaraient coùtre lui ;
et tandis que le duc de Milan faisait encore des difficultés
pour signer avec eux le traité d'alliance, il pressa Charles TIII,
ou de faire venir de France de nouveanit renforts, s'il voulait
semaiutenir lui-même dans le royaume, ou d'en ressortir au
plus tôt avec son armée, avant qu'on lui barrât le ishemin ,
et de laisser seulement des garnisons dans les places fortes.
En même temps il écrivit au due de Bourbon, resté en France
comme lieutenant du royaume, et à la marquise de Montferrat,
pour les engager à envoyer lé plus t4t possible des renforts
au duc d'Orléans^ qui était resté à Asti avec sa maison seu-
lement : car cette ville était en quelque sorte la porte ouverte
au roi pour rentrer en Franœ; et si elle était prise, flUU dan-
ger pouvait devenir extrèoie K
1 MéiBOiras de PhU. de Comines. L. VH, ch. XX, p« tst. --- « MénusMB éb GbftiiKi.
£iT. vu, cb, XX , p. 3M. ^ Op œ trouTe {M BM>iJM de «is lettres écritel dii 14 ati
90 arril, par le duc d'Orléans au duc de Bourbon, pour lui demander des stooduri. llllei
476 HISTOIBK BBS RÉPUBLIQCES ITALIEMIIES
« La ligne fdt oonelue, dit Comines, un soir bien tard. »
Ce fat le 3 1 mars 1 495 * . « Le matin me demanda la seîgnea-
« rie plos matin qu'ils n'ayoient de coutume. Comme je fus
« arrivé et assis, me dit le duc qu'en Tbonneur de la Sainte-
« Trinité, ils ayoient conclu ligue aVec notre saint père le
« pape, les rois des Romains et de Castille, eux et le duc de
« Milan, à trois fins; la première pour défendre la chrétienté
« contre le Turk; la seconde, pour la défense de l'Italie; la
« tierce, à la préservation de leurs états, et que le fisse savoir
« au roi. Et estoient assemblés en grand nombre, comme de
« cent ou plus, et avoient le^ tètes hautes, faisoient bonne
« chère (mine), et n'avoient point contenances semblables à
« celles qu'ils avoient le jour qu'ils me dirent la prise du
« cbasteau de Naples. Me dit aussi qu'ils avoient escrit à
« leurs ambassadeurs qui estoient devers le roi , qu'ils s'en
« vinssent, et qu'ils prissent congé. L'un avoit nom messire
« Dominique Lorédan, et l'autre messire Dominique Trevisan.
« J'avois le cœur serré, et estois en grand doute de la per-
« scmne du roi et de toute sa compaignie, et cuidois leur cas
« plas prêt qu'il n'estoit, et aussi faisoient-ils eux ; et doutois
« qu'ils eussent des Allemands prêts; et si cela y eût été,
« jamais le roi ne fût sorti d'Italie. Je me délibérai ne dire
« point trop de paroles en ce courroux ; toutesfois ils me
« tirèrent un peu aux champs. Je leur fis response que dès le
« soir avant, je l'avois escrit au roi, et plusieurs fois, et que
« lui aussi m'en avoit escrit, qu'il en estoit adverti de Rome
« et de Milan. Ils me firent tout estrange visage de ce que
« je disois l'avoir escrit le soir au roi, car il n'est nuls gens
« au mcmde si soupçonneux, ne qui tiennent leurs conseils
« plus secrets ; et par soupçons seulement confinent souvent
sont rapporiées dans Deoys Godefroy. Sist* de Charles nu , p. 700. — 1 PetH Bembi
Hist, Yen, Lib. Il , p. 42. — Seipione Ammirato, Lib. XXVI , p.' 310, — Cronica Ven.
T. XXIV, p. 17.
DD MOYEN ÀGK. 477
« les gens; et à cette cause le leur disois-je. Outre ce je leur
« dis ravoir aussi escrit à monseigneur d'Orléans et à mon-
« seigneur de Bourbon, afin qu'ils pourvussent Ast; et le
« disois espérant que cela donneroit quelque délai d'aller de-
« vaut Âst$ car s'ils eussent été aussi prêts comme ils se van-
« toient et cuidpient^ ils Feusseivt pris sans remède ; car il
« estoit et fut mal pourvu de longtemps après * • »
Mais tandis que Philippe de Gomines attache quelque va-
nité à montrer comme il était bien informé, Pietro Bembo ,
l'historien vénitien, se complaît. à peindre sa surprise et son
effroi, «i Encore, dit-il, qu'il y eût un si grand nombre d'am-
« bassadeurs, tant de citoyens appelés aui^ négociations, et
« que le sénat eut été engagé dans de si fréquentes délibéra-
« tions, telle avait été cependant la vigilance du conseil des
« dix , pour supprimer tout bruit public à cet égard , que
«< Philippe de Gomines, envoyé de Gh^rles, quoiqu'il fré-
« quentàt chaque jour le palais, et qu'il traitât avec chacun
« des ambassadeurs, n'en avait pas eu le moindre soupçon.
« Aussi, lorsque le lendemain de la signature il fut appelé au
« palais, où le prince lui communiqua la conclusion du traité
« et les noms des confédérés, il en perdit presque l'entende-
« ment. Gependant le doge lui avait dit que tout ce qu'on
« avait fait n'avait point pour but de faire la guerre à per-
« sonne, mais de se défendre si l'on était attaqué. Ayant
« enfin un peu repris ses esprits : Quoi donc, dit-il, mon rot
« ne pourra pas revenir en France? Il le pourra, répondit le
« doge, s'il veut se retirer en ami ; et nous l'aiderons de tout
« notre pouvoir. Après cette réponse, Gomines se rietira ; et
« comme il sortait du palais, qu'il avait descendu le grand
« escalier et qu'il traversait la place, il se tourna vers le se-
« crétaire du sénat qui l'accompagnait, le priant de lui répé-
* Mémoires de Phil. de Gonûoes. Liv. Vii , chap. XX, p. 255. — Amoldi Ferroni de
gettis Francor. IXb. I, p. is.
478 HISTOIRE 0JSS H^UBIiIQUES ItAUEUNES
« ter ce que h doga \m avait dit, car il r avait toat oublié * . »
Le peaple de Yeaise célébra cette ligue le lendemaiD de sa
signature par dea réiouissancea iuflaies ^ les fêtes recamm»-
cèrent encore le )2 avril, dimanehe des Bameaux, jour où
elle fut publiée eu même t^odps dans tous les états confé-
dérés ^. D'après les articles qui furent arrêtés, rallîanee de-
vait durer vingt-einq ans, et avoir pour but de défendre la
majesté du pontife rQUi^n^ la dignité, la liberté, les droits de
tous les confédérés, e| tes possessions de tous. Les puissaneea
alliées devaient Wtre ^ea toutes mettre sur pied trente-
quatre inille chevaiix et vingt mille fantassins, savoir : le
pape, quatre mille chevaux; MaximiliBn, six; le roi d'£e^
pagne, la république de Venise et le duc de Milan, cbaeun
huit. Chaque Qonfédéré devait fournir quatre mille fantas-
sins. Ceux dont te contingent ne serait pas prêt devaient
le compenser en argaiit. De même, s il était nécessaire deno-
plojer une flattas, te^ puissances maritimes devaient la four-
nir, tandis que teii frais devaient en être supportés par tous
les alliés dune maiûèrfi proportionnelle^^.
Mais à ces artictes qui furent publiés, les eonfédérés
avaient joint des. clauses secrètes, qui ahangeaimt absolu-
méat la nature df^ i alliance, et qui la préparaient poitf une
guisrre offensive. Déjà f^erdinand et Isabelle avaient envoyé
en Sicile nue ftotte de soixaute galères, qui portait six e^ats
cavaliers et ciaq i^iUe faulai^sins; et ils avaiaftt donsoé le eom-
m^demept de eea troupes à Gonaalve de Cordoue, qui s'é-
tait illustré d^ns la guerre de Grenade^. Les alliés convinrent
4US c^lt^ ^rm^ st^fcoadjerait Ferdinand d^ INaptes, pour le
faire rempnteir Màr le trône, ou ses sujets, désabusés de leur
^ PelH Bembi UUl. Veneiœ. Lib. 1T, p. 32. — * Diorio Fenarese, T. XXIV, p. 299. —
lUii^mMii AimaL nccéukuut. 149^, $ i4, T. XIX, p. Am, — * ». Guicôanlmi. L. ii ,
p. »8. — PiàuU Jovii. L. Il, p. »«. — tetn BetnbiUiii, Yen. L. il, p. 32, — Anàr, Aoi/o-
9^TQ, Smia r^Hêi. t. XXUI, p. 1«H. — fï*. mlcweU GommêHt, m. CMC, LU). VI ,
p. i»7. -- « PtuiU JQVii Mi9U m. Il , p. 16.
DU MOYEU AGB. é79
confiance en Charles VIII, le rappelaient déjà. Les rois d'Es-
pagne s'étaient engagés, il est vrai, par le traité de Perpi-
gnan, à ne point empêcher le roi de France de tenter l'acqui-
sition du royaume de ?Iaples * ; mais ils y avaient ajouté la
clause qu'aucune condition ne serait obUgatoire si elle se
trouvait pr^udiciable à l'église; et ils prétendaient que le
royaume de Naples étant un fief ecclésiastique, Jk ne pou-
vaient s'abstenir de le défendre, si le pape les invitait a le
faire ^. Les confédérés convinrent encore secrètemeat entre
eux que les Vénitiens attaqueraient les établissements fran-
çais sur les côtes.du royaume de Naples, avec leur flotte qu'ils
avaient portée à quarante galères, sous le commandement
d Antonio Grimani ^; que le duc de iVlilan arrêterait les se^
cours qui pourraient arriver de France, qu'il attaquerait
Asti, et qu'il en chasserait le duc d' Orléans; que le roi des
Bomains et les roi^ d' Espagne attaqueraient pendant le même
temps les frontières de France avec de puissantes amoées, ^
qu'ils recevraient pour cette guerre des subsides des autres
alliés^.
Maximilien faisait aux états d'Iteliedes proaiesses splendi-
des; mais ou s'aperçut bientôt qu'il n apf^ortait a f alliance
qu'un grand nom. 11 ne savait mettre 4iucttn ordre ni aacune
économie dans l'administration de ses états héréditaires; et il
ne pouvail obtenir de 1 empire ni hommes ni argent, encore
qu'il prétendit qu'il ne s'engageait dans la f^erre contre la
France que poiir l'intérêt des fiefs impériaux. La diète de
Worms, en 149ô| lui promit seulement cent cinquante mille
t C'eft dans l'arSeie 3 du Irailô de;PerpigD«]i que cet engagement est contena, mais
3808 nommer cepeDdaat le roi de Naples. Les rois d'Espagne s'obligent seulement à pré-
férer l'alliance de France : Àliis gulbmcwnque ligis et confedtraiiombu» factis vel
faciencUs, cum quocumque principe vel principibus... Vigabio christi bxcepto. Denys
Goderroy. Hist. de Gh. Viii, p. 664. — ^ tr, Guicciardini, Lib. il, p. 87. — *PauU JovU
Utst. suiiemp. Lib. Il, p. id.^ Andréa Nauagiero, Storia VcnM,!, SUUOy p. 1209.
— * Fr. GtOcciardini, tib. il , p. 88.
480 HISTOIRE DEd REPUBLIQUES ITALIEIIRES
florins assigoés sar le denier commun qu'on devait lever dans
tout l'empire, et qui ne fut payé presque nulle part; en sorte
qu'au lieu de six mille chevaux et quatre mille fantassins
qu'il avait promis, il put à peine lever trois mille, hommes * .
Il n'y avait peut-être aucun duc d'Italie qui ne fût réelle-
ment plus puissant que l'empereur, ou du moins dont la coo-
pération ne fût beaucoup plus efficace : aussi les puissances
alliées auraient-elles fort désiré que l'Italie entière fût entrée
dans la même confédération, et insistèrent-elles auprès du duc
de Ferrare et des Florentins pour qu'ils se réunissent à la li-
gue. Le duc de Ferraré le refusa ^ ; mais, pour se ménager des
ressources auprès de tous les partis, il consentit à ce que son
fils aine, don Alfonse, passât au service du duc de Milan,
avec le titre de lieutenant-général de ses troupes, et le com-
mandement de cent cinquante lances î^. Les Florentins, aux-
quels Louis Sforza offrait de leur envoyer une armée, pour
les défendre contre Charles YIII à son retour, et de les secon-
der ensuite pour recouvrer Pise ettoutes leurs forteresses, re-
fusèrent constamment de se détacher d'un prince dont ils
avaient cependant si fort lieu de se plaindre. Ils aimèrent
mieux attendre de lui la restitution de leurs provinces que
de la lui arracher de force, à l'aide d'alliés dont ils se défiaient
plus encore^.
Cependant tous les confédérés faisaient avec activité leurs
préparatifs de guerre : les Vénitiens appelaient un grand
nombre de Stradiotes ou de chevau-légers, de TÉpire, de la
Macédoine et du Péloponèse ; Louis Sforza avait envoyé
beaucoup d'argent en Souabe, pour y lever des troupes mer-
cenaires; Maximilien promettait qu'il passerait en Italie
avec ces redoutables bataillons allemands, dont les Français
i Schmidl, Hist. des Allemands. Liv. Vit, chap. XXVII , t. V, p. 369. — « niario Fer-
rarese. T. XXIV, p. 298. — » Ibid. p. 802. — ♦ Fr, Gwcdardini, Lib. n, p. «9.— Sch
pione Ammirato, Lib. XXVI , p. 210.
i)ti MotÊîi À&Ë. 481
Avaient iptoaré la valeur en 1492, dans les plaint de TAr^
fois. Bajazet II offrait aax Vénitiens de les seconder de ton-
tes ses forces par terre et par mer contre les Français ^ Le
sultan n'était pas comi»ris dans Talliance ; elle semblait même,
d'après le traité public, être faite contre lui : cependant son
ambassadeur avait pris part à toute la négociation ; et après
sa mission finie, il était resté à Yenise pour assister anx fêtes
par lesquelles on célébra la publication de la ligne^. De tontes
parts l'Europe prenait une apparence bostite pour les Fran-
çais ; et Philippe de Gomines, qni depuis longtemps avertis-
sait son maître de l'orage qui se formait, étant encore resté
un mois à Yenise, depuis la signatiue de la Ugue, se mit en
chonin pour aller au-devant de Charles, par les états dn duc
de Ferrare, de Jean BentivogUo et des Florentins. Il fut ac-
cueilli par eux c(Nnme l'ambassadeur d'un monarque allié,
tandis «pie son départ de Yenise fut en quelque sorte le signal
de la rupture de toute négociation s.
i PauU JùvU aut. sui temp. Ub. u, p. M. — * Phil. de Gomioee, Hénoiret. Liv. VU
ch. XX, p. 259. — s ibid, p. 260.
Fin DU TOME SEPTIÈME.
im» tt
TABLE CHRONOLOGIQUE.
«•
im»sinnmmii»M»n»i»u»in»ntnMi
TABLE CHRONOLOGIQUE
DU TOHE SEPTIEME.
Pag. Ami.
P«g.
.CHAPITRE PREMIER.
Suite de la guerre de*
Turcs; leurs ravages
dans la Carniole et le
Friuli; ceux des Véni-
tiens dans la Grèce éi
V Asie-Mineure, — Hé--
volutions de Chypre, qui
réduisent ce royaume
sous la dépendance de
la répi^lique de Ve-
nise. 1
Mauvaise politique de Paal II ,
pour la défease de la chré-
tienté. Ib.
1458-1468. Bfathias Gorvinus, fils
de Jean Huniades, défend
la Hongrie contre les
Turcs. 2
. Paul II le sollicite de tourner
ses armes contre George
Podiébrad, roi de Bo-
hême. 3
1468.Mathias Goryinus aban-
donne la défense de la
Hongrie, pour attaquer
les Bohémiens déclarés
hérétiques. 4
1469. Invasion de la Croatie par
Hassan Bey, et massacre
de ses habitants. 5
1469. Nicolas Canale , général vé-
nitien, surprend et pille la
ville d'Eno.
2 août. Vœu de Mahomet II
de détruire l'idolâtrie des
chrétiens.
1470. 31 mai. Une puissante flotte
turque sort pour la pre-
mière fois des Dardanel-
les.
La flotte vénitienne évite le
combat.
Les Turcs se préparent à
l'attaque de Négrepont
ou l'Eubée.
Ils lient la Thessalie à TEu-
bée par un pont.
25 Juin, 30 juin, 5 juUlet.
Us livrent trois assauts
meurtriers à la vUle.
Nicolas Canale manque de
résolution pour rompre le
pont et attaquer la flotte
turque.
12 juillet. Les Turcs pren-
nent d'assaut Négrepont,
et en massacrent tous les
habitants.
Canale accusé de manquer
de courage.
Ilestarrêtéet chargé defers,
et P. Mocénigolui succède.
Ib.
10
/6.
11
Ib.
13
14
486
TABU
Hg. Anii.
Pig.
1470. Effiroique causent «oi chré-
tiens la prise de Négre-
pont et la nouTello ma-
u rine des Turcs. 14
Paul II s'elTorce de rêébncf-
iier les Ilaliens. 15
22 décembre. Ligue d'Italie
pour la défense commune.
1471.24 juin. Diète de Mis-
bonne, pour pourvoir i
la défense de la chrétien-
té. Ib.
Discours de Paul Morodni,
ambassadeur vénitien,
pour demander des se-
cours aux princes alle-
mands. 17
Les états de Gamiole et les
magnais de Hongrie de-
mandent aussi dès 6e-
18
cours.
19juUlet. Armement liui^-
saHt, ordonné parla diète,
qiie l'indoledce de Frédé-
r4c m n'essaie pas même
iÉ'eCTecluér. ii
te pape sollicité là diète de
faire attaquer le^ Bohé-
miens en même temps que
les Turcs. 20
Vaine négociation de Itfa-
homel II avec là rëpiibll-
quede Venise.. , 21
N^ociations dé Faut tl et
des Vénittens avec tJ^sun
Cassaki, con(|uéranl delà
Perse, . Ib.
Défi réciproque ^ d'Ussun
Gassâb et de M^nometlI. Ib.
9 août. François delà libvère,
spiis le nom de Sixte IV,
succède à Paul tl. 22
20aoùt. Oercule d'Esté sup-
çèdé à Borso, duc de Feir-
irare, dé préférence à Ni-
colas , itis de LiohneU 23
NéRfciations dé CâthéHno
Zeno atec TTssun Caçskn. 25
1472. Exjpédition^.de Pierre Mbc^
higo pour aésoler l'isie-
Mirfeure. Ib.
1 473. 11 fortifie son armée par des
Stradioles de Romanie. 36
Il cayage la Carie et nie de
. Co^ 27
f S Juin. Réqùesénl avec lel
galères de Naples, et Oli-
vier Caraffa avec celles
du pQpUfe, viennent le
Pillage et Incendie des fau-
bourgs d'Attalée, ou Sa-
talie, dans la Pamphilie. 28
Ravage de l'Ion le. Ib.
18 septembre. Pillage et
incendie de Smyrne par
les Vénitiens. 29
H73. Entrée triomphale d'Olivier
Caraffa à Rome, après son
expédition dans l'Asie-
liiièùi«. 30
1472. Ravages des Tores dans
i rAlbamé. 76.
Le pacha de Bosnie s'avance
dans lé Friuii Jusqu'à
trois milies d'Udine. 31
1473. TenlaUve do Sicilien An-
tonio^ pour brûler la flotte
, turque à. GaliipQli. .. 32
.Correspondance de ifocé-
pigp avec JJssuQ Cassan
et les princes de Cara-
, manie. 33
1473-148^. Athbëssadeéh PéHè
de Bârbaro et dé Cbnta-
rini, ,, Ib.
1473. Mocénigb Ë$^d sdr \è8
tbi-cs et i^lilî ibi Céra-
niahs Séfëtii^ et deux
autres forteresse^. , 35
tfsÈm Gassaii béhu p^Sfi-
bbmet II àur les froQtiè-
res de l'Armëiiié et de
L'empire de Trébisonde. 36
fflbbénigô ^ j)ilM et brfile
Nyrà dabà la fcycie, et
ravage les. campagnes de
Physsus dans ta Carié. 76.
Il refuse l'assistance du lé-
Sat éi tourné son atten-
oh vers les affiiires de
Chypre. 37
cBuasovooaçioz.
W7
Pag. Aon^
14&8. Faiblesse, de 4anHS III de
Lusigiian ; troubles souf
son règne. 37
i4&9. Jac4ues« bâtard de Losit
goan, enlève la couronne
à CbarloUe, fille de ee
roi, et a Louis de Savoie
^onuiari* . , 38
1460. Charfotte demandé des se-
cours ail papei et à tous
tes princes dé ta chré-
lienlév , . , ,, , 39
14 60- 14 68, Marc Comàro pro-
cure à Jacques de tilsi-
gnan l'alliance dé là ré-
pubiijjué dé Veriisè» et
lui soumet toute la Chf«-
. pre. 40
1471 Jacques de I.u6ignan épduse
Galberlne GOrnaro, adop-
tée par la république de
Venise . comme fille de
, Saint Marc. /*.
1473. 6]liini Mort de Jacques de
I^uslgnan « lai^ant sa
fpmme grosse., . ,_.. .^ *^
Jalousie des Cbyprlptes.
contre les Vénitiens ;
massacré des parents de
ta relne^ , ^*
flocériigo et les proyéditeurs
vén|tien8 présentent . au
bapiêmé f ^cques-le-Pos-
tbume, fils dé Calberine
, Cornaro. r , • z , ^
Ejichessé^de IMl'è de Chypre. 43
Âocéolgo débarque des
trouncf. en Chypre. 44
n punit seyèremeni tous les
ennemis dé la reine Ga-
, iheripe..}. , .. , ■'&•
À'u obiii de cétie reine, Il
réduit la Chypre sous
Tabsolùe dépendance dés
Vénitiens. 46
GHiitPITRE II.
Laurent de Médicis suc-
cède, au crédit de son
père sur la république
florentine. — Faste et
1469
l41l
1470
1472
1471
La répKbIiqué itorénane
cessé de diriger la politi-
. quedeîMlaÏÏé,
. Les fils de Pierre dé Medî-
qis, trop jeunes pour gôU;
verner à là mort de leur
La jfaaion âltàcb'ée à reur
famille leur défère cépert-
dant raùlorilé, .^
Politique de Thomas Sodér
rjni, qui màintieùl le cré-
dtl dés làédicis. ,. .
Lajrépublifliie.dpmeiiftf w
r^pos pendant leur Jeu-
nesse. ,
. Voyage pomneux që Ga-
léàz Sforia a jrdrence.
Influence fatale dé lîi <50ur
dé èforzâ sur les moeuïfs
dés Florentins
é^ avril'. Ëërnardo itafdi se
r,end maître de l^rato par
. surprise.
fl est fait prisonnier et puni
de mort avec ses com-
,pUces. ^ . .
Troubles iVoUéttS, à roc-
G^ion d*une miné d'a-
lun.
2t avril. VoUeirra sëréVolte
contre Florence.
Juin. Volterra prise e\ pillée
par Frédétic dé Monté-
,feliro. ; . .
. j) aiiût. Election de Sixte
IV, suspectée de simonie.
Le trésor de Paul U sous-
trait par ce pape dti se»
neveux.
Sixte IV sacrifié à seis qua-
Ib.
47
Ib.
48
60
Ib,
61
62
63
Ib.
64
66
66
67
m
Tà3^t
Pig. Ans.
P««.
tre nereiix léi intéiMs de
l'église. 67
1471 .Grâces qu'il accorde à Léo-
nard et Julien de la Ro-
vére, et à Jérôme Ria-
rio. 58
Puissance et luxe extrava-
gant de Pierre Riario,
cardinal de Saint-Sixte. Ib.
1473. 12 septembre. Il anive à
Milan avec le titrede légat
de tonte ritalie. 60
1474. 5 janvier. Sa mort, suite de
ses débauches. Ib,
Jean de la Rovére, autre
neveu du pape, épouse
Jeanne de Monléfeltro. 61
21 août. Frédéric de Mon-
téfeltro créé duc d'Urbin
par le pape. Ib,
Campagne du cardinal Ju-
lien de la Rovére contre
Todi. 62
Il attaque Nicolas YitelU,
prince de GiUà di Gas-
tello. 63
Les Florentins prennent sa
défense. Ib.
Défiance que cause aux Flo-
rentins ralliance dupape,
du roi de Naples et du
duc d'Urbin. 64
2 novembre. Alliance entre
Florence, Venise et le duc
de Milan. 65
Nullité de l'histoire d'Italie
pendant plusieurs an-
nées. 66
Le pape se refuse à pren-
dre part à la guerre con-
tre les Turcs. ib,
17 janv. Défaite des Turcs à
Rackowieckz par le way-
vodc de Moldavie. Ib.
Mai. Le Beglierbey de Re-
manie entreprend le siè-
ge de Scutari. 67
Août. Il lève le siège, après
avoir beaucoup souffert
parles maladies. 68
Soufllrances des assiégés
et de Tarmée vénitienne. 68
1475. Les Turcs assiègent inutile-
ment Lépante. 69
Importance de la colonie
génoise de Gaffa. 70
Secours envoyés à GaflTapar
terre. 71
Démêlés des Génois de Gaffa
avec un kan de Tartarie. 72
Juin. Gaffa prise et ruinée
par Mahomet II. 78
AfRdblissement dotons les
partis dans la guerre des
Turcs. A,
GHAPITRE III.
Conjuration de NieoUu
d'Esté à Ferrare , de
Jérôme Gentile à Gé-
nés, d'Olgiaii, Fis^
conti et Lainpttgnani d
Milan. — Jiévolutions
dans l'état de Milan ,
après la mort de Galéaz
Sforxa. 1476-1477. 75
Tons les étals d'Italie ébran-
lés en même temps par
des conjurations. i6.
Un tyran peut-il être ren-
versé autrement que par
une conjuration ? 76
Motif de llntérêt qu'excite
l'histoire de toute conju-
ration. 77
1476. Gonjuration de Nicolas, fils
de Lionnel d'Esté, contre
Hercule. Ib.
I «<^ septembre. Nicolas entre
avec six cents hommes ï
Ferrare. 78
II est chassé, fait prisonnier
et mis  mort. 79
Pouvoir limité du duc de
Milan à Gênes, d'après
les capitulations. 80
Galéaz Sforza ne les observe
pas. Ib,
Galéaz veut partager la ville
de Gênes en deux pour la
dompter. 81
Gourage de Lazare Doria ,
cHRonoimiQux.
489
4al le fcH rcnoneer à ce
VN^ 82
1476. Juin. Jérôme Gentile prand
les armef pour délitrer
Gènes. 88
Il est obligé de renoncer à
, sou projet et de sortir de
la ville. ib.
Caractère et vices de Galéaz
Sforza. 84
Jérôme Olgiati, Garlo Vis-
conti et Jean -André
Lampognani , élèves de
Colas de Montani, for-
més par loi à la haine de
la tyrannie. 85
Il leur fait apprendre Vart
de la guerre. 86
Animés par les outrages
qu'ils reçoivent de Sfoiza,
ils conspirent contre lui. Ib^
Prière des conjurés dans le
temple de Saint - Am-
broise. , 87
26 décembre. Ils tuent Ga-
léaz dans ce temple. 88
Lampngnani et Yisconti
sont massacrés immédia-
tement. 89
Constancede Jérôme Olgiati
durant le plus ainreuxsup- '
plice. Ib,
1477. Jean Galéaz Sforza, fils de
Galéaz, reconnu comme
duc de Milan , sous la ré-
gence de sa mère» Bonne
de Savoie. 90
Jalousie entre SImonéta, son
premier ministre, et les
fkères de Galéaz. 91
16 mars. Tumulte A Gènes
sur la nouvelle de la mort
du duc de Milan. 92
Prosper Adomo tiré de pri-
son par la régence de Mi-
lan, et chargé d'apaiser
les troubles de Gènes. 93
30 avril. Adomo réUblit A
Gènes l'autorité limitée
du duc de Milan. 94
l^es frères Sforza léduisent
AM. Pag.
les neichi à l'obélssnice. 96
1477. Mai. Us reviennent à Milan,
dans Tespérance de s'em-
parer de l'autorité. Ib.
26 mai. Leur confident Do-
nato de Conti est arrêté. Ib.
Ils veulent soulever le peu-
ple, mais ils sont forcés à
s'enfuir. 96
Mort d'Octavien Sforza au
bord de l'Adda ; exil de
ses frères ; victoire com-
plète de Gecco SImonéta. Ib.
CHAPITRE IV.
' r Conjuration des Paxxi.
1478. 98
1472-1477 Insignifiance de l'his-
toire florentine pendant
plusieurs années. Ib.
Pouvoir vezatoire que s'ar-
- rogent les Médicis. 99
Dissipation de lafortune pu-
blique pour soutenir leur
commerce. Ib.
Partisans des Médicis, et
leurs ennemis. 100
Jalousie de Laurent contre
la famille des Pazzl. 101
Il prive Jean des Pazzi de
l'héritage des Borromei. 102
François Pazzl quitte Flo-
rence pour s'établir à
Rome. 104
U associe sa haine A celle de
SIzlelVetdeJérômeRla-
rio. Ib.
Il reconnaît qu'il ne peut
attaquer les Médicis que
par une conspiration. 105
U attache à son parti Fran-
çois Salvlati, archevêque
nommé de Pise. 106
1477. Charles de Montone,
enatiaquant les Siennais,
les indispose contre Flo-
rence. Ib.
Jacob des Pazzi entre dans la
conjuration de son neveu. 107
D'autres ennemis des Médi-
490
TJUmB
H§. km*
Pm.
cb se Joignent aux eon-
1472-1477. 10 décembre. Ra-
pbAél RiArio nommé car-
dinal à dix-luiH ans. Ib.
14T8. Le cardinal Riario revient à
Flomiee, et lei conjura
veulent attaquer les Hé-
dicis pendant ica fêtes
données é ee eardinaL 109
36 arvril. Les conjurés atta-
quent lea deux frères
. pendant la messe» à la
cathédrale. là,
Julien est tué, f^urcntse
dérobe à ses meurtriers, 1 1 0
Laurent se retiré chez lui
entouré de ses amis. 1 1 1
L'archevêque SaWiali vent^
pendant ce temps, s'em-
parer du palais ptH:»Kc. 112
Le gonfalonler . s'éehap^
de ses mains, le fait sai-
sir et le fait pendte ailx
fenêtres du palaiSg 1 13
Efforts inutiles de Jacob des
Pazzi pour animer le pen-
pie. 114
Tous les conjurés massa-
crés par le peuple furieux. là.
Soixante-dix citoyens ihis
co pièces dans les rues. 1 1 5
Garactére des Pazzi. 1 1 6
Attaque des alliés contre la
république florentine. là.
4 juin. Bulle de Sixte IV
contfeélle. 117
13 Juin. Les Florentins
nomment les déeemvSrs
de la guerre pour se dé-
fendre. 118
Le roi de France et d'autres
souverains veiident dé-
tourner Sixte lY de la
guerre. 119
Le cardinal de Pavie con-
SeHteàSixtelY de don-
ner des réponses évasives. Ib,
Il représente la cause des
conjurés comme devenue
cdle du SaintpSiége. 1 20
1478. Le pape
toute l'année de répondre
aux ambassadelHra de
iFraUce»^^ et se prépare â la
guerre. 121
CHÀPïtl^ïr t.
Ôuerre entre Sixte ÎV^
allié de Ferdinand de
NapleSt èi les Floren-
tif^s. — Génfis recouvre
sa liberté. Suite et fin
de la guerre de Fenise
contre les TutcàAVl^. 122
La dissimulation des eonspi-
rateurs ne peut étre^fcu-
aéei qu'en raison du ésiè-
ger qu'ils courenlii. Ib*
Les souverains qui s'enga-
gent dans une cen&pka-
tlon desceiftdent an rôle
. d'assassins. l 123
JLe caractère de Sixte IV
corrompait son esprit et
dés.^onorait ses projets; Ib,
1478. Ses préparatifs pour la gder-
. re , et ceux des Fk>rentinf. 124
30 aoûtt Le due Hercule de
Ferrare accepte le cam-
ipandement de l'armée
florentine^ 125
Conduite suspecte dndocde
. Ferrare. ibt
N laisse prendre sMceessIve-
m»t le^ |»las forts ehà-
, teanx des Flor§nUns«, 126
Novembre. Il met ses tron-
. pes en quartiers d'hiver^. 127
Lam-ent de Médieis «e Uent
to^jours éloigné de car-
mée qui combat poar
hii. /*.
Les Florentins sollicitent les
secours des autres pub-
sanees. 128
Ils ontrecoqrs à Bonnes ré-
gente du duché, de Milan. 129
Le roi de Naples donne à
Bumne des occq^aliens,
pour l'empêcher de secou-
rir les Florentins* Ib.
GHROVaUNnQUE.
491
Plg.
129
131
Ib.
\n
Ib,
133
1478. Il exdte Proiper Adomo &
soQleyer Gènes.
Sfonino eiiYoyé à Gènes
atec ime nombreuse aN
mée, pottr soumettre celte
▼ille.
Robert de San-Sévérino se
charge de la défense de
Gênes,
7 août. Bataille sous H due
Gemelli entre les Mila-
nais et les Génois.
L'armée des Milanais dé-
faite et dépouillée par les
paysans.
26 novembre. Prosper AdoN
no oblifé de céder sa
place à Baptiste r régdso.
Les Florentins cherchent à
' demeurer en paix avec fe
gouyereement de Gênes. 134
Peste à Florence et à Venise. 1 35
Négociations des Florentins
aTec Venise, pouir en ob-
tenir des secours. ib*
Les Vénitiens, épuisés par la
guerre des Turcs, ne peil-
vent secourir Florence. Ib.
1475. Leurs efforts pour obtenir la
paît de Mahomet II. 136
Us font conduire à Venise
les fils naturels de Jac-
ques de Lusignan. Ib,
1477.Acfamet,sangiakd*Âlbante, .,
met le siège dcYant Croia. 1 37
2 septembre. François Con-
tarini défait devant Grola,
par Achmel. Ib,
Octobre. Le pacha de Boi-
nie attaque le Frioli. 138
Acbmet Giedik s*empare du
pont de Goriza. 139
Géronimo Aorello battu sur
les bords de l'isonzo, par
les Turcs. Ib,
Le nord de l'Italie, jus(|a'A
ta Piave, ravagé par les
Turcs. 140
14781. Les VéniUens foHifient de
nouveau les bords de TI-
141
AOD. Mk.
1478.Janfiier. Ha font de nbo-
veAux efforts pour «Menir
la paix. 141
Mal. Mahomet rejette les
ootidUtoiia qu'il avait lui-
tnème dictées; 142
15 Juinv Groia se rond A
Mahomet, qui yfole la
capitulation. lè,
Hahbmet assiège. Scatari . 143
27 juillets Assaut terrible
donneAScutari. 144
Mahomet s'empare de diver-
ses places de l'Albanie. 1 45
Il attaque de nouyeao le
Frioli. 116
Inquiétude que les ifiRiires
de Chypre donnent à la
répobliiiue. Ib.
27 aoftt. Les Vénitiens en-
ferment dane le château
de Padoue les enfants de
. Jacques de Lusignan. 147
Extrémités ou la ville de
Scatari se trouvait ré-
duite. Ib,
1 8 novembre. Le sénat prêt
à accepter la paix à'
toute condition. 148
1479; 26 janvier. La paix est Si-
gnée avec le sultan, par
• Giovanni Dario, ambas-*
sadeur de Venise. 149
La république donné des
pensions aux habitants
de Scatari, qui abandon-
nent feur patrie, cédée
aux Tures. 150
25 avril. Là paix avec les
Tdrc^ publiée à Venise. Ib,
CHAPITRE ^1.
Sixte If^atUre les Suis-
see en Italie; leur vic-
toire sur les Miianaii à
Giorniào, — Il excite
Louis-le-Maure à s'em-
parer du gouvemetnent
de Milan. Détresse de
Laurent de Médicis ;
il se rend à JYapleè, où
402
TABIiB
Pjff. ABB.
il Hgm tm« paix qui
omnpromet Pindipen^
dance de la Toscane.
Projet du due de Cala-'
bre sur Sienne; révolu--
Hons de cette républi'
que. 1478-1480.
151
1479. Jalousie des Italieu contre
Venise, après la paix de
Gonstantinople. Ib,
Colère de Sixte IV contre
enx. 162
U yeut susciter de nouvelles
guerres en Italie. Ib.
1476-1478. (lommencement du
commerce des indulgen-
ces en Suisse. 1S3
Sixte IV Ycut appeler les
Suisses aux guerres d'Ita^
lie. Ib.
Intrigues en Suisse de son
légat Guido de SpcHieto. 154
Novembre. Le canton d'Uri
déclare la gueire au duc
de Milan. 155
Les Suisses ravagent le voi-
dnage des laos, et mena-
cent Beilinzona. Ib,
1479. Janvier. Ils défont le comte
Torelli, À Giomico. 156
Paix entre le duc de Milaaet
les cantons suisses. Ib.
Intrigues de Sixte IV avec
San-Sévérino et les frères
Sforza. 157
Faiblesse des Florentins
dans leur guerre contre
RolMsrt de San-Sévérino. Ib.
Aitfmosité des soldats de
Bracdo contre ceux de
Sforza, qui servdientavec
eux dans rarmée floren-
tine. 158
7 septembre. L'armée des
Florentins défaite au Pog-
gio-Imperiale , et leurs
forteresses prises par le
duc de Galabre. Ib*
' Les frères Sforza passent en
Lombardie. 159
1479.23 août. Tortene te rend à
Louis Sforza , dit le
Maure. 159
8 septembre. Il est rappelé
à Milan par les ennemis
du ministre Cecco Simo-
néta. 160
1 1 septembre. Lonls-le-
Maure fait arrêter Simo-
néta, et on an après il le
fait périr. 161
1480. 7 octobre. H renvoie la du-
cbesse Bonne, et déclare
son fils msjeur A douze
ans. Ib.
1479. Les Vénitiens et les Floren-
tins veulent opposer René
II de Loriraine A Ferdi-
nand. 162
Droits de René II à repré-
senter la maison d'An-
jou. 163
Les ducs de Galabre et d'Ur-
bin Invitent Laurent de
Médids à traiter avec
Ferdinand. 164
Dissentiments entre le roi
de Napies et le pape sur
la guerre de Florence. 165
Dangers de la situation de
Laurent de Médicis. Ib.
5 décembre. Il part pour
traiter la paix à Napies. 166
1480. n est reçu A Napies avec
les plus grands hon-
neurs. 167
11 expose A Ferdinand les
principes de sa polilique. 168
Ferdinand veut s'assurer si
les ennemis de Laurent
ne profiteront point de
son absence. Ib.
6 mars. Ferdinand signe la
paix avec la république
florentine. 169
12 avril. Laurent, de retour
A l'Iorence, rend son
autorité plus absolue. 170
Magnificence et prodigalité
de Laurent. 171
Projets de Ferdinand sur
CHR<»l&Ï.Oi}IQU.
m
P«g. AUB.
^8.
Sienne, i^fA l'avaient en-*
gagé A la paix. 171
1403«'1480. Sienne gooTernée par
' les trois monts réonis ,
des Neafi des RMorma-
tears et da Peaple. 172
Prospérité de la répobUqne .
sons ce goaTemement. 178
Mécontentement des partis
exclos da gouyemement. Ib*
1480. 22 juin. Le mont des Ré-
formatenrs exclu da goa-
vemement par le duc de
Galabre. Ib»
NoaTcaa goaTemement prêt
à soumettre Sienne aà
toi de Naples. 174
Sienne sanvée par le dé-
barquement des Tares à
Otarante. ^ 175
CHAPITRE* VU.
Mahomet . II t'empâte
d'Oirantei Sixte ir
effrayé fait la paix avec
ùe Florentine, et le due
de Calabre quitte Sien-
ne pour délivrer Otran-
UMort de Mahomet IL
Nouvelle guerre allu^
mée dane toute ritalie
parSixtelF'tPourledur
chideFerrare. ilpaeee
d'un parti à Vautre, et
meurt enfin de chagrin
de la paix. 1480-1484. 176
1480. Expédition de Vahomet II
contre l'Ile de Rhodes ,
commandée par Mésithés. Ib»
28 Joiliet. Débarquement
des Turcs, conduits par
Achmet-Giédik,AOtrante. 177
1 1 août. Prise d'Otranle, et
massacre de ses habitants. Ib,
Les Vénitiens avaient favo-
risé cette Invasion, et le
pape était accusé d'y
avoir consenti. 178
Effiroide SixtelY , envoyant
les Tares en Italie. Ib.
Il appelle tons les Italiois A
la défense de rÉgltse. i79
1480.7 août. Le duc de Calabre
quitte Sienne pour défen^ -
dre le royaume de son
père. > 180
Le pape, effrayé, consent A
se récondlieravecies Flo-
rentins. A.
8 décembre. Pénitence des
Florentins , et discours
que leur adresse le pape. 181
1481. Mars. Les Florentins recôo-
vrejnt leurs forteresses,
sut les firontières de Té-
tât de Sienne. 188
Paul Frégoso envoyé par
SIxIe I Y contre Otrante. Ib.
8mal 1481. Mort de Maho-
met II, qui met un ter-
me à la terreur de nulle. 184
10 août. Otrante reprise par
le duc de Galabre. Ib.
1480.4 septembre. Le pape dé-
pouille les Ordelaffi de la
principauté de Forli, et
la donne A son npveu Jé-
rûme Rlario. 185
Extorsions par lesquelles le
pape relève ses finances. 186
1481. Il envoie Rlario A Venise,
pour s'allier avec cette ré-
publi(;^e. 187
Rlario songe A partager avec
Venise les états du duc
de Ferrare. Ib.
Griefs de la république de
Venise contre le duc de
Ferrare. Ib.
1482. 8 mai. Le pape et la répa-
bUque déclarent la guer-
re au duc de Ferrare. 188
Ligue da roi de Naples, da
duc de Milan et des Flo-
rentins, pour le défendre. 189
Gœrre des seigneurs de
châteaux dans l'état de
Rome. Ib.
Gaerre des Fieschi en Llgo-
rie, et desRossi dans l'é-
tat de Parme. Ib»
Difficulté de la gaerre dans
494
^AMtM
m* A^B*
«nie»
duP6. 190
Hsa.Boberi de Sw-Séyédno,
glanerai de# Vé^iËeDs,
soumet plasiem chft-
teau^-forlf. 191
f^rédérie dé ftfonUleltro est
nommé général de la li-
gue qui Refend Fer^jre. 1 92
jLJp ermite Yeut d^fîendre Ff-
ghérnolo par un m^acle. 193
21 août. L> duc'die Câlabre
déCait À Çampo-jiforto ,
près de yejtetri, par Ro-
bert Malate^ti, génial du
pape. 194
Ingratitude 4vl p^ pour
^alatesti, ipo^t jwi0oi-
sonné le 1 1 sep^eiait^e 1 95
1 1 septembre. ^(>A ^ Fré-
déric de MontéJSeltro, duc
d'UrbIn. Ib.
1 4 octobre. Première ouver-
ture de pa|x entre Sixte
IV et Ferdinand. 197
1 2 décembre. S|itelV aban-
donne les y.éniUens et
S*alta.cbeà|aUgneoppoçée. Ib,
H83. i,Q janvier. Il publie un ma-
nifeste contre les Yéni- '
tiens, et lés excommunie
ensuite. 198
?8 lévrier. Congrès de Cré-
mone pour aittaquer les
Vénitiens. Ib,
U gueire se lait avec ^e
extrême mpJle^^e. 199
Guerre de Toscane faite
pluf lâcbemeht encore. 200
9 mai. Traité des Vénitiens
ayec Kené II ^ liorraine,
qu'ils jireçnent ^ leur
sc^de. 201
30 aoàt. Lamortde Louis XI
oblige Renë i retourner
en Lorraine. Ib,
24 mai. Sixte IV excommu-
nie les Vénitlqos. 202
19 novembre. jU fait cardi-
nal son valet ^e cba^^ibre,
1484. Vm et jirit. Ut iotte
TénitieoDe prend au roi
4eNap|es<ïa)lipoHèt9o-
licastro. 203
Le^GoioBiit poursulti^aTec
acbamemeut ^ar Elario ,
à Rome çtdani leurs iefs. 204
H73. Supplice du protÔQptaire
Louis Goloom* 205
JS^égociations de I^WVme
l^^rio, pour s'empa|!gr 4e
RimUii et de Pésarq. Ib,
aelroidissanwnt entre les
alliés. 206
i5}uHle(.l|lQKi.deFi4dénc,
marqnisde Mantou^. Ib.
NégociatiopH» de Robert de
San-Sévéïr^ aveoLoni»-
le*Maure. 207
7 août. Paix d^J^agpolo en-
tre la H^eet les Vénitiens. Ib,
Les états les plus familles sa-
crifiés pir la iMâi'dèBa-
gn<^*. '^ Ib.
Mécontentemem du pape
loi-squ^il apprend les né-
gociations. ' 209
12 août. Il refuse iFipprou-
ver et île bénir la^x. Ib.
13 août. Il meurt m bout
de quelques lieures d'un
accès de goutte reaw&tée. 210
Son goût pour les cembats à
outrance. Ib,
qiiPiTitE ym.
Election 4' Innocent yf^J-
Ce pape faif déclifrer la
guerre entre Ferdinand
et ses barons. — Le <wr-
dinal Paul Frégoso ,
doge de Gênes, — Con»
quête 4e iSarzane ]far
les Florentins. — ^nar-
chie et pacification de
Sienne, — Conjuration
contre Jérûmo R^iario
et contre Galéotto Mon-
fridi. 1484-1488. 211
Autorité des caritinai» dans
I'£^ roHMlAV, A.
GHROfiOIiOGIQUS.
495
Pag. âin.
»«g.
GowmMU le pape tes Césait
cédera 868 tiioBtéfl. 212
A el)e<iae élecllen tes cardi-
naux essayaient d* res-
treindre les piérogaftiYes
du pape. 21^
Mais les papes se déga-
geaient de leurs sennenis,
en verta-deleMrsttpréma-
tie. Ib,
Le 4roit du parjcue garanti
an Saint-Siège par one
Imite d'Innoeent VI. 2U
Opposition des plus ver-
toeoz enrdiaaax A eeican-
date. 216
1484 Xondiltens imposées au pape
ttOstf après la mort de
Siite lY. Ib.
29 août. Jeao-Baptiste Gybo
éla pape sons le nom
û'InmùGont Fin. 216
Il avait ao^té les Tttix des
cardinaux par des mar-
eh^ secnets. 217
Garactèned'tonooent VIII. Ib.
Innocent VIII se montre
l'ennemi de Ferdinand. 218
Haine des aqjets dé Fer-
naAdjQopJtreLi^. Ib,
Innocent interrompt le com-
merce de monopole éta-
bli entre Sixte iV et Fer-
dinand. 219
1485. Indépendance des habi-
tanls d'Àquila. 220
28 Juih. Us sont privés de
' léiàrs droits par le dac
de€a!abre. 221
Octobre. Ii^nocent VIII les
prend sous sa protec-
tion. Ib.
. Assemldée A Melfî des ba-
rons napoKtains ennemis
du roi. 222
Le duc de Galabre attaque
les barons mécontents. 223
Les Florentins et Louis Sfor-
za promettent leurs se-
cours A Ferdinand. Ib.
I^égociatioiu des toons de
Napifis et d'Imeoeiil VIII
avec René H. 224
1485. Le roi envoie Frédéiio, son
fils» poor oflSnr aux barons
les conditions les plus
avantageuses. Ib.
Ferdinand faft maielief te
dno de Galabre contre
Rome. 225
1486. Négœiattons des Florentins
pour faire f év^eiter l'Ëtat
del'EgKse. 226
8 moi. Victoire du duc de
Galabre, an pont de La-
mentana , stms effusion
de sang. Ib.
Innocent Vlil, elfi«yé, vent
faire te paix. 227
Médiation de Ferdinand et
d'IsabeUe, rois d'Arragon
etdeGastille. Ib.
11 août. Traité de Rome,
par lequel Ferdinand ac-
corde au pape et aux ba-
rons toutes leurs deman-
des. 228
13 aoDit. Ferdinand fait pé-
rir ceux de ses ennemis
qu'il peut saisit A Naples. Ib,
Septembre. Il s'empare d'A-
quila , et en cbasse les
troupes du pape. 229
10 octobre, il arrête et fait
périr tous tes barons aux-
quels il avait accordé la
paix. Ib.
Robert de San-Sévérino ,
aband(»mè par le pape ,
est mis en déroute. 230
Le pape se soumet A la vio-
lation de la paix de Rome. Ib.
11 se réconoitte avec Lau-
rent de IMédicis, et lui
doiMieloute sa confiance. 231
1487. Novembre. U fait épouser A
son fils une fille de Lau-
rent, et promet au fils de
Laurent un chapeau de
cardinal. 233
MSe.MédiaUon de Médicis pour
terminer la guened Osi-*
496
TAmJS
Hf. AiB.
n«.
mo> dont te MigDéfir ap-
pelait les Turci dansFEtat
deTEgltee. 233
1483. 25 noYembre. Paol Frégoio
arrête son neveu Baptiste,
et se fait doge de Gènes. 236
1 484. Sardane et Piétra-Santa oé-
déa à la banque de Saint-
George de Gênes. Ib.
Octobre. Les Florentins aa-
siêgent Piêtra-Santa. 237
Maladies cruelles dans te
camp des assiégeants. 238
8 Novembre. Piétra-Santa
se rend aux Florentins. Ib.
1485-1486. Négocialions pour la
paii entre Paul Frégoso
et Laurent de Mêdids. 239
1487. 22 mai. Prise de Sarzane
par les Florentins . Ib.
Juillet. AlUance de Paul Fré-
goso et de Louis Sforza. 240
1^8 anciens partisans de
Paul Frégoso se réunis-
sent aux Adorni oontrelui. Ib.
1488. Août. Paul Frégoso, atta-
qué par les Fiesques et lea
Adorni, se réfugie dans
la forteresse. 241
Guerre civile dans Gènes. 242
Projet de parUge de la ré-
publique entre les Adorni
et les Frégosi. 243
Augustin Adomo est ren-
voyé en exil dans le Friuli. Ib»
Octobre. Paul Frégoso se re-
tire à Rome , où U meurt
le 2 mars 1498. 244
Laurent de Médicis Jaloux
de toutes les républiques. Ib,
Troubles de Sienne, qu'il
envenime. 245
1483. 14 juin. IV s'alKe aux déma-
gogues de Sienne. 246
1487 .Tous les émigrés de Sienne,
quoique departisopposés,
font la paix entre eux. Ib,
21 juillet. Ils partent de
SUggia, où ils s'étaient
réunis, pour surprendre.
Sienne. 247
1487. L6 gdmrenietattil léroki-
tionnaire de Sienne est
renversé par une poignée
de conjurés. 248
Tous les ordres admis de
nouveau au gouverne-
ment de Sienne. 249
1 488 . Conjurations dans les petites
principautés de Romagne. Ib.
14 avril. Jérôme Riario as-
sassiné à Forii par ses
gardes. 251
Courage de sa veuve, Cathe-
rine Sforza. Ib.
29 avril. OcUvien Riario
succède & son père, sous
la tutelle de Catherine. 252
31 mai. Galéotto Manfrédi,
seigneur de Faenza, as-
sassiné par Ftancesca
Benlivoglio, sa femme. Ib*
Jean Bentivoglio, seigneur
de Bologne, vient à Faen-
za pour secourir sa fille,
et il est fait prisonnier
par les habitants. 253
Avantages que retire Lau-
rent de Médicis de ces
deux révolutions. 254
CHAPITRE IX.
La reine CatheHne Cor^
naro aboÊuUmne Vile de
Chypre aux Vénitiens,
ZizimàRome. —As- .
pos apparent de toute
l'Italie.-^Etat de l'Eu-
rope, et pronoetiee de
nouveaux orages. —
Mort de Laurent de
Médieie et d'Innocent
FUI. 1488-1492. 255
Fermeté de la république de
Venise dans ses rapports
avec le pape. Ib.
1487. Guerre des Vénitiens avec
Sigismond, comte de Ty-
rol. 256
9 août. Robert de San-Sé-
vérino y est tué auprès de
l'Adige. 257
CHROHOLOGIQUE.
497
H§. âBft.
Pa«.
1487.6aeiTe eûtre B^azelh II e(
Cait-Bai, soadan d'É-
«Tpte. 258
liSS.Août. Défaite de Tannée
tarque |Mur les Mamelucks,
à Isstti. Ib.
Lesénat de Yanlie enprend
pccaaioiide fdreer Cathe-
rine Goroiho à abdiquer
la eowponnt de Gliypre. 269
1489.24 Ja^Tier. George Gomaro
serend aoivrés de sa toear
pour rengager àoédersôn
royaume. Ib.
15 février. La reine prend
congé des habitants de
Nleosle. 260
20 Juin. Elle se retire à Aso-
lo , dans le Trérisan. Ib.
i 482. Jem ou Zlzlm, frère de Ba-
Jazeth II, se rétagie à
Rhodes. 261
1482-1479. Il Tit en Aoyetgne,
dans une commanderie
de Tordre de Saint-Jean. Ib.
18 mars. H fait son entrée à
Rome en grande pompe. 262
] 490. Mal. Complot décontert à
Rome, pour assassiner
Jenu 263
14S4-1482. Malfaiteurs impuais à
Rome. Vénalité de la Jus-
tice. 264
l490.Fausses bulles vendues au
nom du pape, pour auto-
riser les crimes. 265
1478-1492. L'esprit de persécu-
tion croissait atec rim-
moralité du clergé. 266
1478-1482. L'inquisition établie
en Espagne par Sixte IV,
en chasse , pendant son
règne, 170,000 familles
Juives. 267
ISÉbéHe excusée d'avoir con-
fisqué les biens des Juifs
par cupidité. Ib.
I482.TOUS les écrivains du siècle
approuventia persécution,
en M&mant tout au plus {
les moyens employés. 268 '
1482.LesJaifs exilés apportent la
peste à Gènes à leur pas-
sage. 269
1487.12 mars. Tentatives d'un
mohie poar faire massa-
crer les Juifs à Florence
et à Sienne. 16.
1 492 .Tentatives d'un autre moine
pour exciter une persécu-
tion A Naples 270
Persécution de la vaudoisie
A Arras. Ib
1486. 30 sept. Innocent VIII or-
donne aux magistrats ita-
liens d'exécuter les sen-
tences des tribunaux d'in-
quisition sans examen. 271
Les plus violentes persécu-
tions ont commencé qua-
rante ans avant la réfor- 2
mation. 27
1 4 89 . Mars . Innocent VIII nomme
Jean de Médicis cardinal
à l'Age de treize ans.
Arrogancede Laurent de Mé-
dias , dans le gouverne-
ment de Florence. 274
Les Annales florentines sans
intérêt A cette époque. Ib .
1490. 13 août. Les Florentins font
faire banqueroute A l'état,
pour sauver Laurent d'u-
ne banqueroute. 276
1462-1606. Puissance de Jean iKP^-
Bentivoglio A Bologne. 277
1488.27 novembre. Conjuration
des Malvezzi contre Benti-
voglio, et leur suppHce. 278
1491 . 6 Juin. Conjuration des Od-
di A Pèrouse, contre les
BagUonI, et leur défaite. 279
1490. Le duc de Milan consent de
tenir Gènes en fief de la
France. 280
148$«1 492 . État des autres puis-
sances de l'Europe. La
France gouvernée par la
dame de Beanjeu. Ib
Maximllien en lutte avec les
Flamands, et Frédéric III
chassé de l'Autriche. 281
32
498
TABLE
Pig. ABU.
1400.5 avril. Mort de MattliiaB
Gorviniu ; gûeiTes civiles
de Hongrie. 281
1486-1492. La route des Indes et
celle de l'Amériqae, ou-
vertes an Portugal et à
l'Espagne. 982
1492. 2 Janvier. Grenade prisepar
les rois d'Espagne. 283
Formation des grandespois-
sances qui doivent rem-
placer les petites, sar la
scène de Thistoire. Ib,
Une nouvelle époque devait
nécessairement commen-
cer. 284
Laurent de Médicis ne re-
tarda point la révolution
qui se préparait. 285
Le projet de Néri Capponi et
de Siite lY aurait seul pu
sauver rindépendance ita-
lienne. 286
Louis-le-Maore, en appe-
lant les Français en Italie»
ne fit que ce qui s'était
fait vingt fois avant lui. Ib.
A juin. Paii de Ferdinand
deNaples avecTéglise. '287
1490.27 septembre. Léthargie
d'Innocent VIII , pen-
dant laquelle on le croit
mort. 288
1492.Tentotlve d'un médecin
pour rajeunir Innocent
VIII par la * transfusion
dusang. ^ 289
25 Juniet; Mort d'Innocent
VIIL ; Ib.
8 avril. Mort de Laurent de
Médicis. Jb.
, . PoHlique dé Laurent de Mé-
dlds. &,
Son eitrème aptitude aui
arts, à la poésie et à la
philosophie. 290
Charme de son caractère,
qui contribue encore au-
jourd'hui è sa célébrité. 291
CHAPITRE X.
Conêidératitms iur le ea»
raetère et les rivolutions
du xy« sièele. 294
Eut de prospérité de l'Itafie
au moment où s'engagea
la lutte pour son indépen-
dance.. Ib.
Importance de l'époque où
nous nous sommes arrêtés. Ib.
Jusqu'en 1492, l'Italie oc-
cupa le premier rang en-
tre les nations eoropéea-
nes. 295
Calamités qui commenoè-
- rent à cette époque, el
qui réduisirent fltalle en
servitude. Ib,
Coup d'œil sur l'histoire en-
tière de l'ItaUe. 296
Est-on fondé A accuser les
Italiens d'avoir mérité de
perdre leurindépendancef 297
La nation la plus sage ne
peut point endialner tons
les événements qui font
sa destinée. Ib.
La nation anglaise a couru
plusieurs fois les chances
' qui ont perdu l'Italie. 298
Les Italiens n'auraient point
sauvé leur indépendance
en se réunissant en une
seule monarchie. Exem-
ple des Epagnols. Ib.
L'Italie ne pouvait résister
à toutes les nations qui
l'attaquèrentA la fols. 299
Une guerre civile pouvait
également ouvrir l'Italie
aui étrangersv.quand elle
n'aurait tows^- qu'une
seule monarchie. 309
Droits éventdelft de soeoes-
sion qu'une monarchie
laisse toiijours auxétran-
' gers. 301
L'Italie aurait plutôt pu être
sauvée par l'union de ses
vépubtiques. 302
GHROHOIiOGlQUS.
499
Les éUtf de ritalie éUlent
aussi puissants au xv» siè^
de que ceux de la France
et de l'Allemagne. 803
L'Italie ne pouvait prévoir
le danger qu'elle coih
rait. 304
L'affaiblissement de l'esprit
de Wbené en IUlie dimi«
nua sa force de résistance. /6.
Diminution considérable
dans le nombre des ci-
toyens souverains. 30&
La puissance d'une républi-
que sur elle-même aug-
mentée par la participa-
tion de tous à la souve-
raineté.' U,
Le Joug imposé sur les cités
sujettes des républiques»
aggravé pendant le xv«
siècle. 306
Diminution de la liberté po-
litique dans les capitales
mêmes des républiques. 307
Diminution du sentiment
d'indépendance dans les
principautés italiennes
pendant le xv» siècle. 808
Un grand nombre des an-
ciennes dynasties élevées
par le peuple perdit au
xy« siècle sa souverai-
neté. Ib,
Les états monarchiques ces-
sèrent de s'appuyer sur on
principe de légitimité. 309
Malgré ces germes de désor-
dres futurs, le xv« siècle
fut un temps de haute
prospérité. 311
Grands hommes qui brillè-
rent au xv« siècle. Ib.
Les guerres du xy« siècle se
firent avec humanité. 812
La milice italiennese fit hon-
neur à cette époque aux
yeux des ultramontains. 318
Enthousiasme de toute la
nation pour les lettres. Ib.
Créjdit politique des gens de
Pag. ABB. Pag.
lettres dans tous les états
, d'Italie. 314
Emulation exdtée par le
grand nombre des petits
étau. Ib.
Grande diflérence entre les
provinces et les ea|rftales»
pour les progrès de la d-
vilisation. 31 &
UUIité pratique. BésuUat du
progrès des sdences. 31 0
L'histoire d'un pays libre
met en évidence toutes
les soufflrances des indiyl-
dus ; celle d'un pays as-
servi les dissimule. 317
Recherche du bonheur réel
d'une nation dans cha-
cune des classes de la so-
délé. 318
Etat de bonheur des paysans
italiens, comparé à celui
des autres nations. 319
Prospérité de l'agriculture
au xve siècle. Ib.
Les provinces aujourd'hui
désertes étaient alors cul-
tivées. 830
Les paysans italiens étaient
alors enfermés dans des
bourgades. 321
Importance politique que
leur donnait cette réunion. Ib,
Condition du peuple des
villes, bien plus heureuse
qu'aujourd'hui. 322
Activité de toutes les manu-
factures. 323
Les. artistes contribuaient
aussi à la prospérité pu-
blique. Ib.
Activité du commerce ita-
lien, exercé par la pre-
mière classe de la nation. 324
Augmentation prodigieuse
du capital italien. 325
Espérance toujours offerte A
tout père de famille. 326
Prospérité des arts et des
lettres, preuve nouvelle
decdSB de la nation. Ib.
500
TABUt
Pag, AU.
Fag*
toutes les conitractions
da xv« siècle , con-
trastant avec la misère
actaelle. 837
lia magnificeDCè de Tltalia
était alors toute sponta-
née; il ne faut point la
confondre avec le faste
des goaveraements. . 828
On trouve partout les monu-
ments du bonheur onit
versel au xv« siècle :
dès lors on n*a vu que
des, événements qui pou-
vaient le détraire, /6.
CHAPITRE Xt.
ÉleeUond'Alexandre ri;
projetg de réforme de
Jérôme Savonarole ; tya-
nité de Pierre de Mi-
dieigf nouveau chef de
la république florentine,
Louie Sforxa invite
CharUe FUI à faire
valoir eee droits sur le
royaume de Naples; fer-
mentation de toute l'I-
talie, — Ferdinand /«'
m^eurt avant d'être at^
taqué. 1492-1494. 830
La puissance temporelle des
papes s'était accrue pen-
dant le xve siècle. Ib.
Us se trouvaient À la tète de
la confédération des états
indépendants de VlMe . 881
1492.25 joiUet. Leur pouvoir
éprouva une crise fâcheu-
se à la mort d'Inno-
. centYIlI. Ib.
Egolsme des vingt -trois
eardinaox rassemblés en
conclave. 332
Crédit et richesse de Rodé-
ric Borgia', vice- chan-
celier. 333
licBnrsdeBorgia> et sçs cinq
enfants. 334
Rivaux de Borgia, Ascagne
Sfona et Julien de La Ro-
vére. 384
1402.11 août. Élection simoBla-
que de Borgia, qui prend
le nom d'Alexandre VI.. 335
Joie des Romains au com-
mencement de son règne. 336
Désir de réforme qtd se ré-
pand dans la chrétienté. 337
Caractère de la réforme ,
telle qu'elle fui entreprise
en Italie. Ib.
1452.21 septembre. Naissance de
Jérôme Savonarole. . 838
1 48 J . Premières prédications pro-
phétiques de Savonarole. 339
1489 .Arrivée de Savonarole à'
Florence. 840
La réforme de Savonarole: ^x
ne s'étendait qu'aux
mœurs et à la discipline»
et ne touchait pomt au
dogme. Ib.
1492 Savonarole refuse l'absolu-
tion k Laurent de Médicla
BU Ht de mort, parce qae
celui-ci ne veut pas ren-
dre la liberté à Florence. 341
Vanité et incapacité de Pier-
re, qui succède à Laurent
de Médlds. 842
1493. Jalousie de Pierre de tfédi-
cis contre ses cousins, fils
de Pier-Francesco , quil
exUe de Florence. 343
fiiavonarole prêche k Floren-
ce la réforme politique ,
aussi l^en que religieuse. 844
Savonarole menace l'Italie
des calamités que devait
lui apporter la guerre. Ib.
Pronostics d'une guerre pro-
chaine dans les préten-
tions de la maison de
France, héritière de celle
d'Anjou. Ib.
Louis- le-Maure , gouver-
neur de Milan, veut réu-
nir l'Italie contre les nl-
tramontains. 345
Pierre de Médlds s'oppose
CHAOHOIMIIQUE.
sot
plurv«Dilééo0tt«iiidotf. 146
1493.1iritati(mde LoaiSN.|e^Biaii-
re, et mm inralétiKle sur
FaUlance Beciéteide Pierte
de Médlds &ftc Fordi-
Dand de Na^let. 846
1% atrtl. Il forme une d-
iianœ séparée avec Ve-
nise et Alexandre VI. 847
Louis- le - Manie craigiullt
qne le roi de Naples ne
Yonlût protéger son ne-
Ten contre lui. 846
Incapacité de Jean Galéas
SCona, souyeraln nomi-
nal de Milan. 349
Rivalité de sa femme Isa-
belle d'Aragon, et deBéa-
tiix d'Esté , femme de
Loids-lMIIaiire. Ib.
20 août. Haiimltten soc-
cède à son père l'empe-
reur Frédéric III. 860
Lonis-le^Maore marie sa
nièoe A Maximilieny et ob-
tient secrètement pour
lut-mème rimrestitaredn
ducbédeMUan. 76.
Il recherche TalUance de la
France, avant de dépouil-
ler son neveu, et de firen-
dre lu^môme le titre de
duc. 351
1483. 30 août. Charlce VIII «valt
succédé àcoii pèreijoiili
XL Ib.
Caractère de Qhirlei VIII,
d'après Gnicctaidim et
Philippe de Gomlnes. 362
6a figure moMlraeaie et
son IneapttdlA. Ib.
I493?0(fteft d'^aillanee de Louis-
le-MaureiûharlMVIll. 363
NégoclattODS du comAe de
Oiiaxf 0, de eenoeri «vee
lea émigrés napOUUtas. 864
KégodattOM du eomte de
Beigiolee»a«pfès des fa-
voris de Oharies Vlli. Ib.
ConvemlODi enire Lools-le-
Maore et Charles VIII ,
amk PS»
arrêtées par Mconnetet le
sénéchal de Beaocaire. 365
1493. MégodationsdeCharies VIII
avec toufl ses voisins. , 356
1492.8 novembre. Traité d'EU-
plesa?ec Henri VU d'An-
gleterre. Ib,
1493. 23 mai. Traité de Senlis
avec MaiimlUen» roi des
Romains. Jb,
19 Janvier. Traité de Barce-
lonne avec Ferdinand et
Isabelle d'Espagne. 367
Zfégociatlons de Pemm de
BaschI à Venise. Ib.
L'ambassade française passe
à Florence. 358
1494«Puls A Sienne. Jb.
Et enfin à Rome. 369
Négociations de Ferdinand
avec Charles VIII , par
l'entremise de Camillo
Pandone. 359
Son aliianee avec le pape, et
mariage de Geoffroi Bor-
gta. 360
Onvertores de réconciliation
faites, par Ferdinand A
Leois^le-fllaure. Ib.
Préparatifs de guerre de
Ferdtaiattd. 361
Mouveanméconlentenientet
artifices du pape. 362
Amnentation de toute l'I-
talie. Ib.
Fterdhiand pense A s'abou-
cher A Gènes avec Louis-
le^laiin. 363
34 Janfier. Il meurt iiK^iiné-
menté l'Age de 70 ans. Ib.
Caractère de Ferdinand et
desonrèpie. 364
Sa fignaett ses manières. 866
CHAPITRE XIÏ.
PrépamUft dé déftniê
d'Aifimsê II. — Pre-^
mtèfêê aUagues dei
Frmnpmi9 dam l'étai de
GéiU$ et en Romagne.
— EnUrie de Ckar-
502
'TAS&S
ADO. C3lg.
UiFïilmimU. —
Pierre de Médieiê lui
livre toutes lee forte-
reêseê de la Toscane
— Révolte de PUe; té-
volution de Florence!
exil des MédieU. 366
Quelques rérolations s'opè-
rent en dépit de Tbabi--
leté, d'autres en dépit de
riropéritie réciproques. Ih,
La guerre d'Italie fut soute-
nue avec une égale mal-
habileté des deux parts. 367
1494.26 janvier. Alfonse II est
proclamé roi de Naples Ib.
Ses préparatifs de défense -
par les négociations et les
armes. 368
Ses négociations avec Baja-
zeth II. Ib.
Alexandre YI se j<rint a lui
pour demander l'assis-
tance des Turcs. 369
Alfonse resserre son alliance
aveclepapeAlexandreVI. 370
Faveurs dont il comble la
maison Borgia dans le
royaume de Naples. Jb,
Alliance d'Alfonse avec
Pierre de Médicis^ les ré-
publiques de Toscane et
les principautés de Ro-
magne. 371
Alfonse veut défendre par
des armées les routes de
Toscane et de Romagne ,
et la mer par une flotte
sous les ordres de son
frëredon Frédéric. 372
1 3 juillet. Congrès de Vico-
▼aro pour régler la dé-
fense de l'Italie. Jb,
Diversion causée par le
pape, cpii emploie les for-
ces napolitaines centre ses
ennemis particuUers; Ib-
Une partie de farmée, char-
gée de contenir les Co-
lonne. 373
âWi. Pflg.
1494. FsMbsoA i doc :de Catabre,
- en conduit une autre par-
UeenRomagne. 373
Proposition' du vieux Paul
Frégofio de causer une rë-
voiulion Gène». 374
Chaiies VIII avait fait pré-
parer une flotte roagnifl-r
que à Gênes. 375
U y avait envoyé le ducd'6r-
léans et deux mille
Suisses. Ib.
Fin de juillet. Don Fiédéric
et les émigrés génois at-
taquent Porto-Vénéré; et
sont repoussés. 376
4 septembre. Il opère on
débarquement à Rapallo,
et y met i terre Hybletto
de Fieschi avec les émi-
grés génois. 377
Les émigrés attaqués A Ra-
pallo par mer et par terre. 378
Rapallo est pris; premières
cruautés des ultramoa-
tains. Jb.
Fuite d^fiybletto de Fieschi
et de son fils. Jb.
Juillet. Don Ferdinand con-
duit son armée en Ro-
magne. 380
Le sire d'Aubigny et le
comte de Gaiazzo lui tien-
nent tête. Jb.
Xes conseillers de Ferdi-
nand l'empêchent d'atta-
quer d'Aubigny; 381
Ferdinand se retire sous les
murs de Faenza. 382
IriésolotiondeCharlesVnL Jb.
Le cardinal Julien de La
Rovère le décide A tenter
son expédition. 383
23 août. Charles Vlil part de
Vienne pour passer les Al-
pes avec une forte armée. I&.
Le duc de Savoie et le mar-
quis de Montferrat, tous
deux mineurs, ne gardent
point les passages des M^
nés. 384
CHAOROMOIQUB.
503
Pag. Ann.
1494.9 septembre. Cfatilet YIII
reçoit A Asii là visite de
Louis-le-Uaore et de sa
coar. 385
Maladie de Charles VUI A
Asti. Ib.
Entrevue de Gliaries VIII
ayee Jean Galéaz et Isa-
belle sa femme. 386
20 octobre. Mort de Jean
Galéaz; Louis, proclamé
duc de Milan. Ib,
££nroi que la mort de Jean
Galéaz, qu'on croit em-
poisonné , répand dans
l'armée, française. 387
Charles YIII prend le che-
min de Pontrémoli, pour
entrer en Toscane. Ib,
Soulèvement des Colonne A
Kome, qui empêche, le
pape de défendre la Tos-
cane. 388
Faibles préparatifs de dé-
fense des Florentins. Ib .
L'armée française pouvait
être arrêtée devant Sar-
zane et Piétra-Santa. 389
Fermentation de Florence
contre les Médiois, A rap-
proche des Français. 390
Pierre de. Médicis eifraYé se
rend au camp français. Ib .
NovembrcMédicis livre tou-
tes les forteresses floren-
thies aux Français. 39 1
[ irritation des Florentins
contre Pierre de Médicis. 392
8 novembre. Médicis revient
A Florence, et n'est pas
reçu au palais par la sei-
fleurie. 393
9 novembre. Il est forcé
par le peuple insurgé A
sortir de Florence avec
ses frères. . , 394
Pierre de Médicis se réfugie
à Bologne. Ib.
Jean BentivogUohii rcpro-
. che. de n'avoir pas su
moq^rAson poste. Ib.
1494. PiUage des richesses et des
collections précieuses des
Médids.
Décret de la seigneurie con-
tre les Médicis, et pour
un changement de gou-
vernement.
Négociations du nouveau
gouvernement avec Char-
les YIII.
Jérôme Savonarole parie au
roi de France, comme un
prophète Inspiré.
Fermentation du peuple de
Pise A rapproche de
Charles YIII.
Le gouvernement de Flo-
rence sur les villes sujet-
tes était devenu beaucoup
plus oppressif, pendant la
grandeur des Médicis.
L'agriculture et la salubrité
de Plse, ruinées par l'a-
bandon des canaux et des
Pag.
395
Ib,
396
397
Le commerce en gros et
les manufactures interdits
aux Pisans.
Pise n'a plus aucun histo-
rien après l'année 1406.
IVote.
Unanimité des Pisans pour
secouer le joug.
Louls-le-Maure les y fait
exciter par Galéazzo de
San-Sévérino.
Simon Orlandi demande A
Charles YIII la liberté de
Pise.
Charles YIII promet incon-
sidérément cette liberté.
9 novembre. Les Florentins
chassés de Pise, qui sere-
met en liberté.
Chartes YIII se conoerte
avec d'Aubigny; avant de
marcher sur Florence.
Octobre et novembre. Fer-
dinand abandonne la Ro-
magne A d'Aubigny.
D'Aubigny vient Joindre
399
Ib.
400
Ib.
401
Ib.
402
Ib.
403
Ib.
Ib.
504
TABLB
Vi»
GfaariM TIU dmiun*.
404
1494. Chartes VIII yeot i^Ublir
Médtcli A Ftoreoce» maii
oelai-cl ne revieot pts à
fon appel. Ib.
17 novembre. Bntrée de
CberiesyiIIàHoraiice. 405
Négociation de Ghariei YIII
avec la leignenrie. 406
HardleMede Pierre Gappo-
ni , qui déchire lea pro-
positiona do roi, et en ap-
pelle aax Mmes» 407
2G novenlbre. CSonventlon
de Charles TIII avec la
république de Florence. Ib.
26 novembre. Départ de
Charles YIU pour Sienne. 408
CHAPITRE XIU.
Terreur et irrésolution au
pape à rapproche de
Charlee f^ilL — Ce
monarque entre à Ro^
me ; abdication et fuite
d^Alfonee 11,-^ Die-
pereion de l'armée de
Ferdinand IL ^ U
royaume de Nuplee ee
eoumet à Charlee J^II M,
1494-1496. 409
1494.RépttUUoB d'habileté d'A-
leiandre VI, fondée a«r
sa niaavaise foi. Ib.
La politiquei qui n'ettpas
d'ftecord avec la morale,
reste «n défeot dans le
danger 410
Versatilité de la conduite
d'Aleiandroavee les Fran-
çais. 411
A l'^approche de Chartes
VIII, ttTenlDégôcler avec
tut. Ib.
9 déeembre. Bncovragé par
la présence 4e l'année du
dncdoGaMM«,U fait at-
teler les Dégodaians qui
venaient à lni« 412
t décembreé Cntrée de
im. Pag.
Chtttos Vm a SkmsMt. 412
1 494 . Reiraile de Fetdinand , duc
deCalabre , par l'Ombrie
}osqu'ARome. 413
19 décembre. Nouvelle ten-
tative de négociation du
pape avec lea Francaj». Ib .
Us feodataires de l'Bglise
font leur paix particulière
avec les Français. 415
Tonte la campagne de Rome
est au pouvoir dea Fran-
çais. Ib.
UoiifÉ de Chartes VIII pour
traiter avec le pape. Ib.
Ses oonseillers se flattait
d'obtenir du pape les
filos hautes dignités de
l'église. 416
31 décembre. Le roi enlie
dans Rome à la tète de
son armée, tandis que le
duc de Calabreensortpar
une antre porte. 417
Aspect de cette armée; les
Suisses. Ib.
Les Gascons, la gendanne-
rie. Ib.
la cavalerie légère» la md-
sondaroi« 418
L'artillerie. 419
149&.Jânvldr. Lepape, lettréan
chétean Saint^Ange avec
six cardiaaux seulement,
est deux fols menaoé par
76.
11 Janv. Paix entre le roi et
lepipe>etsesooBdillon8. 430
Le sultan Jem livré an roi
par le pape. 421
Négociation antérieura de
Bajaieth avec le pape
pour* Etire emanisenner
aoo frère. Ib.
L'ambassadenrde Bafaieth
et celui du pape tombent
aux malDi de lews enno*
mis. 4»
n février. Le^soltan lem
meurt empoisonné. Ib.
Fabriae C9laane ooadatt on
CHROirOLOGIQUE.
505
AM.
p»».
eorps d'année française
dans les Abrozies. 423
1495.38 Janvier. Charles Vm
partdeRome poar Naples,
par la roule de San-Ger-
mano. Ib,
30 janvier. L'ambassadeur
d'Espagne déclare à Char-
les YIII que ses maîtres
défendront le roi de Na-
ples. 434
Réponse des Français , et
emportement deFambas-
sadeor. 425
Fuite do etrdina! de Va-
lence, qai devait rester en
otage auprès da roi. 426
Prise, pillage et massacre de
Monte-Fortino et Blont<*
Saint-Jean. i».
Terreor d'Alfonse II, etirri-
tation da peuple contre
lui. 427
Massacre des prisonniers
d'état, au moment où il
était monté sur le trône. 428
Terreurs superstitieuses
d'Alfonse. 439
23 Janv. Aifonse s'enferme
au château de rOEuf 430
11 signe un acte d'abdica-
tion en faveur de son
fils, et fait embarquer ses
trésors. 76.
8 février. Il part pour Va-
zari, en Sicile. 431
19 novembre. Il y meurt
après beaucoup d'actes de
pénitence. Ib.
. 24 janvier. Inauguration de
Ferdinand II A Naples,
après laquelle il repart
pour Vannée. 76.
II se fortifie A 8an-Germano. 432
Son armée , frappée de ter-
reur , abandonne San-
Germano. Il se repHe sur
Capoue. 76.
19 février. Soulèvement du
peuple à Naples. 433
Ferdinand court A ISapIes,
ABD. Pag.
pour apaiser le soulève-
ment du peuple. 434
1495. Son armée se débande pen-
dant son absence, et Ca-
poue se soulève contre
lui. 435
20 février. Vains efforts de
Ferdinand pour ramener
les habitants de Capoue
A l'obéissance. 436
t1 se retire dans le chAteau
de Naples. 437
21 fév. Il s'embarque dans
la crainte d'être trahi par
ses soldats allemands. 16.
Il se rend maître de lUe
d'ischia. 76.
22 fév. Entrée de Char-
les VIII A Naples. 338
Charles attaque les forte-
resses de Naples. 439
6 mars. Capitulation du
chAteau neuf de Naples. 16.
15 mars. Capitulation du
ChAteau de l'OEuf. 440
Dispersion de l'armée de
D. César d'Aragon , qui
défendait les Abmzzes et
laPoniile. 76.
Terreur des Tores sur l'au-
tre rive de l'Adriatique. 44 1
Intrigues de l'archevêque
de Durazzo et de Con-
stantin Arianilès , pour
préparer une révolte en
Albanie. 76.
Désordre et orgueil de l'ar-
mée française. 442
Tous les grands seigneurs
napolitains accourent A la
cour de Chartes Vllf. 76.
Le roi mécontente tous les
paras. 443
II s'abandonne aux plaisirs
et A la mollesse. 444
Toutes les forteresses sont
désarmées par l'impru-
dence de ses officiers. 445
CHAPITRE XIV,
Révolutions œeoBionnées
506
TABLE
INig. â«b
P»fr
«Il Toêeanê par le pat^
sage de Charles f^llL
— Efforiê des Florenr
tint pour reconstituer
leur répt^lique^ sou^
mettre Pise^ et se sou-*
straire à la malveil-'
lance des Siennais, des
Lucquds et des Génois,
— Inquiétudes des Fé"
nitiens sur les succès
de Charles Fin ; ligue
de V Italie pour mainte^
nir son indépendance.
1494, 1495. 446
1 494.ÉlatdelaTo8C«neAvant Tex-
pédition de Charles VIII. Ib.
RéTolattons qu'il prodoit A
Florence, Pif e, Sienne et
Looqaes. 447
Iiei Florentins, en.reeon-
vrant la liberté, savaient
A peine en quoi elle con-
siste. Ib,
Le bonheur que désire cha-
que homme est propor-
tionné au développement
de ses. facultés. Il n'est
pas le même pour Joos . 448
Le but du gouyem^ment est
de rendre heureux le plus
grand nombre possible
d'hommes, en les élevant,
non en les abrutissant. 449
La liberté politique est le
plus puissant des moyens
d'élever les hommes. Ib.
Confusion de la liberté po-
litique et de ki liberté hi-
dividuelle. 4&0
Toutes deux étaient fort peu
respectées à Venise. Ib.
Cependant Venise prospé-
rait par sa prudence., et
son gouvernement; était
l'objet de l'admiration
universelle. 451
Tous les politiques floren-
tins proposent d'Imiter A
Florence la constitution
de Vepise. 453
14 94. Trois partis opposés A Flo-
rence se font tous trois
forts de l'exemple de Ve- .
Dise. 453
Parti des piagnoni, dirigé
par le père Savonarole ,
Valori,etSodérini. Ib.
Parti des arrabiati^ dirigé
par Dolfo Spinl et Guid'
Antonio Vespacl . 4 55
Parti des bigi, attaché aux
Médicis absents. Ib.
2 décembre. Le parlement
assemblé, confère A la sei-
gneurie le pouvoir de ba-
lie. Ib.
La balle nomme vingt élec-
teurs, chargés de désigner
tous les magistrats. 456
Les vingt électeurs ne peu-
vent point s'accorder en-
tre eux, et ils perdent
toui crédit 457
Savonarole propos^des élec-
tions populaires, un con-
seil composé de tous les
citoyens et une amnis-
tie. Ib.
33 déc. La formation du
grand conseil est décré-
tée. 458
1495.1" juillet. Les élecUons
sont rendues au peu-
ple, tb.
1494. Les Pisans de leur côté re-
constituent leur républi-
que. 459
Ils défèrent les pouvoirs
souverains aux magistra-
tures municipales qui le8_
avaient gouvernés pen-
dant leur servitude. Ib.
1495. Janvier. Premières hostili-
tés entre les Pisans et les
Florenlins. 460
Négociations des Pisans au-
près . de Charles VIII,
poor se conserver la pro-
tection de la France. Ib.
Briçonnet vient A Florence
pour exécuter le traité ,
GHBOSOLOGIQUE.
507
Pag. Aon.
KceToir de l'argeot etli-
yrerPi86. 462
14962.4 février. Il dédare n'a-
voir pa réussir à persua-
der les Pisans» et repart
pour Naples. 463
NégociallODS des Pisans
avec Sienne, Lucqnes et
le duc de Hllan. Ib.
Le due de MUan les renvoie
aux Génois. 464
Discours des amlMSsadenrs
pisans au sénat de Gènes. Ib .
SecoursacGordés aux Pisans
parlesGénds. 465
Premiers succès de Lucie
Malvezzi, capitaine des
Pisans. 466
26 mars . Montépnlciano se
révolte contre les Flo-
rentins, et se met sous la
protection de Sienne, 467
Les Florentins recourent
vainementà Charles VIII.
Charles VIII envoie des se-
cours aux Pisans contre
Florence. Ib.
Savonarole maintient les
Florentins dans raUiance
de France, par le crédit
de ses prophéties. 469
Inquiétude et mécontente-
ment des autres états d'I-
talie. 470
Griefs de Louis-to-Maure
contre les Français . Ib»
Anlmosité des rois d'Espa-
gne et des Romains. 471
l495.Négociatlons de Philippe de
Gomines à Venise^ pour
unir cette république A la
France. 472
Congrès à Voilse pour for-
mer une alliance contre
la France. 473
Terreur des Vénitiens en
apprenant la prise de Na-
ples. 474
Danger du roi, si la ligne de
la haute Italie avait en-
levé Asti an duc d'Or-
léans. 475
31 mars. La ligue contre la
France est signée à Ve-
nise, entre le pape, les
rois d'Espagne et des Ro-
mains, les Vénitiens et
Milan. 476
Communication de cette li-
gue à Philippe de Gomi-
nes. Ib,
Secret des négociations et
trouble de Gomines. 477
Articles publics de l'alliance
purement défensifs. 478
Articles secrets qui la ren-
dent offensive. Ib.
Faiblesse de Maximillen,
qui ne peut tenir ses en-
gagemento 479
Leduc de Ferrare et les
Florentins refusent d'en-
trer dans la ligue. 480
Préparatifs de guerre des
confédérés , et retraite
des ambassadeurs. Ib.
Fin DE LA TABLE DU TOME SEPTIEME.
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This hoak sliould be retumei
th© Library on or beforci th© last
sÉaznped belo^iv^.
A fin© of five cents a day îa inc
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Pleasô rôturn promptly.
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