BR1600 .C82 1570
Crespin, Jean, d. 1572.
Histoire des vrays tesmoins de la vâeritâe <
l'Evangile : uui de leur sanu l'onl sùaiâee. <
CENTRE NATIONAL DE RECHERCHES D'HISTOIRE RELIGIEUSE,
sous la direction de Paul BONENFANT, Professeur à l'Université de Bruxelles,
Roger AUBERT, Professeur à l'Université de Louvain, Raoul VAN CAENE-
GEM, Professeur à l'Université de Gand, Léon-E. HALKIN, Professeur à
l'Université de Liège. — Anciens directeurs : f Albert DE MEYER et f Léon
VAN DER ESSEN, Professeurs à l'Université de Louvain, François-L. GANS-
HOF, Professeur émérite à l'Université de Gand. — Reproduction anastatique
par les ÉDITIONS PHOTOGRAPHIQUES MOSA, à Profondeville, en 1964.
— Table complémentaire, in fine, pages 1 - 58 , rédigée sous la direction de
Léon-E. HALKIN. — Secrétariat du Centre, 41, rue du Pèry, Liège, Belgique.
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in 2014
https://archive.org/details/histoiredesvrays01cres
HISTOIRE
Tcfi
moins delà ven-
des vrays
TE T> £ LBVtAW^qiLEyQJJi
de leur fmg l 'ontJ fignéc^Jcpuis Jean lins
tufques au temps prefent.
C O Ulf P R I N S E E N VI IL LIT K F S CO N TE N of X V
A&es mémorables du Seigneur en l'infirmité des Çjcm : non feulement
contre les forcer & efforts du monde, mais aufsi à 1 encontre de diucrics
fortes daiTaïus & Hercues monftrueufes .
L £ S Trefacu monflrentj^jne conformité dc~>ïeflat Eccleji ;J!i
qttC-j en ce dermer fieclc^, a celuy de la primitmc^ Egli-
JedejEsrs Qhrist.
P 0 C A L. VI. IX.
ic.J t'> fous l auu lie $ urnes dc^> ceux qui *uoyeni efit tuez, pour U paroles des Dieu, &f>9*r
kS> iefmngHAg^j qu'ils mantcuo yens, x . Et elles c rtoyent à hautcJ voixJifiHs, JuJ
que s a quAndySeigncurfinuf & vtrUmhl<^,ncs iugcst»t& ncj venges -tu nêftre^fAfig
des ceux qui habitent eu U terres ?
L'ANCRE t> E 1 £ A N C F. E S P I N.
*M. 2>. L X X.
A L'EGLISE DV
s e j g &(^e v
ET A T O V S SES VR AIS ENCANS
effars entrer les peuples (f nations *
I E A N CRESPIN, S.
ou Trincz^
(commande-
hf^&iS^s§ŒfêJ iaUoy affaÙ<-> À quelque^ %oy
4-y^^^^^crr^n > ivferof deu préface qui u„
(^^^^^'^H^ <r^'F0 lc % prrefenteroy : mais enners vous
>o bien-heureufL* du S S I (f J\(^£ V R, qui
,aue7^nourry ceux-cy qui vous font* offerts en cc^j
VRjcueil, Une fi ta befbin d autre recommandation,
vfinon qu'en vous nommante la *s%terç_s,votis les te \\ ™crcdcs
ccuie\jommc_j vofires:aufquels Jefus Qhrïfi vofbre^* chef Çf effoux,a
lien daigné de communiquer /o premier degré de fon ordres, jls font*
du nombre^ de ceux-la qui ck long temps ont entretenu Ivne des prin-
cipales marques ,pjir le/quelles vous efies recogneue vrnycs merc_s > &
dont* aufi vous eftes difcernee d'auec la faujfe ^Maraflte, qui na ceféPfeM ,
dés vofire teunejfe vous faire guerre^ mortelle: cuidant* vfùrper vofire
\l. ice & dignité. Et d autant* quelle, ne fis bafiorrds,oncques ne feurent
ru ngaigner fur vous .ils tafehent*, comme auparauant*, arracher
aux qui vous app irtiennent>:ceux,dy-ie, que^* vous aue^engendre^
de [quels elle en veut voir fa part couppec en pièces, ( comme ladù vnc^
mal-hewreufi demnt* le throne de Solomon)fi montrant* telles quelle $;
cftjwmicidc altères dufmg qui ne luy appartient nullement*. Elle les
penfe tellement* auoir efioujfe^que la mémoire en fott à iamais efieinte,
& que du tout on ne s en apperfoiue aucunement, mais il aduient tout au
rebours de [es de (feins : car en voicy quelque bonne partie de ces derniers re:
/*• '// / • lin mis en cô-
ternps remi.fe en meilleure condition,que quand us efioyent* au cours de dition mdi
cefle vie humaine. O R commet de long temps ten ay donné aduertiffe-
ment, ce ne font point des os, ne des cheueux,n: membres de__* leurs corps,
ne quelques haillop^s ou pièces de leurs habiUemens, ne fables de Légendes
dorées, pour les recommander & en faire des reliquaires, a l'vfagc de cel-
ccsRccuci
La accefsiw
d'icCUX
E P I S T R E
le- la Vojire partie aduerfe3& de fia Synagogue^ maudite rmais ce font*
eux-mefmes par Uns en leurs e fait s , confolans & enfignans ceux qui
restent encore en ce fie cowrfe* Vous y verre^des triopkes qui fiurpafifent
t'vti itté de tons les plus magnifiques que le mode a feu onc décerner a ceux qui raf
"s portoyent pleine victoire des ennemis, Jl nefi pas quefiion de couronnes
de laurier, ne de ch. y lots an s mais dvnéfafon nouuelle de veiner o
e fiant condamne ': Çf triopher contre tons Tlacar s, Décrets (f Ordonm
ces d'Empereurs & 'R^où. Çf mener captifs les exécuteurs di celles lie^
de chaînes horribles. Je vous y pre fente, en fomme, la mature dvne belle
hiftoire Zcclefufiique , quimonfire la mefme façon de laquelle Dieu
a de tout temps coduit gouuerne les vofircs. Sapuifaicefa protechô
(f la fidélité de fos promejfesy font entier émet exprimées pratiquées,
Voyos-ies donc en leurs [ofiefi ions, Reffofè s & Di fautes tenues non feu-
lement cotre ^MoinesfPrefires^ Docteurs fuppo fi s de lAntechnfi Rc
main , mais contre les plus pernicieux ha cliques de ce teps,Seructifies,
lAnabaptifies , épicuriens - fe fuites, & tant dApoflats dc^ la vente.
Voyons- le s aufii en leur confiace & perfeuerace,afin que nom en fioyom
edifie'^Car fitamais il a efie faifon do propofer ces exemples fi umais
6 les fidèles ont; eu befbm d'efire conferme^au milieu d'vn déluge de^
maux > qui efi-ce qui ne voit que /o temps d'auiourdhuy le requiert?
far y eut -il iamais miroir propoféau monde pour reprefnter plus au vj
les furies infernales defehamees ,pour remplir toute la ter re de trouble s
& cohfufions ? T eut-il ïamais orgueil plus furieufèmentj enuenime co-
tre Dieu,que nous ï expérimentons & voyons a préféré? T eut-il ïamais
ignorance plus impudente? Les confidences des hommes ont-elles iamais
e fié plus contraires & répugnantes a ce doivL> elles font neantmoins con-
tejïïm urincues?! eut-il ïamais des herefies excogitees plus monftrueufes? vit-
lc" ?" on iamais des fecles plus pernicieujès : ne la vraye âotlrine foulée aux
pieds de plus grande arrogance ? le nom de Dieu fut -d on que s bkjpbcmi
plus hardiment^ quil efi auwurdhuy ? les Apoftatsiqui de malice déli-
bérée fon?L> la guerre à la ver lté qu'ils ont; cognue , ont -ils iamats leué/es
cornes dvne Japon plus audacieufe? T a -iljbref ïamais eu telle confit fi on
que celle que nous voyons maintenante ? & voicy cependant^ la b ont t
de nofire Dieu , qui en ce grand defordre nous enuironne plus que iamaù
de fa lumière 0 par fia mifericorde non feulement-» nous entretu îvL> en
la fiorterefifc_j de fa venté, mais aufti reflabht & remet -fus /e précieux
L( aciioi! édifice de fa maifon,par la prédication de fa pure parollc^.Tuis donc épi-
j r3j£T on voit telle munificence^ de fa bonté en ce temps, il eïl requis que tou
fon du ' 53 mettent^ la main à rebafiir les ruines redrefifer les murailles de ceHt_
gMW' maifon. La remonfirance quia efie fiait e autres fois par le Trophete <*Ag-
&
A L'EGLISE.
gee au peuple des Juifs, efi digne maintenante , comme en cas femblable,
défirent mifè audeuarvU : Auez-vous , dit-il , le temps pour habiter en vos Aggee
maufons lambriiïees,& la maiion du Seigneur fera deferte? montez en la monta- *'
gne,portez-du bois,& édifiez le cemple,& i y prejidray mon pîaifir, ôc feray glo-
rifient le Seigneur . Q^j\ là 'vous , en fans de tEglif^ du Seigneur , auf-
quels s adreffe cejh admonition , puis que 'Dieu vous fait la mefme gra-
ce, qu après va longe xil & tantj de calamité^ il parfait deuantj vous
tœuure de vofire réparation, flefivray qu'on donnera beaucoup icm v-
fchemens à ce fie befoignedes <votfem la troubler oivUfâ defiourneron* 'es
ouuricrs dvn œuurefifaincl : mais regardons les moyens que Dieu a t e-
nuspour commencer ce baftiment, (f la faneur qu il a donnée a ceux qui
en ont ictte comme les fondemens de ce temps .& vous cognoifire^auc^j
tout a efté'pourfuyui heureufement-j contre toute efierance humaine. Et
fans recercher les exemples de plu* loin, voye^comment le Seigneur a be
foigne& continue de befoigner al endroit dvne ville de Çcneuc^.ccm- x t L
bien de dangers [ont emùronnee, combien d ennemis & dehors & dedans
t ont a/faillie comment le Seigneur ta non feulement garent le, mais auf
filuya fait cefte grâce, qués temps les plus peruers & dwersj/l'a confti-
tuee nourrice & tutrice de fes pour es fidèles dechafiè^de toutes pars hors
de leurs pay s, ayant, de die ' ce fie ville afon J^om, £? pour vn domicile
des fiens.Je dy ce c y pour ce que d elle, comme dvne Efole de pieté, grand
nombre de sf/Vl artyrs contenus en ces Recueils font fortis : defquels,ainfi
que vous, o Eglife,en eftes ornée, au fît le bien & loyeen paruiendraatou
tes nations .Car four oit -on auoir en ces dernier s temps pleins de calami-
te^chofède plus grande confiât ion ? T a-il prefent-j qu'on puiffe offrir
plus necejfaire que tels exemples de la constance de tant de fidèles ^Tcfi
moins de lEuangile qui nous mon firent le chemin? Fru/lrerions-nous la
poflerité dvn fiwél fi grand par nofire nonchalance ? Lancienn&té nous
enfiigne autrement* laquelle a bien confideré comment ceux qui venoyent
après ,efloycrit enrichis des bénéfices cf exemples de ceux qui auoyeni'^
précédé au combat: & ce parla bonté de Dieu qui fait valoir le fangdes
fiens a ce fie fin , comme plus amplement le mefme fera déduit par la Tre-
facc_j fuyuante, en laquelle nous rendons raifon de toutes ceflc^ pre-
fente H ifloire .Les Martyrs anciens, dira - on :efioyeW& ex celle 71s en plu- ^
ficurs for te s. Cela eft vraj. mais fi ceux qui ont efiéiadis fpeclïiteurs , re- [c
gardoyent auiourdhuy les tour mens & afflj cï -ions de ces derniers temps,
ils verroyent chofes merueilleufes & nouueiles. Le nombre des anciens e-
flott grand: le nombre des nojtres quel efi-il? Ceux-la ont apporté grand
fiuicl adnanccmewL> à tEuangde*: la confiance des nofire s fe fait fi
bien fentir auiourdhuy , quelle donne affe^a cognoifire, que la fureur des
ITUlî.
c
Gracie?
Genetë
EPIS T RE A L'EGLISE,
tyrans ri aduance pas de beaucoup ce qui/s défirent : oins fait croijlre le
nombre de ceux qu'ils veulent ext erminer. 0,sils pouuoyent entedre que
Dieu ejbargne le monde pour l amour des fiens, ils les auroyent en toutes
hgBuéte autre efiimeli Jls cognoiflroyen±~> quaufii longtemps que \J\Q oé héraut
btS de Uijrice a eftéfm la terre, le S eigneur a prolonge le teps de fa vengean-
e extrême : & quaufii tofi qu'il eufl mis les pieds dedans I arche, le de-*
hge i'orrihle fbudain fut enuoyé pour couurirCf defituire tous les mefi
chans! fis apprendroyent aux dépens de Sodome> qu incontinent quel-
a/Jlnre eut' pins Loth le iujlepar la ?nain,& emmené dehors Je foulphre
feu du aelconfuma de fond en comble les habïmns auec tout le pays
& villes an onuoifines lau contr, nre/jue la mille de Segor, en laquelle d
demada dhabiter, fut épargnée a caufe de luy ! Jls entendroyent qiŒ~
gypte a efté bénite de fertilité abodance a caufe de Jofeph. Et qui vou
ara en ces derniers teps ohferuer & remarquer la me fines miroirs , cèpe
Hijioirc en pourra fournir de plans argnméts. ffO R noftre deuoir fera
de remercier le S eigneur £f de linuoquei d affection ardente, luy recom-
mandante fa caufe & fa quert lle:& que de plus en plus la a h
doctrine de fin Euangûe foit ?nanifefee auynilieu
des horribles confufions de ce dernier aa-
du monde^ .
***
À V PERSECVTEYR DE L'EGLISE,
HNNEMYDE CE LIVRE*
Tourquoy fus-tu fi laide &* grifè mineuy
O poure aueuglc^yî'/nor ant^arrité
Qomre ce Liure? En es-tu défaite,
°y->& À toy refemblante vermine^?
Je fay trcfbien que rage ion cœur mine^,
Ue ^voir de Qmft le royaume exali é:
€t qu'au rebours de ce qùas areïic,
En fes sïïftartyrs ores <vit & domine**:
Qe ncantmows toy-mefme es linfirumcnfa
De tels effets s9 fans cognoïfirc^ coïnmcnL:
^Appren-le donc? Si par cruel martyre^
"Tu ne met t ois les Fidèles a mort,
J^ous ne^j pourrions 'fans te faire grand tort,
*?iïettre^> en auawU ces cJ\ecueils pour les //rO.
PREFACE
PREFACE MONSTRANT V. NE
C 0 0 I T E D 6 S T E
S E C V T I O N S, ET MARTYRS DE CES
derniers temps a ceux de la première Egltji^ :
avec:
V E C O K^O I E ET D I S P Q-
firion des VIII. Liures de cefte Hiftoire.
irnSM
V 1 C O N Qjf E a dit le premier ,Que les afflictions font les
vrais commentaires de lal'aincfcc Elnicurc,^ a confédéré de bien
près qu 'il riy a enfeignemem plus neceffaire^> aux Fidèle s^pour en-
jT> ^Jii»l*$\î£\ wd'^ à bon efcient lesconfolationsdc^'fEfiritde^Dieu^ejrtrou-
g£ (j^:*V l*^) ij£ tter le-Jvra) contentement dc~ la confeienc^ que^defh'tLJ exercé
• Kjfw] V» $:/Ë\ Par dtterfes tribulations . Vray (fique^silnyauoitque^lt%fflUlion
^kt^^^?î fmlementycefiroitbien peu dechofe-j-, d'autant quc^plufieurs endtf-
i^m^^^y^if^ » •• v' rr,2t" ^nCqneïs l aduerfitên apporter qu z~> tourment au cœur : ou bien
^'^^^Lés ne donne aucun cont entement . mais il faut qu'il y ait vn fondement
fur lequel lafpûïon eflant appuye^elle-Jpuiffc feruirde confirmation a lafoy. Par fautes de^j ^ '™J,lt' *
ce \ fondement , la croix d^j Iefius Chrifi efideuant ItLJ mnnde filiez cj fcandali^, de fortes
qu'on s'en mozque , ne filmant pas queDieu vif te par croix &tribulat onsfincn les?nefihanst
pour leurs démérites. Pour ce fie caufe les mondains efiiment leur vie cr leurs ceuures efrcplaifan
tes a Dieu, à caufe qu'ils ne font pas vifitez, défis chaflimens fie moejnans despotires Chrefiiens,
quand ils wyent qu'ils abandonnent pour leur Religion , ncr, • feulement pere, merefieres^faeurs,
maifons é' héritages, maïs au fit leur propre vies: ojfrans à Dieu par toutes fortes de perfhution
& leurs corps & l-nrs eun.es . C^tugementperucrs é" corrvnpu eftpourfa bille apparenœfiort i.Cot.i.j+
pU'tfianl a li cih::r,aiaitfè qu clic negouflc ne fauour^ rien dis chofis celejhs ^tins feulement olj
qui < (l i hareu I eù' te» re/îre, aimant mieux l'honneur & amitié de ce monde, que^> la vie & çloire
tt er, 'i elle Jl t nU la pet m 'le < in Scgn cur doit fierutr aux fdeles de l ouclier}p ou y r, pouffer t eu t es ten
tations & tillechcmcns quipourroyét difiraire eu dtuerardu droit chemin. Et fe voyans tourmen-
te z.par fia ) eurs ordinaires ypar paieries ,pri fans ,bannifftmens tortures ,& toutes créées defuppli -
ce ytls doiv.ent confiderer en vfihange tant d' auantages qui n /cernent de ces tmfîres : eyà ïop-*
pofuc les dommages que çaufient les repos é' félicitez, trop longues . ^ t cecy les exemples des vail-
lavs champions , qui ont paffé par ces combat s, & par leur mort fuvnonté toutes a.fiH'cHons yfoni
TnerneilUufcment.vt'les d1* necejj'aires -.moyennant que ce (oyentde aux la qui ayent en le fonde-
ment dejjlfdit : rewerque: </('ffi/;/-m/<r«^y2^^,poiiriullicts:ipourIc nom deChriir, M (}r
? comme On clbrns ej' en bien ï^Xeint.yiqucyfurtûiirfiutprend/egvdeJ'autantque^Sa- ' J''t^'I0',
tan votant que le; vrais fruitenrs de Dieu fou fient pour la vertti,il atafebé, romre vn fivge~s, 1 ri,:r 4» t*.
d'au on ai fi des martyrs d er; cur d' de m enfin geôles mettant en au a Vf auprès des vrais tefnoms I#pitr'2
del'Euangile.Ce qu: nous voyons qu'encore auiourdhuy il prattique * parvhcficie dc.jgens qui *A»Vm~bM
fipxvntitredelapjrollfde Dieu fii'ffransperfccuîion /Hafquez. d apparence de fincJcte',c>t>fiur- p«:Uj."jb^
cifet dvnewcruciL'atfifiu i n la venté, afin qu'elle ne put fié cftre difeernee d'entre lemefonge.Si
les fruit eurs de Dieu font des /?ierueilles(comme jadis CMo^fi en Egypte) pour demonfirerla puif
fiance de Dieu ,& induire les Rois à dcliurerl Eglifedecaptiuité : le Diable fiait atfii & oppofi les Exoi ■
miracles de fies enchanteur i jarlefiruels il endurcit déplus en plus les cœurs des Pharaons, de for'
«. mit
CONFORMITE DESMARTYRS
te qu'Us ne donnent heu quelconque aux fignes merueilleux ejr playes horribles que Dieu fait &
exécute lournetiement deuant leurs yeux. Ceux donc s' abufent ,qui arreftent pluftoftteur veucfur
Us croix & peines (qui ne fontpoint le Martyr) que fur infaillible fondcmct de la vérité JLaqueU
le feule monftre la diuerfité deTfoufrances des vrais & faux Chreftiens . Vray eftque les heretï
que s aurot de belles œuures en apparence, corne les arbres fauuages portent aup des fruicts quire-
femblent extérieurement aux bons,ejr font ornez, de force belles fueilles-.mais et autant qu'ils font
hors de Chnft,& par confiquet de la voye,de la vérité &: de la \\ç,leurfoy eftmauuatfi, ejr leur
croix forclofe de bénédiction. ^La doctrine donc ejr confefion defoy font les fruicts entre tous au-
tres plus notables ejr certains du vray fondement de lafoy: & aufquels il faut ftccialements'arre-
ster en ces Recueils Eccleftaftiques qui font dreffez ésV 1 1 J.ltures de cefte hiftoire Ecclefiaftiqu e,
pour iuger du fait des CMartyrsparla parollede Dieu. ^ ££j*efile Seigneur a donné k leur mort
iffue telle que l'ont eue les Martyrs de Cancie ne Eglife,en vne mefme confefioh de doctrine, ne les
a-il pas aufîi voulu mettre au mefme roolle,ejr fanctifer leur mémoire a iamaù? triais encores a-
fin que toute difficulté foit oftee , qui pourroitempefeher les ignerans de tenir ceux-cy du dernier
aage peur vrais CMartyrs ejr fidèles feruiteurs de Dieu/adiousteray quelque conférence des plus
excelles & finguliers que l'E friture nom propofe pour vrais miroirs ejr patrons de ^Martyrs, afin-
demonftrer que d 'vne mefme caufe il y a eu de touttemps les mefme s efects & procédures tant e»
aceufations, que iugemens ejr condamnations.
i e a n ^SIX A ^T'^Ih anBaptistï ,legrad Prophète du T res haut, fès plus enragez per
b a p t. fècuteurs, furent les plus gras en authorité,en miniftere,en degré d'office, les plus doctes &faincts
de tous les autres, ils l'aceufoyent qu'il vfurpott le mimftere de prefeher de fi propre outrecuidance,
MatA.3. fans la volonté de ceux qui auoyent la charge de l'Eglfe : Quil enfeignoit vne doctrine nouuelle,
l»*3- & diuerfe de celle qu'on annoncoit ordinairement és Synagogues : Jgiïil monfirott vn CMefiits
fao U qui n'auoit aucune apparece de Roy ,abiect ,poure & fubiet à toute mifere: J£uilreprenoit les gratis
gouuemeurs de tEglifi,de ce qu'ils auoyent falfifé& corrompu la doctrine de Dieu:gu[il vfiitde
faroUes comme foudres etext ommunication contre eux:J£g'il affermoit que tout le gouuernemeut
de LMoyfi ejloit venu à fin but , ejr qu'vne autre forme dé Religion deuoit ejbre ordonnée: J%mlj
mefme tlbaptifiit au Iordain : ejr predifoit la reiectton etyrutne de tout le peuple , ejr U vocation
des Gentils. ils auoyent bien volonté de le mettre à mort :mav la pmffance ejr faculté leur defaiU
lottje peuple les retenant en bride. Tant y a qu'il endurafvne autre perfecutiond'ticnies fis du
f rentier fier ode s, ejr Tetr arche de Galilée , qui auoit raut la femme de fin frère Philippe . ejr le fit
mourir pour ce que lean le reprenoit d'vn tel forfait, ejr dès maux qu'il auoit comis . T a-il en ce-
Ile procédai -échangez les noms ejr quafitez des temps tjrper[onnes)chofe qui ne foit exécutée e»
ceux des fiecles derniers? ^
1 c s v s ^ s j mus venons au propre Fils du Dieu viufo,! eusChrist ,nous trouuerons qu'il
' a eu des ennemis beaucoup plus terribles ejr enuenimez qu'homme qui aitiamais efté;aufii efioit-
ïlvenu au monde pour entrer en vne guerre merueilleufe contre les ennemis de Dieu ejr de tout U
» genre humain.On a premièrement procédé contre luypar queftions ejr di(putes cauteleufes, &par
lean 7,8,& outrageufes. Ses ennemis l'ont appellé 1 Samaritain ,poffedédu Diable , chajfant hors les
1 Diables au nom de lB eel-zebub: gourmand ejryurogne, amy des peagers . il a efté s excommunié
hlu.9A n. jg synagogue ,aucc décret que tous qui le confie Jfiroyent eftre Chrft,feroyent chaffez de mefme.
\<ua9&.v.Et nonobftant il n'a iamais laiffé de pourfuyure fa vocation , combien qu'ils ejfiajfent a toutes heu-
res opportunité delefairemourir.il a aufi efté fouuent affaillyparrufes ejr cautelles/naisilles re/t
uo yoit toufiours auec vne fi grande prudence, modération , ejr reprehenfion fi graue, qu'ils eftoyent
contraints tout confus de luy quitter la place. Nonobftant prenans quelquefois des pierres, luy eufi
4 fent fait outrage s'il ne fe fuft retiré. Ceux mefme de Nazareth furent tellement offenfez de fespre
j4* dications, qu'ils l'euffent ictté du haut en bas d'vne motagne,s il nefuft efihappA de leurs mains
Muxh.it. contre toute opmion.ne laiffant point pour tout cela de pourfuyure fin office en quelque lieu qu'il fi
L uc I3, & trouuafi- Finalemet cognoiffant l'heure de fa pafton ordonnée de Dieu,eftre venue, feujfrit que les
itan 7,& 10 feldats de Pitate ejr les officiers des Sacrificateurs le prinfint.Et combien qu'il y eut peu reftfter(ccs
Icin7 Se» qu'4monftraclairementquatidtoutelabandeejr Iudas tombèrent a larenuerfe a ce feulmot qu'*
k U dit, Ce liiis-icj toutesfoisilfeprefenta a fis ennemis de fin bon gré. Les principaux points de fis
Luc ij
accufations quels furent-ils? g£U enfeignoit fans vocation 5 légitime: Jgu il fi difoit eftre le 6 Mef
uc *'* fias : ejr eftre Fils de Dieu , & mefme y égal a Dieu le Pere : Wtl trou b bit la religion ordonnée
Matth. 9. par CMojfi filon LaparoUe de Dieu,& fidutfiit s le peuple : £ue quant au falut, ilcondamnoit la
ieau'i, & iufi^e œ*ures: J^Uvioloit yle Sabbath : qu'ilpardonnoitpubUquemcnt lespcchezaux * croy*
Marcha*, ansiggil defatroit le temple^, & qu'cntTQÙ WMi il le redifteroit:& defendoit de payer le tribut
ANCIENS A V X DERNIERS.
aCefar.Bn fomrne,on neïaccttfoit que de deux crimes les plus énormes detous ,affauoir de bltjjhe-
me & de (édition. Et qui efloyent les caufes de ce/k persécution contre luyîvne des principales c(!oit
le grand meuglement en ce peuple ,qw fe glorifoit eflre le peuple de Dieu : & outre ceji Hypocrifie
ey malice desgrans, qui ne poituoyent nullement fouffrtrque leurs traditions çr leurs abus dr vi-
cesfu ([entrepris . F. fiant condamne par fentences iniques contre la confciencede tous , comment
eft-il traité ? il n'y a ejpece de tourmet qu'on ne luy ait fait, & finalemet on le pend entre deux bri-
gans, comme s'tleuf eflé le plus exécrable des plus criminels du monde . ^ Que tous fidèles dont
rcduifent fouuent cecy en mémoire ,Que le Roy de gloire, le Chef Je tome I hgliie.cn Icffu-
fiondefon fang, a propofede loy vn exemple perpétuel pour tons les tiens, qu'autant
qu'il aura de membres iuiques a la fin du monde, il n'y en aura vn (cul qui (bit exempt
de la croix ou des afflictions . ^.Qv 4 N T a fès <^Apoflres & difciplcs , combien que le * P o -
glame ne fui p.irttenu ïufqu a eux tandis que leCAiaifhre a vifiblement cenuerféen terre attee *T R F
eux, afin qu'ils furent plus amplement inflruit s & t ofirmez,ncatmoins après auoirrect tt le f.x nc l
Effrit , on les excommunie } on les menace , on les veut contraindre de blajphemer : on les décapi-
te,on les lapide. Et fur quelles informations ? fur ce qu'on les dit autheurs de nouueîle Religion &
doihine^abohffans toutes cérémonies ancïenesprefchans vn le fus pour CM e fias & rédempteur.
On le s aceufe comme feditieux ejr mutins fa fan s des afemblecs particulières , reprenans les vit es
des crans Prélats de Icrufalern & de tout le peuple Judaïque . ^ S'il ejl queflion des autres,
nous y troutierons en ejfeîl vne mefme procédure .
^EstiennE) qui efl nommé 'd'ancienneté premier Martyr en l' Eglife pnmiùue, à co?n- LSTl L x-
lien eut il à faire de fortes de gens des Synagogues apvellees Des Libertins , des Cyreniens , des N E*
t alexandrins , des Ctliuens & Afiens ? Le/quels tous d'autant que difputans contre lu y,nt pou-
uoyentref fiera la fapience à" a l'FJpritqui parlohpar fa bouche : il efl accu fe par faux rapporteurs
douant les Sacrificateurs , Scribes & ^Anciens ,& douant tout le peuple, d'auoir blajphemé contre
Dieu, cotre ijlloyfi & lefainci lieu du Temple, ajftwr,£)ue nul ne pouuoit efire luftifé ne faune
par les œuures de l ' Loy, .tins feulement par la foy qui efl en Chrifayat accompli la Loy pour nous:
J2uc les cérémonies efans défia abolies , on deuoit fuyure la forme de la Religion que leftts Chnfi
auoit ordonnée. Leprtncipal facnficateur luy ayant demandé s'il ejloit atnfi , il redraifon defafoy.
Premièrement cjlant en gênerai aceuf r comme apoflat de la Religion & feruice de Dieu -.pour mo- ^^^5
Tirer qu'il au oit vn mefme Dieu que leurs Pères auoyenttouftours (eruy ,il declairc, Qu'iceux Pe- ck fo) d'E-
res auo: ent cftéeleus de Dieu pour luy ejire en héritage & peuple peculier , auant que C\( oyfe fuît [JJ^J1^-
nê^ejr que le temple fifl édifié. Puis dremonflre que toutes les cérémonies externes que Dieu a or-
données par la main de cMoyfe,ont efle formées félon le patron celc(le:& que partant la Loy cere-
moniale fe rapportant à vne autre fin/efioitfo/ltt de laiffer la vérité' pour s'arrefler aux figures ejr
ombres. Finalemet il les reprend de ce qu'ils ont vilainemctoccy le Redepteur ,& que neantmoms
demeurans endurcis, ils refi fient opiniâtrement au fainctF(pnt,a l'exemple de leurs predeceffenrs
qui ont mis a mort les Prophètes . Ce (le confefi'ion de foy fit grincer les dents & creuer de defpit
les aduerfvrcs ma.'s quand ils ouïrent quEfiienne afferment qu'il 'voyou les deux ouuerts, & le-
f:< afis a la de xi ce du P ère, ils deutnrent corne du tout enragez, ejloupan s leurs oreilles. Et ne pou
uan s r endurer * qu'il parlajî,i!s s' ef crièrent à haute voix * ejr fans plus tarder fe ictteret d'im l^lll u'n-
peluo'm cotre lu; Je tyrans hors de la ville/'? le lapidèrent ainfi qu'il f ai foit (on oraifon a Dieu, en£«
t" L A perfecnlionnefutafjouuiedn fangd'vn (c-ufmais tout le troupeau fut recerché ', corn- ""«on «ut"
rneHaJuicnt ordinairement , les vns mis a mortJ.es autres forcez fe retirer és contrées voi fines, ^""i'^"^
qui fut oc cafi on première & notable que l'Euangdefa e fendu plus loindes < Apostres neatmoms j>»^1rine*cj>)""c
demeurans (auec grand danger; en îerufaleméEt qui cjt-ce qui ne peut remarquer, en ayant ces re- d'eftre ouy.
citsj.es ar confiance s qui (e rapportent du tout a ce qui efl aduenu depuis, & qui dure encore à pre-
feni? ^ Si nous requérons l'exemplaire d'vn qui de la fecledes ennemis, Phanfien & perfecuteur
extrême, a 1 c/léconucrty ejrfait excellent miniflre de i Fuangile , les Actes des x^Apoflres le nom
propofent en P a v l ,ji uuant que pour cognoijlre que fur tous il a e(lé agite de diuerfes tepefles és ? a v l.
Egl-fcs d' A(ie/J' . Intioche de Pif die, d'Iconie, Lyfhesx Galatic, Ephefe & plujieurs autres lieux. i.Cor.i,8.
Et outre-plus, qu'en CM ace do rie, en Philippes, en iheffalonie, en Corinthe ,en Berrhoé } a Rome1
& mfques à la mort la perfsaitien l'a inceffamment accompagné.
^ S I on defeéd plus bas à la conferece de ceux qui- font venus après les Apofires, les hfoires
Ecckfajliques nous m on (h ont pareil trattemet <jr procédures, qui durerot wfques a ce qu'il y aura
Eglife au monde, line refle que de regardera cefle nueefiejpeffe de clfartyrs qui nous enutronne, Hcbr.n,jjj
afin decognotfre ceux qui ont batu ce chemin, qui ont frayé la glace, ejr redu le pajfage afé. L'an-
cienne Eglife auott ladis ce/le coujlume, défaire fouuent commémoration de la mort de ceux qui a-
«. v.
CONFORMITE DES MARTYRS
noient ainficonfiammcnt expofé leurs vies pour laveritc de l' Evangile : ejr félon que le Seigneur
faifott ce fi honneur a vnt Eglife,d'en tirer quelcnn pour s'en fer utr de tejmoin , elle efioit foigneufe
Les m a R de coucher par efcrit fon empnfonnementfis combats fis dernières parollesfi confiance: ejr engar
apresktéps doit lesregifires comme t h r e s o r s bien précieux, isf tours certains lepeuple fi trouuoii a»
dt5 Apo- Heu du martyre, & la folennellement toutes ces chofes efioyet leu'es pour magnifier Dieu délivra-
ftrcs' ce qu'il auoit faite a fon feruiteur de mourir fivaillamment : ejr exhortertoute la troupe défaire
avili quand on feroit appelle au mefme combat : & par la letture de l'hifioire , ejr par le regard du
lieu encore tout fanglant . Depuis cefie faincJe coufiume ( comme toutes autres chofes bonnes )s'efi
tournée en vne miferable idolâtrie en la Papauté. Ce qu'on a eu fouuenance des Martyrs, ri apas e-
ttca cefte fin-la que lepeuplepar leur exemple fufi enfeigné de tenir ferme la profefiwn de l'Euan-
çilc,<jr l'adoration d'vn (cul Dieu : mais quefiris ejr rauy d'vne fotte ejr peruerfe admiration de
leurfamfîetêjdles euïi pour dieux, & leur fifi hommage . Onafaitthrefornon point de la confef-
fion de leur foy,nc de leurs fainctes parolles,mais de quelques vieux dr appeaux ,ou de quelques oz
de chenaux ou d'ajhes, qu'on a fait bat fer au poure peuple au£ugle,pour le h rs reliques. Si d'auentu-
re iis'cfi tronué quelques eferitures touchant les Martyrsjettcs ont efié ou falji fiées, on du tout fup-
pofiesparvn Lis de Moi nés on Prefires, pour les faire feruir à leurs impoftnrcs ejr feducJions.
O K maintenant que Dieu anec fa doctrine a fait revenir ce pecle heureux ejr riche de tant
de perfinnages vertueux, qui ont arroufé de l eurfang tant de pays ejr contrées: il faut aufi rame*
nerlcs ailes ejr faits des Martyrs a leur droit vfagc.N efai fins pas ce tort a D:en, quand nous ver-
rons la fiimd 'été, U force & perfiuerancc en ceux-cy, d'en faire honneur à la créature qui l'a receu'è
du Crcateur.Ksfyons en admiration leurs vicloires-.mais magnifions cel.ty qui a veinai crfi-rmo-
té en eux:ér cerchons Lifeurce de laquelle ils mtpuifc toutes ces grâces. Ne nous amnfions point de
faire referue de leurs cendres, on de leurs ojfemens,ce font chofes mortes: mais reuoyons-les v.uans
en leurs refionfes, Epifires & dilates, ejr aux mémoires de leur confiances , afin d'en efire édifiez,
comme il appartient.^ CM aïs le malcflen cecy, que combien qu'il y euflde la matière ajfezpourex
ercer les efirits de ceux qui ont la grâce de mettre en hifioire ce qui efiaduenu depuis quelques ans
ou fiecles en l'Eglife, néanmoins comme ficela rieufiderien appartenu ou feruya la gloire du Sei-
gneur,ejr à la fortification de fis fidèles, pour remède en leursfoiblejfes : on a laifféprcfiqnecnfiuelir
la mémoire de tant de morts precieufis, qui deuffent efire a fon Bglifi comme guidons ejr en feigne s
de favertn ejr puijfance admirable. Lesprophanes ont efiéfidiligens a mettre par efcrit les faits ejr
gefies de leurs gens , n'ayans en cela autre but que de perpétuer leur mémoires, fans regarder à U
gloire ejr honneur du Dieu viuant.-ejr les Chrefiiens feront nonthalans, ou pluîiofi ingrats , quand
Dieu leur met la plume en la main pour rédiger par efcrit fis œuurcs admirables, lefquellesil mam
fefieparles Tefinoins de fa caufe-.afin que fa gloire reluife par tout: ejr quêtons fidèles ayentd'antat
plus ample matière de mettre toute leur affeurance & confiance en fa vertu, bonté ejr mtfencorde?
L n'y a prefquenatto ne pays, non pas mefme entre les Turcs, & autres peuples barbares,
ou Dieu riait mis en a nant quelques Martyrs , pour rendre à tonte région tefmoignage de fa véri-
té-.voire en telle forte qu'a peine t/ouuera-on fiecle depuis la primitiue Eglifiis, auquel Dieu ait fait
plus excellemment reluire fi grande pmffance en l'infirmité des homme s. en telle façon ,dy-ie,ques
les ennemis turez de la ver lté font contraints d'auofr la bouches fermée, demeurans e Uonnez du
tout des merueillcs admirables de Dieu. ils en font au bout de leur roollc: ejr Satan des l'e (prit du-
B ufes & in- qUel ils font furieufement pou fez, a dejbloyé tellement fis rufes,quc quand il voudrait a l'aduenir
dcfaicrcl pi* faire qu il ri a fait , ce ne feroit rien de nouucau.tsfpres tant de cruautez ( ie laiffe celle de copper
(es langues aux pour es Martyrs)enpouircii-ilencoreinuenter & forger d'autres plus fubtiles que
celles dont il s'efiaduifé, premièrement de faire brufier leurs prcccz.ejr puis en venir influes là,de
les faire meurtrir & faccager fans figure ne forme deprecesfafin qued'vn ccfitla caufe desmnoces
par vne fupprefiion fifi aufii tofiefiemte ejr fupprimee que cognue : à' d'autre part que les cruau-
tez barbares des oppreffeurs nefufi cognue. <j Outre-plus, Satan ri a-il pas anfii tellement endor-
my les e (prit s , ejr aueugle de longtemps les yeux des hommes , que fans difiernerils ont iugé hère-
tiques ceux quiparlent en venté, au fi bien que ceux qui parmefihantes doflnnes la falftfientïEt
défi afin de rédre de plus en plus tcelle venté o dieu fi, comme ainfifoit q:i Anabaptifies, Libertins,
Epicuriens, Atheifies, Seruetifles ,mocquettrs ejr contempteurs de toute religion, fuffent fins choit
Co,"mf- îa m iugement enneloppez en vn mefme roolle de condamnation . On fiperfuade qu'ils font delà ffez,
vente crt ré Dieu, quand on les voit abandonnez a la cruauté ejr maffacre de leurs ennemis. Ce font les con-
4uc otlicuic clufions que nous auons au précèdent déclaré auoirefié faites contre Iefiis Chnfl , mefmes quand il
pendoit en la croix -.ejr de fis plus excellens feruiteur s, quand ils efioyent en leurs dures ajfiiclions.
CHais il efi befoin de confiderer c^ut ce rièfipas chofe nouuc!Ie,qne ceux qui font les plus fauoris du
Seigneur,
ANCIENS AVX DERNIERS.
Seigneur \tn tefmoignage de l'amour qu'il leur porte, pajfentparle chemin par lequel "il 'a faitpajjer
fin propre Fils & tout fes ^pojlres,& que telle efl la condition à laquelle i(.t voulu affuiettir (on
Eglifi. Et davantage , regarder a cejle afiftence qu'il leur donne au milieu des plus horribles tour-
mens .pour convertir d'vne façon admirable la rigueur qu'on exécute cotre eux au milieu des çuer
rcs Ciudesjen contentement cjr conjolationt Bref, que ce n'eflpas vn petit honneur qui leur efl fait,
quand Dieu les employé ainfi armez de toute confiance. jpour maintenir fa fainfte ejr lu fie querelle:
afin que l'incrédulité & contradiction desgrans de ce monde, par la perfeueract des (îensfiit cen-
ueincue. Or toute ceflc^hijloire nom monjlrcra quaufi toft qu Ua pieu au Seigneur rcnouueller la
prédication de fa fainctc doctrine, le monde s'efl mutiné à l encontre -.tellement qu'il e(I le foin d'at-
tacher aux lettres patentes de fa bonne volonté ' enuers ceux qui font de fin Eglife fies féaux ord:- Jf *5a0t
naire^&^comme tadù ont fait les P ères ycofcrmer cejlejlennebien-vueillance de la confiance des ^ icttre,
fis fidèles tefmows:afin qu elle foit recognue d'vn chacun , non point nouuclle ou dcjgutfee,w, lis en patentes du
fifone ejr vigueur ancienne : ayant ^ommeiadis en Ierufalcm ,cn <_s4fie,en la Grèce ejr par toute Cl§"eur*
la terre, au (h en cejiccle a fa fuittela croix ejr toute manière cl' opprobre s, pour efhe recognue ancit-
ne, voire éternelle venté . <[ S' I Leflbefoin d'adioufler tefmoignagfi^ a cecy de l'ire de Dieu pour
l'engeance deleurmortjly en a tant amour dhuy , que les plus aveugles le peuucnt apperceuoir.Car
les miferes é" calamitezpar lef quelles maintenant non point vne feideperfonne , mais les Roy an- J^"'?"^
mes &pays entiers font dejtruits & défaits, aduienncnt-elles fortuitement, commet les contern- rcs font ccf-
pteurs de Dieupenfent ? Et oit fe trouvera l'ujloirc qui nous rapporte des guerres plus longues ejr ^oij?«iï«
plus fangimtes, des changemens plus e flr anges , des pejles ejr famines plus mortelles que celles qui peanccV Je
ont t 'fie & font encores par-tout , depuis quecefk doctrine fawcle reva-ffante a efléperfccutec en la î),cu F<"""
perfnne de ceux -c y en ces Recueils, & de leurs femblables ? \'os ennemi* nous en donnent le tort,
dtjans, que nous en fommes caufi.-caril faut que le Pere de menfinge employé aufii bien a Rencon-
tre de nous les mefmcs calomnies defquclles il a chargé ceux dont nous auons cy devant li^patron
(jr ex emplâtre, comme il a fut a l 'encontre de l'ancienne Eglife. Si faut il qu'ils accordetcccy/ejl
affauoir,qu en regardant au fermée de Dieu, ils prennent la corruption d'iceluy pour lacaufe cjr
matière de (on indignation . Démettre ceflc corruption du coflé de ceux qui fuyucntl'Euangile, ^ çollTC<m
on ne fauroitjton ne veut dire que la parolle de Dieu enjoigne vn feruice corrompu. La corruption ^onte .les
donc fe t rouverapluftojtia ou les ordonnances d'icelle faincle parolle font faljifees , ejr autres efla- a^""^
blies a lavolonté deshommes .En quoylesplus ohfisnezfent contraints non fiulemct de ncognoi-
flre pluftcurs abus, mais aufi qu'il y abefoin de rc formation . ^E N la Loyjafourcc des calami-
tcz & furies pays ejr Royaumes efl au long déduite, ejr les Prophètes jpecijict affez, défais les cau-
fes de la ruine de [ erufilem ,ejr de la captiiuté dupeuple.On trouueratoutcs ces cauf's,ejr encores
de plus grandes en la Papauté , outre l'objlination defejferee par laquelle la venté y efl combatue.
^ LE I. article des malédictions efentes au Dcutcronomejourroitpour exemple monjher de Dcut. 17,1$
queïcofléles vengeances de Dieu doyuentcflre rapportées : tjitauditfht l'homme, dit la Loy, qui
fera imaçc de taille ou de fonte, qui efl abomination au Seigneur, l'ecuurc des mains d'vn outtner,
e}- le mettra en lieu jecret, &c. c9j£on examine des deux parties laquelle tflcoulpabtc de cela, ou
lesperfciitciirs cj' protecteurs des images: ou les perfe entez q ut m eurent pour maintenir qu'en a-
uotrentn les Chrejliens pour religion , efl abominatton (jr idolâtrie. Si d'auaniagc on veut exami
nerles procédures déduites en ces Recueils , on cogna flr a que la condamnation l ontre les fidèles
ne vient d'ailleurs jtnon qu'ils n'ont voulu approuuer beaucoup de façons de faire fuperfliticufes ï-efomraaw
Cj idolâtres. ne conjentir qu'il y eujl autre chef de l'Eglifi-J que Chrïfl: ne fouffrir qu'on cercht^ xjç d^Ut
falut en autre que luy. Bref , de ce qu ils ont eu en horreur la Mejjè, c deleflé toutes les chofesqtu Martyr-, ôc
combatent contre laventé de la S. Ejcnture . ^SI on réplique ( comme on fait ordinairement) mamtenu«
que c'ejloycnt perturbateurs du repos commun , ejr tnf 'acteurs de Ivmon de l'Eghfe ,parvne do-
ctrine contraire a celle qui cjlen couflumexeluyfait-iltort au repos public, qui remoftre les défauts
qu 'il y a en ce repos ,pour f.urc que ce ne foitvnc conjpiration commune a l'encotre de la maiejlédc
Dieu? Et quelle efl l'vmon qu'on a rencontré en ces derniers temps entre ceux quife difent l'Egli-
fifinon vne ignorance commune , vn confentement d' aveugles a s'efgarer de la droite voye, vne
liçue de toute trahi fon fous la coduite de l ' Antechrift-.rautffans a Dieu l'adoration qui luy cjldeuè:
dejpouillans lefus Chriflde tous fis ejlats & offices foulas aux pieds fi parolle, pour mettre au lie»
d'icelle leurs fantajîes ? o<f v rejle, n ont-ils pas t oufiours déclaré qu'ils defiroyent eftre en feignez,,
demandons que la Bible fuft produite pouriugerde leurcaufeiCMais avjntoftqu'eflans enquis s'-
ils croyoyent ou le Purgatoire, ou la Meffc, ou quelque autre telle chofe , & ils ont fait rejponfe que
nonda bouche leur a eïlé fermée :on a crié au feuSds remonjhoyent que c'ejhitvne chofe qu'on ac
cor doit mcfmc aux voleurs cjr meurtriers d'efire ouïs en leurs iustifications } cjr qu'on ne leur de-
CONFORMITE DES MARTYRS
■ïtcit tenir vne rigueur plus grande: ils n'ont eu autre rt A finon qu'on le s fit voit dijputcr contre
le nom it'ksfitgfts à" bourre es. Et voilai 'ajtuce de Satan ,d 'amener fis fuppofs à telle brutalité de lettro-
nur-i ,c' à'c sler toute affetfion d'entendre lacaufe -les fidèles: fa. hant bien que ta parollede vérité eflft claire,
M.uc; r. je uji( maiejtt qu'elle force les plus ïlupides de lu y donnt , confentement : & au contra re,que
(èsfauffes doclnnes rapportées a. ce fie lumières ,fe trouuçnt fi vilaines , qu'on en e(l incontinent
defgouftê. Or comme reux-cy n'ont maintenu autre doclrine que celle des Prophètes & K^Apofitrcs,
aunspuifedelà leurs fainc/cs Conférions & efents , aufi Dieu leur a fait l'afi '-'Unce qu'il a ia-
dis dmqee a tous autres qui ont fou fi rt peurfon Nom. Et ic de/ire que ce/a fin dil -gemment con-
pderéyafin qu'on ne leur re fufie point le nom de rjiîartyrou Tcfmoinje quel Dieu leur a voulu im-
tnmer en toutes Joncs. Lalongu car & ton rmens ordinaires des prifion s n'ont point rompu Icurpa
tie-ice, les géhennes, les b aa lions Jamori fi 'guette ne les a ewpefchez.de louer Dieu auccioyc. S'ils
fi#i i -eus datant les luges ,ils n'ont eflée frayez de leur prefenec: mais les luges de leur confia?:
ce & vertu: & le plus fini: ent ceux qui ont donné fentence , ont eu les larmes à l'ail plu ïfoflqtMLJ
(eux q >ii l'ont receu e. Si d'vn cojlc lajournatfe ardente ey les men très fifre fenio y et an cas qu'ils
nefijjenl bornage a l' Joie: de l'autre, le s promeffis de del>uràce,ouucrture de pr -fin ,refinuUon de
biens, pour h s faire confentir à leurs ennemis: lafournaife leur a e fie plus agréable, & ont refonné
h s louantes h Dieu au milieu des fiâmes . Et ou rapportons-nou<( corne nous prote fions par-tout )
toute t < es mer a tille s finon a la bote infime de Dieu, qui les a fiauorifez comme fis chers enfans?
*5 S' IL EST question en outrc_j,de menfirer & 'déclarer que leur mort nés 'cfipointpaf-
fee^jfans témoignages euidens du courroux & fureur de Dieu fur ceux qui les ont condamnez :.,
xi mrrC t'r <>" donnera des efhangesfieAUX quiont couru Aufceu de tout le monde :ie ne dy pas feulement fur
e«3tout Cardinaux., Archeucfqttes £uefques , Docteurs ,lnquifiteurs , Moines, Prefires & (èmblablesen-
icmps. ncm {g lu re z de i Euangtlc jnais aufi fur Rois £r Reines , fur Ducs & Seigneurs, Ch an cellier s &
Prefidensfionfeilhers ,Lieutenans ,Commiffiaires & Gouverneurs de villes & prouinces . lesiu-
gemenstembUs qui font tombez, furleu>s perfonnes ou familles : les cris & regrets qu'ils ont ict-
tez effray allés en leur mort . Si le s Payons du tout ignorans n'ont point cfic épargnez , tellement
que les playes de la vegeanct de Dieu fur eux feignent encore s, pour auoirmeurtry fis feruiteurs,
qntfcra-cc de ceux qui portent le titre de Cbreiïten , & aduonent de nom les E fritures fia>ncles?
Qh on regatde les hifilotres , on trouuera en gênerai les defiolations de grandes ma fins , les fiubuer
fions des villes Jes pertes des Royaumes Ja e heu te des Monarchies esire aduenuespour auoirperfc-
cutêl'Eglife du Dieu viuant . On y verra aufi en particulier pour la mefime caufie l'iffue miferable
F vol i ^es $>7Am d' cc monde: Pharao après plufieurs playes fùbmergé ' en la mer auec tous les fiens-.eA-
i chabyfa mai fin & Iefabel fit femme du tout ruinez, 1 : <_xf ntiochus le Noble frappé i d'vne mfe-
v Rojs xi. ftlon incuyayie: yjcr ode s le G radpourry 4 tout vif Herodes Antipas rnifierablemcnt confiné: He~
i.Mick;* rodes Agrippa s rongé de vermine : Caligulamu a mort horrible - . Néron abadonne a peines ex-
ioh-*,rïm. trewr::Domitian chargé de playes mortellcs:T raianrejlrefit demëbrcs & hebeté de fins: Adrian
r: S hriféé' comme moulu de tourmens . Marc Antonin fiaifi d'apoplexie foudaine : Commode eflran-
A«îiyuia-x ^pAr ulUy contre qui il ioufloit-.Diocletian conjumé membre après membre: Maximin fon corn-
Aci. u , i> pa«non < n l'Empire ars en fies tnteJlins-.Thcotecne & auttees exécuteurs de leurs mande me > ,exe-
vuet. D>o;>, 1 utez d'horribles fiuppliees : Max e née noyé au Tybre : les deux Iulians yoncle & nepueu apofiats,
autre-, frappez eftouuantablcmcnt:\^Anaïlafi Empereur emporté de la foudre du ciel: & tant d'autres
Hiitoncos. qUimt tfjijtut di peindre le fiege Romain, tuez, par leurs propres gardes , entre lefquels Phocas
decouppé bras £r ïambes & parties hoteufes , a donné vnperpetueljpeclacle d'horrible ingénient
de DicuXt que'sl-d le foin d'amener daduant âge d'exemple s ,ou faire venir en ce roolle les Roi<
des peuple s ejr nations barbares }de s Goths }Huns ,f andales ,A Unes }Fcflgoths ,Longobards , lef-
quels ont couru la mefime courfie, ey obtenu pareille ifjue r Le Setgneuren a fut ainfide tout teps:
Pu'.ioî,ii, ejr à chaltic, comme dit le Prophète, ies Rois pour l'amour des licnsxonibitncjuils fuirent
'3 14 peu de perfonncs,&: comme ncn)& eih angers en la terre:&: cheminadenr. d'vn pays en
autre,& d'vn Royaume en vn aucre pcu^lc^c.cMais firott-ilpofiible que tant d'exemples
fififent ouurir les yeux quelquefois à ceux de ce ficelé qui fi bandent ainfi ouuertemcnt contre la do
tïrinc de Icfius ChrtH:& qutcuident ,enfiaifant mourirfes fidèles par tourmens fi cruels ,e(leindre
fa vérité , & anéantir l'exécution de fis iugemens horribles & ejpouuantables ? H eurcux celu y,
difioitvn P oète ancien, qui ejl fait fage par le s penls d'autruy : Pourtant, opeuples ejr nations qui
auezeulaveuedeschofes contenues en ces Recueils, & plus qu'on nefiauroit exprimer ,reuenans
à voufmefimes , confiderez à qui vous vous efilcs prins , en haijfiint ou mettant a mort ceux défi-
quels vous voyez icy les tefmoignages ,d'auoir efié innocens,fioufifirans pour la venté de_j l'Euan-
gile ! Et vous luges qut les auez condamnez, reprenez, comme par forme de recolementja letfu-
re
ANCIENS AVX DERNIERS.
te de leurs Confiions :fiwuenez-vous des prier* s qu'ils ont faites à Dieu en vos prefences , c '
penfiez de quel vi fige ils ont receu de vous la condamnation. Vos folle s ejr auditoires tefmoignent
encore le zele qu'ils auoyent a l'honneur & gloire de Dieu.-ejr vûs pri fions refonnet encore les Çons
de leurs Pfcaumes & Cantiques. Venez, a vn examen meilleur de toutes ces chofes, comme la rat
fin le requiert, fepofan s toutes affections qui vous ont transportez, ou par tgnoran ce, ou erreur co-
mun,ou comandemmt des Placars & ordonnances, ils n'ont point des homme smortels Procu
rcurs qui vous tirent de uant autres luges, pour propofer erreur ejr reufion deprocez, les defenfes
humaines leur défaillit -.mais ils ont Dieu pourprotecleuren fouuerain refort, qui requiert le fang, rfal 9''3-
ejr en a mémoire, & n'oublie lecry des affligez,: ejr lequel defta tout mantfefiement procèdes aux
dernières exécutions , comme luge ejr partie fupreme.
^OJ' O N n'attende point d autres merueilles ou miracles ( ainfi que les Moines ejr Pre- QiLeIs mira
lires oififis en ont autrefois forgé de leurs idoles) car ce qu'on void amour d'huyprouenir du fangv- reqU°jit ^
muerfellement effars de ces CM artyrs, declaire ejr conferme affez l'œuure de Dieu, ejr s'accorder fcng de ces
du tout "a ce qui a e/lé ordinaire de tout temps pour la iuflif cation des Seruiteurs de le fus Chrifi. Mjn- ri"
S il a fait quelques particuliers miracles en la mort des premiers CM artyrs de fin Eglifè, le temps
ta requis pour vne confirmation de l'Euangile: mais ce que nous auons récité cy dejfus, ajfauoir de
pareils effetts de la mort de çeux-cy de nofibre aage,aux autres qui les ont précédez, ,Jontles mar-
ques couflumieres que Dieu a donné aux tefinoins qu'il veut chofir ejr produire en fa eau fe. Et n'a
point voulu en faire d'extraordinaire s, de peur que par icelles la confideration des chofes principa-
lesnefiufiempcfichee,aufiqucllesfiapuiffance efiplusreluifante . CMais quel miracle Jàuroit-on de- Miracles co
mander plus grand que de voir en cefie hifiotre hommes , femmes, ejr filles de toute qualité & aa- llJtrab1"-
gejtantfiraifies de nature, qu'aimons la confier uation de leur vie, biens ejr commodité z,, redoutons
la mort , efireparuenues a vn courage fi deliure de craintes, qu'Us marchent auec ioyes aux fup-
plices fi extrêmes ques les baaillons, les retranchemens des langue, lesglaiues, les flammes, les
tonneduxpoiffezjes gibets, les cuueaux d'eau, le s plus horribles inuentions qu'on a vfitees en ces
derniers temps, ne les ayent empefehez de glorifier Dieu? Que furmotez en apparence Us fiurmon-
tent tous ennemis, ejr leur laijfent des remors qui les gehennent inceffamment en leur confidence?
gtfcftant efieinte leur doclrtne , reuiue à prefientpourgaignerles cœurs des plus endurcis, ejr ab~
batre toute opinion contraire?
^ÏE S PERE donc que cefie hiftoirefieruira non feulement aux fidèles de l'Eglif<s,pour
leurmettre au deuantles œuures queDieufaitfi admirable s, mais aufii aux pour es ignorons pour
les foire fouucntrdes mentes de lacaufe des condamnez ejr occis pour la venté de l'Euangile, a-
fn que tout à loifir ejr fans précipitation ils iugent s'tly a eu raifion d'exécuter tant de cruautez .
^ET afinqu'onne doute de la fidélité ' gardeesences Recueils , depuis que Dieum 'afaitla Ij fidélité
grâce d'en auoirietté lespremiers commencemens ,i'ayprotefié ejr protefies auoir tafiché d'eficrire cJje"s' Re"
ce qui concerne Jpecialement l'efiat des Eglifes, ejr les affauts qu'elles ont foufienuesjeplusfuccin-
ftement ejr fimplement qu'il m'a eflépofiible: cognoiffant que venté n'a befoin d'ornement ou pa-
rure audehors d'elles. Et au regard des Ejcrits ejr Confiefiions,ie n'y ay rien mis fans auoir eu ou,
de l'eferiture mefime de ceux qui font mort s , ou apprms de la bouche de ceux qui les ont fblicitez,
ou extrait des regiflres des Greffés , ou bien receu des fidèles tefinoins . l'ay trouué quelques fois
des chofes obfiures,commcsefcrites en cachots ténébreux, ejr fouuentde fangque le s pour es Mar-
tyrs sefioyentfiait fortir, par faute d'encre des autres en affez mauuais langage , félon qu'Us efioyet
de diuerfie s nations ou gens de mcftier-.que l'ay fait traduire ejr redrefferle plus fidèlement ques
faire fie pouuoit . De leurs interrogatoires &reJponfes qui ont efte quelque fois tirées des Greffes,
tout y eflcouflumierementfi confus ejr couché a l' appétit des Greffiers ou ignorons ou malins, ques
befoin a efiéd'en donner extrait fommatre, en gardât vne mefime fubfiancc des Demandes ejr ifé'-
Jponfies.Brefiencedernierpointtoutmonbutaefléd'efcrirehviCyhdo&tinCi&hRn Le but dc
ic de ceux qui ont fuffifianttefimoignaged' auoir ficelle par leur mort la vérité de l'Euangile. lLtcs.
^E N femme, qui voudra contempler la condition ejr efiat de s fidèle s de l'Eglife Chreftien-
neen ces derniers temps, pourtrait comme en tableaux naifis, ces VIII. Liure s les nous figurent
par vi ue s couleurs : vôtres & en particulier reprefentent a vn chacun comme en miroirs luifianst
comment on fie doitporter en teps de projperité & d'aduerfité. ^E T pour approcher de plus près à
la diffofition d'iceux,ejr les représenter deuant les yeux(combien que d'ejplucherpar
le menu le profit qu'on en peut recuettlir,fioit chofie déplus longue déduite)
ietouchërayenbreffiommairecequifrffirapourmojherïinflru-
flion ejr confolation qui reuienara des la pleines
obferuation ejr lec7ùrcs d'iceux .
DISP*
T>I STOS ITIO^C ET *A%Jj V <M E N S
<Des VIII. Livres d(U ceftcs Kiftoirz^.
LIVRE PREMIER.
h^sât^Sf^i s TANT le monde endormy en ténèbres de fuperfiaion (jr idolâtrie, plein de
P*gc Jr& ^^^^^^fipbtflerie & fiaujfe docTrine ,Dieutira comme etvne nuiû profonde la lumière
£rS de fa tenté, donnant fis rayons par petits permis & creuafifesjnaugré Satan &
;lrï3 tom fcsfuP?°fts °fpfans a cefle lumières les puijfitncrs de ce mondes. L'an M.
rig.i.b. (v5a ^TOwfl C CC.LXX I IyWiclefeftfifiitédeBieu en Angleterre, çrb aille la lape puis
r.ig.,5.b,a. i^^'J^^^C aprcs aux % ohemiens Jean Hus,Hierotne de Prague, & autres venus corne att
P^g tf.l>,i. p0j„c/Ju tour leuant:de fuels l'exemple donne ccjladucrtiffement ,Çhfen la vertu de la docfruie
de Dieu vn eu deux ont refijléà tout le monde : voire & cju 'en leur condamnation tout le Concile
P - b a de Confiance \ou efioyent les plus grans ejr jauans de la terre ,ont ejt'e coueincm d horrible aueuglif
VqtfL*' ferneni -.voire contraints de leur rendre tefimoignage de grande intégrité. V purauàt quaran
te personnes exécutées de mort en Narbonney é'plttfieurs autres meurtris en Alemaigne ejr An*
vleterre ,n'a yan s qu'vn petit commencement de ce/le lumière, donnèrent exemple, Que quad nous
aurions fi ample cognoijfance de tous les potncîs de la religion Chreftiem/e comme il fer oit àde-
firer, que nous retenions néanmoins mfqttes a la mort tas feul ejr afficuré fondement D<lj le fus
Chv.fi crucifie pour nofln rédemption. Que la nous demeurions fermes & arreficztufijiï au bcut:l\
Pag-f3.ajj. l'exemple de Catherine Saube de Lorraine, brufiee à Mont-peUicr ; Dieu fi voulant fierutr du te f-
tMtgnaçe des pourcs femmes à l'édification de fin Egtife. ^1 Lya au fi en particulier a toutes for-
tes de qcs de quoy efhe inftrtuts: Les premiers exemples sadreffent a ceux qui ont eftétnfetfez, de
Pag. s, iuf- prefir/Jc Papale. Entre lejqucls Guillaume Sautree ejr Guillaume Thorp,ont non feulement renoeé
qu« 15 a,b. rfemnt leur Archeuefque à la marque maudite, mais au fi maintenu de bonne forte la cognoifijan-
ce defalut que Dieu leur au ou donnée.^ LES Gentils-hommes qui prétendent 1 <n vray titre de
noble ffe font aufii appeliez, des premiers au fermées de la maifon du Seigneur ,pour y employer ejr
Pag. i4Jj,& cerpS & bits, a. l exemple de Roger Atton chcualterda tordre d Angleterre, de lean Brun gentil-
homme, de laques Turmin,& d'autres qui ont enduré la mort en ces commecemens & rudimens
p.ag.43, hif- de la doefrine Chre (tienne. lté de lean Oldecaftel feigneurdc Cobhan, lequel n a redouté les plus
ques 47-i.b griefs to armes qu'on luy ait feu faire, pour maintenir la gloire de Dteu.^D V bourbier monafique
combien en a retiré le Seigneur en ces commencemens?monJlrant vne mifericorde nompar cille, de
daiqner faire fis hérauts ceux qui deprofepon ouuertefaifoycnt la guerre a la venté de fa faincle
pjg. 4*- b, parolle -.votre au temps que tout efloit le plus deprauéejr corrompu parlefiegc Romain.-come Nico-
iulque t4" las Clemangis archedtacre de Baycux, le demonjlre .Ce que fait aufii vn fiorty de l'ordre des Car-
P.ig-4» mes, 'Thomas Rhedon de Bretagne, qui mofire non fieulemetle chemin aux moines de fa nation,
mais aufii à tout l' infâme clergé R omain,fiellant confia/net la venté de Dieu dufang de fon corps
p b deuant tous. $D E longinl emal Hierome Sauanarola Iacopin, cont mua le tefimoignage de l'E-
uangde en Italie four lequel il fut brujlé a Florence, a l'mftdcc du Pape,cnuiron LX il I. ans a-
près Rhedon. Et ainfi ce difiours de ces Martyrs mofire que le Seigneur cflant venu mettre le feu
au monde, lauroit allumé première met en ^Angleterre, ejr puis iettêdes efiincclles ça & la, pour
efèhuuff'ercr efclairerlesfiens. \ DE plus enplusefantcefeu en Lyfngletcrre_j,auf>cro/fioit le
6 b nombre desfidcles, entre lefquets Six jurent exécutez, dfaàx V 1 1 1. ans après la mort de S a-
' uanarola/cfle lumière montât ,efilarcitpluficurs poincls de la doltrinc Chrejhenne ,neeeff.v.rcsa,
Pag. & ',7, lt-gl'fi> %An M- J)- x v 1 I^0YS 4lte ^ -Luther comenca par articles & e fient s publiques a foufle
S8- nir la venté de l'Euâgile.l'an C. 1 1. après le'trcjpas de lean Hus,lcquelon maintïct auoir prédit
auxEuefques a Confiance l'an M. C CCC.X Vy lors qu'on le mena à la mort , A près cent ans
vous en rcl'pohd rez à Dieu &: à moy. E l' Alemaigne la clartcrefplendit au Pays-bas : en
Brabant jpecialemcnt par Henry Voez. & IeanEfich,moines Augufiins d'Anuers, bruflez, a Bru-
5yî,£oJj. xeUes:en Holladepar lean Piflorius: &a Anuei s par M. Nicolas, qui fut noyé. Alors on comença.
décrier en quelques endroits dudit pays, Quelcs Preftrescnleuis Mcllès eitoyent pires que
Iudas»lequel ayant vendu Iefus CJbrift,Ie liura:mais eux le vendans ne le luirent pas.
p «i b ^ENce teps t Alemaigne futarroufee en diuers lieux du fangdes Martyrs, de Henry Sup-
pÏj58 69. phenyejr de M. George mtntftre de H ail Léonard Keifer, George Carpentier, & plufieurs autres,
rag.<ol dont la mémoire a eflécofiruee . La ville de Couloigne eut Pierre Flijhdc & Adolphe Clarebach:
ejr nonob fiant la [édition des payfansJ'Euangile continua fies degrez, fur montant tous empe fiche-
Pag.«i.a,b. mens. ^LA Lorraine ne tardad' en auoir japartfremterement par IennU Clerc de Meaux en
Brie:
Arguments des V I II. Liurcs.
Brie.par CM. Iean Cafielain natif de Tournay,que Dieu enuoya a ceux de CMcts, & a Bar les io*ra,ne-
duc,& autres lieux. & puis après parVvolfgangScuch Allema,pajleur enuoyé aceux dcS.Hip- PaS-^-
pdite aux frontières de Lorraines.
Des premiers hommes de lettres de ïefcole de Meaux,qui ont ej claire la France, laques des "*nce
Pauanes.de Boulenois^efl nommé-.puis Louys du Berquin, entre les gentds-hommes.& Denis de P^s.b
Jtieux, entre les artifans ,doiuent eflre notez-.car leurs cendres ontferui de ciment aux fondemets Pjg.7e.7i
de F r an ces.
C h pendant deux Cardinaux , pour touft 'ours retenir la teinture de leurs chapeaux ey robes, tscoss*
dvnmefme temps redoublent les perfecutions .Dauid Béton cardinal du S.André, enEfcojJèft JjjJ^ 7?
brufer Patrice,de la maifon illufre des Hameltons . Et en Angleterre T bornas Vvulfe cardinal
d' Tore, aidé de Morus & de l'euefque Roffenfisfe ieitàfur la noblejfis, & fur gens de lettres fu- terre
fiects d' eflre Luîenens. Luthériens .
Les bouts de France furent aujsi vïfitez,tefmoin Iean de Caturces profejfeur en droit ,bru fié Pag75.!>
a Thouloufe:& a Paris M.Alexandre Canifs, & Iean Tointet de Sauoyts.
LIVRE SECOND.
ffi&ïï E fuieft du premier Hure eflantcognu, on [aura qiiés autres fubfequens,ain fi que la lumie p'a r i s .
^^^bresmontoitpar fis degrcz,auf îles croy ans multiplioyent par trouppes en diuers lieux, l^f/^f^
Quelques attaches deplacars en la ville de Paris, l'an M. d. x x x 1 1 1 \,c au firent grande de l'aonet-
perfecution . La dfperfon de la petite Egltfe quua commençât s'y parquer, prof ta non feulement dcî pkcAis.
aux autres villes de France , mais aux pays ef ranges : La ville d'A t 1 as eut vn Ntcola* L'Efiri- l'ag,^
uent,qiti fit grand fruicl auec autres fes compagnons, exécutez de mort.
G e n e v l en récent quelque aduancement par gens excellens qucsDieu y retira pourouurir ceneve.
puis après la grande efcole des fiens.Ftle endura de grandes afflictions: & vid l'an m.d.xxxv, Pjg.85
en Pierre (Ja'tdetmartyrifépar les Peneifans ce qu'on attifait a tout le furplus de la ville ,fi les
adherans de l'euefque de Geneuefufent venus au dejfus de leurs efforts.
L'yuroye des ksî nabaptifies cependant s'efleuoit en plujieurs lieux ou le bon grain efioit femé.
C e v x aufi du vald 'Angronne ,qui de long temps,fjr corne de pere en fis auoyent futui quel- uvaic'-
que pureté de doctrine fc fintirent de ladite difierfion. ancrons
L E Mafconnois fis nfenttt en la confiancesdes le an Cor non du fui cl desl'Euangtles . * 87,88
^enry v 1 1 1. roy d Angleterre,reiettant la primauté du Pape à l'occafion d'Anne de Bou- T^-Ut>
Un fa frnme , l'ifioffe voifine s'en fentit:& le feu couuert des cendres de Patrice Hamelton>& Vi^'ï>
des Anglois , cy dcJJ'us morts js'eueilla. ^ Douay, ejr le pays de Bi abant a des hérauts.
La France ejr /' Angle terre, en a pareillement en diuers lieux.
L a Loy dcsflx articles que le dit Roy Henry v 1 1 1 .fait publier en fin royaume.done occafion r^g.-^ï
aux Sorbonifles d en forger pour la Frace,& aux Louanifles pour le Pays-bas, pour emfiamberla v^c.io7
rage des perfii ut ion s .
T o v t vn peuple appelé ' Taudois -, des la Prouences, endure maux infinis ^pluftoH ques Pag.rz-jî,
renoncerait vente cognue. ^ La counerfion notiblsdvn Efp.igr.ol , tjf fa mort confiantes, 1>ag W h
édifie plujieurs delà nation. Ç Pierre Brullyjiré du miniflercs de l'eglife Francoife de Straf JJ^fJ»
bourg, vut rcfl< aller ceu x du Pays-bas: ey IvjruicJ de fa vijitatio fe mçfhe en la mort de plufeurs i \
bruflez à T ournay.
Ceux de Mets reçoyuentinfiructien ejr confolattonparFarel, en la perfecution cr faccagement
qu'ils endurent parles ennemis de l'Euangilc. . Jg H° *
Flandre & Haynautfurla fin de ce fécond luire font vifttez, d'affliction.
L A chambre du Pape n'cftoit a fez, abondante & fertile en tous mauxfi en Alphonfe Diazzs Pag.i5i.b
die neuf produit vn nouueau Cain,meurtrter de Iean Diaze fin frère innocent.
LIVRE TROISIEME.
^5 E v x de Me aux monfirent en leurs x 1 1 1 1. Martyrs Icfruici delà femence cy deffus decla- ?^-l6oh
jÈ^l ree'-<y n<>n feulement en ceux-la,mais au fi en plujieurs, le/quels ejlans chajjtz en la fureur
de cefle perfecution, ont fait fluict en diuers endroits.
S v kU fin du règne de Henry v 1 1 i,U perfecution parmntiufques aux plus nobles : entre le f Vi§
quels la mort d Anne Askeue,est a toutes damoifeltes vn miroir de beauté en confiance.
Le Daulphinois,/f s Normansjes Bourguignons(furtout>ceuxde Langvcs)eurétplufleurs Pa8 ■l7I'Se
vatlîans champions de leur ^jj.rAuuergnc,Limoge, Touraine aufipareillement. I7<*
77 E n b. y Il.roy de France 3au commencement de fin regne^camande que procès fujfent faits Pa5'7î
Arguments des VIII. Liures.
à ceux qui auoyent fi mal traité ceux de yterindol <jr Cabriere . Etveutledit Roy afin entrée a
Parts ouyr vn Coufiunerprifonnierpourl'EuangUe : & le penfant cfionncrde lafilendeur de fa
M ai esté royale, ce foure TaiUeurl'effraya:&fa conjlacefut incroyable à ce Roy juf qu'à ce que tuy-
mefime le vid mourir en pareille 'vertu.
pjg.178.Sf Envainles Parlemets, àjàuoirde Dijon enBourgongne}ejr de Chambery en Sauoyejeffcr
cent d 'cjloujferla doctrine de l Euangile-.Comme aufi les Italiens met tans à mort Fanino : Les
Pag i«<r iuf François parperfecutions diuerfes , Et ceux des Pays-bas: ces pendant ques Charle s /o> quint
quts 151 Empereur II enry Roy guerroyent tvn contrat l'autre.
A vssi peu les Angiois ont de raifena mal traiter l'Eglife fias l'adolefccnce première d'E-
douardvhguetes Eicoifois à l'endroit d Adam VvaLcc-Etles Portugalois cotre G.Gardiner.
Pag.w D EScinqEfioliers firtù de LaufanneMufleza Lyomabon droit puis -ie dm qu'Us ni 'ont do-
nc'par leurs eferits la première occafion de m 'appliquer à a- s Recueils.
pa P 1 v s 1 e v k s autres furent au (h exécutez, en la mefne ville ,& a Vil le- fiance.-^ Malcon.-
iulqucs 155 Pu** * ^au^1:niir; aufiqucls Dieu fit pareilles grâces.
LIVRE QVATIUEM E.
Pa i<r4 a b |M| A WDrt Edouard V I, décédant au grand dommage des fdeles d'Angleterre yfait entrée
l'ag-1*** >i l' Hifioire des perfecutions horribles fous M arieroy ne laquelle n 'épargna fa propre coufine
zssiui.jues la Princcjfe I canne Graye.
Et combien que prefquc en tout endroits de Frances les feux demeurent allumerait Meine,
Pi i$3.a.b en NormandiCjSoiilbnois, ^enuffe,criujqu'au Languedoc, néanmoins l'Angleterre^
emporte le plus grand nombre des perfecutez & martyrifiz, cependant que Maries reHablit par
- '*o t0Ht fm royaume ^ Ier"1' e des idoles, par vne fuccefion tri /le ejr lamentables à tous vrays Chre-
" 'JJt ' 340 Siens , qui auoyent efiémieux en feignez fous la perle des Roys,Edouard V I. Ils fe font portez fi
con/lans ejr vertueux, que les jruicts font paruenus aux pays voyfins.
E' E sco s s e eut lefufdit Adam Vvalace , vaillant en courage contre les efforts des plut
cruels ennemis du royaume.
Les Flamens eurent Ottho van Katelm en la ville de Gand, capitale de Flandre. Thomas
CalbergueJ Tournay: ejr autres à Mons en Haynaut. Et pour déplus loin refondre aceux-cy,
François Gambatefiifie vne mefmc venté aux Lombards.
LIVRE CINQUIEME
Pag ^o 1 N o^notables hommes, partis de Geneue pourfaircfruiffs des dons exquis que Dieu leur
indues 368 auoit conférez, vers ceux des Vallées de V\tàrc\OTïZycommcnct t le cinquième Liure. ils
furent arrestez en chcmin,& menez à Chambery , parlement de Sauoye.ou Dieules fittriom-
pherde leurs ennemis, ils y ontfeeléde leurfangla doétrines> & pluficurs eferits que des pri-
fons Dieu a tiré en lumière pour ï édification des fiens.
Pa?.^8 iuf La diuerfité des nations & des e/prits rend vn mefine fait du Seigneur admirable , quand v-
ques 360 ne harmonie ejr confient émet de doctrine fe void ainfi par tout magnifiquement maintenue. Nom
yauonsjOutre les Angiois qui font en grand nombre >vn homme docte de la Champagne d Ica-
lie.lequel à Romes, en la prefience du Pape Paul III I, a rendu tefmoignagc a la venté tufiques
aux cendres de (es os.
Pag.3«5 iuf L a vie ejr doctrine des plufieurs vrays Euefiqucs Anglots nous y Çont defcritesùx falloir de Ni-
371 c0[as mdley,de Hugues LatimcrJIop^er,Cranmer,ejr autrcs.lefiqtiels nouspouuos a bon droit op
pofer a tous qui fe difàns Euefiqucs ejr Archeuefques de nom,fe bandent contre la venté de la do-
ctrine de Dieu.
/e an Bland ejr le an Francs ,admonnestent par leur exemple tous Minifires de ne fe laffer,
mais aller toufiours auat a la charge : Que/tans vne fois efihappez d'vn danger, ils fi préparent
à entrer en noua eaux combat s > tufiques à (effufion de leur fang.
E t ainfi que Nicolas Scheterden ejr tant d'autres ont rendu confits les ennemis de la vérité,
en vertu des l'EJprit du Seigneur-.aufii auons-nous a ejperer lefèmblable,quand Dieu nous aura
euoqucz a pareils combats.
v . jg .François ejr Nicolas, Martyr s, fiere s, exécutez à Malincs, mon Hrent cornent vne vraye
fraternité fis doit vnirau Seignfur.
Pag .387 Eh B ertrand les Blas, la véhémence cf vn zele Chrefiien fis cognoit par les effecJs , comme
aupar-
Arguments des VII I. Liurcs.
dup arguant on ta vtu en G. Gardiner, exécuté autant cruellement en Portugal, que cefiuy cy en
Toumay.
Et quand le Seigneur aura fait ce bien à quelqu'un d eflre forti hors des abominations exe- pag.4o8 iur
érables qui font en la Moineries,quilface valoir vn tel bénéfice à .l'exemple de Jean Rabec, & ^ 4H-
de ceux qui font icy propofez, en cas femblables.
LIVRE SIXIEME.
J E lime efi plein de varieté,qui rend l'œuure de Dieu alendroit des ftens admirable: Pag.41 $
$y L a % ie & la fn dvn pères ejr mere de familles ,auec deux des leurs fils, exécutez a
ïlt\c,y efidefirites:pourmonfirer à tous quels font les vrays ornements de/quels doyuent efires
parez, vrays peres, mères ejr en fans des familles bien reiglees.
LEparlemet de Thui m en -vain s'oppo/ànt au cours de l'Euagile,efùeil/e le Piedmont par la Pag,4,8>&
mort de B.Heéïorejr G.Varagle. ^Champenois ,Biernois,Bazadois ->N ormans^T uregeois font 44*
en ce Liure:& les derniers Martyrs exécutez, en Angleterre.
L k lumière motef haut par la prédication de PEuangile, qu'elle paruientiufques en l'Ame- l'ameri
riquedu brcCihlaqueUe, aufii tofl quel'Euagiley eut fait retentir fa voix,a cjté quâd ejr quand qve
arroufee du fang des Martyrs. Pag 441- b.
£n l'hifioire del'Eglife drejfee à Paris fil 'y faut confiderer vnde grande bonté de Dieu^qui pag^j]&
co férue miraculeufement les ftens au milieu défi horribles tepefles.vne prouïdence admirable sn-b.
de faire feruir toutes chofes, voire les plus gr ans ennemis ,a aduancer maugré leurs dents le ba-
fiiment de fa maifon^qm eftfon Fglife.
Finalement/? Seigneur amortit le feu des perfecutions d 'Angleterre, ofiant tout à coup r*g 473 -b
decemode CMarieroyne & le cardinal Polos: ce fut enuiron deux mois après le tre fias de ï em^
pereur Charles.
Z/£spaigne puis après vient à fin tourd'efire vannées, pour y difeerner le grain d'à- pag.53<s.b.
uec la paille ■ Le récit monfire en ceux qui demeurent confiansje bon grain: & és autres , la pail-
le. fL'Inquifition d'EJpagne exerçant à fin bonplaifir toute manière de cruauté, penfa eflre de-
riuee en France,pour eftre pratiquée en pareille façon contre lesgrans du Royaume: mats nonob*
fiant toutes les menées desplus pernicieux aduerfairesjes affemblees fidèles s'y parquent de tour
en tour.
^nne du BourgiConfeillerau Parlement de Parisjs dernières confufions que les fufpofls de Pag-w
Satan prétendent mettre en auant ,monfire a tous ceux qui font commis en authoritede iufii-
ce^comment ils fi doiuent acquit er de leur charge en telles extremitez : non en tergiuerfànt ou
fuyant,quandle danger efiinflant-.mais en monfirant aux Rois & Princes la vérité de la caufe
des fidèles jion feulementpar paroles^maispar effetts. Cependant par la mort duroy Henry tous pag.ju
les complots ejr deffeins d'vne confiiration liguée cotre les fidèles font foudainement difiipez^çjr
corne le cordage d'vne charrueycoppez.Les Parlemens font efionnez de la multitude des croyans:
ejr combien qu'ils femblent de crainte modérer aucunement leur fureur fi efi-ce que tofl après vn
Cardinal feul efeouté du roy François J I.fitccejfeur a la couronne ,releue plus que parauant les
perfecutions.-ejr ainfi les peines ejr trauaux fe multiplient contres l'Eglifè, fur tout a lendroitde
ceux de Paris. ^ Sur la fin des ce Liure la mémoire de ceux de Prouence efi refiraichies au
maffacre d'Antoines de Mouuans ejr d'autres.
LIVRE SEPTIEME.
,JS Seigneur ,commevn grand pere de famille quia fin bien ejr fis richeffes en plufieurs
leux,cr comme vn Roy ayant fes fubiecls en diuerfes cotrees, vifite les vns apre* les au-
'très. Seuillc en Efiaigne fait fes popes Inquifitionales de plufieurs perfonnes tant hom- Pag^o
mes que femmes. -a l'occafion defquels iefiat des affemblees fidèles ejl horriblement troublé. Les
Callabrois ejr Neapolitains tourmetez par la mefme Inquifition , reçoyuent inflruffion de Jean PagH4-b.
Pafcal: duquel le minifiej 'e tant de viue voix que par lettres pleines depieté^a confiée? confie
encore s apreJentlEglife défilée.
L E tumulte d'AtnboKc, auquel le nom de Luthériens fut chagéen Huguenots, eufltiré de gra- Pjg *57
des perfecutions-, voire iufqu' aux Princes du fangfi le Seigneur n'eufi enuoyé vn foudainchan- AMBOY"
gementparlamort du Roy François 1 1 -.redonnant par ce moyen quelques treues aux Egltfij re-
formées. ^ PaS.W-b.
L a bajfe Flandre Occidentale jufques à la ville de L'Jfie,ralume les feuz plus que parauant, mi^ues s s j>
fi.
Arguments des V 1 1 î. Liures.
crades Martyrs excellents-.cntre lefquels laque s de Lo, ejr autres quatre brufiez en ladite vil-
le, font vn fruicî qui donne occafion aux fidèles de drejfer de commun accord vue Conftfiion de
Pag.f7z.b. Foy, pour la prefenterau Roy d'Ejpaigne.^ Autant en font les EgUfesperfecutees es vatleesd' An-
grogne /vers leur feigne ur Duc de Sattoye.
f lorenti s,bjs Aiïemanfarfi mort conferme les Eglifes de Lorraine -.comme aufi fait
puis après le an Madoc mimfhe de l'Euangile.
P-«g 580 c e pendant que les Eglifes eurent quelque refj>iration,le Roy Charles I X. venant a la Cou-
ronne,Dieu donna vn tel Colloque a Poifly,que la France n'en a veu depareil.auqucl la voix de
la pure vérité de l'Euangile ait>en pleine audience de la Cour, reteti plus magnifiquement ejr a si-
tentiquement.
Pag-sss.b .S" v r quoy l Editât tant célèbre ^appelle de Ianuier à caufe de fa datte, e fiant enfupù,fnt inevn-
a-Pag 5SS tinent violé par la maifon deGuyfe aumaffacre horrible de 1 Fafiy. Lequel depuis fut fuyui de p!n-
rSÏ o Peurs /accagcmens &carnages-)a Sens en Bourgongne, a Tours, puis à Marfetlle-, ejr a Rouan ,ejr
Po|.<fIi autres villes, dont les guerres ciuiles eurent ouuerturefi quau milieu de telles horreurs ejr con-
fiions de la France, le s Eglifes eflans dtfiipees> ejr les poures fidèles meurtris ejr maffacrez en tu-
multes populaires , la dignité & fplendeurde Martyr n y peut efire bien dij cernée ne recognne
comme auparauant.
p.ig.6.x L e fur plus de ce V IL Liure -, après auoir déclaré les calamité z de la Frace, le poure (fardes fi-
dèles en Poloigne,er vn acte Inquifitionalen Callû\c,occupét prcfque ceux du Pays-bas, cen-
me de la baffe F landre.de Tournay Jpcnalement,de Cambray.du Liège, d' Audenarde , ejr autres
endroits. Carretenans les procédures accoufiumees par procès ejr fient ences , les condamneront
Pag.^.b. pour la plus part laiffépar leurs propres efents tefmoignage de leur foy & confiance: fur tous C.hrï-
mjijn J h flophc Smith min'tfirc à Anuers, le pénultième de ce Liure.
LIVRE H V I C T I E M E.
pag.c j4 tl|^ A difapline efiablie aux Eglifes reformée s ,entreti.ent l'vnion du Miniflere de l'Euangt- '
âJl& bjant en Frace qu'ailleurs. * Et combien que les aduerfaires és dernières années ayent
tafché de couunr leur s cru aut encontre icelle s Eglifes ,de faux titre s daccufation ejr prétextes de
rébellion, [édition & crime de lefe Matefléfi efl-ce qu'en laperfonne de Paul Millet miniflre,&
de tant d'autres en ce Liure contenuz.de contraire i' efi mon f ré.
Pag.^f.b. Ce pendant les lonclufions ejr décrets du Concde de Trente ( deux Cardinaux tenans la
& pag.fuy- main à l'exécution d'iceux) enflamment en France la guerre ciuile, ejr au Pays-bas les feuzalltt-
iSï 8 rnez. Tellement qu Inquifiteurs en qualité de Nouueaux euefques eflans mis en pin fie ut s vil-
a. Pag.7<j5 b les dudtt Pays :1e compromis des 1 Gentils -homme s y entreuenantpar oppofition , fait l'ouuerture
b. Pag. 6ù7. aux prédications publique s.
c. Pag.<î68.b L e brifement des Images ejr la démolition des Autels s'en en fuit: ejr aux villes ejr villages
^7*. eflfouffertparles Magtfirats faifizd'efionnement fans y auoir caufe. ^f^ccordsfefont a ceux
de la Religion -.mais foy ne leur efi gardée.
c.Pjg.^ C e v x de Talencencs ejr le fiege par eux foufienu->puis la reddition, ejr de deux leurs Mini-
ères mis amortauecpluf leurs notables perfbnnages ,l' H ifioire y eflà plein moflree-.ejr de ceux d'à*
lenmron . Finalement comme les prefehes publiques prennent fin partout le Pays -bas : ejr nom-
mément noté en Anuers vn Mecredi IX. d' Auril->iour d'Eclipfe de Soleil.
Ti$.£97. L'e s t a t des fidèles en Vemfe,& la mort de quelques perfonnes de marque efi de faite.
A v re s la mort de Martin TachardMintfire exécuté par arefi de ceux de Thouloufe , l'Hi-
(loiredes dernières années renient a ceux des Pays-bas exécutez a Lembourg-, Brabant^ejr au-
tres contrées 1 tufqucs a la fin de ce VIII. Liures.
A V LECTEVR.
ovrce queplufieurs qui ne fçauentla langue Latine, ont derirc entendre le
SÏgSfcns des vers Latins mis au commencement de ce recueil des Martyrs, S. G.a c-
ftécfmcudcles traduire en vers François:& les nous ayant communiquez, nous en a-
uons voulu faire part aux Ledcurs> afin que déformais rien ne les retarde d'entendre
tout le contenu de ce Liure.
rôr y h
V O T V M T> E O
OPTIMO MAXI-
mo facrum.
WWêA N C T E aa^:fantt° facilts.precor',
"^^^t< annuevoto,
f^^&i} Magne opifcx , cuius non enarrabile
nomen,
Et cjthmtac miferi confufa potentia regni
Li4cift{gûm,& mundibruta hdicelcmentatre-
mi fiant:
Quem N atura tremit vénéras, vltrofofatetur
Te Rcge Authorem^fuum, quinumine coplet
Omnia: Re^em vno quo iudiceftantqucjca-
duntqu<LJ.
Re s hominumjKorbo iaceantfeu lucefruantur:
Seu bellum pacémve feras & gaudia vit*.
^Afpicis vt Babylon Pacem tôt pofcat ab aris
Impta,& mterea caco ruat aclafurore_j
Infielera,in%nefas non enarrabile caftis?
En feutra tut vetitos tranfcrtbit honores
lnlaruas hominu & mortalia corpora vecors.
Afpicis vt fpoliet te Maiejlatc^ verenda
Et tittdis ,dum nefiio qtios fibi comit & ornât
Menttturfy deosfocium^tibiagmina. iungit:
Té que amen s crufti concludittn orbe nef andi,
gupdrerumignari)& mtferu quodvulgus ad-
oret.
Jjpicu hxc,é' ferre fûtes fie 1er a ifia nef as £?
Ira tarnpatiens, potes hactolerare tôt annos?
Outn pot lits terras iterurn Pater obrue_j, ferras
Diltitiio ,& pcmtus nunc rcrïtcleweta laboret:
Constat* çrjractas iarn nunc compage foluta
Orbis.iam^mhiUnedum chaos omma fiant:
Aut cadat horrendo mundi cmefacta fragorc^
CrudcUs Babylon , terrx commums Irynnis]
Contcptrixgîtui,& tantorum caufi malorum,
J nu ad en s m feras l "cri fitb imagine gentes,
p arca boni ,/celeru al que aliéna prodiga vit*.
Iam Romam furorille tuus>Rom*%tribunal
Sacrilegumfuror ille tuus nunc fulphuris imbre
Cornpiat,qu>ilcm mare prodigiale Sodcomes
Infandj Jpirat3din"que bituminis ater
Gurges^atra paluss fiamis tnfamibm vndas.
<%uo quondam fœcunda loco, diti vberc tellus
Prouentmdabattn gentes firugumj, merique_j:
fi une tanjum wfiimis lacus , illuuiéq, nefanda
Heu Ifquallens regio , & mifero terra horrida
vultu.
Te dira,heu! Babylon nondurapit ignea cdt
Tempcfias,necadhuc triftes hausêrc^tenebra
Et caligo nocensjerrœtfcimmanis hiatus*.
Non Erebifratres , nondum tC-Jtartarapœnis
Exercet feclerata,bominît% De/que fage/lum?
Te fuper Omnipotens agru nunquamne fur ou
tM A RT T R S A BIEF
tout bon & tottt-pu fant.
S ai nct, ô
inénarrable,
I Sous qui tremblent les cieux, ôclagent
^ mifcrable
Du royaume confus des esprits ténébreux,
Et tous les elcmens cl u monde Ipacieux:
Toy que Nature adore en tremblant,&confe(Iè
Eitrcfon Roy,fonTout:qui tiens fous ta hautette
Toutes chofes:feul maiftre & iuge ayant es mains
L'iiïiie des conlèils & ceuures des humains:
Soit que la maladie,ou ioyc & fan té bonne,
Ou la guerrc,ou la paix ta £agellc leur donne.
O Sainft,oy ce faincl Vœu,& q ue ta Maiefté
Déclare par cfFecT: que ne l'as reictté.
Ne vois-tu pas comment Babylonc mefehante
Pour fe mettre en reposées deux mains enlangll
Dans le fang innoccnr,& J'aueugle fureur (te
E fiancée le iecte au trauers de l'horreur
De péchez infinis & trop ords pour les direî
Puis en te defpitam,orgueilleufe,rctire
L'hôncur,pour ta grandeur recognoiftre,ordoné,
Et le baille aux mortels ,a.ifqueJs ne l'as donné.
Tu vois, tu vois cément detaMaieflé fain&e
Et de tes filtres beaux elle cft parée Se ceinte,
En s'ornant de faux dieux forgez à fon plaifir,
Troupe de compagnons qu'elle a voulu choifir:
T'enfermant înlènlee en vne ronde oublie,
Que le peuple aueuglc pour (on fauueur fupplie.
En contéplant ces maux,les peus tu fupporter î
Es-tu tant patient,qucdepouuoir porter
Si long temps ces meffaitsîpluitoft, Pere,defbôde
Le canal de tes eaux,pour renoyer le monde:
Qja'il n'y ait élément qui ores ne trauaille:
Que le monde péri ire, & en pièces s'en aille:
Q^ue tout foit confondu,ou à néant réduit:
Ou que par tremblement & par horrible bruit
Trébuche Babylon,peIte du monde infâme,
Qui blafphemât ton nom te dcfpite c\: te blafmc,
Et caufe tant de maux: qui fous vn faux femblant
Les peuples ignorans à foy va alfemblant,
Chiche à faire le bitn,prodigue d'iniufticc,
De la vie d'autruy,cv: de tout maléfice.
Darde ores & fur Rome,& fur fon fiege plein
D'exécrables forfaicts,la toudredeta main:
Vne foudre {oulphree,à celle-la femblable
Qui a changé en mer Sodome abominable:
Lors Sodome,or' vn gouffre obkur 3c croupifsâr,
Flamme & noire fumée & foulphrevomillànt:
Si qu'au lieu d'vne terre autresfois tant fertile,
Qui rapportoit & blé & vin au corps vtile,
Or' on ne voit qu'vn lac ténébreux &: puant,
Vn pays ruiné qui fait peur au voyant.
Cruelle Babylon, la tempeile embrafee
Ta-elle point encor de et monde rafeeî
Les tenebres,la mort,la terre ne t'ont point
Enuahic,accablee,defaidede tojt poindî
Les diables,lc manoir où feiourne iniuftice,
Ne te font-ils fentir le fruift de ta maliceî
O fléau, dot auiourd'huy Dieu frappe les humais,
Iaraais le Tout-puilTant de fes terribles mains
A l'Eternel tour
T erribilis fluet incumbens,peniiùfque recidet?
Sed quid ego*, no fie Deiis omnia protmm igne
Corripit, aut fontes Uchrymofo protin&s orco
PlechtfediuHum expcc7at{ne accerfite) tepus,
g^io feelus m cumulant crefeat^ motfftfc ncfid.e
jrurementum ingens, ac fe tam ferre laboret^
Ettam nutanti fub pondère fpontefatifeat,
Séque fui tandem penstus ,penitufque_j ruina
Obruat-.ejr fcelcns fccliu hauriat ait a vorago.
Vos igiturquos tant a te net fiducia vit*
Et feelerum, rébus nuncindulgete caduc is.
Itefedïjla olim confiabunt gaudta magno.
Mox aderittempus-, quuiam quas mete fecatis
Spes interdifîœs,& inania vota per auras
Dtfcerptjttvcntifaftumife animofquc; féroces
Molliet vna dies, tandémque dolerc^ docebit.
ErgoageRoma tuos%agefacpia Roma Cynœ-
Securos feelerum fatia te finguine luflo ( dos
Dum licet^ejrnu/lutibifaciam crime maufum:
Exulta fidens quantumlibet.omnia tenta
jnfamis Babylon:terrœ commune lupanar
Roma( Lup£ nam curauthortnus vlera fin (Ira
Suxijfctf jnteritam qujtte obuoluere^tenebrœ?
Ofite quis iam manet exitus anxe videres:
Nam ttbi mox gemitum & lachrimxs^mifercf
que vlulatus,
Vltrices furias & inéluctable fatum
Attulentiam fumma diestibi feragementi. '
Ride age,terrarïtfo nef as criménque Sodcimcs
Impia.^upd ft nunc cœli te languida claudo
Securam vinditfa gradu fequiturve premitve
Ingenti nec adhueferri trabe frangitauaros
Pontifices jmiferûfyiftum infamémque Diale>
Que nimiu,heu ! nimiufunefa Lutetianouit%
Hoc mage terribilem Jpera feelerata ruinarn .
Sera pedes lana infiar habet vindic7a,feda-
crxs
Ingeminansiffus,& ferreabracchta quaffans
Per populos -.pedeprofubigit cakdtque ttaras
Pontificum Regumfyjnagtflratnfque fuperbos,
AEratis quondam audaces qutfiontibus audet
Jnfultare Deo,ejr lentum irrider^furorem
Numtnisy& cornu edum pulfire feroci.
Sicvbi Vulturnus funofaqueverbera Cùri
Procumbuntpelago( quum matutïnus Orion
Occidit) ecce ater rapido furitimpete flucTus,
Etvanum exultas.praceps vehit agme aquaru
Arduus^ac longo rupem fe murmure contra
Impatiens agit:atmediis,elufus->in vndis
Prangitur exanimis,fcopuio<fcrefufus in &qwr
Dilabens pérît ille furorjàxoque latranti
Laguifdus immoritur , vana% obmurmuratira:
^Ergo Deuspopulos>metueda%nomina Reges
Tudemttm edomitos,en tadem pulueris tnjiàr
Cominmt }fpargit% manu, nec ia amplius vfqua
apparent :velnti quum vetnt Circius agrosy
Pulueream m ventos cernis vanefeere nubm.
bon,tout-puifl*anr,
Ne t'accablera-il de fureur violente,
Pour ['arracher du tout \ Mais quel mal me tour-
mente?
Dieu n'eu1 pas tant haftif à bruire & foudroyer
Ni aux enfers hydeux les mefehans en noyer,
Ainsle reps il attéd,(ce qu'aufiîdeuôs faire.) ( re,
Que le mal viene au côblc,& qu'vn meich at arfai
Croifsât en grâdmoceau du lourd poids trauaillé,
Et ployant îa défia fous le faix esbranflé.
Soit en fin ruiné de fa propre ruine>
Et l'inique englouti par le mal qu'il machine.
Vous donc que lepeché Scie monde tient pris,
Quand vous ptenez plaifir és choies de nul prix,
Allcz:mais notez bien,qu'vn iour ceftelierfe
Vous fera cher venduc,& le temps la s'addrcile
Que par les rudes vents au loin feront fou ft lez
Ces difeours Se fouhaits dont vous elles enflez:
Vnc heure abaiflera voftrefiere haute ifc
Changeât en plaindre & pleurs voftrevaine lieflè.
Sus doc o Rome fain£bc,oftc Se chalîe du cœur
De tes effeminez & la honte Se la peur:
Boy,hume,enyure-toy,tandis que le temosdurc,
Du fang que tu relpans:plonge-toy en ordure,
Vatouliours adiouftant àta mefehanceté,
S'il y peut déformais plus rien eltre adioufté:
Rome de l'vniucrs louueric eshoutec
(Car en vain vue louue auroit-eile allai lec
La bouche de Romule^as-tu les yeux etcuez:
Ne vois-tu les brouillais autour de toy leuez.'
O que tu peulTes voir ta ruine prochaine !
Car bien toit du grand iour l'meuitable peine
Teferafoufpner,hurler,defefperer,
Sans pouuoir par tes cris à falut afpirer.
Sus donc,ri tout ton faouhmefchâte Bordelicre,
Exécrable Sodome,& du monde meurtrière.
Si du ciel la fureur d'vn pas lent te pourfuit,
Et te vacoftoyant en ta ltupide nuift,
Si d'vnban eau de fer Dieu n'a calle la tefte
Desaùares Prelats,&dardé fa tempc'le
Contre ce Cardi nal 1 nfam e Se mal h eu reu x,
Que Pans trop cognoiten meurtres odieux,
Nepcnfercfchappcrdu grand Dieu la fentenec,
Ains croy que plus horrible en fera la vengeance.
La vengeance rardiue a les pieds cottonnez:
Mais en doublant les coups fur peuples cltonnez
Hauflam fon bras de fer,abbat, foule Se debrife
Les couronnes de ceux que tant le monde prilê:'
Accrauantant tous ceux qui ofcnt,furieux,
Drelsas leur corne en haut, hurter cocre les cicux:
Mais du grand Dieu viuant la Maieiléluprcme,
Sefert de leurs efforts pour leur ruine mefme.
Comme quand le Siroch Se le vent d'Occident
D'vn foufle furieux agitent rudement
Les vagues de la mer,i l'heure que fe couche
Orion matineuxrvoyci vn flot farouche,
Qui bruyanr,efcumant, boulleuerfe à monceausf
Impetueufementjlcs autres flots des eaux,
Et courant orgucillcux,va rendement combarre
L'cfcueil ferme Se collant, s'eiioi cânt de l'abattre;
Mais en fin il fe laifc,& fon «Fort cil vain:
Si que celle fureur,dont il efloit tout plein,
Rabbatue d'eiihaut,reiaill: t dedans l'onde,
E t languiflante meurt au pied du roc qui gronde:
^ Ainfi par le Seigneur les peuples lbr.r domtez.
Les princes abbatus,& les Rois furmoncez:
Ainli qu'on voit voiler la menue poufliere
Q ue le vent courroucé rencontre en fa carrière.
Pour les Martyrs de ce temps
F! le tandem mifetos ridet fecurus ab alto
Mort de s Deus:hîcvic~iis ex hofiibusvltor
Dat ventis fi>olia,ejr curru comitanturouantes
Viftoris Dominicircum ventique niuéfquey
Fulguraquc & nimbi,tempefiatéfquefinor£.
Ipfe triumphatos Jpectans longo ordine Reges
In ventes abujfe-.Viden ,aityimpieytandem
guidpofltDeusïhac vobis funtpr&mia->Reges->
Débitée hominum vanis conatibus objlo
Irride ns'-mihi non o fus eftmaioribus armis.
Non ego qui ranis,pamtfy volantibus olim
yiEgyptipottt^tot debelîare tyrannos:
guos populi gentifque me* ludibriafeci?
Idem ego,quum mifero nuper conuiuia lutfu
Mutaremjudcns Regum furiofa reprefi
Confdià\& décret a vnus Regum irrita feci.
ifie vbinuncfamâ tôt u qui copleatorbemy
Terribilts ymedidque volet cataphraclus arena
Purpureis inueclus equisfagattpfe triumphum
Iam fine me.pace is longos du quarit in annos,
Ecce meo iuffu mediam ferit arduafrontem
Lanceayqu& medio flridens fictif atfa cerebro.
Turbâturprocerum cunci,turbainfcia mujfat:
Seddum nullus adefiygalea qui vincula filuat,
Semiammem quitollat equo , quivulnm oliuo
Abluat:exhtbeo hacpopulis fiettacula Regum,
Ergo apte 6 miferi , & quifquù mea tujfa ,
meofque
Spreueriutlle meum fie fentiat Me furorem,
Et lus Fafquc meum pœnUjnmtusJionoret.
Sic eat aternumy& Legi fuapondera fîmte.
Sic att,& dicJu dédit immutabile pendus
Omnipotes. I frende igitur Jceleratc, Deumque
Crudelem miferappeîlaydurjt^ Tyrannum
Le gis, & infontes feralibus obrue buftts
Tabefiens crudeh odioytéque ipfe perure
Carnifci malus inuidta.vonquc.ncfandi
jmpatiens,animo tecum indignante labera
Impte:difcetuas prudens cumulare ruinas*
NU intentatum feelenque doUfque relmque:
Sed quod agtsyvotis intatfum optaueris olim,
Etnolles volmffeymodo qux Utus obibas.
Mira Deiyproh ! conjiLia,incompren[aquc-j
virtus
tfîcmaicfiatem Domihi inferutabile numen
Iam tacttus tande & fippltx Epicurus aderet.
Mirandumfua perfequttur Deus hofte miniftro
Confiliaycxequitur^volens quacumque^j vo-
lebat:
Sic tamen vt fi quod vitiumfuaty illud ab hojte
Fluxerity& gêner is Ufa fcmelmdole noflri>
Sponte fua-.ncc enivitijDeus authorin vllo efi.
C a fera femper agit J> eus efi qui caterafolus
Moltturynullm vero laborvrget agent cm:
Tranquillus placida fecum Jed mente quiefeit.
Et quauis tôt fatfa hominuytot denique motus*
Tôt regat crfiatuat rem faciéfque vicéfque,
Icy.finalement Dieu fe rit de là haut
De ces outrecuidez,&: d'eux il ne luy cha uts
Ains les ayant defFaits,leurs defpouillcs il donne
A ce braue cfquadron qui fon char enuironne:
Aux neiges3grefles,vents,tépclte,efclairs & feux.
Pour chanter le triomphe an Dieu victorieux.
Et puis de tant de Rois voyant au vent la gloire:
Mon pouuoir,ô mefchat,ne t'eft-il point notoircî
Dira lors le Seigneur :Rois c'e/t voftre loyer,
Voila comme en riant il me plaift guerroyer
Contre tous vos efforts:d'armes ic n'ay affaire,
N'eft-cepas moyqui ayautresfoispeudeffaire
Auec mes foldats,grenouilles,fautereaux,
De ces tyrans d'Egypte & hommes «Srchcuauxî
Les ay-ie pas baillez à mon peuple en rifée?
Ma main adesfeftins rentreprifebrifee,
Et tout tourné en dueilxar me moquant des Rois
Lcurconfeil renuerfay& leurs cruelles loix.
Où eft ce grand Seigneur,qui de fa renommée
Deuoit le monde emplirîqui en lice fermée
Braue perçoit le flanc de fon cheual bardé,
Ne preuoyant le coup que luy auoy'gardé i
Lors qu'il cerchoit fa paix pour me faire la guerre
Vne lance efclattant l'a renuerfé par terre
Ayant percé fon front, Se dans fon œil atteint.
Les Seigneurs fôt efmeus, le peuple bruit & craint
Ne fâchant que penfer:& cependant perfonne
N'accourt,ne fe prefente,& fecours ne luy donne-
Lors à tous ic fay voir ce fpectacle d'vn Roy.
Mocquez vous maintenat,&vous prenez à moy>
Afin que vous fentiez mon ire en cefte forte,
Et que vous redoubtiez,trembians (bus ma main
forte,
Ma iufticc Se grandeur qui ferme demeurra
A iamais, &maLoy toufioursfon poids aura.
Ainfî dit ce grand Dieu,& fa voix effroyable
Arma d'autonté,qui demeure immuable.
Va donc, grince les dents contre le Supernel,
Miferable mocqucur,appellele cruel
Tyran,faifeur deloy impoffible Se trop rude:
Pourfuy ta cruauté,appiiqueton eftude
A roftir à monceaux les corps des innocens;
Que la bourrelle enuie auec fes feux ardens
Te t»rufle,malhcureux:Que ta triftepenfée
D'impatience foit & fureur offenfee.
Comble à ton efeient ce qui t'accablera:
Penfe,inuentc le mal qui te ruinera.
Mais vniour tu voudras n'auoir touche lachofe»
Ni pas mcfme perde ce que ta main faire ofe.
Que l'Epicurien en crainte & en honneur,
Adore maintenant de ce trefgrand Seigneur
La haute Maiciîe,& l'cfTenceinfcrutablc.
O que fa volonté fecrette eft admirable,
Et fa puifTanceauflî 1 C'cft vn cas merucilleux
Que tout ce qn'vne fois il a conclu és deux,
Il peut exécuter par fon ennemi propre:
Tirant le bien du mal,la gloire de l'opprobre.
Dieu fe fèrt de celuy qui Icruir ne luy veut,
Tellement toutesfoisqu'aceuferon ne peut
Autre auteur du forfaitque le mefchât damnable,
Et la corruption dont noftre ame eftcoulpable.
Car en fait quel qu'il foit, Dieu n'eft de mal au-
De tout le iufte ouuricr Se îuftc côdudteur, (teur.
lltieft iamais prcfle,ni las de tant d'ouurage,
Etfii a trouble aucun qui change fon courage.
Et combien qu'il manie Se les cœurs & les mains,
Qu'il guide tât de bruits Se changemés humains,
& iij.
A l'Eternel tout-bon, tout-puiilant,
Confilittm fiempet tamen immutabile feruat:
Nam neque tum primum Mentem fiubitilla vo
luntas,
Alternant Mente :fed rerum in origine prima,
Sic Domine ante quidem fixtim irnmotumque
fedebat.
0 mira,o ntilli fatis enarrabilis vnquam,
Proh'.Natura Deh modo fi N attira vocada efiï
H te mateftatem Domim,infcruta bile nume>
lamtacitustadfm & fiupplex Epicurus adoret.
HÎcftupeat Natura,Deum mirata potentem,
Immenfium,*ternu, mentifique mdagine nulla
Deprenfium.Hic flupeatveterum fiapientiaGra-
ium,
Ac quicunque negantjecum femel omnia certo
Decreuijè Deum,nec res curare caducas:
SintfragU'hcanndfimilts licetiOmnia curât
Prouida Mens.naquid c&li pulcherrimus or do,
Quidcxlumyquid Sol radiis vibratibtu ardens
Aureus,tmmcnfiu*?quidpleno argentea Phœbe
Lumineïquid mtidu* vej}er?quid c&tera mudi
Lumindquc^ ftell*%? qmd & pulcherrima re-
rum,
Si tecummundi Artificemfi luminis illum
ImmenfiOceanum reputes , Mentémque^j bea
tam
LucU inaccefiis habitat qus fiedibus in gens,
Maxima,inexhaufta perfundens omnia lucey
guam nullis hominu verbis effarier vnquam,
Hkpoteris ■> captumque_j adeo fiupereminet o-
mnem.
Omnia fiumus erunt,indigndque_y Principe
tanto,
Si vel ad exigu am dtuint luminis auram
Protuleristfemtufque tliato lumine^-.iam-iam
Tabeficent liquefiacJa, niuis velgradinis inftar.
Ergo nectlla Dew curauerit7. Et tamen omnes
Hic Domino imperium tribuunt ,fedémqu<Lj
tonanti.
111<lj ergo ctt qui cuntta mouens, ejr cunclu
potenti
Mota fupercilio ampleéïes , ample x a gubernat.
Omnidque arcanopraeuntibus or dîne caufis
(gvaspofiuit, reuocatque-j voles iterumque^
reponit)
Ante videns fiecu flatuit , moderatur & vrget
Ter quaterinfelix iam nue Epicure quid lit-
res?
Agnofeifncj Deum infelix , Mentémque po-
tentem*.
Difiitc-J dégénères anima, difccj impia turbç
Iam tandem,ejfe aliqutdfine origine, temporit
exors,
lmmenfiumxternûmque,à quo emer fier ef créât a
Omnia : fiurrige^te , & mentis proculexcuft^f
nocJem.
Dificitc dégénères anima, difice impia turbs
E(fic Deum,arcano qui tempérât omma matu.
Tant Se tant d'accidensrfon confeil admirable
Demeure touecsfois a ïamais immuable.
Quandquelquechofcil veut parfaire Se auâcer,
Il ne commence pas alors à y penfer,
Puisque cômencement n'alafaincle ordônance:
Mais pluflolt de tout te mps il a donné fentenec
De tout ce qui s'dt faict,qui fe faic\,& fera.
O qui eit le mortel, qui comprendre pourra
Ton ellcnceimmor telle, ô immorte ISc igneur!
Que l'Epicurien en crainte & en honneur
De Dieu la maicfté,&: l'eilènee uncrutablc
Adore mainrcnant,& quel incomparable
PuilTaneed'iceluyjtire en eltonnement
Toutes chofes qui font deflbus le firmament:
De luy duquel le Nom, ni la foice,ni l'ellre
Comprendre ne pourroitl'efp rie le plus adextre.
Que ces vieux-fages Grecs,& ceux qui vont nians
Que Dieu ait ordonné en foy deuant tous ans
Le cours de toute chofe,& qu'il ait en penfée
De conduire la paille au gré du ventenaffée,
Soyent ores eftonnezxar on voit en tout lieu
Reluire la fageiTc,& conduite de Dieu.
Qu'ell-ce de ce grand ciel,de la eclefte armée,
Du grand foleil luifant,dont la face enflammée
Dore tout I'vniuers des traids de fa beauté?
Qu'eft-ce que de la lune au vifage argenté?
De celle cftoille aufli qui marche la première,
Illuminant lanuiét de fa blonde lumière?
Tant d'ailresîtant de teux? Qui fera le plus beau,
Ou çà bas,ou là haut?lï,comme en vn tableau,
Tu regardes en toy,quel eft l'ouuner du monde,
D*vnc immenfe lumiere,vne mer trefprofonde,
Efprit heareuxd'heur mcfmc habitant enclarté
Inacceflîble aux fens,& qui de tout cofté
Sur toutes chofes luit,d'vn rayon admirable
Sortarjjtde fa fpendeur qui eftinelpuifable,
Laquelle on ne fauroit deferire ni penfer,
Tant tout efprit humain elle feait deuancer?
Toutes chofes(prour vray;ne lerôt que fumée,
Aupresde falueur parfaite &confommee.
Csn'eft rie qu'vn brouillart tout foudain efearté,
Voire au premier rayon de fa grande clarté:
Ou comme on voit la neige eltre en eau côuertie,
Si toft que du foleil la chaleur a fentie.
Dieu ne laiflc pourtant d'en auoir le (bucî,
Vcu que tout ce qui cil dedans ce monde-ci,
Flcfchit fous fon pouuoir,& luge le confeflé.
Luy,luy tout rcmue,& par la feule adrellc
De fô clair œil côprcdtoutce qu ovoit mouuoir,
Et gouuerne le tout félon fon bon vouloir:
Et preuoyant en {by,conclud,manie Se traicèe
Toutes chofes qu'il veu t de volonté fecrette,
Par vn ordre caché:puis félon qu'il luy plaift,
Les caufes entt erompt,& puis il les refait.
Que fonges-tu, mclchât des melchas,Epicurc>
Malheureux, as-tu point quelque remors & cure
De recognoillre Dieu cclt efprit tout puillant?
Apprenez Apoitars,toy troupeau croupiflant
En toute impieté,apprenor' àcognoiitrc
Qu'vne Eflènce il y a,qui ne peut recognoillre
Commencement ni fin,immenfe,quiïouftient
Et produit touteela que I'vniuers contient.
Efleue vn peu tes ycux,& charte la nuée
Qui fait que de clarté ton ame eft deihuée.
Apprenez Apoftats,& vous qui croupilfez
En toute impieté,maintenantcognoiflez
Qu'il y a vn Dieu fort,qui regit,qui difpofe
DVnmouuemét fecret Se conduit toute chofe.
Vœu pour les Martyrs de ce temps.
NamquA objlet vis vlla Dco ,quando omnta
pofit,
Omnui'j. Ommpotens quAvult moliminc nullo
Perficiat,rerumque adeo cau/a vna,voluntas
lpfius fua fit? ^uanquam tan: en ille fetundas
Subflermt eau fis etiam^oxafa dolique
Et [céleris, quo tammlpa fil lîberab omni.
N an/J>Yohlf*cïdegJtmerttes yAuthorne-J malo-
ruta
Etfcelerum hortatorfucrit Dettsïoptimws ///o>
Hundt opifex bominumque fiitor , licet omni a
fecum
7) ecernat fier i que velit,nochfque mimfiri
C onfdtA ipjîus peragant ml taie volent es ?
Deniquz_j quicquid Agant ; tactta Deus êmniA
mentes
Prauidit prw,& fecum longé ante futurA
Conflit utt ,prudénfque fuo mox tê'pore promit
SinguU . Nectamen eft quodjer ficeler Ate Lu-
creti,
In culpam bine traxiffe D ernn pofiifive putéfive.
Sed tôt a m fubeunt vitro, faaléfiquefequutur
Corruptt mores hominumficelerumque tenaces^
Sponte fua,vcten quaquam hortatore Colubro.
Sic Lttn* cbiccfa média quum luce repente
Sollatet}çr cxlum fiubitis contexitur vrnbrts:
Hacregionihil nottis habet^totaïUatenebm
obruitur.medioque die nouA fyderA edi
Miratur.mundiqueputAtvemffe minAm.
Nec tamen mtereA quicquAm de lumme Solis
Decedit,vultumve nigra ferrugin<L_j tirikit.
Non afin hocvitium, non afin hœc culpa , nec
vllaefi
Lumwis inuidia: nam lampade fempereadem
Irradiât SoUs rutiloglobm aureus orbes.
Obficœru fi noctis attes inluccpatenti
Cabrant, mti une tubar^emtabile Solis
Proptcrcainctijent Jucemque diémqueperofia:
An bebetes oculos potim , vttuimque videndi?
la nue ergo qucri qttid poji'it O audeat vllus?
N am(mificri )exitium nobis accevfimus vitro
Dégénère s [equimurque^j nefias vitro omne_j
volent es.
gtfodfi aliquos Deus exitio & crudelibm vm-
bris
Defiinat,ante quidem quam Sol aut terra fiuif
fient:
Baudtamein culpa efifiqdmalè gefferis olim:
NecDeus hune finem {J>ec7at,fed Nominis ergo
Ille fihvlt* quos vult edu cit tn auras,
gui iusto tandem intenttt mentâque ruinA
Exortcm illufirent Patris omnipotent is honore.
Nam qui ex vllius damno mala gaudtA CAptet
Rex Deus?atque fut tantum,no confiulat Aquus
Gloria ,& aternos quequam det latus in ignés?
^En quô nucigiturges pracipitata fubvmbras
Aufa olim tmmantLj nefas m fiedibus altis,
Car puisque cegr ind Dieu,fànseftrc tourmente»
Peur taire ce qu'il veut, & que fa volonté
Eft de tous accidens larciglc & caufe vnique,
Pourrcz-vous bien vfer contre luy de rcplicqueî
Il cil: vray cependant qu'il liait h* bien ranger
Les caufes & moyens,qu'on ne le peut charger
D'eltre d'aucun forfai:t aucunement coulpabie:
Si que de vice aucun nepeuteftre acculâble.
Car,dites moy mekham^Dieu feroit-il l'auteur
Dei maux par vous commis ; met-il cela au cœur:
Luy en qui la bonté pail.Uvîtemcnt abonde,
Ouuner & créateur des hommes & du inonde:
Encor qu'en (on conlcil l'effet (oitarrefté
De tout ce que voyons çà bas exécuté:
Et que mefmc Satan auec les liens parface
Ce que le Seigneur veutqueïmaugréeuxî fefaceî
Bncf il auoir long temps au p.uauant preueu
Enfon confeil iecrcr,dilj)o(e c\ prouueu:
Puis il defcouurc en temps, par fa fagefTe grande,
Tout le mal que commet Se Satan Se fa bande.
Nepenfetoutestois, Atheemalheureux,
Pcuuoir dire que Dieu foi t coulpabie aucc eux.
Ce font,ce font les meurs corrompues du monde.
Et les iniquitez cfquellesillefonde
De fon bon gré, fui Liant du vieil ferpent la voyx.
Qui coulpabie le font des péchez que tu vois.
Comme quand au Midi, par l'obi cet de la lune?
Laclartédu foleil tontloudain dément brune:
Et le ciel,qui eltoit ierain Se gracieux,
Raui t en vn inftant la lumière des yeux:
Vne place feradu foleil cfclairée:
L'autre place fera du toutdecolourée,
S'cfbahirTant des feux delà nuift qu'elle voit:
Et penfe que défia la fin du monde fbir.
Cependant du foleil la clarté lumineufe
Ne deferoirt nullemcnt,fa face fpacieufe
D'obfcunté n'eft teintc:& quand noir il deuient,
Ce vicc,ceft erreur de luy pointne prouient:
Et n'eft pas enuieux,car la melme lumière
Mcfurq tous les iours le tour de fa carrière.
Si les oifeaux hidc.ix, qu'on n'oit linon la muet,
Ne peuucnt fupporter la clarté qui leur luit:
Pour cela pourront-ils aceufer la lumière,
Plultoftque d'acculer leur fragile paapiereî
Eux quihiyentle iour,leront-ilspas contraints
Levice condanner qui tient leurs yeuxcftraints*
Y aura-il auffi homme qui s'ofe plaindre?
Car à faire le mal on ne nous vient contraindre:
Ains de noitre bon gré tout malheur attirons,
Et (Yâs qu'ônous y poulTcj à la mort nous couros»
Suiuans l'iniquité d'vne volonté franche.
Et s'il aduient que Dieu de fon troupeau retrâche
Quelques vns,qu'il deftine, auât que d'eftre nez,
Voire auant ciel Se terre, à eftre vn iour damnez:
Il ne fenfuit de là,que,fi tu commets faute,
Tu puilTes l'imputer à fa Maiefté haute.
Ce n'eft pas là ion but : mais pour fon los haulïer,
En cefte vie il veut quelques vnsauancer»
Qjui en fin d'vne mort Se trefiufte ruine,
iDonneluftre à l'honneur de l'Elîencediuine
t)u Pere tout puiftànt:autrement,ce bon Roy
Ne pourroit s'elîouir,de voir au loin de foy
Son ouurage perdu en feu qui toulïoursdure,
N*cftoit que la grandeur de fa gloire il procure.
Cornent dôcques ceux la,qui deseeleftes lieux
Ont elle deiettez aux enfers ténébreux,
Pour auoir actenté crimes trop exécrables,
A l'Eternel couc-bon, tout-puillant,
Ore Deu incufet?quid vefo deinde quer-mtur
MortalesmtferUqui vita & criminel dudum
Sint menti éttern*: Chaos trremeabileno&is ?
Huquidhabes Babylon? quidhabes impure
Cynxde
«Hodpofiis aquo DowimobiecijpLJpotentis
lndicio'.mtritâmne vide s, h is t^j impia Jioma,
Vt Deus obuoluat tenebris quibus ante profana
Obruit AEgyptum îmerito tibi maximum Vltor
Eripuit mentem, & prorfum fine luce reltfiam
Infcelerafnque nefas (jrinelutfabile cœnum
P ermifit ruere, & caco indulgeres fu rori.
^Va tibi,va Babylon,calo & mortalibus ipjîs
Jnuijàybeu! ttties méritas qua fanguine pœnas
Pefle,fame^flammaycali terrœfa ruinis
Perfoluisrecidiua,pi) Vatûmque Patrumqut^
Sanguinù,heu! mmium fuies fcelerata-.fed vm
bras
Legis^&infandos obferuans fedula rit us.
Impia,prohlMeretrix quœ mœchosebriaReges
Sanguine Jpumantipatera duloqueveneno
Sollicitas^mifèrofquc^ malo furiata veterno
Dementas populo s -.ficelas hacfunera^eclas?
Tôt tri/les tabulas Jot fiintta cadauera ce mis,
Bellua,nccte animi tandem crux vlia perurit?
Tun'Jîcco fpetfare potes totfunera vultu ?
îlicet hacfuntiUayhxcfuntprœcUra Sénat us
Purpurei ornamenta ,hdc funt décora inclyta
Roma:
Enilla kacfe dis funt firmament a nefandœ,
ffœcpietasyhacrclligio tôt ficîaperannos.
Afpicis hos tumulos at% hacmonumeta piorii
gui nitidi forment a interflammafy relu cent,
Autquos mille dolii/vna nec morte necafli ?
Vltnces illiad pœnas aliquanâo repofeent
Teque tuofque deos.Satis^oftola fanguine iufie
Ebrïa-.iam veniet tepus Jam-iam/^propinquat-,
guu magnofed vero frufirasoptauerù emptos
Infontes illos-.necenim fine vindue tufius
Illorumtibi Jànguù erit,quos candida vefiit
NuncfiolayquodChrifiicalicem & crudele do-
lorum
Simpullum intrépidité nîs fitientibus, vitro
Ebiberintjnediofque rogos fubiere volentesy
Vithicéfqueardcnti animas fub fafee dedère:
<%ua fimuUac terras auida moribunda^mebra
Liquère}anteuolant Zephyros plaudettlèus alis-,
Vt leuis in naphtham fulco volât alite flamma:
Seque choris alacres tandem felicibus addunt:
Et tandem felixfiudiis concordibus xuum
Laie agitant duce cum Chrifto,viua% frmntm
Luce Deijcoràmtfc ilLum immenfumque tuutur
Luminis a ter ni fontem,viu% beau
Biuitias ,pedibufque polos & fydera calcant.
^ His Deus exeplis nos excttat-.hinc noua n^tis
Pettora format açcns 3& cafibusvrit acerbts>
A' e Fidei langue ns mtus fit mut dis ardof:
Se plaindront-ils de DieuîLes mortels mifêrables
Qui par tant de forfaits l'enfer ont mérité»
Accufcront-ils Dieu d'iniufte cruauté?
Que peus-tu repliquer,infame Babyl«ne?
Parlc,aJlegue,produy vncdefenfe bonne,
Que puiflts oppoier au iufte îugemcnt
Du Seigneur tout puillànt. ne vois-tu pas conicnr
Auciigle Babylon, félon ton démente
Il te punit ainiî comme la gent maudite
Des vieux Egyptiés? A bon droi£t,Dieu vengeur,
T'a lebonfens ofté,alors que fans lueur
Te veautresinfenfée, infâme, vagabonde
De tous vilains péchez en la folle profonde.
€fMalheur,malheur fur toy Babylone,cjui es
Des hommes & de Dieu luye à tous iamais.
Malheur fur toy, qui as par fang,pe(te,famino,
Foudres 8c tremblemens de la ronde machine
Tous armez contre toy, payé par tant de fois
Ce que pour tes péchez au grand Dieu tudeuo;
Malheur fur toy mefchante,encor trop altérée
Du fang des innocens dont tu t'es enyurée
Les ombres aimât mieux que du Seigneur la Lo
Et des menus fatras,qu'vne folide foy.
Effrontée putain,yusongnefle mefehante,
Qm ayant en la main ta grand' coupe efeumante
De fang clair 8c vcrmcil,le venim doucereux
Que veux faire aualler aux Rois tes amoureux;
Q_j picquéede rage,ofl:es l'intelligence
Aux peuples malheureux qui ont ton accoincl
vois-t j, regardes-tu ces funérailles ci?
Monître infame,pcux-tu regarder tout ceci,
Tât de piteux tableaux & corps morts des fidèles
Que la honte & la peur ne foyent tes boun cite a
Peux tu fans larmoyer veoir tant demonumensî
Ce font,cc font aufll les plus beaux ornemens
Des pères purpurinsxe font les armoiries
De la^Ville de Rome & de fes feigneuncs:
Tels font les fondemens de ton licgc maudit,
De tagtand' dignité Se de tout ton crédit,
De ta religion feinte par tant d'années.
/Vois-tu ces tombes-ci aux iuites ordonnées';
QjUjbcauxjluifcntcncor au milieu des tormen?»
Au milieu de la flamme & des feux vehemens;
Sfrir toy & fur tes dieux tombera la vengeance
Babylon,c'cit tropfaicT;:la trop grande abôdan. .
Du fang mite qu'as beu,te fait perdre le fens,
Le temps,le temps vicndra,&prochain ie le fens,
Que tu voudras auoir la vie rachetée
De tous ces innocens, aufquels tu l'as oftee.
Dieu fera le vengeur du iuiîe fang de ceux
Qui ores lbnt parez de robbe blanche és cieux,
Pour auoir hardiment,& d'vn ardent courage,
De la coupe de Chriftlâuoiuclc breuuage
Au milieu des tormens>& des feux au milieu:
Par où ils ont paflè pour par uenir à Dieu,
Plus vilte que le vent,plus vifte que la flamme
Qui au foufre affiné foudainement s'enflamme:
Et s arreftent és cieux en repos 8c plaiiîr,
Conioints àChriftleur chef, 8c faoulasleur défît.
Contemplans le Seigneur,voyans de veuc pleine»
De lumière éternelle vne immenfe fontaine:
Et pofledans des cieux les plus beaux ornements»
Foullent deflbus leurs pieds aftres 8c cléments.
^Parces exemples-ci le Seigneur nous efueille,
Et,en nous propofant celte eltrange merueille,
Il reforme nos cœurs,& viuement les poind,
De peur que noftre foy.debile de tout poin<5t,
Ne
Vœu pour les Martyrs de ce temps.
Neu mâle fuada pioffalfa fub imagine refît
Sopiat in tenebris mifer* fiduciapacis.
Sic his frpe fuos percellit ejr implicat olim
Monjlris Omnipotent, (jr nos examine dura
Pertenfans, aperit circum mille vndique mor-
tes:
guo fibinos reddat.quo nos fuperardua cali
Jmtttos trabat,atque fui fuccendat amore^t
Edocîos nnfquam humants confdere^j rébus:
Sed Patris arbitrium cupidos vocémque^ fe-
quentes.
iflapiœs adeo formant certamina mentes.
A T vero nocli fempérquefilentibus vmbris
Iam merfos^ejr denfa olim caltgine condiy
sltque-j adeo illorum cineres,famamquç_j> pro-
fundis
Obduci tenebris ,fjr ferro ejr carcere dudum
Rebare extintfam,jlamifque voraabus haujla-
Sed calo vifufn ef aliter: namque_j incubât
iftis
Fama ingens T umulisyqua fefis ex ofibus vU
trix
T rotultt innocua gentis ylatéqueper omnes
Vulgauit populos jngenti maxima plaufu
Egregias animas }nolit velit agra tyrannis
Romatua,dr cineridatJpledidanominA muto.
^Ergo agedum illufires anima /vos pojlhuma
fama
E noeîe ejr tenebris ^ad vite ejr luminis auras
Ecce tuba reuoeat fonitu offeiofa potenti
Emeritasfenfféque pio certaminefunefas.
Vos Pater amplexu non dedignatus amico,
^Arbitrio fatt exemptas Regûmquefurori,
Jn calum Pater omnipotens excepitouantes-
guarc agite &facris etiamnum accentibus
omnes
In numerum, denfa toto date carmina calo:
Cdo,vbi perpétuas aies chorus haitrit anhelans
Delicias ,pur£<jMbunt noua gaudiamentes-.
Gaudiamlhumile autfuxum Jpirantïa porro,
Gaudia part a plis atque obferuantibus a qui.
V esira fed hac olim memores exepla fequutï
Sic calum répétant gratique piiquenepotes,
guidederint vitro durafuanomina ChriJH
MtlitU-tJàncfa cum maieflates malorum
Tôt Utigladios ejr ioterudelia pafi.
^Hacvobis mage marmoribus veimolc^fi-
perba
Pyrarnidumjongosferduraturaperannos
SancJa piis incifa notis monimenta parauit
Hteropolis-.vobis etiam Crijpinus amico
Jujla fcitvotOycjrpatrio fermone par entât,
guod fi ego nil aliud potero , vos carminée
faltem
Profequar,& Siticen memorabo funera plaufu
Vejbra pio> fjrvejhas comitabor carminé flamas .
^Ergo>Liber,populosprocul ex Oriete remotos,
Ne.s'eltaigne au dedans,ou que quelque fiance
D'vn repos malheureux,ayant en apparence
Quelque prétexte beau,ne donne vn oreiller
Aux bonsjpotir en erreur les faire fommciller.
De tels monftres fouuent le Seigncui enueloppe
Et picque viucment de Tes eleus la trouppe.
P uis en nous efprouuanr par des moyés tafeheux.
Il ouure autour de nous mille fepulchres creux,
Afin de nous r'au oir, voire maugré nous mefmes
Nous tirer de ce val deflus les deux fupremes,
En l'amour de fonNom nosamesembrafer:
Nous ayant enftigné,qu'ilnefaut s'amufer
Aux chofes de ce monde,ains la volonté fainetc
Du Seigneur efcouter,S<: la fuiure fans feinte.
Voila de quels combats Dieu façonne les cœurs
Des fiens, que puis après il couronne vainqueurs.
Mais toy,toy Babylon,tu te faifois accroire
Que de ces faindts Martyrs la bénite mémoire,
En filence éternel demourroit auec eux
D'obfcurité couuerte és manoirs ténébreux:
Tu pcnlbis dés long temps auoir leur renommé*
Par prifon,fer &: feu,auec eux confumée:
Mais tout autre a cité du Seigneur le vouloir,
Car tous ces monumens,que tu peux ici voir,
Sont ornez d'vn renom trelgrànd, qui a naiifance
Des osdesfaincts Martyrs,& qui crie vengeance
Contre toy;diuulgant parmi les nations
Les a&es vertueux de fes forts champions:
Qui de tous reuerez font au long de au large.
Mefmc leurs cendres ont encor ceft auantage,
Quenoblefle acquife ont d'vn magnifique nom,
Maugré,bon gré toy Rome,e\r ton cruel renom.
^ Ames illultres donc,oyez la renommée
Qui faifant fon deuoir,en bouche a entonnée
Sa longue trompe,afin que de l'obfcure nuict,
Ramenées ioyez à vie & iour qui luit,
Comme vous méritez, pour auoir feeu combatre.
D'vn vrayzelc Chreftien,& l'Antechriftabbattrc.
Le Pere tout-pui(Tant,qui amiablement
Daigne vous cmbraiTer,deliures de tourment:
Et de cette fureur au cœur des Rois efprife,
hait que,gaycs,au ciel vous auei place prife.
Pource de voftre part,toutes enfembfe és deux,
D'vn mefme accord chantez louange au Dieu des
En la maifô duquel des S. Anges la troupe, ( dieux
Et des eleus aulh boit en la riche coupe
Desplailîrs cternels,qui nefententenrien *
Choie caduqiic,ou proche àl'cftat terrien,
Préparez à tous ceux qui d'aller droit ont cure."
Que vos nepucux aufl1,qui en la guerre dure
Du Seigneur lefus Chriiî Te feront employez,
Et comme vous auront leurs forts bras deiployez:
Paflàns al jigrementjCv en maieité faincte,
Tant detourmens efquels fera leur vie efteinte,
PuifTent vn iour au ciel auec vous eftre admis.
^Geneuc cependant vous a bafli,& mis
En caractères faincts,ces fainctes (epultures,
Lcfquelles dureront plus que les pierres dures
Superbes en hauteur,& le marbre luifant.
Crc(pm,qui vous chérit, vous va cternifant,
Et en ces Liures mis en langue intelligible
Vos funérailles faiél.De moy,s'il n'eft poflîble
Faire quelque autre chofe, au moins ie chanteray,
Eccn vous beni(Tant,à tous raconteray
Voitre confiante mort:& voftre flamme ardante,
le fuiuray par ces vers qu'à voitre hôneur ie châte.
^Sus donc,Liurc,dcpars arrière de Iura
A l'Eternel T-B. T-P. Va
j2^ù patet orbe oiim Roman a. potentia vitfo,
^Ad Tanatn,ad Cimmerios atque^j vltims
Ponti,
Aureitsà Iuraperagraviridifa Léman o.
Sauromitas yt.vifeydoce gclidofque Polonos,
<gun s modo calèfti renouatos Spirim aura
P foçenuit wjferansjovgjque à notle rcduxit.
Orchadœs,& Scotia plenis pete littora velis:
Hîcnaperlux illa Dei verbumque Salutis
Sacrum tUudnopa mamfefio lumine coram
Zxflicuitfefejhkfides tuttque receptus
SanctU Europa exulibusprofugifque parantur.
ViÇe anni Solifque vias.vbi nofira Canopum
Gensvidet,& nofirn contraria fidera cernit
AdmiransJongeEuropa Calpéque relitfis
tergo>Ammericampropter, qua languidus
annum
Exiguumvertens}gelidofibfidere nobU
Sol bytmem facit1& currtt breuioribus horis
guapatet/nque (inum pandit fe diutte luco
Brefdia-.infelix fupra exécrât aque tellus
Cannibalum , Paranas infrà Lepetifque^j, fi-
nanti
Murmure gemmarum & fquamuis crepitanti-
bus auriy
In mare précipites juntto fimulagmines cur-
runt.
I ,Liber,& reduces iterum folare Britanos,
Poftlongaexilia & laque os çineréfqu<Ls fuo-
rum:
jgups interpietate grauis , venerandus, honora
Canicie^extram medios qui Utus m ignés
Coniecit,no/lro fulget memorabilis auo
Cramnerus :pete^> culta , Liber, qua Sequana
lambit,
<%ua Ligeris ficat,& Rhodanus , rapidufquc
Garunna.
I, Libert(jr veteres mœrens inuife tôt vrbes
£)ua Rhenusfluit:auriferis qua diues arenis
T urbidus Oceanum le m T agus agmincj pul-
Jat:
Et tt_j Roma légat caput imperiumqucs malo-
rum.
Tu vcroju Chrijtefaue.qui lum'mu imbre..
Cuncla foues,feruas ejr dis filidaque firenas
Latiùa}& caltis renouas mortalia cordai
^sflm^faue, & fanttis prafens allabere cœ
ptis:
Caleflique patrocinio mendacia contra
Et vulgi rabicmypr*fins monimenta tuo rum
Incifahis tabults iam terrediuiua tuerey
guets latc cirçum tua lux & gloria cre fiant.
x pour les Martyrs de ce temps.
Et du lac Geneiiois,piris magnifique va
Les peuples eflcngnez de l'Orient ccgnoiftrc.
Et d'vn des bouts du monde, ayât eu pour Ion mai
Autiesfoisle Romain, trauerlc Tanais: ("lire
Puis des Cimmeriens entre dans le pays:
AulVi del'Hellefpont tafchc les bouts atteindre.
Va voir & enfeigner les Sarmates»& îoindie
Le peuple Polonois nagueres croupiifant
En ténèbres d'erre, }ue le Tout-puilFant
Ores par fon Elpru eldairc régénère.
Vogue aux ides Orchades,& anchre la galère
Aux nuage d'£fcoffc:le clair flambeau de Dieu,
Son Euangile fainc~t,luit ÔV Tonne en ce heu:
Oui fera le refuge & feiour de la trouppe
Des leruiteurs de Chriiï deU ii allez de l'Europe.
Les courfes du foleil & de l'an va t'en voir,
Que noftre nation ne peut apperceuoir
Qu'efbahie, voyant tant d'efloilles pofees
Aux ciel de ces lieux-la,aux noftrcs oppolees:
Elle y voit Canopus,aftre clair & luilanr,
Puis l'Europe Se Calpé derrière toy lai (Tant.
Coursiufcju'en l'Amérique en noftre tépscognuc,
Où le foleil tournant de courte retenue
Eli contraint par deçà en peu d'heures fournir
A fon plaifant labeur,fai(ant l'Hyuer venir
Vers nous par ce moyen. Pies de là eft la terre
Du fkelil,oùce bois le marchant y vaquerre.
Au delTus on peut voir le pays malheureux
Des cruels Cannibals:cv au dcuous d'iceux
Parane & Lepetis,riuieres,ou bruyantes
Sont les efcailles d'or & les perles luifantes,
Qui d'vn cours entre-iointlc plongent en la mer.
Va,Liure,derechefles Angloisconfoler,
Apres leur long exil,& des leurs la mort dure,
Par cordeaux & par feu:entre tous lefquels dure
Encores auiourd huy le nom de ce vieillard
Cramner homme de Dieu, qui, lors que le feu ard
Des flammes au trauers, hardi, fa main auance.
DelàXiurejvien-t'en tournoyer en la Fi ance,
Par les champs fructueux de la Seine arroufez
Du Rhofne,de Garonne & Loire diuifcz.
Va,Liure,& gcmiiTantcontéple en l'Allemagne
Tant d'antiques citez que le large Rhin baigne
EtrEfpagne,oùTagusfleuue tant décoré
Pour la riche beauté de fon grauicr dore,
En coulant doucement fait enfler la mer grande.
Çjuccefte Rom e aufl1,qui aux mefehas cômâde,
%t domine fur eux,life ce que contiens.
Mais toy Seigneur Iefus,quidu ciel entretiens,
Gardes,nourris Se tiens en folide liclTe
Par ta viue clarté,tout ce qui le col baifle
Sous ton Empire fain£t,toy qui formes les cœurs
Des humains que tu rends Ôc tais tes feruiteurs:
Beni,ie te fuppli,maintien ce faindouurage,
EtdVn celefte braspreferuedela rage
Du vulgaire mutin,&de menfonces faux "*
De tes heureux Martyrs les excellens tombeaux
En ce liure grauez,qui de mort les débute,
Et défia par trçis fois les fait çà bas reuiure,
Faifant qu'àlentour d'cux(tout brouillart efearté )
Reluife an large & loing ta gloire ôc ta clarté.
I. T. F.
S. G. F.
SVR LA C0NSTANCE <D E S
fidèles A4 artyrs de noftre Seigneur Je/us Chris! ,
dejqptels il eflfait mention en ce Lturc^.
En ce grand feu la grande patience, s
Qui en mourant fait le foldat vainqueur,
Efmeut en moy,rœil,i'aureille,& le cœur,
Quand le le voy,cj uand îe l'oy,quand l'y penfe.
le voy fouffrir auec ioye & conftance,
I'oy chanter haut en extrême douleur,
le penfe alors que de Dieu la grandeur
Luit en l'obfcur de l'humaine împuillance.
Si on veut donc d'vn vray prouflt iouyr,
Ce n'eft aiTez,& de voir ôc d'ouyr;
Car au penfer eit l'vtilité toute.
Et qui fe vient en ce lieu ad< eflèr,
Pour voir,ouyr,& non pour y penfer,
V o yant,oyanc,il ne voit,& n'oit goutte.
PREMIER
PREMIER LIVRE.
De Ihiftoirc des Martyrs, & des
CHOSES ^ADVENUES E J^i L E-
gïtfe du Fils de cDieu,depuis le temps de Vvicleff mjques aprefent^.
EL ON les tcmps,le Seigneur par fa bonté admirable a redônc
à l'on Egiifenon feulement fidèles Docteurs pour annoncer (à
V entérinais auih excellens champiôs,pourlaieeller de leur pro-
pre lang. Ec combien que le monde ait efté long temps cou uerc
de ténèbres horribles , il a neantmoins d'vne merueilleule façô
toufiours gardé quelque femence ou eltincelles, pour allumer
la clarté de celle Venté au milieu de la nuict obicurc &c tene-
breufe. Et iaçoit que depuis le commencemét de la prédication
derEuangilc,ilyait euvn ordre continuel de bons Docteurs 5Z
Miniftres (comme ilièroit facile de môftrer par tefmoignagesôc exemples fuffifàns )non-
obftant il a femblc que les Lecteurs Chrelh'é«$ auront dequoy fe contenter,!! de près cô-
mençansàlE an Vvic l e f f ,Anglois de nîicion, nous monftrions combien ceiteién- MattLii&ri
tence eft véritable , Que les portes fîenfer nepeuuent rien a ^encontre decefle -venté invincible de
Dieu.Ez de faict, s'il y eut iamais fiecle, auquel Satan ait perfecuté de haine furiculc celte-
doctrinc>& tafché par tous Tes efforts de l'abolir du touL-c'a cite depuis ce téps-la . Et puis
qu vnc telle force tant puisante, ran t enuenimee de hafne,na peu venir à bout de fes cn-
treprùes>&: n'a feu tant faire quicelle n'ait efté nuraculeufementconféruec,& baillée co-
rne de main en main: ne nous efbahi (Tons fi ceux qui la maintiennnent ne font aucu-
ne difficulté de quitter leur propre vie, pour afpircrà l'héritage éternel, où icclle les
appelle.
Il cft certain, que lors quenoftre Seigneur & bon Dieu fufeita Vvicleff, la tyrannie
occupoit par tout, &: principalement dominoit par ceux qui tenoyent le gouuernemcnc
Ecclefiaftiquc . A grand'pcine y auoit-il au monde qu'vne bien petite eitincellc de la pu-
re doctrine,qui fuft apparente tant peu que ce fbit. Cela fut enuiron l'an apreçla natiui- ,.cftiulede(
té de noftre Seigneur Icfus, m. c c c. l x x i i. Auquel temps les Rois & Princçs dire- princcsdu
ftiens,pour toute affection 5c zele qu'ils auoyent de faire valoir la religion , empic^oyent tcmFJ
leurs eltudes à recouurer force reliquaires d'oilémens&: du bois de la Croix, qui cftoit en V1CC
la villedelcrufalem, 5c faire des voyages d'outre mer pour femblablcs deuotionsfnuo-
les . Encetemps-la(dy-ie) Dieu voulut par fa grande bonté reueillcr le monde cnfeuely
dedans les fonges des tradition s hu maines , & ce par quelque organe dudit Vvicleff. Le-
quel ayant délia fait longuement profefllon de Théologie à Oxford, ville 5c Vniuerfïté
d'Àngleterrc&i voyant la vraye doctrine eftre vilainement corrompue de beaucoup! d'or-
dures de queftions 5c inuentions du Pape, ne fe peut tenir degemir en (on cœur : &C déli-
béra s'oppoier à tel delbrdre. Il voyoit bien qu'il ne pouuoit fans grand trouble remuer
telles ordures :5c cequi de longue couftume eftoit enuieilli dedans les cceursdeshom-
mes, ne pouuoit eitrefifoudainement arraché. &: pourtant il luyfemblabon de manier
ceft affaire petit à petit . Premièrement il fît cefi: effay contre les aduerfaires de la Vérité,
afTauoir,qu'il difputa contre eux de petites choies , afin que par ce moyen il fe filt ouuer-
ture aux grandes . Et entre autres, il eut affaire à vn certain moine de l'ordre des Carmes,
nommelean Kenyngham.
fubftancia-
uon.
Lime /. Jean Vvicleff.
D e ces petis commcncemens on vint à chofes plus hautcs.il y eut finalcmcn c difputc
touchant le Sacrement delà Cenc.En cela ce bon perfonnage eut grade reliftcncc, affer-
mant publiquement es Efcoles,que fa principale intétion eftoit d'ofter l'idolâtrie qui rc_
gnoit en l'Eglife touchant cefte m aticre. Mais voila le mal. on ne pouuoit toucher à cefte
playe fan s faire grande douleur au monde. Les Moines, &: fur tout les Mendians eftoyent
transportez de rage,eftans marris q par ce moyé leurs fouppes leur eftoyen t arrachées des
poings. LesEuefques vouloyentauoirlacognoiiTanccdeceftecaufe.Et voyansqucleur
puiflance n'eftoit point allez forte pour rompre ce coup,i!s eurent lînalemét recours aux
foudres duPape.car c eft le dernier remède qu'ils ont en tels orages,apres q les hurlcmens.
des moines & preftres ne peuuent pas beaucoup profiter. Ceieul perfonnagefouftint le
choc contre vn fi grand nombre d'ennemis, n'ayant pour toute ia defenfe que la fermeté
des iametes Efcriturcs.il eft vray qué pour confirmation plus grandeil propofoit l'autho-
rite des Docteurs anciens de l'Eglife: nonobftâtc'eftoit en ce qu'ils accordoyentaux fain-
des Efcriturcs, faifam remonft rance qu'il n'y a vérité que celle qui eft côtenue efditcs EL
cri turcs. Quant aux Decrctiftes,il les reiettoit entièrement.
I l maintenoit conftament, qu'au Sacrement de la Cenc les accidens neftoyent point
fans fubiedx'eft à d ire,que la blancheur &: la rotondité du pain n'y eftoyent point fans le
UTranf. pain:aflaucur,que contre la TranfTubftantiation (que les preftres auoyent forgée) le pain
" demeuroit pain,& le vin auffi demeuroit en fa propre fubftance.Et quant aux argumens,
nous les différerons en vn autre lieu,& poffible eft que ce fera mieux à propos . La vérité
en ccft endroit rendit Vviclcff grandement odieux,& principalcmet enuers toute la Pre-
ftraille,& les Eueiqucsqui auoyent les plusgransreuenus.
A v reftetadis que le roy Edouard vefquit,on peut bien apperceuoir que VviclefrVe-
ftoit point du tout deftitué defaueur ne fupport contre fes ennemis . toutefois au dernier
an dudit Roy,il fut pris par l'archeuefquede Cantorbery,à l'inftigationduPapc:&; corn-
mandement luy fut fait de fe raire,en la prefencedu duc de Lanclaftre&dufcigneur Hc-
ride Pcrie.Mais ayant derechef recouuré la faueurd'aucunsgrâs Seigneurs , il rôpit bien
toft fon filence.Sur ces entrefaites Richard fils d'Edouard fut fuccefleur du royaume,qui
fut enuiron l'an mille trois cens feptantefept . Le pape Grégoire nccefladcfolicircrpar
lcttres(par les Eucfques du royaume) &: par bulles ce nouueau Roy, qui autrement auoit
le cœur fort noble, à ce qu'il periecutaft Vvicleff & fes adherens . &c trouue.on la copie de
la lettre que ce diable de Pape enuoya au roy Richard, laquelle nous auons icy inférée.
L A copie de la lettre que le Pape enuoya au roy Richard,pour perfecuter Vvideff.
*j|g|f|Noftre bien aiméfils.Richard roy d'Angleterre,falut&:benedidiôApoftoliquc.Lc
^^froyaumed' Angleterre,lcquel le Souucrain afubmisà voftre puiflance, qui eft cxccl
lent en force àc grande abondance de biens,& plus excellent en la religion delafoy,& re-
luifantenprofcffiondela faindeEicrfturc,a accouftumé d'auoir des gens exquis en la
droite feience des Efcritures diuines,graues en maturité de mœurs, feruens en dcuotion,
& defenfeurs delà foy catholique , qui fauoyent bien inftruire non feulement les gens de
leur pays,mais auffi les autres, 6c les adreflfoyent fort bien en la voye des diuins comman-
demens.Mais par le rapport de beaucoup de bons perfonnages dignes defoy,nous auons
e/uendu à noftregrand regret, qu'vn certain Iean Vviclcff, curé delaparroùTeduLut-
tervorth,dioce{èdeLincolne, dodeur en Théologie , eft entré en vnc furie abomina-,
ble : en forte qu'il a propofe aucunes conclufions remplies d'erreurs , &: contenantes hc
refiemanifeftc, par lesquelles il s efforce derenuerfcr&: abolir leftat de toutel'Eglife. Et
il y en a entre autres >lcfqu elles femblent bien fefentir desperuerfes opinions, ôc delà
Marfilcdc malheureufe doctrine de Marfile de Padua&Iean de Gaudun,gensdememoircdam-
dc^cSîdun* nablc&cxecrablc: combien qu'il y ait quelques mots changez :1e liurc dcfquels aefte
condamné &c reprouué par noftre prcdecefTcur le pape Iean , de bonne & heureufe me»
moire. Comme ainfi foitdoncquesqubnosfrercs venerables,rarcheuefquedeCantor-
bery & l'eucfqucde Londrcs,ayent eu mandemétdenous>dcfaifirau corps ledit VviclefF
en noftre authorité,& de le conftiruer prifonnicr,& denous enuoycr fa confeffion: s'il eft
cogneu qu'en la procédure de ceft affaire ils ayét befoinde voftre faucur &c aide(ainfi que
vospredecclfeurs vertueux ont toufiours efté protedeurs delafoy catholique,^ prince
paux zélateurs de la religion de laquelle il eft maintenant queftion ) nous requérons &
prion s afFedueufem ent voftre maiefté, que pour la reuerenec de Dieu , 8c pour le regard
de
Jean Vviclejf, i
de la foy & du faï£r fiege Apoftoliquc,& pour l'amour de nous,il vous plaife doher faueur
&C aide auidits Archeuefque & Euefque,& aux autres qui pourfuyuent ceft affaire . Et en
ce faifant, outre la louange des hommes , vous obtiendrez le loyer de la rétribution diui-
ne,la grâce &: beneuolence dudit iîegc Apoilolique,&: là noftre. Donné à Rome à fain-
cle Marie lamaieur,le vingt deuxième de May , l'an de noftre Pontificat feptieme, & Tan
de grâce m . c c c.lx'xviii.
Voila quelles font les fermetez des argumens, par lefquels les Papes maintiennent
lafoy Chreftienne,&: par lefquels ils donnent à entedre au monde,qinl faut brufler ceux
qu'ils ap pèlent hérétiques: affauoir , ceux qui ne peuuen t porter leur tvrannie barbare*
s'efténdànt non feulement fur les corps,mais fur les ames principalement . Mais retour-
nons à noftre propos.
Yvicleff fut cotraint par les rhehaces de ces vénérables Prelats,de fermer la bou ^""y1™*
che: en lbrte toutefois que la véhémence de la vérité qui bouilloit dedans luy,nefc peut dciF. "'
contenir,mais fortit hors de plus grande force. Il commença doneques encore à refemer
la pure doclrine:derechef les ennemis d'icellecomplotertent contre luy,fulcitansdegrâs
bruits conrrelalumiercde rEuangile,quieommcnçoitàiettcries rayons.LePapecepé-
dant ne dotmoit point: ains pluftoft tailoic tous fes efforts d'aigiuïer les courages de ceux
qui eftoyét défia faits à fa pofte,&: de foliCitcr inceffammét par lettres & bulles, ceux qui
n'eftoyét défia q trop enuenimez. Entre autres il y a qlques copies de lettres qu'on pour-
roit produire : tant y a qu'elles ne contiennent autre chofè que menaces plus que barba-
res,violences tyranniques,&; ie ne iày quelles paroll<. sorgueilleufes,plusièâces à la gueu-
le d'vn diable,qu'à la bouche d'vn homme. Ainfi doneques ces tifons d'enfer,en partie ai-
guifez par ces belles lettres , en partie enflammez par la cruauté de ce vénérable arche-
uefque de Cantorbery, & mefmc par leur propre furie , faiioyent de belles proteftations
auecques leurs Euefques,que quandil y auroit mefmcdangcr de leur vie, ne pour mena-
ces,nc pour dons ou prefens,ilsnevoudroyentflefchir l'efpeffcur feulement d'vn ongle,
ains pourfuyurc celle caufe à toute rigueur de iufticc. Et faiioyent ces proteftations en
grande audace dcuanttous,&: auant que leur Concile prouincialfuftaffemblé.C'eftoit
vrayement vnepromeffe magnifique^: droite, s'ils euffent bien entendu que c'eftoit de
vraye iuftice,&: s'ils euffent eu bonne&: droite affe&ion de la fuiure.
Mais Dieu par fa grande vertu & bonté mit à néant toute cefte force bruyâte de ces
belles cornues & leurs fuppofts,& pour vncoecafion bien petite. Le iour de l'examen ap-
prochoit.il y eut vn des plus grans de la Cour du Roy,nom m é Louys Clyfford, lequel sa-
dreffa à ces Eueiques,&: leur défendit auec menaces, de n'eftre fi hardis de prononcer fen ^gf^
tencediffinitiue contre ledit Vvicleff". Leur orgueil fut tout en vn moment abbatu li bas menace*,
(comme ileft monftré par les Chroniques) qu'ils n'auoyent réplique aucune en leur bou
che,tant ils cftoycnteftonnez.il y auoitcccydauantagc: Ainfiqueles Euefqucseftoyent
défia afféblcz auec Vvicleff en la chapelle de rArcheuciquc,les habitas delà ville de Lon-
dres en trerent hardiment dedans: &: après auoir aucunement troublé laffemblec, porte-
rét parolle pour ledit Vvicleff: leql fe iéntât aidé de telles de autres occafions, fe defpcftra
facilement des machinations des Euefques: &: fit cefte proteftation, de laquelle la teneur
s'enfuit:
En premier lieu îcprotcftc publiquement, comme fay fait maintefois, que ie délibère proteftat":«
& veux de tout mon cœur , moyennant la grâce de Dieu , eftrcbon &: vray Cl;rcftien : &. <*c Vvicictf,
tat qu'il y aura refpiratiô en moy, de maintenir & défendre iclo ma faculté , la loy de lefus
Chrill.Étfîiefaupar ignorance,ou par quelques autres caufes en ccftendroit,iedeman-
deàmon Dieu qu'il me pardonne.&: maintcnât,comc dés lors,iemededy&retrâ&e*mé
lumettanthumblementàlacOrrécliôderEglife . Or pourcequel'opihionqueietenoye
de la foy,îaquelle a elle ouye de moy és efcoles & aillcurs,a efté rapportée par les petis en-
fans, voire iufques à Rome: afin quelesChreftie'nsnefoyétoffenfczen moy, ie veux met-
tre par elcrit l'opiniô pour laquelle on me vient affaillir,& laquelle ie veux maintenir iufc
ques à la moct:comme ie croy que tous Chreftiens &: fidèles doiuent faire,&: fpecialcmet
les Prélats de TEglife. Cependant i'enten mes conclulions félon lefens & la forme de par-
ler de l'Efcriture fain£te,&: des faincls Do£teurs:& il elles font contraires à la foy,ie ne m'y
veux tenir. Cela feroit trop Iong,de reciter de mot à mot les côclufions propofecs par le-
dit Vvicleff. Tanty a toutefois qu'à caufe de l'vtilité & profit fi ngulier qu'ily a en icelles,
il nous afemblé bon d'en mettre icy aucunes des plus profitables,
a. ii.
L/V/ro /• J*M V<vicleff.
QV E L QV E S conclufions de Iean Vvideff, propofees en la ville de Larobet, en Yaffern-
blee d'aucuns Etiefques,l'an M. CCC.LXXV II.
? 1 quelques Princes,ou Seigneurs, ou quelques autres ont fait aucunes donations
f; aux Minifti es de l'Eglilé,en cela il y a vne condition tacite; anauoir q Dieu ibiç ho-
^ noré,& q les fidèles lbycnt édifiez. Si cefte condition cefle,iceux peuuent ofter aux
mefehans Pafteurs ce qu'ils auoyent donné, quelque foudre ou excômuniçation qui foit
iettee alencomrc. Que fi icelles fulm in ations auoyent lieu, le Clergé qui eft compofe de
gens auaricieux,attireroit tous les biens du monde à foy.
L e Pape peut eftre légitimement reprins par ceux qu'il tient en obei/Tance audef-
fous defoy,&: pour Fvtilitc de l'Eglife eftre acculé tât des Clercs que des Laies. Premiere-
mét, quelque grand Seigneur que foie le Pape, il doit pefer toutefois qu'il eft frerc des au-
trcs,tant petis foyent-ils .11 peut pécher comme les autres: &c s'il pèche, il doit eftre frater-
nellement corrigé, Ôc doit ouy r fraternellement les corre&ions . &: principalement s'il y a
quelque obftination en luy,par laquelle il maintienne quelque here(ie,ou erreur domma
geable àTEglifc,on ne doit craindre de le reprendrc,afin que le danger (bit euité. Ainfi S.
GaLui £ pauln a point fait de difficulté de reprendre S.Pierre.
Il yaplulieursautresconclufions,parlefquellesilmonftroit allez cuidement les abus
du Clergé Papiftique,& cobien leurs pofleflîôs de fi gransreuenus font iniuftes . le ne lay
par quel moyen cela le fit, que les Euefques laifierent Vviclefî en repos, poffible eft qu'Us
ne lurent point les conclufions, ou s'ils les lurcn t, ikne les entendirent point . Le pape
Grégoire mourutbien toft apres:& là mort fut aucunement heurculeaudit VviclerT.Sou
dain après la mort du Pape il y eut grande dilïenfion entre deux autres , qui auoyentefté
créez l'vn en France,l autre à Rome.&: cefchifme duraquafi xxx.ans. Ily eut de merueil-
leufes guerres efmeuê's,& grande multitude de gens occis pour ces deux garnemens am-
bitieux.En Angleterreaulfi y eut en ce temps-la vne cruelle émotion, qui dedas trois ans
fut efmeuë enti c le commun populaire & les Nobles : ô£ cela troublagrandement tout le
pays. L'archeuefquedeCantorbery futprins par les paylàns,&: eut la tefte trenchee, le-
quel eftoit nommé Simon de Sutbune. Apres ceftuy-cy fucceda Guillaume de Courte-
nay, lequel trauailla fort aulfi à faire la guerre aux fidèles . Cependant coutesfois le nom-
bre de ceux qui tenoyent le parti de V vicleff, croifibit de lour en iou r , iufques à ce qu'vn
certain Doyen de la faculté d'Oxford , nommé Guillaume Berton, quiaufli eftoit Chan-
ProcccW celier , le leua . Ceftuy-cy appela huit Doreurs Moines , & quatre autres :&auec le con-
contre vvi- fente.ment de quelques autres qu'il auoit de L £i£tion , fit faire des lettres où le feau de F-
dodw! Vniucrfité eftoit appofé , par k (quelles il mandoit à tous leselcoliers de cefte Vniuerfi-
té auecques grandes menaces, quenul ne fuft fi hardyde plus s'adioindre aux opinions
deVvicleff. Et quant à VviclefT&: tous ceux qui luydonnoyentaide&: faueur,s'ils nefe
repentoyent après auoirefté adinonneftez partrois fois canoniquement&: péremptoi-
rement, ils feroyent mis en prilon, & excommuniez de la plus grande excommuni-
cation.
O r VviclcrT ayant entendu ces belles nouuclles, combien qu'il ne vift rien en ceman*
dément du Chacelicr qui le deuft eftonner,toutefois voulut appeler à la maiefté du Roy,
&:laificrlàlcPape&:<toutefapreftraille.Ma*sle DucdeLancIaftrc furuint>lequelluy dé-
fendit d'attenter telles cholcs:pluftoft qu'il fefubmiftau iugemcnt&cenfurede ion luge
ordinaire.Ainfi VviclcfFangoilîé d'vn coftéôd d'autre, fut derechef contraint de prefen-
ter la contéfîîon de (a do&nne.En icellc il vfa de telle modération, que fes aduerlàires fu-
rent aucunement appailèz.
L'an fuyuant, qui eftoit m. c c c. lx-xxi i , Guillaume archeuefque de Cantorbery
fit aflembler derechef vn Concile à Londres, & fut commadé à Vvicleffde s'ytrouuer.
Nous ne dcuons point icy laifter palier vne choie qui aduint a'iuinemcnt: A infi quel'Ar-
chcucl'que auecques l'es Surïragans &: autres Docteurs en Théologie , &c Legiftcs , & De-
crcnftcs,cx:grandnombrede Moines &: autres fripppns de Preftres eftoyent afifemblez
pour de libérer des liures de VviclefF& de toutes fes opinions (alTauoir au cloiftre dcsla-
Trcmhic coPmsc»ela Vl^c de Londres, où furies deux heures ils deuoyent entrer en matière) a^
mem de ter 1 >rs il y eut vn mcrueilleux&i terrible tremblement de terreen tout le royaume. Sur ce-
reen An- |, aucuns des Euefques eftonnez d'vn mauuais prelàge , furent daduis qu'on fe de^
glcttrre.j jCp0rrcr cefte cntreprinfc.Mais Y Archeueiqueconducleur de cefte guerre,beau-
couppius audacieux que prudent , interpréta bien d'autre façon cequi eftoit aduenu,
&: rendit
Jean Vvicleff. 3
ôcrendir Tes gens encorcs plus obftinez à paraclieucr ce qu'ils aitoyét commécé-.lcf quels
finalement après auoirefpluche les concluions de VviclefF: non point félon les fainctes
Efcritures, mais félon leurs afflictions particulières ik. inuentions humaines:prononcerct
qu'il y en auoit aucunes timplemet heretiques>les autres demi erronées , les autres irrcli-
gieufes&lcandaleulés, lèntans bien peulcltyledcRomc.
L'Archeuefqucailèmbla derechef meilleurs nos Mailtres, & fît venir le Chancelier
Ryg,aueclesPiocureurs:airauoir,ïean Hunteman,&: Gaultier Dai'ch , Sdembiablement
vn autre nomme M.Bryutwel . &c vou loit conuaincré tous ceux-ci d'cltrc de la bande de
VvicleiF.Prcmierement ceux-ci ne faifoyent qu'aller à fentour du por,&: cercher des ter-
giuerfations& exeufes friuoles, &: taichci. d eichapper par ambiguïté de parolles: nonob-
ltant,voyât que tels iuhterriigesnelcur profitoyentpas beaucoup, ils furent finalement
contrai nts défaire côfeffion ouuerte de ce qu'ils il ntoyent. Mais ce fut en telle lortc , qu'-
ils firent protcltation, que ce qu'ils accordoyent que ces concluiions eltoyeut herctiques
ou erronées, cftoitenlcsemendantcômeles parolles fbnnoyéc: & cequ'ils accordoyent,
citoit maugré eux. Le Chancelier mie les genouxen terrc,& requit pardô, lequel il impe-
tra par l'interceflion de 1'euefque de Vvinceftre : mais ce fut fous cÔdition qu'eftant de re-
tour en fa maifon , après auoir fait inquilitions par toute i'Vn/ucrfiré,il fermeroit la bou-
che à tous ceux qu'il trouueroit porter aucune faueur à VviclefF, Herford, Repyngtô , A-
ftô,&: autfi à Bednam:&: quant &: quant publieroit deuant tout le peupleau grâd tcple les
con clulions de V vie lcff,qui auoycnt eité condamnées: &c côtraindroit tous les autres à le
purger,ou bien à fe deldire: voite au tant qu'il en trouueroit fauontàns à cefle faction . Le
Chancelier luyrcfpondiç alors, qu'il n'oferoit faire cela, craignant d'eflre mi<;en pièces
quand ill'auroit £iir.Commét?dit rArcheuefque, la ville d'Oxford fauonle elle tellemét
auxheietiqucs,qucnul ne foie fi oie d'y preicher la vérité catholique:
L e lendemain lacholéfutremifeau Conleilparl'Archeuelque. Finalement les gens
du confeilduRoyenioigmrentâu Chancelier de mettre en exécution cequel'Aicheuef-
queluyauoit ordonné. Le Chancelier retourna en fa rnaifon aucc celte ordonnace . Lors
les haines commencèrent à croiltre entre les parties. &c fur tous autres les Moines eltoyét
rendus fort odieux,aulquels on imputoit toutes les émotions &rous les bruits quiauoy-
entefté fufeitez. Entretous ces Moines y en auoit vn del'ordrede Cilteaux,nom me Hcn Henri
Crompé,fort citimé en Théologie, qui depuis fut accule par les Euefqucsd'cftteherecL Croir.pé.
que.(alors ils appeloyent Lollards,ceux qui auoyent bonne &c iaincte opinion) & pour ce-
ftecauie le Chancellerie fit (ufpédre de tous fes actes de Théologie :car il eftoit défia Ba-
chelier formé. Il s'en alla-incontincnt à Londres, & fît fa complainte à l'Archeueique&à
toutleconfeildu Roy.Ainli le Chancelier fut derechef appelé auec les Procureurs ,& ce
au nom du Roy &defon Confeil. tant y a toutefois que c'eftoit à l'inlligation deTAt-cho,-
nefque.On enioignitdoncqucs denouueau au Chancclier,qu'ileuft àfaireenqueftes,c\:
perfecuter les hérétiques. Lors Philippe Rcpyngton &: Nicolas Herford cftans lécrette-
mem aduertis par le Chancelier, fe retirère nt incontinent par deuers le duc de Lâclaflre:
lequel les repouffa,&: fuient renuoyez à la c enfui e de l'Archeuelque.Mais illéra parlé de
cecy vn e au t r e fois .
Or on ne fauroit dire pour certain ce qui cependant fut fait de VviclefF, linon qu'on
peut recueillir de Vvalden,qu'il fut banni . Il rut puis après rappelé de fon banniilement:
& retourna en fa paroiffe de Lutervvorth,de laquelle il eftoit Pafteur:& là mourut en no-
ftre Seigneur l'an m.ccc.lxxxv i i, fur la fin de Décembre. Et quarante & vnan a-
près fa mort il fut déterré par le commandement du Pape , & fes os furent brûliez , Se les Vvicleif
cendres iettees dedans feau.mais Iefus Chrift ne meurt point en fes fideles,quelque cho bJljf^"
fe que ces cruels tyras exercentleur barbarie non feulement fur les vifs, mais aufiî enuers
les morts. Or V vicleff auoit compofé plulîeurs liurcs,lefquels furent brûliez en la ville d'-
Oxford, l'an m. c c c c. x, en la prelence de l'abbé de Salop, Chancelier pour lors. Il
feroit à délirer que fes liures nous fulîent demeurez , Mais encore la fureur barbare des
ennemis n'a peu tant faire qu'il n'y en ait aucuns referuez , pour mÔftrer que Dieu a touf-
iours eu des fetuiteurs fideles,qui ont refifté aux erreurs du monde . Entre fes elcrits il y a
vne Epiftre qu'il enuoya au pape Vrbain,laquellc nous auos bien voulu mettre icy , pour -
ce qu'en icclleilfaitvnebreueconfeftîon defafoy.
a. iii.
Liur<u I. J^an V vicie f.
EPISTRE deM.Iean VVicleff,enuoyce au pape Vrbain l'an M.CCC.LXXXHII.
E prcn plaifir entieremét de defcouurir à vn chacun quelle eft la foy queietien
ipccialemcnt à vous qui eftesEuefque de Rome : -d'autât que ieprefuppofe que ma
foy eft faincte & bonne, l'efpere aufli q vous la confermerez en toute douceur & bénigni-
tés fi elle eft erronée que vous la corrigerez.Or ie fuppofc que l'Euangile de lefus Chrift
eft le cœur de la Loy de Dieu: & quant à lefus Chrift qui auoit immédiatement baillé ceft
Euangile,ie croy qu'il eft vray Dieu &: vray homme,&: qu'en cela la loy de l'Euagile-eft par
delîus toutes les autres parties de la faindte Efcriture.Iefuppofeaufiî,que d'autât que IE-
uefquedeRome fe dit eftre fouuerain Vicaire de lefus Chrift en terre, ainfi eft-il fur tous
ceux qui fontvoyagers en la terre obligé à garder cefte loy del'Euangile.Car entre les dik
ciplcs fidèles de Chriftja dignité n'eftpas m durée félon la grandeur &hauteflemondai-
ne,iins félon l'imitation de IefusChrift en bônes&fainctes mœurs. Derechef de ce cœur
de la Loy de Dicu,ic fay cefte illation manifefte,que durant le temps de ce pèlerinage ha
mainJehisChrift a efté fort poure,reicttant toute dominacion ou fupenorité mondaine,
les tetmoignages font clairs &:euidcns. le conclu par cela, que nul fidèle nedoit imiter le
Pape,tant grand fort il, ni autre Euefque quelconque , finoh entant qu'il aura efté îm ita-
KUu.io.io teur du Seigneur lefus ChriftcarPierre&lesfllsdeZebedee ont erré contre cefte imita-
tion, en appetant les dignitez &c honneurs de ce monde, parquoy on ne les doit enfuiurc
en telles fautes. De cecy ie peux bien tirer ceftêrefolutiô,Que le Pape doit laiiTer du tout
au bras leculier la domination temporelle,ÔC exhorter viuement tout le Clergé à ce faire.
Aa.j.ij Carnoftre Seigneur lefus Chrift en a fait ainfi,& fignammentparfesApoftres. Si toute-
fois il y a faure &c erreur en tout ce que ie dy , ie me fu bmets en toute humilité à eftre cor-
rigé, voire par mort violente,s'il en eft befbin. Et fiié pouuoye tât faire que de m aller pre-
fenter à vous en propre perfonne,ie le feroyc volontiers. mais le Seigneur m'arengé à vne
neceffité contraire, lequel m'aenièigné qu'il faloit obéir pluftoft à Dieu qu'aux hommes.
Or (île Seigneur a baillé 'au Pape des inftints iuftes&Euangeliques, nous deuons requé-
rir que tels inftints ne foyent point cftouffez parvnConcilefrauduleux:&: quclePapeou
les Cardinaux ne foyent e! meus à faire aucune chofe contre la Loy du Seigneur. Parquoy
nous faifbns cefte prière à noftre Dieu, Qu'il donne des inftints & fi bonsmouuemésau
pape Vrbain, quefelon qu'il a eu vn bon commencement, il enfuyue noftre Seigneur le-
fus Chrift en bonnes &fainetes mœurs auec for. Clergé: afin qu'ils enfeignét le pcuplea-
uec telleemcace, que tous loyent ifnitateurs du Fils de Dieu . Nous prions auiii fpeciaje-
mcnt,quc le Pape {bit preferué detout mauuais confeiheomme nous cognoiffons qu'ily
a des hommes en rîemi s qui font fes domeftiques ,&C le Seigneurie permettra point que
i. Cor 10.13 nous foyons tetez par delfus nosforces:encores moins requiert-il d aucune créature* qu-
elle face ce qu'elle ne peut.
Ceci auiïï eft bié digned'eftrecognu, quelle refpofe fit ledit VviclefFau roy Richard,
fécond de ce nom, au premier an de Ion règne, touchant quelques poin&s que le Roy luy
auoit demandez.
L A refponfe de V vicleflf au roy Richard,touchant le droift du Roy & du Pape'
'O n ma fut celle qucltiô: Aifauoir,fi le royaumed'Arglercrrepeutlegitimemet
retenir par deuers foy le threfor du Royaume,quâd la neceffité le prefTei a de fe dé-
fendre^ em pefcher que le rhrefor ne foit porté hors de fés limites, de dôné aux c-
ftiagers:voire mefmequâd le Papclerequerroit fous peine d'excômunication,&: en ver-
tu de (aintte obeilfance.Refponiè:En premier lieu,Ielai/îe aux Legiftes à dire ce qui peut
eftre dit touchant cefte matiere,felon lcdroicl Canon ou Ciuil,& félon les couftumes du
pays d' Angletei re Sculemenr îlreftedc perfuader la partie affirmatiue delà queftion, fé-
lon les principes de la loy de lefus Chrift. le dy donc ainfi premieremét,Tout corps natu-
rel a puiifance de Dieu de refifter à fon oppofite, &: de fe côferuer en eftre légitime, côme
les Philofophes ont auffi reiblu: en forte que les corps fans ames fôt auffi ornez d'vne telle
pui(rance:cômeon peutvoir delà pierre, à laquelle la dureté eft donnée pour refifter à la
chaleur qui la pourroit diiToudre.Côme ainfi foit donc q félon la façô de parler del'Efcri-
turc, le royaume d Angleterredoyueeftrevn corps, &c que les gens d'Eglife& la commu-
nauté d'iceluy doiuét eftre les membres de ce corpsril mefemble q le royaume a vnetclle
puitface& authorité qui luy eft cômife&: dôneede Dieu. &: d'autât plus fignâment, qce
corps eft plus précieux à Die u,cftât orné de vertu &:lciéce. Puis donequ'ainfi eft q Dieu
ne donc point puiflance à créature quelcôquc à quelque fin)finô qu'icelle puifTe vfer légi-
time
Mate. io. ij
Jean Vvicleff. jf.
timemét de la puiiface à mefme fin: il s'enfuie que noftre royau me peut licitemet par de-
uersfoy retenir lôthrelor pour fa défère en tous euenemés,quad la necclîîté le requerra.
Se condement ,cela le peut prouuer par vne partie de la loy Euangelique . Car le
Pape ne le peut vfurper le threîbr de ee royau me fins titre d'aum olhe:&: par confequen t,
fous la forme des œuures de mifcricordejèlon les règles décriante. Mais en ce cas quia e-
fté mis,le titre d aumofne doit celîenainfi il faut auffi q le droit d'vfurper le threfor deno
ftre royaume cette, quad il y a vne telle neceliité comme i'ay dit. Se delpouillcr de lès biés
&facukez pour en reueftir les eftrâgers,ce neferoit pas vne œuure de chanté, mais dé fo-
lie.Car il n'y auroit nulle raifon , qu'vn autre fuft eleué par le moyé de noftre bien,&: que
nous vinifions à luccôber par faute d'iceluy. Quad on comméça à bailler des rétes àl'E-
glile,touslcs Clercs qui auoyent des reuenus téporels,nelesauoyét qlbus titre d'au moC
ne. Parquoy S.Bernard au lècond hure qu'il eferit au pape Eugene,declarant qu'iceîuy ne Sent&e
peut par droit de fucceflion de S. Pierre s'attribuer à bon & iufte titre aucune dominatio S Btrn"rd-
téporelle,ditainlî,SiIean Bapnftc parloir au Pape de cefte façon cj moy Bernard favàtoy
Eugenc,pourroit-on péfer qu'il le pnne patiément?C^u'iUbitainli que tu t'attribues d'au-
tres choiesrtu le pourras fairetmais cenelèra point dedroid Apoftolique . Or commet fe
peut faircceci,q S.Pierre t'ait donne' ce qu'il n'auoit point?II a baille ce qu'il auoit, c'ell al-
fauoir,le loin fur les egliles.T'a-il baillé dominationrEicoute ce qu'il dit, Non point côme
dominansou ayans lcigneuriefur le Clergé: mais tellemêt qloyezcxéples ou patrons du H
troupeau. Et afin qtu nepélès cecy eftredit par humilité lèulcmct, & non poït en vérité:
le Seigneur parle haut &: clair en l'Euangiledifât, Les Rois & Princes des peuples ont do-
mination fur eux:mais il nelèra pas amfi de vous . Or la domination eft du tout défendue
aux Apoftres:& tu oferas t'attribuer la domination? Par ces parolles de S.Bernard on peut
cognoiftreq le Pape n'anullepuiiFance d'occuper les biésdel'Eglife côme Seigneur, mais
comme adminiftrateur ou difpéfaceur,& procureur des poures.Er pleuft a Dieu que ccft
orgueilleux accroilFemét de domination(laquellev iirpe ce fiege) ne fuft vne préparation
pour dôner entrée à l'AntechriftlIl appert bien par l'Euâgile,queIefus a acquis les enfans
de ion royaume par humilité Se pourcté,&: par auoir enduré des iniures cv outrages.
I L y a beaucoup d'autres chofes en celte refponfe de V vicleff,qui ont efté omifes à caufe de bricueté.
ÇtrfJS R combié q VviclefFeuft beaucoup d'ennemis en fa vie , nonobftant il n'en eutpoît
j^^Jdeplusenuenimezqles Preftres&: Moynes. Cecy eft dit pour monftrer qlaverité
pourroit trouuer ouuerture aucunemét , fi l'ambition & auance de ces Pharifics orgueil-
leux ne fermoit les palTages . Cepédant toutefois il y a eu des ges de hic qui luy tenoyét la
main:nô fculemét deges de bas eftat,mais auffi d'entre ceux qui aiioyéc crédit en la Cour
du Rov. Entre les Cheualiers de l'ordre,ceux-cy cftoyét lès bôsamisjeâ Chavvoy, Louys
Clyftbrd, Richard Stur,Thomas Latimcr,GuillaumeNevvil,&: Ica Monraigu,leqneI fit
abbatre toutes les images en fa paroi/Te . Dauantage,il y auoit le conte de Salbure:cn la
mort duquel ceci fut noté de bie près, qu'il auoit reietté la côfeflîon auriculaire & le dieu
des Papiftes.ll ne faut oublier le Gouuerneur de Lôdres, lequel àlafolicitatiô de VviclefF
punillbit ngoureufement les paillards & adultères : en foi re q non leulemct il faifoit hôte
a ceux qui auoyétoffenfé,maisdinnoit crainte aux autres de tôber en telles ordures. Ad-
iouftonsauffi le{èigncurdcCohnam:quiaproteftéouuertemét,q iamaisil n'auoit eu en
haine le peché,iufqu'à ce qu'il euft efteabbrcuué de la doctrine de VviclefF. rous ceux-cy
cftoyét gés d'eftoffe & d'authonté . Et entre le commun populaire auffi il y en auoit ajfcz
grand nombre, qui defendoyct&: maintenoyét hardimétfa doctrine, & principalement
delà ville d'Oxford: entre lefqucls il n'y eut perfonne qui en efchappaft fans quelque ôp-
preffion.Les vns ont efté contrains de faire amede honorable: les autres ont cfté brûliez.
D V Chancelier Ryg,& de deux autres amis de VviclefF,aflauoir Herford & Repingt on,ce qui s'enfuit.
p^Vc v n e s chofesontcftécidefîusentremefleesdecesdeuxhommes,Herford&:
^^Repington.Cen'eft point noftre intention de faire long difeoursde leurhiftoire:
auiïi le lieu ne le requiert pas. Herford donc ayat longtemps fauorilë à VviclefF, &: main-
tenu de bonne volonté fon parti,futfoufpeçonnépar les ennemis . Et toft aprescômen-
ça à déclarer manifeftement aucunes chofes qui faifoyét pour la defenlè de VviclefF. Ce-
la fut caufe que les ordres des Mendians(ain fi les appele-on) conceurent plus grande ini-
mitié contre luy: &c luy mirent en auant plufieurs herefies qu'ils auoyét ramaffees de fes
a. iiii.
Lture I. Jean Vvideff.
Scrmons,& ies firent rédiger en certaine forme par quelques Nctaires.ïl y eut vnfrippô
Pierre Sto- ck> Carme nommé Pierre Stokis, qui tut promoteur de ceft affaire: corne ces canailles
lzis' font toujours prefts à allumer des noi(es,& à cfmouuoir des bruits &z {'éditions , comme
s'ils neftoyent nais à au tre office,au demeurant du tout inutiles.
Or fan m. c c cl xxxi i,iladumt que ledit Hcrford deuoit preicher publiquement
au milieu du cimetière de Fridcfvvid. & c'cftoitleiour de lafeftede l'Alcenlion. Làfc
Jreffent nouucaux complots contre Herford,d'autant qu'il auoit eftc'fi hardi de main-
teryr VviclefFcn pleine predication,&: le défendre comme vn hommedebien , fidelc&:
innocent. Le iout qu'ils appellct De la feftedu corps de Chrift , approchoit : auquel iour
Rcpyncton (côme on a peu voir cy deifus)on attendoit que Rcpyngton deuft prcicher.il eftoit Cha-
noincdc Liceftrc,&cftoitdefia bache lier en Théologie, lequel aufsi en cetcps-lafît vn
lermô en vn autre iicu,pour lequel il fut mal voulu des Pharihcns,&: l'eurët pour iiifpcît.
Au rcfte,t ôme il eftoit hôme de grandedexterité&: d'vnetaçonmodeile,il Ce porta d'v-
neteile ibrtc , qu'ilnelaillade paruenirau degré de Docteur , par approbation commu-
ne de tous.Ellâc fait Do6leur,il voulut îouerfon rolle,&:cômença àdeicouunrcequ'ila-
uoit caché en Ion efprit,faifant prote dation deuât tous qu'il defendroitVvicleff en toute
matière mcralc.&: quantau fait du Sacremét,iln'en diroit mot, iufqu a ccque Dieu euft
inipii é les cœurs du Clergé. Lesaduerfairesdôc aduertis qu'il deuoit prefeher bien-toft,
craignans qu'il ne leur gra tait leur rongne de trop prcs,firent tant enuers l'Archeuefque
de Cantorbcrv,q ce mefme iour à l'heure delà prédication dudit Repyngton , les côclu-
fionsdeVviclclfcondânees en priué,feroyécpubliqucmét diffamées en l'afféblec de tou
terVniUcifité.C'eiloit vnerufeaffez nnemétexcogitee,u' toutesfois l'aftuce des homes
pouuoit quelqchoiecontre le confeil du Seigneur. Bref,la charge fut dônee à Pierre Sto-
Rvg c.han- kis(c'cftoic vn des plus habilesMoines de toute la trouppe)&: quant &: quant lettres furet
ceikr. addrefleesau Châceliei Ryg,àcequilafsiftaftàcefrippôdeMoine,&: luy donaft faueur,
pour pouuoir publier ces concluhons.LcChancelici (côme nous auonsditcydeifus)fai-
Ibit fecrettemét tout ce qu'il pouuoit pour auancer &C douer ouuerturc à l'Euâgile. A près
qu'il eut reccu les lettres de Y Archeuefque:&: quant &: quât cognenfTant la mefchâcctc q
braftoit ce Moine,fe courrouça aigrement contre ce babouin impudét/cpleignât de luy
&: de Ces {"cmblablcs,&: à bon droit, qu'ils troubloyet ferlât de l' Vniuerfïté. Ildifoit q par
leur moyen les priuileges&: immunitez de celte efcole s'en alloycten decadecc:affermât
q ne les Euclqucs,ny auisi f Archeuclque n'auoyét aucune puifïance fur cette VniuerfL
ce, non pas mci'me en ràictd'hereiie. Finalement après auoirprins délibération auec les
Procureurs Vautres, il proteftoitouucrtemét&: fans difsimulauon, qu'il n'afsifteroit nul-
lem et à ce Carme en ceft affaire. Quel befoin eft-il de beaucoup de parolles î Repyngton
montacn chaire pour fairelà prédication. Entre autres choies les efpiôs prelens recueil-
lirét ce ci:c'cft,qu'il auoit dit qu'on deuoit premièrement faire prières és fermons publi-
ques pour les Seigneurs tcmporcls,qnô pas pour le Pape &c les Euefques. Dauantagcqle
Duc de Lancaftrc eftoit bien affectionné à maintenir celle caufe,& auoit bonne volom.
té de retenir à fou feruice ceux qui n'y contredifoyent.il y auoit aufsi d'autres chofes qu'il
auoic dites à la louange de Vviclcff,&: pour fa defenfe.
O R après que Rcpyngtô eut achcué ion prefche,il fe retira dedas le téple,accopagné
d'aucuns dciés amis. Le Carmecraignant quelques baftonades,iemit en franchiiè aufsi
dedas le temple. Le Chancelier &c ledit Repyngton fe retirèrent tout bellement en leurs
maifonsfans bruit quelconque. Plufieurs par toute rVniucrfitérurctgrandcmétioyeux
de ce fermon. Cependant le Carme brufloit d'inquiétude: &c premièrement il déclara de
poinct en poin£t à l' Archeuclque tout ce qui auoit eftéfaict. 11 faifoit bien valoir ledâger
où il auoit efté:implorant dégrade affection l'ayde de fon Archeucfque, & ne laiffant rie
derrière de tout ce qui pouuoit feruir à efchauffer le courage orgueilleux de ce Prelat,le-
qucl ne brufloit q trop. Ce frater trois iours après cômença à efeumer menaces , à enton-
ner hcrcfies:&: d'vn elprit furieux délibéra de venir aux elcolcs,pour prouucr q le PapeôC
les Euefques doyuent eftre recômandczauant q les Seigneurs ternporels.Là ildônabien
à rire ci tous:plus digne de fon capuchon que d'vn ornemét de quelque hônefte Docteur.
Sur ces cmrcfaicres il receut lettres de fon Archeuefque, & s'en alla à Londres. LeChan
ceher &: Brytvvcl motent incôtinent à cheual, & s'en vont après ce Carme , pour fepur-
ger cotre les biafmes dclcur ennemi. Apres qu'ils furent examinez fur les concluions co-
damnees,iiconfententàlarin qu'onlcs auoitàbon droit condamnées. & le Chancelier
cftant
Jean Vvicleff. J
eftant accufe qu'il auoic mcfprifc Jcs lettres quiluy auoycnt eftc enuoyces, n'ayât dcqnoy ^Jjcté **
fe defendre,mit les genoux en terre, 6c dcmâda pardon .cecy a el te vcu cydeiîus. Herrord R>gnftrhcr
5c Repyngton furcntlur le champ excômuniez. Ils eurct leur recours an Duc de Lancla-
ftre.Là furentprells les fuppoftsdu Pape:auiquelsleDucde première race le monftraaf-
fez rude 6i difficile. Mais depuis il fut vaincu par ces canailles , 6c laiflâ en proye ceux qu'il
auoit pnns en la protcétiondefquels en fin endurèrent beaucoup de maux dedans les pri-
ions. € Nous auonsmisceftehiftoiredecestrois,afTauoirdu Chancelier Rvg,Herford&:
Repyngton,non point tant pour monftrer leur conitanec & fermeté, que pour mettre c-
uidcmmentdeuaiu les yeux d'vn chacun, côbicn cftinlàtiablela toifdufanginnocétde-
dans les cœurs de ceux qui ne peuuét endurer que la vérité de Dieu règne. Mais quelque
choie que FEglilefoit opprimée pour quelque teps , fi ell-ccqu elle demeurera toufiours
viclorieule,cn la vertu de ecluy qui ne peut eftre vaincu.
I l ne (eroit polïiblc d'amaflêr toutes les hiltoircs de tant dcM,irryrs,qui par toutes les
régions du monde ont cijpandu leur iang pour maintenir la Vente, 6c pour ne vouloir ac
c epter les côihtutions tyianniques des homes. Les vns ont eftc circôuenus par fraude, les
autres cmprifonnez,aucunstourmctezpubliquerncnt,les autres mis à mort fecrettemet
dedans les priions, pluficurs ibnt péris de faim . Et qui raconteroit le nombre de ceux qui
ont(ourfci t,& la diuerfitc 6c horreur des tourmës , &: la cruauté des tyrans &c bourreaux?
Tant va toutefois que cecy peut bien cftre mis en au an t, que les Papes ont presque tous
eftécnHâmezd'vnclemblablc rage contre les fidèles lèruiteurs de Dieu : ils ont toufiours
tenu vnc mefmeforme de procéder: ils ont eu vnemelme façô decondâner: ils ont pour-
ftiyji vnc mcfmefortcdc mort. Et certes il nesen faut point cfbahirrcar ils ont cité tous
condui ts Scgouuerncz par vn mefmeefpnt,l'cfpricdu diable,quiell homicide dés lecô-
mencemét,perede mcnfonge,ennemi furieux delà gloire de Dieu, autheur de touteinu
qn-ré,forgeur defraudcs,&: princede toute abomination.
N trouucauffien quelque hiftoiie,quen Natbonne y eut cent quarante perfonnes çxccuti0ns
cruellement traittees, qui aimèrent beaucoup mieux endurer la violécedu feu,que endmers
de reccuoir aucunes ordonnances dclcglii'eRomaincqu'on leur propofoit»qui eftoyent pa>s'
contre la vente dclafaiiKteEfcnture.Dauâtage,!iy a vneautre hiltoire qui fait mention,
que fan m. c c x, y eut vingtquatrc hommes exécutez pour celte mefmecaufeen la ville
de Paris. Item quatre cens, qui l'année cnluyuâte furent aufli brûliez en ladite ville, pour
maintenir la Verité:& o&ante,aul'qucls on trencha la tefte pour la melme querelle. Le
Prince Armericfut pendu 6C edranglc:ladamedeChaileau fut lapidée.
Bcghardaccuféd'herefiecnla ville d Erphurd enGermanie,fut bru/lé fan m.cc.xvi i 1.
A Oxford en Angleterre,vn Diacre fut brufléd'an m. c c .xxi i.Vn aurreHiitoricgiaphe
récite qu'au pays deCambrefi,îes lacopins bruflerent aucûs qu'ils appelov ent hérétiques.
Que fi on veut venir à quelques fic .les precedés,on trouuera que Pan m. c . l x^cxi i, plu-
fieurs furent brûliez au pays de France: delquels on appelott les vns Publicains, les autres
Catharicns,ksautrcsPateriniens>&dequelques autres noms& blaimcs qu'on lcurim-
polbir.
Bi e n peu après le temps de Vvicleff, il y eut en la ville de Heidelbei gcn Alemagne,
vn lacopin nommé Eckhard,!cquelfutbruflé pourlacôfeffion delà Venté . Cela fut fait
fan m. c c c xxx. Du temps de IeâRoy d' A ngleterre,les Albigeois furctaulfi bruflez p^r
les ennemis de la Vérité, celte hilVoire pourra eltre veuëaux Annales &: Chroniques. Il y
eut femblabîementvnHcrmite perfecuté.duqucl Iean Bacon fait mention : lequel afFer-
moiten pleine prcdieatiô,que les Sacrcmcns,delquelson vibitpour lors, n'eltoyent ceux
qui auoycnt cfté ordonnez par Chrift.
Povr retourner au temps de Vvicleff, il vient à propos quenous parlions deM.Iean
Afton, lequel fut appelé par larchcuelquede Cantorbery,&. condâné comme hérétique,
mais on ne fait s'il mourut en prifon, ou s'il fut publiquement exécute.
De l'an m.c c c c, toutes les perfecutiôs qui défia de long temps ont duré en l'Eglifc,
ont prin s leur commencement èc matière de li grandes opprclfions.
L'a n fuyuant,alfauoir m.c c c c .i, quieftoit lexu i.an après la mort de Vvicleff 6z
lorsque Henry quatrième eftoit Roy d'Angleterre , il y eut vn Parlemcrtenu à Londres,
auquel on fit ccft edict , Que tous ceux qui monltreroyent porter faucur aux opinions de •
VviclefT,fulTcnt lailis au corpsdefqucls en ce teps la on appeloie Lollards . Que ii aucuns
eulTent maintenu aucc obftination cette do&rme,ilsfulIl ntliurez à leur Fucfquc&puis
L\me /. Vn oArtifan <*Anglois.
au bras feculier pour eftrc punis de mort. Ceftc mcfmc année il y eut vn Preftre , qui co-
trcucnant à celt editt fut pris,&: tantoft après bru fié a Smith fîld,en la prefcnce d' vn grâd
nombre de gens. Mais riultoirc que nous auons puis après à réciterait bien digne de mc-
moire entre plufieurs autres.
L'an m.c c c .x. lè^roiuiavn hommedemeftier, qui endura le feu d'vne confiance
merueilleufe. Voicvce qu'il maintenoit : Quelecorps de IefusChnit cil pris facramen-
talement en rEgliie,& non point charnellement. Iamais on ne peut deftourner ce bon
kômcdelon opinion, ne par menaces quelcoques, ne par flatteries :ains print refolution
en loy de mourir,pkiitolt q le rétracter. &: en celte forte fut liurc par les Euclques au bras
leculicr. Apres la fentence prononcée contre luy,il tut mené en vn marche publiq hors la
ville: &: quelque choie qu'on lu y fîlt,ne s'eftonna point:côbicn que la façon du lupplice à
laquelle on l'auoit adiugé,fut tort terrible &: cih âge.Car on le deuoit mettre dedâs vn tô-
Horrible c- neau,pour eftre le-ans-dedas brufle petit à petit. Le rîls aifné du RoyHêry voulut afsiiler à
fpece tor ce [)Cau{pC£taclc:lequel eltant cfmcu de pitié &c compafsion beaucoup meilleure q tous
les Eu clqucs,s approcha de ce poure homme,&: luy remôltra qu'il euftefgardàfàuuer fa
vic,&lc retirait de fes opinions. Sa côpalîlc eltoit charnelle, tendate a vn but pernicieux,
cependant toutefois vouloit il fauuer le corps , lequel ces loups-garoux vouloyct deftrui
rc, ne le contentans point de la perdition de l'amc. Ce vaillat champion de Icfus Chrift
re pou lia conftament les flatteries de ce Prince, autrement benin:3<: lurmonta courageu-
femét toutes machinations des hômcs,preft à endurer toutes fortes de cruautez,plultoft
qfelaiifer tomber en telle impiété, 6c que conlen tir a quelque blalphcme contre fa con-
science. Parquoy il fut mis dcdâ^letonncau,oulevaifTeauquieftoit là préparé pour Ion
martyre : &: tantoft la flâme cômença à montcr:& ce poure hôme crioit au milieu du feu,
d\me façon effrayante. Le fils du Roy efmcu de ce cry tant horrible, s'approcha encore
du patient,pour 1 induire à auoir pitié de foy-meime. Il cômanda donc q le bois fuft fou-
dainement olté,&q lcfeufulteftcint. Ainfî s'approchant de plus près, confoloit autant
qu'il pouuoit ce poure hôme, promettant de luy lauuer la vie, s'il le vouloit croire :&: qui
pluseft,adiouftoit ceci à fàpromcfTe, qu'il luy feroit donner ton s lesioursdureuenudu
Roy trois pièces d'argét,pour s'entretenir le refte de fa vie. Derechef ce vaillant Martyr de
noltre Seigneur Iefus rcfufa ces belles ofFres:qui elt vn certain argument,que l'on cœur e-
ftoit plus brullant après les biens cclcftes,qu'apres les douceurs &L flatteries de ce monde.
Le Prince donc voyanr qu'il demeuroit ferme en fonopinion,commanda qu'il fuft dore-
chef ietté dedans le tonneau, fans aucune cfperancederecouurer puis après quelquegra
cernais ton c ainli que les loyers propofez ne l'auoycnt peu faire flefehir: aulsi ne le peut-
on deicourager pat frayeurs ou eltonnemens. Le combat eftpit grand & difficile : mais la
barbarie cru elle ne le peut deftourner deperfeuerer en laconfelsion deChrift.
Comment la doctrine de V viclcffparuint en Bohême.
E Pape Se fes fuppofts penfoyent bien auoir fait,quc cefte eftcincelle de vérité que
leScigneurauoit allumée en Angleterre par Iean V viclcff, fuft du tout efteinte.
mais la piouidence diuine en délibéra tout autrement : laquelle lit flamboyer telle
lumiere,que tout le monde finalement en aelté efclairé. Le moyen fut tcl-.Il y auoit vn e-
fcolier en rVniucrlité d'Oxford en Anglcterre,qui eltoit d'vne noble maifô de Bohême,
nômec Du poiflon pourri. Iceluy d'auentui e rencôtra les liurcs de Vvicleff, intitulez Des
Vniuerfales:&: y print fi grâd plailîr, qu'il en apporra les copies en fon pais, corne vn grad
threfor. Orilprcitaccsliureslpccialementaux Bohemiens,lors mal affectionnez contre
les Alemans, qui pour lorsgouuernoyentrclcolcde Prague, au grand regret de ceux de
Bohême. Entre lelquels vn Iean eltoit leplus eftimé,ia ibit qu'il fuit nay de petit lieu,d'vn
village nommé Hus^c elt à dirc,Oye)dont il portoit le furnom.Ce Iean Hus,qui eftoic de
kanHbd vif&a,guclPnt'&rres^^ &comença àtrauailler
cSnedc ° tellcmét par difputcs ces mailtrcs Alemans, q de honte ils quittèrent la place riointque
Vrideff. ceux de Bohême obtindrentduRov Vvcncellaus,qucrVniuerfité de Prague feroit gou-
lier née à la fiçon de celle de Paris. Cela fut caufe que ceux d'Alemaigne n'eurent plus le
goiiuerncmct.parquoy eftasfortcourroucez,&: ayasfaitfcrmétl'vn àl'autrejpartirétpl*
de i. mille pourvn iour : &c cftablirenr leur Vniuerfité à Lipfe, ville de Milheà trois iour-
nees-de Prague. Les Bohémiens gouuernerent leur efcoleà leur plaifir,encre lelquels Iea
Hus cftoitle parangon, homme cloquent, &: de vie faincle &: hôncitcdcqueleitat en cré-
dit
CjuilLSautree, & Gmtt.Thorp]
6
dit & bonne opinion , comença à publier ce qu'il auoic fur le cœur,de la vérité'. U y auoic
vn riche bourgeois de Praguc,qui auoic fondé vn magnifique temple,fous,lcs nomsdeS.
Matthieu &: Matthias.lequel il appela Beth-Iehcm : &: y laiîfa du reuenu pour encrecenir
deux prdcheurs,qui annonceroyenc la paroll e de Dieu au peuple en langue vulgaire, tâc
les feltes q les iours ouuriers. Ieâ Hus fut choifi pour l'vn diceux , &: voyanc le peuple fore
affectionné à (à parolle,commença à metcreplufîeurs chofes en auâc des liures de V vic-
lefK,nftermant q couce vérité eftoit concenuc en iceux,&: difant ibuuét , Qtiapres fontrejpat
ildefroitquefonameallxftoîi eftoit Vvideff-. tant il eftoit aiTcuré qu'il auoit cfté hômede bien.
Prefque tous les Efcolicrsfuyuoyentlean Hus,auecpluficursaucres renômezen fauoir,
&laplufpart delaNobleiTerquifutcauicqlePapeauecceuxdu Concile ailcmbléàCô-
ftance,lc firét mander par l'Empereur Sigifmond,qui luy enuoya (on iàuf-conduit, corne
fera veu cy après félon 1 ordre des tem ps:&: déclarerons comme après la more de Hus, par
fentence dudit Concile les os de Vvicleff furent déterrez 6c bruilez.
GVILLAVME SAVTREE, uingoU.
A . N S I eft la caufe de l'^ui/ilereietcec fans auoir audience deuant les Eftats des Royaumes,& remifeà eftreiugec par ceux
de particlackicrlc>com,ne en Saurxec nous en auons exemple.
Àbientnfonhiftoire rédtefmoignaged'vn preftre,noméM Guill.Sautree,
lequel en la perfecucion meue côcre V viclcfr'fut mis à mort enuiron ce téps. ic mot(Jc
Le fait monftreouuertemét quelle eftoit lafain&ccé decepcribnnage,&:de Parlement
3[ quelles vertus il eftoit doué.Eftatembraféduzelede la vraye &purereligiô ^1^™
a ^requit en plein Parlement qu'audience luy fut dônee pour le profit cômun poûrl'aflë^
ildemand
de tout le royaume Sa requefte eftoit ciuilc,&deuoit aporter profir,s'il euft cfté ouy.mais ^r
JesEuefqueslefentirent venir de loin,&: firent tât qu'ils obtindrent qcefte caufe fut ren-
uoyee pardeuers eux. par lefquels il fut finalcmét taxé d'herelie, &: pour (èpt articles cô-
d?tmné,degradé&:brufléran m.c c c c .
(JE fut enuiron cecemps qu'on recite vnerefponfe notable de l'Empereur Sigifmond.
Corne on mettoit en auant lareformacion du Clergé^que pluficurs iugeoyent qu'il
la faloit commencer par les Cordcliers nom mez frères Mineurs, Non,dit-il,mais par les
frères Maieurs:lignifiant le Pape ,les Cardinaux,Euefques & Prélats del'cglife.
GVILLAVME THORP.^/i
CES premières difputîs Se combats de ces Martyrs de Icfus Ckrift font Sotableï , comme faits 3c tenus conae les plusgrans
Prélats de l'Eglifc Romaine.
N E vertu de Dieu excellente fe monftra en M.Guillaume Thorp, aufll Pre-
ftre.Plufieurs de fes faits vertueux rédent fuffiiant tefmoignage, qu'il n'a peu
eftre deftourné de fa foy.il a efté appelé plusieurs fois à dilputes par les Euef-
r?U quesnl a fouftenu plufieurs aftauts (ans hiifer fa vocation.Tantoft on l'affail-
loïïpar menaces &: frayeurs, & puis on l'amadouoit par flatteries tepromeiTes: tantoft on
luy drciToitdesfiaudes&:embufchespourlccirconuenir,onragaçoit à belles iniuresô£
brocars,plus feants àplaifanteurs&farceurs qu'à gens graucs. Bref, il n'y auoit rien q lès
ennemis ne machinaient pour csbranler fa côftance&; fermeté, chofe facile à faire, fi le-
fus Chrift ne luy euft fait fentir fa vertu.Pluficurs fois il luy falut rdpôdre à pluficurs Do-
£teurs,&: Legiftes:&: cependant il môftra qDieu luy auoit donné plus de refpôfés pour fa
vérité q les ennemis n'auoyét d'obiettiôs.Le plus fouuét il lesamenoit iufqu a ce poinc1:y
qu'ils n auoycnt leur recours finon à outrages &c iniures. Quiconque voudra conférer fa
modeftic &c fes raifons fermes aueç le magnifique babil,&cauillations froides de l'Arche
uefque,& confiderer les rcfponfes de Thorp,& toute la procédure de la caufe,il en iugera
facilement. A tous propos l'Archeueique alleguoit ordonnances & conftitutions,& glo-
fes des Dccrcts:mais aux tcfmoignages de l'Eicritureil fc trouuoit court:&:eftoit côtrainc
L/#ro /. Cj uillaume Thorp.
de prendre nouueauxconfcilsauec les femblablcsrpourl opprimer par forcées: violence.
Mais on cognoiftra mieux le tout par le récit que Guillaume Tyndal & autres hiftonens
ont fait de la dilputc faite entre Arundclarcheue(quedeCantorbie& ledit Thorp.
V temps qu'on deuoit faire le procez de MGuillau me Thorp,il pna (es plus familiers
x amis,de noter diligemment,^: rédiger par elerit tout cequifeferoit,afln que tous les
autres on fuflentcôfcrmcz. Eftât doc ciré delà prùon de Sait vvod,qui fut l'an m.c c c c.
v i j .au mois d'Aouftjil fut amené deuat Thomas Arûdel archeucfqucde Catorbie,qui
lors aufsi cftoit Légat pour le Pape & Chancelier d'Angleterre,qm eft le plus grâd office
incerre»' ^etout le royaume. Ceit Archeucfqueayâr tait forcir tous les homes laies, fc retira a parc
toirw <k en vue chabre fecrette auec vn certain Curé de Lôdres, &: deux autres Dccrctiilcs: & fit
PArcheucf- ccs interrogations au prilonniertM.G yuiAVMt , depuis vingt ans en ça,ou plus, vous
que Arua- ^ routcs [Cs cotrecs du pais de Boree,&»par toutes les régions voifincs,& auez
corrompu la plus grand part de ce royaume par la lemece pernicieufè de voltrc doctrine.
Tanrya,pource qS. Paul nous admonneftede procurer la paix enuers tous,vous m'expe
rimeterez doux & fou orablc,moycnnâtq reictrant vos erreurs , vous vous fubmettiezen
toiueobciiï-mccauxcollitutionsdel'eglile.Orlus, vous vous agenouillerez, & mettrez
la main fur ce liure,5: ferez ferment q vous obeirezà nos mandemés , $c à tout ce q nous
vous cômanderons. 1 h o r p,Monhcur,pourcequeie voy bien que vous autres auez o-
pinion de moy q ic fuis hérétique, ie vousfupplic qu'il mefbit ottroyc de propoier icy les
poincts dcmafoy.Au v n d t l, Dites hardimet. Thorp cômença par le Symbole des A-
poitres,&: récita chacun article de la foyChreftienne:apphquâc vnc briefuecv proprein-
terpretation fur chacun .& quâd ce vint à l'article de rJEglife»il dit,/c mef/ubmetsifolotiers &
EpKcf.î.îo. t Fgltfc cf-u esltnlcfis ChriftyLt<]uelle eél comme chair de fi chair & os défis os:ie mefubmets (di-ie)
àtousccuxlefquelspar lesfruicts delà foy i'appcrcoy cttre certains membres d'iceluy.
Ch°rc?t5ne. Maintenant ie fay proteftation deuant vous quatre , que ie délire eftre de celle Eglife-la
auant toutes chofes:& à la mienne volonté que tout le monde Icfcuftbicn . Dauantagc
ie croy que la Bible , qui eft l'vne &C l'autre loy , fortie de l'authorité de Dieu, eft necelîai-
rc pour le fa Lut du genre humain : &c fuis d'aduis qu'on doit embraifer d'vne foy certaine
tout ce qui nous y eft commande ou promis de Dieu. Siquelcun mepeut redarguer ou
bienconueincre en quelque article delà loy par l'authorité de cefte Loy diuine, ou par
raifons manifeftes des Docteurs, iem accorderay de "bon cœur. Carie ne veux point
rcictter à la volée &: fins cauie l'authorité des Pères &c Docteurs , moyennant quon co~
giioiife que ce qu'ils mettent en auanr,puilîé eftrc rapporté à la règle de l'Efcncure. Mais
ievouspric d'vne chofe. ,moniicur l'Archcueiquc, Quelle raitonv a-il que ie mette la
main furie li me? Arvn d. C'en: afin que vous iuriez. Thorp , Moniicur le reue-
rcnd,ce liure icy eft corn pofé de diuertës créatures, par lefquelles il n'eft nullement licite
} rod.ivi3. de iurer ne faire ferment, ielon que f Etcriture le défend, neatmoins ic veux bien icy pro-
Màt J.34.J6 tc^er Jcuant vos clercs de le faire, moyennant que vous me montriez par l'authorité de
l'Efcriturcquecclaneme foit point illicite :&C aufsi après que vous m'aurez déclaré les
Les fiddes conditions 6V: caufes du ferment que vous requérez de moy:alors ie ne refufcrav point de
citoycnccn fajrc tout cc qUi {Cra raifonnable. Ar v n d. Vous îurercz que vous laiiîcrczdicy en auac
•ekzLol- toutes les opinions des Lol!ards,Ô£ aufsi de refilterdorefenauant de toutevoltre force à
,m"- tous ceux qui troublent la faincteeglife. Que s'ils femonitrëtobftincz en leurs opinions,
vous viendrez rapporter leurs noms, opinions & erreurs aux Euelques qui font leurs or-
dinaires^ à leurs Officiaux. Finalement que vous vous déporterez cependant de tout
office & charge de prefeher, iufquaceque nousfoyons pleinement informez de vollre
repentanec.^ Thorp fiiteftonné n'ayant promptement que refpondre. Arvn d.Rc-
fponde/,oud'vncolté, ou d'autre. Th o Rr,Moniieur,hi'obtempcreà ccquevousme
demandez, &c il ie rapporte les noms d'hommes & femmes deuant les Euelques & leurs
Officiaux,icdonncray àpenferque ieièray efpie, outraiftre, plus mefehant que Iudas.
car parce moyen il aduiendroit que ceux qui perfïftent auiourdhuycnlavoye falutaire
deDieu, (edcuoycroyent de la vérité qu'ils ont vnefois receue , craignans les tourmens
6c la perlëcution, comme ie le fay par expérience. le ne trouuc point en toute la faincte
Elcriturc, pour quelle raifon tel office compete àhoramcChreltien, par lequel outre ce
quefapporteroye vn li grand dommage au Royaume,icchargcroyc ma confeiençe, ie
feroyc digne non feulement que quelque mauuais inconuenient m'aduint en cefte
vie : Se non feulement cela , mais aufsi de fouffrir la damnation éternelle , dequoy
le Sei-
le Seigneur me vueille garder par fa bonté. A r .Tu as le cœur endurci comme Pharaô.
Le diable a tellement abuié &en(brcclc tes ièns,que tu ne peux cognoiftre laverité,ne
la grâce que nous te prefencons . I'appcrçoy bien par tes rclponf es friuoles, que tu n'as
pas encore defpouillc tes erreurs,ni ofté tes opinions premières . mais afleure-toy har-
diment,mal-heurcux hérétique que tu es, qu'il faudra que tu conlcntes bien toit à nos
ordonnances &c décrets , ou que tu lois bien toft dégrade , & puis bru fié au marché de
fer après ton compagnon . ^ Guillaume Thorp après cefte parole demeura aucune-
ment pcnlirjne délirant rien plus en ion cœur &:deuant Dieu,que d'eftre couronné d-
vn tel martyre glorieux . Et voyant que ce monlieur l'Archcuefque n'auoit aucun re-
gret ou componction d'auoir lait mourir Guillaume Sautrce,homme innocc t, & bruf- De ce Sau-
ler Tan m. c c c c.ainspluitoil^deplusenpluseftoittranfportédefurieàefpandrele "«voyez
i v • ■ i or ii ' j ca ion lieu.
iang innoccnt,il commença a auoir moins de crainte &c frayeur de la cruauté de ce ty-
ran^ dés lors l'eftimer pour vn ennemi ouuert &: manifefte de Dieu . Mais voici de-
quoy il eftoit plus marri, qu'on luy faifoit fon procez en la prefence de II peu de gens,8£
hors de la compagnie de l'es frères Chrefticns.Cepcndât il prioit Dieu arfeCtueufemét,
que ion bon plailir fuft de l'armerdc l'Efprit de la puiiîance & vertu, contre les fureurs
àc confpirations deceux-ci.Or comme il meditoit ces chofes & autres en Ion entende-
ment,^ y eut vn des clerc s de l' Archeuefque qui cômenca à dire,CVu'eft-ce que tu pen-
fes ainli en toy-mefmeîFay comme môHeuri' Archeuefque t'a commandé . Guillaume
Thorp eftoit encore penlif,&: ne refpondoit rien. Alors l' Archeuefque luy dit, Tu n'as
pas encore allez médité ce que tu as à faire. T h . Moniîeur,quâd premièrement, &C par
les perfualions &£ menaces de mes païens ie fu induit à eftre fait preftre,ie leur fi cefte
requefte qu'auant que palier plus outre , l'euifeloilir d'eftre enfeigné par ceux qui e~
ftoyent en cefte réputation d'eftre les plus faincts &: fauans , de ce qui appartenoit à vn
office II fainCt.Ce que mes parens m'accordèrent aifément, & aucc ce me baillèrent ar
gent pour faire le voy age.Lors ie rn addreiîay à ceux qui eftoyent reputez les pi9 fain&s
&L fauans .&fu tant auec eux, qu'il me fembloit bien que i'auoye aucunement profite
par l'exéple de leurs fainds exercices &; honnefte vie.Eftant donc attiré par tels exem-
ples de doctrine de la vray.e Religion & d'innocence, i'appliquay mon efprit à leftude
des fainctes Efcritures,pour conformer ma vie le mieux q ie pourroyeàlaregle d'icel-
lc.ainii ie m'y luis longuement exercé,& aufîi y ay pris grand plailir . maintenant li par
vos perfualions &c menaces rigoureufes ie me laiilbye deftourner entièrement de ma
première façon de viure,&: de mon cftude accouftumee,q i'ay fuiuie vingt ans ou plus,
certaineme nt ie meriteroye d'eftre repris de tous:&auffiilyenauroitplulieurs qui en
feroyent Icandalizez.En cefte forte monftrcroy-ie ouucrtement que ie leroye deftru-
cteur de l'egliic Chreftiérie,& non point baftilîeur:mébre pourri inutile,&: nô point
annonciateur &: miuiftrc fidèle delà Parole. Les exeples d'aucuns infirmes m'admon-
neftent allez de ce q ie doy craindre en ccft endroit, &c principalcmét les exemples de
Thomas Brituuel,dc Nicolas Herford>& de lean Purné,&: fur tous de Repyngton. Car
nous voyons cornent ceux-ci diuifentl'Egliie par bandes en la croix de S. Paul, & auec
quels dangers ils la troublent d'vne façon miferable. Et quat à Rcpyngton,non feule-
ment il feduit le peuple Chrcftié par trÔpcries Phanfaiques &c fraudes couuertes,mais
aufli pourfuit iufqu'a la mort les vrais croyans &: fidèles. Dieu ne lairra point vne telle
prudence charnelle impunie,par laquelle ils flattent ceux qui aiment le monde,& ne
demadent qu'à leur complaire en leurs fermons.Ceux-ciprefchoyent iadis la vérité au
grand ptiz de l'Eglife,pour laquelle voudroyent-ilsmaintenat à grâd' peine employer
la rongneure de leurs ongles. A r .Ceux defquels tu parles,eftoyent par ci deuât lots &:
heretiquesmiais on les cognoit maintenat pour gens degrande prudence,ia foit q toy
&c tes femblables en ayez toute autre opinion.Iene viiamaishomefauant, lequel s'ar-
reftaft longuement en cefte tiene doctrine pleine dcfallaces.T h .le nedi point qceux-
ci ne foy ent fages félon le mondetant y a neantmoins qu'ils auoyent receu les arres de
la fapience Diuinc,pour leur grand bien ôc lefalutdes autres, s'ilseu/Tentperliftéenla
vraye Rcligiô U foy,8£ en humilité d'eiprit& llmplicité de vie Chreftienne. Mais mal-
heur fur tous mcfçhans côfeils,fur taure cruelle tyrannie, fur toute cupidités ordure
môdainc,iaquelle attire prcfquc tout le mode en vn retrait &: bourbier de tous maux.
A r .Mefchât heretiq,toy&: tes femblables vous feriez raire la barbe iufqu'au fang pour
auoirdesbenefices.Par Dieuic nelache point qu'il y ait des babouins pl9auaricicux
Liurc*> L
Guillaume^ Thorp.
pourtrait
«lehpcr-
fonne de
Widcf-
les gens de ta Icdc.Iay autrefois donne vn bénéfice à lean Purne', lequel eft bié près d'
ici: il n'y a home en tout le dioccic qui (bit plus alpre à leuer ks décimes &: offrandes,
T h .Quat à Purnéjil n'en eft point là auiourdhuy,quc pour le bénéfice qu'on luy a dô-
né(cômc vn os en la gucule)il loïc de voftrc opinion : &c lî ne garde point fidèlement la
doftrinejde laquelle il a par ci deuat fait profeflion tant par eicrit que par parole . mais
pource qu'il monftre maintenat qu'il n eft ne froid ne chaud, il eft a craindre que luy &:
ceux qui lereffemblcnt,ne lovent effacez du nôbre des elleus , s'ils ne fe repentent de
bonne heure. A r .Si Purné eft fin &£ cautcletix,ce fera ion dommage. &c nonobftant s'il
retourne derechef ici pour tels affaires , il nous déclarera ouuertemét, auant qui! par-
te, defquels il eft. Or ça, di-nous, qui font ces fages,qui t'ont tant faindement inftruit.
T h .Maiftre lean Vuiclef,en ion temps eftoit homme digne de grande louange,i'elon
l'aduis de pluiîeurs,voire autant louable qu'home qui fuft. Il eftoit maigre de corps,S£
quali deftitué de toute force corporelle, &ç au refte home de conueriation honneite Se
irreprehéfible.Pourcefte raifon plulieurs des grans feigneurs de ce Royaume prenoy-
ent plailir de deuifer bié fouuent auec luy:ils l'aimoyent de grande affediô, ils luy por-
toyet reuerence,ils redigeoyent volontiers par eferit ce qu'ils luy auoyent ouy dire , &:
fc ^ppoioyent les ex épies de la vie pour regle.Encorey en a-il plulieurs auiourdhuy qui
ont cefte opinion de la dodrine de Vuiclef,qu'elle approche fort de la pureté de celle
des Apoftres & de la primitiue Eglife.Et c'eft la raifon pourquoy fi grand nôbre,tat d'-
homes que de femmes , l'ont auiourdhuy en fi grande réputation, &c la délirent fi fort.
OutrepluS)maiftre Aifton a femé cefte mefme doctrine auec autant grand zele & dili-
gence qu'il luy a efté poflîble,tant par eferit que de viue voix,&: a hôneftcmét vefeu fé-
lon icelle,&: fans reprehenfion iufqu'au dernier foufpir.On peut mettre en ce rang Phi
lippe Repyngtô , quad il eftoit encore chanoine de Linceftre,Nicolas Herford,Dauid
Gottre,Paknng moine de Byland,& dodeur cnTheologie,aufli Ieâ Purnc &: plulieurs
auti es,lefquels on auoit en grande eftime en ce temps-la,côme gens de grande autho-
rité.Iceux ont employé leur temps en telles eftudes,ont fait ^pfelîion d'vnc mefme vé-
rité,&: ont vefeu faindemét félon icelle.Ie me fuis adioint , àc ay vefeu familiercmet a-
uec ceux-ci,&: me fuis rendu difciplc fous leurs fainds cômandemens &: ordonnances,
toutefois i ay efté plusadonné à M.Iean Vuiclcf,qu a tous les autres. corne à celuy que
ie cognoifibye autant homme de bien &c entier,qu'il en fuft au monde. I'ay puifé,di-ie,
d'iceux vue façon de vie àc de dodrinc,laquelle ie n'ay point intention de laiiîer iufqu'
au dernier fouîpir de ma vie . Et côbien qu'aucûs d't ntr'eux femblent répugner à cux-
mefmes,toutefois la doctrine laquelle ils annonçoyent,non point de la chaire deMc-y-
fe,ains de Chrift,cft tref-veritable, ferme, &c certaine. Car eux-mefmes eftan s mainte-
nant redarguez pourauoir renoncé la vérité de Dieu,ne difent pas que pource temps-
la ils fuiîent en erreunmais qu eftans eftonnez pour les tourmens cruels , ils ont dilîî-
mulé leur opinion,euxquiaimoyent mieux fe cacher fous vnfard de paroles, qu'endu
rer les incommoditez de perlecution auec le feigneur Iefus. A r .Cefte dodnnc que tu
appelés La verité,fcandalilc l'eglife Romainexeque cefte treffainde eglifea iouuen-
tefois monftré.Et combien que ton dodeurVuiclcf foit eftimé home treifauant &: par-
fait, par le tefmoignage &c opinion de plufieurs:toutef "ois l'eglife n'a point approuué fa
doctrine, ains eft reicttee &c condânee en plulieurs articles,côme elle mérite. Quant à
Philippe Rcpyngton,qui a efté autrefois chanoine &: abbé à Linceftrc, ce bon îour luy
eft venu,duqucl il a iufné la veille par fi longue efpace de téps.car depuis qu'il eft fait e-
uefque de Lincolne,il n'eft plus des tiens,& ne fauorife plus: en forte qu'il n'y a nul de
tous le s autres Prélats qui foit à beaucoup près fi véhément q luy à pourfuiure Se punir
ceux qui font de ta fadion.T h .On dit beaucoup de maux de ce perfonnage-la , &: plu-
lieurs l'ont en cefte opinion, qu'il eft fort grâd ennemi de la vérité. A r. Mais pourquoy
nous retiens-tu ici fi long téps par tes badinagcs ? Vcux-tu confentir à nos décrets, ou
non?T h .Comme i'ay refpodu defia,la crainte de Dieu fait q n'y ofe confentir. ^ A lors
l'Archeuefque plus irrité qu'auparauant , fit figne à l'vn de ces garnemens de preftres,
& luy dit, A pportez-moy la teftimon iale qu'on m'a enuoyee deSalop(feellee du Bailly )
contre les herefies femeespar ce vénérable . Ce clerc l'apporta, &c la leut à haute voix
deuant tous, voici la teneur. ^Le ni. Dimanche après la fefte de Pafque, l'an m .cccc.
vu, Guillaume Thorparriua a Salopdequel ayâteongé de prefeher, maintint deuanc
tous ouuertement au temple de faind Ceddc,Que le pain matériel demeure au Sacre-
menç
ment Je l'autel aptes la confccrationrQiion ne doit point adorer les imagcs:Qjue les ho-
mes ne doiucnt aller en pèlerinage aux Saincts:Que les Préfixes n'ont nul droit de s'attri l°™™^"t
buer les décimes: Qjj'il n'eft point licite de iurer . Or après que ces articles eurent elle contre
leu/J'archcucfque Arundel,aucc vn iront ridc,&: regardant de traucrsjdit, Quoy?Elt-ce Thorp.
là vue inltruction benne 6c lalutairepour le peuplcrT h. Ce lont-ci calomnies impuden-
tes d'home s malis. car à la vente ien'ay pas ainii parlé,ni en public ni en particulier. Ar.
l'adiouftc plus de ic y à ceux qui l'ont rapportc,qu a toy.O melchât, lu as tcllemét trou-
ble ceux de Salop ,qiùls m ont el'eritdes lettres, a moy qui fuis maintenant archeuelque
de Cancorhery,primat d'Anglctcnc,&: chancelier de tout leRovaumc, tendantes prin-
cipalement à ce but que îe te renuoye là pour cftrepuni iur le lieu, afin que les autres y
prennent exépled-our toute conclulion,r Archeuelque adiouft a ceci finale menr,diiant,
Tour certain, ie n'oublictay point ce dont ayefte tant fidèlement &c hôneilemét requis.
O r ces tonnerres 6c foudres de F Archeuelque n'eftonnerét pas beaucoup ce vray fer-
uiteur de Dieu,ains cftant faitplus courageux, refpondit ouucrtcmet& flanchcmct:S,- j0^^1"
il faut que ic contclfe la vérité, ie di que ceux qui ont réputation de nuire grandement à C °rp'
lafby Chrefticnc,foitàSalop,ouailleurs,fontccux quiprofitét le plus.au contraire,ceux
qu'on cftime fideles,coulUimiercment ne font rien moins que ce que leur titre porte:ce
qu'on peut facilcmct cognoiftre par leur enuie, parleurs appetiséragcz,par leur orgueil
intolcrablc,par leurs mefehates cupiditcz,pail!ardiles autres fruicts lemblablesdcla CaI^19-
chair.Caronne doitcltimer qccux qui ont les paroles deDieuen mcfpns, foyer de l'egli
fe de Chrift: ce qu'on voitouuertemétadiienirauiourdhuy à la plus partdeceux-ci.Et ce
font ceux lefquels,en voyant aucuns vrayement craignans Dieu, incontinent les tiénet
pour hérétiques. Or ne fe faut-il pas clbahir fi le populaire de Salopa vne telle opiniôde
moy,hôme milerablc & mefchât que ie fuisrveu q(côme i'en fuis bien afTeuré)ils ont efté
incitez par les Eccleliaftiqucs,&: parleurs calônies cutrageufes,& clameurs delbordees.
Cela n'eft point de merueilles,veu que le Fils de Dieu noltre feigneurlefus a foufFert cho
les femblables des fages de Ierulalc.en celte forte les principaux de la fynagoguede Na- Luc
zareth ont ictté Icfus Chnft horsdeleurville,àcaufedefespredicatiôs,faifanscecôplot
entr'eux de le ic teer du haut de la montagne en bas. Et le Seigneur n'a point iadis autre-
ment promis par Moyfe l'on fidèle feruiteur,de laiiîcràfes feruitcurs vnenatiô ennemie, Dcut 7X%*
afin qu'ils fullent ordinairemét exercez par icelle. Qui fera celuy quifaifant office d'am-
baf]Kdeur,portcra la parole de Dieu aux incrédules , qui ne face aufîî venir la croix 6c tri-
bulacicn lur foy,felon les cxcples& oracles tant de Chrift que des Prophètes? A r . Tu t -
eftimes donc imitateur de Chnft. as-tu celle opinio que tu puilTcs prefeher fans l'autho-
rite de quelque PrclatrT h .11 eft certain quelelus Chnft nous a en cefte façô enfeignez,
que l'office principal d'vn preftre Chreftiencftde franchement &: par tout annoncer la
parole de l'Euangilc.&: luy qui eft le Fils de Dieu, prince fouuerain des Pafteurs, n'a vou-
lu admettre à vn tel office linon ceux qui le deufient employer diligemmét à inftruire le
peuple en la foy &: crainte du Seigneur, de mov,ic ne me vante point d'eftre tel: tant y a
que ie prie Dieu aft ectueufe ment , que ic le puiiîe vrayement eftre. A r . Pendart que tu
es,à quelproposnous allegues-tu cesfantolmes: S.Paul ne fait-il pas cefte interrogatiô,
Comment preichcront-ils, s'ils ne font enuoyez ? le ne t'ay iamais enuoyé pour pref- Rom.i0>,j
cher. Or ta doctrine pernicieufe a efté tellement diuulguee par tout le royaume d'Angle
terre,qu'il n'y a point vn fcul Euefque qui te vueille bailler lettre de licence . Pourquoy
donc toy , qui es vn mal-heureux idiot , e»fes-tu faire cela , veu que tu n'y es point admis
par aucun Prélat: S. Paul luy-mefmen'admonnefte-il pas aufîî qu'il faut rendre obeiffan- Rom.13.1.
ce aux gouuerneursm on feulemét aux modeftes,mais aulîï aux tyrans vicieuxîT h .Quât pier 1 1,1 *
à vos lettres de licenee,nom ne nous en foucions pas beaucoup, &: n'en receuons point,
car elles Contiennent des jnftructions ou mandemens qui répugnent du tout à la pureté
de l'Euangilc>&: à l'efprit du Fils de Dieu. q ces Fratres, qui ne viuent que de menlbnges
&:fraudcs,en facét leurprctfït. Nos lettres,cc font ceux q no9 inftruifons : & le ferme tef-
moignage,qui eft la verité.eternelle de Dieu. car nous ne cerchons point des lettres def-
cornifîericjefcrites d'encre,ne tefmoignage des homes, nous qui annôçôs fimplcmét&:
pour neat les paroles diuines aux hômes.en quoy nous auons S. Paul accordât auec no9: t Cor j tt
Nous n'auons befoin,dit-il,dc lettres de recômandation.vous eftes noftre epiftre au Sei-
gneunnô point eferite d'encre,ains de l'efprit de Dieu viuat. Or quat à l'obcifface deué
aux gouucrneurs,nous ne la refufons point de rendre,principalemét à ceux qui prelldét l,T,m
b.ii.
L inr^j I. Çuillaum o Thorp.
par la Parole,&: par fain£t&: bon exéplc.mais au contraire je di* que quant aux chofe s or-
données &comandees par les tyrans contre la parole de l'Euangilc, il faut plultoft mou-
rir q d'y obéir. A r. Si ceux qui fontconftituezgouucrncurs furies autres, ordônét quclq
choie mauuaiie,ce fera leur dômage : mais ii quelcun y obeit,cela luv tournera mclmcà
merite,V€uquobeif fonce vaut beaucoup mieux que tous lacnfices.T h . L'obeiflancc q
i.Sain.n.zi Samuel requeroit de Saul en ce pairagc,cftoit de Dieu qui comandoit, & non point d vu
Rom.i 31 nomme. S.Paul & Dauid,auec lefquels S. Grégoire s'accorde,difcnt que non feulement
ceux qui tout choies mefchâtes &: iniques, font dignes de c6danation:maisauliï ceux qui
ont confenti aux autres qui les ont faites. Dauantage les décrets &: ordonnances de FE-
glife s accordée à cela: par lefqucllcs il eft dit que le fils n'eft point aftrcint a ("on pere , ne
le (eruitcur à ("on fcigneur,nelafcmmeàfonmari,nelcmoineàlon Abbé, pour leur ré-
dre quclq obeilTancc, excepté en choies honneftcs&: licites. A r. Tu parles bien fière-
ment,elhmant qu'il n'y a q toy &C tes femblablcs qui love/ mites : & pourtât mettant la
doctrine de S. Paul, tu cuides q toutes choies te l'ont licites. T h .le vous fupplic,qui l'ont
ceux que vous penfez qui principalement repreientent l'ofEcc des Apoftres en l'eglile?
Ne font-ce pas les Preftresr A r .Ouy dea.T h .En premier lieu doc, quant à la charge des
Apoftres,ce qui eft dit Matth. x.cha.&: au dernier de S.Marc,eft tout notoire, que Chrift
a enuoyé prelcher les Apoftres : & ce qui eft dit aufsi au x . de S. Luc,où nous liions que
Chrift ordonna leptantedeux difciples,&: les enuoya annoncer l'Euangilc par toutes les
villes 6c lieux où il deuoit aller.côme aulîî S. Grégoire ne diflimule point ceci es décrets,
que ceft office de prédication eft conioint auec la Prcftrifc. Voici qu'il dit, Le Preftrc du-
quel le peuple n'oit point la voix en la prédication de l'Euangilc, prouoque Dieu à cour-
roux.Et la Glofe fur Ezechicl dit,Lc Preftrc qui ne fait office de prelcher, eft fait partici-
pant de lacondânation de ceux quiperiftent partante de prédication. Ceux qui preiidët
lur le peuplc,6c n'enfeignent point l'Euangilc, font meurtriers deuant Dieu,fouftrâyans
la prouifion delà vie. Outreplus Ilidore dit, L'iniquité du peuple fera furfifante pour fai-
re condaner les Prcftres, s'ils n'enfeignent point les ignorans, &c s'ils ne reprennét point
ican 18.37. les defaillans.Icfus Chrift dit,Ie fuis nay à cela,q ie rende tehnoignage à la vérité. & qui-
conque eft de la verité,iccluy oit ma voix. Et pourtant félon le cômandement & exeples
du Fils de Dieu,c'eft à faire aux Preftrcsde quitter toutes autres choies pour s'employer
à publier l'Euangilc de Dieu. Car félon que dit S. Grégoire, de tout ce que l'home fait, il
n'y a rien qui foit agréable au S. Efprit,s'ileftnôchalâtàfaireccàquoy il eft tenu. Et incl-
ine l'euefq de Lincolne a fort bien dit ace propos, Le Preftre qui ne prcfchc point la pa-
role de Dieu, encore qu'il n'y ait eu d'autre faute en luy, tat y a qu'il ne laifle point d'eftre
Antcchrift,d'eftreSata,larrondenuid,brigand deiour,bourreau des ames,&: ange de lu
mierecôucrti en ténèbres obfcures. Ces authoritezdcmôftrcntclaircmct,q les Prcftres
q ne font point leur deuoir d'annôcer purcmet l'Euagilc aux poures brebis, lot maudits.
O r l'Archeuelque fe tournant vers les trois clercs, leur dit,Ces hérétiques ont toul-
ioursaccouftumé,que s'ils trouuent quelques fentencesgrauesés S. Efcriturcs, ou és ei-
crits desDo6tcurs,d'empoigner & faire valoir cela cotre nous,& les tirer par les cheueux
contre les ordonnances de l'eglile : afin que fous telle couuerture ils maintiennent leurs
opinions &: leur fe&c.C'eft la caufe,mefchât babouin(car ce vénérable officier auoit fou
uent de tels petismotsen lagueule)pourquoy tu veux rccouurcr le Piautier, lequel ie t'-
oftay quelquefois à Cantorbery:duquel tu recueillois touliours quelque choie pour grô-
der contre nous . Mais croy-moy , que tunerecouureraspointce Piautier, ni autre liure
quelconque de rEfcriture,iufqu a ce que i'aye entièrement cognu que tu feras mieux re-
concilié à l'eglile tant de ccedr que de bouche.T h . Iay cefte confiance, &c m'alleure que
ie n'ay point autre opinion de la S.eglife,qu'il eft conuenable &c feant à vn feruiteur fidè-
le de Iefus Chrift.Et après que l' Archeuefque luy eut demandé , Qu'eft-ce que l'Eglifehl
Diuifio ^e luy refpôdit,Ie croy que cefte Eglife que i'appelc Sain&è,c'eft Iefus Chrift,&: la côpagnic
l'Eglifci des Saincls. A r .Cela eft vray quat au ciehmais qu'eft-ce que l'Eglife ici bas en terre?T h .
notcr' Elle eft diuilce en deuxrL'vnc de ces deux parties, qui eft la meilleure , aobtenu vi&oirç
fur les ennem is,&: triomphe maintenant auec Chrift en grade rehouiflance. L'autre cô-
bat encore ici bas en terre par le glaiue de la foy,contre les efforts côtinucls de Satâ,de la
chair,&: du monde. Il n'y a fi forte violcncc,ne pope ii orgueilleufc, ne feu daffli&ions ôc
pcrfecutiôs fi bruflat,ne tyrannie il cruellc,ne raifons de do&curs li difeordantes, niopi-
niôs fi diuerfes,qui puiftent deftourner ceux-ci du droit degré de la foy &: des fainttes E-
CfuillaumcjTborp- $
fcritures.Car ils font fortifiez par la parollc de Dieu en Chrift,&: fermement eftablis com-
me fur vn rocher,qui ne peut eftre bougé de fon lieu. • Mat.7.14.
Or fur ce propos l'archeuefque Arundel pariant à fes clercs,dit, Vous voyez comment
ce miferablc eft obftinc,&: comment le diable le pourmene &c tranfporte, pour côtermer
fes erreurs. Si nous luy voulions lafcherlabridc,ilnous tkndroit ici toutleiour.
Alors vn de ces clercs commença ainiî à parler , Pource qu'il a défia fait fa complainte
de long temps, que le tefmoignage qui a efté enuoyé parles habitans de Salop,a efté mali-
cieufement forge contre luy -• qu'il foitdonc interrogué que c'eft qu'il penfe des articles
lefqucls luy ont efté obie&ez,afïn que nous ayons maintenant de fa jppre bouche dequoy
tefmoigner contre luy.
L'Arc h e v h s qj e alors print la lettre teftimoniale, ou le papier des informations,
&c pouriuiuit ain lî fon propos: En premier lieu cefte obieètion vous a efté faite,qu en lavil-
le de Salop vous auez prefché ouuertement &: publiquement au temple de S. Cedde,q la
matière du pain demeure au Sacrement de l'autel après la confecration. Que relpondez-
vous à celarT h .11 n'eftoit point là queftion de ce Sacrement,iinon fous cefte iorme: Ainli Du Sacre-
que ic traittoye les commandemens de Dieu en la chaire,on lbnna la clochette à l'eflcua- mcnc'
tion de l'hoftie de la Me/Te qu'vn preftre chantoit particulieremcnt.Tout incontinent, co
me de couftume,le peuple y accourut,&: làfe fît vn bruit:& tous lainans la prédication, a-
uoyent délia leurs efprits ailleurs. Parquoy ie parlay à tout le peuple en cefte façon: Frères
Chreftiens, la vertu de ce Sacrement eft de plus grande efficace beaucoup en la foy,qu'cl*.
le n'eft pas en quelque fens ou apprehenfion extérieure . 6c pourtant il vaudroit mieux s'-
arrefter à ouyr la prédication falutaire delà Parole,qu'eftrc ainli efmeu d'vne façon eftran
ge à regarder les Sacremens,comme ainh* foit que la droite foy prend par cela plus grand
accroiîîement . Voila quaiî tout ce dequoy il me fouuient auoir dit pour lors desSacremés.
A r .En ceft endroit i adioufte plus de foy aux tefmoins légitimes, qu'à vous.mais encore,
pource que vous cerchez des fubterfuges,&: recourez aux negations,parlez ouuertement:
Quelle eft voftre opinion fur cecirLe pain matériel demeure-il en rhoftie,ou non,apresla
confecration? Th. En toutes les fain&es Efcritures,ce mot Matériel nefe trouue point.
Toutesfois &c quantes donc que i ay à parler de TEuchariftie, iene fay nulle mention de
pain matériel ^Comment donc inftruifez-vous le peuple touchant ce Sacrement? T h .Co /N A\.
me ie croy moy-meime. A r . Declarez-nous quel eft voftre croire. T h . le croy qu'en la
nui& en laquelle le Seigneur Iefus fut liuré,il print du pain: &: après auoir rendu grâces, le
benit,lerompit,&: en donna à fes Difciples,difant,Prenez,&: mangez-en tous: c'eft-cimô Utt.i6.ié
corps, lequel eft liuré pour vous. Or S. Matthieu, S. Marc,S. Luc, &: S.Paul tefmoignet tout
ouucrtement,que telle doit eftre la foy de tous. De moy, ie ne recognoy autre foy , 6c n'en * Cor-II-I4
enfeignepas dautre:&: monaduiseft que cefte feule eft furHfante. Au refte,i'ay délibéré de
viurc &d mourir en icelle feule. Ar . C'eft vne chofe toute certainc,que le Sacrement^ft Je
corps de Chrift fous la figure du pain.mais vous &: vos femblables maintenez que le pain
y dcmeurc.T h . Ne moy ne mes femblables,que vous reiettez comme hérétiques , n'auôs
autre opinion que celle que i'ay dite.Toutefois ie délire que vous me faciez ce bien,de m'
enfeigner comme cefte lentence de fainft Paul doit eftre entendue, où il dit ainli, Qu'il y p^j 4 6
ait vne mefme aftedîtion en vous que celle qui a efté en Iefus Chrift: lequel corne ainli foit
qu'il ruft en la forme de Dieu,&:c.Ce mot Forme,n'eft-il pas ici en S.Paul pris pour fubftâ-
ce ? Que direz-vous de ce que chantez tous les iours és heures de la vierge Marie en cefte
forte?0 autheur de falut,ay es fouuenâce que iadis tu as pris la forme de noftre corps de la
Vierge non corrompue. le vous prie au nom de Dieu , maintenant refpondez-moy à ceci:
aftàuoir il la forme de noftre.corps ne peut pas eilre appelée fubftance? A r .le ne fuis point
ici pour refpondre à ta demande , puis que l'eglife en â autrement déterminé . Crois-tu
à la détermination d'icelie,ou non? T h o r p , Quelque chofe que les gouuerneurs ayent
mis en auant de leur propre fantafie,la foy ne lairra point de demeurer en fon entier. le n'
ay point ouy dire par ci deuant,que fous ce mot de Foy les traditions humaines fuftjbntco
priles.AR vnde i,Si vous ne l'auez.point encore ouy , vousnefauez que c'eft de la droi-
te foy de l'eglife. Mais quedifent les Docteurs touchant cefte matière? Thorp, Le
grand docteur de l'Egnle, faind Paul,enfejgnant la foy entière de ce Sacrement, l'appelé
Le pain que nous rompons.&: mefme on l'appelé Pain au canon de la Mefte,aprcs la con-
fecration . Dauantage,on ne trouHerapreûrc en tout ce Royaume , qui aptes la rece- I,Cor i<u*
ption de l'Euchariftie , ne dife en ceite forte : O Sçigncur,ce que nous auons pris de bou-
b. iii.
£/Wo /• Çaillaumc^ Thorp.
che,que nous le reccuions d'vn efpritpur , c'eft àdire(commeil femble) par foy . Samd
Auguftin auflï confenc que Cela mefme qui eft veu des yeux , &: qu'on croit efti e le vray
corps de Chrift, demeurera pain. &aufsi Fulgen ce, do&eur renomme de l'Eglife tnrre
les autres, eft de cefte mefme opinion. Au Secret de la féconde meffe de Noël, à l'aube du
iour,ceciy eft contenu: Luy-mefmcquieft Dieu,eftapparu:ainii la lubftance terrienne
nous confère ce qui cftdiuin.Ie vous prie, conterez cefte fentence auec le Secret du Mer-
credi des Quatre-temps en Septembre^ defueloppez cefte dirHculté. Arvnde i.J'en-
ten bien maintenant où vous voulez venir , &c où c'eft que le diable vous pouifc,afin que
ne vous fubmettiez aux décrets &: ordonnances de l'eglife . mais à cefte heure refpondez-
moy plus viftement : Croyez-vous que la fubftancc du pain demeure au Sacrement après
la co'nfecration,ou non i T h o r p , le n'ofe affermer ne nier aufli que l'accident foit fans
fubiet,comme on confeiTe auiourdhuy en l'eglifc touchant ce Sacremcnt:&: d'autant qu'-
il y a grande dirHculté en cefte matiere,&: qu'elle eft fuiette à grades difputes &c beaucoup
d'argumens,&: qu'elle furmonte d e beaucoup la capacité de mon petit entendem ent,i'cn
lai/Te la refolution à ces fubtjls Sophiftcs,me contentant de la (implicite de ma foy .Car c'-
eft leur couftume de traitter d'vne part &c d'autre ces difficultez embrouillées, tant qu ils
ne s'entendent point l'vnl'autre:& cependant qu'ils s'attribuent beaucoup,ils fe rendent
fols enuers Dieu. Ar v k d e i,Cen'eft point mon intention maintenat de vous enuelop-
per des fubtilicez des Scholaftiques,veu que ie fay q vous cftes fort ignorant . mais ic vous
feray bien rendre obeifîance aux décrets &: ordonnances de l'eglife. T h o r r , Mille ans
depuis lanatiuité de Iefus Chrift,la détermination Se ordonnance de l'Eglife(de laquelle
i'ay parlé)fuffifoit pour le îalut des hommes. mais quant aux chofes qui ont efté introdui-
Apoc.io. tes en l'Eglife depuis que Satan a efté deflié par l'Ange,& après que Thomas &c ces autres
7' Fratres fophiftes ont amené leurs mal-heureufes reiueries , comme De l'accidét fans fub-
iet,& telles autres barbouilleries-.ie di hardiment qu'il n'y faut nullement confentir: &: de
moy, ie ne feray point vn article de foy de l'opinion befacierc de ce Iacopin . qyc le Sei-
gneur face de moy ce que bon luy femblera . A r v n d e r , Tu n'efchapperaS auiour-
dhuy de mes mains , fi tu ne changes cefte opinion entièrement . Or quant au fécond ar
mages" ticle,Desimages,qUellecneft ton opinion aulfi? Thorp, Selonletcfmoignagede
Gyj.fjr. ' Moyfe,toutes les chofes que Dieu auoit faites,eftoycntfort bonnes. Parquoy chacune en
fon efpece doit eftre honnoree,&: appliquée à la fin queDieu a inftituee:&: principalemét
l'homme que Dieu a formé à fon image, doit eftrc honnorépardeifus tous les animaux,
fconuuo mefme il faut que les hommes Chreftiens fe preuiennent l'vn l'autre par honneur &c cha-
rité . L'or, l'argent, Feftain, l'airain, le fer,le cuiure,les pierres,le bois,font toutes bonnes
creatures,chacune en ion efpece,&; autres matières dcfquelles les images font faites, tou-
tefois les images faites en boftc,les images taillees,ies peintures^: autres telles inucntiôs
des ouuriers,ne doiucnt point eftre adorées des fidèles: encores qu'elles foyent ordonnées
&approuuees parles Magiftrats, pour feruir de kalendriers ou de répertoires à ceux qui
fcom.t.io. ne iouent point Dieu,ni en fa Parole,ni en fes créatures , &: qui ne le glorifient point en la
f of me laquelle il donne aux créatures par fes œuures admirables . rien de tout ceci (di-ie)
ne peut eftre adoré fans idolâtrie. Ar . l'accorde bien cela,que les images ne doiuétpoint
eftrc adorées à caufed'clles-mefmcs: mais bien a caufe des figures qui y font imprimées,
ou à cauie de ce qu'elles reprefentent par dehors: aifauoir le Crucifix, à caufe de la paflïon
de Chrift:&: les images de la Trinité, ou de la vierge Marie,ou des Sainc~ts, à caufe de ceux
qu'elles reprefentent.Car aulïï les lettres dcsRois terries,aufquellcs les féaux d'iceux font
appofez,font receue's des fuiets,auec grand honneur comment au prix doit-on honnorer
les images de Dieu &c des Sain&s î T h . Ceft-ci vne fimilitudc des hommes,& qui ne con-
uient pas proprement aux chofes diuines,veu queMoyfe,Dauid,Salomô, Ifaie , Baruc , &C
prefque tous les autres qui ont eferit les liuresde la Bible,defendent par paroles exprefTès
&: auec menaces les images ou ftatucs à tous hommes. A r .Garncmét obftiné,côbien que
deuant lanatiuité du Sauueur,laTrinité ne fuft point exprimee,toutefois elle eft mainte-
nant manifeftee par le rapport d'iceluy.& ia foit qu'entre les fauâs il y en ait plufieurs qui
ayent cefte opinion ,q c'eft erreur &: mal fait de peindre la Trinité,neatmoins de ma part
ie fuis d'autre opinion &: aduis,q cela eft grandement neceffaire, veu q par vne telle faço
le peuple eft merueilleufemcnt incité à vne deuoeion at dente. Or fur cela il adreflâfon jp-
pos à ces ruftres,difant ainfi,Il y a des ouuriers fort excettens es régions par delà la merrlé£'
quels ont cefte couftume,que ie loue grandeméeque s'ils ont àfairc quelq image, outaik
Çuillaumt^Tborp. tû
lee ou en boffe , ou quelque peinture , ils s'adreiTcnt à vn preft re pour cohfefler leurs pé-
chez^ s'obligent par vccuz,ou àiufncr, ou à dire quelques prières, ou à faire aucun pèle-
rinage: &: cependant requièrent le preftre de prier Dieu pour eux, afin que de leur ouura-
ge il en puifle lortir vne belle image 6c bien deuotc . T h o r i» , Il ne faut point douter
que tels ouuriers ne fe repentnTehtde leur ouurage, s'ils entendoyent bien les eferits de
Moyi"e,Dauid,Salomon, Haie* Baruc&: autres femblables: & qu'ils n'aimaffent mieux en-
durer toute oppreffion auat que de recourir à tels meftiers enragez &: fi pleins de blafphe-
mes. Et les preftres commettét encores plus grieuc ofFenfe qu'eux , lefquels par mefehans
côfeils les incitét à faire des chofes pleines d'impiete,& maudites de Dieu. Que fi les pre-
ftres imitans Ielus Chrift &: les Apoftres, faifoyent leur office comme il appartient,ie pen- Deut t .
fe qu'on n'auroit pas fort grand befoin de tels kalendriers muets d'images pour cognoiftre
Dicu-.maisl'auariceinfatiabledes gens d'eglife ne ce/Te iamais d'attirer le poure peuple à
damnation par telles &c autres trôperies des diables. ArvndeiJc voy que vous Se tous
les preftres de voftre fede eftes maudits } vous qui renuerfez toute la deuotion du peuple.
Quoy, mal-heureux bourreau, cecyte femblc-ilbon , de voir vne eglife fans images èc
peintures? T h o r p , Il n'y en a point qui prient de plus grande efficace, que ceux qui ayas Icaa ,
les yeux &c tous les fens fermez,font efleuez iufques à Dieu en efprit &: vérité. De fait , Ie-
fus Chrift prononce,Que ceux qui ont creu,&: non point veu, font bien-heureux:parquoy lçiai01 •>
il nous faut appuyer fur la feule parolle de Dieu, fans qu'il y ait des images.
O r TArcheuefque eftant efmcu de colère dit alors, Mefchant, mefehant héréti-
que, quelque chofe que tu puifîies dire au contraire ,ic maintien eftre vne bonne chofe
& fainde d'adorer l'image de la Trinité. Que dis-tu furcelaî l'amc n'eft-elle pas ef~
meué quand elle contemple telles chofes î T h o r p , le defireroye grandement qu'il vous
pleuft m'ofter vn fcrupule de ma confeience : Veu que le Pere , le Fils & le faind Efprit,de
toute éternité ont eftè vn mefme Dieu tant au vieil Teftament qu'au nouueau, & qu'il y a
eu plufieurs Prophètes ÔcPeres qui ont efté &ConfciTeurs &Marty rs: comment fe fait cela
que telles images n'ont point efté auffi bic permifes en là Loy ancienne pour feruir de ka-
lendriers aux laies ou idiots? A r vnde l , La Synagogue des Iuifs n'obtenoit pas telle au-
thorité que fait maintenant f Eglife. T « o r p 5 Saind Grégoire , homme de grand renom,
louoit fort vn hÔme infidèle nommé Serenus, de ce qu'il auoit défendu d'adorer les ima-
ges. Ar yndei, Vileînimpudent,parmafoy, vous ne vous fou ciez de la vérité nô plus
qu'vn chien. Au tcple de faindPaul à Londres,du cofté de la bife,il y a tant de miracles de
noftre dame de Parathalafe, &: en beaucoup d'autres lieux par toute l'Angleterre : le peu-
ple doc ne doit-il pas viiiter ces licux-la âuec plus grade deuotion que les autresîT h o r p ,
le fuis certain que Dieu ne fait aucun miracle afin qu'on face quelque grand cas des ima-
ges:^ il n'y a nulle vérité en icelles (comme i'ay prefché à Salop)nc telle efficace, pour dire
que les hommes les aillent cercher,ou pour fe mettre à genoux deuant elles , ou pour leur
donner des offrandes , ou pour leur faire des vœuz, ou pour leur faire quelque autre hon-
neur ou reuerenec. Car combien que Moyfeparle commandement & ordonnance de Nomi,^
Dieu euft fait eleuer le ferpent d'airain au defert. tant y a que le bon roy Ezechlasle fit ab- i.Roisis.*
batre pour le danger qu'il y auoit de l'idolâtrie. Les fainds Dodeurs } S* Auguftin , faind
Grégoire, S.Iean Chryfoftome,&: plufieurs autres fainds perfonnages recitét , que les dia-
bles enchantent les efprits des incrédules par tels fantofmes eftranges àcaufedeleur in-
fidelitércar ils font plus enclins beaucoup en ces iours-cy à cercher de nouueaux miracles
qu'à bien ouyr ou croire la parolle falutaire de Dieu. Parquoyle Seigneur a prédit àleuf
grande honte* que la génération baftarde demande toufiours des fignes : mais au cÔtrairc
l'Euangile doit eftre toufiours receu auec vne droite fby : la parolle de Dieu nous doit fuf- Mat-It- 3J^
fire fans aucuns miracles d'images. Or puis que Dieu le Pere eft efprit,& qu'il n'a point de
forme ou figure que nous puiffions expliquer» »e m efmerueilk quelle femblance on luy
pourra forger. Àrvndei ,C'eft a/ïez aux enfans de Teglife d'âUoir vne telle figure de la
Trinité , que l'cglife leur mere leur a permit fi teng temps : mais vott* mal-heureùx'beh-
ftre, puis <|ucf vous cft es vfl membre pourry &T retranché du feirt d'iceHe, vous mefprifez
auffi fesfain&es ordonnances. Or puis c^uetenuid approche, réfpondezau troifiemearti-
cle,Des pèlerinages. Cdrnmc il m » efte dit par gens dignes de foy , vous diriez Que ceux
qui par vécurent en pèlerinage ou à Cântorbery,ou à BetterIar,ou à Carlingt6,ou àVval-
fingan * ou en quelques auttes heux àç deuotiôrf, font hebetez &: fans entendement>gens
auolez,ma«flk«fc;mife^ks. T H^R*,QuelqHesciïofe cjucles enuicux ayent rapporté,
b.1111.
Lime L Cjmllaumt-> Thorp.
Deux for- i ay djt qu'il y a deux fortes de pèlerinages : dont l'vnc eft agréable à Dieu. Arvndi l .
riLg^r^ Qui (ont donc les pèlerins que tueftimes qu'ils font bien? Thorp, Ceux qui cerchent
Dieu en cfprit, &: qui reiettans toutes ordures & mefehancetez de toute leur puiliance,s'-
employcnc diligemment a garder les commandemens du Seigneur. Tels n'ont point vne
autre foy que celle que Icfus Chrift a enieignec en l'Euangile, &c laquelle ils ont puil'ee du
Symbole des Apoilres. Tels s'adonnent du tout aux œuures de chanté, &c s'aident les vns
aux autfcs, vn chacun félon l'a faculté : nattendans rien de tout cela, finon l'accompliire-
ment des iurtes promettes de Dieu. Tclsdcfployent fouuent leurs confciences deuant
Jafacc duSeigneur,craignans touliours de l'offenler. Tels pèlerins prennent grand plaiiir
quand ils voyait que leurs prochains cerchent le Seigneur , ne font conte de la prolperi-
té du monde,ieicttent loing les defirs de la chair, ont compafiion des poures , mefpnfcnt
conftammét la cruauté &c opprefliondes tyrans, s'exercent fouuent en oraifon, &C fuyuent
d'vne faincte &: bonne arFe&ion les autres exemples de Iefus Chrilt Ceux delquels la bon-
L F W E té de Dieu approuue les pelerinages,portent auec eux ces marques ou enfeignes diurnes:
(Nages, mais vos pèlerins ne montrent en forte quelconque vne feule de toutes ces conditions
de vrayepieté:ce que ie fay, comme l'ayant bien expérimenté. Defixcens à grand' peine
en mettra-on vn feul en auant qui fâche les commandemens de Dieu, qui fâche pronôcer
l'oraifon Dominicale, ou le Symbole de la Foy,ainli qu'il appartient. Les choies qui indui-
fent beaucoup de gens à faire leurs pelerinagc«,font plus que ridicules &: friuolesxomme
la fanté du corps, l'amitié charnelle,laprofperité> la folle defpenfe,l'intemperance,la pro-
digalité &C les maquerelages. Mais à la fin quand ceux-cy ont bien fait des defpcnfes excef-
fiucs, &£ quand ils ont bien laiTé tous leurs corps , que trouuent-ils pour toute recompen-
fe, que des os des morts, & des images muettes?Qui eft l'homme qui ayant bien goufté la
vérité de l'Efprit de Dieu , ne voye clairement que ce font là des badinages inutiles ? Que
il quelque profit reuicnt de cela(comme de fait il en reuient beaucoup)le tout eft pour les
preftresauaricicux, ou pour les paillardes: outre ce que tels pèlerins laiflênt cependant
leurs familles,defquclles ils ne tiennent pas grand conte : au lieu que tout homme Chre-
ftien doit neceftairement auoir foin de fes domeftiques. On voit donc que ces poures mi-
ferables employent à vfages profanes ce qu'ils deuoycnt defpendre pour fubuenir à leurs
prochains félon la fain&e ordonnance de Dieu. Dauantage , entre tels pèlerins eftourdis
il y en a plufieurs qui font leur voyage,ou de ce qu'ils ont emprûté , ou de ce qu'ils ont def-
rpbe,fans faire iamais reftitution. Ils portent des flageolets ou des fleutes , & quelque fois
chantent des chanfons vilaines , pour donner plus grand plaiiir à la chair. Eftans retour-
nez à leurs maifons, ils ne rapportent rien à leurs voiiins quedesmenfonges impudés,&:
des blafphemes d'hypocrifie. Arvndei, Mcichant garnimét,ne voy-tu point ce qui eft
le principal encefte matière, aflauoir les peines, trauaux &: ennuy* de ceux qui font tels
voyages. Ce que tu imputes principalemenr à vice , c'eft ce qui eft bien digne de falaire
ample &c grande louange:&: ce qu'ils mènent des bateleurs &c loueurs de fieute auec eux,
cela ne nuit de rien au pèlerinage: il faut bicnquelablefteure des pieds,&: l'ennuy du che-
min foyent adoucis en quelque façon. T h o r p.Saind Paul enfeignc,que pluftoft on doit
Jtom.i2.rf. plourer auec les plourans. Ar v n d e l ^Quelque chofe que tu deigorges contre ceux-cy,
mon opinion eft que les pèlerinages font certains aides pour obtenir plus grade grâce , dé
laquelle ie voy que vous autres eftes du tout vuides.il n'y a moyen que vous n'eflayez pour
aneatir du tout la deuotiû du peuple: mais par ce dernier point tu ne profiteras de ric,veu
Pfeau.rço. que Dauid dit qu'il faut louer Dieu cri toutes fortes dmftrumés de mufique. T h o r p , Se-
lon l'interprétation des Docteurs il nous faut rapporter cecià l'efprit:& l'interprétation
i.Cor.io.*. de S. Paul ne s'cflogne pas fort loin de cela: que ces chofes font anciennemét auenues aux
Iuifs en figure. Parquoy il nous faut bien donner garde de nous arrefter à la lettre froide,
Mat.j».t4. en nous deftournant du bue. Auant que Iefus Chrift reftufeitaft la fille de Iairus^ilnt Sortir
hors les meneftriers , comme ceux qui pourroyét retarder & empefeher le*$ myfteres de la
foy. A r v n d e l ,Mefchant,eft-ce ainfi que tu parles^que pour le feruice diuinon ne dpy-
les or- uc point vfer d'orgues és eglifes? Th qrpj, Qn en peut bien vjer voirement félon la cô-
GVES> ftitution des hommes: mais félon l'inftitutiQnde Chriftila prédication de l'Euagile feroit
beaucoup plus agréable à Dieu,&: pi9 profitable au peuple'que toutes les orgues. Ar t n-
d e l , Les orgues auec vne mélodie bien aceptdate, efmeuuent beaucoup plus les efprits
du peuple que mille prédications. T h o r p , Il fe peutbjen Faire que ceux qui aiment ce
monde,prennentplaifir à telles melodiefcmajs. jl enavnent bien autrement ausdtfciplcs
con-
Cjuitiaumt^ Tborp.
tcmptibles de Chrift, lcfquels ne défirent rien mieux que d'eftre raffafiez de la feule vian
dedcl'ame. Car la crainte &c l'amour de Dieu lcsdeftournc des délices caduques de ce
monde&dcla chair: &c les fait afpirer aux biens celcftcs: comme de fait i'ainrt Hicromc
afort bien dit, qu'il eft impolliblc qu'aucun tout cnfcmble s'efiouiffcauec le monde , &:
règne auec Chrift. ^L'Archcucfque fut defpité de cefte refpôfe,& dit, Qucpeniez-vous
qucpuiiîc craindre ceft idiotjveu qu'en maprefence il parle fi hardiment? Parle Dieu vi-
uant ie te feray bien auoir encore vne autre opinion. Mais que refpons-tu au quatrième
article ? Aiîauoir s'il eft licite aux preftres d'exiger des décimes de leurs paroi/Tiens? ç^^*
Thorpj Ien'ay là nullement parlé des décimes. Mais après qu'on m'eut détenu pnfon-
nicr vu mois , vn certain perfonnage qui m'eftoit incogneu, vint vers moy, lequel me fît
pluficui s demandes touchant les decimes.Ie ne voulu luy réfuter ce qu'il me demandoit:
&: quand ie l'eufîé voulu,fi eft-ce que ie ne l'euife ofé,veu que nous fommes admonneftcz
par faincb Pierre de refpondre en toute modcftieàvn chacun qui nous interroguera de tK».j.i*
noftrefoy. Iedifoyeque fous les figures du vieil Tcftament les décimes eftoyent deues
aux Leuites, lelquellcs Iefus Chrift n'ottroye aux liés en lieu que ce foit du nouueau Te-
ftament. Mefme commande qu'on s'employc feulement aux œuures de mifericorde , s'il
aduient que la necefTité des autres aitbcfoinde noftre abondance. Iceluya veicu auec
fes difciplcs, non point de décimes ou offrandes, ains de ce que les autres luy donnoyent Luc ii.4ï;
par charité & deuotion. Les Apoftresayansreccule fainct Èfprit, befognoyent de leurs i.Cor.s.^;
mains pour gagner leur vie : ce que iaind Paul a monftré a/fez de fois. Et combien que A£Uo.34.
ceux qui exercent le miniftere de l'Euangile , doyuent viure de l'Euangile : ce que faind
Paul aufTi afferme: fi faut-il bien en ccft endroit prendre garde que le peuple ne foit gre- i.Cor.<>.i4.
ué. Aucuns hiftoriens recitent , que le Pape Grégoire dixième de ce nom, fut le premier
qui l'an de Chrift m. c c. l x x i,ottroya les décimes aux eglifes. Nul ne fe peut dire pre-
ftre de Chrift , s'il ne refpond aux exemples d'iceluy &: de fes Apoftres:encore qu'il ait e-
fté mille fois raie & oind, &: quelque chofe que pour cela il foit prifé du peuple:commc il
eft fort bien dit par faind Auguftin,faind Gregoire,Chryfoftomc &: l'euefque de Lincol-
ne. Arvnde l, Eftimes-tu que cefte dodrine foit iàlutaire au peuple? Onvoitaperte-
ment que ces chofes répugnent aux ordônances des fainds Percs, qui ne font point mar-
ris que les preftres reçoyucntles décimes , &: n'oftent point les offrandes ,& ne défende t
aucunes deuotions du peuple. Th o rp, Si le nombre des preftres eftoitdiminué,&: qu'-
en vn tel ordre il n'y en euft point d'autres receus,finon ceux qui s'employeroyent fidèle-
ment à adminiftrerla parollede Dieu à l'exemple de Chrift & de fes Apoftrcs- pour cer-
tain la liberté du peuple Chrcfticn iiifnroit bien pour fournir au viure honnefte d'vn
chacun.
O r vn de la prcftraille fefentant pique dit, Vrayemcnt nous ferions bien accouftrez
fi nous attendions la libéralité du peuple, veu qu'à grand peine font-ils ce à quoy ils font
tenus, par rigueur de droit. T h o r p,ll ne le faut pas beaucoup cfonhirii le peuple rciiftc
ainfi fort au clergé, puis que leur conuerfation eft tant eiloignee des ordonnances de Ie-
fus Chrift. Par décret commun de droit, on rcputoit entre les biens des poures auec les Des biens
autres aumofnes du peuple,Ics décimes, les fondations &: legats,apres auoir déduit le fa- Ecclclla,u-
laire raifonnable des preftrcs.Mais depuis,eux-mefmes ont efté faits diipéfateurs detou-
tes ces choies, &c finalement ayans mis en oubly entièrement leur propre deuoir , les ont
eonuerties à leur propre vfage:&: qui pis eft,beaucoup en ont abnfé à toutes diilblutions
bordures. Et maintenant fe doit-on efbahir, files hommes leur retrenchent quelque
chofe de cccy,&:de la libéralité desquels ils abufént pour commettre toute mefehancete?
Malheureux , tu ne parviendras iamais à grand bien , puisque tu mefprifes ainfi la mere
fpiritucllc. De quelle hardiefTe oies-tu prefeher ces chofes deuant le peuple ignorant ?
ne faut-il pas neccfTairerhent que les preftres ayent les décimes, à celle fin qu'ils puiffent
viure? Thorp , I'ay dit que félon l' Apoftre aux Hebrieux , les décimes n'eftoyent deues Hcb 7.
finon aux Sacrificateurs , qui eftoyent de la lignée de Leui , fous le vieil Teftament: mais
d'autât que les Sacrificateurs ou preftres de Chrift font de la lignée de Iuda, &: non point
de Leui , il faut dire que felpnia promette de Dieu les décimes ne leur appartiennent en
rien. Puis donc que la facrificature eft changée, il faut auffi que laJoy foit changee:en for-
te que maintenât nous deuons imiternon pas Moyié,ains Chrift &: les Apoftres, qui font
nos Sacrificateurs.Or il neft point raifonnable que le dilciple foit par deffus fon maiftre: Mat.10.j4;
pluftoft il faut qu'il fe porte fimpiement &modeftement, & qu'il fe monftre patient &:
bénin , & ce à l'exemple de fon maiftre.
L'archevesqjh tout enflamme d'ire , dit, Pource que tu fais plus grand cas du
vieil Teftament que du nouueau,attribuat beaucoup plus aux Leuites qu'à nos preftres,
noftremaledi&ion&lamaledicliondeDieufoitfur toy &tesfcmblablcs. Thorp, le
m'efmerucille que vous n'entendez mieux l'Apoftrc: le fris de Dieu &: l'es Apoftrcs c-
ftoyent plus libres 6c plus parfaits de beaucoup que n'eftoyent les Sacrificateurs de la li-
Sentence gnce de Leui. Et S.Hicrome dit(ce qu'il a aufli pris dcl'Apoftre)que les preftres de noftrc
roroedes temps ou iudaizet dcrechef,ou n'ont nul droit de recueillir les décimes. Parces ombres
décimes, de la loy de Moyfe,que font-ils autre choie que nier auec les Iuifs,que le Fils de Dieu (oit
venu en chair? A r v nd e L,Ouyftcs-vous iamais parler vnfchifmatique de celle façon;
Voila quelle eft la doctrine de tous tant qu'ils font. Par tels dards de leur malice ils réuer-
fent la liberté de l'eglife par tout. Thorp, le vous prie , quelle liberté de l'Eglife pour-
riez-vous maintenir par cela,veu que IcfusChrift ne les Apoftres n ot point receudes de-
cimes ni oblations : pluftoft cela donne vngrad fcandalc à l'Eglife , &: met du tout bas la
liberté,&:ce par la trop grade auariccoles preitres. Ar y nd e l, Pour quoy eft- ce que toy
&c tes complices n'alléguez ces fentéces ou tefmoignages tât courts de lafainctc Êfcntu
re & des Docteurs, aufli bien contre les laies que contre les preftres? Thorp, Quand
nous prefehons, nous n'auons point efgard aux perfonnes , mais nous demonftronsfran-
chement à vn chacun quel eft lbn deuoir & office, &c reprenons les vices de la vie.Toute-
fois nous commencerons bien par les preftres, lefquels^Chryfoftome appelle l'cftomach
du peuple, quand nous trouuons que plus grans vices dominent en eux: car il n'y a ordre
ni eftat ne meftier entre le peuple, qui ne foie corrompu parleur orgueil, ambition, pail-
lardi fe , & toutes fortes de* voluptez,vilenies &: ordures: ôc qui plus eft , ils prouoquent le
iufte iugement de E|ieu fur tous, quand ils permettent que telles chofes fbyent commi-
fesentr'eux,&:fermét les yeux fans les punir. A r vnde l, Tu iuges&pionôces orgueil-
leux tous ceux qui ne te rcfTemblent point, &: qui vont honneftementaccouftrez. Pour
certain ceux qui ont des habillemens d'efcarlate &: de veloux , font plus débonnaires &:
humains que toy , qui es ainfldefchiré , &: mal veftu. Or fus,dis-nous vn peu, Par quelles
marques as-tu cogneu qu'vn preftre fuft orgueilleux? Thorp ,Par ce qu'ils mefprifét Ie-
fus Chrift &£ fes Apoftres: & pour cefte raitbn,qu'iccux eftoyent contemptiblcs, lefqucjs
reicttans toutes voluptez &: allechemés du monde, eftoyent poures d'çfprit : ceux-cy en-
flez & pouffez d'ambition , pourchaflent les honneurs,richefles &: voluptez, & les cbtic-
nent mefme quelque fois par force. Dauantage , vendans &: faifans traffiquedes chofes
fpiritucllcs, profanent és temples tout ce qui y eft, à l'exemple de Iudas& de Simon ma-
gicien. Ar vnd e l , Si tu fais qu'vn preftre fuft adonné à tous ces vices 6c ordures fi
tu le vois fréquenter auec des paillardes, iugerois-tu qu'il fut damné pour cela? le te d'y
qu'en vn ict d'ceil vn tel pourroit bien auoir vne bonnerepentance. T h o r p, le ne con-.
damne perfonne : toutesfois il fcmblc que ce foitvnfort mauuais flgne de repentance,
quand vn preftre ainfi péchant &c oftenfant à toutes heures, ncmonftre point publique-
ment qu'il ferepefite: mais la plufpart d'entre eux non feulement pèchent vne fois ou
deux, ainsamaffent péchez fur pecheziufques au dernier foufpir de leurvic. Or félon
mon iugement , tels pèchent de péché à mort, pour lefquels il ne faut point prier , com-
i.ieany.itf. me faind Iean le remonftre.
^ Or fur cela vn des preftres fc leua,&: parla à l' Archeuefque çn çefte façomMonficur,
îc fuis d'aduis qu'on ne parle plus à luy : car tant plus que vçftrs bon plaifir eft de fin-
terroguer , tant plus il fe monftxe endu rcy &c obftiné, 8c tant plus }i fc fouille foy-mefme.
Arundel dit à fon preftre, Ayez vn peu de papence : encore faut-il que ie luy demande
vne chofe.Et s'adrcflànt à Guillaume Thorp, luy dit, Pour le dernier pqinct on a ici rap-
porté contre toy , qu'en la ville de Salop tu as prefché, qUf'jln'eftoit heite de iurer en fa-
çon quelconque.^ o r p, Cela ne m'eft iamais entré en l'entendement, tant s'en faut
MaM.34. qwciel'ayedittmaiseftant induit par l'authorité tant; de l'Euangile quelle fainct laques,
iean 5.1». & auf|] par tefmoignages euidens des Doreurs , i'ay bien dit qu'il a'eftoit point licite de
iurer parles créatures, comme on a accouftumé de faire. J'ay prefché aufli > eftant garny
de ces mefines tefmoins & autres, qu'il ne falloit nullement ïurer,paurueu que la vérité
propofee deuant vn luge legitimcpuifTe eftre autrement çognçué. Si cela n'eft,i'ay pref-
r>ei# cnc^ clu en ce cas d falloir rendre tefmoignage par fidèle ferment, feulement fous le nom
& 10.10. ' de Dieu, veu que luy feul eft la vérité perpetuelle.L epristri ,Quc dis-tuîcft-il licite
àvn
DES IV-
REMENS
I
à Vn jfubitf» auffi toù. &n Prélat luy aura commande* de ployer les gçdbux,&: après
auQfr mis la^nain fur le liure de l'EuangaVi ou de baiferleliure,&: iurer en cefte forme,
Ainfi Dieu m'aide, & cefaind Euangilede Dieu, &c. carceluy qui eft fidèle lubiet , o-
beira promptemeht à ce que fort Prélat luy aura commandé«T horp ,Ceft affaire a fes
bornes,&: faut bien auifer de ne les outrepafTer à la volée. Que fi les Prélats Ecclefiafti-
ques hous pommadent & ordonnent quelque chofe deshonnefte &l illicite, péfez-vous
que tout incontinent il y faille obéir? Ar ynde L»Quantàlapuinance des fuperieurs
bc gouuerneurs, il n'en faut nullement douter, mais encores qu'ils commandent cho-
fes iniques, tant y a qu'on leur doit obéir :6c n'y aurou aucun danger pourles fubiets,
quand ils iurcroyent. Thoxp, Il n'y a pas fore long temps que ie difnoye chez vn per-
fonnage honorable , & là i'ouy debatre cefte queftion des fermens , entre vn Théolo-
gien & vn Legifte. Le Legifte maintenoit que fi le luge le vouloit faire iurer ou pre—
fter ferment en vne chofe iufte, il ne feroit nulle difficulté de bailler la main:mais fi ce-
la luy venoit en cognoiffance, que la caufe fuft inique, il retireroit aufli fa main pour e-
uiter le danger. Le Théologien amenant fes raifons debatoit au contraire,difant : Ce-
luy qui metla main au liure , blafpheme Dieu , Se fi donne fcandale au prochain. Car
queft- ce que le hure , finon vne créature , ou chofe compofee de créatures ? Parquoy
ilfemble que iurer en cefte forte, n'eft finon appeler les créatures corruptibles àtef-
moigner de la Vérité, qui eft vne chofe eternelle.Selon mon opinion , cela eft du tout
illicite : & auffi le Seigneur l'a défendu en la Loy. Et mefme Chryfoftome s'accorde à
cecy, redarguant l'vn &: l'autre, & celuy qui iure ainfi , &c celuy qui produit le hure.
Or fur ce propos les vénérables affeffeurs de monfieur ï Archeuefque fe priment
à rire &c fe moquer:& l'Arjcheuefque efeumoit fes menaces &c tourmés,fïnô queThorp
fc monftraft autre,en laiffant fes opinions.T horp ,Cefte opinion n'eft pas feulement
de moy, mais aufli de noftre Sauueur Iefus Chrift : de S.Iaques, de Chryfoftome & des
làin&s Percs. C Alors rArcheuefque commanda que l'Homélie de Chryfoftome fuft
mife en auant, laquelle iceluy auoit defrobee audit Guillaume Thorp à Cantorbery,ô£
- cftoit eferite en vn papier>&: la donna au fecretaire pour la lire. Quand il l'eut leuè iu£
ques à ce poinct où il y auoit, Que mefme bien iurer c'eftoit mal fait , Malueren pria 1-
Archeuefque de demander à Guillaume Thorp , comment il entendoit ce paffage de
Chryfoftome,ce que fit l'Archeuefque.
O r Guillaume Thorp fc fentit du premier coup eftoné,mais à la fin eftant encoura-
gé par l'Efprit de Dieu,il refpondit en cefte forte : Il y en a aucuns qui en leurs cômuns
affaires appellét volontiers Dieu en tefmoignage de la vérité, afin que plus facilement
on leur adioufte foy : tant y a que cela fe fait fans porter reuerence au nom de Dieu , &c
par grande folie &: témérité , veu qu'il n'y a nul luge qui les contraigne à ce fairt : veu
auffi que Iefus Chrift parle àceux-cy, dilant qu'il ne faut nullemét iurer: ce paffage doc Mac - j*.
de Chryfoftome s'adrefTe à telles ges.De là vient que le commun populaire s accouftu-
me à iurer fans raifon,& à £e pariurer : &: le font afin qu'ils gagncnt,ou qu'ils trompent,
ou plufieurs le font pour euiter la peine.
Arvndi l, Cefte interprétation peut bien eftre accommodée à ce paffage . Vn
autre de ces preftres dit à Guillaume Thorp ea cefte forte: Or fus , afin que vous ne dé-
teniez point plus long temps monfieur le reuercnd,mettez la main au liurc,&: promet-
tez que vous rendrez obeiifancc à ce que luy &leglife vous ordonneront. Thorpj
N'ay-ic pas défia dit l que i'ay appris d'vn docteur en Théologie envn femblable cas,
que toucher le liure , &C iurer par le liure ,c'eft tout vn ? A r v k d e l , En toute Angle- Toucjjcr
terre il n'y a pas vn feul Docteur qui ne vienne iurer quand il luy fera commandé , ou le ilUrc,&
qui ne fait puni s'il ne lèvent faire. T h o r p,L'authoritéde Chryfoftome n'eft-elie pas l£r"u** reA
furfifante? Ar v n d e x,Ouyfoien. Th o r p, S'il repute pour blafphemateur celuy qui tomvn.
prefentcle liure à vn autre pour iurer, par plus forte raifon voirement il tiendra pour
blafphemateur celuy qui iure par le liu*c. A rtndïl ,Nous n'approuuôs point Chry-
foftome, en ce qu'il enseignera chofes contraires aux ordonnances de l'eglife. Alors i -
vn des preftres dit,Dicu & fa payolie n'ont-ils pas vne mefme authorité?
Thorp, Qui eft-ce quinieroit cela? L e preftre , Pourquoy doc faites-vous difficul-
té de iurer par l'Euangile , veu que l'Euangile &£ Dieu c eft tout vn? T h o r p , S. Augu-
ftm dit que ce n'eft point fait en Chrefticn » qu'vn frère ne croye point fimplemét à l'on
trere;le fuis doc preft à voftrc dam de iuter par la parolle de Dicu,puis que ie voy qu'on
Liure L Cjuillœuihtj Thorp.
ne m'adioufteroit point defoy autrement. Le preftre, Mettez-donc maintenant la
mainàlT:uangileaeDieu,S6feiteslefermcnt.T h o r p,L'Euangilc peut-il eftre tou-
ché des mains? L e preftre, Vous vous gaudiflèz.T h o p, p ,1e Vous pric,lequel des deux
vous femble pluftoft du deuoir 6c office d'vn homme Chreftien, toucher l'Euangile,ou
le lire? Le preftre,Lire. Thorp, SclonlctefmoignagedeiàinctHierome, l'Euangile
ce n'eft point la lettre entière 6c parfaite, ains c'eft la parolle de Dieu receue en foy : ce
jie font point les rneillets fragiles duliure,ains la vérité creuë de coeur :L'Euangile(dit-
koouutf. il) qui eft la vertu de Dieu, ne demeure point en papier ne parchemin, ains eft adhérât
en la racine ferme de la foy: non point en lettres faites d'encre, ains en fentenecs ca-
i.Cor.4.io chees des fainctes Elcritures. Sain6t Paul afferme cela mefme, efcriuat aux Corinthiés,
Pfcau.i<M. difant^Le royaume de Dieu n'eft point en parolle^ains en vertu. Et Dauid dit , La voix
Pfcau.33.tf. du Seigneur eft en vertu:Les cieux ont efté cftablis par la parolle du Seigneur, 6c par I-
Efprit de fa bouche eft toute vertu tant des Anges que des hommes. L e preftre, Vous
voudriez volontiers que nous vfifllons ainfi de tels badinages pour paner le temps auec
vous.N appelons-nous Euangiles les chofes qui font eleriteses MeftelsîT h o r p, Vous
le-dites ainlï,mais vous vous abufez. Les Philofophes biértfouuènt prennent ta princi-
pale partie pour le tout, comme l'amcde l'homme pour l'homme tout entier. Dauan-
tage la vertu de l'arbre eft en la racine , & on ael'apt>erç»ït point des yeux, prpout rc.
.tournera noftre propos , dont nous eftibns fbrtisrpluueurs ont veu,ouy &*ouch* Iefus
Chrift encore vïuant( comme auiourdhuy plufieurs lifent les Efcricures, les interprétée
les oyent& efcriu*nt)&; toutefois ne font deuenus meilleurs pour cela en façon que ce
foit. Tout ainfi que la Deité éternelle n'eft iamais cogneue iànsfoy,aufîï ne peut-on
comprendre l'Euangile fans l'Efpric de Chriftle Fils de Dieu. L £ preftre , Ce que vous
dites eft myftique , 6c fans grande faueuri Thorp, Si vous qui eftes précepteurs du
peuple, toutesfois n'entendez point ces menus fatras, il eft à craindre que le royaume
des cieux ne vousfoitofté* comme iadisila eftéofté aux principaux Sacrificateurs 5c
Anciens des luifs.
Or Malueiett parla alors, difant,Entendez-vons les equiuoques? Leroyaumedes
cieux a diuerfes fignincatiôs.Mais qu'appelez-vous iciLe royaume des cieux?TH o r p,
i'enten l'intelligence de la parolle de Dieu , félon que i'ay appris des Do&eurs.L u pré-
ftre,Par qui penfez-vous qu'il eft raui ? T h o r p , Par lesiages du monde, qui cefchent
les premiers fieges es aflemblecs,&:penfent eftre lifages qu'ils nertiment point leur
eftre befoin d'enfuyure Iefus Chrift&: fes Apoftres. Arvndbi, Mal-heureux que tu
es, tu iuges donc les gouucr neiïrs fpirituels: par Dieu, le Roy feroit mal , s'il ne permet-
toit que toy 6c tes femblables fufliez condamnez.
V n autre preftre luy mit en auant , que le Vendredi precedét il auoit baillé confeil
à vn feruiteur familier de l'ArGheuefque , de ne confelTer fes péchez à vn preftre , ains
confes ac^esae^couu"r^cu^ement^Dieu. Guillaume Thorp fut troublé de cela, &cogneut
s i o n. bien que quelque fingarnement l'auoit trahy. Iceluy deux fours auparauant eftoit ve-
nu finement vers luy en la prifon , 6c luy demanda plufieurs chofes touchant la confek
fion. Voyat qu'il auoit efté acculé par ceftuy-la,il pria Dieu cjuecc mal ne luy rufl point
imputé. Et quant 6c quant requit le preftre que ceft homme fuft amené deuant luy , ô£
qu'il reçitàft pleinement &: ouuertement le fait comme il eftoit aduenu. L'Artheuef-
qne fur cela luy dit, Ceux qui font ici préfens, fuffifent bien pour cefte heure: mais qu -
as-tu dit à ceft homme là? T h o r p , Il vint vers moy en $aprubn, 6c raifoit fortir des lar-
mes dé fes yeux, deploroitla^corruption du monde , la grande ignorance ôfibeftuc des
preftrcs,&: la contagion attirée de la Cour:$£ fembloit bien a voir fa contenance, qu'il
defiraft eftre enfeigné par la parolle de Dieu ^ tant bien monftroift.il femblant d'auoic
quelqùe afFe&ion bonne &fain£te. Et de moy,coriiiderantïa contrition 6c repentancd
de ceft homme , ie tafchay à luy perfuader de laùTer touserreurs& fauffes opinions âsi
terrips pairé,& que déformais il vefquift en la crainte de£)ieu.Or après mi'ileut irulft«
fur ce propos, afTauoirs il pourroit>obtenirremilfion de fes mefraits fans s'adrejfïcrà vtf
preftre:ie luy refpondy,quc c'eftoit à Dieu feulement de pardonner les péchez ÔfoCen^
ibs. D'où vient donc cela(difoit-il)que c'eft vnd des charges 6c pinces d'vn preftre,dVb-
foudrélès péchez i Sur cela ie luy dy,qu'abfcu«dre& remettre Jcs péchez , eftoyent yné
mefme chdfc: 6c que par ce moy en il faloit atcédrèid e Dieu ièttlfli l'vne 6c rautrc.-MiUr
ans après lanaciuitç 4» Fils de Dieu , cette façon dfa^foUdrd inainpçBurjC Vûtcft Te-
glife>eftoit incogneuërtoutcsfois le droit & authorité de lier &: deflier eftoit en ce mef-
mc temps ottroyt e aux fidèles & infidèles par les fainctes prédications. I'ay bonne fou-
ucnance,qu'aupres de la croix de la ville de Cantorbery,iay ouy dire quelque choie de
lemblable à Mordon,qui eftoit moine de Fencrfam,preîchat là pour lors. Voila ce que
i ay dit a voftre hôme,duquel vous me parlez. Arvnde l , L'eglife n'approuue point
celte doctrine. T h o r p ,L'Eglii"e g, a Icî'us Chnlt pour chef en quelque part que ce Toit,
approuuc bien celte opinion. C ar certes es gens deglife ou void cefte outrecuidâce in-
tolerable,qu ils alfuicttiHent par force 6c fous peine d'excômunicatiô les poures Chre-
ftiés à garder leurs ordônances &: traditions , Ici quels noltre Sauueur Iefus Chrilt a mis
en h" grande &: excellente liberté par fa mort: veu mefme q ne luy ne les Apoftres n'ont
point cômandé de les garder, ains plultoft ont voulu quelles fullent reiettees. L e pre-
ftre, Vous ne craignez point de nous mettre en auat ces fraudes &c déceptions, lefquel-
les vous auez puifees de ceux qui auoyent brouillé &: meflé l'yuroye&: autres feméces
baitardes parmy le bon fromct:mais de moy, ie feroye d'aduis, que reiettans ces faunes
opinions &C erreurs, vous vous fubmettiiTiez du tout à la bonne volonté de monfieur 1-
Archeuefque:&. penfe que rexperimenteriez&: feigneur fauorable &c pere debônaire.
E t vn autre preftre luy reprocha qu'il eftoit obitiné: que depuis peu de téps il auoit
alTailly à Londres d'vnc façon fort importune deux perfonnages hônorablcs,rvn hom-
me deglife , lequel on nommoit Alkerton , & l'autre Docteur: appelant Alkerton fla-
teur,ôde Docteur hypocrite. ^"Ceftuy Alkertôcltoit prefeheur de Lôdres,lequel peu
de iours auparauant prefehant deuât vne grande affemblee en la croix de S.Paul,auoit
defgorgé des outrages impudens contre le fermon d'vn d'Oxford, qui n'auoitgueres
pieu à la faction des Papiltes pour lors,comme il fembloit. Cefutl'occafion pourquoy
Guillaume Thorp appela ceftuy Alkerton hypocrite. A celte caufe Thorp refpondic
ainli à ce preftre,Il n'y a nul qui à bon droit puiiïe reprendre le fermon de ce pérfonna-
ge d'Oxford:&: n'y auoit occaiion aucune pourquoy Alkerton deuft ainli dire tant d'in-
iures &C outrages à ce ieune home en la croix de S. Paul: car tout ce que celtuy d'Oxford
en auoit prefché,eltoit dit Chreftiennemêt &C do&emét>&: fondé fur la pure parolle de
Dieu, fur clairs tcfmoignagcs des DoCteurs,& raifons euidentes. L e preftre, Les cho-
fes qu'il dit alors,eftoyét ii iniques &c hors de toute raifon, qu'il ne les ofa maintenir de-
puis. Thorp, Ce fermon- la eft eferit en Anglois &C en Latin , & pluheurs en ont fait
grande eftime,&: l'eftiment encore auiourdhuy. Si iceluy a quitté fa bonne caufe, l'en
fuis efbahv:vne chofe fay-ie bien, que quand il eftoit à Lambet,il ne defaduouoit rie de
tout cecy.mais il maintint le tout ouuertement & publiquement deuâc PArcheuefque
& les docteurs pari elpace de deux iours. Vn autre preftre , Qui eft celuy-la de tous ces *
gat nemens dont ceftuy-cy parlerai- il y en auoit plulîcurs à Oxrord.Et bien,&: bié : en-
core faut-il vn peu viliter ce ruftre, &: luy faire fon procez fur ce fermon mefme qu'il a
fait. Il n'y en a point qui trouuent ces fermons bons,finon vous &c tels badins que vous.
Arvnde l, Cefte maudite fecte fait tout ce qu'elle peut pour mettre bas toutes
leslibcrtezdel'cglife. Th orp, Vrayement ie n'en cognoy point qui trauaillentplus
pour le bien &c profit de l'eglife Chrcftienne , que ceux que vous iugez lï cruellement
pour hérétiques. Car ils fuyent toute auarice,dilîblution,paillai dife,ambirion,orgueil,
iimonie, idolâtrie Vautres vices femblablesqui moleftent fortl'Eglife: & enleurlîm-
plicité &c poureté d'efprit , ilsadminiftrent gratuitement la charge de la prédication
Euangeliquc, comme il eft bien conuenable à membres de Chrift,ie contentans feule-
ment d'auoir ce qui eft necelfaire pour la vie du corps.
S v r cela le preftre dit à l' Archeuefque, Monfieur il s'en va tard,& nous faut encores
faire du chemin auiourdhuy.rompez luy fes propos:car il ne peut faire fin,&: ne veut:&:
de tant plus que vouslefounrez,tantplusilfemonftreobftiné.DA lvïrï N,Maiftrc
Guillaume,mcttezles genoux en terre,& priez qu'on vous facegrace,&: promettez de
monftrer que vous eftes enfant de l'eglife. T h o r p , I'ay fouuentesfois demandé à mô-
fieur 1 Archeuefque au nom de Chrift,qu'il oftaft toute malice enuers moy , &c qu'il ne
m'empefehaft d orefenauant de faire ce qui eft du deuoir d'vn homme Chreftien. Il n'y
a rien en tout ce mode que ie délire plus , que de feruir fidèlement à mon Seigneur en
vne telle vocation. Arvnde l, Situ me voulois encore obéir, ce feroit(poflible) à
ton grand profit. Or fus , n'vfe plus de délais , recoy en toute humilité la beneuolen-
cc laquelle t'eft offerte : ou bien fois ingrat, &la reiette. t h orp, Faut -il croire
ç.
que Chrift foit Dieu&: homme, Se que les chofes qu'il a faites &: enfeignees , foycnt
vrayes? Arundel,Et qui en doute?
T h o r p > Et que la doctrine des Prophètes Se Apoftres eft procedee du S. Efprit?
Arvnde l, Ileltainii.TH o r pjcelle doc doit eftre receué fur toutes autres pour
l'cdificacion de fEglife, Se n'y a rien qui luy doit cftre préféré. Arvnde l , l'accorde
tout ce^la.
T h o r p,Car elle monftre ce feul remède contre les vices &: contre tous les a/fauts
des diables , fans lequel on ne peut obtenir netranquilité de vie ne cognoi/îànce au-
cune de la volonté de Dieu. Arvnde i , le n'y contredy nullemét. T h o r p , Moyen-
Comment nant faide de Dieu faccepteray tout ce que vous m'ordonnerez félon cefte doctrine,
miTfecô- encore que pourcela ma vie fuft en danger. Ar v n d e L,Sumets-toy donc aux ordon-
ner aucc nances de leglife, lefquelles ie te declaireray . Thorp , Vousfauez que Iefus Chrift
ueC îc" e^ C^ie^ ^e f Eglife:iç protefte de rendre obeifîance à tout ce que vous m'aurez côman-
dé félon la fainCte ordonnance d'iceluy&: de fes Apoftres.^ A rundel fur cela frappa la
table de grande colère, Se citant embrafé de furie parla en cefte forte : Par le Seigneur
Iefus , li (ans cauilation quelconque tu ne confen auec nous,ie te feray ferrer en prifon
obfcure, Se ii eftroitement , qu'il n'y aura ne larron , ne mèurtrier , ne brigand qui foit
plus rudement traité. Délibère donc en toy-mefme de bonne heure , &: auife à ce que
tu as à faire. ^"Et après que ce gracieux Prélat eut ainfi proféré ces mots tragiques, il s'-
en alla appuyer furlafeneftre.
Mais Maluercn print vn autre preftre de fes compagnons auec foy ,& s'adre fia à
Thorp , tantoft vfant de douces parolles pour le faire fléchir, tantoft le menaçant pour
l'eftonner. Prem ierement il luy propofà quelles peines terribles il auroit à endurer , &:
comment après cela il faudroit qu'il fuft dcgradé,detefté du peuple,diframé publique-
ment^ bruflé: finalement il fît bien valoir la damnation des enfers , fi de bonne heure
il n'acquiefçoit à ce qui luy feroit ordonné : Se pour conclulion finale adioufta ceci , di-
fant, Vouspouuez par vnefubmifïion qui vous fera bien aifeeàfairc,cuitcrccsgrans
dangers tant du corps que de l ame , en obtempérant à monheur l'Archeuefque , pere
crcfdigne de l'eglife,qui eft (bigneux du falut de voftre amc. Pour l'amour de Dieu dÔc,
&; de fon Fils Iefus Chrift,&: par fa bonté eternelle,ayez pitié de vous-mefmes:&: regar-
dez quant & quant en vous quels perfonnages fauans &c excellens ont efté celuy qui eft
maintenant euefque de Lincolne , Herford, Purné, Se Britvvel auflî qui eft vn homme
fort fauant entre les autres: eux tous ont retradé leurs fauiTes&: peruerfes opinions : fe
font defdits &: ont laiifé leurs erreurs. Pour le moins eftat efmeu de l'exemple de ceux-
cy, qui font plus fauans que vous, retirez-vous à la communion del'cglife.
Apre s cela vn autre preftre de l'Archeuefque voulut perfuader à GuillaumeThorp:
&£ pour ce faire,luy recita qu'il auoit autresfois ouy dire d'Herford,qu'il fentoit mainte-
nant vne plus grande grâce &: faueur du peuple,&: eft pour le prefent plus irrité alécon
tre des hérétiques, qu'il n'a pris plaifir au parauant à maintenir leurs opinions. Et fur ce
propos Malueren luy dit derechef, Si vous faites maintenat venir vn preftre, Se luy co-
îeifez vos péchez , &: acceptez la pénitence qui vous fera ordonnée par monfieur l' Ar-
cheuelque, ne doutez poît que ne fentiez en bref voftre efprit plus côfermé. Thorp,
Si les quatre perfonnages q m'auez propofez pour exéple,eulfét mefprifc les hôneurs,
les ncnefTes Se la pÔpe du monde,fc contentans de la iimplicité de Chrift &de fes Apo-
ftres,ils cullet efté patros &exéplaires de religiôChreftiéne Se à moy Se à d'autres-.mais
pource que reiettâs la vérité de Dieu,ils ont embralTé toutes ces chofes au grand fean-
dalc de plufieurs,ie les reiette corne peftes pernicieufes de l'Eglifciayat cefte ferme rc-
iudc i. jfolutiô en mô elprit,dene cheminer en cefte voye de Cain,ny en la receptiô du falaire
par lequel Balaam a efté deceu , ny en la maledidion de Choré", ny en la contradiction
obftinee de ceux qui périrent auec luy.afîn que ie ne prouoque la vengeace horrible de
Dit u contre le monde. Premieremét tous ceux-cy ont efté merueilleufemét tormétez
par les Antcchrifts,pour auoir maïtenu la veritéChreftiéne:maïtcnat aucôtraire s'eftas
obligez par fermés, ils perfecutét Iefus Chrift. Pour cefte raifon faites valoir leur dodtri
ne tât que vous^oudreZjfi eft-ce qu'elle ne pourra faire qu'aucun des noftres en foit el-
meu. qui plus eft,clle nous côfermera beaucoup pl9 en la doctrine de la foy,veu que no9
fômes bié affeurez que toutes doctrines humaines fans l'efprit deDieu ne font q fatras.
O r l' Archcuefquc commanda alors à fes gens de ne luy donner plus de confeil : Se
dit,
dit, Ils ont complote cnfemble de ne redre obeiifance à l'eglife &: aux Prélats. I'ciîaye-
ray ii ie peux, de le rendre autant tnfte qu'il eftoit ioy eux quand ic party d' A nglcterre.
T h 0 r p , le diray ceci franchement , que ie n'eftoye fort îoyeux de voftre bannilfc-
ment : mais bien ie fu aucunement refiouy quandleuelque de Londres me deliura de
prifon.
Ahyndei, Tu ne fauois pour quelle raifon ie forty d'Angleterre, Tantyaqucic
veux bien que tu lâches, que Dieu m'a ramené à cefte fin que icdeftruifc &:toy 6c tou-
te tafecte. Et croy-moy , que iene cetferay iamaisqueien'aye tellement repurgé l'An- Notcî,
gletcrre de telles factions, qu îin'cn demeurera vnc feule petite trace en tout le royau-
me. T h o r p , Le prophète Icremie difoit anciennement à Ananias faux prophète, krc**.».
Quand la prophétie du Prophète aura efté accomplie,alors on faura que le Seigneur 1\
aura enuoyc.
Or l'Archeuefque grinçant les dents, fepputmenoitd'vncofté&: d'autre, difant, le
te chargeray tellement de fers, que tu feras bien aile de changer foudaincefte façon de
parler. ^ Ceft Archéuefquc criant comme forcené contre cepoure homme, appela
fecretement vn de fes preftres , lequel fit entrer la garde du chafteau de Saltvvod. Sur
cesentrcfaitesily eut pjuficurs genslaics, qui entrèrent par force: aucuns pourfuy-
uoyent qu'il fuft tout incontinent bruflé : les autres qu'il fuit ietré dedans la mer qui e-
ftoit prochaine delà. Or en ce tumulte.enragé tant des payfans que des preftres, il y
"eut'Vn.prcftrotquilemitenauarit,&:feiéttaviIlement à^enoux déliant monlieiuT-
' Arcncuéiqitè ^ le requérant qu'il luy fuftlojliblc de dire'ies matines auec Guillaume
Thorp , pOiîr'éfîayer s'il le pouf toit gagner par ce moyen : le me fay fort (dïfoit-H) que
dedans troïs'ioùrsie le vous Ferày'deuenir tel, qu'il ne refulera rien à l'on Prélat. Tant y
a que la colère de monfieur f Ârehéuefque., emin'eftoit encore a/Tez bien digérée , rie
ceflbit d'efàrrnef . , .' '■' ;';
' d r fur cela la gardé du chafteau vint, s'adreïla à TA rcheueique:&: après qu ils eu-
rent tenu quelques propos ènfétrfble* il mena Guillaume Thorp hors de là parle com
"mandement de rArcheuefquc ! toutesfois l'Archeucfque le fit derechef appeler incô-
tiriciit après. Le preftrot infiftoit encore, te lepreftoit de le fubmettre , luy remôftrant
qu'il luy vaudroit mieux de faire'ainlî que de mourir obftiné. Thorp s'adrCfTant à l'Ar-
cheucfque, luy dit, I'ay protefte atiiôurdhuy par pîulieurs fois, que non feulemét ie me
vouloyc àiTuiettir aux lôix dîuines, mais auili à vn chacun membre de l'eglife, qui ne
fera point côtredifant ny en do&rine ny en façon de viure à Iefus Chrift, qui eft le chef.
Car ie deiirerove d'eftreadmonnefté , chaftié S>c inftruit par ceux qui font tels. A r v n -
d h L,Iepreuoyoye'bienquecemefchantne fcfubmettroità rien faire fans ces con-
ditions.
Or après ccla,Ouiliaume Thorp fut aiïailly par moqueries, menaces, brocards, op-
probres &:obiurgation$:maisricndc tout eclane le peut faire fléchir: cependant il ne
difoit mot:& vn peu après l'Archeuefquc luy fît cefte interrogatiô, Affauoir s'il ne vou-
loir pomt aduouér les ordonnances de l'eglife. T h o r p , le le veux bien à cefte condi-
tion que i'ay dite-.autrcment point.^"Adonc l'Archeuefquc Commanda à la garde de l'-
emmener viftcment.U fut donc mené en vue prifon pleine d'ordures &c puateurs. Et là
rendit grâces à Dieu , non feulement de ce qu'il auoit efté deliuré de l'impiété &£ des
ordures profanes de fes ennemis, mais auflî de ce qu'il n'y auoit eu ne flatteries ne me-
naces qui l'eufTcnt peu amener à confentir en quelque choie qui fuft cotre lagloirede
Iefus Chrift. Car en ce long combat il refifta fort te ferme en tout &: par tout aux per-
fuafiorts mefehantes de rArcheuefque &: de Ces complices. Et voici comment il prioit
à part-foy en la prifon : O Seigneur Dieu, que tout ceci (bit à la gloire de ton nom: fay- La prière
nous ce bien que nous confentiôs tous en ta vérité : &£ te fupplie de tout mon cœur que ^
celafe face bien toft, afin que tous ceux qui auront leu&ouyccs miens eferits ou au- CQ,apr
très, te réclament auec moy pour le Dieu immortel , &c te prient en foy, ne doutans en
rien: afin aullî Seigneur, quetaiottroyespar ta bonté ineftimableà ces hommes-cy,
que dorefenauant ils ne cpntredifent point à ta doctrine pour refifter à leur propre fa-
îuf.mais queftans par foy,efperance &c charité parfaite vnis auec nous, ils viuent félon
ta bonne volonté en paix éc Félicité, Àmeh.
Or après cela il fit comme vn dernier teftament:&: en la fin après quelques admo- ^JnicTde*
nitions fainctes &Chreftiennes, recommanda fon ame au Seigneur, $c abandonna fon Tiwrp.
c.ii,
L/Wo /• T^ogier zAttoihJean cByohyi& Jean ISeuerlau.
corps aux bourreaux , pour eftrc tourmente, en quelque part ou en quelque forte qu'il
plairoit au Seigneur: priant de grande affection toute l'Eglife des erovans d'intercéder
enuers la bonté de Dieu pour luy homme miterable & délia abandonne du monde : à
celle fin de trouuer grâce &: fapicnced'enhautySÉ pcrlcucrer iniques au bout en la ven-
te df Icllis Chrift, & que par ce moyen il fuit fait iaenfice de bonne odeur au Seigneur,
à la gloire de ion nom & à l'édification de l'Eglife fidèle &Chreiticn ne.
• Aucuns tefmoigncnt, qu'en ce mcfme an du Seigneur m. c c c c.vn,il fut bruflé
au mois d'Aouft : mais ils ne parlent point du lieu:&; de cela peut-on bien recueillir , &c
de quelques autres indices, qu'on l'a fait mourir de faim en la prifon,ou par quelque au-
tre tourment par la main des bourreaux, &c ce par le mandement de l'Archcucfque A-
rundcl, de la miïcrable iflue duquel ci après fera touché.
R O G I E R ACTON, chcualierde l'ordre.
I E A N BROV N,gentil-homme:&:
M. IEAN BEVERLAV, annonciateur de la parolle de Dieu.
La vericéde l'Euangile eut. iccroillemenr en Angleterre :dont grande pedècution feleua contre les fidèles. Les plusgrans du
royaume n'y furent cfpargnçz. Le Seigneur de Cobham fut apprehêdé des premiers:mais il fut exécuté après ceux-cy,& par-
tant nous Us auons ici nus félon l'ordre du temps de leur martyre , cjni fut l'an M. CCCC.XIII, au mou de Ianuier : auquel
temps pluficurs aurres aufsi furent mis i mort pour la vraye Religion.
M.cccc. ^ commcnccrRcntdurcgne de Henry cinquième, roy d'Angleterre après
XI11- CvSw^K^auoir débouté Richard de lacourône, lorsquelefeigneur lean Oldecallcl
/^^Xiw^futmis prilonnicr en la tour de Londres, les Théologiens &:Euefques re-
^3^Vy muèrent vn terrible mefnage , &c firent de grandes côplaintcs au Roy nou-
red« Ec-D uéauj luy rcmonftrant comment l'eftat de l'Eglife eftoit renuerfé. Ils difoyent qu'on ne
defîafti . vouloit plus obéir à leurs fuiiragans,archediacres,chanceliers,ofEciaux&: autres ferui-
temp!C CC teurs:que les loix &c ordonnances de l'eglifc Lain&e eftoyent mifes bas. qu'il y auoit dan
gicr que la foy Chreftiennc &: le laindt feruice dcDieu ne fuflent abbatus:qu'on ne por-
toitgueres de reuerence à leuriurifdiction l"pirituelle,ou à leur authorité , à leurs clefs
&: cenfures,à leurs ordonnances &: déterminations canoniques:que pluficurs s'enmo-
quoyent ouucrtcment : bref,que tout tendoit à vn trouble merueilleux:&: au refte, que
tout cela ne prouenoit d'ailleurs que d'vnc trop grande licence des hérétiques, qui fai-
foyent leurs alfcmblces en cachette&cn ténèbres & lieux obfcurs, efcriuoyentliurcs,
&: prefehovent dedans les bois& parmy les buifions: affermas que fi ces chofes eltoyét
long temps permifes, on verroit bien toft la ruine de la Republique. Pourtant le Roy
alTîgna vnconfeil à Leccftre(& c'eftoit pofliblc d'autât qu'il n'euftefte bonde faire cc-
fte alfcmblee en la ville de Londres , à caufe qu'il y auoit là pluficurs qui fauoriloyent
tiiCkcrnd aufeigneur de Cobham )&:par ordonnance publique dénonça terrible peine à tous
du Hoy. ceux qui de là en auant fuyuroyent vne telle façon de doctrine: vfant de fi grande feucri-
té enuers eux, que non feulement il les tenoit pour hérétiques, mais auili pour coul-
pables de lefe maicfté.Et pour celle raifon ordonna qu'ils d'cuiîent eftre punis de deux
façons de fuppliccsraiîauoir qu'ils fu fient pendus,&: quant&: quant bruflez: &: n'y auoit
ne franchife ne priuilege quelconque dequoy ils peufient faire leur profit : tant eftoit-il
clincu de mauuaife affection contre les fidèles , cerchant tous moyens contr eux : Ici-
Les fïdclts quels en ce temps-la on appeloit Vviclcuiés , qui lifoyent lesEfcriturescn leur langue
eftoyceap- vulgaire. Orles Euefqueseftans armczde ceftedict, exercèrent grande tyrannie cotre
cfeuiciw1 beaucoup de gens de bien pluficurs poures innocens. Outre ledit feigneur lean
Oklccaftel feigneur de Cobh am,le iîeur Rogicr Acton aufil cheualier de mcfme ordre,
eftoit de cefte partie:itcm vn autre gentil-homme, le fieur lean Broumpuis vn miniftre
de la doctrine Euangclique,nommé M.Ican Beuerlaudcfquels trois furent mis à mort
en ce temps-la.
Polydore Mais en parlant de ccux-cy il cft bon de refpondre vn peu à Polydore Virgile , le-
ftoncn r ^UC^ au x x 1 1 • nurc de U3n hiftoirc blafme ces deux-cy , lean Oldecaftel &z Rogier A-
ciarguéde Àon , dauoirefté authcursdclaconfpirationquifutdreiTeecontreleRoy. C'eit-cyla
mco/onge . fomme de ce qu'il en a eferit : Apres que la doctrine de lean Vvicleffeut efté condam-
née au concile de Conftacc,&: qu'en icelle mefme ville on eut faictmourir par feu deux
Bohémiens, &z que les autres complices euret elté aduertis de ce mcfme fait en Angle-
terre, ils pnnrent les armes : &c premièrement firent confpiration contre les preftres,
puis après contre le Roy:aufli faifoyent des aflemblees , prefts à défendre leurs opiniôs
fcer-
%ogier $Aiïon3Jean Broun3t& Jean Heuerlau. if
te erreurs par force : & bien toft après Tous la conduire de deux cheualiers : afîàuoir de
Iean Oldecaftel , qui eftoit homme magnanimc,toutcsfois ennemy de religion,&: Ro-
gier Adon, alîemblerent vne grande troupe de gens defbauchez , qui fe fourrèrent en
la ville de Lôdrcs,afin qu'eftas faiiîs d'icelle , ils opprimaflent le Roy: &: ce qui s enfuyt.
Maintenant donc il nous faut efplucher comment cela peut eftre vray, ou Contrâdi:-
comment Polydore Virgile eft fîdelc hiftoriographc:En premier lieu, ii celle émotion hEeVe*
a efté faite en Angleterre après que Iean Hus a efté , comment conuiendra le nombre Polydore
des ans, veuqu'iceluy fut bruflé l'an m. c c c c. x v, au mois deluillct: auquel an &
mcfme mois le Roy faifoit fa refidenec en France, délibéré de partir fur le prim-temps
pour aller au port de Suthamton , & là eftant demeuré au voyage , félon celte mcfme
hiftoire de Polydore, à grand' peine retourna-il à Londres deuant le premier jour de
Décembre? Auquel mois on n'a point accouftumé de faire la guerre : &: dauantage Po-
lydore luy mefme recite,que pour lors on eftoit cmpefché par toute l'Angleterre à fai-
re entrée au Roy ,&: on luy prefentoit des requeftes par tout. Et il n'y a nul de tous les
hiftoriens qui face mention qu'en ce temps-la après ce voyage il y euft quelque confpi-
ration dreflee contre le Roy:&: mefme ie monftreray ouuertement parle telmoignage
dufufditPolydore,quecelanes'eftpeu faire,quelaconiuration ait cité faite deuant ce
voyage: car il dit que celle confpirationaduint après que Iean Hus fut bruflé . Dauan-
tage li celle rébellion (comme luy-mefme dit)eft auenue après la mort de Hierome de
Prague , on ne trouuera point de raifon pourquoy ledit Polydore remet cela au fécond
an du roy Henry V , qui eftoit l'an m . c c c c . x v , veu q Hierome de Prague fut bruflé
l'an fuyuant après la mort de Iean Hus , au mois demay. Or venons maintenant aux
chefs de la coniuration , aiTauoir Iean Oldecaftel, lequel Polydore appelle contépteur
de religion,& à grand tort:&: Rogier Adon , duquel il dit qu'il a efté autheur de celle
rébellion &: mutinerie. Comme ainli foitque Rogier Adon ait efté bruflé l'an m.
c c c c . x i i i , au mois de Ianuier, c'eft à dire deux ans deuant le concile de Conftan-
ce,felon le telmoignage de Vvalden , &c aulîî de Fabien en fes Chroniques d'Angleter-
re, &C de Iean Maior és Chroniques & hiftoires d'EfcofTe: comment fe peut-il faire que
ledit Adon ait efté chef de celle bande perdue, finô qu'on vueille tirer les morts du fe-
pulchre pour leur faire prendre les armes? Dauantage entât que touche ledit feigneur
Iean 01decaftel,cela aufîi n'a point de poids,qu'iceluy ait efté pris en celle fuite,&:con-
ftitué prifonnier en la tour de Londres, dont il efchappa de nuicl : veu que ledit Olde-
caftel feigneur de Cobham(comme toutes les hiftoires font foy d'vn mefme confente-
mcnt)demeura ces 1 1 1 1 .ans entiers en Vvallie fans aucune garde ne détention : pour
celle caufe en peut facilement cognoillre , ou qu'il n'y a eu aucune confpiration faite
contre le Roy, ou qu'elle a efte faite en vn autre temps, ou bien qu'autres que ceux-cy
en ont efté autheurs.Et il fe peut bien faire que la plus grand' part de la faute foit dn co
fté des hiftoriens qui ont eferir en ce temps-la, lefquels n'ont pas bien entendu le tout,
ou bien n'ont point diftingué chacune chofe en l'on temps. Parquoy il ne fe faut pas ef-
bahirii Polydore, homme au demeuranr fauant, fuyuant de trop grande aftedion le
party du Pape (duquel il auoit efté autresfois receueur en ce royaume ) &c eftant abufé Polydore
par l'erreur d'autiuy,a aufli failly luy-mefme: ou bien quilaitmeflé quelque chofe J"p"e"r
de fon iugement. On voit fouuent aduenir cela en ceux qui font trop arre&ionnez aux Angleterre
hommes: ils eleuent, ilsabaiflent,ilscanonizent, ils dégradent ce que bon leur femble
pour gratifier à ecluy à qui ils tafehent de plaire. Or quelque caufe ou crime que les ad-
uerfairesayentmisenauant,tantyaquececiefthorsdetoute doute, que ce perfon-
nage excellent,noble &: orné de grandes vcrtus,Rogier Adon , a touliours eu fon afle-
diô deftournee du Pape & de tous fes fuppots.Pour cela il eftoit en mauuaife grâce en-
uers eux, &C fe rendoit odieux par ce moyen : & de fon collé il ne les pouuoit nullement
fouffrir. Aucuns Ibntd'opinion que ceftuy Adon fut l'vn deceùx qui aidèrent au lîeur
de Cobham à lortir de la Tour. Si on reçoit celle couuerture , il eft facile à penfer que
pour ceftetaufe auflî on mit la main lur luy ,& que finalement cela l'a amène à la mort.
Nonobftant en vn temps fi dur,auquel ceft edid il cruel auoit efté publié, il n'eftoit fort
dirhciledetrouueroccalïonde faire mourir, li quelcun euft efté odieux aux Théolo-
giens &c Prelars.En celle ibrte donc le fieur Adon fut pris ,& condamné par ceft edid
du roy Henry , &: pendu en l'air &c bruflé. On exécuta aullî auec luy le iieur Iean Broun,
te M. Iean Beuerlau,annonciateur de la Parolle , au châp S«Gilcs:ce fut au mois de Ian-
uier l'an m. c c c c.x m. c.iii.
Liurt^ I. Jean Uni.
IEAN CLAYDON, & RI CHARD TV RM Y N.
»Enlhi-
ltoirc des
lill.é clu.9.
"? , E A N #Maior tcfmoigne,qu'cnuiron ce mcfmc temps qui a eue dit , il y en
S^Jf <-'uc plusieurs autres,iufqucs au nombre de xxxv i , &: quafi tous de noble ra-
' g ce , qui furent condamnez corne hérétiques par les Euefques: &C puis brûl-
iez félon ccft edict tât cruchccla fut celle mefme année. Il y en eut deux au-
tres outre ccux-cy, defqucls eft parlé es Chroniques de Fabien , a/lauoir Ican Clavdon
cordonnier, 8c Richard Turmyu,boulengier:lefquels aufli félon lafeuenté de celle or-
donnance furent condamnez à tort 8c fans caufe comme hérétiques , au champ de
Smythfîld.
IEAN H V S, Bohémien.
La mémoire de Ic.in Hus doit élire fairu'>e& facrecà tous fidelesxar eftant feu!,ils'eft oppofé, en la vertu de Dieu & Je faparol-
le éternelle , à tout vn monde : c'eft alLuoir aux plus grans de la terre , qui auoycnt confpit é & faict anemblee au Concile de
Confiance pour erkindre,comme au poinct du iour, la lumière de la venté. Sa conftance,la magnanimité &: fa mort precicu-
fe ont plus auancé l'accroilTement d'icelle venté, que tous les efforts de ces grans geins n'ont empelché:comme on cognoiflra
par celle hiftoire extraicte des actes & procédures dudit Concile.
Proclama jfflff "îf^ ^ *an ^e no&rc Seigneur Iefus m. cccc.xiin, l'empereur Sigifmond
tionducô^ EA-^%i te le Pape Ican, x x 1 1 1. de ce nom, firent publier par tout que le Concile
fiance CÔ s'alfembleroit à Confiance, qui eft au pays de Suaube en la Germanie. Le-
aDCC filO^/f dit Empereur enuoya certains gentils-hommes du pays de Bohemc,qui c-
^t_3jh&-'' ftoyent de fa maifon, audit pays, leur donnant charge d'amener au Concile
Iean Hus,bachelier formé en Théologie: 8c ce fous fon fauf-conduit. Or la fin eftoit , à
ce que ledit Iean Hus fe purgeaft du blafme qu'on luy impofoit. Et pour plus grande af-
feurance , l'Empereur non fculemet luy promit fauf-côduit pour pouuoir venir à Con-
fiance en liberté-.mais au/fi pour retourner en Bohême fans fafcherie. Il promit auffi de
le receuoir fous fa protection 8c" fauue-garde,8c" dufacré Empire. Pour celle caufe mef-
me il luy enuoya puis après lefdits faut-conduits doublez 8c eferits tant en Latin qu'en
Alemand, dont la teneur s'enfuit:
Teneur du Qigismoni) ,par la grâce de Dieu roy des Romains, de Hongrie , Dalmatie, Croatie,
d lit d°r" &Cc' a tous Prmces tant Ecclcfiaftiques que feculiers, Ducs, Marquis, Contes, Barons,
Imper. " Capitaines, Bourgmaiftres,Iuges,Gouuerncurs 8c Officiers de villes, bourgades &c vil-
lages^ recteurs de communautez, 8c generalemet à tous les fubiets de noflre Empire,
aufqucls ces lettres paruiendront , Grâce 8c tout bien. Nous vous mandons àtous, que
vous ayez pour recommandé Iean Hus, lequel part du royaume de Bohême pour venir
au Concile gênerai, qui doit eltre bien tofl celé bré en la ville de Conflacedcqucl Ican
Hus nous auons receufous nollre protection 8cfauue-gardc,8c du fain&Empire:dehrâs
que luy faciez bon 8c ioyeux recueil , quand il fera venu vers vous: quevous letraitiez
humainement , 8c que vous luy monllriez bonne affection , 8c luy faciez plaifir en tout
ce qui concernera la promptitude , la facilité 8c alîeurance de fon voyage, tant par ter-
re que par eau. Outreplus, nous entendons que luy 8c toute fa compagnie 8c feshardes
pailcnt par tous licux,paffagcs,ports, ponts, terres,gouuernemens, dominations,iurif-
dictios, citez, villes, bourgadcs,chafleaux&: villages, 8c tous vos autres lieux, fans payer
aucune impofition,nc dace,ne péage, ne tribut , ou autre quelconque. Nous voulons
que le laifliez paiTer, arrefter , demeurer & feiourner en liberté , 8c fans luy faire aucun
cmpefchement:8cfi bcfoinefl, que vous luypouruoyez de fidèle compagnie pour le
conduire, pour l'honneur 8c reueréce que vous deuez à noflre maiefté Impériale. Don-
né à Spire, l'an de nollre Seigneur m.cc c c.xmi,le xvm .iour d'Octobre,
iean Hus - Or Ican Hus voyant tant de belles promefîés,8cTafîeurance que l'Empereur luy
veutalier donnoit,luy fît rcfponfe qu'il vouloit aller au Concile : 8c auant que fortir du royaume
au Coci c. je Bohême , voire mefme de la ville de Prague,efcriuit des billets allez long temps au-
parauant, tant en Latin qu'en Bohémien &c Alemand, 8c" les fit attacher aux portes des
eglifes cathédrales 8c parochiales, 8c dcscloiflrcs 8c monafteres , figniflant àtous qu'il
vouloit aller au Concile gênerai à Confiance , prefl de rendre à vn chacun 8c deuant
tous raifon de fa foy : donnant auffi cefl aduertilTement , que fi quelcun fauoit quelque
erreur & herefiefurluy, il fe trouuafl audict Concile, pour le luy mettre en auant.
En ce mefme temps Iean Hus enuoya vers l'cuefque de Nazareth , qui eftoit inqui-
fitcur des hérétiques, ordonné par le fîegeApoftolique, tant pour la ville que pour le
diocefc
ean
Ifus. 16
dioccfc tic Prague , le priant que s'il auoit trouué quelque erreur ou hcreiîe en luy,il le
lignifiait publiquement. Et ceftEuefque fît rcfponfe,quH auoit communiqué pluiîeurs
fois auec luy , mais iln'auoitiamais rien cognu en luy qui ne fuft digne d'vn homme de
bicn,&: d'vnvray Chrefticn:&: approuua paries lettres patentes ce tefmoignage qu'il
auoit rendu dudit lean Hus.
A r u e s ccla,ainli que tous les Barons du royaume de Bohême eftoyent a/femblez
au monaftere de fain&Iaques,où eftoit auiîî l'archeuefque de Praguc,&: ce pour les af-
faires du Royaume: ledit lean Husprefenta des lettres, par lefquelles il fupphoit hum-
blement les Barons, qu'ils luy niîent ce bié enuers ledit Archeucfque, que s'il le tenoit
fuipett de quelque hcreiîe ou erreur,il le déclarait apertement:&: que de luy, îleftoit
preft d'endurer corrc&ion.&: s'il n'y trouuoit rien à redire , qu'il luy en donnait attefta-
tion,dc laquelle cftantmunijil peuft aller plus librement à Conftance. Ledit Arche- Tefmoi- ^
uefque confeiîà publiquement deuant toute la compagnie des Barons , qu il ne lauoit frcru.uefq
point qu'iceluy lean Hus fuft coulpable d'aucun crime : &: que fon intétion n'eftoit au- de Prag„e
tre,iinon qu'il le purgeaftde l'excommunication du Pape,qu'il auoit encourue . Ce pour Hus-
tefmoignage que l' Archeueique donna dudit Hus , appert par les lettres que les Barôs
du royaume de Bohême enuoyerent à l'empereur Sigifmond par ledit lean Hus en la
ville de Conftance.
Finalement tous les Prélats & tout le Clergé s'aiTemblerent en la ville de Pra-
gue,en la cour de l'Archeuefque . lean Hus prefenta là auiîî vne requeftc,Que luy ou
fon procureur fuft admis à ce qu'il peuft demander aufdits Prélats &c Clergé,aiîauoir s'
il y auoit aucun d'cntr'eux qui luy imputaft quelque errcur:mais onne luy donna point
audience en cefteaiîemblee.
E n v i r o n le x.iour d'Octobre, m.cc-cc.xxixi .accompagné de deux bons gen- Hus parc
tils-hommes,aflauoir Vuenceflaus de Dube &: lean de Chlum,partit de Prague pour s' pour aller
en aller àConftance. Par tout où il paiîbit,il ngnifîoit fa prefence par lettres publiques, au Concilc
&c principalement par les villes renommées: donnant à entendre qu'il vouloit décla-
rer deuant tous &: vn chacun la foy qu'il auoit tenue : comme il auoit donné à cognoi-
ftre par toute Bohême auparauant,lors qu'il vouloit rendre raifon de fa foy en raflem-
blee Générale faite en l'archeuefché de Prague , pour fatisfaire à vn chacun auant fon
partemcnt.Autant en deliberoit-il faire cnla ville de Conftance,comme auiîî il le mo-
ftra bien puis après par toutes les villes où il paiîoit. &c principalement quand il fut en-
tré en Alemagneycftant forti de Boheme,grande multitude de gens venoyent à luy, &c
eftoit humaine ment receu de l'es hoftes par toutes les villes de la Germanie, &: meime
des citoyens &: bourgeois,^ quelquefois des Curez: en forte que ledit Hus confeife en
quelque Epiftre,qu'il n'a point trouué de plus grandes înimiticz qu'en BohcVie . Que
s'il y auoit quelque bruit auparauant de fa vcnuc,les rues eftoycnt pleines de gens, qui
auoyent grand deiir de voir lean Hus: Se entre autres à Nuremberg, où quelques mar-
chans s'eftoyent aduancez pour venir lignifier aux habitans la venue d'iccluy .En cefte
mefmc ville y eut pluiîeurs Curez qui le prièrent de parler à luy enfecret: mais il ref-
pondit,Qu'ilaimoit mieux monftrcr ouuertement deuant tous quelle eftoit fon opi-
nion.car il ne vouloit rien tenir fecret ne caché . Ainiî depuis dilhc iufqu a la nuid,il
parla deuant lesPreftres&: Senateurs,&: beaucoup d'autres citoyens: en forte que tous
l'auoyent en grande admiration,excepté vn docteur qui eftoit Chartrcux,&: le curé de
faind Sebauld,qui reiettoyent tout ce qu'il diibit.
Le vingtième iour après qu'il fut parti de la ville de Prague, qui eftoit le troiiîeme
iour de Nouembre,il arnua à Conftance , &c fe logea chez vne bonne femme vefue, en
la rue de S.Gal.Le lendemain le feigneur lean de Chlum & le feigneur Henri Latzem-
bog allerent.^arler au Pape , &c luy lignifièrent que lean Hus eftoit venu, lequel ils a~
uoyent amené à Conftance au Concile gênerai, ibus la fauuegarde de l'Empereur . ils
le prièrent aufli qu'il donnait permifhon de fon cofté, que ledit Hus peuft de meurer à
Conftance fansfafcherie &c empefehement . Aufquels le Pape rcfpondicque quand
lean Hus auroit tué fon propre frerc,toutefois entant qu'en luy eftoit, il gardcroit bie
qu'aucun outrage ne luy feroit fait,tant qu'il ieroit en la ville de Conftance.
Cependant le plus grand aduerfaire de lean Hus, aiîauoir M. Eftienne Palets, ^"J" *f
qui eftoit auifi du pais de Bohême , arriua à Conftance . Son compagnon M.Staniflaus & leurs
de Znoynae n'auoit point encore paile les limites du royaume deBoheme,qu'il fut frap w*1™*.
c.iiii.
Liur<jL Jean H as.
pé d'vne apoftume,dcnt il mourut. Aulli toft donc que ledit Palets fuiarriué à Côftan-
cc,il fit complot aucc vn certain Michel de Caufis , qui auoit drcfl'é premièrement ac-
cufation,& fauifement blaimé ledit Iean Hus . Et ceci ne doit eftrc oublié, que Palets
auoit conuerfé familièrement auec ledit Hus désià ieuneffe . Mais après qu'vnc bulle
du Pape Iean x x i i i. eut elle apportée à Prague contre le roy delà Pouillc, nomme
Ladiilaus,ledit Iean Hus y contredit apertement , d'autant qu'il voyoit quelle eftoit i-
niquc.Et touchantPalets, combien qu'il euft confelfé en quelque banquet en la prefen
ce de Iean Hus,que celle belle bulle eftoit contraire à toute équité: ncantmoins pour-
cetm'il eftoit obligé au Papc,à caufe de quelques bénéfices qu'il luy auoit baillez, il
maintint Se détendit cefte bulle contre Iean Hus.ceci fut la caufe dudifeord enrr'cux.
Le compagnon de Palets,airauoir Michel de Caulis, auoit efté autrefois curé de la nou
uelle Prague: mais pourchaflant quelque proye , il auoit fongé vne nouuelle façon de
paruenir.car il faifoit femblant d'auoir trouué vne inuention, par laquelle les mines d'
or, qui eftoyent peries , pourroyent eftre remilés au deiîus . Par ce moyen il fit tant en-
uers le Roy,qu'il luy mit vne grande fomme d'argent entre mains, pour faire ce qu'il a-
uoit promis.^ ccft homme de bien ayant trauaiïlé quelque peu de iours,&: voyant qu
il ne faifoit rien,&: q par ce moyen la chofe eftoit du tout defefperec:il le defroba en ca-
chette du royaume de Bohcme,auec le refte de l'argent qu'il pouuoit auoir: &c fe retira
en la cour de Rome. Vn homme de telles mœurs fe laifta facilement corrompre par ar-
gent^ ce par les ennemis dudit Hus:& leur promit de faire ce qu'il pourroit pour eux.
comme il fit aufli puis après.
Ce s deuxaducrfairesdonc,Eftienne Palets &: Michel deCauiisjdrefTerent des arti-
cles contre ledit Hus,difans qu'ils les auoyent recueillis de fes eferits. Ils trottoyent çà
&: là,&: faifoyent grande diligence de les môftrer aux Cardinaux,Euefques , moines &C
telle forte de gens :&donnoyent à entendre qu'il y auoit bien d'autres chofes déplus
grande importance , que ledit Hus auoit faites contre les treifain&es conftitutions àc
ordonnances du Pape ôc de l'eglife: & fe vantoyent de lespropofer deuant toute l'af—
femblee du Concile,quand il en feroit befoin. Par tel feu ils embraferent les cœurs des
Cardinaux&de toute la preftraille,qui n'eftoyet défia q tropenuenimez de rageren for
te q tous d'vnmefme confeil penferent de faire prendre ce faind perfonage Iean Hus.
L e vingtfixicmc iour après que ledit Hus eut demeuré à Gonftance, durant lequel
temps il seftoit employé à lire & eferire familièrement à fes amis: finalement les Cardi
^u^atti naux Pour ^ors cft°ycnc * Conftance,à l'inftigation de Palets &: de Michel de Cau-
rcr Hus en ils enuoyerent deux Euefques:aiîauoir d'Aufbourg&C de Trentc,&: aucc eux le Bourg-
prifon. niaiftre de la ville de Conltance &: vn Banderel,au logis dudit Hus,fur l'heure du difné:
lefquels luy firent rapport qu'ils eftoyent là enuoyez par le Pape &: les Cardinaux,pour
luy lignifier qu'il vinft pour rendre tefmoignage de fa doctrine deuant eux,comme il 1'
auoit tant de fois defiré:&: qu'ils eftoyét prefts de l'ouïr. Lors Iean Hus dit qu'il n'eftoit
point venu à cefte intentionné défendre fa caufe en particulier deuant le Pape &; fes
Cardinaux: proteftant qu'il n'auoit iamais déliré cela. mais qu'il vouloit bien comparoi
ftre deuant toute l'auemblee duConcile:&: lors pour fa defenfe refpondre apertement
fans aucune doute,dc tout ce qu'on l'aura interrogué . Toutefois (dit-il)puis que vous
le voulez ainfi, ie ne refufe point d'aller deuant les Cardinaux : &: quand ils me traîne-
ront mal,fi eft-caneantmoins que ie me fie en mon leigneur Iefus,qu'il me fera ce bie,
que faimeray beaucoup mieux mourir pour fa gloire,quc de nier la vérité laquelle i'ay
cognueparfesfaintlesEfcriturcs. Parquoy comme ainfifuftque les Cardinaux &E-
ueiques innftaffent,ne faifans point femblant de nourrir quelq cruauté en leurscœurs:
combien qu'ils euflent mis en cachette des gens armez au lieu où ils eftoyent & dedâs
d'autres maifons:Iean Hus môta fur vn cheual qu'il auoit au logis,& s'en alla en la cour
du Pape &c des Cardinaux.Quand il fut là venu,les Cardinaux luy commencèrent à di-
re, Nous auons ouy beaucoup de propos de vous: que s'ils font, vrais, ils ne font nul-
lement tolerablcs . car on dit que vous auez enfeigné de grans erreurs &: manife—
ftes contre la doctrine de la vraye eglife, &c que dés long temps les auez efpars par tout
le royaume de Bohême . parquoy nous vous auons mandé , pour fauoir de vous com-
ment il en va.
Lors il leur refpondit en peu de paroles , qu'il aimeroit mieux mourir, que de fe
fentircoulpable, voire d'vnfeul erreur. Pour celle caufe il eftoit venu tantplusvo-
Iontiers
Jean Huf. 77
kmtiers au Concile general:declarant qu'il eftoit preft de receuoir corre£tio,fi on pou-
uoit prouuer qu'ily euft quelque erreur en luy.Les Cardinaux refpondirent, que ce qu
il leur auoit dit,leurplaifoit bien.&: s'en allèrent fur cela. toutefois ils mirent IeanHus
en garde auec le feigneur Iean de Chlum.
Cependant on fubornavn certain moine Cordelier, homme cauteleux ,&: hy-
pocrite malicieux,pour interroguer ledit Hus,qui eftoit enuironné de gens armez. Icc
luy faifant le marmiteux &C le fimple,vouloit tirer cefte cof effion dudit Hus,afTauoir s'il
n'a point maintenu &: enleigne'îQue qtiand on a confacré &: prononcé les paroles au fa
crement de l'autel,nonobftant le pairt demeure pain.& ne fe contentant d'vne refpon
fe,repeta par trois fois fa demande. Le feigneur Iean de Chlum voyant Timportunité
hypocrite de ce caphard,ne fc peut tenir dele repoufler rudement de paroles.
Ce Moine rufékiy fît vne autre queftion,proteftant dé fa fimplicité& ignorance: à
fauoir,Quellé eftoit l'vnion de la Diuinite àc humanité en la perfonne de Icfus Chrift.
Ce qu'oyant Iean Hus,il fe tourna vers le feigneur de Chlum, &: luy dit en langage Bo-
hémien , Vrayement ce Moine n'eft point (impie , comme il en fait le femblant: car il
me propofe vne queftion fort difficile. Apres cela il s'adre/Ta au Cordelier,& luy dit,
Frater,vous dites; que vous eftes fimple : mais comme i'ay ouy de vous, ie voy que vous
eftes double,^ non pas fimple . Saufvoftre grâce, dit le Caphard.Hus luy dit,Ie vous
donneray bien a cognoiftre qu'il eft ainfî . Pour la /implicite d'vn homme il eft requis, Lcj chofç<
voire és chofes qui concernent la ciuilité&: les mœurs * quel'efprit, l'entendement,le remues i
cceur,laparole,& là bouche s'accordent. &ie ne voy point que cela foit en vous . Ilya Gm?Udté.
vh femblant de fimplicité en voftrc bouche,laquelle dit bie que vous eftes idiot &lîm
ple:mais le faid mohftre ôuuertement qu'il y a vne grande fubtilité au dedans , &c vne
grande viuacité d'efprit,veu que vous me propofez vne queftion fort difficile.toutefois
Iean Hus luy déclara fon opinion fur cefte difficultés ainfî donna-il congé à ceft hypo
crite.Depùîs les gens armez qui eftoyent alentour duditHus, luy dirent que ce moine
eftoit M.Didace,eftimé le plus grand &r le plus fubtil Théologien de toute la Lombar
die.O fi ie l'eufTe feu(dit Hus)ie l'eufTe traitté d'vne autre façon. Ainfi ledit Hus &: le fei
gneur Iean de Chlum furent laifTez en la garde de ces gens armez iufqu a quatre heu-
res après midy. Apres cela,les Cardinaux rirent derechef aftemblec en la cour duPape,
pour délibérer ce qu'on deuoit faire de Iean Hus . Lors EftiennePaletz 6c Michel de
Caufis infiftoyent fort auec quelques autres qu'ils auoyent adioints à eux , à ce qu'il ne
fuft point lafché:&: ayans la faueur des Iuges,s'efgayoyent comme d'vne façon de gens
furicux,&: fe moquoyent dudit Hus,difans,Nous te tenons maintenant:tu es en noftre
puiflance,&: n'en fortiras iufqu a ce que tu ayes payé le dernier denier.
O n enuoya fur la nuift le preuoft de la cour Romaine,pour dire au feigndur de Chiû
qu'il fc pouuoit bien retirer en fon hoftclleriercar quant à Iean Hus,on en auoit autre-
ment ordonné . Le feigneur de Chlum oyant ceci,eut grand defpit , de ce qu'on auoit Ican Huj
ainfî trainé ce bon perfonnage dedâs les filets par fmefîes &: paroles fardées. Il alla vers détenu pri-
lePape,&: luy déclara ce qui auoit efté fait,le fuppliant qu'il euft fouuenance de cequ fonoiarpar
il luy auoit promis &c au feigneur Henri Latzem bog,&: qu'il ne faufTaft point fa foy ain- cautc c'
fi legercment.Le Pape luy refpodit,que toute cefte entreprife auoit efté faite fans fon
ordonnance.^ dit à l'oreille du feigneur de Chlum,Quelle raifony a-il que vous m'im
putiez ce fai&, veu que vous fauez bien que moy-mefme fuis entre les mains desCardi-
naux? Ainfi ledit deChlum s'en retourna fort marri. Il fe pleignoit fort,& en particulier
& en public,de l'outrage du Pape-.mais il ne profitoit de rien. Apres cela ledit Iean Hus
fut mené par les officiers en la maifon du Chantre de la grande eglife deConftance,où
il fut détenu prifonnier huit iours.de là il fut mené aux Iacopins,aupres duRhin,&: fer-
ré en la prifonde ce monaftere, laquelle eftoi t près des retraits. Apres auoir efté là en-
fermé quelque temps,vne forte fleure le faifit pour la puanteur dulicu,&: deuint fi fort
malade,qu'on defçfperoit de fa vie.&: de peur que ce bon perfonnage ne mouruft en la
prifon à la façon commune des autres, le Pape luy enuoya aucuns de fes médecins,
pour legairir.
Av milieu de fa maladie fes aceufateurs infiftoyent grandement enuers les princi-
paux du Concile,à ce que ledit Hus fuft condamné : & prefenterent au Pape quelques Art;cIcj c6
articles rédigez par ct'erit. Les principaux eftoyent ceux-ci , Que la Cene deuoit eftre tre Hus,
diftribuee également à tous fous les deux clpeces: Que le pain en la Cenc demeure
toulîours pain Tans cftre tranl^
fequelle: Que les Miniftres ccclefiaftiques nedoiuçnc ftùoiriûriiliâf^ii:ciuik : Qgf
tousminiftresdGi Eglireont ynemD('mepuiflance: Qu'on ne dûitc^uidre fexc<kott-
nication foudroyée parle Pape & les fiens . On luy mettoit fusyque {)a£(afo&Ôni'vfti-
ueriitéde Prague auoic cité diflipce: Que luy feuUuoÙ maintenu ;quararu:ecinq arti-
cles de IeanVuiçlefccontre çous les autres do&eUrsen Théologie du .roy&ttme de Bo-
hctnc,qui auoyent déclaré tous ccsarticleSîOnhereriquesjOU Icandaleux > ou;çrrone?»
Ses ennemis aufli pLOporercntîquecomhien^qucrarc^euei'quecb Prague hiyreuft tifir
fendu de ne prefeher plus,&: que cefte inhibition euftefté çolifermêe pacle fiçge Apç
ftolique:neantmoins ledit Içan Hus&fes conïpliees auoyent vilainement prokné les
fanerions Canoniques denoftremere faincteegli^&ceux- quiiy contre^lfpyent>e•f
^toyentpriuez de leurs Cures & autres bénéfices .Itpra on TaçCuloitiqu a cïa4fe de luy
plulieurs eftoyentgneucment perfecuteZjquinîatxpiQUupyent point fa. d0$riîiel QfUje
ii ledit Hus eftoit lafché , on ycrroitdes troubles merueilleuX par! CQU.t te royaume de
.BohemÇjôc le malferoitincondnent elpandvapat ;tq\ite k Germaoi£ :^utie^rs ame£
ieroyent iuf^de^s du venin dudit Hus:& que depuis :1c te-ropade CopiU^tftwui'qtie* à
prcfent,on n'auroit veu vne h grande perfecution du,Çlerge.Q,uir^pius^qtte,lediïriqs
jie ceiflbït d'enflammer les gens laies contre kC\&gç:&. refpond qûe^ajCaiffefl^ia^W-
ne du Clergé contre Juy ne vient d'aiUeurSjlinonqu'il reprend les yjoead%eky<iftuV
uoir la hnionic, rauarice^ orgneil d'jceluy . lîpm,q»'ttitMafoip^*Priil«^fep*licçs
contre ies.Prelats des eglifes &C les rêveurs des Vniuerfirez> , Itjs^q«'iifftpfiujr(<?y gjtr
.neralement tous les heretiques,qui tiermenç bje'np.èu d^Pen Wi^E.<d«*-
liaitiques> & ont en haine l'authoritéde leglife Romains voire- t'c^t:^»4^ieilatiôfi
&:mcipns»
F i n'a l e m e n r les adUerfairesadrciferent leur p^
que s'il ne lé dpnnojt garde de, fes,fcrebis,fui: lesquelles jpfainft Elpriti'aupiii eoftftitu4
il ne remedieroit point au mal quand il Voudroic mais qu'il le faloic retrancher de b6V
ne heurerd'vn cofté, quant àceluy quifailpit tels troubles^ infe&oit^inu lefilifç: d"1—
autrepart>quant auxoccauons.Et demandoyent fur cela j que le l'acre Concile ordon-
nait des Commininres^pârlefquels ledit leânHus fuft incerrogué enla.pr£lencecjeuji
quicognoilîbyent le faifl:. dauantage > qu'il y élut de s Do&eurs&MaijWs adonnez
pour voir les liures dudit Hus , à ce que de bonne heure on peuft r^purger' JTeglile des
erreurs qui y font contenus»
Qn députe donc fur cela trois Commih^airesouIugeSîairauoirJe.patriaxchedeCôw
ftantinoblej'euefque de Caftclle,&: l'euefque de Libufs.lefquels ainh députez* ouiret
facculatio & les telmoignages produits pâr quelques babouins de preftres de Prague:
&; puis après les récitèrent audit Hus enlaprifoiidots que fa fleure le preflbit bien fort.
Sur cela Hus demanda vn aduoeat pour défendre fa caiife : ce qui luy fut refufé tout à
plat.ôi làraifon que melTieurs les députez oppofoyent , c'eftoit que le droit .Canon dé-
fend qu'aucun foie defenfeur de la çiufe de cèïuy qui fera fufpett de quelque hereiie- U
y eut là vne fi grande vanité , &; principalement des telmoignages , qu'il n'eftoit point
befoin de grande diligence pour réfuter &£ tefmoins &c telmoignages, &: rendre les lu-
ges ridicules &; confusanoyennant qu'iceux n'eulfent point efté luges &: parties . On
pourra voir aucun de ces telmoignages friuoles7quand il faudra parler de la procédure
duiugement.
Apres donc que Iean Hus eut recouuré quelque conualefcence,par le comman*
dement de ces trois Commentaires .ou luy prefenta quelques articles en allez grand
nombre>lefqueIs on difoit auoir efté recueillis de fonliure qu'il auoit fait de f Eglife:def
quels les vn's auoyent efté forgez par Paletsjes autres auoyent efté recueillis feulemet
à demi . Mais il en fera ci après plus amplement parlé > quand il faudra parler du juge-
ment prononcé contre ledit Hus.
V n peu deuan t Pafquc Iean Hus fut mis en lajbrifon du conuent 4es Cordeliers , ôC
pofczpa° W ^onna-°n des gardes:& cependant par forme de pafle-temps il compofa quelques
Hus en u liures,alTauoir,Des dix commandemens de la Loy , De ladileàon U Cognot/îance de
prifo». Dieu,Du mariagc,De penitence,Des trois ennemis de l'homme, De l'orau>« Domi-
nicale,De la Cene de noftre Seigneur.En ce mefme tempsle pape Iean x x i sj .chan-
gea d'habillemens,&: fe retira fecrettemenede Conftance, craignant lj$ iugement^ar
• lequel
Jean î£hs. iS
lequel puis après il rut priué de la dignité Papale à caufe de Ces forfaits çxecrables.Ccci
futcaufe que Husfut tranfportéen vne autre prifon.car les feruiteurs du Pape, qui a--
uoyent alîifté à Iean Husen laprifon,fachans que leur naaiftre s'en eftoit fuy, rendirét
les clefs de lapnlbn àlempereur Sigifmond&aux Cardinaux,&fuiuircntlc Pape. Et
par fentence du Concile , ledit lean Hus fut mis entre les mains de l'cuefque de Con-
ftance:lequel le fit mettre en vn chafteau outre le Rhin,non gueres loin dcConllance.
là il fut mis en vne tounoù ayant des fers aux pieds,il pouuoit aucunement fe pourme-
ner de iour: ô£ de nuid eftoit attaché aux ceps contra muraille auprès de ion lift.
Cep lndant aucuns gentils-hommes de Pologne Se de Bohême employoyent
tout leur pouuoir pour (à deliurance , regardans au/fi au bon renom de tout le Royau-
mc,lcqucl auoit efté grandement diffamé par gens meichâs.La chofe eftoit venue iuf-
queslà,que tous ceux qui en la ville de Confiance monftroyent qu'ils ne haiffoyent
point IcanHus,eftoyentexpofezen moquerie &: opprobre à tous, voire aux gens de
baseftat.parquoyayans confulté enfcmble, ils conclurent de prefenter vne requefte
efente à tout le Concile,ou pour le moins à quatre nations,afTauoir d'Alemagne,d'Ita-
lie,de France,&: Angleterre . Cefte requelte fut prefentee le xim. iour de May, m .
cccc.xv.Ces bons gentils-hommes Bohémiens Polonois remonftroyent par leurre-
quefte,que rEmpercur,quideuoit fiicceder au royaume de Bohême, ayant ouy lesdif-
feniions qui eftoyent audit Royaume,auoit enuoyé les feigneurs deDube&: de Chlum
pardeuers ledit Hus,pour l'induire à venir au Côcile:&: pour ce faire il auoit baillé fon
fauf-conduit,le receuant fous laprotedion tant de fa maieft é que du facré Empiretafïn
qu'il rendift deuant tous raifon de fa foy,&: qu'il fc purgeaft publiquement de tous les
blalrncs qu'on luy impofoit.ee que les feigneurs fulhommez firent enuers ledit Hus fé-
lon le mandement de l'Empereur.
O r comme ainfi foit que Hus fuit venu fous vne telle afTeurance au Concile gene-
rahtoutefois fans pouuoir auoir audicnce,il a efté emprifonné &c mis aux ceps par gra-
de inhumanité,prefle de faim &: de foif,fans auoir efté ne conueincu ne condamné, nô J° g"™^1"
pas mefme ouy:voire auant quelày euftaucûs ambaifadeurs prefens ne d'aacunRoy, cxcrccccô-'
ne des Eledeurs,ne des Vniuerfitez . Ils remonftroyent dauantage,que l'Empereur trc Hu*-
mefme félon fon iaiif-conduit,rcqucroit inftamment qu'on pourueuft à fon honneur,
& que félon cela Iean Hus fuft publiquement ouy , quand il viendroit à rédre raifon de
fa foy.&: li on trouuoit que par obftination il maintinft quelque erreur ou herefie con-
tre la venté delà fain&e Efcriture , il deuft reparer la faute félon l'inftrudion &C deci-
liondu Concilc:ce que toutefois on ne luy auoit encore voulu accorder . Bref,lafinde L.jon
leur requefte tendoit à cela, qu'ils euflent elgardà l'honneur de l'Empereur, qui fous dci'Emp.
fon faut-conduit auoit tiré de Bohême Iean Hus,pour le faire venir à Confiante au Cô n°ngardé
eile genei al &: auiîi à l'équité^ à ce qu'iceluy Hus fuft publiquement ouy,pour main- ed°e ^ e
renir fon innocence.
Or quand celte requefte fut lcués€n plein Concile,comme les gentils-hommes de-
clarovent entre autres chofes, qu'aucuns faux rapporteurs diffamoyent fans caufe le
royaume de Bohcme,vn certain eucfque de Lutomiflen fc lcua,§c dit, I'enten bien(Pe Haren
res reuercns)que la dernière partie de cefte requefte me touche & mes familiers: com- de Icuff-
me fi le royaume de Bohême auoit efté diffamé par nous. Parquoy ie demande loifirde <iucde Lu-
dcliber'er,afindc.mepurgerdeceblafme. Ceux donc qui eftoyent ordonnez parle t0Imflcn*
Concilc,luyaflignerentiourau x v 1 1. de May,auquel les gentils-hommes de Bohême
ouiflent la rcfponfe du Contile,&: à part auffi fexeufe de ceft Euefque . Ce qui fut fait
auisi puis apres.car ils s'alîemblerent derechef le x v 1 1 . iour de May : & là en premier
lieu vn autre Euefque refpondit aux gentils-hommes Bohémiens , au nom de tout le
Concile.Or on pourra facilement cognoiftre les articles de fa refponfe par la requefte
que lcfdits gentils-hommes de Bohême propoferent au Concile, mais il vaut mieux
ouir premièrement comment l euefque de Lutomiflen fe défendit contre la requefte
précédente. combien que cela ne meriteroit pas d'élire ici inferé,n'eftoit pourmôftrer
la cruauté brutale exercée contre ce faind homme de Dieu.
Ce vénérable Prélat donc troufTa vne belle harengue deuant les pères du Concile, Fauxrap:
remonftiâfrqu vn certain Pierre de Mladon yeuuits,bachelier és arts , auoit au nom de P°"s & im
quelques gentils-hommes de Bohême propofé par efcrit,qu'aucuns auoyent rapporté P "**
qu'au pais de Bohême on portoit le fang de Iefus Chnft dedans des vaifleaux , U que
Jean Hus.
Lccbncilc
de Pife.
Tefmoi-
gnagedeï
vriiuerfitc
de Prague.
iA&t.it.ii.
Tefrfiôi-
gnagc dcl"
eu c fq ne de
Nazucch,
les cordonniers &C fauetiers oyoyent les confeflions,&: adminiftroyent le corps delcfus
ChnlVlequcl rapport elloit fSaruenu iufqu'aux oreilles des pères reucrens du Concile.
Sur cela il rcmonftrc, que de grâd zele il auoit toujours procure auec plufieurs autres
doreurs de Boliemc,que la fecte des Vuiclefriftes,qui prenoit racine audit Royaume,
tu 11 du tout extirpee:&: que maintenant félon fon office &: vocation , il auoit propolé,
non point au deshonneur du Royaume,ains à la grande gloire d'iceluy , qu'audit Roy-
aume il y auoit vnnouueaufcandale: Que ceux qui fuiuoyent celle fede, communi-
quent fous les deux elpcces du pain &: du vin cnplulieurs villes,villages,&: lieux dcBo
heme : & enfeignent qu'il faut que tous indifféremment communiquent ainfi : &c font
obftinez à cela. Il propofa auiîi,Que par le bruit qui couroit de elloit venu à la cognoif-
fanecon portoit le fang de Icfus Chrift en vaiifeaux non confacrez . dauantage , Qu'il
auoit ouypropofer par d'autrcs,quieftoyent gens d'authorité &C dignes defoy, quvnc
certaine féme fuiuant celle fede,an acha par force le corps de Chrift d'entre les mains
du preftre,&: fe communia foy-mefme:arfermant qu'il faloit ainli faire , quad le preftre
rerufe o; t la communion, il met aufli tels autres fonges &: badinages en auant.Sur cela
il lait requefte à la paternité des prélats du Côcile,qu'on pouruoye par opportun rcme
de, à ce que ce royaume il excellent de Bohême ne foit plus diffamé par telles fedes
pernicieufes.
L a veille de Pentecoile les gentils-hommes Polonois& Bohémiens refpondirent
aifez amplement à toutes ces belles rcmonftrances,&:pertinemment. Entre les autres
le feigneur de Chlum fe prefenta , déclarant qu'on auoit enfreint lefauf-conduit de 1-
Empereur,en détenant Hus contre toute équité : & premettoit contre tous oppofans
de monftrer que plufieurs notables perfonnages,Contes, Barons, Prélats, Cheualiers,
& autres gens de la ville de Conftance,auoycnt veu &: leu ledit fauf-conduit. Ils firent
aulfi d'autres remonftrances fort équitables ,dcmandans que Huspeuft vferpour le
moins d'vne telle liberté,qu'auoyent fait les htretiques au concile de Pile, voire cftans
condamnez pour hérétiques :aufquels il fut permis de retourner feurement en leurs
maifons:veu qu'il n'eftoit venu au Concile de fon bon gré pour autre caufe, linon afin
qu'il fîft publique recognoi/fance de fa foy.& en quelque endroit qu'il luy feroit mon-
ftré qu'il elloit contraire à la parole de Dieu , &c feparé de l'vnion de l'Eglife, il ne de«
mandoit que d'eftre réconcilié à icellc.&: non feulement cela, mais d'induire ceux qui
tenoye nt fon partira faire le ftmblable:comme on fauoit bien,que la plus grande par-
tie d'iccux elloit au royaume de Bohême.
Apres ily eutvntefmoignage public, rendu par toute l'vniuerfîtéde Prague, le-
quel aulîi fut prefenté en plein Concile, la fubilancedece tcfnioignage elloit , Que
Iean Hus en pleine aifcmbleejdeuant le redeur de l' Vniucriité & de tous lesDodeurs,
Maiftres&Efcoliers, auoit publiquement fait confeflîon de fafoy , difant, IeconfelTe
de cœur pur &: entier,que Icfus Chrill nollre Seigneur, ell vray Dieu &: homme : Que
toute fa dodrinc contient vne Ci ferme vcrité,qu vn feul point ne peut trôper. dauan-
tage,Que fa fainde Eglife ell li fermement fondée fur la pierre ferme, que les portes d'
enfer n'ont nulle puillance enuers elle.Et fuis preft en la fiance du chef d'icclle, qui eft
le feigneur Iefus,d't ndurcr vn grief Se cruel tourment de mort , plulloll que de dire ou
affermer chofe qui tuft contraire à la volonté d'iceluy.
Ovtreplvs encetefmorgnage eftoyent contenues quelques raifonnables ex-
eufes dudit Hus,tant pour l'excommunication qui auoit ellé îettee contre luy, q pour
autres crimes &c blafmes qu'on luy impofoit.Et l'atteftation qu'il auoit faite deuât tou-
te l'vniuerfité de Prague,eftoit eferite de fa propre main, ôc demanda qu'elle fuft rédi-
gée en forme publique,&: feellee du feau de f Vniuerfîté par le Redeur: lequel après a-
tioir eu délibération auec toute faiTemblee des Dodeurs&: Regens,accorda à Icâ Hus
ce qu'il demandoit.
Or comme ainli foit que les gentils-hommes de Bohême vi/Tent délia pa/Ter quel-
ques iours,& cependant ne pouuoyent tirer aucune refponfe des requeftes qu'ils auoy-
entpreftntees:ilsdelibercrentledernieriourdeMay,deprefenter encore vne reque-
fte aux principaux du Concile,tendante à celle fin, que Hus fuft deliuré de la prifon,ô£
qu'il luy fuft oçfcroyé de le défendre deuant tous. Auec ce ils prefenterent le tcfmoigna-
ge que l'euei'que deNazareth auoit donné dudit Hus. Ils demandoyent en fomme,Qu
il tuft bien aduifé fur leur requefte precedente,&: que relponfe leur fuft donnée . Ils
propo-
Jean Ifus. i g
proposèrent aufli la proteftation folennelle que Husauoit fouuentefois faite deuant
le peuple de Bohcme,tant en fes ailes fcholaftiques, qu'en fes predications:par laquel-
le pi oteftation il auoit ibuuent déclare, que s'il le trouuoit quelques poinds ou articles
en toute fa docfcrine,qui fuifent fcandalcux,ou erronnees,ou fcditieux,& melme héré-
tiques, il le fubmettoit à correction, pourueu quelafaulfeté luy fuft monftreeparla ve
rite de l'Euangile . La conclufion de cefte requefte eftoit , Que Hus ne fuft condamné
fans cftre ouy:à quoy fes ennemis tendoyent principalement, dauantage, Qu'il ne fuft
point ainlî inhumainement traitté cnlaprifon : mais qu'ayant repris quelque force,il
fuft plus diligemment & mieux à loilîr examiné par les députez. &: pour plus grande af
feurance,lcfdits barons de Bohême s'ofFroyent de donner caution fumfante pour rei-
pondre de la perfonne dudit Hus.
Apres que cefte requefte fut leuë deuant les députez des quatre nations, le patri- Lcpâtriar?
arche d' Antioche relpondit au nom de tous à chacun article de la requefte,mais ce fut ^J^n"
en bref.Premicrement quant à la protection de Hus,afiàuoir fi elle a efté vraye ou non,
cela feroit ouuertement cogneu en la procédure de la caule.Puis après quant à ce qu'-
ils difoyent,que les aduerfaires dudit Hus auoyent faulfement recueilli quelques arti-,
cles ou poinds des liurcs d'iceluy , cela aulfi leroit cognu en la fin du proecz. &c lors s'il
eft trouué que Hus ait efté faufTement accufé,fcs aceufateurs encourrôt perpétuel op-
probre. Mais quant à la caution que lefdits Barons oftroyent , encore qu'ils en donnaf-
fent mille,nonobftant il ne £e pouuoit faire nullement, que ceux qui eftoyent ordônez
parleConcile,lesreceuiTenteni*aineconfcience en lacaufe d'vntel perfon nage , au-
quel on ne deuoit adioufter foy aucunement.toutefois ils feroyent tant que Hus feroit
derechef amené à Conftance le cinquième de Iuin , Se auroit liberté de parler deuant
tout le Concile,& feroit benignement ouy. Mais le faid demonftrera quelle promeffe
luy fut tenue.
C e mefmc iour lefdits barons & gentils-hommes de Bohême prefenterent vne pe- Supplîca-
tite fupplication à l'Empereur,luy fignifians qu'ils auoyent prefenté vne requefte aux Jfreilrf mi
quatre députez du Concile,&: à tout le Concile en general:&: le fupplians qu'il euft ef-
gard à l'honneur du royaume de Boheme,duquel il deuoit eftre héritier : à fon fauf-cô-
duir,quil auoit donné en faueur dudit Hus : &: finalement à toutes les chofes qui auoy-
ent efté faites contre ledit lean Hus.
O n n'a peu fauoir quelle refponfe fît l'Empereur : mais on peut afiez facilement co- L'Emper:
gnoift re par la procedure,que ce bon Prince fut amené iuiques-là par la mefehanceté *ûoa* par
obftinee des Cardinaux 6c Euefques,dc fauller la foy qu'il auoit donnée. &: par telle rai 2 du""
fon fut vaincu: allàuoir, Que defenlé ne pouuoit eftre donnée ou par fauf-conduit, ou Concile
par quelque autre moyen, à celuy qui auroit efté déclaré hérétique. •
O r donc le cinquième iour de luin les Cardinaux,Eue|ques,&: le refte de la preftrail
le s'aifemblerent en grand nombre au conuent des Cordeliers de Conftance . &c là fut confpira-
ordonné,qu'auant que lean Hus fuft amené , en fon abfence on recitaft les tefmoigna- tion côtre
ges &: articles qui auoyent efté faufTement recueillis de fes liures. D'auenture il y auoit Hus"
là vn certain Notaire nommé Pierre Mladon Yeuuits,qui portoit grande amitié audit
Husdequel aufli toft qu'il entendit que les Cardinaux &: Euefques auoyent défia ordô-
né de condamner lefdits articles en labfence de lean Hus , s'en alla viftement vers les
feigneurs de Dube &: de Chlum,& leur expofa le faid . Iceux en firent incontinent le
tapport à l'Empereunlequel ayant cognu le tout, enuoya le côte Palatin &c le BurgrafF
de Nuremberg,pour déclarer à ceux qui prefidoyent au Condle,que rien ne fuft refo- L'Emper.
lu en lacaufe de lean Hus, qu'il n'euftefté ouy premièrement :& que tous les articles ullZit
qui auroyent efté trouuez faux ou hérétiques contre ledit Hus,luy fufTent enuoyez.car ouy.
il feroit tant qu'ils feroyent examinez par gens de bien&fauans.
Ainsi donc félon la volonté de l'Empereur, la fentence de ceux qui prefidoyent au
Concile,fut fufpendue iufqu a ce que Hus fuft prefent.cependant les feigneurs de Du
be&c de Chlum donnèrent aux deux Princes que l'Empereur auoit enuoyez,aucûs pe-
tits traittez que ledit Husauoit côpofez,dcfquels on auoit tiré quelques articles, pour
les prefenter à ceux qui prefidoyent au Concilerfous condition toutefois qu'ils les ren-
dilfent quand on les leur demanderoit . L'intention defdits Barons eftoit , que par
ce moyen les aduerfaires de Hus fuffent plus facilement redargucz,lefquels d'vne mau
uaife confeience auoyent frippé des fentences rognées des eferits de Hus.Lcs liures fu
d.
IwoA Jean H m.
rent dônez auxCardinaux &: Euefques.&: ce fait,Hus fut amcné,&: les Princes eïiuoycz
par l'Empereur s'en retournèrent. Apres cela on monftra ces liures à Ican Hus:& il cô-
Ti'a luouc fcfa publiquement deuant toute l'aifcmblee qu'il les auoit faits , & qu'il eftoit preft el-
fes hures, i » r r 1
amender les tautes,ii aucunes y en auoit.
O i*oyez vn peu la faincte procédure de ces vénérables: A grand' peine auoit-on leu
vnarticle,&: produit bien peu de tefmoignages contré luy : ainfi qu'il pcnfoitouuriila
bouche pour refpondre,voici toute cefte trouppe commença tellement à crier contre
luy,qu'il ne fut loiiiblc de dire vn fcul mot.tant eftoit la confuiion grande &: le trouble
Furieufc impétueux, qu'on pouuoit bien dire que c'eftoit pluftoft vn bruit de belles fauuages, &c
demenec non point d'hommes:tant s'en faloit que ce fuft vne congrégation de gens qui fuiïcnt
Conalc dU alfemblez pour îuger de choies graues &c de grande importance . Si quelque fois le cri
s'appaifoit,en forte que Hus pouuoit refpondre quelque petit mot de la faincte Efcri-
turejou des docteurs Ecclehaftiques,tout incontinent il oyoit ces belles répliques, Ce-
la ne fait rien à propos. Les vns l'outragcoycnt de paroles, les autres fe moquoyont de
luy à pleine bouche. Se voyat vaincu de ces cris barbares, &: qu'il ne gagnoit rie de par-
lerai délibéra finalement de le taire. A cefte heure-la toute la multitude de les aduer-
faires penfoitauoir gagné la bataille, &: touscrioyent enfemble, Il eft muet,legaland:
fcndrev°n cc*a ^icn Vn certam %ne ^u n accor^e à ccs "cns erreurs.La choie finalement vint
enan i- ju^ues_^)qU'aucuns d'entr'eux des plus modérez furent d'aduis, qu'àcaufedecedef-
ordre,on ne paifaft point plus outre: mais que le tout fuft diffère iufqu a vn autre téps.
Par le confeil donc de ceux-ci, les Prélats &: autres fortirent hors du Concile, &: fut or-
donné que le lendemain ils retourneroyent pour procéder au iugement.
iclypfedu ^ E ^demain donc,qui eftoit le vi i.iour deluin:auqucl iour il y eut prcfquc entic-
sokil. re eclypfe de Soleil,vn peu après enuiron vi i . heures, cefte mefme trouppe s'afTembla
au refecloirdes Cordeliers:&: par leur ordonnance Hus fut amené deuant eux, accom-
pagné d'vne grande multitude de gens armez. Là fetrouua aufli l'Empereur: lequel les
leigneui s de Dube,&: de Chlum,& le Notaire nommé Pierre,qui eftoyentgrans amis
de Hus,luiuirent,pour voir quelle en feroit la fîn.Eftans là venus, ils ouirent que de lac
cufatiô de Michel de Caufîs on lifoit ces mots:Iean Hus,en la chappelle de Beth-lehé,
&: beaucoup d'autres lieux de la ville de Prague,a enfeigné au peuple plufieurs erreurs:
aucuns tirez des liures de Vuiclcrf,les autres forgez de là propre tertd:&: les maintenoit
d'vne obftination endurcie. On luy propoia en premier heu l'article du pain matériel
après la confecration:&: pour tefmoins on luy mit en auant ie ne fay quels fnppons de
preftres&: caphards.
Ce canii. Lo r s le cardinal de Cambray tenant en fa main vn certain billet, qu'il difoit auoir
nai de es. reccu le iour precedent,forma vn argument contre Hus. Puis deux Anglois fe leucrét,
Prtrujde" & furent repouffez aucc leurs argumensdcfquels ne font point ci recitez,pource qu'ils
Aliaco. font lî friuoles , qu'ils ne merirent pas que les oreilles des auditeurs en foyent emba-
bouinees. Apres eux vint auffi vn autre Anglois qui propofa deuant tous, que leditHus
confelfoit feulement de bouchc:mais quant au fai&,fon opinion eftoit contraire. Lors
Hus protefta qu'il n'auoit rien en la bouche , qu'il n'euft quant &c quant au cœur . fina-
lement l'vn de ces Anglois fut contraint dédire que ledit Hus auoit bonne &c faincte
opinion du Sacrement de l'autel,comme ils rappelcnt.il y eut d'autres badinages pro-
pofez contre ledit Hus, qui ne valent pas qu'on en face mention.
C t s dii'putes contentieufes vn peu appai(ees,le cardinal de Florece s'adrefîa àHus*
&£ dit,Noftre maiftre,vous fauezque tout tefmoignage eft ferme en la bouche de deux
ou trois tefmoins . Or maintenant vous voyez qu'il y a contre vous près de vingt tek
moins,gens d'authorité &: dignes de foy, entre lefquels aucuns vous ont ouy dogmari-
zer: les autres rapportent par ouir dire, que le commun bruit eft que vous enfeignez
ainii.& tous en commun apportet des raifons fermes de leurs tefmoignages, aufquels*
nous lbmmes contraints de croire . &: de ma part, ie ne voy point comment vous puik
fiez maintenir voftre caufe contre tant de notables &c excellens perfonnages. Auquel
Hus refpondit , le pren Dieu &c ma confeience en tefmoignage, que ie n'ay rien enfei-
gné,&nemevintiamaisen fantalïe d'enfeigner en la forte que ceux-ci ofenttefmoi-
gner contre moy.& quand ils feroyent beaucoup plus qu'ils ne font, toutefois i'eftime
beaucoup plus fans comparaifon le tefmoignage de mon Dieu &: mon Seigneur, que
les iugemens de tous mes aduerfaires,aufquels ie ne m'arrefte nullement. Lors le Car-
dinal
Jean ifu*. 20
dînai luy dit > Il ne nous eft pas licite de inger félon ccnfcicncc: mais nous hc pouvions
faire autre ment que ne nous arreftions fur les tefmoignages de ces gcns-ci,qui l'ont fer
mcs& euidens . car ce n'eft point haine ou inimitié qui Je urraitdirc ceci contre vous,
comme vousdites : mais ils allèguent telles railons delcutstcimojgnagesjqu'ilnya
homme qui y puiffe apperceuoir aucune haine, &que nous rr en pouuons aucunement
douter . Car quant à ce que vous dites , que maiftre Efticnne Palets vous cft fulpcc"t,&:
qu'il a tire fiauduleufement quelques poin&s ou articles de vos hures, pour les produi-
re puis apres:il fcmblc bien qu'en cela vous luy faites tort, car il a vie d'vne li grande fi-
délité enuers vous , félon mon aduis , qu'il a adouci &c modéré beaucoup d'arti-
cles plus qu'ils n'eftoyent en vos hures. I'enten que vousauez aulîi femblable o-
pinion de quelques autres peribnnages cxcellcns; &:mefme vous auezdit, que mon-
iteur le chancelier de Pans vous eft fufpc£fc:& cependant entre tous les Chrefticns il Gerfon
n'y a pointvn homme plus excellent que ccftuy-la.Or ce monfieur le chancelier eftoit chancelier
Gerlon. dc Paris-
Apres cela on leut vn article d'aceufation , auquel eftoit contenu que Hus auoit
opiniâtrement enlcignc&: maintenu aucuns articles de Vuicleff au pais de Bohême.
Lors Ican Hus rcfpondit,qu'il n'auoit enfeigné aucuns erreurs de Vuicleff, ne d'autres
quelconques . que li Vuicleff auoit ferhe quelques herciies ou erreurs en Angleterre,
c'cftoit aux Anglois à y pouruoir . Mais pour confirmation de ceft article, on allcguoit
audit Hus,qu il auoit refifté à la condamnation des articles dudit Vuicleff,laquelle fut
premièrement faite au concile dc Rome,puis après enla ville de Prague. Sur quoyHus
refpondit,qu'entre les articles dudit Vuicleff,ily en auoit vouement aucuns qu'il n'o-
foit pas condamner: comme ceftuy-ci,Que l'empcreurConftantin & le pape Sylueftre
auoyent fort mal fait,d'auoir conteré telles donations à l'eglifc. Il y auoit auffi d'autres
articles, lefquels Hus monftra deuant tous ouuertcment,qu'ils n'eftoyent point tels en
fes liuresjcomme on les allcguoit . Scmblablemcnt fe leua vn certain archeuefque
Anglois, qui fît vn argument, Que les décimes n'eftoyent point aumolhcs: mais il fut
rembarré comme il luy appartenoit. Et ainfi que ledit Hus vouloit déclarer cela
plus amplement,la bouche luy fut fermée. Il piopofaauffi d'autres caufcs,pourquoy il
nepouuoit confentir à la condamnation des articles de Vuicleff en bonne conlcien-
cc . Quelque choie qu'il y euft, il afferma ouuertemcnt qu'il n'auoit iamais maintenu
vn fcul defdits articles opiniaftrcmcnt : linon qu'il n'approuuoit point que les articles
dudit Vuicleff fuffent condamnez, que premièrement on n'amenaft raifons dc con-
damnation de la faincïc Elcriture. Il adioufta que beaucoup d'autres docteurs de Pra-
gue auoyent efté de cefte opinion. Apres que l'archeuelque nommé Sbinco eut fait a-
maiTcr de toute la ville de Prague les hures de Vuicleff, &c eut ordonne qu'on les luy
portait: Moy-mefme (dit Hus )allay offrir à l'Archcucfque quelques liures de Vuicleff
que i'auoye, requérant que s'il y trouuoit erreur,il le notaft, &c l'en feroye lors confclîïô
publique. Mais FArchcuelque lans monftrer aucun erreur,brufla les liures qu'on luy a- Lîurcsje
noit apportez,^ les miens mefmcs : combien qu'il n'euft aucun mandement du Pape WiddF&
qui eftoit pour lors,aifauoir Alexandre V. Maispar quelque rufe il auoit arraché ie ne J^"*
fay quelle bulle du Pape,par le moyen d'vn certain Euelq portatif de l'ordre de S. Fia- Bohême,
çois:àcc que les liures de Vuiclefffuffcnt totalement oftez d'entre les mains des hom-
mcs,à cauie de pluiieurs erreurs qui y cftoyent cotenus: c'eiloit toutefois lans en nom-
mer vn léul.Or l'Archcucfque fe fiant fur l'authorité de cefte vénérable bulle,péfa qu
il pourroit facilement obtenir que le roy de Bohême &: les plus grans du Royaume cô-
fentiroyent à la condamnation des liures de Vuiclerr.mais il tut deceu de Ion opinion.
Toutefois il ne lai/Fa point d'appeleraucuns docteurs en Thcologie,&: leur dôna char-
ge défaire cenlure des liures de Vuicleff,& de procéder contr'eux felo la ientence de-
finie & ordonnée par lcDroid canon. Ainfi donc ces melfieurs nos maiftres tous d'vne
mcfme opinion, les iugerent dignes d'eftre brûliez.
To v s les Docteurs, Regens, &Efcoliers de toute l'vniueriité de Prague(exceptez
ceux que l'Archeuefque auoit mis en befongne pour condâner les liures de Vuicleff)
oyans ce bruit,dchbererent tous d'vn mefme accord ,faire vne requefte auRcy,à ce qu
il empefehaft cela. Le Roy leur accordant leur requefte, enuoya gés vers f Archeuefq,
pour fauoir ce qu'il auoit fait . Cefte poure perfonne marmiteufe refpôdit,qu'il n'auoit
garde de rien attenter contre les liures dudit Vuicleff , fans la bonne volonté du Roy.
d.ii.
Liur<_jl. Jean LThs.
Combien donc qu il euft délibère de les brufler le lcndcmain,neantmoins la choie fut
mile en furleance pour la crainte du Roy. >
0 r après la more du pape Alexandre,rArcheuefque craignant que la bulle mefmc
qu'il auoit eue dudir Alexandre , n'euft plus de vigueur , appela feercttement tous Tes
gens,&fîttrelbicn {errer toutes les portes de ion Archcuefché, &L mit gens armez de
tous coftez,pour le tenir tort: &: là fît brufler les liuresde VuiclefF.Moy donc voyant vn
tel outrage, auec ce que ledit Archeucfque auoit fait vne autre choie aufli pcutolera-
ble,aflauoir qu'après auoir rcceula bulle du pape Alcxandre,il fitdcfenfe ions peine d'
excommunication, que nul n'euft plus à preicher dedans les chappelles : ïca appelay
au Pape Alexandre. Apres la mort duquel i'en fi autant entiers fon fuccefléur , aflauoir
Iean xx 1 1 1 .Deux ans fe palferent que ic ne peu eftre ouy par mes procureurs pour dé-
fendre ma caulc,&: ainfi i en appelay au fouuerain luge,qui eft le feigneur lcfus.
^ Or après que Hus eut dit cela,on luy demanda premièrement s'il auoit eu abfo-
lution du Pape.il reipondit que non . Outreplus, s'il eftoit licite d'en appeler à Iefus
^"erTi? Ch"^-11 dit,I'afFermç ici en vérité deuant vous tous,qu il n'y a point d'appel plus mfte
gneurkiu! ne de plus grande efficace,que celuy qui fe fait au feigneur Iefus : comme ainfi foit que
félon les loix, Appeler n'eft autre chofe,que du grief qui eft fait par le iuge inferieur,im
plorer l'aide du iuge qui eft par de/Tus. Or y a-il iuge qui foit par deffus Iefus Chriftry en
a-il encore vn autre,qui puiiTe mieux cognoiftre du faiet en iuftice &: équité : veu qu'il
ne peut tromper ni eftre trompé ? &: qu'il peut plus facilement &: benignement don-
ner fecours à ceux qui font miferables &: opprimez ? Voila ce que ce bon perfonna-
ge remonftra tant fain&ement,&: toutefois en parlant ainfi,il fut grandement mocqué
de tous.
1 l y auoit auflî vn autre article en fon accufation,Qu,il auoit confeillé au peuple, qu
à l'exemple de Moyfe il refiftaft par glaiue à ceux qui feroyent contraires à fa doctrine.
&c le lendemain après qu'il eut enfeignécela, ontrouua plufieursqui fignifîoyent les
vns aux autres,qu'vn chacun euft à porter fon efpee, &: que le frère n'efpargnaft point
fon frere.Sur cela Iean Hus refpondit, que ces chofes luy eftoyentimpolecsfauflémét
par les aduerfaircs. Au refte,qu'il auoit diligemment admonnefté le peuple de s'armer
Ephcf.<fi7 du glaiue de la Parole,&: du heaume de làlut, félon l'aducrtiflement de S.Paul:&:que
tous eftans ainfî armez,defendiffent la vérité de l'Euangile.Et pour euiter les calônies,
il auoit ouucrtement parlé du glaiuc,non point matériel, mais de celuy qui eft la paro-
le de Dieu.
O n l'accufoit auffi , Que fa doctrine auoit engendré beaucoup de fcandales . Pre-
mièrement qu elle auoit femé des difeords entre l'cftat ciuil&: ecclefiaftiquc. dont il s'
eftcnfuiui,que lcsEucfques &£ le Clergé ont efté perfecutez, &: defpouillcz de leurs
biens. dauantage,Que l'vniuerfité de Prague auoit efté diflïpec par difeords. Iean Hus
rei'pondit bricuement à cela, que rien de tous ces troubles n'eftoit aduenu par fa faute.
Quant au premier difcordqui auoit efté entre les gens d'eglife &: les laies, il difoit la
caufe eftre telle: Le pape Grégoire x 1 1 .de ce nom, auoit promis en fon eflccl:ion, qu'il
Différent refigncroit la Papauté, quand îlfcmbleroit bon aux Cardinaux: car il auoit efté eilcuà
Pautc'lira~ eefte condition. Ce gentil pape Grégoire couronna Louis duc de Bauicre Empereur,
contre Vueceflaus roy de Bohcme,qui eftoit pour lors roy des Romains . Peu de temps
après , comme le pape Grégoire ne fe vouloir point démettre de fa Papauté , quelque
fommation qui luy fuft faite par les Cardinaux : le collège defdits Cardinaux enuoya
des lettres au roy de Boheme,par lefquelles ils demadoyent que le roy de Bohême fuft
de leur parti, &c refufaft de rendre obei/Tance au pape Grégoire. Par ce moyen il pour—
roit bien aduenir,que par lauthonté du nouueau Pape il recouureroit fa dignité Impe
riale.Pour cefte caufe le roy de Bohême s'accorda auec les Cardinaux de n'obéir ni au
pape Grégoire qui eftoit à Rome,ni pareillement au pape Benoit d' Auignon,qui fe di-
foit Pape aufl^comme on peut voir par les Chroniques des Papes. Sbinco,qui eftoit
pour lors archeucfque de Prague,refiftoit à cela auec tout fon beau Clergé: &: par def-
pit pluficurs d'entr'eux fe déportèrent de faire le feruice diuin,& fortirent hors la vil—
îe.Et d'autant que ce gentil Archcuefque auoit auparauant pillé le fepulchre de fain£fc
Vuenceflaus,&: fait brufler les liures de VuiclefF contre la volonté du Roy: le Roy per-
mit facilement qu'on faifift les biens de ceux qui s'en eftoyent fuis de leur propre gré.
Par cela on pouuoit facilement entendre que ledit Iean Hus eftoit aceufé fauiîement.
Jean 2t
Et quelcun fe lcua, U dit,Les preftrcs ne fe deportoyent de faire le fermée dïwi'n, pour
çc qu'ils n'auoyent voulu conïentir auec le Roy: mais pourec qu'ils auoyent efte def-
pouillcz de leurs biens &facultcz.Or le cardinal de Carnbray. qui eftoitl'vnd es luges,
commença a dire,Il faut auflî que iedifeen ccft endroit ce qui în'eft venu en mémoire:
Ainlî que te fortoye vne fois de Romc,ic rencontray en mô chemin des Prélats du roy-
aume de Bohemc,&: leur demanday des nouuelles dcleurpais.Ilsme tefpôdircnt, que
la cftoit aduciui\nforfaictexccrablc:aflauoir que tout le Clergé du Royaume auc-t c-
fté defpouillc defes biens,& inhumainement traitté.
Lors leanHus alléguant la mcfmc caufe qu'il auoitfàit auparauant, vint à rcfpon-
drea l'autre partie de l'article qu'on luy auoit propo!e,dilant q c< la auïli n'eftoit point
aduenu par fa fautc,que ceux de la nation d'A lemagne fe fuifent départis de l'vniuerfi-
tc de Praguc.Mais comme ainfifoit qu'iceluy roy dcBohcmc,fclon la fondation de ion
pere Charles 1 1 1 1 . euft donne & oteroyé trois voix à ceux de Boheme,& vne feule à la
nation Germaniquedes Alcmans marris de ce qu'ils fe voyoyent fraudez des trois voix
qu'ils auoyent auparauant,scn allèrent de leur bon gré: faifans ferment, que nul tous
peine d'eftre réputé infamc,& de payer grande fbmmc d'arget , n eult plus à retourner
en ladite ville de Prague. Cependant (dit Hus) ie ne refuie point d'ouir ceci, Que i'ap-
prouuay le faict du Roy,auqucl ie deuoye obciflàncc : d'autant aufîï que cela tendoit à
l'aduantage des gens de ma nation . Et afin que ne penfiez que ie mente, il y a ici Al-
bert Vuarentrap , qui cftoit pour lors Doyen de la faculté des Arts, qui auoit fait fer-
ment de s'en aller aucc les autres Alemans.s'il veut dire la vérité, il me deliurera faci-
lement de ce foufpcçon. Ledit Albert voulut bien ouurir la bouche pour parler,mais il
ne fut pas ouy . Sur cela, il y eut vn autre nommé Na/b, qui demanda audience:^ l'-
ayant obtcnuc,il dit que tout ce faicl: luy eftoit entièrement cogneu. I'eh:oye(dit-iPcn Faux ref.
la cour du Roy lors que ces choies fe faifoycnt en Bohême. le vi les Regens des trot,na mo,0!i-
tions,d'Alcmagnc,Bauiere,Saxc,&: Silcfie venir vers le Roy,luy présenter requeitt &:
aucc eux les Polonois eltoyent contcz.Ladite requefte te ndoit à ce qu'il pleuft auRoy
ne permettre point que le droict des voix leur fuit ofté . Et le Roy promit alors qu'il
pouruoiroit fur ce qu'ils luy auoyent demandé. mais Iean Hus &: Hierome,& quelques
autres perfuaderent au Roy de ne le faire . combien que le Roy du commencement le
faleha,& le courrouça contre Iean Hus,le reprenant aigrementdece queluy&ledit
Hicromeluy donnoyent beaucoup d'ennuis , &c efmouuoycnt degrans troubles entre
le peupîe:cn forte qu'il les menaçoit de faire brufler, fi ceux à qui l'affaire touchoit,n y
pouruoyov eut. Sa^ liez donc,Pcrcs rcucrcndiffimcs,que le roy de Bohême iamais ne fa
uorifa à ces gens- ci de bon cœur,lcfqucls ont vne fi grande outrecuidance, qu'ils n'ont
fait difficulté de me mal traitter,ia (oit que îefufîe fous la protection du Roy,. Pale ts
parla après Nafo,& dir,Percs reuerens, il y a bien plus: Non feulement il y a eu des ges
fauans d'autres nations, mais aufîï du pais de Bohême, qui ont cftcchailezdudit pais
par Iean Hus&: l'es entrcpnfés,defqucls ily en a encoreaucuns qui font bannis au pais
de Morauie. Lors Iean Hus dit, Comment cf t-il poffible que cela foit vray,vcu qu'en
ce temps- la ie n'eftoye point en la ville de Prague, quand ceux defquels vous parkz s'-
en allèrent?
C e s choies furent debatues ceiour quei'ay dit,touchant ledit Hus. Cela fait, ledit
Iean Hus fut donn é en garde à l'cucfqae- de Rigen , fous lequel auffi Hieromc de Pra-
gue cftoit détenu pnfonnicr.toutelois auant qu'on lamenaft,lc cardinal de Carnbray
en la prefenec de l'Empereur l'appela , difant,Iean Hus , fay ouy dire que iî vous n'eu f-
liez point voulu venir de voftre propre gre à Confiance, ne l'Empereur mefmc,ne le
roy de Bohême ne vous euffent peu contraindre de le faire. Et Iean Hus luy relpondit,
Sauuc voftre grâce, ienay point vfé de tels propos, mais voici que i'ay dit, Qui! ya
tant de gentils-hommes & grans feigneurs au pais de Bohême qui me fàuorifent &: ^oniïïe!*
portent bonne amitié, qu'ils m'euffent peu facilement garder en quelque lieu afléuré: g"ns (ci-
en forte que ie n'euffe point cfté contraint de venir en celle ville de Confiance à la vo j^h"!» de
lonté de l'Empereur &du roy de Bohême. Le cardinal de Carnbray commença à
changer de cou leur, & dittout defpité, Voyez-vous l'impudence de ceft homme-ci?
Et ainfi qu'on murmuroit d'vn cofté&: d'autre ,1c feigneur de Chlum ratifiant ce que
Iean Hus auoit propofé, dit que ledit Hus auoit trcfbien parlé : Car de ma part ( dit-
il) au prix de beaucoup d'autres, i'ay peu de puiffancc au royaume de Bohême, tant
d.iii.
Lwro /• fan Uns.
y d toutefois, û ic fauoye entrepris , îc le defendroye bien facilement par l'efpacc d'\ n
an,voirc contre tourc la force de ces deuxgrans Rois . combien pluftoft le pourroyent
faire ceux qui font plus forts &z pluspuilfans que moy , &c qui ont des chafteaux Se pla-
ces plus fortes?
Or après que le feigneur de Clilum eut dit cela, le cardinal Je Cambraydir, Laif-
fons ce^ propos. ic vous di,Iean Hus ,&vous confeilk de vouslubmettre à lafentence
& opinion du Concile,comme vous aucz promis en la priion . & ii vous le faites, vous
ferez beaucoup pour voftre profité honneur. Et l'Empereur luy teint ces propos, C )ô-
bien qu'il Y en ait aucuns qui difent, que le quinzième iour après que vous aucv die
conftituépnibnnicr, vous aucz obtenu de nous lettres de fauf-conduit; traite f ois îe
puis bien prouucr par le tefmoignagc de beaucoup de Princes & grans perlbnnages,
qu'auant que vous fuflîcz parti de Prague, ledit fauf-conduit auoit efté impetre de no*
parles feigneurs de Dube& de Chlum,fous la garde defquels ic vous ay mis, a celle fin
qu'on ne vous fîft outrage quelconquemiais que vous enfliez pleine liberté de dire fra-
chcmentdcuant tout le Concile,& de refpondrc de voftre foy &: dottrinc. Or comme
vous voycz,melTieurs les Cardinaux &: Euefques l'ont tellement lait, que nous leur en
fanons bon gré . combien qu'aucuns difent que nous ne pouuons de droitt fauonfer i
Pourquoy ecluy qui cft hcretique,ou qui eft fufpeft de quelque hereiie . Maintenant donenous
1 fr™Pu " vous donnons vn mefme confeil qu'a fait monfieur le cardinal de Cambray, que vous
t'ey i Uns. ne Ibycz point obftiné à maintenir quelque opinion : mais que vous vous fub mettiez
en telle obeiifance que vous deuez à l'authorité du fain£t Concile,en tout ce qui a cité
amené contre vous,&: confermé par tefmoignages dignes de foy. Que fi vous le faites,
nous donnerons ordre que pour l'amour de nous &. de noftre frere,&: de tout le royau-
me de Bohême, le Concile vous lairra aller en paix , auec vne pénitence ôc fatisfaclion
toUrable. (mon, ceux qui prehdentau Concile aurontaiTez dequoy délibérer contre
vous. De nous,tcnez-vous pour aifeuré que ne fauoriferons iamais à vos erreurs,ni à vo
ftre obftinatiommais pluftoft préparerons le feu de nos propres mains pour vous bruf-
ler,que nous endurions que vous vfiez plus de cefte opinialircté , de laquelle aucz vfc
iufqu a cefte heure. noftre confeil donc eft,que vous acquiefcicz au ingénient du Con-
cile . Ican Hus rdpondit en cefte forte, Premièrement, o Empereur magnanime, ic
vous ren grâces immortelles de vos lettres de fauf-conduit. ^ Sur cela le feigneur de
Chlum luy rompit propos,&: l'admonncita de ce qu'il ne s'exeufoit point de ce blafme
dobftination.Lors Ican Hus dit,Ie pren Dieu en tefmoin, ô Sire tre fclement,quc te n'
eu iamais fantaiîc de maintenir quelque opinion trop obftinémcnt . 6^ ie fuis ici v enu
de mon propre gré à cefte intétion,quc iî quelcun propofe vne meilleure ou plus îain-
ête do&rine que la mienne,ie veux changer mon opinion fans aucune doute. Apres qu
il eut dit ces chofes, il fut laine entre les mains des fergeans.
Lk lendemain, qui cftoit le vu i. iour de Iuin,ceux-ci mefme qui s'eftoyent affem-
blezleiour de deuant,s'a(lcmblcrcnt eciechcrau conucntdes Cordeliers. &c en cefte
feflîon le trouuerent les amis de Iean Hus,aflauoir les feigneurs dcDube 6c de Chlum,
èc Pierre le notaire. là femblabkmct Ican Hus fut amené:& en fa prefenec furent leus
enuiron xxxix.articles,lefquels on difoit auoir efté tirez de fes liurcs . Hus recognut
pour liens ceux qui auoyent efté fidèlement recueillis : &c de ceux-la il y en auoit bien
peu . Les autres auoyentefté contrefaits,ou forgez par fes aducriaircs,&: principale-
ment par Eltiene Palets,principal autheur de cefte fafcherie:& ne les trouua-on point
és liures defquels on les difoit dire tirez & recueilliz: ou bien s'ils y eftoyent,ils eftoyét
corrompus par calomnies, comme on le pourra facilement voir au denombremét des
articles. Or ces articles ont efté prefque ceux mefmes qui furent premièrement prefen
tez audit Hus en la prifomtoutefois ils font ici recitez par quelque autre ordre. Dauan-
tagc,il y en eut d'autres adiouftez,& d'autres rongncz.Maintenant nous ferons confé-
rence des vus àc des autres: &: déclarerons ce que ledit Hus a refpondu tant en public
deuanttous,qu'enlaprifon.carillaiiîaen lapnlbn fes relponfes brieuement eferites
de fa propre main, en tels mots:
Moy Iean Hus feruiteurde Iefus Chrift,maiftre és Arts,bachelier formé en Theo-
logie,confcire auoir compofé vn petit traitté,intitulé De l'Eglife: l'exemplaire duquel
m'a efté prefenté deuant Notaires parlestrois députez du Concile, ailauoir le patri-
arche de Conftantinoble,l'euefquede Caftelle, & l'euefque de Libufs. lefquels dépu-
tez
Jean Ifui. 22
tczpourlareprchenfiondudittraite,rn'ont prefentédes articles, difan s qu'ils ont efté
cxtraicts d'iceluy.
X X [. articles prefentezi Ican Hu$ en la pnfon
L e premier article : Il n'y a qu'vnc faincte Eglife catholique ou vniuerfelle , qui eft
la communauté vniuerk ile de tous les fidèles &: ellcus. le confeife que celte propofi-
tion eft mienne, &: eft confermee parle dict de S. Auguftin fur fainct Ican.
Le 11. Saincc Paul ne fut iamais membre du diable,combien qu'il ait fait aucuns a-
dtes fcmblablesaux ades del'eglife des malins.nefcmblablcmentfaincr Pierre, qui eft
tombé en vn péché énorme de reniemét &C panure, a celle fin qu'il fuft plus fortemec
redrefic puis après. le refpon félon faind Auguftin, Qu'il eft expédient que les prede-
ftinez tombent en tels péchez. Les vns font diuifez de l'Eglife entièrement^: à iamais:
& ce font les reprouuez. Il y en aura d'autres qui en feront diuifez d'vne autre façon : &c
mefme il y aura des heretiques,qui par leurs herefies &c erreurs fe feparent de l'vnité de
l'Eglife: toutesfois par la grâce de Dieu peuuent encore retourner au troupeau &: en la
bergerie du Seigneur Icfus Chrift , dcfquels luy-mefme dit , Lay d'autres brebis qui ne
font point de cefte bergerie, Ican x .
Le m. Nulle partie de l'Eglifc ne déchoit iamais du corps: d'autant que la charité
de la predeftination, qui eft la liaifon d'icelle, ne déchoit point. le refpon , Cefte pro-
pofitioneft ainfi couchée en mon liure: Comme les rcpurgatiôsdel'Eglife , aiiauoir les
reprouuez, procèdent d'icelle, &: toutesfois ils neftoyent pas d'icelle comme parties,
veu que nulle partie d'icelle n'en déchoit finalement, d'autant que la charité de la pre-
deftination , qui eft la liaifon d'icelle,ne déchoit point.Et cela eft prouué par le 1 ? .cha.
de la i.aux Corinth.& Rom.8, Toutes chofes œuurét en bien à ceux qui aiment Dieu:
item, le fuis certain que la mort ne la vie ne nous pourra feparer de la charité de Dieu.
Le 1 1 1 1 . Le predeftiné n'eftât point en grâce félon la iuftice prefente, ne laifle pas
d'eftre toujours membre de l'Eglife vniuerlélle. C'eft erreur, fi cela eft entédu de tous
predeftinez. Voici comment il y a au liure,où eft declairé qu'il y a diucrfcs manières d'-
eftre en l'Eglife:ajlauoir qu'il y en a aucuns en l'Eglife qui ont quelque apparence d'en
eftre: &L nonobftant ils n'en font pas. Il y en a d'autres qui femblent eftre hors d'icelle,
à caufe qu'ils viucnt mal:& nonobftat à caufe de la predeftination, ils ne lanTcnt point
d'eftre inferez en l'Eglife.
Le v . Il n'y a lieu de dignité, ny eledion humaine, ou aucun (ignefenlible , qui face
qu'aucun foit membre de l'Eglife vniuerfelle. le refpon, Cefte propofitiô eft ainfi cou-
chée en mon luire &: telles fubtilitezfontcognuès , en penfant que c'eft d'eftre en l'E-
glife •& que c'eft d'eftre membre ou partie de l'Eglife: &c que la predeftination fait eftre
membre de l'Eglife vniuerfclle,laquclle eft vne préparation de grâce pour le prèfenr,
& de gloire pour l aducnir : &: non pointle lieu de dignité, ou aucune élection humai-
ne,ou aucun figne i'eniible. Iudas Ifcariot a eft é eficu de Iefus Chrift,&: a receudes grâ-
ces temporelles pour fon oftice d'Apoftre:quelque chofe qu'il fuft réputé vray difciple
de Icfus Chrift parles hommes, nonobftat iln'eftoit point vray difciple , mais vnloup
couuert d'vne peau de brebis.
Le v 1. Vn homme reprouué n'eft iamais mébre de l'Eglife. le refpon, Il va en mon
liure aucc vnc allez longue probation du Pfeaume $6. &C du y chapitre des Ephciicns,
& par fiunct Bernard difan t, L'Eglife de Iefus Chrift eft plus clairementfon corps , que
le corps qu'il a liuré à la mort pour nous. Item fay mis ainfi au 5-chapitre de mon liure,
Toutesfois on accordera ceci , que la laintte Eglife eft l'aire du Seigneur , en laquelle il
y a des bons &: des mauuais,predeftinez &: reprouuez:les bons comme le bon grain, les
mauuais comme la paille.
L i vu. Iudas ne fut iamais vray difciple de Iefus Chrift. le refpon , le le confe/Te.
Ceci appert parle v .article mis cy de/fus, &: par S. Auguftin au lui. De Pénitence, quâd
il expoie la feAtencc de S. Ican en fa i .Epiftre.cha. 1 1 .où il eft dit,Ils font fortis de nous:
mais ils n eftoyent pas des noftres. Il fauoit dés le commencement ceux qui deuoyent k»n<
croire,& celuy qui le deuoit trahir:& il dit, Et pourtant ie vous ay dit, que nul ne vient
àmoy,s'il ne luy a efté donné de mon Perc. Dés lors plufieurs des diiciples lé départi-
rent de luy. Ceux-cy n'ont ils point aufli efté appelez difciples,felon que l'Euâgile par- ican s
le ?& toutesfois ils neftoyent pas vrayement diîciples , d'autant qu'ils n'ont point de-
meuré en la parollc du Fils de Dieu,felon ce qui eft dit,Si vous demeurez en ma parol-
cLiïiï.
le, vous eftes mes diiciplcs. Pourtant donc qu'ils n'ont point perfeueré comme n'e-
ftans pott vrais difciplesdu Fils deDieu-.aufli ne font-ils point vrais enfans de Dieu,cô-
bicn qu'ils le fcmblenfc- être Car ils ne font point ceci deuant ccluy qui cognoit bien
quels ils doyuent eftrc cit a dire, que de bons ils doyucnc deuenir mauuais: ce font les
mots de fainclAuguftin. On peut cognoiftrececi-mefme parce que ludas n'a peu élire
vray difciple de Icfus Chrift , côme amli foie qu'il euft le cœur rempli d'auarice : car Iu-
L-.icM 33. daseltoit prêtent quand celle fentenec tut prononcée par Icius Chrijt,Si aucun ne re-
nonce a tous les biens qu'il polfcdc,il ne peut eftrc mon difciple. Vcu doc que ccft liy-
pocritc ludas n'auoit point renonce à tout ce qu'il poifedoit ( félon l'intention du Sci-
'gneur)en le fuyuat,pource qu'il cftoit larron, Iean \ 1 \&L diable, lean v i.il appert clai-
rement jpar la parolle du Fils de Dieu, que ludas n'eftoit point l'on vray difciple, mais
hypocrite. Parquoy S. Augullin monftrant comment les brebis ontouy la voix de le-
ius Chrift,'dit,Que penfons-nous quiayct eftéecs brebis qui ont ouyr Voicrjudas lfca-
not a ouy:& tout csfois c'cftoit vn loup. 11 fuyuoit le Pafteur : &: nonobftant eftant cou-
uert d'vnc peau de brebis, il machinoit la mort du Berger.
L e v lir. La congrégation des predeftinez,foyent-ils en grâce ou non, eft la faincte
Eglile vniuerfelle félon la mftice prefcnte:&: pourtat c'eft vn article de foy. Et ccft ecl
le qui n'a ne ride ne macule : mais eft fain&c&fans ordure, &: le Fils de Dieu l'appelle
iienne. le rcfpon à cela en cefte forte, Il y a ainfi dedans mon luire , duquel ccft article
a efte extraicl: : Quelque fois l'Eglife eft prife pour la congrégation Sz aflemblee des fî-
dcles,foit qu'ils foyent en grâce félon la mftice prcfente,ou non : &: en cefte forte eft ar-
ticle de foy,duquel S- Paul dit Ephef. v . Chrift a aimé l'Eglife, &C s'eft hure ôc offert foy-
mefme en facririce pour elle, &:c. le vousfupplie, y a-il fidèle qui doute que l'Eglife ne
iïgnifîe tous les predeftinez , laquelle nous deuons croire eftrc l'Eglife vniuerfelle , cl-
poule gloricufe de Icius Chrift, fain&e &c fans macule?
Le 1 x. Pierre n'a point efte ,&: n'eft point chef delà faincte Eglifc vniuerfelle. Ic
rcfpon, Cefte propofition a elle tirée de ces parolles de mô liure : On accorde bien ce-
ci,que Pierre a eu humilité, poureté, fermeté de foy, &: confequemmét béatitude de la
pierre de l'Eglife, qui eft Icfus Chrift. Non pas que de cefte fentence , I'ediheray mon
Mk.iii8. Eglile fur cefte pierre, l'intention de noftre Seigneur Icfus foit d'édifier toute l'cglifc
militante fur la perfonne de Pierre:car Icfus Chrift deuoit baftir Ion Eglile fur la pierre
7.Cor.To4 qui eft Chrift, duquel Pierre a reccu la fermeté de foy : vcu que leius .Chrift eft le chef
Ephcfi.iz, fontjcmcnt je touce l'Eglife, & non pas Pierre.
i.Cor.3.11. Le x . Si ccluy qui cil appelé vicaire de Icfus Chrift , fuit Icfus Chrift en vie , lors il
eft fon vicaire: mais s'il chemine en voyes côtraires , lors il eft meffager de l'Antcchrift,
contraire à S. Pierre &c au Seigneur Chrift , &: vicaire de ludas Ifcarict. le rcfpon, Voi-
ci comment il y a en mon liure : Siceluy qui eft appelé vicaire de S. Pierre, chemine es
voyes de vertus Chreftiennes , nous croyons qu'il eft vrayement vicaire d'iceluy : mais
s'il cliwmïne es voyes contraires, lors il eft meilagerde l'Antechrift, contraire à S. Pier-
re &: au Seigneur Icfus Chrift. Et pourtant S. Bernard eferit ainfi au Pape Eugène , Tu
chemines en grad's bombanccs,accouftré fomptueufement : quel fruid rcçoyucnt les
hrebisdctoyi Si l'oioyedire, ccfont-cy pluftoft pafturagcs de diables que de brebis:
iainct Pierre ne faincfc Paul ne faifoyent point ainfi. Item , En ces choies tu as fuccedé à
Conftantin,&: non pointa fainctPierre. Ce font les mots de S.Bernard. Puis après il s'-
enfuit en mon liure, Si fa façon de viurc eft contraire à celle de fainct Pierre, &: s'il eft a-
donné à auanecdors il eft vicaire de ludas Ifcanot, qui a aimé le loyer d'iniquité, expo-
fant en vente le Seigneur Icfus Chrift. Ainfi qu'on lifoit ceci , ceux qui prefidoyent au
concile fe regardoyent l'vn l'autrc,&; fe mocquoyent hoch ans la tcft e.
Le xi. Tous Simoniaques, tous preftres viuans diflblumcnt, comme b a ftards in fi-
dèles^ non point enfans , ne fauent que c'eft des orRccs , des clefs , des cenfurcs , des
moeurs &£ ceremonies,ne du feruice diuin de l'Eglife , ne de la vénération des reliques,
ne des ordres conftituez en l'Eglifc,ne des indulgeces. le refpô qu'il v a ainiî couche en
mô liurc:Ceft abus de puilfance eft auffi cômis par ceux qui vendét &font marchâdife
des ordres facrez par fimonie, q. font foires des Sacremés, qui viuâs en toutes voluptez
& diifolunôs,ou en quelq ordure & vilenie q ce fbit,polluct l'eftat ecclehaftique: &: cô-
bien qu'ils facét profefllô de cognoiftre Dieu, nonobftant ils le reniet de faich&par cÔ-
fequent ne croyét point enDieu:&: côme baftards infidèles ont vneopiniô infidèle des
Sacremens de f Eglife:& cela appert pource que tels ont le nom de Dieu en mefpris.
Le x 1 1 . La dignité Papale eft procedee des Empereurs Romains. le rcfpon, Voici
quelles font mes parolles: Laprccminencc&inftitution du Pape eft venue delà puif-
fanec de l'Empereur: &: cela eft prouué par la x c v 1. Dift.car l'empereur Conftan-
tin donna ce priuilege aux euefques de Rome, &: les autres l'ont contenue depuis: &
tout ainfï que l'Empereur eft appelé Augufte par deftus to" les autres Rois, auflï le pré-
lat de Rome fut par deflus les autres prélats comme perc principal, quant à l'ornemet
extérieur^ quant aux biens téporels conférez à l'eglife. Lors le cardinal de Cambray
dit,Toutesfois du temps de l'empereur Côftantin il y eut vn Concile gênerai a Nicee,
auquel combien que le plus haut &c fouuerain lieu en l'eglife fuft donné à l'cuefque de
Rome, neantmoins il fut attribué audit empereur Conftantin par honneur.Pourquoy
donc eft-ce que vous, Iean Hus, ne dites pluftoft que la dignité du Pape n'eft procedee
du Concile, que de la puifTance de Conftantin? Et Hus refpondit,Ie le dy pour la dona-
tion qu'en fît l'Empereur.1
Le xiii. Nul n'afFermeroit raifonnablement fans reuclation,nc de foy ne de quel
que autre,qu'il eft chef de l'eglife particuliere.Ie refpon que ie confefte cela cftre eferit
en mon liure:&: s'enfuit puis après, la foit qu'en bien viuant il doit cfperer qu'il eft me-
bre de la faincte Eglife vniueriélle,efpoufe de Iefus Chrift.
Le x 1 1 1 1 . Il nefaut point croire que le Papc,quicôque il foit, foit chef de quelque
eglife particulière,!! Dieu ne l'a predeftiné: mais encore la predeftination ne conftitue
point vn homme mortel chef de l'Eglife:ouy bien Pafteur &c fuperintedant : lequel pri-
uilege eft referué au fcul Seigneur Iefus. le refpon que ie recognoy cela du mien : &: eft
facile à prouuer, d'autant qu'il faudroit que la foy Chrcftienne fuftdeceuë.
Le x v . La puifTance du Pape comme vicaire eft vainc , s'il ne fe conforme en vie à
Iefus Chrift, &c s'il n'eniuit les mœurs de S.Pierre. le refpon à cela qu'il y a ainti en mon
liure: Il faut que celuy qui eft côftitué vicaire,fe conforme aux moeurs de celuy duquel
il tient la place : car autrement il n'a nulle puifTance , linon qu'il y ait en luy &: confor-
mité de mœurs, &: l'authorité de l'inftituant. Et Iean Hus adioufta encore deuant tout
le Concile quelque autre chofe : dont les aftiftans commencèrent à rire , fe regardans
l'vn l'autre.
Le xvi. Le Pape eft treifainchnon pas pour tenir la place de S. Pierre,mais pource
qu'il adegransrcuenus. le refpon qu'ilyaainiî en mon liure, Il n'eft point treilàinct
pour cftrc appelé vicaire de S.Pierre , nepourauoir de grandes &: amples poftefTions:
mais s'il eft imitateur de Iefus Clinftenhumilité,enmanfuetude,en patience , en tra-
itait^ en lien terme de charité.
Le xvii. Les Cardinaux ne font point manifeftes devrais fuc<?e/feurs des autres
Apoftrcs& de Iefus Chrift, s'ils ne viuent à la façon des Apoftres,gardans les comman
démens &C ordonnances du Seigneur Iefus , paiffansle troupeau en bonne confcicnce. i.pfcr.
le refpon que cela eft ainii elerir en mon liure: &c ceci eft prouué là-mcfme: car s'il mon-
tent par vn autre lieu que parl'huis,qui eft le Seigneur Iefus, ils fons brigans&: larrons, icâio.;
Lors le cardinal de Cambray dit, Voici,& ici & en d'autres articles detia leus , il a eferit
en fon liure des choies plus dures à porter qu'il n'eft couché és articles propofez contre
luy. Certainement , Iean Hus, vous n'auez point gardé mefure en vos prédications &c
efents. Ne deuiez-vous pas accommoder vos propos aux auditeurs? car qu'eftoit-il be-
foin,ou quel profit en pouuoit-il venir,de prefeher au peuple cotre les Cardinaux, veu
que nul d'eux n'eftoit prêtent? Vous deuiez dire pluftoft cela en leur prefence , que de-
uant le peuple en fcandale. Lors Iean Hus refpondit,Monticur le Cardinal,pource que
plutieurs gens fauans a/liftoyent à mes fermons, fay parlé ainfi à caufe d'eux , afin qu'ils
fe donnalfent garde. Et le Cardinal luy dit , Vous faites mal , quand par tels fermons
vous voulez troubler l'eftat de l'eglilé.
Le xviii. On ne doit mettre vn hérétique au bras feculicr pourle punir demort:
il fuffit feulement qu'il y ait cenfureecclefiaftique. le refpon , Voici comment ilyaen
mon liure: Il deuroit auoir honte de fafemblance cruelle spécialement veu que Iefus
Chrift, Euefque du vieil & du nouueauTeftament > n'a point voulu ciuilement iuger,
ne condamner de mort corporelle le defobeuTant. Quant au premier , on le peut voir
Luc x 1 1 .& du fccond,il appert autli par la femme adultere,de laquelle il eft parlé Iean
v 11 1. Et il eft dit au x v m.dc S.Math. Si ton frère a péché, &c. Voici donc que iedy,
L/#ro /- Jean Hnf.
Qji'vn hérétique qui feroit tel,deuroit premicremcnc eftre innruitaucc humilité 6c
affection Chrcftienne par lcf fainctcsEfcritures &: railons tirées d'iccllcs:commc kiinet
Auguftin &£ autres ont tait ^ difputans contre les herctiqucs:mais s'ils s 'en trouucnt au-
cuns, qui après toutes bénignes admonitions &inftrucliom ne Jaillait pas délire o-
pinialtrcs, &:de relîftcr obitinémem contre la vérité, ie dy que tels doyucnt auili e-
llre côrporcllement punis. Ainfi que Ican Hus difoit ces choies , les iuges leurent en
fonliurc vue claul'ule, où il le courrouçoit alprement contre ceux qui liurcnt au bras
feculier vn hérétique qui n'eft point encore côuaincu : raifant comparaison d'eux auec
k-n ig j[. ics Sacrificateurs, Scribes &c Pharificns, lelqucls difans à Pilate , Il ne nous cil licite de
mettre aucun à mort, luy liuretét Iclus Chnft: &: nonobftant ils loin plus grans meur-
icini9. h. triersque Pilate, félon letefmoignage de Chnft, Celuy qui m'aliuré à toy,aplus grand
pèche. Adonc les Cardinaux & Euefqûes firent vn grand bruit,&: interroguerent ledit
Hus, Qui font ceux que tu fais femblables aux Pharifiens? Et il dit,Ccux qui burent au
glaiuc ciuil vn innocent, comme les Scribes & Pharilicns ontliurc Iefus Chnft à Pila-
te. Non,non, ce dirét-ils:nonobftant tu parles ici des Docteurs. Et le cardinal de Cam-
bray à fa raçon accouftumee dit, Certainement ceux qui ont fait les articles,ont vfc de
grande manfuctudcrcarles eferits deceftuy-ci font beaucoup plus énormes.
Le xix. Les nobles du monde doyuent contraindre les gensd'eglife à obferuer la
Loy de Iefus Chrift . ierefpon,Ilyaainfi de mot à mot en mô hure: Ceux de noftre par-
ti fouhaitcnt&: prefehent que lcglife militante purement félon les parties que le Sei-
gneur a ordonnées , eft mellee : aflauoir de gens d'eglife , gardans purement les ordon-
nances du Fils de Dieu:& de nobles du monde, qui côtraignent à garder les cômandc-
més de Iclus Chrift d'hômes vulgaires feruans à ces deux parties, felô la loy d'iceluy.
Le x x. L'obeiilance ecclefiaftique eft vne obenTance félon l'inuention des preftre s,
&: moines, fans exprefle authorité des fainctes Efcritures . le refpon que ie confelfe ces
J^il^cej Paro^cseuX;rcain^e^crit:cs en mon liure:Iedyqirilyatroisobeilfances,Spintuclle, Sé-
culière, &C Ecclefiaftique. La Spirituelle eft celle qui eft deue purement félon la Loy &:
ordonnâce de Dieu, fous laquelle les Apoftrcs de Iefus Chrift ont vefeu, &C tous Chrc-
ftiens doiuent viure. La Séculière eft celle qui eft deue félon les loix ciuilcs. L'Ecclelia
ftiquecft vneobei/îance félon les inuétionsdes prcftrcs,à laquelle nul n'eft oblige par
authorité exprefle de l'Efcnture. La première obeiiîâce exclud touiîoursle mal de fov,
tant de la part de celuy qui fait commandement ,que de celuy qui rend obeiifance . &C
de cela eft parlé Dcuter. xxnn, Tu feras tout ce que les lacrificatcurs du genre Lc-
uitique t'auront enfeigné,felon ce que ie leuray fait commandement.
Le x x i. Celuy qui eft excommunié du Pape, fi en laiifant le iugement duFapc&:
du Concile gênerai , il appelé à Iefus Chrift , vn tel appel fait que toutes excommuni-
cations ne luy peuuêt nuire. le refpon que ie ne recognoy point celle propolitiommais
ie me luis pleine en mon liure, qu'on m'auoit fait beaucoup de torts &C à ceux qui m'ai-
ment, &: qu'on m'a refulé audience en la cour du Pape. car après la mort d'vn Pape i'ay
appelé à fon fucceffeur:&: cela ne m'a rien profité. Or appeler du Pape au Concile, cil
par trop long eft requérir vn aide incertain en fon grief.&: pourtant i'ay appelé pour
le dernier au chef deTÈglife, mon Seigneur Iefus Chrift: car il eft beaucoup plus ex-
cellent que tous les Papes , à décider les caufes : veu qu'il ne peut errer , ne denier in-
dice à celuy qui la demande droitement,&: ne peut condamner l'innocét. A celte he u
rc-la le cardinal de Cambray luy dir,*Veux-tu eftre pardellus fainct Paul,qui appela à l'-
Empereur^ non point à Ielus Chriftr Hus refpondit , Quand ie feroye le premier qui
feroye ceci, tât y a toutesfois que ie ne deuroye pour cela eftre réputé hérétique: &: ne-
antmoins fainct Paul n'appela point à l'Empereur de Ion propre mouuement , iruus de
Aa.13.11. ]a volonté de Chrift, lequel luy dit par rcuelation,Sois ferme &C conllantxar il faut que
tu ailles à Rome. Et comme il rcpetoit Ion appellation, on Ce mocqua de luy.
Pourccque mention eft faite de l'appel dudit Huj il a femblc bon d'inferer la forme d'ice/uy.
Î^Êp Omme ainli toit que le Seigneur tout-puiiîant elt le prcmiei &: dernier refuge de
r' M*-*. ygggÀÎ, ceux qui font opprimcz,&: qu'il eft Dieu gardât vérité en toutes générations, fai-
1fe.145.1g. fant iuilice à ceux qui font outragcz,eitant prochain de tous ceux qui Pinuoquët en vc-
rité,defliât ceux qui font liez,faifant la volonté de ceux qui 1 honnorent &: craignét,&:
gardât tous ceux qui l'aimér,&: mettat en ruine to9 pécheurs inec rrigible s:&que le Sei-
gneur Ieiv,vray Dieu &vray hôme}eftâtenangoiire,enuirÔné de Sacrincatcurs,Scribes
&Pha^
Jean Ifat. 24.
&£ Pharifiés , voujant par mort amcre &c ignominièufe racheter de <lamnatiÔ éternelle
les enfuis de Dieu clcus deuant la fondation du mode, a lai/Té ce tant bel exéble pour
mémoire àceuxquiviendroyent après luy, à ce qu'ils reminent leur caufe entre les
mains de Dieu, qui peut toutes choies , qui fait &C voit toutes choies , difant ainii : Sei-
gneur voy mon affliction: car mon ennemi s eft drefle , &c tu es mon protecteur &: dé-
fendeur. O Seigneur, tu m'as donné intelligcnce:&: l'ay cogneu: tu m'as manifefté leurs pfc-44
entrepriles,&: de moy i'ay efté comme vn agneau débonnaire qu'on mené à la bouche-
rie, &: n'ay point relifte. Ils onr fait des entreprifes fur moy,difans , Mettohs du bois en
fon pain, &c exterminons-le de la terre des viuans , &: que fon nom ne foie plus en mé-
moire. Mais, ô Seigneur des armées , qui iuges iuftement,&:efprouues les reins &les
cceurs,auife à ta vengeance contr eux : carie t'ay déclaré ma caufe, d'autant que le nô-
bre de ceux qui me troublent eft grâd:&: ontconfulté enfemble,difans , Dieu l'a delaii-
fé:pourfuvucz-lc,^: l'empoignez. O Seigneur mon Dieu ,auife à ceci: car tu es ma pa-
tience. Deliure-moy de mes ennemis: tu es mon Dieu , ne t'eilongne point de moy:
pource quelatnbulation eft pro chaîne, &: n'y a perfonnequi mefecourc. Mon Dieu,
mon Dieu, regarde à moyrpourquoy m'as-tu lai(îe?Tant de chiens m'ont cnuironné,!'- Pfeau
aifemblee des malins m'a aiîiegé: car ils onrparlé cotre moy d'vne langue frauduleufe,
&: m'ont circuy de p arolles de haine,&: m'ont fait la guerre fans caufe. En lieu de m'ai-
merais detra&oyent de moy : 8c ont brafle des maux contre moy , en lieu de me procu-
rer du bien: 8c en lieu de dile&ion ils ont conceu haine. Voici , m'appuyant fur ceft ex-
emple tant fainct &: fructueux de mon Sauueur 8c Rédempteur , l'appelle deuant Dieu
de cefte grieue&: dure oppreiîîon, de celle fentence inique , 8c excommunication pré-
tendue parles Scribes &c Phariliens, luy refignant ma caufe: comme Iean Chryfoftome
^appela deux fois du Concile,des Euefques 8c du Clergé.&André euefque de Prague:&:
Robert euefque de Lincolne appelèrent du Pape au luge fouuerain 8c trefîufte, qui n'-
en: point cfbrâlé de craîte,&: ne peut eftre flechy par dons,ne deceu par faux tefmoins.
Or 1e délire grandement que tous les fidèles de Iefus Chrift, 8c principalement les Prin-
ces, Barons, Chcualiers,Efcuyers, &: autres habitans de noftre pays de Bohême fâchée
ceci, 8c ayét compaflion de moy qui fuis fi grieuemét oppreffé par l'excommunication
prétendue, qui a efté obtenue fpccialcment àl'inftigation démon grand aduerfaire
Michel de Cauhs,du confentement& à la faueur des Chanoines de l'eglife cathédrale
de Prague , 8c donnée par Pierre de faincl Ange , diacre de l'eglife Romaine , cardinal,
iuge dépuré par le Pape Iean x x 1 1 1, qui a efté prefque- deux ans fans vouloir donner
audience à mes aduoeats 8c procureurs , laquelle onnedeuroit refufer nyà Iuif, nyà
Paven,ny à hérétique quelconque^ n'a voulu receuoir aucune raiibnnable exeufe de
ce que ie n'ay perfonnellement comparu , ny accepter les tefmoignages de toute lvni*
ueriicé de Prague auec le feau pendant, 8c atteftation des Notaires iurez &: appelez au
tefmoignage. Par cela on peut bien voir clairement,que ie n'ay point encouru note de
contumace, veu que ce que ie n'ay comparu en la cour Romaine , n'a efté par mefpris,
mais pour caufes plus que raifonnables:&: outreplus , pource qu'on m'auoit dre/fé em-
bufehes de tous coftez par les chemins, pource aulli que les dangers des autresm'onc
rendu bien aduifé,pource aufTi que mes procureurs fe font voulu obliger à la punition
du feu contre tous ceux qui fe fuflent voulu oppofer contre moyen la cour Romaine:
pource aufli qu'ils ont mis en prifon mon procureur légitime, fans trouuer aucune fau-
te en luy. Comme ainii (bit donc que tous droits anciens, tant diuins qu'humains , dif-
pofent que les iuges vititent les lieux où le crime eft commis,& que là facent enquefte
du blafme fait à celuy qui eft diffamé 8c aceufé , 8c s'informent de ceux qui par conuer-
fation ont cognoùTance de celuy qui eft blafmé,&: qui ne luy portent aucune maluueil
lance: qu'ils foyent homieftes , 8c non pomt diffamateurs , mais rapporteurs fidèles fé-
lon la loy de Iefus Chrift: d'auantage qu'il y ait feur accez pour celuy qui eft cité , 8c que
le iuge ne foit point compagnon de l'inimitié des parties & tefmoins:il eft bien certain
que n'ayant point ces conditions pour pouuoir comparoiftre,ie fuis exeufé deuat mon
Dieu de toute rébellion 8c contumace , 8c de toute excommunication pretedue 8c fri-
uole, pour garder ma vie. Moy Iean Hus , prefente cefte appellation à mon Seigneur
Iefus Chrift,qui eft luge trefiufte,qui cognoit,defend&:maintiét la caufe iuûe de quel-
que homme que ce foit.
Le x x n . L'homme vicieux fait vicieufemét,& l'homme vertueux fait vertueufe-
LimtuL Jean tfus.
ment. le refpon. Voici comment il y a en mon liure: Il faut noter qu'il n'y a point de
moyen entre dcux:ou les œuures humaines lbnt vcrtueufcs,ou vicieufes. Car fi vn ho-
me eft vertueux, & il fait quelque chofe,il l'a fait vertueufcmét:& s'il eft vicieux, & fait
quelque chofe,il la fait vicieufement.
Le xxiii .L'home d'eglife viuant félon la loy & ordonnance de lefus Chrift,ayant
cognoiiîance de l'Efcriture , &: affedion d'édifier le peuple,doit prefeher , nonobftat 1-
excommtMucation prétendue. Et puis après , Que file Pape ou quelque autre fuperin-
tendant commande à vn homme d'eglife, qui fera ainfi difpofé,de ne preicher point,il
ne doit nullement à cela obéir. le refpon, Voici quelles font mes parolles,Nonobftant
l'excommunication pretenduc,foit qu'elle foit faite on à faire,le Chreftien doit execu-
Aa.î.i 9 tcr les commandemens du Fils de Dieu.Cela appert par ce que dit S. Pierrejl faut plu-
ftoft obéir à Dieu qu'aux hommes.il s'enfuit de cela,que le miniftre de la Pa^ollc,viuât
félon la loy de lefus Chrift, ayant bonne cognoillance de l'Efcriture, &c. doit prefeher
nonobftant l'excommunication pretendue.il appert,pource que prefeher la parole de
Dieu, eft vne chofe commandée aux gens d'eglife, Ad. 5. Dieu nousacommandé de
prefeher au peuple. Puis s'enfuit la féconde partie de l'article: Il appert par cela, que
tout ainfî que donner l'aumofne n'eft point vne œuure indifreréte à celuy qui eft riche:
aufîî prefeher n'eft point vne œuure indifférente àceluyqui eft commis pourgouuer-
ner l'Eglife.Outreplus,on peut voir que fi le Pape ou quelque autre ordôné pour le ré-
gime de l'Eglife, mande au Miniftre qui aura bonne affediô de prefeher , qu'il ne pref-
che point: ou à vn homme riche de ne donner point l'aumofne , vn tel ne doit en cela
rendre obeifTance.il adioufta encore ceci : Afin que vous m'entédiez bien, i'appele Ex-
cômunication,celle qui eft iniufte &: contre tout ordre,faite cÔtre toute difpoiition de
droid , &: contre les ordonnances de Dieu . Vne telle excommunication ne doit faire
cefTer vn Miniftre idoine pour prefeher auec vtilité &fruid:& iceluy ne doit pour cela
craindre la damnation. Lors on luy mit en auant qu'il auoit dit , que telle excommuni-
cation eftoit vne benedidion.il refpondit à cela, Encore le di-ie maintenât: &: la raifon
eft , que quand quelcun eft iniuftement excommunié, cela luy eft vne benedidion de-
Malac 1 1. uanc Dieu, félon ce que dit le Propheteje maudiray vos benedidions,&c. Ité\lls mau-
Piciig 18 dir0nt:mais toy tu beniras.Lors le cardinal de Florence, qui auoit charge de faire noter
au greffier ce que bon luyfcmbloit ,commençaàdirc,Tantyaneantmoins,qu'ilya
Canons qui difent, Encore qu'il y euft quelque excommunication iniuftement iettee,
fî la doit-on craindre toutefois.
Le x x 1 1 1 1 . Tous ceux qui font inftituez pour feruir à l'Eglife , ont quant &: quant
la charge de prefeher : &doyuent exécuter cefte charge nonobftant l'excommunica-
tion pretédue.Ie rcfpon,Les paroles de mon liure font telles, Tous vrais fidèles ne doi-
uent nullement douter,que l'homme qui eft idoine ou fuffifant pour enfeigner , ne foit
plus obligé à confeiller les ignorans,à inftruire ceux qui font en doute,à corriger les re-
belles,qu'il n'eft à s'employer aux aumofhes &c autres œuures femblables.
L e x x v .Les cenfures Ecclefiaftiques font contre lefus Chrift, lefquellcs le Clergé
a controuuees pour fe faire grand, &: pour réduire le peuple en feruitude , fi les laies ne
rendent obeiflanceauxgés d'eglife à leur appétit &: tantalie. Telles cenfures augmen-
tent rauarice,maintiennent la malice,&: préparent la voye à l' Antcchrift.Or c'eft bien
vn figne euident que telles cenfures procèdent de rAntcchrift,lefquelles ils appelent
Fulminations en leur procès, par lefquelles le Clergé procède principalement con-
tre ceux qui defcouurent la malice de l'Antechrift. le refpon, le nie qu'il y ait ainfi for-
mellemét en mon liure.toutefois la matière eft bien amplemet mife au x x 1 1 1 .chap.Et
en l'examen de l'audience ils ont extrait par cy parla des claufes qui leur eftoyent plus
contraires,^ qui les pouuoycnt plus irriter.Et après qu'elles furentleué's,le cardinal d<2
Cambray , chantant toufiours vne mefme chanfon , dit , Pour certain ces chofes font
beaucoup plus énormes &c plus fcandaleufes que celles qui font rédigées par eferit.
Le x x v 1 . Il ne faut point mettre interdid au peuple : car lefus Chrift fouuerain E-
uefque, n'a point mis interdid,ne pour Iean Baptifte,ne pour les iniures qui luy auoyet
efté faites. le refpon , Mes paroles font telles , quand ie me plain que pour vn clerc on
m'ait interdid,&: pour cela tous les bons ccfTent de louer Dieu : Or lefus Chrift qui e-
ftoit le fouuerain Euefque,n'a point mis interdid pour la détention de Iean Baptifte,ce
grand Prophète, &: excellent par defTus tous ceux qui font nais de femme,ne cjuâd Hc-
JeanFtui. 2 s
rode le fît décapiter: non pas quand luy-mcfme eftoit inhumainement traité Se blaf-
phemé,& battu par les ennemis. Il ne donna point lors de malédiction , ains pria pour
cux,&: enfeigna Tes difciples de faire le femblable,Mat. v .Et S. Pierre fuyuant cefte do-
ctrine, dit en la i .Epift.ehap. 1 1 .Vous elles appelczà cela,d'autant que Chrift a fouffert
pour nous,nous laiifant exemple, afin que fuyuions l'es pasdequel quand on le maudif-
foit,ne rendoit point de malédiction. Et S.Paul pallant par vn mefme chemin, dit Rom.
x 1 i ,Bcniflcz ceux qui vous peii'ecutent,&:c. ^11 y a autres tel'moignagcs de l'Elcriture
alléguez en l'on liure: mais on les lai/foit là,&: ne recitoit-on linon ceux qui pouuoycnt
aigrir les courages des iuges. Voila les articles , lcfquels on difoit eftre ex traits du liure
de Iean Hus,intitulc, De l'Eglife.
Scnfuyuent fept articles , qu'ils dilbycnt eftre recueillis d'vn traicté dudit Hus,compofé contre
maiftre EfHennc Palets.
premier article. Si le Pape, ou quelque Euel'que ou Prélat cft en peche mortel,
ggjlors il n'eft plus Pape, Euel'que ou Prelat.ie refpon, I'aduouë cefte fentéce,&:vous
réuoyeàS.Auguftin,S.Hierome, S. Cyprien, S. Chryfoftome,S.Gregoire,&: S.Bernard,
qui dil'ent bien dauantage, Que ccluyquicft en péché mortel, n'eft pas vray Chre-
ftien, combien moins le Pape ou vn Euefquc, dcfquels ileftdit Amosvi 1 1 , Ils ont ré-
gnerai* non pas de par moy:ils ont gouuerné,mais ça cfke Tans mô adueu ? l'en dy au-
tant d'vn Roy ou Prince,comme il eft dit de Saul, i . Sam. x v , Pource que tu as reiettê
ma parolle, ie te reietteray aufli,à ce que tu ne l'ois Roy. ^ Ainlî qu'il difoit cela , l'Em-
pereur regardant par vne feneftre du refectoir , &c ayant auec foy le conte Palatin, &: le
BurggrafTde Norcberg , & deuifant beaucoup de Hus auec eux,dilbit,Il n'y eut iamais
plus pernicieux hérétique que ceftuy-cy. Cependant Hus auoit dit cela d'vn Roy indi-
gne. Et après qu'on eut appelé l'Empereur, on fit commandement à Hus de repeter
ce qu'il auoit dit.ee qu'il fit,adiouftant la correction. Et l'Empereur dit, Il n'y a homme
qui l'oit fans péché. Et le cardinal de Cambray , monftrant face de courroux , dit , Ne
t'eftoit-ce pas allez de mefprifer l'eftat &c ordre eccleliaftique, fans tafeher de le trou-
bler &c renuerfer par tes efcritsîEt voici encore, tu t'attache aux Rois,& leur veux ofter
leur dignité. Lors Palets commença à alléguer les loix , parlcfquelles ilvouloit prou-
uer que Saul eftoit roy lors mefme que Samuel luy dit ces parolles : &: pour cefte raifon
mefme auoit défendu que Saul, quelque chofe cju'il fuft fon ennemy,ne fuft point mis
à mortmon pas pour fon honnefteté &c fainctete de vie ( laquelle il n'auoit point ) mais
pour la fainctetc de l'onction. Sur cela Iean Hus allcga de S.Cypncn , que celuy qui n'-
enfuit point lefus Chrift en fainctes &: bonnes meeurs, vfurpe en vain le nom de Chre-
ftien. Palets refpon dit, Voyez la folie de ceft homme-cy, qui allègue des chofes ne fai-
lans rien à propos. car encore qu'il y euft quelcun qui ne fuft point vray Chreftic n: cft -il
die pourtat qu'il n'eft vray Pape,ou Euelque,ou Roy,veu que c'cftnom d'ofrice?&:Chre
ftien eft vn nom de mérite? Adonc Hus dit, Si le Pape Iean a efté vray Pape,pourquoy 1-
aucz-vous priuc de fon office? L'Empereur rel"pondit,Les feigneurs du Concile eftoyée
nagueres de cefte opinion &: confentement, qu'il eftoit vray Pape : mais à caufe de les
forfaits qui font tout notoircs,& des malefices,parlefquels il a orfcnle 1 eglife de Dieu,
&: dilfipé les facilitez d'icelle,il a efté reietté de ion office.
Le ii. Lagracedepredeftination eft le lien, par lequel le corps de l'Eglife &vn
chacun membre d'icelle eft coniointau chefindifTolublement. le refpon, I'aduoue ce-
la eftre du mien.& facilement fe prouuera par le v 1 1 1 .chap.dcs Romains,Qui nous fc-
parera de la charité de Chrift?&:c.&:Iean x,Mes brebis oyét ma voix:&: ie les cognoy>&:
elles me fuyuent:& ie leur donne la vie éternelle , & ne périront point à iamais : &c nul
ne les rauirade ma main. Cefte liaifon qui côioint le corps de l'Eglife auec lefus Chrift
fô chef,eft fpirituelle,&no corporelle,!! on préd l'Eglife pour l'afteblee des predeftinez.
L h 1 1 1 . Si le Pape eft mauuais,&; mefme's'il eft reprouué : lors il eft diable comme
Iudas,il eft larrô &fils de perdition: tant s en faut qu'il foit chef de TEglife.ie refpon,Il y
a ainli en mô liure:Si le Pape eft mauuais,&mefme s'il eft reprouuédors il eft diable co-
rne Iudas,il eft larron &L fils de perdition. Comment donc eft-il chef de l'eglife militan- iean <?. 7o]
te,vcu qu'il n'eft point vrayement membre d'icelle? Car s'il eftoit membre de l'Eglife, * lo,u
il feroit aulîi membre du Fils de Dieu. & s'il eftoit membre du Fils de Dieu, il luy adhe-
reroit par la grâce de la predeftination.
Le 1 1 1 1 . Le Pape ou quelque Prélat mauuais ou reprouué n'eft pas vrayement Pa-
fteur : mais larron &c brigand . ie refpon , Il y a ainli en mon liure : S'il eft mauuais, il eft
e.
Liurç^jL Jean îttt*.
lean 10 u. rnercenaire.duquel Iefus Chrift dit,Il n'cft point pafteur,&: les brebis ne luv appartien-
nent point . parquoy quand il voit venir le loup , il s>nfuit , &: lanfe les brebis. Et ainii
f ont tous rcprouuez.
1. e v . Le Pape n'cft point& ne doit eftre appelé tre/laintt , mefme félon fon ofHcc.
item,I.cs bourreaux & diables deuroyenteftre appelez fain&s. Iercfpon que mes pa-
rollcs l'ont autrement couchées. ||Et quant& quant il recita au long la teneur d'icellcs:
& adioufta ceci, le ne fay quel fondemét ie pourroye auoir d'appeler le Pape treilaintt,
veu que nul n'cft appelé fainct que le Fils de Dieu.ic ne pourray donc a bon droit l'ap-
peler treftainct.
Le v i. Si le Papc,voire légitimement &canoniquemetcIeu félon l'élection humaine,
vit vne vie contraire à celle de Iefu s Chrift, lors il monte par vn autre lieu que par Iefus
Chrift. ic refponjly a ainfi au texte: Si le Pape vit d'vne façon contraire à Iefus Chrift,
ail; iuoir en orgueil, ou ambition, ou auarice,ne monte-il pas en l'eftable des brebis par
vn autre lieu que par lepetit huis qui eft Iefus Chrift? Et prenons le cas qu'il môtaft par
élection légitime (laquelle i'appclle elc&ion faite principalement de Dieu , non point
félon la vulgaire conftitution des hommes)encore ceci demeure veritable,qu'il monte
par vn autre heir.car Iudas Iicariot a efté légitimement eleu à fon Apoftolat par noftre
Seigneur Iefus Chrift, lean v i. & toutesfois il eft monté en l'eftable des brebis par vn
autre lieu,&: eftoit larron,diable &: fils de perdition.il eft monté voirement par ailleurs,
ican 13.18. vcu que je Seigneur Iefus a dit de luy , Celuy qui mange le pain aucc moy , leuera le ta-
lon contre moy. Autant en eft-il dit par faind Bernard. Lors Palets dit, Voyez cornent
il eft hors du fens.car y a-il plus grande forcenerie,que dire que Iudas a efté eleu par Ie-
fus Chrift, & toutesfois il eft monté par ailleurs ? Hus refpondit, Mais l'vn &c l'autre eft
vray : & qu'il a efté eleu par Iefus Chrift , &: qu'il eft monté par ailleurs : car il eftoit lar-
ron , diable &C fils de perdition. Palets répliqua , Se pourroit-il faire , qu'aucun fut deu-
ment eleu à la dignité Papale ou E pifcopale, &c puis qu'il vefquift d'vne façon contrai-
re à celle de Iefus Chrift>&; toutesfois il ne monteroit point par ailleurs pourtant. Et le-
dit Hus refpondit,Et moy iedy, que quiconque entre parfîmonie à la dignité d'Eucf-
que,&: autres orficesmon point en intention de feruir&: trauailleren l'Eglife de Dieu,
ains pour viure en delices,volupté &c diiiolutions,&: s'eilcucr par orgueil : il monte par
ailleurs,^: félon l'Euangile, eft larron & brigand.
Le vii. La condamnation des x l v .articles de Vviclefffaite par les Docteurs , eft
defralfonnable & inique:&: la caufe alléguée par eux eft fauiTe:aflauoir qu'il n'y en a pas
vn d'iccux qui foit catholique-.mais ou ils font hereticjues,ou erronés,ou (candaleux.Ie
rcfpon, Fay ainfieferit en mon liure: Oh a condamne x l v . articles pour cefte caufe-,
que nul d'iceux n'eft catholique:mais ou ils font heretiques,ou erroncs,ou fcandaleux.
O monfieur le DoCtcur,où eft la probation?vous forgez vne caufe que vous ne prouucz
pas. |Lors le cardinal de Cambray ditjean Hus,vo9 auez dit que vous ne vouliez main-
tenir aucun erreur de V vicleflF.&: maintenant il appert par vos liures,que vous auez pu-
bliquement maintenu les articles d'iceluy. Et lean Hus refpondit, Monlicur le Cardi-
nal,ie dy encore ce que fay défia dir,que ie ne veux maintenir les erreurs de V viclefrjne
d'autre quelconque:mais pource qu'il me lembloit que i'euile fait contre ma confeien-
cc,fi i'eufie iimplcmcnt accordé la condamnation de les articles , fans auoir aucun tef-
moignagedel'Efcriturcàroppofite: pour cefte caufe ien'ay voulu consentir à la con-
damnation d'iceux.
Senfuyitcnt autres articles,qui font le refte des x x ri x,qui ont efté pris d'vn autre petit liure compofc contre
Staniftaus de Znoymc:aflauoir fix articles.
^Tp^E premier article. La perfonne n'cft point légitimement eleué, pour dire que les
gjfe^cle&eurs ou la plufpart d'iceux ayét confenti de viues voix félon la façon des hom
mes:&: vn tel eleu n'eft pas pour cela vray &: mamfefte fucceiFeur de Iefus Chrift, ou vi-
caire de S.Pierre en l'office eccleliaftiquc : mais d'autant quoquelcun œuure plus dili-
gemment pour profiter à l'Eglife, il aaullî plus ample puifïancc de Dieu. Sur cela Ieaa
Hus remonftra la belle élection qui fut faite d'Agnès, laquelle fe nomma Pape lean: &c
fut au lîege Papal deux ans &c plus. Et que cela eftoit élire vn brigand , vnlarron &c dia-
ble^ par confequent on peut élire vnAntechrift. Or il appert qu'on élit la perfonne
par faueur , ou par haine , ou par auarice: à laquelle élection Dieu ne conferjt point.
Le 1 1. Le Pape reprouué n'eft point chef de l'Eglife de Dieu. Pour refponfe ic
vou-
1
Jean Km. 26
voudroye bien, dit Ican Hus, que quelque Docteur me donnait raifon qui fuft fufrîfan-
te , pour me monftrer que cefte queftion foit infîdcle:Si le Pape eft rcprouué , commet
eft-il chef de l'Eglifc ? Voici la vérité qui ne pourra failli r: aiïauoir fi la queftion de Iefus
Chrift cft infidèle , laquelle il fait aux Scribes & Pharifiens, Matth. x 1 1 . Génération de
viperes,commcnt pouucz-vous parler bonnes chofes,vcu que vous eftes mauuais : Et
voici iefay cefte demande aux Scribes, Si le Pape cft rcprouué, s'il eft génération de vi-
pcrcs:commentcft-ilchcfdela i'ain&e Eglife ? mais pluftoft de tant plus que quelque
Prélat fera homme de bien, tant moins s'eftimera-il eftre chef de l'Eglifc: mais refïgne-
ra entièrement cefte dignité à ecluy qui leulpeut baillcrvieau corps de l'Eglifc, afla-
uoir Icfus Chrift. Outrcplus le Seigneur Iefus fait cefte demande aux Iuifs , en S.Iean, ican y.
Comment pouuez-vous croire, vous qui cercliez voftre gloire les vns des autres, &c ne
cerchez point la gloire qui cft de Dieu feul? Et ie demande femblablcment , Si le Pape
cft reprouué:commcnt peut-il eftre chef de l'Eglife, veu qu'il reçoit l'a gloire du mon-
de^ ne cerche point la gloire qui eft de Dieu leul?
Le 1 1 1 . Il n'y a point d'apparence qu'il faille qu'il y ait vn chef, lequel conuerfe touf-
iours en prefence corporelle auec l'Eglifc pour la gouuerner.ie refpon, I'aduoue ceft
arcicle: car quelle eft cefte côfcqucnce? Leroy de Bohême cft chef du royaume de Bo-
hême: le Pape donc eft chef de toute l'Eglifc en terre, car Iefus Chrift cft feul chefgou-
uernantfon Eglife:& beaucoup plus neceflaircment qu'il n'eft neceffaire que l'Empe-
reur gouucrne es chofes temporelles. Car c'eft vnc ncceiïité,que Iefus Chrift,quieft ai- Colof.3.1.
fis à la dextre glorieufe de l'on Pere, gouuerne l'Eglifc ici bas en la terre par la grâce & Epllc'1 'ia'
vertu de fonElprit. Etdauantageil eft monftré facilement en mon liure, combien il
s'en faut que cefte confequence foit bonne , Le roy de Bohême cft chef de tout le roy-
aume de Bohemeril s'enfuit doc que le Pape cft chef de toute l'Eglife ici bas en la terre.
Le un- Iefus Chrift regleroit beaucoup mieux ion Eglife par fes vrais difciples e-
fpars par tout le monde, fans tels chefs monftrueux. le refpon a cela , qu'il fa en mon
liure comme il s'enfuir.Et combien que monfieur le Do&eur dife que le corps de l'egli-
fe militante eft quelque fois fans tefte: nonobftant nous croyons vrayement que le Fils
de Dieu cft chef fur toucel'Eglife, lacôduifant&gouuernantfansmtermifîîonjefpan- W1"1*
dant furcllcmouuemens&iéntimcnsfpirituelsjiufquesauiourduiugemét. Et mon-
fieur le Doilcur ne pourroit donner raifon pourquoy du temps d'Agnes ( qui fut eleué*
Pape &: nommée Ican) durant l'efpace de deux ans & cinq mois fcglife fut fans chef, &
cependat elle ne lailîbit d'auoif vie fous Iefus Chrift: & que par cefte raifon mefme elle
ne puiflè eftre fans vn chef en ce monde par plulieurs ans : veu que Iefus Chrift rcglc-
roit mieux l'on Eglife paries vrais difciples cfpars par tout le monde, que par tel ciie!
monftrueux. Et fur celaon luy dit, Voiciil prophetife. Et Ican Hus pourfuyuant fon
propos dit, Voire,ie di que l'Eglifc cftoit mieux conduite fans afTignation de place du
temps des Apoftres , qu'elle n'eft auiourdhuy . &: qui empefeheroit Iefus Chrift de la
mieux régler par Miniftres fidèles , fans tels chefs monftrueux, qui ont efté depuis peu
de temps?
L e v . Sainct Pierre n'a point efté pafteur vniucrfel des brebis de Iefus Chrift : beau-
coup moins le Pape.ie refponje dy ainli en mon liure , Il appert par les uarolles de Ie-
fus Chr:ft,que pour limiter la iurifdiclion à S. Pierre, il ne luy a pas baille tout le mode,
ny auffivnc prouince feule, nô plus qu'aux autres Apoftres.&:toutesfoisily en a eu au-
cuns d'eux qui ont efté en plus de régions , les autres en moins : &: cependant tous ont
annoncé l'Euangile, S.Paul a plus trauaillé que les autres, il a efté en plus de pays , &c a
conuertiplus deprouinces.
Le v 1. Les A poftrcs& autres fidelesminiftresde Iefus Chrift, ontreglé l'Eglifc és
chofes neceflaires à falut,auant que l'office du Pape fuft introduit . ainfi feroit-il fort fa-
cile de faire iufques au iour du iugement , quand il n'y auroit point de Pape. Et fur cela
il luy fut dit derechef, Voici il prophetize. Et Iean Hus dit,Mais ceci eft vray,que les A-
poftres ont fort bien gouuerné l'Eglifc auant qu'il y euft ïamais Pape introduit: &: cela
cft certain,qu'ils l'ont beaucoup mieux gouuernee qu'elle n'eft auiourdhuy : &; les mi-
niftres fidèles qui vicndroycntapres,pourroyent faire le fcmblable .or voici nous n'a-
uons point maintenant de Pape : &poffible eft que les chofes dureront ainfi vn an ou
deux. Apres cela il y eut vn certain Anglois qui ditjean Hus,tu te glorifies de ccci,cô-
me s'il venoit de toy : &: toutesfois ces fentences font de Vvicleff.
C.iî.
L/wo/. Jean Bus.
ÇI^JSR voila quels font les x x x i x .articles, lcfquels furent recitez le huitième îour
jjjlj^<de Iuin deuant tout le Concile en la prefence dudit Hus: aufqucls il refpôdit bre-
ucment/clon qu'il pouuoic obtenir audiéce. Il y en auoitaufli d'autres, lcfquels depuis
on trouua en la prifon , &c auoit efent les refponfes de fa main : mais c'elt allez d'auoir
propofe ceux qui font délia ci mis:aulli bien les autres font de mcfme rarinc. C'elt allez
d'auoir remonître fur quoy on a fondé toutes les aceufations de celt homme innocent:
afin qu'on puiiîc mieux dcfcouurir de quel zele eit menée toute celte tourbe Roma-
ntique. Auec ce il y eut le vénérable chancelier de Paris , nommé Ican Gerfon , qui au
nom de toute la Sorhc-nnc apporta d'autres articles magiltralement compofez contre
Hiks:aulquels ledit Hus n'eut point loiiir de refpodrexe qu'il euft volontiers fait. Pour
les faire trouuer meilleurs , celte probation hypocrite eltoit adiouftec en la fin: Ces ar-
ticles ont cité faits fous correction, ainli que Gerfon pallbit. Ainli ligne, Ican Gerfon,
Chancelier indigne de Paris.
PcUi«|uny J^ggw pCUtfacl]cmcntcntcndredetout ceci, que ledit Ican Hus n'a point cité accu-
cn a accule l'SSi., 1 . , . - , ■ i j i r • • r i -
Hus. ^^Sjle pour auoir dogmatize contre les articles de la roy: mais pour auoir fidèlement
prelché contre le royaume de l'Antechnlt,pour la gloire du Fils de Dieu, &: pour la rc-
fiauration de TEglife. le retourne donc à l'hiltoire. ^"Apres qu'on eut leu ces x x x i x .
articles qui ont elté ci deiîus recitez, le cardinal deCambray adreifa fa parollc audit
Hus, &: luy dit , Vous aucz ouy combien font gras les crimes qui ont elté amenez alcn-
contre de vous. maintenant c'eft à vous de penfer ce que deuez faire. Le Concile vous
propofe deux voyes, &c faut ne.cefiairemcnt que palliez par l'vnc. Premièrement qu'en
toute humilité vous vous fubmctticzau iugement &fentence du Concile ,&: qu'en-
duriez patiemment tout "ce qui aura cité décrété & ordonné enïceluypar fentenec
commune. Si vous le faites ainli, nous vferons enuers vous d'vne telle débonnaire-
té^ humanité que nous deuons, pour l'amour de l'Empereur qui eft ici p relent, &C
pour l'honneur defonjfrere le Roy de Bohême, &c pour voltre profit. le di ceci, non
point comme iugc,mais pour vous faire aducrtuTement.Ce propos du cardinal de Câ-
bray fut aulîi fnyuy par les autres : & vn chacun exhorta Iean Hus à ce faire . Le poure
homme ainfi preifé de tous coltez, baillant les yeux contre terre,dit, Meflieurs,ie vous
ay délia dit tant de fois, que fcltoye ici venu de mon bon gré, non point pour défendre
opiniaftrement quelque chofe:mais pour louffrir pailiblement&: de bon cœur d'eltre
cnfeigné,li en quelque chofe i'auoye mauuaife opinion:ie vous lïipplie donc de me do-
uer plus grand loilir de vous déclarer ma rantalie: &£ liic n'amené raifons viucs& bien
certaines, faccorderay voloticrs tout ce que vous demadez. 11 y eut quclcun de la trou-
pe qui cÔmença lors à crier à haute voix, Regardez cornent il parle cautelculement.il
ne parle point qu'il fe fubmet à voltre correction ou ordonnance . ÔC lors Ican Hus ref-
pondit, le me fubmetray à tout ce que vous voudrez. Inrormez-moy,corrigcz-moy, cô-
cluez cotre moy,li ie ne môltre par viues rai fons que ie n'ay point de tort . car l'appelle
Dieu en tefmoin,q ie ne parle poît par hypocrilie. Et le cardinal deCâbray dit,Puis que
vous vo9 fubmettez à l'information &: à la grâce du Côcilc, ceci a cité décrété par pres
de foixâte Doc~teurs,dcfqucls aucûs s'en font allcz,&; toutesrois en leur lieu ceux de Pa-
ris font venus:&: a cité approuué par tour le Côcilc,lans qu'vn feul y côtredilt.Premie-
Hus foiici. remet que vous côfclliez en humilité que vo9aucz erré en ces articles qui ont elté ame-
rerf^do" ncz c^"tre V0US-Puis après q promettiez par fermét,que vous ne les voulez pi9 ne main-
arinc. tenir n'y cnfeigncr:&: finalemétquevousvousendcdiliczpubliqucmét dcuattous.Sur
cela chacun dit fa râtelée, &: finalement Hus rcfpondit , le di dcrcchcf,que ie fuis preft
à attédre d'eltre informe par le Côcile. toutesfois ie vous prie & fupphe au nom de ce-
luy qui elt Dieu de nous tous, que ne me c5traignicz contre ma côlcicnce de faire cho
fc en danger de damnation cternelle:alTauoir de renôcer par ferment à tous les articles
qui ont cité propoiez contre moyrcar i'ay fouuenancc d'auoir leu en quelque part , que
le dédire c'elt renoncer à l'erreur qu'on auoit auparauant tenu. Comme ainli foit donc
qu'on dife plufieurs articles eltre miens , lefquels il ne m'elt ïamais venu en fantalie d'-
en feigner, & meime ie n'y ay pas penlé: comment le pourroit faire cela , que i'y renon-
çait par IcrmentrEt quant aux articles qui font vrayement miens , s'il y a quclcun qui
mepuific autrcmétenfeigncrfelôrEfcritureriefcray volôtiers ce q vous me demadez.
Lors l'Empereur luy dit,Pourquoy ne pourrois-tu fans danger renôcer à tout ce que tu
dis auoir elté fauffemet depofé cotre tby parles tefmoins?De mapart,ie ne feroye diffi-
culté
Jean ifnt.
culte d'abiurcr tous erreurs: &: nonobftant il ne s'enfuit pas de cela , que i'ay maintenu
quelque erreur. Hus refpondit, Sire,ce mot abiurer lignifie bien autre choie que ce à (^'n,1"
quoyl'auez appliqué. Le cardinal Florentin dit,Iean Hus,on te donnera vne forme d'- mot d Ab-
abiurer rédigée pai efcrir,qui fera ailez douce &tolerable. Adonc l'Empereur répétât lUfer-
les parollcs du cardinal de Cambray,dit,Tu as ouy deux voyes* lefquelles on t'a propo-
fees. La première ç ft, que tu renonces apertement à tes erreurs défia condanez,&: que
tu te fubmettes humblement au iugement du Concile.&: quand tu le feras ain/î , on te
fera grâce. Que h tu continues à défendre &C maintenir tes opinions, le Concile trou-
uera allez pour décréter contre toy f élonies Joix. lean Hus refpondit, le ne refufe rien
de ce qui aura cité ordonné demoy par le Concilcri'cxccpte feulement ccci:Que ie n'-
offenfe point Dieu ne ma confcicnce:& que ie ne dife point auoir fait profefTion de ces
erreurs qui ne me font iamais venus en fantafie.Et ie vous prie,s'il fe peut faire,que me
bailliez loiiir de déclarer plus amplemét quelle eft mon opinion &: intention , afin que
ie puiiîc fumfammentrefpondre des choies qui m ont efté mifes enauât: &: mefme des
orhees Eccleiiaftiques. Mais les autres 2>c l'Empereur mefme retournoyent touiîours à J^Jf11"
leur première chanfon,& luy difoyent, Tu as allez d'aage: tu peux facilement entedre Huj.
ce que ie t'ay di hier &c auiourdhuy* De nous, nous fommes contraints d'adioufter foy
aux tefmoignages, d'autant qu'on ne les pourroit reprocher. OrnTEfcriture dit > que
toute parolle eft ferme en la bouche de deux ou trois : combien pluftoft doit-elle de-
meurer ferme es tefmoignages de tant deperfonnagesgraues&rgens de bien?Parquoy
fi tu es fagej tu receuras la pénitence qui te fera ordonnée par le Concile:&: renonceras
aux erreurs &: faulfetez manifeftes, &: promettras par fermét que tu auras opinion tou-
te contraire dorefenauant,& que tu enfeigneras tout l'oppoiite. Sur ce poinft vn vieil
Euefque de Poulogne dit aufft fa râtelée. Il y a des loix manifeftes contre les hereti-
ques(difoit-il)il eft ordonné par icelles, que les hérétiques doiuent eftre punis. Hus re-
fpondit conftamment à cela,comme il auoit touiîours fai&en forte qu'ils difoyét tous
d'vne voix, qu'il eftoit obftiné. Et vn certain preftre ayant la face cramoifie , &: le ven-
tre gras,brauemét veftu,sefcria à haute voix , &c dit à ceux qui prefidoyent au Concile,
Il ne doit eftre nullement admis à ie reuoquer : car il a eferit à fes amis,que quand il iu-
reroit de bouche,neantmoins il retiendroit le contraire en fon cœur. Hus refpondit à
cefte fauife aceufation , Qu'il n'eftoit pas ainfi : affermant qu'il ne fe fentoit coulpable
d'aucun erreur. Lors Palets dit, A quoy eft bonne cefte proteftation ? car tu dis que tu
ne maintiens aucun erreur,& mefme de Vuicleff &: toutefois tu en maintiens . Apres
qu il eut dit cela, il propofa en tcfmoignage i x. articles de VviclefF,&: les leutpublique-
mcnt.& puis après dit,Quand moy &M.Staniflaus prefehions à Prague contre ces arti-
cles en la preience du duc d'Auftnche,il les défendit auec toute obftinatioe , non feu-
lement en prédications , mais aufli par liures faits &c publiez. Situnelesmonftres ici,
nous le ferons. l'Empereur en dit autant. Et Ican Hus dit,I'endureray facilement , que
non feulement ces liures-ci,mais tous autres miens foy ent produits.
C e pendant on prefenta vn article au Côcile,par lequel Hus eftoit aceufé qu'il auoit
calomnieulement interprété quelque fentece du Pape.il nia l'auoir fait , & dit qu'il ne
l'auoit iamais veue unô en prifon,quad l'article luy fut monftré par les deputez.On luy
demada qui en eftoit l'autheur.Il refpondit qu'il n'en fàuoit rien : toutesfois qu'il auoit
bic ouy dire que M JeiTcniz en eftoit rauthcur.Quellc eft to opiniô donc touchât cefte
intcrpretatiôrluy dirét-ils. Lors Hus refpôdit, Que voulez-vous q ie dife,puis que ie ne
fay iamais veue,&: n'en ay iamais rien entédu,finô ce que i'en ay ouy de vous? Et fur ce-
ci tous luy couroyét fus &cdu bec &c des ongles: tellcmêt que les forces luy defailloyent.
car il auoit enduré vn grâd mal de dets toute la nuid paffee, q. l'auoit gardé de dormir.
Apre s cela on leut vn autre article,auquel eftoit côtenu , qu'il y auoit eu trois ho-
mes décapitez à Prague,d'autaC qu'eftâs inftruits parla doctrine dudit Hus, ils s'eftoyét
mocquezoutrageufement des lettres du Pape:& après leur mort ils furent menez en
proceffiô par ledid Hus auec grade multitude d'efcoliers:puis Hus fit vn fermô publi-
quemétjpar lequel il auoit canonizé lefdits trois hômes executez.Or Nafo (duquel il a
efté parle cy deffus)affermaceci mefme,difant qu'il y eftoit prefent , quâd le roy de Bo-
hême manda que ces gens fuifent decapitez.Iean Hus refpondit,Tout cela eft faux: af-
fauoir q le Roy l'ait commadé,& que i'aye fait porter leurs corps en fepulture auec au-
cune lolênité: veu mefme que ie n'y ay eft ç ne veu n'ouy:&:pourtât vous laites tort & au
e.iii.
Limt^L Jean Un*.
Rov& à moy.Lors Palets conferma par argumet ce que Nalb auoit dit ( car ils s'enten.
doyent Ivri 1 autre)qu il auoit cfté ordonné par edirt du Roy, que nul n'euft à contredi-
re à la bulle du Pape . ces trois hommes contredirent à ladicte bulle: parquoy ils hirent
décapitez en vertu del'cdiâ: du roy de Bohême. Or il appert ailéz par le liure que Iean
Hus a fait de l'Eglife, quelle en aefté l'on opiniô:auquel il y aainii de mot à mot,Ie croy
Dan 11 33 qu'ils ont feu le Prophète Daniel,où il eft Dit,Et ils cherront en glame, es flammes , &:
?4 en fort longue captiuité:& plulieurs s'alfocieront auec eux par fraude. Et puis après.
Comme cela eft accompli en ces trois hommes:qui ne conlcntans point, mais pluUoft
côtredifans aux fallaces &: menfonges de rAntechrift,ont expofe leur \ic,&: beaucoup
d'autres ont eftéprefts de taire le fcmblable. Il y en a eu plulieurs auilîquile fontaifo-
ciez par rufe &: fraude auec eux, qui cftans eftonnezdes menaces de l'Antechrift, ont
tourné le dos,& fe f ont mis en fuite, &x\ Apres que ceci fut leu , ils le regardoyent l'vn
l'autre:&: comme eftonnez, fe t eurent pour quelque temps, car Palets &Nafo auoyent
adioufté ceci, que Iean Hus en vnfermon public auoit tellement enflamme le peuple
contre le Magiftrat,qu'vne grande partie des habitans &C citoyens s'oppofa:en telle Ibr-
tc, que ces trois hommes dilbyent qu'ils cftoyent prefts de mourir pour la vérité , &: le
Roy mefme n 'auoit peu appaifer ce tumulte qua grand peine.
Ovtreplv s, les Angloisqui eftoyentlà, prefenterent la copie de quelque Epi-
Autres a- ftre, laquelle ils dilbyent auoirefté enuoyee àfauiîesenfeignes en la ville de Prague au
lomnics nGm de l'vniuerfité d'Oxford, &: que Iean Hus la leut publiquemet en chaire , pbur re-
faire*. "Cr" commander Iean VviclefFaux citoyens. Apres que les Anglois l'eurent leue en plein
Concile , ils demandèrent audit Hus s'il l'auoit publiquement reçitec. Il confefTa qu il
eftoit ainii:pource que deux efeoliers l'auoyét apportée feellee du feau de l'Vniuerlité.
Orilsl'interroguerentquieftoyentccsdeuxefcoliers. Il refpondit, Ceftuy-ci mon a-
mi(il parloit de Palets)cognoit fvn auffi bié que moy.de l'autre, ie ne fay qu'il eft. Quât
à ce dernier,ils demandoyent premièrement où il eftoit. Et Iean Hus dit , I'ay entendu
qu'il eft mort en chemin, en retournant en Anglcterre:Et quant au premier,Palets dit
qu'il eftoit de Boheme,&: nô point Anglois:& qu'iceluy auoit apporté d'Angleterre vn
loppin de la pierre du fepulchre de V vicleff:&: ceux qui luyuent fa do£trine,Ic reucrent
délia corne, vn reliquaire.il appert parcela,à quelle fin&:intetion toutes ce s choies ont
eftétaites:& que Iean Hus eft autheur de tout ceci. Puis après les Anglois produifirét
vnc autre Epiftre toute contraire à la première, feellee du feau de laeiite vnmerlire d'-
Oxford, l'argument de laquelle eftoit prefque tel: L'vniuerfité monftre qu'elle t ic bien
marrie de ce q beaucoup d'erreurs de Vviclerf font femez par Angleterre, lcfqucls on a
apporté des eîcolcs d'icellc.parquoy pour remédier ôiobuicr à ce mal tât qu'elk pourra
elle a cômis x 1 i.Dodleurs gras perfonnages & autres,pour céfurer les liurcs dudit Vvi-
cleff.On a doc marqué de fes liures plus de deux ces articles,lefquels ont cfté iugez par
toute l' Vniuerfité dignes d'eftre mis au feu: toutesfois pour la reueréce duS.Côcile elle
<l cnuoyt leldits articles àCôftace,laiiIat à iceluy la fouueraine authonté de ce îugemét
O r fur cela il y eut quelque peu de iilcnce.puis après Palets lé lcua , &: comme ayat
Pcnurc4cs obtenu ce qu'il ctemandoit, dit à haute voix , l'appelle Dieu en teimoin en la prelcnce
f.ux tcf- delà maiefté Impcriale,&: de vous meilleurs les Cardinaux &: Euelqucs,qu'cn cefte ac-
culation de Iean Hus ie n'ay vfé d'aucune haine ou maluueillace côtre luy : mais ce que
l'en ay tait, ie l'ay fait pour fatisfaire à mon ferment , quand ie tu fait Dorïeur : aflauoir
que ie me monftreroye afpre ennemi de tous erreurs &: herehes à fvtilité de noftre mè-
re famete eglife.autant en fît Michel de Caulis:Mais moy(dit Iean Hus)ie recom mande
tout ceci au luge celefte , qui iugera iuftement lacaufe de toutes les deux parties. Et le
cardinal de Cambray dit, le ne me puis allez efmerueiller de la bonne confcience&;
humanicéde maiftre Eftienne Palets, de laquelle il a vfé enpropofantles articles con
trelcan Hus: car à la vérité il y a des chofes beaucoup plus énormes en l'es liures, corne
nous lauons ouy. Apres que le Cardinal eut dit cela,l'cuefque de Rigen,qui auoit Iean
Hus en garde, cômanda que ledit Hus fuft remené en prifon,&: eftroitement gardé. Le
fe igneur de Chlum le fuyuit,& conferma aucunement fon courage:car on ne pourroit
dire comment il fut eonfolé par ce bref propos de ce bon ami , fe voyant eftre delailîe
prefque de tous les autres au milieu de tant d'aigres inimitiez.
Apres qu'on eut remené ïea Hus en Drifon,i'Empereurcommença à taire ces re-
môftrances à ceux quipreiidoyentau Concile, difant, Vous aucz ouy pluficurs crimes
&e-
inuinî.
Jean Hhs. 28
&: énormes contre Ican Hus, non feulement prouucz par tefmoignages fermes, mais
aufTi confcfTez par luy-mefme : defquels ftlon mon opinion vn chacun feroit dignede
mort.Si donc il ne fe dcfdit de tous ces articles,ie fuis d aduis qu'il foit bruflé. 6c s'il fait d ajuisq!
ce qu'on luy aura commandé,toutefoisie donne confeil qu'il luy l'oit défendu de pref- Hus foit
cher&cnfeignei:mefmeque leroyaumede Bohême luy foit intcrdi&.Car s'il a congé bruflc-
de retourner à l'office de prefeher &: enfeigner , &: principalement au royaume de Bo-
heme,il ne fe pourra faire qu'il ne reuienne à fa première façon de faire, fe confiant à la
grace&faueurdeceux qu'il a là pour foy :&qu'aucc ces erreurs il n'en femed'autres
nouucaux.ainfile dernier erreur feroit pire que le premier . Dauantage,ie fuis d'aduis
que ces articles condamnez foy ent enuoyez à mon frère roy de Bohême , puis après en
Pologne&: autres régions 6c prouinces , efquelles les cfprits des hommes lont abbreu-
uez de fa do&rine: voire qu'ils foyent enuoyez auec vn tel mandemenr , que tous ceux
qui continueront de maintenir telles opinions,foyent punis par l'aide commun tât du
bras cccleliaftique que du bras feculier. Voila comment on pourra finalement obuier
6c remédier àvn tel mal, fi on arrache du tout les rameaux auec la racine :&: fi à la fa-
ueur de tout le Concile on recommande les Euefques &: Prélats qui onticitrauaillé
pour abolir cefte herefie,cnuers les Rois 6c Princes lous la iurifdi&ion defqucls ils font.
Et finalement fi en cefte ville on trouue quelques amis familiers dudit Hus, qu'ils foy-
entreprimez parvne telle feucrité qu'il appartient:& principalement Hicrome de Pra
gue fon difciple.Sur cela les autres dircnt,Nous efperons bien que quand le maiftre fe-
ra puni, le difciple fe rengera mieux à la raifon. Ceci dit,ils fbrtirent tous hors du refe-
c~toir,où ils s'eftoyent aiîemblez.
L e iour deuant la condamnation de Ican Hus,qui fut le iixiem e de Iuillct , l'Em pe-
rcur enuoya quatre Euefques vers Hus,&: auec eux les îeigneurs deDube 6c de Chlum*
afin qu'ils ouuTent de luy ce qu'il auoit délibéré de faire . Apres qu'il fut mis hors de la
priion,&: amené deuant eux,le feigneur de Chlum commença premier à parler , 6c luy
dit,M.Iean Hus,ie ne fuis point homme de lettres,&: ne fuis pas pour vous donner con-
feil,à vous,di-ie, qui eftes homme fauant: nonobftantie vous prie, fi vousvous fentez r??CUf<!
coulpable de quelque erreur de tous ceux qui ont elte amenez contre vous deuat tout monneite
le Concile,ne craignez point de changer d'opinion , &c vous fubmettre à la volonté du Hus-
Concile.finon,ie ne vous veux inciter à faire quelque chofe contre voftrc conlcience:
mais pluftoft que vous enduriez toutes fortes de tourmens,quc de renoncer à la vérité
que vous auez cogneuè'.Iean Hus fe print à plourer:&: dit,Comme i ay défia fait par plu
heurs fois,ie pren encore Dieu en tefmoin, que ic luis preft: de bon eccur de changer d'-
opinion,li le Concile m enfeigne choies meilleures par tcfmoignage de l'Elcnture. L'-
vndes Euefques qui cftoit là prefent,dit alfez fièrement, Qu' il n'auoitiamàis eifé fi ar-
rogant , de vouloir préférer fon opinion au iugement de tout le Concile . Hus refpon-
dit,Et c'eft ce que ie preten auflï. Car li le plus petit de tout le Concile nie peut con-
ueincre de quelque erreur,ie feray de bô cœur tout ce que le Concile requerra de moy.
Voyez ( dirent les Euefques ) comment il cft obftiné&: endurci enfes erreurs. Etayans
dit cela, ils cômanderent aux gardes de le remener en prifon, & s'en retournèrent vers
l'Empereur.
Le lendemain,quieftoitlevii.deIuillet,ilycut vneafiemblee générale des Prin-
ces &c Prélats au grand temple de Conftance : &: là prefidoit l'Empereur citant orné de
les accouftremés Impériaux. Au milieu de tous il y auoit vn lieu eminent de la largeur
d'vne table,&: auprès vn tronc de bois, fur lequel on auoit pofé desornemens de pre-
ftre,à celle fin qu'auantquede remettre Hus en la puilfance du bras feculier, il fuft pu-
bliquement priué &c defpouillé de fes ornemens facerdotaux,& dégradé. Et après eitre
là amené,il fit fa prière eftant à genoux.
Cependant l'eucfque de Londen monta en chaire, &C fit vn fermon deuat tous,
pour entrée il monftra quel danger c'eftoit de ne remédier de bonne heure aux maux,
prenant fon. thème fur ce qui cft dit Romains fixieme , Afin que le corps de pèche (bit
deftruit:alleguant fur cela lauthorité dAriftotc &c de S.Hicrome. Puis il propola com-
bien les fchifmcs font à dcteftcr,&confequemment exhorta les afliltans à confiderer
les efclandres qui eftoyentaduenus par faute d'auoirdu tout arraché les herefies. Sur
celaceftEuefque efeumoit de véhémence, pour de tant plus cfmouuoir leseceursde
ces Pères pitoyables, airauoircompalîîon de lapertedesreuenusde l'eglife, quifedi-
e. iiii.
L 'mrcj /. Jean If
minuoyent par la doctrine de Hus.il mcttoïc en auant les exemples des Rois, Princes
&c Prélats qui auoycnt grandement travaille à extirper telles pertes, & n'auoventpeu.
Et là deffusadreifa fon propos à l"Empereur,luy difancen Hattenc,Que ce tnôpheglo-
ncux l'auoit attendu:^ que la plus grade gloire qu'il pourroit ac quérir, c cil de purger
Feglife de ce s hereties qui pulluloyent:&: que Dieu l'auoit expreifément ordonné à ce-
la.Nousce mettons point ici celle belle harengue de mot à mot: il tuffit de monftrer à
quelle fin elle tendoit.
A p r t s que ce lermon fut acheuc,le procureur du Concile demanda que le procez
de la cauie contre Iean Hus fuft mené à fentece defînitiue. Lors vn Euefque,qui eftoit
des luges ordonnez , monta en chaire , &: prononça à haute voix le procez de la cauie
démenée en la cour de Rome,entrc Hus & les prélats de Prague, finalement récita les
menues articles qui ont efté ci deflus nommez:entre lei'quels il y eut auifi ccfluy-ci in-
féré entre les autres, a/fauoir,que Iean Hus auoit dogmatizé que les deux natures, alîa-
uoir la diuinitc 6c humanité font vn mefmc Chrift . Hus talchoit de rcfpondre hneuc-
ment à vn chacun: mais à toutes les fois qu'il ouuroit la bouche pour parler, le cardinal
de Cambfay le faifoit taireduy donnant congé de parler puis après , fi bô luy fembloit.
Et Hus ditjComment pourray-ic reipondre à tous les articles enfemblc , veu que ic ne
les peux pas comprendre tous en mon eiprit? Apres cela le cardinal de Florence dit,
Uusncpeut Nous t'auons allez ouy. Voyant que Hus ne fe vouloit taire pour luy,il enuoyadesoni-
dience" ciers Poul faite taire. Lors Hus commença à prier,fup plier, & obtefter,qu'onluy dô-
naft audience: afin que ceux qui eftoyent là prefens,ne penfaifent point que les chofes
qu'on dilbit de luy fuiTent vrayes.Mais tout cela ne luy profita de rien: parquoy fe met-
tant à genoux, recommanda fon affaire à Dieu,& à fon Seigneur Iefus Chnrt, pour im-
petrer ce qu'il demandoit.
Bïifphemc Fin a l t m t n t on propofa contre Hus vn horrible blafpheme,lequel on luy impu
horrible toit:ailauoir,Qu'il deuoit eftre la quatrième perfonne de la Diuinité:6c~ qu'vn Dodcur
iHuslierC ^ auolt ouy dire. Et comme Hus eut requis que ceDocteur luy fuft nommé,rEuefque
qui prononçoit l'article dit, Il n'eft beloin de le nommer . Lors Hus s'eferia, difant,0
mov miierable,qui fuis contraint d'ouir vn i\ exécrable blafpliemeî
Àpr t s cela on luy répéta l'article de l'on appel à Iefus Chnfl:&:ceft article fut lors
nommément déclaré hérétique . Sur cela Husdit,0 Seigneur Iefus, duquel la parole
eft publiquement condamnée en ce Concile, i'appclle derechef à toy,qui cftât înique-
menttraitté partes ennemis, as appelé à Dieu ton Pere, mettant ta cauie entre les
mains, comme de celuy qui eft treiiufte luge: à celle fin qu'à ton exemple nous aufli qui
fommes opprimez de torts 5c outrages, eu liions nollre recours à toy.
Encori fut répété l'article de l'excommunication mcfprifee par Hus. Auquel il
refpondit comme auparauant, qu'il s'eftoit exonié par procureur en la cour Romaine,
de ce qu'il n'cftoit perlonnellemcnt comparu:& qu'on pourroit prouuer facilemet par
les actes mefmcsquc l'excômunication n'auoit efté ratiflee.Et pour fe défendre de con
tumacc,il dit que pour cefte raifon il eftoit venu à Conftance fous la l'amie- garde de l'-
Empereur. Or après qu'il eut dit cela,l'vn des députez leut la fencence derinitiue,la-
quelle fut telle:
Sentence de condamnation contre Has.
T e lacré concile de Conftance diuinement affemblé, Se reprefentant feglife vniuer-
-*~'iellc,pour perpétuelle mémoire dufaid . L a venté tefmoigne,qu'vn mauuais ar-
bre a accouftumé d'apporter mauuaisfrui£t. Pour cefte caufe Iean VuiclcfF, homme
de mémoire damnablc,a engendré par là mefehante dodrinc plufleurs enfans contre
la foy falutaircde Iefus Chnft, corne vne racine vcnimeufc:& non point en IcfusChrift
par rEuangiIc,comme les fain&s Pères ont anciennement engédré des enfans fidèles.
Lcfqucls enfans pernicieux , ledit VuiclefF a laiffé fucceifeurs de fa peruerfe doctrine:
contre lcfquels ce S. concile deConftance eft contraint fe leuer,commc contre enfans
Noter en baftards 6c illegitimes,6<: retrecher leurs erreurs du chap du Seigneur, corne cfpines &£
«de cad' kuifîbns dômageables,&: les coupper diligemmét du coufteau de l'authorité Ecclefla-
mnation la ftique,afin qu'ils ne pullulent au defaduantage des autres. Côme ainh foit donc qu'au
fjcôde par S. Concile gcneral,qui fut n'agueres célébré à Rome, il ait efté ordôné q la dodrinc de
/entks Vo ViuticfFeiloit digne de condamnation^ quefes liures contenans vne telle dodrine,
aijnifk». dcuoyét eftre brûliez comme hérétiques : éc qu'vne telle ordonnance ait efté approu-
uec
Jean If us. 2 p
uee par lauthonté du Concile-toutefois vn certain Iean Hus,perfonncllement confti-
tué en ce fainct Concile , difciple , non pas de Ielus Chrift , ains de ce grand hérétique
Vuiclctf,a dogmatize apres,& contre la condamnation &: la fufditc ordonnance, les ar
ticles de Vuiclctf, condamnez par l'eglife de Dieu, & iadis par aucuns rcuerens Pères
en Dieu, Archeuefques&: Eucfques de diuers royaumes, &: Dodcurs en Théologie de
plufieurs Vniucditez:il les a maintenus &: prefchez:&: prirîcipalcmct refittant à la con-
damnation fcolaftiquedefdicts articles de Vuiclcf,faite par plufieurs fois en l'vniucrfi-
té de Prague,voire reiiftant aucc Tes complices es efcoles & publiquement en Tes predi
eations : &c a déclaré deuant la multitude du clergé &L du peuple en faueur de la doctri-
ne de Vuiclctf, qu'iceluy eftoit homme de bien,&: ayant bonne &c fain&e opinion de la
religion. Il a aufîî maintenu &c publié plufieurs articles à bon droit damnablcs,qui (ont
notoiremét contenus és liures dudit Hus.E t povrtant après auoir tait pleine in-
formation des choies fufditcs,& diligente délibération faite par rcuerens Pères en
Chrift meilleurs les Cardinaux delafainctecglifcR.omaine,lcs Patriarches, Archcuel-
ques, Eucfqucs,& autres Prélats &c docteurs en Théologie &T droicts , en grande aflem-
blec: Le prêtent facré concile de Confiance déclare &: prononce par fentenec défini
tiuc,quc les articles fufdits,lcfquels ont efté trouucz es liures dudit Ican Hus eferits de
fa jppre main,& lcfquels il a aduouèz eftre tiens en pleine audience deuant tout le Cô
cile,ne font point catholiques , & ne doiuent eftre dogmatizez : mais il y en a plufieurs
erronées: les autres fcandaleux: les autres tels que les oreilles Chreftienncs en font of-
fcnfees.il y en a beaucoup d'autres aufli qui font téméraires &; fcditicux,&: aucûs mef-
me qui font notoirement hérétiques , &c dés long temps reprouucz & condamnez par
les faincts Pères &:Concilcs généraux. Et d'autant que les articles fufdits font exprefle-
ment contenus és liures dudit Hus : à cette caufe ce facré Concile reprouue &: conda-
mne tous tes liures qu'il a eferits en quelque langue cjuc ce foit, &c qui ont efté trantla-
tez par dautrcs:& ordonne & ^pnonce qu'iccux doiuent eftre folenncllcment bruflez,
Se deuant tous,en la prefence duClergé &: du peuple en la ville dcConftace & ailleurs:
adiouftant ccci,qu a caufe des chofes lufdites, toute la do&rine d'iceluy doit eftre à bô
droit mefpnlee & fuye de tous Chrcftiens.Et à celle fin que cefte doctrine pernicieufe
{bit exterminée du milieu del'cglife, ce facré Concile commande que les ordinaires
des lieux facent diligente inquiiition parcenlures Ecclefiaftiques des traittez& oput-
cules de telle fa-rinc:& autant qu'on en trouuera,qu'ils foyent bruflez. Que fi quelcun
mefprife cette fentenec & décret, ledit facré Concile ordonne que les Inquifiteurs des
herctiques,&: les ordinaires des lieux procèdent contre tels contempteurs,comme lu-
tpects d'herefic . Apres donc auoir tait inquiiition contre ledit Hus,&: pleine informa-
tion parles Commii]aircs& Docteurs és droits ,&: par les depofitions des tcfmoins di-
gnes de foy & en grand nombre,qui ont efté publiquementleucs audit Hus deuant les
Pères 6c Prélats de ce facré Concile,par lcfquellcs depofitios de tcfmoins il apperr que
ledit Hus a dogmatizé plufieurs chofes mauuaifcs & tcandalcufcs , & des hercties per-
nicicufcs,&: qui les a prefehecs par fort longue efpace de temps : ce facré Concile légi-
timement aiïcmblé au fainct Efprk,apres auoir inuoqué le nom de IefusChrift,definit,
prononcc,decerne,&; déclare par cette fentencedaquclle il produit par efcrit,que Iean
Hus a efté &c cft vray manifefte hcrctiquc,&: qu'il a publiquement pretché plufieurs er
rcurs àc herefies dés long temps condamnées par 1 eglife de Dieu , &: plufieurs chofes
fcandalcufes,& qui orientent les oreilles Chrcttiennes, téméraires &: fediticufes , &: ce
au grand deshonneur de la maiefté diuine,&: au fcandale de toute l'Eghfc, &: au dctàd-
uantage de la foy de feglife catholique : qu'il a mefprifé les clefs de l'eglife , & les cen-
fures Ecclefiaftiques , Se a demeuré obftiné &c endurci en ce mefpris par plufieurs ans,
feandalizant grandement les fidèles de Chrift par fa pertinacité, quand il ainterpofé
fon appellation au Seigneur IefusChrift,côme aufouuerain Iuge,lanfant là les moyens
Ecclefiaftiques. En laquelle appellation il a mis beaucoup de chofes faufies,iniurieufcs
&: fcandaleufes,au grand contemnement du fainct fiege Apoftolique, &: des cenfures
&c clefs Ecclefiaftiques. Parquoy à caufe des chofes fufdites &: plufieurs autres, le facré
Concile prononce ledit Hus auoir efté heretique,& iuge par ces preiéntes qu'il doit c-
ftre iuge &: condamné comme heretique,&: reprouue ladite appellation comme fean-
daleufc &: iniurieufe à la iurifdiction Ecclefiaftique:&: iuge que ledit Iean Hus nô feu-
kment a feduit& tiré en erreur tant par tes eferits que partes prédications le peuple
Liurc^L Je an Hus.
Chreltien, principalement au royaume de Bohême, & qu'il n'a point efte vrav prédica-
teur de l'Euangilc de Chrilt félon 1'cxpofition des faincts Docteurs,ains feduetcunmais
aufli qu'il aefte pertinax& incorrigible,^ tel qu'il n'a point déliré de retourner au gi-
ron de noftrc mere fainctc cglife , 6c d'abiurcr 6c Ce deldirc de les herelîcs, ne de les er-
reurs qu il a publiquement prêteriez &: maintenus. Et pourtant ce lhcré Concile décla-
re 6c dccerne,que ledit Iean Hus fera demis de l'on ordre lacerdotal auec infamie,&: du
tout dégrade*
La fin du combat 6c heureufe iffue de Ican Hus.
Ainsi qu'on lifoit celte fentence, Ican Hus quelque fois entrelaçoit quelques pro-
pos, combien qu on ne le voulult ouïr. Et quand on le rcdarguoit de contumace 6c
obllinati6,il cria a haute voix, dilant,Ie ne fu ïamais obltiné:mais comme ray touiîours
deliré,cncoic îe le délire mieux maintenant, qu'on m'enfeignepar les lainctes Efcritu-
res:&: protelte que l'aime li fort la veritc,que li le pouuoye en vn mot renuerfer tous les
erreurs de tous les hérétiques, ic ne refuferoye point de m'expofer à tous dangers. Et
quand on condamnoit l'es hures, il dit,Pourquoy lescôdamnez&r reprouuez-vous, veu
que n'auez prouué par vn feu] argument ou telmoignage des laindes Elcnturcs, qu'ils
ne s'accordent à la vente de Dieu,&; aux articles de la foy ? Dauantage , quelle grande
iniure elt ceci, que vous auez condâné des hures eferits en langage Bohemien,lcfqucls
vous ne veilles iamais,tant s'en faut que vous les ayez leus ? Et quelque fois il leuoit les
yeux au ciel,& prioit.Et après que la lent ence fut finie,il mit les genoux en terre,& dit
à haute voix,0 Seigneur Iefus Chnit,pardonnc à mes ennemis . Tu fais bien qu'ils m'-
ont faullement accufc,&: qu'ils ont vie de faux tefmoignages &: calomnies contre moy.
Pardonne leur,ô Seigneur,pour l'amour de ta grande milcncorde àc bonté . La plus
grand' part de ces vénérables , 6c principalement les plus grans le moquoyent de celte
prière.
La dégrada Finalement fept Eueiques députez pour le degrader,vinrent à luy: &: luy com-
tiondcHus mandèrent de veftir tous l'es ornemens facerdotaux.ee qu'il fît. &: fe confoloit par l'ex-
par teptE- cmple du Seigneur Iefus : lequel eltant par moquerie veftu d'vnc nouuellerobbc, fut
renuoyé à Pilate. Apres qu'on l'eut ainii accoultré de tous poincts,cesEucfqucs l'exhor
toyétencorcàcc qu'il regardait bien à fov,qu'il ne fuft pas obitiné : ains qu'il cuit la vie
&c ton honneur en recommandation. Et après qu'il fut monté en ce lieu haut, félon que
la cérémonie le requeroit,il parla au peuple en plourant, &: dit, Ces mcflïcurs les Euef-
ques m'exhortent à ce que îe confelfe deuant vous que i'av failli, que li la chofe cftoit
telle,qu'elle ne fe fift que pour diffamer vn homme , paraduenture me le perfuaderoy-
ent-ils plus facilement. mais maintenant ic iimdcuâtlafacedc mon Seigneur & Dieu:
ic ne peux faire ce qu'ils requièrent de moy , que ce ne (bit contre ma confciencc, &: en
faifant grande iniure à mon Dieu. Car ic ne fâche point que faye ïamais rien enicigné
de toutes ces choies qui ont cité faulfcment propofecs contre moy. mais i'ay cfté toui-
îours de contraire opiniomi'ay touiîours cfcrit,enfeigné, 6c prefché tout l'oppolite.De
quelle face pourroy-ic contempler le ciel , 6c de quels yeux pourroy-ie regarder ceux q
i'ay enfeiguez,dcfquels il y a grande multitude, s'il aduenoit par moy , que ce qu'ils ont
iufqua prefent tenu pourcertain,maintenant leurfult încertainrRcndroy-icpasparce
mien exemple tant de pourcs ames 6c confciéces troublées: qui iont defîa abbrcuuccs'
de fermes fcntcnccs de rElcnturc,&: de la doctrine trcfpure de l'Euangile de noftre Seî
gneur Ielus Chrilt^Ic ne le teraypoint.il n'adiucndra point que ie donne à cognoiltrc
que ic face plus de conte de ce corps deltiné à mort,que de leur falut. Or après qu'il eut
iî iainctementparlédcs Eueiques dirent derechef, qu'il perfeucroit maJicieufementôc
auec grande obltination en les erreurs pernicieux.
O n luy commanda donc de defeendre à l'exécution de la lentence. Et ainlî qu'il de-
fcendoit,l'vn des fept Eueiques deflus nommez , luy olta premièrement le calice qu'il
tenoit en fa main,dilant,0 Iudas maudit,pourquoy as-tu delaifTé le confeil de paix , 6C
as pris accointance auec les Iuitsrnous toilons ce calice de redeption.MaisHus repouf
fa celte malédiction en celte forte , I'ay mis toute ma fiance en Dieu le Pere tout-puifr
fanc,& en mon Seigneur 6c Rédempteur Iefus Chrilt, pour le nom duquel l'endureces
outrages: 6c efpere alfeurémcnt qu'il n'oftera point de moy le calice de fa redem-
pnon:ains queie le beuuray auiourdhuy en fon royaume. Apres ceftuy-ci vindrent
ics autres Euefques, qui ofterenç vn chacun en fon reng les vcltemens dudit Iean Hus:
Jean tfta. 30
te chacun donna fa malédiction . Et à chacune Hus rcfpondoit, qu'il enduroit de bon
cœur ces blalphcmcs &c outrages pour le nom de Iefus Chrift . Et finalement on luy ra-
cla fa confure.Etauant que ces Euefques y mirent la main , ils eurent grand débat en-
tre cu\,de quel ferrement cela fe deuroit faire:ou d'vn rafoir,ou de forces . Cependant
Hus tournant fa race vers l'Empereur, dit, le m 'efbahy grandement, veu qu'il y a vne
mefme cruauté en tous,cômcntils ne s'accordcnt:toutefois ils conclurent que la peau
feroit couppec de forces. Et faifant celle belle ccuure,dircnt,L'cglife luy a ollé mainte-
nant tous l'es ornemens &c pnuileges : il ne relie rien, linon qu'il (bit liuré au bras fecu-
lier.Mais auant que faire cela, on luy fit encore vn vilain outrage & contumelic. On a-
uoit fait faire vne couronne de papier,enuiron delà hauteur d'vne coudée: en laquelle
on auoit peint trois diables horribles,&: eferit vn titre en groftelettrc,airauoii ce mot,
Heresiarch a, qui lignifie prince ou maiflre des hérétiques. Et ayant veu celle
belle couronnc,ildit,LcFils de Dieu mon Seigneur Iefus Chrifl a porté pour l'amour
demoy vne courône d'efpincs:pourquoy neporteroy-iepour l'amour de luy celle cou-
ronne légère, quelque ignominie qu'il y aitîie le feray certes,& de bon cœur. Ainli qu'-
on la luy poloit fur la tefte,les Euefques difoyent, Nous donnons en garde maintenant
ton ame au diable . &C Hus leuant les yeux au ciel,dit, Mais ie recommande mon efpric
en tes mains, Seigneur lcfus:qui m'as racheté,Dieu de vérité.
Apres ces outrages,les Euefques tournèrent leurs faces vers rEmpercur,& luy di
rcnt,Cc facré concile de Conllancc dclaifte au iugement &: puiiTance ciuile Iean Hus,
lequel n'a plus aucun office ni affaire en leglife de Dieu. Lors l'Empcreurfit mande-
ment au duc Louis deBauiere(qui lors elloit debout deuant luy auec fou orncment,te-
nant en la main vne pomme d'or auec la figure de la croix) qu'il princ Iean Hus de la
main des Eucfqucs,&: le liurall aux bourreaux. Et ainli qu'on le menoit au lieu du fup-
plicc,il vit en partant brufler fes hures dcuant Je portail du grand temple, &fefoufrit.
En allant il exhortoitvn chacun qu'ils ne penlalTent point qu'il fuft mené à la mort
pour quelque herelie:mais par la haine &C mal-vueillance de fes aducrfaires,qui l'auoy-
ent chargé de crimes trciiniques,&: de faux blafmes . Et grande multitude de citoyens
armez le luiuoyent.
L e lieu du fupplice fut ordonné hors delà porte qui meine au challeau de Gotlebé,
où Hus auoi t elle auparauant détcniuce fut en vne place qui ell comme vn pré au mi-
lieu des iardinsdudit faubourg .Quand ils lurent làvcnus,Husfe mit àgcnoux,&: leuat „ .
les yeux au ciel ,prononçoit quelques fenteces des Pfeaum es, en faifant oraifon, &: prin aulieudu
cipalcmcntdu x \ x l i. Ceux qui clloyent près de luy, l'ouïrent prier, &fouucnt ^??^ce-
répéter ce verfet d'vne façon ioyeufe Se alaigrc,Ie recomande mon cfprit en tes mains,
ôSeigncurrtu m as racheté,ô Dieu de vérité . Et quelques hommes laiz, qui clloyent
plus près , voyans cela , difoyent , Nous ne fauons pas ce qu'il a fait par ci dcuant : mais
maintenant nous voyons &c ovons qu'il parle &: prie fainclcmcnt . Les autres defîroyéc
qu'il euft quelcun pour le conferter.il y auoic là vn certain preftre à chenal, veftu d'vne
robbe vcrde,doublcc de latin ou taffetas rouge: lequel dit, Il ne doiteftre ouy, pource
qu'il cft heretique.Et ainli qu'il prioit,il leua lesyeux au ciel,&: ployant le col, il fit tom-
ber de fa telle celle belle couronne de papier qu'on luy auoit mile. Lors l'vn des fatel-
lites dit, Remettons-la fur fa telle, afin qu'il foit bruflé enfemble auec fes maiftresles
diablcs,aufquels il aferui.
C e s bourreaux le firent leuer du lieu où il faifoit fon oraifon : &: commença à dire à
haute voix, Seigneur Iefus Fils de Dieu,artîilc-moy , à ce que par ton faincl aide ie puif-
fe conftamment & patiemment endurer celle mort cruelle &r ignominieufe, à laquel-
le ie fuis condamne, pour auoir prefché la parole de ton faincl: Euangilc. Apres cela il
expofoitaupeuplelacaulédefamort,commcilauoit fait auparauant . Le bourreau
cependant luy olla fes habillemens,& l'attacha à vn pofteau , de cordes mouillées . Et
d'auenture il auoit la face tournée vers foleil lcuant:&: aucuns dirent, Il ne faut pas qu*
il foit ainfi:il n'ell pas digne de regarder l'Orient : car il ell hérétique. &C pourtant il fut
tourné deuers l'Occident.On attacha aufll fon col d'vne chaine de fer au pofteau:&: re
gardant celle chaîne, il le print à rire , &c dire que de bon cœur il endureroit celle chai-
ne,pourlenomde Iefus Chrift,lequel il fauoit auoir cftégarroté d'vne autre plus eftra
ge façon. Or on auoit mis fous fes pieds deux fagots auec de la paille. Ainli eftoic-il en-
clos de bois depuis les pieds iufqu'au menton.
LîMCj L Jean H m.
O r auant que le feu fuit mis au bois , Je grand Marefchal de l'Empire, &: vn autre a-
'" ticcluy s apptocherent de Hus,&l exhortèrent encore de ùuucrla vie: & pour ce faire
t de le rtcJ ,, n < r r- -i J • a i 1
, .t qu il renonçait a les erreurs . ht il du, A quels erreurs renonccroy-ic, veu que ie ne nie
•••=>• fen coulpablc d'aucun crrcurrCarielay certainement que tant s'en fane que ia\ e prclr
ché l i que r'aufllmcnt on a amené contre moy,quc meime je n'y pcnlay ianiais.tt voi
ci quelle a efte la fin 6c le principal but dcmado&rinc,Denlcigneraux hommes la rc
pcnianct& la remiflion des pcchcz,fôlon la vérité de l'Euangiledu Fils de Dicu,&I-
expolitiondesfaincts Do&curs.& pourtant ie fuis preft de mourir d'vn cccurioycux&
alaigre. Oi après qu'il eut dit cela, ils lclaiflerent,&scn allèrent. On commença à
mettre lefeu au bois. Se Hus cria à haute voix,dilant, Icfus Ciiriil FiJsde Dieu viuanr,
aye pinc de moy. 11 1 £ peta cela par trois fois : Se le vent pou lia la flamme contre la lace,
de fut incontinent cltoufic. Nonobstant il le remua quelque peu, autant qu'on pourrait
demeurer à réciter l ot aiibn Dominicale par trois lois. Apres que tout le bois fut cou
fumé,ily auoit encore la partie fuperieurede fon corps,qui tenoit attac hée a la chaîne.
F inalt ment ils la ietterent aucc le polleau dedans le ieu,&: y mirent d'auti c bois,& cal-
ferent la telle en pièce s-afîn qu'il fuft pluftoft réduit en cendres. Et Ion cœur fut trouué
entre les entrailles,^: le frappèrent de baftons:& finalement le fichei eut en vn ballon
aigu,& le roftirent à part»iufqu a ce qu'il fut du tout confumé . Ils ment diligence à re-
cueillir les cendres, 6c les ietterent dedans le Rhin,arïn qu'il ne reliait, rien de cell hom
me fur la tcrre,tant petit que ce fuit. Toutef ois fa mémoire ne pourra iamais élire effa-
cée du cœur des fidcles,nc par feu,ne par eau, ne par aucune forte de tourmens.
Ccluy qui a rédige pai eferit cette hiftoire.a efte preftntàtout cequ'ila raconté ici :arîn que nul
ne penle que cefoit vn tefmoiguage pai ouy dire.
E N T R F les ïpirtres que (eau Hus a eferites depuis Ton entreprife de parrir de Boheme.pour aller au concile Je Confiance,"
iulqu a fa morticellcs-ci oiu iemblé les plus dignes «i'eftrc conferuecs & gardées.
Copie des lettres que Hirs tailla â ceux de fon pais de Bohême , eftam fur )c pomit de partir de: Bohême pour aller au cond'c
deCoiiftau^e.
P^SP^ ^ ^ ^ Hus, feruiteur de noftre Seigneur IefusChrilF,à tous fidèles &:fré-
U s ^u namicz ' 4U1 ont Par moY ouy & rcceu la parole de Dieu, miicricorde
fΣ%S&*\ & paix de par Dieu nollre Perc Se fon Fils lelus Chrift , au lainet Efprit, à ce
qu'ils pimTcnt cheminer fans macule en la vérité de Dieu. Frère s tidcles&: bien-
aiinczjvous làucz qu'il y a défia long temps que ie vous av fidèlement enfeignez, Se en
bonne confeience: vous propofantla parole démon Seigneur, & non point choies cou
traites à la foy de leiusC liait, ne fa u fie doctrine, car l'ay toufiours cerchc voltrcfalur,&
cercheray tant que viuray en ce monde. J'auoye bien délibéré de vous annoncer la pa-
role de Dicu,auant que partifFc pour aller au concile de Confiance : Se aucc ce réfuter
les faux tefmoignagcs Se tefmoins par lcfqucls on me veut faire mourir: mais faute de
temps ne m'a permis de faire celaxc que toutefois ie feray ci après. Parquoy vous, mes
frères, qui fauez ces choies dcmov,que li on me traitte outrageulement , ce n'efl pour
Hus s'ar- quelque fau/Te doctrine: pcrfjftez fermes en la venté, vous fîans en la feule milericorde
év bonté de Dieurlaquclle vérité Dieu vous adonnée pour la bien cognoillre&: con-
uade"0" Raniment maintenir :6c la vous a donnée par moy, qui vousay ellé fidèle annonciateur
' 1 " dicellc.Et donnez-vous de garde des faux prelcheurs. Icpartiray maintenant auec le
faut-conduit de l'Empereur: Se ne doute point que ie ne trouue beaucoup d'ennemis,
mortellement enuenimez contre moy,prefts à faufîement depofer contre moy. Entre
les autres il y aura des Euefques Se Doéteurs,&: quelques Princes:il y aura plufieurs Pha
i j/ïcns.Mais i'ay ma fiance en mon bô Dieu Se Sauueur tout-puiffant,que pour l'amour
de fa promellc,&: par vos prières, il me donnera fagelîé Se bouche prudente: en forte q
ie leur pourray relifler. outreplus , qu'il me donnera fon fain£t Elprit , à ce que ie puilfe
demeurer ferme en fa vérité : en forte que les portes d'enfer ne me puùTent arracher.
Dauantage,il me fera ce bien,que ie pourray hardiment mefprifer les tcntations,la pri
fon,& les tourmens de la mort:commc nous voyons le Fils de Dieu mefme auoirgric-
uement enduré pour l'es bien-aimez , nous laifîant exemple , à ce que nous endurions
patiemment toutes chofcs,pour la gloire de fon nom. Il eft noftreDieu,& nousfommes
les creatures.il cftnoftre Seigncur,&: nousfommes Ces feruiteurs. Il eft fouucrain prin-
ce*
Le but a
Jean tfut. $t
ce Se gouucrneur de tout le monde , 6c nous fommes poures hommes &c mi&rables . Il
n'a belbin de ricn,&: nous auons beibin &C faute de toutes chofes. Il a fouffert,&: quelle
raifonyauroit-ilquenousne fouffriffions: veu que nos oppreffions &tourmens font
préparations à falut? A la verité,il eft impoffible que quiconque croit en luy,& demeu-
re ferme en fa verité,penfTe &: tombe en ruine.Parquoy,mes bien-aimez,pricz inftam-
ment,pourueu que cela foit à fa gloire,qu'il luy plaife me fortifier par fon Efpnt,lequel
face que ie perfîfte en fa verité,&: me deliure de toute iniquité . Or fi par ma mort fa
gloire doit eftre aduancee,quefon bon plaifîr foit de me retirer bien toft: &c me face la
grâce que ie puifTe conftamment endurer tout ce mal . Tant y a toutefois, que s'il co-
gnoit eftre plus commode pourvoftre bien 6c mon falutde retourner à vous: vous 6c
moy faifons luy cefte requefte,qu'eftant venu au Concile, ie retourne fansiniquité:c-
cft affauoir,quc ie ne diminue rien de la vérité de l'Euangile du Seigneur Iefus: à celle
fin que nous puiffions plus puremét cognoiftre cefte verité:&: ofter 6c du tout arracher ™ dèfir
du milieu de nous la dodrine faulle de V Antechrift,& laifTer à nos frères vn bon exem- fun**»
pic, lequel ils puifîcnt imiter. Or il fe pourra bien faire que vous ne me verrez plus à
Prague:nonobftantfiDieutout-puifîant permet par fa fainde&: bonne volonté,queie
retourne vers vous,nous profiterons de tant meilleur courage 6c plus alaigre en la Loy
du Seigneur:&: nous-nous eliouirons enfemble:& lors principalement,quand nous fe-
rons recueillis en la gloire eternelle.Dieu eft bon,mifericordieux& iufte: 6c dône paix
à fes efleus &: fideles,&: ici 6c après leur mort . le prie ecluy qui par fon fang précieux
nous a lauez 6c nettoyez , nous qui fommes fes brebis,qu'il vous ait en fa fainde garde.
Et comme fon fang eft tefmoin éternel de noftre falut, auffi qu'il vous face cefte grâce,
que puiffiez accomplir fa volonté:& ainfi vous ayez repos 6c gloire perpétuelle, parno
lire Seigneur Iefus Chiift,qui eft Dieu eternel,&: vray home nay de la vierge Marie, au
quel eft gloire,&: fera à tout iamais,auec tous ceux qu i demeurerôt fermes en fa vérité.
Autre copied'vnc lettre qu'il cnuoya au peuple de Bohcme,cftant venu àConfoncc,& auant qu'il fuftcoalHtuéprifonnief.
RACE &: paix de parDieu noftre pere,&: de par fon Filsnoftre Seigneur Iefus
Chrift:afin qu eftans deliurez des pechez,vous cheminiez en la grâce d'iceluy,&
croilliez en toute honnefteté,modeftie 6c vertu,& après cefte vie iouiffiez de la vie bié-
heureufe 6C eternelle.Mes bien-aimez,quicheminez félon la Loy de Dieu,ie vous prie
ne reiettez le foin du falut de vos ames,quand vous entendez la parole de Dieu, en oy-
ant c e qui vous eft dir:afin que les faux dodeurs 6c hypocrites ne vous deçpiuent , lef-
quels tant s'en faut qu'ils reprennent les péchez des hommes,que pluftoft ils lesamoin Le propre
drillcnt-Ils flattent les Miniftrcs de 1 egliferils ne defcouurent les ofFcnfes du peuple: ils a*^1» d°
fe magnifient cux-mefmes: ils prifent hautement leurs vertus, &: defdaignent d'enfui-
ureChrift en humilité 6c abiedion,en poureté,opprobres,&: diuerfes fortes d'afflidiôs.
Dcfqnels le Fils de Dieu noftre Sauueura predit,difant,Faux chnfts 6c faux prophètes
s'eileueront,&: f eduiront plulieurs . Et quant aux fidèles, il leur donne ceft aduertifïe-
mcnt,dilant,D6nez-vous bien garde des faux prophètes qui viennent à vous envefte-
mens de brebis:mais au dedans ce font loups rauiflans . vous les cognoiftrez par leurs
fruids.Et à la vérité les fidèles de Chrift ont bien befoin de fe donner garde, &: d'adui-
fer à eux de bien pres.car comme le Seigneur Iefus dit , S'il fe peut faire,les efleus mef-
mes feront induits à erreur.Parquoy,mes bien-aimez, veillez,de peur que ne foyez fur-
pris parles fallaces de Satan. Et d'autant deuez- vous eftre bien aduifez,que vous voyez
que le diable vous donne de grans affaux . Le dernier iugement eft bien presda mort
ouure la gueule,&: en engloutit plufieurs . Mais le royaume de Dieu eft prochain aux
efleus,d'autant que fon Fils a liuré fon corps pour eux . Ne craignez point les horreurs
de la mort. Aimez vous l'vn l'autre. Perfeuerez fans cefi*e en l'intelligence de la bon-
ne volonté de Dieu . Que le iour terrible & efpouuantable du iugement vous foitde-
uant les yeux inceflamment,afin que ne péchiez . Dautrepart,reduifez toufiours en ^ ^ Je
mémoire la ioye de la vie éternelle & bien-heureufe,à laquelle il vous faut afpirer.Pro- fidd" fe 6
pofez-vous outreplus la paifion de noftre Seigneur Iefusrà celle fin qu'enduriez volon- doitpro-
tairementauecluy&: pour luy tous opprobres 6c toutes afrlidions,qui pourront adue- pofer'
nir.Car fi fes opprobres &: fa croix vous viennent en mémoire, vous ne ferez opprimez
de fafcheries quelconques , ains donnerez lieu de bon cœur aux tribulations, aux ma-
lédictions , iniurcs, outrages, emprifonnemens , batcures : & fi la neceflité le requiert,
Jean Hhs.
Confiance
fainttc.
Admoni-
tions tous
cfhtJ.
vous ne ferez difficulté d'cxpofer voftre vie pour la vcrité.Sachez,mes frères, que Y An-
techrift irrité contre vous,braiTe diuerfes perfecutions &: cruelles : &c toutefois il y en a
plulieurs à qui il n'a peu nuire tant peu que ce foitxomme bien le monflreray par mon
txempIe,combien qu'il meportc vne haine mortelle . Pourtant îe vous prie tous, que
par vos oraij'ons vous intercédiez pour moy enuers Dieu : à celle fin qu'il me donne in-
telligence, fourfrance, patience, hardie/Te, &c confiance en celle ville de Confiance. &:
que ie ne me reuolte ïamais de fa vérité Diuine . Iceluy m'a défia amené à Confiance.
En tout le chemin ie n'ay point celé mon noimmais l'ay confeifé franchemcnt,commc
il efl conuenable de faire à vn vray feruiteur de Dieu . le ne me fuis point caché ou en
ville ou en village,ou en quelque lieu que ie me foye trouué. Et n'ay point en lieu quel-
conque rencontré des ennemis plus ouuerts &: pernicieux qu'en Bohême : &: encores
ie n'y euffe eu des ennemis,linon qu'aucuns aftronteurs du pais mefme de Boheme,gi a
tifians pour quelques bénéfices qu'on leur auoit ietté en la gueule , confits en auaricc,
eufTcnt donne àentédre q i'auoye deflourné le peuple du droit chemin, mais i'ay bon-
ne efperance q Dieu me rera ce bien, par fa grade bonté &c mifericorde,&: par le moyé
de vos prières &: oraifons,que ie perfeuereray en fa vérité iufqu au dernier foufpir . Fi-
nalement ie vous recommande tous à ce bon Seigneur Iefus Chrifl , vray Dieu 6c
vray homme, fils de la vierge immaculée Marie, lequel nous a rachetez par famort
ignominieufe des peines éternelles,^ fans aucuns nos mérites: &c nous a deliurez de la
tyrannie horrible du diable, &c de la feruitude de nos péchez . Iceluy foit bénit à tout
iamais . Amen.
Hus cfcriuit cefte lettre cfe ù propre main , eftant en prifon i Confiance , pour admonnefter & confoler le Roy & le royaume
deBohemejicequ'ilsnedelaifTcntla vraye & pure doctrine de l'Euangile ,ne les fidèles Docteurs d'icellc: quelque chofe
que le diable & le monde efeument leurs rages jnaù qu'vn chacun viue (àinctement & honneftement, félon la mefure de ù.
vocation.
fgnjgl E A N Hus feruiteur de Dieu, defire que tous les fidèles de Bohême viuent 6c
|||§jjî meurent en la grâce de Dieu :&: que finalement ils paruiennent à la vie éternel-
le.le vous prie &C admonnefte, vous qui elles conflituez en authorité, & vous riches,&:
vous auffi qui elles poures, mes frères bicn-aimcz &: fidèles en noflre Seigneur, que
vous rendiez entière &: purcobeiiTanceàDieu,que vous magnifiez fa parole, &: l'ay-
ans ouye,que vous l'accomplifliez de fai£t.Ie vous fupplie de bon cceur,que vous adhé-
riez à la vérité de Dieu , laquelle i'ay recueillie de la pureté de fa Loy , &C la vous ay an-
noncée.S'il y a quelcun qui ait ouy de moy ou en prédications publiques,ou en deuis fa
milicrs,ou leu par eferit chofe qui foit contre la vérité de Dieu , qu'il ne la fuiue point,
combien que ie ne me fente coulpable d'auoir iamais parlé ou mis par ef erit vne telle
chofe.Dauantage,ie vous prie,que s'il y a quelcun qui ait apperceu quelque légèreté
ou en mon parler ou en mes moeurs , qu'il ne l'imite point : mais qu'il facc'requefle à
Dieu pour moy,qu'il me pardonne vne telle offenfe . le vous prie que vous aimiez les
miniflres qui font de bônes mceurs,que les préfériez aux autres,& les honoriez:&r prin
cipalement ceux qui trauaillent de bon cœur pour la parole de Dieu . le vous prie que
vous vous gardiez des hommes frauduleux , principalement des miniflres hypocrites,
defquels Iefus Chrifl dit,qu'ils viennent en veflemens de brebisrmais ce font loups ra-
uiflans au dedans. le prie les feigneurs, qu'ils traittent leurs poures fuiets en toute hu-
manité^ les gouuernent iuflement.Ie prie les bourgeois &c citoyens, qu'ils côuerfent
en bonne confeience en leur façon de viure . le prie les artifans d'exercer leurs ouura-
ges diligemment,^ qu'ils en vfent auec crainte de Dieu.Ie prie les feruitcurs, qu'ils fer
lient fidèlement &: en bonne confeience à leurs maiftres. le prie les maiflres,qu'en vi-
uant honneflement,ils inflruifent leurs difciples bien &c fidèlement , &£ qu'ils les enfei-
gnent premièrement à craindre Dieu puis après qu'ils leur apprennent des honnefles
difciplincs:&: que cela foit pour l'amour de la gloire de Dieu,de l'vtilité publique,&: vo
ftre propre falut:&: non point pour auance,ne pour les honneurs de ce monde . le prie
toutes gens d'cfludes,qu'en toutes chofes honnefles il obeifTcnt à leurs precepteurs,&
qu'ils efludient en grande diligence,àce qu'ilspui/Tent profiter à aduancer la gloire de
Dieu,&: à procurer leur falut &: des autres.Ie vous prie tous enfemble,que vous remer-
ciez les bons feigneurs &c gentils-hommes tant du royaume de Bohême , que de Mora-
uc &: Pologne,&: que preniez tous en gré leur diligéee. Car comme vaillans defenfeurs
de la vérité de Dieu,ils fe font par plulieurs fois oppofezà tout le Concile pour ma de-
liurance
Jean Ifu*. 32
liurance,& vont employé tout Icurpoiiuoir : 6c principalement les feigrreurs de J)ube
6c de Chliï. Adiouitcz fov à tout ce qu'ils vous diront:car ils eftoyçnt au Concile quand
on me fie rcipondre par plulîcurs iburs. Ils fauet bien qui font ceux de Bohême qui onc
produit tantdc hlafmcs ôc faufles acculatipns contre moy: de quelle lot te cefte belle al
fçmblce crioitimpetueuieincnt contre moy:&: comment le rcipondoye à toutes les m
tei relations qu'on me taifoit.Ie vous jupplieaufli que vous priez Dieu pour le roy des
Romains,& pour voftre Roy 6c pour voftre Roine la femme , à ce que ce bon Dieu de-
meure aucc eux & auec vous, maintenant &: après en la vie éternelle 6c bien-heureufe,
Ainfi toit il . I "ay eferit celte lettre en la pril'on, attendant que demain on prononcera
fentence de mort contre moy:& avant pleine confiance en mon bon Dieu, qu'il ne me
lama point, &c ne permettra q îe renie la vérité ,&c q iemedeidife des erreurs, lelquels
faux tcfmoins ont malicicuiement controuué contre moy. Or vous cognoiftrez quand
nous ferons cnfemblc recueillis cnlaioye du iieele à venir par l aide du Fils de Dieu,cô
bien, mon bon Dieu me traitte doucement 6c humainement, 6c de quelle puiflance il
m'ailifteen ces grandes tribulations . Touchant maiftre Hieromc mon compagnon ^ "p'a"
bien aimé, ie n'en ay ouy dire autre chofe , linon qu'on le tient bien enrouement ferre, Jue> n~
6c qu'il attend la mort comme moy.&ce pour maintenir la foy, laquelle îi enfeignoit fi-
dèlement aux Bohémiens. Mais aucuns de ceux de Bohême nos plu s cruels ennemis,
nous ont liurez en la ragc&: puijfance d'autres ennemis. le vous liipplic priez Dieu
pour eux . Et vous de la ville de Prague , îe vous prie de donner ordre tant que Dieu le
permettra, que la parole l'oit purement annoncée au temple de Bcth-lehcm. Satan eft
courroucé contre ce lieu la,& a fufeite eôtre iceluy la rage des Curez 6c Chanoines, d'-
au tant qu'il voyoit là affoiblirfon royaumc.l'ay bonne cfperancc qDieu bénira ce lieu-
la , & qu'il fera plus profiter la parole en iceluy par d'autres,qu'il n'a fait par moy poure
infirme. le vous prie auifi que vous aimiez l'vn l'autrc,& n Vmpclchans perfonne de ve-
nir à la venté de Dieu , vous procuriez que les bons ne lovent opprimez par violence,
A Dieu.
Autre copie d'vne Lcurequ i! ennovaiccus; Je Bo! eme ,en laquelle il remnnfhe comment !e Concile i'auoit condamné par
faux ccfmomsA l»« liures,!cf<]iislsils n'auo) cntiamais vctis.
Ican H us feruitcurde IelusChrift,demc lagracede Dieu atous lesfidelesduroyaume
de Bohemcqui aiment Die u en vente.
Sjjfê&jffi E S frères bien-aimez en noftrc Seigneur, cec i m eft encore venu en mémoire,
II^IJ de vous aeimonnefter que vous conlidenez de quelle façon le concile de Con-
ltancc,rcplid,auaricc,orgueil,&: toute abomination, a condâne mes liuies,qui ont cite
clciit^ en langage vulgaire Bolu mien, comme hérétiques: lelquels il ne veit iamais,&:
ne les a point ouy lire. Et quand encore il leseullouy lire: tant V a toutefois qu'il ne les
cuit point entendus, car il y auoitcncc Concile des Italiens , A lem an s, brançois, An-
glais,Efpagnols A gens d'autres nations &: languesriinon qu 'ily auo'itlàvnEuclquedu
pais de Bohcnie:& quelques autres Bohémiens de mes plus grans ennemis : quelques
pi e itres aulîi,qui pouucycnt bien entendre le langage , lelquels ont les premier'; com-
mence a diffamer parcalomnics& la vente de Dicu,& noltre pais de Bohême . Du-
que 1 pais i'ay eeilebonnc opinion, qu'il eft cnlafoy de Dieu:d autant que grandement
il appetc la parole de Dieu,&les bonnes 6c fainctes mœurs. Et ii vouseulliczeilé àCô-
ftance,vous eufliez veu la grande abomination 6c horrible de ce Concile, qui s appelé
Trcllain^ôc ledit tel qu'il ne peut errer . De laquelle i'ay entendu parplulieurs gens
de Suaube,que Confiance ne pourra eftre purgée des ord ure*s 6c vilenies commilcs en La ville Je
ceft exécrable Concile, de trente ans :6c prcfque tous font offenfez de cefte dcteltable Confiance
bende de monftrcs , qui ont efte la aifcmblez : eftans fort marns des choies ii horribles ènormttta
6c énormes lefquclîes y ont cfté faites . Comparoiilànt là premièrement pour refpon- dis Prélats,
dre a mes adueriàircs,i'ay veu que toutes choies y cftoyent faites fans ordre, 6c que to9
y crioyentoutrageufement &c defclpercment. Et lors iediouuertcmcntdeuant tous,
A la vérité ic penfoye qu'il y euit. vne plus grande honneftetc, bonté &:difcipline en
ce Concile , qu'il n'y a pas . Lors le Cardinal qui prefidoit, relpondit,Eft-ce ainfi que
tu parles? tu parlois plus humblement au chafteau. Et lors iedi,Il n'y auoit aulfi
perfonne au chafteau qui criaft ainii à l'eftourdie:& voici vous criez ici tous en con-
fus. Comme ainiîfoit donc que ce Concile a fait ainii toutes choies en dcforelre,
mes bons amis 6c frères, ne vous eftonnez point de la fentence prononcée contre mes
f.ii.
Rufe du
Cardinal
Liure^l. Jean Lfus.
liures par ceux qui eftoyent en iccluy.lls feront efpars çà&: là comme papillons volam:
& leurs ftatuts& ordonnances ne dureront non plus que toillcs d'araignes . Ils s'eifor
çoyent de me deftourner de la conftâce &: fermeté de la -vérité de Dieu: mais ils ne pou
uoyent furmonter en moy la vertu de Dieu . Us ne vouloyent debatre centre moy par
les laintfcs Efcritures, comme meflieurs lesgentils-hommcs m'en ibnt bons ccfmoins,
qui tenoyent mon parti, eftans prefts d'endurer ignominie pour maintenir hardiment
la vérité de Dieu,&: principalement les feigneurs de Dube & de Chlum , qui furent in
troduits au Concile parl'Empereur.Et quand îe difoycje délire eftrc enfeigné où i'au-
ray faill ,ils ouirent bien que le Cardinal prelident rel"pondit,Puis que tu vc ux eftie in -
formé, il faut que tu rcuoqucs premièrement ta dodrine , fclô la forme qui te fera bail,
prefident. Jee par cinquante docteurs en Théologie. Voila vrayement vnc belle inftruclion.Il m -
alemblé 1 ô de vous eferire ceci, à celle fin que vous fâchiez qu'ils ne m'ont vaincu par
aucune ferme Efcriture,ne par raifon quelconque-.mais ils ont bien cfîayé par eftonne-
mens &c fallaces de me faire defdire.mais mon Dieu mifericordieux eftoit auec moy,&:
eft encore,&: ay bonne confiance qu'il me conferuera en fa grâce iufqu a la mort . I'ay e-
ferit cefte Lettre en prifon tenu bien eftroitement , n'attendant que la mort . toutefois
pour les feercts iugemens de Dieu , ic n oferuyedire que ce foit ci ma dernière Lettre:
car mon Dieu tout-puiilant me peut bien maintenant mcfme deliurer. A Dieu.
Autre Lettre.par laquelle il exhorte & confcrme le peuple du royaume de Bohcmc.à ce qu'il ne s'eftonne pource que le Conci-
le a iugéfesliurcsdcuoir efrre bniflez.Puis .iprcs il i emonltxc les taçom ptruerles de ce Concile: & hautement il parle deli
condamnation du pape Iean 13.de ce nom.
KJM E A N Hus, feruiteur de Dieu, délire la vérité &: la grâce de Dieu à tous fide-
ggjQ les qui l'aiment & fcsjtatus. Mes bien-aimez,il m'a femblébonde vousadmon-
nefter,quc ne craigniez point,&:ne foyez eftonnez de ce que mes aduerfaires ont decre
té que mes liures foyent brûliez. Souuenez-vous comment leslfraelites ontmisaufeu
Icremî*. les fermons duprophete Ieremie: &£ toutefois n'ont point euité ce qui auoitefté pro-
phetizé par luy . Car après que lefdits fermons furent brulk z,Dieu ne lai/la point de
commander que ccftemefme prophétie fuft rédigée par eferit, voire augmentée, ce
qui fut fait. Car Ieremie cftant en prifon,dictoit,& auoit Baruch qui efcriuoit fous luy.
On peut femblablement bien voir és liures des Machabees,quc les mclchans brulloy-
Contrc lcj ent la Loy de Dieu,&: me t oyent à mort ceux qui i'auoyent par deuers eux . apres cela,
bruileurs ^ous jc nouucau Teftament on brufloit les fidèles auec les liures de la Lov diurne. Il v a
ces liures , 1 » j
lamas. allez d'autres lemblables exemples . Ayans ceci deuanc vos yeux, gardez-vous que la
crainte ne vous cmpefche de lire mes liures, &: vous contraigne de les donner âmes
ennemis pour les brufler . Ayez fouuenancc de ce que dit noltre Seigneur &: bon Sau-
ueur Iefus Chrift,Deuant le grand iour il y aura grande tribulation, &: telle qu'il n'y en
1 14 a point e u de fi grande depuis le commencement du monde iufqucs à cefte heure pre-
fente:e n lorte que les efleus mefme feront feduits,fi faire fe peut. Mais pour l'amour d'
eux ces iou s-la feront accourcis.Reduifans ceschofes en mémoire , perfeuerez hardi-
ment. Car i'ay fiance en Dieu, que cefte fynagogue horrible deTAntechrift vous re-
doutera^ vous lairra en repos. Et le concile de Confiance n'ira point iufques en
Bohême. Car ie penle que plufieurs de ceux qui font en iceluy , mourront auant qu'ils
ayentloifirdevous arracher mes liures hors des mains. Et apres le Concile, ils s'ef-
carteront par régions diucrfi s,commelescigongnes,& cognoiftrontenhyuer ce qu'-
ils auront fait en efté.Confiderez qu'ils ont iugé le Pape leur chef digne de mort,à cau-
Contre les fe de quelques forfaicls exécrables. Orfus, vous autres meflieurs les prcfcheurs,ref-
pondezàceci.Vousprefchezque le Pape eft dieu en terre, qu'il peut vendre les cho-
m'niftrcs
<i. l'A
chnft"tC fes facrees, qu'il eft chef de toute l'eglife , qu'il eft le cœur de l'eglifé , la viuifiant fpi-
rituellement,qu,il eft la fontaine de laquelle découle toute vertu &: bonté , qu'il eft le
Soleil de la faincle eglife , qu'il eft le refuge trefafléuré, auquel vn chacun Chrcftien fe
doit retirer.Et voici maintenant ce chef eft retréché,ce dieu terreftre eft lié:fes péchez
font maintenant defcouuerts-.ceftc fontaine eft tairie:cc Soleil eft obfcurci:cc caurclt
arraché &: honteufement ietté : & qui eft celuy qui voudra là cercher l'on recours? Le
Concile a condamné ce chef mefme de ce forfait , de ce qu'il vendoit les indulgences,
les Eucfchez & autres choies femblables . cependant toutefois, il y t n a eu plufieurs en
ce îugement qui ont acheté de luy telles chofes,& puis en ont fait marchandife aux au-
tres. Il y auoit là vn certain euefque de Lutomifle, qui auoit par deux fois tafché à a-
cheter
Jean H us- jj
cheter l'archeuefclié dePrague: mais il y en eut d'autres qui luy rompirent fes entrcpri
fes.O bon Dieu, quelle manière de gens; Pourquoy n'ont-ils ofté premièrement la grof
fe poutre de leurs ycux,vcu qu'ils ont cefte fentence exprefle en leurs Canons , Q ue fi
quclcun a obtenu quelque dignité par argent,il en foit du tout priué ? O toy donc ven-
deur^ toy acheteur,&: vous to9 qui vous eftes meflez de faire de beaux marchez,foyez
publiquement condânez. Ainfî S.Pierre condana Se anathematiza Simon leMagicien,
quivouloit acheter la vertu du S. Elprit. Ceux-ci ont anathcmatizé le vendeurrmaisils
ont tfte acheteurs,&: ont ratifié le contrael par leur prefence : &: cependant ils veulent
demeurer impunis. Que diroit-on s'ils exercent cefte trarEque en leurs maifons ? Car il
y en a vn à Confiance qui a acheté, &: l'autre qui a vendu. Et le Pape qui a approuué le
fai&,a pris dons d'vn codé Se d'autre. Et vous fauez qu'on en fait autant au royaume de
Bohême. A la mienne volonté que Dieu euft dit en ce Concile , Y a-il quelcun d'entre
vous qui l'oit fans pechérqu'iceluy ouure la bouche pour prononcer la fentenec contre
le Pape. Or il eft certain qu' vn chacun fuft forti l'vn après Uautre . Pourquoy eft-ce qu'-
auant ceft inconuenient ils ployoyent les genoux deuant luy ? Pourquoy eft-ce que fe
profternans en terre ils baifoyent fes pieds,& le nommoyentTreffaincl:, veu qu'ils voy-
oyent bien qu'il eftoit heretiquc,homme defefperé,meurtrier horrible: lefquclles tou-
tes chofes ils ont maintenant mis ouuertcmét en lumicre?Pourquoy eft-ce que les Car-
dinaux font efleu pour eftre Pape,veu qu'ils fauoyent qu'il auoit tué vn home de bien?
Pourquoy luy ont-ils permis de faire marchandife és chofes fain&es,quand il eftoit déf-
ia en office de Pape ? Car la raifon pourquoy ils font de fon confeil, c'eft afin qu'ils l'ad-
monneftent de chofes droites. Or ne font-ils pas coulpables de fem blables crimes aufsi
bien que luyrEt de fai&,ils enduroyent aucuns de ces vices Se fautes en luy , Se cftoyent
participais d'aucuns. Comment fe fait cela , qu'auant qu'il s'enfuift de Conftance,nul
ne luy ofa mettre en auant rien de tout cela? Mais voila,il eftoit honoré de tous comme
Pere trefîain&:&: eftoit craint & redouté de tous. Et quand il fut appréhendé par la
puilfance feculiere,ils cômencerent lors à confpirer contre luy,à celle fin qu'il ne peuft
efchapper de la mort.Maintenant certes la grande abomination, la malice Se turpitu-
de de l'Antechrift eft reuelee au Pape , & és autres qui font en ce Concile . Les fidèles
feruiteurs de Dieu pcuuent maintenant entédre que fignifitnt les paroles du Seigneur
Iefus,quand il dit,Lors que vous verrez l'abomination de la defolation,qui a efté prédi-
te par le prophète Daniel,&;c Qui le peut entendre fi l'entende. C eft vne grande abo-
mination,que de voir vne telle auarice Se fimonie :cômc on les voit clairement main-
tenant en ceux qui font efleuez és hauts hôneurs Se dignitez. Quel plaifir ce me feroit,
ii l'auoye quelque loifir de defcouurir maintenant tant de mefehancetez horribles que
i'ay cogneué's,afin que les fidèles feruiteurs du Fils deDieu s'en peuffent donner garde!
Mais i'ay bonne fiance en mon Dieu , qu'il enuoyera après moy (comme il y en a défia)
déplus vaillans prefeheurs, qui defcouuriront beaucoup plus ouuertement la malice
de 1 A ntechrift,&: fes fines rufes, Se s'expoferôt à la mort pour la vérité du Fils de Dieu
noftre Seigneur Iefus Chrift , lequel donnera Se à vous Se à moy la ioye de la vie éter-
nelle.
Autre Epifrrc.par laquelle il monftre bien pourauoy Dieu ne permet que fes fidèles pcriflènt:& pour cela il amène beaucoup d
cxcmples,par lefquels il fefbrtifie & confole foy-mcfme.
I E V foit auec vous, mes frères bien-aimez en Dieu. IJyaplufieurscaufesqui
m'ont amené iufqu'à cefte opinion , que les lettres que ic vous ay dernièrement
enuoyees,deuiîcnt eftre les dernières , à caufe de la mort qui m'eftoit bien prochaine,
cemefembloit:maiscognoi/Tant maintenant que ma mort eft différée, il mefemble
que ce m'eft vn grand plaifir de conférer encore auec vous . Pour cefte raifon îe vous
eferi derechef, afin que pour le moins ie monftre le bon vouloir que i'ay enuers vous:
Et touchant ma mort,Dieu fait bien pourquoy il la diffère , & celle de mon frerci>ien-
aimé,M.Hierome:duquelf ay Cefte bonne efperance qu'il mdurra fainâ:ement.& mef-
meie fay bien qu'il fe porte plus vaillamment,^ qu'il endure de plus grande confiance
que moy poure miferable pécheur. Dieu fait que noftre temps eft prolongé,afin que
nous reduifions en mémoire nos péchez, &: facions pénitence de plus grand cou-
rage.ll l'a dirFeré,afin que cefte longue tentation &griene nous apportaft confolation:
& confiderions les opprobres horribles de noftre Roy Se Seigneur Iefus Chrift, Se
méditions plus attentiuement fa mort cruelle, Se endurions les maux plus confiant
£.iii.
Liurc-jL - Jean Uns.
mcnt:&dauantage,afin que nous reduifions en mémoire, que nous ne volons pas du
premier vol aux loyes de la vie eternelle-.mais que tous les faincts ont entré au royau me
des cieux par plufieurs &: diuerfes fafcheries &C tribulations. Car aucuns d'entreux ont
efté defmébrez,les autres fciez,les autres roftis, les autres bouillis, les autres efeorchez
toùlt vifs,les autres lapidez,les autres fouis en terre, les autres pendus, les autres decol-
lez,lcs autres briiez&: moulus, tirez çà&: là iufqu a mourir, noyez, bruflez,cftranglcz,
mis en pieces,expofcz à plufieurs opprobres auant que mourir,afTamez dedans les pri-
ions. Et y a-il quelcun qui puifle deferire tous les tourmensde tous les fidèles feruitt urs
de Dieu,lefquels ils ont ibuffert pour la vérité dè Dieu,tat fous le vieil que fous le nou-
ueauTeftamcnt?&: principalement ceux qui ont redargué la malice orgueilleuie des
Sacrificateurs & Preftrcs,&: lefquels ont preiché contre icelle ? Et ce fera merueille au-
iourdhuy, fi on laifîoit impuni celuy qui auroit conftâmét refifté à leur orgueils per-
uerfité, de laquelle ils ne veulent point eftrc repris. Et ie fuis grandement ioyeux de ce
qu'ils ont efté contraints de lire mes liures,efquels leur malice cft bien aucunemét dé-
peinte.Et iefay bien cela, qu'ils les ont plus diligemmentleus que TEuangile: &:ne l'-
ont fait à autre intention, que pour y trouuer des erreurs. Or la grâce de Dieu foit auec
vous.
Autre Epiftrc,'aquelle il cnuoya à la communauté de Prague,eftant en la première prifon où on l'auoit mis, laqucllefut leué par
les temples.
il E V foit auec vous tous, afin que puiifiez perpétuellement refifter contre tou-
(te malice,contre le diable &c le monde. M e s frères bien-aimez en Chrift,eftant
ici en prifon,&: n'ayant point de honte d'endurer quelque choie pour l'amour de Dieu,
ic vous fupplic que vous priez Dieu pour moy , qu'il me face fentir fa grâce, en qui feul
i'ay fi grande efperance:&: qu'il me face participant de la vertu de fon fainft Efprit,à
celle fin que ie puilTe perfifter en la confeffion de fon nom , &: le glorifier iufqu a la fin:
ne reiettant point fa vérité, ne fa bonté &c mifericorde . S'il luy femble bon que ce foit
ci mon heure derniere,la volonté foit faitc,laquelle feule eft bonne & faincte . Toute-
fois ie fay que i'auray grand befoin de l'aide prefente de Dieu : combien que ie foye bie
certain,queDieu ne permettra point que ie foye tenté outre mes forces:&: dauantage,
qu'il ne viendra fur moy aucun danger,qui ne foit pour mon falut , & pour voftre bien.
Car la tentation a cela de propre,que il nous demeurons fermes en laverité,elle appor
te auec foy certitude de falut. Frères bien-aimez,{àchez que ces lettres que ie vous ay
laiifees, ont efté tranilatees en Latin parmes aduerlaires: &y ont adioufte plufieurs
mcnfongesjls efcriuent tant d'articles contre moy , que i'ay alfez à faire en la prifon à
y refpondrc,tant eft grande la malice de mes aduerfaires . Noftre bon Seigneur Iefu s a
dit à les bien-aimez,Ie vous dôneray prudence, à laquelle nul de vos ennemis ne pour-
ra reiifter.Souucnez- vous, mes freres,que i'ay déliré voftre falut fur toutes chofcs.pour
laquelle railbn aulfi ie vous ay enfeigné la parole deDieu.Et encore ie ne ceflfe point en
la prifon de faire le femblable. La grâce de Dieu foit auec vous . Amen.
Autre Fpiftre.contenant vne confefsion excellente de l'infirmité de la nature humaine,fi quelque fois elle a à batailler non point
contre vn mal ieulxar la chair combat perpétuellement contre 1'efprit : & n'endure pas facilement d'eftre reucxjuce al'o-
beilîance de l'efprit. Or il euuoya celte Epiftre à vn fien ami.
A L V T par Iefus Chrift.Trefcher ami,ie vous veux bien aduertir de Palets, qu
il m'a voulu perfuader que ieneme dcuoye point foucierde tomber en confu-
iion pour m'eftredefditrmaisconfidererlebienquienpourroitaduenir. Auquel i'ay
fait refponfe , C'cft plus grande confufion d'eftre condamné &: bruflé , que de fe deldi-
re. comment donc craindroy-ie la confufion? Mais dites-moy vn peu voftre aduis , Que
voudriez-vous fairè,quand vous fauriezpoi^r certain que vous n'auez point tenu les et
rcurs qu'on vous attribue? Vous voudriez-vous deldire? Et il me dit, Cela me feroit vne
chofe fort fafchcufe.& commença à plourer.Nous eufmes plufieurs autres propos,que
ie reprins . Au demeurant, ce poure miferable Michel de Caulis a efté fouuentefois
deuant la prifon auec les députez. Etainfiquei'eftoye auec les deputez,il dit aux gar-
des, I'efpere par la grâce de Dieu, que nous bruflerons bien toft ceft herctique,pour
lequel i'ay deîpcndu beaucoup de florins. Or, frère bien-aisné, ie veux bien que vous fa
chiczparceftelcttre,queiene defire aucune vengeance contre luy.ie I'ay remifeà
Dieu,&: fay prière à Dieu pour luy . le vous aduerti derechef que foyez bien aduifé
quant
Jean Ifut>
quant à vos lettres. Ledit Michel a tant faitqu on ne lai/Te plus entrer pcrfonneenla
prifomles femmes melmes des gardes n'y entrent point. O mon bon Dieu, combien
loinTAntechrifteftend (a force & cruauté ! Mais i'efpcre que îàpuiiTancercraabbre-
gee,&: que fon iniquité fera plus defcouuerte entre le peuple fîdcle. Dieu tout-puif-
fant confermera les cœurs de fes fïdcles,lefquels il a efleus deuar la fondation du mon-
de, à celle fin qu'ils rcçoyucnt la couronne de gloire éternelle. Et que l'Anrechrift ef-
cume la rage tant qu'il voudra:/! eft-ce qu'il ne gagnera pas contre le Seigneur Iefus,le-
quel le defconfîra par le foufHe de fa bouche, comme dit S.Paul. Et lors la créature fera
dcliurce de la feruitude de corruption, en la liberté de la gloire des enfans de Dieu. Et
de nous,nous gemiiTons dedâs nous, attendans l'adoption des enfans de Dieu , &: la ré-
demption de noftre corps. Iel'uis confolé grandement de ce que dit noftre Seigneur
lefus, Vous fertz bien heureux quand les hommes vous hayront,& vous auront outra- H Te fortifie
gcz&: perfecutez , 6c dit toute mauuaifeparolle&: opprobre contre vous en mentant, pnra "J"™"'
à l'occalion du Fils de l'homme. EiiouilTcz-vous 6c ayez lie/Te: car vous aucz grad loyer ifcrinîrcs!
éscieux. Voila vrayement vne conlolation fort îinguliere. Elle peut eftre facilement
entendue : mais à grâd' peine la pourra-on pratiquer,aflauoir de s'efiouir en telles grie-
ues afflictions. Saind laques à tenu cefte reigle,dilant, Frères, reputez eftre toute ioye,
quand vous cherrez en beaucoup 6c diuerfes tentations : fachans que la probation de
voftre foy engendre patience : mais il faut que la patience ait œuure parfaite. Pour cer-
tain c'eft vne chofe fort difficile à fairc,dc s'efiouir fans eftre troublé,& reputer d'auoir
rehouiftance au milieu des tribulations. Cela cil bien facile d'en parler 6c deuifcr.mais
fort difficile de l'accomplir.Et de faict, ce cheualier tant patient &: tant pui/lant,le Fils
de Dieu,noftre Seigneur lefus Chrift,fachant bien qu'il refufeiteroit le troilieme iour,
vainquât fes ennemis par famort,&deliurant paricelle fes eleus 6c fidèles de damna-
tion cternelle,a toutesfois efté troublé en efprit après fa Cene,&:a dit,Mon ame eft tri-
fte iufques à la mort.Et il eiVdit aufli de luy en l'Euangile,qu'il commença à s'efpouuâ-
ter 6c eftre angoilîe:&: melme eftant en deftreife,il fut conforté du ciel par vn Ange: 6c
la lueur deuint comme gouttes de fang découlantes enterre. Nonobftant eftant ainfi
troublé, il auoit dit au parauant à fes fidèles , Que voftre cœur ne foit point troublé &
ne lbiteftonné , 6c qu'il ne craigne point la cruauté des mefehans 6c orgueilleux : car
vous m'aurez toujours, afin que vous obteniez victoire contre vos ennemis, &fur-
montieztouteleur rage. Etpourtant les champions du Seigneur lefus Chrift, ier-
tans leurs yeux fur ce Capitaine magnanime 6c ce grad Roy de gloire , ont fouftenu de
grans combats. Ilsontpalfé par le feu 6c l'eau, 6c ont efté fumez, &: ont receu la cou-
ronne gloricufc du Seigneur Dieu, de laquelle fainct laques dit, Bien-heureux eft l'ho-
me qui endure tentation : car quand il aura efté efprouué, il receura la courône de vie,
que Dieuapromil'eàceux qui l'aiment. I'aycertaine&:fermcefpcrance,que le Sei-
gneur me fera participant de cefte couronne auec vous , qui eftes zélateurs feruens de
la vérité, 6c auec tous ceux qui aiment conftamment 6c fermement le Seigneur lefus
Chrilblequel a fouftert pour nous, nous laiflant exemple, afin que nous fuyuions fes
pas. 11 falloir qu'il enduraft,comme il a dit luy-mefme:&: faut aufli que nous endurions:
afin que les membres foyent faits conformes au chef.Car il a dit,Si aucun veut venir a-
pres moy , qu'il renonce à foy-mefme,qu'il porte fa croix 6c me fuyue. O Seigneur dé-
bonnaire lefus Chrift tire-nous après toy,nous qui fommes débiles: car ti ru ne nous ti-
res, nous ne te pouriôs iuyure. Donne-nous vn efprit fortferme,ah*n qu'il foit prompt.
Et combien que la chair foit foible&: debile,toutesfois fay que ta grâce nous preuiéne,
6c que d'icellc nous l'oyons enuironnez de tous coftez. Car nous ne pouuons rien faire
fans roy : &: principalemenr nous ne pouuons aller à la morr cruelle fans toy. Donne
nous vn efprit prompt, &vn cœur hardy , vne foy droite , vne efperance ferme , &: vne
chanté parfaite,afin que nous expoiiôs en paix 6c ioye noftre vie pour toy, Ainli foit-il.
Autre Epiftrc,contenant vne fort belle vi&oire contre les portes d'enfer.folickantes Iç cœur de lean Hus par fraude
merueilleulc.&fouslionnefte apparence^ abiurer la vérité de lefus Chrift.
|R a c e 6c paix par lefus Chrift noftre Seigneur. Il y a eu auec moy exhortateurs
J&: pedagogucs,&: bien peu de Dcres:lefquels m'onr renu de gras propos , 6c vfé de
beaucoup de parolles pour talcher a me perluader , que ie doy &: peux licitemenr me
dcdire,en iubmettât ma volôté à la fainetc eglife, laquelle le facré Çoncile reprefente.
L/WoA Je an Uns.
Mais il n'y a perfonnc d'entr'eux qui le pui/Te fauuer, quad ie leur propofe que c'cft qu'-
ils feroyent s'ils eftoycnt en ma place. Comme quand aucun ferait certain que iamais
il n'auront prefché, ou maintenu ou affermé aucune herefic qui luy léroit impofce : co-
rnent voudrpit-il alors lauuerfa conl'cicnce,à ce qu'en fe dedilàntil conteflê fau/Tcmét
qu'il a ibuftenu quelque herelie ? Et aucuns d'entr'eux me difoyent,que l'abiuration n-
emportoit point cela: mais feulement de renoncer à quelque herelie, (bit qu'on l'euft
fouftenueounon. Les autres mettoyent en auant, qu'abiurationn'eftoit finonvn re-
noncement des chofes attcftees,foit qu'elles fuftent vrayes ou faullés. Aufquels fay fait
cefte refponfe:Et bien ie iureray que iamais ie n'ay prefché ces erreurs teftifîez , que ia-
mais ie ne les ay maintenus ou affermez, &: que iamais ie ne les prefeheray , maintien-
dray ouaffermeray. Et tout incontinent aucuns m'ont fait cefte réplique: Le cas foit
tel: Si en l'cglile fe trouuoit vn homme innocent:touteffois il meriteroit, s'il confeffoit
par humilité qu'il fuft coulpable.Et pour côfermer cela, il y en eut vn qui me vint ame-
ner vn bel exemple de la vie des Pères, d'vn Sain&,au lict duquel on auoit mis vn liure.
On remonftra à ce faind perfonnage, qu'il auoit pris le liure:&: iceluy ne le fentât coul-
pable,le nia. Et après on luy remonftra que le liure eftoit fur fon lift : & par humilité fe
rendit coulpable. Vn autre m'allégua vn autre exemple d'vne femme fain&e,qui habi-
toit en vn cloiftre,veftuc d'vn habillement d'homme. On luy auoit impofé ce blafme
qu'elle auoit eu vn enfant d'vne autre femme. Elle refpondit qu'il eftoit ainfî& garda
l'enrant,& depuis on cognut qu'elle eftoit femme , & par confequcnt innocente de ce
forfaid:& on me propofa plufieurs autres chofes femblables. Apres il y eut vn Anglois
qui dit, le vousiurepar ma confeience, que fi l'eftoye tombé en tel inconuenient où
vous eftes, ie ne feroye difficulté d'abiurencar tous les docteurs , gcris de bien qui font
en Angleterre, qui eftoycnt fufpe&s delà fauffe opinion de VviclefF, du mandemét de
l'Archeuefque ont tous abiuré par ordre. Pour le dernier ils demeurèrent hier en cela,
rwncl! C1UC ie me fUDmcKe à la grâce du Concile. Il y eut Palets qui vint à moy à ma requefte:
lier i fou i vouloye faire réconciliation auec luy. Il ploura fort,quand ie luy ry requefte qu'il me
cnncmy. paidonnaft, fi i'auoye dit quelque parolle outrageufe contre luy :&: principalement de
ce que i'auoye dit qu'il s'eftoitdefguifé en fes eferits. le luy propofay,que quand on me
donna audicnce,& niay les articles des tefmoins , il fe leua &: dit de moy , Ceft homme
ne craind pas Dieu:mais il le nia. Toutesfois il eft certain qu'il l'auoit dit. le luy remon-
ftiay auffi commet il auoit dit en prifon deuant les Commiffaires, que depuis la natiui-
té de noftre Seigneur on n'auoit veu de pl9 pernicieux hérétiques que YxickfF &c moy.
Apres cela il me voulut foliciter comme auoyent fait les autresrmais le Seigneur Iefus
Chrift me tint ferme en mon premier propos par fa grâce.
Autre Epiftrc,cn laquelle il monftre fa conftancr,ayant refifté contre des aflauts terribles.
g^^ÀL v t par Iefus Chrift. Noftre Seigneur &£ Sauueur a rendu la vie au Lazare,qui
^^^auoit cfte quatre iours au fepulchre:il a conlèrué lonas par 1 efpace de trois iours
dedans le ventre dè la baleine,& après cela il l'enuoya prefeher aux Niniuites. Il a tiré
Daniel de la foffe des lions,&: luy a fait puis après efcrire fes jpropheties. Il adeliuré les
Trois adolclcês du milieu de la flamme ardente.il a racheté de mort Sufanne défia co-
damnee à mort. Et pourtant il me pourra facilement deliurer pour cefte fois de la pri-
fon , &: mefme de la mort: voire fi celafert à fa gloire , &: au profit des fidèles , &c à mon
falut. Sa vertu &: force n'eft point amoindrie. Il a tiré fon difciple Pierre hors de la pri-
fon par fon Ange,lequel eftoit preft d'eftré mené à la mort en Ierufalem. Mais la volô-
té de mon bon Dieu foit toufiours faite:laquelle ie délire de bon cœur eftre accomplie
en moy, tant pour fa gloire que pour la remiffion de mes péchez. Vn certain docteur s'-
eft adrelfé à moy, me voulât induire à abiuration,difant que quelque chofe que iefifle,
ie me fubmiffe au Côcile: & que cela m'eftoit licite , & me tourneroit tout à bien.Il ad-
ioufta ceci, que fi le Concile me difoit que i'auroye feulement vn œil , &: nonobftant i'-
en auroye dcuxmeâtmoins ie deuoye côfefTerauec leCôcile qu'il eft ainfi.Et ie refpôdi,
Quad tout le mode me diroit cela:toutesfois ayât maîtenu vne raifô fur laquelle ie m-
appuye,ie ne pourroye dire cela las blefïcr ma confciéce.Mais après plufîeurs parolles,
ce vénérable Do&eur laifla ce jppos:&: dit,Cela eft bié vray:ie n'ay pas doné fort bô ex-
emple.Le Seigneur eft auec moy,côme vn preux eôbatant.Le Seigneur eft ma lumière
&: mô falut,que doi-ie craidre?Le Seigneur eft jptecîcur de ma vie: de qui auray-ic peur?
s
rfe.11S.u7
Jean H us. jf
Il^maduient bien fouucnçilcluy dire, Seigneur on me fait violence : retpon pour moy:
iç ne fay que doy dire à mes ennemis. La bonté de Dieu (bit aucc vous.
Autre Epiftre, en laquelle il rccicc le: eflonnemens des fon;jes qui l'ont grandement troublé, combien que l'cuenc-
nient ait monftréraccompliiTcmcntdc fes longes.
£J[*y ^ gracc ^c Dieu foitauec vous. I'ayme le cofeil & ordonnancedu Seigneur) plu
fë&èîî SUl ' or, ne précieux loyaux. Cela méfait efpererpar la mifericorde du Seigneur
Iefus, qu'il me donnera fonEi'prit pour me faire demeurer ferme en fa vérité. Pnczle
Seigneur: car combien que l'eiprit foit prompt, toutesfois la chair cft infirme. Le Sei-
gneur tout-puiilant foie le loyer éternel de mes feigneurs, qui bataillent constamment,
fermement &: fidèlement pour la milice. Or fefpcre que Dieu leur donnera a cognoi-
ftre la vérité au royaume de Bohême. le les prie de mettre fous les pieds toute vaine
gloirc:&: l'uyure le Roy , non point le Roy mortel , mais le Roy de gloire, qui donne la
vie éternelle. O que cela m'aefté fortagreable,quelcfeigneur Ican de Chlum m a ten-
du &c baillé la main/voire à moy tant pourc &C chetif , tant abiecl hérétique détenu en
telle mifere, Se diffamé de tous i II fe pourra bien faire que ie ne confereray plus guercs
aueevous. Pour celle raifonfaluez en mon nom tous les fidèles du royaume de Bohê-
me. Palets m cft venu voir en la prifon. Voici la belle falutation qu'il ma dônee au mi-
lieu de mes grans alfaux deuant les députez: qu'il n'y a point eu vn hérétique plus per-
nicieux depuis la natiuité de Iefus Chrilt,que Vvicleff & moy. Il me dit dauantage,que
tous ceux qui auoyent ouy &: fréquenté mes fermôs,font infectez de cefte herelie, Que
la fubftancc matérielle du pain demeure en la Cene. O noftre maiftre,di-ie, quelle fa-
lutation m'auez-vous faite ! il me femble que vous commettez ici grande offenié. voici
ic m'en vay mourir:& poflïble cft que ie feray bru(lé:quelle recompéfe en penfez-vous
recouurcrau pays de Bohême? Parauenture nedeuoy-ie point eferire cela, à celle fin
qu'il ne fcmblaft que icluy porte quelque inimitié ou haine. I'ay touiiourseu ceci en
mon cœur, Ne mettez voftre fiance aux Princes. Item, Maudit eft l'homme qui met fa ^JJ*'5'
fiance en l'homme, & qui met la chair pour fon bras. Or fâchez que i'ay eu de terribles crcmJ7-J"
r ■■> r > i t - r i -«/-i». Songes pro
afiaux en mes longes:i ay longe que le pape leaeichapperoit: &: me iembloit que ie re- phctiqne»
citoye cela au feigneur de Chlum, &: qu'il me difoit, Le Pape retournera. Dauantage, dc Huî-
fay fongé l'emprifonncment de M. Hierome , & toutes les prifons où ie feray mené , &:
comment elles ont efté ouuertcs : combien que ce n'a efté du tout enlaforme comme
ilen cftaduenu. Plulicurs ferpens me font bien fouuent apparus ,ayans des telles aufîî
en la queue : mais nul d'iceux ne m'a peu mordre : &C plufieurs autres choies. Or i'efery
ces chofes, no pas que m'eftime Prophete,ou que ie me vueille eleuer par orgueihmais
pour vous remonitrer que i'ay fentidesafHiclionsau corps & en l'efprit, &: vue grande
crainte, afin que ie n'outre pafle le mandement du Seigneur Iefus Chrift.IJ me fouuiét
de la parolle de Hierome: aifauoir s'il venoit au Concile, il pcnfoitn'en retourner ia- Hierome
mais. Il y eut aufli vn Polonois,homme de bien,nommé André, qui me dit en prenant j^S»
congé de moy , Dieu foitauec vous.il me femble qu'à grand' peine fortirez vous hors de loymef
d'ici fain& faune. M. Ican mon bon amy, feruitcur fidèle de Iefus Chrift , le Roy, non mc"
point de Hongrie ne des Romains,mais le Roy celcfte vous doint toutes fortes de blés,
pour la doctrine fidèle Se diligente laquelle i'ay apprife de vous.
Autre Epiftre à fes bicn-f.i<£teurs,par laquelle il les exhorte àferuir pluftoft au grand Roy & Seigneur Iefuj Chrift,
quine les peut nullement tromper,qu aux Princes de ce monde auf-jucls il n'y a nulle r'anec.
Oj^fiE s bien-fadeurs trcsbcnins,&:defenfeursdelaverité,ie vous exhorte par lesen-
ij^^||t raille s de lamifericorde de noftre Seigneur Iefus Chrifl, que vous mettiez fous
les pieds toutes les vanitez de ce monde, &: que guerroyez fous la folde du Roy éternel
le Fils de Dieu. Ne mettez nullement voftre fiance aux Princes,ny au fils de s hommes, Pfc.t 45.3.
aufquels il n'y a point de faluf.car les fils des hommes ibnt menteurs &c trompeurs. Ils
font auiourdhuy,&: demain périront: mais Dieu Demeure éternellement, lequel a des
feruiteurs, non pour befoin ou faute qu'il en ait , mais pour le profit de fes fidèles , auf-
quels il tient promeife infalliblement. Il ne rciette point de foy vn fcul feruiteur fidèle,
car il dit, Là où ie fuis, là auffi fera mon feruiteur. Ce grand Seigneur fait chacun fien icann.i*.
feruiteur, feigneur de fa pofleflion,fe baillât foy-mefme à luy,&: toutes chofes auec foy:
en telle façon qu'il poflede toutes chofes fans ennuy,fans crainte , n'ayat faute de rien,
L/Vo /. Jean Uns.
Mar.14.^. s ciîouifTantd'vneioyc infinie auec tous les fainfts. Bienheureux cft ce feriiiteur-la; le-
quel quand le Seigneur viendra, le trouuera veillant. bien-heureux ce (eruiteur,qui rc-
cuillna ce roy de gloire auec îoye. Seruczdonc à ce grand Roy, mes feigneurs bien ai-
mez,feruez-le en crainte 6c reuerence. Iefpere qu'iccluy vous conduira maintcnât en
Bohême en la grâce &c voftre fanté, &: finalement à la vie bien-heurculc & pleine de
gloire.Ie*pren congé de vous-.car ie péfe que c'eft-cy la dernière lettre que vo'aurcz de
moy : car ie m'atten bien à cela, que demain on me fera palier par vnc gricue moi t. le
Î!:u!Ts7 if- ne vous peux efcrireles chofes qui me font aduenues cefte nuicl. L'Empereur a fait
moud. toutes chofes finemenr.Dieuluy vucille pardôner,&: feulement pour l'amour devons:
&; vous auez ouy la fentence qu'il a donnée. La grâce de Dieu foie auec vous.
Autre Ëpiftrc enuoyeeaufeigneur Iean Je Chlum fon aniy fidèle.
,On feigneur, mon bien-fa&eur bien aimé en noftre Seigneur Icfus , encore fuis-
se grandement ioyeux, que ce bien m eft fait de vous pouuoir efcrire:comme i'ay
bitrTpeu apperceuoir par la lettre laquelle me fut hier apportée : par laquelle] ay pre
Apoc is.i. miercment cogneu,que l'iniquité de la grande paillarde , c eft à dire de la côgregation
maligne,de laquelle il eft parlé en l'Apocalypfe, eft dcfcouuerte, & le fera encore plus:
auec laquelle paillarde les Rois de la terre commettent fornication ,fe deftournans de-
là vérité du Seigneur Iefus, & confentans aux menfonges de l'Antechrift par trompe-
rie, ou par crainte , ou en efpcrance de faire alliance pour acquérir l'honneur du mon-
de. Puis après i'ay cogneu par cefte lettre comment les ennemis de la vérité commen-
cent à eftrc troublez. Dauâtage i'ay entendu combien eft feruente la confiance de vo-
ftre charité : qui vous fait faire confeffion ouuerte de la vérité. Outreplus i'ay bie n co-
gneu par ladite lettre, que vous voulez mettre fin à toute vanité, &c renoncer au ferui-
ce laborieux de ce mode, &c feruir paifiblement en voftre mailbn à noftre Seigneur Ie-
fus:&: de ces nouuelles i'ay efté fort ioyeux . car feruir à lefus Chrift,c'eft régner. Et à la
Luc 11. 4z. vérité, bien-heureux eft ce feruiteur-la, lequel quand fon Seigneur viendra , aura efte'
trouué veillant. En venté ie vous di , que fe leuant il fe ceindra , &: luy miniftrera. Les
Rois de ce monde ne font pas ainli à leurs feruiteurs , lefquels ne les aiment finon pour
autant de temps qu'ils leur font vtiles & neceftàires. le vous prie me faire encore ce
bien de m'elcrire, s'il eft poflîble. le vous prie au ffi qu'il vous plaife faluerla Roine en
mon nom,& l'admonnefter à bon efcient qu'elle tbic conftantc,&: qu'elle ne le feanda-
life point de moy, côme fiieftoye hérétique. le me recômandc à madame voftre fem-
me,laquelle ie vous prie aimer en noftre Seigneur Iefus.car i'ay cefte bonc opinion d-
ellc,qu'cllc cft fille de Dieu. Saluez au nom de Dieu tous ceux qui aiment fa vérité.
Autre Epiftrc,cn laquelle il rend grâces à fes amis, pour les grans bénéfices qu'il a receu d'eux.
Ç^SIe v foitauec vous,& vous enuoye toute profperité&: félicité , pour tant debe-
chïuîn ^ nefices que vous m'auez conférez. Gardez bien que le feigneur de Chlum, mon
fouuerain &: fidèle amy , ne tombe en 'danger pour l'amour de moy,qui fuis défia com-
me mort. le vous .prie tous que vous viuiez félon la parolle de Dieu, &c que vous obeif-
fiez à Dieu &: à fes faintts commandemens , comme ie vous ay enfeigné. Remerciez le
Roy en mon nom, pour tous les bénéfices que i'ay reccus de luy. Saluez en mon nom
toutes vos familles, &c tous les autres amis lefquels ie ne peux nommer maintenant.
Priez Dieu pour moy, ce queieferay auflide mon cofté: auquel nous viendrons tous
moyennant fa grâce.
Pour la fin nous auons adioufté d'vne epiftre de Tean Hus eferite en la prifon, ce qui s'enfùit:
E a n Hus feruiteur du Seigneur, aux fidèles de Bohême qui aiment Icfus Chrift,
Salut. Il m'eft foimcnude vous aduertir comment ce Concile de Conftace plein
Les Hures d'orgueil & ambitiÔ,a condâné mes liures eferits en noftre vulgaire Bohemie,lefquels
de Husef. [\s n 'ont ne veu,ne lcu,n'entendu:fînon que Iean euefque de Litomis, ou autres Bohe-
hemien. °" mi^s nies aduerfaircs les ayent entédus.Ce Côcile qui s'appelle fain&&: facré &c qui ne
peut errcr,cft fi plein d'abominatiôs,que vous en auriez horreur fi vous eftiez ^Conftâ-
ce:de laquelle i'ay ouy ceux de Suaube qui difoyet ouuei temét, Qu'en tiete ans elle ne
feroit quitte ne purgée des péchez énormes qui y ont efté vilainemét perpetrez.Quâd
i'ay efté prefeté pour refpodre à mes aduerfaircs: voyât qu'il n'y auoit ordre , mais toute
hTieromedeTraguc^. 3$
confufion,ideur dy haut & clair, Vrayement i'eftimoye qu'il y cuft plus d'hônefteté en
tre vous,& meilleure difcipline en voftreaflemblee.Le fouuerain Cardinal me refpon-
dit , Eft-ce ainfi que tu,parles ? tu difois tes parolles vn peu plus modeftement en la pri-
fon.Ie luy dy, Il eft vray:car là perfonne ne crioit contre moy .ici vous criez tous enfcm-
ble. O mes bicn-aimez en Chrift,ne foyez intimidez par leur fentence qu'ils ontpro-
nôcee contre mes liurcs, lefquels voleront çà &: là comme papillons:&: leurs ftatuts du-
reront autat que les toiles des araignes. Ils tafchcrôt au/fi de me tirer de celle confian-
ce que i'ay en la vérité de Chrift : mais ils ne pourront vaincre la vertu de Dieu , que ie
fens en moy. Efcrit en la pnfon,en mes liens,en attendant la mort.
LA fin de ce fainct perfonnage Iean Hus fut telle que nous auons defcrite cy deflusrc-
eft aflauoir à l'honneur &c gloire de la dodrinc du Fils de Dieu. O fi la chair pourrie
des Ecclefiaftiques aflemblcz en ce Concile de Confiance euft peu porter le Tel de la
vérité, laquelle Hus eftoit venu de Ci loin leur annoncer ! il eft certain qu'on cuft prou-
ueuaux chofes ncce/Taires à flEglife. Mais quoy qu'il en Toit , maugré la rage de Satan, Le fic|e?jl;
le'liege Papal a efté fort defcouuert,&: par force ce décret a efté arraché du côclaue des pa e$ ra e
ennemis de Dieu,c'eft aflauoir, Que le Concile afîemblé légitimement , eft par deffus
le Pape : d'autant que celle puiflance eft de Chrift qui eft le vray chef de l'Eglife. Iean
Pape x x 1 1 1 1 .de ce nom fut depofé, pource (ju'il eftoit hérétique, fimoniaque , homi-
cide& fodomite. Il s'enfuit en habit defguife à SchafFufe , &: de lààFribourg en Brif-
goyermais il fut attrapé Tan cinquième de fon pôtifkat,& demeura trois ans en prifon.
Gregoire,qui auflï Ce difoit Pape,fe démit de fa Papauté : & Pierre de la Lune , qui se- Trois Pa-
ftoit fait nommer pape Benoit,fut côdamné par ledit Concile. C'eftoit de luy que Iean J^^e teps
Gerfon fouloit dire , Il n'y aura paix en l'Eglife tant que la Lune foit oftee. Voila com-
ment le Dragon & la Belle à fept telles comm encent eftre accouftrez : c'eft vn trou en AP°"J • 'î.'
laparoy pour regarder les mefehantes abominations. Ce font les membresde la pail- foic"47<'"
larde mignarde &c délicate qu'on defcouure , afin que fa turpitude &: ignominie foie
manifeftec par tout.
HIEROME DE PRAGVE, Bohémien.
L'hiftoirc de ce Martyr tend au mefine but que le precedent:Le Seigneur a voulu donner vn compagnon à Iean Hus,afîn qu'en
la parolle de deux, la chofe fuft arreftee : & que les plus grans de ce monde alTemblez contre Icfus Chrilt au Concile de
Confiance, d; meuraflent confondus. Au refte , Hierome a efté traité de mefine, i la pourfuitte des nieûnes ennemis &
aceufateurs que le fufditlean Hus.
O V T ainii que Iean Hus &: Hierome de Prague auoyent efté coioints par M\ CCCC.
grande familiarité en leur façon de viure , en leurs eftudes, &: en fainde do- XVI'
$fe^t drine:aufîi vne mefme cÔfeflion de foy les a faindemet aflociez en la mort,
laquelle ils deuoyent endurer pour l'Euangile:&:n'y a eu afflidion tat gran-
de fuft-elle, qui les ait peu feparer de la coniondion d'vne caufe tant bonne &: tat fain-
de. Nous pourrions bien voircment ici raconter commet Hierome de Prague fut nay
en l'endroit de la ville lequel on appelle la nouuelle Prague , commet il a vefeu au par-
auant : en outre nous pourrions parler de fes)eftudes excellentes,de Ces bonnes & fain-
&esmceurs,de fa nature, s'il en eftoit aucunement befoin: mais la fuitte &: ordre de ce
liure entrepris requiert pluftoft vn tel récit, par lequel on puifle cognoiftre la confian-
ce & force merueillcufe de ceux qui eftans appelez de Dieu au martyre , ont rendu vn
tefmoignage excellent à fa verité,& qui l'ont franchement & faindement maintenue
iufques au dernier foufpir de leur vie.
Ainsi donc l'an après la natiuité de Chrift, m . c c c c . x v , Hierome de Prague e-
ftant merueillcufement troublé de ce qu'il auoit ouy que fon pays eftoit opprimé par
ennemis àc domeftiques &C voifins,& par plufieurs & faunes calomnies, & que Ieâ Hus
eftoit vilainement traitté par le Concile, il s'en alla fort alaigrement à Conftance,où il
arriuale quatrième iour d'Auril. Et là eftant aduerty qu'on luy drefloit quelques fînef-
fes &c embufehes , il Ce retira le lendemain à Iberlingue , qui eft vne ville de l'Empire,
près d'vne Iicuë de Confiance ou enuiron. Et faifoit cela, afin qu'il ne femblaft qu'il Ce
îettaft de fon bon gré & feu dedans les dangers. De ce lieu-la il efcriuit des lettres à l -
IàmiuL IficromtdePragucJ.
Empereur Sigifmond,&: aux autres grans feigneurs de Bohême qui eftoyet lors à Con«
ftance:par lefquelles il faifoit requeftc au Roy & à tout le Concile , qu'il leur pleuft luy
bailler vnfauf-conduir, parle moyen duquel il luy fuft loifible d'entrer en la ville de
Conftance:& au refte qu'il eftoit preft de refpondrc , pourueu qu'on luy donnaft audie-
ce,quelques crimes ou forfaits qu'on peuft produire à l'encontrede luy. Tant y a tou-
tefois que UEmpereur refufa de ce faire, alléguant que le fauf-conduit qu'il auoit don-
Sauf con- né àlean Hus, luy auoit caufé de fort grades fafcheries. Cependant le collège des Pre-
du.t refufé ftres faifoit bien promcfTe de luy donner congé de vcnir,&: depefcherent dès bulles fur
àHieromc. Q^ m^ nQn pa$ jc rctourner.
O r après qu'on eut fait ce rapport à Hierome, il efcriuit beaucoup de lettres en La-
tin , en Bohémien & en Alemand, & les fit attacher aux portes des temples &: des mo-
nafteres &: des maifons des Cardinaux. Par icelles il dcclaroit qu'il iroit fort volontiers
hc d'vn courage prompt à*Conftance,à caufe d'aucuns qui detra&oyet tant de fon pays
que de fa do&rine:afin que s.'il y en auoit là quelcuns qui pretendifTent action d nerefie
ou d'erreur à l'encôtre de luy, il les priaft de déclarer leurs noms:& deluy, il feroit preft
de leur fatisfaire. Que il on le pouuoit conuaincre de quelque crime (ce que toutesfois
il ne craignoit point)il vouloir bien eftre enfeigné comme il eftoit raifonnable : &c defi-
roit qu'on luy monftraft fon erreur, moyennant qu'on luy donnaft fauf-conduit,par le-
quel il peuft eftre en feurté. Mais h* on le detenoit là par violence ou fraude , combien
qu'il fuft irreprehéfible en cela, l'iniquité de ce beau Concile feroit puis après cognuc
de tous, d'autant qu'il le condamnoit fans cognoùTance de caufe contre tous droits di-
uins & humains.
A v refte, voyant que par ce moyen mcfme il ne pouuoit pas encore obtenir de l'-
Empereur ce qu'il demandoit, pour le moins il obtint des feigneurs de Bohême &: Pro-
tecteur qui eftoyent là prefens,des lettres feellees de leurs féaux : par lefquelles ils ren-
doyent tefmoignage de l'innocence de Hicrome>&: comment il auoit délibéré de fatif-
faire à fes aduerfaires touchant les calomnies qui luy eftoyent impofees.Et ayant obte-
nu & receu ces lettrcs,il délibéra de retourner au pays de Bohême : mais il fut pris en
Hicroœc chemin par trahifon, &c ce par les officiers du duc îean fils de Clément , qui le ramene-
Cfon " Ua ^nt * Sultzbrach,où ledit duc eftoit, & auquel lieu il fut quelque teps détenu, iufques
à tant q«ul fuft appelé par l'Empereur &: tout le Concile. Et bien-toft après le duc Iean
receut lettres de par l'Empereur &: tout le Concile,& renuoya Hierome lié &c garrotté
à Conftance:où il fut recueilly par l'autre fils de Clément, qui auoit nom Louys : &c ce-
ftuy-cy pour plus grande ignominie , fît enchainer Hierome , & le mener après foy au
conuent des Cordeliers,où les principaux facrificatcurs &: la racaille des Pharifienss-
eftoyent a/Tembléz : car ce Louys alloit deuant comme ayant obtenu victoire, &: com-
me triomphateur.
O r après qu'on fut venu au conuent des Cordeliers , &: que Hierome enchainé eut
efté prefenté deuant les Euefques &c Prelars , on commença à lire deuant luy les eferi-
teaux lefquels n'agueres on auoit attachez en diuers licux,par lefqucls on l'auoit appe-
lé en iugemét , à caufe de fes epiftres lefquelles il auoit auparauat fait pofer aux portes
par tout. Là vn Euefque l'interroga difanr,Pourquoy t'en es-tu fuy >&c pourquoy n'es-tu
venu quand on t'auoit appelé en iuftice î Adonc il refpondit,Puis que ie n ay peu obte-
nir vn fauf-conduit ne de l'Empereur,ne de vous , comme ce que les Barons m'ont ef-
crit en rend tefmoignage : enfemble que i ay bien cogneu qu'il y en auoit aucuns auffi
qui m'eftoyent ennemis mortels.i'ay pehfé qu'il eftoit bon que ie me retirafle, afin qu'-
il ne femblaft que ie me fufte ietté follement feul dedans vn fi grand danger , & fans e-
ftre appelé. Mais fi on m'euft aduerty tant peu que ce fuft,que vous m'eufliez fait citer,
pour certain il ne m'euft point fafché de partir expreflement de Bohême pour venir en
cefte ville de Confiance. x
O r après que ce faind perfonnage eut ainfi parlé, voicy vnc grofTe bade de Prcftres
fe drefla contre luy,Ô£ commencèrent à produire de fort eftranges teûnoigna^cs : & a-
uec grandes clameurs luy obie&erentdcs crimes , comme ils ont accouftume de faire.
Sur cela il y eut vn do&eur ancien ,chanceliet deParis,nomméGerfon,lequel après que
Reproche ce tumulte fut appaifé commença à dire, O Hierome,cjuand tu demeurois à Paris,t'at-
fon" Hic- c"kuât ie ne % quelle eloquéee diuine , tu troubloislà toute 1' Vniuerfité,femat beau-
reme. coup de conclufions fauftes parmi le peuple. Auquel Hierome fit vnc refpofc fort mo-
defte,
UkrdmLifde Prague^. 37
<lcfte,,Noftre mâiftre , du temps que ie faifoyc des harengues publiques és collèges de
Pansue que par fermes raiforrs ie difputoye des thèmes, félon la couftume &: façon de
nos Maiftres, il n eftoit nullement queftion de ce crime que vous intentez contre moy:
qui plus eft, i'ay receu le degré de dodeur en Théologie . & ie ne feray pas de difficulté
de repeter maintenant en cefte grande aflèmblee ce que i'afFermoye en ce temps-la:&
fi vous y trouuez quelque faute, ie la corrigeray fort volontiers ,& prefteray laureille
paifiblement à vne meilleure do&rine.
Ainsi que Hierome parloit, voici vn autre d'entr'eux ( il fcmble que ce fuft vn de Commen j
Nos maiftres de Cologne)feleua, & luy dit, Par ma foy, la harengue que tu fis vne fois ""ég^di
à Cologne, eftoit pleine d'erreurs, qui ne font poit encore efcoulez de la mémoire des gne dVn
hommes. Or fus, dit Hierome,produifez feulement vn erreur.Et iceluy eftant aucune- D°acur-
ment eftonné, refponditjen'en ay point maintenant fouuenance : mais onles produi-
ra bien toft contre toy. Et tout incontinét fe leua vn autre troifieme grobis de Heilde-
berg, qui forma ainfi fon aceufation: Quand tu demeurois auec nous., tu femois diuers
blafphemes, &: principalement de la fainde Trinitérlà où tu as peint vn efcu,coparant
la fainde Trinité à l'eau, à la neige & à la glace.Hieromerefponditainfi à ces parolles,
Si vous voulez, ie diray,i'efcriray , ie peindray maintenat les mefmes chofes que i'ay di-
tes alors,ou efcrites,ou peîtes:&: Ci on y trouue quelque faufTeté,ie la retraderay & def-
diray en toute humilité,& m'accorderay à vne meilleure opinion. Cependant ceux qui
affiftoyent là,cômencerent à crier tant qu'ils peurent, Bruflez,bruflcz ceft hôme-cy.Et
quad Hierome eut ouy cela, il dit, Si vous autres prenez h" grand plaifir à me faire mou-
rir,la volonté deDieu foit faite.Mais le bon preud-homme l'archeuefque de Salifbourg L^c £c£f
dit,Il ne faut pas faire ainii,Hierome.car il eft efcrit:Ie neveux poit la mort du pécheur, îlsbowg*
ains qu'il foit conitej^yyÔC qu'il viue.
Fin al 1 m e n T^pres que les calomnies &tempeftescontreHierome furent aucu-
nement fînies,ledit Hierome fut liuré aux fergeans & officiers de laville,& les autres fe
retirèrent chacun en fa maifon . Les officiers le menèrent en vn certain logis:& là fur-
uint vn de la famille de Iean Hus,Pierre Notaire,qui parla à luy par vnefeneftre, & luy ^Jl^
dit,Mon bon maiftre,ne craignez point : prenez bon courage , & ne redoutez point de ecHicromc
mourir conftamment pour le tefmoignage de la verité,de laquelle vous aueziadis çant
bien & ii f agement difputé, quand vous eftiez en liberté.Et Hierome luy dit»Frere,mo
amy,ie vous remercie de bô cœur de ce que m auezvifité: fâchez que ien'ay point fray-
eur de la mort:de laquelle i'ay autrefois difputé bien au long , & maintenant il me faut
experiméterde faidquel pouuoir cllea.Ceux quilegardoyétjdrefTeiet leurs yeux vers
la teneftre,quant ils ouirent ce propos-la,& firent bien toft retirer Pierre,le menaçant.
Et quant &c quant priment Hierome , &c l'enfermèrent dedans vne tour qui eftoit bien
prochaine du cimetière de S. Paul. Ils luy lièrent les bras, &: luy enfermèrent les pieds
en cefte prifon qui eftoit fort haute,en forte qu'il ne fe pouuoit feoir, ains panchat pou-
uoit bié toucher la tefcre feulement de la tefte': & en cefte façon il fut tourmenté par f-
efpace de pluiieurs iours,n'ayant rien pour fe fubftenter que du pain Se de l'eau. Mais fe
fentant fort abatu de maladie procedâte de ces tourmens Ci griefs,il demâdavn confef-
feur,cfpeiat que par ce moyé on le traiteroit plus doucemet , d'autât qu'il s'accommo-
doit à leurs obferuations &c ceremonies.il s'entretint quelques iours en cefte efperace:
car de là en auat il eut quelque relafche de prifon,oùil demeuravn an moins fept iours.
O r cependant Iean Hus iniuftenient condamné par ces tyrans,fut bruflé le fixieme
iour de Iuillet : & enuiron le huitième iour de Septembre en ce mefme an, ils firentve-
nir deuant eux Hierome, qui eftoit tout moulu de fa longue détention , &c luy propofe-
rent beaucoup de menaces,tafchans à luy perfuader de laiffer fon opinion,&de fouferi-
re à la condamnation de Iean Hus,qui auoit efté bruflé iuftement, comme ils difoyent.
Hieron\e alors fut vaincu par infirmité , en partie craignant l'horreur du tourment , en
partie efperant d'efehapper de leurs mains félonnes. Etfurcelail recita publiquement
deuant tous vn formulaire d'abiuration qu'on luy auoit donné par eferit.
Ovtreplvs pour leur gratifier il adioufta, que Iean Hus auoit efté bruflé à bon
droit.Mais pour tout cela il n'efehappa point:ains fut ramené en fa tour,combien qu'il
fuft moins rudement traité qu'au parauant.
O k l'an fuyuât,aflauoir m. ccccxvi. quelques nouucaux enncmis,moines de l'ordre Nouucltes
des Carmes vinrét de Boheme^efquels auoyent aceufations nouuelles côtreHicrome. accu uos*
S' L
Livrer L U morne ê Traguc^
Deux apoftats & mefehans garnemens, affauoir Michel de Caufis &C maiftre 1?alets,fu-
rent fort ioyeux de cefte venue. Ils pourfuyuirent encore plus afprement la caufe in-
tentée contre Hicrome , ayans recueilly par certains lignes qu'il n'auoit de bô cœur re-
noncé à ta dodrinc,pluftoft ayant fait cela pour la frayeur qu'il auoit de la peine ia emi-
nente, &: pour l'efpoir d'eftre bien toft deliuré.Ils innfterent doc enuers les Cardinaux
qui prefîdoyent en ce Concile,&: auoyent authorité de iuger: à cefte fin qu'ils le côtrai-»
gnilfcnt de refpondre à quelques crimes &: forfaits autres que les premiers, mais iceux
apperceuâs bien la malice de ces aduerfaires, &c le tort qu'ils faifoyent à ce poure hom-
me,fc mirent en tout deupir de le deliurer. Au côtraire ces babouins faifoyet tous leurs
efforts à ce que Hierome ne fuft nullemét efpargné,criâs à gueule ouuerte que c'eftoit
ivnc grande mefchanceté,de fauorifer à vn tel heretique.Et fur tous autres il y eut vnve
nerable doôteur nommé Nafo, qui parla de cefte belle façon aux cardinaux:
Reverens Peres,nousfommesefbahis de vous, que vos paternitez intercèdent
pour vn ii mefehant heretique,pour lequel nous &: tout le Clergé auons fouffert tât de
maux au royaume de Bohemc,& vos paternitez endureront cy apres:&de moy,ie crain
bien fort que vous ayez recéu des prefens de ces heretiques,ou du roy de Bohême.
O r les Cardinaux eftans elbranlez des clameurs furieufes de ce mal-heureux, &des
autres,lainerétla caufejde Hierome,&: fe démirent de l'office de iuger.puis à lafolicita-
tion de ces ennemis obftinez de la vérité , le Patriarche du titre de Conftantinoble , &:
vncertaindodeurTeutonique,qui vnpeuauparauant auoyent cfté ordonnez^iuges
pour condamner Iean Hus,furent fubftituez en ceft office des Cardinaux. Mais Hiero-
Nouncaux mc recufojc ces nouueaux iuges,deuant lefquels il ne voulut oneques ouurir la bouche
Sez!^ pour dire vnfcul mot enla prifonrains requit parplufieurs fois qu'on luy permift de
defcôuurir publiquement fon opinion en pleine alfemblee. A quoy les prchdens&: an-
ciens du Concile s'accordèrent volontiers , eftimans que Hicrome fe retracteroit dere-
chef comme il auoit fait vn peu auparauât, Se confermeroit mieux fa rétractation. Par-
quoy le 2 5. lourde May en ce mefme an, Hierome fut mené au grand temple de Con-
fiance , auquel il deuoit cftre ouy en public: Se là cent &c fept articles d'aceufation con-
tre luy furent leus deuant tous, defqueis les aduerfaires crioyent à gueule ouuerte qu'il
auoit efté conuaincu par tefmoins,voire condamné. Tant y a qu'il fut permis à Hiero-
me de fe défendre comme il auoit requis.
Hierome alors fut depuis le poindduiour iufquesàmidi à réfuter plus ou moins
de quarate articles:&: Dieu fait de quelle dextérité èc alaigrefl'e d'efprit , comme s'il n-
euft fenti aucun tourment en fa détention fi longue. Et quant aux crimes defqueis il ne
fe fencoit nullement coulpable, &: lefquels il fauoit auoir efté forgez & controuuez par
faux tefmoins,illeslainbitpalTerfansy inlifter, fe purgeant parvneiîmple négation.
Mais au rcfte,pourcc qu'il ne pouuoit pas paracheuer fa caufe pour cefte raifon que mi-
di eftoit fonné, il fut remis au Mardy fuyuat,&: mené ce iour-la audit lieu de grand ma-
tin: où rcfpondit de mefme fermeté &c dextérité d'efprit aux autres articles qui luye-
ftoyentobiedez,&:deftournoit proprement & de bonne grâce les blafmes furfes ad-
uerfaires , en forte qu'eftans tous confus de fa harengue , par laquelle il monftroit eui-
Luc d^Hic demment la vanité &c fau/feté de leurs tefmoignages, ils deuinrent tous muets .
rome rend Ov treplv s, c'-eft merueille comment en cefte aflemblcc il parla bien des difei-
confus (es pi,ncs diucrics des Philolbphes , &C des faindes Efcritures , ou de quelle induftrie il en
deuifoit:&: n'y auoitnul qui ne fuft efmerueillé: eftant là iufques à l'heure de midy fans
ceffer de parler : car il dcmonftroit commet la vérité auoit efté odieufe en tous temps:
£>c prouuoit cela par les exemples des gens fages , &: auiïi des Prophètes ôc Apoftres , &c
après eux des Martyrs , qui tous auoyent efté tormétez de diuerfes façons &: fupplices,
eftans condamnez à tort pour la caufe de la vérité , comme feditieux & perturbateurs
de la tranquillité publique,ou blafphemateurs contre Dieu.
Or retournant à fon propos, il commença à dire quelque chofe du cours de fa vie,
&: toucher comme en paffant ce qu'il auoit fait en Germanie, en france,en Boheme,ô£
es vniuerfitez renémees dicclles,racôtantauflifes aduentures,&:lesgrans trauaux qu'-
il auoit foufferts en diuers voyages. Il ne voulut omettre auifi , cômçnt du règne du roy
Vvcnceflaus il auoit obtenu le premier lieu en l'adminiftratiô du collège de Prague à
uec les autres précepteurs de fa natiô,&: cornent il en auoit chafle lesAlemas,^ eftoyét
efmeus d'enuic contre les Bohémiens. Apres cela il vint à tôber fur les louages de Iean
Hus,&:
innemiy.
ïïieromeçlePragiïLJ. 3$
Mus difoit qu'il l'auoit cogneu dés fa ieuneffe : mais que iamais il n'augit veu en luy
àucun vice, oudcpaillardife i ougourmandife j ouyurongnerie, ains qu'il y auoit touf-
iours apperceu vne affection bonne & fain&c , de viure honneftemét &c modeftement,
vnvraydefir&zele à la vérité de Dieu, comme celuyqui auoit fain&cmcnt &fidele-
ment enfeigné la pure doctrine, en laquelle il s 'cftoit exercé fort diligemmét. Parquoy
il approuuoit les fermôs dudit Iean Hus, &: auflî de Iean VviclefF,par lefquels ces deux-
cy auoyent repris aigrement l'infolcnceja malicc,la paillardife &: l'auarice des Preftres L'auaricc
(car celle manière de gens eft remplie de toutes telles ordures)&: ne difeorderoit point fe acsPt^
d'auec eux tant peu que ce fuft. ftrc«.
Qv^a n t au Symbole de la foy, il affermoit qu'il maintenoit aucc l'Eglife catholique
& vniucrfelle, toutes les chofes qui y eftoyét contenues , &: qu'il deteftoit tous erreurs
&: herefies. Finalement il adioufta ceci, que de tous les péchez par lefquels il auoit of-
fenfé la Maiefté diuine iufques alors , il n'y en auoit pas vn feul duquel il fentift fa con-
feience tant chargée &: greuee,que de celle offenfe qu'il auoit commile en la chaire de
peftilence & d'execratiomoù eftant trebufché par infirmité &par l'horreur de la mort,
il auoit eft é contraint de le retracter , & auoit loufcrit à la condamnation de Iean Hus,
&dit plufieurs chofes contre la do&rine de ce fain&perfonnage pour gratifier aux ad-
uerfaires: parquoy eftant maintenant par la bôté &c grâce de Dieu conftitué en la mef-
mc chaire, il fe repentoit à bon efeient de ce péché fi énorme : &: declaroit que la fub-
feription qu'il auoit faite cftoit nulle, d'autat que c'cftoit à grand tort qu'on auoit br Lil-
le ce fainct homme. Ce font cy les parollcs de Hierome de Prague.
Or en la première partie de cefte harengueii efmeut merueilleufement les audi-
teurs , en forte que tous defiroyen t que la vie luy demeuraft fauue : tant auoit-il bié feu
gagner leurs cœurs par douces &: gracieufes parôlles,&: attirer à côfentir volôtairemét
à fon opinion. Mais fe fentans picquez,& eftâs irritez de la conclu/ion, où il auoit meflé
plufieurs chofes des louanges de Vvicleff&: de Hus, ils dirent que luy-mefme s'eftoit
défia condamné.Parquoy on le traina incontinét en prifon,&: là fut traité par ces bour-
reaux fort inhumainement, ils luy lièrent les pieds & les bras &: la moitié du corps de
chaines de fer : &c ce traitement barbare dura iufques au premier iour d'Aouft fuyuant,
auquel-on luy donna vne grande compagnie pour le mener au teplexar il y auoit en ce Hierome
iour-la grande afiemblee de Preftres &: de Moines pour prononcer la fentence contre ™^pieau
Hierome. Premièrement ils luy firent cefte exhortation, qu'il perlillaft en fa première
rétractation, &: reiettaft apertement la doctrine de Vvicleff &C de Hus. Hierome au cô-
trairc nullement effraye, ains confiant & ferme, dit plufieurs parolles picquantes con-
tre ce vénérable ordre, adiouftant ceci:Ie protefte deuant le Seigneur mon Dieu,&dc-
uant vous tous qui eftes ici prefens,que ie n'ay nulle opinion hérétique : mais ie croy &c
maintien tous les articles de la foy, comme la fain&e Eglife catholique fait. Au refte ie
ne veux nullement confentir à voftre fentence , par laquelle vous auez à grand tort cô-
damné ces fainc-ts perfonnages , eftans agitez de furie &c d'efprit d'eftourdiffement , d'-
autanf qu'ils auoyent ouuercemét manifefté vofti e vie deteftablc par parolles , Ôc figu-
rée au vif en leurs liures. Car ia-foit queie fâche bié que vous n'auez déterminé de me
punir pour autre chofe:tanty a que iene produiray rien cotre ma confeience à l'cncon
tre de ceux que ie fay pour certain auoir droitement eferit & parlé de vos forfaits ôctra-
dirions peruerfes.
E t après qu'il eut ainfi hardiment parlé &c fans s'effrayer , finalement l'Euefque de Sermon de
Londen monta en chaire, & incita cefte belle affemblee à prononcer fefttece de mort J^JjJjJ*
contre ledit Hierome. Il pnnt fbn thème de ce qui eft dit en S.Marc, Iefus repnnt leur
incrédulité &: dureté de cœur:& dit , Tout ainfi que n'agueres ce fainct Concile a puni
l'infidélité de ces deux hérétiques fi mefehas, Vvicleff &Hus,reiettat leur faufie dodri
ne corne pleine d erreurs, infectée d'herefie , &: fort pernicieufe à la iaincte eglife : auffi
qu'il puniffe ce Hierome leur cÔplice,homc de dur col, arrogat &c obftiné en fa malice:
afin qu'il foit en exemple aux autres, à ce qu'ils ne foyét fi hardis d'attenter chofes fem-
b labiés*. S'il y en a aucuns par cy après qui foyenttrouuez eftre de cefte fecte, on donne
authorité indifféremment à tous de tefmoigner contre eux, voire de quelque infamie
qu'ils foyent marquez : rufiens , bordeliers, adultères, putains, maquerelles,gourmans
yurôgncs,brigas,bricf les plus mefehans du monde feront ouys pour tefmoins:&:côfef-
fion fera arrachée d'eux par tortures, fi befoin eft,&: ferot tout incontinét mis à mort*
g.iiv
L/'^ro /• Ilter ome de ^ragut^.
U n'y aura aucun lieu ny efperance qu'ils puiffent iamais obtenir pardon, s'ils ne fe dôf-
diffent de toutes leurs mefehates opinions. Et quant à tdy, Hierome , qui eft-ce qùi en
auioitcompaffion? comme ainii (bit que maintenant tu ne fais point de difficulté d'a-
uallcr derechef la rétractation que tu auois auparauat delgorgee, comme vn chien re-
tournant à ion vomilfement: œque tu n'as fait fans auoir grandement offenie &dcf-
honnore ce fainct Concile. Parquoy quelque fentence de condamnation que ce Con-
cilc prononce contre toy,(cra iufte &: telle que tu as méritée.
Apr e s queceftEuefqueeutacheuéfonfcrmon,Hieromeauccbonneprudece&:
cœur confiant commença à monftrer ouuertement qu'on luy faifoit grand tort: qu'il
n'eftoit coulpable d'aucun crime qui fentift fon erreur ou herefie, ou qui répugnait à la
foy Chreftienne : Sinon (dit-il) que vous eftimez pour fort grande otfenfe , que i'ay rc-
prins les Preftres de leur mefehante vie. Il m'a fait grand mal voirement de ce qu'ils a-
bufoyenr de leur eftat &: office, & que leur vie ne refpondoit point à leur profeffion.Or
fi vous-vous arreftez feulement aux tefmoins fans me vouloir ouyni'appelle Dieu&ilcs
hommes en tefmoignage, que vous eftes faux iuges & iniques, qui exercez ainti cruau-
té contre moy feul, eftans pouffez d'enuie.
Hierome A v c v n s des aduerfaires ayans ouy ce propos, ladmonneftoyent à l'oreille qu'il fe
fe icfdir^ rctraftaft derechef &:bien-toft: autrement c'eftoitfait de luy. Mais luy voyant fa mort
prochaine, parla ain fi hardiment,&: prophetiza contr'eux,difant: Vousauezdetermi-
né-de me ttainer au fupplice,moy qui fuis innocent : mais ie vous dy ouuertement que
ie vous lailîe des fcrupules&: aiguillons fort poignants en vos conlciences après ma
mort : & entre-iette mon appellation au fouuerain &: trefiufte iuge Dieu tout-puiffant
Apres cent à ce qu'après cent ans paifez vous me refpondicz.Mais ces bons Preftres fc mocquerét
ans me réf. j ccfl.e parolle : & quant & quant ordonnèrent que la fentence eferite contre luy fuft
pondrez. * „ * • • , 1 • 1 \ 11 T
récitée : laquelle nous auons ici inieree , traduite comme de mot a mot de leur Latin,
pour monftrer les blafphemes de ces exécrables , alleguans à leur impiété les paffages
de la fain&e Efcriture.
Copie de la fentence diffînitiue prononcée contre Hierome de Prague.
! V nom du Seigneur, Amen. Iefus Chnft Dieu &c noftre Sauueur, qui eft la vraye
vigne, le Pere duquel eft le vigneron, inftruifant les diiciples&: tous fes autres fi-
dèles, dit, Si aucun ne demeure en moy, il fera mis dehors comme le farmcnt,&: léche-
ra. Ce lainît Concile de Confiance , fuyuant la doctrine de ce Docteur &: Maiftre fou-
uerain, &C mettat en exécution fes cômandemensen la caufe de l'inquifition faicte par
ledit facré Concile, fclon le bruit comun,&: les inlïnuations pleines de clameurs cotre
M. Hierome,dit de Prague,maiftre es arts,hômelaic:pat lefquelles il appert q ledit M.
Hierome a tenu, affermé &: dogmatizé aucuns articles hérétiques &: erronez, dés long
téps 1 eprouuez par les fainttsPcrcs,&:aucûs pleins de blafphemcs,les autres fcadaleux,
les autres offeniifs des aureillcs Chrcftiéncs, téméraires & fediticuxdés lÔg téps main-
tenus, prefchez& dogmatizez par Ican y vicleff& Iean Hus, hommes de mémoire dâ-
nable,&: inferez en aucuns de leurs liures &C opufculcs: Lefqucls,&: leur doctrine, ont e-
lté condamnez d'herefie par ledit Concile,&: la fentence d'iccluy : laquelle fentence de
condamnation ledit Hierome (durât mefme la caufe de cefte inquiiition,& en ce mef-
mc Concile)faifant confefîîon de la vraye foy catholique &: Apoftolique, a approuuee,
&y aconfency, a anathematizé toute herefie, & principalement celle de laquelle il e-
ftoit diffamé,&: de laquelle il confeiîbit auffi auoir efté diffamc:&: laquelle par cy deuât
Iean V vicie ff&; Iean Hus ont dogmatizee & tenue en leurs opufcules , fermons &: li-
ures : &c pour laquellcjou lefquelles, ont efté par ledit Concile condamnez comme hé-
rétiques auec leurs doctrines & erreurs: Ayant luy-mefme condamné les chofes fufdi-
tes,a iuré qu'il perfifteroit en cefte vérité de foy:& que h luy-mefme prefumoit de met-
tre en auant quelque opinion au côtraire,ou de prefcher,il vouloir fe fubmettre à la fe-
uenté des Canons , &: s'obliger à 1 a peine éternelle. Et dauantage il a prefenté &C dôné
audit Concile fa proteftation, eferite de fa propre main. Long temps après fon abiura-
tion & proteftation , retournant comme vn chien , à fon vomiffemet, afin qu'il defgor-
geaft publiquemét le venin pernicieux qu'il nourriffoit en fon eftomac , demanda qu'-
audience luy fuft donnée deuant tout le Concile. Il afferma, &c protefta en effect,qu'il
auoit iniquemét confenty à la fentence de la condanation defdits Iean V vicleff &: Iean
Hus;
LTierome de ^Pragu^j. 3 p
Hus :6c qu'en approuuant ladite fcntence, il auoit fauflement menty. Et n auoit point
de honte de conrcfl'er qu'il n'auoit point menty : &C qui plus cft , il reuoquoit dés celle
heuré Se à ïamais l'a confeifion, approbation &: protcftation qu'il auoit faite de lacon-
danation d'iceux:aftermant que iamais il n auoit leu aucune hcrelic ny cireur es hures
de Iean Vviclcff de Iean Hus : combien qu'il l'cuft confe/fé auparauant , &: que cela
euft cfté prouué cuidemment , qu'il auoit diligemment eftudié es liures d'iceux , qu'il
les auoit foigneufement lcus&: dogmatizcz: &: qu'il Toit notoire qu'il y a plulicu rs er-
re urs& herc/ïes en îccux.l.edit Hierome a proteft au Sacrement de l'autel Se à
la trandubflantiation du pain au corps, qu'il tenoit &C croyoit ce que l'Eglifc tiét,dilànt
qu'il crovoit plus à lain&Auguftin Vautres do&eurs delEgu/e, qu'aux erreurs con-
damnez Je Iean Vviclcff& de Iean Hus,& qu'il auoit elle Se eftoit fauteur diceux.
Po v r lefquellcs choies ledit iàcré Concile a décerne que ledit Hierome doit cftre
mis dehors, comme vn fep pourri Se feché , ne demeurant point en la vigne : &c le pro-
nonce , déclare &c condamne comme herctique,&: retombé en hereiîc , excommunié
Se anathematizé.
L A fin du combat &: heureiife iflïie de Hierome de Prague.
^ ^ E S que la fcntence eut elle ainh prononcée prefque en cefte façon , voici on
apporta à Hierome vne couronne de papier,où il y auoit dcsdiables peints à l'en-
tour:& quand il l'eut vcuc,il letta fon bonnet contre la troupe des Preftrcs,&:mit celle
courône ainii bien dépeinte fur fa telle,&: dit , Mon Seigneur Iefus eftat bien prochain
de la mort, laquelle il vouloit endurer pour moy pourc &c miferablc pécheur , porta v-
ne couronne d'cfpines en fa telle, beaucoup plusgrieue voiremet quecefte-cy:&: moy
aulîi pour la bonté Se dilcclion qu'il ma monftree,ie m'en iray volôtiers au feu auec ce-
fte couronne. Quand il eut ainh* parlé , les fergeans &c officiers le menèrent au teple, Se
en allât il leua les yeux au ciel,&: d'vne voix îoyeulé il châtoi t haut &c clair la foy catho-
lique, ainfi qu'on lachantoit alors au temple ordinairement, &aufli chanta d'autres
hymnes mfques à ce qu'il fuft amené au lieu auquel nagueres lea Hus auoit ellé bruflé.
Et là il le mit à genoux dcuantle pofteau , auquel on le deuoit attacher: &: pria long
temps à part foy.^uis les bourreaux le defpouillerent de fes vcftcmens,&: luy ietterent
vn linge laie fur les efpaulcs , ainfï qu'il eftoit lié de chaines de fer au pofteau : &C cela
fait , ils ictterent de la paille parmy le tas de bois. Cependant Hierome elleuant dere-
chef la voix, chanta l'hymne Paical, qui cft de Laclance : Se ce commence ainfi,
S* 'ne fe.cfa dies rota venerMlts <tuo,
Qua Dens wfèrnum fuit ,zsr aftrx tentt.
L e iens de ces deux vers cft tel : O heureufe iournee, digne d'élire célébrée en tout
temps: en laquelle Iefus noftre Dieu a vaincu l'enfer,&; pollcdeles deux.
O r après qu'il eut paracheué ceft hymne , il confelîa dercchcfla foy catholique en
vers, Se parla en langage Tcutonique au peuple qui là eftoit prefcnt,difant, Mes amis,
lâchez que ma foy n'eft point autre que celle que ie vien de chaten&mon opinion tou-
chant le Symbole de noftre foy cft telle qu'vn bon Chreftien doit auoir : mais mainte-
nant ic luis enuoyé au feu,pource que icn'ay point confenty àlacondanation de Iean
Hus, faite par ce concile de Preftres. lequel (encore que ie ne dife mot de la pureté de
fa vie, ne de fa façon douce que 1 ay apperceue en luy dés Ion enfance) a efté annoncia-
teur fidèle delà Loy diuine &: de l'Euangile de Iefus Chrift.Lcs bourreaux donc l'enui-
ronnerét tout à l'cntour de bûches &c fagots depuis les pieds iufques par deifus la telle,
Se ietterent fa robbe dclfus ce monceau de bois , Se auec vne torche allumée y mu ent
le feu. Alors ce faincl martyr chanta ceci àhaute voix, O Seigneur, ie te recommande
moncfprit. Surcclala flamme l'enuironna,&: finalement ils'eferia en langage Bohé-
mien: Seigneur Dieu, Pere tout-puiftant , ayes pitié de moy me pardonne mes pé-
chez: cartucognoiSjSeigneur, que i'ay cfté amateur de ta vérité. Finalement eftant
tout couuert de flammes , il fît quelque femblant, par lequel il donnoit àcognoiftre
qu'il prioit encore en foy-mefme,car il remuoir, leslcures. Cependanton apporta fon
li&ôaoutlc reftede fon meuble de la prifon,&: on bouta le tout dedans lefeu:&: quand
toutfutconfumcjonicttale tout dedans le Rhin. Voila comment ce fauât*& bon per-
sonnage a efté réduit en poudre par cefte preftraille Papiftique pour le nom de noftre
Seigneur- Iefus.
gjii.
L/V/ro /. Hier orne de Tragut^j.
Atrefhtîon de la Confiance & éloquence admirable de Hicromc de Trague eferite par Pogge Florentinjprefent au Concile de
Confhnce.par laquelle (combien qu'il fuft fe&ateur des liippofts de Rome) la confiance de Hicromc de Prague eft dc^
fcriie en fes refponfcs & après la fencence de mon.
Pogge Florentin, à Léonard Arctin , Salut.
fë^P R E S auoir long temps feiourné aux bains, i'ay eferit de ce lieu mefme à noftrc
^^§amy Nicolas vne lettre, laquelle tu liras. Et depuis eftant de retour à Confiance,
quelque peu de temps après on commença à traiter la caufe de Hicrome, lequel on di-
foit eftre hérétique. Or i'ay délibéré de te reciter fcefte caul'e , tant pour l'importance
du faict, que principalement pour l'éloquence &c la doctrine de ce perlbnnage. le con-
feiîe que ie ne vy iamais homme qui pour défendre Ija. caufe , principalement en accu-
sation de mort, approchai!: plus de l'éloquence des anciens , lefquels nous auons en fi
grande admiration. C'eft merueilles de quelles parolles , de quelle eloqucnce,dc quels
argumens, de quel vifage , de quelle confiance &c hardielfe il a rcfpondu à les aduerfti-
res,& maintenu fa caufe:tellement que c'eft vne chofe à déplorer qu'vn efprit fi excel-
lent s'eft amufé à fuyure quelque herefie : fi toutesfois ce qu'on dit de luy eft véritable:
rogge in- car ce n'eft pas à moy de iuger d'vne caufe de telle importance. ie m'en rapporte à l'opi-
certain s il njoncjcccux qui font cftimez plus fagcs:& toutesfois ne penfe pasqueievucilleicifai-
cioit nomer ï n ♦ i /* i <~v ■ r
h venté hc re vn récit de poind en poinct a la façon des Orateurs . car cela leroit par trop long , &c
rdlc- vn œuuie de beaucoup de iours. le toucheray en bref aucuns poin&s plus notables,par
lefquels tu pourras cognoiftre quel eft le fauoir de ce perfonnage.
Comme ainfifoit que plufieurs articles f uffent amaifez contre ledit Hierome, par
lefquels on le redarguoit d'herefie, voire confermez par tefmoins : on fut fînalemét d -
aduis qu'il refpondift publiquement à vn chacun de ces articles qui luy eftoyét mis en
auant. Ainfi il fut amené deuant toute l'alfemblee: &: commandement luy fut fait de
refpondre à ces articles. Ce qu'il refufa, & fut longuement fans refpondre , difant qu'il
deuoit défendre fa caufe premieremét que refpondre aux medifances de fes aduerfai-
res. Ainfi affermoit-il qu'on le deuoit ouy r pour maintenir fa caufe, auant que d'entrer
en cognoifîance des outrages que fes ennemis auoyent amaflez contre luy. Mais voyât
qu'on luy refufoit celle condition tant raifonnable , il fc leua au milieu de l'aficmblee,
d^Hiefr ^1C' Qiie^e impicté cft cefte-cy, que cependant que vous m'auez détenu prifonnier
mcaiTcoD l'elpace de trois cens quarante iours au milieu de tant de vilenies &ordures,cn fi grade
"k. mifcrc &:poureté , vous aueztoufiours ouy mes aduerfairès&: calomniateurs: &:vous
ne me voulez ouyr vne feule heure? Cela fait, qu'après que vous leur auez ouuert les o-
reilles, & que défia dés long temps ils vous ont mis en fantalie que i'eftoye hérétique
malheurcux,ennemy de la foy , perfecuteur de l'Eglife : voici maintenant vous ne me
donnez aucun loifir ny audience pour me défendre: &c cependant vous m'auez iugé en
vos cœurs comme vn homme mefehant, auant que vous euffiez peu cognoiftre qui i'-
eftoye. Mais quoy?diloit-il, vous eftes hommes, &: non pas dieux: vous ne durerez pas
toufiours,ains elles mortels: vous pouuez faillir,&: eftre trompez &deceus. On ditqu-
ici font les lumières du monde, &: les plus fages de toute la terre.fur tout donc vous de-
uez bien aduifçr &c donner ordre que ne faciez rien à la volée , ny a l'eftourdie,ne cotre
raifon 6c iuftice. le confefic que ie fuis vn home de néant, mais il eft ici queftion de m*
vie:&: ne dy point ceci pour moy, qui fuis homme mortel: toutesfois il me femble aduis
que ce feroit vne chofe hors de toute prudence , que tant de gens concliuTent &: ordo-
naflent quelque chofe contre moy , contre toute droiture Se raifon , attendu que cela
pourroit nuire plus par exemple,q'ue de faitl. Ainfi qu'il difoit ccci,il y en eut plufieurs
qui par leurs bruits importuns rompirent fon propos.Finalement il fut là ordonnéVque
premièrement il refpondift aux erreurs lefquels on allegôit contre luy: puis après on;
luy permettoit de dire tout ce qu'il voudroit.
faccufaVô L o r s on cômença à lire les articles de l'accufation faite cotre luy:puis après les tef-
' ' moins fe leuerent pour affermer & ratifier ce qui auoit efté dit: &c cela fait,on l'interro-
ga s'il vouloit rien dire à l'enCôtre. Sur quoy il refpondit fort prudement,& propolà des
argumés fort pertines. Iamais ne fortit parolle de fa bouche, qui ne fuft bien feâte à vn
home de biemen forte que tat s'en falloit que caufe de mort peuft eftre trouuee en luy,
que mefme on ne le pouuoit à bon droit redargner de quelque légère faute &c offenfe.
11 repoufibit les tefmoignages de fes enuieux corne choies faulTes ïc controuuees. En-
tre
hCkrorne de 'Prague 4. 0
tre autres chofeson luy mit en auant qu'il auoit mefdit du Pape, & du liège Apoftoli-
que:qu'il eftoit ennemi desCardinaux,perfccuteur des Prelats,adu*erfaire du Clergé &:
de la religion Chreftiennc.
A d o n c ilfelcua,&: fcprintà lamenter, ôceftendant les bras,dit,Où iray-icmain-
tenant?où m'adrefleray-ie pour auoir fecoursrà qui prefenteray-ie mes humbles fuppli-
cations?Sera-cc à vous,meflieursî&: voici ceux-ci qui me pcrfecutent,ont deftournévos
cœurs de mon falut.Ils ont dit que i'eftoye ennemi de ceux qui me deuoyent uigcr: af-
fauoir,ils ont penfc que quand encores les choies qu'ils ont forgées contre moyferoy-
ent bien légères &c de peu d'importance : toutefois que ie ieroyc opprimé par vos fen-
tcnces,moy qui fiùs ennemi commun & oppugnateur de vous tous,comme ils mentet
faulfement . Que li vous adiouftez foy à leurs rapports, quelle ei'perancc auray-ic de
pouuoir cfchapper? ^ Il brocardoit l'vn,il piquoitrautrc:&: combien qu'il y cuhVli ma-
tière de compalîion, neantmoins pluficurs turent contraints de rire , d'autant qu'il fe
moquoit liplaifamment des obiurgations de l'es ennemis. Quelcun entre aun es luy
propola, On dit que tu as maintenu celte opinion , que le pain demeure de relie après qUi
la côlecration.Il relpondit,Lepain cil chez le bou léger. Vn certain Iacopin le courrou Armcl'af-
coit al'prement &: fièrement contre luy:&: il luy dit,Tais-toy Jiypocrite.il y en eut vn au ii^omt^
tre qui iura par Ai confciccc contre luy:&: il refpondit, Voila lavoyc la plus l'curcpour
tromper . Auflî il y auoit vn de l'es principaux aducrlàires, lequel il appela toufiours ou
chien ou aine: tant cftoit-il peu eftonne des calomnies &; faillies acculàtions de les en-
nemis^ de la rage de fes luges . Orpourcequc l'affaiifnepouuoit élire dclpcfché
ce iour-la , à caufe de la multitude &: importance des crimes qui luy cftoyent obie&ez:
il tut remis le troifieme îour après. Et ce iour-la on recita les argumens d'vn chacun cri-
me^ fur tous les poin&s il y eut plulicurs tefmoins qu i aftermerét les chofes élire ainii.
Lors Hierome de Prague fe leua, &: dit, Pource que vous auez ouy tant foigneufe-
ment mes aduerfaires,aulîi c'ell bien raifon que vous m'oyez parler. Plulîeurs murmu-
royent:toutefois on luy donna congé de parler . Il commença premièrement à faire fa
requelle à Dieu, le priant de luy donner bon efprit,&: telle faculté de parler,que le tout
fuft à la gloire de fon nom,&: au falut & repos de l'on amc . Puis après il dit , le fay bien
qu'il y a eu plufieurs gens excellens &c de grandes vertus,qui ont enduré choies inique s
& cruelles:qui ont efté mal-heureufement opprimez par faux tefmoins,& condamnez
par fentences iniulles.il commença par Socrates, &: dit qu'il auoit cité iniquement oc- Exépies de
ci par l'es concitoyens :& n'auoit voulu fuir, îa-foit qu'il î'euft bien peu faire, &: ce afin csllxsin
qu'il fe deliuraft de deux chofes que les hommes clliment les plus dures, aflàuoir la pri- °nt eadur
fon&: lamort. Outrcplus,ilalleguala captiuitc de Platon,les tourmens de2enon,la
fuite d'Anaxa^oras , &c aucc ce les condamnations iniques de beaucoup de Paycns, le
banniHemcntdcRupilius,&auiride Bocce,&: d'autres que ledit Boece ratonte auoir
efté iniquement occis.Puis après il propola plulicurs exéplcsdcs Hebricux. & premiè-
rement de Moy fe,cc grand libérateur &:lcgiilateur du peuple d'Ifrael,lequclildifoita-
uoir efté fouuentefois faullcment accule par les gens de l'a nation , comme s'il cull efté
fedu£teur,ou qu'il euft mefpriié le pcuplc.il propola aufsi Iofeph , qui auoit efté vendu
parles propres frercs,&: après le foufpcçon d'adultere,futmiscn prifon. Aufsi il mit en
auant les Prophètes, Ifaic, Ieremie,&: prefquc tous les Prophctes,lel'quels ont enduré
fentences iniques,comme s'ils euflent efté feditieux , ou contempteurs de Dieu . Il ad-
ioufta auflî le iugement contre Sufannc,&: de plulicurs autres:lel'quels combien qu'ils
euflent honneftement&:faindcmcntvcfcu, neantmoins ont efté misa mort par fen-
tences iniques. Confequemment il vint à parler de Iean Baptiftc &: de noftre Seigneur
Iefus Chrift : defquêls tous fauoyent bien ceci, qu'ils auoyent efté acculez par taux tcf-
moins,&: condamnez par faux luges . Il en dit autant de S.Eftienne,lequel a elle occis
parraffembleedes Sacrificateurs, & de tous les Apoftresquiont efté condamnez à la
mort>non point comme gens de bien &: de bonne vic:ains comme ayans fufeicé des fe-
ditions entre le pcuple,ou comme contempteurs des dieux,&" comme faifeurs de mau
uaifes ceuures.
I l prononça ces chofes en grande conftance,&: tous le regardoyent attenduement.
Çt comme ainli loit que tout le poids de la matière fuft és tefmoins: il monftra cuidem
ment par plulicurs raifons,qu'onneleur dcuoit adioufter foy:veu mefme qu'ils auoyét
rapporté toutes ces chofes non point en vérité , mais par enuie, haine Se mal-vueillan-
g.iiii.
Littrcj l-
Ifierome de Prague^*.
ce. Et lors il donna fi bien à entendre les caufes de la haine,qu il ne s'en falut gueres qu
&eI dofif jl nc lcs pecéadaft à les ennemis . lefquelles eftoyent fi vray-femblables,que li la diuer-
• ucîc lie- Cité de la Religion n'euft préoccupé les entendemens des Ingcs,on n'euft adioufté grâ-
rome. t]c f0y auxtefmoignages.Les cœurs de tous eftoyent efmeus &: enchnez à compafsion.
Car il auoit rcmonftré,que de Ton bon gré il eftoit venu au Concile pour le purger : co-
rnent il auoit lyen 2c honneftement veicuxomment il s'eftoit employé à faire plaifir à
vn chacun . Il mettoit en auant que les anciens ont eu cefte façon, que mefme les plus
fauans&: les plus faincts ont efté difeordans en opinions:non pas toutefois pourfouller
la foy aux picds,ains pour trouuer la vérité. Ainfi S. Auguftin &c S.Hicromc ont efté dif-
cordans:& non feulement ils ont efté de diuerfes opinions , nujs aufsi toutes côtraires,
&: fans aucune foufpcçon d'erreur ou dherefic.Or tous attédoyent, ou qu'il fe purgeait
enfedefdifantdecequiluycftoitmiscnauant,ouqu'il demandait que les fautes luy
fuirent pardonnees . mais contre toute leur attente &c opinion, il afferma qu'il n'auoit
point erré, &c qu'il ne vouloir rétracter les faux blalmes a luy impofez. Et il tomba fina-
lement fur la louange de lean Hus, qui auoit efté mis au feu, l'appelant homme fainct,
&c tel qu'on luy auoit fait tort de le faire ainfi mounr.Et quât à luy,il déclara qu'il eftoit
prcftdefourîYirdc bon cœur tous lestourmens qui luy iéroyent propofezdeuant fes
yeux,&: de quitter la place à fes ennemis 6c faux tefmoins,qui auoyent li impudemmet
menti contre luydefqucls neantmoins rc ndroyent quelquefois conte des chofes qu'ils
auoyent depolces,& ce deuant Dieu, lequel ils ne pouuoyent tromper.
C e v x qui dtoyent là preiens, auoyent grande douleur en leurs cœurs : car ils a-
Hierome uoyent grand defir qu'vn tel perfonnage fuit faune . Mais il eltoit toufiours fort
hîcrité.60 conltant en fon opinion : &C fembloit qu'il defiralt la mort de bon gré . Et nc fe
pouuoit tenir de louer ledit lean Hus, dilant qu'il n'auoit rien mal dit contre l'egli-
fe Chreftienne: ains qu'il s'eltoit bien cfchaufre contre les abus des Preitres, con-
tre l'arrogance &: pompe orgueilleufe des Prélats . Car puis que les reuenus des Egli-
feseltoyent deus aux poutes,aux eftrangers,&: à l'entretenernent des hofpitaux &£
efcoles: il fembloit aduis à ce bon perfonnage lean Hus, que c'eftoit mal fait d'em-
ployer ces reuenus pour faire des banquets fuperflus , pour entretenir des paillardes,
chiens , oifeaux , & cheuaux , fuperfîuitez d'habillemens , &: autres chofes indignes de
la religion Chreftienne .& lors il monftrabien fon courage. Pluficurs rompoyent
fouuentfon propos , crians à haute voix comme enragez: &; l'agaçoyent,reprenans
ce qu'il difoit : mais il n'enlailfavn leul,à qui nc refpondift hardiment: ains donnant
àvn chacun ce qui luy appartenoit, en fit rougir aucuns, ôc taire les autres. Quand
le murmure &: bruit feleuoit, il fetailbit, reprenant quelquefois l'aiTemblee: puis a-
pres il pourliiiuoit fon propos, les priant, 6c plus que priant &C obteftant, qu'ils luy
iC^s, donnaient audience, puis qu'il ne feroit plus ouy d'eux . Quelques bruits qu'ils
fiifent,iamais il ne fut eftonné: &c monftra toufiours vn cœur ferme. Mais ceci eft
bien digne d'eftre recité: Il auoit cité trois cens quarante iours détenu en vne baffe
Horreur ^°^c au ^on^ °^'vnc "^ute tour , pleine de grandes vilenies & ordures,en grande mifere
detapnion &: obfcurité:&: luy-mcfme s 'eft plcint de la grande afpreté de fa prifon, affermant com-
Hi'cr^m'k mc^0^t vn homme de bien &c conltant, qu'il ne le pleignoit point de ce qu'il auoit en-
eftcdeumi duré fi grandes iniquitez: mais qu'il s'efbahilîbit de l'inhumanité exercée contre luy.
car on ne luy auoit permis vne feule fendaffe au lieu où il eftoit , dot il peuft recouurer
quelque rayon de clarté: tant s'en faloit qu'onluy cuit permis de pouuoir lire . Cepen-
dant quelle perplexité pouuoit-ilauoirenfon elpntrcomment pouuoit-il eft re tous les
icurs troublé de nouuclle façon , pour luy ofter toute mémoire î Toutefois il ne perdit
rien de fa mémoire pour tout cela: ains comme s'il euft efté en^grand repos tout ce
temps-la:comme s'il euft efté bien à fon aife,nc faifant autre chofe que d'appliquer fon
efprit à eltudicr en bennes & fainctes lettres , il allégua tant de gens fauas &c fagespour
tcfmoins de fes opinions , tant de Docteurs Eeclcfiaftiqucs ratifians &c confermans ce
qu'il difoit. Il auoit la voix douce,ouuerte, &: refonnante . fes geftes eftoyent mêliez d -
vncgrauitéhonnorable,ou pour exprimer vne indignation &: courroux, ou pour et-
mouuoir à compalîîon:laqucllc toutefois il ne requeroit point, &c ne defiroit point d'*
obtcnir.Il n'eftoit point eftonné,&: non feulement il mefprifoit lamort:mais il tendoit
Jes bras pour la trouuer . A la vérité ceft homme-la eft digne de mémoire perpetuellç'
entre les hommes.
On
Ovcrtuâi-
Hierome de Prague 4.1
Ô n luy donna deux iours de loifirpourfe repentir: durant lequel temps plufieurs
gens fauansvindrent à luy,afîn qu'ils le deftournafTent de Tes opinions : entre lefquels
le cardinal de Florence le vint veir>pour tafcher de le conuertir . Mais le Concile iu-
gcant qu'il cftoit obftiné,le condamna comme hérétique^ digne d'eftre bruflé.Il s'en
alla à la mort auec vne face ioycufc:les flammes ne l'effrayèrent point, non pas mefme
le dernier afTaut de la mort. Apres qu'il fut venu au lieu du fupplice,ilfe defueftit foy-
mefmcdc fes habillemens . Etlorsilfemitàgcnouxdeuantlepoftcau,oùilfutatta-
ché.Prcmicrcmentilfutlié de cordes mouillées: puis après d'vne chaîne de fer, eilant
tout nud. Et cela fait,le bois fut cntaflé alentour de luy, lequel montoit iufqu a fa poi-
drine,&: force paille femee de tous collez. Or après que le feu fut mis, il commença à
chanter vn hymne:&: les grandes flammes ne le peurent empefeher de le paracheuer.
Entre les (ignés de fa grande confiance, on ne doit oublier ceftui-ci : Le bourreau vou-
lut mettre le feu par derriere,afin qu'il nelevift pas:mais il luy dit, Vien-çà,&: allume le
feu par deuant : car fi i eulTe craint le feu * iamais ie nefufTe venu en ce lieu-ci, duquel ie miSiT
me pouuoye abfenter h* i'eulîe voulu.^Tay veu celle ilfue de Hierome,i'ay cortfideré di
ligemment ce qu'il a fait en celle procédure . foit qu'il âit fait cela par mefchanceté,ou
obftination,tu eufles prins la defeription de l'ilTue d'vn tel perfonnage, del'efcolede
Philofophie.Ie t'ay fait vn long récit : mais ayant le loifir de ce faire, Se fans cmpefche-
ment,ic me fuis bien voulu employer à quelque chofe , &c te conter vne hiftoire appro-
chante à celles des anciens. Car Mu dus n'a point fouffert plus conftammentqu'vnde
fes membres luy fuft brutlé,que ceftuy-ci tout fon corps. Et Socrates n'a pas aualléle
poifon plus alaigrement,que ceftuy-ci a enduré les flammes . Mais ie feray fin . Tu me
pardonneras fi l'ay efté trop long.tant y a que le faid requeroitvn plus grand recitmais
ie n'ay point voulu vfer de plus longues paroles . A-Dieu , mon ami Léonard . De
Confiance, ce trentième de May, auquel iour ledit Hierome a efté bruflé comme
hérétique.
H I S T 0 I B^E de ce qui eft dduenu dpm U mort Je Jean Hus, ©* Hierome de Prague.
PRES que les nouuelles furent venues en Bohême de la cruauté qu'on
auoit exerc ée à Confiance contre lean Hus & Hierome de Prague,les gen
tils-hommes de Bohême , qui parle moyen d'eux auoycnt prins gouft à la
^ parole de Dieu,enuoyerent lettres patentes à ceux duConcile,efcrites cti
LatiiCdefquelles nous auons à prefent inféré l'extrait,pour publier îa lafeheté &c trahi-
fon dudit Concilc,contre tout d roid naturel , receu par toutes nations de la terre: auf-
fi pour perpétuer la mémoire de la fînguliere vertu & confiance des ces deux fainds
perfonnages. Epiflre de l 1 1 1 1 . Gentils-hommes de Morauie:
A REVERENDISS1MES PERES ET 5 E IG N E V R J , M E S 5 I î V R J L * S
Cardinaux, Patriarches, Primats, Archeuefques,Euefques, AmbafTadeurs, Do-
deurs &: Maiftres,&: à tout le concile de Confiance , Nous fouffignez &c fouferits,
Gentils-hommes, Efcuyers, portans armes au trefrenommé marquifat de Mora-
uie, &c. Salut.
O M M E tous fommes obligez de droid tant naturel que diuin, faire à autruy
ce que voudrions qu'on nous fift,aufsi àloppofite chacun fe doit garder de faire
aux autres ce qti'il ne voudroit luy eftre fait.Et c'eft à quoy a regardé noflreSauueur*di-
fant,Tout ce que vous voulez q les hômcsvous facent,faites-lcur aufîî fcmblablement- Mutkf.n
car c'eft la Loy & les Prophètes . Nous donc qui faifons profcfsion par la grâce du Sei-
gneur de fuiure fes c6mmandemens,&: par confequent d'exercer charité enuers noftre Rom ,j
prochain , devrions fauoir de quel cfprit vous auez efté menez , de traitter ainfî noftre
reuerend Paftcur d'heureufe mémoire M. Ican Hus, bachelier formé en Théologie.
Vous l'aucz condamné comme obftiné hérétique , n'eftat toutefois atteint ne conuain
eu d'erreur ne d'hereiic aucune , au feul rapport,faufTes aceufations, &ù mefehantes ca-
lomnies de fes ennemis mortels & les noftres,traiftres tant de ce noftre Royaume, que
du marquifat de Morauie. Eftant condamné , vous l'aucz fait mourir d'vne mort cruel-
le &: honteufe,le faifant(comme on nous a recité)brufler toutvif: au grand déshonneur
du tref-chreftien royaume de Bohcme,& tref-illuftre marquifat de Morauie^ de nous
tous: comme l'auons tefmoigné par nss efencs enuoyez à Confiance à la maiefté de Si-
Lïm^j /. ffiitoite dcu ce qui aduintj
gifmond roy des Romains &: de Hongrie , vray héritier & fucce/îeur légitime de ce-dic
Royaume,lcfquels nous fauons auoir efte lens 6c publiez en vos aiïbmblees, les tenons
pour ici inferez . Parquoy maintenant,Peres rcuerends, nous déclarons par ceftes nos
patentes,& affermons de cœur&: de bouche,quc M.Ican Hus eftoit homme de faillite
8c vertueufe conuerfatioii,fa vie 6c intégrité ayant de tout temps cfté cognue par tout
ce Royaume. Iceluy a enfeigné 6c nous & nos fuiets la doctrine del'Euangile, tant par
les limes du vieil que du nouucau Te ftament,felon la droite expofition des fain&s Do
éteurs approuviez de l'Eghfe.Et non feulement a prefché en public & par beaucoup d-
efcrits,detcftant toutes herefies 6c erreurs,mais auiTi n'a celle en particulier de nous ad
monncfter,&: tous fidèles Chreftiens à paix 6c charité mutuelle» De vray,quclque dili-
gence que nous ayons faite à prendre garde fur luywamais nous n'auonsentendu n'ouy
dire que M.IeanHus ait iamais enfeigné errcur,ou feandalizé aucun de hous ou de nos
fuicts,cn façon que ce fuft,ne par œuurc ne par paroles. Mais au contraire,menant vne
fainde vic&: paiiible,atoufiours continué de nous exhorter autant qu'il luy eftoit pof-
fible,de fuiure conftamment la doctrine de TEuangile , 6c les faincïes ordonnances des
bons Pères : non feulement pour noftrc falut , mais auiîî pour l'édification de nos pro-
chains^ l'aduancement de toute l'cglife de Dieu. Toutefois vous l'auez fait mourir
autant cruellement qu'iniuftement.
O r ne vous contentans de cela,auez auflî emprifonné M. Hicrome de Prague,hom
Hœonîe me °1,vnc finguhere éloquence Se érudition exquifeés fept arts libéraux, &: en Philofo-
dc Prague. phie:&: fans l'auoir ne veu n'ouy ne conueincu en fes defenfes,vons l'auez cruellement
traitté,&: mis à mort comme Hus, au feul rapport &: aceufation de leurs traiftres . Au-
furplus,nous auons entendu(cc qu'auili on peut aifément recueillir par vos cfcrits)quc
quelques malins detradeurs,enncmis de Dieu &c des hommes)& notamment traiftres
à noftre royaume de Bohême , 6c du marquifat de Morauie,ont mefehamment chargé
d'opprobre lefdits Royaume &z Marquifat pardeuant vous,dilans que par tout il y a er-
reurs 6c herefies femees,& que fi on n'vfe de bonne heure de la lime de corrett,ion,tout
s'en va gafté 6e corrompu. Cornent eft-il poffible que fans auoir mérité tels opprobres
&outrages)nouslcs endurions? Car s'il eftquefticn de remémorer ce que lefdits Roy-
aume 6c Marquifat ont fait pour l'eglife de Rome, lors que chacun fe forgeoit Pape à
fon appetit,&: qu'à cefte occaiîon tant de fchifmes fe font eneuez:tout le monde fait,&:
vous mcfmes,fi vous voulez confeifer la vérité , en elles tefmoins , combien de fraiz ils
ont fait , 6e les tiauaux qu'ont endure ceux de ce Royaume , Princes Se. autres fidèles,
Rom u i P0"r monftrer la rcucrenceô^ obeiiîancc cjn'ïls portoyentàl Eglife . Mais afin que fui-
' * 17 uant le dire de Y Apollre,nous procurions chofes honneftes deuat tous hommcs,& que
ne foyons eftimez cruels enuers nos prochains,ou negligens à maintenir l'honneur de
proterta- nofdirs Royaume Se Marquifat,ce nous eft force de proteftcricidcla vérité . En pre-
Nobicsdc m^cr ^CU nous vous certifions , Pères vénérables, qu'auons ferme efpcrance en noftre
Morauic. Seigneur Iefus Chrift,non feulement de noftre falut, mais aulfi qu'il efclarcira , quand
il fera temps,le droit desinnocens. D auantage, nous délirons que vous &: tous fidèles
entendiez, qu'en cefte caufe-ci,nous auons droite intention auec bonne &: pure con-
fciencc.Auffi nôusfaifons àfauoir,quequicoquc,dc quel eftat,condition, religion, de-
grc,dignité,ou prééminence qu'il loit(exccptansla feule perfonne &: maiefté de noftrc
bon prince Se feigneur héritier Sigifmond , roy des Romains, de Hongrie^c. duquel
nous auons cefte ferme opiniô,qu'il n'eft coulpablc des chofes fufditcs ) dit qu'il y a des
herefies femeesen Bohême ou Morauie,qui nous ayent infe&ezô£ autres fidèles du
Royaume,ccftuy-la,diibns-nous,afauiTement menti par fa venimeufe langue &: puan-
te gorge,comme mefehant traiftredes fufdits Royaume Se Marquifat : &c comme per-
kans. uers& mal-heureux hérétique luy-mefmc: bref,commefils du diable pere de menfon-
ge.Mais laillans à prefent ces torts& outrages au Seigneur, à qui appartient la vengea-
Kcau jo cc& feura bien rendre aux orgueilleux félon leurs mérites , nous prendrons patic-
ce. Mais vniournous en demanderons raifon,&pourfuiurons noftiedroi&plus am-
La (impie plcment pardeuant celuy qui tiendra le fiege Apoftolique. Auqucl,comme vrais Se fi-
ignorance deles enfans,portans ( s'il plaift à Dieu ) reuerence Se obciUancc en ce qui fera licite,&:
encore du conforme a railon & a la Loy diuinc,demanderons de nous prouuoir & noftre Royau-
m8fc,e*,° n"10^ Marquifat de remède opportun. Et au refte, déclarons que fans nousfoucier
bil ** " beaucoup de tout ce que les hommes pourront faire au contraire, défendre 6e garder,
iufqua
iufqu'à l'effufion de noftre fang,la Loy de noftre Seigneur Iefns Chrift,&: maintenir les
humbles,deuots,&: conftans prefeheurs de fa parole. Donné à SternbergJ'an de noftre
Seigneur Iefus Chrift m. c c c c. x v. Leiour&: feftede Vuencellaus martyr de no-
ftre Seigneur Iefus Chrift.
I l yauoitcinquantequatre féaux appofezàces lettres, &:pendans tout alentour d'
icelles,auec les noms de ceux de qui eftoyent les féaux: combien qu'en la pluf-part d'i-
ceux les lettres eftoyent ainti efeachees, qu'on ne les pouuoit bonnement lire.
Le premier feau, 8cc. Se les nomsd'iceux.
I AKTokabatdcWyskowits. 19 Pierre Mg de Sczitowicz. 37 ZibilutzdeKJeczam.
t VlncdcLhora. 20 N.Scudeiuka. 38 Ican de Petcrlwaîd.
3 IcandcKzymicz. 21 N.Bnïchell. 3?ParnTulde Namyclcz.
4 Iolsko de Sczitouuicz. 22 N.DeCromaflbna. 4oZodonide Zuuyerziek.
ç Perdus Zuuiranouuicz. 23 ArannfickDonantdePolonia?. 41 RaczeckZauulkalp.
6 Ieande Ziuula. 24lean Donantde Polomaî. 4iIondc Tolïauuicz.
7 Ieande Reychcnberg. 2j Ieande Cziczouu. 43 DiuuadeSpuTma.
8 wldko Skitzynye. i* Wcnceflaus de N. 44Sre.rîkode Draczduu.
9 DrlikodeBicla. 27 N.deN.U y défaut le feau entier. 45 IelTko de Draczduu.
10 Kus de Doloplatz. 28 N. 4*OdichdeHIud.
II Ieande Simufin. 2j>IoiTekdeN. 47 WoiFartdePaulouuicz.
12 DobelïiusdeTyna. 3oHenrideN. 48Pircbborde Tirczenicz.
ij Drazkodc Hradeck. 31 WaczlalsdeKuckh. 49 RynaddeTiczeuuicz.
14 Eftiennedc Hmodorkat." 32 Henri de Zrenanouuicz. 50 Bohunkode Wratildouu.
iç IcanDerndcGabonecz. 53 BaczkodeConuald. Vlricdc Racdauu.
\6 Barfo diâ: Hloderde Zeinicz. 34 Pierre, dicr, Nieniczk de Zalto- fi Deflauu de Nakli.
17 IeanHmrfdorfar. 3? Czecko de Moûnouu. (roldeck. $3 Boneib de Frabcnicz.
18 PfatefkadcWikleck. 35 N. $4 EybldeRoiffouuan.
L e s Bohémiens de plus en plus fe multiplians en nombre, faifans profeflîon de la
doctrine Euangelique , impetrerent de Vuenceflaus roy de Bohême, d'auoir certains
temples aufqucls ils peuffent librement faire prefeher la parole deDieu,& adminiftrer
les Sacremens.Ils firent d'auantage battre vne monnoye d argét, qui fut nommée Huf
fitique,alentour de laquelle ces mots eftoyent grauéz, A près cent ans vovs
en re spondre z aDiev e t a m o y : qui eftoyent les paroles que Iean Hus a-
uoit dit à ceux du Côcilc,qui le faifoyent mourir fi iniquement:entendant (peut eftre)
pource que le cours de la vie de l'homme ne s'eftend ordinaircmét outre cent ans,quc
tous ceux qui eftoyent là prefens mourans dedans tel temps,viendroyent deuantée iu~
gement de Dieu,rcndre conte de leur exécrable forfait. Ou,predifant d'vn efprit pro-
phétique ce qui aduiendroit puis aprcs:comme au/lî Martin Luther l'a entendu, du-
quel nous mettrons ici l'interprétation ,efciite en fes commentaires fur Daniel :Iean
Hus ( dit-il ) a efté le precurfeur du mefpns de la Papauté , comme il leur prophetifa en
efprit,difant, Apres cent ans vous en répondrez à Dieu &àmoy. Etdercchef,Main-
tenant ils roftirom TOye (car en langue Bohémienne Hus lignifie cela ) mais ils ne ro-
ftiront pas le Cygne,qui viendra après moy. Et certainement ce qui eft aduenu,a véri-
fié & approuué fa prophetie.Car il fut.bruflé l'an 1416.& le différent &: débat qui a efté
efmeu pour les pardons du Pape,commença l'an 1 517.
II y auoit en ce temps-la vnperfonnage fort exercé aux armcs,nommé Ie au Zi s- icanZifcha
c h a, natif d'vn lieu appelé Trofnouie, lequel dés faieuneiîe auoit efté nourri en la
cour du Roy,& auoit perdu vn œil en quelque bataille,où il sVftoit porté vaillamment.
Ce Zifcha eftant fort marri de la mort cruelle de Iean Hus & Hicrome de Prague,n m af
fa quelque nombre de gens de guerre,propofant de venger l'outrage du côcile de Con-
ftancc.Et pource qu'il ne fe pouuoit prendre aux autheurs du faict,il délibéra de fe ruer
fur leurs complices,& ceux de leur liguc,aflauoir,fur les Preftres,Moines,&: autres fem
blables. Suiuant donc fa pointe , il commença à démolir les templcs,mettre en pièces
les images,deftruire &: abatreles monafteres , & chaflér les Moines, pource qu'il difoit
que c eftoyent pourceaux qui s'engraifToyent en ces cloiftres . Finalement il aiîembla
plus de quarante mille hommes,tous bien délibérez de maintenir à l'efpee la do&rine
de Iean Hus.
Cependant Sigifmond,Empereur,&: vray héritier du royaume de Bohême^-
Çatherïnt_j SaubcS.
près ta mort de Vuenceflaus fon frere,tafchoit par tous moyens de s'enfaiiiner du Roy-
aume • mais pource que Zifcha &: les autres Te doutoyent qu'il leur feroit vn mauuais
parti,voyans l'infidélité dont il auoit vfécnuerslean Hus, lequel nonobftant le faut-
conduit par luy ottroyé,il auoit abandonné au feu:ils luy fermèrent les paflages , com-
me à 1 ennemi mortel des opinions qu'ils fouftenoyent.
Svr ces entrefaites Zifcha fut par deux fois afîailli de ceux qui tenoyent le parti du
Papc,&: demeura toujours vainqueur par rufe de guerre, ia (oit qu'il fuft inférieur à re-
iifter aux ennemis. L'vne des fois voyant que les ennemis pour la plus part eftoyent ges
de cheual,& les liens de pied,&: que pour combatre il faloit que les autres millent pied
à terre,il commanda aux femmes(lcfquelles félon leur couftumefuiuoyentrarmec)de
femer leurs couurechcfs en tcrre,aufquels les efpcrons desCheualiers s'entortillèrent:
fi que deuant que fe dcsfairc,ils furent tuez . Toft après Zifcha voyant qu'il n'auoit
point de ville forte pour fe retirer,ccrcha vnlicu naturellement fort furie fleuue Luf-
micius,lcquel il ferma de murailles,&: commanda à fes gens de baftir des maifons felô
que chacun s'y cftoit campé. j£neas Syluius raconte que Zifcha nomma cefte ville
Les Tha- Thabor,&: fes foldats Thaborites,comme ayans veu laTransfîguration de Chrift en la
bontés. montagne, &: que de là ils auoyent prins leurs opinions &C do£trine:li toutefois nous ad
Ce u Ae i°uft°ns f°y audit vEncas leur ennemi mortel, qui depuis fut Pape de Rome, nommé
ncasSykii' Pius fecond.Ccux du parti de Zifcha n'auoyent encores point de gendarmerie à che-
Th'bo" ua^:car ^s c^oycnc ^a plnfpart petis compagnons . Vn nommé Nicolas, maiftre des fî-
tcs&dc"" nances,que l'empereur Sigifmôd auoit enuoyc en Bohême pour donner ordre au pais,
ZUca. fut caufe le premier de leur en fournir . Car venant ioindre Zifcha,il s'eftoit campé en
vn petit village nommé Vogize, accompagné de mille hommes de cheual.maisZifcha
le preuint,& la nuict du Vendredi deuant Pafque,luy courut fus à defpourueu, &c luy o-
fta tant les armes que les cheuaux.
De là il commença à aguerrir &C inft mire fes ges à manier les cheuaux,à les picquer
àc faire voltiger,courir &c tournoyer à leur plaiiinen forte que depuis il n'eut iamais fau
te en fon armée d'ailles de gens de cheual.Quelque temps apres,comme il afliegeoit v-
ne ville nommée Rabi,il perdit l'autre œil d'vn coup de traict: 6c nonobftant il ne lai/Ta
de gouuerner l'armee,& d'endurer tous les labeurs &: trauaux de la guerre. Car depuis
il vainquit plulîcurs fois l'empereur Sigifmôd roy de Boheme,auec quelques Electeurs
de l'Empire,ayant en fon armée les forces de Hongrie,Morauie,&: Dannemarc.Car E-
nce roy de Dânemarc cftoit venu au fecours de l'Empereur, auec Pierre l'Infant de Por-
tugal . Mais toutes ces forces ne peurent empefeher que Zifcha ne donnaft la chalîe
deux ou trois fois à rEmpcreur,iufques hors du royaume dcBoheme.En forte que l'Em
pereur voyant qu'il n'y pouuoit donner autre ordre,& que Zifcha cftoit inuincible, fut
contreint le prier d'eftre moyen de le faire iouir du royaume de Bohême, luy promet-
tant toute charge &£ authorité fous foy. Mais Zifcha mourut de pefte,comme il s'eftoit
mis en chemin pour aller parlementer auec l'Empereur. On dit qu'en fa maladie eftât
intcrroguéoùil vouloit eftre enterré , refpondit qu'on efeorchaft fon corps après fa
mort , 6c que de fa peau on fift vn tabourin,aufon duquel alîeurémentles aduerfaires
prendroyent ha fuitte . Ce qu'il difoit pour donner courage aux lïens, en mefprifant la
puiirance&: courage des Papiftcs.Ils efcriuirent fur fon tombeau ceft epitaphe ,h an
Fpitapi.c Z i s c h a Force du pais , Frayeur du Pape , Fléau de la preftraille. ce qu'Appius Clau-
de Zifcha. diusraueugle,enconfcil,&: Marc Funus Camille en prouellc ont fait pour leurs Ro-
mains , i'ay fait pour mes Bohémiens . Si l'enuie des aduerfaires n'empeîchoit, ie pour-
royc eftre nombré entre les illuftres : mais quoy qu'il en foit, mes os repofent en ce lieu
fainct 6c iâcré,fans le congé ou pluftoft maugre le Pape.
mmmmmm
CATHERINE SAVBE, Lorraine, bruflee à Monr-peUier.
LE fommaireconuenableau récit du martyre de cefte Cachcrine.eft de cognoiftre qu'aux temps les plus obfcurs le Seigneur
a eu tefmoins non feulement du cofté des hommes,mais aufsi des femmes.
V T I L I T E notable de ce recueil des Martyrs eft accompagné de déle-
ctation pour la diueriîté,dont naturellement nous-nous efiouifTons. Voici a-
pres les fufdits excellens perfonnages, vne femme que le Seigneur nous pre-
{ente
LeTahm9
cil lcliure
£atherinc^> Saubc^j. 4 $
fente en ces temps obfcurs&: ténébreux: l'hiftoire de laquelle partant nous doit cftrc
en plus grande admiration . Car combien qu'elle n'ait eu la cognoiifancc fi entière tic
tous les poin&s delà doctrine Chrcftiennc, comme plufieurs de laage qui eft venue a-
pres , neantmoins elle a retenu jufqu'à la fin pour vray fondement Icllis Chrift, fur le-
quel elle s'eft tellement arreftec,quc furmontant toute fragilité du fexc,&l les horreurs
des ténèbres tant efpefles,a enduré la mort non pour autre caufe, lînon qu'elle aifeu—
roit fon appuy en la mortôc paiîion du Fils de Dieu . Or l'hiftcirede cefte Catherine
a cfte extraite d'vn hure qui eft en la maifon de la ville de Mont-pellier , vulgairement
nommé Le Talamus , auquel on enregiftre les choies mémorables qui fc font en l'an-
née courante: &c a efté traduite d'vn vulgaire rude &: ancien, par vn perfonnage fidèle dùconflïïj
dupais de Languedoc.En l'an m.c c c c.x v i ,1e quinzième du mois de Nouembre,a- dçU^ont~
près la Méfie parochiale du temple de S. Fermin à Mont-pellier, Catherine Saube, de pc ,cr*
Thou en Lorraine "fut prefte audit temple.U y auoit ia quinze ou feize iours paifez qu "Fut prefie
elle auoit prié les léigneurs Confuls de mer de ladite ville, que ce fiift leur plailîr de la Pour Se
mettre en l'hoftcl des Nonnains rcclufes,fitué au chemin de La tes . Lcfdits feigneurs prc enu'
Confuls & ouuriers vindrent à la procelîîô générale dudit temple auec le reft c du peu-
ple de la villcjhommcs & femmes plus de 1 500. Lelqucls Confuls,commc patrons des
Nonnains reclufes, menèrent ladite Catherine comme vne efpouft audit hoftel , &c la
lai/Tercnt là enfermée fous la clcf:&: après chacun le retira en la maifon . Voila les pro-
pres mots de l'cxtrait:fur lefquels nous laiffons à penfer aux Ledcurs , quelle occafion
a peu induire cefte femme à demander fon cntçec en vn conuent de Nonnains . Il eft
polfible qu'elle n'eftant encorcs bien inftruiteau vray feruicede Dieu, auroit cerchéà
la façon & opinion commune des hômes,quelque retraitte pour eft re léparce du mon-
de,^ feruir Dieu à fa dcuotion,d'autant quelors il n'y auoit aucun lieu pour cftre enfei
gné à la verité:ou bien, qu'elle ayant quelque commencement de pieté,pourroit auoir
efté pouftee d'vn faind delir d'annoncer la cognoifîàncc de Ieliis Chrift aux autres po-
ures reclufes, fi auant qu'elle en auroit receule dô du Seigneur: comme il eft vray-fem-
blable par ce que gens dignes de foy afferment eftre eferit auditTalamus,c eft afTauoir
q le conuent où eftoit ladite Catherine &: les Nonnains furent brûliez enfemble quel-
que temps après la mort d'icellc.
^En l'anncefuiuante, m. c c c c. x v 1 1. le fécond iourd'Odobre,enuiroil deux
heures après midi, maiftre Raymond CabaiTe, dodeur en Théologie, de l'ordre des
Iacopins, vicaire de flnquifiteur, feant au tribunal fous le chapiteau qui eft àcofté
de la porte de la maifon de ville audit Mont-pcllier,en prefence de l'euefque de Mague
lonnc , &C du lieutenant du Gouuerneur , &: des quatre Ordres, voire &: de tout le peu-
ple,duquel tout le plan de ladite maifon eftoit couuert , prononça par fentence dirfini- jonneecon
tiue,ladite Catherine Saube,de Thou en Lorraine(laquellc à fa requefte auoit efté m i- tre Otheri
fc al hoftel des reclufes)cftre heretique,pource qu'elle a femé &: tenoit diuers &: dam- ne Saube'
nablcs erreurs contre la foy catholiquc,&:c. ArTauoir,Que lEglife catholique confifte
feulement aux hommes &: aux femmes, tenans &: enfuiuans la vie des Apoftres:& qu'-
il vaut mieux mourir qu'oftenlcr Dieu . Item, qu'elle n'adoroit point fhoftie confacree
du Preftre,d'autant qu'elle ne croyoit pas que là fuft le corps de Chrift. Item, qu'il n'eft
pas neceftairc fc confelfer au Preftre:car il fuffit de fe confeifer à Dieu.& qu'autât vaut
feconfcfferà vn preudhomme laic,qu à vn cappelan ou preftre . Qu'après cefte vie il
n'y aura point de Purgatoire: mais feulement en la vie prefente,&:c.
I l y auoit quatre autres articles audit Talamus, dont cefte Catherine eftoit ac-
culée , lelqucls font enueloppez& embrouillez non feulement de quelque ignorance
que nous pourrions imputer au temps ténébreux , mais aurfi d'ambiguité grande: à rai-
fon q nous ne fommes point informez de les rcfponfes &c procédures plus amples. L'cx Le
trait defdits quatre articles eft tel , traduit dudit Talamus de mot à mot : Qu'il n'y a eu Mefciiapt
vray Pape, Cardinal, Euefque, ne Preftre, depuis que l'eflcdiondu Pape ne s'eft taite ^^"rVi
par miracle de foy ou fidélité . Que les " mefehans preftres ou cappelans ne peuuent pourroic
confacrer le corps de Chrift,encores qu'ils dient les paroles facramcntales. Que le Ba- iemblerqu*
ptefme adminiftré par mefehans Preftres ne profite à falut. Que les enfansquimeu- JelferonTeî
rent après le Baptefme, auant qu'ils ayent croyance, ne font point fauuez(car ils ne bons.
h.
Jean Oldcaïlel.
crovcnt pomt)li ce n'eft par la croyance du parnn,marnnc &: parens.
P a r le récit defdits quatre articlcs,il nous eft allez donné à cognoift re en quelle in-
certitude 6c négligence le plus fouucnt les Greffiers 6c Notaires des Cours des adticr-
faircs de vérité , ont couché par clcrit les reiponfes des fidèles, pour c harger de pailles,
6c couunr de poufliere le bon grain de la vérité de l'Euangile.
f O r après que la fentence ci deiîus touchcc,fut prononcee.Jcdit maiftre Raymod
la remit au Baille,qui eft le Preuoft de la ville . Et le peuple pi ioit qu'il fc portait beni-
gnement enuers elle.Iceluy Preuoft exécuta au mefme îour ladite fcnt£ce,& la fit traî-
ner au Col-fîn,qui eft le gibet de Mont-pellier,prcs le pont de Caftcl-nou, 6c là fut iudi
cialement bruflec comme hérétique . ce font les mots dudit Talamus : lequel aufli ad-
ioufte,quereuefque de Maguelonne, après auoir chanté vue Meife folcnnelle deuant
ceux du Confulat, fît vnfermon de ladite Catherine, &: contre pluiîcurs quidiloyent
que ladite fentence auoit efté donnée iniuftement,& aUec grandes 6c ai'prcs paroles rc
prenoit le mauuais vouloir qu'ils auoyent à railbn de ladite fentence.
^ Voil a en cffeft ce qui a efté extrait 6c traduit touchant le martyre de ceftefem-
me,par lequel plulieurs rudes &ignorans furent touchez à regarder de plus près la ve-
nté des choies , en ces ténèbres des temps : 6c ainlï le Seigneur befongne 6c parfait fa
louange en la mort des liens, maugré Satan &: l'Antechrift.
IEAN OLDCASTEL, feigneurdeCobham,Anglois.
Encre ceux defqueb il a efté parlé ci deiTus,& fera dit ci apns,tout ainlî qu'il y en a bien peu qui foyent à comparer en dignité ex-
terne à lean de Cobham,cheualier de l'ordre,& des premiers d'Anglctei re,aufsi y en a-il bien peu de celte qualité qui ayét
enduré de plus griefs tourmens pour le nom de noftrc Seigneur Idus.que luy. A-tant fon hiftoire foit recommandée aux
plus grans des Cours des Princes.
M cccc W^^^^^ ^ gétil-homme a efté des premiers en fon temps quiaenfeignéauxCour-
Xviii. Sf/fcPiÉ?! tilans de feruir à IefusChrift.Car outre ce qu il cftoit orné de vertus excelle
fév^^^â tes,& que pour les beaux faicls ileuftpeu facilement obtenir la faneur de
M^^^^^y fon Roy, comme de faiél il eftoit monté à grandes dignitez& honneurs par
fa vertu : 6c auoit cela de plus excellent,qu'il ne fe fou doit pas beaucoup de la noblelfe
du monde,pluftoft il conftituoit toute fa dignité 6c félicité, de tafeher à faire feruice a-
greable au Prince des Princes,qui eft le Fils de Dieu ? Les inftru&ions de Vuiclcff luy
auoyent grandement ferui : 6c finalement il eut vn tel fentiment de la vraye Religion
6c pieté, qu'il ne faifoit difficulté de prendre fous fa protection tous ceux qui maintc-
noyent la bonne do£trine,&: qui eftoyent en danger pour icelle.
O r les Euefques qui auoyent des efeoutes 6c efpions par tout,furent incontinent ad
uertis de ccla,&: cogneurent q leurs forces deuenoyent foibles par le moyen de ce gen
til-homme:&: tous d'vne mefme impetuolité& furie dreiferent tous leurs confeils, ma
chinations 6c embufehes contre luy. Leur opinion eftoit,quc tout ce qu'ils euflent en-
trepris contre les autres qui eftoyent d'vne mefme profeflîon auec luy,n'cuft gueres jp-
fité,li ce bon gentil-homme n'euft efté premièrement exterminé, lequel donnoit cou-
rage & hardieffe aux autres, de faire ce qu'ils faifoyent.
On ne trouuera point mauuais il nous demonftrons vn peu de loin, les raifons pour-
quoy ces Prélats eccleliaftiques çonceurent vne telle haine contre luy. Le roy Richard
fécond de ce nom, fut admonnefté quelquefois par quelques grans léigneurs de fon
Royaume,qui auoyent bonne affeéhon que les affaires fe portaient bien . lequel pour
donner ordre aux affaires , fît affemblerlcs Eftats,&: tenir le Parlement en la ville de
Londres l'an m . c c c x c i . Apres qu'en cefte affemblce on eut bien délibéré d'vn co-
fté 6c d'autrc,il fembla bon finalement au Roy 6c aux principaux du Royaume, que ce
feroit le grand profit de toute la Republique, quand l'authorité du fîcge Romain ne
pafleroit point outre la mer,&: que ce ferojt bien alfez fi elle s'eftendoit iufqirà Calets.
Autrement ce feroit vne trop grande fafcherie à tous ceux qui habiteroyent dedans Y-
ille d'Angleterre , que la cognoiffance des caufes fuft renuoyee iufqu'à Rome,lefquel~
lespourroyenteftre defpefchees beaucoup plus facilement fur le lieu, &: auec moin-
dres fraiz.Parquoy il fut refolu par l'aduis de tous, que dorefenauant il ne feroit licite à
homme quelconque de laiifer le Royaume pour aller plaider deuant le Pape à Rome,
ne
Jean Oldcafiel 4 4.
fit fairevenîr aucune excommunication de là.Que s'il aducnoit que quelcun fift autre-
mental y auoit peine ordonnee:affauoir qu'en premier lieu tous fes biens feroyent cori
filquez,&: finiroit fa vie en prifon.
O r tout ainfi que celle détermination fut agréable &C trouuce bonne desbons,&:
de tous ceux qui auoyent fain &c droit iugement* aufïi rompit-elle grandement la fierté
& tyrannie des Euefques,&: depuis ceci fut occafion que meffire Iean Cobham j& mef- Le ficur
firelean Chcn tous deux Cheualiers,furent grandement hais, &fetrouuerentau(Ii en Ican cl*B-
fort grans dangers , &: principalement par les machinations & prattiques fecretes de*
Euefques . Comme de faid ceci leur doit eftre principalement imputé, que le roy Ri-
chard fut deipité cotre ces deux-ci,&pour cela les fît conftituer prifonniers l'an vingt-
ième de fon regne,auec Richard Arundel,&: Richard Varnic tous deux Contes. Tou-
tefois par la grâce &c bonté de Dieu , le feigneur de Cobham ne demeura toufiours en
celle prifon.Tant y a que les confeils cauteleux des Euefques ne cefferent pas pourtât:
ains brafferent des embufehes malicieufes non feulement contre ce bon Cheualier,
mais ailffi contre leRoy mefme,pour le mettre à mort,comme peu fauorifant à l'ambi- j-a*.
tion des gens d'cglife.Henry quatrième de ce nom luy fucceda:&: après cefluy-ci, Hen- gietcn-c.
ry cinquieme,hommc exercé aux armes,&: fort vaillant,mais ami au poflîble des Papi- ""J^y1"
ftes. La prcftraille donc ayant rccouuré tel maiftre qu'ils defiroyent,defployerent la
haine qu ils auoyent longuement cachée contre les bons, & fingulierement contre le
fîeur de Cobham,auquel ils vouloyent mal de mort.
O r Thomas Arundelarcheueiquc de Cantorbie s adreffa au roy Henry, deuant le-
quel il aceufa ce noble Cheualier, intentant contre luy de grans crimes : &: fur tout re-
monflra les dangers de l'eglife troublée . Bref, il n'omit rien de tout ce qui pouuoit en-
aigrir cède caufe . Le Roy ayant ouy la harengue de ceft Archeuefque pleine d'inue-
diues &c accufations,laquelle euft peu enflammer vn Prince au demeurant doux & be-
nin,ne voulut toutefois rien délibérer à la volec contre vn fi fidèle Cheualier^: fi bien
expérimenté aux armes,lequel il aimoit grandement , pourautant qu'il fe fentoit obli-
gé à luy en beaucoup de fortes.En celle forte il renuoya l'Archeuefque, & luy commâ-
da d'attendre encore quelque temps auec les autres Euefques l'es compagnons, iuf-
ques à tant qu'il euft parlé à luy de ces affaires , pour effayer s'il pourroit appai-
fer ce différent , qui eftoit entre luy &c les gens d'eglife, luy voulant garder fon hon-
neur fauuc.
Mai s toutcelanepeutiamaisefbranlérlaconftancedececceurvrâyement Chre-
ftié,laquelle il auoit eftablic en celuy qui eft le grand Roy &C Prince fouuerain de tous.
L'Archeuefque donc retourna à fes pleintes , &: finalement le Roy fut vainc* j ou pour
mieux dire , obtempéra aux faux rapports des Euefques , &: abandonna ce noble Che-
ualier à l'appétit furieux de l'Archeuefque 8t de fes complices . L'Archeuefque donc
le fit citer vne fois ou deux : mais il fut long temps qu'il ne tenoit conte des foudres
excommunications de ce Prélat : mais après que le Roy luy eut enuoyé vn hcraut,il o-
beit,&s'en alla vers le Roy, auquel il auoit fait de grans feruices auec toute reueren-
ce. Et après qui'l eut tenu quelques propos au Roy, il luy prefenta fa confeffion
par eferit : En laquelle il recitoit par ordre les articles du Symbole , &c fur chacun
article il y auoit vne brieue expofition. Mais là ou il faloit parler de l'Eglife catho- de™T*n-
lique, il la diftinguoit en trois parties . Il méttoit d'vn collé ceux qui s'eftans défia Msioa d«
acquittez de leurs labeurs, regnoyent auec Chrift:puis après ceux qui eftoyent en Coblum-
Purgatoire,toutefois il adiouftoit celle reftriclion,s'ily auoit quelque tefmoignage de
ce lieu-la és faindes Efcritures:& finalement ceux qui batailloyent encore en celle vie
prefentc.Et encore faifoit-il diftindion de ceux-ci en trois , de l'Eglife, de la Nobleffei
& du commun populaire. Ilappeloit gens d'Eglifeceux qui fuiuoycnt en vérité Iefus
Chrift & fes Apoftres . Et quant à ceux qui faifoyent autrement,&: qui enféignoyent
les traditions des hommes , &c non point la parole de Dieu , il les reputoit comme
loups & faux-p afteurs: &: difoit qu'il les faloit chaffer . Outreplus il maintertoit que
Pieu ne requeroit autre chofe de fes fidèles , linon de garder par foy les chofes que luy
mefmc a commandées &c ordonnces.Et difoit qu'il receuoit volontiers, & rendoit prô*
pce obeiffanec à tout ce qu'il auoit ordonné par fa Parole.
Or le Roy ne voulut receuoir celle confeffion auec quelque condition que ce fuft,
h.iï.
Liurc^L JeanOldcaftcL
ains la renuoya entièrement deuant ceux qui dcuoyent eftre iuges. CegentiUiomme
pria le Roy , que pour le moins il luy fîft ce bien de luy ottroyer cent gentils-hommes
cheualiers,iiîus de noble race,& qu'il les fift venir pour eftre fes arbitres, par la fenten-
ce defqyclsildeuftfuccomber ou eftre abfous . Et quand encore il ne luyaccorderoic
point cela,nonobftant qu'il luy fuft licite de défendre Ta caufe par armes:& promettoic
de ne reftifer quelque combatant q ce fuft pour défendre & maintenir fa foy,fuft Turc
Cobhamrc ou Chreftien .Toutefois le R oy ne luy voulut encore ottroyer cela,&: qui plus eir,don-
«quefte? na congé à fes parties aduerfes de le faire adiourner deuant fa maiefté Royale en fa châ
brc.Et lors moniîeur de Cobha appelant de l'Archeuefque au Pape, prelenta en toute
reuerence &c humilité les lettres de fon appel au Roy, lcfquelles il auoit là toutes pre--
ftcs.Or le Roy fut fort defpitc de cela,&: luy rcfpondit,que ceft appel ne luy profîteroit
de rien . Au refte,qu'il demeureroit en priion iufqu a ce qu'on euft délibéré &: conclu
de la volonté du Pape touchant l'appel:&: encore outre cela il ne pourroit-ilpas euiter
lors mefme le iugement de Archeuefque vouluft ou non.En cefte forte ce vaillat che-
ualier,dcftitué de toute faueur du Roy qui eftoit contraire,fut liuré à l'appétit des Euef
ques,pour eftre interrogué & examiné par eux.Mais on cognoiftra plus facilement par
les lettres que l'archeuefque de Cantorbery efcriuit à l'euefquc de Londres touchant
cefai<5t,de quelle forme de procédure on vfa contre monfieurde Cobham,de quelle fa
çon il repoufta fes aduerfaircs:outreplus,de quelles rufes &: finefles il a cfté opprimé,^
comment il fut tourmenté auant que laifter la vie.
La copie de la lettre de l'archeuelque de Cantorbery enuoyee à l'euefquc de Londres, en laquelle eft contenue toute la procédu-
re tenue contre le fleur de Cobham,& fes répliques,* fa condamnation.
I C H A R D par la permiflion de Dieu euefque de Londres, délire falut&cô-
_ tinuel aecrouTcment de pure diledion, à reucréd perc en Chrift &c feigneur mô-
lieur Robert, par lagrace de Dieu euefque de Herford . Il n'y a pas long temps qu'auôs
receu des lettres de reuerend pere en Chrift & feigneur monfieur Thomas, par la grâ-
ce de Dieu archeuefque de Cantorbery , Primat de toute l'Angleterre, Légat du liège
Apoftolique,defquelles la teneur eft telle que s'enfuit:
Thomas parla permiflion diuine archeuefque de Cantorbery,Primat de toute l'-
Angleterre^ Légat du îiege Apoftolique,à noftre vénérable frerc monfieur Richard
par la grâce de Dieu euefque de Lôdres , defire falutÔC fraternelle charité au Seigneur.
Comme ainii foit que dernièrement nous trâittiflions de l'vnion &: reformation de l'e-
glife d'Angleterre auec les Prélats & le Clergé,qui furent aflemblez en noftre eglife de
S.Paul en la ville de Cantorbery,il fut côclu entre autres chofes,par nous &: lefditsPre-
lats &: Clcrgé,de refaire la coupure du faye de Chrift fans coufture: qui fembloit bien
vne chofe impoflible , finon que premièrement aucuns grans feigneurs du Royaume
qui fe monftrent defenfeurs, adiuteurs , &: protedeurs de ces hérétiques, qu'on appelé
les Lollards,fuflcnt afprement corrigez,&: ii befoin eftoit , retirez de leurs deftours par
les cenfures deTeglife,en inuoquant le bras feculier . Et après diligente inquifition fai-
te puis après en cefte mefme aiîemblee entre les procureurs du Clergé & autres, qui fc
trouuerent là en grand nombre de chacun diocefe de noftre prouince , il a efté trouue
entr'eux,&: à nous defcouuert& rapporté pour certain,que melïire Iean Oldcaftel che
ualier,a efté &c eft encore le principal mainteneur,receleur, & jptedeur d'iceux: &c que
contre la conftitutiô de la prouince faite fur ccla,il a enuoyé prefeher fes Lollards fans
aucune licence des ordinaires ou diocefains des lieux, & principalement au diocefe de
Londres, de RofFen $,& de Hcrford:& affifta à leurs mefehantes predic ations, & s'il y a-
uoit aucuns qui contrcdùTcnt , il les reprimoit par menaces de bras feculier , duquel il
leur propofoit lapuiflance & force pour les eftonnenfle: entre autres chofes affermoit ^
nous &c nos confrères fufFragans de noftre prouince,n'auons eu &c n'auons encore aucu
pouuoir de faire vne telle conftitution.Et il a eu fie a encore maintenant vne autre opi-
nion, &c dogmatize&enfeigne toutautrement touchant les facremensde l'Autel &:
de Pénitence^ des pèlerinages , & adorations des images,5c: des clefs, que l'eglife Ro-
maine & vniuerfelle n'enfeigne &c afFerme.Pour cefte raifon nous fufmcs lors requisde
la part dcfdits Prélats &c Clergé , que noftre bon plaifir fuft de procéder touchant les
chofes fufditcs,contre ledit feigneur Oldcaftel.
O r toutefois pour la reuerence de noftre firc le Fioy , duquel ledit feigneur Oldca-
ftel
JeanOldcatteL 4 /
ftcl cftoitpour lors familicr,&:pour rhonneurauffi de fon ordre dé cheuâlerfe, nous
vinfmes en perfonne deuant la prefenec du Roy noftre fire,qui pour ce temps-la eftoit
en fon chafteau &: manoir de Kcnyngton,&: là le trouuerent au/ïi prefens tous nos con-
fre rcs &: fufFragans:où nous filmes nos complaintes contre ledit Seigneur, &: en partie
recitafmes ce en quoy il auoit failli.Mais defirans à la requefte du Roy noftre iire rédui-
re ledit feigneur Iean à l'vnité de l'eglife fans aucun opprobre & diffame, nous différai'
mes long temps l'exécution des choies fufdites.Mais voyans que le Roy auoit fait tout
ce qu'il auoit peu faire pour le reduire,&: neantmoins n'auoit de rien profité,felon que
le Roy luy-mcfmc a bien daigné nous faire iauoir tant par eferit que de bouche: fuiuant
cela nous auons arrefté que ledit feigneur Iean Oldeaftel refpondroit en perfonne de-
uant nous fur le s fufditsarticles,à vn certain terme qui eftdeiia paifé,& de le faire appe
1er deuant nous pour cela,& auons enuoyé noftre meiTager auec lettres de citation au-
dit 01dcaftel,qui pour lors faifoitfa refidence en fon chafteau de Coulyng: ordonnans
ànoftre-dit meiTager de n'entrer nullement dedans le chafteau dudit Seigneur,&: que
par le moyen d'vn certain nommé Iean Botteler , huiiîier de la chambre du Roy noftre
lirc,il cerchaft ledit Oldeaftel , à ce qu'il donnaft congé d'entrer à noftre-dit meiTager,
ou bien qu'il citaft ledit Seigneur, ou pour le moins qu'iceluy fe monftraft hors de
fon chafteau , afin que par ce moyen il peuft eftrç appréhendé par citation . Or
toutefois ledit ieigneur Iean Oldeaftel refpondit au fufdit Iean Botteler, qui de la
part du Roy luyexpofoit fa commiifion fufdite ouuertement &C publiquement, qu'-
il ne vouloit point eftrc cité en façon quelconque, ni aucunement endurer fa cita-
tion. Et nous après auoir ouy la relation des choies fufdites , laquelle nous fut fidèle-
ment faite, commençafmes à procéder légitimement plus outre en ce faict , félon le
rapport qui nous auoit cfté fait,que ledit feigneur IeanOldcaftel n auoit peu eftre em-
poigné par citation perfonnelle:ordonnafmes qu'iceluy feroit cité par edict , qui feroit
publiquement attaché aux portes de l'eglife cathédrale de RofFens , qui n'eft diftante
gueres plus de trois lieues d'Angleterre dudit chafteau de Çoulyng. Comme de faicl
nous f auons fait ainii citer,& attacher cefte noftre ordonnance aux portes de ladite c-
glifcjà la veué &: au feu de tous,pour comparoiftrç deuant nous l'onzième iour de Sep-
tcmbi e,qui eft défia paiTé,&: pour refpondre fur les fufdits articles: & neantmoins qu'il
euft à ie trouuer en perfonne,pour fe purger de quelques pointts concernans la peruer
iité hérétique . Quand ce iour-la fut venu , nous-nous aifemblafmes en la plus grande
chappelle qui eft au deiTous du chafteau de Ledys,lequel eft en noftre diocefe,où nous
faiiïons noftre rciidence pour lors,& là nous-nous ailifmes au iiege iudicial, & tinfmes
noftre cour.&: après auoir fidèlement fait tout ce qui eft requis en tels acres,& ouy &: re
ceu la relation félon ce qui eft affermé, & qu'on dit communément és quartiers , q£
ledit feigneur Iean Oldeaftel fe tient fort dedans fon chafteau , &c là il maintient
fes opinions , mefprifant en diueriès fortes les clefs de l'eglife , U la puiiTance Ar-
chiepifcopale.
O r nous auons fait proclamer à haute voix ledit feigneur Iean Oldeaftel, défia cité
comme deifus:&: d'autant qu'après auoir efté ainfî proclamé par nous ,& longuement
att endu,il n'eft point toutefois comparu,nous fauons réputé contumax,comme il eft,
&; pour la peine de ceftefienne contumace,nous l'auons alors & là mefmc excommu-
nié par cicrit . Et pource que de la fuite des chofes fuidites, &c par autres indices ma-
nifeftes &c fai&s cuidcns,nous auons conceu que ledit feigneur Iean Oldeaftel, diCt de
Cobham,pour maintenirfon erreur, fefortifie contre les clefs de reglife,ainiîqu'ilae-
fté dit,fous la couuertur'e defquelles chofes,il y a vne véhémente foufpeçon qui fe leue
contre ledit Seigneur,nous auons ordonné qu'iceluy feroit derechef perfonnellement
cité,s'il peut eftre faiii,iinon qu'il foit cité par edict,à ce qu'il comparoiiTe deuant nous
le Samedi après lafefte defainct Matthieu Apoftre& Euangeliftc prochainement ve-
nant , pour propofer en perfonne quelque caufe raifonnable, iîaucuneilena,pour-
quoy on ne doiue procéder contre luy à chofes plus gxieues,comme contre vn héréti-
que public, &ichifmatique,& ennemi de toute l'eglife, pourquoy auiîi on ne le doi-
ue prononcer pour tel,& pourquoy on ne doiue inuoquer le bras feculier contre luy fo
lennellement,& femblablement pour refpondre plus outre,pour receuoir &: faire tout
ce que la iuftice confeillera touchant les chofes fufdites . Au terme prédit, aiîauoir
le Samedi prochain après la fefte iâinft Matthieu, qui eft le x x 1 11. iour dudit mois
L/wo /. Jean Oldcaftel.
de Scptembre,honnorables feigneurs nos confreres,mohiieur Ricnârd euefqtic de Lô
dres , & monlieur Henri euefque de Vuynton , & moy fufmes aifis au fiege iudicial,au
lieu du chapitre de leglife de S. Paul de Londres, &: là comparut en perionne deuant
nous meflire Robert de Morlay cheualier , garde de la tour de Londres,& amena aucc
lby ledit feigneur lean Oldcaftel cheualier,>& le repreientadeuat nous . car les archers
&c officiers du Roy l'auoyent pris vn peu auparauant, &: enferré en la tour . Or comme
ledit Oldcaftel eftoit là pcrfonnellement prefent , nous luy recitafmes tout l'ordre du
fai£t,felon qu'il eft contenu es a&es du iour precedent,&:vlafmes de propos bons &c mo
deftes,&: d'vne façon fort gracieufe:affauoir comment ledit feigneur lean Oldcaftel a-
uoitefté décelé &accufé fur les articles ci de/Tus recitez en l'aiTemblce des Prélats &:
du Clergé denoftre-dite prouince , ainfi qu'il a efté dit, &: comment il a efté cité, &: de-
puis excommunié à caufe de là côtumace.Et puis qu'on en cftoit venu iufques là, nous
nous preléntafmesprefts pour l'abibudre . Toutefois ledit feigneur lean Oldcaftel ne
prenant nullement garde à vne fi gracieufe offre & bénigne , dit qu'il reciteroit volon-
tiers deuant nous & meldits confreres,fa foy,laquelle il tient&: afferme: &c après auoir
demand é conge,& que luy eufmes ottroy é ce qu'il demandoit,il tira de fon fein vn cer-
tain papier,& lcutiufqu'au bout& publiquement deuant nous tout ce qui eftoit con-
tenu en ce papier,& nous bailla de faid ce papier,& la refponfe des articles fur lcfquels
il a efté examiné. Or voici quelle eft fa confefliori.
Déclaration de la foy que tcnoit mefsire lean Oldcaftel feigneur de Cobliam.
O Y lean Okicaftel,&:c.defire que ceci foit fait notoire à tous Chrcftiens,&:quc
Dieu foit appelé pour iuge,que ie n'ay iamais eu intention,^ n'auray, moyennat
fa grâce, que de receuoir en ferme foy &c indubitable les Sacrcmens d'iceluy, lef quels il
a ordonnez luy-mefme pour le falut de fon Eglife . D'auantage,ie délire bien d'expofer
plus clairement ce que ie fens de ma foy , par les quatre fortes qui s'enliiiuent: Premiè-
rement ie croy qu'au vénérable facrement de la Cene nous prenons le corps de Chrift
fous les efpcccs &c figure du pain &c du vin , iceluy mefme (di-ie) qui eft nay de la vierge
Marie,qui a efté crucifié, mort, &c enfeucli,& finalement reflufeité le troifieme iour a-
pres fa mort,&: a efté eflcué à la dextre du Pere immortel,&: triomphe maintenant & à
iamais auec luy,eftant participant de la gloire éternelle . Et quant au làcrement(qu'ils
nomment)de Penitencc,voici quelle en eft ma foy : le croy qu'elle eft grandement ne-
ceflàirc à vn chacun qui afpire à falut , aftauoir qu'il corrige fa vie pecherefTe: &: qu'il fe
faut tellement repentir de fa vie pafîée par vraye confcfTion , & contrition non feinte,
telle qu'elle nous eft déclarée par les fam&esEfcritures, autrement il n'yanulleefpe-
rance de falut.Pour le troifîeme,telle eft mon opinion touchant les Images , qu'elles n
appartiennent point à la vraye foy: vray eft qu'après que la foy Chrcftienne a efté intro-
duite au mondc,elles ont efté mifes en vfage par permifîion , pour feruir de calendrier
L^enTrlr" aux laies &: ignorans,&: afin que par leur aduertilîément on fepropofe deuant lesyeux
des ignoras plus facilement les pallions &: faintts exéples tant de Chr ift que de fes fidèles &c faincts
fcruiteurs.Mais veu l'abus d'vne telle reprcfentation,&: qu'on attribue aux images des
Saintts qu'elles reprefentent,ce qui appartient à celuy auquel tous les Saincls doiuent
honneur & reuerence:&: mettans en eux la fiance qui doit eftre transférée à Dieu feul:
&: dauantage qu'ils foyent tellement afFe&ionnez enuers ces images,qu'ils y foyent at-
tachez,ou qu'ils Ibycnt plus deuçts à l'vne qu'à l'autre: mon opinion eft que tels com-
mettent idolâtrie , &: vn péché capital contre Dieu , auquel appartient tout honneur,
gloire & louange . Finalementie fuis ainfi perfuadé, qu'il n'y a nul habitant en terre ici
bas,qui ne foit en pèlerinage ou pour aller à la vie,ou pour tendre aux tourmens , Or lî
quelcun reiglc tellement fa vie , qu'il tranlgrelTe les commandemens &C ordonnances
de Dieu , encore qu'il ne les fâche , ou qu'il ne les vueille fauoir, il ne faut pas qu'vn tel
efpcrc falut , combien qu^il fepourmenepar tous les bouts &: coins de tout le monde.
Au contraire, celuy qui gardera les fain&es ordonnances de Dieu, ne pourra périr, en-
core cm'il ne face aucun voyage ou pèlerinage en toute fa vie , en quelque lieu que ce
foir,ou les hommes abufez ont accouftumé d'aller en pèlerinage.
Extrait du procez dos Ecclclïaftiques contre I«dit feigneur de Cobham.
PRES que ledit feigneur lean Oldcaftel eut luy-mefme leu iufques au bout
tous les articles qui cftoyent contenus en ce papier , nous confultafmes auec plu-
sieurs
JeanQUcapt.
iieurs Do&eurs fauans:& finalement du confentement &: félon le confeil d'iceux nous
difmes audit feigneur Iean Oldcaftel: Voici,monfieur de Cobham , ce papier contienc
plufieurs choies &affez catholiques: mais ce terme vous a cfté donné pour refpon-
dre fur d'autres poincts, Afiauoir fi vous tenez , croyez & affermez qu'au facrement
de l'autel après la confecration deué'ment faite, le pain matériel y demeure, ou non. I-
tem afiauoir fi vous tenez , croyez &: affermez qu'au facrement de Pénitence il foit ne-
ce/Taire que le pécheur pouuantrecouurervn Preftre ordonné par l'Eglife * confeffe à
ce Preftre fes péchez &offenfcs. Apres que ledit Oldcaftel eut dit plufieurs chofes &£
diuerfes , il refpondit expre/femét , qu'il ne vouloit point autrement refpôdre en quel-
que forte que ce fuft,que félon ce qui eftoit contenu audit papier. Parquoy ayans com-
paffion dudit feigneur Ican Oldcaftel, nous parlafmes là melme à luy dvne façon dou-
ce & benigne,en celle forte : Monfieur de Cobham,aduifez bien à vous . car fi vous ne
refpondez clairement aux chofes qui vous font obie&ecs au terme competat qui vous
aefte défia donné par le luge, nous vous pourrons prononcer & déclarer hérétique.
Mais ledit Oldcaftel tint bon comme deuant, &: ne voulut point refpondre autremeti
Tovtï s f o i s apres cela nous prinfmes confeil auecnofdits confreres,&: declaraf-
mes audit Oldcaftel ce que la fàin&eeglifeRomaine fuyuant les tefmoignagcs&aduis
defainft Auguftin,defain6t Ambroife>&defain& Hierome&des autres fàin&s Do-
cteurs, a déterminé fur cefte matière : &C qu'il faut que tous bons catholiques obferuét
telles déterminations. A quoy ledit Oldcaftel refpondit, qu'il auoit voulu croire volô-
tiers& garder cequiaefté ordonné &: déterminé parlafain&e Eglife , &: tout ce que
Dieu a voulu qu'il creuft & obferuaft: Mais il ne voulut pour lors affermer , que noftre
faind perc le Pape, les Cardinaux , les Archeucfques & Euefques & autres Prélats de
l'Eglife, eufifent puiffance de déterminer telles chofes. Et encore pour cefte fois-la no9
cufmes compaffion de luy en efperancc qu'il auroit meilleure opinion & délibération,
èc pour cefte caufe promifmes audit feigneur Iean Oldcaftel de mettre par ci'cnt cer-
taines déterminations touchant la matière fufdite j fur lesquelles iceluy deuft refpon-
dre encore plus clairement & ouuertement,&: de les tranflater de Latin en Anglois, a-
fin qu'il les entendift plus facilement. Sur quoy nous luy commandafmcs , voire le pri-
afmcs de bon cœur, que le Lundy prochain fuyuant il donnait fa refponfe pleinement
&: ouuertement:lefquelles déterminations nous fîfmes traduire ce mefmc iour,&: bail-
ler reaument &c de fait audit Oldcaftel le Dimanche prochainement fuyuant: defquel-
les déterminations la teneur eft telle :
L a foy & détermination de la faintte Eglife catholique touchant le faind facremét
de l'autel eft telle que s enfuyt: qu'après la confecration faite par le Preftre en la Mcffe,
le pain matériel eft nairnué au corps matériel de Chrift, &: le vin matériel au fang ma-
tériel de Chrift.En cefte façon nulle fubftace tat du pain que du vin, ne demeure apres
la côfccration faite par le Preftre.Que refpondez-vous maintenat à ceft article? Outre-
plus la fain&e Eglife a dcterminé,qu 'il faut necefiairemét que tout homme Chreftien
viuant ici bas en terrc,côfefîe fes péchez au Preftre ordonné par l'Eglife, s'il en peut re-
couurer quelcun.Quelle eft voftre opiniô fur ceft articlerChrift a ordôné S.Pierre pour
fon vicaire ici bas en terre , qui a l'eglife Romaine pour fon fiege , luy permettant &c ot-
troyat telle liberté qu'il a dônee à S.Pierre & aux fucceffeurs de S.Pierre, qui font main
tenant appelez Papes de Rome , par la puilfance ou authorité defquels les Prélats font
particulièrement conftituez&ordônez aux Eglifes, afiauoir Archeuefqucs, Euefques,
Curez^i autres ordres Se degrez Ecclefiaftiques, aufquels le peuple Chreftié doit ren-
dre obeifTance félon les traditiôs de Teglifé Romaine.Outrepl9 la fain&e Eglife a déter-
miné., qu'il eft neceffaire à tous Chreftiens de faire pèlerinages aux lieux fain£ts,&: là Lcsaducr-
principalement adorer les fain&es reliques des Apoftres,Martyrs& ConfefTeurs,&:de k^10^01"
tous les faincts que l'Eglife Romaine a approuuez. Que fentez-vous de ceft article? procci.
Avqvei iourde Lundy, afiauoir le xxv. dudit mois de Septembre,en noftre pre-
fence&denos confrères fufdits , ayans âdioint âuec nousnoftre vénérable frère Be-
noift par la grâce de Dieu eucfque de Bangore , par noftre commandement &c ordon-
nance fe trouucrent là nos confeilliers , nos miniftres & autres officiers , afifauoir Mai-
ftre Henry V vâre officiai de noftre cour de Cantorbie , Philippes Morgan docteur en
chacun droit, Hovvel Kyffin docteur en Decret,Iean Kemp & Guillaume Karletô do-
reurs es loix,&: Iean Vvitnam^Thomas PalmeryRobert Vvombevvel,Iean Vvitheady
h.iiii.
L/Vrfro /. fan Oldcaftel
Robert Chamberlayne, Richard Dodyngtone,&: Thomas Vvalden>tous Docteurs en
Theologic:Ité laques Cole &: Iean Stenyns nos notaires appelez pour cela. Et tous ont
mis la main fur les fainds Euâgiles de dôner leur côteil fidèle fur ladite matière ôaoute
la cauic. Aufli coparut ledit fcigneur Robert deMorlay cheualier,capitaine &garde de
la tour de Lôdres^ amena aueciby ledit feigneur Oldcaftel: Auquel nous recitafmcs
gracieufement &: de bonne forte les ades du iour précèdent: &: comme nous auiôs fait
au parauâtmous luy declarafmes cornent il auoit efté excômunié,&: eft encore,&: nous
lepriafmes&requifmesde nous donner vnerefponfe claire &ouucrte fur les articles
qui luy auoyent efté propofez,& premièrement quant au facrcment de l'Euchariftic.
Deux natu S v r lequel article il refpondit entre autres chofes,que comme Chrift conuerfant i-
CJbri^efU' c* ^as cn terre' a eu en ^ ^ ^a nature diuine , &: la nature humaine : la diuinité toutef-
" ' fois couuerte &: cachée fous rhumanité qui eftoit vilible en luy : femblablement au fa-
crement de l'Euchariftie il y a le pain &: le corps qui nous font donnez , aflauoir le pain
que nous voyons,8de corps de Chrift , lequel nous ne voyons point:&: nia expreffemét
que lafoy touchant ce facrement déterminée par l'cglife Romaine &c par les làinds Do
c\eurs,fuft la determinatiô de la fainde Eghfc. Et h* c'eftoit la détermination de l'Eglife
(difoit-il)qu'elle eftoit faite contre la fainde Efcriture,&: que cela a efté depuis qu'on a
Touchant donné des rentes à l'Eglife,&:quc le poifon y a efté efpandu,&: non point deuant.Pareil
&cCn'ftéfC ^emenc 4uant au facrcment de Pénitence &£ de Côfefîion,il a dit &: affermé expreffe-
fion.°n C ment la mefme , que fi quelcun eftat en quelque grief peché,ne s'en pouuoit releuer,il
feroit bon &c expédient à vn tel de s'adreffer à quelque Preftrefaind &: diferetpour a-
uoir confeil de luy: mais qu'il ne luy eftoit point neceflaire pour obtenir falut, de cofef.
fer fon péché à fon propre Curé, ou à quelque autre Preftre,encore qu'il le peuft recou
urend'autant qu'vne telle offenfe pourroit eftre effacée par contrition feulement,&: le
pécheur mefme en pourroit bien eftre purgé.
O r quant à l'adoration de la fainde croix , il a dit &C afferma la mefme , qu'il falloit
feulement adorer le corps de Chrift qui eftoit pendu en la croix.car ce feul corps a efté
& eft la croix digne d'adoration. Et eftant interrogué quel honneur il faifoit à l'image
de la croix, il refpondit par parolles expreffes , qu'il ne luy faifoit point autre honneur,
finon qu'il la nettoyoit bien,& la mettoit en bonne garde.
Ovtreplvs quantàlapuiffanccdcsclefs,&:quantànoftre feigneur le Pape, A r-
cheuefques,Euefques&: autres Prelats,il a dit que le Pape eft vray Antechrift,&:que fes
Archeuefques,Euefques &: autres Prélats fes membres & frères font la queue del'An-
techrift, comme le Pape en eft le chcÊaufquels on ne doit nullement obéir , affauoir au
Pape, aux ArcheuefqueSjEuefques Vautres Prélats, finon entant qu'ils feront imita-
teurs de Chrift &: de Pierre en vie &c mœurs &: conuerfation , &c celuy qui eft meilleur
en vie &c eft plus pur en fa conuerfation, eft fucceffeur de Pierre, &non point autremet.
En outre ledit feigneur Oldcaftel a dit à haute voix&: eftendant les mains en haut , a-
drefTant fon propos à ceux qui eftoyét là prefens: Ceux-ci qui iugent,&: qui me veulent
condamner,vous jeduiront tous, & ils vous mcnerôt& eux mefmcs en enfer : &: pour-
tant donnez-vous garde d'eux.
O r après qu'il eut dit toutes ces chofes,nous parlafmes audit Oldcaftel auec larmes,
& continuafmes par plusieurs fois, l'exhortant par parolles autant qu'il nous fut poJfïi-
ble, à ce qu'il retournait à l'vnité de l'Eglife , qu'il creuft & tint ce que l'cglife Romaine
croit &: tient : Lequel toutesfois rcfptondoit expreffement qu'il ne croyoit &: ne tenoit
finon ce qu'il auoit défia déclaré. Voyans donc que nous ne peufmes de rie profiter en-
tiers luy,comme cela eft apparu , finalement auec vne amertume de cœur nous vinf-
mes à prononcer la fentence dimnitiue, en la teneur qui s'enfuit:
côtre oïd 1111! n°m ^C ^cu> Amen. Nous Thomas par la permifîion diuinc Archeuefque &s
caftel. (Semble miniftre de la faîde eglife de Câtorbie, primat de tout le royaume d'Angle
terre,&:Legat du fiege Apoftolique:En certaine caufe ou matière de peruerfîté hereti-
que,fur diuers articles fur lefquels le feigneur Iean Oldcaftel feigneur de Cobha, cn la-
dernière aflemblee du Clergé de noftre prouinec de Catorbic,tcnuè en noftre prefen-
ce en l'eglife de S. Paul de Londres , fut décelé &: acculé deuat nous après diligente in*
quifition faite là mefme,&: notoirement&: publiquement diffamé par noftre prouince
de Cantorbic, à la dénonciation &requefte de tout le Clergé enlafufdite affemblec
faite deuant nous , procedans contre luy auec aufîi grande faueur qu'il nous a eftç,
pofli-
pan Oldcaftel 47
poflîble(Dieu nous en cft tcfmoin ) & fuyuans 1 'exemplede Chrift > qui ne defîre point
la mort du pécheur, ains plus qu'il fe conuertuTc&: qu'il viue, nous tafehions de le cor-
riger, & par toutes les façons éc moyens qu'il nous eft po/fible , le réduire à l'vnicé de 1- ° hïpàafc
Eglife, declarans à luy mefme cequel'eglife Romaine &vniuerfclleenfeigne, tient* fonge™""
adeterminé^prelcheen ccft endroit. Eciafoit que l'ayons trouué defuoyé enlafoy
Catholique, & d'vn col il dur qu'il n'a point voulu confeffer l'on erreur , ou fe purger d'-
iceluy, ny aufli le deteftentoutesfois ayans compaffion de luy d'vne afFe&ion paternel-
le, & deiirans fon falut d'vn bon cœur , nous luy afïignafmes certain terme competant
pour délibérer , &: pour fe repentir , s'il euft voulu,& pour fe reformer foy-mefme: &c fi-
nalement d'autant que nous i'auons veu incorrigible , ayas premièrement obferué les
chofes qui font requifes de droit en cela, auec douleur &c amertume de cceur>nous pro-
ecdafmcs iufques à prononcer la fentence diffinitiue en cefte façon:
Apre s auoirinuoqué le nom de Chrift,&: l'ayans feul deuant nos yeux,pource que
par les a&es & procedures,produdions,lignes manifeftes, euidens &: diuers indices,^
auec ce diuerfes fortes de probations , nous auons trouué que ledit feigneur Iean Old-
caftel cheualicr eft hérétique , &: croyât aux hérétiques contre la foy &c reuerence de la oldcaftel
fain&e eglife Romaine &vniuerfelle,&: principalement quât aux facremés de l'Eucha- j£°ent°n„*
riftie& dePenitence,que comme fils d'iniquité & des ténèbres il a tellement endurci retl<luc'
fon cœur; qu'il nentéd point la voix de fon pafteur,& ne foufFre point d eftre attiré par
admonitions, ny eftre réduit par douceur : ayans premièrement efpluché , ^diligem-
ment confiderc les mérites de la caufe fufdice , les fautes & démérites dudit feigneur
Iean , aggrauez par fa damnable obftination : ne voulans point que celuy qui cft mel-
chant , (bit fait encore plus melchant , & qu'il infe&e les autres de fa contagion ,' par
le confeil & du confentement de gens de grande diferetion & fapienec nos vénérables
frères, monfieur Richard euefque de Londres, monfieur Benoift euefque de Bangore,
moniieur Henri euefque de Vvynton,& autres dodeurs en Theologie,en droit Canon
& en droit Ciuil, &c autres perfonnages fauans & religieux , qui affiftoyét là auec nous,
auons iugéjdeclaré &: côdamné fententiellement , ôZ diffinitiuement en ces eferits le-
dit feigneur Iean Oldcaftel cheualier,feigneur de Cobham,conuaincu de ceft erreur
deteftablc,& ne voulant point par pénitence retourner àleglifccomme hérétique
és chofes que Teglife Romaine & vniuerfelle ticnt,enfeigne, a déterminé & prefche,&:
errant principalemét és articles defufdits,le lanTans dés cefte heure-ci corne hérétique
au iugement feculier. Et neantmoins auons aufîi excommunié en ces efcrits,& dénon-
çons pour excommuniez, & luy qui eft heretique,&: tous les autres, &vn chacun qui
dorefenauât aura ou auront dôné faueur audit Oldcaftel, & qui l'aura ou auront défen-
du, qui luy aura ou auront donné confeil,ayde ou faueur en ceft endroit , comme rece-
leurs, fauteurs & defenfeurs des hérétiques. Et afin que ces chofes fufdites foyent fai-
tes notoires à tous ceux qui croyct en Chrift , nous donnons commifÏÏon &c mandemét
à voftre fraternité, qu'vn chacun de vous déclare , publie &: expofe à haute voix & in-
telligible &c en langue vulgaire félon qu'il eft plus amplement contenu en ce procez,
que comme il a efté dit , ledit feigneur Oldcaftel a efté &: cft condamne hérétique par
nous,&auffifchifmatio^ue,&:c. Si voulons &c ordonnons que vous refermiez & faciez
entendre de mot à mot a vn chacun de nos confrères, fufFragans de noftre prouince de
Catorbie;afin qu'vn chacun d'eux en fa ville & diocefe publie, intime & déclare la ma-
nière &C forme de ceftuy noftre procez, &aufli la fentence qui a efté donnée par nous,
&c toutes autres chofes qui font là contenues, & que fcmblablement ils les facent pu-
blier par leurs fuiets & Curez. Et au refte , que vous nous certifiez & eux aufîi , du iour
de la réception des prefentes, &de ce que vous aurez fait des chofes fufdites , & com-
ment vous aurez exécuté ceftuy noftre mandemcnt,&: eux aufîi. Donné au manoir de
Maydefton, le x . iour du mois d'O&obre l'an M.cccc.xiu,&de noftre tranfpor-
tement Tan xvni.
Or c eft cy le procez fait par les Euefques,& eferit de leur ftyle, contre ce noble che- La ««t
ualier de Chrift Iean Oldcaftel feigneur de Cobham.Incontinent que fentence capita 5ufe^ncuf
le eut efté prononcée contre luy , il fut relegué,& mené par Robert Morlay . Apres qu - de Coblû.
il eut demeuré quelque temps au lieu de fon banniiTement , il en fut mis hors par ie ne
fay quelle façon, & s'enfuit en Vvallie,où il demeura quatre ans entiers. ^Durant ce
temps ceft Archeuefque Thomas Arundel mourut l'an m.c c c c.&x v .(félon que re«
•Martyrs.
La mon e- cite Thomas de Gafcognc en fon diftionairc TheologifjaeJdVne effrange & horrible
ftrangc de mort. La langue luy deuint fi enflée & groiTe,quelle luy rempli/Toit toute la bouchcrde
«cheuef el manière que quelques iours auant Ta mort il ne pouuoit rien aualler ne meftnc parler:
que de à- & mourut comme affamé en grand defefpoir. Plufieurs difoyent eh Angleterre que c -
torbic. e^oit ^ cau(-e qU'en fon temps il auoit lié la pârolle de Dieu , & par grandes cruautel
empefché le cours d'icelle:Comme nous auons veu n'agueres en Thiftoirc de G. Thor»-
pe. Henry Chicley(ou Chichel)luy fucceda comme nous verrons en l'hiftorrc de Iean
Puruey.
Cependant grands troubles furent cfmeus parles Eucfques contre la religion
de Chrift par tout le royaume d'Angleterre. En ce temps-la en la prouince de Vvallie,
il y auoit vn gouuerneur de Tordre des Sénateurs , nommé Pouiz. Ceftuy-cy fut induit
par les douces . parolles& prefensdesEuefques*& fousvn faux femblant d'amitié il
trahi: le Seigneur de Cobham , & par fes menées il fît tant qu'il le mena à Londres. E-
ftant là attiré , il fut condamné d'herefie &C de crime de lefe maiefté félon la loy &c edjc
que le roy Henry cinquième auoit fait contre les Vvicleuicns ,& ferré prifonniercn la
tour de Londres. Bien toft après il fut tiré de là, ayant les mains liées par derricre,&: on
le mit fur vne claye , ôc puis tût mené au champ fainft Gilles , qui eft le lieu ou on exé-
cute les malfaiteurs. Il auoit vne chaine à l'entour du corps; 6c on le guinda en l'air tÔC
audefTousde luy on entaflavn monceau de bois :U là ce vaillant Martyr futbruflé a-
uec grande confiance. Le peuple fut fort marry de voir vn tel fpe&acle. Et cependant
les Euefques faifoyent toute diligence d'admonnefter le peuple que nul ne priaft pour
fon ame,ainscme tous le tinilènt pour vn hérétique damné >comme ccluyqui eftoic
mort Scdecede de ce monde hors lafoyfc obeilfance du Pape. Et en celle forte ce
faind Cheualieracheuant le cours de fa vie, & recommandant fon ameà Dieu,& priât
pour lefalutde fes ennemis, après auoir exhorté le peuple à s'adonner à. la vraye foy
& pure Religion , rendit fon efprit au Seigneur , l'an m. c c c c * xrm.
M. CCCC.
XX.
Les lettres
& le? lan-
gues, mefla
gerçj de la
rerité.
HENRY
RADT-
geber;
B?leusti-
ftorico.
HENRY GRVNFELDER, & autres Martyn
exécutez en Alemagne.
E fang de Hus &: de H.de Prague neft pas tombé en terre pour eftre eftouf-
^ fé , mais a fru&ifïé de manière incroyable non feulement en Bohême ,
H RKM niais auffi au pays 4' Alemagne. Et Dieu a manifeftement monflré depuis
et_;iwj^ï Ce temps, vn changement des chofes , faifant renaiftre les Langues com-
me meflagere&, &: les Arts comme fourriers de la maiftrefle Vérité : kquelle inconti-
nent eft venue en auant auec fplendeur du trefclair foleil , aiTauoir la prédication de 1-
Euangilc, en laquelle plufieurs de ce temps ont excellé,eftans munis de toutes chofes
necefl'airescontreles ténèbres. Plufieurs s y font portez fort dextrement : & non feu-
lement ont ramené la Théologie en ià naturelle & première pureté, mais auflî ont en~
duré le martyre pour plus ample atteflationd'iccllc. Entre autres vn nommé maiflre
Henry Grunfelder , d'vn ordre de Preftrife eflant appelé à l'ordre de Iefus Chrift , fut
bruflé en la ville de Reinfbourg, fan du Seigneur m . c c c c . x x .
^Tr ois ansapres, He nu Ra d t g e b e R,decemefmeordre de preftrife Pa-
pale, a vaillamment combatu &: enduré la mort cruelle pour la profelBon del'Euangi-
leen l^fufdite ville de Reinfbourg: cefuclan Mille quatre cens vingttrois. Clt an
Draendorf, de noble xnaifon du pays de Mifne , fut exécuté à Vvormes l'an fuy-
uant , afTauoir Mille quatre cens vingtquatre. ^Et Pierre Tora vv, depuis aui
fi fut martyrifé en la ville de Spire , l!an Mille quatre cens vingtfix.Et de tous ccux-cy
Iean Baleus en fon liure Des hommes illuftres d'Angleterre, a donneteJ&aoignage de
leurs nom s Sf furnoms. • Reuenons maintenant à ceux d'Angleterre»
IEAN
m
IEAN PVRVEY, Anglois.
Ce perfoniuge difciplc de VviclefF eft autheur du recueil d'vn commentaire fur l'Apocalypfe imprimé à Vvitembergue if z8.
eferit deuant cent ans : par la fupputation duquel au 13.18c au commencement du iccha. appert auoirefte fait l'an 1390.&
parle là du grand tremblement de terre qui cftoit en l'an i38a.lors que la doctrine de Vvideif fut condamnée.
I nous dcuons tirer exemple d'aucuns pour eft re conduits à ce que de cou- cc
rage délibéré nous côl'acrions nos vies au tefmoignage de l'Euagile de îe-
fus Chrift, il faut que ceux qui ont en celte première aulbe du iour précé-
dé,loyent aufli propofez pour guides. A ce kan Puruey homme de renom Ican Bjlcu*
& authorité en la profeflion des arts , les Hiftoriographes A nglois rendent j^mm^iï
tefmoignage qu'en ce temps il endura plufieurs cruels tourmens fous la tyrannie des îuitrcsd'-
aduerfaires de la vraye lumière. En fon premier aagçileut pour précepteur Ican Vvi- AnS,ctcrro
cleff, fous lequel heureufement il apprint les rudimés de la vraye religion, lefquels pâr
fucceffion de temps il employa fi bien au feruice de Dieu,que par fon fauoir ioind auec
faindeté de vie, plufieurs brebis infirmes &: defaillies en l'examen,furent retirées de la
gueule des loups &C ramenées à la pafture du Seigneur: dont les aduerfaires le nommè-
rent par opprobre le libraire des Lollards,&: Glofateur de VviclefF. CePurueyen TE- Vvaldenus
fprit de Dieu a fouftenu que Rome eftoit le bordeau de Satan: & que fon eglifc tant in- cf~
fecte&defplayee au corps, eftoit la paillarde deferite en l'Apocalypfe, acàouftree de Apocal.17.
pourpre & dorée d'or.auec laquelle les Rois & ceux qui habitent en la terre auoyent
paillardéjs'eftans enyurez du vin de fa païUardife. Thomas Arundel archeuefque de
Cantorbery leperfecutaôcl'emprifonnadés l'an 1596.&C partourmens horribles lecô-
traignit à la croix de S. Paul à Lôdres retrader fept articles . Mais depuis ce temps Pur-
uey eftant derechef emprifonné, repara tellement cefte faute &pufTillanimité, que
rien ne lepeutdiuertirde laverité.&: tient-on qu'il mourut en prifon l'an 1421. ayant
enduré cruels & long tourmens fous Henri Chichelc archeuefque &: fuccelTeur d'A-
rundel,commc nous auons veu cy deuant.
GVILLAVME TAYLOVR, Anglois.
N ce temps après le concile de Confiance il y eut grande perfecution en M.CCCC.
Angleterre contre les vrais fidèles &c fcruiteurs de Dieu , fous le roy Henry xXlL
cinquième. Entre autres M. Guillaume Taylour(autrement Tailleur) jwo-
IfeiTeur és arts en rVniuerfïtéd'Oxone,preft te, ayant eftéinftruit parla le-
"duredesliuresde VviclefF, s'oppofa fort aux idolâtries & fuperftitions de
fon temps par argumens puifez des faindes Efcritures. Il efcriuit vnliure contre L'in-
uoeation des fain&s trefpafTez:&: quelques fermons vulgaires. A la première luitte qu'-
il eut contre les aduerfaires, il ne fut pas fi ferme ne fi confiant qu'il deuoit : car il fe re-
trada de neuf articles lefquels il auoitparauant fidèlement fouftenus. Mais depuis e-
ftant remis au chemin de vérité, il fut tellement fortifié que les mefmes aduerfaires le
firent brufler au marché de Londres le fécond iour de mars, m.ccccxxi i.
R E C I T de quelques perfonnages qui de ce temps en diuers lieux par leurs efcrits fe font oppofez aux
fupcrftitions 8c idolâtries.
En t r e ceux qui eftoyent renommez de quelque pieté &: fauoir, il y auoit vnnom- xxyrCC'
mé Iean Barath natif de Hainaut,carme du conueritde Valencienne &c dodleur de Pa-
ris qui a eferit De la reuclation des chofes diuines, Dcl'vtilitc del'Efcriture, Des cala- ^"pfyVblî
mitez de fon temps: Vne poftille fur l'Apocalypfe de S. Iean : &c autres traitez. Il repro- de Flandre,
choit aux Clergé,Prelats&Moinesdefon temps, plufieurs enormitez pour lefquelles
il leur predifoit par l'Efcriture qu'en bref il feroyent en opprobre moquerie &c detefta*
tion a toutes gens,pource,dit-il,que Dieu mefprife ceux qui plaifentauxhommes^c*
Iean Gerfonchâcelierdel'Vniuerfité de Paris au mefme téps taxoit plufieurs er-
reurs &C abus de la papauté,& defiroit qu'ils fufTent oftez. Il fit vu liure intitulé Défail-
lances des Ecclefiaftiques, auquel il accule leur vie corrompue , le mefpris du vray de-
uoir : &c prédit leurs peines auenir. 11 efcriuit aufli de l'efprœuue des efprits, De la mo^
Ieâ Gerfort
en France/
Lim<lj /• Plufieurs ^Martyrs.
Icfle &: pollution Je la nui£fc & du iour,taxan t le Célibat. Iceluy eftant deuenu poure Se
banni pour auoir prédit beaucoup de chofes véritables, mourut finalcmct à Lyon pri-
uede toute dignité.
Laurent La v r e n t valle natif de Rome par l'es eferits qu'il publie en ce temps , defcouure
Italie. °n ^ raufletc de la donation pretenduc de Conftantin : &: monftre que le Pape n'a aucun
droit d'Empire. Il redargue l'ambition , orgueil , le Célibat fophiftique , menlbnges &:
autres grandes mefehancetez. Pour cela il fut enuoyé en exil > mais le Roy de Naplcs
le reccut honorablement.
Henry H e n r y Tokcn chanoine de Magdebourg s'oppofa auflî en fon quartier d'Alema-
Aiemlgnc 8nc aucc granc^e veheméce aux fuperftitions, &: en vn mcfme temps defraçina de dix-
huit lieux les idolâtries : condamna par les eferits la condition des mendians robuftes:
&c montlra clerement que le Concile cftoit par deifus le Pape.
GVILLAVME VVHYTE, autrement le Blanc.
N nommé Guillaume Vv h y t e anglois de Cantie homme de fauoir &:c-
j loque nt, sellant exercé en la le&uredcs fermons de Vviclcff changea fa
condition de viure. Car ayant cogneu les ordures de Ion premier eftat de
£|3 preftrife Papale, fuyuant la faillite ordonnance de Dieu cfpoufa vne ieune
fille nommée Ieanne. Et ne laiffa de continuer l'œuure d'enfeigner qu'il auoit comen-
ccc,fuft en publique ou en particulier,^ d'eferire plufieurs bons liures,s'adonnant à P-
vtilité commune. En enfeignant il entreiettoitfouuent ces articles , alfauoir qu'il n'y
auoit aucune remiiïion des péchez linon de Dieu pour l'amour de Iefus Chrift: Que le
célibat papiftique cftoit vne inuention du diable pour mener les hommes à fodomie.
Que les images deuoyét eftre oftecs des teples des Chreftiens: &: tous os &: reliquaires
Marcn.13. (ie qUCiqUe trefpalfé que ce fuft. Il difoitquel'eglife Romaine cftoit ce figuier qui n'a-
uoit que des fueilles,& lequel pour la fterilité de Foy, le Seigneur auoit maudit. Fina-
lcmct il rut prins en la ville de Norvvic : 5c dreifa-on trente articles contre luy,pour lcl-
qucls il fut cruellement bruflé en ladite ville à la pourfuitte de l'Eucfqùe nommé Guil-
laumc:Cc fut en Septembre m.c c c c.xxvi 1 1. fous le roy Henry v 1 .eftant encore en-
fuit. Sa femme fuyuant l'exemple de (on marv,ne ce/Toit félon la faculté d'inftruire vn
chacun:&: pour celle caufe elle tut durement traitée parle mefmcEuefque,commc en
a eferit Vvaldenus.
M. C.C CC.
XXX.
RICHARD HOVENDEN, & THOMAS B V G LE.
P R E S le couronnement du roy Henry lixieme , il y eut vn compagnon de
meilienairauoircardcur de laines, nommé Richard Houcnden, Bourgeois
de Londres, lequel pour quelques perfualions qu'on luy leuft amener, ne
peut eftre deftourne de la confeflion de la vérité. Ainh les gens de iuftice le
condamnèrent comme hcretiquc:&: puis fut bruflé auprès de la tour de Londres.
Il y eutauiTienl'anfuvuant Thomas Bugle, natif d'Angleterre, vicaire de la parois
fc de Mauendcn , qui fut accule' d-herefie parles ennemis de laveritc. Etau mois de-
Mars ayant elle dégradé fut bruflé l'an m. c c c c . x x x 1.
Mi
mm.
P A V L C R A VV, Bohémien.
ESTE mefme anneeaflauoir m. cccc.xxxi. Paul Cravvdu royaume
&: pays de Bohemc,futpris en Efcofle auprès de faindAndré par vn Euefque
nommé Henry, &: par iceluy liuré au bras feculier pour eftre mis au feu, &c
_ce d'autant qu'il dilpura hardiment contre les opinions desPapiftes,touchat
l'Euchariftie, l'inuoeation des fain&s trefpafTez , la confeflion auriculaire , & quelques
autres articles.
THO.
Thomat 'Kheden.
4-9
THOMAS RHEDO N, de Bretagne.
La procédure tenue contre Thomas Rhcdon cft grandement ncuble:!ccuc! après auoir long temps demeuré en Italie, fut fi-
nalement bruGe pour L parole de Dieu.
Fran- Par3tit.11
Û^'a^Q' ^ T O N I N en fes eferits dit qu'en ce temps Thomas Rhcdon,
£^^W<n '°*S °-e nation, de l'ordre des Carmes,prefcheur de renom, après auoir plu dup.io.
jaîy!Ï*Yfà fieurs années eu grand vogue en France, il luyprint cnuie de voir l'Italie.
SC^ÊS ^ seu"ant mis en la compagnie des ambaifadeurs de venife, vint à Rome.
L'cïpoir qu'il auoit de rencontrer en Italie quelques gens de bien, & liir tout à Rome,
ville nommée famctc,le fit quitter volontairement laFrance,fe propofant de mieux a-
uoir,&: viure plus Chrelliennement . Mais il futfruftré entièrement de fon elpcrance:
car il trouua tout au rebours de ce qu'il penloit . Il n'y trouua que fard &: pure hypo-
eniie pour toute fain&eté: parades orgneilleufcs, au lieu de eraces celcftes: au lieu de 9^ RI,d"
in'i m jjn don trouua
la crainte dcDieu,diflolutions cxccrablcs:au lieu de doctrine,oyliuetez &: fuperftitions à Rome,
horribles: au lieu de fimplicité Apoftolique,tyrannic plus que barbare. Quoy voyant,
il ne peut contenir fa bouche qu'il ne parlait contre tant de vileines corruptions . Le
iang de Iean Hus 6c de Hiercme de Prague decouloit cncorc,parlant contre toutes ces
abominations . Mais tant s'en faut que toutes admonitions, tant fainctes fuffent-elles,
pculîcnt faire corriger lavic des Romaniftcs , qu'ils en font demeurez beaucoup pires.
Cela ne peut empeicher ce bon perfonnage depourfuiuie ce qu'il auoit entrepris: e-
llantpreftau befoind'y lahTerlavie.
E n cette forte ecluy qui eftoit venu pour eftre difciple des autres, fut conrreint d'e-
ftre leur Do&cur:&: au lieu qu'il eftoit venu pour apprendre des autres à former fa vie,
tout au rebours il propofa aux autres exemple de bonne vie. Mais le clergé de Rome
ne peut longuement porter vne telle fain&eté, Car comme ainh (bit qu'il fe fuft rendu
odieux paries predications,n'efpargnant perfonne : 6c remonftrant les vices d'vn cha-
cun,& principalement les forfai&s horribles des Cardinaux :auffi on cercha comment
on le pourroit mettre à mort. Et pour ce faire on recourut au remède accouftumé . car
telle a efté toujours la couftume des fuppofts du Pape, que foudain ils forgent des arti-
cles de quelque hereile,pour opprimer ecluy à qui ils veulent mal . Comme chacune
belle a fa defenfc,aullï ces ventres oyfeux ont leurs armes particulières.
Or pour dire en peu de paroles ce qui luyeft aduenu, finalement on le faifit à l'in-
ftance du cardinal de Rouan, nomme Guillaume d'Eftouteuille , qui eftoit lors vicc-
chancelier:&:àla pourfuittedu procureur de l'ordre des Carmes, nommé Noël de
Venife. Et eftant en pnibn)prcmieremcnt on le trouble de qucftions,on l'examine, on
luydreifedcs articles, on l'accule d'herefies, on le condamne comme hérétique, on le
dégrade pour l'enuoy er à la mort.
L b s articles qu'ils forgèrent contre Thomas, Se pour lefquels ils l'enuoyerent au
feu,font ceux-ci.
L'Eghfe a befoin de reformation: 6C fera affligée &: reformée. Qu'en ces derniers
temps les infidèles feront conuertisà Iefus Chrift. Rome eft pleine d'abominations.
L'excômunication du Pape,qui ne peut eftre qu'iniufte, n'eft point à craindre:&: ceux
qui ne l'obferuent,ne pèchent point.
Ainsi Eugene,quatricme Pape pour lors^pres auoir appelé Thomas,le fitincon Rhcdomâ-
tinent ferrer en prifon,où il endura beaucoup de maux. Apres gràndes &: cruelles tor- <*é ucuant
tures,il fut amené deuant les Iuges,comme vn agneau deuant vn nombre de loups en- ^ rmI>u
ragez . Et pource qu'il ne pouuoit refifter à la malice de tant de belles fauuages,cela
leurfutficiledcleconuaincre qu'il eftoit coulpable, 6c auoit grieuement ofFenfé -6c
pour celle caufe,nc firent difficulté de l'adiuger au feu:en forte toutefois que l'ordre de
Preftrife 6c autres luy feroyent ollez premièrement . Baptille Mantuan auliure qu'il a
eferit, De la vie heurculè, au chap.dernier, parlant de Thomas Rhedon, dit, O enuie Mantuan
maudite I tu ne l as pas meurtri , car tu ne le faurois quant à l'ame : mais en violant Ion auihcur ce.
corps terreftre,tu as fait que tant pluftoft il a eu la vie éternelle. le ne compareray pas ce
fes flammes à celles de Sceuola,mais de Laurent le martyr,&c. Ainfi par la rage du Pa-
pe 6c de fes fuppofts,ce bon perlonnagefut dégradé,^ puis bruflé vif. Cela fut fait l'an
Al.CCÇC. XXXVI.
i.
Lïurc^> I. J^Çjcolas Clemangis]
Comment l'cftat Ecclefiaftique a efté du tout abaftardi,&: fa corruption &: turpi-
tude dclccuuerte en ce temps, à la venue de la lumière de l'Euangilc.
E royaume de France en ce fieclen a cftédeftitue de bons Dodcurs,qui ont
dcfcouuert(Sclon le jpuerbellepoc à roSc,&la trame du myiîere d'iniquité de
li long temps ourdie. Entre IcSquclsM. Nicolas Cl e m a n g i s, docteur de la
Sorbonne de Paris,&: archediacre de Bayeux en Normandie, en a laiffc ii bô
enieignemcnt,que nousl'auons ici extrait comme d'vn tcSmoin, que les plus contrai-
res mel'mes ne peuuent iundiqucmcnt reprochcr:& dont aulli ceux qui par la grâce de
Dieu font paruenus d'auoir des eglilcs reformées, auront aducrtillemcnt de fe donner
loigncufement de garde de recheoir &: retomber petit à petit, par les inclines degré?,
au mefme abyl'me dont ils ont cfte retirez . Mais clcoutons-le, parlant en ce poinct du
M.D.XVii iour, COMME i'cuilè pris hier le SaincHiure delà Biblc,& mefuflemis àlirelaprc
miere Epiftrede S.Pierre,quci'auoye premièrement rencontrée, îc tombay fur le pro-
i.Picr.4.17. pos, où l'Apoftredit,Qu'ilcft temps que le iugement commence à la mailbnde Dieu.
Lesquelles paroles iene paflày en courant, comme le relie del'Epiftre: mais retardant
quelque peu l'impetuolitc de laledure,ic contraigni mon efprit Surpris d'horreur fubi-
tc,dc sarreftcrSurcefte Sentenccpour l'imprimer plus auant en ma mémoire. Inconti-
nent les oppre/îions 6c calamitez que l'EgliSe endure à preSent, Te reprefenterent dé-
liant mon entendement , ia allez troublée eSpouuanté auec celles aduenir trop plus
grandes,qu clic doit Souffrir,»" ic ne deuinc mal . Quant & quant ie penibye aux cauScs
trefiuftcs de ligrans maux. Car attendu qu'il contiendrait que les miniftres del'EgliSe
(dcfqucls Chrift doit eftre l'héritage &c la po/leflîon}fuficnt nets de Souillure de conuoi
tife terricnne,&: iuites,à l'imitation de celuy qui eft treliufte: humbles pourautant qu'-
ils reprefentent le treshumble : paifïhlcs & amiables, à cauSc qu'ils doiucnt eftre com-
me moyenneurs de concorde encre Dieu Se les hommes. Mais au lieu de telles & Sem-
blables vertus, dont il faudrait qu'ils rullcnt ornez & emparez, ils Sont Souillez d'ordu-
re de tous vices. Qui s cfbahira maintenant Ci plulïcurs aduerSitez leur aduiennent,& ii
Pfrau.i*.ï. Dieu s'eftrange d'eux pour l'enormité de leurs Sorfaits, le PSalmiftc diSanr, l'ay hay fe-
gliSe des malinsrOr pour toucher en bref leurs vices,pour leSqucls ils ont mérite à bon
droit que Dieu irrite les affligealbie recommencera'/ tout premièrement à la conuoiti-
Se,qui cft la racine &: nourrice de tous maux.
La caufe de la première fondation & dotation des eolifcs.
1 l n'y a pcrfonnc,quc ic penfe, qui n'ait alfezenrendu &c retenu, côbien les Miniftres
ide l'cgluc de Chriit,gcns cxcellens en toute vcrtu,&: dignes de louange à touiîours,
ont peu fait conte de la cheuance terriennc,lc contentans amplement Selon la doctri-
ne de l'Apoitre,du viurc&: vcftcment.Etaducnant qu'ils ruiîentplus ailczcn leur meS
nage,ils pcnScycnt de Soulager la pourerc des indigens. Car ces gens trefreligicux qui
ne penSoyent qu'aux choSes cclcftes,craignoyent que s'ils culSent quelque peu trop ap
plique leur affection à ces choies traniitoircs,leur eiprir d'autant deftourne de la mcdi-
tatiô des i'pirirucllcs(aulquellesils s'eftoyent totalemét vouéz)fuft moins raui cnDieu,
par eftre courbe en radrniniftratiô & foin des choies balles. Mais il aducnoit par la grâ-
ce diurne, que d'autant qu'ils mefprifoyent les richelTes&: gloire temporelle, elles leur
venoyent plus abondamment de toutes parts, à la manière &l façon de l'ombre qui fuit
celuy qui laSuit:& au contraire, lî tu la fuis elle te fuiura ,&: touiîours t'accompagnera.
Car voyans les hommes, qu'on a appelez laiz,tat Princes qu'autres riches, la laincte&:
honncllc conuerfation de telles gens,purgce parvn feu d'amour diuin déroute ordure
apparentc,le perforçoyentàrenuie deleurama/ferdes biens àplanté:afinqu'eftâs del-
peftrezde toute folicitude,ils pculfcnt plus ardément vaquer aux affaires de larcligiô
Sans aucun deftourbiendc leur part s'eftimâs bie-heureux fi tels bons perfonnages dai-
gnoyent reccuoir ce qu'ils orfroyët,pour eftre côuerti en tels vfages, &c prier pour eux.
Le cf.men- par ce moyen l'Eglile a cfté accreue & ornec de plufieurs grans biens: pluiieurs mona-
"cheifade ^crcs OIK e ftc fondez,pluïîeurs chapitres &c collèges baftis.De là les cuefehez &: paroif
1 tijijie. Ses ont prins c omcnccmcnt: temples magnifiques ont efté édifiez brauement aux def-
pens tant des Princes que du peuple.Finalcment tous les degrezôc profcfTions des Ec-
cleliaftiquesfontdeucnues merucilleufemcnt riches &: foifonnantes en biens.Les pre-
miers pcres,qui les auoyet ou acquis ou poffedez,n'ont employée nvSagcs profanes ces
biens,comme font auiourdhuy pluficursrains en aumofnes, hoSpitalitez, éc autres ccu-
ures de chanté &: de pieté )ue fi ces choies perfournies,&: leur necciTité lobremct pri
5Do latorruption de ce temps. jo
fc,il rcftoit encores quelq bien,ils le conucrtiiToyét à ce qu'ils apperceuoycnt plus ex-
pédient & neceiTairc.Ils n'auoycntvaiirclle ni d or ni d'argenefe cotentans de boire en
vaifleaux d'eftain ou de terre . Il n'cftoitqucftion degrans cheuaux bardez: moins de
trouppes de baftelcurs marchans deuanr,de iuuenceaux bien pignez &c teftonnez, ba-
billez de bigarrures &£ façons lauuages , à manches amples &£ quali pendâtes à terre, fé-
lon la guiie des Barbares. Iadislc monde eftoic heureux d'auoir telles fain&csgensdes
villes &L villages eftoyent rat &: plus peuplez:lcs cftables eftoyent replies de beltial, qui
portoit à force. Les arbres panchoyent d'abondance de fi ui&s, les champs elloyct cou
uerts de blcz:par ce que la douceur & gratieufeté de l'air &: du ciel, rendoit par (on in-
fluence la terre propre à produire toutes fortes de fruicts. Et comme fi la terre n'euft pl9
efté finette à maledi&iomrcndoit toutes fortes de fruicl: à foifon. Les hommes viuoyét
longucment.il n'y auoit l'édition domcftiquc,ni crainte au dehors: tout eftoit pailîble,
feurôd t anquille. Entre les hommes de ce temps-la, lacharitr,innocence,foy,pieté,iu-
fticc,&: iîneere amitié eftoyent en vigueur:peu de tromperies ou de calomnies le com-
mettoyent ou drelfoyent:par ce que les pafteurs monftroyent bon exéple à leurs troup
pcaux,tant en lain&eté de vie,qu'en do&nne l'alutaire.
De l'infolence engendrée en l'Egide i caufe de l'afrluencc 'es biens temporels.
Ma i s,commeiladuientordinairemcnt,ouàl'occaiîon des nchelfcs&profperitété
("»orellc,les fuperfluitez&: înfolenceS fe ibnt fourrées en l'Eglife , peu à peu la Reli-
gion s'eft attiedie,la vertu amortic,la difeipline diiîbutc,Ia charité moi fondui , rhône-
fteté &c aulîi la fobrieté a efté en opprobre &: moquerie . Et afin d auoir dequoy fournir
aux boubances &c excez,l'auarice a efté mife en prattique : iaquelle ne s'eft guercs con-
tentée de borncs:ains a commencé aulTitoft de non feulement conuoiterrautruy,mais
de le rauir &c enuahir,d'accabler le moindre , & qu'à tort qu'à droit les defpouiller . Et
poir. autant que fommes entrez en ce champ tant fpatieux , il me vient à gré de parler
vn peu plusamplement de cefte pefte execrable,laqucllç a dciia tant confu m é l'Eglife,
qu'il n'y refte pas grand' chofe. Or nous pouuonsàbon droit commencer parle dire du
fainrt prophète Ieremic, Que depuis le plus petit iufqu'au plus grand, tous eftudient à Iercm 6 ^
l'auance:&: depuis le prophète iuiqu'au facrificateur,tous font tromperie. Car que pou
uons-nous dire de leur auarice infatiable.qui furpafTe toute la conuoitifc des marchans
laiz:&: mcfmc qui prouoque& incite non feulement lesPrinces,maisauffi le vulgaire à
toute iniuftice,dol,fraude,& rapine:cntant que les bonnes brebis enfuiuans les exem-
ples de leurs pafteurs,eft iment ce qu'ils font en leur prefence leur eftrc liciteîOr voyôs
vn peu l'origine &aduancemcnt de cefte vilaine pcfte.aprcs,di-ic,que l'opulence a oc-
cupé l'entendement des le ruitcurs de Dieu à penfer choies temporelles: poflîble n'a c-
fté de feruir enfcmble à Dit u & aux richelTcs , deux maiftresfi contraires àc différons. Mj^.m.
force donc a cité finalement qu'autant de feruice qu'ils employent à l'vn, ils le retiraf-
fent de l'autre . Or nous lauons la nature des richelTes cftre telle, que d'autant qu'elles
foifonnent,d'autant plus elles embraient l'efprit à en conuoiter d'auantage. De là vint
que peu à peu l'efprit s'amortit en cux,la charité fe morfondit,la deuotion s'attiedirô£
Dieu fut tellement oublié, qu'ils rfaipiroycnt qu'aux profits terriens: ne fongeans qu'-
aux dignitcz& bénéfices.
Qv and auiourdhuy on vient à prendre les charges paftorales,il neft queftion de
penfer au foin des amcs,a donner la vraye pafture de la parole de Dieu, ni au falut ou e-
dification des brebis , on enquefte feulement dei'abondancc &: quantité des reuenus.
Qui eft-ce qui ciTaye fa portée pour fauoir s'il pourra fouftenir le faix qu'il entreprend?
Qui eft-ce qui conliderc les périls tant de fa part, que de ceux qui luy font commis?
Qui eft celuy qui les prefchc &C leur annonce î'Euangile ? qui de raid & de parole leur
monftre le chemin pour paruenir à la vie éternelle? Au contraire,qui eft auiourdhuy le
prélat qui ne cerche tous moyens pour piller fes fuiets?Où eft celuy qui ait pitié de leur
poureté,&: compaiïion de leur difette?ou qui fubuienne à leur necellité ? Mais qui eft
celuy qui ne les rende d'auantage ibuffreteux,foit à tort,foit à droit ? Or afin que nous
monftrions les chofes c ftre en tel poure eftat, depuis celuy qui fe dit chcf,iuiqu'aux der
niers membres,confidcrons,ie vous prie,en premier lieu ce beau chef, dont tous les au
très membres dépendent.
I)e trois viccs,defqu«k tous autres maux font engendrez en l'Eglife.
après que les vertus des anciens ont efté oubliées, fauaricc exceflîue iointe auec
Avne ambition aueuglee a faifi les cœurs des Eccleliaftiques,au moyen de trop gran-
i. ii.
de aftluencc des chofes mondaines.Car il faloit confequemment qu'ils s'enfla/Tcnt par
vne arrogance &: vn appétit de domination : puis rendus mois par vne fuperfluité effé-
minée.lia falu donques^fatisfaire àtrois maiftres,fort importuns &: rafeheux exacleurs:
raillardifc A la paillardifc,qui demandoit les délices du vin,dcs viandes, du dormir , îles icux ma-
Orgiieil. gnifiqucs, des infâmes maquereaux &: putains: A l'orgueil, qui vouloit des hautes mai-
îbns,tours&: challcaux , des palais fomptueux, auec oftentation de meubles infinis,d'-
Auarkc. habillcmens precicux,&: de cheuaux ordinaires pour le train : A laiiarice, qui a amafic
foigncufcn.entgransthrefors,pourpouuoir fournir aux chofes fufdites. Ces trois mai-
ftres font tant infatiables,que quand bien le fîecle d'or de Saturnc(commc il cil aux fa-
bles)reuiendroit,il ne pourroit fournir aux defirs de tels maiftres.Pourautant donques
qu'il n'y auoit Euefché fi grafle ne de fi gros reuenu qui peuft fuffire à ce que ces trois ra
uilîantes harpies dcmandoyent:il a falu inuenter d'ailleurs des aides pour y pouuoir fa-
tisfaire.
Des di {Formations introduites en l'Eglife par les Papes.
|)o v r vcniràlaparfînauxPapes:d'autant qu'ils ont apperceu qu'ils furpa/îbyentles
* autres de icuueraineté&: authorité,cn tcfmoignage de celle primauté,ils fe font ef-
leuez par defius les autres par conuoitife de dominer:&: voyans que les profits de l'eiief
ché Romaine & du patrimoine de S. Pierre autant grand que royaume qui foit point,
(combien qu'il s'eftfort diminué par leur mauuaife conduite ) ne fufrifoit pour la ma-
gnificence de leur eftat,qu'ils ont cfleué fi haut,qce n'eft rien de ecluy des Empereurs,
Rois&: Princes de toutes nations,au pris d'iceluy : ils fc font fourrez ic ont mis la main
aux bergeries d'autruy,rcmplies de laines & de laict.
De l'abolition des élections & de la referuation des bénéfices.
ç\ a r ils fe font attribuez les droicts &: collations de toutes les eglifes vacâtcs, qui font
^par toute leftcndue de la Chreftiété,de toutes les Euefchcz &: autres dignitez,iadis
ele&iues.cailans&annullans les élections que lcsPeres ont par le pafïé fi foigneufemec
ordonnées, pour mieux par ce moyen remplir leurs bourfes de toutes les prouinces du
nomChreftien,&:par mefehantetrarrique faire vn amas infini d'or & d'argent pour 1*-
ceuure de leur chambre.
De la chambre Apoftolique.
Il n'eft poffible de dire &: autant peu de croire,côbien cefte cham bre a coufté,&: com
bien elle a efpuifé toutes les eglifes,royaumes &c prouinces. Mais il peut élire que les
eucfques de Rome ont mis en leur main l'inftitution des Euefques,&: les collations des
plus grans dcgrczde l'cgiifc, ayans aboli les élections, pour mieux pouruoir aux eglifes
par leur aduis,& pour y cftablir des Pafteurs de meilleure \ ic &c de plus excellente do-
ctrine. Peut eftrc qu'aucun penferoit cela cllrc fait pour cefte caufc,n'elloit que la cho-
fc y contredifante monftroit à l'œil que depuis tels décrets , hommes belles &: inutiles
(pourueu qu'ils euflent deniers)ont cllé aduancez aux hauts degrez ecclefiaftiques par
LaSimonic le moyen de Simon.
Romaine. ' Des expcûatiucs^ de la qualité des Romipetes.
Le s Papes donc pour exalter incontinent leur eftat en fuperfiuité royale, lequel ils
auoyent îuchc par delius les magnificences humaines, non feulement ont annichi-
lé lesclcclicns,ainsaufTi pour faire découler ruiifeaux d'or de toutes parts, qui arroufe-
royc nt leiu cour,ilsontoftéàtousdiocefains&: patrons la faculté de prefcntcr,&: la li-
berté de conférer ou d en difpofer,leurinterdifans fous peine d'cxcommunicaciô, que
par audace téméraire ( car leur referit tout batu de fréquent vlage parle en cefte forte)
ils ne prefument d'inftituer aucun en quelque bénéfice à eux fuiet, tant qu'il fe trouuc-
raquelcun de ceuxaufquels de leur pleine authoritéilsont baillé l'expcc5tâtiue,qui de
grâce le vueille auoir.Dcpuis ce temps-la (ô bon Dieu) que le nombre des attendans a
efté grand,abordant de tous coftcz,&: fe trouuans làj Mais quelle forte de gens? Il n'a c-
hiflces°'CS ^ queftion de les prendre des eftudes ni efcoles,pour gouiierner paroùTes&: autres be
nefiecs : ains pluftoft de tous autres meftiers , qui fauoyent autant de Latin que d'Ara-
bicmefmc qui ne fauoyent lire,voire(ce qui eft vergongneux à dire ) difeerner TA d'vn
B. iPcut eftre,dira-on, que l'honncfteté des mœurs exeufoit l'ignorance.au contraire,
s'ils eftoyent mallcttrcz,encoreseftoyent-ils pirement conditionnez, comme ceux
qui fans lettres nourris en oifiueté, n'ont fuiui qu'impudicitez,ieux, banquets,noifes&
fots propos. De là vient que par tout fetrouuent tant depreftresmefchans &c mjfe-
tables
2)o la corruption dc^> ce temps.
rables,gros afncs, qui par leur infâme conuerfation font caufe de fcandale Se ruine. De
là vient que le peuple les a en fi grand mefpris &c deteftation. De là procède le deshon-
neur, ignominie,opprobre,par trop vergongneux de tout Tordre Ecclefiaftique: s'ils l'a L>eft .
uoyent auoir hontc:mais le front deshonté de plufieursnepeut rougir.Iadisla preftrife PrçOnff
cftoit en finguliere reuerence enuers les ges laiz,&: n'y auoit rien plus honnorable que
l'cftat des preftres.à prefent il n'y a rien plus vile &: defeftimé.
Des vacances Se autres irnpoftsgreains l'Fglife.
Ov tre les charges fufditcs,les Papes ont impofé aux perfonnes Ecclefiaftiques&:
aux eglifes des tailles Se tributs, pour entretenir cefte îienne chambre , ou pluftoft
ce gouffre infatiable.Car ils ont ordonné que toutesfois Se quantes qu'vn homme Ec-
clefiaftique,de quelque dignité ou condition qu'il fuft,viendrpit à mourir,ou à permu-
ter fon bénéfice aueç vn autre : qu'autant dç fois tput le reuenu de l'année fuiuante,ta-
xéàfon plaifir,reuiendroit à fa chambre, Que fi d'aduenture tous les fruits enfemble
recueillis ne pouuoyent faire lafomme,ou pourla diminution du reuenu, ou pour au-
tre accefibire:il a voulu pour fournir à la taxe,que pluftoft on exigeait lavalcur de trois
Se quelque fois de quatre années. Qu eft-il befoin que ie recite les defpouilles des Pré-
lats , les difmes tant fouuent leuees de tous les Ecclefiaftiques , auec autres charges Se
couruées? Que diray-ie des exactions ottroyees du Pape Se des Eucfques aux Princes
fur tout le Clergé,auec pyifTance de les contraindre à payer par le bras feculier?Que re
memoreray-ie les procurations retenues , Se fouftraites fans vifitation des Eucfques ou
Archediacresîqui eft vne des grandes playes que TEglife endure point . Car quel mal-
heur eft-ce d'auoîr fupprimé Se cfteind les vifitations des eglifes, Se les reformatiôs des
gouucrneurs d'içelles: Se cependant perceuoir gain Se profit de la deftru&ion de la po-
lice Ecclefiaftique? Que raconteray-ie par le menu(difcours qui feroit par trop long)
les infinies & ordinaires exactions Se tributs , qui s'exigent des mal-heureux miniftres,
des eglifes?
De l'inltitution des cuciUertCJ,& des maurqul en procèdent.
Po v r. exiger toutes ces chofes, Se les tranfporter à cefte (diray-ie chambre ou gouf-
fre ? ) ils ont inftitué par toutes les prouinces leurs quefteurs , ceux qu'ils ont eftimé Q
les plus induftrieux,& diligens,oupIus afpres& rigoureux de nature à tirer argenr,qui
ne pardonnaient &: n'acceptaffent perfonne,mais qui feuffent tirer de l'or de la pierre:
aufquels mefmes ils ont baillé authoritç d'excommunier voire les Prélats , Se les ietter
hors de la communion de i'Eghfe,fi dedans le temps prtfix ils ne trouuoyent la fomme
qu'on leur demandoit.Mais il vaut mieux paiTer outre (pour peur de n'en pouuoir for-
tifies maux qu'ont fait ces quefteurs, les oppreffions dont ils ont accable les poires e-
glifcs,& les pafteurs d'içelles. De là font venues les fufpenfions à diuinis,les interdits d'
entreraux temples, Ieshorribles anathemes aggrauez Se raggrauez-.dont les anciens v-
foyent peu fouuent,&: pour quelque grand méfiait , quand il eftoit queftion de feparer
vn homme de la compagnie des fidèles le liurer à la puiflance de Satan. De là vien-
nent les querelles des pou res pafteurs de l'Eglife, que nous oyons envoyons porter vn
ioug intolérable du miniftere, Se mefme mourir de faimT Quant aux excommunica-
tions , elles font auiburdhuy fi fort en prattique , qu'elles fe fulminent pour vne petite
faute ou pour nulle : qui eft caule qu'on ne les craint, Se qu'on n'en fait ponte aucune-
ment . De là viennent les ruines de l'Eglife tant grandes, les deftructions des ternples,
les rafemens des autres lieux.par ce que les deniers qui fe deuroyent employer à les en-
tretenir Se reparer,font mis à payer ces tributs, : en deffaut defquels,on a eftp oontreint
en plufieprs eglifes de mettre les chafTes,reliqucs,crpix,calices en vente,$: tout ce qu'-
on eftime precieux,pour payer ces imposfQuj eft celuy qui ne fait que plufieurs Abbez
Se autres Prélats n'ont peu cftre enterrez après leur trefpas,parce qu'ils eftoypnt enco-
res redeuables à la chambre Papale,fi ce n'a cfté qu'on les ait inhumez en quelq; chap
ou iardin,ou autre lieu feçret,voire à la defrobec? Les preftres font forcez (comme no*
voyons)pardifette,de lai/Ter leurs villages,dpmeures,££ bénéfices , Se de mendier leur
vie d'vne part Se d autre>ou de fbruir aux laiz en chofes viles Se indécentes . Les eglifes
riches c^grafTes ont porté quelqac temps ces charges: mais eftans maintenant toutes,
fucçeesôi efpuifees,ne peuuent plus fouftemr le faix de cefte tyrannie.
Liurc^ /. iï(jco las Clemangù]
Des pliidcrics de la cour Romaine.
r i ic veux fortir de ceft abyfme , il me faut paffer beaucoup de chofes , a/Tauoir corn-
^ bien il y a de fraudes,trompcries,&: calomnies en la cour Romaine ( car ils l'appelée
il Jit cela ainii,combien qu'elle foie loin de " Rome)combien d'aguets le dreflent contre le droit
pource que ^\cs mnocens,par ces chaifeurs de procez corrompus par argent : combien de iugemés
je^omou'1 y a_1^ vendre : combien l'or a de puilTance pour fubuertir la iufticc, qu'il aduient peu
ckn ét, ic lbuucntquelcpoureaitbôneiHuedefacaule,s,ilaàfaireàforte&: riche partie: pour-
îd°itlors i quoy s'en trouue tant peu qui ayent impetré benefice(quelqucs qualifiez qu'ils foyent)
mgnou. proccz &; partie aduerfe.
Des règles Se conftiruriems de la Clunccierie.
Car que font autre chofe tant de nouuelles règles àc conftitutions faites à l'appétit
d'vn chacun PapcySc commandées d'eftregardees outre les droits anciés &c décrets
des Pères, (mon des laqs fubtils &: abondante matière de procez, dont ces fins &c caute-
leux courtifans& fophiftcsrenuerfeurs d'equité,vfent contre le droi£t & veritc,inucn-
tans mille rufes pour nuire : fi qu'à peine fe peut trouuer perfonne qui obtienne quelq
bénéfice fans plaider: bien que fon titre fbitaullî clair que le Soleil?
De la profpcntc de la cour Romaine.
T) a r ce moyen ils cftiment leur cour fîorir &: cftre heureufe , fi elle bruit de force
*■ caufes, procez, querelles, débats, fi elle cfclatte de toutes parts de crieries enra-
gées. Au contraire, ils la lugentpoure, inutile, deferte, fi elle eft fans proccz&en
paix, fi chacun iouitpaifiblemcnt de fes droicts . C'cft donc auiourdhuy tout vn, com-
ment on obtienne vn bénéfice, s'il entre par l'huis comme vray Pafteur, ou fi d'emblée
ilfefourrepar la fcneftre.Que fî quelcun bien fubtil&: entendu fauoit bienietter &c
calculer les vns &: les autres, ie ne fay doute qu'on trouueroit beaucoup plus de larrons
en lEglife que de Pafteurs : fî que le dire de Chrift aux marchans dechaffez du temple,
Mat." '3* eft tout vérifié : Ma maifon eft la maifon d'oraifon , mais vous en auez fait vne cauerne
de brigans.
Dcl'cftat Se introduction des Cardinaux.
Qv a n t eft des Cardinaux qui alfiftent au Pape,ils ont le cœur tant fîcr,les paroles fi
arrogantes , les geftes fi infolens , que fi vn imagier vouloir reprefenter vne figure
d'orgueil, il ne le pourroit mieux faire , qu'en mettant deuant les yeux l'image d'vn
Cardinal: & toutefois à mefure que le fiege Apoltoliquc aprisaccroiflement enpom-
V ft tdc pcs,ils font venus à celte hauteffc,du plus bas degré du Clergércar anciennement leur
Cardinaux office eftoit de feruir à porter & enterrer les trefpaifez. A prefent ils ont tellement cllar
que' H a e- gi leurs fimbries , que non feulement ils melpnfcnt les Euefques (qu'ils appclent com-
nxn émat nuinement Euefqueaux)ains aufîi les Patriarches, Primats, Archeuefqucs, corne leurs
inferieurs:&: mefmes ne s'en faut rien qu'ils n'endurent eftreadorez d'iceux qu'ils
ne s'égalent aux Rois. Mais leur vanité là lailfee , qui pourra exprimer de paroles l'hor-
rible &c renebreux gouffre de leur conuoitife ? Il n'y a languc,efprit, ni faconde qui le
puiiîc faire.
Des contrats fimoniaques.
t e s autres pourcs miferablcs Eccltfiaftiques,qui ne peuuet rienattraper fans laide
■"-^de ces Cardinaux, ne lâchas que faire ni de queleofté tourner, ils ont recours à eux,
&: achètent d'eux des beneficesparmefehante fimonie,ou(qui ne vautmieux)leur en
font penfion annuellc-.ou bien fejettans à leurs pieds , fupplient cftre admis en leur fa-
mille,pour finalement acquérir quelque titre en l'eglife, en recompenfe de long & fou
lient deshonnefte fcruicc.Car qui penferoit auiourdhuy eftre aduancé pour fes bonnes
moeurs ou pour fon fauoir? Cen'cft plus le moycnfquifouloit eftre anciennement en
prattiquc)de monter aux honneurs ecclefiaftiques: mais parles manières que i'ay dit
courues,&: le feruice &c poftulations importunes des Princes de ce monde, dont iepar-
leray toft après.
Que les fufdit PreUts ont principalement foin d'amafler deniers.
Lcgaindcs CtLON donques qu'ils font profefiionils font après pour en amafTer,cerchans le gain
Eccîetufti- ^non pas des ames , mais de leurs bourfes ; lequel ils pourfuiuent par tout, brullans
(3UCS- du defir d'iceluy : eftimans iceluy eftre pieté, ne faifans rien qui ne férue à amaiTer ar-
gent par quelque moyen que ce foit.Pour l'argent ils eftriuent,ils debattcnt,plaidenr,
querellent , guerroy ent : car ils endureroyent pluftoft la perte de dix mille ames , que
dç
2)o U corruption de ce temps. j2
de dix fols. Mais ic me repen d'auoir dit plus volontiers , attendu qu'ils ne font aucu-
nement efmcus ny troublez, quand ils voyent les ames périr, defquelles ils ne penfent
&: ne s'en foucient: car ils enragent tous vifs s'ils perdét vne maille de leurs biens.Quc
s'il admet qu'il fe trouuc quelque bon pafteur qui ne fuyue ce traimmais qui ne face con
te de i'argcnt,qui codamne l'auarice, qui n'arrache deniers à tors &: «à trauers de les lii-
iets ,qui s'efforce de gagner les poures ames parl'ainctes exhortations 6c prédications,
qui médite plus en la Loy du Seigneur,qu es loix des hommes:inccntinent tous aigui-
fent leursdents pour le mordre. Ils crient qu'il n'eft qu vn badin, indigne de la preftriie,
ppurce que n'eftant ftylé des loix &c façons des hommes , il ne fait maintenir fes droits,
ny gouuerner fes fuiets, en les puniilant &: chaftiant par cenfures canoniques : qui n'a
autre chofe apprins que d'eftre oiuf ou de deuifer en chaire : ce qu a leur dire appartint
aux Mendians , qui n'ont aucune adminiftration temporeile,&: ne fontempefehez à
meilleure chofe. De là vient que les cftudes des fain&es lettres font en moquerie 2c de-
rifion à tous auecques ceux qui en font profeiîion, fignamment (chofe bien cftrange &C
monftrucirfe) aux Euefques, qui préfèrent de beaucoup leurs rraditions,aux comman-
démens de Dieu. Quanti l'office de prefeher tant noble & tant exccllent,quiiadis ap-
partenons*: eftoit exercé parlesfeuls Pafteurs , il elt tellement defeftimé d eux , qu'ils
ne penfent rien plus honteux,ne plus indigne de leur dignité.
Les maladies de la cour Romaine.
Voi c y, comme ie confideroye les maladies de la cour Romaine , ie fuis tombé fur
les vices communs tant à icclle qu'aux autres Prélats : lclquels vices nonobftant ie
veux(puis que l'occation s'eft ofFerte)particularizer dauantage en bref. Premièrement
il ne doit femblereftrange à pcrfonnc,fi nos Prélats veillent fi foigneufement pour a- Lci viees
maffer deniers, li eftans maigres , fecs &C atténuez fe veulent engraifîer du laid & de la d" Prclat
laine de leurs brebis : attendu qu'il leur a tant coufté à eftre pafteurs. Car les moufehes
affamées (comme dit le prouerbe)mordent plus fort: &: tous animaux affamez fe ruent
plus afprement fur laproye. Car encores que deuantla charge paftorale ils fuffent fort
riches(car les poures n'ont accouftumé d'y eftre receus)touteffois en receuant le mini-
ftere,il a fallu pour la plus part efpuifer leurs bourfes: lefquclles puis après ils s'efForcéc
non fans caufe de remplir.:&: à l'exemple du fage laboureur,qui recueille la îcméce par
luy iettee aucc groiîe vfure &C furcroift,ils s'efforcent de recouurer leur cheuâce dimi-
nuée, & de l'accroiftre s'ils peuuen t : pourquoy faire ils mettent toutes leurs marchan-
difes en vente à ceux qui en ont à faire , félon la façon des bien foigneux marchans. Si
quelque clerc tombe en leurs mains & foit mis en prifon en fond de fofle , au pain & à
l'eau pour larrecin,homicide, rapt, facrilege ou autre crime énorme , il fera fa péniten-
ce comme coulpable,iufquaceque félon fa puiffance ou de fes parensil fourniffe le
poignet. Quoy fait il fera lafehé &: mis en liberté comme innocentxar tout péché, tou^
te faute, tous maléfices, quelques dignes de mort qu'ils foyent , font effacez &c pardon-
nez par argent. Et que parleray-ie de l'exercice de leur iurifdi&ionjaquelle cft admini-
ftree fi violemment &: tyranniquement , qu'auiourdhuy les hommes aimét mieux paf*
fer par les iugemens des plus cruels tyrans du monde, que de l'cglife >
Des promotions de la iurifdidtion des Euefques & abus d'iccux.
ONnepourroitdirelesmauxquc font ces efpies de crimes, qu'ils appellent Promo- Les Pro;
teurs:car fouuentils cicanent les fimples& poures payfans, qui n'entendent rien moteurs,
aux rufes des villes &L meinent vie affez innocente en leurs petites caies-.ils forgent des
caufes &c des crimes contr'eux,les tormentent, efpouantent, menacent, &: par ainfi les
contraignent de compofer& faire aucc eux. S'ils ne le font,ils les alfaillent &: moleftét
par fréquentes citations. Et aduenant qu'empefehez pour quelque occafion,ils foyenc
tombez en défaut , ils font auffitoft excommuniez comme rebelles &: contumax.Mais
s'ils comparoifTent toufiours à leurs aflîgnations , ils empefehent qu'ils n'ayent audien-
ce des iuges, &: trouuent des dilations &C allongemens de procez ( qui s'inuentent faci-
lement aux cours Ecclefîaftiques)afîn que les poures gens ennuyez de perdre li lôgue-
ment leur temps, foyent contraints de faire accord auecques eux pour racheter lapei-
ne &c fafcherie qu'ils auroyent , iointe à grans fraix: craignans que pour vne légère fau-
te, ou pour vne dette petite ou nulle,il ne leur faille faire infinis defpens.
i.iiii,
IàwcjL Nicolas Qemangis,
Touchant le furplus Ju coi ps de l'cglife Romaine.
PRES que le docteur Clemangis à déduit &: comme par vraye le&ion anatomi-
que decouppe les parties fuperieurcs du corps de cefte eglife , pour monftrcr que
depuis le (omet de la telle uifqucs au bout du talon il n y a rien n entier ne fain,viët aux
chinoincs parties du milieu, &: parlant des Merccnaires>des Chappelain^Chanoincs & Vicaires»
dit en fomme que l'Hydre infernale 8cichifmatique commençant du chef germât trop
abondamment ,& icttant l'es branches,àinfc&é tous les Collèges &aflemblces par la
Mcndius. femence de vipère. Puis venant aux moines Mcndians defcouurat leurs vaines &: met-
Nmuuûul chantes vanterics, & l'cftat de leur perfection infernale, accouplant aucc eux les Non-
nams>adioufte pour concluiion>
L a honte mcmpefche d'en faire plus long difeours ( bien qiùly ait allez matière à
defehifrer ) de peur qu'il ne me faille tenir long propos , non de troupeaux de vierges
dédiées à Dieu, ains pluft oit de bordeaux, de rufes & afféteries de putains,dc paillardi-
ses &: inceftes. Car,ie vousprie,que font auiourdhuy les monaftercs, linon des exécra-
bles bordeaux de Venus , & des retraites de îcuncs rurHcns lafeifs &; impudiques, pour
accomplir leurs villenics ? (tant s'en faut que ce foyet fanduaires de Dieu) de forte que
rédre a prefent vne icune fille Nonnain ,cc n'eft autrechofe que l'expofer au bordeau
tout publiquement. Ce ft-ci ce qu'il ma femblé cftre à dire de noftre Clergé,bien que
de propos délibéré l'aye pallé & teu beaucoup de cholesdefquelles li ie voulove difcou
rirparlc menu, le propos fcroit trop long, &: n'y auroitiamais fin.
Comparaifon de ceux du temps prelènt auecques les mœurs de$ Pères ancien».
T7 A maintenant &c confère cefte vic,ces mœurs,ç£S gouucrncmens auec la primitiue
difcipline des Pères, auecques leur charité,continencc, fobrieté, aufterité cftroite:
tu verras (li ce n'eft que tu fois plus aueuglc qu'vne taupe ) qu'il y a autant de différent
entre l'vn &c rautre,qu'entre la boue & l'or. Car en ces iaurs noftres,efquels les fins des
ficelés font venus, nous dechcons peu à peu de la tefte d'or de cefte grande ftatue que
vid Nabuchodonofor,&: allas de pis en pis pour l'argent, l'airain & le fennous fommes
paruenus à la partie des pieds qui eft d'argile,&:de poterie. Puis adreftant fa parolle
à Dieu, s'eterie en difant,
A s tu ainfî ôDicu trefbon,dclaiiîe ta vigne eleue,laquelle tu as iadis platée de ta pro-
pre main, laquelle tu as enuirônee de haye &: de murailles pour empefeher la violence
des beftes malignes:Eft-cllc aïlî mefprifee &£ abaftardie après que la haye en eft deftrui
te Se la muraille ruinee:Eft-elle aïlî replie de rôces Scdefpines? Ainfi au lieu de doux rai-
fïns, chargée d'aigrcts fauuagcs,c'eft à dire de mefehacetez? tellemét que partant par le
trauers d'elle on ne peut recognoiftrequece foitcelle-mefmeqtuauois iadisfaçonnçc
&: accouftreefï foigneufeme"t&: li magnifiquement. Voicy toutes les beftes la magent
&c pillét,tout lo beftail des chaps la foule aux piedsrle fanglier de la foreft la deftruit, la
befte fîngulieremct terrible gaftat &: foudroyât tout,broute ce qui eft d'exquis en icel-
le. Nous te prions^cigneu^qu'il te plaife deftourner ton ire &: la verge de ta fureur de
ta vigne, &c la regarder d'enhaut de ton œil de milericorde,hnon pour nous qui en fom
mes indignes, à tout le moins pour l'amour de ton Nom, qui par vne clémence infinie
eft glorieux. Nouslauôs que ces chaftimens & plus gras font deuz à nos impietczmous.
fanons nos péchez cftre multipliez par defîus l'arcne de la mer,furpauans toute charge
en pelantcur & enormitc: mais aulTi nous fauons d'autre part que ta mifericorde qui eft
immenfc, outrcpaiTc,dc beaucoup les péchez des hommes non feulemétdena perpé-
trez,ains auffi ceux que l'on pourroit inuéterou imaginer.Nous entedons trefbicn que
ta pitié trcfbenigne,qui iamais ne fe lafle de pardôncr,va toufiours deuat ton iugemét:
&mcfmc excelle par delfus toutes tes ceuures.Nous fauos que tu es noftrePerc,&:nous
tes cnfans(quelques deprauez que foyons)&: qu'vn pere fe côtente de petite punition
pour vn grâd péché de fon enfant. Mais ie fay ce qui empefche que tu ne no" faces mife
ricorde &n'aycs pitié de no9,bié que tu le vueilles &: appetes,c'eft q nous ne no'defplai
fons de nos ofFenfes,&: ne faifons côte de reuenir à toy en gemifTant,dôt tu nous admô-
neftes li foigneufemét par tes feruiteurs Prophètes, qui nous annôcent ton ire &: ta vê*
gcance,nousfîgnifîant la côdition,fous laquelle tu no9 veux faire grâce. Mais nous qui
fommes de dur col &c cœur indôptableenuers tes cÔmandemens, ne t'efeoutons quad
tu nous appelles à pardon, te mefprifons quad tu nous reueilles,ne faifans conte de tes
fuafiôs:te prouoquôs iournellemét par nouuelles &pires mefchâcetez,bien que tu fois
prompt
ce
la corruption de ce temps. s 3
prompt & appareille à pardonner tout le pafîc, fi nous en auions defplaifir.Parquoy ru
es lourd à nos prières, &: ne retires ta main cftendue pour nous frapper: mais tu redou-
bles tes coups à raifon de noftre obftination.
L'excufcdel'jutheurde ce qu'il a fi hardiment aceufe en gencu» Ls i (.cleiuftiques.
IEne veux toutesfois qu a caufe des chofesdeuant dites touchât ceux qu'on nomme
Ecclefiaftiqucs,lcs comprendre tous fans nul excepter. le fay celuy nauoirôc ne pou- L"ci2.}i,
uoir mentir,qui a dit, Pierre, fay prié pour toy, afin que t,a foy ne defaillc.Ie ne fuis aulïi
ignorant qu'en tous eitats , il y en ait plufieurs bons, iuftcs,innocens , &: non enrachez
desmelchancetezfuldites. Toutesfois en toutes profeffionsilya tant demefehans,
qu entre mille à peine s'en peut trouuer vn, qui face rondement ce que fa prof èiïion
requiert. Au contraire fi en aucun collège ou congrégation & compagnie il lettonne
quelque fimple,chafte & fobre , qui ne fuyue le chemin large &: glillant des autres , il
eft en fable Se mocquerie à tous, Se eft appelé (ingulier , enrage, hypocrite. D'où vient
que plufieurs qui deuiendroyct gens de bien, s îlshequencoyct bôs& modeftes perfon
nages, iont par ce moyen attirez à malcnfuyuant mauuaife compagnie? parce qu'ils
craignent porter ces noms de brocards parmy leurs compagnons. Et certes le coin- ^.
mun diretire du Pfalmifte,cft véritable, Tu feras eleu auecques l'eleu, peruers auec le e•I7•3•7•
peruers .
Poimpoy il fc taift des gens Je bien.
v e perfonne donques ne s'eftonne s'il yaiprefcnrenl Eglife fi peu de genshonne-
ftes &: innocens, confideré que tant de meichans par tout les pouifent à mal,ôdes
follicitent par mille rineiîes. Parquoy pour la multitude des mefehas priuilegez à mal-
faire, on ne parle des gens de bien, qui à la comparaifon des autres ne moment rien &:
ne font en cilime, tellement quequandileft mention delà police de l'Eglife, oudes
membres d'icelle,la tourbe des preuaricateurs quila tiennent en tyrannie, en fait par-
ler à la façon dont l'Efcriture vfe en plulieurs lieux: comme en Genefe il eft efcrit,quc Ge.oui.
toute chair auoit corrompu fa voye: &: toutesfois alors que le deluge eft venu Noé
homme mfte deuant le Seigneur a cfte'trouué : &c ainfi fauue en l'arche auec les liens.
Derechef il eft eferitau liure des Pfcaumcs, Tout homme eft menteur : tous ont dccli- Pfe.14.1, &
ne : il n'y en a point vn qui face bien. Et nonobftant celuy qui a ce dit , rend puis après *3 4*
tefmoignage de foy , Que le S eigneur la trouué félon fon cœur.
Il adrefle fon propos à l'cglife Romaine, &: prédit fa ruine pour fon orgueil.
a abatu la fynagogue ( qui a cfté la figure de l'cglife, félon que S. Paul dit,Tourcs ï.Cor.io.n.
:hofes leur eftre aduenues en figure)qui l'a fait cftre delaiifce deDieu,&: accablée
de maux, finon fa malice?Si donc félon la parabole d'Ezechiel couchant les deux feeurs Ezec.i3 4.
Oolla &: Ooliba,l eglile a fait le femblable quefa grande fœur,& mefme la furpa/Fee en
enrageant en mefchancetez& fornications: comment penlera-cllc cfehapper fans pu-
nition ? Reucille-toy donques finalement de ton fomne par trop long , ô malheureuie
fœur de la fynagogue? Reueille toy,dy-ie,&: mets fin à ton yurongnerie allez défia cou-
lîee.Ly ce Prophète les autres; voyôdes enten,ii ton yurôgneric ne t'a du tout ofté le
cceur félon le tefmoignage du Prophète. Si donques tu as encorcs vne efteincelle de
courage fain,fucillette foigneufement les eferits des Prophètes . là tu trouucras ton e-
ftat &£ ta confufion prochaine^ entendras quelle fera ta fimeombien que fi log temps
tu pourris en ces ordures en grand danger. Que fi tu n'ois les Prophètes ,&: ne penfes
qu'ils ayent parlé de roy, en ce qu'ils predifent tant de maux, tu te trompes , &: t'abufes
pcrillcuiemcnc:carilsontprophetizédetoy,&dois entendre que les fardeaux qu'ils
menacent tomberont fur toy, fi tu ne te repens. Mais prenons le casque leur prophé-
ties regardent autre part , quepenferas-tu de ta propre prophétie, aiTauoir de TApo-
calypfe de Ican ? N'eftimeras-tu point pour le moins, qu'elle te touche en quelque for-
te? As-tu perdu toute honte auecques le feus pour pouuoir nier cecy? Regarde don-
ques, &: ly la damnation de la grande paillarde, fe feant fur plufieurs eaux : &:là côtem-
pie tes beaux f aicts &: tes deftinees ou encombres à venir.
Or comme ainfi foit que tu entendes &: voyes tous les empires & royaumes desna-
tions,quelquespuifians, forts &grans qu'ils fuflent , auoir efté deftruits &:rafez pour
leurs iniuftiecs &£ arrogance:toy qui as reietté fi loin l'humilité folide, fur laquelle tu a-
uois pris fondement , $c laquelle ne s'effrayoit d'aucuns tourbillons:toy, dy-ic,qui as Cr-
Liurc~> L frÇjcohu Qlernangu,
lcué la corne fi haut , comment ne penfes tu poin^qu'vne lî groiïe pefanteur &z mafle
d'orgueil par tov «ireflee s'en ira bas,apres que le rondement cil defpccc &: arraché? Il y
a délia lôg temps que ton orgueil à commencé, ne fe defcouurant apertemet, ains peu
à peu tout bcllcmët , de forte que pluficurs n'ont perceu cefte tienne ruine. Mais à pre-
fenttu es cullcbutee du haut en bas en la forte d'vn torrentr&fignamment depuis que
ce l'chifme abominable eft commencé &c venu fur toy par l'ire de Dieu , pour réprimer
tes premières mefehancetez intolérables &c tes fauiTes rages : afin que parce moyc ton
royaume pelant à Dieu , &£ odieux aux hom mes,cflant en ioy diuile,fuft félon la vérité
i uangclique,defolé:afin qu citât briié&dilîipc s'en allaft en ruine: non quelafoy de la
vraye Eglile qui combat en ce monde, perifle pourtant : laquelle fondée fur la ferme
pierre demeurera ftable fans cftre efbranlec : mais ic parle de la puiflance temporelle,
de la gloire &deliccs,dcfquelles l'eglife eft enyurec iufqu'au defgorgcmcnt Se oublian-
ce de lby-mefme : &: dont en la damnation de la grande paillarde il eft commandé aux
Apoc.18.7- Anges qui exécutent la vengeance, Donnezluy tormcnt&: ducil à l'cquipolcnt dece
Diuiiiôdcs qU'cllc s'eft glorifiée, &c a efté en délices. Car encoresque iene face mention des cho-
ies pallées, alfauoir de ladiuifion des Grecs d'auecques nous, pour l'orgueil des noftres
&c pour l'auance,des limites de la religion maintenant eftrccis , lefquels auparauant s'-
eftendoyentquali par tout le monde : encores ,dy-ie , que ie pa/Te ces choies & autres
playe s dent lÈglile commence de longtemps àeftre blefîée: pour le moins la ruine
dont nous voyons que la ville de Rome s'en va bas , ne nous annonce-elle point la de-
folation tant d'icelle eglife que de l'Empire eftre prochaine : comme la deftruttion de
Ieiufaléa cité aconfuyuie de près delà difperfîon des Iuifs&: de lafynagogueî ^ O Ro-
m e ville de Romulus , tu as deu cognoiftre ta ruine eftre prochaine , depuis qu'à caufe
de fes fornications deteftables, tu tesfuye à Auignon: où plus apertement &: impu-
demment tu t'es expofeepar les voyes detafimonie &c proftitution, amenant en no-
Notczbicn ft.rc prancc ]es mœurs eftrangers &. peruers, caufe des calamitczi Bien que iufqu alors
ladite France fefuft maintenue en quelque honnefteté &: modeftie , à caufe de la difei-
plinequis'entretenoit. Maisàprelentlcsdefbauts &c diflblutions lontiioutrageufes,
qu'à bon droit tu pourrois douter li la choie eft plus admirable à ouyr , que milcrable à
LVpiiïi voir' Toutcsfois nous pourrons peut-eftre parler vne autre fois de la France : parlons
fiens. maintenant de cefte eglife: qui a de couftume par vne manière & façon maligne infe-
cter de Ion leuain les lieux où elle eft arreftee , &c leur cftre caufe de ruine &: perdition:
combien qu'on luy rend bien la pareille , &: que l'on s'en venge , comme a fait l'Italie,
qui luy a rédu chou pour chou,par ce qu'après l'auoir defnuee &: defpouillee de foa pa-
tnmoinc,elle la dechaiTce hors de fon manoir. Et défia la Fiace par elle appounc corn-
ière*, mence à la recompenfer de maux: afin que la prophétie foit accomplie, Tu feras con-
fufe par Egypte , comme tu as efté par AlTur.Et ce qui eft dit,Fille de Babylon tu es mi-
rfeau.137.8. ferable:bicn-heureux quite retnbuerala pareilleque tunousas rendue. Car depuis
que parl'infupportable multitude des péchez la furie fchifmatiquc s'eft fourrée ( ores
que ie ne touche ce qui a efté fait par N. qui lors debattoit &£ qucrelloit l'office de Pa-
pc:car ie lai/Te cela à deferire pluftoft à ceux quiayans côuerfé aucc luy,peuuent mieux
parler de fes conditions &des mœurs de fes gens)y eut-ilonques homme plus mifera-
ClcmentV. rable que noftre Clément : lequel tant qu'il a vefeu s'eft tellement rendu iéruitcur des
tcmpflS ^crLUteurs aux Princes 6c à toute la vilenie de France, que le plus poure efclaue du mo-
dem àAui- denedeuroitouir?Ildonnoitlicuàtout, il s'accommodoitau temps, il faifoit place à
gnon. Timportunité des poftulans:ilfeignoit,cfiiTimuloit,promettoit amplement, auxvns
des bénéfices , aux autres des parolles. Il fe parforçoit fort de plaire.& appaifer par col-
lations de bénéfices tous ceux qui par flatteries ou plaifantcries eftoyent les bien ve-
nus en cour : afin qu'à l'aide d'iceux il peuft acquetir la grâce &: faueur des maiftres. Il
conferoit donc les Euefchez &: autres principales dignitez vacantes à ieunes braue-
reaux, auec lefquels il s'aimoii fort. Finalement pour plus facilement acquérir la bon-
ne grâce des Princes, pour l'entretenir après l'auoir acquife, contregarder après l'-
auoir entretenue, augmenter en la contregardant , il leur enuoyoït de fon plein gré
pluiieurs prefens &: eftrenes , leur ottroyant toutes les exactions fur le Clergé qu'il leur
plaiioit demander : &c mefme le plus fouuent leur offrant volontairement. En telle fer-
uitude de domination, quinze ans &c plus fe font paiTez auec telle calamité qu'on ne
pourroit croire.
Des
ï>o la corruption d<u ce temps. jj.
©CJ deux houlettes de Dieu, par Icfquclks il paift Ton troupeau.
No v s lifons que Dieu fouuerainPaftcur de tous autres,chcf&:reigle,paift Ton troup-
peau fous deux verges, ou houlettes, L'vnc Plaifancc, "l'autre Liaifon : car ceux qui "oùhôncar
veulent auoir charge des peuples en rEghfc,doyuentcftre ornez d'honnefteté Chré-
tienne &: de charité fraternelle. Or le cordon de charité , qui cft le lien de perfection,
eft triple, &C difticilemet fe peut romprexar il téd vers Dieu , le prochain &: foy-mefme.
Mais li lame du pafteur n'obciflfant à la parolle de Dieu,cerchc ce qui luy eft propre
non ce qui eft de Dieu.fi elle fe trouue variable par ceuurc deshonnefte , Dieu fe retire
deux &: couppant fes verges , enuoye pour Plaifancc, ignominie, &c deshonneur : pour
vn cordon liant,fchifmes, contentions &c venimeux difcors:&: parainli il rompt l'allia-
cé qu'il auoit faite, tant aucc les pafteurs, qu'auec les ouailles : &: aduient que les fuiets
font punis pour la faute des fuperieurs:commc pour le peché de Dauid qu'il auoit corn i.Sa,i4. ij.
mis en failantnombrer le peuple, ce peuple mefmc fut rudement frappé de playe de
pefte. Or eft-il certain que la première verge nommée Plaifancc a cfté picça retrâchee
ÔC oftee de l'Eglife,poui: les péchez des pafteurs:aflauoir du temps qu'ils ont pris les fa-
çons de faire,dont nous auons cy deuant parlé. Car depuis ce tcmps-la PE ghfc languit
fante& malade, n a celle de s'efcouler goutte à goutte, &c s'en allcrarecullon, peurau-
tant que deueftue de fon verdoyant honneur, elle portoit vne face paile, noire & abaif-
fec contre terre. Depuis cefte langueur delaijiée (ans cftre mcdecîncc,\ oire fans aucu-
nement y prendre garde , s'eft tellement empirec par fuccelfion de temps:&: difeourac
par tous les membres a tellement gagné tout le corps &: faiiî de toutes parts qu'à peine
les membres peuuent tenir les vns aux autres. Parquoy le dire du Prophète cft bien ve- Efa l <-
ritablc, Depuis la plante des pieds îufqu'au fommet de la tefte il n'y a aucune famé. La
fecôde houlette, qui eftoit Liaifon, a efté ofteerlaquelle fouloit côioindre les membres
maintenant léparez par ceft abominable & horrible fchifme d'ambition.
Quel a efte le commencement du foullemcnt.
Av C v n s,quiparinfpirationdiuine(felonqu'oncroit)ontcfcrit plufieurs chofes de
ce fchifme deuant qu'il aduint,&: de la defolation de PEglife qui doit aduenir:ont e-
ftimé que de ce fchifme aduiendra que toute l'Eglife fera foullce outragcufemét,&: pi-
teul'cmentdegaftee par la violence de l'empire terrien, afin que finalement eftant dé-
nuée des biens &cheuanccs terriennes, elle vomifîe l'autruy , qu'elle auoit mal anal- ^
lé &C mal digéré &:mafché: &C qu'elle pleure fes fils de fornication (qu'elle aengen-
drcz,tant par l'importunité des Princes, que par infâmes contrads ) les voyans morts, y e
fugitifs,bannis,aframez,captifs. Cefte perfecution viendra peut-eftrefur la tefte d'au- ph'ticdc-r
cuns pluftoft qu'ils ne pcnfcnr.car fi du tout nous ne fommes aueuglez, le$ fondemens iho^s
en font défia pofezdefquels de plus enplus s'efleuent de terre , fi qu'il n'y a homme ( s'il ucuucs-
n'a perdu le fens ) qui ne les puiffe voir tout apertement. Et certainement c'eftpar le
iufteiugementdcDieu, que l'cglife doiteftre accablée de fi grand déluge de maux,
pourautant qu'elle cft venue à vne telle rage de toutes abominations , qu'il n'y a autre
moyen delà chafticr& réduire à la première innocence. Infinis lignes, admonitions,
menaces, reprehenfions,deftru&ions,battures,fleaux pour la faire fage,de peur qu'elle
n'enduraft les maux préparez contre elle, n'ont de rien feruyrôc s'en cft allé le tout fans
aucun profit. Le fondeur a fondu en vain : ( dit le Prophète ) leurs malices ne font pour
confumees:car de front obftiné contre Dieu ils ont tout mefprifé:&: comme vn cheual
fans bride ils ont couru plus impetueufement après leurs concupifcenccs,
Il s'adreflè à lefus Chrift vray chef & infhuratcur de fon Eglifc.
«vei moyen donques,ô Chrift,te faudra-il tenir , fi tu veux nettoyer ton Eglifc de fi
grande ordure d'efeume, en laquelle fon or ôc fon argét font tournez , pour ietter
toute cefte efeume par art de fondeur dedâs la fournaife du feu purgatif: pour la rédui-
re en bon or, &: faire reuenir en beau luftre les métaux luifansîSi dauantage tu veux re-
mettre en nature ta vigne couuertede lambrufccs&: de ronces qui poignent &:fuftb-
quent les feps & les rendent fteriles, quel moyé y a-il meilleur, que d'arracher du tout
les iettons inutiles qui la rendent inutile : &: reiettent, bien qu'ils foyent elTartcz par la
ferperpuis loer ladite vigne à d'autres vignerôs>& la peupler de nouueau pla fructueux»
Tu es tefmoin,Seigneur,qu'on ne fauroit cueillir raifins des efpines,ne figues des char- Mat.7.xfj
dons:mefmes tu as ordonné que tout arbre ne portant fouet, doit eftre couppé &c ietté
Plnfieurs
au feu. Ccluy certes s'abufe, qui penfe que les labeurs & douleurs de l'Eglifc fe puiflerit
finir par les maux que défia nous endurons:ce ne font que petis commencemés de dou-
leurs, & douces efearmouches de ce qui relie. Maisileitoit temps de prendre port la
tempefte venant, Se de pouruoir au falut des tiens en ces dangers, de peur que l'ojage
qui doit efbranler la nacelle tant defpecee , de plus horrible tourbillon que iamais , ne
nous engloutiife au milieu des ondes, auecquesceux qui à bon droit doyuent cftre
noyez & périr. c
prière filiale de N.He.poiir obtenir fruitt falunired voe vrjycrcrcrm.uion..
D'v n e choie donc pour la fin, nous te requérons humblement tremenin Ieius , Que
quelques îugcmens que tu doyues exercer fur ton Eghie (car fans doute ils feront
arans ) tu ne luy rendes félon fes iniquitez en rigueur de vengeance : mais félon la
douc eur de ta clémence (qui ne le peut expliquer ) qu'en failant la punition d'icclle tu
vies de ta mifericorde dont elle eft indigne : & que tellement tu cfbranches les chofes
mauuaifes&fuperflucs, que neantmoins tu ne retranches quelques peu d'autres non
du tout inutiles. Serre donques de forte que tu n'eftouffes: Cafle de forte que tune bri-
fes: Chaftie tellement, que tu neltcindes totalement: pour le moins qu'elle ne foie
femblable àSodome&: Gomorre , delaifTe luy quelque femence, te founenant de ta
trclfacrec Parollc , par laquelle tu as promis d'eftretouliours auecques elle, îufqua la
confommation du licclc.
M ATTHIE V HAGER, en Alemagne.
Çjf OVS pourrions ici dire plufieurs choies par forme de récit d'hiftoirc,com-
mi me les fidèles qui cnoyentde ce temps encore petitement cfclaircz, ont
^>^Ë ( neantmoins foufferteonftamment diueriesarHiâ:ions:n'eftoitque de plu-
) h*curs> outre les noms, il n'eft rien paruenu a nous de certain qui puifle fer-
bx^^^» uir d'édification. Et ne fe faut efbahir fi la tyrannie de ceux qu'on a nômez
Ecclefiaftiqucs, s'etl defbordee fur les bourgeois &: commun populaire des villes , veu
que les Preftrcs&Euefqucs mefmes n'ont point efte efpargnez. Il n'y a eftat n'ordre ne
condition dont Dieu ne fâche bien tirer aucuns pour les enuoyeren fa vigne. Balcus
hiftorien Anglois fait mention d'vn nommé Matthieu Hagcr: 6c dit auoir efté exécute
à Berlin en Alemagne en l'an 1 458. ^Touchant Renauld Pecok euefque de Ciceftre,
lequel fut afflige par les faux euefques d'Angleterre pour la confeflion de la vraye do-
ctrine de l'Euâgile, nous le paffons, d'autant que s'eitat defdit (combien qu'il foie mort
es tormens de la prifon) nous fommes incertains quelle a efte fa dernière confeflïon.
AccroilTc-
nient des
fidèles.
ROGIER DVL E, gentil-homme Anglois.
j^p^^COG IE R Dule, gentil-homme &z homme de guerre fut pendu &eftran-
fli U^lr^p^ Pour maintenir la vérité au pays d'Angleterre, l'an m. c c c c. xli.
l ; l^oS^ De p v 1 s cetemps,laparolledeDieupnnt accroiffement manifefte en
§jJ^K^ pluheurs lieux, & fructifia merueilleufement.Car le S.Efpnt toucha fi heu-
reufement le cœur tant des prefeheurs que des auditeurs, que le nombre des fidèles
multiplioit de iour en iour. Et telle confiance leur eftoic donnée , qu'il y en auoic au-
cuns qui enduroyenc voloncairemenclcs priions, les autres fouffroyent patiemmentla
perte de leurs biens:pluficurs ne craignoyét point de mourir. Et peut-on bien dire que
les perfecutions de la primitiue Eglife ont recommencée que le Seigneur Iefus a vou
lu monftrerdes ceuures autant admirables queiamais,efpandant fa grâce aumonde?
laquelle auoit long temps elle cachée pour Jagrande ingratitude du monde : laquelle
toutcsfoisil a bien voulu en ce temps ici fecller parlelangde fes fidèles cefmoins,&:
parlamortd'iccux: laquelle combien qu'elle foit ignominicufe& exécrable deuant
les yeux du monde: toutesfois elt de grand pris deuant la face de Dieu, comme dit le
Pfalmiftc.
D'VN
D'VN GENTIL-HOMME qui efloit parent à la femme du ducdeCandie.
jAMETIN hiftoriographc faic mention d'vh qui eftoit parent de la du-
ichefle de Càndie.- lequel fut condamné par vrl légat de Rome nommé Pier-
re Thomas ,& après fa condamnation fut bruflé pour là vérité conftam-
[ment par Iuy fouftenue : Combien que Tes compagnons Te fuiîent tous def-
dits. Ce mefme légat fit déterrer les os d'vn autre fidèle* & les brufler au feu.
LÀ M E R E de la dame d'Tonge ^tngkifc.
jA fureur des pèrfecuteursn'efpargna eh ce temps le fexe féminin : comme MCCCC.
(îce n eftoit afTeZ aux àduerfaires d'exercer leur cruauté barbare Contre les XCUI1*
[hommes. A ùcuns hiftoriens rédcht tefmoignagc de ceci: &: encore auiour-
jd'huy le mefme eftdeuant nos yeux teftifié&approuué. Ceprefent exem-
ple ne doit eftre omis: affàuoir d'vne darhôifelJc Vertueufe & confiante , merc de la da-
me d'Yonge laquelle polir là confeffion de la parolle de Dieu fut brùflee en Angleter-
re,!^ m.c c g c.xc.Ccfut ehuiroh ces tefrips , àflauoir «.tcccui .qu'vn nom-
mé m.Ie an l'An gioi $,chvhechàpeIledeS. Crcfpihenlaville de Paris, ietta par fa».
terre vnehoftic&cfpancha vn calice qu'vn Prcftre auoit confacré en la Me/Te» Au- %loii'
tant en fît deux ans après en la mefmc ville de Paris , vn nommé H emondPicard, Hemood
en lafain&e chapelle du Palais, lequel ayant efté appréhendé &mis prifonriier, à la Picard.; '
pourfuitte d'vn nôméStandôc,futbrufle eh ladite vûlc de Paris la m.cccc.xciii.
wssm
HIEROME UVÀNAROL ÀJtaÙc».
La mort de Sauaiuroh nous rcduit en mémoire comme va commencement de la lumierc>la<jueHe puis après
eft parucauci m plein midy.
V ternes d'Alexandre fixieme pape de Rome Efpaghol de nation * aflaùoir M ccce
m . c c e c . x c v 1 1 1 , fut bruflé à Florence Hieromc Sauanàrola , religieux x c viii. '
[de Tordre des Iacopins,homme renômé en viè& doctrine. Ceftuy-cy main-
__ ] tenoit la communion fous les deux efpeces en la Cene : cOndamnoit les in-
dulgcnces,&: auoit la couftumed'âccufer fort afprementlàvie deshonriciteft infâme
du Pape,dcs Cardinaux,& de tous tels Pères fpirituels,& le mauuàis deuoir à faire leur
office. Et niât la primauté du Pape,il enfeignoit que la ^ui/Tancc des clefs n'auoit point
efté donnée à fainct Pierre feul:& en outre que le Pape ne fuyuan t ne la vie,ne la doctri-
ne de Iefus Cllrift , eftoit vray Antechrift. Il affermoit auflî que fes excommunications
n'eftoyent point a craindre.Dauantage il prédit certaines chofes qui font aduefhtes de-
puis,a/Tauoir le faccagement de Florence &: de Rome,la reftauration de l'Eglife. Nous
troùuohs en l'hiftoire de Philipe de Comiftes de ce perfonnage ce que fenfuit.il y auoit Ali , |iure
(dit-il)vnfrercPrefcheur ou Iacopin, ayant demeuré à Florence par fefpacé de quinze de ùsMe.
ans renomé de fort fain&e vie,Iequel ic vy & pàrlay à luy en l'an tf.cccc.Lxxxxv. jno,rcs»c,i-
appelé Frère Hicronyme, quia dit beaucoup de chofes auant quelles fufTent àdoe- a
nues. Ettoufiours auoit fouftenu que le Roy (de France Charles v n i. ) pàfTeroit les tt
^lonts , &: le prefcha publiquement, difant lauoir par reuefatiôri de Dicii , tant cela tc
qu'autres chofôs dont il parloit. Et à caufe qu'il difoit fauoir lés chofes par reûelàtion, tt
plufîcurs murmuroyent contre luy, Se acquit la haine du Pape , & de plufieûrs de la vil- t<
îedeFlorcncc. $a vie eftoit la plus belle du monde (àfrifi qu'il fepôuùoitvoir)en fes tc
fermons prefehant contre les vices: &a feduit eri icette cité maintes gens à bien vi- i.efmift
lire. Ën ce temps, mille quatre cens quatre Vingts dixhuit, que le Roy Chàrlesefttref- ^jj"^
paffé & finy\ aufli fît frère Hieronymc , à quatre où cinq iours l'vh dé l'a utre : tc vous di- saùanarol*
ray pourquoy ie fay ce conte. Il a toujours prefché publiquemét 4 le Roy retournèrent
derechef en Italie pour accôplir cefte cômiffion,queDiéuluy auoit dônecqui eftoit de
Lu
Linrc^> /. Ty 'îfcoHrs hittorial dc~> ces temps,
pourtant que le faict requeroit haftiucté , finalement leur aduis fut de commencer pair
le plus bref, alîauoiriicraccufer de crime d'herefie,& le rendre odieux parce moyen
deuant l'euefquede Londres qui eftoit lors Richard Fyrzian, compagnon en celle con-
CSiurMlon iuration, comme on verra cv après. € Richard donc citant accule , fut incontinêt cn-
dc Richw" »°yé cn ptifort par l'Eueique , en vne tour ioignant le temple de S.Paul, laquelle on ap-
pelé la tour des Lollards. En ce temps-la Guillaume Hori'cc eftoit chancelier de ceft
Euefque, fur lequel toute la charge &: gouuernemét de la pnfon repol'oie : &c auoit à fori
commandement Charles ïofeph officier de la cour Epifcopale, &: Iean Spaldvng qui a-
uoit la charge des cloches deS.Paul.Ceux-cy tacherét défaire mourir de faim Richard
Hun : mais voyans qu'ils nepouuoyct venirà bout de leur entreprife, vnioui feiettercE
fur luy en la prifbn:&: l'ayans lié pieds &: mains, l'cltranglercnt : puis après le deflierent,
&: pendirent de fa ceinture à vn clou qui eftoit fiché à la muraille. Cela fut tait le 1 1 1 1,
de Deccmb. m.d . x v . Ayans cômis ceft acte fi exécrable , ils firent courir le bruit par
tout , que Richard Hun s eftoit pendu cn prifon de fa piopreccinture. Ce bruit c liant
Enquede ainfiefpandu, douze hommes notables furent députez pour s'informer du faicr,auec le
cômis parC procureur fîfcaî de Londres,qui eftoit Thomas Barnel.Quand on dépendit le corps du
ceux de \'- lieu où il eftoit, on trouua que les membres cftoyent delioints,& le col defnoué par gra
Officiahtc jc violéce: tcfmoin le fang qu'on trouua vn peu pardelàlclieuoù il eftoit pendu , cn vn
coin delà prifon. Sa telle panchoit fur l'efpaule droite , & les habillemcns cftoyent ar-
roufez de fang à codé gauche. Ses deux poings auoyent encore les marques qu'il auoit
eflé lié par là fort ellroitcment. Outre cela, corne ainfi foit que ce cas euft efte perpétré
de nuici, on trouua la chandelle efteinte ainfi qu'il falloit : laquelle autremet il euft bif-
fé bruller dedans le chandeliers il fefuft pendu foy-mcfme. On y trouua vne robe lon-
gue fourrée de peaux precieufes:& on doutoit qu'elle fuft à l'Euefque ou à fondit Cha-
celier. Or comme ainfi foit que ces conicrïures &: autres rendiiîent le faict a/fez clair
&c manifefle, incontinêt procez fut formé contrece Chancelier : mais il efchappa à for-
ce de prefens &C corrupnons,&: s'enfuit à Oxone,&: depuis ne retourna à Londres. Et a-
fin que le martyre de ce perfonnage foit plus certain, & que Ihiftoirc ait plus de poids,
il y eut , outre tout cecy , la confeflîon de Iean Spalding , lequel finalement reuela tout
ce qui efloit de celle mort : & déclara le tout h bien qu'on n'en douta nullement. Fina-
lement ledit Eucfque le fit bruller comme hérétique en la place de Smythfild.
D I SC O V RS hiftonal des l'horreur de temps qui ont précédé la venue de
Martin Luther, 5c autres fidèles Docteurs de l'Euangile.
O V T ce que nous auons iufqu'ici deduit,a efté comme vn preparatifà
receuoirplus ample grâce & bénéfice de la lumière de l'Euangile. Pour
lequel tant mieux cognoiftre&: magnifier: il eft befoin que nous ayons
comme pourtrait deuant les yeux vn fommaire du déluge de maux qui
couuroyét en ce temps-cy toute la terre , par lefquels le Seigneur ayant
fait pafTer &: voguer l'arche de fon Eglife , a puiflammet monfiré la clar-
té de fa pure parolle. Et pour déduire les chofes vn peu de plus haut, pertinentes à cefte
Lr Concile hjftoue des Martyrs, il eft ainfi qii'apres le Concile de Conftâce ( duquel a efté traité cy
deiîus)celuy de Balle fueceda, auquel Eugène 1 1 1 1. Papceftantdepofé, Amedé ou A-
my duc de Sauoye,tiré de fon hermitage de Ripaille fut furroguc,&: nommé Félix V.de
ce nom. Ceft Eugène defaduouant le concile de Balle l'auoit fait euoqucr à Bolognc,&:
de Bologne à Ferrare, &C de là finalement à Florence, &c faifoit ces difeours craignant la
liberté du Concile de Balle : mais cependât il couuroit fon fai£t de ce que les Grecs ve*
noyent és Itales , comme de vray ils y venoyent pour demader fecours cotre les Turcs.
Et mefmcs pour obtenir ce qu'ils demandoyent, ils s'eftoyent offerts de s'accorder à ce
qui feroit arrefté au premier Concile. Et combien que ces Grecs s'accordoyét pour lors
auecl'eglife Romaine touchant le fainctEfprit,lVfagc du pain fans leuain en laCenc,
le Purgatoire &: la primauté du Pape , toutefois après la mort de Iofephe Patriarche de
Conftantinoble , ils ne voulurent fouffrir , que le Pape en eftablift vn autre , comme il
vouloit faire:& reietterent tout à plat la refuerie de l'eglife de Rome touchant la tranf-
fubftan-
dc Bufle
Amedé de
Sauoyc.
à la venue de Luther autres Docteurs.
fubftâtiation introduite. Vn peu après Conftantinoblc (il n'y auoitcôme rien que l'Em
percur eftoit retourné en fa maifon)fut deftruite.CEugene fe voyant excômunjc parle Lcs rurt«
Côcile de Balle créa dixhuic Cardinaux pour Te fortifier aJencôtre de Tes aduerfaires:& Eog^anpeC4
après auoir fulcité Charles vi i .& ion filsDaulphin de France cotre les Pères afiemblez
à Baile,faifoit fembnît de vouloir tenir vn Concile de Latran: &: ainii Ce feruoit de l'aide
des Princesses entretenant de vaine efperance. Apres Ton treipas Fridcric moyenna
enuersFclix cinquième de le faire quitter fon pontificat, &lereiignerà Nicolas cin-
quième , à condition qu'il ratifieroit les articles du Concile de Balle. Or par iceux il e-
ftoit conclu,que le Pape s'aflubiettiroit aux Synodes & Conciles,&: y obeiroit.dauanta-
ge que de dix en dix ans vn Concile fe tiendroit , où gens fauans auroyent liberté de di- Concilcde
re leur aduis. Ces choies furet arreftees l'an m. c c c ex l i x .mais les fucccfTeurs dudit ]J"cndlx
Nicolas n'en ont tenu conte. Autres ordonnances auiîî furet faites en ce Concile,pour m.cccc.
retrancher de la puiflanec excefîiue,que le Pape vfurpoit en conférant les bénéfices: &C XLlX«
pour le rendre iuftitiable , en cas qu'il abuferoit de fon authorité. Toutes ces ordônan-
ces ont efté appelées la Pragmatique fonction : laquelle les François receurent par le com- pragmati-
mandement de Charles feptieme, fuyuant l'aduis des Princes &: de la noble/Te:&: la pu- quefanftiâ
blierent à Paris le feptieme de Iuillet m.cccc.xxxix ,pour le profit &c tranquillité
du royaume. C Alexandre v i.& Iules u, qui furent Papes depuis Nicolas v, ont fort
degafté par cruelles guerres l'Italie. Ils mirét en picque les Rois d'Europe les vns cotre
les autres, dont aduiBt que d'autant que Louys xn , parle confentement de l'Empe-
reur Maximilian , publia vn Concile contre Iules pour eftre tenu à Pife ( combien que
depuis il ait efté tranfferé à Milan ) au premier de Septembre m.d . x i . Ce Iules ne vou-
lant fouffrirlauthorité du Pape eftre en rien diminuée, après auoir cha/ïc les Cardi-
nnux,tenans le party du roy de Frace,hors d'Italie , afTembla vn Concile de Latran, qui
fut depuis acheué fous Léon x. ^Cependant il n'eftoitnouuelle d'aucune reforma-
tion de l'Eglife, ne de donner ordre à ce qu'il y euft vnevraye do&rine retenue entre
les Chieftiens , d'introduire vnc bonne difcipline, & corriger les vices & mœurs depra-
uez , ou de modérer les loix du Pape : mais au contraire , il n'eftoit queftion en ce beau
Concile de Latran que de confermer les vieilles idolâtries , les erreurs , abus , fuperfti-
tions &£ la tyrannie du Pape. ^ 11 s'engendra en ce temps vn grand différent entre les
Cordclicrs &: les Iacopins, touchant la naiftance de la vierge Marie, ce qui feruoit fort
pour cfchaufFcr & faire valoir la cuifine . Les Cordeliers fouftenoyent qu'elle auoic
efté conceue fans péché originel : les Iacopins difoyent au contraire, &: fur cela fe
bandèrent les vns contre les autres : & s'efehaufferent fi bien de cofté & d'autre , que
la plufpart des hommes abbreuuez defuperftitions &: enracinez en idolâtrie , trouuoic
l'opinion des Cordeliers plus fauorablc &: agréable .& pourtant ils auoyent la vogue.
Les Iacopins fc voyans reculez, pour eftablir &C donner foy à leur dire, eurent recours à
faux miracles & illufiôs qu'ils inuenterct. Car en la ville de Berne , ils trou ueret moyen
de forger vne ftatue de la vierge Marie fi bié à droia qu o y pouuoit mettre dedas quel-
cun par lequel elle parloit &femouuoit. Vn moine nouice parleur inftigation &for-
celeriefe mit dedans , & iouôù tellement fon perfonnage , que ces Iacopins perfuade-
rent au peuple que l'image pleuroit, fe complaignoit, & rendoit refponfe à ceux qui 1-
interrogoyent. La fraude defcouuerte, quatre des principaux autheurs de ceftemef-
chanceté furent bruflezle dernier iour de May m . r>. i x. Il cft certain que lescaphars
poulTez par Satan ont vie deplufieurs telles baftéleries&forceleries, pour abrutir le
peuple , qui n'eftoit que par trop enueloppé d'erreur &: de fupcrftitions. ^Cependat En^eU,.
que les Papes & leurs fuppofts abufoyentainfi,&tormentoyent le monde, Dieu ayant miferce-
pitiédu genre humain, remplyde ténèbres fi horribles &: efpouantables,*: fous ce î^^}0'1
mafque & titre de l'Eglife, enchanté ou pluftoftabyfmé en toute fuperftition,fufcita Dicufufci-
par fa bôté infinie Martin Luther,qui eftoit de l'ordre des Auguftins. Lequel combien M Lutixct-
qu'il fuft de petite toutefois honnefte maifon , &c fans aucun crédit au monde, home au
demeurant de bon efprit,&: de fingulier fauoir,Dicu luy donna vn courage mcrueil-
leux,&: l'arma d'vne confiance incroyable. Parle moyen dequoy, &: vfant de là parolle
de Dieu,il a comme dénoué toutes les plus grades difïicultcz dont les Papes embrouU-
loyent le poure monde. Cependant les Rois de la Chreftienté par l'inftiganon du Pape
s'en efearmouchoyent à merucilles,&: lemenaçoyent luy &c tous ceux qui fuyurôyent fa
dodrincdebannifTementjdeguerreSjdefeus&demauxinnumerables. CarUfftevôu-
Jk iil.
Liurc~> /.
TyifcoHrs hiïïonald^j m temps,
Côiuration
de la mort
de Richard
pourtant que le faiît requeroit haftiucté , finalement leur aduis fut de commencer pair
lepliisbref*,afîauoirdcraccufer de crime d,here(ie,& le rendre odieux parce moyen
deuant l'euelquede Londres quîeftoitlors Richard Fytzian, compagnon en celle con
îuracion, comme on verra cv après. * Richard donc cirant accule , fut încontinct cn-
uoyé en prifon par l'Eueique , en vne tour joignant le temple de S.Paul, laquelle on ap-
pelé la tour des Lollards. En ce temps-la Guillaume Horfcc cftoit chancelier de ccfï
linéique, iiu lequel toute la charge &gouuernemét de la prifon repofoic :&: auoit à l'on
commandement Charles lolcph ofHcier de lacour Epiicopale, &: Ican Spaldv ng qui a-
uoit la charge des cloches de S.Paul.Ccux-cy tacherét défaire mourir de faim Richard
Hun : mais vovans qu'ils nepouuoyct venir à bout de leur entreprife, vnioui fcicttcrct
fur luy en la pnfon-.& l'ayans lié pieds & mains, l'eftranglcrcnt : puis après le deflierent,
& pcndii ent de la ceinture à vn clou qui cftoit fiché à la muraille. Cela fut fait Ici m,
de Deccmb. m . n . x v . Ayans cômis ccft acte fi exécrable , ils firent coin ir le bruit par
tout, que Richard Hun s'eftoit pendu en prifon de (a piopreccinture. Ce bruit citant
Enquefle amj~ efpandu, douze hommes notables furentdeputczpours'informerdufaict,auec le
prociu cur fiical de Londres, qui cftoit Thomas Barncl.Qijand on dépendit le corps du
lieu où il cltoir,on trouuaqueles membres cftoyent dclioints,& le coldefnoué pargra
de violëcc:tcfmoin le fang qu'on trouua vn peu pardelà lclieu où il cftoit pendu , en vn
coin delà prifon. Sa tefte panchoit fur l'efpaule droite , &t lés habillemcns cftoyent ar-
roufez de fang à cofte gauche. Ses deux poings auoyent encore les marques qu'il auoit
efté lié par là fort eltroitcment. Outre cela, corne ainfi foit que ce cas euft cfté perpen é
de nuict, on trouua la chandelle efteinte ainfi qu'il falloïc : laquellcautremêt il euft laif-
lc brufler dedans le chandelier,s'il le fuit pendu foy-mcfme. On y trouua vne robe lon-
gue fourrée de peaux precieufes:&: on doutoit qu'elle fuft à l'Euefque ou à fondit Cha-
celier. Or comme ainfi foit que ces coniectures &: autres rcndiiîent le faict allez clair
Se manif efte,incontinét procez fut formé contrece Chancelier : mais il efchappa à for-
ce de prefens & corruptions,&: s'enfuit à Oxone,&: depuis ne retourna à Londres. Et a-
fin que le martyre de ce perfonnage foit plus certain, & que l'hiftoirc ait plus de poids,
il y eut , outre tout cecy , la confefiîon de Ican Spalding , lequel finalement reucla tout
ce qui eltoit de cefte mort : & déclara le tout fi bien qu'on n'en douta nullement. Fina-
lement ledit Euefque le fit bruller comme hérétique en la place de Smythfild.
du meurtre
cômis par
ceux de I'-
Orficialué.
Lf Concile
de Bafle.
Amedc de
Sauoyc.
DISCOVRS hiftonal des l'horreur de temps qui ont précédé la venue de
MuninLuther, & autres fidèles Docteurs de l'Euangile.
O V T ce que nous auons iufqu'ici deduit,a efté comme vn preparatifà
receuoirplus ample grâce & bénéfice delà lumicïc de l'Euangile. Pour
lequel tant mieux cognoiftre& magnifier: il eft befoin que nous ayons
comme pourtraitdcuant les yeux vnfommaire du déluge de maux qui
l^âMf couuroyet en cetemps-cy toute la terre, par lefquels le Seigneur ayant
^* fait pafTer &: voguer l'arche de fon Eglife , a puiflàmmét monftré la clar-
té de fa pure parolle. Et pour déduire les chofes vn peu de plus haut, pertinentes à cefte
hiftoire des Martyrs, il eft ainfi qu/apres le Concile de Conftâce ( duquel a efté traité cy
dciius)celuy de Balle fueceda, auquel Eugène 1 1 1 1. Papeeftantdepofé, Amedé ou A-
my duc de Sauoye,tiré de fon hermitage de Ripaille fut furroguc,ÔJ nommé Félix V.de
ce nom. Ccft Eugène defaduouant le concile de Bafie l'auoit fait euoquer à Bolognc,&:
de Bologne à Ferrare, &: delà finalement à Florence, &c faifoit ces difeours craignant la
liberté du Concile de Balle : mais cependât il couuroit fon fai£t de ce que les Grecs ve-
noyent és Itales , comme de vray ils y venoyent pour demader fecours cotre les Turcs.
Et mefmcs pour obtenir ce qu'ils demandoyent, ils s'eftoyent offerts de s'accorder à ce
qui feroit arrefté au premier Concile. Et combien que ces Grecs s'accordoyét pour lors
auecl'eglife Romaine touchant le fain&Efprit,rvfagc du pain fans leuain en laCenc,
le Purgatoire &c la primauté du Pape , toutefois après la mort de Iofephe Patriarche de
Conftantinoble , ils ne voulurent foufFrir , que le Pape en eftablift vn autre , comme il
vouloit faire:&: reietterent tout à plat la refuerie de l'eglifede Rome touchant la tranf-
mbftan-
à la venue de Luther, & autres Do&eurs. j 7
fubftatiation introduite. Vn peu après Conftantinoblc (il n y auoitcôrne rien que J'Em
percur eftoit retourné en Ta maifon)fut deftruite.CEugene fe voyant excômunjé par le Lcs ruft»
Côcile de Balle créa dixhuit Cardinaux pour Te fortifier alencôtre de Tes aduerfaircs:& lug^^
après auoir fulcité Charles v 1 1 .& fon fllsDaulphin de France cotre les Pères alîémblez
à Ba(le,faifoit l'emblat de vouloir tenir vn Concile de Latran: &c ainfi fe feruoit de l'aide
des Princes, les entretenant de vaine efperance. Apres fon treipasFrideric moyenna
entiers Fclix cinquième de le faire quitter fon pontificat, &: lereiignerà Nicolas cin-
quième, à condition qu'il ratifieroit les articles du Concile de Balle. Orpariceuxile-
ftoit conclu,que le Pape s'aflubiettiroit aux Synodes & Conciles,& y obeiroit.dauanta-
ge que de dix en dix ans vn Concile fe tiendroit , où gens fauans auroyent liberté de di- Concile de
releuraduis.Ceschofesfuretarrciteesl'anM.c ccc.xn x .mais les fucce/Teursdudit ^*cndlJt
Nicolas n'en ont tenu conte. Autres ordonnances aulfi furet faites en ce Concile,pour m.cccc.
retrancher de la puiifancc cxceiîïue,que le Pape vfurpoit en conférant les bcncfîces: &: XLlX«
pour le rendre iullitiable , en cas qu'il abuferoit de fon authorité. Toutes ces ordonan-
ces ont efte appelées la Pragmatique fonction : laquelle les François receurent par le com- pragmati-
mandement de Charles fepticme, fuyuantl'aduisdes Princes &: delà noblenre:& la pu- quefanftiâ
blierentàParislcfeptiemedeluillet m.c c c c. x x x i x,pour le profit àc tranquillité
du royaume. ^Alexandre v i. &: Iules n, qui furent Papes depuis Nicolas v, ont fort
degafté par cruelles guerres l'Italie. Ils mirét en picque les Rois d'Europe les vns cotre
les autres, dont aduint que d'autant que Louys xn , parle confentement de l'Empe-
reur Maximilian , publia vn Concile contre Iules pour eftre tenu à Pife ( combien que
depuis il ait cfté tranfferé à Milan ) au premier de Septembre m.d.xi.Cc Iules ne vou-
lant fourfrirlauthorité du Pape eftre en rien diminuée, après auoir cha/Té les Cardi-
naux,tcnans le party du roy de Frace,hors d'Italie , aflembla vn Concile de Latran, qui
fut depuis acheué fous Léon x. ^Cependant il n'eftoit nouuelle d'aucune reforma-
tion de l'Eglife, ne de donner ordre à ce qu'il y euft vnevraye do&rine retenue entre
les Chreftiens , d'introduire vne bonne difeipline, & corriger les vices & mœurs depra-
uez , ou de modérer les loix du Pape : mais au contraire , il n'eftoit queftion en ce beau
Concile de Latran que de confermer les vieilles idolâtries , les erreurs , abus , fuperfti-
tions &: la tyrannie du Pape. ^ Il s'engendra en ce temps vn grand différent entre les
Cordeliers & les Iacopins, touchant la naiffance de la vierge Marie, ce qui feruoit fore
pour cfchauffcr faire valoir la cuifine . Les Cordeliers fouftenoyent qu'elle auoic
cfté conceué fans péché originel : les Iacopins difoyent au contraire, & fur cela fe
bandèrent les vns contre les autres : & s'efehaufferent h" bien de cofté & d'autre, que
la plufpart des hommes abbreuuez de fuperftitions & enracinez en idolâtrie , trouuoic
l'opinion des Cordeliers plusfauorablc & agréable . & pourtant ils auoyent la vogue.
Les Iacopins fe voyans reculez, pour eftablir &: donner foy à leur dire, curent recours à
faux miracles &illuhos qu'ils inuenterct. Car en la ville de Berne, ils trouueret moyen
de forger vne ftatue de la vierge Marie h" bié à droi<5t qu o y pouuoit mettre dedâs quel-
cun par lequel elle parloit &femouuoit. Vn moine nouice parleur inftigation &for-
celeriefe mit dedans , & ioufiit tellement fon perfonnage , que ces Iacopins perfuade-
rent au peuple que l'image pleuroit, fe complaignoit, & rendoir refponfe à ceux qui 1-
interrogoyenr. La fraude defcouuerte, quatre des principaux autheurs de ceftemef-
chanceté furent brûliez le dernier iour de May m . d. i x. Il cft certain que lescaphars
pouffez par Satan ont vie de plusieurs telles bafte'leries&forceleries, pour abrutir le
peuple , qui n'eftoit que par trop enueloppé d'erreur &: de fuperftitions. ^Cependat jnquci],;
que les Papes & leurs fuppofts abufoyent ainfî,& tormentoyent le monde , Dieu ayant miferee-
pitiédu genre humain, remplyde ténèbres fîhorribles &£ efpouantables,*: fous ce J^ua^011
mafque &c titre de l'Eglife , enchanté ou pluftoftabyfmé en toute fupetftition,fufcita Dicufufci-
par fa bôté infinie Martin Luther,qui eftoit de l'ordre des Auguftins. Lequel combien M Lu*cr«
qu'il fuft de petite toutefois honnefte maifon ,& fans aucun crédit au monde, home au
demeurant de bon efprit,&: de fingulier fauoir,Dicu luy donna vn courage merueiî-
leux,& l'arma d'vne confiance incroyable. Parle moyen dequoy,&: vfant de làparolle
de Dieu,il a comme dénoué toutes les plus grades difficultcz dont les Papes emprouîl-
lovent le poure monde. Cependant les Rois de la Chreftienté par l'inftigation du Pape
senefcarmouchoyentàmerucillesj&lemenaçoyentluy&tousceux quifuyurôyentfa
do&rine,de bannifTement,de guerres,defeus & de maux innumerables. Car Us ne vôù-
L'horreur & abyfines des temps,
Prcdittion
de Hus.
Croifadc.
î'ofici
lovent endurer que la religion qui auoit tenu fi long temps, fuft ainfi changée: & que
parfoccafion de cela toute l'Europe fuft cfmeuë,efbralee fie troublec:mais toutes leurs
machinations &: complots ne feruirent de gucrcsj&rinuc de lavertueufeconftance de
P°"'fiondc Luther rut heure ufe. ^ Il y auoit alors délia cinq cens ans que les Papes opprimoyent
1 Eglifc l'Eglilc par leur tvrannie, fie cent ans eftoyent efcoulcz depuis le Concile de Conftacc;
En la findefquels Ican Hus auoit prédit qu'il y auroit tel changemet en l'cglilc Romai-
nc,qu'ilncpourroitcftre deftourné par feu ne cruauté quelconque. L'occalion aduinc
de l'auance infaciable du Pape fie de fa fcquelle : qui trouuant à tout coup quelque nou-
uelle mucntion fie tromperie, pilloycntles hommes fans aucune mercy. Nous les pou-
uonsaccopareràceque les Poètes ont efcritdcsharpycs: car après auoir touché furies
biens des homes fie les auoir rauis, ils laiiîoyct vne puanteur aux pour es côfcieccs qui e-
ftoit intolérable. Mais fur tout ils môftrcrét leur impudcccdefbordee& enragée, quad
pour attraper argent ils firét prclcher la Croifade,ôë firét marche des amcs,& vend ii et
leurs pardons &: indulgences au plus offrant. ^ Celle année là donc qui eftoit 15 17.2-
près l'incarnation du Fils de Dieu , Luther cômença à guerroyer contre la foire des în-
dulçeces,Se chaflant de l'Eglilc de lefus Chrittvn tas de marchâs,rcnuerla leurs tables,
fcabeauxôe boutiques. C'eft à dire, il cômença à deftruire fpirituclle mer les autels des
idoles,ôe par la parolle de Dieu renuerfa toutes les fanfares des hypocrites , qui le mon-
ftroyentauee beau luftre çàôelà és téples. Dauanrage il fc mit à dédier an Seigneur les
teples tant faits de mains d'hômc,que baftisde la feule main deDieu,qui font les cœurs
des hômcs:voire après les auoir bien repurgez de toute fuperftition fie erreur. Et ce afin
qu'ils tu lient faincts temples fie recogncuilcnt Dieu corne il appartient^ l'inuocalTent
au nom de l'on Fils lefus Chrift noftrc Sauucur fie Médiateur. Et ainfi que totitc la Tri-
nité, le Pere, le Fils &: le S. Efprir, habitait Se regnaften eux félon fafaincte promcf!é,8e
non pas cefte grand' idole de Pape. ^Martin Luther ayant celte occaiîon,mit aux por-
tes du temple (qui eft près du chafteau de Vvitemberg ) de belles polluons pour difpu-
ter. Il les mit , dy-ic,ledernier d'Octobre delà fulditeanree. CËn ces quartiers d'Al-
lemagne Tckel Iacopin , qui eftoit home trelîmpudét, \ t ndoit ces pardôs,lous le nom
d'Albert archeuefque de Magdcbourg. ^"Luther cfmc u des mefehans prefehes de ce
caphard,ôe eftant touché d'vn vray fentimét de la crainte deDicu,drefla les politioslef-
quellesfe trouuentau premier Tome de fes cruurcs. Te kc 1 pourfuyuanttouliours en fa
maudite impieté,fie efpcrant d'acquérir la grâce du Pape, appelé l'on Scnatfie quelques
moines Théologiens qui auoycnt mis le mufeau és limes dcsfophiftcs. Voila les com-
mencemens de ce différent, quia bien baillé les co nés au Pape. Mais pour lors Luther
nclperant aucunement que par ce moyen il y deuit auoir li grand changement en la
religion, comme il s'eitenfuyui,necondamnoit du tout les pardons du Pape:tant feu-
lement il dcmandoit qu'on vint à les corriger vn petit ou modérer. Et pourtant ceux
qui d-fent qu'il a cerche parce moyen derenuerfer l'cftat publique, fie fe faire grand 8C
aduancer félon le monde quelques autres , ils luv font grand tort, fie le calomnient ma-
licieufement. Meimes tant s'en faut qu'il ait cflé iuborné fit pouffé de quelques cour-
tiiansfi/ gentils -hommes pour faire ce qu'il auoit tait, comme l'accufoit le duc de
La pieté & Brunfuic, queFridericfontrclilluftreScigncur&e Princedc Saxe 8e Electeur de TEm-
pru^ nec p jrccftoit bien marry que tant de troubles eftoyent efmcus pour cefte occalion.Car ce
Saxe. bon &lage Prince prcuoyoit combien que le cômencement de telle contention eftoit
populaire, que ce ncatmoinsla flamme s'efprendroit plu s au long fie au large. Veu dôc
qu'il eftoit défia aagé , fie fe'lÔ la prudécefie experiéce entedoit les dagers desgouuerne-
més,il n'eftoit ignora t,qtat qu'il tft pofllble,il faut euiter châgemét és cftats publiques
Mais d'autre cofté ayant vne fpirituelle fagefle procedâte d'vne vraye crainte de Dieu,
fie ne s'arreftant pas feulement aux iugemens profanes des hommes, qui ordinairemêt
eftiment que les commence mens des choies pendant qu'ils font encores tendres fiepe
tits,peuucnt aifément cftrc rompus, mais prenan t confeil de la bouche du Seigneur,fi£
fe rciglant par fa Parolle , qui cômande que l'Euangile foit ouy, entédoit,8e , toutes che>
(es bien pefees,trouuoit qu'il faut auoir la gloire de Dieu en fingulicre recômandarion,
quad chacun en particulierôe tous en gênerai deuroyét perir.ll feauoit trefbien q c'eft
vn horrible fie du tout enragé blafpheme que de s'oppofer à la vérité dcDicu ia cognuc.
Parquoy lifantdiligémcnt lcsefcritsdcLuthcr,&: eïpluchant le tout de poincten poîcr,
Si voyant q tout eftoit véritable , il n'a voulu qu'ils fuilent effacez ou bruflez. Il faut bie
dire
à la venue dc^> Luthèr,& autres Docteurs. jS
dire que Dieu le fortifioit&: confcrmoitd'vnc grand' grâce &£ magnanimité finguliere.
Car quelques menaces qu'on luy (ceuft faire pour l'elpouantcr , quelque commande-
ment que luy fift l'Empereur Maximilian ÔC les Papes d'empefeher Luther de prefeher,
il n'en fit pour cela autre chofc.3 Toutefois il n'cfloitfi arrogâtquede prefumer de foy
qu'il pcult tout feul mger delà doârincdc Dieu , mais il demandoit l'aduis de plufieurs
gens aagez,grands pciionnagcs&: de bonne rcputatiô. Entre autres gens lcauas du cô-
lcil dcfquels il via,il dcmandal'aduis d'Erafme Roterodam en celte aifemhlcc que tint
Charles V.enla ville dcColognc,npres fon couronnemét. Ayât dôc enuoyc qrirErafme
il parla à luy fort humainement:^: entre autres ,ppos luy dit, q puisqu'il vauoit quelque f"1 rtf?on'
dirterenc en la rcligion,qu il aymoit mieux que la terre s ouunlt pour rcngloutir,qucde mci la je-
donner conlentemcnt ou faucur quelconque àfaufîes opinions . mais fi Luther repre- n'a"ded"
noir bien les crrcurs,& monftroit droitcmct la vrayedotfrinc deDieu,encore qu'il veit
en quel danger il eitoît luy & les licns,que toutefois cela cognu &: en citant aiîcurc,iJ ne
(croit jamais contraire à la vérité. Et pourtant qu'il ne vouloit en vne matière de lîgrade
conlequence s arreiter à fon feul îugement : ains qu'il defiroit d'auoir aduis fur cela des
gens dcfcauoir.Puis après il pria affcclucufement Erafmedeluy déclarer rondemétee
qu'il en fentoit.Eralme voulant refpondre commença de fe foubrirc,&: par manière de
moquerie dire que Luther auoit cômis deux grans péchez. l'vn,en ce qu'il auoit efmeu
éC troublé les ventres des moines:l'autre,d'autant qu'il auoit touché à la courône du Pa
pe. Ayant dit cela de bôiiegracc^intàparleràbonerciét^dirantlbnaduis^ireuroitq
Luther reprenoit iufrement les abus &errcurs,&: qu'il eftoit plus que necclFaire à l'Egli
fe qu'ils fulTcnt corrigez. Il adioufta en lomme dauantage quela docirine deLuthere-
ftoit vraye,mais qu'il voudrait qu'il fuft vn petit plus doux,&: non tât véhément qu'il e-
ftoit. Laurent euefquc de V vrcebou rg efenuat à Fridcric luy mandoit qu'il auoit demâ
dé l'opinion de plusieurs gés do&cs,mais qu'il trouuoit q Luther eftoit trop aigre &. af-
pre en fes efcrits ll cft certain queLuther fe côplaignit par lettres au pape Léon 3cà Al -
bertarcheuefquedeMagdebourg ayantprimautefurfAIemagnede l'enrageeimpudé
ce de ces porteurs de rogatons &: marchans de pardons. Et leur madoit qu'il fe foumet-
toit,luy&: fes polirions au iugemét&ccfuredcl'cglife Romaine . Au furplusen ladiet-
teque tint Maximilian à Àufbourg,il promit à Thomas Caietan cardinal, de fe taire de
là en auar, pourueu qu'on fift auffi taire les aduerfaircs.Par cela il appert que Luther ne
demandoit pas fe fourrer en altercation &: contetion , mais n'aymoitritn mieux que la
paix. Or depuis que ces difFercns fe font efmcus , de tous coftez vn tas de gens ignorans
cfcriuirent contre luy, tellement qu'eftant par eux irrité, vint peu à peu à delcourir plus
grand nombre d abus,&deduire plus amplement les matieres.^Dont fe font enfuyuies
les difputcs de la différence des loix diuines& humaines: de l'exécrable profanation de
la Cene du Seigncur. des foires & marchandifesdes me/Tes:de l'application de laCene à ♦
autre vfage qu'elle n'a efté inftituce^ôme fi elle feruoit à autres qu'à ceux qui la reçoi-
uent.Su r cela il fallut déclarer toute la nature des facrifices&: faeremes.Lcs gens de bié
es monaftcresentëdans qu'il falloit euiter&T fuir toute idolatrie>lcsdelaifroyent,&:quit
toyent les fuperftitions aufquelles ils s'eftoyent miferablement alferuis. Voila commet
pluficurs delaiiferent leurs moineries. ^ Lutder donc voulant mieux déclarer fa do&ri-
nc,mit en auant ce qu'il falloit fommairement entendre delà vraye pénitence, de la re-
milfiô des pechez,de la foy,des indulgéces &: de femblablcs autres pointts de la do&ri-
nede Dieu. En tels combats le Seigneur donna pour adioinc~t & compagnon à Luther,
Philippe MelancT.qui à déduit d'vne merueilleu(é&: finguliere dextérité toutes les prî-
cipales difficultez qui font en la religion:& recerchat comme iufqucs aux profondes ca
uernes de la lbphiftene fchola(tique,lcsàmisd'vne belle méthode en euidence tatpar
eferits q par difputcs verbales. Depuis ces deux port-enfeignes Dieuafufcité plufieurs
autres vaillants chapions qu'en Saxe qu'es contrées àlenuiromcomme lean Bugenha-
ge Pomeran ,Gafpar Crucigerjufte Ionasjufte Mcnius , lean Epin &c autres en diuers
lieux. Iccux s'adioignans à la caufe quedefendoyét Luther &: Melanthô ont prins grâd
peine de repurger l'Eglife de toute faulTe doftrine,& y reftablir celle qui eft vrayemét de
Dieu . <j EckiusefmeutladifputedclapuiilanceduPape,non pas tant pour maintenir
la vérité que pour efmouuoir& enflammer le Pape&r les Rois contre Luther . Ces fon-
demens mis &: pofez [ , petit à petit l'Eglife du Seigneur pnnt fon accroiffement & le rè-
gne du Pape tomba en décadence: premièrement en Alcmagne , puis après es nations
L#ro /. hfenry VoeJjSt Jean Efck
VoifinesCConfideronscn ce changement,principalcmcntleconfeildcnGftre boDicu
qui aflemble les liés 6c les gouuernc,nôpasparautlioricc,pui/râce ou fagciïé humaine,
D.cufckrt ma|-s ja bouche des enfans,& le miniftcre des pourca 6c (impie-, gt ns,qui alaitent le
po^Xn laictde la doctrine de rEuangilc.Dauâtagcquand il luy plaift,iJ garde&defcnd les lies
dre les
non pac armes ou force des Rois, mais feulement de l'ombre de les ailes . ^ Pa k cvy o
£rindï' recognonTons le grand bénéfice de ceite lumière Euangclique redonnée en ce temps,
&C le remercions de ce qu'il luy à pieu donner des claires fontaines de l'Euangile après le
bourbier de la doctrine monaftique. Et n'eftimons p oint que ce foie moindre miracle
d'auoir maintenu l'Eglne contre la tyrannie duPape, 6c tant de haines, menaces^ vio-
Jécesdes Rois de toute l'Europe, qu'à cfté la dcliuranccdu peuple d'Ifrael de la feruitu-
Co-nbien de d'Egvptc.Crovons auffique la reftitution de la pure doctrine après vn tel abyfmcdc
on doîc rri tant ^c fupCrjtitions &C opinions d'hommes, eft autant ou plus miraculeufe que la deli-
tu'iondc" urance & conduite dudit peuple par la mer rouge & par les deferts,à la terre de promit
h venté, lion: combien que les choies corporelles clmcuuent dauanrage nosfens.
Demandons donc ardcment& auec gemillemens qu'il plaifeau Seigneur de confer
Prière au nier ce qu'il a befongné en nous, pour l'amour de Ion temple l'acre. Parquoy,ô vray Dieu
îe'cflwre ctcrnc^ viuât,Pcre de noftre Seigneur Icfus Chrift,nous te luppliôs de bon cœur, que
m out pour la gloire d'iceluy tu te ramalfes toujours d'entre nous par la viue voix de l'Euangi-
tccips. je ca fain&c Eglil'e.Gouuerne nos cœurs par ton l'ainft Efprit,afîn que nous t'inuoquiôs
en vérité, &: t'offrions leruices aggreables . Donne Seigneur commodité d habitation
paifible aux afl'emblees fjdeles:& garde les bons Princes qui les entretiennent^ s'efror
cent de faire valoir les bonnes lettres &fcicnces nccellaires à ton Eglifc.
Maintien-les , &c les conferue par le moyen &c pour l'honneur de ton Fils éternel noftre
Seigneur Iefus Chrift.
HENRY VOE2,6MEAN ESC H^^uflinsdeBntbant.
D E pluficuis Augufb'rw qui d'Anucrs furent mené? prifounier» i Villeuord, ville ôc ^nfon ordinaire de Brabant , il y en
eut trois qui pour la profeffion de vérité Furent longtemps detenus.Le mai t)rc des deux eft icy mis félon que l'a ddem
& publié par impreflion vn perfonruge notable cftant lors à Bruxelles.
M.o. '|?^^^vy V A N D Luther eut commencé de publier iàdo&nne par liuresimpri-
XXIII. j? p5^^V mez,plufieurs les leurent &C en firent fort bien leur prouflt auant queles ad-
iV';lÇ|^yN; u criai rcs s ad ui fartent d'en obtenir la defenie. Le contient des Auguftins d'-
l'^5c>^^l Anuerscn fut deilors inftruit:d'autant que Martin Luther ne leureftoitfuf
pe£t,eftant encore de leur ordre. La plus part de ces Auguftins fut citée àBruxclles à l-
inftance del'euefque deCambray ou Ion promoteur, pour rendre raifon deleurfoy:
mais il n'y en eut que trois qui demeurèrent conftansdes autres fe fubmirent à la volon
té des aduerfaires,qui eftoyent en grand nombre. On fît tout ce qu'on peur pour faire
defdire ces trois-cy,comme les autres:mais ceux qui auoyent cefte commiilion, voyans
qu'ils ne proufitoyent rie, délibèrent de les faire mourir pour leur obftinatiô . Ils furent
De combic donc menez à Bruxelles,&: là on les mit en prifon bien eftroite . Nos maiftres de Lou-
aemj ftercs uain s'y trouuérent,&: au refte bien peu d'autres. pource que deuant le iour du fupplicc,
uerfain»*^ ^e bruit n'en auoit encores gueres couru. Le premier iour de Iuillet le peuple s'aftem-
pour paur hla au marché, trois ordres des frères Mendians qui font en ladite ville, y vinrent auec
leurcaufe. jeurs banmcrCs, & tous marchoyét en procelTïon la croix deuant. Les Docteurs en The
ologie eftoyét chacun en l'on reng,lcs Abbez aulll auec leurs mitres &c croiTes y eftoyét:
par faute d'Eueiques. On auoit fait dreiTer à tous ces vénérables vn eichafFaut deuant
la maifon de la ville. De ces trois Auguftins on pfint le plus ieune,&: le mena-on par le
marché enuiron les onze heures: ceftuy-cy furmontoit les autres en doûrine & grâce
de bien parler. Apres qu'il euft efté amené au milieu de ce théâtre, 6c qu'il eut là demeu-
ré quelque peu de temps,on le monta fur re(chaffaut,accouftré& reueftu des ornemes
facerdotaux.il y auoit vne table dreffee& parec en forme d'autel, deuant laquelle on le
fît mettre à gcnouxi&tous auoyent lesyeux iettez fur luy comme eftonnez.On napper
ccut aucun ligne en luy qu'il fuft troublé, ou qu'il tremblaft. Derrière luy eftoit vn beau
perc Gardien des Cordeliers , qui commença le fermon de la dégradation : Et puis l'E-
ucfque portatif ouurat fon liure commença auflï à iouer la partie. Vne heure entière fe
palîà auant qu'il euft paracheué le rolle de fes cérémonies: outre ce que le beau-pere a-,
uoit demeuré autant à prefeher.
Cepen-
tfcnry Voe%J$ Jean Efcb. j p
Cependant ce ieunc homme ne changea onques de contenaneexomeainfi foit que
plufieurs qui ne pouuoycnt ouyr Je prefeheur pour la preiîe qui y eftoir,eufTent les yeux
du tout fur luy. Il auoit le regard doux &: gratieux,mcnftrant qu'il mcfpnfoit ceft appa
reil demort,aucc grande modeftie &c debonnairete.Qj.iand on luy commanda de fe de-
ùeftir,oneftoit efmcrueillé de fa grande promptitude. Aucuns ont rapporté qu'il dit en
paiTant,qu'il feroit obeiflant iufqucs à la mort. Quand toutes ces cérémonies eurét pris
fin, &: que de preftre on leuft lait home laie, ou feculier,ainfi qu'ils diicn t,on luy fit cha-
ger d'habits:& pafla outre au derrière de l'efchaffaud.* On fit venir puis apres les deux J^/J*")"1^
autres, qui auoycnt la face plus hidelife: car la barbe leur cftoit accrc uc mal en ordre e- AugufUni.
ftansen pril'on: toutefois ils monilroyét en leurs faces apparéce de côftance&: alaigrcf-
fc.Lei.iour de Iuillct ils furent dcgradez& defpouillez de leurs habits de Moines, àla
pourfuitte derinquiliteurdelafoy&:desTheologicnsdeLouuain:pource qu'ils ncs'-
eftoyét point voulu deidire ne retraiter de leur opinion. Lors ils commenecrét à rêdre
grâces au bon Pere ce leftc, lequel les deliuroit ainii par fa grande bote de la faillie mafq
de telle Prcftrife,pour les faircPrcftres de foh ordre fainft,les receuat à foy pour oblatiô
de bon odeur. De ces trois les deux furent amenez: aflauoir Henry Voez&Ie an
Esc H,&incontinétapresc6duitsau lieu du (upplicc,où le bois cftoit defiaapprefté:af
fauoir au mcime marché où on auoit fait ces beaux myfteres. Cependant qu'on les me-
noit,& qu'on leur oftoit leurs habillemés,ils tindret quelques propos lefquels plufieurs
ouyrent,&: depuis ont rendu tefmoignage que c'eftoyent propos de gens fort modeftes
& craignans Dieu. Ils proteftoyent qu'ils mouroyent corne vrais Chrcftiens:qu'ils croy- ^"pol"e
oyent laS.Eglife vniuci felle:que c'eftoit le iour qu'ils auoyent attendu pour voir leur de voez &
firaccompli>irâuoird'eftrefepaiTzdeleurscorps,poureftreconioinclsauecChnft.Or Efcb"
apres qu'ils eurent efté dcfpouille2,n'ayans plus que la chemife,ils furent là long temps
embraffans le poftcau:& on alluma le feu petit à petit.Si on doit &c peut iuger de leurs
contenaces &: geftes,pâr leurs fronts &c yeux,& par l'apf>aréce delà face (lesquelles cho
fesdcfcouurent bien fouuent plus fidèlement &: certainement le cœur que la lâguene
fait)on peut dire que rafleurance,la conrtànce& alaigrefTe croi/Toyét de bien en mieux
en eux:& principalement monftroyent vne lie/fe en la face,de forte q plufieurs péfoyét
qu'ils rioyent. Entre autres chofes,ils reciterentleSymboledelafoy,&: quelqs hymnes,
refpondans par verfets l'vn apres l'autre.L'vn d'eux voyant le feu allumé fous fes pieds,
s'efena qu'il voyoït comme des rofes efpanchees. Finalement la flamme éleuee en haut
les cftoufFa,& leur ofta la parolle de la bouche.^ Lctroifieme ne fut point amené. aucûs
difét qu'il fc dcfdit.& nôobllant,pourcc qu'il ne fur produit en public pour fe retracter,
il y en aplulieurs qui ne le peuuét croire. Aucûs péfent qu'on la fait mourir fecretemét.
Le lcndemain,qui elloit le iour d'vnefcfte de la vifitation delà vierge Marie, ce mefme
beau-pere Cordelier fit vn fermon, auquel il admonnefta le peuple, que fi on demadoiti Menfongci
à quelcû d'entre eux quelle a efté la fin de ceux qu'ils ont veu brufler, qu'on refpondift J"rCordC:
qu'ils eftoyent morts en la foy erronée de Luther. Ce Cordelier difoit outreplus qu'il a-
uoit entendu d'aucuns, que ceux-cy auoyent laifle leurs opinions &: erreurs deuatleur
mort,afTermât que cela auoit efté fait par les prières d'aucûs,& par le moyé de la vierge
Marie qui auoit fait miracle.On en difoit au tât à Louuaî,car noftre maiftreNicolas Eg M.Nicoli»
môda,h6me de ventre prodigieux,qUi'eftoit là retourné de Bruxellcs,recitat en vn fer- d'Egmond'
mon qu'il fit après di(né,qu'enuiron lesonze heures il auoit receu lettres d'vn bon per-
fonnage nommé François de Hulft(lequel l'Empereur auoit ordonné pour eftre Inqui-
fiteur, & pour attraper les hérétiques ) queceslAuguftins qui auoyent efte bruflez pour
leurs hcrefies,fe dédirent de leurs opinions &: erreurs lors que la flamme fe retira, mais
tous ceux qui auoyent efté près du feu, hioyent cela fort &C ferme comme du tout faux.
Autre tefmoignage de la confiance de ces deux Auguftins,eitraicl d'autres lettres.
5§ff|8 V A N T aux deux Auguftins qui ont efté bruflez en la ville dc'Bruxelles , ie péTe
l^^^que d'autresen ont efcrit.Quelq chofe qu'il y ait,ils ont enduré la mort d'vne gra
de confiance. LeChancclier de Brabant affermoit qu'entre tant de perfonnages conda
riez& mis à mort de fon téps , il n 'auoit iamais veu aduenir chofe femblablc . Au milieu
des flammes ils recitoyent leSymbole,& inuoquoyent à haute voix le nom du Seigneur
Iefus . Leurs luges eftoyent ces Théologiens, afïauoir Hocftrat , Egmonda , Latomus,
Hodfcalc&: Ruard Tappacrt.vnCarme de Malines nommé Pafquier,y cftoit aufli. Fra-
ÇoisHulft auoit certaine cômiflion par vne bulle du Pape,de créer vn Inquihteur,pour-
Lmrc^ /. tfenry VoeXj$ Jean Efch.
ucu qu'il fuft Prclat ou docteur en Theologie.&: ce qui s'enfuit:
Senfuvuent les arricles que le Promoteur, de Cambray a produits contre frère Henry & Tes compagnons.
llP^Euxqui commandent qu'on le déporte de lire les liures de Luther, font contre T-
^0 Efcntuie,laquclJedit,Efpiouuez toutes chofes. Item, Efprouuez ii les efprits font
de Dieu. 2. En parlât au Commiflairc,il luy dit qu'il le vouloit deceuoir par douces paroi
Touchant lcs:quicft parolle iniuricuie. 3 Lesliurcsde Luther luy ont donépl9 grade lumière pour
SartinLu- entédre les Efcriturcs,quc quclqs autres Docteurs qu'il cuit leuz. 4 Luther la fait appro-
uver. chcr Je plus pics à la cognoiJfâce de rEuangilc,queS. Auguftin ou S.Hierofme.j On ne
pourroitptouucrparlaS.efcrirurequelc Pape ou quelque Prélat que ce foit, ait quclq
" 3FC' choie plus que le minifterc de la parolle de Chn'ft.6 Ne le Pape ny autre Prélat quelcô-
que ne peut commander aucune chofe , ou détendre, qui ne foit contenue en la fain-
tic Efcriture,ou bien que Dieu n'a pointcommandeeou détendue, par laquelle^ la
confcience fuit blcilce.7 Lapuiftance feculierc peut bien commander &:dcfendre
quant aux corps, mais non point quant à la confcience. 8 L'Fglife n'a pas encore dé-
fendu les lnircs de Luther. Et après la folution de ces deux textes , Efprouuez toutes
chofes, Efprouuez les efpnts s'ils font de Dieu: il répéta ce mefme article, difant,L'E-
glifc n'a point rcprouué les liures de Luther. 9 On ne doit rien croire fous le péril de
la confcience, s'il neft ordonné par les fainctes Efcritures , ou bien qu'on puiiîe tirer
clairement & manifeftement defdites Efcritures. 10 On doit tenir pour fufpect ce
ConciKs. ^uc jc Concile aura dctcrminé>qui ne fera point contenu en la S.Efcriture.i 1 ^ Ayat c-
ftc fouucnt interrogué quelle opinion il auoitde Martin Luther , il a rcfpondu que par
leseferits d'iccluy il cit venu à la cognoilTance de l'Euangile. Interrogué fi ledit Luther
Cofecraua auojt | cfpnc de Dieu, il ne voulut point refpondre.ii Eltant femblablemét interrogué
s'il a opinion qu'il y ait différence entre lespreftres& les laicz,cn matière de la confecra
tion de l'Euchariftic,& alfauoirli confacrer appartient à la facrifîcaturede Chrift& à la
facrificaturc du nouueau Teftament,ila rcfpondu qu'il n'entend point ce mot ambigu
Confelfiô. dc confacrer. 13 Iladitpariniure,Chriftauraefgardà vos menaces. 14 CôfeiTcr tous les
péchez mortels à vn homme,n'eft point de droit diuin,necommâdé de Dieu. Car il n'y
Sicrcmés. a homme qui puilTc cognoiftre fes pechez,&c. 1 5 Le Baptefme,l'Euchanftie & la Péni-
tence font tondez furies jpmelfcs deChrift,lefquelles fufeitent la foy.Et pourtât il croie
que fi on y adioufte foy,la grâce elt conférée. 16 Quant aux autres quatre (acremens , ai-
fauoir la côfîrmation^cs Ordres de Preftrifc>le Mariage, l'extrême Onctiô, il n'y a point
parolle de promeile.mais ce fôt pluftoft cérémonies par cy deuat obfetuecs:& nô point
Sacremens. 17 Les fufdits Sacrcmens n e confèrent non plus grâce que les autres obfer-
uations de l'Eglife,lefquelles TEglife ne tient point pour Sacrcmés.Car la grâce n'eft c5
feree que par la parolle de Dieu. 18 La preftrile n'eit point Sacremét, côbicn que ce foit
c eremo- vn millIftcre nccclfairc.i 9 L'extrême onction n'a point de jpmefle.io Ne le Pape, ne l'E
ucfq,ny autrePrelatquel qu'il foitjne peutobliger vn home aux chofes qui ne font poît
de dioit diuin,en forte qu'c les tranfgreilâtilpechemortellcmétrcômeàiufncrlaQiia-
reimcjà (e c ôfeiTer vne tois l'an, à célébrer les feftes& chofes fcmblables:hors mis lefca-
Vœux per. dale du ^diaiii,iufqu a ce qu'il foit mieux inltruit.2 1 Tous vceux perpétuels faits hors le
petuclj. cômanciementde Chnft,comme les vœux des moines , l'ont faits imprudemment,par
faute d'entcndrequclle eft lalibertéChreftienne:&: par confequent n'obligent point*
L buté 22. Depuis qu'il a lent y que c'eftoit de la libertéChreftienne,il n'a point eftimé que fa cô
Chrefticnc feience fuit obligée pa vœux.23 La vrayefoy Chreftienne&: catholique nepeut eftrefe
parce de h charité,d'autant que la charité eft vn fruid de la foy.&: d'autrepart, lafoy las
Rcmiffion ja dile&ion eft morte.^Quad Dieu pardone les péchez à vn pecheur,lors aulfi ilquit-
1 pcc'KZ te & remet toute la peine des péchez, par la mort de Chrift.2.5 Lefacremcntdel'Eucha
L .biat ion riftïc n'a point d'oblation en l'autel-.car ladite oblation a efté vne fois feulement faite en
•t res la croix.26 II ne croit qu'aucunes prières des viuans profitent aux trefpaflez. 17 Les
mornT ftatuts faits touchant la MelTe, font inftituez ordonnez fans le commandement de
La Méfie. Dieu & de Chrift.28 Si les ftatuts fufdits, ou cérémonies fontde l'ordonnance des
da tomn "onim«s>& non point du cômandement de Dieu, ils font contre le droit diiun.19 Nous
Heurts ca- ne fommes point obligez fous peine de péché mortel, de dire les heures canoniques . 30
noniques. L.uy-tnefmc en difant les heures canoniques,a toulîours fait contre le droicl diuin, d'au-
tât qu'il n'a iamais prié le Pere en clprit éc vérité. 3 1 II aimeroit mieux auoir la tefte cou-
Qncftions. pce, voire-dix teft.cs i'vnc après l'autre (s'il en auoit autant) q de confen tir aux queftions
qui
■us.
Memy Voe\& Jean Efch. €ô
qui luy cftoyéc propofees.}* Si le pécheur croit qu'il eft vrayemét abfous,fes péchez Iuy
font pardonnez. 53 11 vaut mieux ne rerufer point aux laies ce q IeiusChnft a ordonne d' £ôm,u"i5
eftrc baillé à tous: c'eft aflauoir la cômunion fous les deux efpeces.34.Ceux qui défende* deux c7pc.
aux laiez de communierfous deux d*peces,font cotre lintêtion deDieu.35 Eftant inter ccs«
roguc s'ilauoit cftéfeduitpar Luther(o»- pource cjuon craind qu'il euft efléfèditn par Ittther,<efle DcLucJlcr
mterrogatwnluyfurfaite)i\teCipondit,ic(uis (eduit comme les Apoftres ont eftéleduits par
Iefus Chrift.36 Ce q les clercs font exempts de la iurifdidion de l'Empcrcur,c ft côtre le Fxéptions
droict diuin.37 Le Pape na point autre puùTancc q de prelcher la parollc de Dieu, Se de du CUr^-
paiftre (es brebis par la predicatio de cefte parollc de Dieu . 38 II voit bié que meilleurs
lesComifîaires not point la parolle de Dieu. 39 De fa vie,il ne s'en foucic pas beaucoup:
au refte,il recômandefon ame à Dieu.4011 n'a pas voulu abiurcr les erreurs cofc/Tez par
luy.41 Qu'eftant rcquis,&: ayant cômandemenr, il différa d abiurcrles articles ci de/fus
dits,& déduits plus au long en fon procès.
Complainte Chreftienne faire fur aucun de ceux qui eftoyent lors prifonniersen Brabant , qui parla tyrannie d $ infidèles & par
la crainte & horreur de la mort,fut contraint Je nier finalem nt la verité,Iaquelle il auoit confeffec.
R E R E &c amy Chreftien,nous ne pouuons faire que ne foyons marris , de ce que
l|plaperfuaiion des hommes diaboliques a eu telle puilTance fur vous, quelle a ef- Souluitdes
branlé te accablé voftrcfoy laquelle nouspeniîons eftre fondée fur la pierre ftable qui fidtlcs"
eft Chrift. Anoftre volonté que vous-vous tu liiez du tour remis a Dieu, fichant enticre-
rement l'ancre de voftre fiance en luy feul, lequel vous pouuoitbicn îecourircn ceften-
dro;dt. Cefaifant vous n'euiîïcz prefté la bouche au licol de vos ennemis, pour vous
brider félon leur apperit.Cary eut-il iamais homme qui ait cfté confus pour auoir efpe-
ré en luy?y en eut-il ïamaisqui l'ait inuoqué,& ait efté delailTé-Ne fauez-vous pas bié qu
en cela vous n'eftes nullement vengé de vos ennemis 'Ignorez- vous que combien que surlePfeau
vous viuicz , ncantmoins vos aduerfaires vous ont englouti? S. Auguftin traitant delà me 3
bonne caufedes Martyrs, recite d'aucuns,que combien qu'il ayent cfté occis , toutefois
ont efté exaucez,& lors eftoyent deliurez Se tirczhors de la main de leurs ennemis, qui
defiroyent leur ruine:Les occis(dit-il) eftoyent deliurezrmais les furuiuans eftoyent en-
gloutis. Car ceux qui demeurent en vie, font engloutis , & ceux qui fonr occis, au con-
traire font rachetez. Celuy qui tombe en la main de tels larrons &: brigans,eft mallacré
& perdu: &: fi ce n'eft de la vie du corps,c'eft de la vie de lame. Car auant qu'il le loir de-
pcftrc de leurs ongles,il faut que fvn ou l'autre aduiéne:Si la vie corporellcluy eft oftee,
la vie de l'âme luy eft gardée fauue: mais ti condefeendant à leurs blafphcmes il euite le
danger de la vie du corps,il tumbe incontinent au danger de perdre la vie de l'âme . Er
pourtant le Seigneur Iclus voulant côforter fes Apoftres,& les inftruire à ce qu'ils peuf
lent d'vn cœur conftant &: inuincibic endurer& furmôter les outrages de tous leurs en ^
nemis,il leur dit,Ne craignez point ceux qui tuent le corps,mais ne peuuét tuer l'ame.
Et que profite-il à l'hom me s'il gaigne tout vn monde , & cependant fera h dômage de
fon ame? ^ Vous auez eu voftre recours à la chaire de pcftilence denosPhariiiens:&fî
ce n'a efté de cœur(ce que pourriez bié alleguer)ç a efté de la lague: &: vous vous eftes là
retiré comme à vne franchife,ayant fouferit par côfequence à leur façon de viure,à leur
aftuce,impieté,blafpheme,homicide &c ryrannie. Attendez-vous d'ouir quelque chofe
plus heureufe d'eux ( li d'auéture iladuiét que vous veniez quelque fois à faire repentâ-
cedeuanteux)queceque leurs predecelfcurs iadisontrefpondu aludasIicariotralTa- Mat l7-4
uoir,Quenousenchaut-il?tuy aduiferas.Penfez-vousque vous demeuriez innocét par
cela, que les Phanfiens&Rabinsenleur rage& impieté auront prins fur eux toute la
coulpe & punition ( qui pourroit tomber fur vous au dernier examen ) de ce que vous
vous eftes defdit,& auez fait abiuration contre voftre confciencerSi Pilate qui eftoit iu-
ge profane, n'eft excufable de la mort de celuy qu'il auoit trouué iufte entieremcnt,af-
fauoir en remettant le fang de ce iufte furies Pharifiens& fur leurs enfans: quefera-ce
de vous,de ce que vous fiant fur vne prome/Te pleine de tromperie, auez mis voftre e-
fprit à faire abiuration de voftre foy?Mais,ô mon frère &: amy,afîn que ic méfie de la dou
ceur de l'huyle auec l'afpreté du vinaigre, ie fupplie ce fouuerain pafteur Iefus,que Slobiur
vous , qui eftes brebis efgaree , foyez ramené fur fes efpaules: vous qui eftes deftiné à la ^cion.
mort par les naureures des brigans , foyez amené aux medicamtns prefens du Samari-
tain debonaire : vous qui eftes h* eflongné de la grâce &c maifon paternelle,foycz rame-
né bien toft entre les bras de ce Pere tant mifericordieux,afin qu'il vous recueille beni-
Liurzjf. JtanTiftoritisdè VVofdtn.
gncment & vous embraiTe.Plcurez aucc Picrrc,ôc confcflVz voftre pethc,& liieu mife-
ricordieux vous fera mifericorde.Surtout,Ie vouspriejgardcz-vous de vaguer in certaî
par le môdctne vous enfuyez point de deuant la face du Fils dcDieu,maiS rengez vous
a fa Parolle par laquelle vous ferez illumine U conforte : en appliquant vt>ftreefprit U
L'armoire iour& nui£à lire les EferituresS cfquelles les armes de la gendarmerie Chreftichnc
do a'rScs font mifes en referuc>cbmme en vne ârmoirer A Dieu vous-dy". Priez afliduellcment
pour la querelle de Chrift,& de tous les Chreftiens.
IEAN PISTORÎVS DE WORD EN, àlaHayeenHolUnde.
G. GNAP HEVS homme do&e a derit la Vie de Iean Piftbrius dcV vordcn.auec vne oraùon apologétique qu'il a pu
bliee par cfcrit.fur la capciuité d'ieelu v touchant le célibat des Prefttrs^nais ce que bous auont tev fucanâcrncnt mis,
concernant fpeaalcment le martyre audit de Wordcn, a efte cjqraiô de ce qui fe trouue doit de kry en langue Fla-
mengue.
O L L A N D Eauoît en ce temps pour docteur &tefmoin delà veritédu
Seigneur,Icande Vvorde:duquellesfouffrances n'ont point feulement eu
commchccmentjlors qu'il à efté facrifié par mort,mais defauparauantau re
' gard dequoy il a efté ici mis à 1 entrée de l'an m.d.xxiii .Les en nemis de 1*
EulingTîene ceiTerent de raffliger,iufqu a. ce que finalement ils l'eurent misa mort, qui
fut l'an m.d .x x y .En la dernière procédure qui fut tenue contre luy,dcuant fa mort,il
Riurdhi for- interrogué de plusieurs poin&s de fa foy,furlcf quels il donna telle rcfpôfe,qucccux
Lo^amiie qui l'interrogoyét , & fur tous le Do&eur Ruard Tappaert doyen de Louuain , demeu^
rerent confus.Car après auoir demandé en quelle forte ils vouloyent procéder en ladif
pute, voire & quel langage on y vouloit cenir,il pro tefta de ne rien dire ne fouftenir qui
ne fuft clairemét exprime en la S.Efcriture» du vieil & nouueau Teftamet.De cefte pro
teftation les inquifiteurs U do&eurs fe rians ,1'interroguerent fur plufieurs poin&s, fpc-
cialemét du célibat . Sur lequel enquis qui l'auoit meu de trafgreflèr ccqu*ilauoitvoué,
lors qu'il receut le degré de preftriic:il leur confeiTa qu'il auoitfecrcttement cfpoufé v-
nc femme pour euiterpaillardife,& le feu damnable,qui brufle ceux qui hors de maria-
ge,n'ont le don de continécc,alleguant fur ce l'authorite de l'Efcriture. lis luy diret qu*
il lauoitfait pour plaifir:&: qu'il s'en fut bien paiTé , s'il y euft prins peine . Croycz-moy,
refpôdit ce fain&perfonnage, i'ay fait mô plein pouuoi r l'efpacc de deux ans, de demeu
reren continence jicunant, priant ardemment Dieu de m'ofter toute mauuaife oc-
Nota fcy cafiô:mais ie n'ay trtauué remède que par mariage. On luy répliqua qu'il dcuoit auoir
ccab«C jjjj penfé à ce remède deuant que fe faire preftre: Il eft vray * dit-il . Et à la mienne volonté
preftrei. que i'euiîe efté aufli bien aduifé ou aduerti comme ic fuis deprefcnt:afauoir que la mar-
que de la defenfede mariage, eft l'vnede celles que fainéfc Paul a nommée Do&rine
des diables. Ily eut vn de cesDo&eursquife defpitantluydit,Icvoudroyc que tueuf-
fes eu à faire auec lediable t ou auec vne putain , quand tu couchas la première nuid
auec ta fcmme.À quoy il refpôdix,n'auez-vous point honte de fi vilaines & infâmes pa-
rolles,ou pluftoft blafphemes exécrables contre Dicu?Ce feul poinéftîu Mariage(outre
lesautres trcfçlp&ement par luy fouftenus»& Chrefticnnementmaintcnus parla parol-
le deDieu)famenerétfinaiemétapres longues procédures^ ùl dernière condamnatiô.
Auant laquelle^eftant exhorté de îe cohfeiTer,rcfpondit qu'il en cftoit cotent. Sur quoy
le fufdit Ruardus Tappaert principal en cefte inqui/îtion,fe prefenta pour l'ouyr, Pifto-
rius en peu de parolles confefla d'eftre poure pécheur , digne de mort. & malcdiftion e-
ternelle:mais que pour l'amour de Iefus Chrift il etperoit (âlut,Sc en cftôif du tout aiTcu
ré.Ruardusquis 'âttcndoitd'ouir vnetôute autre confe/fion, fut de plusirrité cotre luy.
f" Apres donc auoir eflàyc tous moyens tâtpar ailechemens que tourments,voyans qu'
La vertu de ils ne profîtoyent de ricn:mc&ncsquerayansmis au lieu le plus hydeux &infe& delà
Dieu en ce prifon,il y auoit conuerti vn meurtrier & vn autre criminel,à l'Euangilcrfînalcmet on le
MmïT- dégrada pompeufement à leur vfage,prefentTEuefquc de Palerme, Ic/ufFragant d'Vl-
trect,vn Abbé d'Egmond& autres Prélats, aucc la trpuppe des Docteurs de Louuain
inquifiteurs en cefte partie.Puis après il receut fentence déport le x T.dcSeptébre
d . x x v .en la Hayc,fiege de laCham bre de Hollande.Enie menant au fupplicc du feu,
il chanta Te Deum laudamusi&'c.Ô£ pailant parti eu an t les prifons,ces deux prifonniers qu'
il auoit conuertis,luy rcfpondirent,chantans du mefme Cantiqueren figne de vraye lief
fé & viâoire qu'obtint ce iour-la ce champion, maueréSatan , & tous les ennemis du
famGt Se facre mariage inftitué par l'ordonnance du Seigneur.
JeanleÇkrc: ^tj^jcolas, 6t
I E A N LE CLERC,dc Meaux en Bric.
MOT E, Lertcur.oni'hiftoircdcccM.invr.conibienqu'à bon droit les images doyuent eftre abolies, lî n'appartient -il àvn C'eft la f n
homititpriucdelesofter.d'aucamquilne'esapas.cn fapuiflànce. Que quand u-Hc c!.oic le commet , ou c'efi de 1'- tcr.ee de S.
c(pnthutmiH,oudMiii\'ï!'efpritfiumampoiiire l'homme a ce raire.c'eft pcchéjfi «.Vf r <■.< 1\ ipnt de D.cu,nous uu< oslc Aueuftiau
hier en admiration & icuercncaïuisnouv ne le tirerons point eu exemple ou confcqutjire. Tome 10,
y^'X}{>^ ^ A N le Clerc natif de Meaux,frere aimé de Pierre le Clerc,qui depuis ac- s"nx>"<!'
%î p$y: fie lVn des xim ,exe cutez a Me aux (dont cy après rhiftoirc fera deferite) N1 D- xx
[4'.^ futconftituc'prifcnnicr audit Meaux l'an m.d. x xn i,poui auoit attaché In"
VV^JLIMS certain eferit au grand temple dudit lieu , contre vn pardon que le Pape a -
uoic enuoyé:auqucl eftoit contenu quCtUVapteR*£itteckr$ : Tellement que pourec faitt
il fut condamné à cftrc fuftigé par trois diuers iours, & le troilieme iour cftrc flcftrv au
front. La merc qui eftoitfcmmc Chrcftiennc (combien qu'elle euft vn marv aduerfai-
re)en voyant fuftiger l'on rîls,luy donna courage : & après l'auoir veu fkftrv , s eferia i n
cefte vo\\,yt~. c kfus ib'iHar (es enfeïnies. IHe retira depuis à Rofoayen Brie, & de là à Mets
en Lorraine : auquel' lieu il demeura quelque temps , trau aillant de Ion mcfticr de car-
deur. Aduint vn foir précèdent le iour auquel fc dcuoit taire certaine proçeifion i'olen -
nelle , à vne petite chapelle hors des murailles de Mets , que ce perfonnage efmeu de
zelc 6c afteition ardente, fortit de la ville, &c pernocta au J it heu, où il rompit les idoles
qui deuoycnt cftrc le lendemain adorées.
L k matinjes Chanoincs,Preftrcs&:Moines ayans là conduit tout le peuple,&: trou-
uans leurs idoles rompues & mutilées, efmeurcnt toute la ville à cercher l'autheur de
ce faicï,qui fut tantoft trouué.car aucc l'opinion que îa on auoit de luy, aucuns l'auoy et
veu ce iour me (me reuenant en la ville dés lepoind du iour. Parquoy il fut apprehédé,
& incontinent confciîa le raid, & en rendit raifon deuant le peuple:tellcmcnr qu'aucc
fureur Se rage on demanda qu'il fuft incontinent tramé à la mort. Son procez fommai-
rcment i àit,aprcs qu'il eut maintenu eicuât les iuges vne pure doctrine du Fils de Dieu
(oui lors eftoit bié peu cogneue) il fut mené au lieu du dernier liipplice: Se là endura v-
ne horriMc efpccc de mort:caron luy coupa premièrement le poing dextrc:puis le nez
luy fut arraché aucc tenailles : les deux bras tenaillez , & les eieux mamelles arrachées.
Il n'y eut ceftuy qui ne fuft efmeu & eftonne , voyant vne confiance ii grande que Dieu
donna a ce lien feruitcur: lequel en ces tourmens prononça comme en chantant, ces
vcrfctsduPfeaume c x v, Leurs idoles font or 6c argent ,ouuragcde main d'homme,
&c. Tl finit le furplus de la vie qui luy reftoit au corps, par feu , félon que là condamna-
tion leporto!t.
fmmmmsmmmmm
M. NICOLAS d'Anuers.
ZELE & grande affe&ion .1 enfèignerla parollcdu Seigneurie voidenceft exemple, nonobftant toutes !eï defenfes ^.'pro-
hibitions des puiflàns de ce mondc,& ia conclradicxion des aduerfaires.
N V IRON l'an m. d. x xiiii, il y eut grand nombre de toutes fortes de M.D. XX
fgens en la ville d' Anuers &c à fenuiron, qui commençoyent à prédre gouft mi"
[a la parolle de Dieu. Or en ce temps-la,vn Curé de Mels (qui elt enuiron v-
U^gffinc bonne lieuë d'Anuers ) attiroit grande multitude de gens à lés fermons:
de forte que le plus fouucnt il eftoit contraint les faire en pleine capagne. Ilprefchoit
aucc hardieilc la parolle de Dieu,{î auant qu'il'en auoit pour lors cognoiirance,&:mon-
ftroit les abus de la doctrine des homes. En l'vn de fes derniers fcrmôs il s'accula,&tcus
autres Curez deuât tout le peuple, &c dit en parlât de la Meife, Nous femmes pires que tesf reflrcs
Iudas:il vendit &liuranoftre Seigneur.nousle vous vendôs,&: ne le vous aurons point, presque
Pt v après les Preftrcs& Moines obtindrent mandement de l'Empereur cotre ledit u
Curé, &c contre vn Auguftin qui prefehoit à Anuers. Ledit mandemét contenoit per-
miilion d'outrager ceux qui le trouueroyent à leurs fermons , voire &de leur ofterl'-
accouftrement de dcifus,cômc robc,mateau ou faiiles:&: qu'au furplus,celuy qui pour-
roit appréhender lefdits prédicateurs auroit x x x.carolusd'or. Nonobftant laquelle
defenfe,le peuple vn cet tain Dimanche après s'aflembla en grad nombre pour ouyr la
Henry Supphen.
Supphen
prclcheà
Mcldorft".
îicft pris.
Safc
prédication, en vn Heu où on fait les bafteaux 6c nauires: auquel lieu il y auoit vn ieunc
homme inftruit en la parolle de Dieu, nomme Nicolas, lequel c itant en la trouppe de
ceux quiattendoycntla prédication dudit Auguibn,&:qu'iceluy tardoit tant de venir,
prefuppofa qu'on luy auoit donne quelque empeichement. Qiioy voyant Nicolas dit,
Ce feroit pitié de lailier aller rallemblecainfi affamée, iàns luy donner réfection. Il mô-
ta ddhc fur vn bafteau qui là cftoit, 6c leur annonça plus qu'auparauant ils n'auoyeten
tendu : tellement qu'au fortir , deux feruitcurs de boucher pour auoir le prix qui cftoit
offert a ecluy qui les liureroit, l'appréhendèrent 6c m encré t à la iuftice. Et après auoir
constamment fouftenu la doctrine de l'Euangile, le lendemain qui cftoit vn Lundy,fut
du matin mis envn lac pour la crainte du peuple, ôcictté en l'eau vis à vis duCrancou
port d'Anuers, lanfufdit.
EN R Y P P H E N, Alcmand."
On peut conlîderer en ceft exemple la cruauté du populaire mutin, quand il eA cjucftion de fe bander contre la doûrinc dit ScU'
gneur, & quand moines & luppofts de Satan ont efmeu fedition.
E N R Y Supphen, l'an m. o. x xi i,futch a/Té de la ville d'Autdorrf àcau-
Iffe de TEuagiie, où il auoit prefehé Ieiùs Chrift,iufques à 1 an m.d.x x iiix.
pt Pour ce faire le Curé de Mcldorff& quelques autres bons fidèles l'auoyenc
30 feappclc.pour annoncer la parollc de Dieu , 6c qu'il les ottaft de la miicrable
feruitude de l'An techrift , qui là regnoit en grand crédit &: authorité. Cela aduint au
temps qu'on appelle les Aduéts: 6c le Curé 6c autres fidèles le receurent en grand' ioye.
Iceluy prefehoit deux fois le ioun voire auec fruict 6c édification. ^ Sur ces entrefaites
les Iacopins conceurent vnc haine mortelle contre luy, & complotèrent beaucoup de
mefcliantes pratiques.finalemêt firent cette refolution auec les xxv 1 1 i.gouucrneurs
du pays deDietmar,de prendre Henry fecretement denuict: &:fans aucun delay le
faire brufler, auant que les gés du pays en peuifent eftre aduertis. A cette délibération
incontinent fe ioignirent les Corde licrs.
Ainsi que ces chofes fe bra/Toycnt , il y eut cnuiron cinq cens payfans qui safîèm-
blerent à vne demie lieue près de Meldorff, 6c le faifirent des pafàges , afin que nul n'-
allaft. en la ville pour donner aduertiffement de le ur entrcpriie. Le peuple faifoit cela
c liant forcé par les Capitaines, qui leur faifoye nt commandement elc marcher fur pei-
ne de perte de biens& de corps. Et pour leur donner meilleur courage, ils donnèrent
pour bou c trois pippes de bicre de Hamclburg. Finalement ils arriuerent cnuiron mi-
nuit!: en la ville de Meldorff auec main armée.
Ou les Iacopins auoycnt fourny de torches 6c flambeaux pour cfclairer. Quand ces
gens furent là arriuez, ils fe ictterent d'impetuolité 6c violence dedans la mailon de ce
Pafteur qui auoit appelé Henry à la prédication de 1 Euangile : pillcrcnt& brigandeiéj:
tout ce qu'ils trouuercnt dedans. Ils emportèrent licts, linge, vaiilellervoire iufqucsaux
habillcmens que portoit ordinairement ce Curé , luy rauiilànt tout ce qu'il auoit d'or
6c dargent.&non contensde cela, s'attachèrent à faperfonne : l'vn lcfrappoit, l'autre
le picquoit:& tous cnfcmble luneuiement crioyent, Tue,tue. Ils le prindrcntnud , &:
difoyent, Il faut que tu viennes ainfi auec nous.&: en celle forte le menèrent par la rue,
le rudoyant en toute extrémité. On fît le fcmblablc à Henry,luy lians eftroitemcnt les
mains derrière le dos,&Je faifoyent cheminer fur la glace a pieds nueis,en forte que les
pieds luy faignoyent. Ils le trainerent ainfi iufqucs en la maifon d'vn preftrc,auqucls ils
le donnèrent en gardc:& là fut détenu en vne cauc. Le matin ils s en allèrent en la pla-
ce du marché , pour faire confultation de ce qu'ils auoycnt à faire. Cependant ces y-
urongnes ne ccfîbycnt de crier comme enragez, Au feu, au feu.
Or pour faire fin de conte, ce iàind perfonnage Henry fut condamné d'eftre bruflé
vif, ians auoir eftéouy en fesdefenfes. Surquoy les moines prenans grand plailir, di-
foyent aux gens de îulticc, Vous faites maintenant bonne iuftice. Us le prindrent,lc
lièrent 6c garroterent : 6c ain/i fut emmené par cefte trouppe en grande crierie iufques
au lieu où il dcuoit cftre exécuté. Là fa fentence fut prononcée par vn Prcuoft,duquel
on auoit acheté l'authorité à beaux deniers contans.Orle teneur de cefte fentence fut
tcl-.Cc mefehant a prefehé contre la foy Chrefticnne,&: cotre la mere de Dieu:&: pour-
tant
(jeorge: "je an Qaïlellan. 6 2
tant fous lauthorité de mon trcshonnoré feigneur l'euefque de Brcme , ie le condam-
ne à citrcbrullé vif. Cela fait ces enragez le traînèrent iufques en la place où le bois e-
ftoit apprefté pour bruHer.le foulansaux pieds ,&: luy faifans tous les maux &: outrages
defquels ils fe pouuoyét aduifer. Il y en eut vn qui le frappa fur le fommet de la telle: vn
autre pareillemét qui le frappa d'vnehallebardc.Bref,chacun tafehoit d'approcher de
luy pour routrager.Cepcndant ils crioyent à haute voix au peuple,Or (us compagnôs,
Dieu eft ici auec nous.
Mais quelque peine qu'ils priniîcnt à faire allumer le feu, ils n'en pouuoyent venir
a bout.& ne lachans que cela vouloit dire,ne cefToycnt de le tourmenter en toutes for-
tes qu'ils pouuoyent.&: ce gentil paife-temps dura bien l'efpace de deux heures. Ce-
pjndant ce fairu homme eitantnuddcuantcesyurongnescnragez,auoitinceiîammêt
lesyeux drcflczaucicl, inuoeant le nom de Dieu. Puis le lièrent à vne forte efchelle.&:
ainli que çe feruiteur de noftre Seigneur Iefu s commençoit à fan e confclîïon de fa foy,
vn de les pay tans le frappa en la bouche,difant, Il faut que tu (ois brullc : puis tu barbo-
teras tant que tu voudras. Finalement eftant ainfi attaché àl'efchcllc,ilfut efleue auec
les hallebardes, &c porté furie tas de bois. car en celle fureur il n'y auoit point dExecu-
tcur qui fuft expert en ce meftier. Vne des hallebardes gliiTa, &: atteignit ce patient de
telle façon, qu'il en fut gricuementnauré. Et ainli futiettéfur le bois: maisl'efchelle
tomba en bas lur l'on collé. Lors l'vn de ces mutins accourut : & à grans coups de ha-
ches fur la poitrine , le fit mourir. Cela fairï , ils le roftirent comme fur la braife arden-
te:car ils ne pouuoyent venir à bout de faire bruller le bois. Voila quelle acftéla fin
de ce bien-heureux Martyr du Seigneur.
GEORGE, Miniftrede Hall,& autres.
N ce mefmc temps plufieurs furent noyez fecretement pour la parolle de
% Dieu, tant en la riuiere du Rhin, qu'es autres riuicres, dedans lefquelles les
-ÎC corps morts diceux depuis ont eftétrouucz. Et entre autres il y eut vnM.
George qui prelchoit àHalHcquel d'autant qu'il adminiftroit la Ccne fous
les deux efpeces, fut cheualle par quelques brigans &C voleurs apportez par
lespreftres,&:meutri cruellement , allez près d'Afchcm bourg. Tels exemples nous
doyuent donner à cognoiltrc de quelle rage font menez ceux que l'Antechnit a à les
gages, pour faire bande contre TEuangile.
IEAN CASTELLA N,Tournifien.
CESTV Y a eOcdcsprcrriii.rsDoi>a!rsdcrEuangi!c(Jcpuislctempsde Luther. Il a annoncé la vérité à ceux du pays de
Lorraine a confirmé u elle venté par fa mort.
1
R'AN m. d. x x 1 1 1 i,M.IeanCaftellan natif de Tournay,moyne&do&eur en
; Théologie, cllant appelé à la cognoiflance de Dieu, a elle annonciateur de
) fa parolle. Enuoyé à ceux de Lorraine , prefcha à Bar-le-Duc , à Vitry en Par CafteJ(an
'*tois,à Chaalon en Champagne, &: en la ville de Vie en Auftralic.^Ilietta les preichc\ntl
premiers fondemens de la doctrine de l'Euangile en la ville de Mets, au grand dcfplai- L
lîrdes preftrcs&: moines, qui font en grand nombre audit pays. Et combien qu'ils lit-
lent tous leurs efforts contre ledit Caftellan, fi ne feurent-ils rien faire cependant qu'il
eftoit en ladite ville. Or Callellan le retirant de Mets, fut efpié&mcné prifonnicrà
Gorze par les gens du cardinal de Lorraine : par lefqucls finalement fut tranfporté du-
dit Gorze au challeau de Nommeny. Ce qui ne fefît fans grand trouble &: émotion de
ceux de Mets:qui tatolt après prindret certaîs fuiets duditCardinal,lcfqueK ils tindrét
onaine.
met du liège Romain, fc trafporta en ladite ville de Mets-où après plufieurs remôftran
ces par luy faites au maiftreEfcheuinôi autres delà iuftice &côfcil de Mets,appoîta en
Lu.
fro/. fanÇattellan.
façon que lcfdits captifs fuicts dudit Cardinal furent eflargis.Or Ican Caftellan fut de-
u nu &: trefcruellement traité audit chafteau de Nômcny , depuis le 1 1 1 i .dejvlay iuf-
quesau x 1 1 .de Ianuicr cnluyuant, en ladite année m.d.xxim i.fouftenant la vérité
de la doctrine du Fils de Dieu. A rai ion dequoy tut mené dudit licudcNommenycn
la ville & chafteau de Vic,pcrfeuerunttoufioursconftammentenla confciîion d'iecl-
le doctrine: tellement qu'il fut procédé àla fentenec de dégradation , pour puis après
le liurerau bras feculicr,felon leur ftylccx: façon accouftumee.^ Or d'autant ijue la for-
me de la lcntence 6c la manière de procéder à la dégradation a eux déduite de poincl
en poincl en fon proceznous l'auons ici adiouitec,pour monftrer les horribles blalphc-
mes en leur fubtilité brutale des plus hauts myfteres qui fe tiennent en la procédure
dont vient les ennemis de la vérité contrelcs enfans de Dieu : par laquelle vn chacun,
voire mcfme les plus ignorans , peuucnt comme tafter au doigt l'horrible aueuglcmét
dont font frappez les luppoftsdu Pape.
La forme de la fentenec, & la procédure de la dégradation extraite du procez dudit ïean Cafte'ûr:.
i inn.u'c \T 1 v le procez inquifitional fait 6c formé contre toylean Caftellan , preftre & reli-
re lû.rt.in V gieux des frères hermites defaind Auguftin. Veué preallablemcnt ta confcilîon,
UiitcDc s ],qUCHe de ta pure volonté as confcllee, en fbuftenantvne faufTe doctrine &: erronée, '
6cc. Veues aucc ces choies les admonitions 6c charitables exhortations à toy faites de
par nous en la cite de Mets,lefquclles à la femblance du la pent Afpid tu as refufé ouir
de tes aureilles lourdement clofes 6c fermées. Veues aulfi tes refponfcs réitérées, faites
aux interrogatoires aucc ton ferment:efqucllcs par art diabolique tu n'as feulcmét teu
6c caché vcnté,mais aufli à l'exemple de Cain, tu as dénié confelfcrtes péchez. Veus
en laparmi les telm oings examinez contre toy , les perfonncs& dépolirions diligem-
ment conliderees,mclmement toutes autres choies dignes d'eftre veues par droict: vé-
nérable perfonne maiftre Nicole Sauin dodteur en Théologie &c Inquisiteur de la fov,
nous afliftant à faire ton procez , citant communiqué à mout d'hommes lcttrcz, mai-
ftres 6c Do&eurs trefexcellens tant en droit diuin qu'humain, qui ont ibuferir & fouffi-
gne audit procez: il nous cft euidemment apparu &: appert, que toy Ican Caftellan,
plufïeurs fois &: en diuers lieux manifeftemcnt& publiquement asdiuulgué, dogma-
tizé 6c prefché maintes propofitions erronées, faillies, 6c totalement pleines de l'herc-
Voirc.qui nc Luthérienne, dérogatoires 6c contraires à la foy catholique, à la vérité Euangeliquc
croire01" ^ au ^mc^ ucgc Apoftolique:& ainli malheureufement ayant apoftaté en regardant
derrière , tuas cftétrouuë menteur à Dieu tout-puiiiant. Et comme ainfi loitquc les
rcigleslacrccs du droit Canon ordonnent que ceux qui par les dards piquans de leur
langue enuenimee pcrucraiTciit les Efcritures diumes,&: talchcnt à leur pouuoir d m-
feder 6c corrompre les ames des fidèles , feyent corrigez de vengeances cruelles , afin
que les autres ayent crainte de penier telles choies, & tous en gênerai prennent exem-
ple de feuerité 6c bonté : Pour ces caufes 6c autres refultantes dudit procez: des autho-
ntez Apoftoliquc 6c dudit rcucrend feigneur Cardinal, par celte noftrc fentence diffi-
niciue,laquelle, feans au tribunal, nous prononçons par eferic, ayans Dieu feul deuant
nos yeux, conliderans fainement que de telle mciure que nous auôs mefuré les autres,
on nous mefurera: prononçons 6c déclarons difKnitiuement,toy Ican Caftellan eftant
ici deuant nous en prelence à caufe de tes meritcs,ou (qui pis cft)demcritcs , auoir efté
6c eftre excommunié de la plus grande excommunication, auecce coulpublc delefc
m.ucfté diuine,aduerfairede la foy catholique &: vérité Euangclique , hérétique ma-
nifeftc,fcctateur de Martin Luther, homme fufcitatcur d'herelies vieilles 6c défia con-
damnées^ pourcedeuoir eftre depofc&priué de tout honneur faccrdotal , de toutes
tes ordres, auffi de ta tonfurc 6c habit de religiommefmcment de ton bénéfice Ecclefî-
altiquc(li aucun cnas)&:de tout priuilege auffi clérical, comme dés maintenant te de-
pofons 6c te priuons,comme membre pourry,de la communion des fideles:&: ainfi pri-
ué 6c feparc-e iugeons deuoir eftre actuellement dégradé. Ce. parfait,te delaifTons à la
cour leculierc . commettons cefte mefme dégradation 6c actuelle exécution de noftre
fentenec à ce rcucrend feigneur &: Pontife icy prefent , par les authoritez 6c comman-
démens fuldits.
De radatis ^ A lcnttrncc a'nn* prononcée, & le fermon de leur foy catholique paracheué , lefuf-
de Caftiliâ. dit cucfquc de Nicopo!e,furrragant de Mets,fèant pontificalcment au tribunal auec le
Clergé, les nobles 6c le peuplc:proceda à la dégradation du fufdit IeanCaftcllamlequcl
eftant
JeanÇaïïellan. 63
citant preft à eftre dégradé , parles officiers du fufdic Euefque fut-facerdotalcmcnt re-
ueftu, & puis amené de la chapelle par les preftres à ce députez , aucc ornemens facer-
docaux. Les officiers luy donnèrent entre les mains le calice,le vin &: l'eau, la platine 6c
1 hoirie. Toutes lesquelles choies ledit Euefque degradateur luy ofta des mains, dilànt, Pfeftrf-
Nous t'oftons ou commandons eftre oftee de toy la pui/îance d'offrir facrificeàDicu,&
vie célébrer MefTe tant pour les vifs que pour les morts. Outrcplus , ledit Euefque luy
rafales doigts auecvnc pièce de voirrc,difant, Par celle rafure nous t'oftons la puîfî'an-
lance de facrifier,de conlacrcr& bcnir,laquelle tu as receue à l'ondion des mains: puis
luy ofta la chafuble par derrière auec le chaperon , difant , Nous te delpouillons à ben
droit de la robe facerdotale laquelle fignifîe charité: car pour certain tu t'es dcueltu d'-
icclle&: de toute innocence. En luy oftant l'eftolc, dit , Tu as vilainement ictté <Sj mis
arrière cie toy le ligne de noftre Seigneur, lequel eh: reprefenré par cefte eftole: à raifon
dequoy nous te l'oftons, &£ te rendons inhabile d'exercer office facerdotal &: toute cho-
ie appartenante à preftnfe.
L a dégradation de l'ordre facerdotal faite , on procéda à l'ordre de Diaconat. Les Diacre:
officiers luy donnèrent le liure des Euangiles, &c ledit Euefque prononça, Nous t'oftôs
lapuiiTancedehrelesEuangilesenrcghlcde Dieu: car cela necompete linon aux di-
gnes. Puis il luy ofta la dalmatique, qui cft le vertement du Diacre, en difant , Nous te
priuons de l'ordre Leuitique : car quant à ce , tu n'as accomply ton miniftere &: office.
Apres ledit Euefque luy ofta leftolcjdifant, Nous t'oftons luftement l'eftolc blanche,
laquelle tu auois prife immaculée, & laquelle tu deuois porter iufques en prefence du
Seigneur. Et afin que le peuple dédié au nom de noftre Seigneur IefusChnft y puiffe cy
après prendre exemple, te défendons d'exercer plus l'office de Diaconat.
Apres ils procédèrent à la dégradation de Tordre du Subdiaconat, luy ayans don- SouWiacrc.
né entre les mains le hure des Epiftres, lequel l'Euefque retira, difant, Nous t'oftons la
puiiîance de lire l'Epiftre en l'eglife de Dieu: car de ce miniftere tu t'es rendu indigne.
En luy oft.int la tunique,dit,Nous te deuefton s de la tunique Subdiaconalercar la crain
te de Dieu,chafte &: permanente éternellement , n'a édifié ton cœur ne conftruit ton
corps. Outreplus ledit Euefque luy dit , Ofte le manipule : car par le fruict. des bonnes
œuurcs,lcfquelles le manipule repreiente &: fignific,tu n'as reietté les afîauts&: embui-
ches de l'ennemy fpirituel.
Ah £ s ces (hofes,l'vn des officiers luy mit entre les mains les chopincttes, auec le
vin l'eau, l'efguiere, le bafiin&latouaillc, auffile caheevuide auec la platine. Tou-
tes lefquelles chofes l'Archcdiacre receut des mains dudit Caftellan , referué le calice
auec la platine, que l'Euefque luy ofta,difant,Nous t'oftons la puifîance d'entrer au re-
ueftiairc,dc toucher les corporaux&: vaiiTeaux:melme tous autres veftemensfacrez,&:'
tous myftercs&: offices du Subdiaconat.
P v i s après on le defpouilla de la ceinture, aube & amict: &: procédèrent à la degra-
datiô des moindres ordres. Pour ce faire l'vn des officiers mit és mains d'iceluy vne cho
pinette vuidedaquclle luy ofta rEuefque,difant, Ord Se fale , dorefenauât tu n'admini- Acol;[C.
ftreras vin n'eau au facremét de l'autel. Outre,il luy ofta le chadclier & le cierge eftcît,
difant en cefte maniere,Laiffe la lumière viliblexar par tes mœurs deprauees tu as efté
nôchalat de dôner au peuple la lumière fpirituellc. Ofte dôc du tout l'office d'Acohte.
En après l'Euefque vint à la dégradation de l'ordre d'Exorcifte. Etainfi leminiftre Exorcifcc.
député luy bailla le liure des Exorcifmes:qui luy fut ofté par l'Euefque, difant, Nous te
priuons de la puiffance de mettre la main fur les Energuminspo/Tedez des mauuais c-
fprits, & de ietter diables des corps po/Tedez par iceux:te defendas l'office d'Exorcifte.
On vint à l'exécution de l'ordre de Ledtorat. Et pour ce faire l'Euefque print des Ledeur.
mains dudit Caftellan le liurc,difant , Ne ly plus en l'eglife de Dieu, U ne chante plus:
auffi dorefenauant ne beny les pains ne les fruicts nouueaux : car tu n'as accomply ton
office fidèlement & deuotement.
P o v r depofition de l'office de portier , on luy donna les clefs du temple , lefquelles Portier.
l'Euefque print de fes mains, difant, Pourautant que tu as mal fermé les huis de ton
cœur aux ennemis, nous t'oftons l'office de Portier,afîn que tu ne fonn'es plus la cloche,
& que tu n ouures plus le temple ne le reueftiaire:aufti tu ne donneras à l'aduenir le li-
ure à celuy qui veut prefeher. Prcmifr
Cela die, l'Euefque procéda à la dégradation delà première tonfure:&: dit en confie '
Liii.
Liurc-j L %ech cthifioire.
luv oftant le furplis , de l'authorité Je Dieu tout-puiirant , du Pere&: du Fils&: du S. E-
fpiit,& dclanoltre, nous t'oitons l'habit clérical : aucc ce te denuons &dcucftons de
1 ornement de religion: &C te depofons, dégradons fpolions &: dcipouillons de tout or-
dre, bi nclicc&: piiuilegc clérical :&: comme indigne de la profellion des Clercs, te re-
mettons en leruitude &c ignominie de l'habit 8c citât leculicr.
Lor s ou prit des cileaux pour le tondrc:&; en cefte manière on luv dit, Nous teiet-
tos hors de 1 héritage du Scigneur,auquel tu eftois appelc:& li oftôs de ton chef la cou-
ronne, qui eft le ligne royal de Prcftnfed'Euefque adioufta ces mots, Ce que tu as cha-
ch^t.ric. té de bouche, tu n'as creu de cecur,ny accomply parœuurc:pourcc nous t'oitons i'ofli-
ce de chanter en l'eglifc de Dieu.
L a dégradation parfaite, le Procureur hTeal de la cour &c cité de Mets, demanda au
notaire de celte caufe, vn inftrumcnt ou pluhcurs cftre faits de ladite dégradation. A-
lorsles miniftres dudit Eucfquedefpouillerent ledit Cattcllan delà robe& habit cléri-
cal, & le vcftiicntd'vn habit iceuher. Et d'autant que celuv qui eft dégradé , doiteftre
ttàTdiî'î'I- ^ LU à la cour fcculicrc, félon les conftitutions du Pape Innocent troiiiemc : l'Euclque
pc innoccc degradateur ne procéda plus auant, mais dit en cefte manière , Nous prononçons que
!"' la cour fecuiiere te reçoyue en fa charge, ainh dégradé &deucltu de tout ordre &c pri-
uilcge clérical. Cela fait, ledit Euefque intercéda pour luy,felon leur manière de fauc,
au iuge feculier, dilant , Seigneur luge , nous vous prions h afFectueufement que pou-
uons, tant pour l'amour de Dieu qu'en contemplation de pitié &: mifericorde, àc pour
r /.^ ° l'égard de nos prières, que vous ne faciez à ceftuy miferablc homme choie dommagea-
ble, tendante à mort ou mutilation de fon corps. Ces choies faites , la iuftice feculicrc
de ladite ville de Vie , peu après confermant la fufditc fentence , condamna Ican Ca-
ftellan à cltre bruilc vifee qu'il endura d'vne telle conitance, que non feulement giad
nombre d'ignorans fut attiré à la cognoiifance de la venté: mais au/fi plufiturs ayans îa
quelque fentiment d îcelle, furent grandement confermez par vne li prccicufe mort.
Hi s t o ir l de quelques cruautez exercées en la fedition des Ruftiqucs,
M.DXXV IfB^OV R lauthorité qucl'Eglife du Seigneur a attribuée à Iean Ecolamp.uù-,
£ï< iffîs miniftre &: initauratcur de la vraye Religion c n la ville de Balle, nousauiôs
5$ ] ^^inleréauliure des Martyrs, lhiftoire de trois qui auoycnteité cruellement
<k* KuîtT liJ^X'iS^y rann ^*cz tmiat te temps de la fcdition desRoftiques au pays d' Aiemagne:
<lli«- mais pource que la peine ne fait peint le martyr , ains la caufe , laquelle en ces trois eft
menée aucc quelques oeealionsde faiefo peu conuenables aux martyrs du Seigneur,
nous les auons ici inferez par forme de récit d'hiltoirc , comme du commencement en
celte édition nous auons proteite de faire , quand la mort n eft pas du tout pour la cau-
fe de la Religion , ains eft meilec aucc autre acculation.
Co m m e ainhi'oitdoncquelurlafinderan m. d. x x i i ii, les pay fans euflent com-
mencé d'eltnuer à caufe des charges dont ils lé plaignoyent eitre greuez , grande {édi-
tion sefmeut contre les prélats Ecclcfiaftiques &c pluficurs gentils-hommes d'Alema-
I - i icffrtt gne, fous couleur de défendre la doctrine de l'Euangile &: de fe mettre en liberté. Ou-
ocs p:yf.ls. trc jc mcurtrc &: degaft qu'apporta cefte tempefte populaire, elle fît de gias preiudiccs
à la caufe de l'Euangile ÔC àpluiieurs bons Miniftres qui i commençoyent de l'annocer.
^Advint en l'an m . r> . x x v , cefte émotion n'eftant encore appaifcc,qu'vn Prcftre,
home f aifant office dePafteur , fît quelque chofe qui n'eftoit de grade importace, félon
le tefmoignage de ceux qui font cogneu. Le Prince en la fubiection duquel viuoit ce
Paftcur, oubliât toute amitié Se lareuerence qu'il auoit de tout temps portée audit Pa-
fteur,f ut telle met irrité de ce fai£t, que côbien qu'il ne méritait aucune punition,tat y a
ncantmoins que ledit feigneur pourchaifa fa mort cotre toute raifon. Il cnuoya vn lien
Gentil-hômc allez cruel &: propre pour exécuter fa volonté &: fentence délibérée; le-
quel vint aucc quelques feruiteurs de fon maiftre ,&: entta aucc fa bande en la maifoa
dece Pafteur , faifant femblant de vouloir faire bonne cherc aucc Juy. Il leurapprefta
en bien peu de temps le banquet pour les receuoir , &c mangèrent &c beurent en fa
maifon.
Ai'Ki s qu'ils eurent acheué de dilher: ainfî que le Preftrc eftoit encores à table,
&nc
UuolfgangSfchuch. 64.
&: ne penfoit à nul mal,IcGentil-homme dit aux feruitcurs, Il faut que vous pendiez ce
Prcftre noftre hofte,&: (ans delay : car il a bien nlcrité d'eftre pendu à caufe d'vn forfait l3'u "
qu'il a commis contre foivPrincc.Les feruiteurs furent eftonncz,& auoyent horreur de cruel,
ce fairc,& dirent,Ia n aduie£j$e que nous commettions vnc telle lafeheté, que nous pc
dions vn tel homme, qui nc*u/a traittez fi humainement . La viande mcfme qu'il nous
a donnée, cft encores en nos eftomacs non digérée . ce leroit chofe mal-fcante à vn hô-
mcnoble,dcrcndrelemalpourlebien:&melmedo(krlavieàvn innocent. Au moins
que ce commandement nous euft efte fait auant que de nous mettre à table, &; nous n'
euflîons mangé vn fcul morceau de ion pain . Ces feruiteurs en fomme ne deman-
doyent autre choie finon à luv taire onuerture , afin qu'il s enfuift, Se qu'ils fe déportai-
fent d'exécuter vnefentenecii inique. Cependant que ce-dit Gentil-homme &c ces
feruitcurs eftriuoycnt ainli, le Prendre efmcu de frayeur foudaine, commença à leur re- Rcmon.
monftrer quelle inhumanité ce feroit de le traitter ainli : pluftoft qu'ils l'cmmenailent p^nt"rdu
prifonnier deuers le Prince, deuât lequel il ci'peroit bien le purger du cas qui luy eftoit
impol'é.Il leur propola l'humanité de laquelle il auoit vie entiers tous les Gentils-hom-
mes du pais:comment les biens n'auoyet efté efpargncz pour les recueillir : que main-
tenant ce feroit vnc mal-heurcufe recompenfe,fi vne telle cruauté eftoit exercée con-
tre luy. Il s adrclTa aullî fpecialeinenc au Gcntil-hommc,raduertiiîant du tourmét per-
pétuel qu'apporte vne mauuaife confcience,apres vnc telle cruauté exercée.
Il protefta qu'il leur auoit cnlcigné fidèlement la dodrine de rEuangile,& que ce,
doit la principale caufe pour laquelle il eftoit ainfi mal voulu : & dés lôg temps il auoit
prédit qu'il luy en aduiendroit ajnh\Car comme ainli foie qu'il cuit par pluficurs fois re
prins aigrement &c en public les vices horribles des Gentils-hommes , qui entreteno-
yent le peuple en tous maux,& cux-mefmes eftoyent adonnez à blafphemes &: yuron-
enenes,au lieu qu'ils deuoyent monftrer exemple de foy,de vraye religion,&: de toute
î'obrietédelHits Gentils-hommes refiftoyent fort &: ferme,difans que ce n'eftoit point a
luy à faire de les reprendre,veu qu'ils eftoyent fes feigneurs4& le pouuoyent faire mou-
rir s'ils vouloyent : que tout ce qu'ils faifoyent eftoit louable , &C n'y faloit aucunement
contredire ou refifter:&: qu'il machinoit quclq choie en les fermons,quibicn toft vien-
tlroit à vnc fin mal-heureufe. Quelque c holc qu'il y euft,cc Pafteur ne peut faire trou-
uer la caufe bonne:mais le Gentil-homme perfeucra en fafelonnie ,& prelïà ces ferui-
tcurs d'accomplir ce qu'il auoit ordonne . Car cela eftoit relblu par fon Prince , que ce
Curé ruft misa mort. Et s'adrellant a luy,dk qu'il ne gagneroitrien de plus preicher:
qu'il ne penfaft plus à autre but,imon à mounrcar lePrince luy auoit dôné cxprcllé co
million de le faire pendreda grâce duquel :1 ne vouloir point perdre pour fauucr la vie
à fon hofte. f A la fin les feruiteurs à grand regret le lièrent, &c l'attachèrent à vn po- ^ai-
fteau de fa maifon deuant le Gentil-homme. Et ce bon perfonnage eftant prochain de icrtc K v4t
cefte horrible mort , ne dit autre choie linon , Iefus Chrift fay moy mifericorde , Iefus
Chrift fauue-moy. ^ Ceft acte entre autres meritoit d'eftre ici recité , pour monftrer
la grande cruauté, qu'à grand' peine les Barbares commettroyent contre vn ennemi
mortel. Chacun penlera en foy-mcfmc qui font ceux qui ont le plus grand aduantage,
ou ceux qui commettent cruauté contre les bons ôdes iuftes,ou ceux qui endurent in-
iuftemcnt.Les premiers ont vn bourreau perpétuel en leur confeience: les autres rap-
portent,mourans au Scigneur,vne couronne immortelle.
VVOLFGANG SCHVCH, pafteur Alcman.
Ce Martyrnous reprefentcle miroir d'vn vray miniftrede lTuanjiIe,<]ui non feulement enfeigne fesouail!es,nuisaufsi met fa
vie pour elles & pour leu r tranquilitc.
N T R E ceux du pais d'Alcmagne, qui de ce temps eurent cognoiffan- M.dxxv
cède rEuangilc,VuolfgangSchucheft au nombre des premiers: lequel c- schuchA-
ftantvenu demeurer à iainct Hippolite, petite ville de Lorraine, & receu kiran*
pour Paftcurdc premier foin qu'il eut fut d'extirper les fuperftitions & ido
latries quîeftoyent par trop enracinées au cœur du peuple. En peu de temps par la pu-
re prédication de l'Euangile,il ofta beaucoup de fupcrftiticufes obfcruations , comme
du Quarefme, des Images ,& finalement l'abomination de la MeiTe , ce qui ne luy fut
Liiii,
,/. Vuolfgang Schuch.
par trop difficile,d'autant qu'il auoic rencontré vn peuple docile Se aifé à conduire à Y-
Euan<nle,& lequel éult prins en grand' rcucrcnce Ion Palleur . Le bruit en ce reuolte-
mentde la doctrine Papalcdonna occafionaux ennemis de vente d'accule r ce peuple
entiers le Pnncc,qui cftoit pour lors Antoine duc de Lorraine,comme s'il eull voulu rc
ietter defey le îoug de l'obciUancc deuë au Prince &C fuperieur: tellement que la choie
vint îufques là, que la ville fut menacée d cftrc mile à feu &: à fang.Ce qu'entendant le-
dit Vuolfgang,efcriuit vne Epiftre au duc de Lorraine, par laquelle il réd raifon de Ion
fai£t,&: purge fon troupeau des calomnies mifes fil siafTeure le Prince du bon vouloir Se
de lobe ifïancc du peuple cnuers luy . Le côtenu de laquelle eft de tel artifice, tnonfttât
comment vn Palleur doit comnunccr Ion office, q nous en auons ici donné l'extrait.
Vu< Igjni1, scliuch mmiltrcde Chrift.delire toute f élicité par Clinft,a uef-illuftrc prince &l'cigncur Antoine ducdcLor-
raiiu.&cîon leigneur trcl-ckment.
PRES que ie fuis venu en cette voftre ville de S.Hippolite, ô Prince tref-clemêt,
Wfàà 1 a)' tl 0uuc vn peuple errant, comme brebis fans palleur &£ conduite. Or i'ay com
mencé incontinent,ielon le minifterc qui meftoit cômis drt Scigncur,à rappeler les er
rans en la droite voyc:à exhorter à fane pcnitccc de la vie palfee,&: que le royaume des
deux eftoit prochaimà menacer que la coignec eftoit mile à la racine de l'arbre, pour
eftre de bref coupé 6c mis au feu , s'il eftoit trouué fterilc: $z que le téps eftoit venu,au-
qucl le Seigneur auoit enuoye les Anges(ccft à dire les annociateursdefaparole)pour
ofter tout icâdale de Ion royaume. Lay commencé, di-ic, incontinent, corne fait le bon
laboureur,à arracher les cfpincs &c erreurs qui eftoyent petit à petit creuës cotre le Sei
gneur &: fa parole: à planter ai bresrendansrruift en leur téps:a édifier vn domicile non
pas tranlïtoire ne terreftrc,mais éternel au ciel,eftant édifié fur le fondement des Apo
ltres&: Prophètes, dont Iclus Chrifl melmeeftla maifticffe pierre angulaire, auquel
toute édification lice cnfcmble , croift en vn temple fainct au Seigneur, auquel il nous
faut tous cftrc édifiez en vn tabernacle de Dieu au laincl: Efpnt.
E t afin que ie parle plus apertement,i ay efté enuoye au peuple de voftre clémence,
pour prclchcr l'Euangile de Dieu,lcqucl il auoit deuant promis par les Prophètes és S.
Eicritures, touchant l'on Fils noftre Seigneur Icfus Chnft , qui a efté fait de la femence
de Dauid félon la chair. Oeft la vertu de Dieu, donnée en falut à tous croy ans: par le-
quel la îuftice de Dieu eft reuelee de foy en foy,côme il eft efent, Le îufte vit de fa foy.
L a îufticedc Dieu, par laquelle nous fommes rcputcziuftes deuant Dieu, eft parla
foy de Iefus Chnft, en tous&: fur tous ceux qui croiront en iceluy.Car nous fommes îu-
lufiez gratuitement par fa gracemous fommes iiiftificz par foy en ion fang,fins lcsccu-
ures de la Loy.Par foy nous auons paixauec Dieu par Iefus Chrift noftre Seigneur: car
il nous a efté fait dcDicu lapience,iuftice,lanctification,&: redemptiomafîn que le fage
ne fe glorifie en fa fapiencc , ne lef ort en fa force , ne le riche en fes richelfes: mais que
ce luv qui fc glorifie,le glorifie au Seigneur.
C e s ï i foy que nous auos en Iefus Chrift mort pour nous,no9 fait enfans de Dieu,
héritiers de Dieu, cohéritiers de Chrift. Et pour inftaurer cefte foy en nous, le Fils de
Dieu vniqueaeftc enuoyédufein de fon Percànous . car Dieu a tant aimé le monde,
qu'il a donné fonFils vnique pour fauuer le monde:afin q quiconque croit en luy,ne pe
rifle point:mais ait la vie éternelle. Dieu n'a point enuoyé fon Fils au mode pour iuger
le monde:mais afin que le monde foit fauué par iceluy . Qui croit en luy,n'cft point iu-
gé:mais qui ne croit point,il eft defia iugé.Mais qu'a Iefus Chrift eniéigné autre chofe,
fin on que tous ceux qui croiroyent en luy,feroyent fauuez î Car quand les tourbes luy
demandoyent qu'ils feroyent pour faire les ceuures de Dieu, il refpondit,Cefte eft l'œil
ure eie Dieu,quevous croyez en celuy qu'il a enuoyé. Iceluy crie,difant,Siquelcû afoif,
qu'il vienne à moy,& boiue.Qui croit en moy, comme dit rEfcriture,fleuues d'eaux vi-
lles forciront de fon ventre . Nul ne vient à celle foy, qui ne foit attiré du Pere celefte:à
fin que nul ne fe trompe , la penfant auoir par fes propres forces. S. Paul dit,Vous efte$
fauuez de grâce par foy:& cela non point de vous, c'eft don de Dieu: non point par ceu-
ures,afin que nul ne fe glorifie.
E t n eft pas moindre vertu de créer cefte foy en nous, que celle par laquelle Iefu S-
Chrift a efté reffufeité des morts,&: colloque à la dextre de Dieu fon Pere . Icelle nV
t eft point vne oifeufe&: endormie qualité en lame de l'homme, comme aucuns l'ont
Jfaite:mais vne vertu efficace §c ouurante par le S.£fpricefpâdu en nos cœurs,plcine de
bonnes
ViïolfgangSçhuch. 6 j
bonnes oniuresmoiî pas controuuccdenouscu dcr.oftrc piudecc,maiscft.int côman-
dcc &: eileué de Dieu. D'icclle l'ont les œuurcs de chante non fcintc.L1 Apoitre dit ain- CaUr.-j
fi, En Icfus Chrift ne Circoncilîon neft rien, ne prépuce n Vit rien: mais la fby ouurante
par chance. Celle feule foy difeerne les vrais Chrcfticns des faux: car Je Sauueurdit,
Tous cognoiftront par ceci que vous eftesmcsdilciplcs , ii vous autzdilectionenfcm- ,ean
ble. Ec que commande-il autre choie par tant de fi trcfdouct s paroles en tout ion fer- lcj' + ^J
mon fait en la dernière Cent ; De ces choies feulement jI redemandera conte auder-
nicriour,dilant,rayeu faim,&: vous m'auez donne à manger, &c . Mais des ancres au- Mattj, tJ
urcs Faites de nous-mcfmcs,combicn qu'elles ibyent reiplendiiiântcs»ildira, Quiade- Mà.
mande ces choies de vous ? Mais le vailleati d'eflection dit,Toute la Loy cft accomplie
1 -c I a I I r T I • 1 Rom. M.
en vnc parole, Tu aimeras ton prochain comme toy-mclnie:& dcrccher,La plénitude Galat
delà Loy,eft dilcétion.Saincr, Pierre nous induit amiablcmét à ces choies, diiànt, Ayez 1 p«r.i,
folicitudc de faire voftre vocation &: eilection certaine par bonnes œuurcs: car ce font
teimoins tref-certains de la vraye toy qui eft en nous, que les œuurcs de parfaite chari-
té. Au contraire,quand nous n aimons que de parole 5c langue, &C non d'œuurc &c veri- l Ican >'
té,& que ces ccuures ne fuiuent pas, il faut nccciîairemcnt que ce ne l'oit qu'vne humai
ne opinion d hommes, non pas vne toy. Ain (i Abraham & tous les elleus du temps pal- Gcncfc n
fe ont tcftifié par ccuures la foy qu'ils auoyent en Dieu : mais ils n'ont pas attribué leur
iuftifkation à leurs œuures,commc font les hypocrites:ains à la tref-certaine promette
de Dieu, laquelle ils ont appréhendée par pure foy. Car toute chair n'eil point iuftihee
des œuurcs de la Loy.&: il la iuftice cft par la Loy-,Chrift cftmortcnvain.cn ignorant la Galst.i,
iuiticc de Dieu, qui cft delafoy,Ô£ccrehatconltituerlalcur propre,qui cil dcsceuures,
ils n'ont point cité fuiets à laLoyde Dieu. La perfection delà Loy,c'cft Chrift,pouriu-
ftifier tous croyans.C 'cft ici ce que Ieliis Chrift mcl'me a preiche, ô Prince trei-clcmét,
Se ce qu'il a commande à les Apoftrcs d enicigner à toute créature. Tay enfeigné Se en-
leigne ces choles,&: non autres, à voftre peuple. Certes il ne icra pas mefme licite à vn
Ange du ciel d cuangelizer choie diucrfe Se contraire à cefte-ci. Ceux enfeignent cho- Ci'-U*
fe diucrfe Se contraire à celtc-ci,qui prcl'chcnt mltices humaines,merites humains: qui
inrroduifentfauilement les hommes en vne confiance de leurs bônes œuurcs: qui ma-
gnifient les bonnes intentions, fans cftimer la parole de Dieu, lequel défend de rien ad Dulr u
joufter à fa parolc&: d'y nen diminuer,afin qu'vn chacun de nous ne face ce qui luyfem
ble droict,&: que ne foyons appuyez fur noftre prudence: car la prudence de la chair eft
mort. Le roy Saul areceuvnaduertiiTement&: corrcôtion non petite de fa bonne inté-
tion Se defobciifancc . Se fainct Pierre tançant Iefus Chrift en bonne intention , lequel Manlw*.
leur predifoie fa paifion,oir, Va derrière moy,Satan, tu m'es en empefchcment:car tu n'
entens point les choies de Dieu, mais celles des hommes . Que diray-ie,que la faincle
Efcricurc défend partout les commandcmcns&: doctrines humaines:& appelé les au-
theurs de ces traditions, Faux-prophctes,qui obligent les confcicnccs par eux fcduices
à leurs inuentions,comme fi elles eftoyent nece/faires à falut: promettas à ceux qui les
auront gardées, faliit:& à ceux qui ne les auront gardées, damnation; afin que les hom-
mes apprennent à fe confier en autre qu'en Dieu iéul,qui fauuc tous ceux qui font fau-
uez,par fa pure graee Se mifericorde?Dieucondâne&:iuge les mauuais qui l'ont craint
par commandement Se doctrine d'hommes. pour celte caufeildit,quelafapicnccpcri- ih.t$.
ra des fagcs,8£ que l'entendement des prudens fera caché. comme, hclas ! tei'moigne le
temps prêtent. Et pour celte caufe Icfus Chrift dit derechef, Ce peuple m'honnore des Mutb.if.
leure s,mais leur cœur cft fort loin de moy. Ils m'honnorent en vain,cni'eignans pour
doctrines commandemens d'hommes. Et leProphete dit,Ne cheminez point aux corn Ex0c) 1CU
mandemens de vos pcres,& ne gardez leurs iugemens, &: ne vous polluez en leurs îdo-
les:ie fuis Je Seigneur voftre Dieu,chcminez en mes commandemens,ôc gardez mes iu
gemcns,&: les faites. Sainct Paul ne reprend-il pointyvoirc plus durement qu'aucuns ne
voudroyent,ceux qui eftans mis en liberté par Chnft,fe veulet derechef rédiger en fer-
uitude des humaines traditions? Vous eftes achetez par prix,ne vueillcz cftrc faits ferfs i. Cor. 7.
des hommes. Il fecompleindd'auoir labouré en vain vers ceux quife côuertillént de-
rechef aux elemens de ce monde,qui obferuét les iours Se les mois, les temps Se les ans. * ,4'
II exhorte ceux qui font enracinez Se édifiez en Chrift , de ne fe laiilér tromper par phi- CoU.
lofophie &vaine fallace,felo'n les traditions des hommes,fclon les elemens du monde,
& non pas félon Chrift:mais qu'ils foyent accomplis en çcluy auquel habite toute ple^ GaI'^
Vuolfgang Scbuch.
Lol.i
i.rier 4
J. Cor. 14
lc.an 8 &10
Ican 1 4
Iertmie 13.
i.Cor.n.
Phii.3.
II.,
Ihb.4.78.
Rom.8.
1. Tim 1.
i.Ican 1.
lu a 14.
M.Uth
Hcb.5!,&: 10
îkb.n.
Ifaictf.
mtude dcdiuinitc corporcllcmcnt,qui eft le chef de toute principauté &: puilTancc:n-
ayant défaut d'aucune choie, finon de cheminer en iceluy:ne viuas plus à eux-mefmes,
mais que Chrift viuc en eux. Et ne veut pas l'Apoftrc qu'aucuns jugent les croyans en
manger,cn boire,ou en partie du iour de la teftc,ou nouuellc lune,ou Sabbats,qui l'ont
ombre des choies natures: mais le corps eft de Chrîft.Qu'y a-il plus euident, que ce qu'-
il eferit à l'on difciple Timorhec, parlant par l'efprit de Dieu dilant , Qu'aucuns vien-
droyent parlans menionge,cftans attentifs auxefprits impofteurs , enfeignans doctri-
nes des diablcsrEt afin que ne fuiTions ignorans qui font iccux,il a dit manifeftcmét qu
ils defendvoycnt le mariagc,&: les viâdes qui font crées pour en vfer auec action degra
ces aux fidèles, fans différence. S. Pierre dit , Si quclcun parle, qu'il parle comme les pa-
roles de Dicu.& Paul requiert que les prophéties foyent félon la raifon de lafoy. Et le-
fus Chnft mefme dit,Qui eft de Dieu, il oit les paroles deDieu:&:,Mes brebis oyent ma.
voix:&,Si quclcun m'aime,il gardera mes parolcs,&: monPere Paimera.il dit que fes di-
fciples font purs,pour les paroles qu'il leur a dites. &c aux Prophètes, Quiconque a ma
parole, qu'il parle ma parole vraycrhent.Veu donc qu'il eft ainli,ô Prince tref clément,
qui fera celuy q ne criera contre les choies qui ont efté introduites en l'eglife de Chnft
par la malice des hommes , contre cefte vraye doctrine de pieté, parle iufte iugement
de Dieu à nous caché, à caufe de nos pechez:Qui eft-ce qui ne cognoit les aftuces de Sa
tan,lequel fe transfigure en Ange de lumière? Eft-ce merueille fi fes miniftres fe transfi
gure nt comme s'ils eftoyent miniftres de iuftice,defquels la fin fera félon leurs œuures?
ils lont certes ennemis de la croix de Chrift, la fin delqucls eft perdition: le dieu del'qls
eft leur ventre,& leur gloire eft en confufiomils fauourent les choies terriennes . N'a-
uons-nous point cfté mifèrablement fcduits,d'artribuer à la créature ce qui appartient
feulement à Dieu ? Dieu dit, le fuis le Seigneur, ceftuy-ci eft mon normienedonneray
point mon nom à vn autre,ne ma louange aux images taillées. 11 y a vn feul 8>c vray ferui-
cede Dieu , c'eft defe fier en Dieu de tout ion cœur, l'aimer & le craindre, feruiràluy
feul,clperer en luy,attendre toute chofe neceffaire tant au corps comme à lame de luy
comme d'vn Pere trclbenin: auquel nous auonsaccez par ion feul Fils bicn-aimé ( afin
que nefoyons l"ansintercefîeur)noftre feul Mcdiateur,ieul Aduocat, feul Prellre&: Sa-
crificateur. N'exclud-il point tout autre, celtuy qui dit, Nul ne vient à mon Pere, fi-
non par moy ? Mais ils cerchent toutes ces chofes aux Saincts trelpaffez, lcfquels ont
efté i'auuez par vne foy efficace par chanté : delaifîans cependant Ielus Chrift,comme
s'il eftoit vn îugc cruel : & aux fimulacrcs d'iceux qui lont fans fentiment, qui eft vne
choie encore plus horrible, laquelle l'Efcriture défend tant eftroitement par tout, fur
peine d'éternelle malédiction : &: contre Ielus Chrift qui appelé expreffement vn cha-
cun à foy, difant, Venez à moy vous tous qui labourez &£ elles chargez, &: ie vous foula-
geray. Et l'éternelle Sapicnce dit,En moy eft toute grâce de vie &: vérité: venez à moy
vous tous.Qui me dcfire,il fera rempli de mes grâces. Et dcrechef,Ie fuis la voye,la veri
té,ôc la vie:Ic fuis la porte. ie fuis la lumière du monde, Qui me iuit,il ne chemine point
en tenebres,mais aura la lumière de vie. Et aux Prophètes, Vous tous qui auez foif, ve-
nez aux eaux:& vous qui n'auez point d'argent,haftez-vous,achetez&: mangez. Mais
qui pourroit allez exprimer celte fi extrême abomination, par laquelle le tref-pre-
cieux Teftamcnt du corps &: du fang du Seigneur , &: la commémoration de ce trefîa-
cré facrifice vne fois fait , &: de perpétuelle efficace , vallable pour effacer tous les pe—
chez:qu'ileft,di-ie,cxpolé&: vendu poiirvn quotidien facrifice, contre la trelfalutaire
inftitutionde Chrift?Ilaefté vne fois offert pour purger les péchez de plufîeurs,&:pac
vne feule oblation a confommé à perpétuité les lacrifices. S'il faloit que Ielus Chrift
fuit offert fouucntcfois , il faudroit qu'il fouffnft fouuentefois depuis le commence-
ment du monde ,fon oblation vnique feroit inefficace . Qui pourroit excogiter plus
grand blafp h cme contre l'Agneau de Dieu,oftant les péchez du monde, qui a efté of-
fert pour nous, &: quia cfté mené àl'occifion? Ces paffages &: autres fcmblablcs
fermes & inuincibles de l'Efcriture , m'ont efmeu grandement, ô Prince tref-clemenr>
à contredire comme ie deuoye , &c comme doiuen t tous Paftcurs , à cefte abominable
foire de MelTes:àceperucrs feruicc des Saincts,aufquels nousferuons bien quand nous
enfuiuons leur foy , charité , & leurs croix : lelquels certes ont veincu les royaumes par
foy; ils ont fait iuftice, ils ont obtenu lespromefîcs fans fatisfaction des humains mé-
rites . Car Iefus Chnft a porté nos langueurs , &C a porté nos douleurs , il a efté bief-
fe
VuolfgangSchuçh. 6 S
fc pour nos iniquitez,il a c fié defchirc pour nos pcchcz.Ic di que i'ay cfté cfmcu à con-
tredire aux prières qui fc vcndent,& aux cricries qui s achètent . Car les vrais adora- Iean .
tcurs adorent Dieu,qui cft efprit ,en elprit&: verité:&i n'cfperent point cftre exaucez
par la multitude de parolcs,ccmme font les Ethniques.-^: ne prient point en public, a- Matlt î
fin qu'ils loyent veusdes hommes: mais ils prient Dieu leur Pere en iecret,ayans l'huis
de la chambrette fermé, I'ay contredit aufli à infinies cérémonies d'humaines tradi-
tions,lefquellcs l'ont commandées fur peine de damnation , fans & contre la parole de
Dicu,en laquelle noftrc falut ou damnation doit cftre cognue. C cft donc menfonge
tout ce qui promet remilîion des péchez & vie éternelle , ou menace de dânation fans
cefte parole . Or condamnant ces chofes & autres femblables, qui font contraires à la
parole de Dieu ,ie fuis acculé vers voftre clémence comme feducïeur, trompeur, fedi-
tieux,hcretiquc,de ceux qui ont en eftime l'hypocriiîc au lieu de vérité : qui cerchent Philip-*
leur proprc,non pas ce qui eft deChrift:quieftans deftituez du brasdeDieu,fe voyans
tropfoibles,inuoquentl'aidedu bras feculicnlefquclsvoyans qu'ils ne peuucnt refiftcr
à la veritc>fe défendent de menfonge. Ils délirent que tous ceux qui honnorent &: font
profefïion de la vérité de Dieu , foyent perdus : contre lcfqucls ils machinent infamie,
dommagc,&:mort:aflnque tout le fang iufte cfpandu vienne fur eux, &: qu'ils fc mon- Marthe
firent eftre fils de leurs peres,qui ont occis les Prophètes, Mjis,ô Prince tref chreftien,
n'endurez que ces iniques abufent de voftre clémence ne de voftre bonté tant cognue
de tous. le vous prie au nom du Dieu immortel, & de la mort de Iefus Chrift,deuant le Pfcan.irs
liège îudicial duquel nous affilierons tous , que vous ne failliriez que voftre cœur tant ^"j-*
benin &ù amiable foit exacerbé contre moy, qui fuis vn petit feruiteur de voftre béni-
gne clemence,ne contre voftre poure peuple,tantobeifîant&: bien-vueillant.N'cfcou
tezeeux qui aiguifent leurs lâgues comme glaiues pour machurer ceux qui font nets.
Ils n'ont que faire de prétendre fauflement que le peuple eft efmeu par la prédication
de l'Euangile à fedition &£ dcfobeifTance,à mefprifer les Princes &z Magiftrats. Ce dei- °m '4
honneur ne doit eftre donné à la parole de Dieu: car qui eft-ce qui ne fait la voix de
Chrift qui dit,Rendez à Cefar ce qui cft à Cefar,&: à Dieu ce qui eft à Dieu? Et iamç> M*ttt m
Paul dit,Touteperfône foit fuiette aux pui/fancesfuperieures:caril n'y a point de puif- Rom li
fance finondc par Dieu , Par laquelle fentence il n'exempte nulle manière de gens de
l'ubeillanccdc ecluy qui porte le glaiue . Sainît Pierre dit,Soyez donc luiets à tout or- i.rwn
dre humain pour Dieu:fo;t au Roy,comme au fuperieunfoit aux gouuerncurs,coirme
aux enuoyez de par luy à la vengeance des mal-fai&curs,& à la louange des bons . Ce
que ie répète incelfamment: &: n'y a point de meilleur moyen pour rendre vn peuple Levny
félon ledefir des Princes en obciifance , que parla diligente &c pure prédication de la n.oycn de
parole de Dieu. Icelle parole enfeigne à tous hommes la vraye manière de bien viurc: ^
car où la volonté de Dieu ( qui eft manifeftec en fa feule parole ) eft plus purement co- fctauVrïcc
gnue,là on appréhende le commandement des Princes plus finecrement, aufliauant Aa.4.<.
qu'il n'eft pas contre Dieu, contre lequel on ne doit à aucun obeillance: & rien ne fe
fait par contrainte ou par force, mais volontairement 6c ioyeuIcmcnt.Et n'y a rien qui
rende vn royaume plus tranquille & pailîble,que la parole de Chrift, Roy pacifique: en
laquelle eftenfeignee charité, qui cft patiente,qui endure tout,qui fouillent tout . Les , Cor I3
frui&s de l'efprit lont charité, ioye,paix,patience,benignité, bonté. La parole de Chrift
eft la parole de vraye &: entière fapience, à laquelle il faut que grans & petis fe fumet- GaUi.j
tentde commandement duquel doit eftre feul gardé fans contredit , iufqu a l'aduenc-
ment de noftre Seigneur Iefus Chrift,bien-hcureux&: feul puilfant Roy des rois,& Sei- _.
i /• i n 1 o n ■ ■ 1 i.Timot.6
gneur des ieigneurs:auquel cit honneur &C empire a ïamais, Amen.
To v t conleil,equité,prudence,& force font de ceftuy fcuhles Rois régner par luy, rrouerb.s
& les Legiflateurs décernent les chofes iuftes.Par luy les Princes dominent, &f les puil-
fances ordonnent iuftice . Non lans caufe Moylé feruiteur de Dieu a eommanelé au _
. Dente r f
Roy de s'eferire le Deuteronome de la Loy en vn liure, lequel il ait auec foy,& le life n- u«t,
tous les iours de fa vie:afln qu'il apprenne à craindre le Seigneur fon Dieu,&: à garder commandé
les paroles qui font commandées en fa Loy : &£ que fon cœur ne s'cilcue en orgueil fur pjVieVoy
fes freres,& qu'il ne décline ni à la partie dextre ni à la feneftre, afin qu'il règne vn long
temps luy &: fes enfans. tant s'en faut qu'aucun Prince de la terre ofe attenter quelque
chofe contre la Loy de Dieu, ou y changer quelque choie , ou qu'il prefume de fe con-
ftituer iuge de la parole de Dieu,par laquelle feule &c grans &c petis doiuent eftre régis»
Lmrc^I. Vuolfgang Schuch.
Se iugez.Pour cette caille Dauid eftant cfleu de Dieu pour cftrc Roy, parle à tous ceux
rfeal) qui font conititucz en iiipcriorité, difant, Et maintenant, Rois,entendez:foycz enfei-*
(rliCZ)vous quiiugczla terre.fcruezau Seigneur en crainte , Se vous cfiouiffez tu trem-
blement , qu'il naduienne que le Seigneur fc courrouce , Se periifiez de la uiftc
vove. quand tout à coup l'on ire fera embrafee: bien-heureux font ceux qui fc con-
fient en luy.
I L eft certes impoffiblc que l'homme conftituc en puifïâncc,puiflc bien faire ion of-
fice, combien qu'il foit prudent , s'il ne fait tout en la foy de Dieu par Icfus Chrift : car
Rom. '4 15 tout ce qui ifcftde la foy, eft péché. Donc,ô Prince trei-clcmenr, pource que îcfay que
voftre hauteffe eft ainfi efleucc de Dieu, ic me confie que les rapports des iniques Se en-
nemis de vérité ne pourront rien vers vous,&: que ne ferez rien qui fente plus violence
qu equite.Carcn choies doutcui'es,&: principalement quand elles concernent le falut,
ou le Seigneur feul a puiifanee , il ne tant rien taire témérairement oupar affection : Se
Dcutcr.i ne faut auoir reipecï de perfonne. Le petit doit titre ouy comme le grand, Se ne faut a-
uoir regard ii on dit choie incognue ou non ouvc,mais iï on dit vray. O bon Dieu ! cft-
il bicn polîible que la doctrine de Chrift &: des Apoftrcs , qui ont elle infpitcz du fainct
rc.ïui' Efprit,nouspuiiîe femblernouuclle ou non ouye, à nous, di-ie,quiiommcs enrôliez
pariciaiua: fous Chrift? le prefume choie meilleure de voftre clémence, laquelle lecognoy c-
doïrdiïc ftrc ornée de vertus dignes d'vn Prince, duquel la bénignité, bonté , Se dile&ionen-
appciec uers fes fuiets,eft renommée par tout le monde . Vous détendrez donc, comme Prin
nouuelle. tc n-ci:chrefticn,la parole de Chrift: vous aimerez ceux qui portent honneui à Chrift:
vous havrezlcs ennemis de Chnit, combien qu'ils ibyentgrans.Moy qui fuis vntref-pc
tit ieruitcur de Dicu,ie nay rien prefche .1 voftre pcuplc,& ne prefeheray ïamais.iinon
cc ouc ie fay citre tresferme&: certain en la parole de Dieu.
I e fuis Se feray touiiours prelt,felon l'admonition de fainct Pierre, de rendre ration à
' PiCr tout requerant,deJa foy &: cfperance qui eft en moy . le prie donc ,ô Prince trei-cle-
ment,que voftre bénignité me vueille ouvr.-vous fuppliant infhmment pour la parole
de Dieu, de vouloir entendre au falut de nosames. Eicoutezdonclarailbn de noltre
faict . Ne vueillezacquielcci à ceux qui s'eiîouillcnt de nousdeftruire, ians cftrc ou\ s.
Nous ne ferons point rebelles à voftre clémence ( ce q nos ennemis ne font point hon-
teux de nous faullémentimputcr)mais ferons l'uiet$humblcment&alaigrcment,ren-
. Rom 15. & dans à vu chacun cc qui luy citdcu.Nous ne dellrunons point fceuure de Dieu pour la
l*' viande. non s ne dégénère rons point en vnc deu ftable liberté de la chair: à quoy Se vov
,Sc les voftrcs deuez prendre garde, afin que le cours de la parole de Dieu ne foit empef-
ché . * le vous fuppliedc reccuoir benignement les fupplications de celuy qui c il
nef prompt d obéira tous les bons dciirs Se commandemens de voltre excellence , a-
uoir pour recommandée icellc Parole,la détendre contre les embufehes des mcfehâs.
le fupplic bien humblement aufli depardonneramagrandetemerité, quiayofé eferi-
rc a voftre hauteile: fupportant ma rudeife, deecque iofe empefeher voftre pieté à
: Cur. 1. lu e choie tant mal 01 née. mais vous fauez que le royaume de Dieu ne coniifte point en
i.Cor.i.i. eminencede parole ou d humaine fapienee,mais en vertu.&ic ne m cftime autre cho-
ie fauoiriînon Chrift,& iceluy crucifié . par lequel la paix Se grâce de Dicunoftrc Pere
vous l'oit donnec,&C à voftre rcgnc,&. à tous ceux qui muoquent le nom de noftre Sei-
gneur Icfus Chrift: afin qu'ayans les cœurs illuminez parla parolede Dieu, & le lact é
Euangile de IcfusChnft,nous confciîîons deuant le monde&Satan)quc nous croyons,
Se qu abondions en toute bonne ccuure: Amen . De voftre ville de faincl: Hippoli-
tcmartyr,fan de grâce m.d.x x v,le 1 i.iourdclanuicr.
e pafteur Vuolfgang, n'obtint rien par ceftefuppbcation, ou pour auoir efté fuppri
>-^mee,ou pluftoft pour les faux rapportsqu'en firent les fuppofts de l'Antechrift,mais
voyant que le duc Antoine periiftoit en cette volonté de faire faccager la ville de fainct
Hippolite,il fevint rendre a Nancy, ville capitale de Lorraine, Se iîege principal du
Prince,pour rendre raifon de fa do£trinc,&: defeharger les pourcs citoyens,en deriuant
à foy tout le faix de la coulpe que fes aduerfaircs Prcftres Se Moy nés leur mertoyent fus.
Arriué qu'il fut à Nancy, on le ferra en vne infecte prifon, au ec garde de gens du tout
barbares, dciqucls il n'entendoit la langue . Etneantmoinscelane l'efbranlaaucune-
ment,mais demeura plus d'vn an prifonnier,fans eftre diuerti ne pour menaces ou pro
meifes qu'on luy feuft faire , ne pour la compaffion de fa femme Se de fes enfans, qui e-
ftoycat
H!tÔ.
Gajf>arrTamber,& autres 67
ftoyent en nombre fîx ou fept. On le mena quelque fois au conuét des Cordeliers pour
cftre intcrroçué,&: rendeit confus tous ceux qui s'oppofoyent contre luy: telle cftoitla
viuacité de Tcfpnt de ce lainct peribnnage.
L e principal conducte ur de cefte periccution cftoit vn nomme F.Bonaucnture Re-
nd, prouincial de Tordre des Cordclicrs,hommc autant hideux de viairc& de ventre,
que fouucrainement effronté en toute ignorance de bien de vertu . 11 auoit grande
authorité en la cour de Lorraine,cftant parue nu à ce degi c d cftre grand confeiléur du
duc Antoine,qui Taimoit fort pour la licence qu'il luy bailloiten la liberté de le s plai-
sirs . Ce monitre cruel ne pcrfuadoitricntanticc Prince ignorant, que d'exterminer
toutes gens lauansde fa cour &: de les pais:&: luy auoit li lien appris cefte leçô,que fou-
uent en demies familières le Prince auoit acceuftumé de dire, Qu'il fuffilpicfauoir Pa-
ter nofter &: Aue Mariai queues plus grans docteurs eftoyent caulc des plus grans er-
reurs &: troubles.
C t moine prelîdoit aux interrogatoires de Schuch , &z n'efeumoit contre luy fincn
iniure& blafpheme,Tappclant hérétique, Iudas, Diable. Schuch ne rcfpondoit aux in- jeSaducr-
mres, mais les rendoit confus par la force &£ puillancc de la parole dcl'Euangilc. 11 leur en
annonçoit Thornbleiugement de Dieu: tellement que de deipitgrinçans Iesdéts,luy 1 pl
arrachèrent la Bible qui eftoit bien cottee d'annotations efcritesdefamain.&r comme
/ hiens enragez, ne pouuans mordre fur fa doctrineja brullercnt en leur conuent.
L t duc Antoine voulut eftre prêtent aux dernières intcrrogatoircs,fans toutefois fe
manifeftenmais n'entendant point Schuch, qui neparloit que Latin , & ne le voyant
par la contenance ne veincuni cftonné,fc retira du lieu:& en fortant dit qu'il ne raloit
plus difputer,mais qu'il cftoit befoin de jpceder à exécution contre luy, puis qu'ilnioit
le facrement de la McfTe . Toft après donc il fut condamné à eftre bruflé vif.
Atre s qu'on luy eut prononcé fa fentence, il commença à dire le premier verfet
du Pfeaumc ii2.,La?tat9 fum in his qux dida funt mihi, In domum Domini ibimus,&:c.
ht comme on le menoit au fupplice,il paiTa deuant le conuent des Cordehers,lefquels
eftoventi la porte, Tattcndans palier. Lors ceBonauentures'efcriantditàSchuch:
Hcrerique, porte honneur à Dieu, à la mcre,&: aux Saincts, luy monftrant les idoles qui
e ftoyent au portail. Schuch luy rclpondit,0 hypocritesiDieu vous deftruira,&: amène-
ra à lumière vos tromperies.
Q_v a n d il fut amené au lieu du fupplice,on brufla premieremêtfesliurcs en iapre-
fencc,& luy fut propolé que s'il fe vouloir dcfdirc, on luy modereroit la peine-11 relpo-
d;t que non,&: que Dieu qui luy auoit touhours alîifté , ne Tabandôneroit point à la fin. ^".^c"
& vfoic de ces mots comme citant refolu de mourir, Mandetur executioni fcntentia:c'
eft aiîauoir,que la ientence fuft mile en c xccution. Lors commençant à haute voixle
Ple aume cinquantevnieme, entra dedans le lieu où les fagots eftoyét difpofez,&: pour-
fuiuit le Pleaume tant que la fumée &: fiamme TeftoufFa.ee fut le x i x . iour du mois d'-
Aoilft, M. D . X X V .
S a grande vertu &. confiance ornée d'érudition exquife , édifia maints bons cœurs;
&r. rendit eftonnez les aduerfaires de la venté. Toft après mourut fubitemt nt le Com-
mandeur de S.Antoine deViennois,qui auoit efté iugeecclefiaftique(commc ils nom- L>jblj, ,
ment)dudit Schuch. Et l'on miniftre l'abbé de Clair-heu,fuffragantde Mets, mourut clair-lieu
foudainàNancy,effrayé&:efpouuanté du fon de l'artillerie qui fut defehargee à l'en- meurtdef-
tree de la duchefîe de Lorraine Chriftiçrne de Danncmarc,qui fut vniugement nota- ^cunutime
ble de Dicu,dont gens dignes de foy ont rendu tefmoignage.
rfe.ui.i
G ASP AR TAMBE R, &: autres, exécutez en diuers lieux.
Çx feroit chofe defîrable que toutes nations fifTent deuoir de recueillir l'hiltoire de ceux d'entre eux gui font morts vera:eufc-
ment au Seigncur,defqucls les noms ne doiuent cftre mis en oubb.combien que nous n'ayons à plein leur luftoire.
A S P A R Tamber fut bruflé en ce temps à Vienne en Auftriche,auquel
lieu futauili bruflé ctuellcmétvn certain libraire qu'on appeloit George. Ccorgc.
Semblablement en la ville de Prague en Bohême <*n exécuta par feu vn
perfonnagc:pource qu'ayant vefeu en la moinerie,&: laifïant fonordrea- ^""JJ']6
bominable,& célibat poilu, s'eftoit marié félon le cômandement de Dieu. C'eft chofe Prague.
m.
Marques
ck bon M
mitre.
Liurc^j 1. T>>fvn Tœtteur Aleman.
certaine,que ceux-ci& autres qui foufFrcnt telle mort,cndurent vne palfion vrayeme t
Chrefticnnc . Le mondc( félon qu'il eft ingrat)ne peur ouurir les yeux pour cognoiftre
ceci:mais,qui pis cil, il penfe faire vn facririce à Dieu . mais l'infidélité des hommes ne
pourra anéantir la vérité de Dieu,ne faire quiccux ne reçoiucnt la couronne d'immor
talité,qui eft préparée à tous hardis & vaillans combatâs pour le nom précieux du Fils
vnique de Dieu. Lcfqucls délirent plulloft endurer pourcté &; opprobres auec le peu-
ple de Dicmque mettre leur portion auec les brauesdece mondeyauee lefquels ils ne
pourroyent élire incitez linon à s'cfloigncr de leur Dieu . Ils aiment beaucoup mieux
ïlcb.ri îj, cftrc moquez pour le nom du Seigneur Icfus auec Moyfc,qu'eftre honnorez au milieu
* lC- desgrans thrci'ors d'Egypte enlamaifonorgucilleufede Pharao.
Hiftoircd'vn P A S T E V R du pafsdeBrifgoye,
eSIOP^S L y auoit en vn village du pais de Bnfgoyc, vn miniftre vigilant,& homme
■SWM Zffij inftruit és faindes Eicritures,renommé en ce qu'il viuoit d'vne façon hon-
41 4 ^ nefte &: fainde,ayant long teps fait fidèlement l'on office : excellent en bô-
^^^J^â ne dodrine par de/Fus tous fes compagnons, aimé mcfmcdc l'cuefquede
Conflance.il appointoit d'vne merucilleufc prudence tous difeords engendrez entre
prochains, les inuitans à charité &:diledion mutuelle. Lors que la pureté de l'Euangilc
commença à reluire & eftre produite en lumière , il fc print a lire de grade afFedion les
faindes Efcriturcs,lcfquelles aufli il auoit leué's auparauant,mais fans aucune intclligc
ce.Quand il eut recouurc quelque iugcment,& commence a entendte la verité par lc-
thire continuclle(cflant ia paruenu à l'aage de vieillcire:)0 bonDicu,dit-il,qui euft la-
mais penfé que tant de gens fauans &c fainds porlonnages fc fuiFent deflourncz du but
de la vraye & pure doctrine par fi longue clpacc de temps i qu'ils fc fulfent cnueloppcz
de tant dcrreurs,& que FEfcriture fainde euft clic fouillée de tant d'abus horhblcs&: a-
bominables^Il voyoitqueles Prcllrcs communément viuoyent en grande profperité:
ntédcsad" ^ nu^ n o^0't maintenir vne lainde & bonne caufe contre eux fans grâd danger,&: fans
uerfairei < i' fc faire grad dommage,nc corriger leurs vices publiques.il voyoit l'heure cftrc venue,
blouyc les qUC iXuangilc dcfployoït grandement la vertu , que la croix cftoit prochaine , que les
i-luficurs. ennemis de la venté cicumoyent leur rageque les mefehans lcuoycnt haut la telle , &
eiloycnt plus que hardis à entreprendre contre les fidèles : que les Euefques,qui dcuo-
yent maintenir la Parole,cfloycnt plus cruels &c barbares qu'aucuns tyrans qui euflenc
iamaiscfté.Conlidcrant donc l'ellat prefent du monde,il oilade l'on cœur toute doute:
t rf &tcnoitpoui-toutrcfolu, que Icfus Chrift auoit prédit la verité: veu que tantde corps
tionsprcdî de fainds & fidèles eiloycnt tous les iours foucttez,battus,banis, defehirez, découpez,
xi s par le pCndus,noycz,& brûliez . Car qui pourra raconter toutes les peines que les fidèles ont
endurecs ces années pallccs, voire par ceux quivlurpent le nom de Chreliicns: &: ce
pour auoir confefle franchement le nom de Icfus ? Ainfi ce Pallcur voyant toutes cho-
ies aller ce deffus delîbus(comme auiFi pour lors les Payfans auoycnt cfmcu grande mu
tincric)afîn qu'il ne fc polluaft du vice de fornicatiô, efpoufa vne lienne châbriere qu'il
auoit en famailbn,dc laquelle il eut depuis de beaux enfans. La rage des Payfans croif-
foit tous les iours,&: ferenforçoit de plus en plus. Ils alloycnt parmi les monaftcres&:
les mations des Prcftres,comme s'ils euflent entrepris quelque pèlerinage: &: ce qu'ils
F rcurdef. ne pouuoycnt manger,ils le gaftoycnt,ou l'cmyortoycnt auec eux. Vne troupe de ces
lorJ« des Payfans fc fourra dedans la maifon de ce Paftciu,&: prindrent tout ce qu'ils trouuerent
Payfauî. cjie2 my.bref,luy defroberent & ofterent par force ce qu'ils peurent. Et combien qu'il
leur rcmonftraft en toute douceurqu'ils fedcportafîcnt d'vne telle inhumanité plus q
barbaic,ncantmoins ils fc portèrent enuers luy comme belles fauuages. Il leur propo-
fa l'ire horrible de Dieu , qui ne peut laillcr telles violences impunies, remonftra que
les feditions n'eurent iamais bôneiilue,lcfquelles cnucloppentles bons parmi les mef-
ehans,en telle façon qu'ils font expofez au danger de la perte de leurs biens &c de leur
propre vie. Et comme ainfi foit que ces garnemens fi/Fcnt tous ces excez&difFolutions
fous ombre de l'Euangilcil ne fe peut tenir de leur dire,Commcnt? en vouspropoianr
la verité de l'Euangile,auez-vous ouy ou appris de moy,qu'il fe faluft ainii de/border en
furie& inhumaniré ? Voflre euangile eft pluftoft vn euangile du diable, lequel trouble
tout à tors & à trauers,rauùTant & pillant/ans auoir efgard à aucune équité. Le vray
Euangilç.
TyvnTïafteUYsÀlemM. 68
jiuangilcdu Seigneur Iefus enfeigne de bien faire à tous, d'euiter toutes mutineries
&: monopoles , &c fuir les panures . Toutes ces remonftranccs quelques bonnes &c
fain&es qu'elles fulTent , n'eurent point de lieu enuers ces gens forcenez . toutefois ils
s'en allèrent pour cellefois de fa maifon,luy difans paroles outrageufes . Il y en eut vn
plusdeprauc que tous,quiluy dit,Monlicurlc Cure vous aucz allez vendu de Melfes
Se de vos coquilles de Purgatoirc:maintenant nous ne faifons que nous rembourier de
l'argent que nous auons donné. Et Icgaudiïiàns de luy, le taillèrent delpouillc de les
biens.
Apres que la mutinerie de ces Payfansfùt en partie appaifee, & qu ayans laifTé les
armes,ils furent aucunement reprimez : après aufli quepluiieurs des principaux de ce-
lle coniu ration furent prins çà &: là par les villages, fans chois & fans miferi corde: ce Pa
ftcur commença à s'aiîeurcr,&:preicher franchement l'Euangilc, ne craignant rien
moins que de retomber en fafcherie nouucllc. Cependant il y en auoit pluiieurs qui c-
ftoyent marris de ce qu'il annonçoit franchement la vérité de Dieu. Ainli vnenuict il
fut prins par quelques foldats apollezdcfquels après luy auoir lié pieds &: mains, le mi-
rent fur vn cheual, &c 1 emmeneret en la prefence de fa feme &: de les enfansdes pleurs pfeo^abic
&:gemi(îemens dcfquels eullcnrpeuelmouuoirdespKrres.&: cependant ccsrullres
brocardoyent ce poure homme, luy faifans du pis qu'ils pouuoycnt . Sur cela, ainli que
la multitude des cheuaux faifoit grand bruit, comme la nuid donne plus grande fra-
yeur,pluiicursfeminesy accoururcnt(car les hommes s'eiloyent cachez de peurqirils
ne fullènt prins )&C attendoyent quelle en fcroitla fin . Pluficurs s'en cltoycnt fuis,&:
non feulement auoycnt laiile héritages, poiielTions,femmes &: enfans: maisaulîi s'elto-
yenc retirez en autre pais pour y demeurer, cftans preifez par les outrages de ces mu-
tins.Les foldats voyans ainli ces fcmmes,leur dirent, Allcz-vous-cn,&: dormez à vollre
aile:ce n'eft point à vous à qui nous en voulons-.nous auons à faire feulement à ccCuré
Amenez nous vos maris, s'ils font en la maifomcar nous voudrions parler à eux , & leur
1 c môftrer que c'eft à eux de veiller la nuicr,& s armer pour garder le villagc,&; le main-
tenir contre les courfesdes brigans&: voleurs.
O r après qu'ils eurent long temps détenu en pnfon ce bon perfonnage,& fait endu
rcr des tortures horribles , tant en fes pai ties honteufes qu'autre part de l'on corps , ils ^ciTJii
le iugerent à mort. Il n'y auoit autre rai('on,finon que ce preudhomme auoit cfpoufe'V- ft«f ™du
ne femme,non point publiqucment,maiscn fa maifon deuant quelques tefmoins. Au [^,cs l>3y
demeurantjfesaduerfaircsn'auoyenr rien qu'ils luy pétillent mettre fus,ou qu'il full ic-
ditieux,ou brigand, ou larron , ou ayant commis quelque autre forfait: combien qu'ils
eullent attire ça & là quelques gens malins pour fripier en fes prédications &c eYi tou-
tes les façons de faire.
Or après qu'il eut elle amené parle bourreau au lieu où il deuoit élire exécute, il re-
fpondit benignement &£ paillblement à tous qui venoyent à luy pour le confolcr.il y a-
uoit là des moines &c preftres qui luy rompoyent la telle par leurs fauiîès d odrin es: ain-
li qu'il eftoit au combat contre les horreurs de la mort, 8>c faifoit oraifon à Dieu, il les
pnoit qu'ils fe teulfent,dilànr qu'il auoit confclfé fes oftènfcs& péchez au Seigneur Ie-
îus,& en auoit eu abfolution,& n'en doutoit nullcmét: le feray auiourdhuy hoftic &c fa- ^°Jp\
crifîce agréable à mon Sauucur Iefus Chrift,difoit-il: lequel en ccfl endroit m'a donné
vne bonne confeience & pailible. Maintenant ceux qui ont foif du fang innocent, &c V-
efpandent,qu'ils aduifent bien à eux que c'eft qu'ils font , qui cft ecluy lequel ils offen-
fent,à qui il appartient de vrayement iuger les cœuts humains '• cat il dit, A moy la ven-
geance appattirji t,&: ie le rendray.
C e miniftre ellôn>homme maigre & exténué en fon. corps, parquoy il dit en fe con-
folant, Aulîl bien deuoy-ie lai/Fer celle peau bié-toft,laquclle à grand' peine tient à mes
os.Ie fay que ie fuis mortel, vn ver corruptible , &: défia dés long temps i'ay déliré mon
dernier ioun&ay fait requefte que icfuiîè deliuréde ce corps, pour élire aucc mon Sei
gneur Iefus. I'ay bien mérité la mort du gibet à caufe de tant de péchez énormes que i'-
ay commis contre mon Seigneur &: Sauueur Iefus Chrifl , en la croix duquel ie me glo-
rifie.
I l y auoit là des pendars qui ne peurent endurer ces fainds proposrains firent quel-
que ligne au bourreau,à ce qu'il iettaft ce poure patient du haut en bas dedans l'eau. A -
près qu'il fut ietté,il fe remua quelque efpace de temps dedans lçau : &: la riuiere où il
m.ii.
du Paikiir.
Rom.n 19
Hcb.io jo
Les demie
rcs paroles
de ce Mi-
niftre.
Limt^L Jaques^Pauanu: Léonard Keifir.
fut îettc, apparut rouge de fang. Ceux qui eftoyent là prefens, voyans ce qui eftoit ad-
uenu,furcntcfbahis&: marris en eux-mefmcs, penlans que lîgnifioit celte eau ceinte
de iang. Cependant toutefois nul nofoit ouunr la bouche ne fonner mor,pour la crain
te qu'on auoit,d'autantque tout eftoit exercé par cruauté entre ces gens rudes &c bar-
baies. Ecolampade en la fin de ce récit adioufte,
I'ay entendu tout ceci par vn qui a veu de fes propres yeux ce quia clic ci deffus ré-
cité. Noftre Seigneur race fentir l'a bonté à tous les Tiens.
31
I A QJ ES PAVANES, Boulenois.
Ccihiy-cî a ifté<tes premiers qui ont enduré la mort au paisdeFrance.pourla vraye doctrine de la Cenedu Seigneur , laquelle
en ce temps commença deirre mile en auant.
M D. VILLAVME Briçonnet euefquedeMeauxen Brie, femonftracn
XXV' w ptS^-^ cctcmPsrorca^câ:ionnetantàcognoiftre la vérité de l'Euangile venant
fuc^uTS $%ij^f » Cn lûmiere' ^u * la llotificr aux autres. Iceluy vilîtant d entrée fon diocefe*
Mcaux.1 trouuaque le poure peuple eftoitdutout deftituéde la cognohTance de
Dieu:&; que les Cordelicrs & fcmbUblcs befaciers n 'enfeignoyent finon vne vieille
afncrie,pour donner & apporter aux conuents . Ledit Euefque efmeu pour lors d'vn
bon zclc,&: bien informé de leurs impoftures&: tromperies, leur interdit generalemet
la chaire &: fermons par tout fon diocefe:& appela à foy pour fuppleer au défaut, beau-
coup de gens de bien &c de fauoir , tant dodeurs qu'autres, comme M.Iaques Fabcr d -
v m Mar Eftaple,M.Guillaumc Farel cftant à Paris, M.Michel d'Arande, M.Martial,qui depuis
tui.Pciiitc a efté pénitencier de Paris,M. Gérard Rufî, qui puis après fut fait euefque d'01eron,&:
cierdeJ ans aurres,par la diligéce defquels,&: par la ferueur de ceft Euefque qui prefchoit luy-mef-
me la verité,n'elpargnant or n'argent pour donner liuresàceux qui dciiroyent d'y en-
tendre: la ccgnoifTance de l'Euangile commença s'augmenter, corne d'vne efcole ou-
uerte à toute pieté . Or entre ceux que ledit Euefq entretenoit à celle fin, il y au oit M.
laques Pauancs,du pais de Boulenois, home de grande fincerité & intégrité, lequel cô-
ftitué prifonnier l'an 1 524.6»: durant fa pnfon tut folicité par gens deuenus froids &: tc-
pidcs,à lauuer fa vie en faifant amende honorable. Et fur tous ledit M. Martial docteur
de Sorbonne,difputant contrcPauancs,&: ne le pouuant deftourner,luy difoit louuent
ces mots, Vous errez,Iacobé:vous n'auez pas veu au fond de la mer,mais feulement au
dciïus les ondes 6c vagues.vculant fïgnirk r par ces paroles , que Pauancs eftoit encore
tout nouueau,&: trop arde nt pour vn commencement:^ au contraire,queMartial,qui
auoit faitaucuncfois profelTîon de la venté, n'auoit efté fi fcrupuleux, qu'au befoin il n-
acquiclçaft & changeai!: d'opinion pour fauucr fa vie. Ce perfonnage dôc agité par tel-
le manière de gens,fît amede honorable le lendemain de Noel,audit aax.D.xxini,
Depuis cela il n'eut que regrets & foufpirs , &c les declaroit fouuentàceux qui le vifî-
toyent:dc forte que peu de temps après , &z par eferit & deuant les luges, il a tellement
l ( inft maintenu la pure confeflîon de la religion Chrefticnne , &: fur tout le poinét de la Cc-
ie laCcnc ne, que derechef il fut emprifonné,condamnéJ&: toft après brullé vif à Paris en la place
Fta°KeUCn dcGrcuc,l'an m.d.x x v .au grand honneur de la doctrine de l'Euangile, &z édification
de pluiîcurs fidèles, qui pour'lors ignoroyentle vray vfage&: inftitution de la Cenedu
Seigneur Icfus Chnft.
LEONARD KEISE R , Aleman.
Du commencement que l'Alemagne fut cultiuée par la parole de Dieu , elle à donne de grans perfonnages , qui ont efté crueUc^
ment meurtris par les princes tenans le party contraire à icelle . Martin luther & autres rendent telmoignage au prclcuC
Martyr.
^/A^^^i E I S E R ( qui vaut autant à dire qu'empereur )eftoit de Raub > à quatrtf
xxvir. Kj l^^^t lieues dePairauu,d'vnemaifon bien renommée au pais de Bauiere.DutépS
^ qu'il eftudioit en la ville &: vniuerfité de Vuittemberg, il fut mande' par Ici
^ frères, luy lignifians q 11 iamais il vouloit voir fon pere en vie, il s'en retour-?
naft bié toft.ee qu'il fit. Mais à grad' peine fut-il arriué, qu'on le tira d'auprès de fa merc
£>c de fes frères pour çftre cmprifbnné.Les articles qu'il confeiToit,&: pour lefquçls ilfuc
s m 3-1
Geotgt^ Carpmier* S 9
himuinemcttraittéiufquareffufiond Fils de Dieu
&: de fa vente, furet ccux-ci:Premicrcmét,Quc laieulefoy faune. Que les amures font
lesfruidb de la foy.Que la MelTe n'eft pas vne oblation ou làcrificc.Chi 'îly a trois fortes Tro^
de Confefîions:la prcmicrc,De la foy^aqlle nous ell tous les iours neceilaircla fecon- ç*rfcsf^a
de,Dc chanté, laquelle eft quand quelcun auraoiFcnfe l'on prochain, de le réconcilier 0 1 1)0'
aucc luy . la ttoifieme, De demander confeil &c confolation aux anciens & tniniftrcs île
l'Eglifc.Etpourcc que tout ceci cftoit contre la bulle du papcLeon,&: contre lcdiCE&
ordonnance de 1 Empereur faite à Vuormcs,fentencc fut donnée côtre Léonard Kci-
fcr,qu'il deuil cftre dégradé &: mis en la puuTance du bras feculienpar lequel il fut ton -
du,deiguilc>& veftn dvn ginpon,auec ignominie couucrt d'vn bçnct noir tout décou-
pe : & en celte forte fut liure entre les mains du bourreau.
ORainli qu'on le menoit hors laville pour cftre exécute, il exhorta le peuple en lan-
gage Aleman, tournant la telle tantoft d'vn cofté tantoft de l'autre. Puis cftant venu au
lieu du fupplice,dit,0 Seigneur Iefus, endure aucc moy: foufticn-moy,bailIc-moy rbr-
ce.Etainli qu'on mit le feu au bois qui là cftoit apprefté pour le brader, il commença à
s'efciïer à haute voix,0 Iefus,ie fuis tien,fauue-moy. Et réitéra cela,ayant le feu fous
foy: voire l'ayant défia fentiafprement aux pieds,aux mains, & en la telle. Mais pource
qu'il n'y auoit pas grand feu, le bourreau tira le corps demi brufléaucc vne longue per-
ce crochue,&: mit du bois dauantage.& le ictta au feu:&en celle forte facheua de bruf-
ler,l'ayant tourmenté iufqu'au bout. Voila la fin des iours de ce bon perfonnage Keiler,
mourant pour le tefmoignagc de la vérité du Fils de Dieu, le leizieme iour d'AouftJan
m . d . x XVII.
GEORGE CARPENTIER, d'Emenng.
arpentier,cjuifutbruflc^nMunchen,vilIt;de Bauiercs, pour la doctrine de l'Fuang
de ijutlquts la^cs rr,cndain5,eji!i fubtilcmcnt l'abordèrent pc u; le faire rlef-hir.
LVSIEVRS cxcellcns perfonnages fe font trouucz au pais d'Alema- J*. °-
A xv 1 1,
L'hiftoirc de George Carpentier,cjiii fut bruflé en Mimclien.villt de Bauiercs, pour la doctrine de l'Euangile : par laquelle il fui
monta les aftuccs de ijutlquts fa^cs ncndains,cj!:i fubtilcmcnt l'abordèrent pc u; le faire flefehir.
îÇJJjji gne, parlefquels le Seigneur a voulu non feulement manifefter la vérité,
f • niais aufli par l'efrulion de leur fang lateftiticr& confirmer. Entre lefquels
GcorgeCarpcntic^d'Emcringîne doit cftre mis en oubli:d'autant qu'aucc
mcraeillcufe conltancc il a loullcnu la doctrine de l'Eu.mgile du Seigneur . Eftant mis
en prifon en la ville tic Munchcn, au pais de Bauiercs, fan mille cinq cens vingtlept:
quelque menace ou tourment qu on luy fift , il ne peut cftre diuerti de la vraye docxri-
nc,tellement qu'il ne fut qucftion linon de procéder àia condamnation. Le vin .four
de Feuricr audit an,apres que fentence de mort luy fut prononcée , deux bourreaux le
vindrent prendreen la prifon nommee comme qui diroit Latourdu Faulcon, pour le
mencraulieudu fupplkc.Et voici arnuer des Cordcliers qui le vouloyc ntaccopagner
&: rinftruirc àleur mode &: façon . mais il leur dit qu'ils ne prinfent la peine,& qu'ils fc
retirafTcnttcarilifauoitbcfoindclcurinftruftion . Les officiers le menèrent aux dc-
grez de la maifon de la ville, où furent leus publiquement les articles de ion proct z, cô s "mairedu
felfez ôc maintenus par luy, Le premier cftoit, qu'il ne croyoit que le prrft rc,rp h . on- £ cc" dc
feffion,peuft pardonner les péchez . L'autre,qu'il ne croyoit que l'homme pu i 'c faire " 1
defeendre Dieu du ciel . Le troificmc,qu'il ne croyoit que Dieu foit enclos dedans le
pain que le preftre manic,virc,&: reuirc en l'autel. Le quatrieme,qu il ne croyoit que le
J3aptefmc d'eau, puifle de foy-mcfme faire l'homme bien-heureux. On le prcfïbit mer-
ueillcufemcnt dc fe defdirc de ces quatre articles , mais il n'en voulut rien faire . Sur
quoy vn maiftre d'efcole de la ville s'approcha pour luy dirc,Gcorge mon ami, ne crai-
gnez-vous point la mort qu'il vous faut cndurer?Sion vous lafehoit , ne voud nez- vous
pas bien retourner en voftre logis auec voftre femme &; vos enfans ? Il rcfpcndic,Si on
me lailfoit allcr,où me retireroy-ic pluftoft qu'à ma femme &: mes chers cnfans?Le mai
(Ire d'efcole rcphqua,Reuoque donc tes opinions,&: tu feras mis en libcrté.Gcorgc luy Rff r
dit,Ma femme & mes enfans me font h chers , que le duc de Bauiercs ne les peurroit a- „oubic.
cheter de moy pour toute facheuance : li eft-ce que pour l'amour de mon Dieu &: Sei-
gneurie les lailfe volontiers.
Ço m m e on le menoit, derechef le maiftre d'efcole parla à. luy au milieu du mar-
in, in,
(iit Dcl'uii
Kl.
C'cfl vnc
Liurc_j L G eorge Car fermer.
ché,difant, George mon ami,croycz le facrement de l'Autel,& non feulement le /igné:
Sacrmiciu Ie tien(dit-il)cc facrement appelé De l'autcl,pour vn ligne du corps &c du fang de Id'us
Chnll,qui pour nous a cfté liurc à la mort de La croix.
S v r ce propos vn nommé maillre Conrard Sceitthcr, vicaire Se prck lient del'cgH-
lé cathédrale en ladite ville, l'aborda, &c\uy dit, George, lî tu neveux croire au facre--
ment, au moins riche ton cfperance en Dicu,&: di,Ie luis leur de mon cas: Se toute lois fi
ie failloyc,ie me voudroye repentir de la faute . George rcfpondit a cela, Dieu ne per-
met qu'ainli ie faille. Le maillre d'efcole luy dit, Ne te halte point trop,choifi quelque
bon frère Chrcfticn , comme maillre Conrard ou vn autre, auquel tu defcouurcs ton
cœunnon par manière de confcflion,mais pour auoir quelque bon conleilde luy. Il rc-
fpondir,Non fcray:car de cela ien'ay aucun belbin.
A i" r e s cela maillre Conrard commença l'oraifon Dominicale,Noltrc Pcre qui es
bricnc'ap! c's cicux . G e o r g e relpondit, Vrayemcnt c'eft toy,ô mon Dieu, qui es noftre Pcre,
plicatiô ie jans autre:ic defirc auiourdhuy eftre auec toy. Conrard pourfuiuoit,Ton nom l'oit
L^crfinnc kn^i^c. Sut ce poind il dit, O mon Dieu, que ton nom eft pourement iancririé.C u n -
dupjticnt. r a r i) paifoit plus outrc,Ton règne vienne. LàdcfllisGE orge dit, Auiourdhuy f-
efperc entrer en îceluy.Quad ce vint à, Ta volonté loit faite en la terre comme au ciel.
George dit,Ieiuis icy Perc,afîn que tavolontè (bit faitc,& non pas la mienne. Co n-
r a r n, Donne nous auiourdhuy noftre pain quotidien . George refpondit,Quc
Ielus Chtift le vray pain loit auiourdhuy ma viande . Conrard ,Et nous pardonne
nos pcchez,comme nous pardonnons à ceux qui nous ont orrcnfcz.G e o r g e ,0 mes
amis, de bon cœur ie pardonne à tous, tant amis qu'ennemis. Con r a rd, Et ne nous
induy pontententatiommaisnousdcliuredumal . G h o r g e , O mon Scigncur,fans
aucune doute tu me deliurerasxar i'ay en toy feulfichc mon cfperance.
Cela fait, maiftre Conrard commença le Symbole de la fby , le croycnDieule
Jxpiicuiô Perctout-puillant. George relpondit, O mon Dicu,re(pere en toy feul:ieciey en toy
duS) mbo- çcui^ non cn crcaturc quelcôquc . mais ils mont voulu cfloigner de toy.fortifie-moy.
En cefte manière il relpondoit a chacun mot.ee qui feroit par trop long a deferire . La
prière finie,le maiftre d'efcole luy dit, George, crois-tu li fermement en Dieu ton Sei-
gncur,qucgaycment&:fanspcurtuconfeilesdc bouche? Il relpondit, Ce meferoit
choie difficile , voire bien impolfiblc , d'endurer ainfi la mort , il ie ne croyoye de caur
ce que ie confelîe de bouche. I'cftoye douant tout rciblu qu'il me faloit endurer perle-
hht,6.n. cution pour Chrift,fi ie vouloye m'adioindre à luy. O mon Dieu, où eft le threl'or de l'-
homme,là cft auffi ion cœur . Maiftre Conrard luy dit, George, crois-tu qu'il cft necef-
faire qu après ta mort on prie pour toy >. &: ie celcbreray le facrifïce de la Mclfe pour la
rédemption de ton ame.il telpondit,Pcndant que barne cft iointe au corps, priez pour
mev, qu'il plaife au Seigneur me donner paticnce,afin qu'en toute humilité &: en vraye
foy Chrefticnne l'cndurclefupplicedelamort.mais après que lame fera feparee du
corps, k; n'en ay plus de beloin.
Comme le bourreau le lioit à i'efchelle,il declaroit au peuple plulicurs poincts de la
doctrine Chrcfticnne. Quelques bons frères Chrcftiens le prioy en t,qu'in continent qu*
ilfcroiticttédcdanslefcu,il fîft quelque ligne , par lequel on pcuftcognoiftrefa foy.
Carpcnticr Aufqucls il refpondit,Cclavous foit pour ligne, que tant quepoun av ouunrla bouche,
a 'xFr^ *c necenrcray deconfeflerlenom delefus. Telle confiance ne fut veue femblable en
ùu milieu' ces licux-la:onques ne le monftratroublé:ainss'en alla toutioyeux au feu . Ilauoitdit
du feu. au milieu de la ville, le confelîeray auiourdhuy mon Dieu deuant tout le monde. Ce
qu'il fît eftant ia eftendu fur rcfchcllc(lors que le bourreau luy lioit vn fachet de poudre
à canon autour du col ) commençant, Au nom duPerc, du Fils, & dufàincfcEfpfit,&c.
Comme les deux bourreaux l'efleuoyent cn l'elchcllc , il dit A-dieu à vnfrere affiliant,
luy demandant d'vn regard tout alaigre,pardon de quelque faute.Et fubit que le bour-
reau l'eut lance dedans le feu, il cria deux fois, Iefujelu. Puis le bourreau le retourna a-
uec crochcts.&: lors après auoir quelque fois répété à haute voix le nom de Iefus, ren-
dit l'efprit.
PIERRE
<J>lt4peurs ^Martyrs-
7*
PIERRE F'LISTEDE & ADOLPHE CLAREBACH.
Peux Martvrs Aleimns exécutez à Cologne, pour la vérité du Fils Je Dieu. Le commun populaire imputoit les playes que le
* paysd'Alemagne fouftenoit lors, au changement dç la Religion.
LISTEDE &: Clarebach, hommes fauans &: exercez aux lettres , furent M. d.xx
Hfr mis prifonniers à Cologne furie Rhin, l'an m.d.x x v 1 1 1, pource qu'ils ne vm"
conlentoycnt aucc les Papilles touchant la Ccne du Seigneur Se" les autres
^poinc-ts. Or le Sénat de la ville a bien puiflànccd'cmprifonncr, mais l'exc- Ledroia
cution ouabfolutioneft en l'authorité de l'Archcucfque: de forte qu'il peut aduenir ^"J^ "
que le Commis duditouurira les pnfons àccluy qui cil: condamne' par le Sénat. coiooUC
Ce s deux donc furent détenus prifonniers plus d'vn an &dcmy. &: finalement l'an fur
fuidit, au mois de Septembre furent condamnez à cftrc brûliez , tant par le Sénat que m,nc h
par le commis de F Archcuefquc. La fentence fut exécutée au grand regret, côpallion
fie cremilTcmens de plulîeurs. On en bailloit le blafme à quelques Théologies , lefqucls
criovent en leurs fermons, qu'il falloir appaifer l'ire de Dieu, qui lors arHigcoit le mon-
de par vnc nouuelle efpecc de maladie. Car outre la grande famine, rcgnoit vnc nou-
iic lie maladie nommée la Sucttc.parce que les ges furprins d'vne fueur mortelle,mou- La fuctte
royent en vingtquatrc heures. Dont vn nôbre înfiny de pcrfbnnes fut furpris de mort, « Alcma -
deuant que Ion trouuaft le remède, On lappcloit vulgairement la maladie d'Angleter- ë"c"
rc, pource que fan mille quatre cens quatre vingts &: fïx, fille d'Angleterre en auoit e-
ftc infectée. Et afin que le Seigneur defployaft toutes les verges a vn coup contre 1-
Alcmagne, le grand Turc Solyman,àla folieitation duVayuode roy en partie dcHon- Lesplayea
gric,& à la pourfuitte de Hierome à Lafco Polonois , eitoir venuaifieger Viéne en Au- jjjjjjjjjj,
ftnchc, Or comme on menoit ces deux icuncs hommes à la mort , ils rendoyent raifon rAkmagn,
de leur foy, &: par textes & tcfmoignagcs de f Efcriturc fe bailloyent courage fvn à f au
trc:de forte que tout le monde eftoit rauy en admiration , de voir leur maintien Se" con-
tenance afîeuree:&: principalement d'Adolphe, qui eftoit vn beau ieune homme , fore
do£tc&: cloquent.
M. HENRY, Flamen.
c f.
perfonnaçe cfloit plus cogneu par fon nom propre, que par aucun furnom qu'il ait eu.& eft de ceux qui ont femé 1* Fuangi-
lc au pays de FIandrc,& qui l'ont arroufe par mort bicn-heureufe,
- r^r/ig^ O VS auos touché cy dellus en Phiftoire des deux Auguftins qui furent exe- M. d.
fel^^^cutczà Bruxelles, que plulieurs deceft ordre furent attirez à meilleure co- XXVIIL
^I^m Sgnoifîance de la vraye Religion par les liurcs de Martin Luther. l3u nom-
EjS^feK ^rc ccl,x ce Martyr que- nous auos à deferire, n'a pas efté des derniers
àprcfcher&fouftcnir la vérité dePEuangile au pays de Flandre. Pourlaqucllc caufe c-
ftant perfecute, s'enfuit cnla ville de Courtray, ayant mis bas tout habit monachal. Il
ne demoura 15g temps qu'on ne le recognuft: parquoy fut appréhendé &c mené prifon-
nier en la ville de Tournay, liege Epifcopal de Flandre: auquel heu, après auoir efté dé-
tenu en fon de folle Ôç en grans tourmens l'efpace de fept mois,luy fut offert condition condition
par vn qui eftoit lors Orficial, nommé M. Baltazar de Cordes, que s'il vouloir confeuer miquepre
èc déclarer celle qu'il auoit prife pour femme, eftrefa paillarde ou concubinc,la vie luy ^"^j,/
(eroitfauuc. Une voulut aucunement accepter vne condition tant inique &c deshon-
nefte: mais perfeuera en la confe/Iion de foy qu'il auoit faite dés le commencement de-
uant l'Officialité. Il ne reftoit donc que procéder à l'exécution : &c premièrement à la
dégradation, félon leur manière de fairedaquelle eftant acheuec, M.Henry s elîouit,&:
chanta ce commencement d'hymnc,7> De*m Uud*mus>vi .Depuis il fut condamné a cftrc
bruflé vif.Ôt endura la mort en vraye côftance,enuirô le mois de Mars, l'an m.d .xxvi 1 1.
DENYS DE RIEVX, François,
' E N Y S de Rieux,natif dudift Rieux en Mulcien, a efté vn des premiers qui M- D-
a enduré conltammcnt la mort en la ville de Meaux pour la doctrine du Fils XXVI£T*
de Dieu, &: qui a maîtenu que la MelTe eftoit vn vray renoncemét de la more
m.iui.
LiurcsJ. Louys dc^Herquiri.
Bnconnct & paflîon de noftre Seigneur Iefus Chrift.L'cuefque de Mcaux,cy deuant nomme Bi i-
Eucique çonnct,n'cftantplus ccluy-laqui auoit eftéauparauant,lc penfadiucrtinlînguliercmct
trequ ih"! de cefte opinion delà MeHc:luy promettant qu'il Je feroit non fculcmet dciiurcr , mais
iLioiteftc. au/fi luy donneroit prouifion&i pcnlion annuelle. Maisilluy rcfpondit, Monlieur,lé-
riez-vous bien maintenant li lait ht- de me hure en celte force renoncer mon Dieu : C Y
pcrlbnnagc auoit mcrucillculemét imprimé en l'on caur cefte fcnrccc de Iefus Chnft,
Chu me t énoncera deuant les hommes, &c. tellement que fouucnt il la pro&roic com-
me rauy en eftonnement, &: tremblant à la prolation d'icellc.
Estant donc condamné à eftre brufle vif,il fut traîné au fupplicc fur vncclaye:&:
toujours parloit & exhortoit le peuple à fe conuertir à la vraye dodrinc de vie. On luy
Lacrpïide auoitlié parforec vnecroîx de bois:maisil lafecoua desmains droitement à l'endroit
bo.s iettee j'yjj jjCU) qUj c{\ vn réceptacle des caux:&: ce iour-la il auoit pieu abôdamment, delbr-
d'vnTuTf-1 te que ladite croix s'en alla anal l'eau. dont tellement turent irritez les caphards , qu'on
kia' ne les feut onques contenir»de faire outrage au pourc patient cftendu fur la claye. Il fut
donc brullé vif au gré des ennemis de la vérité, c'eft aïfauoir auec long tourmentxar il
fut leué trois fois en l'air fur vn petit feu :& toujours pria &inuoqua le nom de Dieu
iniques au dernier foufpir. CcfutletroilieiTiciourdeIuillet,ran m.d. x x v m.
LOVYS DE BER QJV I N, gentil-homme d'Artois.
I N ceftehiftohedeLouysdeBerquin, nous y auons dépeint le naturel d'vn grand efprit,& quant & quant aduertis comme
noftre Seigneur felert des crans de ce monde pour faire tefk aux lu ppcfhde l'Antechrift. Ceux qui eftoyent lois en
la ville de ! ans, prclens a la caule , &lcs Epiflrcs d'Erafme nous ont ftiffifammcnt donné atteftation du contenu
en ce récit.
V téps que la ibuueraineté de Flandre &: Artois cftoit encore au rov Fran-
çois, pluucurs dcfdidcs Contez eftoyentau feruice du Roy : entre lefquels
ce gentil-homme ilfu de la noble famille des Berquins,cn la terre de faind-
Omcr au pays d'Artois, a cfté renommé fur tous pour les dons & grâces
que Dieu luy auoit conrcrccs&: en la vie &en la mort qu'il eut hien-htr-
au pays d - heureufe. Il cftoit venu en 1 aage de quarante ans lans eltre mane,ayant veicu en tel-
Artois. jc intégrité &: chafteté, qu'il ne fut onques chargé de foufpeç on d'incontinence : choie
merueilleufement rate entre les courtifans. Deuât que le Seigneur lcuft attiré à la co-
<Tnoiifancc de Ion Euangile, il cftoit fans fard grand fedatcur des coniticutiens Papiiti-
qucsjgrand auditeur de Méfies &c lermons,obferuateur des ieunes Se iours de ftftc,d<. s
fa îeunelfe. Il auoit vn elpnt libre & ouuert:& comme il ne vouloic faire tort à perfen-
nc,auflînc pouuoit-il porter qu'on luy en fift. Ladodrine de Martin Luther, lors bien
nouucllcen France, luy eftoit en fouueraineabomination:&:toutes!'ois,d'vn naturel cil
leué il hauToit mortellement l'afnerie des Sorboniftcs &c Moines: de 1b: te que fouucnt
, ne pouuoit diflîmuler, voire entre les plus apparens du Royaume, de dire contr eux ce
qui luy en fembloit. Il auoit eu quelque débat de difpute particulière contre vn des
principaux de ladite Faculté deSorbone, nommé Noftrc maiftre de Qucrcu. Ctftc
tackfec haine fut caufe que de plus près il s'adonna aux eftudes de la vraye picté:& le Seigneur
luy fut propice &fauorable, comme il a fes moyens par lefquels il attire les liens à la
cognoiiîance de Iefus Chrift fon Fils vnique. Depuis ce temps il ne ce/Ta de s'employer
dutoutàlaleduredelafamdeEfcriture,&àtranllatcr liurcs Chreftiens de Latin en
Francoisdefquels il communiquoit à fes amis. De ces liures , les Sorboniftcs trouue-
rent moyen d'en puifer ce qu'ils eftimoyent leur pouuoir feruir pour fafchcr Bcrquin,
& le fubmettreà leurs cenfures. Ils en tirèrent quelques articles à la manière des a-
raines, pour en faire du venin, &: procurer la mort d'vn perfonnage qui en intégri-
té &: rondeur d'efprit tafehoit dauancer ladodrine de Dieu. Delà façon de ces ar-
ticles eftoit ceftuy-ey, Que la vierge Marie à tort cftoit inuoquee aux fermons au
Articlcsdcs jjeu du faindEfprit : Que fans raifon elle eftoit appelée Threfonere de grâce, item,
eontrcBcS Qu'au falut ou Salué qu'on luy fait du foir , contre toute vérité elleeft appelée Noftrc
quin. cfperancc , Noftre vie , &cc. qui appartient du tout à noftrc fcul Seigneur Iefus Çhrift.
Pour
Louis dc^'Berquin. 7/
Pour tels & fcmblables articles il fut accule d'herefîe par les Théologies Sorboniques,
&c à leur înilance irus en pnfon. Les luges, qui cognoilToycnt l'cfpnt de Berquin , ne fi
rentpas grand cas de telles conclu/ions, ains le laifTerent aller à pur 6c à plein. Ceux
qui fauoycnt accule, rirent femer vn bruit par la ville de Paris, queparfaueur il c-
iloit cfchappe. mais Berquin au contraire fouftcnoit, que de droitt&: équité il auoit
gagné lacaulc:&: comme voulat mener en triomphe la trouppe des Sorboniilcs,main-
tenoit qu'ils auoyent cité vaincus parlaforce de la vérité. Cependant il le mit à tradui- ^|-|nJv.c^
re autres petis liures, entre lefquels eftoit le Manuel du Cheualicr Chrelticn d'Erafme RoiaoJ^
de Roterodam, y adioullant plufieurs choies qui de plus près approchoyent à la venté
Euangchque. Erafme qui de tout temps s 'eit voulu maintenir neutre entre l'Euagile
6c la Papiltei ic,&: nager entre deux, leur trefmauuais gré a Berquin d'auoir trâllate ion
liurc,& en fit de grades reproches par lettres, de ce qu'il le mcftoit auec lés ralchcncs,
le tirant en grande enuie des Sorbonifles , fans faire (comme il difoit ) aucun fruict de No J
pietéalle pnoitpartât qu'il demenail facaufe fans y meller le nom d'Erafme. Vn nom- joueur de
nié Noël Beda,docleurinueteré de la Sorbonc, auec fes adherens à beau renfort darti- Sorbonue,
clcsamaffezfe banda contre Berquin, 6c le fit mettre en pnfon. Le prieur des Char-
treux 6c des Celeftins de Paris,&:plulieurs autres fuppolts de l'Antechnil dônerent cô-
fort à celle bande, afin d'opprimer par multitude la confiance dcBerquimlcqucl eltoit
ia chargé par tels prehidices, qu'en la caufe il ncfcmbloit relier fïnon que les hures de
Berquin eflan s bruflez, il cfchappall( au meilleur marché faire) parvnc amendeho-
norable que luvordonneroitle Magiflrat : ou , qu'au refus d'icclle on le menafl au feu.
Berquin ncantmoins ne leur voulut quitter vn feulpoinct,&: certes pour lors c'eftoie
fait de luy, fi quelques Confeilliers de meilleur iugement que les autres (voyans que la
procédure auoit elle démenée a l'appétit d'vne multitude enragée de haine) n'euffent
re (pondu qu'ils vouloyent cognoillre exactement de la caufe depuis vn bout iufqucs à
l'autre. Les ennemis, qui en leur courage auoyent ia condamné à mort Berquin, cui-
derent creuer de defpit. On difoit que cefte faueur efloit venue de l'authorité de la re-
vente de France, Loyfe mere du roy François , laquelle lors gouuernoit les affaires du
royaume. En ces entrefaites le roy François cftât de retour de fa captiuité d'Elpagne, Lc r°> Fra"
aduerty que Berquin (lequel il auoit aime)eftoit en grand dager de fa vie , &c pourchaf- nom!'™"
lé à mort par les Théologiens 6c Moines de Paris , manda lettres au Parlement , qu'on Je France,
n'attentaft témérairement aucune chofe contre la peribnne de Berquin: 6c qu'en bref
iroit à Paris,&: cognoiltroit diligemment de fa caufe. Peu de temps après il fut relaf-
ché de prii'on,&: mis en garde feure:& depuis eflargy en pleine liberté, pour folioter
plus commodément fou affaire. C'cft merueille de la grande confiance qùc Berquin
conceut alors enfon cfpnc:car non feulement il fepromettoit voye d'abfolution , mais
aufli victoire triomphante. &. la difoit tenir en fa main: mais qu'il aimoit mieux que la
.caufe neié terminait fî toit, afin que celle victoire fufl plus authentique &: illuitre.
Berquin donc, comme fi la chance euil elté retournée , commença aceufer d'impiété
la f facrec Faculté de Pans, aifauoirlcs Théologiens 6c Moines, ditant qu'il auoit trou- Sacree
ué en leurs actes de grans feercts , lefqucls il vouloit manifelter. Plufieurs liens amis 1- ^fa*
admonncflerent de laiffer les belles fauuages,&: s'en depeftrer le mieux qu'il pourroir.
&: fous prétexte de quelque meffage ou ambafTade du Roy , voyager ou en Alemagne
ou ailleurs, cependant que la chofe s'cfcouleroit auec le temps. Qu'il deuoit afîéz co-
gnoillre que fauoit faire ce monftre de Beda fon grand aduerfaire , & par côbien de te- ^^jj^5
lies iliettoit fon venin. Qu'il auoit à faire à vnennemy immortel: caria faculté ne ° 1UCU*'
meurt point. Que les trouppcs&: bandes d'icelle Faculté ne le laifTeroyent iufqucs à
ce qu'elles l'euflcnt fait mourir cruellement. Que les faucurs des Princes 6c grans e-
floyent temporelles, 6c qu'en peu d'heure leurs affections pouuoyéteitrc deltournecs
&c châgees au crédit des faux rapports. Et Bien que de tout cela il n'en fuft rien, les Rois
mefmes fe fafchent 6c fe lafTent à la longue del'importunité 6c impudéce de tels pour-
fuyuansaduerfaircs: voire mefmc quelque fois ils font côtraints de crainte, fe déporter
de la defenfe d'vne iufle caufe. De telles &c fembîables remonilrances , par lefqucl-
lcs les amis cuidoycntefpouanter ou deilourner Berquin de fa délibération, tant s'en
faut qu'il en fuit efmeu,que plultoft il en print dauantage de courage en fa pourfuitte. LVfprit Jc
Son efprit auoit quelque choie de femblableauçclapalme:il fedreffoit déplus, quand Bers,,ll>
on le vouloit déprimer. Pourfuyuant donc contre les Théologiens 6c Moines , fur tous h p/lml A
Liurc^ L Tatric(U Uamelton.
contre Beda, il impetra lettres du roy François , adrelTan tes à la faculté de Sorbonne,!
ce que douze articles par luy extraits des cients de Beda, qui contenoyent impieté raa-
nifefte & blafpheme, ou fui lent par icclle faculté condamnez, ou prouucz par tcfmoi-
gnages de la faincte Efcrirure. Ces choies fembloyent promettre certaine victoire à
Berqiummais Ulfue de la caufe a bien monftré que ce n'cltoyent que vains allcchemcs
pour aiguifer ou allumer de plus en plus la rage defefperce des ennemis. Car les lettres
des Rois &c Princes le plus fouuent font froides 6c de petite cftime enlacaufe de ceux
quis'oppofentpourla venté.
C e s abeilles de Sorbonne armées de toute forte d efguillô, &: irritées en telle façon
ne celicrent de faire bruit &diicourir par tout pour procurer la mort de Berquin. La
gc°dcic-U COLlr ^c parlement de Paris délégua douze luges aucc toute authorité de cognoiftre &:
gucï en la mger en celle caufe. Le ioureftant prochain que la diihnitiue fedeuoit rendre, il tut
hc!\ î commandé à Bcrqum(qui luy fut vn mauuais prefage ) de tenir prifon.pcu après par a-
reft des luges déléguez il fut dit que k s liurcs de Berquin feroyent bruilez : &c qu'ayant
abiuréles articles contenus en fonprocez,il tiendroit prifon perpétuelle : celaneant-
moins relcrué au bon plaifir du Roy,&c. Berquin n'ayant attendu vne telle fentence,'
appela au Roy. Ces luges irritez pour leur authorité diminuée par ce mot d'Ap-
pel, luy dirent, Si vous n acquiefeczâ celle noftre fentence, nous ferons que iamais
Cuiibumc vous n'appellerez ailleurs. M. Guillaume Budé, homme fort renomme, pour fon
RrtdtsTe- fauoir es lâgues Latine &c Grecquc,maiftre des rcquefteschczle Roy,eftoitl'vn de ces
guettes, luges dtlegucz-.lcquel pour vne affection finguliere qu'il portoit à tous hommes de let-
tres, aimoit Berquin,&: eftoit marry qu'il n acceptoit celle fentence , pour euiter plus
grand inconuenient qui luy eftoit apprefté. Peu deuant que plus gneuc fentence, alTa-
uoir de mort, fut prononcée, il exhorta Berquin defe déporter de fes erreurs : qu'il fe
gardaft à chofes meilleures:& que de fon mouuement propre il ne fe procurait la morr,
laquelle luy eftoit tout apprclleepar autre fentence des luges, s'il n'acceptoit la pre-
mière tant équitable. Berquin fut aucunement efmeuparles obteftations &: admoni-
tiôs d'vn perfonnage telqu'enoit Budé,Ôduy promit d'acquiefeer à ladite première l'en
tence. Budcneantmoins ne fepouuoit perfuader que Berquindeuft faireccqu'il pro-
mettoit : le cognov,dit-il,refprit de Thommedon ingenuité,&: la confiance qu'il a de (à
caufe, Tabuleront. Ces chofes ici ayant ellé faites &: dites deuant difner, incontinent
après difné Berquin retourna à la première conclufion de pourmyurc fa caufe. Quoy
vovans les luges, foudainement luy prononcèrent autre ientcce,aiiauoir d'eftre bruilc
scntccc fc aPrcs c^rc cftranglé,en la place de Greue,&c. Or pour mettre en exécution celle der-
comk <] i nicre fentence, les aduerfaires etpicrent le temps que le roy François allant à Blois s'ef-
eftde la longneroit de Paris. Berquin donc au fortir de la prifon ne donna aucun fcmblantde
mort' cœur failly ou troublé, lors que le bourreau d'vne voix efpouatable publia fon arej(l,ne
quand il fut mené au lieu ordonné pour le dernier fupplicc:auqucleftant venu, il parla
au peuple: mais il y en eut bien peu qui lcuilcnt peu ouyr, tant eftoit grand le bruit &
tumulte de ceux qui là eftoyent loez par les Sorboniftes pour faire cry , afin que la voix
de ce lainct Martyr du Seigneur ne fuil ouye à l'extrémité de fa mort. Ces ennemis
La nge des Sorboniques 6t Moines n'eftans raflafiezdu cruel fupplice de ce noble perfonnage , cf-
dc nrké" meurcnt Par prefens les petis enfans de crier au long des rues que Berquin eftoit héré-
tique: tant ell grande la rage de ces fuppofts de Satan , qu'après la mort &: les cendres
des fidèles, ils la continuent &c pourfuyueht.
PATRICE HAMELTON, Gentil-homme Efcofiois.
Q^y F ceux qui fc vantent du titre denobleufe, le mirent en ce perfonnage Patrice Hameltomqu'ils regardent, à ion exemple, dj>
dctlicr & conf.,crer non feulement la fleur de leur aage, mais toute leur vie entièrement au feruice du grand Roy des rois.
M.D.XXX ^^P^f^ A T R I C E dés fon ieune aage auoit des dons excellens de naturc,&: eftoit
DauiJ Bctô
cardinald
jS ^icn mftitu^ aux lettres humaines: mais outre cela il eftoit de la maifon
* trefilluftre des Hamekons, qui lent du fang royal d'Efcofte. Le cardinal de
^É;S.Andre,DauidB ourir cruellement:& quelque chofe q ceicu»
i feoffe." " ne homme full de la lignée du Roy,& mefme au commencement de fa ieuneiTe,n ayac
point encore vingttrois ans palTez,cela n'empefcha point ce rouge &c fanglât Cardinal
do
Thomas tfyttem Thomas Bilnee^. 7 z
de faire complot auec fa Prcftraillc pour l'enuoyer au feu. Lcsartic Jrour lcfquelsil
a cfté bruilé, ce font , Qu'il confe/Toit que Iefus Chrift eft feul patron &c aduocat,&: cx-
ciuoitles mentes des fain&s : Il recognoiiîbit la iuftificatio gratuite dclafoy parle Fils
de Dieu: Il niok le Purgatoire tel que les Papilles ont forgé.
O r ceftuy Hamelton en ce îcune aage auoit efté prore/îeur public en IVniuerfité de Mirpurg
Marpurg , laquelle Philippe Lantgraff de Hefs auoit fait nouucllcment drener : en la- Sc'pt
quelle profellion il acquit vne mcrueilleufe louange, voire cnuers les plus lauans. Pen- le i-antg.
fant finalement auoir li bien profité qu'il pourroit auflt feruir à ion pavs^ce qu'il deiiroit dc Heffe"
de grande arfection ) il s'en retourna en Efcoflc auec vn lien compagnon. Or du com-
mencement ne pouuant porteries ténèbres &: mperltitions des gens de Ion pays, il fut
accule d'hercfie,&: cité à comparoir au iiege du Cardinal Je premier lourde Mars. Ha-
melton bruflant de zele d'annoncer la verité,comparut dés le iour precedcnt,&: difpu-
ta contre le Cardinal & fes fuppofts & eftaniers,auec telle promptitude,qu incontinct
après par la coniuration des aduerfaires fentence de mort fu t prononcée contre lu v: &
lemcfmeiouronlemenaapresdifnéaufupplice pour eftrebruflé. En ce temps-la le
Roy eftoit encore ieune enfant. Lefriu&dVnemort tantprecictrfcacftégrand:lado- Semêcc de
clirine que ce perfonnage auoit annoncée à plufieurs de ce royaume, seft depuis mon- E^ofrf ^
ftreer&denoftreaagenousenauonsveulcsefFeds. François Lambert, docteur fide-
le,en la préface de ces Commentaires furl'Apocalypfc,arendu ample tefmoignage
de ce que deflus.
THOMAS H Y T T E N, Anglois,
g?p|^VILLAVME Tyndal, en fon Apologétique contre Thomas Morus, & d.
fif mW^. en vn autrcliure a intitulé delà Pratique des Prélats, parle de ce Tho-
& ^^Tk mas Hy "en,mais c eft feulement corne en panant, difant,Ceftuy-cy eftoit
^^S^S, adminiftrateurdelaparolleà Madftondequcll'arclieucfque deCantorbe-
ry,Guillaume Vvaran,&: l'euefque de Rocheftre nommé Iean Filcher,firent mettre en Guii,aunte
prifon:& après l'auoir là longuement tourmente tant par famine que par autres affli- RoSf
etions, finalement voyans qu'il demeurait ferme &c arrefté en fon opinion, renuoyeret
au feu , pour auoir fidèlement & ouuertcment confefle Iefus Chrift âf fa grâce falutai*
rc. Il fut brullé à Madfton, lan m . d . x x x .
THOMAS BILNEE, Anglois.
IL NEE dés fon ieune ange fut nourry en l'vniuerfitc de Cambryge:& fé-
lon qu'il auoit bon efprit, il profita aiifii grandement,voire iufqucs à l'eftu
'de tant du droit Ciuil que Canon. Toutcsfois ayant recouurc vn bon pé-
dagogue, il vint finalement iufqucs à ce point , que taillant la dernière par-
de~deTa^definition de Iurifprudcncc qui eft des chofes humaines, il adonna fon efprit a
la premiere,afTauoir des choies diuines de la vraye religio. Et corne il eftoit merucilleu*
fementefmeu d'vn bon zele, auffi fut-il poulie d'vne affection arde te à attirer plufieurs
autres à la grâce de la do&rine de TEuangilc. Au demeurant, fon entreprife aufïî ne fut
pas du tout inutile.car par ce moyen plufieurs efeoliers de celle vniuerfité furent ame-
nez à la cognoifiance del'Euangile , entre lefquelsfe trouuerent Artus & Hugues La-
timer, qui eftoit lors en fon ignorance,deputc en cefte vniuerfité pour porter la croix
aux proceffions. Bilnee partit finalement de celle vniuerfité, &: alloit parles villes &:
bourgades enfeignant &L prefehat la vérité, ayant auec foy Aitus, qui alors luy fît com-
pagnie, fortant de l'vniuerfité auec luy.
Or Thomas Vvlfé cardinal &archeuefqued'Yorck, auoit en ce temps-la grande
authorite en Angleterre-.mais fon ambition eftoit encore beaucoup plus grâdejaquel-
le declaroit vne vanité manifefte non feulemét de fa perfonne., mais aulfi de tous ceux
qui eftoyent de fon eftat. En celle forte Bilnee &c quelques autres bons perfonnages ne
pouuans plus porter vn tel orgueil és gens d-eglife , commencèrent à dégrader telles
M. D.
XXX.
Latinacr
depuis a ei
fté martyr
auScigncur
Vv 10, Caf-
^nal d'~
Yorlï.
Lturc^l. Çuillaumc^ ThraccS.
dignitez orgueilleufes auec toute la primauté du Pape. Le Cardinal pêf a lors qu'il luy
eftoit temps de regarder diligemment à fes affaires ,&: d'y bien pouruoir &de bonne
heure. Or il eftoit aflez cauteleux pour ce faire, car il cogneut fur quel fbible fondemét
cefte maiefté ambitieuté eftoit appuyée. Il fauoit aufli que tout ce règne d'orgueil ne
pouuoit pas long tem ps fublîfter contre la fentence manifefte de l'Efcnture : principa-
lement files yeux des hommes eftoyentvne fois illuminez par la clarté derÉuangile;
car autrement il faifoit peu de conte des colères &c menaces, &c de la puiifance &: force
des autres Rois : il craignoit feulement vne chofe, la voix de Chrift &c de fon Euangile,
laquelle deuoit arracher la mafque aux hypocrites, &: defcouurir les fards Se fraudes, &:
les contraindre de le tenir dedans les limites delà difeipline Euangelique. Pour cefte
raifon il fut d'aduis de remédier de bonne heure aux commencemens.
AfTcmblec q £ Cardinal donc fans plus délayer, après qu'il eut ouy que ces chofes fe remuoyer,
îlaftiquct aflemblaaumoisde Décembre, l'an m.d.ïxvh i, vne grande multitude de gens d'-
eglife:&: là il promit de faire tant, que tous abus introduits en l'egiife Romaine feroyét
diligemment repurgez. Cependant Bilnee, Artus,Godefroy,Lom &: Garet furet con-
traints de fe defdire de tout ce qu'ils auoyent femé contre l'authorité &c ambition du
Pape.Tant y a que cela ne reprima point les entrepnfcs & efforts dudit Bllnee:pluftoft
il en fut dauantage enflammé. Et tant s'en fallut qu'il euft relafché quelque chofe de
fonaffe&iondepreicher,que depuis ilpourfuyuit les corruptions des Papilles d'vne
plus grande véhémence. Mais c'eft-cy comme vne condition ordinaire des bons, que
touliours quelque Satan fe fourre parmy leurs fain&es &c bonnes entreprifes:portat en-
uie à vertu, & murmurant &: grondant alencontre.
Ainsi donc, comme ceft excellét annonciateur de la vérité s'employoit fidelemec
Thomu en ce faindminifterc, pour attirer vn chacun àfalut, il rencontra des gens qui machi-
Morus. noyent fa ruinc:entre lefquels Thomas Morus eftoit le principal , & l'euefque de Nor-
vvic, &: Richard Nix, qui auoit perdu les deux yeux,&: toutesfois eftoit autant aueugle
del'efprit que du corps. Ledit Morus le fît empoignert&l'ayant aceufé d'herefie,le con-
damna tantoft après à eftre bruflé, principalement pour deux articles : premièrement,
pource qu'il auoit ofé prclchcr après fon abiuration:dauantage,d'autant qu'il auoit ce-
fte opinion, qu'on ne deuoit tenir les lain&s pour aduoeats.
O n dit ceci, que le iour deuant que Bilnee euft efté enuoyé au feu, paflant la nutô en
prières, ainfi que fa garde dormoit il mit fon doigt en la flamme de la chandelle , pour
^œuuctu effayer s'il pourroit endurer la violence du feu . mais aufîi toft qu'il eut approché fon
feu delà doigt(comme la chair rehftoit)il le retira, &: cômença à reprendre fa chair,difant,Com
chandelle. menc > cu ne peux endurer la bruflure d'vn de tes membres , &: comment pourras-tu
endurer la bruflure de tout ton corps ? Et quant &: quant mit derechef fon doigt
en la flamme de la chandelle, &c endura la douleur du feu. Apres donc qu'il eutain-
li fait eflay de foy-mefme, comme s'il euft dompté fa chair , il print plus grand cou-
rage pour endurer le feu le lendemain : &: en cefte forte mourut conftam ment pour la
confeflion du nom de Iefus Chrift. Cependant il ne nous faut point lai/Ter palier la
cruelle refpoofe de Thomas Morus, qui eftoit pour lors chancelier du royaume.Quad
les bourreaux furent venus vers luy pour luy demander lettres de feurtê, à celle fin que
Cruelle re- nuj jnconucnjcnt ne leur aduinft pour la mort de ceft homme, il refpondit,Bruflez-lo
iponle de « . i j i
Morus. premierement,& puis demandez vos lettres.
RECIT d'hiftoire touchant Gvillavme Thrace, homme d'armes,
Anglois, déterré &: bruflé après fa mort.
xxx? 5o1Kï\tc ^ ne trouue autre chofe digne de mémoire aduenue en cefte année , fi on ne
veut parlerde ce qui a efté fait au corps mort de Guillaume Thrace homme
d'armes. L'hiftoire eft telle: Ce Guillaume mourut en vne bourgade delà pro
uince de Gloceftre, nommée Todyngton:& auantque mourir fit vn çeftament vraye-
ment Chreftien. A celle fin que ce teftament fuft ratifié, Richard fils dudit Guillaume
le porta quelque temps après à l'Archeuefque de Cantorbery , nommé Guillaume
Vvaran.& ce qu'il en faifoit, c'eft oit félon la couftume ancienne. Or après quel' Arr
cheuefque eut leu le teftament de *Thrace iufques au bout,il princ confeil auec fes pre-
ftres &c fuppofts:&: félon que tous auoyet ordonné &C déterminé en commun, il dénon-
ça ledit Guillaume Thrace heretique,côbien qu'il fuft mort.&ne fe côtentant de cela,'
or-
Ç uillaumc^ Thrace. 7 3
ordoriA encore que le corps fuft bruilc. Il commada donc que ce eoçps fuft tire hors de
fa toile, &C letté dedans vnfeu.& afin que cela fuft fait plus diligcmmenc , il cnuova ce-
lte fentenceiudiciairc au d odeur Parker, Chancelier du diocefede Vvigornc , auec
certain mandement qu'il fift diligence de mettre cefte fentence en exécution .à quoy
il s'employa fortl'oigneul'ement , &: ne laiflarien derrière de ce qui luy auoit cfté or-
donné .
Apre s que leroy Henry v 1 1 1 . eut efté au vray aduerty de cefte cruauté plus que
barbare des Théologiens , exercée contre le corps mort d'vn tel homme deiî bvn &c
honnefte renom , voyant que ces vénérables fe defbordoyent ainli funeufeme nt fans
fon feu &C fon commandement , il en fut à bon droit marry. Parquoy il fît appeler ce
monlicur le Chancelier par vu officier. Ce Chancelier reiettoit toute la coulpe fur
rArcheuefquc , qui naguercs cft oit mort : mais toutes les exeufes ne pein ent iamais
tant faire, qu'il ne fuft finalement condamné à payer en uiron mille efeus au Roy.
Le teftament dudit Guillaume Thracecftoit tel: En premier lieu îlfcrccomman- ^'tS'
doit à Dieu , proteftant qu'il ne doutoit nullement de la bonté &c mifericordcd'iccluy, c* ' îr"
ainscftoit totalement allcurc qu'il obtiendrait grâce &: pardon deluy par les mérites
de Iefus Chrift fon Fils,&: par la vertu de la mort &: pafîion d iceluv &: de fa refurrection
glotieufc:&: que par ce moyen tous ces péchez feroyent effacez. Carilcroyoït ferme-
ment, &eftoit certainement perluadé que ion Rédempteur cftoit viuant, &: que de-
rechef au dernier îour il feroir enuironne de fa chair,en laquelle il verroit fon Sauueur:
qu'il auoit cefte cfpcrace enracinée fermement en Ion cœur, &c ne lalairroitiamais. Et
quant au falut de fon amc, il ne doutoit nullement que cefte foy feule ne fuft allez fuf-
fifante fans qu'il y falluft adioufter aucun aide des œuures &: applications des hommes,
ou de quelque chofe que ce fuft.
A v refte, c'eftoit-cy la fomme & le fondement de fa foy:qu 'il n'y a qu'vn feul Dieu,
vn feul Médiateur de Dieu &£ des hommes , aftauoir Iefus Chrift homme. Pour cefte
caufe il ne recognoillbit aucun autre patron ny aduoeat cnuers le Pere, que fon Fils Ie-
fus Chriftdes autres faincts n'auoyentpas vnc telle puiffance &L faculté . car non feule-
ment ils ne peuuent dilpéferaux autres le bénéfice de la grâce diuinc,veu qu'eux-mef
mes ne fe la pcuuent conférer. Parquoy il nedeftinoit point vne feule partie de tous
les biens à ce qu'il empruntai! le labeur, l'affection, lintcrcciTion,lcs prières &: oraifons
de quelques autres pour le falut de ion ame . car s'appuyant fur les promefles dç Dieu,
ilfc tenoit pouraifeuré^c certain que quiconque ell baptii'é&: croit, fera faune : &£ qui Marcis.iô
ne croit point &c rciettera le Baptefmc fera condamné. Et quant à la fepulturc de fon
corps, il n'en ordonnoit rien ,&-iicfe foucioit pas beaucoup en quel lieu il fuft enter-
ré. Or il entendoit cela de la pompe: car iladiouftoit quefaind Auguftin auoit fort Scntécc de
bien dit , que la magnificence delà fepulturc eftoit pluftoft vn foulageme*nt ou plaifîr SAl'§ultlu
pour les viuans, qu'vn aide poiu les morts. Dufurplusils'enremettoitàlavolonté
de les légataires.
Qv^a n t à ce qu'il laiiToit pour les poures,il proteftoit qu'il le faifoit de bon cœur: &z
dcfiroit que cela fuft receu comme vn fruict de la foy , eftimant que par cela il ne men-
toit point la grâce de Dieu : pluftoft faifoit déclaration par vn tel moyen, que Dieu iuy
auoit fait grâce. De fait il ne recognoillbit autre mérite que la feule foy en Iefus Chrift
le Fils de Dieu , par lequel toutes les bonnes chofes agréables à Dieu font faites, ielon
ce que Chrift luy-mefme dit, Matth. x x v.chap. I'ay eu faim,&: vous m'auez donné à
manger, &:c. Et ailleurs, Tout ce qu'auez fait à l'vn de mes plus petis, vous l'aucz fait à
moy-mefmc,&:c. Il y a plus,il faut que nous ayons toufiours ceci au cœur &: deuant les Rom.1.17.
yeux, que les bonnes œuures & les bien - faits ne rendent point l'homme bon: mais
l'homme bon fait les œuures bonnes. Car à la vérité la foy feule fait l'homme bon 6c
iufte : comme il cft ci'crït , Que le iufte viura de fa foy . au contraire , tout ce qui n'eft
point conioint auec la foy, cft péché.
Or quant au refte de tous fes bien s, outre ce qu'il auoit en cefte forte baillé par
fon teftament , il le laiiîa à fa femme nommée Marguerite, &£ à fon fils Richard: les-
quels aulfi il ordonna pour exécuteurs de cefte fienne dernière volonté. Il ligna fon te-
ftament de fa propre main le x . iour du mois d'Octobre , l'an m.d.xxxi^Icxxii.
du règne de Henry.
n.
TluJîeurssffîaW'rs.
lean sto-
kiflé.
GEORGE BAYNA M,Anglois.
EORGE Baynam fut bruflé auec vn Faifcur de gibbecicres. Tqutesfois
j!on ne trouuc qualî rien de ceux-cy que les noms &c l'an auquel ils furet faits
iMartyrs , qui fut fan m . n . xxxn. Ce George cftoit homme de loix , de
[ceux qui ont accouftumé de procurer 6c aduocalîcr à Londres en la cout
6c auditoire de Lincolne.Dauantage,en celle mefme ville de Londres cftoit ce Faifcur
de bourfes ou gibbeciercs, duquel i'ay parlé, gagnant fa vie à la force de les bras. Ican
Stokiflé eucfquc de Londres , mit ces articles en auant à ces deux perfonnages , Qu'ils
nioyentle Purgatoireritcm, Qu'ils oftoyent aux iainds toute reuerence,&principaic-
lement à faind Thomas Beket. Pour cela ils furent atteints d'hercfîc,&; d'autant qu'ils
ne voulurent onques delaifter la vraye doctrine, ne le defdire de leurs îain&cs opinios,
les ennemis de la vérité leur firent fentir leur dernière fureur. Prcfcrans donc la venté
à leur propre vie , ils fusent tous deux bruflez à Londres auec grande confiance. Or
ceft euefque Stokiflé cft celuy qui eftant prochain de fa mort rendoit grâces à Dieu de
ce qu'en fa vie il auoit fait mourir 6C brufler bien cinquante hérétiques.
Av demeurant, George Baynam, fcmonftra fort patient 6c confiant au milieu des
flammes ardétesivoire en telle forte, qu'ayant pris des fagots entre fes bras, il fembloie
qu'il embraiîaiUa mort. Et fans changer de face, adreflafa parollc au peuplc,ayât touf-
iours les yeux fichez fur luy:exhortant tous de perfeuerer conftamment en lafoy,iuf-
ques à ce que la flamme luy euft ofte la parolle 6c l'haleine, 6c luy euft fait fondre le ccr-
ueau. Toutesfoisilluyaduintde mettre les mains à la bouche auant qu'il euft: rendu
entièrement l'elprit. Ce fut lors qu il fentit bouillir fa ceruelle ,&deualler par fes na-
rines^ pour quelque temps il réprima l'ardeur, tellement qu'il rccouura encore queL
que peu de voix, 6c eu t moyen de parler derechef au peuple,iufques à ce qu'il euft per-
du toute vigueur 6c force du corps. *
RICHARD BAYFILD, Anglois.
N peut adioufter auec ccftuy-cy Richard Bayfild , qui auoit cfté Moine de
Burie natif de Hadlee. Il eltoit craintif de fa nature , toutesfois il eut la grâ-
ce de Dieu qui le rendit fort 6c confiant. Finalement il fut brufle ce mel-
rne an, m. d. xx xi i, pour auoir traduit ksliures deTyndal.^Leiourqu'-
Inôdanon. il nafquit , les eaux furent fort grandes en celle petite ville-la >6c mefme entrèrent pa
grande impetuofîté en la maiïon où il efloit nay.
par
M. D.
XXXII.
Symbole
d'vn bin-
<]uet , an
lieu décrier
k Roy boit.
Caturcc
prifônier.
Prôptitude
ticCaturce.
IEAN DE CATVRCE, de Languedoc.
Par fon exemple nous efl: monlti é comment on fe doit rcfîoiar en feftins & banquets folcnncls: & le but ou doit tendre vn vray
Iunfconfulte Chrcftien,&: rapporter non feulement, le lurplus des choies liunuincs,naais auflî noftrc vie toulemcnt.
E Caturco, natif de Limons, licencié en Loix, faifantprofellîon du droite
en l'vniueriité de Touloufe, homme d'excellent fauoir tant en icellé pro-
i^felTion qu'es fainclcs lettres:fut acculé pour,vne exhortation qu'il auoit fai-
te en ladite ville de Limons le iour de Touiîaincts:&: aufîî de ce qu'eflant à
n fbupper la veille qu'on dit des Rois , il fut autheur à toute la compagnie
qui là cftoit, qu'au lieu de crier à la façon accouftumec , Le Roy boit, on eut pour fym-
boledu banquet, Chrift règne en nos coeurs. Item qu'après auoir fouppé,chacû y pro-
poleroit par ordre quelque chofe de l'Efcriture(au lieu de propos deshôneftes &;dafes)
&: que là de Caturco auroit touché plus auat les matières que les autres. Pour ces cail-
les donc il fut conftitué pnfonnier au mois de Ianuicr,lan prins à laNatiuité m. d.
XXXU.& lors qu'on vint à faire fon procez , dit aux luges qu'il s'offroit à maintenir
ce qu'il auoit fur le cceur , pourueu qu'on luy amenait gens fauans, auec liurcs,pour dif-
puter de poincl en poin&:car il ne vouloit rien faire fans édification , 6c defiroit vuider
chacun article fans extrauaguer. Or auoit-il grande promptitude à refpondre de cha-
cune
JeanFrytk
tune matière dont il eftoit interrogué : &: auoit incontinent en la bouche le paffage de
J'Efcriture, qui le mieux feruoit au propos.
Les aduerfaires voyans qu autrement il ne pouuoit eftre conucincu, luy firent offre
•de le deliurer à pur &: à plein , s'il fe vouloit defdire & retraclcr de trois poin&s feule-
ment:&: non par autre forme d'amende honnorable , finon en faifant vne leçon publi-
qmét aux efcoles, en laquelle il declareroit qu'il auroit failly.Or combien que du com-
mencement il euft vacillé, iî cft-ce quele Seigneur le fortifia en telle forte , qu'après il
ne leur fut poffible luy faire accepter aucune forme de retracf ation. Parquoy il fut
déclaré hérétique par lcntence criminelle: pour laquelle exécuter au commencement
du mois de Iuin fut mené en la place de S. Eftiennc , peur là eftre defpouillé de l'es de-
grez&:honneurs:premiercment de tonfureou couronnc,puis du degré de Licencede-
qucl my ftere dura l'efpace d'enuiron trois heures.pendat lequel temps de Caturce eut
liberté de parlerai qu'à tout ce qu'on luy faifoit ou difoit,il auoit toufioui s quelque paf
fage de l'Efcriture bien pertinent, & pour inftruire&redarguer la beftife de Tes luges
deuant les Efcoliers.
L'a vnlacopin délégué pour faire le fermon delà foy catholique qu'on appelle, fé-
lon leur façon accouftumee , print pour ion thème ce qui eft eferit en la i. de S. Paul à
Timotheeau 1 1 1 1. chapitre, 5/wv>#.r autemmanifeîlè dkit&c.c&o. dire, L'Efprit dit notam-
ment qués derniers temps aucuns defaudront de la foy s'amufans aux efprits abufeurs
& aux doctrines des diables. Orlc Iacopincouppalàion textefans pafîér outre félon
qu'ils ontaccouftumé de rongner &: predre quelque lopin depa/îàge del'Efcriture: ou
bien, que ce qui fuyuoit en S. Paul faifoit du tout pour remarquer ces efprits abufeurs.
Sur cela de Caturce dit à haute voix,Suyuez,fuyuez au texte.Lc Iacopî a cefte voix eut
lî grand' frayeur,qu'il demeura tout court.Lors de Caturce luy dit, Si vous ne voulez a-
cheuer,ie parferay.Et voyant que l'autre demeuroit muet,commença à pourfuyure ce
qui s'cnCuït-fEnfeignatis menfonges en hypocriJîe,ayans leur conscience cauterhfe.defendans fi marier, commandas de
sabshnir des viandes que Dieuacreees pour envfer auecaftion de grâces aux fîdelesarà ceuxqui ont cogneula vérité.
Lors de Caturce eut occafion de déclarer au peuple le texte de S. Paul : &: eut grand fa-
ueur de tous les Efcoliers quilàeftoyent auditeurs.
C e myftere de depofition ou de dégradation acheué,ledit de Caturce reueftu d'ha-
billcmês qu'on luy auoit baillé par moquerie, fut mené au palais pour receuoir areft de
mort. Iceluy prononcé,de Caturce fortant du Palais,dit en Latin , O Palais d 'iniquité*!
6 fiege d 'iniuftice J Et de là allant au lieu où il deuoit eflre confirmé par feu,ne ceflà iuf-
ques au dernier foufpir de louer &T glorifier Dieu , & d'exhorter le peuple à la cognoif-
iànce d'iceluy. On ne fauroit exprimer le'grandfruieT: que fît fa mort, fpecialemét vers
ks Efcoliers qui lors eftoyet en ccftcvniuerfité de Toulouic,afIàuoir l'an m.d.x x xu.
IEAN FRYTH, deLondres,hommedelettres.
C E perfonruge cftoit tellement orné de dons & grâces excellentes de feiences & doctrines, qu'il n'auoitfon pareil en fon aage.
Morus&: RofFenlîs , vrais fuppolts & finalement martyrs du fiege Romain , n'ont feu rdifter à la fapienec du S. Efpric
parlant par la bouche de Fryth. Sa mort cft grandement notable.
RYTH cftoit homme de grand iauoir pour fon aage , &: au refte doué de Xxxm
grans dons &: vertus. Auec le iauoir il auoit vne grand' crainte de Dieu. On
a peu cognoiflre cela, qu'ayant moyen facile pour s'efleuer à gras honneurs
[ & dignitez,toutesfois il aima beaucoup mieux fe dédier du tout au feruice
de l'Eglife de Chrift. Or il eftudia premièrement en l'vniuerfiié d'Oxone,où il profita
grandement en peu de temps, comme celuy qui fembloit eftre nay aux lettres. Finale-
met il acquit la familiarité de Guillaume Tyndal, qui luy fit le premier cognoiftre que
c eftoit de l'Euangile.
Or le Cardinal d'York, Thomas Vvlfee , faifoit drelTer vn Collège à Oxone en ce CoIîegc à
téps-la,lequcl pour lors fut appelé le collège de Fryfvvid: mais maintenant on le nome Sé 'pHe
le Collège de Chrift. Pour ce faire il employa grand argent-.maïs pluftoft par vne cupi- cardinal d'
dite ambitieuie d'obtenir quelque renô (corne on a peu cognoiftre) que pour quelque "* orlï*
bonne & droite affection qu'il euft aux bones lettres. Or corne ainfi fbit qu'il fuft appelé Notc |
de par lcRoy pour quelques forfaits, il s'empoifonna foy-mefme en chemin,&: mourut: mort dudit
&c par ce moyen laiflà fon bajHmcnt iinparfait . toutesfois ^uelcjue ùnpcrfc&ion qu'il c*rdinaI-
n.ii.
Lwrc^I. Jean Fryth.
y cvift, ce commcncemct moftroit bien quelle grolTe fomme il y auoit défia employée»
&: quels grans trais il luy falloir encore faire pour paracheuer ce qu'il auoit commencé.
Et tout ainlî que ce grad & orgueilleux Cardinal n'cfpargnoit rien ny en 1 édifice ny en
tout ce qui pouuoit orner & enrichir fon college:auiîî pour ratiilaireenriercmétàf'on
ambition,il voulut bien pouruoir ledit collège de gens excellais en fanon 6c érudition.
Fryth eftoit l'vn de ceux-la, item Guillaume Tyndal , Tauernier de Kofton exccllét
mulicien, Iean Clerc, qui eftoit aufli fort fauant, &: beaucoup d'autres perfonnages de-
grand ingénient &: dilèretion,& de boncfprir, lcfquels auoyent quelque bon fencimet
de la vraye religion : &c pour celle caule furent attaints d'herefie par celle belle ronge,
&: tan toil après mis en vncrotonfous terre, qui eftoit en ce collcgc-la: 6c la quali tous
furent malades iufqucs à la mort,pour la puanteur des poiflbns falez qui y eitoyét.Ican
Clerc y mourut, auec quelques autres bons perfonnages. La renommée de ceftuy-cy,
à caule de fon fauoir excellent, demeure encore viuante entre les Oxoniens.
Fryt h, qui eftoit gardé à chofes plus grandes, fut bien tiré hors de ce crotomtant
y a qu'il ne peut euiter la croix. Car comme le foufpeçon croifïbit contre Fryth de plus
en plus, tout incontinent vne grief ue perfecution fut lufeitee cotre luy , qui le contrai-
gnit de fe retirer d'Anglcterre:& tut abfcnt par l'efpacc de quatre ans ou enuiron.Mais
bien toft après fon retour, Thomas Moins commença à le hayr mortellemcnt.&: d'au-
tant qu'il eftoit fouuerain Chancelier d u royaume,lc pourfuyuit par mer & par terre
mit gardes par tous les haures & chemins:^: aufti promettoit grand'fommc d'argent à
celuy qui luy enfeigneroit Fryth. Ce poure homme fe voyât ainiî ferré de toutes parts,
Fryth per- nelauoitde quel collé fe tournerai regardoit ça &: là en quelle cachette il fe retirerait:
fccuté de jj fuyoit d'vn lieu en fautre,&: chageoit d'habillem<5s:il fe remuoit de place en place, &:
outespar c|10{c qU'jj ne pouuoit trouuer lieu de feurté,non pas mefme chez l'es amis,
O r ainlî qu'il eftoit à Rhcding, qui cft vne petite ville près de Londres , on le print
pour vn vagabond. &C après qu'on fe tut enquis de luy qui il eftoit , il ne leut pas relpon-
dre allez fînement,&: nepeutil bien faire qu'on n'apperceuft que c'eftoit quelque per-
fonnage dcfguifé . pour celle raifon le Magiftratdu lieu le fît conftituerprifonnier,&
luy mettre des ceps de bois aux pieds. Et combié qu'il euft efté delîalà quelque temps,
& qu'il commençait à mourir de faim:toutcsfois il nci'e voulut encore dcicouurir. Fi-
nalement il pria qu'on luy amenait le Principal du collège de celle viilc-la . on le nom-
Lconard moit Léonard Cox:& eftoit homme d'afîez bon fauoir, Quand il fut venu , Fryth com-
mença à déplorer fa captiuité en langue Latine. Cox oyant ceftuy-cy fi bien parler La-
tin, non feulement eut compalfion de luy,mais auflî commença à l'aimer.Et après qu'-
ils eureiit deuifé enfemblc de leurs cftudes, des vniucrfitez &c des langues: de la Janguo
Latine ils vinrent tomber en propos de la langue Grecque:& quad derechef ledit Cok
eut ouy Fryth parler en celle lague,encore fut-il plus raui en admiration,&: l'on amour
enuers luy creut dauantage. Et fans plus tarder s'en alla vers le Magiftrat, Se commen -
ça à fe plaindre du grand tort &: outrage qu'on faifoit àceieune homme tant excellent
&: tant innocent. Et pourtant Fryth fut par le moyens fous lafoy de ce Principal du
collège, mis hors de fes ceps &: delà prifon,
U croix Ne antmoins ce bon heur ne luy dura gueres, comme ainfi foit que la croix le
Fryth"11 ppurfuyuift partout. Finalement eftant trahy,il fut pris&; mené en la tour de Londres,
où il fouftmt plufîeursalTauts contre IcsEuefques . mais principalement combatit par
eferit contre Thomas Morus chancclier.Or voici quelle occalïon il eut premièrement
d'eferire ': Quelquefois il auoit tenu propos auec vn ficn ancie &: familier amy,touchât
le facrement du corps &c du fang du Seigneur : de laquelle difpute prcfque toute la ma-
tière conliftoit principalement en ces quatre articles: Premièrement que ce n'eftoic
point vn article de la foy necelTaire fous peine de damnation. Secondement, veu que
le corps de Chrift cftd'vne mefme condition &; propriété que font aulli nos propres
corps, hors mis le péché, il ne fe pouuoit nullement faire , & auftî n'eftoit point raifort
nable, qu'il fuft côtenu en vn mefme inftant ou momét en deux ou plulîeurs lieux. Da-
uantage,qu 'il n'eftoit point necelTaire de prendre ici les parolles de Chrift félon le fens
de la lcttre:mais pluftoft prenât garde à la façô de parler,nous deuons côfererles phra-
fes auec les phrales &c façons de parler, félon la conuenance des autres paiTagcs-de VEÙ
criture. Finalemét il le falloit receuoir félon la vraye inftitution &z ordônance de Iefus
Chrift,côbien que l'inftitution des Pjreftres fuft grandement différente. £t pourçe quo
Jean Fryth. 7 /
le traite de ccftc difpute fembloit bien eftre trop lôg , ce lien amy le pria de mettre par
efcrit ce qu'il luy auoit recité de bouche : &C de luy donner ccft efcrit pour le mieux re-
tenir en fa mémoire. Fryth luy accorda, combien que ce fuft cotre l'on gré, & féuft quel
danger il y auoitmeantmoins vaincu par les prières de Ton amy,compleut &: obtempé-
ra plus à la volonté d'iceluy, que regardant à la feurté de fa propre vie.
O r pour lors il y auoit vncoufturier en la ville de Lôdrcs, nommé Guillaume Hoir,
lequel monftrant fcmblant de grande amitié &c bcneuolencc , importunoit fore ceft a-
my de luy donner à lire lefcrit de Fryth. Ceft amy fans mal penfer le donna à l'autre,le- JJjJ^
quel s'en alla droit au chancelier Morus,&: luy porta ce billet, cela depuis fut occalion celicTd*
de la mort de Fryth. Le Chacelier ayât en ces mains ce billet ou petit traité de Fry th,& Angleterre
auec ce deux autres eferits q quelques autres brouillons apoftez 1 uy auoyét t nuoyez, fe
mit après â éployer toutes fes forces pour réfuter l'opiniô dcFryth parvn liure cotraire.
A v refte , voici quel eftoit prefque tout le fommaire du liure de Fryth , &: en quoy
toutes fes raiibnseftoyentcomprilés: Premièrement ildifoitque lacaufedecefacre-
met n'eftoit point vn article de noftre foy lequel fuft neccffaire à falut : veu que c eftoit
vne chofe afTez notoire de foy-mefme, &: dauantage pouuoit eftre prouuee par raifons
faciles &aflez claires.Et défailles Pères ont efté fauuez par la mefme foy que nous fom taml"^
mes.&: S. Auguftin tefmoigne cela tant par ce qu'il a efcrit à Dardanus , que par fix ces mefme roy
autres partages. Et combien qu'iceux crcufîent toutes les chofes qui appartenoyent à *iucnous«
la natiuité, paffion,refurrecl:ion, attention &: gloire de Chrift,neâtmoins ils n'ont rien
cogneu ou creu de ce changement facramentaire du pain en la fubftlce du corps. Par-
quoy fî ccft article à vnii grand poids &c il nece/Taire à falut, certes il faut dire necelTai-
rement, ou qu'iceux n'ont peu eftre fauuez fans ceft article , ou s'ils ont efté fauuez , ce
n'a pas efté par la mefme foy que nous obtenons falut.
Cependant toutesfois il ne faut point nier que ces bons Pères anciens n'avent
tous mangé le corps de Chrift, &: qu'ils n'ayent beu l'on lang. Mais ce manger &: boire
eftoit fpirituel,confiftant en foy:&: non point qu'il fe fîft des dents, ou qu'il fe prinft par
la bouche. Car tous ont efté fous la nuee,comme dit S. Paul,& beuuoyent de la pierre «•Ccr.io^
qui les liiyuoit. &c la pierre eftoit Chrift, qui n'efloit encore manifefte en chair , ains e-
ftoit encore en promeife.
O r cefte promeife a efté faite premièrement à Adam, lors qu'il fut dit au Serpent,Ie pen.3.if .
mettray inimitié entre toy &c la femme, entre ta femence&: la femenced'icelle: Puis à "cn "-1^
Abraham, Toutes gens feront bénites entafemence , &:c.Etfur celalefacrement de
la Circoncidon fut adioufté,laquelle aufli eftoit appelée Alliacé: non point qu'elle fuft
de fait l'alliance, mais d'autant qu'elle portoit feulement le fîgne de l'allianc» faite en-,
treDieu&: Abraham:& par cela fommesadmonneftez quelle opinion nous deuons a-
uoir de ce facrement du corps &dufang, &: en quelle façon nous en deuons parler:
aifauoir que combien qu'il foit appelé Corps de Chrift , toutesfois nous cntendiôs pro-
prement par iceluy l'vtilité & le fruicr, de noftre iuftifîcatiô-.laquelle découle en tous les
vrais fideles,de ce corps 8c de ce fâg falutaire.Semblablemét cefte promeife a efté faite
à Moyfe,lequcl non fculemét croyoit en Iefus Chrift tat de fois promis,mais aufTi le pre ^""^
fîguroit en diuerfcs fortes,tâtoft par la manne defeédante du ciel,tâtoft par l'eau ilfant coulâre du
de la roche pour recréer &refaire fes gens. Car c'eft vne chofe certaine que cefte Mane rochcr'
& cefte eau n'ont point efté fans myftere de Prophétie: cÔme ces chofes de fait leur de-
claroyent pour lors ce que le pain &c le vin nous declarét auiourdhuy au Sacremet. Car
S. Auguftin dit ainiî, Tous ceux qui ont entendu Chrift en la Manne , ont mangé vne
mefme viande fpirituelle que nous:mais tous ceux qui n'ont cerché en laManne finô à
fe faoùler,mangeoyét voirement, mais ils font morts. Aulîï ont-ils beu vn mefme bru-
uage:car Chrift eftoit la pierre. Dauâtage il dit bien toft apres,Moyfe à mangé la Man- s. Auguftin
ne,Phinées aufli en a mangé,&: beaucoup d'autres en ont mangé, qui ont pieu à Dieu, JT1*^ lo»
k font morts. Et pourquoy? Pourcc qu'ils ont fpirituellement entédu la viande vifible, ur S
ils ont eu faim fpirituellement , ils ont goufté fpirituellement, afin qu'ils fu/fent fpiri-
tuellement raflafiez. Tous ont mangé vne mefme viande fpirituelle, & tous ont beu
d'vn mefme bruuage fpirituel-.aflauoir ils ont mangé vne mefme viande fpirituelle: car
quant à la corporelle,ils en ont mangé vne autre(&: de fait ils ont eu la Manne, & nous
vne autre viande) mais quant à la fpirituelle, leur viande a efté la mefme que la noftre.
çomme tous ont beu vn mefme bruuage fpirituel. Ils en ont beu vn?'& nous vn autre;
n.iii.
L/Wo /. Jean Fryth.
& toutefois la vertu fpirituelle fignifioit vne mefme chefe . Mais comment cft-ce qu -
Bcdafuria jjs beuuoyent d'vn mefme bruuage? L'Apoftre dit, Delà pierre fpirituelle qui les fuy-
ciiapXio.°r" uoit- Ovh pierre cftoit Chrift. Et ces parolles font adiouftees par Beda: Voyez que les
lignes font changez, &c nonobftant en cela la foy demeure. Ilcftdonc facile à voir par
cela^ que la Manne defeendante du ciel leur a efté ce que nous cft auiourdhuy le facre-
La manne mcnc de rEuchanftie:il y a vne mefme lignification en l'vn Se en l'autre, affauoir que le
Pcrcs*" corps du Fils de Dieu eft defeendu du ciel.&: toutefois il n'y en a pas vn feul d'eux qui
<juc nous ait ïamais dit, que la Manne fuft le corps de Chrift, ou bien du Meflias: comme aufîi le
riftié* Pa*n facramental n eft point de faid le corps de Chrift, ains la reprefentation myftique
d'iceluy. Car tout ainli que la Manne defeendue du ciel, &C le pain pris de la Ccne,bail-
lent nourriture au corps.-auftî le corps de Chrift defeendant du ciel,&: liuré pour nous,
donne force aux ames des croyas en vie éternelle & bien-heureufe. Que s'il n'y a qu'vn
mefme falut &c vne mefme foy tant des Pères que de no9,il n'y a nulle raifon maintenâc
pourquoy nous deuions mettre pluftoft la tranlïubftantiation en ce Sacrcment,qu eux
ont creu qu'il y euft quelque changement en leur Manne. Dauantage , fi ce font facre-
mens, il faut neceflairement que ce foyent lignes, &; le nom mefme nous y contraint!::
ou que ce ne foyent nullement Sacremens.
Les Sacre- Q^E L c v n pourrait obiecter, Si on eftime que la feule foy a efté fufnfancc à falut tat
dônczpouf cnuers eux qu'enuersno9,alors quel befoin eft-ildes Sacremés qui font inftituez?Il ref-
uois caufts pond à cela,qu'il y a trois caufes pour lefquelles les Sacremens font ordonnez. Quant à
la première caufe, S. Auguftin l'explique, el'cnuant contre Fauftus au I1u.z9.cha.11, di-
fant ainli, Les hommes nepeuuent eftre vnis cn aucun nom de religion, foit vrayou
faux, linon qu'ils foyent liez par la liaifon des lignes ou Sacremens vilibles. La féconde
caufe eft,qu'ils ont cefte propriété de no9 aider, d'imprimer quelque foy en nos cœurs,
& quat &C quat deconfermer les promelles diuines.La troilieme eft , qu'ils feruét à ceft
vfagc,q nous rendiôs grâces & louages à Dieu, de la main duquel no9 rcceuôs tat de bc
nefices:&pourrefueillerlesefprits des fidèles. Ce lot cylesprïcipaux articles de 16 liurc.
Or le châcelierThomas Morus ayant recouuré la copie de ce liure,côme on aveu cv
delïïis, employa toutes fes forces pour refpôdre à ce ieune homme (car il l'appelle ainli
par tout fon hure)mais ce fut de telle façon , qu'apres que fon liure eut elle imprime &£
mis en lumiere,bientoft après, de honte qu'il en eut fit toute diligence à ce qu'on ne
le vendift,& qu'il fuft du tout lupprimé:&: c'eftoit polïible à celle fin que ion homme
Iean Fryth n'en recouuraft aucune copie. Toutefois parle moyen de fes amis il en eut
vne copie eferite à la haftc,&: refpondit de la prifoiî, n obmettant rien de tout ce qu'on
euft peu délirer pour traiter amplement vne telle caufe. Or ce ferait vne chofe trop
longuc,&: parauenturc non necellaire, de reciter fes raifons &: argumes , &: tous les tcf-
moignages pris des Dodeurs.-veu mefme que Cranmcr archeucique de Cantorbcrv a
fait le mefme en fon Apologétique contre l'euefque de Vvinceftre, ayant tiré de la réf.
ponfe de Fryth,la plus grade partie des argumes defqucls il le fait fort cotre fon home.
O n peut iuger quelle a efté la dextérité de fon eiprit, &£ comment il a efté excellent
Roccflre, cn dodrine, non feulement par ces liures-cy,maisaulîi par quelques autres traitez qu'-
Saïcon- il a eferits du Purgatoire. En cefte matière il a fouftenu les alfautsde trois combatans
trcFrych. fort opiniaftrcs,de l'euefque deRoceftre,de Mor9,&: deRaftal. le premier s armoit des
tcfmoignages des Docteurs, le fécond propofoit le texte de l'Efcriturc, le troilieme cô-
batoit par raifons de la philofcphie naturelle : &c ainli tous trois d'vnc mefme impetuo-
lité s'eftoyent bandez contre luy.mais luy feul fouftenant le choq de ces trois , les rem-
barra & pourmena li bicn,&: haut bc bas, qu'il attira Raftal de fon party.
O v t r e les autres louanges de ce ieune homme,cefte-cy ne doit eftre oubliée, qu'-
il auoit vne prudéce amiable à bien difpcnfer la verité,cn toute crainte de Dieu. Il fou
ftint cefte caufe du Sacrement do&ement&: auec grande vehemence:mais ce futaucc
telle modération, que mefme il n'euft point relifté aux Papiftes, s'il n'y euft efté amené
par necelfi té.&c au demeurant, quad il n'y auoit nulle necelfité de debatre,il cftoit preft
d'accorder tout ce qu'on vouloit. Sa raifon &£ fon opinion tant modefte déclarait alfez
cela. Car comme ainli foit que Morus difputant cn quelque part du Sacremét , le pref-
faft de l'authorité du docteur Barne, Anglois , pour eftablir la preience du corps &c du
Rame a Je- fang-.lcdit Fryth refpondit àMorus &c à fes féblables,qu'il promettoit de ne faire iamais
Mi'rtyfau P^us métion de cefte matiere,moyenant que cefte opiniô de Barne peuft eftre receue.
Se.gneur. car tous deux s'accordoyét bien en cela,qu il ne faloit point adorer le Sacrement. Que
quand
JeanFryth. ? 6
quad on auroit oftc' cette idolatrie,le furplus feroit aifé d'accorder,d'autant qu'il n'y au-
roit plus de poilbn qu'on deuft ou peuft craindre. Voila ce qu'il en a efcrit en ce petit li-
urc qu'il a fait de la fuite de Barnc, contre Morus.
^"Il reftemaintcnantquenousparlionsderexamendelamortdeleanFryth. A- LVramca
près qu'il eut bien com batu par efcrit contre Moru s , contre Roceft re, &c Raftal,qui e- dc ?tytk-
ftoit afîîn par mariage à Morus , il futmené finalement à Lambct , premièrement de-
uant l'archeucfquc de Cantorbery : puis après à Croidon deuant l'euefque de Vuincc-
ftre,où il plaida fa caufe.Et finalement il fut prefenté deuant l aifemblee générale des
Euefques en la ville de Londres:^ là s'il euft peu obtenir audicnce,il le defendoit con-
ftamment . ^Or il a recueilli en vn brief Commentaire,la façon de la procédure qui
fut tenue contre luy : de quelle forte il fut examine, &: quels articles on luy propofa . 6ç
enuoya ce recueil à Ces amis,lequel il auoit fait en la prifon . En ce Commentaire il a-
uoit mis cefte bricuc Préface; Mes amis,ie fay que ceci vous fera fafcheux à porter,
que nos aduerfaires fe donnent toute licence de parler , &C ne nous donnent aucun loi-
fir de refpondre,encore que nous propofions chofes vrayes & raifonnables. toutefois ie
vous exhorte &: admonnefte que vous refigniez cefte voftre folicitude & toute laxaufe
à Dieu, qui eft iufte Iuge,&: qui îugera bien d'vne autre façon : &c i'efpere que ce fera en
brief.Ccpendant afin que vous entendiez tout le faid , quels articles on m'a propofez,
& quels ont efté les poinds de la condamnation: il m'a femblc bon le vous eferire fom-
mairement $c en brief. En premier lieu,toute cefte matière d'examen eft côprife prin-
cipalement en deux poinds,affauoir du Purgatoire,&: du faid du Sacrement.
O n m'interrogua premièrement du Purgatoire, Si ie croyoy e qu'il y euft en quel- Du Pur ,
que partvn tel lieu,qui fuft pour effacer les péchez & ordures des trefpaflcz après cefte gatoiref
vie. le niay tout incontinent qu'il y euft vn tel lieu , le difoye pour ma raiion,que la
nature d vn chacun homme confiftoit de deux parties,du corps & de lame . Le corps
eft bien purgé en ce monde par croix diuerfe , laquelle nous eft ici impofee par le Fils
deDieu,qui chaftie tout fils lequel il reçoit:aftauoir par afflidion,oppreffion de ce mô- pr0u.i3.i4
de,perfecution,emprifonnemens,&c.& pour la fin de toutes affligions, la mort eft en- Rom.6 .23.
uoyee,comme le gage de peché.Or quant àramc,elle eft purgée parla parole deDicu,
laquelle nous receuons par foy,pour]e falut tant d'elle que du corps , Si maintenant
outre ces deux parties de l'homme , aiTauoir du corps Ô£ de l'âme , vous m'en pouuez
monftrer vue autre troilieme : ie vous accorderay auflî qu'il y a vn troifieme lieu &: en-
trerdeux,lequel vous appelez Purgatoire. Si vous ne le pouuez,il faut bien aufîi necef-
fairement que ie reiette cefte boutique Papale du Purgatoire. Toutefois ie n'eftime
pas que la matière de ce Purgatoire Ibit de fi grande importance , qu'elle appartienne
grandement ou au falut ou à la condamnation de quelcunj de quelque endroit ou en
quelque forte qu'il foit eftabli,
On me demandaaufîî en fécond lieu,aiTauoir fi ie croyoy e qu'au Sacrement ce fuft Du Sacrc;
le vray corps de Chrift , le refpondi que c'cftoit le corps de Chrift, & le noftrc aulfi: ment,
comme S. Paul nous enfeigne au dixième chapitre de la première Epiftre aux Corin-
thiens . Comme defaid,entant que le pain eft compofe de plufieurs grains , il déno-
te auffi noftre corps:car combien que foyons plufieurs membres &: diuers,neaiu moins
nous fommes vnis en vn mefme corps. Autant en pouuons-nous dire du vin, qui eft
fait de plufieurs raifins &: grappes,&: toutefois n'eft qu'vne mefme liqueur . Or d'au-
tre part,entant que le pain eft rompu,il eft le corps de Chrift:declarant que le corps d -
iceluy deuoit eftrc liuré à la mort,&: auflî eftre brifé pour racheter nos péchez. & e ntât
que le Sacrement eft diftribué, on peut dire que par cela le corps de Chrift eft ligni fie,
&: pareillement le fruid de fa paflîon, lequel eft indifféremment communique à tous
vrais fidèles.
Finalement, puis qu'il eft donné pour manger , te quand auflî il eft receu de
ceux qui le mangent,c'eft le corps de Chrift: &c fommes admonneftez par cefte fîgnifi-
cation,que noftre homme intérieur n'eft point autrement repeu du corps &C des béné-
fices de Chrift,que le pain eft receu pour nous repaiftre &: nourrir extérieurement, le.
quel nous prenons par la bouche &c des dents.
Or ils me dirent fur cela, Qupy donc? ne croyez-vous pas que le corps organique de
Chrift foit de faid,à la verité,& fimplement contenu au Sacrement fans aucune figu-
rcîle di,Ic ne le penfe nullçmçnt,Tant y a toutefois que ie ne voudroye pas que ce que
Liurcjl. Jean Fryth.
ic vien maintenant de nier,fuft tellement pris,que tout incontinet vous le teniez pour
vn article neccflaire de la foy . Car tout ain/î que nul article ncccilàirc delà foy n'eft e-
ftabli par cefte voftrc opinion que vous maintenez:aulli ne voudroy-ie point qu'on iu—
geaft ou prononçait tellement de ce que nous conftituons au contraire, que tout fou--
dain vous feceuiez pour article de foy ce que nous nions . Pluftoft permettez que cha-
cun en iuge librement félon lbn intelligence . &: en cefte façon que l'vnc &c l'autre par-
tie abonde en fonfens,fans que pour cela il y ait quelque mcfpris de l'vnc contre l'au-
tre^ qu'elles s'entretiennent en bonne &£ mutuelle charité au Seigneur, &C endurent
les infîrmitez.
O n me va produire fur cela le paifage de fainÛ Auguftin, où il dit,Il eftoit porte de
fes propres mains. Surquoy ic refpondi, que fainct Auguftin s'interprctoitfoy-mcfme
clairementdequel dit ailleurs en cefte façon, Il eftoit porté corne en fes propres mains.
Lequel propos n'eft point comme de celuy qui veut affermerons feulement qui veut
exprimer par figure ou fim ilitude. Et quand encore fainft Auguftin ne fc fuft point ex-
pliqué de interprété foy-mcfme: ncantmoins cfcriuant à Boniface , il rcmonftrc claire-
ment «que les Sacremens ont la fimilitude des choies defquelles ils font facremens,8c
lesreprefentent.
Ovtreplv silsmemirentenauantlafeiuencedeChryfoftome^quiicmhloit
bien de première rencontre fauonfer à leur opinion. Iceluy a parlé en cefte façon de 1-
Euchariftie en quelque Homilic,Ne vois-tu pas là du pamîou n y vois-tu pas du vin? s'-
en vont-ils par le bas comme les autres viandes? Il n'eft pas ainiï,& ne le faut penfer eu
cefte forte . car tout ainfi q ii on approche la cire du feu, elle eft faite femblable au feu,
&: ne luy demeure rien de la fubftanœaufïî faut-il ici penfer,que les myfteres font con-
Aecorddc ^umez ou deuiennent à néant par la fubftance du corps. Derechef ié vins à oppofer
deux pafli- Chryfoftomc mefme à ce pafTage qu'on m'auoit propofé de luy , comme fidèle expofi-
ges aile- teur de foy-mefmc,lequel parle ailleurs en cefte forte: Quand les yeux intérieurs aurôt
chryfofto- veu le pain , ils volent par de/Tus les créatures, &c ne fe fichent point ou s'arreftent à ce
me. painmateriel,quiaeftécuitparlc boulengcr:maispcnfentàceluyquiadit qu'il eft le
pain de vic,lequcleft lignifié par le pain myft ique.Si ces Icntcnccs font conférées l'vnc
à l'autrc,on cognoiftra facilement que l'vne eft expliquée par l'autre. Car quand il fait
cefte interrogation en la premiere,Nc vois-tu pas du pain &c du vin? on trouue en la fé-
conde qu'il nie cela-mcfme.Car aufli toft que les yeux intérieurs ont veu le pain, dit-il,
ils palTcnt par defliis les crcatures,&: narre ftet plus leur penfee au pain,ains à celuy qui
eft fignifié par ces myfteres. Il aduient donc ô ce qui eft veu, cela-mefme n'eft plus veu.
Et de faict,c eft desyeux extérieurs &: corporels que le pain eft veu: au lieu que d'autre
part les yeux intérieurs n appcrçoiuent ne le pain ne le vin; mais pluftoft paUans outre
par delTus ces deux elemen s, regardent ailleurs. Comme auftî on a accouftumé de dire
par vne façon vulgaire de parler,& ce par forme de ieu,toutesfois &: quantes q nous co
mettons quelque chofe,ou nous l'omettons par inaduertenec. Nous ne voyons pas ce
que nous faifons mon pas qu'à la vérité nous ne voyons ce qui eft fait,mais pourec que
l'entendement arrefté aillcurs,n'eft point attentif à ce que les yeux voyent. Scmbla-
blcmcnt peut-on refpondre à l'autre qui s'enfuit,Le pain & le vin ne s'en vont-ils point
par le bas comme les autres viandes? On ne le dira pas. Car quant aux autres viandes,
après qu'elles ont efté tranfmifcs paç les boyaux auvérre,&: donné nourriture au corps,
elles s'en vont par le bas.mais cefte viande fpirituclle,qui eftant receuë par foy, raifafie
& le corps & lame en vie etcrnelle,n'eft iamais enuoyce par le bas. Et comme ie difoyc
par ci deuan t,que le pain matériel eft regardé des yeux extérieurs, lequel toutefois les
yeux intérieurs , comme eftans ailleurs occupez,ne voyent point,&: n'y penfent point:
de cefte mefme façô noftre home extérieur digère le pain matcricl,&puis l'enuoye par
le bas:mais l'home intérieur ne le fent point , & n'y penfe point, eftant du tout occupé
&: attétif au pain lignifié parle Sacrement . Et pourtant ledit Chrylbftome vn peu au-
parauant nous admonnefte fort bien , difant, Ilnous faut confiderer tousles myfteres
& Sacremens des yeux intérieurs, c'eft à dire des yeux fpirituels &: fpiritucllcment. On
me fit encore vne obiection fur cela, que l'intention de Chryfoftome n'eftoit point tel-
le: lequel par ceft exemple mefme declaroit allez ouuertement,quelepain nelevin,
ne demeuroyent point . le refpondi que cela eftoit faux . Comme defaiét l'exem-
ple qu'il prend, ne tend point à autre but > que de deftourner nps yeux fpirituels dç la,
con-
nAndré £Tue£.
contemplation des chofes vifiblcsou prefcntcs,&: de les faire penfer ailleur^comme fi
les chofes qu'on voit des yeux corporcls,n'eftoyent point du tout . Il retire donc nos
cntcndemens de la confidcration de ces chofes , &: les veut arrefter en ecluy qui eft li-
gnifié par ces myftercs.Et les paroles meimes qui s'enfuiuent, déclarent que Tintentio
de l'autheurefttelleioù il veut que nous confierions tous les myftercs des yeux inte-
rieurs,c'eft à dire fpirituellcment.
O r i'ay plufeurs raifons qui m'induifent ànepoint confcntiràla dodrinedcla ^rtj^" c.5(
Tran/Tubftantiation ou tranfmutation. La première, C'eft que ie voy que cefte dodri- ftiftanti*.
ne cftfaufle&menfongere,&:iVeft nullement fondée fur aucune raifon prifedes fain- »on:
des EfcritureSjOU de quelques bonsDodcurs &: approuuez.La feconde,Que ic ne vou-
droye donner occafion par mon exemple à la compagnie des Chreftiens, qu'ils receuf-
fent en nom de foy finon les articles neceiîaires du Symbole , où gift toute la lomme de
noftre falut:& principalement quand il y auroit de tels articlcs,qu'il n'y auroit nulle cer-
taine authorité ou raifon fur laquelle ils fuflent fondcz.I'adioufte cecy , Que la faculté
&: puifTance de leur eglife, qu'ils appelent , n'eft point de fi grand poids ou importance
qu'elle puiiîe ou doiue obliger noftre foy parla neceflïté de tel article , quel' qu'il foit,
fous peine de damnation-La troifiemc caufe eft, Que iene voudroye point,pour grati-
fier à nosTheologiés &: Preftres,preiudicier en cela à tât de peuples, tant d'Alemagne
que de Suifle, lefquels tous rciettans cefte opiniô peruerfe de la tranfmutation du pain
&: du vin au corps &: au fang du Fils de Dieu , confentent auec moy,tant ceux qui fauo -
rifent à Luther, q ceux qui fuiuent le parti d'Ecolampade. Puis qu'ainfi eft,ie ne penfe
point qu'il y ait homme de bonne &: droide confcience,qui ne vueille bien approuuei
laraifon&caufedemamort: côme defaidonme faitmourir,pource queie n'aduoup
point la tranflubftantiation ou tranfmutation, &: queiçftime qu'il ne la faut eftablir
pour article de foy 5 encore qu'elle fuft vraye.
La condamnation & dernière exécution contre Iean Fryth,
b. ce font-ci les articles &: la diipute de Iean Fryth,en laquelle on ne trouue que ton
te humanité &C modeftie:mais comme ainfi foit qu'il n'y euft nulle raifon qui ait peu
rien valoir contre la furie &: violence de ces enragez , il ne peut aufïî euiter qu'il ne fuft
opprimé par cux,pluftoft que iugé. Et finalement ces tyrans & bourreaux leliurercnt
au bras fcculier.&: après toutes cérémonies , on Je mena en la place de Smyth-fild, qui
eft le marché aux cheuaux,où on l'attacha à vn pofteau . Au demeurant,ceci fuftit pour
bon tefmoignagc de fa conftace,qu'apres qu'on eut ietté fur luy des flambeaux de pail-
le pour allumer le feu,il print de les deux bras quelques fagots qui cftoyent là,monftrât
ouuertemcnt qu'il n'auoit point regret d'expofer fon corps aux flammes pour vne eau -
fe fi iufte,qui eftoit la cauie de Chnft le Fils de Dieu,&: de la vraye dodrine: de laquelle
il rendit ce lour-la vnbon&: fingulier tëfmoignage entiers tous, &L le feella de fon pro-
pre fang . Il endura quelque peu dauantage à caufe du vent qui deftournoit la flamme
de luy , &: lafaifoit voler deuers fon compagnon , lequel on auoit attaché derrière fon
dos au mefmc pofteau. mais le Seigneur l'arma d'vnc telle patience, côme fi en ce plus
long tourment il ne luy fuft rien aduenu qui luy deuft fembler afpre : &c fembloit qu'il àu feu
fuft plus aife de ce que le vent aduançoitlamort de fon compagnon, qu'il n'cftoitfoi-
gneuxde foy-mefme.Tclle eft la vertu de Chrift , combatant &: obtenant la vidoirc es
llens,par laquelle il luy plaife nous fandifier enfemble auec eux,&:nous drefler à la gloi
re de fon Nom: Amen.
ANDRE H V E T, Angtois.
N cetempsdemeuroiten laville de Londres vn ieunc homme, d'cfprit xxxiiiî.
fimple&fans lettres, toutefois heureufement enfeigné quant au royaume
de Dieu.Ceftuy-ci eftoit nommé André Huet , lequel cxerçoit lors le mc-
ftier de coufturier fous vn maiftre qui eftoit bourgeois de Londres. Ce mai
#re auoit nom Guillaume Holt,lequel aceufa Huet. Il fut appelé deuant les Eucfques
après Fryth .&; là onl'interrogua quelle eftoit fon opinion touchant le Sacrementde
J'Euchariftie.îl refpondit que fon opinion eftpit teljc cjuc celle de M.Içan Fryth. Adoç
O
Confiance
de I-ryrl,
an tourmci.
sAndré Huet.
Morus &
Rolfenfc
décapitez.
vndcsEuefquesluy dit,Ne crois-tu pas que c'eft réellement le corps de Chrift qui eft
nay de la vierge Marie ? H v e t , le ne le croy point . L'E vesq^vi, Pourquoy non?
Hvst, D'autant que Iefus Chrift m'a commandé de ne croire point folemcnt ou à la
volée à tous ceux qui difent, Voici Chrift eft ici,voici il eft là . car le Seigneur dit , Plu-
fieurs faux-prophetes fe leueront.
O r fur ce propos aucuns Euefques fe prindrent à fous-rire : &C lors Stokiflé euefquc
de Londres luy dit , Que dis- tu îcy deuant nous de Fryth ? il eft hérétique, & defîa con-
damné &: iugé à eftre bruilé.&: toy femblablemcnt, Il tu ne te retires bien-toft de ton o-
pinion,&:fituneterubmetsànous,ileftcertainqueturerasauflibruflé. Hv e T,Ienc
le refufe point . Or après que l'Euefque luy eut demandé s'ilvouloit renoncer à Ton
opinion,il refpondit qu'il feroit tout ainfi que monfieurFryth:& quant de quant fut en-
uoyé en vne mcfme prifon,&: depuis bruflé à vn mefme pofteau auec ledit Fryth. Alors
vn Do&eur lequel on nommoit Cook , curé de ie ne fay quelle paroi/Te de Londres, fit
vn fermon deuant le peuple,&: l'admonnefta que nul n'euft à faire prière pour eux,non,
plus que pour vn chien . Et fur cela Fryth fe print à fouf-rirc , priant Dieu qu'il luy par^
donnaft cefte faute.Qupy fait,leDo&eur s'en alla:Mais cefte parole defpita fort le peu-
ple,& à bon droid.
Or ce mefme an le premier iour de Nouembrc, par edid public &exprcfTe ordon-
nance du Sénat, l'authorité du Pape fut abolie par tout le royaume d'Angleterre, &:
transférée au Roy.
Histoire comment le Seigneur vengea peu après l'arrogance de Roffeniis&:
Morus,&: autres perfecuteurs de fa vérité.
S ' A N fuiuant, m . d . x x x v . Ièan Fifcher euefque de Rochcftre,& Thomas
Morus chancelier d' Angleterre, autheurs de la mort de Iean Fryth , furent
jjv^j^} ctiuoyezau gibet,& tous deux decapitcz.La, caufe première de leur mort fut
qu'ils ne fe voulurent accorder aux loix&cdids publics du Royaume, pourofter&a-
bolir la domination du Pape . Ce mefme mois,le x i x . iour, trois Chartreux, afiauoir
£xmene,Mydelmoy,&: Nudigat,furcnt exécutez deuant ces deux-ci pour vne mcfme
caufe. Lefquels furent premièrement à demi cftraglcz, &c puis mis en quatre quartiers.
Quant à Morus , voici ce qu'en dit M. Iean Caluin en les Commentaires fur le x x 1 1.
chap. d'Efaie au verfet 17. parlant de Sobna, Quand ie ly, dit-il , ce pafiage, vn fembla-
ble exemple me vient principalement en mémoire, d'autant qu'il conuient à ceftuy-ci
beaucoup plus que tous les autres : a/fauoir de Thomas Morus, qui auoit vn tel office
que ce Sobna. Car comme on fait a/Tez,il cftoit chancelier du roy d'Angleterre . Com-
me ainfi foit qu'il fuft fort grand ennem i de l'Euangile, & perfecutaft cruellerqet les fi-
dèles à feu &C à fang,il vouloit aufti par ce moyen fe faire renômer , &c acquérir bruit, &:
perpétuer la mémoire de l'on impieté &c cruauté entre les hommes . Parquoy, il fit en-
grauer les louanges de fes vertus en vn fort beau fepulchre,qu'il auoit fait baftir magni
fiquement.Et enuoya à Balle à Erafme ( auquel il enuoya pour prefent vne haquenec)
fon cpitaphc,*qu'il auoit luy-mefmecompofé, afin qu'Erafme le fift imprimer. Tant
eftoit-il conuoitcux de gloire, que durant fa vie il vouloit donner commencement à
fa renommée, &: à fes louanges heroiqucs,lcfquelles dcuoyent fuiure fa mort , comme
il cfperoit.Or la principale de toutes fes louanges,c'eftoit qu'il eftoit grand perfecuteur
des Lutheriens,c'cft à dire des fidèles . Mais qu'cft-il aduenu? Il fut aceufé de trahifon*
il fut condamné:&: pour le faire bref,il eut la tefte trenchee. Ainfi, fon fepulçhre fut vu
. gibet. Voudrions-nous des iugemens de Dieuplus manifeftes'parlefquels il punit l'or*
gueil des mefchans,& leur conuoitife infatïaWe de gloirc>& leurs vanteries pleines de
blafphemes . Et certes il nous faut recognoiftrc& adorer la prouidence admirable de
Dieu,en ceft horrible ennemi dupeuplede Dieu,auflî bien qu'en Sobna. Nous deuôs
obferuer auflî la circonftance,que ce Sobna eftoit eftranger. Ainfi voit-on,que tous leç
tyrans &: ennemis des enfans de Dieu, voudroyent bien exterminer les vrais héritiers1
de la terre, combien qu'eux foyent forains &: eftrangers : afin qu'ils fufTent feuls pofiek
feurs du monde . Mais à la fin le Seigneuries chafle hors, & les priue de tous héritages
&: poflcflionsjen forte qu'ils n'ont point vn pas de terre,pour fe faire vn fepulçhre , Oi>
trouuera beaucoup de tels exemples parmi ces hiftoircs.
A L E X A N-
ALEXANDRE CANV S, d'Eureux en Normandie.
i exem pic i tous fidèles . Le Seigneur
: de Paris.C'a efté v n acte public, au -
quel & lcîeau & les lettres ont efté conioints.
On peut bien mettre ce perfonnage au premier reng des Miniftres de France , ayant efté t n ci
luy a fait grâce d'auoir prefché en place publique à l'ioftant de la mort, à tpui; vn peuple <
auel & le feau & les lettres ont efté conioints.
LEjX ANDRE furnômé Canus,autremcnt dit Laurent de la croix,
ayant quitte l'ordre des Iacopins , délibéra Te retirer au pais où l'Euangile
du Seigneur eftoit purement prefché. Eftant venu au pais de Sauoy e,il fut Gencuc c5
quelque temps au conté de Neuf-chaftel , &c depuis vint en la ville de Ge- menec dc-
neueTe^laquelle M, Guillaume Farel&: autres feruiteurs de Dieu commençoyent d'- J^^'
annoncer rEuangile,au grand regret des Chanoines, Preftres, &: Moines, qui pour lors Uangiic.
eftoyent en ladite Cité.Là M.Alexandre fe voyant pourfuiui de telle gent,fut cotraint
fe retirer, & euiter le danger qui luy eftoit apprcfté.Et délibérant de retourner en Fi â-
ccpalTa par le Mafconnois,femant où il pouuoit la doctrine de lEuangile auec hardief
fe,8£ comme ne fe fouciant de fa vie, Eftant venu à Lyon jl fit quelques exhortations
aux fidèles qui y eftoyent ,&: prefcha par vn iour de Pafques , & le lendemain pareille-
ment, auec grand auditoire . Il auoit afîiftence &: adreiTe de quelques orfeures fidèles,
qui lors eftoyent en ladite ville , Y ayant feiourné quelques iours,la lufticc eftant ad-r
uertie des aflembïèes,M. Alexandre fut conftitué prifonnicr, & toft après condamné à
la mort, dont il fe porta pour appelant . On le mena à Paris : où il fut rudement traité
par tortures , plusieurs fois réitérées en telle extrémité de cruauté , qu'vne des iambes
luy fut defrompue.Eftant en ces tormens,on dit qu'il s'eferia en cefte voix , Mon Dieu,
il n'y a pitié ne mifencorde en ces hommes: fay que ie la trouue enuers toy . Aucuns
aufli ont attefté qu'il dit,N'y a il point icy quelque Gamaliel,qui foit moyen d'adoucir
cefte cruauté contre moy ? Ceux qui eftoyent prefens furent grandement eftonnez de
fa patiece:entre lefquels il y en eut vn qui eftoit de grande authorité & crédit pour fon a- futMo,
fauoir &C érudition exquife,qui remonftra aux autres qu'on auoit par trop tourmenté le gCUdréG'
poure patient,&: qu'on fe deuoit contenter. Cefte parole fut caufè de faire ce/Ter cefte
cruauté de la géhenne cxtraordinaire,laquclle ne luy auoit efté pour autre caufe reite^
ree,finon pour aceufer ceux de fa cognoilTance.
L e s luges voyans telle perfeuerance en ceft homme,par grand defpit &: rage , &
pour voir s'il ne feroit point eftonnéou efmeu ,1e iugerenten pleine audience en là
prefécc,côtre leur couftume, qui eft de remettre les criminels au Gcolier,&:fairc jpnô-
cer leur arreft par vn clerc du greffe criminel en la conciergerie. Mais Dieu auoit *ou^
lu qu'il en aduintainfi, afin que la fermeté & confiance de fon fidèle feruiteurfuft de
tant mieux cogneue, à la confufion des ennemis . Alexandre ayant ouy fa condamna-
tion publiquement prononcee,fe monftra plus confiant & ioyeux qu'auparauant . On
le dégrada à l'vfage Pontifical des Papilles, &: cependant qu'on faifoit tour ces myfte-
res accouftumez en ce cas,il ne fonnoit mot, craignant (ce qu'on luy menaçoit) d'auoir
la langue couppee . La maudite inuention de coupper langues commença cefte an-
nee-la d'eftre en vfage, Mais combien qu'il ne fonnaft mot, fi eft-ce que par geftes §c fé- ^™c"~
blant du corps , &c fou-ris donnoit allez à entendre au peuple en quelle eftime il auoit coupptr
tout ce qu'on luy faifoit. Quad on l'eut reueftu d'vne robe de fol,il s'eferia à haute voix, lcs 'j^"
O Dieu,y a-il grâce &honneur plus grand que de m'auoir auiourdhuy donné la mefme au* e C<"
liuree que ton Fils vnique receut en la maifon d*Herode?
I l fut depuis mené fur vn tombereau à la place Maubert , lieu du dernier fuppli-
ce, où il exhorta le peuple qui le fuiuoit.Dequoy irritez certains Iacopins qui laccôpa-
wnoyent,ne cefToyent de le troubler.^ il leur difoit , Me voulez-vous perfuader à rénô-
cer Iefus Chrift &: fa verité'departez vous de moy abufeurs du peuple. Quand il fut ve^
nu au lieu du fupplice,il pria le lieutenant criminel du Chaftclet de Paris nommé Iean
Morin de pouuoir quelque peu parler au peuple pour leproufit ^exhortation de ceux
qui eftoyent venus au fpeélacie. Morin luy refpondit qu il le vouloir bien , moyennant,
que le Chantre de la Oaintte Chapelle(qui là eftoit prefent) en fut content.Le Chantre
dit qu'ily cohïentôlt: Mais quoy, dit-il, M.Alexandre , contentez-vous de ce que vous
apez dit. Cela difoit-il, d autat <juc M? Alexandre n'aupit ççiTç au long du chemin cftaç
Exhorta-
tion que fit
M. Alexan-
dre eftant
TSwtJl. fan Pointât.
fur le tombereau d'admonnefter le peuple , &: femer la parole de l'Euangile,qui ne fut
point infru&ueufe-.car plufîeurs à l'heure dirent , qu'on Je faifoit mourir à tort . Ayant
permiiïîon de patler,auant qu'eftre guindé à la potcnce,il fît vn fer m on excellent &de
merucillcufe efncace,qui dura aflcz long tcmps:auquel il rendit raifon de l'a foy,&prin
cipalement delaCenedu Seigneur,auec telle véhémence &: viuacitédefprit,que plu-
fîeurs fidèles qui là eftoyent,& fouuent l'auoyent ouy prcfcher,ont confefl'é que iamais
ils ne l'ouyrent parler de telle grâce. Les paroles qu'il dit furent recueillies &: mifes par
eferit par gens fideles,en la manière qui s'enfuit:
Se i g n e v r s &:dames,quieftes ici aiTemblez pourvoir le fuppliced'vnpoureChrc
ftien,enuoyé à la mort:encorc que pour la multitude de fes péchez il l'ait iuftement
dejfTeruie,fi cft-il condamné par les hommes pour auoir rendu raifon de la puredo&ri-
?urîebois. ne Chreftienne,mefmement de celle de la fain&cCene de noftre Seigneur&fculSau
ueur IeiusChrift, ainfi que luy-mcfme l'ordonna &; inftitua le iour deuant qu'il fouffrift
mort & paillon pour racheter noftre nature humainc,&: la reconcilier à Dieu fon Pere,
en nous faifant l'es vrais enfans,& héritiers de Paradis . Voici donc ce que fay confe/Té
& affermé , Ceft que noftre Seigneur Iefus Chnft en mémoire perpétuelle de fa mort
de paflicn,ordonna la fainclc Ctne,difant à fes Apoftres , Hœe cjuotiefcuncjue feceritis, in met
il allcguoit memoriam faciem:T omcsàc quantes fois que vous ferez ceci, vous lefer'Z en'memoirede
LatInS CS rnoy* Cc quc réitère l'Apoftre fainct V&uUdifantiQuoriefcunyue manduubitU panem hune, &*
pour plus caltcem btbet'n , mortem Dornmi annunciabim donec -vcmat. Ccft à dire , Toutes &: quantes fois
grande cô- qUC vcus mangerez de ce pain , &: boirez de ce vin , vous annoncerez la mort du Sei-
rmation. gncur ju(qU»^ tant qu'il vienne . Cela difoit-il en baillant le pain,afin que nous viuions
d'vn mefme accord en charité, priant les vns pour les autres. Se qu'en annonçant cefte
mort de Iefus Chrift,nous prenios ce pain comme figne &: mémorial de fa mort Se paf-
fîon.Et faut bien,Mefïïeurs,sefprouuer auant que d'aller à cefte faihete table : &c auoir
vne vraye foy,en nous afleurant que IefusChrift eft mort pour nous. Car fans cela npus
le prendrions indignement,comme dit l'Apoftre S. Paul , Probet fetpfitmbomo, & fie de pa-
ne Mo edat, & de eaheebibat. Ainfi, Meffieurs,penfant bien entendre-les Efcritures,&: e£
meu de zele d'iceîles,i'ay dit ce pain nous eftre donné corne ligne mémorial de la mort
de noftre Seigneur Iefus Chnft,nô pas qu'iccluy foit en prefence réelle, mais fous efpe-
ce,comme il luy plaift.Dcs autres chofes dont ie fuis accufé,ie les laiiîe au iugement de
Dieu :1e priant qu'il luy plaifeinipirer tous bons Chreftiens, afin que la fainde parole
de l'Euangile foie annoncée, &: qu'il enuoye fon S. Efprit à fon Eglife. Car Iefus Chrift
nous a efté long temps caché , c'eft à dire non déclaré. le vous prie,MefIieurs,en charr-
té,priez Dieu que tout ainfi que fon Fils Iefus Chrift eft mort pour moy,qu'il me donne
la grâce auec la confiance de mourir pour fon faincl nom.
Apres auoir fini fon propos, il dir, Allons :&: ayant prié,les yeux leuez en haur,di-
foit dedans le feu, Prions Iefus Chrift qu'il ait pitié de nous: &: qu'il reçoiue mon efprit.
Et iufqu a la fin criant à haute voix, Mon Rédempteur aye pitié de moy, rendit l'efprit.
Ces chofes ainfi aduenues ,plufieurs propos fe tenoyent de luy en l'ailiftence: les
vns difoycnt,que fi ceft homme n'eftoit làuué , iamais homme ne le ferbit: les autres s'-
en alloyent frappans leurs poiclrincs , diians que Ion auoit fait tort à ccft homme , qui
ne parloir que de Dieu.il y en auoit d'autres qui difoyent qu'il eftoit mort bien obftiné
en (àloy:C'eft merueilles comme ils fe font brufler,&: qu'ils meurent ainfi conftammét
pour maintenir leur loy .Et ainfi en ces diuerfes opinions, les vns en parloyent en bien,
les autres en cftonnement &: admiration,^ d'autres aufïi en mal.
IEAN POINTE TydeSauoyc.
A I S T R E Iean Pointct , du pais de Sauoye , fe prefente en ce rang des
Martyrs de ceft an m . d . x x x 1 1 1 . Il eftoit natif de Menton près d'Anni/Ii,
exerçant l'art de chirurgie en la ville deParis,cn laquelle il fut première-
ment aceufé par Moines àc Prcftres , s'eftans prefentez à luy pour eftre rç-.
ontvoS ^oncîus gvia.iris de la maladie peculierc à ceux qui contre ttnftitution dufain&ma—
«ciibar. riage, vouènç vne chafteté infâme. Pointet auoit accouftume de leur rem onftrcr, lors
qu'il
M. D.
xxx m.
La maladie
pcculiere
Van des ^Plaçât s à Paris.
7$
qu'il ics auoit fous fa main , & que toute cefte infection proecdoit de leur maudit ccli-
bat,&-que c'eftoit vn vray làlaire d'iceluy: &c que trop mieux ils teioyent de le marier.
Telle forte de gens ne faillirent cftans regairis, de l'acculer : te llement qu'il fut coniti-
tué prifonnicrà la pourfuitte d vn do&cur Sorbonique nomme Clcrici ,curé de S.An-
dré des Ars. Peu après eftant condamne à la mort,monltra de quelle véhémence de-
fprit il eftoit mené. Car deuant qu'on le fil! mourir , il y eut deux arrefts donnez contre
luy.Par le premier fut dit qu'il lèroit eftranglé,puis brullc. Pour lequel exécuter on l'a-
uoitmis en la chapelle de la conciergerie aucevn Moine confelfeur, en attendant l'-
heure du fupplice . Ce Confelfeur luy vouloit perfuader de s'agenouiller deuant vnei-
mage qui là eftoit,&: demander pardon de fes fautes. mais Pointet le repouila viuemct,
l'appelant Satan,quile vouloit feduire &: faire idolâtrer. Le ConfclTeur fur ceci remon-
ta haftiue ment en la chambre criminelle : &: fit venir le Prcfident aueedeux Confeil-
lers. vers cell hommc,lequel ils eftimoyent comme forcené & hors du fens: mais ils fu-
rent careUcz par Pointet de la mefme façon que le Confelfeur: car en la véhémence de
fon efprit, il leur remonftra qu'ils cftoyent larrons , &c gens fanguinaires & meurtriers,
qui iniquement &: contre toute raifonmeurtriiToyentles enfans deDieu.Ce Prelîdenc
&; Conîcillcrs bien efchauffez de colere,fîrent fubit adioullcr à fon areft , que Pointet Se(5i arcft
auroit la langue coupée : ou bien,recognoiiîant fa faute , feroit exécuté félon la teneur côtre Pom
du premier areft, La langue luy fut coupée: & ce nonobftan t il ne Jaiifa à perfeuerer en tet'
la confeifion delà verite,au mieux qu'il fe pouuoit donner à cntendrc.Quoy voyans les
ennemis de la venu' ,fut condamné à eftre brullé tout vif: ce qui fut fait le plus cruelle-
ment dont on fe peut aduifcr-en fan M.D.XX XIII.
econ
STIQJpe, ET <D£S PACTES
des ifflartyrs en cc*s temps.
HISTOIRE d'yne ^andeperfemionefmeHe a raijhn de quelques attaches oh flacars m U par les
quanjours de Paru.
E P V IS cescommencemcnsdelareftauration des ruines del'-
Eglife du Seigneur, l'année m.d.xxxiiii, doit eftre notée pour xxkuir
vne faifon en laquelle maints grandes mcrucilles ont efté faites en
diuers pais ôé contrées -.mais fur tout, ce qui aduint en la ville dç Pa
ris, eft digne de mémoire, dont elle eft vulgairement appelée tan-
née des placars, pour l'hiftoire qui s'enfuit.^pieu ayant départi quel-
ques raye ns de la lumière de fon Euahgile à Marguerite roine de
Nauarre,feur du roy François i .fous Ion authorité &c adueu beaucoup de notables per-
fonnesfe mirent à prefcheren la ville de Paris(au temps que M.Guillaume Farel çom- Guillaume
mençoit faire le femblable à Geneue):dont les plus renommez eftoyét M, Girard Ruf- Farel-
fy,duqucl ci deuat eft fait métion,&: Couraud &: Bertfraud Auguftins.Ce que Satan ne ^[[^
pouuantportcr,fufcitafesfuppofts de Sorbone,ennemis de lumière &c de toute vérité, Couraud.
pour empefeher les frui&s qui en prouenoyent, &: retenir le grand nombre de ceux qui Bcr^a11^
fuiuoyent lefdites prédications d'vn zele fingulier &: ardente affection. Parquoy ils firét
tant par leur importunité Se audace,que la chaire kur fut défendue au grad regret des
fidelcs,quiparcemoyé eft oyent grandement édifiez. Quoy voyant Ruf7y&: Couraud,
g'aduiferent de conuertir lefdites prédications çn leçons particulières: par Je moyen,
Liurc^JI.
L'an des Tlacars à Par if.
defquelles,en expofant les liurcs de la fain&eEfcriture ils ne faifoyent moindres fruictJ
qu'auparauant.Mais les Sorboniftcs ayans autant ou plus telles leçons à contre-cœur*
ne celferent tant qu elles fu/fent pareillement interdites fur trefgroircs peines: &: que
M.Girard fuft mis prifonnier,&: Couraud détenu chez l'Euefque de Paris. Ainfi les fide!
les le voyans deftituez de toute doâxine & exhortation, furent grandemét defplaifans
&: deiblezrqui fît qu'aucuns particuliers, par vn Kbudain mouuement , &: fans autre ad-
uis de ceux qui les euifent mieux côfcillez,dclibererét d'enuoyer aux villes de Sauoye,
Dclibcratiô ou* ^uang^e commençoit eftre prefché, pour auoir vn fommaire de ce qu'on donne--
dc femervn roit à cognoiftre au peuple pour inftrucrion de la foy & religion Chrcftienne. La char-
fommairc ge en fuc baillée à vn nommé Feret , feruitcur d'vnqui eftoit Apoticaire du roy Fran-
gin chre- çois:lequcl ayant fait imprimer en la ville deNeuf-chaftel certains articles en forme de
ftienne. Placars, contre l'abus de la Me/Te , &c les inuentions Papiftiqucs^vnftiltrenchant &C
foudroyant : fomme, il les fit aulîi imprimer en petisliurets, pour femer par les rues de
toutes parts. Le contenu defquels eftoit tel:
Articles véritables fur les honïblcs,grans,& importables abus de la Meflè Papale : inuentec directement contre la fain&c Cene
denoftre Scigneur,feul Médiateur & feul Sauueur Idus Chrift.
Ï'in v o q_v e le ciel &c la terre en tefmoignage de verité,contreceftcpompeufe&:or-
gueilleufe Me/Te Paoale , par laquelle le monde (fi Dieu bien toft n'y remedie)eft&:
fera totalement defolc,ruiné,perdu &L abyfmé : quad en icellenoftre Seigneur eft fi ou-
trageufement blafphemé,& le peuple feduit& aueuglé. ce que plus on ne doit fouffrir
ni endurer. Mais afin que plus aifément le cas foit d'vn chacun entendu,il conuient jp-
ceder par articles.
^Premièrement» àtoutfîdclc Chreftien eft & doit eftre tref-certain, que no-
i.Piert ftre Seigneur &: feul Sauueur Iefus Chrift,comme grand Euefque & Pafteur éternelle-
i.Tim'i. ment ordonné de Dieu,a baillé fon corps,fon ame,fa vie &: fon fang pour noftre fandti.
Rom7? fication,en facrifice tref-paifait: lequel facrificc ne peut &: ne doit ïamais eftre réitéré
par aucun facrifice vifible,qui ne veut entièrement renoncer à iceluy,comme sil eftoic
fans efficace,infurKfant, &imparfait,&: que Iefus Chrift n'euft pointfatisfaità laiufti-
ce de Dieu fon Perc pour nous,&: qu'il ne fuft le vray Chrift,Sauueur>Preftre,Euefque,
& Mediateur.laquelle chofe non feulement dire,mais auffi penfer, eft vn horrible &: e-
xecrable blafpheme.Et toutefois la terre a efté&eft encore de préfet en plufieurs lieux
chargée &: rem plie de mifcrables facrificateurs : lefquels , comme s'ils eftoyent nos ré-
dempteurs,fc mettent au lieu de Iefus Chrift , ou fe font compagnons d'iceluy , difans
qu'ils offrent à Dieu facrifice plaifant &C agréable comme celuy d'Abraham , d'Ifaac &:
de Iacob,pour le falut tant des viuans que des trcfpafîez:ce qu'ils font apertement con-
tre toute la vérité de la faincte Efcriture,faifans menteurs tous les Apoftres Se Euangi-
liftes:& fe démentent cux-mefmes , veu quauec Dauid ils chantent Se confeffent tous
Pfcau. no. les Dimanches en toutes leurs Vefprcs, ^ue Ielus Chrift eft éternel Sacrificateur félon
l'ordre de Melchifedcc.
O r ne peuuent ils faire entendre à nul de fain entendement, que Iefus Chrift Se fes
Prophètes Se Apoftrcs(qui rendét tefmoignage de luy)foyet menteurs: mais faut mau-
gré leurs dents que le Pape Se toute fa vermine deCardinaux,d'Euefques &de Preftres,
de Moines &: autres Caphards difeurs deMefïes, Se tous ceux qui y confentent , foyent
tels:aiTauoir,faux-prophetes,da*mnablestrompeurs,apoftats,loups,faux-paftcurs,ido-
latres,fedudeurs, menteurs &blafphemateurs execrables,meurtriers des ames,renon-
ceurs de Iefus Chrift,de fa mort Se pafTïon faux-tefmoins,traiftres , larrons &Tauiffeurs
de l'honneur de Dieu, &: plus deteftables que les diables . Car par le grand Se admira-
ble facrifice de Iefus Chrift,tout facrifice extérieur Se vifible eft aboly &: euacué : &: ia—
mais autre n'eft demeuré . Ce que ie dy eft trefamplement monftré en l'Epiftre aux
Hebrieux,és chapitres 7, 9, Se 10, lefquels iefupplie à tout le monde de diligemment
ebrifium nu, confidercr.Toutefois pour vn peu le toucher,& aider l'efprit des plus petits , au 7. il efl
r,,&eu»Je ainfi cfcrit,Il eftoit conucnablc que nous cuflïons vn Euefque fainct,innocét Se fans ma-
^Am!™' cu*c ' lequel n'a point neceffité d'offrir tous les iours fàcrifices premièrement pour fes
péchez, puis après pour ceux du peuplercar il a fait ce en s'offrant vne fois. Notamment
il dit,En s'offrant vne fois. car iamais cefte oblation ne fut , ny ne fera réitérée , n aucun
ne pareille . Item au neufuiefme chapitre, Chrift Euefque des biens aduenir , par Ion
propre fang eft entré vne fois és fan&uaires. Voicy où derechef il dit que par s eftre pre-
fenté
Van des ^Placards à *Paris. So
Tenté vnc fois,la rédemption éternelle eft faite'. Parquoy il cft euident qu en noftre re-
rlemptionnous n'auons befoinde tclsfacrificateurs, fi nous nevoulons renonccràla
.mort de Iefus Chrift. Item au io.chap. Voici icvien,afin,ô Dieu, que ie face ta volonté,
par laquelle volonté nous fommesfanctifiez,par loblationvnc fois faite du corps de
thrift.Etaufi'île S.Efpritleteftifie,difant)Ien'aurayplus fouuenancc de leurs iniqui- Ezcdu»
tez:& là où eft remiflion d'icelles,il n'y a plus d'oblation pour le péché . Ce que par ar-
gument ineuitable de l'Apoftre ie monftre ainfi : Au chap. 5,7,8, & io.des Hcbneux,le
S. Apoftre dit que pour l'imperfe&ion des facrifices de l'ancienne Loy, il faloit tous les
iours recommecer,iufqu'à ce qu'il en euft efté offert vn du tout parfait.ee qui a cfté fait
vne fois par Iefus Chrift.Dont ie demande à tous facrificateurs , fi leur facrifîce eft par-
fait ou imparfait. S'il eft imparfait , pourquoy abufcnt-ils ainii le poure monde ? S'il cft Km\'P 1
parfait,pourquoy le faut-il reiterer?Mettez-vous en auant facrificateurs:&: fi vous auez
puiflancedercipondre, refpondcz.
^ Se condement) en cefte malheureufe Méfie on a non feulement proiioqué,
mais aufli plongée du tout abyfmé quafi l'vniuerfel mode en idolâtrie publique, quâd
fauilement on a donné à entendre , que fous les efpeccs de pain &c de vin > Iefus Chrift
eft contenu &: caché corporcllemcnt,reellement&:perfonnellementjen chair &: en os,
aufti gros &c grand &c parfait comme de prefent il eft viuant. Ce que la (àin&e Elcriture
& noftre foy ne nous enfeigne pasrmais eft du tout contraire.car IefusChrift après fa re £JJt,h
furreîtion eft monté au ciel,&: eft aflîs à la dextre de Dieu le Pere tout-puifiànt,& de là AaL\.
viendra iuger les vifs &: les morts. AufTi S.Paulaux Colofs.j,efcrit ainfi,Si vous eftes re- Hchr.i"
fufcitcz auec Chrift, cerchez les chofes qui font en haut , où Chrift eft feant à la dextre coioffij
de Dieu . Il ne dit point,Cerchez Chrift qui eft en la Mcfte,ou au facraire, ou en la boi-
te,ou en l'armoire:mais au ciel.Parquoy il s'enfuit bien,que fi le corps eft au ciel,pour ce
mefme téps iln'eft point en la terre:&: s'il eft en la tcrre,il n'eft point au ciel . Car pour
certain ïamais vn véritable corps n'eft qu'en vn feul lieu pour vne fois , occupant cer-
tain lieu & place en qualité & grandeur certaine. Parquoy il ne fe peut faire qu'vn hom
me de zo.ou jo.ans foit caché envn morceau de pafte,tel que leur oublie. De répliquer
que comme il eft tout-puifTant,il eft aufli inuifible,infiny & par toutreela ne peut auoir
lieu,conûderantque comme il eft toiu-puiiTant,il eft aufli véritable & la venté mefme,
nous ayant certifié de la vérité de fon corps,parce qu'il a refpondu à fes difciples que C-
eftoit luy (parlant de fa prefc'nce corporelle) leur faifant entendre qu'il n'eftoit point H1C144
fantofme ny inuifible : &c que l'cfprit n'a ne chair ny os comme luy.Et en ce qui cft reci-
té en l'Euangile de S.Iean x x. chap .qu'il vint & fut au milieu de fes difciples, les por-
tes fermées, ce n'eft pas à dire (comme ces abufeurs fauflement font entendre) qu'elles
n'ayent efté ouuc rtes par la vertu diuine de Iefus Chrift , pour le palfage de foi! vray
corpi. Car s'il a bien eu la puiflace de les faire ouurir par fon Ange, pour deliurer fainét
Pierre delà prifon , il luy a bien efté autant facile defe faire ouuerture pour entrer à fes
difciples,par les moyés miraculeux qu'il luy a pieu fans changer la nature de fon corps
en efprit , ou en vn autre qui ne fuft point vray corps. Aufli l'Euangelifte ne dit pas que
Iefus entra par les portes fermées: mais qu'il vint à l'es difciples , &: qu'il fut là au milieu
d'eux,les portes eftans fermées. En quoy il a voulu donner à entendre en quelle crain-
te eftoyent aflemblez fes difciples , &: qu'il à en cela voulu monftrer vne prccuuc mani-
fefte de la puiffance diuine duSeigneurIefus,par laquelle les portes s'ouurirent deuant
luy:fans ce qu'ils fe foyent apperceus,ne commet elles ont efté ouuertes , ne comment
elles ont efté clofes à la venue d'iceluy, entrant miraculeufcmcnt pour rendre fes difci-
ples plus attentifs à fa nature diuine. Coclufion,le corps de Iefus Chrift n'eft point fem-
blable àvn efprit. Aufli qu'il (bit infini &par tôut,cela ne peut eftre:ou autremêt il ne fe-
roitne vray corps ne vray homme, s'il eftoit aufli bien infiny pour raifon de fa nature
humaine,comme il l'eft pour raifon de fa nature diuine. Il eft donc contenu en certain
lieu:& y eftant,il n'eft pas en vn autre. Ce que S. Auguftin a bien cogneu,quand en par-
lant du Seigneur Iefus Chrift>il a ainfi eferit , Donccfiniarur fêculumyfûrfûm Dorifinus cft ,fèd ^g'^^'t
tamen hic nobifeum eftyerittu Domini. Corpus enim in cjuo refitrrexit, in y no loœ effè opottet : yentu aU-
tem eiusvbtqtte diffufa eft. Item , Fulgence eferit ainii , ^ibfens erat cœlo fècundum humanam fub- fuipntiui
ftantiam^c^mm effet interra\0* derehnquens terrant, tptum afcendrffèt in cœlum: fècundum yerb diurnam ^''['-fc™
& immenfam fubftantiam}nec cœlum dimittens qttum de cœlo defcendit,nçç terrant deferens quum ad cœ-
htm afcendit.
Van des ^Placars a Paris.
O v t r e , nous auons infaillible certification parla (liin&c Efcriture, que laducnc-
ment du Fils de l'homme, quand il luy plaira partir du ciel, fera viliblc & manifefte. Et
Mate!) i ^ aucun vcus dit* *C1 c^ Chnft' ou là,ne le croyez point. Icfus Chnft dit, Ne le croyez
pointé les facrificateurs dilcnt,Il le faut croire . Ils chantent bicn,Surfem (ortf^exhor-
can's le peuple à cercher Iefus Chnft au ciehmais ils font le contraire,en ce qu'ils l'arrc-
lient pour le faire cercher en leurs mains,&: en leurs boites &: armoires.
^Tiercemen t , ces facrificateurs aucugles,pouradiouftcr erreur fur crrcur,onc
en leur frenefic encore dit &: enfeigné, qu'après auoir foufflé ou parle fur ce pain lequel
ils prennent entre leurs doigts, &c fur le vin lequel ils mettent au calice , il n'y demeure
ne pain ne vimmais (comme ils parlent de grans&i prodigieux mots) par tranffubftan-
tiation Iefus Chrift eft fous les accidens du pain & du vin, cache &cnueloppé: qui eft
doctrine des diables,contre toute vérité, &C apertement contre toute l'Efcriture . Et
pourtant ie demande à ces gros enchaperonnez, Ou ont-ils inuenté ce gros mot Traf-
fubftantiation?S.Matthieu,f aincl: Marc,fain£t Luc,fain& Ican,fainc"l Paul,& les anciens
Pères n'ont point ainfi parlé : mais quand ils ont fait mention de la fain&c Cene de Ie-
ius Chrift,ils ont ouuertement & fimplcment nommé le pain & le vin, Pain &: Vin. Vo
i Cor.ii yezfaind Paul comment il efcrit,L'homme s'cfprouue foy mcfmc.puissenfuit,Etain-
N'auh.itf {\ mange de ce pain.Ilnedit point,Mangc le corps de Iefus Chrift qui eft enclos,ou qui
Lue"* cu~ *olls ^a fcniblancc , ou fous l'efpcce ou apparence de pain : mais il dit apertement &:
i.C< mi. purement, Mange de ce pain.Or eft-il certain que l'Efcriture n'vfc point de déception,
& qu'en iccllcil n'y a point de feintife:dont il s'enfuit bien qûec'eft pain. Item cnvnau
c 10 tre lieu il eft ainfi efcrit,Et vn iour de Sabbath les difciplcs eftans aflemblez 'pour rom-
pre le pain,&c. Aufqucls tant cuidens paffages, la fainde Efcriture dit &: prononce ex-
preficment eftre pain,non point efpece, apparence ou fcmblance de pain. Qui pourra
dôc pl9fouftcnir,portcr& endurer tels moqueurs, telles peftes,&:peruers Antechriftsî
lefqucls comme prefomptucux &c arrogans,felo leur ordinaire couftume,ont efté il té-
méraires &: hardis,de conclurre &c déterminer au contraire. Parquoy comme ennemis
de Dieu & de fa fainde parole,à bon droid on les doit reictter &c mcrueillcufement de-
tefter. Car n'ayans eu nulle honte de vouloir enclorrc le corps de Icfus en leur oublie:
aufTi(comme eff rontez hérétiques qu'ils font ) ils n'ont eu aucune honte &c vergongne
de dire qu'il fc lai/Tc mâger aux rats, araignées, &: vermine, comme il eft eferit de lettre
ittmjtot rouge en leurs Mcflcls en laxxi 1. Cautellc , quife commence ainfi , Si le corps du Sei-
t» """"" gneur citant conlumé par les fouris& les araignées, eft deuenii à rien, ou foit fort ron-
VtuLZs, gé:fi lever eft trouuc tout entier dedans, qu'il ioit bruilé & mis au Reliquaire . O terre,
crf.caute- comment ne t'ouurcs-tu pour engloutir ces horribles blafphemateursîO vilains&de-
te (bibles, ce corps cft-;l du Seigneur Iefus vray Fils de DieurSe lailfc-il manger aux fou-
ns &C aux araigncesHuy qui eft la viande des Ange's de de tous les enfans de Dieu , nous
eft-il donné pour en faire viande aux beftes ? Luy qui eft incorruptible à la dextre de
Pfeau.no. Dieu,le ferez-vous fuiet aux vers &: à pourriture , contre ce que Dauid en a eferit, pro-
1 cau.itf. pjietjfant de la fefurredion d'iceluyrO mifcrablcs,quand il n'y auroit autre mal en tou-
te voftrc théologie infcrnale,hnon en ce que vous parlcztantirreuercmment du pré-
cieux corps de Icfus,combicn méritez- vous de fagots & defeuz , blasphémateurs &: h«
rctiques, voire les plus grans &i énormes que jamais ayent efté au monde-: Allumez doc
vos fagots pour vous brufler&r roftirvous-mefmes , ncnpasnous, pourec que nous ne
voulons croire à vos idoles, à vos dieux nouueaux &: nouucaux chrifts ,qui fe biffent
manger aux bc ftes &: à. vous pareillement , qui eftes pires que beftes , en vos badinages
lefqucls vous faites aletour de voftre dieu de pafte, duquel vous-vous iouez comme vu
chat d'vne founs: faifans des marmiteux , &: frappans contre voftre poidrine, aptes l'a-
uoir mis en trois quartiers, comme eftans bien marris, l'appelas Agneau de Dieu,&:luy
demandans la paix.S.Iean monftroit Iefus Chrift prefent, viuant, &£ tout entier (qui e-
ïxode 11. ftoit la vérité des agneaux qui ont efté figure de luy en l'ancien Teftamcnt)&: vous mô-
ican 1 ^rcz vou^re OUD^e partie en pièces: puis la mangcz,vous faifans donner à boire . S.Iean
a-il mangé Iefus Chrift en ce poind ? Que pourroit dire vn perfonnage qui n'auroit ia-
mais veu telle fingerie?ne pourroit-il pas bien dire, Ce poure agneau n'a garde de deuc
nir moutomcar le loup l'a mangé'par lequel le Seigneur a ordonne le facrement de l'a-
Cor.iy. gneaupafchal.&: S.Iean &c S.Paul qui ont expofé la vraye lignification d'iceluy, pour-
royent-ils recognoiftre tels bafteleurs pour feruitcurs de Dieu?
Barthélémy Milùn. Sr
ÇQv k r tévE M ï n T,le fruift & l'vfag'cdc la MelTc eft bien contraire au fruid ScàV-
vfagc de la fainde Ccnc de Icfus Chrift.& n'eft pas de merucilles.car entre Chrift &: Be £J23£
liai il n'y a rien commun . Le fruift & le vray vfage delà làin&c Ccnc de Iefus Chrift eft i.Tim iV
pourlcpi cmier,dcconiidercr comment le Seigneur nous prefentede la part le corps Rom lc-
&c le fang de l'on Fils Iefus Chrilt, à ce que nous communiquions vrayement au facnfî-
ce de la mort &: pafïiô d iccluy,& que Icfus nous ibit pour nourriture lpirituelle &: éter-
nelle^ q nous nous en tenions pour affeurez : comme il le nous déclare &c nous en af-
feure par ce faindSacrcmcnt.L'autre poin£t eft,dc publiquement faire proteftation de
fa foy:& en confiance certaine de falut , auoir adueliement mémoire de la mort &: pal-
lion de Iefus Chrilt , par laquelle nouslbmmes rachetez de damnation & perdition, a-
uoir aulfi fouucnance de la grande charité &c dilc&ion dequoy il nous a tant aimez, qu'-
il a baillé la vie pour nous,&: nous a purgez de fon lang. Aufîi en prenant tous d'vn pain
&; d'vn brcuuage,nous fommes admonncftezde la chanté & grande vnion en laquelle
tous d'vn mefme el'prit nous deuons viure & mourir en Iefus Chrift , Et cecy bien en-
tendu, reliouit l ame fïdele,la rempli/Tant de diuine côlolation en toute humilité, croif-
fant en foy de iour en iour,s'exerçat en toute bonté trefdouce &£ amiable charité. Mais
le fruitt de la Meiîe eft bien autre, comme l'expérience le nousdemonllre.Car par îcel-
lc toute cognoifîance de Iefus Chrift eft elfaccc , la prédication de l'Euangile eft reiet-
tee &: empcfchec,lc temps eft occupé en fonnenes,hurlemcns , chanteries , vaincs cé-
rémonies,luminaires, encenlcmcns,deiguilemés,&: telles manières deforceleries, par
lelquellcs le pourc monde eft(comme brebis on moutons)miferablement trompe, c n~
tretenu&: pourmené,&: parles loups rauiflans mangé,rongé&:deuoré.Etqui pourroit
dire ne penfer les larrecins de ces paillards?Par celle Mcife ils ont tout empoigné, tout
dcftruit,tout englouty.Ils ont déshérité Princes &: RoiSjfeigneursjmarchans &: tout ce
qu'on peut dire,foit mort ou vif. En lomme, vérité leur defaut,veritélesmenace,veritc
les pourchafl'e,vcriré lcsëlpouante:par lacjllc en bricl leur règne feradcftruità ïamais.
ES Plaçais &c petis liurcs communiquez à Couraud &: autres gens deiugement>
§§0 ne trouucrét bon telle manière d'enleigncr, combien que la doctrine fuit lainttc
&: véritable : &: diiTuadcrcnt qu'on ne les attachait ne femaft , & que cela ne feroit qu'-
animer la rage des adueriaircs,pour augmenter la dilperfion. Toutefois le zelc,ou plu-
ftoft impetuofité d'aucûs,q ne regardoyét qu'à leurs affections bouillantes, le gagna:li
q les places publiques de Pans,&:les rues en furet réplies, comme aulfi quelques autres
des principales villes du Royaume.ce qui aduît au mois d'Octobre de celte annee.il ne
faut ignorer côme les cnncmis de Dieu moftrerent leur fureur . carli auparauant ils a-
uoyctfaitfentir leur impatience &: horrible piccutiô delà parole de Pieu: ceftacl:e4es
fît entrer en telle forccncrie,q leurs impctuolltcz precedentesfcmbloyenttolerablcs,
Se n'eftoyent rien au prix.tatarAduerfaire de l'Euangile de force en l'endroit de ceux
qu'il polTcdcqu'onques tépefte n'approcha de cefte afpreté.Etce qdônaplus de moyé taforeu*
&: propre occalion à ces Sorboniftes dï pourfuiure leur poin£te,ce fut q l'vn de ces Pla efmeué l
cars fe trouua attaché à la porte de la châbre du Roy au Louure : dont il fut enflâmé de p^rti
telle fortc,qu'il cômada prédre indifFerémet tous ceux qui eftoyet aucunemét fufpetts liurcts.
de Luthererie. Entre tous les luges qui fe môftrerétdiligcns à exécuter cefte volôte du
Rov-c'eftoit horreur de voir la manière de faire de IeanMorin lieutenant criminel de Lieutcnaîs
Paris. Car comme il eftoit fanguinaire &: ingénieux à inuenter tourmens,s'il en fut on- criminel.
ques:ioint le grand profit qui luy en reuenoit,voire &: que cela couuroit fes autres larre
cins,pillerics,&:concuflïons:ilf:aifoit trembler toute la ville delà façon comme îlpro-
cedoit:n'efpargnant maifons grandes ou petites , comme aufli tous les collèges de l'v-
niucrfitéde Paris: en forte qu'il printvn grand nombre de prilbnniers, entre lefquels
ceux-ci moururent conftamment:
ARTHELEM Y Milon,dit le Paralytique, vulgaircmet appelé Ber
thelot, fils d'vn nômé Robert Milon, cordonnier de la ville de Paris, eftoit
ieune hô|ne,perclus de fes mébres,excepté des bras &dc la lâguc.Sa côuer NotaWe c&
lion eft digne d'eftre récitée, pour magnifier la milericorde de noftre Dieu u< rfiondu
enuers les îicns,&: nous apprendre de mettre en icelle toute noftre efperance. Comme J»a'vti#
ainfi fuft que ce perfonnage euft reccu des dons &: grâces excellentes du Seigneurnon c Pans"
feulement quant au corps, mais fur tout quant à l'cfprit : il en abufa en fa prem-iere leu-
jiçffe à toute intempérance &; diftbluUQ. La lanté &: habilité du corps luy feruoitd'ap-
o.iiu
Uur(U 1Ï- Njcolœs Valeton.
petit pour fuiure les chofes de ce monde , &c commettre les œuurcs abominables de la
chainfonefpnt eftoit adonné non feulement à vanité, mais aufïi à raillerie &: mclpris
des choies de Dieu.Mais aduint qu'vn iour en continuant les cfbars,il fe fioiffa & rom-
pit quelques coftes de la poi&rine,&: ne prouuoyat de remède à la conuulfionyle corps
luy deuirrt boffu &: tout contrefait deuant & derrière: les parties inférieures deftituecs-
de nourriture ordinaire àc conuenable,petit à petit défaillirent. bref,lc Seigneur,pour
reformer fa créature cfgaree,fit tomber fur luy vn changement de corps: &: d'habfle,! c
rendit totalement débile & cafîe de les membres , luy referuant feulement lvfagc des
bras & de la langue,comme dit eft. Eftant en celle mifere,&: n'appréhendant que la
douleur qui le prefibit,&: la difformité de fon corps, Dieu luy donna ouuerture à la co-
gnoifiance de la verité,par le moyen d'vn homme fidèle , duquel Milon vn-iour s'eftoit
moqué>ainfi qu'il pafîbit deuant la boutique de fon pere.Ce fidèle s 'approchant de Mi-
lon,luy dit,Poure homme,pourquoy te moques-tu des paffans;ne vois-tu pas'que Dieu
Reprii.cn- a cn ceftc facon courbé ton corps pour redrcfîer ton amer Milon fut cftonné de ce pro-
deLdTffor pos,&: commença de prefter audience à ccft homme : lequel à l'inftant luy prefenta vn
m.té du nouucau Tcftamét,&: dit,Voy ce liure,&: d'ici à quelques iours tu me fauras à dire quel
corps' îlte femblera . Milon,apres auoir commecé à goufter le fruift de la lecture du nouueau
Teftament,ne ceffa & nui& &c iour de continuer cn icclle , &c d'enfeigner la famille de
fon pere,& ceux qui venoyent vers luy.
L e changement fi grand &: fi fubit de ce perfonnage , donna occafion à plufieurs de
s'cfmeruciller.Ceux qui le fouloyent hanter pour ouïr les chants de mufique & d'inftru
mens qu'il touchoit auec grâce fingulicrc, eftoyent rauis oyans ccft home parlant tout
autre langage qu'il n'auoit fait auparauant. Enuiron fix ans auant qu'il fouffrift la mort
il fut détenu au li&,&: n'en bougeoit finon que quatre perfonnes k remuaffent . Eftant
ainfi au lift attaché,il enfeignoit quelque ieune/Te en l'art d'eferiture , en laquelle il e-
ftoit nompareihil grauoit auec eaux fur coufteaux,dagues,&: efpees:& faifoit chofes nô
du i"raîr vfitees pour les orfeures,& de tout le gain prouenant de ceci , il cn fuftentoit plufieurs
«que. poures &" neceifiteux,qui auoyent la cognoiffance de l'Euâgilc. Il ne fe laffoit d'inftrui-
re &C admonnefter ceux qui le venoyent voir,à raifon de ces chofes exquifes & rares qu
il faifoit.bref,fa chambre eftoit vne vraye cfcole de pieté, en laquelle la gloire de Dieu
àc foir& matin retentiffoit . Il ne faillit donc en cefte fureur de perfecution eftre des
Milon pri- premiers appréhendez par Morin , lequel parauant l'auoit eu en fes prifons , &: dont le
fônierpour Seigneur le deliura pour le referuer de confolatio aux fiens en cefte afpre faifon,&:pouc
rc Yoi™C~ rendre fa mort plus illuftre. Morin efeumant fa ragc,& comme tranfporté d'efpnt,ne
penfant qu'à exécuter fa cruauté,entia cn la chambre où eftoit couché ce poure Para-
lytique^ luy dit,Sus,leue-toy . Le Paralytique n eftant effrayé du regard de la face hi-
ef onfc °*eufe ^e ce tyran,refpondit corne en fe riant,Hclas,Monfieur,il faudroit vh plus grand
procédante maiftre que vous pour me faire leuer. Ilfutfou^ainementenlcué&: tranfporté par les
d >n caur fergeans,apres que Morin ,à fa façon accouftumee,cut raui le meuble le plus fecret qu
affeurc. .j trouua cn iadire chambre. On ne pourroit a/lez reciter le grand bien &: la confola-
tion qu'apporta ce perfonnage aux autres prifonniers:car autant eftoit-il effrayé eftant
en la prifon&: deuant les Iuges,comme s'il euft efté en fon li&. Qui plus cft,il enduroit
lors toutes chofes qu'on luy faifoit , &: le plus rude traittement qu'on luy feuft faire : au
lieu que parauant eftant au li&,s'jj n'eftoit manié doucement, & par gens qui auoyent
accouftumé de le leuer,il crioit aùx attouchemens rudes, de la douleur qu'il fentoit en
fes membres. On le condamna a eftre bruflé à petit feu cn la place de Greue:à laquelle
eftant mené,paffa deuant la maifon de fon pere.Les ennemis de la vérité furent efton-
niz de la confiance qu'eut ce tant admirable feruiteur & tefmoin du Fils de Dieu,&en
la vie &: en la mort»
I C O L A S Valeton ,receueur de Nantes en Bretagne, cÔmençant de
veniràlacognoiffancede l'Euangile par le moyen d'aucuns bonsperfon-
nages qu'il hantoit,& par la lecture du nouueau Teftament en François:
voyant la grand' pourfuitte qu'on faifbit,&: |jue Morin (auec lequel il auoit
eu different)auprochoit de fa mai(bn,commanda à fa femme de faire ofter de fa cham-
bre le bahus ou eftoyent fes liures : Se cependant alla au deuant du danger. Elle ef-
frayée de fon cofté,ietta fou4ainement tous lefdits liures dedans les priuees,cnfemble
d'au-
^Martyrs en Artois Toitfou. êz
d'autres papiers qui y eftoyent, en forte que le bahus demeura vuide. Monn eitant en
tré , enuoya Valeton en prifon, & commanda qu'il fuft eftroitement gardé : puis ayanc
fouillé par tout,&: n'ayant rien trouué, apperecut ce bahus vuide. toutefois il ne s y ar-
refta pour l'heure, tant il auoit d'enuie d'interroguer Ton pni'onnience qu'ayant fait, &c
ne fc trouuant aueunes charges & informations contre luy , penfa qu'il y falloit procé-
der plus finement.&: qu'autrement,leReceueurferoit homme pour luy garder adon-
ner de la peine, parce qu'il eftoit homme d'efprit &C de credit.L'ayant donc interrogué
derechef fur le faid du bahus , & rien profité:il alla fbudainement vers fa fem me , à la-
quelle il fit tant de demandes &c fi cauteleufes&:fubtilcs(ioint qu'il afleuroit que fon
mary auoit confeffé le coffre eftre celuy où il mettoit fes liures & papiers fecrets ) que J/a^f°"
celle îeune femme peu aduifee , fe fiant en la promeiîe &: ferment dudit Morin , que °nn'
fon mary nauroit aucun defplailir(moyennant argent par elle offert &promis)luy def-
couurit la vérité du faid. Les liurcs eftans retirez promptemét hors des retraits encore
qu'ils ne fuffent défendus, Morin le fit trouuer fi mauuais au Roy,qu'il commanda qu'-
on le fift mourir, d'autant qu'ayant ainfi fait4€«er fes liures , il eftoit fufped d'herefie,
A quoy la Cour de Parlement obtempéra tref-volontiers. &: fut ce perfonnage mené à
la Croix du tirouer,& là bruflé vif du bois pris en fa maifon.il monftra vne grande con-
fiance &C fermeté : ce qui fut trouué admirable des gens de bien , d'autat qu'il auoit en-
core bien peu d'inftrudion. ^Ce mefme iour par to9 les autres quarrefours de Paris ac-
couftumezà faire exécutions, furent aufh bruflez pour la mefme querelle plufîeurs
fainds perfonnages, ainfi que le Roy paflbit en proccffion générale , pour ce ordonnée
en grande folennité, où affiftoycnt les Enfans du Roy auec toute la Nobleffe , pour ap-
paifer (ce dilbyent-ils ) l'ire de Dieu : oupluftoft&: à la venté pour luy dédier &C confa-
crer ces bonnes ames en facrifice de bonne odeur,
lî^^^EAN DV BOVRG, marchant de Paris monftra en cefte perfecution M* D-
WtM SHu quelle cognoiffance de l'Euangilc il auoit reccue de Dieu: c'eft affauoir fer- XXXUIi»
me> ^ ronc^ce nir ^c rocner °iin c& Icms Chrift : car ne bien ne parentage le
,jfjj§j leut onques diuci tir& efbranler de la vérité. Son logis eftoit à l'entrée de la
rue faind Denys,à l'enfeigne du cheual noir, faifant eftat de marchandée de drappe-
ric. Il fut br\iflé aux Halles, lieu publique de Pans.
ENRY POILLE eftoit du nombre de ceux qui moururent confias en
la fureur de cefte perfecution. C'eftoit vn pourc m afîbn,d'vn village près de
Mcaux en Bric , qui auoit eu la cognoifîance de la venté en cefte efcole de
Mcaux, à laquelle l'euefque Briçonnet, en fon temps auoit donné le»com-
mel^ernens, comme il a cfté touché cy deuant en l'hiftoire de laques Pauanes. Sa per-
feuerance èc entière confeilîon de la vérité fe monftra au dernier fupplice. La langue
luy fut percée &: attachée auec vn fer à la iouë qui luy fut opuerte en cruel §c horrible
fpedacle, pour l'empcfcher de parler au peuple,
jSTIENNEDELA FORGE eftoit natif de Tournay: te relîdent de
'longtemps en la ville de Paris, exerçoit en icellel'eftat de marchandife en
[grand' afnuence de biens &C benedidiondcDieu: de laquelle iln'eftoitmef-
^Jcognoiffantjn'ingrat, Car outre ce que fon bien ne fut oneques efpargné LaF Jharité
auxfpoures, il auoit en hnguliere recommandation l'aduancement de l'Euangile, iuf ac h Forge
ques à faire imprimer à fes defpens liures de la fainde Efcriture,lefquels il aduançoit Se
mefloit parmi les grandes aUmofnes qu'il faifoit.ÔÇ ce pour inftruire les poures ignoras.
Sa mémoire doit eftre bénite (dit Iean Caluin au liure contre les Libertins aii4.chap.)
entre les fidèles, comme d'vn vray Martyr de la dodrine de Icfus Chrift : laquelle il li-
gna par fa mort qu'il endura par le feu au Cimetière faind Iean , peu de temps après
les autres, pour vne mefme caufe de l'Euangile.
On en pourroit ici reciter plufieurs autres que la tempefte de cefte perfecution des
placars cmporta:comme vne maiftrcfTc d'efcole communément nommée la C a t e l - La Cateile
l e , qui fut bruflee viue en la place qui eft au bout de la rue de la Huchette , en ladite "^"p
ville de Parisrmais outre les noms & la mort qu'ils ont endurée, nous n'auons certain d *co,fc
tefmoignage de leur foy & cognoifîance,
o.iiii
liïùrtjrs ên Artois & Toiftou.
Qiipquil-
iard.a Bc-
lançon.
M. D.
XXXIIII.
Laine ado-
rée pour
Manne en
la cité d'-
Arras.
^Av c vn s ont attefté, qu en ce temps vn nommé Qv^o qjiilard,po
mefme doctrine fut degradé,&: qu'il endura la mort conftamment en la ville de
çon au conté de Bourgongne.
iour cefte
Bczan-
NICOLAS L'cfcriucnt. I E A N de Pois. &ESTIENNE Bourlct.
CES trois ont foufFert la mort en la ville d'Arras.pour auoir manifefté les abus & lourdes idolâtries
jnueterces au pays d' Artois.
i A ville d'Arras capitale &c Epifcopale du pays d'Artois eft diuilee en deux
parties,aiTauoir ville &; la Citédefquelles par partage &accord iadis fait,ont
Jdes fain&s nouueaux &c reliquaires d'idolâtries particulières &fpeciales que
jles autres nations ignorent. Ceux de la Cité gardent &; adorent pour Man-
ne descendue du ciel vne Laine qui tomba iadis auec lapluye après longue & grande
îecherc/fe : à laquelle Laine ils chantent cefte antienne fort à propos, Comme iadis la
pluye defcendit fur la toifon pour fauuer le genre humain,&:c. Ceux de la ville ont vne
chandeille qu'ils nomment Saintte,à laquelle ils font telle reuerence côme iadis les E-
phefiéns à leur Diane. Elle a fa chapelle au beau milieu du petit Marché,où elle eft ré-
clamée &c adorée auec vne confrairie qui fe nomme des Ardats dediee à icclle par ler-
ment de la garder inuiolablement,&: ce pour la perfuation que les poures idolâtres ont
que ladite Chandeilleeftant enuoyee du ciel, ne s'vfe ne confume en bruflant. Enui-
ron ce temps,aiTauoir m.d.xxxiiii. aucuns de ceux qui eftoyent commis à la garde
de cefte Chandeille, ayans quelque petit fentiment de vraye Religion,defcouuriret les
myfteres,&: l'impofture qui fe commet à l'entour d'icelle. Les patrons &: aduoeats de
cefte Chadeille, ne pouuans porter la vraye lumiere,efmeurent grande perfecution en
la ville-.tellement qu'aucuns furent emprifonnez qui n'auoyét cognoifTance finon des
plus lourds &: grofliers abus que Ion peut voir & toucher à la main,comme de l'eau-be-
nite ôc femblable fatras. Il y en eut d'autres qui furent aufti appréhendez en cefte per-
fecution, leftniels eftans interroguez despoin&sde lado&rine Chreftienne,fcuftin-
drent la vérité & authorité d'icelle.
Nicolas furnommé l'Efcriuent, pource qu'il tenoitefcole d'efcrïture, cftoit na-
tif d'vn village près de Pas en Artois,hommc de bon eiprit &: bien iriftruid aux fainftes
Lettres: IeandePois natif de la villed'Arras,&: E s tienne Bovrle t cou-
fturier, de Beuury au diocefe de Tournay , ayans receu grande inftru&ion dudit Nico-
las, furent confirmez en la doctrine de TEuangile. Ces trois eftans emprifonnez pour
vne mefme caufe, receurent enfemble fentence de mort : &: par icelle la couronne de
martyre, l'an m.d.xxxiiii.
m. D.
XXXIIII.
MARIE BECAVDELL E,Poiaeuine.
A R I E Becaudelle, vulgairement dite Gaborite, natiuc des Eflârs en Poi-
, 6tou, reiîbrt de Fontenay le Conte , fut enfeignee en la vérité chez vn mai-
gre qu'elle feruoit en la ville de la Rochelle. Ellereccut en peu de temps
telle inftru&ion en la do&rine de l'Euangile , qu'après auoir JaùTé le feruicc
de iondit maiftre, cftant de retour audit Eftars , ne douta de remonftrer à vn Cordelicr
qu'il ne prefehoit point la parolle de Dieu, laquelle chofe elle luy monftra par paffages
notoires de la fain&e Efcriture. Le Caphard eut defpit ^vergongne d'eftre repris d -
vne femme : mais il vfa de dillïmulation, afin de faire relater à cefte femme fon propos
lors qu'il auroit quelques tefmoins prefens.Ce quelle ne refufa de faire:mefme elle luy
mit au deuant le iugement du Seigneur, s'il perfeucroit à faire outrage à l'Euangile du
Fils de Dieu. Cefte femme fut fubit appréhendée &mife enprifon: &toft après con-
damnée par la iuftice de Fontenay à eftre bruflee . Laquelle condamnation eftarit
confirmée par areft du Parlement de Paris, Marie amenée au dernier fupplice, en-
dura la mort audit lieu des Eftars, en telle vertu , qu'elle fut en admiration: l'an m.
p. XXX mi.
PIER-
PIERRE G A V D Ç T» à Pcnay en Sauoyc.
il O T E au rccit de ce Martyr, le commencement de PEuangile en la ville de Geneue.
E N E V E cft prefque fituee au milieu de tout le pays de Sauoye, & a beau- Xxxv '
Jcoup foufFert auant qu'elle foit paruenue d'obtenir la reformation del'E- La refor-
iuangile: après auoir efté deliuree miraculeufement de la domination des m«ionde
'Preftres& Moines. L'anduSeignèur m. d. x x x v,M. Guillaume Farel& GcDC"c-
autres miniftres auoyentia femé enicellela vraye dodrine du Fils de Dieu, non fans
grande difficulté & trauail incroyable. La reformation &: eftabmTemétde la vraye Re-
ligion , fut aprçs ladite fôrtiedcs Chanoines,quand lefeigncur Pierre de la Baume lors Pierre de la
Euefque,(ecrettement quitta & abandonna ladite Cité. Lefdits Euefque &: Chanoi- J *"™cJg
nés eftimans cefte reformation de dodrine eftrevntumuke&volont© populaire qui Geneue/
feroit de petite durée, fe paiiïbyent de vaine efperançe que bien-toft la chance retour-
neroit:& ne ce/lovent cependant par leurs adherans , molefter en toutes fortes qu'ils
pouuoyent les citoyens &habitans de ladite ville. Surtout ilycutvne maudite fede Lafeaedes
des Penairos ou Penayfans,qui eftoyent de la faction de rEucfque,ainiï nommez à eau- Pcnayfan!ii
fe du chafteau de Penay, qui eft fous la iurifdidion de ladite ville, auquel s'eftoyent re-
tirez tous ceux de ladite fede , pour perfecuter ceux qui tenoyent le party de l'Euagile<
Plufieurs furent grieuement affligez: entre leiquels vn nommé Pierre Gaudet,natif du
Val de Gallie près de Saind-clou lez Paris,y laifTala vie en grand tourment &: martyre.
Il s'eftoit retiré du pays de France en ladite ville auec fa femme, l'an m. d. x x xiiii,
ayant quitté l'ordre de ceux qui fé difent Cheualiers de Rhodes. Vn fien oncle,Com- Je°ummdaQ"
mandeur de Compefïeres, qui eft diftante de Geneue enuiron vne lieue , eftant marry côpefîcre*,
que ce Pierre fon nepueu s'eftoit retiré en ladite ville , ne cclTa par fes menées, iufqucs
à cé que par belles prome/Tes l'ayant fait venir hors de Geneue , le vingttroifieme iour
de Iuin fut appréhendé par les traiftres dudit chafteau de Penay. Or après auoir efté
enuiron cinq iours audit chafteau en grand tourment, fouftenant le party de l'Euan-
gile: finalement fans autre forme dç procez,mais par force &C rage de brigans fut bruflé ^"^p
vif par long tourment de feu. Dieu luy donna force &: conftance de ne varier pour les Gaudet.
tourmens qu'ils luy firent & réitérèrent fort cruellemét à plufieurs fois. L'inuocation
du nom de Dieu luy donnoit allégement en ces afprçs tourmens , de forte qu'il rendit
vne ame bien-heureufe au Seigneur.
ÇQMMENT ïyuroye des ^fnahaptiftes fut premièrement femé^ s'eflem en
ce temps parmy le blédeÏEmngile.
E n'eft d'hier ne d'auiourdhuy que Satan par fes fuppofts feme mefchgnte
zizanie au champ du Seigneur pour eftouffer la bonne femence , lors piin-
jcipalement qu'elle commence deiïa à nouer & monter en tuyau. La fede
pernicieufe des Anabaptiftesa fort troublé les Eglifesoùl'Euangile eftoit
nouuellement annoncé : car d'vne part elle a rendu les fimples douteux &: incertains,
&: d'autre coftç la.predication de la vérité fufpede &c odieufe aux ignorans. Elle a ren-
uerfé en fomme tout ordre de Police,tant ecclehaftique que ciuile.Ses fectateurs nom-
mez Anabaptiftes ont cela de fpccial par delTus les autres heretiques,qu'ils font diuifez
non feulement de fedes &:aiTemblees,mais auiîi on trouuera entr'eux autant d'opiniôs
diuerfes 6c eftranges, qu'ils font de teftes. Leur commencement fut enuiron l'an m . d . Le c5men-
x x 1 1 , lors qu'vne multitude d'hommes mutins fcfeditieuxs'efleuafpecialement aux <*mem de*
quartiers de Saxe vers la riuiere de Sala,entre lefquels le principal eftoit Nicolas Stork. ^cnabapçu
Ils fongeoyent des fonges,& difoyent que par vifions ils parloyent familièrement auec
Dieu:& prefchoyet tels fonges pour véritables â leurs difeiples:c eft allauoir , qu'il vie-
droit vn nouueau monde auquel iuftice habiteroit : que pour cefte caufe il faloit ex-
terminer de la terre tous les mefchas,auec leurs Princes & Magiftrats "infîdeles.Dc ce- " Us appe-
fte efcole eft forti Thomas Muncer , lequel s'eftant fafché de là prédication de l'Euan- |°sy<flu'nfi(k
jgile commença de publier cefte nouuelle dodrine. Le dodeur Baltafar Hubmor,Mel- n eftoyenc'
chior Rinc,Iean Hut,Iean Denk,Lodouick Hctzer & autres femblables, fe vatans qu'- de kur fa
ils deuifoyent familièrement auec Dieu,ne tafehoyent que mefdire &c detrader des mi- dl°a*
niftres de i'Euangile,^: des Magistrats, ejtirnans que s'ils pouuoyçnt anéantir ces deux,
L'mr^jlL Çommervt> la zj£ani^j dei aAnabaptifle*
ordres hors de l'Eglife de Chrift,les loups le pourroyent fcuremét ietter fur le troupeâU
&: le defmembrer. Ils auoycnt quelque apparence dcuanc les hommes , n'ayans en la,
bouche que charité,foy,crainte de Dieu., mortifîcatiô de la chair>&: la croix:qui eftoyct
les couleurs defquelles ils fe fardoyent pour abufer les limples . Muncer auec fon en-
ragé Phifcr mena ce train lors que l'an m.d. x x v, les pailans &: laboureurs eftoyent
en armes en Suaubc &: Franconie , iufqu'au nombre de quarâte mille. Or, de la mifera-
ble nn deldits Muncer &: Phifer,&: de la l'édition des Ruftiques, il n'eft befoin d'en faire
Voyez le v. jCy recit plus ample, mais auoir recours aux hiftoriographes de noftre temps qui en par-
sieldàn" * ^cnt amplement. Nous toucherons icy feulement ce qui appartict à l'hiftoire Eccleii-
aftique,àfauoir commet ce leuain des Anabaptiftes troubla les reformations des cgli-
fcs.Côbien doc que Muncer auat qu'eftre exécuté par iuftice,ait recognu & confefîé fa.
faute &c fon crrcur,ce neantmoins fes difciples après famort efparsça & là, femerét fes
reueries&: les hures De la parolle de Dieu fubtile non eferite: Des vifîons &:reuela-
Zurichaffli u°ns:De la cômunauté des biens,&: D'cftre baptifé derechef. ^L'Eglife de .Zurich fuc
gecen fon ' fort troublée par telle manière de gc ns, aufqucls la refermation en ladite ville encom-
comn.éce - mencee defplaifoit, comme imparfaite & peu fpintuclle à leur gré. Us accufoyêt Zuin-
înal»pt.,tS principal miniftre en ladite eglife, de ce qu'il ne s'employoix pas comme il apparte-
noit à reformer fpirituellcmcntl Eglile:ô<: partant requeroyent d'cftre feparezdes au-
tres pour afîémbler vnc pure c glife de ceux qui auroyent l'efprit de Dieu. Zuingle leur
remôftra que telle feparation eltoitdu tout fchifmatique,&: que les Apoftresdefquels
ils pretédoyent rcxcmple,ne s'eftey t nt enques fegregez , linon de ceux qui eftoyét en*
nemis manifeftes de l'Euangile. Le magiftrat de Zurich fur ce différent ordôna vn col-
loque amiable aux deux parties:auquel les Anabaptiftes furent du tout conuaincus de
leurs erreurs. Et voyans que par difputes ils ne profîtoyent rien ( combien qu'ilsfuiTcnt
portez de plulieurs qui defîroyenr voir la vérité opprimee,afin que la Papauté fut refta-
blie)commencercnt lors aux enuirons de la ville plaider leur caufe,de manière que les
vns receints de cordes, les autres de liens de faulx alloyet par tout cnans,Maledicl:ion à
Zurich la ville rebelle,qui doit en bref eftre fubmergee;Faites penitéce,La coignee eft
mile au pied de l'arbre. Le Magiftrat voyant ce defordre, emprifonna plulieurs de ces
xnutïs,& chaftia les plus rebelles $c coulpables. Sur cela, ils accufoyêt grieuemét Zuin-
gle,difans qu'il leur fermoit la bpuche par l'authorité du Magiftrat,côme s'il euft voulu
l'errer &: cftouffer(ainfi parloyent-ils)la vérité en la gorge de ceux qui Juy refiftoyent. A
la requefte 'donc dudit Zuingle & de pluficurs bons Miniftres, le Magiftrat publia vne
difpute publique & libre, en laquelle tous les fubicts de lafcigneune deZurich furent
conuoquez à cefte difpute,afîn de monftror qu'on ne vouloit fermer la bouche aux ad-
uerlaires fans eftre ouys. La difpute doc fut afîignee au 6. de Nouembre 1 515. àl'hoftel
de la ville deuant tout le Senat,&: quatre notables & fauans perfonnages ordônez pour
ioachimVa prelider:dont l'vn cftoit Ioachim VadianconfuldeSaingal. Audit iour,cômc vnc par-
deSabgâj tic<^es Anabaptiftes commençoit à dil"puter&: oppofer cotre les articles propofez par
le Magiftrat, il y eut vne faction d'entr'eux qui s'eferia à haute voix,Sion, Sion, refiouy-
toy, Hierul'alc m, &:c. Incontinent vn bruits elleua fi grand que la difpute fut remife au
grand temple le y.&c 8. iour dudit mois de Nouembre. Il y eut vn de ces ruftres lequel
s cftant perfuadé qu'en adiurant Zuingle il le feroit aduoUër l'Anabaptifme, priainfta-
mentd auoiraudiencermais fes autres compagnons ne levouloyent permettre. Tant
y a que finalement il le gagna,&: s'eferia en cefte façon, Di moy,Zuingle, le t'adiure par
le Dieu viuant que tu me die verité,&:c.Ouy vray ement(dit Zuingle,le coupant court)
le te di que Meilleurs not point de plus feditieux ruftique en toute leur terre , que toy.
Le poure A nabaptifte qui n'attendoit vne telle refponfe, deuint fi eftonné que tout la
peuple qui là'cftoit,efmeu de rire, départit de là chacun en fa maifon.La difpute finie,
tout le peuple déclara deuant le Sénat qu'on leur auoit fatisfait de la part de la vérité ,
Mais aux Anabaptiftes perfeuerans en leur obftination , commandement fut fait d'a-i
quief'ccr. vnc grande partie d'eux n'en tenant conte, fut mife en prifon. Et nonobûant
leur rébellion le Magiftrat publia le l'ommairc de cefte difpute auec areft& lettres d\
ordonnance contre cefte maudite &: dcteftable fede,du penulticmede Nouébre 1 Jiç,
^ Ce feroit chofe trop longue de reciter ici ce qui fut fait aufli contre Baltafar Hub-
Hubra^ie'1/ mor Pacimontam'cy deuant nommé, lequel eftant miniftre de l'Euangile , fut mifcra-i
" mc,cr' blementfcduit de cefte fette. Il fe dédit publiquement à Zurich ,1e tf.d'Auril 1516. &C
depuis
a trouble le commencements des Eglijh reformée*. $4.
depuis à Groninguetmais retournant toufiours à fon vomiifemcntfit degrans maux fi-
nalement en Morauie. ^ Au mefme temps les Anabaptiltes troublèrent au/Iî l'cglifc
de Balle, Cv alîaillirent de mefme façon IcanEcolampadeprincipalmjniftre en ladite UOubiec
ville, où eftans amenez en difpute amiable furent côuaincu s de leurs erreurs: de laquel d« Anaba.
le difpute les actes loints aucc l'ordonnance des feigneurs de ladite ville furet aufïï pu- "ftes"
blicz&: mis en lumière. ^En vn mefme temps deux docteurs de celle maudite fecte, Le
ci deuant nommez, Ican Denk &: Lodouick Hetzcr, feduirent tellemet vn minillre de nre L\è .'v
Vvormeslacob Kautzi, qu'il publia des conclurions d'Anabaptifme, lé vantant de les mwfoiiii:,
vouloir fouftenir partout.&: ainfi ce A*rf«f^/deuint ce que fon furnom lignifie , alfauoir
Chat-huant, ou Hibou treshideux. les Miniftrcs de Strafbourg pour lors refpondircnt
à fes conclufions. ^Derechef l'an 1 519. ceux de Balle eurét grolfe difpute contre neuf
Anabaptiltes, lelquels furent côuaincus de leurs erreurs fort pernicieux: maisauffi de-
meurèrent obllinez,car ce n'eu: iamais fait aucc tels côtentieux &obftincz hérétiques.
Le s choies qui furent faites par ceux de cède fecte prefques au mefme temps en la
ville de Saingal au pays de SunTe, font fi horribles &hideufcs quelles font drellér les
cheueux en la te lie. C cft dedeux frères fortis d'vn mefme ventre, Thomas& Léonard
Schykcr habitanspresdela ville au mont nommé Mullcg. lefeptieme deFcurierl'
an 1 jzé.s'aifembla furie foirenlamaifondeleurperc vne compagnie d'Anabaptiftes, i~ frerc
lelquels parlèrent toute la nuicl à prefeher ,àfaire des geftes merueilleux ,&reccuoir dceapicc
des vilions. Au (bleilleuant, qui eftoit le huitième lourde Feurier, Thomas printfon '
frere Léonard, &: le mit au milieu en la prelence des païens , 8>c de tous les autres , luy
commandant qu'il le rnift à genoux. Or comme les autres l'admonneftoycnt de le gar-
der de luy faire quelque choie non côucnable:il refpondit qu'il ne falloir rien craindre:
car il ne fc fera rien ici linon par la volonté du Pcrc. Cependant defgainant l'efpce , il
coupa la telle à fon frere qui eftoit là à deux genoux. Or tous les autres furent faifis de
grande frayeur,& firent de grandes complaintes & lamentables. Thomas qui auoit fair
ce meurtre, foudain s'enfuit droict à la ville, n'ayât que fes chauffes &: fa chemife, vfant
de geftes &: de maintien fort horribles, comme ont accouftuméde faire les Enthulia
ftes. En ce teps M.Ioachim V adian cy dclTus nommé,Conful de ladite ville de Saingal, Mioachitn
homme excellent &: renommé en doctrine &: pieté, eftoit prefent quand ceft Anaba- Vadua-
ptifte(apresauoircrié efpouantablement : Lciourdu Seigneur cft prclènt, Leiourdu
Seigneur vicnr)il adioufta quant &c quiit, qu'au matin de ce iour-la,grâd' chofe auoit e-
fté faitc(ncantmoins il nexpnmoit pas le meurtre)&: que la volonté du Pcre eftoit ac-
complie, ayant elle abruué de fiel &c de vinaigre. Le Conful le reprint >&: le tança
griefuement, àcaulede fahircur&idcles crisimmoderez, luv commandant defe ve-
ftir,&: s'en retourner en fa maifon,&: fe porter pailiblemét. Soudain fon maurtre horri-
ble eftant diuulguc,ftit appréhendée après informations furfilantes, il fut mis à mort
&: exécuté parle Magiftrat. Q11ieft.ee qui ne voit que celle iéctceft vn vray abylme
de toute infection &: exécration ? ^ Il s'eft trouué vne femme à Appâte! , au pavs de Chofdior-
Suilfe,laqucllcen(éignoit&:perfuadoit à beaucoup de celle fecte qu'elle eftoit Chrift ribled'Vne
& Mellias desfemmes,&: eflciit douze Apoftres: cho(c,ccrtcs, qui cft autant honteulé fe^h cftïe
& infâme que monftrueufe&: abominable. ^"Ccfte pelle infedaaufii les terres des le MdCus.
Seigneurs de Bcrnedefquels au cômencement de l'année 1 5i8.trauailleret grandemét beune,
à en extirper la femencepcrnicieul'c. Le 11. de Ianuiertous ceux qui en eftoyent enta-
chez, furent citezà cris publiques, fous alfeurance de fauf-conduit, à comparoir deuât
le Sénat pour debatre leur caufe deuant gens lauâs conuoquez de plufieurs parts, pour
les ouir &: conuaincre . Depuis alTauoir l'an 1 5 3 1 .autre difpute fut tenue en la mefme
ville de Bernc,contre vn des principaux de la fecle nommé Piftormaior,lequcl miracu-
leufement conuerti,delailTa à bon efeient tout ceft horreur de l'Anabaptifme.la difpu-
te en a efté publiée &mife en lumière. ^L'année enfuyuante 1531, au mois de Iuin les
mefmes Seigneurs derechef rirent publier leurs patentes en celle fentenec, Afin que
nul fepuhTe plaindre ou dn^ qu'aucune vérité foit opprimée non ouye , nous ordon-
nons vne difpute en noftre ville de Zofinge en A rgouc , au premier de Iuillct,à tous A-
nabaptiftes quiconque foyent-ils:&: ce fous noft: e fauf-conduit,&c. Cefte difpute dura
neuf iours: en laquelle on traita premièrement des luges de la difpute:puis De l'enuoy
des Anabaptiftes,àfauoir s'il eft de Dieu: De l'eglife: De l'excommunication: Du magi-
ftrat: Du ferment: Des prefcheurs,&; miniftere de la parole de Dieu: Du Baptelme. Les
L/'^ro //. gomment; la %ji2L>anic~> des ^Anaba^tïïles
notaires de celte Llifpute recueillirent fidèlement tout le colloque, & depuis a cfîrc pu-
blie pour ddcoimrir les cireurs de celle lede fanatique . ^ On pourra aulîi monllrer
en ion lieu comme les premiers fondemes des eglifes reformées à G e stïi,Ntvr-
c h a s t ! i &: autres heu: itellc pareillement affaillis par celle racaille d 'héréti-
ques , (ans que toutefois il ï) ent peu aucunement elbranler , tam en eftoit lappuy
ferme au Seigneur.
Sawn ut O R Satan fc l'en tac par trop cognu en ces quartiers de 1 1 leluctic>&: comme debou-
tA'S^0 té de ce qu'il auoitcnrieprins, vint tendre fesfillcts en ta bafle Alemagne,& es quar-
tiers de \ ïoiiande-.tcllcmct que d'hipo< rite qu'il le monftroitdu comcnccmcnt en ces
liens fiq poils, il deuint félon , ho: îible- , &i du tout démorde. Qui cft celuy qui eult ja-
mais penfé ou oie croire que de créatures portans figure humaine il fc {bit ainliioué,
l'an 14J4.& ; s <) à Munftre ville principale deVvcftphalic, de les auoir tramez comme
fanâtes .1 toute vilcnic,pollution& d'elprit 6c de corps:a taire chofestatabfurdes 6c ex-
écrables: Je laiiîe aux hillonographes t n ceci leurs pleines narrations, t\: toucheray ce
qu'aucuns d'eux ont [Mile fans le noter. Ces mal heureux Anabaptiltcsdu commence-
ment ne parloyent que de 1 efpritfiJ de iainctctc:ils fouftenoyent qu'il n'clloit licite au
Chreilicn d eftrc Magiilrat,&: qu'il n'elloit licite de porter arme s:if avans encores rien
côquis ne mis fous leurspattes : mais après eftre paruenus a leurs delléms : 6c auoir mis
ladite ville en tcldelordrc que ïamais pareil ic trouua : lors reietrans toute feintife ,1e
l'ont difpcnfez& donne licence de pre ndre les armes, le failir de la maifon de- la ville,&:
e line vn Magiilrat àleurpoftc , reiettansceux qui eftoyent ordonnez de Dieu, pour le
faire- eux-mefmcs Confuls 6c Sénateurs. Qui e il-ce qui pourroit exprimer l'horreur de
leurs dcteftablcs prophéties: De la pollution du i'amcl Mariage, y introduifant vne po-
ligamie li horrible: 6c tout parles reuclations frénétiques de quelques clceruclez,pour
faire d'vn coullurier Hollandois nommé Iean Becol de Leiden,vn roy trelglorieuxi Ils
du R< y'X cr'oycnt au commencement contre toute pompe, 6c s'ils voyoyent quelcun porter vn
Munitrc. peu de foye ou de vclouXj ou ii vn Sénateur ou homme d'eftat portoit quelque anneau
ou ligner d'or, ils crioyent fans mefurc cotre ccla.&: voici leur Coullurier roy glorieux,
monte en vne pompe plus que royale , n'omettant rien ne luy ne fesgc ntils-hommcs,
qui peut feruir à tout dcfbordcment. Le titre de fes armoiries ciloit , Le Roy deit nouttcHe
lerufilcm , A*rr deiujlkepar tant h monde La pompe de fa principale femme ( car il en auoit
pluiieurs toutes enfemblc ) elloit pareille à la lienne. Ses fcruiteursvellns de vcrd,cn
bordures de couleur brune,&: fur la manche il y auoit vn monde auec vne petite croix
dcilus& deirx ci'pees tout au trauers. 11 auoit ion thronc hautefleue en la place, auquel
on motoit à trois dcgrcz,& tout ciloit orne cnor&: pierres precieuies.Le s procez pour
T> leiquels on venoit à luy eftoyent la plulpart pour les fcmmcs,&:lcs diuorces qui cftoyct
b..»t rus ordinaires. ^"E t afin que tous fidèles entedent que celle maudite feele ne s'eil pas feu-
d'AmAcr- lement defbordec vue fois ne deux, ou en la ville dcMunftrc fculemét , mais toutes les
fois qu'elle a peu. i'en reciteray quelque autre hiiloire ele cemefme temps. Lambert
Hortenfe au liure Du tumulte Anabaptifrique, dédié au Sénat d'Amftcrdam, entre au-
très choies , dit , L an 153 j.Sc letroiliemede Feuricr en la ville d'Amftcrdam en la rue
des Salines, en la maifon de Iean Sibert,quilors ciloit loin de fa maifon, s'aflemblcrcnc
,, des Anabaptiiles fept homes 6C cinq femmes,cntre leiquels il y auoit vn nommé Thé o
m Tlucrri dore Sartor,lcejucl lut la inipiré,&: ié tinft cftendu tout plat fur la terre quelque téps dc-
Couftuncr uan£ jcs JUrrcs frères 6c fecurs: lequel à la parfîn fc rcfueilla,& la prière eftan traite auec
" grande granité, ou plulloil belle hypocriiie,il dit lors, qi «il auoit veuDicu eniamaiellc,
" voire toutes choies qui font és cicux& es enfers ,6c que le grandiourdu iugemenre-
" iloit prei'ent. Apres cela il le deueftit de tous fes vcftcmcns/ansnen referucr pour cou-
urir les parties honteufes de ion corps. Sur ce prétexte il commada aux autres frères 6c
p"tesfe de ^œurs clli a ^on exemple ilsfc deueftifient tout nudsxar il faloit que les enfans de Dieu,
fpouillcnt difoit-il , defpouillaltent tout ce qui ciloit fliit 6c nay de terre, En après, attendu que la
toutnuds. venté cil nue, elle ne peut endurer d'élire enueloppee d'aucune chofc.-ainfi ilfaloit qu'-
eux , pour eftrc véritables 6C vrais , fuifent deueftus 6c defpouillez rous . Ovans cela»
incontinent ils fc defpouillcrcnt tout nuds, n'eftans aucunement honteux. Théodore
leur commanda que tous leluyuiffcnt. Il fauta hors delà maifon en publictoutnud,
&c les autres hommes 6c femmes en ce poincLle fuyuircnt, criansd'vne façon horri-
ble: Mal-heur, mal-heur, mal-heur ,1a diuine vengcance,&c. en ce poincl ils couroyct
furieiu
a troublé le commencements des Eglifes reformées. S /
furicufemct parmy la ville ainfiqu'enragcz,criar.s autant hideufemec qu'on ouy t on c-
ques.Et corne les bourgeois couroyët aux armes, ne fâchas fi la ville cltoitfurprifed en
nemis,où q vouloir dire ceftecfmcute, on printeesges impudents tout nuds. On leur
préféra des vcllcmcs, mais ils les reietterent, difans qu'il epuenoit q la vente fuft nue.
Apres q ceux de la Iullice curêt fuffifammêt cpgncu de leur eau le, fur la fin de Feurier,
les fept homes furet menez au fupplicc.Lc premier d'eux enoti, Louez toujours le Sei-
gneurie fecô d, Vcge le fang des tics, Seigneurie troifieme,Ouurcz les veuxdc quatrie-
me,Maledicti6,maledictio,&c.Les femes en après furent aulîi amenées au fupplice en
trille lpcftaclc.Qui elt-ccqiamais ouït parler d'vne telle impudêce,ou pluftoll d'vne ra
ge fi erfrenec. Ily eut iadis vne fecteq fenomoit desAdamites,lefqls aulîi alîoyct nuds, Ljfcfte<^î
&c'eltoit leulemct entr'eux, Se ésiours de leurs fcllcs.mais ceux ci les outrepaifent de Aaanmts-
beaucoup. Etq clt-ceq pourroit reciter les feditiôs&tumultcs q ces Anabaptilies ont
efmeus en autres lieux du pays de Hollâde,par leurs luppofts,&: difciples attendes la re-
(tauratiô du royaume à Ifrael? Quelqu'vn a côfeifc,preile par tormëts citant prifonnier Notcz fc'
en Lciden ville de Hollande,que le roy des Anabaptilies en ce teps hsbitoit à Vltrect:
mais qu'il n'eltoitpas encores courÔné,ains feulemétcitoit deligné Prince du rcçned'- Anabapti-
Ifracl. Iceluy prifonnier , fut trouuc fai/i non feulemet de grâd nombre de vai/felle d'or ft"'
Se darget qui eiloyét fultraites par mefchâtes pratiques: mais aulîi chargé d'autres cri-
mes horribles pour lefquels il fut exécuté. Etn'yadouteq parce Roy îln'cntedilt Da- Les c6mcn
uid George , duquel l'iiTue horrible lera cy après déduite en fon heu. ^Voila les Dau'ilTce-
beauxcommcnccmens&rorigine de celte fecle. lemelme cfprit qui a pouiîé ceux- orSc«
la, cil encore auiourdhuy:& n cil pas deuenu meilleur ne plus humain qu'il clloit alors,
comblé que deiouren iourles Anabaptilies qui font venus depuis, fe foyent delguifez
en toutes les façons du monde. Ils ont en fomme édifié la tour de 13abel,&: Dieu a con-
fondu leurs langues, de forte qu'ils ne s'entendent plus fvn l'autre. Se font diuifez , tel-
lement qu'ils fc font pnns à excômunicr&: condamner rvnl'autre,& faire aflemblecs à
part:defqucllcs (de peur d'émiyer les lecteurs de tant de diuci litez de fe&cs) ie n en no-
me ray ici feulement que quinze de nom. En premier lieu, il va Thomas Muncer leur Quinze fe
premier perc, auec fa bande. Puis en fecôd lieu après il y a les Anabaptilies Apoltoliqs, nabapcjfte»
vagans Se fe fourrans ça Se là. Les Anabaptilies fpirituels feparez du monde. Les Ana-
baptilies faincts Se fans péchez, ce font les parfaicts. Les glorieux Se triomphas Anaba-
ptilies de Munllre.Les Anabaptilies laifans filcnce.Lcs Anabaptilies prians,&: fe fians
du tout en Dicu,rciettans tous moyens ordinaires. Les Anabaptilies Enthulialliques.
Les gros ou Anabaptilies baudets & libres. Des frères Huttites. Des Anabaptilies Au-
guftîns. I )e Mclchiur HprFman,&: les Mchcrladrs. Et fïnalemét des Mennonites de no-
llre temps, Se des Franquiftes, lefquels fefont auflidiuiléz» ^Nc voila pas d'vn mauvais
arbre beaucoup de braehes en peu de temps? ne voila pas les fruicls du plat de Munftrc
Se d'Amllcrdam ? Que fi maintenant, ô Anabaptilies, vous alléguez que vous ne tenez
ceux-là pour Ircrcs. le refpon que vous ne différez en rien quant au principal de voftre
doctrine: car vous l'auez humée d'eux,&: lans leurs pmieresinucntionsvous feriez plus
muets que poiilbns.Vollrc grand docteur qui en eltuTu, Menno Simon ne les mefeon-
gnoit pas corne plulîeurs de vous,& n'a hôte de les appeler les frères &fœurs(icdi ceux
de Mûftrc Se d'Amllcrdam). Car voici qu'il dit en vn petit hure qu'il a intitules Belle Se
proulî table admonitiô Se correctif) au Magillrat,& a tous Ellats. le croy Se clperc , dit-
il q nos chers frères ont vnDieu mifericordieux,qui par cy deuat fe font vn peu deibor-
dez en défendant leur foy par armcs:ce n'elt pas merucillc s'ils ont erre en ce temps-la,
attendu que lors ils n'auoycnt encores l'examen de l'efpnr, Sec. ^ Qui en voudra co-
gnoiltrc dauantage, les lix liures qu'en a eferit M.Buhngere y pourront fatisfaire.
IEAN CORNO NJeBreffe.
'AN M.D.xxxv,aumoisdeMayfutcôllituéprifonicrpourlaparollcdeDieu m. n
jcn la ville de Mafcpnjea Cornon,laboureur,du pays de Breflc,hômc fort ex- xxxv.
(f Ri5^ercé en la parplle deDieu,cobien qu'il fuit fans lettrcs.Ellât deuat les Iuges,il
^*les rendit confus Se eftonnez, tellement que toll après par fentéce fut conda-
né à élire brullé vif.de laquelle fentence il ne voulut nullement appeler. Ainfi fut traî-
né fur vne cloye au dernier fupplice,en la fin du mois de Iuin fuyuant, m . d . x x x y ,
p-
Cjulïlaumt-j TyndaL
m
G V I L I. A V M E T Y N D A L, rf V^ilvmrd.
TYNDAL , An<;lois- , acfté Jcs premiers do Acut •• de l'Euangitc au pais d'Angleterre qui auoit .itir.ir.ui.int comb^tu courra
Thomas Moni* . i:r.ind adum'airedeh venu Finalement après aUOH louftemt de grands coinlutv , il (>:\ m., rviiic au
pj\sde Bradant, a la pouriùittc do LoiUJ'.ifVc^.
M d. '^J~p^^-| N ce mcfmctcps Guillaume Tyndal, natif près tics extrem irez du pays de
xxxv. kgft^ V vallie, inftruit des l'on icuneaagc en rvniucru"tcd'Oxone,a vefeu i n ton-
i$\ RS#y& te intégrité de vie &: grade réputation enuersgcn.s devertu. Aulli toit que*
LM^?;^ par lalecUuc des liures de Martin Luther il eue acquis quelque petit rayon
de laeognoillance di la verite de Dieu , luy icmbJa que de là en auant ilfcdcuoit cm-
plov cr aucc toute diligence, à c c qu'il attirail aulîî les autres île fa nation a vne incline
cognoiilance.
Et atin qu'il vinft plus facilement ÔJ plus hcurcufcmcnt à bout de ion entreprile,
premièrement il trauailla aucc Ion bon amy Fryth>à traduire le vieil &: nouucau Telta-
I a verfion mcnt,cuu fut vu ecuurc loi t \ tile & faiutaire pour tous les Anglois. Il fît au Ai beaiu out>
de U Bible. i , i , 1
d autres petis traitez de. diucrs argumens , entre Iciqucls on trouuc ce hure excellent,
Delobeillancc Clircfticnnc,&: quelques œuures cône Morus&: d'autres leiquels plu-
fieurs ont leu aucc grand iruict &: dclccLanon.Pautrcpart aufli les Euclqucs combatas
d'extrême force & opiniallrcté pour les menus fatras de leur cglilc,fircnt tous leurs ef-
forts pour arracher de la main des hômes les efents d'iccluy,& principalement la trans-
lation de la Bible.
^ Or lu r ceci, pourccqu'vnchiftoire en attire vne autre, ce fera a propos li nous
Tcn/tnie- montrons icicommentle fage confeilde Cutbcrt Tonftal (home autrement farcy de
jjtc«"eAn* lettres humaines) fut rcuerfé: i an m. d . x x x , Guillaume Tyndal auoit delîa fait quel-
que monftrcdcfon nouueauTcftamcnt, lequel il auoit traduit en langue vulgaire. A-
pres que grande quantité de ces liures eut cftéfcmcc par cy par là,ceftuv Cutbert T6-
îlal eucfquc de Londres , lut en grand loucy comment il pourroit faire ciuanouir rcus
cesliurcs:&: pouràce paruenir print confeil aucc vn marchand nomme Auguftin Pa-
Paizyngto. kyngton. Ce marchant rauorifoit fccrcttemcnt à Guillaume Tyndal,& pourtant don-
na ce confeil a l'Euefque,que s'il baillolt autant d'arget qu'il pourroit furfirc pour ae Ité-
rer tous les exemplaires de ctfte imprelfion , on pourroit faire facilement qu'ilnede-
niLiireroit pasvnfeulde tous ces liures. l.'Euelquc trouua ce confeil bon: 6c tour in-
continent bailla l'argent à ce marc handdequel 1 ayât rcccuj'enuova à Guillaume Tyn
dal,qui pour lors eftoiten exil. Par ce move n il aduint que Tyndal eut dequoy viurc*6£
les côpagnons aulli : & outre cela eut le moyen 6c faculté d apprefter la fecôde édition.
Or Guillaume Tyndal, après auoirloufrcrt beaucoup de raicherics, futprins à Anucrs
à la pourfuitte des Théologiens de Louuain :& tomme aucuns penfent, cela fut par
la trahifon d'vn certain Anglois nommé Philippe, lequel eftoit incite par les Euefques
a ce faire-.&r fut mené en prii'on. Cependant le Seigneur Cromcl cfcriuit bien fouuent
à ceux de Louuain,& talchoit tant qu'il pouuoitdelcdcliurcr. Finalement après qu'il
Lamort de tut cfté détenu vn an en priicn ,les Louaniftcs voyans qu'ils ne le pouuoycnt induire
Tj ud*1, à fc retracter, firent prononcer fentenec de mort à Bruxelles cotre luy , 6c de là fut me-
né à Vviluôrd ville de Brabant, pour y cftrc bruflc:où il mourut conftamment, laiilànt
vn excellent exemple de vertu après foy.
O n dit que le procureur filcal du pays luy a rendu ce rcfmoignage, qu'il eftoit hom-
me fort fanant, de bonne &: famcle vie. Vn marchand digne de foy, a rapporté de luy v«
ne choie qu'on ne doit oublier en cefte hilloire. Quelque fois le trouua vn enchanteur
aucc vne compagnie de marchans qui foupoycnt& banquetoyent enfcmblecn la ville
d' Anucrs, lequel par Ion art magique raifoit venir fur la table & vin 6c viandes de quel-
que forte ou de quelque heu qu'on euft voulu. Tyndal apperceuant cela, pria l'vn de ces
marchans qu'il luyfuft loiliblc de fe trouuer prelcnt au lie u où feroit ecruftre. Pour le
la preféce faire court , le loupe fut ordonnédes marchans fe mettent à table, 6c Tyndal auffi quic-
d^ Tyn.iai {^0it conuié à ce foupe. Là on pria ccft enchanteur de monftrer quelque tourdcgctil-
inipcJun- lequel laifoit toutee qu'il pouuoit pour fe monftrer habile, mais il n'en pouuoit
tcmeni. venir à bout. Finalement voyant que toute fa magie eftoit comme mile bas, il tut con-
trainc
Çowbrig, çAngtoh. 86
traint de confefTcr ouuertcmcnc qu'en ce foupé-la il y auoit quclcun qui troubloit coû-
te l'on entreprise, &: lempelchoit de faite ce qu'il vouloir.
CO VVBRIG,^k
Nbruflavn nomme Covvbrig, en l'vniucrfitc d'Oxonc, lequel fut pris t's xxxvi
(quai tiers de Gloccftre,&:delàmcnéà Oxone. Encetcmps-la le docteur smyd.sc
ÎSmyth eftoit Doyen de la faculté de Théologie , &c le docteur Cootfe cftoit Cootfé-
'le plus ancien après luy,lefquels aucc les autres Théologiens fe monftrcrét
irmmnains entiers ce bon perionnage. Apres qu'ils l'eurent fait mettre en lapnfon
nommée Bocard, le faifoyent mourir de faim-.teJlemcnt qu'il deuint tout fec.Les Thé-
ologiens firent courir vn bruit, qu'il y auoit vn heretiqueà Oxone, que quand on luy
parloit de Icfus, il l'enduroit bien, mais il ne pouuoit foufFrir ce mot de Chnft : &: pour
cefte raifon perfuaderent aux oreilles du peuple,qu'il cftoit d igne d'eftre bruflc.ee que
plulîeursd'OxonccroyoyentaulTi. Ainli on ordonna le ioui auquel celte pailible bre-
biette de Chrift fut menée à la boucherie auec grande compagnie de gens embafton-
nez. Eftant au milieu des flammes, il inuoqua par plulîcurs lois le nom du Seigneur Ie-
fus Chrift,&: auecfcrueur recommanda ion cfprit au Seigneur.
HISTOIRE d'un trouble & cfyouantement cjut advint entre les Théologien* de f vniuerfité d'O-
.vo«e, au grand u rnple de la ydle^Jans aucune (aufejon qu'iceux tfloj cm aj]cmblc\ pourvoir/aire-v-
ne amende honorable à leur Jlojlie.
O N voidenec récit raccemplilTcmcntdclamenace,Vousfuyrez 5: tombere7 fans qu'aucun vous poiirfuyue, Leuit.i6.i7,&: 36.
t 3 WÎ^S O V R C E que ce qui cft ici à traiter, cft < ôioint aucc les choies preceden-
tcs,nousnc l'auospcu omettrc,combicn que le fil de l hiftoire (oit aucune-
ment rompu. Prclquc en ce mefme temps que les CardinauxV vile & Cam-
pege faifoyent leurs monftrcs à Londres, vn peu après iladuint qu'vn hom-
me fut mené au grad temple île la ville d'Oxone (lequel cônmnément on appelle No-
(Ire-dame)pour lcdefdire,&: taire là quelque amédchonorablc,&:lcqucl(lclon la façon
accoullumce)deuoit porter vu fagot furies efpaulc s .^falloir q là il alhftaft pour ouyr
lcfermon. C'cftoit vn iour de Dimanche. là eliovet venus grand nôbre des principaux
Dodcursde celte vniuerlité, &: Bacheliers formez &:nô formez, & puis vn nombre in-
fini d'eleoliers, outre vne grande multitude de citoyens, bourgeois &: habitans. Bref, a
grad' peine y auoit-il vn fcul petit anglet de tout ce tcple qui fuit vuide. La eftoit le po-
ure home eondâne.lc prefeheur môta en chairc,&: cômença l'on fcrmon.l'ai gumët du-
quc l eftoit de l'Euchanltie.Et aucuns difent que le dieu de parte y fut auffi apportc,afin
que le fermô euft plus de poids &: de reucrence. Délia le prefeheur cftoit au milieu de
fon fermon-.lc peuple oyoit attentiuement, &: fàifoit grand fik nce : & voici la voix de
quelcun fut ouye, lequel crioit de la rue, Au feu, au feu. Ceux qui eftoyent plus près de
la porte, ouyrcnt les premiers ce cry :&: deccux-cyil vola iniques aux autres, com-
me il aduient couftumiercment : &: finalement paruint iufques aux oreilles des Do-
cteurs^ mefme iniques au prefeheur qui eftoit en la chaire. Apres qu'ils eurent ouy ce
faid, toutincontinet ils furent laifis d'cfpouantemcnt&: frayeur. &: tous elbahis regar-
doycntàlacouucrturedu tcmple&auxmuraillcs. Les autres voyans ceci, icttoyent
aufii les yeux de toutes parts . &: délia cefte voix refonnoit de tous coftez entre les au-
diteurs: Au feu,au feu:&: les vns dcmandoyet,Où cft-cc?lcs autrcs,Eft-ce au temple: Or
àgrad' peine ce mot-la fut-il pronocc,quc tout en vnmomet il y eut vne acclamation
de tous,Lc feu eft au temple . c'eft tait , les hérétiques bruflent le temple, &: autres tel-
les parollcs. Combien que nul ne viftlcfeu, neantmoins pource que tous crioyent
ainli i, il n'y en eut pas vnquin'euft opinion que ce qu'il auoit ouy , eftoit vray. Or ce
qui fut premièrement caufe de ce grand cry, c'eft qu'il y auoit du feu en vne cheminée Vnef"
d'vne maifon de la ville:& d'autant que ce feu apparoilîbit haut , &: que les cfteincellcs icHncfc
voloyent pardeiîus les toidsdes maifons voifines, vn chacun ( comme cela aduient
ordinairement ) fut efmeu à s'eferier , Au feu. La voix donc qui fut ouye par les rues ,
donna foufpcçon à ceux qui eftoyent dedans le temple, comme fi le feu y euft efté.
Et qui augmenta encore le foufpcçon,cc fut ptemierement la caufe de ce poure hôme>
r.ii.
L/Wo //. %eck dhiftoke.
qu'on tcnoit pour herctique,qui cftoit là amené pour faire fa pénitence , &: penfoit-on
que les autres hérétiques cuifent confpiré pour tout mettre en feu. Dauantagc, ce que
le peuple accouroit de toutes parts , &c bruyoït ainli , auoit efmeu la poufficrc,&: 1cm-
Tumulte bloit qvie ce fuit comme la fumée d'vn feu. Cela auee le cry du peuple donna vne ii gra-
Yimc^c ^ de fraveur à tous, que laiflans là le fermé pour fuyr, la multitude s empefehoit foy-mcf-
me. Car comme ainli fuftquc tousd'vncmefmcimpctuolité allailcnt gagner les por -
tes, ils le preifoyent ii fort, qu'ils s'aecablovent l'vn l'autre, voulâs fortir tous d'vnc Hot-
te^ ne pouuans trouucr le moyen. Quand onvid que l'vne des portes cftoit cinpcf-
chee,on courut à vne autre petite, qui regarde le collège appelé Ncz-d'airain,du collé
de la Bife. mais là fe trouua encore vne plus grand' preife , d'autant qu'il y auoit moins
d'efpace pour palier : &: la furent tellement froiiîcz &: oppreilez, que pluiieurs furet en
d a n q e r , &: a u c u n s m c 1 m c s c n m o u r u r c n t p u i s a p r e s .
I l y auoit vn autre huis dcuccs.le foleil couchant, lequel on n'ouuroit point ordinai-
rement. &: combien que lors il fuit fermé de groflcs barres, tant y a que la multitude v-
fade lî grand' force, qu a belles mains &c ongles ils arracherét vne grofle cfparre deferj
Telle c(\ la & encore ne le peut-on ouurir àcaufe de la multitude.^ Alors ayans perdu toute cfpc-
force & i- ranec de pouuoir fortir, ils furent fort troublez, ils couroyét çàcvr la haut &i bas:& me-
ddjouit^ noyenc vn JÎ grâd bruit, que tout le temple cftoit remply d'vnc vapeur efpeffe femblât
mcnt.quâd à vnefumee,& crioyent queles hérétiques eftoyent caufe de leur mort. Et tant plus
multitude*1 qu'ils crioyent, tant plus s cfpcluffoit la vapeur pour le bruit & l'haleine des hommes,
comme h toutes les parties du temple haut & bas cu/fent cfté efpnfes de feu. L'vndi-
foit qu'il auoit ouy de fes propres oreilles le pétillement du feu, l'autre que mefme il le
voyoït de les yeux-.l'autrc atteftoit par ferment qu'il fcntoit fur fa tefte le plomb fondu.
En toute cefte grande multitude nul ne fe portoit Ci modeftement que ce poure home
qui eftoit là pour faire fa penitéce auee fon fagot: lequel il mit au pied d'vn certainThe
ologicn,&: cependant fecontenoir paisiblement , attendant ce qui pourroit aduenir.
De tous les autres il n'y en auoit pas vn qui ne fuft ibigneux pour foy-mefme ,& ne cet
foyent tous de crier &C le tempefter. Maison ovoit bruire môlieur le prefeheurpar def-
fus tous autres, comme aulft il eftoit plus haut môté que tous en fa cliairc,criat à haute
voix:Cc font-cy les embufehesdes hérétiques dre/lécs contre moy : Le Scigneurait pi-
tié de moy , le Seigneur ait pitié de moy. Bref il n'y en auoit point qui le portailcntplus
foteement q ceux qui eftoyet cftimez les plus iages.iinon qu'en vn ou deux il y auoit vn
Clumot& j (je mo^Cratiô: entre lelquels cftoit Claimond home autremét eftimé fauant,
lutrcsel- I I i ii i i i~i -r s ii o I i
potuntez. principal du collège au corps de Chnit,qu en appe lic,cVi bien peu de vieilles gens auee
luy,lefqucls àcaufe de l'imbécillité 8e roiblciîe de leur vieillelle ne s'ofoyct fourrer par-
my ies autres,ains s'eftoyent icttez à genoux deuant le grand autel du temple , recom-
mandansà: eux &£ leur vie à leur bien heureux facrement. Mais ceux qui auoycnt les
reins &C eoftez plus fermes, fe fourroyent parmy la preife, &: fe veautroyent haut 5e bas,
s'cftiahiifans de l'inciuilité de s hommes , &: fc courrouçans afprement contre le peuple?
rude&: mal poly ,tieie qu'il ne faifoit point honneur à meilleurs nos maiftres, aux Do-
cteurs, Bacheliers &c Licentiez. Mais tout ainii que tous eftoyent faihs de frayeur &:e-
ftonnement , aulfi n'y faifoit-on point de diftinction des eftats ou degrez.
Or voyas que pour quelque eftoit qu'ils fiftent, ils ne gaignoyentrien ne par force
ne par authonté,ils le mirét à barboter des oraifons&: à taire des vceuz: l'vnprcfentoic
vingt Hures de gros ou fterlm qu'ils appellent, l'autre vne robe d'cfcarlate à celuy qui le
tircroit hors de là, voire par les oreilles. Les autres tenoyent les pilliers des deux bras
bien eftroitement, penfans que par ce moyen ils feroyent bien couuerts,&: que le plôb
fondu ne tomberoit point fur eux. (Car ordinaiment les temples font couuerts de plôb
en Angle terre.) Il y en auoit allez qui eftans deiprouucus de confeil &z d'argent , ne fa-
uoyent bonnement de quel cofté fe tourner. Vn principal d'vn collège arracha par for
ce le de/fus d'vne efcabelle,&: s'en couuroit la tefte & les efpaules,à celle nn que le mé-
tal fondu ne luy nft point de mal. Car tous eraignoyét beaucoup plus cela que la ruine
du téple. Vn Théologien ventru voyatque tous les paflagcs eftoyét cmpefchez,&: qu'il
n'y auoit ouuerture par laquelle il peuft fortir,penla qu'il eftoit bon de taire puuerturc
par vn autre chemin, 8c s'aduifa de cafter vne vitre pour faire cftay s'il pourroit paiTcr
par là: mais il trouua des treillis de fer.toutefois l'affection qu'il auoit de fortir hors, le
fît palier outre. Quand donc il eut rompu la vitre, il voulut pafter par l'entre-deux des
treillis
Ttjcit d'hifloire-j. S 7
tieiiîis&: mit premièrement la telle &: l'vn des bras & vnc efpaule.Cela vintafîez bic n,
mais il luy fallut auffi tirer l'antre eipaule,& encore vint-il a bout de cela, combien que
ce fiift à grande difficulté. Et neantmoins il demeura là arreflc en ces treillis de fer, en
forte ou il ne fe peutauancer, ny aufli reculer en arrière : ée amii voulant cuicer vn dan-
ger, tlVe mit en double pcrikalfouoir li le feu le fuit pris pardehors,cc qui cltoitauancc
de fon corps cuiKlte bruflc,& au contraire. Et les autres elloyét auili bien attachez aux
portes,quc ccltuy-cy à la feneflrc,voire tcllemct qu'ils fuiTent pluftoll là morts , que de
pouuoir remuer vn pied. Finalement il y en eut aucuns qui trouuerent moyen de le
defueiopper de celte prelfe , alîauoir qui montèrent par dellus les telles de ceux qui c-
ftoyent en la foule, &C palîans de telle en telle fortirent dehors.
Ôn peut iciadioulîervn plailànt côte d'vn Moyne delabbaycdc Gloccflxe:Vn ieu- D'vn moi-
ne o arçô le trouue d aducture en ce tourbillon, lequel vo\ ât que les portes eftoyct ainfi °cCftdref l°"
faifics par la multitude,de telle façon qu'il n'eufl peu fortir, grimpa de pieds Se de mais
iufqu'au plus haut de la portc:& fe trouuât là fut aufli côtraint de s'y arrcllcr: car de fait
il ne pouuoit retourner au téple fans crainte , ny aulfi fortir hors en la rue fans danger.
Ainfi qu'il pâchoit en haut,vne nouuclle oceaiïon luy dôna confeil,& auec l'aduis qu'il
print, moyen propre s'offrit de rexecuter. Entre les autres qui cfloyét portez fur les te-
lles des homes , il apperceut d'aduenturc vn Moine qui venoit contre luy,qui auoit fur
l'es efpaules vn froc ample &: blé large. Le garçon pela que celle occafion luy feroit pro
pre pour fortir. Et ainfi que le Moine ciloit délia près deluyjc garçô fe ictte tout belle-
ment dedâsle froc du Moine,pélànt que li le Moine elchappoit,luy aufli ei'chappcroit,
comme il en aduint. Pour le faire court,finalcment le Moine cllant porté fur les tefte s
s îiutres, fe defueloppa de la foule,&: forcit portât le garçon en Ion froc. Et fut fi eflô-
nc qu'il nefentoic la charge qu'il portoitrmais a la longue ayant l'ecoué les bras &c les ci- ntonoc-
paule< ,;1 fentit que ion froc luy pefoit plus que decoutlume.dauantage, o\ at vue voix ™XuT/
o; u [orcoit de ion froe,il fut plus ellônc qu'il n'auoit elle auparauat en la prelfe&pëibit
que t e fuft ce diable qui eut mis le feu au te mplc,&, de puis fe fufl ietté dedans ion froc,
T out incontinent il cômença à t ôiurer la mauuaife befte en cette forte: Au no deDicu
; . c,c to" le s faindrs îe te eômande que tu fortes d'ici,& que tu me difes qui tu es, toy qui
es dedans mon froc. Auquel le garçon rclpondit difant,le fuis le garçon de Bcrtrâ. Mais
\c Moine ne le croyoïr point , ains luy dit pour la lecende fois , le c'adiurc au nom de la
iàinete & mleparableTrinité,quc tu me dites qui tu es, ou d'où tu es,& que tu fin ailles
d u 1, malin cfprit.El le garçô luy dit derechef, le l uis le garçon de Bertrâ:ie vo9prie mô
bon feisneur,que vo9 permettiez queie m'en aille d'ici en paix.Etlefroc quât&. quant
cômença aïe rôpre depuis les efpaules,à caufe du fardeau qu'il (ouflenoit. Apres que le
moine eut repris qui lq aflcui âcc,il defehargea fô froc,ôdc garçô s'enfuit tât qu'il peut.
Cr. p t \ d a n t ceux qui efloyent dehors parmy les rues&: places ( après auoir dili-
gemment regardé d'vne part& d autre, & veu qu'il n'y auoit nul dagcr)s cfbahi/làns de
c< (le tempeile li vainç,firentfignedelamainàceux qui efloyent encore au téple, qu'-
ils fe tiniîcnt quoys 6c paiiiblcs , leur crians qu'il n'y auoit danger aucun. Et toutes fois
poiirce que le bruit eftoit fi grâd,que nulle voix ne pouuoit eftre ouve : de ce ligne mef-
me qui leur pouuoit apporter quelque ioulagement, ils concernent plus grande ocea-
iïon &. matière de defefpoir, interpretans cela tout ainfi que lion leur eufl dit qu'ils dc-
meuraflcnt dedans, pource que s'ils fortoyenthors du temple, ils fentiroyent plus grâd
dommage pour le plomb fondu &: rembrafement du feu,& les flammes volâtes de ton
ce s parts. Ceft orage dura quelques heures en cefle forte.
O r le lendemain &c durant toute la femaine fuyuante , on mit des billets aux portes
plus qu'on ne fauroitdire, par lefqucls vn nombre infiny de gens demandoyent qu'on
leur rendift ce qu'ils aiuîyentperdud'vndemandoit fa bourfedautrefon chapeau, Tau-,
tre fon bonnet. Bref,à grand' peine s'clloyent là trouue' peu de gês,qui n'culfent ou par
ouhlv ou par nonchalance laifîé quelque chofe. Et quant à ce poure homme à qui on
failbit faire amende honnorable , après auoir affez fait de pénitence, il s'en alla , efiant
plus aidé de la commodité du tcmps,quedela mifericorde eies Théologiens.
^"E n v i r o n ce téps la Stokiflé cuefque de Londres &: les autres firent mourir dou-
ze pcrfonncsd'Alemagne: On difoit qu'ils fenroyent mal du Baptefme. Deuxd'en-
tr'eux, alTauoir vn homme &: vne fcmme,furent bruflez à Londres au marché aux che-
uaux,les autres en d'autres villes & villages. Ceci te foit,Le&eur; pour récit d'hilloire.
p.hi.
Liureul I
M ARTIN G ON IN,
C E S T F. liiftoirc nous meurtre comtrent rcux de l.i vallée d'Angronnc , pai longue fiicccfTon ,& comme de pce en fils ont
luyui quelque pureté de dockriuc,& oui eflé au nombre du peuple qu'on .1 appelé Vaudou.
m. d. r \
XXXVI. SJ
Valet U 8M
i
(OVR plus ample intelligence du rccitilcce martyr du Seigneur, il nous
M.'t faut fauoir qu'il) .1 vnc certaine vallée an Pic dmorft près du mont Vcl'ulu s*
de cinq à lix lk uës d'ertendue ou cnuiron, laquelle cmpriïtc (on nom de la
liilus. syg ^C'.'-"^< ville de L u /erne, appelée pour cède : aiton Vau-luzcrne.IccJk ( entienti n
\ au-luzer fCyVnc autre petite vallée que Ion nomme d Angi onne, àcauléd'vn petit tic une tic ce
Val i'An. nom qui pafle par icclle* llya e ncore deux autres vallées continues aux précédentes*
gronne. afTauoir celle de Pcrulc, qui ainù" le nomme pour la ville de meime nom: i autre cilla
Vï- Sua vallée de Sainét-Martin. Plusieurs \ illcttes &c villages font efditcs vallées. Les habitans
Martin, fout proù (Tion de l'Euagile , ôÉprcfquc de tout te mps ont eu en horreur les abusà. tra-
ditions du liège Romain. Ceux qui ont fréquenté lelditcs vallées, eftiment que lf nom-
bre des habitans peut bit n dire preique de Sooo peribnnes. M.Martin Gonin, homme
craignant Dicu,cftoit en ce temps Miniftrc en ladite vallée d'Angronnc : k s habitans
de laquelle, ayans entendu que pluiicui s villes aux pays d'Alcmagnc, Suilli.&: Sauoye
auoyent depuis quelque temps prins lavraye tlodrine&: reformation de l'Euagile , dé-
libérèrent a la façon d'icclles reformer leurs eglilés. Car cftans fort affectionnez a la pa
rolle de Dieu, auoyent de long temps eu ce defïr : &: eognoiflbyenc allez que leurs di-
tes eglifes ciloyc nt mal n iglecs en pluiieurs ehoies comme cnrouillees par 1 igno-
rance &: les ténèbres du temps précèdent. Ils cnuoyerent à Gencue ledit Martin auec
ici GirarJ [can Girard(qui depuis a cité imprimeur 01 ladite ville)pour pricrM. Guillaume Fa: ci,
^wlrneuf qui lors prefehoit en ladite ville, de vouloir prendre la charge de reformer leurs Egli-
Tgcucuc. i".. s, tant celles qui citoyen t au pays du Danp hmé, Proucncc &c Piedmont,quc celles de
la Pouilie&. Calabre. Apres que Martin aue c Ion compagnon eurent exécuté fidèle-
mcntccftc coirmilTien: au partir de la ville <le Gcncue,au mois d'Auril m.d . x x x v i,
Martin print fon e hemin pour retourner en Fiedmont, ayat intention de vifitci k s pa-
Martin Go rens& amis. En chemin lefcigneur Champchô, nomme George Martin, le print pour
ninpnion- ejpjon fur [es montagnes de la duché de Chanfauren Dauphiné. De là il le mena en
Porte- trome , qui eft la prifen de Grenoble 3 où il fut examiné par ceux du Parleme nt
dudit Heu. mais ne trouuans aucun ioufpeçon furluydu crimequi luyeitoit împo-
fé, ordonnèrent qucles portes de laprilon luyleroycnt ouuertes qu'il leroit mis
c n la liberté.
A v fortir, le Geôlier nommé George Eorel, en le fouillant luy trouua quelques le t-
très lainClement e le rite s, que Guiilaumc Parel, Antoine Saunier,& autres miniftres de
c kneucadrefloyent a cei tains perfennages du Piedmontcraignans Dicu,&: bien affe-
ctionnez à fa parolle. Lors le Geôlier luy dit,Rctourne dedans : car tu es Luthérien . &:
enferma bien eftrente ment en vnc baiicroiPcoii il fut par deux îours. Au troiiieme,lc
Procureur du Roy aueeques autres du Parlcmcntvindrent vers luy: 5,' ledit Procureur
print la parollc,& luy dit qu'il cftoit efpion,puis qu'il portoit lettres. Martin refpondit,
Lifcz-k s, ôc vous trcuucrczque ce ne font lettres de guerre , ne concernantes lesarïai-
ie s des Princcs-.mais fculcmct ce font lainctes admcnitiôs pour viure félon Dieu. D'où
cs-tu:diret les autres, tu es quelque Luthérien: caries lettres que tu portes (ont Luthe-
rie uncsj& monftrent que tu es tel: le fuis d'Angronnc en Picdmôt,elit Martin:^ à pre-
fentic demeure à Gencue , où l'exerce Part d'imprimerie : &c ne fuis nullement I uthe-
rien, ny ne le voudroye eftre, attendu que Luther n'eft point mort pour moy,ains Iefus
Chrift, duquel îe porte le nom, & pour lequel ie veux viure& mourir. Interrogué qui
prei'ehoit à Gencue, rei'podit que c'eftoit M. Guillaume Farel &: Pierre Viret. Sur quel-
le procureur du Roy luy dit que c'eftoyet les plus gras Luthériens du mode. Martin luy
côtredit doucement, dilanr,Ne vous delplail'e: ce font vrais feruiteurs de Dieu, qui ne
prefehet que la pure do&rine corne ont fait les Apoftrcs , &c ceux de PEglife primitiuc,
Et veux-tu dire (dit le Procureur du Roy ) que tout ce que nous tenons denoftre mere
fain&ceglife de Rome, eft faux? aflauoir la Meflé, le Purgatoire, les pardons du Pape,
les bémcsecuurcs &: choies féblables ? Martin rcfpôditque telle eglife eitoitl 'cglifc des
malins, que Satâ a inuctee: dot le Pape eft le chcf,qui eft le vray Antcchrilt,&: n'en faut
Martin Cjonin. S S
cerchcr d'autre. Mais il en lira fait aïnfi que dit fain& Matthieu, Que toute plantation
laquelle le Pcrecelefte n'a point plantec,fera arrachée . Le procureur du Roy luy de-
manda,Et quand fera ce: Martin luy dit, Cèlera quand lefjlsde pcrdition,qui Cchcd au 1 l"
lien CaintMcrareiu lc:c< m me Icl'crit îaincl Paul. Mais baillcz-moy vnc Biblc,& ic le
vous mentherav . C l'eft allez pour auiourdhuy (reCpondit le Procureur)dcmainont'a
rnencrades Docteurs -, qui te reCpondron t bien au ircment,&: t'apporteront vnc Bible
&vn McîîclauiÎ! . ^ Le lendemain s'aflembla\nc troupe de Cordcliers, lacopms&
Preftrcs,auec \ ne partie des l'eigneurs île la Coût du Parlement.]-. t lors le procureur du
Roy& 1 Inquiliteui de la foy linterroguerent en celte Cotte: Vicn-çà , ne veux tu duc
autre choie que ce que tu as dit?U relpondit,Ie ne Cay pas ce que me voulez demande!
Adonc lïnqiuntcur,commc le phishardy,s'aduaça de 1 interroguerainfi,En qui crois
tu: RefponCe,En Dieu le Pcre par IeCus Chrift,ainli qu'il eft contenuau Symbole des
Apoftres,quc nous appelons le Credo.& ne croy autremet. Dcrechefrinquiliteur luy
demanda, Comment pries-ru noftrc Seigneur r Rcfponfc, Ainli quece grand Sauueur
6c Rédempteur IeCus nous a apprins,dilant, Noftte Pcrequi es éscicux . L 'Inquiliteui
répliqua tout colère, Et veus-tu dire que les Cufrragcs de noftrc mere Caîcte egliCenc va
lent rien. Rciponle, Vous le dires-car ce ne l'ont quinucntiôs humaines & diaboliques
qui ncccflaircmentrombcront anec le Pape leur chef, comme il eu: cCcrit en l'Apac a-
liple au 17,6c 18. chapitre , deCquels la lecture en fut faite à l'heure mefme,& Martin en
donna l'cxpolition.
Ai o r s vo9cuilîi 1 veu Prelhes 6c Moines fi rafehez, qu'ils frappeyet la table a. gras
couns de poing,& iertoyent leurs bonnets contre terre, comme cnragez.Et commen
t c rent a dirc,Qu'auons nous à taire de le plus examiner ? c cil vn damne hérétique. A
quoy il rciponditjSi les Proplietes,& ïelus Chrift mon Sauueur- auec les Apoftreslbnt
hérétiques, ie Cuis content de l'cftie auec eux : cai ie ne tien, ne veux tenir autre doctri-
ne que la leur. Ainli par quatre îours ils ne celle rent de dilputerCur chacun article de la
Rchgion,& touchât les abus de l'eglile Romaine: pourleCquelsprouuer,Martin amc-
m>u bons 6c iutfilans tclmoignagesderECcritureCain£tc:&duroitleurdiCputc ordinai-
rement quatre ou cinq heures le iour. Finalement il leur demanda vn Melïeljpour leur
monftrcr l'abus qu'ils commettent en leur Teigitur. c eft à dire,cn leur Canon, quand ils
offrent derei hefleius Chnitpour U s pet liez des viuans 6c des morts , en chair & en os
fb , vn mou v au de pafte . Qui eft vue pure moquerie (dilbit-il)&: autant grand abus
que jamais fut. C ar ce grand Sauueur IeCus Chrilt eft entré vne feule fois au Saint! des ?iU,
faincis,&: s'eit offert Coy mt line vnc fois en la croix pour tous nos pcchcz:& nous a tous
purgez ÔC netto\ cz vm Cois.P irquoy les réitérations que vous faite s, ne l'ont qu'abus 6c
tromperie s:& ne le trouue ne en l'ECcriturc Caincte de ce que vous dites &: faites. Lors
les Moines 6C leurs adherens sYCeriert nt tous,difans, Ceft homme eft vn grand hert ti-
que:il a le diable au corps, puis qu'il ne veut croire à la Meiîe. Adonc fut commande au
Geôlier de lVmmcncr,& le tenir en vne tour bien eftroitcmcnt.
Av partir,rinquiiiteur dit à raHcmbIcc,Puis qu'il n'eft point de Francc,il feroit bon , .
de leietterdenuKtdedanslanuiere, de peur que le monde ne 1 oye parler: car il parle cnmmis
bien,&: y auroit danger que ceux qui l'orroyent, ne deuin (lent pires que luy . parquoy rcur *'ure
Meilleurs y aduiferont Deux iours après le vingtlixicmc d'Auril,mille cinq cens tien ZTkli^
tcfix,à neuf heures de muet, le Chaftelain auec les Catellitc s & le bourreau le vindrent wincm.
prendre comme il eftoit couche. Et il leur commença à dire, Où allez- vous, mes amis?
ie vov bien ce que vous voulez taire . vous me voulez ictter dedans la tune rc , afin que
perionne ne me voyc . mais Dieu, qui voit tout,vous verra bien . Quant à moy , ie m'-
en vay viure auec lu) : & luy prie qu'il vous donne à cognoiftre ce que vous faites,
&: riniure que vous faites à Dieu& à moy. Allons au nom de Dieu,pms qu'il luy plarft
ainli.
C h s paroles dites, il Celeua,&fc lailTa lie r au bourreau pour cftre mené au Cupphce.
Au partir de la priion,il commanda a Dieu tous les priConniers: deCquels la plus grand'
part pleuroit,ccux principalement qui aucyent receu quelque bonne doctrine de luy.
& ceux-laluy bailloycnt courage. Comme on le menoit hors la ville,il prioit Dieu pour
la iuftuce,&: admonncftoit ceux qui le Cuiuoycnt , de fuir toute idolâtrie . Quand ils fu-
rent arriuez au bord de la riuiere,qu'on appelé l'ICereJe bourreau l'attacha parvn pied.
Lors ce bon Ceruiteur 6c telmoin de Dieu eiit au Chaftelain , Faites arrefter voftre exe-
p. hii.
e]{ecit d'btftoirLj.
cuteur>an*n que ic puifle vn peu parlcr.ee que le Chaftelain luy ottroya. Et lors il com-
mença à prefeher ceux qui l'auoyent fuiui en grand nombre , & les admonnefta de fui-
ure le fainct Euangile de noftre Seigneur leius , &: de le lire pour y trouuer leur falut, ô£
pour cognoiftrc l'abus auquel le Pape &£. la vermine les detenoyent: Cariivous le s iui-
uez(difoit-il)ils \ ousmenerôt tous en enfer. Qu'il Toit ainlî,vous le pouucz cognoiftre
parleurs ceuures remplies de coure ordure & mefehancetc. Mais luiuez ce grand Sau-
ueur &i Rcdcptcur IcfusChnft, auquel vous trouuerez la vie eternclle,fans iamais pou-
uoir périr . Il leur fit pluûcurs autres femblables admonitions Chreftiennes, qui n'ont
point elle recueillies ne miles par c lcritdcf quelles durèrent plus de demie heure . Ce-
pendant les auditeurs clloycnt tous rauis en admiration de l'on (auoir& conftâce: & la
plus grande partie pleuroit à chaudes larmes,& difoit qu'on luy faifok grand tort, attë-
du que c'cftoit vn homme de Dieu.
Ma i s le bourreau fe fafchant de tant lciourner,luy ditîSus/uSjdepcfche-toy.Adoc
Oraifondc Ie Don Martin f'cmit à genoux, &c fit l'on oraifon à Dieu , luy demandant pardon &c mi-
Gonm. fericorde au nom de leius Chrift,lc priant auflï d'accepter le mente de la mort 8>c pat-
lion de ce grand Sauueur & Redépteur Icfus Chrift fon fcul Fils noftre Seigneur, pour
récompense de l'es fautes& péchez. Finalement il dit pour la dernière parole,Doux Ic-
fus,ieterecommandemonamc. Incontinent le bourreau printvne petite cordc,& la
mit autour de l'on col, la tournant auec vn ballon, mfqu a ce qu'il tomba en terre . Lors
il le pouiFa dans la nuierc,le tenant attache par vn pied, tant qu'il apperceut qu'il ne fe
remuoit plus.adonc il coupa la cordc,&:abandonna le corps à la conduite de l'eau. Tel-
le fut la fin de ce tefinom de Chrifb.
Récit de la reieflion de la primauté du Pape du royaume d'Angleterre ,&de la mon delarome Anne
de Boulin.
WWW-^"^ E N R Y roy d'Angleterre v 1 1 i. de ce nom, auoit pris en mariage Cathe-
$H f^fv^i |j rine fille de Ferdinand roy d'Efpagnedaquelle auoit efté auparauat mariée
SïïiîiS S à Artus fon frerc, ayant efté aucc luy l'efpacc de fix mois: car il mourut a-
re'jkHcn. fcLSIi^W^ près ce terme-la. Apres fa mort fon frère Héry efpoufaccfte Catherinc,dc
ry vin. laquelle il eut depuis vne fille nommée Manc,qui a efté Rome après fon frereEdouard
fîxieme. Finalement le roy Henry commença à fe fafcher de cefte femme,& penfoit c5
ment il la pourroit repudienfoit qu'il euft efgard a fvtilité commune de fon Royaume,
foit qu'il euft mis fon amour àvnc autre. On a toutefois penfé qu'il le fift pour le ferupu
le qu'il auoit que ce ne fuit vn mariage illegitime,d'autant qu'il auoit efpoulc la femme
de fon frerc.Lc Roy donc communiqua de ccft affaire premicremet à fes plus familiers
amis, puis il appela aucuns des plus exquis Théologiens des deux vniuerfitcz,pour s -
cnquerir d'eux de ce faict. Et ne le contentant de cela, il enuoya bien toft après gens à
ensdclv' coutcs ^es vniuerfitcz d'Europe,en Italie, Alemagne,France,Efpagnc, Bohcmc,Dane-
niuerfitez marc:&: en tous ces pais il fit débatte cefte queftion de fon mariage par les Théologies,
uSeed* dl tallt en Parcicu^er °iu'cn public.
Henry.' To v s ces Théologiens & vniueriitczenuoyercnt lettres & féaux, &: chacune vni-
uerfité rendoit tcfmoignage de fon aduis &: opinion.il n'y eut que le Pape, auquel l'Em
percur rcmettoit la decifion de tout lafFaire,qui n'y confentit point. Le Roy, qui eftoit
homme de ceeur,fut fort offenfé de cela. & pourtant print nouueaux confeils contre le
Pape . &: combien que la choie qu'il entreprint fuft dangereufe , tant y a que l'exemple
profita grandement . Ce que nuls autres Princes n'ont peu faire deuant luy en Angle-
tcrrc,&: nuls autres Rois hors Angleterre n'ont oie entreprendre,combien quel a cho-
fe ait efté plufieurs fois effayee fans lortir effed. Car les Papes auoyent defia dés long
temps mis par tout garnifon forte de Moines , de Preftres , d'Eucfqucs &: Cardinaux,ô£
obligé tout le monde à eux:en forte que iufqu a prefent il n'y a eu Roy ou Monarche de
il grande puilfance,qui ayent ofé contredire à la maiefté de ces belles furieufes.Mais le
roy Henry ne craignit ne ies alliances ne les foudres &c excommunications du Pape: 6C
Le Pa at r'cn nc ^ ernFc*cna cîu ^ nc tepoulTaft pour vn mefme temps &: l'authorité du Pape &:
bannid*- le mariage de fa Catherine. &: fur cela il fit incontinent vne certaine ordonnance, que
An6L Quiconque aduouè'roitd'orenauant le Pape pour chcfdel'eglife dedans les limites de
fon Royaume,fcroit tenu pour coulpable de lefe-maiefté.
Or
Çintj Martyrs: Al .^Pierre, pafleur de 'Douay. $$
O r en ce temps il y auoit en la cour du Roy vne icune fille de noble race, belle à
mcrueillcs:mais fur tout digne de louange en ce qu'elle honoroit Dieu, & auoit vu na-
turel viebon.iirc.hlle ciloit nommée Anne de Boule, laquelle le Roy aimoit,&la print
pour femme. Le nom heureux de cefte noble &vcrtueufemaifondc Boulen , merice Lairaifon
bien que mention foit faire alendroit d'Anne de Boule n , comme caufe en partie de la d« Bouler
Religion en toute 1 Angleterre. L'infection de la primauté Romaine a elle premiè-
rement i halle c a l'occalion decefte noble Dame : comme depuis citant remite , a elle
derechef cliailcc par E lizabeth fa rille, comme on entendra ci après . Au relie, quant à
la caufe de fa mort, cela foit remis à Dieu, qui en -eftle luge iufte. Aprcsdoncqu- m, n
Anne de Boulen eut elle trois ansaucc Ion Roy,de la Cour elle fut menée en vne tour XXX VI;
auec Ion frère feigneur de Rochcford , homme de noble nature , & auec quelques au-
tres^ toll: après condanee,fut menée à la mortjan m.d.xxxviJci x Jour de May.
EftantfurlefchafFaut prochaine de la mort,dir, Hommes Chreftiens&frcres,ie luisi- Ladcrnic-
ci venue pour moiu ir:&: pourec que fuis condanec par les loix,ie ne contrediray point. r"parol«
r , ,• r r 11 J Anne de
le ne luis point ici nour m exeuierou acculer perionne, ne melmc pour due quelque Boulen.
chofe de la caufe pour laquelle îe meurs , Seulement îc prie Dieu qu'il face grâce au
Roy de viurc longuement, 6c qu'il domine fur vous en bonne &: longue profperité. Ain
fi fuis-ie bien tenue de ce faire,veu qu'il s'efttouliours m on fixe Prince Ôù Seigneur fort
doux ikibeninenucrsmoy.Et s'il y a quclcun qui pente palier plus outre pour rccognoi-
ftre de celle mienne caufe,quclle qu'elle foit, ie le prie de bon cœur qu'il vueille inter-
préter toutes choies en bonne part. En celle lace n ie pren congé de vous tous de bon-
ne arlection,& vous prie de tout mon delir,quc vou s fuppliez Dieu pourmoy. Puis elle
dit,Q Sc!gncur,ayes pitié de moy.Ie te recommande mon ame,ô Seigneur, Etaprcsa-
uoirdit ces paroles, elle fc mit à genoux, &: dit, Rcçoy ma poure ame, ô Seigneur Iefus.
Ce furent les derniers motSjparlefqucls elle déclara vne roy pure entiers Iefus Chrift,
&: par t'a modeitie moudra la bonté de fa caufc.Outrela bcauté\ccfte femme auoit plu-
fu urs grâces fpcciales:clleeftoitarîable,modellc,hunîainc,dcbonnaire,&: bénigne en-
uerstous,&: principalement entiers ceux qui auoyentbcfoindcfon fecourstd'auantage
elle nourriflbit en fon cœur vne bonne 6c faincte arîcdion de feruir Dieu purement.
Tant qu elle a vefeu ki bas en ton cftat de Roine,la eau te de la Religion sett allez bie n
portec,combien que le roy Henry ait elle adonne à inhumanité . Mais le mal-heur de
ce monde a ccla,que comme il n'eft pas digne des chofes excellentes 6c vcrtuculës,au{
fi ce font celles qui font plulloll ollees de deuant les yeux.
-De C I N Q^M^rtyrsbrusle^enEfcojJè.
î E3 ^ a c ^ Par^ de Patrice HameItô,EfcoiTois ,martyr de Ictus Chrift,depuis
t^'t\ ^a mort duquel,allauoir fept ans a près, qui fut m.d . x x x v i i,cinq perfon-
fefl nages furent enfcmble brûliez à Edimbourg, principale ville ei'Efcotfe ,cn
^^lU^â la P^acc tm Chafteau.II y auoit eieux Iacopins,vn Prellrc, vn GentiJ-hôme,
&vn Chanoine. Or leurs inquilitcurseftoyent l'are heuctquc defainévr André, Iean Ma
ieur,PierreChapelain,&quelquesCordclicrs,Iugesô; parties criminelles decefte eau
fe,de laquelle ledit Hamelton auoit efté precurfeur.
M. D.
XXXVI
M. PIERRE, Paflettr e» la-ville de Douay.
Pour montrer le fruidijuielt venu au p.iis d'Artois,Douay,& Orchies.par la mortd'vn perfonnage qui auoîrcfté Pafteur audit
Douay,lc récit en eft ici inféré û auant que nous en ont informé gens dignes de foy , natifs des lieux ou les choies font
aduenues.
»&.3wSSï£ VAND Dieu fiait ce bien àquelquc pais ou ville, dy donner gens fide- m. d.
1 les, qui non feulement enfeignent la doctrine de lalut aux poures ignorans, xxxvni
y X mais autîi qui ne redoutent par leur fang de teftificr la certitude d'icelle , il
l'gf^^Ê rend par cela tefmoignage de ton amour enuers les habitans dcfditesvilles
&: pais. Ce bénéfice fut donné à la ville deDouay(qui cft es confins du pais ei'Artois)cn-
uiron le temps de l'an m. p.xxxvj. n. parvnmimftere fecretdvn perfonnage nommé
Lmr<Lj}1. fan Lambert.
M.Picrrc:fcn furnom ne nous cft encorcs venu à cognoiflàncc. T: e luv ayant cflé que \-
ques années Paitcur ou Cure (qu'ils appclent) et vne des paroifTes de ladite villc,tinal«
ment pour auoir cnlcigné la vente de la doctrine de rEuangile,(non pas du tout en tel-
le pureté & hardicile comme il euft cité requis , mais félon le temps & le pais tout eou-
L'offîciali- uert d 'ignorance)fut aceufe & mis prilbnnicr par le Promoteur & les fuppolts de l'Of-
u à' Arras. £cjalitc d' A n as.le lquels, comme ils ne peuuét endurer la lumière du Fils deDicu,ma-
niicnceencc tcnq^aullis'ctforccnt-ils tant qu'ils peuuentde rcmpefcher&citeindrc
entant qu'en eux cil . Cependant que fonprocez ie railoit, les aduei (aires ne voulu-
rent rien reccuoir qui fuit pour la de renie de la vente : mais tendoyent a exécuter leur
\ e1lonte,&: le faire mourir. Il ne laiJÎ'a nearu moins de maintenir la vraye doctrine auee
plus grande intégrité que parauant.ll y auoit lors vn Iacopin deuenu eucique portatif,
L'cucfq de quicttoit luJfraganc d'Arias, appelé euclquc de Salubrv. m onttre ignare, plcind'auari-
s.iiiibry. cc,de fraudes & tromperies en Ion aucugliifemcnt. C e bel Euefquef comme font les
fcmblablcs)cftoitarmé de eieux mots pour a/faillir les fideh s,ai]auoir d Hcrclie d E-
l«Uiv. ^ glifc:& ce pour cimouuoir le peuplcrdc l'vn il a/failloit ceux qu'il tenoit pour iuipects:
de l'autre couuroit (a rage contre ceux qui vouloyent perfeucrer en la vraye doctrine.
En dil'putant contre M.Pierre , il vfpit de ce ftil, &c nalleguoit autre choie, linon, Ton
dire ci: tes propolitions font hérétiques , fcandalcufcs , mal-ionantescX: mefi hantes, oJ
pour orienter le s fainctes oreilles. Iccm,C'ett contre noltre mère laintte eglilc,c\; les de-
tcrminations,&c.
O r après que la cour d'eglife d'Arras eut par prilon, difpures,iniurcs,&: menaces
meilecs allez tourmente ce fainct pedonnage , finalement par fcntcncc diffinitiiie dé-
clara M.Pierre hérétique ôc pertinax ,8ce.Et d'autât qu'il ne leur eft licite de taire mou-
rir pcrfonne,ordôncrent qu'il luit dégrade de la prcftrilc &c de s ordres Ecclefiaftiejucs,
&c pnué de tous les priuilcgcs, pour (citant par ce moyen leparé de leur corps , comme
ils parlcnt)le liurer au bras feculier, &: puni du fuppliee ordonné à tels hérétiques . A-
pres ccfte fentenec, vn cfchafïaut tut drefîc à Douay , pour mieux rcprelentcr au peu-
. pic la tarée qu'ils ont accouftumé de ioucr auant que procéder au dernier fuppliee. Sur
lion de M. ccft clchafraut ledit Euefque portatif>tout cnuironné de fuppolts deCour d'eglilc^exc-
ricire. cuta ja dégradation actuelle, qu'ils appclent. Lors M.Pierre de cœur alaigre commen-
ça à louer le Seigneur,de ce qu'illuy faifoitceft honneur auant mourir, de ledeueftir d'
vnc robe li lalc,laquclle îufqu'à prêtent 1 auoit tellement charge, que fans la mifericor-
de de Dieu il euft elle fous vn tel habit accablé . Pendant que ces inimiti és de l'Ante-
chrift faifoycntlcs lolcnnitezaccoultumeescn telle dégradation , M. Pierre fouucnt
leur di(oir,Ra(ez,rafcz:coupez,oltez tout,qu'il n^ demeure ricn:caric l'auoyede vous,
mais la vraye Preitrife que Dieu m'a donnée intérieurement ,&: par laquelle ic me fuis
dédié 6C confacré en oblation &: facrificc à luy,il n'eft pas en voitre puillance de me bo -
iter . Celte dégradation acheucc,eftant accouftré en habit cju'ils appclent feculier, ré-
cent fcntcncc de condamnation d'cltre brullé& réduit en cendres. En le menant au
fuppliee de mort,ilprioit Dieu de le fortifier au dernier combat: auquel il luy dcuoit
rendre gloire par le facrificc de l'on corps. Plulicurs bourgeois de ladite ville voyâs leur
Cnré,pleuroycnt,&: le recommandoyent à Dieu : les autres luy iettoyent des impreca-
tionsjcomme en vne multitude de gens il s'en trouucd'vne forte &: d'autre. Tantya
qu'en la mort qu'il endura trcl-cruellc, plulicurs bons cœurs y furent côfolcz&: édifiez,
voyans que ei'vr.c conltancc fi cfmerucillable il enduroit la mort , drcilant les yeux au
ciel. Plulicurs peu arFe&ionnez,voirc &£ qui ignorent la dignité &: excellence el'vne tel-
le mort, vomirent ii peu de bien qu'ils auoyent humé, &: craignans d'encourir pareil
dangcr,s'adonnercnt à l'impiété Papale,&: deuindrent fimulatcurs plus que parauant.
IEAN NICOLSON, dicî Linibtrt.hommeftHant ^nglois.
Ccfte procédure du roy Henry VIIlAdes Euefques contre Larr.berr.eft forr notable pour l'érudition & doctrine exquife y cô
tenue. ioint qu'il a cité pouriûiui à la mort par ceux qui deuo) ent pluftoft procrer la vie des fidèles, que de les expo-
ier au danger de la morr.vcu que l'Euangile auoit ia commencé à ietter Ces ra) ons en Angleterre^ la plus part de ceux
qui (ont nommez en ccfte hilr.oire,eftoy ent ia imbus de la cognoiiTance de la vérité.
L A M-
Jean Lambert.
ÀMBERT nâtif de Noruuic,fut vn des premiers qui s oppoferent à V
XXXVIII
effort & confpiratlon des ennemis de la vérité au pais d'Angleterre. Au M* E
moyen de quoy contraint tant de la rigueur du temps , comme indu itd'vn
certain dciïr ÔJ affection qu'il portoit aux lettres , elquelks il sdtoit e m-
ployé tout le précèdent de fon aage , lailfa fa nation tout ieune qu'il cftoit, peur fe reti-
rer la part ou il penfoit qu elles eltoyent le plus en vogue &: recommandation . Mais
quelques années après, perfuadé de certaine elperance que les choies te porteroyent Caufcsd.
mieux en Angleterre quelles nauoyent fait dupa/Te, par le moyen d'vn certain Cro- tfyvra
rncl&delaroinc Anne de Boulen qui lors viuoic : îointquc l'euefque de Rome n'auoit ™eli*p°ur
plus de crédit en Angletcrre,commcnça de s'appliquer à l'Euangile. Mais d'autant que "8 '
ce temps-la ne pouuoit porter aucunsMiniltrcs maricz,il fe dedia du tout à inftruire la tome '
ieuncifc,puis qu'il n'auoit le moyen de palier plus outre. Ce qu'ayant fait quelque efpa
ce de temps,auccaulîîgrâd'louange que profit de ceux delqueis îlauoit eu charge: ad-
uint que fe trouuant vn iour au temple de fainct Pierre de Londres , il ouyt prekher vn
dodeur nommé Tayler,homme afoctionnéd'aduancer l'Euangile, Du vmantdu roy Lcdofteur
Edouard il auoit cite déclaré eucique de Lincolnc : mais depuis il auoit elle emprifon- Tay'cr.c.
né dedans la tour de Londres par le commandement de la roine Marie, où il mourut. l^J^
Le fermon cftant acheué,Lambert abordant Taylcr, luy déclara quelque doute qui le
tcnoit perplexjdemandant en auoir refolution. Le différent cftoit touchant le Sacre- Doute qui
ment du corps & du fang du Seigncur.Taylcr s exeufa pour lors à raifon de quelques af pJJ^J^"
faires qui l'cmpcfchoyent de luy rendre prompte refponfe: & Je pria de venir à luy vne btn.
autre fois plus à loifir.Lambert le reuint trouucr . &: apporta fom mairement dix argu-
mensjlefqucls il auoit rédigez par cfcrit,parlcfquels il talcha de prouner fon intétion:
cftans pris des fainctes Efcritures&: des anciens Docteurs . Or de toutes les railons qui
furent amenées, dcfquclles on s eft fouucnu principalement, la première fut prilé des
mots mefmes de Iefus Chrift,où il dit,Cc calice eft le nouucau Tcftamcnt: Si(d it-il) Lfs jr
ces paroles ne changent ne le vin ne le calice corporcllement au nouucau Teftamcnt: tmns\
par mclmc raifon les paroles proférées du pain, ne pcuuent tranfliibftanticr corporel- Ljmb"t.
Jemcntle pain au corps de Iefus Chrilt. Sa féconde raifon eftoit,Quc d'autant qu'vn
corps naturel a celle propriété , de ne fe pouuoir trouucr en vn mcfmc temps en deux
diuers lieux cnkmble:dc cela il s enluiuroit que Iefus Chrift neuft point de corps na- Touchant
turel,ou pour le moins que icJô la propriété naturelle de tous corps, il ne pouuoit cftre ^rp'plc°,cc
en deux lieux corporcllementjC'eit aiîauoir , cftre corporellemcnt à la dextre de Dieu dcCJu-ift!
fon Pcre,& au Sacrement . Il adicuita plufieurs autres prorunes extraites des opinions
des Docteurs. mais pour le faire court, Taylcr voulant fatisfaire à Lambert en ccci,cn
communiqua au docteur Barns. Ce Barns-ci,combicn que dés lors il fauorîfaft aucune- Robert
ment à l'Euangile , &c qu'il fuft d'alfcz bon zele: toutefois monftrant n 'élire pas l)cau- Ban,s-
coup affectionné à telles opinions,& craignant quelles ne portaflent quelque préjudi-
ce ^retardement à la prédication de l'Euangile entiers le pcuplc,fi tels lacramentaircs
auoycnt lieu : fut au theur à Taylcr de rapporter le tout à Thomas Cranmer archeuef- TJ.omji
quede Canturbic . Ce furent les commcncemcns de la caufe tenue contre Lambert. Cranmer,
Careftant cité deuant l'Archcuclque,fut contraint de venir en iultice, &: prouuer pu- J^^i
bliquemcnt fon faict,& faut noter que rArcheucfquc cftoit lors ignorât en la cognoii-
fanec du Sacrement,duquel puis après il fut defenicur lingulicr entre tous ceux d'An-
gleterre . Aucuns difent que Lambert fe porta pour appelant des Euctques au conlcil
priué du Roy . COr comme il a cité touché ci dciîus,le Roy Henry cnuiron deux ans
deuant auoit fait décapiter Anne : chofe qui defplcut grandement non feulement aux
Princes & grans Seigneurs d' A lcmagne,qui auoyent fait alliance auec luy dés l'an m . n .
xxxv i. mais aulîi aux plus gens de bien de tout le Royaume. Il auoit auiTicomman-
dé.quelesconuents&: monafteres fuflent mis bas , leurs biens prins &: vendus publi-
quement^ raifon de quoy,aulîi qu'il auoit reietté l'authorité du Pape, il commença d -
eftrch hay,que le menu peuple print feditieufement les armes contre luy . Eftienne LcroyHc-
Gardiner eucfquedc Vuinceftrc cftant du confeil priué du Rov, homme cruel & caut, r> VlI!hai
•» , l ' / ' ' potir plu-
cerchoit tous les moyens d cmpelcher le cours de l'Euangile. Et voyant les chofes cltrc iîeurs «o-
•cn cefte fortc,penfa d'auoir moyen &: occalion de troubler les affaires . Et vintremon- *"*
ftrer au Roy la haine tk. enuic que tout le peuple luy portoit , premièrement à caufe de
l'extermination de l'eglife Papalerpuis aulîi pour auoir commandé, que les monafteres
Liurcj IL Jean T^kolfon, àttt Lambert.
1 < nuTchât
ifeil d -
fuiTc nt cîcftmits &:abolis.ioint que le monde eftoit encores bien recors du diuorec qu'-
il auoit fait de Catherine fa femme : Que le temps donc fc prclcntoit maintenant pro-
i uienne pre pour remédier à tout ccla,&: rentrer en grâce de l'es fuicts: C'eft qu'en la perfonne
GarJincr. Jjc ce T^mberC)monftrer le vouloir & ptuiîancc qu'il auoit de rêbârrer tels hérétiques:
l'aifeurant que par ce moyen il efteindroit le bruit qui auoit délia couru par tout de por
ter fatieur aux fectes & opinions nouuelles. Ce Roy preftant l'oreille plus que de railon
à conlcils pcrnicieux,publia vn edkl , &C donna aiîignation à Londres à tous MiJJhorts
Afsignatiô & Euefques duRoyaume,dc venir prornptcmcnt,& affilier contre tous heretiquesdef.
îortT&E- Suc,s jI deliberoit réprimer par iufticé. Ce fait, Lambert fut aifigné comme les autres:
ucftjuesA &: y eut vne grande concurrence de peuple ce iour-la, en gradedeuotion de voirl'iUuc
comparoir. d'vne cho(c tant nouucllc,& de laquelle on n auoit Jamais ouy parler . La chambre de
l'audience fut remplie de peuple de tous celiez: puis on amcnadelaprifon Lambert,
accompagné de force gens armez , pour comparoifhc deuant le fiege iudicial du Roy.
Te ut elloit prcft,&: n'attendoit-on que le Roy. Voici fin alenu-nt venir le royHéry,cn-,
uirôné de fa garde, habille' ce iour-la tout de blanc, reluiiant &: magnifique au pofTiblc.
11 eut à collé dextre lcsEuefques:&: après eux fur le derrière eftoyent les Confeillers &c
u magni. Iurifeonfultcs, affis haut,& habillez de rouge félon la coullumc:de l'autre collé cftoyet
ficencedu jcs Milhorts&gcnsdc iufticé, cnfcmblc tout le rcftcdela nobleHe.ck* furie derrière
lenu'cotrc elloycnt aflislcs Archers de la garde.
Lambert. \ E rov donc cllant alîis haut en fon fiege royal,& iettant vn regard furieux furl.am
bci t, commanda au doclcur Daij euefque de Ceceftrc,dc réciter haut ôc clair deuant le
La lurt-cue peuple les caufes du prefent iugcment,auqucl il auoit voulu a/Iifter. C'cftoit en fom-
<fuHo£Uur nie pouraduertir la nobleflc&: les Eucfqucs,cnfemble toute fallillencc, delà volonté:
Da11, qui elloit que perfonne quel qu'il fuft,neuft à li mal ellimcr de luy que bien qu'il euft
rcictté la puilîance Papalc,on eftimaft pourtant qu'il voulift par mefme moyen eftein-
drela religion,& faire ouucrturc aux hérétiques de troubler impunément la paix &: rc-
L'inrcntiô pOS des eglifes d'Angleterre, desquelles il ellcit chef. Outre, qu'on ne pcnfall point qu
dtiroy Hé il ]cs cuft appelez là pour reuoquer en difpute la doclrine d'iccux hérétiques , ains en
intention feulement que les herefics de 1 homme qui elloit là prcfent,& de l'es fcmbla-
bles, cftans réfutées tant par luy que parles Euefqucs, fufîcnt publiquement eendam-
nces. Celle préface récitée, le Roy fc leua : & s appuyât fur vn oreiller de drap d'argent,
LcRoy in- çc tourna vers Lambert , & comme le menaçant des fourcils, dit, Vien-çà, homme de
Lambert, bien, comment t'appeles-tu? Lors la poure brebis humble &: à genoux rcfpondit , qu'il
sappeloit Iean Nicolfon:bienque ci deuant on l'appcloit aulfi Lambert . Comment,
dit le Roy,cs-tu homme de deux noms?ic n'ay garde d'adioullcr foy à ne n que tu dites*
& fulîcs-tu mon frerc,puis que tu es homme de deux noms . Lambert rclpondit , Sire,
vos Euefqucs m ont poulie iniques là, que i'ay ellé contreint changer mon nom. Apres
plulicurs propos, il luy commanda de déclarer refolument ce qu'il luy fcmbloit du Sa-
t rement. Lambert commençant à parler pour fon faicl,rcndit grâces à Dieu, de ce qu'-
il auoit flcfchi le cceur du Roy iufqucs là, que luy-mefmc daignoit ouïr le dirTcrenr, qui
elloit pourlors de la Religiomdiiànt que bien fouuét l'inhumanité des Euefqucs eftoit
caufe que plulicurs innocens eftoyent dcffaits fans le fecu du Roy . Mais maintenant
que le grand Roy des rois luy auoit infpiré ce defir de vouloir cognoiftre du faitl de les
fuiets,il cfpcroit que Dieu vouloit faire quelque chofe finguliere par luy à l'illuftration
de fa gloire . Le Roy courroucé, rompit le difeours de ce propos, &: dirjene fuis pas ici
venu pour ouir mes louanges, vien au pointt3& fans ambagcs(vfant de ce mot-la), Lâ-
bert touché de ceftevoix comme d'vne foudre, demeura quelque efpace de temps tout
eftonné:pcnfant en foy par quel moyen il pourroit proprement luy fatisfaire . Mais le
Roy colère au poftiblc, luy dit, Qu'eft-ce que tu penfes ? que ne reipons-tu touchant le
facrement de l'Autcl:dis-tu que le corps de Chrift (& fur ce mot le Roy efleua fon bon-*
nct)y eft,ou nomLambert dit, le refpon auec faind Auguftin,Que Je corps de Chrift y
eft aucunement. Le Roy repliqua,Relpon-rhoy,non de faincl Auguftin ne d'autre.: ains;
difimplc ment s'il y eft,ou s'il n'y cft point. Lefquelles paroles le Roy exprima aulfien
Latin. Lambctt dit,Ie ne croy pas qu'il y foit. Le Roy rcplique,tu es donc condamné
par la parole cxpreiîe de Chrift mefme, difant,C'cft-ci mon corps. Et foudain il com-
manda à Cranmer archeuefquc de Canturbie de réfuter ceft erreur.
Cranme r après auoir vie d'vne brieue préface aux auditcurs,dilputa affez mode-
ftemenc
La rcfpôfe
«k Lâbcrt .
Jean Lambert. pt
ftemcntauec Lambert: difant, Lamberr,mon frère, difputons maintenant tous deux
en pareille condition &c aduantage,à ce que fi ic prouue ton dire eftre faux par les Efcri
turcs- tu ne te fafches de recognoiitrc ton erreur-mais fi au contraire par la mefmcEfcri
turc tu prouues ton intention, ic te promets que iacquic'ecray volontiers à la vérité. Et
lors il tira vu argument des Actes des Apoftrcs , quand Chrift apparut à laintt Paul fur Argumcur
lechemin:voulantprôuuerparcc paifage qu'il n'y auoit point d'inconuenientqucle &Cram*r.
corps de Chnitfuft en vn mefmc tëps en deux diuers lieux: d'autant qu'il eftoit au ciel,
ôc au mefmc temps apparoiilbit a fainct Paul en terre. Que li on peut dire qu'il fuit en
deux lieux:pourquoy ne pourra-on dire femblablement qu'il peut eftre en pluiieurs?
Parce moyen l'Archeuefque tafcha de réfuter le fécond argument queLamberta-
uoit mis par efcrit,&: prefenté à Taylcr,ainii qu'il a cfté dit. Car le Roy auoit délia difpti
té contre le premier fondement qu'il auoit amené. Lambert refpondit que par ccft ar- Rtfponfc
gument nefepouuoit prouuerce qu'il infcroit:car l'Efcriture ne dit point que Chrift notable de
parla à iainct Paul en terre, ains qu vne lumière du ciel s'apparut à luy, &: que luy eftant Larobcrt-
tombe en terre ouit vne voix,d!Ïant,SauI,Saul,pourquoy me pcriecutes-tu;Par ainii ce
pafage n'empelche point que Chrift citât aifis au ciel, n'ait peu parler à fainct Paul, &c
cftre ouy de luy en terre . car ceux qui elloycnt auec faincl Paul ouyrcnt bien la voix,
mais ils ne virent perfonne . L'Archcueique répliquant contredit que S.Paul mclme
teftifie au 26.chap.des Actes,que Chrift luy eftoit apparu en cefte vilion.mais Lambert
dit qu'au m cime heu Chrift dit comme c'eft qu'il luy deuoit apparoiftre derechef, &: le
deliurer d'entre la main des Gentils: &: toutefois nous ne liions point qu'il luy l'oit ia-
mais apparu corpoiellcment. Lambert diiputant fi proprement de la conuerfion de S.
Paul,& le défendant en forte que le Roy monftroit en eftre efmcu,rArchcuefque em-
pefchédepouuoirdupliquer,&: les auditeurs cftonnc*z:l,cucfquedcVuinceftre,qui de-
uoit difputcr au fixieme reng,craignant,peut eftre qu'vn autre ne le preuinft en l'argu- £ "il^!\e
ment qu'il auoit mcdité,iàns le commandemet du Roy,rompit l'ordre de ceux qui de- nwttrc ea
uoyent di(puter,hms attendre que l'Archeuefque euft acheué:&fe mit à genoux,priât auant fcs af
qu'il luy fuit loiiible de diiputcr &. mettre en auant ce qu'il auoit proictté . &: de faiCt,il ëUmci,s"
allégua vn paifage de la 1 . aux Cor. chap. 1 1 . ou S. Paul dit, N'ay-ie pas veu le Seigneur
Icius: Et derechef au 1 ^.chap.Ccphasl'a veu,& puis laques la veu,& puis encores tous
les Apoftres,'&: finalement auiîï moy-mefme, comme dernier &nouueau venu,&c.
Lambert refpondit , qu'il ne doutoit point que Chrift n'euft efte' veu : mais qu'il 1 euft
fait en diuers lieux en mefmc temps, félon le naturel de fon corps,qu'ille nioit. L'euef-
que de Vuinctftre abufant encores de l'authorité de fainct Paul, cita vn pailagedu y.
de la 2.auxCorinthicns,où il eit dit,Bien que nous auons cogneu Chrift iclonla chair,
maintenant nous ne le cognoiiibns plus, Ôcc . Lambert dit qu'il ne faloit prendre cela
félon le fensdu corps. veu que fainct Paul parlant de fa reuelation, dit ainii , le cognoy
tel homme en Chnft,qui a cité raui iufqucs au tiets ciel : &c fay que tel hommc(ibit en
corps,ou foit hors du corps,ie ne fay,Dieu le fait)aefté raui en Paradis,&c. Par lefquel-
les paroles eit plus tacilc de dire qu'en cefte reuelation fainct: Paul eftant ellcué au
ciel,a veu ce qu'il dit , que non pas Iefus Chrift foit defeendu du ciel corporellemcnt
pour fe monftrer. veu que l'Ange a dit,que tout ainii qu'il eit monté au ciel , ainii vien-
dra-il du ciel . Et fainct Pierre , qu'il faut qu'il foit &£ reiide au ciel, iufqu a la reftaura-
tion &£ perfection de toutes choies : monitrant par cela le traiét &: quantité du temps
qu'il entend.
Apres quelcueique de Vuinccftre eut parlé ,Tonftal euefque de Dunelmeprc- Ton/laïc-
nanties erres, &: ayant vie d'vne longue préface de la grande puilfance de Dieu, vint JjJjU dc
iufques à dire , Que ii Chrift pouuoit accomplir ce qu'il difoit touchant la conuerfion
de ion corps en paimqu'indubitablement ilncdiibitrien qu'il ne vouluft faire. Lam-
bert refpondit qu'il n'y auoit lieu euidet en l'Efcriture où Chrift dift qu'il ait voulu châ-
ger fon corps en pain:& qu'il n'y auoit point de neceilité pour laquelle il le deuft faire,
mais que c'eftoitvne manière de parler figurée &: aiTcz receuë és'Efcritures,que le nom Le nom <fc
delachofe myftique eftfouuenr attribué au figne.quieft vne figure par laquelle nous t^u°.e JC
vfons femblablement du nom de la Circoncifionyde rAlliancc,de l'Agneau, de la Paf- figne.
que,& tels mots femblables . Sur cela on commença de crier contre Lambert, &: le
veincre d'iniures,fi on ne pouuoit par raifon.
Apre s fe prefenta en difputc Stokiflé euefque de Londresjleque^côme plutieurs
au
Linrc^IL Jean Lambert.
ont attcftc)mourantfeglorifioit d'auoirfait bruflcr cinquante hérétiques en favic.D*-
cntrecvfant de long prologue, dit que s'il p]ailoit aux auditeurs, il prouueroit que le
faicc de celle difpute n'eftoit pas feulement vn miracle, mais aniline repugnoit nulle-
ment a naturc:Car(dit-il)il n'y a pas d'inconuenient que changemens de (ubftance de
femblableschofes fe font de l'vneàrautre: de façon que les accidcns&qualitczmcf-
mes demeurenfjcombien que la fubilance & matière miette fc change.Ilmcnftracclâ
L'argumct par exemple de l'eau, bouillante tant que toute fa fubilâce aquatique fe foit euaporec.
ftofa côîne Or les Philofophcs enfeignent que la fubilance ne fe peut changer finon en fubilance*
Par ainh" nous difons que la fubilance de l'eau s'en va &: fc change en l'ubftance aerce:
comblé que la qualité de i'cau,c'cil aifauoir l'humiditc,dcmcurctouiiouis aptes la (ub-
ftance changée d'iecllc. car l'air cil humide comme l'eau. Ccft argument ainlî propofé,
meilleurs les Euefques commencèrent a faire vn grand triomphe, fc promettans d'vne
telle mutation philofophique des clcmens,vne vicloire peremptoire. La deifusonac-
Rcfponfe. tendoit la refponfe de Lambert:lequcl ayant moyen 6i occaiion de refpondrc, nia ce q
1 Euefque vouloir inférer , que l'humidicc de l eau demeurait aptes la fubilance chan-
gée en autre fubftance:Car(dit-il)bicn que nous dilions aucclcs Philofophcs, que Pair
cil humide naturellement , toutefois il y a vn certain &autre degré d humidité qu'en
lcr.Ujfi que quandl'cau fecôucrtitcn airjhumidité demeure bien, comme vous dites,
nvis ccile humidité n'eft de/ia plus de l'eau, ains del'air,cn la (ubftance duquel elle cil:
K-'pk ' s conuercie. Et de fa:d:,c'cftvne reiglc encre les Philofophes fort commune, qu'il n'eft
|; 4o' poflible que les qualitez& accidens, en ces chofes naturelles , (ubfiilent ians leur pro-
pre fuiet,commc vn lieu où ils refidenc. Là de/fus le Roy &: les Euefques fc mirent à
crier contreLambert,iufqu"à Pc/branler bien fort,s'il n'euil de longue main elle accou
Hume à telles ctieries &: molcftcs. Il feroit long de reciter par le menu les raifons d'vn
. chacun de ces Eucfques,& non moins fuperfiu . Cependant Lambert prcile en celle
h \\l toîi-d forte, iniurié, furmonte de l'authorité de ceux à qui il auoit affaire, cftonné de Jamaie-
us pans, fté & reuerence du lieu, fafché &c greué mcrueillcufcmcnedc la longue difpute, qui a-
uoit dciia duré de midy iufqu a cinq hcurcs,voyant qu'il n'v auoit efperance de rien re-
foudrc,aima mieux fetaire,que de les importuner par raifon plus outre : qui fut eau fc
que les autres Euefques qui auoyent défia difputé auec luy , curent moyen démettre
en auant ce que bon leur fembla , fans que Lambert les empeichaft, finon qu'il inter-
S.Aiigiiftui icttoit quelques ientencesde S.Auguilin poui prouucr ien intention .auquel autheur
Laio ? il eftoit fort exercé.
Fin a l e m en t le ioureftantprefquc fini ,&: les chandelles allumées, le Roy vou-
Les paroles ]ant mettre fin à la difputc,luy dit, Qu'cft ce que tu dis '*. Ne te tiens- tu pas content de
Uiubwt tant ^c Pemcs ydc tant de raisons & cnfeigncmcs qui t'ont efté donnez par ces gens fa-
uansîQifaimcs-cu mieux;mourir,ou viurc : Refpomtu as encores liberté d'y penfer,&
de choifir ce qui te femblcra bon. Lambert rcfpondit,qu'il fe rendoit&iùbmcttoitàla
volonté du Roy:Non(dit le Roy)ren-tov à Dieu,&: non pas à mov. le rccommande(dic
Lamhcrt)mon ameà Dicu,& mon corps à voftre bénignité. Si tu te remets à moy,il te
faudra mourir.caric ne délibère point donner faueur aux hérétiques . Et îorsictour-
Cromel a- nant vers Cromcl,luy commanda de lire la fentence de condamnation. Cromel eftoie
mi aiu fi- lors fort ami aux Hdcics,& faifoit pour eux tout ce qui luy eftoit polTible . La malice &;
rul'c de l'eucfque de Vuinccftrc fut fîgrande>qiul aima mieux que la fentence fuft réci-
tée parCromcl que par autre,afin que s'il refufoit de la lire, il fuil en mefmc danger que
Arc a corre l'autrcDonqucs par le commandement du Roy , Pareil fut prononcé par Cromcl : au-
Lambcrt. ^uc\ jj cft0it contenu que tous hérétiques deuoycnt cftre bruflcz,s'ilsdifoyent oucicri
uoyent rien contre Peglife dffauoirPapiflupte^U. le fa in cl Sacrement de l'autel . Et y eue
aufli vn edicL lequel fut attaché aux portes des temples,aucc mandement de le publier
quatre fois par an, afin que la doctrine de ce Sacrement demeutall plus ferme 6; impri-
mée és cœurs de tout le peuple.
Te r l e futlacondamnation de Ican Lambert, à laquelle plus ne reftoit quePexc-
Liure Apo cution.Orccpendac qu'il demeura en prifon il efcriuit vnc Apologie ou defenfedefon
logcticjiie, fai.it, laquelle il dedia au Roy : vfant d'vne Préface fort modellc, par laquelle il di(oit a-
compof"1 uou" double confolation : vne en Dieu , Si l'autre en la maieilé du Roy. puis expoibit la
citant en caufe qui Pauoit meu de faire ce liurc . Et après la Préface il prouuoit par pluficurscn-
îriion- droits des Efcriturcs Ion opinion touchant PEuchariftie , remonftrant comme Ieius
Chrift
Çourtet,Geneuou: Cromcl}<*Angloit. pi
Chrift eftant ici,ou rcflufcitant,ou montant au cicl,& y cftant refident,ncpouuoit oc^
cupcrquvn lieu quant à fon corps. Puis il vfa du tefmoignage des anciens Docteurs : &c
par iccux monftra comme toute cefte matière de Sacre ment eftoit neccllau émet my- Lamatiers
ftique &: i"pirituclle.& que le propre corps &lang de Icliis Chrift eftoit véritablement Jj1-^"^
contenu en ces myftcres. myiiiquc.
L l iour cftant afligné auquel on le deuoit faire mourir, il fut tire de prifon fur les
huit heures , &: mené en la chambre de Cromel : où Ion dit que Cromel luv demanda £™™jc
pardon de ce qu'il auoit fait contre luy mal-heurcufcmentïvoirc&: contre fa confeien- r,,,ù m i
ce. Là dedans, Lambert cftant aduerti que le temps eftoit près auquel il deuoit mou- Lambert.
rir,sen foitit tout confolé:&:pallant outre en lafalle,faluales gentils-hommes qui y e-
ftoycnt,&: print fon repas aucc eux,fans faire aucun fembiant d'eftre rnfte ou craintif.
Avant dciieuné,il marcha droit au lieu du fupplice , pour offrir à Dieu facrifice de bon
odcur:ainfï qu'il fît.
LOVYS COVRTE TydcGeneuois en Sauoye.
O V Y S Courtctprarîicicn renommé en la conté de Gcncuois au pais N1 D
de Sauoye , fe refentit en ce temps du bien de l'Euangile prefehé en la ville xxxix.
de Gencuc.il eftoit natif d'vn village nommé Vouurcy,au mandement &:
Chaftellenie de Chaumont audit Gcneuois,de laquelle il fut ordôné Cha-
ftelain . Par la fréquentation qu'il auoit allante*: venant quelque fois àGcncuc,il eut
vravecognoiflance delà vérité du Scigneurdaquellenc futoifiuccn luy, non fculcmct
quant à reformer La vic,maisaufîï pour en faire participaris fes familiers . Or, comme
le monde ne peut aucunement flairer vn odeur tant fbuef , aufli ne demeura-il long
temps fans eftre perfecuté,&: mis cnla condition commune à tous ceux qui porteront
deuant les hommes vn thrclor fi précieux. Il fut doncconftituéprifonnicr par le com-
mandement de dame Charlotte d'Orléans, vefuc de Philippe de Sauoye duc de Ne- riiil-rpcje
mours,&: conte de Ge ncuois , ayant le gouuerncment &: adminiftration dudit Gcnc- J'JJJ,6 |*J
uois de la Baronic dcFofîïgny, comme tutrice de laques de Sauoye fon fîls. M. Claude duc k Nc-
Dauid lors iugemage de tout le Gcncuois, cftimé grand Legi{tc(qui depuis eft mort în-
fenfé)luy rît fon proccz:&: voyant fa pericucrancede condamnad'cftre bruiné vit . Au
iour deTcxccutiondeccftclentencc,quiiutlc x i x.iourd'Auril .m.d.x x x i x Je Sei-
gneur fortifia de telle confiance ce fienfcroitcur,qu'cftat mené hors la porte d Annil-
Tî,aupafquis nommé Mu lfierc, prochain de ladite ville , lieu ordonné du fupplicc,ilcx-
hortoit ceux qui le conduifovent a la mort.Et comme le bourreau mit le feu au bois,&:
que tout le peuple d\ne acclamation accouftumee crioit Mifcricorde > Courtct die à
haute voix, Mes amis, n'ayez foin de mov,i ay bon courage en Dieu. Et au milieu des
uroit, il cuLvne tref heureufe fin &c ifîucdtçcfte vie.
ni ours.
THOMAS CROME L, conte fltfexe.
Ci dcfTus en l'inftoire de Ican Lambcrt,a erré lait mention de Cromel : duquel à cefte catife nous .liions ici mis en Ton ortlre L
procédure cjni tut tenue contre luvxn îacntellc nous auons vn mirer delà bonré Je uolhe Dicu;retirant ce i-erfoniiaged'
vne vie du tout ccurtif.mnc.i fon fcmice,&dlt!y rendre tefmoignage deuant lesçr-ns.
A D I S Thomas Cromel fut homme de baffe condition,maisd'vn fort MDXL
boncfprit &C confeil, tel qu'à peine l'Angleterre en pourra rccouurervn
femblable en feience politiquexe qui le fit finalement du priuc'conicil du science Pr>
roy Henry v 1 1 1. Iceluy ayant fait plufieurs agréables fennecs au bien pu- Krique ^
blicd'Angleterrc,fut premièrement aceufé deuant le Roy par quelques Seigneurs Ce- Cromcl-
ditieux,ayans conceu vne enuie contre luy quelque temps après qu'il fut déclaré con-
te d'EfTex . ^Touchant fa magnanimité, chacun la peut cognoiftre par ceci,que luy
feul fit vn a£te que iulqu'ici nul Prince de cefte Europe,ou Roy en fa république n'auoit
entrepris, ou moins exécuté . Car comme l'Angleterre foi t &: ait cité vne nation fu-
perftitieufe : ce Cromel extrait de petit licu,receut en fa perfonne toutes les inimi-
tiez & embufehes de toute la Prcftraille &: Moinaillc de cefte iflcrla porta en foy
feul,& en triompha. &: finalement ne laiffa m on tfi -enc maifon de toute cefte racail-
le, qu'il ne mift bas &: ruinaft iufquaux fonde n mcfmeilrengeales Archeucfqucs
$£Euefques,voirci'eucfquc de Vuinccftre,cnce quilfuftprefidentdu priué Confeil;
q.iit
l'util
Thomas CromeL
fon ik Cro
c ir.Unal
V\ ic .ci
dcifiis mm
ti< nue.
tellement qu'il anticipa &z rompit tous Tes efforts &: machinations qui tendoyent Xlx
r0ir?ar.ii- ruine des fîdclcs.Pour le faMfe court , il y eut entre cuxdcuxvne iïmulté &: émulation
grande, eftans tous deux fort authorifez &: agréables vers le Roy : Cromel le mcnftroit
touiîours vertueuxtmaisreuefque de Vuincellre ne fembloit eftre nay àautrechofe,
Vuiucuïrc. que pour porter dommage &: ruine aux gens de bien. Il lei oit long de réciter ici parle
menu combien de gens de bien Te font trouuez foulagez par l'afliftcncc de Cromel: li
qu'après la mort plufîcurs le trouuâs deftituez, déclinèrent grandcment:& finalement
corne priuez de lcurappuy,ne vcfquirent pas longue met après luy.Du commcncemec
c e fut le il rut au îeruice du cardinal d'York:&: eut dmers onSces,cn l'adminiftration defquels il
femonftra plus digne du icruiccd'vn Royqucd'vn Cardinal . Lors aufli Moi ns &c ce
Gardincrcuefqucdc Vuinceftre,eftant au fermée dudit Cardinal aucc Cromel,furcnt
eficuez enicmble des leur icunciîe .tellement que comme ils eftoyent tous trois d'vn
a.igc,ainli le furent-ils prelque de condition & manière de viurc:combien q leurs com
plexions&eftudesiuifènt grandement dilfemblables.Eftant deuenu grande recom-
mande au Roy parle Cardinal, il paruint à grans honneurs &: dignitez. Cependant qu'-
il auoit le ventcnpouppc,aduint vn îour que les threforiers &: généraux des finances
du Roy tenoyent propos des deniers &£ reuenu ordinaire deuant Cromel :aufquclsil
!tiy aduint de dire,que ii le Roy le vouloir croire , il feroit de forte qu'il deuiendroit vn
de s plus grans Princes & des plus riches de toute laChrcftienrc'.Cc propos cftant venu
à la cognoiflance du Rov,ille voulut cognoiftre plus familièrement . Orleconfeil du-
c îHif«-il quel il parloit,cftoit de prendre les rcuenus , & richelTcs & reliques des monafteresdu
de Cromel Royaume, & icttci hors vn tas de gros truans de preftres &: moines , qui viuoyent aux
th: /le Roy defpcns du peuple fans rien faire. Ce confeil fembla cftrc bon pour les affaires du Roy,
qui cltoit pour lors anime' contre le Pape , à caufe du mariage d'Anne de Boulen, ainfi
qu'il a cftedit.il y auoit lors en Angleterre grande multitude de contiens : comme on
pouuoit apperecuoir par le feul pais de Norfolk, auquel furet trouuez plus de vingt cô-
uens de Mcndians, outre plufieurs autres monaftercs de Moines réguliers &: irregu-
I Angl a licrSj^ Je Nonnains. Or puis que le royaume d'Angleterre a trentedeux pais &: prouin
ces en circuit& payfagc,on peut parlàaifcmcnt eftimer combien il y en pouuoit auoir
par tout le Royaume. ii n'y auoit pas tant en nombre, qu'il n'y cuit encore dauantage
en richeiTes.
De p vi s que le lîcgc Romain fut mis hors d'Angleterre, les Eucfqucs tafeherent
par tous moyens qui leur turc nt pofl1ble,dc le remettre fus, ou pour le moins de retenir
&: conferuer la plu s grande partie de fa doctrine. Le Pape ayant efte forclos,& l'Angle-
terre citant en grand trouble à caufe de la Religion, le Roy fut d'aduis d'alfcmbler tous
r>. i.b ra- les Eucfques & gens doctes de l'on Royaume, pour aduifer de toutes chofes concernan-
u.. i, r y tes la police delà Religion .bref, il y eutvne grande aucmhlce de fauans perfonna-
do'i'à EL-1 S'- s & au très, au fou cl s ce r.vct apparrenoit.Cromcl fe trouua entre les Euefques:&: ren-
ligioti. contrant en chemin Alexandre Alefe,lc mena quat & luy à la congrégation, où il trou-
ua les Eucfqucs qui n'attendoyent que fa venue. Tous luy firent honneur comme au
, Lieutenant du Roy encefte partie:&luy lesfalua tous les vns après les autres. Les E-
Le nonihrc / » * / 1
dcsl-.ucf- ucfqucs& Docteurs eftoyent alTis en leur ordre :rarcheuefquc de Canturbie, l'archc-
^ues mm. uc j^uc d'Yorkd'euefque de Londrcs,de Lincolne-de Sansbure,de Badc,d'Elie,d'Her-
rrfornutiô ford,dc Ciceitrc,de NoruuiCjde Roccftt c,de Vuigornc,£cc. Cromel cftant alhs là com
ac u Relu me Lieutenant du Ro\,£c garde des Seaux, commença à parler en celte forte: Le Roy
( Tomilprc vous mercic grandement d'eftre venusù l'alhgnation,qui vous auoit efte faite. le croy
fîdcauxaf- bien que vous n'eftes pas ignorans de la caufe pour laquelle il vousamandez: quieft
rÏmo ^ Pcur mcctrc ^n ^ or^rc * certains difterens touchant 1 eftat de la foy &: religion Chre-
Cjufcdu ftienne , lcfqucls font pour le iourdhuy reuoquez en doute & controuerfe non feule-
manderact ment en ccRoyaumc,mais aufli en prelque toutes les nations de la Chrcftiente': vous
Ju Roy' aduifant que fa maiefte ne dciïrc rien plus en ce monde,linon qu'il y ait paix &c tranqui
lire en l'Eglifc.Et combien que fon delîr principal eft,que les confcicnccs troublées de
les fuict s,&: h ngulicrement des infirmes, foyent confirmées par quelque certaine &: ar
reftee doctrine:côbxé auffi qu'il ne foit pas ignorant de laverité: toutefois il aime mieux
quclescholcsdcmcurcnt en l'cftat ou elles font, que non pas permettre que rien en
foit ordonne fans le commun confentement de vous tous: qui vous peut allez faire en-
tendre fa prudence lïngulicrc,&: fa faucur enuers vous tous. Au moyen de quoy il vous
prie
ÏXÏ11 [TO
ninces
Thomas CvomeL p j
prie tous au nom de Chrift , qu'après auoir Jaifîc routes affedions particulières , voftre
plaifirfoit de mettre les raiibns qDicu vous aura donnees,en termes le plus fimplemét
qu'il vous fera poifible: ayant toufiours deiiat les yeux la vérité des Efcriturcs faindes.
Et de fa;£l,il n'endurera pas qu'aucun devous faceviok;. rc à l:Efcriture,pour la mener Escanffs<fe
où il voudrait tant par décrets &: canon s,comme par aurhoi ire de Dodeurs&: Concis l^^f^
les: tant s'en faut qu'il rcçoiuc aucuns articles & doctrine s fondées feulement en 10 11e aider q <ies
l'ay quelle couftumc&: tradition commune des hommes, laquelle n'eftant aucunement
prilé des El'critures,vous appelez Couftumc&: raifon neneferite. Vous làuezquec 'eft
le dcuoir auquel vous cites principalement obligez à Chrift premieremêr,&: puis à Ton
Egliïc:lcquel aura pour agréable la diligence que ferez au reftablillement de l'on Egli-
fc.Or la raifon Se moyen que vous y deuez tenir > eft qu après auoir lailTé arrière toutes
inuentions &: fictions des hômes,vous reduifiez le tout à la touche de la parole dcDicu,
ainfi qu'il cil elerit au Deuteronome.qui eft bié le poinct lequella maiefte du Roy vous
veut eftre recommandé le plus.
Crome l ayant acheué ce difçours,tous les Euefqucsfetcnans debout, remercie- Rc/^onfe
rent humblement le Roy , tant pour l'arfcdion lîngiîlicrc qu'il monftroit auoir cnuers dcs £uc^;
lcglifcde Iefus Chrift,q pour vnc telle exhortation & aduertiflement digne d'vn Roy
Chrefticn.On vinrdonc incontinent après en difpute : où Boner euefquc de Londres, Boncr
grand zélateur des canons du Papc,fut redargue par Cromel à caufe de que lques argu
mens qu'il auoit mis en auant pour prouucr fept facrcmcns,lefquels il fondoit fur quel-
ques glofes des efcoles . Ce Boner auoit d'vne part la raueur de l'archeuefque d'York,
de l'euefqucde Lincolne,dc Bade,de Ciccftre,& Noruuic. De l'autre part faifoyentl'-
archeuerque de Caiuurbie,les cucfques de Salopic,EHc,Hci ford, Vuigornc, Se autres.
* Apres plufieurs raifons agitées d'vn cofté Se d'autre , touchant les tefmoignages des
Docte urs qui fcmbloyent répugner entr'eux,&: eftre rapportées à contraires lins & cô-
clu,1ons. rarchcuefquc de Canturbie commençant à dilputcr,fitccfte préface, Qu'il n' i-'opiniod
appartenoit point à gens dodes de tant eftriuer des mots ,& que eclaeftoit le propre jc'catur-
des Sophiftcs&: autres fcmblablcs, quife délectent plus d'altercations &: contentions bic.
friue)les,quenon pasdelapaix&:tranquilitc publique. Que maintenant il eftoit que-
ftion de choies graucs Se de grande importance , non pas de cérémonies Se autres cho-
ies de peu d efte-d,ains du vray fe ns &: intelligence des Efcriturcs faindes . Qu'il eftoit
queftion de la rcmiflion des péchez , ele la confirmation Se afièurance des pourcs con-
feiences opprclTecs du fentiment de leurs péchez. Du vray Se légitime vl'age desSacre-
mens:&:,Si la iuftification eft aidée & fouftenue pariccux, ou fi elle procède feulement
de la foy.Itcm,Quclles font les bônes ceuurcs:quel eft le vray feruice de Dieu: alfauoir-
mon li le chois &C différence des viandes, fi la diuerlité deshabillemens,fi lesVceus des
moines Se prcftres,&: tels décrets ^ordonnances des hommcs,dcfquellcs il n'eft nulle-
ment fait mention es Efcriturcs, doiucnt eftre mifes au nombre des bonnes œuures, Se
ré putées faindes,pour rendre l'homme vrayement Chrefticn , &: le combler de toute
perfc dtion. Dauantage, fauoir-mon fi le faux Se extrauagant feruice que les homes pen
lent faire àDicu, introduit par leur inuention Se artifice,non parle commandement de
Dieu,peut obliger les confciences. Finalement fi les cérémonies de la Confirmatiô qu
on appelc,dcsOrdrcs,de l'Ondicn extixme,&: femblables chofes qui n'ont iamais cfté
inftituees par Iefus Chrift,&: n'ont aucun tefmoignage de la faincre Efcriture,pour no9
rendre certains delà remiflion de nos péchez , doiuct eftre mifes au nombre des Sacrc-
mensj¶ngonnccs auec le Baptcfmc Se laCcncde neftre Seigneur Iefus Chrift.
Que c'eftoyent les chofes qu'on deuoit mettre en termes Se. délibération : lcfquellcs
de tant plus grande confequence qu'elles font, comme comprenans vniucrfcllcmcnt
les poinds principaux de nuftre foy Se falut , tant plu s on y deuoit procéder foigneufe-
ment Se auec meure deliberation.Que fi donc ils veulent obéir à Chrift &: à S.Paul,qu'
ils laiflent vnc infinité de mots ineptes & fuperfhis , &: qu'ils cerchent la vérité propre
desEfcritures.Quc fon aduis porte que l'ordre Se manière qu'on doit tenir,cft de parler
j- c • , r ■ r t r? • Ordre «Ici*
premièrement des Sacrcmens,&: en rairc tous vne commune relolution. Et puis que di!piltctou
nous difons le Baptcfme& la Cenedu Seigneur eftre les Sacrcmés du nouueau Tefta- chant les
mét,qu'il faloit refoitdrc ce q nous entendons parce mot.Qu'il fauoit bic q S. Ambroi- Sacrcmcn&
(cSe autres Dodcurs appeloyent Sacrcmcns,aufïilelauemcnt des pieds des Difciples,
Se chofes femblables : lelqueiles toutefois il ne voudroit mettre au nombre des Sacre-
mens.^ Ayant ainfi difcouru,Cromel commanda au feigneur Alefe, qui eftoit prefent,
q. îii.
Thomas Cromel
&s fembloit prendre plaiiir à ce qui fe diibit , d'en dire Ton opinion. Lequel après atioir
vie de préface honorable , s adreflant audit Cromel &: autres Euel'qucs & minières de
rEglil*e,dit que combien qu'il f uft venu la fans y penfer , toutefois s'aiîcurant de la grâ-
ce de Dicu,promettant bouchefic fapienec à ceux qui cftans interroguez de leurfoy s*
appreftent pour en rendre raifon,il ne doutoit d'expofer librement ce qu'il luy en fem-
bloit.Et commença en cefte forte: Monfîcur rArchcuefquc me lemble auoir très-bien
ciit,en ce qu'il a cftime qu'il faloit premièreme nt venir a la difrînition du mot de Sacrc-
mcnt:alfauoirs'il s eftend feulement aux cérémonies lefquclles lefus Chrift viurpe&:
lphef.i.</. accommode à quelque choie particulière en l'Euangile ( comme faintï: Paul appelé la
remiflion des péchez: ) ou bien ii vous eftimez qu'il appartienne indifféremment & v-
niucrfcllcment à toutes cérémonies , par lclquelles toutes choies facrec s, par quelque
moyen que ce foit,font lignifiées &: entendues. Que ii veus-vous arreftez à la féconde
lignification, ievous accorderay facilement qu'il y a fept, voire plus de Sacre mens. mais
l c Sacre ^ mc fcm^le que faind Paul s'eft arrefte à la première, appelant la Cnxoncifion Sacre-
ment Ofs ment, comme vnfeau &: marque de la milice delafoy . Or lcsluifsauoycnt (èulcment
luits. cc Saciement,ainii que toute l\Eicriturc melmc tefmoigne.& eft raifonnable que tous
Sacremens doiuent eftre rapportez à la définition &c propriété de ccftuy-la. Tel le dc-
Ipruf j.i*. clare faind Paul aux Ephefiens,difant,Le Seigneur lefus a fandific fon Egiifc (c'eft aifa
uoir tous ceux qui ont cite baptizczenluy ) la purgeant dulauement d'eau en la vertu
de fa Parolcdàoùilconiointla Parole &z prome/îe Diuineauec le ligne &: cérémonie
Marc :6.\6 extérieure. Mefmc Chrift coniomt la foy aucc le figue, où il dit,Celuy qui croira &: fera
baptizé,fera fauuc . A ce propos faind Auguftin dit proprement, La Parole accompa-
gne i'element,&: le Sacrement en eft fait . &: en vn autre paflage, Le Sacrcmcnt(dit-il)
eft auquel Dieu befongne&ecuurc lefalut occultemc nt fous la forme des choies vifi-
blcs . Et le maiftre des Sentences dit, que le Sacrement eft vn ligne vifîblc de la grâce
inuiiible:&: incontinent après interprétant cefte grâce inuilible, dit,qu'elle n'eft autre
choie que la îuftification des péchez. Finalement laind Thomas ne penfe pas qu'au-
cun homme mortel ait puiflànce d'eftablir le moindre Sacrement de ce monde, tj Pre-
mièrement donques li nous fommes d'accord touchant la définition du mot de Sacre-
mcnt,nous ferons bien toft après d'accord touchant le nombre des Sacremcs, lcfqucls
nous ont cité huilez par lefus Chnft pour lignifier la remiflion des péchez . Et de faid,
s \u«uftin faind Auguftin en reçoit deux en rÈpiftreii8, efcriuantà Ianuarius: où ildit,Icvcux
toucJuntk cme tu entendes le fommaire de cefte difpute:c'eft que noftre Seigneur lefus (ainfi que
nombreics lUy_mcfme dit en rEuangile)nous a chargez d'vn fardeau bien léger &: aifé.car il a obli-
uu.mcns. TEglilc de fon peuple nouucau à bien peu de Sacremens, &c bien aifez touchant 1-
obferuation d'iceux,mais exccllcns en lignification: c'eft affauoir du Baptcfmc &: de la
Ccne , &: s'il y en a d'autres qui foyent commandez es Efcritures: hors mis ceux-la tant
feulement lcfqucls auoycnt efte baillez comme charges &c fardeaux de feruitude au
Au l u de PeuP^c ^ncicn,à caufe de ladurté de leur cœur . Derechef faind Auguftin dit,Que les
ladoftrinc Efcritures nous ont enfeigné bien peu de Sacremens , comme ccluydu Baptelme,&;
ehrcitiêue De la mémoire célèbre &£ folennclle du corps &: fang de lefus Chrift, &c. CSurcc pro-
pos l'cucfquc de Londres ne fc pouuant plus contenir, parla finalement en cefte ma-
nière: Premièrement (dit-il)touchant ce que vous auez alfumc,que les Sacremens que
lefus Chrift a inftituez en l'Eglife, doiuent auoir vne lignification &: intelligence ma-
nifefte de la remiflion des pechcz,tout ce propos doit eftre reietté comme faux &c con-
traire à la vérité. difant qu'il le monftreroit facilement tant par l'authorité euidente d©
Laremo 1 Efcriture,comme par certains tcfmoignages desancies expofiteurs. ^ Mais l'cucfquc
flrance de d'Hcrford, lequel cftoit reuenu n'agueres d'Alemagne,oùil auoitefté enuoyéambaira-
Foxecuef- Jc pOLir Jc RGy aux Proteftans,cfmeu de l'infolence de l'euefque de Londres,fe tourna
|^rj cr~ vers Alcfe,le priant de ne vouloir venir en difpute aucc luy par tcfmoignages &: tradi-
Lcs Do- tions faites à plaifir denefay quels Docteurs Scholaftiques:veu principalement qu'eux
Ltc:ir<;Scho mefmes dilcordent bien fouuent en cefte matière des Sacremens: voire fc contrarient
JuitKjiKs. communcment,comme en toutes autres chofes . Que s'il faloit fe fonder en leurs rai-
fons,&:prouucrpar elles la refolutionde leur difpute , il ncferoit poilîble d'eftre en rie
ancurez,ne conclure aucuneehofe certaine. Dauantage, qu'ilauoit efte eniointparle
Roy , qu'on n'amenaft autres fondemens 6c raifons, que de la feule &c (Impie Efcriture.
Ce fut le propos qu'il tint à Alefe. puis fe tournant vers les Eu efques , les reprint allez
Thomas C y omet p$
fiigrcmcnt,ou pluftod les admônefta de leur deuoirde propos duquel efl: bien digne J1
dire ici infère : Ne penfez point (dit-il) mes frères & percs, que ievucille maintenant
que vous-vous nouri îlfiez d'vne vainc cfperance, &: que vous- vous perfuadiez pouuoir
derechef obfcurcir par vos artifices &: rufes fophiftiques ,1a lumière del'Euangile, ef-
clairant maintenant aux yeux de tout le monde. car Icfus Chrift a voulu en ce temps-ci
manifeilcr il cuidemment fa parolle à vn chacun, &: taire entendre à fon Egliie la ven-
te, qu'ayant rcpoiille les ténèbres efquellcs nous auons ii long temps vefeu par le paf-
fc, il en fera maintenant le maiftre. Car mefme les gens laies &: limples artifans voyent P^jjf
plus à prefent par la grâce de Dieu, es fainctes efcritures,quc ne font pluncurs de nous, pêtjj.e au*
Théologiens illuminez que nous lbmmes, auec toutes nos fpeculations. Or outre ce LesAlcn :s
que le monde commence défia à ouurir les yeux, encores les Alemans ont traduit na- fuSajrs"
gueres la Bible félon la vérité Hebraique,auec tant de diligence &: perfpicuité, qu'on y de la paroi-
entend maintenant plus facilement ce qu'il y faut entcndre,qu'on ne fauroit faire auec lcdc Dlcu*
toutes les glofes & interprétations longues &£ prolixes des Commentateurs.
^~C e furent en fubltance les propos qui furent là tenus grauement par l'euefque d'-
Hcrford:tellcment qu'Alefe s'en lcntant fortifie', pafla outre , &c prelfa les aduerfaires
par ceft argument: Les Sacrcmcns(dit-il)font féaux, ou cérémonies par lefquellcs nous Définition
fommes rendus certains delà bcneuolencc de Dieu cm ors nous. Or celle certitude ne dt"™°nlSa"
peut eftrc finis la parolle de Dieu: ilfautdonqucs con. lure que les Sacremens qui ne
font appuyez en la parolle de Dieu ny en aucun tcfmoignage de l'Efcriturc , ne doyuct
point élire receus pour Sacremens. Lamaicurcll prouuee par S.Paul,Rom.4:où il ap-
pelle la Circoncifion, Signe de la milice de foy.par cela il appert que la foy y efl: aufh rc- ,L:j.^!ft
quile, pour nous rendre certains de la volonté de Dieu entiers nous. Of que la Parolle jcsUs,K-rc!
ne foit le fondement de la foy,il n'y a perfonne qui en doute : autheur mefme S.Paul au mtns,
chap. 1 o. de 1 epiftre aux Romains , diiant, La foy cft par louve , l'ouye par la parolle de ^ f/J£n'_c
Dieu. Car toute l mititution de noilrc cfprit , &: la certaine cognoiffanec de la volonté demande
de Dieu procède entièrement de l'a parolle , ne plus ne moins que les cérémonies ex- 11 i0'/-
teneures des Sacremës ne ieruent à autre chofc,quc pour latisfaire aux iens extérieurs
de la perfonne. Mefme par le fufdit paliage de S. Paul, l'erreur de ceux qui penfent que
ics Sacremens nous iultîfient deuant Dieu par les œuures qu'ils appelle nt Ouurecs,voi
relanslafoy de ceux qui les rcçoyuent, eftmanifeilement corrige'. Auquel propos le
mefme Apoftre efcriuant aux Epheiîens:Chri(l(dit-il) a lauc & purifie ion Egliie au la- Epkf.j.ztf,
uement d'eau parla Parolle,&:c. Car en ce qu'il conioint la Parolle auec la cérémonie,
laquelle Parolle baille véritablement la vicnl nous monflre cuidemment par a.la,qu'-
il faut principalement coniidercr es Sacremens la parolle de Dieu, comme ion corps &c
fubilance. Mais en ce que celle parolle cft adminiftree extérieurement au Sacrement,
cela ne peut rien de foy -mefme fans le motif de celle vme flamme, laquelle nous côce-
uonsparfoyen nos ames, en la parolle Ôepromc/fcs de Dieu. Voire que l'A poftre ad-
ioufteauffilesparollesde Chrift en J'inllitution de laCcne,difant,Ilprint le pain, &c i.Cor.n.
ayant rendu grâces, le rompit, &: dit , Prenez & mangez : c'eft-cy mon corps, dit outre, 2-5 & l4'
Faites ceci, en mémoire de moy. Encores au mefme lieu il admonncflc qu'il n'eft loili-
blc à homme viuant,non pas auxApoilrcsjdmftit uer les SacremcnsjOti mefme les cha-
ger autrement qu'ils ont elle ordonnez par Chrift: où il dit, I'ayreceu du Seigneur ce
que îe vo9 ay baillé,&:c.Car autremJt quel befoin ciloit-il de la proteilation qu'il raifoit
au peuple, par laquelle il pretcndoit que foy luy fulladiouftcc , s'ilauoit puiflance ou
d'eflablir Sacremens nouueaux, ou de renouueler &: chager les vieux à fon plaifirrainit
que quelques vns calomnient impudemment la forme &: manière du Baptcfme intro-
duite parles Apoflres.
^L'e vj5Qj£ de Londres répliqua en celte fortc:Etbié(dit-il)ie vous accorde que
les Sacremens font fondez en la parolle de Dieu. or fi vous penfez qu'il n'y ait autre pa- Boner a-
rolle de Dicu,finon celle qu'vn homme de meftier ou payfan lit en fa langue,vous elles terité?1*
bien deccus, Dauatage,fi vous penfez qu'il n'y ait rien qui appartiene à la foy du Chre-
ftien, finon ce qui eft contenu es Efcriturcs , vous eftes pareillement deceus, auflî bien
que les Lutheries. Car S.Iean eferit que plufieurs chofes ont elle faitespar IefusChrilî, Ican "* zî*
lefquelles ne font cfcrites,&:c.Et fain£t Paul au io.chap, de la i.epiftre aux The/îàloni- Boncr
ciensjcommandc qu'on reçoiuc& obferue fes traditions : non feulement celles qu'il a au deuant
comprifes r>ar fes efcrjts,mais auffi celles defquelles il a parle',fans les auoir rédigées par leï vieU!ç'
q.iiii,
L/Wo IL Eïtiennt_> 'Brun.
afncriesSeo cfcrit. Dauantnge, au i^.chap. des A£tes,nous voyons comme non feulement les Apo-
^•qu«. ^rcs ont pr0p0tc beaucoup de choies qui n'eftoyent côtenucs e s Efcritures , mais aulïi
pluficurs décrets &c ordonnances de leurs predcceileurs. Finalement nous en auens
autant entendu &. receu mcfme parles Dodeurs&: Conciles: lesquelles choies la-Ibit
qu'elles ne foyent comprifes es Eicritures , toutesfois puis qu elles ont cité miles &£ in-
troduites par les iaincts Docteurs ,nedoyuent pas moins eftre receues, quefi cllcsc-
ftoyét venues des A poftres: & ne doyuent eftre receues auec moindre Religion , que li
elles eftoyent proprement contenues es Eicritures. Bref, il n'y a point d'abfurdité ,li la
paroile de Dieu eit appelée en partn ,Non efente.
^L'cuefque de Londres difputant en celte lortc , Cromel &: l'Archeuefque de Can-
turbiefcfouliianscntrcux, s'elbahirent : &: remarquèrent l'elprit grollicrd'vn tel E-
ucfque, qui tantelloïc obihnéen vne chofeii friuole. Alcle vouloit pourfuyure la dif-
pute, quand fc trouuanc court& preffe du temps(car l'heure de midy approchoit délia)
Cromel luy t ômanda de ù contenter pour le prêtent de ce qu'il auoit dit: &: pour met-
tre fin & conclulion an propos, dit, Puis qu'il e ft ainfi, Monlieur le reuerend , que vous
niez que la foy &c religion Chreftiénc foitfeulemét fondée es Elcriturcs:li ic vous mon-
ftre le côtrairc par euidé tes i allons, ic croy bien q vous m'accorderez qu'il n'y a pas plus
de Sacremcns que ceux qui font i < -mpris e n l'Elcriture. Ce que luy citant accorde par
l'Eueique, I on mit fin à la eiii'pi t c pour ce iour. Le lendemain les Euelques eltans rcuc-
nus;&: reprenant les erre s de le ur première dil'putc, Alefe voyant qu'il ne luy cftoit loi-
ibodircplr ^le ^c Parler,redigca fommaircment par elcrit Ton opinion : laquelle Cromel reccut,
efent tou- &: la monltra aux Euelques. Or par les propos & difputes là tcnues,tat fut procède, que
laReligicnnepouuantprcmptementeftreremifeenfon entier par le moyen de Cro-
mel, fut toutefois réduite en beaucoup meilleur citât qu'auparauant.
Cromclic- ^ Trois ans après que ceci fut ainfi fait &c ordonné par eux, Cromel fc trouuant afïîe-
c"k- gé par fraudes &c complots Je quelques vns , d'autant que parlant vn iour du diuorce
qui auoit cfté entre leroy Henry &; Anne de Cleues fa femme, il auoit dit qu'il feroit
contét d'auoir donné vn coup de dague à celuy qui romproit ou troublcroit leurs nop-
ces : il luy fut mis en auant par Thomas duc de Northfolk&: autres, que cela eftoit pro
feré obliquement contre la maiefté du Roy:lequel fouhaitant à femme Catherine Ha-
uart,auoitluy-mefmceftéle premier autheur du diuorce. Qui futcaufe que certains
Milhorts&grans Seigneurs confpircrcnt contre luy, dcfquels il auoit encouru lama-
le-gracc,&: par enuie qu'ils luy portoyent,ck pour le fait de la Religion,!! que fînaleméc
Cromel pri il fut conitituc prifonnicr en la tour de L ondres, luy mcfme qui auoit vn peu deuat fait
Loyrlgou- vne W» Q-uc ce^uY qin ^roic vne fois mis prifonnier en la tour, fuft incôtinent côdam-
rtuic de né à mort fans plus ample conteftation de caufe,& fans torture : par la mefme loy fouf-
Cromcl. fric la peine qu'il auoit ordonnée. On dit (ce qui fcmble affez vray fcmblable) qu'il n-
auoit pas fait celte loy li rude & rigoureulé qu'elle cftoit,tant par inhumanité &: cruau-
d"f Cromel c^'cornmc PDur attraper l'Eueique de Vvinceftrc, trefgrand ennemy de Chrift &c de fa
quant à la religion. Il clt certain que le Roy depuis fe repentit grandement qu'on auoit faitmou-
l°y- rir Cromel, ne pouuant difîimulcr l'amour &. affe&ion qu'il luy portoit : comme on en-
tendit de luy quelque temps après.
ESTIENNE BRVN, Daulphinois,
I L y a en l'exemple de ce Martyr aucunes chofes peculieres digne d'eftre notées : aflâuoir les dons & p races que Dieu donne
à gens des champs , fans obferuer les moyens humains. C'eftle premier après Ican Cornoo , qui dl donné pour miroir
aux laboureurs de la terre.
L N T R E les fidèles tefmoins de la caufe de Iefus Chrift , Eftiene Brun peut
chant les
Satremcns
lavicru. du DiHiIphine. A vray dire, ce perfonnage nous ramené vn exemplede l'ancienne in-
îaaeu" tcgrit<^ ^c k v'c ruftiquc& des premiers laboureurs : lefqucls en cultiuantla tcrrc,cul-
tiuoycnt &: aelouciifoyent aulfi 6c leurs efprits & leurs mœurs. Eftant d'vn village
nommé
Eftienncj Brun. pf
nomme Rcortier au pays du Dauphinc , combien qu'il n euft oneques fréquente les ef-
coles , (i fauoit-iJ lire &c clcrire en langue Françoifc,&: s'adonnoit aucc le labourage à la
lecture du nouueau Teftament traduit en François : l'vn eitoit pour la nourriture de la
famille, fit l'autre pour 1 mftruction d'icelle en toute crainte de Dieu. Or comme ainli
foitque les Preftres fit adueriaircs de vérité fouucnt Iuydonnaflcnt grande contradi-
ction, fi les furmontoit-il en vertu de cette parollc de Dieu , &c les rendoit courus . telle-
ment que le plus fouucnt ils neluy lauoyct que reprocher, /inô qu'il nelàuoit point de ^ePrcr^
Latin, &: qu'à cre dit il lifoit celte faincte Efcriturc,laqllc il auoit li fouuct en la bouche. d'ç"
C e s reproches eurent telle force à l'endroit de ce perfennage, qu'il s adonna à con- vente,
fercr la vcrlionFrançoifeauecla Latine : dételle forte que finalement il paruint par
grand labeur &:collation fréquentée dcfditcs tranllations, de pouuoir entendre &: allé-
guer en Latin les pailàges du nouueau Teftament , qui fut depuis caufe de'le faire par-
ler de tant plus grande hardiefle aux cotredifans &: ennemis de la vérité. Mais comme
aux chaifieuxla lumière eft du tout contraire, fie ne la peuucnt porter, aufti aduint qu-
enl'anM.D.x x x v 1 1 i.lesaduerlaires neccfferentdemoleitcrlcdit Ffticn ne , &z pro-
curer fon emprifonnement. Eltant détenu es priions de rEuefqucd'Ambrun,il fut cir-
conuenufi£ induit par tromperies fijvaines promeuves des fuppolts dudit Eueiquc,d'ad-
mettrevn formulaire d'abiuration qu'iceux auoycntefcriten Latin en leur ftyl accou- chaste
ftumé, pour obtenir deliurance. Mais le Seigneur après icclledcliuranccluy donna à tn!».Ca"C
cognoiltie la faute :& en eut tel dclplaifir , que fouucnt il s'aceufoit en la prefence de
fes domeltiquesfit parcns,&: diibir , Miferableque ic fuis, dauoir fi légèrement adiou-
fté foy à mes parties aduerlcslmais cefte charongne de chair n'en cfchappcra point , fi
derechef ic fuis prmsrains pavera l'intereit de fon periure fie" defloyauté.
^Aduint derechef que ledit Efbenne en l'an x L.fut emprifonné àTinftigationfie
pourfuitte de Gal'par Auger de Gap,fcrmier de rEuefque , qui efperoit d'auon fa con-
fifeation. Ce fermier fît tant par le moyen d'vn Cordelier inquifitcur de la foy ,nommé p°micclli
Domicclli,&: d'vn qui eltoit Vicaire, qu'on procéda à toute diligence à la condamna- lnqm ltcui
tion dudit Efticnne. Plufieurs cependant le foliciterét de le defdirc , fit de fauuer ta vie
comme il auoit fait autresfois : mcfmes la femme fie cinq enfans qu'il auoit , luv furent
mis au deuant: mais ilnc rîefc hit oneques en forte quelconque. Etquant à ladilctté
qu'on luy remonltroit qu'auroyentees poures enfans après fa mort,il refpôdir,Moycn-
nant que la palture de l'amc,qui eit la parollc de Dieu, ne leur défaille point, ic n'ay fou
cy aucun du pain du corps.
. A v mois de Iuin de celte mcfmc annee,Eitiçneeftat mené deuat les luges pourouyr ° confticc
fente nec de mort, les aborda en celte forte, difant, Poures gens que penfez- vous faire? mlrâbie^
vous me voulez condamner à la mort: vous-vous trompcz,cc fera à la vie. La mort m'-
cipouanteroit lî ie ne cognoilfoyc qu'aux enfans dcDicu elle fuit entrée à la vie. car des
mileresdece poure monde icpafTeray incontinent à vne immortalité bien-heureufe
que i'ay tant dclircc. ^ Cela dit,ainfi qu'on le menoit au lieu du dernier lupplicc nômé
Planuol,ilexhortoit de grande affection le poure populaire, quieftoit en grad nombre
amallé pour voir fa mort, Quand on l'eut attaché au polteau , fit que le feu fut mis au
bois à l'cnuiron, il demeura debout quafi lefpacc d'vne heure auant que la rîammc lat-
touchait viucment : telle eftoic à l'heure l'impetuolité du vent qui la dechaffoit fiede-
ftournoitjde forte qu'on fut cÔtraint de remettre nouueaux fafceaux fie quelques vait-
feaux huilez pour de plus en plu s allumer le feu. Le bourreau voyant qu'il n'en pouuoit
venir à bout luy donna fur la tefte d'vn long crochet qu'il tenoit : fie Efticnne viciât cn~
corc,luy dit,Puis que ie fuis condamné d'eftre bruflé, pourquoy me veux-tu aflbmmer?
Lors le boureau luy lança le melme crochet à trauers du ventre:Se l'ayat abbatufiecou-
uert de bois allumé, confuma le corps par le fcu,iufques à le réduire en cèdres : lcfqti el-
les puis après pour accomplir la ientence des Iugcs,furét iettees fie efparfcs au vent. Le
Magiftrat fit inhibition exprelfe à cry publique,que perfonne n'euft à parler de la mort
d'Eftienne Brun,fur peine d'eftre eftimé hérétique comme luy,fiecoulpable d'vne mef-
me punition.
QV A T RE Martyrs exécutera Louuainen Braktnt.
LA perfecuriôqueles Théologiens de Louuainefmeurét.y eft récitée par forme d'hiftoire.en laquelle plufieucs furét cruellement
tormçcezjl y en eut quatre <jui moururéc fort couftâm.cpc;allàuoH deux homes &deux fémes/iefgucls le mart ) re y eft défait.
L/Wo IL Quatre <J%tartyrs Louuain,
j^- ;:;>^0 V"R déclarer l'affliction ^e certains perfonnages qniau pays de Brahant,
i aD^a-ui ^ Flandre &: Artois ont enduré la mort pour la vérité de PEuangile, il ne fera
tiôaupays &! pf^^impertinent de narrer comment la perfecution rutcfmcuc &toft embra-
hls- 1^ y^è^i lee Par cout iccluy pays. Apres que Charles le quint Empereur y fut arriué,
avant trauerféla France Tan m. d . x l, pour venir en Ton pays bas fcappaifer le tumul-
te de Gand : Théologiens &: Moines le fblicitcrent par requelles , à extirper la 1c-
Requcfte tte de ceux qu'ils nomment Luthériens. LefommairedeJciirinftancceftoit: Que d-
dt« Tbcob aut:ant qu'il aimoit le falut du pays 6c la Religion ancienne, il donnafl fecours à l'Eglifc:
*1CIS' qui eftoitpreftc de tomber en ruine, fi par remède prefent on n'obuioità lapefte Lu-
thérienne qui s'cfpandoit par tout fen pays. Et veu qu'il auoit mis fi bon ordre en Efpa-
gne qui cil grande, que trace de Luthérien n'yapparoit: qu'a plus forte railondcuoit-il
foigner que le pays où il cft nay 6c nourry, fuft gardé impollu de celte infedion. Ils l'ad-
Adiuration iuroyent donc par toute Diuine puifianec, qu'il voulût ouyr la voix du pays criatA: im-
dcsTîuolo plorant l'aide de fon Seigneur naturel , cha/îer &rcpouiier loin cefte abominable hc-
louuaïn re^c tllu mctc°ic ^ous ^c P'ed l'authorité du faind Perc, grand vicaire de Iefiis Chrifl, la
dignité de l'eglire, la fuperioritc des Théologiens &C religieux: côme on a veu auoir efte
fait en Alcmagnc,&: maintenant aufîi en Angleterre. <j L'Empereur cnflambé par ces
fourriers del'Antechrift, leur donna permiffion, puis qu'autrement n'y pouuoit enten-
dre, de faire cux-mcfmcs ce qu'ils pc nfcroyct cure expédier pour le falut & profit de 1-
eglifc. Lors leur fut la victoire facile , eftans conftituez aceufateurs 6c luges. Parquoy
ils forgèrent inconnue nt articles 6c loix telles que jamais on n'en vit ny ouyt parler de
femblablcs. Ic toueheray feulement en fomme telles qui concernent de plus près lq
fai£t des fidèles.
Lc< artïcks Premièrement que les liurcs des Alcmansqui depuis vingt ans ont efcritdcla
«ic Louuji". Théologie, 6c qui par cy après cfcrironr, lovent défendus en gênerai: don t auffi en par-
ticulier cft recité vn grand nombre. ^Que nul ne foit fi hardy de compofer ou chan-
ter chanfons fpirituelles en langage vulgaire , ne lire ou auoir aucunement celles qui
auront efte compofées par les autres. Les ailémblees où on parle de la Religion ( qu'-
ils appellent conucnticulcs) foyent defendues:&: qu'à tous généralement foit défendu
de ten ir propos de la Religion, fuft au marehé, ou à la maifon: foit en public, foit en pri-
uc. ^ Encffcct, les pcnkcs&: mouucmens de l'efpritfont prohibez:car par ces belles
loix ils commandent que les hommes nefacent, ne parlcnt,ne hlcnt, ne penfent autre
chofe finon ce que Pc glife Romaine en a ordonné,^: que nos maiftres 6c les moines en-
feignent en leurfynagogue. ^Que pcrfbnne ne fréquente ou rcçoyuc en fa maifon,
boyucou mangc,ou couche auec homme-quelconque qui aitiamais autrement cnlin-
gné, dit ou penfé. * Qucli quelcun en aeogneu aucun tel, 6c ne fait reuelé, qu'il l'oie
puny comme fauteur & receleur d'herctique s, dclamefme peine que Pautre (croit pu-
ny. * Que perfenne ne prefumetant que d'en feigner quelque choie de la Religion,,
ou d'en apprendre , ou difputcr des articles de la foy, ou conférer de chofe quelcôque
concernante la fainctc Eieriturc. Bref,quctout lemondc fecontente de l'inltruction
6c enftignement qu'on en donne ou aux temples par prédications , ou aux leçons de
nosmaiitres. Que pcrlonnc, foit efeolicr, tant foit dotte, ou autre de quelque eftat
ou condition que ce foit, nes'mgcredelire,enfeigncr ou interpréter aucun liurede
la laincte EicriturCjOU conférer auec aucun du fens d'icclle, linon qu'il foit de la profef-
fion de Théologie, & qu'il ait prins degré en quelque Vniuerlité fameufe. Sur ces arti-
cles de Louuain, il y eut loix eftablics pour les confermer, fous peine de mort à tous
ceux qui les tranfgrefîeront : fauoir cft aux hommes d'eftre bruflcz,aux femmes d'eftre
enterrées viucs:dauantagc tous &c chacun leurs biens conflfquez, &: leur famille &c ton
te leur race à ïamais demeurer infâme : 6c loyer décerné 6c conftituc au délateur. Ces
chofes ainlî cruellement excogitecs, la perfecution qui auoit auparauant efte cfmeuèV
s efpandit puis après par les villes de Brabant.Et premièrement en la ville de Louuain,
vniuerlité dudit pays, le Procureur gênerai ou hïcal (qu'ils appcllent)auec la bande des
Caphars&: leurs adhères sallcmblercnt vn foir,&; vindrétenuiron l'heure de dix heu-
res en lanuidtpourvifitcrlesmaifons des bourgeois.^ entras de force, cerchoytntpar
tous les coins des maifons,& fouilloyent par tout pour trouuer liurcs fulpe£ts, côme ils
c.uauté difoycnt.Làlcsfatcllites, d'vnc audace non ouye mettoyét les main s fur les pourcsgés
des (tracas. cn leur licirjfelon c|u'illeur eftoiccomandé : quelquefois fur le mary 6c la femme, 6c les
emme-
Lomui-n.
Quatre tfflartyrs de Louuain. ç S
emmenoyent. Les poures enfans cfloyet aux codez , qui par leurs pleurs <3j cris lamen-
tables lembloyent prédire la mifere de leurs percs &c mercs , & par conlequen t la leur.
Pluiîcurs cllans cllonnez d'vn h cruel fpedacle , fe ictterent villement hors du lict , &:
forcirent en chcmilc pour fe lauuer.&: toutesfois la fureur de ces tyrans ne s'adoucit en
rien par ces lignes de nature tant euidens, qui crioyent vengeace contre vne telle cru-
auté : ains au contraire ils s'animèrent d'autant plus, voyant que leur entreprise par les
cris&: bruits fcdcfcouuroit,&: que ceux qu'ils cerchoyent, le lauuoyentparlc bénéfice
de la nuid,& par laduertence de ces lamentations. Apres auoirdifcouruquali tou-
te la nuicr, leur fureur ne le peut appailer, iufqu'à ce qu'ils curent emmené vingthuit Vingthuic
pcrfoimes,tanthommes que femmcs&: enfans : lesleparansendiuers lieux ,&: defen- Jj,™pn,oa"
dans de laiiîer perlbnne parler à eux. Ceux de Louuain furent grandement eilonnez
de celle perfecution foudainc. Plulicurs qui auoyent eugoultderEuangile,qui para-
uant auoyet fait beau femblant, ne rctindrent pour lors aucun figne ou indice de con-
fiance. Le nombre des prifonnicrs s'augmentoit de iour en iour , tellement qu'aucuns
des plus appareils de la ville, lailîans leurs familles s'enfuirent. Plufieurs le tenoyët ca-
chez en lieux lécrets, defquels les biens furent failis.&: auoit-on le nom déplus de trois
ccns(comme on diioit)de ceux qui clloyent foufpeçonnez par fus les autres,cs villes de
Brabant&: Flandre. Les Theologicns,fur tous Roardus Tappaert doyen de Louuain, Latomus&
& laques Latomus deux inucterez dodeurs,alloyent aux priions pour tourmenter par Roari!u$-
leurs difputes ces poures prilonniers : y venans comme au combat contre poures fem-
melettes par rufes&fînclfcs, ou par menaces. ^Entrelesautres,laFt mme d'vn a- Lafemmc
po t i c air t citant interrogée qu'elle tenoit de l'inuocation des Sainds,alfauoir s'il dvn AP°~
o i ticdirc
ne les faloit pas adorer &: inuoquçr:Refpodit qu'elle elloit fort mal exercée en dilputc,
&c pourtant elle laiifoit toutes les fubtilitez aux Théologiens: mais qu'elle n'en fauoit
nevouloittcnirautrcchorequecequelafaindeEfcriturecn enfeignoit, fauoirell ce •
que Icfus Chnftnous comandeen fain£cMacthieu,Qu'ilnous faut adorer nollre Dieu jj™*'
éc Seigncur:&: feruir à luy leul. Enquile où elle auoit appris cela , refpondit qu'elle a- 4
uoit leu en S.Paul, Qu'il n'y a qu'vn feul Moycnncur entre Dieu &: les hommes , Iefus i.Tim. 1.5.
ChriiLqui s'efl liuré foy-mefmc pour nos pechez,& qui oyt nos foufpirs, & prelete nos
prières dcuantle Perc.& qu'elle s elloit propofee pour le plus feur d'adorer &inuoqucr
celuy-la. Intcrroguce d'auantage, elle leur dit quel inuoeation ell le principal poind
delafoy Chrellicnne,& par lequel leul la vraye Religion cil feparee de celle des au-
tres idolâtres.
Ces maiftres Théologiens ellonnez de la refponfc de celle femme, defcouurirent
de plus en plus leur vieille afncrie,&: dircnt,Il efl bien vray qu'il faut adorer Dieu:nous
ne le nions pas. mais quelle audace cll-ce,ou pluftoft impudcnce,d'oler de front elleué,
les mains &C les pieds remplis d'ordure, te venir prefenter deuat Dieu , que tu auras of-
fenléentantdelortcs : attendu que tun'oferois faire le femblable, non pas mefmede-
uât vn home? Penfe appart toy, Si tu auois à prclenter quelque requefte à l'Empereur,
netadrellerois-tu pas à monlieurdc Granuclle, premier qu'ofer approcher de fa maie-
fté:ou à quelque autre que tu faurois luy eflre agreable,pour la prefenter? ^ L'elprit de
la femme ne fut eiblouy en rien pour cela, que quant & quant elle ne leur donnall ref-
ponlé, vfant dépareille limilitude:Mais que diriez-vous, fi l'Empereur elloit à vne fe- Re(p0llk
neftre, qui leuft que i'euifc befoin de fon aide:&: quand ie paiferoye pardeuant, il m'ap- a'dtrcno.
pcllall luy mefme de fa propre voix, Fcmmc,monte ici où ie fuis : ie te veux ottrover ce «t.
que me dcmanderas.me voudriez-vous confeiller d'attédre que ie me fufie acquile des
amis en Counou bien de m'en aller prefenter droit à l'Empereur , qui leul peut &C veut
me donner ce que luy demandcray?Ces Théologiens ne fonnoyent mot . quoy voyant
la femme leur dit, A vollre aduis,luy refpôdrois-ie que ie voudroye attendre que quel-
que moniteur premièrement m 'infinuaft en fa bonne grâce? ne ferois-ie pas digne, voi-
re à bon droitjd'ellre non feulement refufec quand ie viendroye à luy , mais déboutée
totalement: ayant plus prifé l'authprité du leruiteur que celle du maillre?Et ne me faut
pas ici reprocher que ie fuis vne de celle qui ay tant forfait contre la Diuine maiellé,
pour me defgoufter d'en approcher: car i'en fay plus que vo9 ne m'en fauriez reprocher,
mais combien que ie ne fuis pas digne de leuer les yeux en haut,li elt-ce que mô efprit
eft tout cfleué,oyant la voix de ce grand Empereur celclle,parlant à moy de lafeneflre
de fon Euangile.il cognoit ma poureté Se mifere,&: y veut remédier : car telle eft fa vq •
I/^ro //. Quatre ^Martyrs de Louuain.
loue cternellc,ratifiee par fonEfcriture,&: feelleepar ion propre fang.D.Tu ne Tais doc,
dirent-ils, aucune eftime des Saincts. R. Sauf voftre grâce : îe ne lailfe point d'auoir en
honneur 6c eftime leur fain&e vie> &: de m efforcer de les imiter , &c d'enfuyure leur foy
Rom i ij. & chanté:mais îc vous dy que c'eft vnc impieté horrible de vouloir transférer à la créa-
ture ce que nous deuons au feul créateur. ^De la confclfion de celle femme tous ces
meilleurs furent autant eftonnez que de voir chofe contre nature : 6c en curent tel def-
pit,qucpeu après ils délibérèrent démettre fin auxprocezdes prifonniers, de diuer-
l'es qualitez , les vns en plus grand, les autres en moindre danger : félon que les charges
eftovent contr eux. C Premièrement ils procédèrent contre ceux de leur eftat: car au
Deux cha- commencement ils auoycnt prins deux Chapelains de l'cglife collégiale de S. Pierre,
pelaïus. £jc |a profcflîon jc Théologie , lefquels ( telon leur façon de parler ) ils appeloyent fils
baftards 6c rebelles. Or d'iccux le plus îeune eftoit efchappé du lieu où ils lauoyct mis
en garde:&: partant le rirent dé clarer par attaches, hérétique, réfutant de reuenir au ju-
gement 6c à la correction de fainetc mere eglife. quoy fait ils le ietterent dedans fa mai-
fon,& cômeharpyes înlatiabLs, pi lièrent toute fa fubllance. L'autre qui eftoit aagé de
foixante ans, après auoir efté eit hafFaudé, &: quelque téps fouftenu la venré,finalemét
par tromperies meilecs auec cruels torments qu'ils luv firent endurer, fut a la parfin ef-
branilé &i diùcrty de fa conllancc:parquoy ne de luy ne des autres qui flclchirent,'nous
ne ferons ici autre récit.
Deux hom Venons à l'exécution des autres prifonniers, alîauoir de deux hommes laics(qu'ils
Deuxfem- appellent^ de deux femmes qui moururent vertueufement : defquels l'exéple cil mê-
mes, morable , encore que nous n'ayons par exprès leurs noms 6c furnoms. Ces deux homes
receurent en premier lieu fentence de condamnation , eftans amenez en la maifon de
villedaquellc leur fut prononcée parle Procureurgeneral,qui cfloit(c5meila efté veu
cy delfus)leur partie ad uerlé. Le dicton d'icelle fentéce eftoit, (^v e leurs corps feroyee
brûliez 6c réduits en cendres, leurs biens côfîfquez à l'Empereur,&c.Et après celle con
damnation tous deux furent remenez en la prifon , où on leur fit attendre la mort deux:
iours cntiers;qui ne fe palTercnt fans que pluficurs Caphars les vinllcnttormenter, co-
rne ils ont de couftume. ^Cependant en la ville tout eftoit en trouble: 6c fe preparoyée
toutes choies neceiîaircs pour l'exécution defdits prifonniers. Etiafoitque la couftu-
me fuit de faire les executiôs dehors la ville au heu où eft fitué le gibet , ce neantmoins
pour intimider & cfpouanter les bourgeois, ils voulurent faire ce facrifice au milieu du
petit marche, deuant la maifon delà ville, alîauoir deuant le temple S. Pierre. Le tiers
iour venu, auquel l'exécution fe deuoit faire , il y eut grad bruit en la ville, tellement q
pour euiter vn danger de fedition,on fit cômandement que toutes les bandes iurees de
la ville fu lient en armes pour tenir le marché,&:dôncr confort à la milice. En ce tumul
te 6c grande aifcmblce , il eftoit mal-aiic d'entédre les dernières voix de ces poures pa-
ne ns, qui eftoyent dciia tous foibles &£ comme à demy morts: mais ceux qui cftoyét au
La Pi itre plus près deux ont affermé q toute leur dernière action fut en prière 6c oraifon à Dieu,
des deux à ce que par fa bonté 6c puilTance il leur afliftaft en ce dernier combat.Le Procureur ge-
neral,duquel cy deif9 eft fait métion,fit tenir prcftevne torche de cire,laquellc il bailla
luv- mclme au bourreau pour allumer le feu:&: faifoit cela de fi grade alaigrefle &c ardét
courage, que peu s'en fallut que de halle il ne tombait du lieu où il eftoit. Le feu s'allu-
ma 6c monta fort grand, tellement que les corps de ces Martyrs furent incontinét con-
Le martyre fumez. ^L e lendemain de ce malîacre,dcux femmes allez aagecs,natiues de Louuain,
fcmfne"* ^ c^°yent ce^ics <\ui deuant tous autres auoyent côftamment maintenu la vérité de
l'Euangile,receurcnt fentence d'extrême cruautédauoir eft délire enterrées toutes vi-
ues. L'vne de ces femmes nommée Antoinette,eftoit d'vne des principales maifons de
la ville:dc laquelle les parens 6c anceftres auoycnt efte' autrefois au gouuernement pu-
blique. Toutes deux moururent auec vertu 6c force admirable , voire incroyable , eu
leurs corps autrement infirmes 6c imbecilles.
BARNES, GVILLAVME H IEROME, &: THOMAS
G A R R E T, Théologiens ^4nglnts.
LES conditions qualité? & degrez qu'auoyent communs ces trois cxcellens Do&curs, rendent leur tcfmoignage notable, con-
ioiut en meune fupplice qu'Us ont enduré pour l'Euangile, ««or» -r
KO B t K 1
RHames, T. G arrêt, Ç.Lfierome. $7
A R N E S le docteur , natifdu conté de Norduic , près de.Lynne, entre les m.d.xl.
ordres 8c fe&cs inuentees par les homes, s'adonna à celle des Auguftins de
Ton premier commencement. Baleushiftorien Anglois, &c luy ettovent pa-
reils &: d'aage & d eftudc:&: lous le royaume de TA ntechrift frcquctoyët en
l'an m . d .x 1 1 1 1 , les efcolcs des Sophiftes. A la fînBarnes paffa docteur en la doctrine Sco Bamcs in.
laftique : mais quand il eut vnpcu goufté de la vérité Euagcliquc par les liurcs de Mar- ftimt cn la
tin Luther,il ne redouta point de le prefenter cn difputcs contre les plus gras monftres beolaftiauc
des efcolcs de Sophiftericr&eftant armé de la vertu d'enhaut, corn bâtit il vaillammét
contre Je Dragon &c la Befte, qu'il gagna fur eux plufîcurs de leurs fortereffes qu'on e-
ftimoit en ce temps-la imprenables. Les fuppofts de l'empire de Bahylonc, alfauoir les
Euefquesde Londres, de Roceftrc,de Bathon&Afaphen, firent tous leurs efforts de le
molefter &: tirer deuant les fieges des cours qu'ils nomment Ecclciiaftiqucs , auec leur
chef le cardinal d'York, qui lors dominoit au pays d'Anglctcrre:fous la tyranic duquel
Barnes fut forcé de fedefdire,& de tenir prifon. L'an ttoiiieme de ion emprifonne-
ment,Barnes trouua moyen d'efehapper des priions, & s'enhut cn Alemagnc vers Lu- f/f™"
ther, où il demeura quelques anneesauee gens doctes & bien exercez cn la doctrine de Yvittébcrg
pieté. Quad il eut entedu que le roy Henry v 1 1 1 .fembloit porter faneur à la vraye reli-
gion (corne l'hiftoire en a efté déduite cy deffus ) il retourna au pays d'Angleterie , &: y
demeura faifant office d'vn vraydo&eur Chreftien. Quelque temps après, i'auoir cil
l'anM.D.x x \ v, il fut en la compagnie auec Edouard Foxe,euefque dcHerfurd,à la
iournee de Smalcalde, pour accorder les poinits de la religion auec les Protcltans, &c
contracter alliance auec eux. Leur charge exploitée , ils fc retirèrent à Vvittembcrg,
où pafferent l'hyucr: &c cependant ils conferoyent auec les Théologiens de 1 Vniuedi-
tc:toLichant les matières de la Religion, mais depuis qu'on eut entendu que le Roy a-
uoit fait décapiter A nne de Boulen fa femme , qui fauorifbit &: auançoit la doctrine de
rEuangilcpluilcurs furent troublcz:&: cela cmpefcha que le Roy ne fuit receu cn la li- ^"^"h -
gue des Protcftans. Le Roy cômença depuis à retenir la doctrine Papiltique auec plus r> u'cft re-
grande rigueur que parauant:tellement que plulicurs fidèles furent mis à mort. Le- ""^"j1*
ucfquedc V vinceftretrouuât bien ample occafion pour exercer la cruauté, fufeita des Akmans,
troubles merueilleux, &c ietta fes premières efeumes contre ces trois Théologiens , al-
fauoir Robert Barncs , Thomas Garret&: Guillaume Hicromedcfquels il fit bru fier en
ce mefme moisvoire deuxiours après la mort de Cromcl.Quârà Barncs, il conuict dé-
duire l'hiltoirc de fa mort vn peu de pl9loin. ^Eftiéne Gardincr prcfchalc premier Di-
mache de Quarefme au téple de S.Paul,& parla allez mal de l'article de la Iullification.
Et pourtat le 3 .Dimachc apres,ledit Robert Barnes,^ fut ordôné pour prefeher là mef
mc,refuta deuat tous&ouuertcmetla doctrine dudit Gardincr cuefque deVvinccltre,
dônant quelques attcîtcs&: mots piçqnas. car auec ce que ledit Barnes cftoit vHicmet,
aufïî eftoit-il facétieux de nature.Or il dit ceci entre autres choies, Si nous eftions tous ^ "
deux enfemble à Rome, il me faudroit beaucoup pour racheter ma vie,voirc s'il fe pou Barncs.
uoit raire:mais la fienne ne luy coufteroitgueres à racheter: vouhât donner à entendre
par ceci, que l'eucfque de Vvîceftre cftoit pour le Roy de parolles,mais pour le Pape de
faict. ^ Apres que Gardincr eut cfté aduerty de cela, il fut fort dcfpité,& aceufa Barnes
vers le Royrdeuat lequel il fut appelé , &: contraint de dire fes raiiens : 6c d'autrepart le
Roy permit à I'Euefque d interroguer ledit Barncs, comme il entédoit. L ors fEuefque
cômença à dreffer les cornes, enflé de iacommiffion , difant ces parollcs audit Barncs,
Puis que le Roy l'auoitconftitué pour fon preccptcur,auffi baillcroit-ilàfon dileiplc d'-
autres inftru&ions , &c en toute autre cfcole qu'il nauoit appris. Par celte cfcole il enté-
doit la tour,en laquelle ceftEuefquc l'exerça depuis par menaces, cruauté &eftôncmés
en forte queBarnes bien toft après fut côtraint de luy demâder pardon à genoux au mi-
lieu d'vn fermô au téple de fainÊte Marie(lequel on appelle S.Marie de l'holpital)à Lon
drcs,& faire côfeffion ouuerte deuat tous, qu'il lauoit traitte trop irreucrément en fon
fermô precedét:&: quat &: quant le pria, que s'il luy pardonnoit , il fift quelque figne du
doigt q fon cœur eftoitappaifé. Ce q I'Euefque fît à regret & contre fon ceeur,donnanc
affez à cognoiftre au peuple qu'il ne faifoit pas cela de bonne affection. Tout ce qui a
cfté iufqu a cefte heure recité^aduint au mois d' Auril auquel téps Gardiner n'auoit pas
fort grand pouuoir d'exercer fa cruauté contre les bons perfonnages, d'autant que Cro
mcl viuoit encore.MaiSjComme dit a efté,incontinét que la puiffanec luy fut dônee fuç
V.
Liurc^j IL QLle Peintre: J. Marlar: M arg^oulard.
lcsrîdelessaprcslamort de Cromcl, la rngc qu'il auoit conceué contre Barncs,nc fut
oneques ralfalïee , iufqu a ce qu'il le vid condamné & liuré au bourreau pour eftrc exé-
cute du dernier fupplicc. Foxus dît qu'il fut decapitélc dixhuiticme de Iuillct : mais
Balcus& Sloidan difent qu'il fut bruflé auditmois:&: mourut confiant en la cohfcllion
de la doctrine du Fils de Dieu.
M.D.XL.
CL A V DE LE PEINTRE, Parifrn.
ffîW^Sl) E S ruifleaux de l'Euangilç puremet commencé & prefché à Gencuc,ccm-
Ai me il a ciré touché c vdeuant, découlent peu à peu, &:arroulent la terre de
L'odeur
l'Fuangilc;
morr 1 aux
r'prouuez.
SÇI France. Voici,Claude le Peintre ieune compagnon orfeurc , natif du faux-
^L~Éb bourg de Sainct- Marceau de Paris,apres auoit profité en ladite ville, y ayat
demeuré cnuiron trois ans, retourna audit Paris , pour départir à ces amis ce bien ine-
ftimable de la cognoiifance du falut éternel. Aucuns de la mailbn où Claude auoit pris
habitation à Paris pour exercer ion mefticr d'orfeurc,nc pouuans porter ceft odeur tat
foucf de l'Euâgile du Fils de Dieu, l'acculèrent vers Monn lieutenant criminel du Cha
ftelet:par lequel ledit Claude incontinent fut conftituéprifonnier. Et après qu'il eut
deuant luy maintenu vne pure &c entière côfcfllon de fa foy &c de la doctrine qu'il auoit
annoncée, Morin le condamna à eltre bruflé vif. Claude fe porta pour appelant de fa
fentcnce.mais la Cour de Parlement lors gouuernee par Lifct premier prch'dent,voyat
laperreuerancedcceicunecompagnon,adioultaà ladictc(cntcnce, qu'il auroit auffi
la langue coupée, l'cftoye au nombre de ceux qui furent fpectateurs de fa mort& iflue
tresheureufe, laquelle confirma plufieurs qui auoyent commencement &: quelque ("en
timent de la vérité, de laquelle le Seigneur rendoit deuant nos yeux en la perfonne de
Claude vn vray &c viftcfmoignage.Ce fut vne chofe admirable devoir la côftance &:lc
maintien de ce ieune homme , palTant de cœur alaigre vne infinité d'opprobres qu'on
luy iettoit en allant à la place Maubcrt, lieu ordonné au dernier fupplicc:auqucl lieuii
endura la mort d'vn cœur alaigre, fan m.d.x l .
I E AN
MARLAR, & MARGVERITE
LARD, d'Orchies.
BOV-
^ÏÏ^Se fruiclde la mort de M.Pierre,curé de Douay que nous auôs cy deuant reci-
;S5tcc,lc monftra quelque temps après, car plufieurs en la ville de Douay furent
LS/^confirmczcnla cognoiiîance de la vérité: lefqucls en leur faifon ont donné
Martin Co fruiâdc grande confolation àl'Eglife du Seigneur. Entre autres vn nommé Martin
cicl,û" Comclin natif de kditc ville de Douay , homme riche &: libéral enuers les poures , fut
lors ad uancé en la dochinede l'Euangilç: fi que depuis il alla touiiours de plus auant en
la cognoiflance d'icellc.
L e mefme fruict de ladite mort s'efpandit puis après aux lieux circonuoifins. A Or-
chics, qui eft vne petite ville pics de Douay ,vn nommé M.Ieau Marlar, eftantde re-
tour en fon pays après auoir quelque temps cftudié à Louuain,fut conftitué prifonnier
par la iuftice dudit lieu d'Orchies, pour auoir annoncé à aucuns la vérité de la doctrine
de l'EiiangilcCcux d'Orchies le liurerét entre les mains de M.Ican de Latre,lors lieu-
tenant du gouuerneur de Douay, le 2.iour de Nouembre m. d.ui, Marlar demeura
conftant,&: perfcueraenlaconfeffiondelapure doctrine: de forte que tous ceux qui
luy furent amenez pour le conuaincre , demeurèrent confus deuant le Magiftrat. Son
procez rait,il fut condamné d'auoir la tefte trenchee pour certain regard qu'eurent les
Iugcs:&: mourut conftamment le x x.de Ianuierfuyuant.
Marg vlrite Bovlard fa tante vefue honorable de George Maurice bour-
geois d'Orchies, auoit quant & quant efté appréhendée par la iuftice dudit lieu, le pre-
mier de Nouembre, iour de Touffaindts, qu'il appclent:& le lendemain elle fut aulïi li-
uree entre les mains de la iuftice de Douay. Il eft incroyable combien cefte femme e-
itoit embrafee de vraye pieté : qu'eftant interroguee de fa foy , déclara fans crainte ce
qu'elle
M.D.XLI.
Juïle jusietg. pg
qu'elle auoit appris des fain&es Efcritures Or pource qu'elle perfiftoit,dohhaht touf-
iours foy à la venté de Dieu , manifeftee en l'Euangile de fon Fils Idus Chrift , &C reiet-
tant les inuentions des hommes qu'on luy mettoit au deuanr , fut condamnée à eftre
enterrée viue:quieftvn genre de i'upplice ordonné aux femmes au pays bas del'Em- ^n"tprïc'rc*
percur, comme nous auôs veu cy deflus en l'hiftoire de ceux de Louuain, & comme on k» femme*
verra au dilcours de ces hiftoires eftre vfîté. On la mena à ce cruel i'upplice trois iours V1U"-
après la mort de fondit nepueu Marlar , aiTauoir le 23 .de Ianuier : auquel iour elle ren
dit vne ame bien-heurcule à iamais au Seigneur. Ces deux Martyrs furent grandemét
regretez au pays.mais quelle vertu pourra eftre Tans danger contre vne rage li cruelle
des aduerfaires?
I V S T E I V S B E R G, du pays de Brabant.
I L y auoit aflez long temps que le Seigneur auoit efprouué par diuerfes affligions vn de Louuain nÔmé Iufte Iusberg,Icfquelle$
par grâce admirable il auoit fi heureiuemét furmôtees,q la dernière luitte luy a efté en falut,& à no' pour vray miroir de côftâcc.
|N la perfecution de Louuain, cy delTus récitée , les aduerfaires auoyét dref-
[fé vn roolle de ceux qu'ils vonloyent emprifonner au pays de Brabant &: de
[Flandre.Entre les fufpc/ts, Iufte Iufberg eftoit vn des plus recommandé, &:
jH l^^jaccuié. Ils le firent donc ccrchcr premièrement à Louuain: oùneletrou-
uas poit,on leur dit qu'il eftoit âllë en vhc Abbaye à deux lieues pres,accouftrer de l'on ft e
meftier de peletier, les robes des moines. & fur ce requirét le " DroiTard de Brabant de j>iJeft
le venir là prends A quoy ne faifant refus, vint foudain en cefte Abbaye auec nombre fm??nZ"»
darchers:&trouuant Iufte accouftrantfes peaux, leconftitua prifonnier fahs aucune ?££utBti~
reiïftence. En le fouillant ils luy trouuerentvn nouueâu Teftament,&: vne partie des
prefehes de Luther * lcfquels il auoit accouftumé de porter en fon fein. Ils furent bien
refiouis d'auoir cefte proy e:& partant le menèrent lié à Bruxelles. Le lendemain qu'-
il y arriuâ* deux Conseillers de la chancellerie de Brabant vindrent vers luy pourl'in-
terroguet de fà foy.Iufte leur refpondit qu'il vouloit dire & fouftehir la vérité mfqu a la
mort,fans que par toimeris ils le contraignifTent.Lors ils luy demandèrent touchât les
articles de Louuain, ce qu'il en croyoitj aiTauoir De la puilîance du Pape , du Purgatoi-
re, du facrifïce de la Meflc , des Indulgcnces,& des Sacremens &c autres chofes. Il leur ^'^"olS
refpôdit en fomme,Qu'il recognoifîoit (comme vn vray Chreftien doit faire)la îufticc, de'iusberg.
la fandification & rédemption de tout le genre humain, eftre donnée de Dieu par fa
gratuite bôté:& difoit qu'il l'auoit ainlî appris par la fain&e Efcriture. Interrogué pour-
quoy il auoit ces liurcs-la fur foy , attendu que ce n'eft point fon eftat de lire : Refpond
qucc'eftoitbienfoneftatdelirecequieft neceffaire à fon falut:& que la rédemption
côtenue au Teftament du Pere , ne luy appartenoit pas moins qu'aux gran* Docteurs,
voire qu'aux grans Princes de ce monde. Mais tels liures font hérétiques, dirent-ils. II
leur refpondit qu'il les tenoitpour bons & falutaires.
FiNAtîMEJiî lepreiîans de leur reuelerfes complices, lefquels ilfauoit eftre
fouillez de mefme herefie: dit qu'il n'eftoit point entaché d'aucune herefie, entât qu'il
ne tenoit autre doctrine que celle du Fils de Dieu,&: qu'il ne recognoi/Toit autres héré-
tiques, finon ceux qui perfecutent la vraye doctrine , quels qu'ils foyent. A ce mot de
Ptrfecuteurs (combien qu'il n'euft nommé perfonne)ils furent incôtinent enflammez: &c
le menacèrent de luy donner lâ queftion li rude qu'homme n auoit encore enduré,voi-
re de le defchlrer membre à membre auec fers chauds, s'il ne leur declaroit fes compli-
fes. Sur cela il leur dit que le DroiTard auoit bien veu les Moines du contient où il auoit
efté pris, &: auec lefquels il hantoit : s'ils les vouloyent faire prendre * qu'ils en mTent à
leur bon plaifir.
Ces CommiiTaires voyans qu'ils ne pouuoyeht auoir de luy ce qu'ils demandoyent,
le firent mener en prifon, &c le tindrét enuiron neuf fepmaines en vne chambre haute,
grillée & bârree , (ans que perfonne peuft parler à luy. Depuis on le mena à Louuain, Iu<k, *?
pour aceufer ceux de fa cognoilTance,comme on difoit : mais ce fut en vain : car il s'e- Louuaii
ftoit refolu de pluftoft mourir par pièces , que de mettre fes amis &: frères en danger c-
uident. Eftant de retour en la prifon de Bruxelles, le DroiTard enuoya de fes gens pour
amener Iufte en iugefncnt. Lors fe leuerent les deux fufdits CommiiTaires , &: qui a-
uoyét ouy fa côfelfion première, laquelle ils luy reciterét par efcrit:&: après l'auoir leûë
r. ii.
Liurcy II- Jufte Jusberg.
entière, luy demandèrent s'il ne la recognoilfoit pas pour confelïîon de fa foy. Il leur
refpondit en celle forte, le ne vous ay rien dit fans le conlci mer par tcfmoignagcs de la
il reco- faincte Elcnture : mais îappcrçoy maintenant qu'iceux tclmoignages , par lcfqucls a
t n;on 1°1S1C confermoyc mon dire , ont eflé par vous omis .&c neantmoinsi approuue ces ar-
dc foy. ciclcs qui font nuds, m offrant de les conformer par authorité de la parollc de Dieu. Ils
luy dirent , Puis que tu recognois ces articles pour confellion de ta toy, nous te deman-
dons de t'en dcldn c:car ils font hérétiques &c contre la fain&e merc cglilc. Que ii tu ai-
mes micuxy pcrleuercr, tu feras auant qu'eftre bruflc vif,tormcnté de peines inuli-
tecs, pour donner en toy exemple aux autres. lufte relpondit. En mon efprit il ny a au-
cune impieté, &: ne voudroye tenir aucune mauuaile opinion à mon cfcicnr.Si fay tàil-
ly en aucune choie, comme il aduient à tout efprit humain, ic demande qu'on le me re
monftrc par raifon Se telinoignagc de lafainéte Efcritùrc. Il n'eft pas ici qucftion,dirét-
ils,dc dilputer:on te cômande de te defdirc de ces mefehates opinions. le ne voy point,
dit lufte, encores en mes articles propos de mefchancctc . à tant ie ne puis aufli les rc-
uoqucr,queic ne renonce par melme moyen la vérité de Dieu . ce que n'ay pas déli-
béré faire :&: prie Dieu de me garder, pendant queie viuray,d'vne telle lafeheté. Ils
luy dirent, Afin que tu n ayescaufe de te plaindre de ce qu'on te fera, on te donne
temps de délibérer îufqu a demain. &fur cela commandèrent qu'on leremenaft en
prifon.
L f iour enfuyuanr , qui cftoit Vcndrcdy 5. de Ianuier , deuant midy reuindrent les
fergeans à la prifon, pour remener lufte en Iugement. Quand il fut deuant les luges, ils
luy demandèrent s'il auoit changé d'opinion, & s'il fc vou loi t defdirc. Si tu ne tcdcidis
de tout, dirent-ils , tu périras. le fuis preft,dit lufte, d'apprédre de vous, fi vous me vou-
lez enfeigner par authorité de la limite Efcritùrc. &£. li fuis preft de prouucr ce que i'ay
dit , par celle melme authorité. que II vous ne voulez ne m'enfeigner,n ouyr,ains feule-
ment contre tout droit &: équité aller par force: fouuienne-vous que vous rendrez vn
iour conte de c« rak~t deuant le iugement de Dieu. Quant à moy , ie me garderay bien
de nier en terre deuant les hommes l'éternelle vérité de Dieu , de laquelle ie délire a-
uoir tefmoignage au ciel deuant le Pere celcfte. Lors ils luy dirent, Nous t'auons défia
dit qu'il n'cftoit pas ici queftion de difputer : que ii tu péfes eftrc fi bon difputeur,nous
t'enuoyerons après diliié deux religieux,auec lefquels tu dilpu teras tat que tu voudras,
sentence de Us le condamnèrent par ientence diffinitiue comme hérétique à eftre bruflé , & telle-
^on^amna" ment ofté d'entre les hommes,que fon corps fuft confumé en cendres.
I v s t e oyant cefte fentence fe ictta à genoux, &: remercia premieremet Dieu, puis
après les luges, de ce qu'ils mettoyent fin à toutes les miferes de fa vie. f Apres dilhc
vindrcntdeux reucrens ,dont l'vneftoitlacopin licentié en Théologie , homme tout
fait à hypocrific &c impieté. l'autre Cordeher , homme ignorant , mais non pas ii mali-
cieux que l'autre. On les fit entrer tout feuls auec lufte, pour le tormenter tout le long
du iour par leurs interrogations. Ils luy dirent au commencement qu'ils cftoyent là en-
uoyczparles Confeillcrs pour luy donner quelque confolation l'admonnefter du
falut de fon amc, puis qu'il n'y auoit point d'efperance de la vie du corps : $C le prioyent
bien fort qu 'auec le corps il nemift pasaufti fonameau danger. lufte les pria au con-
traire de retourner à leur maifon, &: ne fe doner tant de peine, Se par vn melme moven
aulTi ne luy en donner point. Que s'ils vouloyent faire quelque chofe pour l'amour de
luy, qu'ils priaflent les luges , ou ceux qui auroyent cefte puilTance , de faire qu'il fuft
décapité . s'ils l'impetroyent, que le tout alloit bien : finon, qu'ils demoura/Tent en leut
contient.
L e s Moines luy promirent d'eiîaycr fi cela fe pourroit faire: mais ils ne lailToyet pas
pourtant de venir fouucnt autour de la prifon, où ils eftoyent tous les iours prefque la
plufpartdu temps .car après la condamnation, lufte demeura trois iours entiers en la
priion ,& ne le voulurent exécuter iufquau iour du Lundy enfuyuant, en efperance
qu'il fe defdiroit de la doctrine qu'il auoit mfques alors fouftcnue.Le Dimanche matin,
voyans les Moines qu'il n'y auoit point de moyen que lufte le defdift , ils luy firent en*
Acfpôfc de tendre qu'il y auoit eiperance qu^l feroit décapité : &c que deux Confeillers eftans allez
n«dcHon" vers la roine Marie gouuernantedes pays bas, pour impetrer cefte grâce, elle auroic
jne regen- refpondu que c'eftoit bien petite grace,là où la mort n'eftoit point remife.
•cJ«Fiidrc l£ s Moines ne luy voulurent point dire que cela fuft impetré de la Roine: mais luy
auoycnt
âUoyentdittahtfculement,que,peuteftre,ilfe feroit, afin que fous cefte efperahce il
fuft prompt à faire ce qu'ils voudroyent » car ils l'exhorroyenc à fe confelTer, afin que le
peuple feuft qu'il fut mort en bon Chreftien. le ne mefoucie pas* dit Iufte , quelle opi-
nion ait le peuple demoy. ie délire feulement d'eftre approuué deuant Dieu: par la
mifericorde duquel ie meurs en paix & repos de ma confcience. Carie luyaydeliâde
long temps confelfé mes pcchcz,àluy qui cognoift les fecrets des cœurs,& peut&vcut Rom.s ^.
par le moyen de fon Fils me les pardonner. Encore maintenant ie confefîe que icfuis Ap**-1-*^
tout pécheur, &: mefme rie autre choie que mafle de péché, fouille par infinies taches,
ayant fouuent &: grandement oftenfé la maiefté de mon Dieu : mais ie fuis afléuré qu'à
caufe de fon Fils Iefus Chrift noftre Sauueur , le Perem'cft propice, &: couurira par la
mifericorde mes péchez, en forte qu'ils ne pourront empefeher mon falut : &: en outre
me reueftira de fa iuftice , &: m'efleuera en la vie éternelle, ainfi ie comparoiftray afleu-
ré au iugement de Dieu , deuant lequel i'ay efperance d'allifter bien toft. Quant au fi-
èrement &: alliance du corps &: fang de noftre Sauueur Iefus Chrift , ie l'ay long temps
y a receu par foy en cfprit, &c le retien ferme &c immuablemon pas en efpece de pain &c
de vin, mais imprimé & engraué par lettres y iues dedans les tables de mon cceur.Ie fay
combien m'eft profitable cefte fainde alliance, laquelle eft propofee à tous Chrcftiens
en l'Euangile du Fils de Dieu.
Entre les autres qui lors venoyét pour conuertir Iufte à leur impieté, le Curé de la
Chapelle (celuy qui fut caufe que ce Iufte auoit efté empnfonné) y vit auflï. La mefmc
nuid dont il fut exécuté le matin, ceux qui eftoyent en la prifon, détenus aulîî pour la
parollc du Seigneur, eurent cefte faculté de monter où eftoit Iufte, pour luy dire le der
nier A-dieu. Ils le trouuerent bien foible , endurant vne grand' foif.On luy fit apporter
du vin,duquel il beut fort peu:& fe plaignoit tant feulement d'vne foif perpetuclle.On
dit que ceux qui font près de leur mort, font merueilleufemét altérez de foif. parauen- Altemiô i
ture que cefte forte apprehenfion de mourir, ioint vne cuacuation de vapeurs , qui ad- ^l
uicnt de trop grand douleur,dcfeche leur corps. chains de
Voyant donc plufieurs de la prifon auprès de luy, il fe tourna vers eux,&: parla en la mort-
cefte forte: Vous voyez, frères Chreftiens, que ma mort approche: laquelle côbien que
ie craigne, comme homme chargé encore de ce corps de péché, toutesfois ie fuis bien
refolu de l'endurer loycufcment comme Chreftien, m'afteurant que toutes les ordures
de ce corps ont efté fichées à la croix de noftre Sauueur Iefus Chrift : &: corne repofant
feurcment en fa mifericorde. C'eft bien raifon aufTi , ayant fouuenance d'vn tel bénéfi-
ce receu par moy du Fils de Dicu(lequel par le prix de fon fang m'a racheté de la ferui-
tude du diable &c du peché)quc luy en rende grâces , en donnant gloire à Dieu par le
lacrifice de ce corps, &c feellant de mon fang la dodrine celefte : attendu qiyl m'en re-
uiendra mefme vn grand gain, & que pourvu tormêt léger &: de peu de durée, la cou-
ronne de gloire m'eft propofee au ciel : laquelle ie receuray d'autant pluftoft, que ie fe-
ray en bref deliuré des liens de ce corps. Cependant mes frères, ie vous admonnefte
que vous cetenieztouiiours vne vraye chanté, vn cœur entier: & fur toutes chofes, la
pureté de do£trine:&: vous prépariez auffi tous les iours à tels affauts : car li mon efprit
ne me trompe , ^1 y en a entre vous quelques vns qui me fuyuront de bien près j &: qui
expérimenteront ces mefmcsmouucmcns d'eiprit,cesmefmcs aflauts, & cesprœu-
uesfecrettesde Dieu. ^Difantcela,&: ayant les yeux fichez furvn nommé Gilles pilles TiL
Tilleman, homme de Dieu(qui pcuapresla mortde Iufte futaufli martyrilé àBru- fokTuftc.0
xelles, duquel l'hiftoirefe traittera en fon lieu) il commença à ietter grande abondan-
ce de larmes, &la langue luy demeura afTcchce, en forte qu'il ne peut dire vnmot
dauantage. Lors Gilles , comme embrafé de l'Efprit de Dieu , print la parolle , &:
fuyuant le propos de Iufte, parla en cefte forte : Bon Dieu , que tes fecrets diuins
font admirables ! Vous voyez ici maintenant Iufte noftre bon frère condamné par le
iugement du monde, abandonné y&c preft àeftre ofté d'entre les hommes, com— i.Cor.4.ij.
me quelque ordure &: ballieure : mais cependant vous le deuez eftimer vray en-
fant de Dieu , par la fentence &: arreft du Pere celefte. Vousauez tous ouydefa
bouche vne confeflion d'vn cœur vrayement Chreftien & heroique: argument eui-
dent d'vne force 6c confiance laquelle Dieu a mife en ce faind Martyr , pluftoft pour
eftre par nous enfuyuie, que louée de bouche.Il ne nous faut point fcandalizçr pour les
iugemens du monde, ou pour l'apparence externe, vile &: abiedede noftre îrere r fi
Liurcs IL nAymond dcu ta Voy.
vous confinerez diligemment la condition du Fils de Dieu, lequel nous deuos tous en*
s- iVyurc pas à pas. Il cft eferit de luy, nous l'auons veu frappé de Dieu , 6c ce pour nos pc-
chez.par lefquelles parolles nous eft donné à entendre qu'il a fouftenu des tonnés plus
gnefs, que fi tout le monde &: l'enfer ailcmbloyent en vntous les inftrumcns de leur
Maùo.14 cruauté. Or le difciplc n'eft point par fus fon maiftre, dit noftre Sauueur. que li le mon-
de vous hait, fâchez qu'il ma hay le premier. Ccfte eft la condition des Chrefticns , la-
quelle expérimentent auiourdhuy (fi iamaisparauant) ceux qui fontprofeilion de fuy^
rhil 3 1. ure Iefus Chrift. Or nous vous reputôs bien-heureux, lufte noftre frère, de ce que vous
voyons li ferme &: fortifié de Dieu, que vous eftimez ordure tout ce qui eft en cefte vie
mortelle, pour retenir pure 6c entière la profefllon de la doctrine de Dieu. O heureufe
lame qui habite maintenant au domicilie de ce corps , & demain comparoiftra nette
& iauec de toutes les fouilleufes d'iccluy, &: parce des ioyaux de Chrift fon cfpoux , en
fxhortariô ]a prefenec duPieu viuatiduquel bien éternel vous iouiriez des à prêtent, neftoit la lô-
d ?ne 'd c gueur des bourreaux, qui vous contraignent de demeurer encore en miferc pour cefte
^"récitée nuict. Or perfeuerez donc , mon frère , de confefler de ccfte conftance que vous auez
àctux qui commCncee, la/do&rine de falutiufques au dernier lbufpir. ^Gillesayant fait cefte
°U K" " exhortation, fe tournant vers les autre s qui là eftoyent, dit, Mes frères, ie vous prie que
nous profternans à genoux, recommandions à Dieu cefte amc de noftre frerc lutte:
Pricrede Di e v viuant 6c cterncl(commcnça-il a pricr)Perc de noftre Sauueur Iefus Chi ift, qui
vois nos cœurs, gouuernes nos a&ions,&: exauces les prières des tiensmous lommes ici
deuant toyalTcmblez en ton Nom, 6c fommes afilurez par noftre Médiateur Iefus
Chrift, que tu veux exaucer nos requeftes,& nous ottroyer tout ce que nous te deman-
dcrôs.Nous te prions dôc à prefent, que ton bon plaifir loit de fortifier lame de ceftuy
ton icruitcur Iuftc,iuiqucsau dernier lbufpir : 6c quâd celle dernière heure fera venue»
en laquelle il te doit rendre gloire par le facrificc de fon corps , que tu la rcçoyues pure
6c impollue en ioyc éternelle. Lors tous en larmoyant recommandèrent à Dieu lufte
Iufbcrg, ayans les genoux en terre. ^ Apres que la prière fut acheucc,Iufte commença
en cefte forte: le ftn,dit il,vne grande lumière, laquelle me refiouit d'vne ioye que ne
fauroye expriment ne délire maintenant autre chofe q de mourir 6c eftrç auec Chrift.
Ç Vn peu après, ceux-cy qui auoyent efté la plus grand' part de la nuid auec Iuy,voyans
que les feruiteurs du Geôlier ne vouloyent plusattendre,dirent, A-dieu à lufte, pnans
que la confolation du fain&Jjfprit demeurait auec luy. puis chacun fe retira en fon lieu.
L e lendemain de grand matin viennent les archers, les bourreaux : le Droila.rd vint
auffiluy-mcfme,qui de premier abord pria lufte de luy pardonner fa condamnation.
Ç^uant à moy, dit lufte, ie le vous pardonne de bon cceurrauifez feulement comment
vous en pourrez rendre conte deuant Dieu en fon iugement. ^ Apres que toutes cho-
ies necclfaires à cefte exécution furent appareillées, ils conduirent lufte au marche, où
la tefte luy fut trenchee. Il tailla beaucoup de gens triftes en la ville de Bruxelles, voyâs
qu'on auoit faitmourir celuy qui ncparloitque de Dieu 6câ\i fain& Euangile de Ie-
fus Chrift.
G;!Us.
Mar.7.;
AYMOND DE LA VOYE, de Picardie.
C E S T V Y-ci cft: entre les premiers qui ont prefchc feercttement en France,& drefle eglife ou congrégation reformee,ayant ré-
genté à Sainfte-Foy la gr.md.en Agenois fur Dordoigne.
li. iCf^)^?^. 'AN m. d . x l 1, enuiron trois fepmaincs auant Noël vne prife de corps fuc
décrétée par la Cour de Parlement de Bourdeaux , contre maiftre Ay-
mondDelavoye, enfeignant l'Euangile de Iefus Chrift dedans la ville de
Saincte-Foy en Agenois :&: ce àl'accufation du Curé dudit lieu auec cer-
tains autres preftres fesadherans. De laquelle prife de corps, ledit Delà voye fut ad-
uerty trois iours deuant que l'Huiflier la vinft exécuter, 6c fut incité par plusieurs de
s'en aller , 6c s'ofter hors de danger: mais il ne le voulut faire : mais dit telles paroles , l'-
Iran 10 u. aimeroye mieux n'auoir iamais efténay, que de commettre telle lafeheté. car ce n-
eft point l'orHced'vn bon pafteur de s'cnfuyrquand il yoid venir le danger, comme
dit noftre Seigneur : ains doit demeurer, afin que les brebis ne foyent efgarees. Or
sAimond de la VoycS.
noftre Seigneur' m'a donné la grâce de vous auoir prefché fonEuangilc : Se fi mainte-
nant pour vnc tentation ie m'en alloye,oncftimeroit que n'auroye prefché que fables,
fbn<Tes,& choies contre Dieu, vous 1 aillant feandalizez . fie pourtant vous pne-ie de ne
me parler plus deeelaxarie fav les choies par moy prelchecs,eftrcvrayes:pour lefqucl-
les fouftenir,aidant le Seigneur,i'expoferay mon corps &c mon amefii diray auec l'aine! 4a.1r.t5,
Paul, Non feulement îefuis preft délire lié en la ville de Bourdeaux,maisauHidy mou
rirpour Chnft.L.aqucllc confiance veue, ne l'importunèrent dauantage . ^ Aduinc
que THuilfier nrnua pour exécuter Ion mandement, &: demeura trois jours en la ville,
pendant lelquels ledit De la voye fît trois lcrrnons:aulquels ilfltvn fommaire de toute
la doctrine qu'il auoit prcfchec,&: pour laquelle il cftoit preft d'expofer mille vies, Il tat
en auoit. Defquclles paroles,auec lbn innocence & zele plufieurs furet cfmcus, difans,
Comment? il eft caufe que nous-nous fommes retirez des icux&: des tauernes; &: que
plulieurs le font retirez des mefehanectez qu'ils auoyent accouftumé de faire: te ilemét muian qu'
qu'ils s'approcherét <ie l'Huifiier pour le deliurer de les mains: mais ledit De la voye ne ameinel'.
le voulut pcrmettreîCriantjCeflcz^îes frères &: amis, n'empefehez point mon marty- 1 Ullis,tc'
re.La volonté de Dieu eft ttllc,que ie fouftre pour luy:à laquelle il ne faut reiiftcr.Lors
les Confuls aduiferent de le prendre en leur charge, &c le mener audit Bourdeaux, &: c|
l'HuifTier s'en retourneroit . Eftantamenéau Parlementde Bourdeaux , plulieurs tel-
moins luy furent confrontcz,prclque tous Prtftres,cxccptc le feigncur de Riucrac, hô
me riotcux de grand plaideur : &: vn lien feruitcur , lelquels eftoyent l'es ennemis mor-
tcls.car ledit Riucrac s'eftoit vanté qu'il luy coufteroit mille efc9,ou il le feroit bruflcr.
Et combien qu'il euft baille reproches contre lefdits tcfmoins , toutefois les luges dc-
îeguezpar le Roy, ne le voulurent receuoir ni admettre: ains reccurent limple ment à
démolition lefdits Preftres, combien que tous iceux tcfmoins ne le chargealfent prin-
cipalement que du Purgatoire. Simcttoitcnfaictlcdit De h voye , comment le pre-
mier Prefidcnt &C le fécond eftoyent tccufablcs:par ce que le premier, pendant le pro-
ecz qu'il auoit contre ledit cure de Sain&c-foy , auoit fait prendre lacaufe audit pro- C«if«Je
çureur gênerai du Roy,&: auroit reccu ladite cure dudit Cure' pour vn de les enfans. Et r^ ! asun°
par ce moyen eftoyent lefdits deux Prelidens, qui font enfcmble coulîns germains, re-
cufables : comme l'es parties adue ries, d'autant qu'il cftoit queftion du reuenu de la-
dite Cure. Or toutefois cftans plusqueconueincusdcfon innocence, fut admis à le
iuftifier & prouuer fes obicts.Cc qu'il fit par fept ou huit vingts tcfmoins gens de bien:
lelquels neantmoins ils ne voulurent receuoir, ains dilbyent eftre lufpeûs comme luy,,
U qu'ils eftoyent de fa fccte,combien qu'il n'y euft aucune information contre eux.
Estant touliours prifonnier par lefpace enuiron de huit ou neuf mois, endura
beaucoup de calamitez,mais. il fupportoit le tout fort patiemment par foy âc cfperan-
cc. Pendant lequel temps plulieurs fois luy fut dit& annoncé,qu'en bref dcuoit eftre
brullé. lefquclles nouuelles il receuoir eie telle affedion, qu'il rendoiteftonnez fes en-
ncmis,dcmeurant touliours en vn mefme eftat,&: ehfantauec lainél Paulj I'ay defir d'e- „ 1 ip t,ir'
Aimoiul a
ftrefeparé du corps-.&: eftre auec Icfus: Chriftm'cft gain a viureck: à mourir.Mais d'vne
chofe i'ay regret, qu'il nem'eftloilibledcfcruirplusdetcmps,enfcignant&:communi- reêrctci" !i
ne ferrda-
i?e ail
quant aux autres le talent que le Seigneur par fa grâce m'a donné: &: quand i'y cftoye, uanug
que plus amplement n'ay defcouuert les chofes, comme trop mieux les m'a données à Sci§ue
cognoiftre.Toutefois s'il luy plaît m'appeler,fa volonté foit taitey& non point ce que ie
délire. Dauantagc,pleurant regrettoit grandement fa vie mefehante , confelfant auoir
mal vefcu,& non point félon la cognoilfance à luy donnée . &: cela regrettoit plus que
tout,combien qu'il euft mené vne vie irreprehenfiblc deuant les hommes. car mefmes
fes aceufatcurs & aduerfaires eftoyent contraints de louer fa bonne vie &: conuerfatiô;
telle eftoitfon intégrités rondeur. Or il fut détenu prifonnier elepuis le iour de fon-
dit emprifonnementjiufqu'au vingt &: vnieme d'Aouft enfuiuant, qui font près de
neuf mois.
rAv qv e l iour après auoir receu les lettres des luges delcgucz,fut procédé à façon
damnation, nonobftant fes iuftifîcations , innocences , &: caufes de reeufations contre
plulieurs defdits Iugesdefquels dés incontinent qu'il fut prins , &c fans auoir veu aucu-
ne chofe de fes charges &c informations , auoyent ia donné leuraduis,& dit à plufieurs
qu'ilfaloit qu'il fuft brullé. Tellement que fon procezfut foudain mis fur le bureau en
Ja chambre des luges delegucz:ôc commença à eftre rapporté . Bref, il y fut tellemcnj;
r.im,
I/'«fO //. ^Aimonâ de la Voytj*
procédé, qu'incontinent après difné luy furent donnez les gros fers :& lors il dit telle*
paroles, Ceci m 'eft vn prefage & meffage de mourir.mais point ne m'en foucic,ic fouf-
friray tout pour Iefus Chnft:&: prioit tous ceux qui l'alloycnt vihter,quc quelques nou
Uelles qu'on dift de luy,qu'il en fuft aduerti,en difant, Si feftoye quelque homme inflr-
mc,ou que la chair me dominaft,vous dcufîlez différer à me le dirc,maisviéne la mort,
vienne tou rment,viennent perfecutionsj ïamais ne feront e (branler ma foy: îe demeu-
reray confiant en ecluy qui me fortifie.
L e Mercredi fumant il fut extraordinairement géhenne, auffi cruellement que ja-
mais homme ait cfté, combien qu'il eftoit de petite complexion. ce ne fut pas pour fon
procez:car on auoit îa conclu de fa morc:mais pour luy faire dire & déclarer fes compli
ces. Eftant en cefte gehenne,le premier Prehdent luy dit,cn le prenant parla barbe,
Pi,mefchant,di maintenant : car tu es condamné: il ne refte que îauoir tes complices.
Quels complices(dit-il)demandez-vous?ien'aypoint de complices autres que ceux qui
font Se fanent la volonté de Dieu mon Pere,foyent gcntils-hommes,marchans, labou-
reurs,ou autres. Et en ce tourment demeura l'cfpace de deux ou trois heures : où il dit
ces paroles,Ce corps périra, mais l'eiprit viura:& le royaume de Dieu demeurera eter-
nellcmeut.
Es t an t en ce tourment il s'efuanouirmais quand il fut reuenu à foy ,dir, Seigneur
Scigneur,pourquoy mas-tu laiifé?Le fécond Prefident luy dit, Mefchant Lutherien,c'-
cft toy qui as défaille Dieu. Et il dit,Helas,meffieurs,pourquoy me tourmétez-vous tatî
Scigncur,vueilles-leur pardonner, car ils ne fauent qu'ils font . Et lors ledit Prefident
dir, Voyez ce mefchant qui prie pour nous . Or en tout ce tourment il ne nomma per-
fonne: mais endura patiemment Se conftamment,difant,Iepenfoye trouuer plus de pi-
tié aux hommes que îe n'ay fait,dont ie prie le Seigneur que îe trouue en luy mifericor-
de. Et après fut mis en vne prifon en la tour des Barons, la plus eftroicte qu'il eft poffi-
ble de voir,iufques au Samcdy cnfuiuant. Se aduenu ledit Samcdy cnuiron huit heures
du matin , luy fut prononcé l'areft d eftre bruflé vif de quoy ne s'efbahit non plus que
les autres fois qu'on luy auoit dit : mais loua Dieu grandement, de ce qu'il luy faifoit la
grâce de luy annoncer l'heure de fa mort . Et foudain on enuoya quenr force moines
Mendians pour le confeiîer: mais il ne les voulut receuoir , ains demanda vn de fa qua-
lité,le Curé defainct Chnftofle:&: difoit aux moincs^birehincomnes. ego confitebor Domi-
no pecuta mea . Videw me fim perrurbarum ah homimbtts , yultis adhuc adducere perturbatwnes ? \Alij
habnerunt corpus ^yaku &yos auferre animam?abire hinc,obfecro:c\ui eft à dire , Oftez-vous d'icy.
ie confefleray mes péchez au Seigneur. Vous me voyez tant troublé des hommes : me
voulez-vous amener dauantage de troublerLes autres ont eu mon corps , voulez-vous
auflî rauir l'amer Allcz*vous-cn,ie vous fupplie.
DcLooga T lorsvintleconfeillerde Longa&r leconléillcrdcla Chaffagne, lefquels le vou-
ée de la loyent confolcr : mais fa foy Se conftance eftoit li grande , que luy mefme les confoloir.
cbafTagne. £c vovât q Ion auoit défendu audit cure de S. Chriftofle d aller versluy,il print vn Car-
me,le moindre de to9 les moinesdequcl il retint ,&: ht fortir les autres: Se demeurèrent
feuls longuemct enfcmble, tellcmët qu'il côuertit ledit moine. Puis on luy porta à dil-
ner,& fît venir le Concierge,fa féme & fa fille, aufqucls il dit , I'ay obtenu de Dieu l'ac-
côpliifement de mes defirs.car il y peut auoir huit ans q Dieu me donna par fa grâce la
cognoilfance de fa volonté: mais tout foudain me vint en mémoire de mourir à Bour»
deaux pour faParolle:cequeievoy accompli.
^En v i r o n vne heure après diihé le premier & le fécond Prefident, de Cha/Tagne,
Longa,&: autres Confeillers vindrent en la prifon. Lors le patient commença à parler
delaCenc,&: dir fa foy eftre,que toutes &quantes fois que les Chreftiens font aflem-
blez en vnion & paix,enfeignans tous vne mefme do&rine,&: que par vraye foy Se efpe-
rance viennent Se prennent ce pain , que vrayement ils communiquent au corps &: au
fang de Iefus Chrift:& allégua faind Paul i. Corinthiens 11. déclarant auec vncfingu-
liere grâce les paffages de la fain&eEfcriture.&: en parlant à eux,il s'eferia en ceftevoix,
Les paroles que ie vous parle font efprit &: vie . A la fin il dit , C'eft donc ma foy,
meilleurs, de laquelle ie fuis maintenant aceufé. Se ie veux bien qu'vn chacun lâche
ce que ie croy touchant la Cenex'cft que tous Chreftiens participent au corps de Iefus
Chrift,hparfoyilsrcçoyuentlepain&:le vin prefentez eulaCene. Se allégua les paf-
làges des Efcritures Se del'Euangile parlans de la Cene. Puis voulant plus amplement
decla-
itAimond la Vcyc_j. j or
déclarer le tout,lc fécond Prefidcnt luy rompit Ton proposdifant, Efcoutcz,iI faut que
nous dilîcz ce que Tentez du Purgatoire. Il rcïpondit,Ceft bien dit, ie vous diray ce que du Pur^j
i en croy.Vous lauez qu'en l'Ei"criture,purgcr,nettoyerylaucr,lbntiynonymes,& Jigni-
fient vne melmc choie. Or vousauezen Haye, Il a porté nos dou leurs &: nos langueurs: Elai-5J 4-
vrayement il a eftefait noltrc lalut& noftre purgation. Iedy que h nous ne lommes
purgez comme l'or à la fournaile, nous n'entrerons iamais en Paradis . ' Derechef le ic-
cond Prefident dit, Voyez comment les Luthériens parlent par ambages, nous ne te
demandons point cela: mais dy-nous s'il y a vn lieu auquel lésâmes font purgées après
la mort, quand en la vie n'ont fait deue pénitence. A quoy relpondit,Helas,Moniieur,
laillcz-moy: vous lauez que chofe dite en trouble ou perturbation ne peut cftre enten-
due.le vous dy que Iefus Chrift en fa mort a (atisfait a toutes nos ofFcnî"cs>& en Ion fang La vMye
fommes lauez : comme dit l'Efcriture , Ipfclauit nos inptngttinejûo.redemprieftts non aura ^fed 1>ur6ai»)"-
fan*uin?c\mjh . N'auez-vous pas leu en faincl Paul aux Epiftrcs , où tant de fois il eft dit
que par le fang de Iefus Chrift nous fommes lauez de nos péchez? A quoy le fecôd Pre-
fidcnt rcfpondit,que de ces Epiftrcs,les enfans en alloyent à la mouftarde. Aimond re- Biaiphem-:
fpondit,Lcs cnransliecrain que vous n'en ayez pas leu beaucoup . Lors vn moine dit, horrible-
M. A imond,vous le conteterez en vne parole , il vous dites qu'il y a vn lieu où les ames
font purgées après la mort. A quov refponditjc vouslaifîc à dire cela, me voulez-vous
faire damncr,&: dire vne choie de laquelle ie lay le contraire: Et le fécond Prefidcnt
dit, Venez çà, à celle heure mourant,nc penfez-vous point aller en Purgatoire: Et
quand quelque homme meurt en quelque peche véniel, ira-il droict en Paradis ? Il re-
fpondit,quc la fo\ & la confiance qu'il auoiten fon Dieu cftoit ii grande, qu'il penfoic
&; croyoït aller ce îour-la en Paradis.il luy demande, Ou cft Paradis; Lois il dit, Il cft ou
Dieu cil aucefa maieftc& gloire. Le premier Prelidcntdit,Lc Canon, ^fnimd defimeio-
>-»w,& autres Canons en font mention : &: en vos fermons jamais vous ne recomman-
diez que les pourcs . A quoy refpondit,qu'ilfaifoit&:enfcignoit la parole de Dieu,&:
que quant aux Canons, il n y auoit cftudie . D. Ne croyez- vous pas a 1 cghle, laquelle Canons au
les a faits- A refpondu, qu'il croit élire vray tout ce que l'Eghfe régénérée par le lang PjP5-
de Iefus Chnft,&: tondec fur fa Parole,a conllitué &c ordonné. Réplique ledit Prelidét,
Quelle eglife cft-ccla?Lors dit. L'cglifc cil vn terme Grcc,& en Latin lignifie Congre- f
gation & aflemblce.lcdi que fumant la promeflede Iefus Chrift, toutesrois& quantes
que les fidèles font allcmblcz cnlemble à l'honneur de Dieu, &c augmentation de la re-
ligion Chreftienne,vraycmcnt le faincl Elprit cft auec eux. A quo\ ie fécond Prefident,
Il s'enfuit donques qu'il y auroit plulicurs cglifcs:&:iidcs laboureurs s'aifemblovcnt, q
ce leroit vne eglife . Aimondluy dit, Ce n'eft point incomu nu nr, qu'il \ a;: entre les
Chrcftitns plulicurs congrégations. carfainct Paul a bien dit,' imnifaw ealefo cjgx Junt Ga
LttiJC.&C ncantmoins toutes ailémblcesnefont qu'vnc Eglife. Lors le Confeillcr de Lon-
ga dit, L'Eghfe a laquelle vous croyez, n'eft-ce pas celle dont eft parle au C,edcy Sanciam
Ealeftam ? A quoy refponditje lacroy vraycmcnt,&: cil celle de laquelle ie parle . Lors
luy demanda le fecond,Qui eft le chef de celle Eglife: Refpondjcfus Chrift. Et non chef de I*.
point le Papc?Rcl'pon(1,Non. Qu'cll ildonqiu si'Miniilre, s'il eft homme de bicn:&. les ESiifc-
Eucfques aufli mmiftres. commcilellditau chap-4.de la promit, rc aux Connthitns,
Que l'homme nou s eftime comme min îfti es &dilpenfatcurs des iecretsde Dieu . In-
terrogués'il ne croit point auPape.R. Qu'il ne fait qui il cft, Intervenue, N'eft -il pas lue
cefleur de S.Pierrc:R.S'il cft tel q S.Pierre,fondé fur lavrave pierre qui eft Iefus Chrift»
ie croy que cequ'il tait eft tref-que bien tait. Lors dit le fécond, O poure hommc,tu me
fais grand' pitic! tu t'en vas damné. R.Damnéidamnéiô quelle confolation: mais au con Exclamai
traire , i'efpere de voir auiourdhuy mon Dieu mon Pere . Quti me Jêparabit a i baritatt Da- ^ s ain"
^AngLdiusyctnfamesyinnuditu? Non, rien ne m'en feparera: maisi'ay grand' pitié de vous
tous. Lors fortircnt,& demeura feul auec les moines.
Tan t o s t après on l'emmena pour aller au lieu du fnpplice,&: en fortant commê-
ça à chanter le Victime In exrruljrael de ^4E^ypto . puis s'arreila deuant la priiondcla Pfeau.i«4-
conciergerie,cnant,Mes frères, efperez en Iefus Chrift: mettez en luy voftre efpcran-
ce,& de rien ne vous efbahifiez.ray parlé de vous au fécond Prefident,luy dii'ant les ca-
lamitez où vous elles détenus pour les longs délais de iuftice: &: m'a promis vous expé-
dier en brief.mes freres,ie vous di A-dicu.Ie m'en vay à Dieu, qui eft mon Pere & le vo j.^1^
ftre.Pricz-lc auec moy, qu'il m'en face lagrace. Madame la conciergerie vous mercie
QommentiULoy des fix Articles
des biens que m'auez faits,&: vous recommande les poures prifonniers, que vous leur
l'oyez douce. Puis monta deifus vnecharette:& forçant du palais, commença ceci,Ocw-
los habent & non videbunr.aures habent & non audient.&C achcua l'on Pfèaume îufqu a ce qu'il
fuft paruenu au lieu de faintt André . où eftant,on luy voulut faire demander pardon à
Dieu, à noltre Dame,&: à la Iuftice.il demanda pardon à Dieu &: à la Iuftice: mais il dit
qu'il n'auoit en rien ofTenfé la vierge Marie : & là ou il n'y a point d'orrenfe, il n'y faut
point de pardon. De là rut mené à faincïc Liège , &: le long du chemin ne cellà de prel-
cher,s'eriouilîànt qu'il mouroit pour Chrift , puis qu'il cftoit mort pour luy . Lors vit
Huilficr dit,Touchc,touche,c'eft trop prefehé. Auquel il dit telles paroles, Qui eft de
ican 8.^7. Djcu,il oit volontiers parler de Dieu. En palîànt pardeuant vne image nommée noftre
Dame,beaucoupdegenscrioyent après luy, l'iniuriant grandement, de ce qu'il ne la
laluoit point,&: qu'il inuoquoit feulement Iefus Chrift ,6c non point la vierge Marie.
O uoy voyant,dit à haute voix,Ie te prie Seigneur Dieu, ne vouloir permettre que ie re
cîame autre que toy.En la place duiupplice voulant donner à cognoiftre la caufe de fa
cohdânation,ne luy fut permis par les Huilîlcrs &c fergeans, ains fut poulie par le bour-
reau quali per terre : 6c en dcfcendant,dit, Meilleurs, ie meurs pour î'Euangile de Iefus
Chrift & pour là Parole.il voulut parler plus à plcin:& commença en cefte force,Chre-
ftien,efcoute-moy. mais derechef les Huifficrs &: fergeans rirent vn tumulte, crians au
bourreau, Defpefche,defpefchc,qu'il ne parle.plus. Commentait le patient,ie veux:
monftrer que ie ne meurs point heretique,mais Chrefticn. ne me fera-il point permis?
Lefquels dirent que non. A.Helas,pourquoyjLors parla à faureille de ce petit Carme,
lequel il auoit n'aguercs conuerti.Puis le bourreau le print, & le fit monter à l'cfcrielle.
Là il le mit à pricp, Seigneur , vien à mon aide, &: ne tarde point, ne defdaigne point F-
StatspleT œuurc de tes niains. pardonne à ceux-ci: car ils ne fauent qu'ils font . Mes freres,mef-
nes d dfi- rieurs les efcoliers,ie vous prie eftudiez en I'Euangile : il n'y a que la parole de Dieu qui
"cc- demeure éternellement. Apprenez à cognoiftre la volonté de Dieu.Ne craignez ceux
qui n'ont puiflance que fur le corps, &: n'ont point de puifTance fur lame. ^~Sur la fin il
dit , Cefte chair bataille merucilleufemcnt contre l'efprit : mais i'en feray incontinent
de lpouillé.Seigneur,cn tes mains ie recommande mon ame.Meflîeurs,priezDicu pour
moy : & fouuent recita cefte prière , Seigneur mon Dieu, en tes mains ie recommande
mon ame.Or le bourreau luy donna la fecouric pour l'cftranglcr , &: ainli rendit l'efprit
au Seigneur:& le corps puis après fut confumé par feu,felon le contenu de lafentence.
HISTOIRE de U Loy des fixartnles publiée en Angleterre: & comment les yniuerjîre^ s accor-
dent à perfecuter pur articles la veritéi&1 introduire ÏInyuifîtion.
'ANTECHRIST eftantvcnu comme au bout defonroolle, tend
de nouueaux filets pour furprédre les fidèles . C'eft que par fes fuppofts les
Théologiens des vniueriitez renommées, prefque en vn mefme temps for
ge des ajticles &: determinatiôs magiftrales : comme n'aguercs à Louuai n
pour affligerle pais bas de l'Empereur : & maintenant en Angleterre par la Loy des rix
Ai ticles:&: tantoft après en France par les Sorboniftes de Paris , comme nous déclare-
rons en fon lieu. Et tous ont fait authorizer leurfdits articles par puilfances fouuerai-
nés , pour couper broche à toutes répliques Se difputes , par lesquelles leur afnerie au-
tant impudente que cruelle,n'eft que pàr trop defcouuerte & diuulguee. On ne pour-
roit autrement cognoiftre la fource des perfecutions qui font aduenucs,ne celle qui fe
dre/îà horrible en cc teps en Angleterre après la mort de Cromel,ri on n e dit ici quelq
chofe de laLoy des rix Articles,&: des Inquiriteurs ordonnez fur icelle,à la pourfuitteôC
inftance des Euefques &: Abbez dudit pais. Or pour le déduire de fon premier cômen-
cemcnt,elle fut premièrement propofee aux Eftats du pais(qu'on nomme Parlement)
en l'an m.d.xxxix, lors que ledit Cromel cftoit détenu prifonnier en la tour de Lô-
drcs.Et combien qu'il y euft grande répugnance , tant y a que finalement les aduerfai-
res de la vérité furent les plus forts.&: obtindrent cefte Loy languinaire,qui fut nômee
La Loy des des rix Articles qu'elle contient,comme areft& ordonnance dernière de ce qu'il faut
lit articles, croire fur peine de la vierdefquels articles la teneur s'enfuit:
i . Que fous la forme du pain & du vin,le vray &c naturel corps de Iefus Chrift eft ain
il contenu,qu'il ne demeure aucune fubftance au pain & au vin,&c. 1 1 . Que prendre
la
a eftérnifè en Angleterre^, ixm
la Ccne entière & fous les clcux cfpeccs,ne fait ne pour le falut de 1 ame:veu qu'en cha-
cune d'icellcs Ielus Chrift entier eft contenu . 1 1 1 . Qu'aux Preftres il n cil loifible
de contracter mariage, un . Que les vceuz de chaftetc vue fois faits, doiucnt nc-
cefTairemcnten:reobferucz&: gardez, &c v . Item, les Me/Tes priuecs retenues &:
gardées en l'eglife . v i . Que la confeffion auriculaire des péchez faite au Prcftre,
doit eftrc de neceiîité obferuee &: entretenue.
C e s t e Lov des fix Articles denonçoit peine de mort corporelle a tous ceux qui
tranlgreflcroyent le moindre d'iccux:de forte qu'à bon droit on peut dire quelle a
pluftoft efté eferite de fang que d'encre:auflî plusieurs la nommèrent Loy homicide &:
languinaire. Les autres l'appelcrét efeourgee, ou fouet à fix cordes: car non feulement
elle a allumé les grans feus par toute l'Angleterre , mais aufïî a efté caufe que plusieurs
exccllens personnages ont abandonne le pais pour fauucr leur vie.
De p v i s que celte Loy fut publiée, on ordonna quant &: quant des Inquifitcurs inquiiï-
pourlagarder.&commelamaiftreflc eftoit,aufli pareils (eruiteurs furent choi/is. Car J5urJ cn
au nombre &: cn l'ordre d'iceux Inquifiteurs nul n'eftoit admis , qui ne fuft totalement S C '*
ignorant &: contraire àlafaintteEfcnturc, voire &: qui ne portail; haine mortelle aux
prefeheurs Euangeliques. On en trouua allez de tels, fur tout en la ville de Londres,
pour adminiftrer ceft office: lcfquels eftans d'vne nature fort inhumaine, ont rendu la-
dite Loy beaucoup plus cruelle qu'elle n'eftoit. Car non contens du contenu de ces fix
Articles,ils eftendirentleurinquilîtion en plufieurs branches ( ainfi appcloyent-ils les
dependences d'icelle Loy.) Car on vint iufques là,qu'en ladite Inquilition on prece-
doit non feulement contre ceux quimanifeftement auoyent tranlgrefle aucun de ces
fix Articlcs,ou qui publiquement contredifoyent à laMeffe:mais aufll contre ceux qui
peu fouucnt la frequentoyent,combien qu'ils ne fufi'cnt autrement contraires . Bref,
il n'eftoit pas feulement queftion de ceux qui nioyent l'hypoifafe du corps &:dulang
au Sacrement-mais contre ceux aufli qui n'cfleuoyent les mains iointes, qui ne frappo-
yent leur poictrine , &c qui ne regardoy ent de leurs yeux le Sacrement , lors que le Pre-
ftrel'cfleuoit.Item, contre ceux qui rarement ou négligemment alloycnt au temple,
ou quienyentrantneprcnoyent l'eau confacrec ou bénite ( qu'ils appclent) : quililo-
yent la Bible:qui donnoyent femblant de quelque mcfpris des Préfixes, ou des images,
& de chofes femblablcs,qui eftoyent des dependences defdits fix Articles. Mais qu cft-
il befoin en ceci multiplier paroles?L'erfc& a monftré que ces Inquifitcurs ont eftendu
fi auant les branches de ceft arbre pernicieux , qu'incontinent après la publication d'i-
celle^ grand' peine fe trouua-il vn feul prelchcur qui ofaft parler contre l'authorité du
Pape( laquelle neantmoins eftoit abolie par edicts& ordonnances publiques duRo-
yaume)fans eftre cnucloppé &c empeftré entre les filets de ces fix Articles: de forte qu -
ily cn eut en peu de temps plus de cinq cens accufez,defquels les vns furent emprifon-
r.cz &: meurtrisses autres en dangentous généralement curent crainte &:cfpouuante-
ment . Et n'euft efté que le feigneur Audlé chancelier du Royaume,pour l'amour qu'il dû-
portoit à fheureufe mémoire de feu Cromcl,s'oppofa aucunement aux fraudes &: aftu Angkirre
ces des Ecclcliaftiques,la plus part de ceux qu'on aceufoit euft cité mile à mort . Car
tant eftoit grande &: roide la fureur de cefte Inquilition , que fi feulement on trouuoit
deux tefmoins,qucls qu'ils fulfen t,qui accufalTent aucun d'auoir mal parlé de la Meiîb,
la condamnation incontinent s'enfuiuoit:&: ne profitoit de rien à ecluy qui eftoit accu-
fé,d'allcguervneconfcifion de foy accordante au Papifme, ou de reprocher fes accusa-
teurs: car foy eftoit adiouftee à tout homme,comme en cas de lefe-maieftc.On dit mef
mes que plufieurs de ceft ordre ecclefiaftique Papal aceufoyent l'vn l'autre par enuie
& maluueillance:& n'eftoit queftion que d'auoir à gages des tefmoins apoftez, pour fe
venger & faire mourir ceux qu'on auoit en haine.Cesïnquifiteurs commencèrent leur
tragédie par petis compagnons, pour procéder puis après contre les plus grans du Ro-
yaume,comme nous verrons au difeours de cefte hiftoire:
ICHARD MEKYNS, ieune garçon, aagé enuiron-de quinze
ans,eftant en compagnie d'aucûs de la cognoûTance, ouit quelque propos M.D.XLI.
touchant le Sacremcnt-& depuis ne fe peut tenir qu'il n'en parlaft . Dont
il fut aceufé deuant l'euefque de Londres EdmondBoner,& peu de temps
après cité deuant ceft Euefque,comparut, &c receut incontinent condamnation . Lç
Liurcj 11- LInquîfitïon ctzAngleterre: Cjittej Titteman.
cœur de ccft Euefquc ne hic encore ailouuy pour cela, mais ne fit point difficulté de cô-
damnerau feu ce ieuneenfant ,qui àgrand'pcinc auoit encore quelque diferetion ou
internent. Au relle,ccfte cruauté fi bouillante rendit Boncr tort odieux. Le peuple pen
loït que ce fuft pluftoft l'office d'vnEucfqucdc fauuerla vie à vne telle ieuncilecn quel
que forte que ce fun\que de mener lî cruellement la chofe: veu mefme qu'il y auoit ap-
parence de grande (implicite en luy, à caufe de Ion bas aage.
l&T^r^ '- N V I R O N ce temps-la vn peintre nommé I e a n ,&vn AIcmâ nom-
' \nt™ ' vl IlSll^ nié Gilles, furent acculez pour la Religion . & ainiî qu'ils eftoyent de-
ou" es, S F%Ml uant rEucfqucôc les luges pour défendre leur caufc,làfuruint dauenture
* a" ^'cE d K'Œ^ ^ vn officier du Roy nommé L a n c e lot, homme de fortgrande ftature,
lot. ^jJuxc:^ mais encore plus excellent en pieté & vraye Religion , que non point en
force de corps . Ainfi qu'il elloic là prefcnt,il monftra femblant par fa façon de faire &c
contcnance,de porter faueur à ces deux perfonnages&: à leur cauic.parquoy il fut exa-
miné auec eux , U empoigné : &c le lendemain on le mena cnuiron les cinq heures du
matin au champ Éunâ Gilles , où il fut brufle auec les autres : &: peu de gens eftoyent
prefens à les voir brifiler.
^r^V^ I C H A R D Spenfcr cftoit de la contrée de Cantabrigc,& Preftre. Ice-
SIM/^ luy quitta la religion des Papilles, &fc maria :&c trauailloit de les mains
P pour gagner l'a vie. Auec cela il eftoit foufpeçonné d'auoir quelque con-
r fef^X traire opinion touchant l'Euchariftie . Il tut donc allailli par ceux de l'in-
quilition delà Loydeslix Articles, &: finalcmét condamné à lamort,&enuoyé au feu.
On l'exécuta àSarilburc: &: auec luy André Hvet tutauffi bruflé, l'an m. d . x l i,
pour vne mefme caufe ,&: par les mefmes ennemis.
'A N fuiuant,qui cftoit m. d. x l i i.Ican Longland euefquc de Lincolnc,
fit crucllemc t brufler deux hommes en vn mefme iour, aflauoirl a clv e s
Morton ôjThomas Bernar d : l'vn d'autant qu'il auoit enfeigne
à vn autre Toraifon Dominicale en laguevulgaired'autre pource qu'il gar-
doit l'epiftre de S.Iaques,traduitc aufli en vulgairc,pour l'on înftruction.
^Sftfj ^ ^ ^ QJVr E en ce mefme temps I ean Portev r, coufturicr,eftant
encore bié icune &C en la fleur de l'on aagc,fut cnuoyé en la pnl'on de Ncu-
Pgl %f$§k g^t par Boncr euefque de Londres, feulement pour auoir leu dedans la Bi-
WMfSl blc au tcmPlc °-c *"ainc* Pauhdedans laquelle prifon ce cruel Euelque le fie
longuement languir &: miferablement mourir,ran m.d.xlii.
M D XL].
M D XLU
Les œil tire s
aulquelles
Gilles s a-
(Jo.inoic.
GILLES T I L L E M A N, Bruxellois.
Il n'y aura celuy qui ne prenne plaifir & inftruc'tion.oyant le dilcoursde la vie & de la mort de ce Cilles: car outre le récit d'vne
intégrité grandc.ily a aulsi dodiiuc lo'ide poi;r eftrc inOruit.combicn qu'il ne fuft homme de lettres. Le te ut nousa
cfté iufjftfarnincnt telmoigné p.ircfcrits véritables & dignes defoy.
N rhiftoire de Iuftc Iufberg , corne dépendante de la perfecution de Lou-
uain, mention a efté faipe de Gilles Tillcman compagnon dudit Iufberg,
tant és liens de Bruxelles, qu'en la confefîion d'vne melme doctrine . Ce
'jyi Gilles, combien qu'il fuft de petite maifon de Bruxelles, lî auoit-il acquis fà
ueur de beaucoup de perfonnes de qualité. Il auoit pafîe le cours de fa vie fans repro-
che,cftant adonné à faire plaifir à vn chacun, iufqu a trentetrois ans, dedans lequel
temps homme ne fe plcignit iamais d'auoir receu iniurc de luy en aucune rmnien :rac
eftoit-il débonnaire . il cedoit&: quittoit plyftoft defon droid que de deb.urc,;uin d'-
entretenir toujours concorde &: charité digne d'vn Chreftien enceftevie. Il citoitdc
l'on meftier couftclier,&: s'eftoit adonné à ceft art pour euiter oifiueté,&: gagner la vie
de ion propre labcur.car il difoit que c'eftoit chofe deshonnefte à vn homme, de pa/Ter
fa vie oifiuement envolupté,ou viure defordonnémentdes chofes acquifesparautruy.
Il employoit ncantmoins la moindre partie du temps à fon meftier . car la plus grande
eftoic
Cjil/e* Tilleman,de 'Bruxelles. ioj
eftoit par hiy employcc àvifîter les malades,tbulager les poures,accorder Jesbourgcois
qui auoyent entre eux quelque dilfenfion . Et ia-foit que la plufpart du temps fuit par
luy colloquce à exercer les offices de vraye charité entre fes prochains,&: que pour ion
meftier il ne referuaft que bien peu d'heures du iour , il cft împolfible de dire combien
Dieu beniiToitâc multiplioitlc fruidde fontrauail . Tout ce qu'il gagnoit de ion art,il
en diftribuoit vne grande partie aux poures:& quant à luy, il viuoit fort petitcmen t,&:
ne dcfpendoit preique comme riempar tel moyen s'acquerant l'amour du peuple. Les
gens de bjen de la ville de Bruxelles rinuitoyent,&: cftoyent bien aifes de prel'enter
leurs biens à ion commandement. Souuentauin luy donnoyent quelques prefens: Ici-
quels s'il prenoit,ce n'eftoit que pour en ibulager quelque poure qu'il cognohfoit. De Gilles di-
cefte faucur des citoyens,^ des biens qu'il auoit,il n'en vfoit point à ion profit particu- ftribue aux
lier,mais tout au profit de fes prochains.il auoit à Bruxelles fon boulenger propre, ion [umoînes
cordonnier,foncoufturier,fon apoticaire.de l'vn ilprenoit du pain pour distribuer aux desrickj.
poures,de l'autre des fouliers pour chauffer les necefliteux , des robes pour veftir d'hy-
uer les indigcns,des médecines pour fubuenir aux poures foufïrcteux .malades ."Voila
quant à fa charité.
Dira Y-ie maintenant de la pieté &£ crainte deDieu qu'il auoit,de laquelle il eftoit
plus renommé que de toutes fes autres vertusîTout fon principal loin eiloit à s'enqué-
rir de la doctrine de l'Euangile : à laquelle lire &: méditer, eniémble en lmuocation de
Dieu &c pncrc,il auoit tant profit c,& eftoit ii ardent, que fouuentcfois fes amis le trou-
uoyent à genoux priant &z comme raui hors de foy-mefme: tât il auoit les forces de ion
ciprit ententiucs & fichées à fa prière. De fauoir,il en auoit autant qu'il luy en eftoit be
foin à lire iiures imprimez en fa langue &c aies entendrc:d'autrcs grandes feiences, il n
en auoit point.^ Enuiron le temps que la perfecution (dont nous auons parlé ci deuât)
fut ii afpre au pais de Brabant , il aduint qu'en la ville de Bruxelles on voyoït quclq ap-
parcncc & commcnccmct de pefte &c de famine. Gilles, qui auoit toufiours furpaifé en
lacraite de Dieu &: amour entiers fon jpchain to9ccux quienicelle villc,&: mefmes en
tout le pais auoyent renom d'eftre Chreftiens & charitables , d'vne vertu admirable ££ La ferneur
merueilleufe eonftancefevainquitfoy-mefme,lors qu'on eftoit en grande difficulté de <fc v«ye
viures,&: beaucoup depouresgens en grande angoiifc.Adonc il vendit quelque bien à ctc^p7dc
l'encan,duquel il fit vnc fomme de deniers,ôé la defpendit en ce temps de famine à fou perieeutio .
lager les poures,les malades &: autres foufFreteux . Il ne fe pafToit iour qu'il n 'allait aux
lieux publics de la ville,ou il les penfoit peftiferez , &: qu'il ne leur fubuinft en leurs ne-
ceiîitcz. Il retiroità ia maifen les eftrangcrs,les poures, finguliercmcntles malades:il
les nourriiîbir,les foulagcoit,lcs feruoit,iufqu a ce qu ayans par la grâce de Dieu recou-
uré leur fanté,ils retournaiî'.nt à leur trauail.& nefailoit pas office feulement de fubuc
nir aux corps, mais ipecialement aux ames,les inftnufans en la doctrine de IefusChrift,
&: les enfeignant auec grande efficace de paroJes,qu'ils ne fe deuoyet point fier aux ceu f*™,^"
urcs,&: que c'eftoit paria feule mifericorde delefus Chriit qu'il leur faloit cftrefauuez: 6s de G.;:
que la gradeur du péché auoit eité tclle,que l'ire de Dieu ne pouuoit eftre appaifee par
autremoyenque parle facrifice du propre Fils de Dieu. D'autre part, q l'amour & cha-
rité de Dieu auoit cfté fi grande cnuers le genre humain, qu'il auoit bien daigné cnuo-
yer fon Fils en ce mondc,afin que par fon fang tous nos péchez fuifent laucz,&: que par
fon facrifice il fiit accord entre Dieu &c nous , &c nous fiit héritiers du royaume celeite.
Bref,il annôçoit d'vne grade eificace',La mifere de noftre nature, L'horreur du péché,
La mifericorde de Dieu, La milice de la foy,& la vie éternelle. Plufieurs ayans cité par
luy inftruits en cefte lumière de l'Euangile , fe retirèrent au pais circonuoiiin, &: ont
commencé à cfpandre &: femer ce qu'ils auoyent apprins de luy: en forte que la doctri-
ne de falut print grand accroiffenient au pais de Brabant. Mais comme la vertu de ceit
homme a toufiours eité reluifante,auffi n'a-ëllepas eu faute d'aceufateurs, qui tafehaf-
fcntàladeftruire. Entre autres il y eut vnfuppoft de l'Antechrift, curé du temple qu'- Le curé de
on appelé la Chapelle,à Bruxellesdequel accufaGilles au Procureur gênerai. Qui vou- £
droit raconter les mefehans tours,les blafphemes,&: les horribles faicts de ce loup abo- XCU£S
minablc,il ramafferoit vn retrait de toute vilenie & ordure,indigne d'eftre nômé entre
les homes .celoup,di-ie,cômença à crier contre luy tât en public qu'en priué: à iurer &C
appeler le ciel &: la tcrre,q fi ceft home n'eftoit ofté par mort, en bref temps tout le pais
f.
LiurcjII. Gilles Tilkman,dc~> Bruxelles.
{'croit de Ton opinion. Il fut donc incontinent appréhende en la fureur de la perfecutiô
fthu? Cr° ^ *a c^olt allumee.Or eftant en prifon,il n'eftoit pas oilifmais confoloit & inftruifoit
foncier? les pouresprifonniers,en forte qu'il lembloit y auoir efté amené par vnc grande proui*
denec de Dieu, afin d'enfeigner les poures gens en la crainte d'iccluy. Mais pour veni*
àl'iiTue heureufe que le Seigneur donna à Gilles:les adueriaires,comme il a efté dit, ne
ce/îerent de pourfuiure la mort de Gilles,tellcmét que certain temps après la mort de
Iuftc Iulberg,les fergeans à l'inftance du Procureur gênerai vindrent en la prifon qué-
rir Gillcs,pour le mener au iugement.Si toft qu'il fut au lieu ordonné,ce Procureur gc-
neraJ,qui eftoit fa principale partie, commença à parler en celte forte: le demande ta
" On nome v^c^- ccs biens: car tu as forfait contre le" placart de l'Empereur. Gilles refpodit,Vous
lesordon- auez ici fur le champ &£ l'vn &: l'autre: il cft en voftre puiifance d'en faire ce qui vo9fcm-
nd.nccbsdsu blera bon. Tu es heretique,dir le Procureur,& par confequent digne de mort. là Dieu
plïcm*' ncplaife,dit Gillesje fuis Chrcfticn : & ne veux faire profeflïon d'autre Religion que
de celle de Chnft . Lors ils tirèrent fa confcflion hors d'vn fac, & la leurent en fa pre-
fence. Apres qu'il l'eut toute ouye patiemment, ils luy commandèrent de fe defdire de
tout ce qui eftoit contenu en icclle,commc mefehant &: hérétique. le n'ay rien ouy en
icelle,leur dit-il,que bonnes &c hôneftes fentences: & ne fcroit pas iufte ne raifonnable
de les blafmer feulement.& quand ie le voudroye faire,vous ne le deuriez pas endurer,
toutefois fi vous penfez qu'il y ait quelque choie qui foit contre la vérité, ie vous prie q
vous me donniez cognoilfance de ma faute , félon celle charité dont doiuent vfer les
Chrcftiens les vns enuers les autres. Vous cognoiftrez que ie feray attentifs preft à re
ceuoir toute bonne doctrinc:carie fuis homme, & peux faillir. ^ Apres cela l'interro-
guerent de plufieurs chofes, aufquelles il refpondoit auec grande grauité &c fingulierc
Rcfponfes rnodcftic,en forte qu'il ne fe deftournoit point de la vérité , &: n'irritoit pourtant beau-
dc Gilks. COUp ies efprits dcs luges. car il eftoit de telle douceur,que les aduerfaires mefmes efto-
yent contraints l'auoir en admiration.
Apres que Gilles eut rcfpondu à toutes leurs demandes , &: qu'ils ne peurent rien
trouuer en tous fes dits &: faits qui fuft digne de reprehéfiomtant s'en faut qu'ils y trou-
ualfent que reprendre, que lors comme conuaincus en leur propre confcience, le firet
remener en prifon fans rien faire. Cependant les loufflets de Satan ne celèrent de ma-
chiner,implorer l'aide des grans contre vn poure homme , prcfTer les luges de le faire
mourir fans différer plus longuement:Car li le peuplc,difoyent-ils,le voyoit dcliuré,(a-
chant qu'il eftoit détenu pour herefie , non ièulemét il fera renommé par tout comme
iuftifié,mais aufTi fera magnifié par le peuple comme quelque faind . Les luges adonc
efmeus de ces illulions de Satan , firent venir encore derechef Gilles en iugement . &:
luy demandèrent s'il ne fe vouloir pas defdire des herefies qui eftoyent contenues en
celle qu'il aduouoit pour fa confelïion de foy , &: pour lefquelles, félon lesloix del'Em-
pcreur,il meritoit d'eftre priué & de fes biens & de fa vie . A cela il leur refpondit de la
mefme grauité &: confiance que deuant , le vous di l'autre iour que tous les deux efto-
yent en voftre puiilance: prenez-les tous deux, &C en faites ce que vous aduiferez eftre
au falut de la Republique.
Ils luy demandèrent dauantage, s'il vouloit auoir vnaduoeat ou vn procureur
pour défendre fa caufe en iugemet,felon la couftume de la Cour. Il leur refpondit qu'il
ne vouloit d'autre aduoeat ou procureur,que celuy qu'il auoit délia aux cieux,leFils de
Dieu, ferutateur des cceurs,lequel fidèlement meneroit fa caufe deuant le Pere celefte,
luge de tous les Princes, mais entant que touchoit la caufe prefente, laquelle eftoit en
cillcsayât *eur punTance,il s'en rapportoit tant feulement à leur confcience . qu'vn chacun d'eux
efté long donques regardait en foy ce qu'elle leur iugeroit eftre expédient de faire , & profitable
tlnu* d ^ ^a RcPurjhque:&: que làns autre aduoeat ou procureur , ils ordonnaient &: fuiuiiTent
fonmer, re ce qu'ils auroyent ainli arrefté:Toutefois(dit-il)ie vous veux bien aduertir,afin que vo'
monftrc n'en loyez point trompez,que vous ne lauriez euiter, quelque chofe quefaciez,q vous
ne remportiez de celle caufe vne grande honte & blafme.Car fi vous me faites mourir,
vous aurez fait mourir à tort vn poure Chrcftic n & innocent . penfez en vous-mefmes
quelle enuie &: quelle infamie cela vous caufera enuers le peuple:&: quelle condamna-
tion au iugement de Dieu.Que fi vous me lailTez aller abfous,pen fez derechef quel def
honneur ce vous fera , d'auoir fi long temps tenu prifonnicr vn innocent , qui n'a touf-
iours tafché à autre chofe que de profitera la Republique . Ayant dit cela, comme s'il
filles cnileman,(l<z_j Bruxelles. i
euft blafphemé,ils ccmmandercnt incontinent qu'il fuft rcmené en plifoin
La difputc& combat qu'eut Gilles Tilleman auec deux Cordcliers.
"A pri s difné le Procureur général manda au Concierge qu'il le mift à part en quel-
" que lieu où pcrlbnne ne peuft parler à luy:& vn peu après vindrent quatre moines
(deux Iacopins &: deux Cordeliers)qui cftoyent cnuoyezdes luges pour examiner Gil-
les.on les mena où il eftoit,& les laifla-on tous fculs îuiqu'au foir. Gilles raconta puis a-
pres àvn certain perfonnage ami fîclele,qui eftoit lors en la prifon,ce qu'ils auoyent fait
auec luv.Ils luy dirent au commencement que le Procureur gehcral les auoit enuoyez
pour tenter fa confcience:pourtant ils le prioyent de côferer hbrem ent auec eux, & de
leur dire les fecrets d'icellc. Gilles leur refpôdit, i\ ce qu'ils faifoyent eftoit de chante 6c
en fimplicité , fans aucune intention de calomnie , que cela luy viendroit fort à plaifir.
toutefois que quant à luy(Dicu merci)il n'auoit aucun trouble de confaence,&: qu'il a- Rccit de u
uoitapprins vnedo&rinc éspromeiTcsde Dieu,laquelleluy feruoit grandement en Tes ^^J^i
angoiiTes:parquoy n'auoit aucû befoin ne de leur doctrine, ne de leur confolatiô. Pour- c^amc "
tant quilles prioit bien fort de ne fe donner point tant de peine, ainsdes'en retourner qu««moi
en leur conuent,iouyr de leur loilïr à leur aifc:le laiflant en la paix & repos d c confeien- '
ce auquel il eftoit . Car quant au jugement des hommes, il auroit défia dit aux luges
ce qui luy en fembloit,&: qu'eux en feroyent félon qu'ils verroyent eftre bon: que de là
part il obeiroit volontiers à leur jugement . ^Ces moines ayans entendu clairement
la volonté de Gilles, ne s'en voulurent pas aller ncantmoins,ains commencèrent à 1- L'imporcu
importuner par ie nefay quelles vaines queftions: comme s'ils eulTcntexpreifernent ^Sncs
efté apoftezpour troubler l'cfprit pailible du pourc Chrcfticn. Gilles voyant qu'il ne
pouuoit tant faire auec eux qu'ils s*cn allafTenti le vous prie donques>dit-il,puis que
vous voulez demeurcr,de vous ieou fur ce bâc,& dire vos heures, oit faire quelque au-
tre choie qu'il vous plaira : quant à moy , ic me ferray ici , fans vous empefeher en rien:
auflï ie vous prie ne m cmpcfchcz peint . Mais pour cela les moines ne ceiferent on-
ques . tant plus ils voyoyent qu'il ne prenoit pas plaifîr auec eux, tant plus eftoyent-ils
après luy pour le tourmenter par leurs queftions. Adonc il leur dit,Puis que ie ne gagne Lc n„
rien auec vous,& que vous ne voulez rien fane pour moy , faites tout ce que vous vou- moyen de
drcz:criez ii vous voulez fi haut que vous en foyez enrouez , ie ne vous refpondrav plus tJm
? i /• /- i \ * moines oc
vn feul mot.&: ainii aduinc. Les moines bien raieriez, commencent a crier,l iniurier, Y- aducrfa.res
appeler hérétique . Gilles fc tenoit quoy,fans dire pas vn mot. les moines enrageoyent dc vcrilé*
de defpit qu'il ne leur vouloit refpondrc , &; cependant ne ceilbyent de crier. Sur le
foir finalement ils tombèrent fur la queftion de la Cene : Nous auons etitendu, dirent-
ils,que tu n'as bonne opinion de la Cene:&: pourtant nous t'aduertifîbns en ce poihety
de fuiure la doctrine de leglife catholique. Parquoy ii tu veux eftre Chreftien,il te faut
croire indubitablement que le vray corps de Chrift eft prefent au facrement,auiîi grad
& auiri gros qu'il pendoit en la croix, la mefme chair* tout de meime : excepté que lors
il eftoit mort,&: le preftre le baille aux hommes tout vif à manger . ( fay horreur de ré-
férer leurs paroles.) Ils adiouftoyent la raifon : D'autant, difoyent-ils, que le fang eft
contenu dedans lc corps, combien qu'on le baille feparément aux preftres dedans le
calice:& autres tels monftrcs horribles de paroles , aufquels vne droite ame ne fauroit
penfer fans douleur. ^ Gilles voyant la gloire de Dieu ainfi foulée, la pureté du Sacre-
ment profanée, ne fe peut tenir qu'il ne leur rcfpondift en cefte forte: le m'eimerueil- Note,
le, dit-il, comment vous abufez ainfi fans mefurc du temps &: du loifir,& cornent vous
parlez fi irreueremmentdc choies il hautes. Quelle fureur defordonnee cft-ce à vous,
de retirer Dieu du ciel,pour l'cnclorre fous les elemens de ce monde ? Voulez-vous en-
fermer cefte nature diuine & punTance fupreme (laquelle ne fe peut comprendre que
par fa feule Parole)& tenir liée fous aucune efpece de créature quelconque? Ignorez-
vous que Dieu eft inuifible ? qu'il ne peut eftre touché de mains, &: beaucoup moins
mâché des dents ? ce que vous ne pouuez dire fans blafphemer,ne moy penfer fans hor
reur. ^"Cependant que ceci fe difputoit d'vne part & d'autre, la nuict vint,& l'obfcure-
té s'approcha : en forte que les moines s'en retournèrent pour ce iour-la , ayans afleZjà
leur aduis,dequoy acculer le poure Gilles. ^~Le lendemain de grand matin les moines
ne faillirét à reuenir:&: leur difpute fut Des bônes œuuresrmais la queftion n'eftoit pas Des bcnnei
entre eux, aHauoir fi les bonnes ceuures des gens de bien eftovent agréables à Dieu* al,ur£S-
f.n.
L///ro Tillemanjç^j Bruxelles.
s'il leur propofoit quelque loyer ou de cefte vie ou de rercrnelle : mais affauoir fi par
le mente des bonnes œuurcs nous ne gagnions pas la remiflîon de nos pcchez&la vie
eccrnelle.ee que niaGilles ouuertcmcnt,&: dit qu'il ne recognoiflbit autre mérite que
çcluy dcChriiljCeftc fentence fembla hérétique aux mcincs,& ne peurent ïamais pat
aucune raifon s'accorder à ccll article. Oyez maintenant vue craluloii Se ddloyauté de
Latraliifon ces hypocrites:Toutesfois& quantes qu'ils departoyent d'auec Gilles> ils s'enalloycnt
dev menus. jrojt au Procureur gencial,&: aux autres ennemis. la ils detiguroyent la caule du pourc
homme,ils corrompoyenr& peruertifibycntpar leurs mcnlbngcs& calomnies tout ce
qu'il k urauoit rci'pondu. Le premier iour,pourcc qu'il ne leurauoitpointvoulu refpô-
drc,ils lemerent par la ville qu'il cfloit pofî'cdé d'vn diable muet , qui l'auoit cmpefché
de parler. Le fécond, ils dirent qu'il auoit vn cfprit de blafphcme dedans le corps, peur-
ce qu'il n 'auoit voulu confcntiralcursblafphcmes exécrables. Quicfl-ce,ie vous prie,
qui poun oit contenter ces beftes monflrueufesrSi vous ne rcfpondcz point, vouseftes
poftedé d'vn diable muet:li vousrclpondcz, d'vn ei'prit de blafphcme . ^ Le troificme
ibur ils vindrent à vne nouucllequeftion,du Purgatoire . Ils luy demandèrent s'il ne
toire1^3 croyoit pas qu'après celle vie prelente il y cull vn feu, dedans lequel les ames des Chrc
ilicns tullent purgées deuant qu'élire receus en la gloire éternelle. Gilles- rclpondit à
c ela, que s'il y auoit vn feu ou non,qu'ilsy aduifàlfcnt: & que quant à luy, il nioit que ce
nom fuil cogneu en la faincte Efcriture, ou qu'il y euft aucune mention du Purgatoire,
au contraire,il fe difoit élire purgé de tous les péchez au fang de lefus Chrift,& fi ailcu
redcla milcricorde d'iceluy , qu'il croyoit &elperoit aller droit en Paradis, fans palier
par aucun feu de Purgatoire.Ceftc relponfc ne contentoit point les moines: car ils vou
lovent qu'il dift fimplemcnt, Il y en a:ou il n'y en a point. mais Gilles ne leur voulut rc-
fpondre autre choie que ceci, Si vous voulez aller en vn feu de Purgatoire après voflre
mort , allez-y : îe n'y porte point d'empefchrmcnr : mefme fi ce rcu-la ne vous fcmblc
point allez chaud,allcz en Enfer.quant à mov,qui recognoy mon infirmite,quim'afreu
re que tous mes péchez me font pardonnez pour l'amour du Médiateur lef us Chrifl,
me repofant du tout en la mifcricorde de Dieu : ic fay bien que le n'irav îii en Enfer ni
en vollrc Purgatoire. mais quel bcfoin efl-il de dilputer de ces queftions inutiles & plci
nés d'impietc,plus auant.? le vous prie encore derechef comme au commencement,
de vous en retourner au conuent , vous repofer , &: ne vous donner tant de peine, ni à
moy tant d'alîîiclion. car ce trauail ne vous apporte nul bien,& me caufe à moy de gra-
des douleurs &C fafcheries d'efprit,aucc vos queilions. LaiiTcz faire au Procureur gêne-
rai &c autres luges , ce que leur confeience leur dira, &: qu'ils verront c (Ire bon pour la
Rcpublique.Quclquc choie qu'ils facent, ils n'y auront pas grand honneur, comme ie
le ur ay délia dit. S'ils meront mourir,mon i'nng criera vengeance contre eux à Dieu: s'-
il, me ielafchent,cc leur fera grand' honte de m'auoir fi long temps tenu à tort. Quant
à vous,ie vous prie de vous en aller ou en voltrc conuent , ou ailleurs où vous voudrez:
&: ne me rompez plus le repos de mon cfpnt . Car foit que demeuriez ou reueniez vne
autre fois,ie ne vous refpondray vn feul mot . ^ Tout ceci fut tait entre Gilles &Jcs
moines . &L viuent encore beaucoup de bourgeois de Bruxelles qui en pourroyent tc-
ilifier,e]uilors venoyent prelqtous lesiours en la pnlonpour aduertir Gilles des bruits
que lemoyent les moines parla villc,& pour fauoir la vérité de tout. Finalement après
beaucoup de prières, les moines s'en allerent,non pas au conuent, mais droit au Procu-
reur gcneral.&: luy dirent qu'il n'y auoit cfperance que Gilles fuft conuerti, &: que tant
s'en raloit qu'il voulu il entendre leurs raifon s , qu'il ne leur daignoit pas feulement re-
fpondre vn mot.
T i. efl impoiribic de dire de quel amour &c pieté Gilles efroit enflamme en ce temps-
■* la:comment il fe lurmontoit foy-mcfmc,comment il fc preparoit à mourir heureufe-
rnent,commc s'il euft veu deuant fes yeux les choies qui luy eiloyentà venir . Il cfloit
L s vdiemG fans ce/Te en prière : &c y cfloit quelque fois fi raui , que qu i l'eufl veu pricr,cufl dit que
c; f "Jei." ion amc cfloit rauie, ayant laiile le corps froid en la place. Il efl quelque fois aduenu qu'
deGilks. on le ccrchoit,&: quclcConcicrgerappeloit par tout à haute voix, fans qu'il refpôdifl,
ou qu'aucun des feruiteurs le peufl enieigner.De fbufpcçonner qu'il fuft forti,nul ne le
vouloit . car on le cognoiffbit tel, que quand les portes de la prilon eu lient elle ouucr-
tes(cc qui eftoit quelque fois aduenu) il n'eull pas voulu mettre le pied hors, afin de ne
mettre en peine le Concierge,auqucl il auoit efté baillé en garde. Finalement comme
on
o
Cjillcs Tillemanje Bruxelles. / oj
on ne le peut trouuer aux ehambres baffes, on môta en haut:&: là on le trouua au coin
d'vne chambre à genoux , les yeux eflcuez au ciel , & la face mouillée de larmes . mais,
qui cft efmerueillable, il cftoit fi ardent en fa prière, &c fi raui , qu'on auoit beau l'appe-
ler tout haut,&: fe mettre dcuantluy, il ne voyoitpourtantnioyoit, iufqu a ce que le
prenant parla main on le rcfucilla de cefte contemplation fi profonde » Alors comme
fortant de quelque fonge,il refpondit,(^ue voulez-vous,mes frères ? Rien,dircnt-ils,fi-
non que vous veniez au repas. Lors il defeendoit tout ioyeux,&: feruoit les autres au dif
ner.car il eftoit fîfobre &: attrempé en fon viure,que pendant qu'il fut en prifbn,il ne s Sohrkté a»
affitiamaisàtable. Il mangeoit tant feulement vn peu de ce que les autres laiffoyent, Gilles.
&: beuuoit encore plus fobrement. On le preffoit fouuent de manger vn petit plus lar-
gement,mais on ne luy peut iamais perfuader qu'vne fois ou deux . Et ne le faifoit pas
pourtant par aucune fuperftition,ne par ncccffité:d autant qu'il yauoit des principaux
de la ville qui luy enuoyoyet tout ce dont il auoit befoin: mais pource qu'il eftimoit qu
il n'eftoit pas necefTaire de nourrir fon corps trop delicatemét: ayât regard à ce qu'il e-
ftoit fain,& qu'il voyoit beaucoup de poures qui eftoyent en grande necefTitê,& n'auo-
yent pas du pain à fuffifancè.
Nouucaux tourments préparez à Gilles par les aduerfaircs.
r pendant que le poure Gilles viuoit ainfî,le Procureur gênerai machinoit d'au-
tre colle de le faire mourir: &: pour ce faire auec plus grande couleur, inucntavne
nouuelle mefchanceté.Car pource que Gilles n'auoit point voulu affermer qu'il y euft
vn Purgatoirc,il difoit que félon les loix il le faloit gehenner , pour luy en faire dire ou-
uertement fon opinion. Mais c'eftoit feulement vne couucrturc pourle faire mourir a-
uec moins de murmure du peuple , car ils fauoycnt bien qu'il eftoit fort bien voulu de
tous. Adonc le x x i i.du mois de Ianuierau fin matin deuant cinqheures,ils enuoyerêc
leurs fergeans pour le mener en vne autre prifon deuant le iour ( car ils craignoyent le
peuple ) afin de le mettre à la queftion , à caufe que ià où il eftoit , il n'y auoit point de
torturcraufn" on n'auoit point accouftumé d'y gehenner perfonne. Eux donc eftans en-
trez dedans la prifon, & fâchant Gilles qu'ils demandoyent aptes luy, il les receut
bien ioyeufement : &: à caufe qu'il faifoit fort grand froid , les fit entrer en la cuifine,&:
leur alluma du feu pour les chauffer, pendant que le Concierge , qui vouloir aller auec
cux,s'habilleroit.
Il s le menèrent donc en vne autre prifon de la ville, &: là luy baillèrent la torture,
fous couleur de luy faire dire s'il y auoit vnPurgatoirc.mais quand il fut fur la queftion, fu'r j's^'
ils ne lmterrogucrent ne du Purgatoire,ne de quelque autre article de laReligion.ains turc
pretendoyent de le contreindre à déclarer ceux auec qui il conferoit en prifon,& ceux
de la ville qui eftoyent de fa Religion : mais il ne déclara perfonne . car il eftoir^d'vn tel
naturel , qu'il euft mieux aimé mourir cruellement , qu'aucun fuft tombe en danger à
caufe de luy. Aufïi il aduint par vn grand miracle de Dieu ( comme gens fidèles ont tcf-
moigné)qu'eftant en la queftion, il n'endura pas beaucoup de mal. ^ Le mcfme iour a-
pres que le monde feut que Gilles auoit efté mené en vne autre prifon , grand nombre
dc;ceux de la ville accoururent viftement pour Je voir. On luy enuoyoit fes neccfîitez
par les principaux de la villc.^Le lendemain vint à luy le Cure du grand temple,nom- Ce curé a-
mc de fain&e Goudlc . Ce Curé-ci eftoit communément appelé le Pape de Bruxelles: JJ'^irn°J
à caufe qu'il eftoit home de grande corpulence & reprefentatiô:mais en tout ce grand
corps il n'y auoit pas vn grain de bonne doftrine : bref, il eftoit tout farci d'impiété . &
pour comprendre en vn mot toutes les qualitcz de ce perfonnage,c'cftoit vn droit Epi-
curien, auquel il ne faloit parler q de volupté du corps : ce Pape de Bruxelles vint auffi
pour conuertir Gilles, lequel il receut en toute reuerence:& incontinent il luy fit du
feu pour le chauffer,au mieux qu'il peut.il print fes admonitions en la bonne part,s'ap-
perecuant bien quel il eftoit,affauoir mené &c tràfjporté comme les autres aduerfaires.
^ Apres difnc voici reuenir les moines pourle tourmenter la dernière fois . Gilles les
pria de s'en retourner au conuent,&: de fepafferdorenauant de cefte peine. Sur quoy
ils s'en allèrent de là droit aux Iuges,pour leur rapporter q c'eftoit fait de Gilles, &;'qu'
il n'y auoit plus d'efperance,d'autant qu'il ne vouloit efeouter aucunes remonftrances.
Procédure de la condamnation & exécution de la fentence contre G.Tilleman.
Le lendemain,qui eftoit le iour dédié entre eux à la conuerfion de S.Paul, vingteinq-
ieme de Ianuicr,les luges côclurent enfemble par leur fentence diffinitiue, qu'il de-
f. iii.
£ wo //• G Tilleman, do ^Bruxelles.
uoit cftrc brulle : & donnèrent cefte fentence de tcllcfaçon , que ceux qui ont demeu-
ré long tcm[*s en laville,& (huent fur le doigt toutes les manières de procéder , difoyce
La ccuiv.1- que de mémoire d'homme» il n'en auoit efté donnée en la forte . Caria couftumecft
me du lieu tic condamner en pleine aifcmblce des luges le criminel prefent.mais ils auoyct peur»
uecâïcn"" Sue s menoyent Gilles en la place ordinaire pour luy pronôcer fa fcntcnce,lcs pour-
droit At geois le deliuraflent par force. Et pourtant ils donnèrent cefte fentence clandcfti-
cilles. nement &: en cachctte:laquelle ils luy firent pronôcer après difné en la priibn par leurs
Greffiers . Gilles ayant ouy fa fentence/e mit incontinent à genoux,&: rendit grâces à
Dieud'auoir cftédeluy réputé digne de mourir pour maintenir la pureté de fa doctri-
ne cclefte:&: ceauec fi grande ardcw&afTcétion, que ceux melmcquiluyauoyent jp-
noncce,furent cfmcus à pleurer. Il remercia auflî puis après les Iuges,dc ce qu'ils auo-
yent expédié fa caule fi heureufement pour luy.
L e bruit de cefte condamnation efpandu par la ville, tout le peuple fut inconti-
nent troublé, &: y auoit apparence de l'édition, laquelle les frères Prefcheurs talchoyct
d'appaifer &C efteindre à force menfonges &c calomnies côtre Gilles: neantmoins ils ne
profkoycntdericn . Quoy voy ans les luges , firent aftembler le lendemain toutes les
irncwdcî dixaincs&: bandes delà ville en vn lieu ,&:d'icelles en choifirent ceux qu'il leur pleut,
bandes de pour ailiftcr en armes le iour enfuiuant,pour exécuter ladite fentence.Ainfi le iour or-
L vjiic. donné le trouucrcnt au marché plus de fix cens hommes en armes,defqucls nonobftac
la plufpart eulTcnt plus volontiers tourné les armes contre les faux Iugcs(fi le peuple ri
euft efté efmcu) que d'aider à vn fi mefehant acte. Les luges voyans bien que le peuple
eftoit fort animé contre eux, n'oferent amener de iour le prilbnnier parla ville : ains de
grand matin,en grande obfcurece', le firent venir bien accompagné en la maifon de la
villc,qui eftoit tout-contre le marché où il deuoit mourir. A l'uTue de la maifon de la
Gilles ne ville eftoit vne image de pierre nommée la vierge Marie,deuant laquelle on comntim-
vent . io da à Gilles de s'agenouiller. Ilrefpondit qu'il auoit apprins en TEuangile, qu'il faloit a-
«r l muge t|orer yn {eui DjCU)&; Juy feruir en efprit &: vérité : à tant qu'ils palTaflcnt outre &: para-
cheuaflent leur entreprife . Lors le Procureur gênerai tout furieux de ce qu'il n'auoic
voulu laluer l'image,commanda qu'on le menaft viftement . ^ Or eftant là venu au
lieu du iupplice>& y voyant vn grand amas de fagots, dit à haute voix, Queft-il befoin
de tant de bois pour brurter ce pourc corps?il futfifoit de beaucoup moins . que n'auez-
vous pitié des poures qui meurét de froid en cefte ville ,& ne leur aucz diftribué le fur-
plus de ce bois ? Les bourreaux auoyent là fait vn petit tabernacle de bois & de paille,
dedans lequel ils le vouloyent faire entrer , pour là l'eftrangler, afin de luy amoindrir le
fupplicc : mais il leur dit , Il n'eft ia befoin que vous preniez cefte peine.: car ie n'ay pas
peur du feu. ie levcrray& endureray volontiers pour la gloire de mon Seigneurlefus
iiim«deUI Chrift,qui a enduré pour moy plus grans tourmens de corps &c d'efprit.laifrez-moy feu-
Gillcsmo- lement vn peu pricr,i'cntrcray puis aprcs,&: feray tout ce que vous voudrez. Lors il s'a-
n'au'oit" genoiulla,&: leuant les yeux au ciel, fit fa prière: après laquelle il fc leua,& entra dedans
crainte de ce taudis . mais deuant qu'entrer defehaufla fes fouliers, &: pria qu'on les donnait à vn
mounr. pOLire. Eftant entré dedans,rccommanda fon ame à Dicu.&: incontinent les bourreaux
mirent le feu dedans la maifonnette de paille,dedans laquelle Gilles fut tantoft confu-
mé . ^ Les luges ordonnèrent quelques vns de leurs fatellites pour garder les cendres
iufqu a deux heures après midy,qui furent puisapres,par leur commandement,iettees
dans la riuiere . Le peuple murmurojt: &l fc difoyent des propos afTcz diuers contre les.
luges .Les moines femoyent ce bruit entre leurs gens,queGilles auoit efté bruflé à bon
Les voix& droi£r,d'autant qu'il auoit nié le facrement . &c ainfi tafehoyent d'exeufer les luges. Il y
propos qui cn CUt plufieurs qui deplorerét publiquement la mifere de ce temps: & qu'on en eftoit
mez apr« ^ venu,qu'auiourdhuy ceux qui fe vantoyent du nô de Chrift,eftoyent Pharifiés & hy-
ïamort de pocrites:permettans pluftoft toute impiété, que d'eftre Chreftien à la vérité , ^De ce
Gilles. temps les moinailles &C preftrailles commencèrent à eftre fort hais à Bruxelles , com-
bien qu'auparauant ils ne fuflent gueres'aimez:&: quand ils venoyent quefter aux mai-
fons des bourgeois,on leur difoit pour toute aumofne, qu'il n'y auoit perfonne qui leur
donnaft fans eftre cn danger par leurs calomnies:&: que Gilles n'auoit efté bruflé pour-
autre chofe,quc pour auoir diftribué tout Ion bien aux poures,
HECTOR,
Tlufîeurs M artyn* iq&
HECTOR REM Y, &c MATTHINETTE fafomme.
A tempe Rc de la perfecucion cfmeué ( comme dit a efté) au pays ï as de lEm- M D xur.
;J^pereur.Charlcs V, après les villes, tomba auflîfur les villages. Em .iron vn an
S^/^après la mort de Ican Marlar &: Margueritte fa tance , ey deJîiis dits, a Bouui
gnv bourgade prochaine d Qrchies, le greffier dtidit lieu nomme Hector Rcmy>eftai t
mis prifonnier, donna amjaliçcbnfeflion de la foy:cn laquelle perfeucrant, tut décapite
en la ville de Douay.
Sa femme nommée M a tthtne t t e dvBvisset, cftoit notable &vertueu
fe,pouï la incline caufe, laquelle dauoic maintenu en pareille c on lia n ce &c intégrité la
parolle de Dieu, fut côdamnec par la milice de Douay , a eftre enterrée viue. Les deux
genres de fupplice font viitcz en ladite ville aux laies, qu'ils appellent.
CONSTANTIN, & trais Autres exécutera Romn.
O V AN ville meti opolitainc, Se iiege du parlcmêt de Normandie, a aulïi md.xliî
J^lfa part à la boucherie queTAntcchrift Romain a exercée contre les brebis
^^fede la bergerie du Seigneur. Vn nomme Conitatin, tire du parc d'iecllc par
" 3,1a cruauté des loups rauiifansjcndura martyre en ce temps en laditeville de
KmîanTauec trm autres fes compagnons , pour la confcilïon de la vraye doctrine de l'Euan-
gilc.Leur cmprifonnement&: la procédure tenue contr eux a efté delcrite en vers Fra-
coi^ par vn homme docte dudit pays de Normandie : mais d'autant que fuccinttement
noustraittonsThiftoiredes Martyrs , nous nous contentons d'expofer leur mort bien- Lepr,nci:
heureufe. Car ctft la vraye face en laquelle on peut contempler le plus beau du por- palpour-
traict des Marrvrs de IefusClirift, puis qu'autrement nous ncpouuons reprefenter le JJîîLjj'
furplus des aunes parties du corps , 6c des circoftances de la procédure tenue côtr eux. ctten leur
f Quand ceux iy furent menez au dernier fupplice en vn tumbercau ou bcncauàor- morc-
dure , à la façon viitee en France , Conftantin s'ciiouillant dit à les compagnos, Vraye -
ment nous fomincs les ballicures du inonde , lefquellcs puent maintenant aux homes
de ce monde-mais refiouiflbns nous, car l'odeur de noitic mort fera plaifantc &c pre- i.Cor.^ij.
i icufedeuant Dieu. Ce fut vne voix prophetiquc,de laquelle le Seigneur ésderniers ^
temps a monll; c le fruict 6c lerlect, tel que depuis on a veu au pays de Normandie par
la prédication de Ion Fuangile.
mmdsmmmMÊmmmmmgmm
PERSON, TESTVVOD, &MARBE K
C F S trois hommes Anglois furent bruflti à Vvinfor,cn la rigueur de l'Inquifition fi f.îitedelaLoydesfix Articles.
O V R A V T A N T que nous nations certaine hiltoire dcplufieurs per- M-D<XLI1*
/^J*3 tonnages qui furent exécutez en la rigueur dclaLoydes lix articles d'An-
^%^gletcrrc, comme d'vn Prtflre qui fut pendu au portail de rcuefque de Vvin?
^\^Sceitre:d'vn nômé Henry, brufle a Colccftrc , auec ton fï, tuteur : '6c d'vn KyAù%
r-
coufturicr, bruflé à Londres, nous les palîons fans en hure citât: pour venir a l'an m . d ,
x l 1 1 1 , auquel trois excelles perfonnages furent brûliez à Vvinfor , eftans acculez par
cette mefmcLoy,ai]auoir, An'toinï Person Preftre fut aceufç de ces poïcls; c'en: An.Pcrfpu;
qucdcuxansauparauantilauoittcnii cepropos en vniîcnfermon , CommeChnita
efté îadis pendu entre deux bngans, ainlieit-il quand le Prcftrc lclcuc entre les deux
mains fanglantes,&:c. Item, qu'il auoitdit en chaire publiqucmet, qu'il ne falloir poit
que le peuple le mangeait tel qu'il auoit efté pendu en la croix , comme en découpant
fa chair par pièces 6c morceaux,&: comme ii le fangdccouloit par la bouche : mais qu'il
le falloit tellement manger auiourdhuy, qu'il fuftaulTi mangé de nous 6c demain c-:le
lendemain après. Outre cela, que Chnft a plus ouuertement monilré fa pui/fance a-
pres fa refurre&ion, qu'il n'auoit pas fait auparauant.
Ro b e r t Te s t v v o d chantre, fut condamné feulement pource que quelque Tcflviod
fois par forme de fornette il auqit dit, àvnPrcftrç quiaiioit en faMefle lcué fon dieu
f.iiii.
Limes IL Ter/ecutions efmeu'és par tes S or bonifies.
bien haut : Hohé, fi haut?&: encore plus haut ? mais aduifez bien qu'il ne rombe.
Marbclz. IeanMarbek aufîi chantre, fut accufé qu'il auoit eicrit de fa main beaucoup d -
annotations recueillies de ditiers autheurs,qui fembloycnt répugner directement tant
enirSÎ à la Me/Te qu'au i'acrement de l'autel. Qu'il auoit dit que la Me/Te en laquelle le Preftre
reprefente confacre le corps du Seigneur, eftoit pollue de grande impiété : &c d'autant qu'elle def-
dreffez^r pouilloit Dieu de fon honneur & gloire , les Chreftics ne ladeuoycnt aucunemét fouf-
icKiboam.1" frir. Outrcplus, que leleuation du facrement reprefcntoit en quelque façon les veaux
que Ieroboam auoit fait dreflér au temple. Et qu'il y auoit beaucoup plus de mal en ce-
lte idolâtrie, qu'es lacrifkes iadis offerts par les Ifraelites au temple de Ieroboam. Item
qu'il ne falloit poît douter que Icfus Chrift ne fuft là expofé en mocquerie &opprobrc.
Ovtre cestrois-cyilyauoit//t»rTFmcwor, coufturier,& vnnommé/îr»me',qui e-
ftoyent en la mcfme condamnation aucc les autres, & adiugez à eftrc bruflcz : mais les
deux derniers obtindreht pardon du Roy : lesautres trois furent bruflez conftamment
à VvmforJ an m.d. x l 1 1 1, lcz8. iourde Iuillet : aiTauoir Perfon, Tcftvvod &C Marbck,
Les principaux conducteurs de cefte tragédie , c'eltoycnt le Do&eur London chanoi-
ne de Vvinfor,&: Guillaume Symons, qui valloit auffi peu que l'autre.
Jugement de Dieu fur deux Inquifiteurs & perjetuteurs.
Sy0mô°nin& (^^s deux vcncrablcs,London &: Symons eftoyent après pourfaire fafcheric à quatre
«juiiîceurs. ^Gentils-homes des principaux de la chambre du Roy,iulqucs là qu'ils furet appelez
en iugement pour faire leur proccz:mais eux entendans ce que ces ennemis leur braf-
foyent, allèrent au deuant prefenter fupplication au Roy , luy remonftrans les dangers
efqucls ils eftoyent .& finalement obtindrent du Roy pour la faucur qu'ils auoycnt de
luv, que ceux qui leur brafîoyent ce mal, furent appelez pour refpôdre après informa-
tions faites contr'cux.Du commencement London &: Symons fc pariurct cnt,& en ce-
fte façon couurirent leur trahifon & fecrettes entreprifes : toutesfoisils furent depuis
conueincus par euidens argumens & fi mamfeftes, qu'ils n'euffent peu rien profiter par
tous leurs fubtcrfugcs.&: finalement ils furent à bon droit punis. On les mit àlefcnelle
en la place publique de Vvinfor auec billets au front àc par derrière , pour les rendre i-
gnominieux. Depuis ils furent menez prisonniers à Londres,où London mourut.
HIST OIRE desperfecutions efmeu'cs à Paristfar les Sorbon:jles>pour introduire
llnquifition parleurs articles.
OMME n'agueres il a efte récite de l'Angleterre, aîfi maintenat ceux de la
Scrbonne de Paris iouet la mcfme farce,&: eicumet pareille rage en la Fra-
icc, non feulement alendroit des vrais fideles,mais auffi t ôtre que Iqucs vns
iflus de leur troupeau, <k graduez en leur vénérable faculté. M. Fraçois La-
prancois dri Curé de Sain&c-Croix paroiilc près le Palais de Pans prefehoit afiez purcmét,&: ne*
Lâdry r h. difoit MciTe,pourcc qu'il ne beuuoit poît de vin.on ne fait fi cela venoit de fon naturel,
li s'il lefaifoit de propos délibéré. La Sorbône le pn'nt en extrême haine. &:ayat fait a-
cte Croix.
OU
maffer quelques jfpos de l'es fermos par certains clpiôs, on mit par efenc quelques arti-
cles criblez de la farine de cefte faculté, afin que ledit Cure les approuuaft &: les fignaft.
Or d'autant que quelques iours après il fit vne rcfponfe à deux ententes aufdits Arti~
clesdesThcologiens,affauoir,Qucceque l'eglile tenoit touchant ces matières eftoic
fainct & catholique , il fut accufé par lcfdits Sorboniftes:&: quelques iours auât Pafques
à leur inftanec emprifonné. Quelques iours après , le roy François I. vint à S. Germain
en Laye, qui eft près la riuiere de Seine,à cinq lieues de Paris. Là, eftant aduerty de ce-
fte pourfuitte des Sorboniftes,euoqua la caufe du tout à fa cognoiflance,induit à ce fai-
re par vne partie des mieux aimez de fa Cour, qui donnoyent lors grand fcmblant de
porter faucur à la doctrine de l'Euangilc, entre lefquels la duchefle d'Eftampe qui pou-
uoit beaucoup en ceft endroit, y tenoit fort la main. Le Roy donc ayant fait venir ledit
Landry,fans s'arrefter à procédure quelconque faite,lc voulut luy-mefme interroguer
ôc 6uyr , efperât qu'il le rendroit refolu de quelques poincts, dont il deliroit cftre mieux
informé j &c fur tout du Purgatoire, ne l'ayant oneques tenu certain ne bien fondé par
les raifons de fcsThcologicns. Landry auant qu'eftre prefenté au Roy, fc trouua cfpou-
anté des parollcs & menaces qu'aucuns de ceux qui maintenoyent le party contrai-
re, luy auoyent fait accroire ( fur tous, François deTournon Cardinal ) que le Roy e-
ftoit granelemét irrité contre luy, d'auoir ainii troublépar fes fermons fa ville de Paris.
Dont
^Articles des SQrbûniïlts. 107
Dont aduint que Landry, par lequel on efperoit à l'heure &: à fi propre occaiion triom-
pher des Sorboniftes, i"emonftralafche&:inconftant:tcllemcntquele Roy fevoyâc dé-
liant toute l'a Cour fruftréde ce qu'on luy auoitrait efpercr , le renuoya à Paris aucc in-
dignation. Il fut contraint de le defdirc le xxix. d' Auril publiquement au grand têplc,
en la prefertee de tout le Parlement au gré des ennemis de la vérité de l'Euangilc.
On traita de meime Claude d'Efpenfe docteur d'icelle Sorbonne:car pourautât qu' Claude d
ilne s'cftoitdelditaiîezouuertemétjmaisentermes ambigus &: obfcurs pour efblouir pcne'
les yeux des ad uerlàires,on luy fit expliquer vn autre iour haut &: clair en plein fermon,
iufques à fatisfaire &£ contenter les plus grofiîers deecs Nos maiftres refrongnez qui là
eftoyent. ^ Clément Marot poète François fut aufîî lors contraint de s'enfuir , 6c fe Jk™'nt
retira à Geneue, pour le foufpeçon qu'on auoit fur luy qu'il fuft Luthérien.
^ O r les Sorboniftes, après qu'ils curent ainfi triomphé , &: que l'efperance du Roy
eut efté abatue& changée au defdit de Landry,forgcnt des articles de foy à leur porte,
pour furprendre &: faire palTcr par là (comme par leurs lacqs)tous ceux qui ne feroyent
fermes &L conftans en la vraye do.&rine de l'Euangile. Nous les auons ici inférez auec le J^'jjj^
remède & confutation d'iceux,afrn que tous fidèles ayent dequoy pour fe garder &c d'- futatkm.
efuelopper , quand il aduiendra que deuant les Rois, Princes &; Magiftrats ils feront af-
faillis &: interroguez pour y refpondre.
L E Doyen Se faculté de Théologie en l'vniuerfîté de Paris, à tous fidèles, Salut en Iefus Chrift.
Œfâfi^Ornme ainfi foit ijuauiourdhuy nous -voyons par Les contentions & altercations aucuns predica-
VSi£$teurs ^prefhans doctrines contraires & diuerfes, plufcur s fideles,felon ce quefrit fainct Paulaux
Epnefens , ainficpue petits enfans mal fiables & peu arrefte\, ejlrc de toutes pars agittfXj& mene\, &
tournans a tous vents de diuerfes doctrines : Et au deuoir de nojhc ejlat & charge , appartienne appaijer
& compofer les flots de diuerfes doctrines <& con traires opinïds en la foy , Nous bien afewrexjdu trefaind
propos & religieux -vouloir de noflre Roy trefchreflienytuons auiféde rédiger en brej ordre ce (jue doyuent
prefher <& Ire les fidèles docteurs & prédicateurs, & les autres fidèles Chrefliens croire auec feglife catho-
liqucjouchant aucuns artides & proposions lonccrnanslafoy , auionrdhuy nwparplufeurs en différent
& controuerfte,
Response 1.
^ Vand l'Apoftre défend d'eftre fcmblables à petis enfans rîottans, &: eftans tranl'por- Ephcf4.
tez à tout vent de doctrine, monftre quant & quant le moyen comme nous pour-
rons euiter ce dange r, c'eft que nous conuenions tous en vraye vnité de foy: laquelle il
définit eftrc la cognoifiànce du Fils de Dieu. Or en vn autre partage il prononce,que la
foy procède de la parolle de Dieu. pour laquelle caufe il exhorte ailleurs les fidèles , d'- Rom-10-
eftre édifiez en Dieu fur le fondement des Apoftres &: des Prophètes. Scmblablcment
il admonnefte les CcloiTiens de perfeuerer fermes fur le fondement de la foy , &: ne fe
point laiiTer deftourner de l'efperance de l'Euangile qu'ils auoyct ouy, Pourtant faind
Luc loue les TeiTaloniciens, d'autant qu'ayans reccu volontiers la doctrine de S. Paul, A<a- »7-
ils l'examinoyent à l'Efcriture. Et défait autrement ne peut confifter ce que dit S.Paul
en vn autre lieu:aflàuoir, Que noftrc foy n'eft point appuyée en la fage/Ie des hommes, i.Cor.j.
mais fur la vertu de Dicu:finon que nous depédions de Dieu feul, comme aufTi il cft ef-
crit, Efcoutcz-moy,&: voftreamc viura. C'eft ce quenoftre Seigneur commande par ^Sf*
Ieremie, difant,Que le Prophète auquel i'ay reuclé ma parolle,la porte purcmét. Item Iercmi3-
par S.Picrre,Siqueicun parle, qu'il parle comme delà bouche de Dieu. Pourtat s'il fur- *-P«r.4-
nient quelque côtrouerfic, elle ne fe doit point décider au plaifir des hommesmiais par
la feule authorité de Dieu,ce que lignifie faincr Paul, ne nous aimant à l'cncôtre de Sa- EPnc-^
tan d'autre glaiue que de la parolle de Dieu. Noftrc Seigneur Icfus auilînous amoftré
le femblable par fon exemplc:quand eftant affailly de Satan , il n'a vie d'autre bouclier Mat-4t
pour repouiTcr les coups, que des tefmoignages de l'Efcriture. Autrement la louange
que S.Paul luy attribuc,ne feroit point vraye: quand il dit qu'elle cft vtile non feulemét ^•Tl,n•î,
à enleigner ÔC admonnefter , mais aulTi à redarguer les aducrfaires.Puis donc q le mon-
de eft auiourdhuy en grand trouble pour la diuerfité des opinions:il nous conuient vfer
de ce remede.& n'y en a point d'autre qui foit propre : C'eft qu'il nous faut auoir noftre
refuge à l'Efcriture: ou comme parle Ifaie,àla Loy& au teimoignage .afin quefuyuant lf"aic8-
Je commandement de l'Apoftre, nous foyôs tous d'vn accord, vnis eu Iefus Chrift. Car Ronu*
^Articles des Sorboniïttstë
nb.z. de fainct Auguftin nous donne vne belle doctrine, ditant que quad il eft queftion de quel-
fec mer.& qUe chofe obfcurc,laquclle ne fe peut prouuer par certains ôdeuidens tefmoignagcs de
Ttm.rn.fn. j^fe icurejia prefomption humaine fe doit refrener,ne déterminant rien ne d'vn cofte
Eccl cî ^ ne d'autre.En Comme nous auons auiourdhuy à fuyure la reigle que Conftantin dônoit
jt» imles aux Euefques eftans affemblez au concile deNicee-.c'eft que nous premôs la rcfolution
synodes^on- ^q^qY^ux. les differens de la Chrcftienté,dclapure parolle de Dieu. Car comme dit S.
l' coJZZ Hilairc, c'eft vn grand détordre, quand on détermine de la do&rine Chreftiennc feloft
tentent. \c jugement, des hommes, ouparleurauthorité.
DV BAPTESME.
\L faut croire de certaine & ferme foy^ que le Baptefme eft à tous necejjàire pour leur falut : mefme
[auxpetis enfans: Et quepariceluy eft donnée la grâce du fainU Efprtt.
R e sponse i.
^ Ve la remiiîîon des péchez, Se la grâce du S.Efprit nous foit offerte au Baptefme , c -
eft vne chofe que tous fidèles confeffent.& îuyuant cela, ils recognoiffent que les
enfans ont befoin du Baptefme:non pas comme d Vn aide neceffairc à falut, mais com-
me d'vn feau ordonné de Dieu, pour confirmer en eux la grâce de Ion adoption. Car S.
i.Cor.7. Paul enfeigne que les enfans des fidèles nahTent fain&s. Et de fait, le Baptefme ne leur
Gencfc 17. conuiendroit point, fi leur falut n eftoit enclos en cefte promeffe , le fuis ton Dieu & le
Dieu de ta femence. Car ils ne font point faits enfans de Dieu par le Baptefmermais d'-
autant qu'en vertu de la promeffe ils font héritiers de l'adoption de Dieu , I'Eglife les
reçoit au Baptefme. Comme anciennement il ne nuifoit rien âux enfans d'Ifrael, de n'-
Gcn.17. auoir point eft é circoncis , s'ils decedoyent deuant le huitième ioUr j aufli à prefent la
feule promeffe l'unit en falut aux petis enfans qu'on n'a loifir de baptifer : La promeffe,
dy-ie, par laquelle ils font introduits en I'Eglife dés le ventre delà mere. Car nous fai-
fons iniure à Iefus Chrift,finous penfons que la grâce de Dieu ait efté diminuée parfont
Ezech.17. aduenement. Or eft-il ainfi , qu'anciennement Dieu appeloit tous les enfans qui nai{-
foyent du peuple d'Ifrael,fiens. Dauantage nous ne lifons point que Iean, qui baptifoic
les autres,aiteftéluy-mefmebaptifé. Concluons donc , que comme la iufticede foy a
précédé la Circoncilion en Abraham pere de tous les fidèles : auflî que la grâce d'ado-
ption précède auiourdhuy le Baptefme aux enfans des fidèles . comme auffi chantent
les mots de la promeffe, le feray le Dieu de ta femence. Et ainfi eftimons que le Baptef-
me eft confirmation de cefte grace,comme vn aide de la foy.
DV FRANC ARBITRE.
\^4ri>ne mefme con fiance & fermeté de foy eft à croire que l'homme a fon franc & libéral arbitre,
\par lequel il peut ou bien ou mal. O* par lequel aufti , combien qu'il jbit en péché mortel \fe peut re-
letter a grâce.
Response 11.
Gcd.<î,&:s. T)Vis que l'efpric de Dieu prononce que tout ce qui procède du cœur humain dés la
Pfcau.ij. 1 première enfance, n'eft que mal : &c qu'il n'y a nul iufte, nul qui foit entendu, nul qui
Rom.f. 3. cerCfie Dieurmais que tous font inutiles, corrôpus, vuides de la crainte de Dieu,pleins
Rom. «. de fraude, d'amertume, Se de toute mefehanceté. Item, Que tous font denuez de
gloire deuant Dieu, &c que toute cogitation de la chair eft inimitié contre Dieu : &C ne
nous laiffe point la vertu d'auoir feulement vne bonne penfee.Nous concluons auec S.
lih.^ad Auguftin, que l'homme ayant mal vfé du libéral arbitre, l'a perdu , &C foy-mcfme auec.
vA.it per- Item, que puis quela volonté a efté vaincue par le péché, il n'y a plus de liberté en no-
fe. infi.reff. ftre nature. Item, que la volonté n'eft point libre quand elle eft fuiette aux concupifee-
"o7n'.[ ces,gui la furmontent & la tiennent liée. Item , auec S. Ambroifc, que noftre cœur &c
Defù»a fe- nos penfees ne font point en noftre pouuoir. Dauantage, puis que Dieu teftifie que c-
pf âu C^ *°n œuurc'clllc ^e renouueler le cœur de l'homme, &: d amolir la dureté d'iceluy:d'-
Ewd».ltf. efcrirc fa Loy en nos cœurs,& fengrauer en nos entrailles: de faire que nous cheminiôs
ifrem.3i. en fes commandemens, de nous dôner tant le bon vouloir que l'effect d'iceluy,de met-
levlm y tre en nos cœurs la crainte de fon nom, afin que iamais nous ne déclinions de luy , Se fi-
ïzech a. nalement de parfaire le bien qu'il a comencé en nous,iufques au dernier iounNous cô-
Philip.i. cluôs derechef auec S. Auguftin, q les enfans de Dieu font menez de fon Efprit, afin de
faire ce qu'ils doyuét. lté, qu'il les tire pour les faire vouloir ce qu'ils ne vouloyét point.
Item
Z,o remède pour s'en depeftrer. 10?
fcem, que depuis la cheute du premier homme, il n'appartient qu'àla feule gracede Dtcorrep.
Dieu, de faire quel homme vienne à Dieu, & qu'il ne s'en recule point. Item, que nous jj^y 14
nefauons que c'efl qu'on pourrait trouuer de bien en noftre volonté, qui foit de nous.I- Bomf. c.l9,
te m, depuis que parle péché nous auons perdu le frac arbitrc,cen'eft plus ne du vueil- ^J™"'^
lant ne du courant que nous croyons en Dieu&viuons faindementmon pas que ne de- /X/l ^.
uions vouloir 6c courir, mais pource que Dieu fait tous les deux en nous. Item aucc S. »»«- ew-
Cyprian, qu'il ne nous faut en rien glorifier, veu qu'il n'y a nen du noftre. ïSrîjr?
DE PENITENCE. t'^Z.
}tns certain, qu a ceux qui Jonten aa°?,&wvjans de raijon,apres auotr commis peche nior- ,\e s.jiug*.
Jft7, la pénitence efl necejfaire. Laquelle confîfh en contrition & confection Jâcramentalc, qudfauc
verbalement faire au Prtftre:& pareillement en fin faction.
Response III.
L'Efprit de Dieu requiert de nous par tour , que nous facions penitéce:En la Loy, aux Ez«l).i<s.
Prophetes,en l'Euangile. Et quant Se quât il définit que c'eft qu'il ented par ce mot, '««0.4.
commandant que les cœurs foyentrenouuellez,que nous l'oyons circocisau Seigneur, lfa.r.j*.
que nous foyons nettoyez , que nous dciiftions de nos mauuailes cogitatiôs , que le fai
fceau d'iniquité,qui eft entortillé en nos cocurs,foit deueluppc,que nous rompions nos
cœurs, &: non pas nos accouftremens,que nous deueftions le vieil homme, renoncions
à nos propres defirs, &: foyôs renouuellez en l'image de Dieu.Dauantage il nous mon-
ftre quels (ont les fruits de pcnitence,aifauoir les œuurcs de charité, &: de bône &c faill-
ite vie. Touchât de fufciller en l'aureille d'vn Preftre,il n'en fait nulle métion.Dc fatif-
faire à Dieu, encore beaucoup moins. Mcfme c'efl: choie notoii:e,que deuant le téps du
Pape Innocent III, iamais n'y a eu loy impofee au peuple Chrcftien de foy confciîér,
comme il appert par le décret qu'il en fît au concile de Latran. Etainfi parfeipace de
douze cens ans celle théologie a eue incogneue en l'Eglife Chreftienne, de dire que la
confefliontbitrcquifedcneceilité à pcnitence. Et les parollesde faincl Chryfbftome Hlpl n
font claires, quand il dit , le ne te cemande point de te conrefler à vn homme. confelfe- sL^e
tov à Dieu. lté, Il n'eft point requis que tu te côfe/Tes deuant des tefmoinsrque tu faces
ton examen en ta penfee fccrette,& que Dieu feul le voyc. Item , le ne t'appelle point 2, je
deuant les hommes : monft re tes playes à Dieu , qui efl: le fouucrain médecin pour les uxmto.
guérir. le ne nie pas que la façon de fe côfeifer n'ait cité fort anciene. mais iedy que ce- V'f^'
la eltoit en la liberté d'vn chacun. Comeauffi il eft récité en l'hiftoire Ecclefiaftique.
où il eft dit que cefte façon tut abolie à Conftantinoble , d'autant qu'vne femme , fous
ombre de le confeifer, habitoit trop pnuément aucc vn Diacre. Or que peu de gens fe
confciîafTent en cetemps-Ia, il appert, d'autant qu'il n'y auoitqu'vn feulpreftre en cha
cun Eucfché, député à ouïr les confellïons. Et meunc de là on peut iuger que l'origine
eftoir venue des pénitences publiques . lefqucllcs ne regardent point Dieu quant à la
confcicnce, mais appartiennent à la police de l'Eglife: afin que le pécheur déclare de-
uant les hommes par quelque ligne, qu'il fe repent de fes meffaids. Quant aux fatisfa-
dionsJ'Efctiture donne cefte louange du tout à Iefus Chrift,qu.'il effacciuy léulles pe- Uam.
chez, que le chaftimét de noftre réconciliation a cfté fur luy^qu'en l'on lèul nom il nous tf» M-
faut obtenir remiffion des péchez. Quant eft de noftre cofté,S. Paul teftifie quc(*ftc Att.io.
béatitude eft gratuitement accomplie en nous,& fans aucun merite,que Dieu ne nous R<>m-4*
impute point nos péchez. Aurefte,nousne reprouuons point les fatisfa&ions qucT E-
glife ancienne fouloit enioindre aux pécheurs feulement pour tefmoignagc de leur a-
mendement, &c non pas pour appaifer l'ire de Dieu.
DE LA IVSTIFICATION.
)^4uantage,eïla croire que le pécheur n efl point iuftifîe parla feule foy, mais aufîi par les bones œu-
vrer, qui font tellement necefjaires , que fans kelles Phomme qui efl en yfage de raifon , ne peut obte-
nir la yie éternelle.
Response lui.
a*^E font les Parolles de S.Paul , que 11 l'héritage eft par la Loy, la foy eft anéantie , &: la Rot»; 4.
^promefle abolie. Pour cefte caufe , que l'héritage nous eft donné de foy , afin que la
promeUe foit ferme félon la grâce. Or il auoit dit auparauant, que la iuftice de Dieu eft RoBU<
L/Wo //. ^Articles des Sorboniftes, (f
Rom.i. manifeftee fans la Loy,par la foy de Chrift fur tous ceux qui croyenten luy. Item, Que
tous l'ont defnuez de la gloire de Dieu,&: font gratuitement mftifiez par fa grâce. Main
tenant conioignons ce qu'il adioufte puis après, Que fi c'en, par grâce , ce n'eft plus par
Rom.n. œuurc.car fi c'eftoit par ceuure, ce ne feroit plus par grâce. Il dône laraifon en vn autre
Rom. 4. llcU:a:laiïoir que le loyer n'citpoît imputé pour grâce à celuy qui l'a gagné par fesœu-
ures.rnais luy eft deu. Il répète celle mefme fentence aux Ephefiens,difant, Vous cites
EpJief.i. fauuez par grâce, non point par vos ceuures , afin que nul ne s'y glorifie. Or il monftre
Rom 3. aux j^ornainS) qUC] eft le [cns de ces parolles, difaht que Dauid détermine la béatitude
de l'homme, lequel Dieu aduouë pour iufte fans aucunes ceuures, quad il dit,Bicn-hcu-
i.Cor 3. rcux font ceux (Jei'qucls les péchez font remis. Item aux Corinthiens , Dieu eftoit en
Chrift réconciliant le monde à foy, n'imputant point aux hommes leurs péchez. Car il
a fait facnfice pour le pechc, celuy qui ne fauoit que c'eftoit de peché:afin que nous fuf-
fions raits iuftice de Dieu en luy. Nous voyons en ces parolles , que le moyen de iufti-
Luci. fier les hommes, eft,que Dieu leur pardonne leurs péchez: pourtant Zachariedit,que
c'eft la feienec de falut de cognoiftre cela. Quant à ce qu'on expofe communément les
fentenecs précédentes, delà loy cercmoniale, cela eft friuole , veu que S.Paul partout
Rom. 10. oppofe la iuftice propre de l'homme,à celle de la foy:comme aux Romains, Voulans c-
ftablir leur propre iuftice , ils ne font point fuiets à celle de Dieu. Et adioufte la raifon,
Pource que la Loy dit , Qui fera ces choies, viuraen icelles. Or Chrift nous a rachetez
delà malcdidion delà Loy , afin que la promeife faite à Abraham, fuft accomplie en
Philip. 6. nous par foy. Item aux Philippiens , N'ayant point ma iuftice prope?qui eft de la Loy:
Augufi.in mais celle qui eft de Dieu par la foy de Chrift. Nous concluons donc auec S. Auguftin,
MU** C1L1C cc n cu: point donc par nos mentes : mais félon la mifericorde de Dieu , que la pro-
ann.frrm. méfie de falut nous eft ferme. Item auec S. Bernard, que tout noftre mente eft la mife-
6-hn ricorde du Seigneunou pour parler plus clairement, nous concluons auec S.BafiIe,que
îalat.j.
BrfLjïm. cefte eft la parfaite & entière gloire que nous auons en Dieu, quand nous cognoiiîbns
àvHmil que nous fommesdenuez de noftre iuftice propre, &c que nous fommes iuftifiezparla
feule foy en Chrift. Comme S.Paul dit,qu'il Cc glorifie de ce qu'ilamefprifé &£ reietté fa
iuftice:afin que toute hauteffe & orgueil tombe bas , quand il ne refte rien' à l'homme
dequoy il fe puilfe vanter.
DE LA TRANSSVBSTANTIATION D V
pain au corps de Ici'us Chrift.
A" chacun Chref ien eft tenu croire fermement , quen la confecration qui fefait au fâincî parement
de l'autel, le pain & y m font conuems au rray corps & fang de lejûs Chrift. Et après ladite confe-
cration, ne demeurent que les cfpeces dudit pain ty* Dinfons lefjuelles eft reell ement contenu le yray corps
de lefus Chnjt-.lctjuelnay de la -vierge Marie, a fouffert en l'arbre de la croix.
Response v.
T A nature des $acremes emporte, que fous les fignes vifibles , la vérité inuifible nous
^loit donnée. O r fi le figne nous trompe , &: eft fruftratoire , que pourrons-nous iuger
de la choie figurée? Cefte proportion,ou fimilitude entre le figne & la vérité , nous eft
Cor.io. déclarée par S.Paul quand il dit, Nous tous qui participons d'vn pain , fommes vn pain
& vn c orps-.Pourtant à ce que nous apprenions de la Ccne, que la chair de lefus Chrift
eft la viande de nos ames,il eft requis que le pain nous foit làjppofé pour en eftre image:
commeS.Paulle dit là mefme, Le pain que nous rompons , eft la communication au
corps de Chrift. Que fi feulement il y auoit là vne efpece, c'eft à dire vne figure du pain
fauile&: menlbngcre, &: que la fubftance n'y fuft point, l'erficace du Sacremét periroit.
ïdmKrM ^c °-c ferles fain&s Pères ont parlé en cefte façon. S.Irenee dit , Comme le pain ter-
reftrc,ayant receu la benedi£hon du Seigneur,n'eft plus pain commun, mais l'Euchari-
ftie, contenant deux chofcs,l'vne terrienne &C l'autre eclefte. En ce mefme fens il eft dit
au Canon du concile de Nicee le premier , Que nous rie regardions point le pain &c le
vin,qui nous font prefentez, mais qu'eleuans l'efprit en haut,nous confidehons par foy
i»£*yM l'Agneau de Dieu. Item S. Cyprian,Côme le Seigneur appelle le pain fait de plufieurs
Mn.<my. grains,fon corps.& comme il appelé le vin fait de plufieurs grains,fon fang:auftiil mon
e *7rt 1 a<i ^re ^U ^ nous C^re comomts enfemble. Item Fulgencele nomme Sactement du
Bmifi*'* pain &: du calice. Finalement, comme dit S. Auguftin, fi les Sacremensn'auoyët quel-
que
Zo remette pour s'en depeftret. top
que fimilitude alicc les chofes qu'ils figurent , ce ne feroycntplus Sacremens. Et pour-
tant aucuns des Pères ont dit, que c'eit pain fanclificau corps de Iefus Chrift. Au relie,
S. Auguftin monftre quelle eft l'exhibition du corps de Icius Chrift en la Cene , parlât ^ £j'J''
ainli:Ne doute point que leius Chnft , félon fon humanité , ne foit maintenant au lieu
dont il doit venir,en Jameimc forme vifîble en laquelle on l a veu monter, & en lamel-
me lu bilan ce en laquelle il a donné immortalité, mais il n'a point ofté la nature. Car il
nous faut garde r de tellement affermer laDiuinité de Icius Chrift,quc nous deilruifiôs
la vente de Ion corps. Tous ces propos tend et à ce but, que pour receuoir Icius Chrift
en la Çene, côme il nous eitrcalement donne , nous eleuiôs nos cœurs en haut. Et ain-
li noftre intention neft point de dire, que nous ayos vn ligne vuide,ou vn fpedacle frU
ftratoirc en la Cene, côme fi Ieius Chrift n'accomplilfoit point ce qu'il nous y promet:
mais feulement de deftourner les coeurs de toute fuperftition &imaginatiô charnelle.
fy&M F ftcnfice o.e h
DV SACRIFICE DE LA MESSE.
e U Meffe, efl de l'tnjlitution de lefws C hnfh & ejl vtde & prvftable pour les ytuans
Response VI.
L'Inftitution de Ieius Chnft contient , qu'on prenne &: qu'on mange , non pas qu'on Mu.ib.
offre. Pourtant le facnrîce n'eft point de l'inftitutiô de Chrilfmais répugne direde- Marc
met à l'cneontre. Dauantage, il appert parl'Efcriture faincfe , que ça efté le propre of- Lucu>
ficc de Ieius Chrift leul,de s'offrir foy-mcfme: comme dit l'Apoftre , qu'il a fanctifîé les '-Cor u.
liens à perpétuité par vne feule oblatiô.Item,Il eft apparu vne fois en s'offrant fby-mef- Heb.5.7.
me. Item, Que depuis que cefte fandiheation eft parfaite , il ne refteplus d'oblation.
Carauifi pour celle caui'e il a efté conlacré Prcftre fclô l'ordre de Melchifedcc,fans fuc-
ceffeurne compagnon. Icius Chnft donc eft defpouillé de l'honneur defa Sacrifîcatu-
re, quand fauthoriré de l'offrir eft transférée aux autres, non feulement pour reietter le
lacrince qu'il a fait, mais auffi pour le rcnouuelcr , ou ratifier, ou en faire application,
finalement nul ne doit vfurper ceft honneur, linon qu'il y foit appelé de Dieu, comme
dit l' Apoftre. Or on ne lit point que nul autre foit appelé que Chrift. D'autrepart,com
me ainli foit que la promette s'adrelfc feulement à ceux qui communiquent au Sacre-
ment, de quel droit l'vtilité &c la valeur en appartiendra-elle aux morts?
DE L A COMMVNICATION SOVS VNE ESPECE.
^ffê^Ç communion de l Euchariftie fom les deux cjpcces de pain & de Vm,n \fl pas neitjjai, t auxgcs
Uns. Vavouny .t bon droit^pour certaines & iufles caufes a 1a de longtemps ejlé ordonne dt l eglfe,
iju au/dits Lues fou communié feulement fom l\fj)ece du pain.
Response vu.
T E mandement de Chnft porte que nous bcuuiôs tous du calice .mcfme après auoir Mat.ztf.
iimplcmét dit du pain, Prenez mangez : quat ce vient au calice, il commande nom-
mément, que tous en boyuét. S.Paul tcftifîequ'ilaainfi enfeigné aux Corinthies, félon 1 Cor.n.
qu'il auoit receu du Seigneur. La railon qu'on a accouftumé d'amener de la cont omi-
tanec, n'a point ici de lieu. Car il ne conuient pas feulement regarder ce q Chnft nous
donne,mais auffi comment il nous donne. ou fi quelcun l'aime mieux, il conuient auoir
efgard à la façon, par laquelle il fc veutcÔmuniquer à nous. Comme dôcfous le pain il
nous donc fon corps:aufii tous le calice, il nous donc fon fang. Pourtant il ne nous refte
que d'obéir à fon commandcmcnt,afin que receuat de fa main les lignes qu'il n 09 don-
nerons iouiffions auf fi de la vérité des chofes. Car corne nous admomftc S.Chrylofto- r^j' < c
me,d'autant que nous lbmmcscorporcls,felon noftre rudefle il nous donne les chofes
fpintuelles fous les chofes viliblcs. Ccfte façon a efté gardée en l'Egliléplus de mille
ans, côme il appert parles hures de tous les Dodeurs. Noftre chair,dit Tertulliâ, eft re- In yefiir-
peue du corps &: du lâg de Iefus Chrilfarin q noftre ame foit nourrie de Dieu. Et The- ('"""'
odoric récite les parollcs de S. Ambroifeditcsà l'Empereur Theodofe , Comment o- l,f'l*cc,
feras-tu prendre de tes mains fanglantcs le facré corps du Seigneur? commet oferas-tu " c^'u
approcher le S. calice de ta bouchc?S.Hierome auffi dit, Les Prcftres qui fontfEuchari inîqU
ftic,&: diftnbuét au peuple le la g du Seigncur.Itë S.Chryfoftome,Ce n'eft pas corne en smia t.
la Loy ancicnc.où le Preftrc auoit fa portion par deffus le peuple : mais en l'Euchariftic cor.«foi.s
tout eft cômun entre le Preftrc ôc le peuple. il y a vn mefme corps propofé à tous ,& vn
Lmrc^ I /.
^Articles des Sorbonïïtcs,^
mcfme calice. Mais touchant de l'vfage ou obferuation , il n'y en a nulle controuerïîe,
d'autant que tous confeflent qu'elle a efte telle. Mais qu'ils ayent iugé que du cout il en
neTtrtur falloic ainii faireril appert par le décret de Gelaflus,qui ordonne que tous ceux qui s'ab-
' 'i 'l- ^ {tiendront du calice foyent excomuniéz de tout le Sacrement,adiouftant la railon, que
}e7.^fî.l!°' la diuifion de ce myftcre ne fc fait point fans gi ad facrilcgc. Ht S.Cyprian débat par vi~
ipip.i.Dc ues railcns, que nullement on ne doit denier à vn Chrcfticn le fang de Iclus Chriiï , le-
quel doit cîpandrc l'on propre fang pour ligner la venté d'iccluy.
DE LA PVISSANCE DE CONSACRER.
S^jfj "ï 'tre-plusja puifftncc de conptcrerlevray corps delejks Chriflyt eflépar luy donnée feulement aux
preflres ordonnexjGr ftcrC'K [don U couflume & obferuance de Çeglife& aufi d'abfoudrc les pé-
cherait purement de pénitence.
Response VIII.
: Ccr.4. vtOus confeflonsbien que les vrais Preftres l'ont les vrais difpenfatcurs des myfteres
-^dc Dieu:pourtant qu'ils (ont miniftres delà Cenc. Mais nous entendons ceux qui
Aa.ij. çQm ort^5nCzàla façon de Chrift &c des Apoftres,mefme de l'Eglife anciéne : en laquel-
t."i mi. ! le la feule impolitiondes mains cftoit vlitce,fans fonction &: lemblables fatras, côbien
qu'en la promotion il faut principalement regardcrla fin &: l'office auquel on députe
les Preftres. Or félon le commandement de Dieu &: la règle de l'Elcriture , on les doit
conftituer non pas pour facrifier : mais pour gouuerner l'Eglife , paiftre le troupeau du
Seigneur par fa parolle , &c adminiftrer les Sacrcmens. Touchant de la puiflancc d'ab-
i.Tim y. foudre, il faut tenir que le melfage de reconciliation cil commis aux vrais Pafteurs,afîn
que par leur doftnnc,c'eft à dire la prédication de l'Evangile, reduifant les hommes en
appointementauec Dieu, ils les abfoudét de leurs pechcz:mais queccfteauthoritéeft
donnée «à la Parolle, &c non point lice aux hommes : tellement que quiconque met en
auant la remiflion gratuicc que Dieu nous fait, il ablout le pécheur en fa con/cience&:
îcan iï. deuant le iugement de Dieu. Car combien qu'il (bit fpecialemét dit aux Apoftrcs,quc
les péchez feront remis à ceuxaufquels ils les remettront: toutefois les Pères anciens
De f<mfi,à. confeflent que les clefs d'abfolution font données à toute l'Eglife: nommément S. Cy-
r'm. prian&S.Auguftin,aucclcfquels s'accordent les autrcs:car la remiflîon des péchez en
hcm.icc? lefus Chnft, par quiconque elle foit annoncee,eft la vraye abfolution.
II4./A lo.m.
utmJeM. DE L'INTENTIOlsT DE CONSACRER.
CbnJlMb.î.
tatx7m (§1^ Y. fuels preflres pour certain, combien qu ils foyent mauuah & en pèche ' monel^onftccnt U yray
^^[iorps de îefm C hnfl-pourueu cuilsayent intention de le confacrer.
Response i x .
/^Hrift n'a pas dit à vn homme feul,Si tu veux tu auras mon corps , ôc le donneras aux
^autres. mais il parle à tous en leur présentant ion corps. Caria promefle s'adrciîe à
Mat.itf. tous ccux aufquels il eh: dit, Prcnez,mangez. Parquoy il n eft en la puiflancc d'vn hom-
me mortel , quelque infidèle qui foit , ne mefme vn diable , d'anéantir celte promefle.
s-^pf-— Et c'cft ce qu'entendent les anciens Pères, quand ils difent qu'il ne périt rien de laver-
'(Intre in" tu du Sacrement, quel qu'en foit le mmiftre. Nous concluons donc qu'il n'y a rien plus
vwmîfles. défi aifonnablc, que de laifler cela en l'arbitre du miniftrc,ou pluftoft à fa pofte, voire d*
vnminiftrc infidèle, de priuer l'Eglife du bénéfice de Chnft quand il luy plaira. C'cft
aufll vue chofe autant abfurdc,d'imaginer que les Preftres avent puiilance de côlacrer
toutesfois tiquantes qu'il leur vient en la tefte:voirc outre l'inftitution de lefus Chnft.
car la promefle eft liée auec le commandement auquel elle eft adiouftee . &c pourtant
nuls n'ont le corps de lefus Chrift,linon ccux qui célèbrent la Cene félon la reigle mi-
le par luy. Nous concluons donc derechef, que c'eftvne confecrationfriuole&denul
crré£t,quâd vn preftre fait fon cas à part pour luy fcul. Car ce ne font point des parolles
d'enehantcmcnt,quand noftrc Seigneur dit qu'il nous donne fon corps : mais contien-
nent vne promefle qui doit feruir à l'action ordonnée par luy. Dont aufli îlappert que
c'cft vne façon perucrïc, de les murmurer tout bas entre les dents:comme ainiî l'oit qu'-
on les doyueprononccr à haute voix 6c en langue intelligible, comme on le voitpar le
Honni 80 contexte,Prcnezmangez.c eft mon corps. Pour laquelle raiibnS. Auguftin dit, que la
hr i .îtu». parolle de confecration eft la parolle de foy qui fe prefehe.
DE
N
Le remède pour s* en depejlrer. no
DE LA CONFIRMATION ET EXTREMÊ ONCTION.
Onfirmation & Extrême on&ion font deux Sacremens infiitue\ delefus ChnsJ, parlefijuels eft
donnée la grâce du S.Ejpnt.
Response x.
Ous lifons bien que les Apoftres par l'impolit ion des mains ont diftribuc les grâces Aft
viiibles du S.Efpric:mais que cela ait cfté vn don temporel, l'expérience le monftrc.
mefme les plus anciens Docteurs telmoignent qu'il a celle incontinent après la mort
des Apoftres. Nous conte/Tons que la cérémonie d'impofer les mains a efté depuis rete-
nue des fucceiFcurs,& eft demeurée en vfage quand les leunes enfans failbyent confef-
fion de leur foy: mais non pas à cefte fin qu'ils la tinllent pour vn Sacrement mftitué de
Chrift.Car S. Auguftin afferme que ce n'eft autre choie qu'vne orailbn qui fc tait fur vn l't"j?
homc,pour le recommander à Dieu. Il y a vne pareille raifon de l'Extrême onction. car UsDonmft.
c'a efte vn ligne dvn don téporcl , que nous fauons n'auoir point dure lôg temps après cha-16-
les Apoftres. Il eft vray qu'iccuxoignoyent les malades, aufquelsilsdonnoycnt guéri- M*IC6'
fon par la vertuduS.Efprit. S. laques commande qu'on vie d'vne telle onctionrmais où U<Î J
eft ce don de lanté,quand on oind les poures malades, qui iettent délia les fouipirs de la
mort ? Ceux donc qui vfent des lignes làns la vérité, ne font point imitateurs, mais feu-
lement linges des Apoftres.
DES MIRACLES DES SAINCTS.
.8T|p5:r ne faut douter (jue les fawcls,tant ceux qui font en ccfleyiemortelle^cjue ceux qui font en parafai
Œ ^S»f faœnt des miracles.
N
efti
Re sponSé xi.
Ous fauons paiTElcriturc à quoy feruent les miracles,&: à quelle fin on les doit rap-
portenaiîauoirpour conrermer la doctrine de l'Euangile , comme il eft dit en faincl:
Marc, Que le Seigneur affiftoit aux Apoftixs,&:conrermoit leur doctrine par les mira- Marc iôu
clcs fuyuans. Et S.Luc dit aux Actes,Qjic le Seigneur rendoit teimoignage à la dpetri- Att. i4.
ncdefagtace, quand il le Failoit miracles par les mains des Apoftres. Pourtant 1 vlage Rom.if.
)cj4inme des miracles, eft qu'on les reçoyue comme féaux de la dc&rine de l'Euangile:
ainli, qu'ils feruent à la gloire non pas des homes ne des Anges, mais de Dieu ieul.i orne
difoit S. Pierre, Que nous regardez-vous, comme (i nous auions fait ceci par noftrc ver- A£tcs4.
tu ou fain£teté? Le nom de Ielus Chnft, &c la foy qui eft en luy, a donné guenion à ccft
homme. Or puis que Omit a prédit quele règne de l'Antechnft le fortifiera par mira- Mat 14.
cles,& que S.Paul a confermé cefte prophétie, nous cochions auec S.Auguftin,Que le 1 ^ M*
Seigneur nous a donné occalion de nousgarder de ces miracleurs , qui ibus ombrede
cela deftournent le mode de l'vnité de la foy. Or il nous faut ici auoir double aduis:Car
Satan abufe les hommes de beaucop d'illuhons faillies : &c fecondement Dieu permet
que plulîeurs miracles fefacent pour fc venger de l'ingratitude des hommes, comme ^*J^^
tcfmoigne S.PauhcL' après faincl: Paul,lainct Auguftin. taie tcd.
:ab.u6.
DE PRIER LES SAINCTS.
'EfichoJèJain&e^trefip-eableaDieu^deprierUbien-heun'uJèyier^e Marie & les fainefs c-
\Jlans au ciel, a ce quils foyentaduoeats £7* tnterceffeurs four nows emers Dieu.
Response xii.
L'Efcriture requiert que nous prions enfoy:&: S.Paul nommément adioufte que celle Mire n.
foy viét de la parolle de Dieiv.S. laques aulîl nous défend de douter en priât. Or c it il «m.io.
ainli que li nous voulons obéir à la parolle de Dieu , il nous faut inuoquer vn feui Dieu ,aci,lts
au nom dclefus Chrift: car le Seigneur protefte que celuy eft leferuice fpirituel de fon ^Xz^*1'
Nom:& no"propofe fon Fils pour Médiateur vnique,par l'interccftio duquel S.Paul dit icrem.ts».
Que nous auôs facile accez à Dieu auec fiance. Et l'autre Apoftrc no9 exhorte de nous !jjn'm 1
adrefTer hardimét au thronc de la grâce de Dieu , puis que nous auons vn tel Aduocat. & us. 4'
puis donc qu'il n'y a nul cômandement de recourir à 1 întérceflîô des faincb, &: qu'il ne ^l1,J)e^,•
s'en trouue nulle promefte, nous côcluons que cefte façô de prier côtreuient à la règle c "4"
de l'Efcriture.Dauâtage,ne les Prophètes ne les Apoftres ne no9 ont iamais môftrc tel
exeple.Maintenant que chacun fïdelerepute de foy, quel dâger ;1 y a d'atteter vne nou-
uelle façon de prier non feulement fans parolle de Dieu, mais aulfi fans aucû exemple.
t.ii.
L/Wo IL ^Articles des Sorhoniflts&
Quaritace que le S.Efprit nous commande de prier mutuellement les vns pour les au -
icrc.6 9x1. tres,ccîa eft vn exercice mutuel deuat la vie prefente:commc il appert de tous les paf-
Ofee». fages. Or nous voyos en quelle abomination Dieu atoufiours eu les Baalim: par lequel
nom le peuple d'Ii'rael entendoit ce que nous appelons Patrons. Il y a encore vne autre
confédération , Que nul ne peut acertener fi les Saintts ont ii longues aureillcs que no»
oraiions paruiennent iufqu a eux . Se mcfme cela n'a pas grande apparence de veritc'.
DE LA VENERATION DES SAINCTS,
fî^^T pourtant ne datons iceux fitintts regnans auec IefhtChriÛ imiter feulement & enfuyure , m.xis
%Wj^honno>tr & prier.
Response XIII.
T L a défia efté parlé de l'oraifon qu'on fait aux fàincts. L'Elcriture ne nous enfeigne
* point de les honnorer , finon comme en gênerai elle parle de tous fidèles au Pfcaume
1 5. & 1 39. en telle forte nearitmoins que chacun foit honnoré félon la mefure de la grâ-
ce qu'il a receuë. Pourtât il nous faut auoir les fain&s en eftime , &: en parler reuerem-
menr, félon que chacun d'eux eft excellent en dons, ou que Dieu la exaltc:mais de leur
porter vne telle reuerence que le monde a accouftumé , c'eft vne lupefftition profane,
&: laquelle fent vne rage Payennc,plus qu'elle ne conuiét à l'Eglifcde Dieu, mcfme cl-
Deut <s. le répugne au commandement qui dit,Tu adoreras ton Dieu, &: à luy feul tu feruiras.
DES PELERINAGES.
Çf^îr 4 cefle caufe ceux qui par deuotion -vifitent les lieux & eglifes dédiées aufdi ts faintfsjont fatnâç-
$ Moment &* religieusement.
Response xiiii.
IEfus Chrift a ofté toute différence de lieux en difant,L'heurc eft venue que les vrais
adorateurs n'adoreront plus Dieu en cefte montagne ny en Ierufalem . mais adore-
ront Dieu par tout en ciprit Sévérité. Car il ne parle point là feulement de la folle de-
uotion que pouuoyent auoir peu de gens : mais il monftre en quoy nous differos d'auec
i.Tim.i. jes pcrcs de l'ancien Teftament. A quoy conuientee que dit S.Paul, quand ileomman
de que les hommes leuent leurs mains pures au ciel en tout lieu. Pourtant ceux quii-
magment qu'il y ait plus grande faincreté en vn lieu qu'en 1 autrc,à ce qu'on repute oeu-
ure méritoire de viliter les lieux par deuotion, remette t au deifu s vne nouuelle Iuifue-
rie:combien que cefte fuperftition eft pire qu'vn Iudaifme , d'autant qu'anciennement
Dieu auoit aflîgné lieu en Ierufalem pour adorerrmais ceux-cy à la façon des Payens,fe
forgét à leur pofte des hauts lieux &: des temples, qui ne font que cauernes d'abomina-
tion. Secondemcnt,il n'y auoit que Dieu fcul qui fuft adore en Ierufalem: mais ceux-cy
confacrentdcs temples en l'honneur descreatures.
QVE LES SAINCTS PE V VENT DROITE-
ment eftre inuoquez pluftoft que Dieu.
/ ejuelcun en teglife ou hors adrejjè d'entrée fon oraifon à la glorieufe -vierge Marie , ou a quelque
faincl premier quà Dieu, ilne pèche point.
Response xv.
ç 'Il n'eft nullement licite d'auoir noftre refuge aux fainds pour les prier , c'eft en vain
^ qu'on difpute fi deuant ou après. Or puis que Chrift nous eft donné pour Médiateur
vnique, par lequel nous ayons acc,ez à Dieu: ceux qui ont leurs recours aux faintts, le
laiifans là derrière, n'ont aucune couleur pour exeufer vne telle peruerfité. Quant eft
Roh g. des prières qui Ce font au temple,Salomon en la dedication folennelie qu'il fit, difoit,!-
ci fera inuoqué ton nom, Seigneur. Hors du temple tous les fidèles difent enfcmble au
Pfeaume,Les vns Ce fient en leurs efteuaux, les autres en leurs chariots:mais nous inuo-
querons le nom du Seigneur.
DE L'ADORATION DE LA CROIX,
&: des images.
ÇKÏÏp L ne faut aucunement douter que foy agenouiller deuant C image du crucifix, &ide la vierge Marie,
g^j^eS?4 £ autres faincl s ,pour prier nojhe Sauueur le fus Chrtft les fainÛs , ne foit bonne œuure O*
faintie.
Re s-
io remède^ pour s'en depeftrer. ///
Response XVI.
T^Es images & ftatucs,nous en auons le commandement de Dicu.>qui nous dit,Tu ne Éxo<Uo,
les adoreras, & ne leur porteras honneur, Or le mot d'adorer emporte ce que nous RvUt-5"
difons,S'agcnouiller.&: de raict,quc telle ait cfté l'opinion des Gctils, de prier les dieux
celeftes en s'agenouillant deuant leurs images, leurs propres liures en font foy. Saintfc
Auguftin auffi raconte quelles exeufes pretendoycntlcs idolâtres de fan temps : c'eft SH*kvfc.
que les fîmplcs 5c idiots difoyent qu'ils n'adoroyent point la figure vifiblc,mais la diui- "3'
nequiy habitoit inuifiblcmcnt. Ceux quiauoyent l'cfpritplus aigu, difoyent que ce
n'eitoit point l'image qu'ils adoroyent, ne le diable, mais qu'en l'effigie corporelle ils
contemployent le ligne de la chofe qu'ils dcuoyét adorer. Le femblable nous cft mon-
ftré par Euiebe , & Laftance ancien Docteur de l'Eglifc. Puis donc que ceux qui s'age-
nouillent auiourdhuy deuant les images, ne différent en rien des anciens idolâtres,
nous concluons que cefte façon eft condamnée, tant par la parolle de Dieu que parl'-
authorité des anciens Pères. Et certes ce que dit S. Auguftin eft vray , Que nul ne peut Surle pf'-.
prier ou adorer en regardant vne image, qu'il ne penfe eftre e xauce par icclle: Car la fi- ?rï4$.
gure des membres,dit-il,nous induit là que nous penfios qu'vn corps iemblable au no-
if rc,ait vie. Et par telle fimilitude incite les ames infirmes de penfer qu'il y ait quelque
vigueur &: vertu. Et toufîours cela aduient quand on les colloque en lieu eminent.
Pour cefte caufe il a efté décrété autresfois en Côcile,qu'on ne fift nulles peintures aux co,,d!.ti;.
temples, $c que ce qu'on doit adorer ne fuft pourtraidl aux parois. Pourtant S. Ambroi- ^"onXt.
fe parlant d'Helene mere de Conft antin, comme elle trouua la croix : dit, Elle adora le bttu m r»«,
Roy,non point le bois: car ceftvn erreur Payen,& vanité des infidèles* rli"^0\
DV PVRGATOIRE,
fi^^jf'Vw faut croire fermement & nullement douter^ il y a vn Purgatoire^ auquel les ames détenues,
cMÊ%3 font aidées paroraifonS)ieufnestaumofnes Çrautres bonnes œuures:afn d 'eftre pluftoft dcliurees de
leurs peines,
Response xvii.
DV Purgatoirc,i'Efcriture n'en fonne mot. Et S. A uguftin,côbien qu'il fe laiffe en ccft %££J*
endroit vaincre par la couftume, côfefle neantmoins que l'opinion qu'on en a , n'eft i.
fondée en nul tefmoignage de l'Efcnturc,finon en l'hift oire des Macchabées : laquelle
toutefois il recognoit n'eftre point canonique^ S.Hierome le dit auffi, &: cfl tenu de
tous. Car le pafTage qu'on allègue de la première Epiftre aux Corinthiens, S. Auguftin Chap.j,
mcfme l'expofe autrement: & le fens cft tel,Comme il y a tranflation aux mots de Pail- ^jjf'i
Jc,de foin & de bois:aufTi fans doute le mot de feu fe préd par trâflation , pour l'examen i*»™»**»
du faind Efprit , lequel confume toutes doctrines humaines , approuue la vérité de C"P-6S-
Dieû7comme l'or cft efprouué en lafournaife. Or combien que S. Auguftin, comme i- jJ<m
ay dit, cède à la couftume iufques là , de ne point nier le Purgatoire , toutefois il n'en '
ofe rien affermer. Qui plus eft, il en parle douteufement, difànt qu'il n'eft pas incredi-
ble,&: qu'on peut enquérir fiainfieft. D'autrcpart, il n'eft pointfermeen vn propos
quant à cefte maticre:car il enfeigne ailleurs, que les ames, en fartant de ce monde ont Vannl '*
diuers réceptacles, où les bonnes reçoyuent ioyc, les mauuaifes font tormentees : mais u""'*9'
que chacun entre incontinent après la mort au repos des fidèles , quand il en cft digne.
Toutefois puis qu'il eft en la puiflàncc de Dieu feul, d'ordôner des ames des trcfpaifez:
il n'y a rien plus feur que d'efeouter cômét il en parlc,veu que cela gift en fa difpolîtion.
Or quâd l'Efcriture teftifie que ceux qui meurent au Seigneur font bien-heureux, d'au- Apoc.r4:
tant qu'après la mort ils repofent: quand elle nous enfeigne que les morts reçoyuent iuci6.
confolation,viuerit auec Chrift, &: iouifîent de la prefenec de Dicu,appuyons-nous fur Philip, j.
cefte dodrine, laquelle n'a nulle controuerfie. Quele baftiment dePurgatcirc aitau- lCor 5-
tant de fermeté que peut auoir vne fantafic forgée au ccrucau des hommes fans autho
ritéderEfcriture,touchantdes chofes incognues. Certes lesoraiionsparlcfquclleson
leur veut fubuenir,veu qu'elles ne font fondées fur aucun commandement de Dieu,ne R.°«u0.
fur promefTe aucune, n'ontpomtee fondement de foy que S. Paul requiert en toutes
les prières des fidèles. Il ne nous eft rien plus diligemment commandé en l'Efcriture,
que d'exercer toutes œuuresde charité enuers les viuâs.de fubuenir aux morts, il n é cft e» rtifwrt
fait nulle mention. Dauantage, il n'y en a nul exeple: corne ainfi foit que l'Efcriture ra- T»-
çpte de la fepulture de nlufîeurs, & mefme des cérémonies des funérailles, les deduifàt \'Z'yaU~
t.iii.
Liurcs IL
^Articles des SorboniHestë
tout au long. Or n'eft-il pas croyable que le faindEfprit fcfuft amufcàccs chofes lé-
gères, laiilànt&: oubliant le principal.
DE L'EGLISE, &AVTHORITE D'I C ELLE.
Î^SpJ & chacun Chrejlien eft tenu de cotre fermement ^cjuily a en terre vue Egltfeyniuerftlk yVtfible^ui
Ç^fij ne peu* errer en la foy & bonnes mœurs. ~4 laquelle tous C'hrefliens font tenus à' obéir en ce qui tou-
che lafoy & les bonnes mœurs.
Response XVIII.
r^ V'ily ait eu Eglife vninerfelle des le commencement du mode , &: qu'elle doyue du-
^i^rer iufqucs en la fin, nous le confeifons tous. La queftion eft , De l'apparccc par la-
Fphe.i. quelle no9 la pouuos difeerner. Or nous difons que fa marque eft la parollc de Dicu:ou
i.Cor.ir. bien, ii quelcun l'aime mieux ainfi, puis que Iefus Chrift eft le chef d'iccllc : comme on
Mat.x«. cognoit vn homme par la race, ainii diibns-nous qu'il la faut côtempler en Ieius Chrift
comme il eft eferit, Où fera le corps, là s'aiîcmbleront les aigles. Item, il y aura vn leul
troupeau &: vn fenl Paftcur. Or comme ainii foit qu'il n'y ait pas toufiours pure predica
tion de la parolle, &: que la race de Chrift n'apparoifTe point toujours , nous dilbns que
femblablemcnt l'Eglife neft pas toufiours expofee à la veue du mode, comme nous en
auôs l'exemple de pluheurs temps. Car du temps des Prophètes la multitude des mef-
chans fur montoit, tellement que la vraye Eglife eftoit fufroquee. Auflldu temps que
noftre Seigneur Icfus eftoit au monde , Dieu auoit l'on petit troupeau caché de la veuë
des hommes, &: cependant les mefehans vfurpoyent le nom de l'Eglife. Mais ceux qui
i.Roisi*. ont les yeux fi clairs , qu'ils fe vantét de voir toufiours rEglifc,que diront-ils d'Helic,le-
quel penfoit cftre demeuré feulî Vray eft qu'il fe trompoit : mais tant y a que cela nous
2 t kili. môftre que l'Eglife de Dieu no* peut bien cftre occulte. principalemét veu que S. Paul
a uredit, que le monde fe reuolteroit de l'obei/Tance de Dieu. Concluons donc que là
ou Ieius Chrift apparoift, &: où la parolle eft ouye, l'Eglife auiîî y eft apparente,commc
K .m io. il eft efcrir,Mes brebis oyent ma voix. Aucontraire, que fi la doctrine de vérité eft enfe-
1. rim 3. uelic, l'Eglife quant &: quant s'efuanouit. Or nous confeifons auec S.Paul, cefte Eglife
cftre colomnc & firmament de la vérité, d'autant qu elle garde la bonne dodrinc, &c ï-
Ic in 3' entretient par ion miniftere,à ce qu'elle ne pcriifc du môde.Car puis qu'elle eft clpou-
Fpluf.ç. çc tje ie[us Chrift, c'eft raifon qu'elle luy foit fuiette. &: auhl fa vraye chafteté , corne dit
or. ii. s.Paul, eftdenepoint foufFrir qu'on la deftournedelafimplicité de Chrift. Ellen'crre
point donc, pource qu'elle fuit la vérité de Dieu comme règle, fi elle en décline, elle
n'eft plus Eglife, mais deuient adultère. Que ceux qui attachent l'Eglife à la puiflance
tmt.jux*. ordinairc,&:aux pompes extérieures, efeoutent que S.Hilaireen prononce: C'eft folle-
mctfait à vous,dit-iJ,de tât aimer les beaux baftimens ,&: de là honorer l'Eglife : ne là-
uez-vous point q c eft là q l'Antcchrift doit auoir fon fiegerle me tic plus leur aux mon
tagncs,& aux bois &: caucrncs:car c'eft là q les Prophètes eftas cachez, ont prophetife.
QV'iL APPARTIENT A L'EGLISE VISIBLE
taire refolutions fur la dodrinc.
§W$kl"e fi aucune ebofe venoit és fainctes Efb-itures en controuerfw ou doute, a, icelle Fglife appartient en
)g£^ùiffinir £7* déterminer.
Response xix.
i Cor i4. r AindPaulnousmonftre lafaçonde diffinirfurlefaiëtde Jadodrine,quantaux Egli-
fe s particulières, difant que deux Prophètes, ou trois tout au plus, parlent , &: que les
autres iuget. Si quelcun de ceux qui font afîis, a meilleure reuclation, qu'il fe leue pour
parlcr.S'il y furuient quelque côtention entre les Eglifes, nous confcftbns que pour les
appaifer, la façon qui a toufiours cfté obferuec aux Eglifes,cft trefbonex'eft que les Pa-
fteurs s'afiemblét,&: qu'ils dirHniiTent par la parollc de Dieu ce qui eft à tenir. Aduifons
quelle feurté il y a de tenir les diffinitions de l'Eglife pour oracles de Dieu : C'eftoit le-
2. Para is, glife vifible à laquelle Michee feul refiftoit. C'eftoit l'eglife vifible qui difoit , Venez,
icrcm.18. forgeôs des penfecs cotre Iercmic:car la fageiîe ne périra poît des fages ,ne le côfcil des
kan iî. Ancicns,ne la Loy des Preftres. Finalement c'eftoit l'eglife vifible le collège des Pre-
ftres>&: le Concile qui s'a/fcmbla contre Iefus Chrift. Qu'ainfi foit, il y auoit vneHierar-
chie beaucoup mieux fondée, que n eft celle de laquelle fe vantet auiourdhuy ceux qui
.prctcdentlc nom de l'Eglife. Parquoy ceux qui veulent qu'on reçoyue indifféremment
cou-
<ec-
Crre-
Le remède^ pour s'en depefirer. 112
toutes diffinitions de l'eglife vifibIe,impofent cefte neceflîré aux Chrcftiens,d'adherer
à rimpictc,renonçant Chrift &: dclailTant la vérité de Dieu.
DES ARTICLES DE FOY COM-
pofezparl'Eglife.
, / ejï aufsi certain, quon doit a-oire beaucoup de i hojès qui ne font exprefjèment & Jpecialemenf co-
tenues aux fondes Ejcritures-.lejquelles toutefois ejl de necefsiré receuoirpar la tradition de î eglife.
R.KSPONSE XX.
Le Seigneur en pluiicurs fortes àc manières, dit l'Apoftre,a parlé anciennemétà nos Hebr.i.
Percs: finalement en ces derniers iours il a parlé à nous par Ion Fils bien-aimé. Or
nous pouuons iuger par ce que dit la Samaritaine, en quelle reputatiô on auoit au peu- kan 4-
pie d'Ifrael,la do&rine de Chrift . Quand le MeiFias fera venu, il nous annoncera toutes
choies. Il nous conuient donc arrefter à cefte doef rinc:en laquelle nous fauons que tou
te perfe&ion de la iagefle celefte eft enclofe . Pourtant faind Augultin a eu trcfbon iu- mM
gement,quandiladitquetoutcequi n'eft point reuelé auxEicritures , n'eft point rc- "'er°
quis à noftre lalut:pource que s'il y euft efte ncceiîaire,Dieu ne l'euft point omis . Il y a miJ'1't'ylt'
auifi vne belle fentence en faind Chryfoftomc à ce propos, quanti il dit, Comme Iefus De f^stoo-
Chrift a teftifïé qu'il ne parloir point de foy, d'autant qu'il parloit par la Loy & les Pro- st>
phetes:ainiî, quand on mettra rien en auant outre FEuangile tous ombre de l'Efprit, ne
le croyons point : car corrjjne Iefus Chrift eft l'accompliilement de la Loy &; des Pro-
phetes,auflî eft l'Efprit,de FEuangile. En lbmme,puis qu'il nous faut prendre de Dieu
feul la vérité de noftre foy,nous concluons que la droite foy eft fondée aux feules Efcri
tures,lefquellesfontprocedeesdeluy: veu que là il nous a voulu enfeigner non pas à
dcmi,mais pleinement , de tout ce qu'il vouloit que nous feulFions , & qu'il preuoy oie
nouseftrevtile.
DE LA PVISSANCE D'EXCOMMUNIER.
\aryne mefme certitude de verite\faut croire que la pmffance d'excomunier ejl de dwicl diuiny tmrne
\diatement ottroyeepar lefm Chriftk l'Eglife . Et pour cejlccaufe font à craindre grandement les
cenfures ecdefiajliques.
Response xxi.
Co m m e la puiffance d'excommunier eft commife à l'Eglife, aufîî la règle d'en bien v-
fer luy eft commandée . c'eft premièrement, qu'elle ne îuge point fînon par la bou- MaIacJl a
che du Seigneur:fccondemét,qu'elle tende à fin d'edifîcr,&: non pas de deftruirc.Si clic i.Cor.io.
en fait autrement , le dire de S. Grégoire eft commun, Que celuy qui abufe de fou pou-
uoir,merite de perdre fon priuilege.Or nous parlons de l'eglife apparente: car la vraye,
comme elle fe gouuerne par l'Efprit de Chrift,auiFi en iugeant elle ne déclinera iamais
de la règle de fa Parole.mais pource qu'il aduient fouucntcfois , que ceux qui tiennent
lapuiftance ordinaire en l'Eglife, exercent vne tyrannie au lieu d'vn bongouuerne-
ment, il nous faut diligemment obferuer cefte diftinclion : autrement ce feroit en vain
que Iefus Chrift euft dit à fes Apoftres , Ils vous reietteront hors delcurs fynagogues,
Parquoy il ne nous faut craindre d'eftre excomuniez d'vne aflemblee,de laquelleDieu
eft banni auec fa verité.Mais touchant de l'Eglife laquelle a la pure Parole pour le lien
de fon vnion,non feulement il nous faut craindre,mais garder fur toutes chofes d'en e-
ftre feparez:car il n'y a point de faluthors la communion d'icellc. Ezecli.u.
DE L'A VTHORITE DES CONCILES.
Leslaufsi certain que le concile general^legitimement & deuement cong>-ege'> reprefentantfeghjè
•vmuerfelle^ne peut errer és déterminations delà foy & des mœurs.
Response xxii.
• e sv s Chriftjpmet d'eftre au milieu de ceux qui feront aiFemblez,mais en fon nom. Mâtch.18.
1 Pourtant il ne faut pas adioufter foy indifféremment à tous conciles : mais feulemét
à ceux que nous fauons auoir efté congregez au nom de Chrift . Les Prophètes crient
de leur temps,que depuis le Prophète iufqu'au Preftre , chacun fuit menfonge . Item, Iercm-*-
t. îiii.
ifj. *:
locl 1.
L/wo IL os4 rticles des Sorbonifles, &
Leurs Prélats font tous aucugles:leurs Pafteurs n'entendent rien. Item, la confpirauon
•â's6-' de leurs Prophètes, cft comme des lions rauifiàns la proye: leurs Preftres ont violé la
Izccfa
• Picr.
Loy,& ont profane la faincteté.Puis q l'cglile d'Iirael,qui eftoit la vraye cghfe de Dieu,
a elle miette à celte pourcté, pourquoy ne nous en aduicndroit-il autant auioiardhuyî
Mcimc ks Apoftrcs ont dénoncé qu'il en aduiendroit ainfi : Com me il y a eu des faux-
pi ophetes au peuple ancié,difent-ils>ainfi il y aura entre vous des faux-docteurs. Nous
concluons donc qu'vn Concile eftantaffemblc au nom de Iefus Chrift , eft gouucrnc
parle S.Efprit:& par la grâce d'iceluy^ft conduit en vcrité:mais q ceux où Iefus Chrift
neprefide point, font gouuei nez par leur propre fc«s:& pourtant ne pcuuent qu'errer
& mener en crreur.Nous difonsaulîl qu'aucunsConcilcs font du commencement gou
uernez par le S.Efprit, tellement qu'il s'y mefle puis après quelque affection charnelle,
l«" 3- pour les faire décliner de la vérité en quelque endroit: car il n'y a que Iefus Chrift feul
auquel refide toute plénitude d'Efpnt.à chacun des autres, ta grâce cft donnée par me-
line.
DE LA PRIMA VTE DV SIEGE ROMAIN.
Tries! point moins certain , que de droit diuin il y a i>n Pape , qui efl leô.ef fouuerain en Vepjifi
Ifcy militante de Icfhi C hnjl^u^ueliCHi C hreSltens doment obéir: qui a au/si puijjance de conférer les
1 Cd.ll
md< thèmes.
Response XXIII.
Ephcf.i.4, T 'escritvkl fait fouucnt mention, que Chrift eft le chef vniuerfel: duPape,iln*
LCn eft nulle nouuellc. Et quand fainctPaul nous depeind la figure de l'Egli(e,il ne
EpÎJ**' met point vniucrfclEpifcopal de quelque homme mortel, mais dit que Iefus Chrift
gouuerne fon Eglile par fes miniftres . Et toutefois ce paflàge-larequcroit bien, li la
vente euft efté telle,qu'il en euft nommé vn comme ayant prééminence par deffus les
autres. Il déclare le moyen de fvmté en laquelleles fidelesfont conioints aucc Iefus
Chrift leur chcf.pour nous amener à cefte vnité , il dit qu'il y a vn Dicu,vne Foy>vn Ba-
ptefme. Pourquoy n'adioufte-il vn Pape, comme chefminifterial, ainfi qu'il fe nomme?
Dauantagc,il déduit là de propos délibéré, la hiérarchie laquelle les flatteurs du Pape
difenr principalement confifter en la primauté du fiege Romain . Pourquoy donc ou-
blic-il ce qui faifoit le mieux à fon propos ? Il dit en vn autre lieu, que la grâce d'Apo-
Ga!.r,&2. ftolat hvy eft donnée entre les Gentils , égale à celle que Pierre auoit entre les Iuifs.
dont nous deduifons deux poincls : c'eft qu'il n auoit point faincl Pierre pourchef,Ôc q
FApoftolat de fain£t Pierre ne sadreffe point proprement à nous qui fommes Gentils:
mais cft deftiné pluftoft aux Iuifs. Au mcfme paffage il récite qu'il auoit promis com
pagnic aucc Picrrc,pour cftre compagnons enkmble,&:non pas qu'il le recogneuft fu-
( Pjcr pericur . Sain£t Pierre auffi de fon cofté,efcriuant aux autres Prcftres,ne leur comman-
de point comme par authorité-.mais il le s fait fes compagnons,& les exhorte aimable-
ment,comme iUc fait où il y a cqualité . Quand on Paccufe d'auoir communiqué a-
uec les GentilSjCÔbicn que ce foit à tort:toutcfois en s'exculant deuant l'Eglife,il mon-
ftre fuic&ion . Eftant iuftement reprins de faind Paul,il n'allègue point exemption;
mais fouffre en obciftant,d'eftre corrigé. Quand il eft enuoyé aucc Iean en Samarie par
£phe^'4' fes compagnons,il obéit à leur décret. Tenons donc ce que dit fainct Paul,Que Chrift
cft le chef,duqucl tout le corps eftant conioint par iointures &: liaifons, félon la vertu
& la mefurc d'vn chacun mcmbrc,par l'adminiftration d'enhaut, prend accroiflefnent
au Seigneur-.car là il conftitue tous les hommes du monde au corps comme membres,
referuant l'honneur & le nom de chef à Iefus Chrift (cul. Dauantagc,il attribue à cha*
cun membre certaine mefure& opération limitée: en forte que laïouuerainepuiffan-
Tu7t'i' cc ^c gouucrncr demeure toufiours en Iefus Chrift . Sainct Cyprian auflî deicriuant
torum. ' l'vnite de l'Eglife , Il y a, dit-il, vn Euefché, dont chacun Euefque en tient vne portion
entièrement, comme ilya plufieurs raiz au Soleil ,"&: la clarté eft vne: plufieurs bran-
ches en vn arbrc,&: le tronc eft vn, fondé fur fa racine: plufieurs ruiffcauxdecoulansd'*
vncfontainc,dontlafourcccftvne:aufl1 l'Eglife eftant illuminée de la clarté duSei-
gncur,efpand fes raiz par tout le monde :& toutefois la clarté n'eft qu'vnc . elle eftend
fes branches par tout,&: fait découler fes ruiffeaux: il y a toutefois vn chef& vne origi-
ne. Nous voyons qu'il fait l'cuefché de Iefus Chrift feul vniucr(el,difanc qu'rl eft par-
ci
A et. 15.
Gilar
Ad>.8.
L e remède pour s en depeflrer* à i £
ti cnrelcsminiftrcs. Peur celle caufeilfutiadis défendu au concile de Carthagc,quc c/,^.47.
nul ne fuit appelé Prince des Luc(ques,ne premier Euelque: mais feulement Euelque
du premier liège. Et faindGregoire en exécration detefte le nom d'Eucfque vniuerfel, jjjjf7*
comme profane &: exc et ablc , dilànt qu'il eft muenté du diable, &: que cv{\ le titre du «t«&.*pft.
precurfcurderAntcchnft. Et faind Cyprian eue (que de Cai thagt , n'appelé point au- Jjjjv"'"
ticmcntreucfquedt Romc,que ion frcrc&: compagnon^ euelque comme Iuy. Mcf- jt»g$.fc
me cfcriuant à Efticnne,qui eftoit auili bien euelque de Rome, non feulement il le fait JJT'-*
cgâlàfoy,mais auflî Ictraitterudementîrarguantd'ignoiancc &: de prcfomption.Mef- t^.gj.^
nu faind Hicromc,qui eftoit preftre de figlilc Roma;nc,abailfc bié la hauteffe du lie-
ge, quand il dir,S'ileft queftion d'authorité,le monde eft plus grand qu'vnc ville . Qu'- 'conf
cil ce que tu m allègues la couftume d'vne ville ? Pourquoy aftiains-tu l'Eghfcàpeu Ep>ji..,dE.
de gens, qui eft la fource de tout orgueilrPar tout où il y a Euelque, l'oit à Rome ou à Eu ua&r'
gubio:lo:t à Conftantinoble ou à Rcgc,il eft d'vne mefme digniré,&- d'vne mefme pre-
ftnfc.La puilîancedcsrichefTes,ou lebaseftatdepouretémefait vn Euelque fupericur
ou inférieur . Finalemcnt,cncoreque noirs concédions tout a nos Romanilques:lî eft-
ce toutefois que celuy qui n'eft point Euelque , ne peut cftrc princjpal c ntreles Euel-
ques . Quant au fécond membre , il eft vray qu'ancienncment.pource qu'en impofoic
peine aux penitens,il eftoit en la diferetion de chacun Euelque de remettre ou châger
les peines impofecs: mais cela eftoit feulement pour la police &c ordre de l'eglife. De-
puis par ignorance on a tranflaté cela à la confcience,faifan t à croire que c'eft la remif-
lion des peines que nous deuons à Dieu. Or c'eft vne grande impieté , d'attacher au
parchemin, ou au plomb &: à la cire ,1a grâce de noftre Seigneur Iefus Chnft,qui nous
eft appliquée parrEuangile,5c laquelle nous receuons partoy , Il y a encore vne autre
impieté plus mcfchante:c'eit qu'ils difent que telle remilîîon fe fait en vertu de la moir,
des Martyrs,comme s'ils eulfent efté nos rédempteurs pour nous réconcilier àDiciijOu
pour faire la fatisfadion de nos pechcz.Or faind Paul teftific,que ne luy ni autre, linon i-Corr.
Iefus Chrift,n'eft point mort pour les Corinthiens:&: faind Ieâ dit,que tous les Sainds AP°C1-
ont laué leurs robbes au fang de l'Agneau : pourtant nous concluons auec Léon eueliq W-^o
de Rome premier de ce nom , que i a-foi t que la mort des Sainds ait efté precieule de- *7"
uant Dieu: toutefois que la paifion de n ul n'a efté la rédemption du monde , Item, que
les fidèles ont acquis couronnes en mourant, &: non pas donné : & que leur conftance
nous eft en exemple,non point vn don de iuftice . Item, que nul ne paye la dette des Trdn
autres en mourant. Item auec faind Auguftin, qu'il n'y a fang de Martyr qui (bit elpan- furs.ieM
du pour la remilîion des péchez : & que c'eft luv i'cul qui a endure la peine,eftant inno- *
ccnt:afin que nous obtenions par luyla grâce qui ne nous eft point deue. J
DES CONSTITVTIONS H V M A I N E S. »
Es conftituttons ecclefiajliques , comme de ieufiies-, àifcretion des viande^ abstinence de chair>&
0^ plusieurs autres chojès^ 'véritablement obligent la conftience , rnefme encore jeduent tout Jcandale.
Response xxiiii.
Ïl y a vn fcul Lcgiflateur,dit famdlaques,lcqucl peut fauuer &: damner : la raifon eft i^ua
doublc,d'autant que la volonté de Dieu nous eft vne règle parfaite de toute iuftice
&ù faindeté , & luy leul a la fuperionté lur les ames , laquelle il ne veut rcligner à vn au-
tre. Pourtant il requiert par tout obeilfance , &c que nous l'oyons fuiets à luy feuhà quoy
appartiennent ces fentcnccs,Obciirance eft meilleure que facrifice. Item, Tu obier- i.Sam.if.
ueras ce que ie te commande, fans y adioufter ne diminuer , Item, Que chacun ne face Dait ,a*
ce que bon luy fcmblera,mais fay feulement ce que ie t'ordonne. Item, Ay-je comman- Icrcmi7
dé à vos pères de m'offrir lacrifîccs,&: non point pluftoft d'efeoucer ma voix ? Or laintt
Paul prononce qu'il n'eft licite que les confeiences foyent aftraintcs à quelques loix hu GJI«.f.
maines:Tcnez- vo9,dit- il,en la liberté en laquelle Chrift vous a appelez: &c ne vous laif-
fez réduire fous le iougde icruitudc.il rend ailleurs la raifomd'autant que leschofesqui CoIolTU.
ont mefme apparence de fagcffc,font friuoles &: vaines , li elles viennent de traditions
des hommes. Pourtant il protcfte,en traittantdu mariage, qu'il ne veut point mettre t Cor 7
de liens fur les confeiences. Le règne donc fpirituel de Iefus Chrift eft violé,& la puif-
fance qu'il a lur les ames,luy eft oftec, quand les hommes oient tant vfurper,que d'aflu*
iettir les confeiences à leurs loix . Outre-plus , c'eft abomination deuanc Dieuycnie dç
4
^Articles d&s Sorhoritftes&
luy forger vn fcruicc lequel il ne requiert point, ou bien de le feruir au plaifir des iiorrl-
l foie i9. mes:comme El'aie le tcfmoigne, quand il dénonce vne horrible vengeâce de Dieu fur
le peuple d'Ifrael,d'autant qu'il honnoroit Dieu félon les commandemens des homes.
Mauç. Et la lentcnce de Ictus Chrift eft commune, qu'en vain on honnoreDicu, ayant les pré-
ceptes des hommes pour doctrine. Quant à la différence des viandcs,nous fauons ce
Co! i qu'en ditS.Paul,Qucnulnevous nigeen viandcoti brcuuage. Item, Le royaume de
Rom.14. Dieu n'eft point viande ne breuuage.Et Ici'us Chrift dit, Ce qui entre en la bouche,nc
iTinî' ^olu^c Pomt l'homme. Finalement S.Paul en\n autre palfage predit,qu'il viendra des
*" mi 4 abufeurs,quipar inftigation du diable défendront les viandes que Dieu a permifes &;
créées à noft re vfage:& pareillement condamneront le mariage. Et ne faut ouyr cefte
cauillation , que S. Paul parlant des viandes , difpute contre les Iuifs, &: que ce dernier
paifage eft vne prophétie contre les Tatiens &c autres hérétiques : car fi Dieu a ofté la
différence des viandes qu'ilauoitmifeenfa Loy ,& en a permis indifféremment l'vfa-
ge aux hommes:qui fera ecluy tant arrogant qui oicra ordonner loix nouuelles,poura-
Awr.iffl. . bolir la liberté permife de Dieu ? Si S. Auguftin fc complaignoit à bon droicl de fon
\\9Mim. temps, que l'cgliiede Dieu, laquelle par fa grâce doit cftrc franche, eftoit tant affuiet-
tic,quc la condition des Iuifs a'uoit efté plus tolerable:quellcs quciimonies ferôs-nous
de la feruitude que nous voyons maintenant?
Col.x
DES VOEVZ, ET DE LA VALEVR D'ICE VX.
Es yœu^encore quils foyent monaftt^ues &de religionfomme de perpétuelle iontinence,pourc-
Ht^h té->& ob edïence ^obligent en (.on f ience.
Response XXV.
Il faut conliderer ces crois chofes en tous vecuz . Affauoir fi ce que nous vouons eft:
ennoftre faculté: Secondement,ii l'intention eft droite: Ticrccment,li ce que nous
vouons plaît à Dieu. Par tout où ces chofes défaillent, ourvned'icelles,nousconcluôs
quelcs vœuz font de nulle valeur &c de nul effect. Orque la continence perpétuelle ne
Mat.19. foit en la puiffance d'vn chacun, l'Elcriture le monftre.car Icfus Chrift teftifie que tous
ne comprennent point cefte Parole. Et fainâ Paul admonnefte,parlant de cefte matie-
i.cor.7- re,que les dons deDicu font diftribucz:nous donnant à cognoiftre que ceftuy eft vn do
fîngulicr,qui n'eft pas concédé à tous . Et pourtant il commande à tous ceux qui ne
peuuent rcfîfter à leur concupifcence,d'vfer du remède demariagc : Celuy qui ne fe
i.Cor.7. pourra contenir,dit-il, qu'il le marie. Item, Pour cuiter paillardifc,qu'vn chacun ait fa
femme . Que la fin de vouer l'obédience monacale foit vitieufe, ce leul mot de S. Paul
le monftre fuffifamment,quand il condamne tout feruicc volontaire: c eft à dire forge
à la fantalîedes hommes:carle mot Grec dont il vfe,qu'ona tranllatc lupcrftidon, em-
porte cela. Or les moines vouent obédience à leurs abbez, prieurs &c beaux-percs gar-
d icns,l*eulement pour honnorer Dieu par inuentions humaines. Nous difonsaufîi,que
cefte pouretc qu'ils vouent, n'eft nullement agréable à Dieu:mais pluftoft luy defplaic:
car Dieu commande à chacun de viure de fon labeur. Et S.Paul dit que celuy qui ne
t.TtdT.y. trauaj]]e point,ne doit point manger. &C dit que c'eft vne vie defordonnee, quand vn
homme vit en oiliueté du bien d'autruy: commandant que telles gens foyent excom-
muniez. Outre-plus, la poureté volontaire laquelle Dieu nous recômande,eft cefte-ci,
Que le riche diftribuant fes biens pôur fubuenir à l'indigence de fes frères, s'apouriffe
i.Cor. 8. a l'e xemple de Chrift,comme dit S.Paul . Les moines au contraire , vouent pouretc
pourn'auoir iamais faute, viuans (ans rien faire :&: pour deuorer la fubftancecjespo-
ures , le priuans cependant de tout moyen de bien-faire. En fommc,nous concluons
que tous vœuz faits par fuperftition,ne doiuent tenir n'auoir vigueur pour lier lessron-
lciences.Secondement,que fi quelcun a fait vn veu cemeraire par prefbmption, qu'il y
doit de bône heure renoncer,deuant que Dieu le puniffë pour l'obftination de fon ar-
rogance.
Rces Nos maiftresadioufterent aux articles précèdes aucuns ftatuts noua eaux,
affauoir, Que ceux de leur troupeau ( ainiï appelent-ils ceux qui afpirent àeftre Ba-
cheliers , ou Docteurs de leur faculté & congrégation , ou pluftoft confpiration )
fgnent , auant que pouuoir prendre leur degré , lejdites propoftttons . ^ Q*£cn fermons
ils
Le remed(U pour s'en depeftrer. / 14,
il< inuoquent le S.ETpritparl'interceJfion de la yierge Marie , & parla falutatien >singeliqiiÈ . Qt^tls n-
aycntà dire Chnft finalement , fans prepofer le nom de lefws , y eu <jue S. Pierre dit cjuil ny a autre nom
joies le aeli&C. Finalement Q^ils ne foy eut négligent à recommander lésantes des trefyajfe^. Voila
en lomme leurs décrets magiftraux.
Rt SPONSE.
Es a 1 h défend à tous les difciples de Dieu, de ne dire point confpiracion, quand la Efafct.
_ multitude aura confpiré.En quoy i 1 fignifie qu'il ne tau t ni obtc m perer ne confentir
a aucunes confultationsdcs iniques. Suiuonsdoncce qu'il commande apres:c eft que
nous fandtifions le Seigneur des armces,adhcranb à luy aucc crainte:afîn qu'il nous loir
en Landirîcation. Quiconque talchcra de nous retirer de cefte craintc,qu'il nous foie
en exécrant n:& ne craignons point d'eftre bannis delafynagoguc desmelchansauec ican <>.
1 auèuglc qui auoit efté illuminé,pour trouucr Icfus Chnft qui nous vienne au deuant,
de nous rcçoiue en la communion de l'on corps . Pluftott mourir cent fois, que de pol-
luer nos mains d'vnc telle fîgnature d'abomination, par laquelle nous renoncions lave
rite de Dieu. Ce que les Sorboniftes font mention de leur trou peau, ils Te font bien ici
monftrcz troupeau de pourceaux . Qui eft-ce qui ne cognoit que l'inuocanon de la
vierge Marie, de laquelle ils ont vie iufqu a celle heure pour obtenir la grâce du fainft
Efprit,eft vn blafpheme execrable:encore que nous biffions là les titres pleins de iacri
lege,aufquels ils font grand deshonneur à la Vierge en la voulant honnorer, quand ils
la nomment Roine du ciel,Threforiere de gracerNous oyons ce que dit Icfus Chrift: c' ican ,4J^
eft qu'il enuoycra de par fon Pere,rEl"prit de vérité. Il nous commande de le demander & ««
en fon nom.voila donc la vraye règle de le demander , & le moyen certain pour l'obte-
nir . D'auoir donc fon recours à la Vierge, laiifant Icfus Chnft : &: s'adrefter à elle en
priant,non pas à Dieu, qui eft-ce qui ne voit que c'eft vne façon profane ? certes elle eft
du tout cftrange de la parole de Dieu. Mefmc il y a vn décret du concile quatrième de
Carthagc,qui défend d'inuoquer les Saincts à l'autel. Us monftrent encore plus aperte-
ment leur beftil'c, difans que cette Salutation nous eft ordonnée enl'Euangile.U eft vray
q lange GabricI,fclon que raconte S.Luc,fut enuoyé pour porter le mcfTage à la Vier-
ge^ la falua ainii: mais fommes-nous anges Gabriels^Où eft-ce que cela nous a ïamais
efte commandcrQuçl accès auons-nous à laViergc,pour deuifer auec cllcjDauantagc,
à quel propos font-ils cefte falutation,en implorant la grâce du fainft Efprit, iinon qu'-
ils en abufent comme d'vnc prière î Quant eft du nom de Iefus Chnft,depuis quand
eft-ce que les aines ontlcs aurcilles tant délicates , qu'ils font fafchez delà manière de
parler dont Je fain&Efprit vie couftumiercmcnr? Ce nom de Chrift eft mis feul le plus
fouucnt par toute l'Elçriturc.tous les anciens Docteurs ont ainfi parlé.Celan'eft point
au gré de Nos maiftres . Et afin d'auoir quelque couleur,ils allèguent la vertu du nom
de Icfus, comme h* lcfalutdcs hommes eftoit enclos en deux fyllabcs . Bref, en cela
ils fe monftrent vrais Iuifs. Ce n'eft donc merucillcs s'ils (ont tant difficiles à con-
tenter aux noms des Saincts, veu qu'ils ont telle iupcrftition magique au nom de lei'us.
Finalement , d'impofer cette loy aux prefeheurs , de recommander au peuple les ames
des trefpaifequclle raiion en ont-ils,ou quel exemple?Il y a beaucoup de fermons des
anciens Docteurs en leurs liures,où on ne trouuera point que ïamais cela fe fou fait de
leurs temps.
^"Nov s voyons donc qu'ils font comme les tyrans, c'eft de fe maintenir en poflef- Condufiôi
(ion par rigueur extrême, d'autant qu'ils ne peuuét dominer en humanité & modeftie.
s qu'eft-cc que Dieu dit de l'autre cofté? Aflcmblcz voftrc confeil,ôc tout fera dilîl-
Mais qu'eft-cc que Dieu dit de l'autre coite? Allcmblcz voltrc conleiJ,ôc tout fera dilli- lfjie *•
pc . Faites vos arrefts &: concluions : il n'en fera pas ainfi , Muni/Tez-vous,&: vous fe- p">u.zi.
rez vaincus. Car il n'y a nulle fagette,il ny a nulle prudcncc,iln'y a nul conieil contre
le Seigneur.
ses
FRANÇOIS
BRIBARD
N la fureur de cefte persécution efmeuè(comme dit a efte) par les Sorboni- m. d.
ftesdePans,pluiitursexcellenstefmoins de la vraye &: pure doctrine de 1'- xliil
Euangilc, furent exécutez en diuers lieux au pais de Fiance . En la ville de
Paris>François Bribard,fecretaire de Iean du Bellay cardinal U euefque de
Liurc^IL
MerindolÇf Cahiers.
Paris,donna ample &: luffifant tcfmoignage que la vérité du Seigneur luy ciloit pr pre
cieufe que les menibnges des aducrfaires,ne que fa vie propre. Sa confiance en la fleur
de ion aage, iurpallbit l'ordinaire d'humaine nature, de forte que pluficurs ont eu opi-
nion qu'il eftoit aliéné de fon fcnsrmais il eft plus raifonnablc que le iugement des hom
mes s'accorde à la bonne renommée d'vne mort tant heureufe qu'il endura, que la foi-
blefle ou ignorance des iugeans face deferoire lavertu & fruiéfc d'icelle.Car,à vray dire,
on le mena au fupplice comme vn agneau paifible. La langue luy eftant coupée au for-
tir de la Conciergerie , ne ceflà par fignes manifeftes de déclarer l'efperance qui cftoit
en luy .11 fut bruflé en la place Maubert,l'an m.d.xliii.
m. D.
XLiH.
IEAN DV BEC, du pais de Brie.
PRES qucIeanduBec,quieftoitdesEfTarspresSedaneen Brie,cut efté
longuement détenu pnfennier, &: q les luges de Paris ne le pouuoyent au-
cunement diuertir de la vérité de l'Euangile , laquelle il auoit maintenue,
s tant en public que deuant ceux de la Cour eccletiaftiquc, lors qu'il fut de-
gradé delà preftrife Papale: finalement ayant receu fentence de condamnation, fut
bruflé en la ville de Troyc en Châpagne,en la place de l'Eftaple au vin,au mois de Iuin
duditan, m.d.xliii.
"Ityatnco
reaLôdres
en Ang!. la
tour des
LollarJs.
"Le proucr
bede long
cemps fe
dit en ces
pais-la ,U
eft des en-
fans de Tu-
relupins,
jnal -heu-
reux de na-
ture.
Note vne
grande foli
citude qu'-
auoit ce
peuple d'e-
ftre fidèle-
ment in-
firme cnla
rente.
LA PERSECVTION ET SACCAGE MENT
de Merindol& Çakriere, &c . peuple fidèle enProuence.
Ccfte luftoire cft autant mémorable que chofe qui foitaduenue de mémoire d'homme. Car iln'eft pasqueftionde deux ou
de trois Martyrs qui ayent enduré la mort . mais de tout vn peuple & multitude deperfonnes, tant hommes que fem-
mes & enfans,qui ont enduré toutes efpeces de cruauté. Et partant il cft befoin de la déduire par actes judiciaires . car
elle feruira d'inftruction non feulement à tous fidèles en particulier . mais aufsi en gênerai aux peuples & républiques
qui ont receu l'Euangile du Seigneur.
E long temps le monde a eu les Vaudois ( peuple d'vne religion plus nette
&pure que la vulgairc)en tel horreur,que toute abfurdité d'opprobres leur
a efté mile fus:&i a fcmblé que la terre ne les deuft pas fouftenir. Ils ont efte
difperfcz çà &: là , &: contreints d'habiter es lieux deferts, comme entre les
beites:&: félon les lieux &ù places où ils le (ont retirez, on leur a donné diuerfes appella-
tions. Au Lyonnois, après leur premier nom de Vaudou qu'ils ont eud'vn nommé Pier-
re Valdo,on les aappelezPouresde Lyon. En Angleterre &: és dernières parties de
Sarmatic & Liuonic,on les nommoit " Lvllards. Au pais de Flandre &c Artois, on les di
foit Tureluptm, d'autant qu'ils n habitoyent qu es lieux expofez aux dangers des loups.
En Piedmont &£ Dauphiné,par vn extrême mefpris furent nommez chaignars ouChié-
nars. La première appclation de Vaudou leur eft demeurée, iufqu a ce que lenom de Lu-
thérien eft venu en auant, qui a furmonté en horreur &c abomination toutes autres in-
iurcs&: opprobres . Quelque partie de ce peuple depuis deux cens ans eftoit venu du
Piedmont habiter en la Proucncc, és quartiers de Merindol &: Cabriere , &: pais à l'en-
uiron:& s'y font toujours entretenus, de manière que leur xic&c conuerfationmon-
ftroit qu'ils auoyent la crainte de Dieu . Si peu de vraye lumière qu'ils auoycnt, ils taf-
choyent de l'allumer dauantage de iour en iountellement que pour ce faire ils n'efpar-
gnoyent rien, fuft à auoir liurcs de la fainfte Efcriture, ou faire inftruire gens de bon c-
fprit:à enuoyer çà &l là, voire iufques bien loin , où ils oyoyent dire qu'il fe leuoit quel-
que rayon de lumière. Et comme nous auons recité ci deiîus en l'hiftoirc de MartmGc-
»/'»,quc ceux du val d' Angronne n'agueres auoyent fait:aulîî ceux-ci ayans entédu que
l'Euangile fe prefehoit en quelques villes d'Alemagne&: de SuilTerils y cnuoycret deux
d'entr'eux,airauoir George Maure], natif de FreHiniere enDauphiné,Miniftre,homme
bien inftruit,lequel ils auoyent entretenu aux efcoles : &: Pierre Maflbn , de Bourgon-
gne,pour conférer de la doctrine de l'Euagile auec les Miniftres, &: en particu lier pour
auoit leur aduis fur quelques poin£ts dont ils cftoyent en difficulté. Ces deux-ci,apres
qu'ils
*Merindol& Qabrier^ i rf
qu'ils eurent communique à BaflcauccIeanEcolampade:àSuaibourg.auec Capitol
Bucer:&: à Berne auec Bcrktold Haller : comme ils cftoyent en chemin pour le retour,
Pierre Ma/Ton fut arrefte prifonnicr à Diion , tellemét que George retourna fcul à Me-
rindol,auec les h'urcs&: papiers qu'il portoit. Auquel lieu citant an iué,il expofa deuant
tous fes frères les poinds de fa commiflîon , &: déclara publiquement qu'en pluiieurs
fortes &: façons ils erroycnt:&: que leurs anciens Min iftrcs ( lclquels ils appeloyent Bar-
bes ou Oncle$)tic le s auoycnt enfeignez e n telle pureté qu'il appartenoit. De celte venue-
ce peuple fut tellement cfmeu, que force leur tut d'enuoyer quérir des plus anciens de
leurs frères de la Fouille Se Calabre,&: d'auoir gens doctes pour aduifer à vnc faincte re-
formation. La choie fc mena en telle forte,que le bruit en vint uifqu a la cognoiiiance
du Parlement d'Aix,&: des Euefques,Prcltres Se Moines du pais de Proucnce. Se. furent
gneuement aceufezô*: mis en la haine du roy François premier de ce nom , à caufe de
la Religion.
Or cft-il qu'en l'an m. d. x cà l'inltance du Procureur du Roy audit Parlement,les
habitans eie Merindol furent adiournez en la perfonne de certains dénommez en 1'
Arclt(que nous reciterons incontinent)à comparoir perlbnnellement . luiuant lequel
adiournement,lefdits dénommez fetrouucrcnt à A ix pour fe prefenteràlaCourau
iour à eux afligné.Ils s'adrefferent aux plus fauans Aduocats,pour confulter Se auoir ad
uis comme ils le pourroyent conduire &: gouuerner en ccft affaire . Les Aduocats Se
Procureurs leur dirent, qu'il ne leur cft permis bailler confeilàceux qui font fufpeds
de fede Luthérienne. toutefois l'vn des Aduocats aduertit feerctement &: à part, qu'ils ^"l'cc^x
ne le deuoycnc prclentcr à ladite Cour,linon qu'ils f uifent preits Se appareillez d'cndu- de Mcrin-
rerd'eltre brullez,voire à petit feu, fans autre forme ne figure de procez.car celacftoit doid'euitcr
défia par ladite Cour arrefté côtr'eux. Par ces propos leldits de Merindol furent efpou- k da"s<:r'
uantez.&: encore plus, quand de faid ils virent deuant leurs yeux rigoureufemét &C cru-
ellement tourmenter &: meurtrir plulieurs bonspcrlonnages: n'ayans autre caufe en
leur condamnation,linon qu'ils auoycnt dit &: maintenu propos qui eftoyent déclarez
Luthériens parles cenfures&: déterminations desdodeurs en Théologie. Quoy enté-
dans leiditsdeMcrindol,feretirerent,n'ofans comparoiltre à l'alfignation : tellement
que défaut fut prononcé contre eux, en vertu duquel ladite cour de Proucnce eionna
ce cruel areft,qui toufiours depuis a efté appelé l'Arelt de Merindol : duquel la teneur
s 'en luit:
qvr la demande du profit S>C vtilïté des deffauts obtenus par le Procureur gc- arest
^ neral du Roy,demandcur en cas de crime de lefe-maiefté diuinc Se humaine,contre du paric-
André Maynard baille de Merindol, François Maynard, Martin Maynard, laques mcntdAlx
Maynard , Michel Maynard, Ican Pom &: fa femme, vn nomméFacy le Tourneur &: fa
fcmme,Martin Vian &: fa femme, Iean Pallcnq &: fa femme, les enfans& familles des
fufdits manans Se habitans dudit Merindol : Pciron Roy , Philippon Maynard , laques
de Sangre mailtred'cicole , habitans du bas dudit Merindol: mailtrc Léon Barberoux,
Se Claude Fauycr de Tournes, vn nommé Pomcry libraire Se Marthe fa femme n'ague-
res nonain à Nifmes , Thomas Pallenq did du plan d'Apt, & Guillaume le Normand,
retirez Se demeuransde nouueau audit Merindol: deldits cas & crimes adiournez à
trois briefs iours, non comparant ainsdefaillans : V E V E S les charges Se informa-
tions faites à la requefte dudit procureur gênerai du Roy : Ordonnances de pnnlcs
dccorps,& à tautedeceadiournemens à trois briefs iours décernez contre lefdits ac-
culez^ defaillans du pénultième de Iuillct m. d. x l: Exploits defditsadiournemcns
àtroisbrieh iours: Les deffauts obtenus parledit Procurcurgcncral contre lelditsac-
cufez:Leslcttrcs patentes du Roy,du dernier de May auditan m. d. x l . adreffantes à
ladite Cour,pour procéder contre Vaudois&: Luthericns,&: autres tenans fedes con-
traires Se derogatiues à la foy Se religion Chrcftienne: Et autres lettres patentes du- Pinfieur*
dit Seigneur, du feizieme dcTuillet m. d.x x x v ,&:du dernier de May m.d.x x x v i. l«»«p*-
par lesquelles il faifoit pardon Se grâce aux chargez , acculez Se fufpeds d'erreurs roy Fran-
herctiques, en euxdcfiltansdefdics erreurs, &" les abiurans dans iix mois après la pu- çois pu-
blication dcfditcs lettres: Lesrecollcmens destefmoins examinez es deffufditesin- mlcr'
formations: Autres charges, informations &procez produits parledit Procureurge-
neral,pour faire apparoir que notoirement tous ceux de Merindol tiennent fedes
Vaudoifes Se Luthériennes , reprouuees Se contraires à la faincte foy Se religion
v.
Linrc^j IL Merindol Çf Quittera
Chrcfticnnc:rctirent&: rcccllentplufîeursgens cftrangers &fûgitifs,chargez&diiTâ-
mcz d'efttc dételles fe&es:& iccux entretiennent & fauorilent . Qu'audit lieu il y a.
efcole des erreurs & fauflesdo&rines defdites tettes ,gens qui dogmaeizent lefdits er-
reurs & faillies do£trines,& libraires qui ont imprimée vendent liurcs pleins dételles
rauiîes do&rines:&: aufll que ceux dudit Merindol au terroir & es roches ont balli des
cauernes <Sc fpclcnques,où ils retirent &c cachent eux, leurs complices & leurs biens, &z
fe font forts . Autres informations prinfes par leiuge d' Apt,pour faire apparoir qu'a-
près que Colin Pallenq,dit du plan d'Apt,comme fectatcur defdites le&cs fut ces iours
paffez condamne &: brulîé,& les biens confîfquez au Roy:cn haine de ce plufieurs qcs
dudit Merindol, leurs complices &z adherens en grande affemblee,cômc de fix ou fept
vingts hommes armez de harquebufes, hallebardes, efpces, $c autres harnois,ont rôpu
le mol in qui c ftoit audit feu Colin Pallcnq & Thomas Pallcnq frères, battu &: outragé
le mofnicr,& iceluy mcnacé,& tous autres qui s'empcfchcroycnt des biens de ceux de
leurs (i des. Le tout confidei e,dit a cfté,Quç la Cour a dit &: déclare , dit & déclare lef-
dits deffautsauoirefté bien obtcnusrEt pour le profit d'iccux,quc tous les dcffufditsac
eufez &: adiournez font vrais deffaillans & contumax, defeheus de toutes dcfFcnfes , Se
attaints & cenueincus des cas &: crimes à eux impofez, de tenir , maintenir &c cnfuiuir
feclcs & doctrines heretiques,rcprouuecs &: contraires à la foy &: religion Chrefticnne,
&: aux fainctes prohibitions duRoy,&: deftrc retircursôc receptatcurs, receleurs &: fau
tcurs des gens chargez &c diffamez de tenir telles doctrines &fcclcs damnées &c repieu
uees.Pour la reparatiô defquclscas,a condamne &: condamne lefdits André Maynard,
laques Maynard, Michel Maynard,lean Pom,Facy le Tourneur,Martin Vianjean Pal
lenq, Hugues Pallcnq, Peyron Roy, Philippon Maynard, tous dudit Mcrindol,Iaqucs
de Sangre maiftre d'efcole,maiftre Léon Barberoux de Tourues , Claude Fauicr dudit
Tournes , Pomcry libraire &: Marthe fa femme n'aguercs nonain à Nifmes , Thomas
Pallcnq di£t du plan d'Apt,& Guillaume le Normand, habitans dudit Merindol, a eftre
bruflcz&: ards tous vifs: Aftàuoir quant aufdits Barberoux &z Fauicr, en la place publi-
que dudit Tourues:quant audit Thomas Pallenq,en la place publique d'Apt:& quant
aux autres, en la place des Iacopins de cefte ville d' Aix:&à faute de les auoir,("cront to9
exécutez en figure &: peinturc.Et au regard des femmes, cnfans,fcruiteurs& famille de
"C'cft vn touslesdcfîuidits deffaillans &: condamnez, ladite Courles a "dcficz& abandonnez à
kqud Pk tous>Pour ^c s prendre & reprefenter à Iuftice; afin de procéder contr'eux à l'exccurion
Cour leur des rigueurs & peines de droi£t,& ainfi qu'il appartiendra Et en cas qu'ils ne puiflent c»
ofte toute {\YC pvn-js &c apprchcndeZjdés maintenant les a tous bannis de bannit des royaume, tt r-
fu"ra? rcs & feigneuries du Roy, auec interdiction &c prehibitiô d'y entrer ne venir fur peine
de la hard &: du fcu:Et déclare tous &: chac uns les biens des defliildits condanez&: bâ-
nis,lcui s femmes, cnfans,{'eruitcurs& fa m il ie eftre acquis cxr confîfquczaudicScigneur.
&£ auflî prohibe &. défend à tous gcntils-homc s>\ aflaux &c autres fuicts dudit Seigneur,
qu'ils n'ayent à reccuoir ne receler lefdits côdamnez , leurs femmes, enfans,fcruitcurs
& famille,nc leur bailler aucune faucur,a ide ou confort en manière q ce foit, fur peine
à ceux qui feront le contraire, de confifeation de leurs biens &: autres peines arbitrai-
res.^Et au furplus,attendu que notoirement rout ledit lieu de Merindol cft la retraite,
fpclonq,refugc,&: fort, de gens tenans telles iectes damnées &£ rcprouucesJaditeCour
a ordonne &ù ordonne que toutes les maifons & baftics dudit lieu feront abatues,demo
lies &: abrafccs,& ledit lieu rendu inhabitablc,fans ce que pcdbnne y puiffe redifierne
baftir,li ce n'eft par le vouloir &: permiflîon du Roy. Scmblablemcnt eue le chafteau 5£
fpelonque, repaires & forts eftans es roches 6c bois du terroir dudit Merindol, feront
ruinez Se mis en telle forte que Ion n'y puiffe faire refidcnce:&: que les lieux foyent def-
couuers,&; les bois où font lef dits forts coupez & abbatus deux cens pas alcntour.Et d*
auantage fait prohibitions & defenfes de bailler à ferme &c arrentement ni autrement
les héritages dudit lieu à aucuns du furnom & lignées des deffufdits condamnez. Pu-
blié en iugement au parlement de Prouence feantà Aix,ledixhuitiemeiourdeNo^
uembre,an m.d.x l.
Dudit iour fut enioint par la Cour au iuge ordinaire d'Aix , de faire exécuter ledit a-
reft en ce que fait à exécuter en cefte ville d Aix:&: que fait à exécuter à Tourues,au iu-
ge de faind Maximin:&: ce que fait à exécuter à Apt,au iuge ordinaire dudit Apt. Si-
gné Boiffony,fccretaire criminel.
Ceft
Sermrn: ^
iurcnt le*
Côfcjlkrî
Jcs l'aile-
meus.
rthi-lem*
Challané,
aMermdo/&3 Çahriert_>. né
pt $ t Areft fut eftime' de fi grande importance, qu'il n'y auoit lieu ne pJace au pais
de Proucnce , où il n'en fuit parle , & fur tout entre les Aduocats &: gens de Iuftice:
tellement qu'aucuns ofovent bien dire publiquement , que c'eftoit merueilles qu'vne
Cour de Parlement fuft telle, dauoir baillé vn Areft manifeftement contre tout droict
&: raifon:& mcfmc contre le ferment tant ("olennel qu'ont accouftumé de faire tous
clux qui (ont n cens en offices aux Cours de Parlemcns: afTauoir dciugeriuftcment&:
librement, félon la làinclc Loy de Dieu &lcs iuftes ordonnances du Royaume, fans
attenter aucune choie iniuftement,& fans endommager aucun à tort par violence ou
vo\ e de faict.Les autres fouftenans ledit Areft cftrc iufte,difoyent qu'en cas de fecte Lu
thcrienne,les iuges ne font tenus de garder ne droict commun n'ordonnance: pourueu
que ec l'oit pour l'extirpation de ceux qui (ont fbuipeçonnezd'cfttc tels . ^ Aduifit dix
ou douze iours après que ledit Areft fut donne, qu'vn grand feftin fut fait en la ville d -
Aix,auqucl cftort: le prefident M.Barthelcmi ChaiTané,&: plufieurs Confeillcrs & gen-
tils-hommes du pais de Proucnce. Au/Ti y eftoyent l'archcuefq d' Arles, l'cuefq d'Aix,& cômmëàù
dames & damoifelles: entre lefquelles y en auoit vne qui eftoit,fclon le bruit commun, ^eurftdu
entretenue par ledit eucfque d'Aix. Icellc en ce banquet deuifantdcceft Areft,adref- micr jc"
fa Ion propos au Prefidcnt,&: dit,Monficur le Prefidét, quand ferez-vous exécuter l'A- Bourgon-
reft qui a efté donné ces iours paffez contre ces Luthériens de Merindol? Le Prefident ënc*
ne refpondit rien,feignant qu'il n'euft entedu ce qu'elle difoit.&: vn gentil-homme de-
manda quel Areft il y auoit contre ceux de Merindol. La damoifelle le recita fans rien
oublier,comme fi de long téps elle feuft bicnrccordé. Ceux du banquet refeoutoyenc
diligemment fans diremot,iufquace qu'elle euft du tout ach eue ion propos . Et alors Lefdgncur
le lcigncur d'Alenc,hôme ayant quelque commencement de bonne cognoiifance, luy d A,cnc
dit,Madamoifelle,vous auez apprins ce conte de quelciï qui voudroit qu'il fuft ain(i:oa
bien c'eft vn Areft qui a efté donné en la cour du parlement des femmes . Le fleur de
Senas,ancien Confeiller,dit,Non,non,monfieur d'Alenc,ce n'eft pas vn côte ne fable,
ce que vous auez ouy.mais vn Areft de la Cour. &: nefaudroit pas beaucoup parler en
cefte forte,finon que vueillicz appeler la Cour de Proucnce, le parlement des femmes.
Lors le feigncurd'Alcncs'cxcufa, auec proteftation qu'il ne voudroit dire choie pour
blafmer l'authontcd'vne Cour foUuerainc:toutefois qu'il ne pouuoit croire du tout ce
q cefte damoifelle auoit jppofé^/lauoirqucpar Areft de la Cour du parlement de Pro-
uenceayent efté condamnez à mort tant d'habitans de Merindol:&: mefmcs les fémes
&: les petis enfins,&: le lieu à eftre rafé,fur vn défaut de dix ou douze perfonnes , qui ne
fefont prefenteesa ladite Couraiiiouràeux afïîgné . Le feigneur de Beau-ieu fur cela Lefcigncut
dit,Ie ne crqv pas q la Cour ait baille' vn tel Arcft.cc feroit choie defraifonnable,&: qles teBcau icu
Turcs &c les homes les plus cruels du mondeiugeronttrop inhumain Sidctcftable^ ï ay
de long téps cognu plulicurs de Merindol , qui me femblent de bonne preudhommie.
Mais monfieurle Prefident endiroitbien ce qui en eft.ee n'eft rie du dire des femmes.
La damoifelle n'attendit pas q lePrcfidcnt refpondiftrmaisfoudàincment en tegardât
fon eueiq d'Aix,dit,Ieierove bie efmerueillee s'il ne le fuft trouué quel: un en cefte cô-
pagnie qui deffendift ces mal-heureux &leuât les yeux en haut, dit toute courroucée,
Que pleuft à Dieu que tous les Luthériens qui font en Proucnce, voire en F rance,euf- Pro oj K
fent cornes au front! on enverrait beaucoup de cornus. Le feigneur de Beau-ieu ne luy m* au ban
accreutguere:Que pleuft à Dieu, dit-il, que toutes les paillardes des preftres parlaient c?'?ft *jiti
comme font les oyesiEt la damoifelle dit,Moniîcur de Beau-ieu, il ne fuit pas ainfi par- '
1er contre l'eglifeuamais chien nabaya contre le crucifix, qu'il n'enrageaft . Alors l'e-
uefque d'Aix commença à rire,&rdit en frappant fur l'efpaule de la damoifeîiesPar mes L'enefone
fain&es ordres(ainfîiuroit-il) vous m auez fait plailîr. Elle a bien parle a vous, mon- iAlx'
fieur de Beau-icu:rctenez bien la leçon qu'elle vous a baillée. Le feigneur de Beau-ieu
dit en courroux, le n'ay que faire d'aller à fon efcole,m a la voftre.&: ne l'auroye appren-
dre d'elle ne bien n'honncur.&: quand ie diroye que la plufpart desEuefques & Pre-
ftres font paillais , adultères , trompeurs &: feducteurs , ie ne parleroyepas contre la
fain&c Eglife : mais contre vn tas de loups &; de pourceaux abominables . &; en di*
fanteela, ie ne penferoye point enrager, linon qu'on enrage pour dire venté. Sur
çelafarcheucfque d'Arles refpondit en colère, Vous parlez mal, monfieurdcBeau-iciH
& vous faudra rendre conte en temps & lieu des propos que vous tenez desgens d'cgli
fe . Et le feigneur de Beau-ieu dit , le voudroyc, monlicur, que ce tuft dés auiourdhuy,
& ie me foumettroyc à prouuer plus d'abus & de mefchancctcz des preftres » que
v. îi.
sMerindol & Cabrierd.
ic n'ay encore dit. Lois le prefident Chaflané dir,Laiflbns le moufticr où il cft, môfîcur
de Beau-ieu,& viuons comme nos pcrcs,& maintenons leur honneur . Le feigneur de
Beau-icu dit tout courrouce , le ne fuis pas fils de preftre pour maintenir leurs abus&
mefchancetez.puisditjc veux bien honnorertous vrais Paftcursdcl'Egliic, qui mon-
trent bon exemple & en doctxine& en vie, & tels ne voudroyc blafmer . mais ic vous
Dcmandt demande,monficur d'Arlcs,& vous pareillement, moniieur d'Aix, quand les Sacrifie a-
pcrcinenic teurs &: Preftrcs de Ierufalem ont cfté appelez par noftrc Seigneur Icfus Chrift, Hypo-
critcs,aueugles,& fedu£tcurs,leur a-il fait outrageîEt ils dircnr,Non : car la plufpart c-
ftoit telle . Audi de ce que 1 ay dit des Euefqucs &: Preftrcs ( dit alors le lejgncur do
Beau-icu)laplufpart font tels & pires . Le lîcurde Senas dit, Laiilbns ces propos raf-
Inftruaio chcuxmous fommes ici alfemblez pour faire bonne chère. Monfieur de Bean-ieu, pour
digne du l'amitié que ie vous porte , ic vous aduiferay de trois chofes : que i\ vous les faites,vous-
conuiuc. VQUS cn trouuerez bien . La première eft, que vous ne donniez aide, ne de raid ne de
parole,à ceux dcfqucls vous auezouy dire qu'ils font Luthériens . La féconde, c'eft de
ne reprendre aigrement les dames,de leurs menus plailirs. La troiiieme,denc recer-
cher de li près la vie desgés d'eglife: car vous fauez qu'il eft dit, Nolite r.rri^erc chrifos nteos.
Le feigneur de Beau-icu refpondit, Quant au premier, ie ne cognoy point de Luthé-
riens,^ ne fay que c'elt de Luthcrerie : linon que vous appeliez Luthériens , ceux qui
prefehent la doctrine de l'Euangile.rant y a que n'approuueray iamais vn Arcft qui au-
ra cité donné à mort contre gens qui n'aurôt cfté ouys,& encore moins contre les fem-
mes & petisenfans :& fuis aifeuré qu'il n'y aura cour de Parlement de Francc,qui ap-
prouucvntel Arcft. Et quant à ce que dites , de ne reprendre les damcs,li icfay qu'-
vne mienne parente s'abandonne ni à preftre ni à clerc , fuft-il bien Cardinal ou Eucf-
que, ieneluy feray pas l'honneur de la reprendre : mais ic luycouperay le nez pour le
moins. Et au regard des preftrcs, ic fuis content de ne me nieller plus de leurs affai-
resrmais aufîi qu'ils ne le mcllent point des miennes . Le prefident ChafTanc , oyanc
alfez volontiers le iicur de Beau-icu parlant cn celte rerueur de ieuneife, fe print à rire:
mais la damoifelle ( qui auoit commencé la querellc)dit, le ne feray pas bië à mon aile,
fiienediencorcsvnmot: Et penfez-vous, monfieur de Beau-icu , que tous les Cardi-
naux &C Euefqucs, Abbez &c Preftres,&: gens de religion, qui vont fouucnt aux maifons
des gentils-hommes, voire qui entrent familièrement &: hantent aux chaftcaux&: pa-
lais des Princes, qu'ils y aillent pour faire malimonlieur dcBcau-icu,(i vous vouliez fou-
ftcnir tels propos, ie ne cclîcroye de vous acculer de crime de lefe-maiefté diuinc &: hu-
maine, mais îlyabien des feigneurs en cefte compagnie, qui vous cn feront rendre
conte . Elle n eut point acheuc fon propos,quc Beau-icu luy dit, Allez, madame He-
rodias,erFrontee:deunez-vous ouurir la bouche pour parler en celte compagnicîfaucz-
vous bien que c'eft que crime de lcfc-maieftc Diuinc &c humaine? ne vous deuroit-il
pas fuffire,fans foliciter que le fang innocent (oit rcfpandu ? ^ A ces paroles la damoi-
Côfidtrci! telle fut vn peu cftonnec:&: penfoit-on que le propos prend roit fin : &: chacun tafehoit
c» ceci rim d'inuci\tcr propos facctieux,pour empefeher que de ceft afraire ne fuft plus parle.Mais
j ^k,'Jî|Cd la damoifelle fe l'entant par trop outragée, rompit tous les propos, &: dit, Moniieur de
Unie!" Beau-icu, h i'eftoye aulli bien homme que femme, ic vous maintiendroye que ienc fuis
pas telle que vous dites, que ic délire de faire relpandrelc fang innocent. Appelez-
vous le fang de ces mclchans dcMerindol,fang innocent?appelcz-vous l'exécution des
Luthcriens,efrufion du lang innocent? Et vous aucz beau dirc,ie nemegarderay pour
homme viuant,d'aller& fréquenter aux maifons des Euefqucs, en tout bie&touthon
ncur,&: pour le deuoir quei'ay à l'egliferpouraduifer les moyés de faire mourir ces mal-
heureux. Le feigneur de Beau-icu ne fit plus conte des propos de celle babillarde : aulli
tous lcsafliftcnsla mefprilercnt: &c eftoyent fafchezde fes fols propos: mais il y eut vn
îcunc gentil-home en la côpagnic,qui dit cn fegaudiflant, Il faut bic, madamoifelle, cj
ces mefehans gens,aufquels vous voulez mal mortel, vous ayent fait quelque grad def-
plailir.Et la damoifelle dit,Ie pourroyc bien faire ferment, que de ces îr.iferablcsgens,
ie n'en cognoy pas v n,&: n'en vionques vn,queiefache:&aimeroyc mieux rencontrer
dix diables , qu'vn d'eux. car leurs propos lont tant dcteftables, que bien heureux font
ceux qui n'en ontiamais ouy parlcr.Ettu bien mal aduifee,quandpar curiofité,voyant
que moniieur l'cucfque d'Aix eftoit tant fafché qu'il cnperdoit le boire &: le manger,
le priay me dire la caufe de fa fafcherie.il me déclara en partie ccft affaire: alfauoir qu'il
y auoit
sMerindol&> Qahriero.
y auoit par le monde vnc manière de genshcretiques,parlans contrenoitre mere fain-
cte eglife.^ Or ces propos engendrèrent grand trouble, &: plufieurs menaces, qui fero-
yent trop longues à deîcrire. Dont le prchdcnt Chaflané &c les Confeillers fè départi-
rent,&: les gentils-hommes s'en allèrent d'autre part.
La délibération & complot des Ecclefufti<}ucs,poUr faire exécuter l'areit de M erindol , & pourfuiure la confpiration contre les
fidèles.
L'archives q_v e d'Arles & l'euefque d'Aix,aucc aucuns Abbez& Pncurs,le Pre
uoft&: quelques anciens chanoines d'Aix , s'aifcmblerent pour confultcr les vns a-
uec les autres de ceft affaire . 11 fut arrefté entr'eux qu'vn chacun enparticulier,cer-
cheroit tous moyens de faire exécuter ledit areft de Merindol.autrement,difoyent-ils,
c eft fait de noftre eftat,&: vn chacun le voudra nieller de nous reprendre, & fc moquer
de nous. Etceferoit, difoyent-ils, peu de faid s'il n'y auoit que ceux de Merindol&;
Semblables payfans,finon que melineplulieurs docteurs en Theologie,& religieux:auf
fi aucuns Confeillers &c Aduocats des Cours fouueraines, voire (fi on l'oie dire) la pluf-
part de la nobleffc^ul'qu'aux plus grans,commcncent tous à nous defprifer,&: ne nous
tiennent point pour vrais pafteurs de l'Eglife. Que fi nous n'y pouruoyons foudaine-
ment , il n'y a pas feulement danger de perdre nos bénéfices, &c eftre deichaffcz: mais
aufli y a danger pour tout l'ordre ecclefiaftique. ^L'archeuefqued'Arles,vfant de les L-arcj,cucf
finefies naturelles d'Efpagne, opina comme s'enfuit : Il nous faut garder d'entrepren- qued'Arks
dre aucune choie contre la nobleife: mais par tous moyens l'cntrctenincar ceft no-
ftre bras &c protection: &' nous faut donner garde de difputer ne contredire à tels per-
fonnages : de les blafmcr , &: encorcs moins de les acculer : mais pluftoft de les adoucir
par prefens &: dons . Car c'eft choie certaine,que fi nous entreprenons contre la No-
bleife,que finalement ks luges Séculiers en auront la cognoifTance: &: nous n'y gagne-
rons ricn,comme défia nous auons afiez expérimente . A quoy l'euefque d'Aix s'ac-
corda à ceft aduis: Mais ie vous declareray , dit-il > vn fecret pour remédier à tout cela*
Il faut battre le chien deuant le lion , &: faut que nous employons tous nos amis , pour
faire telle tuerie de ceux de Merindol&fcmblablcspayfans, qu'il n'y ait homme, de
quclqueeftatqu'ilfoit,fuft-il dufangroyal, qui puis après ofeouurir la bouche pour Deliberatio
parler contre noftre eftat . Etpourparueniràcesfins, nous n'auons meilleur moyen îçUt"fcm_
que de nous retirer en la ville d'Auignon: où nous trouuerons plufieurs Eucfques&: bleeiAui*
Abbez, qui ne faudrontà s'employer aueenous . ^ Ce confeil fut incontinent ap- SUOD-
prouué de tous, tellement que lefdits archeuefque d'Arles, euefqued'Aix,&: autres,
partirent haftiuement pour aller en Auignon: où eftansarriuez,propoferentd'aiTem-
blcr incontinent les Euefques&: autres perfonnages d'authorité &c credit,\pourtrait-
ter de ceft affaire . En ce parlement fecret , l'euefque d'Aix eu t charge de faire la ha-
rengue:&: propofa comme s'enfuit . ^ Vous fauez,hommes pères &: frères, que grande
tempefte de vent s'efleuc contre la nacelle de Iefus Chrift, &: que les ondes efmeues fe a/i !"!
icttent tellement dedans, que la nacelle eft quafi remplie d'eau : &: peu s'en faut quel- que d'Au.
le ne periife . Le tourbillon vient d'Aquilon, dont la tourmente eft grande:les offran-
des ceftent , les pèlerinages &c deuotions fe refroid îilen t , la charité eft quafi gelée par
tout ( qui pis eft) noftre authorité eft fort abaifîee,noftre iuriidittion abatue,lcs or-
donnances de l'eglife mefprifces. Or nous fommes conftituez &: ordonnez fur les peu-
ples &ù fur les royaumes,pour arracher tout ce qui s'efleue contre l'eglife. Parquoy qu'-
vn chacun de nous fe refucille à bon efeient , &C vfons de noftre authorité, pour perdre
&C deftruire tous ces mefehans Luthériens , ces renars qui degaftent la vigne du Sei-
gneur^ ces baleines qui s'efforcent d'enfonfer la nacelle duJFils de Dieu . Or nous a-
uons défia bien commencé,&: auons procuré de bailler vn areft efpouuantable contre
ces mal-heureux Luthériens de Merindohil ne refte plus que de le faire exécuter. Par-
quoy employons-nous de noftre pouuoir,afin qu'il ne vienne aucun empeichement:&:
adulions bien que noftre or &£ noftre argent ne tefm oignent contre nous au iour du iu
gcment,fi nous l'efpargnons à faire ce beau facrifîce à Dieu.Çt de ma part,i'offre &c pro
mets de foudoyer de mon argent jppre, cent hommes bien equippez &: bien en ordre*
voire iufqu a ce que la deftru&ion de ces iruferables foit faite. Et ce propos pleut qua(i
à toute la compagnie. Lcdc&eiir
Vn docteur en Theologie,de l'ordre des Iacopins, nommé Baflïnet, opina comrne Ba£,uw'
v. iii.
L/Wo //. Merindol QabrïeYt^.
s cnfuit:Nous deuons bien aduifer,dit-il,àceftafFaire,&: n'attenter rien à la volée. Car
linous faifons mourir ces poures gens à tort, & que le Roy & les Princes s'en apperçoi-
i.RoisiS. uent,nousfommcs en danger qu'on ne nous face comme aux preftres de Baal . Et fuis
«G- contreint de vous dcclarcr(mais c'eft en confeffion iculcment)que i'ay figné bien lcgc-
rcmctpluiieurs procczde ceux qui ont eftéaccufezd'eftic hérétiques: toutefois iepuis
dite vrayement deuant Dieu, qui voit& cognoit nos cceurs , que ic n'ay point eu de re-
pos et} maconfcience,depuis que fay veu l'efFeddemes fignaturcs: aflauoir que les lu-
ges feculiers , à mon rapport &c iugement , &C des autres Dodeurs mes femblables, ont
condamné à mort ceux que nous auons iugez eftre hérétiques. Et la caufe pourquoy ic
fuis ainfi troublç en moy-mefme, c'eft que depuis quelcjue temps en-çà, ic me fuis adô-
né à regarder de près les faindes Efcritures,&: ay trouue que la plufpart cics propos que
maintiennent ceux qu'on appeleLutheriens,fontafTez conformes al'Efcriture fainde.
B.ifsinct Toutefois pour maintenir l'honneur denoftre mere fainde eglife, de noftre faind pe-
enrendeur re jc pape?&; de noflre ordre, ie me fuis iufqu a maintenant accordé auec les autres do-
uïduu" deurs,tant par ignorancc,quc pour complaire &: me renger à la bonne volonté des E-
luux. uefques,& de leurs grans Vicaires. Oràprefcntil mefemblefous corredion, qu'il ne
faut plus procéder en cefte matière comme nous auons fait le temps pa/Té : mais il fuf-
fira de condamner à certaines amendes pécuniaires: ou bien,de bannir ceux qui parle-
ront trop hardiment &C légèrement contre l'eglife , & les ordonnances de noftre faind
perc le Pape.Et quant à ceux qui feront conueincus manifeftement par les fondes E-
feritures, eftre blafphcmateurs & hérétiques obftinez , tels pourront eftre condamnez
à mort,ou perpétuelle prifon, félon l'enormitc de leurs erreurs : & vous prie de prédre
mon aduis à la bonne part. ^Commc le dodeur Bafllnet eut achcué fon propos,toute
la compagnie fut ofîenfee,& murmurèrent prefquetous contre luy. &C l'euefque d'Aix
luy dit,Homme de petite foy, pourquoy as- tu douté? ha, noftre maiftre,vous repentez-
vous d auoir bien fait? Vous auez ici dit des propos qui fentent les fagots & le foufrrc.Ec
faites-vous différence entre herefics &c blafphemcs dites contre la fainde Efcriture , &:
les opinions contraires à noftre mere faindc eglife,ou à noftre faind perc le Pape vicai-
re de Dieu en terrerEt rarcheuefque d'Arles dit,Noftre maiftre, fauroit-on mieux par-
ler de la nacelle de Iefus Chrift,qu'a fait monfieur d' Aix '-. Et le d odeur Bafïïnct rcfpon.
dit, Il cft vray que la harengue & le propos de moniteur le rcuerend cucfquc d'Aix con-
uient bien à noftre eftat,& pour reprendre les abus & hereiies du temps prcfcnt.Quad
donci'ayouy parler de la nacelle de Iefus Chrift , il m'eft fouuenu premièrement du
Rcmôftran gYan(\ Sacrificateur de Ierufalem , & des preftres Se dodeurs de la Loy,aucc les Scribes
acur Bai- & Pharifiens,qui ont quelque temps eu le gouuernement de cefte nacelle,eftans ordô-
finct. nezPaftcursenreglilcdeDieu:maispource qu'en delaifl'ant les commandemens de
Dieu, ils luy ont voulu feruir par ordonnances &: traditions des hommes, le Seigneur n*
a point prins plaifiràtels ouuriers,& les adeftruits . Et ayant compafîîon deshommes,
qui eftoyent côme brebis n'ayans pointdepafteunil a cnuoyédes ouuriers en famoif-
fon,& des laboureurs en fa vignc,pour rendre vrais fruids en la faifon:& des pefchcurs
diligent, pour pcfcherlcs hommes . Sccondement,cn oyant la harengue de monfieur
le rcuerend euefque d'Aix, ie me fuis aduifé dé ce que le faind Apoftre dit,en la i . Epi-
ftreàTimothee,au4. chap . Qu'es derniers temps aucuns defaudrontdelafoy,s'amu-
fans aux efpnts abufcurs,&: aux dodrines des diables . Et TApoftre baille les marques
pourles cognoiftre : tellement qu'il eft aifcà cognoiftre&: iuger qui font ceux qui taf-
chent d'enfondrer la nacelle de Iefus Chrift : aflauoir ceux qui empliffent la nacelle de
bourbier &t de fange,& d'eau infede &: puate,ceux,di-ie,q ont delaiflé Iefus Chrift,qui
eft la fontaine d'eau viue,- pour cauer des eifternes qui ne peuucnt contenir eaux? Ce
font ceux qui fe difent Le felde la terre , & n'ont aucune vertu ne faucunils s'appelenc
Pafteurs,&: ne baillent la vraye pafture,& ne coupent ne diftribuent le pain de la paro-
le de Dieu . Et, fi ie l'ofoye dire, n'eftimeroit-on pas auiourdhuy aufTi grand miracle,
i\ on voyoit vn Euefque prefeher , que de voir vn afne voler? Et ceux ne font-ils point
de Dieu maudits , qui difent & fc vantent d'auoir les clefs du royaume des cicux,& n'y
entrent point, &: ne laifTcnt point entrer ceux qui y viennent? On les cognoiftraà
leurs fruids:car ils ont delaifle foy, iugement , &: mifericorde , &£ n'y a rien de blanc ne
de poli en eux , que leurs habits , le roquet & furplis , & autres . Ce font fepulchres
Notez ceci blanchisikfquclsapparoiflcnt beaux par dehors :mais le dedans eftplein d'ordure Se
de pourriture. On cognoift les loups par leurs frui&s>qui magent les viuas & les morçsj
fous ombre de longues oraifons. Et puis qu'il faut dire la venté, &: que vous m'appelez
Maiftre en Ifrael,ie veux maintenir parles fainctes Efcritures , que ce grand pilot &C
patrônoftre faindt pere le Papc,& fes Euefques matelots,& tous femblablcs batte] i ers,
qui ont delaifte la nacelle de IefusChrift, pour s'embarquer hirefquifs & brigantins,
font pyrates&: efeumeurs de mer,faux-prophetes&: abuieurs,&:nô point pafteurs de 1-
Eglife de IefusChrift.
L e Docteur Baflinet n'eut pas acheué ces propos,que tous ceux de l'aflcmblec grin-
cèrent de plus fort les dents contre luy. L'euefque d'Aix au nom de tous, luy dit, Vuide
hors,mefchant Apoftar, tu n'es pas digne d'eftre en celle compagnie. On en a bruflé
pluheurs qui ne l'ont pas fi bien mérité que toy. Tels befacicrs , &: coquins de moines
gaftent tout. ^Les autres dotteurs Mendians qui là eftoyent,reprindrcnt incontinent
l'euefque d'Aix,de l'outrage qu'il leurfaifoit:&: y eut grande diflenlîon : tellement que
pour lors il n'y eut aucune conclufîon, Apres difncr tous ces vénérables prélats tin-
drent confeil, où ne furent appelez les docteurs Mendians, ny autre moine, s'il n'eftoit Prenez con
Abbé. Et à la parfîn ils firent complot auec ferment, de s'employer à faire exécuter le- ["j^-'f"
dit areft de Merindol : offrans tous fans contredit, de foudoyer gens de guerre , vn cha- &c.iCi.8.;ô
cun félon fa puiiîancc:baillans aufîi charge à leuefque d'Aix &: au Prcuoft des chanoi-
nes, dcfolicitcrccsaffaires'àcommunsfrais;&:dcperfuaderpar tous moyens au Preh-
dent & confeilliers de la Cour, de ne craindre de faire exécuter ledit arcft,aucc tabou-
rins &C enfeignes defployees &: artillerie.le tout en bon équipage, f Cefte confpiration
conclue &c arreftee, l'Euefque d'Aix vouloit incontinent partir d'Âuignon,pour aller à
Aix faire le deuoir de la charge qui luy auoit efté donnée, mais on le pria dafiïfter à vn
grand banquet qui fe deuoit faire le lendemain de cè concilc,en la maifon de l'euefque
de Rieux. Et en ce feftin, les dames d'Auignon , les plus belles &c renommées furet în-
uitees , pour refraichir ces bôs prélats de tant de peines & trauaux qu ils prennet pour
maintenir faincte eglife.Et après auoir difné, danfé &: ioué à la manière accouftumee,
les reuerends s'en allèrent pourmener en attendant le foupper. Or comme ils pafîbyéc
par la rue des changes,menans les damoifelles,ils s'arrefterent à regarder des peintures
&c pourtraits deshonneftes,auec les dictons de mcfme,pour efmouuoir à paillardife. Ils
^achetèrent ces belles images,&: s'il y auoit quelque énigme ou chofe difficile à enten-
dre és di&ons defdites peintures,ils en donnoyent ioyeufement prompte expofition, >
L E Martyre d'vn LJBÂ R E exécuté en la ville d'^fuignon, dont la confiance ejl mémorable en ce
àifcours de ïhiftoire de ceux de Merindol.
\K y auoit-il en cefte place des changes, vn Libraire eftrangcr , qui auoit«x-
>fé en vente des Bibles en Latin &: en François:&: n'auoitautres luircs.Et
[ces prélats le rcgardans,furentefbahis,&: luy dirent, Qui t'a fait h hardi ,de
Jdefployer vne telle marchandife en cefte ville? ne fais-tu pas que tels liures
font clefendus?Et le Libraire refpondit, Lafain&c Bible n'eft-elle pas aufti bonne pour
le moins, que ces belles images &: peintures, que vous aucz achetées à ces damoifelles?
Il n'eut pas Ci toft dit cefte parolle, que l'Euefque d'Aix dit, le renonce ma part de para-
dis,s'iln'eft Luthérien. Surlechample poure Libraire fut empoigné &: bien rudement Outrage
mené en prifon. Car pour faire plailir aux prélats , vne bande de rurfiens & de brigan- fj,cau ll-
deaux, qui les accompagnoyent, commencèrent à crier, Au Luthérien, au Luthérien: brairc'
au feu, au feu. Et l'vn luy bailloit vn coup de poing,l'autre luy arrachoit la barbe : telle-
ment que le poure homme eftoit tout plein de fang deuant que d'arriuer en la prifon.
^"Le lendemain il fut amené deuant les iuges en la prefence des Euefques: &c fut inter-
rogué comme s'enfuit:N'as-tu pas expofé en vente ces Bibles &: nouueau teftament en
François?Refpond le poure prifonnier,qu'ouy. Interrogué s'il ne fait pas bien que par
toute la Chreftienté defenfes font faites de n'imprimer ne vendre la Bible en autre lan
gage qu'en Latin : Refpond qu'il fait tout Je contraire: &c qu'il a vendu plufîeurs bibles
en François auec priuilege de4'Empereur:&: aufli d'autres imprimees à Lio,& des nou-
ueaux Tcftamens imprimez auec priuilege du Roy. Et après le prifonnier dit en grade HardielTc
hardiefte , Vous qui habitez en Auignon, eftes-vous tous fculs de toute la Chreftienté, ^'b^rc °
qui aucz en horreur le Teftamçt du Pere celefteîEt pourquoy nç voulez-vous permet- !
Y.iiii,
L/V/ro //• Merindol & Cahier tj.
tre que l'inftrument&: les lettres authentiques de l'alliance de Dieu, foyentpar tout
publiées & entendues ? Voulez-vous défendre & cacher ce que Iefus Chriffc comman-
de de reueler &C publierîNe fauez-vous point que noftre Seigneur Iefus Chrift a baillé
puilîance à les faincts Apoftves de parler toutes langucs:afîn qu'en tout lagage le fainft
Euangile Éuft enfeigne à toute créature ? Et que ne defendez-vous les hures &c les pein-
tures qui font pleines de parollcs dcshonneftes,&: mefmes de blafphcmes,pour înciter
les hommes à paillardilc,&: à mefprifcr Dieu î Et leur dit tout elercment qu ils en ren-
droyent côte deuant Dieu. Et l'eueique d'Aix Se les autres prélats creuâs de defpit cou
trecepoure prifonnier, commencèrent à s'efcrierjQu'eft-ilbet'oin de tant l'interro-
Labcr. gUCr ? il le faut enuoyer tout droit au feu fans plus de parollcs. ■ ^Or leiuge Laber&:
quelques autres n'eftoyent point de ccft aduis,&ne trouuoyent point caufe iuffifante
pour faire mourir ce Libraire:&: cerchoyent de le faire pafTer par vne amende honora-
ble:derecognoiftrel'euefque d'Aix &: les autres de fa compagnie, pour vrais pafteurs
de l'Egliïe de Iefus Chrift.mais le Libraire refpondit qu'il ne pouuoit faire cela en bon-
ne confeience : d'autant qu'il voyoit que ces Euefques maintenoyent les liures abomi-
nables, &: peintures deshonneftes,&: qu'ils reiettoyent les liures fainds : &: dit qu'il les
eftimoit pluftoft facrificateurs de Bacchus & de Venus,que vrais pafteurs de l'Eglife de
Iefus Chrift. ^Incontinent après ces propos fut condamné à eftre bruflé:&: la fentenco
ce îour mefme fut exécutée. Et pour l'enfeigne de la caufe de fa condamnation , il pôr-
toit deux Bibles pendues à fon col,l'vne deuant,l'autre derriere.Ce n'eftoyent pas fauf-
fes enfeignes:car vrayement le poure Libraire auoit la parolle de Dieu au cœur 5c en la
bouche. &: ne ce/Ta parle chemin &c au lieu du fupplice, d'exhorter &admonnefter le
peuple,de lire la faindc Efcriture:tellemét que plufieurs furent efmeus à s'enquérir de
la venté. ^"Et les prélats voyans qu'il y auoit grande di/Tenfion entre le peuple d'Aui-
gnon,&" que plufieurs de fain iugemét murmuroyent de fa mort , corne ayant efté iniu-
îtement côdamné, &: encores plus du deshôneur &: mefpris qu'on auoit fait aux fainds
liures de la Bible: voulans mettre crainte &c frayeur au peuple , pourfuyuirent de faire
crier le lendemain à fon de trompe,par toute la ville & conte de Vcninc,quc tous ceux
qui auroyent liures en François, traitans delà fainde Efcriture, qu'ils les eu/Tent à ap-
porter &: mettre entre les mains des CommùTaires nommez: autremet que ceux qu'on
trouueroit faifis de tels liures, feroyent mis à mort.
a Près que lefdits Prélats eurent mis ordre de drefTerccfte perfecution en Auignon
au conté de Veniife , l'eucfque d'Aix s'en retourna pour pourfuyure l'executiô de
L'cuefquc^ ^arc{\ Jc Merindol. Et incontinent qu'il y fut arriué vint trouuerle prefident Chaffané,
fuit lcxccu auquel il communiqua toute l'entrcprife qui auoit efté faite en Auignon. Auflîluy dé-
clara la bonne volonté des prélats d' Auignon & de Prouence, &: faffedion qu'ils a^
uoyent de luy faire plaifir &c aux fiens, s'il mettoit à exécution 1 areft de Merindol. A-
près plufieurs belles & grandes promeftés, le preiïdent ChaiTané refpondit que ce n-
eft pas petite entreprinfe que dexecuter vn areft de Merindol: qui auoit efté donné
L areft de p}us p0ur tenir en crainte les Luthériens , qui eftoyent en grand nombre par la Proué-
dôn^poljr ce, que pour exécuter félon fa teneur. Lors l'euefque d'Aix dit au Prefident, le cognoy
tenir en bien,Moniicur, que les gentils-hommes qui eftoyent l'autre iour au banquet, vous ont
LuiTenë" gagnc'>ou Pour Ie moins cibranlé. Et le Prefident dit , L'areft de Merindol n'eft pas dif-
nnitif,à parler propremcnt:&fesloix&: ordonnances du royaume ne permettent pas
l'execucion fans autres procédures. L'Euefque luy dit , S'il y a loy ou ordonnance qui
vous retarde ou empefche , nous porterons les frais. Le Prefident luy dit , le ne doute
point que fi l'areft de Merindol èft executé,que le Roy ne foit mal content de faire y ne
telle deftrudion de fes fubiets. L'Euefque luy dit, Si le Roy de primfaut le trouue mau-
uais, nous luy ferons trouuer bon auec le temps , nous auons les Cardinaux pour nous:
ral^de " nommément monfieur le Cardinal de Tournô, auquel on ne pourroit faire choie plus
Toumon. agréable. Et fi nous auons befoin de fon aide, nous en fournirons bien. Par tels ô£ fem-
blables propos, l'euefque d'Aix perfuadaauxPrefidens &: Conl'eilhers du Parlement
de Prouence d'exécuter ledit areft : &:ainfi de l'authorité de ladite Gour, le tabourin.
fonna en la Prouence, pour aflembler gens.
non del -
Areft.
COMMENT
mt t
eu-
sïiïerindol (f Qahrim^, i / jf
COMMENT Pappreft pour exécuter l'arert de Merindol rut einpefché par vn Gentil-homme,qui remonftra au Prefiden«
Chaflané qu'en vnc.is ridicule ilauoitefcritccqui deuft maintenant pratiquer en chofe de grande importance.
Es Capitaines furent ordonnez, &: nombre de gens à pied &: à cheual commencerez
àfortir d'Aix,&: marcher tout cquippez, pour exécuter ledit Areft, Ceux de Merin-
dol aduertis de l'cntreprinfcn'auoyent autre confort que de recommander en prières
Se larmes leur caufe à Dieu,sattcndans d'eftre meurtris, comme brebis à la boucherie. Ce font Ic*
Eux eftans en ces dcftreiTcs, le pere plourant auec le fils,la fille auec la mere, la femme ""fi,
auec le mary:foudaincmcnt leur fut annoncé que ladite armée s'eftoit retiree,ians que deles.
pour lors on euft peu fauoir par quel moyen. ^Toutefois depuis on a entédu que le fei-
gneur d'Alenc,gentil-homme bien inftruitaux fainçles Efcriturcs&muni du droi&ci-
uil,remonftra lors par grande compafîîon au prefident Chaflané , que celle procédure ^jj^'1
par voye de faicl: Se de force eftoit cotre toute forme &: ordre de iuftice,&:fans diftin&iô de l'exc
des coulpables Se innocés, Or eft-il que ce Prefident auoit mis en lumière Se publié par
impreiîïonvnliure intitulé Cataloj^glorixmundj: auquel par manière de paiTe-tëps il de- Ctt^V
duit les jpcedures qu'il feit iadis tenues cotre les rats,par les officiers delà Courfpiritu- ^ôpofé par'
elle de reucfque d'Authun. Corne ainfi fuft que quafi partout le bailliage de Laulfois, chaiTan.',
il y euft grade multitude de rats qui degaftoyent Se mangeoyét les blez de tout le pays: * L™nr'mC
il fut aduifé qu'on enuoyeroit gens deuers, l'offîcial d'Authun , pour excommunier lcf-
dits rats:&: que fur cela ledit Officiai ayant ouy le plaintif du Procureur hTcal , ordonna
auant que procéder à l'excommunication qu'il falloit vne monition félon l'ordre de iu-
fticc,par laquelle lefdits rats feroyent citez à trois brief iours : a faute de côparoiftre,
procedé,&c. Les trois iours pafTez , le Promoteur fe prefenta contre lefdits rats : Se par
faute de côparoifîancc obtint defaut:en vertu duquel demandoit qu'il fuft procédé à 1'-
excommunicatiô. Surquoy fut cogneuiudicialemét, qu'aufdits rats abfensferoit prou-
ueu d'aduoeat pour ouir les dcfenfes,&:c.attédu qu'il eftoit queftion de la totale deftru-
ction Se extermination defdits rats, Le fieur d'Alenc fe feruant trefbien de ceci , dit au
Prefident,Monfieur,fouuenez-vousdu confeil que vous auezefcrit en chofe de néant;
lors qu'eftant aduoeat du Roy à Authun , vous défendîtes lefdits rats , Se remonftraftes
que le terme donné aufdits rats pour comparoiftre,eftoit trop bref. Se dauantage, qu'il
y auoit tant de chats aux villages, que lefdits rats auoyent iufte caufe d'abfence,&:c. par
plufieurs droits Se paffages par vous alléguez &traitez bien amplement en voftre dit li-.
urc fait à plaifir. Or s'il eft ainfî,Monfîcur , que par tel plaidoye d'vne matière de vaine
importanccjvous ayez acquis ce bruit d'auoir dextremétremonftré la manière par la-
quelle les iuges doyuent procéder en matière criminelle: Se maintenat ne voulez- vous
point prendre droit par voftre liurcmefme, qui vous condamnera manifeftement, fi
vous procédez plus auant en la deftru&ion de ces poures gens de Merindol ne valent-
ils pas bien qu'on leur garde autat de droicl: Se équité que vo" auez fait garder aux rats?
Par ces remonftrances ce Prcfidcnt fut fi fort efmcu , qu'incontinent il reuoqua la
commiilîon qui auoit efté donnee:&: fît retirer la gendarmerie qui approchoit défia de
Merindol enuiron d'vne lieue Se demie. dot lefdits de Merindol rendiret grâces àDieu: Comment
fe confolans les vns les autres,&: s'admonneftans enfemble de retenir toufîours la crain ruJdolfe'cô
te de Dieu, &fefubmcttrc à fa prouidence, en attendant patiemment l'efperance des foloyent,
bien-heureux,afTauoir là vraye vie &: les biens eternelsrfe propofâns pour miroir,noftre
Seigneur Iefus Chrift vray Fils de Dieu, lequel eft entré en fa gloire par tant de tribula-
tiôs. ^Le bruit de cefte entreprife &: exécution dudit Areft Se de la patience Se côftan-
ce defdits de Merindol,fut grand, Se eftimé de telle importance, qu'il ne fut pas caché
au roy François : lequel manda lettres au feigneur de Langeay, qui pour lors eftoit fon
lieutenant au pays de Piedmont, de s'enquérir diligemment Se au vray de tout ceft Guillaume
affaire. Surquoy ledit feigneur enuoya en Prouence deux perfonnages gens de bien, feufdcu'
aufquels il donna charge de luy apporter le double dudit Areft,&: de s'enquérir de tout geay,lieu-
ce qui s'en eftoit enfuyuy,& femblablemenç de la vie Se moeurs defdits de Merindol, Se P™r
autres perfecutez au pays de Prouence, PicdmoTt .
Rapport de Tcnquefte £utc par les commis cnuoyez par le feigneur de Langeay.Lieutenant pour le Roy en Piedmont.
/^>Es deux députez apportèrent le double dudit Areft au feigneur de Langeay, Se tout
^ce qui s'en eftoit enfuyui.&: luy contèrent les iniuftices, pUleries , &: concufîions dot
vfoyent iournellement les iuges tant Eccleftaftiques que feculiers, à l'encontre defdits.
LÏMt^lL j.vlerindol& Cabriercj.
de Merindol &C autres. Et quant à la vie & mœurs defdits perfecutcz, en fîrenc rapport j
que la plus part de ceux du pays de Prouence a/Fermoit que lefdits perfecutez eftoycnc
gens de grand trauail- &C que depuis cnuiron deux cens ans ils s'eftoyent retirez du pays
de Piedmont pour venir habiter en la Prouence : & auoycnt prins à tiltre d cmphïtcofc
& abergemenr, pluiîeurs hameaux defb • rs par guerrc,&: autres lieux deferts 6c en fri-
Bencdiaiôs che:&: que tant bien auoycnt trauaillc ç lieux qu'ils habitoyentjy auoit abondance
dépens té- de blcz,vin$,huilcs,miel,amandes>&g• dbeftail, dont tout le pays àTenuiron en c-
ceux'dc ftoit foulage, mcfme qu'auparauant qu'ils vinffcnt habiter audit pays,lc lieu de Meriu-
Mtnndol. dol amodié couftumierement pour cnuiron quatre efeus par an, eftoit venu a plus de
trois cens cinquâte elcus,d'amodiation annuelle au feigneur. Et qu'ainfï eftoit de I. or-
marin &£ plufieurs autres lieux de Prouence : lefquels efloyent deferts &: expofez à b rî
gandagcsauantqueles fufdits vinffent y habiter. Ilstrouuerent auflî par inforruatior
faite audit pays de Prouence,que lefdits de Merindol &: autres perfecutcz eftoyent gés
paifibles,aimez de tous leurs yoifins,gens de bonnes mœursrgardans leurs promclîcs &C
payans bien leurs dcttes,fans fe faire plaidoyer ne tracaflengës charirables,ne permet-
tans qu'aucun d'entr'eux euft neceflïté:aumofniers aux eftragers &c aux poures pafTans,
fclonleur pouuoir. Iceux-melmesdu pays de Prouence affermoyent au/fi, que ceux de
Merindol & autres perfecutcz efloyent cognus entre les autres du pays de Prouence,
pource qu'on ne les pouuoit induire à blalphemer ou nômer le diable,ny aucunement
jurer , fi n'eftoit en iugement , ou pa/î'ant quelques contrats. On les cognoiifoit,pour-
ce que quand en quelque compagnie on tenoit propos lafeifs, où blafphemes contre V
honneur de Dieu,ils fe departoyent incontinent de telle compagnie. Nous ne fauons
autre chofe cotre telles gens,fmon que (difoyent ceux de Prouence ) quand ils vont par
les marchez ou par les villes , on ne les voyoit gueresallcr au mouflier: &: s'ils y entrent
ils font leur prières fans regarder ne Saincl neSain&e. Et que par les chemïsils paffent
deuant les croix èc images fans faire aucune reuerence. ^"Les preflrcs ouys aufli en ce-
lle enquefte,atteftoyét qu'ils ne faifoyent dire aucune Meffe,ne Libéra wf, ne De profim-
du-.8>C qu'ils ne prenoyent point d'eau benite:& mefme (i on leu r en bailloit par les mai-
fons,qu'ils ne difoyent pas grand mercyr&voyoit^on bien qu'ils n'en fauoyér gré à ceux
qui leur en bailloyent:Qu'ils n alloycnt en pelerinage,gagner les pardons:Qjn'ils ne fai
foyent le ligne de la croix quand il tonnoit:mais feulement regardoyét au ciel, en fouf-
pirant:& aucuns s'agenouilloyent, &c prioyent fans fe ligner ne prédre eau benite.Qu'-
on ne leur voyoit faire aucune offrande, ne pour les viuans ne pour les morts. C Voila
ce qui fut rapporté audit feigneur de Langeay,de la vie &: mœurs de ceux de Merindol
&: autres perfecutcz : &c auffi de 1' Areft,&: de ce qui s'en cft cnfuyuy.
LETTRES patentes du roy François I. en forme de grâce à tous les acenfez ou condamnez de Merindol
& pays circonuoilin.
Leficur de T^E toutes ces chofes,ledit feigneur de Langeay , fuyuant la charge qui luy auoit cflc
^nfofmde baiHce , en aduertit le Roy François : lequel ayant tout entendu ,enuoya lettres de
royFran- gracc,non feulement pour les condamnez fur defaurs &: contumaces : mais aufîîpour
çois. tous autres du pays de Prouence, accufez&foufpeçonncZ de femblablcs cas; mandat
&c commandant expreflément audit Parlement, que dorefenauantils n'cuiTentcntcl
cas à procéder firigoureufement qu'ils auoyent fait par le paffé . dcfquelles lettres la
teneur s'enfuit:
FRANÇOIS par la grâce de Dieu roy de France,c5te de Prouence, Forcalquier
&: terres adiacentes,à nos aimez &: feaux,les gens tenans noflre cour de Parlement au-
dit pays de Prouence, feant à Aix,Salut& dile&ion. Comme nous ayons entédu qu'-
aucuns defuoyez du bon chemin de la foy &: religion Qircflienne , qu'on appelle Vau-
dois, fe foyent afl'emblcz en quelques endroits de nofdits pays de Prouence,où ils con-
tinuent en leurs erreurs par la fedu&ion d'aucuns malins efprits, à quoy foit bef'oin dô-
ner bône &c falutaire prouifion,afîn que ce venin ne procède plus auant:S avoir vous
faifons que nous, enclinans plus volontiers à mifericorde&: clémence qu'à rigueur de
iuflice,&: voulans pluflofl effayer par la voye de douceur & de remonflrances , de reti-
rer &: radreffer lefdits defuoyez j. la voye de falut, que par rigoureufes punitions les fai-
re tomber en defefpoir: Attendu mefmement la grande multitude de ceux que Ion dit
dire tombez en ces fautes &: erreurs,&: que Ion peut efperer que par la bonté de Dieu
noftre
/20
noftre créateur ils fc réduiront pluftoft à la voye de falut, que d'eftre hors do la Congre*
gation des bons Chreftiens &: fidèles, &c demeurer continuellement en la crainte de U
rigoureufe iuftice tant de Dieu que des hommes. Nous à ces caufes auons donné &£
donnôs par ces prefentes, grace,pardon &: remiflîon,enrant qu'à nous eft, aufdits Vau-
dois,&: les auons quittez &: quittons de toutes peines &: orrenfes,&: de toutes punitions
&C condanations qu'on leur pourroit faire tant en leurs perfonnes qu'en leur'- biens en
vertu des iugemens donnez ou à donner : Pourueu toutesfbis que dedans trois mois a-,
près l'infinuation de ces prefentes à eux dcuèment faites,ils le retournenr deuers Dieu
noftre createur,&: facent abiuration & renonciation folcnelle, &: telle qu'elle eft requis
fe à tous erreurs & fau/Tes do&rines efquelles ils font tombez parcy deuant. Dont ils fe
départiront cntierement:&: promettront viure catholiquement &: fîdelemét, ainfi qu'»
il eft requis &c necefTaire à tous, bons Chreftiens & catholiques , viuans félon la loy de
Dieu &c de l'eglife.Et à ceftcfin,&: pour entendre s'ils voudront vfer de noftre prefente
grâce &C mifericorde* voulons qu'ils puhTent venir ou enuoyer pardeuers vous, iufquea
a tel nombre de perfonnes que fera par vous aduifé & ordonné , en pleine feureté tant
pour aller,feiourner que retourner: fans ce que durant ledit temps il leur punTe eftre
donné aucun deftourbier ou empefehement en leurs perfonnes & biens , en quelque
manière que ce foit. Et où ils n'en voudroyent vfer, &: demeureroyent en leur obftina*
tion, vous en ferez faire telle punition que verrez au cas appartenir. Et de ce faire vous
auons donné &c donnons pouuoir,authorité , commiflien &: mandement efpecial , par
ces prefentes. Par lefquclles mandons &: commandons à tous nos iufticiers, officiers &C
fuiets,foyent gens de guerre ou autres,qu a vous, vos commis Se députez ils preftent &:
donnent toute l'aide, faueur Se aflîftence dont ils feront par vous &: vofdits députez re-
quis. Donné à Fontaine-bleau,le huitième iour de Feurier, l'an de grâce m.d.xl,^
de noftre règne le vingtfeptieme. Ainfi fignéjPar le Roy, conte de Prouence. Bayard.
CES lettres furent fupprimecs quelque temps, mais en fin on les lignifia à certains
prifonniers , qui eftoyent détenus aux prifons d'Aix : aufquels on demanda s'ils fe vou-
loyent aider defdites lettres, lefquelles leurferoyent communiquées en payât chacun
vn efeu fol pour la copie d'iceUes. Parce moyen les prifonniers furet eflargis en payant
lcsdefpens,&promectansdefeprefenteràlaCourtoutes fois qu'ils feroyent deman- ^
dez.Le greffier Se autres efperâs grand proufit defdites lettres,faifoyent leur conte qu - énorme du
il en faudroit expédier quatre ou cinq mille doubles,qui feroyent autant d efeus. Au Greffier de
contraire, lefdits de Merindol entendiret que le vouloir du Roy eftoit, que lefdites let-
tres fulTent publiées par toutes les villes Se villages de Prouence.Parquoy firent reque-
fte à ladite Cour de publier lefdites lettres,ainfi qu'il leur eftoit mandé:& en demandè-
rent vn double:remonftrans telle exa£rion,eftre contre l'intention du Roy , aifauoir de
Jes vouloir contraindre à payer chacun vn efcu,&:c. Sur quoy la Cour ordonna que lef-
dites lettres feroyent publies, &: que nul ne feroit contraint d'en prendre double : mais
que ceux qui en voudroyent,payeroyent cinq fols pour la copie : commandant de ren-
dre le furplus à ceux qui en auroyent payé dauantage, Ordonnant au furpîus^que tous
ceux tant hommes que femmes qu'enfans,de toutes les villes ou villages que ieroyent
foufpeçonncz d'eftre Luthcriens,eufTent àfe prefenter par deuers ladite Cour dedans
trois mois après la publication defdites lettres. A cefte caufe,autre requefte fut prefen
tee à ladite Cour,par les deuxfyndiquesde Merindol,contenant que ce feroit grad tra*
uailfc couft que tous les hommcs,fcmmes &: enfans de Merindol ,&: des villes Se villa-
ges de Prouence,fe nreientaffent en perfonne deuât ladite Cour:&: partant fupplioyét
qu'ils eufTent liberté de ce faire par procureur , excepté ceux contre lefquels le procu-
reur du Roy prendroit conclufion,& qui feroyent fpecialement demâdez pour refpon-
dre fur le contenu des charges Se informations contr'eux faites. Laquelle requefte leur
fut entièrement accordée, ^Huit ioursapres,François Chay Se Guillaume Armant>
çant en leur nom que comme procureurs des habitans de Merindol , faifans foy de leur
procuration, fe prefenterent deuant la Cour d'Aix pour fatisfaire au vouloir du Roy S4
au côtenu de fes lettres, requerans aux noms que deflus,qu'il plaife à ladite Cour auoir
efgard à leur caufe tant pitoyable,& leur faire droict félon le côtenu des lettres duRoy:
qui veut Se commande que félon tout droid Se raifon , on face premièrement apparoir
par bônes Se fuffifantes informations,tous les erreurs Se herefies defquelles on prétend
que Jcfdirsperfecutezfont chargez^ après» leur remonftrer parla parollç de Dieu.Eç
la Courd*
Air.
ainfi conuaincus, qu'ils abiurcnt, Sl qu'il foycnt réduits au troupeau de l'Eglife , Sic,
CLa Cour ordonna que cefte requcfte feroit communiquée aux ges du Roy, &: que lef-
dits Supplians comparoiftront à huitaine , pour entendre ce qu'il plaira à la Cour or-
donner. Le mefme iourleprefident Chafîané&: quelques Confcilliers , au ce les Gens
du Roy parlèrent à part aulditsSupp îansdeur remonftras quil n eftoit beibin faire in-
formation des erreurs qu'ils tienne ne: veu que chacun {ait bien qu'ils ne viuét pas félon
les ordonnances de l'cgliie, & qu'ils ne font non plus d'eftime du Pape que d'vn autre
homme. A quoy de la part defdits Supplians fut refpondu , que combien qu'ils fuiTcnt
LesfuppU- gens non lcttrez, toutesfois s'il plaifoit aufdits feigneurs Prefîdcnt&: Confeillicrs, ils
dlefpondre reipondroyent& rendroyent raifon de leur foy &: des articles iamis en auant &: propo-
de kur foy. fez par ledit iieur Prefîdent. A quoy fut refpôdu par ledit Prefîdent Se Conieillicrs , qu'-
ils n'auoyent charge de la Cour de ce faire, mais qu'il feroit bon & bien conuenable,
qu'à la huitaine cy deuant aflignee, ils bailla/Tent par eferit leur manière de viure , &c la
do&rine qu'on leur a enfeignee &: qu'ils euffent procuration de tous ceux deMcrindol,
pour fpecialemcnt déclarer qu'ils ont ainiivefcu. Et les Supplians firent refponfe qu'-
ils feroyent fauoir leur aduis &: délibération aufdits de Merindol. Lefdits procureurs
eftans de retour,firent entendre aufdits de Merindol tout ce qu'ils auoyent fait,&: l'ad-
uis Se délibération dudit prefident Cha/îané,&: autres: aufli leur montrèrent le double
iufques ici dc ja requcfte lignée du Grenier : dequoy lefdits de Merindol furent efbahis, d'autant
ourovéa qu'ils n'auoyent onques peu obtenir copies des procédures faites contr'eux, ne double
ceux de Me d'aucun atte, ne des requeftes par eux prefentees , ne des fentences ou Arefts donnez
rindoi d'à- contr'eux : mefmes y auoit defenfes faites à tous Greffiers , Notaires , Sergeans &: tous
des aa«.C autres officiers,de ne receuoir aucun a£te, ny oppofition , ne protcftation , ny expédier
double de leurs executions:tcllement que fur cela leur fut pourueu par lettres patétes
du Roy , mandant Se commâdant qu'il leur fuft baillé double de toutes les procédures
faites côntf'eux:afin(ii aucunes extorfions ou abus cftoyent commis par les fentéces Se
exécutions d'icclles)que lefdits Supplians en peufTcnt faire apparoir pour leur feruir en
temps Se lieu. Or lefdits Supplians ayans la copie defdites lettres fignee par le Greffier
de ladite Cour,auec mandement à tous Notaires Se autres officiers, d'exécuter tous a-
ttes, Sec. nonobftant lareft de ladite Cour de Parlement donné au contraire: lequel en
ceft endrbit eftoit rcuoqué,&c. CDont lefdits de Merindol enuoyerent quérir vn No-
taire au lieu de Malemort:auquel déclarèrent, que fuyuant l'aduis du Président &c Con
feilliersdelaCourdu parlement de Proucnce, ils vouloyent déclarer à ladite Cour li-
La doûri- brement,la dodrinc laquelle leur auoit efté enfeignee,comme de pere à fils,voire mef-
rîuïtT6 mc depuis ^an nulle deux ces apres la natiuité de noftre Seigneur Iefus Chrift: comme
Merindol toufiours ont entendu par leurs Anciens,^ Anceftres. Ledit notaire ayant veu les lct-
depuisen- trcs fa Roy, Se le mandement de ladite Cour attaché , ne fît difficulté de receuoir par
ai^0"400 acte publique en bonne forme, les articles &: la confefîîon de foy defdits de Merindol.
Laquelle par leurs procureurs fut prefentee à ladite Cour, auec requefte contenante
claufes en tel cas requifes &: neceflaires,&:c. Or apres ladite prcfentation,plufieurs ont
defiré plus ample déclaration de la foy defdits de Merindol . lefquels lachans cftre te-
nus d'en rendre raifon à tout homme qui leur en demâdera:cognoifTans aufli que leurs
Anciens en Bohême, eftans en péril demorr, auoyent iadis fait le mefme , enuoyansle
d "b dh'CS contenu ^e ^cur * Vladiflaus roy de Hongrie Se de Bohemc,qui les perfjcutoit l'an
periecuteT m.d.v 1 1 1 : A cefte caufe lefdits de Merindol enuoyerent plus amples articles au cardi-
par leur nal Sadolet, pour lors Euefque de Carpentras: auflî aux fyndiques d'Auignon, à l'euek
Roy' que de Cauaillô, Se à to9 ceux q en ont demadé raifon t£t en gênerai qu'en particulier.
Le roy François I, aufli voulut entendre quelle eftoit la doctrine que fuyuoyent lef«
dits de Merindol, &c autres perfecutez au pays de Prouence. Et deuant fa maiefté roya-
petrut ca- le, la confeflion de ceux de Merindol fut leué par fon Lecteur ordinaire , qui lors eftoic
ae^*du'C Caftellanus.Et apres auoir efté leuë de poind en poinct,le Roy(cômc efbahi)demanda
royFrâjois en quel endroit on trouuoit faute,ou chofé à redire en ladite confeflion de foy. Et nul
n'ofaouurir la bouche pour y contredire. ^Orici nous auons inféré la fupplication Se
confeflion de foy defdits de Merindol , pref entee à la cour du Parlement de Prouence:
Quant à l'autre confeflion plus ample des articles, qui furét enuoyees tant au cardinal
Sadolet,qu a l'euefque de Cauaillon,&: aux autres q s'en font voulu enquerir,&: ont de-
madé pi" ample declaratio,no9 l'auôs inférée en l'hiftoire imprimée à part,l a m.d.lvi.
JSVP-
*fflerindol& ÇabriercJ* 121
^SVPPLIENT humble ment André Maynard , Martin Maynard , Pcyron Roy, 8c
généralement tous habitans de Merindol,tant hommes , femmes, filles que petis cn-
fans déclarez & nommez en certain areft donne contr eux le mois& icur contenu au-
dit Areft m.d.x l. & autres de ce pays de Prouence, pour lesquels le Roy noftrcSirc a
donnc&enuo\ e lettres patentes de pardon 3c remiffion. Treshonnorcz Seigneurs,
les grandes fafclicrics, trauaux, pertes & tormens, tant a nos biens, noftre hôneur qua
nos perfbnncs, qu'auons enduré &:ioulierc depuis l'an m. d. xxx i,iuiqucscn laprc-
fente année m.d.x l i, pour les faux rapports Ôcaccufations qu'on a fait alencontredc MDXLI<
nous,nousincitent,& par neeelîire contraignent derechefvousiupplier,combien que
par plullcurs fois auons efte efconduis,qucvoftre bon plaifir ioit pour l'honneur de
Dieu benjgnemcnt efeouter noftre humble ôc Chreftiennc requelle , aucc ccrtainSc
véritable aducrtilTemcntque nous vous ferons en faine confciencc , prenant Dieu qui
\ oidôc cognoit toutes chofes, en tefmoin, a celle fin que dorenauant vous nous main-
teniez en droictôc équité, comme ceux qui doyuct adminiftrer milice tat à pouresqu'à
riches fans faueur. ^Première m e n t , pourtant que toutes les molcftcs «Se perlc-
cutionsqu on a fait alencontre de nous, viennent à caufe de la religion : Nous confér-
ions deuant Dieu &i deuant vous ôc tous princes Chreftiens , en quelle U y &c doctrine
nous fommcs&c voulons viure. Et premièrement • En la lentencccc opinion de la
religion &: eglife Chreftiennc nous nous accordons totalement. Car par la règle feule
de noftre fov , nous auon> le vieil £c nouucau Teftament , Se nous accordons à la cène- £3r,a,"ac
raie confeilion de foy aucc tous les articles qui font côtenus au Symbole des Apoltres.
N o v s neibmmes point cnucloppez,nc voudnôs cftrc,d'auciïs erreurs ou hercïiescô-
damnees parPanciénc eglife, &c tenos tous les enfeignemes qui ont elle approuucz par
lavrayefoy. No v s nous rtputons eftre corrompus 8e perdus par Iepeché originel, P|<l^'ori"
8c que de nous-melmc < nous ne pouuons faire aucune choie que peché. A quoy nous 8
vous dii'ons ÔC conreilbns, que le premier ôc principalfondemcnt de tout bien en l'ho-
me eft régénération d'efprit, laquelle Dieu paria honte Se grâce baille à fes efleus. Et à
caufe que tous les hommes de leur nature font totalement pécheurs, nous les eftimons
eftre en damnation 5e ire de Dieu , linon ceux que par fa mifericorde a referue. Or la
manière de la deliurance eft tellc:Il faut receuoir le fus Chrift en la façon qu'il nous eft
prcfché en l'Euangilc: c'eft à dire qu'il eft noftre rédemption , initiée £c fanctification.
Parquoy nous croyons que par la ieulefoy œuurante par e harité,nous lommes iuftifiez:
nousdeffians de nos propres cru tire s, nous rendansdu tout à la milice de Chrift. D e
la régénération, nous tenons que l'homme de fa natiuité eft aucugled 'intelligcnce,de~ ^at(r^cnc
praueen volonté. Et afin qu'il puiïfcauoir vraye &£ falutaire cognoiffance de Dieu 8e
de fon Fils Iei'us Chrift , il eft illuminé du S. Efprit : 6c après eft fanâjfic en bonnes ocu-
ures, afin que luy ayant la Loy de Dieu efente dedans fon coeur, il renonce à tous defirs
charnels. à caule dequoy remiffion de peché nous eft toujours neccifaire ,fans laquel-
le nul ne peut auoir Dieu propice. A v nom feul de leurs Lhnfî ,feul Mediateur,nous ç^*1" Ur
inuoquons Dieu le Petc-.Sc n'vlons d'autres orailons que de celle qui font en l'Eicriture
fain&c, ou à icellcs concordantes en fentenec. No v s ne retenons aucunes doétri- Dodrinc-
nes humaines contreuenantes à la parclle de Dieu, comme fatisfa&ion de péchez par tumainiS«
nosceuures: lesconftitutions commandées fans icelle parolle deDieu:auec vnemau
uaiie opinion d'obligation 8c mérite: Se tontes couftumes fuperftiriculcs , comme
adoration d'images , pèlerinages , Se telles chofes femblablcs. ^Novs auons
les Sacremens en honneur, Se croyons qu'ils font tefmoignagcs 6c lignes par Icfqucls
la grâc e de Dieu eft confermee Se affeuree en nos confeiences : à caufe dequoy nous n"m*CTC~
croyons que le Baprc (me eft ligne par lequel la purgation qu'obtenôs par le fangde Ic-
fus Chrift, eft en nous corroborée en telle façon, que c'eft le vray lauement de régéné-
ration Se renouation. L a Cenc du Seigneur Icius,eft le fignefous lequel la vraye cô-
xnunion du corps Se du fang de lefus Chrift nous eft baillée. T o v c h a n t du Magi- Du M
ftrat, corne des Princes Se Seigneurs Se toutes gens de iufticc, nous les tenons eftre or- ftrac.
donnez de Dieu, 8c voulons obeu -à leurs loixSe conftitutions qui concernent les biens
Se corps.-aufquels loyaument voulons payer tributs 6c impolis, du mes , cenfes Se toutes
chofes qui leur appartiendra : en leur portant honneur ôc obeiilance en toutes choies
qui ne font contre Dieu.
x.
L/«ro //. nfflerindol & Cabriertj*
Rcmoiiian TRES honnorcz Seigneurs , nous vous au on s touche fidèlement en Comme la foy
conoubks & doctrine laquelle noustcnons,qui n a autre fondemet que la (stinerc parollcdc Dieu,
qui eft ! \ leulc rciglcdc toutes vrayes confcienccs Chreftii «mes. C"e ncantmoinsauôs
efte inhumainement affligez en tous moyens,cc qui nous ftniblecftrc bu n afprc entre
les hommes qui Le nomme ne t ihreftiens.
(fcRo pR . m i e r e • t n i vous lauezquetrerclean de Romajacopin & Inquifiteur, vint
" a. * k'' en Proucncc. lèquc 1 difanc aueiirautheirité&puiflancc&du Roy & de vous, fit ta t par
la cricrieSi faux donner .1 entendre , qu'il eut gios fupport&aidc . &: rcficmblant vn
Capitaine,mcnoitiksgarncmens portans armcs,&: alloit par les maifons&vilJagcs,cù
ilsrompoyent coffres, emportoyent or &: argent & toutes autres choies qu'ils pou-
uovent rauinEref de Roma pilla tcllcmet les poures Chrcfticns de Prouence , tant pai
amendes, condamnations, comportions lecretes tant luy& les (icns,quc pîuficurscn-
cores auienird'huy en font en grande mifcre& pouretcul eftoit Inquiiitcur,accufateur,
iuge £c partie-.cn telle forte que plulieurs (ainfî qu'il auoit forge a (on plaiiîrlcs procez)
ont cite brûliez : aucuns bannis, aucuns morts en priibn, aucuns par tormens mutiliez.
Amiîkz Mais Dieu qui defcouurelamefchanceté desmefehans , le fît cognoiftre tel qu'il cftent
mifGiircdû pa^uant vos excellences par le moyen d'vn Commiflaire enuovc Je par 1er Roy. lit
Roy. hit demis dcMbn orh.ee, &: toutes ces procédures anullecs ,6c ce qui s'en (croit cnfuvui:
mourut miferablemêtà Auignon, cieftituc de tout aide humain par le iufte ingéniée
de Dieu. A l'exemple d'iccluy les officiaux& autres Inquilireurs, fermiers des béné-
fices, autre s officiers des Eucfques n'ont ceffe depuis ce tcmps-la de nous tormenter
& pillerfous ombre Je titre de s'enquérir tic la foy:cc qu'ils n'ont pas fur. mais fc ulcmëc
de noftre argent & nos biens, nousdi/Hîmans pour coulourer les grandes pilleiiesôC
tortures qu'ils ont c x< rt e (ur nous, nous notans cilre Vaudois &: i.uthericns,cc que ne
fommes : car nous ne t< nous rien de Vvaldo ne de Luther, nede la doctrine cuii procè-
de d'eux : nous content ins de celle feule qui cil de Iefus Cluift noftre Sauucur. ^ O r
Du u a voulu que lacognoi/?ancc& iugement de l'inquifition de la fo\ ne foit plus en
i.i puiifance des Ecclciiaftiqucs, a.nfi que le Roy c n a baille lettres . nais que telle écail-
les fiuTc nt miles pardeuant vos c xccllcnct «. Pat le quel mcyt n nous allions grande cf.
per.mee cjuc noftre innocence & bon droit ferait t. egru èc entédu. Mais ace que nous
voyôs,i\c fanons plus à qui recourir, linonnous fubmettre totalcmét fous la prot< ttion
c\; fume-garde de Dieu-, cà; prier qu'il pi c une i.i caufe a lu\ : ce que nous cfpcrons qu'il
tera. * No v s fommes notez d'eftre fcditïeux,ceqîienous ne femmes point :5c ne
Pcicttftoit nous pouuôs alïez efmei ucillcrquc monlïeur le ( chancelier de Fracc>& vous meffic urs
cJ^celw nut,/ refufe nous bailles C 'ommiif.mcs a nos defp< ns,qui vinrent prendre information
fui le lieu, tant de noftre a ic&: mœurs,quc de noftre foy: à celle fin que tu liiez aduertis
St bien informez à la \ en te. & io) e/ ce ; t. en s qu <. ufltcz trouuc e]ue nous lommes Chrc
("tiens & fidèle s,&T qu'il n'y a rien en ce mode que tant nous baillions que fedition. Mais
facilement e)n nous peut mettre lus tous taux crimes r.ït d hcrtlit que de (édition. Car
il n'y a li mefc liant ou mefehantequine ioit receu en t< fmoignage conri c nous, voire
nos propres ennemis attendu m cime qu'il n'eftoie loifihlcà procureur ny aduoeat ny
a autre,no pas à nous-mcfmcs propres, de défendre noftre eau le par la parolle deDieu.
* On nous accufeauîlî q nous fommes dcfobcifTans à la iufticc, pourautât éj ne voulôs
côparoiftrc pcrfoniacllctiicntquâd Ibmmesadiournez. Certes nous voudrions obeir à.
la iultice,quâd on nous garderait tel droit qu'on fait aux Turcs à Venile,ou aux lu ifs en
Auignon, eui a brigans& larrons aulquels eft permis de le défendre par voye de droict:
mais a ne)9 tout eft fcrmc,pcrfonne n'oie parler pour nous , line") qu'il vueille cftrc nom-
me fauteur d'hcrefie:mais vn chacun eft le bien venu qui parle cotre no9, quelque mcf-
1 e< tormes chat qu'il foit.l A ucus d'entre no9 ont côparu,lefquels font demeurez en pri fondes au-
< 1 iVoparu très ont efte brûliez, & les autres ont efte marejucz au frÔtdvne fleur de lys ardante: les
* aix. autres banis, Se t ôfifqucz tous leurs biens, fans en vouloir départir aux pourcs ternes &:
enfuis vue leulc maille. Toutes ces choies côfidcrces, auôseltc tellemet elpouuâtczq
ne fommes oie / côparoiftrc par deuât vous,ve>yât le traite met qu'en a fait aux autres.
V O V S laiicz , treshonnorez feigneurs , que quand monlieur le Prcfidcnt&: ceux
qui ont cité cnuovcz de voftrc part, font venus en nos maifbns de villages , ils n'ont
point eu ne rébellion ne répugnance. Il eftvrayque vovans qu'on mcnoitdcs gen-
darmes , vn Prenoft , vn bourreau , 2>c des cordes , imus auons cité effrayez , &:
a ban-
*Merindol& Cahiers. . 122
abandonnâmes les maifons, nous rctirans aux bois, cauernes Proches, pour laurier
nos poures vics:là où auons endure plulicurs nccc/fitcz.&nous femblc bien cftrangc
qu'on nous appelé feditieux à celle caufe. Car nous voyons qu'il n'y a fi petite befte qui
ne cerche lieu pour fc fauucrdc liant celuy qui luy veut faire mal. ^Nov s auonslaif-
fe prendre a tous ceux qui fc font dits enuoyez de voftrc part, blcz,vins, niefnages be-
ftail,&:tout ce qu'ils ont voulu, fans reiiftencc: tellement qu'il iembloit que ce tuft vn
pays de conquefte Se baille en proye. C Quant à ce qu'on nous veut impoicr d'eitre le-
ditieux, à caufe d'aucun beftail qui fu tollé des mains d'vnnoramé Pacquot,qiul auoit ncp2q"«
raui(ainfi qu auons ; entendu) à certain perfonnage, en ce on nous fait tort: car le beftail hômefen-.
n cftoitpas à nousrcombicn quelî ledit beftail cuilcfté noftre, quand nous lauriôs re- fl'S'ur.
coux, nous n'euiïîons fait dommage, & ne penferions auoirorreni'c perfonne: attendu
que ledit Pacquot eft homme vagabond, malfamé Se di/îipatcurde biës , Se qui n 'auoit
aucune commiflïon de ce Élire. Pareixiement on nous charge d'auoirofté des
pnfonniers aux officiers de la Cour, Ce que n'auons faict, , & c'eft a caufe qu'auprès de
la Cofte, ainti qu'aucunes gens portans armes tant à pied qu'à chenal, auoycnt prins
des prifonniers par maifons Se par chaps, entre lclqucls emmenovet pnlbnniercs deux
îeuncs filles : ce que voyans leurs païens ,ainfi qu'on nous a dit: craignans que deshon-
neur ne fc tilt à lcurfdites tilles , comme autre-fois à cité fait par telle manière de gens,
Vindrent au deuât de ceux quilcs emmenoyent, leiqucls les en laiifleret aller ("ans coup
f rappcr,& auant qu'ils en mîfcnt requis. Il n'y a pcrlonne qui de noftre l'eu ou conten-
tement ait entreprins ne fait chofe contre le Roy noftre iouuerain Prince , n 'autre les
officiers. Mais fommcs& voulons eftre trefloyaux Se obciilàns fuicts au Roy noftre Si-
re. Se quand fa royale maicite nous voudroit benignement bailler audience , il cognoi-
ftroit , que quelque poures que foyons,quç fommes C hreftiens , &: obeiftans fuicts a fa
loyale maiefté:& efperons que noftre Seigneur donnera à cognoiftre noftre innocence
par les grans torts qu'on nous a fait îufqu'à preient. Tov chant à ce qu'on nous
charge que nous nous fommes retirez aux fortesvilles &: chaftcaux,no9 c n ptenôsDieu
à telmoin, Se tous ceux du pays : qui fauent que ne nous fommes rerirez ny en villes ny
en chafteaux , inclines n'oiions pas demeurer dedâs nos maifons. mais corne poures oi-
fclets qui fuyent deuât l'efpreuier,nous fommes retirez au mieux qu'auons peu, das les
bois,caucrnes&: rochers, pour dôner lieu à l'ire des hommes: craignas la fureur du peu-
ple, qui eftoit tellement enriambee contre nous, qu il Iembloit qu'ils nousdeuftent du
tout abyfmcncc qu'ils euflent tait fans la grâce de Dieu, lo9 la protedio duquel nous e-
ftions humblement fournis. Et par cela,honnorez Seigncurs,nc dcuons eftre nommez
fediticux , voyant que n'auons fait autre choie linon fuir . Se penfons qu'il o y a Prince
ne Seigneur, n aucunes gens qui lovent de bon ingénient , qu'en ce îuftemcnt nous
puillcnt blalina : veu qu'on a fait mourirplufîeurs des noftres, tant en prifon que par
feu : &: qu'on en a banni pluiicurs auec confiication de tour leur bicn,&7 qu'Areft a cite
donne , de nous bruiler tous vifs , nusfemmes Se en fan s bannis fans qu'ils puiilent em-
porter aueuns biens meubles : que noftre village tuft raie iniques au fond,& que le lieu
fuft rendu inhabitable. Toutes lcfquelles choies ailemblces , nous ont tellement cl-
pouantcz& effrayez, auec les fouffranecs qu'auons endurées , que ç'cft merueille que
de peur ne foyons morts . mais Dieu qui eft le Perc des defolez>nous a confolez:& nous
femblc, par la fuitte qu'auons taire fans porter dommage àaucùn , cftans preifezen la
manière fuldite, que perfônc ne nous peut en infte caufe ac euier dcfcditiô.^Qv a n t
à ce qu'on nous a chargez, qu'il y a entre- nous gendarmes Laniquenets Se Piedmon- LciVf--
tois,ainli qu'on nous a recité, nous ne limons que cela cft & n'y a homme qui puiffedi- ^cz ik7"
rcen vérité qu homme de guerre , ne Picdmontois ne Lanfquenets ,foitver.u à nous. nirgensJc
Mais ceux qui ont informé le Rov noftre Sire &:vos magniiiecces, de telles faui!crcz&: £uerrt'
menfonges,tafchent parce moyen nous faire ruiner. Certes, tieshonnorez Seigneurs,
on peut bien dire tout ce qu'on veut alencotrc de nous : car nous n auôsaccez ne moye
de no9 purger ne deuat le Roy noftre Sire,ne deuât vos magniflccccs,à caufe qu'il n'y a
perfonne qui ofe parler pour no9,car il n'eft queftiô de plaider auec nous tinô par le cou
fteau Se le feu. Mais no9 auôs noftre totale tiace à noftre bô Dieu,q void nos arBidios Se ,
les iniurcs qu o no9 fait,qu'ilno9fufcitera quelque bône roine Hcftcrjaquellc déclare-
ra au Roy noftre innoccce:&: q les traiftres Se faux tefmoins q ainfi pourchaHent noftre
ruinc,tôbcront à la foife qu'il no9ontpparec.amli qu'il aduïç autraiftre Ama,q. vouloit ls0C" cec<
ifflerindol & Cabrier<u-
taire mourir.cn vniour tour le peuple de Dieu.: lequel fut pendu auec les liens ail haut
giber qu'il auoit préparé au bon Mardochee. ^Véritablement tous d'vn ac-
corda vnion defireriôs que ccsprelcnres vousfulfcnr prefentecs: nonfculemct à vous*
mais au Roy noftre Sire : mais il n'y a eu homme d'entre nous qui les ait oie prefenter,
craignant d'eilrc pris &: brullc.& ne doutons que li nous eu/fions moyen de les vous rai
re prefenter, Se qu'il vous cull pieu benignement les lire &: entendre, quelïncus de pi-
tic humaine Se chanté Chrcftiennc, vous eufTicz fait vous-meimes la remonftrancc au
Rov noftre fouuerain Prince , de nous remettre en liberté , auec derenfes à tous d'ain/i
plus ne nous molefter. Et par ce moyen nous euiîîons peu labourer &: cultiuer la terre
(laquelle demeure vuide ) pour nourrir nos pouresfemmes&: enfans,qui font en grade
dilette&: fouffrance. Ce que nous auons clperance de faire le remps aduenir , attendu
le vouloir duRoy noftre Sircdequel a enuoyé(felon qu'auons enrendukerraines lettres
patentes de pardon &: remilïion :& par iccllcsdcclaréqu'il veurque foyons rraitcza-
miablement par douces parollcs &: bonnes remonftrances , s'il vous appert par noftre
refponfe qu'en quelque poinct lovons errans. Et pource que par lefditcs lettres vous
eft mande, que vous ayez à faire Se accom plir le rout félon leur forme &: teneur , fans y
faire aucune difficulté, le pluftoft,en la meilleure diligence que faire le pourra. C 12
conlideré, plaifeàvos bénignes grâces faire exprès commandement à toutes gens de
quelle qualité qu'ils foyent, de ne nous plus molcfter,tant en nos perfonnes que biens,
attendu que voulons viure félon la foy de Dieu Se de l'Eglife. Ce que le Roy noftre Sire
délire feulement de nous : Vous fuppliant qu'il vous plaife auoir clgard à noftre poure-
té: au moyen de laquelle n'auons puiïfance de pourfuyure parriculierement , pour
obtenir de vous lcfruitr. dcfdires lertres . Car nous auons eftéaduertis que délia au-
cuns fe fonr prefenrez, qui onr fait grans frais Se dcfpcns. Se aucuns autres qui font de-
tenus aux priions , par feintes parolles on leur a fait de/pendre plus de quinze efeus par
homme,fansceque cela leur ait encoresrien proufité. Parquoy pouuons dire que les
lettres reuiennent plus au proufit des aduoears, procureurs, greffiers Vautres gens, que
non point de ceux pour lefquels elles font données. Aquoylilon vouloir continuer,
nous tafeherons par tous moyens que le Roy &: vous Se tous bons Chrefticns feront ad-
uertis de noftre arraire,afin qu'ils prient Dieu qu'il nous doint bonne patience , Se aux
pourcs prifonniers,qui n'ont mangé que du pain Se beu de l'eau , &: ne demeurent que
pour les deipens. A ce prierons treshumblcment le Perede mifericorde,qu'ilfacc que
la venté Ibit cogncuc,& qu'il change le cœur de nos cnnemis,&: nous vueille tous vnir
envnefoy,cnvneloy,&:envnBaptefmc:&:àrecognoiftre &: confellcr vn Dieu &:vn
Sauueur Icfus Chnft, auquel foir honneur Se gloire éternellement. De Mcrindol le
lîxieme d'Auril, m. d. xli. En tcfmoindece, nous auons mis le feel accouftumé de
faire à noftre village de Mermdol , en ptefence d'Antoine Michel , du heu de Chorgcs
del'euefché d'Àmbrun,&: André du bois,du lieu de Colmars.
Forme approchante du cachet ou (eel eftant au pied
de ladite requefte en cire ronge.
APPOSTILEdela Cour.fur ladite requefte.
Soit monftré au procureur gênerai du Roy. Fait à Aix en Parlement j le fepticme
iour d'Auril, m.d.x li. BoiJJoni.
Refponfe des gens du Roy.
Re q_v e r o m s que la Cour commette deux de meilleurs les Confeillers d'icclle,
pardeuant lefquels les fupplians foyent tenus de dire Se déclarer s'ils fe veulent aider
de certaines lettres patentes du Roy,en forme de grace,remiffion ôtpardon, données &:
ortroyees par ledit feigneur aux Vauldois de ce pays de Prouence,pour(cc fait Se ouyes
leurs déclarations) élire procédé ainli qu'il appartiendra par raifon. Et cependant que
l'original de ladite requefte demeure pardeuers le Greffe de ladite Cour , Se copie col-
lationnec à l'original dicellc, foit baillée aufdits fupplians. Délibéré ce feptieme d'A-
uril, m.d.xli. Signé Garfonnct^àuocâX du Roy,& Pyolcnc^ procureur du Roy.
Autre ordonnance faite par la Cour.au pied des conclurions des gens du Roy.
L A Cour permer aux Supplias de pouuoir venir,feiourner& retourner en cefte vil-
le d' Aix, iufques au nombre de dix, aux fins de déclarer s'ils veulent&: entédent s'aider
Se vier des lettres de gracc,remiiïîon Se pardon fur ce ottroyees par le Roy,les mettat à
ces
t^terindû/Çf Qabrierz_j. 123
ces tins en pleine feurtc.auec inhibition à tous qu'il appartiendra, de ne leur dôner au-
cun deftourbier ou cmpei'chemcnt en leurs permîmes ou biens en manière que ce foir,
félon la forme 6c teneur defdites lettres, delquelles ordonne eftre baillée copie au mei-
fager qui a prcfcntc ladite requefte, enrcmblclc double d'ïcellc requefte deuémet col
lationncc à l'original par le GretHer. ledit original demeurant au greffe, pour ladite dé-
claration taire, eftre procède comme de raifon. Fait au Parlement de Proucncc feant
à Aix, le huitième icurd'Aunl, Tan m. d. xn. BoiffonL
Extraict à l'original retenu au greffe criminel de la Cour , &: collationé par ordon-
nance d'iccllc. Expédié à laques Bartholmi du lieu de la Colle , meffagier ayant ap-
porté &: prelenté à ladite Cour l'original de ladite requefte, foy difant ace cxprclie-
mentenuoyé par André Maynard baille Martin Maynard lyndiquede la ville
de Merindol, le 8.d'Auril: m.d . x i. i . Boijfonr.
A efté donnée & prefentee ladite requefte à la cour du Parlement de Proucnce, co-
rne appert au dciTus:&: à icelle relpondu, comme auflî tcftifîons, André Maynard baille
dudit Merindol, Martin Maynard lyndique, Pcyron Roy. Et en ligne de vérité ont mis
le cachet dudit lieu au pied des prefentesen cire rouge, prefens M. François Eminde
Manoafco,& M.Antoine Gaudinmarefchal du chafteaudeRoflillon.
Ce s t e ConfclTion&: defrenlceftantprelcntee à la Cour du Parlcmentde Proucn-
cc, depuis ils la déclarèrent par articles plus amplemét à l'Eucfque de Cauaillon , ainfi
qu'il auoit demandé . &: après au cardinal Sadolct, euefque de Carpcntras,auec vne re- SaJoict car
quelle attachccxontcnant que les habitans de Cabriere , au conté de Veniiîe , le fup- Jéfqlif dê
plioyent humblement qu'il luy plcuftreceuoir& lire la doctrine qui leur auoit cfté en- Carr-êtras.
ieignccdcpercenfils.-laquclleilscftimoycntcftrc fondée en la doctrine contenue au
vicil&: nouueauTeftament.Etpource que leditCardinal cftoit renommé d'auoirgiad
fauoir és fain&es Efcritures , &: qu'il s'adonnoit à la lecture d'icelles , lefdits de Cabrie-
re le fuppliercnt qu'il luy pleuft marquer les articles & proportions qu'il cftimeroitc-
ftre contre la fain&e do&nne de Dieu.&: où il leur feroit apparoir qu'il y euft choie con
traire à icelle:que non feulement ils fe fubmettroyent à abiuration , mais à telle peine
qu'on les voudroit condamner, tant en punition de corps que d'amendes pécuniaires,
lufqu'a la priuation de leurs biens meubles Se immeubles. Scmblablcment, que s'il y a-
uoit iugeaucontéde Vcnille, qui pculle faire apparoir par bonnes informations qu'ils
ayent tenu autre dodtrine fcandaleufe , ou autre religion que tout ainfi qu'ils ont pro-
pofé par les articles de leur Confellîon : qu'il plaifcaulîi leur communiquer ,oifrans o-
beir à tout ce qui fera iufte Se railonnable.
Sur ladite requefte ledit cardinal Sadolct refpondit par lettre eferite par fon Secrétai-
re, lignée de la main , &c fecllee de fon feau , comme pluiîeurs qui font encores viuans,
l'ont tenue & leuc . dont lelommaire du contenu eftoit: Fa y veu voftre requefte,&:
ay leu les articles de voftrc ConfelTion. Ilyabcaucoup de matière :&: n'ay pas enten-
du que foyez aceufez d'autre doctrine, que de celle mefme que vous côfeflcz. Il eft vray Teçmoi
qu'aucuns ont fait bruit, &: vous impofentehofes qui cftoyent grandement àrepren- gnagede
dre.mais quand on en a fait diligente inquilïtion,on a trouué que c cftoit toute calom- SjJo1"'
nie &£ faux rapport. Au rcfte,dc vos articles , il me femble y auoir quelques mots qu'on
pourroit bien changer fans prciudice de voftre Confeffion.&: femblablcmét il me fem-
ble qu'il n'eftoit pas befoin de parler li manifeftement contre lesPafteurs de l'Eglifc.
Q\iant à moy , ie délire voftre bien : &c icray marry Ci on vous deftruit, comme Ion a en-
trepris. Et afin que vous entendiez mieux l'amitié que ievous porte, ie me trouucray
vntcliouren ma maifon prés de Cabriere, & là vous pourrez venir &: vous en retour-
ner feurcment en petit ou grad nombre, fans que nul vous face delplai/ïr.&làvousad-
uertiray de ce qui me femblcra eftre à voftre falut&: proufît.
r'N ce temps -la, qui cftoit l'an m. d. x l i i , le vice légat d'Auignon fit alTembler grade M'DXLHj
gendarmerie, pourallerdeftruirc Cabriere à la pourfuittede l'euefque de Cauail-
lon. Et l'armée cftant à vne lieue près du lieu de Cabriere, le cardinal Sadolct alla en ^™îx L
diligence vers le Vicc-legat ,& luy communiquai! bien la requefte defdits de Cabrie- déporte de
re auec les articles de leur Conreflion de foy,& les offres qu'ils failjpycnt: qu a fa faueur mole(krce
il fit retirer ladite armée . & pour lors ceux de Cabriere n'eurent aucun dommage. pic""
^Depuis le cardinal Sadolct alla à Rome, &deuant que partir enuoya quérir plu-
iîeurs de ceux de Cabriere , àc auflî pluiîeurs de fes fermiers qu'il auoit de ce peuple : &C
x.iii.
Lùirc^IL Merindol & C 'abner *o.
ne vouloir autres grangers que de ceux-la en toute Ta fcigncurie,à caufe de leur loyau-
Promcflcs ctf. Or il leur dit qu'il auroit fouuenance d'eux >&: que tatoit qu'il fcroit à Rome, il com-
woaêM* muniqueroit leurs articles & Conte/lion aux Cardinaux : S>C clpcroit qu'il y auroit quel-
sadolct. que moyen pour dreffer en vn Concile vne bonne rcformatioiîjdont le Seigneur Dieu
leroit glorifié, 6c la Chreftienté en bonne paix. &c qu'il ne doutoit point que les abus, à
tout le moins les plus lourds, ne fuifent corrigez. Ccpcndat îlles aduertinbit qu'ils fui-
lent prudens ,ôt qu'ils auroyent bien befoin de veiller &c de prier, car ils auoyent beau -
coup d'ennemis. ^Lefdits de Cabricre furent coniblez,&: efperoycnt qua la pour-
fuitte du cardinal Sadolet ils auroyent refpcnfe dclcur Confeffion. toutesfois àfon re-
tour ils entendirent qu'il n'y auoitefpoir de ce cofte-iade rtformation-.mais plullou d-
vn appareil de guerre contre tous ceux qui ne voudroyenc viure félon les ordonnances
de leglile Romaine. Neantmoins qu'il cognoillbit bien que les abus ne pouuoyét plus
gueres durer,attendu le grad nombre de gens de toutes nations quiauoyctla cognoil -
lance de la fainde doctrine. Et autant en difoit le threforicr de Carp.entrasdequelcom
bien qu'il fournift l'argent pour foudeyer les loldats qu'on leuoit pour faire ladcftru-.
di<>ndeCabnere:toutefoisillcuraidoitdeccqu'ilpouuoit. Mais il ne peut faire ces
choies Ji ieercttement, qu'il ne vinft auxaurcillesdu vicc-lcgatd'Auignon , dont il fut
contraint de fc retirer en diligcce. ^Cependant l'cucfque d'Aix &: de Cauaillon pour-
fuyuoyent l'exécution de l'Arelt fufdit:tcllcmcnt qu'il tut ordonné parla cour du Par-
lement de Proucnce>que fuyuantlcs patentes du Roy > M.Iean Durandi conlciller de
Ccmifnire ja Coui ,auec vn Secrétaire: &c lcuefque de Cauaillon aucc vn dc&eur en Théologie fe
Wcrindd. tranlporteroyent fur le lieu,&: rcmonitreroycnt &: feroyent abiurer aux habitas de Me-
rindolles erreurs & herefies contenues en leur Confellïon de foy , ou autres defquels
leur confiera par bonnes informations. Et où lefdits de Merindol , eftans conuaincus
parlaparolledc Dieu ,d'auoirluyui &vcfcuen erreurs &: hereiies , ne voudront faire
abiuratio,que lors de tout ce qui auoit efte fait,cn feroit fait piocez verbal, pour y pro-.
céder comme par la Courferoit aduife.
^ Apres ladite ordonnance, l'euelque de Cauaillon ne peut attendre de procéder
L'cucfi). ùc en cc\\c matière auterme ordonne par ladite Cour : mais luy-mefmc auec vn dodeur
s innae de en Théologie vint au lieu de Merirfdol , pour leur faire faire abiuration. A quoy de la
faire abiti- part de ceux de Merindol luy fut remonitré qu'il entreprenoit contre l'authorité de la
Weruidol0 Cour fouueraine, Se contre lacommimon qui en auoit elle décernée. Nonobltant ce-
la, il preiladeplus en plus lefdits de Merindol dabiurcr,&: qu'en ce faifantil lcsgardc-
roit fous fes ailes (vfant de ces mots'comme la gelinc fait les poullcts: &: que plus ils ne
feroyent pillez &C tourmentez. Sur ce, de la part de ceux de Merindol hit rcfpondu qu'-
il luy plcuft faire apparoir en quoy il vouloit qu'ils fiffent abiuration. L'Euefque ref-
pondit qu'il n'eftoit befoin de rcmonltrance ne difputc par la parolle deDieu-.mais feu-
lement d'vne générale abiuration de tous erreurs .&c que par cela ne leur en pourroit
venir aucun dommage , tk. que luy-mefmc ne reroit difficuLe de faire telle abiuration.
Lefdits de Merindol luy rirent refponfe , qu'ils ne voulovent rien faire contre l'Arelt ÔC
ordonnance de la-Cour, ne contre la prouifion qui leur auoit cité faite par le Roy : afin
qu'eftas remonftrcz par la parolle de Dieu, ils puiifcnt fatisfaire au contenu des lettres'
du Roy. < L'cucfque de Cauaillon ne vouloit ouyr parler de ce moyen de faire remo-
î igurcd'v 11 itrance par la parolle dcDieu:mais furieufement donnoit au diable celuy qui s'en cftojr
qif/plpal" aduife le premier. En fin , le docteur en Théologie qui là auoit cité amené par l'Euef.
que, demanda quels eftoyent ces articles qui auoyent efté prefentez de la part deldits
de Merindol. Leldits de Merindol rcfpondirét que l'euefque de Cauaillon les dcuoic
auoir: toutefois qu'ils en auoyent la copie. Alors l'Euelque qui ne les luy auoit encore
communiquez, monftra le tout audit Docteur , $C après queledurc en eut elfe faite, il
dif,Qiiç voulez-vous plus de tefmoignage nede remonftrance? celacft plein d'here-
he. Lefdits de Merindol demaderent , En quel endroit? Etl'Euefqucne feutqueret-
pondre. Le dotteur en Théologie demanda terme pour regarder les articles de ladite
Conrcffion,pour fauoir s'ils eftoyent contraires à la fainde Efcriture. Et ain fi l'Eucfque
s'en alla bien marry , de ce qu'il n 'auoit peu faire ce qu'il pretendoit. ^ Au bout de
huit iours, TEuefquc cnuoya quérir ce Dodeur,pour entendre comme il fe faudroit co-
duire à remonftrcr les herefies qui eftoyent en ladite Confeffion de fov. A quoy le
Do,
*ffler'wdol& Cabrierc^. 124,
po&eurdit,que ïamais ne fut fi cibahy : qu'ayant veu les articles de ladite ConrciTiô , il
les a trouucz conformes aux fain&es Lettres. & qu'il n'auojt tant apprins aux lainctes
Efcriturcstout le temps de la vie, qu'en huit jours qu'il auoit regarde les laintt.es Elcri-
turcs alléguées cfiiits articles . ^ Vnpeudc temps aptes, 1 cuclqucdc Cauaillon vint
àMcrindol,accempagnéde fesferuitcurs feulement. & ayant fait appeler les enfans,
grans& pc us, leur bailla de l'argent & commanda par douces paroles d'apprendre l'o-
raiion de nollrc Seigneur en Latin ,&:au/ïj la créance en Latin . La plufpart refpondit
qu'ils lauoyent bien le Pater en Latm,(te au/Ii/e-cWo.mais qu'ils ne pourroyent rendre rai
ion que c'eltoit à dire,linon en leur langage vulgaire . L'Eueique leur dit qu'il n'citoit
bcfoin qu'ils fuilent tant fauans,& qu'il furfiloit s'ils fauoyét ces thofes en Latin:& qu'-
il y a beaucoup d'Euelques& Curez, voire des docteurs en Théologie, qui feroyent blé
empetclicz d expolér le Pater &C le Credo. A quoy fut reïpondu par le baille de Menndol,
nomme André Maynard,Moniîe ur,dc quoy feruiroit-il,deiauoirdirc de beuthelcPrf-
terlte le Credo,i\ on n'entendoit qucc'ell à dirc?ii on ne l'entend point, on mcnr:&. le mo
que-on de Dieu , quand on dit, Iecioy en Dicu,fi on n'entend point que c'cll à dire, le
eroy en Dieu. Et 1 Euelquc dit au Baille, Et entendez-vous bien que c'eft à dire, le croy
en DieuîEt le Baille luy refpondit, le m'cllimeroye bien miferable,fi îcnel'cntendoye:
voire le moindre enfant de ceux que vous voyez ici deuant vous, l'ente nd bien:& ie n-
auray pas honte de déclarer mafoy& ma croyance, félon qu'il a pieu a Dieu de m'en
donner l'intelligence. Se commença à rendre raifon de fa Jfby par bon ordre. Dont 1E-
ucfque fut euSahy,&: luy dit, le n'euilc point penfé qu'iLy cuit eu défi grans e lercs a Me
rindol . Et le Baille luy dit, Le moindre des habitans de Menndol vous pourra rendre
raifon de fa foy encores plus proprement que moy.mais,monficur,ie vous prie d'inter-
roguer ces enfans, ou l'vn d'eux, afin que vous fâchiez s'ils font bien inftruits,ou mal. Et Les ^
l'Eueique fauoit auffi peu le moyen mefmes de les interroguer,quc de relpondre.^ Vn 1}Ut$ du p .
nomme Peiron Roy,fyndique de Menndol, s'aduifade luy dire,Monlieur,vn de cespe penciiiiét
tis enfans pourra bien interroguer les autres,!! cela vous eft agréable. Et l'Euefque le ""hume
permit. Adonc l'vn commença à interroguer les autres de ii bonne grâce, qu'on cuit gucjr.
proprement dit quec'eftoitvn Inquifiteurdela foy . Et les enfans l'vn après l'autre rc-
fpondoyent tant bien à propos, que c'clloit mcrucille de les ouyr. Or cela ie fit en pre-
fence depluiieurs gens,&: meimeincntde quatre Religieux, lefquels tout fraiichemct
venoyent de l'vniuerlité de Paris. Et l'vn defdits Religieux dit a rEuel'quc,Il faut que ie
ponfelîcici que fay elté iouuent à !a Sorhonnc à PariSjOyantlesdilputesqui fefaiibyét Notc'
en Theologie:mais ie n ay iamais tantappnns de bien, que i'ay fait en oyantees petis
enfans . Et vn nomme Guillaume Ai mant luy dit, Vous auez bien leucc qui cit eicrit Mar.n.i<.
en fainct Matthieu >Pere, Seigneur du ciel (te. de latcrre,ie te ren grâces que tu as cache! 16 -
ces ehofes aux fages &î. (te prudens,&: les as rcuelces aux petis : voire, Pere, puis que ton
bon plailirai ftc tel. Sur cela l'Eueique ayant fait retirer tous les citrangers,ditgracieu-
fement auidits de Menndol, qu'il fauoit bien qu'il n'y a point tant de mal en eux que nr.«T^
beaucoup degcnspenfent:toutcfois pour contenter ceux qui les pouriuiucnt-il eft ne- i'cuefsjuc ^
ceiîaire qu'ils facent quelque abiuration feulement en faprefence, fans ce qu'il y ait ne dcC,iuai!"
Notaire ne Secrétaire pour en taire a&e par eferit : mais que le Baille (te les Syndiques
au nom des habitans de Menndol racent ladite abiuration générale en les mains: &qu
en cefaifantils feront aimcz&: fauorifez de tous, mcfme de ceux qui les persécutent.
Que fiaueun leur en vouloir faire reprochc,ils le pourront nier ,6e dire qu'ils n'ont fait
aucune abiuration. Aulîi fi on vouloit alléguer cela contre eux, pour leur fan e quelque
dommage le temps aducnir,ils le pourront toufiours nier,&: on n'en pourroitrien taire
apparoilTtre ne par lettres ne par tefmoins. Et pour ce faire, les pria de parler cnlemble,
afin qu'ilyait vncfinen celte cau(e,&: qu'il ne s'en parle plus . € Le Baille&: les Syndi-
ques &c plulieurs anciens rcfpondircnt l'vn après l'autre, que quant à eux ils citoyent
tous aduifcz,&: refolus de ne taire ne confentir à faire abiuration , quelle qu'elle tuit, fi,
ce n'eftoit( comme ils ont toufiours dit ) qu'on leur fift apparoir par la parole de Dieu,
qu'ils ont efté en herclic. Et luy dirent hardiment, qu'ils s'clmcrucilloyent de ce qu'il
les vouloit induire à mentir à Dieu (te aux hommes . &: combien que tout homme de fa ^ ^ .
nature (bit mcnteur,toutcfois ils auoycnt cité enfeignez par la parole du faintt Euangi jc menfee
le, qu'ils fe doiuent foignculemcnt garder de dire aucune mentene, quelque petite qu' ged* ds-
clletuft.Aufli qu'ils dcuovent prendre garde à leurs enfans.qu'ils ne s'accoulhiinaiîenç
Livres! /• M.erïndol& QabrieYC^j.
à dire menfonge-.aufh* les chaftioyent aucanc quand ils les furprenoyent cri quelque mê
fonge,quc s'ils les cuifent trouuezcn larrecin . carie diabJccft menteur,^' perede mé-
longc.L'Eucfquc fut bien marri d'ouir ces proposé s en alla au/fi mal content q côfus.
Li ptocedurc tenue par Durandi Cornmiflàire en cefte p nie ,eft digne d'eftre ici inloreepour les icf j ci-r • excellentes que fi-
rent ces pourcs p.n làn^contre les plui lubtils Je U Cour Je paiJt nient de i rouenec .
e l q_v t temps aprcsleuefqucd'Aix folicita maiftre Ican Durandi,conlci]lcr de
[ja cour du Parlement de Proucnee, d'exécuter la commifîion qui luy auoir elle bail-
Jee:aiiauoir de le traniporter au lieu de Merindol ,auec vn Greffier de la Cour:& là en
la prefence de l'euefque de Cauaillon, accompagné d'vn docteur en Théologie, propo-
fer les erreurs & herelics dont les Euel'ques pretendoyent que lei'dits de Merindol fuf-
fentcntafchcz,&: de leur bien &dcucment faire renoncer &abiurer le ("dites herelics.
Ledit Durandi fît lauoirle iour auquel il fc rrouucroit à Merindol pour exécuter facô-
DuriJiviÊi million, afin qu'il n\ euft aucun defdits de Merindol abfent . A la iournee ailignce (c
^amSiK trouualcdit Durandi,l'cue(quede Cauaillon, vn dodeur en Théologie, &: vn Greffier:
beoamiC. auec plulieurs gentils hommes & gens fauans , &: autres de tous eftats , qui là cftoyent
iîon. venus pour taire cefte exécution .Or lcfdits de Merindol furent aduertis, qu'ils ne coin
paroiftroyent point tous cnfemblc : mais qu'ils fe pourroyent retirer vers lemouftier,
pour venir chacun à ion tour quand ils feroyent appelez. Or après qu au lieu & en la
place accoutumée de tenir la iuftice,le conleiller Durandi fut aflis,&: l'cuclqnc de Ca-
uaillon après luy,aucc le Docteur &c le Grefficr,on appela André Maynard baillejenô
Romane,&: Michelin Maynard, lyndiqucs,Ican Cabrie &: Iean Pallenq anciens de Me-
rindol. Ceux-ci le prefentans auec tout honneur &: reuerence, Durandi dit, qu'ils n'
auoycnt à ignorer que l'Arell auoit cité donné contre eux par la lbuueraine cour du
Remôftrâ I>arlcment ^e Proucnee : parlequel ils eftoyent condamnez à eftre brûliez auec leurs
ce de Du- femmes &c leurs cnrans:& aufli que toutes leurs mailbns feroyent abbatucs , &c le villa-
randi. gC t{u tout rafé,lclon le contenu audit Areft . toutefois il a pieu au Roy enuoycr lettres
de grace:par lesquelles il elt mandé qu'il ne veut qu'il (bit procédé contre eux (i rigou-
reufement:mais que lî on peut taire apparoir par bonnes ÔC lîifhfanrcs informatios qu'-
eux tous , ou aucuns d'entre eux par ignorance ou par feduction d'aucun malin cfpric
fuit deuové de la vraye religion Chreftienne, qu à tels ou à tel foyent faites rcmonllran
ces par la parole de Dieu: 6c par ce moyen qu'ils foyent réduits ou réduit au giron de 1-
cgliic de Iefus Chiilt, comme il cft plus à plein contenu auidites lettres. Qu après plu-
lieurs ordonnances de ladite Cour,finalement auroircftéarrelté que l'euefque de Ca-
uaillon auec vn docteur en Théologie, feroyent entendre en fa prefence leshcrefies
dont on prétend qu'ils lovent cntafchcz:& après bonnes remonftrances pâteux faites
par la parole de Dieu, ils renoncent auidites hcrcfiespubliqucmcnt&: folennellcmcnt.
Et en ce faifantjils iouyroyent de la grâce contenue aux lettres du Roy nofhc Sire. Et
après il leur demanda , Qucrcfpondcz-vousàcequeievousaypropolc^ André May-
nard baille,rit ligne aux lyndiquesde Merindol de refpondre les Syndiques aulfilî-
gnifïoyent qu'iTappartenoit au Baille du lieu de refpondre. Dontleconfeillcr Du-
randi dit au Baille qu'il deuoit refpondre le prcmier.d'autant qu'il cftoit en office. Lors
le Baille reipondit que ceft affaire appartenoit à la communauté detout levillage:&:
que partant c'efloit aux Syndiques d'en refpondre les premiers. toutefois puis qu'il luy
auoit tait commandement,poury pbeir, ils le fupplioyent de permettre &£ ottroyer vn
dVrefpon Aduocat , pour refpondre pour eux félon l'inftruction qu'ils luy bailleroycnt: d'autant
dre par Ad qu'ils n'eftoyent gens lettrez , pour refpondre tant proprement qu'en tel cas feroit re-
uout. qUjs _ Surquoy le Confeiller ordonna qu'ils ne refpondroycnt point en celte caufe par
Aduocat,nc par efcrit:mais de leur propre bouche. qu'il leur permettoit bien de parler
enlemhlc,eltans vn peu retirez de la prefence des CommiiTaires3fans toutefois deman
der confeil aucun, linon ainfi qu'ils s'aduifcroyentd'eux-mefmes . Suiuant cefte délibé-
ration,le Baille te les deux Syndiques,&: les deux anciens, ayans vn peu con fuite enfem
blc, n'eurent autre aduis, linon q les Syndiques parleroyet les premicrs,& après le Bail-
lc,& côfcquement les deux anciens, felô q Dieu leur en feroit la grâce. Et incôtinét fe
prefenterentrdont leConfciller fut efbahy,de ce que fi foudainement ils auoyet arrefté
Rcfponfe ^cur aduis.Mi c h e l in Maynard,fyndique,commençaàrefpondrc,priantleconfcil-
dt ceux de 1er Durandi & l'euefque de Cauaillon,& tous les affiitan s de luy pardonner, s'il refpon-
Menndoi. trQp lourciement:fupportans leur rufticité & ignorance . Il refpondit donques
comme
sfflerindol & Çabriert_j. 1 2j
comme il s YnfuitiN o v s fommes bien tenus de remercier Dicu,dc ce qu'aucc tous les
juti es Luc n- raits il nous a deliuré degrans aifauts,&: luy a pieu toucher Je cccûrdu Roy
iiujire Suc, à ce qucnoftre cauleioit traitée pariuftice,& non point par violence ne
v i >\ c uc raicl.& auiîi nous remercions meilleurs de la c oin du Parlement de Prouence,
•.le ce qu'il leuiplaiiladminiitreriuftice.Finalemcnt nous vous deuonsauilî remercier,
monfîcur l ;urandi,coirn-iii]ajrecn celle caufe, d'autant qu'en peu de paroîes&i bien
facilement nous auezpropolé la manière par laquelle il nous faut procéder. Suiuant
laquelle iedciirc entendre de ma part les herelies dont ic luis acculé ôc charge :& là où
on me f era apparoir auoir dit ou te nu propos c ontre l'honneur de Dicu,ic le voudroye
en tel casreparer,toutainlî qu'il feroit par vous ordonne. ÇIenon Romane , hom-
me fort ancien, aufli lyndique de Merindol,dit après, qu'il approuuoit tout ce qui auoit
elle dit par ion compagnon^' qu'il loue Dieu de ce qu'en l'on temps &£ en les derniers
jours il auoit veu&ouy ces bonnes nouuclles, que lacaule de leur religion feroit trait-
tee par la fa in de Efcriture:& que touliours auoit ouy dire aux anciens, que ïamais ils n'
auoycnt peu obtenir des luges de leurs periecunons, d y procéder en celle manière.
^ Ai'Rt s ces deux Syndiques, André Maynard baille dudit lieu, rei'pondit,puis que
Dieu auoit fait la grâce aux deux fuidits de rcfpondrc au nom de tous, qu'il n'elloit be-
loin par luy d'y adiouller : toutefois qu'il luy fcmbloit bien que leur relponfe deuoit e-
ilre mite par eicrit . ce qui n'auoj t elle fait par le Greffier , qui n auoit fait que rire &c fe
îoucr, regardant l'vn& l'autre en fe moquant , comme vniuuenccau bié peu expert en Le Greffier
tels affaires. fur quoy requeroit prouilîon ÔC ordonnance dudit fieur Commiifaire. Du- du Cônuf-
randienfutmarry,&: reprint ng^ urcuicment londitGrcifier:&: Jefaifant approcher de e*
luy,commanda qu'il eull à eferire la refponle dcidits de Menndol , de mot à mot , fans
rien omettre. Et luy- incline commença à dicter la refponle qu'ils auoyent faite. &: fou-
uent leur ilemandoit s'ilsn'auoyent point ainlirefpondu. Les prédites refponfes miles
par e'crit,ledi t heur Commiifaire demanda au baille de Menndol s'il vouloit rcfpôdre
autre choie:adioullant qu'il leur iauoit bon gré, de luy rcmonllrer la faute de ion Gref-
hcr:&: qu'il parlalUiardiment pour la defenfe de leur caufe . Adonc le Baille luy dit,
Puis qu'il vous plaiil me bailler audience &C congé de parler librement , il me femble
qu'en ce îugemcnt il y a faute de partie qui aceufe . Si nous auions vn aceufateur pre-
lcnt,&: qu'il full deuant vous pour maintenirles accufations qu'il feroit côtre nous : ou
l'oulfrir en défaut de fon intentionnés peines deucs à ceux qui font hérétiques, comme
riifcriturel'ordônene penié qu'il feroit autant empelché daccuJcr,que nous de refpô-
die à les aeeufanons. Apres la rclponfcdu Baille, lean Pallenq ancien dcMerindol,dic
qu'il appiouuoit tout ce qui auoit elle refpondu par les Syndiques 6c Baille de Merin-
dol,(ànsy vouloir nen adiouller. Ht le Commiifaire luy dit, Vous n'auez pas tant vefeu
que n'ayez apprins pour voilre part refpondrc quelque choie pour la deffenfe devollre
caufe.EtPalh nq icipondit,Puis qu'il vous plaill que ic die quelque choie,il me femble
qu'il cil bien difficile que nous puilfions auoir victoire ne profit en celle caufe. car nos
iuges l'ont nos ennemis. Apres, lean Bruncrol, lieutenant du Baille, relpondit qu'il vou-
droit bien fauoir la puiifance de moniteur le Commiifaire en celle caufe: pourautant
que ledit le igneur Commiifaire leur auoit donne à entendre qu'il auoit puiifance de duc^'/n;
la Cour,pour les faire abiurcr les erreurs qu on fera apparoir par bonnes informations
qu'ils ticnnenr.&: ce failant,lcu r taire iouir des lettres &: grâce du Roy nollre Sire, 6c les
quitter de toutes peines &: condamnations. Mais il ne leur a point donne a entendre,
que s'il ne le trouuoit par bonnes informations qu'ils tuifent en erreur, q ledit leigncur
Commillaireeull quelque puiifance ou authorité de les quittcrôcabloudredefditcs
lentences £v condamnations. A celle caufe il requeroit qu'il pleull audit feigneur Cô-
milfaire en taire dcclaratiomconcluant que s'il n y a informations contre eux , par lef-
c]uelles apparoiile que ceux de Menndol ont ellé deuoyez de lafoy.ou s'il ne fe prefen-
teacculateurcontr'eux,qu'ilsdcuoyëtellre abfousà pur&: à plein, lans plus les trauail-
lcr en leurs perlonnes & biens.
s chofesainfi debatues depuis l'heure de fept heures du matin iufqu'cnuiron onze
^- heures, ledit feigneur Commiifaire les remit à midi après difnc : leur commandant
precifcntentcle venir en Ion logis, afin que nullement ils ne communiquaifentde ces
affaires auec les autres habitans de Merindol.Enuiron vne heure après midi, lefdits de
Merindol eltans appelez , leur fut demandé s'ils vouloyent dire autre chofe fur ce qui
Merindol& Cabriercj.
Icurauoit cité le matin propofé.Etrefpondirentque non. A Jonc le Commi/îàire leur
dcmanda>Que concluez- vous pour vos detenfes? I es Syndiques refpondircnt,Nous
concluons qu'il vous plaifcnous déclarer les erreurs &l herclics dont nous fouîmes ac-
['.irlci i y. eu fez. Alors le Commiflaire demanda à leuefquede Cauaiîlon quelles info: mations il
aiircHlt-, auoit conrtc eux. lit l'Euclquc luy parla en l'aurcillc,& ne voulut point rcfpodrc à hau-
ïp&c" rc volx * * parlement à l'aureille dura bien demie heure: dont le Commiiîaire fe
faichoit,& autli tous les aiïîltens.En fin le Commi/îairc dit auklits de Mcrindol , que 1-
eucfquc de Cauaiîlon diibit qu'il n'cltoit befoin de leur taire apparoir d 'information^
que telle elloit h commune renommée. A ce rcfpondircnt lefdits de Mcrindol , qu'ils
requeroyent que les cauk s Se raiions alléguées contre eux par reucfquc de Cauaillon;
fuflentmifes nu procez verbal . L'Luciquciniiftoit au contraire, ne voulant que choie
qu'il difi ou alléguait, fuit infère eau procez verbal. Iean Bruncrol, lieutenant du Baille,
demanda qu'il plcuft au leigncur Commiiîaire de taire mettre atout le moins au pro-
cez verbal, que ledit Eueique ne vouloir rien dire contr'eux qu'ils pcuiîent cntcndrciSc
au/11 qu'il ne vouloir parlerdcuant ledit leigncur Commiiîaire qu'a l'aureille . L'Eucfq
de Cauaiîlon perfiftoit, qu'il ne vouloir cftrc nomme au procez verbal: &liir ce y eue
grande difpute qui dura long temps.
Fin a i emfnt le Commiiîaire adrefl'a (a parole nu docteur en Théologie , luy de-
mandant s'il auoit eu communication de quelques articles , dont il tu il befoin taire rc-
monftranceaufdits de Mcrindol. I. c Docteur rcfpondit,qu'il auoit bien eu commu-
nication de la Confclfion defov preientec par lefdits de Me rindol, & non d'autre cho-
le. Sur cela le Commiiîaire demanda aufdirs de Mçr'ndol , s'ils auoyent les articles
de la Confeflîon prefenrec au Parlement de 1 'roucntc.S: auili celle qui auoitcllé pre-
fentee audit eueique de Cauaiîlon . Lcldits de Mcrindol demandèrent nue lecture
f n 11 faite dcfditcs Conte ifions; Se que par la k chue ils entendront bien li c Vit la doctri-
ne qui leur a elle cnfcignec:& aufiï ii ce font le s Contcihons pareuxprefentecs. La le-
cture cirant faite publiquement , aduouéïi nt &: conieuerent que telle elt la doctrine
qu'ils confeflcnt&C tiennent . Le Commiiîaire demanda derechef au DocKur,s 'il pre-
teneloit qu'il v cuil aufditcs Confcfsions quelques articles hérétiques , dont il peuft fai-
re apparoir par la parole de Dieu,rant du vieil que du nouucau Tcftamcnt.Lc Docteur
parla Latin allez long temps : & après qu'il ceiia de parler , André Maynard fupplia le
Commiiîaire t]u'il luy plcuft, lelon ce qu'il leur auoit propofe, faire apparoiftre des er-
reurs Se herclics dont ils font acculez, par bonnes in formations: ou à tout le moins, qu'il
luv plane faire marquer k s article s de le ur Confei5îon,quc l'Euclquc &*lc Docteur pre
tendent e lire heretiquesde fuppliant aulsi de mettre en l'on procez vei bal le refus tant
d.t i'Lueique que du I )ocU'ur:dont i'vn parle à Luire illcl'autre parle Latin : Se que d'i-
e eux lefdits de Mcrindol n'ont peu encore s ouyr Mie bonne parole. Le Commiiîaire
k ur promit de mettre e n ton procez verbal routée qui pourroitferuii a leur cauie : au
lurpkis,!! remonttra qu'il n'cltoit nccellâirc de taire appeler les autres de Mcrindol,lî
on ne vouloit leur remonitrer autre choie qu'à ceux qui auoyent délia e lie appelez. Et
■\ oila le fommairc de tout ce qui fut Lut depuis midi lufqu a quatre heures . ?Ce vx
qui eftovent là venus pentans qu'on deuft monftrcr les erreurs aufdits de Mcrindol, fu-
rent efbahis de voirl'Eue(que&: le Docteur ai nii vcincusôV: confus. Parquoy plulieurs
firent cfmeus de demander le double des articles de la Confcfsiondes habitas de Me-
rindol,eftimans que c 'elloit la vrayc«doctrine de Dieu . Et entre autres , les trois Do-
tJurl con &curs qui t'ont venus à diucrfesfois,penfans deftournerceux de Mcrindol de la vraye
n. îtisàt.i fov,ontcftéconucincusquec'eftoitla vrave doctrine de Dieu :& ont cogneu qu'ils a-
«ux le m' lloycnc ma' enfeignez:& que la plufpart de leur fauoir n'cltoit que fables. Ils ont
riiulol. depuis laide toutes fuperftitiôs Se idolatrics,&: toute la doctrine fe holaftiquc, Se le ibnt
adôncz à l'eftudc de la faincte Efcriture:& y ont Ci bien profite, qu'ils font deuenus pref
cheurs île la vcn'tcjaquclle autrefois ils auoyent pcrfecutcc.
Par quelle forte de gens les fidèles de Prouencc ont efté affligez . & quelle fin ont eu le prciîcknt Chaflàné, te moine de P. orna:
& de e.m Muu.r leigncur d'Opedc.
f E P V I S cetcmpsleshabitans de Mcrindol furentquelquc peu en repos: SC
craignoit-on d'entreprendre de les afrliger,àcaufe que ceux qui malicieufement
les pcrfccutoycnt , finalement n'cnrcccuoyent q confulion. La mort foudainc du pre-
(îdenc
sMerindol &* Çahriett->. 1 26
fidcntChailanc,quiaduintcnccscntrcfaircs,confcrmaforcccn:codmtnufic opmio:&:
cncorcs plus la more cfpouuatablcdu moine Iean deRoma,ci dcuatnommé,dcfbordé JJ®"^ '
à toute cruauté. On lait allez de quelle rage il afliigeoitlcs poures Chrcfticns. Vne pretïdens
des peines delaquelle il s'aduifa pour tourmenter ces poures gens de Proucncc, eftoit chaiUnc-
d emplir des bonnes de graille chaudc,& de les f aire chauffer a ceux qu'il vouloit tour-
menter.Dont le feu roy François citant aduerti, commanda par lettres patentes enuo-
yces au Parlement de Proucncc,qu'cn toute diligence on l'apprchendail:& que Ion ^p-
cez luv citant fait,ilfuft aduerti de la condamnation. mais de Roma,qui auoit pluiieurs
tauteursjfe retira de bonne heure à Auignon , où il penfoit faire grand' chère des ran-
çons,extoriions,pilleries&: raui/femens qu'il auok faits fur le poure peuple de Prouen-
ce & du conté de VeniUe . mais il aduint que celuy qui auoit brigandc, fut pillé par (es
domcftiqucs proprcs,& reduità toute indigence . Puis après tomba malade d'vne ma-
ladie cfpouuantablc& incognue aux Médecins . Horribles douleurs le làiiïrent: &: n'y Tourmfî3
auoit fomentations mondions qui peuifent feruir pour luy donner repos qui plus horribles
eft,iln'y auoit perfonne cjui feuft demeurer près de luy. Il fut mené à l'I iofpital,& rc-
comandé d'eftrebien traitté:mais nul nofoit approcher de luy,pour l'infection puan R0ma.
teur quilortoit des playes pourries de ion corps, ToutcJaconlblation&: meilleure at-
tente qu'il auoit en telles dcftre/Tcs, c'eitoitdcfcipoir&: vndefir qu'il auoit de finir fes
îours. Ses cômplaintcs eftoyent celles-ci, Helas, en quelles douleurs fuis-ie vcnu,& en
quel tourment fuis-ie maintenant: Iay mémoire des maux que l'ay faits à beaucoup de
poures gcns:&: cognoy bien que pour cefte caufe ic fuis aiîailli de tous codez. Mais qui
me deliurerade celte deftreife ? qu'on me tue, &: que ic ne langui/le plus en telles dou-
leurs?Et luy-mefme nepouuantfouffrir fa puanteur,cilàyade le tucnmais il n'auoit au-
cune forcede ce faire . Et ainficeft homicide &c blafphcmateur, ayant affligé pluiieurs
fidèles par tourmens nouueaux,pour la fin de fes cruautezil récent celte côhiiion hor-
rible:arin qu'il fuft à tous perfecuteurs exemple du mgement de Dieu, & de la vengea-
ce qu'il fera du f ang efpandu à tort ôc fans railbn.
Ai'Ris ce De Roma,le plus renomme perfecuteur a efte maiftre lean Mcnier,fei- i< ; Menicr
gneur d'Oppede , premièrement viguier du Pape en la ville de Cauaillon au conté de loueur <*'
Vcnifle,& puis fait prefident du Parlement de Proucncc,gouucrnoit la Prouence en 1' °*'pc t;
abfcncc du feigneur de Grignan. Pluiieurs fauent comment il eft paruenu à ces offices,
mais peu de gens entendent par quel moyen il a enrichi fa maiton. Apres que ion pci e
Guillaume Menicr fut pnué de les cftats& offices qu'il auoit au Parlement de Prouen-
ce, &T qu'il eut prefquc tout employé fon bien pour racheter fa vie: ce Iean Menicr Ion
filsellaya tous moyens de fe mettre à l'auant. Envoyant que fon père ne luy auoit bif-
fé pour tous biens, que le titix de la feigneurie d'Oppede, qui pour lors eftoit biefi petit
cas, il s'aduifa de faire acculer par fubtil rnoyen quelques riches laboureurs d'Oppede,
comme hérétiques & Luthériens. Il les tint bien longuement en extrêmes miferes de
prilbn.Et felaifit de leurs biens meubles Se immeubles, fans en lailfer aucune part ni à
leurs femmes ni à leurs enrans , lefqucls abandonnant tout fe retirercrent à Cabricre,
diftant d'Oppede cnuiron vne licué' , Et d'autant que ceux-ci au temps de moillbn
èede vendange prenoyent tout ce qu'ils pouuoycnt emporter des poileilîonsoccupees
par ledit Mcnicr,il cercha depuis ce tcmps-la tous les moyens de fe venger de ceu x de
Cabriere:s'eftâtpcrfuadc qu'ils donnovent faneur aux héritiers de ceux qu'il auoit fait
mourir en les priions. Et depuis qu'il eut lamftice en main, comme chef du Parlement;
&c aulll la force &c puiifance dupais, comme lieutenant du Roy enl'abfenceduditde
Grignan, fous couleur de l'exécution de l'Arclt ci deuant dit,il employa toute ft >rce ^:
puiifancc,touteauthorité&: crédit, pour deftruire leshabitansde Mermdol,&: confe-
quemment de Cabriere,au conté de VeniiTe. ^Ct v x de Merindol aduertis du vou-
loir &c pouuoir dudit Prefident , fe retirèrent derechef vers le roy François , l'an m . d .
x l 1 1 1 1. auquel ils firent entendre que dés l'an m. d. x l .fa maiefté auoit entendu Pc- ^u^'
uidente oppreifion &: nullité dudit Areft de contumace , &: auroit fait différer f exécu-
tion d'iccluy:defendant de ne procéder à telle rigueur. Et que neatmoins pluiieurs les
oppreffoyent & deliberoyent de les opprefler de plus en plus, bref, ils donnèrent à en-
tendre les procédures dece que dciîiis a efté recité. LcRoy côtinuant fa bénignité pre-
cedcnte,euoqua à foy l'exécution de l'Arclt de côtumace, & toutes les procédures au-
parauant faites &: introduites au Parlement de Prouence:auquel&:àfon Procureur ge
L/«ro //. Merindol Of Qabnert_j.
Menées des
procédures
lairesati
ncral il ofta la cognoilTance , iufqti a ce qu'il euft clic informe par l'vn des Maiftres de?
requeftes clc l'on hoftel,&: vn docteur en Théologie de lvniucrfîté de Paris, lequel il au-
roic député pour fe tranfporterfur les lieux necelfaircs , afin de bien &: amplement: i
M.DXLV
: ' :n ''■ quérir de la vic,foy & conuerfation defdits de Merindol Se* autres . L'euocation fut pu-
Mcrinaol. blice au Parlement ,& iniinuee au Procureur gênerai à la fin du mois d'Octobre enfui-
tiant. Le Parlement à l'inftigation d'Oppede(commcil cft vray icmblablc qu'il crai-
gnoitforetme les pillci ■ics&concuffions, Tes menées & factions ne fuirent dcfcouûcr-
tes)dcputa Philippe CouiTin,huiffierdu Parlcmcnt,pour faire pourfuitte d'obtenir let
tre< du Roy,pour exécuter l'Arcft donné contre tes habitans dudic Merindol . Et non-
obftant l'interdiction, les mémoires & inftruâ:ions furent faites par ledit Prefident, ef-
entes parfô clerc,auec la requefte lignée par le Procureur gênerai: mefme Indite pour-
fuitte fut faite des deniers ordonnez audit Parlemét pour les fraix de iuftice.Dont ledit
Courtin , par le moyen du cardinal de Tournon obtint lettres du mois de Ianuier en-
fuyuant , fous le nom du procureur gênerai du Roy, au Confeil priué,pour exécuter le-
dit Areft de contumace : nonobftant l'euocation cy dciîus dite,
L'Fxecurion cruelle del'Arelt de Merindol,£îite en vertu des lettres patentes du roy François . faccagemen: autant lamentable
que chofeqm ait cité de long temps.
$TP^E S lettres patentes obtenues pour exécuter l'Areft de contumacc,furcntcnuo-
RB^yees audit Preiident d'Oppede au mois de Ianuier m. n. x l v :&1cs garda ca-
chées iufqu'au douzième d'Auril enfuyuant, téps qu'il efhmoit propre pour mettre en
exécution fesdeffcins. Car pour 1 abfcncc dufeigneur de Grignan,il cftoit gouuerneur
n'oit"orsC* au PaYs c^c Proucncc,s'attribuant puiflance de commander a l'armée du Roy qui cftoit
en ambaila lors drelfce pour aller contre les Anglois, &c Y cm ployer contre ceux de Merindol &: de
«leverslev Cabricrc,&aucrcsvillcs &c villaecs,iul*ques au nombrede vinetdcux.Pourccfaireil cx-
Aicmanj. , , ,- rr - -n r i n i
pedia pluiieurs commulions pour auantcounr,pilIcr,laccnger,bruller Se tuer nommes
&: femmes &: pens entans des lieux nommez efditcs cômifllons. comme fera déclaré ci
après. Le dimanche \ n.d'Auril, m.d.x l v ,d'Oppede fit alfembler cxtraordinaire-
mentle Parlement d Aix:& parluy furent leuës les lettres pourexeeuter l'Arcft deco-
tumacc contre les habitans de Merindol :&fans autre délibération cciour mefme le
ir.terine- Parlement les interina:& députa Cômilîaires pour les exécuter M.Frâçois de la Fond,
ment (ou- f ■ àd prcli jcnt, ^.Honoré de Tnbuths 6ê M.Bernard de Badct,Confeillcrs,& faduo-
Jain aes ce ' ■ •
trespatcu- car G n crin , qui pourluyuoitl exécution en lablence du Procureur gênerai. Le prcli-
tcs- dent d'Oppede, comme lieutenant en l'abfence de Grignan , offrit d'aflïfter en perfon-
ne à l'exécution, Se d'employer les forces du Roy, lesquelles il auoit délia aiîemblccs
par bades en pluiieurs villes de Prouence.trouua moyen d auoir cinq ou fîx vieilles ba-
des des garnifons de Piedmont,auecquclq compagnie de gens de chcual de ladite gar-
nifon. Et amli fe voulant monftrer eftre lieutenât du Roy non moins expert aux armes
qu'aux lettres, fit proclamer a ton de trompe ( pour publier le grand pouuoir de fon au-
thoritc ) tant à Aix que MarfcilleS*: autres villes deProuence, que tout homme de
qualité print les armes pour faire efeorte à ladite éxecution. Le lendemain x 1 1 i.d'A-
nril, les Commilfaires, au lieu d'aller droit à Merindol, où s'adreflfoit leur commiflfîon,
prindrent leur chemin à Pertuis,où eftoitle capitaine Yaulgine: qui en vertu de la cô-
million àluy adrellee par ledit Prefident , auoit délia anticipé l'cfpaced'vn mois «Se da-
uantage pillant le beftailSc les biens de certains villages voilîns de Pertuis,où on difoic
y auoir des Luthériens. Le mardy x 1 1 1 i.d' Aurifies CommilTaires,l'aduocatGucriri
Se le greffier criminel partirent de Pcrtuis, Se s'en allèrent au chafteau de Cadence. Et
pluiieurs gens de guerre venans de Picdmond , firent de grans fourragemens &: extor-
riiierics & lions là &c à f enuiron.L e x v .d'après d'Oppede arriua à Cadenct,accompagnc de Ca-
extorfions pitaines Se* gens de guerre, Si quatre cens pionniers: lefquels incontinent qu'ils furent
gCnent cefte fortis d'Aix , commencèrent a piller par les villages & les métairies que le Prelldét leur
exécution. auoit nommees:tcllemct que le x v i . d'Auril au matin on voyoit de Merindol les feux
allumez en diuers villages en piteux fpectacle. Les poures gens qui pouuoyent efchap-
pcr,s'enfuircntalamontagne:car les gendarmes auoyent commandement démettre
à mort tous ceux qu'ils rencontreroyent des villages que le Prefident auoit nommez,
fans efpargner ne malades, n'ancics,nc les petis enfans . Aprcs,fut crié à fon de trompe
fur peine de la hard, qu'il n'y euft perfonne qui donnait viures quelconques à ceux qui
*ïïïerindol& Qabriert~>. 12/
cflovcnt fugitifs par les montagnes 6c defcrts.D'Oppede cftant à Cadcnct,le x v 1 i.d'
Auril fit approcha K s bandcsviciîles qui cfloycnt venues du Picdmont,& les fit arre-
fter à I oris,diflantvnc lieue de Merindol . Etcc iour-la on commença à mener grand Nomir?
nombre de pourcs gens lie/ &z attachez en galères, fans qu'il y euft contr'cuX aucun iu- *f J^'J,"
gcmcntdonné:mcfmelans auoirelté appelez en iufticeXclàmedi x v i u.d'Aurilà 1' aUxg4icu$
aube du ioiir,ce prefidciiE d'Oppedc accouftré en homme de guerre auec Pefcharpede
taifetas blanc, monté fur vn grand chcuaJ , &£ deuant luy railanr porter fon heaume au
bouc d'vn garrot , fit marcher fon armée, ordonnée en auant garde, bataillc,& arrière-
garde: & paruindrent à Merindoi,où lis ne trouuercnt qu\ n ieune compagnô nommé
Ai a v r i z i D l a n c , lequel s'eftant rend \ i a v n foldar, au ec prom elle de luy donner le Le martyr,
lendemain deux éfeus pour fa rançon , ce Prcfîdent le voulut auoir comme par force. K(ieif,lu-
Mais il luy fut rcmonftre qu'vn foldat ne deuoit point perdre la rbrtune:tellementque oneufuer
Je Prefident,auant que l'auoir paya les deux efcus.Lors ledit Prcfidcnt le fit lier Se atta-
chera vnolmicr,&càgransconpsdc harquebufcsluy fît inhumainement finir fesiours.
Et phdieurs gentils-hommes qui accompagnoyent par force ledit d'Oppcde,voyas ce
cruel fpe&aclc,mcus de mifèricorde,nc le pouuoyent garder de refpandrc larmes . Car
côbivii que ce ieune côpagnô ne riift pas des plus initruirs, ne raifant fa demeure à Me-
tindol:toutefois il eut toufiours les veux au ciel , inuoquant le nom de Dieu. Sa derniè-
re parole tutjSeigneur Dieu, ces hommes m citent celte vie pleine de miferc s: mais tu
nie bailleras celle qui eft éternelle parle moyen de mon Seigneur IcfusChrift, auquel
loir gloire. S Merindol prinle,fut pillée, brullce,laccagce,&: raieepar les pionniers, ht
combien qu'il n'v euft aucune réfute n ce, fi elt-ce qu on voyoit ce vaillant capitaine d'-
Oppede,arme de toutes pieces,tremblcr. Le Dimanche x \ x.dudit mois,! armée
fut mi née & conduite par d'Oppedc à Cabrierc. &: Je camp plante on commença à ti-
rer de Lirtil.leric.mais pour ce iourn y eut grand' brefche aux murailles. Le lendemain
x x . d Aurai, degrand matin on recommença la batterie . Etenuiron huit heures d-
Oppcdc*& le feigneurde Cabriere,&: le capitaine Poulin parlementèrent auec les ha-
bitans de Cabnere,leur remonflrans qu'ils ne deuoyent rebeller contre la milice . A
quoy refpondircnt ceux de Cabricre,quc ce qu'ils faifbyent,ne deuoit i lire appelé Ré-
bellion : car ils efloyent contreints le ferrer c n leur ville ,àcaufe des opprcllions qu'on
leur faifoit:& qu'ils eltovent prefts d'obéir 6z faire ouucrturc , en leur permettant de fe
retirer aux Aîexnagncsauec leurs femmes Se enrans,fans rien emporrerde leurs bie ns:
ou eue leur i aufe luit traitée en îulhec . Le prefident d'Oppedc auec les officiers du
Papc,& le feigneur de Cabrierc accordèrent que leur eau le fercir i raitee en iufhee, £c
qu'ils ne fe relent force ne violcnce,s lisvouloyent faire ouuerture.I a quelle cirant fai-
re, d'Oppedc retenant vn courage plu I toit, de belle iauuagc que d home, monftra par
trahifon fa furcur.Car ayant ville gagnée, fit prendre cnuiron vingteinq ou trente hô- NôhreJc
nu s de ceux que bô luy lcmbla.,& les lit licr& mener en vn pre dcffousla ville Se là fu- m.°»3s<
rent milerabiement hachez en pièces . Le feigneurde Pourriers,gendrc d'Oppede,e- hachez ca
iloit îles plus vaillansà [aire ce carnage: 6c pour cÔplaircàlon beau-pere,&: comme s'il puers.
euft prins les efbats a tuer les morts , o iloit à l vn la tefte de deffusjcs cfpaulcs, à l'autre
coupoit bras 6c ïambes. D'Oppedc de ion colle fit prendre rrentefix ou quarante fc m- Non.b.e
mes, entre lefquelles il y en auoit quelques vncs enceintes, 6c les ayant fait enfermer en & femmes
vnc grangc,fit mettre le feu aux quatre coings. Et quand aucunes pour fuir la Marne du 1"l'1,'t'ltsn't"
feu vouloyent fortir,clles ciloyent rcpoulfees a gras coups de piqucs & hallebardes. Le
feigneur de Faulcon acquit aulli grand bruit en ce mafîacre de Cabriere,pour les gran-
û'c> cruautez qu'il cxcrçoitatcllcmcnc que les vieux foldats de Picdmont,voyans la ma-
nière de faire dudit Faulcon 6c des autres , eurent opinion d'eux , que pluftoft ils meri-
toyentlcnom de bouchers, que de gentils-hommes. Apres ces chofes,plufieurs furent
trouuez qui s'elloycnt cachez aux caues:& furent liez deux à deux, & menez en la l'allé m^..
du chafteau de Cabricre.Lors le capitaine V aileron, 6c le capitaine Ican de Gayc auec dep;i.riu.u
fa bande,firent choies énormes & dcteltahlcs. Cela fait,les Capitaines des rutHcns d'- ^'^'^^
Auignon,& brigandeaux du Conté, entrèrent au temple de Cabrierc, où il y auoit te "nombre
pluficurs ancienSjtemmes 6c enfans : 6c la aufîi lut faite vue mcrueillcufe cruautés oc- d« pécïs.
çifionhorriblcjfansauoir cfgard al'aageni au fexe. On dit q le nôbre de ceux q furet li ef°àTetù
crucllcmet meurtris, elloit d'enuirô 8oo.perionncs,tat homes q terne s & enfans . Pour fig^e ac ■•■x-
le triophe de celle belle vicloire,les officiers duPape firét depuis engrauer l'an &c iour q doirc'
y-
Liurcs If.
sffîerindol & Cabrm^j.
Cabrierc fut prifc Se mince par Iean Menicrfeigiicur d'Oppcdc, & premier prelident
du Parlement de Prouencc.
piPUDANT ceux de M e r in d o l eftoyent par les montagncs&: rochers, & par
^ les cauernes du pais. Et ayansfait prefcntcrrcqucitcsau prelident d'Oppedcle fup-
Rcfponfc plioyet qu'il luyplcuft leur ottroyer paiïàge pourie retirer auxvillcs d'Alemagne,où on
d «poarcs auoit cglifcs reformées félon la doctrine de l'Euangilc : fe fumettans de quitter & aba-
pnijiuers. jonnçr touslçurs biens meubles 6c nnmeubles,moyennant qu'il leur fuit permis de fc
retirer aucc leurs femmes & leurs enfans au pais des anciens amis Ralliez delà Fran-
eem ayans que leur cliemife pour eouurir leur chair. D'Oppcdc avant entendu le con-
Crudlc tcnu ^c cc^-e lcoiuc^c> tefpondit, le fay que i'ay à faire de ceux de Mcrindol &: de leurs
rJponic. femblablesricles veux prendre tous , fans qu'aucun puifTc clchapper de mes mains: &:
les cnuoveray habiter au pais d'enfer aucc tous les diables , &: eux Se leurs femmes &
leurs enfans:& en feray telle deftruction,quc i'en ofteray la mémoire à ïamais. Us auo-
yentau/Ii eiïâyélc meime vers le capitaine Poulin, lequel fut aucunement efmcu à pi-
tié: 6c cftoit d'aduispluitoit leur permettre de le retirer pour viure félon qu'ils enten-
droyent,quc d'vfer de plus grande violence ,& les deftruire tous, mais d'Oppcde n'y
voulut aucunement entendre. Parquoy,lctout citant rapporté à ceux de la dilperficn
de Mcrindol , ils s'aiTemblercnt pour confultcr ce qu'ils feroyent. Et en l'a/fcmblccil
leur fut déclare' , qu'on n'auoit rien feu obtenir de ce félon Prelident: 6c que l'armée e-
ftoit prefte pour les deftruire 6c mettre à mort , 6c leurs femmes &: leurs enfans: &: que
tous les pailages eftoyent fermez ,&: y auoit garde pour prendre prilonniers tous ceux
qui n'auoycnt certification luffilante de n'eft rc point de ceux qu'on appelé Lutheries:
6c qu'il y auoit partout embufehes drciTccs:&: partant qu'vn chacun aduilaû comme il
fc deura conduire en ceft affaire.
CONGREGATIO N tenue jpiYS les prierc^par les N'îniflre &: Anciens Je ceP.cdifreriion.pour .-îJuis.confoIjtic11
& perfeuerance en la coufeI >i on du nom Je Dieu.noaoblhnt l'.itriidtion horrible cjui leur eftoir prochaine.
I^II P ^ E S quc ^cs prières furent faites,aucc exhortations félon la doctrine de Dieu
contenue en la Loy,aux Prophc tes,& au faind Euangile, vn chacun bailla fon ad
uisôc confcil:& les plus anciens commencèrent à parler aucc larmes 6c gemiifemens,
telles ou fcmblables paroles d'exhortation 6c ad uis, chacun en fon ordre comme s'en-
T;:hort.i- fuit: M h s frercs& amis, le Seigneur Dieu cognoit toutes chofes,fait 6c voit ce que les
' hommes ont penfé 6c arrelte contre nous , &: ne pouuons durer dcuantleur face, ni ef-
chapper que nous ne foyons deftruits&: tuez,uous& nos femmes &: nos cnfans,lî ce i\
cft que leSeigneur avant pitié de nous, nous de hure de leur maimcomme fa volonté ie-
ra,amii foit-il fait. La moindre folicitude que nous dcuons aUoir,c'eftdc nos biens Sjdc
noftrc vie. mais la plus grande 6c principale crainte qui nous doit efmouuoir, c'eft que
partourmcnsfcpar infirmité non1- ne défaillions en la confclîion de nollrc Seigneur
Icfus Chrilt,&: de ion fainct Euangile. Parquoy nous auons grand befoin de deftourner
nos ycuxdcccfretcrre,&: regarder au cicLcn veillant inceffâminent, & priant que no-
llrc bon Dieu nous \ nulle donner la grâce de pcrlcuercr en la lain&e doctrine: 6c qu'il
nenousdclaiifcau manuais temps, mais qu ilnousfoit propice . Er quand mefme tou-
tes les nations fe dcftourneroyentdc la vraye religion, 6c qu'elles conlentiroyent à l'i-
dolâtrie pour feruir aux Baalim, demeurons fermes : 6c prions au Dieu viuant nousdô-
ner la grâce de perfeucreren iafainCtcdoctrinc:& qu'il n'y ait ncfeu,ncfiammc,ncglai
ue,ne famine pour grande qu'elle foit , ne bombardes ou canons qui puiiient efbranlcr
noftrcfoy.Mes amis,criOnsà Dieu,& le Seigneur aura pitié dcnous:& fera glorifié, foit
que nous viuions ou que nous mourions . Nous auons beau regarder vers les monta-
gnes 6c eaucrnes.car nous ne trouucrons fecours (inô au nom de Dieu qui a fait le ciel
6c la te ne. E t après, vn autre propofa à la compagnie tous les tourmensqucpouuoyét
faire les enncmis:&: les rcmedes:&: parla corne s enfuit: Le Seigneur Dieu nous appelé
à pleurs 6c à gemiifemens. Voici maintenant le téps de trouble 6c de pcrplexitéje reps
d'oppre ffion 6c de deftruction. Apprcftons-nous donc à endurer plulieurs tribulations,
à mefpiifertous lesaffauts deshômcs,qui ne nouspcuuct regarder d'vn bon œil , 6c ne
nous pcuuent endurer fur la terre. Les homes aueuglcs fc font cileuez cotre nous, pour
nous affliger par iniurcs, par outrages, par blafmes,detra&ions,faulfcsaccufations,pour
nous mettre à mort, pour nous bruflcr,pour nous tcnaillcr,pour nous dcfmebrcr,&:exc
cuter fur nous toutes manières de tourmens,&: les plus cruels dont ils fe pourront ad-
uifer.
tions neci
♦aire*' en
tels divers
ANCIEN
I [.
*!%Gerindol (f CabrierLj. i 28
uiîcr.mais mourons en noftre iimpticite:& le ciel &c la terre feront tefmoins qu'ils nous
dcilïiiiicnt iniuilcment:Côme la volonté dcnoftre Dieu fcra,ainii lbit-il fait. Ht ne ic*
gardons plus en bas: mais leuc>:> les yeux au ciel, &: adreiîbns tout noftrccœnrà et grâd
Sauueur noftre Seigneur IciiisChnibfic le prions ardémet-qu'il luy plaife premiercmes
nous del'iurcr de nos plusgrans ennemis : ailàuoir du poche, de la mort, de Satan &: de
dânàtiô éternelle. & qu'il luy plaife au/Il appaiier l'ire & la iuile vengeâcedu Pcrccçle-
fte-.àec qu'eftans réconciliez a luy,nous ayons la vraye paix au milieu delà guerre, 6c la
vraye ioyc au milieu d'vne fi horrible trifte/Te , &: la vraye vie au milieu de Lunort hor-
riblc.Qi't fi le Fils deDicu nous affranchit, nous ferons vrayemét francs. Et quad nous fcan 8
cheminerons parlavallcc de l'ombre de mort,nous ne craindrons nul mal: car le Sci- 'cai,*3-4«
gneur eftaucc'îious.&: luy-mcfmc a dtr,Ic ne tclaillcray point, <2c ne t'abâdôneray pou: H<.b.iî.f.
tcllcmct q nouspouuons dire aifeure ment, Le Seigneur m'cftadiutcur,ie ne cramdray Pfe.ns.6.
chofe q l'home niçpuifîc faire. car toutes choies qui aduienent àccuxquiaimêt Dieu, Rôm.s.ig.
font pour leur profit, foit lamorr,foit la vie. Ne craignons point donc ceux qui tuent le Mitio. is.
corps,Ôi ne pcuuet tuer l'ame:mais craignes ecluy qui peut perdre 1 ameôc le corps en
la gehéne. Mourons pluftoft tous,q délai/Ter la Loy& les ordonnâtes de Dieu,& la do Mjr iq
ftrine du S. Euangile. Ayons touiiours en noltrc cœur ce que noftre Seigneur nous en-
itigne,Qujpcrieuereraiui'qualafin,ierafauué. Vn a v t r l d'entre eux parla ancien
comme s enfuit : Si nous regardons à ce que les hommes ont arreftc^Ia confpiration 11 '*
des ennt mis eft fi grande , que félon raifon humaine on ne pcutcomprcndrcqu 'aucun
puifle eiehapper,deceux qui apertement voudront confeifer noftre Seigneur lei'us
Chrift fiû fon iaind Euangile . Toutefois nous auons tant fouuenr des noftre îeunef-
fcefté en feignez par la parole de Dieu, que fes penfeesne l'ont point comme les pen-
fees des hommes : &c fes arrefts & les iugemens ne l'ont point comme les arrefts &: fen- Ui- 5S 8
tences des hommes . Car nous voyons ibuucnt qu'il fe mocque des cntrepnfes des
hommes, de leurs confeils &c déterminations :& change &rcnuerfc leurs délibéra- pft.H ,4.
tiens à leur confuiîon,& de ceux quideuorent fon peuple comme s'ils mangeoyent du
pain . ^ Or nous femmes ici pluiïeurs Anciens, q le Seigneur Dieu a par plu lieu r s fois
deliurcz degrans perilsrdont & de tous les biens nous fommes tenus de luy rendre grâ-
ces. Et maintenant que dcuons-nous demander au Seigneur Dieu, linon qu'il luy
plaife nous donner à tous le coeur de l'honnorer& le craindre de tout noftre coeur, &:
de mettre toute noltrc confiance en luv? Et pour ce rairc,qu'il luy plaife ouurir nos
veux pour contempler les iugemens , &c faire les eommandemcns,&: limite les chofes
qui luy font agréables : & nous fortifier par fon fain&Efprit , afin que nous ne lacions
légèrement chofé contre !a doctrine de l'on Euangile, pour gagner quelque petit rc-
fpit de celte vie, Car que profite ra-il à l'homme , quand ores il gagneroit tout le mon- M-itic te.
dc,&: cjiùl face le dommage de fonamc? Et quand bien nous (crions deliurcz des tour-
niez des hommes, en fumant par fimulation la manière de viure tics idolatres,nous n
cil happerons point la main de Dieu . Or il eft plus à craindre de tomber entre les Hc[) 10 u>
mains du Dieu viiïant,qucntrc les mains des hommes mortels. Et que nous doit il cha
loir de viure plus au milieu de la nation mauuaifc& idolâtre ? Soyons appareillez de
mourir conftamment, &c comme fera la volonté de noftre Dieu,qui eft levray Maiftrc,
auquel eftdeue toute obeiffanec. Vn av tr h luiuit ces paroles d'exhortation,^ dit, ancien
Le Seigneur, qui feul peut tout ce qu'il veut, ne permettra point qu'vnfeuleheueu de nu.
noftre réfte tombe enterre (ans la volonté. La principale choie que nous auons à taire,
c'eft qu'en gênerai Ôc particulier nous foyons touiiours en prières , à ce que le Seigneur
Dieu nous baille la force & la vertu de porter patiement les tribulations qui nous font
appareillées. Ce breuuage fera vn peu amer à la bouchc:mais il en viendra vn grand ,p-
fit à toutlecorps:& le Seigneur donnera bonne ilTue à toute cefte perfecution . Noftre
Pere celcfte fait mieux les chofes qui nous font profitables &: neceftaires,quc nous mef Mit.d.31.
mes. La chair voluptueufe &c rebellera touiiours horreur de la tnbulation,& ne fc veut
foumettre au boplaiiirde Dieu, afin cjuedc nous foit fait ce qui luy plaift . Pour rclifter
donc à toutes tentations,prenons le glaiue de la parole de Dieu , U croyons que le Sei-
gneur eft le Roy tout-puiliant,&: que toutes chofes font miles en fa puiifâce,& n'y a nul
qui puillc rclifter à fa volonté . Parquoy ne foyons en grande trifteile pour l'ordonnâce
&: arreft des hommes, qui ont iniuftement délibéré de nous mettre tous à mort : voire
&: nos femmes &c nos enfans. Car foyons aileurez, que fi le Seigneur a ordonné de nous
y.ii.
lehtion
L/Wo 1 1 . sffîerindol Çf Cabriertu*
dcliurcr tous,ou aucuns de nous,que nul ne luy pourra relîfter . S'il luy plaiit que nous
mourions tous,nc craignons point, car il a pieu à nollre Perc nous donner vnc autre ha
bi rat ion, qui cft le royaume celcftc.Ccrchons celte cite permanente & etemt llc,cn la-
quelle n'y aura point de muratiô,poureté,mifere,larmcs,pleurs,dueil ou triftclîe : mais
félicité et béatitude éternelle . Cependant il nous faut boire du brcuuagc que le Sci -
gneur nousa preparé,vn chacun félon fa portion : mais les mefehans beuuront&aual-
Jcront la lie, qui leur fera mcrueilleufcment amere,voire &: les eftranglera . Rcliouil-
lons-nous en nos tribulations, fachans que noftie triftcflc iera tournée en ioycr&à no-
llre tournous rirons, quand les mclchans pleureront & grinceront les dents. *j Vu au-
tre de la compagnie adioulta ce qui s'enfuie: Le SeigneurDieu par tribulations fait Ycl-
prœuue de lés vrais difciples,& de ceux qui ont bien appnns en fon efcolc celle leçon,
Maics.34. qui cft biendure,mais elle eft vcntablc,Si quelcun veut venir après moy,qu'il renonce
& abandonne foy-mefme,&: porte la croix,& me fuiue. Parquoy tous ceux qui viennet
au feruicc de Dicu,qu'ils fe préparent à tentation & a tribulation. Car tous ceux qui
i.Tim.3.11 veulent viure fidèlement en Iefus Chrift,foufFriront perfecution . Mais les mauuais&:
decepteurs profiteront en pis,abulans&: cftans abufez. Et au liurede Iudithil cft dit,
iuJiths.u fi tou$ jcs Hdclesquiont pieu à Dieu, font ainfî pallez par plusieurs tribulations.
Si a mli cft doneque par icellcs tribulations il nous faut entrer au royaume de Dieu, le
Seigneur monitre bien qu'il a le loin de nous . lettons donc en luy tout noftre fouci,
fachans qu'il y a temps de naiftrcë£ temps de mourir: &: que le Seigncur,quifcul baille
la vie, a l'empire fouuerain fur la mort . Mettons-nous donc en fa fauue-gardc&: protc-
étion,&:nous ne craindrons point chofe que l'homme nous puifle faire.^V oila en fub-
ftance vue partie des propos que les Anciens eurent en cefte aficmblce.
Lcsieunts It. y eut aiilliaucuns îcuncs hommes qui propoferent en leurrang ce que Dieu leur
apro ks aUQn: donne a cognoiftre pour l'édification &: confolation de rafTembîee. dont nous a-
poiè!)TPFa° uons auln" recueilli &: tire ce que s'enfuit: Novs fommes cnfcignez par la parole de
mie de cô. Dieu , de prendre garde qu'aucun de nous ne foit afflige comme meurtrier , ou larron,
ou conuoitcux des biens d'autruy: mais li aucun cft afflgé comme Chrcfticn , qu'il
n'en ait point de honte: ains qu'il glorifie Dieu en cefte partie. Car le Seigneur
nous enuoye .les afflictions pour nous humilier , &: efprouuer noilrc patience: pour
nous taire cognoiftre nos péchez, & luy demander merci, afin qu'il ait pitié de tous.
Noftre bon Pere ne nous traitte pas félon nos péchez , &c félon que nous auons
mérite. Et combien que ceux qui nous affligent, ne le facent pour autre chofe que
pourec que nous ne voulons point delaift'er la Loy&: les ordonnances de Dieu: ains
que nous luy voulons feruir félon la doctrine de fon iainet Euangile: toutefois nous cou
iiderons que nous pouuons élire caufe du mal , pour les ofFcnfes que nous auons com-
mifcs& commettons îourncllemcnt par ingratitude &c mcfcognoiffance. Parquoy
nous auons befoin de prières ardentes, pour demander merci &: milcricorde , pour
obtenir grâce que nous puiflïonspioyer noftre colfous le ioug de Dieu. Autres icu-
nesgcnscnla mefme Congrégation parlèrent comme s'enfuit: Àvron s-n o v s
honte, 6c nous eftimerons nous mal-heureux, d'eftre de la race de ceux qui ont totif-
iouus efte fuiets à perfecution : veu que l'Elcriture dit, Que bien-heureux font ceux qui
foutfrt nt perfecution pour iufticc: car le royaume des cicux cft à eux r Vous eftes bien-
heureux, dit le Seigneur , quand les hommes vous auront outragé ,&: vous auront per-
fecuté ,&: dit tonte mauuailc parole contre'vous en mentantà l'occafion demoy.ef-
iouiffez-vous &z ayez liefte:car voftre loyer eft grand es cicux. Aufîi pour noftre con-
folation nous deuons bien imprimer en noftre cœur l'hiftoirc de la foy de Moyfc: le-
quel citant ia grand, refufa d'eftre nommé fils de lahlledePharao,eflifantpluftoft d'-
eftre affligé auec le peuple de Dieu, que d'auoir pour vn peu de temps iouiflancc de pc-
ché:cftimant l'opprobre de Chnft plus grande richeffe que les threfors d'Egypte . Le
Seigneur Dieu nous doint la grâce denousarrefter&: cftre fermes en fa fainftedoétri*
ne:&: qu'il ne permette lamais que nous foyons feduir s par ceux qui nous voudront en-
feigner autre langage que la doctrine du fainct Euangile contient. Aufti qu'il luy
plaife nous efloigner de tous ceux qui tafeheront à nous deuoyer delà droite voye,
laquelle noftre Seigneur Icfus Chnft nousa monftree par fa fainde Parole . Q_u'il
plaife aufti à noftre bon Dieu nous faire la grâce , s'il 1 uy plaift nous retirer à foy,quc ce
Ichji làns regret des biens de ce monde : mais que nous confiderions l'heureux efchan-
M.it.5.10
& 11.
Hcb.u
eMerindolÇf Q^brierc^j* ur
ge que nous ferons , cftans feparez de ce monde pour alJer enlafainttc montagne
de Sion , en la l'ainde cité de Dieu , en la compagnie des Anges &. des efleus de
Dieu , en toute béatitude àc félicité . Auffi li c'eft le bon plaiilr de Dieu , de nous de-
liurer de la îentcnce de mort donnée contre nous,que ce foit pour leruir àfon honneur
&C gloire.
^ En cefte forte le refidu de la difperfion de Merindol fe fortifioit:&: auec telle fer-
ueurdczele embrailbit les promeiîés du Seigneur , qu'il n'y eut peribnne en la com- Côdufiou
pagnie qui ne donnaft confentementaux exhortations des Ancien s, auec proposé gregiuoT
délibération d'endurer pluftoft les horribles menaces des ennemis, &c toute cruauté hcurcuiè.
&: dernière opprefîion, que de donner femblant d'abiuration ou renoncement de la
vérité.
Pour tefmoignage plus ample des chofes ci defïus defcrites,& fpecialement pour donner à cognoi/tre la dernière cruauté des en-
nemis, nousauons ici inféré la Lettre d'vn perfonnage quieftoiten la compagnie dudird'Oppcde. lequel a fidèlement ré-
duit par eferit toute la procédure & dernière exécution tenue en ceft affaire.
BSEvJÎ ON SIE VR le Maiftre, ien'ayfailly vous eferire la prefente, pour vous fai-
rc entendre que l'Areft de Merindol a efté cruellement &c excelTniement execu
té:non pas feulement fur ceux qui eftoyent condamnez, mais fur plulleurs lieux circô-
uoifins,fans aucune forme de iuftice. Il vous doit fouuenir comme à moy, que dés l'-
an m. d. x x x i x. douze ou treize poures payfans,laboureurs ignorans,furent par cô-
tumace déclarez par Areft du parlement d'Aix,heretiques,condamnezà eftre bruflez,
&: tous leurs biens confifquez.Et par mefme Areft fut dit contre ceux qui n'auoyent e-
fté ouis&appelez,que tout le lieu de Merindol feroit rafé &: deshabité. Or le Roy,fei-
gneur noftre,en fut lors aduerti : qui trouuant ceft Areft fort eftrange &: inique, via de
fa clemence,fufpendant l'exécution d'iceluy:&: fit pardon gênerai à tous ceux qui vou-
droyent abiurer,&c. Aucuns de ces poures gens feroyent venus en perfonne prefen-
ter leurs requeftes au Parlement , afin d'eftre ouis furies cas dont ils eftoyent chargez.
Ce qu'ils n'ont iamais peu obtenir,comme i'ay feu: & vouloit-on qu'ils abiuralfent fans
eftre autrement ouis , &c confeffafTent pleinement ce dont ils eftoyent chargez &: con-
damnez par contumace. Ceux-la voyans qu'on leur faifoit iniuftice,fe feroyent retirez
en leurs maifons:les autres font encores abfens du pais,&: les autres font morts . Vous
fauez comme moy,que Merindol eft fituee près de la Durance,du cofté deuers Cauail-
lon,diftantdulieud'Oppedcvne lieue &c demie ou enuiron, de là oùeft maiftre Iean
Menier,noftre premier prefident de Prouence : qui a fait mourir de faim en fa cifterne côcufsions
cinq ou fix poures payfans fes fuiets : aufquels il a fait à croire qu'ils eftoyent Lutheries *SVJJ1(J~
& Vaudois:afind'auoir leurs biensôdicritages,qu'ilaprinsenfamain pour augmenter Oppedc.
fa fcigneurie,qui eftoit auparauantpeu de chofe.
Ces poures gens ainfi trefpaflez,ont delai/Té des enfans qui font deuenus grans,qui
ont des amis &: parens k Cabriere , voiiîne d'vne lieue dudit d'Oppede: qui ont donné
quelques courfes &: carrières audit Menicr,allant &: retournât dudit lieu à Aix. lequel
pour fe venger d'eux auroit trouué moyen d'eftre lieutenant du Roy en ce pais de Pro-
uence,en l'abfence de monlieur de Grignan,cependat qu'il fera en Alcmagne.Et pour
paruenir par ledit Menier à fes vengeances non pas feulement contre ceux de Cabrie-
re,mais de plulleurs autres lieux:a forgé vne mentene qu'il a efente au Roy,luy faifant Voihcèm(,
entendre que ceux dudit Merindol &: d'autres lieux leurs voifins, iufquau nombre de |c, ^urcs
douze ou quinze mille hommes , s'eftoyent mis aux champs en armes , l'enfeigne def- fidèles font
ployee,en délibération de prendre d'emblée la ville de Marfeille, &c d'en faire vn Catô calomnKZ-
des Suilîes. Et que pouf remédier à leurs entreprifes , il faloit exécuter ledit A reft manu
mthtari.lc vous Jaiffe penfer ii ceft vneville aifec à prendre d'emblée &: fans mitaines. L'
Empereur & monûeur de Bourbô par deux fois y ont mené leurs forces par mer &c par
terre ,où ils n'ont rien gagné. Le Roy ne penfe iamais qu'onletrompc-.dontilluy ad-
uient fouuefit grand' perte . Croyant que cefte menterie fuft verité,a ordonné par let- °" feour
très patentes d'exécuter ledit Areft de Merindol , & d'y employer fes forces auec Pou- Roy deccr
lin,ban & arriere-ban du pais,auec bandes de Piedmont,qui defeendoyent pour s'em- "s * J"*"
barquer audit Marfeille , pour faire le voyage d'Angleterre. Quand ce menteur bc xecuterl .
trompeur de Preiident(ie levouspuis dire& nommer tel , d'autant qn'il a trompé le Alcft«
Roy)eutreceu les lettres pour exécuter ledit Areft de Merindol, où il n'y auoit plus
y.iii.
MerindolÇf Cabrierz_j.
que deux ou trois de ceux qui auoyent cfté condamnez : délibéra d'y aller en perfonne
&: en armes,comme lieutenant du Roy, pour donner force au fécond Prefident deFon-
te,qui ne luy fert que de laquais,& aux confeillers De Tnbutns&: de Badet : lefquels il
auoit députez Commifiàires &: exécuteurs dudit Arcft,à la grande pourfuitte &: Inftan
ce du procureur gênerai Pyolcnq,qui s'abfenta pour lors de ladite ville , afin de donner
Cucrin"' occafion d'y faire aller l'aduocat gênerai Gucrin , homme de grand fauoir &: experien-
c-c,& autant eltimé qu'il cil poiiîblc( comme vous fauez:) qui sexeufa plufieurs fois d'-
affilier a ladite exéc ution , en difant que le Roy eftoit abufe par ledit Prefidcnt,&: que
pour vente tant à Mcrindol qu'ailleurs dedans le pais, il n'y auoit aucune alfemblec d e
gens.&: la venté eftoit tclle,comme moy & plus de quatre vingts perfonnes auons veu
au diicours des exploi&s qui ont efté faits . Ce nonobftant quelques exeufes que ledit
Aduocat peuftfairc,il.i efté contreintpar menaces d'yaflifter : &: faybien qu'il luy fuc
dit,que s'il ne s'appreftoit pour marcher auec la compagnie , on eferiroit au Roy, qu'il
ne tenoit qu'à luy que ledit Arcft ne fuit exécuté . Qui a elle caufe de le faire marcher
auec ceux de longue robbe dcfru!dits,qui partirent des le Ludi treizième iour d'Aunl
dernier paiïe.Moy eftant toufiours en la compagnie , allafmes cedit iour dormir à Per-
mis,où nous trouualmes les capitaines de la Brute &: Vozioine, auec quelques gens de
pied. Le Mardi allafmes diiher à Cadenet,où on deuoit attendre ledit prefident d'Op-
pede, qui elloit demeuré à Aix, pour s'en venir en équipage auec le capitaine Poulin,
qui deuoit amener des gens tant d'Aix que de Marftille ,& fe trouuer tous à Pertuis le
Mccrcdi enfuiuant,où au/Il les bandes de Piedmont fc deuoycnt trouuer. Cepen-
dant îe Jaiifay à Cadcnct ceux de longue robbe, &: m'en allay à Aix, où il n'y a que qua-
tre licuës:afin de voir en quel équipage venoit ce Prefident, qui penfoit que ledit Pou-
lin le deuft accompagner. Ccqu'jlnefit,pource qu'il s'cftimeplus noble &: dauantnge
que ledit Prefident , qui eftfils d'vn Iuif retaille d'Auignon. &: s'en alladeuant l'atten-
dre à Pertuis. Et quand cedit Prefident fe vid fans ledit Poulin , il monta à cheual bien
armé,fors qu'aux iambes & à la tcfte,bien demonftrant que ce n 'eftoit pas ion meftier
que de la guerre. Aux deux coftez dudit capitaine Preiident,pour renforcer fa magnifî-
ccnce,eltoycnt lcsfeigneursdc Pouiricrs&: de Launsfcs gendres, qui luy feruoyent de
Confcillcrs:&: reiîcmbloyent bien copagnons pour venir à bout defîafcons &c bouteil-
le Merâ \CSA Apres marchoitlc iugcd'Ai>:,maiftreIcanMeiâ,capitainedes enfansde la ville:
lequel en lieu d'vn bon courfier,cftoit monté fur vne mulle noirc,qui eftoit fi fort char-
gée,qu'elle ne le pouuoit porter: &; luy eftoit fi fort cmpefchc, qu'il n'euft feu tuer vn ci-
ron.En la troupe des pionniers , Nicolas Thibaut, marchand de Cru/Ton, marchoit en
bon ordre, comme capitaine bien experimenté:faifant auât-garde&: arricre-garde de
pionniers en l'art de tauernerie . Et ledit luge eftant hors la porte de ladite ville d'Aix
pour voir Tordre &£ l'équipage dudit Prefident, vint au deuant de luy vn me/Tagcr qui
luy prefenta lcttres:&:en ouurât icellcs,fa mulle oyat le bruit du papier^iaufia la queue
& baifte lcsoreilles,&: fit vneruadc,fc defchargeantdefon maiftre: qui receut fi grand
raduc8nCtlC iaut'cluc ^on Pcn,olt qu'il fuft mort:qui luy fut vn mauuais prcfage,comme vous verrez
ci apres.En cefte belle ordonnance , nous allafmes vne partie par Pertuis, &: les autres
pafierent lariuicredela Durance,au port de Cadenet. Et le Prefident auec vne partie
de fes gés vint trouuer le capitaine Poulin audit Pertuis:& de là print fon chemin à Ca
dcnct,où les gens de fon confeil l'attcndoyent au difncr. Or durant le difner arnua au-
dit Cadenet le capitaine Poulin, lequel he fe contentoit point dudit Prefident : & croy
que c'eftoit de quelque cnuie &: grandes pratiques q Ion chargeoit ledit Poulin auoir
faites à J'auitaillc ment des galères &nauires qu'il conduifoiten Normadie . Toutefois
i ouiins,- après leur difner fc retirèrent en vne chambre pour tenir confeil, où eftoit ledit fécond
.1 ûppcje prefident & le confeiller Badet. le confeiller deTributiis,&: ledit Aduocat ne s'y voulu-
jlcrt'qnion rcnt trouuer:&: me fut dit par ledit Aduocat, Beateivircjui non alnjt inconfilio tmpiorum: Se q
»!cpcrûcu- certainement îlsfcroycnt quelque grande folie &£ outrage irréparable . car chacun fa-
c hAft"5' l,oit bië qu'il n'y auoit aucune aflemblee de gens aux champs,commeil auoit eferit au
Roy . Or après que ledit confeil fut tenu par iceux à la femblance des Scribes &: Phari-
iiens, Poulin s'en retourna à Pertuis. & Je lendemain matin commença à mettre le feu
és villages de Cabrierettc, Pupin , La mote& fainct Martin, qui appartiennent au fei-
gneur de Cental , enfant pupille : où ils commencèrent à faire les premières cruautez.
Carlaplulpartdcspoures laboureurs lans refiftence furent tuez &: meurtris, femmes
tfflerindol &* Cafoierc^. i jo
& filles violees:femmes groflcs &: péris enfans nais &: à naiftrc,tucz Se meurtnsrlcs ma- Cruautez
nielles à plulîcurs femmes coupées . on voyoit les petis enfans mourans de faim auprès to"|b,««
des mammclles de leurs meres qui cftoyent mortes . &: ne fut ïamais veu vne telle cru-
auté Se tyrannie . tout a cfte pillé, brufle Se faccagé, D'Opede fit predre Se enuoyer aux
galères de ce capitaine Poulin, />/w de huit cens hommes de ces poures payjans. Aucuns foldats
tenoyent decespouresgens prifonniers comme cfclaues,qui les offroyent à vendre &:
deliurerpour vn efeu la pièce. le vous aduife bien que lediefeigneur de Ccntal a perdu
dix mille liures ou cnuiron.ôc il ay ouydire en bon lieu, que cela a cfte par grande vin-
dication& mauuaife haine, àraifondecequeladamede Ccntal n'a voulu confentir à
faire alliance, Se donner fa fille en mariage à quelcun des parties dudit Prelident. ^ Le
Ieudy enfuyuant, ledit Prefident voyant le feu és lieux deifufdits, monta à cheual, déli-
béré d'en faire autant aux autres lieux voifîns.-eftant accompagne du fécond Prefident
&deBadet confeiller,&: d'autres ayans defir d'exécuter fes vengeances : mais ledit Ad-
uoeat &: le côfeiller deTributiiss'eftoyent cachez Se retirez à part auiardin dudit lieu,
de peur d'aller auec eux , coniîderans la mauuaife intention dudit Prefidét. Ce nonob-
ftant il n'y eut ordre qu'ils demouralTent,& furent contraints de fuyurelc Prelidét:qui
fît brufler les villages de Lormarin, Ville-laure,&: Trczemines, où nous ne trouuafmcs
aucune perfonne. De l'autre cofté de la Durance eftoit le lieur de Roque, parent dudit
Prefident , Se autres de la ville d'Arles, qui bru fièrent Genilbn Se la Roque, où aufîi n y
auoit perfonne. le le vous puis alîeurer,carieray veu.
L e vendredy fuyuant, bandes de Piedmont arriuerent pour aller cm barquer à Mar- f^"^
feille, pour faire ledit voyage de Normandie:&: pa/ferent par ledit lieu de Cadenet, où
ils firent grans maux. Se de là allèrent loger à Lauris, quieftau gendre dudit Prefidét,
qui fut bien gardé toute lanuict. Et le Samedy marina l'aube du îour, ledit Prefîdét&:
les gens de longue robbe délogèrent dudit Cadcnet,&: s'en allcrct droit au lieu de Lau
ris,où eftoit le capitaine Poulin auec toutes les bandes de Piedmont:&: commencèrent
à marcher en bataillc,pairansians grande crainte de perlonne par ledit bois de Lauris,
qui dure deux licuè's,iufqu'auditMerindol:où nous arriuafmes enuiron neuf heuresdu
matin, Se n'y trouuafmes qu'vn îeune payfan idiot,qui fut prefenté au Prclidentdcqucl Vn poure
finterrogua de fa foy . mais pourec que ce poure innocent ne luy feut refpondre à km J^™"*v""
defir , il le déclara hérétique. Et fur l'heure le fît attacher contre vn arbre tirer de arbre.
harquebufes,en difantparkdit Prefidenr,qu'il faifoitladite exécution pour exempleà ^"Kô
ceux dudit Merindol. ^ Or en ce village de Merindol y a plulicurs lubucsy autrement ner>°» "'y »-
cauernes, enlamontagnerou pluficurs femmes, filles Se petis enfans s cftoyent cachez ™i
Se retirez, que pluficurs foldats(non pas des vieilles bandes venans de Piedmont ) vou-
loyent tuer&: mcurtnr.toutefois on ne les toucha finon en leurs biens. Le Prefident fe
trouua pour lors bien cftonné, voyant fa menteric dcfcouucrte, de ne trouuer hemme
quelconque de iefiftcnce:lequcl comme vn capitaine hardy, fit mettre le feu par tout
le village , où il y auoit plus de deux cens maifons, qui furent toutes brnflces , Se n'y de-
meura aucunes murailles. le ne vy iamais tant de chats courir pour fe fauuer du feu, ne La cI»fle
tant de gens à la chaffe des chats, comme il y auoit audit lieu. Celle exécution fut faite ^onftroit
Se achcucc enuiron midy:& à la fin d'icellc arriuerent audit lieu aucunes bandes à che- le bon loi
ual^i'Aix&d'Auignonjpour donner fecours:dont il nef toit befoin . car tout ce poure ^csfol*
peuple s'e n eftoit fuy és montagnes çà& là, comme gens fauuagcs , mourans de faim.
Dont le Roy , s'il en fait la vérité , fera faire la iuftice de ladite cruauté. Ledit A duoeat
pour l'heure fe vouloit defrober , Se s'en retourner au lieu d'Aix, après ladite exécution
de Merindol, difant que ladite commifîion ne s'eftendoit que iufques audit Merindol
feulement. Toutefois ledit Prefidét le perfuada d'aller au lieu d'Oppede,en ladite mai
fon,auec le fécond Prelident &: les Conléillersdcilùfdits,pour voir delà faire donner
la/faut audit lieu de Cabriere: en luy difant que s'il s'en retournoit feul auec fes gens,&:
que les fugitifs des villages defïus nommez le rencontroyent > il pourroit cftre en dan-
ger de fa perfonne. Cela le perfuada d'aller audit lieu d'Oppede,&: de fuyure ladite co-
pagnic. ^Le Samedy au foir ce Prefident auec Poulin Se la plufpart des bandes logè-
rent audit Cauaillon:&i les autres allèrent mettre le liege deuant Cabriere,d'vn double
canon Se d'autres pièces d'artillerie. Le Dimanche matin , qui eftoit le x v. après Paf-
ques , l'artillerie commença à faire la batterie à quatre heures , Se ne cefî'a iufques à la
nuict,qu'elle n'auoit fait brefche pour pafTer vn afne: Lemefme îour lefdits Prefident
y.iùi.
Liurcj IL Merindol & Qahrmt^.
ôi Poulin, cnuiron midy parcans dudit Cauaillon, allèrent voir ledit ficge. A la rencoii-
Gucrin trc defqucls allèrent le fécond Prefident ôi les ConfeilleiS: mais ledit Aduocatnc vou-
duRnv! lut aller, qui demeura feul audit Oppcde:Ôi croy qu'il rit fagemec,pource qu'en la trou-
pe des gens de longue robbe, fut tiré vn coup de harquebulé. ieftime que c'eftoit à luy
que Ion adrc/foit celte pillulemo pas en haine de celte exécution, mais pour autres eau
les que vous pouuez falloir, car îe fuis bien leur que ledit Aduocât droit marry,Ôi auoit
grans regrets dcfditesciuautezôi tyrannies. ^Lanuict turent faites approches de lar-
tillcrie plus près de la ville: qui recommença le Lundy matin à faire la batterie: telle-
ment que du premier coup elle fit grâd dommage au comble de la maifondu feigne ur
d'iccluy lieu, qui eftoit au meime iïege deuant ladite ville:qui s'approcha de la murail-
le, Si parlementa à lefdits fuiets. Or il n'y auoit dedans en refiftence que foixante pay-
Jans. defquels Efticnnc le Maroul,gentil-galand, eftoit le chefôi conduercunqui auoit
fait plufieurs petis pertlnsen la muraille, par lefquclsil tiroitfouuent contre nos gens,
Ôi quafi fans faire faute. Il y auoit auiîï tréte femmes ou enuiron, qui leur adminiftroyët
leurs neceilîtez. Le furplus des autres homes s'eftoyent cachez ôi retirez dedans leurs
cauestôi les femmes, filles & pctisenfans, en l'eglife. Enceparlement ledit feigneur
PromtfTe jc Cabrierc, après toutes remonftrances par luy faites, leur promit la vie ôi leurs biens
îkabnerc fauues,ôi de les faire ouir en iuftice . à quoy ils s'accordçrent : Ôi réciproquement ledic
Prelidcnt. Au moyen dequoy, tout incontinent ledit Maroul auec fes compagnons ôi
lcidites femmes qui leuradminiftroyent, fortirent hors de la villefans armes. Sur lef-
quels tout fubit ledit Prefidét ôi (es deux gendres,ôi autres de leur deuotion coururér,
en forte qu'ils tuèrent Si taillèrent en pièces trente de fes pourcs paylans.Les autres tu-
rent prins prifonniers ôi menez à Marfeille, à Aix Ôi Auignon. Les trente femmes, dôt
la plufpart eftoyent grofles, furent miles ôi enfermées en vne grange, où Ion mit le feu
pour les brufler. Ces pourcs femmes crioyent fi amèrement , qu'vn foldat ayât pitié d -
elles,leur ouurit la porte . mais ainfi qu'elles fortoyent , le cruel Prefident les fit tuer ÔC
kriarc mettrc en pieces.iufques à faire ouurir les vétres des mères , ôi fouler aux pieds les pe-
tis enfans eftâs dedas leurs vétres. ^Cepédant q cela fe faifoit,aucûs foldats d'Auigno,
qui vouloyét piller la ville, entrerét es maifons , où ils trouuerét plulieurs de ces pourcs
homes cachez en leurs caues, fur lefqucls ils commencerét à crier,Tuc,tue. Les autres
qui eftoyéthors la ville,entrcrct dedans,Ôi tuèrent tous leshômes qu'ils pouuoyct ren-
contrer. LePrefidét fe monftra plus cruel que ne fut onc Herodes:car il cômanda publi
quemét au capitaine Iean de Gaye,qu'il entrait auec fes gés en l'eglife dudit lieu,ôi qu'-
il tuaft toutes les femmes Ôi enfans qu'il trouueroit dedas ladite eglife. Ce q ledit capi-
taine ne vouloit faire, remonftrat audit Prefidét que ce feroit vne cruauté nô vfitec en-
tre gens deguerre.ôi d'autant q le Roy ôi fes Lieutenasn'enauoyét iamais vfé, qu'il ne
I! nomme dCUOit s'entremettre de ce faire. Celle rcmonftrace defpleut au tyran" Iuif,quicôman
/j»^,pourcc ^a derechef audit Capitaine , fur peine de rebelliô ôi defobeiflance au Roy, de faire la-
qu'ô tenoit due exécution. Ledit Capitaine de craï te d'eftre aceufé rebelle, obeir.ôi entra auec fes
fils duCftOU en ^acutc egn^e' ou & tuèrent toutes les femmes, filles ôi petis enfans qu'il peurent
udUt. trouuer. L'Aduocat fufdit arriua audit lieu lur la fin, pour voir ce que Ion faifoit:Ôi fau-
ua trois petites garces, qu'il enuoya proprement audit lieu d'Oppedc.ôi le iour mefme
dcfpelchavnpayfanpourlesenuoyerà Aixàfafemme. Auflifurlafin d'icelle cruelle
exécution arriua le ficur delà Cofte,qui pria le Prefident fon parent, de ne luy enuoyer
aucunes bandes audit lieu de la Cofteduy offrant mener iufques dedas Aix tous fes fu-
iets prifonniers en telle forte qu'il voudroit: ôi de faire tat de brefehes à la muraille qu'-
il voudroit: lefquellcs il auoit défia commencées, pour demoftrer que perfonne ne vou
D Oppede ]oit faire refiftâce. Ce que ledit Prefident luy accorda: neâtmoins en derrière il enuoya
tous? i[ 1 tr0is enfeignes, lefquelles fans aucune refiftence bruflerent quafi tout le village,ôi tuè-
rent plulieurs paylans.On fit auih plufieurs violéces de filles ôi de femmes:ôi finalemec
tout fut pillé, bruflé ôi mis à fac. Le fcmblable a efté fait en plufieurs autres lieux circô-
uoifins . ôi croy qu'il auoit délibéré de mettre en ruine tout le pays de prouence.
I e laiflay au dit lieu de la Cofte,lcs gens de longue robbe,qui s'en allèrent loger en
la ville d' Apt:ôi de là îe prin le chemin de Cauaillon,defirant voir la fin de cefte cruelle
entreprife.auquel lieu eftant arriué fur le foir , Dieu y dcmonftra vn cômencement de
d^DKu!" iu^ice Diuinc.Car il s'efmcut débat entre Louys de Vaine,beau-frere dudit Prefident,
ôi le frcreôi le gendre de Pierre Durant, maiftre boucher delavilled'Aix:Ôi aduinc
telle-
Cjuillaumc^j LTujfon. ijr
tellement , qu'ils sentretuerent. ^Lc Mardy matin ie vy le Prefidcnt d'Oppcde qui
tondu ifoit les trois petites filles que ledit Aduocat auoit fauuees dudit lieu de Cabne-
re,lcsfaifant mener à Aix par vn pavlan: ce que ledit Pre/îdcnt ne voulut lbuffrir, ains
les luy fit ollcr. ne fay qu'il en a elle fait. Auflî le Côfdllerdc Launs, beau-fils dudit Prc-
iident , prmt & oita au payfan les lettres que ledit Aduocat efcriuoit à la femme, où il y
auoit ces mots eicrits ciditcs lettres, le ne votts fauroye mander cjue chofe pitoyable & demande
Cruauté.ldquch mots ledit Côicillcr faifoit lire en manière de mocquerie à plulicurs qui
eftoyent en l'a compagnie. Et le melme iour , le îugedc la ville d'Aix cftant en l'on re-
tour, partant la nuiere de Durace,fe noya: où Dieu démolira délia fa bonne milice. La ^^'"j
dernière venge ance de celle exécution fous couleur de iullicc,que fit ledit Preiident,a Dicu"ur k
elle que maillre Pierre Ioannis,&: IcanRabicr iuge de S.Maximin, font allez au lieu de iuse a A
Tournes: où ils prindrent les Confuls&r principaux de ladite ville , pour haine &: ven-
geance , à raifon qu'ils ont procez contre lebeau-ficre dudic Prciîdent .&lcs ont fait
mener par force en galères, fans forme de milice . les autres ont elle rançônez &: com-
pofez . chacun peut cognoillre que c'cll vfer de vengeance. le vous aduerty que voftrc
maiftrcmoniicurdcGrignana mauuais bruit par deçà, de sVilrcrecôcilié auecce luit
de Prclîdcnt, &: de l'auoir fait ("on Lieutenant. Et dit-on que c'eft de peur qu'en fon ab-
f'ence ledit Prefidcnt ne mette en auant contre luy plufieurs cas qu'on luy met fus. mais Vn mau"
croyez que ledit Aduocat qui cil mande d'aller en Cour, l'entend bien : &: tait la vérité l'autre'
de tout le fait. le vous dy ceci, pour en aduertir mondit feigneur voftre maiftre.Et pro-
tefte en tout ce que ie vous refery , nonreiederek f.de catholica , ne dire choie qui prciudicie Pfotcftatio
au Roy. Car ie fuis bien aiîeuré que fi le Roy fait les cruautez delîùfdites , il en fera faire craiatmc'
bonne iuftice.Et n'y a plus autre chofe que ie vous pui/îe eferire, linon quciamais ne fut
veue fi grande tyrannie &z cruauté.
^ V o i l. a les tcfmoignagcs de la procédure tenue en l'affaire de ceux de Mcrindol &C
des autres circonuoilins. Il refteroit de cognoiftre lesi]Iues&: les iugemens de Dieu
manifefl.es qui font cnlUyuis:Iefquels nous toucherons cy après par forme de récit d'hi-
ftohe en fon lieu, c'eft aflauok au temps de Henry II,roy de France, en l'an m.d . x l i x .
Car la chofe ell digne d'cllre cogneuc îufqu'au bout, à celle fin que ceux qui ontvnc
feule goutte de crainte de Dieu , voire de quelque humanité commune , ayent ces ex-
emples deunnt les yeux , &: en tacent leur profit.
GVILLAVME H V S S O N, François.
,N V IRON ces temps de l'an m.d.xliii i, Guillaume Hulfon apoticai-
\ïc , fugitif de Bloys pour la parolle de Dieu , arriua à Rouan , &: le logea vn
Mmatin pres la porte Martin- ville , chez vne femme vefue : à laquelle entre
* '/Jautres propos demandai quelle heure feleuoit ordinairement la cour du
Parlement. Ayant entendu d'elle quecelloit lur les dix heures , il s'en alla au palais, &:
fema quelques pctis liurets contenas do&nnc de religion Chrellicnnc,&: des abus des ""J^f""
traditions humaines:dont la Cour tut tellement efmcue, qu'incontinent on fit fermer uns.
toutes les portes de la ville,&: furent mandez tous les holleliers pour fauoir quelles gés
ils auoyent chez eux. La fufdite vefue leur dit qu'vn homme eftoit venu le matin loger
en fa maifon, qui luy auoit demade l'heure de l'irtue de la Cour: &: ayant feiourne quel-
ques deux heures par la villc,reuintdeiiuner:&: ce fait monta à cheual, r s'en cftoit al-
lé.Cela ouy on depelcha courriers pour aller apres:dont ceux qui tirèrent le chemin de
Dicppe,le ratteindirent à my chemin,&: le ramencrét à Rcuan:où il fut incontinct en-
quis de fa foy,laquelle il confeifa fans contraintc:&: dit qu'il eftoit notament venu pour
femerlefdits liurets, &: qu'il s'en alloità Dieppe pour faire lefemblable.
L a fepmaine fuyuante il fut condamné à eftre bruflé vif.&: d'autant qu'il elloit hom
me de quelque fauoir,on luy bailla vn docteur Sorbonique nommé De-landa , prouin-
cial de l'ordre des Carmes, afin de le conuertir à la foy qu'ils nomment Catholique. A-
pres que fa fentence luy eut elle prononcée, il fut mené delapnfon en vne charrette
deuant l'eglile cathédrale, accompagné de ce docteurdequel ayant fait lier vne torche
au poing du patient,luy vouloit perfuader de faire amende honorable à vne image qu-
L//#ro //• Franfois de Sant-%omain.
ils nomment Noftrc-dame:mais Huflbn ne le voulant efcouter, lai/Ta tout exprès tom»
ber la torche. A caufe dequoy la langue luy fut coupee,&: puis fut mené au marché aux
veaux , où ledit doéleur fit vn fermon qui dura bonne cfpace. Quand ce caphard difoit
quelque choie de la mifericorde de Dieu, le patient luy prelloit audience, mais quand
il retombôit furie mérite des Sain&s &C fcmblables refuerics , il tournoit la telle en ar-
nere.Cc vénérable dodeur voyant ces contenances de Huiïbn,leua les mains en haut*
&c aucc grande exclamation dit au peuple que ccll homme elloic damné ,& des à pre-
fentpo/iedé du diable. ^ Or après que toute la farce du Moine fut acheuce, Huflon
fut attache & guindé en l'air auec vne grande poulie,les pieds &c mains lices derrière le
dos. Quand on eut allumé le feu, il demoura fur la flamme quelque efpace de téps fans
le remuer, linon qu'en rendant l'cfpnt on luy vit remuer le corps en bai/Tant la telle. Au
partir de ce fpeclacle on oyoit diucrfes fentéces & opinions du peuple. Aucuns diibyét
Dèmn s 'iu clu ^ au01t ^C ^ia^^c au corPs: lcs autres maintenoyent ducontraire, alleguans que ii
popuûuc.U ainfi Cl"ft efte, il le full deft fperé, d'autat que la fin où le diable meine, c'ell à defefpoir.
or auoit-il touliours eu les yeux drclfcz au ciel. Tant y a que la côtenance immobile de
cefainâ Martyr au milieu du feu,renditeftonnezplulieursperfonnes: dont les vns de-
meurèrent ilupides, les autres furent incitez à vouloir cognoillredeplus près levray
Dieu d'Ifrael , qui au milieu des fournaifes embrafees a puiflancede fauuer ceux qui 1-
inuoquerontaunom de fon Fils, fcul protecteur ôdiberateur des liens.
M. D.
XLIIII.
Doctrine
Elpagnolle
M.Iacauc?
iadisprîcur
des Aii.'ii-
ftins d'An-
uus.
Signes de
gynd zt-lc
& ai Jcur.
FRANÇOIS DE SANT-ROMAIN, Efpagnol.
E N l'hiftoire de ce perfonnage,!a conuerfion cft notable, comme extraordinaire du tout : voire telle qu'à grand' peine en pour-,
roit-on trouuer vne lemblablc.
W^^^^'fi MBI E N que la nation Êfpagnolle aitfurmonté les autres en fuperfti-
S'^^^ftion Se idolatrie,neantmoins le Seigneur a voulu aulîî eftendre fabonté&:
}!■ Wâ^^mifericorde fur icellc,&: la faire participante de ce bénéfice incftimablc,d -
l^^^^fauoir eu de vrais tcfmoins qui ont attelle &c feellé de leur fang la vérité éter-
nelle du Seigneur. Entre autres, l'Efpagne nous donne en ce lieu vnpcrfonnage delà
ville de Bourgues , de parens fort gens de bien Se grandement aimez pour lcut vertu &c
modellie. l'on nom eft François de Sant-Romain, nourri en toute doctrine Efpagnolle,
c'ell à dire au plus profond de toutes abominations: dont aulîî la conuerfion en a elle
de tant plus excellente &C admirable. ^ Comme ainfi foit que l'an m. d. x l, quelques
marchas de la ville de Brème en Ollland nefefulTenttrouuezàtempsauxfoiresà An-
uers pour payer quelque grand' fomme d'argent, laquelle îlsdeuoyent à certains mar-
chans Elpagnols-.iceuxaduifercnt d'enuoyer quelques vns d'entre eux à Brème pour
recueillir ccllargét de leurs detteurs. Il leurfembla qu'il n'y auoit homme pour mieux
exécuter celle cojnmillîon que celluy François de Sant - Romain , le cognoifîans élire
diligent en tels aflfaircs , &c qui cognoiilbit les marchans de Brème . Il fe mitdoneques
en chemin auec vn autre Efpagnol qui auoit aulîî charge de ceft affaire. Ellans arri-
uez à Brème , luy voulant vifiter par fuperllition quelque temple , entra d auenture ad
temps queM. laques ,iadis prieur des Auguflinsd'Anuers,homme ayantvrayementla
crainte &: cognoiiTance de Dieu,y pfefchoit. Et combien que Frâçois de Sant-Romain
entendift bien peu en la langue Alemande , il voulut neantmoins ouyr celle prédica-
tion, peur pouuoir aucunemét fauoir quelle elloit celle doctrine qu'on prefehoit en A-
h magne,laquelle elloic tant detellee de tous Efpagnols. Aduint, ce qui cft efmerueil-
lable, que non feulement il entendit le fermon.mais qui plus eft , fut efmeu 8c enflam-
mé tellement par la parolle de ce Minillre , qu'incontinent après la prédication , com-
me nouuelhomme&frappédc l'aguillondeDicu, il accourutà luy fans auoir aucune
fouuenace des affaires pourlefquels il elloit là venu. Le Prefcheurle reccut fort humai
nemcnt,& le mena en fa maifon: où François recita quafi de mot à mot tout le prefchc
qu'il auoit ouy . chofe vraye & atteftec par gens dignes de foy , qui l'ont ouy de la bou-
che mefme du prefeheur de Brème. ^ Ne fe contentant point d'auoir ouy le prefche,
6c le pouuoir reciter, il commença à endifputer auec le Prefeheur, &lc requérir in-
llamment de luy vouloir déclarer ouuertement toute la doctrine , laquelle il auoit
gou-
F tarif ois de Sant-T{ umam. ij2
goufteeence premier prefehe. Le Pafteur s'efmerueillantde la véhémence &fubite
mu cation de ceft homme, l'admonncfta d'eftre vn petit plus modéré &: prudet, enfem-
blc l'cnfeigna diligemment en tout ce qu'il penfoit luy eftre necellàire. Ainii François
demeura trois iours entiers en la maifon du Pafteur, fans qu'on l'en cuit peu aucune-
mer tirer:&: foudain en ce temps-la fut tout changé, &: deuint tout autre qu'il n'eftoit
auparauant. Apres cela il donna quelque ordre à fon affaire, le recomandant en par-
tie à ecluy qui eftoit venu auec luy , &c s'en retournoit touiiours au Miniftre pour de-
uifer auec luy. Il ne penfoit tout le iour&: ne fongeoit la nuict autre chofe que les fen
tences de la Religion, lcfquelles il auoit ouyes du Pafteunfî que le Pafteur apperceuoit côuertîon
en luy quelque chofe d'extraordinaire, &: que fa conuerfion eftoit aduenue autrement n"™r *"
que la couftume ordinaire des hommes, lcfquels procèdent de petit à petit en ce qu'ils
ont entrepris d'apprendre, mais ceftuy-cy n'auoit pas feulement appnns tous les prin-
cipaux articles de la Religion en vn moment & bien peu deioursrain sanfli comméçoit
de les prefeher &: enfeigner aux ignorans. 11 leut liures en François &: Alemad,de ceux
qu'il peut trouuer en la ville. Il deuifoit fouuent auec M.Iaques le miniftrc,&: auec mô-
fieur Machabee, qui eftoit là pour lors:duquel il difoit auoir appnns vne bonne partie
de ce qu'il fauoit. Seiournant la, il efcriuit lettres fort longues à ceux d'Anuers, par lcf-
quelles il remercioit Dieu qui l'auoit amené en ce lieu , où il auoit cogneu Icfus Chrift
fon vray Sauucur, & acquis vne pure intelligéce des fain&es Lettres, laquelle il ne pou-
uoit allez prifer. Il deploroit la cruauté del'Inquitition d'Efpagne, &: l'aueuglifleméc
des Efpagnols, lcfquels ne voudroyent ouurir les yeux pour contépler la celefte lumiè-
re de l'Euangile,n'ouurirles oreilles pour ouyr la voix de Dieu qui les appeloit à repen-
tance.Et pourtant qu'il auoit délibéré de rewenir à Anuers pour annoncer cefte lumiè-
re à aucuns de fes amistpuis après aller en Efpagne pour amener fes païens {il c'eftoit le
plaiiir de Dieu) à la vraye religion &au vray ieruiccde Dieu. Ilefcriuit lettres à l'Em-
percur,efquellcs il remonftroit les grandes opprelfions de la république Chréftienne. Lettres à l'.
Il l'admonneitoit aufli auec afFc&ion trelardéte, du deuoir de fon eftat, luy remôftrant ^Ecs v
qu'il eftoit conftitué de Dieu fouucrain Monarque, afin qu'il recogneuft cefte grâce de
Juy, comme de ecluy qui feroit autheur de tous biens: &£ qu il adoraft auec telle pureté
&: lincerité qu'il feroit de befoin, cefte li haute maieftc.ee qu'il ne pouuoit faire , finon
qu'il employai!: toute fa force &C puiiTance à appaifer les troubles de la Chrcftienté , à
maintenir la gloire de Dieu, &: reformer en toute l'Efpagne Vautres pays de faiùbie-
dion,la religion brouillée &: contaminée par les rciucrics des hommes, à la vraye règle
de la parolle de Dieu , contenue purement és liures de la famde Efcriture : &: pluficurs
autres chofes qu'il cfcriuoit prefque en ce fens. Il efcriuit aufli quelques petis liures
en Efpagnol, efqucls il traitoit des articles de la religion : &C tout ce que nous auons dit Liurc' c-
cy delfus(qui eft chofe efmerueillable)commença-il a eferire &: parfît en vn mois,ou au ^0^^
plus en quarante iours, pendant qu'il attendoit ïarefponfe des lettres enuoyces à ceux
d'Anuers. Eux donc ayans leu fes lettres, cogneurent incontinent dequoy il auoit cfté
touché:&: le rappelèrent par douces parolles, vfans en cela de dol &c lîmulation , &£ luy
donnans efperanec que quand il feroit prefent, il pourroit remédier à telles chofes. A-
donc plein de l'efperance que luy donnoyent ceux d'Anuers, fe mit en chemin. Cepen-
dant les Efpagnols apoftent quelques moines pour le receuoir , qui a fon arriuct le de-»
uoyent interroguer de fa foy , afin que s'il ne S'accordoit totalement à eux , ou le fiifent
mourir,ou bien le iettafTcnt en quelque prifon cfpouantable,où il fuft enterré tout vif,
fans qu'il peuft toutefois de long temps mourir. Le poure homme eftoit ignorant
de tout ccci,& pourtant arriua à Anuers tout ioyeux, penfant bien fans grade difficul-
té côucrtir fes Efpagnols à la vraye Religion, laquelle n'agueres il auoit apprinfe. Mais
ils ne faifoyent qu'eipier le iour qu'il deuoit arriuer.Et ne fut pas û toft entré en la ville,
que les bourreaux de moines apoftez ne fe iettaffent fur luy,le demôtaffcnt de fon chc-
ual,&: menaiTcnt prifonnier chez ie ne fay quel marchant. Liîy qui venoit ardent d'vne
chaleur qu'il auoit en fon efpnt, voyant ce tour qu'on luy iouoit contre fon efperanec,
fut encore de cela plus efchaufFé. Quâd il fut au lieu où il deuoit demeurer prifonnier,
les moines luy lient pieds &: mains, &: commenceret après cela à difputer auec luy tout
à leur aife. Ils fouillèrent incontinet fon bagage, là où ils trouuerent force liures en A-
lemand,enFrançois,cn Latin,de Luther,deMelancl:hon,d'Ecolampade&: autres Ale-
mans. quelques images aufli en moquerie du pape. Alors les Moines fetournans vers
Liurt^ IL Franfois de Sant- Romain.
luy, commencèrent à luy dire qu'il citoit \n parhiir Luthérien. I.uy fortcfmcu en 'on
ciprit, leur rcipondit en cefte forte , le ne luis point Luthérien . mais îe iav pibfcihcn
de la doctrine du Fils de Dieu, de laquelle vous cites ennemis Se perfecutcurs. I-
avapprius cefte Teule doctrine du Fils de Dieu Ieùis Chnit , qui elt mort pour Icspc-
chez deftout le monde ,5c reHufcitc pourla iuftification de tous ceux qui receuronc
& cm braderont pa. foy * n iig;and bénéfice qui nous eft prefenréen 1 Euangilc . de ce-
lte de.hincie ray proréllîun a haute voix. Quantcltdc vos rcfucrics ,dc vosiliul» ns,
■vos tromperies & dcpiame doctrine, ie l'abhorre de tout mencaur llyatn it quel-
ques Efpagnols prclcnsàladiipute,tenansdu tout leparty des moines: h (quels ["( l<n-
tansauoir la faut urdes ElpagnoJs,qui fans aucun iugementenclinoyent de U u eolc ,
le tourmcnteri nt d autanr piushardimcnt,& pourfuyuirtnt plus rigourc uli ment
fpu ter contre vn pourc homme lie: Si tu abhorres ne lire religion, dlibye nt-ilsjaqutlle
l'cglifc appelle Litar de pcrK ttion,& ncâtmoins te dis Chrciticn,quelle tfttarcljgi» ni
que lie elt ia foy-quelle e il ta doclrincrqu'cft-ce que tu crois? le vous ay dir,dit-il, que ie
fuis Chrcfticn,&: que ic ne veux faire profeflion d'autre chofe que de Chrift crucifié.
JDauantagi ,ic ne croy rien autre choie pour le prefcnt,& necroiray lamais autre choie
que ce que la \ rave Eglifcde Chrift, clpark partout le monde ,acrcu de tout temps &:
enlcigne. Vousautre s aucz corrompu celte (impie doctrine de Ieius Chrift cruciné,( n
vue façon de viureabommabh & pcrnicieulc à tout le genre humain, par vos illuiù ns
6c impietez. Iccroy,di-i( ,en Dit u le pere qui a tout créé. le croy cri Dieu le Fils Ie-
ius Chrift, qui a tacheté par ù n fang tout le genre humain : &: le tirant hors de la le rui-
tudedu diable,dc péché &c delà mort, Fa remis en la liberté de FEuangile. le croy en
Dieu le S.Elpnt, qui par vne vertu cachce^c diuine fanctifie les croyans. Iecroyqi e
pour l'amour du Fils de Dieu mes péchez mefontpour néant pardonnez, le croy que
par ce Médiateur feulement, lan <; aucuns mies merircs, fanseigard aucun de mes bon-
nes ceuures,(ans aucune at iolutie n Papalc,ie iouyray delà vie éternelle. Lors lu y de-
mandèrent les moines, Crois-tu que le Pape de Rome elt vicaire de C hrift, thtfdclc-
giifc en terre, & qu'ii a tous les threfors de l'cglifc en fa main, S: puiflànccdelîer& de1
liera ion bon plaiiir,tairc nouucaux articles de foy, &; abolir ceux qui font? le ne croy
rien de tout ce la , leur re fpon dit-il . au contraire ie croy que le Pape eft vn Antedu It,
que loirperc elt le diablcquil elt e rremy de Ieius Chriit, qu'il veut qu'on luy donc ic -,
h ont tirs qui appartii nnét a Dieu leul , qu'agité de l'eiprit de Satan il met tout le mon-
de en trouble, pour maintenir feulement les Ululions. Alors il fcmbla aux Efpagnols
qu il hlafphcmoit à bon e h ict. car aux prîcipaux articles il leur auoit toujours fcmblé
qu il citoit d'accord au ce les moines, mais quand ce vin ta la puiffance du Papc,au> ta-
cre mens, à la mcl]c,au purgatoire, aux bulles 6c indulgences, il en parloit auc< grande
véhémence. Les moines commencerét à le menacer de la mort &: dufe u . & il leur rel-
ponditainlî, le n'ay pas crainte de mourir pour la querelle de mon Seigneur: car i! ne
m'a pas dcfdaigné.me fme ic penlcrav que ce mefcragloirc,de pouuoirfeellcr par me n
f mg celle fainetc dod rine de celuy qui a efpandu fen fang pour moy. L vous dem and c
Qu'aucz-vous de puillanct flir moyîque pouucz-vous fane autre chofc , que bru lier ce-
lte chair mal-heureule&pecherelicîmaisi'ay apprins à craindre celuy qui a puilîane c
d'cnuoycrfamcauec le corps aux tourmens éternels d'enfer. Eti'cftimcray que ce me
fera vne grande grâce, d'eftre bien-toit dcliuré par mort de voftre tyrannie, de vospol
lutions ,6c. de palier ner ex impollu au payseelefte, en la gloire de Dieu £c compagnie
des Anges. Alors les moines rirent allumer vn feu ,& bradèrent deuant luv lesliures
qu'il auoit apportez. & luy voyant que ces moines bruflovcntle nouucau Teltamenc
&: autres liurcsde iaindte doctrine, c'eitoit pitié de ce qu'il leur dii'oit. A la fin le s Ei\ -
gnolsle iugeans eftrc fol ou furieux, le menerét en vne tour à iix lieues d'Anuers, J.i < u
ils le fourrere nt,& le tindrent en vne folie obfcurc parl'efpact de huit mois. Ci pe ndàc
bcaut oup de gens de qualité le venoyent voir, qui l'exhortoyent a changer d'opinion,
èx pai 1er auec plus grande modeitie. 11 leur reipondic qu'il ne penfoit point auoir e u de
mauuaiie opinion ,&: qu'il n'en vouloir à ion efeient l'ouftenir aucune. A la fin finale,
quand il fcmbla a ces Efpagnols qu'il auoir recouurc quelque partie de la pre mierc la-
geirc:& après qu il cur promis de fe gouuerncr en toute fa vie plus modérément , ils le
huilèrent aller enuiron le temps que l'Empereur tenoit la iournee à Reinlbourg.Apres
fa deliuranec, il demeura quelque vingt îours à Anuers,&de là s'en vint àLouuain,
ou il
François de S ant -Romain. ijj
où il conféra de plufieurs poincts auec certain amy nommé François , dit Driandcr, na-
tif de lamcfmc ville dont il cftoit: lequel Juy dit qu'il nctrouuoit bon , que fansfpccia*
le ordonnance de Dieu il vfurpaft vnc autre vocation trop inconfiderémcnt.Scrcxhor-
tade feruir à Dieu en celle vocation à laquelle il cltoit appelé , fauoir c (t la marchandi-
fc: cn laquelle il pouuoitviure honncftcment,& faire plailïrà beaucoup degens de
bien. Quant a la doctrine, illuy con (eilla de ne dire ou faire choie quelcôqucen faueui
d'homme quel qu'il fuft, dont la gloire de Dieu fuit diminuée, mais que ce iugcmCt dc-
uoit venir d'vne pure, droite & claire cognoiilancc de lavolôte de Dieu c"c doctrine ce-
leltc, laquelle cil contenue en la fainâcEfcrirurc:'non pas tic quelque opinion incer-
taine, ou de quelques affections priiieesjlcfqucllesfouuentefoislbnt contraire s à In vo-
lonréde Dicmauquelccn'cft point chofe agréable de le mettre temeraircméten dan-
ger, &i taire tumulte en la Republique. Il confcflaaeionc tout ce que ledit amy luy di
lbit,cltrc vray : & après auoir rcictté la faute furies moines , promit de fc porter d'ore-
nauant plus modeftement, fi qu'il n'y auroit rien fur luy à reprendre. Ce que toutefois
il ne tint pas . car incontinent qu'il hit forty d auec ledit Driander , ainfi qu'ont racon-
te quelques vns qui furent toufiours en fa compagnie, &l'euenement l'amollrc, il par-
tit : &C s'en allant droit à Reinlbourg,où lors cftoit l'Empereur à la Dictercn chemin ne
dcfcouuroit ïamais nen à fes compagnons de fon entreprile. Arnué qu'il fut en la vil-
le, trouua moyen de feprelenter à l'Empereur :& luy fit vneharengue hardie, par la-
quelle il rcmonftioit que la vraye Religion cftoit entre les Proteftans , &: que les Efpa-
gnols eftoyent détenus en vn erreur abominable dimpicté: que l'office de l'E mpereur
eltoit de rcftablirôc remettre fus le vray feruice de Dieu en toutes les terres de fon o-
bciliance : 6c beaucoup d'autres chofes de mcfme. L'Empereur fouit patiemment , &c
luv rit vnc relponfe allez douce, afiauoir qu'il auoit tout celt a/Faire à cœur,& qu'ily dô- Dll:,r;iub -
i i a • • r • r i /■ i t,on k,e 1 "
neroit bon ordre. Amli concevoir rrançois fort grande cfperance, après auoirouy la Fmpcrcur.
relponfe de l'Empereur. Et toutefois voyant beaucoup d'exemples dccruauté,lefquels
le hiioyenta Rcmsbourg par les Impériaux contre ceux delà vraye Religion, l'on efpe
rancenedutoitguercs: mais il ne perdoit-il pas courage pourtant, ains peffiftant en
fon entreprile, le prefentaà l'Empereur pour la féconde fois& pour la troilieme, par-
lant toufiours à luy en toute liberté: &: auoit toufiours aufïi bonne relponfe de l'Empe
reur. Finalement comme il ne cefiàft point de iblicitcr , voulant encore pour la qua-
trième fois parler à l'Empereur , fut cmpefché parles Efpagnols , qui le firent prendre
& foudain mettre en prifon. Ils le vouloyent fans autre cognoiilancc de caulc , ietter
mcontinent dans le Danube: mais l'Empereur les empefcha ,& commanda qu'on ne
luy tilt point de tort , mais que l'on procez fuft examiné diligemment , &c iugé félon les
ioix de l'Empire* Ainfi il fut mis en la fin en vnc balle folle, là où il demeura lié 6^ en
chainé mlqucs a ce quel Empereur reuintd'Aphriquc. Aduint tomme François c-
itoit mené auec les autres prisonniers lié fur vnc charette , que quelcun de ceux qui a-
uoyent cite auec luy de Lointain a Reinfbourg , l'auifant en tel eltat , fut fort eimerueil-
Je. Lors luv demanda que vouloit dire cela: que celt qu'il y auoit, qu'il cftoit là auec
les criminels. A Jonc il leua les bras autant qu'il peut, & luy monltrant les chaînes
de fer defquelles il cftoit lié, dit, Voyez-vous ces liens de fer? le les voy,dit l'autre , Se à
mon grand regret. Ct s , liens, ditSant-Romain , cesfers , celte captiuitchonteufe , la- Onfolatîo
quelie l'endure pour la gloire tic mon Seigneur Iefus Chrift , m'apporteront en la pre- aouak-
fencede Die u plus grand honneur & triomphe, que vous ne villes iamais pompe ne
magnificence royale en la cour de l'Empereur. Voyez-vous ce corps enuironne de
chaînes de fer, en vn lieu ord& laie ? fi clt-il dés à prefent en la gloire du Seigneur. Mon
innocence &: l'cfperancc de l'heur aduenir me relîouit d'vne îoye qui ne fe pourroit ra-
conter. Cependant , mon frerc , combien que vous voyez ces mains &ù ces piez liez
&: tout ce corps fi bien attaché à ce chariot, qu'il nefe peut remuer: ne penfez pas
pourtant que l'ciprit, fur lequel l'Empereur n'a aucune puifiàncc , ne foit libre , &l qu'-
il ne s'elleuc fans celle iufqucs au domicile de Dieu, pour contempler les choies celc-
ltes:&: que là il ne foit fort recréé & foulage de la prelencedc Dieu, & de la douce com-
pagnie des fainctes aines. t[ L'autre oyoït toutes ces parollcs citant bien cftonné:&
degrande abondance de larmes ne luy peut rcfpondre autrement que par pleurs Se
foufpirs,tant il cftoit cmpefché degrande douleur:&: quâd encore il cuit peu parler , le
poureprifonnicr cltoit mené fi roide , qu'il n'euftpas eu le loilîr d'en dire dauantage.
z.
LiWo/7. Fr an fois de S an Romain.
Ainfi fut-il trame, lie dedans vn chariot, par tout où l'Empereur marclioit : &: mefrnes
à ce que difent aucuns , iufqucs en Aphrique , tant que l'Empereur après ceftegrande
perte, s'en rcuint en Elpagne. ^Apr e s que François fut aufïi traîne en Efpagne,il
Sa: Rom. fut incontinent liurc entre les mains des Inquifiteurs , qui commcnccrent aie traiter
in'-frï V beaucoup plus cruellement qu'il n'auoit efte des foldats, en quelque dâger de terre ou
mus. de mer qu'ils fc fuflent trouuez. Ils le fourrèrent en vn trou fous terrc,fort horrible: &:
luy enuoyercnt quelque s nu)incs,pour le tourmenter ince/lamment,&: le diuertir de fa
fov,ou par importuniré,ou autrement s'il leur eftoit pofliblc. Ils le mirent en ipeclacle
quelque fois deuant le peuple, &: luy firent toutes les iniures qu'ils peurent. Mais pour
toutes ces pcrfecutions,ccs tourmens & autres maux,tant s'en fallut que celte vigueur
d'cfprit luy fuft efteinte , ou qu'il fuft arïbibly en fa foy ( ce qui cft chofe ci'merueillable)
qu'au contraire il croillbitic nefay comment en confiance, &: fembloit de ioureniour
plus aident, ainfi nioit-il vertueufement &: conftamment tout ce que cefte vermine de
moines luy propofoit pour oracle : & approuuoit d'autre part ccquils condamnoyenc
La dociri- pour hérétique. ^ Le fommaire de la doctrine laquelle il fouftint iufques au dernier
fcnoiVfri foufpir,eft qu'ifnioit qu'aucune créature pan ces jppres forces, paries bônesceuures,ou
çms. quelque dignité qui fuit en elle, meritaft la vie éternelle, ou peuft acquérir falut, ou c-
ftre iuftinc deuant Dieu. Qu'il falloit que tous hommes fuflent fautiez par la mifericor-
Epiicï i<r. de de Dieu, fans aucun aide humain, pour l'amour de fon Fils mediatcur,qui no9 a net-
toyez de toute tache par fon fang, a appaifé Tire du Pere par fon facrifke vnique&e-
tcrnel, & a par ce moyen acquis falut à tout le genre humain. Il affermoit la doctrine
delà Mefle(quelcs moines tiennent, difans qu'elle mérite remiflîon des péchez pour
les viuans &: pour les morts, d'ceuurc ouurec, comme ils parlent en leur lang âge ) cftre
vne horrible abomination. Que la dodrine de la confeflion auriculaire , du dénom-
brement des péchez, de la fatisfa&ion,du Purgatoire, des indulgcnces,de l'inuocation
des Sain£ts,&: adoration des idoles, eftvn blafpheme contre Dieu manifefte , & vnç
profanation du fang de Chrift. ^Or vovans à la fin ces faintts Inquifiteurs qu'il n'y a-
uoit point d'cfpcrance de le diuertir de fa foy,ils le condamnerët publiquement à cftrc
N< ;bjc1|c brufle tout vifeomme hérétique pertinax. Pluficursquiafliftcrcnt àcefte condamna-
cJjVtïaudcr tion,ont raconte de attefte qu aucc luy auoit elle produit fur l'efchafTaut deuant le peu-
pic vn grand nombre de criminels, Marrancs,& autres blafphematcurs , defquels ii n'y
en eut pas vnfeul condamne que luy. Ils menèrent donc ceftuy-cy feul , que tout le
monde auoit en exécration, dehors la ville au heu du fupplice, &c luy mirent fur la tefte
vne couronne de papier, en laquelle eftoyent peintes quelques figures hideufes de dia
bles, pour le rendre plus exécrable au peuple. En chemin il aduint vnechofe quin'-
eft pas à oublier: Hors la porte de la ville il y auoit vne croix de bois eflcuec,vn peu par,
delà les fauxbourgs. Quand ce vint à cefte croix, les moines voulurent côtraindre Fran
çois de l'adorer : mais il rcfpondit promptement &z ians eftre en rien troublé , que les
Chrcfticns n'adoroyent point le bois . que quat à luy, il eftoit Chreftien,&: fentoit que
Dieu luy eftoit prefent:&: qu'il ladoroit en toute reucrence en ion cœur. Ainfi il exhor-,
toit les Inquiiïteurs de paffer outre, &£ aller droit où ils le vouloyent mener. Adonc s-
cfleua contre luy vn grand cry du-peuple qui le fuyuoit, luy djfant iniures de ce qu'il ne
Sâa"rl l'auo,c voulu adorer . &: tout lbudain leur vint en fantafie d'imaginer certaine diuiniré
peuuent d" en cefte croix , pourec qu'elle n'auoit.pas voulu endurer d'eftre adorée par vn hercti-
vnc (orre qUC . dcflors comme s'ils euflent veu diuinement quelque iecret miracle en elle , ils
te fetour * accoururent tous à la foullc les efpees nues, &: la découpèrent toute en pièces: & s efti-
nët ci au- moit ecluy bien-heureux qui pouuoitauoir la moindre pièce de ce fain£t bois, par la
vertu duquel ils pouuoyct,à leur dirc,gucrir toutes fortes de maladies. Quand ce vint
au lieu duiupphcc, les moines ne cciferc nt de tourmenter &c foliciter à grande impor-
tunitc ce poure homme à fe defdire.mais il leur refpôdit auec vne force d'efprit incroy-
able^ lesincitoit à faire ce qu'ils auoyent entreprins , fans confu mer ainfi le temps Se
leur parolle en vain. Il fut mis au milieu d'vn grand tas de bois qui eftoit là appareil-
lé pour le brufler:&:futlefcu allumé, mais quand il commença eielc fentir , ioit que
ce fuft pour deftourner la fumée , ou pour quelque autre occafion , il leua la tefte quel-
que peu. Les ennemis voyans cela, penferent incontinent qu'il vouluft donner à en-
tendre par ce ligne , qu'il fc repentoit , & qu'il fe vouloit defdircde ladoftrine quil a-
uoiç
%och, </o Tombants. i 34.
uoit toufiours maintenue, ainfi ils firent quelque peu retirer le bois fi habilement, que
le feu ne luy auoit encore comme point greué. Cela donques ainlï foudainement fait,
François leur dit,Quellc malice vous meine àprefcnt?eftes-vous cnuicuxde mon gtâd
bien ? me voulez-vous retirer du chemin à la vraye gloire? Adonc voyans qu'ils eftoyent
fruftrez de leur attente,ils firent remettre le feu, auquel il fut toft après conlumc. ^ Les
Inquiliteurs après fa mort affermoyent qu'il eftoit damné , &: pourtant il n eftoit point
licite de prier pour luy. mcfmc ils tenoyent celuy pour hcrctiquc,qui olcroit douter de
la damnation. Tous les moines fuyuoyent l'opinion des Inquiliteurs. La railon cft,qu-
vntei feroit directement contre le décret de 1'cglifc, qui necefiaircmeiu doit tenir &a~
uuu lieu au ciel comme en la terre. Au contraire , il fc trouua aucuns des art Iici s de la
garde de l'Empereur, qui recueillirent des cendres du corps , comme des reliques d'vn Deuosiô lu
(âinâ homme, &: les garderët foigneufement. L 'ambassadeur du roy d'Angleterre, qui Pcrftlt,eufc
lors eftoit prefent , fit cercher quelque mémorial de ceftuy-cy, le recognoiifant pour
vray Martyr de Icfus Chrift. Mais tout cela ne fc peut faire fi fecretement , que le bruit
n'en vint à l'Inquifition, & iulques aux oreilles de l'Empereur . parle commandement
duquel ( gneuement offenfe de telle choie ) les archers fure nt mis en prifon , &: fallut
que l'ambalTadcur s'abfentaft de la Cour pour quelque temps. Ce que delîus a cfté ti-
ent par celuy qui dit luy-melme auoir veu cefte exécution . L c fu rplus a efte attelle par
gens (qui aufli l'auoyent veu)dignes que foy leur foit adiouftee.
ROCH, de Brxbxnt^executé en Ejpugne.
D E ceft exemple nous pouuons eftimer en quel danger viuent en Ffpagne ceux <jui ont cognoiflance de la vraye Religion.
L'jdol-itrie y eft tellement enracineciju'i Feu & à lang & par toute manière d'outrage, elle y cft maintenue.
f S "F^^S ^ V Rmonftrer l'horreur de l'Inquifition d'Efpagne, nous auons vnexcm- m.d xlv
. ^'j^ple autant mémorable que peu en foit aduenu, en la perfonne d'vn nommé
|\| > ^.,^Roch, natif du pays de Brabant , imager excellent en Ion art , &: d'honnefte
>*J^Èâv'c conuerfation. Iceluy demeurait en vue ville d'Efpagne qu'on appelle
Sant-lucar, qui n'eft pas loin de Seuillc,& ce l'an m.d.xlv. Le Seigneur le touchant
de quelque fentiment de cognoilfancc de vraye religion , fon mcfticr luy comméça à
dcfplairc,& fe déporta de faire images pour expofer en idolâtrie & fuperftition,&: n'en
fail'oit plus que quelques vnes à plaifir, où on pouuoit voir quelque fingularité de fon
art. Or auoit-il de long temps taillé en bois vne image de la vierge marie , de grand ar-
tifice:*^ la tenoit en fa boutique comme pour monllrcd'imagcr. Vn des Inquiliteurs
palfant quelque jour deuant la boutique, luy demanda combien il lafaifoit. L'imager
luy dit le prix, l lnquifitcur n'en offrit point la moitié. Rochdit que s'il labailloitpour
le prix,apres y auoir mis tant de temps & de peine , il n'y gagneroit pas de l'eau à boire.
L'Inquifiteur dit qu'il n'en bailleroitpas d'auantage,&: qu'il ladeuroit auoir pour ce
prix-la. Vous l'aurcz,dit l'imager, fi vous en donnez ce qui eft railonnable: mais autre-
ment ie la romproye pluftoft,que la vous bailler pour le prix que vous dites. Rompez-
la pour voir,ditrinquifiteur. Alors Roch printvn defesvtils, le premier qu'il trouua,
èc le ietta contre fon ouuragc , de lotte qu'il luy rompit vn peu du pourtrait du vilage.
Toutfoudainil fut mené en prifon, comme s'il euft commis quelque grand crime.
Qiioy ? difoit-il, n'eft-il pas en ma puiffance de faire &c refaire mon ouurage à mon plai-
fir ? elle ne me plaifoit pas ainfi. Mais tout ce qu'il allégua n'eut point de lieu. car on ne
le voulut pas ouyr. Trois iours après il fut menéaufupplice poureftre brulle comme
hérétique: &ch caufe eftoit en la bouche du populaire, pource qu'il auoit bielle la
vierge Marie.
C o m m e il fuft preft d'entrer dedans le feu, il demanda à haute voix s'il y auoit point
là aucun du pays de Flandre. Quelques vns qui eftoyétprefcnsrclpondirentqu'ouy,&:
qu'il y auoit au port deux nauires qui n'attendoyent que le vent pour s'en aller en Flan-
dre . àc pourtant s'il y vouloi t mander quelque choie , qu'il le dift franchement , & ils
feroyenr fidèlement tout ce qu'il leur diroit. Laslrien autre chofe,dit-il,linon que vous
annonciez à mon pere, qui demeure à Anuers, quei'ay efté bruflé en cefte ville, non
z.ii.
Brully.
pour autre caufe que pour ce que vous aucz ouy. Ainli fut brullé ce bon perfonnage.Et
afin que ccftehiftoircnc l'oit reuoquce en doutc,ily eut depuis vu homme digne de loy
qui cercha diligemment à Anucrs ( à caufe que la choie fembloit trop eftrauge ) ii on
pourroit^trouuer quelque certitude de cette hiltoirc , &C h les maiftres de ce millier la
en auoyent ouy quelque choie. On trouua à la fin des parens de Roch, qui auovent de-
meure auccluy en Eipagnc& en Anucrs, lelqucls alîeurerent la choie en la forte côme
elle eft ici racôtee.mcfme fut dit q le pere de Roch en cftoit mort de trifteife &c regret.
M. PIERRE B R V L L Y, Lorrain.
M D.XLV
Buc.et bail-
U t« hno'i-
Bjully.
Retour de
Brully dé-
celé.
S' 1 L cftoit queftion «le faire allufiontles nomsde* perfonne^il eft certain que le nom & furnom «le Pierre Brnliv ont quelque
conuenance auecl'hiftoire dcl'ifluehcureitfequcDieii luy a donnée. Vnc pierre l'arrefta tout court, voulant eichapj et
& hurle danger de mort , qui fut d'eftre br»flc vif en Tournay, pour feeller la dottrme de vente q'fil y auoit prefehec.
\®TS?9S ^ Sénat de Strafbourg ayat ouucrt vn temple des l'an m.d.xxxviii ,aux
m +êizÊ0L ?oincs h^cles de la langue Françoile, fugitifs à caufe de lavraye religion,
Jj|^^ pludeursdu pays bas de rEmpercur &C de Lorraine s'y retirèrent. M.lean
j^JjK Caluin eut la charge d'y prefeher du commencement : puis M. Pierre Brul-
ly, duquel nous auons à traiter l'hiftoire, luy fucceda. Et comme atnii foit qu'en Tcur-
nav, ville entre les principales dudit pays bas, la vérité de TEuagilc ayant cite délia an-
nonceepar ccux-lamcl'me dont nous auons cy dclTùs deferit le martyre, le nombre des
croyans s y multiplia en telle forte, que l'appétit des viandes de falut croiffoit de jour
en iour auec la multitude. Les fidèles donc, poureftre de tant mieux rallafiez , enuoy-
erent vers ceux de Strafbourg l'an m.d.xlmi i, gens exprès pour demander vn Mini-
ftre, non fculemét pour h: prédication plus lolidede la parolle de Dieu,mais aulîi pour
adminiftrer les Sacrcmens,& leur donner forme & commencement d eghfc pour 1 ad -
iienir. Brully,fans faite plus long récit d'autres circonftanccs, fut ellcu pour exécuter
celte charge , laquelle il accepta de eccur alaigre:& M. Mai tin Bucer lors principal Pa-
ftcur de Straibourg, luy c n donna tcfmoignage el'crit de fa propre main. * Brully fut
receu au mois de Septembre en grande ioye& rcuerencc:&: ayant enfeigné en particu-
lier quelque temps ceux de Tournay , il s'en alla viliter ceux de Lille, Valenciennes,
Douay& Arrasxombkn qu es deux dernières villes, le nombre y fuft bié petit &: clair
femé. ^ De ce voyage Se fainere vilîtation , Brully fut de retour fur la fin d'Octobre,
ayant prins congé de tous ceux pour lelquc ls il cftoit venu .& s cftoit charge' de leurs
milliucs&efcrits , pour porter a Strafbourg. Au partir de Lille, il print le chemin de
Tournay,nôobftantraduis que luy auoyët donc les amis, & la promette qu'il leur auoit
faite de tirer droicl à Anucrs. La multitude des auditeurs de la parolle de Dieu croiffoit
tellemét en ladite ville de Tournay, qucprefties elpions«5«: dciguikzn cftoyét cognes
ne dikernez en t'aiVcmbkc. Le Minillre ordinairequi les prefchoit,ayant efte aduerty
du iour que M".Picrre Brully dcuoitcilrcde retour en laville,adiouftaala pnerc ordi-
naire d'vne de les prédications, qu'il pleuft au Seigneur donncrfauf&: propice ledit re-
tour à fon feruiteur leur bon Paltt ur,entcndant de M.Picrrc Brully. Vn preftre cfpion
qui cftoit en la troupe , ne faillit incontinent d'en aduertir les Chanoines du téple Ca-
thédrales maiftres : à la pourfuitte &£ inftance defqttcls , le lendemain que Brully fut
ardue', les Magiftrats de la v ille firent tenir les portes fermées enuiron trois iours, telle-
ment que nul nepouuoitiortir fansauoir de la maifonde la ville vn petit lignet de cire
furlepoulx. Ce pendant le Prefcheur d'Alemagne(ainii eftoit appelé vulgairement M.
Pierre Brullyjfutcerchc de toutes parts, &àcris publiques auec prix propole à ce-
luy ou ceux qui le liure rovent vil ou mort. La fureur de ce tumulte cftoit li alpre, &: le
pourc troupeau li cfpouanté & efpars,que Brully ne potiuoit eftrc longuemet cache en
vn lieu, fans eftre remis en l'autre en habit defguifc, la barbe luy avant efté coupcc.Plu-
lie tirs moyens furent acttiik z pour le faire iortir. mais Brully de grade appre heniion de
crainte qu'il auoit, ne s 'accordai aucun d'tccux, finô d'eftre deuallé de nui«fl par la mu-
raille de la ville. Le Seigneur par ce moyen-la mamfeftemcnt voulut déclarer qu'il a-
uoit choili ce perfonnage non feulement pour enfeigner fa dodrine,mais aufli pour tc-
ftificr&fecller la vérité d'iccllc par vne mort autant mémorable que de long temps on
ait veu audit pays. Le lendemain de la Touftaincts,fefte folennclle en la Papauté,af-
lauoir
tree oc
nlon .
fauoir le fécond de Nouembrc,les amis le defcendirent denui&à vne corde parla mu- Brully jc:
raille, au lieu le plus fecret qu'on peut choifîr. Et comme il eftoit défia au tond du fofle, jif11*'" fof
Tvn de ceux qui l'aiioycnt defeendu fe bailla lur la muraille,pour à demie voix prendre
com;é de luy.mais comme il eftoic ainii appuyé , il y eue vne pierre mal cimentée 6c ef-
branlee du cordage, laquelle en tombant rompit la cuiifcdc Brully,qui n eftoic encore
dcfueloppé de la corde de fa deicentc.de force qu'eftanc arrelté tout court pour la dou-
lcurdu coupôc pourlagrandefroidurc qu'il cnduroit, commençaà icttercris &c fouf-
pirs , inuoquant le Seigneur à fon aide, à ce qui' 1 luy fuit propice en cefte extrémité de
miierc.Ces lamentations furent ouyesparceux quifaifoyenc Je guet,lelquels lé doutas
du faitt accoururent à Imitant , &: après auoir aduerty le gouucrncur du chafteau , par
vne poltcrne qu'on fit ouunr, Brully fut porté en la pnlbn audit chafte au : où eftant ar-
nué, il inuoqua le Seigneur, &: dit,Ô Dieu tu es iufte : tu m'as arrefte fuyant lafflidion P'icrc i I*.
de ton poure troupeau. Forrifie-moy en cefte foiblcffe de cœur &: de corps,arin que ton ^ *r~"
faincl nomfoit glorifié,&: ta doctrine ratifiée. CEftant en celte pnion plufieurs le ve-
noyent voir,lcs vns par cutiolité, les autres pour luy rcfifter,quelques vns pour cilre in-
ftruits en la doctrine de l'Euangile: aufquels il fatisfaifoit auec grâce & contentement.
Les deux Euefqucs, ou pluftolt deux monftres contrefaits de la mailbn de Crouy , alfa-
uoir celuy de Cambray &C l'autre de Tournay , vn iour accompagnez de grande fuitte,
voulurent voir ce prefeheur d'Alemagnc , pour en auoir leur paiïé-temps après dither.
Brully fut aduerty par le Geôlier, que ces deux Euefqucs le viendroyent voir, & que
partant il euft à fe porter reucremment enuers eux. Ces Euefqucs,apres que Brully fut
deuant, l'interroguerent de plulicurs chofes,defquelles ils curent plus prompte refpon
fe qu'ils n'euflent attendu . car ilscuidoyentluyefblouir les yeux de leur apparence &C
mafquc,ou l'intimider d'autant qu'il eftoit en leur puitlànce. Mais Brully donna allez à
cognoillre que lefprit eftoit libre, combien que le corps fuft attaché,voire &: en grade
affliction ,à raifon de la fracture de la iambe. Ces vénérables luy dirent, Di-nous, mile-
rablc,qui t'a meu de venir ici de fi loin,te tourmcntcr?Brully refpôdit, Si vous faiiîez le
deuoir d'Euefque, comme vous en portez le titre, ne moy ne mes femblables n'aurions
voircment que faire d'eftre cerchez de li loin. Mefehant , dit celuy de Cambray , on te
fera bien-toft autrement parlcr,&: rendre conte de ton fait. Brully dit,Helas,Euelqucs,
qui le penfez eftre,vou s rendrez vn iour vn piteux conte deuantle Seigneur que ie fers.
Celle parolle picqua de celle force ces reuerens,quc leur colère , qui ia eftoit efprife de
fumee, fut incontinent enflammee:tellt ment qu'à voir la furieufe contenance de ce-
luy deCambray,on euft dit qu'à l'heure il deuft tuer Brully de fait,il euft efté cruelle- Brully en
ment outrage , li le lieur d'Ognicgouucrneur du chaftcau,n'cuft retenu ledit de Cam- j^^*
brayacmonltrant que celuy qui l'auoit offenfé, eftoit entre les mains de iuftiœ , &C que
1 Empcreur(qui lors eftoit à Bruxellesjauoit ia efté aduerti de ib ta ici. Toute cefte trou-
pe infenlee fe retira incontinent de la prifon ,ayat humé vn odeur de mort des faincles
remonllrances que leur auoit fait Brully à leurs demandes &: inftance. ^ Cependant
on cerchoit de toutes parcs de la ville les auditeurs de ce prefeheur d'Alemagne, tant E«p«fône
hommes que femmes, pour les empril'onner, dcfquels plufieurs moururent conftans a- X"iCs dV*
liant qu'on euft mis fin au procez de Brully, comme nous dirons cy après. Et d'autant Toumjy.
qu'vnc grande partie de ceux de lajuftice de Tournay portoit aucunement faucur à
ceux de l'Euangile,&: que partant cftoyent fufpeds aux Preftres&: Chanoines , la Cour
de Bruxelles cnuoyavn Legiftc Bruxellois, M. Charles DilîenacàTournay,commiflài- ^ fol ni*
re en cefte partie,pour faire le procez de tous ceux qui eftoyét em prifon nez,8£ de leurs
complices atteints ou conuaincus d'eftre Luthériens , pour contre iceux exécuter l'or-
donnance &c mandement de l'Empereur. Brully les confola par lettres, &c encoura-
gea à conftanec 6c fermeté : & comme on luy faifoit fon procez en prifon , les moines
Théologiens l'interroguerent en prefence du Magiftrat,fur plufieurs poincls de la reli-
gion,^ fur tout de la MclTe,de la conlècratiô,de l'adoratiô,de lhoftie &: du Purgatoire,
dont ledit Brully efcriuit à fa femme fous le nom de fœur,&: autres amis ce que s'enfuit:
Iefus Chrift crucifié vous foit pour (àluc
A trefeherc feeur en Iefus Chrift, i'ay veu voftre eferit quem'auez enuoyé par
[Marguerite, lequel m'a grandement touché le cœur, d'autant que vous&tous
les frercs , comme i'ay apperceu , auez foin&: folicitude de moy. Et quant eft de
z.iii.
Liurc^ IL Tierrc^ TSwlly.
m'cfiouir en mes liens, vous pourrez voir fi ie fuis trifte ou ioyeux , par vn eferit que i ay
fait ces îourspalîcz à mes frères prisonniers auec moy pour laparolle delefus Chrift.
Vous cognoiftrez,di-ie, en ceft eferit ce que i'ay fenty en moy,au/iî ce que i'ay perluadë
aux autres . &c comment ic ne demande rien d eux , que moy-mefme ne le vucillc auoir
en moy : ceft (comme Dieu fait) que noftre Seigneur me maintienne en fa garde, &c en
la vraye conéeflïon de fa venté. Il eft vray que mô ennemy domeftique m'afflige beau-
coup:neantmoins li fera-il matté par la vertu du S.Efprit. Car Icfus Chrift,en qui i'efpe-
re.me fera plus de bien que ie ne puis conceuoir. Pour fon honneur ie m'abandôneray
toujours foit au feu, ou à l'eau , ou à autre tourment que les aduerfaires pourront for-
ger, tel toutefois qu'ils plaira à Dieu.
v refte vous requérez que ie vous aduertifle des interrogatoires quon m'a fait:
des refponfes aufli données par moy , tant à Meilleurs qu'aux Docteurs. Sachez que la
chofeleroit fort longue, lifauoyc a vous eferirede tous les interrogatoires qui m'ont
elle faits , &: cnfemble des refponfes que ie leur ay données : il me feroit mal poflïblc le
tout vous mander. le croy que vous ne demandez point cela : mais /eulemcnt ( ce me
femblc) les demandes &: refponfes touchant lafoy &: la doctrine Chrefticnne. De ceci
ie vous refpontPremiereméc m'interrogua le docteur Hafard,qui eft: de la fe&c des Cor
Hafard, deliers, le z6 iour de Nouembre,en la prefence du gouuerneur du chafteau, du Licute-
Cordcli*. nantjespreuofts&;iurezdcceftecitédeTournay,&:de laiuftice de l'Empereur. I!
m'a donc interrogué en premier lieu que ie fentoye du fainct Sacrcmét de l'autel, &: de
laMefle. Auquel i'ay refpondu que ie croyoye le Sacrement de la lacree Cene dele-
fus Chrift : que les fidèles qui rëçoyuent le pain &c le vin du Miniftre , rcçoyuent rcale-
ment le corps &: le fang du Seigneur Iefus Chrift: non point en leur ventre ou bouche,
mais en leurs ames& efprits, leur faifant ce bien l'Efprit de Iefus,par le moyen delà foy
Mat. i<r. laquelle on a aux promeftes qui font là récitées: dont la première eft, Ceci eft m ô corps
Luc 1*1 qui eft liuré pour vous .l'autre, Ceci eft mon fang du Nouucau Teftamcnt, qui cftef-
zo. ' pandu pour la remiffion des péchez. Il m'a interrogué fiien'admettoye point la tranl-
i.Cor.it. fubftantiation. I'ay refpôdu que non: mais que le pain demeuroit pain,& le vin demeu-
Maïitf.i,. roitvin. Etqu'ainfi le nommoit le S.Efprit en rEfcriture:aiTauoir pain & yin,mefmea-
i.Cor.io.ie;. prcs faction de laCcne:&:ainh, queie n'auoyc point peur d'errer, quand ie pailoye
f Comm ' comme l'Ecriture faincte. Il m'a pu*« demandé li ie ne croyoye point,apres les parol-
Mit.i6.i6. les facramentales dites d'vnPreftre, que là fuft en l'autel le vray corps &fangde Iefus
Chrift. I'ay refpondu que ie ne reccuoye autre confecration que celle quife fait par le
Miniftre quand on celcbrc la Ccne , quand le Miniftre recite au peuple , qui là eft pre^
fent, en langage entendu du peuple,l'inftirution de la Cene de Iefus Chrift , enlèmblc
l'admoneftant delà mort&: paffiondu Seigneur . & que telle eft la confecration qui fc
fait en la Cene .&: de parler au pain Se au vin en fecret , que ce n'eft confecration , mais
vne manière défaire qui pluftoft appartient aux enchanteurs , forciers& magiciens,
qu'aux Chieftiens. Car (comme il appert) Chrift en faifant fa Cene , adrefle fes parol-
les aux Apoftresqui font en fa prefence ,&: non pas au vin ny au pain. Il m'a lors de-^
mandé queic fentoy£ delaMeffe. I'ay refpondu que la Me/Te, comme elle fe dit au-
iourdhuycn l'eglife Romaine . n'eft point la Cene de Iefus Chrift, mais vne corru-
ption d icellc , au grand outrage de Iefus Chrift , &: aneantuTement de fa mort &: paf-
fion. Touchant l'adoration qui s'y fait , ie leur ay concédé qu'ils adoroyent le pain àC
la créature. Quand ils ont dit , Nous fommes donc tous idolatres,ie leur ay dit , Voyez
donc en quel mal ils vous meinent , quand vous retirans delà parolie de Dieu , ils vous
font fuyure les fonges& les doctrines des hommes. Il y a eu encores pluficurs parolles
qui ont efté dites de la mefme matière, mais en voila le principal. Apres i'ay efté
*^urgJtoirc- interrogué du Purgatoire, fi ie ne croyoye point qu'il y euft vnlieu auquel les ames
9.14. ' defcendentdecefte vie, pour là endurer la peiné dcué à leurs péchez. I'ay dit que ie
i.pier.i. 19. ne croyoye point d'autre Purgatoire , Se n'en cerche autre que le fang de Iefus Chrift.
Ap"".^ Lors il ma demandé fi ie croyoye que la peine &lacoulpe du péché fuft remifetout
Rom. 8.1. cnfemble. I'ay refpondu qu'ouy, & que Dieu ne fait point grâce àdemy:mais s'il par.
donne quelque chofe > qu'il pardône tout , &c peine & coulpe. Sur quoy ay efté interro-
gué qu'il me fembloit de tant de belles MciTes,priercs , &: autres bien-fai&s qui fe font
iournellemét pour les trefpaflcz. I'ay dit que c'eftoyét feruices dreiTez en l'Eglife fans la
paroi-
Tierrc-j'Bmlly. f^
parolledeDieu,à caufcdequoy ils eftoyent vains &: inutiles: m efme d'autant qu'ils cfto-
yent faits fans foy,que c'eftoycm pechez. Car il efteferit au quatorzième des Rom,
Tout ce qui n'eft de foy,cft péché . Quand ils m'ont dit, Tous les Saincts donc qui
ont elle ci dcuant,&ontfait les mefmes chofes que nous faifons pour les trefpaflèz,ont
erré îc leur ay refpondu que tout tels Sain&s du temps pa/fé , lesquels ont fait les mef-
mes chofes, ont tous eftéenueloppez d'ignorance & péché: dont il ne fe faut eibahir s'-
ils ont fuiui les couftumes receuès défia de leur temps. En telles chofes 1e ne les veux
exeufer de péché . Touchant la vénération des Sain&s , ils m'ont demandé que l'en
fentoye. I'ay refpondu que nous ne faurions les mieux honnorer, qu'en e nfumant la
foy qui a efté en eux : a:nfî de la charité^humilité, patience, &: toutes autres vertus par
lelquellcs ils ont enfuiui Iefus Chrift, Car ils nous doiuent tant feulement ertre propo-
fez en ce qu'ils enfuiuent Iefus Chrin%comme dit l'Apoftre au quatrième de la premiè-
re aux Corinthiens,Soyez mes imitateurs, comme ie le fuis de Chrift . Touchant de
faire des feftes aux Sain&s „ de iufner les vigiles d'icelles , de leur faire des images, allu-
mer chandelles deuant icelles,cela n'eft point honnorer les Saincts, mais d'iccux en fai-
re des idoles,& grandement les deshonnorer . Quainû* foit, cux-mefmes ont detefté
toutes telles chofes en leur viuant. Quant au poinft de prier àc inuoquer les Sain&s,
qu'ils foyent nos intercefTeurs enuers Dieu:ils m'ont demandé qu'il m'en fem'c loit . I'-
ay refpondu que telle doctrine n'eftoit de Dieu , mais pluftoftvn blafphemeintoleia-
ble.Car on leur attribue ce qui appartient feulement à Dieu: affauoir de cognoiftre les pfe.7.1».
chofes abfentcs,ce que toutefois ils donnent aux Sain&s morts,quand ils croyent qu'i- Aflj 14-
ceux les oyent quand ils les requierent,comme s'ils cognoi/royent leurs neceiîitcz . Et t il^^2
auflî cefte do&rine tend au deshonneur de Iefus Chrift, d'autant que luy fcul nous eft Rom.834.
eftabli de Dieu fon Pere,Mediateur &: Aduocat, voire auflî Interceifeur, G nous parles
des morts. le di ceci,d'autant que nous pouuons prier les vns pour les autres durant ce-
lle vie mortelle . La queftion du libéral arbitre n'a cfté oubliée : &: ay efté interrogué Francar.
bien diligemment que i'en fentoye . I'ay refpondu, que pour parler dignement du li- bure,
beral arbitre,il faloit conuderer l'homme diuerfcment &: lèlon diuers eftats . Prem ie-
rement,ie croy que le premier homme citant créé à la femblance & à l'image de Dieu,
a eu liberté de volonté tant à bien comme à mal : àc luy feul a feu propreme nt que c'e-
ftoit du libéral arbitre en fon entier. Mais le mal heureux n'a gueres gardé et don de
Dieu: ains en a efté priué par Ion peché:& non feulement luy,mais tous ceux qui defe é-
dent de luy naturellement: en telle forte qu'ils n'ont aucun pouuoiràfaire choie bon-
ne deuant Dieu de leur nature,ainçois trouuet en eux toutes chofes mauuaifes. Main-
tenant, pour dire la vérité, il n'y a nul des fils d'Adam qui ait en foy vne cftincellcde
bicmpource nul ne peut auoir libéral arbicre . Tous les hommes courent naturelle-
ment après le mah&pource dit l'Apoftre , L'homme fenfuel n'entend les ahofes qui lCnr
font de Dicu:mcfme elles luy font follie. Ofcedit,0 Ifrael,ta perdition eft de toy.L'- o c n 9'
Apoftre en vn autre lieu,Laprudence de la e haïr eft ennemie de Dieu. Voila des au- Roni-8-7.
thoritez qui demonftrent bien qu'il n'y a point maintenant de libéral arbitre en 1 hom
me de chofes bonnes deuant Dieu. le di notamment deuant Dieu.car lhommc pourra
faire beaucoup de belles œuures,& en apparence bonnes deuant les homes , obéir aux
loixexterieurement:mais deuant lciugement de Dicu,toutes telles ccuures ne valent
tiemmefme ce font pechez. Entendez tout ce que i'ay dit ci delîus, de celuy qui n'i ft
point régénéré parle faind Efprit . Venons maimenant à l'homme Chreftien,baptizé
au fang de Iefus Chrift,lequel chemine en nouueauté de vie. En vn tel homme Iefus
Chrift reftitue le libéral arbitre,&:rcforme favolonté à toutes bonnes ceuuresmô point
toutefois en perfe&ion: car d'exécuter plein émet la bonne ceuure,ne fe trouue en luy:
mais a befoin de nouueau fecours de Dieu. De ceci l'Apoftre dit au feptieme desRo- Hom 7. il
mainsj'ayle vouloir,mais en moy ie ne trouue le parfaire. Parainii noftre libéral arbi-
tre n'eft plus en nous,côme il eftoit au premier homme: car il pouuoit exécuter le bien
qu'il vouloit.& ce défaut procède de la corruption de noftre naturc,& non du cofté du
reftaurateur noftre Seigneur Iefus Chrift. Voila du libéral arbitre ce qu'il m'en fcmble,
& ce que i'en croy. En après ils m'ont interrogué des bonnes ccuures, me difant, Puis Bonne$œu
que l'homme n'a en fa punTance d'exécuter le bien qu'il veut, il ne pe ut donc faire nul- »rcs.
les bonnes œuurcs. Aufquels i'ay dit, que l'homme de foy vrayementnepeut:mais lcanJi*'.
aidé par J'efprit de Dieu ueut faire bonnes, çeuures & planantes à Dieu.ôi ce qu'elles
z-iiji.
L/Wo / /. T/>rro Brully.
fcnt bonnes,ou qu'elles ("ont receuës de Dieu, ne procède de luy, ne du cofté de l'hoirt-
jtf nie,mais de IelusChriit,qui habite &: fait Ces œuures en vn tel homme . le leur ay dit q
at*7J * c'ell de l'homme comme de l'arbre, lequel faut premièrement eftre bon deuant q por-
ter bon frui et: auflî que l'homme bel'ongne,& eft cooperateur de telles œuures,aufquel
iuftifiaciô les roel'mc la vie éternelle eft promife en l'Elcriture . Ils mont demandé de la iuftifî-
Rom.3. 18. cation. Aufquels i'ay relpondu que iecroyoye que nous fommes iuftifïez par foy, com-
me il eft dit aux Romains troilîeme chapitre. Lors ils ont dit, Comment? par la foy feu-
lemcnt?Ne fommes-nous point auffi îuftifiez par bonnes œuures & par charité? Etie
leur di,que nulles telles œuures ne charité auflî ne fc trouucnt en l'homme lequel n'eft
point iuilifié . Ils ont demandé,Comment?ne pourra l'homme eftant en péché mortel
donner l'aumofne à vn poure pour l'honneur de Dieu, lequel il aime fur toutes chofes?
I'ay dit que non. Il eft vray qu'vn pécheur donnera bien de fon bien à vn poure.mais ce
ne fera pour l'honneur de Dieu,lequel il aime fur toutes chofes:mais bien par affection
humaine . Car s'il aimoit Dieu fur tout,fon péché ne luy plairoit, pC en demanderoit à
Dieu pardon. Et leur ay dit des bonnes œuures comme ci deffus . Ils m'ont demandé
que fappeloye donc foy,qui eft fi puiffante,qu'ellc feule iuftifie l'hom me pécheur . I'ay
relpondu que foy eft vne certaine affeurance qui nous eft donnée par le fain&Efprïr,
de la mifericorde de Dieu,&: de fa bonne volonté enuers nous , côtenue aux promellés
de l'Euangile,lefquelles lont accomplies en fon Fils Iefus Chrift . Par cefte foy nous ap-
préhendons que Dieu nous veut pardonner nos péchez à caufe de fonFils,auquel nous
Heb.n.i. croyons. Lors ils m'ont dit que telle n'eftoit la définition que donne faind Paul aux
Hebrieux,chapitre vnzieme.Et fur cela i'ay dit, que ie la trouuoye bien en fainft Paul,
hùmt'n» * ^CS tracKUons ^es hommes,ils m'ont demandé fi i'en tenoyc quelque chofe,ou fi ie les
umamts. reiett0ye > j'ay ^t qUC je ten0ye comme bonnes, celles qui eftoyent faites à vne fin po-
litique &ciuile:mais non les autres, comme font les defenfes de mariage aux Preftres
&c Moines , &: la defenfe de manger chair en certains iours , & les autres fatras &: cere-
monies femblables ,par lefquelles ils veulent obliger les ames fur peine de péché
image 1. mortel . Puis i'ay efté interrogué des imagcs,s'il eftoit licite aux fidèles d'en auoir. I'-
ay dit que pour ma part ie n'en vouloye nulles , & qu'aux temples des Chrcftiens ne s'-
en deuoyent nulles tolérer. Car par icelles les temples font profanez, lefquels doiuenc
eftre dédiez à ouyr la parole de Dieu, pour adminiftrer les Sacremens , & faire les priè-
res publiques : qui font chofes trop plus fam£tes que d'y mettre des images . Et alle-
guoyc que telles images ou peintures retirent fouuent les gens de la parole de Dieu.
Au refte,di-ie,on les admet aux maifons comme chofes indifférentes , moyennant que
nulle idolâtrie ne s'y face:car lors auflî des maifons les faut ofter . Toutefois pour ma
part, voyant la parole de Dieu qui les défend tant eftroitement, ie ne fuis d'aduis qu'el-
les foyent admifes aucunement, ne que leur vfage puiffe eftre bon . Car certes l'imager
Et pfeau. eft maudit de Dieu & l'image auffi , comme il appert au liure de Sapience,troizieme,
llî-8- douzième, treizième, &: quinzième chapitres * Du Baptefme auflî ils m'ont interro-
Baptcfmr. gU^ £t cr(jy qU'j]s pcnfoyent que ie fuffe quelque Anabaptifte . I'ay refpondu que le
Baptefme eftoit le ligne de l'alliance que Dieu a faite aux Chreftiens:affauoir qu'ilveut
Gcncf.17.7 eftre noftre Dieu , & le Dieu de noftre femence : auquel auffi il nous tefmoigne qu'il
Kom.6.y nous pardonne nos péchez. Et de cefte promeffe de Dieu, le Baptefme de l'eau
nous en affeure. Car comme l'eau laue les corps de leurs ordures, auflî nos ames
font nettoyées de leurs péchez au Baptefme : &c ceci par la vertu du fang de Iefus
Chrift , qui lors nous eft communiqué par l'opération du faintl: Efprit . Le Baptcf-
Rom.<f.^. me aufsi eft ligne de continuelle mortification qui doit eftre en nous, car comme l'-
eau nous eft mife fur la tefte, toutefois en telle forteque cela fefait feulement pour v-
nc minute de temps,non pas pour nous noyer du tout: ainficlle eft fignedemort à la
vie prccedente,pour viure d'vne vie nouuelle. Et fe doit le Baptefme communiquer
à tous ceux qui veulent eftre de la bande de Iefus Chrift,tantgrans comme petis. I'cn-
ten des grans qui en ieunefle n'ont efté baptizez : lors venans à la foy , doiuent eftre ba-
ptizcz:& ayans l'opportunité de le receuoir,s'ils ne levouloyent point,comme contem
p/tcurs des faindes ordonnances de Dieu, n'entreront au royaume des cieux . Les petis
c nfans des fidèles doiuent aufsi eftre baptizez . car combien qu'ils n'ont foy aduelle de
ce qu'on doit croire à caufe de l'aage , toutefois fi doiuent-ils eftre prefentez au Ba-
ptefme e n la foy des parens . ils appartiennent aufsi à Dieu par la vertu de fa prornefle,
&diuinepredeftination . Quant eft des cnfans qui meurent fans auoir receu le Ba- Mat.i? i+.
pcefme,ie croy,pourueu qu'ils loyent de pères &c de mercs fidèles, ou feulemêt l'vn des ««Cor.7 +
deux cftant fuicle,qu'ils appartiennent aulïi à Dicu,&: qu'ils ne font point aux Limbes,
comme on fait accroire,mais font en Pat adis.car Dieu n'a pas en telle forte lié fa grâce
au Sacrement , que fans le Sacrement (ilippole que Tentant l'a it peu receuoir)ils ne fo-
yenr liens. Quant eft des vœuz,ay elle interrogué fi l'homme Chreftien pouuoit vouer,
& s'obliger à iamais par vœuz. I'ay refpondu que l'homme Chreftien peut faite vœu
à Dieu des chofes qu'il fait par fa parole luy eftre plaifantes , &c qui font en la puiilance
de rhommc,&: non autrement . Or pourec que l'entendoye bien qu'ils demandoyét
de leurs vceuz monaftiques, ic leur ay dit que l'homme ne peut faire vécu ou de poure-
té perpétuelle , ou d'obédience , & encorcs moins de chafteté. Et pourtant ceux qui
auroyent fait tels vceuz, doiucnt demander à Dieu pardon d auoir ainii voué: &: cftans
appelez à eftats contraires à ceux defqucls on auroit voué, ils y peuucnt entrer lans au-
cun fcrupule de confeience à caufe de leur vœu , Il eft bien vray que pour vn temps on
peut vouer ces chofes ou femblables : mais que ce ne foit point à jamais . De la confel- Confcfsiô.
fion , i'ay refpondu que i'eftoye tenu de me recognoiftre deuan t mon Dieu par chacun
iour& en tout lieu, &: aulîi deuant les hommes, vn pourc miferable pécheur, quia de-
ferui & mérité tous les iours d'eftre damne, fi ce n'elloit la grâce que Dieu nous fait par
Iefus Chrift. Ainfi ie me doy confefier à Dieu de mes fautes &c pechcz,&: luy en deman-
der pardon. De telle confelîion l'Efcriturc eft pleine:&: ainii le fontconfcirczlesPro- PiVau.31 5,
phetcs,lesApoftres,&: tous vrais feruitcurs de Dieu , Quant aux hommes,fiiay offen- yj1*
le mon prochain en faid ou en parole,ic me doy con/c/Tcr à luy de mon ofFcnfe , ou de JC * ' '
plulieurs, fi ie les ay commifes contre luy, à celle fin que ie foye réconcilié à luy,&: qu'il
{bit appaifé enuers moy.&: de la part il me doit pardôner de bon cœur.Ccfte confeiîion
cftauin" de l'Efcriturc. Ilyavne autre manière de confciîion,laquelle eft proprement ï*M»*.
pour demander confeil fur les troubles qui peuuent furuenirà la confeiéce fcrupuleu-
fccomme s'il y a quelque perfonne qui ait dou te de quelque chofe, dont fa confeience
en eft troublec,combien qu'elle cognohTe la mifcricorde de Dieu contenue aux jpmel-
fcs:li elle eft encores en doute, d'autant qu'elle s 'arrefte feulement aux promette s géné-
rales & non au/fi aux particulières, c'eft trefbicn &c trciîagemen t fait à vn tel perfonna-
gc de cercher quelcun fauant,à qui il puiife déclarer Ion cœur. Et lors celuy auquel on
demande confeil, doit mettre en auant les fentences particulières qui (ont en I'Eicritu-
rc, de la miléricorde de Dieu, pour confoler celuy qui vient à luy , & le deliurer de fcru-
pule. Vne telle confeiîion eft grandement louable,&: eft de Dieu . Et de cefte manière
de faire a efté introduite la confeiîion auriculaire : car cela fe faifoit en fecret , & entre
deux:comme ils veulent aufti eftre fait en leur confeiîion auriculaire , laquelle n'eft de
Dieu, ne tefmoignee parrEfcriturelainctc. Carie Seigneur ne requiert de l'homme
vn tel dénombrement fuperftitieux de fes péchez, auffi c'eft vne choie impofiiblede
fane aux hommes, comme aiTez monfti e le prophète Damd, quand il dit,Seigneur,qui prr , ,
cft-ce qui cognoit toutes fes fautes? Et tantoft après, Ncttoyc-moy de mes péchez oc- &38.J.
cultes . Toutefois le Pape le commande fur peine de peché mortel, pour le moins vne
fois l'an . le rcictte ladite confeiîion auriculaire, comme vne choie qui n'eft de Dieu:
mais qui eft vne vraye géhenne des confcicnces,vne aryfmc de gouffre à la perdition&:
ruine des poures ames. Ils m'ont aufli demandé que ie fentoye de la virginité de la
vierge Marie,&: fi ie croyoye qu'elle euft enfanté fon Fils, vierge, &: que depuis elle fuit
demeurée vierge. I'ay relpondu l'article du Credo, le croy qu'il a efté conceu du Jaincr.
Efprit,nay delà vierge Marie:&: croy qu'elle a perfeucré touliours vierge. Et lors le do-
cteur Hazard(commevne grofle bcftejme vint à dire,Qui vous cfmeut à croire la vu gi-
nité de la Viergc,veu que ce n'eft vn poinct del'Efcriture fainde ? Auquel ie refpon-
di,queieluy auoyetrouuéafiez clairement&manifeftcment.carileft ditquelofeph Matl :î.
ne lauoit point cognue , quand elle enfanta fon Fils premier nay . &c lors il fe teut &c ne
fonna plus mot. Ils m'ont demadé aiTez d'autres chofes: mais ie vous ay efent de celles-
ci comme des principales . Parquoy vous-vous contenterez de ces chofes. le tu Ven-
dredi aftailli des Docteurs de la grande eglife, maiftre Fiable Se maiftre Aucrtin: ie I'ay
efté auiourdhuy de Hazard. Ils tafehent tous à me faire hérétique tant feulement en
la partie de la Meife.Et me femble qu'ils voudroyent bien qu'elle leur peuft demeurer:
&: non fans caufe,car elle fait la bonne cuifine, &: fait venir l'eau au molin . Mais,Dieu
7*tf7ro Brully.
merci,McjTîeurs ont bien appcrceu que ic n'auoye pas perdu la parole, car ic ne leur ay
cédé d'vn ("cul poin£t: mais leuray dit la vérité, laquelle paraucnture ils nepenlbyenc
ouir . Quand ils font vcnus,i'ay allez rudement parlé: en quoy s'il y a eu excès en paro-
lcs,& n'ay gardé modeftie Chrefticnne,ie prie que noftre Seigneur me vucillcpaidon-
ncr.ç'a efté le zele de fon honneur &: de fa Parole, qui m'a ainlî pouffé, Se tout en la pre-
fence de Me/lîeurs:doiu(comme il m'a femblé)les vns eftoyent ioyeux,&: les autres bic
triftes . Et Ce font départis en me difant iniures : mais cela ne me trouble point,car ie
ne fuis meilleur que mon maiftre& chef Iefus Chrift. Ma fœur, vous &c tous les frè-
res priez noftre bon Pere par fon Fils Iefus Chrift,quil me maintienne par fon Cainâ E-
fprit en la vérité de fa Parole, me donnant accroiflemcnt en foy &: en tous biens ccle-
ftes. De ma par:,ielc prieray pour toute fon Eglifc, &; fpecialcmentpour vous &: pour
Marguerite ma bonne fœur.Dieu vueille auoir mémoire des plaiiirs&: feruices qu'elle
m'a f ait,&: me fait iufqu'à prefent.La grâce de noftre Seigneur foit auec vous.
A tous lesfîdelcs quifouffrentperfecution pour auoir ouy la prédication del'Euan-
gik ,ou icellc fouftenue en leurs maifons , qui font és quartiers de Tournav , Val-
lencicnnc, Lille , Arras , Douay, &c . Pierre Brully (bruiteur de Dieu , cnuoyc
pour vous vifiter , &: conlbler vos cœurs par la parole éternelle de Dieu , Grâce,
paix &: mifericorde de par Dieu le Pere , &c fon Fils Iefus Chrift bien-aimé noftre
Seigneur , vous délire eftre donnée &: conferuee en vos cœurs à iamais . Ainlî
foit-il.
E S frercs,ie ren toufiours grâces à Dieu en mes prières , de ce qu'il luy a pieu de
nous monftrer que nous citions des fiens,en nous faifant tous participer Sdéntir
la difeipline de laquelle il chaftie les liens, afin que ne foyons damnez auec ce mau-
uais monde:duquel il nous a rachetez par la mort &c palfio de fon cher Fils IefusChrift.
Certes,mes frères, il nous eft donné d'enhaut non feulement de croire en luy, mais auf-
li de foufinr quelque choie pour luy . ce qui n'eft pas donné à tous ceux qui croyent:
maiseft vndonfpcxialdeDieu,cômelctefmoignefainctPaulenfonEpiftreaux Phi-
Roro.8.18, hppiens. Par ce moyen nous (auons que nous fommes des liens, voire defesdome-
n> ftiques: &: cognoilfons que ces choies nous aduiennent àgrandbien , puis que ce bon
Pierzii r>crc nousaimc tant"> cîllc ^c nous conformer parcroixôd tribulationàccluyquieftle
«,13 premier nay des enfans de Dieu , qui n'a iamais fait péché ,&: dol n'a efté trou ué en fa
bouche : &C toutefois a enduré la croix , mais ç'a efté pournous deliurer de la mort qui
nous tenoit fuicts à elle . Il a enduré, di-ie, afin de fan&ifier par les peines , les peines
&C rourmens que nous endurons. Car maintenant nous ne craindrons plus lespri-
fons , fuftigations, iugemens, le feu , les chaines de fer , les deriiïons &: mocqueries : &C
brief, toutes les machinations, alfauts &c autres manières de faire du diable, ne du mo-
de , comme choies maudites de Dieu . mais les endurerons comme lignes ôctefmoi-
gnagesde la clémence de Dieu cnuers nous. Certes , mes frères, la mort de Iefus
Chrift nous deliurc de la mort éternelle qui nous eftoit deuè : &: li fan&ifie noftre mort
corporelle . Ses prifonsfan&ifient les noftres, fa flagellation la noftre, fon iugement
le noftre, fe^ chaînes les noftres,fes derilions & mocqueries fan&ificnt les noftres,& gé-
néralement tout cela que nous endurons eft fan&ifîé par Iefus Chnft,pource que nous
endurons pour l'amour de luy. Dont nq nous troublons en nos croix &aduerfitez,
t pjcr comme fi quelque chofeeftrange nous aduenoit: mais tout au contraire, il nous fauc
Rom. 5 5, grandement elîouir,quand diuerfes afHi&ions&afTauts nous aduiennent: fachansque
4 * les tribulations engendrent probation , Se probation patience , &: patience efperance
en Dieu : laquelle ne confond point, pource que la charité que Dieu nous porte, eft
efpandue en nos cœurs par Ion faind Efprit: &: eft cogneu que nous fommes de Dieu.
i.Pier.4.12 &: eft noftre foy lors trouuee parfai&e, comme l'or lur la touche, Se l'argent en la four-
naife . Car tout ainlî qu'on ne fait iuger â\n or pleinement , s'il eft bien fin,iufqties à
ce qu'il foit mis fur la touche : &C l'argent n'eft point bien pur , que premièrement il n'-
ait fenti la fournaife longuement : aulîî par tribulations grandes &: abondantes ilap-
Mat.7.z4, pert quelle eft la foy qui eft en nous , &. cognoit-on lors li nous fommes édifiez fur
Jî»*6 le ferme rocher, ou fur lefablon : h nous fommes la femence qui eft cheuteen bonne
k,6 7t'g' ttcrre3ou fi nous fommes la femence qui eft cheute entre les pierres.fi nous fommes or,
argent
argent ou pierres precieufes édifiées fur le vray fondement,qui eft Chrift , par ceux qui
nous ont dit la parole de Dieu,oufi nous Tommes le bois,ou foin, ou eftoupe, qui brut-- j Cor.3 n,
leronsôd ferons perdus,quand le feu de tribulation nous a/faudra. Mes frères, redui- '3>'4>m-
fez en mémoire ceux qui vous ont precedé,&: ont pieu au Seigneur.Penfez par chacun
temps ce qui a efté fait aux feruitcurs de Dieu, &c vous n'aurez occasion q de ioye,quad
vous-vous verrez lcmblables à tous les bons feruiteurs de Dieu . Certes, tefmoin Iefus Mat.ç.ii,
Chrift, parauant fes Apoftres ils auoyent perfecuté les Prophètes qui auoyent précède,
comme ils ont fait les Apoftres . Et après les A poftres,le.v Euangeliftesjcs Martyrs &£
bons Pafteurs,qui ont efté laprimitiueEglife.& généralement tous ceux qui dés le cô-
mencement du monde iufqu'au definement dernier, ont voulu viure félon Dieu, ont
toufiours efté affligez des mauuais , des mondains & charnels . ce qui a efté demonftré
ésdeuxenfansquionteftétrouuezenlamailondenoftregrand-pere Abraham:enla- Q^ ^
quelle celuy qui cftoit félon la chair,aiîàuoir Ifmaclfils de la cJiam briere Agar,pcrlccu GaUt^ij»
toit celuy qui eftoit félon refprit:iedilfaac le fils de Sara,mere de famille . Si aucuns
font affligez de leurs frères &c prochains , voire luirez à la mort , qu'ils penfent qu'il ne
leur aduient rien qui n'ait efté fait auparauant. Qu'ils voyent Abelcebon enfant & a-
mi du Seigneur,tué de fon frère Cain par enuic . Saind Iean en fa première Epiftre dit Uean 3.11
Ja raifon pourquoy il l'a tuéjl voyoit(dit-il)quc fes œuures eftoyent mauuaifcs,&: celles
de fon frère eftoyent bonnes. Et pour ce il a eu enuie fur luy,&: l'a tue &£ occi,pource qu
il ne faifoit comme luy . Que tels fe recordent des paroles que noftre Seigneur dit au
dixième chapitre de faind Matthieu,& au douzième de faind Luc. Or fi aucuns (ont
perfecutez&: mocquez de leurs enfans,qu'ils regardent le bon Noé. Si de leurs fem- Gen. sa%
mes, qu'ils ayent regard à lob , mocqué de fa femme , & prouoqué à blafphemer Dieu. '°b 110
Qu'ils voyent Moyle &: Aaron iniuriez de ceux de la famille de Chore' , de pelle de Da- 1 5
than &c Abiron . Qu'ils voyent aufli Dauid, qui toutefois eftoit Koy:ils le verront &c de i.Sam.t<r.
Saul, &c de (es frères, &c de les enfans dechalîe &: mocqué,& contraint de vaguer par les 7'8
montagncs.&: là il endure les iniures de Semci . Qu'eft-il aduenu au grand prophète
Elie,&: à Elifee ion fuccefteurrà Efaie,à Ieremie,Ezechiel,&: aux autresProphctes?Tel-
lement q faind Eftienne le reproche aux Iuifs, qu'ils ont tué tous les feruiteurs deDieu.
Manafles n'a-il pas vniour fait fi grand meurtre, que toute Ierufalem eftoit pleine du 1^0,slI!i
fang des Prophetes^Ceque bien leur met en auant Iefus Chrift au vingt &c vnieme cha
pitre de faind Matthieu , par la parabole de celuy qui auoit lai/Té la vigne aux ouuriers,
qui ont tué fes feruiteurs,& premiers &: féconds &: tiers,voire fon propre fils. le croy,
mes freres,que ne vous troublerez point donc:car vous cognoiflez bien ces chofes que
ie vous di,eftre de Dieu:&: ce que les vous ay maintenant eicrites,&: non par ci deuant,
n'a point efté que ic ne l'euffe bien voulu faire: mais il ne meftoit loilibleen lamaifon
de mon hofte du chafteau . car il eft pur ignorant, duquel n'euffe feu obtenir ne papier
ni encre . Maintenant combien que ie fuis félon le corps plus eftroitement que n'e-
ftoye là:(i puis-ie dilater mon cœur , &: l'eflargir plus que ne faifoye . Donc prendrez
mon efcrit,comme de celuy qui vous délire à tous la grâce de noftre Seigneur comme
àluy-mefme.
Deux Epiftrcsfingulicrescfcritcs par ledit Brully '. la première à fes amis.l'autre à fa femme, après auoir receu fentence de mort,
par laquelle il la çonfole,& donne aduertiflement comment elle fe doit gouuerner & conduire.
E S freres,il me fcmble bon de vous toucher en cefte forte de la ioye que i'ay des
afflidionsqui nous font aduenues, afin qu'auec moy vous aufli en rendiezgraces
anoftre Seigneur , &z vous eliouiflîez maintenant auec moy de nos liens & de nos affli-
dions.Ceux font les fruids de ladodrine qu'auons appnnfe.fi toutefois nous auons ap-
prins Iefus Chrift çrucifié.Que nul de nous ne défaille &: ne perde courage. Perfeuerez Heb.u. j
en la difeipline encore vn peu de temps , &: celuy qui doit venir , viendra, &c ne tardera "cb'10 '8'
point : cependant mon iufte viura de la fpy : que s'il fe fouftrait,il ne plaira point à mon
ame,comme il eft dit.Parquoy il nous en faut retirer: car vous fauez que feulemét ceux
quiperfeuererontiufqu'àlafin,ferontfauuez.ôt iîfauez aufsi queceux quiiouentàla MatI0 21
luitte,ne font couronnez comme vidorieux, qu'ils n'ayent luitté puilTamment . Par-
quoy faites deuoir de vous monftrer vrais champions &c gendarmes de Iefus Chrift , &:
ne foyez de plus lafche cœur que ceux qui bataillét fous vn Empereur terrien: lefquels
après qu'ils font vne fois enrôliez , ayans donné le ferment,ne s'efpargnent en rien qui
peut cftre pour la gloire de leur Empereur & chcf.Iln'y a fo/Tez fi profonds,mura]lles fi
hautes,aiulleries ii groires,gendarmeries de l'ennemi fi bien en ordre,qu'ils ne mel'pri-
lent:& ce afin qu'ils s'acquirent du deuoir qu'ils ont promis de faire quand ils ont elle
enrôliez. Vous auez renoncé au diable &: au monde, &c eftes enrôliez au nombre des
gendarmes de Iefus Chrift) c'elt à dire au liure de vie » Maintenant donc que rien ne
vous cmpe{che>,quc rte vous monftriez vrais feruiteurs de voftre Roy . 11 eft au guet a-
ucc Tes Anges benics,prçnâtfon efbaten voftre combat. Que (i vous n 'eftes allez forts,
il eft preft à defeendre pour vous aider,comme il a efté demonftré à fainct Eftienne. Et
ce qu'il a enduré,quand luy-mefme eftoit en la bataille,ç'a efté pour vous rendre main-
tenant victorieux de vos ennemis, comme il dit, Au monde vous ferez affligez: mais cô-
fîez-vous enmoy,i'ayveincu le monde. Et comme dit Ion difciple,Ccfte eft la victoi-
re qui iurmontelemonde,voftrefoy . Et s'il y a quelque chofe auprès de vous qui vous
poui roit empefeher que ne faciezdeuoir , iettez-la arrière de vous, voire fi c eftoit ton
ceiljou ta main,ou ton pied. Par lefquels mébres il entend ceux qui nous font précieux
comme l'oeil, vtilcs comme la main,necelfaires comme le pied.Et qu'il foit ainfi, le Ca-
piraine Ta dit à fes gendarmes, quand il difoit , Qui aime fon pere ou fa mere plus que
moy,il n'eft point digne de moy.&: qui aime ia femme ou fes enfans plus que moy, il n'^
1.UC14.33 eft point digne de moy. Et bref il dit , Qui ne renonce à tout ce qu'il a, pour l'amour de
moy,il n'eft point digne de moy . Ces chofes,mes freres,femblent fort cftranges â vne
grande partie des hômes:mais(ic croy)non point à vous,qui auezembraffé Iefus Chrift
paftîonné & tourmenté auant qu'il foit entré en fa gloire, plus que tous hommes: & ne
l'auez point appnns que crucifié, afin qu'aufli auec luy,comme les membres, foyezeru-
cifiez . Vous auez aufîï apprins à fon efcole qu'il faut en premier lieu que fon enfant fe
Luc 14.nr. jenje (by-mefme,&: prenne fa croix,& l'enfuiuc.Qui aura peur de ces chofes,& afin de
ne les endurer fe retirera arrière, &: diïïimulera auec le monde,eftimant qu'il peut bien
cftre difciple de Chrift (ans porter la croix(ce n'eft point moy qui le dit , c'eft le Maiftre
luy-mefmc)il fe perd foy-mefme . Car il dit , Qui aime fa vie en ce monde,il la perd à
la vie éternelle. &: qui la perd en ce monde , il la garde à la vie éternelle . Ceci co*
gnoilfoit trelbien le bon Apoftre de Iefus Chrift fainct Paul, quand il dit aux frères qui
le pnoyent qu'il n'allait en Ierulalcm , le n'eftime point ma vie plus que moy-mefme.
A<ft.u. u. Auifi il dit aux Philippicns, qu'il met toutes chofes mondaines au derrière, s'eftendant
feulement és chofes ipintuelles,afin qu'il appréhende le prix de la vie éternelle. Vray-
eft,mes trefchcrs,qu'on nous aceufe que nous fommes caufe de noftre mal,& que nous
abrégeons nos iours:ce qui eft pure calomnie. car celuy qui feroit appelé de fon Empe-
reur pour aller quelque part, quand il veut exploiter la volonté de fon feigneur, s'il eft
renconcré de fes ennemis,&: mis à mort,ou fort blefTé,fera-il caufe defon mal , ou char-
gé de fa mort?Nul ne le dira : mais au côtraire fera loué corne vn fidèle feruiteur &: fort,
qui n'a point voulu cfpargner fa vie,afin q la volôté de fô Empereur fuft faite. Ainfi no9
en préd -il .Certes ce font les ennemis de Chrift,qui ne peuuent fouffrir que fon hôneur
foit maintenu de nous,ne fa volonté accomplie. Et partant nous traittentmal,& ab-
bregent nos iours & années. Et ceci nous font-ils, pource que ne leurvoulôs rcfTembler
en idolâtrie, fuperftition,blafpheme, yurongnene, gourmandife, paillardife,& autres
chofes défendues de noftre Roy. Ils nous baillent , pource que nous tcfmoignons que
leurs cruures font mauuaifes,& condamnées de Dieu: voire que les meilleures ne valet
rien. car non feulement elles font introduites fans la parole de Dieu:maispour vne gra
de partie font drefîees contre icelle tant diuine parole, au blafpheme de Iefus & de fa
pafîion. Vous fauez defquelles ie parle,mes freres:& pource nous perfccutét-ils. Ceux-
cy font ces Sainds qui ne veulent qu'on les touche, de peur que par l'attouchement d -
autruy,ils ne foyent contaminez.Ce font les montagnes , lefquelles touchées vomiflet
incontinent fcu& fàng,&: crient Harau fur les enfans de Dieu. Et comme i'ay dit par
ci deuant,ils ne nous font rien qui n'ait efté fait aux feruiteurs de Dieu,qui ont efté de-
uant nous . Que di-ie aux feruiteurs?mais au Maiftre. Qu'il nous fouuienne qu'ils 1*
ont appelé yurongne & gourmand, Samaritain, enchâtcur,demoniaque,feduc"teur: qu
il a cité liuré des Preftres en la main des Romains , defquels il a efté bufFeté , decraché,
mocqué, flagellé depuis le fommet de la tefte iufqu'aux pieds,couronné d'vne couron-
ne d'elpine luy perçant le cerueau : & à la fin l'ont condamné à la mort la plus honteu-
fe qui fuft lors,qui eftoit la mort de la croix.Et pour luy faire plus grand deshonneur,l'-
ont
Mat. io,
19
Plul.3.13.1,
Iean 15.10
Bmlly. ijp
ont pendu au milieu de deux larrons,com me s'il euft efte leur maillre. Voila ce qu'ils
ont tait à ecluy qui auoit illuminé leurs aucugles , fait ouir leurs lourds , nettoyé leurs
ladres & refïufcitc les morts:&: bref, toutes bonnes œuures auoit t'ait au milieu d eux:&
pour recompenfe nous voyons comment ils l'ont mal traitté- Or s'il eftoitiullc deuanc
les hommes, aulTicftoit-ildeuant Dieu.&: toutefois luy qui eft le buis verd, endure tou-
tes ces choies: nous qui fommes le bois fec, qui ne valons que pour cftrc brûliez, que
pouuons-nous donc attendre ? Pc nions-nous aller en Paradis fans rien endurer ? Ne
nous abufons point . il y faut entrer par mout de tribulations . Nous (auons qu'il n'y a
que deux voyes,&:n'eny apointdetroifieme. L'vnc eft eftroite&r pleine de mauuais Mar-7 *h
pa/fages:mais à la tin d'icelle fe trouue la vie éternelle. L'autre eft large ôc fort fpacieu-
1c, &fejuhlc fort belle & plaifaftte : il n'y anuh dangers coin me à la première* : mais
âla fin (ont les douleurs, car elle même àdamnatioii éternelle. Les dangers delà
première fontpourcté, affliction , diffamation , difette des biens de ce monde', cftre
mal traitté de chacun , eftre banny , empnfonné , bruflé , noyé-, décapite, ictté aux be-
lles,&c. Mais toutes ces choies ne font point à comparer à la gloire qui fera reuc-
lee.&: pourtant elles eftablitfent en nousvn poids degloirc merucilleux,commc tef-
moigne l'Apoftre en la féconde aux Corinthiens^uatriemc. Et à eau fc de ces dangers
peu cheminent pat celle voye ,&: quafi tout le mondela mefprife : &: aiment mieux lei
mondains cheminer legrand chemin, nonobftant qu'il mené à perdition , que cefen-
tier qui mené à la vie éternelle. Nous doncques,~mes frères > cheminons par la premie-»
re, quelque difticile qu elle foit, veu que nous auons vne guide tant (eure , qui eft Iefus
ChriuSquiapafietousles mauuais paiîagcs:&: à caufe qu'il eft noftrc guide , ne pou-
uons périr aux dangers . Car comme dit vn de ceux qu'il conduit , le fuis leur que ne les
Anges,neles principautez, ne les puifTances, ne la vie, ne la met r, ne les chofes hautes, *-cm*- 3*-
ne les profondes, ne les chofes prefentes rty aduenir, ne nous cnipeù lieront que ne pal-
fions. Sera-ce tribulation qui nous fera perdre courage ? fera-ce angoilîc , ou famine, ou
nudité? fera-ce glaiue? Nous ne craindrons rien de ces chofes , à caufe que nous auons h
bon condu&cur,qui tant nous aime, qu'il ne nous abandonne iamais que premiercmet
nous ne l'ayons delaiiTé . Il lémble fouuent à noftre chair, &c à noftrc efpric aufli aucune-
fois , qu'il nous ait abandonné . Mais non a.eav il dit , le ne t'abandonne &: ne te delaiffe
point. Et en vn autre lieu,Iefuisauectoy en ta tribulation: inuoque moy&ie t'exauce- Ff"u-î° '-r
ray,&: te deliureray. Penfons-nous, mes frères, que fi le Seigneur n'eftoir. aucc nous,que
nous faurions endurer cela qu'il nous faut endurer:Non en venté: car nos ennemis font
trop plus forts que nous: &c vn d'eux eft fuffilant pour nous ruiner &c perdre à iamais. La
puiiîànce du diable eft grade, qui eft le premier de nos ennemis. Certes il c(t fi puiilant,
qu'il fit tomber de flou s luv ce grand ccdreôccepuiifant capitaine Adam , au premier
alfaut qu'il luy liuroit.C'eft celuy,mes frères, qui efmc ut les autres cotre nous. Haftons-
nousderefiftcràceftuy-cy,& luy refilions tenanslefcuffon de lafoyen l'\ ne des mains, tyhete.iï.
&le glaiue de la parolle de Dieu en l'autre: &; li nous-nous courrouce ns,que cefoit co-
tre ceftuy-cy . Le monde eft bien fort ,auflîeft noftre chair: mais file premier eft vain-
cu , les autres ne nous nuiroht point beaucoup: car neantmoins qu'il y ait desa/îàucs
merucillcux du cofté de la chair, fi lerengera-ellepctirà petit, &: la matinc ral'efprir,e-
ftant victorieux du diable. Voila, mes frères, ce qu'il conuient que nous tarions & vous
&: moy,en nosaduerlitez&cafBidions. Vous pourriez direjfivn autre qui ne tuften ad-
uerfitez comme vous, efcriuoit ces chofes , Il parle bien aile des tribulations &c aduerfï-
tez:il eft en la raaiibnauecqucs les fiens,il peut bicnlouer ces chpfes-cy.mais s'il luy fal-
loir endurer, il en parlerait tout autrement. Mais, mes frère s t ie croy que cela ne direz
demoy:car îe participe auec vous,& boy du mefme breuuageque vous beuuez:& pour
mapartjien'atten autre chofe tous les iours,que la mort cruelle. Quedi-ie,mort cruel-
le? ie me fuis abufé, quand fi mal ie la nomme:car ie cognoy que ce n eft autre choie que
la bonne volonté de mon Perc, lequel veut terminer celle vie corporelle,^; la changer
à vne fpirituclle.il veut m'ofter la tcmporelle,& me donner 1 ctCTnellc.-dequoy grande-
ment luis tenu à luy. Et vous prie,que priez le Seigneur pour m ofalut-^ qu'il me main-
tienne toulïours en confiance :&; face aufîî que ieperfeuere en laconrcïïion de fafain-
fte parolle, iufques au temps qu'il me mettra en lieu de feurté, qui eft l'on lainCt Royau-
me. Et de mon cofté ie feray le mefme pour vous. La grâce de noftre Seigneur foit a-
uec vous tous, Amen.
A,
Ljik) o IL Tierrc^j ÈruBj.
f Autre cpifheduJit Brully cfcr.cc des priions de Tourruy.pcu dtuanr jj mort.
A trcfchcrc fœur,fache que ie me luis grandemét ciiouy en noftre Seigneur quâd
^'él' >;iy ouy te entendu par les lettres de ton pcrc& le mien , eferites en ton nom, que
tu ce reliouiilbis en Dieu, nô point de ma prinfe,car ic lay quelle t cft gi icuc:mais de ce
que ce bon Dieu&Perc t'auoit donne vn mary , lequel il auoitelcu à endurer pour Ion
nom, & pour l'Euâgilc de ton Fils Iefus Chrift. le te prie que maintenant tu te reiiouif-
fes plus cnluy,&le loues plus plcinemêt que n'as fait iufques à celle heure. Car mainte-
nant îlluy plâift accomplir en moy cela que plufieurs roisay dcfiié,cC>nictu lefais bien;
aîiauoir qu'il me tilt la gracede mourir pour l'on Euangile,à l'édification de Ton peuple:
cl la qu'il fera ces iours-ci , me deliurant de tous maux, &cmc mettant en ion ro} aume.
Et peur ma more ne te deconfortc ou dcfolc aucunement, ains pren vigueur &c coura-
ge en noftre Scignc ur, croyant fermemét qu'après mon treipasil prendra du tout char-
ge de toy la feruante : &: monllrc qu'en luy fcultu as mis toute ta fiance ôc efpoir . Le
genre de mort cil , comme ie pcnle,d'cftre traicté cômeecux qui ont précède conftam-
mcnt,tcfmoignansdc Icfus Chrift &: de fa doctrine : c'eftailauoir de palier tout vit" par
le teu lans quelque mifericorde. Et doit tant & fi longuement durer &: eftre entretenu
le ic u,quc tout l'oit en cendre conuerty & puis fera ladite cendre icttec en l'eau. Or ie
ne t'efery point ceci parce que i'en ay grand' peur ou horreur: car neantmoins que ie lâ-
che que celte iournee-la m 'cft à la mort félon le corps , ie iay aulïi d'autre part (& cft ce-
la qui m'a lait contemner la mort corporelle) que ladite iournee m'eft à la vie félon l'E-
iprit , lequel ne peut régner aucc Iefus Chrift Ion cfpoux pleinement, fans la diiîblutiô
du corps. car cepédant que nous fommes au corps , nous fommes pèlerins du Seigneur.
Reiiouy-toy donc, ma c hcrcfa-urenDieu&du cempsque tu feras vcfuc,efpere du tout
en luy, & fois vacante en fain&cs prières &: autres bonnes ceuures , comme la vêtue qui
veut du tout plaire à Dieu , doit faire. Et te garde que tu ne fois telle vc fue qu'il y en a-
i.Tim.f. 6. uo|t ju tcrnpS L|c S.Pauhcomme il eferit à fon difcipic Timothee : alîauoir oifeufes , ap-
pétantes d'aller de mailon en maifon:&: non feulement oifeufes, mais auiîî ayansdim : s
langages, difans parolles qui ne font point licites. Et quand le temps viendra, le Sei-
gneur te pouruoyerad'vn autre mary,qui aura le foin de toy , auquel tu obéiras, lequel
tu craindras, &c luy porteras honeur, comme doitlafcrnmcà lonmarv.ainli quede toy,
ma trcfchcrc, ie me confie en noftre Seigneur. Ic t'ay bien voulu eferire ces choies, co-
meceluy qui eft tenu à t'inllruire&r endoctriner. Et ii maintenant ic ne peux bouche à
bouche, àtoutlemoinsquc ie face deuoir par efent encore cefte fois. Tu as ton boa
pere, par lequel tu m'as reicrit que tu te tcnoisauec luy. ne lay rien fan? fonconfeil : vie
de luy en tes affaires , garde-toy de le contnlKrcn aucune choie, ne ta merc auffi. Tu
re ucreras ton freic,&: inftruiras tes Cœurs en ce que tu pourras félon Dieu , c es choies ie
dyau nom de noftre Seigneur. le te prie fi aucuns de mes frères te viennent voir, que
tu lesreçoyues en toute douceur pour l'amourde moy, &monftreàiccux de quelle a
mourtu m'aimes. Au refte , ie te recommande noftre feeur Marguerite , à laquelle ay
donne ces prei'entes pour les te rédre. Elle m'a déclaré qu'elle fe veut retirer auecques
vous. 6c là feruir le refte de la vie a noftre Seigneur. Tu luy affilieras tant que tu pour-
ras, Se la recommanderas à toute l'cglife de Iefus Chrift. lime fcmblc que toy&TEgli-
fede Iefus Chrift luy deuez affilie ncr : carclleaailiftc à plufieurs: mais fpecialement à
moy, me folicitant tant & iîfouuent qu'elle a peu. Elle m'a recréé de l'on bien. LeSci
gneurluy donne milcricorde. Salue z l'Eglilcen mon nom:mais fpecialement les tiens
8£ les miens parens. La grâce de noftre Seigneur foit aucc ton efprit, Amen. De Tour-
nayee x v 1 1 1 . de Eeurier. Déshieriepcnfoycpaft'cr.fattentoulioursi heure. Ton
lovai mary P. Brully.
ITp^§E Magiftrat de Strafbourg avat efte aduerty de toute cefte procedurequ'6 tenoic
gti^contre Brully leur bourgeois, fupplicret par lettres &: mciTagecxprcs 1 Empereur
\?ttnà l,cs delcdeliurenauffi firent les ambafîadeurs des Proteftans , qui lors citoyen t à vneiour-
en t.-iuur née qui letcnoita Vvormcs. On enuoya quant &: quant lettres elcrites au nom du duc
de Biully. Je Saxe &: de Philippe La ntgraue de Hcfi'e, en faneur dudit Bvuliv pourfadcliuran-
ce:mais rien n'y proufita, (bit que lefdits ayent efte trop tard enuoyccs,ou que Grauclle
d'vne rufeaccouftumee , lésait fupprimees iufques après l'exécution dernière dudic
Brully, comme il en eftoit le bruit au pays bas. ^ Apres donc l'anoir détenu prifonnier
enuiron quatre mois, &: que les aducrfaircs,par les confeffions,lertres&: papiers dontil
auoit
Ter/ècHtion de Aiets. /j. q
àuoic efté trouué faifï,curent tire dequoy faire le procez à plulicurs fîdck s des villes ou
auoit cité ledit Brully,cy deflus nommées, &; mcfmis l'ayant fait mener à Valencicnes
pour remarquer les maifons des fidclcs où il auoit dogmatize , comme ils parlent . fina-
lement lentcncc de mort luy fut prononcée, laquelle contenait d'eftre ars&r brullc vif,
iulques à eftre confumé en cendres . la caufe cfhnt adioufu e , Pourcc qu'il auoit tranf-
greiféle mandement de l'Empereur, &C qu'il eftoit efchcu au placart ( ainfi parlent-ils)
dudit Seigneur. Celte fentence fut mife en exécution le xi x . de Fcurier , m. r.xlv.
Le fupplicc fut horrible , entant qu'on le bru fia à petit feu fur vn grand efchaffaut qui
auoit efté fait exprès furie marché delà ville,afîn d'augmenter l'horreur du tourment.
T es dernières parolles furet quafi toutes prières à Dieu,hors lcfquelles il ne luy fut per-
mis de tenir aucun propos au peuple.
Hiftotre de la perjêcution à M E TS en Lorraine.
PLVSIEVRS fidèles tefmoins de la verijc de l'Euangilc ont efte faccagez & noyez en cette perlêcurion , comme on pourra
voir par le récit de l'Epiftre de M.Guillaume Farcl.ôc par les requeftcs/upplications &: orailoiu ici inférées, dignes que ccuj
tes les Eglifes des fidclcs de ce temps prefent voyent & lifent.
E territoire deMets en Lorraine cft cftimé fertile, eftat cnuironné&arroufe
de deux riuiereSjMofellc &: Seine. La ville cft ancicnc,appclec des Meàioma
mce5,lefquels(felon l'opinion d'aucuns hiftoricns)furcnt ainfi appelez, d'au-
tat que leur ville capitale eftoit au milieu de ces trois citez Tulles, Verdun
&: Trcues. Auec les bénédictions de la terre, le Seigneur a fait auffi découler en ces
temps fur les habitans d'icellc la pluye de fa fainetc doctrine, non feulement par le fang
des Martyrs dcfquels cy deuant nous auons fait mention , mais auflî par la prédication
de plufieurs perfônes qui ont efté enuoyees à ladite ville de Mets. Sur tous M.Guillau-
me Farci, ancien (bruiteur de la mail'on de Dieu, a tafchc de toute affection non feule-
ment vne fois, mais derechef cefte année réduire ladite ville à vnc fainetc reformation
dç l'Euangilc. Mais comme Satan ne ce/le d'exercer le miniftere d 'iniquité , aulli fit-il
tous fes efforts de troubler la compagnie des fidèles, non fculcmct par preftres moi-
nes, maisaufli par gcns.de guerre adonnez à toutes, cruautez, fes vrais fuppofts&: orga-
nes, comme on pourra voir par le récit qui s'enfuit extrait des efents dudit Farci.
A tous cœurs affamez du defîi de la prédication du S.Eiun.ile, & du vray vlage des S.icreniem, S.
C I ïamais i'ay eu regret d'aucun peuple, voyant la poureté d'iceluy ,& fi quelque peu-
pic a toufiours efté deuant mes yeux, certainement vous eftcsiceluy. Car il ne faut I-'affcclieii
élire combiende fois îe penle .i vous cv de vous, non pas Tannée ne le mois, mais cha*cu~ c"utrs fo„
ne heure, & dciour$£ de nui et . «Se m'aduient en cecy comme àla merequi a eu beau- uouppeau.
coup de peine après fon entant. Car tât plus il luy a coufté,plus elle l'aime : &c n'a aucun
repos en fon cœur , quand elle elt loin de fon enfant, craignant que mal ne luy admen-
nc, &c finguliercment s'il eft en lieu dangereux. Et n'y aperfonnequipuilfc déclarer v-
ne telle affection, que celuy qui l'afcntieje pcnfe&repenfe d'vne part àla trefardente
affection que i'ay veu en vous après l'Euangilc^ de quel défit vous i'auez ccrchc Se de-
mandé . &c confidere d'autre cofté ce qui vous cft: aduenu , en talchant de 1 auoir. De
moy, ie ne dy rie de ce que i'ay tait, ne de quel cœur, fînon que ie vous puis affe urcr,que
iamais ie n'eu choie plus à cœur que voftre édification ; & n'ay point eu plus d'angoilfe
que de voftre oppre/fion. Et quand ie penfe a l'opportunité qui a efté , que noitre Sei-j
gneur auoit donnée, ie ne fuis ne mort ne vif,&: ne fay que ie doy dire. Bref, ie n'ay au-
tre chofe, fînon que de m 'humilier deuat Dieu, &c donner louage à fon fouucrain nom,
qui void &£ cognoit&: entend tout. Et en m 'humiliant iceonfeffe que Dieu cft iufte,
droit &: cntier,qui enuoyc la pluye fur vne ville quâd il luy plaift,là où l'autre n'en a pas Amo, ^
vne feule goutte. Carie fay &: cognoy des gens qui eulfcnt trop plus aimé la mort que
l'Euangilc, ne voulans ouyr ny entcndre:&: toutefois eftans côcraints daflifter aux pre- Plufîcur.^
dications, combien qu'ils ayent ouy maugré eux, ce nonobftat, auoir ouy, ils ont reccu j™^* *
la Parolle;en oyant ils ont efté touchez , tellement qu'ils ont furmonté les premiers en maugré
foy &c charité, eftans efbahis comment on les auoit loufferts &c endurez, &c qu'on ne les ellx-
auoit faitmourincomme ils difoyentl'auoir bien deferuy, en côtreuenantà vne fi faill-
ite &c fi bonne doctrine.
I e ne rçciteray point de ceux qu'on a vifité en maladie,ou autrement , qui voloricrs
A.ii.
LiurtLj //■ Terfecution dc^ *Mefs.
eu lient ferme leurs portes, fi honte ne les euft empefehez: à qui Dieu a fait telle grâce,
qu'après auoir ouy , îbudainement ils ont efté changez . Se en remerciant Dieu, ils oni
inftamment prié qu'on print la peine de les viliter fouuent, Se de leur parler de c e doux
Sauueur Iefus. Mais au contraire,vous mes frères, combien de fois aucz-vous fupplic à
vos Scigneiirs,dauoir la parofleîEn toute humilité vous auezdonné de telles (Implica-
tions, que vos Seigneurs difoyent, qu'elles eftoyent bonnes &: fain£tes,& dignes d'eftre
receués:adiouftans cela , Mais que le cœur fuft félon les requeftes. Des promefiTcs qui
vous on tefté faites, fi elles euflcnt clic accomplies, vous feriez fort bien. Et combien
Lemairtrc de fois en aucz-vous inft animent, & au nom de Iefus , requis le maiitre Efcncuin : que
d^Mcts" commc chef de la ville, il vousottroyaftla Parolle? Et lui qui, comme fauez, auoitgrad
C ' defir que l'Euangile fuft prefché: quelles remonftrâcesa-il faites aux autres Seigneurs?
quelles requeftes, Se combien de fois les a-il priez en voftre nom : Combit n aucz-vous
couru dc-çà Se de là: &: toutefois il a pieu à Dieu de permettre tant à Satan , que i'en ay
horreur:&: ne penic point que pour l'iniquité de laquelle Ion a vie contre la parolle de
Dieu cnuers vous, il n'en aduicnnc vne trefgrofte punition, Se telle vengeacc que tout
le monde en fera eftonné. O pourcs Herodes, qui auczpeur que le vray Roy ne règne,
Se que vous ne perdiez le royaume , lequel fi vous ne l'auez vfurpé iniuftement, toute-
fois vous le conduifcztrefmal: en empefehant la fainibe parolle delelus i O que vous
fen tirez vn iugemét trop plus grief que iamais Hcrode n'afenty , vous qui auez efté ba-
ptil'ez, Se qui confefTcz quclefus Chrift eft le Roy des Rois, &c\c Seigneur des Sei-
gneurs^ que luy, qui eft vray Dieu Se vray homme, qui a fouffert pour noftre fàlut, ve-
nant ici en chair, iugera les vifs &c les morts: comment ofez-vous empefeher quel'E
uangile Se les fainctes ordonnances de ce grand Roy (à qui tous doyucnt feruir) n'ayenc
prou.io. |jcu partoutr Que peut-on dire autre chole,fino que tout ce que vous craigncz,&: plus
encore vous auiendra , fi en bref ne vous retournez, Se fi ne vous fubmettez humble-
ment à ce fouuerain Roy?
Voyant donc , mes frères , voftre affection Se trauail le grand empefehement
qu auez eu de toutes parts,&: confiderant la trefgrande grâce de Dieu, qui a efté dônee
à pluiîcurs autres peuples &: Seigneurs: jen'ay peu faire autre chofe, fors que de vous
fupphcr au nom de noftre Seigneur Iefus, que vous- vous mi/Tiez tous en prières Se orai-
fons, en confeflant v os pechtz cftrc caufe que la l'ainctc parolle de Dieu ne vous eft an-
noncée. Etainiï e fiant aupresde vous,& parles machinations de Satan eftant empei-
ché de vous feruir en noftre Seigneur,finon qu a bic n peu , au prix du grâd nombre que
\o9eftcs:iay tafehéde vousincitei à prier noftre Se igncur,& pour mieux vous elinou-
uoir à la faincte prière, &: à requérir l'aide de Dieu en la ncccflîtc &: pourcté en laquelle
vous eftcs,qui eft fort grande Se fort pitoyable,i ay voulu mettre par cfcrit vne requefte
adreflée au Seigneur, lequel eft plus amiable Se plus équitable que tous ceux qui onc
furent. Cariamaisil n'a refuie dottroyer la demande Se requefte mite Se raifonnable
qui luy a efté faite en foy. Parquoy i'ay ce fait , eftant bien afteuré que fi en vraye&: viuc
foy vous luy prefenciez voftre requefte, pour fon honneur Se gloire,&: pour l'exaltation
de fa parolle , Se pour voftre falut , qu'elle vous feroit accordée Se palTce : non point en
vertu de la requefte , ne de chofe qui ibit en vous , mais par lagrande bonté Se grâce de
cetrefton Seigneur, à qui vous deuez donner ôcadreficr voftre requefte , parle moyen
de noftre bon Sauueur Iefus,qui eft eau lé que nous impetrons tout ce que le Pcrc nous
ottroye Se donne. Et ne faut ici eftre .honteux à demander, ne craindre aufti de fafcher
vn tel Seigneur, nepcnlér ( quelque choie qui foit en nous, ne que nous voyons , ny o-
yons) qu'il nous vucille efeonduire , ou reietter noftredcmande , que nous luy pré-
sentons par Iefus en vraye foy. Mais mefmc quand la chofe nous femble du tout defel-
perec , Se qu il y a moins d'ordre d'auoir ce que nous demandons, que lors par vraye foy
nous-nous fortifions, 6c nous afieurions que lademande eft paftec Se donnée : ôcàce
nous faut arrefter cotre tout iugement que l'homme p ni fie ici auoir : côme nous voyôs
Gcn.j8. qu'il eft aduenu au fidèle Abraham. Car quand a-ilcula pro méfie accomplie d'auoir li-
gnée ? n'a-ce pas efté quand tout cfpoir eftoit defailly tant à luy qu'à fa fem vnc'-.Se quand
il s'arreftoit lurlfmael , comme s'il euft efté celuy qui luy auoit eftépromis 1 Et quanda
Gcn.it. efté confer mec ladite promelîe, voire par le ferment, linon quand ledit Abraham auoic
tiré le coufteau pour lacrifierfon fils Ifaac,&£ qu'il eftoit comme en la mort ? Certaine-
ment , trefchersamis,noftre Seigneur veut exercer voftre fpy &:la miënc:& veut qu'en
icelle
fçrfecmion d<u tfflets. f^f
icelle nous Iuy prefentionsnos requeftes , en priant Se requérant que Ton faincl Ëilangi -
le foitprefché, &: qu'il veut qu'on croye de cœur en oyant , Se qu'on conf elle de bouche
en receuant l'es fain&s Sacremens &: faifant comme il a ordonné , que par l'a grâce il fa-
ce qu'en cela fa fainetc volonté foit fai(e:& qu'il vous conferue icy,& vous pardône tou9
vos péchez. Et combien que vous Se moy voyons quali tout le contraire de celle dema-
dc,&:que Satan s'efleue plus que iamais, toutefois il nous faut perfeuerer après noftre
requefte,&: ne ceiîer aucunement: mais touliotirs en priant croire parfaitement que
Dieu la nous accorde:& qu'il le monftrera pour magnifier l'on (ainâ nom. Il cil vray que
de ma partie n'ay point celle de prier fie requérir que noftre Seigneur vous donnait des
fidèles Paftcurs : Se combien que l'aye prediçt les choies qui vous font aduenucs , com-
me vous lcpouuez voiràrœil,&: toucher au doigt: toutefois îe me confie à la bonté de
Dieu,ô£ a fa grande grâce Se mifericordcll cft vray,comme i'ay dit à ceux qui pcnfoyêc
parler bien fagement, & auoir vn confeil tant fage pour conduire Dieu &: les hommes*
pour cuiter tant de maux Se faire tat de biens,commc tant de fois ic I'ay dit, qu'il eftoit
neceflaire enl'œuure de Dieu , regarder Dieu feulement , Se ce qu'il commande . Se ne
falloit aucunement regarder l'effort de Satan, ne les grans rempars, ne fa puiiîance,ne
le craindre aucunement. mais puis que noftre Seigneur ouuroit la porte , pour donner
l'alTaut à Satan, & qu'il y auoit moyen félon Dieu , qu'on deuoit regarder la puiiïancc
de Dieu:& que félon Dieu , ceux qui auoyent charge du peuple fiilent comme peres;a-
fîn que ceux du peuple, qui leur eftoyent commis comme le urs cnfans,& qui deliroyét
d'ouyr l'Euangile eullent la parolle de Pieu comme ils la dcmanloyêt, pour leur vraye
viande. Car Dieu n'a iamais dclailTé les Seigneurs qui ont eu charge du peuple , en-
tant qu'ils ont fait leur office: mais leur a affilié mcrueilleuiement. Etdauantage ay
dit , que s'il y auoit perfonne qui deuft craindre, ie le deueye faire, pourtant que tout le
danger eftoit fur moy. Car ainfi que par la parolle de Dieu ie luis aiieurc , tant que ie
la porte purement, de n'cftrç vaincu parraiibn, & que i'ay promeife de Dieu d'auoir J"1'"
bouche&:fagefre,àqui tous aduerfaires ne pourront reiifter : aulTi 1 ay les aduertifTe- iCial6['
tnens, Se certaine parolle d'eftre perfecuté , voire tellement que ceux qui me mettront
à mort, penferont faire vnferuice à Dieu, comme plusieurs Je m'ont recognu , en de-
mandant merci à Dieu de leur ignorance &du mauuais vouloir qu'ils auoyent autre-
fois contre moy , tafehans àme mettre à mort, pour faire vneœuure, comme ilsptn-
foyent , fain&e&J bonne. Il eft bien vray qu'vn cheueul de ma telle ne tombera point
fans le vouloir du bon Pere,com me ie l'ay bien expérimentées dangers, def quels au-
cun homme n'euft peu efchapper fans l'aide linguliere de Dieu . Mais en failant ma
charge ordonnée de Pieu, ic fuis fubiect à la mort violente Se à battures,&: n'ay en mon
office autre reuenche ,quel'inuocationde Dieu. le lai/Te plufieurs autres propos, Se
les exemples amenez qui n'ont eu leur lieu quand il eftoit neeelfaire: mais quelque cho
fe qui ait cfté faite , ue lailTee à faire, fi ay-ie ma fiance en Dieu , qu i 1 aura pirié de vous:
& que fi vous retirez vos cœurs de la terre , &. que ne mettiez voftre- fonce és hoirs mes,
mais que vous ayez tout voftre cœur Se cfperance en Dieu,& que fans celle vous demâ-
diezfonaidc &: affiftéce:quandily auroit cet mille fois plus de eôtranere Se de reiiftcn-
ce,&: moins d'efpoir félon la chair, neantmoinsic luisaifeuré que Dieu vous orra, &.
vous donnera voftre demande. Et pourtant qu'en regardant aucun iiurct, i'ay ttouué
la prière laquelle(commc i'ay dit parauant) i'auoye eferite , èc me fuis mis à la lire, Se en
ay efté efmeu:à cefte caufe il m'a fcmblé bon de la reuoir, Se la vous renuoyer : cfp :?rant
auffi que vous, à qui la chofe touche, n'en ferez poinr moins touchez que moy, il la mé-
moire vous eft refraifehie, non fculcmét des choies qui font aduenues en vn lieu , quad
les portes furent fermées à plein iour aux feruitcu rs de Dieu, pour auoir ouy prefeher l'-
Euangile , en conlïderant en quel eftat eftoit le poure peuple , qui couroit deçà &: delà:
entre lefquels en y auoit plulieurs frappez de pelle, qui pour lors eftoit fort grieuc en la
yille, comme les courfes de la guerre eftoyent tout à l'enuiron: tellement qu'on n'oyoit
autres chofes que tueries, pillages Se meurtres , §£ comme bien pouucz fauoir , vous c-
ftiez recômandez aux deux parties, tant à ceux qui couroyent d'vn collé, que de l'autre»
Dieu face merciàceuxqcÔtre tout deuoir en telle manière tafchoyët à voftre perditiô,
Se leur doint cognoiiTance&: amédement. Corne vo9 eftes tenus de prier pour to9,pricz
pour eux:&:vô9 végez de Sat^en tafehat de retirer de fa tyrànie tât q vo9 pourrez,tous,
À.iii»
Liurc^I /.
Terfecutton de tfflets.
amis bc ennemis. Or bien auez entendu comment ceux qui venoyent cie propos déli-
béré pour vous ruiner &gafter, quand ils vous voyoyent ouallans ou rctournans du
fermon, le cœur leur eftoit changé, tellement qu'ils ne vous pouuoycnt faire mal, ne
mefmeledire: mais vfoyentdc bonnes parolles enuers vous, comme s'ils euflent cfté
de vos bons amis. Et fi vous y voulez penfer,vous trouucrez que vous auez eu trop plu r
de fafcherie de vos domeftiques, & de vos plus prochains, &: qui félon le deuoir eitoyct
tenus de vous aider & afTifter à vne fi faindte œuure , comme eft d'ouyr l'Euangile : que
vousn'auczeu de ceux qui eftoyent incitez, ie nefay s'ils eftoyent locz pour vous dom-
mages 6c qui fouuentcsfois en mettoyent d'autres par terre. Icy,mes freres,hautcmec
leuez vos yeux &c cris à noftre Seigneur,&: dites : Seigneur , par ta bonté as-tu ainfi em-
pefchéceux qui tant ouucrtement cfpandoyentlefanghumain,& qui ne demandoyét
finon rencontrer pour battre ou tuer? Ne toucheras-tu point le cœur de ceux que tu
nous as donnez pour pères, afin qu'ils facent leur deuoir enuers nous, comme nous dé-
lirons taichons leur porter tout honneur, & leur redre tout deuoir &c toute obcilfan-
ce, &C prions pour leur falut, bien &: conferuation , &c qu'ils n'empefchét noftre bien &C
falut:mais qu'ils le procurent auec le leur, en receuant l'Euangilc de ton Fils Iefus î Et
en vosrequeftes reduifanten mémoire les banniffemens,emprifonnemens,tourmens,
&: tout ce qui a cfté fait à ceux qui delîroyent de fuyure l'Euangile, non pour autre cau-
fe que pour TEuangile: leuez vos mains au ciel, & criez hautement de cœur, & fi trefaf-
fectueufement &: de (î grande foy,que voftre oraifon perce tous les cicux,&: qu'elle vie-
ne aux oreilles du bon Pere éternel, pour les trauaux que fon poure peuple a foufFert Se
enduré, en courant comme poures brebis affamées , loin de leurs maiions &: en grand
danger: Et comme parauant les vns eftoyent chafTez, les autres tourmentez par extor-
fions, noftre Seigneur a voulu plus efprouuer les fiens,&: leur faire voir chofes fort hor-
ribles félon la chair, &: gradement dommageables à ceux qui les font. Et côbien q plu-
iieurs fois ceux qui fc vindrét ruer /ur vous, en eulfent peu tourmenter plus gros nôbrc
& moy auec vous:car vous fauez que fans aucune crainte en parlât de noftre Seigneur,
&: exhortant tous à pei feuerer en l'Euangile, quel chemin ie faifoye: ncâtmcins iâmais
ils ne vous ont rien fait, finon en la iournee qu'il a pieu à Dieu leur permettre de venir
contre vous en groifefureur:&: comme fembloit, en propos de perdre Situer tout ce
qu'ils trouueroyér.& fut en la iournee de Pafques, quileur fembloit bien propre à faire
ce qu'ils auoycnt propoié. En ce iour-ln, après qu'vne partie de vous auoit cfté à la fain-
tteCenc de noftre Seigneur Iefus, &: auoit ouy la douce voix d'iceluy,qui vous inuitoit
par mon faind miniftete à prendre la viande qu'il vous donnoit pour voftre falut : c'eft
l'on précieux corps,qu'il a dôné à la mort pour vous:& fon précieux fang, qu'il a efpadu
parla rcmifiion des pechez, afin que vosames eufienten ce bon Sauueur pleine affeu-
rance de leur falut,pour cheminer côme ce bon rédempteur cômande en toute pureté
de vie:côme en auiez eft é admonneftcz,à celle fin que deuement vinfiez àcefte fainfr©
table, déliras le vray falut & de chager voftre vie, en vous recognoi/Tant tous pécheurs,
&c demandans mercy à Dieu:& pourtant que le Pere a ordonné defauuer les fiens,& de
leur pardôner pour l'amour de Ielus, &: qu'il a mis noftre falut en iceluy, qu en Iefus vo*
le cerchiiTicz,&: le prin(icz,eh deteftât péché , & defirans eftre participais de la iuftice,
pureté &c innocence de Iefu s. Ce qui nous eft donné, quand nous participées à luy pour
cheminer en vne vie nouuelle, &: es œuures que Dieu a ordonces,que nous cheminiôs
en icclles. Côme de ceci en fentét le fruicT: ceux qui deuement viennét à la faintte table
de Iefus,comme vous fauez ouy,&: par la grâce deDieu au/Ti l'aucz expérimenté. Car ic
me confie que ceux qui ont ouy ont encore imprimé en leur cœur ce qui leur a efté dit
en l'adminiftration de la fain&e Cene, tat auant le rÔpement du pain d'aétio de grâces,
qu'apresrainli qu'il a pieu àDieu leur parler par moy. Apres doc auoir ouy cefte voix tac
falutaire de Icfus,à peine aucûs auoyét pris leur refe£biori,&des autres eftoyet à table:8£
pleuft à Dieu qu'ils euftet lors demeure fans mager : voici la trôpette pleine de frayeur,
&: gédarmes à grans cris tât d'eux que de leurs cheuaux, & de l'autre cofté adueturiers.
Touchant vn nommé >AI>^4M martyr du Scigntur.
j^T|p3L n'y auoit que ceux de la ville qui feufient la venue des gendarmes , ne qui feuf-
M^_vl<ent ncn ^e toute letrcprife quieftoit faite. Les poures gens eftoyét la furpris,cô-
me agneaux entre les loups,vn petit nôbrc entre groffe multitude:fâs aucû baftô,entre
ceux
Terjecution de Mets- 14 2
ceux qui eftoyent armez de toutes piccesA' à voir la chofe , il fembloit que tout deùft
cftrc.tué &c meurtri:ce qui eftoit facile félon le jugement de l'homme. Car tous les en-
nemis eftoyent comme enragez , comme bien il appert en ce qui a cfté fait en vn ancie
homme nommé Adam, qui cftoit en la rue fans aucun bafton, comme eftoyent ceux
de la ville. peut eftre qu'aucun de la ville donna à entendre qu'il eftoit de la partie de 1'
Euangilc,comme Ion faifoit des autrcs,cn criant contre eux & di(ànr,Ccux-ci font des
chiens hérétiques. Sur quoy vint vn aduenturier contre ce vieil liommc,&: luy dit,Mar^
che.Et le poure homme refpondit fimpIement,Que me demandez-vous? Incontinent
fut iafchee vne harquebufe contre le ventre de ce bon ancien, qui fe fentant blclîc , pi-
teufement dit,Hamon Dieu,aide moy.Sur quoy l'aduenturicr tourna le bois de ia har-
quebufe:&: en luy difant,Ha mefthant,tu inuoques ton Dieu, il luy donna vn coup qui
le îetta à terre. Et incontinent vn gendarme fît paffer (on cheual fur l'homme mort,qui
auoit efté repris de s'eftre recommandé à Dieu, comme il auoit ouy en la lain6tc Cene.
En quoy Ion void ( félon ce que porte la Pafque des affaillans , &: de ceux qui les incito-
yent à gagner Paradis en tuant les gens qui n'adorent point le Pape ne ce qu'il fait)qu'-
il ne faloit parler de Dieu fors qu'en le blafphemant , mais il cftoit bien loilible de par-
ler de tous les ennemis d'enfer.
Il faut qu'en telle forte fe portent ceux qui feruent à l'Antechrift, ne pouuanspor- i_acon(Ji
ter le bien , tafehans à deftruire tout ce qui eft de Dieu : là où Ieliis &: les liens par tous non des
moyens trauaillent à conferuer toute bonne chofe, &: à réduire à bien tout ce qui va iduer^Ic^
mal,cn rendant bien pour mal , fe portans enuers tous en toute douceur & bénignité.
Mais les Moines &: leur fuitte, qui ont trauaillé à fufeiter cefte perfecution , n'ont pas
encore fait,& n'eft encore la fin de leurs maux : &c quelque chofe qui foit aduenue à ces
poures miferables , reiettans la grâce de Dieu , tout n'eft rien au prix de ce qui leur eft
appreftc.Dieu leur vueille ouurirles yeux &: leur toucher les cœurs : & fingulierement
à ceux qui pèchent par ignorance &: qui penfent bien faire,quils ne foyent abyfmez a-
uecles autres.
Le Martyre de plufîeurs qui furent accablez de pierres , s'efans fauuez en la riuiere.
Î^^V A N T eft du bon homme qui auoit efté chafte de la ville auec fa femme: cô-
bien qu'il y euft au commencement de l'ignorance,fi auoit-il bon cœur à laParo-
le,& auoit bien profité,comme il l'a déclare àla fin . Car ainfi que tous comme efgarez
couroyent fvn deçà l'autre delà , &: que mefmes il eftoit ainfi arrefté de tout perdre : &:
que groftes defenfes auoyent cfte faites aux bateliers de ne pafier perfonne,plufieurs fe
ietterent dedans la Mofelle,& paflerent outre comme par grand miracle.
Or ce bon homme eftant entré dedans la riuiere, vne bonne femme, &: la cham-
brière d'icelle le (uiuoyent : &: en allant par la riue, il regarda les femmes, &: en eut pi-
tié,craignant qu'elles ne demeuralTent en l'eau:& leur dit qu'elles prin/Tent le bord de
farobbe,&: qu'elles lefuiuiffent:ce qu'elles firent. &ainfî qu'ils marchoyent,aucuns c+
ftans à la riuc:commencercnt à crier, Aux chiens, aux chics, félon la chanté qu'on leur Cruauté
auoit appris en ce iour-la:lesautres iettoyent des pierres,tellement que ce bon homme Jj°r"J^r
&: lefdites femmes eftoyent contreintes de fecachcr& mettre la tefte dedans f eau, &c faues
quand ils retiroyent la tefte de f eau, incontinent on leur iettoit derechef des pierres.
O r des cris & inuoeations du faind nom de Iefus , & comment tous recommando-
yent leur efprit à noftre Seigneur,en peuuent rédre tefmoignage ceux qui les ont ouis.
Et combien que quafi tous criailcnt parauant , comme contre des chiens, toutefois par
l'inuocation du nom de Dieu, le cœur fut changé à plufieurs , & en reprenant ceux qui
iettoyent les pierres contre ces bons perfonnages , ils leur eulTenc volontiers aidé à les
fauuer.Mais entre les autres,deux garnemens ne cefTerent de ietter pierres, iufqu a tât
qu'ils rendirent l'efprit auecgrofîes recommandations de leur ame faites à noftre Sei-
gneur . Et ici, mes frcres,priez au Seigneur qu'il ait fouuenance de la mort que fes fer
uiteurs ont endurée pour courir après la prédication de l'Euangile,ne faifansà nul mal:
mais de vie & de parole, voire iufqu'à la fin,edifians & tirans tous à noftrewSeigneur. Et
fi la grande bonté & bénignité de noftre bon Pere a efgard à fes feruiteurs , &: à ce qui
leur eft fait,& qu'en reduifant cela en mémoire, nous le pouucns prier, & efperer qu'il
nous donnera nos fain&es requeftes , combien plus fans comparaifon deuons-nous ré-
duire en mémoire la mort qui tant iniuftement eft aduenue au feul innocent & put Ie-
A.ini.
Ltarc^ I /• Perfecution de ifflets*
lus noftre Sauueurï laquelle il a volontairement endurée pour noftre falut, afin qu'ïce U
le nous fuft annoncée , prefehee , & mile deuant nos ycux,& que nous en fentifîions le
fruiden nos ames,par le fainct Baptcfme &c parlalàinûeCenc,qui noustircntdu tout
& nous mènent à la mort du Seigneur peur en auoir le fïuict & en l'en tir la vertu . Rc-
du liez en mémoire tout ce que Iciu's a tait &: dit , tous l'es tourmens angoilfcs , &: ici
vous icttez à terre & criez de tout ce qui eft en vous: iettez toutvoftre cœur en Dieu,
tout l'eus, puiifancc, vertu &c cntcndcment:dc trefardente affection criez (ans ceffe, Ha
Seigneur Dieu &c Pere,la grande multitude de nos péchez >de nous &c de nos Pères , te
preïicra-elle tât,que tu n'ayes pitié de nous,& que tu vies de telle rigueur fur nous, que
nous lovons dclaiifcz comme poures brebis elgarees&: ians pafteur?
Orjifon des tidcks au milieu des afflittuw & cîes horruirî de la mort trcfcrucUc.
peigne v r,ô Seigneur, ayefouucnance de la mort&: paflion de ton trefeher fils»
^qui eftantfaitefgalàtoy,d'vnemefmc piMiiaïicejnuthorite'jCfîènce&diuinite^pour
noftre falut a pris noftre chair,&; a eftéfait vrav homme,commcil eftoit vrayDicu:pre-
nant ce qu'il n'eftoit point &: ne laiiiant point ce qu'il eftoit éternellement. Et en eefte
chair t'a voulu feruir &: taire plus de bien , que nous ne pourrions faire de mal, &: payer
plus que nous ne l'aurions deuoir, & en luy tu nous as aiieurezdenous donner tout ce
que nous te demanderions . O Seigneur» pour l'honneur &: gloire de ton l'ainâ: nom,
pour l'exaltation du règne de Iefus ton Fils,&: pour noftre falut^ious te prions regarde
de ton haut ciel fur nous en pitié,&; nous fay la grâce d'ouir,entendre,&: retenir ta fain-
cte Parole. Donne-nous, non point des fages de ce monde,ne des gens qui s'enqueftenc
des choies en quoy ne gift point le falut >&: qui cerchent de parler en hautelTe de paro-
lcs,cerchanseux-mcl'mes: mais il te plaifenous donner des vrais feruiteu» de ta gloi-
re,qui s arreftent du tout à la tolie de la prédication de la croix de l'Euangile,qui propo
fe lc fus,&: iceluy crucifié : lequel feul ils fâchent , &c nous le propofenr,afîn que du tout
nous nous arreftions à luy,&: que tout le demeurant nous le tenions &: mettions com-
me fiente. Que nous &c ceux que tu nous enuoycs , ne nous tenions qu'au i'eulSau-
ucur,parvraye&: viue foy befongnante par chanté. Mettez cette mort de Iefus en vos
pricres,Ô£ priez au Pere qu'il y ait efgard,& non point à nos démérites: qu'il face que ce
bon Sauupur règne comme il en eft digne , & qu'il foit ferui, prifé, &: honnoré par tout
pourfontrefgrandmcritc,& pourceqinladeHcruiaubien& falut de tous &c qu'il con
fonde Satan &c tout fon règne , ne permettant plus que fes abus & trompencs,nc fa ty-
ranmeaitlieu fur la terre pour nos péchez & démentes , en noftre ruinc,de nous&dcs
autrcs:& en gros gemilfcmens & foufpirs , dites à Dieu , O Perc , ta fureur eft-elle ainfi
enfîambee,que tu aimes mieux que ton fainct nom foit blafphemc,& que tout foit p: r-
uerti,5jquetcs poures créatures foycntconfonducs,&: voilent à perdition, en nous pu-
niifant comme nous l'auons dcifcrui,que fi en nous pardonnant nos péchez, &cn châ-
geant nos miferables cœurs , tu cftois loué &c magnifié ,& que tout luft fait comme tu
nous as commandé,& que tes creatures,qui entant qu'elles font de toy,lbnt bonnes &c
ordonnées en bjen,fuffent feruantes à ta gloire félon ton ordonnance,^ que nous euf-
iions falut en obtenant de toy grâce &c mifericorde, comme Iefus en eft digne &: corne
i M'a deffcrnirll eft vray,Seigneur,q par noftre groffe ignorance,&: grande tromperie de
J' Antechrift,&; menez de nos propres afFections,nous auons delailîc Ielus,fa foy &: fa do
drinc , &: auons cerché autre moyen , 6c en auons controuuc pluficurs outre ceux que
les autres nous ont propofez& mis en tefte, tellement que par ton iufte iugcmentçu
d of™'^ as rct'r<^ ta c^irté , &c pource que nous n'auions la foy &r fiance en Iefus , tu nous as ofté
quand Ure tout Ie Dicn °im & *loit enfuiure de la foy:tellement que nous fommes venus à ces abyf-
tirc fa clar mes tant horribles.
^Hclas,Scigneur,nous l'entons nos maux, &c par ta grâce nous auons quelque cftin-
celle de foy,&: croyons qu'il n'y a falut en autre qu?en ton Fils Iefus . Aidc,ô bon Dieu,
&C fecour à noftre infidélité: augmente-nous la foy, Qc nous deliuredcceftedamnable
capriuité de pechc &: d'erreur . Fay-nous participans de la iuftice de Iefus &" de fa vé-
rité,afin que nous l'oyons affranchis, non point charnellcmenrcar telle liberté ne nous
mene,(k ne la demandons point:mais nous demandons la liberté &: franchife d'cfprit,
de l'ame , du cœur &: d'entendement, afin que tout ce qui eft en nous,foit du tout à Ie-
fus: Amen.
Efucillez
Terfecution de sffiett. 14J
Es v e il l e z-v o v s donc à prier,ô mes trcfchers frères: laiflez le boire &: le mager,
6c vous icttez deuantDicu en humble prie rc .Ne ferez-vous point eimeus a cela, puis
qu'aueztant decommandemcns,tant de promeiîcs,&: tant d'exemples en la faincteE-
fenture ? Pardonnez de bon cœur à tous , en priant tingulicrement pour vos ennemis;
mettez deuant vos yeux tout ce que Iefus a fait 6c dit pour noflre falut:&: en ayant plei-
ne fiance à luy,pricz lePere de mifericorde.^ Et vous entre les autres,qui auez veu plus
pleinement comment tout a efté fait 6c démené,^ les dcftielles 6c angoiifes dequoy 1'-
ay efté enferré,& commeDieu le fait:en demandant la deliurance de ceux qui eftoyent
autourde moy,i'ay priéfouuentànoftre Seigneur, quefi pour les péchez ilenvouloit
faire vengeance &: les frapper,que tout vinft fur ma tefte, 6c qu'en paix 6c (ans domma-
ge les autres fufléntdchurez, afin que fon faintt nom &: fa Parole ne fuiîentblàfphc-
mcz. Vous fauez les exhortations&lesDroposquiont efté tenus, en déclarant cornent
il n'y a fi iufte fur la terre,qui n'ait gagnç d'eftre en tel danger comme nous citions, &: d'
y demeurer,voire encore d'eftre abyfmé iufqu'en enfer , h Dieu vfoit de fa iuftice feule-
ment^ que tous auons dclferm d'eftre totalement deftruits . &c vous mettoye deuant
les yeux ( côme la chofe cftoit vraye)& du lieu 6c des gcns,qu'il n'y auoit nul ordre d ci -
chapper,vcu que tout s'adrelfoit à nous . Et ceux qui mieux le voyoyent, trembloyent EfpouuSte
comme la fueille,& mefme vous troubloyent grandement: de forte que li aucuns euf- J1*™*"*
fent creu le confeil de tels efpouuantez, ils euil'ent efté perdus- Mais combien que ie
vous propofalTe tout deuant les yeux, 6c que ie vous fille toucher la mort au doigt : tou-
tefois,comme vous fauez > en la vertu de la Parole , 6c après la faincte prière, vous-vous
en alliez tous confolez &: ayans bon courage en noftre Seigneur, voire les femmes pre-
noyent grand cœur en fe fiant en Dieu , &: de fa grâce il a déclare ( félon qu e par moy il
vous auoit prédit ) qu'il cft véritable , 6c qu'il a foin des fiens . tellement que lans aucun
dommage nous fuîmes tous dcliurez.Ccci ne vous fera-il point caufe de prier ? N'auez-
vous point recours aux faindes prières î&hc demanderez-vous point vnc deliurance
plus excellente & vn pkis grand bien que ceiuy qui vous a efté donné ? Regardez au
nom de noftre Seigneur Iefus de corriger voftre vie , 6c ayez tout péché en horreur 6c
dcteftation. Fuyez auarice,toute tromperie & déception , 6c au lieu de prendre de d'at-
tirer à vous iniuftement le bien dautruy,aidez de voftre propre bien 6c fecourez en bô-
ne foy &: charité à voftre prochain . N'ayez voftre cœur ne vos threfors en la terre, mais
au ciel. Et vous arreftez aux héritages qui font au ciel > 6c non point aux chofes de la ter-
re,qui font tané vaines 6c tant incertaines. Fuyez toute paillardifc,aycz vos confciences
nettes 6c pures,vos penfees foyét fainc~tes,&: loin de toute vilenie 6c fouilleure , comme
il appartient à ceux qui ont Dieu en leurs cœurs,qui voit les penfees , 6c ne peut porter
aucune ordure ne puantife dépêché: mais il fe retire de ceux qui demeurent en leur fan
ge,& qui font contaminez de cœur 6c de penfee , Vos paroles aufïî foyent honneftes 6c
pleines d'édification : rien ne forte de voftre bouche , qui ne foit en l'honneur de Dieu,
£>C édification de tous ceux qui vous oyent parler . Entendez que vos bouches ne font
point à vous , mais à celuy qui nous a rachetez par fon précieux fang . parquoy nous luy
deuonstqut,& fommes tehus de faire tout feruir à luy,ame, corps, pelées, paroi les,faits
&C dits.
Or donc gardez-vous bien que chofe qui foit en vous ne férue à autre qu'à Iefus feul. ^
nefoyezfuiets àgourmandife,ny àyurongnerie,ny à paillardifc:mais en toute fobrieté, cio™ "«T
attrcmpance&chaftetcferuez à Dieu. Et non feulement tafehez deviure purement, ctflarrcîà
mais aufli trauaillez au nom de noftre Seigneur, de retirer les autres de tout mal , 6c par "u* JJJ,
cxemplc&: par faindes admonitions. Quevoftrevie parle &:enfcignecommcntil faut Eaan^ik
viure . Voftre charité foit ardetc enuers tous: ne portez haine à autre choie qu'à péché,
6c àl'autheur de pcché,qui eft Satan l'enncmy de tout bien: 6c faites différence entre la
bonne créature de Dieu,qui a efté créée à bien,&. pour feruir en bien: 6c entre le péché
6c le vice, quia corrompu&: corrompt la créature de Dieu. Et ayans vraye charité à la
créature de Dieu, priez Dieu pour icelle, qu'elle foit deliuréede peché:& en toutes
manières félon Dieu, trauaillez à la gagner à noftre Seigneur, 6c a la retirer de peché.
Requérez à Dieu qu'il deftruife peché & l'autheur d'iceluy. Gardez-vous de prédre vos .^-^
ébats en medifant des poures pécheurs, en vous moquât d'eux,& ne récitez point leurs
péchez par moquerie, ne par haine, ne par aucune mauuaife affection que vous ayez
contre les perfonnes qui pcchent:mais s'il vous aduient d'en parler, faites que ce foit a-
Lntrz^lL Perfection de <&%tcts.
uecvne grande compalTTon du mal des pécheurs , en detcftation de péché ,&atiecvtt
grand deiir que tous en i'oyent retirez.Car>mes frercs,qui lbmmes-nous?dont fommes-
nous:qu'auons-nous de nous-mefmes, que tout ne foit pareil en nous &c es autres ? il n'y
a que la feule grace&mifcricorde de Dieu entiers nousilequelaulicudcnouslaiflcrcn
la mort éternelle ,&: de nous lailfer pourrir en nos péchez, comme nous l'auons mérité,
il nous a retirez pour auoir la vie ctcrnelle,&: pour fortir de no$ péchez, & cheminer de
biéen mieux,&: le tout îlafaitdefa iculegrace. Noftre conception a eftéen pcché,&:
nous cftions enrans d'ire naturellement, ne pouuans dire ne penfer que tout mal com-
me les autres . parquoy ne nous eflcuonspoint en penfant eftre quelque chofe de nous
comme de nous:maishumilious-nous,&: regardons d'où nous auons cité pris,& remer-
cions Dieu,cn luy donnant tout honneur &: gloire: recognoi/Tans que tout le bien eft
de luy,&: vie nt de luy : &: autre choie que mal ne vient de nous , ne de tout ce que nous
pouuons penler,dire ne faire de nous-mefmes. Ayans donc pitié des pourcs pécheurs*
pricrepodr prions Dieu pour eux.Et fingulieremét pour vos fiiperieurs &: feigneurs que Dieu vous
;rs bu- adonnez: gardez-vous d'vler de paroles ne dcfai&squi foyenthors de charité,&: qui
lb'7ftrats contreuiennent à l honneur&: obcillancequc (clon Dieu vous leur deuez . Au lieude
mal parler d'iccux , &: de les auoir en mcfpris , ni en faict ni en parole , priez Dieu pour
eux en trefgrande charité &: affedion, que Dieu leur touche les cœurs. &: que vous auf-
li leur obeiirans &c leur faifans le dcuoir,comme bons& loyaux fuiets à leurs fuperieurs,
les ayez pour vrais pères , en priant toufiours Dieu qu'ils facent leur office faindemenc
&: purement comme il appartient : &c grandement vous gardez d'eftre delbbeiflans ne
rebelles, ne d'auoir aucune mauuailc penfeeni alfedion contre iceux, ne contre per-
sonne: mais beniflez ceux qui vous maudifTcnt: priez pour ceux qui vous perfecutent:
rendez le bien pour le mal,eftans amis à tous,ne hai/fez que péché &C iniquité: & voftre
amitié & obeiftance foit toujours félon la parole de Dieu, fans contreuenir à ce q Dieu
vous commando:c'eft en cuitant toute idolâtrie, Se en enfuiuant &: tenant la dodrine
de la foy &£ l'Euangile de noftre Seigneur Iefus . Et pour rien qui vous foit commandé,
ne pour aucunes defenfes ne vousdcftournezdelelusne de fa Parole: mais du toutvo9
y arreftez: voire quand voftre vie,& des voftres , & tout ce que vou s auez y deuroit eftre
fondu &pcrdu,gardcz bien que cela ne vous empefche de fuiure Iefus. Car vous ne
pouuez rien employer mieux, ni à plus grand profit, que cela que vous perdez pour
Mat^zv. l'Euangile: dequoy noftre Seigneur nous fait ;la promeuve, tant pour celte vie que pour
l'autre.
O r li pour aucune chofe qui vous aduienc en vos corps,ou en vos biens, ne de vous,
ne des voftres, vous ne deuezaucunement vous deftourner delà parole de noftre Sei-
gneur,mais fermement vous arrefter à la vérité de l'Euangile: combien plus deuez-vo9
prendre garde que Satan par fes eau telles , ne par foy, ne par les liens ne feduife vos en-
tendemens pour vous retirer de la parole de Dieu. , Et pourtant fuyeztous héréti-
ques &: fcmcui s de peruerfe doctrine , & confiderez bien à quelle fin tirent tant d'abu-
feurs, defquels parle iufte iugement de Dieu,auiourdhuy la terre eft toute pleine : lcf-
quclsiettent leur venin en grotte fincfte&cautclle. Demeurez fermes en la foy de
noftre Seigneur Iefus ,&: ainli qu'il eft vray Dieu , aufli fermement croyez qu'il eft vray
homme,&:qu'il a pris vn vray corps naturel, de chair,dcfang& os, de la propre fubftan-
cc &c du corps de la vierge Marie,& qu'en iceluy il nous arachetez parfon feul facrifkc*
qu'il a fait,par lequel tous les péchez cfes croyans font pardonnez : &: ne demandez au-
tre fatisfaction enuers Dieu le Pere,que la feule mort &: paflion de Iefus . Et ne penfez
que Iefus, qui a fatisfait pour les pechez,nous ait lafché la bride à mal faire , ne qu'il foie
venu pour nous ofter toute crainte de pechenmais au contraire , il eft venu afin q nous
ayan s le péché en deteftation &: horreur , & defirans d'en eftre deliurez, courions à luy:
& eftans purgez,nous ne péchions plus,mais que nous ayons vn fain& defir de viure en
D bn en- toute pureté . Etàcaufe du débat qui eft entre la chair & l'efprit , dequoy il vient
tre la chair ' c ... \ . r r j • r •
& i cfpnc. que nous ne huions ce que nous voulons, mais tommes encore en grande infirmi-
té , que nous gemiflions , demandans la pleine deliurance . Parquoy au nom de no-
ftre Seigneur , ayez touliours en dctcftaqon tout péché , &: mettez toute voftre fiance
en Iefus.
Garde z-v ov sdc tous refueurs pleins de babil,& de paroles enueloppees & ob-
feures
Terftcution de effets. / ^
fcures,lefquclslemblcnt parler hautement &: fortfpiritueIlement,pour mcnei(cçfem
bleaux fimplesgens ) à vne grande perfection ,&:àvn eftat des Anges & plus que des
Anges . mais toutefois il n'y a puantife de rurHc ns &: paillards plus orde &: plus laie, ne
rien plus brutal &: plus abyimant en toute mclchanceté, que cela àquoy tafehent ces
mal-hcurcux:& ce-par telles li grande cautclle, que les plus adonnez aux choies de
Dieu , en font deceus , en ce qu'ils penfent ouir grans myftercs , pour viure àc faire plus
excellemment que la faincte Loy de Dieu ne porte. Ccrtainement,mes frercs,tout gift
en la vraye &:viue foy befongnante par charité: tout œuure& perfection de vie gift en
l'obfcruation des commandemens de Dieu,qui ne font point abolis par l'Euangile, qu
on ne les doiue fairc:& n'y a autre chofe deftruite de la Loy(entant que touche l'amour
de Dieu &: du prochain)que la malédiction &: condamnation qui eft tiir ceux qui ne i'-
accompliirent parfaitement:& ainfi le contient la doctrine de vérité. N'oyez dôc point
tels âbufeurs,maisgardc2-vous foigneufement d'eux &: de tous ce ux qui portent autre
doctrine que celle du fainct Euangile que vous auez ouye : comme lauez que purement
la vous ay propofee $C prefehee par la grâce de noftre Seigneur, qui vou s alîîfte, confer-
ue&garde:& face qu'en la vertu du fainct Efprit vous batailliez vaillamment,afîn que
vous receuiez la couronne qui eft promife à tous ceux qui bataillent fidèlement : & la- Lacouron.
quelle vous receurez quand aurez defpouillé ce corps mortel: auec lequel, tât que fom- ne promife
mes ici,nousfommesenuironnez& chargez de tant de pourctez& pechez,que c'eft v- j^sn,bi*
ne chofe fort miferable.Mais par l'Efprit delefus en mortifiant nos mauuaifes aftcctios,
&: eftans renouuelez de iour en iour , nous paruiendron s au b ut de noftre courfe, &: au-
rons la couronne qui eft appreftee à tous ceux qui par vraye &: viue foy perfeuerent au
faindt Euangile.
^Vo v s prendrez ceci comme vne fouuenance de ecluy qui en noftre Seigneur de-
fire voftre bien & falu t . Et après la lecture de la faincte Efcriture pourrez lire ceci , 8£
l'ouir, pour cftre incitez à prier, &c pour auoir matière de plus penfer aux péchez auf-
quels vous auez cfté fous le Pape,qui certainement palfent tout ce qu'on pourroit dire,
afin qu'entre vous les reduifant en memoire,vous en criez merci . Et d autant plus que
vous y auez efté enueloppez,foit par faid ou par confentement ^ tant plus recourez à la
mifericorde de Dieu,demandans fa lumière &: la clarté de fa Parole. Et auec vous ceux
qui és autres lieux délirent la Parolc,pourront aulîï aucunement par ceci cftre clmeus:
éc mefme tous ceux qui du tout ne font corrompus &: peruei tis , &c qui n'ont pleincmet
délibéré de faire laguerre à noftre Seigneur , tous aura t qu'il y en a, g. ont efté baptizez
au nô du Pcrc,du Fils,& du S.Efprit, en lilat ceci ou en l'oyat, ils pourrôt eftre eimeus à
délirer q par tout foit prefehee &: reccue la vraye &: pure doctrine ,q. doit eftre tenue de
ceux qui ont receu le S. Baptefmc,&: la vraye foy,qui eft felô ce S.Baptelme.Car tant c5
me ie puis délia cognoiftre, to9 cômencét à cftre fafchez,& auoir qlq cognoilfance des
abominatiôs de ce mlferable,appelé trelTainct Pere de Rome, &: de les fils tat aimez les
Euefques&autrcsPrclats,&:de les foufHeurs,prcfcheursde Bulles, indulgeces,pardôs,
&: queftions Theologales,auec les quefteurs:tcllemcnt qu'il n'y a perfonne qui ne voye
bien qu'il y a tant &: plus d'abus & de tromperies. I'cfpere que la vertu du fainct Baptel-
me fe monftrera,&: que les poures ames, auec vn regret de la vie tant pouremét pa&e,
foufpireront après le bon Pere, non pas de Rome , au nom duquel on n'a pas eft é bapti-
zé:mais après le Pere celcftiel,qui eft fans commencement &: fans fin : &: qu'elles pren-
dront gouft à ouir & à s enquefter du bon vouloir du vray Pere fainct,qui veut que tous
par foy voyent Ion Fils bien-aimé,& qu'en l'oyant ils croyent en luy,&: ayent la vie eter-
nclle:&: que plus ne s'arreftent aux enfans du Pape, qui parlét comme enfans de cemi-
fcrabfc ennemi dcDieu,pour cftre en tout honneur & plaifir aux dcfpens du poure mô-
de:mais que du tout s'arreftent au vray Fils de Dieu, vrav Dieu &c vray homme, Iefus,
qui a voulu eftre mefprifé,angoifié,mal-aifé,& en toute poureté, pour nous faire parti-
cipans de l'honneur des enfans de Dieu, des ioyes éternelles , des richeffes infinies . Et
puis que tous eftans baptizez confelfent que Iefus eft mort pour nous &: pour nos pé-
chez , ils apprendront à pleurer leurs péchez , qui ont cfté caufe que Iefus ait tant four-
fert,& les auront plus en deteftation , &: prendront courage debienferuirceluyqui a
tant fait pour eux,& feront marris qu'ils n'ont cheminé autrement . Et en conliderartt
que Iefus eft monté au ciel,d'où il a enuoyé fon fainct Efprit à fes Apoftres,ils demande-
ront l'aide &c alïiftence du fainct Efprit , pour cheminer félon le deuoir du fainct Baptet-
Liurtu IL Vetfecution de *SWets.
mc,cnayant&:fcntantdeiouren iour l'efficace &: la vertu d'iceluy, pour mourir auec
Iefus,& cftre plantez en la mort auec luy , pour relfufciter à vne nouuelle vie qui eft fé-
lon Dieu:en telle forte qu'eftans veitus de lefus , ils ne foyent trouuez nuds &: honteux
deuant lePere:&:encoic,quipis eft, qu'ils ne foyent trouuezveftusdclavileine robbe
de péché , mais l'ayans defpoLiillce par la mort du Seigneur lefus, ils foyent vertus de la
vrave innocence &c pureté d iccluy:tellement que tous fc tiennent , croyent,obciiîent,
&l ieruent à luy,cftans tous en vne foyjvne Loy ,vn Euangilc,vn corps,vn efprit,fous vn
Dicu,vn Seigneur, vn Baptefme:pour paruenir tous à la vie qui eft làns fin : en laquelle
iceluy Icfus noftre bon Seigneur nous a précédez , régnant à ladextre du Pere : &: d'où
nous l'attendons pour venir iugerles vifs &c les morts, pour recueillir les liens: auec lel-
quels il kw plaife nous alfemblcr, nous gardant d'eftre du nombre des mefehans reiet-
tez mai sfaifant que fans fin nous foyonsviuans auec luy,pour le louer auec le Pere &: le
S. Efpnt,auec qui il règne éternellement.
Ce v x qui ayment noftre Seigneur, & qui défirent voftre bien, ont fouuenancc de
vous en leurs prieres,&: vous recommandent à Dieu,qui benignement vous vueille vi-
fiter.
Di Ncuf-chafteU'onziemedelanuier, m.d.x l v .Voftre frère Guillaume Farel.
A V X EGLISES dc noftre Seieneur,& à tous Chreftiens,pour auoir aide & confort en la nccefsitè& râmine de la parofe
deDieu.Rcqueftc auunc ncceluire pour le temps prcler.que quand elle a efté eferite pour les fidèles de Mets en Lorraine.
Vous tous vrais amateurs de l'honneur &C de la gloire de Dieu,&:vous qui le, crai-
gnez &c qui l'aimez : au nom du Seigneur lefus , nous vous prions aidez-nous par
vos prières enuers Dieuxn luy fuppliant qu'il nousface grâce &c merci , Et finguliere-
ment,ô vous Eglifes Chreftiennes,qui auez efté vifitees en grande grace&r douceur de
noftre Seigncur,par fa fain&e Parole , par la faincte prédication de l'Euangilc qui vous
eft prefché,&: qui l'aucz purement auec le droict vfage des faincts Sacremés: priez pour
nous, nous vous en fupplions au nom deDieu.Et comme vous auez commencé au nom
de noftre Seigneur Iefus,au/Ti perfeuerez,ô vous fainctes aficmblees &: tous fidèles , qui
en vos prières parauant nous recommandiez à noftre Seigneur: dequoy tant que poll-
uons nous vous mercions,&:cn rendons grâces à noftre bon Dieu&: Pere,qui vousacf-
meus à prier pour nous-.vous donnant telle charité &ù affection enuers nous,de deman-
der & procurer noftre falut,luy fupplians aulfi de noftre part, qu'il ait fouuenance de vo
lire bonne afFe£tion,&: du bon &: Chreftien cœur que vous auez enuers nous.Certainc-
înét vos prières n'ont efté fans fruid: mais par la grâce de Dieu nous auons fenti, & fen-
tons en aucuns de nos Seigneurs l'ceuurc de Dicu,& fingulieremét en monfieur le mai-
ftre Efchcuin, lequel noftre Seigneur nous conferue>&: luy augmente lafoyj le cœur, 6c
luy donne vertu de pourfuiure iaintrcmen t vne fi fainc~te&: fi digne œuure . Et auec ce
nous auons pour aucun temps receu fort grande confolation de laParolc, laque lie nous
a f'alu cercher hors de la villc,& allez loin: mais Satan a tant trauaillé d'vn cofté &c d'au-
tre,quc le lieu nous a efté oftc,& cefte confolation a peu duré:combien que grandemet
re mercions Dieu , de ce que nous auons ouy , &: ne voudrions pour rien du monde que
ifcuiîionsouy &; entendu ce qu'il a pieu à Dieu nous faire ouir&: entendre.
Mais nous fommes en trefgrandeangoiiTc, pourtant que lors que nous commen-
cions à goufter le pain de la Parole,& que nous y prenions faueur, il nous a efté ofté, co-
rne tant de fois parauant nous eft aducnu.-car quand il y auoit grande apparence que la
Parole deuft auoir fon cours entre nous , ceux qui auoyent commencéà prelcher , fail-
loyc nt &: changeoyent propos au fécond lermon , ou au milieu ou à la fin du temps qu'-
ils nous ont prcfché , &: ne perfeueroyent point en vérité : ou il faloit qu'ils nous aban-
donnaient, tellement que nous fommes toufiours demeurez comme pouresbrebis-
lans Paftcurs : toufiours grandement defirans , &: toutefois ne pouuans auoir la pafture
&: nourriture de nos poures ames. Parquoy nous foufpirons &: gemilîbns,&: non feule-
ment nous qui fommes viuans auons eu ce defir après la Parole, mais ceux auffi qui font
i a pertei pa/Iez de cc monde,ou par pcfte , qui trefgrieuement nous a prefîe , Se de laquelle tant
Mas en de bons cœurs ontefté frappcz,qui en fi gros regrets , en tant douloureufes lamentati*
Lui rame. onS)Cn Cris,en larmes &: pleurs, dont les pierres en deuroyent fendre, fc font lamentez,
qu'ils n'ont ouy la Parole auant leurs trelpas , & de ce qu'il leur faloit palier de ce mon-
de fans voir ici l'Eglife drenTpe>condujr.te ôc gouuernee par la parole de Dieu:&: ce pour
eftre
Terpcution da^> 'effîets. tj-j
eftreconfolczen leurs nccciîltcz &c maladies par vrais Paftcurs,&: pour auoir pure-
ment les iaincts Sacrcmens . Or leur regret cftoit plus grand à eux & à nousauilî,veu
que tant de fois il a icmblc que tout eftoit prcil pour dreifcr vnc faincle afTcmblcc . Car
rarîcdiontrefgrande cftoit à tout le pcuplc,qui defiroit la Parolc,& le Miniltrc eftoit à La vanité
la main, & grandes promcllcs nous eftoyent faites, Helas.' qu'elles nous ont cité bien <l«promcf
chcrvcnducs^car à la mal-heure nous-nousv fommesarrcft.cz quand on difoit, Atten- 5"^^"
dcz vn peu, pour tout certain vous aurez la Parole en paix,fans aucun trouble. attendez de
vn îour ou deux: car la choie eftoit de certaine apparence . Mais nous deuions regarder
le commandement de Dieu,&: le bien qu'il nous prefentoit, puis que tout cftoit tant Se
fi bien preft.
H e las! tout eft aile comme en fumec,fmon,ô trefehers freres,que par vos fainclcs
prières Dieu de fa grâce a fait que le cccurncnous eft point failli .carparfagra< enous
fommes autant prefts d'y mettre & employer nos corps, femmes, enfuis, biens,& tout
ce que Dieu nousadonné,queiamaisnousfufmcs,voire encoreplus.carnous fommes
tranlîs dejj£iir,ôdaguiiTons conurieccux quinepcnfentquciamaislciour vicnnemc
qu ilspuiÏÏent allez toft voir ce que trefardemment ils fouhaittcnt.Nous ncdemandôs
que voir ce fa met lour tant deiiré,auquel puiftîons ( comme vne (atnôte &c fidèle Eglife)
ouïr la parole de noftrc Dieu. Et prions le Seigneur qu'il nous face la grâce de l'auoir*
fans aucun efclandre , nous la donnant en toute édification , &c par vray moyen droite-
mcntChrcfticn&Cirrepreheniiblc.Et combien que nous ayons pluiicursfoiscidcuant
grandement fupplié nos Seigneurs gouucrneurs delà ville: encore perfeuerons-nous
au nom de Dieu,d les fupplier en toute humilité,voire en pleurs & en cris,cn les requé-
rant qu'ils ayent pitié de nous,&: qu'ils prennentnoscorps&: bicns&du tout enfacent j e2ejeJe3
à leur bon piaifir:$£ leur promettons en vérité qu'en tout&: par tout nous voulons plus fidcles eft
faire & plus obéir que iamais: feulement qu'ils ayent pitié de nous pour l'honneur de Jeiffanw:0
Dicti:& pour l'amour de la douloureufç mort &: paftion de noftrc Sauueurlefus , qu'ils
nous ottroycnt& permettent la pure parole de Dieu. Nous offrons encore pleges,&
tout ce qui nous eft poiîîblc défaire, pour reipondre que nous fommes prefts de faire
tout deuoir entiers la Seigneurie &enucrs tous, moyennant que nous ayons la parole
de Dieu . Et quelque chofe qu'il aduienne , quelque fafchcric qu'on nous donnc,nous
pafîbns tou t,SÎ prenons en patience:& nous fcmblc que tout ce qui nous peu t adu enir
eft fort lcgcr,ieulemcnt que nous ayons la parole de noftrc Sauueur Icfus: laquelle s'il
la faloit achcter,nous vendrions tout ce que nous auons, pour l'auoir. Or puis que c'eft
vnc grâce &C don lingulicr de Dieu: fi£ quetout eft en vain fi elle ne vient île Dieu, qui
feu! la donne : grandement vous iupplions au nom de Dieu , tous férniteurs de Dieu,
Die Li,tous fidèles Chrcfticns,pricz,pnez Dieu inftam ment pour nous : &que vos prie-»
res Se crisauecles noftres viennent &: montent au ciel: que tout en foit rempli, afin
que nous ne demeurions defolez.Requerez&fuppliez l'Eternel, qu'ij change le cœur
à nos Seigneurs: Ôcqu'iccux comme nournftici s ordonnez de Dieu,ayanspiticdu peu-
ple qu'ils ont en charge (ainli que leur auons prie Se touché en nos requeftes )non
feulement ils permettent que la Parolcloit prclchee : mais qu'ils la facent prefc lier, Se
qu'ils s'employent à l'ouïr , &c y facent tous venir : &c cependant que nous fommes def-
pourucusdcPafteurs,& qu'il y enaqui prefehent contre vérité: qu'ils facent que tels
rendent raifon de ce qu'ils difent,afîn que rien ne (bit fait ne dit linon félon la parole du
Seigneur,&: que pariccllc tous ceux quienfeignentde prefent,&: qui ci après le fc i onr,
fatisfacent aux auditeurs:tellement que Dieu en foit honnoré,fa Parole aduanccc,rou
tes eglifes edifiecs:& vous,nos trefehers frères, en ayez ioyc& conic laticn , c n \ o\ ant
le fruict de vos prières, aulquelles au nom de Dieu perfeucrez : &: nous perféuererons
àuili a le prier pour vous & pour tous. Le Seigneur Dieu vous conierue&igaioe, vous
augmétant en toutes bénédictions &: grâces: Amen.
SVPPLIC A T ION aux Princes Se Seigneurs pour vne meime nccefskc que dcfTus.
Princes Se Seigneurs Chrefticns,&: tous qui elles conftituez en authoritc&f puif Le .
fance,ayans 6c portans le nom de Dieu, qui auez reietté la tvrannic dclaviîai- Roiu*
ne putain de Rome, qui non feulement eft indigne d'auoirpunTancc& authoritéfur
vne telle diuinc Se faincte vocation, comme eft la voftrc ( à qui tous doiuent obéir
Se eftre fuiet.; ) mais mcfme elle eft indigne qu'aucune créature luy lbit i'uiettc. Car
ellcmente pluftoft tourmens ,&:de toutes punitions, comme avant introduit l'eftac
B.
L/wo/A Perfecution de Mets.
& façon de viurc le plus exécrable que iamais ait efté ne fera fur la terre. Il eft tout clair
quc,fclon ce qui eft elerit naturellement és cœurs de tous hommes, le mcfpris de Die u
ScTiniure faite à fon nom, cft digne de grofle punition. Tous ont iuge que cela qu'on te-
noir pour Dieu,deuoit élire hoiinoré& fcrui:& ce que Dieu veut, doit eftrc fait& gar-
de^ qu'on doit fuir tout ce qui luy dcfplaift:& qu'en faifant autrement, on cft digne
de punition. &£ lingulicremet quand l'home en a cognoiiTance ,&: qu'il ne pèche point
par ignorance, & iur tout quandla faute vient par mefpris&: contemnement de Dieu,
car là vn chacun en l'on cœur iuge que ce ne le doit aucunement porter : mais que grie-
uc punition s'en doit faire. Or le lîegc de Rome confelTe le Pcrc, le Fils,&: le S.Efpi it,vn
feul Dieu en trois pcrfonnes:&dir que Iefus Chnft eft vray Dieu &c vray homme, Dieu
éternel engendre du Pcre,eftant d'vnc melme efTcnce &c diumité auec lePere &c le S.E-
fprit,6j vray homme conceu du S.Efprit,de la propre fubftance de la vierge Marie, qui*
ainli que la Loy &: les Prophètes ont prédit & promis, eft venu, &:a accompli pleine-
ment l'eeuurc de noftrc falut , comme il eft contenu en la faintle Efcriture , laquelle eft
compnfe au vieil & nouueau Tcftamcnt,qui eft receu parle Pape, car il confefte ce qui
eft en la lain£te Efcriture auoir efté reuelé du faind Efprit , &: loue &: magnifie les ferui>
tcurs de Dieu, qui au commencement ont trauaillé pour planter &c entretenir l'Eglifc:
&C femblc à fouir parler des choies celeftes en gênerai, qu'il n'y ait eftat qui mieux iuge
&ù fente de Dieu comme le Pape. Maisquoy ?il fait tout ceci comme vray traiftre&:
l e plus mefehant que Iudas,qui baifant Iefus,&lefaluanthonnorablement,vicntpourle
comparé trahir, comme chef de tous les ennemis mortels de Iefus, comme le capitaine de tous
aiudas. blafphemateurs:&: fait tout pour le liurcr&:cxpoferàtoutemocquerie,àtourmes,voi-
L Pcrc rc * *a morC:& ^a'c couc CCC1 Pour argcnt« Qui a renoncé le Pcrc plus ouuertement que
le Pape,cn deftruifant la Loy ,& en mettant vne autre: faifant de péché vertu,&: de ver-
tu péché ? Car pour nettoyer les péchez , & pour faire iuftes les pécheurs, n'a-il point
l , Fi]s tiouué autre moyen que Icfus,&: que la foy en iceluy? Qui a foule le Fils,& qui l'a ain-
li mis tous les pieds, en controuuant autre fageflc,iuftice &: faintleté,&: autre moyen de
falut que luy : mettant le facrifice qu'il a fait, plus bas que le facrifice des belles , &: que
Lcç Efprit l'office des Sacrificateurs lous la Loy? Qui a tellement relifté au fainér Efprit par cer-
taine malice , en contredilant à tout ce qu'il a reuelé & dit par l'es feruiteurs Prophètes
& Apoftrcs,en pcruertifrantrEuangile &: tout ce qui eft cnlafaincTeEfcriture,comme
a fait ce trefexccrable fu ge en l'adoration des images, és reliques &: manières qu'il aor-
donnces&: inuetecs comme feruices de Dieu, &: en tant d'abominations qu'il n'eftpoC
iible de l'exprimer?
L'infec t i o n de celle ribaude a tellement peruerti la vérité de Dieu, qu'il cft im*
poiîîble de le comprendre : &c cela il a fait par treigrande finelfc & cautelle , en renuer-
lant&: gallant tout en l'Eglife de Ictus, ne laiflant rien qui ne fuft corrompu &: du tout
peruerti Se deftruit . Bref, c'eft vne abylme de toute herelîe, la mer des facrilcges,vn
gouffre de blafphemes , vn enfer ouuert pour renoncer &: detefter Iefus : c'eft l'ennemi
mortel de laChreftientcdeftruélcur de la foy de Iefus:c'eft ecluy qui met à néant la gra.
ce &C iullice de ce grand Sauueur, & la foy qui eft en luy . &: faifant ainfi,il a du tout aba-
tu i'Eglife,& a cftacé & aboli toute la face d'icelle , ne permettant aucune eftinceilc de
la lumière de vérité qni férue à la vie qui eft promife aux fidèles . car tant qu'il a peu il a
deftruit tout l'cftat & l'ordre de l'Eglife,&: tout ce qu'il faut garder &tenir en icclle,fur-
montanttous les blafphcmateurs,tous tyrans, tous ennemis qui furet iamais, & qui ia-
mais Te lont elleucz contre Dieu. Qui plus eft, il a attribué à la perfonne l'cftat de diui-
nité &: d'excellence, eh plus grande malice &: plus finement en la vertu de Satan . Par-
quoy iamais ne fut aucun eftat tant digne de punition ne vengeance fi grieue, corne de
ccftuy- ci. Et puis qu'il a prefumé ainlî contre Dieu,augmentant de iour en iour l'es puâ-
tifes éc abominations, comme le cours de fes canons le monftre, il a bie n peu s'adrelfer
à voftre faincle puiflanec, laquelle il a du tout anéantie , linon entant qu'elle a efté fous
les pieds d'vnc telle infecle paillarde . Si Satan vray ennemi de Dieu a tafché par plu-
fieurs des liens à defuoyer celle faincle puiirancc,afin qu'e lle ne fift fon office, l'incitant
àguerresmiuftes,àinuentionsiniques,&:àperuertirle jugement &iufticc,c6metouf~
iours il eft après pour dcshonnorerDicu:certaine ment par la Babylone,mere de toutes
faillardifes, il a parfait Ion mauuais vouloir contre la puhTance,plus qu'on ne fauroic
penfer,& tout fous la couuerture du nom de Iefus . Ceft homme de perdition faiiânt
Terfecution de <±Met$. 14.6
fçmblantd'auoirlefoin,&: d'adrefler&coduircla puiflance des Rois qui eft iclô Dieu,
a fui monté toute la machination de Satan qu'il a machiné .&c fait plus qu'on ne pourr
roit dire,pour corrompre &: perdre vnefi fain&c,H bonnc,ôcli necefïàire puiflance: car
il a eu tous les moyens tant fous l'ombre de l ame que du corps,&dcs biens & honneurs
des Seigneurs &: Princcs:&: tcllemét abefongne cefîcgc Papal (qui eft la vraye maque-
relIedcSatan)qu'en donnant à entendre aux Princes &c Seigneurs, qu'ils eftoyent plus
q Chreftiens en cnfuiuant les abominations,il les a retirez de la foy denoftrc Seigneur
&: de la do&rinc de rEuangile,poui les empefeher de faire aucunemét leur office, quât
auferuicede Dieu ,&: à la maintenance delà foy &; do&rinc Euangeliquc . Il lésa met
me pouflez&: prelfez à batailler contre Iefus , &c à deftruire la dcétrinc pour mainte nir
fon abomination.
Qv an t eft de I'adminiftration des corps Se biens des fuicts, tft-il po/ïible d'expri-
mer les prattiques que cefte putain tant rufee a trouuces pour faire battre les plus gras
d'entre vous ? Pourroit-on dire vne feuleguerre,que le Pape n'y ait eu fes boute feux?
voire qu'il y ait eu aucun fnnç efpandu,ne pais gafté , que tout ne (bit loi ti de l'enfer de Lna P2?^>té
-~ 1 /• ti » 2 ■ • L /• • J J- J r 1 > r eftcauicda
Romc,ou des liens? Un eitici bcloin de direque tant de maux lontaducnus acaule tousjcs
d'auoir laifîc d'enfeigner purement , comment la puiflance félon Dieu fc doitgouuer- maux du
ner: enquoy Rome&:cequieftd'icelle,eft coulpable de tous les péchez commis par moude'
faute de la vraye doctrine qu'elle deuoit bailler . Car la Papauté n'a pas feulement en
celapeché, nefaifantfondcuoirpour retirer le monde du mal: mais auflî elle a efté le
feu pour enflamber tous à guerres &:diflçnfions, tellement que tout vient d'elk^com-
me de la fource&; origine de tous meurtres. Quutrouué tant de façons de ronger
6c manger le peuple, &: de mettre tout en vente: bref, de tout corrompre comme a
fait l'cftat Papal? Pourroit-on dire aucun defordreen lapuifl~ance,que tout ne foit
venu de la fontaine d'iniquité de Rome ? ^ Tous les droi&s condamnent ceux qui s'-
cfleuent contre la Seigneurie , &qui s'attribuent l'office d'icelle, en l'empefehant de
fai*l||jftice:&: ceux qui entreprennent fur elle, &c qui machinent contre cllc,&; qui luy
refiftent en fon office, en prenant domination &c authorité fur la puiflance: cela eft
appelé Cas &: crime de maiefté violée , & ce à bon droift.car fi la puiflance eft deftruite
& oftce,quel enfer de toute briganderic s'enfuit-il:Et quel horreur eft là où il n'y a puif-
fance pour maintenir les bons,&:pour punir les mauuais?Mais qui iamais s'eft ainfi cfle-
ué contre la puiflance ? qui iamais a ainfi refifté iniquement ? qui iamais a tant machiné Les e.em_
pour la ruine despuifl'ances , tant par trahifons comme par empoifonnemens, que par pies coin*-
tous rnoyens dignes de grande &: feuere punition? Il ne faut alléguer ce qui a cfti fait jj^""^
contre les Empercurs;dcpuis que les Papes ont commécé à régner, ne ce qu'ils ont fait tby de wtli
&C ordonné contre les puiflances.Ccla qui a cfte machiné contrevos nobles personnes, ceci-
ô Princes Chreftiens,nc palfe-il point tout ce qu'on fauroit dire?Eufficz-vous iamais pe
fé que Turc,Iuif,nc quelque ennemi delà Chrcfticnré euft peupenfereeque ce fiege
exécrable a tafché de faire? Certainement vous auez expérimenté la grande prouiden-
ce de Dieu, qui vous a conferuez en ruinant &c deftruifant ceux qui contre Dicu,&: tout
droid & raifon,& qui contre leurs propres confeiences tafehoyent à vous ruiner , com-
nic il fera auflî de rou s ceux qui les voudront enfuiure: mais que feulement vous gar-
diez voftre faincle vocation comme il appartient ,dequoynoftre Seigneur vous doins
la grâce.
E t pour certain qui bien regardera tout ce qui eft fait & dit contre voftre fain&e-
ftat,vient de la boutique du Pape . Car combien que les enragez Anabaptiftes femblt ç a n.i!>apri-
eftre fort contraires auPape:neantmoinsleur erreur qu'ils ont cotre voftre fainrï cftat, ftcsont Pul
vient du Pape,qui fe difant fpirituel &c les fîcns,a iugé qu'il ne deuoit eftrc fuiet à voftre bdlion
puiflance, mais que toute puiflance luy deuoit eftre miette : &: à ce il a peruerti l'Efcri- i^pc.
tuft, blafphemant les 5eigneuries,contreuenant aux fain&s commandemens dcDieui
&: par ainfi les miferables A nabaptiftes fe font iugez parfaits &: i'jftes,n'ayans befoin de
loy. Car ils font tellement conduits,quc tout ainfi que le Pape a dit qu'il ne peut errer,
auffi ils ne peuucnt faillir, comrne ils difent: &: pourtant ili n'ont que fane de Magi-
ftrats , & s'ils euflent eu le loifir de penfer à leur affaire comme le Pape , ils euflent auf-
fi regardé d'en auoir fous leur obeiflance . Mais vous,par la grâce denoftrc Seigneur,
ne leur auez donné le loifîr:&: ceux qui portent & prefehent la parole du faintt E-
uangile,font trop armez des fainétesEfcritures,&: en grande vertu de la Parole aba-
B.ii.
L/#ro //. Werfecution âe sffîets.
tcnt toutes les raifons de ces poures démoniaques: tellemct qu'ils font diflîpcz cqpïme
la fumée deuant le vent.
S i donc le Pape s'eft ofé ainfi leuer contre Dieu &: contre voftre pui/Tancc , il ne faut
douter que fur tout le peuple il s eft horriblement eflcué:&: commet ne le feroit-il,puis
qu'il dit qu'il eft fur gens,peuples, royaumes &: natiôs: voire îufqu a dire qu'il n'eft point
homme:OrDieufoirloué,que vous auez abandonné vne telle bcfte,& fes loix diaboli-
ques^ non point pour eftre fans Ioy , ne pour faire tout à voftre appetir , ne pour gou-
uerner tout par voftre teftermais recognoiflans le Roy des rois &: le Seigneur des fei-
gncurs,qui donne les royaumes,& les change^ qui a toute puiffance au ciel ôé en ter-
rera icdoux & bénin Prince vo9eftesfuiets,&:àfafain&e Parole,pourluy obcir,&: pour
faire que vos fuiets aufli auec vous luy obeiffent.Et c'eft bien raifon,puis que vous reco-
gnoiflez Iefus pour voftre Roy fouuerain , que ceux qui font fous voftre puiffance le re-
cognoiffent auiTi , &: luy obeiffent. O que vos excellences font heureufes de feruir &: o-
beir à vn tel Roy,qui de tous les bons & fidèles fuiets bc obei/fans feruiteurs qui chemi-
nent en vraye foy comme il demande , il en fait des Rois & vrais enfans & héritiers du
royaume des cieux,voire fes frères ! O combien font heureux vos bons fuiets, qui fain-
ftement vous obeiffent,&: vous portent tout honneur & reuerence, &c qui fans aucune
fraude vous rendent tout ce qu'ils doiuent, en rentes, ccnfes,difmes>& toutes autres
chofes deues à voftre Seigneurie , tant en corps comme en biens ; mais finguliercment
qui vous obcifTent en oyant &: receuant la fain&e parole de Dieu , en croyant à l'Euan-
gile^ viuant Chrcftiennement!
O quel bien & quelle grâce noftre Seigneur fait de donner Seigneurs Chreftiens,
u fdicicé qui facent viure leurs fuiets félon l'Euangile! Certainement nul peuple fous Salomon,
des due- nil]s feruiteurs d'iccluy ne furent iamais tant heureux , que ceux qui fontfous les vrais
Au'uiiaVa Princes Chreftiens,&: qui leur obeiffent en leurs faint~tesordonnances.&: n'y a point de
Magifirats plus mefehans ne plus maudits,que ceux qui ne veulent auoir tels Seigneurs , éc qui ne
chrcfiiens jcu r vcu]en t obeir,ne leur eftre fîdeles,nc faire le deuoir comme il appartient . Noftre
Seigneur face la grâce à tous de pouuoir bien cognoiftre &: bien entendre,pour fe con-
duire comme il appartient.
nobles,excellcns & vrayement Chreftiens Princes & Seigneurs,&: tous gouuer-
neurs&: confeillers des villes fainc~tes&: Chrcftjenncs,&: tous quifelonDicu auez char-
ge du pcuple,afin qu'il foit entretenu, non feulement es chofes corporelles , mais com-
me vrais mébres de la fainde Eglife,& eftans vrayement du corps de Iefus Chrift, vous
Remercie- faites feruir voftre puiiTanccàibn honneur &c aufalutdesamesr afin que félon la pure
mentaux parole de l'Euangile, elles foyent conduites & gouuerneesrnous vous remercions tref-
fc loiTem. humblement de ce qu'en charité vous-vous eftes employez cnuers nos Seigneurs pour
pioytz benigncmentlesinduireàccqu'en droite affection paternelle ils nous ottroyaffent la
Se Mas * faîn^c prédication de l'Euangile: nous vous fupplions en toute humilité , qu'il plaife à
vos bénignes grâces , pourfuiure ce que vous auez commencé : &: vous tous autres
quiaueclafaincte puiffance auez la cognoiflancede noftre Seigneur Iefus ,voftre bon
plaifir foit de vous employer cnuers nofdits Seigneurs , pour les attirer amiablement,
&c les induire à vne choie fi fainfte, ii digne &: tant raifonnablc,comme mefme ils le cô-
feflent. Et combien, trefcxcellens Princes & Seigneurs,&; villes faint~tes,que vous en
ayez eu tant de fafcherie,&" ayez fait de grans fraiz,& tant y ayez pris de peine,qu'en re-
gardant noftre petite/Te &: voftre grandeur , &: la façon de faire qu'on a tenu vers vous,
nous ayons grand'honte: toutefois puis qu'il n'y achofe qui foit tant feantcàvoftre
iainft eftat, ne tantdigneàquoylapuiiîancceminente s 'employé, comme eftdctra-
uailler à l'honneur &: gloire de Iefus , à magnifier & tafeher en toute manière d'eflargir
&; dilater l'on royaume r au nom d'iceluy , qui a touché vos nobles cœurs , ne defiftez de
tafeher que nous ayons vn il grand & h excellent bien, qui eft le fain&Euangile: fai-
tes par tous moyens faintts que nos Seigneurs s'accordent , &c nous efperons que Dieu
le fera . Et afin qu'ils ne redoutent troubles &: efmotions, ne qu'on fe vueille eileuer au-
cunement contre eux ne contre autres(commeles ennemis de vérité toufiours calom-
nient^ en blafm enta tort l'Euangile, comme induifant à rébellion ) qu'il vous plaife
les afteurer de noftre part,que rien de ce n'aduiendra : & a ce leur offrir voftre aide pour
ks*maintenircntoutdroicl:&raifon:&:dencfoufTrir que tort leur foitfait. Certai,
ncment bons &: Chreftiens Princes & Seigneurs, après Dieu& & fainfte Parole nous
n'auons
'Tçrjecution sMets. 14?
n'auoiis chofe pour laquelle tat nous vueilliôs employer , côme pour la fainctc puifTan-
ce ordônee de Dieu : pour laquelle maintenir & con l'cruer , en luy obeiffan t &: rendantt
tout deuoir, nous voudrions mettre la vie,corps &; bics tant de nous que des noftrcs: &C
ainfi croyôs que nous en fommes tenus. Car vn tel dô de Dieu côme cil la puiflance qu
il a ordonee.-ainfi qu'elle eft trelhecciïaire fur la terre, nu/Ti pour la côfcruer &maïtenir,
tous de grad cœur fe doyuét employer. Excellcns,vrais &: fidèles Princes , par la faincte
affection qu'auez à Dieu &c à ceux que Dieu vous a donnez.-ainfi que vous feriez efmeus
à pitié, fî les voftres'eftoyét en tel eftat comme nous lbmmcs,&: qu'ils vous fiffent telles
requeftes au nom de Dieu, côme nous les faifons à nos Seigneurs:aycz pitié de nous, 8£
nous aidez en toute bénignité enuers nos Seigneurs. Lel'quels Dieu conferuc & garde
en tout bien aucc vous, ÔC tous ceux qui font conftituez en telle puiffance pour feruir à
la gloire de ce bon Dieu, au bien &: édification de toute la Chreftientc.
^ Apr e s ces faindtes requeftes & fupplications, ce vrayminiftre de Dieu,M.G.Farel
dreifa vne prière au Seigneur pour obtenir la vraye &c entière prédication de l'Euâgile»
&C le vray vfage des Sacremés , en laquelle eft faite confcfîîon des péchez qui font caufe
de la ruine des Eglifes de toute la Chrcftiété:de laquelle no9auôs extrait ce qui s'enfuit,
il E V éternel &Pere de toute mifericorde,tu as dit par la bouchefacree de tÔ Fils Ica" ?<W>
|q ceux qui ont foif viennent à toy,&: qu'ils boyucnt:& q tu donnes l'eau de vie, &: '5Î*1^
que tu es le pain de vie qui eft defeendu du ciel:& nous as promis , que tout ce que nous
demâderons en ton Nom, que nous l'aurons:^ dis qu'auant qu'on t'inuOque que tu ref-
pôdras:&: quâd on criera, q tudiras,Me voicy. Nous criôs,ô Seigneur,delafaim:noftre lfi S8*;
poure ame, qui a efté fi long temps parchemin tant miferable , par les deferts &: par les
defolations de l'Antechrift, reuiét en la m aifon de cognoiffance,&: a grand faim de toy.
Owre -nous la porte de ta mifericorde,ô Sauucur,& ne t'arrefte tat auec ceux qui
font auec toy,&: qui te font agréables, que tu ne regardes aufîl à no9 , qui par nos iniqui-
tez fommes dehors, donne-nous du pain de ta parolle.Et combien que nous foyons en-
uers toy pires que chiens, tant s'en faut que nous foyons pour eftre tenus de tes enfans,
s'il n'y a autre elgard qu'à nous , &: à ce qui vient de nous : mais,Seigneur , qui fais fortir
ton Soleil furies bons & furies mauuais, & enuoyes ta pluye fur les iuftes &: iniuftes-.ces Mat.f 4t«
poures chiés n'auront-ils point quelque miette de pain, qui chet de la table des enfans? * I I7-
Aide-nous, enuoye-nous cefte viade celeftielle,ce pain de ta parolle. Ne feras-tu point " ' 7'
la vengeance de noftre ennemy, qui nous fait tant de tort?Tu as dit que tu exauceras le
cry de l'oppreffé, de la vefue, de l'orphelin &: de l'eitranger.Nc vois-tu point,ô Pere,cô- Pfal i4* ft
ment les poures vefucs font multipliées, comment les pupilles font en gros nombre:dc *'^o xi u
qui les maris &percs ont efté tuez &c meurtris pour ta parolle, &: tous leurs biens ont«e- n.
fté rauis ? Ne crient-ils point à toy,ô Seigneur, delà poureté qu'ils endurent?Et auec tel
rauiiîemcnt, quelles fincfles cautelles ont trouuces les Preftres , & les Moines , pour
attirer tous les biens des vefues,des pupilles &c de tous ? Côbien ont-ils deftruit de gens
&; mis à groffe poureté? Et fi pour les rauiiîemés des biens,toy iufte luge, tu fais végean-
ce,voire non feulement des rauifTeurs, mais auffi de ceux qui n'aident aux indigens , &C
qui ne donnent du leuntu feras-bien plus groffe vengeâce du fang efpandu iniquemét.
6 Seigneur , fi iamais il a efté efpandu horriblement, n'eft-ce pas en noftre temps? car il
a efté fait en telle fureur & rage , que Satan n'a peu pis faire. Car comme au temps de ta
natiuité, pour te mettre à mort, il a tué les petis enfans qui n'auoyent aucune cognoif- Mac.i.tf.
fancc:combien,SeigneurIefus,enya-ileu detuez,quinefauoyent&:n'entendoyétnen
de ta parole? Mais la fureur eftoit telle,que de dire Chrift fimplement,ou parler fans iu-
rer le corps èc le ven tre,on eftoit Luthérien &; hérétique. Et que dirons-nous?Ton vray
ennemy l'Antechrift, craignant d'eftre trop defcouuert par tels meurtres tant euidens,
â repris ceux qui faifoyent ainfi , demandant qu'on feruift au diable pluftoft qu'au Dieu
viuant. Tu fais,Seigneur,en quelle cruauté tes feruitcurs ont efté demencz-.car d'autât
que ton Efprit plus puifTamment par iceux parloit , tant plus on a efté enrage côtr'eux.
Le cry du fang de tes fcruiteurs,Seigneur Iefus , n'eft-il point paruenu a tes oreilles ? Et Pfj!.7^.ii.
nous,Seigneur,qui ne voyons que fang par toute la terre,que corps icttez par les caues,
fcque feu &: fumée par tout i'air,meurtres de tes feruiteurs:pour toute vengeâce ne de*
mandons autre chofe,fînon que ta parolle ait lieu, &; que Satan foit confondu. Exauce
noftre requefte,ô bénin Sauueur.car que font les biés,ne les corps au prix des ames? he-
las;Seigncur,qui les as racheteesjquelle defQlaçion i quelle tuerie! quel meurtre eft aux
B.iu,
Liurc^> IL *PerfecHtion zffletï.
pour es amcs, d'cftre priuee$ d'iccllc parolle ! Venge, ô luge équitable , venge ton Egli-
fe,qui a efté corne vefue fi long temps, 6c qui crie à toy:vcnge-la,ô iufte luge. car tu vois
comme nt elle cric, & cornent par grande deftrefic de cœur elle leue fa voix entiers tov,
ayant toutes les entrailles rongées & amèrement tranchées: cftat toute deftruitc 6c ga-
ftee,& en extrême tnftciicpour la grande multitude des amcs qui ion côduites 6c me-
nées en la voyc de perdition , parla poifon de4a fuperftition diabolique du Pape 6c des
fienàNe feras-tu point la vengeance de telles abominations ? ne la confoleras-tu point
par ta douce parolle ? HelasiSeigncur, ce qui refte des pourcs amcs qui foufpirent après
toy,& demandent ton aide , ne les regarderas-tu point ? Ne fecourras-tu poin t à ce que
tu as tant chèrement racheté ? Regardc,ô Seigneur, comment les pourcs amcs foufpi-
rent après toy, combien qu'elles ne te cognoillent que bien petitemet: toutefois le dc-
lir qu'elles ont , cft d auoir ialut, 6c d cfuyure le droit chemin: bcibngne y,Scigncur,œu-
ure de ta iuftice contre l'iniquité de Satan:&: de tn grande miiericorde,bclbngnc fur les
M»r.*.3tf. poures amcs.' Ne ferme poît tes entrailles, toy qui as eu pitié du poure troupeau égaré,
quand tu eftois ici en chair, voyant les poures gens qui cftoyent comme brebis ians pa-
ftcurs. Et puis que tu commandes qu'on prie le Seigneur de la moiifon qu'il enuoyc des
ouuriers en icclle, nous t'en prions,nous t'en requerôs que tu le faces : ô Seigncurlefus,
cnuoyc,cnuoye des bôs 6c fidèles ouuricrs,& chaffe les loups, 6c deftruy iniquité 6c tou-
te la doctrine de mort. O vray autheur de iufticc,qui es noftre vie, duquel viét la doctri-
ne qui viuific 6c fauucxefte moiiîbn n'eft-clle point grande, ô Seigneur Iefus? n'eft-clle
point à toy?Ha doux Icfus,n'vfcras-tu point de ta douceur 6c de ta grade benignité?Ou-
blieras-tu d'auoir pitié de ton pcuple?Nous te pries, ô noftre Sauueur,ô noftre Rédem-
pteur, cnuoye nous des ouuriers fîdcles,Ôc donne grâce à ceux qu'il t'a pieu de nous en-
uoyer,d'accomplirccquetu as commandé: c'eft de prefeher tonEuangile,&:denous
enieigner purement tout ce que tu commandes.
î^Cor.n. O iaiu& Efprit, vray viuificateur des poures ames, qui diftribue tes dons &: grâces fe-
iP^cliir l°n ronbon plaihr,cn l'édification du corps de Iefus: toy qui as parlé par les Prophètes,
ieani6i3. qui n'ont point parle par volonté ny affection humaine, mais en ta vertu : toy qui me-
Aa.1.5.4. nes cn tolltc cognoifiance de vérité: qui as rcmply les l'aîcts Apoftres de telle vertu, que
là où ils auoycnt abandonné lcurMaiftre tous cfpouantcz , 6c s'eftans tcus , 6c defiftans
de prefeher depuis la prife de Iefus iufques àce que tu es def&ndu de/Tus cux,& lors en
tereceuant tu leur as tellement efchauffé leurs cœurs, &: tellement as ouuert leurs bou
ches, qu'en grande ferueur & ardeur , 6c en hardiefic 6c pleine aifeurâce ils ont parlé de
Iefus, 6c ont prefehé fa rcfurredion , voire à toutes nations qui cftoyent lors cn Icrufa-
lem, cn parlantà tous par langues que tous entendoyent: ha Seigneur Dieu, regarde
cn quelle pourcté nous lbmmes,& nous 6c ceux qui ("ont en tant de lieux , tant qu'il en
y a qui ont eu quelque cognoiffance de Ieius,car s'ils ne font aidez &fecourus de ta grâ-
ce, ils font plus prefts la plufpart de renoncer Tc(us&: l'Euangilc,que leconfefter. Chaf-
fe,ô Efprit de vérité, tout ce qui cft de l'clprit d'erreur &: de menfonge. CliaiTe tous h e-
Icai7.i. i<f. retiques d'entre nous, 6c d'entre tous les autres. Glorifie le Seigneur Icfus,car fa gloire
jj cft laticnne,& celle du Perc. Rcpicn,ô Seigneur, rcprcnlcmondedc péché ,deiuge-
z. 1 hd.1.8. ment &: dcuifticC. touche le s cœurs de tous , afin qu'ils foyent enfeignez de Dieu , pour
entendre la parolle de vcrité,en l'oyant, la reccuant, &: la gardant parfoy. Monftre ta
vertu fur tous ceux qui te reiiftent, ne Ibufire plus que ta doctrine foit outragée, en te
blafphcmanr &iniuriant. Deftruy l'Antcchrift &: fa mcfchante& maudite doctrine.
Et par ta clarté 6c lumière pure 6c (ain£ce,par laquelle tu purifies, fancrifics 6c parfais les
amcs,chafie toutes les ténèbres d'erreur 6c de fuperftition, toute feintife,hypocriiic 6c
tromperie eau teleufe, en defcouurat les fauifetcz de Satan 6c des liens, 6c nous côferue
en toute vérité, nous& nos Pafteurs, lefquels il te plaife donner 6c cnuoycr tels qiietu
as reuelé qu'ils doyuet eftre.autrcmet nous (ornes perdus 6c gaftez parla deceptiô, trô-
pcrie& tyranie de ceux q. font menez les efprits d'erreur, qfeduits,feduifent le sautres.
H a bon Sauueur, combien que noftre foy foit fort petite pour venir à toy,li venons-
nous à toy, pour te demander cefte eau pour en boire. Augmente-nous la foy , 6c nous
la conferm£,nous donnant ta parolle &: tes fainîts Sacremens purement. Donne-nous,
Seigncur,cefte eaudeviequi ofte la foif,car nous auôspuifé trop de l'eau denos pères»
ne fachans que nous voulions, ne que nous faiiïons,&; tant plus auons beu d'eau infecte
"e.i.rç. ^cs vieilles eifternes, plus auons eu de Ibif. Done-uous le pain de Yie qui eft defcédù du,
ciel»
Terfecutbn de Mets. 14. 8
ciebdonne le nous par ta fainde parolle &dodrineceleftielle,&: partes pures ordonan-
ces. O Seigneur, que nous foyons nourris de toy,pour viure eternellcmët. Helaslle fon
bc le leuain des Phariliés, la doctrine diabolique de toute hypocri/ie& tromperie, nous Mat.i<?.<r.
a tant enflez, que nous en fommes creuez,&: toutes les entrailles de nosamesen font
corrompues. Car la doctrine peruerfe a tout perdu , empoilonné &c galle en nous. Sei-
gneur lefus, vray Sauueur, vray Rédempteur, aye pitié de nous. Commande &c fày que
ta parollc nous l'oit prefchee,&: que tes famds Sacrcmcns nous Ibycnt purement admi-
niftrcz,cômc tu l'as ordonné &c commandé.^Tu as ouy la Canancc,ô Seigneur.donnc-
nousdes miettes qui tombent delà table de tes enrans. Seigneur, les autres à qui tu as
fait la grâce que ta parolle leur a efté donnée* ont tant de predications,tât de lieux, tac
de Miniftres& Paftcurs, qui continucllementles enfeignent,&lcuradminiftrcttes pu-
res ordonnances & fainds Sacremens: &: nous n'auons,ô Seigneur, vnfeul Pafteur, vn
feul lieu,vne feule prédication le iour, en vne fi grande ville,où tu as tant de peuple : &c " ented de
ne pouuonsvfer,ne receuoir purement tes lainc"tsSacrcmens,fi pour l'amour de tes en- Mcvr's'!^Ju
fans>que tu as es Eglifes, à qui tu t'es manifefté,&: à qui tu as dôné purement ta parolle, cun ic peut
tant es benin,que tu as prefenté tes bcnedidiôs & grâces aux iniques,&: qui ne croyent ^ 'heux
en l'Euangile : &z mefme tu fais que tes feruitetirs les contraignent à ouyr ta parolle, en &pay$.
forte qu'ils font fouuent gagnez à toy,& croyent, où ils eftoyent incrédules.
Bon Seigncur,n'auras- tu point pitié de nousîN entendras-tu point noftre dcfir,pric-
re &c clameutfRegarde à ton hôneur &: gloire. regarde à tes faindes promciTes, ô Dieu,
ô noftre Dieu. Quel profit y aura-ilj il nous demeurons ainii:&: li(comme il eft aduenu à
plulieurs par faute d'ouyr &: d'eftre adirertis, tant en fanté qu'en maladie)nous perdons
ce peu de coeur que nous auons à toy &: à ta parolle, &: fi nous retournons à ce que nous
deteftons:affauoir à la doctrine de fAntechrift,en adorant les creatures,&: mettant no-
ftre fiance & efperâce aux chofesdamnables»en t'offenfantplus queparauâtrSeigneur,
nous auras-tu donné tel commécement &: entrée en ta cognoilTance , pour nous lai/fer
& abandonner ? Non,non,Seigncur,ainfine foit:mais aye pitié de nous,ouurat lesyeux
de ta mifcricordefurnous.-que tes entrailles foyentcfmeuè's à pitié,à milericorde&cô-
paifion fur nous,ô Pere de toute bonté. Helas, que nous ayons ta parollc,que nous la rc-
ceuions par ton S.Efprir, &: que tout en nous foit rengé , conduid, fait & garde félon ta
fainde volonté , qui eft reuelec Se manifeftee és faindes Efcntures , efqucllcs ta fainde
parolle eft contenue. Fay qu'auecques grand fruid nous oyons ta parolle,& la gardiôs:
&: que félon îcclle nous ayons purement tes purs & fainds Sacremens. Et afin que nous
puilfions bien enfeigner nos enfan s en ta fainde dodrine,cn ta crainte,en la vraye Avi-
lie foy* fay que droite inftrudion leur foit donnée, comme en la primitiue Eglifç;&: que .
les Pafteurs n'ayent feulement le foin des grans tant en gênerai comme en particulier:
mais qu'ils Payée aufli des petis, Se qu'ils les inftruifent en la pure dodrine de la foy,& de
tout ce qui appartient à la foy: &c que toutes chofes foyent drelfees comme il appartint.
Qu'en ton Eglile foit corredion, admonition, réception &reiedion:que ta parolle y ait
toutes les proprietez , &: que le vray vfage des clefs foit gardé : que les elcoles &C fainds
exercices pour conlerucr ta dodrine, foyent faindement dreffez & entretenus: que les
poures foyent, félon le deuoir,foulagez &: lecourus. Scigncur,quon cognoifle que tu y
as befongné,&: que tout l'honneur Se la gloire te foit rendue, de nous auoir tirez de Ci
horrible maledidion, à vne fi grande &z excellente benedidion:fay-nous cefte grace,ôc
la pourfuy &: entretié iufques à la fin,&: à nous & aux noftres. ^ Bon Dieu,touche &z illu
mine les cœurs de nos fupericurs , pour entédre à cefte benedidio: &c au lieu de refifter,
qu'ils foyent les plus ardans, &c qu'ils y trauaillét. Tu as promis d'ainli aider à ton Eglife
par les Rois.Princes &: Seigneurs:donneleur pleine cognoiffance , Se droit Se entier iu-
gement pour cognoiftre ce que tu vciix,ô Pere: Se auec la cognoilTance dône leur la gra
ce d'exécuter en rondeur de cœur,eri vérité, &: à ton honneur &: gloire, tout cequi eft
de leur office,fe!on ta parolle:tclJement que nous &: eux puilfions heureufement palfer
de cefte cité terrienne, à la cité éternelle. ^Seigneur, comme il t'a pieu de changer le
cœurde S. Paul. qui eftoit fi afprc Se fi enflabe contre ta parolle: aye pitié des poures Pre- Aa 9 6'
ftrcs,Moines, &z de tous qui par ignorance contreuiennent à ta parolle : Se qui tafehent
de deftruire ton Eglife Se la dodrine de la foy,ne fachans qu'ils font. Et corne tu fais que
ce qu'ils font n'eft point pour maintenir,comme ils penlént,ton Eglife, ne la foy Chre-
ftienne,mais pour maintenir ralTernblee danable de confufioivqui eft la-mere d'erreur-
Liurcj II- Enjinœ$3 ditDriander*
pour entretenir la grande paillarde auec fa do&rine diabolique , &£ les fonges &c inuen-
tions des hommes,Scigncur , fay leur mercy , en leur pardonnant: donne leur grâce de
pouuoir fuyure&: pourfuyure, garder &: tenir ta fain&c doctrine, &: donne leur la grâce
de viure au corps de Iefus,qui eft fon Eglifc.laquelle,ô Seigneur,par ta venté,puiifance
&C vertu rcdific,rcftaure 3c remets en citât deu.&: la ccnferuc&: garde par toute la terre:
afin que partout tu l'ois loué, feruy&: adoré en efprit &c vérité : &: que de Satan , ne de 1-
Antechrift qu'il a efîcué par l'es cautelles,tromperies , faux lignes &: miracles , en toute
deception,&: de ce fils de perdition ne (bit plus rien icy:c'eft qu'il n'ait plus de lieujmais
que du tout il foit exterminé.&: comme il s eft alîïs en ton Tcmple^'elleuant fur toy, fe
t,Thcf.t.4 faifant adorer comme toy: ainfi en toute confulion& ignominie il foit entieremétaba-
tu : & qu'il n'ait ny en ton Temple , ny en autre lieu , ne règne ne puiflance : mais toute
douleur, angoilîe &: deftrelfe. Donne le royaumc>ô Pere etcrnel,à le fus ton Fils,&: que
de nul au tre il ne foit mention, ne d'autre doctrine, polir fairesdire nepenfer autremét,
qu'ainfî que Icfus a ordonne & commandé:tellcment,Seigneur,quc tous vitiâs qui lont
de/fus la terre, obeiffent à l'Euangile,par pure foy:&: s'employent àcout bien par feruc-
te &: ardente charité,& perfeuerent en grande conftâce c£ fermeté', 6 Seigneur Dieu &:
Pere, pour l'amour de lefus ton Fils , rempli fiant tous de ton bon Efprit , afin que touçç
louange, gloirc,a£tion de grâces te foit donnée éternellement, Amen.
D Ar ce récit des Lettres,Requefte , Supplication &: Oraifon des fidèles , on peut aile-
métcognoiftrequelcômencement d'eglife eurent en ce téps ceux de Mets en Lor-
raine,par les predicarions Se miniftere de M, Guillaume Farel. Mais les gras de la ville,
qui auoyent lors le gouuerncment d'icelle, fe rendirent indignes d'vn tel bien & béné-
fice du Seigneur. Et comme iadis les Gadareniens, pour la perte de leurs pourceaux
Luc 8 prièrent le Sauucur du monde de fe partir d'eux, eftas làifis de grand'craintc,au{fi ceux-
cy firent inftance que Farel ne prefehaft plus en leur vijlc la parole de falut éternel . Ce
fut lors que ce feruiteur du Seigneur , efmeu d'vn vray efprit prophétique , après auoir
rcmonftréplulieurs chofes,leur prédit qu'vn iour viendroit qu'au lieu duSeigneur,qui
tant doucement fe prefentoità eux pour les entretcnir,ilsauroycnt vn tyran qui lesaf.
feruiroitdu tout,&: leur ofteroit la libertéde leur republique, laquelle ils craignoyenc
perdre en receuant lefus Chnft. ^ Il lé partitdonc de là,& vint à Gozc,à deux petites
lieues de Mets , en palfant la Mofcllc: &C fous le crédit du conte Guillaume de Furftem-
btrg,qui pour lors occupoiçlc bourg &c abbaye de Goze,y parqua &: entretint quel-
ques iours le troupeau des fidèles en la pafture de la parolle du Seigneur & administra-
tion des Sacremens , iufques à ce que l'orage àc la tempefte çheut iî grande , qu'elle el-
carta tk mit en difperiîon toute raîlernblee.
ENSIN A SA Driarider,Ejpagnol.
PE VX circonftances rendent notable ceft exemple la perfonnc,& le lieu du martyre. [ a perfonne eft d'Flpagne, c'eftaflauoir
du plus profond de fuperftition. Le lieu eft Rome,iîe. e d'abomination, d'impiété & de mefpris de Dieu : auquel pour lor9
cftoit aliîs Paul Fernefetroilîeme, monftre abominable.
3SN pourra voir cy après en quelle hônefteté, eruditiô &c fain&ctc Iean Diazc a
m ployé toute fa vie:&mialemét de quelle cruauté fon lang innocet a efté ef-
Spandu parfonfrere jpprc:afin qu'on cognoiiîeque Dieu n'a reftreint la bonté
^envnfeul perfônagedecefie natiô, voici maintenant vne hiftoired'vn Efpa-
gnol,qui n'a redouté les fanfares magnifiques de fa gent, & ne s'eft arrefté à la dcuotion
rcfplendiifante des liés. mai$ayat toufoursfoncceurcn Dicu,apaiféhardiment&:con-
ftament par le milieu des fiâmes ardentes, côfc/lant le nom &£ la vérité du Fils de Dieu
iufqu'au dernier foufpir. Le furnom de ce bô perfonnage cftoit Enzinas,qui eft en Efpa
gnol ce que nous dirions,Du chefne:&: en Grec,Driander:par laquelle appellation il e-
ftoit plus cognu que par fô nom ne le furnom dEnzinas, ce fut luy qui premieremét en-
feigna ledit Diaze. Ainii qu'il cftoit à Rome,où il demeura quelqs années cotre fô vou-
loir,feulemét pour obéir &: complaire aux fortes affedios de les pares : il fut pris par les
gês mefmes de la natiô,fur l'heure qu'il fe preparoit pour venir en Alemagne vers fô fre
re,nommé François Enzinas Driâdcr, qui l'appcloit là, Incôtinent qu'on l'eut ferrç en
yne eftroitc prifon, il fut interrogué de fa foy deuât vne grande a/Temblee de gens Rou-
mains,
Martin Ffœttrtloc. .
rnains,&: en la prefcnce des vénérables Cardinaux & Euefques quilors rcfidoyehtà
Rome. Là il maintint dvne grande conftànce &: fain&ehardiclîe la vraye dodrine de
l'Euaiigile:& condamna ouuertemcnt les impictez &c tromperies diaboliques du grâd
Antechrift Romain . Tout incontinent non feuj^nent les Cardinaux, mais fur tou9
ceux qui eftoyent là de fa nation , commencèrent amener à haute voix , qu'on le dcuoit
brufler.Pour conclu/ion, ces defenfeurs & miniftrarrurieux de toute impieté &: cruau-
té Epicurienne, firent tant par leurs efrorts^qu'ils firent finir la vie à ce bon fcruiteur de
Dieu par martyre glorieux:qui a efté admirable en la ville de Rome,au milieu de toute
impieté,fuiuant de près la mort du fufdiç Içtn Diazc, qui par ion frère romanizé auoic
efté meurtri pour vne mefme querelle de i'Euangile.
MARTIN HOEVRBLO QG^fe,
Hiftoirc de Martin Hceurbloc poiflbnnicr natif de la ville de Gand,martyr de noltrc Seigneur Icfus Chrjft.
ÔMME Gand a efté vne ville fur laquelle Dieu a efpandu beaucoup de
fes grâces & benedidions,y fuicitantplufieUrs bons&faindsperfonjpages, g^"*^
qui purement &conftamment ont confeiîé le nom denoftre Seigneurie- capitale de
fus Chrift,&: d'autant que comme ingrate elle a méfprifc ces dons excelles Flandre-
de t)ieu,meurtriflànt &c mettant cruellement à mort les feruiteurs : à bô droit elle mé-
rite d'eftfe mife au nombre des villes, qu'on doit nômer pluftoft boucheries des Chre-
ftiens,que villes Chreftiennes . Et qu'ainli foit,le 8. de May m.d.xlv. outre plufieurs
autres jnfînies crUautez,qui de tous temps y ont efté exercées par les ennemis de véri-
té :]i>oùrtoufiours accomplir le comble d'icelles* fut faite vne exécution exécrable fous
prétexte de iuftice &: dç religion comme il s'enfuit : Martin Hœurbloc, natif de ladite
ville de Gand,poiflbnnier de fon meftier , eftoit vn homme fort adonné à fes plaitirs &:
voluptezjfrequentant la plufpart compagnies ou il n'eftoit queftion que d excès & (il*
perfluitez en bcuueries &: autres çhofes,comme le pais y eft par trop enclin . Cepen-
dant grand zélateur des traditions & ordonnances de l'Antechrift, &: confequemmet
ennemi de la doctrine Euangçlique. Alors toutes chofes luy eftoyent tranquilcs &C
profperesxar le fort armé tenoit en luy l'on fort fanscontradidion quelconque. Mais
comme ce poure homme eftoic ainli détenu és liens de Satan : noftre Seigneur Iefus,
qui eft le plus fort , vint arracher à ceft ennemi fa proye : &c comme il fait bien tourner
toutes chofes au profit & lalut de fes efleus, il fit recueillir à ceft homme quelque mot
de faine dodrine en vne prédication d'vnCuré,prefchan t à fes paroiflîens en ladite vil-
le de Gand, & les inftruifant aucunement en lacognoiiTancedeverité,ia-foitquela
plufpart C'eftoit vne meure entre deux verdes,ccmme Ion dit . Ce nono,bftant noftre
Seigneur ne laiifa pas de pourfuiure fonœuureencepcure poiflonnier, &c luy toucha
tellement le cœur,qu'au lieu dehanter compagnies de fuperfluitez & excès, il adonna
fon cœur à vifiter les poures aucc grande diligence,les fecourant en leurs neceflltez. &:
de ce coup qu'il fut touché audit fermon , eftant retourné en fa mailbn, il difpofa de fes
afFaircs,&: fit toute diligencede cercher& trouuer gens de bonne vie &: faine dodrine,
Comme vn homme affamé de la bonne pafture.Et pour eftre tant mieux inftruit,il par-
tit hors de ladite ville de Gand , &: fut abfent enuiron trois mois, fréquentant les lieux
&: perfonrtes où il efperoir de trouuer meilleure inftrudion.
Estant retourné en Gand , alors tous furent efbahis de voir en luy vn Ci grand &C
Ci foudain changement: car ce n'eftoit plus celuy qui fouloit eftre. Les vns en s'efmer-
ueillant d vne telle œuure de Dieu,glorifioyent lautheur d 'icelle-.lcs autres, comme c-
eftlacoiiftume delà plufpart, conuertiffoyent ccft œuure admirable en blafphemes,.
irnp'utantà erreur & {édition ce qui procedoitdel'Efprit de Dieu. Et adôc les miniftres
de Satan &: les engraiffez de l'Antechrift voyans bien qu'vne telle proye leur eftoit ef-
chappee, & quclaconfequcnce leur eftoit dangereufe&: preiudiciablc à leur cuifinc,
commencèrent de confpirer contre luy, mefmes pource qu'il ne vouloir plus commu-
niquer à leurs fuperftitions &: idolâtries* mais les reprenoit viuement . dauantage,
pourautant qu'auec vne fain&e hardie/Te il vifitoit &: confojoit les prifonniers : &C
quand on en menoit quclcun à la mort pour la parole de fàlut , il les accompagnoita-
i}e£ faindes admonition? iufqu'à l'efcliafraut , &: ne celToit de les confoler &; confirmer;
C.
Lmr^jîL Martin IrTœurbloc.
par paroles de grande vertu &:efîîcacc,le tout publiquement & deuant tous. Or eftaht
requis de par ion Cure , de communiquer au facrement de l'autel , rei'pondit qu'il vou-
loit bien communiquer aux Sacrcmcnsde noftre Seigneur Iefus Chrift, &c qu'il tenoit
La parole toutes eglifes fainctes, moyennant que la pure parole de Iefus Chrift y fuit annoncee:&
de Dku parainlî(difoit-il au Curéjs'il vous plâifoit, comme miniftre dvnc telle Eglife ,&com-
H"t«el" me noftre pafteur, me diftribucrlefacrement delà Cene félon l'ordonnance de Iefus
Chrift,ie vous en voudroye treshumblement fupplier.Sur quoy rei'pondit le Curé,qu'-
il ne foferoit fairermais le prioit treiinftamment de fe vouloir contenter de faire com-
me les autres. Toutes ces chofes defcouuertes aux miniftres de l'Antechrift, qui ne
ce/foycm d'efpier ledit Martin,fînalcmentilfut appréhendé &:conftituéprifonnier,S£
toft après ion empnfonnement, mefmes'dedansla prifbn fut interrogué parlesluges
qui eftoyent ceux de fa faction , &ù auec menaces meilees de paroles douces exhorte de
les déclarer. A quoy il refponditoqu'illuy fembloit qu'en cefaifanc il les pourroit ame-
ner en fafcheric &c en danger,chofe qu'il n'entendoit luy eftre aucunement licite par la
féconde table de la Loy.Mais combien qu'il fuft preft à foufFrir peines &c courmés pour
fupporter fes freres,&: pluftoft que de les reueler : Toutefois fi vous,meiTieurs(difoit-il)
mefauez monftrer par rEfcriturefainctc, qu'en ce faifantie contreuienneà la premiè-
re table,ieprotefte que ie veux préférer l'honneur de mon Dieu au fupportde mesfre
res,& fuis preft de faire tout ce que TEfcriture fain&e nous enfeigne, toutes chofes pri-
fes en leur degré.
^"Interrogve par les moincs,quclle opinion il auoit du Sacrement de 1 autel:
Sa'creme't refpondit , qu en l'adminiftrant félon l'ordonnance Papiftique,c'cltoit vn dieufaità
plaifir de pafte . A quoy ils répliquèrent, Donqucs tu ne crois pas que le corps de
Iefus Chrift foit entre les mains du preftre , quand il célèbre la Mené . Ledit Martin
fur ce propos ayant fait quelque filence ,fut inquiété par ces caphars derefpondre :&:
leur dit que Iefus Chtift auoit efté iî mal traitté entre eux, qu'il ne s y trouueroitplus.
JoyS.6 En fuiuant ce que deflus, ils entrèrent plus auant en propos, comme telles canailles
prennent plaifir à gazouiller &: molefter les enfans de Dieu, tafehans deleur adioufter
affliction fur affliction: mais Dieu tourne le tout à la confolation des ficns,leur donnant
parole de prudcnce,à laquelle leurs adueriairesnepeuuent refifter : ains faut qu'ils de-
meurent confus. Entre autres obic£tions,ils dirent audit Martin,Puis que vous dites
que le Sacrement eft nud , pourquoy faites-vous fî grande inftance de le receuoir fous
deux efpcces?Surquoy il refpondit,queles clemensdemeuroyentd'eux-mefmes nuds:
afïauoir le pain demeuroit pain, & le vin, vin : mais en les receuant félon l'ordonnance
de Iefus Chrift,iceux elemens luy eftoyent pour facrez lignes du grand myftcre q nous
auoit fait,donné &£ communiqué le grand Pafteur des ames Iefus Chrift. Et que de fai-
re bannière pour ne le receuoir fous deux efpeces ( à leur correctif) ) il luy fembloit que
perfonne ne deuoit eftre fi prefbmptueux & arrogant,pour quelque raifon que ce fuft,
de changer l'ordonnance de noftre Seigneur IefusChrift,ne d'y adioufter ou diminuer:
entant que luy eftant Dieu &. hom me , eftoit fage allez pour preuoir les inconueniens
que les Docteurs de leur belle eglife rorgeoyent.
^Finalement Hœurbloc,apres auoirefté plufieurs foisgehenné, pour luy faire
déclarer ceux qui eftoyent de fon opinion,le huitième iour de May fut amené au Con-
fîftoire des feigneurs du confeil de Flandre,afîis en ladite ville de G and . Et là on luy*
prononça fentence de mort:afTauoir,pource que par diuerfes fois &:auec plufieurs per-
fonnes il auoit fréquenté conuenticules& aflémblees : & qu'il fentoit mal delamaie-
fté du Sacrement, du Purgatoire,&T des prières pour les trefpaiTcz.mefmes quecombié
qu'il en euft efté admonnefté & repris,toutefois n'auoit iamais voulu deiifter, ni autre-
ment fentir,&:c. à ces caufes deuoif eftre mené au lieu qu'on appelé Le verlé, place au-
ditGand,pour là eftre bruflé tout vif, &: fon corps conuerti en cendres,&: tous fes biens
confîfquez. Laquelle mort cruelle & ignominieufe deuant les hommes, mais precieu-
fe &: gloricufe deuant le Fils de Dieu & fes A nges , il f bu/Frit auec vne confiance admi-
rable, à la confufïon des ennemis de vérité, & confirmation de l'Eglife de noftre Sei-
gneur Iefus Chrift, qui fait fortir, contre tout ce que prétend Satan &: fes fuppofts, de*
cendres de fes Martyrs vne bonne femence,vnfruid&: moiflbn merueilleufe *
IE AN
^Plufwrs. ^Martyrs.
4J*
I E A N DE BVCZ &fafemme: NICOLAS VANPOVLE.
E ncufïcmc de May,alTauoir le iour enfuiuant,furcnt décapitez audit Gâd, MD XLy
par fentenec duditconfeil de Flandre, vn nomme Ican de Bucz,coufturier,
& vn autre nomé Nicolas Vanpoule : auffi fut la femme dudit Ican Bucz
plantée &c enterrée viue, pour les melmescaules contenues en la fentence
duHudit martyr Hceurblocdefqucls moururent tous cenftamment. Au Seigneur en
(bit la gloire,duqucl feul procède telle vertu admirable: Amen.
PIERR E,fumommé M I O C E, Tourntfm.
Ce que l'Efprit du Seigneur a prédit par Ifâic.Que les pieds font beaux de ccluy qui annonce & publie la paix.de celuycjui an-
nonce lebien,quiprefc!ie le falut, &c< s'accomplit îournellcmenc eala prédication & iemmeede l'Euangile «lieux auf-
cjuels fidèles Mimftrcsfont enuoyez.
A venue de M.Pierre Brully ( comme dit a efté ) apporta au pais bas de l'Em-
pereur vn fruict &: aduancementen la doctrine du Seigneur , à ceux qui efto- D XL^
vent ia difpofezàreccuoirlafcmence dclalut éternel . Et d'autant plus que
?s&t le nombre eftoit grand , aufîi la periccution après la prifedudit Brully , fut
afpre& cruelle audir pais bas. Or comme de tout temps elle a efté la vraye touche ÔC
cfprœuuc pour difcerner*&: cognoiftre les fidèles d'auec les hypocrites, auflï elle mani-
t\ fta lors ceux qui auoycnt efté vrais auditeurs de la parole du Seigneur , &: ceux qui en
auoyent fait le icmblant. Or entre autres qui furent pour lors prifonmers, il y auoit vn
certain Pierre,iurnommé vulgairement Mioce, faifeur de trippe de vcloux . Iccluy, a-
uantqu'eftrcappeléàla cognoillance de l'Euangile, auoit mené vne vie diifblue&: a-
bandonnee à tous vices : mais depuis ladite cognoillance il fut change totalement, de
forte qu'il palfoit les autres en zele &: ferucur d ciprit : comme il le monftra tant en l'on
empril'onnement qu'en la mort qu'il endura trcfcruelle.
D £ premier abord eftant interrogue' s'il auoit efté des auditeurs de ce prefeheur d*.
Alcmagnc,refpondit franchement qu'ouy : & qu'il auoit grandement profite en la do-
ctrine de noltre Seigneur Iefus Chriftpar luy annoncée . Les aducrfaires luy dirent,
La veux-tu fouftenir?Ouy,dit-il,d autant qu'elle s'accorde à ce qui eft contenu au vit il
&rnouueau Teltamcnt . Or les luges, pour l'cfpouuanter,&: cfbrankr la confiance,
commandèrent en grand' colère qu'on le menait au chafteau de Tournay, au bas d'v-
ne tour cnuironnce de foffez pleins de crapaux &: autres belles vcnimeules&: infectes,
à canfe du réceptacle des eaux croupies qui y font:&: en laquelle on ne met lînon ceux
qu'on veut incontinent enuoyer à la mort. Et afin qu'il pcnfalt de plus près à l'on affai-
re, il fut menacé ne partir de celte ordeprifon tant qu'il parlait autre langage , Il eut
donc ledit lieu pour prifon depuis le mois de Nouembre ,iufqu,àce qu'on luy pronon-
ça fa fentence de mort .pendant lequel temps la milice, accompagnée de caphars,Fe-
xamincrent fouuent, non pour autre choie que pour le faire deldirc. On luy amena
le mefme docteur Cordelier nommé Hazard , qui auoit tourmenté Brully , auec autres
pour difputer contre luy: mais rien ne l'cfbranla. Eftant vn iour deuant eux, il leur
dit , le m'efmcrueille , Meilleurs , que maintenant vous mettes tous li contraires, ini-
ques à délirer ma mort : & toutefois quand icmenoyc publiquement vie diffoluc , pas
vn de vous ne m'a iamais reprins . Apres ces paroles, tous ceux qui citoyen t là pre-
fens, commencèrent à regarder l'vn l'autre fans lonner mot . Hazard , comme le
plus effronté, commença de dire, Ne penfes-tupas maintenant élire plus meichant
que iamaisr Voire à ton iugement,dit Mioce. mais ce n'elt pas à toy, Caphard,que ie m*
adrelTe , c'elt à mon Magiltrat qui eft ici prefent . pour ton honneur,tu te deurois taire
en la compagnie des gens de bien. Celte parole abailfa aucunement le caquet du Cor-
delier. Lors ceux de la iuftice, pour parfaire ibh procez, l'interroguercnt fur plulieurs
poincts , fpecialement de la MelTe &c des Sacremens : luy commandant de refpondre
fommairement fans faire long propos . Mioce eftant îoyeux d'eftre interrogue de ù
C.ii.
Liurc^ II.
foy,commença à leur dire &Z alléguer fur chacun poincï: les partages de la fainéte Efcri-
tu t e. Eux ne le pouuans porter,dirent,Nous n'auons que faire que tu nous prefches,rc-
fpon Ouy ou Non à ce qu'on redemande. Meilleurs, dit-il, ce n'eft pas ici vn procezde
meurtre ou de larrecin . mais il eft queftion de fauoir qui a meilleure caufe , ou vous ou
moy: parquoy il n'eft polïiblc de rcfpondreii fommaircment. Et comme ilrecommen-
çoit de parler,fa parole eftoit toujours entre-rompue . Lors il leur dit, Si vous ne me
voulez efcouter,icnuoyez-moy à mes crapaux qui font auecmoy en la pnfomlcfquels,
quand ie chante ou prieDieu,ne me troublent,&: ne me donnent aucun cmpefehemét
ne bruit.& vous qui eftes créatures raifonnables,formees à la fcmblancc deDieu: vous,
di-ie,ne me voulez-vous point efeouter quand ie parle de fa Parole éternelle ? Eftimez-
vous ce que ie vous dieftre fable, ou chofe icrnblable à ce que ces capharsvous prcl-
chcnt?Non,non:c'cft la vraye vérité que ie vous annonce . Cefte conftance cftonna de
plus en plus ceux qui l'oyoyent ainfi parler.aucuns en furent edifîez,les autres Ibrtirent
Bergiban grinçans les dents. ^ Ilyauoitlorsen la prifon audit Chafteau vn nommé Bergiban, ■
i1Mjocc°fC nomnic auoit receu de grans dons deDieu-.ayant fi auant profité en la fainétc Efcri-
turc,que fouucnt il auoit exhorte en la congrégation des fidèles auant que M. Pierre
Brully vinft à Tournay. Incontinent que ledit Brully fut conftitué prilbnnier,cc Bergi-
ban fut des premiers que la iufticc de Tournay cercha pour appréhender. Les officiers
neletrouucrent pas en famaifon,oupourcequ'ileneftoitabfcnt , ou qu'il fc fit celer,
mais il en eut vn fi grand regret &: defplaifir, que depuis il conclud de fc rendre prifon-
nier auec les autrcs,&: de fouftenir vne mefmecaule auec eux. Les amis qui n'auoyenc
cogneu en luy que toute intégrité de \ ic,&: grande érudition, eftoyent cfmcrucillez de
le voir firefolu: tellement qu'ils ne luy fauoyent que dire , finon qu'il regardait bien de
ne renter le Seigneur. Rien ne le feut diuertir,ne les pleurs de fa femme,ne le regard de
fa famille qu'on luy mettoit à deuant,ne pere,ne parens ou amis quelconques. Parquoy
après auoir difpofé des affaires domeftiques , 6c auoir dit le dernier A-dieu à tous,tiois
iours après il s'alla rendre prifonnicr . Les gardes du chafteau le voyans entrer, luv de-
mandèrent qu'il cerchoit. Il refpondit,La iiiftice m'a demandé, ie fuis venu fauoir ce
qu'elle me veut. Eftant mené deuant le gouuerneur du chafteau, il confclfa qu'à tort
il s>eftoit caché quand le Seigneur l'appcloit à fouftenir vne mefmecaule auec M.Pier-
re Brully &c les autres prifonniers . Le Gouuerneur fut grandement cftonné oyant ceft
homme en telle attrempance rendre raifon de fon faiden la prefence de tous ceux du
chafteau,&: fans s'eiïrayer.On euft voulu qu'il euft efté bien loin:mais le voyant tan t rc
folu&: arrefté,le Gouuerneur commandaqu'il fuft ferré. Du commencement il le mô-
ftrafort confiant: mais depuis que le commilfaircdc l'Empereur luy eut fait fentirMior
reur de plus afprc pnfon ,& menacé de luy faire endurer mort la plus cruelle qu'on
pourroit excogiter,Bcrgiban commença peu à peu d'eftre elbranlé,&: quitter de la vé-
rité pour complaire aux caphars qui luy promettoyent de luy faire auoir grâce. Bref,cc
poure Bergiban pour auoir le dernier bénéfice que les bourreaux &: tyrans confère nr,
c'eft adauoir d'eftre vn peu plus doucemét traitté en la moit,dit &£ accorda tout ce qu'-
on voulut,afîn de palier parle trenchant de l'efpcc félon le placart de l'Empereur . La
chofe entendue, tous ceux qui l'auoyent cogneu turent mcrucilleulement eftonnez,
comme auffi les ennemis en firent leur triomphe, comme s'ils cuifenc tout gagné: ce q
nous auonsdeicritafléz amplement, d'autant que parce moyen & à l'exemple dudit
Bergiban ilspenfoyentefbranler Miocc. Carés derniers inrerrogatoircs ne pouuans
plus rien faire vers Mioce,luy dirent, Voila ton compagnon Bergiba qui eft beaucoup
plus fauant que toy,qui s'eft defdit:& toy veux-tu demeurer plus iàgc que luy? Mioce
leur rcfpondit,Ie ne fuis point fondé fur les hommes; fay bien vn autre fondement qui
me foufticnt:i'ay pour exemple deuant mes yeux IefusChrift mon Sauucur. Quant à
Bergiban, s'il eft ainfi que vous me dites,il ferait traiftre &ù de(loyal,&: monftreroit bien
que s'eftant ainfi rendu prifonnier,il aurait tenté le Seigneur.Quant à moy,fi Dieu m'-
euft donné vn tel moyen d elchapper , ie mefuffe bien garde de venir entre vos mains:
&: partant,cependant que vous me tenez faites de mon corps ce que bon vousfemble:
mon ame n'eft pas à voftre commandement . Les luges plus irritez que iamais, fans
plus tarder luy rirent fa fentence , laquelle peu de iours après on luy prononça , conte-
nant d'eftre btutlé vif au grand marché de la ville,fur le grand efchaffaut qui auoit efté
exprefTement drefTé en cefte perfecution de Brully . ^ Ainfi qu'on le menoit au der-
nier
*ffîarl(m>dz-r> Tournay: Jaques Çhohard. i j/
nier fupplicc ceint d'vne cnainc^il admonncltoit le peuple de ne croire aufc Prc ftrcs&:
Moines léducteurs,mais à PEuangile du Fils de Dieu . Tdutc celle vermine irritée par
ces paroles, firent grande pleintc pourquoyonlaidbitparlervn limefehant homme»
Miocc oyant les bruits 8C cris, commença à chante r a haute voix vn Pfeaumc. Et quâd
il fut mis à rcltachc>on luy pendit vn Cachet de poudre à canon à fa poictrinc: &: incon-
tinent que le feu y fut mis;la poudre fît vn grand bruit, de forte que les Preftrcs&: Moi
nés la clians,direntmalicieufemcnt,Ccft famedecemcfchanc que les diables empor
cent. Mioce au milieu du feu auoit toulîours la face leucç au ciel, ôc iend.it paihblemét
a vie au Seigneur.
M A R 1 O Njfemmed^drian^ctifturierdcToumay,
V temps de ceftcperfecuticn,vn nommé Adrian, du mciuerdecoufturier, M.d.xl v
& Manon fa femme furent emprifonnez pourvnc mefme caufe: affauoir
pour la venté de PEuâgilc. mais h'fiue en lut diuerfc.ear Adrian ne demeu-
ra fermerains fedefdit pargiandeinfîrmité,&: pourtant fut décapite toft a-
pres fa prife, félon le placartdcPEmpercur. Safemmc au côtranc perlcuera ton fi ours,,
& fut fa confiance d'vn exemple notable à tous les fidèles de Tournay , c ar pour choie
quelconque on ne la feutdiuertir ne faire aucuncmcntvaciller.a quoy neantmoinsles
aduerfaircs tafeherent par tous moyens, luy mettant au dcuantquefon mary seftoit re
penti.Elle ne croyoit leur dirc:mais ayant feulement efgard à fouftenir la vérité, donna
à cognoiftre aux Iuges,qu'elle ne craignoit ne tourment , ne la mort cruelle dont ils la conftana
mcnaçoycmt.Quoy voyans ils la condamnèrent d'eftre enterrée &: enfouye toute viue. ûe M*rl£>0
<3[ Ainfi qu'on la menoitau dernier fupplicc au grand marche de Ja ville,clle ne ce f lad'
admonnefter le peuple , & de prier Dieu pour ceux qui eitoyent encore détenus en i~
gnorancc.Et quand elle pafTa cieuant la tour du Bclfroy ( où elle penfoit fon mary cftrc
encore pnfonnicr)s>cfcria à haute voix , A-dieu Adrian , iem'cn vay à d'autres nopees.
Eftant venue fur l'efehaffaut , &: ayant apperecu la terre, ie coffre , & les prcparatiucs,
tant s'en fahit quelle s'eftonnall de ce cruel appareil,que mefme d'vn cœur alaigrc c 1-
le dit à ceux qui eftoyent montez fur l'cfchaffau^Eft-ce ci le pafté que vous m'auez ap-
prefté : failant allulion à la figure du bois creux, auquel on deuoit mettre fa chair com-
me en vn paftc.Car il cft oit fait en forme d'vn cercueil ou hiere,de longueur &c largeur Dcfcrîpcia
pour y couche r vne perfonne de corpulence accomplie:*^ pour la fermeture Jcnhaut a VVL~ k';
il y auoit trois barresde fer trauerlantcs, l'vne pour tenir i endroit delà poich me , Tau- "
tre le milieu,^ la troilieme pour les pieds,afin détenu lerreeen tous endroits celle qu' meiuvir'
on deuoit coucher audit cercueil fous lcldites barres . Le bourreau fît grand effort de
ferrer le ventre de la pourc patiente , pour faire traites fer !a lian e du milieu,auant que
jetterla terre lui elle . 11 y auoit vn permis alendroitde la te de en ce cevcueil,par le-
quel le bourreau fit palier le licol pouiTeiirangler: leque l fe tiioit defibusVcfchafTaut
quant ôc^juant que la terrefeiettoit fin la pourc patiente . ^ Quand Manon fut cften-
due en ce coffre, les trois barres la ferrant cifroitement, on luy voyoït feule ment la fa-
ce au defîus dreffee au ciel,failant fa prière àDieu iuf'quacequc le 1k ol tiré pardtrfTous
luy euft abaiifec &: du toutatterrec la refte. En ce tourment cruel3la veitueufc femme
fut iurfbq uec ôc couuerte de tcrre,&: ainfî finit fon martyre.
^ Pl v s ' f. v r s autres perfonnes fidèles furent exécutées durant cefte perlecutio»
defquellcs la confiance naefté pareillene rcfpondanrca la profeflion de la vérité co-
gnue . Des autres qui font confi amment fouftenue en celte pcrfecution- l'iiiftoire ne
nous en cil venu à cognoif fincc.
IAQVES CHOBARD, Lorram.
La mort dcVuoIfgang Schuch.ci dcffusHcJcritc,.! pfté vue femencedel'Fnangiie.aii pais de Lorninc.I esfniicïs peu .J peu fefonc
monrVre^X e pcrlonnage [.iqties Chobaid.aucc k fauoir <juc Dieu luy auoit donné, eftoit grandement ar! ectionné .1 F-
çihjdçdeî fain&cs i lcntures.
C,iii.
Liurc_jll. Jean Dia%c^>.
ETENDANT que ces chofcsfc font au pais tas de l'Empereur , les
m.d.xlvj, fcf**J^ fuppofts de Satan ne dorment point es autres contrées. Car comme ainfi
]; V""v^^>. foie qu'en la ville de Sain£t-mihicl,au duché deBar,pIuiieursfuflcntpri-
l. x7^J£j$. fonniers,les autres fugitifs à raifon de quelques afTemblees faites par eux
en toute intégrité, pour lire &c entendre quelque choie des fainctes Efcritures : il y eut
le maithe des efcolesdudit lieu, nomme laques Chobard, natif de Mcfcrignes, village
prochain duditSainct-mihiel, lequel vint cndifpute auec trois preitres touchant ks
iic/trois3 Sacremcns.Car iceluy Chobart foultcnoit que le Sacrement tant du Baptefmc que de
pmtrcs. la Ccne ne profïtoit qu'àccluy qui le prend . Lesprcftres inferansde cela, qu'il veuloit
entendre que la Méfie ne icruoit de rien ni aux viuansniaux mortSjl'acculerent: fi qu'-
il demeura quatorze ou quinze l'cpmaines en prifon , fouftenant toujours fon dire par
viucs raifons &: authoritez de l'Eicnturc. Eftant là lolicité de le rétracter 6c faire amen-
de honnorable auec les autres prifonniers: tant s'en falut qu'il s'y accordait, qu'au con-
traire efmeu dezelc &: ardeur dcf'prit libre 6c entier , il efcriuit vne confefîion de la foy
bien ample:& la bailla à la propre mere pour porter au luge, luy défendant de la mon-
ftrer à perfonne quelconque. La fimplc femme, ne fâchant qu'elle portoit,prefcnta au
luge ladite confefîion . laquelle ledit luge tout forcené porta au duc François de Lor-
raine, aduerfaire du tout de vraye Religion: lequel commanda que foudainement le jp-
cez fuit tait fur ladite confefîion: puis le condamna d'eftre brufié vif. ce que le luge du-
dit lieu de Sainct-mihicl exécuta.
^ Or comme on menoit Chobard au fupplice, voulant donner vne dernière inftru-
ction &: admonition au peuplequi cftoit alentour deluy: vn luge inférieur, qui tlt le
Preuo{t,luy commanda de fc taire : adiouftant que les afîîflans cntcndcycnt mieux les
commandcmensôc la doctrine de Dieu que luy: &: que s'il continuoit,illuy fcrcir. cou-
per la langue. Qui fut eau fc que depuis il ne fonna mot,cxcepré que fouuent il repetoit
ces mots, Mon Dieu,aye pitié de moy,mon Dieu,aye pitié de ton poure tclmoin. Pins
fans aucunement sVtmouuoir n effrayer, fut bruflc tout vif. Plufïeurs murmuroyent,8£
mefmc aucuns de la milice difoyent qu'on auoit mal fait,de bruflervn homme fi fanant
en toutes langue, & d'vnc telle prend hommic : tellement que defenfc fut faite de dire
qu'il fuft bien mort, mais pluftolt comme hérétique 6c mefehant.
I E A N D I A Z E, i'JpagnoL
La pap alite Romaine n'tftoit p.u .ilk'i connue d'efire le my fkpc c!c S.i:an,tî de noinieau elle n'ccft produit vn Cain meurrrier
d'vn Abcl innocent C'tlt vn nomme A'plionle Diazc.iuppoit du conliJloire Je R orne, ijui rue ion propicfrerc lean Dia-
zc,pource «ju'il fuit la vérité LTuangilcL'liiiioirc tlt ici récitée auec les circonitauccs bien notables.
M. D. XL VI tdgâ
f^rl E A N Diaze,natifd'vne ville nommée Cucnce en Efpagne, au royaume
.o>7T? de TolctCjCmploya la premiej e icuncflè en bonnes lettres audit pais.de là
1 vint à Paris, ou il demi lira 1 efpaee de treize ans ou plus : 6c profita de telle
( '<^§J^f forte es lcienccs,qu il fut fort cftimé entre tous les Efpagnols qui cftoyent
pour lors à Paris en affez bon nombre, gt ns lauans 6c de grande doctrine. 11 appliqua
„ , au/fi diligemment fonefpritauxLettresfaincl.es. Et lâchant bien que la langue He-
Duze. braique cftoit fort ncccfîaire poun l'intelligence de (dites Lettres , il y employa vncfl
grande cftudc,qu'il furmontoit en icellc tous ceux de fa nation. Auec cefte excellente
doctrine, il cftoit orné de bonnes mœurs, d vne grande douceur, d'vne bénignité ad mi*
rablc,dcprudcncc,rondeur&: (implicite graue . En cefte diligente eftude il apprint fa-
cilement ( moyennant la grâce du fainct Ef prit ) combien il y auoit de différence entre
la vanicé delà théologie Scholaftiquc,&:'la vraye ccgnoifVancc de la pure doctrine. Il
cftoit aflîducl en prières , demandant à Dieu de grand zclela purecognoiffancede fa
faincte volonté. Ayant biengouité celte faincte doctrine, il mit en foncfpiïc qu'il ne fa-
loit point cacher la cognoiflance qu'il en auoit : ains comme fidèle difpenfatcur, la de-
uoit manifelter deuant lesycux de tout le monde . Et fans faire long difcoui> il aban-
donna Paris,&: fc retira en la ville de Gcneue auec Matthieu Budé 6c Ieâ Crclpin, pour
voir l'cftatdc rEglifcd'icclle,& le bel ordre qui y cft. Il v demeura quelque temps,
durant lequel il communiqua aucclcs Miniftrcs de l'Eglifeion opinion touchant vn
cha
Jean Dia%c_s- ijz
chacun article de la religion Chreftienne:par lcfqucls fa doctrine fut approuuee bonne
&:faincte. Puis après il voulut voiries Eglifes bien ordonnées en Alcmagne , efqnclles
il fauoit que l'Euâgile eftoit prcfchc, cognoiltre les moeurs des gens du pays,& côfercr JjJ^JJ"
auec les gens fauans de toute doctrine, & principalement de la religion. Il partit donc nmepour"
de Geneue, Se s'en vint à Balle . &: après auoir là demeuré quelque temps , &c deuîfé fa- alUrcn a-
milieremcnt auccles Miniftres fidèles Se Do&eursde cefteEghfc,print congé deux,& (-mjSnc
fc retira a Strafbourg:& là délibéra de s'arrefter plus longuement,pource que félon ion
opinion il y auoitplus grand nombre de gens fauans: toutefois fon intention eftoit d'y
demeurer feulement iniques à ce qu'il euft rencontre lieu plusvtile. Là il fut aimé de
toutes gens de bien ,& principalement de M.Martin Bucer,homme de grande doctri- M-Buccn
ne fur tous autres, duquel il fut tort familier.
Or il aduint que quelque temps après, l'Empereur ordonna vnca/lemblee à Rcinf-
bourg , en laquelle on deuoit traiter de la religion. Il fut aduifé par les Sénateurs Se cô-
fcil de Stra(bourg,que Iean Diaze (croit enuoyé audit Colloque au nom de la villerayât
cogneuaftez quelle eftoit fon intégrité Se fidélité. Ils l'cnuoyerent donc à Reinfbourg
auec ledit Bucer. Eftantarriué à Reinfbourg, il s'adrclTa à vnEfpagnol nomme Pierre PîwwMal.
Maluenda, qui eftoit grand defenfeur de l'idolâtrie Papiftique. Auiîi toft que ce vene- ,c
rable le vid(lequel autrement l'auoit familièrement cogneu à Paris)il fut autant etbahi
comme fi quelque monftre fe fuft prefentç deuant les yeux. Apres auoir tait plulicurs
fignes d'admiration, finalement il dit à Diaze qu il luy tembloit voir vn fantofme, eftat
cftonnédele voir là prêtent, &mefmc en Germanie, voire en la compagnie desPro- côuerfion
teftans,quifcglorifieroyét beaucoup plus d'attirer vn feul Efpagnol àleuropinion,c]ue gnvo" ^JJr
de conuertir dix mille Alemans,ou bien vn nombre infiny de quelques autres nations, eftimee mi
C'eft ainfi que tels Docteurs ont accouftumé d'eftimer le prix ou dignité de la doctrine raculcur*
celeftc, à laquelle doyuent obei/fance toutes créatures fans aucun contredit : aflàuoir
par la gloire des hommes, pluftoft que par le décret éternel &c ordonnance immuable
de la volonté Diuine.Maluenda interrogua Diaze, s'il y auoit long temps qu'il eftoit en
Alemagne,&: quelle mouche l'auoit piqué de venir en cette region,8c"s'il approuuoit la
doctrine de M.Martin Bucer, &: des autres Alemans.Iean Diaze luy refpondit paifible-
ment Se modeftement, qu'il auoit habité près de fix mois en A lemagne, Se non pointa
autre intention,finon pour voir ce pays , Se commet la religion y eftoit remife en fa pu-
reté , Se pour conférer de fon opinion aucc gens fauans , touchant la vérité : comme de
faict l'homme Chreftien doit préférer ceci à toutes chofes: aflauoir, d auoir la vraye co-
gnoiifance de Dieu de la bonnet fainetc volonté d'iceluy félon fa parolle. Et pour
bien îugcr de cette vérité, il ne faut point apporter les affection s corrôpues du cerueau
humain : mais eftimer &z rapporter le tout à la reigle compatTcc des certains oracles de
Dieu. Diaze donc difoit , qu'en vu affaire de ti grande importance, ilaimoit beaucoup
mieux croire à tes yeux, qu'aux faux rapports des gens malins.ôc" que la raifon principa-
le qui fauoit incité à vi/iter la Germanie , c'eftoit de voir en prefence la façon commet
la religion & vraye doctrine auoit efté repurgee par gens de bien &: fauans , de laquelle
plufieurs Eglifcs d'vnemefme bouche font profctîion en Alcmagne. Et après auoir fait
toute diligence , &: trouué de faict que la doctrine de ces Eglifes s'accordoit auec toute
antiquité:]'! ne feroit pas bien ny en faine confeience , de reictter vn tel confentement
perpétuel auec les Prophètes &: Apoftres.
S v r cela Maluenda raui d'vnc admiration lotte & fuperftitieufe, refpondit, Vraye-
met vn homme de bien eftimera fix mois en Alemagne autant d'années, ou bien-aurâc
de fieclesrtanteftchofemiferable&fafcheufede viure en Alcmagne à celuy qui aime
Se honnore l'vnité de l'eglife Romaine , &: a fon authorité en reucrence,Et de ma part,
ic conféîTeray cecy de moy franchement , que ie fuis plus enuieilly en fix îours en Ale-
magne, queiene feroye ailleurs par l'cfpace de beaucoup d'années hors de cette rcgiô:
en laquelle il y a défia vingt ans ou plus, qu'on n'a ouy autre doctrine, ou leu d'autres li-
mes que des docteurs du pays. C'eft bien vn exemple digne d'eftre lamenté , Se tel qu'-
vn homme honnefte ne doit nullement enfuyure , Se beaucoup moins toy, b Diazelqui
es d'vn pays auquel la religio de fainde mere eglife a toufiours fleuri, là où elle a eu touf-
iours honnorable domination, &: lequel feul entre autres a toufiours gardé la doctrine
des anceftres entière &: pure de toute ordure des fec^es , au mili eu de li grandes ditîen-
fions qui ont efté etpandues par tout le monde. Parquoy ie t'exjiorte grandement que
C.mi.
tions >1<
MàlucndJ.
tu aycs cfgard à ta réputation, & que tu te gardes de perfeuerer de faire ce déshonneur
à toy ôcà ta famillc,&: à la bonne renomm ce de toute la nationE fpagnolc.Ce fut la pre-
mière conférence que ce gentil docteur eut aucc Diaze: en laquelle auiîi il luy propofa
l'excommunication du Pape, &: autres rels badinages,aufqucls Diaze refpondit fort
modeltcmenr. Or pource que Maluenda craignoitla prefenec d'vn certain côpagnon
que Diaze auoit aucc foy , il ne luy ofa pour lors defcouurir tout ce qu'il auoit fur le
cœur : &£ par ce moyen ils prindrent congé fvn de l'autre . fous condition toutefois qu'-
ils fc deuovcnt trouuer encore, pour deuifer plus amplement.
Or pour le faire court, Diaze retournapar deux fois depuis toutfcul audit Malucn-
da-.lequcl par fa belle rhétorique tafcha de tout fon pouuoir de retirer ce bon perfonna-
gc Diaze de l'obeiffance de Icfus Chrift. Il luy propofa les dangers tant du corps que de
lame, les foudres redoutables du Pape, comme vicaire du Fils de Dieu,&: fucccffcur
Txhona- dCc Apoftres, l'exécration horrible de ceux qui font excommuniezpar luy, comme rc-
trenchez du corps de Chrift, &: peftes de tout legenre humain. Il luy mettoit en auant
la conftâce,la foy,rintegrité de la nation Eipagnolc.il luy propofa finalemét quelle fol
lie enragée ce feroit à lny,de penfer que luy feul feroit paruenu à plus grade lumière de
la religion , que tant de gens fauans. Et quant ainfi feroit,fi ne falloit-il pas coduire ceft
affaire par fedition , ne violer la difeipline de fon pays tant bien &: fainctement ordon-
nee,pour l'opinion de quelque petit nombre de gens,ne troubler la tranquillité publi-
que. Sur cela il l'exhorta de regarder à fon falut , à craindre &: auoir en horreur le iuge-
ment de Dieu, à euiter les clameurs &: bruits du pays.il luy promit aufli de luy afllftcr bc
fauorifer en ceft affaire de tout fon pouuoir , moyennant qu'il vouluft f uyurc fon côfeil:
luyremonftrant qu'il n'attendift point que l'Empereur vint àRcinihourg(car cela ne
fe pourroit faire fans fon grand dommage ) mais pluftoft qu'il vinft au deuant de luy, &c
fe iettaft aux pieds de fon Confeffeur , homme prudent & religieux , & luy demandait
pardon de fon forfait.
^Di a z e cognoiffant bien lesrufes&r fine/Tes de ce renard: toutefois pource qu'il
n'eftoit point là venu pour contefter auec ceft impudent, il luy rcfpondit plus mode-
ftement que ne meritoit fa malice effrôtee. Il luy remonftra qu'il ne feroit difficulté de
fc fubmettre à tous dangers qui peuucnt aduenir aux homes , pour maintenir la pureté
de la religion &£ doctrine celeftc,ii la ncceffité le requeroit: voire en vne caufe de ii gra-
de importance, de laquelle noftre falut dependoit entièrement. Et mcfme il ne crain-
droit d'cfpandre fon fang pour le tcfmoignage de la religion Chrefticnne:&: eftime-
roitcclaluy cftrevn grand honneur &c gloire. Brcf,il reietta conftamment toutes les
belles admonitiôs de ceft aftronteur, ne craignant ces horribles menaccs,ains préférât
la vocation du Fils dcDieu à toutes les chofes de ce mode douces ou amercs. Aucc ce il
luy fît de belles remonftraces: mais ce fut en vain,cûme ayât à faire à vn pourccau,yure
du bourbier de ce môde:adiournant cependant là côfcience deuat le iugcmét deDicu.
Ainsi que Diaze tenoit ces propos, ce malheureux fremiffoit en foy-mefme , d'au-
tant qu'il (auoit que tout ce que Diaze luy auoit dit,eftoit véritable. Et nonobftant il n'-
en peut eftrc nullement efmemmais demeurant obftiné &c endurcy en fa première ma-
lice, rcfpondit que Diaze ne luy auoit encores fatisfait. Car quant à l'authorité du Pa-
pe & de la doctrine propofeeparl'eglife Romaine, il n'en falloir nullement douter : &C
prononçoit ouuertement que le Papc,cômc vicaire de Chrift, ne pouuoit faillir.^ Dia-
ze repouifa cefte abfurdité impudente , remonftran t la folie enragée des hommes , d'-
evempter de peché vn tel môftre abominable, infe&é & dedans & dehors de crimes c-
normes. Maluenda penfant auoir dequoy refpondre à cela, exeufa les vices des Papes,
confeffant toutefois que c'eftoyent gens de vie impure &: deteftable. Cependant chan-
geant de propos, demanda à Diaze pourquoy il eftoit venu à Reinfbourg.il luy refpon,
dit qu'il y auoit efté enuoyé par les feigneurs de Strasbourg, afin qu'en ce Colloque pu-
blique il priait auec l'Eglife du Fils de Dieu, & aidait de tout fon pouuoir à accorder les
articles qui eftoyent en différent. Maluenda luy refpondit qu'il auoit perdu fa peine:car
il ne feroit rien ordonné en tout ce Colloquermais s'il fe vouloir employer pour le bien
&vtiht é publique, il luy falloir aller au concile de Trcte,inftitué par le Pape, oy fe trou-
ucroyent beaucoup de Prélats catholiques.
Diaze oyat que rien ne fe feroit en ce colloque de Reinsbourg, entendit bien que
toutes les entreprinfesdesfuppofts du Pape eftoyent fraudulcufçs : &: qu'il ne falloit
point
Chrcfticnc
rcmi'.ftrlcc
tic Diaze.
point attedre aucune concorde ny appointement , ou bien que la pureté de la religion
demeurait en l'on entier. Parquoy il print congé de Maluenda, en intention qu'il ne le
viendront plus ccrchcr. CCes propos &: conferencesde Diazc auec Maluenda ont elle
trouuecs eferites en plus ample forme cntreles papiers dudit Diaze.
O r ce deuis mutuel (autant qu'il eft poffible de penfer) fut lafource de la haine que f,0^" llje
Maluenda conecut centre Diaze. Car depuis ledicMalucnda aigry delà liberté de 1'- Maïutnda.
autre, commença à luy drcfler des embufehes, àluy brafler des mefehantes pratiques,
& s'adonner du tout à ce qu'il ruinaft ccft homme innocent. Ecce qu'il ne pouuoit faire
par violence manifefte, 6c n'ayant nulle taifon pour le faire , il entrepont de l'exécuter
par menées occultes, &C par menfonges qu'il auoit impudemment forgées. Ileicriuit
des lettres à vn certain Iacopin de la cour de l'Empereur, foh Confeifeur : &c l'aducrci£
foit qu'il y auoit à Reinflxwrg vn Efpagnol nommé Iean Diaze , lequel il auoit cogneu
à Pans fils obeilfant de l'eglife Romaine : &: maintenant eftoit du party des Proteftans,
fe déclarant ennemy de l'eglife catholique, & amy des Luthériens. Dauantagc, par de-
tra&ions mefehantes &: faux rapports ilembrafa le courage de ce melchant moine, qui
fans cela ne brufloit que trop de fa propre malice, &; de haine de la vérité diuine,Iaqucl
le il ne cognoilfoit,& n'en pouuoit ouïr parler. Outre cc,il prelfoit le moine auec ob-
teftations, de deftourner vn tel malpar quelque violent remède. Car autrement il pre-
uoyoitqueii ce mal prenoit accroilfement , finalement l'Efpagne ouuriroit les yeux:
qu'elle verroit famifere& fonaueuglement,qu'ellc recognoiftroitiaferuitude&: tyra-
nie,qu'elle verroit bien fon ignorance coniointe auec arrogace & grand orgueil, qu'el-
le apperceuroit bien fon idolâtrie, &: tous les maux defquels elle eft cnforcclce &c op-
primée par ces garnemens affronteurs, &: le ioug importable duquel elle eft maintenât
accahlce:&: parce moyen tafeheroit de defeharger l'es elpaulcs de tels fardeaux.
O n peut facilemét conietturer par ce qui eft depuis aduenu , quelles machinations 1^°^
ce confeifeur de l'Empereur bralfa en fon cerueau, après auoir Jeu ces lettres. Maluen- confeircur
da attendant le moine quidemeuroit trop à venir félon fon opinion , voyant au/fi que del EmPer:
Iean Diaze faifoit diligemment fon office à Reinfbourg, nefe contenta point de ces
premières le ttresrains en efcriuit d'autres audit Confeifeur, qui cftoyét beaucoup plus
aigres &: rudes que les premières. Il le prelfoit auec obteftations véhémentes detrou-
ucr moyen pour ruiner ce dangereux perfonnage, qui tafehoit de renuerfer leurs con-
fcils& entreprifes: &c ce auant qu'il euft loifir de prendre quelque forcc,&: de s auancer
en l'affaire qu'il auoit commencé. ^"Orainfi que ce Conteifeur lifoit les lettres de Mal-
uenda, il y auoit près de luy vn certain homme Efpagnol, nommé Marquina, fuyuat la Marquina.
pratique de la cour Romaine, dont il eftoit party nagueres pour venir en la cour de l'-
Empereur. Ccftuy-cy auoit autrefois cogneu Iean Diaze familicrcment:&: oyat ce que
Maluenda auoit eferit de luy, fut fort marry, voyant ainfi diffamer la retiommce de ce-
luy que grandement il aimoit,&: principalement noter de crime d herefîe: lequel côme
il eft énorme, aufîi à bon droit eft-il en haine & deteftation à toutes gens de bien. Et
pourec qu'il fauoit bien que ledit Diaze auoit vefeu en toute honnefteté; il commença
à l'excufcr enuers le Confeifeur: &z de la meilleure façon qu'il peut, il remonftra ouucr-
tement qu'il ne falloir point adioufter aucune foy aux parollcs de Malucnda,qui eftant
induit de quelque haine particulière , ou efmeu de quelque autre occafion, palfoit en
cela les limites de vérité : pluftoft il falloit croire aux tefmoignages publiques de ges de
bien &c excellcns, qui auoye nt touliours approuué la vertu & rondeur de Iean Diaze.
Parquoy il prioit le Pcnitecier de retenir cela fecret eniby-mefme,&: delufpendre fon
opinion uilques à tant qu'il f uft plus certainement informé.
n dit que ce Confeifeur entre autres chofes fit cefte rcfponfe , que fi Iean Diazc
demeuroit lôg temps auec les hérétiques , il feroit beaucoup de mal à l'eglife. Parquoy
on oeuoit aduifer en toutes fortes, que par quelque moyé que ce fuft on tafehaft , ou de
le conuertir bien-toft, ou de l'ofter hors de ce monde.
Vn peu après ce Marquina print la pofte,&: s'en alla à Rome, &: là lignifia tout faf- £j^'cP"£
faire à Ion frère Alphonfe Diaze , qui auoit long temps fait office d'Aduocat en la cour «ocat en b
Romaine. On ne fauroit pas bien dire quel confcil prindrent ces deux-cy, Marquina & co,,r Ro-
lc frère de Iean Diazc : toutesfois on le peut facilement fans aucune difficulté eftimer m
par ce qui s'en eft enfuyuy puis après. Il eft bien certain que dés lors ils confpirerercnt
&c bralferent quelque exécrable forfait, comme leur mefe hanceté l'a bien monftré de-
Liur<Lj //. Jean tDiœ&Cs.
puis> Or ledit Alphonfc raconta le tout à fon frcre par ordre en la ville de Ncubôurg.
CoUoquc C e p e n d a n t le Colloque de Reinlbourg fut du tout rompu, &: n'en fut parle de-
bourg^rom puis,côme fi ceux qui cftoyent ordonnez pour confcrcr,cuifent change d'opinion. Les
pu. ennemis de venté furent caufede cecy :&:ce parvnc nouuclle inuention , laquelle ils
forgeret en leur cerucau, autant finemét que mefehammet: ou pour cacher leurs frau-
des &z déceptions, ou pour opprimer la vérité. Ils donnèrent à entedre que l'Empereur
leur auoitenuoyé des lettres, parle -{quelles il mandoit qu'on traitait enfecret toute la
difputc de la religion Chreftienne. Et pour ratifier cela, &: le rendre plus ferme félon
leur plain>&: volontc,ccs renais voulurent faire faire fermée aux deux parties,.! ce que
rien de tou t ce qui fcroit traitté au Colloque, ne fuit aucunement reuclc ne iignitic,où
à leur Princes, ou à quelque autre que c e fuft.Er pource que cefte condition eftoit trop
abfurdc,& que iamais n'auoit cfté ouye ne propofec auparauat en Colloque libre ceux
qui maintenoyent le party de la vente de rEuangile,nc la voulurent acceptcr:&: à bon
droit. Mais voila que c eft: Vne mefehante côfciencecraindde venir en lumicrc,&: fuit
les iiigemcns des gens de bien, «j Les aduerfaires donc deftituez de toute caufe honne-
ftc &c bonne, curent leurs recours à fraudes &c trôperics , lefquelles ont efté dcfcouuer-
testantoft apres. Car l'Empereur déclara ouucrtement auxPrinccsen la iournec de
Spircque iamais il n'auoit mande ccla,&: qu'vne telle condition n eftoit iamais venue
à fa cognoiJÎance. Mais laiffons là ces ordures, & retournons à Iean Diaze.
Apres que les affaires du Colloque furet ainfi fufpédues,Iean Diaze s'en alla à Ncn-
bourg, qui eft vne ville du côte Palatin,fituee fur le bord du Danau,pour corriger vn li-
urc de M.Martin Buccr,lcquel pour lors s'imprimoit en cefte ville-la. Cependant q ces
choies lefaifoyet en Alemagnc,lc frerc de Diaze, ci. eftoit à Rome,nedormoit pas, ains
braffoit en grade diligece de terribles cntrcpnfcs. Apres qu'il fut aduerti par Marquina
des lettres qMaluéda auoit eferites au Penitécier,entreprit tout foudaî de venir en Aie
magnc,en intetion de deftoui n er fon frère de la vraye religion Chreftiene , par tous les
moyes qu'il pourroit s aduifer.II amenavn garnemét aucc foy,leql corne on cognut de-
puis,auoit cfté bourreau de Rome. Il prît la pofte luy troilicme,& s'en vîr en grade dili-
gece à Aufbourg.Dc là il alla àRcifbourg auec Ion pédart:où il péfoit trouucr fon frcre.
Estant à Reinlbourg, il parla premièrement à Malucnda, &: luy dclchargca tout
fon cœur &: intention:&: le pria de luy bailler quelques moyen s &: adreilcs,ou détrom-
per ou de conuertir Ion frerc. On dit que Malucnda dit à vn Efpagnol, A la mienne vo-
lonté que ic puilfe voir le lour auquel le corps de Lan Diaze l'oit mis au feu: à celle fin
pour le moins, que quand le corps fera ainliconfumé par lcu,l'ameen puifTe mieux va-
loir. Que lï cela eft vray, comme pour le moins il eft vray-kmblable, ce vénérable re-
nard a allez monftrc &c déclaré par cefte lie nne parolle, non point humaine , mais plus
que brutale &: du tout diabolique, qu'il eft coulpable de l'ire ctcrnellc de Dieu: auquel
toute la fiute de ce fang innocent eipandu doit eftre reiettec, comme fur ecluy qui en
a efte le vray meurtrier &C bourreau. Ceci eft bien vray, qu'après qu'ils curent confulté
MacJiina. cnfcmble, 6c brailc leurs machinations mefehante s &: dcccuablcs , ils rirent cefte refo-
ucDïnc' hition entr'eux,dc s'enquérir en toure diligence , en quel lieu ou pays, ou ville ou villa-
ge Iean Diaze pourroit cftrc trouué. Pour cefte raifon ils enuoyercnt vers vn lien amy,
vn certain Efpagnol de la maifon de Mafucnda, aufli homme de bien que fon maiftre,
pour luy demander fecrettemét où pourroit eftre Diaze:&: penfoyent qu'iccluy luy fuft
plus familier que tous les autres ,&: que nulnefauroit h bien fes confeils que luy, pour
leur en dire ce qui en eftoit. Ccft Efpagnol luy dit qu'il y auoit lettres de grande impor-
tance venues delà cour de l'Empereur pour ledit Diaze:&r cela luy tourneroitàgrand
proufit, lï elles luy tomboyent entre les mains:& le prioit de grande affection , qu'il luy
pleuftenfeigncr en quel lieu on pourroit trouucr ledit Diaze. Ceftamy de Diaze fît
rcfponfeà l'Efpagnol , que pour le prefent il ne fauoit pas bien où il eftoit : &£ toutefois
s'il luy vouloit enuoycr ou faire tenir quelque chofe, il feroit diligence , &c donneroit fi
bon ordre qu'elle luy feroit portée hdclemcnt&: fans aucun danger. ^ Ainlîceft E-
fpagnol s'en alla, comme fe contentant de cefte refponfe : mais il retourna bien-,
toft après , clifant à l'autre qu'il y auoit vn cerrain Gentil-homme en l'hoftelleric
de la Couronne, grand amy de Iean Diaze , qui apporroit lettres de quelques autres
fes amis pour luy donner: lefquelles contenoyent des affaires de grande importan—
cc.Parquoy il le prioit inftamment ou qu'il luy vouluft enfei'gner le lieu où eftoitDiaze,
ou
Jean Dia%t_j. /jf
ou bien qu'il vinft parler au Gentil-homme en riioftcllcrie. Ce familier amy de Diaze4
qui dcllroit que les affaires fe portaient bien,vint en riioftcllcrie auec ce meichâc trai-
ftre Eipagnol , pour cognoiftre de plus près, (ans faire femblanc de rien, quels affaires il
y auoic là pour lbn amy. Là il trouua ce Çentil-homme Efpagnol,à l'on auis homme d'-
eftoffe:lequcllepria&:obtefta furtous les plaifirs qu'il luy pourroit ou voudroit faire,
qu'illuy enfeignaft où il pourroic trouuer Iean Diaze: car il auoit à leur communiquer
des affaires de fort grande conlequence , & qui luy pourroyenr apporter vn fort grand
proufit.^ Or l'ami de Diaze luy fit prefqucvnc telle refponfe qu'il auoit faite à l'autre
Eipagnol, qu'il nefauoit bonnement oùileftoit: toutefois afin que ces affaires ne dc-
mouralfent en arrière, il dit qu'il s'enquerroit des autres, dcfquels il efpcroit entendre
quelque chofedecertain.il promit aufil que s'il en pouuoitlauoir quelques bônes nou-
uelles,illes luy fîgnifieroit. Êftantde retour en Ton logis , il raconta tout l'affaire à Mar-
tin Bucer& à Iean Brence,ô£ aux autres qui auoyent efté ordonnez pour le Colloque: Bucer&
& leur demanda quel côfeil ou délibération il deuoit fuyure en ceft affaire . Sur cela il y Brence-
eut diuerfes opinions. Les vns difoyent qu'il eftoit bon d'enfeigner le lieu où cftoit Dia-
ze,les autres qu'il ne le faloit pas faire: & des deux coftçz on dônoit des raifons affez fuf-
fîlàntes pour la confirmation de chacune opinion. Finalement celle opinion emporta,
qu'il cftoit bon d'enfeigner le lieu, qui au demeurant eftoit feur& en liberté , de peur
que par imprudence on ne preiudiciaft aux affaires de Diaze, par faute de lignifier le
lieu où il eftoit. Cepedanc il fut délibéré qu'il feroit bon d'aduertir Diaze par lettres fe- J-Js *mi»,
crettes, que s'il y auoit quelque danger, & le peuft cognoiftre, il fe donnait bien garde. Dj'âzeà dô
Ainfi donc félon ce confeilceft amy familier de Diaze lignifia à Alphonfc, lequel il ne garde
fauoit encore eftrefonfrere,qu'iceluy eftoit en vne ville prochaine de là , nômee Neu- du danStr«
bourg. Iccluy le remercia grandement pour ces nouuelles : àc pria l'amy de Iean Diaze
bien fort pour aller auec luy voir fon amy:&: quant & quant luy offrit vn cheual qu'il a-
uoit là tout preft, &: tout ce qui feroit befoin pour faire le voyage.
Il relpôdit qu'il ne pouuoit pas pour lors partir de Reinfbourg:toutcfois il ^pmit d'ef-
crire à Ieâ Diaze, Se luy enfeigner le lieu où il le pourroit trouuer.il cfcriuit dôc des Ict-
tres,& les bailla à Alphonfe pour les porter.il n'y auoit rien qui fuft dangereux dedans
les lettres. Il en cfcriuit auflî d'autres, lcfquelles il donna à part au meifager de la ville,
qui deuoitfaire compagnie audit Alphonfe,& luy donna charge cxprelfe de garder di-
ligemment ces lettres, &c qu'il ne les donnait à autre qu'à Iean Diaze. Par ces lettres il
l'aduertiffoit amplemét de tout ce qui luy eftoit aduenu , &: qu'il fe donnaft bien garde
de ceft homme qui s'en alloit vers luy. Martin Bucer cfcriuit aufli par cemeftager,
& quelques autres de fes amis:& cous l aduertiffoyent diligément qu'il fe donnaft bien
garde des dangers qui luy pouuoycnt aduenir. Et à celle fin qu'on ne fe doutait de rien,
on donna au melfagcr ce qui auoit efté fait au Colloque de Reinfbourg, pour porter au
fecretaire du conte Palatin. Auec ce le Mclfager receut quelque argent, afin qu'il euft
meilleur courage défaire ce qu'on luy auoit donne en charge. Iccluy promit de s'em-
ployer en ceft affaire &C volontiers &£ diligemment.
Cela fait,l'amy de Diaze pnnt congé du meffager,& dudit Alphonfe,lcquel le re-
mercia fort derechef pour le plailir qu'il luy auoit fait. Etauat quefelaiffci Tvn l'aucrc,
derechef il le pria& fupplia, voire l'adiura par la charité Chreftiennc, que s'il aimoit 1 - ° ^^ô-
honneur de Iean Diaze, il ne reuclaft à homme du monde,& principalement à Malue-
da,tien de tout ce qui auoit efté délibéré entr'eux . car il fauoit bien que Maluenda luy
portoit vne mauuaifc affettion, d'autant que Diaze n'auoit voulu obtempérer à fes cô-
fcils:&: quand Maluenda ne feroit point aduerty de ce qu'il auoic à faire auec Diaze , le
tout fe portèrent beaucoup mieux. Quel befoin cft il de dire dauancage ? Les propos
de ce traiftre cftoyét de il grande véhémence : qu'il fembloit qu'il parlait à bon efeient,
quand il difoit à l'amy de Diaze qu'il n'en aduertift aucuneméc Maluenda: en forte que
l'autre penfoit qu'il n'y auoit nulle feintife en toutes ces parolles. Iceluy luy promit de
n'en dire mot: ce que mefme il euft fait volontiers, voire quand iln'euft point fait de
promefîe .
Mais que fît ce traiftre ? A grand' peine l'amy de Iean Diaze s'eftoit party de luy:&:
voici il s'adreffa au meffager, &: luy ofta par force toutes les leccres qu'il porcoic : &c cout
incontinent fe retira vers Maluenda. Or après qu'ils eurent leu tous ces paquets ,&:
confulté enfemble, ils defehirerent toutes les lettres:feulcmét ils gardèrent l'efcrit où
Lmr<L-> IL Jean Dia%c_j.
eftoit contenu ce qui auoit efté fait au colloque de Rcinfbourg , lequel on cnuoyoït atl
kerctaire du conte Palatin:lequel Alphonle n'eult point gardé s'il n'euit penfé que ce-
la luy cuit peu feruir pour trouuer faucur enuers ledit Secrétaire.
Pe v de temps après il fut lignifié que ledit Alphonle auoiteité vers Maluenda: 8£
Ican Diazc luy-mcfme raconta depuis comment fon frerc s'eftoit porté enuers le Mcf-
fager.Sesamis voyans la grade delîoyauté decelt homme, lequel auoit fi beau lemblât
de rondeur &: fidelké,cmtrcrcnt en l'ouipeçon qu'il brafîoit quelque grande melchan-
ecté. Parquoy ils luy cnuoycrent vn mciTager exprès , ladmonncftans qu'il Ce donnait
bien garde des embufehes de ccft homme.
Alphonic Finalement Alphonle s'en alla à Neubourg, &:portoit des lettres de Maluenda
foifrenT Pour Portcr * ^can I^iazc, Par lesquelles il l'exhortoit de croire le boh confeil de l'on fre
re. Il promettoit auflî à Diaze,que s'il vouloit aller auec luy en Itahe,&: laiiler l'Alema-
gne auec ces Alcmans , lefquels il appeloit corrupteurs des bons efprits , il feroit tant
enuers le Pénitencier par d'autres lettres , qu'il conecuroit maintenant vne autre opi-
nion de luy:& au lieu qu'il auoit auparauant mandé beaucoup de maux , maintenant il
luy cknroittoutau rebours: afin que ce qui auoit cité inconfiderémétcfcritd'vnhorn
meinnoccnt,nc prciudiciaft audit Diazeàl'aduenir. Ainfi ce faind Théologie &; pro-
tecteur de la foy, monftroit ouucrtemcnt par fes lettres fon impieté & infidélité.
tj Or Alphonle chargé de ces lettres ,&: accompagné de fon bourreau ,s'en vint à
Neubourg. Son frere le voyant, le regardoit auec grand cfbahi/fement : comme ainfi
foit qu'il y euft long temps qu'il n'auoit receu lettres de luy,&pefoit bien qu'il fuft pour
lors à Rome. Ican Diaze donc demanda à fon frere la caufe de fa venue, laquelle il n'at-
tendoit nullement. Alphonfe refpondit ce qui a cfté dit cy delïus , que plufieuts bônes
taules luy auoyent fait c ntreprendre ce voyage fi fort pénible. Ce Gain monftra vne fa-
ce d'Abclà fon frerc, &: cachoit en fon eccurfon entreprife diabolique fous belle cou-
uerture d'amour fraternel. Qjjepouuoitpenfer ce bon& fimple perfunnage Iean Dia-
zerilluy fembloit bien qu'vne amitié vrayement fraternelle auoit induit îonfrercàle
venir voir. Et combien qu'il euft voulu que fon frerc n'euft point fait cefte entrcpnfc
fans ingénient : nonobftant il prifa (on arrection,& fut fort ioycux de la bonne volonté
diceluy. Il recueillit donc fon frerc fort benignemét, ne lâchant point qu'il nournlfoic
cependant vne vipère en fon fein, laquelle puis après deuoit par fa fureur defbordee e-
fpandre fonfang.
Or après qu'ils curent parlé cniemblc allez familièrement: Alphonfe dcfcouuric
peu à peu ce qui le menoit. Il récita que cefte feule caufe luy auoit tait entreprendre ce
fafchcux voyage: atfàuoir qu'il vouloit deftourner Ion frere de cefte façon de viure, &C
de cefte opinion où il eftoit , pour l'attirer au droit chemin , &: au giron de noftre merc
faute cglile.Ce meurtrier fe làuoit bien couurir de ce beau nom d'Eglifc , luy qui auoit
vie vne bonne partie de fa vie , voire quiauoit efté nourry en cefte horrible impieté de
Romc,&: ne fauoit non plus qu'vne befte que c'eft à dire Eglifc. Il mettoit en auant les
grans dange rs, lefqucls fon frere ne pounoit nullement fuir,s'il pcrfcucroit longucmét
en cefte cntreprije. Il propola aufli en quelle exécration &: haine plus que mortelle les
plu s grans icigneurs de ce monde ont le nom de Luthérien.
Ovtrh'lvs il monftra quel deshonneur ccferoitàtoute la famille, les miferes"
aufquelies fon fi ère pourroit tomber: les bannilïcmens, les priions, le faifuTement de
biens, le feu, le glaiue , & tous les autres dangers efquels tombent ordinairement ceux
qui l'ont vrais membres de l'Eglife , &: rcçoyucnt d'vn bon coeur &: d'vn defir ardent ,8£
cî'vn fainit zele la pure doctrine de l'Euangile. Il amenoitaulïi beaucoup d'autres cho-
ies pour feruir à ce propos:à celle fin qu'en ramenteuant les dangers , il peuft esbranler
la force &: conftance du courage de lbn frere, qui eftoit au demeurant bien muny de la
fermeté des promeftes de Dieu.
Iean Diaze oyât les raifons de fon frere, ia foit qu'il fuft bie ma.rry en fon coeur du iu-
gement corropu d iceluy,oyant qu'il preferoit les dangers &c les fureurs des hommes à
la profeilion de la vrayedodrine: toutefois luy fit vne refponfe fort gracieufe, diiant,
Mon frere & bon amy, ce n a point cfté vne cupidité particulière, ains vnferme&: cer-
tain iugement qui m'a fait cmbralTcr & receuoir cefte doctrine : laquelle, après auoir
diligemment cerché les fources des faindes lettres, & le commencemét& la fuittede
la vray e Religion, ic cognoy clairement cftrek vray ^.perpétuel confentement des
Prophètes &: Apoftres. Ayant donc empoigné cefte doctrine par la grâce de mon Dieu,
ic ne la peu rcietter fans commettre vne grande mefchanceté:&: quelque dâger que ce
monde propofe, ne me dcftournera de cefte fain&e entreprile. le vous prie, mon frcrc,
confidcrez vn peu fi c'eft à faire à vn fage homme d'euitcr les dangers , qui ne peuuenc
gucres durer, pour tomber en condamnation éternelle. Oreft-ilainfî,quiln'y apeché
de blafphcme plus horrible,que perfecuter la vérité laquelle on aura cogncué : lequel
péché ne peut iamais eftre pardonné. La chofe donc qui me retient en mon propos, cil
de trop grande importance^ ie delireroyc bien, mon frère , que vous cmployflîez au-
tant de peine à cognoiftre la vérité de Dieu, que iufques à cefte heure auez employé d'-
induflrie après les affaires de ce monde. Comme ie cognoy d vn collé la dextérité de
voftrc cfprit:&: d'autrepart comme ie cognoy combien eft grande la bonté &: mifericor
de du Pere éternel noftre Dieu : ie ne fay point de difficulté, qu il ne vous defployaft les
grandes richeiles de la fapience celefte : &c que ne puilfiez par les fain&es Efcritures co-
gnoiftre quelle eft la bonne volonté de Dieu,& la magnifier, pourueuque vous y vou-
lu/fiez employer voftre peine &induftnc. Montrerez à la mienne volonté que ievous
peu/Te acquérir cefte heureufe cognoilîance, voire par mô propre lang.Le Fils de Dieu
luy-mefmetefmoigne,quec'eft-cy la bien-hcurcufc& vrayement eternclle:affauoir de icam/^
vrayement &: bien cognoiftre le Dieu viuat, &: celuy qu'il a enuoy é qui eft Iefus Chrift.
ÇEt à la vérité ceci eft à déplorer, qu'il y a vne fî grande négligence &c impieté entre les
hommes, en vne chofe de fi grand poids &c tant neceffairc. Les oracles de Dieu font
ouys par la voix reformante du ciel, ouuertement &: clairement publiez à toutes créa-
tures^ les hommes cependant en feront fi peu de conte 6ù eftime ! ou bien les mefpri-
feront &£ reictteront auec vne telle fierté &: orgueil ! Et fi vous confiderez comme il ap-
partient, ie vous prie, y aura-il autre caufe pour laquelle nous fommes condamnez des
hommes infidèles, finirez prefque tous les iours à la boucherie,hnon que nous auons
mis tout noftre efpoir&: fiance au Dieu viuant,&: non point és hommes nyés chofes
&: biens de ce monde:hors lequelilne faut point que les homes s'attendent d'eftre fau-
ucz? le vous fupplie donc, mon frère, cognoiffez premièrement noftre caufe, &: quand
vous l'aurez bien apprife, vous iugerez facilement vous-mefmcs , qu'il ne la faut laifîer
pour quelques dangers de cefte miferable vie humaine. Quant à moy, la vérité eft tel-
le, que i'ay fortifié tellement moneccurpar la mifericorde $£ bonté gratuitede mon
Dieu , que ie ne le laifleray en façon quckôquc deftourner de cefte profefïion heureu-
fcmententrepnfe.
Or Alphonfe voyant la grande confiance de fon frère, penfa à vn autre moyen: &C A^ll0^lc
ne le pouuat efbranler par la cruauté des dangers , commença à luy faire offre de grans biensAfo»
biens, efperant par vn tel moyen obtenir de fon frère ce qu'il pretendoit. Il luy propofa fr«e.
donc qu'il auoit des bénéfices, ik. que d'iceuxilreccuoittousles ans cinq cens ducats;
lefquels il luy rcfigneroit tous, pourueu qu'il allaft à Rome auec kiy. Iean Diaze luy ref-
pondit ainfi, le ne fuis point fi conuoiteux d'argent que pourriez bien penfer , mon frè-
re. Car fi ie me fufTepropofé ce chemin, de pourchafîer des honneurs ou richeffes ,1 +
euffe tout autrement donné ordre à mes afFaires. Mais maintenant ie repute pour va
grand honneur &c fouuerain , cefte telle quelle cognoiifance de la doctrine celefte , la-
quelle le Seigneur m'a donnée par fa bonté gratuite : &:la bonne confeience que i'ay
m'eft beaucoup plus precieufe que tous les th refors lefquels on me pourroitprclenter.
Gardez donc vos reuenus, mon frère, que fi vous les pouuez pofïederd'vn cœur fidèle
& craignant Dieu, ils vous feront falutaires:finon, il eft bien certain que tout ce grand
amas d'argent ne pourra apporter finalement que grand dommage, lors mefme qu'au-
rez plus grand befoin de ferme fecours. Mais, mon frere,tédons à ce but de tout noftre
cœur,quc n ^us amaffions les vrais threfors de la crainte-de Dieu és cicux : &: appreniôs
diligemment la fain&e doctrine, laquelle ne delaiiTe point celuy qui la pofTede : & non
feulement adoucit les angoiffes &c fafcheries prefentes d'vne façon merucilleufe , mef-
me quand nous fommes conftituez és grands dangers de ce monde:mais auffi fait com-
pagnie iufques au ciel mefme , au poffeffeur de cefte confolation diuine.
Finalement Alphonfe voyant qu'il ne pouuoit pas venir à bout de fon entrepri-
fepar vn tel moyen, en effayavn autre,&: appliqua le dernier effort de fes traînions :&: ^"nin"9
par vne horrible malice aiTailhtfôfrcreinocét,& vuide de toute fraude &mefchaceté. ^pres les
jy j belles offre»
U*r<uU. fan SDw^o.
Ce traiftre n'ayant aucune religion , fait Semblant que quelque bon cîefir de la vraye ÔC
pure Religion luy auoit touché le cœurrafin que par vue telle opinion il deceult plus fa-
cilement Ion frerc, qui eftoit vn vray homme de Die u , dépendant entièrement de luy *
Et tarant finalement des ibufpirs du profond de fon eccur, icttam de les yeux forces lar-
mes,2c gcmiflànt, commença à dire ainiî à l'on frère , le yoy bien que voftre foy&con-
ftanec eft lî grande, &c que vous eftes li entier à cognoiltrc, à tenir &: garder la doctrine
de l'Euangile, que vous m'auez tiré à voftre opinion. Carie ne luis point encore li rude
ne farouche, mon frère, que ie nevoye&cognoiilc bien que cefte pureté de Religion
que vous auez , ne ioit digne dadmiration , &ne mérite bien d'eltre mutée. le ne fuis
li lourd que ie vueillc empefeher celte grande vtilité,laqucllc(comme 1 efperc)prouic-
dra de vcllre grande doctrine, &c redondera tat à l'Eglile de Dieu en gênerai , que prin-
cipalement à nos Espagnols. Encores y a il bien dauantage, conioignôs enfem ble tous
deux nos forces de tout noitre cœur, &c nous employons principalement de bonne af-
fection à cela , que la vraye &C pure doctrine du EilsdcDicu foitdiuulguee par tout le
monde, autant que faire Se pourra :&: que la profeiïion del Euangile tiorifle &: foit a-
uancec en noitre pays comme elle eft es autres régions. Mais, mon frerc, pour parfaire
vn li excellent œuure de Dieu, vous deuriez difpenfer le don &: la grâce que Dieu vous
a donnée par deilus tous les hommes de noitre nation : voire difpenfer non feulement
en bonne prudence, mais auffi en toute diligence. Cependant que vous habitez &: de-
meurez ici en Alemagne ,& viucz entre ces gens-cy, le langage dcfquels vous n'enten-
dez point, aduifez bien que ce que vous faites , n'eit linon mullér en terre fans fruict lo
talent que Dieu vous a donné par fa bonté en grande abondance. Vous voyez bien qu'-
il y a grand nombre de gens fauans en ce pays, tant bien exercez es bonnes lettres ,&:
en la vraye Rebgiô, leiquels n'ont nul befoin de voftre aide & induftric:&: tant s'en faut
qu'ils en ayent beloin, que ii ie cognoy bien leur vertu , eux-melmes vous bailleront ce
conlcil, que vous employez celte doctrine qu'auez receucd'cux,à l'édification &: refor-
mation de nos Efpagnols. Maispource qu'auiourdhuy noitre pays clt opprimé dvnç
cruauté &£ tyrannie incroyable, & ne feroit pas bon pour vous qu'y habitifîlez,ie ne cef-
feray encores de vous bailler ce confeil , &c taire celte exhortation, que voftre bon plai-
fremeffe j]r (0jt jc venir auec moy en Italie. I'oieroye bien me promettre vne li grade vtilité de
Diàïc.UrCr ce voyage, à auancer la gloire de Dieu, &c à faire profiter la doctrine de l'Euangile , que
vous ne pourriez en efpcrer dauantage de l'Alemagne ou de quelque autre lieu. Nous
irons donc premièrement à Trente, où nous trouuerons beaucoup de Prélats de gran-
de authoi lté, leiquels enclinent du party de l'Euagile:&: fi vous leur feruiez d'aiguillon,
ils feroyent profeiïion ouuerte de ce qu'ils ont furie cœur , &: qu'ils n'ofent mettre hors
pour la crainte de la tyrannie du Pape. Aduifez bien à cecy maintenant: quel profit re-
uiendroit de cela, que le Concile qui eft alîémblé pour eftablir la tvrannie furicuié des
hommes infidèles, fera incité à s cnqucrir& a faire publier la venté.
Alphonse adioufta autrcspcrlualions ,ô£ dit, Nous conférerons voftre opinion
auec ces gens iauans,&: fi vous auez appnns quelque meilleure choie que ce qu'ils tien-
nent,^ le rendront dociles auditeurs:&: m'en oie faire fort. Et qui plus eft, voftre doctri-
ne allez ferme autrement,&: munie de teimoignages exprès de la faincte Efcriturc,fera
dauantage confermee par voftre vie pure &honneftc,&: par vos autres vertus dot vous
eftes orné, lesquelles ceux mefmcs qui ne vous veulent gueres de bien, aiment en vous
& honnorent. Apres cela nous irons à Rome &c à Naples, &: à toutes les autres bonnes
villes d'Italie, elquclles y a grande cognoilTance &c grand defir de la vérité : où vous au-
rez affaire au ec gen s de condition honorable , leiquels pourrez fortifier en la vraye do-
ctrine, &: déclarer entr'eux à haute voix ce que fentez de la vraye Religio. Et fînalemet
après que par voftre doctrine &: vertu vous aurez gagné toute l'Italie, ou pour le moins
ceux qui font en plus grande authorité: vous verrez aduenir ce que vous de/irez grade-
ment, alfauoir cjue cefte do&rine paruiendra iufques aux gens de noftre Efpagne , & ce
O trj^ifon ^ans qllc vous vous mettiez en quelque dâger. Mon frère mefpriferez vous cegrand ^p-
fit, lequel vous voyez comme prefent deuant vosyeux? Penferiez-vous bien que vous
foyez nay feulement pour vousîN'aidercz-vous point à l'imbécillité &: foihlc/ïe des au-
tres^ «nie fanent s'ils doyuentefpererfalut,ou le defefperer? qui fonteibranlez entre
*»fpoir ic-craintc, &: implorent voftre aide bc fidélité : défirent voftre façon de viure , 8C
cÔme a teintes mains & larmes requierét de vous la coenoiifancc delà vrave doctrine;
Et
Jean T>ia7^j. i jS
Et certes ie ne penfe point que vous mcfprifiezles gemiflemês &: clameurs des fiMcles:
veumermes que les occafions ne vous défaillent point pour mettre vnc telle œuure en
exécution, ne les aides mefmes & (upports des grans perfonnages . Et de ma part, ie
vouspeux bien hardiment promettre que ie mcmonftreray frere fidèle en ceft œuure
du Seigneur.Ic vous meiicray en Italie à mes frais Se defpens.ie vous donneray cognoif-
fance de plufieurs grans r>erfonnages,&.vous feray entrer en amitié auec eux:& en tout
ce que me voudrez employer, vous me trouuercz fidèle en tout & par tout.Dauantage
après que vous aurez fait fidèlement &: accomply voftrc miniftere parla bonté & grâce
de Dieu, fi vous voulez après cela retourner en Alcmagnc, ie vous promets par fermët
de retourner auec vous, &: vous tiendray perpétuelle compagnie & fidèle , îufques à ce
que ie vous auray laifie en quelque lieu où puifîicz viure en quelque dignité , mefme fé-
lon voftre fantalie. Pour le prêtent voici toute la requefte que i e vo9 fay,que vous nous
monftriezvne bonne volonté auec vncgayeté ôJ promptitude décourage entiers vn fi
cuident & fi grand proufit de l'Egliie : laque, lie eglife mefme du Fils de Dieu , &£ le falut
de toute la republique Chrcfticnnefcmble maintenant requérir de vous à haute voix. JJ^J^*'
CleanDiaze fut touché en ion cœur du propos de fon frere Alphonfc,&:futgrandcmct propos de
refiouy en fon cfprit, penfant bien que fon frere parlait à bon cfciët & fans aucune fein- foofiw».
tife. Parquoy il commença à luy refpondre beaucoup plus doucemet qu'il n auoit fait
auparauant:aiI*auoir qu'il eftoit preft en forte &: manière que ce tuft,dauancer la gloire
de IefusChrift:& mefme pour ce faire il n'eipargneroit point fa propre vie. Ilprifoit
grandement le courage de fon frere, il trouuoit ils confeils bons : &c pour les mettre en
exécution comme iceluy fon frere le defiroit, il luy promettoit de ne luy faillir enceft
œuure. Au furplus, pource que ccft affaire eftoit de grande importance^ ne pouuoit
eftrc mis en exécution fans grandes difficultcz &c danger1;, il eftoit befoin auffi d'vfer de
bon confeil& meure délibération, à celle fin que cela fuft conclu par le conieil de gens
de bien &: prudens, &c qu'on fuyuift ce qui fembleroit eftrc plus vtile& necefiaire pour
le bien &vtilité delà republique, & pour nuancer la gloire de Dieu. Pour cefte cau-
feil luy fembloit bien aduis, que toute cefte délibération dcuoit eftrc remife au iuge-
mcntdcceux qui eftoyent députez &: ordonnez pour le Colloque de Rcinfbourg, au
iugemcnt&: bon aduis delquels il icibumcttcit du tout. ^ Ceconfcilfut trouuc af-
fez bon par Alphonfc . & poiîible çft qu'il penfoit que ceux-cy qui deuoyent iuger de
ceft affaire ,fuifent des troncs de bois, &: qu'il ne fe pouuoit faire qu'il y euft vnieul A-
lemand qui peuft entendre fes fine/fes , ou apperceuoir ces trahifons. Ainfi donques
Iean Diazeefcriuit à ceux qui auoycntefté députez pour le Colloque de Reinibourg:
aufqucls il lignifia la venue de fon frere , lequel requeroit de luy à toute inftance , qu'il
luy fift compagnie pour aller en Italie. Iladiouftoit lesraifons de fon frere, par lef-
quclles il debatoit à toute force que cela fe dcuoit faire : ainfi finalement il mandoit fa
volonté : qu'il n'auoit délibéré d'en faire autre chofe, linon ce qu'eux auroyentiugé e-
ftre bon de faire. Il eleriuit aulîi des lettres a maiftre Bernardin Ochin, e]ui prefehoit o/hin^'11
pour lors à Aufbourg:& luy prioit de luy cnuoyer fon aduis fur cela. Pour faire bref,
après que les lettres delean Diaze furent leues àReinlbourg, tous les Collocuteurs
s affcmblerent pour bailler vn chacun fon opinion fur cela. Tous d'v ne mefme bou-
che délibérèrent qu'il ne falloit adioufter foy aux rauifes raifons de ce meurtrierdequel L'3du'f 'Ie
m i . is u r J i • J • r c r tous,eft;de
ils voyoyent bien ne tendre a autre but, linon de vouloir deceuoirion rrcrclous om> n'adioufter
bre delà religion Chrefticnne. Et il y en eut aucuns en cefte afiemblec, qui predi- iaY* A1-
1 rent dés cefte heure-la le meurtre que ce mefehant niachinoit en fon cœur. Parquoy p °n e*
tous d'vn mefme confentement efcriuirent à Iean Diaze, &: luy fignifierent diligem-
ment ce que tous les frères d'vnmefme accord auoyent aduiféfc délibéré fur ceft af-
faire. Bernardin aullî de fon cofté fut de mefme aduis.
Or Alpnonfefe voyant fruftré de fon attente, $c que fes entreprifes eftoyent de fcou-
uertes à peu près: combien qu'il euft côceu vne grande triftefic en fon cœur,nonobftat
pource qu'il voyoit aufti que la beneuolence de fon frere eftoit grandement neceilaire
a parfaire les forfaits exécrables qu'il auoit machineziil ne le voulut offéfer de parolles
aigres, mais pluftoft diflîmulala grande douleur qu'il auoit en fon efprit. Il trouuoit ce-
fte opinion bône de ces gés fauâs(ce difoit-il)Iaquelle il voyoit bien eftre fignec de leurs
propres mains :neantmoins à celle fin qu'on fift quelque thofe pour l'amour de luy,
pourtoute la recomnenfe de la peine qu'il auoit prife,il pria inftamment fon frere Iean
D.ii,
Liurt^ IL Jean T>uz,t^.
Diaze,que pour le moins il ne luy fuft point grief de venir iufques à An /bourg auec luy:
&c là ils feroyent la dernière rcfolution. Il vouloir que fon frerc prinft Bernardin Ochin
pour lby:& luy prendroit le maiftre des chenaux légers : &z ce que ces deux-la auroyenc
délibéré entr'eux, luy & fon frere l'approiuicroyenr. Si ledit Bernardin (difoit-il) &c l'au-
tre concluent que vous me deuez obtempérer, veu mcfmcque ic nerequier devons
que «holcs honneftes &: vtiles, nous irons enfcmblc en Italie. Au contraire,s'ils (ont de
ceft. arre ft, qu'il vaut mieux que demeuriez en Alemagnc, ie ne vous demanderay plus
rien, ains me contenteray de cela: puis après ie m'en retoumetay feul en Italie ,&: vous
retournerez à voftrc façon de viure.Ce mefehant ne difoit point cela fans grande mali-
ce, il tafehoit par douces parolles attirer fon frère innocent en pleine câpagne , &: hors
la ville , afin qu il le tuaft en quelque dcdroiiï. Sans cela , il ne doutoit nullement de l'-
opinion de Bernardin Ochin, laquelle luy-mefme auoit veue'fignee de la propre main
d'iccluy.
To v t e fois Iean Diaze, qui procedoit en grande fimpliciré,&: ne foufpeçonnoîe
encore nul mal. pourecque larequeftede fon frère ne luy fembloit point trop imperti*
nen te , promit d'obtempérer volontiers en cela à fon frère , lequel il aimoit côme (by-
mcfmc. ce qu'il euft fait, fi M. Bucer, qui d'aduenture eftoit là venu auant que fon frerë
fuft; party, ne l'cuft cmpefchç. Car d'autant que ceux qui auoyent efté députez pour le
Colloque , ne faifoyent rien à Rcinfbourg , &: auoyent défia délibéré de retourner cha-
Fr'ch" cun en fa maifon: M. Bucer,&: Martin Frechtiusprcfcheurd'Vlme, voulurent venir à
Neubourg, afin qu'ilsimprimalîcnt mieux au cœur de Iean Diaze ce dont ils l'auoyenc
parauant aduerty par lettres, afiauoir qu'il n'adiouftaft aucunement foy aux parolles de
fon frère Alphonfe, & n'allait point en Italie auec luy. Il y eut auflî ceft amy de Iea Dia-
ze.duquel il a efté parlé cy deflus,qui fe mit en chemin auec eux. Apres qu'ils furent ar-
Frecht riuez à Neubourg, lcfdits Buccr&Ftcchtiusadmonncfterent diligemment Iean Dia-
mooncftft zcdesgransdangersquipouuoyentaduenir,s'ilfe mettoiten chemin auecfon frère,
Diazcdcfc i; l'exhortèrent à conftance,&: à befongner prudemment en ceft affaire :&C ne levou-
fonfrerc.6 mrcnt point laitier, iufques à ce qu'ils vident fon frère hors de là , & Iean Diaze hors de
tout danger, comme on pouuoit iuger pour lors félon la façon des hommes. Or doncil
fut accorde entre les frères, qu'Alphcnlé fon frere s'en iroit feul. Ainfi il partit le vingt-
cinquième de Mars,afiàuoir trois iours après que les autres furent arriuez à Neubourg:
combien que cela fuft vnc terrible pillule au cçeur d'Alphonfe , toutefois il faifoitfem-
t>lant d'eftre fort ioyeux : &: autant qu'il pouuoit il donnoit à entendre à fon frere , qu'il
nedelii oitautrechôfefinoncequifembleroit bon & agréable à Iean Diaze fon frere,
lequel il aimoit grandemenr , ce difoit-il . Le iour deuant qu'il deuft fortir de la ville,
comme il auoit délibéré de partir de grand matin,il parla à fon frere , & l'cxhortaà per-
feuerer conftamment en la profclîion de la vraye Religion. Il afFcrmoit qu'il ne fepou
uoit faire qu'il ne fuft grandement marri de partir d'auec fon frere tant bien-aimé,auec
lequel il euft bien voulu viure longuemcnr &: familièrement: ^non pour autre raifon,
lïnon afin, qu'il fuft bien inftitué en la cognoifiànce de la doctrine falutaire. Cependant
il eftoit bien aife de ce peu de temps qu'il auoit fenti ie ne fay quelle infpiration diuine,
qui l'auoir fait deuenir meilleur qu'il n'eftoit,Dauantage il prioit fon frere qu'il euft per
petuelle fouuenancc de luy,&: luy efcriuift bien fouuent , &c que par ces lettres il parfîft
ceft ceuure que Dieu auoit commécé en luy. Il promettoit au/Ti qu'il le trouueroitpreft:
à luy faire plaifir,& tous fes biens à fon commandement.Et qui plus eft,il luy bailla mau,
gré qu'il en euft,quatorzeefcuspour acheter des habillemens. Son frere refufa ceftar-
genr-.mais il fut contraint par importunité de les prendre. Ainfi après pluficurs propos
tant d'vn cofté que d'au tre,lefqucls cftoyét pour rendre tefmoignage de l'amour vraye-
ment fraternel de Iean Diazenls s'en allèrent finalement coucher,qui ne fut point fans
grande abondance de larmes.
Départe- L e lendemain à l'aube du iour on apprcftale chariot de Neubourg,fur lequel deuoic
Tonfe Al monter Alphonfe auec fon bourreau, pour aller à Aufbourg.Là derechef il y eut des lar
1 °n ' mes efpaducs au departir.toutefois Alplion^5'611^!2^!"11^0111011^3 Neubourg a-
uec les frères, Icfquels eftoyent fort ioyeux de ce qu'ils eftoyent depeftrez d'vn tel hom-
me, lequel ils auoyent toufiours eu pour fufped. Finalement maiftre Martin Bucer 6C
maiftre Martin Frechtius penfans que tout fuft en feurcté, voulurét auffi partir ce iour
mcfme après difncr.Et ceft amy de Iean Diaze,duqueJ a efté parlé cy de/Tu s, délibéra de
de.
Jean Dia&tu. ïj?
demeurer à Ncubourg auce Ton amy , iufqucs à ce que le hure fuft acheué d'imprimer,
lequel t Hoir, pour lors iurlaprelfc . Câpres qu'il feroitimprimé , deretourner àStraf-
bourg auec ledit Diazc. Ces deux-cy conuoyerenc les feigneurs Bucer 6c Frechtius itili
ques hors dç ia vi]Ic:6j après auoir prié Dieu qu'il leur fuft propice,qui ne fut fans plou-
icr,dautant que la ncceilité les concraignoïc de fc fepaicr,ils rcrournerent à Neubourg^
pour encendre à leurs affaires.
I l faut maintenant reuenir à Alphofe, qui s'en alloit furie chariot à Aumourg.Quâd
le chariot fut arnué à la porte delà ville, Alphonfene voulut point i'ourFrir que le cha-
retier entraft en la ville, mais le contraignit d'aller à l'cntour des murailles, îufqu es à ce
qu'il fuft entré en 1 a maifon enlaquelle il vouloit loger. Le chemin eftoit long , mais il
faitbit cela à celle fin qu'il ne fuft cogneu de perfonne dedans la ville, qui le peuftpuis
après cmpclchcr de perpétrer ce cas tant horrible qu'il auoit conceu en l'on elprit. Caf
ceux qui ont cnuie de mal faire, ne cerchent point la lumière. 6c ccft homicide exécra-
ble le fentantcoulpablc,fuyoit la prefence des hommes, 6c ne vouloit eftre apperceu
d'aucun homme de bien. Toutefois le charetier ne peut cognoiftre la volonté de ce
meurtrier^ n'euft iamais penfé qu'il y euft h* grande mefehancetc conecué au cœur d'-
Alphonfe,principalcment contre vn tel frère qui eftoit tant homme de bien, lequel il
auoit déclaré aimer, par tant de lignes externes . Finaleméc après quele charetier l'eue
amené iufques à fon logis: Alphonfeluy dit que de bon marin il vouloit partir pour al*
1er en Italie: mais auffi il vouloir auant que partir elerire des lettres à fon rrere . Et pour-
tant illeprioitqu'auantqu'iceluy s'en retournait à Ncubourg,il vinft versluy,& iîtroU-
ueroit les lettres toutes preftes.Ce que le charetier luy promit de faire. 6c le lendemain
il vint de bon matin au logis d'Alphonfe, comme il auoit promis,afîn qu'il prinft les let-
tres pour porter à Ican Diaze fon frcre.On fît refponfe au chaietier,qu' Alphonfè eftoit
encore au lich&: pourec qu'il auoit veillç lefoir précéder t , il eftoit encores tout endor-
my. Le charetier creut cela:&: eftant prié par les domeftiques de retourner dedans vne
heure ou deux, il promit de le faire. Mais cependant ces ruftres faifoyent ceci tout à jp-
pos,fans que le charetier en feuft ricmafin que par telles menées il fuft détenu plus lon-
guement à Aufbourg,&: que les meurtriers euflent plus grand loihr de perpétrer le mal
qu'ils braifoyét, fans en eftre punis. Car depuis que le diable eut faifi le coeur d'Alphon-
fe pour le pou/Ter à meurtrir fon frère tant innocent-, il ne lailla parler occaiion quelcon-
que qui luy fembla vtile ou aucunemét propre pour exécuter fon entrcpnfe. On auoic
donc forgé cela, qu'il eftoit au lict: &: nonobftant il eftoit délia partypour retourner à
Ncubourg pour paracheuer fa mefehante entreprife. Le charetier retourna pour la fé-
conde fois au logis d'Alphonfe, 6c luy fut dit qu'il eftoit paity pour aller en Italie,& qu'-
il n'auoit peu eferire les lettres à Aulhourg: nonobftant il auoit promis d'eferirede la
première ville où il arriucroit. Parquoy ils donnèrent quelque pièce d'argent au chare-*
ticrpourl'appaifer.&:ils'enalla,penfantquece qu'on luy auoit dit d'Alphonfe, eftoit
vray, Luy aulTî auec vnfien compagnon, qui le iourdedeuant eftoit venu à Aufbourg
auec Alphonfè fur le mefme chariot, fe mit en chemin pour retourner à Ncubourg*
Enuiron midy ils arriucrét en vne bourgade nommée Bothmes , qui eft prcfque au mi-
lieu du chemin entre Aufbourg &: Ncubourg >& cftdiftante del'vn&de l'autre enui-
ron de trois lieues. Là ils trouucrent Alphonfc en l hoftellerie contre toute efpcrance,
lequel eftoit encores à table, 6c ceux qui eftoyét venus auec luy,fon bourreau 6c le mel-
fager d'Aufbourg,lcquclils menoyent auec eux tans qu'il feuft rien de leurs entreprifes.
Auec ce il y auoit le Curé ou le vicaire du lieu ,3c d'autres qui banquetoyent auec eux.
Alphonfe voyant le charetier 6c fon compagnon, fut grandement troublé : 6c craignoit
que ce qu'il auoit conceu en fon entendement, nefuft empefché ou retardé parleur
moyen.Mais il fit la meilleure mine qu'il peut,8£ pria le charetier 6c fon compagnon de
ce mettre à table: ce que de premier coup ils refulerét de faire, tant pource qu'il y auoit
là défia beaucoup de gens,que pource qu'ils vouloyet eftre de bône heure à Neubourg
Or illes prefTa tant qu'il les fit feoir. Il eftoit libéral à payer pour les autres: d'autre part,
la vertu &: fain&eté de Iean Diazc fon frère eftoit cognue de tous , ainfi la libéralité de
luy &C l'honnefteté de l'autre auoyent tellement attire les cœurs des hômcs,qu'à grand*
peine pour lors y en auoit-il vn feul en toute cefte rcgion,.qui ne defiraft gratifier à tous
deux.Durât le difné ce traiftre forgea vn nouueau méfonge 6c s'adrcila au charetier,&
D.iii.
Liurt^lL Jean Dia^j.
luy dit qu'il luy eftoit furuenuvn affaire de fort grande importance, duquel il dcuoitàcU
uertir Ion fre re de ce lieu-la. Mais pource qu'en ce mefmc lieu il luy falloir eferire quel-
ques choies qui feruoyent à ccft affaire, auquel lieu il auoit délibère de demeurer tout
ce iour-la, il pria inftamment le chai ctier&: l'on compagnon , qu'il ne leur luit grief de
demeurer cciour auec eux:& le tout feferoit à fes dcfpés, afin que le lendemain il peuft
mander à l'on frère ce qu'il vouloit par eux, lelqucls il cognoillbit ges fidèles. Combien
que le charctier&: Ion compagnon eulfcnt grand defir de retourner en leurs maifons:
toute fois pour gratifier à Alphonfc qui les prioit fi inftamment, voulurct bien demeu-
rer cciour la auec eux. Celafutarrcllécntr'eux .& après difné chacun s'en alla à fes af-
faires. Le chareticr alla d'vn collé : mais Alphonfe &: fon bourreau penfoyent bien à d'-
autres choies beaucoup plus horribles. Ils conlultoycnt par quel moyen ils pourroyent
occirlcan Diazc.&: pource qu'ils voyoyent quvnc grande cfpee ou long ballon nefe-
roit pas propre pour ce faire, ils délibérèrent d'acheter en ce lieu-la vnc cognée ou ha-
chette pour commettre ce meurtre. Mais cncoresily eut ici de. la difficulté . car ils ne
voulurent acheter ce ballon derouuricr qui les vendoir, de peur que par telle occafion
il n'cntrall en foufpeçon . Ilstrouuerent cfauenture vn charpentier en fa boutique
faifantlabefongnc. iiss'adreirercntàluyj&luydemadcrcnts'ilyauoit point d'autres
cognées enfamaifon , qui fuflent à vendre. Le charpenrier leur en monllra d'autres,
delquelles ils en choifirent vnc, laquelle ils iugeoyent cftre fort propre pour commet-
tre ce qu'ils auoyent en trepris.Or après auoir payé le charpentierflequel depuis racon-
ta tout le faid) ils s'en retournèrent en leur hoftellerie, ou ils ne trouuercnt perfonne
• excepté leur hofte&: le melîager d'Aufbourg, qui eiloir venu auec eux. Lors ils donnè-
rent à entendre à l'holle qu'il leur falloir partir bien-toft pour aller en quelque lieu , d'-
où ils dcuoycnt aufli retourner tout incontinent. Et pource qu'ils ne vouloyent trauail-
ler leurs cheuaux pour taire ce voyage,ils rrouucret moyen d'en recouurctde frais pour
les porter. Apres que les cheuaux furent feellez&: bridez, Alphonfe,fon bourreau&le
Meflager montèrent haftiucmcnt. Ce meflager ne faupit ce qu'ils vouloyent faire, &:
euft bié voulu fe deffaire d'eux s'il euft peu . nôobftat pource qu'il eftoit dcfrayé,il eftoic
content de leur faire côpagnie. Sur le loir le chareticr retourna en fon hoftellerie pour
foupper:&: ainfi qu'il attendoir Alphonfc &c fes gens, l'holle luy dit qu'ils auoyent pris
des cheuaux fiais, & auoyent laifié leurs cheuaux,&: nclauoitoù ils eftoyent allez: mais
auoyent promis de retourner bien-toft. Le chareticr donc &: les autres qui eftoyent en
ceftchoilellerie,fecontcntans de celle refponfe,foupperent,&:ie charetier attendit
Alphonfe iniques au lédemain,comme il auoit promis. Ainfi qu'il atteloit fes cheuaux
pour s'en retourner, l'holle voulut eftrepayé: & voici le preftrequile iourde deuanr a-
uoit difné auec Alphonfe en celle hoftcllene,furuint,&: donna vn efeu à rhofte,qu'il a-
uoit receu d'Aiphonfe,afin que tout fuft payé. L'holle print ce qu'il luy appartenoit
donna le relie au chareticr, lequel attendit Alphonfe iufques àfept heures.
1 Or furces enrrefaites, Alphonfe&fesgensarriuerenr enpeu de temps en vn villa-
ge nommé V vcld jcirchen, lequel eft près de la ville de Ncubourg:où ils furent toute la
nui£r. Leiour luyuantauant qu'on ouurift les portes, ils vindrent àNeubourg. Iln'c-
. ftoit encore grand iour: &: voyans que les portes de la ville eftoyent ia ouuertes , ils des-
cendirent de chenal) &c attachèrent à vnc haye leurs beftes , & laiflerent là le Meflager
pour les garder. Leferuiteur d'Alphonfe,aflauoir fon bourreau, print la robbe&le
chappeau du Meflagcr,afin qu'il ne fuft point cogneu en la ville:&: eftant en cefte façon
defguifé,il enrra en la ville auec fon maiftre. Le bourreau alloit deuant, le meurtrier le>
fuyuoit. car ils auoyent ainfi accordé entr'eux, que le cas feroit perpétré de la main de
ce bourreau, qui eftoit mieuxduit pour ce faire . &: le meurtrier fe tiendroit près de fon
brigand, afin que fi lanecefntéleréqueroir.oubienfirenrreprife nevenoit point à ^p-
pos,il le lécouruft cependanr.ainfi donc Alphonfe fuyuoit pas à pas fon bourreau. Eftas
donc ainfi defguifez,ils entrèrent haftiucmenr en la ville, &: arriuerent en la maifon du
Miniftrc où Diaze failoit fon logis. Le bourreau frappa à la porte , & demanda au frère
du Miniftre,qui vint ouurir la porte,où eftoit Iea Diaze:& difoit qu'il apportoit des let-
tres de fô frère Alphonfe pour luy bailler.Le garço fefpôdit q IeanDiaze eftoit encores
au Ji&.Mais pource q ce garço cognoifïbit ce bourreau & fon maiftre aufîi:le voyat ainfi
defguifc,luy demada que fignifîoyent ces nouucaux accouftremens. Le bourreau pour
tçutç
Jean DiAt-J *S&
toute rcfponfc contraignit le garçon de monter en haut , &: ce afin qu'il ne fuit décelé,
&c d'aller dire â Ica Diaze qu'il eftoit là auec lettres d'Alphonfc fonïrerc. Apres que Ieâ
Diaze,qui auoit fon amy couché auec luy,eut entendu cela, il fortit du lift en plein fur*
làut,ayant grand de (ir de iàuoir ce que Ton frère luy mandoit,&: pour la halte qu'il auoit
il ne print aucuns habillemens fur foy, finon vn manteau bien leger. Et eftant ainii ac-
couftré fortit horsde la chambre,&: entra au poifle, qui eftoit vis à vis de la chambre,&:
là il vouloit recueillir lefcruiteurdeibn frère. Finalement ce bourreau monta en hautj
eftant conduit par ce ieune garçon,duquel il a cité parle cy deiîus,lcquel fembloit bien
empefeher ce forfaift par la prefenec. Alphonfe demeura à la porte en bas au pied des
degrez,pour garder que perfonne ne montait en hautjqui peuft donner cmpclchemér,
a fon bourreau. Lequel voyant quele garçon qui eftoit làprefent, lcdeftournoitdc fai-
re haftiucment ce qu'il auoit à faire, l'enuoya quérir de l'eau à la fontaine . Apres que le
garçon fut party , ce brigand fe voyant feul auec Iean Diaze, luy prefenta les lettres de
fon frère Alphonfe,lequel il difoit eftreà Aufbourg: &; nonobftant le meurtrier detefta
blc n'eftoit pas loin de fon frère innocent: car il eftoit au pied des degrez. Or Iean Dia-
ze print les lettres: &: pourec qu'il ne faifoit pas encorcs bien clair , il voulut approcher
de la feneftre,afin qu'il peuft plus facilement lire ce qui eftoit contenu es lettres. Com-
me depuis nous auons bien feu, le contenu d'icelles eftoit tel: Alphonfe fon frère luy
madoit qu'aufli toft qu'il eftoit venu à Aufbourg,on l'auoit aduerty que fon frère eftoit
en grand danger:& eftant efmeu d'amitié fraternelle, il luy enuoyoit fon home expref-
fement»pour l'aduertir qu'il fe donnait garde des entreprifes de Maluenda,du Péniten-
cier^ autres femblables:lefquels tous comme ennemis du Fils de Dieu,tafchoyent en
toutes fortes de le faire mettre à mort, à caufedela vraye religion de laquelle il fai-
foit profelîlon .Ily auoit auflien ces faunes lettres d'autres parolles frauduleufes Irai-
fans à ce propos.Finalement ainlî que Iean Diaze s amufoit à lire ces lettres , ce bour-
reau qui eftoit derrière luy,defploya fa hachctte,laqucjle il tenoit cachée fous farobbe,
&c en frappa ce fainct perfonnage en la temple dextre: &: la hachette ou coignee entra
iufqucs au manche. Pource que tous les organes des fens furent en vn moment blcflez
&c totalement deftruifts au ccrueau,ce bon feruitcur &: tefmoin de IcfusChnft ne peut
mettre hors vn feul cry. Apres cela, afin que le corps qui eftoit prcfquc mort, ne tobaft
de fon haut en terre,&: ne fift bruit furie planché de la maifon , &: que par celte occafiô
les meurtriers ne fuftent furprins en leur forfaift: ce bourreau qui auoit fait le coup,em
poignale corps des deux mains,&: le pofa en terre rout bellement:& laifla la coignee en
la tefte d'iceluy au milieu du poifle , &: s'en retourna vers fon maiftre fans faire bruit,le-
quel Jattendoit au pied des degrez en bas. Tout cecy fut fait fi haftiuement,que cepen-
dant nul n'y peut futuenir, non pas ouyr ce qui auoit efté fait. Son amy qui eftoit demeu
rç au lift,efmeu de quelque foufpeçon, faillit hors du lift, &c ayant pris fe* îabillemcns,
voulut entrer au poifle , pour voir ce que fon amy Iean Diaze faifoit . Eftant donc forty
de la chambre , premièrement il ouit les efpcrons des meurtriers , qui eftoyent encore gne d'étrer
en bas au pied des degrez: &: pource qu'il ne fauoit s'ils montoyent ou defeendoyent, il j"^^'
ferma la porte du haut des degrez,&: entra au poifle pour s'habiller . Or eftant entré,& bre c ù font
voyant ce trifte fpeftacle,aifauoir le corps de fon amy gifant en terre,il fut tout furprins fcs liûï*
de frayeur &; l'eftonncmcnt luy fît tomber les veftemens hors des mains, &c perdit lapa
rolle.Alafin reprenant haleine,approcha de fon amy , lequel il voyoit gifant par terre,
ayant les mains pliees,leuat les yeux au ciel,côme s'il euft voulu prier. Lors ceft a m y da
Piaze fe print à larmoyer,&: tira la hache qui eftoit encores fichée en la tefte , &: regar-
da s'il y auoit encore quelque eft^rit vital au corps d'iceluy , Or il cognut qu'il y auoit en-
core quelque peu de mouuement > qui dura bien enuiron l'efpace d'vne heure. Cepen-
dant comme s'il euft voulu implorer la bonté &c mifericorde de Dieu, il tourna fesyeux
•vers le ciel.&: quand il oyoit parler de Dieu,il faifoit quelque petit ligne de fes yeux: par
cela donnant bien à entendre, que ç eftoit tout fon defir, &: tout le but où il tendoit.Sô
amy appela foudain les gens delamaifon,lequel virent ce fafcheux fpe£tacle&: forfaift
exécrable. Les voifins en furent aduertis de li bonne heure^qucJe bruit eftoit tout ef-
pandu par toute la rue, auant que les meurtriers euflent loifîr de fortir hors des portes LCm
de la ville. Peu à peu l'affaire fut rapporté auMagiftrat de la ville,&: aufsi au gouuorneur de Diaze
du chafteau, ayant charge de par le feigneur Ottho Henry conte Palatin. Ceux-cy, qui man,fcft
eftoyent honneftes pcrfonnages,fi bien inftituez en la vraye religion : qui fauoyent aul-
P.iiu,
La fnankte
d'Alcrtu-
curtr©
Littrcjll. Jean Dia%ç_j.
fi que Ican Diazc cftoit bien aime du Conte,Prmce vrayement Chreftiefl, ordortnerée
haftiuemcnt des gens de cheual,lefquels à grade courfc deuflent pourfuyurc ces meur-
criers &: brigans .Pour ceftecaufe, depuis que le meurtre fut fait iufqucs au temps que
ces gens montèrent à chcual pour faire diligence de pourfuiure ccsbourrcaux,à grand'
peine y eut-il vnc demie heure d'efpace entre-deux . ^ Or ces meurtriers qui alloyent
dcuant,ainii que fept heures fonnoycnt,cftoyent délia arnuez en la bourgade de Both
mes, où ils trou.ucrét le charetier preft pour s'en retourner àNcubourg)&: auoit iufqucs
à celle hcurc-la attédu A Iphonfe. Le charetier voyant le frère de Icâ Diazc & l'on bout
rcau ainli courans haftiucmcnt,&: les cheuauxfuans de tous codez, & leurs yeux chan-
gez^ leur couleur muec en la face,penl"a bien qu'ils auoyentcômis quelque mefehan-
ceté horrible. Mais pource qu'il n'en eftoir point ccrtain,il remit en Ion cœur cefte pen
("ce qui n cftoit pas allez ferme:& demanda à Alphonfe s'il vouloit mader quelque cho-
ie à lonrrerc.Ce meurtrier ne peut relpondrc vnlcul mot:mais feulement il fignifîoit à
Ion bourreau qu'il fe talloit hafter.Et lailfans là les cheuaux de loage,qui cftoyét las , ils
montèrent haftiuement fur leurs cheuaux, qui cftoyent feiournez&: bien refaits, &; vin
drent en grande diligence à Aufbourg.Lc charetier trouua furie chemin deNcubourg
Les meur- bic-toft après le mciïàgcr d'Aufbourg,qui cftoit bic las,& n auoit iamais peu atteindre
tr.<rs vie. ces meurtriers &c brigans qui couroyent trop vifte pourluy. ^Orlesgés de Neubourg
boùr 3 *ïu' Pourujyuoycat autres eftans arriuez à Aufbourg,ouyrent des nouue!lcs,que cesi
bourreaux cftoyent long temps auparauant palfcz plus outre.&confulterent cnfcmblç
s'ils s'en deuoycnt retourner,d'autat qu'ils fe defloyent de pouuoir atteindre les autres
qui couroy en t deuat eux. Mais entre eux il y en auoit vn plus ieunc que les autres , nom
m k)w\ m é Michel Herpfer,lequ el efmeu de plus grand zele que les autres, refpôd it , Mes amis
Herpfer. vous pourrez retourner,!! bon vous femble:&: de mapart il me fcmble que le deuez fai-
re ainli.Car félon mon iugement , vn feul pourra bien donner ordre à ceft affaire , voire
autant que s'il y en auoit plufieurs , pourueu qu'il s'y employé & fidèlement &: diligem-
met. le pren cecy fur ma charge,& vous promets que ie ne lairray rien de tout ce que ic
pourray,ains m'y employeray autat que mes forces &c ma vie s y pourrôt cflcndre: &c ne
cefleray iufques à ce que i'auray atteint ces meurtriers. Ayant dit cela il monta haftiuc-
ment à chenal, &: courut après les autres , & chemina tout ce iour iufqucs à la nuift : &£
fît tant qu'il vint en vne ville où cftoyét les meurtricrs.il fît appeler l'hofte,en la maifon
duquel cftoyét logez ces brigans. l'hofte luy dit que les autres dormoyent, 6c qu'ils auo-
yent dit aux feruiteurs de les reueiller auant fcfpace d'vne hcurc.Michc 1 aduertit ceft
hofte que c'eftoyent homes mefchans,qui a.uoyét fait vne mefehanecté i\ grade , qu'on
n'en pourroitracôtervncautrefcmblabledelamemoiredeshommcs:puisluy dit qu'-
il ne fut femblant de rien. mais qu'il les laiffaft dormir deux bonnes heures. & cependâç
il lia les pieds des cheuaux de drapeaux, de peur qu'ils ne fîifent bruit : &c quad &C quand
monta à cheual s'en alla en grande diligéee en la ville où les autres dcuoyet arriucr.
Incontinent qu'il fut là ardue, il aduertit les Magiftrats du lieu, du meurtre horrible , &
imploralcur aide,à ce qu'vn tel forfaict ne demeuraft impuny . Le Magiftrat promit de
faire ion office. Peu de temps après ces meurtriers arriuerent.Ily auoit délia desgensen
armcs,preparez pour les empoigner, ils allerét dôc au logis où ces meurtriers cftoyét
defcendus,&: l'enu!ronnerent,afîn qu'ils ne peufTent efchapper. Les officiers auffi de la
feigneuriemonteréten haut pour faifir ces bourreaux, lefquels fevoyasainfî apprehen
Lciidcz/ dez,commenccrent à s efcner& obtefter &: ciel &c terre, qu'ils eftoyent gentils-homes
ambafTadeurs de la maiefté Impériale , enuoycz pour traiter affaires de grande impor-
tance y&C faluraires à toute la republique. ^Ces hauts cris & menfonges forcez n'eu-
rent point de lieu enuers ceux qui fauoycnt quel meurtre ils auoyent perpètre. Ils faifî-
rent donc Alphonfe le premier, qui ne pouuoitrefifter aux officiers : mais il y eut plus
grande difficulté à prendre le bourreau , qui eftoit vn hardy pendart , & refifta fort aux
fergeans. toutefois après auoir allez longuement combatu , & receu quelques coups,il
fut empoigné. A près que ces meurtriers furent ferrez en pnfon, Michel Herpfer,quia-
uoit fait toute diligence, retourna viftement à Neubourg , &: raconta ce auil auoit fait.'
Le Magiftrat de Neubourg en aduertit aulli le côte Palatin, qui cftoitgrândemét mar-
ry de la mort de ce bon perfonnage. Aulîl toit qu'il entendit que ces brigans eftoyçt pri
fonniers,il mâda qu'on n'efpargnaft rien pour la pourfuitte. Ainli deirx perfonnages no-
tables furent ordonnez de la ville de Ncubourg,lefquels arriuerent le i .iour d' Auril en.
lavuV
L s meur
tappre
Jean Dia^A. /ffi
la ville où ces brigans eftoyenr derenus,&: intentèrent procès criminel cotre eux . Ils a-
uoyent porté aucc eux le bônet de nuittde Ican Diazc,lcs faunes lettres de l'on frere,& J^di^*"
la cognée ou hachettc,qui eftoit encores toute fanglâtc.à celle fin que fi d'auenturc ces «leurtre,
homicides nioyent le faid,ils fù fient conueincus par certains teimoignnges. cependant
on accorda à Alphôfe d'eferire lettres aux cardinaux de Trctc & d' Aufbourg , lefquels
firent tout ce qu'ils peurent pour deliurer ces meurtriers de la mort qu'ils auoyent bien
méritée. Pour le faire courr,quelque pourfuitte que p eu ilcnt faire les ambaifadeurs de
Neubourg,ils ne peurent iamais obtenir que ces meurtriers fulTent punis félon leur me
rite. Mais pource que tels meutres trouuent affez de protecteurs au monde , duquel le
diablecft le prince:aufTi ces brigans trpuuerent aflez de faueur enuers les luges du lieu
où ils furent pris. Lefquels après plufieurs délais rrouffes produifirent finalement let tuernîou*
très dcrEmpcreur,lequeleftant folicité par le grand meurtrier de Romc,&: aucûs Car- uéc fautur.
dinauxfescoppe-gorges, vouloir que tour ce procès fut fufpendu, &: que luy aucc fon
frère Ferdinand(fous la iurildithon duquel ces meurrriers aùoyenr efté pris)euoquoic
à foy la cognoiftance,Or nous voyons icy vn exemple propofé deuant nos ycux,lequcl:
eft admirable en plufieurs forresrd'vn cofté plein de fraude, cruauré, malice &c impieté
d'autre part plein de grande innocence,manfuetude,conftancc, vraye religion , gloire
& grauité.Car fi nous confiderons le forfaid horrible d'A lphonfe , nous trouuerôs que
iamais on n'ouit parler d'vn tel: &c que le diable mefme ne pourroit forger des menées
plus exécrables. D'aurre part fi nous regardons la verru admirable de Iean Diazcvray
marryr du Fils de Dicu,nous rrouuerons que ç'a efté vn homme auranr bénin , aurant
graue,conftant &: religieux , que maintenant on pourroit pe*nfer. ^Erpour refmoi-
gnage de fa doctrine , Dieu à voulu ( qui eft chofe notable ) cependant qu'il fur de fe-
iour à Neubourg , qu'il air eferir Se publié par imprefîîon en ladide ville auanr mourir,
vne côfefsion, comme mémorial perperuel à tous fidèles des grâces qu'il auoit receues
du Seigneur.Nous l'auons ainfi infereefur la fin de l'hiftoire , afin de ne rompre le fil du
difeours des circonftances d'icelle fa foy: cefte Cpfefsipn rraduire de Larin en François
comme s'enfuit:
Confcfsion de fby.qui eft vn fommairc de h religion Chrefticnnc.
A Religion Chrcftienne confifte' principalemenrcn ces deux poin&s: afTauoir
que Dieu foit deuemenr feruy &: honnoré : &: que l'homme fâche dont il doit at-
tendre l'on falut.
<j"Voicy quel nous difons eftrc le feruice de Dieu : le principal fondement duquel eft Lei.poinft
de recognoiftre Dieu comme fource &: fonrainc vnique de toure vertu, îuftice, iain&e-
té,fapiencc,vcrité puiilnncc,bontc,clemence,vie & làlut:&: pour cefte raifon luy arrri-
buer enriercmenr la gloire de routes fortes de biens , cercher routes chofes en luy feul,
&: par confequent fc fier U mettre l'on cfperance en luy feul, de tout ce que nous auons
befoin.De la procède l'inuocation de Dieu, la louange &: a&iô de grâces. Ces rrois cho- JjJUJ" da
fes fonr refmoignages de cefte gloire que nous luy attribuons. Et c'eft-cy la vraye fan&i*
ficarion d-e fon Nom, laquelle il requierr de nous fur roures chofes: $c laquelle nous de-
mandons rous les iours en l'oraifon Dominicale,quand nous difons,7o»»om foitfanclifié*
Cefte fan&ificatiô du no de Dieu a l'adoration coniointe auec foy,par laqu elle nous luy
prefentons vne rcuerence digne de fa grandeur & excellence. A laquelle ferucntlesce
remonies comme aides ou inftrumens, à ce que le corps foit exercé auec l'cfprit à ren-
dre tefmoignage du feruice de Dieu.Er par manière de dire, nous-nous prefenrons par
l'ceiles deuanr la face de Dieu,& proreftons fingulieremenr en la compagnie des fide-
le$,quenousleferuons:&:leprincipal que nous faifons en cela, c'eft que nous impcrriôs
pardon de ce ç»ue rar de fois & en ranr de diuerfes forres nous-nous fommes deftourneZ
de l'obeiftance de fa parolle &c fes ordonnances en nos autres operarios. Puis après s'en*
fuir l'abnégation de nous-mefmes, à ce que renonçans à noftre enair &c au mode , nous
foyôs Transformez en nouueauté d'efprit:afin que ne viuions plus à nous-mefmes , ain$
que nous-nous refignips du routâ noftre bô Dieu,pour eftre côduirs &c gouuernez par
luy. Orparvne relie abnégation nous fommes préparez à rendre prompre obeiftance
&c feruice volonraire à fa bpnne&: fain&e volonré-.en relie forre que la crainre règne en
noseceurs, &gouuerne toutes les opérations de noftre vie. Car là où eft la crainre de
Pieu, làilyaaufsicommencemenr defalur.
yoila en quoy confifte le vray & pur feruice de Dieu : lequel feul Dieu approuue , U
Le II.
L /«ro //• Enfmas, dit Driander.
auquel feul il prend (on bon plaifir.Et le faind Efprit enfeigne cela partout es faindes
Efcritures:&: le fentiment de la crainte &reuererfce de Dieu, nous fait entendre cela
mefme fans en faire longue difputation.Et n'y a point eu vne autre façô de feruir Dieu
depuis le commcncement,(inon qu'il y a cefte dirFerécc,que cefteverité fpirituelle que
nous auons limple & nue,c ltoit enueloppee de plufieurs figures fous le vieil Tcftamcr.
teau Et c'eft ce que lignifîct les parolles de Iefus Chrift,Lc teps eft venu que les vrais adora-
* teurs adoreront le Pcrc en efprit ô£verité.Or il n'a point toutefois voulu nier par ces pa
rollesque JcsPeres l'aycc adoré pat cefte façô fpirituelle-.mais il a bien voulu feulement
monftrer la différence qui eftoit en la forme extérieure:^ au lieu que les Pères anciens
ont eu f efprit couuert de plulicurs figures, nous l'auons fans ombres & figures .Et par
ce moyen cecy a toufioui s eu lieu, que Dieu, qui cft efprit, doit eftre adoréen efprit ôc
vérité. Outreplus,il y a vne reigle générale, laquelle difeerne bienle pur& vray feruice
de Dieu du feruice corrompu &: baftard: c'eft que nous ne forgions ce qui nous femble-
Dfu.4,& n ra bon, mais que nous regardions ce que nous ordonne celuy qui feul a puilîance de co-
mander & faire des ordonnances.
T E fécond membre de la dodrine Chrefticnne &: pure gift en cecy,quand l'homme
entéd &: cognoift où ii faut qu'il cerche fon falut.Or la cognoilfance de noftre falut
côfifte en ces trois poindsraflauoir Au fentimet de noftre propre mifere,En la cognoif-
fance delefusChrift, Et la certaine &ferme fiance en iceluy.Le premier degré pour vc
nir à recouurcr lancé &: guerifon,c'eft de fe cognoiftre cftre malade. Parquoy il faut cô-
mencer parle fentiment de fa propre miferedequel nous doit amener iufques là, que
nous abbattions nos courages, comme eftans morts.Et cela fe fait, quand on nous mô-
ftre la corruption héréditaire &:originelle de noftre nature,qui eft la racine &: fontaine
de tous maux. Laquelle engendre en nous la defHance,rcbellion contre Dieu,orgucil,a
uarice,impudiciré)&: toutes fortes de cupiditczperuerfesdaquellc nous fait reculer de
toute droiture &iuftice,&: nous tient captifs fous le ioug de péché: quand vn chacun
void fes péchez ouuertement de fcouuers, à ce qu'eftant confus & ayant honte de fa tur
pitude,il fojt contraint de fe defp]aire,&: auoir en horreur fa perlonne,&: n'eftimer nul-
lement tout le bien qui peut eftre en luy. Outreplus à l'oppoute,les confeiéces font ad-
iournees pour côparoiftre deuant le iugement de Dieu, à celle fin que cognoifTans leur
maledi&ion,& comme ayans receu les nouuelles de la mort éternelle , elles apprennét
d'auoir en horreur le courroux de Dieu.C'eft-cy (dy-ie) le premier degré pour paruenir
dlglc pour * falut: affauoir que les homes eftans abbatus en eux-mefmes,&eftonncz de frayeur def
paruenir à efperent detous les aides de la chair:& nonobftant qu'ils ne s'opiniaftrent point contre
iiiau le iugement horrible de Dieu,ou qu'ils ne fe rendent ftupides, corne n'ayans plus de do
leance:mais qu'auec tremblemens ils gemiffent de douleur,& que de tout leur defir ils
afpirent au remede,qui eft Iefus Chrift. Apres cela f homme doit montcr.au fécond de-
gré.Cela fe fait quand par la cognoiffance de Icfu s Chrift il fe redrefTe, &: reprend halei
ne. Car quand l'homme eft ainii abbatu &: humilié,comme nous auons dit , il ne luy rc-
fte linon qu'il fe retourne au Seigneur Iefus, afin que par le moyen d'iceluy il foit de-
liuré de fa mifere. Cepédant toutefois lors feulemét on cerche fon falut en Iefus Chrift,
quand on cognoift bien quelle eft fa vertu, quand on le cognoit pour facrificateurou
médiateur vniquc,par lequel les hommes foyent reconciliez au Pere: quand on co-
gnoift que fa mort eft la feule oblation pour les péchez, par laquellenous obtenons
grâce enuers Dieu : par laquelle il a cfté fatisfait au iugement de Dieu, &: la vraye &
parfaite iuftice eft obtenue . Car ceftè diledion de Dieu enuers nous , par laquel-
le il nous a donne fon fils vnique, & a mis toutes nos ofFcnfes &£ iuiquitez fur luy,
eft 11 grande qu'il n'y a cœur humain qui lapuiiTe comprendre. Et le facrifice de Iefus
Chrift eft tant agréable & plaifant,&:de fl bonne odeur, d'vn mérite h* infini, d'vne*
dignité fi grande deuant les yeux de Dieu ,que Dieu ne nous pourra ou voudra damner
moyennant que nous croyons en Iefus Chrift fon flls.Et cefte oblation eft Ci excellente,
que là où elle eft offerte, il n'y peut auoir aucune condamnation de péché, ny aucune
volonté de pécher. Finalement celuy cerche &trouue vrayement fon ialut en Iefus
Chrift,qui ne fe met en auant pour faire partage entre luy &: Iefus Chrift : aflauoir que
l'homme face la moitié de fon falut,& Iefus Chrift l'autre:ains recognoit que le bénéfi-
ce d'iceluy eft gratuit,par lequel il eft réputé iufte deuant Dieu . De ce degré il eft neceC
faire de monter iufques au troifiemc:afiauoir que celuy qui a bien appris que ç eft de la
grâce d'iceluy,du fruid de fa mort,& de l'efficace de fa refurredion , fe repofe en luy d-
vnc
Jean ^ia^cj-
Vne fiahce affeuree & ferme: & ait cefte r efolution en foy-mefme,que la pafïio,la mort
&: refurre&ion de lefus Chrift eft fienne: bref, que lefus Chrift tout entier auec tous fe$
dons & grâces innumerableseft tellement fien, qu'il poffede en luylaiuftice & la vie
éternelle. Quand l'homme a vn tel lentiment&: gouft , quandpar viue foy il appréhen-
de vn il excellent bénéfice de lefus Chrift , &C quand par vn mouuement vif de la foy il
s'eftudic à bonnes œuures , àgrand'peine pourroit-on dire quelleconfolation celaap*
porte à vne conl'eience d'vn fidèle &Chreftien,&: comment il luy conferme &: augme*
te la fiance en lefus Chrift.
O r il y a trois autres chofes qui nous meincn t &: guident a ces trois , &c au feruice de
Dieu:affauoirla do£trine,adminiftrati6 desSacremês,&: la façon degouuernerrEglife.
La doctrine eft la première en ceft ordre,&: à bon droit: car ceft le fondement &: appuy
des autres partics:&: par icelle nous entendôs les eferits des Prophètes &; Apoft. c'eftaf
fauoir les liures canoniqs tant du vieil que du nouueau Teftamét.Ces oracles diuins irt
fpirez par l'Efprit deDieu,par lefquels Dieu s'eft manifefté au mode d'vnc faç6& côfeil
admirable , font la pierre,l'appuy &: le fondemét fur lequel l'Eglife de Dieu eft heureu-
fcmét baftie,fur la principale pierre du coin, qui eft lefus le Fils duDieu viuât:& tout ce
qui eft vtile &C nccefîaire pour noftrc iuftice &: falut,eft pleinemët &: parfaitement con-
pris en ces eferits. Ccpedat nous ne laiffons pas de receuoir ces trois Symboles,aiTauoif
celuy des Apoftres,celuy de Nicee, &: celuy d'Athanafe , corne vn fommaire ou abbre-
uiation de tous les eferits tant des Prophètes que des Apoftres.Nous receuons aufliles
quatre grans Conciles, aflauoirde Nicee,de Conftantinoble,d'Ephefc,&:de Calcedo-
ne,& quelques autres que ce foycnt:pourueu qu'ils s accordent auec lafain&e Efcritu-
rc,&: les décrets ÔC ordonnances defquels foyent confermez par lestefmoignages des
Prophètes & Apoftrcs, Finalement nous comprenons fous cefte dodrine les docleurs
Ecclcfiaftiques,lefqucls ont eu fain&e opinion de la vérité de Dieu,comme Bafilc,Ter
tulien,Cypricn,Ambroife,Auguftin,Hierome,&: autres fcmblables: en forte toutefois
que ne les receuons plusauantqu'eux-mefmes veulent eftre receus, & que leurs opi-
nions font authorifees par la fain&e Efcriture . ^ Apre sla Parolle , l'adminiftration
des Sacremens,alfauoir du Baptefme &: de lafain&e Cenc,eft vtile & neceffaire en TE- s*«cmci«
glife. Car lefus Chrift luy mcfme lésa inftitucz& ordonnez,pour eftre lignes &: inftru-
mens de fa grade bencuoléce enuers nous, & du mérite de ion obeiiîance qu'il â offert
pour nous.Et vcutque par iccux nous receuions fes bénéfices excellés,affauoir la remif
fiode nos péchez &orfcnfcs>lacômunication de Dieu en luy qui eft le Fils de Dieu ,1a
participation de l'Efprit droit , &: la benedidion fur toute noftre vie: & dauantage que
par ces Sacrcmens nous l'annoncions l'vn à l'autre, nous le glorifions &honnorions,&:
nous confacrionsdu tout en fonobeilfance, ^ORquantàla faconde gouuernerl'E-
glife,ellegit principalement en ces deux chofes, affauoir qu'il y ait vn Prince ou Magi- Gouueme:
ftrat fidèle: puis après qu'il y ait des fîdeks Miniftres ou Pafteurs. Car fi le Prince ou Ma ™ent «le r*
giftrat eft fidèle &c Chrefticn , & s'il defire d'vn bon cœur & comme feruiteur fidèle de £sllfe'
feruir à Dieu , duquel il a receu le glaiue&: la puiffance: lté, fi le Miniftre ou Pafteur eft
vigilant,s'il eft fongneux au m iniftere de la Parolle ô£ à inftru ire les ieunes , fi ces deux
(dy-ie)font droitement leur office,&: exercent leur vocation fidèlement, s aidans l'vn à
l'autre,àla vérité il fera bien facile de pouruoirà l'adminiftration de toute l'Eglife en
general,al'inftrucl:ion dcsenfansauxefcoles(car çefont-cyles fèmencesde l'Eglife de
de la Republique, &: pour cefte raifondoiucnt eftre diligemment procurées tant pat
les Princes que parles Miniftres ) à la correction des mœurs, à l'excommunication qui
eft principalement ordônee pour cela,à la necefîîté des pourcs, aux aumofnes qui doy-
uent eftre diftribuees par les Diacres aux malades,au recueil des eftrangiers,aux chan-
tres, & aux autres minifteres &: feruices de l'Eglife . Car fi le Prince ou Le Magiftrat n'â
l'on authorité par le miniftere de la Parolle,&: fi le Prince ne fait que le Pafteur foit hon-
noré comme il appartint : le Pafteur ne pourra reprendre l»s viccs,neredarpier les dif-
folutions auec maiefté: &le Prince ne pourra corriger ne donner ordre a ces chofes
quand il voudra , Et toutefois il eft bien certain que toutes ces chofes procèdent & dé-
pendit delà do&rinc. Car le gouuernemet de l'Eglife, la charge &C office du Pafteur^:
le refte de l'ordre auec les Sacremens,font comme vn corps: &: cefte doctrine , laquelle
monftrelareiglede bien &c purement feruir Dieu,làoùlcsconfciences des hommes
(ioiuent mettre la fiance de leur falut,eft comme fame,qui donne mouuemét au corps,
& le rend vif & plein d efficace^ finalement fait que toutes chofes font faites par bort
ordre en l'Eglife.Et pourtant les Miniftres,les Princes, les Magiftrats &: tout le peuplé
doiuent regarder de bienpresàem*re\inftituer&: admettre des Parleurs fidèles. Car
quand le Pafteur eft vigilant,& fait fon office fidèlement , non feulement le peuple cft
côtraint de faire fon deuoir par l'authorité de la Parolle,mais auffi le Magiftrat,le Prîce,
le koy& l'Empereur mefmejcomme on peut voir par l'exemple de iàintt Ambroife,&:
toute la République par Juy . Mais quandla doctrine n'a point de lieu, ou quand la Paroi
le n'exerce &:nedefploye point fa vertu, la façon de gouuernerlEglifcn'eft point droi-
te,toutcs choies vont en décadence, comme nous filions veu cy deuant,& le voyons
encores auiourdhuy en plufieurs royaumes auee grande perte de plusieurs ames:ceque
nous deuons grandement déplorer. Afin donc que toutes chofes foyent plus heureufe-
ment drefiees &c adminiftrees en l'Eglife,de plus grande diligence, embraflons tous d'-
il parolle vn grand courage &: grans &c petis la parolle de Dieu,non point tât des bras, des mains
deDicu. ^ oreilles externes,que du cœur àc efprit intérieur : &: ne fouffrons nullement en quel'
que façon que ce foit d eftrc deftournez d'icelle: qu'icelle illumine les yeux des enten-
demens de tous comme lumière celcfte : qu'elle brufle és cœurs de tous comme vnfeu
diuimqu'elle incite à bonnes œuures &: dignes d'vn homme Chreftien . Car il aduiédra
par ce moyen que Dieu fera droite ment honnoté,&queles hommes s'employans a-
pres leur falut aucc crainte & tremblement,fauront d'où il faut qu'ils attendent leur fa
Jut.Finalement,non fculementils feront certains de la religion Chreftienne,la fomme
de laquelle nous auons voulu comprendre en ce peu de parolles: mais auffi prendra
ordinairement plus grans accroiflèmens en eux, à la gloire de noftre Seigneur Iefus
Chriftrauquel foie honneur,louange& empire à tout ïamais. Amen.
Troifieme liurede lhiftoire des
^Martyrs & des chofes aduenues en l'Eglifcs du Seigneur.
DeauxdeLviUe de M E JC:& àeQ^V ~4T O RZE Martyrs
executexjen icelle.
Pierre Le Cl e r c ,
EsTIENNE MANGIN,
Mi c helCaillon,
I A Q_V EsBoVCHEBEC,
I e an Bris se barre,
Henry Bvtinot,
FrancoisLeClerc,
Thomas Honnors
IeanBavdovin,
IeanFlesche,
Ie a n Pi q_v E r y ,
Pie r r e Pi q_v e r y,
IeanMateflon,
Ph ilippe Pe tit.
M.D.
XLVI
E A V X ville au pais de Brie , à dix lieues de Paris , peut à boa
droit eftremifc au premier reng de celles qui en ce temps ont
efté participantes des bénédictions &: grâces celeftes Par la pa-
rolle de Dieu.Çt fe trouuera bien peu de lieux fous la tyrannie
de l'Antechrift , où la vérité ait efté fi fidèlement annoncée , il
heureufement receuë,fi fort accreué &; amplifiée, fi conftam-
ment défendue &conferuec.Nous auons ci deuant dcclar.eT!-
ordreque lé Seigneur tint à illuminer cefte ville, laquelle au-
trement n eft peuplée que d'artifans& gens trafiquons en lai-
ne.Ceft que de petits commencemens de pieté qu'elle receut depuis l'euefque Briçô-
net,il s'engendra vn ardent defir en plufieurs perfonnes,tant hommes que femmes, do
cognoi-
Dru
cognoiftrcla voycdefalutnouuellcmcnt rcùe|c:fl que les artilans,commc cardeurs,pi
gneurs & foulions n'auoyelit autre exercice en trauaillanr de leurs mains,que conférer
dclaparolledeDicu,& fcconlolercnicelle. Ht ipccialcment Dimanches &c feftese- La
ftoyent employées à lire les Efcrirurcs,& à s'enquérir de la bonne volonté du Seigneur.
Pluiicurs des villages faifoyentlefemblable: enforte qu'on voyoït en ce dioeele la re-
luire vnc image d Fglifcrenouuclcc.Car la Parollcde Dieu non feulement y cftoitpref
cheemaisaufli pratic]ucc,attendu que toutes œuurcs de charité & dilccbô s'e xerçovec
là, les mœurs fe reformoyent de iour en iour,8j les fuperftitions s'en alloyent bas. <j Ce-
pcndantla renommeedece grandbien s'cfpandoit par la France, &eitoit auxvnso-
deurdcvic,à vitraux autres,odcur de mort, à mort.la femence de l'Euangilc gcrmoit&:
fru&ificutdeplusen plus,àlac6folatiodcs clleus,iufqucsàcequc Sata ennemy de tout
bien, voyant approcher la ruine totale de fon royaume , elmcut fes organes accouftu-
mez, aifauoir les Cordeliers(qui intentèrent procès en la cour de Parlement contre 1-
Euefque,lequel ils pretendoyent prouucr hérétique ) les docteurs Sorboniques &: au-
tres. RçuoJ
E t tout premièrement il accabla rEucfque par vnc rcuoltemalheureufe: puis s'at- ivuefijue"
tacha aux au très, qu'il trouua plus fermes &: conftans en la foy . Les vns il fit bruflcr,cô- Bnçonnet,
mecideuantà cftéditd'vn ieune regent qu'on nommoit vulgairement M. laques. Les
autres furent fouettez, efchafFaudez ou bannis . Bref , les ennemis de l'Euangilc ne cef
ferent nifqu'à ce qu'ils curent ofté toute liberté d'annoncer publiquement la venté, &C
eurent prefqucs enfeueli la lumière &: cognoiflàncc d'icclle. Car les Cordeliers ayans
reconquis la chaire femoyent leurs menfonges&: laribolcs comme de cou Hume .Tou-
tefois ii ne fut-il en leur pmYfance d'arracher ou effacer la femence de vérité lï heurcu-
femét croilTante aux cœurs de plufieurs: lcfquelsfe voyans fruftrez de la liberté dinuo-
quer Dieu purement,commcncercnt à s alîcmbler en cachette, à l'exemple des fils des
Prophètes du temps d'Achab,& dcsChi tfticnsdcla primitiucEghlé feus les horribles
pcrfccutions:&: félon que l'opportunité s'ofîroit,s'nlîembloyc t vne fois en quelque mai
fon, l'autre fois en quelque lieu efcarté,.& en quelque vigne ou bois. Là celuy d'entre
eux qui eftoit le plus exercé és faincles Efcritures,les t xhortoit:&: ce fai£l,prioycht tous
enfc mble d'vn grand coura ge , fe nourrifTans toufïours & s'entretenans en J'cfperancc
que l'Euangilc leroitreceu en France, que la tyrannie de l'Antechrift prendroit fin.
<3 Mais après longue attente, voyans que tant s'en falloit que la rcligiô fe repurgcaft,qu ^ .'/JJ
au contraire les iuperilitions 6: vilenies Papales s'augmcntoyent& fortifîoyétdeiour ia tyrannie
en îounaucuns d'eux plus feruensd efpiit,&; qui dés la première cognoi/Iancc délave- J^111*'
rite s'eftoyét gardez impollusde toute idolatne,dclibcrercnt l'an m.d.x l v î.d'ordon m.d.
ner entre eux vnc certaine forme d'Eglifc . Aquoy faire ils furet principalemct incitez XLVI-
parlcxépledeTegliieFiançoifedc Stralbourg, laquelle pluiicurs d'entre eux auoyét di-
ligemment viiitcc&: cenfideree. Les principaux qui conduiloycntceft affaire, t ftoyent
Eftitnnc Mangin,hommede bien & fortancie:Pierrele Clerc,cardeurdc Ion meftier, Formt r.
&: neantm oins fort exercé é? !aincteslettrcs,quantà fa langue Françoife.Ct ux-cy auec ïtglifc<!cs
quelques autres cnuiron quarante ou cinquante,aduifcrent tout premièrement d'élire ^ei*Si
vn Miniftre d'entre eux qui leur annonceroit la paroîle de Dieu,& àdminiltreroit les
Sacremcns. Ce qu'ils ne firent légèrement ou temcrairctnentrcaraprcsauoirvaqué d'-
vn commun confentement certains iours à iulne & prières : ils efleurent pour Minillre
le fufdift Pierre le Clercdcqucl commença à exercer fongneufemcntfa charge , en les
afTemblant tous les Dimanches & feftes au logis dudit Mangin.Là il leur deelaroit les
Efcri turcs félon la grâce que Dieu luy dônoitdà ils faifoyent les prières &: orailons.cha-
toyent quelques Pfeaumes&: Cantiquesdà vnefoisou deux,apresauoirfolennellcmeE
tous protcilé de iamais n'adhérer aux idolâtries Papiftiques , célébrèrent tous enfem-
blelafain&eCenc, félon l'inititution&: ordonnance denoftre Seigneur Ieius Chrift.
^Orcefte petite Eglife en peu de temps prenoit vn mcrucilleuxaccroilfemet, e n forte
que fouuent fe trouuoyent de trois à quatre cens hommes que fem mes &: cnfans,qui là
accouroyentnon feulement delà ville, mais auflî des villages de cinq ou lîx lieues à la
ronde. Qui futcaufeque bien toft ils furent décelez. Bien eit vray qu'ils furent aduertis
par aucuns bien-vueillans,de fe doner garde,attédu qu'on leur drelfoit des embuiches:
mais ils firent refponfe que leurs cheueux cftoyét contcz,&: qu'il fe feroit feulement ce
qu'il plairoit au Seigneur .Aduît que le v 1 1 i.deSeptébreauditan m.d.x l v i. auquel
E.u
•mb.
: vuni-
IllOiliti
iour les Papules célèbrent la natalité de k vierge Marie ,on vint annoncer au Mag:-J
itratjcnuironfcpt heures du matinîquclcsfurditscornmciiçoycntàsaiTcmbler.Incon
brtdcccicc tinent le Lieutenant de la vil le ôile Preuoft, auec leurs fcrgcans& officiers vindrent
en la maifon cîudit Mangin:& entrans en la chambre où tous eftoyencaflcfnbkzjtrcu-
uercntlc Clerc qui txpofoitvn pailbgc delà première Epiftreaus Corinthiens, corn
me c ftonnez sarrefterent quelque peu ('ans dire mot.puis le Lieutenant leur demanda
quefaifoycntlàtantclc perfonnes amaflees, fans aller a leurs paroi/les. Ce que vous
voycz,rcfponditlc Clercunais ayez patience que nous ayons acheuc. Il vous faut venir
en prilbn,dircnt les autres. Allons ou il plaift au Scigneur,dit le Clerc . Ii fc lailfn lict
fans contredire; ce qu'au fiî firent les autres,tanr hommes que femmes cnuiron fonçante
Reproche &dcux. Il y auoit vne icunc fille, laquelle le voyant liée fans eaufe, pour seftre trou
f!i'k«e"iu uee cn vne tumPa&mc ^ lainéîe é\: hennefte, dit an Lieutenant, Si vous m'cuilîcz
ix ni trouucc au bordeau, ou en quelque lieu deshonnefte,vous-vous fufliez bien gardé d-
ainli me lier. Ce Lieute nant la faifant taire, commanda de mener toute la troupe en la
prifen de la ville. Ocftoit choie cfmcrucillablc,de voir comme en vne longue proeelliô
tant d honneft.es perfonnes de tout fexe &: aage,quide hongre le laillbycnt mener
cnprifonparpeude gens. Car il ne faut douter que s'ils euffent voulu fc rebecquer,
facilement ils cuïlcnt efte lecourus de leurs parens &: amis qui les voyoyent paifci;
par les rues tous îoycux&chantans Pfeaumcs, principalement le l x x i x . Les gens en-
tnX,&e.
A pies qu'ils furent mis en la prifon,on commeça à informer de leurs Sabbats , corne
dilbyent les ennemis delà verité.k: entre les autres critnes(feIon leur iugemet) ils trou~
uerent qu'ils auoycntolcfairclaCcne.il ne faut demander lia ce motdeCene l'ordre
Ccncnou- Monacal & PrcibitcraI fut autant trouble qu'Hcrodcs iadis a lanaiifâce de Iel'us Chrilr,
ucau iux preuoyans que leur authorité & c redit garde inuiolable par tan t de laps deteps tombe-
prcrt'cs& roit entre les mains de gens viles&: mécaniques que lcfactifiçe de leur me/lc tant
engraifl'ant &: fouet, s'en iroit en rumec.Or après qu'on eut malicieufement inue nté cô
treeux toutcequilcruoitàlcs grcucr&: charger ils turent menezà Paris, liez fur des
chariots comme poures brebis, ians paille ou aucû foulagcmcnt:cn forte que plufieurs
ti'cntre cux,aagcz&: caliez de trauail,cftoytnt t onum defrompus,dcuant qu'eftre mis
fur la géhenne: laquelle après ne leur fut cfpargntc}& principalement aux Quatorze,
que ceux duParlcmcnt iugcrentiugcz digne de mort, par Areil de laCour,lcquel pour
perpétuelle mémoire d'vne telle exécution nous auc nsicy infère félon la formel te?
ncur,cxtraid des K cgi lire s du Parle m; nt.
T /E V par la Chambre ordonnée parle Roy au temps de vacations, le procès crimi-
ncl fait par le Bally deMeaux,onfcs Lieu tenans gênerai & particulier, àlencontrc
de Pierre le Clerc,Eftienne Mangin , laques Bouchcbci , Iean Bmlebarre, Henry Hu-
tinotjThomasKonnoré, Iean Baudouin , Iean Fie ièhe,Ican Piquety, Pierre Piquery,
Iean Mathcfîon, Philippe Petit, Mie be l CailIon,Fiançois le Clerc,Louys Piquery, Iean
Vincent, Adrian Grongnct,Louys Coqucmant, Pafquier Fouace,Picrre Coqucmant,
Iean de la Bordc,Claude Petit pain, Michel du Mcr,ïcan Roujfel,Piei rc Iauelle,Nico-
las FleuryJIeâFornier,Gcorge des Prcz,Nicclas de Moulîy, Léonard le Roy,Pa(quctte
vefue de feu Guillaume Piquery, Iean le Moynejean Atignanjcannc Cheron femme
de Louys Coqucmant , Guillcmetté femme de leanSaillard, Marguerite femme d'E»
Iticne Mâgin, Martine femme de Pierre le Clerc,Picrre d'Arabie, laques le Veau, Yuô
Congnart,Iean de Laurence ry l'aifncjean deLaurencervlcicunejGuillaumcdeLau^
rencery , Denis Guillot , Pierre Cheuallet, Philippe Tuîpin , Iulianc femme de Paf.
quierFouaceJcannc Guillcminot,Batbanc femme de Thomas Honnorc, Marguerite
femme de Iean de Laiftrc, Marguerite Rclligno!, Catherine fille de Iean PNicourt,Iean~
neGennienfe,Guillc mette femme de Léonard leRoyJeanncvcfucdefcu MaccRou-
gebcejeanne femme de Nicolas Codet,PoIine vefuede feu Adam le Conte, Mar-
guerite vefue de feu Iean Volant, Pc n ette Mâgin,& Marion Mangin: tous prifonniers
en la Côcicrgeriedu Palais,pourraifondcscas& crimes d'hereu*cs& blaiphcmes exé-
crables, côuenticulcs priuez,ck aiîeblees illicitcs,ichifmes& erreurs referas efpcced'-
idolatnepar eux e ômilcs refpediuement en la maiion d'Elh'enneMagin,en laquelle lef
dits prifonniers fc fçroyent auemblez,& cômis lefdits cas contre l'hôneur de noftre San
ueur
l'Arcft
ucur&: Rédempteur Icfus Chrift , du faintf Sacre ment de l'autel , commandement de
noftremcrcfainctecgIife,&: doctrine catholique d'icellc.Lcsconclulionsiui ccpnnies
par le Procureur du Roy:& tout coniidcré,D I T a elle que ladite Chambic,pour repa^
ration dcfdits cas Périmes fcandalcux& pernicieux plus à plein contenus audit pro-
cès,;* condânc&: condâne lefdits pril"onnicrs:ceft aiiauoir lefdits Pierre le Clerc, Luic-
ncM.lgin,lacjs Bouchcbcc,l< anBnireharre;Hcnry Hutinot,TliomasHônorc,lcâbau
doùi%kan Fleichc, IeS Piqucry,Pierre Piqucry,lcan Mathciiô,! hilippePetit,:\iichcl
CaiUonjSc François leClerc,à eitre ars& bruik z vjfs au grâd marché de Meaux,au lieu
pluscômodecx: prochain de ladite mailbn d'iccluy Mangin, en laquelle lefdits cas &» cri
mes ont eftéeôuiis. Au ql feront lefdits Pierre le Clerc &Magin tramez fur \ ne cioyc,&: Mangi
les autres defl* nômez menez en des tôbereaùx,du lieu des prilôs royaux duditMcaux, i er.c
àù les liurcs trouucz en leur poilelfiô pareilleméc bruflez:& a déclare ce deelave les bies
d'ieeux pnlbnniers acquis & coniîlquez au Roy. Et neantmoins ordonne ladite Cham-
Cltll
quauparauant l'exécution dcfdits a t o r z e prifonniers,ils feront mis tnlatortu ■« vnc
re &c queftiô extraordinaire, pour déclarer ÔJ enseigner leurs fauteurs, alliez 6c compli-
ccs,&: autres peribnnes iufpettes de leur lectc &c erreur. Et ledit Louys Piqucry à eftrcpé
du fous les cifelles à vnc potencc,qui fera mile &: plante e près Se îoignan t le lieu où fera
faite l'exécution defdits Quatorze eondâncz au fcu:t n laquelle potëce demeurera pen
du durant laditccxeçution:&: après fera fuftigé par l'exécuteur de la haute milice audit
Marché: &: ce faitmis&: reclusau monafterede fa in et- Phaicn dudit Meaux xtouliours
aux defpens de l'eucfque de Mcaux. Et lefdits Louys Coquemant,Ican Vincent, Adnâ
Grongnet,&PafquierFouace,àafl]iterà ladite exécution de feu defdits condamncz,la
corde au col:8t après cftrc battu s &: fuftigçz de verges ladite corde au col» (aiiorr leidits
Coquemant&: Fouace par trois diucrs iours,ayans la corde au col:& leidits Vincent &C
Grongnet par vnc fois par les carrefours dudit Meaux: & encorcs ledit Grongnct c ftre
fuilige au village de Sacy par vnc fois parles carrefours dudit heu ia cordeau col. Et les
a bannis &C bannit ladite Chambre hors de ce royaume îufqucs à cinq ans, fur peine de
Ja hard. Auparauant laquelle exécution les a condamnez &C côdamne,en.'emblc lefdits
Pierre Coqucmantjcan de la Borde,Picrrc Petit- pain,Michel du Mont, lean RoulTel,
Pierre Iauclk , Nicolas Fleuryjean Fornier,Gcotgedes Prez, Nicolas de Mouily, Léo-
nard le Roy,Pafquettc vefue de Guillaume Piquery,Iean le Mo\ nejean A tignan,lc â-
ne Chcron femme de Louys Coquemant,Guillemette femme de lean Saillard, Marti-
ne femme dudit Pierre le Clcrc,& Marguerite femme dudit Eiticnnc Mangin, pour les
cas & crimes par eux commis, à afhltcr à l'exécution de mort deidits Qj/ a r o r z e ce
damnez,tcllc nues quant aux hommesdefdites femmes eftans auprès d'eux, & leparc-
ment,en manière qu'on les puillccognoiilrc d'entre les autres. Et ce fait, à faire améde •
honnorable pieds &: telles nues,& en chemifes, quant aux hom mes: &c quant auxfem-
nies,piedsnuds, deuant la principale porte dclcglife cathédrale dudit Meaux :ayans
chacû d'eux en leurs mains vue torche de cire ardete , du poids de deux liures. Et à dire
bc déclarer par chacun d'eux à haute voix, que follemcnt,tcmerairement&: indifcrcte-
ment ils fc font trouucz cfdits conuenticulcs faits en la mailbn dudit Eltienne Mangin,,
pour ouyr les lectures en François dudit Pierre le Clerc, dont ils requierêt mercy & par-
don à Dieu , au Roy & à milice. En outre plus, après lefditcs amedes honorables afîi lie-
ront les dcffufdits,ayans tous lefditcs torches, à vneproccifion générale qui fera faite
audit Meaux à vne grande m elle îolennelle qui fera dite &: célébrée en ladite cght"e,&:
à la prédication qui y fera faite par vn dodeur en Théologie, exhortatoire au peuple:
iîngulierement&: principalement delareucrence &: adoration du précieux corps de
noftre Seigneur Iefus Chrift,& vénération de la benoîte &: glorieufe vierge Marie mè-
re de Dieu,& des Sainôts &: Saindes de Paradisrcnfemble de l'obfcruance des comman
démens de noilre merc fainde eglifc,rcucrcnce de la dodrine d'icelle,detcilanon &: re
On pourra
probation dcfdits conuenticulcs &c priuces aiîemblees,lcdures èc interprétations par Arc vn ftils
gens laies mécaniques , des hures en François reprouuez&: damnez, &: dogmatiza- jj^j6!^
tions, prédications abuiiucs,qui fe font par lefdits laies fur les fainds Euangiies. Pareil- |ors j,jc'
lement ladite Chambre acondamné &: condamne leidits Pierre d'Arabie, laques le ir,«er l'rct-
Veau, Yuon Congnart,IeandeLaurcncery laifiié, lean de Laureneeryle icune,Guil- <lt"t*
laume de Laurencery , Denis Guillot , Pierre Chcuallet , Philippe Turpin , Iulien-
E.ii.
ncfcinmc de Palquier Fouacc:pour les cas par eux comis,a aflifter &cftrc preiens, avâs
chacun d'eux vn cierge d'vn quarteron de cire en leurs mains en ladite proccflîon,
melfe &: prédication . Enfemble à alMcr fans cierge à l'exécution de mon defdits
Quatorze condamnez, telles nues,quantaux hommes leulement & quâtauxftmmcrj
feparcmentdcraiîîftcnce,cn manière quellcs^uiflcnteitrccogncues entre lesautn s.
Ht lcfdites IeiiftneGuilleminot,&: Baftiénc femme de Thomas Konnoré,àailîfterà la-
dite prédication & mt fie entièrement . Et après ladite prédication faite, &monitions
qui liront faites aux deilus nommcz,rcqucrir&demâder pardon àDicu,des tantes par
eux par e v deuant eommiles , àplcin contenues audit procès , Et quant au {'dites Mar-
guerite t\ mme de Ienn de laiftrc,Margucrite Roflignol femme de Iean Ricourt, Guil-
lemette femme de Léonard le Roy , IeanneGennienle: ladite Chambre a ordonne &:
ordonne,quc les priions leur feront ouucrtcs. • Et neantmoins leur a fait ôc fait inhibi-
tions 6j de fe nies de fe trouucrcy après es prédications & lectures defdits gens laies, cô-
uenticules & aiîcmblces illicites,fur peine de lahard . Et au furplusamis& met ladite
Chambre à pleine deliurancedeidites-pnlons lefditcs leanne vefuedefeu MaeéRou-
gt beejeanne femme de Nicolas Çodct,Polinc vefue de feu Adam le Conte, Margue-
rite vefuede feu Iean VoIant,Perrette&Mariô Mangins.^ E t a f iNqueleldits cas&:
crimes des ful'djts,qui ont cfte commis en ladite mailon dudit Mangin,foycntcn perpe
tuelle deteftation enuers toute la pofterité : &C que la mémoire de la punitiô en demeu-
Liftt î ic repourcxcmplc, bailler ôc'>inuitercrainteauxmauuaisdccômettre femblables cas&:
btior.gné.' cnmcs,&: inuiter &: inciterles bons en la doctrine de la foy catholique,&: doctrine de no
lire merc fainetc eglife : a ordonne & ordonne que ladite maifon dudit EfticnncMan-
gin, en laquelle ont cfte faits lefditsconucnticules &: défendues lectures de lafainele
Vuemaiion
oWkVp"s Êfcnture par ledit Pierre le Clcrc,icelle prelbmptueufement &: témérairement inter-
hmciroirc prctant èc expofant :&c auflî ladite blafplu me &c fcandaleufc Cenc mentionnée audit
comciIc Je
Laccran,
procés,rcfcrant efpecc d idolatric,fcra abatuc &rafec entièrement &c du tout. Et audit
lieu fera édifice &c conltruitc vne chapelle, laquelle fera dedicc $c conlacrce en l'hon-
neur du fainct Sacrement de l'autel. En laquelle fera célébrée vne grande meffe dudit
fa in et Sacrement chacun iour de Ieudy,àheure de fept heures. Et pour icelle fonder,a
ordonne Se ordonne ladite Chambre, qu'il fera ptinlc telle (om me de deniers qu'il fei a
aduife par ledit hailly deMcaux,ou fes Lieutenans gênerai &: particulierappelezaueç
eux ledit Aduocat Se Procureur du Roy audit iîege, fur les biens ccnhfqucz defdits pri
fonniers.
Etladite Chambre deuement aduertie,qucdeiour en iour celle malheurcufc&
damnable f< de Luthcricnnc,& autres femblables herefies pullulent grande menten
■ ladite ville ôcdioccfe de Meaux, &: qu'il y en a grand nombre qui oecultemcnt ôclati-
temment en font entachez &: infectez : fouftenans propos erronez &: fcandaleux con-r
r>ecret<lu tre le fainct Sacrement de l'autel , &de latrcflacree vierge Marie: ladite Chambre a
par prouilion, &£ iufqucs à ce que parle Roy, ou ladite Cour,icellc feant, autrement en
fera ordonné:Et a cnioint&enioint à l'euclquc dudit Meaux d'exécuter ou faire execu
tcrle côte nu qui eft au côcile de Lateran , tant en ladite ville de Meaux qu'autres lieux
de ion dioeele: En faifant diligemment & feercttement informer par bons &fufn*fans
perfo images cotre tous ceux qui font entachez de celte malhcurcufc & perniticufele-
de & herelie:&: procéder à l'cncontrc d'iccux, qui lbnt lu iets à fa cognoilfance &: coher
n"on,commc font les perfonnages Ecclcliaitiqucs,quifonten ordres facrecs.Et à cc,iuf
ques à la dégradation , s'il v efehet , & le cas lerequiert. Et quant aux perfonnes laies 6c
clercs non ayans ordres facrees, dont la cognoilfance en appartient aux iuges laies par
ledit du Roy,d'cn aduertir les iuges dudit Seigneur,& leur ehuoyer les charges &: infot
mations, ou le double d'icclles, qui aurôt efté faites par fes iuges & orriciers, pour icellcs
informations veues parlcfditsiuges laies y élire procédé plus diligemment qu'il fera
poffiblc,& ainlî qu'il appartiendra par raifon Et au demeurant,aladitcChambre en-
îointàtouslesdcmcuransenlavilledc Meaux &r dedans le diocefc, d'apporter ou fai-
re apporter dedans huitaine après la publication de ce prefent Areft, tous les liures qu
ils ont en Fi âçois de la fainetc Efcriture,ou conccrnansla doctrine Chreftienc,au Gref-
fedu Bailliage de Meaux, & ce fur peine de confifeation de corpsSi biens: pour illec-
que élire gardez & mis à part,afm d'en eftrc par ladite Chambre ou ladite Cour , icelle
feanç
fcant,ordohnc ce qu'il appartiendra par rai l'on. Et cnioinr aulllits BailJy Lieutcnans
o-cneral &c particulier duditMeaux,d'informer diligemment de ceux qui 11 auront obéi
a ladite ordonnance: & aux A duocat& Procureur du Roy dudit lïegc,d'cn l'aire la ici :-
citatîon& pourluitte: & faire cnuoyer les informations fcablcmcnt clofes 6c fccllccs
au Greffe de ladite Cour pour icellcs veucs en eftre ordonné &c procédé contre les dei
obeillansainli qu'il appartiendra par raifon.En outre cc,exhorte ladite Chambre ledit
cucfquc dcMcaux,pour obuiei :à ce que ladite peftifere fecte ne puifle procéder plus a"
uant,commcttrc aucuns bons &: notables perionnages,do£teurs en Théologie, fauans
&: expérimentez en prédications & inftruchons du peuple, pour fongneufement, tant
en feglife Cathédrale que parochiales dudit Meaux , qu'en toutes lefditcs autres Egli-
fes parochiales dudit dioccfe,prefcher &: admonnefter leshabitans fcdcmeuranscn
tout le dioeele, de garder abferuçr,reuerer,la{ain6tefoycatholiqae,obuier, répugner
& contredire aux malheureux hérétiques , qui la veulent impugner, &: iccux reueler a.
iufticc,pouren faire la punition. Et auffi mettre peine par bonnes &:fain<îtes remon-
ftranecs &£ admonitions , de réduire ceux qui en feroyent entachez à la lumière delà
faincte foy catholiquc,Ô£ à laitier les ténèbres de la malheurcule fecte Luthérienne , 8£
autres herelies,qui ont efté enfcmencccs cy deuant en ladite ville &: diocelè de Meaux
çontre l'honneur du benoît Sauueur,foy &c do&rinc de J'cglife catholique. Et pour fai-
re mettte le prefent Areft à exécution félon la forme &c teneur, ladite Chambre a
renuoyé &c renuoyc lefdits prilonniers par deuant ledit Bailly de Meaux ou deldits
Lieutenans. A laquelle exécution aflifteront aum* les Aduocat&: Procureur du Roy-
Fait en ladite Chambtc,le quatrième iour d'Octobrcl'an m. d . x l v i. Amlifigné
Malon,
L'exécution du [ûfdit Areft.
CEft Areft eftant donne' par les Confeillicrs de la Chambre , Satan noncontentdu
fangde tantd'innocens,&: perdant n'auoir lien fait, ains eftre veincu& conlus s'ils
perliftoyent conitans ik immobiles en la vérité, tal'cha par tous moyens de les en reti-
rer. Pour quoy faire il inipira aux iuges de leparcr par dîners monaltercslesQv a t o r-
z e qui eftoyent condamnez à mort, pour effayer tous moyens de les deftourner de LeïXill^
leur confiance. Mais après que l'expérience eut donne à cognoiftre qu'ils eftoyent trop
roides,& qu'il n'eftoitpoffible de les faire chanceler, ils furent huiez entre les mains
de Gilles Bcrtelot preuoftdcs Marefchaux ,pour les mener exécuter à Meaux :&ù les
Quatorze condamnez au feu, mis en vnchariot àpart . Orpour lesfafchcr &C defo- Maillard «
icr,dcux doâreurs Sorboniques, Maillard & Picard, cftans furmules coitoyoyent les Picard,
chanots,&: ne ceflbyent de leur rompre la telle, pour les diuertir de la vérité iufqucs à ri"Jur^'!
ce que Pierre le Clercdit à Picard,Retire-toy dcnous,fatan:lanTe-nouspenfer ànoftre iige*.
Dieu,
Cependant aduint vn acte notable par vue grande prouidence de Dieu, qui rdiomt
&c confola mcrueilleufement ces pourcs patiens , opprtlfcz de fafchcrie <k trauail
tant d'eiprit que de corps. Commeils paiToycnt par la forcit de Liury , laquelle eftà ConfaUùû
trois lieues de Paris : fe prefenta à eux vn homme d'vn petit village voiiin nommé qucDl*u
Coubcron,tiireranddetoilcdc l'on meftier: lequel commença à luiurc les chariots, auxabwu?,
exhortant tous à perfeucrer en la conteflîon de la vérité : Prenez courage, difoit-il,
mes frères ÔC amis, &: ne vous lalîez point de rendre tcfmoignage à la vérité de 1-
Euangile . Or pource que les chariots fe haftoyent fort , &c qu'il ne pouuoit pas eftre
ouy de ceux qui precedoyent, il commença à s'efcricrleuant la main au ciel, Mes frè-
res, ayez fouuenacc de celuy qui eft la haut au ciel . Les fatçllites & archiers du Preuoft,
voyans la contenance &: façon de faire de ccfthommc/c doutèrent qu'il eftoit Luthé-
rien : Se fans autre inquilition le lièrent &: garroterent , puis le ietterent dedans le cha-
riot des plus criminels, Peu de gens (linon ceux qui l'ont expérimenté ) pourroy ent en
ce fai& comprédre les voyes fecrcttes&: incognues aux charnels , que le Seigneur tient
pour foulager l'infirmité des liens . Car ceft homme toutfrais en Ion ardeur , leur fer-
uit de refraifchiiTement & nouueau fecours . Et ( comme aucuns d'eux ont confelTc)
à la venue de ceft homme, lequel comme vn Ange du ciel s'eftoit volontairement
pfrertjilsreceurent nouuellcs forces : &C aucuns d'eux qui eftoyent comme accablez,.
Eau,
de triftdTc,com mène c rem à leuer latefte,&: s'efgaycrau S. Efprit : tant bien ce pou te
homme mec unique , tout trais & de corps &c d'clprit, venant dvne folitude fvlueftrc*
les animoit a fouftenir la querelle de Icl'us Chnft. Ils arriuerent toft après au village de
Liun ,& pource que tout le peuple des lieux circôuoifms eftoit refpadu fur le gTad che-
min,on 1 c cognent cclt homme:dont aucuns commencèrent à s'eferier, Au Luthérien:
&c dire aux archiers du Preuoft qu'il auoit mieux mérite le feu que les autrcs:ce qui leur
dôna bô courage de le l'errer de plus pies.* On récite vne hiftone des Martyrs de lapri
miciue Eglife prcfque femblablc à celle cy, touchât vn fainct Martyr lequel le prefenta
à la mort aucc d'autres Chreftiens, qu'il rcncôtraainfi qu'on les menoit au fupplicc . Et
Vn Martyr pource que ccft hôme de Dieu eftoitincognu, on lenômacn Latin^frta«clf«*,côme qui
cjuifîtnô- diroic Surcroift, pource qu'il auoit augmente le nombre des faincts tcfmoins delcfus
ftusf Chrift.Aprcs que toute la trouppe fut arriuee à Meaux,onlcs logea derechef en prifon
où la queftion extraordinaire tut donnée aux Quatorze principalcmcnt/ans toutefois
qu'on leur leuft taire aceufer ou nommer pci forme de ceux qu'ils fauoycnt auoir reccu
Crnftance l'Euangilc.^ Il s en trouua entre eux vn plus fortifie , lequel crioit aux boutreauxqui le
aJmiriblc. tjroycm gj defmembroycnt, Courage , mes amis , n'efpai gnez ce mifcrable corps qui a
tant refifté àl'Efpric>&: a tant efté contraire au vouloir de Ion Créateur.
Le lendemain de la qucftionfqui eftoit le iour de l'cxecuriô)on vint encores à diljpu-
ter contre eux , fpecialement de la matière de la Ccnc . Mais Picard ne les autres ne fa-
uoyent que dire,quand le Clerc leur demandoit où eftoit fondée leur traniîùbftantia-
tion:&: fi en mafchât le pain, ou en beuuat le vin, il auoycnt iamais fenty quelque gouft
de chair ou de fang .^Pour la fin on leur fît cefte offre , que ceux qui voudroyent parler
en l'oreille du Prcftre,c'cft à dire fe confeiler,auroyent quelque gracc,& n'auroyent les
langues coppecs . Six de Quatotzc , ou par infirmité , ou eftimans cela de petite confe-
quence7reccurcnt cefte condition au grand dueil& regret des autres, qui ne s'effneu-
rent pour menaces ou promefTes qu'on leurfeuft faire.^ A l'heure de l'exécution, qui e-
ftoitfur les deux heures après midi, ainfi qu'ils partoyent de la prifon, le bourreau dema
da premièrement la langue à Eftienne Mangin, lequel la bailla volonticrs:&: après que
le bourreau luy eut coppée,en crachant le fang parla encore allez intelligiblemet,diiat
trois fois,Lc nom de Dieu foit bénit. Incontinent il fut trainc fur vne cloye, comme auf
fi Je Ckrc,&: les autres menez en tombcrcaux:&: ceux qui n'eftoyent iugezà mortfui-
Fvmition uoyent à pied iniques au grand marché , où eftoyent érigées quatorze potences en cer-
barUrc. cjc y -s ^ y -s ^ ja maj^ jutjjt Magin:&: vne autre potecevn peu plus eflognec,où deuoit
cftrc pendu par dclTous les ai/Telles vn ieunc garço nômé Michel Piquery,qu'ils auoyét
hôte de bruflerpourla ieunciîe.Là les bourreaux cômcncerét à les lier , corne agneaux
deftinez au facrifîcc. Et pource que ceux qui auoyent les langues coppees ne ceilbycnt
de louer Dieu,&; les autres de chanter Pfcaumes: les Preftres qui là eftoyent comme for
cenez/e prindret à chanter O falutart* hoJ}r>i>Salnc regmafc autres blafphcmcs exécrables:
& ne ce/fa leur chant enragé, îufques à ce que les lainétcs hoftics de Iefus Chrift furent
toutes brullees en fouet odeur au Seigneur.
^ Le lendemain qui eftoit le huitième duditmois,lesaduerfaires comme ayansbien
fait leurs befongncs,&: comme voulans mener la vérité captiue &veincue en triom-
phe, ordonnèrent vne magnifique proceflîon générale en laquelle ils promenoyent
leui hoftic,accompagnced'vne infinité de torches &: cierges en plein iour. Et quand
la pompe fut paruenue au lieu de l'exécution, où le feu ardoit encores,on fît là repofer
ladite ou blic:&: lors le docteur Picard monta en chaire, ayant pour pauillon vnciel de
drap d'or,dc peur du foleil qui lors luifoit : &: commença à fe tempefter contre les exé-
cutez, diiant qu'il eftoit neceflaire à falut de croire qu'iceux eftoyent damnezaufond
BufpLeme des enfcr$:& que ii vn Ange du ciel venoit qui dift du contraire , il le faudroit reietter.
korribledc & qu'autrement Dieu ne feroit point Dieu s'il ne les damnoit éternellement. Or tou-
Picard' tefois quelque chofe qu'il peuft iargonner, il ne feut tant faire qu'il peuft induire lès
femmes à confellerau forcir de prifon, que leurs maris fuflent damnez, car toufiours
elles s'armoyent de cefte refponfc,qu'ayans longtemps conuerfé auec eux, elles les
auoyent toufiours veuviure en la crainte de Dieuj&enl'obferuation defescomman-
demens.
PIER-
T/ufeUrs Martyrs
PIERRE B O N-P AIN,àiW
PR E S la mort de ces fain&s perfonnages, les tyrans abbreuucz de fang , fi- MD.XLVi.
rent grade diligence de difliper,gafter&: meurtrir le troupeau duSeigneur,
&c ruiner dn tout l'héritage d'iceluy. Plufieurs donc d'entreux ïc tranf-
portèrent es villes tant circonuoifines que lointaines, pour la rage &: violé-
StTc lapcrfccution. Cefte difperlion ne fe fit fans grand auancement &: femenec de 1-
Buagile-.car il ne faut douter que chacun d'eux ne fift deuoir de profiter où l'occafion s'
adonnoit: comme PharonMangin,hommc de grande ardeur &£ véhémence fpirituel-
le failbit à Orleas& autres lieux:comme Pierre Bon-pain (qui toft après fut exécuté en
la ville de Pari s)faifoit à Aubigny. Et par ce moyen le royaume delcfus Chrift s'auan-
çoit maugré la furie des ennemis de la vérité.
D\n nommé R O G I E R deNorthfolc.
jO X V S , au recueil qu'il aeferit des chofes de l'Eglife d'Angleterre, fait D Xi-
imention d'vn certain perfonnage natif du pays deNorthfolc, nommé Ro- u duc de
kgier,homme laicqui fut bruflé à la pourfuitte du duc de Northfolc , à caule Northfolc.
[qu'il maintenoit la vraye &: fainéte opinion du Sacrement. Et auantquele
demy an après i\\ mortfuft parte, le Duc perdit fon fîlsaifné , quiauoitgrans dons de na-
ture^ orné de grandes vertus:&: quant à luy, il fut conftitué prifonnier , &c finalement
après auoir recogneu fa faute,ou pour le moins modéré, ne fe moftra point depuis tant
rigoureux ne véhément enuers ceux qui faifoyent profefhon de l'Euangile. .
ANNE ASKEV EJamoifelle >An«loife.
S V R la fin du règne du roy Henry VIII.de ce nom,pluficurs endurèrent confhmment la mort pour la vraye prorefsion de I j
dodtrinedc i'Euan ilcEntreautrcsccfte noble damoilelle a cfté porte-cnfdene a ceux qui jont venus après elle, à catife Je
la vertu & force que Dieu lu y donna de foultenir en l'aage de vingtdnt) ans la vraye doctrine de fa vente , lors que toutes
chofes cftoyent du tout confu/cs, fous vn gouuerncmcnt cruel & tyrannicjue.
E qu Eulebc a cicritde Blandine conféré auec ce que cefte noble femme a
fait,on trouueia vne grande fimilitude. Car cefte-eyfurmontant la fragilité Xlv;D
de Ion lcxc,a fait vne confeflïon admirable delà vérité de Dieu, & a mainte-
nu fa vraye gloire contre les idolâtres de la meife Papiftique:&: d'vn courage
inuincible a enduré la prifon& toutes reproches ignominieufes &: cruelles. Elle eftoit
natiue du pays de Lincolne, iilùe de nobles parens. Son pere eftoit Guillaume Askeue,
de l'ordre des Cheualiers. Ayant efte nourrie & entretenue d vne façon noble &c digne
defesparens,paruint fmalemctà ce but,qu'ellefauoit bien lire &cfcrire.Elleauoit bon
efprit &: euft bien peu comprendre de plus grandes feiences , fi l'inflruclion ne luv euft
non plus failli que le naturel, Mais au refte,Dieu fupplea en elle par fa grâce & bonté ce
uiluy defailloit par faute d'inftru&ion. Elle eftoit chafte&: honnefte en toute fa façon
e viure,en forte que les bons y pouuoyent voir beaucoup d'exemples de vertu pour s'-
inciter^ les malins ne lapouuoy c nt blafmer. Sa prudence &: la promptitude de fon ef-
prit peuuent eftre facilement cognues par fon double examen. Au premier elle a mon-
ftré ouuertement par la viuacité de fon efprit &par fes refpôfes,qu'elle euft bien peu ef-
chapper fi elle euft voulu : au fecôd elle a aufti monftré par fa grande confiance, qu'elle
n'auoit point regret de mourir. Car elle eutàfouftenir deux combats coatrecesen-
nemisrlefquels elle a eferits de fa propre main , à la requefte de fes amis.
Le premier examen de noble & honnorable femme Anne AsK eue.
JO M M E S freres,compagnons d'armes bien vnis en Chrift,afin que ierefponde
à vos defirs &: requeftes: L'an m . d . x l v i , au mois de Mars,on me fit commande-
ment de me trouuer en l'auditoire : &: là s'adrerTa à moy vn des douze députez pour in-
Scrroguer ceux quifont foufpeçonnez d'her efie,lequel on appelle Chriftophle Daire.il
E-iiii,
2
me demanda fi ie nadioufloyc point foy au facrement qui eftoit pendu au ciboire , & il
ic ne croyoye point que ce fuit de taitt &: de nature le corps de noftre Seigneur. Et pour
luy taire refp< >nfc , ie luy demanday aulii qu'il me monftraft pour quelle raifon on auoit
îadis lapidé fainctlifticnne. Et après qu'il m'eut dit qu'il n'en iàuoit rien, ie luy relpon-
dy en ceiteTortc:lc ne relpondrav auÛi à voftre queftion friuolc. Pour le fécond poinct
ilmcmcttoitenauant , qu'vne certaine femme auoit tclhrîe&i confermé que i'auoyc
leu en quelque part, que Dieu ne tait point fa refidece és lieux faits de main. le luy vay
Aa.7.4»,& produire furie champ le ftptieme chapitre des Actes, Scie dixfeptiemc, montrant de-
i7,i*- uant les yeux ce que S.I ilienne& S.Paul nous ont laùTé touchant cefte matière. Il ni-
interi ogua en quelle forte i'auoyc pris ce partage: &: luy refpondy qu'il ne falloir pas ict-
ter les perles dcuantles pourceaux, qui prennent beaucoup plus grad plaiiirau gland.
Il mede manda puis aptes qui m auoit fait ainfi parler, Que i'aimeroyc mieux lire cinq
vers en la fainetc Bible de Dieu , qifouyr autant de Melfcs au temple. le ne niay point
queie n cuilè ainfi parle:toutefoisc n parlant ainfi ie nauoye pointât mauuaife opinion
de 1 Ey litre &c de l'Euagile qu'on lifoit en la mciïe.ains ie fondoye ma raiibn en ce, Que
iefentoye grande édification en la lecture de la biblermaisenoyantla Méfie, nulle. De-
i.Cor.14.8. quov S. Paul rend tort bon tclmoignagc, au quatorzième chapitre delà première epi-
ftre aux Corinthiens, quand il ditainli,Sila trompette red vn fon confus , quieft-ce qui
fe préparera à la bataille?
Or cemonfîcurpourfuyuantfon propos, me dit, Vous auez dit que fîvn mefehant
PreftrechantoitlaMcire, le diable cftoit là, non point Dieu. Ic refpondy que jamais ie
nauoye ainfi parle, mais que i'auoyc dit que quelque Prcftrequecefuft quichantaft la
MefTc,ou de quelque vie qu'il fuft , cela ne derogoit rien à ma foy : & cela ne m'cmpel-
choit point de receuoir en cfprit le corps &c le fan g de Chrifl.
Ovtreplv s, pour le cinquième article il me de mada quelle eftoit mon opinion
touchant la Confeffion. le dy queie n'en penfoye autre choie flnon ce que S. laque s en
i*<is.\6. ditjlequel nous commande de confcJlcr nos péchez 6c ofïenfes les vns aux autres, &c de
prier les vns pour les autres . On me parla puis après du Hure qu'on appelle Lcliure
royal . &: ccftuy-cy me fit celle demande , Que c'eft que i'en penfoye. le dy que ie n'en
pouuoye faire aucun iugement , veu que ne I'auoyc encore veu. Conlcquémcnt il me
fît vnc autre interrogation, afïauoir li i'auoye l'Efprit de Dieu. Et ie luy refpondy , Si ie
ne lav,ienc fuis point de Dieu, ainçoisdov cftre mife au reng de ceux qui font reiettez.
Alors il me dit qu'il auoit amené vn Preftrc qui me de u oit examiner. &: le Prcflre le-
quel il auoit làpreft en main, commença à médire, première ment qu'il dcfircroit bien
iauoir de moy quelle opinion i'auoyc touchant le facrement de l'autel . mais ielepnay
qu'il ne me preflaft de trop près à luv refpôdre de ce rte matière . car pource que i'auoye
apperceu qu'il eftoit Papille, ie n'en vouloye point difputer beaucoup auecluy.
Finalement moninquifiteur reuint à ce poinct,Quelle cfloit mon opinion tou-
'usin)n'r chant les Meffespriuees,afTauoirfî après celle vie cllespcuuent faire que les ames fe-
parées des corps* ayent quelque foulagement. Sur cela ie refpondy que ii quelcun met-
toit plus fafianccenicclles qu'au fan g duFilsde Dieu , quieft mort pour nous ,ccn e-
floit point fans idolâtrie ou facrilcgc.
Ok après qu'on eut ainfi exploité, on me mena finalement au Maire delà ville, le-
quel m'interrogua de poinct en poinct de toute s ces chofes,&rpar mefme ordre:& ie luy
refpondy en mefmes parollesdefquelles i'auoye vféauparauant: linon e]uemonfieur le
Maire me mit en auant vnc chofe qui eftoit procedec d'eux, &c non point demoyrc'e-
floit,Si vne fouris rencontrant vn pain con(acré,venoir à le manger, afTauoit fi elle ma-
gcroitdicuencefaifant, ou non. Etdcfait, icn'ay point tenu ce propos , mais eux m'-
ont bien demandé quelque chofe approchant de cela. A laquelle demadeie ne refpô-
dy pas vn feul mot: feulemét ie me prins à foufrire quand on me fît celle interrogation.
Là eftoit prefent le Chancelier de l'Eucfque,qui parla à moy rudement, de ce quemoy
qui eftoyc femme, me mefloye de tenir propos des S.Efcritures de Dieuraffermant que
S.Paul auoit défendu aux femmes de parler des S.Efcritures. A quoy ie refpondy que iç
i.Cor.i4. n'ignoroye pas tellemet l'intention de S. Paul, que ie ne feu /Te bien ce qu'il ordonnoit.
Là il défend aux femmes de parler en la congrégation, corne en la côpagnie des homes
qui font orHce d'endoctriner. Et incontinét ie le priay de me dire côbicn il auoit veu de
femmes môter en chaire pour prefcher.Et après qu'il eut côfefîe qu'il n'en auoit iamais
veu.
veu, ic luy dy derechef, Ne chargez-vous donc point les poures femmes par vofrrc ju-
gement précipité, lesquelles la loy abfoutr • Et fur ce point monlicur le Maire com-
manda qu'on me menait en prilbn : mais ie luy h requefte qu'il luy pleuft receuoir quel-
cun qui me plcigcatt. Ce qu'il ne mevoulirt aucunement accorder, ains me fit inconti-
nent mener en pnfon : S>C durant l'efpacc de douze îours entiers on ne permit qu'aucun
de mes amis me vinft voir. Ce temps pendant il y vint bien vn Preitrc, lequel me dit
qu'il t ftoit là venu auec expre/Ic ordonnance de l'Euefque , pour s'enquérir de mov , 6c
pour me donner bon cofcil.mais ce vénérable eftoit fort prompt a taire des inrerroga- Efpïonea*
tions,&: beaucoup plus qu'à donner confcil:&: la première choie qu'il me demanda , ce
fut la caule pourquoy l'auoye efté amenée en cefte pril'on. le dy que ic n'en iauoye rien. Anne
Alors il dit que ficefte calamité m'cltoitimpofee à tort & fans caule , cela dtoit digne
de compaiiîon. Pour le faire court, iltendoitàce but,qu'il vouloir monltrcrd'eilre tort
fafchc de ce mien inconuenient. Il difoit auoir ouy dire que ic nioyc le facrement de l'-
autel, le luy rclpondy,Cc que i'ay dit, ie l'ay dit. Il me fit vne autre demande,aiïàuoir li
i'auoye çonfeffé mes péchez à vn Prcftre. Non, dy-ie. Tout incontinent il me dit qu'il
en ameneroit vn pour m'ouyr en confciîîon.Ie refpondy que ic le vouloyc bien, moyen-
nant qu'il m'amenait vn de ces trois, aiîauoir le docteur Crom,ou Gillam,ouHuntyng-
ton, pource que i'eftoye bien informée tant de la pieté que de la prudence deceux-cy.
non pas (dy-ie)queie vous dedaignermaispoureeque ic ne vous cognoy pas fi bien. le
ne voudroyepas, dit-il, que vous euffiez quelque doute de moy ne des autres , que nous
ne fufîions à comparer à eux en toute honneftetc. Que fi nous n'eftions tels , le Roy n-
ellimeroit point que celte charge 6c office de prefeher nous deuft cfkre délégué. Pour
rcfpôdreàccla,ieluy allcgay lepaifage de Salomon, Ccluy qui fréquente auec vn hom PrCllcr 1 -s*
me fagCjdcuient encore plusfagerceluy qui conuerfe auec vn toi, le fait grand rômage.
I.e x x 1 1 1 iourdcMars,aprescelavnmiccouiin germain me vintvoir,&: medema-
da fi ie pourroye cftrc tirée de pnfon en baillât caution ou pleigc.Puis s'en alla droit au
Maire, &: luy prefenta requefte d'accepter caution 6c plcigc de quelques penonnes
hôneftes : 6c par ce moyen m eflargir. Le Maue luy refpontiit qu'il voudroit volontiers Jr¥c" ;; 3 2"
touteschofes pourluygratifier,moyennantquelaiuftieeipuituelleyf onlentift. Il luy „ :i .
confcilladoncdcs'adreilcràrOtticialdc BonerEucfqucde Londres. Mon coufineftat c;ou-
renuoyé auec cefte rcfponfe, s'en alla droit à ccft Officiai, lequel luy fît telle refponfe,
que c'eftoit vne caufe de grande coniéquccc, 6c qu'il n'auoit pas telle authorité ou pui(~
fance en ceft endroit qu'il y peuft mettre quelque ordre : 6c que c'eftoit la propre char-
ge^ office de l'Euefque. Et pourtantilluy dit qu'il retournait le lendemain ,&: lors il
fauroitplus au long la volonté de l'Euefque. Bref,mon coufin retourna vcrsl'Officialau
iour&: heure qu'il luy auoitafllgnce,& s'en alla à l'Euefque: lequel pour conclufion dit
que ie fortiroyc voircment , mais que ce feroit pour conférer de ma doctrine &: a/îlgna
le terme au lendemain à trois heures après midy. Iladioufta outre cela ,que les perfon-
hages qu'il ad mettoit en cefte conférence , feroyent principalement ceux aufquels ie
portoyc pins de faucur, en forte que tous pourroyent manifeltemét cognoiftre qu'il ne
voudroit vfer d'extrême rigueur en cefte caufe contre moy. Et mon coufin luy refpÔdiç
qu'il ne cognoiifoitperfonne à qui iefuile plus adonnée qu'aux autre s, Et rEucfqueditj
Il cftainli quelle en a aucuns qui luy portent taueur plus que les autres, aiîauoir le do-
cteur Crom,Gillam,Vvythod, 6c Huntyngton. car elle les recognoit pour perfonnages Coi\;?s
fauans, 6c de bon 6c pur iugcment.Dauantagc il prefia ce mien cou lin par beaucoup de Boàa. 2
parolles,à ce qu'il me perfuadaft de déclarer &c defployer franchement deuant luy tou-
tes les cachettes de mon cœur . 6c qu'en ce failant il s'obligeroit fur fa fov qu'il ne m'en
aduiendroit dommage ou inconuenient quelconque. Le lendemain l'Euefque me fit
appeler à vne heure, îa foit qu'il nous euft remis feulement à trois. Et quand ie fu venue
deuant luy, il me dit qu'il eftoit fort marry de cefte mienne calamité. Au relie , il m'ad-
monnefta de luy delcouurir franchement Se lans crainte, pour quelle chofe mes aducr-
fairesauoyent drelle aceufation contre moy, & de luy defployer tout ce que i'auoye en
mon cœur: qu'il n'y auroit perfonnè qui me fîft fafchcrie pour quelque parolle q ic fcul-
fe direxar ce que ie diroye, feroit comme enfeuely dedans fes murailles. le luy dy,Mon-
fieur, pource qu'il vo9 a pieu m'affigner le terme à trois heures , à laquelle heure le doy -
uent trouuer ici ceux qui doyuent parler pour moy, ie vous fupplic me faire ce bien d'-
attendre iufqu a ce qu'il foyent venus . Et bien donc(dit-il) ie fuis d'aduis qu'on face ap-
Livrer III. oAnn<Lj zAskeuç^j.
%
peter fur le champ ces quatre defquels i'ay parle naguercs, afin qu'ils foyertt icy prefens
pourouyreequi feradir. le lepriay qu'ilne 6ft point cela: car il n'eftoit autrement bc-
loin qu'ils pi inifent cefte peine-la , veu que ces deux gentils-hommes feroyent hons&:
fuiHians celmoins , autant qu'il i'eroit expédient en tel afiaire. Api es cela l'Euefque fe
Spflnun. retira en fa gallericî& rit là venir moniieur Spîlman,&luy ordôna d'infifter enuers moy
par tputes'lbrtcs, à ce que ie ne cclalle rien. Cepédant il m'enuoya ion Archediacrc,le-
quel de première au iuec me demanda pour quelle caui'c on m'auoit accufcc. le luy ref-
pondy qu'ilfalloit demâder cela à mes accusateurs. Alors il m'ofta \ n petit liurc que ic
tenoye en mamain:& me dit, Ce petit liurc-cy & autres fctnblablablcs , vous ont ame-
née à la calamité où vous elles maintenat . parquoy ic vous admonnefte que vous- vous
en donniez garde. Car ( eluy qui a compofé ce liurc que ie vous ollc , a cfté brullé en la
j place de Smythfild. Ic luy demanday fur cela, s'il cftoit bien certain de ce qu'il diibit. 11
■Mrtv'rcv mc cn 1 qu ouy:& qu'il iauoit bien q c'eftoit le liurc de IeâFryth. Et ic repliquay, Voyez,
dcfi'ui. ' fans ainli prononcer a là volée d'vnc chofe que vous ne fauez pas. Etquant&quant a-
presauoirouucrt le hure , ie luy monftray que c'eftoit. Iepenfoye (dit-il) qucccfuft vu
autre .& ne trouua rien qu'il peuft reprendre. Finalement après que feu remonftré à
ccll Archediacre qu'il ncfuft dorefenauat ii haftif&: inconiidcréàiugcr, fansauoirbo*
ne cognoiiiance de la choie, il me laiii'a &: s'en alla.
Br y t a n moncouiin vint puis après vers moy aucc moniieur Hauill,aduocat,&:
quelques autres, en prefence defquels l'Euefque medit que ie deiployaflè hardiment
ce que ie tenoye caché au dedans, le luy refpondy que ie n'auoye rien caché en mon
cœur pour mettre en auant: Car, grâces à Dieu , ie fentoye ma conicience paiiible&:
fans aucun remors ne fcrupule. Et fur cela BV.ner l'Euefque prepofa vne (imih'eude,
dilant, Vn chirurgien fauant & bien expert ne peut pas appliquer vue emplallreà la
playe, s'il n'a en premier lieu diligemment fonde la profondeur de laplaye. auflî ne
pourroy-ic pas donner des confeils propres à voilre maladie , ii vous ne me defcouurez
premièrement ce qui vous fait mal envoftre conicience. Derechef ic luy dy que ma
confcicnce ne mefaifoit nulle ment mal. ce icroit folie de vouloir mettre vne empla-
ftre fur vne chair faine & entière. Il me refpondit, Vousmccontraignezdevous pref-
fer par vos parolles m cimes . car vous auczditque quiconque receuoitlcfacrcmcntd'-
vn preftre ord & mal viuant , il reccuoit Satan ,&r non pas Chrift. Ic luy dy , le n'ay pas
ainli parlé . mais ce que i'ay confelfe deuant moniieur le Maire &: les enquefteurs , ie le
vous veux auflî maintenant confe/Ter: ailauoir , A quelque mefehant Prcftre qu'on ait
à faire, cela n'cmpcfclic pas les autres de receuoir le corps & le fang de Içfus Chrift en
efprit& parfoy.
Bon e R,Qrei:gniriecequcvousaGioufl.ez,cncfprit? Maiscncorcic nevous veux
pas trop prelîcr. An n e , Vous fauez que nulncpeut receuoir deuement &falutaire-
mentee Sacrement, finon cncfpnt&: partoy: ^ Apres cela il vintàccpoin£t,quei-
auoycditquc le Sacrcmetqui eftoit enfermé au ciboire, n'eftoit que du pain. le dy que
ic n'en auoye point parlé, mais les Inquiiitcurs m'interreguerent fur cela quelle en e-
ftoit mon opinion : & de mon cofté auflî ieleurry celle dcmande,Pourqucy S.Eftiennc
auoit cfté lapidé. Et après qu'ils eurent rcfpondu qu'ils n'en fauoycnt rien , ic dy auflî
que ie ne rcfpondroye point à ce qu'ils me demandoyent. ^ Boner puis apres me mit
en auant que fauoyc allégué quelque paiîagede rEfcriturc. le luy dy, que ie n'en auoye
point allégué d'autre , linon celuy ou l'Apoftre S. Paul relpondit îadis aux Athéniens,
Que Dieu n'habite pointés temples faits demain. Et quelle cil voftre foy (dit- il) tou-
chant cefte matière du Sacrement ? Iccroy ( dy-ie )cc que la fainile Efcrirurcdc Dieu
m'enfeigne. 11 répliqua, Et que diriez-vous (i l'Efcriture en feigne que c'eft le corps de
Chrift? le croy(di-ie)tout ce qui eft ordonné par les fain&cs Efcriturcs. Bonï R,Mais
que fera ce fi rEfcriturc ne dit point que ce foit le corps du Seigneur? Ann E,Iefuyen
tout&partoutl'authoritéde l'Efcriture nous enfeignant. ^Orils'arrefta quelque peu
de temps fur celle queftion, la répétant par pluiieursfois, afin que par quelque moyen
il arrachait de moy finalement ce qu'il prerendoit . mais de moy, ic me contenoye touf-
iours dedans ces limites &: bornes, ne refpondant autre chofe, linon que ic iuyuroyedc
toute ma foy tout ce quclareigle del'Euangile commandoit. On me demanda fur
cela , pourquoy i'eftoyc ii chiche en parolles , &c ii reftreinte en rcfponfes. le dy que le
don
lutcrro
tu »1 l
Boner.
A2.I7.:
don d'intelligence m'auoitefté baillé, mais non pas le don déparier. Ce que mainte-
nant vous blâmiez, Salomon au 19. des Prouerbcs le tourne à grande louangc:afFermât
que c'cttvn don lingulicr de Dieu, quand vnc remmeeit attrempee &bien modérée
enlaparollc. *Bon t r, Vous auez dit que la Mciiéeftvne idolâtrie. An ne, le ne
1 ay point dit . mais quand les gens de la iuiïicc nagueres me demandoyent , Sue n'efti-
me point que les Méfies priuees fulfent ialucaires après cefte vie aux ames feparecs des
corps: ie rclpondy bien que cecyn'eftoit fans idolâtrie, quand quclcun mettoit plu-
il oit la fiance aux Meilès qu'au iangde Iefus Chrift , par lequel nous Tommes rachetez,
Bon e r, Ievous prie, quelle eftoit cefte rcfponfc? An n e , Encore que dauenture elle
nefuil pas des meilleures , ne des plus doctes : toutefois clic vailoit bienles interroga-
{ions qu on me faifoir.
Or rEuefquepourfuyuantfon propos, propofa autre accula tion contre moy : aiTa-
uoir que fauoye dit quelque fois a Lincolne qu'il y auoit (oixante preftres , qui auoyent Cpnlpira-
fait confpiratjon enfcmbledc me faire mourir. le ne le niay point: car pour lors aucuns
de mes amis familiers m'en aduertirent: a/làuoir qu'en ladite ville de Lincolne il yen
auoit qui auoyent complotté enicmble, &confpirédefc bander contre moy. Aufîi
toit que i'en eu cité aduertie, ic m'en allay droit à Lincolne , où ïc demeuray par l'cfpa-
cc de neufiours , pour iauoir mieux à la vérité comment il en alloit. Cependant que i -
eftoye en leur grand temple, lifânt en la Bible» ils m'enuironnerent par trouppes , tan-
toft deux, quelques fois trois , aucune fois mcfmc iuiqu'à iîx : neantmoins fans fonner
mot ils s en retournoyent comme ils cftoyent venus.
B o n e r me demanda fur cela,lî de tous tcux-la il ny en eut pas vn feu 1 qui me diftvn
feul mot. le luy rclpondy que voircment entre les autres il y en eut vn qui parla vn peu
à moy. B o n e r, Et que vous difoit-il? Ann e , Ses propos eftoyenc de Jî petite confe-
qucnçe,queielcsaydutout oubliez. Bone r, Il y cnaplulicursquiliicntlcslainctcs
E(critures,&: nonobftant ne monltrent point en leur vie qu'ils ayent rien profité. A n -
n e , Monfieurlcrcuerend,ievoudroyequetous cuiléntdeprcsconfidcrémaraçonde
viure: ic fuis bien certaine qu il n'y a peribnne qui me puuTe mettre-fus vne feule ma-
culcou ordure de quelque condition deshonnefte. L'Euefque s'en allalur cela,&: di-
foit qu'il \ ouloit mettre par eicrit vne partie des chofes que fauoye refpondues.Ce qu'-
il fit aufîi. mais quant à moy, ie n'ay peu retenir en ma mémoire chacun point, ou pour-
ce quil y auoit trop grand nombre d'articles, oupource qu'on ne m auoit point bail-
lé de copie pour la lire. Au relie, les chofes dt (quelles icpouuoye bienauoir louue-
nance, tendoycntprefque enfomme au butdeuantdit.
La féconde procédure tenue coi.tre Anne Askeuccomintcllt-nicrax: l'icfcncc à vn lîcnamy.
S^pR ERE bien-aimé ennoftre Seigneur Iefus, touchant à mon autre examen,
^Jggvoici comment il en va : Premièrement quad ie fus amenée deuant le confeil , M.
Kym m'interrogua : auquel ie refpondy que fauoye defia alTez defcouuert ce que ie fen-
toyc en mon cœur , entant que touchoit ceft affaire. Mais ces meilleurs diioyent que ce
n'eftoitpas airez.&qiie la volonté du Roy eftoit, que ie leur déclarante quelle eftoit
mon opinion fur cela. Et de moy, ie repliquay au contraire que ie n'en feroye rien: mais
s'il fembloit bon au Roy que ie fulfe vne fois ouye deuanc luy , ie feroye volotiers cequ -
ils demandoyent. Ils rcfpondirent que cela n'eftoit nullement raifonnable, que 1ère-
pos du Roy fuit troublé à caufe de moy &: de mes fem blables. Ic dy qua bon droit tous
auoyent mis anciennement Salomon au rang des plusfages Rois, d'autant qu'iceluy
n'a point defdaignéd'ouir la caufe de deux pourcs femmelettes qui auoyent débat 1'- r'
vne contre l'autre, &: d'en prendre luv-mefmelacognoiilancc : iene me defrioyc point
aufîi de la debonnaireté & bénignité du Roy , qu'il ne me vouluft ouyr ,moy ion hum-
ble fuiette en toute fidélité & humilité . Outre-plus , monfieur le Chancelier m '111--
çerroga quelle eftoit mon opinion touchant le Sacrement de fEuchariftie. îeref-
pondy, que ma foy eftoit telle, que toutes fois &:quantes qu'en l'aflcmblce des Chre-
ftiens, ie pren le Sacrement du corps &: du fang en mémoire delà pafTîon du Seigneur,
qu'après auoir rendu grâces félon cefte fainetc ordônance &c inftitution, ic fuis fembla-
blcmet faite participate dufruidt de la pafîîon falutaire de noftre Seigneur Iefus Chrift.»
Sur cclai'Euefque de Vinccftre me dit que ie parlaflTe plus (împlemènt &: fans faire au-
cun c ircuit ,&: que ic rcfpondilîe d'vne forte ou autre. le rclpondy que ie ne pouuoye
pfc.i?7.4. chanter Ja nouuelle chanfon du Seigneur en vne terre cftrange. Sur cela l'Eucfque m -
ayant die que ieparloye en paraboles & figures : ie repliquay que cela luy côucnoit fort
bi#n. De faicr,quand f culte parle à luy rondcment,il n'eult point aoiouftc foy à mes pa-
rollcs. Adoncil m'appela Papegay: maisieproteftay ouuertemcnt d'endurerpatiem-
ment non feulement l'es brocards, mais auffi toutee qu'il voudroit déformais drellèr
contre mov.Sur cela les confeillcrs me dirent pluficurs parolles piquantes &: outrageu-
ies:mais il n'eft befoin de les rectter.ne les articles l'vn après l'autre , veu qu'il y en auoit
tant ait on ne les pourroit exprimer en beaucoup deparollcs. De raid, ic tu là détenue
cinq heures ou plus. Et finalement après auoir beaucoup difputé, commandement tut
(ionneau prcmierlccrctairedu Confcil, de memenerde Jàcn lamaifon de monlîcur
. intcr Garnishé. Le lendemain ie fu derechefamenee deuant le Sénat. Us me pre/îcrét fort
icigiue de- de déclarer ce que ie croyoyc du Sacrement. Ic rclpondy que tout ce qui m auoit efté
uâî u- Sénat p0fl'mlc de dire fur celle matière, ic l'auoyc dit. Et après quelques propos , ils me com-
mandèrent de me retirer vn peu à part. Et bien- toft après mon lieu r L) IIc,moniieurd-
nfcx & l'cucfquG île Vvinccftre vinrent vers moy,& me folicttcrêt de près, à eequeie
confefTafî'e que le Sacrement eftoit le corps de Chrift en chair & fang &c os. le dy à mon-
fieur PariT&: à monficurLvfîe, que c eftoit grand'honte, de me confeilk r de dire vne
choie à laquelle leur confcicnce ne s'accordoit nullement. Ils rcfpondirent qu'ils de-
liroyét que par ce moyen tout allaft bien. &: fur cela l'cucfque de Vvinccftre me dit qu'-
il vouloit parlera moy tamiliercmcnt. Ainlî(dy-ic)Iudas voulut parler à Iefus Chrift,
quand il le vouloit trahir.Il me demanda pourquoy ie refufoye de parler en particulier.
Pourcc (dy-ie) qu'en la bouche de deux ou trois toute parollc demeure ferme . Or a-
Robnfon pres qu'ils m'eurent commandé de me retirer delà , le d odeur Robinfon &:le dodeur
&cms. d°~ Cox vinrent vers moy . mais pour dire en bref, nous ne nous peufmcs iamais accorder.
Et puis le mirent à rappetaller vn eferit touchant le Sacrement , m exhortans que ic le
lignant* de ma propre main . ce que ierefufay défaire. Lciour enluyuant, qui eftoit le
Dimanche, iedeuin fort malade, n'attendant rien moins que la vie. pour ceftecaufeie
demanday que Latimer me fuft amené pour parler àluy : toutefois îcncle peu iamais
impetrer. Finalement ainli quei 'eftoye en grand danger de mourir, on commanda que
ie fulïe menée en la prifon de Ncvvgat. & lors i eftoye en telle lâgucur de maladie, que
jamais ic ne fenty li griefues douleurs en toute ma vie. Le Seigneur vous vueillc forti-
fier en la cognoillanccdc fa vérité. Priez, priezrie vousdy derechef que vous priez.
Copie de la confefhon que ladite Amie Askeue laiiïa en la prifo;i de Ncvvgat.
r.Coi.11 m ^Sj^S'AY leu 6c trouué ésfaindcsEfcriturcs, comment Chrift print le pain, &: en bail-
&*îêvl'a a lcs difciples,difant, Prenez, mangczx'cft cy mon corps , lequclfcra bnfé pour
vous: lignifiant pour certain Ion vray corps dcfaid&: en fubftancerduquel voircmet ce>
pain cft figure & Sacrement. Car par vne fcmblable façon de parler il difoit, Que le tem-
ple léroiuieftruit, &: en trois iours il le redifieroit:entendant fans difficulté de fon jppre
corps, comme ceci cft facile à cognoiftre par ce qui eftdit, Icam. Et pourtant il nous
faut conlïdercr en ce Sacrement du corps & du fang de Chrift, vne façon figurce& my-
ftique, &. vn Sacrement d'action de grâces, & mémoire de recognoiilàncc , par lequel
nous ibmmcs côioints auec luy , & nous auiTi fommes vnis entre nous par vne commu-.
nion Chrcfticnnc&: vrayem'ent fraternelle. Combien qu'il y en ait pluficurs qui n'en-
ExcJ.34. tendent pas quel cft le vray fens de ce Sacrement, à caufe du voile que Moyfe mettoit
*' °1-3' fur fa face, afin que les enfans d'Ifrael ne viftent point fa clarté. &i'entcn quecevoilc
demeure encore auiourdhuy és cœurs d'aucuns. Mais quand ils feront conuertis au Sei-
gneur, & le voile fera ofté,eux qui eftoyent aueuglcs,verront. Il appert par l'hiftoire de
Bel, qu'il n'y a nulle diuinité en aucune chofe matérielle, ou qui foit faite de main d'ho-
j Rds 6. 1. me. Ne vous abufez point, ô Sire, car le Treshaut n'habite ppint és lieux faits de main.
Aa.7'48. o cornent ce peuple a le col dur, &: commet il relifte toufiours au S.Efpnt ! Ils font tels
que leurs peres ont cfté:car ils ont le eccur obftiné&endurcy.
Vostre lœur Anne Aske v e , qui ne defire point la mort , pour la violence d'i-
cellc: mais fuis ioyeufe &C alaigre , autant que peut eftre vne perfonne qui pretéd d'aller
au ciel. Or la vérité cft mife en prifon, Luc 21. La Loyaefté conuertieenabfynthe, A-.
mos 6. Et leiugcmcntaeftérenuerfé,Ifaic49.chap. O Seigneur tay mifencorde,ofte
tou-
toute iniquité, &C fois propice & fauorablc,&: nous rendi ons les veaux de nos leures: &c
nous ne dirons plus, Or nos dieux ce font les ouurages de nos mains: car le pupille &c l'-
orphelin obtiendra mifericorde en toy. Que s'ils faifoycnt ainfi, ie gueriroyc leurs blcf-
fures,dit le SeigneUr: ic les aimeroye,& leur feroye volontiers du bien. Ephraim, qu -
ay-ie à faire d'idolcsrQui cil le fage &: bien aduiie ?&: il entendra ces chofes.le prudent?
& il les cognoiftra. De fait les voyes du Seigneur font droites, & les iuûes chemineront
cnicellcs: maislcsmcfchanstrelbucherontenicclles. Cccieft dit par le Prophète O-
fee i4.chap. Noftre Seigneur Ieliis difoit àla Samaritaine,Femmc,croy moy que l'heu- I«n 4.1$.
re eft venue que vous n'adorerez pluslePereny en celle montagne, ny en Icrufalem*
Vous adorez ce que vous ne fauezmous adorons ce que nous fanons . car le falut eft des
Iuifs. Mais l'heure viendra, & eft maintenant, que les vrais adorateurs adoreront le Pè-
re en efprit &£ vérité. Mettez peine non point pour la viande qui périt , dit le Seigneur, iean s.if.
ains pour celle q. eft permanéte à la vie éternelle, laquelle le Fils de l'home vo9 dônera.
Du iugement & de la fentenec Je mort prononcée contre moy en l'audicoircj
j^^P R E S ces chofes, ils conclurent que i'eftoye hérétique, &: que le dernier fuppli-
'^^^cem'eftoit ordonné parlesloix,ti iecontinuoye à maintenir mes opinions trop
obftinémcnt. Sur cela ieniay que iefuiîe hérétique: cômedefaitie ne mefentoye nul-
lement coulpable d'aucune dodrine hérétique: en outre que parlesloix de Dieu ie ne
meritoye aucun fupplicc. Quant à la foy & la confeifion que i'auoye faite à meilleurs
du Parlement , l'ayant rédigée par eferit, qu'il n'y auoiten icelledequoy ieme deufTe
repentir , &c que ce n'eftoit mon intention d'y changer aucune chofe. Sur ce propos ils
voulurent fauoir de moy fî ie nieroye que le corps &: le fang de Chrift fuft au Sacremet.
le rcfpondy que ie nioye du tout cela : veu que le Fils de Dieu que nous confeifons tous
eftre nay de la vierge Marie, eft maintenât en haut au ciel,&: reuiendrades deux corn- AâJuiJ
me on l'a veu monter. Et pource(dy-ie) qu'on ne fc contente point des limites des Sa-
cremens, vous-vous defoordez en h* grande & lourde luperftition, que ce qui eft Sacre-
ment, vous le tenez aulïi & reputez pour Dieu,&: ce que vous adorez n'eft que du pain:
&: qui voudra,pourra auoir certain tefmoignage de cela:aiTauon que s'il eft gardé deux
ou trois mois, il dénient fî moify , qu'eftant tourné en pourriture , finalement il eft ré-
duit à néant. Cclam'eft vnfurlifant argument, quec^eftdu pain: c'eft voirement vn
facrement en l'action de la Cene , mais ce n'eft nullement Dieu.
Finalement ils tindrent propos de faire venir vnPreftre pour me confefîenmais Ll Coi,fdj
ic me pris à foufnrc. Et ils dirent, N'eft-ce pas vue bonne chofe de confeifer Us péchez fion.
àvnPieftre? Ierefpondy , Il mefufrirabien de me confefler à Dieu: lequel feul peut
ouyr celuy qui le confeflè, &: veut pardonner &c faire mifericorde à celuy qui fe repent.
^Incontinent lafentence iudiciale fut prononcée contre nous, &: fuîmes condamnez
àmourir,fansquily euft en quefte faite par les douze députez, qui eft contre la cou-
ftume ordinaire.
Anne Askeue cnuoyaau Chancelier ce rhot de ii.ttre,npre» que lafentence de condamnation eue
cfté prononcée contre elle.
|AL VT vous foit donné au Seigneur créateur de toutes chofes, & aufîî cognoif-
[fance de fa vérité falutaire, Amen. ^Ie vous prie me pardonner cefte audace
inciuile de vous importuner, laquelle poflible nevousfcraqu'ennuyeulc:maislane-
cefllté me contraint,&: voftre bénignité m'y poufTe. Et afin que ie ne vous deftourne de
vos occupations grandes , voici dequoy ie vous voudroye bien fupplier en toute humi-
lité, Qu'il vous plaife prefenter à la maiefté du Roy ces deux ou trois lignes quei'ay ef-
crites touchant la raifon de ma foy. Que lifon bon plaitir eft, qu'il vueille en équité &C
humanité (comme laraifon le veut)pefer lafentence que les luges ont prononcée con-
tre moy,me condamnans à mort,&coniîderer de bien près l'aigreur d'icelle:i'auroye e-
fperance que fa maiefté entendroit facilement que la caufe de ma mort n'a pas efté iu-
ftement balancée. Mais,ie remets tout ceft affaire quel qu'il puiiTe eftre, au grand Dieu
fouuerain Iuge,&: trefîuftc inquifiteur de toutes chdfes.Et pour la fin,ie vous délire tou
te profperité , monfîeur:&: prie Dieu de bon cœur qu'il vous maintienne en bonne fan
té,& vous adrefFe en toutes chofes, Ainli foit-il . Voftre feruante en noftre Seigneur,
An N £ A$ K E V £ .
F.i. .
Lwr(u III- <±Annt.j ^skeucy.
Protcftarion d'Anne Askeue, eferite &cnucyeeau Roy,touchan: fa foy & iftnoccuce.
PHtËÎ E foufligncc Anne Askcue ayat l'entendement fain, &: la mémoire bonne : com-
ÎJgjgJ bié que Je Seigneur m'aie enuoyé du pain d aduerfitc, &: veifc de l'eau d'affliction,
(touccrois n cft-cc point fi auant que mes offenfes ont mente ; îc defireroye , Sire,vous
fane t ntendre , qu'eftant condamnée a mort parles loix &c ordonnances , comme teni-
me mefehante ex dévie malheureufe: l'appelle le ciel&i ta terre en tcfmoignage en ccil
cndroir,que les hommes me ront mourir à grand tort. Et ce que Tay dit du commence-
ment, ie le répète encore maintenant, Il n'y arien qui me Toit en plus grande horreur
Touchant qu herciie. Quant à la Cene myftique , ie croy tout ce que leScigneur ena ordonne
s 'n'euî" luy-mefrae:& protefte de tenir non feulement cnccfaict,mais auftî en tous autre s, tout
ce quiccluy mcfme a profère de fa propre bouche facrec, ce que l Eglile catholique a
de tout té}-s tenu. Carie n'eu iamaisintétiondc medcftournertatpcuiquccefufttque
ie fachc)de la parollc de Dieu. Bref, l'ay cefte délibération , de retenir fermement tout
ce que la bouche iaerce du Seigneur a ordonné,&: autant que l'cntcndcmet d'vne fem-
me fc peut eftendre. Parquoy,afin que ie ne détienne plus longuement voftre maiclté
par mes proposée mets fin à ma lettre , en déclarant limplement ma volonté : &c ce par
faute de plus grand fauoir. anne askeve.
Quels rormci.s cefte vertueufe femme endura au fortir de la prifon de NcVvgat.
Boner & SI^E Mardy on me mena de la prifon au logis de la Couronne, où l'eucfque Boncr &:
K) cii. r£ug)jlc heur Rych vindrent vers moy,où nVayans tenu plufieurs proposgi acieux pour
medeftournerde mamtenirlaveritcnlsneprofitercntderien. Depuis Nicolas Shax-
tonfuruint, lequel avant cfté auparauant démon opinion, auoit tourné fa robbe : ce-
ltuy-cy me confeillaque iefiflè commeil auoit fait. le luy refpondy, que pour certain il
vaudroit beaucoup mieux que ie ncu/fë iamaisefté née: & autres chofes fcmblables*
Bic n-toft après monlieur Rych me fît mener de là à la tour de Londres , où après que i -
eu demeure trois heures^ ledit feigneur Rych vint vcrsmoy auec vn autre des confeil-
lers du Roy : & me commanda que pour la fidélité &: obei/Iance que ie deuoye au Roy,
i euffe à déclarer fi ie fauoye d'autres hommes ou femmes qui fuilent de cefte faction.Ie
An^c pref. niav tout à plat que i'cncogneuifevn feul. Ils s enquirent fi ie ne fauoye rien de ma da-
J: ' ^ ^""c me la ducheiîc de SufFolc, de la contcflc de Sulfex,de la conteffe de Herford, de lafem-
i. cogùiî- me de monlieur Dcnéc&r femblablementdelafcmmedemonficurFith Vvihan,tou-
faucc. tcs renUncsvertueufes&:honnorablcs. Ma refponfe fut ambiguë, que fi ievouloyc iet-
ter quelque accusation fur elles, ie ne la pourroyeprouuer. Mais le Roy ( dirent-ils ) a c-
fté aduertv, voire bien aduerty qu'il y a vn nombre infiny de voftre fa&ion , icfquels il
vousferoit facile de nommer il vous vouliez. Iedyfurccla, Pourcertain le Roy eftde-
ceu en cecy, comme en plufieurs autreschofes. Aufurplus ils firent tous leurs efforts
pour me faire dire qui eftoyent ceux qui me fouftenoyent le menton en lapriion,&: qui
eftoyent caufe que ie demeuroye ferme en mon opinion. le refpondy qu'il n'y auoit
homme du monde qui m'ait rendue plus forte & plus ferme à maintenir vne telle opi-
nion & doctrine. Quant au moyen que fauoye de recouurer maneceflîté, ieleur dy
que rien ne m'auoit cité fourny finon parle moyé d'vne chambrière, laquelle folicitoit
quelques bons pcrlbnnagcs de me fecourir.Iceux & leurs feruiteurs fidèles le m'appor-
toyent fans les cognoiftre ou fauoir leurs noms. Mais (dirent-ils) il y en a entre lesgrans
Seigneurs qui vous fourniifent argent. le refpondy que ie ne fauoye leurs noms. Ilya
des Gcntils-femmes(dircnt-ils)voire des plusgrollés dames, qui vous aident. le refpon-
dv,eftrevrayqu'vn enfant habille en vallet vint vn iourversmoy ,&: m'apporta deux
florins , dilant que la contelfe de Herford me les enuoyoit. Aufîîily en eut vn autre
veftu d'vne robbe longue, qui m'apporta vn efeu, lequel ( comme il difoit ) m'eftoit en-
uoyé de par madame Denée. Quecelafoitvray,iene le tien d'ailleurs que du rapport
Tortnrcà de ma chambrière. Finalement pource que ie ne vouloye nullement confciïèr , qu'il
tonte r u- y cuft. aucUns de s gras Seigneurs ne des grans dames qui fu/fent de mon opinion , ils me
fccï Aiinèl donnèrent la torturc,afin que par tormensilstiraifentde ma bouche ce qu'ils n'auoyét
peu par interrogations. Et après qu'ils meurent long temps tenue en la gehenne,voyas
qu'en ces torments , ie ne diloye pas vn feul mot,mefme ne bougjeoye le corps,mofieur
le Chancelier &: monlieur Rych furent plus defpitez que parauant,&: tout foudain def-
pouillercnt leurs robbes , 6c eux-mefmes prindrent les engins de la torture , pour faire
office
168
office de bourreaux :&rvferentd'vne telle violence, que prefquc ils me briferenc les
membres, &c ne s'en rallutguercs que ienemourufle entre leurs bras. Le gouuerneur
de la tour apperecuat cela, fut d'aduis que ic fufTe oftee de cefte géhenne. Quâd ils m'-
eurent retirée de là, le cœur me faillit , &c n'auoye plus de force en tous mes membres:
& alors ils m'appliquèrent des fomentations ,&: me firent aucunement retourner les
forces & la vie. ^Ic demeuray couchée par terre l'eipace de deux heures, cependant
qucmoniîeurle Chancelier mexhortoit par parollcs blandnTantes de renoncer à tou-
tes mes opinions , &: que i accordafle à leurs décrets. Mais mon Seigneur &: bon Dieu
(ic luy en ren grâces éternelles, m'arma d'vnc telle force &: conftancc,que ic n abando-
nay iamais la conleflion pure de fon Euangile: &: efpcre que luy-mclmc me dônera ver -
tu &: force de perfeuerer iufques à la fin. ^ Apres qu'on m'eut ainfi torturée, ie fus me-
née en vne petite maifon, où on me mit dedans vn hcï. Là ie fenty des douleurs extrê-
mes par tous les membres de mon corps : mais ie ren grâces à la honte' de mon Dieu &:
Seigneur,qui ne m'abandonne nullement. Le Chancelier m'enuoya dire par vn mefla-
ger, que fi ie vouloye quitter mes opinions &: erreurs , ic n'auroye faute de rien : autre-
ment, ie feroye remenee en prifon obfcure:&: de là au fupplice pour cftrc bruficc.Ic luy
manday cefte rcfponfe parle mefmemeiTager, qu'il n'y auoit fi horrible ne ficruclle
mort, que ic n'aimafle mieux endurer autant qu'on voudroit,Jque de renoncer vne feu-
le fois à la foy donnée à la vraye religion. ^Ie prie noftre bon Dieu , que par fa bonté
ineftimablc il vueillc ouurir lesyeux aueugles de leur entédement , afin qu'ils cognoif-
fent quelque iour la vérité &: l'embrafTent. Ainfi foit-il. A Dieu foyez-vous, frerc bien-
aimé en noftre Seigneur Iefus Chrift. Priez,pricz, & derechef ie vous dy priez.
L A rcfponfe que fit Anne à vne lettre que Laffcl prifonnier auec elle, luy ai:oit cnuoycc.
"CRercbien-aimcau Seigneur, iàlutparluy vous foit donné. Ie ne me peux aflczef- *n"„"JJ
A bahir dont vient cela que m'auczfoufpeçônce de pufillanimité &: faute de courage, fpeçon «je
comme li l'horreur de la mort m'auoit du tout efbranlcc. Ic vous prie de bon cœur, &c pullîldni~
fupplie, que ne laiificz entrer fi auant telles opinions en voftre cœur . car ie ne fay nulle
doute, que le Seigneur ne mené iufques à lafinfonœuurc, qu'il a commence enmoy.
On m'a maintenant rapporté , que les Gens du confeil du Roy font fafchez , de ce que
le bruit eft commun par tout , qu'ils m'ont mis a fi horrible torture en la Tour , à caufe
de la religion. Ils s'exeufent maintenant qu'ils ont fait cela pour meftonner, mais c'eft
d'autant qu'ils ont honre de l'outrage qu'ils m ont faite : ou pluftoft pource qu'ils crai-
gnent que quelque choie de cela ne paruiennc iufques aux oreilles du Roy. Maintenat
ils tafehent de donner ordre que le rai£t foit caché en toutes fortes qu'ils peuuent: mais
quant à moy, ie prie de bon cœur le Seigneur qu'il leur pardonne. A Dieu fovez-vous.
Priez, priez, priez.
Sa defenfe contre ce qu'on la blafmoît à tort Jes'cftre rctractcc.
T 'Ay leu certain eferit plein de menfonge impudente qu'on vend publiquement fn-
* titulé La rétractation d'Anne AsJccuc : ainfi Dieu mefoit en aide , il fay penfé à dc-
faduotier fa vérité en me defdifant. le confefte bien, qu'en la première enquefte que 1-
eucfque de Londres Boner fit contre moy , il me propoià plulieurs chofes touchant le
Sacremcnr, Se de ma part auifi ie luy fy pluficurs refponfes.Tat y a qu'il ne feut arracher
autre choie de moy, finon que ie croyoye &: tenoye feulement en cela fi auant que mon
Dieu m'auoit commandé de croire par fon ordonnance faincStc. Sur quoy il fit faire vn
eferit afapofte maintenant imprimé,porté par tout: lequel ce bon Prélat me coman-
da ligner de ma maimmais ie refufay tout à plat. Sur cela mes deux pleiges iniiftans en-
uers moy, par toutes les perfuafions dequoy ils fe pouuoyent aduifer , me prclîbycnt de
ce faire, &C que cela eftoit de petite confequence. Finalement après beaucoup de pro-
posée fouffignay en cefte forte: Anne Askeue croy &: confens à tout ceci, pourueu que
î'inftitution de la parollc de Dieu &C de l'Eglife catholique n'y contredife point. Ccft e-
uefque Boner fut grâdementorTenfé de telle foufcription,&: pour cela me réuoya dere-
chef en prifon: ou après auoir quelque temps demeuré,i'cn fus finalcmet efiargie par le
moyen d'aucûs de mes amis:mais ce fut à grad' peine. Voila la vérité de tout ce faid. Et
quant àlachofe de laquelle principalement vous demandez eftre fatisfait , ie vous ren-
uoyeau v 1. chapitre deS.Iea, lequel iedefire que vous reteniez pour vne règle trefecr-
taine quant à cefte matière. A Dieu foyez vous. V oftre fœur Anne Askeve.
Forme de
t dament
( hreftien
CES TE forme. le confefûon defoy eft comme vn dernier teftament, qu'Anne Askeucfiten prifon:Iequc! peuapreS
elie feilla de l'on propre fang.
NNE Askeuc ayant l'entendement fain &c la mémoire bonne , combien que le
Seigneur m'ait donne du pain daduerlité, &: de l'eau d'affliction, non point toute-*
fo:s cât que mes péchez &: ofFcnfcs ont bien mérité: confefle en premier lieu q i'ay grie-
ticmcntpeché,&: orVcnfé en pluficurs fortes. Pour celaie m'abandonne du tout à la bo-
te de mon Dieu &: Pcrc tout-puilTant : & le prie aftcctueufcmcnt de me faire mifericor-
de. ^ Et pource que i'ay efté à tort condamnée par les loix &c ordonnances, comme cel-
le qui mente la mort à caufe de quelques opinions: i'appelle en tclmoignagc ce bô Sei-
gneur plein de mifcricorde& bonté, qui a fait le ciel &C la tcrre,que ie ne fuis coulpable
d'aucune opinion , &:queiene maintien aucune doctrine qui ibit contraire aux ordon-
nances des fainctcs Efcriturcs. le mets toute ma fiance en ce grand Seigneur ,&: efpere
queiagraccmaflUtcratoulîoursde telle lotte qu'elle me gardera de tomber en quel-
que erreur ou opinion mauuaile ,&c contraire à fa laincte paiolle, iufqucs au dernier
Ibufpir de ma vie. Mais d'autant que mes aduerfaires m'imputent cecy à erreur & hc-
rcfie,queiafî'crmequelcpain demeure pain , voire après toute conlécration : ie fçay
qu'en celaie ne luis aucunement fouruoyee de la venté des {aindtesElcrituresxar mon
Seigneur Iefus eft aflis à la dextre de Dieu le Pere tout-puiflant : &: delà viédra uigcr les
viuans& les morts. Voila quelle eft cefte horrible & deteftable herelie, pour laquelle il
faut que ie meure. Et quant à (a faincte Cene,ie croy qu'elle eft vraye &: neceflaire corn
memoration de fa mont &: paffîon bicnheurcufc&lalutaire. ^ Finalcmcnticcroyôc
aduouë , que toutes les Efcritures lefquellcs il a luy-mefme feellees de fon propre fang,
font Yraycs &c indubitables : àc ( comme nous lommesenfeignez par S. Paul ) qu'icelles
font liiftifantes pour noftre instruction &: falut : en forte que nous n'auons beioin de ces
veriteznon cfcrites,comme on les appele:&l'Eglife n'en a quefairepour cftre gouuer-
nce : mais i'adhere volontiers &: de bon cœur à tout ce que la bouche du Seigneur a de-
Pfcau.n8. claréenfonfainctEuangile:&yrctienmafoy ferme, cfperant auccDauid, Quefapa-
veri.104. rolleieravne guide &ù lanterne à mes pieds. S'ilyena donc qui difentqueie nie l'Eu,
chariftie, qui eft le mémorial ou facrement de recognoillance& d'action de graces:tel-
lcs gens me blafment à grand tort.O, fi elle cftoit auiourdhuy en tel vfage comme iadis
entre les Chrefticns,&: que Iefus Chrift l'a inftituee, ie fçay quelle apporterait vnc fin-
gulicrc confolation. Et quant à la Melleainiî qu'elle eft auiourdhuy rapetaflec (pour en
dire Amplement ce que i'enfcns,&: ce qui eft vray )ie croy fermement que c'eftvnei-
dolatrie deteftable, voire plus que toutes les idoles qui aye nt cité iamais forgées parles
hommcs:car Iefus Chrift n'eft point mâché ne molu des déts:&: ne meurt plus. Et ainfi
ie perfifte en la côfciîion de cefte foy iufqucs à la fin , & dône mon fang à cftre efpandu,
Oraifon qu'elle fitauant ion martyre.
Q Seigneur, i'ay plulicurs ennemis, voire plus que ie nay de poils en ma tefte . ô Dieu
mifericordicux,ray moy la grâce que parolles deceuantes ne me facent fuccomber,
mais toy, corn ba pour moy,icipon pour moy : carie remets toute ma folicitude fur toy,
&c mets toute ma fiance en toy. Ils fc îettent de grande impetuoiité& force fur moy ta
pourc crcature,pour auoir victoire fur moy. le te prie, fay moy fentir la force de ta gra-
ce,afin que ie ne les craigne en façon que ce foit,ne tous ceux qui te font contraircs.car
toute ma force 6c cfpcrance gift entoy. Dauantage,ietefupplie afFectueufement, ô
Dieu débonnaire , qu'il te plaifepar ta bontés douceur leur pardonner cefte iniu-
re , cefte violence^: opprcfllon , delaquclle ils vient contre moy. Et aufiî que félon ce-
fte bonté tienne tu vueillesilluminei &: ouurir les yeux aueuglesde leur entedement,
afin que fuyuans les chofes qui te font bonnes &: agréables, ils fc Jaiftent gouucrner en
tout &: par tout par la pure parolle de ta faincte doctrine,fans y adioufter aucû méfonge
voir
la fin de Ion dernier combat. Apres donc auoir efté tellement brifee par tourmens,qu -
elle ne pouuoitviurc long temps en telle extrémité de langueurs, les aduerfaires crai-
gnas qu'elle mouruft en prifon, hafterét le iour du fupplicc. On la mena au marché des
cheuaux , eftant portée en vne chaire , ne fe pouuant fbuftenir fur fes pieds , à caufe des
tor-
t.ctrrcscl;;
Roy appoj
ttcs lois
qu'Anne t-
(toit atta-
cha eau po-
ftcau-
Shaxcon,
tortures qu'on luy anoit fait endurer. On la porta iniques nu pofteau drcfle,âuqticl elle
fut attachée, par au trauers du corps d'vne chaîne de fer. Quand on eut appreilc tout
ce quiferuoit pour la brullcr, voici on apporta lettres du Roy,par lclqu elles la vie luy e-
ftoit offerte, fi elle Ce vouloitdeldire: mais tant s en fallut qu'elle en voufift faire ion ^p-
fic , que mcfmcclle ne daigna regarder ceux qui luy en parloyent. Sur cela on luy a-
mcnaShaxton,quicciourlàmcfmc s'eftoit defdit publiquement: lequel talcha tant
qu'il peut par longue rcmonftrance , de la réduire à taire le mcfmc.mais elle le reicttâc
dcmcurafcrmc iuiquesau bout. Et ainfi ayant elle exercée par tant de fafchcries , aile
chemens &c tourmens: finalement au milieu des flammes ardâtes tout à l'entour , mou-
rut au Seigneur , comme vne oblation de bonne odeur : l'an de ialut m. d. xlvi, tail-
lant à la poftenté vn exemple digne d'eftre enfuyuy:
IEAN LACELS, IEAN A D L A M, &: NICO-
LAS BELENI AN> >Angw.
C ES trois hommes furent efmeus & effrayez au comb.it , mais voyansla confiance d'wne femme qui les accempagnoir
au fupplice, reccurent telle confolation, quelamortiiehurfut rien.
fi N brufla auec Anne Askcue en vn mefme feu , Nicolas Belenian qui attoit e- m.L.Xlvi
'itépreltreenlacontédeSalop, Iean Adlam coufturier,&: Iean Laccls,hôme
; de noble race &: vertueux, &: qui pour lors eftoit au iéruicc du roy Héry,^~Cc-
ftuy-cy a laifle vne Epiftre defenliue eferite en la prifon touchant la Cene du
Seigneur, par laquelle il réfute Terreur de ceux qui ne fe contentan s de la réception (pi
rituelle du corps &: du fang de Icfus Chrift , ne laiflent aucune fubftance du pain . puis
auffi fe purge de quelque opinion mauuaife qu'aucuns auoyent de luy .Cil leur en print
bien d'eftre auec Anne Askeue. cariafoitqu'ilsfuilcnthommcsdouezdegransdons,
neantmoins l'exemple d'icelle&: l'es prières, leur firent auoir meilleur courage. Us cu-
rent matière de plus grande confolation en cefte efpecc de mort fi horrible , non feule-
ment de ce qu'ils voyoyent fa confiance inuinable : mais auffi pour ce qu'ils furent ex-
portez par elle,cc qui leur ofta toute frayeur. Parquoy fe fortifians l'vn l'autre attendi-
rent paifibicment &C le Bourreau &; fou feu:dedans lequel ils Unirent leurs vies , l'an m .
d.xl vi.le 16.de Iuillet, auquel iour(lélô le tefmoignage de Baleus hiftoricn Anglois)
grans&: horribles tonnerres denhaiitefpouanterctmcrueilleufemet ceux qui eftoyét
a ce fpectacle de la mort de ces Martyrs bien-heureux.
Touchant la mort de Henry V 1 1 1.roy d'A nglct; rtc
CIx mois après , le roy Henry fut frappé de maladie > &c mourut le 27. de lanuicr enfuy-
uant; en grads regrets &tormcnts,aagé de l v 1 1 .ansrapres auoir régné 38. Et com-
bien que le Seigneur fe foitferuy deluy pour defcouunr les turpitudes de l'Antcchrift
Romain, il a neantmoins retenu iufqucsàla mort la doctrine dudit Antcchnft es cho-
fes mefmes qui font deplusgrande confequence. Sa morrdoncapportapaixaux fide- Leroy H<-
les d'Angleterre: comme de raid ilyauoit plufieurs bons perfonnages, lclquclsfEucf- ry oûé de
que dcVvirtccftrc auoit faitcnroulcr & mettre fur le papier du Rov pour les tyrannifer, pouHc"/^
lefqueiseuifeneefté bruflez bien toft après, fi le Seigneur n'euft oftece Roy , qm eftoit liment
aux fviclcs comme au milieu de cefte ifle vn rocher de perd & de naufrage. dts ******
PIERRE CHAPOT, jx^fcfea*,
Apprenosen l'cxéplede ce perfonnag<-,qiû J le Seigneur lafchera labride a Satan pour nous affliger .qu'il dônera neâmoini
vidoirc à fa vérité, non feulement cotre les luges qui peu fe fouciét de la doctrine de l'Euâ^ilc, ve>ire qui far cruauté &
audace tfFrôtcela penfeni efteindrc.mais aufsi côere les plus fubtilsDeâcursde la Papauté qu ô puifleoppofir à icclle.
I E R R E Chapot, du pays de Daulphiné,ieunehôme bien inftruit, fut mis
enl'œuure du Seigneur en cécéps-cyfeftantforty de Gcncuelicu de l'on ha-
bitation pour faire vn voyage en France, Ils'eftoit adonné quelque tépsà
eftre corredeur chez vn imprimeur de Paris:où cftant,gens dignes de foy l'-
Ont fouuent ouy fouhaitter de pouuoir mourir pour pour la vérité de l'Euangilc. ce q le
Seigneuren ce teps luy accorda.Or poy r faire cjuelcj frurô de fou voyage r il fit mener à
F.iii»
L 'mïC-j III. Pierre^ Qoapot*
Paris vne quantité dcliurcsdelafaincteEfcriture, pour les diitribuer & vendre aux h-
'Les hures deles alFamez du dciir d'eltre instruits parle miniftcr'c" muet deldics liures. La grande
Utcsmmû promptitude qu'il monitroit defubuenir àcefte neceflitc,fut caufe de le taire tomber
à ceux qui entre les mains de Iran André libraire du Palais , qui de long temps faifoit meftier de
tuez depre tendre les filets pour attraper tant les acheteurs que vedeurs dcfdits liures . &£ exciçoit
aications. celte nouucllc forte doifclcric , ou plultolt volerie inulitec, àlalolde du prciident Li-
ci.apot fet,&:dcs Sorboniftes de Paris. Chapot pris&: interrogué parles CommiJlaires de la
indrï ka Chambre ordonnée à Pans au temps de vacations ,& des Grans iours qui lors furent
tenus a Rion au pays dAuuergne,rendit promptement confeilîon de la roy , aucc inté-
grité ii bien accopagnee de modeftie, que les Confeillers ou plultolt les bruileurs de la
Chabrc ai dante , combien qu'ils icm blaifcnt en ce temps eltre du tout forcenez cotre
les fidèles, non feulement l'cfcouterent, mais auiTîluy ortroyeret que les Docteurs Sor-
boniftes rinrerrogueroyent,&difputeroycntauec luy en leurpreîence. Auant qu'ob-
tenir cela, Chapot leur auoit fait vne harengue trefdodc,par laquelle il remonftraam-
plcm.ee quel eltoit l'omce &: le dcuoir des luges d'vnc telle Cour, laquelle comme ainli
(bit que de long temps, elle ait le bruit deiuger, comme on dit, exiufto&bono , aulîi ne
le doyuent arrefter au rapport dautruy, fur tout en la caufe de la Religion ,de laquel-
le la faincte Efcriture deuoit feule décider, quand les hommes en viennent en différée:
d'autant que c'elt la pierre de touche, qui donne vraye efpreuue (ïvne dodrineclt de
bon ou faux alloy. Bref,que c'cltoit à eux de prendre celle pierre en la main, &: d'en co-
gnoiftre, fur tout quand il cil queftion d'aceufer vn homme de taulle doclnne ou here-
fie, fans donner iugement à l'appétit dautruy. Que s'il leur plaifoit de faire examiner
là doctrine par les Docteurs , il les fupplioit que ce fuft en leurpreîence &: deuat leur fc-
nat: s 'a/1 curant li bien de fon bon droid, &: de leur iugemet équitable, qu'on ne le tt ou-
ueroit autre que vray Chrcltien , &: non hérétique. La Cour eut à gré celte remôltran-
ce , &l enuoya quérir trois docteurs , aiTauoir M. Nicolas Clerici , doyen de la faculté en
^fadcSor "théologie, Iean Picard, &: Nicolas Maillard, vrais fuppolts de Sorbonne:lelqtiels,com
i.onnc cou- me ainli (bit que de premier abord ilsfiifcntrefus,d'autâtque de tout temps on s 'eltoit
tre chapot. fie & attendu à leur fîmple rapport: voire & que c'cltoit chofe.de mauuaife conséquen-
ce de difputer aucc les hérétiques :neantmoins la debonnaireté de Chapot adoucit ii
bien leurs grondemens, qu'il les fît c ntrer en propos. Il n'alleguoit pour fa defenfe que
les textes des laindes E feritures : eux au contraire n'oppofoyent que Conciles, courtu-
mes, articles &c déterminations^ Chapot reuenant toujours à lareigle certaine, fou-
ftenoit que toutes refolutions deuoyent eltre examinées à icellc : Se requeroit les luges
qu'ils oftaiTent toute opinion &c acception de perfonnes , pour s'enquérir (implcment
delà venté (ans que rie nies cmpelchait &c dcltournaft.Ces maiûres Dodcui s turét tel-
lement picquez de hôte,&: cnrlamhcz de courroux(voyas que leur afnerie &c impuden-
ce eftoit comme mife en ieu )qu a beaux cris & grincemens fe departircnt,apres auoir
reprot hé à ceux de la Chambre de s'eftre ainiilaillé mener, àlafantaiîe dvn mefehant
&:rufc hérétique.- de les auoir fait venir pour difputer deuat eux des articles îa eclurez &c
condanez par leur faculté: vfâs de menace d'en faire plainte où il appartiédroit. Chapot
voulut répliquer : mais il ne luy fut pcrmis:tât fut grand le bruit qu'efmcurent ces fup-
pofts de Sorlône, efeumas vne rage defcfperec. & frappansleurs poitrines eniigne de
repentance, d'auoir entré ii auant en matière cotre vn hérétique. Le patiét après qu'ils
furet fortis, dir,Vousauezpuy, Meilleurs, que ces gens-cy , fur lefquels toute la foy clt
appuycc(cefcmble)n'amenétpour toutes raifons q menaces & cris:parquoy ia n'elt be
foin plus longucmét vous faire cognoiftre la iultice de ma caufe: car ces Docteurs l'ont
allez iuftifïee quad ils n'ont peu môltrer que i'eltoyc en erreur, ne par les laindes Efcri-
tures,ne par argumes lufHfans:quelque chofe qu'ils ayent pretédu alléguer au cotraire.
C l s chofes faites, Chapot eltât à deux genoux,lcs mains îointes &: elleuees en haut,
Action de fit fa prière à Dieu, en forme d'adion de grace,le fuppliât de côtinuer ià faueuren lade-
grâces. fenfe de fa caufe:& auffi de vouloir infpircr la noble compagnie de juger droitemcntrle
tout à l'on hôneur &: à fagloire. ^ Apres qu'ils eurét fait retirer Chapot, il s'efmcutgrad
eltrif entre les Prefidcnt& Côfeillers , encore qu'ils fuilentdu tout acharnez à cipâdre
le làng, & fut Chapot en voye d'abfolution , n'eult elté que le Rapporteur de fon jpcez.
home confit non feulemet en impieté,mais aufll en toutes pollutios &: villcnies, infilta
fans celle qu'Ici fift mourir.& ne fuft-ce,dit-il,q pour auoir efté trouuc faifi de liures re-
prouucz
TierrCj Chapot. 270
prouuez&: défendus. Sur quoy Chabot derechef mâdé,refpodit qu'il y en auoic de plu-
ficurs fortes-.cntrc autres le plus grand nôbrc cftoyent Bibles, alfauoir les hures du vieil
& nouueau Tcftament:&: le rc ftc c'eftoyen t des opufcules 6c interprétations lur iceux.
En quoy ils dcuoycntmeuremcntaduifcr, de peur qu'en condamnant fans aucune di-
ftmdion tous lunes împrinKzà Gencue,ils ne fuifent blaimez d'auoir pai trop grande
&: demcluiec affection condamne au/fi lafainde Bible,qui auoit cfté par \ nea uure de
Dieu admirable reccuc & gardée laine &c entière iniques îcy : àc tenue pour la vente in
faillible, voue de toutes gens quelques hérétiques, fchifmatiquc s ou aduerfaires qu'ils
fuiicnt:&: qu'autrement ils ne pourroyent euitcrdelhetaxtz d'impictepar trop mani
fefte. Et quant aux autres Hures, il maintenoit cftre tirez de cefte lource desfaindsli-
ures,& conformes à la doctrine des anciens d odeurs &: catholiques . Ccncluuo,fes rel-
ponfes&: raiions tenoyent les confeiences de la plus-part de ces iuges tellement capti-
ues, qu'ils cerchoyent de le deliurenmais l'impudence des plus erfrôtez gagna la couar-
dile des autres,qui auoycnt elle intimidez par ces Sorboniftes : fi que finalement Cha-
pot fut condamné d'eftre brufié vifjuy referuant le bénéfice delà langue, moyennant
qu'i 1 ne dift mot contre leur mere faindceglife.
Allant au fupplice à la place Maubert,le reuerend Soi bonifte Maillard le coftoyoit
de fipres qu'il ne l'abandônoit ancunemét.car il craignoit que tout ainfi que ceChapot
auoitarrefté toute vnc Cour pat cesremonftrâccs,àplus forte railon il n'attirait le peu-
ple. Chapot citant venu à la placeMaubert,demanda d'eftre efleuc debout pour parler
vn peu au peuple, fuy liant la pcrmiflion de la Cour, afin que nul ne penfaft qu'il mou-
rait comme infidèle: ce que voulut empefeher Maillard, iinô qu'il voufift dire après luy
fuy uant fes parole s. Chapot le pria de ne l'empefchcr:&: qu'il n'y auoit pas vne heure
qu'il luy auoit confeifé en la chapelle que fa doctrine eftoit vraye : mais qu'il y auoit des
raiions par lelquelles il ne falloir pas que le peuple en fuft abbreuuc. ^ Or citant louilc-
uc debout fur la charrette pat deux hommes (par ce qu'il auoit cité prcfque démembré
fur la géhenne, qu'ils nomment extraordinaire , pour aceufer ceux a qui il auoit vendu
des liures)commcnça à dire tournant la tefte ça &c la, Peuple Chreftien, peuple Chre-
ftien.Et voulant pourfuyure, il eut quelque foibleife,qui fit qu'en voix dcbile,il pna,les
yeux leuez au ciel, Seigneur, donne moy la force que îe t'ay touiiours demandée , aifa-
uoir,dc pcuuoir rendre railon de ma foy aux hommes , afin qu'ils cognoifient que ie ne
fuis pas hérétique: mais du tout d'accord auec leglife catholique &c vrayement Chre-
ftienne.Sur cela efleuant fa voix dit,Peuple Chreftien , combien que vous me voyez 1- Jr*™°njcr
cy amené à lamort corne malfaiteur, &c que ie me fente coulpable deuant Dieu de tous merc de
mes péchez: fi eft-cequeiepneque chacun entende que fay à mourir maintenant com chaP0C-
me vn vray Chreftien, non pour aucune herefie,ou comme eftant ians Dieu, mais croy-
ant en Dieu le Pere tout-puiflant Créateur du ciel &: de la terre-.le Djeu,dy-ic,qui eft le
commencement^: origine de toutes chofes . Et en Iefus Chrift ion Fils vniquenoftre
5eigncur,qui eft fa fagelle étemelle auant les ficelés, par lequel ont elte faites toutes
choies au ciel &: en terre :&: lequelpar fa mort&: paflion nousa deliurezde l'obliga-
tion de mort éternelle en laquelle nous eftions plongez par la cheute &: defobeiiTance
d'Adam. le croy qu'il a efte conceu du faind Efprit,nay de la vierge Marie Et comme il
pourfuyuoit,Maillard rompant fon propos, luy dit,M. Pierre c'tft en ceft endroit que
vous deuez requérir pardon deuant le peuple à la vierge Marie, que vous aucz tant grie
uement orfenfee , fans plus s'amufer à prefeher , mais penfer à voftre confcience . Lors
Chapot, Monficur,ie vous prie laiifez moy dire.ie nediray rien indigne d'vn bon Chre-
ftien. Quant à la vierge Marieje ne l'ay&: ne voudrois l'auoii aucunement orfenfee.
Maillard luy dit,Si faut-il pourtant que vous la priez, autrement vous ferez bruflé vif.
Chabot le retournant vers le peuple , continua le Symbole , monftrant que le Pere, le
Fils &c le fainct Efprit n'eftoyent qu'vn Dieu en trois perfonnes,lequel feul il falloir ado
rer par iouFils noftre Seigneur IefusChnft.Et d'autat que cefaux aduoeat de laVierge,
lemoleftoit fans ceife,il dit fur l'article Nay delà vierge Marie, qu'il auoit toufiours te-
nu & confeifé, &: confelferoit iufqu'à la mort,qu'ellc eftoit vierge auant l'enfantement,
vierge en l'enfanrement,&: vierge après l'enfantement,la reputant treiheureufe entre
tous les fainds, d'auoir porté le ftuid de noftre rédemption, qui eft noftre feul Sauueur
&; Rédempteur Iefus Chrift .Et quand il voulut entrer fur la matière de la Cene,&: de la
différence qu'elle auoit auec la Meife, le propos fuft du tout interrompu par Maillard
lE.iiii.
Linr^j III. T/upars ^Martyrs.
ôc s'efmeut quelque murmure encre les Efcolicis.& lors ce Maillard s'aida de cette oC-
calion pour le faire defeendre en bas,&:hatler l'exécution . Ainli qu'on le delabilloit il
fit fa prière à Dieu d'ardente arretlion,en priant pour les luges: ce que Maillard approti
uoir,pourucu qu'il s'adrellall tant loitpeu à la Vierge,pourelticfon aduoeacc. Chapot
ciïu nud arrache & efleué en l'air,MaiIlard luy dit,Dites feulcmenc *é*t Mariante vous
ferezellranglé.Ccil la belle faueur qu'ils fonc à ceux qui renient Dieu. mais C habotdi
foitiansceiic,ieui riisde Dauid,aycs miicricordedemoy. Et comme l'autre lepreflbiç
il s'cxcufa,Helas,difoit-il3 comment voulez-vous que ie parle, cftantainli fc n e de celle
cordcrl.ors Maillard, Dy feulement Ieiùs Maria, ou tu feras bruilé vif. Aucuns difent
que prefle extrêmement en celte lâgucur,ii luy efchappa de dire Ictus mariarmais tout
ioudain fc reprtnant,dit,0 Dieu qu'ay-ie fait.& en difant,Pardonnc-mov,Scigneur;c'-
eitàtoyfeul , Maillard iit tirer la corde l'cltranglcr ; li que toutefois il lencit le feu.
Ce Maillard ne faillit de ce pas d'aller en Parlement à la Chaîne ardentc*faire (esplain
tes derineonuenient qui cftoit cuidé aduenir pour les propos qu'auoit publiquement
tcnusChapoc:& comme il nel'auoit peu empefeher de parlera caufe de leur pernullïô;
donc sViloit cnfuyui grand murmurc,&: qucii on permcttoit le mefmc aux autres, tout
feroit perdu.Defaicl,ilimportunatant la Cour,qu'ilfur coclud, qu'au fortirdclapriio
on couppcroit les langucs:comme c ettoit la coultume, lans nul excepter , ahn que par
leuu propos le peuple ne luft fcduit . Ce qui tut depuis fbjgncufement gardé, linon à
ceux qui le dcfdifoiycnt,auquels les langues eltoyent rel'eruees, pour triompher de leur,
infirmité deuant le peuple.
ESTIENNE POVLLIO T,<îe Konuaniie,
Ce perfonnage après longue detention,comme s'il cuir eftécfueilié d'vn fomne,s'esb.;hit au fortirde f.i pnfon.cjuc le mon-
de cft encore en ignorance . Enquoy nous voyons comment Dieu foulage l'horreur des priions & longs torments des
i IcaUJitfJ, fieiis,p.r îainctes cogitations &; méditations qu'il kui'donncjcommevn repos a l'es bien-aimez.dit le Plalmifte.
jrfé^v S T I E N N E Poulliot natif de Saincl-daubernille, pres de Caudcbck,cn
i PxSfy Normandic,delailTantlelicu de la natiuité,fe retira à Meauxen Brie : où il
M.D.
VLVI.
^ ne demeura long temps tans cftrc perfccuté:de force qu'il tuteoncraint de
p W<tj^i}-- fc retirer. Il s'en alla à la Ferc en Tretenois,à quatre lieues de SoiiTbns , où
NëiiS •] fut prins:&: de là mené à Paris,fuc longuement détenu en grande nn*ere.
Finalementquand il en fouuint à me/heurs du Parlement, on donna fon ArelEpar le-
quel iltut condamné dauoirla langue couppee,&: élire bruilé rout vif, &ccd'vne fa-
çon non accouftumec.Car on luy mit fur fc s cipaules vne charge de liures,aueclcfquels
il fut bruflé.CCôme il îortoitdcs priions de la Conciergerie, auant qu'on luy couppaffc
la langue,dit ces parollcs,Hclas,mon Dieu, le monde eft-il encores en ténèbres, ne co-
gnoift-il point encores la vcritéill elloit aduis au bon perfonnage, que pendât le temps
qu'il n'auoit veu le Soleil vilïble,lcs hommes dcuoyent auoir elle efclaircz de celle gra-
de grâce &: luniicre de Dieu, qui ell maintenant au monde parla reuelation de fa Paroi
lc.il fut finalement exécuté &c bruilé à Paris en la place Maubert.
Pttfcaitionà Langres.
h AnTaf F IGNON& IeANNE S E I O V R N A M fâ fcmiTlC.
S|MOnMarE$CHAL& I E A N N E B A I L L Y fa ftmmC.
G V I L L A V M E Ml C H A V T , Ia QJ E S Bo V 1£ R E A V,&
Iaqj e s Bretenaï.
D V fimple récit de la mort de ceux qu'on exécute pour l'Euangile, quand autre plus ample narration ne fepeue
donncr.nous deuons recueillir en fonime cette doctrine, Que la certitude & vraye per/iuiion delà vérité du Sei-
gneur,eft le feul remède pour furmonter la moi :.au milieu des plus horribles tentations que Satan & le monde nou»
pourroyent fuggerer.
M D.
XLvir.
O V T ainfi que ceux qui font ellat de pourtraire au vif, recerchenc
lesfemblanccs fpecialemet en la face &: aux traits du viiage, efqucls fe voit
vne vraye image du naturel de 1 homme raufli en ce pourtraid des Mar-
•tW tyrsduSeigneur,leprincipal que nous auons à confiderer ,c'cftlamort&:
heureu-
Tlufieurs ^Martyrs. i?t
heureufc fin qu'ils ont eue. Et combien que par la malice des îuges,lc furplus des
ftdesd'iccux nefe puilfedonner,tantyaqu'icelle fin fidèlement atteftee,nous doit
grandement rcliouir&confoler.En la perfecution qui aduint en ce temps à Langrcs,
ville cnclauce dans la Champagne,le duché de Bourgongne,la Franche conté, &c Lor-
raine : les defïùs-nommez y turent bruflez pour la confeliion de la doctrine du Fils de
Dieu, enuiron la fin du mois de Septembre, m.d. x i. v ii.ailàuoir, IcanTaffignonâC
Ieanne Seiournam fafemmc,Simon Marefchal & Ieanne Bailly fa femme, Guillaume
Michaut Jaques Boulereau,&: laques Bretenay,tous natifs de la contrée de Lâgres:del
quels la confiance &: perfeuerace en la confeflîon de la foy Chrefticnnc qu'ils auoyent
faite tous d'vn commun accord, a efté admirable &: ioyeufe aux fidèles &: au contraire
en cftonncmcnt& grincement de dents aux aduerfaircs . Ieâne Bailly tt mme dudit Si-
mon,fut munie de grâce & vertu (înguliere en ce fexe: car comme ils eftoyent tous pro
chainsdu fupplicc,elle exhortoit les autres,& principakmet (on mary,àpcrfcucrance.
Entre autres propos elle luy dit, Monamy , fi nous auons eux con?oi nets par mariage
quant au corps, eftimez que cela n'eftoit que comme promcUcs de fiance ment: mais le
Seigneur IefusChrift no'efpoufera au iour de noftre martyre , Or poun <t qu'elle eftoic
la plus icune des autres,clle fut referuee pour la dernière à la mort. Les aduerfaires taf-
choyent à la diucrtirdecefte confiance, luy promettans beaucoup de belles chofes:
mais &: elle &: les autres furent aiîïftez d'vne torce plus qu'hu maine:&: demeurèrent cô
ftans iulqu a Ja fin.
IEAN L'ANGLOI S.Bour^non.
P V I S que le principal à noter en ce» çxcmples.eft la mort des fidèles , comme cliofe trefprecieufe deuantDieu : en quelle PfeaiMi*.
l.orreur aura-il la cruauté de ceux qui les affligent.»
EM.Ieanl'Anglois aduocatde Sens en Bourgongne , puis que nous nV MD
uons autre choie des aftes &c procédures iudiciaires tenues contre luy, xlvii.
nous-nous contenterons de cognoiftre,qu'eftant condamné en dernier
reiîbrt parla cour du Parlement de Paris, pourauoir maintenu la vérité
du Seigneur, auroit efté bruilé en la ville de Sens au mois de Mars, de ceft an m.d.
xlvii.
MICHEL dttU I QV E L O T,deToitmay.
AV récit du martyre de ce perfonnage.il y a vne refponfe digne d'eftre bien notée: laquelle gens excellens ont alléguée en
prcicli.mt,comnicparollc prononcée de l'Efprit du Seigneur.
N V IRONceteps Michel, vulgairement appelé Miquelor, natif de Fro- M D
yenne bourgade près de Tournay,ieune compagnon eoufturier, ayant efté XLVir.
quelque temps àGcneue,rctournaen fon pays,où il ne demeura gueres fans
cftrc perfecuté pour la doctrine de l'Euangile, laquelle il auoit manifestée à
pluheurs.Eftant pnfonnier à Tournay entre les ennemis d'icelle, atrant que procéder à
la fentence difHnitiue de mort,on luy propofale choix de deux:ou d auoir la tefte tren-
chee(fc!on les Placars de rEmpereur)en cas qu'il fe vouiift defdire , ou d'eftre bruflé vif Refponfe
à petit feu s'il perfiftoit enfes propos . Miquelot fur ces offres refpondit alaigrement no"bk-
fans demander terme de refpondre,Meflieurs,dit-il, Celuy qui m a fait ceft honneur d'
endurer patiemment pour fon nom, me fera bien la grâce d'endurer le feu. Il fut bruflé
vif audit Tournay:& fa mort a efté en édification à ceux du pays de Tournefi.
LEONARD DV P R E,ZJmoJm.
La vérité de l'Fuangile a telle énergie & force.quc les plus aduerfàirçs font contraints fouuentefbis de pronÔcer de leur pro
pre bpuche,lcur iugement & condamnation.
E O N A R D du Pré, home exercé aux lettres, eftoit iflu de Limoges: &c m.d.
pour la doctrine de l'Euangile fut conftitué prifonnier,au mois de Iuillet en XLV1^
la ville de Bar fur Seine,en Thoftellerie nommée du Palfe-temps-Il fut dece
lé par deux faux frères qui l'auoyent accofté depuis Diion iufques en ladite
Liurc^j III* Jean "Brugiere.
ville de Bar .Enquis de fa foy deuant le Bailly du lieu , &c fur plufieurs poin£b de la
Religion, rcfpondit fi pertinemment Se conftamment, que les Caphars de la ville,
quil'auoycnt allailly en députe, conuaineus deuant la iuftice de leur afneric , furent
contraints de côteil'cr qu'il difoit venté . Et nonobftant cela on le mena à Pans aucefes
informations : où il tut condamne d'eftre brullé vif au mois d'Aouft: lors que les grans
feux eftoyent allumez par tout à caufe des edi&s cruels du roy François,publicz aupar-
auant.
IEAN BRVGIER E,<ï\^*««g»e.
V H l S ! T O T R E du Martyre de Tean Prugiere atiec le grand areft de Paris donné à fr n occa"fion,'nous monfrrem
que le fidèle tremblant & fe déifiant de foy-melme,fe retire vers la f r.-.cc de Dieu, cependant que ceux qui le perfecu-
tenr,ont refuge a leurs men(ongcs,& s'endurciflent enleurihipidicV P. pl renefic, delorte qu'à bon droit on fe peut cf-
bahir comment il le fait cjue ces fages de la Cour du Parlement, en celle clarté de l'Euangile , fe monftrcnt fi hebetez
& abrutis.
S-ffi^SS R V G I E R E eftoit de Formai, qui cft vn village au pays d'Auuergne,
XLVir. d|j homme de grandzclerdepuis que le Seigneur luy eutmanifcfté la cognoif
C ^ fUt rrinsPar<^cl,xro's^cs officiers du Roy au lîege de Montserrat,
Regrets ^yj^^J en Auuergnc,eftant chargé(comme ils parlent) d'eftre Luthérien . Lapre-
uoirconfcf mitre lois il rompit les priions, eftant accompagné d'vn autre qui eftoit chargé de mef
fé b venté me aceufation, lequel de nuid fauta de la muraille fans fe faire aucun mahmais Brugie-
duScigueur fe çc vou]ant {auuer après luy,fc rompit vne iâbe:à caufe de quoy ioin£t la grande pour-
fuite qu'on faifoit après cux:à grade difficulté peut-il efchapper.^Depuis Brugicrecut
vn regret extrême en fen cœur,&: le preffoit autant ou plus que la douleur de faiambe,
cVft qu'il eftimoitauoir décliné de la vocation à laquellcDicu rauoitappclé:fiquefou-
ucntefoiscngcmiifanticttoitdegians regrets à fes familliers,&; acculoit la lalcheté,
pour laquelle Dieu àbônc&: iufte caufe l'auoit puny, voire Se que le mal qu'il enduroit
ne relpondoit à vne faute fi lourde.-mais qu'il efperoit fi Dieu luy failoit derechef ce bie
de le rappcllcr à la confeiîîon de l'on fainét Nom, de reparer entièrement tcllefaute par
vneobeilTance volontaire. Ce qu'il monftraparefFed: finalement: car eftant reprins
quelque temps après par les Officiers de Montferrant , il leur fit fi prompte confe/Iion.
defafoy,voire&:d'vn cœur 11 allegre,que les luges mefmes en eftoyent cftonnez: oyas
deluy beaucoup plus qu'ils ne vouloyent &: n'attendoycnt.Son procès donc eftant par-
fait fut mené à Paris,accompagné de plufieurs quile conduifoyent. Et ayant elfe quel-
que temps en la prifon delà conciergerie , fut interrogué par M . Pierre Lifet , lors pre-
mier Prelidcnt de la cour de Parlement. lequel auec plufieurs Confcillers , trouua ledit
Brugicre refolu en fa première confefîion , &: ne s'en voulant rétracter aucunement , le
condamnèrent à eftre bruflé viren la ville d'IiToerc:comme on pourra voir plus ample-
ment par l'areft donné en ladite cour du Parlement alencontre dudit Brugiere.Et com
bien qu'il loit plein de babil fuperflu &£ inutile , nous l'auons neantmoins îcy inféré de
mot à mot,pour monftrer à l'aduenir la belle procédure, ou pluftoft vn aueiiglilfcmenc
brutal des grans de ce monde, &: des fages de ladite Cour, qui en telle rage s'eileuenc
contre la vraye doctrine du Fils de Dieu.
V
E X T R A I T des regiftres de la Cour du Parlement Je tiers iourde Mars,millc cinq cens , quarante &fcpt, com-
me il a elle efent & publié.
F. V par la Cour leprocés fait par le Bailly de Montferrandou fon Lieutcnantâ
l'cncontre de Iean Brugiere prilonnier en la conciergerie du Palais, pour raifon des
blafphemes&: erreurs facramétaires à luy impofezparles coclufiôsdu Procureurgene
ral du Roy:&: ouy Se interrogué par laditeCour ledit prifônier fur Jefdits cas. Se tout cô-
fefut chrift fideré>dit a efté,que pour reparatiô des blafphemes heretiqs & propos " fcandaleux, Se
cuÀociri. erreurs contraires à la fainctefoy catholique,& doctrine de l'Eglife,dits, proferez SeeC-
Zu 'mpï cnts Par lecnt prifonnicr contre l'honneur de Dicu&r du faindt Sacremét de l'autel , de
fierred af- noftre mere fain&e eglife , conftitutions &: commandemens d'icelle,à plein déclarez
fcld'!u'°' au Proc^s contre luy fait ladite Couf la condamné, Se condamne eftre mené dedans
vn tôberau depuis les priions delà ville d'Illbere iufques au grad marché &c place oubli
que de ladite villc:ou fera mife Se affichée vne potence , en laquelle il fera foufleue.&: à
l'entour
Jean Urugicrcs. 172
l'cnrour d'icelle fera fait vn grand feu,dedans lequel fera ars &: bruflé tout vif.Et ferôt
les Hures defquels il a efté trouué faili, &: en fa prefence iettez dedans ledit feu , & en i-
celuy ars &bruflcz:& fia déclaré Se déclare tous&: chacuns les biens dudit prifonnier
confifquez au Roy.Et outre ordonne ladite Cour,aucuns chargez par ledit procès (def-
quels les noms feront mis au greffe de ladite Cour,&: baillez par extrait des regiftres d'
icelle)eftrc prins au corps quelque part qu'ils pourront efttc trouuez en ce Royaume,
mefme en lieufaind:fauf à les réintégrer fi faire fe doit,&: menez prifonniers es prifons
dudit Montferrand,pour illec eftre à droid,& eftre ouis &: interroguez par ledit Baillif
ou fon Lieutenant,fur les cas dont ils font chargez par ledit procès, ainfi que de raifon.
Et pource que ladite Cour a cfté deuement aduertie,que de iour en iour cefte malheu-
reufc&damnable fede Luthérienne &c autres fcmblableshcrefies ont parcydeuant
pullulé,&r encores de prefent pullulent grandement au pays d'Auuergne-.mefmement
en la ville d'iffoerc&plufieurs autres lieux &c villes de la fenefehaucee dAuucrgne &C
bailliage de Montfcrrât,occultcment&latément,augrad regret &:dcfplaifir des gens
de bien,demeurans audit pays:pour obuieràce que ladite fede pe(lifcre,"glaiuc d'in- ?"'/<*»"
fe£tion&:contagion,n'accroiire& augmente plus auant ,& que les bons catholiques Clli'jTp'a
fidèles ne foyent ou puilfent eftre infedez &c corrompus par les fuafions publiques ou
fecrettes des malheureux hérétiques: ainspuirïent viureen paix& ti âquilité,en vraye 'J^J^jf
vnité de la foy catholique de l'Eglifevniuerfe!le:a ordonne & ordonne qu'il fera publié cheminées fi
& proclamé tant en la ville d'Iiîbere qu'autres villes principales dudit pays d'Auuer- manttli.
gne,efquellesyafiegeRoyal,rellbrtiifant fans moyen à ladite Cour,à fon de trompe &
cry public par tous les carrefours d'icelles,que ladite Cour a défendu &c défend expref-
fement& furpeine de feu à tous les habitans demeurans au pays , de parler, dire,tcnir,
ou propofer publiquement ou occultement , directement ou indiredement , au cunes
dodrines,ou blafphemes,ou propos feditieux contre l'honneur de Dieu de latrcfglo- IefusChr!(ly
rieufe vierge fa beneite mere,des Sainds & Saindes de Paradis," &, contre noftre mere e(l autant no
fainde eglife &C fa dodrinermefmement contre les fainds Sacremens d'icelle,& fpecia- ™^"éM
lement contre le faind Sacrement de l'autel, &façon de viure qui a efté toufioursgar- je°Uwmef,
dee&obferuec par les vray s fidèles & catholiques Chreftiens: ains au contraire leur/"-
enioint fur mcfme peine de parler,& viure félon la dodrinc de noftre mere fainde egli-
fe,& félon les commandemens de Dieu &de ladite eglife catholique , fans donner de
faidou de parolle aucune occafion de fcandale ou d'infedion aux vrais fidèles catholi-
ques^ leur défend fur mefme pein e de retenir deuers eux , lire , ou faire lire aucu ns li-
ures en François ou en Latin contenans dodrines erronées & hérétiques , imprimez à
Geneue ou autres villes fufpedes.Et afin qu'aucuns ne puiffent eftre feduits, f» e preten
dre que par ignorance ilsayenr failly,a ordonnée ordonne ladite Cour,que les articles
propofitions,ô£ " Cenfures de la faculté de Théologie de l'vniuerfité de Paris, approu- tkUstidl^t
uees Se confermees par l'edit du Roy leu & publié en ladite Cour , entant qu'audit Sei- mu m fe<°&
gneur peut &: doit appartenir, comme conferuateur des fainds décrets de l'intégrité j^Jjj^,
de la foy catholique en fon Royaume trefchrcftien,& lefquellcs cenfures font contrai-
res aux malheureufespeftiferes proportions mifesen auant par les Luthériens Vau-
tres hérétiques leurs complices & adherens,feront publiées pnr chacun iour de Dimâ-
che au profne de toutes les paroiffes eftans audit pays d'Auucrgne,tantau diocefede
Cle?*m5t que de faind Flour, par les Curez ou Vicaires d'icellcs paroiffes. Et feront ex-
pofees au peuple en langage vulgaire,en manière que chacun pui/fe facilement enten
dre le contenu efdits articles,de ladite faculté deTheoJogie,ainfi au thorifez par IcRoy
corne de/Tus eft dit.^Et défend ladite Cour fur les peines que defTus,à tous les habitans
ou demeurans audit pays , tant bas que haut , de dire, fouftenir, ou difputer, (bit en pu-
blic ou en priué,contre les chofes côtenues efdits articles,&: autres,c'eft à dire gardées,
obferuees,prefchees & publiées en l'eglife catholique:& enioint ladite Cour aux Mar-
guilliers, ou luminiers"defdites paroiffes , fur peine de dix marcs d'argent,&:depuni- c'tpààh*
tion corporelle à la diferetion de ladite Cour,defolicitcreffeduellement,quelapubli iui
cation des fufdits articles &: proportions de ladite faculté foit faite , expofee &t decla- fsLmlL'-
rce au profne defdites paroiffes,touslefdits iours de Dimanche: & femblablement ex
horte &: admonnefte lefdits Curez ou Vicaires d'ainfi le faire, &: ou ils feroyent contre- f/w*
difans,negligens,ou contempteurs de l'admonitiô de ladite Cour, enioint icclle Cour
aufdits Marguillicrs,& à chacun d'euxf ur les peines que deffus ,d'en faire informer par
res aux tem~
tcrr
Liurdllï. Jean Tïrugierc^:
le plus prochain luge Royal,&: enuoyer les informations pardeuers laditeCotir,pour c*
ftre procédé contre les dclinquans&:coulpablcs,ainfi qu'il appartiendra par raiîbn. Ad
monnefte & exhorte les eueiques de Clermôt &£ de fainct Flour , leurs Vicaires &c Offi-
ciai»,d'ainfi le faire fairç par lefdits Curez ou Vicaires,&: les contraindre à ce*
Llus witu ^Ord on n e au^l&:enioint', ladite Cour aufditsMarguilliers,&:admonncftelef-
ïetforgeur dits Eucfques, leurs Vicaires &: Officiaux, lefdits Vicaires ouCurez,dc faire faire vn roi*
dectftAreft ]c cn chacune paroifle de tous les paroiifiens qui font en aage , &: capables de receuoir
fcpourTcit le fain& Sacrement de l'autel amour de Pafques, &decotteren marge ceux qui n7fe-
pmsquc ront venus audit iour:&: approuuer les cottes qu'ils aurôt mis audit marge,par la figna-
mtefté la" tureduditCuréou Vicairc,& dcfckts Marguilliers ou l'vn deux: lefquels feront tenus
vérité de fa enuoyer lefdits rolles & regiftres auec la certification au procureur du Roy,au plus pro
parollc. chain iiege Royahauquel ladite Cour enioint incontinent s'en informer,&faire procé-
der contre les coulpables. Et ce fur peine de fufpenlion de leurs eftats parvn an, pour la
première faute:& de priuation d'iceux pour la féconde.
CE t fur mefmes peines enioint aux iuges Royaux dudit pays, refTortuTans inmedia-
tem ent cn ladite Cour , d'en informer diligemment , tous & affaires quelconques poft*
Mais vous pofcZjContre tous ceux qui font infectez de la fe&e blafphematoire hérétique, Luthe-
qi.i trou. rienne,&: perturhatiuedelatranquilite&: repos des "iiiiets du Roy:& de leur faire leur
nlcflani îê Procc^s mi4ucs au Jugement dcfînitif,ou de torture exclufiuement. Et ce fait , enuoyer
cid auec la lefdits pnlbnniers en laConciergerie de laditeCour,&: leur procès auflî pardeuers elle,
pour eftre procédé au iugement d'iceux ainli qu'il appartiendra par rahon: & de certi-
fier dorcfnauant de trois mois en trois mois ladite Cour,dc ce qu'ils aurôt fait en la ma-
tiere:fur les peines que delîus.Et outre d'eftre reputez fauteurs , recclateurs des hereti-
La cour à ques,perturbatcurs de la" paix de la republique Chreftiénc:& comme tels punis de tel
Pcnfé le peine que de droit. Sera aufsi enioint à cry public &C fon de trompe,à tous les habitas
roft meio-C & demourans audit pays,d'enuoycrau greffe du plus prochain iuge Royal ,reiiortiilant
dieux eftit fans moyen en ladite Cour , &c dedans trois iours après la publication de cefte prefente
d^mots rc ordonnance , tous les liures qu'ils auront deuers eux , concernans la foy &: do&rinc ca-
fenants. thohque,faits par les hérétiques , &: imprimez à Geneue , ou aucuns lieux Éiifpe&s , fur
peine d'eftre reputez hereriques , & punis de telle peine que de droit. Etfur mefmes
peines enioint à tous ceux qui (auront aucuns auoir &: retenir lefdits liures , & ne les a-
uoir apportez audit greffe dedans lefdits trois iours après la publication de cefte prefen
te ordônâce,de les aller reueler à la îuftice au prochain fiegeRoyal,aux officiers duquel
ladite Cour enioint de procéder à l'encontre des delinquans, coulpables & defobeifïas
aux defenfe s 8z inion&ions de ladite Cour,ôdeur faire leur procès extraordinairemenr,
iufques au iugement définitif exclufiuement,commedit cft.Et ce fait,les renuoyer pri
fonniers en la Conciergerie de ladite Cour auec ledit procès , félon &: enfuyuant ledit
du Roy.E nioint aufsi ladite Cour à tous les habitans & demourans audit pays,qui fauet
ou cognoifîent,ou qui ont feu ou cogneu aucûs infeds de ladite fe&e , d'en aller aducr-
tir la îuftice au plus prochain iuge Royal, pour en informer& Procéder contre les coul
pablcs comme deiTus. Et outre enioint aux fubftituez du procureur gênerai es lièges
^nevofd Royaux>rcirortiiTans fans moyen cn laditcCour,d'obtenir',lettrcsmonitoires,/nybïw*
que ceft a matefactorum & les faire publier tous les Dimanches au profne des eglifes paroifsiales,
"të ' d'vn Par ^e^cîue^es liront admonneftez tous ceux qui fauent ou ont cognu aucûs infe&s de
Sue de chu cefte peftiferee do&rinc,d en venir à reuelation à leur Curé ou au Vicaire cn la prefen-
canerie,fas Cedcs Marguilliers ou delvn d'iceux.-laquelle reuelation fera mifeparefcrit, &fignee
maîefiïau- dudit Curé ou Vicaire,&: defdits Marguilliers ou de l'vn d eux : auquel ladite Cour en-
cunc; ioint, fur les peines que defîus , de la porter ou faire apporter incontinent aux Officiers
du plus prochain liège Royal, rciTortiirant en ladite Cour fâs moyé,auquel ladite Cour
enioint examiner en information le~stcfmoins qui feront venus à reuelation Etprocc-
1 aCouren ^crcommc deflus contre ceux qu'ils trouueront delinquans &: coulpables , furies pei
« a areft n' nés lufdites,tous autres affaires poftpofez.Et pour faire mettre ce prefent areft cn exe-
oublie nen cution félon fa forme & tencur,a l'encontre dudit prifonnier,ladite Courl'arcuoyé &
cipaKPna tenuoye en l'eftat qu'il eft,pardeuant ledit Baillif ou fondit Lieutenant. Faitcnpar-
lemcnt le troifieme iour de Mars,L'an m.d.xltii. Etau defTous ligné, Malon.
Mifcrabic T) Rugiere donc fut renuoyé à fon premier luge , pour mettre en exécution cn ladite
toufiours" V1^C d'Ilfoere le prédit areft donné contre Juy. Là ne faillit à (e trouuer Orriinquifi-
teur
renr,inuctci é ennemi de la vérité: lequel fit vn fermon en plein marche , qu'on fe don-
naftgardc d eftre furprins des fallaccs de ces Luthériens. Et ditlors pourrailbn cespa-
rol le s ou en erlVd fem blables. Ce qu'ils " afferment efl -véritable , mante qu'ils nient efï faux, ils co- M jferat},c
uiennent bien auec nous, en ce que nom croyons que Dieu efl tout-puijjant & l'cntab le ',£7* que noflre Sei Orn qui as
gneurlefUs efl le Sauueur du mondc'.Que l 'Efriture fa racle a eftè reutlceparle jainti Ejprit , en tout t(,lif!.0J"s *"
ie qui ejt contenu en noflre Credo, qui font les articles denoflre • fny-. mais voicy (difoic-il) ougiftlevenm-yk \tXïmt$
fauoir^enleur negatiuc.car quandilsD0U6 dnonî que Dieu ri 'efl point en la famtie lioftic, ou nieront le cujx qui
Pur^atoircyles indulgences de noftre faintt Pere le Pape ,l 'adoration & invocation des Sainds & autres j^"*'^ ^
constitutions & décrets ordonnez^ & edablvs par noflre mere faincte eglift: ('efl là oit ils f aillent, & où nonc< s icy
con fislen t leurs erreurs. Parquoy ie vous admonnefle de mows en don ner garde . ^ V o 1 la c ô m e c e ta ux ta con d a m ".
prophète Orri admonneftoit le pourc peuple d'Iflbere: félon qu'il a de couftume de rai
ie par tout où il va.
Or après que l'areft contre Brugiere eut efte prononce en l'auditonedc ladite
ville d'ÏÏlbere par le Lieutenant de Montferranf, accompagné de l'aduocat, procu- j otn con
reur &c autres officiers du Roy audit Bailliage , Orri voulut taire le coup d'eflay vers le tr< Brugie-
pourc condamné, à i'auoii lien quelque manière illepourroitdiucrtir de ("a pure con- rc-
fcifion:& iinguliercment fur le poinct du Sacrement. Et comme il infiftoit à luy vouloir
faire à croire que la iubftance du pain &C du vin s'cluanouiiibit,&: qu'au iieu d'icclle fub
ftancefuccedoit Je vray corps &: lang de noftre Seigneur: voire auiïï long &c large qu'il
eftoit en l'arbre de la croix: Brugiere luy dit, Si nos corps pouuoyet eftre nourris de ces
nues qualitez fans leurs fubftâces,voftre dire auroit quelque couleunmaisveu que cela
ne Te peut faire,quclle côuenance y aura-il entre la figure &: la choie figurée? Ce qui efl
requis en tous Sacremens:carautrcmét ceneferoitqu vn pur fantofmc, voire vne ido-
le que iedetefte. Orri dit,Si tu me nies que le corps de noftreSeigneurfoitenrhoftie,a-
presque le preftre a prononcé les paroles facramétales auec intention de confacrer, ie
dyque tu meslapuiliàncede Dieu,qui peut tout ce qu'il veut .le ne nie point(dit Bru-
giere)lapuifTancede Dicu:carnous ncdifputons point icy, fiDicuapuiiîancc de ce fai-
re ou non: ains de ce qu'il a fait en fa fain&e Cene,&: de ce qu'il veut que nous y tacions.
Ledit Orri voulant couper la difpute luy dit,Et dea,mon amy, pourquoy eftant à Paris
ne pailiez-vous ainfi à monfîeur le prefident Lifet?Ic n'ay iamais patlé autrement à
môfieur le Prefîdent(dit Brugiere)&: ne trouucrez point en tout mon procès , que i'aye
en rien contreuenu à cela.Orri donc baillant la telle à fa façon de taire , & hauffant les
cfpaules,le laiifa.
Depuis il dit à quelques-vns de fes famillicrs qui ont rendu atteftation de ce- Derechef or
cy,quJon falloir tort à ce pourc homme , dont il en eftoit marry : &: que ion opinion du "J^-à^f
Sacrement n eftoit pas mauuaiie. Et l'vn d'iceux famillicrs luy dit, Pourquoy clone a-
uez-vous foulent à la mort,ôcconfentezàicellc? Vous deuriez pluftoft aduertir la
Cour,& vous oppofer à fon exécution . Et qu'y feroy -ie(dit Orri) ie ne Ihuroyc quel or-
dre y mcttre:s'il cft pofîiblc de faire adoucir fa fentencc,arîn qu'il ne fente point le fe.u,
ie le feray volontiers . cela toutefois ne voulurent entendre les officiers du Roy,
difans qu'ils noferoyent entreprendre fur la Cour du Parlement, de peur d'en eftre rc-
prins.. Les preftres vindrenr puis après àl'auditoire delà prifon ,pourexhorter Bru-
giere &: lediuertir. ils luy prefenterent vne longue croix de bois auec vn cruci-
hx atrachc, tel que les caphars ontaccouftumé de monftrerau peuple le iour du grand
Vëdredy pour faire crier milericordc;&: luy dirent, Orça,Brugiere,vous parlez tant de
Icius Chriit,& que vous n'auez autre fiance qu'en luy feul : c'eft à cefte heure qu'il faut
quele monftriez par efrccfmc voulez-vous pas adorer cefte vraye& digne croix? Bru-
giere les regardant de trauers , leur dit,Ha poures gens , ie n'adore point chofe faite de
maîd'fiômeu'adore le vray Dieu &: Pere en efprit& vérité. On le prefTaauiTi d'inuoquer
la viergcMarie.Mefme aucun des officiers luy reprocha qu'il n'en tenoit conte, &C la def
hônoroit,elle qui eftoit l'aduocate des poures pécheurs. le vo9 prie,ditBrugiere, melaif
fcrenrepos,&: permettre que iepenfevn peu à monDicuauant que mourir. ie me con- ^
tente du feul aduoeat que Dieu a conftitué pour les pecheurs:en cela ie ne defhonnore [^£^(1
point la vierge,côme ie feroye,fi ie confentoye à ce iacrilege deteftable , que vous vou- feul Jonné
lez que ie comette.en defpouillant foh cher fils de fon office d'aduoeat, pour la reueftir aduocat-
comme d'vnc chofe dcfrobee:ce quelle ne demande nullcmct.Que fi vous voulez per-
mettre que i'en dife deuat tout le peuple,ce auc i'en ay apprins par l'efcriture faîdc,vo*
G.i,
£,/Vo ///. Sainttin J\Çjnet.
cognoiftrcz lors en quelle fain&e réputation ic la tien. Les officiers du Roy ne luy vou-
lurent permctrrc:maisluy dirent qu'il aduifalr de ne feandalizer le peuple. € Et corn-
me on le preilbic de prédreentre l'es mains vue petite croix ,dit haut & clair, Non, non,
ce n'cftj>oint celle croix qu'il faut queieportcae portera) tantoftla mienne lut tout
mon corps, moyennant i aide de mon Seigneur. AjnC tut emmené de la prilbn au lieu
du (uppliceyt n Saine!: ioui di marche, auquel lieu on auoit dreiîe vnc grande potece»
en laquelle y auoit deux poullies au dcf]"us,&: vue chaîne de fer qui saualloitdcuant&:
derrière, pour attache; le pacit tit&£ pour le tirer, vn tour qui ciloit par derrière. Au dc£
fous delà potence y auoit deux poireaux enuiron de la'hauteur d vn home, fui leiquels
deBru'E cltoit clouévnaïx afTczeftroit,& alentour ciloit le bois &la paille poui brufler le pa-
rc tiét.lequel tàt s en faut qu'il s'eftônaftcn rien de ce piteux appareil, qmeime il donnoit
courage au Bourreau: lequel fc laifla choir en le montant fur ledit aix , pour l'attacher à
lagroilc chaine.Brugierc luy bailla la main en dilant,Courage,M.Fôchet,nc vous efL s
vo'pas blciieîPuiseitâtattat he par le milieu du corps àla grolfechaine,les mains & ia-
bcs liecsdefîl d'archar,il efleuaiesycuxau ciel,diiat,Ie te- lupplie,Pcre ccleftc,pour l'a-
mour de tô Fils qu'il te plaire me côfbrtcr à cefte heure par tô S.Eipi it, afin que l'écume
q tuas rncômcceccn moy,foit parfaite à tavioirc,& vtilitc de ta pourc Eghie. Et après
auoirpric pour fesennt mis,&: rccemmâde ion ameà Dieu , ilie tourna de fon bon eré
deuers Iercu,qui venoit par derrière luy.Et le bourreau mit basl'aix , tellement que le
patient demeura pëdu en l'air tout au milieu du feu , fans remuer ne crier,iufques a tat
quen baillant la telle il rendit pajliblementrcfprit.Lorslc peuple s'eferia grandement,
voyant cefte grande conftance,commevne vertu miracuIcufc.Lcs vnsdiïoycnt, Voila
vn grand miracle de Dieu, les autres rendoyét grâces d'auoirveu mourir vn Martyr en
leur remps:& ainii il y auoit grand eftôn cment au peuple. Quoy voyant,lcs officiers du
chl *fu é R.oy»Orri,& le bourreau furent tcllemct effrayez, que (ans retourner au logis, ils ic de-
ransquon partirent cômegens pouriuyuis, ou prochainsdu danger: ôfprindrct leur chemin vers
t«po"rfuy Montferrantjdiftantduditlicu cTIlibcrefix grades lieues. Le Bourreau laifla le patiet à
uc i xo.:$a c|cm] bruflçjvoyât les autres départis. L e CJu> e de ladite ville d'Ilîbere , qui auoit ailiilc
aupatienr(combien que ce hift vn granddiiîîmulateur,neantmoinsinterroguépar au-
cun,quelle opinionil enauoit,ditclerement , plulîcurs loyans, Dieu meface la grâce
demourirenlafoydeBrugiere . ^Tclfutle rVuittdelamort&de la conftance de ce
Martyr au milieu des horreursde In morr.
i ^^»MRf wsBss&iïnm
SA IN C] 1 N N i V E T,de Meaux en Brte.
Apprenons ici à cognciflrecMiibiciiK' rcux cft l'homn < auquel rTfpnt du Seigneur donne, vue telle & fi (mue pufua*
lîon.ic ù vcritcvjuc unùi epourec 'nfo:i,voire la u. oit tour apprdlte,neluy Ion: nui au: égard Je la vie éternelle.
MD W^É^^* y cuti:, mivt de ce temps qui oie lainetc ferueur d'clprit, ait dételle la
XLViH. g^^S^ profanatiôdu \ • av ic ruicc de Dicu,& (e foit defplcu en celte vie, voyant 1-
JwTtf'» 1 <■-■ U;l 1 lu,n< 0c l'Eglife foyladeriiinatiô de l'Antechnibs 'il y a eu aulli ho
%/? nie, qui de cœur volontaire fc foitprclcnte à la mort, pour fouftenir la que-
relle du Se igneur,ç'a efte Sam&mNiuet, natif de Meaux en Bric. Car quand IcsQuator
zc(dont cy dclfusl hilloirceft defcrirc)furcnt brûliez en ladite ville, eftant perche, il fe
retira quelque peu de temps aucc fa fcmme,au pays de l'Euangile . Etfevoyat en la vil-
le de Motbeliard comme inutile,voire& tn charge à l'egb'fe ( pource qu citant fort de-
bile de (es membres, ik pcuùoit faire grand' beiengne) délibéra de retourner au com-
bat, nonobftat quch on que rcmonllran ce à luy faite, tant du collé dcsMiniftrcs de ladi
te ville,quede(afemme:àlaquellcfouuentildifoit,qu'ils n'eftoyent laque par trop à
leur aile &: en feurtc,& que cela leur eau foit vncnonchallâce.Ilrcumtdonqs à Meaux:
&. à certaine foirc,quieil audicl lieu àlalaincTManin, efta lia quelques petites mercer
ries en plein marche. Eftant recognu fut mis en piïfon : &c ion procès n arrefta guercs à
eftre inftruit&: parfaiâ.Cariln'citoiria befoin d'information ou de confrontation de
tcfmoins,à raii'on qu'il en cofelToitheaucoupplus que les luges n'en vouloyêt ouyr.En-
Ferucurcîe trc autrcs choies cecy cft digne de mémoire, que quand il auoit mis en auant quelque
zelenott- poind de la verité,& que lesluges luy difoyent,pour l'intimider, veux-tu fouftenir cela?
h'iC". il leurdiioit,Et vou s, Meilleurs, olerez-vous nier cela, qui eftfi vrayfAufll au lieu de re-
quérir grace,il liipphoit les luges tant à Meaux qu'à Paris,que pGurl'honneurfle Dieu
ils euftent pitié de leurs amcs,&: qu'ils auoycnt la eipandu tant de fang innocent,en fai
fane
Ottomen TttçnM *74
fant iourncllcment la guerre à Chrift & à Ton Euangile.il ne faut demandée h* telles re-
monftra'nces fonnoyent bien aux oreilles délicates de ces meilleurs du Parlcmcnr,& fur
tout de M. Pierre Liict, premier Prefidcnt.Lc Lieutenant de Mcaux voyant la ferueur
de ceil homme (lequel ildifoit valoir pis que louslcs fufdits Quatorze enfcmblc)re-
quit ledit Lifet,dc ne le renuoyer mourir à Mcaux,dc peur (difcit-il) qu'cftâtainli reio-
lu^ln'achcuartàegaitertoutx'ertàdircdedifierlcpcLiplc. Parquoy ils le firent mou-
rira Parisjans rien oublier des cruautez v/itecs contre les (bruiteurs de Dieu.
OCTOV1EN BLONDE L,de Tours en Touraine.
S'IL aduient i^u'à l'occifion dos bieus de ce monde.ou de quelques entrc-priTes fomptucufes.nous tombions en la main des
ennemis Je l'Euangile^ipprenons de demeurer paifïblcs tn nos tiprits, & a l'exemple de et Martyr, afpirer aux nçhcf-
îcs eternelles,en réprimant tout ardeur excefsif de no* deliu.
^nSSf^ L O N D E LcftoitdcToursenTouraine, marchant lapidaire de fone- ^j/vn
4-À)^sl itat:& fc tenoit ordinairemêt «à Lyon a çaule des Foires & de la marchandée
\v qui v a cours kir toutes les villes du royaume de
qui y a cours lur toutes les villes du royaume de France. Ice luy ayant de lon-
_ \ gue main la cognoiflance de la vente de l'Euangilc,cheminoit en telle inte
gritt c*: rondeur qu'il cftoit priléôd honnore, non feulement de ceux de la rtligiô, mais
des autres marchas aucc lesquels il côueribit: en forte qu'ils auoit acquis grad crédit &£
authorité.Enran 1 548, il fut bruit d'vn collier d'or & rie ht met 01 né de pierres precieu-
fc s, qu'il faifoit faire pour le porter(comme on difoit)à Ccnilantinoble. Celultre& re-
gard de richcifes,cfmeut quelques ennemis à clpicr la vie , &: 1 ecercher de plus près fa
conucrfation. Aduint qu'eftanten ladite ville, logé à la Courôncrcôme il cftoit d'cfprit
libre accôpagné de douceur,ne pouuoit fouffrir beaucoup de parollcs impudiqs & fa-
çons fupcrftitieufes en fonhofte & en ceux de la famille, (ans les reprendre &c admône-
fterde leur deuoir.Son hollceut à dcfplailir celte liberrc,& luv garda vnt mauuaife pé
fec, laquelle il manitefta le trouuât auet Gabriel de Saconnex precenteurdu grand tc-
plcde Lyon. Ce Saconnex muni de ceft aducrtiilcmcntne futlafthc ne parciTcux à la
pourfuittc:& cercha pour occalion de fa pourl'uittc vn gentil homme dcDauphiné:
par lequel il fît demader quelque Comme d'efeus à Blôdel par forme d'emprût.A t! refus
de Blonde 1, ces altérez penfansauoiraflezdamisàla Cour pour obtenir fa confifeat 16,
le rirent prçdre prifonnier chez Ion hofte pour crime d*hcretie,au cômencement de Fc
uricr de ccft an. Le lendemain citant înterrogiic de fa foy,il en fit bonne &: fainetc côfef
lion (ans (éteindre. Dequoyce Prccéteur aduerti, iouiilant délia par cfpcrâce desbiés
d'02fcouié,mit toute peine à faire faifir tout ce qu'il auoit. mais les amis y donnèrent!!
bon ordre qu'il fut fruftré de fon attente: dont Saconnex de plus en plus fut incité à le
pourchallérà mort.O&ouic pendat fon tmprifonneme ntiàilbit beaucoup de bics.aux Ltsœuurcj
autres prifonniers. mefmes il en deliura aucuns détenus pour debtes en payant leurs ç^'..]^
creditcurs:aux autres il donnoit argent pour leur nourriture &ù vc -démens. Ses parés &C
amis cependant le lbllicitoyentàfe defdire pour lauuer fa vie:& firent tant par leur im
portunité, qu'après longue reliftence veîcu de tentation, au grand regret '6L fcadalcdes
fidèles, il changea faconfelîion defoysfit allégua qu'il n cntepdoit les chofes ainfi qu'il
les auoit pmiercmcnt dites. Celte térgiucrfation neatmoins ne luy pt oufita de ricn:&
Dieu remédia à fa cliente parle mcfme Sacônex.-lequclfe voyant fruitre detoutcatté-
tc, fit tous (es efforts par vn (anglant dcfpit de le faire condamner à la mort, nonobftant
le defdit:dont Blondcl fc porta pour appelât, Eftant mené à Paris & au fortirdes pnfôs
de Lyorr,\'n lien amy fidèle trouua moyen de luy re môllrer la grade faute qu'il auoit cô
mifcd'auoir plus craint les homes que Dieu, l'adir. ont ftât de réparer fa faute. Celle cx-
hortatiô fut de telle vertu Se erricacc,qu'Ottouien des qu'il arriuaà Paris citât mten o-
gué à laqllc des deux confcfîlons il fe vouloir tenir: rtfpon dit qu'il vouloit viure & mou
nr félon la pmiere,pour edre félon Dieu.Etfedelplan?.ntdelafecôdedit,qSatan ena-
uoitefteautheur par l'inducLion des amis de fa chair. Sur ce pria le Seigneur ne luy im-
puter telle tautc: mais luy faire la grâce de demeurer te 1 me e n la pureté de la vérité. Sur
cette refpôfe fa îcntëcc cftat conrcrmee,futcondané d'eftre bruflé vif.& fut incontinét
exécuté en la ville de Paris,pour le dager qu'on ne lerecouruft p les chemins. Or il n'ed
pas croyablecôme l'executiô fut haftce,de peur qu'on ne le deliuraft:&: à la vérité, il y a-
uoitquelquetfperance ducoftédesCourtifansqui l'auoyet fort en recômandatiô. Vnc
ilnguliereallegreflb l'accompagna iulquesà la fin, laquelle édifia plufieurs ignorans,ÔC
leurelonnal'adreiTe de cercher vnfauueur &: feigneurlelus Chrift en fa doctrine.
Comme h Seigneur vengea en ce temps la eau je de ceux de A1crir<(hl& Cahriert.
CE Redtd'htfteire touchant l'adioiirnerntnt & euocation au Roy de ladite calife nous eft d< mit poi;r monftuT, que !c
p/al.^.rj des Martyrs eft précieux douant Dieu , & quand il aduient qu'en cefte vie il venge leur mort, il donne aj [ i iDation
de Lift qu'il maintient & ^arde en (on lem ceux qui lemblent morts félon la chair.Et c'eft ce que Dauid ait, qu'il Je /ou-
uient dufcng des liens,quand il le requiert.
£ qui elmeut en ce temps Henry fécond roy de France , à publier fc s patentes en
forme d'adiourncmcnt,contre ceux du Parlement de Prouencc qui auoycnt ci-
pandulefang deshabitansdc Cabricre&: Mcrindol,& autres circonuoifins:cftoit>que
îbnpereleroy François, à l'article de la mort preffé de remorts &c regrets,qu'i] ne pou-
uoitauant mourir faire vne punition exemplaire de ceux qui fous /on nom & authori-
té auoyent fait ce dur efclandre,cy deiîus deferit contre fes fubicts de Prouencc > char-
gea l'on fils aucc grandes obtcftations, de ne différer ladite punition . Qu'autrement
Dieu, qui ne Iaillë telles concullions &i faccagemens impunis 3 en feroit la vengeance:
deilus au Et d'autant (dilbit-il)quc ceft affaire rouchc noftrehon ne urenuers toutes natiôs, on ne
n.Liuie. Je fauroit m jeux rt parer qu'en failant les procès à tous ceux qui auoycnt en telle cruau
téabufe du dcuoirdc leur e harge:fans efpargner grand ne petit,foible ne fort.Qu'en ce
faifantferoycnt retenus ceux qui à l'aducnir voudroyent entreprendre telles oufem-
blables choies.
L e Roy Henry l'on fuccefleur, décerna en ce temps lettres patentes, clignes non feu
lement que tous Rois& princes voyent,maisauiîl que tous peuples & nations de la ter
reefcoutent,comme vn tcfmoignage perpétuel que le Seigneur a fouuenance des fiés,
voire après lamort.Ec combien qu'il ne les dcliure pas toufîours des glaiues des mef-
chans,fif.iit-ilcognoillre àlaparfin qu'il y a eu efgarchlequel en fon temps femanifefte.
ff^frjf e n k v ,par la grâce de Dieu, roy de France:au premier noftre Huifîie*r,(àlur . No-
IJÏffijftrc Procure ur en noftre g; and Conleil, par nous e ôftituc procureur es psoeczey
après mentionne 7, nous a fait dire &c remonftrer , que l'an mille cinq cens quarante , le
dixhuiticme iour de Noucmbrc ,futdonné en noftre cour de Prouencc quelque iugc-
mentquelon a voulu dirc& appeler l'Areft de MenndoJ: par lequel 14. ou 16 .paitieu-
liersy denomme7,habitans de Merindol, furet condamnez par de fauts& contumaces
àeftre brufic? comme hérétiques &: Vaudois : &c oùils ne pourroye nt cftre appréhen-
dez,cftre brûliez par figurc.-furcnt leurs femmes, & enfans &: nllcsdefTaits &: abandon
nez: 6c oùils ne pourroyenteftre prins , furent des lors déclarez banis , leurs biens ton
fifquez: chofe notoirement inique &c contre tout droit& raïfbn. Er combien que tous
les autres habitansdudit Merindol n'euifentefte ouys ny appelez : toutefois par le mef
mciugemcm fut dit,que toutes les maifonsdudit Merindol feroycntabbatues>& le vil
lage rendu inhabitable. Eten l'an 1 544. lefditshabitansfe retirèrent par deuers feu de
bonne mémoire le Roy dernier de e ede noftre pere, que Dieu al iolue autres qu'en
• maintenoit hérétiques: qui difoyent que contre vérité on les vouloir dire Vaudois &C
hérétiques . Or tindrrnt lettres de neftredit feu feigne ur &: pere, auquel ils firent en-
te ndre qu'ils cftoyçnt journellement trauaillez&i molefttzpar les Euefquesdu pavf >&:
par les Prclidcnsix. Confeillieis de noftre Parlement de Prouencc , qui auoye nt de ma-
dé leurs corfifcations& terre s,pour leurs parens: le (quels par ce moye n les \ouloyent
chafler du pays:fupphâ« noftrcdit feu pere,quelon s'enquift de la vérité. Sur quoyil eut
ordôné,qii'vn maiftrcdcsRequeftes,&vn Docteur en Theclcgie fc tranfpovteroycnt
lettres d'e fur les lieux , pour s'e nquerir de le ur manière de viure.Et parce que prom prennent le-
uocation. dit feigncur n y pouuoit e nuoye r,ilauroitcependanteuoqué à luy tous les proce's pen-
dans pour railon de ce :& en auroit interdit toute cognoilfane cauxgé's tic noftre Cour
Lettre» de de Parle me nt de Proue nce.I aquelle euocation eut elle fignifieeà ne If redite Cour le
reuoeation xxv .d'Ottot re e nlnyuant:dont cftant irritée du contenu en îcclle, auroit enuoyé de-
uers ledit Roy vn Huilfier,pourfuyure lettres de reuoeation, qui furent obtenues le pre
mier lourde Ianuier e nfuyuant:par lefquelles,furce que Ion auroit fait ente ndre audit
feu feigncur Rov, qu'ils eftoyent en armesen grande aflemblec ,forçans villes &cha-
fteaux,e x-mans le s prifonniers des priions, & rebellans à la iuftice , & la tenant en fuie*
ttion , ledit feu feigncur permet exécuter les arefts donnez contre eux , reuoeant Iefdi-
tes lettres d'euoeation , pour le regard des recidifs , non ayans abiuré. Et ordonna que
tous ceux qui fc trouueroyent chargez Si coulpables d hereficck: fe&e Vaudoifc,fuflène
exterminez. & qu'à cefte fin le Gouuerncurdu pays ou fon Lieutenanr,y employaftfes
forces,que la iuftice fuft obeye.Lefquclles lettres ne furent lignifiées, mais gardées iuf-
ques
jRjcit iKifiotrcJ. 1 7/
qucs au i z.iour d'Auril cnfuyuat,qui eftoit le iour de Quaiïmodo:auqucl iour après dif
ner,le premier plidétM.IcanMenier, ht afte Wer laditeCour,8c fit que ncftrc Procureur
pre fêta lcfdites lcttres,&: requit l'exccutiô dudit pretédu Arcft dux v 1 1 i.deNouébre
1 540.duqln'eftoit faite metion cfditcslcttres:maisfeulement en termes généraux d es
Arefts donnez contre les Vaudois.Et fur ce rut dit,que ledit prctcdu Arcft feroit execu
té félon la forme &: teneur,raiiant pareil erreur que dcuant. Et qncleldits Cômiflàires
iadeputez,fe tranfportcroyét audit lieu de Merindol,&: autres lieux requis &C necefîai
res, pour l'exécution d'iceluy.Etferoyét exterminez tous ceux quiferoyentdeladitefe-
&e,ceux qui icrovent prins prifonniers, menez en galères pourprifon. Furent commis
pour exécuteurs, n^aiftre François de la Fond fécond Preiidcnt,Honnoré de Tnbutiis,
ôc Bernard de Badet confeillers : auec lefquels fe tranfporta ledit maiftre Iean Mcnier,
prelident, comme Lieutenant de noftredit feu pere; pour donner( ainfi qu'il difoit ) la
main forte à iuftice (èulemenr,& en ce qu'en feroit hcfoin.Et mena gés &c artillerie: lei-
quels fans tenir le chemin de Merindol, allèrent à Cadenet: auquel lieu ledit Mcnier
tint confeil,en ladite qualité deLieutenât de noftre-dit feu pere:& fur ce qu'ils ditoyet,
qu'on leur auoit rapporté , qu'il y auoit grand nombre deldits habitans en armes, qui a-
uoyent fait vn baftion.& fans autrement en enquérir, côclurcnt qu'ils les iroyent alfail-
lir,& rompre ledit baftion,& les tuer s'ils fe reuengeoyet: & s'ils s enfuyoyct , que leurs
maifôs feroyct bruflees.Diftribuét aux capitaines plufieut s villages, pour eftrcbniflcz,
ÔCconfequemment pillez: combien que de ce ne fuft faite aucune mention audit pré-
tendu Areft,qu'ils difoyent exécuter : &; qu'à iceluy dôner lefdits habitas ny en gênerai
ny en particulier,n'cufTet iamais cfte appclcz.Furêt aufsi diftribuez au capitaine PoulT,
pluficurs villages appartenâs à ladame dcCcntaldaquelle l'aducrtit fie aulfi ledit Mc-
nier,que les fuiets eftoyent bôs laboureurs &£ bons Chreftiés, &nondclafe£te Vaudoi
fe:les prioit de ne leur faire torr.orf rat de les faire efter & obéir à iuftice, Dot ledit Pou II
aduertit ledit Mcnier prelident: &: qu'il luy enuoyaft vn home de robbe lÔguc, pour la-
uoir qu'il auoit à faire. Toutefois fans auoirefgard aufdites remonftrances,furcnt bruf-
lez&c pillez vingtdeux villages, fans aucune inquilitiô ne cognoilîàcc de caufc,dcceux
qui eftoyent coulpables ou innoccns:&: fans qu'il y cuit delapartdefdits habitans aucu
nerefiftencc,ny aucun baftion.Etauecceauoycnt cfte les biens defdits habitans pillez
& plufieurs filles &: femmes forcées, & autres crimes exécrables commis. Ce lait allcrét si lc Sfi.
leidits prétendus Commiflaires àMermdol,où ne trouuerentqu'vn pouregaiçô de 18. gneurgar-
àio.ans, qui s'eftoitcachédequel ils firent attacher à vn oliuier , &: tuer a coups de ha- j"c'sar"
quebuttes: piller ledit village & brufler.Et ce fait, allèrent a Calriercs,ou furet tuez ho fon* côce<s
mcs&fcmmcs& filles forcees,iufquçsdcdâ^regliic: grand nôbre d'homes liezeniem cn
ble,ôc menez en vn pi é,8c là taillez en picces:& plulîeurs autres cas exécrables comis, ^1™ feur
allîftantledit Menicr.Au lieu de la Colle y auroiteu pluficurshômes tucz,remes& fil fang sYmu
les forcees,iufques au nombre dei). dedans vnc grangc:& infinis pillages efté faits par nouilk:
l'efpace de plus de 3 .fepmaincs.Et pour cuider par ledit Menier couurir lcfdites cruau-
tczôC inhumanitcZjdecerne cômilTîon narratiuc,qu'il cftoit aduerti qu'ô pilloitôc facca
geoit bôsôc mauuais,Chreftiens& Vaudois:par laqlle eft mâdc criera Ion de trôpc dc-
fenfes de nô piller, linon ceux contre lefquels feroit donc congé par noftrcdit feu pere,
ou luy.AuiTi décerne autre comllion en ces termes, C a pi t ain e s &foldats,quiauez
charge de ruiner ôcdcualifer en perlones& biésles Vaudois, ne touchez aux fuiets du
Seigneur de Faucô:qui cftoit fon parét.Furét faites defefes à fon de trôpe tât par autho
rite dudit Menier, que dudit de la F5d,de non bailler boire & mâger aux Vaudois fans
iauoir qu'ils eftoyent.&: ce fur peine de la hard. Au moyc de quoy plulieurs femmes, en-
fans 8c vieilles gens furent trouucz par les chemins mangeans &C pailîàns l'herbe, corne
beftesbrutcs.&: finalemét morts de faim. Apres lcfdites cruautez 8c inhumanitez ainfi
faites 8c comifcs,cnuoyerent Cômiiiàires, pour informer qui eftoyent les fuipcâs d he
refie:& cn fîrét mener nôbre infini aux galeres,par forme de prifon,où en eft mort gra-
de partie.les autres,leurs procès faits,ont efte eflargis , ijuoiijque: faut à noftie Procureur
de plus amplemêt informer.^ les autres côdanez en petites amedcs,les autres abfo'pu
remet 8c limplemct:8c mefme les fuiets de la dame de Cétal corne appert par les iuge-
més jpduits.Êt neatmoins feroyét leurs maifôs demeurccsbrullécs,8c leur biés pillez. A
cefte caufc>lefdits premier 8c fécond Prehdés,8c le fdits de Tnbutiis ôcBadet côfeillers,
voyâs auoir mal procédé 8c côtre laceneur defdites lettres de noftrcdit feu pere, qui re«
G.iii.
queroyeht cognoiiîunce de caufe: voyans auffi les gens de noftredit Parlement de Pro-
vence qui auoyent donne leldics iugemens cotre tout droid Se raifompour cuider cou-
urir leurs fautes,fe feroyent aflemblez le cinquième îour de May enfuyuant . Et le dire
&rapportdefditsMcnicr&:delaFond,auroycntdonné autre iugementou prétendu
Areft,que l'exécution encommenece feroit parfaitc:& qu'à cefte fin feroyent cnuoyez
deux des Confcilliers de noftredite Cour,en chacun des lièges, pour faire les procés,&:
declairer les conhfcations des biens.
E t derechefle vingtième defdits mois Se an,fe feroyent encores aflemblez : Se donc'
autre iugement fuy uant les précédents, contenâtpluficurs chefs,pour toujours cuider
couunr&excufcr leurs fautes :6c fâchât que la plainte en cftoit vernie iufques à noftre-
dit feu pere,auroyét enuoyé ledit de la Fond deuers luy. lequel fous ion dôné a entédre
&c procès verbal, auroit obtenu lettres données à Arques, le 18. iour d'Aouft, 15:45. ap-
prouuanstaihblcment ladite execution.n'ayant toutefois fait entendre à noftre-ditfcu
pere la vérité du faict : ains fuppofa par jcelles lettres , que tous les habitans des villes
bruflez,cftoyent cogneus Se îugez hérétiques Se Vaudois. Par lefquclles lettres eft man
dé receuoir à mil'ericordeceux qui fe repentiroyent , Se voudroyent abiurer. Et depuis
nous aduerti de la vérité du faicl,&: que fans diftinttion des coulpables Se innocens,con
tre toute forme Se ordre de iuflice,& fans iugement ne condamnation, qui euft aupara
uant efté donnée cotre eux,auoit procédé par voyc de faict Se de force: dot s'eftoyét en-
fuyuis les cas Se crimes defTufdits: auriôs dccernéCômiiTaires pour informent auroyét
efté faits les procès criminels aufdits Minier &: de la Fôd* de Tnbutiis &: Badet . Procé-
dant au jugement dcfquels,noftrc Procureur auroit dés le i .iour requiscômiffion,pour
appeler les gens de noftredit Parlemct dcProuence,pour \xnir refpondrc par jpeureur
oirtyndic aux conclu/ions qu'il entendoit prendreà rencontre d'eux,pour l'iniquité Se
erreur oculaire de leurfdits iugemens qui ont efte caufe defdits crimes,cruautcz,&: ini-
quitez.Sur quoy ne luy auroit encores efté fait droict. Et voyat que l'on paffoit outre au
iugcmctdes procès ("ans fur celuy faire droi£t,dout|t que lô luy voulift dire qu'il n'eftoïc
appelant,auroit prefenté requefte aux Cômiffaires par nous déléguez îugcs duditpro-
ces,à tin d'eftre receu appelant de l'exécution de Merindol,&: de ce qui s'en eft cniuyui.
Et pourec que de receuoir noftredit Procureur, appelât d'vne executiô approuuce par
A reft ou iugement d'vne Cour de Parlement, cela dcpendoit de noftre authorité,& ne
s'eftédoit iujqs laie pouuoir Se cômiifiô denofdits Cômiffaires:&:pource qu'il eftoitauf
liqftion de cognoiftrc&iuger cotre vne Cour de nos Parlemes.ndus auriôs voulu, &:
ordonné,quc noftre Cour de Parlemétdc Pans(quieftla première &: principale Cour
de toutes nosCours fouueraines)en euft la cognoiifance.Et à cefte fin aurions fait expe
dier nos lettres patentes, du vingthuitieme iour de Ianuicr: mais fc feroit trouué que ce
iour mcfmclefdites appellations premières, qui eftoyent de ladite conclufion de bruf-
lcr faite au lieu de Cadenet : de l'exécution faite en la perfonne du harquebufé, &: des
defenfes de non bailler viurcs,auroyent efte plaidces par noftredit Procureur, par dé-
liant nofdits CommnTaires:& qu'en plaidant lefdites appellations,lefdits preiidens Me
nier & de la Fond, de Tnbutiis &: Badet confeilliers , fe feroyent principalement arre-
ftezaux fins de non receuoir, difans que c'eftoyent Arcfts &: iugemens de noftredite
Cour de Parlement de Prouence:&: que par lettres patétes de noftredit feu feigneur Se
pere, ladite cxecutiô cftoit cognue Se approuuec:tcllement qu'il n'auroit efté receu ap
pelât: mais auroit efté fa rcquefte&: appclatiôs iointes au procès criminel. Aceftc caufe
il auroit prefenté autre requefte#pour eftre receu appelât defdits iugcmés,ou pretédus
Arefts:c6me donez par gens qui n'eftoyet iuges:fans ouir parties : fur fimples requeftes
du Procureur de noftredit feu pere:fas cognoiftace de caufe,&: côtenat erreurs iniques,
cruautez&: inhumanitez:periîftâtàcequefuyuantnofditcspatétes,lcfditesappelatiôs
fufîcntplaidecs en la grand' Chambre de noftre Parlement de Paris, &c. Po v r c e eft
il,que nous, après auoir entedu la qualité du faict dont eft queftion:&le fcandale qui en
a efté &: eft, non feulement en ce royaume,mais es pays eftrangers : Se à. ce que tout ain-
fi que les exccutiôs tant mifcrables faites cfdits lieux,ont publiquemet efté faites , qu-
elles foyent auffi publiquement réparées, s'il y afautc:& la vérité cognue,nô feulemétà
nos luges;mais aufli à nos fuiets Se cftrangcrs,qui en peuuét eftre mal edificz:aufli pour
le dcuoir de la iuftice,& côfcruatiôs de lamemoirede feu noftredit feigneur Se pere: A-
uôs par ces prefentes,de nos certaine fciece,pleinc puiflace Se authorité royale cuoquc
&euo-
fycitdtfiflotrcj. 476
6c euoquos à noftre perfonne,rinftâce delà requefte par noftredit Procureur de la cha-
bre de la Roine,prcfentee pardeuant les luges (ficelle Chambrc,&: appelations par lùy
formées , des exécutions faites audit lieu de Merindol, 6c autres villages : fur lefqucllcs
les parties ont ia cité ouyes pardeuant lefdits Iuges,appointees au confeil, 6c iointes au
procez principal, pour eftre de nouueau plaidees, comme eftans lefdites rcqucftes&:
appelations inteparables d'aucc la requefte 6c appelations de nouueau interiettees
par noftre Procureur, aucc la requefte auffi preientees, tendant à fin d'eftre receu
à fe porter pour appelant des prétendues mgemens 6c exécutions defdites lettres pa-
tentes cydeffus declairees. Et le tout auons par cefdites prefentes renuoyé&: ren-
uoyons en noftre Cour de Parlement à Paris , en ladite grand' chambre du plai-
doyc d'icelle , au x x.iourde May prochain venant, pour y eftre publiquement 6c à
huis ouuert plaidé :6c les parties ouyes en eftré ordonné ce que de raifon. Emnter-
difant &: défendant aufdits luges de ladite Chambre delà Royne par cefdites pre-
fentes ( que voulons par nous leur eftre prefentees par le premier Huillier ou Ser-
geanefur cerequis, qu a ce faire commetons ) toute Cour, iurifdi&ion& cognoiiîan-
ce. Si te mandons 6c commandons par ces prclentes, que les gens de noftre Parlement
de Prouccecnfemblelefdit Menier,delaFôd,Badet,deTnbutiis,&: autres qu'il appar-
tiendra, tu intimes audit iour en noftreditc Cour de Parlement à Paris en ladite grand'
chambre du plaidoyé: pour fouftenir 6c défendre lefdits iugemens,&: exécutions d'i-
ceux,ôc defdites lettres patentes:&: les procedurcs,&: autres torts 6c griefs:&: iceux voir
repares, corriger 6c amender, h befoin eft: linon procéder outre félon raifon. Et adiour-
nc audit iour à comparoir en noftreditc Cour , lefdites gens de noftre Parlcmet de Pro-
uence, par fyndic ou procureur,qui fera pour ce conftitué par eux:pour défendre aufdi-
tes appelations, rel'pondre à noftredit Procureur : 6c pareillement ledit Menier &: de la
Fond,dc Tributiis&: Badet, 6c autres parties adueries de noftredit Procureur , ii aucu-
nes en y adeur faifant commandement qu'ils lbycnt& comparent audit iour en noftre-
ditc Cour , s'ilsvoycntquebefoinfoit, 6c que lefdites appelations leur touchentou
appartiennent en aucune manière: en leur faifant les inhibitions 6c defenfes en tel cas
requifes. A laquelle noftreditc Cour de Parlcmentde Paris, en ladite chambredu plai-
doyé d'icclle, de nos grâce fpcciale, pleine puiffance &authonté royale, nous auons
(comme de/Tus eft dit)attribué 6c attribuons la cognoiifance&: dcciiion deldites appe-
lationsmonobftantreftablcmentde noftredit Parlement de Proucnce les appoin-
temens donnez par nofdits Commiifaircs,lur la requefte de noftredit Procureur iointe
au procez criminel, auec les premières appelations ia plaidees, que ne voulons prciu-
dicicr à noftredit Procureur: 6c quelcôques autres edicts,mandemés,reftrictions ou de-
fenfes à ce contraires:aufquellcs,entant que befoin feroit,nous auons derogué 6c Aero-
guôs de noftreditc puiffance 6c authoritc par celdites préfères : cartel eft noftre plaifir.
Donné à Montercau , le dixfeptieinc iour de Mars , l'an de grâce 1 549. de noftre rè-
gne le troiiïeme. Ainfifigné, Parle Roy. Claufte rlëellé du grand feau de cire îaune
furfimple queue.
L' I S S V E de ces commençemcns.
(~^Es lettres d'euoeation lignifiées , 6c le Parlement de Paris faify de la matière, y côpa-
rurent en perlbnne le prefident Menier feigneur d'Opcde, de la Fond, de Tnbutiis
te Badet, 6c le furplus du Parlement d'Aix, par vn Procurcur.La caufe fut plaidee en la
grand Cham bre du Palais par aduoeats les plus fameux qui fuifent pour lors.Riât eftoit
pour le Roy:Robert pour les luges de Proucnce: Aubery pour ceux de Merindol 6c Ca-
brieres: vn autre pour la dame de Cental, iufqucs au nombre de douze. Et durerét leurs
plaidoyez& remonftrances par vn long temps, à plus de 50. audiences. De toutes parts
chacun y accouroit pour ouirchofes qui ne furet ïamais ouyes fcmblables en excès de
cruauté enragée. Et combien que les aduoeats quiacculbyentne recitalTent la dixiè-
me partie de ce qui en eftoit: voire 6c dilTimulaiTentla caufe pour laquelle tant de
fang innocent auoit e{té efpandu, h" eft-ce que tous auditeurs eftoyét rauis en cftonne-
ment, oyant tant d'enormitez, qui crioyent vengeance à Dieu. On euft dit, que grans
6c notables iugemens fe deuoyent faire après tels 6c Ci longs plaidoyez: mais d'vne hau-
te montagne il n'en fortit en la fin quvne petite fumée de vapeurs.Le prelîdet Menier,
chef en toutes aceufations, après auoir efté long temps détenu pnfonnier, attaint&:
conuaincude tant de conçu/fions, pilleries 6c faccagemes, efchappa hnalcmét lamaia
Littr*^ III* (jaulteri: Do 'Bejfa: Ceux dc.^ ff ma ut.
fcucrin pc- des hommes:mais non pas celle de Dieu.^~L'aduocat Gucrin ayant efté pendu à Paris,
du a Pans, Menier trouua façon de non ieuleméc efchapper,mais auflî d'eftre remi s en l'on cftat a-
pr<s auoir promis aux plus pernicieux ennemis de la venté deDieu, qu'il nettoyeroit Ja
Proucnce, decesnouueaux Chrcftiens, qu'ils appellent, voire & que toute l'a vie vege-
roit ce qu'à leur occalîon il auroit efté mis en telle extrémité de la vie &: de l'es biens.
&"$bp|Si N des premiers & prlcipaux exploits que ce Menier exécuta à ion arriuec
&.VR^ en Proucnce , ce tut cotre vn nommé Gavlteri,cIu diocefe de Digne,
Myfe homme dc lettres: lequel s'eftant retiré à Aix, après auoir quitté la peda-
^^My^S^l g°gie cnez du Vcrnet,fut cruellement martyrilé en ladite ville , & bruflé à
lapourluittedudit Menier. Item, Ba r telemyAvdovi n jditdeBeflajàraifon
qu'il eftoit dudit lieu,pres de Brinolles:par la mort duqucl,& de pluheurs autres que ce
Prelîdcnt fit cruellement tyrannifer,lc peuple de Proucnce en a efté de plus en plus cô-
Mcnier ef- fermé en la vérité victorieuie de TEuangile. ^"Or ce Menier qui fembloit verdoyer en
htmmc$dC$ toutc Pro^Perlt^> fuft tantoft après arrachc,cftandaiiy d'vn flux de fang,qui luy efmeut
tombées les parties honteufes:&: luy engendra vne carnoiité&: rétention d'vrine:&: mourut a-
dc uec cris &defpitemens horribles,fcntat vn feu qui le brufloit depuis le nombril iuiques
en haut, auec extrême infection de fes parties baltes.
ma
Dieu
M. NICOLAS, François de nation.
A V G V S T I N, & MARION fa femme, Hanuicrs.
E N diuers lieux &: entre nations rudes le Seigneur continuant de monftrer fa bénignité , produit par vne proui.ience
admirable tefmoins de fa caufe, pour inftruire les ignorans, fortifier ceux qui ont receufa cognoiflance: pour rendre
iiicxculabîes les plus barbares & obftinez.
D V I N Tau pays dcHainaut enuiron cetcps,queperfecution citant cm-
brazeeplufieurs furent empriionnez. Vn nommé M.Nicolas home defa-
uoir,du paysdeFrancc,& Barbe fa femme: Auguftin barbier de lbnart,&;
Marion la femme, Hanuiers, ayans demeuré quelque temps à Geneuc , s'a-
cheminerentenfembleparl'Alcmagne, deliberans daller demeurer en Angleterre.
Quand ils furent paruenus au pays de Hainaut , Auguftin pria M. Nicolas de viliter le
cnHainaut Pet^c troupeau des fidèles en la ville de Mons: &: leur départir des dons & grâces que
Dieu luy auoit conférées. Nicolas volontiers s'y accorda, pour le deiir qu'il auoit d'ad-
uancerlagloire du Seigncur.Ces deux donc turent humainement receus des fîdeles:&
après quelques îours partans de Mons, tirèrent le chemin vers Tourn ay pour paruenir
à Anuers:maiseftanspourfuyuis parvnPreuoft furent arreftezà quatre lieues près dc
Tournav, aifauoir M.Nicolas auec les deux temmes : Auguftin efchappamiraculcufe-
ment,commc il fera dit cy après. Les trois furent rudement traitez: fur tout M.Nicolas,
lequel priant Dieu deuant les repas, fut non fculemét menacé parle Preuoft, mais auf-
fiauec blafphemcs exécrable s outragé , en luy dilant , Voyons mainte nant li ton Dieu
Kefpsfecht* te dcliurera,mefchant hérétique. M.Nicolas luy refpôdit,Quc t'a fait IcfusChrift,q tu
bUfflKmt c- Ie mets ainfi en pièces partes blafphemcs?li ton cœur eft tant enflabé de rage contre le
■mmU. Fils de Dieu & la fametc parolle,que tu ne te fâches contenir d'outrager le Seigneur Ic-
lu s, frappe lu r moy, Se contente en cela ton courage. Ils arriucrent en la ville de Mons,
liez fur vne charrette comme poures brebis, &C chantoyent quelques Pieaumes : eftans
ioyeux d'auoirtrouué la rencontre. On les mena auchafteau de la ville en vne prifon
obfcure, enferrez par les pieds comme bngans. ^ Ayans là efté quelques iours, le duc
d' A feotarriua auec force Preftres&Cordeliers, entre lefquels eftoit vn Gardien do-
^ f creur en Théologie. Nicolas eftantintcrrogué d'où il cftoit,&: où il alloit,& quelle foy
cl"™rern- il tenoit:donna raifon à toutes ces demandes, iuiques à rendre li confus ces Cordelicrs
blent ou i 1 qu'ils ne fauoyent que dire, lïnon crier,U a le diable, au feu, au feu le Luthérien. M. Ni-
àcalmu co^as ^cur dit, Commente vous orriez vn lu if ou vn Turc en fadefenfc :auez-vous peur
Pfc.ï3 6. d'eftre feduitsHi voftre doctrine eft la veriré dcDieu,que.craignez-vous?^ Apres lôgucs
difputcs, Nicolas demanda qu'on luy permift d'eferire fa confeilion : ce qui luy fut ot-
troyé défaire en la prifon, &: ainfi donna fumfante raifon de fa doctrine.
S v r cela, les ennemis s'aduiferent de luy demander où il auoit logé , quand il pal-
fa par Mons. A cela il refpondit qu'il n'cftoit point de la ville, Ôiiamaisplus n'y a-
uoit efté quecefte fois, partant qu'il ne leur fauroit nommer le lieu; Mais,diibit-il,
fue
tfflœrtyrs au pays dc^> hTainaut. / 77
h* ic vcyoyc la tnaifon , peut cftrc que ie Jn ponrroye bien rccognoiflre, II ne difoir point
cela pour accu fer ceux qui lauoyent reccu: toutefois les aducrlaircsoyans ce propos, le
hrt nt lier,& mené; parmyla ville, afin qu'il leur monih ait fon logis .ce qu ils firent en
vaimearde par luy 1 Eglilc ne fut troublée. Kux le vovansf ru (Irez de ce qu'ils efperoycr,
s adreiferet à barbe fem me dudit Nicolas : laquelle le duc d'Arfcot pnnt par les mains,
& difant de parollcs blandiil'atucs,dit,Barbem'amie,achii('edc làuuerta vic:tu es enco-
re îeune femme, li tu nous veux n orner ceux qui vo9ont logé, ic promets de te deliurer
des pnlbns,& remettre en liberté . De telles paroles &: promenés la pourc femme fut Barbe U
vaincue,& s accorda à tout ce qui luy fut propoïc:qui fit redoubler la perle eu non cotre dtUu-
Jes fidèles, &: que plufieurs furent conllitucz pnfonniers. ^Or après qu'on eut procé-
dé contre M.Nicolas iufqu a toute extrémité de rigueur, il rut finalement tiré hors
de la tour Aubron:&; delà mené deuant les Iuges,pour reccuoir Icntcncc de mort:c'eft
affauoir d'élire bru lie vif,& réduit en cendres, à la façon accoutumée de procéder. Ni-
colas ayant ouy là Icntcncc, dit , Bénit loit noftre bon Dieu ,qui me fait tant de bien 5c
d'honneur, de mechoifirpourtefmoindela caufedefon cher Fils. Et aprcs,il le pnnt
à chanter vn Pfcaumed'v ne telle ardeur, que les lergeansmeim es qui les gardoyent s'-
en clmerucilloyent. En attendant l'heure du lupplice , il fut mené en la chambre de la
garde de la prifbn:& là cftant , fc nettoya de la poudre &c paille dont l'es habillemcns e- ' °ntance
if oyent chargez , comme s'il fc fuft préparé d'aller au banqueté dit ces parollcs à ceux CoI«.'N'"
qui citoyen t là prefens , Mes amis, ic me nettoyé ainlî, pourautat que ic fuis appelé aux
nopees de l'Agneau.
^ Ci p t \ i) a n t qu'ils\iccouftroitainfi,ily vintvnfcrgcant,dcla part du Lieute-
nant de la ville , luy défendre de parler nu peuple. Nicolas oyant celle defenfe , pria de
.parler au Licutcnant:& ayant ouy de la bouche d'iceluy la melme defenfe , voire à pei-
ne d'auoir 1 cftœùf en la bouche, il luy dit, Puis que vous le me défendez, i'obeiraytmais
auflîic prie que m'ottroyezvn don. Le Lieutenant luy dit qu'il demandait .& il requit
qu'il luy fuit permis de prier Dieu , &c de le louer en allant au lupplice : ce qui luv fut ac-
corde, moyennant qu'il ncparlall au peuple. Or les deux heures après midy fonnces,la
iufticele vint quérir pour cftrc mené à l'exécution. Ildefcendit du chafteau ,&: ayant
les yeux cflcuezau ciel, d'vn regard toutioyeuxmarchoit eninuoquant le Seigneur.
Plulicurs Cordehcrsle luyuoyent pourempeicher les pricrcs:&: quelque defenfe qu'on
luy euft laite, il ne fc l'eut tenir , voyant vn li grand peuple , de le tourner vers eux , &: di-
re à haute voix , O Charles , Charles ( entendant l'Empereur Charles cinquième ) iuf-
ques à quand fera ton cœur ainlî endurcy ? On ne le laiffa dire plus outre , &. vn des fer-
geansluy bailla vn grand foufflet fur la face. Lors M. Nicolas dit , Ha pourc peuple, tu
n'es pas digne qu'on te preféte la parollc de Dieu. En difant ces parolles , il fyt misa re-
liât he:& le Cordcliers citas à l'cnuii ô,luy difoyet plulicurs iniures, & leur chanfon ac-
coultu mec, affauoir qu'il auoit le diable au corps. Il leur dit ce verfet du Pfeaume 6. de
Dauid, Sus fus, arrière iniques, Dellogeztyrâniqucs, De moy tous à la fois: Car le Dieu
c!cb< nn.iirc, De ma plainte ordinaire A bien ouy la voix. Et foudain après ces parollcs
la paille fut allumée: & efleuant la bec au ciel , cria par deux ou trois fois , Seigneur Ic-
fus,Pcrc éternel, en tes maïs ic me rccômandc:&: ainli partit hcureufemétdc ce mode.
Senfuit la moi t Je Mariort kmrhe d'Aupuftin.
rÇT^PR E S cefte exécution Jes luges commencèrent àtraitter l'affaire de Marion
^^fcmmcd'Auguftin cy delfus nommé:laquelle ayant cité interroguee de plulicurs
clioles , &£ fur tout de ce qu'on faifoit à Geneue , comment on y ad miniltroit les Sacre-
mens,&: fi elle y auoit communiqué:Refpondit qu'ouy , &: mefmcs qu'à Geneue on te-
noit la vraye inilitution du Seigneur. Aux autres interrogations &: demandes qu'on luy
fît , elle relpondit félon la mefure de la foy &: cognoilTancc que Dieu luy auoit donnée:
de forte qu elle ne fut diuertic aucunement , ne par promeiles , ne par torments , de la
confefîion de la vérité. Toll après Ion procez eftant parfait, elle fut condamnée à cftre
enfouye &: plantée viue en terre, genre de lupplice vlité es pays bas de l'Empercur,con
tre celles qui veulent maintenir la doctrine du Fils de Dieu. Elle cftant conduite à ce
fupplice, leuant les yeux au ciel,louoit Dieu de la grâce qu'il luy failbit,à elle poure mi-
ferable, de l'auoir retirée des ténèbres fi horribles , cfquclles elle auoit elle plongée. A-
presauoir prié à deux genoux auant qu'eftre couchée par l'exccutcur, demanda vn
mouchoir pour mettre fur fa face. Cela fait, l'exécuteur la coucha furlatoffe,luycou-
Liurc^IIL Martyrs au pays Kainaut.
urit la lace de terre, & le demeurant du corps : &c ce fait luy pafla fut le ventre , &: foula
aux pieds, tant que finalement elle rendit heureufement ton efprit au Seigneur.
S'eufuit la mort<d'Auguftin barbier. mary de la fufdite Marion, lequel fut exécuté en la ville de Bcaunu nt,
à iïx heues près de Mous en Hainant.
II^^YdefTusilacftéditqii'Augullinniiraculeufemcntauoit efchappc le s mains des
g|§g$fergcans, lors que M.Nicolas &C Marion turent appréhende/. Depuis ladite dcli-
urance,s'cftant mis a vendre parles bourgades &: marchez des cfpiceries Si quelques
merceries pour gagner fa vic:a:nfi qu'ilcfloit en la ville de Beaumont au pays de Hai-
naut,y avant eft aie fa marchandée, fut recogneu,& quant & quant accule: &: voyant
l'appareil qu'on faifoit pour le prendre, il abandonna fa marchandife, &: fc hafta de for-
tir la ville:ayantapperceu de loin l'on logis enuironné de fergeans. Ilauoittouliours c-
d grande fié de tout temps ii cnùnufjqu'au feul regard d'vn lergeant il trembloit,&: apprehédoit
fion'nrind' * norrcul l'emprifonnement. Il fortit de la ville l'aily de frayeur, & s'en alla cacher au
criincc. 1 premier buiflbn, le peniant mettre à fauueté.mais il y eut aucuns fur les murailles de la
ville, qui !c virent le cacher au builfon.lefquels incontinent le décelèrent aux fcrgcàs,
tellement qu'il fut appréhende &: mené à Mon s, ville capitale de Hainaut. Làcftàt m-
tei vogue de fa vic& dcfafoy : refpondit pertinemment , &: rendit bonne raifon del'e-
fperanec qu'il auoiten Icfus Chrilt,commeila déclaré à ceux qui l'ont viiitc en lapri-
Ion. C'a eltechofe de grand' merutillc, qu'vn home qui auoit eflé toute fa vie li crain-
tif, deuint aulfitoft conftant écoutent de la bonne volonté de Dieu, rendant confus
tous l'es nenemis par vne patience admirable. Son procez luy citant parfait, il receut
fentence d' élire brullé vif.
Environ huit iours deuant l'éxecution de la fentence donnée ,&: auant que le re-
mener à Beaumont : le Gardien des Cordclicrs de Mons,aduerfairc de l'Euangilc , luy
fît vne longue rcmonftrance, tendant à luy taire entedre qu'il eltoit hérétique &c dam-
né , s'il ne renonçoit à la doctrine qu'il tenoit. mais Augullin n'eut pas la bouche fer-
mce:car cependat que ce beau pere babilloit, il luy dit deuant toute raJ]emblec,Prou-
ue ce q tu dis par la pure parolle de Dieu, &c on adiouftera foy à tes parolles:tu dis beau-
coup , & prouucs peu : en quoy tu te déclares eftrc do£tcur de menfonge: quant à moy,
ic me tien à la doctrine des Prophètes &: Apoftres, & cela me fuffit pour mon lalut,
f De là Auguftin fut me ne en vne hoftellerie de l'Ange , pour le monter à chcual, af n
de le mènera Beaumont. Il y auoit a l'heure en ladite hoftellerie vn Gentil-homme c-
ft ranger logé, qui luy prcfcntaàboirccn vne vaiflelle pleine de vin , difant,Mon amy,
ayes pitié de toy:& pour le moins Ci tu ne veux lauuer ta vie,(àuue ton ame.i'ay merueil-
Rcfronfe lcuft pitié de toy. Auguftin luy rclpondit, le vous remercie de la bonne arîe&ionquc
notable, vous me portez: vous voyez quei'ay li grand pitié de moy &: de mon ame,que i'oàre
mon corps pour élire bruflé, pluftoft que de pécher contre ma confcicnce : en quoy ic
m'eftime bien-heureux: car ce que iefoufFre, ce neft point pour ma mefehante vie,ains
feulement pour la parolle de Icfus Chnft , pour laque lie tous les Martyrs ont cfpandu
le ur l'ang: comme i'cfperc de- le faire auflï. Cela dit , eftant mis fur le chcual tut mené à
Beaumont , auec vne grand' bande de fergeans, tous cmbaltonnez à l'cntour de luy.
* A rriué qu'il fut en ladite ville, on l'en ferra bien eftroitemcnt. maisà caufe que lors
on cftoitempcfchéàfairelesobfequcs&fimcraillesdu fils du duc d'Arfcot,qui auoit
nicH J-jbtft cité tuc,plulicurs Princes & Seigneurs eftoyent là venus :&: quad ils entendirent la ve-
JVr£ nue de ce prifonnjer, ils vindrent le viliter U interroguer de fa foy & de fa religion : auf-
auûmbs d: quels il rcfpondoit & fatisfaifoit ioyeufement &: allègrement : maislccontc del'Alain
Tïclmik* Illt^on8t:cmPsautc^uy' larraifonnanten particulier outre les autres.
hommes. A v îour ordonné pour faire l'exécution , il fut mené hors de la ville furvn couftau,
pour cidre là facnfîé. La plus part du peuple cftoit li animé contre luy,à caufe de fa con-
fiance &: patience, qu'ils crioyent qu'on le eleuoit lier parles pieds derrière vn cheual,
& ainiih trame r iufque s au lieu du lupplicc : mais Dieu ne leur permit faire telle cru-
auté contre fon feruiteur. ^ Quand on l'euft amené au lieu du fopplice, il {émit à prier
Dieu:puis fut lie au pofteau , &: ne difoit mot : mais quand le feu fut mis en la paille , &:
qu'il lcuft fenty, il s'efciia au Seigneur, &: luy recommanda fon amc au plus fort du tor-
*ment de la moir.
H Y-
Tlufieurs sMartjrs.
17$
BVRR E, dcUduihcdeBonrorjngnc.
fF?WWi^ ncftras^c maintenant que la ville &le parlement deDyion alauefes m. d.
^ifi^Smainsauiangdcs Martyrs.Ccfte année HubertBuiré,filsdclcan Burrcvna- XLiX
|l\^^^tifclc ladite ville,aage enuiron x i x ans, y fut bruiïc au mois de Mars. Les
j^^^^èlblicitations &: allcchemens de Tes parens & amis pour le diuertir , n'eurent
aucune force contre la vertu d'en-haut : par laquelle il hit fi bien garenti , que la mort
pour le nom de Icfus Chrift, luy fut gain à vie bien-heureufe &: pernianc nte.
■Mm
ESTIENNE PELOQVIN.
N lavilledcBloisily a vnemaifon bourgeoile aiTezanciénedes Peloquins, M. d.
laquelle le Seigneur a voulu anoblir par deux frères îiî'us d'icelle , les ayant XLlX-
fait châpions en Tordre de fon Fils Icl'us Chrift.Tous deux ont e lle inftruits
1 en la ville de Geneue;& d'icelle font forcis pour aller au combat fpiritnel de
fa querelle. Efhenne comme aifné de fon frère Denys , fut mis en exploit le premier e-
ifantfortydeGeneuc(oùil auoit l'a famillc)pour y amener 6c conduire quelques ri deles
d'Orléans &: de Blois.maisle Seigneur qui par la puifiancc admirable befongne conti-
nuellement, Se conduit tous les mouuemcns de l'es créatures, arrefta tout eourt ce /îen
fcruitcur&: toute fa compagnie à Chafteau-renard , par vn Preuoft des Marefchaux e-
xeeureurdefon décret. Anne Audehcrt(delaquellc cy après fera deferit le martyre)e-
ftoit en ladite compagnie pour venir à Geneuc, mais le chemin &: le but de leur entre-
prife fut abbregé: 5c pour vne cite &: ville de refuge qu'ils cerc hoyét ici bas, le Seigneur
en donna vne permanente &: perdurable à iamais. Éfticnnc tut mené de Chafteau-re-
nard à Pans, où après auoir rendu tefmoignage à la vérité de fEuangile, fut condamné
par les Confeillcrs de la Chambre qu'on anomme ardante du Parlement de Pans , d'à- j^"3"-
uoir la langue coupée, &d'eltrc brune à petit feu. Le cruel toi met qu'il endura de cou- parlement
rage tant refolu, en la place du cimiticre S.Iean , cft onna grâd nombre des fpectateurs <1« Paris,
de la mort. Quant à fon frere Denys9le Se igneur cinq ans après le fît entrer en lamefme
vove , &z fe feruir de fon tefmoignage au Lyonnois , côme il fera dit cy après en ion lieu.
LE COVSTVRIER exécuté à rentrée du roy Henry ,.t Parti.
Par fnpcriation t;oi ï dirom & nommerons le COVSTVRIE R.aluy qui eut le crédit d'annoncer au roy Henry fé-
cond , la vérité du Scigncur:pour laquelle & pour fon martyre excellent on l'a nommé le ta illeur du Roy.
N la fin du mois de Iuin&: commencement de Iuillct , au temps que les M o
£ter!t triomphes 6c tournois magnifiques fe failoyet à Paris pourle ioyeux adue- XL1X
^ r 'nnncnc du roy Henry & de la Roinc, il y eut vn pourc Coultui ier,qui pour
Mc-^A la vérité de l'Euangile ayant elle conftitué prifonnier par le Lieutenant du
Prcuoftdclhoilcl, tutreierué en ce temps(commc Dieu le voulu t)pour annôcericelle
vérité au Roy, & à toute fa Cour. Ce n'cltoit pas vn tailleur de grand renom , mais po-
urc compagnon dcuantle monde: tant y a que le Seigneur qui lé rit de toutes les fplen-
deurs des plus grans, l'auoit choifï pour abailfcr les plus braues : voire pour cffrayer,cÔ-
me d'vnc foudre, leurs confcienccs.Qui euft iamais dit qu'vne fi abie&e perfonne ( du-
quel le nom à grand' peine peut venir en cognoiifance ) deuft porter vn ambalfade tel
de la doctrine de Dieu &c de fon iugement à vn tel Rov, uifques à le rendre c5me efton-
né, lors qu'il eftoit ainli efleué en les feflins des deux entrées, triomphant au milieu des
lices &: des arcs drciléz magnifiquement au pollible; L'intention de ce Roy, quand la
volonté luy printd'ouir parler vne fois vn Luthérien , eftoit ou d'en prendre fon paffe-
temps,ou bien de le vtincre, comme pour le iouer delà vérité ,& la fouler aux pieds:
mais le Roy des rois en auoit autremet difpolé, ainli que la procédure le môftrera. ^Ce
Lieutenant donc du Preuofl; de fhoftel , quieftoixdes entendeurs de la Cour, après a-
uoir interrogue ce Coufturier fur plufieurs poincts de la religion Chreftiéne, faiioit fes
£/«ro ///• £o C0U^urt€Y-
contes aux Gétils-hommes qu'il auoit mis prifonnier vn artifan qui difoit mcrueille , l'-
ayant trouué belongnant de fonmeftierlesiours prohibez & défendus. Le Roy eftant
en celle volonté de voir & ouyr parler quelcun de cefte feetc, pour fauoir leurs propos
deUui bouche propre, commanda qu'on luy en amenait vn de ceux qui cftoycntpour
lors prifonniers. Sur cela quelques leigneurs delà Cour, qui auoyent cognoifTancc des
abus du Papc,prierct ledit Lieutenant d'en faire venir vn qui fuft de bonne grâce pour
ch.uies rcfpondre pertinammcnt au Roy. Charles pour lors cardinal de Guifc , &c depuis de
"oî«hL.C Lorraine, fâchant qu'il y anoit au mefmc temps des homndes doCtcscn la conciergerie
du Palais, qui pourroyent remuer les ordures de la Papauté(lefqucls iuflï furent exécu-
tez , comme nous du ons tantoft )il s'aduifa que ce poure Coufturier feroit propre pour
contenter la fantaiie du Roy fans dommage:attcndu qu'il eftoit homme fans lettres. Il
craignoit! comme il eft à prefumer )quc ce Prince eftant aucunement abbreuuc de ce-
lte doctrine, en fuit touche pour en vouloii fauoir dauantage. Ce Coufluricr donc me-
né deuant le priué Conleil du Roy, ne le monftra muet ny eftonné: ains d vn zele Chre-
ftien, après auoir fait la rcucrcce au Roy &: à l'on confcil , refpondit à toutes les queftios
&: demandes qui luy turent laites, mieux qu'on n'attendoit de luy ,&: que ne deiiroit le
Cardinal 6c autres beneficiers delà fuitte Papale:defquels il delchifFra deuant le Roy la
vie &c l'ambition autant naiucment qu'on euftfeu fouhaiter pour lors. En outre eftant
interrogué de la Me/ie , il l'accouftra de toutes fes façons ÔC couleurs. Diane de Poi-
tiers, ducheilé de Valcntinois (qui eft appelée la grande Senefchalle)cn fut aducrtic,&;
aufli toft en voulut auoir ion palïe-temps. Le Pvoy vniquement luy fauonfant,fît mener
ce Coufturier en la chambre:où elle fc trouua.Et ayat fait fortir les Gentils-hommes &c
Pierre Ca- autres ofHciers, retenant aucuns des plus ramiliers,Caftcllanus euelque de Mafcon(au-
ftcltanuse ^uc\ ja vérité n'eftoit incogneuè' , mais futfoqnce des grans honneurs de la Cour ) corn-
Mafcon!16 mença d'audace (le Roy luy donnant le commandemét ) in terroguer ce poure Couftu-
rier. Iceluy fc voyant aflailly de ce fage moqueur,apres auoir fait derechef la rcuerence
au Roy, comme à fon Prince &: fouuerain Seigneur , donna gloire &: louange à Dieu de
l'honneur qu il luy tai foir d auoir audience deuant vn tel Prince pour rédre raifon de fa
foy. Ceft euelque de Mafcon luy fît beaucoup de demades fur les principaux poinéts de
la religion Chreftienne : aufquels fans vaciller, ne fe monftrer aucunement eftonné, il
rcfpondit bien pertinemment , félon les grâces que Dieu luy auoit conférées. Et com-
bic que ledit De-mafcon &: autres le prefla/Fent d'iniures meilees de menaces , h cft-ce
qu'ilperlcueraconftanunétenvnemefmeconfeiîîondela doctrine qu'il auoit receuè*
de Dieu .Qj. i ne fut point fans eftonner la compagnie , voyant vne côftancc inuincible
en vn poure prifonnier, qui refpondoit h hardiment deuant la maicfté du Roy. Pour
conclufion Caftcllanus&; quelques autres pour defennuyer le Roy dirent , que c'eftoit
vn paillard obftinc,& qu'il le falloir renuoyer pour en faire îuftice. On dit que la gran-
de Senefchalleen voulut aufiî dire fa râtelée : mais elle trouuafon Coufturier qui luy
tailla fon drap autrement qu'elle n'attendoit. Car iceluy ne pouuant endurer vne arro-
gance tant dcfmefuree en celle qu'il cognoiilbit cftre caufe des perfecutios fi cruelles,
luy dit, Contentez-vous (ma dame) d'auoir infecté la France, fans meiler voftre venin
&: ordure en choie tant faincte &: facree , comme eft la vraye religion &laveritéde no-
ftre Seigneur Iefus Chnft:craignant qu'à cefte occaiion Dieu n'enuoye vne grade playe
furnoftreSirc lcRoy, 6: fur fon royaume. Le Roy irrité grandement de cefte refponfe>
commanda foudain qu'il fuft ofté delà , &: qu'on dcfpcfchaft fon procez. Ce comman-
dement fut bien toft exécuté . car peu de iours après il fut condamné par le Preuoft de
rhoftcl à cftre brullé vif en la rue S. Antoine,&: deuant la ceufturc laincte Catherinercç-
qui fut tait à l'iiîued'vne procelîîon générale , comme aufTi on en brulla trois autres en
la place Maubert}Cn Greue &: aux Halles. Le Roy voulut cftre ipe&ateur delà mort de
ton Coufturier:&; pour mieux le voir, alla en la maifon du lïeur delà Roche-pot vis à vis
du fupplicc. Le patient perfeuera conitammenr : & ayant apperecu le Roy , le regarda
fi fort qu'il n'en fc ut eft renullcmct deftourné:meime le feu eftant allumé , il auoit fceil
tant arrefté en ce regard que le Roy fut contraint de quitter la teneftre& ferctirer,telr
lemcnt cfmeu,que ges dignes de foy ont ouy, qu'il luy fembJoit à voir que ce perfonna-
gc le lixx) uoit:& degrande apprehéfion il en fut quelques nui&s que ce fpcctacle luy ve-
noit au deuant, de forte qu'il fie fermet que iamais plus il n'en verroit, n'efeouteroit: $C
que ce plaifirluy auoit efté bien cher vendu. Voila comme ce Piincc;au lieu de profiter
aux
Florent^ Venot : Leoudr Çalimar. i?p
aux admonitions de tels hérauts de Dieu, en fut dauantage irrité, c£plus.enrîammé
que parauant.
M. FLORENT VENOT.
Tormens horribles & ineognus aux autres nations font icirecitez.-Iefquels ce Martyr, en la vertu de Dieu a foufienut
& furmontiz.
A confiance de M.Florent Vcnot,natif de Courgiuot près Sedane en Brie, M- D'
eft digne de mémoire . car elle a efté mefime en eftonnement aux plus gras 1 '
aduerfaires de la vérité. Il n'y a efpece de forment qu'il n'ait enduré l'elpa-
_ ce de quatre ans &: neuf lours, qu'il fut détenu prilbnnier en la ville de Pa-
ris. Entre autrestormens de la prifon, il fut enuiron fixfepmaines en vnlicu>où il ne
fe pouuoit coucher ny cftrc debout finon furie bout des pieds , le corps eftant courbé.
Cefte efpece de torment eft appelée par lesmaiftres inuetcurs de ce torment , La ihauf La c?uufl«
fi ou bonne a, ïhippocras, pour la figure qui eft au bas eftroite,&: groife en eflargillàat. Il n'y cras^Spcce
a eu criminel , au rapport d'eux-melmes , qui ait peu endurer ce torment quinze iours de tormenc
au plus, fans eftre en danger de mort , ou de tranlport par rage 6c aliénation de fens.L -
intention des ennemis,&: fur tous de M.Pierre Liict, lors Prclident (fort defplaifant de
la perfeuerance de ce faind perfonnage ) eftoit de le faire cruellement languir pour ro-
pre fa cpnftance,ou pour le faire mourir entre deux murailles, de peur que l'odeur 6c le
fruid de fa mort ne paruinft à quelque édification. Et de faid Venot eftant mandé dé-
liant les Confeillcrs au parquet de la chambre ardente, vn iour adreila fa parolle audit
Lifet 6c à quelques autres là eftans,&: dit , Vous prétendez par longs tormens débiliter
la force del'efprit , ou de me faire mourir en la prifon : mais vous y perdez temps, car i'-
efpere que Dieu me fera la grâce de perfeuerer iufques à la fin ,& de bénir fon faind ConWatiô
nom en ma mort. ^ Quelque temps après il eut heureufe ilTuede fon fouhait, voire dc VcD0C«
en cefte faifon fort conutnable pour manifefter aux plus braues delà Cour de France,
que la vérité de l'Euangile eft plus forte 6c puiflan te que ne font toutes les entreprifes
6c machinations des aduerfaires : Icfquellcslç Seigneur ade tout temps renuerfees 6ç
deftniites par chofes foiblcs ôede petite apparence. En ces pompes 6c feftins folennels
ordonnez par le Roy après fon entrée en la Ville de Paris : entre autres pnfonniers pour
la parolle de Dieu , M. Florent après auoir efté dégradé d'vne preftrife Papale dont il a- Seîfpiï
uoit efté charge parle paité, receut fentence de mort, &c lut produit pour eftre facnflé. rent.
Et pour Iuy faire plus grâd opprobre, ou pour l'intimider, on le fit fpectatcur de la mort
des autres Martyrs du Seigneur, qui ce iour-la endurèrent la mort en diuers lieux en
ladite ville de Paris. Et combien que ce perfonnage euft la langue coppeemeantmoins
par lignes &c regards au ciel, donnoit courage à vn chacun :6c luy-mefme fe fortifioit,
voyant la grâce que Dieu faifoit aux autres. Il fut donc exécuté le dernier , eftant fort
trauaillé du corps : 6c fut brullé vif en la place Maubert , enuiron les trois heures après
midy,lencufiemedeluilletduditan m.d.xl ix. Nous l'auons mis entre les premiers
de ce reng, eu regard à la longueur de la prifon) &: des tormens qu'il endura.
M. L E O N A R G A L I M A R.
X?SÈ8fS A L I M A R eftoit de ceux qui eftoyent ordonez à ce facrifice folennel que xi\x.
W ^£^cv^fitleRoy àfonentree. Il eftoit de Vcndofme, ayant aufli efté du mal heu*.
H fe&Sgjreux ordre de preftrife Papale , comme fon compagnon M. Florent Venot
^^^^^deuantdit. Enquoy la bonté de Dieu qui ne peut eftre empcfchcc par or-
dures, tant abominables foyent- elles , femonftre manifeftemcnt,puis qu'il nous en
donne dc ii beaux exemples en ces derniers temps. Il auoit aufli fait refidence quelque
temps en la ville de Geneue,&:tafchoit d'y attirer plufieurs mefnages. Eftant en che-
min pour y en amener , rut appréhendé à Chery près la ville de Blois , enuiron le quin-
zième de May de cefte anne m.d.xlix. Puis de ce lieu-lafut mené à Paris : 6c par tout
fe monftra confiant en la confefTîon de la vérité de l'Euangile. On le condamna côme
les autres en vn mcfme temps,d'eftre bruflé vif:&:endura le torment au mefme iour ix.
dclullet m. d. x l i x.
H.
T/ufeurs sfflartyn.
ANNE
A V DE B H R T.
M.D.L,
N N E Audebert,vcfuedc Pierre Geneft apoticaire d'Orléans', eftant en
chemin peur venir en l'eglifc de Geneue,fut arreftee pri'ônicre àChafteau-
renard, auec Eftienne Pcloquin, telimoin de Iefus Chrift , duquel cy delfous
cft faite mention: auec lefqucls furent auili prins quelques autres, qui par
crainte des homes ne confeflerent point la doctrine de l'Euagile. Du lieu de Chaftcau-
renard elle fut menée à Paris : où elle reccut fentence de mort,dcftre brullee viuc en la
ville d'Orléans, en laquelle eftant arriueeleSamcdy viilgthuitticme de Septembre,,
qu'on dit veille de S.Michel , fut tan toft après exécutée à deux heures après midy . Au
fortir de la prifon pour la mener au lieu du iupplice , qui fe dit le Martroy : ainfï qu'on la
lioit d'vnc corde à la façon accouftumce,clle dit,Mon Dieu , la belle ceinture que mon
efpoux me baillc.par vn Samcdy ie feu fiancée pour mes premières nopees: mais en ces
fécondes nopees ie feray mariée ce Samedy à mon efpoux Iefus Chrift. Quand elle vid
le tomberau à boué,clle demanda de corur alaigre,Eft-ce cy où il me faut monter? te en
dilant cela elle moiitacouragcufement,&:iufquesàla fin perfeuera auec confiance &:
vertu admirable: de iortc que tous ceux qui la voyoyent, en eftoyent grandement e-
Il onnez , ôc les fidèles fortifiez la voyat de telle force endurer la mort , qui fut en ceft an
M. D . X I 1 X .
THIERRY.
N ce mcfme temps Claude Thierry de Chartres , icune compagnon apoti-
caire en venant de Gcnt ur,fut conftitue pnfennier en la ville d Orléans. A-
pres auoir fait déclaration de fa foy par la cognoifiance qu'il auoit de l'Euan
gile,il ne tarda gueres d'eft rc condamné par fentence d'eftre brufié vif. De
laquelleilne vouloir appeler: maispouraucunementfatiifaireà^grandc folicitation
&: importunité de fes parens &: amis^il appela à Paris. Sa fentence fut incontinent cen-
fermec par Areft de la cour de Parlement . de forte qu'eftant renuoyé en ladite ville <ï'-
Orlcans, il endura la mort au grand aduançcment de la gloire du Seigneur , &c édifica-
tion de pluiieurs.
Faninofc
defdit.
F A N I N O, de la Rom ai g»<?, Italien,
L E récit la vie & mort fieiircufc de ce Martyr Italien, nousmonfrre vnïclc ardanttfonioint auec vne debonair'tr fin-
guliere, defirant par JelTiis routes choit s de Ce monj.c l'aduancement de la gloire de Dieu, &: édification du prochain.
A N I N O cftoit d e Faence, (qui eft en laRomagne)de la maifô des Fanins,
Enfon îeuneaage il n auoit aucune côgnoiiface de la doctrine de falut.mais
[depuis il commença à lire diligemment l'Efcriture faincte , s'aidât de limes
'traduits en langue vulgaire, d'autant qu'il n'entendoitpas bien laLatine.
Apres qu'il eut bien cftudié,&: recognu le grand proufit qu'il en auoit recueilly , déli-
béra cjuant &: quant faire les autres participans du mefme threfor,que Dieu par fa pure
bonté &: grâce fpeciale luyauoir communiqué. Il publia peu à peu en diuers lieux &à
plufîeurs perlbnncsla cognoiffance qu'il auoit pour lors del'Euangile de noftre Sei-
gneur Iefus : non pas qu'il fe deelaraft ouuerrement du premier coup, mais il en dônois
quelque gouftpourle commencement. Mais les fuppoftsdu Pape eftans aduertis de
cela, donnèrent ordre que F min tu il pris prifonnier. Eftant en prifon,fa femme,fes en-
fans &: aucuns de fes amis le foliciterent tant par prières continuelles , que le poure hÔ-
me felaùTa gagner de l'aftedion qu'il leur portoit:tellement qu'il fe défait de ce qu'il a-
uoit enfeigné auparauânr, &: par ce moyen fut deliuré. Si toft qu'il fut hors de prifon,
vint en tel defeipoir , que li Dieu neluy enft tendu la main , il s'en alloit tomber en vne
horrible confufion, cognoùfant que pour auoir voulu demeurer auec les liens, il auoit
abandonne Iefus Chrill. Et fa confckncclepreflbitde fi près, qu'il eftoit tormcntéiuf-
ques au bout. Sur cela il fe mit à gémir &T plourer ameremét fa faute & fadefloyauté ,
commença de mener vne vieil uifte&r n mélancolique, cju'onc puis on ne le vidref-
iouȂ
Fanino,
;ouy ncdchbcré,iulqu a tant qu'il eut reprins com agc,pour mieux faire Ton deuoir,de-
fîrant de tant plus magnifiquement confeficr Dieu, qu'il l'auoit malhcureufemcM rc
nie.
^ Et ainli citant côiuc embraie, s'en alla par tout le pays de la Romagne,& preft hoir
publiquemet par toutes les villes auec telle force & côftance.qu'vn chacun s'en elmer-
ucilloit.S'il voyoit qu'en quelque lieu la parolle deDieu n'efloit ii ouuerccmcnt reccuë
il sadreifoit en particulier pour expérimenter ceux qui citoyen t capables pour l'en-
tendre trauailloit après ceux-la tant qu'il pouuoit, pour les enfeigner& amènera
la cognoi fiance de Dieu. Et vfoit de ce moyen: tai'chant premièrement de leur faire en-
tendre l'impiété en laquelle ils eftoyent confits &: puis après de les réduire peu àpeu à
meilleure manière de viure. Entre autres chofes, il s'eftimoit auoir beaucoup gagné
quand il partoit de quelque lieu, pourueu qu'il en euft inftruitdeux ou trois :&:raiioit
{"on conte que chacun d'eux cnpourroit inftruîre autant, &: que ccux-cy feroyent le ^f0l"^"j
fcmblahle: &: qu'ainlilenombrc des fidèles croiftroittoufiours. ^ Il fut mis prifonnicr laverité.
en vn lieu nomme Bagnacauallo-.auquel ayant elle condamné d'élire bruflé, il s'en rit,
diiant que Ion heure n'efloit point encore venue, &c que c'eftoit tant feulemét vne en-
trée pour profiter aux autres. Et dit bien vray en cela: car toft après il fut mené delà à
Fen are , où pluficurs fidèles furent bien confolez par les exhortations , &c mftruits de
plus en plus en la crainte de Dieu. Mais le Pape craignant qu'il ne defcouurift vn peu
trop fes trafiques, commanda qu'il fuft tenu plus cftioitement. Il fut reiTcrrc dedans le
chafteau , &C y demeura cnuiron dixhuit mois, où il fut tormenté cruellement : &: l'euft
cfté encore plus, fi les Iacopins du lieu l'cuiTcnt peu auoir entre leurspates, Etcom-
bien qu'on le changeait iouuent de pi lion ,& qu'on le mi 11 maintenant en vne,tantoft
en l'autre: fi ell-cc que pour cela iamais il ne changea d'cfprit ne de courage. Il efloit
quelque fois enfermé tout lcul,& quelquefois auec d'autres:maisccluy eftoit tout vn,
car il n'efloit ïamais fans faire quelque profit: d'autant que s'il eftoit en la compa-
gnie d'autres prifonniers, il fail'oit vn frui£l mcrueilleux, leur montrant bon exem-
ple, & lesenfeignant fidèlement. Que s'il eftoit feul , il efcriuoit couliours , & en cf-
criuant il delcouuroit par fes eferits ce qu'il ne pouuoit pas dire de bouche. <4 A la fin
eilant mis dedans vneprifon où il y auoit quelques vns des principaux des factions qui
font prefque ordinaires par u uce l'Italie, il fut repris d'eux par pluficurs fois bien ai-
prement , pcnlans que ce fuft quelque humeur qui luy fuft montée au ccrueau. Ils
luy remonftroyent qu'ildcuoit laiiler ces opinions, &: viure en liberté auec leshom-
mes, & ne le rompre point la tcftc:mais demeurer tout quoy iuiques à ce que le Conci-
le fuft fait. Sur cela , comme il eftoit homme modefte &: gracieux , leur relpondit qu'-
il lcsremercioitdcbienboncccur du foin qu'ils auoyent de luy. Se quant à la querel-
le qu'il maintenoit iï conllamment ,_que ce n'eftoit point vne humeur ou opimÔcreuë
en Ion Iardin : niais que c'eftoit la pure vérité de Dieu , rcuelec aux hommes par Icfus
Chriften fa fain&e parolle: qu'il n'eftoit pas délibéré de iamais renoncer celle vérité
infaillible, peur adhérer au mcnfonge:& au refte, qu'cftantChrcfticn, il eftoit en plei-
ne liberté en quelque lieu que nous ioyons , que nous femmes touiioursen prifon,
quanta la chair «Se à péché: mais quant àl'amc, qui eft rachetée par le fang du Fils de J^^1^.
Dieu, nous femmes tous en liberté. Du Concile, il n'en difoit autre choi e pour lors, jcConalc.
iinon qu'il ne vouloit point d'autre détermination ne déclaration que celle de l'E-
uangile. Car Icfus Chrift apportant vneli bonne nouuellc , auoit fait vn Concile cer-
tain &: luffifant pour tous fidèles : &: que les enfans de Dieu n'ont que faire d'autre con-
firmation. En fomme, il parla ii bien , &: gagna tellement les cœurs de ccux-la , qu'-
ils furent réduits finalement à vne bonne vie: &c s'efmerueillercnt tellement de luy,
qu'ils l'a ppeloyent Satncl . Ce qu'ayant entendu , leur dit, Mes frères, quant à moy , îe
fay & recognoy que de ma nature ie fuis vnpoure miferablc pécheur : mais que par la
foy &afTcurancc que i'ayà mon Sauueur, mespechez me font pardonnez: comme
aufli vous feront les voftres, fi vous croyez fermement à l'Euangile de la grâce de Dieu.
Il y en eut d'autres prifonniers auec luy, lefquels auoyent accouftumé de viure hon-
norablement , comme Gentils -hommes: &: fe fafchoyent de fe voir ainli eilroitc—
mentrefTerrez: maisFamn les rendit fi contents qu'ils fe glorifioyent d'auoirefté af-
franchis par le moyen de la feruitude où ils auoyent efté mis , quand on les mena
en prifon.
H.ii.
/. /«ro III- Fanino, Jtalien*
Ok fesparcnsaduertis comment tout en alloit, fe doutèrent qua lafiniJ feroit mis
a mort. Parquoy fa femme & fa locur s'en allèrent vers luy pleines de lai mes du c< ni
dcfolecs. C citait chofe pitoyable & digne decompaflion ,deles voir d( uxcnfemblc h
mîtes £c angoiilces, ie prier qu 'il eu il pour le moins le loin de les cuians, U uucnain c
delà maifon,s'il n'en vouloir auoir de foy-mel'me. Larcfponfe que Fanin lcurntfur le
ehamp, fut telle , que tous ceux qui fouirent , demeurèrent rauis en admiration: Mon
Seigneur,dit-il,& mon Maillre in m'apascommadéqueielercmi pot» maintenirma
famille, Qu'il vousiufhlc que pou r l'amour devousiay délia £aiUy\ n t'ois ii Inurdcmêr*
comme vous le fauez. Mais i>- \ ou s prie retournez-vous-en en paix ( 'ai ie l'en I »ien que
Dieu s eft leruv de moy iniques ici A que ma fin approchepour aller a luy.C 'esiemmes
s'en alk rcraucc loufpirs&: larmes luy lans le troubler demeura du tour refolu.Qucl-
que temps après le pape Paul citant mort, (on fuccelieur Iules troiliemenouuellemcnt
créé Pape cnuova lertrc, par laquelleil commandoit qu'on fi il mourir Fanin. Vnoffi-
cierfalia trouuer, pour luy dire que le foii mefme il feroit mené en la prilon cômunc,
d'autant qu'il cftoir condamne amort. Tout incontinentil embraiîa l'officier , &: le rc-
La m< u mercià des bonne nouuellcs ,cn luy difant,Monfrcic,ieprcn bien en gré la mort que
jV'î"'1' iedovi ndurcrpoui l'amour de noitre Sauueur lefus Clniit , lequel n'a point tTpaigné
l'a pi - me vie pourmoy.l Sur cela il ht vn longdiicours touchant la félicité &c \ ie aduc-
nu, deuanttousceux qui cftoyct là prclens. Entre lefquels il y en eut vn qui luy dit, Et
où t'en vas tu maintenant lailler les tiens-qui eft-cc que tu as ordonne en ton lieu pour
eitre leur tuteur; 6Fanin,ie te prie qu'il te louuiëne de tes poures petis entas, 8c que ru
aves pitié de ta femme que tu aimes tantilc leur ay laiiTc,diMl,lc meilleur tutcur& cu-
rateur de tout le môdc:ic te puis a/feurcr qu'ils ferôt rrefbun dt fendus& gardez de luy.
tt qui cil celruy-la:dit l'autre. C'eft, rcfpondit-il, noltrc Svigncur lefus. Ainlî citant de .
party,fut liuré entre les mais de la iulrice:puis il lut attaché a vn gros corn e du Prcuoil,
cftac mis en fa châbre, on luy lerra les pieds en des ceps.&: luy rit ou ci fie grâce , qu'il
au 1 oit les bras àdehureanais tout le relie du corps garrott.C a pédant nul de la ville ne
le pouuoit aller voir, (mon ceux de la maifondu Lieutenât ,&: ceux quiauoyent crédit
entiers luy ,ou fesgens. De ceux qui peurent l'aller voir, il y en eut plulîenrs qui di-
foyent qu'il auoit le diable au corps, &c qu'il parloit en telle efficace, qu'il talion bien
que ce fuit quelque diable qu'il le pofledaft. Mais quand ils virent depuis la confiance
admirable, & qu'il n'eftoit nullement cfperdu ny effrayé de la mort, n'ayant rien en
la bouche que la faintte parollc de Dieu, ils commencèrent à le regarder comme fai-
foyent les autres, &. à feicouter tandis qu'il parloit. Les femmes aulii de ceux delà iu-
ftice, l'oyans parler fidouccment& aucc tellegrace, ne fe peurent tenir deplourer:
voire le bourreau mefme qui ledeuoit exécuter. Or Fanin difoit à ceux quilalloycnt
voir, Mes frères, Dieu loit auec vous . cftes-vous ici venus pour vous relîouir auec moy,
de ce que partant de ce monde ie m'en retoutne au ciel r Et puis ilicttoit laveuè' en
haut, ôdpnoit de telle ardeur êx: véhémence, qu'il attiroit vn chacun à fov : &: ceux la
mefme qui elloyent allez vers lin pour luy donner courage &c le réconforter, furent
confortez par luy. Il v eut vn notaire qui l'alla aduertir , s'il le vouloir deldire , que l'in-
tention du Pape n'eftoit pas qu'il mouruft. Et le bon Fanin en riant rcfpondit, S'il a-
uoit rien dit qui fuft faux, qu'aifement on luypourroit contredire , &c melmc lecon-
uaincre. mais que la vente ne peut eftre fufîoquee: &: pourec qu'il ne vouloir point ef-
chappercn t.içon que ce tuft,&: que la venté cependant en fuit obfcurcie. Or taillant
lace que diloit le Notaire, d'autant que ce n'eftoit pas choie qui valull d'eftre efeou-
tee, il commença à expoler plulicurs palTages de l'Efcriturefainctc: &: alleguoit touf-
iours le texte en Latin, fans prononcer vn mot pour l'autre : qui cftoit choie merueil-
leule, àcaufe qu'on fauoit bien qu'il n'eftoit pas exercé en langue Latine : Se alleguoic
les chapitres fans y faillir : tellement qu'on apperceuoit bien que lefprit de Dieu con-
duifoitfa langue. Il récita quelques vers qu'il auoit compolez delà Iuftifîcation , de la
Predeftination, &: de quelques autres poincis d'importance, Mais pourtant qu'il fem
bloit élire vn peu trop ioyeux,&: s'clgayer outre mefure, quelques vnsde ceux qui e-
ftoyent là prefens luy dirent, D'où vient cela que tu es fi loyeux? Si Chrifteftant pro-
chain delà mort , fua lang &ù eau, &c pria auec vue trille (Te qu'il ne mouruft point: que
veux-tu dire : Il leur rcfpondit , que combien que le Seigneur Ielus Chrift n'euft ia-
mais péché, fi eft- ce que voulant fatilfairc à laïuftice de Dieu pour nous, il print fur
loy
Jean Cjodeau : Çafo.jBeraudin iSt
fov routes nos infir mitez ,& endura toutes les peines qui eftoyent de lies a 110S péchez: Pourquoi
de fuite qu cftantau iardinfic en lacroix,ilfentit vrayement les douleurs de la mortel c,irift' 1
Jes peines d'enfer, lesquelles nous auions méritées , &: que nous deuions endurer nufii. fV',™ , ": C
voila pourquoy il fe contrifta au iardin , fentant en là chair noftre mort 6c noîlre enfer.
Mais quant a moy, qui par vraye foy fuis en poifeifion 6c iouhTance de la bénédiction
de Ictus Chriil, ic me reiiouy maintenantear îe fuis certain 6c alfcure qu'en mourant i'-
t ntrc en vne vie bien-heureufe. Pourquoy donques ne me reiîouyroy'-ie ayant vne tel-
le fiance- ? Et comme le bon Fanin deuifoit ainfi tout confolé: voicy, enuiron trois heu-
res deuantiour qu'on le mené en la place de la ville, afin que Je peuple ne fnftprelent
pou rouyi ce qu'il auoit délibère de dire auant que mourir. On luy porta vne croix fc-
luiî la coullumc : &C quand il la vid , le vous prie , dit-il , ne prenez point tant de peine .
cuidez-vous me faire mieux louuenir auec celle pièce de bois, du Seigneur Iefus viuât
6c régnant au ciel, que ie ne fay l'ayant engraué au milieu de mon coeur? Ht en difant
Ce la il le mit à gcnoux,&: pria Dieu degrande arleclion,&:auec parolier pleines de grâd'
ardeur, qu'il luy pleuft illuminer les cœurs aucuglcz de ces pourcs gens qui là eftoyent.
Et puis s'eilant accouftré luy-mefme à vne perche , 6c à la corde où il deuoit eftrc pen-
du, dit ioyeul'ement au bourreau qu'il fift tout ce qui luy cftoit commandé défaire. 6c
a. n-i fe recommandant touliours au Seigneur Iefus, 6c le priant qu'il receuft fou amc,
futedranglé. Apres, enuiron l'heure du difner, ils baillèrent ion corps en la ni cime
place. Cependant qu'on le bruilojt plulicurs dirent, que la fumée d'vn tel corps entre-
rr it en la telle de tant de gens, qu elle feroit le frui&mefme que les parolles de Fanin
n aucycnrpeu faire pour lors. Or la coullumc cil là, qu'il falloit des lefoir emporter
hors de la ville les os 6c les cendi es qui eftoyent de meurecs . mais ne le Lieutenant , ne
1 lnquilïteur,nerEucfquc, nelegrand vicaire, nv aucun Théologien ne voulut pren-
dre la charge de ce faire, chacun difoit,Qm l'a fait mettre là, fi lefàce emporter. Et
cmireffoyeni tous qu'ils n'auovent point eu celle opinion qu'vn tel homme que ce-
ftuv-la meritallla mort. A la lin le peuple mefme print la charge de les faire emporter
dw la place. ^ Quant aux caufes pourcjuoy il tut ainli condamne , 6c quant a ce qu'il
c nie ignoit, &C preichoit contre les idolâtres , il n'eft pas beioin d'en tenir ici grand pro-
pos: car on a fesefetits, où il rend les raifons de tous ce qu il difoit,& recite ce qui luy
futobietlc ,&: comment il donna folution auxobicdlions qu'on luy fit. llaeîcrit plu-
fieurs Epiftrcs,&: beaucoup d'autres chofes cllant prilonnicr. Entre l'es œuures , il y a
deux traitez De la propriété de Dieu: De la Confellion , 6c Du moyen de cognoillre&:
dneerner le fidèle d'au ce l'infidèle : Cent fermons furies articles de la foy : 6c plulïeurs
autres eferits que ce faincl Martyr Fanin a lai/îcz après la mort.
I E A N GODEAV.& GABRIEL BERAVDIN.
CHA M BE R. Y, fiege du parlement de S.mojc, a eu tu horreur &cxecration h doctrine qui cft annoncée à Gcne-
ue. elqucurnps auparavant o.ï auoit bruilc en ladite ville 1EAN LAMBERT k- icu ne citoyen de Gc- Ic.tn Larrv.
neue.pour iccllc Jo£lrine:& maintcoatit en la perfonne de ces deux Martyrs de nation Françoife, lamcfmc haine bcitdtGj
le continue, & l'cxa eD outre cy après cxcrccc ts autres, comme nous verrons au dil'cours des temps. neiie.
O D E A V cftoit de Chinon en Tourainc , 6c Beraudin de Lodun , demou- m.d l.
rans à Geneue. Us furent conftituez prifonniers ellâs trouuez en la ville de
Chambery,pour auoir( comme on dit)reprins &C admonnefté vn Preftrc qui
blafphemoit le nom de Dieu.Godeau après auoir purement confciîc la eio-
dtnnc de 1 Euangile , fut bruilc audit Chambery, au mois d'Aunl, m. d . l .
Qj^an t à Gabriel Beraudin, c'eftoit vn ieune homme, & pourl'apprehélion des tor- Beraudin
me ns auoit aucunement vacille' en la prifon , neantmoins il fut tellement côfcrmc par côftrmé en
la mort heureufe qu'endura ledit Godcau,quc peu de temps après illouffrit vne pareil- gôdeaïi ^
le el'pece de mort. Mefmes pour la grande ferueur que les aduerlàires vovoyent en luy,
ils luy firent copper la langue :6c toutefois ceftefainclc véhémence qu'il auoit, le fai-
loit parler aifez intelligiblement ; de lbrte que le Preuoft, en le menant au dernier fup-
plicc , accula le bourreau de ce qu'il ne luy auoit point allez pies coppé la langue,
H. ni.
Lime III aMacc^> sMoreatt.
Et Le bourreau tuy dit, plufieurs oyans,Le puis-ie engarder de parlcr?Ccs dcux,afiâuo]'f
Ciodcau 6c Beraudin , édifieront plufieurs ignorans par côitance& force que Dieu leur
donna iufqu'à la fin. C'a cite vn exemple mémorable que de ces deux Martyr: d'auoir
fi bien monitte le fruit de rhcurcuicinftruction qu'ils auoycnt receuéà Gencue par J.i
gracedu Seigneur. Leurs adesô^ leurs côteflîons ont elle fupprimees p.u quelques en-
tendeurs Confcillc? s .uidit Chamberv.
M. D.L.
Noftre M
Morcl.
M ACE MOREA V, t rançon.
|A C E Moreau touché de la crainte de Dieu , 6c du defir d'eftre inftruit en
jjjla vraye cognoiffanct delà parolle, fe retira à Geneucroù ayat efté quelque
|pcudc temps , parvn changement fubit de qualité & condition première,
S&^âJfcdc porteur d'images il deuint porteur de liures de la làintteEfcriture. Ad •
uint que s ellant chargé de plufieurs dcfdits liures, s'achemina en Frâcc, pour les y ven-
dre 6c diftrïbuer. Paiïant par Troyes en Champagne,s'acofta à la l'ortie d vn fermon du
têple de lainct Ican en ladite ville,d'vn nomme Nicolas Vaulthcrin, bonnctier,appelc
communément le grand Colas , lequel , l'entant à peu près par les propos que luy auoit
tenu Macc,de quel clprit il eftoit , ne demâdoit que de l'attraper &furprcndre. Et Tei-
gnant d'élire de la religion, le condùifoit en dcuiîant iufqucs en l'a maifon.Macc cfmcu
de zele d auancer la gloire de Dieu, fans fonder plus auant ce Vaulthcrin , luy prefenta
vn des liures qu'il portoit. Vaulthcrin l'avant receu, incontinent failit au corpsMacé,&:
le mena droit vers M.Marc Champy,pourlors Lieutenant criminel de Troyes: lequel
avant intcrrogucMacé, commanda que fa balle de liures fuft apportée &vifitee en fa
prcfencc,& ce tait iceluy mené aux prilos royales de Troycs,&: enferré aux pieds. Quel
que temps après ce Lieutenant Champy fe tranfporta cfdites priions , où il interrogua
Macé fur plufieurs pcin&s concernais la religion Chrellicnne : furlelqucls ilrefpôdit
de poinct en poinct comme il l'tntendoit. En fin Macé fut condamne d'eftre bru/lé vit
par fcntcncc de ce Lieutenant criminel, qui ncantmoins quelque temps auparauant a
uoit fait profefsion du nom de Chrcfticmmais depuis s'eftoit tellement lafché la bride,
qu'il eftoit tombe en vray Epicunfmc:côme il monftra parles effets qui s'en enfuyuirét
depuis, efqucls ila touliours continué. Depuis Macé fut mis fur Jaqucftion, à celle fin d'
acculer 6c reuclerfcs compagnons, &(coramc il les nomment) complices 6c adhérais.
Et côbicn qu'en icclle queftion il ait efté autant cruellement traité qu'onques fut hom
mc:li eft-ce toutefois que le mgc ne peut rie gagncr.&: luy difoit Macé en fcsplus cruels
tourmens,Iugc,tu me tourmentes bjcn3&lînegaigncias guercs. Auparauant qu'il fuft
tiré des priions pour eftre mené au fuppîice,il pria qu'on le fift parler à vn nommé No-
ftre maiftre More) Cordelierau contient deTroycs:&: cela faifoit-i l pour conférer auec
luy de quelques poincls delà Rcligion,& receuoir confolation,pourle bon récit qu'il a-
uoit ouy faire de fa doctrine : comme aufsi a la venté Morcl eftoit pour lors en bon cfti-
mc&; réputation d'homme craignant Dieu , combien que depuis il foit à ce qu'on dit,
retourné à fon premier vomiiîcmcnt.Or pource que lors Morcl eftoit abfenr,on luy en
uovaen Ion heu vn nomme Noftre maiftre Bezançon, Cordcher: quieftant approché
pi es, Macé luv demanda s'il eftoit Noftre maiftre Morel. Apres luy auoir efté relpondu
par Bezançon ,quc non:Macé luy dit,Si tu n'es Morel,ie te pries retire-toy:car tu nefer-
uirois que de me tenter. Bezançon ne Ce contentant de celle refponfe, s'enquit de Ma-
cé s'il ne fe vouloit côfcftér.Ia Dieu nc plaife,dit-il,que ic côtelfemes péchez à vn hom-
me pécheur comme moy,pour obtenir pardon de luy.Ictcpricrctire-toy :car tu ne gai
gneras rien en moy. S'cftant Bezançon retiré, furuint vn Iacopm nommé Noftre mai-
ftre Salins,pcnfant lcdefuoycrdcfonbonchcmin:&:aufli toft qu'il fut approché,Macc
le eognoiiîant,luy ditje te prie retire toy de moy,lc diable ne me fauroit faire autât de
malq tu voudrois fairc.Mais Dieu me gardera de ta pate. Ce Sahns rcnquits'ilcioyoït
en Dieu:Ouydca, dit Macé. Et fur cela ayant recité de poinct en poindt le Symbole en
FrançoiSjdcmanda à Salins,Quc veux-tu dire là deifusme contient-il pas tout ce qui eft
îcquis à noftte falutfy faut-il autre chofe que cela?Péfes-tu que le côtenu en ce Symbole
n'eft
air
n'cft alTcz futfiiant,ou que Icfus Chrift &: le s Apoftres nous ayet laiiîcz en fufpcns,fans
faire déclaration de cequieft nccelIàne:Salins n'ayant de quoy rcfpondre s'en retour-
na en fon cô lient, tniuriant Macé pour toute folution &C refpôfe.-maïs iceluy Ce côioloit
&rcnouiiîbittouliours en Dieu. Le poure Macé «toit le bas des iambes tout entamé
par la pclanteur des fers: &: quand par fois le frotte ment d'iceux fur la playe,luy eau- Macét
{bit trefafpre douleur, Ha,ha mefehante chair,difoit Macé, que tu es rebelle l fi kras-tu lachai
à la parfin matce.Finalemcnt il fut tiré des prilbns,& mené au lieu du fupplice , rendat
à Dieu par tout le chemin attion de grâces: puis chanta vnPfeaume,& le côtinuatouf-
iours iufques à ce qu'il fuit furpris du feu,au milieu duquel il rendit vne amc bien-heu-
reufe au Seigneur.
M. CL A V DE MONIER,^^.
r\^'^fjr5^L A V D E Monier,hômedocle,natifdelàinct Amand dcTalande,autre-
V v^-^ê ment la Chaire,à trois lieues d'Iflbere en A uuergne:aprcs auoir tenu quel- M.D.LI.
j > \ ^S!^ <lu e temps les elcolcs publiques en icellc ville, &: à Clcrmbnt ville capitale
■ . ^S^^ dudit Auuergne'.ayanc inftruit la icuncflc fpccialcmét en la crainte dcDieii
&: en la cognoiifance de lafaincte parolle,vint en haine &: foulpeçô vers les ennemis d'i
ccllc,tellement qu'il fut ofté de celte charge d'enfeigner. Depuis s'en alla par le pays d'
Auucrgne Vautres lieux circonuoifins, publiqucmcntannonçant la parollcdcDieu,
iulqu à ce qu'il fut perfecuté 6c contraint fc retirer en pays de l'Euangile, ôcEglife refor
mec parla parollc de Dieu.Parquoy il fe retira à Laufanne,villc de la iurifdi6tion des fei
gneurs deBernc,en laquelle îlelludia quelque temps. Depuis fc trouuantà Lvon,ilcuç
charge de quelques enians , lcfqucls il inftruifoit auxfainctes lettres: tellement qu'en
pe u de temps il fut cognu dcplufieurs fideles,qui eftcyent ioycux de fa faincYc conuer-
îationxar îlcitoit douéd'vn efpritdoux,paiiihle&:dcDonnaire,{'el61cte{mo)gnagequ
ont rendu de luy plulicurs fidcles te(moins,qui ont familièrement cogneu la t ône vie,
&; la pu re do&rinc qu'il annonçoit à vn chacun qu'il pouuoit rencontrer capable d'icel
Icxommcaufliil a manifeftement dcmonftrc parle fruiû & lavraye marque qui enfuit
ladite doctrine . Car il aduint toft apres,quc par vn Dimanche cinquième iour de Iuil-
let, m.d.li .ayant efté en la maifon d'vn lien amy pour luy donner aduertence de fe re-
tirer de dcuantle Prcuoft qui venoit pour le prendre: après auoir conduit ledit amy,ôc"
fait acte de vray Chrifticn.-reuenu delà conduite,commcilpenfoit çonfoler la rem me
fij la mefnic d'iceluy,voici venir leuitPreuoft qui par foufpcçô empoigna Monicr , &: le
menaprifonnier à l'Official, par lequel il futinterrogué de plulicurs choies. Or d'autât
que le Seigneur luy a tait la grâce qu'eftât pnfonnier il a eferir vne partie des actes & în-
tcf ogations judiciaires tenues contre luy,nousauonsiey mis fa lettre contenante con
fellîon cnticre,en la forte qu'elle a cité par luy rédigée par eferit aux fidèles , comme s'-
enfuit.
C L A V D E Monicr prifonnicr de IefusClinfr.à tous fc* frerc; tant pourcs que riclics^hoifis de Dieu pouf auoir part
à l'héritage d'immortalité, 5: taire perpétuelle relïdcncc en fa maifon fans auoir faute de rien, Grâce & aifeurance parjlon
Fils bien-aime.
E vous cuiTe eferit phiftoft,fii'eufie eu papier &: eferitoirc. le vous merciede ce qu'il Interryc,
vous a pieu auoir foin de moy,&: par prefenec de perfonnes &: par lettres-.Dicu vous tion«?rcf
le rende en {on royaume. Vous lauez,comme ie penfe, comment i'ay efté appréhendé. ponfes2e
La femme denofire amy Ld.G, fa Chambrière àc fes enfans vous en tefmoigneront, Mdnicr*
comment après quci'eftoye reuenu de conuoyerfon mary , voicy venir fixou feptfer-
geas cfchaufïezà merueille,qui me trouueret en ladite maifon feul eP ranger.Somme,
ayans cha/fé la proye,&: ne la trouuans point,ils me prennent comme fuiped. Pour ab-
breger, ie vien deuant l'Oificial . Si toft que ie fus entré , il me demande u" le corps
de Iefus Chrift n'eftoit point dedans le pain , le refpond que i'adore Iefus Chrift:
là lus à la dextre de fon pere . Et du Purgatoire , quoy ? le refpond que pourec que mi-
fericorden'a point de lieu après la mort , qu'il n'eft ia befoin de purgation : car il faut
eftre purgé auantquedcfloger.Etdu Pape?Ie dy qu'il feroit Eucfque comme vnau-
tre,pourueu qu'il fuft imitateur deiàinâ Pierre. Or pour ce Dimanche-la n'yeutpas
grand proposée lendemain icfu mené au parquet, là où ie fu interrogué auec grande
inftance,(iiecogno!ilbye perfonne de cefte ville, & auec qui ie çonuerfoye,&:de quel
H.iiii.
I
Liure^IIL Claude^ Mortier.
meftier i'eftoyc. le leur dy (pour-ce que ledit amy eft oit du tout delcouuert ) que ie fre-
quencoye chez luy, Se qu'ailleurs ne frequentoyc,finon depuis huit ou neuf iours à l'Oli
uicr mon logis ordinaire:làoù(pource que Ceft au cœur de la ville) feftoyc venu loger,
pour trouucr pluftoft pratique de mon art,qui eft d'élire ef criuain. Or ont-ils en bonne
réputation ce logis,& ne leur eft fufpe&.^Le iour enfuyuant voicy venir trois fortes de
religicux,làoùicruappelé,&:enquisdeplusen plus de voftre cognoitfance, fi bien &:
bcauquequâdie vy ccla,quei'cftoyefipreflcdeleurennomcrquelcun à toute force:
pour obuier à la gehéne,ie leur en nômay deux qui eftoyent partis il y auoit délia douze
ou quîze iours, l'vn pour aller en Angletcrre,&: l'autre àX>cncuc.& de ce Dieu en eft tel'
moin. Car pour vray , mes ficres, la plus grande f ai chérie que fay, quand ie fuis dtuant
eux, c'eft quand ils s'enquierent de vous. A la fin me demandèrent fi ie ne cognoifibye
point les trois frères Dimonets,& me renfeignerent la maifon d'enhaut. le leur dy que
non, ny autre delà ville: car auffi nefay-iepas voftre cœur. Pourtant aduertiiîczle
Dimonet. frère Dimonet de ne fréquenter là fus que le moins qu'il pourra,& qu'il fe garde d'eux:
car ils l'ont en leur memento. Au flî Greno(s'il m'en croit )trouuera moyen de changer
d'air du tout. Car comme i'ay feu depuis,il y a long temps qu'ils le cerchent.Ie le vous re
commande:carielelaiftay bien malade. Pour reuenirà nos religieux, l'vnmcpinfc d'-
vn cofté, l'autre de l'autre.Toutefois pource qu'il reftoit à refpondre à plulîeurs articles
Les Vaux. delaPapiftenc,rOmcialmedemandades Vœux, que i'cnfentoye.Ie luy dy que nous
ne faunons tant vouer que ne foyons tenus d'en faire dauantage félon l'obligatiô de la
Loy.Puis après, S'il falloir prier les Sain&s.Ie luy dy qu'ils ne fauroyent prier fans foy
qu'on les laiflaft repofer.car ceft aux Anges d'aller &: venir pour nous faire feruice par
Salutation le commandement de Dieu. En après, S'il falloir dire f^ue AlarU pour faluer lavieige
adaVkrge Marie. le refpon que lors qu'elle eftoitau monde,illafalloit faluer comme fit l'Ange,
d'autant qu'elle auoit befoin defaluteomme les autres: mais à cefte heure, quand el-
jm le a ce qu'elle attcndoit,nc luy faut délirer autre falut .Intcrrogué, s'il faut auoirdesi-
' mages , ie refpon , que pource que de noftre nature nous fômes fi enclins à idolâtrie, &:
quenous-nousamufons &c arreftons plus à ce que nous voyons, qu'à ce que nous ne
voyons point, telles images n'ont point de lieu entre lesChreftiens.Car aulfi vous fauez
bic,mes frercs,qu'il faut adorer ce qu'ô ne voitpoît,a(fauoirvn feul Dieu qui eftefprif-
parquoy le faut adorer en cfprit & vérité. Le voir n'y fait rien. il ne demade que le cœur.
Intcrrogué dauantage du Vœu de religion, iereljpon que nous n'auons qu'vnere-
Heurcsca- ligion Chreftienne . Enquis des .heures canoniales, ie refpon que nous ne prions
oomaics. point à certaines heurcs.mais quand l'Efprit de Dieu nous y pouiTe;& lors pl9 aftectueu
femen t , quand la neceiîîté vrgente le requiert. Interrogué de cefte huilc,de ce fel àc au
très fanfares,ie leur dy que cela fent fonMarranilme ou l'on Marrane.Lors l'official n'é-
tédoit point ce mot Marranifme:&: ie luy deelaray , difant que ces engraiflemcns& fa-
Marramf- jcures fencent fa loy des Marras, &: là fuperftition Iudaïq.On me demande fi c'eft bien
fait de chanter les Pfeaumes de Dauid en langue vulgaire publiquement. le dy qu'ouy,
pourueu que ce foit auec reuerécemon pas ces puantes chanfons dont l'air eft tout em-
punaifé.^ Quelques iours après ie fu rappelé pour voir fi ie perfiftoye en mon opinion.
Etvoyansque ie ne mcchangeoye,ne me voulurent plus interroguer. Lors ie deman-
day.Qui fefait partic?Ei l'Orncial en foufriant me dit, Vous enauez beaucoup de par-
ties. Et ierepliquay, le requier que icfoye interrogué de ma foy .Lors le luge dit qu'il
feroit bon que i'efcriuilfe ma confeflion,comme fit Richard. Sur cela ils me dirent que
., ,, ie fortifie^ qu'ils en delibereroyent. depuis ie ne les ayveus. Or l'efpere (au plaifirde
Richard le ~. . ' * 7 r / r \ r
F( ure cy Dieu)vous enuoyer ma conreflion après 1 auoir mile au net. ht voila quant a ma depoli-
jpus Mar- tion.Il refte maintenant de vous aduertir de mon eftat,& cornent ie me porte,&; de me-
tyr* confoleraucc vous en noftre captiuité.Iedy Noftre captiuité, pource que vous deuez
fcntirlamicnne,&:moyla voftre:car tous biens & tous maux font communs entre frè-
res. Premièrement, mes amis,pourueu que Dieu par Je moyen de vos bônes prières me
donne paticnce,ie ne voudroye pas eftre en la maifon du Roy. Car cftat là, &: n'ofant di
re la verité,la confeiéce me remordroit & m'aceuferoit :q. n'eft pas petit tourmét, mais
eft bien vne merueilleufe gehene &c torture.Ie vous en fay iuges,vous autres qui c ôuer-
fez entre les Babyloniens. Voila lacaptiuitéen laquelle vous eftes,qui n'eft pas moîdre
que la mienne. Vos corps font à deliure : mais vos ames foufpirent lous le ioiig infup-
portable de l'Antechnft. Et fi mon corps eft enferré entre quatre murailles, l'efpri-
agran-
Claude^ efyf orner. 183
a grande occafion de fe refiouir en fon Dieu: puis qu'il me fait tant d'honneur, de me
taire compagnô de Ton Fils,&: luy tenir compagnie à porter la cnoix.Le principal eft de
prier ce bon Dieu,quc mon efprit la trouue auflî doute,comme la chair la fent amere:
bc de tant plus que la fuyoyc le temps pafle, que maintenant de tant plus grand coura-
ge ic la puiifc em brai1er.Hclas,mes freres,fi nous pouuions goufter la grande douceur Côfohtiôs
qui eil cachée fous cefte croix, perfonne ne reçu leroit: mais fe côbatroit-on bien àqui Cnl4Crou'
mieux la porteroit,& qui la chargeroit le premier.il y auroit beaucoup de SimonsCyre,
neés pour la portcr.Mais noftre chair eft fi douillctte,qu'ellen y veutpas toucher feule-
met du bout du doigt.Orpriôs,prios le Tout-puifTât,qu5il nous vucille fortifier par fon
fam& Efprit au nom de fon Fils, pour combatre virilcment&: fubiuguer tous nos enne
m is,& la chair,&: le monde bc fon prince,&: la mort,& enfer.Mais encore ie n'en trouue
point de pire(commefouuentiedifoyeen mes prieres)que cefte traiftre volonté noftre
compagne. Et d'autant qu'elle eft de la maifon,&: fi familière de nous,là où tous nos au- dees "\H^e
trt s ennemis font forains &c cftrangers,tant plus la deuons-nous craindre : car c'eft vne noftrechair
fine bague &t faufTe piece.Tant plus on la tient mignarde,tant plus on |a flatte, tat plus
on veut complaire à cefte truade,tant plus on endure de cefte arfettee,tat plus l'efprit,
fon poui e mary,(upporte cefte glorieuîe:&: voila la tempefte dans la maifon,voilaledia
ble fon paillard qui la vient incontinent aborder. Penfez-vous qu'elle face confeience
de paillardcr auec luy,&: de faufter la foy à fon efpouxrelle s'en foucie bien.N'eft-ce pas
vne mefehante fille de mefehans parens?le mortier donc fent toufiours les aulx . 11 faut
qu'elle le reduife là d'où elle eft iortie, filagracedcDieunela change, fi elle ne quitte
fon pays,fesparés,&: tout ce qu'elle auoitauparauant,voire fi elle mefmenefe quitte.
Mais qui feracela.?ce fera Iefus Chriftfonnouueau mary:lcfpoux de toutes les fain£tes
ames éc nettes volontez.il la renouuellera toute,illa rendra franche ,obenTante&: paifi
ble. Ce fera lors vn lid chafte,&meiueilleux accord dedas la maifô. Le diable n'a garde
d'y aborder pour faire fon bordeau,tât qu'elle tiedrafoy au fainct Efprit: car les malinse-
fprits nom garde de li frotter.Parquoy,mes frères, priôs inceflamment noftre Pere cc-
lefte,de créer en nous vn cœur net, de nous donnervn cœur tout neuf,de conduire touf
jours noftre volonté par fon Efprit, & de ne permettre iamais que ce ribauld Satan la
dcçoyue par aucun faux-femblant:lequel pour ladcfbauchcr,'la vient mugueter en for
med'vnbon Ange. O bien-heureux faind Paul, qui fauoit bien fes fine/Tes, &: de quel
piedmarchecefingalâd!Aduifcz,mesfreres&fœurs,fi nous nedeuriôs point eftrevi-
gilans,&: faire bon guet,& nous tenir fur nos gardes,puis que nos ennemis font ii cauts,
meimement ayans la pire guerre de toutes,dedans noftre maifon , en nos perfonnes àc
dedans nous-mc fmes.Et dites maintenant que nous fommes fans croix,&: fans affaires lob 7 î
&: fans combat. Voyez-vous fi le dire delob eft vray:La vie de l'homme en ce monde eft
vne guerreîll faut bien dire que nous fommes iufques aux oreilles en continuelle guer-
re,puis que iamais ne pouuons auoir treucs iufques à lamort.Dauantage,n'eft-ce pas v-
ne horrible &c fîere bataille, quand on en veut à foy-mefme, quand nous fommes enne-
mis de nous-mefmes, voire les plus cruels &: félons de tous ? Et fi nous n'auons pitié de
nous mefmes,qui en aura pitié? Ce fera ce bon Pere plein de mifericorde, s'il luy plaift:
qui ne cefl'e de faire bien à fes ennemis,redant toufiours le bié:pour le mal lequel pour
l'amour de fon Fils nous face la grâce d'auoir pitié de nous & des autres. Sus donc, mes
côpagnons de guerre, à l'afiaut, à Tayaut. couragc,fbldats,courage,marchez hardimét.
ÎSlc les craignez poît . ils ne font pas gés pour nous-.car Iefus Chrift noftre capitaine no9
les a tous vaincus.L'efperance donc de fa victoire nous feruira d'armer noftre tefte. N'-
oubliôs pas noftre bouclier,qui eft d'auoir vne foy viue,puiflante &t vertueufe, pour re-
poufler les coups de nos ennemis. Gardons que l'eipee ne nous efchappe de la main.ee
coufteau du lainft Efprit tranchant des deux coftez , qui eft cefte viue parolle de Dieu,
laquelle perce & cœurs &z ames,&: penfeés &: intentions. Rien n'arrefte deuat elle.tout
luy eft defcQ iuert: tout tremble deuant elle. Elle fait cheoir fes ennemis à la renuerfe
fans les toucher. Bref, ce fera elle(comme dit faind Paul)qui aiTbmmera l' Antechrift.
Qu'on fe garde bié fur peine de la hard,dc changer ces armes pour celles de fer . Le fer, u toijchc
le bras, la cheualcrie,nautre force humaine n'a point de place en la guerre Chreftiéne. ceUx de s.
Laiffons tout cela aux tyrans,& à ces meilleurs de Rhodes , qui veulent faire croire les î"" & Liô.
g< ns par force d'armes. Mais vous voyez comment ils profperent .11 s'en vont tantoft
comme les Templiers^ui furent tous fâceagez en vne nuià. Ils ont perdu la meilleure
Liurcs III-
Claude^ M onier.
fleur de leur chapeau, &: leur plus grande fortereffe , aflauoir la ville de Rhodes. le refte
Mat.1j.13 s'cn jra petjt a pt tit.Cai c'eft vne plante que le Pcre celefte nauoit ia p lancée , &. pour-
tant elle fera dcfracinee.Et le Pape & les adhères n'vfent-ils point de force &: puiifance
ce humaine, quand ils nous veulent faire renier Iefus, & croire à leu r Antcchriit , ôc îe-
ceuoir leur faufle rcligionîLcurs emprifonnemens &:lcurfeu ,qu cft-ccfinon puillan-
de tenebres & force tyrannique: Cefte tyrannie, quand nul autre mal ne le trouueroit
en euxjmonftreafTezcuidemment qu'ils font miniftres derAntechrift>&: quelaPapau
te eft vne autre plante qui fera dcfplantee. Encore le poure Turc eft beaucoup plus f u-
main qu'eux, qui ne contraint perfonne de renier fa religiondequel nous ne deuons ou-
blier en nos prières. Vous voyez donc comment les plus grands tyrans quilontau mon
dc,font ceux-la qui (bus le tiltre de Chrcfticn, &c fous ombre de fàin&eté occupent par
force la place du Fils de Dieu. Le temps s'approche,puis que le Pape commence fort à
sappctiifer,&: les terres s'efeartent, fefaifant hayr des Princes. Dieu vucille remettre
le règne de Iefus Chrift fon fils cnfbnentier,&: depofer l'Antcchrillde fon ficge: ccie-
ra quand il luy plaira: c'eft à nous feulement de prier,& de le délirer. Mais ne penions
point que cela Te face par la force de s hommes:car (comme dit lain£t Paul ) Dieu de-
i.TJ»cf. 1.8 itruiracefilsdc perdition parle fouffle de fa bouche, c'eft à dire par la vertu de lapa-
rolle. Vous voyez délia depuis vingt ans , la grande ouuerture qu'a fait par tous les
royaumes ce doux fouffle de la bouche de Dicu,cefte parolle tant amiable , fans forcer
Mat.ni> ptrlbnnc& fans tempefter. Cefte fain&e parolle nous apprend comment nous ne de-
uons point vfer de force corporelle, ne de fer contre nos ennemis . Apprenez de moy,
dit Iefus Chrift, que ie fuis doux & humble de cœur .Contentons nous donc des fain-
âes armures dont neusauens parlé cy de/Tus, aflauoir de ccfte noble foy &efperance
que nous deuons auoir en Iefus Chrift,nous appuyât fur fa parolle. Vne chofe refte mes
frcrcsjc'eft cfrarité,la pratique de cefte foy, plus mal pratiquée que chofe du mode. C'eft
bien le teps que Chnft propheti(oit,que la charité de plufieurs refroidiroit. Nous auôs
Mat i4.u bcau nous dire Chreftie ns, fidèles &: Euangeliftesmous auons beau lire l'Efcriture: par-
lons-en tant que nous voudrons-.fi nous n'auons charité,nous n'auons rien. Tout le de-
meurant ne nous fert de rien. La foy nepeut efclairer lans charité, non plus que la lape
fans huile . Charité, c eft la marque pour cognoiftre les vrais difciplcs de Iefus Chrift.
Charité cft le plus vray tefmoin que nous ayons de noftre foy . Charité fait de plufieurs
T cœurs vn,dc plufieurs ames vne . Charité amaffe Je petit troupeau en vn. Charité fait la
i.kan Im cômuniô des Sain&s.Qui n'a chariré(dit S.Icâ)ildcmcurecnlamort,ileftcn tenebres,
il eft meurtrier.C'cft vne chofe fi magnifique,que S.Ieâ mefme efcrit,quc Dieu eftCha
ricé.Puis que c'eft fi grâd cas que de charité,& qu'elle eft fi ncceflTaire,quefansellenous
fommes morts,quelque profperité qu'ayons, nous deuôs bien prier Dieu lansintermif
fien, qu'il luy plaife au nom de fon Bien-aimé la refpandre en nos cœurs par fon fàinâ: E
fprit,tellement que nous bruflions de fon amour, cluzelede fàgloire,&: d'vn grand de-
firdelc voir,&d'eftrevuiourprefensauec luy fans fin: là où nous nous puiflîons voir
tous pour y faire fefte perpétuelle en parfaite refiouiflance,chantans fans iamais cefler
hymnes & cantiques fpirituels àl'honneur & gloire de noftre Dieu, Amen.
Frercs,ne laifTez iamais vos alTéblecs,à tout le moins par petits troupelcts,&nevifcz
laque* 1.1 point tant à la robe ny aux anneaux: vous fauez commentS. laques reprend cela.Chacû
s'eft ime moins que tous les autres. Et vifitez-vous plus fcuuent les vns les autres.& pi in
cipalemcnt les poures infirmes tât d'efpnt que de corps-. & faites de vos maifons de bel-
les petites Egliù s-&: tenez toufiours quelque S. propos en vos repas. Car parce moyen
la famille fe gatgne,&: l ame eft repeuë comme le corps. Que ma captiuité ne vous réde
point craintifs-mais pluftoft hardis à tenir bon, mieux q iamais. C'eft pour toufiours cô
fermer la vente de Dieu,y befongnant moyennant vos côtinuelles oraifons,aufquellcs
me recommâdc vn million de fois: aufli me recômanderay aux Eglifes de là haut. Vous
n'eftes pas oubliez de ma part, fi mes fouhaits ont quelque efficace. Au refte,mes frères,
Dieu vous rende le bien que m'auez fait &: faites encores, comme ie vous ay dit vne au-
tre fois au commencementjcn vous priant deuant Dieu me pardonner de ce que ie n'-
ay pasconuerfé e n telle difcretion&conftace entre vous comme ie deuoye.Car vraye-
ment ie confeife que ie ne me fuis point monftré homme quad il falloit , & me fuis trop
reculéquand me deuoyeauancer,&: tout pour cefte maudite crainte des hommes: Ù.
tant d'autres impcrfc&ions,lefquelles Dieu mepardonne par le mérite de Ief us Chrift:
fon trcfobehTant Fils. Ayez en rcuerence lçs Miniftres^non pas pour les adorer: mais cô
memeffagcrscleDieu. De moy,n'aycz autre ioucy que de prier: carie remets en Dieu
&moy&: monafraire, auquel (bit tout bonneurj, Joua ngc, gloire &c recognoiifance de
tous biens à perpétuité, Amen. le vous prie que la prefente aille de main en main: non
pas que cefoit chofe qui le merite,mais pour la refiouifiace de tous les frercs,&: pour les
inciter à prier Dieu pour mpy* Ievousfalue&: açolle toi. s tnlefusChrift. Voftrefre*
re Claude Monier.
ILprcfcnta depuis aux Iug« de Lyon ta certain çferit par forme de remonftrance.en cefte fobftance.
E§8§j§ Ous fommes en plus grande deftreffeque n'eftoit lfrael fous Pharaon . Lepoure
[||g^jj Ifiacleftoit contraint pour le plaifirdudit tyran de manier la fange &lcmortier fn6tJc^.
ordinairement: mais nous,pourle plaifir de Satan, fommes perfuadez de faire toutesvi ujtudcd'E-
lenies, L'IfraelneppuuoitauoircQgédefortiriufquesaudefert,pourfeiuir& facrifîer f/^^J*
à fon Dieu : &c le Chreftien ne peut auoir permiffion tant feulement de louer fon Sau- tenant. "
ueur en lieu qui foit.Toutefois llfraelitc maugréPharaon,&: en defpit de fes dents,a eu
licencede Dieudefortir dece malheur, pour le feruit en toute franchife: auffiaurale
fidèle en ce dernier temps, par la bonté de Dieu , liberté de fadorer en efprit &: vérité,
de le louer &c remercier publiquement , de chanter fes merueilles fans aucune crainte:
& face Satan & fon fils l'Antecurift le pis qu'il pourra.
A Près auoir prefentç cefte rempnftrance perfeuere' en Iaconfeflîou de fa foy ,fue
mis aux baifes fo/Fes de la prifon,où il demeura iufques au vingtfixieme d'Octobre,
perfeuerant toufiours conftamment aUec grande patience: combien que par plufieurs
fois il ait eu de grans a/faux &: tenrations, tant par Satâ que par les aduerfaires:lefquels
par diuerfes manières ont efTayé de le deftourner de fa ferme foy . mais la bonté du Sei-
gneur le preferua.Parquoy ledit iour d'Octobre, qui eftoitvn Lundy , fut mené en la
grande place deuant le grand temple nommé S.Ican ,où il fut déclaré heretique,& de-
gradé parle furfragat de rarcheuefque de Lyon,& fes fuppofts,&: à leur façon accouftu
mee remis entre les mains du bras feculier: de ce lieu fut mené aux priions de Rouan e,
& mis en fpiTe pbfcure:oii il demeura iufques au Samedy fuyuat vieille de Touffaincts,
comme ils appclent:auquel iour après auoir receu fentenec d'eftre bruflé vif,fut mené
en la chappelle en attendant l'apres-difner des luges. Cependat on luy apporta vn peu
de poifibn aueç du pain $c du vin pour fon difner . Or ayant efté long temps à deux ge-
noux,faifant fa prière au Seigneur: comme il commençoit à prendre fa réfection, voicy
venir deuxCordelier$:lefquels après auoir tenu plufieurs propos eftranges & eiloignez
de verité,que ce perfonnage rçmbarra parla parolç dé Dieu,commencerenc a luy met
tre deuant comme vne efpcce nouuelle de gpurmandife:d'autant qu'il n'eftoit pas téps
de samufer à manger,mais de penfer à chofe plus haute & appartenante à fon falut: He
las,dit Monier, ie ne mange point pour autre caufe,finon pour vn peu fortif er le corps,
afin qu'il ne foit en trouble à la promptitude de refprit,cognoifiant que ce fera à luy in Accufatioi;
continent à enduret vn horrible combat.De cefte refponfe tant, douce& amiable,il les Saun^uc»
rendit coufus deuant quelques gens qui là eftoyent. ^Enuiron les deux heures , eftant
defpouillé de fes habillemens,fut mené fur vne charrette au lieu du fuppliceéLes luges
mcfmesen voyant fa grande confiance &pâtlence, ne fepouuoyent tenir de gémir &
regretter vn tel perfonnage, voire les vns auiJî de larmoyer. Car auant que partir il leur
demanda licence de priera inuoqucrDieu:ce qui luy fut accord é,moyennant qu'il ne
parlaft chofe contraire,fur peine d'auoir la langue coppee.
Ilfutdonques mené depuis la prifon iufques à la place qu'on appelé Pes terraux,
tenant les mains iointes,& la face lcUee au ciel,d'vn regard ioyeu3i.Il y eut vn paffant en
Ja multitude qui luy dit ces mots Vakin chrtfio : lequel fur. incontincm appréhendé à la
perfuafion des deux Cordehers qui là eftoyent.Eftant venu au lieu de l'eilach e,aprt s a-
uoir rendu raifon de fa*fpy deuant tout le peuple,& prononcé l'oraifon du Seigncur,il
fut ceint d'vne chaine:& puis le feuallumé,on l'efleua en l'air par deflus,endurant long
temps le tourment auant que mourir cependant ilprioitàhautevoix,fouucntdi-
fant ces mots,Mon pieu,rapn Pere:<jui furent fes dernières parplles entendues du r#iT
]ieu du feu,
^Plufieurs efflartyrs.
MD.U
tecon
Lihi
pays
Haynaut
GILLOT VIVIE R?& autres de Valenaennes.
J&ù N V I R O N ce temps, plufieurs furent emprifonnezau pays bas de l'Em-
«s fe&W^ pereur:& fur tout en la ville de Valencienncs, àlapourfuittedu concède
ntede Bp7?|j Lalain, gentil-homme adonné à toute fuperftition &: idolâtrie. Entre ait-
n au w^-^-^f très Gillot Viuier , natif de Sainct-fauue , à trois lieues de Tournay , tiffe-
randdedrap,Mi c. helLêFevr e , natif dudit lieu, beau-frereduditGillot,deraage
dedixneufans,& fonperelA qjvesLeFevre , homme aagé de foixanreans,perç
deHANO\LEFEVR e , femme dudit Giîlot .laquelle auffifut emprùonnee pour la
mefme caufe. Vn chacun d'eux a conftam ment maintenu la vérité de l'Enangileauec
damoifelle Michelle qui s'enfuit.^ Ledit laques le Feure, en fon vieil aage ayant efté a-
mené à la cognoiflance de vérité, perieuera conftamment : &: nonobftant toutes obie*
étions &c cauillations des aduerfaires,leur difoit,Ie ne fuis pas fauant pour vous refpon-
drc;mais ie m'arrefte à la vérité de rEuangile,quelqne chofe qu'on me die.^LaditeHa
non le Feure receut vnc mefme fentence de condamnation &: de mort auec les autres .
mais l'executiaquat à elle,fut différée à caufe qu'elleeftoit enceinte.On la garda en la
prifon iniques après fa gefinne:aprcs laquelle elle dit aux luges qui h foudroyée à faut
ucr fa vie , Helas , meilleurs, c'eft trop languy:pourquoy me gardez-vous dauantagerie
fuis airezforte,gracesàmon Dieu, pour aller après mon pere, mon mary& mon frère.
Les luges voyans qu'ils ne proufïtoycnt de rien de la garder , la firent mener au lieu du
fupplicc,où elle fut bruflee:&: mourut alaigrement louant de inuoquantte nom du Ser-
gneur.
MICHELLE DE
m
CAIGNONCLE.
M.D.LI.
A feu
L y auoit aufli auec les fufditcs vne damoifelle nômee Michelle de Càigno-
cle,vef ue de laques le Clerc de bonne maifon à Yalenciennes.laquclle auf
fi endura conftamment vn mefme Martyre. Icelle auant que de tom ber en-
tre les mains des aduerfah es de rEuangile,pour les dons & grâces que leSei
gneur auoit mis en elle, fut requile en mariage par vn perfonnage qui dciiroit la mener
en Eglife reformée par la parollc de Dieu . Dont elle s'exeufa: non qu'elle ne portail
affection audit perîbnnage, mais pource qu'elle nefe fentpit point pouiîee par l'E-
fprit du Seigneur d'abandonner le lieu de fanatiuité: ains au contraire fe fentoitaf
dcccftêdat feuree que le Seigneur la garderoit de fe polluer aux idolâtries &c abominations :&
moifelfc. que fi elle eftoitapprchendee,illuy donneroitforce & vertu pour confeiïer purement
fon fainct nom:Comme aufTi elle a fait.Car eftant condamnée à la mort , aifauoir d'eftre
bruflee toute viuc auec les iufdits Gillot &: deux autres pour vne mefme caufe, ainfi qu*
on lesmenoitaufupplice,ellecxhortoit les autres à élire conftans:&: monftrant au
doigt les luges qui les auoyent condamnez,& qui eftoyent aux feneftres pour regarder
leur fupplicc, Voyez-vous ceux-la,dit-elle,ils ont bien d'autres tourmens que nous: car
jls ont vn bourreau en leur confeiencermais nous en fouffrant pour IefusChrift,nous a-
uons repos $c certitude de noftre falut.
Eftant au lieu du fupplice , plufieurs poures qui auoyent reccu foulagement de cefte
bonne créature , lamentoyent fa mort : mais elle les confoloit autant qu'il luy eftoit per
mis. Entre autres il y eu t vne poure femme,laquelle s'eferiant, dit, Helas ma-damoifel-
le,vous ne nous dônerez plus raufmone.&: elle luy dit, Si fcray:tenez, voila mes pantou
fles,ie n'en ay plus que faire. Cefte conftanceeftonna'tous les ipedtateurs , &: erFrayales
ennemis. car Dieu la luy garda entière iufques au dernier foufpir.
M. MAVRICE SECENAT.
■ A viJledc Nifmes au pays de Languedoc,a receu inftructiô en la mort deMau
'rice Sccenat,natifdeSaincl:-farurninpresColetde Dezeen Sauennes.Iceluy
ayat quitté la profeflion de la preftrife infâme de l' Antechrift, s'adonna à cn-
iei^ner laieuneffe,&: fit grand fruit:puis qu'autrement il ne luy eftoit permis publique-
ment
fThomasdcsSainff-paul. // j
ment enfeigner les homes en la vérité du Seigneur : pour laquelle vérité if futbrufîé au-
dit Nifmes. Sa morttresheureufe confola grandement tous les fidèles de Languedoc.
fi
THOMAS DE SAINCT-PAV Usoijfonnois.
Nous fommes aduertis par cclt exemplc.quel falaire doiu,ent attendre les enfins de Dieu,quand ils reprennent ksblafphe-
mes & vices énormes des enfans de ce monde. Et quant & quant de l'ifTuc heureufe que le Seigneur donne à ceux qui
feront dcuoir & office de Chrefticn.
flgfiH O M A SdeSaind-paul, natif de la ville de Soi/Tons , s 'eftant retiré àGe-
S|p neuel'an m.d.x l i x,auec fa mere,fes frères & grand nombre de fes parés, fît
Jl^tJ vn voyage en France pour aucûs affaires particuliers l'an m.d.l i. Partant fbn md.li,
chemin, rencotra plufieurs dâgers aux hoftelleries,à caufe des blafphcmes &: autres vi-
ces trop publiques audit pays,que de fàin&e affc&ion il reprenoit: mais Dieu le prefer-
ua,& le rendit fain &: l'aufen la ville de Paris:afin que là comme en vn théâtre du mon-
de,il luy feruift de tefmoin contre tan t de monftrcs qui y font. Eftant donc arriué à Pa-
ris,envendat quelque marchandife il ne peut foufirir les blafphcmes d'vn quidamrains
le reprenant l'admonnefta doucemét d'vne humanité &: douceur naturelle qu'il auoit:
mais ledit eftant irrité,incontinent le foufpeçonna Luthérien (comme Ils appcicnt,)à
raifon d'icelle remonftrance non accouftumee entre Papiftes, ains feulement vfitee en
tre perfonnes qui ont l'honneur de Dieu en plus grande recommandation que leur vie
propre. Ceftuy-mefme le fît efpier & fuyure pas à pas,iufques en la maifon où il eftoit la
gé. Laquelle ayan t marquee,le défera à Iean André, home afTez renômé pour la cruau-
té exercée ces années pafîces cotre les feruiteurs de Dieu, en laqlle il a efté le principal
bouté-feu. Enfôme,ilfutpris&:menéauChaftelct:oùfonprocczfutfait&:inftruitpar Thx>,m*
les Côfeilliers dudit lieu , plus par fa bouche Se cofefîion,que par fes papiers &c memoi- chaikiet,
res qu'il auoit. Par eux fut condamné à eftre bruflé tout vif,attendu(comme ils parlent)
fapertinacité&opiniaftreté: c'eft à dire fa confiance & perfeuerance en la confefîîon
de fa foy:de laquelle ne peut eftre efbranlé ne par menaces de tpurmens horribles qu'-
on luy propofoit deuant les yeux , ne par la douceur de cefte vie : laquelle les luges luy
promettoyent fauuer fans note d'ignominie ne d'amende publique,au cas qu'il fe vou-
îuft defdire. Ce qu'ils faifoyent tant félon leur couftume pour le mettre en perdition, à
la confufion &c au grand fcandale de la religion Chrefticnne , qu'ayans commiferation
de fon aage,d'autant qu'il ne donnoit apparence d'auoir plus de dixhuit ans.mais la bô
té &: verit é de Dieu le rendoit inuincible contre tous affaux .Car quand la queft ion luy
fut baillee,aufsi cruelle qu'elle fut oneques à brigand ou meurtrier quelconque, pour Q^eftion
fauoir les noms des Çhrefticns de fa cognoifTancc:Dicu le fortifia tellement , qu'on n'é n*["ordl~
peut tirer vn feul mot.il eft vray qu'il nommoit franchement ceux qui eftoyent efchap
pez de leurs mains,&: de la puiflancc de l'Antechrift,&: qui démeuroyent en pays où 1-
Euangile eftoit prefché,& ne fefeignoit de dire comme ils feportoyent: mais Dicule
gouuernoit tellemen^qu'il ne mit aucun en danger.ains fouuent difoit aux Côfeilliers
quilàafliftoyent&lepreflbyent, Pourquoyme tourmentez-vous pour vous nommer
tantdegensdebien? Que vous vaudra quand les auriez tourmentez commevousme
faites maintenant? Si ie penfoye que leur exemple vous deuftferuir d'imitation, ie les ^
vous nommeroye volontiers comme les autres . mais ic fay que s'il vous eftoit poffible,
vous leur feriez pis que ne me faites.Neantmoins ces cruels CommifTaires eftans obfti
nez en leur rage,defployerent fur luy tous les inftrumes de leur fureur cruautéjCriâs,
Tu nommeras tes complices, mefchant,ou tu feras defmébré en pièces. Brief,les mains
des bourreaux qui afTiftoyent à ceftade, furent tellement laflees, que Maillard (digne A&e<ili
fupportdela Sorbonne) &: autres euoquez pour re réduire, feietterent fur les cordes Maillard
pourles tendre dauantage. Gens dignes de foy ont ouydireau CommifTaire Aubert, s^h»™^
qui eftoit prefent:Iequel combien qu'il fuft homme mau-piteux ,& propre pourfone- "
ftat,fur tout cruel au faid de la religion, fi ne pouuoit-ilfourTrir telle cruauté : de forte Tefmoi-
qu'il fut contraint en larmoyant fe retirer à part.Et dit dauantage en prefence déplus fJJJJîîjffi
de vingt cinq perfonnes,qu'il auoit longuement diuifé auecThomas de beaucoup,d'af re Aubtw.'
fairesjtant priuecs que de lareligiommais il luy fembloit eftre bien bonieune homme
& entier.
Or l'obftinec cruauté de ces iuges fut veincue par la conftace de Thomas de Saind-
paul-.lequel finalement aores fentence de mort on le mena au lieu le plus célèbre de la,
lu
Liurt^I II. Jean Joery.
ville,nommé la place Maubert,pour cftre bruflc tout vif: ayant pour toute extrême c5-
folation la compagnie de ce Maillard, homme autant miferable qu'autre qui foit:&: ce
pour le tenter 6c diucrtir de la vraye inuoeation du nom de Dieu. Lequel auec ferment
à fa façon de parler,luy dit plufieurs fois> qu'il auoit charge de la part des luges , de luy
offrir la ve s'il fc vouloir defdire.Thomas ayant fait refponfe qu'il aimeroit mieux mou
rir dix millefois,fiautantfairefepouuoit,fut guindé en l'air:& ayant commencé d'ad-
môncfterle peuple,le feu fut foudain mis dcilbus:& après qu'il l'eut fenty,fut retiré par
l'exhortation de-Maillard,luy difant que s'il vouloit appeler de ?ceftc fentence au Par-
lement, il s'aflêuroit qu'on luy fauueroit la vie.ee que ledit faifoit pour triopher de luy
& l'abbatre par l'horreur de la mort & du tourment iafcnty.Mais Dieu véritable en
toutes fes promettes, luy ouurit les yeux pour pénétrer iufqu a la gloire à laquelle il l'ap
peloit:fi qu'il dit à haute voix, Puis que ie fuis en train daller à Dieu : remettez-moy, Se
me taillez aller. Ainfi Thomas de S.Paul ayant ainû combatu virilement côme vn bon
champion de Iefus Chrift,reccut à Paris la couronne de Martyre, le 19.de Septembre,
l'an m . n . l 1 .
I E A N IOER Y^lhi&ois:&fonS ERVITEVR.
L E plus digne d'eftre note âpre1; la mort bien-heureufe de ce Martyr,c'eft le foin & la folicicude qu'il a eue du falut de fv^
icniiteur,(jui auf.i endura le mcfme Martyre.
M.d.li. {^"{^Se A. N Ioery,natifd'vn village à deux ou trois lieues d'Albic: nomméSaind-
ra^iocry,auoit le plus efté nourri en la ville de Monr-aulban.Dc là Ce retira à Ge-
neuc aage enuiron de vingt-deux ans: Se y ayant demeuré quelque cfpace de
temps,delibcra au mois de Iuillet l'an mille cinq cens cinquante Se vn , faire vn voyage
en Ion pays, ayant en fa compagnie vn bien ieune garçon qui le feruoit. Pour faire quel-
Souhait de que proufit en leurdit voyage,&: aufli pour cofoler les fidèles du pays ,ils s'eftoyent char
locry ac- gCZ debons liures.Qiu" fut la caufe qu'eftans à Mcnde au pays de Languedoc,ils furent
prins tous deux,& côdamnezd'eftre bruflez,don t ils appelerét.Leditloery auoit autre-
fois dit à fes familiers, que fi noftre Seigneur l'appeloit à rendre tcfmoignage de (a veri-
té,il defiroit fort que ce fuft à Touloulé.Ils furent donc enuoyez au parlement de Tou-
loufc:où Ioery fit ampjc confeflion de la foy, rendant bonne raifon de tout par authon-
té de rEfcriture,en laquelle il eftoit furfiiamment exercc:& fc monftra en les refponfcs
fortmodefte&attrcmpé.^Le ieune fcruitcuren Ion eudroicln'auoitpas moins de gra
cc:car il auoit fait vne mcfme confeffion entière Se pure de la veritéreombien que tant
pour la ieunefle que pourttgnoracc des faincles lettres, il ne pouuoit foudre honnemet
les argumens des aducrfaires.Se voyanr quelque fois pre/le par les Commiflaires depu
tezàfaireleprocez,illcsrcnuoyoità fon maiftre Ioery, proteftant que quant à luy il
perfiftoit en fa confefllon: mais s'ils vouloyent en auoir plusample déclaration, aued
folution de leurs obie£tions, qu'ils s'adreifaflént à fon maiftre, qui nefaudroit à leur fa-
tisfaire.Et quand les Commiflaires luy diloyent,qu'il n e deuoit adiou.fter foy à fon mai
lire qui eftoit h'eretiq Se reprouué,il refpodoir,Ie l'ay toufiouf s cognu de fi bône &: fain-
£te vic,que ie me tien pour afleurc, qu'il ne m'a enfeigne que la vérité contenue en la pa
rolle de Dieu.^Lc iour que la fentéce de mort leurfut pronôcee , plufieurs Preftres ôC
moines venoyét en la pnfon difputer cotre Ioery, aufqls il rcfpondoit aufll paifibleméc
Se pofément comme s'il euft efté «n pleine liberté, hors de tout danger & effroy. Apres
qu'ils furent menez au lieu du tourmet en la place dite de fain&GeorgeJe leruiteur fuç
le premier interrogué& mené furies fagors,cependat qucloery refpondoitàquelques
interrogatoires. Là plufieurs caphars lolicitoyent ledit leruiteur d'inuoquer la vierge
Maric,&: fe diuertir de fon propos:& l'importunèrent tant que le ieune fils,ou par infir^
mité ou par fafcherie,fe mit à plourer. Ioery en parlant aux autres fc retourna: Se voyac
qu'on folicitoit fon iéruitcur,fe hafta de monter fur les fagots:&: le trouuant en tel eftat;
luydit,Et quoy,monfrere?tu pleures. Et ne fais-tu pas qiienous allons voir noftre bon
maiftre,&: que nous ferons bien-toft hors des miferes de ce monde? A quoy le feruiteur
rcfponditjc plouroye pource que vous n eftiezauecmoy.Or il n'eft pas téps de plourer
(dit Ioery: )mais de chater auSeigneur.Et comme ils fe mirent à chanter vnPfeaume,Ic
feu fut mis au bois,&commença de toucher le corps de Ioery:& toutefois comme s'il fe
fuft oublié foy-melmepourpcnferduicunegarçon fon compagnô,ilfeleuoit contre le
pofteau
pofteau tant qu'il pouuoit,&:fe retournent pour luy donner couiagc.Et ayant apperecu
-qu'il eûoit pallc,il ouurit la bouche comme pour humer la flamme &: lafumec: & baif-
fant le col, rendit l'Efprit.
GODEFROY DE H A M E L L EA»' llemBrahunt.
C E P E N D AN T que Charles V .Empereur, & Henry II. roy de Francc,L.ucrro\cntl'vn contre l'autre, les ennemis
de la vérité continuent leur guerre contre Iefus Chrift.quclques empclchcz qu'ils IcmM.iflent eftre en leur maudite allé
blee dcTrentc.Cetteanneea eu degrans &excclkns tefnioins de la doftrinc de l'Euangileaux pays des deux luldits
combattans.
çfË^&i E P V I S que Dieu eut appelé à facognoiflànce Godefroy de Hamcllena-
kJ tir de Niuelle en Brabant, la conuerlîon a cité autant admirable que proufi-
table aux fidclcs du pays bas de l'Empereur • Car par icelle la vie mondaine
_ l que Godefroy auoit auparauant menée, fut incontinent réduite au grand
bien m. édification deidits fidèles. Le train de marchandise de toiles qu'il m cnoit fous
la conduitte de ion pere , n cmpefcha point qu'il ne viiitaft les Eglifes reformées à l'E-
uangilc, voire &£ qu'il n'y cenduift aucunes ieuncs filles qui cftoyent en danger ou de fe
polluer aux idolâtries, on de tomber es mains des tyrans. Qui fut caule qu'eftanteer-
chc de toutes pars, finalement fut côftitué prilonnier en la ville de Tournay: en laquel-
le il confefîàla vérité de Dieu en cefte intégrité & rondeur que fes eferits, que nous a-
uonsicy inférez, demonftrcnt.
L A grâce & milcricorde de Dieu noftrcbon Pere,en lafaueurdc fonFils.vous foit donnée pour Saluti
f/fp^ ^E K 1 ^ amiable focur,dc tout mon eccur vous remercie de la bonne fouuenan-
ISÊl ccqu'auez de moy, tant corporelle que fpirituellc. Certes îc reçoy telle fouuenan
ce comme vn meiîagediuin, voire comme odeur de bonne lenteur . Auflidaurntagea
efté tort recréé mon elprir,de ce que tous enfem ble auez tant grande mémoire de moy
en vos oraifons : lesquelles certes ic croy, comme vous dites, qu'elles ne retourneront
point vuides &: fans fruict deuant la face du Treshaut,deuant laquelle elles font prefen
tees:dont ic vous prie de tout mon cœur,nc vous lafler point,cn faifant que cefte batail
le excellente, où le Seigneur m'a mis, foit à fa gloire &: à l'édification de fon Eglifc, com-
me i ay fiancc,qu'cllefera telle. Car il cognoit combié ie délire q fon nô foit glorifié par
moy fon petit inftrumcnt,s'il s'en veut aider, &: en la vie& en la mort. le ne délire autre
cho(e,linon que fa fainclc volonté foit faite de moy à fon plaihr: non point feulement
que ic foyc icy emprifonné en fo/Te bafî*e,mais aulîi à mourir pour fon nÔ,fi la gloire en J ^
cil plus exaltée: m afléurat par faparolle que Chrift m'eftgain à viure& mourir . le n'a-
uoye point encore volôté de vous cnuoycr maconfefliô,iufqs à ce que ie fauroye fi plus
nem'cnqucftcroyétdc ric:mais pourecque ccporteurm'a lignifié que das deux ou trois
iours il fe part de la maiion pour aller ailleurs, cela m'a côtraint de cefaire. le ne vous e-
feri p.i s celle confelîion, afin d'en eftre édifiée corne d'vnc excellente &: pleine de fapié-
ce:mais corne d'vnc petite côte/lion d'vnpoureferuiteur deDicu,n'ayat poït voulu en-
fouir en terre ce teul talent que le Seigneur m'a donc: c'eft devons aduertir principale-
met qu'en ma petite limplicité,ie n ay point renie Ielus Chrift deuat les h5mcs:mais 1'-
ay côreflc fclon l.i mefure de la foy qu'il m'a diftnbucc:cn m'alfcurant vrayement quele
Seigneur en ceft endroit fe contetc de moy,veu que ic n'ay point efpargné ma vie pour
lavouloirfauuer:maisrayabandonnee,lavoulantpcidre,puisquemonSeigneurDieu Mr (
la trouue bonne d'eftre perdue deuant les homes. Certes,ma lceur, dés lors que ie lu ru-
dement empoigne des fatellitcs,mcdifans, le vous fay prilonnier, mon coeur cnoit , O
Seigneur,nonleulemcnt d eftre emprifonné, mais auffi de mourir pour ton S. nom, s'il
peut redonder à ta gloire. Et celle volonté m'efteit telle, comme elle a efté en ma con-
feflion,&: cft encore pour l'heure prcfétc,&: fera iufqu'à la dernière goutte de mon fang
&: iufqucsau dernier os de mes membres bruflezen cendre. le fuis certes à luy &: à la vie
ÔC àlamort,qu'il face de moy fa volôté, m'aiîeurât,{oit que je vineoil queie meure, que
toufiours ferav à luy: car ie fuis à fô Fils, lequel m'a racheté cheremét &£ degrâd prix, tel
lcmentcjucie luis héritier de Dicu,& cohéritier de Chrift:dont maintenat ic croy que
toutes chofes font miennes, foit mort,(bitchofeprefcnte ou aduenir: tout croy-ic eftre i cor.6.io
mien,& moy à Chrift,& Chrift à Dicu.^Parquoy ic fuis feur aufîi,que Chrift m'eft gain 7 i5'
à viurc, &: non moins a mourir. Ic n'ay eu honte de confefler hardimét deuant les hom- i.coi.j.i £
mes,quec'eftoitdeparluy feul que i'attendoye tout (alut,& la vie bien-heureufc:a-
uec lequel fefpcrc faire éternelle demeuranec. Et pource que ie n'atten mon
I.ii.
X/Wro ///•
Codefroy dc^ Hœmellc~>.
falut en autre facrifîce &: oblation que du corps de mon lauueur Iefus Chrift crucifie c a
la croix pour mes péchez: mon cœur n'a peu porter d'accorder aux demandes qu'il m'-
ont faites, l'efprit me rendant telmoignage qu'elles n'eftoyent point félon la venté,
Kom.r9.10 ia<jUejjejcurcftcontrairc.jçac|îantaufl| qu'on croit poureftre iuftifié:mais qu'il faut
faircconfcrtion de bouche pourauoir falut. ^Le Seigneur voulant vfer d'vnpetitin-
ftiumcnt,m'a réputé digne deftre appelé & prefenté deuant les hommes, pour faire
confeflïon de bouche par l'abondance du cœur,iufqua trois fois. Dont la première fut
tc8.de Mars, m. r.l 1 i.,cnuironlcs troisheures après midy , où eftoit prêtent le doyen
de Tournay^'Orhcial &c encore deux autres Inquifiteurs auec celuy qui efcriuoit. Beau
coup de choies m'ont efté demandées auant qu'entrer en matière de cofefliô, lcfquel-
lcs feroyent trop longues à eferire: &: auffi ne fuis point délibéré de vous mettre tout au
long les propres parolles , c'eft à dire autant qu'il a efté mention : mais feulement en
bref>& comme les principales, touchant les articles . En premier lieu, pour entrer en
matière m'ont demandé combien il y auoit que ien'auoye efté confeffé .Ieleuray de
mandé que premièrement ils me baillafîcnt vn Teftament nouueau,fur lequel ie vou-
loye fonder toutes mes refponfes,&: auflî ma foy . Lequel Teftament m'ont refufe , di-
fant que ic rcfpondiffe fur c c qu'ils auoycnt demandé. Et ic leur dy qu'ils me paifaHcnt
Ccnfwfioa. ceia< Apres m'ont demandé fiie ne croyoye pas qu'vn Preftre ordonné de-parl'egli-
fe Romaine, en confeflant à luy fes péchez , pouuoit pardonner &: abfoudre les péchez
par pénitence. l'ay refpondu que ie n attendoye pardon ny abfolution de mes péchez,
iinô par la mifericorde d'vn fçul Dieu, en la faueur de fon Fils. Or fi toft que i'auoye par-
L'Eglifc lé,on mettoit mon dire en eferit. Apres m'ont demandé fiie ne croyoye pas en l'eglifc
Romaine Romaine,dont le Pape cft le cher d'iccllc,&: iucccflcur de S. Pierre, auquel Iefus Chrift
adonné les clefs.&: pluiîeurs autres telles paroles, comme ils ont félon leur eglife: dont
de grand cœur i ay refpondu ( pource qu'il auoit dit eglife Romaine) que ic croy lafain-
dte Eglife inftituce &: fondée par le fainét Efprit , dont elle a pour feu 1 chef Iefus Chrift,
èt pour fes fuccefteurs les Apoftrcs & Prophètes : mais quant à l'eglife Romaine , ne la
tenoye pour vraye eghfe,ains pluftoft l'eglife de l' Antcchrift: là oùtant s'en faut que les
poures brebis foyer nourries de vraye pafture Euageliq,que mefmes elles font rongées
&c tonducs:&: leur donne-on pafture d'erreur diabolique. Voire? (dit le doyen.) efcriucz
Mcflc. Notaire. Apres m ont demandé que ie tenoye delà Me/Te. I'ay dit que nous parliflïons
des mots qui font en la fain&e Efcriturc. &que ie ne trouuoye point ce mot deMciîe
au nouucau Teftamet ny au vieil, autant que l'e n auoye peu lire, Voire, dit le Doyen &C
les autres murniurans.Ei'criuez qu'il ne latrouue point. Apres fubit me demanda fi ic
Tranflùb- croy°Yc pointla Tranfïuhftantiatien du pain au corpsde Chrift. le leur refpôdi ,difant
ftâidation. Quand à voftrc MefTe,ic la croy vrayement pure inuention controuuee des hommes,
au grand blafphemc &C deshonneur de Icius Chrift: pourautat qu'on fait adorer au peu
pie vn morceau de pain, enluyfaifant accroire que là eft Iefus Chrift, au lieu qu'on le
doitcercheràladextrcdc Dieu (on Pcre.Quant à voftre tranflubftantiatiô , ie n'y croy
point: ains dy que telle lingerie appartient pluftoft aux magiciens &c enchanteurs.
^Mes frcres,pardonncz-moy,fi fay vfé de parolles aigres ou rudes : TEiprit certes ainfi
mepoui1bit,que ien'culfefcu pour l'heure parler autrement, fâchant que le nom de no
S.uremem. ftreSauucur y eftoit tant deshonnoré. Apres m'ont demandé fiie ne croyoye pasfcpc
Sacremés.Ie dy,que ie n'en tenoye que deux:&: me demaderent lefquels deux. le dy, le
Baptefme& la Cenc,que vous appelcz,dy-ie , Sacremens . Me demandèrent que ic te-
noye delà Ccnc:puisqueicrappeloyc Sacrement .A quoy iercfpondy petitement &c
anHc^?- fimplcmcntjfclonquciay receu: C'eft que laCcncpurcméradminiftrce félon l'inftitu-
Eiungiic. tion de Iefus Chrift,eft vn banquet vrayement fpirituel à lame fous le pain &: le vin: en
croyant qu'en prenant ce pain & ce vin,on reçoit vrayement le corps &: lofa ng de Iefus
Chrift.Nonpoint(leuray-ic dit) que ie croye que le corps foit en ce pain ,nclcfang
^* en cevin,ouauccce vinrmaiscroy receuoirle tout fpirituellement, au grand proufit
& foulagement de mon ame ; tellement qu'en prenant ce pain & ce vin , ie croy véri-
tablement eftrc participant du corps &c du fang de Iefus Chrift. non point que ie m'ar-
refte à ces elemens cy bas, c'eft à dire au pain Se au vin que mes yeux ccrporcllcmcnt
voyent:mais regarde pluftoft de mes yeux de foy Iefus Chrift crucifié pour nos péchez,
laplayedefoncofté, dont fon fang eft forty pour me nettoyer, &: payer la debte de la-
quelle i eftoyeredeuablc au iugement de Dieu.
Usine,
(jodefroy 4c~> tfameiïcj* ifi*
Ils medcmaderent fi le pain demeuroit toujours paift,& le vin fcmblablemet vin,
le refpon qu'ouy: mais qu'ainfi que le pain & le vin matériels noiirrifiTent Te corps , auf-
li vrayement eft; pourrie lame fpirituellcmcnt par foy.Etlcur dy que pour fe communi
quer à. nous , ia n'eft befoin qu'il defeende de la dextre de Pieu ion Pere , pour venir en
ces elemês matériels &ç corruptibles: mais pluft oft que nous arrachiôs nos coeurs de ces
chofes vifiblès,& les tranfportions au ciel, à la dextre de Dieu où il eft , dont n e dépen-
dra qu'à fôn fécond aduenemét, pour iuger les vifs & les mortsXequel ne viédra point
en cachette, nyobfcuremcnt: mais comme le foleil fe leue d'O rient s'en vacoucher Mat.24.27
en Qcçidét,ainfi viedra IefusChnft.^Les fept heures approchoyétrpar ainfi on fit arre
fter la caufe pour cefte fois. Et les fergeans. incontinent memenerent en vne autre pri-
(bn obfcure,où ie fuis encore pour l'heure prefente,tant qu'il plaira à mon Dieu, De-
puis cç Jour de Mars fu là laiifé,iufques au 1 f.dudit mois, eftât certes ennuyé cedic iour Go
plus qu'on ne vous pourroit diremon point pour la prifon obfcure,ne pourla crainte y'
i'euiTe de venir deuant euxrmais pluftoft pour ce que ie craignoy e que plus ne me man-
deroyent:car i'auoye bien plus grand defir d'eftre prefenté deuât eux , qu'ils n'auoyent
de m ouir, le prioye le Seigneur que iç peufTe parfaire ma fimple confeiïion,lequel m'a
fait participant de mon fouhait. Ce quinzième de Mars doncàhuit heures :vnpeua-
pres i'ouila voix du geôlier qui me dit,Godefroy*preparez-vous,& venez parler à Mef-
fieurs.O la vqix que ie recep ioyeufemét! Et ie dy , Seigneur , parfai en moy ce que tu as
çommcncé,&: ta prome/Te me foit tenue: çar çeft ta caufe,pour laquelle il faut que ton
Eftprit me foit aidaht.Quand ie fu deuant eux pour la féconde fois, me vindrent demi- Du Bap«f-
der û i'eftoye baptizé. dont ie leur refpondy , pourquoy ils me demandoyent cela , & s - me"
ils me tenoyet pour Anabaptifte.Mais ils dirent que ie refpondiife.Ie dy que ie croyoye
eftre baptizé dés ma ieunefle,& point autrement.Me demandèrent fi ic le tenoye eftre
bon. le dy que ic m'en contentoye. Puis m -interroguerent où ie trouuoye ce Baptefmç
en l'Efcriture.^Or efcoutez,me$ freres,la cauillation-& pourquoy,$c à quelle fin ils de»
mandoyent cela,&: ce que vous orre? encore apres.po.ur laquelle cauillation certes m'a
lçblé bon de vous eferire ma côfeflion.Ie refpô firhplement,qu'ainfi que la Circoncifio
fut dônee à poftre pere Abrapâ,pour circoc ir au 8. iour , ainfi le Baptefm e duquel on v-
fe maintenât , nous eft dôné pour eftre baptifez au nom du Pere,du Fils, & du S. Hfprit.
Me demandèrent, Y a-il chofe pour l'approuuer en l'Efcriture > le dy qu'ils regardaflet
le dixième chapitre de la première aux Corinthiens, là où il eft fait mention que tous
nos perçs qnt eftç baptifez. en la mer, &: fous la nuee : &c que tels propos 6c autres fem~
blables me rendent aifez content. Puis médirent: Voilalcs deux Sacrernens que vous
tenez,p'eft-ce pas?Je re{pôdy,Ouy,^Or c'eftoit ce que les renards demandoyét,que i'a
uoye accordé de les appelerSacremés: mais ie ne péfoye point à leur trafiq,côme incôti
net ie fy:££ ce que ic les appeloye Sacremés,c eftoit pource que ce mot eftoit plus vfité
des Chreftiés.Puis pour venir à Jeur cauillation, me dçmaderent,Où eft-ce q vous trou
uez que ce foit Sacrement en l'Efcriture? le fu contraint de dire , comme il eftoit vérité
que ce que ie les auoye nommé Sacrernens, c'eftoit pource que ce mot eft plus aifé à en
tendre entre cux:mais que quant à ma part,ie ne les vouloye plus nommerSacremens,
ains félon que la propre Efcriture les nommoit,aiTauoir Bapçefme & Cene.car fi i'euffe
accordé de les nômcrSacremens,cela m'euft dôné greffe bataille, & leur fuft bien venu
à poinft en tous leurs mots &c traditions,comme Meire,Purgatoire,&: autres mots fem
blaples,que vous fauez,dont ils vfent en leur Droit-canon abominable. Pourtat ie leur
dy que iepe les appeleroye d'autre nom que l'Efcriture les appelé. puMan^
Puis me dirent, penfans bien merendrematté en ceft endroit, Vous dites tant de
fois,que vous ne voulez croire ne refpondre que ce qui eft contenu en l'Efcriture , que
dites-vous du mariage? ne le tenez- vous point pourfaçrement? Iedy queietenoyele
mariage pour vne fain&e ordonnance de Dieu,& là couche fans macule , tellemét que
lacpnionctiô doit eftre fi grande,que l'home delaiflera pere& m ère, Se s'adioindraà fa
fcmme,de forte que deux ne feront plus qu'vn.Ie tien ce fain# eftat tant excellént,que
JefusChriftmefmelavouluapprpuuer&hpnorer,quandilaefté prefent aux nopees Icani<
en Cana en Galilée. Puis me dit vn qui affez fauoit l'Efcritutc? Vous croyez aux parolles
de TAppftre , ne faites pas ? le dy , la n'aduiene que i'y contrediié .Vous ne voulez que
deux Sacrernens, &c voici l'Apoftre qui appelle le mariage,Sacrement,aux Ephefiens,
«juantil dit parlant du mariage,Çc Sacrement eft grand, &c,Qu'en di;es-vous?mc dit->
I.iii.
il. Ic cîy que ie ne vouloyc dédire l'Apoftreï&s'ildifoic &crcment, queienc Youloye-
contredire à luy qûi auoic parle par la bouche du S »Eiprit. Dont en toutes mes enque-
ftes ie ne fu plus trifte qu'à cefte demande,! caufe que n'y pouuoye contredirc:mais cer
tes le Seigneur ne me lailfa gueres tnftecarfon Efprit me vint mettre en mémoire que
la choie n'aLloit point ainiî. Et quand ma mémoire fut rcrVaichie y ie leur dy que ce mot
de Sacrement ne deuoit point aJlcr ainfi: mais au lieu de Sacrement doicauoir Secret,,
félon la vray e tranflation auxTeftamens derniers. Parquoy,mes treres,ie foudroyé que
tous fidèles n vfaift nt que de Tcftamcs de Geneue ou de Lyon,pour telles lourdes fau-
tes. Adonc furent fort courroucez contre moy,apres auoir regardé au Teftament de 1-
împreflion de Lyon, ayans trouué ainfï que ie leur auoyc dit, qui feroitlongàrefcrirc:
car beaucoup de parolles lors furcntdites . Les douze heures approche/vent {par ainli
fifmes pofe pour ce iour.Ie fu le lendemain rcmandé^qui cftoit le feizieme de Mars,en-
Congrau- uiron les huit heures:&medemanderét fiienecroy point au Sacrement de Confirma-
tlOÛ- tion,quc l'Eucique fait aux créatures , quâd elles font en aage. le refpôdy que de toutes
telles cérémonies ma foy n'eftoit point confermee:mais le principal eftoit d'eftre régé-
néré &: fait nouuelle créature. Adonc m'alléguèrent Je huitième des aftes, comment
les A poftres mettoyent les mains fu r ceux qui auoyét efte baptifez. le dy que ie tenoye
trefbon ce que Pierre &les Apofticsauoyentfait,&:c'cftûitlcS.Efpritqui les condui-
ibit à ce:mais que telles chofes auoyent prins fin. Puis me demandèrent fi ienc croyoye
îx-rcme point au facrement d'Extrême on&ion.Ic dy,queiecroy bien qu'il cft oit trefncceflair©
ooâioo. au malade cte luy apporter la vraye huile de la parolle de Dieu , le confortant par icelle:
veu que ceftlafculc parolle de Dieu qui peut donner falut àtouscroyans: mais l'huile
matérielle &corruptible,que peut-elle profiter aux malades? Adonqucspourapprou-
uer leur huile,me mirent au deuant le 5 .chapitre de faind laques. Vous oyez, dy-ie, ce
refu s que ren croy.Et beaucoup de parolles furent là dites. Apres me demandent des feftes:
le dy que le Seigneur a commandé de faire fon labeur lix iours: &: ne parle de nulle fe-
Qjurefinc ftc, mais bien du feptieme iour pour le rcpos.Ils m'ont interroguédu Quarefme, des
quatre-téps,& autres mcfmes brouilleries. le dy que tous tels cômandemens n'eftoyét
tro.uuezenl'Efcriture pourchargcrlepeuple:maisbiende mortifier noftre chair, &: e-
ftre noftre vie vn continuel ieufne:non point feulement à manger vne fois le iour,mais
toute noftre vie vfer de fobrictc ,&: non d'excès. Et furleur demande touchant l'abftine
Oeufs* ce de la chair&: d'œufs au Quarefme , rayditquantàmoy,que depuis que le Seigneur
ella,r• m'a appelé des ténèbres à fa vraye lumière, & à la cognoiifance de fa vérité, ienefay
plus de différence des iour^,&croy que ie peux boire &: margerde tout ce que le Sei-
gneur a creé,moycnnant que i'en vfe auec a&ion de grâces, comme dit l'Apoftre, Tou-
i.Tim. 44 te créature de Dieu eft bonne,&: rien n'eft à reietter: moyennant qu'on en vfe ainfi co-
rne i'ay dit. Adonc m'ont dit, Vous mangeriez donc aufîîtoft delachair leiourdubon
esiours. dredy,que leiour de Pafques,Ie leuray dit, Quant aux iours, ils ne me (ont en rien
differcs,foit en quelque téps que ce peut eftre,en Quarefme ou horsQuarcfmetde tout
cequime feroitprefenté i'en mangeroye aueca&ionde grâces &: en foy , n'en faifanç
fcrupnle.Maisfiiefauoyequeceluy qui me voit manger fe feandalifaft pour la viande,
iene ie voudroye faire, à caufe que ie ne chemincroye point à édification, maisà trebu-
0m.14.r7 cjicmcnt:p0urautant qUC le Royaume de Dieu ne gift peint en viander&foitque ie ne
mange point , ie n'en fuis point plus fain&,toutefois ie fuis libre par la parolle de Dieu,
DeU vicr- d'vferde fes biens auec action degraces. Apres montdemadé s'il ncfalloit point prier
gc Manc. ja vierge Mane,pour cftre aduoeate vers Ion Fils.I'ay rcfpondu, quant à la Viergeje rie
qu'elle a efté trouuee pleine de grace,&: bénite entre les femes, &c que le Seigneur a re-
gardé l'humilité de fa feruante: tellement que le fils du Trcshaut,le Sauucur du monde
a repofé en fon ventre neuf mois , prenant la noftre humanité , Se après l'a enfanté fans
corrupnô:&: que c'a cité celle qui a creu aux parolles de l'Ange:dont pourcea efté biê-
heurcufe.Mais de luy donner plus grand titre,en l'oftant à fon Fils,ia ne m'auienne: car
clic meime ne m'a point apprins de luy donner titre d'adoratiô, ne la prier pour eftre ad
loin 14 uoeate enuers fon Fils:mais pluftoft elle m'a dit, parlant de fon Fils aux nopees de Ca*
na enGalilcc,Faites ce qu'il vous dira.
S*k ts Adonc m'ont demandé de prier les Saincls morts, pour eftre nos aduoeats enuers la
cour cclcftcuay refpondu que ne recognoiifoye autre aduoeat que IcfusChrift le lufte,
ayât acquis feulceft office par fa mort, corne vray cment pur &: înnocét.Carlc Peren'a
pris.
pris fon bon plaifir en nul comme en luy:& fc'a efté trouuçe fraude en fa bouchc:dont
k le recognoy feul pour mô Médiateur Jntercc/Teur& Aduocat , comme ileft dit en la
première de faind Ican jchap.2.,
Ap R e s m'ont demandé des images, fie s'il n'eftoitpoint licite d'auoirla, reprefenta* i°>*gf«i
tion&remembrançe du Crucifix, Ieleuraydit comment ils demandèrent cela *vcu
qu'ils lifent l'Efçriture , & qu^en tant de lieux elles font défendues au vieil &xiouueau
Teftament:Que par.tclles images^: idoles eft ofté &: defrobé l'honneur qui appartient
à vn feul Pieu^ Y ous n'en voulez donc nulles,dirent-ils. le dy dç bon coeur, Non: car ic
fuis appris par la fain#e parolle de Dieu,d'çftrc adorateur en efprit Se en vérité. Et tous
ceux qui veulent, que Pieu les oye , faut qu'ils cerchent le Pere celefte des yeux de foy
<?s cieux. car fon fils Iefus ainfi nous la appris en i'Euangile,Que ceux qui adorét Dieu, i"n 4*%
l'adorent en efprit &: vérité. En efprit, pource qu'il eft E(prit: En vérité, &c non à noftre
{antafic-maisfelon fa parollequieft feule véritable.
I l s m'ont aulÏÏ faitvnequeftion, Si les enfans morts-naisfansBaptefme, cftoyent
fauuez. I'ay refpondu que c'eftoit vne demande , à laquelle ie ne pouuoye refpondre à
leur vouloir, pourautant que ie n'en auoye aucune certitude. Et me dirent, Vous en di-
rez bien quelque chofe. le dy que ie n'en diroye rien:£: quela^auToye au fecret du Sou*
uerain. Mais quant aux enfans des fidèles , foie bien dire qu'ils font fanctifiez , prenant
J'Apoftre mon autheur, 1 .Cor.7.
Apres m ont demandé fi ie ne croy oye point qu'il y auoit vnjieu , auquel les âmes; Purgatoire
décédantes de ce monde allpyent pour eftre purgées, que nous appelons Purgatoire,
le refpondy de meilleur coeur queiamaisi'aye mangé : & me fembloit que mçs entrait
les ferefiouiflbyent dedans mon ventre, quandie pouuoye parler à mon aife defhon-
ncur de Iefus Çhrift & du falut par luy açquis : I'ay donc dit que ne recognoiffoye autre
purgatoire que le fang de Iefus Chrift . &c croy fermemet qu'il a fait vn facrifice éternel
aiamais pourlapurgation de nos péchez, eftant maintenant à ladextre de fon Pere,
toufiours viuant & intercédant . &: croy fans doute , que quand le pécheur s'eftant reti*
ré de fa mauuaife vie , fe conuertit au Seigneur, fes fautes ne luy font point pardonnees
à demy:mais pleinement & entièrement. ^Voilapojurladernicre interrogation qu'il
m'ont faiterie ne fay s'ils me demanderôt encores autres chofesjie croy que non. Beau*
coup d'autres chofes furent dites, lefquelles feroyent trop longues à raconter,mais voi-
la toutefois les principales. ^ Or ne vous ay-ie point relçry cefte fimple confeiïion
pour y recueillir grand fruiÇk. ; mais feulement pour vous aduertir des cauillations qu'ils
ont : afin que vous fâchiez que le Seigneur qui aide les fiens,eft plus fort que les homes.
Car quand ils nie parlèrent des Sacremens,i'apperceu bien leurfallace: que fii'eufTo
accordé à tels mots , qui ne fe trouuent en l'Efcriture , ils m'eulTent dit , Pourquoy nç
croyez-vous point au Purgatoire &: à la Me/Te, combien que ces mots n'y font point par
exprès ? Il me fouuient encore d'vne demande que i auoye oublicc:C'eft que par grâd' .
fineiTc , pour me furprendre &: pour approuuer leur rotiflerie dames , me demanderét
quels liures ie tenoye pour la fainctc Efcriture. le relpondy. Le vieil &: çouucau ^Tefta-
ment. Adonc me dirent encorcs,Tcnez-vous le tout fain<à &: bon? Ouy (dy-ie)excepté
les liures Apocryphes: lefquels iene vouloye prendre pour y fonder ma foy, nyauflî en Afocrypic*
refpondre pour affeurance:veu que i'ay tous les autres approuuez qui me font fulhTans.
En demandant pourquoy ie prenoye plus l'vn que l'autre: Pourtant (dy-ie ) que tous les
autres ont leurs autheurs approuuez, ce qui n'eft point des autheurs des liures ^pocry-
phes:ie dy toutefois que ie ne les voudroye reietter pour beaucoup de beaux exemptes
qui font en iceux, mais pour y appuyer ma foy , iene les voudroye prendre. Endifant
ces chofes, il y auoit belle Latineric entr'eux. Or ils m'auoyent demandé pour eftre
mieux aiTeurez de leurs gorgees,fi ic fauoye le Latin.ie leur relpondy que non . & firent
mettre cela en eferit. Yoila,chere ioeur, mes interrogations. Et depuis ces trois fois
n'ay plus comparu par deuant eux , linon qu'ils ont enuoyé par deuers moy vn nommé
maiftre Quintin chanoine, dit Charlar, pour fauoir s'il me pourrait induire à croire au- M. Qi>îtio
trement,&: félon leur croyance Papiftique.Dont & moy & luy auons eu grofTe difpute, \ \
chacune fois quatre heures de long. I'ay grand dueilen mon coeur qu'vn tel doux efprit ai de la fe-
n'eftoit illuminé, car il aie zele de Dieu , mais non félon fcience,car il défend leur que- lc~
relie Papiftique en forte que iamais homme n'ouit , & a vn merueilleux defir que ie m'-
accorde à luy, mais j'ay relifté vaillammét iufques icy, &. refifteray iufques à la fin, Dieu
Liiii,
ZJtfro -Mil Ç odefroy </o Uamçltt^
aidant> moyennant vos oraifons, Quant à ce qu'il me veut faire accroire, qu'après les
parollcs facramentales dites en la Mell^qu'au pain eft le corps,l humanité &: prefence
corporelle de Ictus Chrift : voire & que combien qu'il foie à la dextre de Ion Père , fi cft>
il là aufli:&: puis que par humilité il fe vient tant ab bailler que de fe mettre en ce pain,
c'eft bien railbn que là on l'adore : toutes les deux fois m!ay an t tenu tels propos en-
cores beaucoup d'autres fembhbles,iay'refpondu que ma foy n'eftoit telle que pour
mourir de mille morts ne croiroyc à tel erreu r. Et luy dy que ie tenoyelcur M elTe telle
que vous auez ouy enraa eôfelîion. Que s'il luy plaiioit de rtfé venir voir pour conférer
eni'cmbJc de l'amour &c crainte de Dieu, de patience en trib.ulation, & dù4alut par qui
nousTattendons ,qu'ilmeferoitle trefbienvenu: maispourdeuiferdeccpoinctde la>
prefence charnelle de Iefus Chrift^ue ie ne le vouloye plus ouir. ^âr pour eftre parti-
cipant du corps de Iefus Chrift'(dy-ie) ia n'eft befoin qu'il defeende-en choie matérielle
' faite de main d'homme : mais pluftoft que nous oftions nos cceurs dëcçs clemes corru-
ptibles^ que l'albonscercher des yeux de foy à la dextre de fon Pcr*. Beaucoup de pa-
rollcs furent ditesrmais voila les principales. Ilmè difoitpourl&fin,quefiie m'accor-%
doye à cela, on feroit bien de toutes autres choies . car luy-mçfme confefTe qu'il y a de
gro/Tes fautes en leur eglifc:&: les autres auffi l'ont confefTé: mais point il grandes que ie
penfe,me dirent-ils quand ieftoye deuant eux. le vous prie donc, ma fœur & tous
ceux qui aiment la Parolle &: l'amitié fraternelle, que priez le Seigneur enfemble pour
moy, qu'il me tienne &: entretienne en la foy de fon Fils, &en laconftance furia con-
feiîion quei'ay faite: medonnanttoufiours vi&oire contre tous aduerfaires, tant delà
chair que ceux de fa parolle. Et s'il veut vfcrdemoy à fon honneur , fcefpandre mon
£ang, &t faire cendre de mes os , qu'il me rende ferme &: confiant pour peneuerer vail-
lamment en la confemon de fon Nom iufqucs à la fin. À'ûffi s'il veut que ie puùTe enco-
re durer &viure à fa gloire &: à quelque profit de fon Eglife, qu'il luy plaife adoucir la.
fureur de ces tyrans , &: me deliurer de la gueule des lions. le ne dy point cecy , pource
queiedefire plus ia vie que h mort: Dieu qui eft le fcrutateùrdcmon cceur,cognoic
que ie délire que & volonté foit faite:auiîî en pouuez-vous iuger par ma confeffîon.Car
mainrenant ie n'atten que l'heure qu'on me viendra dire > Sortez hors de prifon : voftre
cas eft fait. certes ie mets&renge mon courage à attendre d'heure enheured'ouirma
pfeau i il fenccncc> non P25 d en efchapper.Maudit eft l'homme qui fe confie en l'hommc^c qui
mctlachair pour fon bras:&: au contraire, heureux eft celuy qui fe confie au Seigneur,
&C qui prend le bras de Dieu pour fa fauue-garde, Ainfi fâchant feeur , que nay vfe& ne
veuxvfêrde feintifeou prudence charnelle : mais confellcr Amplement Ieiiis Chrift:
comm^ vne poure brebiette,pres de laquelle font les loups, ie ne defirequed 'eftre loin
detouteaide charnelle, & eftredefpouillé d'armure corporelle contre mes aduerfài-
r.Sami/HS res,ainfique le petit Dauid fît contre fon aducrfairc Goliath :& ne veux auoir finon
feulement vn bras : ce n'eft point vn bras charnel ,ny vn bras impuiiTanr , ne corrtipti-
blc:mais le fcul bras robufte de l'Eternel Dieu , le fort des forts,le puiflant des puuTans:
auquel ie me confie &c m arrefte , attendant vrayement fecours* Se aide de luy feul , m-
afleurant que ce qu'il cognoiftra eftre plus neceffaire àfa gloire, foit 3 la vie on à la
mort , ainfi fora fait.
Ma fœur, & tous autres amateurs de PEuangile , refiounTez-vous auec moy,& que
nul ne fe trouble ou feandalize en ces perfecutions ici aduenues , à la façon de ceux qui
Mat.rç.f.io ont receu la femence entre les pierres : mais pluftoft que telles perfecutions aduenue*
deuant vosyéux, foyent en confirmation de voftre foy , vous arreftans fur la parolle de-
Dieu, encores plus que ne fîtes iamais , en oyant deuant vos yeux ces voix accomplies,
iean 15 10. S'ils m'ont perfecuté(difoit le Roy de gloire) auftivousperfecuteront-ils.Ia n'eft befoin
que ie vouseferiue en combien de lieux la parolle de Dieu le confermet vous meûnclev
fauez,& tous amateurs de l-Euangilc.En fomme,pour vne conclufîon l'Apoftre en a ek
t.Tim.3.iz crit,difant, que tous ceux qui voudront viure fidclecnenten pieté félon Iefus Chrift*
fouftrirôntpcrfecurion, laquelle fouffrance pour Iefus Chrift, il ne recognoit point
pour vn petit don & de petite eftime , mais* pour vn excellét don & grande benedtéboi^
de Dieu. le ne dy poinroeci pource que ie fuis emprifonné , mais pour tout fidelc,t qui
BtrwJiaiô lapcrfecution peutaduenir. Puis qu'ainii eft, mes frères, que la croix eft bcnediâtïon,
lUi "°n ^c ^ieu * nc ^°ycz en troublez'des aduerfaires, aufqncls tribulation eft caufe de per-
t,M4' dition, maisànous ellccftcanlidc falut: car côme dit l'Apoftre, Il vous eft dôné pour
Chrift
Chrift, non feulement de croire en luy,mais aufTid'cndurerpourluy:nou5a/reurâ'tqure
fi nous fommes participansdefesafllidionSïqu'auflîfemblabJementleYerons-nousde
fa gloire. Priez pour moy, &: non pour moy feulemét:mais pour tous ceux qui vou s per- Mat.M4«
fecutent: afin que fi dû tout ils le font par ignorance, ils puifTcnt trouuer mifericorde,
&: venir à îa cognoiffancç dç cefte voye,laquelle ils perfecutent.BeniflTons-les donques,
èc ne les maudifibns point. Saluez ceux qui maiment.La grâce de noftre Seigneur foit
auec vous, aidant à voftre efprit, Amen.
Par voftre frère emprifonné pour le nom de Iefus, Godcfroy de Hamelle.
tpiftre dudit Godcfroy, lacjuellea cité prefentcc à ceux de laiufticcdc Tournay:d'autant que les Inquiiîteurs
l'auoycDt chargé vers eux, de l'auoir liuré comme hérétique.
^ L A grâce &: paix de noftre bon Pere éternel , par la faueur de ion Fils , vous foit
donnée pour falut.
ESSIEVRS, pourec que ie fay que les ennemis m'ont liuré entre vos mains,no
point comme Chreftien, mais (comme ils difent) pour vn hérétique $c fchifmati-
que:fachezqueie ne me tien pour tehmais bien pour vnpoure pécheur Chreftien ou
Luthérien , s'il ne vous plaift m'appeler autrement ( combien que Luthérien n'hereti-
que ie ne délire d'eftre appelé.) Et afin de vous doner la caufe pourquoy ie me dy Chre-
ftien , & non hérétique ou femblable, ie vous prie au nom du Seigneur qu'en patience
vueilliez ouir la raifon : c'eft le Symbole des Apoftres &: les articles de la foy que ie croy,
U que vous confeiîez,&: que tous Chreftiens doyuent fauoir &: croire. Dont itrfuis bien
efmcnicillé que ceux qui fe font mis , ou ceux qu'on a ordonnez pour Inquifiteurs de la
foy , que principalement d'icelle croyance , vray Sym bole àc articles de foy , ils ne s'en-
quierent; veu que nous l'appelons le Credo des Chreftiens. Mais c'eft vne pitié digne
d'eftre plourec , qu'on eft ainfi mené de rage : car ie fay que pour telle croyance & vrais
articles de foy , ie ne feray iugé à lamort : mais feulement pour non adhérer & vouloiF
croire aux commandemens des hommes. Or bien, le Seigneur face de moy fa volonté:
ie fuis à luy & à la vie & à la mort. le vous eferi ceci feulement , au moins s'il faut que ie
foufFre , que ne me iugiez pour hérétique. Car ie ne fuis ignorant de la croyance & arti-
cles des Chreftiens : mais les croy tous fimplement , félon la petite capacité de foy que
Je Seigneur m'a diftribuee de fagrace, comme vous orrez.
pRemierement ie me tien Chreftien , &c non hérétique , fchifmatique , Turc , Epicu- £°f"y ^™
rien, Arrien, ou femblable monftre . La raifon, pource que te croy en Dieu , non point uam les ar-
à vn dieu Payen , Mahomçtifte, ou dieu des idolâtres , mais vn vray Dieu régnant & vi-
uant , vray pieu (dy-ic)Createurduciel& de la terre, le vray & propre Dieu, comme ie croy Ecclci.*.'
que nos Pères ont creu , alTauoir le Dieu d'Abraham , d'Ifaac &: de Iacob. lequel ils ont
aimé, feruy & feul adoré, dont n'ont point efté fruftrez de leur attente , ains l'§nt trou-
ué Dieu véritable en promefle, ainfi que ie croy que tous ceux qui mettront leur efpe-
rance, fiance &aflcurance en luy,lctrouucront Dieu gardant promefle, Dieufauora- Hcb.io.zj.
blc &: mifericordieux à tous ceux qui le craindront U aimeront,rendans à luy feul l'hô-
neur qui luy appartient. ^Ie me tien auflî Chreftien , &; non Iuif ou Antechrift & fem-
blable, pource que ie croy en Iefus chrijhjbn Fils vniquenojbe Seigneur, laquelle féconde per-
sonne en Trinité , croy eftre Fils coeternel du Pere, de la propre liibftance &c nature di- iean r.f,
uine,egalau Pere.
Croy, quand le temps a efté que le Seigneur auoit promis à nos Pères anciens,dés
incontinent après la tranlgreflîon d'Adam , parlant.de la femence de la femme, laquel-
lebriferoitlatefteduferpent,quecela a efté accomplylors que le Seigneur a enuoyé
fon Fils ici bas, & fait repofer au ventre virginal, prenant de la Vierge noftre humani- Mat.1.13.
té. le croy que tout ce a efté fait par l'obombrarion &: vertu du S.Efprit, comme l'Ange L uc
auoit dit à la Vierge, Et pourtant le croy-ie maintenant eftre Dieu & homme : homme onu,} 4*
(dy-ie) de la femence de Dauid félon la chair :&: Dieu, pource qu'il eft déclaré Fils de
Dieu en puifTance félon l'Efprit. Pourtant dy-ie en ma croyance, Conceu dttS.Eftrit, nay
de la Vierge Marte.
Ie croy qu'après qu'iceluy Iefus Chrift fut nay, venant en aage floriftbit en vertu ex-
cellente^ que dés fon ieune aage,mefme à douze ans,comméçoit à faire l'ceuure pour Luc 1 41,
laquelle il eftoit enuoyé de fon Pere. Dont de plus en plusfe manifeftoyentenluy les
vertus d'cn-haut,tellement que tout le peuple s'efmerueiUoit de fa fapiéce &c do£trinc>
Liurc^f III. Çùdefroy dc~> Hamellt^.
en magnifiant &: glorifiant le Dieu du ciel. Mais les Preftrcs, Scribes &: Pharificns n'efl
fail'oyent nullement leur profit, ôt tant s'en faut qu'ils en dônaiTent gloire à Dieu corne
le menu peuple, que mefme prindrent grand enuie& haine contre luy : tcllemér qu'ils
Mar.itf.4, confpirerent entr'eux de le rairc prendre , & ne le plus laifTer viure : mais le liurcrent au
& 17 5 prcuoft des Romains, qui lors eftoit Ponce Pilate: lequel ayant ouy &: in terrogue Iefus,
fut contraint de reuenir à eux, difant qu'il ne trouuoit enceft homme caufe de mort,
lean 19 4. Mais luy oyant la voix de tous , lcfquels crioyent , Crucifie-le , crucifie-le : &: que s'il le
deliuroit il n 'eftoit point amy de Cefar, obéit au pcuple,craignant de perdre Ton office:
&: en le lauant les mains, le condamna à mort la plus ignominieufe du monde. Et pour-
tant en ma crcyacc ic dy,(£uila foujfertfott* Ponce Pilate^ejuila efté crucifié, mort, enfeuely, & dé-
pendu aux enfers. Et pour déclarer qu'il eftoit non feulement homme, mais aufli Dieu
tout- pu i liant : il s 'eft monftré victorieux du diable, d'enfer &: de la mort qui ne la point
cnglouty. Et afin qucfarefurre&ionne femblaftfantofmc, ou qu'on n'endoutaft,il a
Loci4.43. parlé, cheminé, beu &c mâgé auec fes difciples&: Apoftres, choiiis pour tefmoins. Bref,
j Cor. ï<i.6. jj a vtu de pius Je cmq c£s frCrcs à vnc fois. Dont quarante iours après les a menez
horsdclcrufak men vne montagne , où il leur dit plufieurs parolles tant du Confola-
teur qu'il cnuoyeroit , qu'auiTi il feroit auec eux iufqu a la confommation du uecle.Puis
Acl 1 g. l'ont veu de leurs yeux monter en vnc nuee aux cieux à Dieu fon Perc. Et pourtat croy-
ic, &: dy en ma croyance qu'il cft rejjufaté des morts, & taèii cft monté aux deux, où tlfied a la dex~
tre de Dteufon Peretout-pwjfant. le croy iceluy Iefus Chrift eftre maintenant à la dextre de
Hcb.7.if. fon Pere,noftre vray Interceflcur, Médiateur &: feul Aduocat,toufiours viuant,& in-
tercédant pour tous les poures pécheurs» qui viennent au Pered'vn cœur contrit &hu-
Epkf mi. milié:& à la faueur d'iccluy Ieliis , croy que par luy auons accez&: grâce par foy, croyat
que le Pere nous regarde en la face de fon Fils. Et croy qu'iceluy Iefus Chrift ne defeen-
A0 ■' ■"• dra de là iulques à fon fécond aduenement, lequel ne fera point comme fous couuertu-
re ou en cachette : mais ainfi qu'on voit le folcil fe leuer d'Orient , &c faire fa courfe iuf-
Mat.14.17 qU'en Occident : ainfi fcmonftrcra Iefus pleinement &c à veuéd'œil. Et croy que ce fé-
cond aduenement fera pour iuger le monde, alfauoir bons & mauuais. Et pourtat ie dy
en mon Sym bole, le croy cjue de la dextre il viendra iuger les -vifs & les morts. Au ilî ie me tien
Chrcfticn&: non hérétique, fchifmatique, magicien ne femblable, pomec queiecroy m*
LcS.Efprit. s.Ejpnt. Au S.Efprit(dy-ie)non point à vn efprit de fantofme ou d'art magique, ou efpric
diabolique,mais au vray S. Efprit : lequel ainfi que i'ay confeiîe que le Fils eftoit coeter-
nel auec le Pere,d'vne mefme nature diuinc:aufli croy-ie que ce faind Efprit eft coeter-
nelauecle Pere te le Fils, d'vne mefme fubftance &: nature diuine.Bref,ie croy le Pere,
le Fils, le fainct Efprit eftre vn feul Dieu en trois perfonnes. le croy ce faind Efprit eftre
lcanitf.7. iceluy mefme que Iefus Chrift promit à fes Apoftres, l'appelât le Confolatcur qu'il en-
uoyeroit. Ce que ie croy qu'il a fait au iour de Pentccoftc,lors qu'ils eftoyent aflemblez
en Ierufalem l'attendans: où il a efté bien monftré queceftoit vn Efprit d'efficace , &:
non point efprit de fantofmercar après l'anoir receu , ont efté munis de toutes langues,
tellement que toutes nations ont magnifié le Seigneur, des merueilles qu'ils voyoyent
par ce fainct Efprit leur eftre données. le croy aufli que ce faintt Efprit eft celuy mefme
qui pou/Te &: in fpire tous Chrcftiens fidèles à faire ceuure plaifantc à Dicu:qu'iceluy E-
Rrm s l/ ^Pr'c a,^e 'e n°ftrc» & 9lie ne faurions quelle chofe nous deurions prier , s'il n aidoit no-
Gal.4.<î. ftrcfoibleiîe. Bref,ie croy que c'efteeluy qui nous fait crier de boneccur , Abba, Pere,
&: qui nous rend tcfmoignage que nousfommes héritiers & enfans de Dieu, &: cohéri-
tiers de Chrift. IemedyauffieftreChrcftien,&:non point hérétique faifant fe&e à
L'Eglifc. part) p0urcc que tecroy la fameie Eglifevniuerfelle:h faincle Eglife(dy-ie)gouuernee®ic
!.Cor.n.i8 Parlc fainét Efprit. qu'ainfi que l'homme cft le chef delà fcmmc,aulfi Chrift eftchefdc
rphe. 4.11. telle Eglifc. le ne fuis ignorant , mais croy qu'en icelle Eglifc faut qu'il y ait des Surueil-
i.Tjm.j.17. Jans, aifaiioir Eucfqucs, Pafteurs , Miniftrcs , Diacres, Anciens, tant pour annoncer
au peuple la fainétepaftureEuangelique , que pour adminiftrer lesfaincts Sacremens,
félon l'ordonnance qu'il a laifTee. Et qu'iceux Surueillans font dignes de double hon-
neur,entant qu'ils font miniftrcs de Iefus Chrift, faifans Iccuure de Dieu. Deuons eftre
foigneux de frequenter& ouir leurs prédications & remonftrances;les tenans nô point
comme pa rolle d'hommes , mais de Dieu , entant qu'ils font vrais ann onciateurs de la
pure vérité , fondans leurs fermons &: commandemens fur la pure parolle tant des Pro-
phètes que de Iefus Chrift &: de fes Apoftres.
Ïe me dy encore eftre Chreftien, pourcc que iccroy la communion des Sainfls. Cariehe
{\iis ignorant de toute la communion des Sain&s qui font regnans en la cour celefte : &c
non feulement d'iceux , mais aufli la communion des Sain&s viuans encore en ce ficelé
mortel,tous croyans &: fidèles qui font d'vn accord & d'vne mefme foy, vnis &C côioin ts Eph.4 4.j.
enfemblc fans difeord ou dùTenfion l'vn auec l'autre : mais humbles, paifibles &: mode-
ftes, s'aymans l'vn l'autre, &: vfans d'hofpitalité &: de charité mutuelle. ^Ie croy aulli
cftre Chreftien , pource que iecroy la remtfion despechcx,. d'autant que la fatiffaâion &: rc-
miflion des péchez cft faite par vn feul lacrifice que le Fils de Dieu a fait,fe lai/Tan t atta- ihbr 9.i6,
cher au bois de la croix pour faire la Latilfa&ion des péchez de tous croyans , appailant & ,o u-
l'ire de Dieu fon Pere contre le peché:& pour fon obeiffance ie croy qu'il a obtenu par-
don pour nous. Dont par telle humilité du Fils de Dieu, s'abaifiant tellcmét pour nous
que de prendre la forme de feruiteur , nous deuons à fon exemple nous humilier , nous Philip. 1.3.'
gardans de l'ofFenfer : Se auoir en grand horreur & haine le péché , puis qu'il a fallu que
le Fils vnique du Pcre en ait cfté cloué au bois,&: y ait efpadu tout fon làng. Que il nous
c soyons vrayement ce bien nous cftre fait fans l'auoir mérité, nous deuôs auoir vne foy Gal r*.
viue & ouurante par charité &c dile£tion,nous exercitans en toutes œuures de pieté,tât
pour plaire à noftre bon Dieu que pour profiter à noftreprochain. Et croy queceluy
qui fe dit auoir la foy, tant de la rcmifiion des péchez, que des bénéfices faits parlefus L<* œu:
Chrift, &C toutefois ne demonft re par œuure les cfFe&s de foy viuc : cefte foy ne luy pro- llres '
£te de rie: mais eft vne foy morte &c feinte . car ainfi que le corps fans ame eft mort,ainfi uq.lllo;
eft la foy morte fans ceuurcs, Maisie ne croy point par ceuures, tant bonnes que nous
les puifîïons faire, mériter, n'y eftre fauuéparieelles :ne mefme, ayant accomply tou-
tes chofes qui font commâdees , eftre autre que poure feruitcur inutile,afin de dernan- Luc 17. 10."
der remifîion, grâce &: mifericorde par le feul moyen du Médiateur lefus Chrift. le
me dy encore eftre Chreftien, &: non hérétique, Sadduceen ne femblable , pource que Refurrc-
ie croy la refurretiinn de la chair, que fans faute au definemét de ce fiecle, quad lefus Chrift ftl0D-
defeendrapour fon fécond aduenement,& qu'au fon de la trompette & à la voix de 1- i.Thc^.i*
Ange, quand il dira , Leuez vous morts , qu'alors en vn iect d'œil tous morts reflufcite-
ront, reprenans leurs propres corps qu'ils auoyent quad ils eftoyent encore en ce mon-
de terreftre. Mais le changement en fera grand, câr la chairlors cftant corruptible, vile
&: mortelle, feraadonc incorruptible &: immortelle. le me tien encore pour la fin de
ma croyance, Chreftien, &: non mal-heureux hérétique, pource que iecroy la y te éternelle.
le croy qu'en ce fécond aduenement, lefus Chrift iufte luge viédra tenir fon fiege iudi- Mat.xj. 31.
cial pour iuger le monde^ &: fera venir toutes natios de la terre deuant fa maiefté, fepa-
rantles vns des autres comme vn pafteur fes brebis.à fa dextre feront les bien-heureux
&: eleus,&: les bouc s àfafcncftre,qui feront les maudits &reprouuez.Adôc dira le grâd
Dieu &c luge iouuerain à ceux quiferont à fa dextre, Venez les bénits de Dieu mon Pè-
re , pofledez le royaume qui vous eft préparé des la fondation du monde. Puis viendra
à ceux de là feneftre en voix feuere & rigoureufe,difant, Allez vous maudits de mo Pe-
re , en flame éternelle, qui eft préparée au diable & à fes anges. Et ainfi ie croy que ceux
de la dextre, qui auront craint, adoré &: aimé le Seigneur de tout leur pouuoir, force &
entendement , tous iouyront de la douce & heureufe familiarité delà cour celefte, def
quelslaface fera reluifante comme le foleil. Aufii croy- ie que tous ces mal-heureux
&: reprouuez de la feneftre, qui n'auront craint, honnoré,feruy &: aimé le Seigneur co-
rne ils deuoyent, nefe foucians de luy qu'à demy,&: ne l'aimas qu'en pallant, iront iouir
de la familiarité de tous les diables, &: fentirôt la gehéne du feu, qui iamais ne s'efteind, Mat.z^o.
oùyaurainceiTammcntpleurs&: grincement de dents. Bien-heureux fera celuy qui ne aPoc.i.u:
fera point touché de la mort féconde. Voila lapetite & fimple croyance du poure pri- & 10>6>
fonnier.Iene la vous ay point eferite afin que la receuiez pour vne croyance excellente
bc de haute fcience&: magnifique, mais comme d'vn petit infiniment du Seigneur, af-
fame de fauourerdauantage lapaftuceEuangclique,dont i'ay à remercier mon Dieu
merueilleufement , qu'outre ce que i'ay receu de luy de fa pure grâce, encore il m'a fait
cegrand bien , que nullement n'auoye deferuy enuers luy , ains pluftoft fon ire, s'il me
vouloit regarder félon ma face corrompue, &la vie paiîce, dont ie m'aceufe deuant
luy , que tant s'en faut que ie feroye fon enfant, héritier de fon royaume, que pluftoft ie Aftion ,e
feroye enfant de dam nation. grâces de
Q e ie ren grâces à Dieu par lefus Chrift noftre Seigneur , qui m'a regardé de fon doux GodcW ■
Liurcj 111 Ç odefroy Hamell<u.
œil de mifcricorde,mefme m 'ayant fait digne d'eftreemprifonné pour Ton S. nom,& do
fouffrir la mort pour luy, ainli qu'il me femble que l'en apperçoy l'apparence, Se aulïî ic
Coi.1.9. my atten, n'ayant plus efperance de viure en ce fîecle : car pafie délia longuement i'ay
reccu fentence de mort en moy-mefme, afin que ie n'aye point efperance en moy: mais
au Dieu viuant ,qui rcfîufcite les morts. Auiourdhuy Vendredy après la Pétecofte, ayat
eftémterroguédemafoy pour la dernière fois, m'ont dit qu'on ma fait trop de grâce
de me garder li longucmcnt.mais les poures gens ne regardent point que ça efté la vo-
lonté du Seigneur, Se non eux. Car ic croy que le Seigneur a nombre tout le nombre de
mes iours,&: qu'ils n'en peuuent abbrcgerny allonger vnfeul, non point d'vne petite
demie heure. Or quand il luy plaift, ie luis à luy Se à la vie Se à la mort,au feu &: à l'elpec,
Se à ce qu'il luy plaira, moyennant que fon Nom foit fanâifié, Se Ion Eglife edifice-.il ne
m'en chaut , pourucu que fa volonté foit faite. ^Seulement mes frères, ie vous prie que
lacraintedu Seigneur foit touliours deuant vosyeux:pource que la crainte de Dieu, eft
commencement de tout bien. Viuez(dy-ie)en paix Se concorde iufqucs à voftre depar-
Pfcau.34.15 tement de ce liecle, tant auec vos chères parties, qu'auec vos frères & prochains. Ccr-
chez tant la paix que vous la trouuicz : Se iamais ne luy donnez côgé.car noftre Dieu n'-
en: point Dieu de dilTenlion, mais le Dieu de paix. Soyez fermes en oraiibn, & ne foyez
laflé z: car l'oraifon Se prière au Seigneur eft comme la clef du cichc'cft comme vne am-
bafiàde pour déclarer à Dieu nos demandes, ôd auffi pour obtenir grâce de luy. Croyez,
Li vertu de frcres qtlc ja prière faite en foy , eft de grande efficace enuers Dieu, N'oubliez auffi la
lecture. La grâce du Seigneur vous loit pour aide.
Autre epiftre dudit Godefroy>par laquelle il confole fes parais 5: amis.
E n'eftoye point délibéré de plus vous eferire, comme auffi icn'ay fait à ma pro-
pre mere:fachant que mes lettres ne donnent maintenant que pleurs Se foufpirs.
neantmoins ic me fuis accordé de vous eferire encore celle fois, Se principalement afin
que voftre triftefTe foit modérée , Se que vous l'accoupliez auec lieflertellemet que ioyc
Se douleur s'entrebaifent l'vne l'autre. I'ay efpcrace Se croy que le Seigneur fupportera
voftre triftelîe modérée, qui eft poiu l'amour qu'auez à moy félon la confanguinité 'Se
pour l'amour corporel. Mais ie vous prie que la ioye palTe par delTus voftre ennuy,vous
aduertiffant que le Seigneur n'a point delaiilé fon pouie feruitcur: mais luy a donné la
hardielle de le confeller deuat les hommes limplemét, fans couuerture ne fallaccrmais
rondement félon la petite mefure de foy qu'il m'a diftribuee parla grâce : Se m'a aidé à
palier tous afiauts , tant de la torture que de la bataille contre la chair. Le Seigneur m'a
deliurc de toutes te ntations,m'aidant& confortant en tout & par tout:comme encore
i'ay fiance qu'il parfera , Se ne dclaifîcra point fon poure feruitcur au plus grand befoin.
le luy mets au deuant qu'il tienne promeUe, comme il a touliours fait à ceux qui fe font
Pfciu.puf fiez en luy, ayant dit, le ne te delailleray point en tribulation. Mon cœur fentantainfi
la main& puiilance de Dieu,croift en confiance Se alîeurancc qu'il me fera adiuteur&:
dcfenfcur.Ccla méfait pa/Ter vne armée de tentations, eftant muny des promclTes qu'-
il a faites aux affligez, Se principalement à ceux qui fouffrent pour fa querelle. Parquoy
ic vous prie, chère Se bien aimec fœur , de ne vous côtrifter point:mais que vous repre-
niez vigueur,ayant plus de ioye que d'ennuy, vous alTeuraut que voftre frère prifonnier
n'eft point dclaifle du Seigneur. Etiicfpcrcqucmoncmprifonnement ne fera au'def-
honneurde fon nom, ny au fcandale de fon Eglife: car ic croy pluftoft qu'il a permis de
me mettre es mains de mes contraires pour la gloire de fon nom Se l'édification de
fon Eglife. Si ie ne vous ay eferit qu'vne fois, eft-ce pource que ie ne vous aime point?
Die u le fait. Car vous auez efté celle, depuis qu'auez reprins vigueur & courage à la Pa-
roi le, que i'ay eu en continuel foin, comme macherc&: plus qu'aimée fille,que i'ay en-
gendrée en l Euangile de Chrift. Combien que ce n'a point efté moy, mais la grâce du
Seigneur, vous ayant regardé de fon doux œil en pitié Se côpalfiôn, Se en la face &: doux
viairedefonFils. S'il luy a pieu donc de vous choifir parla grâce, Se faire participante
de fon Fils par la cognoilfance de là parolle, ia ne vous aduiénede perdre courage pour»
les perfecutions que vous voyez appareillées à ceux qui veulét viure en pieté félon le-
fus Chrift,maiscroyans&:cognoiîlàns que nous fommes deftinezàccla, de tant plus
nous faut-il eftrc fermes à la parolle du Scigneur,voyans qu'icelle eft accoplie en nous,
4}uâd nous fommes vitupérez Se affligez. Et pourquoytfl eft bien certain que c'eft pour-
ce.
Cjodefroy Jrf 4metlc_j. i pi
ce que nous croyons au Dieuviuant: carfiie vouloye confentir aue'c eux de croire en
leur dieu de pafte cuitte, hier aufsi tard qua huit heures au loir ils médirent que la
mort du corps me leroit garentie. le refpondy,quc quand i'y adhereroye,ceYeroit félon
la bouche qui parleroit,&: non le cœur -èc leroit feulement pour efchapper vue mort
parleglaiueouparlefeu:dont i'ofFenferoye leSeigneur contrema confcience, voire Refponfe
contre le fainft Efprit. Païquoy l'aime mieux fouffrirpluftoft mille morts,s'il eftoit pof- conftjntc«
fible,que renier mon Seigneur Iefus. l'aime mieux,di-ie, cftre dcfaduoué des hommes,
&: reietté d'cuxique d'eftre dénié de Iefus Chrift deuant l'on Pere &c toute la Cour cele-
fte. ^ Ils demeurèrent là commeayànsla bouche clofe,&: me firent incontinent a-
pres ces parolles rebouter en prifon. Celafut mis ehcores par efcrit,auec beaucoup
d'autres parolles que nous auions eu deuant. le voy bien qu'ils ont grande compaflion
de moy, les poures gens : &c auflî certes ie les regarde eh pitié quâd ie fuis deuant eux: &:
principalement en ma prière* priant pour eux'. Car la plus grande partie eft efpouùan-
tee de côdamner telles gens à mort:mais le,teimoignage de ceux qui m'ont liuré à eux,
les rend confus* ne fachans que dire:aufli le mandement de Cefar, duquel ils perdroyét
l'amitié. Il eft vrày que ie fuis maintehat en leurê mains, mais principalemet en la main
du Seigneur mon Dieu , lequel a tous les cœurs'des hommes en fa main. Et pourtant ie
me repofe fur luy , qui eft tout-puiflantj attendant fa bonne volonté, ainfi qu'il luy plai-
ra difpofer de moy : m'alTeurat bien, de ce qui peut aduenir, cjiie rien ne permettra que
ce ne foit tant à l'honneur &: à la gloire de fon nom , qu'à l'édification de fon Eglife , & à
m on falut. le m'efiouy &c m'efiouiray iufqlies au dernier foufpir,m'afleuran.t qu e Chrift
meferatoufioursgainàviure&à mourir. RefiouhTez-vous donc âuecmoy ,&difons
auec l' Apoftre, Grâces à Dieu , qui toufiours triomphe en nous par Iefus Chrift noftre
Seigneur. La grâce d'iceluy foit en vous multipliée, ornant voft re efprit de foy, defpe^-
rance &: de charité. Saluez tous ceux qui m'aiment. le ne me recômande pas aux prie- t.Cor.i.i4
res de vous tous, pourtant queienefày fi cefte lettre fera en vos mains deuant que ie
foye oftédecefiecle. Car hier le Chantre me dit; Puis que iene vouloye changer d'o-
pinion, feulement de la Méfie , qu'il falloit que ie fourTrifiTe:& l'autre iour deuat aucuns
de la îuftice me difoyent, que ce qu'on m'auoit tenu l'efpace de neuf ou dix iours, eftoit
de grâce, l'atten donc de iour eh iour &: d'heure en heure la mort . ôr h'eft-ce point la
mort que i'atten > mais c'eft la vie.
La fin &! .uorc h:ureufe duJic GoJefroy, attertee par gens dignes de foy.
f^JE Samedy vingttrolfiemeibur de Iuilletj m.d.lii, après que la fentence de mort
^fut prononcée, par laquelle il eftoit déclaré hérétique, ledit Godefroy dit ces pa-
rolles, Helas,non point hérétique; mais inutile feriiiteur de Dieu. Puis mettant les ge-
noux en terre, pria à haute voix : Seigneur Dieu , tu coj*noisléullacaufe pom laquelle
ie fuis condamné. Eftant venu au lieu du fupplice, parla allez long temps au peuple,
perfuadât vn chacun à croire en Iefus Chrift, h à mettre fa fiâce en luy feul: par la mort
& pafiion duquel auos rerriiflîon de nos pechez^par la foy en fon nom feulemét. Et par- pa! olies de
loitauec telle conftance que chacun en eftoit touché: de forte que les fimplesgens di Godefroy
foyent,N0Us ne fauons pourquoy on fait mourir vh tel homme;qui patle ainfi de noftre ^ra£ut U
Seigneur Iefus Chrift. Apres eftant fur l'elcliarraut il fe ietta à deux genoux, &: confefla
les article^ du Symbole Apoftolique: & comme il difoit IecroyanS. Efprit: k fuintte Eghfe
vniuerfelle : vn Chanoine de Tournay , nommé Charlar , luy dit , Eglife Romaine , Go-
defroy. Etilrefpondit, le rte croy quel'Eglife vniuerfeUe.Lors sJapprochâ de l'attache,
& cependant que le bourreau l'accoûftroit &C lioit de chaines, il djt , O Pere éternel, ef-
coute le gemifiement de ton poure feruiteur. Derechef Charlar luy dit, Recômandez-
vous à la vierge Marie, afin qu'elle l'oit voftre adubcate énuers fon F ils. Godefroy refpô-
dit, Mon feul Médiateur &C AduOcat, lequel eft intercédant enuers le Pere pour moy,
c'eft Iefus Chrift, auquel feul ie m'arrefte. Ces parolles dites, le bourreau luy voulat fai-
re quelque foulagement, s'appreftoit pourl'eftrangler: mais il le refufadiiant,Laiflc,
laifife, mon amy : ie veux enfuyute mâ fentence , comme elle m'a efté prononcée. Puis
Yefcria à hautevoix,Pere eternel,reçoy mô efprit en tes mains. Le feu eftat mis au bois,
il cria derechef,Pere éternel reçoy moy en ton royaume.Et au milieu des flammes ilex~
pira auflï paifiblement qu'en vn fomne naturel, la face eftant efleuee au ciel»
Liutc^M
Le re?nc_j du roy Edouard V L
CORNEIL VOL C ART, & autres éxecution Flandre.
N cemefmetehips seflcua vhegrande perfecutioh en Ja ville de Bruges
^ en Flandre, où furent appréhendez Corneil Volcart ,'orfeure: vn homme
Vègèt, HvîERT
^VHv b t r t Iniprimeur, ^Phiiè b e r t menuher: tous ceux-cy furent
!^_%Hrv exécutez pourvne mefme do£tnne du Fils de Dieu, &: moururent con-
ftans. knuiron ce mefme temps fut atiffi conftitué prifon nier en ladite ville, Pi er-
re t e Ro v x,lecjuel rendit bonne & ample confeffionde fa foy déliant ceux qui le
Condamnèrent. Il fut bruflé tout vif, glorifiant Dieu en fa mort:
HISTOIRE deschofès aduenues en CEglifedï Angleterre fom Edouard VI. roy ihnjlien.
M.DXir. Jît^^^fi O V S auons veu cy deuar comme les fidèles d'Angleterre agitez de diuer-
'iestempcftes&: perfecutions ont vogue fur mer tort dangereufe: voyons-
les maintenant arriuer à bon port fous le Roy Edouard , après le treipas de
, Henry VI II, qui leur auoitefté comme vn rocher de naufrage. Car ainfi
que la mer , aulïi les temps &: la terre ont quelque fois après la tempefte , grande tran-
quillité par le bénéfice du Seigneur. L'ordre donc des années requiert de dire quelque
chofe du règne de ce petit Roy , petit iedy quant àl'aage,mais grand déuant le Sei-
gneur, fous lequel l'Eglife a eu repos , ou pluftoft treucs pour quelques années . C e
roy Edouard y i , fut couronné Roy eftant encores au commencement de fon adole-
Edouard feenec. Etpourceque l'aagene perrnettoit qu'il gouuernaft le royaume, Edouard Se>
cm"' merduede Sommerfet fon oncle maternel, fut ordonné protecteur. Parfbn moyen
celle loy fanglante Des fix articles, qui auoit efté caufe de la mort de tant de fideles,fut
abolie toute la pui/Tance de l'EuefqUe de Vvinceftre tomba bas : lalefture des fain-
&es Efcritùre fut remife en liberté: èc les MefTes s'efcoulantcs petit à petit,le feruice di-
Uin commença d cftre eftàbly en langue vulgaire. Les commencemens , qui eftoyent
bien foibles, prindrent peu à peu àccroifîemcnt en ce qui concernoit la reformations
de l'Eglife. Les bannis, que les dangers aUoycnt chafTez bien loin, retournerétau pays,'
&: furent amiablcment reccus: bref, ily eut vn changement partout, onmit d'autres
Eucfqucs parles diocefes: ceux quieftôyent muets furent chaflez. On fit venir gens
f-T&Fa" &l,ans d'Alcmagne , comme Martin Bucer, Pierre Martyr &: Paul Fagius,tous trois
giuj. profeiTeurs en Théologie, defquels lehiiniftere auoit efté chaffé en la ville de Straf-
bourg après la réception d'vn Intérim baftard que TEfnpereurCharles V.y auoit fait in-
troduire. Martyr fut ordonné en rvniuerfîté d'Oxonc: & les deux autres à Cambrigc,
Des anciens inueterez Euefques qui auoyent efté depofez de leur eftat, aucuns furent
mis en prifon, les autres réduits à viure d'vne façon piiuec , comme du reng commun.
Boncr eaefquè de Londres,fut mis en la prifon de Marshal.Gardiner eùefque de Vvin-
ceftre,& l'cuefque de Dunelme furent mis eh la tour de Londres. Or , on peut reciter
pour chofe digne de mémoire, que iâ-foit qu'il yeuft plufîeuis Papiftes detrauez, les
vns fe retirahs du royaume à la defrobee , plufieurs diflîmulans finemét leurs mefehans
courages ^aucuns ouuertement repugnans : toutefois il h y en eutvnfculquiperdiftla
vie. Bref, durarît les fix ans de ce régné d'Edouard, l Eglife eut repos ; : les Ecclefiafti-
ques aimans la vraye religion iouyrent d'vne bonne tranquillité, tellement que rien ne
«- lcs greuoit : finon que trop grand' aife rendit plufieurs nonchalans &c oififs.Pour la reli-
a gaftérï- gi°n & Pour confefltoft defôy, nul né fut mis à mort, finon qu'vn nommé Thomas Do-
giife. bee, eftant mis en prifon le premier.an d'Edouard, il y mourut . &£ quelque tempjaprcs
deux autres furent bruflez:l'vn de Mayence en Alemagne, l'autre eftoit vne femme du
paysdeCantie : defquels, aflâuoir dé l'Aleman qui auoit nom Georgc,&delafcmmc
nommée Ieanne,riôus ne ferons icy autre mention: d'autant qu'ils eftoyent chargez de
kÏasdÔ ^nir quelques opinions eftranges: mais quanta T h om a s Do b f. e, d'autant qu'il a
bee. maintenu l'Èuangile, & qu'il eft mort en prifon fur vnèiàm&e ^uérelle, nous en dirons
par forme de récit ce qui "s'enfuit,! l auoitefté bouïfierducollegedeCambrige,&:a-
près qu'il eut heureufement employé fa ieunefle, aux bonnes lettres , il fut ordonné ré-
gent au collège dé faintte Marguerité, lequel auoit efté fondé par Marguerite meredu
ro/
^Touchant* k *I)ut de Sommer [et. rjx
roy Henry, & dcdie à fainft Ican l'Euangelifte. Il eftoit en fore bon train, pour faire pro-
fit, s'il n'y euft eu empefehement. Il aimoit vnc fille , qui eftoic demandée par d'autres
de ce melmc collège, gens de vie diffolue : l'vn sappeloit Pindar, le fécond Huthchyn-
fon, qui fe fit Prcftre fous la royne Marie,&: retourna à la Meffe, &: fît ie ne fay quel liure
de la Trinité :1c troifîeme auoit nomTaler. Ces trois garnemens piquèrent Dobee
(qui eftoitd'vn naturel paifible ) de façon fioutrageufe, qu 'eftant contraint dequitter
fi place &: la pcniîon du collcgc,fc retira à Londres : ou citant vn iour entré au temple
de faind Paul, voyant vn Preftre qui leuoit ion dieu de farine , fe tourna vers le peuple,
pour deftourner d'idolâtrie ceux qui làeftoycnt ,remonftrant que ce qu'ils adoroyenr,
c 'cftoit du pain,&: non point Dieu,& leur déclara le vrây vfàge des Sacrcmcns. Incon-
tinent qu'il eut dit ces parolespubliquementdedans le temple de fainct Paul: le faict
eftant rapporté au Maire de la ville, &£ a larcheuefque de Cantoi bie , on mena Dobee
en prifon, où peu de iours après il mourut > foit que ce ruft de maladie , ou d ennuy. S'il
euft vefeu quelque peu de temps dauantage, on eftime qu'il euft efté remis en liberté.
^^VANT àIeannedeCantie,lesEuefques Euangeliqucs auoyent concludela ie..nnedc
^^^Jfaire mourir.Mais vn amy familier de Iea Roger^qui pour lors lilbit publiquemét CiatK-
en Théologie àLondres au temple de S.Paul,s'adrefTa audit Roger &: le pria inftâmcnt
d'éployer fon crédit enuers larcheuefque de Cantorbie,à ce qu'il reprirnaft l'erreur de
cefte femme,&: qucla vie luy demeurait faune: luy rcmonftrât que pofsible on la pour-
roit réduire auec le temps. Et pour obuier qu'elle n'infectaft perfonne , qu'oh la lequc-
ftraft en prifon,arriere de la compagnie des infirmes. Roger demeuroit d'aduis, qu'en
luy oftant fon erreur,on luy oftaft aufsi la vie. Qupy voyant ceft amy luy dit , S'il eft ainfi
ordonné de lui ofter la vie auec l'erreur , au moins que ce fuft d'vne cfpece de mort qui
refpondcàla debonnaircté Euangelique. Roger dit, Le tourment que les hommes leaRog.
endurent quand ils fontbrurtez,pailetantoft. Ceft amy oyant cefte parolle,prin't la ^ jtaL
main dextre de Roger:&: efmeu d'ardeur d efprit,en la {errât tant qu'il pouuoit , lui dit,
Or fus,il pourra vn iour auenir qu'on vous fera fentir la force d'vn tel bruflement. De-
puis fous la perfecution de la royne Marie, Roger hit le premier brufîé, comme H fera
recité en fon lieu. On dit prefque chofe femblablcde Hunfroy Midelton , lequel e-
ftant détenu prifonnier auec d'autres l'an dernier du règne d'Edouard: rarchcuefque
de Cantorbic auec fes compagnons inquifiteurs ■■> en faifoit l'inftance , ainfi que ces po--
urcs prifonniers cftoyent en iugement public prefts à eftre condamnez , Midelton dit, L*™2~\
Monfieur le reuerend, ordonnez & faites de nous ce que bon vousfemblcra: mais ne l Arck.
dites pas cy après que cecy ne vous ait efté prédit : le vous dénonce que vous aurez vo sue CrJ
ftre tour. Et ainfi aduint. car après que le bon roy Edouard fut mort,ledit Archeuefque
&: autres furent aiprementperfecutez.
TOVCHANT U Seigneur E Jouard Semer , duc de Sommerfct , Protecteur du roy Edouard h du royaume
d'Angleterre.
^ijf-^E roy Edouard n'ayant ne pere nemere,auoitdcuxGncJesdcparfamere,aiTauoir !
^^Edouard & Thomas Semer , frères, l'vn luy fut ordonné Protecteur ; l'autre fut Thcmï
tait admirai de toute la mer. Tandis qu'il y eut amitié ferme entre ces deux frères , te- Scmu.
nans bon contre les ennemis de la Religion, le Roy demeura en profperité ,&: la Répu-
blique paifible. Mais ce repos ne dura gueres : quelques langues venimeufesfemans
matière de difeord entre eux, firent cju'apres les mauuaifes opinions &: foufpeçons , ils
commencèrent à conecuoir inimitié l'vn contre l'autre. La chofe vint iufques là, quele
Protecteur permit que fon frère l'Admirai faufTement accufé&i innocent (commede-
puisaeftécognu ) ait eu lateftctrcnchec. Delà aduint quele Protecteur luy-mefme,
qui n'eftoit pas des plus fins , &: le Roy qui eftoit encore bien icune , furent plus facile-
ment expofez aux déceptions des hommes fins &: cauteleux. Iccux voyans qu'il n'y a-
uoit rien qui empefehaft leurs entreprifes que la vie du feuj oncle du Roy, ils forgèrent
des crimes contre luy , qui eftoyent (quand ores ils euffent efté vrais ) de bié petite con-
fequence, &: tels qu'vn homme, voire de la plus baffe condition,n'en euft point elle en
danger de mort félon les loix. Ils trouuercnt moyen de le faire mettre prifonnier en la
tour de Londres:& nonobftant il en fortit,fe déportant de l'adminiftration , &c gouuer*
ncment qu'il auoit du Royaume.
Mais cefte liberté ne luy dura pas beaucoup: car deux ans après il fut derechef mené
K.ii.
LiUft^ ïîï- Touchants Iz^duc Sommer/ tf.
en la mefmc prifon , au grand regret de toutes gens de bien : &: ainiî que le duc de Noi
thumberland gouuernoit le royaume ,il eut la tefte trenchec , vn peu deuant Je trcfpas
du roy Edouard . n'y auoit lors prefques homme de bon jugement en Angleter-
re, qui n'entendift que ce ne fu lient cy des prefages &c préparations à la mort du Roy:&:
ncantmoins il n'y auoit perlonnc qui vouluft mettre la mainàlabcfongne, pour don
neriecoursau royaume. Tanteftoycnt defpourueus de fens alors tant les grans feï-
gneurs que les officiers &: gens de iuftice de la ville de Londres. Et de làj comme d'vne
fontaine, eft procedee vneli grande mer de calamitez. dont cyapresles effeds feront
demonftrez; Maintenant il nous faut parler de la mort de ce noble duc de Sommeriez
&: des parolles qu'il dir.d autant qu'il fembie bien que ce faict n'eft point Tans vn iïngu-
lier miracle* qui touche grandement le profit de l'Eglife. Il ne fera rien ici dit fans bor*
tefmoignage:car ce récit eft extraiddes lettres d'vn Gentil-homme de bonne marque,
qui non feulement eftoit prefent au Ipedacle de la mortunais qui plus eft, bic n pies du
Duc fur l'efchaffaut, &: fort attentif à tout ce qui le faifoit. Le récit defdites lettres por-
toitenefféetee ques'eniuit. ^"L'an du Seigneur m. d . l i i, le vingtdcuzicme lourde
Ianuier, & le fixicme an du règne du bon roy Edouard , qui eftoit encore ieune &£ fous
Sommerfec tuteurs : Je duc de Sommerfet, fon oncle , eftant amené hors de la tour de Londres , fut
fupjlicc. mis entre les mains des Efcheuins de la ville , félon la façon accouftumeerenuironne d'-
vne grand' troupe de gens armez , lefquels on auoit pris tant de la garde du Roy que d'-
ailleurs : de là fut mené au lieu où fefchafraut eftoit drelTé , pour le faire mourir. Là ce
Duc doux &: débonnaire ne fît aucun femblant de refiftence , ne de voix , ne de vifage,
ne de la bouche : ains monftroit vne mefme face &: regard , comme on luy voyoit ordi-
nairement en famaifon. Premièrement il mit les deux genoux en terre, &c quant &c
quant leiiant les mains, & lesyeux au ciel, pria Dieu. Et après a.uoir achcué fa prierc,ii
fcleua derechef, &fe retira paifiblement au cofté de l'eichafraut regardant vers l'O-
rient: &: a utant que ie peux eftimer ( comme eftant au milieu de l'efchaffaut conlî-
derant diligemment tout ce qui fe faifoit)il ne fut onques erroné pour le regard du glai-
ue, ne pour la prefence du bourreau, ne pour l'image hideufe de la mort, mais comme-
ça à parler au peuple en cefte forte: M e S amis&leigneursbien-aimez, ie fuis icy a-
mené pour endurer la mort: fans auoir rien commis contre le Roy , ne de parollcne
de faift j m'eftant porté fidèle ehuers la République autant que nul autre. Mais puis
queiefuis condamné à mourirpar les loix&: ordonnances, ie confelfc franchement
que i'y fuis fuier aufli bien que quclcufi des autres. Parquoy ie fuis icy preft à endurer la
mort , pour déclarer deuant tous &c rendre tefmoignage de cefte obeilfance que ie doy
aux loix : à laquelle mort ie me fubmets de bon gré & volontaircmét. Et comme ie fuis
mortel,auflï ay-ie mérité en beaucoup de fortes deuat la maiefté deDicu non feulcmét
de mourir cefte fois ,aihsaulîi plulieurs. Mais il apleuainlià cePerè trefclemcnt &c
bénin , lequel autrement pouuoit d'vne mort foudaine accabler &: opprimer tous mes
fens , &£ faire que ie n'euife aucun loilir de le bien cognoiftrc , ne moy-mefmc : &: main-
te^tent il me donne le loilir 6c de me repentir & de le recognoiftre . pour cefte raifon ie
' luy ren grâces de bon cœur, & comme il le mérite. Outre cecy iayencorcs quelque
choie à vous dire, mes amis: c'eft touchant la religion Chrcftienne, de laquelle ie peux
dite, que i'ay fait ce que i'ay peu, &: procuré diligemment que vous fuflïez purement
entretenus en icelle, tantquelapuifTanceaeftéen mes mains. Et certes iene me rc-
lUfiouiflân pen point de cequei'enayfaict.pluftoftïeprende làoccaiion,&:plus ample matière
ccfainfte. de me refioùir, puis que maintenant on voit que l'eftat delà Chrcftienté approche de
plus près au patron &c original de la primitiue Eglife. Tant s'en faut que faye quelque
regret de cela , que i interprète que c'eft vn fingulier &: excellent bénéfice que vous &C
" moy auonsreceude Dieu, vous exhortant degrande affection, &: vous priantde tout
mon cœur , qu'em braillez à bon efcient& aucc humble rccognoilfance,ce qui vous eft
propoféauec reformation autant diligente qu'ilaefté poflïble,& que ledemonftricz
ouuertement en toute voftre façon de viure. Et 11 vous ne le faites ainii, il ne faut nul-
lement douter que ne tombiez en plus grans dangers. Qv^and il eutainfi parle, les/
cœurs-de tous les afliftans furent faifis d'vne frayeur , &: laquelle on ne pouuoit pas bien
expliquer , & en vn inftant on euft là ouy vn bruit, &: comme vn cfclat qui aduient fou-
dain, comme d'vn orage ou tourbillon, tout ainfi comme fi le feu s eftoit prins en quel-
que quantité de poudre à canon enfermée dedans vn armoire, qui feroitvn bruit vé-
hément,'
tfiftoire deh mort du duc Somtnêrfet. îpj
hcmcnt icttoit tout foudain vne grande flamme. Aucuns penfoyent que ce/toit
vne grande compagnie de gens decheual,qui couru/Tent de toutes parts pour fe îet-
ter fur ceux qui eftoyent Jà affemblez . &C la (bit qu'ils ne viifcnt rien , toutefois les oreil-
les leur tintoyent , comme s'ils eulfent ouy vn tel bruit. Dont aduint que prelquc tous
ceux qui eftoyent là pour regarder, s enfuyreht les vns d'vn cofté , les autres de 1 autre,
combien qu'il n'y euft nulle occa/îon apparente, ny aucune violence faite, ne mclme
nul qui fiappaft . plufieurs enoyent, Seigneur Icfus, lauue-nous . il y enauoit auflî qui
ne bougeoyent de leur place : mais 1! s ne fauoyent où ils eftoyent . Cefte confuiion
eftoit grande de foy : l'vn difoit d'vne forte , l'autre d'vne autre, félon qu'il y auoit dt s o-
pinionsdiuerfes, félon lefquelles vn chacun feforgeoit quelque danger. I. Foxus(tef-
moin de ce récit) eftant là prefent, ne fut pas moins eftonné que les autres : car il fc fen-
tit tout cfperdu en fon elpnt , comme attendant que quelcun le vint maiîacrcr d vne
malle d'armes. ^ En ces entre faites le peuple apperceut vn nommé Antoine Broum,
qui eftoit monté à cheual,& venoit vers l'cfcharfaut.cela donna encore nduuelle occa-
iion de crier. Car voyans venir ledit Broum, ils penferent vne choie dequoy il n'eftoit
ricmlaquellc toutefois tous deiiroyent de grande aftechomafTauoir que ce fuft vn mef-
iager que le Roy euftenuoyé pour apporter la grâce à fon oncle. Pourceftecaufeily en
eut aucuns qui crioyent, Grâce, Grâce: les autres, Viue le Roy: les autres, Dieu garde Faueur du
le Roy , & parolles femblablcs. Or combien que ce bon Duc fuft deftitué de tout par- PcuPlc-
don des hommes, toutefois il oyoitauant que mourir, aiTauoir comme prefque tous
l'aimoyent &: luy portoyeht faueur. Et ne fauroit-on dire que pour la mort de quelque
autre Duc il y ait eu tant de larmes iettees, que pour ceftuy-cy:combien qu'il y en auoit
eu plufieurs defFaits en Angleterre. Et cela ne fut point fans bonne caule : car en la
mort de ce Duc tous voyoyent tomber bas la tranquillité publique d'Angleterre. ^Et
pour retourner au premier propos, le Duc cependant ne bougeoit de fon lieu où il e-
ftoit , Se faifoit figne de fon bonnet au peuple , que tous fe tinifent qupis : &c cela fait ,il
parla ainfiàtous;
Mes amis, rien ne fe fait icy de ce que vpusauez malpenfe'. Ilafemblé ainfi à no-
ftre bon Dieu , à l'ordonnance duquel c'eft bien raifon que nous obeilfions &C vous &:
moy. le vous prie que fuyez paihbles , fans efmouuoir aucun tumulte . & de moy il y Remon.
a défia long temps que ie iùis paiiible en mon coeur. Maintenant donc, faifons prière à q™c^4
Dieu tous d'vn cœur pour la profperitë de noftre louuerain Roy , auquel ie me fuis mô- pCUpic,
ftre iufques à prefent fubicft fidèle &c obeifTant* autant que nul autre , en tous fes af-
faires, au temps de paix & de guerre :& d'autre part aimant fon profit, &:l'vtilité pu-
blique de tout le royaume A cecy le peuple refpondit que c'eftoit chofe trefuerita-
blc. Il y en auoit auflfi qui crioyent à haute voix , Nous le fauons trefbien. Alors le Duc
pourfuyuant fon propos ,dit , le délire à fa maieftë longue &: bonne fante& ioyeufe,a-
uec abondance &: félicité de toutes chôfes,&: que tout bon-heur luyibit enuoyédc
Dieu. Et le peuple refpcndit , Ainfi foit-iL Outreplus, ledefire que Dieu face grâce
â tous fes Confeillers, à celle fin qu'ils adminiftrent toutes chofes iuftement &C droite-
ment. Rendez-vous obeiflàns à eux , dequoy ie vous exhorte affeclueufement au nom
de noftre bon Dieu : ce qui vous eft neceifaire , &: d'autre part grandement vtile pour
maintenir la profperité du Roy Orpoùrce que par cy deuanti'ay eu affaire à plufieurs
gens &: de beaucoup de fortes , & que c'eft chofe difficile de complaire à chacun : s'il y a
quelcun d'entre vous à qui i'aye fait quelque ofTenfejfoit defai&oudeparolle, iele
iupplie qu'il me vucille pardonner.& principalement ie demande pardon à Dieu, com-
me celuy que i'ayoffenlé par deiTu s tous en ma vie. Et au furplus, ie pardonne de bon
cœur à tous ceux qui m'ont ofFenfé. Cependant ie vous prie &c fupplie que vous-vous
portiez paifiblement. Gardez que par voftre tumulte vous ne fufeitiez aucune fafchc-
rie: en quoy finalement vous n'auriez pas grand plaifir,& encore moins de profité
que fi vous faites quelque mutinerie , vous ferez caufe que, i'auroye plus grande fafche-
rie. Outre plus, ie defire que vous me foyez tous tefmoins, que i'atten icy la mort en
la foy de noftre Seigneur IefusChrift- cependant ie vous prie de bon cœur que vous
priez Dieu pour moy , que ie demeure ferme en cefte foy iufques à la fin.
C 1 1 a dit il fe tourna,& fe mit àgenoux.Et lors le fieur Cox luy preféta vn petit billet1
K.iiî.
Lïtm^jlll* Fftfioire de la mort du duc dc.^ Sommer [et.
de papier en la main , où ily auoit vne bricfue confc/Tion qu'il faifoit à Dieu. Ayant veu
ce qui y eftoit efcrit,il fe leua derechef debout (ans qu'il cuit ou le corps ou l'cfprit trou-
f le, autant au on pouuoit iuger: &C dit le dernier A -dieu , premièrement aux Efcheuins
delà ville, puis au Capitaine 6: gouuerncur de la tour de Londres , item au iicur Dyar,
bc au fieurBrok: &: donna la main à tous ceux quiclloventlur l'efcliafraut. Il bailla ai!
bourreau quelques pièces en la main. .A près qu'il eut fait tout cela, il fe defpoudla de fa
robbe: &c s't liant derechef iiiis a genoux, luy mcfmedeflia les cordons de fa chcmifc.£:
lors le bourreau abbaifla tout le bord qui clloit à l'ctourdu col , puis clla les autres em
j elchc mens tant de fen lave que de (on pourpoint , àeclle f n que rien n'empefehaft le
coup: ainlî tout le coi luy demeura nud. Puis l'a face fut couucrtede Ton propre mou-
choir . &i ayant ainfi les yeux badez, i! ellcuoit toujours les mains au ciel, où il auoit l'on
rccours:&s'cnelina toutpaiiibîemcnt. Apres qu'il fe fut couché, encore le fit-on lcucr
derechef>ou pourCe que la natrequ'il auoit fous les genoux, clloit plus haute que le bil-
lot, oupource que fon hoiqueton n'cftoit pasa/Tcz baille, on luy fitdefpouillcr: 2c
ccfiit, il mit le col furie billot inuoqua le nom delefus par trois fois, difanr, Sauue-
mov,Ô Seigneur lelus.&: ayat encore le dernier mot Iefus en la bouche, Je bourreau luy
au alla la telle tout d'vn coup. Et en celle forte ce bon Duc mourut en noflrc Scigneur
Iefus, &" maintenant il repole douce ment en la paix de Dieu,duquel il s'elloit mcnftrc
excellent organe quand il viuoit -, en procurant l'aduancement de l'Euangilc. C'cll-cy
la pure vérité de la mort du duc de Sommcrfet , quelque autre récit qu'on en puilTc fai-
Mœnrs<îe re. ^ On peuticiadioufterquelquechofedefesmœurs:ilatou/ioursmcnfl:re vneex-
Sciucrict. qU jfc douceur &: bénignité > combien qu'il fud eleué en grande profpcrité. Il a volon-
tiers ouy les caufes des poures fupplians , aufquels il n'a refufé de faire iuftice. Il clloit
grandement adonné au profit commun de la Republique, en laquelle il cull conflitué
vne forme parfaite auec le roy Edouard, fi tous deux eulfent vefeu. Il nelloit point far-
dé, ny outrageux, ny ambitieux. Il clloit d'vnc nature paifïble , n'appetant point ven-
geance: plus propre à eftrcdcceu, qu'à deccuoir autruy. I csnouucaux honneurs ne
luy ont point fait changer l'amour qu'il portoit à la vraye Religion &C à l'Euangilc. Et
l'a-onccgnu autant vaillant &heurcux en guerre, que doux& humain en temps de
î .i ««erre pajx< Entre autres fai&s heroiques , il monflra cela en l'expédition qu'il fit contre les
tn u ÂT Efcolîois,où il y eut pi es de dix mille hommes tuez de fes enncmis,&:de les gens àgrâd'
iJU flbij. peine y en eut-il lix cens. Ync chofe a cmpefchc fon bon renom, qu'il fe laifla trop faci-
lement mcnei à confentir à la mort de fon frère l'Admirai , qui eftoit vn fort bon per-
fonnage.ee qui ne fut point fait fans la rufe de quelques mefchansgarnemens. Cefaict
feul, comme foui ce de tout fon mal, l'a mis bas, &t le Roy depuis, &: tout le royaume.
fOw fepotirroitelbahir comment s'eftfait cela , que le Roy ne retira fon oncle de la
mort. La raifon eft, pouree que lors il y auoit au ffi grand dager pour le Roy mefmc, que
/tmbition pour fon oncle: fans cela il n'y a rien qu'il eufl fait plus volontiers. Car le ducdcNoi-
orab^rTiJh thumberlanddominoitlors d'vnefaçon fort cllrange,& toute la nobleiTe tremblcit
fous luy, de telle forte que nul n'ofoit ouurir la bouche pour fupplier pour le duc de
Sommerlèt : & mefme le Roy, qui eftoit encore fort ieune , ne le peut deliurer. Ce que
le Roy déclara depuis alfez ouuertement : aflauoir quand aucuns des plus apparer.s &:
grans feigneurs de la Cour furet venus vers luy faire quelque requclle, il refpôdir,Mais
nul n'a voulu prierpour mon oncle. ^En tr e les argumens qui font pourmonftrçr
comment il clloit aimé, ccftuy-cy eft grand,qu'aucuns trempèrent leurs mouchoirs en
fon fang , &C les rapportèrent ainfi en leurs maifons.il y eut vne femme entre les autres,
laquelle vn an après la mort de ce Prince , lors que le duc de Northumberîand , vaincu
par la roine Marie, eftoit mené prifonnier en la tour de Londres , vint au deuant de luy
en pleine rue, & luy monftra vn couurc-chef teint du fang du duc de Sommerfc:t,& luy
dit ainii, Voicy,voicy le fang de ce bon Duc oncle du Roy, qui a efté eljpandu par voftre
niefehante cruauté , Se maintenant crie vengeance contre vous. Northumberîand o-
yant cela,&autrcs reproches des citoyens,defquels il eftoit affailly de toutes parts,def-
chira fes veftemens , & de honte baiftala face contre terre , fe fentant puny à bon droit:
duquel (comme d'vn miferable ambitieux ) la mort fera cy après défa ite en fon lieu.
GVIL-
G wltattmt-t G ar dîner* ip 4,
GARDINE K,m Portugal
Entoutle difco'.irî de ces hiftoires des Martyrs on ne trouuera point qui plus vertueûIcmentlitpôrtélaetuixdaSeignetiE,
que ceftuy-cy:pour les circonlt :nces de Ion aage,du temps du ii£ù;dcs perfonnes aufijucïles il s'adfefloit pour, I'fllufrra-
tion -le PEuan^ile.Or ce fut en Portugal deuant le K.oy auec telle* cruautez,<jue la mémoire fert pour le iourdliuy d'e
xemplc aux Portugalois;
ÇCS^Q 'ANC LETERREle Royaume de Portugal, nous appelle à fuyurc MDLn
^ 't ordre de la periècution,quiafbn cours &eftenduepar tout;Etc-
l| S-îS^^ c^ i'occafi°n de Guillaume Gardiner, Anglois broflé à Lifbonne ville
!gd§èÉI^ principale de Portugal , l'an m. d . l i i. ieune homme, digne non feule-
ment deitre conféré aux plus cxcellens Martyrs de noftre temps ,jmaisauffi de- L'excellécc
ftre mis.au reng des plus îlldilrcs qui ont iadisfoufrertpourle tefrnoignage de vérité: ^rccMar~
foit qu'on regarde la confiance requife en vn fidèle, foit qu'on considère la rigueur &Z
cruauté des tourmens &c fupplices accouftuirtezd'eftre propofèz à tous Martyrs ioufte
nans la querelle & parolle de Iefus Chrift.U fur natif de Briftol en Angleterre, ville ma-
ritime, &C marchade après Londres plus que ville de tout le royaur ne:d'vne maifon hô^
nefte,bcau de vifage,& de corpulence mediocre-.accompagné au tfefte d'vnc tant hon-
nefte grauité &: modeftie,qu'elle pouuoit tcimoigner vne integritré grande du dedans.
Outre ce luftre naturel qui fut en Iuy,il eut vne médiocre cognohTance des lettres.^E-
ftant paruenu en aage propre poXir s'inftituer vn certain but &: manière de viure, il Gardiner
choifit la marchandile:&: de faid fe mit auec vnfurnommé Paget, marchant dudit m"ciaai-
Jieu de Briftol de forte qu'enuiron l'an x x v i. de l'on aage, fut enuoyé par forimaiftre Lisbonne,
en Portugal, &: arriué qu'il fut à Lifbône, il s'y arrefta quelque teps pour le fai£ de mar-
chandife: &C y demeura tant, qu'ayant appris la langue du pays &: les mœurs de ces gens-
la,il fit fes affaires &: ceux de fôn maiftre,voire de plufieurs autres,en toute forte de traf
iîque concernante l'eftat duquel il femelloit . Et traffiquoit tellement aùec les eftran- î*'1^ dt
gers,que fur tout il fegardoit fort de polluer la religion Éuagelique(en laquelle il auoit
efté nourri en Angleterre ) par la fuperftition des Portugalois n'autres. Il y auoit lors
à Lifbonne allez d'autres Anglois gens de bien : auflï y trouuoit-on des Bibles &. iiures
delafain&eEfcriturc: outre il y auoit a/Tez bonne compagnie d'honneftes gens qu'il
frequentoit ordinaircmcnt,lcur defcouUrant bien fouuent fon infirmité par beaucoup
de doléances &c regrets qu'il leur faifoit,difant qu'il fe fentoit fort peu touché du fen ri-
ment de fes péchez, &: du zele delà parolle de Dieu. Cependant on faifoitgranspppa- Nopcrs du
rcils pour les nopees du Roy &:delaRoine, quefedeuoycnt fairele premier iourde ^toyc&^oyr
Septembre. Lequel iour eftant venu , y eut grande compagnie de Seigneurs,&rr de gens tugaJ.
de tous eftats . aufsi s'y trouuerent quelques Euefques auec leurs mitres , &: Cardinaux
auec leurs chapeaux rouges, pour faire hôneuraufeftin.Pour le faire court, les nopees
furent faites auec tant de magnificéces&: fanfares, qu'il neftoupofsibledeplus. Tou-
chant Gardiner,combien qu'il ne fift pas grand eftat de toute cefte pompe, toutefois
eftant induit du bruit qui eftoit de l'excellence de Ges nopocs,&: de ce qu'il en voyoit, il
voulut bien s'y trouuerfpe&açeur entre tant d'autres. A iniï doneques il s'en alla de bon
matin au temple pour y eftre d'heure ,& pour mieux voir le tout: & s'y trou ua propre-
ment au temps qu'il falloit.Orvoicy arriuerau temple la noble-fle. le Roy marchoit le
premier,les Eftats & toute la Cour venant apres:fi que tant plus la dignité dçsperion-
nes eftoit grâde,&: plus les cérémonies furent aufligrandes&folennelles.Eftâs.unfi les
chofes ordonnées, on vint pour ouyr la Me/Te (car c'eft celle qui fert à tout) laquelle fut
célébrée par le Cardinal auec orgues &mufique de toute forte . Le populaire alîiftoit
auec toute la deuotion qu'il luy eftoit poflible, priant &i barbotant, frappant fa poi&ri-
ne à la façon du pays,& regardant piteufement le leruice du dieu de pafte. Ce ieune n"^1*"
homme voyant cela*fe trouuainerueilleufementfafché&eftônfjtantpourl'abfurdité îourfrù n.
du fai£t,côme pour la ftupidiré &: rudefle de ce peuple,mefmem en t que lcRoy &; tât de d°latric du
fages gens de fa Cour eftoyent menez de la mefme idolâtrie que le menu peuple. De fa a cour. °
çon que peu s'en fallut que ce mefme iour il ne fift quelque chofe en la prefence duRoy
&detouteralïiftenceidignedememoire:ainfîque véritablement il euftfait,n'euft e- Gardiner
fté qu'il ne pouuoit pafferiufques à f autel,à caufe delà grande preiîc qui Icgardoit de yj^faf*
approcher.Cependant qu'il contemploit ce fai&,en quelle peine &c perplexité eft-ilà
penfer qu'il foft^ie fâchant que faireîCar qu'eft-ce qu'il euft faitîfuft-il forty d u tem pic?
K.iiii.
i: demanic
tonfcif
ÏÀPtrc^ltt. Çuilîaum^ (j aràiner martyrise en Portugal
il ne pouuoit à caulè de la foule du monde qui y eftoit:fe fuft-il rué fur celuy qui difoit la
Meife?encore le pouuoit il moihs,àcaufe de la honte & reuercncedu lieu où il eftoit.
Qu'euft-il donques fait?euft-iï crié après vne telle abominationril ne pouuoit faillir d'e-
ftrebien-toft rnaflkcré.Se fuft-il teu?helasl il craignoit lapunicion& vengeance de
Dieu.Brcfjle feruice fait, il f 'en retourna en fon logis tant perplex &C troublé,quc fes cô
pagnons en furent tous efmerueillez.Et combien qu'ils fe douta/Tent aucunement de
lacauledefatrifteiTeitoutefoisilsnefauoyentpoint lagradeurdurhal&: angoiife que
S.perfonnageauoitconceu en fon cceur.AufsiilnedefcouuroitàperfonheibndeiTcini
D>eU de « ains fe fequeftrat de toutes côpagnies,&: fe profternat en terre auec effulion de larmes,
Turc.^ contrifte d'auoirainfifailly à faire ce queledeuoird'vne fainde afFe&ioii luy cofnman-
doit, délibéra comment que ce fuft,de reduire,au moins d'aduertir ce poure peuple d -
vne telle fuperftitiô&: impieté : ce qu'il fit Son efprit donceftant refolu en cela, & qu'-
il ne falloir différer fon entreprife , il print pour la dernière fois congé du monde : &: fît
les contes tant de ce qui luy pouuoit eftre deu,comme de ce que luy mefme deuoit: &c
les liquida fi proprement, qu'il contenta ceux auec lefquels il traffiquoit. Cela fait,il ne
fît autre choie tous les îours que prier &: inuoquer Dieu,&: méditer fa fainîte Efcriture:
mangeant à grand' peinefeulement vne fois le iour,& bien peu : dormant aufli peu la
couchoit: mn^>n aYanc au P^us Jllle deux heures pour dormir:ainfi que Pendigrat en a donné tef
uecGardï moignage,eftant logé en vn melmelogis,&: couché en mefme lift auec luy.^Le Dima
esr- chefuyuanteftantvenu,auquelon deuoit vfer de pareille magnificence * Gardincrfe
trduua au temple de bon matin, accouftré le plus fomptueufement qu'il peut , comme
il auoit défia proietté en fon efprit:afin que par le moyen de tel equippage il peuft de-
mourer près de l'autel .Et ne tarda gueres que voicy venir le Roy auec fa garde, &en-
trerdedâs le temple. Gardiner fe ferra Se tint le plus près de l'autel qu'il luy fut poflîble,
ayant le nouueau Tcftament de noftre Seigneur, &:lifant dedans iufquesàce que lé
temps auquel il deuoit exécuter fa deliberation,fuft venu. Le Cardinal commença à dî
relaMelîe: Gardiner ne fe bouge. Le miffificateur facrifia, confacra', leua le plus haut
qu'il peut fon facrement :encore ne fe bougea Gardiner.Finalemcnt le Cardinal vint à
l'endroit de la Mefle,auquel tenant l'oublie en l'vne des mains^cV: le remuât fur la plati-
ne,lacontournoitd'vncofté&: d'autre. Là Gardiner ne pouuant plusfoUrfrirfi grande
Vcrtn&ir.a impieté,s 'adreifa promptemét vers le Cardinal.&:(qui eft la caufe prefque incroyable)
chr'iutne en la prefence& veuc du Roy &: de toute lanoblcife de tous les Eftats, arracha d'vne
de Gardi- main le dieu de pafte,& marcha foudain delfus.-de l'autre il réuerfa fa platine. Cela eftô-
»cf- na tellement toute l'afiemblee de prime facc,que le peuple fe mit à faire vn bruit &: tu-
multe fi grand que le Cardinal en deuint tout eftonné & efperdu. La nobleife inconti-
nent de courir-lus à ceft homme auec le menu peuple, fi que l'vn d'entre eux mettant
la main à la dague,le bleffa bien fort en l'efpaule:& reprenant le coup l'euft fait mourir,
n euft cfté queje Roy cria par deux fois qu'ô ne le tuaft pas.Àirtfi il fut pour ce coup de-
liurédelamort. ^ La fureur populaire eftant appaifee, iln.it menédeuantleRoyrle-
quel l'ayant interrogué de quel pays il eftoit ,& de quelle audace il auoit attenté de
faire ce tort à fa m^iefté , & au précieux facrement de l'eglife, refpondit ainfi-.Roy tref-
illuftrejien'ay point honte de mon pays, moy qui fuis Anglois &: de nation & de reli-
gion :& (uisparty d'Angleterre pour venir icy traffiquer au fait de rharchahdife,&
Voyant telle idolâtrie en vne côpagnie fi noble &: excellente,ma confeience n'a ne peu
ne deu iouffrir ne différer plus outre ce que i'ay fait deuant voftre maicftéxe que tant
s'en faut que faye faitoupourpenfé pour faire la moindre iniure à icelle voftre ma-
ieftè , que mefme ie veux bien confefTer deuant Dieu , que ce que i'en ay fait a efté
pour le falut de voftre peuple. Ç Eux entendans qu'il eftoit Anglois, &c fachans bien
que le roy Edouard auoit mis bas la religion du Pape, ils foufpeçonoercnt inconti-
L'inrltion nent que c'eftoit quelque gentil-homme qui auoit cfté fuborné des Anglois pour fe
& caufe du moquer de leur religion . ce qui les incita dauantage de vouloir fauoir qui le pouuoit
fGir auoirefmeu d'entreprendre chofe iï audacieufe. Luy refpondant les pria de ne feper-
fuader vn tel mefehefimais que fa feule confciécel'auoit pouffé iufques là: & qu'autre-
Remon mcnc ^n V auoit homme en ce monde,par lequel il peuft eftreinduit de faire tela£tc,&
ftntjcede fe précipiter en tel danger,que c'eftoit vndeuoir qui l'obligeoit premièrement à Dieu
Gardiner. & pujs a délirer leur falut.Que s'ils en reccuoyent quelque defplaifir, cela leur deuoit e-
ftre pluftoft imputé qu'à perfonne : veu qu'ils abufoyent de la Cenc de Iefus Chnjft fi
mi-
(juillaumtj Gardiner marUriXc^ en Portugal i ps
hiiFcrablement,mettat-Fus vne grande idolâtrie au deshonneur de Iefus Chrift,&: igno
)iiiniede touterEglire:pourlacorraptiohdesSacrernensî & auec vn danger euidéc de
leurs confciences,s'ils ne s'amehdoyent é f Parlant ainfi d' vne vertu fiç confiance bien
grande,ilFedebilitoit Fort pour la perte du Fahjg qui degputtoitdefaplaye:maison le
prouueut de chirurgiés,à ce qu'eftat guery (fi Faire Fe pouuoit)ilpeuft eftre rcl'eruc à plus
grandes inquiétions &: tourmcns.Car ils penFoyét de vray qu'il euft efté induitpar quel
ques vns:qui Fut cauFe que tous les autres Anglois qui eftoyent en la ville , furent auffi
endanger,& conftituezpriFonniers, entre leFquelseftoitPendigrat , lequel Fut Fort ge-
henné &: tourmenté, à cauFequ il couchbit auec luy: tellement qu'après auoir trempé
deux ans en priFon,à peine peùt-il eFchapper&s en retourner en Fa maiFon.les autres
ifurent long temps auparauant deliurez à la requefte d'vh certainDuc.EtperFeueras les
PortugaloisenleurfôuFpeçohj&neFecohtentans de ce qui a cFtédit,vindrent en la
châbre où Gardiner couchoiti pour voir iî on y trouuerbit quelque lettre,par laquelle
on peuft comprendre l'autheur de ce Fai&:&: ne trouuans rien, vindrent der.ccheF vers
Gardiner auec toùrmens ; tant pour le contraindre de dire #s coplices, & ceux qui luy
auoyct Fait Faire <tela,que pour le conueihere d'herefie. mais il les repoufFa le plus viue-
ment qu'il peut: car bien qu'il parlaft allez bon EFpagnol, touteFois il saidoit encore
mieux du Latin.Mais ces gens-cy ne pouuas adioufter Foy à ce qu'il diFoit,eurét finale-
mét recours à la toiture :à laquelle s'ils FeFuflét encoresarreftez,ils euflent vFé de moin
dre cruauté qu'ilsne firent: ia-Foit que la choFe en quefcion,n'eftoit pas fi douteufe,que
la raiFon & commun iugemét ne l'euft bien Fondée &c compriie Fans torture. Car qui eft
celuy fi hors du Fens,qui à la perFuafiô d'vn atitre euft voulu fe précipiter en vn péril cer-
tain &c Ci euidcnt,en vn lieu où il n'y auoit feulement vn brin d'efperance de pouuoir eF
chapper, fi l'amour de la vraye religion 6c zele ne l'euft incité à cela ? Or nô contens en-
cores des remôftranccs qu'il leur auoit tenues,au deFaut des lettres & du teFmoignage
deFes compagnons, ils adioufterét encorcs vne nouuelle manière de torturc,delaquel
le on n'auoit gueres auparauant ouy parler,&: laquelle palTe la cruauté des autres toùr-
mens. Ils firent coudre vn linge quafi en rondeur, & le luy Fourrèrent dedans le gofier, La gd) . .e
puis le firent diftiler en l'eftomach , eftant attache par le dernier bout auec vne petite <Wa ferme:
corde qu'ils tenoyent en la main, puis le retiroycnt.ee qu'ils continuèrent par plufieurs p^^Jj "
Fois, pour le Faire plus languir,& pour luy arracher de vlcerer les parties intérieures . Or
eftans les bourreaux .fafchcz des tortures & cruautezv desquelles ils auoyent inhumai-
nement martyrizé ce lairicl:perfonnagc,&: voyans que tout cela ne leur profîtoit de rie:
ne Feurent plus que Faire,Finon luy demander s'il ne Fe répentoit point d'auoir commis
vn a&e Fi indigne &fi malheureux que ceftuy-la,& en vn temps &: lieu fi malpropre.
Quant à l'aftc ,il i cFpondit que tant s'en Falloit qu'il s'en repentift , que meFme s'il ne 1'- Confiance
euft fait,ilFeFentoit pourtant obligé de le Faire:mais quant a la Façon de laquelle il y a- dc Gardi-
uoit proccdé,il en eftoit aucunement deFplaiFant:d'aûtant que cela eftoit aduenu en la
prefence du Roy,&: auec vn fi grand trouble Se Fcandalè de tout le peuple.combien que
cela ne luy deuoit point eftre imputé(ne l'ayant Fait ne proietté en vne telle intention) pre„ & uxe
ains pluftoft au Roy meFme , qui FoufFroit vne telle idolâtrie en Fes Fuicts, de laquelle ;1 luftemem.
les pouuoit bien garder.il leur dit ces parolles auec vne afTeurance rherueillcuFe.^ Eux
luy ayant Fait le pis qui leur Fut poflîble ,&: voyans bien que d'attendre rien plu s de luy,
c'eftoitFolie:&:qu'eftantainfibleiré&'mcurtry de la géhenne il ne poutiok plusgucrcs
viure,trois iours après le menèrent au Fupplice,&: premièrement fut conduit d euant le
temple, où la mai dextre luy Fut coupeedaquellc ilprint de l'autrê,&. I^yat leuée là bai- Gar<Jinef
Fa: puis eftant venu en la place publique delà vjlle,i'autreîuyFut auffi coupée, laquelle baHefes
s'eftant profterné en terre il baifa Femblablcment.Ce qu'eftant ainfi Fait à la modc'd'E-
Fpagne,il Fut lié des pieds & ïambes Fur vncheual,& porté au lieu où la dernière execu- ccu?ecs
tion de Fon corps Fe deuoit Faire.Lony auoit planté vne potence , qui auoit au bout vne
corde allant &:venât dedasvnepoulie.il Fut attaché auec cefte corde &c eflcué en haut'-
par deffous y auoit vn grand Feu auquel on le deUaloit ,iuFquesà luy Faire Fcntjr Feule-
menr en.la plante des pieds:puis on le remontoit.derecheF on le deualoit en cefte Forte
£ar interuallesaucc vn tourmentée martyre indicible: auquel touteFois il refifta ver-
tueuFemcnt, & tant plus il Fe Fentoit preftéduFeu,&plusilprioit & inuoquoitleSei-
gneur.Finalemcnt ayant ainfi les mains coupees,& les pieds bruflez,Fut interrogué jpar
dAdarru V<vallaet^.
les boute-feux 8c bourreaux,s'il ne fc repentoit pas encore de ce qu'il auoit fait: & l'cx-
hortoyent de prier la vierge Marie &c les fain&s.Aufquels il refpondit, que puis qu'il ne
leur auoit en rien mesfaict, il n'auoitbefoih de recourir à l'interccfTion de la Vierge 6c
des faincts:& que quelques chofes qu'ils luy fiflbnt, la vérité neantmoins denieureroit
tcuiîoursenfoncnticnlaquellecommeil auoitconfeffécnlavici ainfi le feroit-il en-
ces tourments de la momies priant au refte de le déporter de telles importunitez.Ilad
ioufta aufli ce mot,que quad le Seigneur Icfus Chrift ne feroit plus noftre aduocat,il au
roitfon refuge à la vierge MaricLorsadrefTant fa prière à Dicu,dit,Dieu cternel,pere
de toute mifericorde,vucille regarder ton poure ieruiteUr . Eux tafehans d'cmpclcher
fes prières par tous les moyens dont ils s aduiferent,il comméça à chanter à haute voix
lePfeaume lxii i,Reuenge-moy,ô Dieu,&c.Iln auoit pas encore acheué le Pfeaume
qu'eux l'ayansdeuallé au milieu du feu, tafehoyent encore de le guinderen haut pour
le tourmenter dauantage: mais la corde eftant bruflee, îlcheutautiauers du feu, ou
ayant offert fon corps en {acrin*ce,il mit heureule fin à la douleur temporelle par vn fa-
u r, oredu lut & repos éternel. Ce fut l'iifue de Guillaume Gardiner,par lequel le Seigneur voulut
Kov <!c recueillir & introduire lcfPortugalois en fa cognoifTancc . Quant au Roy, on dit qu'il
1 os tl'8 ' mourut trois ou quatre mois après le martyre de ce faind perfonnage.
ADAM VVALLACE,£/?flfo«.
V O I C I la procédure tenue par les prélats & gouuernetirs d' Efcoce l'an M.D.L. contre vn Martyr dùd ir pays.qui nous a
efté communiquée traduite du vulgaire Elcoçois:par lequel on pourra cognoiitre que les derniers bouts de la terre tié-
nent fouucnt plus bel ordre és caulcs de ceux qui font perfecutez pour la vérité du Seigneur , que les nations du cceur
d'Europe :bien que toutes conuiennent & s'accordent en pareille cruauté.
N la vilîc d'Edinbourg,{îege des Rois d'Efcôce, quand il fut queftion de iu-
ger le procès d'Adam Vvallace prifonnier pour la parolle du Seigneur, on
dre/Ta vn efchafFaut au conuent des Iacopins , le xvii . de Iuillet mille cinq
^ cents cinquante,pres la Chancelliere:lur lequel efchafFaut onordônaplu-
fîeurs fieges.Lc Milord gouuerneur tenoit fô rég,& à cofté de luy eftoit M.Gavvâd Ha
mil ton doyen dcGlaskovv,qui reprefentoitlediocefainduditlieu, d'autant que le liè-
ge eftoitlors vaquant. A dextre eftoit affis l'archeuefque de faind André, primat du
royaume , &£ derrière luy vn peu à coftél'official de Laudiane, l'cucfque de Dunblane,
l'euefque de MourraycJ'abbé de Dunformelin, l'abbé de Glcnlus, aucc autres gens Ec
clefiaftiqucsde moindre eftat&dauthorité inferieure^comme l'official de fain£t An-
dré & autres docteurs. Puis le conte d'Argy lie eftoit afTis,&: au ueffous de luy fon dépu-
té le lire Ican Campbcl,& auprès de luy le conte de Huntlé au banc mefme,& de fuitte
leconted'AngousJ'cucfquede Galov vaye, le prieur de fainft Andréjleuefqued'Ork-
nay,leMilord Forbus,&: plufieurs autres perfônages tat ecclefiaftiqs que laies. Il y auoit
aufli chaire ordonnée pour M.Iean Lavvder l'accufateur,lequcl eftoit rcueftu d vn fur-
plis &: d'vn chappeton rouge. Brief,tout lefcnafFaut, voire tout le temple fut remply de
toutes pars, de gens venus à ce fpectacle.Là fut produit Adam Vvallaec,hommepoure
à voir &fimple de fait;& amené par vn des feruiteurs de l'Archeuelque de S. André,nô-
mé Iean d'Arnok,fut mis au milieu de refchafFaut,vis à vis de M.Iean Lavvder,promo-
teur de l'accufntiôik quel d'entrée luy demanda fon nô.Laccufé refpondit qu'il s'appe-
loit Adam Vvallace. Lors l'accufateurprofera ces mots deuantl'affiftence,Ic fuis marri
qu'vn tel poure miferable home que toy,ait mis vnc Ci noble &c excellente côpagniecn
ceftepeine&fafcheriepourvaines&rrr^efchantcsparolles.Iepuis auodrparlé,dit Ada,
comme Dicum'auroit enfeigné&faitlagrace:maisiepenfe n'auoir aucunement mal
dit,pourblefTerou endômager perfonne.Pleuft àDieu,ditl'accufateur,que tuneu/Tes
iamais parléxar tu es acculé de crime d'herefies fî horribles qu'ôques furet imaginées,
beaucoup moins ouyes en ce pays :&: ont eftépartantde tcfmoins & fi fuffifamment
prouuecs , que tu ne les faurois nier, mais ie fuis en peinc,&: me delplaift d'eftre con-
traint d'en faire le recit,de peurdcblefTerles confeiences débiles d'aucuns de ceux qui
font icy prefens.Et neantmoins puis qu'il m'eft cômandé de ce faire, efeoute les poin&s
&: les articles que ie reciteray. Toy Adam Vvallace, es aceufé dauoir enfeigné &:
prefchc tât en public qu'en priué, ces blafphemes&: abominables herefies qui s'enfuy-
uenc
ucur.Premierement tu as dit que Je pain &L le vin du Sacremét de l'autel,apres les mots
delà confecration,neFortt le corps& le fang de Iefus Chrift. Adam fe retournant vers
le Milord gouuerneur & les autres feigneu rs ujfdits,d it,U ne me fouuiét d'auoir jamais
parlé nyenfeignéchofe quelconque, que premièrement celle faincteEfcriture ne me
l'ait cnfeigné(monftrant le liure de laBible qu'il portoit attaché à là ceinture)if voulez
eftre contens que le contenu de cefte fain&e parolle que voicy me (oit pour iuge, &; s'il
fe trouue que i'aye parlé à l'encontre d'icelle,ou que l'aycaucunement peruertie,iefuis
preft à fourFrir telle peine &:fupplice que me voudrez enioindre. L'accufateur,Qu'eft-
ce donc que tu as dit? I'ay dit(rel^ôdit Adam)qu'apres que noftrc Seigneur Iefus Chrift
eut mangé l'agneau de Pafques afon dernier fouperauec fes Apoftres &: difciples,&:
eut accomply les cérémonies de la Lôy ancienne,il inftitua vn nouueau Sacrement en
mémoire de la mort pour le temps aduehir: c'eft qu'il print du pain , &: après auoir ren-
du grâces le rompit , &: en donna à fes difp'ples , difant , Prenez, mangez: cecy eft mon
corps qui eft rompu pour vous:& femblablement print la couppe,&:apres auoir rendu
graccs,leur en donna à boire à tous,difant,Cecy eftla couppe du nouueau Teftament
en mon fang,qui doit eftre efpandù pour la remiflîon des péchez de plufieurs,toutefois
&quantes que ferez cecy en mémoire de moy. Lors l'archeuefque de faintF André,&:
autres Prélats direnttou* enfemble , Nous fauons bien tout cela 2 Le conte de Huntlé
luyditjTuriercfponspasàprbposàcequ'on te demande: nie d'auoir dit telles parol-
les, ou bien confeflé-lcs fans faire longue harengue. Adam refpondit, Si le Dieu toùt-
puiflant,& fa fain&e parolle prononcée par là bouche facree de fon Fils bien-airné no-
ftrc Scign eur Iefus Chrift a aucun heu & crédit enuers vous , vous ne trouuerez eftran-
gecequciepuisaL.oirditjveu que n'ay rien ditnyenfeigné quinefoit contenu en iceL
le parolle, laquelle eft la vraye pierre de touche pour approuuer ce qui eft bon, &: reiet-
ter ce qui eft raux.icelle me fera iuge &: de tout le monde.Pourquoy dis- tu cela?dit le co
te de Huntlé, ne penfes-tu point auoir à faire à vn iuge allez bon &: fuffifant ? &: cuides-
tu que nous ne cognoiiîlons Dieu ne faparollerrelpon feulement à ce qu'on te deman-
dc.Lorsils commandèrent à Faccufateur de repeter derechef lemefme article. Tuas
dit(dit M.Iean Lavvder accufatcur)& enfeigné que le pain & le vin au facrement de l'-
autel,après les parollcs de la confecratiô ne font le corps &c le fag de Iefus Chrift. Vval-
lacercfpondit,Quandi'enfeignoye(quieftoit peu fouuent, voire eftant premicremenr
rcquis)i'ay dit que file facrement qu'on appelle de l'autel, eftoit fidelemen t adminiftre
comme le Fils de Dieu vruarit l'aubit inftitué,que là feroit &C prefideroit la perfonne du
Fils de Dieu meimc,par la vertu & puiifance diuinc par laquelle il eft par tout, en tout
&:pardelfus coûtes choies. Adôcl'eueiqUèd'Orknay dit, Ne crois- tu point que le pain
Se le vin du Sacrement de I'aurel,aprcs les parolles de la confecration proférées, deuié-
nent le vray corps de Chrift, fa chair,fcn fang &: fes os *Ie ne fay , refpondit Adam , que
veut dire ce qu'appelez Confecratiomicnay point grande intelligence du Latin,mais
ic croy que le Fils de Dieu, qui eft Iefus Chrift va efté conceu du faind Efpnt , nay de la
vierge Marie,& qu'il a vn vray& naturel corps,& non phantaftique.-qu'il a conuerfé icy:
bas,allant ça & là,enfeignât Se prefchant:ie croy qu'il a loufFert fous Ponce Pilaf e, qu'il
a efté crucifié,mort Se enfeuely,& que par fa diûine vertu il a reflufeité fon corps le troi-
lieme iour, &: qu'en ce mefm e corps il eft monté au ciel , Se eft a/fis en gloire à la dextre
de Dieu fon pere: de Inquelle il viendra en ce mefme corps qu'il a prins du ventre delà
vierge Marie, iuger tant les vifs que les morts. le croy,dy ie, que ce corps eft naturcl,ay-
ant pieds & mains::&: que partant il ne peut eftre en deux lieux à la fois.Hclas! ie luy ren
grâces éternelles dece que luy mefme a voulu efclarcir ce pointdeuant là mort.Quand
la femme refpanditl'onguent fur luy,refp ondant au grondementd'aucuns de fesdifei- Mat z6
pies ,il dit. Vous aurez touiîours les poures auec vous, mais vous ne m aurez pas touf-
iours:entendan t de fon corps naturel/Et femblablement à fon Afcenlion il dit aux mef
mesdifciplesquieftoycnt chàrrïels,& qui eulFent bien voulu qu'il euft demourétouf- IcanI<f*
iôurs auec eux corporcllement,U eft expédient que ie m'en voife: (voulant dire que ce
corps naturel deuoit neceftàirement eftre abfenté d'eux) autrement le Confolateur,le Mat.zs.
S.Elprit d e mon Pere ne viendra point à vous: Mais foyez fermes 6c ayez bon courage,
dit-il,ie fuis auec vous iufques à la consommation du monde.Que la manducation cor-
porelle de fa chair ne proufîte de rien , il appert par fes parolles, quand après auoir dé-
duit, Si vous ne mangez mi chair & beuuez mô fang, vous n'aurez point de vie en vous: Ican *
il a dic,Que fera-ce donc fi vous voyez le Fils de l'homme monter où il efloït première-
ment: C eft l'efprit qui viuific,Ia chair ne proufite rien , alTauoir d'eftre mangée corn ni c
ils le prcnoyenr,&: comme vous l'entendez aulsi.L'Eueique d'Orknay s efcrià , que c'e-
ftoit vneherelie exécrable. Quand M. Iean Lavvder eut recommencé derechef à pai-
ler,&: eut demandé au Gouuerneur,lî Adam auoit bien dit ou non , l'archeuel'que de S.
André cria en Latm^dfeiundmn,adfccundum:commc s'il euft voulu dire, Pourfuyucz au
i.ârtk!e. fécond article.Tu as dit &: publiquement enfeigné que la Mefîe eft vraye idolâtrie Se
abomination deuant la face de Dieu. Adam rcl'pondit,i'ay leu la Bible en trois lâgagcs
par deux ou trois fois,&: l'ay entendue comme Dieu m'en a fait lagrace,& fi n'ay iamafs
trouué ce mot de Mclîé en toute iccllc: mais i'ay bien leu que ce dont les hommes font
Luc i6,i s ]e p]us <je cas,&: leur femble bon fans en auoir exprefTe parolle de Dieu» que c'eft idolâ-
trie & abomination au Seigneur. Or fion trouué que mention foit faite delà Mcflctn
lafainde Efcriturcde confeiferay mon erreur fi ie fuis trouué en faute , autrement non;
&: me fubmettray à toute correction droite & félon les loix. L'archeuel'quc de S. André
3 article, là delfus dit,*^ci tertium, commandant qu'on recitaft le troiiîeme article. Tu as dit Se pu-
bliquement dogmatizé que le dieu que nous adorons vient de terre, creu en terre, fc-
mé,& prtfty de la main des hommes. Adam rci'pondit,i'adorc le Pere,le Fils Se le faind
£fprit,trois perfonnes diftih&es en vne Deité,qui créa le ciel & la terre : mais le ne l'ay
quel dieu vous adorez.Ne crois-tu pas(ditM.Iean Lavvder) que le Sacrement de l'au-
tel, après les parollesde confecration foit le vray corps & làngduFilsde Dieu,voirc
Dieu luy-mefme? Adam refpohdirje vous ay dchadit que c'eft du corps de Iefus Chrift
«.article. &: quelle manière de corps il a, léJon qu'en ay trouué en la faincte Efcriture. ^Tuas
dit aufli& publiquement prefché beaucoup d'autres abominables herefies contre les
fept lacreméSjlefquelles pour abregerji'obmettray : mais que dis-tu des articles fufdits?
ne côfeffes-t u pas d'auoir tenu tels propos? VeUx-tu que ie te les recite encores vnefoi.s
afin que tu regardes ce qu'auras à dire? ^ Les ayant reCitez,il luy demanda comme au
parauant. Adam refpondit perfiftant toujours en cela, qu'il n'auoit rien dit qui ne fuit
eoforme à la parolle de Dieu,& qu'il auoit parlé fclcn Dieu &: l'a côfcience:&: dont il en
appela Dieu tefmoin &: iuge. bref, qu'il fe tenoit à Ja confeflion qu'il en auoit faite , iuf-
qu a ce qu'on l'auroit mieux inftruir par la parolle de Dieu , voire qu'il s'y tiendroit iuf-
qu'au dernier ioulpir. Puis dit âu Gôuuemeur& autres leigneurs là affiflans,Si vous me
condamnez pource que ie fouftien là parolle de Dicu5mô fang fera requis de vos mains
quand feiczamenczdeuant le licgeiudicial du Fils de Dieu , qui eft puillant pou;dc-
fendre l'innocence de ma eaufc:deuant lequel ne pourrez rien nier,& encore moins rc
lifter à fon grand îugemcnt; auquel ie remets la vengeance, comme il eft efent, A moy
fteut.ji 35 la vengeance,^ ie la rendray,dit le Seigneur.
Alors ils prononcèrent leur icntécc contre luy,.&: le condamnèrent félon leurs loix,
puis le liurercnt au bras feculier à Iean Campbel, député de la iuftice, qui le remit en-
tre les mains du preuoft d'Edimbourg , pour eftre bruflé au lieu appelé Caftel-hil, &tn
attendant le temps de l'exécution d'icelle iéntence,on mit V vallacc au plus haut de la
prifon du lieu dit Tolbuith,lts fers aux pieds:& les clefs de cefte p ri fon furent liurees à
Hugues Curry,hôme cruel^qui faifoit office de porte-croix de l'archeuelque de S. An-
dré. Cependant les Euefquesenuoyercntau pOure Adam deux Cordeliers,auec lef-
quclsilne voulut aucunement entrer en propos. On luy enuoyaaufsi deux Iaçopinsa-
ucc vn autre moine Anglois, Se vn certain fophifte nômé Abercromy» Or Adam euft
bié voulu déclarer fefperance cju'il auoit en Dieu,au moine Anglois, &: luy faire côfel-
fien de la foy*eftimât qu'il euft quelque bon fe ntjmét de la vraye religiô . mais le poure
moine luy refpondit qu'ils h'auoyent àùcurîe charge d'entrer en difpute auec luy.&:
ainli départirent de luy. Vn peu après on enuoya vers luy le doyen de Laftarig , vn fage
mondain qui n auoit aucune crainte ne ccgnouTancede Dieu. Entre autres propos qu
il luy tint,il luy euft bien voulu perfuader la realité du facrement de l'autel a près la con
fecration.mais Adâ rte luy voulutaucunemét accorder.La nuict venue , après que tous
fe furent retirez, Vvallace la paiTaeri chantant Se louantDieu(côme plufit urs qui l'ouv-
rent en ont fait le rapport jayant les Pfeau . de Dauid en petit volume: la Bible luy ayat
cfté oftee.Hugues Curry,entcndant qu encores il auoit quelque liure, vint à luy , 6c luy
rauit hors des mains fes Pfeaumes,luy difan t iniurcs Se opprobres:pour clbranler lacon
ftance du poure patient, Se le retirer de cefte efperance qu'il auoit il ferme Se (ï entière,
Èn
Cinq Ëfiolters martyrifi^ a Lyon. iç?
En celte forte ce bon feruiceùr de Dieu demeura aux fers mfqu'au iourenfuyuant, au-
quel en fît les apprefts pourle brufler. Lorsle Gouucrneur&: tousles principaux fei-
gneurs, tant ceux qu'on dit fpirituels, que temporels départirent d'Edimbourg, cha-
cun à leurs affaires. Apres leurdepartie,derechef ce doyen de Laftang vint vers Vvalla
cepourlediuertir: mais Adam luy dit tout court que touchant làtby , quand vn Ange
viédroit du ciel pour luy perfuaderiquil ne l'efcoutèroit poinr.Sur cecy entra ledit Cur
ry,&: le tança &c iniuriâcomme de couftume,difant qu'il Jeferoit chanter vne autre cha
fon deuant le foinauquel il rcfpondit, Vous deuriez auoir quelque crainte de Dieu : voi
rc& au lieu de m'iniurier me confoler en mon affliétiomquand i'ay apperceu que vous
vcnieZji'ay prié Dieu qu'il continuait en moy la force pour refïfter à vos tentations,par
quoyievous priemelailfercnpaix. ^ Peu après Ada de coeur alaigre demanda à vn des
officiers qui l'cftoycnt venu querir^Le feu elt-il preft? L'officier luy cht,Ouy . Et moy die
Adam, ie fuis aulfi preft Apres cela il parla à vn certain fidèle qui eftoit enla troup-
pe,l'aifeurant qu'il fe rencontreroyent au ciel. Depuis perfonne ne parla plus à luy. A
îilfuedela prifon le Prcuoft défendit exprefTement aucc menace*, qu'il n'euft àpar-
ler dauantage,ne perfonne à luy: ce qu'il difoit luy auoir cftéenioint de fes fuperieurs
&feigncurs.Le populaire alloit apres,priant Dieu auoir pitié de luy.Eftant arriuéau
fcu,ileikura par deux ou trois fois fes yeux au cîel,puisfe tournant vers ce poure popu-
iairc,dit,Que ie neyousofFehfe de ce que ie fourfre la mort cciourdhuy pour la querel
le de la venté,d'aut5t que le difciple n'eft pas plus grad que fon maiftre . Defqlles paro-
les le Prcuoft fut fort courroucé,& luy cômandade fe taire. Adenc Adâ Vvallaceregar- Mâta0
da derechef au ciel, & dit,Seigneur,ils ne me veulent laiffer parler. La corde luy eftant
mife au col,le feu fut allumé:&: ainfi il départit heureufement à Dieuj à la grande côfu-
lîon de lès ennemis;
mm
Martial Alba, Pierre Escrivain, Bernard Se g vin,
Charles Favre, Pierre Navihbres.
A l'exemple de ces cinq qui ont vhcmefme caufe cbnioihte l'Vri aucc rautre,ncus fommes aduertis comment les ennemis
de vérité fe portent en l'affaire de !'Euans..ile:quels aflàux ils liurent à ceux qui le fourtiennet de quelles armes & refpon
fes faut vfer er cec"Ixu:quel!e bouche le Seigneur donne aux fiens:enquoy cbnfîftc la victoire que nous dcuons efperer.
L'vnion.la lnnîicfTc. &: confiance de ces cinq en la vie & enla mcrt.nbus cfibieh icy ail long prdpolee, comme en vnc
bataille fpirituellc.
E que iadis vnRoy Ethnique difoit d'vn homme fagc& éloquent de faCour,
qu'il auoic pris& gaigné plus de villes auec fon éloquence , que luy auec fes M.d ni
ai mes, nous lcpouuôs dire des Martyrs du Seigneur: qui n'ont pas feulemét Jj^1^
gaigne des villes, mais ont furmonté toute la puilfance^ richeife, atithorité, Cincas.
dignité,cxccllcnce,fcience ôc apparence humaine.Nous voyons comment ils ont tout
faittrëbicrdcuât euxôcen peu de tcinpsscontre tous les efForts,eîtudes,machinations
& cautcllcs deSata&: de fes fuppofts.En voicy cinq qlc Seigneur enuoye pour ccftecau
fe en fa befongne, après les auoir quelque temps entretenus en l'efcole deLaufane fous
la iuridiction desfeigneursdeBerne.Lesnomsdes5.font,MA r tialAlb A,natifde
Mont-auban en Quercy le plus aagé des Cinq:Pi erreEscriv ain, dcBoulôgné .
en Gafcogne-.BE rnardSegvi N,delaReoleen Bazadois:CH arlesFevRe ,de
Blanzac en Angoulmois,Pi erreNavihere s, dfe Limoges: leiquels furent con-
ftituez pnfonnicrs enla ville de Lyon, le premier iour du mois de May, m . n . i 1 1 .Nous
auons mis fvne après l'autre leurs confefsions &: actes dignes de mémoire pcrpctuel-
lc,auec leurs Epiftrcs extraites de plufieurs qu'ils ont eferités, tat de celles des vns aux
autres eftans lors pnfohniers,qu'aufli d'aucunes eferites aux Eglifes &: à leurs amis. On
cognoiltra le difeours de leur partement &C emprifbnnement, &c des premiers a&cs iu-
diciaires , par vn extrait de leurs lettres, &efcrit icy inféré comme s'enfuit- To v-
f n an t lefaiètdcnoftre emprifonnement: En preniierlieu nous vous aducrtifTonS L'inre,,^
que nous cinq après auoir demeuré certaihtempsàLaufanne,lesvns plus les autres descinq
moins,&: nous eltre adonnez à l'eftude des lettres tant diuines qu'humaines : deuant la cfcollcrs-
feltc de Pafques arreftalmcs entre nous de nous en aller , Dieu aidant tous cnféblc vers
nospais:a/fauoirles viis versThouloufe,les autres versBordeaux,aucûs vers Xantoge,
&d'autrcs vers Limogcs,felon les lieux d'où chacun de nous eft natif:& ce pourfernirà
L.i.
sffldrtiàl <*Alba.
l'honneur &C à lagloire de Dieu,&: comuniquerlepctit talent que Dieu abailîéà cha-
cun de no9 en particulier à l'es parés, pour tafeher de les réduire a la mefmc cognoiflàn-
cc que nous auons receue de l'on Fils lcliis Chrift, &: aulïi à tous ceux lcfqucls noftrc bô
Dieu euftvoulu appeler à foy & à la cognoiifancc de la vente par noftre moyen. Cepen-
dant nous communiquafmes noftre entreprife àl'eglifc de Lau faune, laquelle la trou-
ua nonne & faincle.vcu qu'elle rie tendoit qu'à la gloire de Dieu, & à l'amplification du
royaume de (on Fils. Et mefme pour plus grade approbatiô, bailla à trois de noftiecô-
pagnie tefmoignagc,ahn que les hères , aufquels on s'adrclîbit pour les faire participas
des mefmes grâces que Dieu lcuraconfcrces , fulTent par letefmoignagcdegensde
bien plus certiftez,&:dclabonne vie qu'ils auroyent tenue au lieu fufdit, & de la pure-
Tcfmoi na té &c fidélité de leur doétrinc. Auquel tclmoignage moniteur Caluî ne doubta adiou
gc^eVirct fter leiié,a larequeftede monlicur Virct. Quant au deuxautres de nous, l'vn a demeu-
re allez long temps au logis du fufdit feruitcur de Dieu monlicur V iret, l'autre auec ino
lîeur de Bcze:&: le fonr,la grâce à Dieu, tellement portez,que FEglifc en a elle conten-
te.Peu après ayans demeure' certains iours à Gcneue , nous-nous achcminal'mes pour
venir en cefte ville,&: fur le chemin trouuafmcs vn certain perfonnage de celle ville de
Lyô, lequel s'en vint touliours auec nous depuis Colôges. Iceluy par le chemin nous fit
promettre dcrallervoirdeuant éj partirdeLyon.ee que nous luy promifmcs. Pour faire
bref,cftâs arriuez en celle ville le dernier iour d'Aui il, par faute de pouuoir trouuer au-
tre logis pour feiourner deux iours ou enuirô,allafmes loger aux trois-poifibns,&: le len-
demain après difner cnuiron furies deux ou trois heures, allafmes tous enféblc au logis
de ce fufdit perfonnage vers Enay:ou après nous élire vn peu pourmenez parle iardini
fufmes requis de goufter chez luy. Ayans inuoqué le nom de Dieu, comme il cil de rai-
fon,deuant que nous mettre à table,commcnçalmcs d'vfer des viandes que Dieu nous
auoit baillées. Cependant quenousefticnsalïîs&: nous refiouiflions lelon Dieu.voicy
foudain venir le preuoft Pouller,fon lieutcnant,&: grand nombre de fergeans auec eux.
Iceuxeftans entrez en la Chambre où nous eftions, le Preuoft foudain lans dire autre
choie, demanda à chacun de nous fon nom, èVliunom, l'on pays, (a vacation, &: autres
telles choies qu'on aaccouftumé de demander. Ayat fait ccla;&: nous ayans fouillez fuf
mes liez quatre de nous,dcux àdcux:&: fans qu'enflions aucunement dogmatizé ne lait
aucune choie contre les ordonnances du Roy: fans nous dire noftrc partieaduerle,&:
fans nous môftrer aucunes informations, fufmes côtre tout droit de iufticc menez aux
prifonsdemolieurrOfricial.Eftâslaarriuez,chacundcnousàpart fut mis en vn crotô
fortobfcur& tenebreux:& enuirô vne heure après fufmes appelez l'vn après l'autre de
uat môlieur rOfficial,& ce mefme iour interroguez de tous les articles qu'ils de fendét
auec fi grande rclitlencc. Aufquels chacun de nous, la grâce àDicuJeur rcipondit fé lon
la parolled'iceluy:& donna gloire à Dieu, en confortant fon fa in et nom deuât ceux qui
ne le vouloyent ouvr.€ Le lendemain après rufmcs interrogue z derechef: 8c le iour en-
fuyuat on nous bailla lu éce d'eferire noftre confeiîîon,mais à la halle. parquoy ne peuf-
mes qu'en bref toucher les poinctsdefqucls aiuôscftc defia interroguez: &: ne nous fut
poflible de nous rcieruer vn double de la côfelTion que chacun leur bailla par cicrit. La
fe pmaine après, aucus de nous furent encores interroguez,&: falloir touliours dilputc r
de certains poincts auec aucuns moines, en partie Iacopins,en partie CordcliersÔÎ Car
mes. Pour la dernière fois nous ayans appe lez pour v oir fi nous pe i liftions en noftre pi e
miereopiniort,& voyas qu'aymios mieux endurer ce qu'il plaiioit àDieu nous cnuoycr
que nous dédire, après auoir fait ligner nos confe liions ,& refponfcs que nous auions
faites autres fois aux articles defquels ils nous auovét interroguez, combien qu'en ice 1-
le le Greffier n'adioufta pas la moitié de ce que nous refpondions, mefmement des rai-
fons que nous mettions en auant pour prouuer le contraire de ce qu'ils tiennent , nous
renuoyerent à nos crotons,& lé lendemain, qu i eftoit le Vendreuy, 15. de ce mois, fuî-
mes chacun appelez au parquet de fOfEcial,& par ice luy deuât vne grande multitude
de gens)condamnez d'hercfic,& luirez entre les mains du luge fccuJier.Chacû de nous*
ayant ouy telle fentence prononcée contre foy,appela quant à la condamnation d'here
Appi tes <ic,commcd'abus5&: demanda d'eftre mené en Parlcmét.dcquov PC lHciai s'eimerucit
i ' i- la. toutefois noftrc appel fut reccu.il y eut vn qui eftoit alTis près de POfficial, lequel ay -
ant ouy vndc nous auoir ainfi appelé,luy demanda s'il appeloit dufurplus delà fenten-
ce. A quoy fut rcfpondu,e]uepourautant qu'il eftimoit le principal poinctdela fenten-
ce con-
ce conlîfter en ce qu'il nous declaroyét hérétiques , qu'il appeloit de cela corne d'abus,
6C du rcftc qu'il ne l'entendoit.Sur quoy l'Ofiicial dit que c'eftoit a/Tez'puis qu'on en ap
pcloit. Voyez trelchers freres,la diligence que nos aducrfaircs on t mile pour vuider no
lire caule eù l'eljpace de treize iours. ^ Voila l'entrée de leur caufe:oyons-les mainte-
nant chacun enparticulier,comme ils ont parlé par elcrit.Etpremiercmentj
MARTIAL ALBA.
1 L efcriuit ce qui fenfuit aux freres fidèles eftans en la ville de Bordeaux.
^Ource que par l'cnnemy de Dieu, ie luis cmpefché de vous annoncer la Parolle
\ bouche à bouche,i'ay prié le Seigneur me donner de quoy vousconfolcrcn celle
tant véhémente rage,par laquelle le diable trauaille à vous troublerjafin de reculer ou
empclcher(puis qu'il ne peut anneantir ) celle tant falutaire &c grandement delirable
œuure de Dieu, qui cil le cours de la laincStc &c diuinc parolle, laquelle porte auec elle la
gloire de l'on trellainct& louable nom: & celle gloire confifteenla publication &c an-
nonciation de l'honneur quenous luy deuons comme eftans fes créatures , à luy qui eft
noftre Dieuvinant &c éternel: &c non pas corruptible & fuietâ vermine, comme celuy
que la plufpar-t du monde adore &: tient pour Ion dieu. Lequel honneur côlifte en ce,de
côlîderer qu'il nous a créez & mis au môde,& qu'il eft le feul autheur de tout noftre bié
&: félicité, tant du corps que de l'ame:lequel a voulu & commandé qu'euflîons en hor-
reur plus qu'exécrable toute idolâtrie , &c que totalemet dependiffions de luy:qu'ilfuft
noftre feule adreffe,noftre feul recours &:rcfuge,noftre ferme efperance& totale alleu
rance: c'eft aifauoir qu'il veut que nous foyons alîciirez du tout de luy:du t0ut,dy-iejvoi
re du tout:&: qu eftans ainli fichez en luy, nous venions à le craindre par grande reue-
renec. C'eft le faind Euangile que l'Ange de l' Apocalypfe , volant par le milieu du ciel
publie &:euangelize à ceux qui habitent en la terre,& àtoutegent,&: lignee,& langue*
&: peuple, difant à haute voix, Craignez Dieu, & luy donnez honneur: car l'heure de
fon ingénient eft venue. Adorez celuy qui a fait le ciel,&: la terre,& la mer , &: les fontai
nés des eaux. Lequel cry &c publication a efté par la grâce deDieu,de vous & beaucoup
d'autres receu&: acccptc:&: auquel auezobcy comme prouenant du trelfaind&incon
taminé fiege du Dieu viuant,bc n in &: fauorable a ceux qui luy obeiflent,& feuere& re-
doutable à les rebelles &aduerfaircs . Quoy voyant le diable, que tout le monde deli-
roit d'entendre ce cry pour luy obeir:comme cftant dés le commencement ennemy de
Dicu,s'eft oppofé à ce l'aind &c diuin ciy,&: a excité les mébres a faire tous efforts, pour
empefeher cefte tant iufte& de tous deuechofe, qui eft crainte 6c honneur à Dieu,& à
affem blé l'on concile, qui eft le bras &: prudence de la chair, par laquelle il a voulu en-
treprendre contre Dieu. Et témérairement a forgé des articles pleins de blafpheme a-
bominable contre Dieu,lefquels par les heraux il a fait publier , commandant les tenir
fur peine de priuation de biens & vies par feu &c par glaiue,Mais quoy ? viendra-il pour-
tantaudellusde Dieu, &:desliens:Non.carS. Paul ditquencmortncvie,nechofepre- Rom
fente ni aduenir ,ne nous pourront feparer de noftreDieu:ains par vn ferme amour,par 19
lequel Dieu nous a conioints à loy, obéirons à ce fain£r 6c éternel Euagile,publié de- par
Dieu par l'Ange,ainli qu'auons dit,& ainli luy rendrons l'honneur que nous luy deuons
comme les créatures , pour laquelle choie il nous a mis en ce monde, lequel honneur le
diable a en abomination 6c exécration, ainli qu'il eft eferit que l'honneur de Dieu eft en ^
exécration 6c abomination au me fchant.Etpource fait-il tous les efforts à fempcfclier cc 1
&: reculer,puis qu'il ne le peur annichiler.
Or autrefois vous auec ouy,qucnecefîairement il nous fauttouliours auoirdeuant
nos yeux,&; conlïderer diligemment queDieu nous a mis en ce monde pour le feruir:& La creatiâ
afin que nous fullions plus enclins à ce faire,voire &: plusdihgens,il a cômandé à la ter- del'hommc
re de produire ce qui nous eftoit necefTaire pour noftre vie en particulier^ confequé-
ment aux beftes qui nous feruent,&: en gênerai qu'elle nous baillaft ce qui nous eftoit
necefTaire . Or pour nous acquitter de ce,il nous faut neceffaircment fauoir que c'eft
qu'il nous cômande 6c deféd,&: pour cela par fon Prophète il crie à fon peuple,Tcnez-
vous furies voyes publiques, 6C enqueftez-vo9 des palfans quelle eft labône voye, &C qu'
après cheminiez en icelle.Ie fuis elbahi grandemet de ce que nous n'y péfons autremét:
&veu que la nature de l'homme eft de s'acquitter enuers l'vn l'autre d'vne charge,
quand il l'aura pnnfc,commenc fe peut-il faire que nous nous foucions fi peu de ce que
L\ur<L-> III
*MartÏAl<*Alba.
Dieu ncusacômandérd'ou vint cela? C 'cftque lcdiab]c,duqucl tout icdchïc ftdc nous
Sîîrquoy vo^r malheureux comme luy, trauaille tant qu'il peut , aucc diligence extrême , à nous
nnisnoiw amufer aux choies de ce monde, pour nous faire oublier ce que nous deuonsà Dieu: 'a
't-uS* 11 chant pour tout certain, que la fin de cela fera noftre totale perditiomd'autant que te us
chofesde contempteurs de Dieu& de fafacrec parollc,auront pour fin de caufe conr'uficn eter-
Dicu. ntllc.Etn y vaudra aucune choie, prétendre ignorance ou inaducrtccc.car JcScigneut
a cxactvmci-! t donne la publication de tes bénéfices &z grâces : afin qu'en les confidci at
&: pcn(ant,nous luy fiilions honneur &: rcuerence,ainfi qu'il dit par ion prophète royal
Pfc.5c.14. Dauid,Sacnfic louange «à rEtCLncl.Lii'czrExodcleLeuit. les Nomb. Detttc. &cor.le-
quément les liures tant du vieil que du nouueauTc (tamét,par lcfquels femmes admô-
ncftczdcrecognoiftre&fouuent remémorer les bénéfices de Dieu pour luy en faire
honneur. Et pourec aucz cfté admonncftcz,qu a voftre ieucr & coucher , &c à voftre re-
pas:aprcsia trcifaindcoraiiondc nbftrc Seigneur, veniez à reciter le Symbole des A
poftrcs,qui cftla confeilion denoftre tby:&: après la treifaincte & ïacree Loy de noftre
Dieu cternehmefmc après le repasja faifant publier a haute voix, y faiiant ailiftci tous
ceux de voftre maifon que vous aurez en chargc:afin qu'vn chacun depuis le plusgiâd
iufques au plus petit, fâche & (bit aduerti de ce que Dieu luy commande^ défend, afin
qu'il face &: l'vn &: l'autre,luyobciilànt corne à celuy de la main duquel il a rcceu&: re-
çoit larefc&ioh &c k nourriture:&: qu'ils fachet q pourlc vray,Dieu ne laiftcira point im
puny le mcfpris de fa maicité.Car tous maiftresdemâdct de leurs fcruiteurs toute obe-
iifance : voircmefmes qu'après leurs repas ils entédent à leur bclbngne. &: nollre Die ri
pour le moins n'aura-il pas autat de nous corne l'hômerCertcs ie me remets à vous. • Il
y en a entre vous qui ne trouuent pas bon,& ie faichent de fi longues grâces : mais fi le
repas du ventre leur eftoit fi court,corrime ils veulent le repas de lefprir:& fi la v iandè
terreftre les degouftoit fi toft comme la celefte, ie croy qu'ils ne feroyent pas te 1s qu'ils
Içjn %,A7' lbnt.Qu,'ils confiderent vn petit ce que le Seigneur Iefus dit en S.Ican,Qui eft de Dieu,-
oitlaparolledcDicu:certcsie crain que tels lbyét plus pofiedez du diable que de Dieu:
car il tranfporte les liens de l'auditoire de Dieu à toute vanité. Or lâchent tels, que n'a-
llons pas introduit cela fur vous de noftre teftc:mais nous citant commande de Dieu au
Deuteronome 8: là où ils trouueront cicrit tout au long comme Dieu le cômandc.
Maintenant après eftrc certifiez que c'eft commandement de Dieu, perfonne devoir,
ne fefafchera: rhais auec grande rcucrence efcoutercz,car c'eft Dieu qui parle, &c non
pas l'homme.Vous me direz, Cefte Loy ne nous apporte que trifteife. &C d'autant que
nous ne la pouuons accomplir, elle nous enuoyc tous en cnter,ainii qu'il a cfte pronon-
çait. i;.i<r céparMoyfe au Dcut.où cil donc cefte confolation que tu te dis nous donnerai! com-
mencement de ton Epi'he?Ic vous reipo, que laLoy n'a point de puiffance fur vous,cn-
Ronî. ?°!4. tant que vous eftes dehurezde l'exaction &c violence d'icclle par Iefus Chrift', fcul vrav
*M- naturel Fils de Dieu vinantdeque lie Pere a baillé pour faire pour nous ce qiie nous
ncpouuos point,ain(îqucrattefte S.Paul aux Romains 8. lequel Fils a pris la charge de
l'accomplirpour nous,&: nous acquitter totalement de la malédiction qu'elle dénonce
Gai x 13 à tous ceux qui ne l'accompliront,ainli que dit S.Paul aux Galat.C'cft celle plusqu'ad-
Gcn.3 ly nurablc Semence de femme, qui fut promile en Adam au monde, qui briieroit la telle
de ee vieil Serpcnt:& que tout ainfi que par le Serpent eftoit venu au monde route ma-
ledictiomfemblabkment par celle diuine Semence feroit donnée au monde toute be-
Rom. 11 s- fiediition.De ce bien nous aiîeure S. Paul, quand il dit que Chrift nous incorpore à loy,
ïpJic 5 31. nous fait fes mêbres:& par ainfi femmes transferez de la mort,qui eftoit fur nous par
la Loy,à la vie qui nous eft offerte & donnée par Iefus Chrift.
Nous donc vicions de la Loy pour menacer la chair , afin qu'elle ne vienne à fafchcr
l'efprit,&: fait en la main de l'entât de Dieu , côme la bride en la main du cheuaucheur:
lequel met la bride en la bouche du cheual , non pas pour hw mal faire : ains pour le fa
gement conduire , &c le garder que par vnc férocité brutalle il n'aille par tout où il vou
droit,& qu'elle luy feit comme la verge ou l'cl'peron pour luy taire faire fa iournee. Ain -
fi fera-il eie la Loy en nous, carpoureeque la chair que nous portons n'eft pas du tout
mortifiec,elle a beibin de ces dcuxchofesx'eft d'eftfe retirée du mal parla Loy,& poui
fec à bien faire par promeifes de la foy.ee que le Pfalmiftc dit au Piéaumc trétequatrie-
mc,Retirc-toy du mal, &c fay bien. La chair par les defirs qui font en elle &c par le diable
eft poulîceàmal, l'inuitant par vne ardeur vehemenreà fc veautrer dans le bourbier
•Martial &ilb a.
de toute vanité* au grand deshonneur du treflainct &; facré nom deDieutainfî quauons
fait tout le temps qu'auonseftéignorans de Dieu: pendant lequclau lieu d'honnorcr
&: glorifier, voire refiouir Dieu par noftre chair , comme à ces fins Dieu 1 auoit crccc,
nous l'auonsdeshonnoré&: grandement faiché par icelle:e'ntât qu'elle c'eft baillée a 1-
ennemy & aduerlaire de Dieu, le laiilant côduire par l'on conlèil,&: à (à volôté . Lequel
ennemy a vie d'vne li grande rufe contre ce bon Dieu, que non l'eulemét il a priueDieu
de l'honneur que la chair luy doit:ains a fait que Dieu en a cfté deshofinoré vilaincmét:
tellemet que les mebres que Dieu auoit créez pourfoy,& auoit conlacrez pour Ion fer-
uicc,lediablelesagaignczàfoy ,&:luy en a fait cruelle &: mortelle guerre .Melme le
principal &: plus noble d'iceux mébrcs,quieftla bouche(parlaquellcDicu vouloir eftre
glorific,loué&: magnifie par adiôs de grâces, &: récit de l'es grands &L diuinsceuures) le
diable l'a fi vilainement polluée &_i nfedee,qu'il a faïc que Dieu en eft blal'phemé,qu'el
le vient à maudire l'on Crcateur,&: outrager l'innocéce immaculée de IcfusChnft vray
&; naturel Fils de Dieu viuant,qui eft bénit des Anges& de toutes créatures celeftese- Miroil ^ .
ternellement,Amen:qui l'a rachetée fi benignement par vn amourincroyablc; de ma- l'homme,
niere qu'il lemble que le diable ait eu puiflance de renuerfer tout le confeil de Dieu en
l'homme,le dehSauchant de l'on Dieu d'vn dcfbauchemcnt perpétuel , &: le deprauant
par vne malice obftincc,fc monftrant manifeftement ennemy irréconciliable de Dieu.
Bref, par vne rage plus que brutale,n'a point craint d'entrer dedans JeparcdeDieu,&:
rauir du troupeau lapoure brebis, la leduilanc par parolles de tromperie,^ par péché
la faifant proye de ce lion rugi/Tant duquel parle S.Pierre,qui eft le diable, l'ennemy de «.Hw-5-*
Dieu. Et ce que ledit ennemy ne pouuoit de iby, l'homme luy baille &: fait aide tclle,qu
il vient au delHis de ce qu'il veut. Voila dequoy fert l'homme domeftique de Dieu:c'eft
qu'au lieu de trauailler pour l'augmentation de la maiîbn de Dieu, il fait tous l'es efforts
delaruiner&: mettre basr&n'a point de honte, par vne puante,cxecrable&: abomina-
ble luxure maculer l'image de Dieu:proftituer le fangprecieuxde l'Agneau immaculé,
qui eft Iefus Chrift fon Redemp teur: profaner &£ anéantir la mort &: paflion trelfainde,
par laquelle il auoit cfté rachetéme tenant conte de la chanté qu'il doit à Dieu & à fon
prochain.^Or 1e vouslaiffc à penfer,li nous n'auons point efte telsle téps paifé.&c vous
prie de conlîdcrcr de quelle plus q trcfgrade mifericorde a vie noftre bon Dieu enuers
nous,delaiifer viure telles pniciculcspeftes&: trop plus que dommageables en fa repu
bliquetnous permettant l'vlage de Tes biens,&: communiquant en partie fa beneditltiô
côme aies enfans qui luy obeillent,qui le glorifient &i honnorent.D'autrepart, mettez
deuant vos yeux l'ire unplacable,voire & importable de Dieu Jaquelle il aiuftemét fur
nous,pource que nous auôs ainli vilainement difFormé cefte tant admirable &: diuine
image lienne(laquelle il auoit daigné mettre en nous)par vne tant abominable ôipuan
te chofequi eft peché:vous priant bien fort d'y penfencar certes c'eft le côble de noftre
conlolation, de croire q Dieu nous ait créez à ion image &: femblance,&: qu'il ait impri- Gcn 1 zy
mé viucmét en nous celle fainde &c diuine image liéne,côme vnfeau d'affeurâce de fon
infallible,ir.léparable&: infini amour en nous: de laquelle tant excellente ÔC diuine
chofe nous n'auons tenu conte:ains pargrandmefpris l'auons fouillé par péché au grad
deshonneur de Dieu.^Or ce trop infâme forfud enuers Dieu nous eft pardôné par le-
fusChrift noftre Seig.&: non l'eulemét nous eft pardôné:ains nous eft promife par Iclus
Chrift réparation reformatiô de ladite diuine image, qui eft vn bien pret'q incroyable.
Tous les laindsEfcrits de Dieu ne font propos d'autre chofe plus que delà réparation Co, ? ,c
de la tât horrible dilfipation de cefte fainde &: admirable image de Dieu,laqllerepara-
tion fe deuoit faire &: a efté faite par iceluy bié-aimé Fils deDieu IelusChrift noftre Sei-
gneur: voire par fon fang precieux,parleql ill'alauee,purgec&: parfaitemét nettoyée,
tellemet qu'il la rend &: fait plus aimée de Dieu fon Pere , qu'elle n'auoit efté parauant. Eplrf
voyez l'hiftoire de l'éfant prodigue. Apres,dy-ie, nous auoir laucz en fon précieux fang,
de toute ordure qui nous rendoit odieux àDieu fon Pere,il nous réconcilie à luy par fon Luc 25. i
faindEfprit, lequel nous donne la iuftificationpar la foy,par laquelle croyons à ces
promelTes,&: nous vnit tellement à foy,quil nous fait vn auec Dieu fon Pere &: luy,com
mêle tefmoignefaind Iean au 17. chap.& nous communique tout ce qu'il a de Dieu
fon Pere, nous failant enfans, & par confequent héritiers de Dieu,&: cohéritiers auec
luy. Il nous fait auiîî par ladite coniondion facree du faindEfpnr, rois&facrifica-
teurs à Dieu fon Pere : Rois, nous communiquant l'entière &: parfaide vidoire fur nos
L.in.
ennemis,qui ont la chair, le pechc,le monde,lediable:laLoy & enfendefqucls nous hue
Apoc.^io trjomp[lcr}qUciqUCplli|fanceJlTîalice& rage qu'ils ayent: Sacrificateurs, nous douane
pouuoir ci entrer par luy au treflainct throrie de Dieu,& prefenterà fa redoutable maie
lté nos orailbns,requeftes,plaintes,&r toutes nos neceflittz , non pas vhc fois l'an feule-
ment, ainli que le grâd Sacrificateur de la Loy anciéne,mais à toute heure, (ans rien li •
^ miter.Oyezl'ApoftiCjVcufdit-ilîquc nous auons liberté d'entrer aux lieux faincts pat
xo,sx. >l9 1e *ang ^c Iefus,par la voyc laquelle il nous adediec frefche& viuanre parle voile, c'eft
à dire par fa chair: & qu'auons vn grand Sacrificateur commis fur la maifon de Dieu:
allons aucc vray cœur en certitude de foy,ayans les cœurs purgez de mauuaifeconicicn
cc,&: ayans les corps laucz d'eau nette, tenons la confcflion de noftre efperance fans va
rier.car celuy qui la promis cft fidelc.Et au 4-chap. de la mefme Epiftrc,il dit,Nous qui
auons le principal &: grand Sacrificateur lefus Fils de Dieu, qui cft entré es cicux,tenôs
noltrc confefîîon.car nous n'auons point vnfouucraih Sacrificateur qui ne puilfeauoir
compalfion de nos infirmitezrmais auons celuy qui aefté tente en toutes choies felo la
limilitude, fans péché. Allons donc au throne de fa grace,afin que nous obtenions mife
ricordc,&: trouuions grâce pour auoir aide en temps conucnablc. Qui ne fc refiouiroit
d'vn tel bienïVcnons vn peu àconfidcrcrla victoire qu'il nous communiquc:commen
çons au plus prochain, qui eft noftre chair: c'eft celle à laquelle fermons par le parte au
Rom. *. 13 grand deshonneur deDicu,viuansmefchament,feduil'ans les pcribnncs,hômcs&fem
mes,pour les faire confentir à mal. Et maintenant nous la faifons feruir à l'honneur &c
gloire de Dieu,admonneftant toute manière de gens à tout bonœuurc,& feruantau
prochain par charité en toutes choies. Et les membres de noftre chair, qui fouloyet fai-
re la guerre à Dieu,viuans contre fon faillit commandcment,font maintenant la guer-
re au diable, feruans &c obeiflans auDieu viuant.Par le paffe le diable reiiouùToit noftre
chair,elle eftant toutefois en l'ire de Dicu,luy pourchalfant fa defolario éternelle, mais
maintenant le Fils de Dieu, lefus Chrift noftre Seigneur, l'afftigcieftât toutefois aimée
de Dieu: pour luy cômuniquer fa fanctificatiô éternelle. La bouche qui auoit autrefois
vilainement blalphemé Dicu,maintcnât le magnifie,&: le bénit en tout&: par tout. La
mefme chair,dy-ic,quia côtrifté Dieu en l'ofFenlant par grand mcfpris,icelle mefme le
refiouit maintcnant,luy faifant honneur,^: luy obeiflant en vray amour. Péché, lequel
nous menoit en licffe après nos concupifccnccs,&: dominoit fur nous , maintenant eft
ictté loin de nous:&: celuy qui nous auoit eflongnez deDicu, fait maintenant qu'en fofti
mes plus près que iama;s:&: celuy qui nous auoit fait haïr de Dieu, & qui nous auoit iet
tez en la profondeur des ténèbres mortelles, a fait que maintenant auons plus claire cd
gnoiiTancedenoftreDicu,que l'aimons plus, le délirons plus, languirons, voire bruftôs
Rom. 5 après luy. Oyez encore S.PauI,Là où le péché a abondé,grace y a plus abondé : afin que
cômepeché auoit régné à mort,parcillcmct la grâce regnaft par iuftice à la vieeternel-
Kom.s le par lefus Chrift noftre Seigncur.Et maintenât eftant deliuré de péché , & faits ferfs à
Dieu, vous aucz vollre frui&en fanctification,&: pour fin vie éternelle Quat à la Loy,à
caufe de la faincteté qui eft en elle, elle nous précipite tous en enfer par vue maledictio
horrible prouenante de l'ire de Dieu, ainii qu'il eft eferit au Deutcronomc 17:8c ccà
caufe que ne la pouuorts faire pour la corruption de noftre naturc.de laquelle malédi-
ction lefus Chrift nous a deliurez,ainfi qu'auons dit delfus,laprenatfur foy, nous en ac-
G.ilat.3 quitant parfaitement. Oyez aulli S.Paul , Chrift nous a dch'urcz de la malédiction de la
Loy, ayant cfté fait pournous malediction,afinquela bénédiction d'Abraham fuft fai-
te à nous par lefus Chrift. Et dauantage met en efFect tout ce que laLoy cômandc pour
nous qui croyons en luy,&: nouscômuniqùeccftaccomplilTementdela Loy: &c par ain
Rom s nppaife Dieu Ion Perc,iuftemcnt courroucé contre nous,pource que tranfgreilbns fa
fain&e&diuinc Loy. Oyez fainct Paul, Laloy de l'Efpnt de vie qui cft en lefus Chrift,-
m'a afiranchy de la loy de péché & de mort. Car ce qui cftoit impofliblc à la Loy (entât
qu'elle eftoit foible parla chair)Dieu l'a fait , ayant cnuoyé fon propre Fils e n îémblan-
ce de la chair de peché:&: de péché a condamné le peché en la chair, afin que la iuftifi-
cation de la Loy fuft accomplie en nous, qui ne cheminons point félon la chair, mais fe
Ion l'Efprit.Et luy mefme en autre pa/fagcatteftedilantjl vous foit notoire que par ce
ftuy-cy vous eft annoncée laremiftion des pechcz}& de tout ce que n aucz peu cftre iu-
ftifiez parla Loy de Moyfc. quiconque croit,eft iuftifié par ccftuy . Dauantage a veincù
pour nous le diable,&: nous adonné authorité &puiiTancefuiluy, ainli qu'il cft eferit
en l'A-
Martial zAtba.
200
en l'Apocalypic : là où il eft dit, Et fut deietté le grand dragon,le ferpcnt ancien, qui eft Apoc.u.
appelé le Diable & Satan, &:c. En S. Luc, le voyoyeSatâcheoirduciel comme foudre. Luc 10.
Voicy ie vous donne puiffancc de marcher fur les fcrpens& fur lesfcorpions,&: fur tou-
te la puilTance de fennemy : &c rien ne vous huira.Quât à la mort,S. Paul dit que Penne- JjjJJJ^
my qui fera deltruit le dernier, c'eft la mort, toutefois il dit aufli que la mort eft englou-
tie en vi£toirc:cVllallauoir que la viuacité,la terreur, la violence, l'horreur, la peur, la
crainte qu'elle bailloit,tout cela cil cnglouty,aboly '& amorty tellement, que celle que
nous fuiyons par cy deuant,&: cerchions tous moyens pour l'euitcr &: luy cfchapper,
maintenant nous l'alfaillons , la defirons , la cerclions &c demandons , comme la caufe
qui nous baille le comble de tous plailirs,&: la confommation de toute félicité. Oyez S.
Paul aux PhilippiensJ'ay defird'eftrc feparédu corps,&: cftrc auecChnlt. Celle qui par piùi.i 13,
grande crainte nous failbic taire le temps paffé,nous gai dant de parler de noftre Dieu,
&C de magnifier ôCconfciTer fon fainct & louable nom, maintenant à pleine bouche,tou
te crainte mile bas, confefle par grande Iiardielîc fon faind &: terrible nom. Oyez fainct
Paul cnla féconde aux Corinthiens , Comme ainfi l'oit ( dit il ) qu'ayons vn mcfmeEf- *.Cor.4.i:
prit de foy:ainfi qu'il eft efcritj'ay creu pourec ay-ie parlé : aufsi nous croyons , & pour- H
tant nous parlons,fachans que celuy qui a re/îufeite le Seigneur Iefus, nous relîiifcitera
aulfi par Iefus. Quant au mondc,noftre Seigneur dit en S. Iean, Vous aurez affliction au Iran 16. 33.
nionde:mais ayez bon courage,i'ay vaincu le monde. Et fainct Iean en la première Epi- IeAn 5
ftredit, ToutccquieftnaydeDieufurmontclemonde: &c'eft-cy la victoire quifur-
monte le mondc,alîauoir noftre foy.Et fainct Paul aux Galatcs, Grâce à vous &: paix de Ga *I'Î'4'
par Dieu le Pere &: noftre Seigneur Iefus Chrift,quis'cft donné foy-mefmc pour nos pe
chez,afin de nous deliurer du p relent monde mauuais. Et là mcfmc il dit , la n'aduien-
ne que ie me glorifie , linon en la croix de noftre Seigneur Iefus Chrift, par laquelle le GlU l4-
monde m 'eft crucifié, &: moy au monde. &: comprenant tout en fommc,ditaux Corin-
tiiicns,Gracesà Dieu, qui nous a donné victoire par Iefus Chrift noftre Seigneur. C'eft 1 Ct r ^ î_
(comme auonsdit)ccfte admirable &: diuinc Scmence,laquclledefa puiflanceinuinci-
blc dcuoit rompre la telle du Serpent. Voila vn petit commcnccmet de la doctrine que
nous auons de la parole de Dieu, laquelle nous confole,&: nous alTcure que Iefus Chrift
Fils du Dieu viuant,a vaincu pleinement &: totalemct nos ennemis pournous,& nous
communique ladite victoire. € le voudroyc,&: de tout mon cœur ie prie Dieu, que vo-
ftte plus grande occupation fuit cefte tant laincte 8cialutaireceuure.,de lire la parolle
de Dieu, laquelle nous tcfmoigne de ces choies. Et de ce faire nous admônefte noftre
Seigneur Iefus Chrift en S.Ieaiiidifant, Ccrchez les E fer i turcs: car vbus cuidezenicel-
les auoirlavicetcrncllc.ee font elles au Mi qui portent tefmoignage demoy. S. Paul à
Timothee fur ce propos dit, Tu as cogneu dés ton enfance les fainCtcs Lettres, lefquel- i Tim.5,
les tepeuuentrcndrefageàfalutparlatoy qui eft en Iefus Chrift. Toute Efcriturediui- I4-I5-I5 : *
nement infpirce eft vtile pour doctnnc,pour reprehcfïon, pour correction, pour inftru-
crion qui eft en iufticc: afin que .l'homme de Dieu foit cnticr,appareillé à tout bon œu-
ure. Vous fauez comment par plulicurs fois fay admonnefté vn chacun, 6c en gênerai
ôeen particulier, d'y vaquer 6c entendre. Se afin qu'y filficz profit, y aller auec grande
crainte &reucrence: comme fi vous-vousprcfenticzdeuant la redoutable maiefté de
Dieu, pour ouyr fa faincte &: diuine volonté . iedy , Pour ouyr parler Dieu à vous , &: ef-
couter diligemment ce qu'il vous com mande 6c défend, afin que vous ne veniez à fail-
lir. Et demàdercz à Dieu fon S. Efprit, lequel vous a cité promis par Iefus Chrift noftre
Seigneur fon bien-aimé Fils, en S. Iean, là où il eft dit, le pricray Dieu mon Pcrc,&: il
vous donnera vn autre Confolatcur pour demeurer auec vous éternellement. Prcm ic-
rement ainli qu'auezouv, demeurera en nous cternellcmct: il demeure en vous fera
en vous. En après nous enfeignera les choies qui nous font dites de Dieu,&: les nous ré-
duira en mémoire en temps 6c lieu, pour nous en feruir à là gloire. Le Côfolateur(dit-il)
qui eft le S. Efprit que mon Pere enuoycra en mon nom, vous enfeignera toutes choies,
6c vous réduira en mémoire toutes les choies que ie vous ay dites. S. Iean dit aufli, Quad
le Confolateur fera venu, lequel ie vous cnuoyeray de mon Pere, l'Efprit de venté , qui k ' '
procède de mon Pere, il rendra tefmoignage de moy, c'eft à dire, vous baillera force 6c
confiance , voire hardiefle de parler de Dieu à pleine bouche deuant la face de tous les
ennemis 6c aduerfaires de Dieu;quels qu'ils foyent, fans craindre aucunemet leurs me-
naces de mort, ne par feu neparglaiuc , confelîans hautement le trefîàinct 6c louable
L.iiii'.
hiurt^ll /.
nom de Dieu. Et affermeras en grande puùTance,que IefusChrift vray Fils de Dieu vi-
r.Cor.i.o. uant, eft noftre iufticc, fapiencc, lan&ification&: rédemption, noftre paix, noftre recô-
ciliatiô, noftrc vray, partait Se total Sauucunpar lequel obtenôs de Dieu le Perc la fain-
icin -(,. de &: éternelle bénédiction. Dau5rage,nous auons en S.IeanJl vous eft expédient que
ic m'en voilc:car li ie ne m'en vay, le Côiblatcur ne viédra pas à vousrii ic m'en vay,ie le
vous enuoycray. Et quâd ceftuy-la lera venu, il reprendra le monde de pèche, iufticc &c
iugcmcnt.C'eft celuy qui nous tait entendre lesfecrets de Dieu, comme dit S.Paul aux
• cor.i.v. Corinth. Oeil naveu, n'aureilleouy,&: neft pas monté en cœur d'home ce que Dieu a
prépare à et ux qui l'aiment- mais Dieu le nous a reuelc (dit-il)paf fon Efpiit.carrEfprit
enquiert toutes choies, &c int ime les choies de Dieu prorondes ou cachées. C'cft celuy
x.Cor il.?, duque l ildit,Ie vousfay fauoir,qut nul parlât par fEfprit deDieu,ne dit Iefus eftre exe-
Ro.nb.i6. crable:6c nul ne peutdire Icius elhc Scfgncur,(inon par le S.Elpnt. C'eft celuyqui tcf-
moigneà noftre ciprir, ÔJ le réd ailcurc&: certain que nous fbmmcscnfansdc Dieu. Et
corne ainii loit que de nous-melmcs ne lâchions cément nous deuons pncrDicu tôme
ilappartient, îlnous t nleigiu^ voire fait requefte pour nous pargemiii'cmcnsquon ne
peut exprimer.C'eil celuy qui nous authorize tellemct cnuers Dieu, qu'il fait qucDieu
nous côm unique ce tât gracieux &plein de toute alleu race nom de Pere,arin que nous
necraigniosaucunemét deltiy aucune choie, quelle qu'elle l'oit; ains enloyons tout ai-
feu rez. Certes ii ie vouloyc mettre par tient le bie que fElcriturc nous reuelc qui nous
viét par le S.Efprit,ily faudroit beaucoup plus de temps. Voila pourquoy ievous ay prié
qu'iiKciîamment en tous vos actes vous demandiez à Dieu fon S. Efprit ,&ne vousfaf-
chiez.de It faire:ainsqucvousyaccouftumieziufqu*au dernier foufpir devoftre vie. le
Hcb.n.24. vous l'upplie que vo9 enfuyuicz Moyfe en ce qui eft t ient de luy aux Hcbneux: c'eft qu'-
il a delaillé le pays d'Egypte, aymat mieux eftre affligé au defert aucc le peuple de Dieu,
que de iouir vn peu de têps (notez quâd il dit Vn peudetéps) des nchelles&: délices d'-
Egypte.Il y en a entre vous qui ont ofé parler côtre Dieu pour vous feduite &ù deceuoir,
à voltre grade defolationik: perdition quelque iour,en vous donnât faulTcmét à enten-
dre que vo9 n'auez point de LÔmandemt nt de Dieu de lortir du pays qui eft plus idolâ-
tre que celuy des Chaldecns,voire des Turcsrdâs lequel Dieu &c Ion Fils bié-aimé Iefus
Chrilt t ir plusdeshonnoré qu'en pays qui foit au monde : &£ fur lequel eft la menace de
Dieu,rircdeDicu,le coui roux de Dieu,voirc famaledittiôrcdoutable,&: fonfeuerciu-
gemét îneuitablc.Que tels fachêt(quels qu ils foyer) que li vov& les autres voulez iouir
Rom.i. 18. t-jc ]a bénédiction de Dieu qui a cfté jpmife à Abraham, il faut neceilairemet eftre feme-
", ' ' ce d'Abraha par foydaqucHc lov,ainli q dit S. Paul aux Romains, vice de l'ouyc de la pa~
rollc de Dieu. Et quâd il n'y anroit autre partage en toute l'Efcnture que celuy de S. Ica,
laa 8 ;p. ils fe deuroyét taire & fermer la bouche. Car Iefus Chnft noftre Seigneur dit la,Si vo9c-
ftiez enfans d'Abrahâ,vous feriez les œutircs d'Abrahâ. Qu'ils conlideret bié ces paroi
lcs,& ils verrôt qu'ils ont mal fait de taxer aîii le S.&: diuin parler île Iefus Chrift, lequel
le Perc nous a baillé pour no9 enfeigner àfalut & en toute vérité. No9 liions en Gcnefe,
Cen.ij. que Dieu fc magnifiant à Abraham, luy dit, le fuis le Dieu qui tay tiré hors de l'idolâtrie
des Chaldecns:nc luy remémorant aucun des autres biens qu'il luy auoit faits. Nous li-
ions aufli en ce mcfme lieu, que quâd Abraha enuoya le procureur de fa maifon, predre
Gcn i4 -. krnme à l'on rîls Ifiac,luy dit , Dieu qui m'a tiré de lamailbn de mon pere&dc laterre
de ira naUîance, te côduira, &: fera profpererton chemin:fans luy faire métion d'aucun
des autres biés gras & admirables que Dieu luy auoit laits. Certes il ne tailoit pas les au-
tres,en magn ifîâtDieu de ccftuy-ïa fcul.mais il côlideroir mieux le grâd dâger & plus q
pernicieux péril duquel Dieu lauoittiré, que \ tv ne côlidcrezceluy-l? où vous eftes. Si
vo'aucz la foy, laquelle nccclfaircmét vo9faur auoir:de quoy &c enquoy craignez-vous
de voftre Dieu? Le mtfme Dieu qui eft le Dieu d'Abrahâ,cft aulli vollrc Dieu . le ciel Se
toute la terre lont a luy. Ne voiiSjpfirei a point la diurne cxhorratiô,& la certaine &: ter-
me alîcurâcc q le Fils de Dieu nous baille de la bôté de Dieu fon Perc , en nous aiicurâc
qu'il a foucy dcnousrCcrtes il me tait mal de vo9 voir perdre li facilemct&li lafchcmet,
&i partante d aduis. Dauâtîige ils \ ans dilent que Dieu vous peut fauuer iciaulTi bien q
là. certes ce font parollcs fort mifcrablcsicar autâten euft peu dire Abraha en fontéps,
eôme ils difent a celle heure : c'cft que Dieu leuft peu aulîi bien fauuer en fon pays , cô-
me là où il luy commandent d aller. Mais il ne fut pas li fol & mfenfé, ne il mal fage: ains
glorifia Dieu, fe commettant baillant du tout à luy , fe fiant &crovant à faparolle.
Tels
^Martyrs de Lyon. 201
Tels veulent aifuiettir Dieu à eux, &: le veulent faire côdef cendre à leur charnel & laf
che vouloir.maisDieu leraobey quoy qu'il tardc,& le mefpris trop outrageux de la tr.a-
iefte, qu'on luy fait en ne luy obciiîant point, fera crucllemct vengé & puny:& les yeux
&; oreilles qui le ferment à celte heure, Se ne veulent voir ny ouyr leur perpétuel lalut,
feront ouucrtcs quelque iour,maugrc qu'ils en ayent, pour ouyr & voir leur delblation
cternellc. Or cltans adiurez parle Magiftratau nom du Dieu viuaht,rc(p5diczen tou-
te venté fans aucune palliation,voulans efpargner aucun, ou iauucrvos vies:ayâs touf-
iours deuant vos yeux ce que Icfus Chrift noitre Seigneur a pronôcé, difanr , Qui aime- Miuo
ra plus Ton pcrc,&c.&: affermerez conftamment que Icfus Chrift , vray Fils de Dieu vi- c '
uant, eft noitre leul Sacrificateur, tel ordonné de Dieu le Perc par ferment inuiolabic:
fcj n'en receurez aucun autre, quand faudrait expofer mille vies: ains les tiendrez &c au-
rez pour cxecrablesjcomme ceux qui contrcuicnncnt à la, volonté de Dieu conrermee
par ferment : voire comme compétiteurs de Iefus Chrift touchant ce treifainct &c facre
ortice de facnHcarurc, s'oppofans comme li l'ordonnance eftoit inique , ou le den iniu-
ftementfait,ou Iefus Chriit infuffifant:priansinftamment la maiefté de Dieu , qu'il fa-
ce vengeance de celte témérité & outrage tait «à luy &: a ion bien-aimé Fils, contre le-
quel ils fe font bandez.Ie vous prie qu'il vous fouuicnnc de ï eferit que ic vous laiflay de
ma maim&n'efcoutcz ces propos vains, qui font autant pernicieux &c dommageables
que pertes: vousfuppliant au nom de noitre Seigneur Iefus Chrift, que vous monlttiez
par reformant) de voftre vie , que vous eftes à vn autre que vous n'eftiez le temps paire:
c eft affauoir à Dieu par Ielus Chriit noftre Seigneur. AimcZ-vous en Dieu : &c vous af-
femblez fouucnt pour fa parolle : car ce font vos principaux affaires. Aimez les poures:
car Dieu le vous commande eltroitcmcnt. Ayez l'honneur de Dieu en iînguliere re-
commandation, plus que vos propres vies. Oyez que dit S.Paul, Si aucun n'aime le Sei- i.Cor.i<î.
gneur Iefus, qu'il foie en exécration , voire qu'il foit excommunié à mort. Glorifiez le
nom de D;eu, comme Icfus Chriit vous admonnefte, difant , Ainii luife voftre lumière Mit-î ,£
deuant les hommes,âfin qu'ils voyent vos bonnes œuures , & qu'ils glorifient voftre Pè-
re qui elt aux deux. Qu'il vous fouuienne de la menace qu'il nous fait en vn autre lieu,
quad il dit,Si voftre initiée n'abonde plus que celle des Scribes &z Pharih'ens, vous n'en- Mac
trerez point au royaume des cieux. Il y en a entre vous(ie le dy fans louer perfonne)qui
ont beaucoup glorifié le nom de Dieu par le changement de leur vie,faifans beaucoup
de fruict. ic prie ceux-la qu'ils en rendent grâces à Dieu ,& qu'ils perfeuerent &: con-
tinuent de bien en mieux iiiiqu a la fin. car pourcertain ils en receuront falaire& en ce Luc 18 3
monde-cy& en l'autre. Souuienne-vous definiure que vousay autrefois dit qu'on a
faite à noitre Seigneur &Sauucur Iefus Chrift. Priez à Dieu en toutes vos oraifons qu'il Apoc .6
en face vengeance, car ie croy que d'vne telle requefte Dieu vous en l'aura merueilleu-
fement bon gré. Par cefte prefente ic faluc vn chacun de vous en particulier^ tous en
gênerai, vous priant qu'avez fouuenanccde moyen toutes vos oraiions . La bénédi-
ction de Dieu par Iefus Chrift foit fur vous éternellement, Amen.
E p 1 s t r * au nom'des Ci n
Nom auons fait fuvurcccfte Epiftre, rjui eft Je Pierre Efcritiain, eferite ail nom Je fes compagnons qui rfrnycnt prï-
fenniers à Lyotiîd'auuntquc par icellc.crmme d'vne trompette, tous fidèles fonr incitez J'auoir bon courage de
combatre vaillatnmenr,& Je fouftenir la caufe de la vérité in f.jues à la Viftoire.
|*rg^;V I S qu'il a pieu à noftre bon Dieu & Perc, de nous produire deuant fes ennemis
iJ^pour cftre telmoins de fa venté nous luy en dcuons rendre grâces & louages éter-
nelles, iuy priant de parfaire en nous ccft œuurc haut & admirable qu'il a commencé:
afin quefbnfainct nom foit glorifie par nous, foit par vie, ioit par mort. Nous auôs, cher Mui
frère, par cy deuant enduré de grans alfauts: mais ccn'eftrien au prix de ceux-la que
Satan nous prépare maintenant. Nous auons bataillé pour la gloire de Dieu iufques à
prcfcnt:mais non iufques au fang.Nous auons côfcilé Iefus Chrift Se fa venté deuâtnos
ennemis cruels ôc inhumains.il refte donc maintenant(fi le bon plaiiir de Dieu eft )qu'-
elle foit feellce par noftre fang.Dôc voyans qu vn tel côbat nous eft preparé,que noftre
ennemy fe renforce de toutes parts, qu il s'arme de grade puàTance pour nous perdre de
deftruire: prenons,prenons bon courage 6c hardielfc pour combatre. Armons-nous de Fpl- (6
toute armure fpiritu elle, & entrons en bataille , fuyuans Iefus Chrift noftre Roy &: Ca- Hib.12.
pitaine: lequel pour obtenir la couronne d in mortalité, a enduré la croix 6c mort tant
jgnominicufc, avant dcfprifé la honte &c contulion du monde, pour faire la volonté de
Liurt^ III. ^Martyrs */o Lyon.
Djeu Ton Pcrc, &: amener par ce chemin à la vie éternelle tous les efleus,qui de toute e-
Rotr..8.î >• tcrnitcontcftc prcdeftinczde Dieu le Perc pour eftre faits conformes à l'image de (on
Fils: pour lequel nous endurons maintenant, arin qu'auec luy l'oyons glorifiez. Que li le
mondera mort,le diable êc enfer nous veulet perdre &: engloutir,cicoutôs Ielus Chnlt
lean 16. 33. noftrc bon maiftre, dilant, Vous aurez affliction au mondermais ayez bon courage , car
53-i i'ayveincu le monde. Ccluy qui croit en moy,rraifcrade lamortàlavic . Car Iefus
Chriftcn mourant a fait que la mort nenous cil point mort:mais cil chemin pourallcr
en la vie&à la gloire infinie. Si les ondes &£ vagues de la merde ce monde le leuêt con-
tre nous, pour nous abylmcr& perdre:»" nos ennemis à grandes troupes & bandes nous
bt 8.15. alfaillcnt , cnôs aucc les Apoftres,Scigncur,fauuc-nous:&: il nous dcliurcra de tous da-
Pf1-.50.1j, gersjcôme il a promis par l'on prophète Dauid , Inuoque-moy au iour de ta tnbulation,
& pl lî" & ie te dcliureray:&: tu me feras honneur. Quand tu m inuoqueras ie te refpondray , ie
icray aucc toy en affliction, &: t'en deliureray, & te gloriricray. O la grande conlblation
que deuons auoir en ces promcllcs li grandes de noftre Dieu (delquclles auons fait plu-
sieurs fois en noftrc captiuicé expenencc)voyans qu'il promet d élire aucc nous au têps
de noftre tribulation pour nous conColerôc deliurcr de tour mal : Car eftans condânez
à la mort par les aduerl'aires, eftans reicttez de la compagnie des hommes , comme les
ordures du monde : helaslconlîderons la grande bonté , mifericorde&: clcmece de no-
ftre bon Pere eclefte, lequel a eu compalllon de nous l'es poures feruitcursmous conlo-
lant en plulicurs fortes, tant en nos corps qu'en nos clpnts: nous failantlentir en nos
cœurs vneioyeincomprchcnfible, laquelle non feulement a englouty ôifurmonté la
triftelfe , mais aulfi nous fait reliouir au milieu de nos tribulations, voire au milieu de la
mort, contre la rage de tout le monde, en forte que par la grâce de Dieu nous voyons
nosaducrlàiresdeuant nosyeux eftre cent mille fois plus captifs & affligez quenous.
car li noftre corps eft enclos aux prifons &: chartres,refprit néanmoins eft en libertc,c-
ftant rcmply déroute ioyc &c conlblation celcftepar le S. Efprit, qui nous rend tefmoi-
gnage que no9 lommes enfans de Dieu Ireres de Ielus Chnft, qui nous afleurc de no-
ftre ialut,&aulîlde noftrc deliurance heureufe, laquelle fera faite en la feparation du
corps & de lame, &c finalement en la triomphante relurrection. Au contraire, ia-l'oit
que nos ennemis, quant à l'apparence extérieure, l'emblent eftre en liberté &C profpeii-
té en grande pompe mondaine, ncantmoms ils font efclaues du diableuls ont le ver de
leur confeience qui leur ronge &: mange fans celle leur cœur.ils ont vn feu en eux-mef-
mes qui les tormente grandement. Brcf,ils fentent maugre leurs dents la main puilîan-
te de Dieu fur eux, qui les pourluit lans celle en fa furcurfc en ion ire. Parquoy fuyuans
Rom.fA. je S.Apoftrc, reliouilfons-nous en la croix de noftre Seigneur & en nosafflidiôs:&ren-
i. r.or .4.17. dons luy grâces de ce que main tenant il nous cnaitie&: corrige, afin qu il nenous con-
damne aucc lomonde . car noftre tnbulation eft légère & de petite durec.mais lefruict
&: la conlblation qu'elle porte, eft éternelle. O iî nous conliderons la gloire infinie , Se
couronne immortelle qui nous eft préparée là haut au ciel après lavi&oirclii nouscon-
(iderions les biens &. threforsincftimablcs,&: l'héritage éternel que Ielus Chrift nous a
acquis par fa mort & palîion,&: par fa refurrcèh'onlfi nous (dy-ie)pcnlions à la bien-heu-
reufe félicité, à laioyc& à la vie éternelle en laquelle nous ferons, ayans nos corps im-
mortels &fcmblables au corps glorieux de Iefus Chrift: non s- nous cliouinôsen noftrc
captiuicé, voire au milieu de la mort, nous chanterions louanges éternelles à noftre
bon Dieu &: Perc,& nu ici: &: iour, nous luy rendrions grâces du bien & hôneur qu'il luy
plaift nous faire, en nous conftituant telmoins de la venté , nous fouhaiterions d'em-
ployer noftrc corps pour vne fi bonne querelle que celle qucDieu nous a mife en main.
Hclas,trelcher frère, Iefus Chrift noftre bon Maiftrc n'a pas eu honte de maintenir no-
ftre caufe abominable^ dcteftablc, d'endurer iniures &c opprobres, d'eftre mis en l'ar-
bre de la croix entre deux brigans, de porter l'ire & fureur de Dieu fur loy, iufques à ve-
M 17 nil- cricr à haute voix, Mon Dieu, mon Dieu, pou rquoy m'as- tu laiffé? Aurons-nous dôc
hôte de maintenir fa caufe tât îufte & raifonnable,fa iufticc &c innocéce, la mort &: paf-
liô,qui eft le falut de tout le mode ? Douterons-nous d'aller après luy & après les S. Pro-
phètes & Apoftres, après tât deMartyrs qui ont fait le chemin deuat no!,?qui ont expofé
leur vie à cruels tonnes pour maïtenir la gloire de Dieu & la fain&c venté de l'Euagile,
pour paruenirà la gloire infinie en laquelle ils regnét maïtenat auec Iefus Chrift noftrc
Chef & Capitaine en toute paix , îoye &c félicité, attendas la bié- heureufe tefurrect-ion,
^Martyrs de Lyon. 202
en laquelle tous les efleus de Dieu ferot recueillis au règne de fon Fils \ Alors les poures
Martyrs fendront le fhiiâ de la croix Sz tribulation qu'ils ont endurée en ce monde . a-
lors cognoiftrons-nous comblé l'ont heureux ceux qui ont enduré pou r Iefus Chrift , &
ont blanchy leurs robes au fang de l'Agneau . alors entendrons-nous ces fentences de
Iefus Chrilt, Qui perdra fa vie pour moy &c pou r mon Euagile,il la gardcta. Qui perdra Mat. ro.js,
pere,mere, femme, enfans,mailbns,champs&: vignes pour moy,il aura la vie éternelle
Qui veinera, ieluydonneray de fcfcoiraticc moyenmon throne. Bref, alors verrons- AP0C^ xï-
nous noltre Pere celeftc clairement face à face r&: le cognoiflrons comme il nous co-
gnoit:lequel efluyera toute larme des yeux de fesenfans: lefquels il courônera de gloi-
re Si immortalité, pour viureauccluy ctcrnellemet. Alors fera faite vue bergerie •&: vn
Pafteur:! Li'poulé fera auec fon Efpoux:Dieu fera tout en tous. Toute tyrannie, puiiïan-
ce Se hautefîe, toute beauté', richci:cs& pompe des aduerfaires de Dieu fera palfee: les-
quels receuront lciàlairc de leur infidélité -Se idolâtrie : lefquels plctircrot &: gémiront,
quand nous rirons &: chanterons : le/quels fentiront la malédiction de Dieu lureux,e-
ftans plongez aux abyfmcs d'enfer auec le diable leur pere Se capitaine , quand nous fe-
rons là haut au royaume de Dieu noltre Pere. Et que profitera alors aces poures mau-
dits Se mal-heureux, l'honneur beauté Se magnificence de ce monde? Que leur profite-
ra d'auoir amafle tant de richeifes Se biens, tant d'or Se argent : d'auoir eu tant de beaux
enfans & femmes: bref,d'auoir prins tous leurs plaihrs en ce mÔde , comme le mauuais
riche, duquel parle noftre Seigneur en fon S.Euangile? Helas! tout cela fera paifé corne Luci*.^:
l'ombre Se fumée : tout fera comme le fonge , &c s'en fera fuy comme le vent. Alors au-
ront famine, froid, chaleur: pleureront, grinceront les déts, eftans au feu qui iamais ne
s'efteind, lequel les tormentera à tout iamais, &c fi ne les confumera point. Alors, dit S.
Iean: demanderont la mort pour fuyr celte grancje peine, &: line latrouueront point, AP°<*'-
car elle s'enfuira:&: ils viuront en enfer auec le diable , pour eftre là tormentez éternel-
lement. Voila la recompenfe des mefeharts &: ennemis de Dieu, qui font en grade ptiif-
fanec Se triomphe en ce monde. ^ Parquoy,trcfchcrs frères &: amis, ne nous fafe lions
point en noltre alHiclion, &: ne nous contritions point de la profpcrrtc des mefehas. Ne
ioyons point troublez de voir les ennemis engrande profpcrité: car tous feront finale-
ment confirmez par la fureur de Dieu : tous feront foudroyez Se accablez fans iamais fe
pouuoir releuer. C cft le temps maintenant qu'ilfiiut leuernos telles en haut , veu que
noftre rédemption approche. C'cll le temps de ioye Se licite, auquel fera faite noltre de-
liurance:auqueirefpbuxrcceurafon efpoufe. Ayans donc nos lapes ardentes à l'exem- Mat.tfl£
pic des cinq vierges fages, foyons prelts pour aller au deuant de Iefus Chrift noltre ef-
poux quand il viendra, pour entier auec luy aux nopccs.O combien feront heureux les
feruiteurs , lefquels le Maiftre trouucra trauaillans en l'on œuure,faifans profiter le ta-
lent qui leur a efté commis : car certainement (dit Iefus Chrift) il lcconftituerafur tous
fes biens. Donc puisque Iefus Chrift noftre bon Maiftre nous a cômis fon talent &: dire
foi ineftimablc de iafaincte venté, faifons-lc valoir, en le gardant Se maintenatiufques
à la dernière goutte de noftre fang: maintenons ion honneur Se (a gloire iufqu'au der-
nier foufpir de noltre vie. Et donnons garde d'cftrefcmb labiés au meichant ieruiteur,
qui ayant reccu le Talent de fon maiftre, fouit en tcrre,&: cacha l'argcc de fon ieigneur-
Ne regardons pas aux biens , plailïrs&: honneurs de cemonde:ne penfons tant Se ne
confiùcrons point à nos pcrcs,meresj femmes Se enrans,mefmc à noftre propre vie,qu'-
cllc nous l'oit plus chère que la gloire de Dieu. mais fermans les yeux à routes choies de
ce monde, &cfleuans nos telles là haut au ciel, prenons le bouclier de- lafoy ,&lcglai-
ue de la parolle de Dieu , pour rabbarre Se repouifer les coups &: dards enfiâmez de Sa-
tan noftre grand ennemy&aduerfaire. Courons légèrement en toute patience auco-
bat qui nous cft propole, regardansauchefeie noftre foy, Iefus Chrift. Sovôs fidèles , Se
combatons iufques à la mort pour la querelle : &. il nous donne ra la courône de vie , la-
que lie il a promife à ceux qui bataillent pour fon nom&pour fa gloire, Attendons en
patience Se lilence le Seigneur, Se verrons finalement là gloire Se puiflance : Se cognoi-
(trons qu'il n'a pasdormy en noftre tribulation s maistoufiours nous a cachez de fes ai-
les, il nous a gardez comme la prunelle de fon oeil. Que li nous auons celle afleurâce Se
confiance, il n y a menace ne flatterie,tormcntoii mort cruelle, glaiuc,puiifancc ou ty-
rannie, voire quand les porte s d'enfer auec tous les diables s'efieucroyent contre nous,
*jui nous puhTent cfbranler aucunement de noftre toy , 6c de l'honneur Se dikchon que
Uurz^UL Tierr<u£fcmain,
nous dcuôs à noftre bon Dieu &c Perc par Icfus Chrift noftre Seigneur: auquel foit gloi-
re, honneur &C magnificence, Ainli (oit-il. Le Dieu de toute patience &c confolâtion
vous vueilleconfoler &: fortifier cotre les affauts de Satan &c de tous nos ennemis , pour
perfeucrer en la confciîîon de Ton fa i n et nom îufques à la fin , &: pour fecllcr la fainfte
vérité (lî Ton bon plaiiîreft)par voftrefang: maintenans ion honneur &: fa gloire iut
<mcs au dernier foufpir devoftrevie, Ainli foit-il. Vos trefehers frères chlcfus
Chrift, prifonniers comme vous pour la parolle de Dieu.
PIERRE ESCRIVAIN.
vT^V-^^r O V S mettrons en fécond lieu Pierre Efcriuain, Gafcon, home d'efprit vif:
■jEaK^S'i! ^auquel le Seigneur dôna bouche magnifique , à laquelle les
! pauquel le Seigneur dôna bouche magnifique , a laquelle les ennemis de ve-
£1]^^^ Srité n'ont peu reiîfter, mais font demeurez confus , comme on peut voir par
^^l^^ccfteconfeirioniudiciairc, laquelle ila laiïîce par eferit es termes 8c cil la
manière qui s'enfuit:
t'vtiliré Considérant, mes trefehers frères & fœurs en îefus Chrift , le profit qui pour-
dtsCôtef. roit venir à toute l'Eglife de noftre Seigneur,(i iemettoyeen auant lcsargumens&rdif-
fidcics?" ficultcz que les aduerfaires de la foy m'ont obiectees aux prifons de Lyon,& les refpon-
fes que ie leur ay faites : i'ay voulu eferire cefte prefdfate confefîion pour la confolâtion
de tous les fidèles, ÔC" pour laduancement du règne de Icftïs Chrift : en laquelle ie com-
prendray les poincts que i'ay mis en la côfefïïon que i'efcriuy de ma main , &C baillay aux
aduerfaires, après l'auoir leue deuan t eux. Or iâ-foit que n'en ayg peu retenir ne recou-
Urer awcun double , toutefois i'ay efperance en Dieu , pour lequel ie fuis prifonnicr , d' -
autant que ie ne demande en cecy que fon honneur &c fa gloire, que parla vertu du S.
Efprit, il me réduira en mémoire toutes ces choies :lefquelles îa-foit qu'il foit impolli-
ble de reciter en mefmes parolles ôclentences en pluficurs lieux, neantmoins ayant
bonne fouuenancede tous les poincts qu'on m'interrogua , &. queieti ajtayenmadite
côfeflîon : i'efpere par la grâce de Dieu, les remettre tous en auat, fans y adioufter rien
ne diminuer, &: tenir le mcfme ordre tant des Dcmandcs,Refponfes,Diiputes,quedes
poin&sque ie traitayenmaconfcfîion. Leprianttrefafrectueulemcntquecefoitàfon
honneur & à fa gloire,à la confolâtion &c édification de fa poure &£ dcfolee Eglife,&: à la
confuiion & ruine du règne de Satan & de l'Antechrift. Parquoy ie prie tous fidèles de
receuoir cefte grâce que Dieu m'a faite , de tel cœur Se affection que ie leur donne , ex-
eufans cependant ma trop grande rudelTe Ô£ ignorace , tant au langage qu'en la tracta-
tion de la matière, difputcsôc* refponfcs: priansDieu afrcctucuiemcnt qu'il vucillcpar-
faire l'ceuure qu'il a commencé en moy,&me faire perfeuerer en la confcilionde fon
fainet nom iufques à la dernière goutte de mon fang, par fon Fils Iefus:auqucl foit hon-
M d.lii. neur,gloireôc empire éternellement, Ainfifoit-il. ^ Premièrement deuant que ve-
nir au poindt , trefehers frères, il vous faut entédre que le premier îour du mois de May
m. d. li i,pafTant par la ville de Lyon en venat de Laufane qui eft en la terre des Prin-
ces de Berne,où i'auoye eftudié en la parolle deDieu par long temps aucc mes frères bC
compagnons prifonniers : enuiron deux heures après midyvinfmcs en lamaifond'vn
Colonges homme dudit Lyon qui eftoit venu auec nous depuis CoJonges diftafit trois lieues de
dt î'Eiclufe Gcneuc, Se ayant communiqué auec nous de la parolle de Dieu , nous auoit conuié de
faire collation en fa maifon. Or cftans totis à table, voicy entrer le Preuoft de monlieur
de Lyon, aucc fon Lieutenant, accompagné de quinze ou vingt fergeans , lequel nous
demandad'oùnous venions, & de quelle vacation nous eftiôs. Auquel vn de mes com-
pagnons refpondit, Nous fournies cfcoliers., & venons des Alemagnes. Et après auoir
dit cela, il nous côftitue prifonniers de par le Roy,& Thofte de la maiion qui nous auoit
Conuiez.fi nous fit incontinent attacher deux à deux , craignant, voire &c tremblant de-
uant nous. Or cependant qu'on nous attachoit nous fifmesiignes, &: parlafmes lesvns
aux autres en Latin, nous exhortans àconfelTer le nom de Chrift ,&raufli parle che-
min. Toutefois on nous mena aux priions de monfieur de Lyon, là où noîïs fufmes fe-
parez les vns des autres, eftas mis chacun en vn croton:là où nous dcmcurafmcs gemif-
îansôc prians Dieu qu'il luy pleuft nous confoler & fortifier par fon Eiprit,pour eofeflei
fon fainet nom auec toute hardîclle deuant nos aduerfaires. Et cependant que nous e-
ftions
Efcriudn. 2û $
ftions en cette fain&e contemplation, voicy venir le Geôlier: lequel ayant ouuert les
deux portes du croton, accompagné du lieutenant du Preuoft, me mené au parquet
par deuant l'OrHcial &C plufieurs gens d'apparence qui cftoyent prefens. Adonc l'Offi-
cial me demanda, Comment vous appelez-vous? le refpon, Pierre El'criuain. D. De j^>n^e
quelle vocation eftes-vous? R. Iefuisefcolier. D. D'où venez-vous? R. Du pays des R.re"pôfe.
Princes de Berne. D. Dequelle ville? R. Delavillede Laufane. D. Que fai liez- vous
là? R. I'cftudioycen la parolle de Dieu. D. Quelle doctrine tiennent-ils à Laufane? R.
LaparollcdeDieu. D. Comment fauez-vous qu'ils tiennent la parolle de Dieu? R.
D'autant que long temps i'ay eftudié là, &c aflifté aux fermons, aflemblees &: congréga-
tions qui s'y t'ont iournellement : i'ay veu &: ouy qu'ils ne prefehent autre chofe que la
pure parolle de Dieu, & le croy auifi: carie fain&Efpritm'enafTeure. Alors l'Orficial
dit, Voulez-vous donc tenir &c viureen leurloy? R. Ouy , monlieur, d'autant que c'eft
la parolle de Dieu. D. Croycz-vousquelecorpsdelefus Chrift foit au facrement de 1'- D" Sacre-
autel? R. Nenny,monheur:car cela cil contraire à l'article de noftre foy , làoùnous di- Cene.dcli
fons &: croyons qu'il cft aflis à la dextre de Dieu le Pere tout-pui/Tant : de là où il ne par- Aa.3.
tiraiufquesauiourduiugement. OrquantàfaDiuinité,ie confeiTe qu'il cft par tout
le monde. Mais arin que vous ne penliez que ie nie le faintt Sacrement inftituépar Ie-
fus Chrift: ie croy & confeife le facrement de la faincte Cene : en laquelle ie reçoy &:
mange le corps de Iefus Chrift, &c boy fon fang: non pas charnellement, ainfi que les
Capernaitcs&. Papiftes cft imenr: mais ie croy qu'en receuant le pain &c le vin de la fain- i«n <f-
c~te Cene,ie reçoy le corps &c le fang de Iefus Chrift:&: que ie mange fa chair & fon farig,
maisparfoy. Alors moniieurle Procureur fifcal, homme de grand fauoir( ainfi que i'-
ay entendu depuis ) lequel on appelé monlieur Clepier , qui eftoit auprès de f Officiai,
me demande , Vous dites que vous croyez qu'en receuant le pain & le vin de la Cene,
vous receuez le corps de Iefus Chrift & fon fang. Ouy , monlieur, fpirituellemcnt par ColofTj;
foy,& non charnellement, car ia-£bit qu'il foit là haut au ciel, oùiele cerche par foy: fe^I,ef4'
toutefois par la vertu de fon Efprit, qui conioint les chofes qui font feparees par lôgues Ephcr.T.
dïftanccs, il nourrit, rctc'clionne& entretient nos ames delà chair &C du langdc Iefus
Chrift , par vnc manière admirable & incomprehélible:& fait que nous lommes mem-
bres de fon corps , & os de fes os , &: chair de fa chair. Croyez-vous qu'il y ait vn Pur- Purgatoire
gatoirelàoùlesamesfont purgées & nettoyées , pour lefquelles il faut prier Dieu? R. i-kam.
k croy que le fang de Iefus Chrift nous purge &c nettoyé de tousnos pechez:car pour
cela il a efté cfpandu . &C ne croy ne reçoy autre Purgatoire. L'Efcriture aufti nous de-
monftrc qu'il n'y a que deux chemins :1e chemin de vie éternelle , en laquelle vont a-
pres la mort tous ceux qui croyent en Iefus Chrift : &: le chemin de mort &: damnation
éternelle, en laquelle vont tous ceux qui ne croyent point en Iefus Chrift. Car il cft ef-
crit, Qui croit au Fils de Dieu, il a la vie éternelle, &palïe de la mort à la vie. mais qui Ican5 &
ne croit au Fils de Dieu , il eft délia condamné , &: 1 ire de Dieu demeure fur luy. Par-
quoy il ne faut point prier pour les morts au ninement : car s'ils font en Paradis , la priè-
re ne leur peut profiter, veu qu'ils fentent & lont participans du frui&de la mort &: pal-
lion de IcfusChrift,& de toutes les promeffes qui nousfont prefentees en l'Euangile:s'-
ils font danez,la prière auiïi ne leur profite de rien, car ils font maudits deDieu éternel-
lement. Croyez-vous qu'il fc faut confeffer aux Preftres? R. le croy qu'il fe faut con- Dt Cortt
fcfTcràvn fcul Dieu, ainfi que dit Dauid en plulieurs lieux defes Pfeaumes,& princi- fion.
paiement au Pfeaume 31, I'ay dit en moy-mefme , Ieferay confeiîion de mes péchez au
Seigneur : Se foudain tu as ofté la coulpe de mon péché. Voila la vraye Confeflion , & I'-
abfolution incontinent. D. Ne croyez-vous pas donc qu'il fc faut cofelfer aux Preftres?
R. Non,môiieur:car cela eft contraire à la parolle de Dieu,laquclle nous enleigne que
c'eft à Dieu fcul qu'il fe faut confefTer.ee queDauid demôftre au Pfeaume cinquante &c
vniemc,I'ay péché contre toy feul , &; ay fait deuant toy ce qui t 'eftoit defplaifant. Que d,s c< re-
dites-vous des Cérémonies de l'Eglife, comme de fonner les cloches, &: autres chofes niches,
qui y font obferuces? R. D'autant que nous fommes enuironnez decefte chair,nous ne
pouuons entendre ne comprendre les chofes de Dieu telles qu'elles font: mais auons
befoin d'aide , à caufe de noftre infirmité . parquoy en l'Eglife de noftre Seigneur il faut
qu'ily ait quelques cérémonies necefîàiremét : comme pour ouyr la parolle de Dieu,&:
pour prier &: chantcr,il fe faut afTembler en vn lieu:auflî au faincl Sacrement du Baptef-
me &c de la Cene, il y a certaines cérémonies qu'il faut qu'elles foyét obferuces , d'autat
M.
Liwo /// Pierre^ Efcriuain.
qu'elles ont efté inftituees de Iefus Chrift &: obferuees par les Apoftres , lefquclles i'ap-
prouue. Mais quant aux cérémonies de l'cglife du Pape, ie les renonce du tout:car elles
loin contraires à laparolle de Dieu retiret le poure monde du vray fennec que nous
D *n feni juy dcuons. D. Croyez-vous qu'il faut prier la vierge Maric,&: les Saincls 6c Saindbes de
îkan»1* l>ara^is>^ qu'^s font nos aduoeatsî R.ïe croy qu'il n'y a qu'vn Aduocat qui intercède 6c
Rom s. prie pour nous deuant Dieu le Pere , qui cil Iefus Chrift: au nom duquel nous auons jp-
leamifkifi melle d'eftre exaucez de Dieu noftrc Pere en nos prières &orailbns. Iecrbyaufli qu'il
clt noftre fcul Médiateur entre Dieu &: nous, ainfi que dit le iainct Apoftre : 6c qu'il n'y
a autre. Quant à la Vierge, ie croy qu'elle eft la plus heureufe d'entre les femmes , d'au-
tant qu'elle a creu ,& porte Iefus Chrift en fon ventre , citant vierge deuant l'enfante-
ment, 6c après l'enfantement. Et croy que nous la deuons imiter en fa foy 6c conuerfa-
tion : 6c inuoquer 6c adorer vn fcul Dieu à fon exemple, 6c amli qu'elle nous demonflre
en ion Cantique. Iecroyaulfi quelesSaincts fontbien-heurcuy,!cfqucls;nous faut imi-
ter ,& louer Dieu en eux, d'autant qu'il leur a fait tant de grâces :& non pas les inuo-
Aa.3-4.sa4 querny adorer, car eux-mefmcs ne le veulent: ains le défendent. ^Or voyant que le
Greffier n'eferiuoit pas ce qifeiedi{oye,mcfmcment les paiinges que i'amenoye del'-
Efcnturefaindte, iedy alors àl'Orncial: Moniteur, le Greffier n'eferit pascecjue ic dy,
ainft que ie voy. Parquoy il vous plaira de me faire donner de l'encre & du papier, pour
faire ma conf effion : &: pour demonftrerpar partages de la faindteEfcriture,cc que ic
croy 6c confefle : &: queie ne dy rien contre la parolle de Dieu. Lequel rcfpond , Bien,
cela fera fait: demain vous aurez de l'encre 6c du papier. Et après auoir dit cela , il me fît
foi t ligner ma depofition, 6c commanda au Geôlier 6c au lieutenant du Prcuoft,de me
mener en mon croton : où icrendy grâces à mon Dieu par Iefus Chrift fon Fils, de ce
qu'il m'auoit fortifié deuant fes ennemis, pour confefler fon iainct rem ,luy priant de
me donner perfeucrance iiiiqu'à la fin. Et après auoir prié, ia-loit quefufTecn vn cro-
ton obfcur,laoù à grand' peine pouuoyerefpirer, neantmoins iefu rortifk'par la vertu
du iainct Efprit , & conl'olé d'vnegrande confolation 6c ioyc , laquelle furmontoit tou-
te trifteflé, angoiil'e&: fafeherie . Le Lendemain qui cftoit le Lnndy fécond iour du
mois de may, à huit heures le Geôlier me vint muer en vn autre croton, là où ie voyoye
quelque peu pour efcrirc,&: me donna demie fucille de papier pourefenre ma cenfef-
fion . ce que ie fy en inuoquant Je Seigneur. Le lendemain le Geôlier vint par plufïeurs
fois me commander que ie defpefchafle. auquel ie fv rcfponfe que ie nepouuoyc, à cau-
fe que ie n'y voyoye que bien peu. • Or deux heures après midy,lc lieutenant du Prc-
uoft me vint quérir , 6c m'em mena en vne grande laîle où cftoit monfieur 1 Officiai , le
iuge Courrier, 6c pluiïcurs genseic grande apparence, tant Aduocats que bourgeois
Ôcmarchans Vautres. Il y auoit auffi plufleurs Moines, tant Iacopins que Corde-
liers,&: autres faux-prophetes qui portent la marque de la Befte. Alors l'Orficial me de-
manda, Voulez-vous perfeuerer 6c maintenir ce que vous aucz dcpofé& confefle? R.
Icn'ay rien dit ne depofé que la parolle de Dieu. Parquoy ie veux perfeuerer en made-
poiition ,&: veux maintenir &viurc&: mourir en ce que i'ay confeiïe. D. Auez-vous
eferit &: achcué voftre confefîlon ? R. l'en ay bien eferit vne partie feulement . mais ie
vous prie de permettre que iel'achcue,& de commander au Geôlier qu'il me donne
du papier. Lequel me dit, Lifezceque vous auez fait . Alors ie cemmençay à lire à
haute voix ce quei'auoyc eferit. Et après l'auoir leuJ'Official me dit, Voulcz-vo9 main-
tenir cela que vous auez eferit? R. Ouy,monfîeur,iufquesàlamort: car c'eft la vérité
de Dieu. Et il me commanda de fbubfigncr ma confeffion . ce queie fî suffi . & après
jlmedit, Voicydes Docteurs qui vous monftreront le contraire de ce que vous dites.
R. Qif ils commencent donc, carie fuis icy pour refpondrc. Alors vn moine Iacopin,
qui cftoit auprès de l'Offîcial, lequel les autres moines appeloyent Mcnfîeur le Do-
etcu r,commence de parler à moy, eiifant , Venez-çà,mon amy, vous dites en voftre co-
r u Pape, fcflion , queie Pape n'eft pointehef de l'Eglile i ie vous prouucray fc contraire. Le Pa-
pe eft fuccefleur de faindt Pierre : Ergo il eft chef de l'Eglilé. R. Premièrement, ie nié
l'antécédent, aflauoir que le Pape foit fuccefleur de fainâ Pierre. le le vous prouue,
dit-il. II eft au lieu de faindt. Pierre, Ergo il eft fuccefleur de faindt Pierre. R. le nie qu'-
hier.f. jj (QIC 2ui,cu dc faindt Pierre, ne fon fuccefleur: canine prel'che point la parolle de
Dieu ainfi que faindt. Pierre. Or celtsy qui veut eftre fuccefleur de faindt Pierre, il
faut qu'il face comme faindt Piètre, aflauoir prcfcherle faindt Euangilc,&paiftre le
trou-
^Pierrc^ÇfctMaitt. adjf,
troupeau de noftre Seigneur: ce que le Pape ne fait point , ainfi que ie vous demonftre
en ma confefTion. Dauantage, encore que le Pape fift comme faind Pierre , &c qu'il fuft
ion vray fuccefîeur, fi ne feroit-il pas pourtant le chef de l'Eglife de Iefus Chrift» Car Si
Pierre n'a point efté le chef de l'Eglife , mais membre , miniftre & Apoftre. Parquoy il
n'y a autre chef en l'Eglife n'en cognoy d'autre que Iefus Chrift feul , fans vicaire ne
fucceiTeuncar S.Paul auiTi le conftituefeul chef des Anges & des hommes. Alors mon- Ephcf.r.i:
fieur le moine refpondit , le fay bien que S.Paurdit que Iefus Chrift a efté coftitué chef •
fur toute l'Eglife : mais fi a-il vn Lieutenant en terre. R. le vous nie cela : car puis qu'il " '
remplit tout quant à fa Diuinité, & puis que par fon Efprit il gouuerne fon Egjife:la où
il eft, il ne faut point de Lieutenant. Le moine re(pond, le vous prou ue , que combien
que Iefus Chrift foit Roy du ciel& de la terre: toutefois fi a-il plufïçurs Lieutenâs en ce
monde, qui font Rois, lefqucls il veutqu'ils rcgnentfurfon peuple; R. C'eftbienau-
trechofe des affaires ciuils, &: autres des fpirituels . car quant au gouuerhement des
chofes de ce monde, il veut que les Rois &c Princes dominent, pour la conferuation du
genre humain : mais quant aux chofes fpirituelles (comme au royaume de Iefus Chrift
qui eft fpirituel ) il n'eft pas ainfi. Il m'amenoit d'autres fimilitudes friuolcs , defquelles
ie me déporte. Or pendant que ce Do&eur difputoit contre moy , pluficurs des autres
rafez qui eftoyent là , voyans que leur monfieur le grand Docteur eftoit veincu, crioyét
aucunefois deux ou trois eniemble contre moy pour m'eftonner. Et entre les autres, il
y eut vnCordelicr do&eur, lequel on appelé De-corn bis, qui médit, Vous dites que
iaind Pierre n'a pas efté chef de l'Eglife. R. Ouy, monfieur. le vous le prouue , dit-il:
Noftre Seigneur a dit à S. Pierre, Tu es Simon fils de Ionas: tu feras appelé Cephas. or iean ù
Cephas veut dire Caput en Latin,& en lâgue Françoife, Chef.R.D'où auez-vous prins
cefte interprétation; Saind Iean en fon Euangile, l'interprète bien autrement, car il
dit, Tu feras appelé Cephas, qui eft interprété Pierre. Voila donc Cephas qui fignifie
Pierre, & non pas Chef. Monfieur le iuge Vilardsqui eftoit auprès d'vn Cordelier, va
regarder au nouucau Teftamet , s'il eftoit ainfi que ie difoye : & trouua l'interprétation
ainii que i auoye dit. Adonc le d odeur moine baifla la tefte de grand' honte qu'il eut,&
ne dit plus rien . Et après le Iacopin dit, Vous dites en voftre confeiîîon , que l'hom- Du Franc_
me n'a Libéral-arbitre. le vous prouue le contraire. Il eft eferit en l'Euangile,qu'vn arbitre
hommedefeendoit de Icrufalcm en Icricho, lequel cheut entre les brigans,&:en fut
deipouillé&:naurê,&:laifie pour demy mort. Or faind Thomas d'Aquin l'interprète
du Libéral-arbitre, difant qu'il a bien efté blelTé, mais non tué du tout: Ergo,nousa-
uons encore le Libéral-arbitre. R. Premièrement ie vous nie cefte interprétation. D.
Eftes-vous plus fauant que faind Thomas i R. Ienedy pas que îefoyeplus fauant que
luy,mais ie vo9 nie que cefte parabole le doyue ainfi expliquer,ains pluftoft Iefus Chrift
par icelle veut demonftrer la charité que nous deuons auoirenuers noftre prochain.
Quant au Libéral-arbitre, nous n'en auôs aucunemét,car nous fommes morts du tout,
ô>: non pas en partie, ainfi que dit S.Paul. Et fi nous faifons bien, c'eft Dieu qui le fait en Roa.f ,& 6
nous par fon S. Efprit» Saind Paul dit aufli, que pour faire bonnes œuures,ilfaut que
Dieu nous donne le vouloir & le parfaire. Et ii Dieu nous le donne, nousnel'auonspas Ephef.i. :
donc. D. Vous dites en voftre confe/îîon , que nous fommes iuftifiez par foy feulemet.
R. Ouy,moiieur. le vous prouuc,dit-il, que nous fommes iuftifiez par les ceuures.Nous
méritons par nos œuures:Ergo, nous fommes iuftifiez par icclles. R. le vous nie l'ante-
cedét. le le vous prouue. Saind Paui dit au dernier chapitre de l'Epiftre aux Hebrieux,
HmcfictntiA & communications nv obliwfcamini ^îcdibm enimviciimit promn-etur JDcm , Ne met-
tez en oubly la beneficence & la communication,carDieu eft mérité par tels facrifiecs.
Vous voyez donc comment promeretur fignifie mériter. Parquoy s'enfuir que nous mé-
ritons. R.Ie nie qu'il y ait ainfi au texte en fuyuant la vraye tranflation. Alors l'Orflcial
&: les autres moines dirent tous cnfemble , Dites donc comment il y a au texte. R. En
fuyuat la propre langue àc le fens de l'Apoftre, il y a , TaLbusiticlitnuplacttrur Deue, ou bien
pacatur: Le Seigneur prend fon bon plaifirentelsfacnfices,oubieneftappaifépar tels
facrifices. Alors monfieur de Vilards le iuge regarda au nouueau Teftament du
Cordelier,&: trouua ainfi que i'auoye dit : dont ces faux-prophetes furent confus fans
réplique.
1 1 vous aiTcure,mcs frères ôdbeurs,qu'en difputat cotre ces mal-hcureux,i'eftoye alai^
Mai.
jL/wo ///. TiencJëfiriuain.
gre&ioyeux,&: leur reipondoyepàifibiement&: doucement. Eux au contraire eftoy et
eftonncz: aucuns baillbyent leurs telles , les autres grinçoyentles dents, ainiî que ie
voyoye. Entre autres Cordcliers , il y en eut vn qui me demanda , Que dites-vous de là
iscofefcf- Conreflîon? R. Qu'il le faut confellér à Dieu feul . car quânt aux partages que vous
Con. amenez de l'Efcnture, ils ne le peuuenc entendre ny expliquer de la Confcflion àuricu-
U**' lairc.EtcequeS.Iaquesditdeconr'eUcrlcspechezrvnà l'autre > s'entend delà recon-
ciliation que nous deuonsfairelesvnsauec les autres. Lcspoures aueugJcs ne (eurent
que dire ne rcfpondre. Adonc l'Orficial dit, Mon amy, ie voy les dcmonftrations qu'oii
vous rait:mais vous pcifeuerez en voftre erreur, 6c elles obftiné. Parquoy penfezà vo-
ftrearFaire. R. Quant aux dcmonftrations, raifons&argumcns que Ion m'ameine de
toutes parts, vous voycz,monlieur, (û vo9 en voulez iuger félon vérité) que tout cela n'-
en: pas furfifant pour prouuer le contraire de ce que ie dy. Vous voyez qu'ils ne pcuucnt
réfuter ce que ie dy par la parolle de Dieu-, ne monftrfer le contraire. le ne fuis point ob-
ftiné) ny ne fuis en erreur, 6c ne fouftié rie que la parolle de Dieu, laquelle ie veux main-
tenir 6c défendre iufqucs au dernier foufpir de ma vie. Et alors l'Orricial commâda qu'-
on me menait au crotomlà t>ù ie fu iulques au Mardy fuyuant , qui eftoit le dixième du-
dit mois de May, priant ie Seigneur de me fortifier de iour en iour pour maintenir con-
ftammentfacauie. ^ Et d'autant qu'on auoit difputé contre moy du (acrement de la
Ceneaux dernières difputes,ieme preparoye cepehdant pour reljpondre aux obiediôs
qu'on me pourroit faire cotre ce qUe l'en auoye dit &c traitte en ma côfeflion . 6c ce bon
Dieu exauça ma prière 6c oraifon. Le dixième du mois de May, qui eftoit vn Mardy au
matin enuiron fept heures, le Geôlier me vint quérir pour me mener deuant l'Official*
où eftoit aumTorKcial de la Primace, ennemy delefus Chrift: aufïîmonlîeur de Clepi,
qui eft procureur officiai, auec quelques autres de la marque de l' A ntechnft : entre lef-
quels il y auoit vn do&eur lacopin, lequel auoit bien efté prefent aux difputcs:mais n'a-
uoit point difputé contre moy. Quand ie fu deuant eux, l'Official me dît, Et bien, mon
amy, voulez-vous perfeuerer en ce que vous auez dit? R. Ouy,monlieur:car c'eft la pa-
rolle de Dieu , pour laquelle ie veux viurc 6c mourir. Incontinent le Iacopin me dit,
Croyez-vo9 que le corps de Ictus Chrift loitauS.Sacrcmétlocalemct: R.Nenny,mon-
Matas iieur:car la parolle de Dieu no9 cnleigne qu'il eft là fus au ciel, où il demeurera iufqu'au
Luc ill iour du iugement : Et c eft aulïi vn arcicle de noftre foy, en laquelle nous difons, le croy
Aa.i. qu'il eft monté aux deux , 6c eft allis à la dextre de Dieu le Pere touc-puilfant. Parquoy
CdofT3. s ^ e^ ^ naut cîLiant * *°n humanité, 6c faut qu'il demeure là(ainh que dit S. Pierre) iuf-
qu a la reftauration de toutes choies, qui fera au iour du iugement , il ne le faut dôc cher-
cher icy bas ny au Sacrement. D. Iefus Chrift prenant le pain dit,Cecy eft mon corpstil
s'enfuit donc que le corps y eft. R. Iefus Chrift ne veut pas dire que le pain de la Ce ne
qu'il donnoit à les difciples, fuft Ion corps : mais le ligne feulement , carie mot eft , n eft
pas prins là fubftatif , aifauoir en fa propre lignificatiommais pour,Signifier : par vnc fi-
gure qui eft fortvlitce aux fainctes Efcritures, laquelle s'appele Métonymie : alfauon'
quand le ligne le prend pour la choie qu'il lignifie ou reprefente, ou la choie mefme
Gcn 17. pour le ligne : ainli que nous en auons plulîeurs exemples tant au vieil Teftamcnt qu'-
au nouueau. Et premièrement en Genefe , le Seigneur appelé la Circoncilion , Son al-
liance: &: toutefois ce n'eft pas fon alliance:mais le lèau 6c le ligne,ainli qu'en ce mefmc
1x0,11, chapitre eft dit, 6c en plufieurs autres lieux. Ileftefcriten Exode touchât l'Agneau, C-
eft le pallàge du Seigneur. Or il n'cftoit pas le palfagermais le ligne,ainfi queMoyfe l'ex-
plique en d'autres lieux. Voila, e/?,qui eft prins en ces deux lieux pour, Signin"er,& mef-
mes âux Sacremens. Alors le Moine dit ,11 y a grande différence aux Sacremés du Vieil
& du Nouueau. Car ceux du Vieil ne conferoyent pas grace:ce que font ceux du Nou-
ueau. R. Ne les Sacremés du Vieil ne du Nouueau ne côferent point grâce: mais nous
dcmonftrcnt qu'elle nous eft conférée par Iefus Chrift. Car le Miniftre donne le Sacre-
ment tant feulement* &: Iefus Chrift par la vertu de lonEfprit donne les graces,&: com-
munique les jpmclfes qui nous lont faites 6c preléntees en iceluy. D. Les Pères du vieil
Teftamcnt, n ont-ils pas efté participas de lagrace&des promeilés corne nous? R. Les-
nCor 10. peres vieii Teftament, ainli que dit S. Paul, ont magé vne mefme viande fpirituelle
auec nous,& ont beu vn mefmc bruuagc fpirituel. Parquoy s'enfuit qu'ils ont efté parti-
cipans d'vne mefme grâce 6c de mefmes promeilés que no9 fommes , par la loy qu'ils a^
uoyent en Iefus Chrift. D, Iefus Chrift dit en S. Iean,chap.v 1, Vos peres ont mangé là
Man-
Martûe au fcCctuto font moartfcErgo^i&^Stojt point cft^.pARlc^iwdViïcmcfmt grg-
ceauecnous* R. lefus Chjift pftrieen , cëfrç(0agc-la dcccuxquinereceuremla-Manné
par £by> qui eftoic vp Sacrement lequcljttonftrdit que lefus Ciuift cftoit la vraye Man-
ne dépendance du ciel: mais il ne parle pas en ce paffage dç ceux qui la receurent par
foy, comm e Moyfe> AafoejIofué&Calcb. Dauantagc , Ie/us.Chrift dit en S, lean A-
braham a veu mon iôur, Sic s en cil refiouy. Or Abrahama yeu Iews Chrift, non pas des l*« «»
yeux cbarnels:mais des yeux cMafoy. Alors, le Doaeurfutforteftonné,ne fâchant de
quel cofté fe tournençar quand ieluy aupye baillé la folution d'vn a/gumet, il cerchoic
toujours quelque échappatoire, afin qu'il ne fvrft eftiméeûre vaincu: &: bien fouuent
ilraedifoit, J^fcouçez monamy, ne vous efchauflez point tant,& ne criez ainfi. Atten-
dez,attei*lez vn peu: ie vous prçuue que ceux dç l'ancien Teftament n'eftoyent parti-
cipans de UgFftfie comme nous. S.Paul,dit,La Loyengçjadreire, Etenvn autre pailà- Roro.4;
<*e, Tonsççux quifontfousla Loy, Ion; fous maledidion.Syis: font fousmaledi&ion&: Gaiat.3,
ire:Ergo,ijs n'ont pas efté parcicipans de la grâce corn me nous. R. S.Paul demôftre par
ces paifag.es, que la Loy ne nous peut iuftifieryd'autant qu aucun ne la peut accomplir:
Se que tous ceux qui veulent ,eftreiuftiÉez deuant Dieu par iedle , font maudits: mais
qu'il faut aller à lefus ChrinSqui l'a accomplie : fii par la foy que nous auons en luy, l'ac-
compliiTement d'icelle nous fera impu té. LaLoy donc engendre ire i Se nous condâne
tous : non pas d'elk-mefme,mais à caufede nous qui ne k pouuons accomplir.Or nous
voyôs que les Pères de 1'ancie.n Teftament n'ont pas cferché leur iuftification en la Loy#
mais en lefus Çhrift,qui eft la En de la Loy,auquel ils ont creu. S.Paul demonftre au fe-
prieme des Romains qu'en l'ancien Teftament n y auoit qu'ire Se menaces, Se au nou-
ueau Teftament grâce Se miiericorde, difant,Las moy miferable homme i qui me deli-
urera du corps de cefte mort ? La grâce de Dieu par lefus Chrift. Voila comme en l'an-
cien Teftament n'y auoit qu'ire Se vengeance^ au nouueau Teftamenr,grace Se mife-
riçorde. R. S» Paul ne parle point là du vieil ne du nouueau Teftament: mais delà ba-
taille qui eft en l'home régénéré par l'Efprit de Dieu. Car la partie qui n'eft régénérée,
bataille contre le S.Efprit qui eft en l'homme fidèle , ainii que le S. Apoftrc demonftre
& lent en foy-mefme. Dauantage,en la vraye tranflation il y a, le ren grâces à Dieu par
lefus Chrift :& non point,La grâce de Dieu par lefus Chrift. Or cependant que ie dif-
putoyeauecceMoine,l'officialde la Primace fe tormentoip>& fouuent crioit contré
moy, m'appelant hérétique, Se voyant que monfieur le Doreur auoit la bouche fer-
mée, & qu'il neppuuoit relpondre, il cria contre moy, difanr, Va mefehant hérétique:
tu nies le fainft Sacrement. R. le ne nie point le faind Sacrement< ains le croy,& le re-
çoy ainfi que lefus Chrift l'a ordonné s»: communiqué à fesApoftres. D. Tu nies que le
corps de Iefiis Chrift foit au Sacrement , Se appelés le Sacrement, Pain. R. L'Efcriture
nous enfeigne qu'il nous faut ex rcher le corps dé lefus au ciel :&: principalement fainft
Paul, qui dit au troifieme chapitre des Coloffiens> Si vous eftes reffufeitez auec Chrift* en-
cercliez les chbfes qui font d'enhaut* Se non qui fontfur la terre : là où eft Chrift feant à
ladextredeDieu. Quanta ce que iedy que le Sacrement n'eft pas le Corps de lefus
Chrift,mais pain ayant fa propre fubftance telle qu'il auoit deuant:fain£t Paul le demô-
ftre auflî clairement en la première aux Corinthiens , chapitre onzième . car en iceluy
par quatre ou cinq fois il appelé le Sacremétde la fain&e Cene, Pain. Le Moine refpôd
alors Se dit , lefus Chrift fe dit eftre le pain de vie. Et puis l'officiai de la Primace dit*
Mefehant hérétique, lefus Chrift dit, le fuis la vigne & la porte, & parle là par umilitu-
des:mais les parolles du Sacrement ne s'entendent pas ainû". R. Cespaffages que vous
amenez font pour moy, Sinon point pour vous. D. Vien-çà, mefchanr, veux-tu donc DifFcrc
dire que le pain de la Cene, Se celuy que nous mangeons , eft tout vn,&: qu'il n'eft en enlrc '(
rien différent ? R. Quant à la fubftance, ils ne font point differejis: m ai s quant aux JJj^
qualitez. car le pain de la Cene a vne mefme fubftance que celuy que nous mangeons, noiu i.
Or il y a grande différence aux qualitez . car au pain duquel nous vfons journellement, Sco,JS;
il n'y aprome/Te : mais en celuy delaCene,ilyapromeffe. Alors il dit, Va mefehant
hérétique, tu feras bruflé,& t'en iras au diable. R, Si ie fuis bruflé pour maintenir la
parolle de Dieu , ie n'iray pas au diable pourtant. Vous iugez maintenant Se faites
à voftre plaiûr: mais regardez que vous ferez, car il y a yn autre luge par-deffus vous,
qui eft le Dieu viuant , lequel iugera de noftre caufe en vérité , 11 iuftifiera les in-
nocens qui maintiennent fa caufe Se fa querelle, mais il condamnera les mefehans,
M.iii.
Pierre^ Efirimin.
6C ceux qui perfecutent fâ fainete parolle* Adonc il cria comme vn enrage, Va mefohàt -
menez-le au croton. le dy alorsàmontieur l'orficial Buaticr , le vous pricjmoniicu^dc
permettre quei'achcue ma confeflion. Lequel me rclpondit enlemble le Moine , îs: T
autre Orficial, Allez,allcz. le party donc de deuant eux bien taiché, à caulc de ces po
ures mai-heureux. Mais quand îc ru au croton, ie commençay à prier Dicu,&confuie-
rer la victoire q i'auoye eue de ces faux- prophètes de l'Amechrift : lefqucls i'auoye vt u
confondus Se a b bat us par la parollede Dieu , fans Te pouuoir relcuer. Alors le S. Efpric
me réduit en mémoire la promciîc que Icfus Chrift a faite à tous ceux qui ieront ame-
nez deuant ("es ennemis, pour maintenir la cau!e,dilanr, Vous ferez amenez deuant k ;
Luc iu Rois, Prclidens 6c luges, pour eftrc tcfmoins contr'eux : &c ie vous donneray alors bou-
che Se fapience, à laquel ie vos aduerfaires ne pourront refifter. O la grade cortfolation
i^- 6c ioye, cvcfchcrs frères 6c fleurs, que i'cu en mon caur quand ie vv la prbmelîe auoir e-
ftc en moy accomplie, 6c la parolle de Dieu demeurée viclorieufe contre Satan, 6c con-
tre rAntcchrift &: Ces fàux-prophetcs! Certes i'ay eu de grades confolation s depuis que
noftrebon Dieu maappelle àlacognoiiîàncc de fa fain&e Parolle, 6C m clin cment ce
pendant que i'ay demeure en la S.aifcmbléc des fidèles à Gcneuc 6c a Laulàne: mais la
moindre ioyeis£ confolation que i'cu pour lors, ôcay encore iournellcmcnt en ma ca-
ptiuité, furmonce toutes les îovcs* confolàtions &c plaifirs que ïamais i eu t n ce monde.
Carie S. Efpnt me réduit en mémoire tant de belles promettes que Icfus Chrift fait a
ceux qui fouit Vent pour ion nom , 6c me fait goufter les ioyes de Parad is : Tu es mainte
Confola- nanr,dit-il,en ces lieux obfcurs, ô bien-heureufe créature, mette de tout le monde c a*
voas iu s. me vn mauclitt 6c mal-hcui eux, pour maintenir la querelle du Fils de Dieu: tu a< grade
prl ' trifteflc& pleur maintenant, mais ccft le temps que tu te dois refiouir en Dicu,i Ôiide-
rant le bien 6c honneur qu'il te fait: regardant à cefte couronne d'immortalité qui t'eft
préparée là haut au ciel, en la fin de la bataille. Que il tu es mené aux toi mens en grade
hote 6c deshonneur,ô bien-heureux fidcle , rciiouy-toyxar deuant Dieu 6c les Anges il
t e il fait plus d'honneur, que (i tu cftois Roy, Empereur ne Monarque de tout le modes
Ron-, s. l'remieremcnttu es fait conforme à l'image du Fils de Dieu , pour eftrc parricipant de
i.i»icr.4- ^a g]uire immortalue. après, l'Efprit de la gloire repofe fur toy, qui ftirmontc tous les
honneurs, couronncs&: triomphes de ce monde. Tues maintenant àl'efcolc de Ictus
Chrift, là où le Pereccleftcdefplovc les threfors&: riche/Tes de fagrace,&; les admira-
bles fecrets de fafapiencc\&: profonds 6c incomprchéfiblcs iugemensrcn laquelle rous
les Prophètes, Icfus Chrift , les Apoftres&: Martys ontefté ,&: enduré iniures, oppio-
bresik: playes,&: ontefté efprouuez comme for en la rornaifc,deuât qu'obtenir la cou-
ronne d'immortalité, laquelle eft préparée àtous ceux qui maintiennent lacauie de
Dieu, 6c qui font vrais & fidèles foldats de Chrift iufqu à la mort. Voila trefehers frères,
la le£ture&: leçon que le fainâ Efprit nous tailoit pour lors, 6c fait encore tous les iours,
qui eft le grand Docteur de cefte tant heureufe efcoîe. Le lendemain , qui dl oit vn
Mecrcdy onzième iour duditmois, icfli amené envn autre croton qui eftoit vn peu
clair,làoii eftoit vn de mes frères 6c côpagnons, qui eftoit prins auecmoy pour vue mef
mecaufe, auecïequeliemc confolay grandement patTefpace dedeux iours.&fu a-
mené là parvncgran.de prouidence deDieti. Careftant làauec ledit frère, on nous
aducrtit commet nousdeuionsappelercommed'ahus, après que ferions déclare " hé-
rétiques, laquelle chofe ie n'cu/Icpeufauoir, ny autfi vn autre frerequi eftoit deiîous
moy envn croton, linon par ce feul moyen. Orlefoir on me remena en monpn miei
crotom&r parles priuez i'aducrty ledit frere qui eftoit de/Tous moy. Le vendredy venu,
le trezieme dudit mois, cnuiron huit heures le Geôlier me vmt quérir pour me mener
deuant l'OrHcial : la où il n'y auoit aucc luy que le Geôlier 6c vn homme : lequel me d<
manda premièrement li i'auoye cfté iamais à la Chcrité. R. Nenny, moniîeur, ny ne
fay ou elle eft. Voulez-vous dire, dit-il, que vous n y ayeziamais cfté? R. Certainemct
non. 1). N'auez-vous pas efté en la compagnie de ceux qui deliureicnt Richard, quad
onlemenoit? R. Non moniieur, ne iamais n'ayveu ne cognu Richard, lufques afau-
tre iour qu'il palfoitpar la Saône, qu'on diloitque c'eftoitluy. Et foyez a/fcuié, mon-
Ccfl Ri- ficur, en fuyuant le iu rement 6c la foy que ie vous ay promife, que ien'y ay point cité, ny
uie'juqiitî aui^ voudroye y auoir eltc,& n'approuue aucunement ce faicl.car ce n'eft pas Je moyen
k- nurtyre par lequel il fau t défendre la parolle de Dieu &: ceux qui la maintiennent. D.Erdonc,
c<* c> lir« voulez-vous touliouLsperfeuerercn voftreerreur,&: opinion? R. Cequefe maintien,
c'eft
ccft la parole de Dieu,&: ne dy rien cotre îCellc.D.Cômehtfauez-vousqueceque vous
niaiïitcfiezjc'cft parolle de Dieu?R.Par ce que tout ce q ie dy eft conforme à la doctrine
dcsPropheteSjApoit.&delefusChrift^&parleS.Ei'pritquim'a/îcure que c'eftla paroi
le de Dicu,&: ie le croy ainfi.Dauantage,vous auezveu;,monn*eur,qu'oh ne me peut pa^
monftrcr du contràireme cohuaincre que ce que ie dy ne foit la vérité. Car ces iours paf
fez vous viftes que cel'uy quidifputoitcontremoy,futvaincuparlantdu S. Sacrement,
&: de plulieurs autres poin&s.D. Vous niez leS. Sacrement. R. Non fay pas,monfîeur:
ains le croy ainfi que Iefus Chriftl'a ordonné, &ainfi que S. Auguftin l'explique fur S*.
Iean.Or voyant que leditOfficial eftoit accouftré autrement qu'il n'auoit decouïlume,
îoind auflî qu'il m auoit tenu tels proposée penfay qu'il me vouloit déclarer hérétique,
&: qu'en bref nous ferions dcfpefchez.Ie dy aIors,Monfieur, on nous a prihs en parlant
noftre chemin fans inquifitions,&: fans auoïrrien fait contre les edicts du Roy. Vous
rousauezinterrogué de noftre foy,& nous vous auons refpondu parla parolle deDien,
il eft bien permis à vn Turc & à vn Iuif de rehdrc railon de leur foy,&rdoftrine, s'ils font
ïntcrrogueZjfans aucû danger de leur vie.Pourquoy ne nous doit-il eftre permis, à nous
auflî qui ne dirons rien que ce qui eft contenu en la Parolle? Nous (auons bié, môfieur,q
nous ne fômeS pas tombez entre vos mains à l'auéture: mais par la jpuidence èc vouloir
de Dieu.VouseftesauiTi ordonné de Dieupoiir eftre juge de noftrecaufc, qui eft bon-
ne Se iufte Parquoy regardez maintenant cornent vous iugerez.Car û vous iugez malj
il y avnautreiuge par-deiïusvousquiencognoiftra &: iugera félon équité: deuant le-
quel faudra que vous veniez quelque fois pour ouyrfentencc contre voùs,fi vous coft- ^
damnez fa fain&e parole.Or cependant que iedifoye ces choies d'vh grand zele &: ve- tourmea*
hcmenccjcc poure mal-heurelix fe poùrmenoit eftant tout eftonnc&: efFrayé,tcllemet ?u 001 lrt
qu'il ne pouuoitrefpôndrevn feul mot. Auparauant il auoit vn vifage riant quand il îondlmnlt
m'interroguoit: mais alors il eftoit trifte & pafle,nc fe pouuant arrefter en vn lieu .Quad. la vérité.
îeluyprôpofoyeleiugemcntdeDieudcuant^ilnedifoitrien^lî ne fauoit fortir de
deuant moy:& cependant le Seigneur foudroyoit fur iatefte,&: me faifoit parler d'vn,
zele & hardTciTc la plus grande que iamais.Or après auoir parle long temps,il me dit en
s'en allantjl faut bien maintenir la parolle de Dieu. Apres auoir dit cela,Je Geôlier me
remit au croton.Vn quart d'heureapres, on me vint quérir pour m'amener au parqt de
uantlcs OfHciaux&: plulicursautrcs,là oùily auoit vne grande multitude de gens. E-
ft a nt donc arriué au lieu,rofficialBuatier commença à lire & pronocer ma fentece,,me
condamnant hérétique &fchifmatique. Alors iedy, l'appelé de voftrefcntence com- . «
me d'abus. L'Official me dit, Pourquoy en appelez-vous? maintenant vous ne parliez mïï'abui
pas ainfi.R.Mon!îeur,en ma confellîon ie parle contre les abus,& non pas contre la pa-
rolle de Dieu. Parquoy i'çri appelle comme d abus. Or après la fencence &: noftre dit ap
pel,ils cuiderét enrager de grade ire &c fureur.Et l'official Buatièr, vicaire gênerai de F-
archcucfque de Lyon, après nous auoir condamnez s'en retourna en lama maifon tté-
blant,ainfi qu'il nous a efté dit par vh homme de bien qui levid.&T en parlant de noftre
appel, il eftoit tout troublé.^ Eftant donc arriué en fa maifon tout eftonné , voicy venir
vne demie heure après, le iugeMelier, qui fe difbit eftre enuoyé parle lieutenant du
Roy:lequcldit,Moniieurle Lieutenant m'enuoye icy pour faire remuer ces Lutheries
&C les amener à Rouanne,afin qu'ils loyent defpcfchez demain. Au'qucl l'Official fit ref
ponfc qu'il n'en feroit rien,pource qu'auions appelé comme d'abus.& que noftre appel
feroit receu. Adonc ce lion cria,Comment?vous ne voulez pas donc faire îuftice de ces
mcfchansheretiqueslL'OrÏÏcial refpohdir,Si fay: mais premièrement i'en veux conful-
ter,& enefcrireàParis,pourfauoiriïlcurappelauralieu.ilsferontauiri bons entre-cy
6c\n mois que maintenant. Voila comment Dieu nous à défendus parceluy qui nous
auoit condamnez vn peu deuât:& a fait que ce lion nous a eftépaftcùr pourvn temps, Que tous
pour nous défendre contre la rage des autres lions. Vn loup raui/lant, contre fa nature c, uns de.
a gardé que les poures brebis n'ont efté deuorees par autres lonps.En quey Dieu a mô- «cyXcT
ftré fa main forte & puiifante-,quia efté certes vne œuurc de Dieu grande & admirable 1U1
deuant nos yeux, pour nous afleurer touliours en ces pi orne/Tes , & en l'a bonté & mife-
ricorde,voyans le grand fdin qu'ilatoùliours deceuxquiefpcrent en luy, lachansauf-
fi que quand nous ferons fous la garde &: fous fa main,le diable ne toute la puiflance du
monde ne nous pourra nuire aucunementmon pas mcfmes nous ofter vn petit poil dé
tioftre cçfte.Dequoy nous luy deuons rendre grâces & Iouanges,magnifians &: glorifias
M. iiii.
lu u.
Liurc^j 111 Pierre^ Efiriuain.
fon fainct no de cette dchurance qu'il a faite defes poures feruitcurs, nous faifant viurt
a milieu de la mort,mefme contre toute cfperance:fuicitant cependan: tât de gés de
bien pour noftre grand foulagemenrqui fe font employez par tous moyens, tât pour le
foulage ment de nos poures corps, que pour noftre dcliuranccxjui cft vne choie admira
ble deuant nos veux,6e" impoffiblc à raconter. Voila ces cruels lions,qui dciiaauoyct ou
uert leurs gueules pour nous deuorcr &: engloutir,&: pour nous mettre à moitié lende-
main,qui eftoit le quarorzicme du mois de ivlav,ainiî qu'ils l'auoyent arreile en leur cô-
feil: mais par ces deux ou trois mots que noftre bÔDicu mit en noftre bouche, il c mpef
chalarage de ces cruelles bc ftes:&: a fait que ces parollcs ont efte vne bride en leur bon
che &: en leurs narines , pour les tenir tellemc t qu'ils ne no9 ont peu nuire aucunemér.
Certes le Se;gncurmiraculeufemcntnousaprc4éruez3e"dcfendus con tre leurs côicils,
machinat:ons,&: 'entreprinfcs:nousfaifant glorifier l'en fainct nom aux priions par lôg
temp5 voire triompher dedans le fort de nos ennemis.Etiaibir que Sar.an nous ait mis
embuichcsdetousceftcziia-ioitquelcs aiTauts nous ay eut efte donncz&par dehors
Se par cil dans,maintenant par crainte &: trcmblcmcns,mamtcnant par belles pre met
fesSJ ivatteriesrmaintcnant nous piopciant les tourmens delamort cruelle U îgnomi-
eufe qu'il nous talloir endurer deuant le monde , il nous perleuenons en noftre confef-
fiomrpajntenant la liberté de nos corps,ôc les porte s ouuertes qui nous cft oyent prçfen
tees,n vôuhôsnousdcfdire6: accorder auec eux:mais quoyiont-ils peu gagner rurno9:
Ncus ont-ils peu faire perdre couragc,pour nous accorder auec eux en quelque peiner,
eu pour nous faire quitte r du tout la placerNenny, nenny. Car noftre b on Dieu nous a
tellement confolczÔJ fortifiez par la vertu de ion Efprit, qu'il nousa rendus inuinci-
l ks,Yoirc victorieux de tous nos ennemis. O que ce vieux ferpent Satan nous a donné
de grans afiaux,&:auec grande rage ietté ics flefehes ardentes contre nou s,quâd il nous
a prefente la liberté de noftre corps, les bicns,ncheilcs 8e honne urs du monde , 1 angoif
le Se mfteiTe que nos poures pare ns ont pour nous,& la grâd'ioyc Se heiïe qu'ils auroyét
de neftre deliurance:mais ce bon D:cu nous a tellement affilie , que vrayement quand
ces choies ont cfté &: font encorcs propofees Se miles deuant nos yeux , nollrcpoure c-
fpntgcmit&rplcure,non pasdcfirantladeliurancede ce corps , ou regrettât les biens,
honneurs Se plaifirs de ce mondemon pas regardant plus à la tnfteife, angoiifc Se milc-
re de nos poures parens qua la gloire de Dieu,6c la caule que nous mamtcnôs:mais no-
ftre efprit gémit ion adoption ,&: la reuelationde la gloire des enfansde Dieu: il rc-
ic^tetcutes choies,Scles cftime fientefic ordure, au prix de l'excellence ce noftre Sei-
gneur Ielus Chnft,&: delà couronne de gloire qui nous cft préparée après ce combat.
Et fi la chair d'autre part fe contrifte Se tremble, fi elle gémit Se foufpire, voyant le tour-
ment Se la mort prochaine,incontinent l'efprk luv propole latresheureuie Se tnophan
te reiurrettiô,en laquelle elle fera plcincmét reftauree,& courônee de gioirc&: immor-
talité, femblable au corps glorieux de Iefu s Chnft,pourviurelahautau ciel éternelle
ment auec Dieu Se auec les bien-heureux Anges. Hclas, trefehers frère s & fecurs, nous
fommes maintenant reiettez de tout le mondc,ÔJ eftimez comme l'ordure Se fiente d'i-
celuy .Nous ne voyons deuant nos yeux que confufion, cruels tourmens Se fhorriblcfa
. ttinc ce àeb. morr,nous monrô's tous les iours Se à toutes heures pour noftre Seigneur Ieius,
' ' -■ f 5c pour feiperance que nous auons en luv:toutcfois nous ne perdons courage aucune-
tida- mét,ni ne nous troublons poît:maiseftâs aifcurcz&: certains de l'amour Se chanté que
noftre iion dieu nous porrc:cftans enuironnezdc fes ailes .Se cachez fouslcs plavesde
Ieius Chnft,defpitons toute la rage du mode Si du cjablc,de la mort Se d'enfer, Se nous
eficui'î'ons d vne îoveSe liciTc mcomprehétibleôe inénarrable, artendans en grand de-
iirSc repos de confciencc, cefte bicn-heureufciourn.ee en laquelle noftre Seigneur ap
paroiftra,pour nous recueillir en fon royaume cclefte,auquel nous viurons Se regnerôs
auec luv etcrncllement-N auons-nous pas donc grande matière de nousreiiouyr,Sc de
nous glorifier en la croix de noftre Seigneur Iefus,puis que noftre bô Dieu nous fait tât
de bien Se d'honncur,que nous receuoir au nombre de fesMarryrs,nous qui nefommes
que poures vers de terre,Se nous retirer de ce val de mifercs Se maux pour nous emme-
ner en fon royaume eterneheuy vraycmét.Certes,trcfchcrs frères fie iœurs,ncus fentôs
vne telle confolaticnSc ioyc en noftre cœur,nous fentons vne telle douceur en la croix
Se aux cfpines de la couronne de Icfus Chrift, qu'à bon droid ncuspouuons dire auec
«-_.- le S.Apoitre, la naduienne que iemc glorifie qu'en la croix de Chnft, par lequel le
monde
fykrtc^Sfcrmain. 207
monde m'eft crucifié,&: moy au rnonde.O.que fi nolis pouuions entendre les grads tre-
fbrs>richefles &c bencdiôtions ecleftes que Dieu defpîoye & cômunique à ceux qui fouf
fi ent & endurent aux prifons de l'Antechrift, pour maintenir fa parollei Si nous poll-
uions fentir quelque gouft desioyes ecleftesj deiquelles l'ont dciia participas en ce mô-
de les Martyrs,& ceux qui ehdufet pour Chrift: nous ne ferions pas fi lafehes que nous
fommes-.nous ne nous endormirions point,&: ne fuirions la croix ne les afflidiohs pour
maintenir la gloire de Dieu.-ainfi que nous faifons.Las,ceUx qui font aux gages de quel
que Prince terrïen,ne doutent pas de lai/lcrnonfeulement leurs peresjmeres/emmes, Argument
enfâSjrichcfiTes pour aller à fon feruice.mais le plus fouhét expofent leurs propres vies, du mo»dr«
mefmes pour maintenir vne mefchante querelle. &; nous ^qiii auons vn tel Prince , alfa- *u 8raudr
uoir Iefus Chrift Fils de Dieu , qui a fouffert mort&: paillon en l'arbre de la croix pour
nous pourespecheurs,douterons-nous de laifler toutes chofes,voired'expofer nos pro
près vies pour maintenir fa caufe& querelle tantiufte &: raifonnable > veu qu'ilapuil1
fance de les nous rendre apresrEt fi tant d'exeples du téps paifé ne nous peuuét eimou
uoir , ny inciter de marcher eh bataille pour maintenir la càufe du Fils de Dieu : helas,
pour le moins que ceux de noftre temps, que Dieu nou s prefente deuant nos yeux,le fa
cent. Nous voyons nos poures frères Se lœurs eftre amenez aux tourmens & à la mort
cruelle de toutes pars, pour maintenir celle mefme caufe tant iufte &raiionablc.Nous
Voyôs laterre arroufee du fang innocet,l a/faUtquî a efté doné contre le fort de l' Antc-
chrift,& la grade brefche qui a efté faite par cefte grade artillerie de la parolle deDieu:
&: nous ne predrons courage de marcher en bataille donner l'affaut? Penfons-nousà
uoir la courône de gloire lans auoir pmierement bataillé auec noftre grandCapitaine?
pcfons-no9 régner auec le Fils de Dieu fans aUoir fouffert & enduré auec luy en ce mo-
de ? Nenny^nenny.Parquoy^chers frères &: fœu rs ^courons jcou 1 5s au côbat qui nous eft
propôfé regardans à noftre grad Capitaine Iefus Chrift: &: oftôs toute charge qui nous
pcutcrnpefcher de courir legeremet,pour obtenir la cburôneôc leprix qui nous eft pro
pôle. Sortons hors des tentes , portans l'opprobre de Iefus i Se portons auec luy la croix
en la montagne de Caluaire:afin que fi nous fbuffrohs en ce m6de auec luy, &, fommes
faits conformes à fa mort &c opprobrc,auiîï foyons-nous à fa rcfurre&ion&: gloire. Allôs
à la montagne de Sion,& à la cité du Dieu viuantjerufalem eclefte , &: à la compagnie
des Anges & bénits efprits. car nous h'auons pas icy maifon ou cité permanente : mais
nous cerclions celle qui eft à vertir.^ Voila, trefehers frères & fœurs,ce que nous auons p ^
retenu à la venté de nos refpbhlcs,&: demandes des adùerfaires. Lefquelles,eftans re- certeconfef
quis plufieurs fois,vous auons mis par eferit pour là cohfolation &c édification de toute fi°n » efté
l'Eglife , prians ce bon Dieu & Pere celefte que tout foie à fon honneur & gloire , &: à la cfcmc*
confirmation de tous ceux qui ont la eognoùTaiice de verité,&: à rinftrudtiô des poures
ignorans,au nom de Iefus Chrift: Ainfi foit-il. Au refte trefehers frères &: fœurs en Iefus
Chrift,tant ceux cjui eftes en la faintteaffembleei qu'en la grande captiuité de Babylo-
he,fous la tyrannie de l'Antechrift,ie vous remercie trefarîectueufcment des prières &C
oraiforis qu'âuéz faites pour moy^ pour mes chers frères & cornpagnons,& de la com
paiîiohqu'auez eu de nos liens. car certes elles n'ont point efté vaines ny inutiles: mais
nous en auons fenty vn grand frui£t,coniolation&: foulagcmét.Parquoy,ie prie noftre
bon Dieu &: Pere de toute mifericorde,le vous rendre en cefte grande îournee, &; vous
faire fentir le frui&des promefTes qu'il a faites à tous ceux qui aurot compafiion de fes
poures prifonhiersj &: exercent charitéeriuersfesferuiteurs&mébresdelefusChrift:
tellement que puiffiezâuec nous obtenir la couronne dévie, pour viure &c régner au
royaurhë tclefte éternellement auec le Pere, le Fils &c le faihet Efprit: Ainfi foit-il. A-
Dieu, trefehers frères &fceurs. ie vous faluc tous d'vnfaind baifer,& accole en Iefus
Chrift,Priez pour nous,ainfi que nous faifons pour vous : afin que Dieu nous donne vi-
ctoire de tous nos enn*emis,&: qu'il brife Satan hoftre mortel ennemy foiis nos pieds,au
nomdenoftre Seigneur Iefus Chrift, Ainfi foit-il. Tous les frères prifonniers auec moy
vousfalueht en noftre Seigneur,prians toufiours pour vous.
Par voftre frère en Iefus Chrift, Pierre Efcriuaiti.
A V T R. E epiftredudit Pierre Efcriuain, par laquelle il cônfole fes autres fi ères prifonniers.
11 eft ainfi, trefehers freres,que la coniôn&ion des membres du corps humain eft
fi grande,que l'vn ne peut endurer que la douleur neparuienne aux autres; à plus
Liurz^IIL Tirrrc^ Efcriuain.
forte raifon nous qui fommes membresdu corps de Iefus, eftans liez enfcmblc &T coït»
ioincts par le S.Efprit,dcuons fentir les douleurs de nos pourcs frères qur fbuff rét &: en-
durée pour Iefus Chrift.Parquoy après auoir efté aduertis de voftre captiuité, nous qui
lbmmcs enfemble pnfonniers comme vous pour verité,&: tous ceux qui aiment noftre
Seigneur,auons efté grande ment marris eftimans vos afflictions eftre les noftres.Tou-
tefoisconfiderans la prouidcnce & volonté de noftre bon Dieu& PeiCjqui ne per-
met ne fait aucune choie qui ne foit à fon honneur &c à fa gloire, &C à la confolation de
les enfans,auons efté îoyeux de voftre conftance,prians Dieu qu'il luy plaife de parfaire
Tœuure qu'il a commencé en vous,&: de vous donner bouche & fapience à laojuellenos
Luc a i aduerfaircs ne puiflent refifter. Vous fauez,trefchers freres,pour qui vous endurcz:afîa-
uoir pour Iefus Chrift Fils de Dieu, qui a fouflert & enduré vne mer de tous maux pour
nous poures pécheurs. Refiouilfons-nous donc de la côformité que nous auôs auec luy:
eftans aiîeurez que puis que nous fommes participas de les afflictions, auiîî ferons nous
de laconfolatiomSi Iefus Fils de Dieu eternel,noftre chef&: capitaine , citant mefpriié
du monde,batu,fouetté,couronné d'efpines,par le chemin delà croix cft allé à lagloi-
ra de Dieu fon Peremous qui fommes fes membres,poures vers de terre , y péfons-nous
aller par autre voye?Penfons-nous obtenir la couronne, (ans auoir premieremet batail-
lé!Nenny,ncnny:car il faut que les membres fuyuent nccefTairement le chcf,duquel ils
♦..Tim.i.s ontvie&: mouuement:commele foldât fon capitaine, fous l'enfeigne duquel il batail-
le,afîn d'eftre participant de la victoire &c defpouille des ennemis. Puis que nous bataiU
Ions fous Iefus Chrift noftre Capitaine,pour maintenir vne fi bonne querelle, prenon s
courage pour cobattre conftament iufqu a la dernière goutte de noftre fang.Regardôs
à la ioye qui nous eft propofee,qui eft infinie &: éternelle Courons en toute diligéce ce
pendant que fommes en la lice, afin d'obtenir la courône incorruptible, qui nous a efté
préparée deuat la côftitution du mode.Ne doutons point de la victoire:car IefusChiift
CoU.ij noftre Roy &Princc l'a obtenue pour nous,laquelle il nous a acquilépar fa mort &C paf-
fion en l'arbre de la croix,en laquelle il a triomphé de nos ennemis:affauoir du monde,
de Satan &: la mort.prenant l'obligation par laquelle Satan &c la mort nous tenoyent o-
bligez&: efclaues,la rompant & fichant en la croix,defpouillant toutes pnncipaufezfic
puiiîances.& les a amenées en monftre,triomphant d'elles par icelle,tenant nos enne-
mis captifs:tellement qu'ils ne pcuuent rien maintenant contre nous,non pas mcfmes
nous ofter vn petit poil de noftre tefte contre fon vouloir. Vous ferez,dit-il,hays de tous
Mat.io.ii pOUr mô nô:toutefois ne craignez, car mefmes les cheueux de voftre tefte font tous co-
tez^ n'en tôbera pas vn en terre,quelquerage ou fureur que le monde ait cotre vous,
fans la volôté de voftre Pere celefte. Puis donc que nous auons vn tel Roy qui tient tel-
lement liez nos ennemis qu'ils ne peuuent rien contre nous fans fon commande ment,
&: non tant feulement contre nous, mais mefme contre les beftes brutes:&: puis que Ie-
fus Chrift noftre Roy &: frère a toute puiffance au cicl& en la terre & aux enfers , que
deuons-nous craindre?qui deuons-nous redouter?Sera-ce la mort?nény:car lefusChrift
l'a par fa mort engloutie, tellement que maintenant ellen'eft qu'vn tranfport à meil-
leure vie,& à la ioye infinie. Sera-ce Satan prince du monde?N'enny,d'autant que Iefus
Chrift l'a deftruit &C ietté dehors. Car quelque puifiance ou tyrannie que les mefehans
exercent contre les enfansdeDieu:ce n'eft pas à dire pourtant que Satan leur prince &C
nfciiftrc ne foit mis hors de fon regneque fa tefte ne foit rompuee& brifee . Que fi mai-
tenant par fes membres il mené la guerre aux poures fidèles, lefqucls il tourmente &C
tyranmze: toutefois c'eftpar la volonté de noftre Pcre,qui éternellement a efleu tous
fes enfans pour aller à la gloire éternelle par croix &: afflictions. Il nous faut tous boire
de la couppe &: du calice qui eft en la main de Dieu , fuyuans Iefus noftre Maiftre . Pre-
nons donc courage , &: beuuons après luy , car il a auallé pour nous l'amertume &: poi-
fon, maires mefehans &: reprouuez maugré leurs dents aualleront la lie qui les eftran-
i.Pkr.4.18 glera: car en icelle cft toute la fureur de Dieu . Il faut premièrement que le iugement
commence à la maifon de Dieu :&: fi premièrement à nous, quelle fera la fin de ceux
quinecroycntpointàl'EuangiledeDieu,ainsle blafphement & pcrlécutent parfeii
&parglaiue? Et fileiufteeft difficilement fauué, oùcomparoiftra l'infidèle &: pé-
cheur? S'il n'a pas efpargné les fain&s Prophètes ôc Apoftres,non pas mefme fon bien-
aimé Fils Iefus Chrift,comment efpargneroit-il fes ennemis tant cruels , inhumains &:
abominables? C'eft donc chofe iufteenuers Dieu, qu'il rende affliction à ceux qui
nous affligent ; &C à nous qui fommes affligez, repos éc confolation en cefte grande
<Pièrrc^> Sfcriuam. 2 oS
journée d'ire Se vengeance,quâhd le Seigneur Iefus noftre Roy &Maiftre viendra enfa
gloire tk puifiànce aucc les fain&s Anges,ayant vne grande flamme de feu deuant luy, .
pour faire vengeance contre tous ceux qui n'aymentDieu,&: n'obeiiTentpas à l'Euan-
gile de noftre Seigneur: ]efquelsfoufTrirontpcine,aifauoïr perdition éternelle deuant
la face du Seigneur. Voila la recompenfe des mefehans & ennemis deDien,qui auiour-
dhuy perfecLircnt la poure Eglife. voila la fin &c perdirion de nos aduerfaircs, qui en gra
depuiflancc&rage auiourdhuy menent guerre contre Dieu &:fon Eglife. Ne foyons
donc troublcz,tre(chers frères, voyans leur grande profperite&rpuiiTance, leurs richef-
fes,honneurs& magnificece: car tout cela paffera comme l'ombre ; tout s'enfuira com-
me le vent. Toi<*tc gloire &: richeiTe,toute beauté, force &puiifarice derhôme,n'eft qu'
vne petite fleur d herbe,laquelle feche incontinéc par la chaleur du foleil, &: la fleur to
,bc,&: fa belle apparence eft perie: mais nous qui fommes enfans de Dieu, perfecutez &:
feicttez comme les abominations &: ordures de ce mondc,dcmourerons eternellemét
en ioye perpetuclle,eftas en gloire &: immortalitc:ayans nos corps qui maintenat font
abict5ts&: caduques, fubiets deuant le monde àmefpris& deshonneur, fcmblables au
corps glorieux de Iefus Chrift:eftansmefmesfemblables à Dieu , lequel nous verrons
face à face. Et non tant feulement le verrons clairement tel qu'il eft: mais ferons vnis
conioincts à luy d'vn amour fi grand, que mefmes les Anges nele peuuent entendre
ne comprendre. Car tout ainfi que ladile&ion de Iefus enuers fes fidèles furmonte tou
tecognoiifance:auflï fait celle de Dieu le Pere enuers fes enfans, lefquels il couronnera
de gloire éternelle & immortalité auec fon bien-aimé Iefus Chrift . Fermans donc les
yeux à toutes choies de ce monde qui nous pourroyent troubler,nous qui courôs peur
obtenirceftegloireimmortclle,icttons l'ancrede noftre efperance encefte heureufe
& triomphante refurrcctiôn,&: en cefte gloire qui nous eft préparée. Attendons par pa
tience noftre deliurancc,eftans afleurez que celuy qui nous a promis eft fidèle & venvà.
ble,&: qu'il ne fe peut nier foy-mefme. Prions luy qu'il nous donne par fon fainct Efprit
perfeueranceiufques à la fin. Regardons à celuy qui dit, Ne craignez point ceux qui M*tK>1*
tuent le coi ps,&: ne peuuent tuer lame: mais craignez celuy qui peut perdre lame &c Mat 10.15
le corps en la géhenne du feu, là où il n'y a que pleurs &: grincement de dents . Confo-
Jons-nous en ce qu'il dit,Ie vous enuoye comme brebis entre les loups . Puis donc qu'il
nous enuoye,nous fommes en fa main& fàuue-garde:car c'eft luy qui eft le bô Paftcur,
qui cognoit fes brel>isj&: les garde:tellemeht qu'il n'en peut périr aucune : mais contre
nos aduerfaiics,c'eft le Lion de Iuda,qui deuore tous fes ennemis. C'eft le Rcy du cicl&C
delaterrejayantpuiflancefur toute créature, lequel par verge de fer peut brifer auflï
aifément qu'vn pot de terre,la tefte aux Princes &c aux Rois qui ne veulent obéir à fa pa
rolle,ainsla perfecutent par mer &: parterre. Efioui/îbns-nous donc d'auoirvn tel hou
clier & defenfe,fachans que nos ennemis ne peuuét rien contre nous, linon ce qu'il en a
ordonné. Or eft-il qu'il n'a rien ordonné de nous qui ne foit à fon honneur&: à fa gloire,
à noftre falut &: confolatiô de toute fon Eglife. S'il luy plaift de fe léruir encore de nous
pouresvaiiTcauxdeterre,qui fommes viles ,abiefts: voire & auiTi deftituez de toute ai-
de humaine, il eft trop plus que puiiTant pour nous deliurer contre l'elperance de tout
le môde,car c'eft luy qui a deliuré Iofeph des liens &: prifon,&: de toutes fes tribulatiôs,:
& l'a efleué en grand honneur par toute la terre d'Egypte . C'eft luy qui eut compalTion
de fon poure peuple,& ouitleurgemiiTement quand il eftoit affligé des Egyptiens: le-
quel par main forte &C bras eftendu il deliura contre toute efperance, &: l'amena en la
terre promife,confondant Pharaon &: toute fon armée aux abyfmesde laMer-rOuge.
C'eftlefus Chrift Dieu éternel , qui brifa la tefte aux Princes &: Rois , peuples&: na-
tions qui voulurent molefter les enfans d'Ifrael au defert,& empefeher qu'ils n'entraf-
fent en la terre promifc.C eft luy qui oyoit les gemiflemés de fon peuple quand il eftoit
captif & prifonnieren BabyIone,&ledeliilr*icontreleiugemcntde tout le monde: &C
en le deliurant fit vengeance horrible &efpouuantable contre fes ennemis, afin que les ^jj1^
enfans d'Ifrael ânnonçalfent fonnom-s&: que les peuples &c nations cogneuiTcnt qu'il y piedcDica.
auoit vn Dieu qui faifoit chofes grades &merueillcufes en la terre. C'eft luy qui deliura
DauidfonferuiteurdelamaindeGoliath,&Saul,&:detousfes ennemis qui eftoyent
plus forts que luy. C'eft Iefus Chrift noftre Maiftre,qui cotre toute efperance tira les 3.
enfans de lafournaifedefeù,&: fauua Daniel de la foiTedes lions : qui pour vne mefme
eaufe que la noftre furent mis au danger de mort.G'eft luy qui deliura îenas le Prophe
Li«ro ///. Tterrc-jËJcriuain.
tc,quand il cria du ventre de la baleine par l'efpace de trois ion rs te trois nnicts , &: le fit
aller prefeher Pénitence à la grande cité de Niniue. Mais détaillant ces exemples an-
ciens, regardons en la primiriueEglife, laquelle contre la rage de tout le monde a efte
hdi ii défendue &gardec.Qui adeliuré lainct Pierre de la gueule du lion cruelle roy H c rode,
lequel l'ayant mis en pnfon,le bailla à garder en grande diligéce,pour le mettre à mort
après la Eefte? Qui adeliuré iainét Paul de tant de tribulations, de tant de dangers de
mort, des priions, dt s playcs,dcs périls de lamer,des l'éditions des Iuifs& Gentils: bref,
d'vne merde fnauxâc tribulations, t'inon noftre bon Dieu exauçant leurs priercs&o-
raifons:Donc,trefchcrs fi ères, puis que nous lommes en la folle des lions plus cruels te
inhumains cent mille lois que iamais furent ceux de la fofl'e deDamcl,attcdans de iour
en iour qu'on nous viênc quérir pour nous mener à la mort, pour nous mettre en deshô
neur& fpcctaclc deuant le modc:brcf,puis que nous atrédons d'heure en heure d'eftre
emmenez a ia boucherie comme poures brebis deftinecs à occifion: priuns,prions no-
ftre bon Dieu te Pere plein Je pitié &: mifericorde:ci ions après luy : faiibns que nos gc-
mùTcmens montent iniques au ciel, luy priant denous deliurer de la main de nos enne-
mis,de la fpile des lions,&: de l'ombre de la mort en laquelle nous fommes:afin d'anno-
cerfon l'ainet nom au milieu des peuples te nations, aufil fapuiifance te mifcrù orde in -
finie, fon amour paternel cnuersfcs enf'ans , fesiugemcnsadmirables& incemprehen
fjbles.Que ii nous le faifons en vraye te viuc ro\ ,ioyons certains qu'il nous dchurera,s il
le cognoift eftre expédient pour fa gloire &: noftre lalut. Que s'il luy plailt que nous ei>
durions pour Ton nom,&: pour feeller fa vérité par noftre fang:helas;rrercs, rendons luy
, , graccsrear nous ferons cent mille fois plus heureux .Mourir pour Chnft, enluyuant l'A-
^ poftre, nous eft gain: te qui voudra fauuer fa vie, dit noftre Seigneur Icius, il la perdra:
mais qui la perdra pour l'amour de luy, &: pour maintenir fa paroîle, il la trouucra,&
Afoc. çclîl arfjs au throne de Dieu aueelefus éternellement, eftant relplendiilànt comme
le Soleil au royaume de noftre Pere.O pourcs fidèles te Martyrs quieftes es priions cb-
feures te horribles, là ou iour & nuict vous plourez,voyans la defolation te perdition du
poure monde,&: le nom de Dieu blafpheméllà où bien fouuent elles en angoilics gian
: Picncy.8 ^cs ^ cfpouuantablcs, cftans aiîaillis de la chair malheureufe &: ennemie de Dieu! du
lion bruyant^alfanoir noftre adueriaire Satan cruel & inhumain, quinous cerehe peur
deuoreridel horrible te efpouuantablc face de la mort qui feprefente bien fouuent de-
uantvous:0 nous tous enfansde Dieu, de toute éternité cfleus pour auoir la vie éter-
nelle, contemplons les rieheffes incomprchenfibles& ineftimablesqui nous font pré-
parées, contemplons noftre grand héritage immortel te incorruptible , noftre vie, no-
ftre gloire te ioye infinie, qui nous eft préparée deuant laeonftitution du mondc.Iettos
iXor 4 1 > lcs ycux ^e no^rc cn cc grand abyfme de gloire te immortalité. Helasi frères , confi-
derons que noftre afRietio eft légère te de peticc d urce,mais la ioye qu'elle porte te pro
duit,eft infinie te éternelle. Que fi nous le faifons , facilement nous endurerons toutes
chofes,nousdeuorerons,commelondit,toutetrifteire&. talchene: bref, nousembraf-
ferons cn grade ioye. la croix qui nous fera propofee te prefentee,nous irons ala igtc met
i uc ii.i8 \ cc pa|]agC tiint he ureux te defirable de la morr,cn efleuant nos teftes cn hau t,façh;i n s
que noftre deliurance s'approche. Donc, frères bien-aimez, regardons aux biens qui
/ute 7 ss nous font prcparez,carii on nousofte la terre, le ciel nous eft ouuert ainfi qu afaincl: E~
ftienne, fi on nous met à mort,regardôs à Iefus Chrift qui eft noftre vie, lequel eft mort
Se refiuk né, afin qu'en mou rat nous mourions à luy, pour après reflufciter cn gloire ain
r.Pki 4.14 n qu'ila faic.Si nous femmes mefprifezau iv3dclefusClnift,dit{àinctPierre,hclas:nous
femmes bien heureux, car l'Efprit de la gloire de Dieu repofe fur nous . N'ayons donc
l;onted'eftrcanSigez,conimcChreftiens,ainsglorifions Dieu en cela, te luy rendons-
grâces immortelles, car ils nous fait plusd honneur,quoy que la chair murmure,quc s'il
nous faifoit Empereurs de tout le monde. Si noftre corps abied eft mefprifé& deshon-
1C0r.1j.43 noré,he!as:rc gardons qu'il reifufcitera en gloire te immortalité, s'il eft debilc,ilrcffufci
tera pui/lat,s'il eft corruptible^ fenfuel,il reflufcjtei a incorruptible te fpirituel, queli
maintenir ;l pleure & gémit en cefte mer de miferes,eftant pèlerin enec mode, alors il
s'eliouirad \ nci< yc inc omprehéliblceftant éscieuxauecDieu&: lesS.Anges,Proph.
Apoftrfs& Martyrs ,nucc hfqucls il viura éternellement. Voila,trefchcrsfreres,aiiez
pour nous confolcr en noftre captiuité,pour engloutir la triftefte que la chair, Satan te
le monde n ous p oun oit donner, voire pour nous rauir aux cieux , te lufques au throne
denoftrç
Tierrc-j 6 fer main. 20 9
denoftreDicu,auquclfoitgloire, honneur, empire & magnificence éternellement,
Ainfi Toit-il. Le Pere de toute mifericorde& Dieu de toute confolation,vous vueillc
confoier &c fortifier par l'on îaind Efprir,vous deliuratdela main de vos ennemis» pour
feruir à l'on honneur & à Ta gloire,&: à l'édification de Ta poure & defolee Eglife: &: brife
Sacan noftre aduerfaire ious vos pieds,au nom de fon Fils Iefus Chrift , Ainfi foit-il. Par
vos frères en IclusChrift,prifonniers pour fa parolle comme vous,ayans défia en eux re
ceu fentence de mort.
L A paix& cracc de noftre bon Dieu & Pere.par Tefus Chrift fort Fils,& la communication & confolarion du faii .ftEfprit
vous foi t multipliée éternellement, Ainfi foit-il.
g?p} h croy,trcfcher frère & entier amy,qu'auez eftéaduerty des gras alTaux qui nous
EljgJ ont elle donnez par les ennemis de la foy ces iours paffez,&: auffi de la grande affi
ftence que noftre bon Dieu nousafaitc,nousdonnantparfon fain&Efprit vneconftan
ce inuincible.Or maintenant,trefcher frere,refte le grand & dernier afîaut que Satan, Le derDicr
le monde &c la chair nous doiuent donner en bref, ainfi que nous voyons félon fefpera- affaur.
ce, complots, conjurations &c refponfes de nos ennemis. Mais noftre bon Dieu ne nous
laiife point,ains nous confole& fortifie plus que iamais,tcllcmcnt que ne menaces,ne
tourmens,ne mort ignominieufe ou cruelle qu on nous prefente, ne nous peuuent fai-
re perdre courage,ne quitter la place à noftre cnnemy.Car de tant plus que nous tom-
mes abandonnez du monde,d'autant plus nous approchons de noftre bon Dieu : &: d'-
tant que la hôte ignominieufe &:confu(iô nous eft prochaine deuat le monde , d'autâc
pius auffi lagloirederEfpritde Dieu nousenuironne,&: remplit nos poures cœurs de
iove &c lieffe inenarrablc,laquelle nous cileue par de/fus tous les cieux,& nous fait mai-
U nant glorifier aux portes de la mort,en l'efpcrance de la vie éternelle &: de la couron-
ne d'immortalité, laquelle nous eft préparée à la fin du combat.Certes,chcr frère , il ne
nous aduient aucune chofe,à laquelle nous nefoyôs préparez tous les iours. Car la-foit
que noftre bon Dieu nous ait fufeite pluiieurs moyens, parlefquels pouuions attendre ?£pmrcarc|ô
fclon l'apparence du monde quelque dcliurance:ia-foit que tant de gens de bien&no- a
bles personnages nous ayent aftîfté comme inftrumens & miniftres de Dieu : toutefois
ckans bien fouuét à part nous en contemplation, & côfiderans la caufe que nous maî-
tcnons,& à qui nous auons à faire,nous auons attendu noftre deliurance pluftoft par la
mort que par la viemous auons attendu pluftoft de féeller par noftre fang la parolle de
Dieu,&: boire du bruuage que Dieu a préparé à tous fes elîeus fuyuans Iefus Chrift leur
capitaine,qui a beu le premier.Or puis que le temps &c l'heure de noftre deliurance eft
venue,&: que nous commençons à poiTeder&embrafler ce que nous auons tant atten
du&defiré de long temps: nous en fommes grandement ioyeux,&en rendons grâces
à noftre bon Dieu &: Pere cclefte,par fon Fils IefusChrift.luy prians de parfaire lceuure
qu'il a commencée en nous, nous donnant force & conftance pour perfeuerer en la foy
iniques à la fin:ce que nous el'peronsaulfi qu'il fera à la confolation defapoureEglife,
àc à la grande ruine &c confufion deSatan,de Y Antechrift &c de tout fon regne,lequel re
ceura plus grâd' playe par noftre mort que par noftre vie.Car noftre bon Dieu fera par- H fc
1er noftre fang côme celuy d' Abel,&: fera auffi noftre mort féblable à celle du fortSâfon e r* 111 *
Jequcl en tua plus en fa mort qu'en fa vie:ainfi que défia nous en voyons l'experiéce de- iug.Hf.30
uant nos yeux, car pluiieurs Papiftes ignorans nous viennent conioler & enhorter à
patience, recognoiifans bien le grand tort &c iniuftice qu'on nous fait . Dauantage,
il nous aefté ditpar vn de nos frères quinous vient vifiter, qu'il y auoit plufieurs po-
ures aueuglcs&: ignoransenla ville, lefquels font grandement efmeus & contriftez
de la mort & rourmens que nos ennemis nous preparent,& en gemiiTent &: fouipirenc:
qui eft certes vn certain figne que noftre mort &c noftre fang feront femencespar lef-
que llcsDieu produira grans fruicts en fonEglife,&; côfondra &: ruinera le règne deSata
&c derAntechrift.Parquoy nousauôs tousmaticre denous refiouir,&: de rendre grâces
à Dieu du grand bien &: honneur qu'il luy plaift nous faire,à nous fes poures fcruiteurs,
de nous retirer de ce malheureux mode,pour nous amener en fon royaume celefte,qui
eft noftre pais& heritage,lequel nous aefté préparé deuant la conftitution du monde.
Helas,trefcher frère , ne penfez pas , quelque infirmité ou refiftéce qu'il y ait en noftre
chair,que nous regrettions le monde, ains qui plus eft , le haifibns plus que iamais , veu
que c'eft vre mer & abyfme de tous maux:& allons alaigrement & ioyeufement à
ce bien-heureux paflagedelamort,fachans bien que c'eft le chemin & la porte pour 'Tim^.ï
N. i.
.Cor.iMÎ
Mat. h
L iurc~> 111. ^Bernard Seguin.
pâruenir à la vic,&: obtenir la couronne de gloire>laquelle IefusChrift noftre bon capî-
tainc,eftant là haut à la dextre de Dieu,rtous prefente après le côbat & la vi&oire, pour
viure&: régner auecluy&auecfes faines Anges, Prophètes, Apoftres&: Martyrs. O
bien-heureufe iournee,en laquelle l'clpoulc entrera aux nopees aucc fon eipoux , te le
chef fera anec l'es membres,pour eftre participans de la gloire te immortalité,^ voir te
contempler Dieu face à facelO bicn-heureuie refurrection, en laquelle ce poure corps
vilc,abiect te caduquc,refufcitcra en puiflance,gloire te immor talité,cltant fcmblablc
au corps glorieux de Iefus Chrift ? Voila, cher frerc,toute noftre confolation te efpeia-
ïJcan J.4 ce. Voila noftre foy,par laquelle nous auons victoire du monde,delamort,d'enfcr&: du
diablc:&: rapportons la victoire d'eux auec Iefus Chrift noftre grand capitaine , qui par
fa mort te palsion les a veincus te furmôtez pour nous , afin que nous foyons participas
de fa victoire te triomphante refurrcttion,&: qu'eftans affeurez te certains de telles cho
fes au milieu de la mort,nous nous venions à refiouir,& dcfpiter tout le monde. Hclas,
trelchcr frere,ie vous cnuoyc ces dernières lettres pour voftre confolation, &: pour cel-
le de tous nos bons frères te fccurs,afin que vous vous confoliez cnfcmble,pt ufitas touf
iours en la parolle de Dieu : te que preniez bon courage pour refifter contre les a/îàuts
de Satan, de la ehair,& du mondc,perfeuerans toujours en la foy de l'Euangile. Car ia-
foit que foyez en la fain&e afifemblée&: en la maifon de noftre Seigneur: toutesfois fi ne
ferez- vous pas exempt d'afflictions & tribulations,& d'ennemis domcltiques , qui fonc
Mat.i6.j 4 cent mille fois plus dagercux que ceux qui font de dehors . Mais vous lauez que tat que
nous ferons en cefte vie, il nous faut porter la croix pour fuyure Iefus Chrift noftre bon
maiftre &: que tant que nous ferons en ce monde,en quelque part que nous foyons,Sa-
tan nous mènera par fes fuppofts guerre mortelle : car le Seigneur a ordonné que l'y-
uroye foit parmy le grain îufqucs à la moiiibn,& les mefehans parmy les bons iufques à
lafindu monde,aim qu'ils nous foyent commeverges &:efpincs poutnouspoindre te
rekicillcr.Carfi nous citions fans croix ou afflictions, nous nous cndormiriôsen ce mo-
de auec les mefehans Parquoy noftre bon Dieu, comme vn bon &fageperc nous frap-
pe te vilite de les verges,pour nous faire regarder plus auant que cefte vie,nous demon
ftrantqu'icy bas tout eft tranfitoke te caduque, &qu'ilyavncautre viclaquellenous
deuonscercherenIefusChrift,quicftlàhautaucielàladextrede Dieu . ReiiouùTcz-
°- 153 vous donc tous en cefte foy te eiperance , attendans en filence &: patu nce voftre deli-
urance,prians ce bon Dieu qu'il vous dehuredes embufehes de Satan te de cous vos en
ncmis.Ie vous cufîés eferit plus amplement de cefte matière: mais il n'eft ia be(oin,veu
que vous elles au lieu où pouuez ouyr tant de gens de bien, qui vous confolét & inftrui-
fent journellement par la parolle de Dieu: lefquels vous deuez ouyr &: efcoutcr,ncn
point comme hommes, mais comme la propre bouche de Dieu, &c comme miniftres
de fa fain&e parolle : par lefquels Dieu parle au monde , l'exhortant à pénitence &c re-
pentance. le vous prie donc au nom de noftre Seigneur, de ne vous troubler , quelque
chofe que vous voyez ou oyez.mais efeoutez toufiours les ges de bie,&: dônez-vousgar-
de de ces faux prophètes qui troublent l'Eglife denoftre Seigneur,& de ceuxquifemét
fauffes do&rincs>contraires à la parolle de Dieu.Tenez-vous toufiours en l'vnion de l'-
Eglife, te vous ne périrez point. Priez Dieu qu'il luyplaiie vous tenir fous fa garde &:
protection, vous fortifiant toufiours par la vertu de fon S.Efprit,afin que puifîlcz perfe-
uercrenlafoy iufqu'à la fin ^Pl v s i e v r s autres Epift. ont eftécfcritesparP. Efcri-
uaimdefqucllcs nous auons inféré celles à fes compagnons prifonniers félon l'ordrç du
temps qu'ils ontfouffert martyre.
BERNARD SEGVIN.
O V S pouuons apprendre par les Efcrits de ces Efcoliersj de quelle fagef-
fe te ioye te confolation le Seigneur les a munis en la prifbn te deuant les lu
ges. Voici le 3 .natif de laReole en Bazadois,qui fera pareille foy que les pce-
dens,des dos te grâces finguliercs queDieu luy auoit côferecs,pour les faire
feruir à fon honneur te gloire,^ pour l'inftructiô de tous ceux qui font mébres d'vn mef
me corps. Ceftuy-cy auflî a eu moyé de laiffer par eferit la confeflîon de fa foy,laquelle il
prefenta aux luges de Lyon,au mois de May audit an. m. m. 1 11. te eft telle que fenfuiti
TSernArd Svguik. ira
Lr fain&Efprit pariant par la bouche de l' Apoftre S. Pierre, "nous commande que
Soyons toufiours appareillez de refpondre à vn chacun qui nous demandera raifon de I,PicMt'
l'elperance qui eft en nous,& ce auec begniftiré Ôc reuerence.Et parla bouche de fainct, Ronuo
Paul il nous dit,Que de cœur on croie pour eftre iuftifîé:mais qu'on côfefTe de bouche
pour auoir falut. A celle caufe puis qu'il a pieu à Dieu que i'aye efté emprifonné , non
pour auoir commis quelque meurtre, larrecin, paillardife , ou quelque autre mefchàn-
çeté(dcquoy ie rengraces à Dieu)rhais pource qu'eftant interrogué par vous de ma foy
n'ay voulu accorder à certains poin&s qui font pour le iourdhuy en dirFerent,ne conf ef
fer iccux eftre véritables, d'autant que là paroile de Dieu &: ma propre confeiéce me téf
moignent le contraire: auflî pource que pendant mes interrogations n'ay eu le loilîr ne
commodité de vous bailler ma confefîion defoy par efcrit,à caufe que lors ne m'eftoit
permisiie vouslaprefentemaintenant,pnisqueroccafî6 m'a efté offerte,pour vous dô
ncrà entendre que ce n'eft point vnc opinion volage,ou obftination imprimée en ma
teftc,qui m'ait empefché d'approuuer les articles deifus dits : mais vne certitude & af-
feuranec que i'ay qu'ils font contraires à la paroile de Dieu.Cc quc(Dieu aidant)i'efpe-
re monfti cr article par article,fclon la grâce qu'il m'a faite,les couc liant tous par ordre,
laiilànt cependant le refte qui eft commun entre tous ceux qui fe difent Chrefticns: cô
mecft le Sym bole des Apoftres,s'accordât à tousles articles de la foy qui fon t contenus
en icelle.En premier lieu,touchant le Franc-arbitre qu'on attribue à l'homme, de pou- *r*ac "-
uoirfaire bien ou maldc fon propre mouuementriedy que l'homme de fa propre natu- 1 rc"
re,depuis la cheute du premier pere Adam,d'autant qu'il eft enfant d'ire & mort par le Ephefz
peché,comme S.Paul letefmoigne,ne peut qu'offenfer Dieu,&: par confequentfedam Gcn-«>& i
ner.Car l'Efcriture nous teftifie que tout ce qui procède du cœur humain dés la pre- pfcau |
miere enfance, n'eft que mai: Qu'entre les hommes il h y en a aucun qui foit iufte,ne ° " '
qui cerchc Dieu: mais que tous font inutiles, corrompus, &c vuides de la crainte de
Dieu,&confequemment pleins de toute mefehanceté, Que toute cogitation de là
chair eft inimitié contre Dieu, Que l'homme eft lï abominable , qu'il hume fini- Jjjj14^
quité comme le poifîbn hume l'eau. Qu/il eft plus vain que la vanité mcfme,lefquel-
les chofes,comme ainfi foit qu'elles fbyeht trèfueritables, que peut l'homme produire
de foymeime,que foute corruption^ peché,côme vnmcfchantarbre melchâsfrui&s?
Parquoy puis que l'home eft tel,il ne peut de foy-mefme faire aucun bien tat petit qu'-
il lbit:mais faut que Dieu le face tout en luy.Et pourtant de tout le bié qu'il fait,il ne s'-
en doit aucunement glorifier. Or comme dit S.Paul,Qu'eft-ce que tu as, que tu n'ayes *' °r'4
receu?&: h tu l'asreceu,pourquoy t'églorirîes-nr,cÔme fi tu ne l'auois point receuîTou-
te la gloire donc doit eftre référée àDieû,puis qu'il eft autheur de toutlc bien que nous
faiios.Cequicfteuidét&:trefcertaîparrEfcriture.carie Seigneur mcfmedir,quenul laas
ne peu t venir à luy,fi fon Pere qui l'a enuoyé,ne le tire:Que c'eft l'œuure de Dieu , q de
croire en ecluy qu'ilaenuoyé:Quenulnepeut venir à luy, s'il ne luy eft donc de fon Pe ^
re.Puis S.IeâBaptifte dit,que l'home ne peut receuoir aucune chofe,s'il ne luy eft dôné
du ciel. S. laques dit,Toute bonne dohation,& tout don partait eft d'en haut,defcenuât ^•Cor.}
du Pere des lumières. Mais S. Paul parle encores plus clairemétjquâd il dit que nous ne
fommes point fufhians de penferqùelquechofedcnous,cômedenous mefmes:mais pilIjP-2
que toute noftre fuffiface eft deDieu:Qwe c'eft Dieu qui fait eh nous le vouloir &C le par philiP'*
faire,feioh fon bon plaifir.Fihalemét que c'eft luy qui parfait le bien qu'il a cômencé en
nous,iufqu'au dernier iour.Parquoy & le corhencemét,& le milieu &c la fin de noftre fa- e
lutgift totalemet en £)ieu,&: rien en nous.Dauâtagc:Ieremie dit apertemét, Seigneur,
ie cognoy que la voye del'hôme n'eft pas en fa pùiilancc,&: n'eft pas en l'homme de che
miner Se d'adrefferfes pas. Et en vh autre lieu,Conuertymoy à toy,Seigneur,&: ie ferày
conuerty.Luy pareillement,&: Ezechicl auec Dàuid teftifie que c'eft l'œuure de Dieu,
de renouueler le cœur de l'homme, d'amolir la dureté d'iceluy , d'eferire fa Loy en nos
cœurs,& les conuertir de pierres en cœurs de chair , de faire que nous cheminiôs en lés
commandemenSjde mettre en nos cœurs la craîte de fon nom, afin que iamais nous ne
déclinions de luy. Si donc nous croyons enDieu:&: après auoir creu,fî nous perfeuerons
à viurcfain£tement:celânevientpointdenous, mais de Dieu feulement. Car premie-
ment deuat la foy nous ncpouuons que pecher:ainfî que l' Apoftre dit,Que tout ce qui
eft fait fans foy,eft péché. Item,La foy eft vn don de Dieu, & confequemmét toutes les
bonnes œuures^mefmc la vie éternelle: d'autant qu'elles procèdent de Ja foy com-
me de leur caufe &fource.Parquoy s'enfuit que l'homme a perdu leFranc-arbitre pour
N.ii.
Littr^j III "Bernard Seguin.
bien fairc,puis que de fa nature il ne peut commettre que péché: & ne peut faire fi peu
de bien que ce foit,qu'il ne faille que le Seigneur face en luy le tout, voire iufqu a vn bô
r e laiufti- vouloir & vne bonne pcnl~ee,comme il a efté prouué par euidens tefmoignagcs.Quant
..«ion. àlaluftification, iecroyque l'homme eft iuftifie parlafculefoy ouurante par charité,
fans toutefois qu'aucune part de la iuftification doyueeftre attribuée aux œuurcs : car
tout ainfi qu'il faut que larbrefok bon deuant qu'il puiiïe produire bon fruid: ainfide-
uantque l'homme puiife faire aucune bonne œuure, il faut qu'il foit iuftifie par foy:vcu
qu'auiïi la perfonne cil pluftoft plaifante à Dieu, qu'il n'a regardé à l'ceuure d'iceluy,cô-
me il appert par l'exemple d' A bel: duquel il eft dit,que Dieu regarda pluftoft à luy qu a
Gen 4 fes dons.C'eft donc la roy feule qui iuftifie,&: non point les œuurcs: comme fainct Paul
ledemonltretrcfbien,dii"ant,Sachansquerhomme n 'eft pas îuftifié parles œuuresde
Gaiac.i }a Lov,finon par la foy en Ieius Chrift:&: nous auons auffi creu en Iefus Chrift , afin que
nous misions iuftifiez par la foy de Chrift,&: non point par les ceuures de la Loy, pourec
°m que nulle chair ne fera niftifiee deuant Dieu par les ceuures de la Loy. On void
donc apertement comme il exelud les œuurcs, &c attribue le tout à la foy . Il dit auffi au
mefme lieu peu après, Si la iuftice eft par la Loy, Chrift eft doc mort en vain: car fi nous
Rom J pouuons cftre iuftifiez par nos ceuures, à quoy eftoit-il befoin que le Fils de Dieu mou-
Rom.!! ruft pour nous, où quel proufît nous a-il apporté par fa mort?Envn autre lieu il dit, La
iuftice de Dieu eft maintenâtmanifefteeians la Loy par la foy de Iefus Chrift, à tous &C
fur tous ceux qui croyét. Puis il dit,Tous fôt iu ftifiez liberalemét par fa grâce , par la re
f demptionquieft en Iefus Chrift.Envn autre lieu, Si c'eftpar foy , ce n'eft plusparles
Erh œuuresrcarfic'eftoit par les ceuures, ce ne feroit plus par grâce. Puis en vn autre lieu,
Vous cftes fauuez de grâce par foy:& celanon point de vous,c'eft don deDieu,n6 point
par ceuures,afin que nul ne fcglorifie.Parquov le moyen de iuftifïcr les hommes , c'eft,
preau.3i que Dieu leur pardonne leurs péchez, comme dit Dauid, Bien-heureux font ceux dcl-
quels les péchez font remis. Nousdeuons doncrenonceràlaiuftice de nos ceuures
entièrement,^: nous appuyer furcelle de la foy, par laquelle Dieu nous acceptera, &C
A(XcsIi nous aura pour aggreables, comme il eft dit aux Aftes: De tout ce dequoy n'auez peu
eftre iuftifiez par la Loy de Moyfc-.quiconque croit en luy,eft iuftifie par luy . Et deuens
Luci8 à l'exemple du Publicain nous condamner deuant Dieu, en luy demandant pardon
de nos fautes, & eftre iuftifiez comme iceluy: &:non point nous enorgueillir par nos
bonnes œuures,car nous ferions reicttez comme le Phanfien,&lesluifs defquelsdit
Rom.io S.PauhQue ne cognoiifans point la iuftice de Dieu,iis* n'ont point efté fuiets à la iuftice
Rom de Dieu:pourceque,comme il dit au ehap. précèdent, ils n'ont point cerché la iuftice
qui eft par la foy,mais celle qui eft parles ceuures de la Loy. Si aucun euftpeu iamais e-
ftre iuftifié par les ceuures de laLoy,S.Paul l'euft cfté,& toutefois il dit qu'il a réputé tou
Philip 3 tes chofes à dommage,&: comme fiente pour Iefus Chrift: n'ayant point la iuftice qui
eft de la Loy: mais celle qui eft de Dieu par la foy de Chrift.Parquoy nul ne peut eftr e iu
ftifié par les ceuures,car elles feront toufiours imparfaites , quelque belle apparence de
fain&cté qu'elles ayent &: dignes d'eftre reiettees de Dieu, s'il les veut examiner à la ri-
gueur de fon iugement.Mais fi feulement nous fommes iuftifiez par la foy,que deuien-
dtont donc les ceuures î ( dira quelcun) à quoy proufite-il de les faire î A cela ie refpon,
M.ir.:? qu'il les faut faire puis que Dieu les acômandees,dauantage afin que fonnom foïtglo-
M«1 rifié deuant les hômcs,& que les hommesparicellesfoyent incitez à viure fainftemét.
i Picr i Pu's d'autant qu'icellcs font vrayemét les marques de noftre élection, & quenousfom
mes enfans de Dieu:toutefois il ne fenfuit pas qu'en les faifant nous meritiÔsla vie cter
ne llc,ou quelque autre chofe enuers Dieu, car elle eft vn don de Dieu qui nous eft don-
né gratuitement, & la parolle du Seigneur demeure toufiours véritable, laquelle dit,
LueV Qiwnd vous aurez fait toutes chofes qui vous font cômandees,dites,Nous fommes fer
uitcursinutiles,cc que nous deuionsfaire,nous l'auons fait. Nous fommes doncobli-
gcz fur peine de damnation, de faire bônes ceuures,toutefois en les faifant nous neme-
Matj ritons rien enuers Dieu, combien qu'il ait promis de nous remunereram'plemetpour
Rom.i icelles,no que l'ayonsgaigné,mais pource qu'il luy plaift ainfi par fa grade mifericorde,
afin que nous ne demeurions en noftre pare/Te naturelle,& fans rien faire . Que fi nous
ffcau.61 ne p0uuonspar nos ceuures mériter rien pour nous-mefmes, cornent meriterons-nous
pour les autrcs?Parquoy ceux qui fc vantent de fe pouuoirfauuerpar leurs ceuures, &:
par icclles mefmes fauuer les autres,&: à raifon de cela les vendent à beaux deniers con
tans
jBernard Svgttin* *ït
tr.ns,font condamnez -par ïa parole de Dieu. Car s'ils ne peuuéteftrcfâuuezpâr les œu-
urcs de la Loy , qui font treflain&es,&kfquellesDieumeIme a commandées: commet
ù fauueronc-ils,& les autres enfembléauec eux, par lesœuures quiontefté.inuentees
au cerueau des nom mes,lefquelles Dieu n'a iamais commandees,& qui mefme font dï
re&emént contraires à fa parolle'Quant à l'inuocation de la viergeMarie & des faincts, £>c i'iouo-
iedy qu'elle a efté introduite en l'eglifc cotre la parolle de iDicu: laquelle nous teftifîe «cion.
que Icftis Chrift eft noftrefeul AduocatjMediateur &IntcrceiTeur enuers Dieu fon Pe I•Tlm•^,
ree car faindt Paul dit , Il y a vn Dieu &: vn meyenneur de Dieu & des hommes , aflaùoir
IelusChrifthomme,qui s Vil donné foy-mcfme rançon pour tous.EtS.Iean» nfa i.càn. £p"c"**
Si aucun a péché , nous auons vn Aduocat enuers le Perejefus Chrift le lufte. Il cft dit Hebr.4.
en vn antre lieu,Que par Icfùs Chrift & par la foy quehous auôs en luy,nous auôs afi'eu Rom
ranec &£ accez enuersDieu àuec fiace.En vn autre lieu le S.Elprit nous exhorte de nous
add relier hardimét au throne de la grâce deDicu,pùis que nous auôs Ictus Chrift pour
noftre Aduocac.S.Paul encore dit, Que Ieius Chrift eft à la dextre deDieu,&: fait reque
fie pour nous. le mefme cft cicrit auy.des Hebr.Parquoy puis que l'Efcriture ne no9pro
pôle autre Aduocat &: Intcrcelleur enuers Dieu ï'ePere queIefusChnft:puisq luyfeul
eft lurHiant pour impetrer enuers fonPere tout ce qui nous cft necciîaire.Puisauflî qu'il Matth û.
eft plus libéral &: plus mifericordieux quetous lesau'tres,&: qu'il nous ayme plus (as cô *kw-i°te>
pàraifon que tous les faïncts: pourquoy ne nous côtentons-nousd'iceluy fans en predre nln^.i^
d autres î Car luy-mefmedit, Venez à moy vo9 tous quitrauaillez& efteschargez,&:ie & **•
vousjpulageray . Puis il nous cômande d'inuoquerDieu feulemét en toutes nos neceflï-
tcz,&: 1 a promefle y eft quant &: quant, qu'il nous exaucera,commeDàuîd le tefmoigne
en plulieurs Pfcaumes. &: Iefus Chrift mefme en plulieurs lieux nolis commande d'in-
uoquet fon Pere en fon nom , difant , Si vous demandez quelque chofe à mon Pere en
mon nom,vous l'aurez. Il ne faut donc inuoquer aucun autre qu'vn fcul Dieu. & ce feu-
lement au nom de Iefus Chrift. Par aihft puis qu'iln'y a nul commandement de reebu-
rir àrintercciIiondcsSainétSj&qu'ilnesçntrouue aucune promefle: lacouftume de
les prier contreuient àl'Efcritùre faincte: Dauàntageine les Prophètes ne les Apoftres
ne nous ont point monftré tel exemple de rkieir. Le fainct Efprit nous commande bien ^JX^
de prier mutuellement les vns pour les autresrmais cela eft vn exercice mutuel durant vkrgc &
la viepreknte feulement. Outre-plus,qui eft-ce qui nous peut afleurer que nos oraifôs dcsla,r,as-
puiilcntparueniriufquesauxSain&s:veuqu'iln'yaqu'vn feulDieu qui cognoifle les
cœurs des {iômes?Parquoy ie conclu qu'il fe faut arrefter à ce feul Intercefleur qui nous 1% -
cft propofé par la parolle de Diemqui eft Iefus Chrift noftre Saûueùr. Confequemmét coU. '
touchant la vénération de la vierge Marie &: des 5àin£ts,ie dy que l'honneur qu'on leur Co1-
fait auiourdhuy , eft totalement contre Dieu. Premièrement quant à la Vierge , en ce
qu'on l'appelé Roine du ciel , porte de Paradis , threforiere de grace,efperahce des pé-
cheurs, &c par plulieurs autres noms fcmblables , on luy attribue les titres qui appartié-
nent feulement au Fils de Dieu, comme l'Efcriture le tefmoigne en plufieurs lieux.car
c eft luy feul qui eft Roy du ciel &: de la terrc,la porte de la vie éternelle: en luy feul font
tous les threfors de la fageiTe cekfte , & toute plénitude de grâce : luy feul eft le refuge
des pécheurs: bref, tout ce qui appartient au 1 alut de nos ames . Parquoy en attribuant
tels titres à la Vierge, il y a trcfgrande idolâtrie, & Dieu y eft grandement ofFenfé. La Luc,:
Vierge mefme ne demande point tel honneur * fâchant qu'il eft deu au feul Dieu créa-
teur de toutes chofes^ non à la creàture.Elle ne s'efleue point en fon faind Cantique,
mais fe contente feulement de s'appeler chambrière du Seigneur: elle fe dit bienheu-
reufe,non pas à raifon de fa propre vertu,mais à raifon de la grande mifericorde , & des
grandes grâces que Dieu luy auoit faites. Elizabeth pareillement l'appelé bien-lieu*
reufe,non point pource qu'elle a porté le Fils de Dieu eh fon vétre : combien que cefte
grâce ait efté plus grande qu'on ne fàuroit comprendre: mais d'autât qu'elle a creu à ce
qui luy à efté annoncé de l'Ange par le commandement du Seigneur.Nous luy pouuôs
&dcuons bailler l'honneur que la parolle de Dieu luy baille, larecognoiflant pour la 1^7.
plus heureufe qui ait efté iamais , ne fera entre les femmes: pour vne tre/Taincte vierge,
de h quelle la virginité cft dertieurée eh l'ehfah terhent, & deuant &: après. Si nous luy
baillons plus gras hôneurs,nous ofFenfonsDieu,&: fommes idolatres.car il ne nous faut
aucunement outre- paiTer les limites qui nous font côftituez par la parolle de Dieu. Pa-
reillement l'honneur qu'on baille auiourdhuy aux faintts,eft du tout condamné par la
Nui
lÀwt^tllL Hernéiïd Seguin.
NJat.7, par fa parolle ne nous enfeigne que deux voyes, afiTauoir l'eïtroite qui mené à la vie etef
nclle, &: la large qui mené à perdition . il n'en conftitue point de troifieme. Si on entre
par reftroite,il ne propofe autre chofe que la vie eternelle,laquelle eft exempte de tout
torment. Si on entre par la large > il n'y a autre fin que la géhenne du feu: Par l'exemple
tus i< auflîdu mauuais riche &: duLàzare,il ne nous propofe que la condition de deux maniè-
res de gens après la mort: affavrôirdes fauuez& des damnez. Siiamais aucun eufteu
luav befoin d'aller en Purgatoire, le brigand qui fut crucifié aucc Iefus Chrift l'adoit : toute-
Uau s- fois le Seigneur luy dit,qu'il ferait en ce mefme iour auec luy enParadis. S.Iean dit,Qui
croit au Fils de Dicu,il a vie eternelle:&: ne viendra point en condânation, mais eft paf-
fé de la mort en la vie. Parquoy ceux qui meurent, il faut qu'ils croyent au Fils de Dieu,
ou qu'ils n'y croyent point. S'ils croyent, ils ne vont en autre lieu qu'en la vie éternelle:
APoc.r4. S ils ne croyent, le feu éternel leur eft apprefté. Aufïi,puis que ceux qui meurét au Sei-
gneurie repofent:ils ne peuuét c ftre en Purgatoire, où il n'y a que tonner. Des reprou-
uez,nul ne peut niei qu'ils n'aillent droit à la gehéne du feu éternel. Le Purgatoire doc
a efté controuue contre la parolle de Dieu: Se confequemment les prières pour les tref-
paflez:veu qu'en toute l'Efcriture il n'y a ne commandement ne prome/Te de prier pour
les morts: combien qu'en iccllc rien ne nous foit plus diligemment commande, que d'-
exercer les offices de charité cnuers les viuans.il eft bien vray qu'on talche de les côfcr-
t)u Pape, mer parles liures des Macchabees,mais ils font apocryphes. Quant au Papc,c'eft cotre
TEicriture , de croire qu'il ibit chef vniuerfel de l'Egiiie : veu qu'elle n'en parle aucune-
Ephcf.i. mét:ains par tout l'attribue feulemet à Iefus Chrift.Parquoy fi le Pape eftoit chcfd'icel-
Ici il faudrait q l'Eglife fuft vn corps monftrueux qui euft deux teftes. S. Paul dépeignât
4 la figure de l'Eglifc,ne met point vniuerfelEuefquc quelque home mortehmais dit que
JefusChrift gouuerne fon eglife par fes miniftres.toutefois ce pafiage-la requérait bien
(fi la vérité euft efté telle) qu il en euftnômévn qui euft eU prééminence pardefTus les
autres. Quad il dit qu'il y a vh Dieu, vne fby &c vn Baptefme: pourquoy n adioufte-il vn
Pape corne chef minifterial,aihfi qu'il fe n6me> Au mefme lieu S.Paul côftituc tous les
homes du mode au corps de l'Eglife corne mebres, reièruant l'honeur &: nom de chef à
ïefusChrift feul.dauatage,il attribue à chacun mébre certaine mefure &c operatiô hmi-
tee,en forte que la fouueraine puilTace de gouuerner demeure toufiours à Iefus Chrrft.
C'eft dôc luy feul qui eft le chef de l'Eglife,&: nô point le Pape,pourUeU qu'il foit home:
côme il ne peut nier qu'il ne le foit.carcôbien qu'il fe dife eftre lieutenat de Dieu en ter
re,il ne l'eft pas pourtât. Puis q Dieu eft prefent en tous lieux,il n'a point affaire de lieu-
tenat:côme les Rois mortels en ont befoin , pource qu'ils ne peuuent eftre prefens par
tout le royaume.Dauatage c'eft vne grade impudéce à luy,de fe dire lieutenât de Dieu,
auquel il n'eft en rien femblable)8dequel il hait mortellemét,tafchât d'abolir fa doctri-
ne en perfecutât fes mébres,& ceux qui libremét le côfeflent.S'il veut fauoir quel il eft,
qu'il lifele i.cha. de la i.de S. Paul àuxTheiT» câr il y verrâ quels beaux titres le S. Efprit
luy baille.Quat à ce qu'on tafche de prouuer la prééminence du Pape fur to9 les autres,
pource que S.Pierre, duquel il eft fuccefTeur(ainfi qu'il dit,côbien qu'il ne luy refemble
aucunemét ny en vie ny en doctrine)a eu preeminece fur les Apoftres,&: a efté côme le
maiftre d'iceux après la mort de IefusChrift(felô qu'ils iafent,)c'eft par vne chofe faufTe
qu'ils le preûuét:car tat s'en faut qu'il fe foit côftitué fuperieur furies autres, ne qu'il ait
efté recognu pour rel des autres Apoftres«,qu'il fe môftre pluftoft inférieur àeux,en leuf
Afl.s.&n. obei/Tant quad ils le veuletehuoyeren quelque lieu, s'exeufant humblemét quad il eft
reprins par eux. Pour le moins il fe môftre egal,&côme côpagnon,ainfi qu'il appert par
plufieurs lieux de l'Efcriture,&: mefme par le 5xh.de fa 1 .Epiftre:où efcriuat aux autres
Preftres,il ne leur cômande poit par authorité, mais les fait fes côpagnons,& les exhor-
te amiablementjcôme il fe fait où il y a equalité. S. Paul aufli ne l'a point recognu pour
fuperieur,mais pour fô côpagnon en vne mefme ceuure du Seigneur: côme il teftific au
i.des Gal.lequel mefme il a reprins libremét. De ce q le Seigneur s'eft plusfouuent ad-
Marti. 17. dreiTé à luy qu'aux autres A poftres,& plus familiercmér,& qu'après famortilafaitdes
a<^es mcruc'^cux cn prefchât conftâmentl'Euagiledc Dieu,qu'il eftoit plusferuét
auoit plus grâd zele q les autres, c'eft en vaio qu'on tafche parce moyc-la d'eftablir la fU
perioriré du Pape,car mefme quad il feroitainfi que S.Pierre euft eu preeminece furies
autres A poftres,qu'il euft efté Euefque àRomé(ce q toutefois ne fc peut nullemét prou
uer par l'Efcriture)cô menimonftrera-il qu'il eft fuccefteur d'icelay > veu qu'il fait tout
'Bernard Seguin. srj
le contraire cîe ce qu'il die &: fait ? S. Pierre &: S. Paul ne veulent point auoir feigneuric i.Pier.f.
fur la foy des hommes, &c ne veulent pas que les vrais Pafteurs enayentrmais le Pape lCor-1-
fait au contraire, fe difant auoir domination fur la confeience des hommes . lefquels
mefme il contraint de fuyure la foy qu'il tient, tetoute fon eglifeauecluy» Parquoy c'-
en: peine perdue de debatre que le Pape ne peut eftre prîcipal entre les EÎicfques , puis
que luy-mefme n'eft nullement Euefque : veu qu'il ne repaift, ne fait repaiftrele trou-
peau de la vraye pafture, qui eft la parolle de Dieu, comme le Seigneur mefme le com-
mande, &£ S. Pierre après luy: mais feulement de fables &menfonges,cn faifant pref-fc™
cher ce qui eflcontrouué des hommes contre le commandementdc Dieu. Puisdonc
qu'il eft tel, foneglife ne peut eftre l'eglife de Dieu: ce qui appert a/Tez par cefte feule
raifon: La vraye marque de TEglife, après la pure prédication de la Parolle &admini- lams.
ftration des Sacremens, c'eft qu'elle n'eft iamais fans perfecutions. Or l'cglifedu Pape, l Tim J'
tant s'en faut qu'elle foitperfecutee, que c'eft celle quiaperfecuté dés long temps &c
perfecute encorcs les enrans de Dieu , les raifant mettre à mort cruellement, & les li-
urant entre les mains des luges . parquoy elle ne peut eftre nullement çglife de Dieu.
Quant aux conftitutions des hommes, S. Paul prononce qu'il n'eft licite que les con- D« cenfti.'
feiences foyent aftreintes à icclles : Tenez- vous ( dit-il ) en la liberté en laquelle Chrift *1,c,cns dc'
i i • n* J • r i • j r i hommes.
vous a appelez: ne vous Jaillez réduire lousleiougdeferuitude,pourcc( comme il dit Gai.*. '
ailleurs) que les chofes mefme qui ontapparence de fageffe, font friuolcs& vaines , fi c°u- .
elles viennent des traditions des hommes. Pourtant il protefte en parlant du mariage, *' °1'7'
qu'il ne veut point mettre des liens furies confidences. Le règne donc fpintuel de Ie-
fus Chrift eft viole, &: la puiiîance qu'il a furies ames luy eft oftee.quand les hommes o-
fene tant vfurper que d'alluiettir les côfciences à leur loy. Outreplus c'eft abomination
deuant Dieu, de luy forger vnferuice lequel il ne requiert point, ou bien le femir au
plaifir des hommes: comme Ifaie le tefmoigne quand il dénonce la vengeance de Dieu ti* *-»'.
horrible fur le peuple dlfracl , d'autant qu'ilhonnoroit Dieu félon le commandement
des hommcs:& la fentence de Icfus Chrift eft commune,qu'en vain on honnore Dieu, Mat »f •
ayant les commandemens des homes pour do&ririe . parquoy rien ne peut obliget nos
confeiences que la parolle de Dieu : veu qu'il n'y a qu'vn feul Legiflateur(comme dit S.
Iaqucs)lequelpcutfauuer& damner. Cecy n'empefche point qu'on n'ayeen reucren- Ia<3u«4-
ce les bonnes mftitutions qui font faites par les hommes, quad elles font félon la parol-
le de Dieu : mais quand elles font telles , elles ne font plus au nombre des conftitutions D ^
humaines, mais pluftoft diuines. Touchant la defenfe du mariage &£ des viandes , S. £ d„ ^i*
Paul en la première a Timothee,chap. 4, appelé cela doctrine des diables : laquelle il a rûgc.
prédit deuoir eftre prefehee par des abufeurs& feduéleurs. Quant au manage,il eft dit
aux Hcbrieux , Mariage eft entre tous honnorablc,& la couche fins macule:mais Dieu Hib.13.
iugera les paillards 6l adultères. Par lequel paftage nul n'eft excepte , qu'il ne foit loifl-
blcde fe marier. Dauantage S.Paul dit, Pour euiter toute pailîardife , qu'vn chacun ait i.Cor.7.
fa femme , & qu'vne chacune ait fon mary;car il vaut mieux fe marier que bru fier. Puis
tous n'ont point le don de côtinence, comme le Seigneur mefme le tcfmoigne.& pour-
tant le mariage eft ncce/Taire à tous ceux qui ne fepeuuent contenir, & permis à tous: Mat.i*;
comme S.Paul le dcmonftreencorffSfen d'autres palTages. Sainct Pierre mefme, qui e- TltC1'
ftoit Apoftre, a efté marié:comme il appert parle huitième chapitre de S.Matthieu:où
il eft dit que Icfus Chrift guérit la belle mere de S.Pierre, qui eftoit malade de Heure. Et
S.Paul aux Corinthiens dit, N'auons-nous pas puuTance de mener partout vne femme 1 cor.*.
fccur,ainfiqueles Apoftres,&Cephas,&:lesfreresdenoftre Seigneur? Parquoy ceux
qui ont défendu le mariage , ont fait mefehamment &: cotre Dieu: &: on t par ce moyen
ouuert la porte à tant de paillardifes &: adultères qui fe commettent iournellemet:def-
quels ils font caufc,& pour iceux feront aufft tormentez plus grieuement. Condamnas
donc le mariage comme profane & pollu,ils difent toutefois que c'eft vn Sacrement. &:
ainfi ils fe contredifent eux mefmes, &: monftrent qu'ils ne fauent qu'ils font. Quant
à la defenfe des viandes, S. Paul dit, Que nul ne vous iuge en viande ny en brcuuage.& De la <kfen
es viaft-
Iefus Chrift dit, Que ce qui entre en la bouche ne fouille point Y homme .bref, il n'y a _
nulle différence des viandes corporelles pour la confeience , ainh que l'Efprit de Dieu Coi.i.
le tefmoigne en pluiîeurs autres paffages outre lesfufdits : comme au 10.& 1 1. des Ad. ^T1I '4*
au 6.de la première aux Corinth.&8.&: 10. Parquoy puisque Dieu aorte la différence
des viandes qui eftoit en la Loy ancienne , & qu'il en a permis indifféremment l'vfage
£i«ro///. "Bernard Seguin.
ÀJat.7, par fa parolle ne nous enfeignc que deux voyes, aflauoir l'eltroitè qui mené à la vie eter
nclle, & la large qui mené à perdition . il n'en conftitue point de troiiieme. Si on entre
par l'eftroite,ilne propofe autre chofe que la vie eternelle,laquelle eft exempte de tout
torment. Si on entre par la large > il n'y a autre fin que la géhenne du feu. Par l'exemple
tue i« auflïdu'mauuais riche & duLàzare,il ne nous propofe que la condition de deux maniè-
res de gens après la mort: afTairôir des fauuez& des damnez. Siiamais aucun eufteu
Lucij. befoin d'aller en Purgatoire, le brigand qui fut crucifié auec Iefus Chrift l'adoit : toute-
itau s- fois le Seigneur luy dit,qu'il feroit en ce mefme iour auec luy enParadis. S.Iean dit,Qui
croit au Fils de Dieu,il a vie eternellc:&: ne viendra point en condanation, mais eft paf-
fé de la mort en la vie. Parqxroy ceux qui meurent, il faut qu'ils croyent au Fils de Dieu,
ou qu'ils n'y croyent point. S ils croyent, ils ne vont en autre lieu qu'en la vie éternelle:
Apoc.r4. S ils ne croyent, le feu éternel leur cil apprefté. Auih,puis que ceux qui meurét au Sei-
gneurie repofent:ils ne peuuét eftre en Puïgatoirc, où il n'y a que tonner. Des reprou-
uez,nul ne peut niei qu'ils n'aillent droit à la gehéne du feu éternel. Le Purgatoire doc
a efté controuué contre la parolle de Dieu: bù confequemment les prières pour les tref-
paiTez:vcu qu'en toute l'Eicriture il n'y a ne commandement ne promc/Te de prier pour
les morts: combien qu'en iceîle rien ne nous foit plus diligemment commande, que d'-
exercer les offices de charité enuers les viuans.ll eft bien vray qu'on tafche de les côfer-
Du Pape, mer parles liures des Macchabees,mais ils font apocryphes. Quant au Papc,c'eft cotre
l'Eicriture , de croire qu'il ibit chef vniuerfcl de l'Eglile : veu qu'elle n'en parle aucune-
Ephef.i. met:ains par tout l'attribue feulemét à Iefus Chrift. Parquoy fi le Pape eftoit chcfd'icel-
E "h-h ^ ^ Adroit 4 lEgli^e fuft vn corps monftrueux qui euft deux teftes. S:Paùl dépeignât
la figure de l'Eglifc,nc met point vniuerfelEuefque quelque home mortehmais dit que
IefusChrift gouuerne fon eglife par fes miniftres. toutefois ce paflage-la requeroit bien
(fi la vérité euft efté telle) qu'il en euft nômévn qui eufteu prééminence pardeHus les
autres. Quad il dit qu'il y a vh Dieu> vnefoy &c vn Baptefme: pourquoy n'adioufte-il vn
Pape corne chef minifterial,aihfi qu'il le nôme? Au mefme lieu S.Paul côftitue tous les
homes du mode au corps de TEglife corne mëbres, referuant l'honeur &: nom de chef à
IefusChrift feul.dauatage,il attribue à chacun mébre certaine mefure &: operatiô limi-
tee,en forte que la fouueraine puiiîace de gouuerner demeure toufiours à Iefus Chrrft.
C'eft dôc luy fcul qui eft le chef de l'Eglife,&: nô point le Pape,pourUeu qu'il foit home:
corne il ne peut nier qu'il ne le foit.car côbien qu'il fe dife eftre lieutenât de Dieu en ter
re,il ne l'eft pas pourtât. Puis q Dieu eft prêtent en tous lieux, il n'a point affaire de lieu-
tenat:côme les Rois mortels en ont beibin , pource qu'ils ne peuuent eftre prefens par
tout le royaume.Dauatage c'eft vne grade impudece à Iuy,de fe dire lieutenât de Dieu,
auquel iln'eft en rien iemblable)Ôdequel il hait morrellemét,tafchât d'abolir fa doctri-
ne en perfecutât fes mébres,& ceux qui libremêt le côfefTent^S'il veut fauoir quel il eft,
qu'il lifele i.cha. de la i.de S. Paul aux^ThefT» câr il y verrâ quels beaux titres le S. Efjjrit
Juy baille.Quat à ce qu'on tafche de prouuer la prééminence du Pape fur to9 les autres,
pource que S.Pierre, duquel il eft fuccefleurtainfi qu'il dit, côbien qu'il ne luy refemble
aucunemét ny en vie ny en doctrine)a eu preeminéce fur les Apoftres,&: a efté corne le
maiftre d'iceux après la mort de IefusChrift(fel5 qu'ils iafent,)c'eft par vne chofe faufle
qu'ils le preûuét.car tat s'en faut qu'il fe foit côftitué fuperieur fur les autres, ne qu'il ait
efté recognu pour rel des autres Apoftres^qu'il fe môftre pluftoft inférieur àeux,en leur
ÀÛ.8.&11. obei/Tant quad ils le veulctehuoyeren quelque lieu, s'excufanthumblemet quad il eft
reprins par eux. Pour le moins il fe môftre egal,&côme côpagnon,ainfi qu'il appert par
plufieurs lieux de J'Efcriture,&: mefme par le 5xh.de fa 1 .Epiftre:où efcriuat aux autres
Preftres,il ne leur cômande poît par authorité, mais les fait fes côpagnons,& les exhor-
te amiablement,côme il fe fait où il y a equalité. S. Paul aufîi ne l'a point recognu pour
fuperieur,mais pour fô côpagnon en vne mefme ceuure du Seigneur; côme il teftifie au
i.dcs Gal.lequel mefme il a reprins libremét.De ce q le Seigneur s'eft plusfouuent ad-
Matth if. drefTé à luy qu'aux autres A poftres,& plus familiercmér,& qu'après fa mort il a fait des
Aûj.z.&l. a&es merueilleux en prefehat conftâmentl'Euâgiledc Dieu,qu'il eftoit plusferuét
auoit plus grad zele q les autres, c'eft en vai© qu'on tafche par ce moyé-la d'eftablir la fU
perioriré du Pape,car mefme quad il feroit ainfi que S.Pierre euft eu preeminéce furies
autres A poftres,qu'il euft efté Euefque à Romé(ce q toutefois ne fc peut nullemét prou
uer par l'Efcriture)cô ment monftrer a-il qu'il eft fucccfleur d'iceloy , veu qu'il fait tout
'Bernard Seguin. sij
le contrai rc de ce qu'il dit & fait ? S. Pierre &: S. Paul ne veulent point auoir feigneuri* i.Pier.ç.
fur la foy des hommes , &c ne veulent pas que les vrais Pafteurs en ayent : mais le Pape tCot'u
fait au contraire, fe difant auoir domination fur la confcience des nommes . lefquels
mefme il contraint de fuyure la foy qu'il tient, & toute Ton eglifeauecluy* Parquoy c'-
en: peine perdue de debatreque le Pape ne peut eilrc prîcipal entre les Eucfques , puis
que luy-mefmen'eft nullement Euefque : veu qu'il ne repaift, ne fait repaiftrele trou-
peau de la vraye pafture, qui eft la parolle de Dieu, comme le Seigneur mefme le com-
mande, &: S. Pierre après luy: mais feulement de fables &menfonges,cn faifant pref- fc" in
cher ce qui cil controuué des hommes contrele commandementdc Dieu. Puis donc
qu'il eft tel, foneglife ne peut eftre l'eglife de Dieu: ce qui appert a/Tez par cefte feule
raifon: La vraye marque de TEglife, après la pure prédication de la Parolle &admini- ieaoïtf.
ftrationdesSacrcmens, c'eft qu'elle neftiamais fans perfecutions. Orl'eglifedu Pape, l Tlm
tant s'en faut qu'elle l'oit perfecutee , que c'eft celle qui a perfecuté dés long temps &c
perfecute encores les enfans de Dieu, les faifant mettre à mort cruellement, & les li-
urant entre les mains des luges . parquoy elle ne peut eftre nullement oglife de Dieu.
Quant aux conftminons des hommes, S. Paul prononce qu'il n'eft licite que les con- Des conftù
feiences foyent ail teintes à icelles : Tenez-vous ( dit-il ) en la liberté en laquelle Chrift Jo^*,410'
vous a appelez: ne vous laiflez réduire fousleiougdcferuitude,pourcc( comme il dit Gal.f.
ailleurs) que les chofes mefme qui ont apparence de fagefTc, font friuoles&; vaines , fi
elles vienne nt des traditions des hommes. Pourtant il protefte en parlant du mariage, °r'7*
qu'il ne veut point mettre des liens fur les confidences. Le règne donc fpintuel de Ie-
fus Chrift eft violé, &c la puiifance qu'il a fur les ames luy eft oftee. quand les hommes o-
fent tan t vfurper que dalfuiettir les côfciences à leur loy. Outreplus c'eft abomination
deuant Dieu, de luy forger vnferuice lequel il ne requiert point, ou bien le femir au
plaifirdes hommes: comme Ifaie le tefmoigne quand il dénonce la vengeance de Dieu ik.i*.'
horrible fur le peuple dlfracl , d'autant qu'ilhonnoroit Dieu félon le commandement
des hommes:^ la fentence de Icfus Chrift eft commune,qu'en vain on honnore Dieu, Mat 'ï-
avant les commandemens des homes pout doctrine . parquoy rien ne peut obliget nos
confeiences que la parolle de Dieu : veu qu'il n'y a qu'vn feul Legiflateur(comme dit S.
Iaqucs)lcqucl peut fauuer&: damner. Cecy n'empefche point qu'on n'ayeen reueren- Ia<3u"4-
ce les bonnes mftitutions qui font faites par les hommes, quad elles font félon la parol-
le de Dieu : mais quand elles font telles , elles ne font plus au nombre des conftitutions ^ ^ ^
humaines, mais pluftoft diuines. Touchant la defenfe du mariage &£ des viandes , S. fcduma-D
Paul en la première a Timothee,chap. 4, appelé cela doctrine des diables : laquelle il a
prédit deuoir eftre prefehee par des abufeurs &c fedueteurs. Quant au managc,il eft dit
aux Hcbricux , Mariage eft entre tous honnorablc,& la couche fins maculc:mais Dieu Hibi*.
iugera les paillards &l adultères. Par lequel paffage nul n'eft excepté , qu'il ne foit loifi-
ble de fc marier. Dauantage S.Paul dit, Pour euiter toute pailiardife , qu'vn chacun ait i.Cor.7.
fafemme , &; qu'vne chacune ait fon mary:car il vaut mieux fe marier que brufler. Puis
tous n'ont point le don de côtinence, comme le Seigneur meime le tefmoigne.&: pour-
tant le mariage eft nece/Taire à tous ceux qui ne fepcuuent contenir ,&: permis à tous: Mat.i?;
comme S.Paul le demonftreencoresen d'autres paffages. Sainct Pierre mefme, qui e- TltcI"
ftoit Apoftre,aefté marié:commeii appert parle huitième chapitre dcS.Matthieu:où
il eft dit que Icfus Chrift guérit la belle mere de S.Pierre, qui eftoit malade de Heure. Et
S. Paul aux Corinthiens dit, N'auons-nous pas punTance de mener par tout vne femme 1 cor.*.
fœur,ainfiqueles Apoftres,& Cephas,&: les frères de noftre Seigneur? Parquoy ceux
qui ont défendu le mariage, ont fait mcfchamment&: cotre Dieu: &c ont par ce moyen
ouuert la porte à tant de paillardifes &c adultères qui fe commettent iournellemet:def-
quclsils fontcaufc,& pour iceux feront auffitormentez plus grieuement. Condamnas
donc le mariage comme profane & pollu,ils difent toutefois que c'eft vn Sacrement. &:
ainfi ils fe contredifen t eux mefmes, &: monftrent qu'ils ne fauent qu'ils font. Quant
à la defenfe des viandes, S. Paul dit, Que nul ne vous iuge en viande ny en brcuuage.&: De la defen
Iefus Chrift dit, Que ce qui entre en la bouche ne fouille point l'homme .bref, il n'y a Jf^1" viaft-
nulle différence des viandes corporelles pour la confcience, ainfi que l'Efprit de Dieu C0I.1.
le tefmoigne en pluficurs autres partages outre les fufdits : comme au 10. & 1 1. des A et. j^™"'4*
au 6.de la première aux Corinth.&:8.&: 10. Parquoy puis que Dieuaofté la différence
des viandes qui eftoit en la Loy ancienne, Se qu'il en apermis indifféremment l'vfage
^Bernard Seguin.
aux hommes, ceux-là ont efté par trop arrogans> qui ont ordonné loix nouuclles, pour
i>uiirfhc. abolir la liberté permife de Dieu. Leslufnes des Papiftes font totalement contre
Dieu en la forte qu'ils le font, encore qu'il n'y euft autre chofe que l'opinion qu'ils ont
de meritergrandement en ce faifant.Le vray Iufne des Chrcfticns n'eft point détermi-
né en certains îours . carroute laviedes fidèles n'eft qu'vn iufne. d'autant qu'en tout
temps ils tai'chentde viurefobremcnt. Deiumer vniour & s'adonner l'autre à toute
Matib.tf. gourmandife, ce ne II qu'vne moquerie de Dieu. Le iufne donc eftvnechofe faindc*
quâd il cft fait pour mortifier plus fa chair pour fe préparer mieux àoraifon : &c pour les
autre s fins qui font contenues en la famdc Efcriture. Ileft commandé de Dieu: mais
non plus en vn iour qu'en fautrecar le temps de iufncr cft laii'îé en la liberté de chacun
fidèle, pour en vfer quand il cognoift qu'il en a befoin pour les fins fufditcs. Lacouftu-
me doneques des Papiftes , de commander de iufncr en certain iour fur peine de péché
mortel (comme ils difcncjcft totalçment contre Dieu. Et pareillement l'inftitution du
icfra?^ Quarcfme : lequel a efté inftitué par vn Pape nomme Tclcfphore ( côme il c ft tout cer-
tain par les hiftoircs)& non point par les Apoftres , comme fauifcmët on leur attribue.
Des Sacre- Quant aux Sacrcmcns , les Papiftes difent bien qu'il y en a fept : mais il cft tout certain
TOenS' qu'il n'y en a que deux qui ayent efté inftituez de Dicu,& qui foyent communs à toute
fon eghié:alfauoir ie Baptcfme &: la Cene .car encores que les Apoftres ayent vfc de l-
fitin^ics" im F °^tIon ^cs mains, &: de l'ondion, qu'ils appelent extrême, ce n'a efté que pour plus
m.uni, se grande confirmation de la dodrinc de l'Euangile, laquelle eftoit pour lors nouuelle.Ils
F.xtnm: onc [,jcn par l'impoiition des mains diftribue les grâces du S.Elprit , ôc par fonction dô-
néguerifon à plulieurs malades en inuoquant le nom de Iefus:maisces dos ne font que
temporels, pourferuir à plus grande amplification & confirmation de l'Euangile, lcf-
quelsont ccJïe incontinent après la mort des Apoftres. Maintenantceux qui veulent
retenir ces lignes, n'ont nulle promeife de pouuoir conférer la grâce du S. Eiprit,ne de
donner le dondeguenf: n en vfantdcfditsfgncs, côme auoyent les Apoftres.car com-
ment au royent-ils le don de bailler famé aux malades par l'onction , quand ils ne les oi-
gnent linon quand ils iettent défia les foufpirsdc la mort r&ainli ceux qui vient des li-
gnes fans la vérité ne font point imitateurs: mais feulement linges des Apoftres.il n'y a
uu Baptei- jonc qlie Jcux Sacrcmens, le Baptcfme & la Cene. Le Baptcfme nous eft comme v-
ne entrée en f Eglifc de Dieurainli que la Orconciiiort eftoit aux Iuifs. Le commande-
ment de fadminiifrcr eft baillé aux Apcftresparle Seigneur: mefmequand il leur dit,
Matth.18. Allez &£ endodrinez toutes gens, les baptizans au nom du Pere, du Fils, & du S. Efprit.
Ccluy qui adioufte outre le iigne de l'eau en âdminiftratle Baptefme,le feu, le crachat,
&: autres tels fatras, n'a pas eftimé S.Iean Baptifte , ne mcfme le Fils de Dieu afTez fage.
parquoy il y a grand mefpris cotre luy.& aufli tout ce quiy eft adioufté , doit eftre reiet-
té. Du fel,de l'eau bcnite,côme ils vient en baptifant,il n'en eft point parlé au nouucau
Matih.j. Tcftament. mais il eft dit que Iean baptifoit auprès du fleuue de Iordain,qui eftoit vne
acïcs g. gra Jc riuicre:&: que Philippe baptiza l'Eunuque de la roine Candace à la première eau
qu'il trouua.lefquelles eaux eftoyent communes,& non point enchatees comme celles
qu'ils garder. Puisqu'elles eftoyétfandifieesdc Dieu côme toutes les autres créatures,
elles eftoyét plus bénites que la leur ne fauroit eftrr ^L'opinion qu'on tiét aufli des pe- .
titsenfans qui meurent deuantqu'eftre baptizez,qu'ilsfont damnez, ou pour le moins
priuez de la viiion de Dieu( li cela fe peut faire fans eftre damnez)eft mefehante &: fauf-
ï'e.Car par ce moyé on neftime pas Dieu aiîéz puiifant de iauuer ceux que bon luy fem-
ble, s'il n'vfe des moyens inférieurs qu'il a ordonnez. Et ont attaché le falut d'iceux à
vn peu d'eau, qui eft vn clément corruptible:au lieu qu'on deuroit côfiderer lapromef-
fe qui rft faite à tou s fidèles & à toute leur femenec , en la perfonne d'Abraham, quand
GcD.17. jj iUy dit Je fcray ton Dieu 8c le Dieu de ta fcmence:&: ce qu'anciennement Dieu appe-
lent tous les enfans qui nailTbycnt du peuple d'Ifrael , fiens , comme il eft contenu en E-
F./cch 17. zechïelr&ccqueS. Paul dit, quclesenfansdcsfidedesnaiiTentfaindSjcftansmeimes
ilnm 1' knftificz au vétre de leurs mercs,comme nous lifons de Ieremie, & de S.Iean Baptifte:
Luc r. lequel comme ainli foit qu'il baptifoit les autres , toutefois on ne lit point qu'il ait efté
Matih.3. baptifé.Côbien donc que le Seigneur ait inftitué leBaptefmc,côme vn moyeu pour in-
troduire les enfans en fon Eglifc,& amener fînalemet àfalut:toutefois il ne s'enfuit pas
qu'en cas de neceftité il ne puilfe iauuer par autre moyé,felô qu'il eft tout puiflant,ceux
aufqls il ne fait poït la grâce de viure pour pouuoir receuoir le Sacreméc du Baptcfme.
'Bernard Seguin. 214.
La Cene eft vn Sacremet inftitué du Seigneur, par lequel il veut faire office de vray Pe- De U Cm\
re enuers nous, en nourrilfant non feulement nos corps, mais aufli nos ames de fa chair
&: de fon fang , qui font vraye viande&: breuuage d'iccllcs . ce qu'il fait quand par vraye
foy nous eleuons nos cœurs au ciel pour contempler Iefus Chrift eftant àladextre au
Pere, &: reduifons en mémoire la mort &: pafîîon d'iceluy , par laquelle nous auons efté
rachetez. Nous Comuniquons donc vrayement au corps &c au fang de noftre Seigneur
Iefus en ce Sacrcment,quànd par vrayefoy nous prenons le pain & le vin,qui nous font
en iceluy propofez pour lignes. Pourtant la traniTubftantiation eft totalement contrai- Tran/Tub-
ic àl'inftitution de la fain&eCene du Seigneur : & a efté inuentee par le diable, &: efta- ftjntlJtio^
bïîe par ceux qui ont efté poiTcdeï & menez de fon efprit au cocile de Latran à Rome,
comme il eft certain. Le pain donc qui eft en la Cene , ne peut eftre le corps de Iefus
ChriftjCommedifent les Papiftes: car premièrement cela contreuient aux articles de
la foy,aufquels nous confeflbns qu'il eft reftiifcité, qu'il eft monté aux cicux-,& eft alîîs à
la dextre de Dieu le Pere, &C que de là viendra iuger les vifs &c les morts. Il eft donc à la
dextrede fon Pereauciebcommci! eft dit en plusieurs lieux du rrouucau Teftamet,af-
fauoirau fezieme de S.Marc, au vingtquatriemedeS. Luc: au premier, fécond, troilie-
me,fcpticmedcs A£tes,au huitième des Romains, Ephcliens r, Coloiîicns 3,Hebrieux
i.4.9,&: io:en la première de S.Pierre,au j.Mefmement aux Actes il eft dit, Qu'il faut
que le ciel reçoyue Iefus Chrift iufques au téps de la reftauranon de toutes chofes. Par-
quoy fon corps eft là fculemét:la prefence duquel eft du tout abfentc de nous , comme
mefme il le tefmoigne par fa parolle,difanr, Vous aurez toufiours les poures auec vous, Mat.i*.
mais vous ne m'aurez pas toufiours . où il eft certain qu'il ne parle que de la prefence de ™uc
fon corps.il dit auflï en S. lean^ le ne vous ay point dit ces chofes dés le commencemét, ican ïe.
pource que i'eftoye auec vous. Or maintenat ie m'en vay à ceiuy qui m'a enuoyé : pour-
ce qu'il eft expédient que ie m'en voifercar fi ie ne m'en vay , le Confolateur ne viendra
point à vous:&: fiie m'en vay, ie ie vous chuoyeray.En vn autre lieu il dit, Maintenant ie
ne fuis plus au monde, &: ils font au monde , &: ie vien à toy. Par tous ces paifages il ne Icjn
parle que de fon corps,lequel il deuoit eleuer au ciel,quâd après eftre reiTufcité,&auoir
fumfamment manitefté fâ refurre&ion, il y deuoit monter vihblement&: deuant tous.
S. Paul mefme dit ainii,Encore que nous l'ayons cognu félon la chairtoutefois mainte- 1 ■Cor-ï-
nant nous ne le cognoiilbns plus. Le corps donc de Iefus Chrift n'eft en autre lieu qu'à
la dextre de Dieu fon Pere . dont il s'enfuit qu'il ne peuc eftre fous le pain de la Cene, &c
ce pain nepeuteftre lecorpsdelems Chrift. Car vn vray corps, comme le corps de Ie-
fus Chrift,nc peut eftre qu'en vn lieu en vn mefme temps. toutefois il faudroit qu'il fuft
en vn mefme inftant en cent mille lieux, s'il eftoit fous le pain: ce qui eft impoffible.car
cobien que le corps de Iefus Chrift foit glorifié &: immortel,^: qu'il ait perdu toutes les
qualitcz qui procèdent de la corruption de péché, c'eft à dire qu'il ne foit plus fuiet aux
paillons &C inhïmitez humainesjcomme il eftoit cependant qu'il a efté en cefte vie: tou-
tefois il n'a pas perdu les qualitez qui font propres &: infeparables à la nature d'vn vray
corps. qui font d'eftre en vn lieu feulement en vn mefme temps,& auoir certaine quan-
tité. Dauantage puis que le corps de Iefus Chrift eft incorruptible &: glorieux: & qu'il
eft tout certain que le pain qui eft en la Cene, fe corrompt &c fegaftepat fuccelîlon de
temps-.comment pourra-il eftre le corps de Iefus Chrift ; En outre, puis qu'il faut qu'en
tous Sacremens il y ait ligne viiible,qui reprefente la vérité inuifible qui nous eft dônee
fous lefdits lignes, &r que la Cene eft Sacremét:ilfaut qu'en icelle le femblablc foit fait.
Il faut donc que fous le pain &: le vin, qui font lignes de la Cene, la vérité nous foit don-
née . &C pou rtant faut-il qu'ellefoit diftinguee des fignes.Et auili le pain ne peur eftre le
corps de Iefus Chrift. car s'il eft ainli , il n'y aura aucun ligne en la Cene : veu q ue ce qui
doit feruir de ligne, fera la vérité. Dauantage, comme l'eau qui eft pour le ligne viiible
au Baptefmc , n'eft conuertie en autre chofe : au/Iî le pain en la Cene ne peut eftre con-
iicrtv au corps de Iefus Chrift, veu que la Cene eft par mefme raifon Sacrement que le
Baptefme. Outreplus, li le pain eft conuerty au corps du Seigneur, cela fefait par la
Vertu de ces parolles qu'ils appelent Sacramcntales : aifauoir, Cecy eft mon corps , qui Mat.zis.
eft liuré pour vous. Orcesparollesnes'adrelîentpoint au pain ny au vin: mais à ceux
aufquelsilcftcommandc&:dit,Prenez&:mangez.carlapiomcirenes'adreiîe à autres
qu'à ceux aufquels eft fait le commandement. Parquoy telle conucrlion ne fe peut fai-
re en veitudc ces parolles fufdites. Lacouftumequiacfté introduite de priucr les gens
Liwt-j Ifl Bernard Seguin.
qu'on appelé Laies, du calice,eft mefehante ô£ cÔtre Dieu, car le Seigneur a dit eyprcC-
Matth i«. l'ément en baillant le calice, Beuuez tous de cecyiEt S.Paul teftifie qu'il a ainii cnfeigné
i w.ii. aux Corinthiens, félon qu'il auoit receu du Seigneur. Parquoy pour eftre faits partici-
pans du corps &: du fang du Seigneur, il n'eft ia befoin qu'il foit enclos ibus le pain &: le
vin: car encore que le corps de lefus Chrift (bit au ciel , toutefois par la tby &: par la ver-
tu du S. Eiprit , qui peut conioindre les chofes feparees par moyens incomprchétibles,
nous communiqués à iceux. Ces pârolles donc, Cecy eft mon corps, doyuent eftre en-
Exo.'i. tendues par figures , côme l'Agneau du paifage eft appelé Paffage du Seigneur, côbien
iXor.io. qu'il n'en fuft que le ligne : &: la Pierre eft appelée Chrift, duquel elle n'eft que la figure.
Quant à la Méfie, laquelle on dit eftre de l'inftitution de lefus Chrift, & eftre vn facnfl-
ce vtile &c proufitable pour les viuans &: trefpailez:cela eft du tout faux &: contre la pa-
Mmh.i6. rollc de Dieu . car l'inftitution de lefus Chrift contient qu'on prenne &: qu'on mange,
non pas qu'on offre . pourtant le facnfîce n'eft point de l'inftitution de Chrift : mais ré-
pugne directement àl't ncontre. Dauantage, ça efté l'office de lefus Chrift feul de s of-
Hebr.io. {rir foy mefme, com tue dit l'Apoftre, Qu'il a fan&ifié les fiens à perpétuité par vne feu-
le oblation. Item, Il eft apparu vne fois en s'offrant foy-mefme. Item , Que depuis que
cefte fan&ification a efté parfaite, il ne refte plus d'oblation : car auffi pour cefte caufe
ilaeftéconftitué Preftre félon l'ordre de Melchifedec, fans fucceffeui ne compagnon,
lefus Chrift donc eft defpouillé de l'honneur de fa facrificature, quand l'authorité de 1-
offrir eft transférée aux autres non feulement pour réitérer le facrifice qu'il a fait, mais
aufti pour le renouucler,ou ratifier, ou en faire application. Finalement nulne doit v-
Hcbr <. ftirper ccft honneur, finon qu'il y foit appelé de Dieu,comme dit l'Apoftre. or on ne lit
point que nul autre y foit appelé que Chrift. D'autre part, comme ainii foit que la pro-
meffe qui eft en ces parolles,Cecy eft mon corps qui eft liuré pour vous,s adreffe à ceux
qui communiquent au Sacrement, l'vtilité& la valeur ne peut appartenir nullement
aux morts , veu qu'ils n'y peuuent cômuniquer : îoint au/fi que le huict de la Meffe,qu -
ils difent paruenir aux morts, eft fondé fur le Pu rgatoue,lequel a efté inuenté contre le
commandeme nt de Dieu. & par ainii il n'y a point vn tel Purgatoire que les homes ont
forgé.aufli les morts ne peuuent auoir vn tel profit de la Méfié comme ils difent.
^Vcu a ce que ie tien quant aux articles qui font pour le iourdhuy en différent,
vous pouuez voir que ic ne dy rien de ma tefte : ains prouue tout par la parolle de Dieu,
felô la grâce qu'il m'a faite. Si toutefois fans vous arrefter à tout cela, tafehez de procé-
der contre moy comme eftant conueincu d'herefie , ainfi qu'à tort pour tel ay efté long
téps y a déclaré: prenez garde que ce ne foit au danger de vos ames , de pourfuyure par
moyen défendu de Dieu, celuy qui ne met en auant que fa parolle. Car mefme quâd ic
feroye heretique(dequoy ie louë'Dieu qu'il m'en a exépré)toutefois ce n'eft pas le moyé
pour me faire laiffer les opiniôs par lefquelles ie feroye tel, de me punir de mort. Mais ie
remets le tout à la bône volôté de Dicu,le priât qu'il luy plaife me donner patiéce pour
endurer de bo cœur tout ce qu'il luy plaira de m'éuoyer , & ce au nom de fon Fils noftrc
Scigneur,auquel auec le S.Efprit foit hôneur, gloire &empire eternellemét, Alfi foit-il.
Epiftre duefit Bernard Seguin enuoyfe à vn (îcn amy:en laquelle eft contenue vne chofe digne de mémoire , touchant la
cornu rfion miracuieufed'vn brigand nommé Iean Chambonrlequel eftant en te nebres horriblej & du corps &dc
1 Vfprit,a entendu la douce voix de l'Euangile , cV a efté conueny à la vrayecognoiflaoce par le moyen de Pierre
Berger & des autres prifonmers pour la parolle Je Dieu.
^ A prefente fe ra pour vous aduertir, que celuy pour la querelle duquel nous fom-
ies captifs , nous fait de iour en iour fentir plus viuement fa grande bonté &c fa-
ueur plus que paternelle , de laquelle il luy plaift vfer enuers nous : en forte qu'eftant
par la grâce d'iceluy pourueus de ce qui eft neceffaire pour fubuenir aux nccefîitcz cor
poi elles, n'auons de rien plus grand befoin que deconfolation & fortification.Non pas
que nous en foyonsdcftituez:car nous pouuons dire deuant Dieu, que depuis le iour &
l'heure qu'il luy pleut nous ouurir la bouche pour cÔfeffer fon faincf nom, nous auons
fenty en nous-mefmes grandes & merueilleufesconfolations: mais d'autat qu'il eft ne-
ceffaire qu'on le renforce toufiours de plus en plus des armures qui font les plus fortes
& les plus propres pour repouflér les aifauts& durs alarmes de celuy auec lequel nous
auons à combatre. Car iamais on ne fauroit eftrctrop bien armé pour batailler contre
fontnnemy: d'autant que celuy qui fait la guerre, eftnon feulement fort &rpuiifanc
mais aulfi fin &c cauteleux, &c dont il fe faut garder d'eftre furprinsàdefpourueu. Le
prin-
^Bermrd Seguin. ë/jr
principal doncques nous auonsl faire pendant les treues quf rioûsforit données, c'- Treue» fôf
eft de noUs fortifier toufiours dauantigejmefniemcnt de ce cofté duquel nous-hôus? <Jow»ci
pouuons fentir plus foibIes:afin que quandlafTaut nous fera donné, duquel nous riefa- f huft fct?
uons ne le iour ne l'heure1, nous lç puilfionS virilement fouftenir:&: qui plus eft , gagfièr tifier;
la victoire. Ce que nous fer&?>non pas parnoftrë vertu & force, laquelle en ceft endroit
eftnulle:mais par la puiflànce'de celuy quiayant cbmbatuaucc fon plusgrâd ennemy
& le noftre,l'a veincu, 8z en a rapporté le triôphe, p our puis après en faire participant
ceux qu ilappele au combat contre l'es miniftres &c membres de celuy-Ia, lequel il a fur-
montc.Eftans donc veftUs des armures de hoftre grad maiftre &: capitaine IefusChrift,
nous fommes affeurez que comme Dauid par ce moye gagna la vi&bire contre ce grad
gean Goliath, pareillement nous la gagnerons contre ces monftrcs horrible* , qui font
fi impudens &C cffronteZ, voire fi enragez de faire la guerre à celuy qui fbudaincmët par
fa feule parolle,fans aucun empefchemét lès peut abyfmer iufques au plus profond des
enfers, puis que d'vne fi grande furcUr ils les perfecutent en fes membres. Vray eft que
de nous-mefmes nous hepouuôs rien promettre ne prefumer : ains auons pluftoft gra-
de occafion de craindre, qu'encores que iufques à prefent foyons demeurez debout , &
ayôsefté fermes fans vaciller,toutcfois à l'aduenir/clon la gradeur des aflauts qui nous
peuuent eftrc referuez, ne tobions &: trebuchions:comme nous en fommes admonne-
ftez tant par la parolle de Dieu,que par beaucoup d'exemples qui nous ont efté, depuis
que nous fommes captif s, propofez deuant les yeux en trop plus grand nombre qu'il n -
euft efté befoim Si donc nous regardons la grande fragilité qui eft en nous,nous ne pou
uons que conceuoirvn grand tremblement &:crainted eftrcfurmÔtez de celuy qui cn-
cores n'a peu rien gagner fur nous dequoy il fe puifte glorifier, mais fi de l'autre part no*
regardons qui eft ceftuy-la qui a" promis d'eftre noftre garanti protecteur, &c de batail-
ler pour nous par Ion S. Efprit, tât que defcndrBs fa caufe & querelle cotre fes ennemis,
nous-nous pouuons affeurer de demeurer conftls iufques en fin , & de n'eftre iamais
deftituez de fon aide &: fecours . car puis cjù'il à fait la promefTe d'aider tous ceux qui ffc
fentans oppreffez daffli£tion,de tout leur coeur àurôt leur recours à luy,& l'inuoqucrôt
au nom de celuy auquel il a prins tout fon bon plaifîr , &c fjîecialement ceux qui fourni-
ront pour fa parolle.-nous ne deuons aucunement douter qu'il ne femonftre enicelle,
comme en toutes les autres,trefuéritable,&:qu'il ne nous en face fentirrefFe&&: la ver-
tu, linon que par noftre lafeheté &: incrédulité nous l'empefchiôs , & nous en rendions
du tout indignes. Il l'a monftré iufqu a prefent afTez par expérience en tous ceux qui é-
ftans ëntieremet appuyez en luy, ont libremét confeffé fon nom:aufque!s a donné con-
fiance inuincible, mefme au milieu des tormehs, & les a rendus victorieux à l'encontre
de tous leurs ennemis. Parquoy nous-nous côfions qu'il fera le femblable entiers nous;
puis qu'il nous a appelez à vn fi grand honneur : comme eft dè rendre tefmoignage à fa
facree vérité deuant les grans & fages de ce monde. Et com bien que nos aduerfaires
ne cerchent qu'occafion de nous fafcher, & nous priuer de la liberté qu'il a pieu à Dieu
nous donner long temps a,par le moyen de ceux defquels il s'eftvoulu feruir comme d -
inftrumens,pour nous preferuer iufques ici de leur rage: &: mcfmes nous veulêt empef-
cher, s'ils peuuent, de nous confoler en chantant enfemble auec toute modeftie Chre-
ftienne les Pfeaumes de Dauid, pour faire obferuér l'exécrable defenfe qu'ils ont long
teps a faite fur cela:toutefois,quoy que ce foit, nous fommes tous certains qu'ils ne vié-
drôt àbout d'aucune de leurs entreprifès,que Dieu ne le permette. Que s'il le permet,
ce fera pour le meilieur,côme il ne fait ny ne laifTe faire aucune enofe , finon félon qu'il
voit eftiçexpedient pour fa gloire ôc pour le fahjt des fiens.Nou* auohs doc grande ma-
tière de nous côfoler, puis que c'eft pour la vérité infallible de pieu que nous enduros.
A quoy,combien que nous ayons infinis paffages enl'Efcriture qui font fort propres 6c
conuenables: toutefois le Seigneur nous a (n'a pas long temps) propofé vn exemple ,&
le nous propofe tous les iours, lequel nous fert d'vne trefgrande confblation, fy. d'vn ar-
gument trefeertain &: treffufKfant pour nous affeurer de l'affiftence de noftre Dieu iuf-
qu a la fin en la caufe que nou s maintenonsjc'eft d'vn ieûne home qui eft en mefme pri-
fonauec noftre frere Pierre Berger, aceufé d'auoirfait depuis deux ou trois ans en-ça
quelque volïerie, emportât certaine pièce de veloux à vn marchant, à caufe dequoy il y pierrc Bcr^
a bien dix mois,côme il nous a made,qu'il fut mis en prifon : où il a efté prefque tout le- ger, auf$»
dit teps détenu fi eftroiteméc, qu'il a eu toujours les fers &. les fouches aux pieds , & les Muty*-
G.
Liurcj III. Bernard Seguin.
manottes aux mains-.de forte qu'il ne fc pouuoit remuer en façô que ce fuft:& auec ce à
efté en autre grande mifere &: pourete, laquelle n'efthonnefte de raconter. Or pen-
dant ledit temps, noftre frère Berger, félon la commodité que Dieu luy a donnée , l'eft
allé vcoir plufieurs fois, pour le confoler : duquel Dieu s'eft feruy en telle forte, que ce-
fte poure créature , qui auoit employé tout le temps de fa vie précédente à deshennô-
rer Dieu par fes mefrai£ts,eftant à caufe d'iceux en captiuité fi dure&: eftroi&e,& corne
Goucrfion i'ay dit deifus,a efté appelé à la cognoiifance de (on Sauueur Iefus Chrift : duquel après
vnvokar" auoircpgneu la grande mifericorde enuers les pourcs pécheurs, a efté tellement con^
folé , qu au lieu qu'auparauant il ne faifoit que maugréer &" defpiter Dieu, maudire fou
pere & fa mere, &: le iour & l'heure qu'il eftoit nay, Se qu'il ne faifoit que blafphemer in-
ceifamment contre la maiefté de fon Créateur, à caufe desgrans tormens qu'il endu-
roit, eftant en fi grande deftreffe& peine corporelle: ne fait depuis que le remercier de
la grande grâce qu'il luy a faite , & recognoiftre fes péchez, en s acculant grandement
deuant luy, endurant d'vne patience admirable les tormens qu'il endure, lcfquels font
encores bien grans: combien que Dieu luy en ait baillé quelque allégement. Depuis
que nous auons efté aduertis de ces chofes par noftre frère Berger , nous faifons noftre
dcuoir, entant qu'en nouseft,de confoler ledit prifonnier, félon la petite grâce que
Dicu.nous a faite : comme mefme il a requis par certaine lettre qu'il nous a cnuoyee ef-
ente de fa main, encores qu'il ait les manottes. par laquelle aufh* il nousaprié que fi
nous auions quelque liureconfolatoire , que nous luy enuoyiffions. Et d autant qu'il
craint d'eftre defpefchç en bref, nous a cnfemble demandé confeil, comment il faudra
qu'il fe porte le iour qu'on l'emmènera au fupplicc , afin qu'il ne face rien contre Ja pa-
rollcdc Dieu, qui luy a communiqué fa cognoiffance. Sur cela nous ( Dieu aidant) luy
en manderons noftre aduis , &£ ce qu'il nous en femble , félon que ccghoifTons par l'Ef-
criturefainetc. le vous tien long propos de ce poure prifonnier, pourec que c'eftvn
miracle de Dieu merueilleux,&vn exemple digne d'eftre mis en mémoire, voire par
efçrit. Nous certes (comme i'ay dit cy deflus) fommes grandement confcrmez& con-
^ folez par fon exemple. Car fi noftre Dieu fait vne telle grâce à vn poure brigand, que
fera-il àceux defquelsil fe veut feruir pour maintenir la vérité de fa parolle? le vous
prie, fi vous auez quelque petit liureconfolatoire, qu'il vous plaife le nous enuoyer,a-
iîn qu'en facions participant ledit poure prifonnier. Aurefte,vous nenous oublierez
auflî en vos prieres,comme nous ne vous oublions iamais aux noftres. Celuy fans la vo-
lôté duquel rien ne fe peut faire, &Z qui par fa mifericorde infinie s'eft manifefté à vous
&c à nous, nous tienne tous en fa fain&e protection &c fauue-garde, iufques à ce qu'il luy
plaira nous recueillir en fon royaume celefte. Ceft onzième de Feurier, m. d* lui.
E N fuyuant l'hiftoire de la conucrfioD de lean Chambon, nous auons ici mis l'Epiftre fuyuante ,qui a efté enuoycepour
confolatiooaudir Chambon eftanten trcfgrandc affli&ion, par Pierre Efcriuain deffufdit.au nom ce fes autas frè-
res prifonniersequieft pour monftrcr le foin qu'ils auoyent du poure pecheurainficonuerty.
\0 V S ne vous auons eferit long temps a , trefeher frère en Iefus Chrift , d'autant
_|qu'auons efté grâdement empefehez après nos affaires. Ioint aufïi que voyôs que
"noftre trefeher frère Pierre Berger , prifonnier pour la parolle de Dieu , auoit efté ferré
&c enfermé : follement qu'il ne pouuoit communiquer à vous , ne vous enuoyer lettres
qu'aucc grande difficulté & danger. Toutefois cftâs aduertis par ledit Berger de voftre
grande confiance &: confolation , de laquelle noftre bon Dieu vous confole en voftre
captiu ité& affliction, par la vertu de fohfaindEfprit, vous donnant grande patience:
ce qu'aufîl auons trefbien cogneu par vne lettre qu'auez eferite audit frère, Pierre Ber-
ger, laquelle il nous a enuoyce, tant pour noftre grande confolatron, que pour nous ad-
ucrtir de la foy &: efperance qu'auez en Dieu par Chrift, &: de la tribulation &: affliction
grande en laquelle vous eftes détenu aux fers &: ceps eftroi&ement:ccrtes,trefcherfre-
1 e &: amy, nous auons reccu grande confblation par vos lettres, voyans la grande grâce
que ce bon Dieu & Pere vous fait, &c la grade patience qu'il vous donne en ceftegiâde
captiuité. Mais quand nous auons entédù la deftrefTc&: angoifTe en laquelle vous eftes
Exemple détenu bien eftroittcmentrquâd nous auons efté aduertis de la lôgue detention-.certai-
ciLïitr** ncmét nous auons efté fort contriftez, & auons fenty lesdouleurs de vos liens , comme*
eftas membres d'vn mcfmc corps auec vous. Car ia-foit que nous foyos feparez de vous*
tant par la diftace du lieu qui eft encre vou s & nous,que par la caufe pour laquelle nous
fouk
foufFrons, qui cft grandement <^^a^dci^voîit^totit4^Ûcli(Aèeh^$t fchan
tépaftequelno'fommesi^iimiawiœ^
fait que not^s fommes parti tipamrdeï âffliâaans de vos liens* comme {iin&ù^efliôttsdc*.
tenus& ferçez auec vous ; ôegeniiflbns te foufpirons auec vonsi'ppiâh* ce bôaÎMeti' U
Pqre de toute miferiçofde , vous fortifier par (on S.Elpmvafin qu'en toute patieYtoe
humilité vous puifîiez endurer &fouftenir routes tribulations^ peines^ angônles êC rtifc-"
feres qu'il luy plaift vous donner/Se cnuoycr pourVoftre grad prou fit, & 'pbut'lfc'-Ûltife de
voftre poure ame: vous Vifitant&: cha&ant de fes verges parcrnelles,c6rtfc le péfé>0hâs
ftie Ton enfant lequelilatfne. Helas, cher frère &c amy, confîderez, confide^éz^êe^éftf
voftre Pcre celefte qui vous vifite &c chaftie en ce mode, afin que ne pedfîîezen l'ant*^
Confiderez qu'il vous aime d'vn amour infiny &: fouuerainsmefmes du temps que vous Rom.jiio.
eftiez fon ennemy, ainfi que dit S. Paul . car il n'a pas efpargné fon bien-aimé Fils ïefus
Chrift, mais la liuré à la mort ignominieufe &: cruelle de la croix pour vo9 &: pour nous,
O la grade charité,bôté &c mifericorde de noftre bon Dieu,laquelle il nous a defployee'
cnlamorCiSi paniondcIciusChriftjquieftlaconrolanon & falutde tous affligez & pé-
cheurs qui la reçoyuentenvraye foy ! carparicclleleFils de Dieuaveinculamort,le
monde & le diable :6c a fait que la mort (qui cft terrible &: efpouantable àceivxqui ne
croyent en Icfus Chrift & en la faincte parolle ) neft pas mort:mâis le chemin & partage
p our aller à la vie 6c à la gloire infinie. Par fa mort leurs Chrift en a ofté la malcdictjô 6C
terreur mortelle, 6c y a efpandu toutegrace, ioye 6c bénédiction celefte : tellement que
les enfans de Dieufe rcfiouiront&: confolerôten elle, Tans s'efpouantcr ny deftournér
du droit chemin : fachans bien que c'eft la fin de toute mifere , 6c la tresheureufe porte
pour entrer en la vie éternelle. Etheftansaux priions &: Chartres enferrez 6c enferrez
eftroitement,&:trait!:cz inhumainement, ils endurent grandes miferes&neceffiteZ:
ils fentét & font participas des graces,riche{Tes &:threfbrs que IefusChrift y a mis &def-
ployez par fa prefence. Car le Fils de Dieu, qui eft Roy du ciel 6c de la terre,fain&,iufte
6c innocét,a eftéliuré entre les mains des mefchâs, attachée lié, mené en prifon côme
lcplusgrâdbrigaddumôdedàoù ilaeftémoqué,decraché,fouffleté,fouctté&courÔ-
né deipines:premieremét pour deflier les enfans deDieu deslïés du diable &: de péché:
6c pour les deliurer des prifons d'enfer , auxquelles ils eftoyét condânez cterncllenrét à
caufe de leurs peche2.Il a fait aufll que les liés, prifons 6c tribulations des liens font gra-
des bénédictions &: grâces de Dieu, efquelles les enfans de Dieu qui endurét , foiepour1
maintenir fa parolkjfoit pour leurs pechez,fe refiounTent 6c côfolent plus que les Rois, y^^fco'
Princes 6c riches de ce mode en leurs gras palais royaux, threfors , richeiTes &: hôneurs* le des fide-
Car les liés,ceps 6c prifons font lefcole du S. Efprit : là où les poures fidèles apprenét de ,cs-
cognoiftre 6c pratiquer la bôté,grace &: mifericorde de Dieu,&: de fentir fon aiîîftence
Se faucur paternelle par la vertu du S. Efprit , qui eft le docteur & maiftfe de cefte tref-
heureufe efcole. En cefte efcole de tribulatiô, les fidèles fe refiouiirent d'vne ioye incô-
preheniible, chantas & louans Dieu:& les grans, riches 6c puifîans de ce mode en leurs
palais,chafteaux& maifons magnifiques bien fouuét pleurent 6c gemiflent, ne fe pou-
uans confoler pour les grans remors de leur confeience , qui les preifent&: tormentent
grandcmét,leur faifans fentir l'ire &: fureur de Dieu,à caufe de leur mefehante vie,& la
damnation éternelle qui leur eft préparée après la mort. En cefte efcole de tribulation
les fidèles &: enfans de Dieu rccognohTét leur mal-heureufe vie , &: les fautes 6c péchez
qu'ils ont cômis cotre la maiefté de E)ieu,eftâs en liberté de corps. Ils gemifient & criée
à Dieu, luy demandas pardon de leurs pechez:& le Seigneur qui entéd leurs Ibufpirs 6C
gemiiTemés,&: qui eftât près d'eux, voit leur affliction, les exauce 6c côfole de grade cô-
folation,les faifant participans des ioyes celeftes parla vertu du S. Efprit, lcfqu elles fur-
montét&: engloutnTent toute triftcfre,angoiiTe,peines & tormés. Ce que nous auôs ef-
prouué en nous,depuis que iîo9 fommes prifonniers pour la parolle deDieu:&: cognoif-
îbns aufC eftre fait en vous. Car ia-foit que voftre caufe ne foit pas iufte , côme la noftrèt
ia-foitq vous foy ez traité inhumainemét&cruellcmét aux prifonsmeantrhoins noftre
Pere celefte qui eft auprès de vous, 6c qui habite en voftre cœur par fon S.Efprit,ne per-
met que vous foyez tété plus que ne pouuez porter:mais vous confole &: remplit voftre
cœur d'vne grade ioye &: lielfe,qui adoucitSi modère les tormens &c mjferes q vous en-
durez. Vo9 eftes reietté du môde,&: defnué de toute aide,fecours &c côfolatiô humaine:
mais vous eftes receu de Dieu voftre Pere,pour la foy & efperace que vo9 auez en Iefus
O.ii.
216
Limt-j III Bernard Seguin-
Chrifl fon bien-aimé Fils, lequel il a liuré à la mort pour la remiflîô de nos péchez. Vo-
lire caufe, comme vous dites &: confefTcz,eft mefehante 6c iniufte;mais confiderez que
la caufepour laquelle Iefus Chrift à tant foufFert 6c enduré iniuftement , fait que fini-
quifcé d'icelle eft oftee de deuant Dieu, 6c vous eft pardonnee* Farquoy refiouiifez-vous
en iefus Çhrift noftre Stigneurjeftat alterné que fa iufticej fain&eté&: innocence* eft la
voftre: &: que pour l'amour de luy Dieu le Pere vous accepte pour fon enfanr. Ne vous
conr.riftez,poinCj &: ne perdez courage pour lalongueur de vos priions &arfli&ios:mais
prenez bonne patience, regardant &: conliderant la vie eternelîe,qui vous eft préparée
la haut au ciel , pour eftre & viurc auec Dieu à tout iamais en toute ioye , repos, paix 6c
fe>U<;itc. Confiderez que la tribulation que vous endurez , eft brieue 6c de petite durée:
mais la confolation 6c ioye que vous aurez fera éternelle, 6c durera à iamais. Que fi vous
regrettez de ce que n'auez eftudié 6c veu les fain&es Efcritures plus amplement , confia
derez que il ie Seigneur vous retire à foy* vous aurez cognoillànce de toutes chofes
quand vous ferez auec luy. Car l' Apoftrc S.Paul dit , qu'en ce monde nous cognoillbns
Dieu &: les fain&es Efcritures en partie: mais quand nous ferôs là haut* nous le cognoi-
ftrons ainh qu'il nous cognoit.Nous le voyons maintenant par vn miroir en obfcurité,
ipais alors nous le verrons face àfacer&non tant feulement le verrons tel qu'il elbmais
quiplus eA, ferons faits femblables à luy ,eftans couronnez degloire 6c immortalité.
Parquoy ne vous contriftez pour cela,ne pour aucune chofe : mais attedéz en patience-
la bonne volonté de Dieu: car s'il luy plaift que vous demeuriez encore au monde pour
le feruir , {'oyez certain qu'il vous deliurera contre toute eiperance.Que s'il luy plaift de
vous retirer de ce monde mefchant,pourvous receuoir en fon héritage, rehouyifez-
vous en cela, & luy rendez grâces: car vous ferez plus heureux que fi vous demeuriez
en ce monde. PrepareZ-vous donc àtoutes chofes qui vous peuuent aduenir: mais plus
à la mort qu'à la vie. Et n'ayez point honte de confeifer noftre Seigneur au milieu de la
mftrt, repouftant Satan &: tous fesfuppofts. ConfeffeZ deuant le mode que Iefus Chrift
eft voftre Sauueur &Redem pteur, 6c qu'il a foufFert &: enduré la mort 6c paflion pour la
remhTion de vos péchez: lefquels ia-foit qu'ils foyentgrans, neantmoins la mifericorde
de Dieu, laquelle vous eft promife en l'Euangilc par Iefus Chrift , eft phis grande. Ne
voiifttrOublez point , s'il vous fautendurer en voftre corps quelques peines ou tormés:
mais efleuez voftre tefte en haut, 6c recommandez voftre eiprit a Dieu , à l'exemple de
Iefus Ghrift noftre Capitaine:&: croyez qu'il vous receura en fon héritage.
Vo i t A,trefcherfrere,cequenousvousauonsvouluenuoycrpourlepiefent,prias
le Seigneur vous donner bonne patience, 6c perfeucrâce en la foy iufques à la fin. Tous
les frères prifonniers vous faluent en Iefus Chrift , prians toujours pour vous , comme
vous faites pour nous. Le Seigneur foit auec vous éternellement: Ainfifoit-il. Si
vous auezbefoin d'aucune chofe, enuoyez-le nous dire :& nous vous affifterons de ce
que nous pourrons.
A V T R. Ecpiftreenuoyee à Pierre Berger & Matthieu Dymonet.aufti prifonniers, fur 1* mefrhe rcfiouiflànec du poure
brigand leanChanibon,conuerty à la vrayccognoiflàneedc l'Euangilc.
MO V S ne vous faurions dire ny eferire , trefehers frères en Iefus Chrift , la grande
^^^ioyc 6c confolation que nous auons receuè" en nos cœurs , de la grande'conftance
S>c patience que noftre bort Dieu donne à noftre poure frère Iean Chambon en fa gran-
de captiuité en laquelle il eft détenu : mais conhderans lapeine, angoi/Te 6c torment,&:
la dcftrefle en laquelle cefte poure créature eft quant à fon corps : voyans aufîï la lon-
gueur du temps qu'il endure telles chofes , qui font certainement fort dures ,afpres 6c
cruelles à la chair. nos cœurs ont efté efmeus grandement , &c ont fenty les afflictions 6c
angoifles dé fes liens , gemiffans 6c foufpirans auee luy , comme membres d'vn mefme
corps , 6c enfans d'vn mefme Pere. O que nous auons bien matière de louer noftre bon-
dieu 6c Pere celefte, de ce qu'il luy plaift fe manifefter fi puifîàmmét en ces poures cré-
atures , &: monftrer la vert u &c puifiance en vai/Teaux tant fragiles 6c abie&s • Nous de-
uons, dy-ie, rendre grâces à ce bon Dieu , de ce qu'il luy plaift nous conftituer heraus
6c tefmoins de fa fainéte venté, nous faifant triompher de Satan 6c de tous nos ennemis
dedans leur fort mefme , portahs là dedans les marques 6c enfeigftes de Iefus Chrift , SC
fbnnans la trompette de fon fain& Euangile en figne de victoire &: triomphertellcmenc
que maugré la rage du diable 6c de tout le înondc, Iefus Chrift eft manifefté 3T prefché
par nos liens , ^dedans les prifons 6c dehors. Les Scribes 6c Pharklens* qui eftoyenr
efti-
'Bermïd Seguin. èi?
eftimezfagcs au monde, auec lesgransfacrificateurs&: euefques Anhe& Cayphc,ont
perfecuté Iefus Chrift ,& liurc encrç les mains du preuoft Pilatc , pour eftre crucifié Se
mis à mort:afïn que le peuple le voyant ainfi déshonoré &: expofé à toute moquerie , e-
ftant pendu en la croix entre deux bngans , comme la plusmal-heurcufe créature du
monde, fuft fcandalilé de luy, &: ne receuft fa doctrine. Mais ont-ils empefehé pourtant
que Iefus Chrift n'ait efté cogneu 6c confelfé'eftre Fils de Dieu , Sauueur 6c Kedepteqr
du monde? Leur rage$: cruauté a elle efpouanté ny empefehé que plufîeurs n'ayent
crié à haute voix,di£ms, Vrayement ceftuy-lacftoit Fils de Dieu? N'enny,nenny: car
quand les Scribes &: Pharifiens,quand les grans docteurs de la Loy &: le grand facrifica-
teur Cayphe ont eu la bouche fermée pour donner gloire à Dieu , &confe/Ter Iefus
Chrift eftre le Sauueur & Rédempteur; voila vn poure brigand, qui n'auoit fait toute fa
vie que deshonnorer 6c blafphemcr Dieù, en efpandant le fang de fon prochain,lequel Jc°"^c$
eftant pendu pour fon mal-faid près de Iefus Chrift, a ouuert fa bouche pour confelîer du Bngaod
qu'il cftoit Fils de Dieu, Roy du ciel 6c de la terre, 6c Sauueur & Rédempteur de tout le tt^J *"
monde. lia défendu l'innocence delefus Chrift deuant les Scribes 6c Pharificns ,Ô£ les chrift.
gransdodeurs de la Loy qui eftoyent prefens. Ce poure brigand aeuvne G vraye foy,
que les iniures 6c bfarphemes qu'on difoit cotre Iefus Chrift , l'opprobre 6c malédiction
de la croix: bref , la rage 6c cruauté de ceux qui eftoyent prefens , ne la point feandalizé
ny efpouanté , qu'il n'ait crié à haute voix, Seigneur , aye fouuenance de moy quand tu
viendras en ton royaume. Ainfi maintenant Iefus Chrift eft perfecuté&: crucifié en fes
membres par l'Antechrift, par les Rois,Princes,puiiTans&lagesdecemôde. Il eft mo-
qué,battu , flagellé 6c reictté de ceux qui fe difent Pafteurs del'eglife , vicaires de Iefus
Chrift, 6c fuccelfeurs des Apoftres. Il eft mis à mort iournellemét par ceux qui fe difent
piliers de l'Eglife, &defenfeurs de la foy: maislespoures ignorans 6c idiots, les meur-
triers 6c brigans le conreflent&reçoyuent pour leur Sauueur &: Rédempteur. Usreco-
gnoiifent qu'il n'y a lalut en autre qu'en luy. Ils fentent Se font faits participans des
fruids , grâces 6c bénédictions de la mort& paflîon de Iefus Chrift:&: ces mal-heureux-
la renoncent &: foulent fous leurs pieds le fang précieux , qui a efté efpandu pour la re-
miiîion des pccheZ. O quelle malédiction 6c peine eft préparée à telles màl-heureufes
créatures, qui d'vne malice obftinee perfecutent Iefus Chrift, &: mettent à mort cruel-
lement les enfans de Dieu; Car ia-foit qu'ilfemble âduis qu'ils foyent vidoneux, entat
qu'ils demeurét viuans en terre:ncantmoins li font-ils veiheus &: côfondus. Iefus Chrift
a bien efté mis à mort par les Scribes & Pharifiés:maisparfamortil aenglouty lamorr,
a brifé la tefte à Satan, 6c a veincu fes ennemis. Il a efté lefort &: puiifant Samfon,lequel lefusChi ut
a eu vidoire de tous fes aduerfaii es. Iefus Chrift a bié efté cnléuely, 6c mis au fepulchre ^"fln '
fous vne grande picrre,gardé en grande diligence par les gëdarmes qui eftoyent auprès
du fepulchre bien armez 6c embaftonnez : mais maugré la mort , le diable 6c la rage de
tous fes ennemis, il eft refuicité le troiiieme îour en grande gloire 6c puilfanceitellemét
que ceux qui le gardoyent font tombez par terre auec leurs glaiues,&: font deuenus co-
rne morts, fans le pouuoir tourner ne leuer. Anne 6c Cayphe auec les Pharifics& Sacri-
ficateurs ont efté confus, 6c ont tremblé en la terre toute leur vie,fcntâs l'ire, vengean-
ce 6c maledidion de Dieu, qui les abyfme finalement en enfer. Ainfi maintenant en ces
derniers temps, l'antechnft Romain a bien efté par iong temps efleué en grande gloire;
honneur 6c magnificence:mais Iefus Chrift parla clarté de fon adueneme ne l'a manife-
fté par tout le monde eftre le fils de perdition : 6c a commence à deftiuire& ruiner Ion
règne parl'efprit defabouche,&leglaiuedefafainde parolle. L'Antechrift auec les
Rois,Prîces 6c gras de la terre s'eft efleué cotre Iefus Chrift,&: a tafché par to9 moyés d'-
empcfcherle coursduS.Euagile.il a allumé les feus de toutes parts, pour mettre àmort
les feruiteurs deDieu,&: a efpadu tât de fang innocét:mais le malheureux qu'a-il fait ne
profité pour celà:a-il eu vidoitc contre les membres de Iefus Chrift \ a-il empefehé qufc
la parolle de Dieu ne foit allée par tout Je mode? Non certainemét : mais au côtraire,la
mort des feruiteurs de Dieu a efté la mort,&: la ruine de fon règne. Le fang innoect qui
a efté efpadu, a efté vne feméce de l'Eglife, 6c amplificâtiô du règne de Icius Chrift. Les ^jjj
gras feus qu'il a allumez,ont efté 6c font auiourdhuy autât de tropetees par tout le mon- mence de
de, pour refueiller les enfans de Dieu , &c pour leur donner courage à batailler pour le- l Eglllc'
fus Chrift. Dieu luy a bien permis qu'il en a mis pluiieurs aux priions &: chartres,&: per-
met encores auiourdhuy:mais c'eft afin qu'il (bit côfondu 6c abbatu dans ion jppre fort:
O.iii.
LiurtuM. TSerrktrdSeguin.
& lenfeigne de Iefus Chrift dreffee&: efleuee en haut par les bons foldats &: feruireurl
de Iefus Chrift , en ligne de vi&oire. Parquoy ô trefchers frères , puis que par la grâce
de ce bon Dieu nous auons efté receus au nombre de fes enfans, &: enrôliez pour c-
ftre foldats de noftre grand Capitaine Iefus Chrift, pour maintenir fa caufe &: querel-
le^ puis que la brefchecft de iïa faite par l'artillerie dclaparollcde Dieu, &: que mef-
mes nous fommes dedans le fort de noftre ennemy, prenons bon çourage pour batail-
ler conftamment îufqucs à la fin du combat : car c'eft iufques là où il faut marcher pour
obtenir la couronne. Ne dourons de la victoire : car Iefus Chrift la obtenue pour nous:
qui eft le grand capitaine Iofué , lequel a tellement pourfuyuy fes ennemis , qu'il les a
tous vaincus &: defeonfits. Iefus Chrift, Prince des Rois delà terre , qui eft le vray capi-
taine Iofué pour no9 amener en la terre promife, par fa feule parolle a fait tomber tous
fes ennemis à la renuerfe , fans fe pouuoir releuer ne tourner nous fait marcher par-
délais leurs cols &: te ftes, quelques forts &: puiflâns qu'ils foyent. le vous ay donné dit-
Luc to.is. il, puiffance de mai cher fur les ferpens, feorpions, lions & dragons , &c fur toute la puif-
fancedel'enncmy:& rien ne vous pourra nuire. Il eft bien vray que nos ennemis nous
détiennent en leurs prifons, pour nous ofter la vie, & pour empefeher le cours de la pa-
rolle de Dieu:mais cependant fi font-ils veincus par nous, &: abbatus en terre par la pa-
rolle de Dieu, tellement qu'ils ne fe peuuent releuer. Nous les voyons comme charon-
gnes puantes & corps morts profternez en terre deuanr nos yeux,& ne fe peuuent rele-
uer fans le vouloir de noftre Capitainc,ne mettre la main fur nous fans fon commande-
menr. Ils n'ont pas la puifTance de nous ofter vn petit poil feulemet de noftre tefte,fans
la volôté de noftre Pcrc. Que fi le Seigneur permet qu'ils ayent puifTance fur nos corps
nour les me ttre à mort, &: pour feeller la vérité par noftre fang : fi n'auront-ils pas puifc
lance fui lame, & fi n'auront pas pourtant gagné la vi&oire: car noftie mort fera leur
Ccn.4.j. morr, &: noftre fang fera femence de l'Eglife,&: parlera comme celuy d'Abcl, tellement
que nos ennemis en trembleront toute leur vie. Ne craignons donc: mais oftons toute
charge qui nous pourroit retenir : &: courons â la lice après Iefus Chrift noftre Capitai-
ne, pourobtenirla couronne de gloire qui nous eft propofceà la fin du combat:& pour
cftre fîdele à noftre bô Capitaine,^ batailler bône bataille fous fon enfeignc:trauaiU6s
corne bons gédarmes,fans eftre occupez ny empefehez par les affaires deceftevie:&ne
plaignons pas de perdre nos biés,de laifTer noftre maifon terrcftre,nos peres,meres,f re-
res,iœurs,fcm mes &: enfans. ne nous contriftôs de laifTer leur côpagnie pour feruir â vn
tel Roy &Capitaine:ne craignons pas d'expofer noftre vie pour celuy qui premicremét
l'a expofee pour nous, &C a puifTance de la nous rédre,apres que Taurôs mile pour main-
tenir fa querelle. Mais confiderons que pour la vie de ce mode, qui n'eft qu'vne merde
Ôppoiuiô toute mifere , il nous donnera vne vie éternelle , où nous aurons toute paix, repos, ioye
delbieiT ^ ^enc^t^ » pour les biens, threfors, richeffcs& honneurs de ce monde,il nous donnera
heureux les biens, threfors &: richeffes de Paradis, & la courône degloire& immortalité,qui eft
aux peims je côble de tous biens: &: pour la compagnie de nos peres,meres,freres,fceUrs , femmes
u"z"prou" &c enfans, nous ferons en la compagnie de noftre Pere celeftc là haut au ciel,&: aucc tat
de milliers d'Anges & bénits efprits,chantans &C louans Dieu fans fin &: à perpetuité:là
où nous rirons & nous efiouyrôs,&: aurons grad'lieiTe , quand nos ennemis &C ceux qui
perfecutet TEuagile gcmirôr, pleureront,& grinceront les déts, pour lesgrans tormés
&: peines qu'ils endurerôt en enfer auec le diable leur capitaine. Ils cognoiftrôt alors &:
confcfleront en grade douleur &angoifTe, ce qu'ils n'ont voulu cognoiftre necôfefTef
en ce monde. Et puis qu'ils n'ont voulu receuoir IefusChrift pour Sauueur &: redepteur
cependant qu'ils ont efté en ce monde,ils le fen tiront en enfer leur Iugc,portans Tire Ô£
fureur de Dieu fur leurs telles à tout iamais.Et que leur profiteront alors leurs biens, ri-
chcfTes & threfors, veu qu'ils ne les pourront racheter , ains crieront contr eux deuant
kq-f 3- Dieu ? Leur or & leur argent feront tefmoins contr'eux, &: leurrouillure ( ainfi que dit
faind laques) mangera leur chair comme le feu. Leurs peres,meres,freres, feeurs, fent-i
mes, &: leurs beaux enfans les deliureront-ils des peines fi horribles &: efpouantables>
efquelles ils feront tormentez éternellement? Non certes: mais au contraire, s'ils ont
efté contepteurs du nom de Dieu ainfi qu'eux en ce mode, ils feront condanez &C mau-
dits auec eux en enfer. Et tout ainli qu'en ce mode ils leur ont donné ioye & plaifir, auf-
fi en l'autre leurdonneront triftefTe,angoifTe&: tonnent, & leur feront comme bour-
reaux pour les tormeter à tout iamais,C'eft vne peine horrrible,de laquelle le Seigneur
menace tous les idoktres&: couwnpteurs de ion fainârnorh: àtfàiréïr qu'il les mau di-
ra^ fera vengeance du pere &irîe«ctifans iuf^ûesàlatroifieme & quatrième écrier*- Ex0 io*î
tion.VoilaoorajnentleseniÉans de Ditîu,&:ceu* qui bataillent po\ir màintehirffiuan-
gile,feront fîn^lebicnt recueillis au regnè de Idus Chrift ^ pour eftre en repos eterneî.
Au contraire v tes id»Jâtrcf«d: persécuteurs de la paroi le de Dieuferom aby^mczchîa
grandegehenne,làoàils feront tourmentez etemeHemenr. Or prions noftre bô Dieu
U&ctc qu'iHuy plaifebar fon ùtinà Efprit nousfottiner en cefte bataille, tclIemSt^fôe
Contre les aiTaux& embufehes de Satan & detous nos ennemis nous demeurions vféto
rienx,pcrfeuei as en la conreftiô de ton fainônom iufques à laderniere goutte de noftre
fang,au nom de Icfus Chrift fon Fils,auquel foit honneur, gloire àt empire éternelle-
ment: Ainûfoit-îl, Ainfi foit-iJ.ToUsles frères prifonniers pourla parolle de Dieu, vous
falucntenIefusChrift,&moy enfemble:prians toujours pour vous,ainii que vous fai-
tes pour nous. Le Seigneur brife Sata fous vos pieds,vous donnât victoire cotre tous les
aflaux des ennemis de la foy:lefquels ainfi qu auons entendu, vous a/Taillent de toutes
pars pour vous efbranler,& vous faire perdre courage de maintenir lacaufe du Fils de
Dieu,tant iufte &: raifonnable.Le Seigneur leur vueille pard6ner,& d iiTipcr tous leurs
confeils&entreprifeSjdonnantrresheureufe i/Tue àvoftrc captiuitéàla gloire de fon
fainct nom!,&:àla confuiion de Satan &c de l'Antechrift. Vous faluerez en noftre Sei-
gneur tous les freres,principalemet noftre poure frère Iean Chambon, lequel confie-
rez Ci pouuez par lettres pour le moins,& enhorterez à perfeuercr eh la foy 6c patiéce q
ce bon Dieu luy a donnee,iufques à lafin:& s'il a befoin de quelque chofe, afîîftez-luy (i
pouuez. Des prifons de Lyon,ce cinquiemede Feurier, Par vos trefehers frères en
Iefus Chrift,prifonniers pour la Parolle de Dieu.
C E S T E epiftre eft confolatoire & a efté cnuoycc par ledit Bernard S^^n à Pierre Bagcrviufslprifoûaief.
Paix par Iefus Chrift vous foit multipliée.
) O V S vous prionsjtrefcher frere,de ne trouuer eftrangc,fi auons aucuncroét rc-
_] tardé à vous efçrire:ce que n'euflions fait , n'euft efté que n'auons eu bonnement
le loifir.d'autant auffi que n'aujons rien dé nouueau pour vous mander . Nous fommes
grandement mârris dece quen'auez la commodité de vous retirer en quelque lieu à
part pour vous cohfolcr aucc Dieu,en lifaht ou cfcriuant quelque chofe pour augmen-
ter de plus en plus le zele que Dieu vous a donné de maintenir fon honneur & gloire:
toutefois il ne faut point que vous regardiez tant aux chofes qui vous font prefentees Argument
deuant les yeux,que n'efleuiez voftre cœur eh haut à celuy fans la pouruoyance duquel tire de}*
rien ne fe fait non feulement fur fes enfans &: feruiteurs, mais âuiïi fur les infidèles , qui d^Dicîu"
ne font que le blàfphemer &: deshonnorer fans ceffe: voire mefme fur toutes les créatu-
res qui ont efté par luy faites. Et pourtant faut prendre en patience tout ce qu'il plaift à
noftre bonDieu nous enuoyer, veu que fa volôté ne peut eftre que iufte &t rai(onable,&:
pour l'aduancement de fa gloire &de noftre lalut.Et puis qu'il fait mieux que nous-mef
mes,ce dequoy nous auons befoin: laiflbns-nous conduire par luy,& remettons tout no
ftrefoucy & toutes nos fafcheries entre fes mains :& il y mettra fin quand il fera expé-
dient.Si cependant nous n'auons tout à noftre fouhait, voire mefme en ce qui pour-
roit feruiràlagloire de Dieu , ne nous fafchons point pour cela, mais recourons à no-
ftre bon Dieu par continuelles prières &: oraifons, pour luy demander qu'il luy plai-
fe de fubuenir ànosncceffitez,hon feulement quant au corps, mais pluftoft quant
à l'efpnt.Et mefmement puis qu'il nous a fait la grâce de nous auoir reputtz dignes d'-
endurer pour fa fain&e parol!e,& nous auoir conftituez comme fes procureurs & lieu-
tenans pour maintenir fa caufe,hon pas deuant les petits du monde , mais deuant ceux
qui font plus haut efleuczi& eftimez plus fages que tous les autres : qu'il luy plaife nous
armer,non d'armes charnelles(iefqûelles ne feruen t de rien en ce côbat ) mais d'armes
fpirituelles,pour combattre en telle forte nos ennemis, que nous obtenions àla parfin
vi&oire glorieufe d'iceux.Perfeuerohs donc en Tinuocatioh du nom de Dieù,le prians
qu'il nous tienne prefts& appareillez pour glorifier l'on fain& nom par tel moyen qu'il
luy plaira,foit par vie,foit par mort.Enfuyuons noftre Seigneur Iefus Chrift,lequel a de
mandé à fon Pere,que le hanap qu'il auôit à bôire,paffâft de luy,s'il eftoit pbfsible : tou-
tefois que la volonté de Dieu fon Pere fuft faite,&: non pas la tienne: aïîauoir,felon que
la nature humaine eftant effrayée du iugement de Dieu,auquel il falloit fatisf airele fai
O.iiii.
£/#ro / // *BeM4rd Stgibt.
foie parler.Àinfînou$,piHS que fommcspcHccutez, non point comme larrons ou ori-
gans (ce que deuons attribuer à la feule ùiifericorde de Dieu) mais comme Chreftiens:
nedetirons rien dauancage que deftre faits conformes à eeluy duquel nous auonsvn
nom &: titre fi honnorable . Demandons luy que s'il eft expédient , il nous prolonge la
vic,comme iadis il la prolongea à ion bon feruiteur Ezechias: & tenon pour autre cau-
t.Roiî *o. k 4ue Pour iofl ^neur & gloire,afin que les infidelesne le blafphcmaiîétiS'il luy plaift
a.j. que par mort nous glorifions fonnom,recommandons nos efprits entre fesaiaihs,&il
ifa.38 M- jcs receura en fon royaume eternel.Nous ferons par ce moyen cent mille fois plus heu
reuxjquc fi nous viuions plus longuement . Car tan t que nous ferons en cefte vie ,nous
aurons plus de matière denous contrifter &: fafcher , que de nous refiouir : veu les hor-
ribles blafphemes que journellement fe commettent par toute la terre contre la fain-
&e maiefté de noftreDieu: veu que tous,comme il le iemble,fe font bandez contre luy,
pour le defpitcr &L luy faire la guerre.Car toute mefehaceté règne, vérité eft foulée aux
pieds,&: eft côdamnee,& menfonge maintenu. LesFaux-prophetes de la roinelezabel
grande paillarde,font entretenus«n toutes pompes &: deiices:&: le poureMichee &He
he font pourfuyuis iufques à les vouloir faire mourir. Voyans ces chofes, eft-il poflible ù.
|R nous auonsvnfeulgrain(comme on dit)de lacrainte deDieu,& auons fon honneur en
r ois 1 . recommandatiô,que nous nedefirions auec fain&Paul d'eft re iéparez de ce corps,&: e-
Philip.1.13. ftre auec Dieu?Deftournons donc noftre cœur de ces chofes corruptibles & terriennes
fcuJbf*'* & Pem°ns aux ioyes celeftes & biens ineftimables , que le Seigneur à préparez à ceux
qui perfeuereront à le conte/Ter deuant les hommes. Car li nous perdons cefte vie cor-^
porelle pour maintenir fon Euangile,il nous baillera celle qui eft eternelle,cn laquelle
il efluy era toutes larmes de nos yeux.Confolez-vous donc en Dieu, ayans toufiours les
yeux fifehez en luy. Cependant au/fi nous-nous préparons pourfouftenir vnnouueaU
combac.Dieunous'dointforcedelefou'ftenir, tellemét que la victoire luy en demeure*
Priez Dieu pour nous . Quant à nous,foyez aiTcuré que nous ne vous oublions pas . Le
Dieu de toute mifericorde vous confole &c fortifie iufques à la fin,& nous auffi . Par vos
frères &c amis en Iefus Chrift,compagnons de vos liens.
ïptffreefcrite par ledit Bernard Seguin.
La charité de Dieu le Pere,& la paix & grâce de noftre Seigneur Iefus Chrift, & la cott*
lolation du faincl Efprit,foit & demeure à iamais auec vous: kinû foit-iL
I iufques à prefentien'ay fait mon deuoir de vous rendre trcicuident &c certain
j tefmoignage de l'amitié &: charité Chrefticnne que i'ay commencé de vous por-
ter depuis que Dieu vous fit la grâce d'auoir compafsion de nos liens pour le (aindE-
uangile d'iceluy:ie vous prie trefafFe&ueufement qu'il vous plaife le me pardonner , &C
receuoir les prefentes pour vne preuue fufïifante de l'afFedtiô que ic vous portervous co
gnoiflànt non feulement pour ma fceur,mais pour ma propre mere. Certes fi les demie
res parolles qu'vn pere dit à fon en fant quant il s en va mourirjpeuuét allez tefmoignec
le bon vouloir qu'il luy porte: aufti la prefente Vous pourra allez fufHfamment donner à
cognoiftre le mien ehuers vous > combien que ie fuis trefafleuré que vous n'en auez eu
doute,n y n'en doutez aucunemét.Ie di ces chofes,cherefœur,pource que i'efperc que
mes compagnons &moy, nous en irons en bref à noftre Dieu. Car félon le monde les
chofes font tellement difpofees, qu'iln'ya pointapparencede deliuranec- Ienevous
mande pas ces chofes pour vous contrîfter : mais pluftoft pour vous refiouir en Dieu, à
la volonté duquel il faut que tous vrais fidèles &c Chreftiens fe rengent. Car puis que
c'eft Juy feul quia créé noftre corps & noftre ame pour la gloire de fon fain£t nom, nous
ne deuons nullemerrt cftre marris quâd Dieu difpolé de l'vn &: de l'autre à fonBon plai
fir,mefmement en telle fortê qu'il eft glorifie enfaifant telles chofes:& le règne de foU
ennemy mortehquieftle prince de tenebres,ruiné& deftruiâ.Ileft bicnvray,combié
que ceux qui nous pourfuyuentfacent complots &c machinations pour humernoftre
fang,& penfent défia nous auoirenglputis,que toutefois Dieu eft par-dc/Tus, qui -peut
en vn moment renuerferà leur grande confufion toutes leurs entreprifes. Ce qui nous
donne vne confolationineftimable,car nous fommes afîèurez qu'il rompra tous leurs
confeils,fi noftre heuren'eft encores venue:ou bien fi elle eft venue , qu'il nous tendra
fa main dehhaut pour nous fortifier, & ne permettra que nous foyons tentez pins
que ne pourrions porter. Quelque chofe donc qu'il arienne , comme dit fainft
Paul
Paul,foît que nous viuions,foit que nous mourions , nous ferons au Seigneur : qui aura
foucy de nous,comme de ceux qu'il aime pour l'amour de fon Filslefus Chiift.Parauoy 1
fachans que nous fommes en fa feindre protedion &c fauuegarde, nous-nous confolons
& refiouhfons d'vnc ioye intérieure 6c fpirituelle,Iaquelle diuercit nos penfees de l'ap-
prehcnfîon des tourmens qui nous peuuènt èftre propofez:&: nous fait leuer nos cœurs
en haut pour contempler les biens incftimables que Dieu.a préparez à ceux qui préfé-
reront la gloire d'iccluy à leur propre vie.La chair certes ji'eft pas fans nous tourmen-
ter bcaucoup,&: nous propofer plusieurs chofes: aufqucllcs il nous-nous voulions arre-
fter,pourrions perdre couràge.mais le Seigneur fait par fa grande mifericdrde quelle
n'a point la domination fur nous:&; n'aura,comme nous efperons.Car noftrc bonDieu
&: Pere nous fait la grâce de ladomter par la continuelle inuoeation de (on famet nom.
Pour côclufîon de la prefcte,ie vous prie que fur tout vous crajgniezDieu,&; que toute
voftre famille foit aulTi inftruite en la crainte d'iceluy. Voila la plus belle admonitiô que
ie vous fauroye fairc,car en craignant Dieu rien ne vous defàudra: pluftoft le Seigneur
conuertiroit les pierres en pain,auant qu'il vous lailTaft auoir neceflité. Fiez-vous, donc
entièrement en luy:&: vous ne ferez iamais confufe.La grâce, paix & mifencorde d'ice
luy,par ion Fils Icfus Chrift,cn la vertu du faindEfprit, foit & demeure à iamais auee
vous. Des priions de Roaneje premier de Mars, m.d.l m. Par voftre trefeher frère
&: entier amy, Bernard Seguin.
PIERRE N A V I H E RE S.
A prouidence de Dieu s eft monftree admirable en la caufe de ces cinqEf-
coliers,&: des autres prifonniers d'vn mefme temps à Lyon , en ce qu'au mi-
lieu des loups 6c des lions rugiflàns ils ont eu commodité &: delay non feule-
ment de difeourir partous les poinds delafain&c Efcnture: maisauflidô
mettre par eferit leurs refpôfes, après les auoir coftamment éi dodement maintenues
deuantles luges, afin de feruir à laduenir d'armes &c d'inftrudionàceuxqui fouftien-
droy ent pareils a/Taux. Quant à Pierre Nauiheres,Limofift,quatrieme en ceft ordre des
Cinq,outre les côbats communs qu'il a fouftenus auec les autres , il a eu à eombafre en
particulier contre les arFeûions &: pourfuites de les parens:&en eltdemourévidorieux*
furmontant en la vertu du faindEfprit toutes tentations&: allechemens humains:eom
me nous verrons par plufieurs lettres eferitespour refponfe aufdits parens, lesquelles
nous auons miles au prefent difeours après la Confeiïîô de foy prefentee aux luges par
ledit Nauiheres,& puil'ee des faindes Éfcritures,&; des Dodeurs anciens.
PIE R. R E Nauihcrcs apres auoir rendu entière confcfsion de fa foy deuaht les luges de Lyon, l'a prefentee aufii par
eferit en la forte qui s'enfuit.audit mois de May,M£).LIII.
Ifn^l VIS qu'ainfi eft que tous Chrefticns doiuent toufiours eftre appareillez de ren-
l^^g dre raifon de l'efpcrance qui eft en eux, à chacun qui les interroguera , &: ce auec
benignicé &: rcuerence:cftant interrogué par vous, Meilleurs , touchant ma foy , ie mdf
fuis mis en deuoir de fatilfaire à voftre requeftc.Mais pource que ie ne me fens eftre tat
exercé aux faindes Efcritures pource faire^qu'il feroit de befoimievous fupplie me par
dôner,(i ie ne vous fatilfay en tout^Toutefois ie n'efpere dire chofe qui ne foit confon-
nante à la parolle de Dieu,comme le pourrpt voir tous bons efprits fldeles,&: vous auf-
li.Premieremét ie croy en vh feulDieu immortel& inuifiblc,diftingué en trois perfort-
nes,le Pere,le Fils & le faind Efprit,qui ne font qu'vhe mefme fubftance &: e/Tence eter
nelle:àlavrayecognoiftance duquel Dieu,rhommedè-fa nature ne peut venir,d'autat
qu'il eft aueugle aux chofes diuihes, &: ne peut iuger ficelles . car l'homme charnel ne
comprend point les chofes de l'Efprit de Dicu,&:neles peut entendre , d'autant quel-
les fc difeernertt fpijituellerhent tOr le premier homrrre fe deftournant de fon Dieu, s'-
eft tcllcmentafluiettià péché, qu'il a efté fait fon efclaue .. Toutefois afin qu'il ne
pretendift exeufe d'ignorance, luy a efté laiftevntefmoignage en fon cœur, qu'ilya-
uoitvn Dieu:mais tant s'en faut que par cela il peuftvenir àlavraye cognoiflance d'i-
celuy jqui eft par IefusChriftyqu'il le cognoift feulement iufte luge de ceux qui l'auoyét
offcnfé'Parquoy ie dy que l'homme de fa nature a vite intelligence vniucrlelle, qu'il eft KQm i
Liurc_jIII Tieirc^> ^juiberes.
vn Dicu-.laquelle il luy a imprimée en fon cœur,afin qu'il fuft inexcufâble.mais quant à
lavraye cognoi/lancequieft par Iefus Chrift,&: que le pouucns appeler Pcre,ilncTa
point. Donc il faut que pour le cognoiftre il nous ouureles ycux,change noftre cceur de
pierre en vn de chair, pour en iceluy imprimer fa parolle.Er tout ce bien la vict deDicit
De bono fcu!,& non de l'homme , félon fainct Auguftinau liure du bien de perfeuerance : difant
; ^ que depuis que l'homme s cft deftourné de Dieu par fon péché , il appartient à la feule
grâce de Dieu qu'il fc conucrtilîc &: retourne vers luy>&: qu'il ne s'en recule point.
Iecroydauantage,querhommenepeut eftre iuftifîé que parla iêulefoy, laquelle
eft don deDicu:& que tout ce que l'hommcfaït fans icelle,n'eft autre choie que péché.
>m.i4 Or depuis qu'il l'a obtenue , tout ce qu'il fait eft agréable à Dieu , &c eft réputé iufte par
icelle : laquelle n cft point morte > ains produit les fruits dignes de l'Eiprit de Dieu qui
habite en luy. Or quand Dieu rccompenfe les frui&s d'icelle,c'cft de fa feule eracenon
» i' l 1 n. /-..._: » ^ , -rJ?
R.om.3,&
4
Ambroife
fur le 6.
chap.aux à caufe de nousrcar de noftre nature nous ne les faurions produire. Q uand DÏcu courô-
Kom. &
lurlc Plai
loi
Surlc Pfcl.
Sur Ici..
ne les bonnes œuures qui font en nous,ilnc couronne rien du noftre,mais le fïen qu'il a
mis en nous par fon faillit Efprit. Quant à ce que dit fainct Iaques,vous fauez qu'il parle
à ceux qui le glorifioyent d'auoir la foy>& cependant ne le monftrcyent par œuures di-
gnes d'iccllc.Parquoy qui fc vâte d'auoir la foy fans faire les œuures dignes d'icclle, il fe
mocjrcar elle ne peut eftre fâs icellcs,noh plus que le bon arbre fâsle bon fruiét. le croy
pareillement que puis que Dieu cft efprit immortel &: inuifible, qu'il ne peut ne doit
eftre rcprdcnté par çhofccorruptiblerains doit eftre adoré en efprit & verité.Parquoy
qui le veut représenter par image , &c en icelle le fcruir,fait contreles commandemens
Exode xo qU'j] a donnez de cela : comme il appert parle liure d'Excdc. Auïïî qui fe profterne dc-
ut'4,5 <s uant quelque îimulacrecjue ce foit,&: luy fait honneur,iceluy commet idolâtrie, car
i.Cor § comme dit fainft Paul» L image n cft rien au monde:&: fain& Iean,En£ms, gardez-yous
i.ican î des images.Parquoyl'excufencft valable ne receuable, de dire que ce qu'on fait aux i-
mages,on ne le fait à caufe d'iccîles,mais à caufe de ceux qu'elles reprefèntent. Car co-
rne dit fainct Auguftin, L'image retire pluftoft le cœur du ciel,qu'elle ne l'y efleue:d'au
tant.que la voyant faite comnu- nous,ayantyeux,bouchc,oreillcs,bras &c iambes, nous
eftimons qu'il y a quelque diiHnité, 6c nous amufons à icclle.il dit dauantage , que c'eft
a" Lj°ure, vnc choie mefehate d'ériger vn unmlacre taillé en forme humaine , au tépledes Chre-
Dc h cite àiensivoiremeûneàDieulePere. Et en vnautrelicu, Tous les fimulacres Se" images
chaDiCiU 7 *ont exterminez par l'Euangile,& mis en oubli,comme s'ils eftoyent enfeuelis.
Quant à la vénération des Sain&s après leur mort,nous n'en auons rien aux fainftes
Efcritores, & ne trouuons qu'il foit commandé de nous adrefler à eux : mais feulement
à Dieu par Iefus Çhrift,qui eft noftre Aduocat : lequel dit ainfi, Venez à moy vous tous
quitrauaillez&eftes chargez:&:ievousfoulageray. il ne commande dc nous adre/Ter
Matth.u à faine* Pierre ny à (aincï Paul,Et puis en faind Iean 14.15.1 6,Tout ce que vous deman-
derez à mon Pere en mon nom,il le vous dônera.Il ne faut pas douter q s'il euft efté loi
Sur le <; uhle de s'y adre/Ter en vn autre nom, il ne l'euft dit.Sain£t Auguftin dit que dc ceux qui
SurlePiàh om P01 chair humaineilefus Chrift feul intercède pournous.&: puis aiUcursàce pro
108 pos,L'oraiibn qui n'eft point faite par Iefus Chrift feulement, ne peut pas effacer les pe
chapdts' chez:mais elle cft faite en péché. Et fainét Ambroife, Pour venir à Dieu, il n eft point
Rom. befoin d'interceffeur: mais d'vn cœur côt rit &deuot. Au furplus, quand en l'ancienTe-
ftamcnr les fain&s perfonnages demandent à Dieu quelque cas,propofans les noms d'-
Abraham,Iiaac &c Iacobjç'eft ayans efprd aux promeiTes dc Dieu faites auf-dits Patri-
arches,^ nonl'inuoquans en leurs noms. Quant aux morts, nous auons fain&paul qui
i.Tcflâ.4. nous défend de nous contrifter fur iceux:carc'cft à faire aux Payens qui n'ont point d-
efperance qu'ils reiTufciteront.il ne cômande point de prier pour eux.ee qu'il n'euft ou
blié de fairc,s'il euft efté tant expedien t qu'on le dit comunercent, S. Auguftin dit qu'il
Sur le Pfal. ne paruient feulemétaux efprits des moits,que ce qu'ilsont fait eftans en vie. Que s'ils
n'ont rien fait eftans yiuans,il ne leur paruient rien eftans morts. D'autre part>s'il eftoit
ain fi q par prières on leur peuft aider à faire leurfalut,ilfaudroitquê Iefus Chrift n'euft
fait leur redeptiô qu'à demy,&: que nous fifliôs le refidu.Orcft-ilmanifeftc qu'ilaentie
rcmënt effacé l'obligation qu'auiôsauec le diable. S. Pierre auflîdemôftre que nous ne
Holnc! i fommes rachetez par or ou par argé*t:mais parle précieux fang de Iefus Chrift: fi£ Qu'il
fur ie so. ^ n'y a falut en autre nom qu'aufien. S.Chryfoftome dit q quand on demande miiericor-
Pf«u. de,c eft afin de n'eftre examiné de noftre peché,pour n'eftre point traité felo la rigueur
de
.Pier.
SP^rro JsÇjuSeres. 219
dciufticc:caroùilya mi(cricdrde,ii n'y a plus ne géhenne, ny examen, ne rigueur ne
peine. Parquoy ceux quiom obtenu mifericorde par Iefus Chrift,n'ont point befoin d'-
autre purgation après leut vie:& n'attendent peine ne tourmét,mais vonr, en ioyc eter-
nelle.Etquantàcequieftditauliure des.Machabees,vousfauez que lcliure n'eft pas
canonique,comme on le voit par S.Hierome . Nous auons deux Sacremefis en l'Eglife
ordonnez par Iefus Chriitja/Taucir le Baptefme &: la fain&e Cene.Le Baptefme eft Sa-
crement de pcnitence,& comm c vne entrée en l'Eglife de Dieu , pour eftre incorporé
au corpsdclefus Chrift.Iceluy nous reprefente la remiflîon de nos péchez paflez&: fu-
turs,laquelle eft pleinement acquife parla feulemort de Iefus Chrift.Dauantage nous
y eft monftree &c lignifiée la mortification de noftre chair,& rcnouuellement de vie,ce
qui eft reprefente par l'eau iettee fur l'en fant,qui eft figne& marque du S.Efprit, lequel
eftle vraylauementde nosames.Etparcefommesadmonneftez,que comme legrad J0™*
Pharaonfut fubmergé en la mer rouge,aufli noftre vieil Adam , &c tout ce que nous te- ^
nons de luy,doit eftre noyé. Et d'autant que cefte eau iettee fur l'enfant, ne le noye pas, Coiofl.5.
mais il vit encore après: aufil nous deuôs viure en nouueauté de vie: &: no plus en nous,
mais a Iefus Chrift.Nous ne crouuons que IefusChrift ait ordonné autre chofe en ce S.
Sacrement , que l'eau & la forme accouftumee en l'Eglife , Au nom du Pere , du Fils &: i.Picr.4.
du S.Efprit. Quant au crefme &c aux autres cérémonies , nous ne les trouuons aux faill-
ies Efcritures.Dauanrage,de dire que le Baptefme extérieur fait par eau, foit neceflai-
re à falutren telle forte que quiconque ne l'aura receu,ne foit fauué:cela eft inique. Car ig
c'eftlier&aftreindrelagracede Dieu aux choies extérieures, comme s'il ne pouuoit
befongner fans icelles. Nous lifons au vieil Teftament,que laCirconcifion,qui à efté
figure du Baptefme,aeftéfouuétobmife;&:puis elle ne fefaifoit que le huitieihje iour,
félon le commandement de Dieu.Or celuy qui diroit que les enfans qui mouroyét de-
uantceditiour, eftoyent perdus: en iugeroit témérairement. Autant en pouuons-nous
dire desChreftiens:car les Sacremens de la nouuelle loy n'ont point efté plus vertueux
en eux, que ceux de l'ancienne. comme fain&Paul le demonftre trelbiçn,difanc que les 1. Corin.i©
Pères ont mangé vne mefme viande auec nous,&: beu vn rocfme breuuage. La difFere-
cc qui peut eftre entre lefdits Sacren4os,cft qu e ceux de l'anciene loy ont figuré les cho-
fes qui dcuoyent aduenir, &c ceux de la nouuelle demonftrent les chofes eftre venues, Homdie
comme dit fairid Auguftin.'On lait bié que ceux qui euflènt voulu mefprifer h Circô *« furS-
cifion»cuflehc bien grandement ofFenlc contreDieu qui la cohîmandoitrparcillcment En'rEpîft;
ceux qui ne tiennent conte auiourdhuy du Baptefme, mefpriferoyent les grâces que f.àMarcd-
Dieu offre en iceluy.que fi l'enfant meurt deuant qu'eftre baptiférie ne le voudroye co- lia'
damncr,&: ne s'enfuit point qu'il ne foit fauué.car comme dit faind Ambroife ,* On fait, sur le clup.
bien que le S.Efprit a efté donné fans l'impofition des mains :& celuy quin'auoitbbint 3(Jr'an1,aux
efté baptifé, auoit obtenu remiflîon des péchez, or n'eft pas celuy baptifé inuifiblemet ' j
quiareceule don du Baptefme?&: faind Auguftin* dit que la fandification eft aucune Au3-
fois fanslcfacrementvifible :&lefacrementvifible,fansl4 fandification intérieure, on» îu vieil
Parquoy ic conclu que le Baptefme extérieur fait par eau, n'eft point heceftairc à fa- Tcft'amect
lut :& qu'on n'eft point fauué par le moyen de l'eau, mais par ce quieftrcprelémépar l Corul- "
ledit Baptefme , affauoir l'atteftatibn de bonne confeience : &c par la remi-flion des pe-
chez,taite par la mort de Iefus Chrift : de laquelle fi nous nefommes participans, nous
fommes perdus.il refte à dire de l'autre Saci ement,qui eft Jafainde Ccne de noftre Sei
gneur Iefus Chrift : laquelle , comme tefmbignent les quatre Euangeliftes Se S. Paul , il
ordonna la nuid deuant qu'il foulFrift,aflauoir qu'il print le pain &le rompit,difant,Pre
«îez , mangez : cecy eft mon corps qui eft liuré pour vous. Et après auoir rendu grâces,
print le calice , difant, Cecy eftle nouueaû Teftarnent en mon fang:beuuez tous d'ice-
luy. Toutefois &quântes que vous ferez cecy , vousannoncerez la mort du Seigneur 1
iulquacequ'ilvienhe,Voiiarinftitutiondclafain£tc Cene. En premier lieu vous vo- f^"^^
yezcommctlecommandement de participer tous au calice, eft violé; car il eft nié aux 1
laies. Tous les anciens Dodcurs ■ ont commandé expreifémét que tous participaflent ^ lc/el3i
aux deux,au pai &c au calice,au corps &c au fang du Seigneur.Chry foft. * dit,Ce n'eft pas x c0 *
comme en la Loy ancienne, où le Preftre auoit fa portion par deflùs le peuple : mais en 3
l'Euchariftie tout eft commû entre le Preftre &: le peuple.Carvn mefme corps eft pro- comperi-
pofé à tous,& vn mefme calice. Gelafe' aufli euefque de Rome,ordonne que tous ceux mus.Je
qui s'abftiendront du calice foyent repouflez de tout le Sacrement: Pource , dit-il , que Dift[na?L
Panitcn.
ajft.i.c.dc
Chanure.
tkb.4
ladiuifion de ce rhyftere fie ce fait point fans faerileçe. Or venons maintenant à parler
"de ce qu'on fait eh ce fain& Sacrement > Vous dites qu'on y reçoit Je corps & le fang de
lefusChrift. le le confeiTe:mais voyons en quelle manière. Vous ne me nierez pas que
nous ne pouuôs communiquer à lefusChrift fihon par fov,pour auoir falot, or puis que
la foy n'eft \omt vne chofe charnelle , il ne faut point préparer les déts de la chair pour
le receuoir &: manger charnellement , mais les dents de l'efprit , qui font la foy , par la-
quelle nous receuonsIciusChrift à falutiOrl'orficè delà foyiceftcroire.donc/edy que
qui croit en IcfusChrift,!'^ mangé: côme dit faihd Auguftin , Pourquoy appreftes-tu la
becrct.de ^cnt & le vehtre;Croy,& tu l'as mangé. A quoy s'accorde le Décret de Pccnitence.Par-
quoyiedy, que qui croit Icfus Chriftdefcendu du ciel, auoir fouffert mort &C palîion
pour luy,& par icelle l'auoir deliuré de la mort éternelle^ fait héritier du cieheftré re-
fufcité,môté au ciel, deuoir vemViuger les vifs & les morts:celuy reçoit, communique
& mangela chair &: le fang de Iefus Chrift. Et comme dit S. Auguftin , C'eft habiter en
luy,&: luy en nous . Voila la communication que nous auons aùec luy , qui eft faite par
foy . Ft quant à la nature humaine,& à la chaii &c au fang qu'il a apporté du ventre de la
Vicige,tous hommes communiquent auecluy,d'autant qu'il eft fils d'Adam quant à V
humanité ,comme les autres : &c a cité fait femblable â nous en toutes chofes , excepté
péché, mais celle communication auec fa nature humaine ne nous proufîte rien à fa-
lut,fi l'autre n'y eft:a/Tauoir la fpirituclle,qui eft faite par foyrpar laquelle nous fommes
régénérez & fais enfans de Dieu : de laquelle font feulement participais les fidèles ef-
leus.Parquoy ie conclu que la manducation charnelle de la chair & du fang naturel de
Iefus Chrift , fi que le pain &: le vin foyeh t conuertis eh iceux,n'eft point faite en la Ce-
ne:ains*qiî'il eft aflîs à la dextre de Dieu fon Pcre,fi l'article delà foy n'eft faux,&: Thiftoï
re de fon Aicenfion.mais feulement nous eft lignifié, que tout ainfi que nos corps font
nourris &: fubftatez par le pain &: le vin,auffi Iefus Chrift par fa vertu & puifTance nour
rit& entretient nos ames,&: les fait participantes defachair&:delbnfang,&de tous
fes benefices.Eopour plus grande confirmation de cecy , voyons l'interpretatiô des pa-
rolles de Iefus Chrift. Il dit,Cecy eft mon corps.Ie vous fupplie,n'apportons içy rien du
LiM-con- noftrej& entrons en noftre confoencciTertuliarV explique ces parollcs âinfi , Cecy eft
trcMarciô. le fighe Se la figure de mô corps. Sainct Auguftih dit* *Le Seigneur n a point fait de dou-
CôtreAdi. ce de dirc,Cecy eft mon corps,combien qu'il ne donnait que la figure d'iceluy. Et puis
ounui %di( encore il dit,*lefus Chrift admit Iudas au banquet auec fes difciples , auquels il recom-
KuukL rnatlcla ^ donna le ligne &: la figure de fon corps. Bref,touslesanciensDocl:eursdifent
ujâ c a le fembla ble.Sainâ: Iren ee dit ,Le pain terreftre receuant la benedittion de Dieu , n'efl:
î plus pain commû:mai$rEuchariftic contenant deux chofes jl' vne terreftre fid'autredi-
v£at uiftejefquelles paiolles Gelafe interprète ainfi,4 Les Sacremens du corps & du fang de
4 ' îefusChrift jlefqls nous receuÔSifom chofes dmines:à caufe dequoy par iccux nous fom
Decréi ^tsPârtIC'P^S^e'anatured^
crfI* demeure:&: certes nearmoins la figure &:fimilitude du corpsSi du fang de Iefus Chrift
ftmt célébrez en l'adminiftration des myfteres.S. Auguftin au liure de la doctrineChre-
ftienneparlant du mefme Sacrement, dit i Comme c'eft feruile infirmité de fuyurc la
lettre , & prehdre les lignes pour les chofes fignifiees : auffi interpréter inutilement les
iignes,ceft vn erreur pernieieuX.Si cecy ne fuffit,voyons la chofe de plus près. Vous cô-
a Bomrice fclfez que la faincte Cene eft vn Sacrement. Or voyons la fimple définition du Sacre-
'? meht,donnee de S. Auguftin . Il dit que Sacrement eft vn ligne de la chofe facree, ou
chofe vifmlede la grâce inuifible . Donc ce n'eft pas la choie mefme lignifiée : au-
trement ce ne feroit plus Sacrement. Orla Cene eft vn Sacrement, donc ccftvnfi-
gne qui derrlôftre quelque cas: mais toutefois telligne,que ce qu'il reprefente eft don-
ne fearement &" vrayement à celuy qui 1 e reçoit par viue fby:autrement non. Dauanta-
Gcncfe 4i £e vous f*ocz que oe verbe fubftantif,Eft,fe prend pour le verbe, Sighifier, auxfainûes
Cor. u Efcritu res.com rrie,Les fept bceufs& les fept efpics de blé,ft>t les fept années: La pierre
cftoit Chrift:ïeah eftoit Hclie. Teftimc que vo' ne me nierez pas que tous ces partages
lie fe doyuct interpréter par le verbe,Signifier. Or qui empeichera qu'on ne face lefe-
blablc àu jf parolles de Iefus Chrift, & mefmcmét après que les anciés Do&eurs les ont
ainfi interprétées? Au refte , G on dit que cefte tranffnbftantiation du pain &: du vin au
corps &: au fang de Icfus ChnO-eO'^e^'- miracle, il nyapaserande raifon. Car quel
miracle me dônerez- vous en toutes les fain&es E£criturcs,qui a ait efté appen &mani*
fefW
M «th ii.
fcfte à tous les Cens corporels,& qui ne rauiJÎe en admiration ceux qui Je voyet , comme
ceux de Moy fe faits en Egypte \ Or on ne voit point que le pain &c le vin ibyent aucune-
ment muéz&: changez en autre couleur ou faucur,parquoy onpuiflééftreefmcrucilléi
donc ce n'eft point miracle. Vous dites que Ion côprcnd cela par foy,qui ne doutepoint
des parolles de Iefus Chrift,& que c'eft par icclle qu'ô ented ces hauts myftercs.Ie m'y
accorde: mais la foy n'eft point charnelle, & ne comprend point les chofescharnelle-
ment,ainsfpirituellement.Parquoy nousnedeuons nen imaginer de charnel en ce S.
Sacrcment,&: ne nous amufer(comme il eft commandé au premier concile 'de Nicee) i
au pain & au vin qui nous font donnez:mais cileuer nos efpnts en haut,pourcontépler mîëTdifcX
par foy l'Agneau de Dieu à la dextre.Ie vous prie au no de Dieu penfer à cecy,iî lacho- aie de Ni-
fe n'tft pas ainh. Vous fauez aufli que leCanon 1 delà tran/îubftantiatiô n'eft; que depuis cce*
le pape Grégoire 7-Quant à ce que les ancics Docteurs appelcn t aucunefois ce S* Sacre t
ment Sacrificc,c'cft a caufe de la commémoration qu'on fait en iceluy de ce grâd &i per Au concile
pc tuel facriflce de Iefus Chrift,fait vne fois pour tous en la croix » Ils l'ont auftî appelé fces Vcrcd~
Euchariftie,c eft à dire action de grâces. lequel facrificc nous refte feulemét pour luy of Hebr.ij
fi ir, comme il eft dit aux Hebr.Le fruid des leures:& par Dauid, Vn cœur penitét & hu j^"'*1
milié.Cartous autres facrifîces ont prins fin en Iefus Chrift, qui s'eft offert loy-meime %,9)io
à Dieu fon Pere:&: nul ne le peut offrir que luy-mefme,qui eft le grand Sacrificateur, fe
prefentant & priant Dieu fon Pere inceifamment pour nous, En toute cefte inftitution
de la S.Cene,ny en toute la S.Efcriturc,on n'oit point parler de Meffe, ne del'inftitutiô i.cor.n
qui en eft auiourdhuy.Parquoy ie nefay quelle raifon il y a en ce qu'on dit queS. laques
la célébra le premier en Ierufalem.les autres difent que ce fut S. Pierre en Antioche.les
autres attribuent rmftitutiond'icclleà S. G rcgoire:les autres àS.Ambroile. Voila qui
eft peu folide ,pour vne chofe qu'on veu t eftre tenue corne article de foy. S. Paul parlât
de laCcnejditjQu'il a receu du Seigneur ce qu'il leur a donné. Et ne faut douter que les
autres Apoft. n'ayent fait le féblable.Or il eft manifefte que neftre Seigneur Ief Chrift
ne fit iamais telle inftitutio deMeffe.il faut doc dire que fi faintt Pierre ou fainct laques
lont donnce,qu'ils n'ont efté fidèles fejruitcurs &. Apoftrcs,veu qu'ils auroyent inftitué
autre chofe qu'il ne leur auoit efté commande par leur maiftre. ce qu'il ne faut penfer.
Vous n'ignorez quelIntroitedelaMeffea efté prinsdela couftumequi eftoit en l'E- ^'^s {
glife ancienne,laquelle eftoit de chanter quelques Pfeau. ou lire quelque chap.de la S. nuanus iL
b Icriturejcepcndant que le peuple entroit au temple,&: qu'il s'alfembloit. Pareillemét P"1-* H°-
forfrade qu'on fait s c'eftoyét les collettes que faifoyct les Diacres entre le peuple pour ™le^. ur
les poures.Confiderez,ie vous pric,le changement de tout cela. le ne fay point d'autres
Sacremens ordonnez en l'Eglife par Iefus Chrift , que ces deux deuantdits . Quant à la
Confirmatiô,ou Impolitio des mains,ôcExtreme on£tion,ie ne fay pas quelle raifon il y
a de les retenir: veu que ce pou rquoy ces cérémonies eftoyée obferuees,àceffé:affauoit
le don de Miracles. Car vous fauez que par l'impofïtio des mains vous ne pouuezdôner
le S. Efpritrcar c'eft au feul Dieu de le donncr,comme dit S. Ambroife.Par l'ondliô vous *™ ,e3-ch.
ne rendez guarifon aux malades,eômerailoyent les Apoft.maisaucontraire,quâd vous conmh.
l'a pportezjc'eft figne de mort, ou maladie mortelle. le croy d'autre part ,quc l'Eglife n'a
point d'autre chef que Iefus Chrift, duquel tous les vrais fidèles font mébres,&: nul d'en
tre eux n'a preeminéce lui les autres pour les affuiettinains tous font freres,&: fe doiuét EfiKi,,f
cheir mutuellemct.ee qui a efté obferué en l'Eglife primitiue,e ôme on le peut voir par
je s h ift. anciennes. S. Cyprian en fEpift qui eft prinfeau côciledeCarthagc,dit telles ou ir'trrcf
lcblal les parolles, No9conuiédronstouspourdirenoftreopinion:&: s'il y aquelcûqui
contredile,nous ne le mettrons pas hors de la compagniercar il n'y a aucû de no9 qui fe
dife fouuerainEucfq, pour contraindre les autres à luy obéir. Vo9voyez par cela corne il
n'y auoit point pour lors aucû desEuefqs,qui fe dift auoir domination furies autres : tat
s'en faut delîu s les Priées, cômefe dit auoir le Pape auiourdhuy.Vo9 fauez que S.^Greg.
mefme a refufé ce nom, dilat que celuy qui l'vfurpoit,eftoit precurfeur de l'Antechrift.
Autanten a-il dità Amian diacre,en TEpiftre76,& i8b\deleaneuefque de Conftanti- Epift^i
noble,qui le vouloir vfurper. Vous n'ignorez quel eftoit l'office des Eucfque aneiens,& Maunce
comme ledeferitfainet Paul.-& quel nom leur donne fainct Grégoire, s'ils ne font leur
officc,les appelans Chics. Vous n'ignorez aufli l'office des Preftres,&: qu'emporte le nô
duquel on fe contente auiourdhuy.de la .vie&: de la puredot~trine,on ne s'en foucie.Da
uantage,ie crovque c'eft alaicule paroîledeDieu,de remettre les pechcz:delaqlle,co l Tiffl J
P.i.
JerConom
Homil in
m'ai jo
me dit S«Ambroife,rhome ntft que le miniftre.Et pourrant s'il condamne, ce n'eft pas
luy,mais la parolle de Djcu qu'il annonce. Ce qui eft conforme à vne femence de S. Au
i.de guftin, récitée aux Dccrets,oùil dit, Ce n'eft point par les mérites des hommes que les
Pœi kent. pCcncz ( ôc rcmis:mais par la vertu du S.Efprit.Car le Seigneur auoit dit à les Apoftrcs,
Vtcuide" Receliez le 5»Efpr:c:& puis il adiouftcjSi vous remettez âquelcuri les péchez, non pas
ter- vous,mais le S.Efprit que vous auez receu. Voila ce que dit S. Auguftin. S. Cyprian dit
aufli,Le ferait eur ne peut remettre l'ofFenfe commife contre ion mailtrc.Parquoy iene
fay point d'autre confellîon que celle que nous dcuons à Dieu la reconciliation fra-
tcrnclle,& la confelïion publique deuât rEgliic,de ceux, qui auoyét fait quelqucfcan-
MattL g dalc:comme Pcnfeignent les anciens Do ftcurs. Quant au partage de S.Matthieu,quad
Iefus Chnft dit au ladre, Va,&: te monftrc au Preftrc:fainct Ambroifc furie Pfalme 1 18,
demande là delTus,Qui eft le vray Preftre,finon Iefus Chnft? Or celte cérémonie eftoit
de la Loy ancienne, qui eft abroguee. Vous auec S.Chryfoftomc,qui dit cxpreflemét,Ic
ne tedy pas que tu confelîcs tes péchez à vn home: mais à part toy confelfc-les à Dieu.
Que faut il dauantagerTcftimc que vous auczveu l'hiftoiie du diacre de Conftantino-
ble,&: touchant ce qu'il commit fous l'hombre de la confeflion auriculaire , laquelle n -
eftoit pasainii conftituee comme elle eft auiourdhuy: car il n'y auoit qu'vn Diacre à ce
commis. Vous fauez comme telle manière de le confelîer à l'oreille,fut abolie pourlors
par Neetiriuscuefquedc Côftantinoblc,hommede bien: ce qu'il n'eu II fait li elle euft
efté conftituee par droiéfc diuin,ains fe fuft cohtenté de punir ledit Diacre délinquant*
Au reftc,ie demande à tous fidèles auditeurs qui font verfezaux hiftoires Ecclcfiaftiqs,
J :|R fi la couftume des anciens Pères n'a pas efté de pourfuiure feulement lcsherctiques,nô
à niort,mais par les Efcritures pour les côueincre&: les faire retourner au droit chenu.
vf ft-48 Que s'ils eftoyent opiniaftres,pour la plus grande peine ils c ftoyent mis en exil, de peur
qu'ils n'infe&afTent les autres, mais auiourdhuy il femble qu'on s'eftudie du tout àe-
xercer tyrannie. Non pas que par cecy ic me vueille impofer crime d'herefie : car Dieu
fait premieremét, qu'en tout ce que i'ay dit, n'y a aucune herelïc: 6c tout bon Chreftien
qui le Jira,&: vous-mcfmes, meilleurs, li voulez entrer en voftre confeience, &: eniuger
à la vérité, le cognoiftrez ainfi. Gloire foit à Dieu.
E P I S T R E dudit Pierre Nauihtrw,à vn fien an y.aufsi prifonnier pour la parolle du Seigneur.
Ous vous prions de nous pardôner,treichet& bié-aime frere,{i ne faifons mieux
2j|gjj ' noftre deuoir de vous elcrire& confoler par lettres. Gc que volontiers fcriôs pluf
toit qu'autre chofc,li en au ions plus grande commodité 6c loifir. Mais vous pouuez cô-
ie&urer qu'il nous faut à prêtent penfer ce que deurons refpondreà ecluy deuant le*
quel nous-nousattédonsdeftrcprefeiitez.Etpource qu'il n'y a pas meilleur baftôpour
nous defendre,queceglaiLïetrenchantdela parolle de Dieu:ilnouseftbe(oindcn"e-
ftre endormis, mais nous en armennonobltant que nous ne foyons tant diligens à le fai
re,qu'il feroit bien requis. Toutefois nous-hous confions que celuy duquel nous main-
tenons lâquerclle,nenouslailTera point defpourueus de parolle pour fouftenir Se dé-
fendre fon honneur 6c gloire:de laquelle il nous a conftituez tclmoins deuant les hom
Luc it.il mes.Cequeluy-mel'me de fa bouchefàcree promet, difant, Quand ils vous mèneront
aux ailcmblccs,aux Magiftrats 6c aux Puilîances, ne l'oyez point en foucy comment ou
quelle chofe vous refpondrez , ou que vous direz , car le fainct Efprit vous enfeignera à
celle heure-la ce qu'il vous faudra dire. Voila vne parolle qui ne peut faillir . parquoy
il eft feulement befoin de prier ce bon Dieu qu'il luyplaife regarder à nous, l'ouurage
de fes mains:&: que puis qu'il nous a produits deuant les hommes, & nous afait confef-
ferfoh fainftnom deuant eux, aulîî qu'il nous vueille fortifier, &" nous donner conftace
iufques au dernier foufpir. Vous 6c nous fomes détenus captifs pour vne mefme querel
le,elle n'eft pas noftre,mais de Dieu.mettons-luy au deuant doneque ce n'eft pas pour
nous que nous combatons:mais pour maintenir là caufe.Prcfentonsluy noftre infirmi
té 6c fragilités que nous ne pouuons fubllfter vne feule minute de temps deuant la fa-
ce de nos ennemis. Qu'il luv plaife monftrer fa vertu en nous poures vaiïleaux fragiles:
6c en noftre infirmité & foifelcfte,fa puilTance:afin que la fagelTe&: prudence des hom-
mes foit confule par la croix de Iefus Chrift , laquelle leur femble folie. Conliderons,
trefcherfrerc,puis que la volonté de noftrç bon Dieu eft que nous conuerfions entre
les infidèles, que c'eit afin que nous foyons en tout bon exemple, ÔC que noftre conuer-
fationrcluife au milieu d'eux:auxvns pour en eitre édifiez, aux au très poureftrecon-
ueincus
•.Cor. i S
^Pierrcj J^auiberes, 222
ueincus,à ce qu'ils foyent fans cxcufc. Penfons que quand le temps paiie DieUviiitoit
fon peuple par captiuité, cen'eftoit pas feulement pour le chaftier ,mais aufll par ce
moyen appeler plulicurs à fa cognoiflanec. Combien penfez-vousque la oaptiuitédes
compagnons de Daniel & de luy-mefme aufll,a ferui a la gloire de Dieu ? Car il ne faut
douter que les infidèles voyans les bonnes mceui -s, la bonne vie & conuerfation de ceux
lefquelsils eftimoyenteftre comme monftres,ne foyent contraints de confciTer que l'-
opinion qu'ils ont de nous, eft faufTe,&: de donnergloire à Dieu . Prenons en patiéce ce
qu'il luy plaift nous enuoyenattcndons fa bonne volonté, perfiftans en prières pour re-
fîfteraux dards flamboyans de l'ennemy Satan,qui nous enuironne toulïours comme
vn lion rugifTant.Prions,prions ce bon Dieu, qu'il luy plaife eftendre fon bras fort pour
maintenir fes poures feruiteurs,à ce qu'il foit glorifié par nous en tout &: par ton t.
LEs combats& aflaux que Pierre Nauiheres en particulier à fouftenus ( comme nous
auons dit). &: principalement ceux que Martial fon oiiclc paternel luy a liurcz du-
rant l'emprifonnemcnt de Lyon,ne fe peuucnt mieux déclarer & donner à cognoiftre
que par les epiftres dudit Nauiheres. Parquoy nousauons ky mis les lettres dudit Mar-
tial,eferites au nom des autres parens &: amis, pour diuertir Pierre Nauiheres de fon
entreprife par rcmonftrances méfiées de menaces &; iniures > aufquellcs reiponddiui-
nement ledit Nauiheres, comme nous verrons par la teneur des lettres.
Epifbc de M .Martial Nauihcrcs,onc!e de Pierre Nauihercî.
ïïffîb Ierre,icn'entendoye&:n'attendoye pas ( veu ce que m'as coufté à te faire cnfei-
gncr tant a Pans qu'en cefte vniuedité)que par talegere témérité tu eu/Tes il toft
dcfuoyc de la bonne do£tnne,fuyuant vn autre laquelle ie ne fay où tu as apprinfe. Bien
fay que plulieurs qui ont erré en pareille opiniaftretc,en ont efté punis par feu: comme
auffi ia picça tu euifes efté,fi la bonté deDieu &. de moileur l'Ofticial ton iuge ne t'euifè
attendu à refipifeencede ta folle opinion . Ce que ie te commande faire, ces prefentes
veues:fansplus attendre &: bailler tnftcfTe à ton pcre& mere,&: dsfuoyerde l'abeif-
fance que tu leur dois. Par les lettres que tu as eferites dernièrement, iecognoy que
ton outrecuidance te perfuade d'entreprendre vne reformation fur tout l'eftatdei'e^
glife en laquelle nous viuons,qui appartient à Dieu premièrement, &: au Magiftrat le-
quel eft donné pour icelleadminiftrer: &: non à toy qui n'es que vermine de fuperbei-
gnorance,laquelle a conduit tes femblablcs à la fin que deflus.Et ne les ont peu fauuer
ceux qui les fupportoyét.aufquels par ta faute tu bailles trop de peinc:&: qui pis eft , em
pefche tes compagnons de reuenir à la recognoiflance qu'ils doiuct . Ne me baille plus
de peine de t'cfcrire,ny a autres de foliciter pour toy. mais dy que tes malheureufes pa-
rolles, comme dites en taueine,mcritentrecantation.Etrecognoy la gtand'graccque
te fait monditfeigneurrOfncial,de tercceuoiràcefterepentance. Euite la difîamatiô
que tu fais & feras à tes parcs &C amis. ie prie le Seigneur qu'il te doint cefte cognoiftan-
ce. De Poitiers ce cinquième de Septembre: Par ton oncle,h" tu fais l'office de bonne-
ueu, Martial Nauiheres.
Lettres de Pierre Nauilieres,conter.antes refponfes à toutes obieftions & reproches que les aduerfaires ont accouftumé de
faire,pour rendre ûdjeufe la cuufe de ceux qui iont empnionnez pour la vérité du Seigneur.
^Lapaix,grace& charité de noftrebon Dieu& Pere, parlefus Chnft noftreSei-
gneur,cn la vertu du faincl: Efprit foit auec vous. **
O N treshonnoré pere:apres auoir entédu par mon Oncle la caufe qui l'amenoit
par-deça,i'ay efté fort marry de la peine quo prenoit pour moy:& encore pluscô-
triftéde la fafcheric,angoiile&: maladie qui vouseftaduenue à: aufl!àmamere,pour
caufe de ma captiuité.Ie vous prie au nô deDieu me vouloir pardonner,puis que ie fuis
autheur de tout ccla:d'autre part aufTi c6(idercz,que ce qui m'eft aduenu n eft point las
la grande preuoyance de Dieu: lequel difpofe de toutes chofes félon ion bon plai{îr&:
volôté.Quand ie péfe ce qui m'eft aduenu depuis mon deparicmêt de la maifbn de mô
fîeur , ie ne puis autre cas apperceuoir(de quelque cofté que ie me tourne ) que la main
tutrice de noftre bon Dieu, laquelle m'a conduit par tout:& encores ie lapperçoy plus
clairement que iamais me preferuer& garder , il quvncheueu delà teftenemepeut
eftreoftéfansfapermiflion.Etpuis que tel eft fon bon vouloir, que ie foye détenu ca-
ptif,non comme iureur &: blalphemateur>meurtrier,paillarde,infame,ou larron, mais
P,ii,
Liurc^III* 'Pierre^ ^Çjtuiheres.
comme Chrcfticmaucz-vous matierc de vous contrifter&: fafcher? Certes vous l'auriez
fi i'eftoyc tci.li luis ie toutefois de chair , d'os &c de fang côme vn autre,pour commettre
telles choies. car lemences de tout mal l'ont en noftre maudite & mifcrable nature cor-
rompue par noftre péché : & autres fruits ne pouuons produire de nous-melmes, lilc
Seigneur Dieu ne nous preferuc par fa bonté. Or,di-ie, puis que ie ne fuis tôbé pour tels
affaires en la main des nom mes, n'auez- vous point caufed'en eftreioyeux,&: en rendre
grâces à ecluy qui m'a amli gardé? Pour quelle caufe vous conttiltcz-vous?eft-ce pour-
tant que m'eftaduenu leplusgrand honneur& leplusgrand bien que pourroit adue1
nir à homme mortel, s'il le l'auoit bien entcndte?l'honneur ,di-ic, &: bien, non paTdcuat
les hommes charnels , niais deuant celuy qui nous a faits &: formez , qui a foufFcrt pour
• nous en l'arbre de la croix, quiàcelanousauoit conftituez deuant que fuflions nais.
Voulez-vous empefeherqueiefoye du nombre de ceux qui ont expofé leur vie pour
maintenir la facree &C fainde vérité de Dicu,lefquel?repo(ent maintenant auec luy? I'-
enten bie ce que les moqueurs dilént,0 voila de beaux tclmoins pour maintenir la vé-
rité de Dieu. que leur Dieu face quelque miracle,& qu'il les fauue . O gens miferablcs
bc aucuglcsrne dites-vous pas que croyez au Dieu tout-puifîant?Et celuv n'a-il point de
puiflancedenousdeliurer , s'il luy plaift ? Que fi nous mourons,eftimcz-\ ous pourtant
auoir gagnc,&: auoir obtenu victoire: Certes vous poifez bien mal le dire de fainct Paul*
Phih 11 Mourir nous eft gain. car nous fommes vidoricuxde ceux qui nous penlent vaincre :&:
en mourant nousviuons,& ibmmes deliurczdc ce mifcrable mondc.Mais,ô moqueurs,
quand la mort vous viendra failir au collet ,& qu'il vous faudra aller rendre conte dciiat
le throne iudicial de Dicu,vous changerez alors de propos, car la confciencc vous pref-
fera,& vous mettra au deuant ces blafphemcs qu'auez proferez de voftre orde &c puan-
te gorge cotre Dieu &: les liens. Vous auez mené loye, mais vous pieu rcrezà: grincerez
les dents. le fay bien aufsi que pour rendre &t nous & noftre caufe odieule , on met en a-
uant que quant nous parlons des fainds SacremensqueIefusChriftainftitucz,&:luy-
mcfme receus, que nous les rcietrons,& n'entenos conte. parcillem et que nousdilbns
mal des fainds &: laindes,& mefmementdela vicrgeMarie,luy donnant des titres que
mefmelcs Turcs ne font pas. le vous prie, de quel clprit font menées telles gens : Cer-
tes ils donnét à entédre qu'ils fuyuét la manière de faire du diable leur pere , duquel ils
fôt imitateurs.il eft appelé Pere de mélongc,caloniatcur & impoliteur de faux crimes.
Et quoyrCeux-cy ne font ils pas fes fils ? car en ce qu'ils mettent en auant de nous , &c en
abbreuent les oreilles du peuple,ils mentent malheureufement, & fauflément calom-
nient ceux lefqucls parlent de telles chofes en plus grande reuerence qu'eux. Eft-ce re-
ietter les faindes ordonnances deDieu, quand nous ne voulons receuoir celles des ho-
mes, ne leurs fatras &: abus, lefquels ils ont introduits en la lainde Eglifede Dieu? Et
comme nous ne les voulons pas oftcr,d'autant que c'eft à faire à Dieu &c au Magiftrat,
aufll ne nous doit on pas contraindre de les approuuer , veu qu'ils font manifeftement
contre Dieu.Voicy , il en prend à ces impudens calomniateurs comme aux Pharilicns
Kl^cl.,13. qui eftoyent du temps de Iefus Chnft. ils le vantent d honnorer les fainds,ils ornent Se
l+ parent leurs iépulcres(commc fan'byent les autres des Prophetes)&: cependant calom-
nient faulîcmcnt ,&pourfuyuentàlamortceuxquileur propofentla mcfmcdodtinc
des Sainds. Voyons ie vous prie les calomnies qu'on mettoit fus à kfus Chrift,quieft-
la vérité infaillible . S'il parloit du Temple , ou de la Loy deMoyfc, on l'accufoit d'a-
lcauS.38 uoir mal parle de tout cela: qu'il auoit le diable au corps , qu'il eftoit vn fedudeur,
&: femeur dcnouuelledodrine.autantendilbit-on des Apoftres. &c maintenant que
fait-on autre choie? Si nous parlons de l'Eglife, Ion donne a entendre que nous endi-
fons mal, &: que nous la voulons abolir. Si nous tenons propos delà bien-heureufe
vierge Marie,lon dit que nou s la diffamons; &c l'appelons paillât de:&: autat des fainds.
O Tangues venimeufes,enfans du diable pere de mcnfongeJceiTerez-vous tantbft deca
lomnier la vérité de Diçu^ Ne penfez vous point qu'il y a vn feu éternel qui vous attéd,
our en iceluy toufiours bruficrfanseftreconfumez?nc penfez-vous pointqUc l'horrH
le & terrible iugcmét de Dieu vous eft préparé, pour vous foudroyer aux abylmes des
enfers,aucc voftre pere le diable lequelvous enfuyuez?Cuidez-vous,gens infenfcz,que
nous ne croyons pas, que c'eft en Dieu feul auquel il faut mettre fon efperancc, &at--
tendredeluy feuli'ecours,faueur&:aide? 'Eftimez vous que nous ne croyons pas que
ce bô Dieu à cnuoyé fon fils bien-aimé pour nous racheter de la mort éternelle, lequel
a elle
Pterrc^^Cjtuihfres. 22 j
a efté conceu du fainft Efprit,nay de la vierge rharie,voirè vierge deuant l'enfantemét
&viergcapres rcnfanccmec ôi toucce pareillement que comprennent les articles de s.Xugu.âu
lafoy^auantage,lcsfain&s nenousfont-ils pointprqpofez comme exemples pour les
cnfuyure?pour donner toute gloire àDieu comme ils ont fait?pour viure comme ih ont d,cu cha.
vefcu,non en blafphcmes,paillardifes &c toute ordure? pour expofer noftre propre vie
à maintenir l'honneur de Diéu,comme ils ont expofé la leur'Ou font ces beaux décora
tcurs des faincls,& qui fe djfcnt les auoirtn fi grande reuerécc?Où eft cejuy d'entre eux
qui voudra mettre le petit doigt au feu,pour maintenir la gloire deDieu côme lesfaîcts
ont fait ? Ils iafent &: babillent prou,qu'ils le feroyeht s'ils eftoyent entre les Turcs.cel»
leur eft facile àdirejcependantqinls en font bien loin. Etdea,eftïment-ils quel'Eglifc
doiue eftre en paix& fans perfecutrô,finô qu'ellefoit pourfuiuie des Turcs?mais S.Paul *.Tim.a.ii
dit,Que ceux qui veulent viure fidèlement en Iefus Chrift,fourfriront perfecution. Et
puis il dit qu'aux derniers temps fe monftrerala patience des faincts. c'eft vn cas tout af Apoc j} jq
leuré-que rEglife ne feraiamaisfansperlecution. Mais certes ceux qui ainfi nous calô-
nient,ne demandent telles chofes,il leur fuffit d'auoir les pieds bien chauffez,le ventre
bié entretenu, eftre mollemet couché,dafer,gaudir &: rire:&: ainfi feruir àDieu,&maî-
tenir la querelle de Iefus Chrift ■> lequelils oyeht auoir efté iour &: hui& en peine & eh
rrauail , auoir efté en opprobre '& honte au monde , auoir mefme prononcé de fa facree
bouche,Que celuy n'eft poit digne de luy,qui ne porte Ta croix tous les iours après Juy. Mat* 10 38
Autant en eft aduenu a fes Apoftres& difciples: àc moins n'en doit aduenir à ceux qui
les voudront enfuyure.Parquoyreux ne doyuét cftre eibahis,enuers lefqls auiourdhuy
iecas pareil eft exercé.Et quoy que le mondé fe trauaille , s'efforce , crie, perfecute par
mer &: par terre> fi eft-ce que la vérité deDieu demeurera inuincible& vi&orieufe: ô£
ceux qui la perfecu'tenr, &: fauflfement la calomhient,fcront eh fin miferablement fou-
droyez^ par fon terrible iugement âbyfmez,car ce n'eft pas contre les hommes qu'ils
bataillent, mais contre Dieu. Il en prendra à ces miferables calomniateurs côme au cra
pâud,leql après qu'il eft bien plein de venin,creue,ainfi ccux-cy [après qu'ils aurôt bien
prouoquéfire deDieu fur leur tefte,en fin perirôt miferablemét.OrpourccqiehedoU
te point(côme mcfme ie l'ay peu entendre par les propos que m'a tenu mon onclejquc
tel bruit court no feulemé't par delà, mais en gênerai par tout:ie vo9 prie au nô deDieu,
ôcautant que vous doit eftre fon honneur eh recô mahdation,que ne preftiez facilemét
l'aureille à telles vaines & friuoles parolles,regardons diligemment à ce que Ion dit » a-
uant que ietterfentence de quelque chofe: car Dieu nous promet q de telle mefureq Mar.7.i
nous mefurerôs les autres,nous ferons mefurez. Vous pouucz pefer par ce que vous re£
eri,fi les rapports qu'on fait de nous font véritables. Dieu eft tefmoin qu'on nous àccufe
d vne chofe à laquelle nous n'âUohs iâmâis feulemet befé.Ie prie le Seigneur, que ceux
qui nous calomnient fâuflement:quand ce viendra à comparoir deuant le throne iudi-
cial de Dieu,qu'ils ne fe tlouuent du nôbre de ceux defquels à prefent ilsdonnent à en
tendre que nous fommes,Helas! ne leuerôs-nous iamais nos efprits plus haut que cefte
terre?Regarderons-nous toufiours aux apparéces & pompes mondaihesf'Ô que Dauid pfcau.7j.i7
deferit bien la fin de telsîdifant,Quand ie me mettoye à^pehfer &: coghoiftre cclà,ce in'
eftoit chofe trop lafeheufe iufqiies à ce que iefuife entre au fàn£tuàire deî)ieu,&; que i'
euiTe confideré leur fin,certes tu les as mis eh lieu gliffantjtu les précipites en ruine .voi
la ce que le S.Prophete dit.Peiifohs donc à la grande preuoyancc de Dieu. îefùs Chrift mt I0 ^
teftifie qu'vn petit pâiTereâU ne tombe point en terre fans le feu de fon Pere:&nous qui
fômes bien plus qu'vn petit pa/Tereau,qui fômes faits à l'image de Dieu, eftimons-nous
eftre conduits à la volée ? nos cheueux ne font-ils pas tous nombrez ? & nul ne tombera
fans le feu de celuy qui nous â faits &: formez. Pourquoy vous fafchez-vous donc ? pour-
qùoy voulez- vous mettre fhoftfoyâuX tpports qu'on fait de nous? voulez-vous con-
damner celuy que vous n'auez ouy?Ce n èit pas de maintenant que la vérité a efté calô
niée: mais les calomniateurs périront miferablemeht,&Ie bon droit fe cognoiftra à ja
parfin.car nous auons tous vn luge deuat lequel il nous faudra tous côparoiftre vn iour,
fclà r*todre conte de tous les iugemens que nous aurons faits.Là ferôt-ouuérts les liurcs
des confciences,&: par icclles chacun cognoiftra fa condamnation ou abfolution. Que
les calomniateurs penfent à cecy: ceux auffi qui font refpandre le fang iniuftemcnt,
qu'ils y prennent garde. Car le fang crie &: criera, voire celuy d'Âbel iufqucs au der- Mat13'35
nier tué:& demande vengeance à Dieu , & il l'exaucera , &c le redemandera . Et vous,
P. iii.
Liur(U UL jPierrcj J\(jiuihem.
meurtriers, pourréZ-vo9 fubfifter deuât la face du Fils deDieu,leqlvous meurtriflez iom
fc. 503-1 nencrncnc en les membres? Et pourcequ'il diflimule touteecy ,&: qu'il n'en fait ven-
geance fubite, vous l'eftimez femblable à vous: maisil vous en reprendra ,&rdedinta
par ordre tous vos faits en voftre prclence.Ic vouspric, mon pere , ne vous tourmencez
plus à caufe de moy:ne vous donnez plus de fafcherfe. remettez le tout,comme aufïi ie
le fay , entre les mains de Dieu : lequel conduira l'affaire en telle forte , que tous en de-
mont eftre contens.Et ne le dcuons-nous pas cftre,quand le tout fera à l'on honneur &:
gloire à noftre falnt ? Orie le prie afTcctueufement qu'ainfl foit,& vouloir &c vous &:
ma mere >&: tousenfemble tenir en fa fain£tefauue-garde&: protection : nous gouuer-
ner & conduire par fon fainct Efprit,a ce que toutes nos ceuures foyét à la gloire de fon
tresprecieuxnom,Ainfifoit-il. Voftretrefhumblc&: obeillant fils, Pierre Nauihei es.
C ESTE Epifrre.comme la precedente.eft accommodée à h oapacitc de ceux à qui elle eft adn flee & contient en erlecH:
caufe de la haine mortelle que portent le Pape & les fuppofts à la parolle du Seigneuries crimes dont on aceufe ceu* qui
la l)fent:finalemcnt il met en auant le deuoir qu'il a entiers ceux qui /ont fes parens:!cs exhortant à mefpnltr telles calom-
nies^: cc-que ce pourc monde fait dire & faire.
pjpSji A R cydeuantiene vous auoyc fatiffait amplement quant à la caufe pour laquel
Ûzted. ^c *e ^LU s détenu prifonnier de long temps:ie le voudroye à prefent fane . Or puis
que ne pouucz rien ignorer de tout cela,ie ne me metci ay en celle pcine:il me fuffiia de
certifier deuât Dieu, que vous &: tous ceux qui ont veu mes lettres, ont peu cognoiftre
&C entendre, s'ils ont voulu, que la foy laquelle ie tien , &c pour laquelle ie fuis tout preft
de foufFrir la mort quand il plaira àDieu,n'cft point hérétique &:damnable,comme on
dit: mais fondée fur la dodrine des faincts Prophètes &: Apoftres, qui eft la parolle de
J ph. i.io £)jcu éternel . Lesallegations prinfes tant de cefte laincte doctrine que des faincts Do-
cteurs anciens &c vrais Concilesdefquelles auez peu Voir &c lire , rendét tefmoignage de
cela. Or i'eufTc bien defire que ceux qui ont tafché par tous moyens à me diuertir, &:
donner à entendre que i'eftoye en erreur , euffent fait le femblable , &: prouué leur dire
par la parolle de Dieu, comme ie les ay fort priez parlant à eux : mais ce n'eft pas ce qu'-
ils demandent, car ils fentent bien, quand ce viendroit à examiner les poin&s en telle
rorme,qu'il leur faudrait quitter le ieu,&: confcfTer qu'eux mefmesfonten erreur Se hc
refie ; voire telle que iamais fut. Et partant afin qu'ils ne tombent là , ils veulent qu'on
les oyc &: mette foy à leurs raifons,fahs rien répliquer ne refpondre. Nous fômes prefts
à les efeouter paifiblement:fculemcnt nous demadons, côme c'eft raifon,qu'ils facet a-
pres le femblable entiers nous:& puis q le tout foit coiifideré félon la parolle de Dieu &:
ceux qui l'ont fidèlement interpretec,oomme les faincts Docteurs anciens. Eux veulét
le contraire,& pour celte caufe s'efleuêt contre nous,£c nous condamnent à mort.don-
nans à entendre au commun populaire que fommesheretiques,nccroyâspasèn Dieu,
blafphemâs contre luy,contre Icfus Chrift fon Fils vnique,contre la trefheureufe vier-
ge Marie &c les faincts&: fainctes, &: contre la S.Eglife .dont le poure peuple efmeu con-
tre nous, nous eltime pires que chiens. Ce qui certes feroit à bon droit,fi telles gens di-
foyent la vprité.rnâis leur malice feradefcouuerte,cv la parolle de Dieu cognue, nonob
{tant toutes leurs pratiques. le vous prie confiderez fi le femblable ne vous eft pas venu
enuers moy . le ne doute point qu'au commencement vous n'eufïicz cefte opinion de
moy ,queie ne croyoye point en Dieu,&:confequemmentquei'vfoyede telles mef-
châtes parolles qu o nous met fus à tort., mais ie ren grâces à mon Dieu par Iefus Chrift
que vous auez peu voir &z cognoiftre le contrait e,voire par telles raifons qu'homme du
monde n'y fauroit contredire, s'il ne vouloit du tout contrariera la faincte patolle de
Dieu. Vous mefmes cites tefmoins que ie donne telle refolutiô de mon dire,&: le prou-
ue tellement par paffages non tirez de mon ccrueau> mais de cefte faincte parolle de
Dieu, & des faincts Docteurs anciens,qu'il neft pofTible de dire,finon faufîemét,que ie
fuis en erreur &: hereiie. Si mon beau-frere euft ainfi prouué les propos qu'il m'a eferita
autrefois , i'eufTe eu matière d'y penfer. Mais quelle raifon y a-il de dire , pour prouuer
vne chofe qu'on veut eftre tenue pour article de foy , On a veu en vne chappelle fous le
règne d'vn tel Roy, tel cas &: tel ? tels ont tenu &: creu cecy & cela de long tem ps? par ce
moyen on pourroit prouuer beaucoup de belles chofes. . Mais vn vray Chreftien , en
matière de Religion ne mettra iamais foy à quelque c^ofe qu'on luy die , finon entanc
qu'dverra que c'eft la parolle de Dieu, ou qu elle a fondemet fur icelle. car il a cela pour
tout
Tierrcj anthères. 224.
toutrefolu, que lafainvfto parolle de Dieu contient pleinemét ce qui eft necc/Iaire a fa-
lut:voire de telle forte , qu'il n'eft licite , fur peine de damnation 6c mort éternelle , d'y Dcut-4
adioufterou ofter quelque chofe que ce Toit. Que doyucnt doheques actédre autre cho
le ceux qui ofent dirent &: affermer, que Iefus Chrift le Fils vnique de Dieu , n'a pas cô-
pris en fon faind Euangile&: nouueau Teftament, tout ce qui eft nece/Taire à noftre fa-
lut^ôi partant qui leur cft licite d'y adioufter ce que bon Ieurièmblc: àquoy il faut ad-
ioufter foy comme à la parolle de Dieu? Et quel horrible blafpheme cft-ce cy?toutefois
c'eft ce que dit le Pape & Ces do&eurs.Cecy n'eft-il pas for ty de leur boutique,comme il
appert par fes canons, Combien que le Pape meneroit à grandes trouppes les ames en
enfer, toutefois nul ne doit prefumerde luy dire, Pourquoy fais-tu cela? Voila commet
parce moyen on a introduit tant d'impietez entre le poure peuple Chreftien: lefquel-
les fi on veutauiourdhuy reietter, auffi toft on eft eftimé hérétique : on dit qu'on veut
deftruire feglife. Et la caufequi meut ceux qui difent telles chofes, eft pource qu.e fi on
examine leur doctrine 6c leur vie parla parolle de Dieu , il leur faudra diminuer de leur
ordinaire,& n'eftre fi gras ne fi gros:il leur faudra trauailler de leurs mais, 6c ne viure en
oifiuetc aux defpens du peuple:il leur faudra rendre le bien des poures qu'ils detiennet.
parquoy pour euiter telles chofes, ils défendent à tous la parolle de Dieu:&: veulent qu
eux fculemet la lifent, pourpuis après l'interpréter à leur profit. Si on voit vn nouueàu
Teftament entre les mains d'vn poure mécanique ,on dit aufli-toft qu'il eft hérétique:
mais il luy eft bien permis de tenir quelque liurc d'amours,de folie, direchafons de tel-
les chofes,danfer,iouer aux cartes 6c dez. Et quelle pitié eft-ce cy ? n 'eft-ce point la ma-
lédiction de Dieu qui femanifefte? Et comment pourrons-nous fauoir le chemin pout
aller en Paradis,li on ne le voit parla parolle de Dieu ? On veut bien obtenir l'héritage
de Dieu noftre Père , &: on ne veut pas lire fon fainft Teftament . & toutefois fi noftrè
pere charnel nous a laifle vne vigne ou vn champ par fon Teftamér, nous prédrôs bien
la peine de le lire ou faire lire: &: ne lirons point le Teftamet de noftre Pere celefte? Au-
iourdhuy cela eft défendu : ia foit que Dieu die expreflement, Ce Jiure ne partira point
detabouchc, maistuy pehferas&iour&:nui6t,en te leuant& couchant :&: ledôneras 0 u ï8'
à entendre à ta femme,à tes cnfans,à tes feruiteurs &c feruantes. Et Iefus Chrift côman-
de,Çerchez les£fcritures:car elles rendent tefmoignage de moy. A caufe de quoy tous Iein *'3S>"
les fàin&s Docteurs anefés ont exhorté le pcuple,& gens demeftier,& femmes,&: tous
en gênerai tant petis que grans , d'auoir le vieil &C nouueau Teftamet en leurs maifons,
6c y lire fouuençmefmementdeuant que venir au fermon lire cequife doitprefcher,à-
ïin qu'ils l'entendi/fent mieux . mais auiourdhuy il n'eft nouuelle de telle chofe . noftre
bon Dieu y vueille mettre ordre par fa grâce, 6c retirer le poure 'peuple des ténèbres où
il eft, afin que Iefus Chrift feulement règne par fa parolle. Or donc, mes treshonnorez,
ie vous prie confiderer ce que vous ay eicrit<> 6c ne penfer que ie foye tat inhumain, que
je vueille eftre meurtrier^ de vous&: de mô ame.Ie dy cecy pource qu'on allègue que
ie pourroye,fi ie vouloye,vous mettre hors de triftcfte,&: moy de captiuité.Eftimcz que
ieîuis celuy qui ne penferoye vous auoir fatisfait quand l'auroye mis ma vie pour vous:
mais âufli d'autre part,(àchez que la gloire de Dieu nous doit eftrè en plus grande recô-
niandation que qui que ce foit. Iefus Chrift nous commande de lai/Ter 6c pere 6c mère, Matxo 37
6c femme &: enfans, 6c champs 6c Vignes pour le fuyure , 6c n'aimer ces chofes plus que
luy. partant qu'il ne vous foit grief ne fafcheux quand bien vous entendriez ma mort,
car défia vous auez feu pourquoy ie pourroye 6c fuis preft de la fouffrir : afiauoir pour la
gloire de Dieu,& non pour quelque crimc queiayccômis. Vous auez matière de vous
confolerfic cfiouir. carie fuis afieuré que plus grande gloire ne vous fauroi t eftre dônee
enuers Dieu , duquel i'efp ère 6c mecofic que par fa grâce il mé receura en fon royaume Ephef.i..?.
celefte:lequel il m'a acquis \6c donnera à la fin^non point par mes mérites & ceuures,lef-
quellçsne peuuentd'elles-mefmes,non plus que de tous hommes, mériter que damna-
tion 6c enfer: mais par fon feul Fils Iefus Chrift, par le fang duquel feul tous nos péchez lPklA- ls
font effacez, 6c fommes rachetez, 6c non par au tre chofe. Certes c'eft peu de cas que de
ce miferable monde : mais quelle ioye eft-ce que d'eftre deuant la face de Dieu , en la
compagnie de tant de milliers d'Anges,deS Prophètes, Apoftres» faincts 6c fain&es , 6c
là viure éternellement? Apprenons doncàmefpriferc'cjpoùre monde pour fuyure Iefus
Chrift, qui feul eft noftre efperance, noftre (alut&: vie . auquel ie vous recommande,
mes treshonnorez pere &merc, pour lefquelsie fuis contrifté d'angoiiTe,faifant iour
& nuift prière s<& oraifons pour vous. Penfez, ie vous prie, qu'il vous faudra cômparoi-
fttedcuantlethroneiudicial de Dieu^ lequel iefupplie affe&ueufemcnt vouloir eftre
voftre garde. Voftre treshumWe&obeiiTantfîîs, P. N.
AVTR.E Fpifttc Judit Nauiheresà fon pere, contenant exhortation & ioftru&ioc à laparolletlu Seigneur.
ÏJ&JIO Npere,ie.fuis grandement contrifté,veu que vous ay cfcritfouuent, tant pour
||\p|Jvous déclarer mon affaire,quc pour vous donner à entendre que n'auiez matière
ny occafion de vous contrifter & îafcher, fi vous côfiderci les chofesde plus près , leuât
les yeux par défais la tcrre:&: neantmoins n'ay encores receu refponfe certaine à aucu-
ne de mes lettres, pour eftre alfeuré fi les auez receués* Seulement i'en ay veu aucunes,
par lefquelles n'ay peu eftre qu'incité à gemir& foufpirer , confiderant cornent il plaift
au Seigneur que les chofes fe portent pour le prefent : &c entre autres par celles que i'ay
receuès depuis le départ de mon oncle,par le fire Iean Moret.Mais ie prie ce bon Dieu,
qui fait &: cognoift le téps & l'heure > vouloir mettre en bref ia main à l'on œuurc : fi que
ceux mefme qui font en obftacle , cognoiffent &: entendent que c'eft le doigt de Dieu,
voire à leur confolatiomcômeaufli ie le defîre,& l'en prie. Helaslmon ptre,cftcs-vous
marry ii ie vous appelé Pere,ou vo9 defplaift-il fi ie me tien pour voftre fils ? fi eft-cc que
celuy qui eft Pere de tous , &c quiho9 a faits &c formefc,ne m'en a point dôné d'autre que
11a 4êMî. vo9 en ce mode. Et luy-mcfme parlât par fon Prophète Tfaie dit , La merc oubliera-elle
le fruid de fon vétre?& fi elle l'oublie, fi eft-ce que ie ne t'oublieray pas,& ne te delâiffe-
ray. Voila cômentle Seigneur Dieu propofe ccft exéple de la mere , corne fi cela eftoit
impoflible. Et quad encores vn tel cas aduiendroit (ce qui feroit fort ellrange) fi jpmet-
il toutefois qu'il ne delaifîèra poît les ficns<> &c ceux qui ont efpoir en luy. Parquoy,quad
tout le monde deuroit fe troubler,& le diable faire le pis qu'il pourroit, fi eft-ce que nul
ne me fera déchoir de cefte certitude de f oy,qu'il eft mô Dieu>ayat dôné fon bieh-aimé
Fils pour moy à la mort: par laquelle il m'a racheté de la captiuité du diable, & fait héri-
tier du ciel. Et fi donc Dieu m'a donné cefte ferme foy & efperance , & l'a engrauee en
mon cœuncomment ofe-on dire& prononcer tât franchemét , qu âpres mon corps ex-
ican s M'- ecuté,mô ame fera au diable? Iefus Chrift dit que qui oit fa parolle* àc croit en celuy qui
* '3-,<5- l'a cnuoyé,il a vie eterneHe:& ne viendra point en condanation, mais eft paffé de mort
à vie. Item, Qui croit au Fils de l'home ne peut périr, mais a la vie éternelle. Ôr ce bon
Dieu par fa grâce & mifericorde m'a dôné de croire en luy , &: s'il luy plaift me maintien
dra en cefte foy iufques au dernier foufpir: 6c cepédant l hôme ofe affermer que mon a-
me fera condânee,&: au diablelO home & beau- frère , pleuft au Seigneur Dieu que vo*
enfliez plus diligémen t penfé auant qu'eferire &: dire le mor,& vous ôc d'autres. le le dy
& efery auec pleurs &: larmes,defqueîles celuy qui nous voit &c cognoit tous , voire iuf-
rfc.)5.if. ques au profond du cccur>tant foit couuert & caché, eft tefmoin véritable. Ne iugeons
point.car le îugement des homes eft faux,mais celuy de Dieu eft Véritable , qui vn iouf
Rom.z.ij. nous iugera tous:&: nos confeiences nous accufâns,ferohs condamnez par celuy qui ne
peut errer. Suyuons ce iugement de Dieu, &: lors nous ne ferôs point en danger de mal
iuger.Moti pere, vous n'aûez point matière de vouloir me faire traiter rudemet:&: ceux
qui le vous confeillent,ont bien peu de charité Chreftiéne.Ils doyuét pour le mois pch
fer que ie fuis fait à l image de Dieu corne eux ;ie ne fuis point vn chien ny autre befte
brute, mais fuis Chreftié,&:croy enDieu>lequelfeul par fa mifericorde me fàuucra. Or
ie le prie qu'il ne leur vueille point imputer ce qu'ils font 6c jpeurent côtremoy. s'ils pé-
fent bien faire,qu'ils voyent que ce foit felô Dieu : car il faudra qu'ils luy en redent côte
vn iour.Ie vous ay efcrit,& vo9 efery derechef, q i'ay efpoir de me porter en telle forte, c{
ce fera à la gloire de Dieu.& par ainfi en deuez eftre content , veu que toutes nos actiôs
doyuét toufiours tédre à ce but. Or ie prie Dieu aiFe&ueufemét qu'il vo9 vueille côdui-
re &: gouuerner par fon S.Efprit,&:rna mereauffi(à laquelle defire eftre recômandee) &C
toute voftre famillc:afin que tous enfem ble puifïîôs eftre trouucz agréables deuat fa fa-
ce, par fon bienain\é Fils Iefus Chrift, quant ce viendra à comparoir deuant le thrôn©
iudicial de fa maiefté, Ainfi foit-il. Voftre treshumble &: obeifTant fils à iamais.
AVTK.E Epiftrc du fufdit.par laquelle rernonurant à fes parcs leur deuoir,iHfs inuiteà ".'enquérir delà veritéEuâgeliqucJ
Grâce &c paix de Dieu noftre Pere,par Iefus Chrift fon Fils vnique.
F^liïO NOBSTANTq n'ay e receu il y a lôg rép s aucunes lettres de vous* d$t puif-
($fj|g fc apperceuoir voftre vouloir enuers moy , fi eft-ce que de ma part ic ne laiffcray
en ef-
?%ro ÏN^auieres. 22 j
en efcriuant, de vous rendre dcuoir de fîls. le ne fay bonnement il ie me puis iuftement
approprier ce que dit ce bon &C excellent Prophète &royDauid au Pfcaume vingtfe-
•ptieme : aflauoir, mon Pere&: ma merc m'ont abandonné, mais le Seigneur Dieu me
recueillera. Quant à celle dernicre partie,ie puis dire aileurément que ce bon Dieu ne
ma point delaiffé, quelque'tribulation &L afHi&ion que i'aye eu, ains m'a toujours con-
folé, &: confole deprefent autant que iamais: me reiiouuTant de Phoneur qu'il luy plaift
mefaire. Quant à rautrepartie,afîauoir que m'ayez abandonné, ie ne lofe bonnement
afrermercarfe pourroit-il faire qu'euiïiez enliaine le frui&de voftre vétre,lequel Dieu
vous a donné? certes cela n'aduient pas aux beftes brutes. Vous me pourrez dire que
vous auez iufte occafiô de ce faire. mais ie ne le voy point: veu que n'ay fait le pourquoy.
Si c'eft pource qu'ay rendu raifon de l'cfperancedc la vie éternelle que i'ay par Iefus
Chrift noftre Seigneur ( comme de ce faire nous commande fainft Pierre en fa premiè-
re Epiftre, troiiîeme chapitre ) vous n'auez en cela matière ne dem'auoir en haine,
ne de vouscontrifter. Si c'eft pource que penfczque ie foye Luthérien ( comme ort
dit communément ) encores aucz-vous moins d'occaiion . car ie ne fuis pointtel: mais
Chreftien , croyant fermement à ce que nous enfeigne la parolle de Dieu. Vray eft V(c.^.7.
que ie fuis vn poure pécheur, conceu &nayen péché, enfant d ire & fuietàdamna- FpJ«ft.j.
tion:comme il nous faut croire que fommes tous tcls,ainii qu'enfeigne l'Efcriture fain- Rom 5" u
cte: mais au fil ie croy que pour me racheter de cefte condamnation , Luther n'eft point
defcendudu cichmais Ieius Chrift vray Fils de Dieu éternel .&: non feulement Dieu l'a
enuoyéfouffrir mort& paillon pour moy , mais pour tous fesenfans efleus qui croyent
en luy, ainfi qu'il cft enfeigné en la mefmc parolle. le croy donc fermement auoir efté
racheté de ma mauuaife conuerfation (comme dit S.Pierre en ia première Epiftre, pre-
mier chap.)non par or, argét , ou autre chofe corruptible , mais par le fang précieux de
Iefus Chrift noftre Seigneur, 1 Agneau immaculé, par lequel ieul î cfpcre entrer en Pa-
radis, &C nô par autre moyé, Luy tout feul cft fufHfant pour nous purger &c lauer de tous
nos pechez,quels qu ilsfoyét:& le fait & la vérité, comme ditfaincl: Iean en fa première i. iean 1. 1
epiftre Canonique -. &: n'en faut point cercherny adioufterd autre . Par cecy il appert
que ie fuis Chreftien.&: iî pour cela ie fuis détenu prifonnier & perfecuté , il n'en faut e-
ftre esbahy. car ii autrement aduenoit,il faudroit que la parolle deDieu fuft fauife-.mais
elle cft trefueritable , &c ditapertement, Que ceux qui voudrôt viure fidèlement félon t.Tim.3 «
IefusChrift,foufFnront pcrfccution.Et Iefus Chrift dit de fa facree bouche,QujDn pen- ican
fera faire facrifice à Dieu,quand on les mettra à mort . bref, toute l'Efcriture eft pleine
de telles chofes. Et il on dit que cela s'adreile feulement au tem ps des Apoftresxertes
fainct Pierre en fa première Epiftre dénonce femblables chofes àtous les vrais Chre- i,Pien.u.
ftiens qui eftoyent de ion temps,&: qui feront iufques à la fin du monde : &: en gênerai à
toute leglife de Dieu.&: en fa dernière Epiftre, il demonftre quel fera le falaire desper- i.pjcr.14
fecuteurs:qui feduifans parleurs inuentions le poure peuple, viuét en toutes voluptez,
en blafphemes, pailIardifes,yurongnerics, danfes, ieux &c auarices. Au refte , ii ie ne
vousauoyeiaefcrit,&refpondu aux calomnies qu'on nousmet lus fauiTement, pour
nous mettre en haine à tous, ie le feroye a prefent,mais il n'eft pas befoin. Ma refolutiô
eft que ie tien la parolle de Dieu qui nous a efté laiflee par Iefus Chrift noftre Seigneur,
&efcriteparlesfain&s Apoftres, fufHfante pour nous enfeigner comment il faut aller
en Paradis.& ne faut point que les hommes, fous prétexte du nom de l'Eghfe, mettent
leurs traditions en auant, eftudians cependant à leur profit &: auarice.car l'Eglife vraye
n'a point d'autres commattdemens ne loix que celle que ion efp ou x Iefus Chriftluy a Epkf.z.io.
données, qui font la doctrine des Prophètes & Apoftres. Et fi iufques à prefent vous fl-
ânez peu entendre clairement quelle eft ma foy&: créance en Dieu ,ie vous enuoye
maintenant vn petit liure par lequel le poifrrez cognoiftre: c'eft lefymbole des Apo-
ftres, appelé communément le Credo, lequel ie vous fupplie lireàpart-vous &bien
conilderer,car vous n'y trouuerez chofe qui ne (bit prinfe de l'Efcriture faincte.
^Le t ire s de Pierre Nauiheresefcrites delà prifon de Lyon,àfon oncle M.Martiàl
Nauiheres, auec lequel il demeuroit à Poitiers, lors qu'il iortit de la Papauté.
Aprts auoir mis au deuant le dcuoir du Neucu à l'Oncle, il fait vn fomrnairc de la foy Chrétienne, propofantlcs if-
fues des deux voyes:aflauoir de celle qui mené à falut, & de l'autre qui eft a damnation éternelle.
O N feigneur, ie pourroye parauéture eftre veu digne de reprehcnfîon,dc ce que
deiia tant de téps s'eft cfcoulc fans vous auoir efcrit,toutefdis il h'ay-ie pas différé
;
Lmrcj 111. Tierrcj ^(jmhra.
fans caufe>combien que ne l'aye fait comme ignorant du deuoir que Dieu m'a coman-
dé vous rcdrcCar ie vous recognoy tel, que Ci ie mettoye &: expofoye ma vie pour vous,
ie ne pourroye neantmoins fatisfaire au moindre bien que m'auezfait. Or pource qu'-
elles délia pleinement aduerty delà caulc pour laquelle ie fuis 16g temps adetenu pri-
fonnier, il n'eftbcfoin d'employer le papier pour ce faire, il me luffira de vous teftificr
derechef,felon mon deuoir, fommairement deuat Dieu, que quand ie fouffriray mort,
ce ne fera point comme hérétique defuoyé de la religion Chrefticnne qui nous eften-
feignee par la parolle de Dieu, mais comme vray Chrcftien , croyant &C efperant n 'eftre
ïcan 5.14. fauué par aucune chofe corruptible,maisfeulemct par le précieux fang de IcfusChrift.
Or qui croit en luy,n'tft point compris fous condamnation, ains eft délia palîe de mort
à vie, &C ne gouftera point la mort féconde. Neantmoins ie confclïèque fuis conceu&:
Pfcau.51.7. nay en péché, enfant d'ire, mort par peché-.ne pouuant fculemét penler bicn,tat moins
le faire : eftant defnué de toute iuflice , &: partant fuiet à damnation &: mort éternelle,
kan 3.16. mais iecroy fermement que ce bon Dieu par fa grande charité a enuoyéfon bien- aime
Fils, afin que croyant en luy , iefulle fauué, &: tous ceux qui y croyent:aulTi croy &c cfpe-
re que ie comparoiftray deuant la face de Dieu, eftant veftu de laiuftice d'iceluy, &: par
cefeulmoyen me fera donné Paradis. Item qu'il eftnoftre feulfacrifice entfer&par-
D.iBapttf- fait,noftrcfeuladuocat enuers Dieu l'on Pcre . le croy en outre Je laind Sacrement
me du Baptcfmeauoir efté ordonné par Ielus Chrift, auquel les eileus de Dieu reçoyucnt
Gal.3.i.7. véritablement ce qui eftreprefenté parle ligne de l'eau: ailauoirla remilîion des pé-
chez, &lauement des confeiences par le fainct Efprit. Ils y veftent lefus Chrift >&: y
fontenfeuelis auecluyen fa mort, afin aulTi qu'auec luy ils refTufcitent, Acheminent
en nouueauté de vie. Or comme parauant ce renouuellement de vie &: régénération
ils eftoyent, au regard d'Adam, enfans dire,&: ne pouuoyét penfer ne faire aucun bien:
auffi après auoir efté régénérez par l'efprit de Dieu, qui habite en eux &c les conduit, ils
veulent &c font toutes bonnes ceuures: voire de telle forte que toute la gloire d'icelles
en doit eftre donnée à Dieu feul , qui par fa grâce befongne en eux . &: non en partie à
Dieu &: à l'homme ( comme toutefois auiourdhuy on ledit auxefcolcs )ii que par cela
il doyue eftre dit Cooperateurde Dieu partant mériter. Car li l'homme a quelque
i.Cor. 4.7. bonne chofe en foy, il n'a rien qu'il n'ait receu de Dieu : &c s'il l'a receu , il n'a matière de
s'en glorifier en aucune partie. Ainli donc font exclus tous les mérites des hômes,&: tou
te la gloire des bonnes ceuuresdonnee à Dieu feul , qui par pure grâce donne l'héritage
DelaCene. éternel. Enoutre,ie croy le Sacrement delà fainéte Cene,en laquelle iecroy que fuis
fait realemcnt &: de fa ici participant du corps &c du làng de lefus Chrift , &c ce par viue
ïcan 6. foy en efprit . &: croy fermemét qu'il eft le vray pain de vie,&: vray pain celefte,nô point
pour nourrir nos ventres, mais nos efprits fpirituellemcnt en l'efperance de la vie éter-
nelle. Et dauatage,ie croy que comme l'eau du Baptefme demeure &: retient toulîours
(a propre fubftance naturelle, & n'eft point changée en ce qu'elle iîgnin"e,afTauoir au S.
Efprit, qui eft le vray lauement de nos confeiences, qu'aulîî le pain &c le vin du S. Sacre-
Marc 16. 19. ment de la Cene demeurent toufiours en leur propre fubftance, fans eftre changez ne
iU66.z. muez aucunement au corps U au fang de lefus Chrift:lequel comme homme eft feule-
ment au ciel à la dextre de Dieu lePere,enfon corps glorieux: mais comme Dieu eft
par tout 5C remplit tout par fa diuinité. Orli pour touteecy onmc condamne héré-
tique, &: me fait-on mourir, il faudra auiîicondamner& les Apoftres&tous lesfaincts
Docteurs.fnais Dieu eft mfte Iuge,qui iugera du tout à la vérité. On me condâne pour-
ce que ne veux receuoir les traditiôs faites parles hommes au poure peuple Chreftien:
comme pource que ne veux croire que l'homme par l'es ceuures &merites puifle entrer
en Paradis:Que ie ne veux receuoir autre purgation des péchez que le précieux fang de
lefus Chrift, &: non le Purgatoire inuenté parles Papes contre la parolle de Dieu: n'au-
tre facxificc que celuy qui a efté fait en l'arbre de la croix par le Fils de Dieu , &: non ce-
luy de la Meftc forgé Cotre la parolle de Dieu , au grand détriment & danation de ceux
qui y croyét&: y mettét leur fîance:nautre Aduocatou interce/Teur enuers Dieu que le
îeul lefus Chrift, me propofant les faintts &: fain&es pour imiter & viure comme ils ont
vefcu,&: non pour les tenir côme mes aduocats:d'auiâtquec'eftleurfaireiniurc&def-
hôneur, veu que cela appartint feulement au Fils de Dieu, qui nous a efté côftitué pour
tel de Dieu fon Pere : Dauantage pource que ie ne veux receuoir ny approuuer les ido-
latriesjimagesjpelerinagcsjconfrainesjprieres pour les morts,pardons,bullesôJ autres
friper-
Charles Faurz^f.
fuperftitionsprinfes des Payens&: idolâtres anciens contre la parolle duDieuviuant,
au grand deshonneur de fa haute maiefté: Etpourcequene veux receuoir autre chef
en l'Eglife que Iefus Chrift feul',& non le Pape: lequel S". Paul appelé fils de perdition &c î.ThcfTi 3
homme.de péché, & S. Grégoire le grand ( auquel on vouloir donner ce nom ) dit eftre
Antechrift. Si,dy-ic, pour tout cecy on me condamne à la mort comme heretiquercer-
tes on ne me condamne pas feuli mais la parolle de Dieu,les Apoftres& lesfain&s Do-
cteurs. Et vous mon feigneur,n'eftcs point ignorant de tout cecy: vous lecognonTez
&fauez eftre ainfi:&neantmoins vous n'en fonnezmot,com bien que ce foitvoftre of-
fice. Comment?eftimez-vous plus les richeffes Se les honneurs du monde que la gloire
de Dieu ? ne penfez-vous pas qu'il vous faudra vn iour comparoiftre deuât fa face? Vous
eftes ancien, &: ne pouuezlonguementviure:&: encore quepuifliezviure quinzemille
ans, c'eft peu de cas,ii par après il vous faut eftre fruftré de l'héritage im mortel, pource
qu'aimant le monde,auriez fait au contraire de ce qucDieu vous a donné à cognoiftre,
££ dont eftes conueincu en voftre confeience. Mais il y a encores vn grad mal : c'eft que
vous entretenez tout le parentage&plufieurs autres gens ( lefquels ont l'œil fiché fur
vous pour vous fuyure)en leur vie adbnnee à toutes idolâtries & fu perditions. Et ne fa-
uez-vous pas que Dieu demandera de vos mains le fang d'iceux : Car fi vous leur decla- Eze.33.tf. ».
riez la vérité que vous auez cognue,vou s feriez quitte deuant Dieu , &c eux mettroyen t
peine de le feruir autrement qu'ils ne fonr. Que craignez-vous? auez-vous peur d auoir
difette de biens quant vous feruirez à Dieu purement? Et qui vous donne ceux-la que
vous auez en le deshonnorant contre voftre confeience, à voftre grande condânation?
Laiifez donc ces honneurs d'Egypte enfuyuât Moy fe , & eftimez plus la croix & oppro- H**' "*s-
bredeChrift. Souftrez/oufFrez auecluy, fi voulez eftre glorifié auecluy. Unenouseft plul1-1*-
point donné feulement de croire en Iefus Chrift,mais auffi de foufFrir pour fon nom .ne
penfons point que Iefus Chrift ait efté iamâis veftu de veloux ou de foye. Nous trouue-
rons autour de fon chef vne couronne d efpines.nousle verrons battu, moqué, craché,
eftendu en la croix. Mais quelle eft la fin de tout cela?gIoire eterhelle,ioye indiciblc,re-
pos perdurable,couronne incorruptible,vifion de Dieu . mais la fin des plaifirs &: hon-
neurs mondains eft grincemehtde dents, pleurs amers, confufion, triftefTe&: forment
éternel. Monfeigneur, ie fembleroye eftre trop afpre en vous efcriuant cecy,mais ma
confeience m y contraind : Dieu qui eft encore par deffus, me le commande : le grand
défi r que fay de voftre falut,m'y incite. d'autre part ie ne vous efery rié de nouueau : ce-
la vous eft cogneu &: notoire. n'en foyez donc contrifté. Fay bien voulu defeharger ma
confeience aua nt mourir. Car s'il plaift à Dieu , ie fuis preft de foufFrir pour fa vérité , &
eftre retiré en fon héritage éternel, lequel il m'a acquis parla mort & paffiô de fon bien
aimé Fils Iefus Chrift . lequel ie prie auec le faind Efprit vous vouloir tenir en leur gar-
de^ faire cefte grace,qu'auant que defeendre au fepulchre,puiflicz aduancer la vérité
éternelle à tout le parétage,&: à ceux que deuez. Voftre hûble& obeifTant neueu.P.N.
CHARLES FAVRE.
|1f5?SpîS E n eft pas de merueilles fi ces cinq efeoliers ont fait a&es germains &: tous
WfS*xê ^cmD^at,^es ^es vns aux autl'esî cn rendant tefmoignage à la doctrine du Sei-
\r ^fe^^S^gneur5 puis que d'vne mefme efcole,oud'vne mefme falled'efcrime , par
^j^^^^ manière de dire, ils eftoyent fortis, &: s'eftoy ent appreftez pour fouftenir les
plus grans combats qui fe facent entre les hommes. Charles Faure Angoulmois,vienc
cinquième & dernier en ceft ordre:lequel combien qu'il ait moins eferit que les quatre
autres, cftant inférieur en érudition : neantmoins en pareille confonance de doctrine
&: conftance a rendu confeffion de fa foy deuant les iuges Lyonnois , la donnant par ef-
erit en la forme qui s'enfuit:
Premiereme n T,iecroy&: confefTevhe feule Efcriture eftre la reigle de la reli-
gion & foy Chreftienne,laquelle eft contenue au vieil &; nouueau Teftamét:& qu'icel-
le eft ferme, certaine & veritable,infallible &: parfaite. Car c'eft la parolle de Dieu, qui
a efté iadis annoncée par les Prophètes, eftans menez &: conduits du S.Efprit, &: parlâs
comme parla bouche d'iceluy: &c en ces derniers temps prefehee &c publiée par Iefus
Liurc^fllI.
Charles Faurc~>.
Chrift Fils de Dieu, eftant vray homme , comme il nous eft demonftré au premier des
MattLas. Hebricux.Puis après elle a cfté publiée par le monde vniuerfel par les difciples de Iefus
Chrift, iuyuans le commandement qui leur auoitefté fait daller par tout le monde
prefeher l'Euangile à toute créature. S.Pierre auflî nous parle bien de la fermeté de ce-
i.Picr.i. île Efcriture, quand il dit, Nous auôs auflî la parolle des Prophètes plus fermera laquel-
le vous faites bien d'y entendre, corne à vne chandelle qui efclaire en lieu obicur.Nous
difons qu'il ne faut rien adioufter ne diminuer à icelle. Car de cela il y en acommandé-
ment exprez du Seigneur au Dcuteronome chap.ii.où il eft dit,Tu feras feulement ce
que ic te commande,&: n y adioufteras aucune chofe,ne diminueras. Et au dernier cha-
pitre de l'Apocalypfc,il eft parlé de la punition &: vengeance fur ceux qui le feront. Car
Apocaî. il eft dit là, Si aucun adioufte à ces choies, Dieu adiouftera fur luylesplayes eferitesen
ce liurc.&: li aucun diminue des parolles du liure de cefte Prophétie, Dieu oftera fa part
du liure de vie, &r de la fain&c Cite' , &: des chpfes qui font efentes en ce liure. Parquoy
nous reiettons toutes doctrines des hommes, qui ne font que pour lier les confeiences,
&c ne font aucunement comprifes enicelle faincte Efcriture:comme la inoincrie,la con
fc/Iîon auriculaire , les pèlerinages , Se autres chofes femblables,qui iont traditions hu-
maines, par Iefquelles Dieu ne veut cftre feruy ny honnoré , comme Iefus Chrift le mô-
Mattfc.15. ^rc |^jcn claircniciit en fon fainct Euangile félon S.Matthieu,difant , pour néant ils m -
lù.%9. honnorent, enfeignans pour doctrines commandemés d'hommes. Ifaie auflile tefmoi-
gne bien, quand il dénonce vne horrible vengeance de Dieu fur le peuple d'Ifrael,d'au-
gIui CU' tant 9U ^s honnoroyent Dieu félon le commandement des hommes. Dauantagc,ie
croy en vn feul Dieu créateur du ciel &C de la terre, tout-puiflant,tout bon , plein de pi-
tié de mifericorde.car il fait mifericorde en mille générations à ceux qui l'aiment &£
Ei.2o,&?4 gardent fes commandemens, comme il eft eferit en Exode. AufTi il eft iufte luge : car il
vihte l'iniquité des pères fur leurs enfans, iufques à la troifïeme& quatrième généra-
tion , comme le tefmoigne le mefme Prophète aux c hapitres prealleguez. le croy qu'il
eft d'vne elfence fpiritucllc,eternelle &c infinie, & qu'en icelle e/Tence nous auons à cô-
fiderer trois perfonnesrle Pere,comme le commencement &: origine de toutes chofes:
le Fils,qui eft la lageffe étemelle du Pcre:le S. Efprit, qui eft fa vertu & puiflance. Eten
conhderant diftinctement ces trois perfonnes , Dieu n'eft pas pourtant diuifé : car ces
trois: comme dit S. Iean, ne font qu'vn . Iecroyauflî qu'iceluy feul doit eftre adoré,
Adoration, feruy &: honnoré, &c non autre. Car il eft efcnt,Tu adoreras vn feul Dieu ton Seigneur,
Dcut.6. & a jUy fcuj tuferuiras. Et en Exode vingtième, Tu n'auras point de dieux eftrangcs en
lxo.20. prefence. Parainfi fl ne faut point tranfporter ailleurs l'honneur qui appartiét à luy
feul. Dauantagetqu aluy feul eft deu tout honneur & gloire,il appert parle tefmoigna-
i.Tim.r. ge de S/Paul à Timothec. Au Roy des iiecles (dit-il) immortel &: inuilible , à Dieu feul
fage, honneur &c gloire à touiiourfmais. Parquoy ceux pèchent mortellement , qui a*
dorent la créature au lieu du Créateur: veu que l'adoration appartiét à Dieu feulemét,
ifa 41. qui a dit qu'il ne donnera point fa gloire à vn autre. Pourtant nous voyons S. Pierre qui
Aa 10' reprend grandement Corneille , de ce qu'il s'eftoit profterné deuant luy. Et auflî d'vne
Apoc.i9.li mefme chofe l'Ange rcpn'ntS. Iean, difant,Garde que tu ne le faces: Ieluisferuiteura-
ucctoy, &aucc les Prophetes:adore Dieu. Pareillement S. Paul &Barnabas eftansen
Aa.i4. Lyftre,refufcrcntgrandcment l'honneurquelepeuplelcurvouloit faire, difans qu'ils
inttocanon. eftcyehthommcs fuietsàmcfmes palîîonsqu eux. Item iceluy fculdoit eftreinuo-
leanUio°i4. que &: prié au nom de Iefus Ch'rift:carle Seigneur protefte que ecluy eft lcferuicefpiri-
Erhtï.3. tuel de fon nom, &: nous prepofe fon Fils pour Médiateur vnique,pai l'interceffion du-
Hcbr.4. quels. Paul dit que nous auons alternance &accez à Dieu auec fiance, par la foyque
nous auons en luy. Et aux Hcbrieux il nous exhorte de nous adreffet hardimet au thro-
ne de la grâce de Dieu, puis que nous auons vn tel Aduocat:afin que nous obtenions
j.ican 1. mifericorde,&i trouuiens grâce pour eftre aidez en temps opportun. Et S. Iean en faCa-
nonique, Si aucun a péché, nous auons vn Aduocat enuers le Perejelus Chrift le Iufte.
Parquoy Dieu eft grandement offenfé quand on prie la vierge Marie, ou les Anges , ou
faincts 6V: fainctes de Paradis: veu qu'il n'y a nul commandement en toute la faincte Ef-
criture de recourir à leur interecifion, &: qu'il ne s'en trouue nulle promeiTe. Dauanta-
ge , les Prophètes &: les A poftres ne nous ont iamais monftré vn tel exemple. Mainte-
nant que chacun fidèle confidere en foy , quel danger il y a d'entreprendre vne nouuel-
Ie façon de prier non feulement fans la parolle de Dieu,mais aufii fans aucun exemple.
Tout
Charles Faurc^f. 227
Toutainfi que noftre Seigneur eft d'vne e/Tcncc Ipirituelle, au/fi veut-il eftre adore en image*,
efprit & vérité, comme Iefus Chrift le monftre à la Samaritaine,difant, Le temps vien- leao *•
drai& maintenant eft défia venu, que les vrais adorateurs n'adoreront plus le Pereny
eh cefte montagne ny en Ieruialem, mais ils adoreront Dieu en efprit &: vérité. car auf-
fi le Pere en demande de tels qui l'adorent. Pource il nefâut point adorer Dieu en cho-
ies matérielles, corruptibles &: caduques, comme en or ou en argent, ou en autres cho-
fes precieufes. Ny au/fi Dieu ne veut point eftre reprefenté neferuy aucunement par
images taillées, qui le corr c mpent àucc le temps, &; font mangées des vers . car de cela"
nous auons exprezeommandemet du Seigneur au chapitre de/Tus allégué, où il eft dit,
Tu ne te feras tailler image ne fcmblance aucune des chofesqui font là fus au ciel, ne'£lo<Jci0-
ça bas en la terre, n'y és eaux deficus la terre. Tu ne leur feras aucune reuerence ,& ne
t'enclineras point deuat icelles,&r ne les feruiras point. Puis s'eniuit la grande vengean-
ce Se menace lur ceux qui le feront. Le Prophète Dauid s'en mocque ,les appelant V- Bfcmiif:
ouurage de main d'homme: qu'elles ont bouches &: ne parlent point , qu'elles ont /eux
& ne voyent goutte, qu'elles ont aureillcs &: fi n'oyent point , qu elles ont des mains $C
ne touchent point, qu'elles ont des pieds &: ne marchent point,& que ceux qui les font
font femblables à icelles, &: tous ceux qui s'y confient. Nous auons au/îî au vieil Tefta-
ment des exemples terribles du ingénient de Dieu fur ceux qui en ont fait. Le peuple
d'Ifrael n'a-il paseftégrieuement puny pour auoir fait le venu d or, & d'autres lefquels 1
il feroit trop long de raconter? le me tay aufïl de ce qu'en dit fain&Auguftin, 1 enfem- &twi£}'
bleLattance^irmian, lefquels en parlent à la grande confufion des Papiftes. Il fut Rom. 15.
auffi deffendu autres fois en vn Concile *,qu on ne fîft nulles images &peirt&ures aux l^édca^
temples.- &: que ce qu'on deuoit adorer ne fuft point aux parois. Et faind Grégoire con- Dieu,cju 9.
felTe que Serenuseuefque de Marfcille euft bienfait de défendre à fon peuple d'adorer Li€tf.
les.images. Pareillement iecroy en IefusChnft,qui eft la féconde perfonnedeladi- eha.i7J£>
uinit^&iqu'iceliiyeft noftrc Sauueur, comme auffi l'interprétation du nom le porte: 3
carlefus fignifîeSauueUr. Ce que l'Ange nous monftreclairement,difantà la vierge t^1^'
Marie, Tu enfanteras vn fils, &: appeler^ fon nom Iefus.cariceluy fauuera fon peuple mo.
de leurs pecheZ. Parquoy ceux flient Iefus eftre le Sauueur,qui penfent eftre fauuez par
leurs œuures, ou par autre moyen que parla feule foy en Iefus. Car il n'y a point d'autre
nom donné fous le ciel, par lequel il nous faille eftre fauuez, finon au nom de Iefus. at- aû.4.
tendu auffi comme dit l' Apoftre , qu'iceluy peut fauuer à plein ceux qui s'approchét de Htb*
Dieu par luy. Iecroy auffi qu'il aeftéliuré à la mort pour no9 fauuer,&: nousdeliurerde
la mort eternelle,laquc lie no9 auiôs tous méritée dés le vétre de noftre mere : car no9 a-
Uohs efté enfantez en iniquité,&: noftre mere no9 a coceus en pechéde loyer duquel eft
la mort,cômc dit S. Paul aux Rom. Pourtat nous n auôs rien de nous que nous luy puif- Rom.*,
fions alleguer,fincn nousaccufergvademcntdcuat fa face,en teccgnoiflant nos fautes
&: péchez en toute humiliréde priant qu'il n'entre point en iugement aucc nous,côfne
luy demade ce grand Prophète Dauid, difant, Seigneur n'entre point en iugemetanec Pfeau. 145.
ton feruitcurxar nul viuant ne fera trouué iufte en ta prefence.Et en vn autre lieu il dir,
O Seigneur, fi tu prens garde aux miquitez, qui eft-ce qui fubfifteraî Cerchons d6c no-
ftre iuftice au feul Icfus,&:là nous la trouueros,cn luy demâdant en foy,& nô pas en nos
œuures. car fa mort eft noftre feule fatiffac"riô, corne il appert par beaucoup de pafTageS Rom 4;
de l'Efcriture faîcte. Dauâtage ie croy le fang de Chrift eftre le feul lauemét de nos pe- Co11-
chez.car le SwEfprit nous enfeigne par S.Ican en fa Canonique, &: au premier de l'Apo- \
calypfe,que par le fang de Iefus no9fommes purgez &: lauez de nos péchez . &r en l'Epi-
ftre aux Hebrieux,Que le fang des boucs &des taureaux n'a pas telle vertu de nettoyer Hcbr.10.
nos cofeiences de nos ofTenlcs:mais que c'eft le fang deChrift. Parquoy ie nie totalement
le Purgatoire des Papiftes: veu qu'il n'en eft fait nulle métion en toute l'Efcriture faî&e.
Car elle ne parle q de deux lieux où vot les ames en forrat de ce monde. L'vn eft le lieu
de reposnômé Paradis, où les ames des efleus s'en vont incontinét après la mort. Car il
eft eferit que ceux qui meuretau Seigneur font bié-heureux : d'autant qu'après la mort Apoc i4.
ils rcpofent:côme nous en auons l'exéple au larron qui futpeduenlacroixauec noftre Luc -3.
Seigneur Iefus Chrift. auquel il dit , Tu feras auiourdhuy auec moy en Paradis. L'autre
eft le lieu de tous formés, afiàuoir Enfer,pour les mefchâs & reprouuez,ccmeil appert
par l'exemple du mauuais riche. Pourtant S.Auguftindit quelesrmescnfortantdece SurS.iea»
monde ont diuers receptaclcs,où les bons reçoyuent ioyc,lcs mauuais font tormentez: lom
Q..
Charles Faurc^,
mais que chacun en tre incontinent après la mort au repos des (ideles,quâd il eft digne-
)e Aîjra- S. Ambroifçauflîditàccpvopos, Apres auoir par fepulture exercé office d'humanité
.r. entiers les morts, on les doit laiiTcr rcpolcr. Scmblablement ie croy auccS.Paul,com-
: rim.i. me il n'y a qu'vn Dieu, qu'il n'y a auflî qu\ n fcul Moycneur de Dieu &L des hommes , In-
£phcf z. terccifeur&: Aduocat pour nous au ciel cnuers Dieu le Peie,aifauoir Iefus Chrift , qui
Hcbr.7 cft aflis à la dextre de Dieu ion Pere, toujours viuant pour prier & faire requefte pour
nous à Dieu Ion Pere. Parle moyen duquel nous auôsaccez&: entrée par-deuers Dieu
Ton Pere , &: luy l'ommes agréables <3c réconciliez , faits fes enfans adoptifs , &: frères de
Iefus Chrift,faits hcntiers:hcriticrs,dy-ie,de luy,Ôc" cohéritiers de Icfus Chrift. Parquoy
nous ne receuons point la doctrine des Papilles , qui constituent beaucoup d aduoeats
là fus au ciel prians pour nous. Car cela contreuient non feulement à la faincte Efcritu-
SurlcPf.j>4 re: maisaufli àcequ'enontefcrit les anciens Docteurs. Car S. Auguftin fur les Pfèau-
mes dit, Si tu cerches tô Médiateur pour l'introduire à Dieu, il eft au ciel:& prie là pour
toy,comme il eft mort pour toy en la terre. Et fur TEpiftre aux Hcbricux, il dit, Auffi le
feul Iefus Chrift, entre tous ceux qui ont porte chair, interpelle &: prie pour nous. Et S.
De îfaac3& Ambroïfe pareillement dit, Iefus Chrift eft noftre bouche , par laquelle nous parlés au
âumu* Peremoftre œil, par lequel nous voyons le Pere : noftre main dextre , par laquelle nous
offrons au Pere-.ians lequel Moyenneur il n'y a nulle approche aùec le Pere, ny à nous
ny à tous les Saincts. Item, au Concile de Carthage il fut défendu que les Saincts ne fuf-
fent point inuoquez à iautel:& que les Preftres ne prononçaflent point cefte prière , S.
Au'^Iù irai P*crrc & S.Paul priez pour nous. En outre, ie croy vne faincte Eglife catholique^ v-
léKePf. niucrfellcj&cnonpasplufieurs.cariln'ycn a qu'vne feule, laquelle n'eft pas icyculà:
î<î, & 90. majs eft cfpandue par tout le mode. Et le Chef vmuerfcl d'icelle eft Icf us Chrift, &: non
ucor!ii. autre : laquelle eft fondée fur la doctrine des Prophètes & Apoftres denoftre Seigneur,
com me il eft eferit au fécond chapitre des Epheficns. Aufliie recognoy icelle eftre la
vraye Eglife, en laquelle la parolle de Dieu eft purement prefehee , & les Sacremens fi-
dèlement administrez . car ce font les deux marques de la vraye Eglife Chreftiennc. A
cefte caufe, ceux faillent grandement, qui difent que le Pape eft le chefdefEglife: veu
que toute l'Efcriture n'en dit vn fcul mot. Car fi ainfi eftoit , 1 Eglife feroit vn monftrc
ayant deux teftes, alfauoir Iefus Chrift & le Pape . ce qui eft faux. Car vn Antechrift co-
Grcg.cn 1'- me cft le Pape,ne peuc eftre chef d'vne vraye Eglife Chreftienne. Auffi nous confefïons
?M«ir?ccl ceu:e cghfe du Pape eftre fauife:d'autant que nous n'y voyons nulle de ces marques def-
Lesckts. quelles nous auons parlé cydeffus. Quant eft des clefs, que les Papilles difent qu'el-
les ont cfté données à faind Pierre ,&: confequemmét aux Preftres, &c qu'ils ont la puif-
fance de lier &: deflier les pechcz:ie dy que ce mandemêt de remettre &c retenir le s pe-
Matth.ttf. chez,&: lamefme promeffefaiteà S. Pierre de lier& deflier , fedoyucnt rapporter au
icaaio. minjfterc de la Parolle, lequel noftre Seigneur commettoit à fes Apoftres. Ainfînous
entendons que la puiflànce des clefs eft fimplemcnc la prédication de l'Euangile, qui
n'eft linon miniftere. Car Iefus Chrift n'a pas donne aux hommes cefte puiffance: mais
à fa parolle, qui eft la vraye clef par laquelle le ciel eft ouuert ou ferme, &: les péchez
font pardonnez ou retenus. Pourtant ie nie les Preftres auoir telle puiflance: veu que
communément ils lient ceux qu'il faut deflier,&: dellient ceux qu'il taudroit lier. En
SacremcDs. après ie dy &: confeife qu'il n'y a que deux Sacremcs en l'Eglife Chreftienne, que le Sei-
gneui ainftituez,affauoirle Bapcefme&; lafaîcte Cene de noftre Seigneur Iefus Chrift:
&: nie les autre cinq que les Papiftesappclent Sacremens:veu que nous n'en auons nul
tefmoignage de l'Efcriture faincte,ne mefme qu'ils foyent approuuez parles Docteurs
Bapt.i'nje. anciens. Pareillement ie confefTe le Baptcime nous eftre comme vne entrée en fE-
glife de noftre Seigneur Iefus. Car c'eft la marque de noftre Chreftienté, & le ligne par
lequel Dieu nous teftific quenous ibmmes rece us en la compagnie de PEglife,afin que
Ticc3. nous foyons reputezdu nombre de fes enfans. Le Seigneur auffi nous reprefente lela-
uement de nos péchez, &c puis la mortification de la chair , ou noftre régénération , au
ligne de l'eau , laquelle a grande fimilitude auececs chofes pour les reprefenter . car
i.Picr ;. comme par l'eau les ordures extérieures du corps font oltces, auffi au Baptefmc nos a-
mes font purgées de leurs macules. Non pas que i attribue à Peau la vertu de nettover
nos ames:car elle n'eft que le ligne vifible &. figure de ce laueme nt:mais au S.Efprit. l'of-
fice duquel eft de purger &: Iaucr nos confciencc s de toutes nos côcupifcences &: mau-
uaifes affections par le fang de Iefus Chrift , quia efté refpandu pour effacer toute s nos
fouil-
EpiHres aux Qnqdc^j Lyon. 22 S
feuillures: ce qui eft accomply en nous , quand nos consciences en font arrôufcesparle r.Pier.i.
S.Efprir. Toutefois i'enten que l'eau eft tcllemêt figure, qu'elle a auec foy la vérité con-i
ioinâe.car Dieuneno9prometrienenvain.Parainfîcequ'ilnousfigureau Baptefmc,
nous eft véritablement offert. Finalement,ic dy que tout ainli que le Baptefme nous La Cen,e:
eft comme vne entrée en la maifonde Dieu , qui eft l'Eglilc , aulfi parla laintre Ccne le
Seigneur nous y veut nourrir &repaiftre, comme vn bon Perede famille a le loin de
nourrir ceux de fa maifon.-tcllemcnt que par la Cene nous cÔmuniquons à tous les bies
de noftrc Seigneur Icfu s Chrift, &z au mente de fa mort & palîîon. Nousy mangeôs fpi-
rituellemenc en foy la chair, &: beuuons le fang de noftre Seigneur Iefus Chrift : &c non
pas corporellcment de la bouche corporelle. Item,ie dy que nous deuons feulemét te-
nir la forme de célébrer la faincte Cene que Iefus Chrift a inftituce, &: que les fain&s A- Mmh.ig:
poftres ont gardeedaquelle inftitutiô eft parfaite &: entière, &fefaifoit en deux lignes, JJ,^4'
aiTauoir au pain &T au vin, la parolle précédante auec prières &: oraifons, fans grades ce- i.Cor.ii.
rcmonies 6c pompes. Item ic confelie que le pain & le vin l'ont lignes vilibles, aufquels
la vérité eft coniointe.car il ne faut point douter que tout ce que le Seigneur figure en
la Cene n'y foit vérifié, félon qu'il promet &c reprefente : & qu'en prenant le pain &: le
vin,lefqucls nous reprefentent le corps &: le fang de Iefus Chrift(iî nous auôs vraye foy)
nous mangeons vrayement le corps, &c beuuons le fang d'iccluy.-mais rïon pas en la for-
mel manière que les Papiftes le tiennent, iefquels dilcnt que le pain eft tranlfubftâtié Tranflub-
au vray corps de Iefus Chrift, & le vin en ion fang.cn quoy ils faillent grandement. Car ftancut,t>n-
li ainli eftoit,ces trois articles de foy ne feroyét pas véritables, Qu'il eft môté aux cieux, A& i-
Allisàladextrcdu Pere, Et qu'il viendra iuger les vifs & les morts. Car s'il eft au ciel,
comment fera-il delfous l'efpece du pain : veu qu'vn mefme corps ne peut eftrc en vnc
mefme heure en plulicurs lieux ? Or Iefus Chrift mefme après la refurrettion auoit vn
vray corps;car il fut veu &c touchc,&idit luy-mefme à fes difciples,Taftez-moy,&:voyez: Luc 14.
car vn efprit n'a ne chair ny os ainli que vous me voyez auoir. Et combien que fouuen-
tefoisilfe foit apparu à les difciples, toutefois en vn mefme temps il ne s'eft point veu
en plulicurs heux. Et de ce qu'il eft entré à les difciples les portes eftans fermees,çela s'- 1«°
eft fait par miracle, &: non pas que la nature d'vn corps glorifié fuft telle. Parquoy ie cô-
clu auec S.Auguftin,qu'vn corps glorifie ne peut eftreen plulieurs lieux. Et parainfi le Jp 'ePiftie
çorpsdelefusChriftn'eftpointfouslesefpccesdupain&du vin.ny auecle vin: mais J7/r anUÏ
que nous deuons tenir ce qui fut dit au Canon du premier cociledeNicee:alTauoir que
nous ne regardions point le pain &: le vin qui nous font prefentez:mais qu'eileuansl'ef-
prit en haut,nous confiderions par foy l'Agneau de Dieu.Pourtât ie croy que nous par-
ticipons en foy par la vertu du S. Efprit , au corps &: au fang de noftre Seigneur Iefus
Chrift (encores qu'ils loyer au ciel)en prenant le pain & le vin , qui font les lignes de ce-
lle communication. L'vndefquels ne doit eftrediftribué ne baillé au peuple fans l'au-
tre. Carie mandement de Iefus Chrift porte que nous beuuions tous du calice.Mefme Mauh.i*.
après auoir dit iimplcmcnt du Pain, Prenez &: mangez: quand ce vient au calice,il com
mande nomément que tous en boiuent. Et cefte laçon de prédre tous les deux lignes, a
efté gardée en l'Eglile plus de mille ans,côme il appert parles liures de to9 les docteurs.
Et que du tout il en faille ainli faire, il appert par le décret de Gelafius, qui ordône que
tousceuxquisabftiendroyentducalice,feroyent excommuniez de tout le Sacremet, cano. Re-'
adiouftantlaraifon, alîauoir,Queladiuilionde cemyftere ne fe fait point fans grand cJXcr'11'
facnlege. Partant il ne nous refte que d'obeirau commandement de Dieu : afin qu'en diftind.i.
prenant les fignes, nous iouiluons aufïi de la vérité d'iceux. Gloire foit à Dieu.
/~>E ScinqEfcoliersdelefus Chrift, durant leur emprifonnement non feulemeot fe
^confoloyent mutuellement lesvnsles autres par miflkies, mais auflî les amis & les
eglifes de Geneue &c Laufanne leur efcriuoyent lettres:&: fur tous , deux excellens mi-
niftres de l'Euangile, M.IeanCalvi n &: M. Pierre Vire t ont enuoyé celles
quisenfuyuent.
PA R cette Epiftre M.Ican Caluin donne folution à quelques queftions & demandes touchant certains
poinftt de la religion Chrétienne.
E S trefehers freres,i'ay différé de vous eferire iufques ici, craignant que fi les let-
tres auoyént quelque mauuaife rencontre , ce ne fuft occafîon nouuelle aux en-
nemis de vous affliger plus durement. Et aufïi i'eftoye bien aduerty que Dieu be^
Uur<u Ht* Epijlres aux Cinq Lyon.
fongtloit tellement en vous par fa grâce , que vous n'auiez pas grande neceflîté de mes
lettres.' Cependant nous ne vous auons point oublié , ne moy ne tous les hères de par-
deça, en tout ce que nous auons peu faire pour vous. Si toit que vous fuites prins , nous
eneufmes les nouuelles, &: feufmcs cornent &: par quel moyé celaeftoit aduenu. Nous
auons procuré qu'en diligence on enuoyaft au fecours. maintenant nous attendons re£
ponfe de ce qu'on aura impetré. Ceux qui peuuenc quelque chofe entre le Prince és
mains duquel Dieu a mis voftre vie, s'y font fidèlement employez . mais nous ne fauons
encores combien la pourfuitte aura profité. Cependant tous les enfans de Dieu prient
pour vous, corne ilsy font tenus:tant pour la côpaflïon mutuelle qui doit eltre entre les
membres du corps,que pource qu'ils fauent bien que vous trau aillez pour eux,maintc-
nans la caufe de leur falut. Nous efperorvs, quoy qu'il en foit, que ce bon Dieu donnera
heureufehTue à voftre captiuité, en forte que nous aurons dequoy nous refiouir. Vous
voyez à quoy il vous a appelez . ne doutez pas félon qu'il vous employera , qu'il ne vous
donne force d'accomplir fon œuure-.carill'a promis. Et nous auons alfez d'expérience,
comme il n'a iamais defailly à ceux qui fe font laifTez gouuerncr par luy.mefmc vous en
auez defiaapprobation en vous. Car il a déclaré fa vertu en ce qu'il vous a dôné vne tel-
le conftance pour refifter aux premiers affaux. Confiez-vous dôc,qu'il ne huilera point
fouuragedefa mainimpatfair. Vousfauez ce que l'Efcriture nous met au dcuant,pour
nous dôner courage de batailler pour la querelle du Fils de Dieu . méditez ce que vous
en auez veu &C ouy par cy deuât, pour le mettre en pratique. Car tout ce que îe vous en
fauroye dire, ne vous pourroit gueres feruir , s'il n'eftoit puilé de cefte fontaine. Et de
faictjil faut bien vn plus ferme appuy que les hommes, pour nous rendre victorieux par
deffus des ennemis fi robuftes,comme font le diable,la mort & le mode . mais la ferme-
té quie|t enlefus Chrift,elt aflczfufrifanteà cela,&:toutcequi nous pourroit cfbranler
fi nous n'eftions fondez en luy. Sachans donc a qui vous auez creu : monftrez quelle au-
thoritc il mérite qu'on luy donc. Pource que fefpere de vous eferire encore cy apres,ie
ne vous feray à prefent plus longue lettre. Seulement ie refp&dray en bref aux articles,
DisVœui. dontle frère Bernard m'ademandé refolution. Touchant des vœus, nous auons à te-
nir cefte règle, qu'il n'eft paslicite de vouer à Dieu, finon ce qu'il approuue. Oreft-il
ainfi,qucles vœusMonaftiques netendét qu'à vne corruption du feruice d'iceluy.Pour
le fécond, nous auons à tenir que c'eft prefomption diabolique à vn homme, de voik .
outre la mefure de fa vocation. Or l'Efcriture nous declare,que le don de côtmence eft
particulier,tataudixneufieme de S.Matthieu, qu'au (epticme de la première aux Cor.
Il s'enfuit donc , que ceux qui fe mettét ce lien &: ncceifité de renôcer au Mariage pour
toute leur vie,ne peuuét eftre excufezde tcmcrité,&: qu'en ce faifant ils ne tentétDieu,
La chofe fe pourroit bien déduire plus au long,c n difant qu'il faut confiderer qui eft ce-
luy auquel on vouè':quellé eft la chofe: & tiercement qui eft le vouât. Car Dieu eft trop
grand Maiftre , pour fe iouer à luy.& l'home doit regarder fa faculté . &: de prefenter fa-
crificc fans obeifTance, ce n'eft que toute pollution. Toutefois ce feul poinft vous pour-
ra fufEre,de leur remonftrer que c'eft vn don fpecial de fe pouuoir con tenir:&: tcllemét
fpecial, qu'il n'eft que temporel à beaucoup. Parquoy celuy qui l'aura eu pour tiéte ans,
comme Iiàac, ne l'aura point pour le refte de fa vie. De là vous pouuez côclure,que les
Moines s'obligeans à ne fe marier iamais , attentét fans foy de promettre ce qui ne leur
eft point donné! Quant à leur poureté, elle cft du tout contraire à celle que noftre Sei-
la nature gneut* Iefus commande aux ficns. Touchant de la nature d'vn corps glorifié, vray eft
gtortôT clue ^cs qualicezy /ont cliangees,maisnon pas toutes. Car il conuient diftinguer entre
les qualitez qui procèdent de la corruption du péché, &c celles qu i font propres & infe-
parôbles à la naturedu corps. S. Paul au 5. des Philippiens dit,Que noftre corps abieèt
ou infirme, fera rendu côforme au corps glorieux de Chrift. Par ce mot d'Humilité, ou
Tttpmofis , il marque quelles qualitez nous portons auiourdhuy en nos corps ,lefquelles
feront changees.-afîauoir celles qui feront de l'eftat corruptible &c caduque de ce mon-
de. Et à ce propos S. Auguftin dit in epiftolaad Dardanum, qui eft en nôbrela 57, Vtn-
turws eft in eadern ctrriu forma atque fùbftantia : cm profe£lo immortalitatem dédit , naturam non abpu-
In.SecundumhancfomamnonputandHiefiybicjMed/^uJUs. Il pourfuit ceft argument plus ad
long, déclarant que le corps de^Chrifteft contenu enfes dimenfions. Et de fait, nos
corps ne feront point glorifiez pour eftre par tout : lefquels toutefois auront cefte con-
formité dont parle faind Paul. Quantau pafTage de l'^pocalypfe , les mots font teU
au
Epifire* aux Cinq <s/o tjori. p
au chapitre ciiiquicme,v^«cl/w omnem creaturam <p& in ctlo eft, &* jupertemnh, & fub tèrràfè*
qu& Jûntmmari: ontnes audiui duentes , Sedenri inthrono &* *Agno benei/Oh, honor& gloriai' Or
vous voyez que c eft vne cauillàcioh puenle d'appliquer cela aux ames de Purgatoire.
Gar pluftoft S. Iean entédparfigure qui fc nomhle Pràfbpopeeiafquc les poiYTons mefiriés
benifToy ent Dieu. Quant aux paffages des Do&eurs,réuoyez vos gens à TEpiftre vingt
feptiemcdefâin& Auguftinâd Bonifaciumjoù iltràitte en la fin * Qnod Sacramenrafmfïfe
tudinem tjuandam habcant earum remm tfHtofigttranu Qgofit, vtftcundum àliqu&m modum^Saeramen^
tftmœrporuChnft^œrpusChriftijà. Item fce qu'il traite au liure troifieme Dedo&rina Chfri-
ftiana , où il dit entre autres chofes au chapitre cinquième , Ea demum htifirabilii eft animât
fewttutff^aproytbmdmpetVy&frpra&edmrama adhaunenAum Sternum
lumen non leuart. Item chap.neufieme, ^gnojatfideluquorcferantHt'myflcriumBaptfa
pom aefanguinti Domintcelebratm , yt ea non carnaiifhhéiiuti ,fid Jptrituali potktoJêertatc yeneretur,
Vt autem itérant feqiti], &• figna pro rebm fignatis acctyerejèriiito tnprmhatU éft.ita inutiliter ftgna tnter-
pretari , maie vagantts errortf eft. le ne vous en amafïe point d'autres , pOurce que Ceux-la
vous pourront bien fuffire. Faifanc d6c fin, ie prie noftre bon Dieu,qu'illuy plaife vous
faire fentir en toutes manières que vaut la protection furies fiens : vous remplirde fon
fainct Efprit, qui vous donne prudence & vertu, & vous apporte paix,ioye &: contente-
ment^ que le nom de noftre Seigneur Iefu s foit glorifié par vous, à l'édification de fon
Eglife. De Gcneue, ce dixième de juin, m. d.
AVTRE Epiftrc, auffi dcritep«ir M. I. Caluin aine fufJksciocjprifonDieri.
JSÊjîlES trefehers frères, à cefte heure la necelîité vous exhorte plus que Jamais daf-
g^îrefter tous vos fens au ciel. Nous ne fauons pas encores quelle fera l'iiTuc . mais
poureequ'ilfembleque Dieufe vueillefcruir de voftrefang pour figrierfâ vérité, il n'y
a rien meilleur que de vous difpofer à cefte fini le priant de vous affuiettir tellement a
fon bonplaifir,que rien ne vous empefchfc defuyureoùilvoùsa*p£clera. Gafvoûsfa-
uez , mes frères , qu'il nous faut eftre ainfî mortifiez , pour luy eftre offerts en facrifices.
11 ne fe peut faire qiifc vous rie foufteniezdedurs combats: afin que ce quia eftédità
Pierre, s accompli/Te ert Vous, Qu'on vo* tirera ou vous ne voudrézpoint.tnais vousû- Iein »• *
uez enrquelle vertu vous auez à batailler: fur laquelle tous ceux qui feront appuyez,
ne fe trouueront iamais eftonnez , & encore tant moins confus . Ainfi , mes frères,
confiez-vous que vous ferez fortifiez au befoin de l'Efprit de noftre Seigneur Iefus,
pour ne défaillir fous le faix des tentations, quelque pefant qu'il foit , non plus que luy,
qui en a eu la victoire fi glorieufe, du elle nous, eft vn gage infaillible de noftre triôphe
au milieu denosmiferes. Puis qu'illuy plaift vous employer iufqu a Ja mort à oiaintenir
fa querelle, il vous tiendra la main forte pour batailler conftammerit,& ne foi^frnra pas
qu'vne feule goutte de voftre fang demeure inutile. Et côbien que le iruift ne Vcn ap-
perçoy ue pas fi toft , fi en fortira-il auec le temps plus ample que nous ne faurions dire.
Mais d'autant qu'il vous a fait ce priuilege , que vos liens ont cfté renommez , & qâç le
bruit en a efté efpandu par tout, il faudra en defpit de Satan, que voftre mort retentnTe
encores plus fortrà ce que le nom de noftre bon Dieu en foit magnifié. Quant à moy, ic
ne doute point, s'ilplaiftàceboiiPerede vous retirer àfoy, qu'il ne vous ait referuez
iufques ici,afin que voftre longue detétion fuft vn pteparatif pour mieux efueillcr ceux
qu'il a délibéré d'édifier par voftre fin. le ne vous côfole ny eihof te plus au long/achat
quelePere celeftc Vous fait fentir que valent fes confolations,3cque vous eftes afTez
foigneux à méditer ce qu'il vous propofe par fa parolle.fi a défia tant monftré par effeii
corne fa vertu nabitoit en vous, que nousdeuons bien nous afTeUrer qu'il acheuera iuf-
ques au bou t. Vous fauez qu'en partant de ce monde nous n'allons point à. l'aduéturcr
non feulemét pour la certitude que vous auez qu'il y a vnc vie celefte, mais auffi pource
qu'eftas affeurez de l'adoption gratuite de noftre Ùieu > voùs y allez corne à voftre heri-
tage.Ce queDieu vous a ordônei Martyrs de fon Fils,vôus eft come vne marque de fu-
perabondant.Refte le côbat,auquel l'Ëfprit de Dieu non' feulement nous exhorte d'al-
lcr,mais aufTi de courir.Ce font tétations dures &: fafcheufes,de voir l'orgueil des enne-
mis de vérité fî énorm e, fans qu'il foiç reprimé d'enhaut : de voir leur rage fi delbordeey
fans queDieu pouruoye aux fiés pour les foulager.mais s'il nous fouuiét qu'il eft dit,que
noftre vie eft cachee,&: qu'il nous conuient reffembler à trefpaffez Çcc n'eft pas vne do-
ârine pour vn iour,mais permanente)nous ne trouuerons pas trop eftrage,que les affli- Co1'^*
Q3<
Liurcs III. E filtres aux Qnq Lyon.
&ions continuent. Puis qu'il plaift à Dieu de lafeher fi long téps la bride à fes ennemis,
noftre deuoir cft de nous tenir quois : combien que le temps de noftre rédemption tar*
de. Au rcfte,s'il a promis d'eftre iuge de ceux qui auront aiferuy fon peuplc,ne doutons
pas qu'il n'y ait vne horrible punition appreftec à ceux qui auront dcfpité l'a maiefté a-
uec vn orgueil fi énorme, &: qui auront cruellement perfecuté ceux qui inuoquent pu-
Ffr.19.tfx. rement fon nom. Pratiquez donc, mes frères, cefteléntence de Dauid, Que vous n'a-
io>.& J53. uez p0int oublie la Loy du Scigneur:combicn que voftre vie Toit en vos mains, pour la
quitter à toute heure. Et puis qu'il employé voftre vie à vne caufe fi digne qu'eft le tef-
moignage de l'Euangile , ne doutez pas qu elle ne luy foit precieufe. Le temps cft pro-
chain que la terre dcfcouurira le fang qui aura eftécachc»& que nous, après auoir cité
delpouillcz de ces corps caduques , ferons pleinement reftaurez. Cependant que par
noftre opprobre le nom du Fils de Dieu (bit glorifié, & nous contentons de ce tei'moi-
gnage qui nous eft bien alleuré , que nous ne femmes perfecutez ne blafmcz iinô pour-
ce que nous cfperons au Dieu viuant. En cela nous auons dequoy defpitet rout le mon-
de auec fon orgueil , iufques à ce que-nous foyons recueillis c n ce royaume éternel , au-
quel nous iouyrons pleinement des biens que nous nepolTcdons que par efpcrance.
Mes feres, après m'tftre de bon cœur recommandé àvospiieres,ie fupplieray noftre
Dieu vous auoir en fa faincre prote&iô, vous fortifier de plus en plus en l'a vertu ,&: vous
faire l'en tir quel foin il a de voftre falut:& augmenter en vous les dos de fon Efprit>pour
les fa ire feruir à fa gloire iufques à la fin. Ic ne fay point mes recommandations en par-
ticulier à nos autres frères, pource que iccroy que la prefenteleur fera commune. I'a-
uoye iufques icy différé de vous eferire, pour l'incertitude de voftre eftat, de peur de
vous ennuyer en vain. Derechef ic pricray noftre bon Dieu d auoir là main eftendue
pour vous conferucr. Voftre humblcircre, I. C.
S'e n s v 1 t vne Epiftre de M.Pierre Viret, eferite à Pierre Nauihercs,&: aux
autres prifonniers d'vn mefme temps.
C E S T E Epiftre contient pour fa première partie, vne exhortation & confol tir n pour les fidèles qui funt prifonniers pour
Iefus Chrift : par laquelle il elî ironflré con ment Dieu fe fert d'eux & de leurs liens , pour condarr ne r & confondre fes
ennemis. Puis après il cft parlé a fiez amplement du vray vfage, de l'cfiicice & des ertefts du miniftere iel'Fuangile,&
des chofes qui y font à confiderer, & principalement au Baptelme. 1 ntre les autres poincts qui y jont traitez plus fpe-
cialement, il y eft parlé du Baptcfmedespetis enfans, & de ceux qui mu rent auantqu'auoir eflébaptifez duBaptefme
cxteneur,& des tr.oyés par lelquels Dieu communique (es grâces aux petis enfans.U y eft auffi parK de la différence qui
peut cftre entre le Baprelme de S.Iean BapuftcA celuy de Iefus Chrift de des Apoftres & de cous autres miniftres.
^^îR A CE &: paix par noftre Seigneur lefu s Chrift. Mon cher rrerc &: bien aime,
fjl^depuis qu'il a pieu au Seigneur vous appeler à ce lair& combat, auquel vous &:
vos compagnons combatez maintenant pour fon faind nom , comme vrais chcualicrs
Chrcftiens, ie vous ay eferit par plufieurs fois:mais ie ne fay fi auez veu &. reccu les let-
tres. Pour le moins ie n'en puis rien apperceuoirpar lateneur des vcftrcs qui me l'ont
venues entre les mains. Comment qu'il en foit * ie ren grâces à Dieu incefiàmmenr,dc
l'affiftcnce qu'il fait à vous tousrpar laquelle il vous fait cegnoifti e par eypericnce,ccm
bien il eft véritable en fes promelfes : lefquclles il vous îigiu &c conférait par ici De, co-
rne par vn feau &c vn facrement de grande efficace , auquel il le mamh lie à vous , côme
fi vous le voyez à l'œil, & le touchiez à la main. Enquoyvous pouucz auffi iuger com-
pfeau-14 4* bien 1 homme cft heureux, qui a le Seigneur Dieu pour L'on Dieu,& qui le craint,&: met
toute fa fiance & fon efperance en luy par Iefus Chrift nofti c Seigneur. Orcomm e ie
ren grâces à Dieu de cegrad bénéfice, duquel vous ôc vos compagnons ne receliez p^s
feulement le frui&&: la confolation , mais auffi tous ceux qui aiment noftre Seigneur
Iefus Chrift, aux liens duquel vous eftes : ainfi ic prie journellement, &: non feulement
moy,mais auffi tous mes frères, ce bon Perc, Peiede mifericorde& de toute côfoî .tion
1 Cor.i. par jcfus Chrift noftre Seigneur,qu'il luy plaife vous côfc rmer toufiours de plus en plus
en lafoy&: en la confeffion de l'on S.nom,& vous augmenter les dons & graecs^vous
donner toufiours bouche & figelfe, à laquelle tous vosaduerfaires ne pu?fTc nt r< fîfter:
a^ côme il l'adonnec à S. Efticnne,& comme il en a fait lapromclTe à fes feruireurs. Caril
Maûh.io. ne vo9 faut point douter que Dieu par fa prouidécene vous ait amc nez à ceux qui vous
détiennent prifonniers, afin que vous leur fuffiez en tefmoignnge pour fa venté, & que
vous fuiiîcz leurs iuges par îcellcau lieu qu'ils penfent cftre les voltres. Car Japarclle
EpifttC-j aux Cinq Lyon. 2 30
de Dieu cft mife en la bouche de Tes fcruiteurs,afin qu'ils iugent par icellc tous les hom
mes de la terre. Car elle leur cft commife tant pour prononcer la lentence de falut & de Mat
vie aux enfans de Dieu qui la receuront par vraye foy 6c obcilFance, que pour pronoccr
la ùntence de condamnation 6c de mort contre les infidèles &; les rcprouucz. Et pour- Ma,c itf
tant Icfus Chrift dititiotammcnt,que le fainct Efprit, lequel il a promis à les Apoftres Se ^
tiifciplcs,& qui parle par leur bouche,reprendroit le monde de péché . Celle fentence
cft donc certaine^' ne faut point douter qu'elle ne foit exécutée en l'on iour , attendu
qu'elle c ft donnée de Dieu, qui eft leiugedes vif's&: des morts,duquelceux qui portent Manli.io
cefte parollc,font la bouche pour la prononcer & manifeftcr.Ltpourtant il la nous faut ternio
tenir pour vnc fentence fans appel, puis que le fouuerain Seigneur &: Prince de tous l'a
donnée. Mais c'eft autre chofede lafentence de vos aduerfaircs. Vous fauez quelle puil
lance ils ont fur vous.vous en eftes aduertis Se aifeurez par voftrc maiftre Se Pafteur le- Mmh 10
fus Chrift. Rcceucz donc comme de la main de voftrePere tout ce qui vous aduiendra:
Se dites toulioursaucc lob, Le nom de Dieu foit beny. Puis donc que vous auez à faire Iobl
aucc voftre Pere,&: non feulement au ee*4es hommes , relïouilTcz-vous . car c'eft luy qui
par fon Fils Icfus Chrift fera le luge de vosiugcs,dcuant lequel il faut vue fois tous corn
paroiftrc.Lors les ténèbres ferôtcfclarcies parla lueur &fplcndcur de fon aduenemét. Kom.14
lors vous aurez appclation de leur fentencc.Ils ne vous peuucnt condamner qu'au feu L< (r 4
matériel, qui cft bien peu a eftimer,au pris de ccluy de la géhenne, lequel ne ft pas te m
porel comme ccftuy-cy, mais éternel. Car c'eft le feu duquel il ( ft eferit, qu'il ne peut e- Uak"
ltreeftcint,&: auquel le ver ne meurt point, &: auqucliln'ya lînon ténèbres, pleurs Se m"^9,
grincemcns de dencs perpétuels. Parquoy vos aducrlaires ont beaucoup plus grande h 2$
occafion de craindre que vous . Car ils ne vous peuuent condamner à ce feu temporel
qu'il ne rcçoyuent quant & quant fentenec contre eux-mefmcs,par laquelle ils font cô Roni
damnezau feu éternel parle luge fouuerain, deuantle fiege duquel vous Se vos aduer-
faires comparoiftrez vne fois. C'eft vn luge deuant lequel ils ne feront pas afïis comme
luges, mais comme criminels, pour ouyr leur fentence centre leurs iniques iugemens,
s'ils p erfeuerent en leurs iniquitcz. Toutefois s'il plaift au Seigneur , qui vous a mis en-
tre leurs mains, il ne leur permettra pas qu'ils viennent fiauant. Ceneantmoins il vous
faut difpofer à tout cuenement,fachans qu'ils font tous en la main de Dieu voftre Pere,
Se non point en la main de fortune: laquelle n'eft rien linon vne fauffe opinion à ceux
qui n'ont point telle cognoirtance de la prouidence de Dieu , ne telle fiance en ictlle
que les enfans de Dieu la doiuentauoir.Lc Seigneur fait qu'il a à faire de vous, &: qu'il
en veut faire. S'il veut cftre glorifié en voftre vie, il eft alfcz puiffant pour la vous gar-
der, maugre tous vos ennemis . S'il veut eft re glorifié par voftre mort,voftrc mort ne
vous fera point morr,mais vne vraye vie. Et le Seigneur auquel vous feruez,vous baille-
ra la vcrru,&: la force,& laconfolation requifeen tclcôbat&afTaut.Car vouscnauczla
promefle de celuy qui iamais ne trompe 1 cfperance deceux qui s'attendent àluy. Par-
quoy il ne vous faut point douter qu'il ne parface l'amure qu'il a commencé en vous. Il
vous faut donc dilpofer,comme les bons Se vaillas gédarmes, qui vont àla guerre pour
maintenir la querelle de leur Prince,&: pour côbatrc vaillament pour icellc, foit à vie, Rom f
ioit àmort.Mais vous auez vne alfeutace 6e vnc confolation dauantage que ceux-la.car
foit que vous viuiez, foit que vous mouriez,vous viucz & mourez à Dieu: &£ eftes aflcu-
rczdc la vicloirc,li vous perfeuerez en cefte fiance &:ei'perance que vous auez enluy,
comme i'ay bonne cfpcrace qu'il vous en fera la grâce. S'il luy plaift que vous mouriez,
voftre mort fera vn tcfmoignagé à l'Eglife de Dieu, de la conftance 6c victoire de voftre
foyô£ de voftre cœur: lequel n'aura point efté veincu, combie que le corps aura efté ef-
forcé parla violence de vos aduerfaircs, lefqucls n'ont point depuiffance furie cœur,
ne fur lafoy,nefurl'efperanced'iceluy.Orpource que vous eftes encore au combat, Se
y ferez tant qu'il plaira au Seigneur, vous me demandez mon aduis,& requérez plus
ample inftruction touchant aucuns poinéls fur lefquelsvous auez eu à combatte auec
vos aduerfaircs . Puisquevouslcdefirezainfi,ievousyrefpondray le pins brieuement
te le plus proprement qu'il me fera pofsible,fclon que la matière me lemblcra le reque
rir. Quant au poinct des images,il ne requiert point de rcfponfe. Quant au Baptefme, t uc
il eft certain que faind Iean Baptiftc met différence manifefte entre fon Baptefme I(ani
Se ccluy de Icfus Chrift . Or il n'y a point de doute qu'il ne faille entendre le mefmc que
faincHean dit de foy &: de fon Baptefme, non feulementdu Baptefme adminiftré par
QJiii.
Pfcaa.ir^
Matth*
Liurt^llL Epiftr&dUxQnqdeLyon.
tous le s-autresMiniftres de la parolle dcDieu,voire de celuy des Apoftres mcfmes,mais
àuflî de tout leut miniftc re.Car l'intention de fainct Iean eft,de monftrer que les hom-
mes ne peuuét donner le S.Efpritpai lcurminiftere,ne parles lignes extérieurs admi-
niftrcz par iceluy, mais que ceft office appartient à Icfus Chrift tant feulement . Ce que
IefusChrift a bien voulu monftrer tout manifeftemét par ce grand miraclc,par lequelil
Ailf, r a enuoyé le S.Efprit à les Apoftres, en efpece de vent &: de langues de. feu le iour dePen
M-irc 3 tecofte . Pour celle caufe S. Iean dit que c'cftlcfus Chrift qui baptizedu l'aind Efprit&
Aa" 1 du feu. Laquelle chofe il a voulu manifefter vne fois par fignesvifibles, pour déclarer
par iceux la vertu inuifible de fon faind Efprit,par laquelle il befongne iourncllement
au cœur des fiens, comme il luy plaift,&: quand il luy plailt:& principalement parle mi-
niftere de fa parolle &: de fes Sacremens,dcfqucls il a commis ladminiftration aux vrais
Miniftres de l'on Eglifc,fes feruitcurs. Nous auons donc à confidercr au Baptefmc,ce
qui eft aulîi à cenfiderer non feulement en tous Sacrcmcns,mais aufli en la Parolle mei
me,c'eft afîauoir l'œuure vifiblc de fhomme duquel Dieu Ce fert pour Minifti c : &: puis
l'aiiure inuifible de Dieu reprefenteepar celle du Miniftrc par laquelle Dieu befon-
gne au cœur de fes cfleus parla vertu de fon iainft Efpht . Or combien qu'il foit requis
de confidercr ces deux ceuures conioincleseniemblc, entant que Dieu eft autheurdu
fainâ minifterc,&: véritable es prome/Tcs qu'il nous fait par iceluy: fi eft-cc ncantmoins
qu'ils ne nous faut pas eftimer queDieu foit tellement lié au minifterc extericur,lequel
il a commis aux hommes,qu'il ne pui/Te toufiours fauuer fans iceluy tous ceux qu'il luy
plaift: ou qu'il foitfuictà fauuet tous ceux aufquels fes dons & grâces font prefentees
par la parolle & fes Sacrcmens.Car lafain&eEfcriture nous rend tclmoignagcdeplu-
fieursquiontouy la parolle de Dieu &ont receules Sacremcns félon les lignes eXte-
rieurs,qui toutefois n'ont point eu de communication vraye à la chofe fpirituelle figni-
fiee par iccux.il n'eft befoin d'en alléguer les exemples . car ils font allez communs 4 1\
appertdoncparcelaquelagracedeDieun'eft pas tellement liée aux elemens corru-
ptibles,qu'ils la portét toufiours auec eux, en telle forte qu elle ne puilTe eftre feparee.
Pourcefaind Paul dit,que celuy qui plante& qui arroufe n'eft rien: mais que Dieu eft
î.Cor. 3 tout, lequel baille raccroillemcnt. Pour ceftecaufefainûPierreparlantdulalutqui eft
dôné parle Baptefme, âdioufte vne corre&iô a ce qu'il en dit,par laquelle il déclare qu'
il entend cela non pas du Baptefme vifible& matericl,lequelnepeutlauerles' ordures
1. Pierre 3 de l'ame & de la c cnicience-.mais du Baptefme fpiritucl, lequel a vertu en l'ame.Carce
Baptefme eft ^pprement la chofe fpirituelle,qui eft fignifiee par lcBaptcfme extérieur,
& qui fait qlc Baptefme extérieur n'eft par vain. Nous deuons donc entendre que quad
1'ceu urc de Dieu eft coniointe auec celledu Miniftt e,lors le Sacre ment a fa vertu &: fon
efficace. Et pouttanenous ne deuôs point douter qu'alors ce Baptefme du faindEfprit
Rom s lequel IeùisChriftadminiftre, ne foit conioint auec celuy de l'eau, qui eft adminiftré
GaUt. ? par les Miniftres d'iceluy, comme il a efté adminiftré par faind Iean Baptifte < Alors ce
que fainct Paul dit,a lieu: Vous tous qui eftes r aptizez,auez veftu Chrift,&: eftes morts
&c enfeuelis & refiufcitez auec luy. Car fainct Paul parle là aux fidèles, entiers lefqtiels le
minifterc de PEuagile a toufiours fa vertu. Car puis qu'ils font des cfleus de Dieu &; qu'
il a ordonnédés le commencement de les amener à Icfus Chrift fon Fils parle moyé de
ce minifterc, pour les fauuer en iceluy:il n'y a point de doute qu'il ne manifefte aufïifa
vertu par luy, & qu'ilnefaceen effectee qu'il tefmoigne parles fignes extérieurs. Mais
ily aautre raifon touchant les infideles&: reprouucz.Car pour autant que Dieu ne be-
fongne pas en eux par fon faind E fpnt,comme en fes ef!eusT les mefmes effe dsne s'en
cnfuyuentpas:com bien qu'au refte les Miniftres deDicu aurôtfàit tout leur deuoir en-
tiers eux. En quoy il eft tout euidét que les caufes ne font pas fémblables , yeu que leurs
efTe&s font tant diucrs:cardiuers erTcctsnepeuuet venir de mefmes caufes, qu'il n'y aie
dcladiuerfité.Orladnierfitén'cft pascncccydelapartdcs Miniftres & de leur mini-
ftere,cntant qu'ils font leur deuoir félon lachargequi leur eft donneede Dieu.OùIa
cercherons-nousdonc? La certlïerons-nous en l'infidélité des reprouuez,quireiettent
la grâce qui leur eft prefcntec.?Nous ne pcuuons nier que la caufe n'en foit eneux-mef-
mcs. Car puis qu'ils font infidèles &; peruers de leur nature , ils ne peuuent autre cho-
it* d'eux-mcfmes par leur propre coulpe,finon toufiours refifter à Dieu, &: endurcir leur
cœurcontreluy,finon que Dieu le leur changeparfa grâce. Et pourtant que Dicune
leur fait pas la melinc grâce qu'il a fait à fes efleus,cômc il appert par les effects qui s'en
enfuy-
Epiftres aux Qinq </o Lyon. sjr
éhiuyuehtjils demeurent en leur nature corrompue &: peruerfe , par le iufte iugement
de Dfeu:Iequel ne peut iamais eftre que iufte,combien que les caufes ne nous en appa-
roifTent pas à l'œil. Car puis que la première nature tant des vns que des autres,afTauoir
des efleus &£ des reprouuez,eft egalc:fi la grâce auflï eftoit égale , les efFcéts en feroyent
égaux. Et qu'il l'oit vray que Dieu face aux vns plus de grâces qu'aux autres felô la bon- toie*
ne volonté,& qu'il face mifericorde aux vns,&: les illumine, &C aueuglnTe&: efcdurcifle j^m^
lesautres,Ia fain&eEfcriture en rend les tefmoignages fi euidens, qu'il n'eft befoinde
les alléguer icy.Orpuisquetelle eft la bonne volonté de Dieu, les efleus & les fidèles
ont dequoy luy rendregraces:& les infidèles &: rcprouuez n'ont point de iufte caufe de
murmurer contre luy,attendu que Dieu ne leur doit rien,&:qu eux-mefmes portent a-
uec eux la caufe de leur damnation. Dôcques pour reuenir au vray vfage du Baptefme,
il a fa vertu en ceux qui font ordonnez à falut, entant que Dieu befongne en leur cœur
félon fa promefTe.Mais il n'a pas celle vert u enuers les reprôuuez,pourtat queDieu par
fon iiifte iugement les laiffc en leur infidélité &: obftination : combien que quant aux
Miniftresla chofe fbit égale d'vne part& d'autre.Si cecy eft bien entendu , il fera facile
aufli à entendre iufqucs où le Baptefme extérieur eft necefTahe à fàlut,ou non. Il eft ne-
cefîaire à falut,entant qu'il eftordonné de I)ieu,&: qu'il ne peut eftre mcfprifc fans eui-
dent tefmoignage d'infidélité &: rébellion contre luy. Parquoy puis que Dieu f aordon
né pourl'vn des moyens par lefquelsil nous veut communiquer fa grâce, il eft certain
que nul ne le peut mefprifer,fans mefprifcr Dieu,& confequemment fans le dommage
de fon falut:comme faind Auguftin l'a trefbien dit. Mais il y a autre raifon , quand ily à
tel empek hemét que l'homme n'y peut aucunemet obuier,& qu'au refte il n'y a point
demefprisnedefautedefapartjcommeiladuientauxpetits enfans mort-nez. Ceux
donc ne concluent pas bien, qui tiennent pour damnez tous ceux qui n'ont point efté
baptizez du Baptefme exterieut,fans auoir regard ny au mefpris ny à la neceflité , linon
feulement à ce qu'ils n'ont pas efté baptizez d'eau. Et comme ils faillent de ce cofté,ain
fi ne faillent-ils^as peu de l'autre,en concluat que tous ceux font fauuez quifont bapti-
zcz,fculementpource qu'ils font baptizez. I'enten cecy des enfans. Car iepenfe bien
que vos aduerfairesnefontpas encores fi hors du fens, qu'ils veulent affermer cela des
grans.Car ils difent que les grans peuuent empefeher le falut qu'ils dcuoyent receuoif
par leur Baptcime,&: aneâtir la grâce qu'ils ont receue en iceluy parleur coulpexe que
les petits enfans qui meurent cftans baptizez,ne peuuent faire . Parquoy félon leur di-
rc,le Baptelmc des enfans qui ont efté baptizez,a telle efficace en eux , qu'ils font tous
fauuez: côme par le côtraire tous les autresfont dânez par faute d'iceluy,lefquels n'ont
pasefté baptizez.Etpar ainfi,ilfemblequ'ils veulerît prendrele Baptefme des enfans
comme vn tefmoignage de l'eleâion de ceux qui le reçoyuent, & de la réprobation de
ceuxquinele rcçoyuencpas: en quoy ilsfaudroyentgrandement,s'ilsl'entendoyenc
ainfi. Car quel telmoignage en ont-ils de l'Efcritureîce feroit monter bien-haut auxfe-
crets de Dieu. Il nous fuffit donc d'entendre que Dieu fait bien trotiuer les moyes pour
amener à falut ceux lefquels il a efleus à cela désle commencement: & que noftre falut
dépendant de l'eledion éternelle de Dieu, gift non pas es lignes extérieurs des Sacre-
mens,mais en vertu de l'alliance laquelle Dieu a faite auec nous &auec nos enfans.
Carc'cftle moyen par lequel non feulement nous,maisaufïi nos enfans, fommes faits Ce r
participansdelachofefpirituelle lignifiée parles Sacremens extérieurs ,&cecy parla ixodêio
vertu de l'Efprit de Dieu,qui fan&ifie ceux qui font efleus à fan&ificatiô. Pour cefte eau 1 Cor*-
fe faintt Paul dit,que les enfans des fidèles font fain&s.Il ne les appelé pas Sainfts feule-
ment pour raifon du Baptefme duquel ils font baptizez:car il n'en parle point là . mais
pourtant qu'iltffont compris en l'alliance de Dieu, laquelle les fan£tifie,&: leur appar-
tient entant qu'ils font nez de parens fideles,qui parleur foy font entrez en pofTefïiô de
cefte alliacé pour eux &c pour tous les feurs,lefquels il plaira au Seigneurappcler & fâ&i
fier par fa grâce . Puis donc qu'il eft queftiô des enfans nô pas des infidèles qui font hors
de cefte alliance,mais de ceux des fideles,qui y font comprisril n'eft point de befoin de
difputer fi tous ceux qui font baptizez , font fauuez : &c fi tous ceux qui meurent auant
que reftre,(ont priuez du falut duquel les autres font faits participas, car Dieu cognoift ^ ^ ^
ceux qui font f iens.ll nous fuffit que nous fâchions que la première caufe de noftre falut *' im'i
& le fondemét de toutes les autres caùfes,eft l'éternelle élection de Dieu,laquelleDieu
manifefte en Ion temps comme il luy plaift, en appelant pour iuftifier& gloriéerccuX
Lmcj II I. Epifircs aux Cinq <k_> Lyon*
lefqncls il a efleus &: prcdeftinez à cela: comme faind Paul le môftre bien euidemmer,
&mp 8.5 prîcipalement en i'Epiftre aur Romain s,& aux Ephefiens.Puis donc que nous ne pou-
" fhcf ï uons pénétrer iufqu a ce confeil éternel de Dieu,îinon entant qu'il nous en baille quel
que manifeftation par les tei'mo ignages que nous auons de la bontë,par le miniftcre de
fon Euangile,&: les efFects d'iceluy en nous , contentons-nous de ces tefmojgnages , &
JanTons le refte à fa prouidence.Or il eft certain que Dieu tient vn autre moyé auec les
enfans,pourfairepîffucniràeux le frui&defon élection, qu'auec les grans. Car nous
voyons clairement qu'il n'appelé pas les enfans qui meurent auant ï'aage de diferetion '
par lapredication de la Parollc, par laquelle il appelé les grans,veu que les enfans ne
font pas encore capables de ce moyen,comme ceux-cy.Ce neantmoins il eft eferit que
Rom 10 k*ns *°Y *l c^ impoilible ^c plaire a Dieu,&; que la foy procède de l'ouye de la Parolle d -
içeluy.Puisqu'ainlieft,nous conclurons donc, que les enfans n'ont point de foy telle
que les grans, attendu qu'ils nefont pas capables du moyen par lequel Dieu communi-
que celte foy aux hommes. S'ils n ont point de foy, ils ne peuuent donc plaire à Dieurs-
ils ne plaifent point à Dieu,ils ne peuuét cftre fauuez.Mettrons-nous donc en enfer ou
au Lymbc tous les enfans qui feront morts auant Ï'aage de diferetion, com me les here-
Epipfu de tiques nommez Hieracites le faiîoyét?la choie feroit trop, eftrâge. Où aurons-nous doc
i*rd. recours,(inon à la fanctification interieure,par laquelle Dieu bêfongne és petits enfans
fans \c miniftere extérieur de la Parollc,par tel moyen qu'il luy plaill , à caufe de fon al-
liance?S'il lait bien pouruoir à cecy par autre moyen que par la prédication , ne pourra-
il faire aulîî le lemblable fans le Baptefmc exterieur,lequel n'eft linon la figure de Tinte
rieur,& vne dépendance de la prédication? laquelle S. Paul a iugé trop plus necelîaire
que le Baptefme :comme il a alîez déclaré par ce qu'il a lailîé par plulieurs fois l'admini
i.Com ftrationdu Baptefme pour feruir à la prédication, difant qu'il n'a pas efté enuoyé pour
lean4 baptizer,mais poureuangelizer.il eft dit aufli deIefusChrift,qu'ilnebaptizoit point,
mais qu'il laiflbit faire cela à les difciples-.laquellechofefe doit entendre du Baptefme
exterieur,commc fain& lean le monftre manifeftcmét.Si donc Dieu peut aufli bien la-
ftifier les enfans fansBaptefme,côme fans prédication, & le peut faire quad il luy plaift,
Rom**1 vo're au vcntrc de leur o*ere , comme nous en auons les exemples en Iacob,& en Iere-
icîcmic i mie,& en fain& lean Baptiftc,nous ne deuons pas iuger pour perdus &c damnez les en-
Luci fans morts fans Baptefme,siils fontnez en l'Eglife de Dieu de paren s fidèles, & qu'il n'y
ait point eu de melpris da Sacrement.Car CDieu les a efleus à la vie,rte les peut-il pas fa
cilemciitfanaificr,m.eûriesau vcntredeleurmcre?Et nelespcut-ilpas deliurçrparce-
pfcau.îi ftelàn&ificarion,delacoulpe&de la peine du péché originel, auquel ils fontengen-
Roœ 1 drcz,conccus &nez?Sera-il empefehéde ce faire s'ils ne font lauez d'eau?Lelàng de le-
fusChrift &C Efprit deDieu nauront-ils point leur effiçacecnuers les enfans des fidèles,
par faute d'vn petit d'cau,& du miniftere des hômes?Car quel partage trouuerontceux
qui en iugent autrement,pour conf ermet leur opinion?Feront-ils Dieu plus feuere en-
Gcntfc 17 uers les enfans des Chrefticns,qu'il ne l'a efté cnuers crux des IuifsrCar laCirconciliô à
efté eniointe beaucoup plus eftroitemét aux Iuifs,que le Baptefmc n'a efté enioint aux
ic an 3 Chrcftiens.S'ils allèguent le paifage dcS.Iean,auquel il dit que qui ne fera nay de nou-
Hebr.n ueau de l'eau &: du S.Efprit, ne pourra entrer au royaume des cieux:nous leur mettrôs-
auffi au deuant ce qui eft efcrit,Sans foy il eft impoffibl'e de plaire à Dieu . Car c eft vn
paifage auquel il leur fera plus difficile à rcfpondrcqu'il ne nous fera difficile derefporr
drc à ce paifage de S. le an , lequel ne fe peut entendre proprement finon du Baptefme
fpirituel & de la vraye regeneration,comme ic l'ay expofé amplement là où i'ay expref
femét traitté celle matière au dialogue intitulé Le Lymbe,comme vous le fauez.Nous
conclurons donc, que s'il y a quelque raifon pour condamner les enfans des Chre-
Afles ij. ft,ens qU j mcurent fan$ Baptefme,il n'y a pas moins pour condamner ceux qui meurér
auant qu'ils puiflent eftrç capables de la foydaquelle purifie les cceurs,nô pas le Baptef-
me exterieur.Si donc ils ne peuuent permettre cecy aux vns, qu'ils aduifent qu'ils, ne
foyent pas plus iniques aux autres par faute d'vn peu d'eau, veu que le fondement de
la làn&ification de tous gift en l'alliance de Dieu commune à tous Jcs efleus. Qu'ils pre-
fumentpluftoftdes enfans desChrefticns qui meurent petits(foyent-ils baptizez d'eau
eu non )qu'ils font fauucz,que le contraire: véu que ce n'eft pas vn petit tefmoignage du
bon vouloir de Dieu enuers nous &c les noftrcs , d'eftre nez deparens fidèles en fon E-
ghfe& en fon alliance. Voila que i'ay voulu dire, pour rcfpondrc non feulement ace
EpiRmœux Qinq Jcj Lyon. 231
que vous mauezpropofé,m.ais aufli à ce à quoy il me fembleque vosaduerfairesp.rete-
denr,&: qui peut venir en difpure auec eux>à caufe de la çon jonction que toutes ces ma
tieres ont enfemble.Ilreftc encore vn poind touchant Ja différence que i'aymife entre
le Baptefme de Iefus Cbrift,& celuy de Iean Baptiftc, lequel vos aduerfaires ne paie-
ront pas racilement.Car quand on parle de la différence de ces deux Baptefcnesj ils cô,
prennétlc Baptefme des Apoftres&: de tous leurs fucceffeurs,fousceluy> de Ic$ 'Chrift:
6c ainti failant ils mettent prcfque telle dirferenceentre ce baptefme & celuy de Iean,
que celle qu'ils mettent communément entre les Sacrcmens du vieil &c nouueau T$-
itament.En quoy ils faillent de toutes pars,difans que ceux du nouueau Teftaroét^cou-
ferent grace,non pas ceux du vieil. Car ne les vns ne les autres ne pcuuent côferer gra -
cc,iînon entant qne Dieu befongne en iceux par la vertu de fon faindEfprit. Si Dieu
befongne par iceux, ils ont tous autant de vertu qu'il plaift à Dieu leur en donner
félon la difpenfation des temps. Parquoy quand nousconfideronsle Baptefme ayant
l'œuure de Iefus Chrift coniointe auec foy,nous le pouuôs appeler à bon droid Baptef
me de Iefus Chrift.Si nous le confiderons fans icelle,ayant regard à cela tant feulemét
que les hommes y apportent de leur part>nous le pouuons appeler à bon droid,Bapte£
me de faind Iean 6c des Miniftres qui l'adminiftrent. S'ils ne veulent ainû entendre les
parolles de faind Iean, comme nous les auôs declarecs:ie ne fay pas quelle raifon ils ont
pour prouuer la différence qu'eux veulent mettre entre ces deux Baptefmes.Car quad
Hïfcriture parle du Baptefme de faind Iean, elfe dit qu'il baptizoit ejikremhTiondes Muth.
pcchez.elle n'en dit pas plus du Baptefme des Apoftresi Que s'en pourroit-il dire dauâ- ^kù.
tage?car quel autre moyen de falut auons-nous en Iefus Chrift,finô parla remiflion des Aûe ij
pechez?Si cecy eft bien entehdu,il fera auffi facile d'entendre comment ceux quiaurôt
efté baptizez par S.Iea ont efté rebaptizez par S.Paul. S. Luc ne veutpas direque ceux- A^e 1
cy ayans efté baptizez d'eau par S. Iean,ayent derechef efté baptizez d'eau par S.Paul,
car cela n'euft de rien feruy,s'il n'y euft eu quelque chofe dàuantage. Mais il nous faut i-
cy noter deux poinds.Le premier cft, que le nom du Baptefme eft pris quelque fois nô
feulement pour la cérémonie du Sacrement, mais pour tout le minifterc duquel il eft
féel& tefmoignage,&: comme vnfommaired'iceluy, félon la nature desSacrcmerw.il Aftci3
appert manifeftement qu'il cft ainfî,par ce que faind Paul dit ,que faind Iean a prefché Matth
le Baptefme de repentance à Ifrael:& par cela femblablement que Iefus Chrift a demâ
dé aux Iuifs,Si le Baptefme de faind Iean eftoit du ciel,ou des hommes. C'eft chofe cer
taine que Iefus Chrift &: faind Paul n'entendent pas par le nom du Baptefme,feulemét
le Sacrement lequel faind Iean adminiftroit par eau:mais auffi toute la dodrine 6c tout
le miniftere de faind Iean,auquel ce Baptefme eftoit conioint,pour la raiibn qui a tan-
toft efté dite.En aprcs,ce nô dcBaptefme fe prend auftî pour la cômunication de ce don
miraculeux du faind Efprit,qui a efté donné à TEglife primitiue,en ce mefme fens que
faind Iean a dit,que Iefus C hrift baptizoit au feu &: au faind Efprit : corne il appert par
U répétition des mefmes parolles de faind Iean,laquelle Iefus Chrift a faite deuant fon A£Xc h
afeenfion parlant de ce don-cy, lequel il deuoit enuoyer à fes Apoftres tantoft aprcs.la-
quelle répétition a pareillement efté faite par faind Paul au partage queie traite à pre-
fent. Donques il nous faut entendre que combien que ceux defquels faind Luc par-
le, euffent efté inftruits&: mefmes baptizez par faind Iean, ce neantmoins leur in-
ftrudion n'eftoit pas encore Ci parfaite qu'ils font receue depuis. Car le miniftere de S.
Iean ne propofoit pas encore fi clairement Iefus Chrift,que celuy des^poftres:côbien
que tous ne prefehaffent qu'vn mefme Iefus Chrift. En-apres,ils n'auoyent point enco-
re reccu ce don miraculeux du fairid Efprit, lequel pour lors eftoit donné comme par
miracle aux croyans.Et ne faut douter qu'il ne raille prendre en ce paffage le nom du
S. Efprit en ce fens. Cariln'ya pointdepropos ,de direque ceuxqui ont eftéinterro-
guezpar faind Paul,euffent entendu qu'il ne fuft du tout point de faind Efprit , quand
ils ont refponduyNous n'auons encore point ouy dire,s'il eft vn faind Efprit . Car alors
que faind Paul leur demanda,Quand vous auez creu,auez-vous receulc faind Efprit?
ils firent telle refponfé. Car quelle apparence y a-il que les difciples de faind Iean Ba-
ptifte difent qu'ils n'auoyent iamais ouy parler du faind Efprit? car ils auoycnt ouy leur
maiftre, lequel n'a pas prefché la parolle de Dieu fans parler fouuent du faind Efprit
bien manifeftement:comme il appert par fes fermons &propos.Il n'eft pas aufli vray fe- ^
blable qu'il ait reccu à fon Baptefme des hommes ignorans s'il eftoit point de faind E- feMI
Liurc^j II L Tierrc^ ïhQauiheru.
fprit.il faut donc rapporter celle refponfe,& l'interrogation femblablement que faind
Paul leur a faite,à ce don miraculeux du faind Efprit,le prenat félon la manière de par-
ler comme aux faindes Efcritures, lefquelles prennent communément le nom du
faindEfpfit pour fes dons & graces.Pour cefte caufe S.Paul les ayant ouys,leur remit au
deuant ce que S.Iean auoit délia dit de ion Baptcfmc,& de celuy de Iefus Chrift:& puis
S.Luc dit qu ayans efté enlcigncz fur ce poind,ils furent baptizez au nom du Seigneur
Iefus. Laquelle chofe S.Luc déclare par ce qui s'enfuit incontinent après, quand il dit
Afoy i9 que S.Paul ayant mis fes mains fur eux,le S.Êfprit vint fur eux', & parloyent langages te
. prophetifoycnt.Et par ainli ils furent baptizez au nom du Seigneur,quand il furent ba
ptizez du S.Efprit,&: faits participans des dons d'iceluy comme les autres Chrefticns,
auquel Dieu auoit fait celle grâce. Car fi le Baptefme d'eau donné parles Apoftres euft
efté plus excellent que celuy de S.Iea,il euft fallu rebaptizer tous ceux qui auoyent def
iaefté baptizez par luy, voire les Apoftres mefmes:ce que toutefois nous ne lifôs point
en partage quelconque.il eft donc aduenu à ceux-cy tout au contraire qu aCorneille &c
Aaejio ' à ceux qui oyoyent le fermon de S.Pierre auec luy. CarCorncille&: les autres auditeurs
de S.Pierre furent baptizez du S.Efprit,en la manière que nous auons maintenant de-
clarce,auant qu'ils fu/ïent baptizez d'eau . Pource S. Pierre dir, Quelcun peut-il défen-
dre l'eau, à ce que ceux-cy ne foyent baptizez, lefqucls ont receu le faindEfprit comme
nousîCela vaut prefques autât comme s'il euft dj t,Puis qu'ils font ia baptizez du faind
Efprit,qui empefehera qu'ils ne le foyent auffi d'eau, qui eft beaucoup moins? Au côtrai
re ceux defquels nous parlons maintenant, ont efté premièrement baptizez d'eau par
S.Iean Baptifte:& puis l'ont efté par le S.Efprit en la manière que nous auons déclarée:
ou fi nous aimons mieux dire,qu'ils ont efte baptizez d'eau ôc du S. Efprit par le minifte
re de S.Paul,nous pourrons prendre ce qui a efté dit parauant du Baptefme de S Jean,
pour la dodrine & l'inftrudion,& le miniftere d'iceluy Jl me fcmble que ces expoiitiôs
font trop plus certaines & côuenables au iens de ce pafîage,&: aux circonftances d'ice-
luy,& à tous les autres que nous auons alléguez à ce propos , que celle de nos aduerfai-
res, laquelle baille grande ouuerture à l'erreur des Anabaptiftes. Voila que i'auoyeà
vous refpondrefurvosqueftions.en quoyiay efté parauenture plus long qu'il ne vous
eftoit de befoin.mais ie l'ay fait pource qu e ie fay que vous ne pouuez auoir grande con
ference,fïnon auec ceux qui tafehent à vous deftourner de la voye de vérité. le l'ay auflî
fait pour vous déclarer que ne vousay point oublié,&: queienemevoudroye en ri en ef
pargner pour vous,quelques autres affaires que ie puiife auoir. car ie n'en ay point de fi
vrgent,que ie ne laiiîe facilement pour vous & vos compagnons,veu le combat auquel
vous eftes,auquel le Seigneur vous vueille fortifier par fa grace:à laquelle ie vous recô-
mande,vous admonneftât,puisquenousauôs parlé du Baptefme,que vous-vous redui
fiez fouuét en mémoire au nom de qui vous eftes baptizez,&: du tefmoignage que vous
auez en iceluy de la grâce deDieu enuers vous,&: de voftre mort &c \je fpirituellc.Tous
ceux de noftrc maifon petits &r grans,&: toute l'Eglife d'icy vous faluent afTedueufemê*t
auec affedueufes prières queDieu vous afîifte,conferme &c côfcrue par fa grâce, &: qu'il
paracheue l'œuure qu'il a commencé en vous,iufques au iour du Seigneur Iefus,auqucl
feul foit honneur & gloire à tout iamais: Amen.
LES deux F.piftres fui'uantes.aflauoir celle à fes Coufins & l'autre à fon perc,ont grande cooaenance auec les précédâtes c{
crices par Pierre Nauiheres:& demonftrerit le foin qu'vn vray fidèle doit auoir enuers ceux de fon fang & parentage. Il
admonnefte fes coufins de fuiure la vraye voye pour paruemr à l'héritage acrnel.
jfrfîjt E S bien-aimez coufins,fi ie fauoye que ne fu liiez pleinemét aduertis depuis quel
gvll temps ie fuis détenu captif, &c pour quelles chofes , ie me mettroye volontiers en
deuoir de vous déclarer le tout par la prefente:maisconfiderant que n'en eftes ignoras,
&c que le bruit en peut eftre paruenu auffi toft à vos oreilles qu'à celle de mes tresfiôno-
rez pcre&mere, ie fuis fort cfbahi que n'ay receu de vous aucunes lettres confolatoi-
res. Toutefois loué foit Dieu , qui nonobftant qu'on ait tafché de me contrifter &C
molefter, m'aneantmoins toufioursconfolé,&: donné matière pour confoler de mef-
me ceux qui cftoyent defolezàraifondemoy.Or quant à vous qui ne m'auez confolé
par vos lettres en ma captiuité,ie vous excufe,in terpretant tout à la meilleurepart, co-
rne requiert la charité Chreftienne-.ioint que ie regarde que me pourriez aceufer de la
mefmc faute dont ie vous aceufe. Mais combien que ne vousayeeferit fouucnt,fTeft-
ce que certaines lettres»Iefquelles vous ay enuoyees ily a long lemps, m'exeuferont de
ceblaf-
de ce blafmc: au moins fi elles font paruenues encre vos mains. Dauantage elles ten-
dront tefmoignageeuuic ne de l'affection que vous ay touliours portée, mefme au ceps
qu'eftoye fortcllongné de vous,&: quaprefent vous porte encores: tellement que le
dirt commun ne pourra auoir aucun lieu en mon endroit, que Qui ellongne desyeux,
cllongneducccur.Car ccbonDieum'eft tcfmoinque loumellcment ic faymemoite CoU.s
de vous enmesoraifons:afin que cheminans félon fa la incte parolle,& non félonies de J^™1™^
ctets &: traditions des hommes, puiflîez finalement t itre faits héritiers du ciel. Or ie de Uin & de
mande,Ay-ic malfait en priant cesdeux excelles peribnnagcs& en doctrine &: en fain y**™Tt
cteté de vie, de mettre la main à la plume pour vous efci irc les lettres que vous ayen-
uoyees:Certcs l'affection que ie vous porte ma induit à ce faire. Et fi elles vous ont efté
réducs, vous pourrez entendre & cognoiftre que i ay mémoire de vous,quad il apparoi-
ftra que ne me fuis en riecfpargné pourtafeher de vous retirer des enfers à la vie bien-
heureufe.Helas,mes bié-aimez,prcncz garde à vous-mcfmes,& ne permettez ce corps
cftre en oifiueté^dc peur queSatâ cauteleux pour vn;n'en gagne deux fur vo'.Mais criez
àDieu,rccognoiffans voftre fauterafinqu'il luy plaife par fa mifencorde vous dclpeftrer
&: retirer des filets fecrets de ceft ennemy mortel. le parle principalement à vous qui e-
itcsle plus ancien:&: vous prie que preniez mon dire à la bonne part , côme auffi i'cfpe-
requeferez.Eftoyc-iepointenla mefme voye que vous pour poffedcrà l'aduenir les
mcfmes bien s dont iouy ffez à prefent'Dieu foit loué,qui m'en a retire par fa grâce. Cer
tes quâd il fut queftiô de reictter arrière de moy la corde qu'on pretédoit me mettre au
col,nonobftant que ie me monftraffe trop infirme &: obeiffant en ceft: endroit, fi eft-cc GaLi.il
qu'en fin Dieu me fit la grâce de n'acquielccr point auecques la chainmais auec larmes
deuant luy ie me commis à fa garde &: protection,pour eftrc conduit en mavoye:propo
fant en moy-mefme de pluftoft mourir quereceuoir la marque de l'Antechrift.Orfi en-
cores en ce temps-la ie n'auoye tel refpect à la gloire de Dieu que ie deuoyc, pour feule-
ment fui ure fon commandement,ie le prie ne me l'imputer,Certcs ic fu marry qu'auât
partir ie n'eu la cômodité de voir voftre face,En ma vie i'ay eu plufieurs affaux &: tenta-
tiôspar le diable:i'ay enduré& fouffert, voire plus en l'efprit qu'au corps.mais celuy qui
m'auoit pris ert fagarde,m'a deliuré du tout,me côduifant au lieu auquel la côfciécede
tout vray Chreftien peut auoir repos, oyant iournellcment la par olle de Dieu viuanr>
purement annoncée &prefchee. l'aylàdemouré certain temps. puis ayant defirde
vous reuoir,i'ay efté arrefté prifonnier,non pour quelque malefice,ou que i'euffe mef-
pris contre aucun.màis pour auoir donné gloire à mon Dieu, qui m'a fait la grâce de co
reiTer (on Fils Iefus Chrift deuant le Magiftrat.pour lequel auffi ie fuis tout preft de fouf
frir mort:cfperant & croyat que par luy feul ie pafferay de cefte poure vie en la gloire e- ^P^-'-îî
ternellejeftant lauc &c nettoyé de tous mes péchez par fon fang précieux. Or côfiderez
&iugezàla vérité quel eftat& condition eft la m eilleure,la voftre ou la miéne. S'il faut
iuger félon la chair &c le mondc,la voftre fera approuuee,& la mienne condamnée &: re
iettee.maisl'EfpritdeDieuen iuge tout autrcment,difanc ceux bien-heureux qui fouf Matth.j.iô
frent pour iuftice,& qui font perfecùtez& reiettez du monde.Suyuant laquelle leçon,
rude à la chair,mais douce à I 'efprit,ie me délecte en mes afflictions . Le tempsne m eft
point long aux piifons, encore qu'vn an entier foit défia efeoulé entre les fers, ceps &c
liens.LesfofTes& lieux obfcurs me font plus délectables que les fales tapiflees. Le fon
.des clefs du Geôlier me plait plus quele fondu tabourin , du lucôc" de la mufîque lubri-
que,accouftumee entre les grans feigneurs &: commun populaire. le fuis confolé en l'-
ombre delà mort,voyant que ie fuis preft d'eftredeueftu de cefte corruption humaine,
pour régner en repos auec monDieu.Ec vous,ttouuez-vous telle confolation au milieu
de voftre rcuenu annuelfau milieu de vos chambres parées ? Léchant de vos chantres
&de voscloches,côfole-ilainfi voftre poureté&mifererne vous fêtez point preficzdu
jugement de Dieu * d auoir cotre voftre eonfciéce receu la marque de la bcfte,& main- Apor.i 5. ic
tenant participer au falaire d'iniquité,commeBalaam?ce que toutefois auiez (i longue-
mentfuy. Voftre confeience dort,mais quelque iour le îugement de Dieu 11 rtueil- Iu<ic 11
lera. Vous voulez aunr vn Iefus Chrift bien veftn &: bien nourry. ha certes Iefus Chrift
vray Fils de Dieu,courôné d'efpines,n'eft ainfi reueftu,& n'entretient fa chair fi délica-
tement &:pompeufement que le reuerend pere le Pape, &: ceux qui fe difent fuccef-
feursdes Apoftres. Les délices de cefte grande paillarde Babylon,quife fiedfurles Apoc.17.1
peuples &: nations, vous plàifent-elles î Confiderez , confidei ez quelle fera la fin &c
R.i.
Liurcj III. Tierrc-j S^juAittes.
d'elle & de tous Tes paillards,paillardans aucc les idoles d'or , d'argent te de bois . Dieu
par la grâce vous a fait cognoift re cecy,&: vous ne fonirez pas du milieu : mais qui plus
. <eri47. eft y entretiendrez les autres. Si le feruiteur ignorant^ qui ne s'eft pas enquis délaver
lonté de fon maiftre,n'eft point excufable,quel iugement & cbndânation penfez-vous
que fouftiendra celuy qui en eftant aduerti, ne l'a toutefois mife à exécution: mais qui
pluseft'encorcs empefche les autres,& les entretient en lcurignorance?Pcnfez,pcnfci
à cecy,&: fâchez que Iefus Chrift couronné d'efpines,portât la croix,flagellé,moqué,rc
gnera auec les liens en defpit du mode & de fes ennemis,lefqucls il brifcra,& a défia bri
Hcb.n. i4 fez.Eftimez plus l'opprobre de Iefus Chrift,à l'exemple de Moyfe,que les richeflfcsd'E-
gypte,&: ces délices èc voluptez aufquelles (mes bien-aimez) vous fauez que i'ay autre-
fois efté plôgé: mais Dieu me a retiré par fa grace.& encore que ie foye en moquerie au
Rom.14 10 monde,fi eft-ce que ie m'efiouy,&: eftime celagloire.Pource ie vous prie côfiderez qu'il
or.5 10 vous£au£jra vn jour coparoiftre deuat le throne iudicial deDicu,pour là receuoir gloire
fi auez cheminé félon les commandemés:ou condanation,û auez fait au côtrâirc. Don-
ques n'aimez point tant cefte tcrrc,que veniez à perdre l'héritage éternel. le vous efcri
ces chofes non comme ignoTans d'icelle^, mais pourdefcharger ma confcicnceenuers
vous,& pour tefmoigner de mon deuoir,lequel toutefois ie n'ay fait comme il eftoit re-
quis.Dieu, Pere de toute mifcricorde,vous vueille tenir en fa laincle garde &: proteelio.
De Lyon, Voftre humble & obeiflànt coufin &: feruiteur,P.Nauiheres»
C E S T E Epiftre au perc & à la merc.a de fpecial vne admonition à bien prier Dieu.monftrant combien Coraifoo eft ne-
ceffaire eftant faite auec intelligence & fby,& les fhiiéb & Vtilitcr fpirituellej qu'elfe apporte aux fidèles.
SjSSÏEs treshonnorez pere&:mere,tout ainfi que les armes matérielles nous font don-
i^^l nées pour refifter à la violence des ennemis qui nous voudroy ent molefter : ainfi
les prières &: oraifons,qui font armes fpirituelles,nous font données de Dieu pour re-
poufTer les aflaux & la violence de noftre ennemy mortelle diable.Or s'il n'eft queftion
de lafeher les armes & d'eftre endormy quand l'enncmy eft deuant la porte, mais faut
toufiours veiller & eftre au guet,afin qu'on ne foit furpris:encores requiert plus laguer
re continuelle que nous auons auec ceft ennemi caut & fin, que nous foyôs fur nos gar-
MatMtf.îi despour defcouurir fes embufehes. Ceft aulïilacaufe pourquoy Iefus Chrift admon-
i.Picr.î.8 nette les fietts de veiller &prier,afin qu'on n'entre en tentation. Saincl Pierre pareille-
ment cognoiflant bien les rufes& firtefiresdeceftaduerfaire,& combien il eft diligent
à nous pouifuire,dit, Soyez fobres& vcillez,car voftreaduerfaire le diable circuit co-
rne vn lion rugiflant,cerchant quelcu pour deuorerrauquel refiftezferme en foy. Voyla
donc les armes qui nous fontdonnees par la parolle deDieu pourrefifterau diable:afla-
uoir les prières faites en foy. Et certes fi le mode fauoit bien à quel ennemy il a affaire,ic
ne doute point qu'il ne fulVplu s affiducl en prieres,pour fe tenir fur fa garde. Or il eft fa
die de prier fouucnt,& dire plufieurs oraifons tous les iours:mais en cela ne côfifte pas
la vraye pfiere,de laquelle ie ne doute qu'elles bien informé: toutefois pour fatisfaire à
mondebuorr,ilm'afemblé bon devoustoucherfommairementceques'enfuit,pour
plus grande inftru&ion.Premierement la prière eft inftituee,ou pourdemâderà Dieu
nos necefsitez, ou pour luy rendre grâces de ce qu'auôs défia receu de luy. Nous dcuôs
pfeau.33.15 donc adrefier nos prières à Dieu , pource que luy feul cognoift nos cœurs, comme il eft
ditauPfeaumetrcntetroifieme:& qu'il nous peut donner ce que luy demandons. Da-
Hcbr.itf uantagenous les luy deuons adrelfer par Iefus Chrift noftré Seigneur , par lequel nous
auons accez auec fiâce & hardiefle(comme dit faincl Paul aux Hebrieux ) au throne de
Dieu .En outre,quand nous prions,nous deuons entendre ce que nous difons & dema-
i.Cor.14. dons à Dieu.& partant il faut prier en langage qu'on entende , fuyuant (àincl Paul aux
Corinthiens: où il dit , l'aime mic uxparler en l'Eglife cinq parollcs en mon intelligen-
ce,afin que i'inftruife les autres, que dix mille parolles en langage eftr.ange. Et vn pca
deflus il dit,Ie prieray de voix: mais ie prieray aufii d'intelligence . le chanteray de voix,
Rom.10.17 majs jc chanteray aufli d'intelligence. ^ Puis il faut que la prière foit faite à la reigle de
Rom 1 1 ^a Par0^e ^c Dieu, ou autrement elle eft faite fans foy. Car la fov eft par louye de la pa-
om.14.23 rojcck£)j£U >(rommeditS. Paul. Et fi elle eft faite fans foy,cen'cft que péché, comme
Hebr.n ledit au lîllemefme Apoftre. Donques il eft requis que celuy qui vient à Dieu, croyc
que Dieu eft,& qu'il eft rémunérateur à ceux qui le requièrent & prient,Partant iJ faut
quand nous prions Dieu, que nous croyons fermement que nous obtiendrons de luy
ce que luy demandons , ou chofe meilleure : afiauoir ce qu'il fait &: cognoift nous eftre
necef-
Les Qnqdcj Lyon. 234.
nece/Taire, moyennant aueluy demandions en ferme £oy&c Comme il faut,eftans afTeu-
rez qu'il eftpuiffant dedonner ce queluy demandons, que il autrement le faifons c-
eft fe moquer de Juy . Car que fait autre chofe celuy qui prie Dieu,&: cependant doute
s'il luy donnera ce qu'il demandejCertes ce doute prouiet de ce que nous eftimôs Dieu
n'eftre alTez puiflant pour nous donner ce que luy demadons:ou bien pource que nous
ne luy demandons pas,& ne le prions pas comme if faut,& le commande. Voila ce que
dit fainct laques, Vous demandez,& ne reccuez point:pource que vous demandez,afm u^ua 4*
que le delpcdiez en voluptez.En Comme donc que celuy qui prieDieu entende ce qu'il
demande,& qu'il demande en foy félon la parollc de Dieu.Qu'il ne pcfe pas eftre exau-
ce pour l'amour de foy-me(me&: de fes meritesrmais par le mérite delefusChrlftnoftre
Seigneur,au nom duquel il demadercôme luy-mefmc lcdit,En verité,en vérité ie vous
dy,que toutes choies que vous demanderez à mon Pere en mon nouilles vous donnera.
Mais aufliil faut demander corne luy-mefme l'enfeigne en vn autre lieu,difant,Demâ- kia %f
dez premièrement le règne de Dieu &: fa iuftice: afîauoir ùl gloire & fon honneur. Tou
tes nos prières &oraifonsdoiuent eftre reigleesàces parolles delefus Chrift,& lors Matth.tf.jj
nous obtiendrons tout ce que nous demandons, en temps &c lieu , & comme ce bon
Dieu cognoiftra eftre expediet pour fa gloirc& noftre falut.Commc en maladie , nous
luy demanderons en foy qu !il luy plaife au nom de fon Fils bien-aimé Iefus Cbrift nous
enuoyer fanté & guairifon. Mais il faut adioufter,Si fa volonté eft telle ,&: s'il eftnecef-
faire pour fa gloire &: noftre falut.Quand nous ferons à Dieu vne telle requefte , il faut
croire fermement que nous l'obtiendrons, fila fanté nous eft nece/Taire pourferuir à fa
gloire &c pour noftre falut,nous l'aurons, ou bien vne chofe meilleure . Et pourtant en
toutes nos prières nous-nous deuos fubmettre à la bonne voloté de Dieu , qui cognoic
ce qui nous eft nece/Taire mieux que nous-mefmes . Et pource q ie fay côbien vous eftes
adonnez à prières &c oraifons , i'ay bien voulu vous enuoyer celles que l'E/prit de Dieu
a di&ces à ce tant excellent Prophète &: RoyDauid.ce font les Pfeaumes,lefquels vous
dites iournellcment enLatin.Ceux que ie vous enuoye font en françois:&vous les trou
uerez te ls qu'ils font en la Bible qui eft en voftre maifon.il y en a qui font en rithme Frâ
çoife,lcfquels on peut chanter en toute reueréce deuant Dieu,au lieu de tant de chan-
fons fales&: vilaines qui courent communement.Ceux-cy que ie vous enuoye ne font
pas tels: mais fon t en profe.heatmoins & les vns & les autres reuiennét tous à vn,&font
fembiablesàccuxquifontenlaBible.Pourlemoinsiepeux dire que vous entendrez
mieux ceux-cy qui fon t en François en priant Dieu, que ceux qui font en Latin . Et lors
(comme dit faind Paul) vous prierez en intelligence. Au/fi ie vous enuoye aucunes peti
tes prières que i'ay eferites à la maimlefqllesDieu m'a fait la grâce de dire tous les iours
auec d'autres qui font plus amples &: longues, aufquelles vous n'eftes oubliez, foitiôur
foitnui&,ainfi que Dieu nous commande de prier les vns pour les autres. Dauantage, h uej
peurce que vous lauez que Dieu ne nous a pas mis au mode pour toufiours y demeurer:
mais qu'ils nous faut mourir vn iour& retourner en terre,&(comme di tl'Apoftrc) que
nous n'auonsicy vne cité permanente, mais en cerchons vne qui eft àvcnir,aiTauoirle c 11314
royaume de Paradis:pour cefte caufe,dy-ie,i'ay bien voulu vous enuoyer vn petit liure,
par lequel pourrez entendre comment vn bon Chreftien (e doit préparera bien mou-
rir.Ccrtes i'ay trouuc grande confolation en lifant ledit petit liure:& ne doute quevous
n'en trouuiez autant.Parquoy ie vous prie le lire à part vous, ou lefairc lire à mes frères.
Le paiTage de la mort eft vne chofe à laquelle nous deurions bien penfer, afin de nous y
préparer: Car c'eft là où il nous faudra rendre conte àDieu de tout ce que nous auôs fait
en noftre vie.Or ie prie ce bon Dieu qu'il luy plaife par fa fain&e grace,quand ce viédra
àcepafTage,nousreueftirdelaiuftice&: innoednee de fon bien-aimé FilsIelusChrift
noftre Seigneur,afln que tous nos péchez foyent couuerts & cachcz,& qu'ainfi puiflrôs
eomparoiftre deuant fon throne iudicial fans crainte,pour eftre receus en la ioye de Pa
radis: Ainfi foit-il. Voftre humble &c obehTant fils P.Nauiheres.
S E N S V I T rhiftoirc de l'hcurcufc iflûcdc ces cinq Efcolieis,& la pourfuitte tenue deuant leur mort.
Près les ac\es,côfcfTions,lettrej& procédures iudiciaires cy deflus recitees,ilrefte
de raconter l'iiTue heure'uie q Dieu a donnée aux cinq fufdits Efcoliers,ayans ren
du tefmoignage à la vérité du grand précepteur Iefus Chrift. Et comme la vertu d'en-
haut a toujours accompagné leurs aûions en vraye confonance & conformité de do-
drine,aufli la fin en a efté magnifique & triomphante . ^"Les luges , ennemis de vérité
R.ii.
i/Wo///. Les Cinq dc_j Lyon.
les firent mettre enfemble,afin qu'ils n'infeétaflent les autres . Et pendat la longue dc^
^inas j^c tcntion>^curs exercices eftoyent en prières bc oraifons,rcconcihation &: comunicatiori
^Efco- C fraternelle chacû iour auât fe coucher. Celuy d'être eux qui deuoit faire la prierc(poUr-
Uki ce que les vns après les autres la faifoycnt)propofoit de bien aduifer ensemble fi au lôg
duiourilsauoyentdit ou fait chofe : dont aucun fuft orfenfé ( cat de tant plus qu'ils e-
ftoyent appelez àceuure lain&, de tant plus auffi l'ennemy s'effbrçoit l'empefcher)&
ainfi prefchoyent&annonçoycnt les vns aux autres la mifencorde &:le iugement du
Seigneur.Peu deuant leur mort,ainfi qu'ils s'eftoyent préparez aucevn fixieme,quie-
ftoit compagnon de leurs liens,pour célébrer la Gene entre eux, & fe fortifier en la cô-
memoration de la mort 6c pafîîon du Seigneur: voicy Guillaume le grand geôlier de la
prifon qui vint à la porte,leur anoncer que le Prcuoft eftoit venu pour les queiir& me-
ner tous fix à Rouane. Leur en treprife donc eftant rompue , fortirent tous comme po-
ures brebis de l'eftable, pour eftre menez à la boucherie. Le Preuoft fit marcher deuat
les trois d'entre eux^fiauoir Martial Alba,Pierre Efcriuain (qui eftoit nômé entre eux
le petitPierre)& celuy qui eftoit compagnon en leurs liens:Ies autres demeurèrent der
niers en ladite prifon de l'euefque de Lyon. Quand ces trois premiers furent arriuez a
Rouane,leGeoliei fîr difficulté de les receuoiriufquesà ce qu'il euft parle à monfieur
du Puis,vicegerent du lieutenant de Lyon.Cependant que celafe faifoit,vn nommé
kandc Sâ- iean je San-gal marchand du pays de Suifle(qui leurauoit toufioursaffifté ) eftant ad-
gii SuifTc uerty £cs mences des aduerfaires,vint haftiuement aux prifons de Rouane : &c voyant
qu'on vouloir procéder contre eux en cachette, eiTaya tous moyés de les faire deliurer:
& fur l'heure print la pofte vers les feigneurs de Berne, en la iurifdi&ion defquels eft la
ville de Laufanne,pour les induire à fupplier plus fort le roy Henry de rendre leurs Ef-
coliers.Or les fix eftans amenez à Rouanc,on les enferma au lieu où couftumierement
on donne la queftion &: torture;puis on les vint querir,pour en commun auditoire leur
prononcer l'areft de la cour du Parlement de Paris, qui auoit efté apporté le dernier
iour de Feurier m.o . x 1 1 1 .L'official Buaticr eftant adextré du fufnommé du Puis,com-
mença lire vn billet qu'il auoit entre fes mains,contenât, Comme ainfi fuft que depuis
neuf ou dix mois Martial Alba,Bernard Seguin,Pierre Efcriuain,Charles Faute Se Pier
re Nauiheres euflfent efté arreftcz&: détenus prifonniers aux prifons du rcucrendifme
Cardinaljà raifon qu'ils venoyent des pays de Berne , Laufanne &c Geneuc : ledit Offi-
ciai ayant fait deuoir auec plu ficurs gens fauans& religieux de reuoquer &: retirer les
dcfTufnommez,d'herefie en laquelle ils eftoyent:& qu'après plufieurs admonitions les
auroit déclarez heretiques,&:c. Et pource qu'ils auoyet mefprifé lefdites admonitions,
mefme que d'icelle déclaration ils s'eftoyent portez pour appelans en parlement à Pa-
ris: La Cour ayant cognu qu'iceux n'eftoyent receuables en appel, les auoit renuoyé &c
renuoycit,&:c. ^Les chofes ainfi mifes en voye de condamnation , ledit Buatier tira
du fac ledit arcft,&: le bailla audit du Puis,qui le deliura au Greffier auec les procès des
Cinq.Lc Greffier ayant fait le&ure publique dudit areft,Bernard Seguin demanda lice
ce de parler. Alors en peu de parolles commença à remonftrer que touchant l'areft de
Paris,laCour auoit efté mal informee:&: qu'ils eftoyent efeoliers des feigneurs deBerne
A quoy fut refpondu qu'ils eftoyent deFrance3&: partant iufticiables.&: fur ce rcmenez
en ladite prifon de Rouane: de manière que la mort de ces Cinq fëbloit eftre prefte de
iour en iour.Et combien que depuis leur emprifonnement le feigneur ait fouuent ren-
uerfé les côplots&conclufions des ennemis,& corne emmufelé leursgueules ouuertes
pour les deuorenil monftra encore manifeftemét que la vie &c la mort eftoit en fa feule
puùTance.CarleSamedy4. iourdeMars,ainfrque par trouppes le peuple alloit deçà
delà a la Grenette & aux Terreaux, lieux ordinaires des derniers fupplices pour voir fi
préparatifs s'y faifoyent pour exécuter la condamnation de ces Cinq, arriua vn héraut
des feigneurs de Berne auec lettres au lieutenant de Lyon & au fufdit Cardinal,qui na-
Çueres reuenant d'Iralic,&: partant parles terres defditsSeigneurs,auoit promis d'aider
Sduc^di a ^ ^ehur*cc ^e leurfdits Efcoliers.Mais arriué que fut ledit Cardinal au lieu où il defi-
n»idcTour roit eftre, ayant entenduque le Roy enclinoit à la requefte dudit heraur,fit tous efforts
de le deftourner de celte volonté , &c de hafter le procès defdits Efeoliers : detnaniere
que leSamedy premier iour d'Auril les nouuelles vinrét à Lyon qu'à l'inftarite& pour-
fuitte dudit Cardinal Se autres de la Courfufcitez parluy,lefdits Efeoliers incontinent
deuoyent eftre defpefchez en vertu des lettres que l'official Buatier auoit reccus le Sa-
medy
Les Qinq <s*o Lyon. 2 $j
medy précèdent. Mais le Seigneur dcrcchefrompit&: dilhpal'entrcprifedeceux qui s'
eftoyét ledit lour premier d'Auril, alfemblczpour enuoyeràlamortlesfufdits. Carnô
obftant que quatre des principaux de ladite alfemblec eulTentcôclu,qu"on enuoyaft en
corc quérir deux bourreaux auec celuy de Lyô pour les defpefcher ce iour-la. Dieu vou,
lut que les autres ne s'y accordèrent pas,n'eftas4d'aduis qu'on procédait il foudainemét
centre eux, à raifon de tant de lettres qu'ils auoyent receues des feigneurs de Berne, lef
quels à bon droiâ pourroyent à l'aducnir faire inftance contre tous ceux quiiugeroyét
lefdits Efcoliers fur lettres,^ à la pourfuitte dudit Cardinal. Voila côment le Seigneur
parplufieursfoisà voulu déclarera veued'ceil jquclapuilfance que les ennemis de fa
venté exercent furies fidèles , eft de luy, & que nul ne les rauira de* fa main , non pas vri
fculcheueu de leur tefte ne tombera en terre fans fa prouidence. Que ce nous loiticy
vn miroir pour contempler la bote admirable de noftre Dieu, lequel ne delailfe iamais
les liens (ans leur donner ligne de fa prefehee &C de fon aide , quand mefme les ennemis
auront fait toutes leurs concluions pour les extermincr.il nous alfcure, di-ie,par ces e-
xtmples,qu'il conduit manifeftement la caufe de fa verité:& combien qu'ilne nous dé-
clare pas l'pecialemcnt par quels moyens, retenant cela en fon confeil fecret,tât y a que
nous les voyons iournellement,&:en fommes efmerueillez quand ils font faits par ceux
la mefme quife vantent d'auoir toute puifîanceen celte terre balle Pendit ce refpit,
ces Efcoliers ne ceifcnt de faire &c pourfuiure l'ceuure encommencé en defpit de Satan
&£ de fes fuppofts,qui comme beftes forcenées ne celfoyent de crier tout le long de leur
Quarefmc en leurs temples contre iceux prifonniers,qu"on leurdonnoit trop deliber-
tc,& qu'ils infectoyent toute la ville de Lyon. Sur tous vn Minim«^enfumé , enflé d'ou-
trecuidance,;* raifon de quelque fauoir aux langues qu'on luy attribuoit,crioit à outrart
ce cotre eux & contre les fidèles Miniftres de la parolle du Seigneur,fpecialemét cotre
ceux dcGcneuc.Lc iy.iour d,ÀuriI,entretrois&: quatre heures après midy,lelieutenât
de Lyon vint aux prifons,& fe retira auec laduocat & procureur du Roy, aucd'inquill-
teur de la foy & l'Orncial &: quelques autres en lachambre du confeil . Et incontinent
enuoyerent quérir Matthieu Dimonet,auflTi pour lors prifonnier pour vne mefme cau-
fe delà do&rine de vérité , côme il fera déclare en fon lieu. puisapres les cinq Efcoliers
fui ent appelez les vns après les autres. Ledit Lieutenant auec fa côpagnie taîcha d'inti
miderles poures prifonniers,di(ant quelque fois qu'il atioit lettres du Roy pour les def-
pefcher,autre fois qu'il les auoit duCôneftablc:maisDieu dônaairx pfifonniers iagelfe
de refpôdre fi bicn,q lcditLieutenat efpouuaté,n'ofa paffer outre qu'iln 'euft écorc plus
certaines nouuclles du Roy. Il eft bien vray que le Mercrcdy dixneufieme dudit mois
d'Auril,s'aiïemhlercntdix Confeillicrs auec ledit lieutenant de Lyon ,&; que les cinq
conclurét qu'on palferoitoutrermais les autres ne furent de ceftaduis, d'autant que le
iourdedeuant Ican de Sangalfufnommé,&: belle côpagnie de marchât Sùiftes a uoy et
tous ligné vne proteftation qu'ils faifoyent pourlefdits Efcoliers au nom des feigneurs
de BerncTlaqlle prefentee audit Lieutenant,empefcha de palTer plus auat, iufques à ce
qu'o euft encore reccu nouuelles du Roy. Et cependat ledit Sagal defpefcha lettres aux
feigneurs de Berne ,les aduertiffant de tout,& les priant qu'il leur pleuft efcrirè au C6-
neftable,&: mander lettres au lieurde Baire-fontaine,ambafTadeur pour le Roy au pays
de SnilTe,pour adreffer leurs lettres en diliegee par la pofte ordinaire. Mais le Seigneur
qui fe vouloit leruir de fes vrais Efcoliers iufques à la fin , &: triompher en leur mort , fit
valoir tous ces alfaux par tant de fois Iiurez,pour préparatifs au dernier combar,afîn
qu'ils ne fuflent lurpris au defpourueu.Eux-mefmes l'ont teftifîé par leurs lettresen ces
parolles: Nouslommesaduertisdel'indiçiBleragede nos ennemis : mais auffi nous- l Côr-7
nous préparons alliduellemcnt par prières à combattre contre iceux.Notis fentons au
vif ce que l' Apoftre difoit,alTauoir que noftre chair n'a aucun repos : nous auons tribu-
lations & alfaux au dehors &: au dedans, à raifon que iour&nuict nous n'attendons
que le coup de la mort, comme poures brebis de long temps préparées à occifionï
nous efpcrons neantmoin s alaigrement endurer la mort,nous confians que celuy pour
lequel & fous l'enfeigne duquel nous bataillons,eft fidèle, &: ne permettra que foyons I-Cor i°
tentez outre ce que nous pourrons. Pour eefte caufe nous-nous appuyons fur luy,e-
ftans alfeurez que li noftre maifon terreftre de cefte loge eft deftruite,nousauôs vn édi-
fice de par Dieu,vne maifon éternelle es cieux,qui n eft point faite de main d'homme. Rom. 5.
Bref, eftans iuftifiez par foy, nous fentons vne paix vers Dieu, par noftre Seigneur ïe-
fusChrift,& nous glorifions en Tefpcranccdela gloire d'iceluy: nôus-nous glorifions
R.iii.
Liurcs III. Les Qnq de Lyon.
aufli erl nos tribulations, voire de telle forte que mefmes nous exhortans & fortifias les*
â.tomo. vfls les autres, chantons alaigremcnt Pleaumes-& cantiques,non feulement de iour au
lieu où nous fommes,mais aufli au croton où nous couchons. ^Nous-nous préparons
par prières & orài(bns,par ce que les armures de noftre guerre ne font poît charnelles:
& corne le règne du Roy duquel fômes ioldats,n'eft point tëporel,ains fpiritucl,qu'ain-
fi faut-il que fpirituellementfoyonsarmez,afîn que puiflions relifter contre lesaflaux
du diable,& demourer fermes. Et d'autant que l'affliction nous enuironne de plus près,
Kîanhi* Autant que la tribulation cft plus prochaine, d'autant plus eft-il requis que foyons
veillans en prières. Ce qu'aufli nous a appris noftre chef & capitaine Iefus Chrift, quâd
'fe voyant prochain de la mort,par trois fois s'eft adonné à prier:en cela nous laiflant c-
xemple de recourir à Dieu par prières au temps d'affliction. comme auiîi à ce faire nous
pfeau.jo inuite iceluy noftre bon Dieu,difant,Inuoque-moy au temps d'affliction,&: ic t'en tire-
ray hors,&: tu me feras honneur,&:c. Voila les armures defquelles ces faincls pcribnna-
gesfe font munis pour fouftenir le dernier combat,lequelleur fut liuré lefeiziemeiour
du mois de May, l'an de leur emprifonnement,reuolu au premier iour dudit mois, au-
quel ils auoycntefté emprifonnez,commeditaefté au commencement &: entrée de
leur hiftoire.Le feizieme,dy-ie,lcur apporta deliurance, &: fut le iour bien heureux au-
quel la couronne d'immortalité leur eftoit préparée par le Seigneur après vne (iver-
tueufe luitte. Enuiron les n tuf heures du matin dudit iour, après auoir receu fentence
Sentence de mort au parquet deRouanc:laqlle en fôme eftoit d'eftre menez aulicu des terreaux,
donnée cô- & ^a ercre bruflez vifs infques à y faire par le feu entière confomptiô de leurs corps: tous
irclesCinq cinq furent mis au lieu où on fait retirer les criminels après qu'ils ont receu leurienten
ce,en attendant le temps d'entre vne & deux heures après midy . Cependant ces cinq
Martyrs fe mirent premièrement à prier Dieu auec grande ardeur, Û véhémence d'-
efprit,efmerueillable à ceux qui les regardoyétrles vns fe profternâs en terre,les autres
regardans en haut:& puis commencèrent à s'efiouyr au Seig. &c luy chanter Pfeaumes.
Et comme les deux heures approchoyent,ils furent menez hors dudit lieu, reueftus de
leurs robes grifes,& liez de cordes: &: s'exhortoyent l'vn l'autre à perfeuerer conftam-
ment: puis que la fin de leur courfe eftoit au pofteau bien prochain, & que la victoire e-
ftoit là toute certaine . Eftansdoncmis fur vne charerte, commencèrent à chanter le
Pfeaumep.De tout mon cœur t'exalteray,&:e.Et côbicn qu'on ne leur donnaft leloiiir
dc l'acheuer,fi eft-eequils ne ceflerét d'inuoquerDieu,& de prononcer en pa/Tant plu-
fieurs fentences de l'Efcriture. Entre autres,ain(i qu'ils paflbyët par la place de THerhe-
rie,au bout du pont de la Saone,l'vn d'eux fe tournant vers lagrand'tourbe,dit à haute,
Heb.ij.io, voix.LeDieu de paix, qui a ramené des morts le grand Pafteur des brebis , noftre Seig.
Iefus Chriftypar le lang du Teftament éternel vous conferme en tout bon œuure pour
faire fa Volonté. Puis commencèrent le Symbole des Apoftres,lediuflànt par articles:
& l'vn fuyuaht l'autre le prononçoyent auec vne fain&e harmonie , pour monftrer qu'-
ils auoyent enfemble vne foy accordante en tou t & par tout.Ceftuy a qui vint de pronô
£%. cer,Qui a efté conceu du faincl Efprit,nay de la vierge Marie,haufla fa voix, afin de dô-
neràcognoiftreau peuple la faufle calomnie des ennemis, qui auoyent fait accroire
qu'ils nioyent ceft article,&qu'ils auoyent mefdit de la vierge Marie. Aux fergeans& fa
tellites,qui fouuent les troubloyent,les menaçans s'ils ne fe taifoyent,refpondirent par
deux fois,Nous empefcherez-vous,fi peu que nous auons à viure , de louer & inuoquer
noftre DieuîEftans venus au lieu du lupplice, montèrent de cœur alaigre fur le mon-
ceau deboisquieftoitàl'enuirondu pofteau. Les deux plus ieunes d'entre eux mon-
La minière tcrent ^es premiers l'vn après l'autre. & après auoir defpouillé leurs robbes,le bourreau
du dernier les attacha au pofteau. Le dernier qiu monta fut Martial Alba,le plus aagé desCinq,le-
fupplicc. qUCi auoit cfâ longtéps à deux genoux furie bois,priant le Seigneur.Le bourreau ayat
attaché les autres,le vint prendre eftant encores à deux genoux:& l'ayant foufleué par
les aiflelles,le vouloir defeendre auec les autres: mais il demanda inftamment aulieu-
tenantTignac de luy ottroyer vn don. Le Lieutenat luy dit,Que veux-tu?Il luy dit,Que
ie puifle baifer mes frères deuat que rnourir.Lc Lieutenat luy accorda:& lors ledit Mar
tial eftant encores au defîus du bois,en Te baiflant baifa les quatre eftansia liez & attâ-
chez,leur difant à chacun, Adieu, Adieu, mon frère. Lors les autres 4.1a attachez,auffi s'
entrebaiferent,rctournans le cohen difant l'vn à l'aurre les mefmes parolles, Adieu mêV
frère. Cela fait, après que ledit Martial eue recommandé fcfdits frères à Dieu,auant
que de-
Tierrc^> Berger. ijf
que defcendre 5c cftre attaché , baifa au/Iî le bourreau , en luy difant ces parolles , Mon
amy,n'oub]ic pas ce que ie t'ay dit.Puis après fut lié & attaché au mefmepoftcau:&lors
ils furent tous ceints d'vne chaine en rondeur à l'entour dudit pofteau. Or eft-il que le
bourreau ayant eu charge des luges , de hafter la mort de ces cinq Efcoliers , leur mita
chacun vne corde au col, Se les cinq fe rédoyent à vne groife corde, qui eftoit fur vn en-
gin qui rouloit aucc poullieS, afin de les eftrangler plultoft. Parquoy le bourreau après
auoirgrefte leur chair nue, &c ietté de/Tus du îbuffre puluerifé, & ayât fait tous àpprefts:
ainfi qu'il les penfoit hafter par ledit engin , le cordage fut incontinent confume par le
feu , tellement que ces cinq Martyrs furent ouis quelque temps prononcer & réitérer
à haute voix ces parolles d'exhortation, Courage, mes frères : courage. Qui furent les
dernières parolles ouyes &: entendues du milieu du feu , qui tantoft confuma les corps
defdits cinq vaillans champions &: vrais Martyrs du Seigneur.
PIERRE BERGIER.
L'Exemple de ce Martyr peut fpecialcment fertiir à ceux lefqucls eftans enueloppez Je plufieurs faciende$,ne fepeuuent
donner loifir de penfer au principal .de telle manière de vie Dieu a tiré Pierre Bcrgier pour le faire tefmoin de fa,
vérité, au mcfmc tunpj que les cinq Efcoliers, en la ville de Lyon. *
VIS que Pierre Bergier, pour vne mefme caufe&: au mefme temps a cfte M* D*LïI-
•/• . iniT rr • ■ i \t » eu regard
pnlonnicr en la ville de Lyon, aliauoir au mois de May m.d.lii.& que cer- a îempri-
tainsades faits en la prifon dépendent du récit cy deuant touché, il cft ne- fonneméc.
cenaire de faire fuyure ion hiftoire. Eftant de Bar fur Seine , patifïîer de fon
meftier, vint demeurer à Lyon:&: de là en la ville de Geneue, en laquelle ayant demeu-
ré quelque temps, fut receu au nombre des bourgeois : & faifoit eftat d'acheter &: ven-
dre choies appartenantes aux viures. Aduintqu eftant à Lyon pour quelques affaires. .
fut appréhendé par la iuftice en la maifon de fon beau-frere , enuiron trois iours après
remprifcnnementdesfufdits cinq Efcoliers. Et comme il eftoitd'vn efprit prompt &
libre, incontinent qu'il fut intèrrogué, il confenapuremét la doctrine du Fils de* Dieu,
non feulement deuant les luges, mais aufli deuant tous ceux qui le venoyent voir. Mef-
me après auoir par plufieurs fois réitéré deuant les luges vne vraye dodrine de tous les
poinds de fa créance , pour plus ample tcfmoignâge fouffigna aufti la côfcffion de Ber-
nard Seguin ,cy deftus mife en la procédure des Cinq, d'autant qu'ils auoyent tous vne
mefme caufe à confclTer, fouftenir &: défendre. On pourra donc auoir recours aux ades
defdits cinq Martyrs,fpecialement pour fauoir l'hiftoire du brigand Iean Chambon, le-
quel fut engendré au Seigneur parles faindes exhortations coniointes aueeprieres &
oraifons, que faifoit Pierre Bcrgier pour ledit Chambon. Aufli pour entendre le grand
profit de la cognoi fiance qu'il receut ayant demeuré à Geneue, où l'Eglife cft reformée
félon la pure parolle de Dieu. Il auoit en ladite ville fa femme & fa famillc:laquelle,du-
rantfonempnfonnementil confola grandement par lettres pleines d'exhortations:
comme eft celle qui s'enfuit,
Grâce &C paix par noftre Seigneur Iefus Chrift.
A trefehere fœur &: loyale efpoufe,combien que ia par plufieurs fois en vous eferi-
uanti'ayeprins congé de vous, félon que Dieu nous faifoit cognoiftre qu'il nous:
vouloit appeler à foy, &c vous aye recômandé les chofes que vous deuez auoir plus pre-
cieufes que voftre propre vie, afiauoir la crainte & gloire de Dieu: toutefois pource que
depuis le Seigneur a renuerfé les entreprifes de nos aduerfaires , &: nous a prolôgé pour
quelque temps noftre vie contre noftre propre efperance : &: après cela nous a de nou-
ueau appelez au côbat, pour à cefte fois ligner fa fainde vérité par noftre fang, fa ns que
rien félon le monde puifle empefeher: i'ay eftiméquecene feroit chofefupcrflue de
vous eferire de mefme chofe, & vous prie, autant qu'il m'eftpoifible, que vous ayez la
gloire de Dieu fur tout ert recômandation,&: que de plus en plus vous tafehiez de prou-
fiter en fa fainde cognoiftance , pour le feruir félon fa volôté, & glorifier fon (aind nom
par voftre bonne vie &: conuerlàtion. Vfez des moyens que Dieu vous baille pour le fa-
lut de voftre ame, & non pour la condamnation d'icelle. I'enten de la parolle de Dieu,
laquelle iournellcment vous pouuez ouir viuement &C purement prefehee : & auffi des
R.iiiï.
Liurc-j II L SPtfrro Herget.
il entend la cMemplcs de tant de gens de bien, de tant d'honneftes& vertuéliies dames que le Sei-
^npagnie gneur vous propofe deuant les yeux en ce lieu tant heureux &: bénit par luy. <[Et pour-
encue. ^ Dieu nous a donné des enfans : faites fur tout qu'ils foyent bien inftrùits en
lacràintedu Seigneur, afin que quelque iour ils puififent feruirà la gloire d'iceluy. De
ma part, puis que le Seigneur me veut employerà rendre tefmoignage à fon nom par
monfang,i'en fuis defehargé . la charge de cecy retombe fur vous. Parquoy aduifez de
vous en bien acquiter. Ceft le meilleur héritage que vous leur fautiez laiflcr & acqué-
rir : aflauoir quand par bonne inftru&ion ils apprendront à craindre Dieu . vous y ferez
voftre deuoir, comme vous eftes tenue. Quant à vous, après que Dieu m'aura retiré à
foy, vous vous conlblercz en celuy qui eft le defenfeur des vefucs, &: le perc des orphe-
lins^ fi fentez que Dieu vous ait donné le don de continence,vous de meurerez en vo-
i Cor.7. ftrc viduitc, félon le confeil que S. Paul en donne. Car par ce moyen vous aurez plus de
commodité de vaquer aux chofes diuincs &: cclcftcs, fans cftre diftraite par le foucy de
ces chofes terriennes &c corruptibles: veu auflî que(graces à Dieu)vous aucz encores af-
fezde bien pour vous entretenir &; vos enfans. Que fi le don de continence ne vous eft
donné, ie vous confeille de vous remarier : pourucu que ne faciez rien làns le confeil de
nos parcns,& autres gens d c bien,qui ne voudreyét pas moins voftre profit que le leur:
ôVquc fur tout aduifiez de prendre quelque perfonnagequiaitla crainte de Dieu. Et â-
fîn que nos enfans ayent perpétuelle mémoire de moy,ie vous prie recouurer toutes
les lettres que ie vous ay enuoyees , &c plufieurs autres qui m'ont efté eferites , defquel-
les il y en a vn grand nombre par-deça chez mon beau-frere , & les faire referire à fr on
frère Denis* ou a quelque autre dans vn liure exprez. Et après les auoir fait cfcrire,vous
pourrez distribuer lefdites lettres aux vns &: aux autres,afin qu'il en reuienne plus giad
p Bergier fVuicIt à TJEglife . le vous mande ces chofes comme eftat plus prochain de la mort que
uuHCTiii- iâmais. car vo9 deuez fauoir que ce Lundy quinzième de May, nos cinq frères , qui font
gesauee les efcoliérséles Seigneurs de Berne, ont efté fur les neuf heures du matin produits Ivn a-
einq Efco- pres l'autre par deuant les luges , &: moy après eux tout le dernier : &: ce afin que lefdits
lugçs y$ent fi nous voudrions refpondrc deuant eux. Aufquels nous tous auôs fait réf.
ponfçi qûïls n'eftoyent point nos luges ccmpetens:& que pourtant nous en appelions
pardèuan^qui il appartiendroit. Monfieur le Lieutenat a dit qu'il auoit charge expref-
fedélaJSpjicnedu Roy de procéder cotre nous tous : &: mefmc qu'outre cela il en auoit
receu pluècurs miffiucs & lettres patentes, lcfquelles il nous môftra,fans toutefois qu-
elles ^py§iuffentleues.Ornos autres freres,&: mcfmemét les Cinq, ont appelé del'im-
petratio&c exécution defdites lettrcs,côme obtenues fous faux dôné à entédre,& en la
faueur du cardinal de Tournon,qui depuis peu de iours eft venu en cefte ville pour no9
faire depefchcr.En fomme , les luges ont tenu plufieurs &: diuers propos à vn chacû de
nous,felô qu'il a efté produit particulieremét par deuât eux.Mais,graces à Dieu, tous a-
uôs fenty telle aflîftéce de noftre Dieu, qu'il n'y a aucun qui ne fc foit féty merucilleufe-
mët fortifié. De ma part , ie puis dire q Dieu ne m'a pas abandonnerais m'a rédu con-
Dimone" ^c &&rnK!>c°mc ^ eftoit de befoin. Aufîi le frère Dimonet a efté mené aux prifons de
lfÀrcheucfque,&r a efté déclaré publiquemét en l'Officialité,heretique.Et côbien qu'il
en ait appelé côme d'abus: toutefois il a efté quat &: quant ramené en noftre côpagnie.
qui eft vn ligne que fon appel n'aura point de lieu. Puis il a efté produit deuat les luges,
côme nous auos efté. Certes il n'a pas eu la bouche pl9 fermée que tous les autres, pour
donner gloire à Dieu:ains Dieu a defployé vne telle vertu en la parolle d'iceluy , qu'il a
non feulemét eftôné to9 les Officiaux, mais qui plus eft a rédu fi trefeôfus vn prefeheur
Ceft le Mi qu'on ncme l'Enfumé,qui a prefché ce Quarefme par-deça au téple faincte Croix,&: le-
c^deimit1 ^l1c^ Peu s cn ^aut *luc *es iènoi*s n'adorent : qu'il a efté contraint de fe taire, &: de hote
eft faite s'eft party de la côpagnie defdits Officiaux fans fe vouloir figner aux coclufions qu'on a-
mentim. u oit faites con tre noftre dit frère Dimonet. De noftre frère Denis Peloquin,nous n'en
D.Peloqur. feuôs rien. Le bruit eft par toute la ville,q cefte femaine nous ferôs depefehez, ou à vnc
fois,ou à diuerfcs:mais foyez alTeurec q pour cela nous ne fommes eftônez,& ne perdôs
courage:ainsDieu nous fortifie de pl9 en plus,tellcmét q d'heure en heure il nous donc
plus grade efperace qu'il paracheueral'eeuure qu'il a cômencé en no9: en forte q fon E-
glife en feragrandemét édifiée. Il no9fait défia Voir en partie le ftuiâ qu'il fera fortirde
neftre mort, qui nous eft vne côfolation ineftimable.Or vo9 difant à Dieu par la' prefen
te, & a tous nosenfans,icpriele Seigneur qu'il vo9 face toufiours viure félon fa fai&e vo
lôté,& qu'il me maintienne iufques à la fin pour m'ofTrir à luy en facrifice volontaire ôc
Tâ-rro Utrgier. *j?
de bône odeur:& que finalcmét il nous recueille tous en Ton royaume celefte , où nous-
nous verrons maugré que les ennemis delà vérité' en ayent. Tous les frères qui font a-
Ucc moy , vous en difent autant:&: tous enfemble vous priôs que faluyez en noftre nom
meilleurs les Minières , & tous les frères &: fœurs de l'Eglife qui fentent nos afflictions.
Saluez particulièrement au nom du frère Matthieu , fon coufin que bien cognoiffèz.
Nous ne nous recommandons pas àcefte fois aux prières de l'Eglife , pource que nous
efperons qu auant que vous ayezreceu la prefente , Dieu nous aura appelez en. fa fain-
&e compagnie, en laquelle n'aurons befoin des prières des viuans : car toute larme fera
eflliyec de nos yeux , &: ferons en vn lieu oùnous n'aurons faute de rien. Seulemét nous
vous prions, qu'en faluant au nom de nous tous meffieurs les Miniftres, vous les aduer- Laconftacc
tiflîez que nous vous auons donné charge de les fupplier, qu'après qu'ils auront entodu t"IS ^ r,~
la grâce que Dieu nous aura faite au milieu des formés , corne nous efperons qu'il fera, côfolatioa
eux &: toute l'Eglife en remercient le Seigneur. Nous fauyons bien qu'ils le feroyét,en- dc 1E§llfc!
cores que ne vous en efcriuiflions rien : mais neantmoins nous vous auons voulu parti-
culièrement mander cecy, afin que par l'afliftence qu'il nous aura faite , toute l'Eglife
en foit édifiée, & ceux qui font infirmes foyent fortifiez, en mettant toute leur confian-
ce en celuy-la feulement qui n'abandonne iamais les fiens : duquel la grâce & paix foit
aueevous. Ce lundy quinzième de May. m. d. lui.
LETTRES de M.François Bourgoin minière de l'eg'ife de Gcncue, par le/quelles ilconfole Pierre Bergicr , & Ici
autres pnfonniersd'vn ruelmc temps.
]R E R E S bien-aimez, ie ren grâces à noftre bon Dieu &c Pere , de la confiance &
tJjfcrmeté de foy qu'il vous a donnée, le fuppliant humblement qu'il continue fes
dons en vous: voire qu'il les augmente de plus en plus , en forte que voftre vie & voftre
mort foit du tout employée àglorifier fon fainetnom. Penfez,mes amis, au refte de vo-
ftre combar, fur lequel noftre Dieu regarde des hauts cicux. Vous auez deûa fouftenus
de gras afîauts:mais la gloire ne fe prefente point encore, iufqu a tât que ce lion bruyat
foit du tout matté:lequel ne quittera iamais la bataille,fînon que la victoire foit du tout
obtenue fur luy.Quel befoin dôcauez-vous icy,mes bon amis,finon que vous refigniez
entièrement l'ifTue de voftre combat à celuy qui a fait force en vous en ce commence-
ment? Pour ce faire, dreffez les yeux incefTamment au ciel. là fe defploye manifeftemét La fouue-
le bras fort du grand Roy de gloire, lequel n'a peu eftre veincu par la violence de fes en- raine con-
nemis. Si en l'humilité de fa chair il a fi heureufement combatu , qu'il a mené fes enne- S d^euer
mis captifs:ad uifez de quelle force il combatra maintenant pour les fiens, eftat fait fou- les yeux co
uerain Monarque du ciel &: de la terre, eftantefleué en la haute &; triomphante maie- ixiUt-
fté de fon Pere . C'eft donc icy la feule prudence des Chreftiens, toute côtraire à la pru-
dence folle &; vaine de ce monde, laquelle a accouftumé de ietter fes yeux fur la terre.il
ne fe faut point efbahir fi au premier bruit elle perd du tout courage. Car cj peut prefen
ter la terre que vanité ? Et celuy qui s'appuyera fur vanité , qu'elle fermeté trouuera-il?
Regardez donc les deux, mes frères &C amis: de là vient voftre fecours, de laie Fils dc
Dieu, le Roy de toute gloire tend la main aux fiens, leur préparant vn triomphe afTeuré
de gloire incomprchenfible. Les grans coups voirement font encore à fouftenir: mais
qui font vos ennemis au prix de celuy qui combat pour vous ? Us font grans & redouta-
bles,voire fi vous auez efgard à vos forces:mais ils font moindres que vermiffeaux , fi de
droit œil vous regardez Je Fils de Dieu affis à la dextre glorieufe du Pere , intercédant
pour vous, combatant, voire obtenat la vi&oirepour vous. Voyez,ie vous fupplie,quel
honneur & auantage il vous prefente, ne faifant point cefte grâce à tous , aflauoir d'en-
durer pour fon nom. Que ce feul regard vous contienne affiduellement en fainctes mé-
ditations^ ne doutez point que la fin ne foit bône & heureufe , beaucoup plus que ne
fauriez penfer . Cependant cegrancf Seigneurdes armées, qui vous aduouë pour fes
prifonniers, vous face combatre pour fa gloire, en forte qu'ayons aufîî matière dc nous-
en refiouir. Sa grâce foit perpétuellement auec vous , mes frères & bons amis , Ainfi
foit-il. Voftre humble frère, F. B.
LETTRES de M. Ican de faindr. André* miniftre de l'eglifede Geneue.efcritej à Pierre Bergier.
I la paix eftoit criée entre lefus Chrift &: Belial , entre l'afTemblee des Chreftiens
jj§J^& la fynagogue de l'Antechriftril y auroit efpoir que la cruauté cefferoit : & vous,
& tous nos frères prifonniers pour la mefme caulé que vous, feriez relafchez&: mis en
Liurc^ III. Tierrc^ berger.
liberré:mais cerne les parties fcnt fi diffère tes qu'il n'y peut auoir accord > aufli ne faut-
il pas que nous attendions modération aucunedes inhumanitez& tyrârties de nos par-
ties aduerfes, iufques à ce que noftre cher", qui cft le plus fort , y mette fin : ce qu'il faura
bien faire auec tcmps& moyens opportuns. Ne refte flnon de noftre cofté qu'attendas
telle iffue qu'il luy plaira, nous facions file nce,& en patience iettiôs nos yeux aux cicux:
dontilnousfautattendreiecoursj&nond'ailleurs. le dy cecy, trefeher frère , pourec
que fi ce n'eftoit que vous receuez d'enhaut force& vertu , vous feriez chacun iour ac-
cablez par affauts &: alarme s qui vo9 font faites, &: par cruelles menaces defquelles fou-
uent on vous vient lalucr,& des promeffes parlefquelles on tafche de vous feduire &:
deftourner de voftre bon propos. Or louange au Seigneur qui vous a iufques icy,&vous
&: tous nos autres frères, preferuez:de forte que vos ennemis , qui font bien les noftres,
font demeurez veincus, & vous victorieux. A celuy feul foir la gloire, de l'E fprit duquel
procède la victoire &c le triomphe. le ne doute point que fouuent n'ayez des apprehenr
fions qui pcuuent vous donner grand efpduantement , comme la chair cft foible &: de-
bile:mais le marinier agité &: tempefté, s'efiouit & fe confole quand il void le port , en-
core qu'il ne foit pas certain d'y paruenir. Ainfi ic ne doute point que lecombat auquel
vous eftes, encores qu'il (bit afprc &: difficile , ne vous l'oit adoucy par l'efpcrance , ouy
par la veuë' de la couronne, qui eft préparée à ceux qui conftamment combatrôt : &: eft
vne couronne certaine , comme celuy qui la garde eft; certain. le vous prie confiderons
L'cftat des vn peu l'eftat de ceux qui vous moleftent,&: le voftre qui eftes moleftez.Us font côuein-
deUverité cus 4U ^s ^ont ma*> ^ vous ^ont tort° Leur cruauté eft furmontee par voftre patience.
c leur confeience letir fert d'aceufateur , &: leur eft plus que mille tefmoins : &c eft leur iu-
ge> voire leur bourreau. Ils fentent maugré qu'ils en ayent, que Dieu cft leur partie ad-
uerfet Ils grincent les dents quand ils ne peuuent gagner leur caufe:& eftans bié libres
en apparence, font plus captifs beaucoup que vous n'eftes. Car vous fauez que vous e-
Luc 8.31- ftes là par la prouidence de celuy qui vous eft Pere, pour la caufe de celuy auquel toute
puiffance eft donnée au ciel & en la terre, fans la permiflion duquel les diables mefmes
ne peuuent nuire aux pourceaux, tan t moins à ceux qui font fes membres. La confeié-
ce vous rend contentement &: repos. vous eftes libres,encores que foyez enclos : car la
parolle du Seigneur qui habite en vous , ne peut eftre liée. En fin , lefdits ennemis font
en toutes cjiofes beaucoup inférieurs de vous, finon en rage & violence, àquoy ils re-
courent pour leur dernier refuge, afin de maintenir leursmenfonges. Voftre frè-
re en Iefus Chrift, I.D.S.A.
T A conuerfion de Iean Chambon prifonnicr en ce mefme temps pour voleries & bri-
"^gandages, cft digne d'eftre notée à toufiours. Pierre Bergier rut le moyen & l'inft ru-
inent d'icelle. Ce ne rut pas vne conuerfion vaine ou friuole:car incontinent il en fortit
cfFect, ientenfruidts dignes de pénitence. Voudroit-on auiourdhuy demander des mi-
racles de la parolle de Dieu plus exprès &: manifeftes? Qui pourra allez exprimer l'hon-
neur que Dieu fait à fes poures crearures, de les faire inftruments, voire coadiuteurs de
fa grâce & de fa vertu , pour attirer à voye de falut les poures ames efgarees & qui périt
foyent? Maisoyons parler mefme Iean Chambon, oyons-le maintenant prefcherles
merueilles du Seigneur. Voicy fa lettre propre que nous auons ici inférée de mot à mot
en fon langagc,& l'auions referuee en ce lieuxar comme dit a efté,les exhortations fré-
quentes de ce Bcrgier,a amené le pou re brigand maugré fon naturel, fa rébellion &: ré-
pugnance, maugré Satan &c fes fuppofts, au clos &c à la bergerie du Seigneur.
C O P I E des lettres eferites par Iean Chambon , prifonnier pour les démérites, aux cinq Efcolieri deflufdits, & autres de-'
tenus pour la parolle de Dieu : eiquclles il raconte lesgrans merueilles delà conuerfion.
Tr e s c h E r s frères & vrayementChreftiens, en premier lieu ievous fàluctous
en Iefus Chrift, qui eft la chofe que de long temps i'auoyeenuie de faire, mais n'ayeu
le moyen iufques à l'heure prefente: toutefois que levoudroye bien faire autrement,
moyennant que ce fuft la volonté de noftre bon Pere celefte, en forte que ma perfonne
peut auoir communication.des voftres. Neantmoins ie vous prie de tout mon cœur, le
receuoir autat aggreable que fi ainfi eftoit:car ie vous promets que le cœur va auec luy,
vous aduertifTant d'vne chofe vraye , que depuis le 4.iour du mois d' Aouft, que ie fu ad-
uertyparvnprifonnier,de voftre detétion&Captiuiré, de laquelle iauoye ouy parjer à
noftre frère Pierre Bergier,en lamétat de vo9:depuis,dy-ie, ledit iour n'auezefté tât luy
<j vous,oubliez en mesprieres,tantcômunes queparticulieres,voirciour&nui&,ayat
toufiours
&iefrcj 'Sérier. 238
toufiours mctnoirc deypus, quelque peine ou maladie que i'aye eue : nô plus qu'vn frè-
re que i'ay, lequel eft (détenu pour la faute que i'ay commife, de laquelle neantmoins il
eft innocent, voire autant que vous.qui me fait plus de mal que toutes les peines que ie Fruiûs de
fouffre, voyant le tort qu'on luy en fait.& le Seigneur m'eft tefmoin de ce que deflus eft j-*oconucr~
die; Or eft-il, chers frères, que vous veux remercier de la lettre confolatoire &c vraye- l0n'
ment Chreftienne que m'auez efcrite&: fait tenir par noftre frère , ou pour mieux dire,
par fon moyen , fans que de vous ne luy i'eufTe iamais mérité tel bien &: plaifir que vous
offrez me faire. De laquelle lettre i'ay receu grade ioye & confolation,plus que ne vous
pourroyc direrdont ie ne vous fauroye faire recompenfe en fapience ny en biens autre-
ment, finon de prie/ ce bon Dieu & Pere qu'il vous foit conducteur , en forte que de-
meuriez victorieux entre les ennemis de vérité ( qui font les noftres ) félon ce c^ue defi-
rezrou pour mieux dire, ainli que la volonté du Seigneur l'a décrété & ordonnc:laquel-
le ne peut eftre que bonne 6c iufte en toutes chofes.Si ie defau en quelque chofe en pro
pofant , ie vous prie le me faire fauoir : car iene fuis pas comparable â vous de fapience
celcfte, ayant efté endoctriné enlavoyede Satan dés le berceau, par les aueuglesqui
font encores viuans: qui toufiours errent de la droite voye,pâr ce que ne leur fut iamais
monftree.car les caphars &: pourceaux de noftre pays ne deflien t iamais le trefor de ce-
tte vérité : mais pluftoft le lient en obfcurité : en forte que le poure peuple n'entend le
commencement,le milieu,ne la fin. Iene fay s'ils pourront eftre excufezpourcela.tou-
tefois i'ay veu aux Efcritures que non. Si i'eftoye près deux , ie leur demonftreroye la
vérité, & ne leur flatteroye rien. le fuis bien afTeuré queieferoye receu mieux que les
pourceauxdefquels ont receu vne grande proye, de laquelle ils enflent leurs ioué's.c'eft
le feigneur de la Palice, qui eft mort de maladie. Mais c'eft aflez parlé dételles chofes:
car mieux les entendez que moy,&: me pourrez eftimer en cela vn for. Or faut-il main-
tenant que ie vous face au/fi entendre la grande faueur que mon frère a receu de Dieu, Lefreredc
en recôpenfe du tort qu'on luy fait: c'eft qu'il entra auflî aueugle en ces prifons de Rou- [c0anaB™,rJ.
ane,mais parlapeine& moyen de noftre frère Pierre Bcrgier, il fortira par la mifericor-
de de noftre bon Dieu, auec la lumière de vérité. Cequei'eftime plus, que sileuft ac-
quis tout for de ce monde.car fi laques eft tué, Pierre demeurera pour enfeigner les a-
ueugles. Voila en quoy ie me refiouy en partie. Or maintenant ie vous derhandc,mes
frères, fi la recompenfe n'eft plus grande que le mal : & quand noftre frère Pierre Ber-
gicr nauroit fait autre bien en ces prifons , n'eft-ce pas beaucoup ? Certes il me femble
qu'ouy:& vrayement il en a bien fait d'autres, ne fuft-ce qu'à moy &: à d'autres, comme
ie le £ay bien: lequel m'a grandement aififté & confolé par liures & par vos lettres:com-
me par les Pfeaumes & Epiftres confolatoires , & le liure de lob & plufieurs autres cho-
fes, iufqu a m'offrir de faire tout ce qu'il pourroit,côme au/fi vous m'auez ofFert,dont ic
vous remercie , & prie le Seigneur des lumières qu'il vous en recôpenfe le fuis grande-
mét marry de la feparatiô qu'on a faite entre le fire Pierre Bergier & mon frerc,lefquels
fouloyét coucher enfemblc,& maintenant ne fevoyentplus:dôt mon frère porte gran
de trifteffe , ainfi qu'il m'a fait entendre par fes lettres : lequel m'a mandé qu'il ne vous
oublioit point en fes prières. Or chers frères, après ces chofes defius eferites , il eft bien
raifon que ie tienne propos des grandes grâces que le Seigneur noftre Dieu m'a faites:
enfemble des grandes peines & rigueurs que i'eu , &: qu'on me fit au commencement,
auant que d'obéi r & prendre en gré la volonté du Seigneur Dieu. C'eft que ces deux
premiers mois , que ie f u en cefte fofie obfcure & noire , ayant les fouches & les fers , tri
forte que ne m'aidoye d'aucun de mes membres ne le iour ne la nui£t,&nc me pouuoye
tourner ne virer: tellement que bien fouuent me falloit piffer fous moy : &C crioye nuitt
&iour,&maudiiToyeceuxquimenuifoyent, voire le pere, &c l'heure quei'auoye efté
nay. mais cependant que ie crioye ainfi, le Seigneur Dieu ne m'efeoutoit point criant
en cefte forte:ains laifibit doubler mes douleurs , & fu tellemét couuert de poux & ver-
mine,que les prenoye à douzaines en mon corps &c en mes habits, qui m'eftoit vné pei-
ne plus dure que toutes les autres.laquelleie meritoye bien , quad ie n'eufTe fait iamais
autre mal que les blafphemcs que ieraifoye lors. Car ce n'eft pas la façon dechafTer vn
diable par vn autre,ne pour efteindre vn feu, y mettre à foifon d'huile.Mais le Seigneur
Dieu ayant pitié de moy , mcmonftra qu'il ne falloit point faire ainfi.car quad ie vy que
mes douleurs s'augmentoyentdeiouren iour en tenant tels propos, iecommençay à
chanter vne meilleure chanfon laquelle m'a efté fort fauoureufe : c'eft que ie commen-
LiarcJfJfl* Tiertc^ "Éergier.
çay à me recognoiftre , & penfer à Ja mefehante vie en laquelle i auoye vefeu le temps
patte, &c les exécrables péchez & maux a^ue i'auoye commis , lefquels çftoyè't mille fois
plus grans que mes peines. Alors ie me luis prins à lamenter, criât mercy à mon Dieu*
luy priant qu'il luy pleuft auoir pitié & mifericorde de moy . lequel m'exauça , en forte
que ie reccu de luy vne grande coniolation, vn grand allégement de mes douleurs,vne
O bonté Pacicnce confiante, laquelle rte m'a iamais depuis abandonne. Et dauantage, bien toft
admirable aPrÇS lètfu ofté des ceps de iour. D'autre-part les poux me deiai/Teren^tellement qu'il
du ta- y a plus de fept mois que ie n'en ay trouué vn tout feul,&: ne fay qu'ils font deuehus.t ou-
Sn"' fag» C^î5t ^u ^roi^' ic n cn icn Poinc Suc ^ien VCU^ & nav k& ne couuerture que mon man-
« (p.ntu - teau. Et encores pour vous mieux aduifer, Dieu par fa bonté ne m'oublia point. Car
bénéfice" lon mc ^aiHoit au commencement du pain tel , que par le rapport des feruiteurs , les
c«cor ^. chiens Se cheuaux n'en vouloyent point mangenmais grâces au Seigneur Dieu, depuis
relies: deux mojs cn-ça Ion me donne du pain blanc,&" de pitance plus deux fois qu'on ne (bù-
loit,eniembIe quelques aumofnesaue le Seigneur Dieu depuis de fa grâce m'eriuoye:
en forte que, grâces à Dieu , ic fuis de prefent a/Tez bien nourry. Ce feroit trop long à
vous reciter par le menu toutes les grâces qu'il luy plaift me faire,qui n'ay mérité de luy
que mal: voire mille fois plus que n'en pourroyé porter. Luy rendant grâces de ce qu'il
luy plaifb de me chaftier&: corriger fi benignement,cependant que fuis en ce mitèrable
monde: afin qu'il ne me damne en l'autre. Si les peines m'ont efté grandes &: fortes à
porter , je vo* promets que mes péchez font plus coulpab'les mille fois, &: de plus grief-
ue punition. Parquoy ie ne les trouue cftranges,quant à moy:car ie ne les fuy point,ains
les reçoy en grande patience:& m'efmerueille de Jâ grade mifericorde qu'il vfe enuers
chambon moy -.dont fuis Pre^ d'endurer &: foufFrir tout ce qu'il luy plaira m 'enuoyer,& le rece-
deriande" uoir patiemment : vous priant affe&ueufement de m'eferire comment ieme doy con-
auoirin- ^u[tc à la mort, fe i'y fuis condamné : afin que foye préparé ceiour-la,& qucpui/Tc di-
pou?T rech,ôfe qui redonde a l'honneur & à la gloire dcDieu,&:aufalutdemoname:&mc
iour du ferqzvn grand bien &: charité. Me recommandant à vos prières &oraifons: car auflïie
fuppiice. nc vous oublie pasaiix miennes. Si i'ay grandement failly, comme i'ay fait, c'eftoitde-
uant .<ju,c le Seigneur Dieu me donnaft lafain&e cognoiflance.Êt le faid pour lequel ie
mis détenu, il y a trois ans & trois mois qu'il a efté fait. Si auez quelques hures, vous m'-
en aiderez s'il vous plaift, &: puis ic les rendray ànoftre frère Pierre Bergier,maisqueie
les aye leus'. le n'ay à faire d'autre chûfe pour le prefent , grâces à Dieu. Voila ce que ie
vous enuoyepour le prefent. Le Pere de toute mifericorde, le Dieu de toute patience
& confolation vous vueillc confoler & donner bône patience en voftre captiuité , vous
con/olant par fon S.Efprit,afin que puifliez fouffrir &: endurer patiemment tout ce qu -
il luy plaira vous enuoycr, au nom de fon Fils Iefus Chrift noftre Seigneur & feul Sau-
ueunauquelauec le S.Efpritfoithonneur,gloire& empire éternellement, Ainfî foit-il,
ainû foit-0- Si ma lettre eft fafcheufe à lire,vous rexcuferez:car ie n ay clarté que par vu
trou a pafter la main,& ne puis couper ma plume,Iaquellc ne vaut rien.Dauantage i'ef-
cry à grad peine,plus que ne pourriez croirè.encorc me faut-il eferire fecrettementxar
il m'a efté défendu, & m'ont ofté encre Se papiét : &c ay recouuré ce que i'ay à grade dif-
ficulté, &n y a qu'vn feruiteur qui lefachc. Voftre poure frère &:amy,Iean Pier-
re Chambon,pri fonnier pour fes péchez, & vous pour dire vérité.
TÉUc fut la conuerfiort de Ican Chambon,& la confeflîon qu'il en a rédue à ceux qui
lors çftoyét prifonniers pour la parolle du Seigneur : lefquels il a recogneus pour pè-
res qui j'auoyent engendré au Seigneur en la prifon.duquel il a annoncé depuis les lou-
anges, &c principalement le iour qu'il fut mis far Iarouercomme il fera récité és eferits
«de 'Denis Pelo^uin. Surtous, il â recognu pour infiniment & moyen de laditcconuer-
fion, Pierre Bergier:duquel, félon Tordre encommencé , nous auons maintenant à dé-
clarer Pi/Tue heureufe que Dieu luy donna en fa mort.
^Ape e s qu'iceluyeutreceu fentencedecôdamnation, onletiradc laprifonpouc
le mener au fuppiice. Onques la face ne luy fut fi riante ôc ioyeufe que lors,de manierc-
que ceux qui le virent fortir, s'en efmerueilloycnt. Et auant que monter fur la charette*
demâda au Lieutenant, comme auec familiarité,de luy ottroyer vn don. Le Lieutenat
le rcietta:&: il luy dit, Monfieur, vous me l'accorderez , c'eft feulement de pouuoir dire
piêmBer mon mon Crf^°> vfant de ces termes vfitez.Le Lieutenant rcfpondit,Dy-le fi tu
gicr. veuxcnallant. Lors Pierre luy dit, Grand mercy>moniieur,ieprieray Dieu pour vous.
Les
IrTuguts G raukf. 23 p
Les (atellitcs qui là eftoyent luy dirent par irrifion, Il a bien à faire de tes prières, Or a-
prcs-qu'il fut fur la charette, à haute voix il demanda pardon, & fi pardonna à tous* Au
long du chemin difoit Adieu à vn chacun d'vne face ioyeufe , demandant qu'on priaft
Dieu pour luy. Il y eut entre autres vn vieil preftre Italien , qui luy dit en paifant en pa-
rclles femblables , Auiourdhuy en enfer fera ta demeure. A cefte voix Pierre retournât
fafacc,Iuy dit,Dieu le vous vueille pardonner.Eftant venu au lieu des Terreaux,il dit à
haute voix, O que la moulbn eft grande : Seigneur, enuoye des bons moiiîbnneurs. E-
ftant monté fur le bois, après auoir fait déclaration de la caufe qu'il fouftenoit , &: la cô-
feiliô defa foy,côme s'efgayant auec cxclamatiôs dit à haute voix,Seigncur*q ton nom
cft gràcieux & doux. Ce fait, cependat que le bourreau l'attachoit & guindoit à la façÔ
des autres Martyrs,il dit & réitéra par diuerfes fois , Seigneur ie te recômande mô ame.
Depuis en regardât au ciel d'vne veuë immobile, &: s'eferiat dit , Auiourdhuy ie voy les
deux ouuerts. Plufieui s du peuple n'entedans q s'eftoir par foy qu'il les voyoit ouuerts,
regardoyent en haut. Et incontinent après cefaind perfonnage rendit l'efprit à Dieu.
HVGVES GRAVIER, du Maine.
C E V X du comté de Neuf-chaftcl auoyent choi il ce perfonnage pour y cftrc miniftre. mais le grand Pcrede famille
qui a (es temps &: fis failons,& fcsouuriers quant & quant pour Ls enuoyer où bon luy femble, s'en eit feruy pour
édifier à Bourg en Briffe.
jNIanuier de cefte année, trois mois entiers deuantl'emprifonnement des M D LII
|fufditsEfcoliers,M. Gugues Grauier, maiftre d'efcole de Courtaillou au ' '
[comté de Neuf-chaftel, reccut couronne de martyre en la ville de Bourg en
z^Breile,diftantedeLyon dix lieues, ou vne iournee de chemin. Ilcftoit du
pays du Maine , d'vn lieu nommé Viré , & de fa première ieuneffe adonné aux eftudes
des bonnes lettres, par la conduitedefquelles le Seigneur l'amena à fa cognoiffance, &C
le fit venir à Geneue pour eftrc plus amplement informé & inftruit en icelle.De Gcne-
ue il fe retira au comté de Neuf chaftel , & fe dedia totalement au feruice de l'Eglife du
Seigneur, Il fut ordonné maiftre d'efcole premieremét à Boudri, & puis à Çourtaillou:
auquel lieu il fut efleu miniftre par ceux de la cla/Te de Neuf-chaftel , mais auant qu'ac-
cepter la charge il déclara qu'il auoit vn voyage à faire en fon pays pour quelques affai-
res domeftiques. Or le Seigneur qui ne laifle les liens , où qu'ils foyent , fans confola-
tion &: aide , fit feruir le voyage de ce fié feruiteur pour appeler des ténèbres d'idolâtrie
quelques poures pcrlonnages , &: les amener és lieux où Ion faind nom eft inuoqué en
fincerité de doctrine. Le retour d'iceluy fut par la ville de Mafcon,pour vifiter les pa-
rens de fa femme : defquels il fut gratieufemet accueilly auecques toutefa compagnie.
Au départir du logis du pere de fa femme, il fut pris a l'iilue du pont de ladite ville auec- Gi™*t
ques toute fa compagnie,non feulement celle qu'il côduifoit,ains aufli ceux qu i par de- PnfoDKr*
uoir d'amitié les accompagnoyent pour les conduire. & furet tous amenez prifonniers
àBagi. Luy fe doutant de l'infirmité des femmes qu'il amcnoit,les admonnefta pre-
mièrement le bien garder de renoncer aucunement la venté .&nonobftant n'entrer
trop auant en matière , pource qu'elles n'eftoyent encorcs allez refolues ny édifiées en
la religion. le fuis bien alfeuré (difoit-il ) qu'il me faut mourir : car ie ne fuis délibéré de
flefehir ou renoncer la vérité. I'efpere auflî que ma mort vous fera en exemple & édifi-
cation.mais pourautant que n'eftes encores*aiTezinftruites , & que pourriez pis faire &:
tomber en plus grand inconuenient,ie vous confeillc de remettre toute la faute de vo-
ftre voyage fur moy, comme fur celuy qui vous a folicitees devenir. Par fon côieildon-
ques &C aduis il demeura tellement chargé, que quelque diligence que feuiTent faire les
Seigneurs de Berne, de fouuent enuoyer heraux vers le gouuerneur de Breife,il n'y eut
moyen de le pouuoir faire deliurer.car combien que l'Official mefme du lieu ne le vou-
lift condamner, confeflant qu'il le trouuoit home de bien, ne difant rien qu'il ne prou-
uaft pat authoritc de TEfcriturcfi fut-il lentcntié &c adiugé au feu-.où il alla ioyeulcmét,
peu fe troublant de ce que les Preftres & Moines luy icttoyét de la fange &c d'autres or-
duresjs'efcrians après luy comme forcenez. Sa patience &: modeftie fut caufe d'édifier
plufieurs perfonnes^& eft bien à prefuppofer que fon fang efpandu a là feruide femen-
ce pour produire vne pipiniere de fidèles*
S> i»
%ené Voyet : ^enis Teloqu'm.
RENE POYET, d'^ruou.
REVO O^V A N T Us choies corporellts plus haut, recognoiflons en ccft exemple ce Dieu qui a kgicime les lient ,8c
qui de baftardsno' aians les entaus lcgiiwkspar grac ,r«iclictez au fang de (on propre &natuici tUls Icfu» Chiilt
pour annoncer cette grâce de uant les hommes.
M. D. Lii. JffîsŒ^^iO M B I E N que ledifeours des prifonniers de Lyon, cy deuat mis,foic par-
iuenu iufqucs en l'an m.d.liii, pour la longue procédure qui ne pouuoit
ibonnement eftre entre-rompue fans en déclarer la fin: fi ne faut-il pas pai-
ller le martyre de René Poyer,aduenu eh Tan m.d.iii , en la ville de Saul-
mur, pays d'Ahiou, cependant que les fufdits eftoyent détenus en prifon. Sa naiifance
G.Poyet. illegitimetourncen reproche à Guillaume Poyet fon pere, chancelier de Fiance, qui
toute fa vie tenant à peu l'inftitutiondiuine touchant le mariage, s eft abandonné à
paillardifes &C cônion&ions illicites. Or le Seigneur , qui ne peut eftre cmpefché par l'-
iniquité des hommes,qu'il ne race mifericorde à qui bon luy femble, occalionné par fa
feule bonté , appela René à la cognonTance de fa vérité : tellement que quittant toute
commodité de parentage &: pays, fe retira à Geneue pour plus amplcmét eftre inftruit
en icelle. ^"Là eftant il ne defdaigna d'apprendre le meftier de cordonnier, pour man-
ger fon pain à la fueur de (on vifâge. Sciourné qu'il eut quelque temps en ladite ville, il
fe délibéra de faire vn voyage au pays.d' Aniou , où il fut empoigné pour caufe de la vé-
rité par luy fouftenue:& fut côdamné d'eftre bruflé vif en la fufdite ville de Saulmur. Si
poffible nous euft efté de rccouurer lesa&es judiciaires aufïï certains que la confiance
de fa vertueufe mort nous a efté teftifiee, nous euffiôs eu matière d'ici déduire plus am-
plement fon hiftoire:l*ur tout, les afTauts qu'il a fouftenus des aduerfaires de l'Euangilc.
DENIS PELOQVI NjeBlo».
M. D. LU.
eu regard à
ion empri-
fonuemét.
VOICI le fécond des deux Peloquini mentionnez cy d>umr , duquel les actes iuJiciajrcstant à Lyon qu'a Ville-franche,
adesEpiftresqu'il aelcritcs font cy après au difeours de fa procédure.
VIS que le Seigneur a fait vne grâce fiexquifcàDenis Peloquin ,d'auoir
eu ample moyen d'eferire en la prifon chofes nompareilles,nous-nous arre-
fterons pluftoft à fes eferits, que de faire plus ample récit ou préface. Ayant
_ cftéprifonnierlexix.d'Odobre m.d.iii , ( comme il fera veu en la fin de
fon hiftoire)il rendit incontinent confeflion de fa foy, laquelle il enuoya eferite à fes pa-
rens& amis comme s'enfuit,
M e fouucnant du grand fcandale que vous printes par lemprifonnement &: mort
de noftrc bon frère Eftienne,&: craignant que le pareil ne vous aduintpour moy, qui
fuis en mefme com bat : ayant par la grâce de noftre bon Dieu le moyen qui ne luy a ja-
mais efté donné:affauoir de referire à fes amis:i'ay penfé que mon deuoir eftoit de vous
déclarer la caufe pourquoy il a foufFert,& s'eft fi franchement&volontairement expo-
fé à la mort : & pourquoy ic reçoy en fî grande confolation les afflictions &c tribulations
qu'il plaift à Dieu m'enuoyer,attendant en patience fi/Tue telle qu'il luy plaira donner.
Or pour bien euiter ce fcandale, il eft necefïaire que vous ccgnoiflïez tout première-
ment que rien ne fe fait, & que rien ne nous aduien t fans la volonté de noftre Dieu : &:
mefme que les hommes n'ont nulle puifTancc fur nous,finon entant que Dieu leurper-
mer.lequel a vn tel foin de nous , qu'il ne tombera point vn cheueu de noftre tefte fans
fa volonté- Outre,que nous ne foufFrons point comme malfaictcurs,meurtriers,larrÔs,
ou conuoitetix des biens d'autruy,mais comme Chreftiens : ainfi que vous cognoiftrez
Delà MclTe Par les interrogations de nos aduerfaires , & les refponfes que ie leur ay faites. ^Pre-
mièrement donc ils m'ont interrogué fi ie nè croy pas que la Méfie eft bonne, &: qu'il la
faut ouïr. Aufquels i'ayréfpondu que non: mais au contraire ie croy que c'eftvn facri*
fice diabolique , inuenté des hommes au grand mefpris delà gloire de Dieu , & *nean-
tiffement de la mort & paflîon de noftre Seigneur Iefus Chriftrd'autant qu'on luy attri-
bue ce qui appartient au feulfangdelcfusChrift vne fois refpandu , aflàuoir la fàtisfa-
ction , purgation & remiffion de nos pechez:&; que là on adore vn morceau de pafte au
lieu de Iefus Chrift. Parquoy ie croy que c'eft vne idolâtrie exécrable, de laquelle tous
Chre-
DenisTeloqpim. 24.6
Chrétiens fedoyuentaBftenir fur peine d'ofFenfer Dieu. Interroguéfiiehereçoy pas DeiaCcœ
le faind facremcmdel'aucel: i'ay refponduquc non pas en telle lorceque le Pape l'a
ordonné : mais bien le faind facrcmenc de la fainde Ccne de noftre Seigneur lefus
Chrift félon fon infticution, laquelle nous eft déclarée enl'Efcriture fainde > &c un-
gulieremencaux Corinthiens : c'eft aflauoir qu'en prenant le pain &: le vin de la main i.C«r.ti,
duMiniftre,nous participons vrayement au corps &: au fang de noftre Seigneutlefus
Chrift,c'eft a dire que tout ainfî que nos corps foc nourris de pain &c de vin, qu'auffi nos
ames font nourries du corps &: du fang d iceluy:6£ que vrayement nous mangeons fon
corps &c beuuons fon fang, non pas à la bouche ny au ventrc,mais àl'efpric par foy» Ec
pourtanc il n'eft poinc meftier que lefus Chrift defeéde icy bas àïious,ny aufli que nous
nous arreftions au pain &c au vin qui nous font là prefentez : mais il faut que nous eleui-
ons nos efprits là haut au ciel , pour là contempler par foy noftre Seigneur lefus Chrift)
qui eft aflis à la dextre deDieu fon Pere,ainfi que nous le confeflbns au Symbole,&: auf- Aa" '
h que nous en auons le tefmoignage des Anges aux Ades. Parquoy ie reiette.la Tranf-
fubftanciacion que les Papiftes ont inuentee, &: croy que le pain eft toufiours pain,& le
vin demeure vin, fans qu'il fe face aucun changement ne mutation au corps ny au fang
de lefus Chrift: combien que le pain &C le vin font difFerens des autres viandes commu-
nes, tant par l'vfage que par les promettes que le Seigneur y fait. Interrogui fiie ne j^fiCon"
croy pas qu'il fe faille confefTer à l'oreille d'vn preftre:iay die que non, &: que celle con- c lon"
feflîon n'eft poinc de Dieu, d'aucant qu'elle fe fait à vn homme lequel n'a point puiflan-
ce de nous pardonner nos péchez : mais que c'eft Dieu feul , lequel nous auons ofFenfé.
Ils m'ont allégué pour réplique le paflàge de S.Iaquesdà où il dit, ConfeiFez vos péchez Ia(JUCS **
& défauts l'vn à l'autre, le leuray refponduquc cela ne s'entend aucunemenede cefte
confellîon auriculaire:mais que faind laques nous veut admonnefter de fe reconcilier,
& remettre les ofFenfes les vns aux autres. Quefi cela eftoitvray, il faudroit donc que
quand le Preftre confefle vne femme, que la femme aufli le confefTaft. Dauantage,que
cefte confeflion eft vne tyrannie diabolique exercée furies poures ames, & vne mal-
heureufe efeorcherie : d'autant qu'il eft là requis vne enumeration de tous péchez , qui
eftvnechofedu toutimpoflîble, voire auplusiufte du monde: comme nous voyons
que Dauid, qui eftoit comme vn ange de Dieu , demande pardon à Dieu de fes péchez Pfcau.u
cachez. Parquoy ie conclu qu'il ne fe faut confefTer aux hommes , mais à Dieu feul le-
quel nous auons ofFenfé:&: non feulement tous les iours, mais à touces heures s'il eft
pofllble:ainli que nous voyons queles Pacriarches,Propheces & Apoftres ont faid. In-
terrogué il ie ne croy point qu'il foie vn Purgatoire , où les ames fouffrent après qu'elles DuPtir^
font forties de ce monde, & s'il ne faut pas prier pour icellesn'ay refpÔdu que ie ne croy touc*
ne reçoy autre Purgatoire que le fang de lefus Chrift, lequel nous a purgez & neccoyez
de tous péchez , ainli que tefmoigne faind Iean en fa Canonique i . chap. Dauancage,
que l'Efcriture fainde ne nous enl'eigne que deux lieux où vont les ames en forcanc de
ce monde : aflàuoir Paradis pour les eleus, & Enfer pou r les reprouuez.ee que no9 pou-
uons facilcmenc cognoiftre par ce qui eft dit en faind Iean, difanc , Qui croie au Fils de IcaQ *•
Dieu, il n e fera point condamné : mais qui ne croit , il eft délia condamné. Ec quant à
prier pour eux, faire dire des Méfies, des Jjbera> ietter de l'eau bénite: ie leuray die
que non feulement cela eft peine perdue, mais vn grand blafphemc contre Dieu, d'-
autant qu'il n'en eft rien commandé en l'Efcritui efainde. Ils m'ont bien allégué quel-
ques badinages là defîus: mais cela ne mericed'eftre recité Ils m'ont après demandé
que ie fentoyede la vierge Marie, i'ayrefpondu queie croy quelle eftmcre de lefus Dclavier-
Chrift félon la chair, &c qu'elle l'a enfanté vierge, comme nous le conférions au Sym- êc Marie.
bole.auec cela, qu'elle eft bien-heureufe fur toutes les femmes, fuyuant ce qui eft ef-
cric en S. Luc. mais quanc à l'adorer,prier ou inuoquer en nos neceflicez , l'appeler Roi- Lue i.
ne du*ciel, Aduocate, Médiatrice, & autres chofes femblables, ie croy que cela n'eft 1-
honnorer,maisgrandemcnc vicuperer,d'aucanc quelle ne demande poinc de raujr à
lefus Chrift l'honneur qui à luy feul appartient , &c qui luy a efté donné de Dieu fon Pe-
re,mais au cocraire,nous renuoye à luy pour faire ce qu'il nous commandera,comme il
eft eferic en S. Ieanx.chap. Parquoy ccux-la blafphemec&ofFenfencgrandemée Dieu,
qui adorent, prient , ou inuoquét la vierge Marie,ny autres Sainds ou Saindes,qui leur
portenc châdelles ou on°randes,& leur for\t quelque aucre hôneur, veu qu'il n'en eft rie
cômandc en l'Efcricure fainde.mais au côtraire, elle nous enfeigne qu'il ne faut adorer
S.ii.
Liurc^j HL T)ems Teloquin.
qu'vnfeul Dieu , comme porte le premier commandement de la Loy: voire l'adorer,
prier & inuoquer au feulnom de Iefus Chrift:lequcl eft ordonné de Dieu fon'Pere, Mé-
diateur & Aduocat entre luy & nous: comme nous tefmoigne S.Iean en fa Canonique»
z.chap.difant, Que uquelcun a péché» nous auonsvn Aduocat enuers lePere, Iefus
i.Timi. Chrift le iufte. S. Paul-dit qu'il y a vn Dieu, &vnMoyenneur de Dieu &: des hommes»
aflauoir Iefus Chrift homme. Lc-feul moyen donc d'honnorer la vierge Marie àc les
Sain&s,c'eft que nous les ayons pour exemple de bonne vie ence en quoy ils ont enfuy-
i.Cor.io. ujnoftre Seigneur Iefus Chrift:commeauffi nous enfeigne S. Paul, difant, Soyez mes i-
Dcs images mitateurs, comme auflî ie fuis de Chrift. Quan t à leur faire images, ie leur ay dit que
c'eft vne fuperfticion damnable que cela, laquelle eft grandement côdamneede Dieu,
E^ode îo. comme il appert au iecond commandement de la Loy , là où il eft dit , Tu ne te feras i-
mage taillée, ne femblance aucune des chofes qui font là fus au ciel , n'icy bas en la ter-
re, ny es eaux de/Tous la terre. Tu ne t'ehelineras point à icelles, &: ne les feruiras. Auffi
nous fauons que Dieu maudit l'image & l'imageur, comme il appert au Pfeaume cent
Du Pape, quinzième. Ils m'ont interrogué puis après , fi ie ne croy pas que le Pape foit chef de
l'eglife Chreftienne. le leur ay trefbien rcfpondu que non: mais au côtraire que ie croy
qu'il eft vrayement vn Antechrift , lequel s'efleue contre Dieu , & mefmc fe fait appe-
i.Tlieff.i. ler Dieu. Et leur ay dit que ie croy que c'eft de luy que parle S.Paul,& que ie ne cognoy
ne recoy autre Chef en l'eglife Chreftienne, que Iefus Chrift fcul. Au refte il eft mani-
fefte que l'eglife dont le Pape eft chef, n'eft point la vraye Eglife : d'autant que les mar*
ques de la vraye EgJifene s'y trouuent point, aflauoir la prédication de la parolle de
Dieu,& l'adminiftrationdesfainctsSacremens. Voila fimplement les interrogations
qui m'ont efté faites, &: les rcfponfes que i'ay données à Ville-franche. Puis après auoir
efté amené à Lyon, l'Inquifiteur, l'Official &c autres m'ayans fait le&ure d'icelles,m'ont
demandé fi ie vouloye perfeucrer en ces erreurs , ainfi qu'ils les appelent. Aufquels i'ay
refpondu que ie prie Dieu iournellcment qu'il m'en face la grâce: puis qu'il luy a pieu
par fa grande mifericorde me dôner à cognoiftre par l'Efcriture fain&e , que c'eft la vc-
Dc l Efcri- rite 8c ce qu'il faut croire. Lors l'Inquifiteur me demanda que i'appeloye TEfcriture
ture faicie. fejn£c# rav refpondu que c'eft vne vérité infaillible , certaine & parfaite , laquelle eft
contenue au vieil &nouucauTeftament: à laquelle il n'eft licite d'adioufter ny dimi-
nuer, en laquelle aufli il n'y a rien omis, des chofes qui font necelîaires à noftre falut . te
pourceic croy que c'eft la feule reigle de la religion Chreftienne. Adonc l'Inquifiteur
bien fafché m'-a demandé, Qui l'a dit que c'eft là l'Efcriture fain&c ? & comment le fais-
tu, finon que l'Eglife t'en afîeure? Or ie fauoye bien qu'il vouloit entendre de l'eglife du
Pape:& pource ie leur ay refpédu que ce n'eft oit point l'eglife qui m'en afleuroit , mais
quec'eftoit lefainft Efpritfeul, qui m'en rendoit certain &bien afleuré en ma con-
feience , en forte que ie defire de viure & mourir en l'obeifTance d'icelle, laquelle(di-ie)
ne prend point fon authorité de l'Eglife ancienne(ce feroit mettre la charrue deuat les
bœufs: )car l'Eglife eft fondée fur la dodrine des Prophètes U Apoftrcs de noftre Sei-
Ephcf.z. gneur Iefus Chrift, comme le tefmoigne faind Paul aux Ephefiens. Or ayans feu quei'-
auoye efté en cefte abomination de Moinerie , ils m'ont interrogué bien diligemment
quim'auoitefmeud'enfortir&delalaùTcr. Aufquels i'ay refpondu , que ç'a efté pour-
ce que le Seigneur m'a fait la grâce de cognoiftre que c'eftoit vne inuention humaine»
du tout contraire à la parolle de Dieu : d'autant que là il n'eft queftion que de fe fauuer
& mériter Paradis par fes propres œuures , par fatisfactions , obferuations de iours , ab-
ftiriences de viandes à certains iours, & autres cérémonies damnables , qui font toutes
doctrines des diables, contraires à la liberté Chreftienne: comme il appert par toute I-
DcsVcuz. Efcriturefain&e. Interroguédes Vœus, & s'il ne les falloir pas rendre &garder:i'ay
refpondu que cçux qui font faits à Dieu ou aux hommes félon fa parolle , il les faut ren-
dre &: teninrhais au contraire , ceux qui font fans & contre la parolle de Dieu ( comme
font ceux des Moines , lefquels mefmcs ne font point en la punTance deJhomme ) n'o-
bligent aucunement, ainspeuuentfain&cmcntcftrerompus&delaiiTez. Interrogué
pourquoy ie me fuis marié , veu que i'auoye voué chafteté:i'ay refpôdu que chafteté eft
Matth.u». vn don de Dieu Ipccial, comme il appert en fainct Matthieu, lequel n'eft pas donné à
tous lesMoines qui le vouent, comme on le void par trop grande expérience: Et quant
à moy , cognoifiant que le Seigneur ne m auoit point donné ce don : pour cuiter forni-
i.Cor.7. cation i'ay fuyui fon commandement , ainfi que S. Paul le déclare aux Corinthiens , di-
bems^ebqU'm. g±t
fant que pour eùiter fornication vn chacun doit auoir fa femme, & vne chacune fem-
me fon maxy : fâchant que ne les paillards , ne les adultères , ne les bougres n nerire-
ront point le royaume des cieux. Dauantage le mariage eft entre tous honnorable< Hcbr.ij.'
&le lift fans macule, mais Dieu iugera les paillards &L les adultères, comme tcfmoi-
gne l'ApoftreauxHebrieux. Etquantà ladefenfedu mariage à certains perfonna-
ges, cela eft vne doctrine diabolique, comme letefmoigneS. Paul en la première à
Timot.4.chap. D'autres chofes ne m'ont-ils point inrerrogué qui foyent dignes d eftré
eferices. Il eft vray que flnquifiteur a bien vfé de quelques flatteries enuers moy pour F,a[f«'f?
me diuertir, me promettant beaucoup de biens, &c me propofant maieuneffe. Laquel- ^"815;
le(dit-il) eft dommage que tu expofes fi témérairement au feu , comme il faudra qu elle
foit fi tu perfeueresi Penfe donc à toy,& regarde:il eft en ta puiflïnce de te fauuer. Voi-
re, dy-ie,en me damnant. Orvoila, dit-il ranima tua m mumbwstm'. c'eft àdire,tavie eft
entre tes mains. le luy ay refpondu qu'elle feroit bien mal gardée &: en grand danger, fi
autre que moy n'en auoitlelbin:& quei'auoye bien eftéen vrt autre efcole, oùi auôye
bien appris vn autre leçon meilleureraflauoir à l'efcole de noftre Seigneur Icfus Chrift,
lequel nous enfeigne queceluy qui voudra fauuer fâ vie, la perd ra:& qui la perdra, la
fauuera en la vie éternelle. Mais ne fè contentant point de cela , le lendemain il m'en-
uoya fon Moine, pourtafcheràfairece que luy-mefme n'auoit peu faire. Lequel venu
vers moy, me propofa la bonne volonté de monfieur le cardinal de Tournon : Lequel,
difoit-il , a bonne arFedion de vous retirer, êc vous régér en voftrc premier eft ar,& vous
donnera vne bonne robe neufue, &: vous enuoyera en quelcune de fes maifons. Au-
quel après plufieurs propos ie reipondy que i'auoye affez porté la robe noire , & qnc rc
délire d'en porter vne blanche : non point corruptible , mais femblable à celles dont il
eft parlé au 6> de l'Apocalypfe . Voila trefehers frères &fœurs ,lacàufe pourquo?
touslesenfansde Dieu font perfecutez, ou phiftoft Iefus Chrift en* leurs perfonnefc
d'autant que ce n'eft point fiaftre caulè que nous maintenons , mais la fîenne propre.
Nous voyons aulîi qu'il s'attribUel'iniure qu'on nous fait, comme a fa propre perîbn-
ne : ainfî que nous auons le tefmoignage aux A&es des Apoftres,quand il eft dit à fain& A«ftei >?
Paul, Saul, Saul, pourquoy me perfecutes-tu ? Or il eft certain qu'il ne perfecutoit pas
Iefus Chrift en fa propre perfonne, lequel cftoit &: eft à la dextre de DieU afïïs : mais, en
fesmembres . carcequicftfai6tàrvndespluspctisdesfiens,illetientc0mméfaic>àfa Matth.i£
propre perfonne. Si donc noftre Seigneur Iefus Chrift nous aime tant, que de receuoir
à iby l'opprobre qu'on nous fait, quelle ingratitude fera-cc,li après auoir reteu vh bé-
néfice li grand comme eft la cognoifïânce de fa vérité, ftous n'en daignons faire confef-
fion telle qu'il la requière de nous, mefme après tat de menaces & fi grades?Iefus Chrift
dit,Qui me niera deuant les hommes, ie le nieraydeuant Dieu monPere^qui mecô- Ma«k.io:
felfera deuant les hommes* ie le confefTeray deuant Dieu mon Pere. Qu'eft-ce,ie vous
prie, que d'eftre renoncé de Iefus Chrift, par lequel feul nous auos açcez au PerC,- finon
vne fentence de mort éternelle? Il eft vray que les tyrans & ennemis de Dieu nous dé-
fendent de le côfeffenmaisnoùsfauons à l'exemple des Apoftres, qu'il faut pluftofto-
beir à Dieu qu'aux hommes:&: ne faut craindre ceux qui tuent les corps, te n'ont aucu-
ne puifTance fur \ 'ame. Nous fommes donc àfTeurez d'eftre periecutez:mais nous fauôi ^« f* ,
que c'eft par croix & tribulations qu'il faut entrer au royaume des cieux. SvPaul dit,qu'- r"
il ne nous eft pas donné feulement de croire ctt Iefus Chrift : mais jtûflî de fouffrir pour
luy. Item ert vn autre partage il dit, que tous ceux qui voudront viure fidèlement en le- ^p^*^
fus Chrift, foufFriront perfecution. S.Pierre dit que nous fommes bien-hcureux,<î nous
fommes vituperezau nom de Chrift: car fefprit de Dieu repofe fur nous. Maintenant
donc après tant de fi cxcellens tefmoigrtagés,eftimerons-nous perdre noftre vie , quad
nous l'aurons expofee &ù mife entre les marrrs de nos ennemis pour vne caufe tant iufte
& tant fain&e?Nouseftimerons-nousmal-heureu£,quâd Iefus Chrift par fa bouche fà- Mmb.*'.
crée non prononce bien-»heureux?Nous iugerôns-nous mourir à credit,<6me rols& ift-
fenfez,quad luy-mefme nous promet vn loyer fi grâd du ciel ? Or dôo,trefchers frères Se L* mc{mt*
fœurs,ie vous prie ne vous arrcftezpoincauiugemcntdu mÔdejlequel eft tant aueugle
qu'il ne peut trouuer vie en la mort,nc benediâion en maîed i&ion . Et ne nous fcadali-
zôs point,quad riousvoyôslesferuiteurôdeDieu fouffrir perfecutiôifachans q le moyê*
pour nous conformer à noftre chcf& capitaine Iefus Chrift , c'eft que nous portions la Mattlub;
croix après luy. car le feruiteur n'eft pas plus grand quelemaiftre. Allons donc à luy HebrJJ-
S.iii.
Uurcslll- DemsTcloquin.
hors dés tentes portansfon opprobre: car nous n'awms point ici de cité permanente,
mais nous en cerchôs vne à v enir: à laquelle le Seigneur par fa mifericordé nous vueillc
tous conduire : Ainfifoit-il.
C E S T E Epiftre contient pour fa première partie, comme Dfnis s'eftant de long temps apprefté au voyage, attribue
proprement la caufe de fa prifeau Seigneur, & non à la conduite desfemmes. Sur ce fondcment.il confolc fcs pa-
réos, (a fœur, & fa mcre.
jfSB RE R E & amy, i'eufife mis peine de vous efcrire plus amplement, n'euft efté que
j|j|Éjj i'ay receu de mes frères cefte lettre , laquelle ie vous ay bien voulu enuoyer , afin
que vous participiez tous en la confolation que le Seigneur nous y donne , & que vous
foyez tant plus affeurez de la grande bonté de noftre bon Dieu enuers les enfans , &: de
l'affiftence qu'il leur fait au milieu desgrans aflauts &: troubles que Satan &: fes mem-
bres, péché &c la chair leur prefentenc : afin que vous en faciez voftre profit à fa gloire,
&C que vous appreniez & foyez tous efmeus à vous préparer de receuoir les afflicliôs qu
il plaira au Seigneur vous enuoyer : defquelles vous ne vous pouuez exempter aucune-
ment, fi vous eftes de fes enfans, comme ie ne doute que vous eftes:car il faut que tous
s.Tûn.5. ceux qui voudront viure fidèlement en lefus Chrift , foufFrent perfecution. Non pas
qu'il faille que tous foyent bruflez&: meurtris parles tyrans : carie fay qu'il néft pas dô-
né à tous de boire de ce calice, mais fi eft-ce qu'il faut que tous endurent affliction : d'-
autant que c'eft le chemin pour paruenir à la vie éternelle. Il n'eftiameftierque ie ré-
pète ce qui eft eferit cy défi us , il me fuffira que ie vous donne à cognoiftre que de tout
moncœuri'yconfen,&deûrede mourir en telle foy, priant continuellement ce bon
Dieu au nom de lefus Chrift noftre Sauueur, qu'il me face la grâce d'y perfeucrer. ce
que certes ie ne doute qu'il fera. L'autre caufe qui me garde de referire plus amplemét,
c eft que voyant la grande grâce que le Seigneur nous a fai&e par le pane , de nous con-
foler les vns les autres,il mefemble que i'ay plus grade occafion, & vous aufîî auec moy,
deiglorifierk bonté' de noftre bon Dieu, que non pas de m'amufer à vous faire longue
Exhoru- lettre. Il meïuffiradonc vous exhorterquevous.perfeueriez de profiter de plus en plus
tioas aux çpfcctjptkit&ù Seigneur:fi£ que tant de beaux exéples que vous voyez deuât vosyeux,
*4ren,' vousferubeflt pour vous renger en l'obeiiîànccde Dieu & defaparolle tantplus pres: &:
que vous- v^us gardiezd'abufer de fes grâces ,8£mefprifiez ce monde auec ces concu-
pùcences. Gonuernez vcfbé famille en la crainte de Dieu. Gardez que les loups n'y
entrentpour deftruire quel que membre d'icellé. Remettez en Dieu voftre affaire , &c
fbyezafiéurez qu'il çonduira.tout à fa gloire fie à voftre falur. Ne vous eftonnez fi vous
voyez Jeschofes aller au rebours félon le monde. Ne vous contriftez-point pourtant û
tous ne voyez les grans profits: mais tenez- vous ferme encepropos quele Seigneur
vou$adoné,afTauoir de vouloir demeurer aux parais du Seigneur & en îbnEglife. Ce-
pendant afTeurcz-vous qu'il vous faura bien enuoyer ce qui vous fera neceflaire pour fa
glpirefiÉ pour voftre falut, moyennant que fur toutes chofes vous cerchiezfa gloire , fit
que yous cheminiez en fa crainte. Et combien que quelquefois ilfoit aduisàceftepo-
ure chair tout lé contraire, fi eft-ce neantmoins qu'il nous faut faire ceft honneur à no-
ftre Dieu, de nous fier en luy $c en fa bonté vraye:mefme après tant de fi grandes pro-
meiTes. Ayez auffi mémoire detrauailler en l'œuuredu Seigneur félon la grâce qu'il
vous fera,£ ne foyezfiparefTcux comme i'ay efté d'annoncer à ceux qui font en tene-
tesrepro- bresla vraye lumière. Orie prie ce bon Dieu, qu'il mevueille pardonner au nomde
w« f^<£° ^us Chrift,& qu'il ne m'impute point ma grade négligence en ceft endroit-Etgardez
rws. de confentir & adhérer à ces poures aueuglcs qui ne fauent iuger des çeuures de Dieu,
non plus qtt'vnaucugle des couleurs :quidifcnt> voire raefmes en fe moquant, Afon
4àm, pour<|iK>y y allait-il? Ne fâuoit-il pas bien que fon frère y auoit efté pris? ne fauoit-
il pas bien que c eft vn mauuais& dangereux charoy que de femmes? O parolle exécra-
ble / 6 blafphemç intolèrablé! Voulons-nous empefeher la prouidence de Dieu ? Vou-
lons-nous refifter à fà volonté?E* mcfme ie n'y fuis point aile volontairement, c'eft à di-
reexprcs:car te n'en fauoye rien. il eft vray que i'auoye bien l'aiTe£tion: mais cependant
le Seigneurm'y a appelé fans mon feu.cbmbicn qu'encores plus franchement l'eufTe-ie
fai it fi iefeu/Teiéu. Etmefmecefutce qui fit confèn tir ma femme à mon partement,
affauoir le defir qu elle auoit que ie vous amena/Te auec moy . Maintenant donc at-
tribuerons-nous ma prinfc à la conduite des femmes» pluftoft qu'à la prouidence de
Dieu , lequ el manifeftementnous rend conueincus , que telle a efté fa fâinâe volonté,
par
^enis^Peloqmn. 14.2
par la procédure qu'il a tenue en ceft œuure?E t encorcs dauantage*ma femme m cfttef °».
moin que plus d'vn an deuant îe luy ay tenu tels propos:Cc n'eft point moy (di-ic) ma» b^îlpîî-
ie croy que le Seigneur l'a ainfiordonnc.Puis donc que i'apperçoy par expérience qu* Peio-
telle eft la volon té,&: qu e mefme il luy a pieu la me déclarer auant le temps, pour le fou . *wio'
lagement de mon infirmité:que refte-il finon de le prier qu'il luy plaife par (à diuine bô
té parfaire l'œuure lequel de l'a grâce ilafi bien commencé en moy, enlbrte que fon
fainct nom en foit gloritié,quc l'on Eglife en reçoyuc edification,& que mô falut en foi*
auancéîCequeie vous prie tous de foire aucc moy, tant pour moy que pour ceux qui
font en pareil combat aucc moy.ôi ce au nom &c en la faueur dt Iefus Chrift noftre feul
Seigneur êc Sauueurtauquel auec lePere &c le fainct Efprit foithonneur,gloireô£ empi-
re à toufiourfmais, Ainfi foit-il. ^Or ie vous prie tous au nom de noftre bon Dieu,con*
folez-vous en ces chofes,& gardez d'eftimer que noftre vie foit conduite par fortune &:
aduenture-.mais au contraire: penfez que Dieu conduit toutes chofespat fa fâincte pro
uidence & bonne volonté . Suyuezdonc la vocation en laquelle le Seigneur vous apr
pelera,fans aucune crainte.^ vous contentez de -voir le royaume de Dieu à venir/ans Queliepru
vousamuferàlaconfiderationdevoftreproprevie.Ie ne veux pas pourtant dire qu'il denceeftit
fe faille ietter en danger fans aucune confideratiommais au contraire s il faut que ecluy JJJjj" au.
qui eft appelé à telle vocation,foit prudent & fimple:&: qu'il chemine auec vnegrande eftappdé.
modeftie,preuoyant de loin les dangers qui peuuent aduenir en telles chofès par faute
de meure délibération .& cependant fe faut garder d'vferde quelque prudence char-
nelle: mais conuient entièrement fe remettre en la protection &fàuue^garde de noftre
bon Dieu,eftans bien afTeurez qu'il ne tombera point vn cheueu de noftre teftefansfa
volonté.Quantà vous,matrefcherefœur, iene vous pourroyc pas ex primer la grande up^^
confolation que ie reçoy enconûderant les grandes grâces que le Seigneur vous fartée fœur,«fut
l'obenTance que vous luy rendez,ayant apprehendéïés bénéfices enuers vous.Pârquoy dc Laf«é*
il me femble qu'il ne me refte finon d'en magnifier fa bonté auec vous^fc vou^exhorter
félon mon petit pouuoir,àperfeuerer en augmentation,*: faire voftrc proufît des œu-
ures deDieu:leiqucUes vous voyez fi manifeftemêt deuant vos ycux,qu àîa vérité vous
feriez digne de grande reprehenfion > fi voûs n'eftiez par cela cûneue à cognoiftre
la prouidence de noftre Dieu enuers les tien s: lequel ne fe contente pas de vous donner
fa Parolle,laquellc eft an^ezaiffifante pour vous a/Tcurer de là bonté: mais veutmÔftret
q'escxemplesdeuant vos yeux*Il en prend du milieu de vous fie devoftre propre fang,
& non feulement il y en a vn-.mais vous voyez dcfiale deuxieme,qui eftoit tout préparé
par la grâce de noftre bon Dieu,de ratifier & fécllcr la vérité de fon Dieu & du voftre,a*
uec fon fang. & non feulemét vnefois,mais cinq cens fi faire fe pouuoit.EtieloueDieU
que vous fauez quelle a efté ma vie pa(Tee»& en quelle exécration & abomination i'ay H met au
vefeu tout le temps de ma ieuneiîe:afin que tant plusviuement vous appréhendiez la J^JJJ^t
grande mifericorde de Dieu enuers fes poures creatures,quand d'vn vaiffeau fi ofrd & fi '
infctt,il en a faict vn vaifTeau d'élection: voire pour l'ériger à tel honneur commercé t&
luy-la,affauoir de porter tefmoignage à fa faincte verite.O heureufe race, ô heurêù*I&
gnage des Pcloquins lie vous prie, penfonsvn peu s'il y :à quelque chofe en nouSplui .l*fMoJ
qu'aux autres, par laquelle leSeigneurait efté cfmcu à nousfaire tant de gracc-.Heft nie <luin9'
certain que nommais ùl feule grâce &c bonté a trouuéla caufeen elle mefme . Faifotfs
donc noftre profit de telles chofes,afin que ne foyons trouuez ingrats de fi grans bene--
fices.Que fi nous ne le faifons,il eft bien à craindre que le Seigneur ne fe courrouce, te
qu'il neîace la vengeance d'vn tel mcfprisTSoumcttons-nous donc en fon obehTâncé,
&luy difons fans aucune feintife,Seigneur ta faincte volonté foit feite.Et combien que
que les afflictions àc tribulations foyent fafcheufes & ennuyantes à cefte chair , combié
que nous voyons nos aduerfairesen apparence eûre bienforts,& nous fort foiblcs&ih
firmes: toutefois cela ne nous doit eftonncr,fachans à quelle fin telles chofes- nous mei-
nent . Il nous penfent mènera la mort: mais c'eft au contraire , ils nou s meïnent à* H
vie . Ils nouspenfont ruiner: mais ils font inftrumcns pour nous faire entrer en porTeft
fion de la gloire etemelle,laqucHe*ious eftpreparec deuant la confticution <ro monder
Satan fait de grans efForts.il dreflfe fes groflès bômbardesimais nous fauons queçe tfcft
que fumée que dc toutes fes ammonicion s. Nous fauons dauatage que noftre Seigneur
Iefus Chriflen a rapporté la victoire,^ a*riornphé de nos àdfcérfaires . H néréfteMihon1
qu'entièrement nous-nous remettions en fa protection & (auue-garde: car celuy qui fe
S.iiii.
limcu, ///. dtyft* SfrApA*.
confie au Seigneur tic fera iamais confos-ayonsJcdoricfioùr noftre bouclier &: forterèf
k:remcttons 6c nous 6c cous nos affaires en Ton iein ,& nous tenons bi en aiïcurez qu'il
conduira le toutàfa gioire& à noftreiâlut: voire combien que bienfouuent ilfemble
aduis qu'iinousait delailfezdu tour, 6c ne nous àpparouTe point qu'il v eille pour nous.
Ccrchons donques prem ieremét jCeft à dire par deflus touc,le royaume dcDicu & fa m
ftice:& toutes choies necefTaires nous ferofitdÔnces.Or quant à vous,ma bonne mere,
ic me tien bien afleuré,voyant lesgrans grâces que de ti long temps le Seigneur vous a
faites,que ne demeurerez derrière^ ne permettrez que ma fœur *qui vo9 a tant faict dé
peine, vous precede:fingulierement quand vous considérerez" les grâces fi grandes qud
le Seigneur vous afâites,de vous auoir retirée d'vne telle boùrbc:en laquelle vou s aucz
eftéfi fort plongee,qu'il vous en a failli retirer comme à grahd'force.Qué lerà-ce donc
qui vous retardera d'eftre de celle belle baderSera-ce la confideratiô des riche/Tes 6c h6
neurs de ce monde?mais vous lauez que tout cela n'eft que vanité . Seront-ce les volu-
ptez&: plaifîrs mondainsjaufquels vousàuezefté nourrie en voftre ieune/Te? mais vous
îauez que telles chofes nous meinent à perdition pluftoft qu'à falut.Glorifîez-vous dôc
en la croix de IefusChrift,& délirez auec ce grand prophcteMoyfe,d'eftre pluftoft me(*
prifee 6c affligée auec le peuple de Dieu,quexl'eftre en la maifon de Pharao en hôneurs
&c voluptcz:lefquelles précipitent ceux qui s'y atreftent,en danation & mort éternelle.
Suyuez ce bon foldat que le Seigneur vous a donné pour môy,& aimez auec luy d'habi-
ter aux. paruis du Seigneur, voire mefmes en grande poiJreré 6c affli&ion , s'il plaift à ce
bon Dieu vous exercer ainfi. le ne dou te point que Charlotte n'ait bonne affection dé
vous fuyure:&: ie prie au Seigneur qu'il luy en donne la grace.Et vouslcanne ma bonne
amie,doy-ic vfer enuers vous de nouuelle admonitionîau contraire il me femble que i -
ay plus grade occafion de glorifier Dieu auec vous,de la grâce qu'il nous a faite de nous
exhorter,admonncfter 6c confoler les vns les autres par l'efpace de cinqou fix mois. Par
quoyie vous renuoye aux conlolations que le Seigneur m'a donné de vous faire parle
pairé,aufquelles il me femble n auoir rien omis. 11 ne me refte plus linon que de predre
Le demkr congé de vou*,& vous dire Adieu. Adieu donc tous mes amis, Adieu ma bonne fœur,
pdiC"u1n à ^1CU ^CIUS mon zmY » Adieu ma bonne mere 6c toute voftre famille , Adieu Ieanne,
fespreni* Adieu malœur in'amic.Et certes Dieum'eft tefmoin que ic ne vous donne point vn A-
dieu fourrebec n'eft point vn Adieu couuert d'hypocrilieoufimulation :cc n'eft point
vn Adieu contraint ne forcé,mais c'eft vn Adieu volontaire 6c libre,vn Adieu conioint
auec vneobciûance que iedefire de rendre à mon PereçelcfteJ c'eft vn Adieu qui me
conduit aux biens celeftcs*lailFant derrierclcs ter f cftres. Pârqûoy ie vous prie , priez
tous ce bon Dieu, qu'il me face lagrace de perfeuerer en fon obeilTânce iufques à la
morc^afi&quelefoye participant de la gloire immortelle* laquelle ilâ prorhife a tous
ceux qui perfeuereront iufques à la fin.& ce au nom de IefusChrift noftre Seigneur 6c
feu! S«uueur,auquel auec le Pere 6c le faind Efprit foit honneur 6c gloire , puùTance 6c
cm pire itoufiours-mais, Amen. Saluez *ie vous prie, toute l'Eglifc qui eft en Iefus
Chrift, fingulieremcnt monfieur Charles 6c fes compagnons . Gardez- vous de con-
tentions 6c debats.Supportez Jesinfirmitez les vns des au très. Red reliez celle qui aura
failli, auec efpnc de douceur 6c manfuetude. Fuyez les caquets & parolles vaines 6c
©ifeufesrçar certes il en faudra rendre conte vn iour . 6c à cela ma fœur y prendra garde
comme la merede famillerà laquelle il vous faut porter honneur, vous ieunes , à caufe
de l'aage.La grâce de noftre Seigneur Iefus Chrift foit auec voustems > Ainfi foit-il . Ce
neufiemedeMars,M.D.L ni.
I L confole par rtpiftre firyuanec ceux qui d'vn me/me temps dîéy?at prifûnntérs à tyonxotnbicn que le nombre des fi-
dèles kit petit, que nea i tmoinsjcur conditioa eft afleufee.S ur la fin il recommande les poura,
E ren grâces à noftre bonDieu,trefchers feigneurs 6c frercs,de ce qu'il vous forti-
j fie en confiance cotre fes a/Taux & tentations que vous auez à fouftenir par-delà,
& qu'au milieu de la rage des ennemis if maintiét le règne de fon Fils: mefme que iour-
nellemen t il augmente le nombre de lesenfans. Vray eft qu'au prix de la grande multi
te nomb tU(*e <^CS mcrcc^u^cs ^ contépteursde l'Euangile,Ic nôbre des fidèles eft bie petite mais
desfidTicI' & ^ut-il que nousconfefiions qiie c'eft vn cTroid miracle de Dieu , qu'il y ait encore de
«ftpeth. fafemence,veuque Satan a machiné detoutrentrerfcrôJ ruiner. Or efperons que ce
bon Dieu ne foufFrira point qile fon ouurage perhTe.Et fur tout, tenons-nous aifeurez
que Iefus Chrift fera fi bonne garde de noftre iaiut que toutes les forces d'enfer ne-
pour-
DenisTeloqmjt j+j
pourront rien àl'encontre.Cependant apprenons, quoy qu'il en foit,d'eftre touflours
préfts aux combats çfquels il nous voudra exercer.& ne nous trompons point, en nous
promettant paix & repos au monde.Mais puis que nous fommes aduertis de fuyure no
ftre Capitaine à la croix,&: que telle eft noftre deftineeiarmons-nous deuant le coup,a-
fînden'eftre furprinsaudefpourueu.Sinous confiderons la fin & le fruiét denbsafRi-
ttions,il ne nous doit pas faire mal d'eftre conformez aux paffions du Fils de Dieu , no-
ftre Maiftre &: Sauueur,pour eftre participais de fa gloire. Si la plufpart font adonnez à
la terre,aux delices,vanitez & pompes de cefte vie caduque : fi faut-il que nous regar-
dions au ciel, & à l'héritage éternel qui nous eft promis à cefte condition, que nous
foyons eftrangers icy bas.De noftre cofté, nous auons compaffionde voftre captiuit©
&c de vos fafcheries,comme nous y fommes tenus ï & prions noftre bon Dieu , qu'il luy
plaifc brider la cruauté des ennemis,renuerfer leurs côplots & machinations,& fe mo-
ftrer voftre protecteur en toutes fortes . Ayez auffi mémoire de nous : car combien que
les perfecutions ne foyent pas telles qu e vous les fcntez,fi eft-ce que Satan ne laiffe pas
de nous faire la guerre en pluiieurs fortes.il y a auffi beaucoup de neceffitez aux poures
qui fe retirent icyraufquels fi aucuns de vous ont moyen d'y fubuenir, ie vous prie au nô
de noftre Seigneur Iefus, vous y vouloir employer.Ie ne vous en prelTe non plus,pource
que i'efpere que l'Efprit de Dieu vous folicite a/Tez d'en faire voftre deuoir. Parquoy
meffieurs&: frere^, après mettre a/Fe&ueufement recommandé à vos prieres,ie fupplié
derechef noftrePere celefte,qu'il vous augmente en tout bienjqu'il vous gouuerne tel-
lement,que fon Nom foit glorifié en vous de plus en plus,comme il le mérite.
E PI STRE des cinq Efcoliers de Lyon à Denis Peloquin.
ELLE S connermencrcfponfeauiiettr« précèdent^
lors qu'ils eftoyent prochains de la mort.
jj|8|j3!0 V S ne vous ferions dire ny efcrire(trefcher& bien aiméfrere) la grande con-
folatiô que nous auons receue par vos lettres: tant par celles que vous nous auez
enuoyees quad eftions auprès devous,qpar celles que nous auez eferites dernièrement
par lesquelles nous enhortez d'vn grand zele à marcher conftamment en bataille & au
mefme combat qui nous eft propofé:afin que par noftre exemple , vous & pluficurs au-
tres frères prifonniers pour la parolle deDieu,foyez édifiez & fortifiez pour marcher a-
pres nous au mefme combat.De laquelle chofe nous rendons grâces à noftre bonDieu
&: Pcre , &C vous remercions auffi trefaffe&ue.ufement : vous prians tant feulement de
prier pour nous,afin que ce bon Dieu nous donne viétoirc& perfeuerace iufqu a la fin.
Ce que croyons &: efperôs qu'il fera , ainfi que défia en auons fait l'expérience par plu-
fieurs fois:& entre les autrésjmainrenant. Car ia-foit que nous foyons aflàillispar Sa-
tan &: par nos ad uerfaires,qui font fes membres,de plu s près &: plus fort que iamais: ia-
foit que nous foyons enuironnezde toutes pars, & que nous ne puiffions voir deuant
nous que la mort, les tourmens,la honte &c confufion du môdemeantmoins nous-nous u CODfoi*
refiouifTons &: fommes con/olez par le faincl Efprit: d'vne ioye & confolation inenarra- tion dc> fi-
ble,laquelle furmonte & engloutit toute angonfe & trifteiTc.Certes,trefcher frère, nos î^tiïii.
aduerfaires nous donnent grans a/Taux: noftre poure chair fecontrifteauffiaucunemét, ta angoif-
d'autant qu'elle ne peut entendre que la vie foit en la mort, &C benedi&ion en maledi-
&ion,gloire& honneur en mefpris&: deshonneunmaistout cela neft que vent enfu-
mée qui s'efuanouit deuant le Seigneur, qui eft au milieu de nous pour noftre garde &
forterelîe:lequel par fon fain&Efprit nous fortifie & fait goufter les ioyesceleftes,telle-
ment qu'il n'y a rien qui nous empefche de nous refiouir &c chanter louanges à noftre
bonDieu nuift & iour, regardât la gloire infinie &c la couronne d'immortalité,qui nous
eft préparée là haut au ciel.il n'y a mort ne tourmens, quelques horribles & cruels qu'-
ils foyet,qui nous empefehent ou retiennent qu'alaigrcment nous ne cou rions au com-
bat pour obtenir la couronne de gloire, qui nous eft préparée deuant la conftitution
du monde: laquelle Iefus noftre Capitaine nous prefente maintenant : voire fi nous luy
tenôs la foy que nous luy auons promife,iufqu a la fin .Car ce n'eft pas a/Tez de batailler
pour vn temps:mais il faut garder la foy iufqu'à la mort â noftre bon Capitaine , lequel
a marché le premier au combat.Parquoy comme bons champions ^gendarmes efle-
uons nos teftes en haut,luy demandans aide& fecours en tels a/faux-.&: foyons afleurez
qu'il nous deliurera. Courons par patience au<:ombat,cnfuyuans IefusChrift noftre bô
Capitaine,&: tant de fain&s Martyrs qui ont efte deuant nous,lefquels par leur foy & cÔ
LiurcsUL Denis Trioquito.
ftance nous exhortent.Quc fi noftrc chair fccontri{tc:iettonsnoftre veuepar lesyeu*
de lafoy en la triomphante& glorieufe rcfurrection,cîi laquelle noftrc côrps,qui main-
tenant eft abiect &: caduque,fera femblablc au corps glorieux de ïefus Chrift* eftât cou
ronnéde gloire & immortalité,& reiplendiiTant comme le foleil au royaume de noftre
Iean Père cetefte,auquel nous ferons en repos,paix,ioyc&: félicité, cftans mefmes fcmbla-
bles à Diéu(ainfi que dit l'Àpoftre) lequel nous verrons face à face:& non tat fculcmet
le verrons tel qu'il eft,mais le cognoiftrons ainfi qu'il nous cognoift,& ferens vnis &cô
ioincts àluyparvnlienindifToluble. Voila toute noftrc confolatîon & efperance,qui
nous donne victoire du monde. Or trefeher frère, puis qu'il plaift à neftre bon Dieu
que nous allions à luy,& marchions deuant vous pour receuoir la courone de gloire &:
immortalité vniour de ceftefepmaine, ainfi qu'auons entendu en efcriuantceftcpre-
fentc(car nous auôs feu qu'il a efté arrefté ainfi entre les aduerfaires)priezpour nous ce-
pendant^ prenez bon courage de nous fuyure après. RefiouiiTez vous aucc nous, de ce
que nous allons à noftrePere celefte,pour eftrc participans du royanmc& de l'héritage
qui nous cft préparé deuant la conftitution du mon'de. Recommandez noftre Cau-
fe à Dieu, pour lequel nous enduros. Si vous efcriuez aux frères, faluez-les en noftre Sei
gneur:auqucl prions qu'il luy plaife nous faire la grâce quefon faincT: Nom foit glorifié
par nous iufqu a la dernière goutte de noftre fang , au nom de Icfus Chrift : Auquel foit
gloire,honneur &c empire à tout iamais. Ainfi foit-il. Vos frères prifonniers côme vous
pour la parolle de Dieu,ayans conceu en cuxfentcnce de mort.
LETTRES dudit Peloquin,par lefijuclles il dernonftre l'aflcurance qu'il a en h vertu du Seigneur, par laquelle il «
certaine confiance de furmonter h mort.
^Raignant de n'auoir plus le moyen de vous efcrirc,trefcher frcre,par ce que nous
voyons nos aduerfaires fi enflammez contre nous ,que c'eft merueille: ie me fuis
halte de vous referire la prefente, ne fâchant toutefois fi Dieu permettra que ce foit la
dern iere.Tant y a que i'vferay d'icellc,commcfi ie prenoyc congé de vous, quât à cefte
vie prefente,pour marcher deuant,puis qu'il plaift à ce bonDieu & Pere me faire hfgfa
ce fi grande d'cftre l'vn de fes heraux ou de fes trompettes,pour fonner à haute voix de-
uant les hommes,& confeffer fes bontcz, & me faire digne de refpandre m on fang,&
foufrrir mort pour maintenir fa caufe, laquelle mortie fuis certain luy eftre grande-
ment precïcufc,d'autant qu'i| la dediee à ceft office tant excellent, aiTauoir pour eftre
vn feau pour féeller & cacheter fa fain&c verité.Etcombié" que cela ne fe face pas fans
grand combat à l'encontre de mes ennerrfis domeftiques,affauoir le diable , le monde,
6c ma propre chair: car certes ce n'eft pas le naturel de l'homme de volontairement
fouffrir telles choies, comme, il a efté dit ifainât Pierre, On te mènera làoùtu nevou-
dras pas: fi eft-ce que ie mafTeurc tellement aux promefTes dece bon Maiftre, lequel
pfeau.51 noiis a tant bien promis fon affiftcnce,laquelïe mefroe l'ay défia (félon la neceffité que f
en ay eué)fi ainplemet cxprcrimétee,que ie feroyc puisque miferable,fi ie la reuoquoye
iean r« en doute aucunement. le fay qu'il a vaincu le môde:& mefme ie fuis afTcuré qu'il a triô-
lpiicf.4 phé & obtenu vi&oire à l'encontre dctousmesennemis.il a emmené captiue la capti-
uité.bre£fa mort a englouti la noftre:tcllement que ie fuis bien perfuadé , parla grâce
de Dieu, que mes ennemis(quelque effort qu'ils facent )ne pourront rien à l'encontre
dcmoy,finon autant que Dieu leur permettra. Or il ne permettra rien qui ne foit pour
fa gloire & pour mon falut;&iinefme il ne mepourroit aduenir vn plus grand bien que
là mort: d'autant que c'eft le paflage pour aller à la vie.Laquclle mort i'efpere ( moyen-
nant la grâce Çc affiftence de noftre bon Dieu)reccuQir en grand ioyc &: confôlatiomnc
tenant pas grand, conte d eftre deliurc,d'autantque fenten vnc meilleure réfurrection
Hcbr.i» & qu'icynous n'auons point de cité prcmancnte,mais riouscn attendons vneà venir.
Apprenons-dônc,frere & amy,dc cognoiftre que c'eft de ce poure malheureux monde
&: de routes fés concupifcences, pour nous en retirer , afin que nous ne periffions aucc
^ s luy.& apprenons à l'exemple de&incï Paul,dc ne nous glorifier en aucune chofe,finon
en la croix de Chrjftjquelque ohofe que iuge çe poure monde : lequel eft tant aueuglé
qu'il ne fait trouucr vie en la morr,ne bénédiction en malédiction . iVtcfme nous eftimé
fo!s& infenfcz,di(antquenous-nousfaifonsmourirà crédit. Helas, frère & ami, nous
cftimerons-nous mourir à ccedit,nous(dy-ie)à qui Dieu a ouuert les yeux de noftre en-
tendement, o^iancl nous'auons vn tel arre,& vnfi bon gage de noftrc réfurrection?
quand nous auoqs noftre chef&: Capitaine,qui nè-us a acquis vne couronne incorrupti
blclaquell'c nous Ibmmes afîeurez de receuoir au bout deIacourfe?quand nous voyôs
par
par foy fcefte grânde compagnie de Martyrs qui nous ont précédez * Iefquels font iouif*
fans des mefmes chofes que nous efperons &: attendons par foy? &: mcfme ceux de no-
ftre fang,defquel s la mémoire eft encore toute frarfehe. Allons,aiJons donc: &c non feu-
lement iedy*Àllons:mais courons après noftre chef & capitaine IefusChrift,portans Hebr.ia
fon opprobre.ôdaifTonsflagcoller ce poure monde fol 8£irifcnfe,quinc cognoiftnen
aux ceuures de Dieu.Le Seigneur par fa mifericordè vous a appelez au chemin vous U
voftrcfamillc.Ie vous exhorte donc au nom de Dieu, prenez garde de cheminer droit,
& ne varier n'adextren afeneftre en pourfuyuant voftre pèlerinage, vous tenans tou£
ioursprcfts,ayans (à l'exemple des fages Vierges ) de l'huile en voftre lampe -.afin que ■
quand l'efpoux vieridra,vous entriez auec luy aux nopees. le ne vous tien pas long pro- 1
pos fur cepafTagc,d'autant que iecognoy les grandes grâces qùe le Seigneur vous fait:
aufli que vous eftes aux lieux là où telles chofes vous font diftribuees abondamment*
Priant noftre bon Dieu par fon Fils Iefus CJirift,qu'il vous face la grâce d'en bîc vfer,&
vous garde parla vertu de fon fain&Efprit d'eftrcdu nom bre de ces malheureux conté-
pteurs de Dieu & de fa parolle, Iefquels en defpit de luy veulent viure fans manger du
bon paimle nombre deîquels eft plus grand qu'il ne feroit de befoin. mais c'eft la com-
mune condition de l'Eglifc.U faut que la paille foitmeflec auec le grain iufqu'àce que Mat,,w,J
le moiffonneur vienne,qui aura le van en la main,& nettoyera fon airc,&: ferrera le grai
en fon grenfcnmais la paille fera iettee àu feu qui iamais ne s'efteind . Etpqurtant cela
ne vous doit cftonner fi vous voyez les mefehans eftre parmi les bons , voire mefinc c-
ftreen plusgrand nombre: mais au contraire vous doit eftre vn aduertùTement pour
vous entretenir en la crainte de ce bô Dieu & de fa parolle,qui eft le feeptre par lequel
il veut gouuerner les fiens>&: la vraye nourriture de nos ames. Parquoy gardons de la
mefpriler,craignahs que le Seigneur ne fe courrouce* &: qu'i 1 ne nous priue d'vn fi grâtl
bien par noftre malheureufe ingratitude.
C E ST ËÈpiftre contient la grande confoUtion qu'à receu Denis Peloquin par l'ttcmpïe de la conucdvon & conftaa-
ce de Iean Chambon.lequcl fut brifé fur la roué le Mardy 14-jour de Ianuier^ ^3 .par Exemple duquel ff dit auoir dU
grandement fortifié.
A foit que ie ne pui/Te prétendre aucune caufe d'ignorancc*pour les grandes grâ-
ces que le Seigneur me fait,& la grande a/Teurancc qu'il me donne en fes faindes
promefTes,ainfi que fouuentie Vous ay mandé:toutefois pour le (bulagement de mon
infirmité,!! me donne à l'œil tant d'exemples & fi approuuez , que i'ây bien gTandc oc-
cafîon de me contétet,&: prendre confolation en mes afflictions , attédant eri patience
f iflue telle qu'il luy plaira enuoyer,fachant qu'elle ne peut eftre qu'à fa gloire &C mon fa
lut.Or à cela(commei'aydit)meferucntgrandemcntle$ grâces que le Seigneur faiti
nos frères : defquelles,ie vous promets , ie fay bien mon proufit,graces à mon Dieu . Et
mefme ce la nous doit tous grandemét inciter à emulâtion,quâd nous voyôs queceux-
la nous precedét,aufquels le Seigneur n'a point faitlagrace qu'il nous a faite , aflauoir
d'auoirefté fi long temps enfeignezenla fainetc afTemblee,&: d'auoir participé aux
pricres,predications& iain&s Sacremens de fon Èglife.Nous en auons encores vn nou
ueau exemple en ce poure frcre,duquel ie vous auoy e enuoyé ces iours pafTcz la coppie J**0 chi*
d'vne lettre,lequel fut rompu Mardi dernier:&: qui a tellement glorifié noftre bô Dieu,
& faiét vne telle confeflîpn de la foy Chreftienne5que ce feroit bien vne grande vergon
gne à nous,ii nousn'eftions à tout le moins auffi conftans à maintenir la querelle de no
ftre grad Capitaine^ Sa\iueur IefusChrift,puis qu'il luy plaift nous faire tât d'honneur
que de nous appelex,commc luy à qui Dieu n'a point fait c'eft honneur de foufFrir pour
icelle,mais pour fes pecheZ:& que nous pernfilfions que les brigans nous precedailcnt.
Et cela ne feroit-cc point vne ingratitude trop vilainc?Ori'efpere en noftre bon Dieu,-
u'il me fera la grâce de pourfuyure ma vocation,en forte que ion nom en fera glorifié,
bn Eglife édifiée , &c mon falu t auancé. Et combien que ie n'en doute,fi eft-ce toute-
fois que vos exhortations Se confolations me feruent grandement , pour toufiours m'-»
entretenir en l'afTeurance de ces chdfes.ioint auffi les prières & oraifons de toute f Egli
fe qui fe font pou r moy,&: pour tous ceux qui font en pareil combat que moyiO frère U
amy,ie vousenuoyelaconfeffion de ma foy , en laquelle i'ayfuyui le plus fimplefnenf
qu'il m'a efté poflîblc les refponfes que i'ay fartes à nos aduerfaircs.que li i'y ay adioufté
quelque chofe,ie l'ay fait pour l'édification de l'Eglife & de nos pourcs parens aufquefs
lé l'ay adreflèc.11 me féblc qu'ilfcroit bo que vous leur cnuoyiffiez ma lettre du deuxie-
Livres III.
Denis Teloqum.
Leeouiïn
de Marfac
prilonnier
Sainfle e
mulation.
me iour de Ianuicr.ie le dy fous corredion>afin qu'ils puiffent mieux cognoiftre les gran
des grâces que le Seigneur m'a fait: pour l'en glorifier.non pas que ie cerche ma propre
gloire : car ie ne preten de me glorifier finon en la croix de noftre Seigneur Iefus Chrift:
car ç'a efté en icelle que ce Sauueur &: Médiateur a trouué la vie,non pas pour luy,mais
pour nous tous.&c'eitaufl] en icelle mefme que tous vrais enfans de Dieu tiouuent
leur gloire &vraye félicité. ReiïouifTons-nous donc quand nous-nous verronshais de
ce monde. Au furplus,pource que defirezfauoir quels frères nous auons aucc nous : il y
le coufin de Marfac 6c vn Magifter^lefquels font defâillis,& pour crainte des tourmens
n'ont peu demeurer fermes. li eft-ce que nous efperons encores quelque bonne ifluc d'-
eux.Depuis huid iours,le couiin de noftre frère Marfac fréquente fort auec nous, me!1
me y boit &: mange ordinairement:auquel nous faifons plufîeurs remonftrances , & c-
fperons quelles ne feront point infru&ueufes.Quanr auMagifter,il cft homme bien in-
ftruit,& homme de lettres:il ne luy refte finô d'embrafler IeïusChrift crucifié. l'ayen co
re ce iourdhuy parlé à luy & l'ay admonnefté de rentrer au combat. nous n'en efperons
encores que tout bien, aidât Dieu. Or vous aurez mémoire fingulieremcnt de ces deux
qui font céans, &£ en aduertirez l'Eglife , afin que s'il eft pofîlble ils retournent au com-
bat auec nous, qui feroit grandement à la gloire de Dieu,& à la ruine & confufiô de nos
aduerfaires.Le Seigneur y vueille pouruoir à fa gloire &: noftre falut. Au refte nous cfpe
rions bien que nos aduerfaires fe ruaflent furnous cefte fepmaine:mais ils n'en ont rien
fait.ee fera par le vouloir de noftreDieu:&: non autrement. La grâce de noftreSeigneur
demeure éternellement auec vous tous. Noftre frère Marfac (c porte bien, & a grand
courage: tellement qu'il dit que combien que ie foye vn vieil routier , que toutefois il a
grande enuye de fe monftrer auffi vaillant ou plus que moy.
LETTRE dudit Peloquin,enuoyee à fa femme le feptieme de Iuillet,i^;, par laquelle il demonfVre quelle ioye doiut t
auoir les fidèles aux affligions qucjDieU leur enuoye pour eftre tefmoins de fa caufe. Et d clare par les exéples des Pè-
re* anciens:quc ç'eft U feule voye par laquelle on paruient à félicité & repos éternel.
Eanne ma fœur,vos lettres dernières m'ont grandement relîouy &: confolé , co-
gnoiftant la grade grâce que ce bonDieu vous fait,pour auec vne ii grade patiéce
&c confiance receuoir en humilité les afflidions cni'il luy plaift vous enuoyer: aufli de ce
qu'auccvnefifaindeafFedionvousmefoliciteza vousconfoler. Et certes tenez pour
certain que c'eft ce que ie defirc faire fuyuant mon deuoir.toutefois que vous &: moy a-
uons bien grande occafion de magnifier la bonté &c mifericorde de noftre bon Dieu,
qui nous a fait la grâce de vaquer abondamment à ces chofes,depuis qu'il a pieu à fa di-
uine &: facree prouidence m'auoir reténu en cefte captiuité temporelle: tellement que
quartd ne verriôs autre proufît que celuy que &C vous Se moy auons fait en mes liens,ce-
la feroit bien fufHfant pour nous refiouir & donner gloire à Dieu. mais encores voyons-
nous que le Seigneur s'en fert pour l'edification&: confolation de fon Eglife. En cela
(trefeherc fœur)nous-nous deuons grandement confoler, que ce bon Dieu nous appe-
lé à vn eftat tant excellen^aflauoir de foufFrir & endurer pour fon faind nom: nous(dy-
ie)tant miferables créatures, remplies de toute ordure,iniquité &c abomination:&: non
feulement menteurs,mais le menfonge mefme . Cependant il nous choifît pour main-
tenir &: défendre fa fainde & facree vérité deuant les iniques & peruers:nous fortifiant
tellement parla vertu de fon Efprit, qu'aucunement nousne craignons ncmort,ne
cruautez,neperfecutions,ne mefmela mortignominieufe & efpouuantable,pour la
grande certitude & afteurance que nous auons en fes faindes promefTes, lefquelles fôt
infailltbles,& desquelles nous ne pouuons ignoramment douter . Car encore que nous
n'euftions point i'Efcriture,les exemples que nous voyons journellement deuant nos
yeux,tant en nos frères, qu'aufli l'expérience que nous en auons en noufmefmes font
plus que fufHfans pour nous conuaincre de fa bonté &faueur paternelle enuers nous.
Que fi du temps de noftre ignorance nous euflîons efté ioyeux d'auoir accès à quelque
grand perfonnage,duquel nous cuflïons cfperé quelquefaueur pour nour en aider en
noftre neceflîté,& mefmes nous fuffions mis en hazard &£ dâger de noftre vie pour luy:
que deuons-nous faire pour obéir % noftre Dieu? Auquel,combien que pour noftre mal
heureté & indignité ne puiffions rendre aucun feruice agreable:& mefme qu'il aitplu*
que iufte caufe de punir les péchez &c tranfgreffions que iournellemcnt nous commet
tons à l'encontre de fa maiefté: toutefois par fa grande mifericorde il nous retient à fon
feruice,&: fait en nous chofes merueiHeufes pour fa gloire , pour l'édification de fon E-
gbïe,
Denis Teloquin. 24. j
£life,& pour noftre falut.Que fi nous-nous plaignons des afflictiôs & perfccutions que
nous endurons,&: que telles chofcs nous féblent eftrangés & fafcheufcs:pehfohs néan-
moins que c'eft le droit chemin pour parucnir à cefte cité pèrrnanéte,laquellc hous at-
tendohs.c eft la voye eftroitc &c fafcheufc, pleine d'efpines,d'afm'&ions&:croix,qui me-
ne à la vie.Confiderons par quels deftrbits & angoifîès tous les ferùiteurs de Dieu font
entrez en la béatitude 8c félicité ôù ils font maintenant, confiderohs pourquoy Abel
à efté meurtri de fon frère, voyons quels plaifirs rribhdains ce grand perforinage &c boni
feruiteurdeDieu Abiaham âeuén ce monde . N'a-il pàs efté contraint de vaguer par
les champs & champagnes en mille afflictions? n'a-il pas efté en danger d'eftre misa
mort par Àbifhèiech roy de Sichem?Quelle tribulation penfohs-nous qu'il ait foufFert
pour foh fïlsbien-aimé Ifaac,quand le Seigneur luy a fait commandement de luy offrit
cnfacrifîcervoireceluyenlaperfonne duquel luy auoitefté faite là promeifcdc falut?
Cecy,trefchcre fœur,vous doit bien âduertir de rendre TobeiiTancetolon taire à ce bon
Dieu telle qu'il la requiert.Ie fuis àfteilré que vous ne pourriez porter plus grande ami-
tié à voftrc mari, que faifoit Abraham à fon fils. à fon exemple donc foufFrez que le Sei-
gneur en face à fa volonté, puis qu'il luy plaift de s'en vouloir feruir . Voyez après ce bô
perfonnage Noé,en quelles tribulations &: angôiftes il a pafîer cefte poure vie,parmi ce
miferable peuple lequel il voyoitainfi defbordé,attendant le iugemet horrible qui luy
deuoit àduenir. Voyons ce grand prophète Moyfc,qui a mieux aimé eftre en opprobre
Se abiectionaueclepeupledeDieu,qued'eftreen grandes pompes &: délices mondai-
nes en la maifon dé Pharao. Voyons ce bon Dauid,en quelles deftreiFes & angoifîcs il a
vfé fa vic,encore qu'il fuft Roy oinct fui le peuple.mais voyons comment Sâul l'a pour-
chafTé àla mort. puis après il a efté pourfuyui de fon propre fih,iufques à eftre contraint
de s'enfuir &: quitter fon pays.Ilfcroittrop longdem'amufer à raconter de tous les bôs
Rois&: Proph.lcfquels ont tô9participé à cefte croix.Et c'eft aufîï ccque ditS.Paul,qu'il
faut que tous ceux qui voudront viufe fidèlement en IelusChrift,foufFrenr perfecutio. î.Tim.j
Tenons-nous doc pour refolus, qu'il nous faut porter noftre croix fi nous voulÔsfoy-
urc noftre capitaine Iefus Chrift.Péfohs-noUs àuoir meilleur marche que luy': vouk ns-
nous aller par vn autre chemin q le fien?vouIoh's-nôus aller a la vie etcrnefle auec nos ri
chefles,pôpes,delices,honneurs,credits,faueurs,&ch6fesféblables.quandnousvcyos
qu'il y eft allé par poureté,melpris,abiedion,opprobre,calomnic,detracl:iô , bref,par là
mortignominieuicdclacroix?Ôtiy,mais(direz-vo9)ilmeféblequeienevoypointqui
ayent tant d'affliction qtic moy.ie Voy mon mari en prifon, journellement attendant la
mort cruelle-Iay perdu fi peu de biens que i'auoye:fay perdu mon enfant,qui cftoit tou
te ma ccnfolaticn.ic fuis iournellement malade en grande affliction Se deftrefie: & i'en
voy tant qui font à leur aife,qui ont leur plaifir & délices à louhait.Or ie ne doute point
que telles choies ne vous apportent quelque fafcherie,& que ne foyez tentée de telles
chofesrmaisie vous pric^prenez courage, & vous cohfolezen la prôuidence denôftre
bon Dieu &: Pcre,fachant que rien ne vqus aduient fans fa volonté .&: dauantage qu'il
ne vous enuoyera rien qui ne foit pour fa gloire &: pour voftre falut.Qu'il vous ibuuien-
ne que le pere chaftie tou t enfant qu'il aime. Il eft vray que la correctif) femblc rude &£
fafcheufe:mais puis après elle rendra vn grand fruict,& vous apportera vn mcvueilleu*
poidseterneldegloire.Confiderezdauanrage s'ilvousferoitpoiîiblede foufFrircecué
ce bon perfonnage lob a foufFert. que fi vous faircs comparaison de fes a ffljcnôs aux vo-
ftres,voustrouuerezquec'eft moins que rien ccque vous endurez. Quant au n< hef-
fes,gracesà Dacu,vo9n'enauez gueresperdurcaraufli vo9n'enauiezgucres.& < ncores
bénit foit Dieu, qu'elles n'ont point efté defpenducs en gourmandiie,n'yur( greric,n'y
autres difibIutions.Quantauxenrans,Iobenauoit(ceme femble)dix,&:tOLi'.onrrfté Icb ,
mis à mort:&; vous en aùez perdu vn. Quant à la maladie &: indigence, il eft impoflïble
que vous en puiffiez autant porter que luy . toutefois , que dit-il de tes pertes f Le Sei-
gneur l'a donné, le Seigneur l'a ofté: foh nom foit bénit. î Donc,rrcfcherefccur, que ce
vous foit vn miroir de patienceen vosafflictions.&: comme i ay dit, cognoiflez par cela patjciicc cn
que le Seigneur vous ayme,ne voulant point que vous-vous arreftiez ace miferable aiâiaion.
mohdé,maisqueles afflictions que vous portez, vous foyent vn aduertiflement pour
vous humilier deuant ce bon Dieu,&:rccognoiftre vos fautes cVofFenfes. Aufii pour
vous faire viuemcnt cognoiftreque c'eft enDieufcul que vous deuez mettre voftre
T.i.
i.Tim.}
Liurc^ III. T>enù Teloquin.
appuy, lai/Tant derrière toutes les confideratios du fecours humain: lanTant toute cefte
maudite dcffiace,qui naturellemét eft enracinée en nos cceurs , pour vous fier entiere-
mét ( n la fain&e jpuidence &: bonté paternelle de noftre bon Dieu &c Pere,duql il nous
faut aifeurer qu'il aura vn tel loin de nous , qu'il ne tombera point vn cheueu de noftre
teftefansfavolonté.Ques'ilalefoin de nos cheueux, par plus forte raifon l'aura-ildc
nos corps, pour nous adminiftrcr,ainli qu'vn bon perede famille, tout ce qui nous eft
neceifaire.Ouy bien, mais c'eft fous cefte condition,quenous luy rendions l'obenTance
qu'il requiert de nous,& que nous nous fou mettions entièrement à la faincte volonté,
pour receuoir auec hu milité tout ce qu'illuy plaira nous enuoyer . Que fi nous reccuos
auecioye les biens qu'il luyplaift nous enuoyer ,pourquoy aufîine receuons-nouslés
maux & afflictions,voirc mefmes lefquellcs nous fauons qu'elles redonderont à fa gloi-
re & noftre falutiVous fauez que nous n'auonspoint icy de cité permanente : mais que
nous en cerchons vnc qui eft à venir meilleure &c perdurabie. Or poury paruenir , nous
auons dit qu'il faut que ce foit par croix &c tnbulations:lefquelles,combié qu'elles nous
femblent maintenant bien rudes & fortes à porter, fi eft-ce toutefois qu'elles ne font à
Gomparer à cefte gloire, laquellcnous a efté préparée dés la conftitution dumpnde.Or
donc,ma fceur,ie vous prie au nom de noftre Scigneur,cxercez vous en ces chofes,&les
méditez fouuent:vousrc4uifant en mémoire par quels deftrois& difiicultez ce grand
Sauucur Iefus Chrift eft entré en vne fi grande gloire.
Considérez fouucnt ce que le fainct Efprit nous prononce par la bouche de
fainct Paul, Qu'il faut que tous ceux qui veulent viurc fidèlement en Icfus Chrift eri
durent perfecution. Or il c ft bien certain que cela ne s'entend pas , qu'il faille que tous
fidèles fouffrent par les mains des aduerfaires:fi eft-ce ncantmoinsqu'ily en a plusieurs
qui ne font point détenus comme nous, toutefois fouffrent beaucoup:ouy (dy-ie)plus
fans comparaifon que nous,qui fômes touslcs iours attédans que nos aduerfaires exer*
cet leur rage fur nous.Ie vous fupplie, péfez auffi qui eft celuy qui parle à vous,&: quelle
eft fa condition:&: vous trouuerez qu'elle n'eft de rien moindre que la voftre. Si vous e-
ftes malade, le Seigneur m'en a départi auffi bien qu'à vous; voire &c nevous pourroye
pas exprimer cobien elle m'a apporté vne grande obeiffance à la volonté de monDieu:
tellement que tant s'en faut que i'aye occafion de m'en contrifter, que mefme par cela
ie trouue &: cognoy que ce bonDieu a vn fein plus que paternel de moy,en me chaftiat
en fa benignité:afin que quand ce viendra à luy rendre l'obeifTance plus grande, ie foye
tât mieux préparé. Voila cornent il vous faut faire de voftre part,en priant toufiours ce
bon Pere, qu'il ne permette point que vous fuccombiez aux tentations de Satan, de pc
ché & de la chair:mais qu'il donne bonne uTue,à fa gloire, Ainfifoit-il.
LETTRE dudit Peloquin enuoyee à Tes frères & fceurs.parens & amis en la ville de Blois, du 10 de Mar» , 1553 . par la-<
quelle il les exhorte tous J'cmbrafler i b< n efcient la co, nonTance de Icfus Chrift , & n'di auoir honte: & cci l'cxcnu
pie de feu de bonne mémoire Eftienne Peloquin mar:) r au Seigneur.
O V R C E que ces iours paffez ie vous ay amplement déclaré la caufe pourquoy
jf§ ie fuis détenu captif,par vnes lettres que ie vous ay enuoyees,aufquellcs i'ay com-
pnns les interrogations de mes aduerfaires,& refponfes que le Seigneur m'a donné de
faire:ienem'arrefteray pas maintenant de repeter tcllescholes ,efperant que ce que
ie veusenay efcrir,vous fatisfera allez. Mais feulement il me fuffïra derafeher à faire
mon deuoir félon la mefure de la grâce que le Seigneur me fera, de vous exciter à vous
arrefter vn peu à la côfideration d'icelles. Et d'autant qu'elles font neceffaires pour vo-
ftre falur,ie vous prie d'y penfer dauan tage. I'ay bien mémoire qu e ie vous exhortoye à
ne vous fcandalifer,fi vous voyiez défia le deuxième de vos frères qui eft perfecutémon
pas(graccsàDieu)pourlarrecins,brigandages,meurtres, paillardifes ou côuoitifesdes
biens d'autruy.mais feulement pour la confefîïon du nom de Iefus Chrift , ainfi que fa-
cilement vous pouuez iuger par icelles mes refponfes. Vous voyez affez que nos aduer-»
faires ne trouuent autre caufe pour me tourmenter & afiliger,que celle-la,afTauoir que
iean4 ievcuxferuirau Dieu viuanr en efprit &verité,felon ce qui m'eft enfeigné parfEfcri-
ture faincte,qui eft la feule reigle de la rehgion &ù foy Chreftiéne, en laquelle auffi il ny
a rien d'omis des chofes qui font neceffaires à noftre falut.
S 1 donc l'Eferiture eft la feule règle de bienviure,que péfons-nous,que nous ne nous
y ar-
i.Picrre 4
Denis Teloquin. *4 f
y arreftons dauantage?Faut-il que les biens de ce monde>lcs honneurs , les pompes , le*
voluptez&delices,qurfont toutes choies caduques &c traiijitoires,nous empelchenc
d'appréhender la do&rine de falut& vic?Faut-il que nous foyons tant abrutis,que de re
ietter volontairement ce que nous lauons qui nous annonce noftre falùt^folujerain bié
&: felicité?confidcré mcfmes que nous en Tommes bien conueincus en nos confeiences
iniques à dire,Ce que vous dites cft vray:mais iene me veux pas fairemourir à credit.Ie
voy que tous ceux qui veulent faire comme vous,& qui veulent tant parler > on les per*
fecute,on les iette en prifon,on les meurtrit iournellement:bref,on les brulle.Parquoy
i'ayme mieux me déporter de telles chofes,&: faire comme les autres ,.que de me met-
tre en tel danger. O parolle exécrable '■ Nous difons bien que nous voulons obéir à
Dieu: nous difons que nous voulons eftre fauuez & que nous voulons paruenir à la
vie éternelle. mais quoyinousy voulons aller par vn autre chemin que celuy que le Sei-
gneur a ordonné . ^Si noftre chef & capitaine Iefus Chrift eft entré en gloire par po- A&CS14
ureté&:parafflidions,y penfons-nous entrer ayans toutes nos voluptez& plaifirs,& Matj,13
fans fouffrir aucune tribulationî Voulons-nous(com me i'ay dit) faire vn autre chemin
que celuy qui eft ordonne de Dieu?Ne iàuons-nous pas,ainfi que dit faindt Paul, que c'-
eft par croix &: tribulatiôs qu'il nous faut entrer au royaume des deux: VouJôs-nous re ,CiD 11
culer de cefte ientence de IefusChrift,qui dit,Que celuy qui ne portera fa croix & ne le
fuyura, ne fera point digne d'eftre des fiens? Voulôs-nous plus auoir de priuilege que ce
luy qui nous cnleigne fi bien,dilant,S'ils m'ont perfecu té, auflî vous perfécuteront-ils?
Ne fauons-nous pas que le feruitcur n'eft pas plus grand que le maiftre? Que ceux donc
qui veulent participer à la gloire du Fils de Dieu fans participer à fa croix , qui mefmes
en ont honte,que ceux-la(dy-ie)aillent cercher leur falut autre part qu'en Iefus Chrift.
car quant à^ous,nous ne cognoiiîbns point de Iefus Chrift , fans croix . Nous fauons
que tous ceux qui veulent viure fidèlement en Iefus Chrift, qu'il faut qu'ils foufFrent i.Tim.j
perfecution. Non pas queievueille dire qu'il foit neceftaire que tous tombent en-
tre les mains des tyrâs &l ennemis de vérité, pour eftre cruellement meurtris . car ie fay philiPJ
bien que c'eft vn donfpecialde Dieu, que d'eftre appelé à maintenir fa vérité, & i-
celle confefTer franchement deuant les hommes, fans aucune crainte de perdre fà *-om-8
vie . Mais fi faut-il toutefois que nous-nous préparions à foufFrir auec noftre Sei- gJk™*
gneur Iefus Chrift, toutes &: quantes fois qu'il luy plaira nous faire ceft honneur de
nous y appeler; voire fi nous voulons régner auec luy . Sain& Paul dit qu'il ne fe veut
glori fier en choie qui foit, fînon en la croix de noftre Seigneur Iefus Chrift : par laquel-
le (dit-il) le monde m'eft crucifié ,&: moyau monde. Cependant toutefois nous
prefumetons tant que de iuger vn homme téméraire & mal aduifé, qui eftant appelé
a faire confeftion de fa foy, n'aura nul elgard de fauuer fa vie:mais feulement penfera de
rendre l'obeiiîance à Dieu telle qu'il la requiert de luy ,afïauoir la confeilion defon
fain&nom!
Et combien que noftre Seigneur Iefus Chrift ait prononcé vnefentence fi cer- Macth.10
taine de cecy , quand il dit, Qui me confeftera deuant les hommes , ie le confefleray
deuant Dieu mon Pere: &£ qui me niera deuant les hommes, iele nieray deuant Dieu m1JCt
mon Pere:fi eft-ce toutefois que ce poure monde eft tant aueugle aux œuures de Dieu,
qui ne fe peut faire à croire que la vie foit en la mort IefusChrift dit,Qui voudra fauuer
la vie,la perdra*: &c qui la voudra perdre,il la gardera à la vie éternelle . Au contraires
poure monde dit, Qu'il n'eft que d'eftre: il dit qu'il faut ditfîmuler pour fe fauuer, &
qu'il ne fe faut pas ainfiexpofer au danger.il eft bien certain qu'vn homme ne fe doic
pas expofer témérairement entre les mains des epnemis de la vérité: mais au con-
traire il fe doit garder de leur rage,& fuir tant qu'il luy fera pofllble: comme nous
■voyons par l'Efcriture fain&e,que les fain&s perfonnages ont fait . cependant tou-
tefois eftant appelé parla prouidence de Dieu, fans laquelle rien ne fe fait* à rendre
eonfelTion de fa foy,ilfe doit bien garder deflefchir tant peu que ce (bit, &£ de vouloir
fauuer fa vie en renonçant fon Dieu. Voire quelque chofe que ce fot monde flageole, il
doit bien penfer pluftoft à cefte fentence de Iefus Chrift que i'ay défia alleguec,Quime
confefTera deuant les hommes,ie le confelTeray deuantDieu monPere.Il doit bien pluf»
toft penfer à l'exhortation de fain& Pierre, qui nous admonnefte d'eftre preftsà ren- i.picwj
dreraifon de noftre foy, toutefois &: quantes que nous en ferons requis. ^CXiyymais
(dira quelcun ) fi ie le fay,ie fuis aifeuré d'eftre perfecuté . parquoy ie feroye bien
T.ii.
Uur(Lj UL Denis Feloquin.
content de flefchirvnpeu,&: difiimuler;non pas que mon intention foitde vouloir re-
noncer Iefus Chrift,mais feulement pour euiter la fureur Se cruauté des hommes . Ce-
lles « pendant fi faut-il que tu confclfcs qu'il y a vnehypocrifie diabolique en ton cœur, la-
quelle tu délires cacher .Car il eft certain que fi tu aimes Dieu de tout ton cœur , côme
rl eft neceflaire que tout Chrcftien le face, tu n'aimeras pas tant ta vie, quin'eft qu'vn
ombre qui pafle,que la gloire de Dieu , &; ne la préféreras point à l'obeifîànce laquelle
il requiert de toy: mais volontairement &d'vn franc courage tu 1'expolerase.n proye
&: danger pour icelle. Et mcfmes en cela tu te monftreras plus que brutal , d'autant
quetunepeuxapperceuoirlcgiand bien quit'eft offert, quand tu es appelé à vn c-
ftatfi excellent. ^ Sivn Prince terrien commande à vn ioldatdes'expofer à quelque
gros danger,il n'en fera aucune difficulté: mcfmes il eftimeracela vn grand honneur,
moyennant qu'il luy appai oiiîc qu'il en doiue receuoir quelque falaire . Et nous qui
auons les promefTes d'vn loyer fi grand au ciel,lefquelles ne nous peuucnt défaillir , d'-
autant,que celuy qui les nous promet eft veritable,lequel ne no9 defaudsa point , moy-
ennant que nous luy foyons fidèles iufques à la fin : craindrons-nous de paifer ce paifa-
ge qui eft fi léger &c de lî peu de durée ? Craindrons-nous pluftort ceux qui ne peuucnt
Mactli.13 tucr que le corps , que celuy qui peut ietter& le corps Se lame en la géhenne de feu?
Apprenons donc à iuger plus fain&ement des œuuresde Dieu,& ne foyons point fi
Matth 3 prefbmptueux de vouloir condamner ce que Dieu abfout.ne jugeons point mal-heu-
reux ceux que Iefus Chnft prononce bien-heureux. n'eftimons point téméraires &; ou-
trecuidez ceux qui melprilent celte vie caduque,en cerchant vnc incorruptible &: ini-
moi telle.ne iugeons point intentez ceux qui eft iment plus la gloire de Dieu &: l'obcil-
fance qu'ils doiuent à fa fain&e volonté, que non pas leur propre vie.
Or cequinousempcfcheleplusde bieniuger de telles chofes, c'eft quand nous
fommes fi abrutis, que de vouloir comprendre &mefurer la gloire de Dieu&lefou-
ucrainbien de l'homme félon noftre efprit charnel, par lequel nous nepouuons au-
'•Cor l cunement iuger des chofes celeftes . L'homme en fa nature fe iugera bienheureux,
quand il pourra trouuer moyen de fatisfaire à tous fes defirs . Si c'eft vn auaricieux,
il préférera fon gain &: proufit particulier à la gloire de Dicu,& àtoutlecleuoirde
(on prochain. Il n'aura autre penfement, finon que d'amailcr : & ne luy chaut fi c'eft
à tort ou à droit, moyennant qu'il puifîe fatisfaire à fa mefehante concupifcence.&:
mefme il tombera en vne telle brutalité,qu'il iugera fon fouue/ain bien eftre enfesri-
chefTes,fans aucune confidciationdelaviefuture.il eft vray qu'il fera bien fcmblant,
Se mefme dira qu'il veut obéir à Dieu, & qu'il ne veut faire tort à perfonne , cepen-
dant toutefois on voit que par tous moyens il tafche de ruiner fon prochain, pour fa-
tisfaire à fa conuoitife. On voit tout clairement qu'il n'a autre penfement , n'autre
dieu, finon d accumuler &fe faire de grans threfors ,lefquels toutefois ( félon quel'-
Matth.15 Efcriture nous monftre ) ne font qu'autant d'efpines en fes pieds pour le faire trebuf-
cher. L'autre fera vn homme ambitieux, qui seftimera bien-heureux moyennant
qu'il fe puifTe voir en grand crédit & honneur, Se qu'il s'apperçoiuc qu'on die, C'eft
monfieur: fans aucunement fe vouloir contenter de l'cftat que le Seigneur luy a don-
né ,pour l'appctit defoidonnéqu'ilad'eftre grand Se eftimé . Cependant neant--
moins on voit que tout cela s'en va en fumee,&: s'efiianouit comme l'ombre . L'au-
tre fera homme voluptueux, qui fc iugera eftrc en grande félicité quand il pourra iouir
de toutes délices &voluptez:& y fera fi enyuré, qu'il n'eftimera rien toutes les chofes
de ce monde au prix d'icelles: Se mefme oubliera les chofes celeftes. Autant en prend-
il de toutes autres telles vanitez,qui ne font qu'autant d'empefehemens aux hommes,
pour les garder de cognoiftre leur falut. mais la faute ne vient que de nouf-mefmes Se
de noftre negligece , ou pluftoft de certaine malice. Car il eft certain que nous n'auons
Cabt.î point faute d'aduertiflemens.nous auons kparolle de Dieu qui nous admonnefte dé-
tailler toutes auarices , rancunes, inimitiez, noifes , débats , &: autres telles ordures . Se
mefme prononce fentence contre ceux qui s'adonnent à icelles,difant que rels n'héri-
teront point le royaume des cieux.Mais quoy?nous ne faifons conte de la lire: Se qui pis
. eft,nous la fuyons comme la pefte:tant feulement nous n'en voulons pas ouir parler,en
corcs que foyons bien conucincus qu'elle nous annonce noftre fouuerain bien , Se qu'-
Kom,i en iceUe eft compris tout noftre falut,ainfi que bien tefmoignefaindt Paul, difnnt que
c'eil
Denis Teloqum. 2 4- 7
ceft la puiflânfce de Dieu en falut à tout croyant.
Or ie vous prie,penfcz à ces choies de plus pi es que vous n'auez fait par le paiîé:d'au-
tant mcfmcsque vous y cites folicitez par les œuurcsdu Seigneur. Penfez-vous que
ce l'oit par aduenture ou par fortune que i'ay efte appelé où ie iuisr Eftimcz-vousquc
eccyne vous attouchc.cn rien? Eftimçz-vous que cenc loit pas vn aduertiflement
pour vous , afin que peniicz à vous de plus près , & que ne piiiflicz prétendre caufe d'i-
gnorance pour vous exeufer? . Et Ci les exemples de fEftrfturc faincte font fumïans
pour vous conuejnere de voftre ingratitude, que peniez-vous que c e fera ii vous mef-
priiez ceux que le Seigneur vous donne pour le foulagemcnt de voftre infirmité qui
font tirez du milieu de vous, voire mefme de voftre propre fang rEt non feulement vn:
mais vous voyez défia le deuxième qui eft appelé poureitre cclmoin de la venté, à la-
quelle vous ne voulez point entendre. Ne voyez-vous peint qu'il ne nous refte nulle ex
cufeîQue tardez-vous donc> que ne lanTez-vous ces richefles qui periifent , &c qui mè-
nent à perdition ceux qui s'y arreltent?que ne laiiTez-vous ces voluptez&: plaifirs mon-
dains,pour aucc Ielus Chrift fournir vn peu de temps quelques petites afflictions, pour
en la fin paruenir à 1 a gloire promife à ceux qui porteront leur croix après luy ? Voulez-
vous auoir vn plus grand priuilege que luy? Voulez- vous toujours eftre en vosaifes fans
aucune affliction^ en la fin iouir des biens qui ne pcuuent eftre donnez finô à ceuxqui
endureront iniures,opprobies,vilenies,calomnies,detractions,violéces,outrages,pcr-
fccutions,afflictions,prifons,banninremens,&: en la fin la mort cruelle & ignominieufe?
Le fquclles choies ne font à coparer à la gloire laquelle fera reuelce aux etleus,&: à ceux Rom g
qui Auront attendu la venue.Eftimcz vous que ie foye d'vne autre matière que vous,ou
dvnc autre terrc.?Eftimez-vous qu'en ma nature ie ne foye aufli fafché de foufFrir affli-
ction nue vous;
ChPVNDAM vous voyez quelles grâcesleScigneurmefait,en me donnant force •
&conftancepour entierementrenoncerà toutes choies de ce monde, voire quelque
apparence de félicité qu'elles puùTent auoir,pourdu toutme foumettre à fa faincte
volonté, defirant pluftoft mourir en grande ignominie & cruauté, que de renoncer
à la vente de fa faincte Parolle, laquelle il m'a manifeftée par fon fainct Euangile, m'-
ayantbien appris cefte belle leçon là où il dit, QuinedelaiiTerapere, mcrc,enfans, Marthe
honneurs , richeftes, po/lcflions, voire auifi fa propre vie pour mon nom : il n'eft pas di-
gne d'eitre des miens, àc puis, Qui met la main à la charrue, &: regarde derrière foy, Lucj»
il n'eft pas digne du royaume des cieux. Or déroutes ces choies à luy feul en foit gloi-
re, comme de raicic'eft à luy feula qui elle appartient. ^Et certes ie loue Dieu que
vous fauez quelle a efté ma vie pailee,&: en quelle ordure &: abomination i'ay pa/Té
ma ieuneife , afin que par cela vous fuyez tant plus efmeus de penfer combien cft gran-
de la bonté &: mifencordedenoftre bon Dieu enuers fes poures créatures. Que fi vous
ne prenez garde de faire voftre proufitde ces chofes, il cft bien à craindre que le Sei-
gneur ne fe courrouce,&: qu'il ne face vne vengeance horrible d'vn tel mefpris . Car ce
n'eft point feulement pour moy &: pour mon falut que telles chofes fe font:mais pour T
édification de toute fon Eglife.Or le Pere de route mifericorde&: confolation vous dô
ne e(pnt,force, entendement pour bien méditer fes œuures, &: en faire voftre proufit à
fa gloire.
Lettres duditPeloquin,enuoyees à fon nepueu le douzième d'Àuril,
mille cinq cens cinquante trois.
I L fait mention d'vnpnfopnier qui auoitrnoncé Iefu< Chrifl: di- lacormerft' n duquel-il fc refiouic , item de la confef-
fion qu'auoit faite p 'rc &: • ntiere vn .utre prifonnier: à l'exemple defquels il admonnefte tous fidèles de bien v!er des
dons & grâces du Seigneur.
pleins Chrift crucifié pour nos pechez,& rem^fcitépournoftreiuftification,vous
foit pour falut , forrerefle &: ferme appuy à l'encontre de tous les aiTaux &c tenta-
tions des aduerfaires, Ainiî foit-il.
E me fuis hafté de vous eferire la prefente,pour le delir que i ay que foyez adùerty
des grandes grâces que ce bonDieu nous fait iournellemét fentir & experimérer
Où entre les autres nousauons eu vne grande confolation depuis hier matin, en ce
que ce bon Dieu nous a tellement fortifiez par Ca. vertu,qu'eftans menez deuant nos ad
T.iii.
Liurc^ II I. Denis TPeloquin.
uerfaires,il nous a donné bouche pour parler auec hardie/Te chofes à fa gloire, & à la cô
fulion hc ruine de nos aduerfaires;& efperons qu'en bref il nous recueillera à foy , pour
nous colloquer en Ion repos erernel,& nous donner pleine iouiilance de fesgrans biés
éternels & cefte vie immortelle &£ couronne incorruptible degloire,laquellenous aac
quife noftre Seigneiulefus parla mort&pafliô. Or ces chofes nous font en bien grade
con folation,comme 1 ay di i mais encore n ous abondons en ce qu'il a pieu à celle bon-
té diuinc nous faire la gra« c d'auoir exaucé nos prieres&: oraifons,& lingulierement de
toute l'Egliie de noftre Seigneur,en ce qu'il a fait mifericorde à noftre frerc! Michel , le-
quel elloitdefailly, 6c auoit renoncé pleinement à fon falut, &: luccombe: mais le Sei-
gneur l'a tellement releué,quc ce fera pour fa grade gloirc,&: pour la confolatiô de tou-
te fonEgltfe.On nous impute que nous l'auôs gafté:&: pour cela Ibmmcs iettez aux crot
tons:mais ce bonDieu ne leur permet pas de nous empefeher de glorifier Ion nom tous
trois enfemblc. Ils creuent&: enragent de defpit.ils clcumcnt cemme beltesfuricu-
fes& cruelles. Mais quoyrnous fauons que leur puifîàncc eft tellement limitee,quilsnc
feront finon ce que celuy qui a toutes chofes en fa main, a ordônc&: leur permettra . Ils
nous penfent faire mourinmais ils nous font viure.ils nous penfent exterminer , ruiner
& dcltruire:mais au contraire ils nous font inftrumens&: aides pour paruenir à celte vie
immortelle &: celte couronne incorruptiblc,pour pofTcderpleinemétChrift&: tous (es
biens qu'il nous a acquis par la mort &: palsiô. Voila auffi pourquoy voyas qu'il ne nous
chaut rien de la mort,ils nous dilent que nous fom mes dânez.Si eft-ce qu'ils voyent bié
tout manifeftemet,& font bien conueincus en leur confciéce,qu 'il y a plus de fermeté
en nous &C en la doctrine que nous maintcnôs,que non pas en eiux.il eft vray qu'ils nous
perfecutent,ils nous bruflcrmais ils font lans aucune doute plus tourmétez que nous.
Et certes tant plus nous fentôs leurs aflàux & machinations,tant plus ils nous pourchaf
fent.&tantplusnouslentonslaperfecution &la mort ignominieufe approcher pour
nous engloutir,tant plus aulïi nous fentôs l'alïillence de noltreDieu:tcllemét que nous
pouuons alleureren vérité, que le Seigneur eft pour nous,voire&: qu'il ne nousaban-
donnera point au milieu des gras aflaux.Nous auons la conuerfion de ce bon frère, qui
nous eft en telle confolatiô &c ioye,qu'il nous feroitimpoffiblede la pouuoir exprimer.
O Seigneur,q tes merueilles font grades! Voicy maintenât la débilitera foiblelïe &: lai-
cheté qui nous eft donnée en exemple de forcc,ah*eurance & perfeuerâce. Voicy celuy
lequel à bô droit nous auoit dédaigné à caufe de fon forfait,qui nous precede:toutefois
voicy à qui nous auons remonftré de ne craindre point la mort, qui marche deuanr.
Que fera-ce donc maintcnantjSera-ceà nous à recullerinon certainement. Auffi efpe-
rons-nous auec certitude, qu'il n'en aduiedra rien: mais que celuy qui a commencé bô
œuure en nous, le parfera,&: fera que fon non fera magnifié en nous ,iufqu a la dernière
gouttede noftre fang.Or frere,nous auons encore vne nouuelle matière de ioye,en vn
bôfrere qui fut prins Mardy dernier.il elt vray que voyans la cruauté des aduerfaires de
prifenni^ ^ vcrité,nous auons efté contriftez : mais aulïi ayans cftéaduertis delapurc& faincte
confeflion qu'il a faite,nous-nous fommes grandement eliouis, cognoilîans que la gloi
re de noftre Dieu eft d'autant plus aduanece. Non* vous en euffions eferit plus am plc-
ment:mais nous n'auons eu aucun moyen de parler à luy , ny cnuoyer aucunes lettres,
ioint auflï qu'il eft en vn crotton obfcur.Vous en aduertirez , s'il vous plaift , noftre bon
frère Louis le menulier,par lequel ie vous ay eferit ces iourspalfez: &L luy direz que c-
eft Eftiennele menulierqui vint Dimanche dernier auec luy nous vifiter.Or vous l'au-
rez pour recommandé en vos fainetes pneres,&: ferez que tant qu'il plaira au Seigneur
le retenir en cefte captiuité,il foit alïifté parles prières de l'EgJiie,& par vos fain£tcs ex-
hortations conlblé,fclon les moyens que le Seigneur vous donnera . Vous làluercz,s'il
vous plaift,tous nos amis & frcres,qui font en noftre Seigneur.Quat à m'arrefter à vous,
eferire amplement,il n'en eft ia grâd befoin:mais pluftoft nous auons matière d'enfem-
ble glorifier noftre Dieu,&: luyrendre grâces, de ce qu'illuy a pieu nousfare tantde
bien, de nous auoir donné moyen de nous confolcr abondammcnt.il ne nous refte
linon de le prier qu'il nous face la graçç d'en bien vfer à fa gloire: fingulierement vous
qui dtmourez en ce poure monde, ie vous fupplie d'en faire voftrc proufit,à ce que ces
exemples vous foyent autant d'aduertilfemens pour vous retirer de ce monde mau-
uais,& vous foumettre pleinement en la prouidence &: bonne volonté denoftrebon
Dieu. Sur tout,ie vous prie ayez mémoire qu'il faut que tous ceux qui veulét viure fidè-
le me ne
i>ems tpelôquiri. *if 7
lcment en Iefus Chrift, foufïrcnt perfecution. Confolez-vous doc en noftre bon Dieu: ^Tim it
& qu'il vous fuffife qu'il eft voftre protecteur, & qu'il ne tombera point vncheueude Lucii
voftr e tefte fans fa volonté. Car encores que le ciel &: la terre fuifent renuerfez. fi eft-ce
que Dieu demeure véritable. le defire que cecy foit communiqué à toute voftre famil-
le, en laquelle, fuyuant ma couftume, îe compren ma femme.
Lettres dudit Peloquin, enuoyees à fafemme le 1 5.iourd'Aouft 1 553.
I L monftre de quelle confiance Dieu l'enuironnc:& qu'en attendant fa bonne volonté , il prend le chaftic-
menc pour vraye marque d'eftre du nombre des enfans légitimes.
e Dieu &: Pere de toute mifericorde& confolation vous vueille tellement forti-
fier&: confoler en vos afflictions &: tribulations, que pour la grâdeur d'icelles vous
ne défailliez aucunemét:mais qu'ainfi que ce grand Sauueur Iefus Chrift a obtenu
victoire en noftre nom,aufïi en fa vertu nous fubfiftions à fencôtre de tous afTauts.
WiïEk E ne m'attendoye pas d'auoirle moyen de rendre refponfe à voftre lettre, laquel-
fiËiii l£m a bien fort confolé,& me confolcra tant que ie viurayicy bas, pour la grade
grâce que ic voy que ce bon Dieu vous fait, de vous remettre fi pleinement à fafain&e
prouidence &C bonne volonté : &c que vous aucz tellemét renoncé à ce miferable mon-
de, que vous cognoiflez que c'eft-ci le temps qu'il faut plourer , cependant que le mon-
de s'eliouit. Vous cognoifTez que c'eft par plufieurs tribulations qu'il nous faut entrer
au royaume de Dieu:quc c'eft bien railbn que le (bruiteur foit traitte comme le maiftre.
Bref, que par tel chemin qu'il eft entré en gloire, qu'aufli no9 y faut-il entrer, car fi nous
voulons régner au ec luy: il faut que nous fourfrions auffi auecluy. O mafeeur &: bonne
amie,ie glorifie mon Dieu, que fay plus matière de m'arrefter à la méditation des gras
bénéfices qu'il plaift au Seigneur faire à vous& à moy , que non pas de vous admonnç-
fter &; exhorter. Seulement il fuffira de vous prier que vous perfeuerieztoufiours en ce
fainct propos que le Seigneur vous a donné : &: que par prières & oraifons continuelles
vous le folicitiez de plus en plus à vous maintenir &: garder à l'encontre des afi*auts,ma-
chinations, confpirations &: tentations de ce maudit Satan & de tous fes fuppofts , afin
que vous ne défailliez nullement de fon obeifiance:mais qu'en toute humilité &: obeif-
fance, vous-vous foumettiez pleinement & parfaitement à fa ("aincte prouidence &C bô-
ne volonté , eftant aiTeuree qu'il ne vous enuoyera rien qui ne foit pour fa gloire, &C vo-
ftre falut & grand proufit . ouy, combien que la chair iuge du contraire. Et certes auffi
(ainfi que bien me mandez) c'eft en afflictions &: tribulations qu'il nous faut efiouir: car On fedoit
cela vous eft vn certain tefmoignnge que Dieu vous aime, &: que vous eftesdes fiens. [^^rcn
carie pere corrige &: chaftie tout enfant qu'il aime. Que fi nous fommes fans chaftie- a 1 l°DJ*
ment, nous ne fommes plus enfans, mais baftards. Et ie ren grâces à ce bon Dieu , que
vous entêdez ces choies mieux que ie ne les vous puis exprimer. le leprie donc au nom
de Iefus Chrift , qu'il vous face la grâce d'en bien vfer à fa gloire & à voftre falut.^Quat
à ce que me mandez que ma dernière lettre vous eft venue à point , pource que vous a-
uez entendu que mon département eftoit prochain : certes ma keur , ie ne doute point
que telle nouuelle ne vous foit quelque occafion de triftefte félon la chair : mais fi vous
entrez en considération du bien qui m'eft préparé après auoirvn peu fouffert,certaine-
ment vo\is y trouuerez grande matière de loye &! confolation . Helas ! ma fœur , ie vous
priepenfczvnpcuàcequeievay prendre &receuoir,& que c'eft au prix de ce que ie
lanTe. Conliderez que fi noftre maifon terreftre de cefte loge eft deftruite , que nous a-
uonsvn édifice de-parDieu, vne maifon éternelle és cieux, qui n'eft point faite de
main : car pour cela à la venté nous gemifibns, defirans eftre reueftus de noftre habita-
tion,qui eft au ciel. Voila certes comment vous-vous deuez côlbler en lifant la prelen-
te, laquelle, ie penfe, n'aurez point receuë. que ie ne foye auec noftre bon Dieu : lequel
a vn tel foin de nous , qu'il ne tom bera point vn cheueu de noftre tefte fans (à volonté.
Regardons donc de luy obéir, & nous gardons de murmurer contre luy. Vous voyez le
grand honneur qu'il me fait , de pleinemét me faire conforme à l'image de fon Fils par
fa croix. Il eft vray que la chair ne fi veut bonnement accorder, voire mefmes elle né
peut, mais louange au bon Dieu, ie ne me gouuerne pas par fon confeil en vn tel affai-
re. Et c'eft auffi ce qui a efté dit à S.Pierre, On te mènera là où tu ne voudras pas. Si eft- Ican M;
ce pourtant,que ie ne doute point qu'il n'ait rendu vn facrifice agréable &: volontaire à
noftre bon Dieu , ainfi qu'il en fait mention en fa première Epiftre. le croy auffi & me I-Picr-1-
T.iiii.
DenisTeloquin.
2 Rois fi.
Combien
vaut tic
participer
aux atrli-
etiousdes
Martyrs.
tien feur, que ce bon Sauucur Ôc Rédempteur me fortifiera tellement par la vertu de
Ion S.Efprit,que ne lediablc,le monde,lachair,i'Antechrift,ne tous fes fuppofts ne me
diuertiront point que ie ne rende vne obeiflance volontaire à mon Dieu > telle qu'il la
requiert Et ce non point de moy, mais de luy &de-par luy.car il nous a dit, Cofiez- vous,
iayvemcu le monde. Et certes voila la vidoire parlaquelle l'efpcre veinçrele monde*
aiîauoir la foy : de laquelle le Seigneur me munit auec vne fi grande abondance , que ie
luis leur que pour quelques perfecutions ou tormens qui me pui/Tcnt eftre prefentez,ie
ne defaudray aucunement : car puis que i'ay Dieu pour moy,ic ne crain point tout ce
que les hommes me fauroyent faire. Dauantage ieme tien aifeuré auec ce bon prophè-
te Elifec, qu'il y en a plus pour moy que contre moy. Si Dieu eft donc pour nous, qui f e-
ra contre nous? Voila, ma fœur, en quelle confiance ie marche, & en quelle patience 1-
atten cette heureufe iournee, en laquelle cé bon Dieu me retirera à (by, &: eîluycra tou
tes larmes de mes yeux, pour me colloquer en l'on repos éternel. Donc , ma treiche-
re lccur,gardez que vous ne déniez occaiion de iuger que vous ioyez marrie de ma gran
de félicite &: gloire: mais qu'en toutemodeftie &: humilité vous-vous confoliez en ce
bon Dieu , & en fes fain&es promciTes, en attendant auec patience le demoli/fejnét de
ce corps mortel, &c que le lour qu'il a ordonne foit venu, pour vous attirer à la gloirc:de
laquelle ic me tien ail eu ré qu'il vous fera participâte,puis qu'il luy a pieu vous faire par-
ticiper aux afflictions de f on threfeher Fils noftre Seigneur Icfus Chrift , &: aux miénes,
qui fuis fvn de fes membres. Et certes ie croy, encore que vous mouriez envoftre li&,
que vous ferez cependant au nombre des Martyrs du Seigneur, d'autant que vous ayat
conioint par mariage auec l'vn de fes petis, vous auez abondamment communique à
fes affligions &£ croix , entant qu'il vous a cité pofTible. Ce bon Dieu par fa faintte grâ-
ce &mifericorde vous vueille toufiours maintenir en fonobeiiTance : en forte que ion
nom foit glorifié en nous, tant en la vie qu'en la mort. Iene mepuis laffer de vousef-
crire : mais ie fuis contraint de faire fin, à caufe que le temps me prelTe:& pourvoftre
Adieu, ie vous recommande à ce bon Pere de famille , pere des vefucs &c orphelins. le
vous rccommâde la gloire d'iceluy & fon honneur. Soyez humble &: obeiiTante à tous:
portez-vous conftamment &: vertueufement . monftreZ-vous en toutes vos ceuurcs
femme Chreftienne &C amiable à tous . l'oyez patiente &: humble en toutes vos aducr-
fitez. LeSeigneur parla mifericorde vous remplilTede ces grâce s , en forte que ieco-
gnoifTe que vous elles des ficns , au nom de Iefus Chrift noftre Seigneur, feul Sauueur,
Médiateur, IntercefTeur & Aduocat:auquel auec le Pere & le Fils & le S.Efprit foit lion
neur, gloire,puiiTance & empire éternelle met, Amen. Quant à ma perfonnc,ma bon-
ne fceur,ic ne vous en puis mander autre choie, finon que iefuis iournellement atten-
dant qu'il plaira au bon Dieu me feparer de ce corps mortel , pour me faire eftre iouif-
fant de cefte couronne incorruptible de gloire, laquelle eft préparée à tous ceux qui en
patience aurôt attendu fa venue. ^ Au refte,iay receu les recommandations de nos bos
amis. le fuis marry qie ne leur puis refcrire,pour les remercier du grâd foin qu'ils ont de
nous. Il vo9 plaira leur prefenter nos recômandations:&: faluer fpecialcmét môfieur N.
&: generalemct toute l'Eglife.Mon bô frère Marfac vous falue tous en noftre Seigneur.
Lettre s dudit Peloquin enuoyees à fon-dit nepueu,le 14. iourd'Aouft.
IL propofe l'exemple de noftre Seigneur Iefus Chrift comme vn fouuerain miroir de confolation en tribulation : & ré-
cite fur la fin quelques nouuclles de fes autres compagnoosprifonnicrsdemcfme tempi.
O N neueu,frere &c amy en noftre Seigneur , iene doute point que ne foyez bien
duerty de la pourfuitte qui fe fait contre nous, & que pour cefte caufe ie nay pas
euleloilir nele moyen de vous referire fi amplement qu'euiîe bien voulu.ee que ie
croy auili vous empefeherde ce faire de voftre part. Mais nous auons grandement à
magnifier la bonté de noftre bon Dieu,pour la grâce qu'il nous a faite fi long temps de
nous eftre confolezenfemble, fans qu'aucunement nos aduerfajres s'enfoyent apper-
ceus: &;lc prier qu'il nous face la grâce que nous en puiflions vfer à fa gloire &: à noftre
falut:& (ingulicrement vous qui demeurez, que ce que vous voyez deuantvos yeux,
vous foit pour vne forrifîcarion &c alTeurance en fes fain&es promefies : &que vous
foyez tant plus efmeu à mcfpnfer ce poure monde,à le renoncer pleinement,voirc &c à
le reietter du tout , afin qu'il n,e vous foit empefehement pour oercher les chofes celc-
ftes &: éternelles. car qui fe fait amy du monde,il fe conftitue ennemy de Dieu.Lailîbns
donc, an nom de Dieu, le monde aux môdains,laùTons les morts enfeuelir leurs morts.
Suy-
DenisTeloquin* 24.8
Suyuons,fuyuons ce grand capitaine Icfus Chrift, qui nous appelé tant doucement. Et
où? à la croix. Et certes c'eft bien raifon que nous le fuyuions, puis que c'cftla voye,la Iean 1
vérité &la \ic:&c que luy- mefme nous en a monftré le chemin. Car côfiderons par quels
deftroits&angoiifcsileft entré en vne fi grande gloire, &; ne nous fafchons point de
marcher par vn mefme chemin,& fyoirevn mefme brcuuagerbref, deftre traitez Com-
me luy* qui cft le vray Fils de Dicu,feul iufte, pur innocét &c fans macule aucune. Si doc
luy a tat foufïert pour nous poures&: miferables pecheurs:luy(dy-ie)qui eftoit l'Agneau
fansmacule,&: fans tache aucune:ie vous prie, fera-ce raifon que nous foufFrions à re-
gret quelques petites affligions, en maintenant fon honneur &: fa gloire ? Aurons-nous
honte de l'es afflictions &: croix, puis que c'eft pour iuftfce& vérité ? Si nous eftioïis em-
prifonnez, perfecutez, affligcz& tormentezpourlarrecins,brigadages,meurtrcs,pail-
lardifes, conuoitifts ou autres telles chofes , à la vérité nous auriÔs matière de nous faf-
cher &c ennuyer. Mais fi aucun eft affligé corne Chreftien,dit S.Pierre , qu'il fe refiouif- 1 Pier-
fc, qu'il glorifie Dieu en cefte partie-la. Et certes ce bon Dieu auoit bien plus que iufte
caufe de nous punir, voire & de nous abyfmer du tout , s'il nous vouloit prendre à la ri-
gueur^ à pied lcué,comme Ion dit : mais par fa mifcricorde grande &c incomprehenfi-
ble,il efface toutes nos offenfes , &: les laue au fang précieux de fon Fils bien-aimé Iefus
Ch nft , lequel à cfté refpandu en la croix:&: nous fait ceft honneur , de fouffrir pour fon
nom:tellemcnt que les hommes quelques mefehans &cauteleux qu'ils foyent,ne peu-
uenttrouuer autre matière ne caufe pour no-.is affliger &; tourmenter, finonquenous
ne voulons point fuyure leurs inuentions diaboliques&: damnables:mais feulement la
pure parolle de Dieu, laquelle feule nous peut rendre fages à falut. Puis donc que tel
honneur nous eft fait, afîauoir que nousfommes faits conformes à l'image du Fils de
Dieu paraiflj&ions,refiouiiTons-nous,&;ne nouseftonnons point, encores que nous
voyons &c ciel &c terre renuerfer. Tenons cela ferme, qu'il faut que la parolle pour la-
quelle nous endurons , demeure éternellement. Contentons-nous , Puis que ce Dieu
&; Pcre de mifericordc nous promet qu'il fera noftre fortcre/Te& ferme appuy à l'encô- Pfcau
tre de tous nos ennemis : voire qu'ils demeureront confus en fa force & vertu. Nous fa-
uons que tous ceux qui veulent viure fidèlement en IefusChrift,foufrrirôt perfecution.
Ne cerchon s donc point d'euiter la croix, puis que c eft le chemin pour aller à la vie. ne
cerchôs point vn autre chemin que celuy qui eft défia tout frayé : par lequel nous voyos
vne fi grande armée qui nous précède: voire auffi noftre grand capitaine & Sauueur Ic-
fus qui marche le premier,nous donnant exemple , afin que nous fuyuions fes pas. Et à
la vérité, nous voyons que de tout temps la condition des enfansde Dieu aefté telle,
alîauoir d'eftre perfecutez par les iniques &: mefehans. La venté a efté , eft^ fera touf-
iours perfecutee par le méfonge.iamais Iefus Chrift,qui eft la vraye vérité , ne fera d'ac-
cord auec Satan qui eftmenfongerdésle commencement. Ne nous eftonnons point
donc fi en bien faifant nou s fommes blafmez, voire perfecutez parles mefehans. & cer-
tes il eft expédient que telles chofes foyènt pour noftre probation. Car fi l'or , qui eft r pierr
corruptible,eft mis en la fournaife pour eftre efprouué:par bien plus forte raifon noftre
foy doit eftre efprouuee par tribulatiôsr&ce pour noftre probation, afin que par patien-
ce &C confolation des Efcritures nous ayons efperance en celuy qui a refufeité Iefus des
morts, Se l'a eflcuc par delTus tout noimafin qu'en fon nom toutgenouil fe ployé, tant
au ciel qu'en la terre , & fous la terre. le vous eferi cecy , trefeher frère , non pas pour
prefumer de vous enfeigner ce que ie fay qu'auez bien refolu en voftre cœur: mais pour
me confoler auec vous, &: auffi pour vous faire entendre la grand' bote de noftre Dieu
enuers moy, lequel me fortifie tellement au milieu de ma grade affli&ion. Et c'eft auffi
ce qu'il nous a promis, quand il nous a enfeignez,difant, Inuoque moy au iour de ta tri- pf«u
bulation, &: ic t'exauceray, puis tu m'en glorifieras. Il dit autre part, que ceux qui fe cô- pfeau
fient au Seigneur ne font point confus. Et certes,trefcher amy, i'experimente ces cho-
fes abondamment: en forte qu'il me feroit du tout impoffible d'en reuoqucr^ aucune
chofe en doute:tellement que ie conclu afleurément qu'il m'affiftera iufques à la fîn,&:
qu'ainli qu'il a commécé bon œuure en nous, auffi il le parfera à fa gloire, à l'edificatioa
& confolation de fa poure Eglife, & à la ruine &: deftru&ion de ce faux Satan , & de fon
miniftrerAntcchrift,&: de leur règne, voire & à mon falut. Et bénit foie noftre bon
Dieu, qui me fait la grâce de défia en voir quelque apparence vifible deuant mes yeux.
Car ie vous prie, ce bon Dieu, riche en miierieorde, ne s'eft-il point voulu feruir de nos
Limc^lII* DenùTeloquin.
liens pour fa gloire ? l'cnten de mon frère Marfac &: moy , quand il nous fait inftrumens
pour releuer noftre frère Michel de l'abyfme infernale , en laquelle il eftoit fuccombé
pour fa trop grande infirmité & débilité de foy. Penfez, ie vous prie, quel foufflet l'An-
technft a receu, voyant perdre fa proye deuant fesyeux, fans aucun moyen de la recou-
urer. Il eft vray qu'ils crient au feu : mais louange au bon Dieu , telles choies ne nous e-
ftonnent. Et certes c eft bien merueilles : & pouuons bien facilement cognoiftre que
telamoureftdu Seigneur, & non pas des hommes:que ceiuyquiauoitii grandfaimde
fauuer fa vie,a efté fi toft perfuadé de la vouloir perdre, pour la gagner à la vie éternelle.
Or à la vérité la chair &le fang n'ont point mis telles chofes en l'on cœuncar nous fauôs
comment il a efté conduit quand il s eft appuyé en la fageffe , pmdcnce& hauteflé hu-
maine. Voila certes des chofes allez fufnTantes pour rauir en admiration les Chreftiés.
O Seigneur , que tes merueilles font grandes, que tes iiigemens incÔprehc nliblcs i cer-
tes il eft impollîble de réciter ce que i'en fen en mon cœur. Ce bon Dieu me face In gra-
Lafov du cc d'en faire mon profit à fa gloire f NousauonsaprescebonfrereMenuifierJequel
ainliqu il n auoit point eu honte de nos liens, en nous venant viliter le Dimanche, dot
il fut pnns le Mardy.auiîî n'a-il point de honte de confclTer ce mefme Icfus Chnft, & de
nous eftre adioint. Voila maintenant deux vaillans champions , que le Seigneur nous
auoit ordonnez pour compagnons à maintenir fa querelle:lefqucls auec nous marchét
conftamment , &. délia ont receu l'opprobre des hommes auec nous. Car lundy der
nier , onzième , nous fuîmes déclarez hérétiques , fchifmatiques , pertinax &c apoftars.
Voila le commencement de noftre triomphe: voila l'entrée denoftrc victoire qui ap-
proche. Il ne nous refte linon de prier ce bon Dieu , qu'il luyplaifenous fortifier en v-
neperfeuerance& conftanceinuincible , pour receuoir celle couronne incorruptible
de gloire , laquelle eft préparée à tous ceux qui auront attendu fa venue auec patience
&: humilité:laquelle aufTi luy,qui eft iufte Iuge,nous rendra:& de ma partjie n'en doute
nullement. Or ayans efté declarez,mes frères ont efté menez à Rouane,&: fuis demeu-
ré feul. On m'a dit qu'ils furent hier interroguez.il eft bruit qu'ils feront menez au fu p-
plice Samedy prochain .ce fera la volonré de noftre Dieu, qui conduit toutes chofes.
Quant à moy,ie n'ay pas encores efté dégradé: i'atten de îour en îour l'heure,&: me dou-
te que ce fera demain ou Samedy. Au refte, i'ay efté aduerty qu'on me veut remener à
Ville-franche, pour là cftre exécuté. Telle nouuelle ne m'apporte que trifteiTe,pourvn
delir que iauoye de tenir compagnie à mes frères : mais cependant ic me refiouy de ce
qu'il plaift à noftre bon Dieu, îetter de fa femence en ce poure pays ruftique &: ignorât.
Qupy quecefoit,ie loueDieu,queiefuisafieuré que foit que i'aillelà,foitqueiedemeu
re icy, il fera feruir ma mort à la gloire,àla grande ruine &: diflîpation del'Antechrift èc
de fon règne, &: à mon falut. Comme i'ay dit,ie fuis journellement attendat que fa fain-
&e volonté feule foit faite &: accomplie, ce qu'aufîi ieluy demande par prières &orai-
fons continuelles, ne doutant nullement qu'il ne m'exauce :& ce par IefusChrift no-
ftre feul Sauucur, IntercelTeur, Médiateur &: Aduocat . auquel, auec le Pcre & le S. Ef-
prit loit honneur, gloire,puilTancc & empire éternellement, Ainli foit-i),&: ainfi foit-il.
^Or frère àc amy,ielouë Dieu(côme délia i'ay dit)qu'il nous a fait la grâce de commu-
niquer abondamment enfemble iufques icy : tellement qu'il ne nous refte rien , que n'-
ayons ample matierede le glorifier &luy rendre grâces. Seulement donques ievous
prie de perfeucrertoulioursen l'obeiflancede noftre bô Dieu & de fa parolle : que vous
regardiez de conduire toufiours voftre famille, &C la nourrir en la crainte de Dieu:en la-
quelle ie compren, fuyuant ma couftume, Ieanne ma bonne feeur. le vous recomman-
de aulfi nos poures frères qui font en cefte tyrannie abominable, &c fingulierement nos
païens. le luis dolent de ce que i'ay fi mal fait mon deuoir enuerseux . le Seigneur ne
me vueille point imputer. Saluez, s'il vous plaift, tous nos amis. La grâce de noftre Sei-
gneu r Icfus Chrift,& la charité de Dieu , &: la communication du S. Efprit demeure a-
ucc vous tous* Ainli fqit-il. Viuezen paix auec tous, fi faire le peur, &: Je Dieu dedile-
ction &c de paix fera auec vous. Ayez toufiours mémoire que nous n'auons point icy de
Hcbr.13. CJte' permanente- mais que nous en cerehons vncà venir, laquelle vous attendrezen
patie nce&: amitié, viuant en diledion auec vos prochains. Puis que ie nay l'opportu-
nité de relcrire dauantage,la prefente feruira à tous nos amis , aufquels par ces prefen-
tes ie dy A-dieu. A-dieu mes frères. A-dicti mes amis. Le Seigneur vous benilTe&vous
confe rue , le Seigneur foit protecteur & defenfeur à rencontre de tous vos aduerfaircs,
&ne
Denis Teloquin. jjo
& ne vous laiiTc point fuccomber en tcntatiomEt quant à noUs, qu'il luy plaifc nous fai-
re Ja grâce de perfeuerer c n ce com bac,auquel il iuy a pieu nous appcler,tcllemcnt que
ion fainct nom en (bit glorifié » Ton Fglife édifiée &: confolee , & noftre falut auancé : le
tout au nom de Iefus Chrift, foii trefchcrFils bien-aimé, Amen. Le vingtquatriemc
iourd'Aouft* m» d. lui.
L E T T R. ES dudit Peloquin cnuoyecsàfifcmme .IVxhorrantde s'au*eurcr , puis que par foy elle a fenty la ioye Se.
le repos qu'il aura par vnc mort heureufe : & pour la fiu il adioufte particulières admonitions comment elle fc
doiteon liire.
^Iesvs Chrift crucifié pour nos pechez,&rel7ufcité pour noftre iuftification,voui
foit pour falut, ioyeôi confolatlon en vos tribulations & afflictions: Amen.
(£$|§OEur& bonne amie,ie n'ay voulu Jaiflcraller cefte tant grade occafion fans vouS
^^^faire fauoir de ma difpofition tant d'efprit que de corps : ioint aufli qu a cela i'ay c-
fté grandement incité par les bonnesnouuelles quemon bon maiftre dhoftel m'aap-
portees de la confolation inefkimable que ce bon Dieu vous donne. Et cet tes, ma b6ne
fœur, c'eft ai n fi qu'il en faut taire , & qu'il le faut conformera la volonté de noftre bon
Dieu. Que fi vous n'auiez point appréhendé laprouidencede cebonPcre celefte, &
vous n eufliez point goufte quelle eft la confolation &: ioye qu'il dône aux fiens , à la vé-
rité il feroit bien difficile de vous refiouir maintenant. Mais ie loue ce bon Dieu , qu'il
vous fait fentir par foy la ioye & repos auquel en bref i'efpere qu'il me retirera: &: qu'il
vous fait cognoiftre que c'eft le plus grand bien qui me îauroit aduenir. Parquoy ce n -
eft point en vain que vous-vous cfiouyficZjCe n'eft point lans caufe & fans rai(on:&: non
feulement que vous- vous efiouifTez, mais que vous follicitez ceux qui veulent pleurer*
pour fe refiouir auec vous. Certes ma fœur &: amie , ic ne vous pourroye pas exprimer
combien grande confolation telles chofes m'apportent.Dcma part, afleurez-vous qu *
onques ie ne fu fi ioyeux ny en fi grand repos de mon efprit que ie fuis maintenant > ten-
tant que ce bon Dieu me veut faire mifericorde , &: m'attirer à foy, pour me mettre en
fon repos etcrnel,faifant fin à toutes mes miferes& calamitez.Or ma fœur,ie vous prie
au nom de noftre bon Dieu, perfeuerez toufiours en l'obeiiTance de noftre bon Dieu te
en fa crainte. Suyuez bonnes compagnies, euitez propos oififs ,& qui ne conuiennent
point à femmes Chreftiennes : fingulierement à vous. Que vous foyez enexempk de
bonne conuerfanon&: de modeftie, de douceur &c d'humilitcà tous : qu'on cognoiïïe
que vous aucz profité en l'cfcole de Iefus Chrift par mes liens. Ne faites rien fanscon-
feil de vos amis, quelque chofe que ce foit. Soyez vertueufe en vos faits èc dits: foyez
humble cnuci s tous, & fingulierement enuers ceux fous la charge defquels vous ferez.
Viuez en paix &: amitié auec tous,fi faire fe peut,afin qu'on cognoiiTe que vous eftes du
nombre de ceux que le Seigneur a eferit en fon liure. Et certes ie loué' ce bon Dieu , de
ce que i'ay plus grande matière de le glorifier &: magnifier fon fainct nom , que non pas
de m'arrefter dauatage à vous admonnefter &inftruire en ces chofcs,aufquclles ie vous
voy & cognoy(graces à fa bonté)que vous eftes bien refolue &: arreftee. Il ne vous refte
donc plus maintenant , finon que de prier ce bon Dieu, qu'il vous donne perfeucrance
en fon obeifiance& crainte , &: qu'il vous face la grâce de non défaillir aucunemét. Ce
qu'il fera moyennant que de cœur humble &c droit vous luy demandiez au nom de ce
grand Sauueur Iefus Chrift noftre feul Seigneur.
C E S T E Epiftrccft pour rcfponfe de Denis Peloquin à vnc Damoifcllc qui luy auoirr ferit.*' eft en dartedu cinquiè-
me de lui Met, M. D. L I 1 1. le fom maire He laquelle eft , que nous nous tenir m bien rcloluscn to ce adue rilcé,
que nos ennemis nenous peuuent rien faire fans la pcrmiffion de Dieu.
CjjSSpA D A M O ISE L LE, fœur & bonne amie en noftre Seigneur Iefus Chrift,il ny*
ggjjgja ecluy (i'enten d'elprit regenei é)qui facilement ne iugeque telle amitié c emme
celle que i'apperçoy par vos lettres que vous nous portez,ne foit entièrement diurne 6c
fpirituelle. Car félon le monde,ce n'eft pas entre telles gens comme nous qu'il faut cer-
cher des amitiez ou faueurs môdaincs , pour en efperer quelque profit 6U lécours tem-
porel. Iedyenuers nous,quifommcs iournellementexpofez en moquerie Se derifion,
&: eftimez félon le îugement des hommes, les ordures du monde , indignes que la terre
nous fouftienne, &: mefmes quant aux hommes(i'enten de ma perfonne) le plus abiccr.
Il eft facile donc de iuger que ce n'eft point la faueur du monde que vous efpcrcz , ains
du grand Dieu viuant , cognoiiTant bien que l'amitié du monde luy eft inimitié: c'eft,
dy-ie,pourquoy vous cercliez auec le bon Moyfe,d'eftrepluftoft affligée &meiprifee Htbr.n.
Liurc^ III. Denis Peloquin.
nucc le- peuple de Dieu , que d'eftre en grandes pompes & délices en la maifon de Pha-
raon. Ce que Vous auez allez manifefté , ayant delaifie lesfaueurs & amitiez des gi ans
Rois &c Grinces delà terre* pour venir cercher celles des pou res affligez &: opprefléz,
aufqueîs on ne peut contempler autre chofe qu'vhe horrible &: efpouuantable face de
iamort. Mais louange à rEterncl,qui vous a ouuert les yeux pour iuger que ceux font
Ucaufc de bien-heureux qui fouffrent iniures,voire la mort ignominieufe pour iuftice , qui vous a
hconion- fait cognoiftre que la mort de tels eft precieufedeuaht Dieu:quec'eft le moyen d'eftre
° cohformesàrimagedcnoftreSeigneurIefusChrin:.Voila(cecroy-ie)lacaufeqtiivoiis
aefmeu aucc grade affection de nous confoler, d'autant que fommes tous membres d'-
corps,dôt Iefus Chrift efî ie chef.&r que defia la conion&ion de cefte amitié Chreftien-
ne eft faire, &: ne vous faut aucunement douser que ne vous tenions ôcme noftre bons
fœur 6c amie en noftre Seigneur Iefus. Quant à ce que vous nous dites ehfans de Dieu,
ayans grand accez ôefaueur cnuers luy:à la vérité nous le croyons ainfi au moyen de no-
ftre Seigneur Iefus Chrift, qui nous aadoptez pour eftre faits enfans &; héritiers auec
luy, nous ayant choifis pour eftre de les domeftiques,& des plus pioches , voire iufques
à nous faire boire en fa couppe,& coucher en fon liâ:brc£ nous fait abondammét par-
ticiper en fes croix &c tribulations, ie dy fi auant que nous en pouuôs poi ter,ahn de par-
uenir à la mefmc gloire à laquelle il eft paruenu: & nous à dôné non iculcmét de croire
en luy, mais aufti de foufFrir pour lui. Et combien que par nos iniquitez& o/rénfcs,lef-
quelles nous cômettons iourncllemcnt deuât fa faifiéte face, il ait plus q jufte ôccafion
de nous punir,non feulement d'vne punition temporellc,maisd'vhemorteterncllc:fî-
cft-cc que par fa grade mi(cricorde&: bôté,cn la faneur de noftre Seigneur Iefus Chrift
fon trcfchcr&: bicmaimé Fils , il nous remet entièrement nos fautes,& veut que nous'
foyonsaffligez&pcrfccutezpouf lacohfciTion de fon S.nom. Car voilalafculecaufe
pour laquelle nos aduerfaires nous perfccutent:aiTauoirqucnousvoulôsferuirauDieu
viùat en efprit& vérité, ainfi qu'il le requiert. Et que pluftoft nous voulÔs obcir&crain-
dreceluyqui peut ictter corps &ame en la gehenne,que ceux quenepeuucnt tuer que
les corps:& ne le peuuent faire finon qu'il leur en donne la licéce. Il eft vray qu'ils nous
tiennent en leurs mains , &: n'ont point faute de mauuais vouloir , n'eftans defgarnis de
ragcfurieufeàrcfpandrele fang innocent : mais noftre Dieu& Peretout-puilTant leur
met vne boucle aumufeau pour les retenir,en forte qu'ils ne peuuent exécuter finori
cequefafain&e&facree prouidence éternelle en a ordonné deuant tous ficelés :&c'-
Lucu. eft ce qui nous eft dit,qu il ne tombera point vnfeul cheucu de noftre tefte fans fa vo-
lonté.Que fi nos aduerfaires , quelque force apparente qu'ils ayent , n'ont aucune puif-
fance fur nous finon autant qu'il leur en eft donné d'enhaut, que deuos-nous craindre?
& fi Dieu eft pournous,quifcracontrcnousîVoila,trefchere fœur vne confolatio mer-
ueilleufe&bicn fuffifante pour nous alTeurer contre la force de tous nos ennemis, voy-
ant qu'ils n'ont point lcpouuoir tel que le vouloir :& qu'il faut que celuy qui nous eft
La neceffi- Pere propice &; rauorable,leur permette exécuter l'a volonté,^: non autrement. Ceftc
do.îinc.,lC doctrine nous eft mcrueillcufcment necefiaire , non feulement à nous qui fommes de-
tenus captifs, aciendans en patience la bonne volonté de noftre bon Dieu, mais aufïi à
tousChrcfticnsfidelcs.Carilcftccrtainqucfinous anionsbien profité en ctfte leçon
on ne verroit point tant de rebellions àl'encontrc de la bonne volonté de noftre Dieu
&. de lobeifiancc que nous dcuons à fa parolle& à fes faindes promclTcs. ^Ccux qui
font encore détenus en ces miferablcs idolâtries de la Papauté, en feroyet bien toft de*
hors, s'ils auoycnt vne telle cognoilfance de ceftc tant fainfte prouidence de ce boa
Dieu cuers nous.Et à la mienne voloté que ie n'eulTe que dire de ceux qui fe lot retirez
par de-là, qui font tat conucincus en leur côfcience du grand foin que ce bô Dieu mô-
ftreiourncllemétauoir d'euxxependant ils ne ceffent de fclaificr mener par leurs arTc-
ctios pour murmurer quelque fois cotre Dieu, fe nourrifiànt en vne défiance plus que
ta «lefun- Paycnne.Et cncoYcs que les promelfesde Dieu leurs foyêt toutes notoircs,ils ne s y fîe-
"i" fon: ronC"'a'> unon f°us Don £age- Car moyennant qu'ils ayent la bourfc plcinc,qu'ils ayent
retirez S* fanté, & qu'ils voyent entièrement toutes choies leur rire $c applaudir, alors ils eroirôt
ighk< rc- bien que Dieu eft tout-puiftànt: &: mcfmes feront les premiers à condamner ceux qui
cc" par grande pourcté, ou aucune autre tribulation tomberont en quelque petite défi-
ance. Cèleront les premiers qui cricrontapres les autres qui pour crainted'auoirne-
ccfîitc au troupeau de noftre Seigneur IcfusChrift,fôt détenus en l'idolâtrie exécrable
de
£/^2ro aux prifonniers dz~> Lyon. *j(
de la Papauté:cependant on ne voie en tels iuges que coûte auarice &T pure deffiance . il
n'eft queftion que de ccrchcr terres èc poircfliôs pour auoir moyen d'entretenir les mef
mes cftats, pompes&: délices, &: de prendregardequelemôccaunappetiiTe.Onnoic
autre choie que dire,Nous mangeons tout, nous defpédons tout, nous ne gagnôs rien:
& cependant d'auoir foucy de receuoir auec humilité & obeiifance cefte pafturc de vie
qui leur cft donnée en fi grande abondace, il n'en cft point de queftion. Il nous fuffit de
voir les murailles delà ville &: celles du temple, (ans nous foucier d'entrer dedans pour
ouyr la parolle de Dieu. Il l'unit d'eftre hors (ce nous lemble) de la main de nos aduerfai-
res poui viiue en repos charnel, fans aucû regard de ccrchcr la choie qui nous eft la plus
neceflairr,& pour laquelle mcfmcs nous auôscfté créez, 2/làuoir le royaume de Dieu
&C fa iuftice: auec lefquelles choies touteffois no9 fommes aiîcurczque tout ce qui nous
fera neceffairc nous fera amplement donné, c'eft la venté mcfme qui le nous a promis:
parquoy nous ne deuons nullement douter, que s'il aie Coin de celle vie tant caduque
&: mifcrab]c,il nous faut a/Feu rcr qu'au/fi aura-il de lame , laquelle a efté fi chèrement
rachetée parle précieux fang de noftrc Seigneur Icfus.Nousauonstâtde promefTesde
ces chofes par toute l'Efcriturc, qu'il n'eft: poflîhle que nous ncloyonsgrandcmétcoul-
pables fi nous n'y adiouftons foy. Mais qnoyr noftre infidélité cft fi grade que c'eft pitié.
& partant nous aiions bon meftier de prier inceifamment ce bon Dieu & Pere,au nom
& en la faneur de noftrc feul Seigneur &c Sauueur, Interccflcur, Médiateur & Aduocat
Iefas Chrift.le prier,dy-ic, qu'il vucille fupporter noftre infii miré,&: nous augmenter la
foy,& dôner certaine aliéuranec en fesfain&es promeilés,alin de nous y fier&aiTeurer
pleinement, encores que nous viiTîons le ciel & la terre rcnucrfer:fachans que la parol-
le deDieu demeure éternellement. le vous ay ici fait vn long difeonrs de cefte matière,
trefchcredame& (ceui: non pasquefayeaucunedouteque n'y foyezfuffifamment in-
ftruice : loinct au/fi que vous eftes à la fonraine pour pujfer fans grande difficulté de ce-
fte eau viue en abondance: mais délirant fatiifaire à voftre fainctdefir, après auoir de-
mandé à noftre bon Dieu la grâce de Ton S.Efprit , îen'ay point trouuéde matière plus
propre pour me confoler auec vous. Car ie croy qu'il n'y a celuy qui n'ait bien befoin d'-
eftre fouuentfolicité à telles choies, d'autant que naturellement nous fommes remplis
d'vnc deffiance de la prouidence de Dieu , & de rébellion à fa faincte volonté. le vous
fupplic donc trefehere feeur, prendre en gré ce petit que le Seigneur m'a donné,&fup-
porter mon imbécillité 6c ignorance, à laquelle ic n'ay aucun elgard, me fiât que lâcha
ricé Chrcftiennc que me portcz,cxculera facilement ce qui a befoin d'eftre exeufe.
Or ie vous fupplie humblcmét de perfeuerer en vos fain&cs prières &C oraifons,pour
les neccflîccz de la poureEglife de noftre Seigneur tant del'olee & affligée . ôcfingulie-
rement pour nous qui l'ommesappelez àcelte vocation tant faincte,pour maintenir fa
faincte & facree venté deuant les hommes, & faits dignes de fouffrir pour le nom de Ic-
fus,à ce que ne défaillions point de la confellion d'icclle : mais que nous y demourions
fermes &c conftans iuiques à la dernière goutte de noftre fang , à 1a gloire de ion S. nom
le édification de nos prochains,&: à noftre falut. De noftre part nous taicherons de fai-
re noftre dcuoir pour vous,tar qu'il plaira à noftre bon Dieu nous tenir en ce corps mor
tel. l'en dy autant à noftre bonne fœurmadamoifcllc dcTillacJaquellc ie délire afFe-
ûucufementeftrc participante de laprefente. Vous remerciant humblement de la
faincte amitié &: bonne affection que vous portez à.ma femme,vous priant auffi de con-
tinuer vos fainctes conlolanons enuers elle , félon la necefficé que vous cognoiftez qu'-
elle en peut auoir.
Voftre humble feruitcur &: frère, Denis Peloquin.
JJElon l'ordre qui a efte tenu au prccedent,auat que deferire la dernière exécution fai-
te contre Denis Peloquin , nous auons inféré les lettres que M.Iean Caluin a eferites
audit Peloquin,Louys de Marfac& autres auflî prifonniers pour vne mcfme caufe dei -
Euangile de leius Chnft, iefquelspeu après font mis en leur reng.
Le fomrruire de celle Epiftre eft, qu'ayant monftré le foin qu'il a de les confoler & fortifierai inftruit vn d'entr'eu x dcbile co
la do&r ne, comment il doit refpondre fur pluficurs poinéfe de la religion, pu is les çonfole tous en gênerai , leur mou»
ftrant la rclicite' de leur vocation.
Trischirs Frère $, combien qu'en efcriuant voftre lettre, vous pendez
V.
Liurc^ 111. Epifire aux pri/onniers de Lyon.
que les ennemis de vérité vous dculfcnt facrifier bien-toft ,ien'ay point lai/le de vous
cicrirc la prefente: afin que s'il plaift à Dieu qu'elle vienne à temps, vous ayez encore
quelque mot de confolation de moy. C'eft trelbien &: trefprudcment conlideré à vous
les grâces de Dieu, quand vous cognoifTez qu'il a encores mieux conferméenvous fes
promelfes , vous dônant vne telle conftance comme vous l'auez fentie nagueres en vos
dernières rcfpôfes. C'eft bien de luy à la vérité, qu'eftes demeurez ainli fermes pour ne
point rlelchir . ainli ie me tien bien alTeuré que ce feau qui porte la vraye marque du S.
G^araîa Efprirne fera iamais effacé. D'autre part, il a lipuiiTamment befongne en Michel G.
perfeuerc. que la foiblclfe qui auoit efté en luy par cy deuant , donne tant plus g; and luftre à celle
vertu laquelle il a receue d'enhaut. Ienedoutepasquclesennemismclmes ne foyenc
conucincus,quc ce changement n'eft pas procède de l'homme . ainii par plus forte rai-
fon nous deuons bien auoir les yeux ouuerts pour contempler la main de Dieu , laquel-
le s'eft ici eftendue dvne façon admirable , pour retirer fa poure créature de l'horrible
confuiion où elle eftoit tombée. Du temps qu'il a efté conduit de (on fens , jl cuidoic a-
uoir beaucoup gagné, ayant racheté quelque peu de temps de celte vie caduque 6c mi-
ferable,&* s'eftant plonge aux abyfmes de mort éternelle. C'eft dôqucs vne ceuure diui-
tie, que de l'on bon gré il foie rentré en la mort pour paruenir à la droite vie: de laquelle
non feulement il s'eftoit eiîongné , mais du tout forclos entant qu'en luy eftoit. Car la
bonté de Dieu s'eft tant plus richement dcfployceen ceft endroic1:,qu 'il a releué fa cré-
ature d'vne cheute qui pouuoit fcmbler mortelle : voire pour ti iôpher en icelle ma-
gnifier la gloire comme il a commencé, &i'efpere qu'il le parfera.
Va y veulaconfelîion qu'ilafaite, laquelle eft pure & franche, & digne d'vn homme
Chreftien.Toutesfois il eft bon, ce me femble,qu'il loit aduerty de quelques poincb,a-
fîn que les aduerfaircs foyenc tant plus confus, quand il leur fera relponfc plus diftin&e.
Non pas que ce qu'il a dit ne loit vray,mais pource que les malins prennet touliours des
occalions bien légères de calomnier &£ peruertir le bien.
lTcor^sdc Estait interrogué , Si le corps de IefusChrift n'eft pas fous l'efpecedupain}ila
kSchrift. refpondu que non. Quand on luy a demâdé pourquoy,il a refpondu que c'eftoit vn pur
blafphemeanneantilfantlamortdelelus Chrift. Or il falloir qu'il reprouuaftnotam-
mét deux choies en la Melîed'vne eft vne idolatrie,en ce qu'ils font vne idole d'vn mor
feau de pain, l'adorant comme Dieu, La féconde eft, qu'ils en font vn facrifice pour re-
concilier les hommes à Dieu. Or comme Iefus Chrift eft le feul Sacrificateur ordôné de
Dieu le Pcre:aulfi luy-m efme s'eft offert vne fois pour toutes,&fa mort a efté le facrifice
vnique & perpétuel pour noftre rédemption. Mcfme fur le premier article , il euft efté
bon de protefter qu'il croit bien qu'en la Cene nous cômuniquons au corps &C au fang
de Iefus Chrift:mais que c'eft en montant en haut au ciel par foy,& nô pas le failant de-
feendre icy bas:adiouftant toutefois que cela ne fait rien pour leur Mefle, veu que c'eft
vn a&e du tout contraire à la Cene de Iefus Chrift.
Estant interrogué, Sila vierge Marie &: les Sain&s intercèdent pour nous: ilare-
fpondu qu'il n'y a qu'vn feul Ielus Chrift IntcrceiTeur& Aduocat. Ce qui eft vrayxar il
Les moru n'y a ny homme ny Anges qui ayent accez à Dieu le Perc que par ce Médiateur vnique.
Dont ponu mais il euft efté bon d'adioufter pour déclarant), que l'office d'intercéder n'eft point dô~
ofhcc dm- , r j jf. j i , r t
itrccdcr. ne aux morts,comme Dieu nous commande d intercéder les vnspour les autres enla
vie prefente. Cependant, pource qu'il n'eft licite de prier Dieu qu'en certitude de foy»
qu'il ne nous refte flnon d'inuoquer Dieu au nom de Iefus Chrift , &c que tous ceux qui
cerchent la vierge Marie &C les Sain&s pour leurs aduocats,extrauaguent,&: fe deftour-
nent du chemin.
Du Franc Es t an t interrogué du Franc-arbitrcrpour monftrer qu'il n'y a en nous aucun pou-
arUtrc. uoir de bien faire, il allègue le dire de S. Paul au feptieme des Romains , le ne fay pas le
bien que ie veux , &c. Or il eft certain que S. Paul ne parle point là des incrédules qui
font du tout denuez de la grâce de Dieu: mais de luy 8c* des autres fldeles,aufquclsDieu
auroit défia fait la grâce d'afpirer à bien faire. Sur cela il cofe/le qu'il fent en foy vne tel-
le repugnancc,qu 'il ne peut venir à bout de sacquiter pleincmcnt.il falloit dôques ad-
ioufter pour déclaration, Si les fidèles fentent toute leur nature contraire à la volonté
de Dieu , que fera-ce de ceux qui n'ont que pure malice &: rébellion ? comme il dit au
huitième chapitre , que toutes les afFe&ions de la chair, font autant d'inimitiez contre
Dieu. &c au fécond des Epheiiens,ilmonftre bien que c'eft qu'il y a en l'homme. Item
aupre-
Denis Teloquin. iji
au premier & fécond chapitre de la première aux Corinthiens, te au troifieme cha. des
Romains. Dont il s'enfuit que ceft Dieu qui fait en nous &: le vouloir àc le parFaire felô
fon bon plaifir, commeil eft dit au fécond chap.des Ephehens.
Estant interrogué furies Vœuz, ilarefponduque toutes nos promettes ne font DesVœuz.
que menterie.Or il euft efté bon de fpecifïer quvne partie de leurs voeuz,eftans impof.
fibles,nefont quedefpitcr Dieurcôme quand les Moines 2>C Preftres renoncent au ma-
riage:&que tous en gênerai ne font que faillies inuentions pour abaftardir leferuice de
Dieu:& qu'il ne nous eft permis de luy promettre ou offrir , linon ce qu'il approuue par
fa parolle. le croy que ledi£t frère fera bien aife d'eftre aduerty de ces choie s : afin que la
vérité de Dieu foit tant plus vi&oricufe en luy.
^ A v refte, comme au milieu de cefte vie nous fommes en la mort:auflî maintenant
il vous faut eftrc refolus qu'au milieu de la mort vous cftes en la vie. Et en cela voyons-
nous qu'il n'eft point queftion de nous gouuerner félon noftrc f'enspour fuyure Iefus
Chrift:car il n'y a rien qui nous foit plus eltrange, que de nous plonger en opprobre ,&
nousabbatrciufques à la mort,pour eftrc eflcuczàlagloircdes cieux. Mais nous fend-
rons en la fin par efïe£t,que le Fils de Dieu ne nous a poinr. fruftrez,en nous promettant Maceh.ro;
que quiconques quiteera fa vie en ce monde, la recouurera pour en îouyr à ïamais. Par-
quoy, mes freres,fi iufques ici vous auez cogneu par expérience que val enc les confola-
tions que ce bon Seigneur Iefus donne aux fiens , pour leur faire trouuer doux &: amia-
ble tout ce qu'ils foufFrcnt pour fa querellc:&: que vaut l'aide de fon Efprit pour leur dô
ner courage, à ce qu'ils ne défaillit point:pnez-le qu'il continue l'vn &: l'autre : &c en le
priant repofez vous en luy, qu'il accomplira voftre faind defir. De noftre part , cepen-
dant que vous ferez au corn bat , nous ne vous mettrons point en oubly. Tous mes frè-
res vous faluent. Ce bon Dieu & Pcre de mifericorde vous ait en fa protection : &; s'il
luy plaift que vous enduriez la mort pour le tefmoignage de fon Euangile,comme l'ap-
parence y eft , qu'il monftre qu'il ne vous a point abandonnez, mais pluftoft qu'en vous
ordonnant fes Martyrs , il habite & règne en vous: voire pour triompher en vous à la
confufion de fes ennemis , &: pour édifier la foy de fes efîeus ; Se qu'il nous côduife tous
iufques ace qu'il nous recueille enfemble en fon royaume . Cevingtdcuzieme d'-
Aouft, M. D. LUI.
Excvsez-moy fi ie ne vous ay pluftoft refpondu: carie reccu feulement hier vo-
ftre lettre, laquelle eftoit dattee du douzième.
Voftre humble frère, I. Caluin.
COPIE d'vne lettre de Peloquin &de Marfac , enuoyee à monfieur Caluin rainiftre, le quatorzième de
Iuillet, M. D. LUI.
jO N S I E V R & frère en noftre Seigneur, de puis hier ce bon Dieu Se Pere de cô-
Jolation ayant voulu donner moyen plus grand de le glorifier, nous a fait la grâce Touchant
d'auoir efté mis enfemble de iour.Parquoy nous auons penfc tous d'vn accord vous ref- l'appel des
crire, pourhumblemcnt vous remercier de vos fain&cs confolations & admonitions J^Lyon"
qu'il vous a pieu nous faire. Et quant à ce que nous mandez de fappeljà la vérité ça efté
toufiours noftre but de tendre à la gloire de noftre Dieu. Il eft vray que nous auiôs con-
clu d'en vfer fuyuant l'aduis de quelques bons amis qui le trouuoyent vtile-.mais voyant
que voftre confeil eftoit autre, mcfmes ayant entendu les caufes qui font à la vérité bié
dignes d'eftre obferuecs , encorcs qu'il nous fuft permis parnos aduerfaircs d'appeler,
nous auions conclude ne le faire. Cependant Dieu nous a ofté tel moyen, d'autant qu'-
auons efté aduertis que nos aduerfaircs ont obtenu lettres en dernier reflbrt,&: en auôs
veu l'cxperiéce en la perfonne de noftre frère Dimonet , lequel a efté fruftré de fon ap-
pel^ de fait il a efté grand bruit ces iours paflez qu'il deuoiteftreexecuté,commeà la
vérité nos ennemis ont fait grand pourchas pour ce faire: mais fes amis félon la chair, Se Dimonet
toute la nobleffe de Lyon font fort après à le pourf uyure &torméter,tendas à ce but de inquiccé de
lediuertirde fonfaintt&facré propos. Ceneantmoinsnous-nous tenons affeurez que kdcii^-
celuy qui acômencé bon ceuure en luy, le parfera,comme auons cogneu par vne lettre
qu'il no9enuoya hier(laquelle nous enuoyôs par-delà)afin que tât plus nous foyôs afTeu-
rez du foin que ce bô Dieu a des fies, lefquels il a choifis pour le glorifier.Et côbien que
nous ne doutions nullement du foin que vous auez de nous tous qui fommes en ce
combat tant heureux , fi eft-ce que ces chofes nous efmeuuent à vous fupplier au n ora
V.ii.
Liurc^f III. Matthieu Hïmonet.
de noftre bon Dieu, d'auoir fouuenc mémoire de nous en vos fain&es prières , afin que
nous ne defailliôs poinr, &: que ne foyons point furmontez par ce malheureux Satan &:
tous Tes fuppofts: vous fupplian t auflî falucr tous meilleurs vos frères, nous recomman-
dant humblement à leurs lain&es priercs,&: généralement à toute l'Eglife. Si vous ret
criuiez à Laufanne , nous délirerions grandement cftre recommandez à moniieur Vi-
rer voftre bon frère, &: aulli à rous les frères qui fonr de par-delà: le remerciant humble-
ment des lainctes conk dations qu'il luy a pieu nous enuoyer,lciqucllcs, comme les vo-
ftresjfcruent grande ment à noftre forrifkation ,& nous donnent grand courage à per-
feuercr pour mainte nirtoufiours la gloire de noftre bon Dieu.
Par les voftres treshumblcs & obeiifans dilciples , De Marfac& Peloquin,
prifonniers pour le nom de Iclus.
S' r N S V 1 T après le combat, l'ifluc & la firfheureufe de Denis Peloquin.
I L eftoit queftiô dafîembler ici toutes les lettres que Denis Peloquin a eferites
ygjgig&à. fcspaiens&amis cependat qu'il aefte détenu prironnicr,cc ne fer oit fi toft fait,
ains meriteroit vt recueil à part . nous-nous contenterons de celles cy de/Pus extraites
de plufieurs. Il auoit beaucoup de parens à confolcr, &c fur tous fa fceur laquelle il auoit
tirée de Blois, n'eftant encore inftruite, pour la conduire àGeneuc: mais fut arrefteea-
uec luy &c toute la compagnie au chemin de Lyô iur la i iuierc de Saonne près de Belle-
ville:^ de là menez priîonniers à Ville-franche.Tous turent finalement deliurez après
grans frais & trauaux : mais Peloquin demeura conftant en la côtclTîon delà vérité par
tout où il fut mené, comme nousauons veu cy delPus. Finalement ledit Peloquin après
auoirefté dix mois en prifon, depuis le dixneufiemciour d'Octobre, m. d. l ii, demeu-
rant inuincihle, fut tiré des priions de Lyon le Dimanche quatrième de Septembre,
m . d . l 1 1 1 , à trois heures du matin, &: mené à Ville-franche. Le lendemain cinquième
dudit mois fut dégradé, &c toft après condamné à eftre brufié vif.
L t lundy fuyuant, onzième dudit mois, fut le iour de fa deliurance, auquel il endura
vne efpcce de mort qui a efté admirable à tous les fpeetateurs.Car ayant le bas du corps
quafibruilé,neceiTaiufqu'au dernier fentiment, d'efleuer les mains, en inuoquant le
Seigneur en Ion aide. ^ Or combien que Matthieu Dymonet ait enduré la mort aupa-
rauant luy, fi eft-ce que d'autant que leseferits dudit Peloquin contiennent plufieurs
chofes qui concernent le fait dudit Dymonet & d'autres prifonniers , nous l'auons mis
deuant, ayant au/Ti elgaid au temps de leurs emprifonnemens.
M- D.LIIL
MATTHIEV DYMONE T,deLyon,di& Destwfieres.
L A conuerfion & changement de vie en la perfonne du fidelc.n'eft pas moins notable que la doctrine qu'il porte : car la do^
élrine ift pour inftruirc ceux qui font encores ignorans.mais la vie bien réduite ferc non feulement d'exemple à ccux-Ja,
ains au/G de confirmation à ceux mcfmes qiù font défia inftruits.
(^w>E naturel de Matthieu Dymonet, enfant de Lyon,eftoit fort corrompu &a-
;^|grjdonné à diilblution:& hatoit ordinairement toute manière degens qui font
i f fSlc^at & profefîion de gaudiflerie. mais depuis que le Seigneur luy eut donné
^£jjtt: fa cognoiflanccjon apperceut incontinent en luy vn changement de vie au-
tant réduite quauparauant on l'auoit cognuéefgaree. Dont plufieurs qui ne cognoiC
foyent la caufe, en cftoyent fort efmerueilicz , &: principalement ceuxaucc lcfquels il
traffiquoit du train de marchandée qu'il exerçoit II fut grandement inftruit&: confir.
mé par l'exemple des Martyrs precedens, voyant leur grande finceriré &: intégrité de
doctrinCj&laconftanccdeleurmort.Et à vray dire, il auoit befoin d'eftre muny de tels
cxcmp!cs,&: que hardis champions marcha/lent deuant luy:car il auoit double combat
â (buftenir en la viJ le dont il eftoit natif, afiauoir contre les ennemis mrezde la vérité
quilaiioycntcmpriionnc ,& fecondement contre les parens Garnis, voire & contre
vne grande partie des principaux de la ieunefife de Lyon : qui tous s'efForçoyent de le
deftourner du bon chemin pour luy fauuer comme à trauer s champs la vie. Mais Dieu
luy donna dés la première poïncre & entrée au combat, vne roideur & ferueur d'efprir,
dont les ennemis picquez luy hafterent fon procez fans le fce tremper long temps en
prU'on.
Le
•Matthieu Dimonef, 2j$
Le Lundy9. de Ianuier 1553, eftantcnnoftremaifon deuant le Lieutenant du Roy
& l'Official Buathier, après qu'ils curent cerché & vilîte mcsJiures, ne trouucrcnt rien
iînon vn petit liure de châions spirituelles en muhque. Lors îe fu interrogué de ma roy
par l'Official : mais ie ne luy fy rt iponlc,d'autam qu'il n'eftoit mon luge: Ô£ partant pria
le Lieutenant de mevouloir interreguenlequel me dit que puis quei'eftoyeChrcfticn,
iedeuoye rendre raifon de maroy.ccquene voulu différer aucunement.
Aprï s donc m'auoir demande de premier abord, de quelle parroiffe i'ch:oye,iIs me Jnuocation
dirent, Ne croyez-vous pas qu'il faut prier la vierge Marie &: les Saincts,& qu'ils foyent cs "m s*
nosaduoeats? R. le croy la vierge marie eftre bénites fur toutes femmes, &C les Sain&s Luci.
eftre bien-heureux, & nous ont monftré Je vray chemin : parquoy les deuons imiter.
Mais quant à eftre aduoeats pour nous , nous n'en auons qu'vn feul , qui eft Iefus Chrift
leiufte.
Interrogve s'il n'y a pas vn purgatoire ou lésâmes de ceux qui font morts, font
purgées? R. Iefus Chrift a fait par foy-mefme la purgation de tous nos vices, &: ne fay Hebr.i.<?.
autre Purgatoire. Interrogué s'il ne le faut point confeifer à tout le moins vne fois 1-
anau Preltre de tous nos péchez. R. Il ne fe faut pas confeifer vne fois l'animais le faut
confefîer tous les îours à Dieu &c deuant les hommes, pecheur.Et après leldjtcs rcfpon-
fes, monueur le Lieutenant me commanda de le iuyure iufques à fon logis.auqueleftât
arriué,il commanda que ie fuffe mis en prilon. le luy demanday s'il auoit quelques char
ges, informations ou plaintes contre moy. Aquoyilrcfponditqu'ilparleroit à moy le
lendemain.
Dn Ieudy u. iour de Ianuier, ifyj.
Vindre n t en la prifonl'official de la Primace,&: l'ofhcial Buathicr^'inquiiïteur
Orry,& autres, lefquels me voulurent interroguer . mais ie leur dy derechef qu'ils ne-
ftoyent pas mes IugcsA' n'auoye rien affaire auec eux. Et eftant prelfé par ledit Orry, ie
luydy par plufieurs fois, le ne vous cognoy point, & n'ay rien à faire auec vous. lime
pteffa plus auant fur peine d'excommunicatiommais ie ne voulu refpondrc autre cho-
ie,ùnon que feftoye prifonnier par le Lieutenant, &: que toutes &: quantes fois qu'il me
viendroit parler, i'eftoyc preft de luy refpondre. Eux ne pouuans faire autre chofe , me
voulurét faire mettre en vn crottô. mais ie dy au Geôlier qu'il regardait bic qu'il feroit.
Du Vendredy , io. iour de Ianuier, xyyj.
L e lieutenant du Roy reuint , &C l'officiai Buathier, l'inquifiteur Orry,& autres, lef-
quels me voulurent interroguer.& perfiftay qu'ils n eftoyent pas mes luges . puis adref-
fant au Lieutenant ma parolle, ie fy les rcmôftrances que deiius:aifauoir s'il auoit char-
ges ou plaintes contre moy:& demanday qui cftoit ma partie,& aufîî que i'eftoye appe-
lant de mon emprifonnement. Et après plufieurspropos,ledit Lieutenant me dit qu'il
eftoit venu pour afllfter,&: tefmoigner que ledit Inquititeur &t autres eftoyent députez
par le Roy,& qu'il me falloir refpondre par deuant eux. Parquoy eftat interrogué pour
la féconde fois,ie dy, le croy tout ce que la faincte Eglife Catholique, c'eft à dire vniuer-
fclle,croit. le croy en Dieu le Pere tout-puiffant,creatcur du ciel &: de la terre. Et en Ie-
fus Chrift fon feul Fils noftre Seigneur,&:c.Ie croy au S. Efprit:la i'ain&e Eglife Catholi-
quc,&c. Ilsmepreffoycntdedire, L 'Eglife Romaine-.mais ie leur refpondy,NefufhVil
pas de dire,L'eglife Catholiq ou vniueifellc, fans mettre vne eglife q ie necognoy poït?
Interrogve comment l'cntenla communion de s Sain&s. R. La communion
des Saintts eft de tous fldelesdefquels coniointsen vn par foy, (ont vn m cime corps, &C
Iefus Chrift eft le chef: corne dit S. Paul, La couppe de bénédiction , laquelle nousbc i-Cor-ia
niffons , n'eft-ce pas la communion du corps de Iefus Chrift ? Certes nous qui fommes
plufîeurs,fommes vn corps. Car nous tous fommes participais d'vn mefme pain.
In t e rrog v e, Comment croyez-vous qu'il faut manger la chair, &c boire le fang
de Iefus Chrift? R. En efpnt &: verité,ainii que luy-mefmc a dit, le fuis le pain de vie,de- ican g
feendat du ciel. Qui viét à moy,il n'aura pas faim:& qui croit en moy, n'aura iamais foif,
&c. Et aufTi quand il fit la Cene,il print du pain:& après qu'il eut rendu graces,il le rom- Matth.i<s.
pitôc le donna à fes difciples,& dit,Prenez,mâgez:cecy eft mon corps,Ôcc.Et ayât prins
La couppe,& rendu graces,il leur donna,difant,Beuuez tous de cecy; car c'eft mon fang
du nouueauTeftamét,lequel eft efpadu pour plufîeurs en remiffiô des péchez. Et en S.
Paul, Faites cecy toutes les fois qvo9 le beurez en mémoire de moy. Car toutes les fois i.Co'n.
qvousmâgerezdecepain,&beurezde ceftecouppcvous annoncerez la mort du Sei-
gneur iufqu a ce qu'il vienne.Et encore qn S. Iean, Cecy vous fcandalife-il ? Que fera-ce
V.hi
^Matthieu Dimonet.
donc fi vous voyez lcFils de l'homme môter où il eftoit premieremet ? Ccft l'efpritqui
viuifie,la chair ne profice de rien. Les parolles que ie vous dy,font efpric & vie. D. Ne
croyez-vous pas que le corps & le fang de Iefus Chrift foie en l'hoftie quand le Preftrc a
confacré:qu'il cft là localement &: véritablement? R. Le pain alevin nous font don-
nez pour lignes Se arres,pour aider à noftre infirmité.&ne le faut arrefter à ceselemens
vifibles : mais faut leuer les yeux & le cœur en haut, & cercher Ielus Chrift au ciel : où il
A£« i, cft môté en fon corps glorieux,&: fe lied à la dextre du Perc, de de là doit venir iuger les
viuansôi les morts. D. Que croyez vous delà Me/Te? R. La Mefle n'eft point inftituee
par Iefus Chnft,&: n'auons plus autre facrifïce que celuy de Icfus Chrift,qui fcul a aboli
tous autres facrifices,&: n'eft faite aucune métion de la MelTe en toute l'Elcriture.Mais
ceux qui l'ont controuuee,&: quiladi{ent,crucinentdcnouueau leFilsdeDieu,entanc
qu'en eux eft. D. Ne croyez-vous pas qu'il y a vn Pape qui cft chef de l'Eglife, &: a pou-
uoirde conférer les indulgences? R. Ienecognoy poincle Pape, &: ne cognoy autre
cher en l'Eglife que Iefus Chrift, duquel nous lommes les membres: &: lequel a dit à fes
Mattkzo. dilciples, Celuy d'entre vous qui voudra eftre le maiftre,fera fait voftrc fcruiteur.Item,
tCor* Nul ne peut mettre autre fondement que celuy qui eft mis, qui eft Icfus Chi ift.
Apr e s plulicurs autres proposais me voulurentfaireiigncrmefditesrefponfcs.ee
que ie fy:apres les auoir fait relire & pararFcr par tout,comme aufli les premières: com„
bien qu'ils n efcnuilTcnt lefdites choies ainfi comme elles fe difoyent,
Dn S^mcdy il. iour de lanuier, 1553.
Vin dre n t derechef lefdits Lieutt nât,Orhcial &: Inquiiiteur pour m'interroguer.
Auquel Lieutenant ie fy les rcmonftrances comme deilus > difant que ie ne refpôdioyc
autre chofe,qu'il ne me haillaft acte tel que ie luy auoye demandé ,& qu'il m'auoit pro-
misse qu'il n'auoit bit. Et cepédant il fe lauoit les mains de moy,difant que ce n'eft pas
luy qui me pourfuit. Or voyant qu'ils me vouloyent encor examiner,&: aufîî qu'il a pieu
à noftre bô Dieu de m'auoir eleu &: appelé à ce côbat,pour maintenir la querelle de fon
Fils bien aimé noftre Seigneur, lequel me fouftient & fortifie par fon S. Efprit : me fuis
préparé pour gagner ce prix &: couronne promife à tous ceux qui pcrfeuererôtiufqu'à
la fin decefte bataille, pour maintenir la gloire de Dieu. ledycecyafin qu'vn chacun
prenne courage , mes frères. Ordcuantquc pa/Ter outre, ie leur demanday qu'ils me
baillaftent par eferit tous les articles fur lefqucls ils me vouloyét encore interroguer, &C
tcraicauifi pour refpondre parefcrit.ee qu'ils ne voulurét faire. le leur fy telle demâde,
pource que quand ie leur vouloye dôner la raifon des rcfpôfes,ils me difoyent que ic ne
vouloye faire que prefeher :&T cepédant n'efcriuoyent pas les chofes corne on les difoir.
Intbrrogve que c'eft que cette Eglife , &: s'il n'y a pas vne Eglife vilible qui ne
peut errer. R. le fuis vray Chreftien, &c croy tous fes articles de la foy , &: tout ce qui cft
côtenu au vieil & nouueau Teftamét,& l'Eglife telle que la fainéte Efcnture no'enfei-
gne,affauoir la côgregation des fideles,en quelque part qu'ils foyét aflem blez , & de la-
quelle Icfus Chrift eft le chel*:&: eft ladite Eglife vniuerfelle,&: n'eft point limitée en au-
cun lieu.
iNTERROGvEfilcs Euefquesâ: autres Ecclefiaftiques n'ont pas pouuoir de faire
des conftitucions&: ordonnanccs,aufquelles tous hommes foyent tenus dbbeir fur pei
nedepechémorteheomme de s'abftenir des viandes, defairedes vœuz de religion &:
chafteté,& autres femblables. R. Ce qui n'eft point reuelé aux farctes Efcritures, n'eft
t.Tim.3. point requis à noftre falu t. L' A poftre dit, que toute Efcnture diuinementinfpirceeft
Mâtth.7. vtilepourfalut.Et Iefus Chrift nous enfeigne,difanr,Donnez-vousgardedcsfaux-pro-
Matth.^. phetes qui viennent à vous en vertement de brebis, & par dedens font loups rauùTans:
Uâici?. vous les cognoiftrez à leurs frui&s. Et ailleurs il dit,Hypocrites, Ifaie a bien prophetizé
de vous, difant, Ce peuple s'approche de moy de fa bouche &m'honnore des leures:
mais leur cœur eft loin de moy. Pour néant ils m'honnorent,cnfeignans pour doctrine,
commandemens d'homes. Quant aux vœuz de religion &chaftcté, les vœuz qui font
faits felô Dieu & (a faincle Efcriture, il les faut auflï rendre félon iceux.mais nous fauôs
Matth.i*. qUC lcdondecontinécen'eftpasdônéàtous. Et il eft eferit que le mariage eft hônorfc-
Hcbr.13. ^ jqu^ |e fans macule: mais Dieu iugera les paillards & les adultères. Parquoy
r.Cor.7. qui ne fe peutcontenir,qu'il fe marie:caril vaut mieux fe marier q brufler.Surquoy me
fut demâdé par l'Inquifiteur,difant,Moy qui ay voue chaftcté,vous femblc-il que ie me
puùTe marier fans offenfe? R. Si vousne vo" pouuez co tenir ,il vo' eft licite & perm is de
- - vous.
^Matthieu Dimonet.
vo9 mariencar il n'y a home qui fc punTe promettre le dô de cotinece>g. eft dô de Dieu.
Et quant aux viandes & autres chofes que de/Tus , l'Efcriture nous enfeigne , difanr,
Maintenez-vous en la liberté de l'Euangile* Et aufli nous içauohs que rien n'eft fouillé
defoy-melme,finonàceuxquieftiment quelque chofeeftrelouillée : car elle leur eft Tit.i
fouillée.Toutes chofes certes font nettes à ceux qui font nets : mais aux fouillez&infi Roaw4
deles rien n'eft nct.il fc trouuc alfez de partages en la faincteEicriture,tan t de cecy que
des autres chofes, lefquelsie vouloye mettre en auant. Et lors ils médirent queie ne
vouloye faire que prefeher. D. Si les Sacremens d'extrême On£tion,deCôfirmation,
de Mariagc,ordonnez par l'eglife Romaine,nc (ont pas% à garder &: obferuer ? R» L'E-
feriture ne nous en enfeigne que deux,& n'en croy point d'autrcs,aflauoir leBaptefme
& kCene:& n'ont peu obtenir de moyrien de leur eglife Romaine. D. Derechef
touchant la confeffion auriculaire. R. L'Efcrictirc nousenfeigneà nouscôfe/Ter ainfi
qu'il eft dit par Dauid,ie confelferay(dit-il)mon forfait à l'Eternel :<x tuas ofté la coul-
pedemonpeché.&en S.Matth.que le peuple venoità leâ Baptifteau Iordainpourc- m^'j1
ftrebaptizé, confefTans leurs péchez. D. Si les images qui l'ont mifes pourindui.eà
prierDicu&:lcsfain£ts,fontmauuaifes.R. Dieu lesadef5duesexpreiTémé'r,difanr,Tu lx0<i'lc
ne feras image taillée,ne femblâce aucune des chofes , &c.Et aulfi toute l'Efcrirureeft
pleine de femblables dcfenfes,& auffi de ceux qui ôc efté reprins& grieuemét punis à
caufe des images &:de l'idolâtrie. S. Tean dic,Enfans,gardeZ-vousdcsimages.EtS.Paul, ^JJJJ
Ceux ont cfté remplis de ténèbres, lefquels cuidâs eftre fages,font deuenus fols, &: ont
muélagloirede Dieu incorruptible, en Jafcmblance d'image d'hommecorruptible*
d'oifeaux Se de beftes. D. Qui m'auoit enfeigne &c apprins ces chofes,& quelles côpa-
gniesiauoyefuyuij&uYauoye eftè à Geneue,&: autres chofes. R. le les ay apprinfes
àl'cicole de celuy qui dit,Cerchez les Efcritures:car ce font celles qui rendent tefmoi-
gnage demoy.Et cependant les hommes défendent de les lire. mais il vaut mieux obe-
ir à Dieu qu'aux hommes. le ne fu iamnis à Gencue i &c n'ay fuyui nulles côpagnies où
ie les aye apprinfcs:mais c'eft la grâce de Dieu*par fon Fils lefus Chrift,en fon S.Efprit.
<Çlc n'ay pas tât feu faire aucc eux,que i'aye peu auoir vn double de mes refponfes , au f-
quellesic n'ay rien obmisny adiouftéde touteedequoy ie me fuis fouuenu auoir ref-
pondu. Il vous plaira de prier ce bon Dieu pour nous * comme aufli nous le prierons de
vous auoir en fafain&egarde.Ainiifoit-il.
IETTR ES du dit Dimonct,parlcfquel!es i! montre les tentations qu'il a fduftenuw par les remontrances dî fes para»
& amisdcLyoïiiLe furpliud'icellei eft eti chofes famili ères.
(ONSIEVR & frcre,i ay eu grand defîr par>plu (ieurs fois depuis que fuis pnfon-
__jnieride vousrefcrirc&: preienter mes humbles recommâdations : mais il ne m'a
efté poffible iufques à prefent, &c pour deux raifons. Laprcmiereipourcequei'eftoyc
attendant à toutes heures qu'on me vinft mterroguer, comme aufii onnem'apaslaif-
fégueresfeiourner:l'autre,c'cft quei'ayeu degrans afl"auts& tentations j tant à caufe
de celle chair qui eft infirme, comme par les parens & amis charncls&: qui n'ont aucu-
ne cognoilfanccjdelquels le diable c'eft bien aidé pour empefeher que fon royaume^
celuy de l' Antechrift ne fe diminue, lequel eft défia fort elbranlé.Et deuez fauoir, qu'il
n'eft rien demeuré de tout ce qu'on pourroit pcnfer& dire,pour deftourner vnepoure
perfonne de fuyure vne fi bône ceuure, que celle à quoy il a pieu à ce bôDieu ôiPcre de Tenfeuio»
toute mifericorde m'auoir eleu &c appelé. Car d'vn cofté lo me mettoit les toUrmés &£ mifes au
fa mort au dcuant,puis la honte &: deshonneur de moy &£ de mes parens , la melanco- Jj2^J*
iie de ma mcre,laquelle ils difent mourir de regret, & tant d'autres chofes femblables
qui feroyent longues à raconter '• &£ tout par faute qu'ils n'ont point cogrtoiffance de
Dieu.& lefquelles chofes m'euflcht efté fortes à porterai le Seigneur ne m'euft fortifié
par fon S.Efprit , qui nous enfeigne qu'il faut lailîermerc, femme &cnfans, frères «8C
îceurs,mefme noftre propre vie &ame, pour fuiurenoftre bon capitaine lefus Chrift;
& batailler pour fa querelle. Au moyen dequoy ie vouspreferite mes recommandation
& à tous nos frères &c bons amis. Àufquels ie prie*&: à vouS,de prier noftre bo Dieu, par
fon Fils lefus Chrift noftre Seigneur 6c feul Sauueur , me vouloir donner la grâce de Ci
bien perfeuercr iufques à la fin, que le tout foit à fon honneur & gloire , au falut de nos
amcs,& édification de fa poure &c defolée Eglife. Aiftfi foit-il.^Trefcher frère & ami,ic
vous ay bien voulu communiquer vn double des interrogatoires qui m'ont efté faits,
Se aesreiponfes Ôcconfelfion defoy qu'il a pieu au Seigneur Ôdeul Sauueur me donner
LiuJII. M attkieu Tïimonet.
a parlerpai fonS.Efprit pour la gloire de ion nom, fclon la mefurc de fa grâce qu'il a mi
fc en moy,& n'a pas permis que Taye caché le talent, lequel i'ay receu pour le faire mul
tiplier , comme verrez par mes dires refponles : 6c exeuferez mon pecit fauoir , 6c aulfi
qu'il n'y a paslongtéps que le Seigneur m'a appelé à fa cognouTancc, 6c m'a retiré des
ténèbres 6c ombre de mort,aufquelles la plu s part des hom mes loin plongez. Le Sei_
gneur vous benùTe &: vous conferue , le Seigneur illumine (a race fur vous ,&: vous
maintiéncenbône prolpcrité. Ce zj.de Ianuier,i yjz.pai le tout voftre ami, Matthieu
Dimonet,pril"onnierpour la parole. Noftretrerc Pierre Bcrgieriè recômandc à vous
coLis&r à vos bonnes prieres>comme auiïi nous puons pour vous.
F P I S T R E cnuo) te par ledit M.Din.onct à : )euis Peloqiùn prifonnicr.par laquelle ayant donne a cognoifbc les ten-
Ucions qu'il a enJurtc a! pne Peloquin ne croire accux qui .woyent leme rn bruit qu'il (c vouloir, rétracter.
Grâce vous fou donnée 6c paix de par Dieu noftre Pcre,& le Seigneui Ieius Chrift:
Amen.
£?$bî K R frère &: bien aymeen noftre Seigneur IenisClirift,par lequel nous eft don-
|né non feulement de croire en luy,mais auiïi de fourTrir aucc luy; ic receu Diman
che au loir voftre lettre, laquelle me fut grandement aggrcable,à cauie des bonnes ad-
monitiôs,6cexhortationsà perfeuercr conftamment en celle tant faincte vocation, en
laquelle il a pieu à ce bon Dieu nous auoir eleus 6c appelez , contenues en icclle : dont
vous remercie humblement 6c de tout mon cœur: vous aduilanc que i'auoyc bon vou-
loir de vous taire rcfponfepluftoft:mais il ne m'a elle polfiblc, àcaufeque iay elle fore
prefle d'ailleurs,&: ay eu de tels aifaux,que Ion m'a aduerti qu'il s'en falloir bic peu que
le Samedi te ne lu fie mené au fuppliec. Depuis on me dit que ce deuoit eftre hyer au
matm:toutcsfois le Seigneur, (ans lequel tous hommes ne pcuuent rien taire fearc-
cftluy qui diflïpe&renuerfc toutes leurs enn epnnfes ) m'a refonte mfques à mainte-
nant,£c fera tant qu'il luy plaira. Auquel iay eiperance que foie par mort ou par vie,ion
faincl nom fera glorifie^ que tout ainii qu'il luy a pieu commencer fon œuure en moy,
&le côtinuor iufques à prefent,qu'aufiî il le parfera comme il eognoit eftre expédiée
pourfonhonneur&:gloire,aulàlutdemon ame &: édification delà poure &: defolec
Eglife,&: à la confuiion de tous fes ennemis 6c aduerfaires de vérité. Parquoy,trefcher
frcre,ie vous prie ne vous arrefter aux parolles d'vn tas de foulHets de Satan, qui ne fer-
uent qu'a inuenter parolles de menfonge,fuyuas la nature de leur pere pour touliours
Mateiuo calomnier ceux qui veulent viure fidèlement en Iefus ChnTt. delquelles choies ne no*
deuôsefbahir:car s'ils ont appelé le pere de famille,Bcelzcbub, combic plus fes dome-
ftiques?Leferuiteur n'eft pas plus grand que fon feigne ur , ne ledifciplc par deiTusfon
maiftre. Au moyen dequoy,frere& bon ami, îe vous prie ne croire aucunement ceux
qui vous on c rapporté que î auoye prefenté requefte, ahn de me rétracter de la tat fain-
cte &: véritable confeffion qu'il a pieu à ce bon Dieu mefauefairc,&y côcinuer iufques
àprefent. 1 eiperc de vous relcrireplus amplcmét,iilc Seigneur le permet: mais pour
leprefentnevous puis mander autre chofe , linon que nous-nous attendions bien de
vous voirauiourdhuy,à caufeque penliez eftre déclaré. Qui fera l'endroit où le me re-
tommauderay à voftre bonne grâce, auflîfait noftre frerc &c bon aim LouysCorbcil:
vous fupplians eftre rec ommandez à celle de noftre bon frerc &: ami monfieur de Mar
ùc.6c prie z pour nous,comme auiïi nous puons toujours ce bon Dieu 6c Pere de toute
miiericordc,nousfaiLeà tous lagracede perfeuercr iulqu a la fin , pour obtenir cefte
couronne dcvie&'immortalitcaqui nous eft préparée la haut au ciel par IctusChnltno
lire Seigneur. Ain h foit-ilLe Mercredi u.de Iuillet, i sSh Par le tout voftre frerc 6l bô
ami, Matthieu 1 )inionct.
ï ,V I S T R E de M.Ican Caluin,efcrite audit Dunonet.
||||§>0 M B I F. N que ic n'aye pas a fouftenit pour celle heure tels combats que vous
(^^(trefeher frerc)li cft-cc que vous ne taillerez de rece non auiïi bien mon exhorra-
tion corne h i'eftoyeprifonnierauec vous.& défait, lczelc qui mefmeuc à vous cfcii-
ic,ne procède point d'ailleurs. Cependant ie vous prie de conliderer que nous deuons
remettre tout à la volotc 6c difpolinô de noftre bon Pcrecelcfte,quiappellcchac2de
nous en tel reg qu'il luy plaift.(^iclqvicfoisilcfpai^nefes cntas,iufquesàcequ'illesaic
duits &: formez de lôguc main, corne nous oyôs qu'il eft dit à S.Pierre parla bouche du
MaiftrCjQuad tu teras vieil, on te mènera où tu ne voudras point. Mais il aduiédra aulifi
k*rui parfois,qu'il en prend des nouices: pour le moins qui n auoycnt pas elle exercez de
longtemps à batailler. Q^uoy qu'ilenfoit,ilya vnbien, qu'il n'eft pas moins puilTanri
de fp loyer
Epiïirc^) à M atthien Ditnonet. j//
defployer fa vertu fus les de bilcs,pour les rendre inuincibles en vn moment , comme
pour la continuer à ceux qui l'ont délia fentie par longue efpace de temps. A ce que i'-
entcn,vousn'auez pas efté appelé des premiers à fa cognoiflance : mais Dieu neant-
moins vous a mis en a liant pour eftre de les tefmoins.U vous adonné telle vertu &: co-
llance au premier alfaut , que les ennemis de vérité ont cogneu la marque de Icius
Chnft,laquelle ils ne peuuér. fouffrir.Ie ("en bien par la compalïion que i'ay de vous co-
rne ie doy,que Satan ne celle pas de vous faire nouueaux alarmes : mais il faut recourir
à cclny qui a h bien commence, le priât qu'il paracheuc fon œuute. Si vous aucz beau-
coup de tcntations,nc vous en esbahilfcz pas : mefme li vousfentez telle fragilité en
vous, que vous loyez comme preft à eftre csbrâlé.plus toft cognoifTcz que par ce moye
Dieu vous veut humilier, afin que Ion aide foit mieux cognuc parla necelîité: & puis,
qu'il vous follicitc àmuoquer fon nom,& auoir tout voftre recours à là grâce, félon qu'
il ell befoin que nous loyons pou liez à cela comme par force, le ne doute point qu'il
n'y ait aulii des boure-feux par dehors:lefquels fous ombre d'amitié &£ parentage vous
feront les pires ennemis &c le s plus mortels. car pour fauuer ie corps , ils tafeheront en-
tant qu'en eux fera de mener lame en perdition.Etpuisla fantalie de l'homme elt vne
merueilleufe boutique pour forger des toiles imaginations, qui nefont que pour trou-
bler le vray repos que nous dcuôs auoir en la fain&e vocatiô de noftre Dieu , le ql nous
cômâde de regarder fimplemct àfoy,comme aufii ce il bié raifon.Parquoy il c ft beloin
d'élire arme &muny de tous collez. Mais vous n'auez point occafid d'élire ellôné , puis
que Dieu a promis d'equipper les liens félon quils ferôt alfaillis de Satan. leulement re-
mettez-vous à luy,cn vous deffiât de tout ce qui ell en vous:cfperezqu'il fera allez fuffi-
lanr luy ieul pour vous fouflcnir. Au relie, vous auez à regarder fur tout à deux choies,
Quelle querelle vous dcfédcz,&: quelle coui ône cil promile à ceux qui fe feront côfta-
ment portez en la côfeflion de TEuagilcCeil vne chofe tât pretieufe que le feruice de
Dieu,la grâce infinie qu'il nous àmôftréeenfon Fils,6j toute la gloire de Ion royaume:
qu'il ne doit pas faire mal à vn homme mortel, d'employer fa vie pour combatre cotre
lesvillaines corruptions qui ré gnent par tout au môde,pour anéantir tout cela. Et puis,
nous fauôs quelle fera l'iflue de nos combats:&: que celuy qui nous a rachetez, ne fouf-
friraqu'vn prix ficher comme Ton langibit perdu, quand nous en aurons la lignature.
Or nous fauons com me il aduoue pour lîens,&protefte de les aduouer au dernier iour,
tous ceux qui l'auront confelTcicy bas. Nous ne fauons pas encore qu'il a délibéré de
faire de vous. mais il n'y arien meilleur que de luy facrificr voftre* vie , cftant preftde la
quitter quand il voudra.&: toutelfois elperant qu'il la preferuera autant qu'il cognoift
élire vtile pour voftre lalut:combien que ce foit choie difficile à la chair,li eft-ce levray
contentement des fidèles. Et vous faut prier qu'il plaiie à ce bon Dieu le vouloir telle-
ment imprimer en voftre cœur, que iamais il n'en foit crîàcc.Nousle prions auflî de no
lire collé qu'il vous face fentir fa vertu, &: vous rende pleinement aflcuté qu'il vous a
en fa garde, qu'il bride la rage de vos ennemis,&: en toutes fortes fe môftre voftre Dieu
&c Pere.Pour ce qfcntë que noftre frère Pierre Bergier eften vne mefme prifonauec
vous, ie vous pneray de le faluer de-parmoy,&: que ces lettres luy foyent commune.
Marchos iufques à ce que nous foyôs venus à noftre but,pour eftre recueillis au royau-
me éternel. Le dixième de Ianuier. 1555-
I'a v o y e oublié vn poincbc'eft que vous refpondiez aux ennemis auec reuerence
&: modeftie, félon la mefurc defoy que Dieu vous donnera. Iedy cecy ,pource qu'il n-
eft pas donné a tous de dilputer. comme aulli les Martyrs n'onr pas elle gi ans clers , ne
fubtils pour entrer en difputcs protondes. Ainlî en vous humiliant fous la conduite de
TElprir de Dieu,relpondez fobrement félon voftre cognoilfance,luyuant la reigle de
rEfcritureJ'ay crcu,pourtat ie parleray .Et toutesfois que cela n'empefche pas que vo9 *.Cor4
ne procédiez franchementSc en rondeur, ellant tout rcfoln que celuy qui a promis de
non s donner bouche &iagelfc\à laquelle tous aduerfaires ne pourront refiiler,ne vous LuciI
defaudra point.
A V T R E Epiftrc parM.Te.inCaluinai«fufditsprifoniîiers détenus pour la parollc de Dieu à Lyon.
ESEŒSE S freres,nousauonseftécesiourspairezen plus grande folicitude&trifteiTe
j^^que iamais,avans entendu la conclufiô prinfe par les ennemis de verité.Quand le
Seigneur que vous fauez paffr paricy, pendant qu'il difnoit bien enhaftepour euiter
tout retardement,ie luy fy telle forme delettres qu'if me fembloit eftre expédier d'e-
L/«ro ///. Spifir^f aux prifonniers dc^> Lyon.
lcrirc. Dieu a donne tant à vous qu'à tous les fîcns encore quelque refpit. nous atten-
dons l'ilftie telle qu'il luy plaira d'enuoyerrle prians toujours de vous tenir la main for-
te,& ne permettre que vous défailliez : au relie vous auoir en fa garde . le me tien
bien alïèuré que rien n'esbranle la vertu qu'il a mile en vous . Délia de long temps
vous auez prémédite le dernier combat que vous aurez à fouftenir, fi fon bon plailir
eft de vous amener îulques là : incline vous auez tellement bataillé iufques icy , que
la longue pratiqua vous a endurcy à pourfuyure le relie. Cependant il ne fe peut
faire que vous ne Tentiez quelques poindes de fragilité. mais côriez-vous que celuy au
fermée duquel vous eftes,domincra tellement en vos cœurs par fon S.Efpnt,quefagra.
ce viendra bien à bout de toutes tentations. S'il a promis de fortifier en patience ceux
qui fou firent quelques chaltimês poûrleurs péchez : tantmoins encore defaudra-il à
ceux qui louftiennét fa querelle,&: lelquels il employé à vne chofe fi digne, que d'eftre
tefmoinsde fa vente. Aind qu'il vous iouuiennedc cefteicntcnce,Que celuy qui habi-
te en vous cil plus fort que le monde . Nou s f eron s icy noftre dcuoir de le prier qu'il fc
glorifie de plus en plus en voftre conftance, & que par la confolation de fon Efprit ila-
doucùîe &c rende amiable tout ce qui eft amer à la chair: &£ tellement rauilTe vos fens a.
foy,qu'en regardant à celle couronne celefte , vous foyez prefts de quitter fans regret
tout ce qui cil du monde. I'ay receu vn certain papier contenant des argumens bien
fubtils de celle malheureufe betleOrry,pour prouuer qu'il eft licite de faire des idoles,
le ne fay iî vous le m'auez enuoyé,&: fivous entendez que iy face refpofe.Ie n'y ay point
voulu toucher,pource que l'en eftoye en doute.& de fait ie.croy quevousn'en auez pas
grand belbin de voftre cofté : mais fi vous le délirez , Vous en aurez refponfe par le pre-
mier. Il y a vne choie dont i'ay à vous requérir. Vous auez nagueres veu lettres d'vn pe-
tit moqueur de Dieu qui eft icy, lequel ne fait que troubler l'Eglilé, & n'acefféde
faire ce meftier palîé a cinq ans . le voudroye bien donc que par le premier vous fit
fiez vn mot d'aduertiffement pour defcouurir fa malice,puis qu'ainli eft qu'il continue
L'Eglife de fans fin. Et decelaie vous prie,comme vous aymez le repos de celle Eglife, laquelle eft
xéTpar Pms vexée que vous ne faunez croire,par les ennemis domeftiques . Sur quoy, mes fre-
nemisdo- res,apres aubir fupplié noftre bon Dieu de vous tenir en fa garde , vous aïfifteren tout
melbcjucs. ££partour>Vous faire fentir par expérience quel Pcre il eft,&: combien il eft fongneux
du falut des fiens:ie prie aulii eftre recommandé à vos bonnes prières. Du feptieme de
Mars,iç$$.
Voila comme en peu d'heure Dieu attire les fiens,& les inftruit. Carceperfonna-
ge après auoiribuftenu&repoulTé tous les a/Tautsde fes parcns& desiugesqui le
vouloyéediuertir pourlefauuenfut mené au dernier fupplice le Samedi quinziemcde
Iuillet, 1 5 f 3 .Et là eftant,remonftra plulîeurs choies au peuple,& Ipecialement les abus
delaMefle & du Purgatoire,de forte qu'il fu t efeouté pailiblement.Et puis tout ioycux
(priant le Seigncur)endura le tourment de la mort.
EP IS TR E de M. lierre Virct aux prifonniers détenus pour h vérité du Seigneur.
IL eft monftré quelle inimitié Satan porte aux enfans de D<eu,& quel refpit le Seigneur baille aux liens pour les foulager,&
quelle eft la fauue-^arde de Dieu.en laquelle ils font Delà victo'redes enfans de Dieu contre leurs ennemis , & en quoy
elleconlïfte.Dervnion&dc lahardielïe& conftance qui eit requife encre les fidèles, en cefte guerre fpirituetle,& des
grans maux que les peureux & couars font à leurs frères par leur couardife. De l'imitation de la foy & conftance des an-
ciens Mart yrs,& de leurs vi6loires.Dc 1 ordonnance de Dieu touchant la croix laquelle vn chacun doit porter, & de l'o-
beiflancc & fubmiflïon d'vn chacun enuers luy en telle matière.
H E R S frères & bien aimez, nous auons efté aduertis des a/Taux qui vous font li-
irez,&: qui fe renforcent journellement contre vous, à la pourfuite des ennemis
de vérité. En quoy nous-nous tenons bien pour certains que vous n elles pas furpris
au defpourueu,que parauant vous ne vous y loycz préparez de bonne heure. Car Dieu
délia dés long téps a fait la grâce nô feulemét à vous,mais auffi à vos predeceiTeurs , de
croire à fon Fils lefusChrift & à fa fain&c dodrine,&de foufrïir pour icelledaqlle chofe
n'eft pas vn petit don deDieu,ny vn petit tefmoignage de fa grande bonté &c mifericor
de enuers vous &: enuers toute voftre nation, &c pareillemct du foin qu'il a toufiours eu
de vous 6c des voftres,& qu'il a encore auiourduy autant que iamais. Vous n'eftes donc
point nouueaux en celle guerre,laquelle défia de fi 16g téps a efté drelTec fort aigre co-
tre vous.Parquoy nous eftimons bien de noftre part , que vous ne trouuez pas fi eftran-
ges les corn bats lefquels vous font maintenant prefentez,comme vous les trouueriezfî
vous n'eftiez point accouftumez en iceux,& fi vous auiez toufiours eu vn lefusChrift
Efifhrc^ auxprifomiers d<u Lyon. 2j6
mol 5C delicat>{àns croix,fans doux & fans efpines: comme plufieurs qui auiourdhuy fe
glorùicnc de la profeffion de rEûangilejle requierêt:lefquels auffi lot eu à leur ibuhait
iufqucs icy»iâns falloir que c'eft que foufFrir perfecution pour le Nom d'iceluy . Partant
jjous ne faiions point de doute que vous ne l'oyez plus esba his du repos que Vous auez
eupourquelque temps,fans eftre pourfuyuis de ii près que vous l'cftes à prefent j que
vous n'eftes esbahis de ce que vous voyez maintenant^ de quoy vous elles menacez.
Car vous fauez quelle eft la natu re de l'ennemy qui vou s pourchaifeià càufe de la haine
qu'il axontre Dieujauquel vous feruez.C'eft vn ennemy qui ne tafche finô a eftcihdre
la gloire de Dieu^pour laquelle vous trauaillez en Ton œuurc , pourtant que vous l'efti- G n { ^
mezplus(comrtieil eft bien de raifoti)que vos propres vies , &: vos propres femmes & icaniléq
cnfans.Car puis que nous fotomes créez &c régénérez par la fain&e parolle de ce bon ia ier r
Dieu,àcellefin^uenousJeglorifions:commeilnenouspeutaduenir chofe plus heu-
reufe que de feruir à cela pourquoy Dieu nous a m is au monde- aulii par le contraire j il
ne nous peut aduenir chofe plus malheureufe, que de faire autrement que le Seigneut
Dieu requiert de nous.
O r comm ele Seigneur requiert de nous a bon droit*que nous employons à vne œli
ure û" excellente tout ce qu'il nous a donné : par le contraire , il n'y a rien en quoy nous
puùTions plus defplaire à fonaduerfaire, qu'en nous dédiant du tout à la fain£te votan-
te" de noftre Dieu,voire iufques à eftre facrifiez pour fa gloire. Parquoy il nous faut tou
fiours tenir pour aflèurczqceftaduerfaire ne nous laiffera point à repos; ainsno9pour-
fuyura toujours à la mort,fuiuant fa nature meurtriere,pour raifon de laqlle noftre Sei
gneur & Maiftre à dit * qu'il eftoit meurtrier dés le commencemenr.Pour ceftecaufe il
nous faut toufîou rs de deux chofes préparer à l'vne.il nous faut préparer ou nous expo-
fer àla fureur du diable & des fiens,autant qu'il plaira au Seigneur leur lafeher la bride
pour efprouuernoftrefoy& noftre conftâce&patience,afinqueparcemoyéDieuioiÉ
fan£tifié&: glorifié en nous:ou il nous faut préparer à nous reuolter côtre noftre fouue-
rain Seigneur & Prince naturel,& comme traiftresinous accorder fon ennnemy ; pour
porter les armes contre Iefus Chriftrlaquelle chofe eftleplus grand malheur aThom-
meiVotis entendez doneques quel eft voftre eftati&: à quoy vous deuez eftre préparez;
Mais cependant conhdcrez la grande prouidence de Dieu enuers vous . cohliderez là
grande bénignité de laquelle il a vfé en voftre endroit jen ce qu'il vous a dôné du refpit
pour quelque bonne cfpace de tcmpsrprincipalemeht pour deux caufes. La première*
c'eft pour vous foulager& pour vousfuppOrtcr en vos infirmirez.L'autre,c'eft afin que
durant ce temps vous euffiez le moyen d eftre enfeignez,&: d'auoir eh plus pleine liber
té toutes les chofes qu'il a baillées à foh Eglife par le fainct mihifterc qu'il a ordonné en
icellc.
Vov spouuezcognoiftre par cela,que le Seigneur a tenu bride à ce grad meurtrier^
& ce dragon roux,& qu'il a lié les mains à tous vos aduerfaires,comme il les lia à fes en-
nemis au iardinauquel il futprins.Car combien qu'il fefoitlaifle prendre à eux* tou-
tesfois il les a tellement rend Us eftonnez par fa fai incte parolle , &c leur a tellement ofté
toute puiiîance de nuire cependant qu'il luy a pleu,que non k ulement il les a tous faits
tomber à larenuèrfe, niais auffi leur a tellement ferré les mains , qu'il n'ont pas eu tous
enfemblela pui/Tanced'ofterVnièul poil de tefte à nul de fes diïciples. Car comme il
!euradit|SivousquerezIefusNazarien,cefuis-ie:maislaiflczallerceux-cy. Ceftepa- îean -
rolle aeu vertu de commandement expres,auqucl tous les ennemis ont efté contrains
d'bbeir bôgré maugvé qu'ils en âyét eu. Or û Iems Chrift a eu telle puiffance contre fes
cnnemisjvoire à fheure mefme qu'il a voulu mou rir par leurs mains : nous pouuohs fa-
cilement iuger s'il en aura point maintenant , quil eft régnant à la dextre de Dieu foh
Pcrc î pour refréner la rage des ennemis lefquels il a à prefent , & pour garder fes diCcU
pies au milieu d'eux,cependât que tel fera fon plaifin II a fait cela deuât vos yeux pour
vous baillerrepos quelque temps,à celle fin que vous euffiez meilleur loihr&: meilleu-
re occafion de vous fournir des armes qui font necelîaires en cefte guerre,& de fourbir
les harnois & les glaiues par leiquels il conuient combattre les aduerfaires, 8c fedefen-
dre contre leurs aiTaux. car vos ennemis&lechefd'iceuxn'aùoyent point changé de
nature : mais le Seigneur a refréné ces beftes fauuages &: furieufes,commeila fermé
iadis la gueule des lions aufquelsDaniel fut ietté pour eftre deuoré. Et comme il l'à fait JjjJ"* ,
iufques â prefcnt,il le fera encore autant longuement que bon luy fem bléra vous deli-
Liure III. Eftftrtj aux prifonniers dc^ Lyon.
urant de la gueule du lion autant quil le cognoift eftre requis pour fa gloire, pour vo-
M«t. i8.i«. itre falut,& pour l'édification de l'on Eglile,laquelleiamais il ne delaiffera . car comme
il ne fe peut renier loy-meSme, ainfi le Seigneur IcSus, qui eft le vray Fils de Dieu &: le
Cotoflti. chef de ion Eglite , ne peut non plus abandonner ion corps & Ses membres que Soy-
r.Corir.» -meSme.
Et s'il aduict qu'il plaife au Seigneur que vous fourfriez, &: qu'il lafchc la gueule du
Ieani lion, 8c luy deilie les pattes pour vous eSgratigner& dclchirer , ayez recours aux armes
Apocal.y desquelles IeiusChnit,qui eft l'agneau deDieu &deliôde luda, vous a fournisxar puis
qu'il eft agneau, & il eft voftre chef &; Capitaine, il vous conuicnt eftre brebis , ôcvfer
des armes deiquellcs luv-me fme a vSé.car il ne peut eftre le Pafteur des loups&: des bc-
ican lO - 1 î ' i i • t * i-iii
lies iauuages:mais des bicbis lculcment,Iclquelles ilcognoittoutesnom par nom. Par
quoy ii vous defpouillcz la nature de brebis pour vous transformer en beftes fauuages,
voulans vSer d aimes charnelles, vous vous mettrez hors de la vocation,&abandonne-
rezSonenScignc.&: parainii vous ne l'aurez plus pourCapitaine.Or s'il vousabandône,
aduifez en quel cftat vous en pourrez eftre. mais ii vous demeurez toufiours fous fon
enfeigne,vSans des armes Spirituelles , vous Serez beaucoup plus forts que tous vos en-
nemis.car les armes Ipiric uelles ne fon t pas feulemét plus fortes que lescharnelles fans
aucune comparaifon,mais auSfî elles Sont du tout inuincibles.& fi vous en eftes armez,
vous aurez aufli pour voftre Capitaine celuy qui eft inuincible, &: qui eft tellement la-
gneau enuers les liens lelquels le Pere luy a mis entre les mains,qu'il eft auSfi vn lion ef-
pouantable,quand Sa fureur eft embrafeecontreSesaduerSaires.
MattLio Sovvenez-vovs dôc de ce qu'il dit, le vous enuoye comme des brebis entre les
loups.il ne dit pas, le vous enuoye comme des loups contre des brebis , ou comme des
loupscontre des loups , ou comme les beftes fauuages contre des autres beftes fauua-
ges:mais côme des brebis entre des loups. Le propos de première arriuee femblcfort
eftrange.car quelle eSperance de victoire pcuuent auoir les brebis miles en côbat con-
tre les loups,finon d'eftre Soudain deuoreesrmais il ne faut pas Seulement ici regarder à
lanacuredesbrebis&: des loups,ainsà celuy qui dit , le vous enuoye. carpuisqueluy
lean to qui eft le Pafteur , enuoye les bre bis qui luy lont données en charge du Pere , voire en
ieanw te^c c^arge clue *a volonté d'iccluy eft quil n'en perifle pas vne,nous Sommes tous cer-
tains qu'il ne les enuoye pas pour les laiifer deuorer &: perir:car ceft luy qui dit que nul
ne les rauiradelamain.
Qv^e l q_v e choSe donc qui nous puifTeaducnir du cofte des hommes,tenons-nous
contens de ce que nous auons vn tel protecteur,lequel n'eft point Seulement homme,
mais Dieu immortels éternel. Parquoy nous Sommes certains, plus que de ce que
nous voyons à l'œil &c que nous touchons à la main,que iamais nous ne pouuons périr,
non meSme lors quand il Semble mieux au iugement des hommes que nous perhTons:
ains en mourant nous viuons , &c eftans veincus nous veinquons . car combien que
les hommes oftent la vie corporelle aux enfans de Dieu,quâd Dieu leur laSche la bride
iuSques là(ce qu'autrement ils ne peuuent)& qu'en cela ils Scmblét eftre les plus forts,
& qu'ils ayent obtenu la viftoire:ce neantmoins les enfans de Dieu fe monftrcnt auoir
eftéles plus forts,& eftre demeurez victorieux en ce que leur cœur n'a point efte vehv
cu.Et par ainfi ils monftrent euidemmen t par leur foy & confiance, que toute la tyran-
nie du monde,ne toute la violence & rage des hommes n'eft pas allez forte pour vein-
cre vn vray Chreftié.car vn bon Capitaine n'eft pas veincu pour auoir receu des coups
en labataillemon pas meSme quand le corps y demeureroit du cour, & qu'il y Seroit oc-
cis.ce luy eflafTez qu'il ait combatu vailiamment,&: qu'il ait efte loyal à Son feigneur,SC
quela vi&oire demeure à SonPnnce,&: pourtant il demeure victorieux en lacauScpour
laquelle il combatoit: car puis que l'homme eft compoSc decorps& d'ame,ilnefauc
eftimer le corps lequel les hommes peuuent tuer,linon comme la defpouille &: la rob-
be de rhomme:& lame comme l'homme, qui eft veftu de ceft habit terreftre. ceft doc
le vray homme qui demeure entier,& Surmonte tous Ses ennemis.
Ad vi s ez donc de demeurer fermes en la foy,dc laquelle vous auez défia fait tant
belle , tant ample, tant confiante & tant publique confefiion,&: par icelle combatez
contre vos erine m is,&: parvrayeconftance,Ô£patience,& prières. Car voila les armes
par lesquelles dés le commencement du môde>l'Eglife deDieu a toufiours veincu tous
les Empires & royaumes de la terre qui fe font drcSez contre elle,&; toute la rage & fu-
reur
Ef>iftrc^> aux prifonniers Lyon. 237
reurdefes ennemis. Gardez-vous d'vfer en la caufe prefente d'autres armes que de ee-
ftes-cy , Se d'autres femblables defquelles S. paul arme le cheualier Chreftien en l'epi-
ftre aux Ephefiens. Vous fauez que vos predeceflfeurs defquels vous eftes iflus, n'ont Ejfcd*.
pas entretenu par le moyen des armes charnelles, mais de celles feulement defquelles
ie vous parle, cela que Dieu leur a lai/Té de refte de bénédiction Se d'Eglife,au milieu de
la grande Babylone. qui auoit occupé toute la Chreftienté. Aduifez donc de prendre
bon cœur au Seigneur, Se de perfeucrer en la grace.cn laquelle il vous a appelez.Difpo-
fez-vo9 à endurer toutes choies auant q fîefchir d'vn pas en la côfeflion de vérité, quoy
qu'en puiffe aduenirrcar vous fauez à quel Seigneur vo' feruez,&quclle affiftéce il vo9 a
jpmile,&quel loyer vo9 eft pparé au ciel par la pure libéralité &gi ace de voftre bô Pere.
S v r tout trauaillezà eftre tous bien vnis enfcmble, à celle fin que vous dôniez meil-
leur courage les vns aux autrcs,&: que les plus fortsfoulagcnt Se tonferment les plus foi
bles,&leurfoyentenaidcencecôbat. Il eft donc bien requis que ceux qui ne fefont
point encores déclarez fi auant que les autres, monftrent au befoin qu'ils ne veulét pas
abandonner leurs frères Se l'enfeigne de ce grand Capitaine Iefus, duquel ils fuyuent la
mefme confe(Tion,c6me les autres qui en ont défia rendu publique tefmoignage. Vous
voyez par expérience qu'és guerres qui fefont par armes charnelles,les plus hardis non
feulement baillent plus grand courage à ceux qui fon défia afiez hardis deux-mefmes,
mais aulfi enhardiflent les plus peureux Se couars mefmes. auffi par le contraire les peu-
reux Se les couars fôt perdre le cœur par leur couardife Se lafchcté aux pl9 hardis mefme
Se aux plus courageux. Or fi cela fe fait aux guerres charnelles , il ne fe fait pas moins-és
guerres fpirituelles. Et pourcat il feroit trop meilleur, tat pour tous les fidèles que pour
ceux-la auffi qui tournent le dos quand il eft temps de côbatre , que iamais tels person-
nages n'eufientprotefté ne fait femblant de vouloir combatre fous lenfcigne de Iefus
Chrift, que fe faire enrouler entre les gendarme s &cheualiers d'iccluypour fe porter
puis après fi lafchemcnt.car outre le deshôneur qu'ils font à Iefus Chrift leur Seigneur,
ils font auffi vn fort grand mal &vn fort grand dommage à tous leurs frères. Pour cette
caufe le Seigneur a iadis ordonné en fa Loy, qu'on fift crier à fon de trôpe que les peu- ^gU7tao'
rcuxfe retirafientde l'armée de fon peuple, afin qu'ils ne flfient perdre le cœur à leurs
frères. Cela eft vn poinct auquel il faut auoir grand efgard en cefte bataille fpirituelle.
Or nousnefommes pas fous vn Capitaine par l'exemple duquel nous puifsions ap-
prendre à eftre lafehes & couars. car luy s'eft mis le premier au combat pour nous,& en
cft reuenu victorieux non feulement pour Juy,mais auffi pour nous. Prenons donc cou- JJ^jJ1'1*"
rage, & le fuyuonsportansnoftre croix après luy, veu que par icelleraccez & l'entrée R.om.8.*"
nous eft préparée au ciel. Ne faites rien témérairement &: à l'eftourdie,ne fans bon c»on
(cil. Et fi vous le voulez auoir bon, ne le prenez finon de Dieu &c de l'a parollc* Se non de
la prudence humaine. &: s'il aduient qu'en quelque endroidt vous vous trouuiez en dif-
ficulté Se perplexité,ne vous pouuans pas bien refoudre touchant les moyens lefquels
vous pourrez fuy ure pour les plus feurs:aycz toufiours recours au Seigneur par prières
Se oraifons faites en vraye foy.& luy vous ouurira l'entendement pour cognoiftre fa vo-
lonté félon la manifeftation qu'il en a faite en fa parolle , par laquelle feule il veut que
vous-vous régliez. Vfcz toufiours de voftre modeftie accouftumee,coniointeauec vne
(ain&e confiance Se hardieffe Chreftienne,& non pas de témérité arrogante.
Cela faifant,remettez&: vous Se voftre caufe Se tous vos autres affaires en la main Pfe-37-ïf.
du Seigneur, auquel vous vous eftes côfacrez, auec vos femmes& vos enfans:&: duquel
vous auez certain tefmoignage, qu'il vous a receus en fa fauue-gardc,&vous a aduouez
non feulement pour fesferuiteurs, mai s aufsi pour fcsenfans& héritiers, c'eft luy qui Rom.s.
(comme Salomon le tefmojgne)a le cœur du Roy en fa main, Se l'encline du cofté qu'il Ican
luy plaift, corne le cours des eaux . Se pourtant il eft affez puifTant pour changer le cœur Prou ir-
«le ceux qui vous pourfuyuér, ou de réuerfer tous leurs confeils Se entreprifes, fi bon luy
femble.c eft luy qui par fon Prophète dit aux aduerfaires de fô peuple, Affem blez-vous, ifeie 8.
Se vous ferez difiîpez Se efpars:& dites,Nous ferons cela,&: il n en fera rien faitrcarDieu
cft auec nous. Il dit femblablement par ce mefme Prophete,que la force des liens eft en ikic 3a
filence&: efperance: c'eft à dire en ce qu'ils attendent patiemment le Seigneur , iufques
ace que fon bon plaifir foit de les deliurer . Se cependant que fes enfans atttendent fon
fecours , Se qu'ils font en pleurs & larmes , ic Seigneur, comme il cft eferit és Pfeaumes, Pfcau s6
X.
L 'mrc^ Il Y. Epijlrc^> aux prifonniers de Lyon.
recueille &C amafletoutes leurs larmes en vne phiole. En quoy il nous donne bien à en-
tendre qu'il les voit, & qu'il oie nos foufpirs &: gemifTcmens pour faire la raifon ,quâd le
temps fera venu lequel il a ordonné à cela.
Faites feulement ce qu'il vous commande, autant qu'il vous en donne lesmoyés
de la gracc.&: puis cela fait, attendez fa bonne volonté à l'exemple des bôs Martyrs an-
ckns:leiqucls ont iad is cftonné les tyran? par leur foy,vnion & confiance , & par la gra-
de multitude en laquelle ils f< font trouuez,ayans vn fi grand cœur pour rendre tefmoi-
gnageà la vérité de Dieu par leur fang, que les tueurs &: meurtriers qui les ont meur-
tris,ontcfté veincus par ceux-la k fquclsils ont tuez &: meurtris. carlestytâs&Jesper-
fecuteurs ont eft é pluftoft las de pei lecuter &c de tuer , que les perfecutez & tuez n'ont
cfté las d'eftre tucz& perfecutez. Or le Dieu qui a donné celte force & cefte confiance
àfesfain&s Martyrs, c'eft le voltre mefmc, lequel eft piaffant pour vous fortifier iufques
à la mort au combat qui vous efl prefenté:ou bien vous en deliurerpar les moyens qu'il
faurabien trouuer,s'il eft a in (i expédient. Aduilez donc tous en gênerai à ces menaces
mTuJ) 8° ^U $elgncm' qui dit, Qui me reniera deuant les hommes, ie le renieray aufîi deuât mon
Pere& fes Anges. &: derechef, Qui aura honte de moy &: de mes parollcs ejeuant cefte
génération adultère & perherefle, l'auray aufîi honte de luy deuât mon Pere &: fes An-
ges. Oyez auflî de l'autre cofté les belles promettes qu'il fait à ceux qui perfeucrét en la
Match .10. confeflion jc fon S. Nom. Qui me confefïera deuant les hommes, dit-il, Je le côfefferay
Luc y aulfi &r l'adijoucray deuant mon Pere &t fes Anges.&:,qui perfeuercraiuiques à la rince-
ra fauué. Puis doc que vo9 aucz mis la main à la charrue,ne regardez plus derrière vous:
mais ayez fouucnâce de la femme de Lot. N'ayez aucun regret de laiffer Sodome &c Go
morre:mais vous eflimez trop plus heureux en mourât pour Iefus Chnft,fi fa volôtéeft:
telle, que de viure en ce mode miferable,apres l'auoir renoncé &: blafphemé: voire d'v-
ne vie fi malheureufe laquelle il faudra aufîi abâdonner puis apres,& bie toft, vueillôs-
Mitthitf nous ou nô. Ccftuy eft le vray moyen de garder fa vie: laquelle ceux la perdet q. la veu-
iean 6. lét garder en abadonnât lefus,qui feuleft noftre vie,& qui la no9 peut bailler éternelle.
i.icam. Considérez quel grand bien c'eft qu'eftre aduoué du propre Fils de Dieu,& d -
auoir de luy vn tel tcfmoignage qu'il le promet aux liens deuât Dieu fon Pere &: fes An-
ges,&: toutes créatures. Confiderez s'il y a royaume au monde digne d'eftre comparé à
vn tel bien & honneur.confiderez aufîi par le conttairc, quel malheur c'eft d'eftre defa-
uouéô£ reietté du propre Fils de Dieu, voire en telle compagnier&f s'il y a malheur qui
puifTe eftre côparé à ccftuy-ci.car c'eft le côble de tous malhc urs. 11 y en a eu entre vous
plufîeurs qui ont beaucoup (burferr, voire la mort:les autres ont efté plus efpargnez.Or
i.Pier.3. il eft requis que ceux qui ont défia fouffert,fc préparent encores à fouffrir dauantage,fî
tel eft le bon vouloir de Dicu.& s'il plaift ainfi à Dieu, qu'au fortir d'vne affliction &per-
fecution, nous nous préparions à vne autre-.que doyuent faire ceux qui font tous fraiz,
& qui n'ont encore rien fouffert,ou bien peu? Veulent-ils auoir part à la victoire &: à l'-
honneur d'icelle, fans point côbatre,& fans rien fouffrir au ec leur Seigneur&Maiftrc?
icmii. I e s v s ChriftaditàS.Pierre,Quadtueftoisplusieune,tuteceignois,&:cheminois
là où tu voulois:mais quâd tu feras ancien, tu eftédras tes mains,&: vn autre te ceindra,
& te mènera là où tu ne voudras point. Saîct Iean expofe que Iefus Chrift dit cela pour
lignifier de quelle mort S. Pierre deuoit glorifier Dieu. Sainét Pierre ayant ouy ce pro-
pos de la bouche de (on maiftre, print la hardieffede demandera Iefus Chrift que ce
feroit aufîi de S. Iean fon compagnon qui eftbit là prefent.Sur quoy Iefus Chrift luy ref-
pondit,Si ie veux qu'il demeure iufques à tant que ie vienne,qu'en as-tu affaire'quant à
toy,fuy-moy. Noftre Seigneur Iefus nous donne par ces parolles beau coup de bons en-
feignemens. Le premier, c'eft que Dieu eft glorifié &C en noftre mort,& en tout ce que
nous foufFrons pour fon Nom. Le fécond, c'eft que noftre bon Pere nouscfpargne ce-
pendant qu'il luy plaift. Le troifieme, qu'il nous a ordonne ce que nous deuons fouffrir,
& de quelle mort nous deuons mourir pour le glorifier. Le quatrième , c'eft qu'il nous
faut préparer 6c tenir tous prcfls pour fouffrir quand il luy plaira. Le cinquième, c'eft
que nous ne deuons point porter d'enuie aux autres, s'il les efpargne quand nous fouf-
frons.car nous ne nous.deuonsfoucierfinon d'obéir àDieu en tout ce qu'il luy plaira or-
donner de nous,& laiifer les autres en fa main, car il fait bien qu'il en veut faire.
Pv 1 s donc qu'ainfi eft, vous maris, gardez- vous foigneufement que l'amour char-
nelle que vous pouuez auoir enuers vos femmes , ne furmonte l'amour de laquelle
vous
Louys d<Lj Marfactë fon Coufm. 2 jS
vous deviez aimer Iefus quieft more pour vous. Et vous femmes, puis que le SeigneUr
vous a cortiointesauec vos maris, non pas pour leur cftre en deftourbier, mais en aide:
neleurfoyezpas en empefehement en l'œuure du Seigneur .-mais leur baillez pluftoft Gcoaà.
courage à s'y employer comme il appartient. Coniïderez tant d'vne part que d'autre,
que vous eftes Conioin&s &: liez auec Iefus Chrift par vn mariage diuin & eclefte , pour
lequel il faut rompre tout autre lien auant qiie fe ieparer de luy.Sémblablement fbuue-
tlez-vous que vous eftes tous enfemble appelez à'vn commun herirage,trop plus exccl El,Ilcf:+-
lent que ceux qu'il faut ici abandonnerpour lcfuyurc. Vousauflî pères, faites le fem-
blable enuers vos enfans:&; vous enfans, enuers vospercs. Percs, gardez-vous quela-
itioUr charnel enuers vos cnfans,ne vous face oublier de qui vous eftes enfans , Se quel
Pere vous auez au ciel . Et vous enfans, ne foyez pas caufe que vos pères Se vous perdiez
vn tel Pere. Et vous frères Se feeurs, conliderez quel frère vous auez en Iefus Chrift,pâr
lequel vous eftes faits enfans de Dieu :& quel partage il vous a fait au ciel de l'heritagè î.
éternel, lequel de droit appartient à luy feuliôd auquel nous n'auons aucun droit , finoh ^^fg'
celuy lequel luy nous y aacquis,&: nous y baille par fa grâce. En ibmme,con(iderez tous
en gênerai Se en particulier ce qu'il dit, Qui aimera fon pere, fa mère* fa fem me, (es eri- MaxcLiai
fans,fes frères Se fes fœurs,fes maifons&: poflefîions plus quemoy , ne peut eftre de mes
difciples, Se n'eft pas digne d'eftre des miés. Prenez doc tous bon cbtirage au Seigneur,
comme vrais enfans de Dieu, Se héritiers de fon Royaume: à la grâce duquel îe vous re-
commande,le priant auec toutes les Eglifes de deçà, qui ont le foin de vous, & le prient
pour vous, qu'il vous foittoufiours protecteur, vous augmentant fes grâces &: bénédi-
ctions, &: qu'il vous réde victorieux de Satan, Se de tous les ennemis delafaincte vérité.
LOVYS DE M AK$ A C, Bourbonnais & fin COVSIN.
A V difedurs des refponfes faites par Louys de Marfac, il y a des chofes grandement notables :car en fouftenant
l'authonté bc maicité de l'Efcriturc fainde contre l'impiété & blafphtmes exccrables du Lieutenant , Inçpjt-
fiteur, Officiai, & autres de Lyon, il a monttré vn zele héroïque, de l'honneur de Dieu.
E qu'on pouf mit direde Lôriys de Marfac, qui cftoit gentil-homme de mai- M D Ltir
fon au pays de Bourbonriôis,&: qu'il àuroitfuyui les armes, ayâtefté des or- M^hc dej
donnâces du Roy, h'eftrien au prix d'vne vie noble Se entière qu'il a menée ^j^""
depuis que Dieu l'eut appelé à l'on feruice en fa Cite de Gencuc,pour en pi9
grand repos luy faire part au bien qu'il fait à fes domeftiques. Là dcmeurant,il ne trou-
ua eftrange ne mal feat à vraye noblefte de s'appliquer à quelque meftier honefte poUr
éuîteroifiueté, Se dônerexerciceaucorps,cependantqnedeplusenplus ilfefortifioit
en la cognoilTanCc&aumanimét dès armes,efquclles le Seigneur veut inftruirc les fies
pour s'en feruir puis après, & les faire marcher fous lenfeigne defployec du fouuerain.
Capitaine & Seigneur Iefus Çhrift. ' 1
c e combat Marfac êftanteuoqué de Gcneue auec vn fîen CouiTn, pour renfor-
cer la compagnie des autres pnlbnniers de Lyon,dont cy debant la mort vi&orieufe eft
delcrite:fe porta en vray homme deguerre;& h'efpargna errfaçon qudcoquc fes luges
propres, quand par outrage de parolfes ilstoucherent rh'dnncurde fon Seigneur & V-
authoritédefaparollefacree,commeon verraau dilcourscrefcsefcrits. 1 • " ' :
E t après qu'il eut redu confeffion entière des poinds fur ïcfquels il fut interrôgûé drï
la prifon de Lyon le pénultième iour de Iuillet, m.d.lixï. ioncoùiineftantenlamef-
meprifon, depremiere entrée fut efpouanté, Se ne donnoit qu'apparence dé foiblcfTe:
mais quand il vit fon couiîn Marfac marcher en telle a'ffeur ace de docl:rine,il print cou- Le Coufc
rage au Seigneur , Se confefîa vne mefme dcdi ine auec fon Coufin : tellemét que tous de Mirl u '
deux ont laifte exemple de confiance à l'Egliie du Seigneùr,-&: en la vie &enla mort,
comme nous verrons es eferits qui s'cnfuyucnt1.
Interrogve de premier abord fi îecrovoye qu'il y euft vn Libéral-arbitre, Ô£ DuFr
iî nous n'auons pas pui/îance de bien &demal faire : fay refpondu que ie ne coghoif- arbitrc-
foyc ,& n'auoye aucune puiffanccde breh faire sll ne m eftoïtdonné de Dieu , Se dbe
tous les dons viennent denhaut du Pere desnimieres, &°que îé1 puis direaueefaifitt iiq-i.
Paul, que voulant faire le bien , lç niai - m'eft aeiiouïct : &: qtié ne puis faire" Te bien
X.ii.
-r.inr.
Li»ro ///. Louys dc^> M arfa & fin Coufin.
que ie veux, &: fay le mal que ie ne veux pas .
UjSainOs. IT t M,fi ie croy la vénération des Sainds:& s'ils ne prioyent point pour nous, &: s'il ne
les falloit point prier, Se s'ils n'eftoyct point nos aJuocats,&: la vierge Marie noftre acl-
uoeate. R. Que ie ne cognoiiroyc point d'autre qui priait ou intercédait pour moy que
Icfus Chritt,&: queluyleuleftoitmôIntercefleur,Mediatcu: &i Aduocat. Ils m'ont ré-
pliqué que les Saincts(deiqucls ie leur auoye nie Tinterceflion) auoyct fait plulieurs mi-
racles, lcfquels ils me prouucroyent par l'Elcriture. le leur dy que îenc difbye point le
contraire, mais qu'ils regarda/lent bié que les mil acles que Dieu a raid par la main des
Apoftrcs, ont elle leaux pour lec lier rEuangile,&: pour rendre le peuple attécif à la pa-
rollcde Dieu, comme on voit aux Ades,dc S. Pierre &de S. Iean. Et queiene croyoye
point ny alleguoye autre dodrine que ceJle-la On ne me répliqua rien,fînon qu'on me
baillero itvndodeur qui rat feroit bie n entendre le contraire. D. Si ie ne croyoye pas
eftre fauué parles bonnes ceuures,& par le mérite d ire lies : 6c li elles n eltoyent pas ne-
ceflaircsà neftre falut. R. Que l'eltoye fauué par la feule roy,&: non point parles am-
ures de la Loy. toutesloisnous faifons bonnes œuuics, lesquelles Dieu a préparées à
nous qui fommes fon ceuurede grâce. Quâr au mérite, il ne nous en faut point cercher
d'autre qu'en IcfusChrift feul,qui eft noftre ialut:& qu'il n'y a point d'autre nom donne
aux hommes, auquel nous (oyons fauuez.
Item, Si ie croyoye qu'il y cuftvn Purgatoire. Iedyqu'ouy,&:que ie croyoye eftre
purgé par le lcul fang de Iefus Chrift. Et lors me demandèrent,!! ie ne.eroyoye pas qu'il
. y eue vn reu de Purgatoirc,auquel lésâmes font purgecs:&s'il ne falloit pas prier pour u
celles. le leur dy q n'en croyeye polt d'autre que celuy q îeleur auoye dit. Et que des tref
paiïez,ic ne auoye nulle < cgnoiiTâcc,&qiuls lot en la mal du Seigneur q cft îufte luge.
It e m silfailoit confeiferau Prelttefes péchez pour en auoir abfolution en rece-
uoirpcniccn.e. I'ayrcfpondu que quandiefenmaconfcienceopprelTeedufentiment
de mes péchez, ie me retire à Dieu , auquel feul faut confefTer Ion péché pour obtenir
pardon au ncmdefon Fils Icfus Cliuft noftre Seigneur. Sur quoy me demanderét liie
ne tenoye pas les Preftrcs d'vnc paroillc pour Pafteurs tat en dodrine qu'en vie. Ic leur
refpondy qu'ils eftoyent faux pafteurs tat en dodrine qu'en vie- & que ieferoyefort mal
conduit ôc tiendrewe vne poure voye, li ie tenoye la leur. Us me dirent que ie les tene>ye
donc pour pafteurs ignorans. le dyqueie neies vouloye nulleme:t tenir pour palleuis.
f Alors l'vn me diiant que ic cuidoye eftre bien fauant :ie luy fi refponfeque iene cui-
uoyerien fauoirnecognoiltre linon Iefus Chrift ,&iceluy crucifié pour moy. lime dit
qu'aufiî faifbit-il bien luy. le dy que nous citions donc d'accord quant à cela. D. S'il
puiufne. ne falloir point iulner. R. Qiùl cltoit bô de îufner, voire auec prières &: oraifons,quâd
nous nous fentons affligez ôtoppreflcz en quelque forte. Alors ils me dirent queie les
vouloye faire a mon plaifîr,& non pas corne il eftoit commandé de l'Egiife, obfcruanc
les iours ordonnez. Se ielcurdy que le vrayiufne doit eftre continuel au Chreitien. ^ I-
tem fi ie croyoye le Symbole des Apoftres,ie dy qu'ouy.Item,fi ie croyoye le Sacrement
Delà Ceuc. de ^a Cene(&: vibrent de ce terme. ) le rcfpôdy qu'ouy •& que quand elle cft adminiftrec
purement,ic croy cômuniqucr&: vrayement reccuoir lecorps&: le fang de noftre Sau-
ucur Icfus Chrift lous l'efpece du pain 6e du vin. Us me dirét, Mais croyez-vous pas que
le vray corps de Icfus Chrift foit contenu realemcnt &C eorporellemcnt dedans le painî
le dy que non:& queie croyoye qu'il eft mocé au ciel,& qu'il cft affîs à la dextre de Dieu
le Pere. Alors l'vn d'eux me dit que i'eftoye eômclcs luifs de Capcrnaum ,&rque ie ne
vouloye croire fi ie ne voyoye la prefence corporelle de Iefus Chrift dedans le pain : 6C
queiene pouuoyccôtrcdirequc Iefus Chrift n'euft dit , Qui mangera ma chair &bcu-
(pan tf. uramoniang. le luy dy qu'il regardai! bien cornent Icius Chrift dit qu'il eft le pain vif
qui eft defeendu du ciel pour donner vie à ceux quicroyenten luy:ôt pour conclulion
il dit que la chair ne profite ncn,&: que c'eft l'efprit qui viuifîe. le leur dy dauatage qu%
ils regarda/lent bien comment S.Luc & S. Paul en traitent:&: leur recitay le texte félon
S. Paul,&: leur di, Notez bien quand il dir,Prencz,mangez:c'elt mon corps qui cft hure
pour vous. Toutes les fois que vous ferez cccy,vous le ferez en mémoire de moy. Car
toutes les fois que vous mangerez de ce pain &: beuurez de ce calice > vous annoncerez
la mort du Seigneur iufques à ce qu'il vienne. Et leur dy,Notez bien ces mots; 6c parlât
à l'Officialde luy dy qu'il ne falloit pointfaue mémoire de ce qui eft prefent: tout ainfi
qu'il ne falloit queie fille mémoire dcluy,d'antant que ic le voyoye deuant moy. Ouy
mais
Louys de Mar/ac &fon Çoufin. 3j #
mais(dirent-ils)ne vous voulez-vous pas tenir à ce que les faincts Conciles & Docteurs
ont arrefté: Iercipondy, Ouy bien en ce qui leroit conforme a Ja paroJle Dieu &: autre-
menenon. car fi moy-mefme (dit S. Paul)ou vn Ange du ciel vous annonçoït autre pa- c.
rollc que celle que ie vous ay annoncée, qu'il vous (oit exécrable. Item, ils me deman-
dent où fauoye apprins toutes ces choies. le dy, Au S.Euagile,&: en la parolle de Dieu.
Item, s'ilm'appartcnoitdelalire,coniidc;réque l'eftoyehôme mécanique &i'ansfa-
uoir,&: (i ie fauoye bien que ce fuit rEuangilc,& qui le m 'auoit apprins. le rcfpondy que
Dieu le m'auort apprins par ion S. Eiprit ,&: qu'il appartient à tous Chrefticns de le fa-
uoir pour apprendre la voyc de leur lalur.
Item ti i'auoye veu 1 inltitution de Caluin, dite Chreitienne. le dy qu ouy. Voila ce
qui me fut demandé au premier interrogatoire.
^ L a féconde fois ie fu interrogué par le grand Vicaire , lequel pour fa grande befti-
fe, me fit pluficurs demandes friuoles ,lei"quclles ne méritent pas d'eftre eicrites. Apres
cela, il me demanda de quel eltat 1 auoyc elle. le dy que fauoye cité de s ordônanccs du
Roy, delà compagnie de monfieurde Lorgc. Alors l'vn me dit qu'il ne m'auoitpas ap-
prins celte doctrine, ôc que c eitoit vn bon cheualier.Ie luy dy que non,& que cela ne s'-
apprenoit point en com bâtant.
Interrogve fiiecroyoyelcvœudechaftetc^ieluydemandayques'eftoit.ilme De chafteré
dit que celtoitdcitre religieux, 6c de faire quelques autres badinages qu'il me nôma.
le luy relpondyque dechafteté ie n'en fauoye point demcilleurc que celle que Dieu
nous auoit dit , que quand nous fommes preiTezdesaiguiilosdc la chair, il le faut prier
qu'il luy plaifc de mortifier nos affections mauuailes, &: reiiiter à icelles par les moyens
que Dieu nous a donnez. &c que de religion, ic n'en cognoiiïbye point d'autre que celle
dequoy faind laques parle. kqws r.
Interrogv e fi ic croy les faincts Sacremens de l'egliié : ie demanday quels ils c-
ftoyent. Alors il me les nomma. le luy dy qu'il n'y en auou que deux que Dieu auoit or-
don nez,aifauoit le Bapteimc&: la faincte Cene.
I nterrogve fi du temps que i'eftoye des ordonnances,ic n'alloye point à la Mef
fe,fi ie m'agcnouilloye deuât les images, ii ie ne me confcflbycrie dy qu'ouy, mais que ie
rendoye grâces à ce bon Dieu, de ce que par fa bonté & mifericorde il m'en auoit retiré,
&: m'auoit mis en la droite voyc de mon falut. Ils me dirent que i'en cftcye bien loin, ie
dy que i'en auoye cilé plus loin autresfois. Et à ceite heure (dit-il)y cuidez- vous eftre?ie
dyqu'ouy:&:quc non feulement ie le cuidoye,maisi en eitoyeafTeuré par lespromeiTes
que le Seigneur m'en a faites.
Apres il me dit qu il me baillcroit vn Docteur qui me feroitbien entendre queie
failloyc gtandement. le dy, que s'il mêle monftroitparl'Elcriture faincte;iele croy-
roye. Il me dit qu'il le me monftrcroit par l'Efcriturc fainctc,&: par le s ordonnances des
Conciles. le dy que s'ils s accordoyent à la parolle de Dieu , que ie les croiroyc : mais s'-
il s y conrreuenoyenr,ic diroye com me S. Paul nous apprend, c'eit que iiluy ou vn Ange
de Dieu difoitou prefehoit autre Euangile, &c. ils m'ont fculemét allégué leurs Con-
ciles 6c Docteurs ancics:mais i'ay touliours oppofé ce paffage.&auilï que mafoy n'eftoic
pou fondee fur les homes, &: qu'elle feroit mal rôdee,attédu que tout home elt méteur.
De là cnuiron ti ois iours, le grand Vie aire penfant auoir quelque grafîe defpouille
de moy , vint aucc le luge crimincljefquels m'ofterent mon argcnt:toutesfois ils m'en
firent bailler pour viurc. Et après pluiieurs fots propos , le Vicaire me demanda ii ic ne
me vouloye pas rapporterai! dire de leurs Docteurs, aufquels il appartenoit d'interpré-
ter l'Efcnturc,&; non point à rooy:& fi ievouloye eftre plusfage que le Roy, &fiiene
vouloye pas croire ce qu'il'croyoit. le leur rcfpondy queie n'auoye que fane de leur in-
terprétation, & que fans rie n interpréter ic leur monitreroye au doigt,quc ce queiedy
elt vray: Que corne ma foy n'e ftoit fondee fur le Roy, aufîi ie n'eltoye point là pou r par-
Jerdefafoy. Ilmc ditdcreehcf qu'il me bailleroitvn Docteur. Icluy demanday s'iln'-
cftoit pas fufrifant luy-mefmc,veu qu'il eftoit en eftat de iudicature.
L'a v t r e foisen(uyuant,quiacftéladernierc,en laquelle le Lieutenantdu Roy e-
ftoit prefent , le grand Vicaire me demandai! ievouloye periifteren mes opinions &
erreurs , qu'ils appellent. le le priay de m'en faire lecture, ce qu'il fit, me deman-
dant toufiours fi ie m'en vouloye deiifter , &c qu'on me feroit mifericorde . le
X, iii,
Lwrc^> III. Louys de sffîarfac.
dy que ie ne me vouloye point defdire d'vne chofe tant bonne &£ veritable,&: que de mi-
fericorde ie n'en demandoyc point d'eux, mais que ie prioye Dieu qu'il me la fift.
^ E t en lifant lefdits interrogatoires , ils me vindrent prendre encore fur cefte que-
ftion, s'il m'appartenoit de lire l'Euangilc: ô£ aulfi qui m 'auoit die que c'eftoit riiuâgile.
le dy que Dieu par l'on S.Efprit le m'auoit fait entendre , &: qu autremêt ne le pouuoye-
Juxfen&T ie fauoir- Ai°l S le Lieutenat du Roy dit,que quant aux quatre Euangchftcs, qu'il n'y en
nunrdcLyô auoit que deux, aifauoh S. Matthieu & S. Ican qui fuiîent purs:&: que S.Marc &c S. Luc
n'eiloyent que de pièces rama/fees par cy par là ,& faincl Paul pareillement . & dit que
fi les Docteurs de l'Eglife n'euifent authonzé les Epiftres de fainct Paul, qu'il ne les efti-
meroit non plus que les râbles d'Elopet.Ie leur dy que fàinct Paul auoit bon telmoigna
ge Je la vocation, ainliqu'il eft eferit aux Galat. i . chap. Il me ht relponfe qu'il rendoit
tefmoignage de loy-mcfme.
Von t z , ic vous prie, mes frères le grand blafpheme contre celle tant faincle paroi
le de noftre Dieu. Prions-le qu'il nous face la grâce de ne tomber en telle impieté: mais
que parla vertu de Ion S. Cfpritnous demeurions fermes en 1 obciiîance d'icelle, Ame.
Apr e s ces chofes, le Lient* nant fit derechef lire la reiponfe quciauoye faicte fur
le traire dclaCcnc.&: me demanda h ie ne vouloye pas croire que le vray corps de Iefus
Chrift fuft contenu au pain. le dy que ie croyoye ce qu auoye délia dir.Sur cela il dit qu
il croyoït qu'auilî toit que le Preftre a dit les parolles Sacramentales fur le pain , que le
corps de Iefus Chnft citoit dedans. Et ie dy que ie ncle croyoye pas,&: qu'il eftoit mon-
té au ciel,&: lé lied à la dextre de Dieu fon Pere. Lors il dit que ce qu'il auoit dit eftoit fa
tby,&: qu'il vouloit viure & mourir en icèlle.&: ie vouloye aullî viure &: mourii en celle
que îauoyedite.
C e fut la fin de nos propos, combien que ie n'aye pas bien tenu l'ordre comme i'ay e-
ftc interrogué.I'ay aulfi mieux aimé de lai/fer quelque chofe , que d'y adioufter vt mot
hha^Kt dauantage.&: ce cllu m a mettre cefte dite côfeilion par efcrit,n'eft point que ie de-
dent lacoa mâdc qu'elle foit mile en lumière, mais afin qu'en ma petitefTe Dieu foit glorifiédequel
fdsion. m'aglorifîé,& m afair cognoiftre fa force en madebilité&: limplicité.-tellemét quenos
ennemis fontveincus,&:nc fauent alléguer autre chofe finon que nous ne nous voulôs
pas tenir au dire de leurs Docte urs,&: que voulons eftre plus fages qu'eux. Cependant
demourans ainfi preifez, ils ne fauênt que dire, linon que de tafeher racieement (s'ils o-
foyent)à reictter l'Elcriture faincle.Et ie prie à noftrc bon Dieu &: Pere de toute miferi-
ricorde, qu'il nous vucillc augméterfes laindes grâces , afin que nous puiflïôs touiiours
glorifier fon S. nom tant en la vie qu'en la mort, tellement que ce foit à l'auancemét de
fon règne, à l'édification de fon Eglife tant defolee,& à noft re falut. Et ce luy dcmâde-
rons-nousaunom&enlafaueurde fon trefcherFils noftre Seigneur, lequel règne a-
uec le Pere &c le S. Efprit, A inli foit-il.
LETTRK que ledit de Marfac a enuoyee à M. D. S. L. le dernier dudift mois de Iuiller, 1553. Par laquelle i!
monitre la ioye qu'il a de te que le Seigneur fe fert d'eux pour la confolation des autres.
£j§pONSIEVR &: frère, nous auons reccuvos lettres aucc grand' ioye &:con(ola-
§|^|eion,ain(i qu'à la vérité elles en font pleines:&:nous feroit impoflible de vous pou
uoir exprimer combien grande fortification elles nous apportent en nos affliétiôsrvous
fuppliant humblement de perfeuerer félon la neceffité que cognoilfez que nous en a-
uons, pour l'infirmité & débilité defoy quieft en nous. Nousendifons autant à mada-
moifelle voftre temmc,noft-e bône fœur,à laquelle nous referirons , (i le Seigneur nous
donne le moyen, pour la remercier humblement des fainctes exhortations qu'il luy a
pieu nous cnuoyer. Defquclles, ainli que des voftres,nous fommes grandement confo-
lez. Quant à ce que vous mandez, que vous auez reccu confolation par nos lettres : en,
cela nous auons grande matière deglorifier Dieu, qui fe veut feruir de nous fes poures
créatures tant frangiles, pour la confolation des fiens.cobien que ce foit aucc grade in-
firmité & ignorâce, laquelle no9 vous fupplions grâdcment defupporter. Il n'eft ia me-
ftier que nous-no9 arreftiôs beaucoup à vous exhorter des choies lcfquelles vo9 ne pou-
«au^i* l,czignorcr'att:^^u Sue iournellemét le Seigneur parle à vous par viue voix.Seulemenc
meurent c» nolls vous priôs de perfeuerer en l'obeidance de noftre Dieu &defa parollc:afin q toul-
igiijcs rC. iours vo9foycz en exeple de bône vie &; conuerfation à vos prochais,&:q par ce moyen
LouysdcjMarfac* 2jo
la gloire de noftre Dieu foie damât plus exaltée , &c le règne de noftre Seigneur auâcé,
à la ruine &: deftru&ion de Satan,de l'An technft de Rome Ton miniftre, &c fes fu ppofts:
à l'aneantifTemcnt au ffi de toutes leurs machinations,confpirations &: entreprîtes qu -
ils font pour rompre &c ruiner tout ordre &C police Ecclcfiaftique.Or nous continuerôs
tant que Dieu nous donnera de viure,àprier ce bon Dieu pour la defolationdefapo-
ure Eglife,tant affligée Se afîaillie de toutes pars par tant d'ennemis, non feulemet ma-
nifcftes & ouuers,mais aulfi iecrets Se cachez,voire domeftique s: à ce qu'il luy plaifela
maintenir &: fortifier par l'on faind Efprit à l'encontre de tous fes aduerfaires. Vous fup
pliant aulfi de faire le fcmblable,afin quefon nô l'oie glorifié en nous,foitenla vie, foie
en la mort. Cepimanchc,pcnultiemede Iuillet,M.D . l m.
L A prière en la fuicriprion de cefte letti e,regarde au temps oui étroit lors:car mefme à Gcncuc vne trouppe de gens ennemis
de la rcformation de l'Euaii^ilcdemouroit bandée contre les Minières d'icelle, iut<jii»*àce que le Seigneur lesrcnueru
& chaffa lefeiziemc de May, M.D.LV.
Le Perc de toute mifericorde vous vueillc de plus en plus atigméter fes grâces, &: vous
fortifier pour louftenir tant d'aiîaux qui font faits de prêtent à l'a poure Eglifc, &: à
tous les pouresferuiteurs de Dieu, defquels le Seigneur vous vueilledeliurer , &C
regarder en pitié fa poure Egliic par fa bonté paternelle: Ainfi foit-il.
ÊkSJ^ON S 1E VR& frere,ic ne puis allez magnifier le Seigneur, ne déclarer la ioyeq
^^Jmon poure cceur reçoit, de ce que ie voyque les frères le relioinlFent de celle tant
débile côfeflion q ce bô Dieu m'a dôné de faire. Dcbile,dy-ic,cn ce qui eft du mié:mais
ce qui elt de luy eft fort:voire fi fort q nos aduerfaircs,maugré leurs dents Se leur vifage,
font conueincus en leurs caurs:tellcment qu'ils ne s'attachent point feulement à nos
pcrfonnes,mais pleinemet &L ouuertemet à la parolle de Dieu:voyans qu'ils ne peuuet
renfler à l'encontre. Ils nous appellët lots,beftes & idiots.&:dcfaicl:,"tels fommes-nous:
mefme i'ay toufiours cflé eftime de mes frères 6c parens cflre tel: mais c'eft ce que dit S.
Paul,queDieu a efleu les chofes folles de ce môde,pour confondre les fages: &: les cho-
fes foibles de ce monde, Dieu lésa cfleues, pour confondre les fortcs:&: les chofes viles
de ce mode &: les mefprifees, voire celles qui n'eftoyent point, Dieu Lesaelleues , pour l Cor !
abolir celles qui font-afin que nulle chair ne fe glorifie deuant luy. Ce font les docteurs
que le Seigneuf a choifis pour maintenir la parolle,pour les faire tefmoins d'icell e. Or
nous le prierôs qu'il nous face la grâce que nous puilîiôs tellemét perfeuerer àla main-
tenir,que tous les tourments que nos ennemis nous pourroyent faire , ne nous reculer
aucunement.Car quant ànous,nous fommes tant débiles de noftre nature, quenous J"JU8^'""
ne fauriôs endurer qu'on nous iette des petites gouttes d'eau froide fur noftre chair, q det.iittrei-
netreHaillions&fremillions. comment donc pourrions nous ioufFnr vn demy quart ^U'y10-
d'heure,veu que noftre nature eft tant debilcrMais l'efpeiance &C vraye afleurance que rcc a'r*
nous auons à noftre Dieu, eft relle,qu'ilnous fortifiera, & non feulement nousdonne-
ra force de fouffrirvn fi brief temps, mais auffi de furmonter tous les tourmens : voire Les tour-
quand on nous ti aineroit par les rues&: bourbiers, &c autres peines qu'il feroit poffible ^"^J^
depenfer. ^ Voyons quels tourmens ont enduré tant de Martyrs qui nous ont precc ksMarty^'
dez:&ce en vertu de lafoy.Celuy mefme qui leur a donné la force de furmonter toutes
ces chofes nous fera le fcmblablc.N'cftoyent-ils point hômesfémblables à mefmcs paf
fions &c infirmitez que nous fommes? Il n'en faut nullemét douter. Or donc fi nous vou
Ions viureaueclefus Chrift, c'eft bien raifon qne nous fouff rions aulli auecluy. Seroit-
ce raifon que nous euffions communication à fes biens,hôneurs 6c gloire, fans commu-
niquer à fa croix?Que fi les fouffrances du temps prefent ne fontpas dignes de lagloire
aducnir,qu'eft-cedoncdefouffrir icy vn peu de temps.' Car noftre tribulation qui eft
de peu deduree 6c légère à mcrueille,produit en nous vn poids d'étemelle gloire,quad
nous ne connderons point les chofes vifiblcs, mais lesinuifiblcs: car les chofes vifibles
font temporelles,mais les inuifibles font éternelles.
Voila,trefchcrfrere,qui nous doit apporter afleurance tout aiîeuree, pour ne crain-
dre la mort,quelque cruelle qu'elle foit.Et en cela ie me tien aifeuré que ce bon Dieu
m'en fera la grace,d'autant qu'il me l'a promis, &: qu'il eft véritable. Au refte,ie ne vous
pourroye réciter la grande confolation que i'ay receue de la cômunication qui m'a efté
faite des lettres qu'auez enuoyees à mon frère Denis Peloquin, lequel trouua moyc de
les bailler à vn de nos frères qui eftoit en vn croton au defTus du mien,lequel m'en fit le
X. iiii.
Liure III. Epifirc^ aux pri/onniers d<u Lyon.
cture,pource que ie ne les pouuove lire,d'autant que ie ne voyoye rien en mon croton.
le vous prie doncdeperfeucier pour nous allîfter touiiours de femblableconlblation:
car icellenuus incite à plourer&: prier, qui font les vrayes confolations qui nousfonc
necelTaires en ceft endroid.
S'ensviveht deux Epiftrcsfingulieres&: pleines de grande confolarion.efcrices T
vne par M.Guillaume Farel,& l'autre par M.Icâ CaJuin,& en uoyces aux fufdits pri-
fonniers Pcloquin,Dimoner,Marlac& autres d'vn mcfme temps detenusà Lyon.
M. G V I L L A V ME Farel.en ccfk- Ipiftre principalement prop ofe vnc indicible bonté de Dicu.quand il donne fa co
gnoilLncc à fes poures crcaturc;:& les a/leure aue les ennemis ne t eront rien cju'il ne vucillc,&: que préalablement il n'ait
ordonné.
[E S frères en noftre Seigneur, quelle grâce deuons-nous tous rendre à la bonté
^infinie du Perc de toute mi/eticorde,qu'illuya pieu nous fane tant de bien
tant de grâce à nous miferables pécheurs, qui n'auons gaigné feulement de demeurer
&croifticcn toute maledidion & mefchancccé,maisau(iideitic totalement aby/mez
au profund d'enfer:qu'au lieu derane vn tel îugcmct lur nous, par fa bôte infinie nous
a attirez àlacognoiiïancedc Ion Filslelus àlagrâdelumieicdeloniaincrEuâgilc,en
fe déclarât pleinemét eftic noltre bon Pere mifcricordieux, pitoyable &: propice , &c ce
en nous pardonnant nos péchez hiifant vn tel châgement,trcfgiand&: trefexcelléten
nos œuures, tellement que ce qui nous lembloit beau & bon au parauant, félon la trom
&.TfccflkL> perjc & déception de Satan, &: en la puilfance qu'il exerce par 1 A ntechnft , l'homme
de péché & de toute malédiction, au maudit, execrable& plus qu'abominable eftat Pa
pal,au (itgc plus qu'infernal: maintenant nous ellcogneu tel qu'il eft, alfauovr ladre, vi-
lain, maudit &: exécrable. Et cède quoy ne tcniôs côte, aifauoir de la vraye&viue foy,&
de regarder la faincte volonté de noftre bon Perc,(on vray teftament nouueau, l'alliacé
de grâce & lalut &: vie, maintenant nous eft tout,comme il doit e ftre. Car quelle choie
deuons-nous eftimer fors que Iefus mort pour nos péchez, &: refufeiré pour noftre îufti
fication?où cft toute noftre fagefle,iuftice, fanctification, rançon &: falut,qu'cn luy feulî
Vrayemcntcecy eft tant grand& tantexcellét, que non feulemct les deteftables abo-
minations & diaboliques iniquiteznousdoyuenteftre en horreur, & pourl'amourde
Iefus les deuôs fuir& dcteftcr,& pluftoft mille fois mourir, q d'en tenir la moindre qui
foit,ou feulement en faire aucû femblant.mais encore quelque chofe qui foit, quelque
apparence qu'elle ait en pays que ce foit , nousladeuonsreputcr comme fiente fie or-
Pî dure,afin qu'on poiîede feulement Iefus, &c que foyons trouuez ayans feulement la iu^
fticequieft en Iefus,pour comparoir hardiment &C nous approcher du thronedela gra
ce du Pere.
O mes freres,que ceftecognoilfance eft grande , parfaite Se excellente ! de laquelle
nous ne l'aurions ne pournôs allez dignement louer ce bon Perc,&: l'en remercier com
me il appartienttvoire quand non feulement tout ce qui eft en tous les homes qui font,
quelques faincts qu'ils (oyent,ne mefme de ceux qui ont iamais efté depuis la fondatio
du môde,feroit c n nous:mais auf/i quand nous aurions la perfection de tous les Anges.
Parquoy nousauons plus grand befon de recourir à noftre Seigneur,Sauueur , Moyen-
neur&: Aduocat:& luy fupplicr,puis qu'il nous eft autheur&rcaule de tout ce bien, &:
que de luy nous tenons tout.& puis qu'il nous a fait ce bien de nous apporter la parolle
dcfalut,qu'il nous donne le Ion le bon vouloir du Perc,dcquoy non s luy rendons grâces
quefon bon plaihrfoitcn remercier le Perc , qui bien aura agréable le remerciement
fait d'vn tel Fils, qui tant luy a pieu &: luy plaiften tout& partout. Mais quedy-ie .? que
Matthieu n Iefus en remercie le Pcre?Ne l'a-il pas délia fait,& pour nous &: pour tous.?& le fait plei-
nement cncore,cn ce qu'il eft mort pour nous , fait ohci/iànt au Perc iniques à la mort
delà croixfEtcc qu'au parauant il difoit qu'il rcmerc îoit le Pcre,de ce qu'il auoit caché
ces choies tant grandes &: tant dignes,&: qui fur tout font à prifer , aux lagcs& fort en-
tendus de ce monde,& les auoit rcuelces à ceux qui elloycnt tant /impies, tant enfans
&:peu cntendus:ce bien,ccfte grâce ne doyuent cftre mis en oubly, mais nous doyuent
continuellement eftrc en la mémoire, comme noftre bien trefparfait , con/ommc,&:
plus dclirablc que chofe qui foit.
4 Et quelqucclH)fcquinousaduicnne,quelquemal-heurcté que fentions icy bas,
nous deuons en cefte grâce nous efiouyr &:glorifier,en magnifiât touiiours le Seigneur
noftre Dieu , fans perdre iamais courage, ne défaillir delafoy &: e/peranec que nous
auons
Epifire aux pri/onniers de Lyon. 2p/
suions en &C parcelle grâce trefgrande , qui nous doyuent conduire &: mener à faincle-
ment cheminer corne il faut:&pour fortir de toute poureté &c malediclio, dot fbmmes
cncores cnuirônez&: détenus, par ce qui refte encore du vieil home , pour batailler la
droite bataille. Nousenauonsicy vneobfcure&latehtecn nous-mefmes: mais vous,
mes trefchersfrercsjauez par la grâce de Dieu,vne trcfgrn.nde bataille:&: cftes appelez
comme trefaimez enfans & héritiers de la vie > en ce que ce bon Rçre vous fait ce bien,
que non feulement vous croyez & efperez en fonnom:mais auffi que vous ibuffrezcô- ?
me vrais membres de Iefus.Et combien que la charitéque chacun Chreftien vouspor
te,nous contraind à eftre marris de vous vbir entre les mains de tels ennemis de Dieu^
U eftre traitez fi amerement;C<: que h c'eftoit le bon plaïur de Dieu que fuifiez deliurez
&L retirez d'entre les in iques, pour eftre rendus à vos frères , &: auec nous ouy r la fain&e
doctrine de noftre Scigneur,&rinuoquer en fa fain&ealfemblce, grandement le déli-
rerions : ce neantmoins nousauohs trop plus doccaiion de louer Dieu, que fa bon-
ne volonté etf cellc,dc vous auoirchoifis comme fingtiliers membres du corps delefus
pour magnifier Ton fainttnom,&: de vouloir en vous eftre prifonnicr,preile,perfecutéi
condamnée iuiifFrir tant de poureté &c tant d angoiflé que rien plus. Mais en cecy tac
s'en faut que nous & vous défaillions, que pluftoft en ibyede cœur vous-vous glorifiez
en noftre Seigneur,en prenat le tout patiemment&: fehtez voftre probarion, ayas fer-
me efperance,en laquelle point ne ferez confondus, car tout ce qui vous a elle donné, foo,, f,
& de croire & de fouftrir pour noftre Seigneur Icfus,vicnt de la grade charité de Dieu:
laquelle ie ne doute point que ne fentiez efpahdue en vos cœurs. De quoy nous remer-
cions Dieu:&: vous recommondans à fa fain&e gracc,luy fupplions que ce foie Ion bon
plaifir deconfommtr &: parfaire ce qu'il a commence. Et comme vrayement cites pri-
fonniersinon du diable,comme au parauant quahdvous feruiezà l'Antechriftimais de
Iefus:&: qu'aueiles liens, non d'idolatric^d'erreur &: fuperftition , mais du fainét Euah-
gile:que perfeueru z en la confeffion de ce bon Sauueur,en toute conftance & fermeté
de foy.Et comme auezfamdemeht commencé, & perfcueréiufques à prefent,auffiiuf
ques à la fin perleueriez,&: pleinement glorifiez ce bon Pcre;fidele &c véritable , qui fe-
ra au'milieu des affli&ior^angoifies & pnfons:afin qu'abondiez & croiffîez en fes con--
folations.
Qv e leshommeslient&nttachentcepourecorpsmortel (ceque neantmoins ils
ne peuuent faire fans le bon vou loir de noftre Percmon pas mefmes faire tôber vn che- L
ueu de noftre tefte)quand ils auront tout fait,& qu'ils exécuteront autant qu'il leur eft
donné,neantmoins le Tout-puiiîant,qui nous a prins pour eftre des liens , & veut eftre
noftre defenfeur &: proceéteur,eft plus fort que tous tât qu'ils fôt,lefquels mefmes font
côtraints de ne palier ce qu'il leur eft permis. Ce Tout- pui/fanr, di-ie, delliera noftre e-
fprit,&: nous ayât défia mis en liberté,de plus en plus nous deliurcra:&:dônerâno feule-
ment à lame pleine vie, falut& toute benediétiô,mais aufii à nos corps: ne permettant
point mcfme en celle vallée de mifere^en ces lieux d'afflidios, que nous portiôs plus q
poUuons : maisilattéperele tout par iagrace,tellemccquepar patiéce nouspouuonè
tout porter^ vcincre.Seulem^nt inuoquons-le en nos aftlidions*& mettons toute no-
ftre foiicitude&: tout foin en luy, ayant pleine fiâce en ces fainttes promeifes,que nous
fendrons plus de fbn aide que ne pourrons perifer. Ne regardons point la terre j ne les
ennemis qui font icy,ne leur fureur&rage,pourauoir peur &: crainte . quclehombre
ne nous trouble n'efpoùante^comme le feruiteur du prophète Elifee : mais regardons liR&IS?
au ciel à hoftrc Pere;&: à fa puiifante armée de tant de m ille qui regardent noftre com-
bat^ bataillent pour nous. Car fans comparaifon il y en a plus pour nous , &c plus puif-
fans, voire innumcrables,qu'il n'y a contre nous.
En t «.on s donc au combat,eftans afieurez de la vi&oire, laquelle eft toute certai-
ne en vertu de l'Agneau qui a veincu. Donnons b6 courage tât à ceux qui font prefens
qu'à ceux qui viennent après nous, de bien batailler &: puilfamment s'employer pour
Iefus. Faites, mes freres,que toutes les Eglifes redoublent leur ioye auec tous les An-
ges du ciel,de voftre vi£toire,&: que nous tous rendions grâces à Dieu. Et comme tous
rendons grâces à Dieu de voftre îain&e ôc vrayement Chreftienne confeffion: ainfi auf
fi magnifions noftre Seigneur de voftre petfeuerance ferme &c puiifante en ce bon Sei-
gneur qui vous a cfleus.
^LAgrace,benedi&ioh,paix&corffolationdenoftre bon Dieu règne & triomphe
jjwc-j I IL Epiflre aux pri/onniers de Lyon,
en vous &: en tous les feruiteurs de Icfus:& la fureur,maledi£tion, trouble Sz defolation
ioitrurrAntechnft,&: fur toutes fesabominations. Et ce bonSauueur &c Rédempteur
non feulement règne en vous,&: en toutes fes fainctes Eghfes,vifi tees par le fainit Euâ-
gile,& quioycht&tiennent la vérité de Icfus:mais paria grâce illuminant ton s poures
aucugles>tadrcnTant tous errans,& fortifiant tous débiles, face qu'en tout&: par tout
le monde il règne par vrayeobeilïance de foy. 8£ que cous empefehemens que Satan a
drefle pour empeicher le cours de i'Euangilc,foyentoftez: &: que la doctrine delcfus
feule &: pure,foit par tout prcfchce,tcnuc& fuyuie.Mes chers frères, ie vous recôman-
de à la grâce de noftre Seigneur. De Geneue,cc fepticme de Iuillet, m.d.l i i i.
Voftre frère, Guillaume Farci.
E P I S T R E enuo) ce par M.I.Caluîn auec la fiiW:te,ponr la confolation dcfdits prifonniers.
O V T R F. la confolation , ily a vn vray tcfmoignapc tjuc donne M.Ican Caluin aux cfuii' , d« < i kiui h nt prifonnicrs
pour la vcritticonfefTint anoir cité grandement ediné en les lifant.
^Ctfteepifrremeiitcroii d'efrre nufe au commencement du liuredc: Marty-,pour Authcriic ; u • ckiîh procéder»
de l'Efprit de Dieu.
(j^^|ES freres,iecroy qu'auezeftéaducrtisquc î'eftoyc abfcntdela ville , quand les
H^Jnouuelles vmdrent de voftre prifon,&nc fuis pas retourne de" huit iours apres.
Parquoy iln'eftia bcioinque iem'ei'cul'edecequei'ay tat différé à vouseicrire. Orcô-
bicn que ce nous ait cite vn meiTagc trifte felô la chair,mefmc félon le îufte amour que
nousvousporrbnsenDicu,commenousy fommestenus : ii nous faut-il ncantmoins
renger à la volonté de ce bon Pere & Seigneur fouuerain: &" non leulement trouuer m-
fte&: rai Tonna Lie ce qu'il difpofe de nous , mais l'accepter de cœur bénin & amiable,
comme bon &: propre pour noftrc falut:attendans patiemmét qu'il monftre par efrect
qu'ainii loir Au relie, nous auons au milieu de noftre trilleiîe dequoy nous eliouyr , en
ce qu'il vousafipuiiiammcntaffifté.carilabirn efté requis qu'il vous fortifiait par Ion
Efprit.àcequclaconfeffiondefafacreeverité vous fuit plus precieufe que voftre vie.
Nous fauons tous, voire par trop,combien il eft difficile aux hommes de s'oublier.Ain-
fi il faut bien ce que bon Dieu defploycfon bras fort, quand pour le glorifier nous ne
craignons point ne tourment , ne honte , ne la mort mefme. Or comme il vous a
muny de fa vertu pour fouftenir le premier affaut , il refte de le prier qu'il vous renfor-
ce de plus en plus , fclon que vous aurez à combatre. Et puis qu i! nous a promis la vi-
ctoire finale,ne doutez point que s'il vous a fait fentir vnc partie de fa vei tu, vous aurez
plus ample tcfmoignage par cffc&& expérience à l'aduenir , qu'il ne commence pas
Pfcau.138.* Pour laitier fon ouurage imparfait,comme il eft dit au Pleaumc. Sur tout,quand il fait
ceft honneur aux (iens,de les employer pour maintenir fa vcrité,&: qu'il les ameineau
martyre comme par la man:il neles laiitè jamais defpourueus des armes qui y (ont re
quifes.Mais qu'il vous fouuienne cependant de Jeuer les yeux à ce royaume éternel de
Iefus Chrift,&: de penfer pour quelle querelle vous bataillez:car ce regard nô feukmét
vous fera furmonter toutes tentations qui vous pourront furuenir de l'infirmité de vo-
ftre chair,mais auffi vous rendra inuincibles contre toutes les cautellcs de Satan , & ce
qu'il pourra bra/fer pour obfcurcir la vérité de Dieu. Car iefay bien que par fa grâce
vous eftes li bien fondez,que vous n'y allez point à l'aducnture.: mais que vous pouuez
x.Tim.i dire auec ce vaillant champion de I efusChrift, iefay de qui ic tien ma foy
C est la caufepourquoyie ne vous enuoye point vne telle confeffîon de foy que
m'auoit requife noftre bon frère Peloquin. Car Dieu fera beacoup mieux profiter celle
qiùrvousdonneradefahefelonlamcfuredc voftre efprit qu'il vous a departy , que
Cec eft no tout cc vous ^cro'r ^ug&cr<^ ^ a^^curs- Mefme eftantprié par aucuns de nos frères»
table po"r °,u' olH nagueres cfpandu leur fang pour la gloire de Dieu , de reuoir& corrige? leur
l'authorité confeffion qu'ils auoyent f aite:i'ay efté bien aife de la voir pour en eftre édifie . mais ic
dsrSii" n V ay voulu adioufter ne diminuer vn feuf mot : penfant que ce qui auroit efté ebangé,
paritntpar ne feroit que diminuer l'authorité&: efficace que mérite la fagellé ôc confiance qu'on
ks iVLrt>rs voit clairement eftre venue de l'Efprit de Dieu.
Soyez donc afleurez,que ce bon Dieu quife monitre au befoin , te accomplit fa ver*
tu en noftre foiblei7e,ne vous delaiflera pornt,que vous n'ayez dequoy magnifier puif-
ïammcntfonnom : feulement procedez-y en fobrieté & reuerence , fachansque Dieu
n'acceptera pas moinsle facrifîceque vous luy ferez félon voftre portee& faculté que
vous
Louys de tfflar/ac. 262
vous luy ferez' félon voftreportee& faculté' que vous auez receuë de luy , que fi vous
compreniez toutes les reuclations des Anges.A: fera valoir ce qu'il vous aura mis en la
bouche,tant pour confermer les hens,que pour confondre les aduerfaires. Car com-
me vous eftes aflez aduertis que nous auons à refifter conftamment aux abominations
de la Papauté,fi nous ne voulôs renoncer le Fils de Dieu , qui nous a tant chereraët ac-
quis à foy:aum méditez cefte gloire &: immortalité celcfte , à laqlle nous fômes côuiez
&: Tommes certains de paruenir par la croix,ignominie & mort.C'eft choie eftrangc au
fenshumain,qlcsenfans de Dieufoyct iaouk*zd'angoiire,cepédantqlesmefchâs s'ef-
gayenten leurs delices.mais encores plus, que les elclaues de Satan nous tiennent les
pieds fur lagorge (comme on dic)&: facentieurrnomphedenous.Sieft_ceque nous a-
uonsà nous coniolcr en toutes nos miferes , attendans cefte heureufe iflue laquel-
le nous eftpromife,que non feulement il nous deliurera pair fes Anges , maisauffi luy-
mefmetoithcrales larmes de nos yeux. Et parce moyen à bon dro ici nous auons de-
quoydefpitcr l'orgueil de ces pouresaucugles,qui à leur ruyne eilcuent leur rage con
treleciel. ^
Cependant côbien q nous ne foyons pas à prefent en pareille condition q vous,
fi ne laiflbns-nous à batailler quant & quant par pricre,folicitudc&compaf/ion, com-
me vos membres-puis qu'il a pieu au Pereceleftc par fa bonté infinie de nous vnir en
vn corps fous l'on Fils noftre chef. Sur quoy ie le lupplieray vous faire grâce qu'eftans
appuyez fur luy,vous ne chanceliez nullement , mais pluftoft croiliicz en vertu : qu'il
vous tienne en la protection, & vous en donne telle certitude , que vous puiffiez mef-
priier tout ce qui cft du monde. Mes frères vous faluent trefaftect-ueufement, &: plu-
fieurs autres. Voftre frère Iean Caluin.
Po v r c e q cefte lcttre,comme i'efperejfera commune à vous deux: feulement i'ad
iouitt ray et mot,qu'ii n'eft ia beioin que ie vous face longue exhortation. car c'eft affez
que ie prie Dieu qu'il luy plaife de continuer à vous imprimer de mieux en mieux au
cœur ce q fay cogneu par vos lettres,que vous gouftez crefbié . Côbienquc ce foit cho-
fe ralcheufe de languir il long temps : quand il n'y auroitquele fruict que Dieu vous
monftre,qu'il ne vous a pas referuez iufques icy fans caufe : vous auez iufte occafion de
ne vous latferny ennuyer pour la longueur. Et quant àla maladie , c'eft prudemment
confideré à vous,que Dieu parce moyen vous veut mieux préparer à plus grand com-
bat,afin que la chair eftat bien donuce,puiiTe mieux fe refigner. Voila comme nous dé-
lions conuertir à noftre profit tout ce que le Pere celefte nous enuoye. Si vous pouuez
communiquer auec les autres freres.ie vous prie de les faluer auffi de par moy. Ce bon
Dieu vous tienne à tous main forte,vous garde &: vous conduife,& face de plus en plus
reluire fa gloire en vous. I.Caluin.
L £ T TRES de Louys de Marfac.du vJngrcinquiemc d'Aouft;M.D.LIII.
jj£H E R frere,ie vous eienui dernieremét du quinzième d'Aouft , comme iefi aufli
Jà noitre frère àc bon amy,N.ie ne fay pas fi les lettres font paruenues a vous. No-
ftie frère Denis pareillementefcnuit àfon nepueude tout ce qui nous cftoitaduenu,
& que nous efpcrionseftre déclarez bien toft. ce qui fut tait Lundy dernier 11. dudit
mois. Apres la déclaration nous fufmes amenez à Rouane, excepté noftre frère Denis,
lequelf comme on nous a donné à entendre) on veut mènera Ville hache, poureftrelà
facrifié:afin qu'en plufieurs lieux noftre Dieu foit glorifié par la mort de (es e nfans. De
noftre part, nous peniions que dés le lendemain on pronôçaft fentenee de mort à ren-
contre de nous:mais ce bon Dieu nous a preferuez iufques à ce iour,afin que nous foy-
ons toufiours plus fortifiezicomme à la vérité nous lefentons par l'affiftéce qu'il nous
afait,tcllemcnt que (la mercy a fa bonté) ceux qu'on penlbit les plus débiles , font les
plus forts. Etdefaictnosadueifaires font fort fafchcz à caufe demonCoufin : pource
qu'ils auoyent opinion que c'eftok quelque légèreté friuoSeque nous luy auions mife
cnlarefte:mais(la merci à ce bon Dicujijsfont deccus,voyans la perléue t ance qu'il luy
adonnée à maintenir la confefnon de fa foy.
Me kciedi derniernousfulmesinterroguezparlelieutenantduRoy:lequclcô- nltdcfon
tinuantenfes blafphemes accouftumez nous afiaillit par plufieurs argumens:prineipa connue en
lement moy,quifu amené lepremier deuant luy,m'interroganc c omme s'il ne m'auoit 'r 1C
Liure III. Lonys dc^> Marfac.
iamais veu. Le bon Dieu me donne force(commc auffi il a fait à mes freres)pour luy
re(pondre:en force qu'il ne îauoit que dire,finon que i eftoye vn ignare & fans (auoir:&:
que ce n'eftoit pas à moy de fauoir fEfcncure fainéte:&: que tant de grans perfonnages
qui ont eftudié vinrgcinq ou trente ans,auoyent bien à faire à l'entendre. A quoy ie rcf
pondiquece leurcftoitplusgrand'honce: &c que le iemblableauoit efté raicaux Scri-
bes Se Pharifiens , Docîcurs de IaLoy:&ique Dicul'auoit reuelé aux femmes &po-
M thi u x ures boiteux,aueugles , ladres , paralytiques ô£ autres : afin que ce que noftre Seigneur
4'1 C ' IcfusChnftdit,remerciantDieu ion Pere,fuftaccomply:c'eft qu'il l'auoit caché aux fa-
gcs&prudens,&: l'auoic reuelc aux pens& (impies. Lors ils fe pnndrent à rire Se mo-
quer de moy. Cependant ledic Lieutenant parlant au procureurdu Koy Se à vnautre
Âduocat,iuraia foy iur quoy ie le reprin,diiant que celuy qui m'auoit apprins à ne
nLuTuwnc P°*nt iurer,m'auoit auffi apprins que ce q ie maintenoye eftoit fa parolle.Lors tout hô-
par t»toy teux,il me dit qu'il pourroit bié auoir failly.Le procureur du Roy infifta que ie ne pour-
cft rcpnm. rove nier que S. Iean neuft du laMeiTeen Ephefe. Auquel ic demadayou ilauoittrou-
uc cela par efcric,& fi c'eftoit en i'Euangile.Lors il fe teut ,ne me rendant aucune refpô ■
fe,finonde m appeler ignare Se btfte.Iedy queieftoye content d'eftre tel qu'il me vou-
droiteftimenmais cepédat i';i uoye appris à cognoiftre IeiusChnft qui luy eftoit caché.
Av reftc,nous eftimons félon lapparéce des hommes, que demain nous nous ent-
rons auecnoftre Dieu, pour eftre facrifiez , &receuoir cefte couronne de gloire incor-
ruptible^ l'héritage éternel, lequel nous a efté préparé dés la conftitution du monde:
dequoy nous-nous efiouyifons grandement \Sc prions ce bon Dieu que noftre (acrifi-
ce luy foit en bonne odeur,comme il fera fans doute. Nous fencons fon afiiftence croi-
ftreen nous de plus en plus, félon que la fin de nos iours s'approche, mettant finàccftc
vie tant caduque &: pleine de miferes,oùnousne voyons que matière de dcfolation&:
occafiondeplourer&gemi' , à caufedetantdeblafphemes qui fe commettent à l'en-
contre de la maiefté de noftre Dieu.
Dîuers en No v s voyons les adueriaires defcouuerts Se manifeftes , qui ne tafehent qu'à
ncmis deP- ruiner la poure Fgliié,perfecutans de toutes pars les enfans de Dieu, relpandas le iang
fgliic du innocent. D'autre part,il y a auffi des aduerfaires qui font en l'Eglife,qui ne tafehent
Se^acur. qUecjc rompre & abbatre tout ordre & police Ecclefiaftique, s'eileuans contre les fer-
uiteursôc Miniftresdefaparolle :& d'autres qui en leurs cachettes fement zizanie Se
fauiTe doctrine entre les petis Se les fimples.Helasique telles choies nous doyuent bien
donner occafion de pleurer Se de nous contrifter , trop plus grande que toutes les cru-
autez qu'ô pout roit exercer fur nous,qui ne font que fumées au prix de celles-la.Et pat
ainfi,trefcher frcre,cela nous doit de tant plus humilier,cognoilTans q ce bôDieu nous
enuoyeceschofes, non point pour nous punir,maispour nous chaftier&: amender, Se
auffi pour la probation des fiens,pour nous exercer à patiéce. Car comme dit faintt Ia-
raq,i.t ques,Mes frères, reputez que c'eft toute ioycquad vous cherrez en diuerfes tentatios.
Sachiez que la probation de voftre foy engendre patience : mais il faut que la patience
ait ceuure parfaite,a fin que foyez parfaitsS: entiers,ne dcfaillans en rien. Et certes nous
ne pouuôs entrer au royaume des cieux par autre voye que celle qui nous eft enfeignec
Act.14.i-t par IefusChrift:c'eft par l'cftroite, Se commedit fainct Paul,que par beaucoup de tribu
lations il nous faut entrer au royaume des cieux. Et à la venté , quand nous voyons que
telles chofes nous aduiennent, nous-nous pouuons bien affi urer que nous auons les ar-
res,& fommes vrayement enfans de Dieu,efcritsau liure de vie. Ce ne feroit pas raifon
que le feruitcur fuit bié traitc,&: cependant que fon (eigneur foie moqué , craché , buf-
fetc,&: mis en opprobre,&(commci'ay dit)leferuiteurfuft àfonaife : il faut bien donc
que fi nous voulons viu i e auec luy, nous foufFrions au ffi auec luy,&: que nous plourions
Se le monde fe refiouyra.mais le change fera bien aufîi à noftre profit : c elt qu'ils plou-
reront,& nous nous refiouyrons, voire éternellement . RefiouyiTez-vous donc auec
nous,trcfcher frevc,dequoy noftre bon Dieu nous a tellem ent fortifiez,que nous-nous
refiouyfibns tous de ce iour tant heureux , auquel nous efperons &c croyons vrayement
que noftre Dieu fera glorifié par noftre mort,& nous donnera force de pei feuerer en la
confeffion de fa fainCte 8c iacrec parolle,iufques à la dernière goutte de noftre fang , en
forte que le règne de noftre Seigneur Iefus Chriftferaauancé à noftre falut Se à l'édifi-
cation de nos prochains Se de fa poure Eglife tant defolee , & à la ruine Se defolation de
ce miferable fils de perdition, homme de péché , Se aduerfaire , ce grand Antechrift de
Rome
Eftiennc^ Ç rauot. 263
Rome, & de tous fes membresrlcfquelsnous voyons que quand ils ne peuuent par leur
rage nous faire raire, ils ne fauent faire autre chofe qu'eux defpiter contre la fainde &
lactée doctrine de noftre Seigneur Iefus Chnft . comme ce miferable Lieutenant , le-
quel en interroguant hier vnc feruante de rnontieur Copus,profci a tels blalphcmcs,di
fant, Que maugré en euft Dieu de la Loy. Voyez quel blal'phemei or ie prie ce bô Dieu Blafpheme.
qu'il luy face mifericorde,&: luy donne cognoi/lanccde ion péché. Cependant jevous
dyAdieu,& le prie vous donner lagrace de perfeuerer en ion feruice. Mesfreresfc re-
commandent à vos bonnes prières &oraifons,&: de toute l'Eglùc,rt nous femmes enco
res en vie quand les lettres feront paruenues à vous. La grâce de noftre Seigneur foit
aucevous: Ainfifoic-il. Ce vendredy vingtcinquiemciourd'Aouft.
Voltre treshumble Frère > Louysdc Marfac.
ESTIENNE GRAVOT, de Gyanfir Loire.
A V X précédentes éditions des Martyrs, nous auionîf ait déclaration feulement ie !a mort J'Eilienne le menuificr , compa-
gnon aux l.em des fuldi ts Marlac & Ion < oufimrrutv maintenant auec le liirnom&: quelque récit de (a vie nous donné",
certaine* lettres qui nous ont efté communiquées, cfcrites de (a propre main.
BO NT E admirable du Seigneur ,quitanta voulu honnorer cespourcs MDUU
S#^f!sSkr va^caux ^c terlt>> de leur auoir cômis celle charge tant excellente de por-
r\ ^%&7'É tcr *on 110111 ^euant 'cs fiegcs des luges , d auoir daigné de fe feruir des po-
tN^SSs ures artilans pour côfondre les fages de ce monde ! Voicy pour coadiuteur
Se compagnon aux precedens , vn menuificr Efticnne Grauot, natif de Gyan fur Loire:
lequel en cefte fureur de la perfecunon de Lyon eftant appréhendé , ne fut qu'vn mois
pnfonnicr, cVreccut la couronne de Martyre auec les fufdits Louys de Marfac ,& fon
coulin, com me il fera tantoft après déclaré. Il auoit demouré quelque temps en la ville
de Gencue» trauaillant de fon meftier fous les maiftres. Il eftoit vif &c vehemet d'efprit
&: de zcIc,&dcmoura quinze iours enlaprifonde i'Archeuefque,&: autres quinze a
Rouanc ;pendant lequel temps entre auttes lettres qu'il efcrmit à fes amis , nous ayons
icy mis les deux qui s'enfuyuent:
Voi c y maintenant, mon tref aimé frere, que iadrefleray à tous vos autres mes a-
mis auec lefquelsiay communiqué :C cft que iercn grâces à noftre bon Dieu &Pcre
parnoftre Seigneur Iefus Chrift, de ce qu'il luy a pieu nous donner matière, &:quantô£
quant le moyen de nous conloler enfcmble par eferits, quand nous ne le pouuons faire fphef.cr.
de prefencede priant vous maintenir touflou rs en fa garde , &: vous armer de fes arm u-
1 es fpiritucllcs, par lcfquelles il faut que tous Chrcftiens bataille nt à l'encontre des cn-
ncmisdelaparollc&rveritéde Dieu, lequelnc permettra ïamais qu'vn cheueu devo- MjtdlI°-
ftre telle tombe fans fon vouloir.
Pa r qjv o y mes frères & bien aimez,n'ayons honte d'élire vitupérez pour fon nom: Hcbr.13.
&: de porter fon opprobre fur nous ,fachans que fi noftie maifon terreftre de cefteloge lCorî«
eft deftruite)que nous auons vn édifice de par Dieu, vne maifon éternelle és cieUx, qui l Plcr
n'eft faicede main. Remettons donc tout noftre affaire en luy :çar il a foin de nous,&:
nousaauffi précieux comme la prunelle de fon oeil. Il nous a aulficflcusnon point à or- rPhcf.i.
dure, mais à fa nctifuation: laiffons-nous donc conduire parla faintte &: Diuinc proui-
dence, nousdcfpouillans de tout ce qui pourroit eftre en nous de ce vieil hômc,&met-
tans toute noftre ciperance en cefte tant heureule& triomphante rcfurre&ipn: ne crai
gnans point ceux qui ne peuuent tuer que le corps,&: ne peuuent palier outre rfachan s J^J^"
aulfi que noftre tribulation cil legierc&de peu de durée, qui produit en nous vn poids
éternel de gloire, quand nous ne conlidercrons&: ne nous arrefterôs point aux choies
vifibles, mais aux inuiiibles. attendu que les vifibles font temporelles ,& les inuiliblcs
éternelles. Or fus donc, mes frères, necraignons d'allerapres noftre Capitaine pour Mjxth lf-
prendre polfellîon de ceft héritage éternel qu'il nousa acquis parla mort, &: nous eft
preparedeuant la fondation des fkclesmousaifcurans de ne point mourir comme les
meie hans &: rcprouuez, mais que nous paiTcrons(ain(i qu'il dit)de la mort à la vie Nous
n'auôs point ici de ciré permanéte,mais nous en attédons vne à venir. Et puis que ce b ô lîtbl
Dieu a voulu faire de nos corps le téplede fon S. Efprir, lequel habite en nous,&: fanons 1X01 °'
de D ieu,&: n e lommes pas à nous-meimcs: (car nous femmes rachetez nô par orne par
Y.
Liurc^ III- Eïliennt^> (jrauot.
i.Picr.i. argent, mais par le précieux corps &c fang de noftre Seigneur Iefus Chrift.) glorifions-le
donc de noftre corps& denoftre efprit : ne difans point comme aucuns contempteurs
de Dieu, aufquels il mrtît (comme ils parlent) dauoir leur cceur à Dieu fculcmét , &. ce-
pendant ne lailfent pas à fe veautrer&. fouiller parmy les idolatnes,voire des premiers,
afin qu'ils lovent veus : ne confiderant point que ce bon Dieu a creé,&: derechef par fou
Fils bien aime noftre Seigneur Iefus Chrift racheté &: afTranchy & le corps&: l'eiprit,a-
fin d auoir à fon feruice les deux, ou du tout rien, car il eft certain que nous ne pouuons
feru ira deux maiftres.
O r mes bien-aimez hères, ie loue ce bon Dieu de ce qu'il luy a pieu impiimer cela en
nosca'Lirs,&;nou.saaljturezenresfainétcspromefres. Vous priant aufîi tousenfemble
i.Pkr.î. qUe nc vous cndoi miez pointrcar noftre adueifaire le diable ne fait quecircuir,cerehâc
quelcun pour lcdcucrenauqneliltaut reliftcrparfoy. Ne laiffez donc peint de vousaf-
Hcbr.io. fcmblcr pour prier ce bon Dieu, ainfi quenfeigne lefainct Apoftre:&: que Ja parollc de
lpLcï.4. Chn'ftfoit habitante en vous plantineufement. En toutepatienccenfeignezl'vn Tau
treen Plcaumcs, en louanges, en chaulons lpintuellcs,aucc grâce chat ans au Scigne.r..
&: vous gardez que ne foyezdiftraits ça nc là par diuerlcs doctrine?. Vojla mes ti tics,
quecebon Dieu m adonné pour me coniolerauecvous,8cUc vous cuiJ'ecfcrit dauan-
tage, mais 1 heure me preife. Adieu. DeRouanecc 29. d'Aouft,à lahaftc.
Voftre frère prifonnier pour Iefus Chiift, Elbe une Grauot.
Autre tpiltreJuJir Fftiennc Grauot à fes amis.
Fj^||E S frères, ie vousay bien voulu claire la preîcntepour la dernière, vous faifa.it
èRv^J.'auoirdc nos nouucllcsrc'eft que nuict&: iour nous priôs noftre bon Dieu, faifans
mémoire de vous en nos oraifons: vous priant aulîl de faire le femblablc enuers nous, à
ce que ce bon Dieu &. Pere nous maintienne toujours cnfafaincteprotectiô &fauuc-
garde, par noftre Seigneur Iefus Chrift, voire nous fortifie iufqu a la findaquellc (corne
nous elperons,&: tant que nous pouuons voir lclon les hommes ) lèra en bref, car nous
auons eftéce iourdhuy,quieft Vendrcdy,au matin prefentezdeuant les iuges, lcfqucis
nous ont dit qu'ils cftoyen t alîemblcz pour iuger noftre procez.ic nc m'eitonne pas s'ils
fe fontaflcmblez. voire totalement bandez,puis queiadis il nous a cfte prédit qu'ils s-
Pfciua» afTemblcrenc contre Dieu &: fon Chrift. le vous prie, mes frcrcs{ comme aulH font mes
compagnons qui iont auec moy ) de ne vous endormir point tains que veilliez & priez
pour nous, à ce que noftre bon Dieu parfacecc bel ccuure lequel paria grâce il a com-
mencé en nous, & que fon bon plaifirfoit nousauoir agréables en fon Fils noftre Sei-
gneur Iefus Chrift , afin que luy puiflions rendre vne obeiftance volontaire, & qu'il aie
pour agréable le facrifiecque nous luy offrions. Et de noftre paî t nous nous prelentons
deuant fa face, nous humiliant fous fa puiffante main, pour le prier qu'il nous encoura-
ge par fon S. Efpnr,afin que par lafoy que nous auons en luy par Iefus Chrift,nous puif-
lions furmonter toutes tentations icy bas:&: que menace,perfecution, neglaiue,nef/..'u
ne foyent pour cftonner noftre chair, -mais qu'en la vertu d'icellcfoy nous allie ns cen-
ftamment &c alaigrement hors des portes , portans iur nous fon opprobre. C ar cer-
tes,mes fi ères &: bien aimez, c'eft bien raifon que nous foufTiions pour fon nom &: auec
luy, il nous voulons participer à les biens. Voila mes frères, ce peur <,u'ii a pieu a noftre
Dieu me donner pour me confolcr auec vous: vous priant derechef uio;r mémoire de
nous. Car vous voyez comme noftre bon Dieu conduit &gouucrne tout p. rfiDiuine
prouidcnce.Tant mes frères qui font auec moy , que me/ auflj , vous prie ns de nefire
nullement troublez de cecy que ie vous mande, côi ne îic'efloit quelque chofe Jenou-
ueau:maisqu'auccpatience vousattendiezeebon Dio ,lequclic pue vous maintenir
toufiours en fa garde, &: de nous donner vraye pcrfeuei . -\cc en celte tent fair.&c &.Lu u
reufe vocation à laquelle il nous a appelez, au nom denuftre Seigneur Iefus Chrift,&:
en la vertu de fon S. Efprit. Ainfifoit-il. Ce Vendredy api es difner.
S ENS VITla morni» trpitdefTus-dits,aflàuoir de Louys de Marfac,dc Ton Ci u.:n , & d* t Aicnne.
pE Vdeioursapresfutprbccdéàl execûtion comte L ouysdcMa;fa'«:,ion C ..fîn,&:
Eftienne Grauot, compagnons au mefme combat, le/quel.ei ù. n l le recturenten
ladite ville de Lyon vne mefmerentence de condamnation, deftie bruflcz vifs.Lt s lu-
ges après auoir rendu icelle fcntencc,s'eft on nerent grande ment , voyans que ces t eis
perfonnagesaulieu d'cftreefmcus de quelque horreur ou apprchcnficndvric mort fi
prochainc,rcndoyét grâces à Dieu , tous ioyeux dcl hôneur ineltimable qu'il leur prè-
le m oie
Recitctlfiftoirc-*. 264,
fentoit d'endurci pour fon nom: de forte qu'au fortirdu parquet ils commencèrent à
chanter vnPfeau me. Mais le Lieutenant ne pouuant plus dilîimuler, de defpit qu'il a-
uoit de ce que lefdits personnages n'eftoyent autrement efmcus , commanda qu'on les
n*ft taire:& au Sortir dit ces mots, Faut-il qu'vn tas de coquins s'eileuent contre vue mo-
narchie? Lors ledit de Marfac print vn petit coin du lieu où ils eftoyent: &: fc mettant à
deux genoux , commença à puer Dieu. Et il y eut vn des fergeans qui le vouloit empef-
cher. mais Eiliennc luy dit, Y a-il raifon de nous empefeher maintenant de prier Dieu?
A celle voix Je Sergeant eut quelque frayeur,& fe retira incontinent. Or vn peu dçuac
que Sortir de la priion pour les mener au lieu du dernier lupplice,on mit aux deux , affe-
uoir au coufin dudit Marfac &: audit Eftienne,à chacun vne corde au col.Louys de Mar
fac ayant attendu la m cime liuree, voyât qu'au fortir on ne la luy prefentoit point,pour
quelque regard que les luges auoyent eu , d'autant qu'il auoit feruy le Roy , ayant efté
des ordonnances: prefentlc Lieutenant & ceux de la lufticequi là eftoyent, demanda Marfac Je-
à haute voixfi lacaufe defes deuxfreres eftoit différente de la fienne,adiouilant ces
mots auec prière, Helas ! ne me refufez point le collier d'vn ordre tant excellent. Lors chrift,
le Lieutenac di t , Puis qu'ainfi eit,qu'on luy baille vn licol comme aux autres. Cela fait,
furent menez au lieu du fupplicc ,accompagnez de quatre Cordeh'ers , &c d'vn nombre
de fergeans, qui expreffément enuironnoit la charreue,afin d'empefeher çes trois per-
fonnages de parler au peuple. Eftans venus audit lieu du Supplice , ils furent haftez , &c
incotinent attachez au pofteau , les fagots difpofezàl'cntouri&rainl) enuironnez com-
mencèrent tous trois à chanter à haute voix ic Cantique de Simeon, Or laiiTe Créa-
ceur,&c. cependant que le bourreau mettoit le feu à l'enuiron , qui toft après confuma
les corps de ces trois Martyrs.
QV ATRIEME LIVRE
DelhiftoiredcsM
arty
rs.
Xcat des ihoju aduenues durant la ma!adie>& après la ntortd' EDOV +4 RD
V I y roy d'Angleterre.
E Roy Edov a r d eftant malade, le duc de Northumbeland
i(qui loi s manioit les affaires à Son plaifir ) consulta auccques le
I duc de SufFolc,pour luy faire bailler fa fille en mariage à Son fils.
Icyiene me veux arrefterà enquérir lesmyfteres de ces nop*
ces,nô plus que la maladie du Roy , &: les Secrettes requeftes du
Duc:&nelesveuxpourfuyureàprefent par conie&ures corne
à la tracc,confideré qu'il nous eft plus ailé de déplorer le j>ane,
que de l'amender, Tant y a que la choSe va ainfi: Cependat qu%
ils font leurs nopees en vn temps fi incommodc,lors que tous e^
ftoyent en dueil, Edouard rby de telle eiperance,pieté & fauoir,que ie ne fay fi ïamais l'-
Angleterre en auravn fcmbiable,eftoit en extrémité de maladie. Et pour le faire court,
les nopees finies, comme le Roy empiroitde iourà autre, fi que Sa vie eftoit deSeSperee,
on pratiqua par le moyen de quelques vns, non toutesfois fans le confentementdes E*
ftats &: de tous les Iuiifconiultes, que le Roy lailferoit par fon teftament de dernière vo-
lonté, lafucceffion héréditaire du royaume à cefte I a n e fîlle'du duc de Suffblc, petite
niepee de Henry huincme,de par fa fceur,fans auoir efgaid à Ses deux Sceurs,Marie &:E-
lizabcth. Vnfeulïunfconfulte Halefius, afFe&ionç à l'Euangile luge autant entier
qu'il en fuir en toute l' A ngleterre,fauorifant à Marie,ne voulut foubfigner : duquel s'il j
p laift au S eig n e u r,nc u s fc ro n s cy a p tes plus grand récit,
Y.ii.
M. D.LIH.
Iane fille du
duc de Sut-
foie.
Halefius in
haa-
dics.
LiurfU Il IL Récit Hftftoirc.
Ce s cho(esainfiordonnces& fignees par tous, Edouard icunc roy d'Angleterre de
fi grande attente, aagé de feize ans, eltant opprefle par la violence de la maladie nô en-
cores alTezcogneué, le feptieme an de Ton règne, le lixiemc iour de Juillet ,& trois hcu-
Parolles no res dcuant fa mort, adrelfa Tes dernières prières &C loufpirs à Dieu : Se ne penfant point
totlci. ^ perfonne l'ouift , profera denant la mort ces parolles : Seigneur Dieu deliure-moy
de celte miferable &: ennuyeufe vie, &: me reçoyen ta compagnie: toutesfois non la
mienne, mais la tienne volonté foit faite. Seigneur, ie te recommande mon efprit. O
Scigneur,tu fais combié ce leroit choie heureule pour moy d'eltre auec toy: mais à cau-
fc de tes efleus garde celte vie, &: merenma première fanté : afin que ie puitfe m'em-
ployer vrayement à ton feruice. Seigneur Dieu,beny ton peuple , fois luy propice& fa-
uorablc,&: (auue ton hericage. Seigneur Dicu,preferue ton peuple eileu d'Angleterre.
O mon Seigneur Dieu, defen ce pourc royaume de tout erreur Papiltiquc, &c maintien
ta vrayeReligion,Ôc le feruice de ton nom, afin que moy & mon peuple puiflions louer
&r célébrer ton S. nom. ^ Lors il retourna fa face ,& vid qu'il y auoit des gens auprès de
luy,&; leur dit, Eites-vous fi près de moy s ie penfoye que fumez plus loin. Adom Jedo-
deurOvvcndir, Sire, nous vous auonsouy parler, mais nous nations pa« enrendu les
L« derniers parolles. Lorsil dit ie prioye Dieu. ^Or les derniers mor<; qu'il profera, furent ceux-cy:
prier» da Seigneur,ie n'en puis plus:aye mercy de moy,&: reçoy m 01 1 efprit . & à l'heure mefme il
foy E- le rendit en prelence de meiîlre Henry Seduey,& meflîre Thomas Vrots,chcualiers,&
aouarc1' deux gentils-hommes de la chambre priuce,ô£ du docteur Ovvcn,&: du docteur Vven-
dic, &c ChriltophlcSalmon. ô£ quanti quant quafi tout lebon-hcur& excellence des
Anglois périt auecques luy.^ Adonc les affaires des Angloiscftoycnt en poure& mife-
rable eitat,aggraué par les inimitiez mortelles entre les nobles &: le vulgaire. Edouard
mort, celte lanc luy lucceda au titre royal, bien du contentement de la nobleife,mais à
fon grand regret:&: incontinent fut criee&: publiée Roine,voirc mefme receué , tant à
Londres que par quelques autres villes plus célèbres. Celte ieune PrincclTe cltoit de
mefme aage,à peu près, que le roy Edouard: qu'elle furmontoit nonobltant en érudi-
tion, lettres &: langues, ayant eité apprife fous Iean Aclmer, homme trclTauant.
S v r ces entrefaites, Marie aduertie de la mort de fon t rcre,ctrchoit de ie mettre en
feureté par fuittes &c cachettes , fe fiant à la faneur du c6mun,bien qu'il peut eltre qu'-
elle n'eltoit deltitucc d'intelligence auec la noblclfc. Le duc de Northiïbcland voyant
fbn opiniaftix-tc,& que les choies n'alloycnt félon fon fouhait, alTembla la plus groife
armée qu'il peut, &fc mit en campagne pour pourfuyure ladite Marie. Il luy euft elté
ailé, comme il fembloit, de la réduire en fa puilfancc,8£ mettre fin à celte cntrcprifc,sil
luy eult elté loiliblc de fuyure fa pointe félon fa véhémence &c imperuolîté. mais pour-
autantquelc royaume eltoitencores frais, &: n'ofoit rien attenter de fon authorité pri-
uee, force luy cltoit de manier tout l'affaire félon l'aduis &: délibération du Parlement:
û qu'on luy ordonnoit le chemin qu'il deuoit faire, lesiours , comment & combien il fe
deuoit auancer par chacune iournee,& luy eitoïc autant peu licite que leur d'outrepaf-
fer les mandemens qui luy eltoyent faits. Cependant Marie allant çà &c là , &: trauaillee
de tant chemincr,cn fuyuant les lieux leurs, finalemët fc rendit aux marches de North-
folc& de Surfolc-.où elle lauoit que le nom du Duc cltoit hay, à raifondela récente def-
faitedespaifans. Là ayant amafle d'vne part & d'autre lécours du peuple, fe tint quel-
que temps au chalteau de Freminghamcn.
Ceux de Ce v x deSuffol^quitoufioursonteltélinguIieremcnc arfe&ionnezà auancer TE-
tent aideT uanguc)flccoururent tous premiers à elle, offrans faider de leur pouuoir , pourucu qu'-
la roine " elle ne châgeall rien de l'eftat de la Religion que ion frerc Edouard auoit înltituc. Pour
Mjnc- le faire brcf,clle accepta celte condition,^ donna lafoy , de forte que chacun fe tenoit
pour aifeuré.Que fi puis apres elle cuit autant conltammcnt gardé les paches,qu iceux
la défendirent hanchenu nt d'armes de corps, elle eult fait vn acte digne de noblelfc,
& euft rendu fon royaume plus ferme &: paifiblc , &£ de plus longue durée. Car quelque
puisante que puilîè eltre la perfonne, ce neantmoins à grand' peine la delloyauté peut
Marie mu- connfter longuement, encorcs moins la terreur,& fur tout la cruauté. Marie ain/î mu-
nie du fe- nie du fecours des Euangcliiles, contraignit quant&r quant les autrcs,& le Duc mefme
mn 'ehftcj" ^C ^ rcnc*re- ^r *cs cn°fcs ainfi aduenues, on trouue fort elt range la refponfe qu elle fie
' à ceux de Suffolc,qui la fommoyent par vne requefte de garder la foy promife. Pourau-
tant(dit-clle)quevouscltuns les membres, voulez nonobltant gouuctner voftre chef,
vous
vous entendrez finalement que les membres doyuent eftrc au de/Tous,&: non au de/Tus
de leur chef.
D e ce temps & pour la mefme caufe vn noble feigneur nommé Dob,qui fe tenoit Lcfagqcur
pies de la ville de Vindan,fut par troisfois mené au milieu du marché, &: forcé de faire
amend'e honorable. Or il aduient ordinairement,(elon la couftume ordinaire des hom
mes,quc quand nous auons bcfoin de laide d'autruy, nous fommes plus prompts à cer-
chcr fa bonne grace,que prefts à rendre le pareil après auoir receu le plajfir. Mais il va
bien qu'il refte vne confolation aux miferabîcs humains:c eft qu'encores que lafoy &e-
quitéloyétforclofesdela terre,& nefetrouuent parmy les hommes: fi eft-ce qu'elles fe
trouucront au ciel par deuers le Seigneur pour tout certain. Mais pourautant que nous
récitons îimplementl'hiftoire, lailTons là vn peu ceux de Suffolc, fans autrement en-
quérir combien ils ont meriré entiers la Roin e par leur promptitude & diligéce . quant
à la recôpenfe faite par elle,le fait écoute I hiftoire de ccft e persécution la déclare haut
&; clair. ^Voicydoncques maintenant Marie deuenue Roinedefugitiue,tellemêt ef-
chappee de grands périls &: terreurs,qu elle ell terrible aux autres.Elle a maintenant le
glaïue en la main, qu elle a exerce contre les fidèles à la mode & façon que nous vcrrôs
cy après : & premièrement contre celle Princefle tant noble &c vertueufe.
I A N E G R A Y E, fille du duc de Suffok.
ï. acre toutes 1« femmes d'Angleterre uuf.judies de ce temps le Seigneur a manifefté fa cognoiffance , cefte Iane de Sutfolc fe
trouuera auoirefte la perle : non feulement j our les dons & grâces fîngulieres qu'elle aur>it,mais furto ut pour la conftàce ad-
mirable que Dieu luy a donnce,de maintenir fa fainfle doctrine au milieu d'vn royaume de nouucau reuolté cotre l'tuâgile.
PRES que Mane,comme dit a efté, fe vid ainfi exaltée parles Euageliftes, ^ J ^
&C fes ennemis domtez,tout luy eftre feur, elle fe partit du camp pour venir fon entpri
.à Londres, ou elle fut t eceue à grand' ioye extérieure de quelques vns,mais fondement .
'pour crainte de la plus part : par flatterie excellîue de tous. Là tout premie-
rcmeiitcllc dédia l'entrée de fon règne par le fang de cefte ieune dame Iane : laquelle
elle fit conftitucr prifonniere à fa venue,&: toft après exécuter auec fon mary.Et côbien
que les ennemis d'icelle doctrine , voulans obfcurcir les grâces du Seigneur par ce pré-
texte qu'elle auroit efté exécutée pour crime d'auoir afpiré à la courône,contre le droit
de légitime fucceflîon: ce neantmoins il a efté cogneu qu'à (on grand regret elle auroit
efté proclamée rome d'Angleterre:&: que le tout s'eftoit démené par Iean duc de Nor-
thumbeland homme feditieux, pour attirer la couronne en fa maifon , ayant allié pat
managé Guilford Dudley fon hlsauec ladite Iane. Noithumbeland en receut fon
falaire puis aprcs,&: fur decapité:acconfuyui au mefme fupplicc du duc de SufFolc. Les
autres nobles furent feulement punis parla bourfe,de leur rébellion. Quant à Iane, il
eft ailez notoire que Marie fa couhne ne l'affligea pour autre caufe que pour haine de la
Religion, qu'elle maintenoit auec telle conftance& intégrité , que les ennemis en e-
ftoyent eftôncz.Et qu'ainiî foir, quatre iours deuant qu'elle endû raft la mort: Feknam,
qui depuis fut eileu abbe de Vveftmunfter,fut enuoyé vers elle du vouloir de la Roine,
pour la diuertir de cefte conftance,& de fa foy & religion:^ pour la réduire à la discipli-
ne Papale,&: ramener au bon chemin, comme ils eftiment . Nous auons penfé qu'il fe-
roit bon de mettre icy le fommairedeleurdeuis &: confcrence,cn la forte qu'elle l'a re-
cueillie &c publiee;à ce que le lecteur en puiffe donner fon aduis.
La conférence entre le docteur Felznam & Iane fille du duc de Suffolc, quatre iours auant qu'elle cuit la telle trenchee.
Fe k h a m, Madame, iay grand pitié de voftre piteufeaduerfité: toutesfoisie ne dou-
te aucunement que ne porticzceftefaicherieconftamment&: virilement. Iane, Vo-
ftre venue m'eft bienaggrcable:pourucuque vous y foyezvenu pour me donner quel-
que ex horration Chrcltienne. Au regard delafflidion , tant s en faut ( grâces à Iefus
Chnft)qu'elle me foie ennuycufe,que ic l'cftimc vn figne de grade faueur Diuine,&tel-
le qu'oneques il ne me monftra.Parquoy il n'eft befoin que cefte chofe tant à moy iàlu-
taire vous contnftc,ou ceux qui me portent faueur. F e k n a m, le fuis icy enuoyé de la
part de la Rome & de fon conieil, pour vous inftituer en la foy catholique: bien que i'ay
opinion que n'en auez aucun befom, I a n s > Certes ie remercie la maiefté de la Roine*
Y.iii.
Liurc^j 1 II L Jane Cjrayc^>.
qui a fouuenâce de moy fa poure fubiettc:enfemble îe me fie que vous vous acquitcrez
faindcment apurement de la charge qui vous eftcniointe. Fe kn a m, Quellechofe
eftrequifeàvn Chreftien? Iane, Ceft de croire en Dieu le Pere, Dieu le Fils, Dieu le
S.Efprit:troisperlbnnes&: vnDieu. Fe kn a m, N'y a-il autrechofcrtrquîicà vn Chre-
ftien, linon de croire en Dieu? Iane, Si a bien: il nous conuient croire en luy , l'aimer
detoutnoftrecœiir,detoutenolheame,&:detoute noftrepcnfee:& noftre prochain
comme nous-mefmes. Fe kn am, Il s'enfuie doc que la foy ne nous îulhht pas. Ïa n e,
Rom.3. Sifaïc veritablcmentda feule foy,commeditS. Paul nous iuftific. lt km a m, Pourquoy
GiUw. donc dit S. Paul, Si nous auons toute la foy,&: que n'ayons charité, il ne proticerien? Ia-
ne , Il eft vray:car commet puis-ie aimer celuy auquel le nefpere point . ou cômepuis-
ie eiperer en celuy que ie n aime pas:Foy & chante font coniointes cnfemblc:& encore
amour efteompris fous la foy. Fe k n a m, Et comment deuons-nous aimer noftre pro-
chain5. Ian e, Aimer noftre prochain, c'elt donner àmanger à celuy qui afaim,reue-
ftirceux quifont nuds,& donner à boire à celuy qui afoif,& luy faire comme noJs vou-
drions qu'il nous fift. Fe knam, Donc il eft neccifaire pour le falut de faire bônesceu-
ures,& ne furfit pas de croire. Iane, Cela ne s'enfuit pas:car il eft certain que par la foy
nous fommcsfauuez : mais il eft necciîairc que les Chrefticns pour fuyure leur Maiftre
IefusChrift,faccnt bonnes œuuics. Or ce n eft pas pourtant adiré qu'elles profitent
pour le falut. car combien que nous ayons fait tout ce que nous pouvions fane , encores
Luc 17. fommes-nousicruiteurs in.utilcs:tellement que la feule foy au fangde Chnft nous iau-
Suaemens. uc. F e knam, Mais combien y a ildeSacremcns? Iane, Deux:rvncftlelacrement
du Baptefmc,&: l'autre eft le facrement de la Ccne du Seigneur. Fe knam, Non,ily
enafept. Ian e , En quelle Efcricure le trouuez-vous? Fe k n am, Nous en parlerons
cy apres:mais dites moy,quefignifîét vos deux Sacremens? Iane, Parlefacremcntdu
Baptefme ie fuis Iauee d eau,&: régénérée par l'Efprit:&: ce lauemet meft vn ligne que
ie fuis enfant de Dieu. Le facrement de la Cene du Seigneur m eft donné pour leur tef-
moignagc&feau que ie fuis participante du royaume éternel parle Iang de Chnft qu'-
il a efpâdu pour moy en la croix. Fe k m a m, Que receuez-vous en ce pain .? ne receuez-
vous pas lccorpsà: fang de Iefus Chrift? Iane, Non. pour vrayie nelecroypas ainfî
que vous autres l'entendez : car en la Ccne ie ne rc çoy ne chair ne fang corporel , mais
du pain $£ du vin : lequel pain quand ileft rompu, & le vin quand il eft heu corne le Sei-
gneur la ordonné,nous fommes faits participans du corps 6c du Iang de Chnft, quia e-
fté rompu & efpandu pour nous:& aucc ce pain &: vin ie reçoy les bénéfices qui font ve
nus par le brifement de Ion corps , & par l'crfulion de fon fang en la croix pour mes pé-
chez. Fe knam, Comment? Chrift ne dit-il pas ces parolles, Prenez,mangez,c'eft-cy
mon corps?&:c. Demandons nous paroi les plus manifeftes? ne dit- il pas que c'eft fon
corps? Iane, l'accorde qu'il die cela:& aulli il dit,le fuis la vigne,ie fuis l'huisimais né-
anmoins il n'eft ne vigne ny huis. Si ic mangeoye le corps matériel , ou beuuoye le na-
turel fang de Chrift, ie me priueroye de ma redemptiomou il faudrait qu'il y euft deux
corps en Chrift:car comme vous le prenez, ii les Apoftres ont mâgé le corps de Chrift,
il s'enfuit que ce corps qu'ils ont mangé n'a point efté rôpu en la croix.ou s'il a efté ropu
en laeroix,lcsApoftresnel'ontpoint mangé. Fe k n a m, N'eft-ilpasaufiipolïiblc que
Chrift par fa puilfan ce pu iife faire que fon corps foit mangé&aulli rompu, corne ilelt
pofiible qu'il ait efté nay d'vne femme fans {eméce d'hommc,&: comme il a marché fur"
la mer ayant vn corps, &c félon tels miracles qu'il a faits par fa puiftance ? Iane, Ouy
véritablement, Ci Dieu euft voulu auoir fait vn miracle au louper où il inftitua là Cene.
mais ie dy que fon intention à cefte heure-là n'eftoit point de faire aucune œuure mira-
culeufe-.ains fculcmét d'inftruire & de dôner à cognoiftre qu'il eftoit noftre vrave nour-
riture en viande éternelle. Or ic vous prie donnez moy rciponfeà celle queftion,Où e-
ftoit Chrjft quand il dic,Prencz mâgcz,c eft-cy mon corps?n'cftoit-il pas a rableril eftoit
àcefte Iwure-la viiiant,&:nefoufriitpasiufques auiourenfuyuanr. Que pnnt- il linon
du pain;&, que donna-il finon du pain r&: que rompit-il linon du pain? Notons que ce
qu'il print, il le rompit:&: ce qu'il rompit , il le donna:& ce qu'il donna , cela mclme fut
mangéî&toutcsfoisccpédantluy-mcfme eftoit aflis au louper entre fesdifcipies.F e k -
nam, Vous tondez &c appuyez voftre foy fur des autheurs qui difent, Ouy ôc Non: àC
qui afferment, puis fe deiUifent:&: non pas tur l'eglife à laquelle vous deuez croire. I a .
k £ , Non fay rie fonde ma foy fur /aparolle de Dieu , àc non fur l'eglife : car fi l'eglife
eft
eft vraye Eglife,lafoy d'icelle doit eftre approuuee par la parolle de Dieu, &: non pas la
parolle par l'eglife,ne ma foy aufli.Croiroy'-ie l'eglife à raifon de ion antiquité? ou don-
neroy'-iefoyàcefteeglifc-la,quimedefrobe &C dénie vnc portion du foupper du Sei-
gneur qui ne veut fouffrir qu'vn homme laic,comme ils appcllét,le reçoyue en deux
efpeces.?&: qu'il appartient à eux feulemét quife difent gens d'eglife , nous priuans d'v-
ne pâme de noftre faluation?Ie dy que c'eft vne eglife maligne : ôc non pas l'efpoufe de
Chrift,mais celle du diable,qui change la Cenc du Seigneur,cny adiouftât & d iminu- Apoc.it
ant:iedyq Dieuluy adiouftera&: multiplierales playes qu'il a ordônees pour telle e-
glile,& qu'il luy diminuera defa portion du liurè de vie. Vous n'auez pas appris cela de
fain& Paul, quand il adminiftroit la Ccne aux Corinthiens en deux efpeces. Croiroy'-
ie(dy-ic)à celte eglife-la.? îan'aduienne.F e kn a m ,Celaeftoit fait à bonne intention,
poureuitcrvne herefic qui s'y commcnçoit.I a n e , Pourquoy changera l'eglife la vo-
lonté de Dieu finies ordonnances, kir bonne intention ? comment ordonna Dieu du tSam^
roySaul,auec routes Tes belles intentions ? ^Feknam me voulut perkiader de croire
btauc oup de choies, ce qu'il ne fit pas.& y eut pluueurs autres propos entre nous:mais
voila les principaux. Ainii eft-il, fane Dmlley.
Qv and Feknam vid qu'il ne pouuoit rien gagnerai prind congé d'elle,en luy di-
fantqu il efloit grandement delplailant pour l'amour d'elle. Car( dit-il ) ie fuis affeuré
que ïamais nous ne nou s trouueronsl'vn l'autre. Il cft vray,refponditIane,fi vous ne fai
tespenircnce,&: vous retournez à Dieu: car vous eftes en mauuais erreur, le prie Dieu
que parla mifericorde il vous donne Ion S.Efprit : & comme il vous a donné quelque
don de langue,aufïi qu'il luy plaife vous illuminer le cœur à cognoiftre la verité;& ainlî
le départit.
N O V S auor.s icy inféré vnc Epifhc qu'elle cfcriuit en vulgaire Atidois à vn perfonruge, qui par crainre du monde & par
ambition s'ettoit deltotirnc du bon chemirklacjuelle cft pleine de doctrine &: de pictc:& de mot à mot traduite,cefttieot
ce cjuc (enfuit.
P^3V AND icreduy en mémoire les tcrribles&: redoutables parolles deDieu,que LuCj>
^^. tiuy qui met lamain à la charrue & regarde derrière luy,n'eft point digne d'en-
trer au royaume des deux: &: d'autre part que ie coniidere les parolles confortables &:
douces de noftre Sauueur Icfu sChrift,qu'il adicffe à tous ceux qui renoncer à eux mef-
mes&: l'enfumcnt'iay grande oceaiion de m'efmerueillcr &: de lamenter pour toy, qui ,
rt • • 1 j /-m tl <> ri t-sfi Matth.10
au tcpspalleeltoisvn membre viuant de Chnlt,&: maintenant tu es vn elclaue diftor
me du ikablc:autresfois le plailant temple de Dieu, mais à preient vn infect canaldu
diable autrclfois e(pouredeChrift,mais à prcl'ent le defhonté paillard de l'Antechrift:
autreffois mon frcrefidele,mais maintenanteftranger & apoftat : voire mcfmeautref
fois vn ferme & alleuré champion de Chrift,mais maintenant rcuolté & fugitif.Toute
les rois, dy-ic,quc ie coniidere les menaces & promeuves de Dieu cnuerstous ceux qui
l'aiment fidelemem,iekiis contrainte de parler à roy,voirc pluftoft de crier après toy,
Toy i'e mence de Satan,& non pas deluda:quc le diable a deceu, que le monde a trom-
pc,&: le deiir de cefte vie milerable a fubucrty,&: fait d vn Chrefticn vn infidèle. Pour-
quoy as-tu pris le teftament du Seigneur en ta boucherpourquoy as-cu maintenant de-
dié ton corps aux mains fanglâtcs des aduerfaires &: cruels tyrans? Pourquoy as-tu par
cy deuant inftruit les autres d'eftre fermes en Chrift, &: maintenant toy-mefme abufes
du Tekamcnt& delaLoydu Seigncurrtoy qui as prefché qu'on ne defrobe, tudefro-
bes trefabt>minablement, non pas les hommes, mais Dieu : &: comme vn facrilege tu
defrobes Chrift ton Seigneur du droid de l'es membres-.^ defrobes &: defraudes & ton
corps K ton amc,quand tu te monflres aimer mieux viure miferablement auec honte
en ce mcnde,que mourir &: régner en gloire &c honneur auec Icfus Chrift,auquel en
mourant on obtient la vie.C.cferoit maintenant que tu te deurois monftrer vertueux:
caria vertu efforce n'eft cognac que quand oneftaiTailly-.maisaucôtraire tu te caches
deuant qu'on te pourkiyue. Miferablc& mal heureux qu'es-tu fi non poudre & cèdre?
veux-tu rclîfter à ton Createur3qui t'a formé & fait ? as-tu vouloir d'abandonner celuy
qui t'a appelé d'vn poure lieu de peager entre les Romains Antechrifls, pour eftre am-
bafiadeur&: meflagerde la parolle éternelle i Celuy , dy-ie, qui t'a eftabli,&: depuis ta
creatiô &: nat-uitc t'a preferué,t'a nourri &: gardc,voire &c infpiié l Efprit de fa cognoif-
fance(ic n'oie pas due de gtace)n'aura-il point la iouùfancc de toy ? Ole tu bien te don-
y.iiii.
L'mre 1111. Jaruu Çraye.
ner àvnautre,veuquetu n'es point à toyfCommentofes-tuainti mefprifer la Loy du
Seigneur,&enfuiurc les vaines traditions des hômes?&: au lieu que tu as efté profelfeur
pubJiquedc Ton nom.eftre deuenu vn renicur de fa gloire?Tu refuies le vray Dieu,& a-
dorcs les inucntxns jes hommes , le veau d'or , la putain Babylonique, la religion Ro-
maine,l'idoIe abominable delà Meifetrefabominable. Veux-tu encores tourmenter ôc
defmembrer le trefpfeeieux corps de notfcie Sauueut Ieius Chrift de tes dentspuantes
Se charnellcs?nc te (ufrït-il point qu'il ait efté rompu pour nous en la croix , pour nous
conferueremiersdeuâtlamaiefte de Dieu fon Pere? Oies-tu bien entrepredre d'offrir
aucû làcrificc aDieu pour nos pechez,coniïderé queChnft luy-melme,côme dit iain£t
HcU w Paul,s'cft offert en la croix en facrifice viuant, vne fois pour toutes? N'es tu pas efmeu
de la punition des Ifraelites, laquelle ils ont endurée iigricue&: foouent pour leursi-
dolatries?les menaces terribles des Prophètes ne t'elmeuueut-clles pas.?n 'as-tu pashor
reur d'honnorer vn autre dieu que le Dieu viuant &: éternel î n'as-tu pas cigard à celuy
qui n'a point efpargné Ion propre Fils pour toy î veux-tu attribuer honneur aux idoles,
qui ont bouche ÔJ ne parlent point,yeux &c ne voyent point, qui périront comme ceux
qui les font ? Que di: le prophète Baruch , recitant l'epiftre de Ieremie efente aux Iuifs
captifs,lcs adueitiiî'ant qu'en Bibylone ils verroyent des dieux d'or &c d*argent,de bois,
de pierre portez fur les efpaules des hommes , pour donner crainte aux Gentils?
Maisnclcscraignez point difoit-ihcar quand vousapperceurez les autres qui les ado-
rerontjditcsen voscuturs, C'efttoy,Scigneur,qu'ilconuient adorer feulement : carie
charpentier en a ordonne le bois,& les a ornez, voirc& font dorez d'or , & efleuez en
haut en argent &. choies vaincs,& ne peuuent parler . Il monftre dauantage leur abus
en leurs accouftremcs,cômc les preftres on: accouftré leurs idoles de toute façon, telle-
ment que l'vn tiét vn fceptrc,l'autre vn poignarc en ia main:&:pour tout cela ne peuuêt
iuger aucune cholc,ne fe défendre ne garentir de la vermine ou rouillurc. Voicy les pa-
rolles que leur ditleremic.cn quoy il approuue que c'eft choie vaine,&qu'elles ne font
pas dieux. En la fin il conclud ainlî, Confondus foyent ceux qui les adorent, &c. Ils ont
efté admonneftez par Ieremie,&: tu en as admonnefté les autres comme a fait Ieremie,
& tu es admonnefté aufii en tanc de lieux de l'Efcriture fain&e.
Exodcio Di e v dit qu'il cil vn Dieu ialoux,lequel veut qu'on luy attribue tout honneur &
gloire,&: qu'on l'adore feul: & Iefus Chrift au4.de S.Luc , en parlant à Satan qui le ten-
toit(qui eft celuy mefme Sata,ce Beelzebub,cediable qui t'a ainfi fubuerty) Ileft eicrir,
dit-il Tu adoreras le Scign.ton Dieu3& à luy feul tu feruii as. Ce paifage & les autres fé-
blables te defendent,ôc a tpusChrcfticns, d'adorer aucun autre Dieu que celuy qui e-
ftoitdcuant tous les iiccles,&: qui a fondé le ciel&ia tcrre:&: tu le veux delaifîér, hono-
rant vne idole det cftablc inuentee par le Pape de Rome, & par l'abominab le fecle des
Cardinaux?Chrift s'eft offert vne fois pour toutes,& le veux-tu offrir encore iournelle-
ment à ton plaifir?Mais tu me refpondras que tu le fais par bonne intention. O fourec
iSarai dépêché ! O enfant de perdition !fonges-ru là vne bonne intention,oùtaconfciécete
donne tefmoignage de lorfenfe de Dieu &c de l'ire du Seigneur? Autant en faifoit Saul:
lequel d'autat qu'il n'auoit obéi àlaparolledeDieu , pourvne beneintetion qu'ilpre-
tendoit,fut reietté &: priué de fon royaume.Toy qui effaces ainfi l'honneur de Dieu,&
luy defrobbes fon droit , penies tu auoirlc royaume celefte&: éternel? veux-tu ietter
Chrift du ciel pour vne bonne intétion,&: faire que fa mort foit vaine,& annuller le tri-
omphe de fa croix,le facn riant ainii àtonplaifir? veux-tu aufiî ou pour crainte de mort,
ou efpoir de viurc,denicr ou reictter ton Dieu,qui a enrichi ta pouretc, guairi ton inflr
mité,&:reftitucen vraye ianté,(i tu l'euflesgardeeîNe côfideres-tu point que le fil de ta
viedepéd deceluy qui t'a fait?qui eft celuy qui peut à fon plaifîrdoubler lcfil pour plus
durer,ou le defdoubier pour cftre pluftoft rompu,finon luy? Te louuiét-il point q le no
bleroy Dauid te le déclare au Pfeau.104,011 il dit, O Seign.qua tu retires ton efpntdes
homes, ils meurét &: retourner en poudre: mais quad tu leur trâimets , derechef tu les
remets en vic,&: rcnouuclles la face de la terre?Remets,rcmets en mémoire la parolle
Ican 11 S *ems a ditc,Qui aime & vie,il la perdra:mais qui la perdra pour mô nô , il la trouuera,
&c en l'autre pailage,Quicô q umè pere ou mere pl9 q moy il n'eft pas digne de moy : car
Matih.io celuy qui veut eftre mô diilii >,ilfaut qu'il abâdône perc& mere& loy-mefme,& qu'il
port e fa croix & m'éfuyuc.Et qlle croix cft-ce?c'eft la croix d'infamie &c de hôte,de mife
ic&: pou rcté , d'afflictio Se pcHccutiô pour fon nô.Souffre q leglaiue tréchant de deux
coftez te i'epare de ces affligions môdaincs-.voire iufqu'ala moelle de tô cœur charnel,
Jane^Cjraye.
afin quetu puifTesrenier,& embraiTer Chrift. 6c tout ainfi que bonsfuictsnercfufent
point de mettre leur vie en hazard pour la defenfe de leur gouuerneur tempoi el , aufti
net en fuy pas comme lafche traiftre,du lieu où ton Capitaine Chrift t'a ordonne en
cefte vie. Bataille viiïlemenr,vienne la vie,viennela mort.c'eft la cauie Dieu:&: fans
doute la victoire eft à nous.Mais tu diras, le ne veux pas troubler perfonne , ne rompre
i'vnion.Qupy?tu ne veux pas rompre l'vnion d'entre Satan 6c fes membres , l'vnion des
tenebres,l'accord de l'Antcchrift 6c de les adherans.Ha, tu te déçois auec imaginatiôs
controuuees d'vne telle vnion d'entre les ennemis de Chrift. Les f aux prophètes n'e-
ftoyent-ils pas en vnionrles frères de Iofeph& lesenfansde Iacob ? les Gentils&: les A-
malechitesî'lesPhereliens &c Iebufiens n'eftoyent-ils pas vnis eniemble ? les Scribes &
Phariliés n'eftoyent-ils pas en vnion?Mais ie ne garde pas l'ordre. îe deuroye pluftoft re
tourner à ma matière. Leroy Dauid le teftifie clairement au Pfeaumez, Ils ont conue-
nu eniemble à l'encontre du Seigneur.voirc les larrons meurtriers 6c traiftres ont vniô
enfemble:maiS lois aduerty qu'il n'y a pas d'vnion linon où Chnft côioinct les fiens.mef
me fois du tout afTcuié que Chrift eft venu pour mettre en guerre 6c dmifionl'vn con-
tre l'autre,le fils contre le perc,la fille contre la merc:&: pource donne-toy garde d'eftre
deceu par la Iplendeurôi glorieux nom d' Vnion. cari Antechnfta ion vnion : encores
non pas en effect,mais en apparence feulement. L'accord d'vn chacun n'eft pas vnion,
mais pluitoft confpiration.Tu as ouy aucunes menaces, aucunes malédictions 6c aucu-
nes admonitions de l'Efcriture,adreifans à ceux qui s'aiment plus qu'ils ne font Iefus
Chrift: tu as ouy aufli les afpres&: poignantes parollesqui s'adreifent à ceux qui le de- M^
nient pour fauuer leur vk, Que celuy qui me nie deuant les hommes :ie le denieray de-
uant mon Pere qui eft es cicux:& en 1 epiftre aux Hebneux 6,Ceux , dit-il , qui ont efté
vne fois illuminez,&: ont goutté le don celeftc,& efté faits participans du fainct Efprir,
6c goufté la bonne parollc de Dieu & les puiiiances du fiecle à venir , s'ils retombent,
il eft impofiiblc qu'ils foyent renouuelez par penitence:entant qu'ils crucifiée derechef
derechef Iefus Chrift le fils de Dieu en eux-mefmes,& le diffamét.Et derechef il eft dit*
Si nous péchons volontairement après auoir receu la cognoiflance de la vérité , il ny a
plusd'oblatiôpourle péché, mais vne terrible attéte du mgcmctdu feu éternel qui de-
uorera les aduci faites. Ln iiiant ces horribles ientéces 6c menaces, ne trébles-tu point?
Bien,ii ces terribles &:eipouuantablcs foudres ne te peuuent efmouuoiràtcioindre à
Chrift 6c renoncer le monde:pour le moins que les douces confondons 6c promelîes
des Elcritures,que l'exemple de Chrift & fes Apoftres, faincts Martyrs &: ConfefTeurs
te donnent courage déplus vertueufement t'appuyer fur Iefus Chrift. Enten ce qu'il ^attj
dit , Vous eftes bien heureux quand les hommes vous outrageront 6c perfecuteront
pour mon nonitcar voftre rétribution eft grandies cieux:ils ont auffi perfecuté les Pro
phetes qui ont efté de uant vous.E feoute que dit lfaie,Ne crain point la maledictiô des
hommes,ne tefpouuante de leurs blafphcmcs&: outrages: car la vermine les mangera ^
comme drap 6c laine:mais ma îuftice durera éternellement , 6c mon falut de generatiô
en gencration.Qui es-tu donc,qui as crainte (dit-il) d'vn homme mortel , de l'homme
qui périt comme vn fleur.?3c mets en oubly le Seigneur qui t'a faict , voire qui a créé les
cieux 6c pofé les fondemens de la cerre.?Ie fuis le Seigneur ton Dieu , qui fay cfcumer&
enfler lamer,puislaren paifible. le fuis le Seigneur des armées. Iemettray maparolle
en tabouche,& tedefendray entournantlamain. Etnoftrc Sauueur Iefus Chrift dit à
fcsdilciplcsjls vous acculeront,^ vous mèneront deuant les Princes 6c Gouuerneurs luc2
pour mon nom, & en perfecuteront aucuns,& les occirôt: mais ne craignez point (dit-
il )6C ne lovez en fouci que vous direzrcar c'eft mon Efprit qui parle en vous. La main du
Trefhaat vous dcfcndra:car les cheueux de voftre telle font nombrez A'nuld iceux ne
fera perdu. le vousay taitvn threfor,laoù les larrons nepcuuêtdefrobber, ne la vermi-
ne ou tigne nelc peut corrompre :&vous cites heureux, fi vous endurez îufqua la fin.
Ne craignez(dic Chrift)ceux qui ont puilfanec îur les corps feulement : mais craignez Maul
celuy qui a puiJlance iur le corps & fur lame. Le monde aime ce qui eft fier» : fi vous e-
ftiezdu monde, lemôde vousaimcroic:maiS vous eftes à moy,&: pourcele monde vous eaQ/
hait. Que ces côfolatios & autres paroilcs fcblablcs de l'Efct iture vous douent courage
vertueux enuers Dieu. Qucl'excple des faincts perfonnages , tant homes que femmes
foit touiiours en voftre mémoire , comme de Daniel 6c des autres Prophctes,des Trois
enfans en la fournaife,d'Elcazar ce pere confiant des fept cnfans?dont il eft fait ment iô
Liurcj 11 IL Jane Çfrayc^.
es Machabees, de Pierre & Paul, Eftienne, &c autres Apoftres & faincts Martyrs qui
ont efté du commencement de l'Eglife,côme du bon Simeon archeuefquc deSeloma,
&c Zetrophohe,auec plulieurs autres infinis qui ont enduré fous Sapores le roy des Per-
ûens&c Indiens:lefquels ont mefprifé tous les tourmens dont les tyrans fefauoyentad-
uifer,&: tout pour l'amour de leur Sauucur.Retourne , retourne donc en la bataille de
Chrift:& comme vn fidèle foldat doit faire, pren les armes que fainft Paul nous enfei-
gne eftre necefîaires à vn Chreftien: &c fur tout pren l'efcu de la foy , &: fois incité à le-
P c ,ens xcmple deChrift de refifter au diablc& renoncer au monde,&: deuenir vn vray &fide-
le membre de fon corps myftique,n'ayant efpargné fon corps pour nos forfaits. Humi-
lie-toy en la crainte de fa terrible vengeance, pour cefte tiéne tant grade &c vilaine apo
ftafie,& te conforte d'autre cofté en la grace,fang&promeiTcs de ecluy quieftpreft à
te receuoir toutes fois &c quates que tu retourneras à luy.ne defdaigne point de retour-
ner auec 1 efant prodigue,veu que tu t'es efearté d'aucc luytn'aye vergongne de retour-
ner auecluy après auoir mangé le (on & l'ordure des cftrangcrs, pour maintenat iouu
des viandes délicates de ce Pere tref-benin &c mifencordicux , recognoilfant que tu as
péché au ciel ÔC en la terre:au ciel,pource quetu as cfteint,entant qu'en toy a elle , fon
fain&nom,&: donné occafion qu'on aitmal parlé delà treflacree &C pure parolle:en
la terre,en ayant ofFenféplulieursde tes frères débiles &c infirmes , aufquels tu as e-
fté en grand fcandulc par ta defe&ion &C foudain trebufehement . Ne fois hon-
teux de reuenir comme Marie , oc de plourer amèrement comme Pierre: non feule-
ment en refpandant les larmes des yeux corporels , mais aufii en iettant de bonne
heure l'efcumc du cœur pour nettoyer tout : afin que le Seigneur n'entre enfonhor-
LucxS rible iugement. Ne fois honteux de dire auec le Publicain , Seigneur , fois moy
propice,qui fuis miferable pecheunqu'il te fouuienne d vne hiftoire ancienne de Iuhe,
& depuis n'a gueres de la cheute lamentable deFrançois Spiera*qui n'eft de tat loin ad-
uenue qu'il ne t'en puiffe fouuenir.Tu deurois craindre le femblable:&: en l'oyat confef
fer,Helaslic fuis tombé en telle offenfe. Finalement que tu ayes vne viue mémoire
du dernier iour,& en quel terreur &c crainte feront tous femblables apoftats qui fe ferôt
deftournez arrière de Chrift,&: qui auront plus eftimé le monde que le ciehla vie , q ce-
luy qui la leur a donnée:& qui fe font deftournez de celuy qui onc ne les auoit abâdon-
nez. D'autre part ie ce lanlé à méditer les ioyes préparées à ceux qui n'ont redouté aucû
péril ne l'efpouuantahle mort:mais ont bataillé virilement , &: triomphé vi&orieule-
ment fur toutes puiffances de tenebres,par dcilus l'enfer,la mort &: damnation , par le
moyen du trefredouté Capitaine Iefus Chrift:lequel eftend fes bras pour te receuoir,8£
eft appareillé de t'embraiîcr,&: finalement te feftoyer, &couurir de fa propre robbe,
lequel s'il elloitpoflible qu'il peuft aller contre ce qu'il à détermine (ce qui ne fe peut
faire)voudroit encore iouffrir&efpandrc fon précieux tang pluftoft que tufuiles per-
du. Auquel auec le Pere ôc le S.Efpntfoit honneur, louange 6c gloire éternellement,
Amen.
Soi s confiant, fois conftant:ne crain point le tourment:C h r i s t t'a racheté, &:
le ciel eft encore pour toy.
S EN $ V I T vne exhortation que ladite dame Iane fit ta nuiâ: deuant qu'elle niftc*ecuteeJaqiielIcexhomtionellc eiaùiir
en la fin d'vn nouueau teftament Grec, qu'elle enuoya à vne lieune lecur nommée dame Catherine
gjg^E vous cnuoyc,ma bonne fœur Catherine , vn liure: lequel combien qu'il ne foie
glljlgpas polli ou orné exteneurement,&: reueftu d'or , ncantmoins intencuremét eft
plus digne quene font pierres precicufes.C'eftleliurc,chere iœurdel Euangiledu Sei
gncurx'eft fa dernière volonté 6c teftament qu'il a lailTé à nous poui es misérables, leql
vous enfeignera le vray chemin de la ioye eternclle.&: ii vous le voulez lire de bonne af
fe&ion& l'enfuiure de vray'dc(îr,il vous côduira à la vie immortelle 6c eternclle:il vous
enfeignera à bien viure& bien mourir: il vous apportera plus de fruitt&de gain que ne
fautiez auoir de toutes les feigneuries& poiieitions miferablesque vous aucz des héri-
tages de voftre perc. Que fi vous appliquez voftre eftude à entendre ce hure , 6c que
mettiez peine d'adrelfcr voftre vie 6c la reigler à ce qui y eft contenu vous ferez héri-
tiers des riche/Tes que les hommes ne vous pourrôt ofter,nc les larrons defrober, ne la
Ifcir* tigne corrompre. Priez auec Dauid (bonne fœur) d'auoirintelligencede la L oyde Sei-
gneur voftre Dieu:viueztdufiours pour mourir, afin q parla mort puilïiez acquérir la
vie éternelle^ ne vous fiez pas que voftre tendre aage vous doiuc prolonger la vie: car
aufii
Janc^>Cjraye, 26 S
auffitoft meurt ieune que vieil. Apprenez donc toujours à mourir,abandonnez!c mo-
de,renoncezaudiable,&:defprifcz]a chair.?prenez voftre leule dilc&ion au Seigneur.
Repentez-vous de vos oftenies, mais ne vousdefefperez pas.Soyczfortecnlafoy,&: ne
prefumez rien pourtant^ defirez auec laincl: Paul , d'eftre fepai ce de ce corps mortel, pj,^
&c eftre en la compagnie de Chrift-.auec lequel eftiîs morts nous (ommes viuans. Faites
comme le feruiteur fidèle qui eft touiiouis veillant, afin que quand la mort viendra co-
rne le larrô qui viét de nuict,vous ne foyezpas trouuéc la feruante du diable en do; mât, M
afin que par faute d'huile ne (oyez trouucc comme les cinq toiles vierges , ou comme n
ecluy quinauoitpaslarobbe nuptiale. Rcfiouiflez vous en Chnh\comme l'efpcreque
vous ferez;&: veu que portez le nô de Chrcftiéne,enfuyuez voftre maiftre Iefus Chrift,
&: portez voftre croix, &c FembraiTez. Et touchant ma mort, refiouiifcz-vous comme îe
fay -'(douce (ceur)car îe feray defehargee de celte corruption,&: paiJeray à incorruption,
car ie fuis alîeuree qu'en perdant la vie mortelle , i auray la vie immortelle , laquelle ie
prie Dieu vous dôner,&: vous faire gi ace de viureen facraintc,& de mourir enlavraye
foy Chreftiéncde laquelle ie vous exhorte au nom de Dieu ne décliner, ne pour efpe-
râce de vie , ne pour crainte de mort. car (i vous voulez denier fa vérité pour prolonger
voftre vie, Dieu vous dcnieia:aueôtraire fi vous vous adreftez à luy, il vous prclôgera
vos iours pour voftre confort &C fa gloire. A laquelle gloircDicu me vueille conduire &
vous ciapres quand il luy plaira vous appeler. Adieu ma Cœur, mettez voftre efperâce
en Dieu lequel vous donnera fecou rs. Voftre bien-aim ee (ccur Iane Dudley.
LES paroUcs dites par cefte noble Dame, quand on la menoie au fupplicc
-•0 m m e s frères ,ie fuis adiugée à la mort fous vneloy& par la loy,nonpour aucun
llforfait par moy commis contre la maiefté de laRoine:(car pour protefter de mon in-
nocence deuant vous ie ne me fenen rien coulpable quant à ceft endroit) ains pource
que contre mon vouloir &: par force on m'a fait confentir à la chofe que fauez . mais ie
confefte auoir ofTenfé mon Dieu,pource que i'ay trop lal'ché la bride aux conuoitifes &c
allcchcmens tant de la chair que du monde,& n'ay ordonne ma vie félon fa treifainde
volonté,&: felô la reigle qui m'eft enfeiencepar fa parolle. Qui eft la caufe pour laquel-
le maintenant le Seigneur me chaftie de ce genre de mort,ainii que fay trefbien defer-
ui.com bien que de tout mon cœur ie remercie fa bénignité, de ce qu'en ce monde il
:n ottroyeefpace de pleurer mes péchez.
Par qv o y ievous fupplie afTe£tueufemenr>frcrcs Chreftiens,que demon viuant
vous priezauec moy &pour moy,à ce que la diurne clémence me pardene mes péchez.
Aulîiicvouspriemeferuirdetefmoins,qu'i-cy iufqua la finie tien ccnftan.entiafoy
Chreftienne, mertanttouterefperancedemôfalutau feul fang de noftrc Seigneur ie-
fus Chrift, A cefte caufe ie vous fupplie maintenat tous de prier auecques moy, û pour
moy.
Pv 1 s fe tournant vers Feknam luy dit, Vous plaift-ilqueiediece Pfeaume ? Ouyfi
^•ous voulez, dit-il. Lors ouurant le liure, recita de grande affcclionlc Pfeaume 51,0
Dieuayc mercyde moy felôtaclemécc ,&;c. depuis le commencemét iufqucsà iafin,
Cela fait elle (c leua fur fespieds,& bailla fesgans &: mouchoir à dame Tylnecfaicr-
uante,le liure au feigneur Bruge , frère de ecluy qui auoit charge de lacour:puis fe vou-
lant delpouiller,commença à détacher premièrement (agi and' robbe. Là le bourreau
luy accourut pour luy aidcr:mais elle le pria de la laiifer vn peu:& fe tournant vers deux
tiennes nobles feruantesfe laifladefueftir par icclles. Et après qu elles luy eiuctoftéfes
ornemens &C fon atour de reftc,luy baillèrent le bandeau en la main dont elle fe deuoit
fermerlesyeux.Surcclale bourreau fe mettant à genoux i luy requit humblement luy
vouloirpardoner.ee qu'elle fit de bô coeur. Puis après il la pria le vouloir vn peu retirer
du lieu où il mettoit la paille. Ce railant elle apperce ut le tronc fur lequel on la deuoit
décapiter. Lors elle dit au bourreau, le te prie que tumedefpefchcshaftincmtnt Les
choies accouftrees,laieune princeile feieçta à genoux, demandant au bourreau -.'il luy
trencheroit premièrement la tefte que la mettre (ur le- bloqucau:Non,dit-iî, Madame,
Elle c'eftant bandée ÔJayantla face couuertc sefena pireufemét,Que feray-ie me ir.re-
nant:quemefautilfaire.?oueftcebloqueau?Surccla l'vndesaflîftans luy mit la main
delfus.Et ellebaiflantla teftc,&:fe couchant tout de fon long,Seigneur,dit-clie, ie re-
commande mon efpric entre tes mains. Comme elle proferoit ces parolles,le bourreau
Lwre I11L J^icolas Naii
ayant dcfgainc,luycoupp* la tcfte, l'an du Seigneur, m. d. l i i i i. le douzième de
Feburicr.Ellc droit aagec de dix lept ans quand elle mourur,& non plus:delaquellc la
mort eft d'autat plus «à regieter, quelle eftoit douée d'vn exceller Ôdingulier efprit:(car
elleauoit tellement comoinct les lettres Grecques auec les Latines & Hébraïques,
qu'en fi ieune aage elle pouuoit promptement parler en celle langue ) mais beaucoup
plus pource que contre le vouloir de la Rome elle perfeuera en la vérité de l'Euangile,
6C ainfi endura la mort fansl'auoir dcfcrui:& de laquelle le premier motiffut feulcmét
pource que par vue malheuicufc deftinee Ton pere l'auoit mariée au iîls du duc deNor
tumbcland.
Prie e par Ican Brugc, garde de la tour de Londres,defcrire quelque chofe en fou
liure pour garder en mémoire d'elle,cn peu de lignes elle luy laiflà ces lentences:
Pv i s qu'il te plaift,Seigneurcapitaine,me requérir queie laine quelques marques
de ma plume en vn liure ii notable qu'eft le tiemfatifrailant à ton vouloir,premieremec
ie t'exhorte,&: pour le deuoir de Chrcftienté admonefte q fu inuoques Dieu, afin qu'il
rlechi/Iètavolontéàl'obfLruanccdefaLoyjqiril t'encourage &c fortifie en fes voyes,
de peur que la parolle de ven te l'oit oftec de ta bouche. Vy comme fi tu deuois mourir
iournellemët : Meur en telle iortc que toufiours tu viues,fans iamais mourir.Quela fra
gile fiancede la vie incertaine ne t abulc.Mathuialë (corne t enfeignent les fain&eslet
tres)quelquelo^tempsqu'iiaitve(cu,eltmorttoutetois,&atrouuefafin. Et'certaine-
ment,eomme annonce le fage Prefcheur,il y a temps de naiftre&: temps de mourir: àc
edetj vaut mjcux ic,oul-jc. la mort que celuy delà naiifance.
NICOLAS NAlU«^i»<.
I1 VIS que les aduerfaires trauaillcnt de plus en plus tant qu'ils peuuent de trouuer nouueaux tourmens pour exécuter leur
rage, ce nous foit pour enfeignenient de nous fortifier rantplus,& apprefkr à patience & fermeté nos amcs&nos
corps.
M.d.l.iii. v^^^^i^I COLAS Nail natif du Mans,compagnon cordonnier,ayantdemouréà
Laufanne,s'adujia de mener en la ville de Paris quelque quantité de liures
%dc la fainetc Eiciiture, imprimez à Geneue i& fut cenftituéprifonnier le
& Mardi x 1 1 1 i.dcFcurier, l'an m.d.l m. Lequel après auôir maintenu la
pure cognoi/Tance de la do&rine de l'Euangile , a cfté aflailly en la prilon par horribles
tourmens,afin de luy raiie nommer ceux à qui il auoit vendu des liures . &: côbien qti'i-
ceux tourmens en la gehéne luy ayét efté réitérez iufques à luy dilToudre les membres,
neantmoinsil demeura conftant fans mettre en danger aucun fidèle.
Nouuraux De i' v i sellantcôdamneàeftrebruiîé vif, auatqueletirerdelaprifonpourle me-
tounnens. ner en la place Mauberr,licu du fupplicc,on luy mit vn baillô de bois en la bouche,atta
ché par derrière auec cordes,&: de telle forte eftreint , que la bouche de grande violéce
luy faignoit des deux coftez,&: la face par grade ouuerture de la bouche eftoit hideufe
&c defiguree.C'a efté le premier en la ville deParis auql cefte nouuellc efpece de cruau-
té a efté faite.Et côbien qla bouche luy fuft en cefte forte bouclée, fi ne lai/Toit-il point
par fignes&: regards conunuelsauciel,dedonneràcognoiftie l'efperance &c foy qu'il
auoit:dc manière qu'eftant venu à l'endroit de l'hoipital qui eft nommé L'hoftel-dieu,
on le voulut forcer de prier en paiTant l'idole d'vne Noftre-dame,qu'ils appellenttmais
cefainctperfonnagedetoutclaforccquiluyreftoit, tourna le corpsd'cntre les mains
du bourreau qui lepre/lbit,& monftra le dos à l'idole . Le populace efmeu de rage du
mefpris de leur idolc,commença à s'eferierôde vouloir outrager,n'ayant cfgard qu'il c-
ftoitprochaindc la mort.
Ame n e qu'il fut audict lieu du fupplice,on le traita fort cruellement, car auantqu -
eftre attaché pour le guinder en l'ai r,le corps luy fut graifTé , &puis la poudre de foul-
fre mife par delTus:tellement que le feu à grand peine auoit prins au bois , que la paille
flamboyante faifit la peau du poure corps,&; ardoit au de/Tus fans que laflambe encore
penetraft au dedans. En ce tourment le Seigneur luy redoubla fa confolation Ôt" aflîftca
ce:car il luy fit la grâce au milieu de ce tourmét d'inuoquer fon fainct nom à haute voix,
quifutouyeaumilieudufcur&ce fut après que les cordes qui tenoyent le bâillon fu-
rent bru/îees,afTcz bonne efpacedeuant que ce Martyr expiraft.
ANTOINE
ANTOINE MAGNE, A'^uucr&c.
Quelque différent qu'aycnt entr'eux Icscnnemis Je vérité, nous voyons couecsfois que finalement ils s'accordent i vn,e chofe,
""" c'eft affauoir i perlécuter Ielus Chrilt en fes membres.
E perfonnage allant d'OrJcac aux montagnes d'Auucrgne, apporta les M.p.L.111-
nouuelles àTEgliledc Geneue,de l'emprilonnementdu lutdit Martyr &C d'-
autres, d'vnmcfme temps détenus à Paris pour la parollcdu Seigneur, afin
de les recommader en particulier aux prières des fidèles, Toft après retour-
nant en France pour quelques affaires, fut appréhendé en la ville de Bourges , ayat elle
trahi par certains Preftres,qui le liurerér entre les mains de l'OfticiaUenuiion trois heu
res après qu'il fut arriué en ladite ville de Bourgcs,le 19.de Mars, m.d.li 1 1. Mais quel-
ques iourspailez, il fut ofté par les gens du Roy audit Bourges des mains &c priions du-
did Officiai, &C depuis mené à Paris : où il receut fentenec de mort, après auoir fait con,
feflîon entière de la foy,&:foultcnu griefs outrages & tortures en laprifon. Il eut la lan-
gue coupée, & fut bruflé vif en la place Maubert, le x 1 1 1 1 .de Iuin l'an|fufdid.
GVILLAVME NEE L, de Normandie.
Pour vne mefine caufe que l'autre fufdit, ceftuy-cy auffi fut arrefté prifonnicr. Ses eferirs dcmonftrent h
confiance & pureté de foy.
^ N T R E ceux qui ont grandement édifié les fidèles efpars au pays de Nor-
mâdie,& par doctrine &: par exéplc,Guillaume Neel ne doit eltre oubliéde-
jquel ayât efté de la fede des Auguftîs,apres que le Seigneur luy eu t fait grâce
^gjtde cognoiftre fa verité,neceiîa par tous moyens à luy pofïïbles , d'enfeigner
la doctrine de l'Euangile. Aduint au mois de Feuricr, qifcitat party de la ville de Roua,
doùileftoitnatif , vint à Eureux:&; comme il fut arriué à vne bourgade nommée No-
nancourtjilcntraen la tauernepour prendre fa réfection ,& trouua plufieurs preftres
yurongnans& menans vie dilToluè,leiquels il reprint &c admonnefta auec grande mo-
deftic, comme il a cité prouué qu'il raifoit par les logis où il pa/Toit. Voyant ces preftres
tant defbordez , il fe mit à taxer non feulement leurs vices, mais aulîl leur dodrine: tel-
lement qu vn nommé Lcgoux,doyen d'Illiers)eftât là, le fit mettre prifonniet,&mencfr doy^n*<Vïi
âEureux,auquel lieu eftant en laprifon de l'Euefque, fut prefenté poureftre examiné lier •
deuantle PenitcntierduditEureux,nomméM. Simon Vigor,hommequi aleu les li y-gô^r
ures de ceux de ce temps qui ont purement eferit delà religion Chreftienne:&: côbien
que l'ambition &auaricel'ayent du tout tranfporté, fi eft-il du nombre de ceux qui ne
veulentpointauoirlenomdc brufler& perfccuterles fidèles.
Ledit Neel eftant deuantluy,confeiTa la" vérité de tous les articles non feulement
defquels il fut enquis , mais aulîï propofa tous ceux que les Papilles fauffemét fouftien-
nent, les réfutant par texte de l'Efcriture:& ce fit-il non feulement par vn îour ou deux,
mais prcfquc tous les jours du Quaref me: durant lequel temps ledit Pcnitentier s'adon-
na àdifputer. contre luy,&: neantmoins nepouuoitrien gagner: car ledit Neel demeu-
roit ferme ôc confiant en la vérité. Plufieurs fois ce Pcnitentier luy remonftroit,& fore
doucement l'exhortoit de fe defdire, 8£ qu'il luy feroit fauuer la vie.
Qv e l qj e fois rcucfquedudit Eureuxfc trouuantà l'examen dudit Neel, quand le
Penitentier voyou qu'il ne gagnoit rien fur ledit Neel, luy diioit ces parollcs:Mon amy,
ne dites rien contre voltre confcience. Et après que par tant de fois il eut réitéré les ex-
aminations,Neel pour obuier à toutes palliations &: delguifemés de la vérité que ledit
Penitentier pretendoit,fupplia qu'il luy f uft permis en fomme mettre par e icrii rout ce
qu'il fentoit de la dodrine qu'il tenoir.alleguant que fouuent on deprauoit les refpô&s j£ rjJ,^
d'vn prifonnier,ou mefme que leprifonnieraucunesfois fe defdifoit corne n'ayant ainli nien font
dit. Ce Penitentier fut de ceft aduis, moyennant que ce fuit dedans certain iour : telle- fc"""* ar-
ment que ledit Neel ayant cefte permiflion, employa le temps qui luy fut dôné, à met- Vuuçes'
tte par eferit ce qu'il fentoic de la foy ôc religion Chreftienne, fuyuant les principaux
L/aro ////• Çuillaumc-s Neel.
articles fur lcfquels il auoit cfté interrogué. Et côbien que ce n'ait efté fans grande pro-
lixité, neantmoins le lecteur Chreftien prendra le tout de bonne part, cognoiffant qu'-
au fidèle eftant ainfi détenu par les ennemis , ne refte que cefte feule confolation , c'eft
de pouuoir parler de fon Dieu , & mettre par eferit chofe qui foit à fa louange &c gloire.
Parquoy de mcl'me affection pourra eftre receu ce que nousauons icyaffemblé des e-
ferics d'iceluy Neel. En premier lieu ayant efté interrogué de ce qu'il fentoit du Sacre-
ment de l'autelf qu'ils appelent)a dit par eferit ce qui s'enfuit.
Rcfponfcs L a vraye inftitution de la Cene. eft que Iefus Chrift print du pain,ôc le rompit , &: a-
deCNeel. près auoir rédu grâces, dit,PreneZic'cft-cy mon corps qui fera liuré pour vous. faites ce-
cy en ma mémoire. Pareillement du calice, dit,Tenez, prenez tous : c'eft cy mon fang
qui fera pour plufieurs refpâdu en la remiffion des péchez. A ces paiolles nous conuiét
regarder de pres,pour la vertu &: dignité d'icelles. car tantplus la chofe eft haute &: pre
tieufe, tant plus fe raut efforcer de la garder en fonentier,depcurde la corrompre. Or
Iefus a inftitué &c ordonné ce Sacrement à fon Eglife, pour luy réduire en mémoire qu-
elle eft rachetée de la mort de péché par l'oblatidn qu'il a faide luy-mefmc de fon pro-
precorps:commedit l Apoftre en fon epiftreaux Hebrieux, queluy-mefmes eft offert
vnc fois&: que plus ne mourra,dit S. Paul Venons doc à regarder de près à ces parolles,
potar auoir mémoire qu'il a refpadu le fang de fon corps,lequel il a offert à Dieu fon Pè-
re pour la rem iffion des péchez de fon Eglife, pour la fauuer éternellement. En cette
faincte Cene Iefus Chrift fe môftre maiftre,& l'Eglife luy doit toute obeiffance:& com-
me l'office du maiftre eft de commandcr,roffice de la feruante eft d'ouir,& faire ce que
fon maiftre luy a commandé. Iefus Chrift en fa Cene fe monftre eftre cfpoux de fon E-
gIife,laquelleilaprifepourfalegitimecfpoufè.orroffice d'vne loyale efpoufc, c'eft de
confentir &: faire le bon vouloir de fon eipoux.que fi elle fait autremcnt,ellc ne fera pas
loyale,humblc&obci(fante,ainsfaufle,orgueilleufe&: defobeiffante.Item Iefus Chrift
en fa Cene monftre office de pere,qui eft de nourrir fes enfans i ce qu'il fait en donnant
aux fiens fon corps ôc fon fang(fignifiez par le pain &c le vin) qui eft vnc réfection incor-
ruptible &C eternelle.il eft dit qu'il a pris du pain & du vin;difanr,C'eft mô corps &: mon
fang:mangez &: beuuez-en tous.où il faut entendre que Iefus Chrift veut enfeigner fes
difciples à comprendre l'inftruction qu'il leur faic,cognoiffant l'ignorance d'iceux,&; la
rudeffe de leur efprit , les voyant eftre plus charnels quefpirituelsxomme fouuetesfois
de ce les a repris. Et à vray dire, nul ne fauroit comprendre les chofes celeftes & fpiri-
tuelles,pource que nous lomes de nature charnels,mais il faut que Dieu feul,lequel eft
tout fpirituel,donne à entendre les chofes fpirituellcs.Ce qui appert de Nicodeme,qui
fwn3. eftoit grad docteur de la Loy,& toutesfois ne pouuoit comprendre cefte chofe dite par
Iefus Chrift, qu'il falloir naiftre derechef, pour entrerau royaumedes deux. Iccluy doc
ayat cognoilfance de noftre îmbecillité^pofe en fa Cene vnc chofe vifible &c palpable
à nos mains, pour nous faire entédre vne chofe inuifible qui nourrit nos ames : q. eft fon
corps &C fô fag, q no9 ne pouuôs voir ne toucher finô par foy,laqlle y eft fur tout requife.
1' a y dit que Iefus Chrift en fa Cene fe môftre Maiftre,Efpoux &C Percen difant, Pre-
nez &: m angez,c'eftcy mon corps.Qui voudra donc eftre receu de Icjiis pour feruiteur
obeiffant,pour efcolier, pour fils, il luy conuient prendre&: manger fon corps,&: boire
fon fang côme il commande^ non pas comme les Scribes & Phariliens ont eftimé, ne
penfans à autre manducation que des dents & de la gorgc,comme la chair fe mange&
le vin fe boit, mais regardons que Iefus en prefentantdu pain, monftroit que fon corps
eftoit le vray pain celcfte qui feul nourrit l'âme , côme le pain matériel nourrit le corps,
&C en prefentant le vin,monftroit que fon fang eftoit le breuuage de noftre ame altérée
parla fechereffede péché. fon fang, dy-ie, nous réconforte &c refiouit, entant qu'il ofte
le péché, qu'il efchauffe l'ame de vray.zcle& affection : comme le vin ofte l'altération,
efchauffe & fortifie le corps. A utrement nous prcndriôs la Cene indignemenr, fi nous
ne regardions à ce que Iefus Chrift nous offre : affauoir fon corps &: fon fangpour fpiri-
tuelle nourriture, car l'ame ne vit point de pain &: devin matériel, defquels le corps
préd fubftancc:d'autant qu'elle eft efprit. I'ay dit aufïi qu'il faut obéir à Iefus Chrift,qui
a dit,Prenez &: mangez:&: non poinr, Prenez mon corps, $£ l'offrez en làcrifice pour la
remiffion despechez,& puis le mâgez:car celafcntiroit encore fa vieille Loy,en laquel-
le les Preftres &C Sacrificateurs prenoyent les gblatiôs des beftes, defquelles après lesa-
uoir offertes en oblation,en mâgeoyent certaine portion,&: brufloyet les autres:^ tout
cela
Çuillaume J\(êel. z?a
cela eftoit la figure de l'oblation que Iefus Chrift a faite luy-mefme en Ton corps,par la-
quelle il a confommé le falut deybien-hetireux. Et pource qu'icellc vne fois faite, eft e-
t ernclle , qui gardeles elleus non feulement en ce monde, mais en la vie éternelle: l'of-
fice des Chrelticnsift de prendre &c manger, &: non pas de l'offrir: veu que Iefus Chrift
s'eit offert lby mefme. Parquoy ne fruftrons noftre elpritde la nourriture, laquelleil re-
çoit par foy:&: recommandons noftre cfprit &: noftre corps au Pere , en vertu de la iâin-
tte oblation de fon cher Fils , qu'il a rcccuc vne fois pour la fatisfaction de tous nos pé-
chez . car ayant reccu celte oblation, il nous a receus enfemble pour iuftes &: agréables:
entant que Iefus Chrift,en ncus donnant l'on corps&: fon fang poumoftre rcfcctiô:s'tft
donc à nous auectout ce qui eft ficiv.auquclgloire& honeui loi c eternellcmcr, Amen.
Il futadiutc de dire s'il ne croyoit pas que le corps dclclus Chrift eftoit au Sacremét Toudunr
de lautcl realcmcm & de faict , comme il ibrtitdu ventre de la vierge Marie, comme il la re^eti4
prefchoit, comme il mangcoit&: beuuoit en laCcnc,& corne il eftoit en la croix : & s'il C° f
ne croyoit pas qu'il falloir ainli le manger au Sacrement. Il rcfpondit qu'il ne pouuoic
comprendre ces chofes eftre en la forte au facrement de la faindeCcne de Iefus Chrift:
car fi ainli eftoit(dit-il) nous ne ferions point rachetcz,&: l'Efcriturc {croit menteufe , Ô£
noftre foy vaine, car Iefus Chrift cftantforti du ventre de la Vierge, fut fuiect à allaiter
fa mere:&: en prefehant, eftoit fubiect à faim,foif,chaud, froid , &c à la malédiction de la
croix,pource qu'il eftoit mortel &: non refufcité.Or eltant tel, nous ne ferions point af-
franchis de la mort en la vierveu que pour eftre rachetez, il falloit qu'il mouruft &ù refu-
feitaft de mort en vic.c'eft dôc herefie manifcfte& deteftable, de dire qu'il faut eftimer
en celte forte le corps de Iefus Chrift. le confefTe bien qu'il a le mefme corps qui eft for-
tidu ventre delà Vierge, lequel il a elleuéàladcxtredeDieulcPere.maisladirFeicce
des qualitez du corps & de la manducation cft,que nous ne le mangeons pas comme il
eftoit lortant du ventre de la vierge Marie, mais comme il eft feantàladextre de Dieu
fon Pere:autrement le facremét de laCene &c du Baptefme ne feroyent point facremés;
entant qu'ils ont leur vertu en l'effuiion du lang de Iefus Chrift, &c en fa mort &C refurre-
t~tion.&: que partant leur dire eftoit heretique:auquel pour tourmét quelcôque ne croi-
roit,ny adhereroit tant qu'il viuroit au monde.
Dv Purgatoirc,interrogué s'il ne le croyoit pas:Refpondit qu'il ConfefToit &foufte- DuPurga^
noit pour mourir, que le fang de Chrift efpâdu,eft le feul &c parfaid Purgatoire,qui pur toue'
gc les ames des enfans de Dieu de tous pechez,comme il appert aux Hebricux,&: en la Hebrj.5.*.
Canonique de S.Iaques:monftrât par ces partages qu'après que l'homme Chreftien eft
mort,il eft purge de tout,& entre au repos incontinct que l'efprit eft parti de fon corps.
Il eft efcritjOù l'arbre tombera , au lieu mefme il demourera:c'eft,ii l'homme ne meurt
en la grâce de Dieu, il demourera au heu où il n'y a point de grâce , qui eft enfer . car dit
S.Paul,par la grâce de Dieu vous cftes fauucz, par la foyx'eft don de Dieu , non par les Epkef.t.
ceuures,afîn que nul ne fe glorifie. &: en autre lieu, Selôfa mifericorde il nous a fauuez. TJk
Ccluy qui meurt ayant obtenu grâce Se mifericorde de Dicu,puis qu'il eft purifié de fes
péchez, ne fera- il pas fauuércela eft tout certain. Iefus Chrift a dir, le fuis la refurrection lemu.
&: la vie . qui croit en moy ,& fuft-ilmort ,il viura:&: celuy qui vit &c croit en moy , il ne
mourra iamais.IefusC hrift le dit eftre la relurrcttio&la vic:puis il propofe deux morts,
l'vnc corporelle^ l'autre éternelle. Quand il fe confelfe eltre la refurrect ion, il ne parle
point de la générale, en laquelle tous refufciteront:mais non pas à la vie, aflauoir les re-
prouuez,pa; ce qu'ils font mores delà mort féconde où il n'y a nulle vie. il s'enfuit donc
que les parollcs de Iefus Chrift font dites pour ccluy qui meurt en foy, lequel Iefus refuf-
cite de ceîte mort corporelle en la vie éternelle :comme il fe déclare incontinét,difant,
Qui croit en moy,&: fuit il mOrt,llviura:demonltrant que le corps mort,incontinêt 1'- kan^;
efprit commence de viure. s'il vit,c'eft de la vie éternelle : en laquelle n'y a nulle peine
de Purgatoire ne d'autrc,commc il moftre après, difant,Ft ccluy qui vit&croitcnmoy,
ïamaisne mourra,dc la mort féconde qui eft enfer. Au mefme Euangilc eftefent, Qui
croit au Fils de Dieu, il a vie eternelle.écne viendra point en iugement, mais pallcrade
la mort à la vie. Voyez par tant de paifages, comme à celuy qui croiriln'y a nul Purga-
toire après fa mort:car ii en ellant viuant , la vie luy eft u donnée éternelle , en partant
donc du mon Je,ii r, ç 31 1 pleine pofleiTion du don que Iefus Chrift luy auoit promis,en-
oi'c viuant au mondc.&: qu'il foitainii,Iefusleteftifie,difant,iMrf«// ptjfede U mont à U
■'tc-.&c eft certain que la mort corporelle eft vn paffage,par lequel l'e fprit entre en lavie. .
Litfro ////- Çuillaume SsQel.
u m 5. 11 cft efcrit en la Canonique de S.Iean,que Dieu nous a donc la vie eternellc:&: que ce-
Aj.ocal.14- fte vie eft en fon Fils, cm 1 a le Fils, il a la vie éternelle, Il eft dit en VA pocalypfc, Bien-
heureux'font ceux qui meurent au Seigneur. Ceux qui meurent au Seigneur, ce font
ceux quicroyenr en luy. or dit-il qu'ils font bien heureux : &: nul n'eft bien heureux, s'il
n'eft en la vie éternelle . ceux donc qui meurent , & vont en vn autre heu , ne font pas
bien-heureux. le ne veux pas dire que combien que le fang de Iefus Chnll purge nos a-
mes de tout peché,nous nedeuiôs foufFrir peines en ce môde:&da raifon eft,qu'enDieu
La peines il y a à confiderer, aflauoir iufticc & mifericorde. Par fa iuftice, iuftement nous fommes
quefouffrét tous dancZ: mais par la mil'ericorde qu'il fait à ceux à qui il vomira faire mifericorde, il
" châgelespeincseternelles,deués pour leurs péchez, en peines coi poicllcs , corne il cft
manifefte.Dauidapresauoircômisadulterc,n'auoit il pas mérite *i'cftre damne ; car il
i.Cox.6. cft efcrit que les adultères &: fornicateursiamais n'entreront au royaume des cicux:tou
tesfois Dauid n'eft point damné, mais fauué parla mil'ericorde de Dicu,qui luy a chan-
gé fes peines éternelles en peines temporellesrcôme quant (on enfant mourut , dont il
en porta triftelle&: angoifle grande en fon cccur.Item pour auoir commis vnc autre of-
fenfe, grande multitude de peuple mourut de pefte . &. ainfi de tous les enfans deDieu,
lcfqucls il chaftie en ce monde par diuers tourmés,cômc bon luy lcmble : il les métaux
tourmens, corne en vnc fournaife,pour eftre efprouuez&: refondus. Et cela fait noftre
Bebr.ii. t,on £)1CU & Pere,pour vn grand amour qu'il nous portercar il cft ditjl chaftie ceux qu -
Abacucz il aime, lcfqucls en fentant fa verge, fe retournent à luy d'vncceur contrit, luy deman-
dant mifericorde. Le Prophète dit,Leiufte vit de fa foy.puis qu'il cft iufte,&: qu'il vit en
ce monde:cn forçant dudic monde, ne viura-il point d'vne plus parfaite vierNul ne fau-
roic denier ce fait,s'il n'eft aduerfaire de vérité. le dy donc pour conclufîon , que ieme
contente pour mon purgatoiie,du fang de IefusChrift:car il cftfeulfuffiiànt.quines'en
contentera, fi lelaiffe. Pour prouuer le leur, ils allégueront S.Paul aux Philippiens, di-
fant, Tout genouil ploye,celefte,tcrreftrc &: infcrnal:& que l'enfer cft leur purgatoire.
R. SainctPaulne parle point de ce purgatoire, mais veut monftrer rcxcellence de la
gloire &: triomphe que lefus Chrift a obtenu par la mort de la croix : en forte que toute
créature eft côtrainte tant Angélique qu'humaine&: infernale, affauoir les diables, de
côfeflcr que IefusChrift par fa victoire eft moté aux cieux,en la gloire deDieu fon Père.
On luy piopofa ce dire ancien , qu'on ne crôiroit point à l'Euangile , fi l'Eglife ne l'a-
uoitreceupour Euangile: il refpondit, L'Euangile cft d'vne fi grande vertu &c dignité,
qu'il n'a befoin d'aucune créature qui (oit au ciel ny en la terre : entât qu'en luy font ca-
chez les threfors &c richeifes de Dieu, aftauoir les promefTcs de la t cmifîion des péchez
& du repos éternel par fa mifericorde. Si par viue foy nous recelions ce S.Euangile pour
Euangile de falut &: parolle de vie éternelle, il ne fera point trouuc vn autre euangile
qui ait cefte dignité & puiftance defauuer les ames, félon le tefmoignage des Apoftres,
lefquels n'auoyent nulle authorité, dignité ne pui/fance,prcmicr que Icfus les euftap-
pelczjcarilscftoyentpoures pefcheurs, quin'auoyent crédit ne vertu, commegens qui
eftoyét idiots : mais après que le bon plaifir de Icfus Chrift a efté de les appeler & pren-
dre pour fes Apoftres , alors il les a efteuez en telle dignité &: puiftance par fon Euâgile
qu'il les a faits (es ambanadcurs&legaCs pour porter Ion Nom parle monde vniuerfel,
Marc 16. difant, Allez, prefehez l'Euangile à toute creaturerqui croirai fera babtizé, fera fauué:
& qui ne croira point, il fera condané. Voicy les Apoftres qui font par l'Euangile con-
ftituez en puiftance tclle,que ce font ceux par lefquels Iefus Chrift a voulu planter fon
Eglife vniuerfelle:ce font ceux qui ont receu expiez commandemét de Iefus , d'inftrui-
rc tout le monde par ceftEuangilc,qui eft la parolle de Dieu fon Perc,difant, Ainfique
lunio. mon Pere m'a cnuoyé, ainfi îe vous enuoye, &c. or il cft certain que cefte puiftance de
remettre les péchez n'appartient nullement à la puiftance de l'homme , mais à la puif-
fance de Dieu, car il eft efcrit au Proph.Ifaie,parlât en la perfonne de Dieu, le fuis celuy
qui efface les iniquitez pour l'amour de moy,&n'y en a point d'autre. En S.Ica eft efcrit,
q les Scribes ÔcPharifiés not pas dit;No9pardônons les pechcz,&remcctôs les péchez,
mais ils ont bien dit, Qui eft-ce qui pardône les pechez,finô le feul Dieu?& mcfme quâc
à la vertu des miracles,lcs Apoftres côfeffenc que ce n'eft pas d'eux , mais de Iefus par fa
flftes.j. parolle qu'il leur a baillée pourporcer: Ainfi ledirenc S.Pierre &: S.Ican au boiteux qu'-
ils guérirent. De dire doc, le ne croiroye point à i'Euâgile,ii l'Eglife n'auoit receu l'Euâ
gilc:c'eft monftrer par ces parolles qu'ils ont plus de puiftance que la parolle de Dieu,
• comme s ilsdifoyeit»Nous qui fom nies legïrfcfi nous euffions teiette' l'EuangiJe , elle
ne feroît point Euangile:au contraire de ce que les A poftres ont côfe/fé,difims,Ce n'eft
point nous quifaifons ces chofes: car nous fomroes fcmblables à vous : mais c*eft par le-
fus Chrift qui nous a baillé fa parolle,par laquelle nous vous moudrons la puuTancc,cô
bien que vous l'ayez crucifié. C'eft icy la confeflïon des Apoftres qui eftoyét la primiti-
ue Eglifc,&: yne congrégation fi fainde(apres qu'ils eurét receu le S.Efprit) que telle ne
feraiamais trouuce:lefquels toucesfois n'ont rien entreprins de commander plus que 1'-
Euangile de lefus leur commmdoit:car les Apoftres cftoyentambafladeurs duS.E- Aftesij.
fpritjquilesfaifojtparle^côm^iJ^nrdic, Ilafcmbl©bonauS.Efprit&ànous:cemott
Et à nous,ils ne le prennent pas par préemption : mais cft vn mot dç grande humilité:
voulans dirc,Il a le m Don au * Efprit, &c à nous qui nous côformons àfon vouloir,ÔC
parlons par lny.autremcnt ne le pourroit accorder ce que lefus dit d'eux,Ce n'eft point
vou$ qui parlez,mais c'eft l'Efpric de Dieu mon Pere,qui parle p^r vous.il s'enfuit donc Mattlue.
bien qu'ils attribuent toute authorité à la parolle de Dieu, qu'ils ont receuë par lefus
Chrift:& ne difent ppint,Nous qui fommes l'egîife,fi nous n'euiTions receu l'Euangile,
l'Euangile ne feroit point Euangile:eux,dy-ie,qu \ eftoit la plus parfaite eglife qui fut &:
fera iamaisxar ils n'ont prcfché ny çferit chofe qui ne foit parolle de vie &c Euangile de
falut:ce qu'on ne fauroit dire deceux qui difentque l'Euangile ne feroit Euâgilc s'ils ne
l'euiTent receu. Iln'yapointdepuùîançeenrEglifc de lefus Chrift que par fa parolle:
comme nous auons dit , que la puiffance de lier te deflicr, remettre 8c retenir, n'a point
efte dônee aux Apoftres ny à leurs fuccefleurs , qu'en vertu d'icelle parolle de Dieu,qut
eftla clefquiouurc& ferme le royaume des cieux à ceux qui la reçoyuentou reiettent. £ pîX^
Or eft-ileuident que l'Eglife de lefus Chrift n'a point d'autre bafton pourfe défendre, de Dieu!"
que cefte parolle de Dieu,car S.Paul le monftre bien aux Corim{iiês,difant, Les armes J^^"
de noftrc bataille ne font point charnelles, mais {mutuelles ,&: pourtant il admonefte P
de prendre le glaiue defalut,qui cft la parolle de DicU: dont aux Hebrieux en eft dônee j**M.
la raifon,quieft, que cefte fain&e parolle eft plus tréchante que tout glaiue coupât des 'e 4*'
deux coftez:c'eft ce coufteau que Dieu a baillé à Hieremie,bruflât en efpeçe d'vn char-
bon ardâr.&Ifaic l'a eu dedâs fa bouche,trenchlt des deux coftez : c'eft cefte bouche &
fapiencc,que lefus Chrift donna à fes Apoftres,pour veincre leurs aduerfaires:lefquels Aaai*:
ne leur ont peu refifter,côme il appert aux À&es,de S.Eftienne:& fera de tous les Çhre
ftiens qui prédront cefte fain&c parolle,pour confe/Tcr 6C fouftenir conftament le nom
de Dieu& de noftrc Sauucur lefus Chrift, i ay dit que l'Eglife de IefusChrift,pour fà do
arine& nourriture de fon amena que la parolle deiuy qui eft fonPafteur&efpoux.Le- ^ %
quel n'a point aulfi d'autres ouailles,que celles qui oyent fa voix,qui eft fon Euangilc,&
parolle de Dieu fon Pere:Mes ouailles,dit-il,oyent ma voix , & les cognoy , car elles me
fuyuent,&: leur donne la vie eternellc^en vn autre pafTagcdit, Qui cft de Dieu,il oit les iCJn».
parolles de Dieu.au Deuteronome , L'homme ne vit point du feul pain , mais de toute Dcut 8:
parolle procedate de la bouche de Dieu. Et pourec fainct. laques nous admonefte de la *u
receuoir,difant, Receuôsen douceur la parolle plantee,laquelle peut fauuer nos ames.
Et ne fera point dit ne trouué autre parolle que |a parolle de Dieu , qui foit dite Parolle
devic,Euangile defalurauffi nul ne fera ditPaftcurde l'Eglifçde IefusChrift,que ceux
qui apportent fainement cefte doctrine Euangelique. Que fi aucun vient nous annon-
cer autre doctrine que cefte-cy, ne la receuons point: mais pluftoftqu'vn tel foit mau-
dit, voire &: fuft-ce vn Ange du ciel. ^La différence donc des bôs Pafteu rs &c mauuais,
& des deux eglifes, aflauoir de lefus Chrift &: de fon aduerfaire l' Antech rift , fe cognoiç
par la parolle de Dieuilaquclle domine,gouuerne,ordonne & conduit l'Eglife de lefus
Chrift par fes fidèles miniftres, qui n'ont autre doctrine. Pourçe dit fainct Paul , Que le
fondement de l'Eglife de lefus Chrift eft la dpétrine des Prophètes & Apoftres : qui eft Ephçf^
vne Eglife fans ride ne macule, laquelle eft fimple comme la colombe, prudente corne
le (èrpenc, humble bc patiente comme la brebis entre les loups. Voila le p;ouuernc-
m et de la vertu de la parolle de Dieu,L'eglife de l'Antechrift & de fes miniftres eft plei-
ne de menfonges,de déception, de cautelle & faufleté,&: pource qu'elle n'eft point ré-
gie parla parolle de Dieu, ce n'eft qu'abus de fa doctrine : car outre la parolle de Dieu,il
n'y a point de falut, il n'y aura auffi que perdition, il n'y aura qu'orgueil,vanité& cruau-
té,côme Dauid le monftre bien,diiant:L'eglifc des malins m'ax>ccis.Nous auôs les exé-
p les de fa cruauté & inhumanité côtrel'Eglife de lefus Chrift, Au vieil Tçftamét, Cain,
Liure-> MI. Çmllaumcj Neel.,
meurtrit Abel, Pharao perfeouta les enfans d'Ifrael, Iefabel occit la faincts Prophètes,
ManafTes remplit les rues de Ierufalemdeleurfang. Aupouueau Tcftament, les Scri-
bes & Phariiiens s'efleuent contre Iefus Chrift &: fes A poftrcs , & mettent à mort ceux
qui prefehent le falut eternel.& ce pourautant qu'ils ne font point gouuernez parla pa
rolle de Dieu, mais par la parollc de menfonge, com me on peut voir „en tout le Vieil &£
nouueau Teftamcnt . îignamment au Prophète Iercmie chap.zj. Parquoy ne nous ar-
iettes point à autre choie qua cefte feule parolle de Dieu • car qui garde ce qu elle com-
made, Dieu le receura pour Ton feruitcur obei/Çmt. En cefte doctrine ie perfifte&veux
mourir , eftant certain que Dieu mirera grâce en la vertu de fon faind nom ,& pour l'-
honneur &: dileftion de fon cher Fils qu'il nous a donne poux Sauueur: auquel gloire &
honneur foit éternellement, Ainiifoit-il. •
Des iufnesôi des v iandes eftant interroguera dit que le iufne cft bem & faintt, & du
commandement de Iehis Chrift: non pas qu'il ait impofé certain temps pour iufner,
mais a dit,Quand vous iufnerez,&:c.lequel iufne eft afin de chaftier &: réprimer la rebel
lion de noftre chair,pour la réduire en feruitude,afïn que f cfprit férue à Dieu.Et ne cô-
iifte point feulement en abftinence de manger & boire , n'en la différence de viandes:
mais en intégrité de vïe,fobrietéj chaftcté,dilection& charité du prochaimeommedie
Ifaie,R omps ton pain à celuy qui araim,& loge les dcflo^ez:& alors tu iufncras faincte-
ment,& ton iufne fera plaifant à Dieu. Quantau iufoed abftiuence,il eft bommais que
l'abftmcrice foit fans fuperftition ùc abus,& fans faire confeience de manger d'vne vian
dc&c non pas de l'autre,commcs'iiyauoitfainâ:ctc à l'vne plus qu'à l'autre : fuyuant ce
que dit S.Paul, Le royaume des cieux ncconûfte point au boire U manger : car il faut
prendre nourriture des viandes que Dieu nous donne, aucc action de grâces : lâchant
qu'en l'Euangileeftdit, Cequientrcen la; bouche ne fouille point lame. Il nçfaut doc
errenmais faut croire qu il nousa donne la nourriture de noscorps-.&en Ianpus don-
nant, il ne nous a pas défendu l'vne plus quel'autrc:roais com me dit S. Paul,Que celuy
qui inange,nedefprifc pointceiuy qui ne mange point,* celuy qui ne mange point ne
condamne point celuy qui mangeùl faut que celuy qui eft fort , (e garde de feandalizer
par fon manger celuy qui eft débile; fâchant que mieux vaudroitiamais n'auoir mangé
chair , que de perdre celuy pour lequel lefus cft mort. Noftre vie dpit cftre donc G bien
comparée, qu'elle foit toufiours édifiante : ce quife fera, h" nous gardons la reiglcde vi
ureque noftre bon Dieu «cfauueor nous a paillée en fon vieil U nouueau Tcftament.
I n t b r k o g v e du Pape & de fon authorité:refpondit que Dieu eft feul maiftrc,qui
nefa*roit rien ignorer,qui ne faùroit faillit:* partant le faut fuyurefc non autre. Ceft
luy qui a fait tout ce quieft côtenu au ciel & en terre: ayant fait tout pour l'homme , au-
quel il bailla faloy lors qu'il le mit au paradis terfçftre,en luy difant, Mage de to* fruits,
fors que du fruiet de vie :quc fi tu en raanges,à l'heure roefme tumourras. Voila la pre-
mière loy & commandement que Dieu a baillé à l'homme pour fc gouuerner & côdui*
re en l'obenTancc de fon Dieu:mais l'homme fe voulant faireplus grand que Dieu ne 1 -
auoit fait, a voulu eftre pareilàluy, croyant l'efprit d'ambition, qui luy promettoit qu -
ilferoitttlpargloutonnie. La Malédiction qui s'eftenfuyuie de cefte tranfereflîon d'-
Adam eft telle, qu'il a fallu que la féconde perfonne de la Tnnité,qui eft le Fils bien ai-
mé du Pere,prinft noftre humanité ,* portait la peine de cefte malédiction , ou autre-
ment nous tous eftions perdus ;dont maintenant par la malédiction de la croix qu'il a
foufFerccil nous a acquis la benedictio éternelle de Dieu.&auant que môter aux cieux,
il nous a îailfé fa fainde parolle,qui eft fon Euangîle:& après fes Apoftres a côftitué des
Euefques, Pafteurs & Docteurs , pour nous conduire félon la doctrine des Prophètes &C
Apoftres'pour nous enfeigner tant par la pure parolle de Dieu que par bône vie bc ex-
emple de fainfte conùerfation . car il faut qu'vn Euefque foit irreprehenûble , nô point
yurongne, paillard ou rauiiTeuRmais doué des vertus qui font requifes à tel office. On
me réplique que Iefus Chrift parlât des Scribes & Pharifiens,dit qu'il fautfaire tout ce
qu'ils diront: le refpô , Ceft pourueu qu'ils foyet affis fur la chaire de Moyfc: or la chaire
de Moy fe,eft la Loydaquelle il falloit fculernét qu'ils annôçaffent,& nô autre doctrine,
car quàd le peuple conuenoit enfemblc,ils Hfoyët la Loy,ôde peuple efcoutort,pour fa-
uoir ce qu'il deuoit faire. Et pourtât les bÔs Prophètes, pour bien môftrer qu'ils eftoyét
vrais feruitcurs de Dieu, n'ont rien voulu cômander au peuple qui fuft de leur cerueau:
mais ont touGours dit , Efcoutcz la parolle du Seigncur,c'eft la voixnu Scigncur,lc Sei-
gncur
Des îuines.
Matth.tf.
Rom.i4-
Rom.14.
i.Cor.8.
Du Pape.
ôcn.i.
.Guillaume^ Neel 272
gneur a parlé,lc Seigneur parlexe qu'onc auffi fait les A poftres de Iems Chrift,lefquels
n'ontrïen commandé de leurdo&rine humaine^mais tout ce qu'ils difoyenc eftoit do-
mine du faind Efprit,comme Iefus Chrift le tefmoigne , dlfant d'eux , Ce n eftes Vous Matt:,°
pas qui parlez,maisl'efprit de Dieu mon Pere quiparle par vous. ^Donts'ehfukvque
les fuccefleurs des Apoftrcs,s'ils annoncent ou commandent autre chofe qui ne Toit pa
rolledcDieu&EuangiledelefusGhriftiqu'ilsfoycntmaudits.Ettel home fera faux
prophète & Antechrift(&: fuft-cc le Pape) lequel n a hy aura plus de puiûance que les
Prophètes & Apoftres. Or qui enfuit ces faincts perfonnages en doctrine & vie,ileft
vrayement Pafteur del'Eglife:autremèt iln'eft que deftrticteuri& comme vn loup en-
tre les brebis.Iecôfefle bien*quctous Paftèurs de Iefus Chrift,qui annoncent faparol-
le^ont cefte puilfancC de faire ordonnâmes de iufnes,prieres ,&: aumpfnes,lors qu'il ver-
ront l'ire de Dieu fur la terre,com me guerre^pefte, famine ^& autres verges de Dieu:
mais de loix perpétuelles , cela n'eft point efcrit,& ne fe feroit qu'il n'y euft fuperftition
& abus>& pareillement idolâtrie.
De s traditions humainesnl a dit que fi iamais créature auoit eu ptiiflance de com-
mander pour noftre falut autre chofe que ce que Dieu nous a commadë par fesProphe Traditi9Îîs-
tes & Apoftres,cc ferôyent les Anges,qui aflîftér au throne de Dicu,&: font exécuteurs
de Ion vouloir,qu i font fain 6ts &c fans aucune m acule. Mais dom bien qu'ils foy en t fi di-
gnes & fi puifiansitoutesfois ils n'ont iamais entreprins de rien cômander du leur,mais
feulement fe contentent de fidèlement exécuter les commandemens de Dieii. Aufli il
eft dit d'eux en l'Epiftrc aux Hebr. qu'ils font le vouloir de Dieu , & font enuoyez pour Hebr ,
garder ceux qui doiuentauoirle royaume des cieux. Les plus excellentes créatures a- " M
près eux,ont efté les fainctsProphetes,lefquelsjComme eft ditcy deuant, n'ont rien in-
u'enté nccommandc,queceque Dieu leur cotomandoit de Faire dire, Iefus Chrift
eft venu après eux,qui a dit,Ma doctrine n'eft point miéne: mais celle de celuy qui ma
ehuoyé. Etaumcfmelieujeneparlepointdcmoy:maisceluy quim'aenuoyéiparle lMn*
par moy. ie ne vous ay rien annoncé du mien,mais tout ce que i'ay ouy de mon Pere i ie
vous l'ay manifefté . La parollc que tu m'as donnée, ie l'ay baillée aux hommes que Itafl*7
tb m'as donnez : lcfquels l'ont receue» Les Apoftres ont pareillement ainfi parlé. Si
donc les Anges fi dignes jfi les Prophètes de Dieu,fi Iefus Chrift qui pouuoit dire,Ie dy
cela de mqy,& le commande pour mon paifir&par mon authorité*n a toutefois rien
Fait qu'annoncer la parolle de Dieu fon Pere, luy qui eft exem pie de toute fain&eté : &s
fi les Apoftres fe font ainfi gouuernez enl obeifianec de Dieu,de n'annoncer que fa pa-
rolle : le Pape auet tous fes prelats,ont-ils|>lus de dignité &: puhTance?Au contraireils
blafphcment diaboliquement le nom de Dieu fiai: leurs rraditions : de forte que ecluy
qui cômettra paillardife& adultère ne fera puny,ains prife : mais qui mangera vn petit
de lard au Vedredyou parlera cotre certains abusîincÔtinét fera mis à mort:mais Dieri
qui eft patient n'en dit encore mot,viendra vn iour les reprédre àleurface.Et lors ils au
ront beau direjNousauôscftéprefquetout le mode qui faifions ces chofes : nousauôs1
énfuiuy nos pères anciens qui cftoyehtdu temps des Apoftres , les Rois te les grans du
monde eftoyent des noftrcs : eft-il pofîiblc qu'ils ayent tant erré, & que Dieu ait laifle
perdre tant de peuple?Si en lagrande multitude du peuple eftoit le falût î la parolle de
Dieu ne feroit point veritable,laquelle monftre au vieil & nouucau Teftament, que la
plus petite part du peuple a efté le peuple deDieu,voire les plus vilipendez du monde.
Regardez au commencement,qu'eftoit-ce d'Abraham & de Loti au regard des gran-
des villes,& de Sodome? Regardez les enfahs d'Ifrael,au regard du peuple de Pharao
& d'autres nations.comme Moyfe,les liures des Rois,& Daniel demoftrent. Regardez
les Prophetes,au regard du grand peuple fuict à Iefàbel^ qui mettoit à mort les bons.
Venons au nouueau Teftament , & voyons Iefus Chrift & fes Apoftres au regard de fi
grandcmultitude,defîgransRoiSjScribcs&:Pharifiés,aucc tant d'autres peuples.Qu'-
eft-ce des Apoftres après la mort de Iefus Chrift, au prix du peuple qui eftoit aduerlai-
re de Dieu?LaifTons donc la grade multitudc,veu que ce n'eft point le peuple de Dieu? M«tid
car il eft efcrit,Beaucoup font appelez,mais peu font cleux. Nul ne deuroit oublier ce
queIefusChriftdit,Necraignezpoint,petittroupeau:carila pieu à rnori Pere de vous LÙC"
donner le royaume des cieux.au eontraire,il dit des grâsje te ren grâces, Pere , qu'il t'a Mm.n
pieu cacher la cognoiffance de moy aux fages & prudens,&: la rcueler à ces petisiQu'il
2. iui.
Ltu te UIL Çfùllaumt^ NeeL
foie ain&que la plus petite part du monde fera feule fauuee,on le voiApar la fimilitude
Maa.13 JeiafemeneejquelefusChriftbaill^difantquelelemeuren femantfafemence , vnc
partie eft cheute en la voye, &: n'a profite : l'autre fur la pierre , &; n'a pareillement £aie
aucun profit: l'autre entre les e(pines,& n'a fait au/fi nul bien : mais la quatrième par-
tie qui eft cheute en bôneterre,a apporté grâdfruid:qui demoftrebien q la plus gran-
de partie périt: &n'y en auraqu'vn petit nombre fauué. Voyez donc que c'eft que de le
fier àlagiandemukitude,& s'y accorder. Parquoy retirons-nous au petit troupeau de
Iefus Chrift,qui eft mort pour luy donner la vie.
Des téplcs In t e rrog v e qu'il fent des Temples:dit que Dieu eft efprit ,qui n'achairnyos,
&: eft inuifible auquel nulle créature ne fauroit baftir ny édifier demourance, pou rec
fc*66 qu'il la requiert rpirituelle: car il ditfarfon Prophète Ifaie , quelle maiibnm'ediflerez-
vous:le ciel n'eft-il point mô h*ege,&: la terre mô marche-pied? Il faut,!! Dieu veut eftre
logé que luy mefme fe coi\ mife & édifie maifon: ce qu'il fait quad il purge la confeiéce
de l'homme par ion S. F (L ic& après qu'il a purgée en fait ion temple & demourance,
comme S.Paul le teftifle,diiànt,V©us eftes le temple du Dieu viuant. Le téple de Dieu
i'Cor'3 eft faiud,qui eft vous.celuy qui violera le temple de Dieu,Dieu le perdra. C'eft le lieu
où il fe plaift,&: duquel il d.irjç marcheray entre eux,& feray leur Dieu^i ils feront mô
peupk.Ondemande,fi Dieu n eft pas fous le pain de l'autel: i'ay défia dit que Dieu eft
Gcncfci7
ijKit,qui ne fâuroic eftre autre qu'il eftoit au parauantria n'aduienne que ie diequil
foitdu pain .gardons-nous de defguifer famaiefté,quieftincomprehéiibIe: mais prios-
le qu'il purifie nos cceurs,&: y race fa demourance.Quant au temple matériel , i'ay con-
feflé qu'il eftoit de bonne ordonnance:auquel tousChrefticns,doiuent couenir enfem
ble en paix &c vnion pour prier Dieu. Le temple eft vne maifon d'oraifon , & où on s'af-
fcmble ppur ouyt la parolle de Dieu &: receuoir les fainds Sacremens,aflauoir la Cene,
&le Baptefme:pour eftre plus incitez à nous aimer parla prédication de la parolle de
Dieu,qui a cefte vertu &: efficace, de difpofer les cceurs à s'entre-aimer &: aider les vns
les autres,comme membres d'vn corps,qui reçoiuentvne mefme nourriture.
Del AConfeffioncftantinterrogué,refponditqu'iln'yaqueDieu feul qui pardon-
Confcffion ne jcs pechez,comme il teftine par fon Prophete^difant , le fuis celuy qui efface les pe-
aie4*' chez pourfamour de moy:5i n'y en a point d'autre. Ceque confefToyentlesScribcsÔC
Marc % Pharifiens,quand ils difoyent,Quieft-cequi pardonne les pechez,finonDieu feul? Par-
quoy à luy feul nous nous dcuons tous confefler,comme les fainds Prophètes ontfai't:
èc ilgnamment Daujd , lequel fait parfaite confeflîon de fespechez,en demandant à"
Pfci ji j-j-cu grace^r mifericorde.il eft vray q nous deuons confelter nos péchez l'vn à l'autre,
comme S. laques nous admonefte : autrement , Dieu iamais ne nous pardonnera, ainfi
laquer fi nous auonsofrenfé l'vn l'autre Iefus Chrift leteftifle, difant ,Si vous ne pardonnez
lespechezaux homes qui vous ont ofTenfé,voftrePerecelefteaufïi ne vous les pardon
Mitthkui^ ncrapoint>parcjônons,& il nous fera pardonne.
S v r la Me/Te eftant enquis:il a refpondu que l'Efcriture fainde contient entieremét
Meflè les commandemensque Dieu nous commande de garderai nous voulons eftre fauuez
par lefquels les idolâtres (ont condamnez. On trouue en Exode les commandemens
Exode zo d'aim er Dieu &c le prochaimnon pas de faire idoles. Au nouueau,que IefusChrift com-
j. tth mande d'aim er nos ennemis,de prier pour ceux qui nous perfecutét , &c leur faire bien:
s'ils ont faim,de leur bailler à manger:s'ils ont foif,de leur donner à boire-.mais de Mef-
fe,en toute l'Efcriture fainde il n'en eft mention quelconque. Dôtn'éparleray dauan-
tagepuis que l'Eicnture fainde n'en parle point: pluftoft pricrayDieu qu'il nous face-
garder fes fainds c6mandemés,&: ne permette point q nous facions iamais chofes qui
luy foyent defplaifantes.En ce faifant nous viurons par fa grace,laquelle il ne veut eftre
laiiTee pour vn myftere d'abomination queSatan à fabriqué malheureufemét en l'hom
me de péché &: fils de perdition , lequel par fon orgueils vaine prefomption veut per-
, dreleshabitansdelaterre.
Vaux. jL futauniinterrôguédesvceuz:&:refpondit que toute créature qui voudra entre-
prendre de faire vne œuure pour complaire à Dieu , fansauoir efgardau vouloir d'ice-
luy, il eft impoffible que cefte œuure ne foitmalheureufe , comme vne œuure idolâtre
qui fe baftit félon l'intention & aftedion du cerueau de l'hommedequel eft pi 's fouuéc
deftourné de Dieu qu'il n'eft régé àfairefon vouloir. Le vœu q toute créature doit fai-
re pour fon falut,eft de prier Dieu qu'il luy face la grâce de faire fa volôté, & renoncer à
la iiéne,qui eft plus pr ompte à mal faire q biemcar le bien q nous voulons fairc,nous ne
lefaifonspoint-& le mal que nous ne voulons faire,nous lefaifohs.La vraye médecine
pour renoncer à nous,& mettre bas tout noftre vouloir eft *de dire purement de cœur à
Dieu,Tayolontéfoitfait€:çvot€0:zm de ne vouloir faire autre chofe qu'icelle : autrement
. celuy. qui voudra faire Ta volute propre,fe moquera deDieu,en difant,r<* yolontéfott faite. Dcuc,
Remcctôs donc en luy nous &c noftre arFairexar c'eft luy feul duquel tout bien prouict,
&c qui donne le vouloir àc le parfaire,felô Ion bon plaifïnàcquiefçant à ce que ditMoyfc
au Deuteronome, Vous ne ferez point ce qui vous femblera bon & droit* mais vousfe-
rez feulement ce que Dieu vouscommande,&: ne déclinerez riy à dextre nyafcneftre. pèlerinages
Interrogv e des pelerinagcsrdit que le pèlerinage falutaire à tout Chrcftien,eft
de cheminer fainctement en ce monde,en patience, dilec^ion , chafteté &c charité , fâ-
chant que nous ne fauons iour ny heurc,& que nous ne fommes que pèlerins durant le
teps de noftre vie:que fi nous lauons employée & conlommce en abus,laiflans de faire
fœuure deDieu,pour circuir çà&là parmy la terre qui eft fiéne, fans fon cômandemétj
il ne fera pas moins qu'vn homme quiferoit Roy ou Prince, qui demâderoitpourquoy
on feroit vagabond fur fes terres &c pays. Et pource que le temps eft court,haftons-nbus
de nous en aller au Seigneur noftre createur,duquel nous auons toute force & vertu:&:
nous retirer à luy feul par fon Fils Iefus Chrift,pou r auoir remiifiô de nos péchez , & viè
eternelle:lc prians denous reccuoir au iour dernier. v
Înïerrogvi qu'il fencoit de lapreftrife : a refpondu que tous Chreftiens foht De ^ ^
preftres,car.S Paulaux Romains dit,Que Dieu en donnant fon Fils; rious'a donné tout ftrife.
auec luy.& eft bien manifefte qu'en l'ayant noftre,auôs toutrcar iamais le Fils «eft fans Rom-*
le Pere &L le S.Efprit, entant qu'eux trois ne font qu'vn Dieu,vn vouloir , vnfcefTencefc
vncpuiflance,vn repos & vie eternellerainh* donc en ayant tout > il n'a rien qui ne foie
noftre:luy qui eft Dieu, nous a faits dieux auec luy:luy qui eft Roy^nous a oints aqec luy
rois, pour régner éternellement en fon royaume:luy qui eft Preftrc , nous a facrezaucc
luy preftres par fon fâg*pour faire oblations &c facrifices de nos corps,de rtos efprits , de
nos cœurs côtrits à Dieu fon Pere & le noft re:côme il eft eferit aux Rom. de l'obJatiô,&
auxHcbr.& auxPfeau.Des Preftres,il eft eferit en l'Apocal.i.& io.chapitres.Ie ne parle
pointdelapreftxifeRomaine,mais delà preftrife intérieure &fpirituclle , de laquelle
parle S.Efprit tout bon Chreftien qui a viue foy,eft preftre:non point en office, c'eft à
dire,depouuoiradminiftrer- publiquement la Éaincteparolle de Dieu, qui n*appartieht
qu'aux Pafteurs que Iefus Chrift a m is pour ce faire en fon Eglife : mais en dignité.c'eft
que Iefus Chrift les a faits dignes d'offrir leurs corps,ames,&£ cœurs contrits,en oblatiô
à Dieu le Pere,qui eft l'efFed &c dignité des Preftres. qui nous doit donner grand coura-
ge de nous prefenter deuant Dieu,pour impetrer remiflîon de nos péchez, & nous af-
feurer que la vie éternelle nous fera donnée par Iefus Chrift noftre Sauueur , qui nous
a acquis tous biens celeftes,qu'ilnousa dônez& faits noftres, pour viurc eterncllemét
auec luyiauquelfoithohneut&gloireà iamais.
* p r e s que ledit Neel eut pour confeflion & profeffion de fa foy, préfènté lesref-
/xponfes cydcfTuscontenues,les ayant fou(iîgnees,fut procédé par les officiers du fuf-
dit euefque d'Eureux à la condamnation d'iceux articles &c refponfes. Cepédant Neel
eftoit fort mal traité es prifons dudit Euefque, & partant fit requefte au Lieutenant
criminel duditlieu(quifouuent le venoit vilîter &confoler auec vn aduoeat homme
craignant Dieu)à ce qu'il fuft mené és prifons de Cour feculiere,qu'ils appcllent.Quoy
encêda s les officiers de l'Euefque, après auoir détenu ledicNeel l'efpace de deux mois,
le hafterent de prononcer contre luy fentence de condamnation &:degradation:de la-
quelle fentence ledit Neel par l'aduis de fes amis fe porta pour appelant cÔme d'abus.
Les raifons pourquoy il appela en cas d'abus de la fentéce des officiers dudit Euefque,
ledit Neel les a mifes par eferit comme s'enfuit,
Caufes & moyen d'appel de Guillaume Neel.
An v in t le Mercredy de Pafques dernières, m.d.lii i, que l'cuefque d'Eureux me
fît venir deuant luy en fa chambre,où eftoit grand nombre de Chanoines , pour fa-
uoirfi ie vouloye perfîfter en la côfeffion de ma foy,que i'àuoye faite: auquels ie dy qu'y
peruftoye:&: quant & quant que ie m oppofoye à l'information qu'a faite de moy leur
Doyen,& à la depofition des tefmoins d'icelle,comme i'ay toufiours fait : ayant perfîfté
depuis le premier iour iufques à maintenant en la r eie&ion de ladite depofition . Ces
G uillaumc^j Neel
parollcs dites,ledit Euefq me reuoyaen ma prifon: vne heure après me réuoya quérir,
eitât en Ion liège de la cour d'egli (e,où grâd nôbrc de peu pic eitoi it afîcblé: &: eitâ t de-
uant luy,me commanda de me mettre à genoux:cc que ie fy , ne lâchant qu'il me vou-
loir dire ne faire:carvne heure deuantie l'auoye prié au nom de Dieu de ne me faire
agenouiller.le leur remonftray qu'ils examinaflent bien macôfeliioii,laquelle n'eiloit
point de petite importances: que la vie de l'homme eltoir plus precieute que celle d'-
vn poulet-.ee neantmoins fans aucun efgard,i'Euefque l'cant en fondit liege , commen-
ça a due comment i'eftoycobllinc,&: que pourtant il m'alloit prononcer ma lcnten-
ce .Mais auant qu'il commençai!: àmcla prononcer, ieluydy ces parollcs deuanc
tous,Monfieur,micux vaut tard que iamaisne vous reeufepour mon iuge, pour certai-
nes &fuffifanrescaufcs de rccufatiomqueli vous procédez plus outre , ie protefte de
nullité entierementde tout ce que vous ferez. Commeie difoyeccsparolles, l'official
dudit Euefque commença à prononcer ladite fentence deuant moy. &: incontinent ie
luydy,ren appelé comme d'abus,pardeuant meilleurs de Parlement • &L nonobftant
mon appelation dudic abus, ils pourfuyuirent iufqu a la fîi). Ladite fentence acheuee,
ie dy audit Euefque ces mots, Montieur,aycz mémoire que ie vous ay recule pour mon
iuge, pour railon lufftfante:dont derechef l'en appelé comme d'abus . Et pour mes rai-
fons,iedyoutrccequ'ilaattentéplusoutrequ'ilneIuyappartenoit , qu'ona rapporté
contre moy au procès de londit Doyen, que i'ay deu dire dudit euefque d'Eureux qu'il
eftoitmcichâthomme,dc faire des afnespreftres: pour laquelle délation ielay reculé
pour raoo iuge,craignant qu'il ne donnaft contre moy fentence vindicatiue, comme il
appert eftre aduenu,&: voit-on par expérience de fa fentence de dégradation . L'autre
raifon, c'eft que fondit Doyen difoit à certain tefmoin, comme il appert parle procès,
ces parolles,Aidez-moy à mettre ce mefehant hors du monde, qui fera vne œuure de
charité.-lequel doyen eft celuy qui m'a volé ii peu dè bien que i'auoye , tant en hardes
Blafphcmw qu'en argent. L'autre raifon eft,que ledit Euefque auec les Tiens m'ont iugé facramen-
conerc k b caire,&: eux melmes renient le vray facrement . Leur erreur eft,comme appert audit
panent. procés,qu'ils ont dit qu'il faut du tout croire &c confeiTer,quc le corps de IefusChrift eft
realement & de fai£t en leur Euchariftie,comme il eft forty du ventre de la vierge Ma-
Argumcnt rie,comme il a marché,beu & mangé eftant mortel au monde,comme il fut affiché en
pour rc ia croix:ce que i'ay nié & nie eftre en cefte forte en la Ccne que Iefus Chrift a faite U in-
KeS- ftituce pour la commémoration de fa mort &c refurreétion. Et ay reprouué leur erreur
ûintiition: par ceft argement,S'il vous conuient manger le corps de Iefus Chrift comment il eft
forty du vëtre de la vierge Marie,commc il cftoit au monde & en la Cene,commeil fut
fiché en la croix. nous ne feriôs point encores rachetez:noftre foy feroit f auiîe,&: l'Efcri
ture feroit menteufe . car nous croyons que le corps de Iefus Chrift eft immortel , glo-
rieux^ affranchi de tout vitupere& touiment,afïïs à la dextre de Dieu le Pere au roy-
aume des cicux:comme la fain&e Efcricure nous le monftre.Et telle eft noftre foy, qu'il
nous affilie en cefte forte,en faifant vne vnion en fa fain&e Cene. Ainfi il y a grande dif-
férence entre ce qui eftoitdeuant la mort de Iefus Chrift, &: eft maintenant après fa
mort. On void donc par cela leur herelie:&: comment ils ont mef-ule en me iugeant.
Ayant ainfi remonftré mes caufes de reeufation , ie dy à mon aduoeat , Monfieur
ie vous prie au nom de Iefus Chrift de défendre ma caufe,ou pluftoft la fiéne. carie n'ay
dit parolle qui ne foira la gloire de Dieu ,& àl'edifîcatiô del'Eglife. Et ii parle comme
vn homme au li& delà mort,nc penfant qu amaconfcicnce.
De quelle confiance le Seigneur arma ce Martyr au dernier combat.
r s t a n- t Neel es angoilies de la detention,fit quelques efcrits,fecôfolant en iceux:
E-sôc encre autres il alailië cerrain aduertifremem,pour di/cernerles fauxprefcheurs,
qui defguifent la vérité en menlonge.Finalement après qu'il eut auili mis par efcrit,&:
remonftré poui griefs d'appel les raifons cydeflus deduites,&queles tefmoins contre
luy produits cftoyent l'es parties aduerfes: d'autant quil les auoit reprins yurongnans
&: blafphemans le nom de Dieu, le îour duMardi-gras ( ainfi nommé entre eux, à cau-
fe des defbordemcns énormes qui s'y commçttét) tut tiré de la prilon pour eftre m ené
àRouan.Enforrantietca la veue furie popUlace(qui là eftant mené de grande cruau-
té,crioit après luy)&; de grande compaftion qu'il cut,les admonnefta&: pria Dieu d'à-
uoirpijic de leur ignorance.Et voyant qu'il n'auoic aucune audiencc,&: quclesfergcâs
Simon La/oc. 274.
le haftoyent d'aller,!! femit à chanter le Pfeaume, Apres auoir conftamment attendu,
&c.&ainû au long du chemin sefiouiflfoit au Seigneur. ^ Arriuéqu'ilfutàRouan,in- pfeau-«*
continenron le prefentaàla cour de Parlemét,pourYaire iugement fur Ton Appel. En-
t re autres cofcilliers de ladite Cour,il y en eut quihumainemét l'interrogucrét , mon-
ftransafTez qu'ils portoyent bonne affe&ion à l'Euangilerde forte qn'ils firent leursef-
forts de le faire déclarer bien appelâc,fous couleur de quelques formalitez qu'eux-mef
mes mettoyent en auant,& faiiôycnt valoir.entre autres pource que ceux de lofficiali-
té d'Eurcux procedoyent à fa condamnation lafepmainc qu'ils appelent fain&e. Mais
Neel ne voulant eftre aidé de telles raifonsiâins defirant de manifefter la doctrine qu'il
portoit,commençaauec hardie/Te defouftenirla vérité de la doctrine du Seigneur, &:
fur tout de la Cene,&: de condamner par confequent la MefTe:dc manière qu'on le ren
uoya à Eureux pour receuoir fent'ence de dégradation. Les officiers de l'euefquc d'Eu-
reux defirant dedefpefcherceft homme qui leselclairôit de troppres, ne tardèrent
gueres à luy prononcer fa fentence, & faire dre/Ter vn efchafiaud deuanc le grand tem-
ple,pour mettre en exécution leur dégradation a&uelle,qinls appeler. Sur ceft efchaf-
iaud monta l'Euefquc aucefes officiers &: le Penitétier cy de/fus nommé: lequel s'eftât
vanté de conuaincreNeel deuant le peuple,commença à dire en monftrant de fa main Degradatiq,
le patient,L'enfant après auoir efté doucement traité de fa mere , non feulemêt ne luy deNcd
cft obenîant mais cerche fa rnine,&c. Et après long proefme fit fonillation , Comme
fait ce mal-heureuxtlequel ayant efté religieux Auguftin,maintenant perfecute & nie
Dieu &1 eglife fa mere,&:c.Sur quoyNeel à haute voix s'eferia &dit,U n'eft pas vray:car
ic croy en Dieu,& fuis certain de la fain&e Eglife,laquelle ie croy.Puis ce teu t. & le Pe-
hitécier pour le confuter luy accorda qu'il eftoit bien vray qu'il croyoit vneEglife inuifi
blc:& décela print occafion de s'eferier cotre cefte Eglife que fouftenoit Neel,pourap
prouuer celle du Pape.Entre autres babils,ayant déduit vn catalogue des Euefques an-
ciens de rEglifc,dit pour conclufion, Voila fur quoy eft fondée noftre eglife. Finale-
ment adrefiant l'a parolle au patient,com me par mefprisdemanda,M. Guillaume , fur
quoy eft fondée ton eglife>qui font tes Euefques anciero?Lors Neel s'eferia , dilànt , Ie-
fus ChriftJeiusChrift & fes Apoftres:&: n'adioufta dauantagc.CPeu de temps après ces
myfteres de degradatiô fut côdamné à eftre bru/lé vif*& eftre baaillonné en la bouche
pour l'empefcher de parler au peuple. Il endura aùec vne debohnaireté admirable
tous les tourmens qu'on luy voulut faire:& ne parla point iufqu a ce qu'au plus fort de
la flâme ardente le baaillon eftant tombé de fa bouche , fut entendu crier au Seigneur:
tellemét que le bourreau luy dôna d'vn crochet fur la tefte, &: l'accabla du tout. Le peu
pie s'eferia contre le bourreau:& nonobftat q n'a gueres ileuft eu horreur &c exccrati6
là venue de ce fainft perfonnage,ayantveuneantmoins fa grande conftaceen la mort
fi cruelle,eut opinion qu'il eftoit home de bien,& qu'il eftoit mort vray Mai tyr.Les fem
mes pleuroyent, &c difoyent qu'il auoit gaigné le Penitentier : chacun en deuifbit côme
il en fentoir. breffarriortfk vnfrui&ineftimable au pais d'Ettreux&àl'enuiron.
SIMON LÂLO EydeSotfons.
V N E commCon tant rare,atïauoir d'vn bourreau qui deuoit exécuter en dernier fupplice ce Martyr, rend ân^H^ere^ ad-
mirable la bonté du Seigneur en la mort des liens:& nous tcftifie que iamau clic n'dt lins produite infyjjt i Hs&aa-
ceroent defon Eglilc.
I M O N Laloé Soiflbnois lunetier , partit en ce temps de Gcneue, où il
demôuroit,pour voyager eh Francetfc fut appréhendé en la ville de Diion M.D.UH.
le Mardy17.de Se ptcmbre,M.D.L i n. De premier abordle Vifconte mai-
re dudit Diion l'examina fur trois poin&s: a/Tauoirdù lieudefarefidence:
de la foy qu'il tenoit:&: de ceux de fa cognoiiTance,qu'il appeloit fes complices. Quant
au premier,il luy dit qu'il s'eftoit retiré en la ville de Gcneue auec fa famille, pour iouir
des grâces q Dieu y a mifes.Touchât le fecôd, il redit entière confeffiô de la foy qu'il te- toireTd?
noit,voire plus auat qu'il n'en fut interrogué. Le troifieme poindt eftoit ce q principa- uloé
lemet les aduerfaires vouloéy t ouinmais il leur dit cju a cela il ne fauroit que refpondre,
Livre 1 III. Simon Laloé.
ne fâchant qu c ceux de fa corn pngnie eftoyent deucnus:&: au furplus que ceux de fa co
gnoiifance eftoyent en la ville de Gencue. Lesaduerfaires par leurs interrogations ne
pouuanstirerautrecholedeluyjapresqu'ilcucfignéfaconfenionvprocederentâfacô-
damnation.
Le Mardyzi.deNoucmbre.,M.D.L 1 1 i,ayantreceu fentence demort , ainfiquele
bourreau cftoit venu en la prifon pour le lier&: menerau dernier fupplice,ce perfonna
ged'vne face loyeufe le receut&careffa de cette parolle, Mon amy , ien'ay veu de ce
îourdhuy homme qui me foit plus agréable que toy . & luy tint plufieurs propos,telle-
ment que l'exécuteur plouroiteft.int monté fur le tombereau auecluy. Eta grand re-
gret procédai Ion exécution. Simon auantmourirpriad'vne véhémente vertu d'orai-
fonpourfesenncmis:&: endura le martyre bien allègrement ledit iourn.de Noucm-
ConuerGô bre.De cette mort ledit exécuteur nommé M.Iaques Sylueftre , fut tellement confir-
dc laque* mé, qu'il délibéra expreffément d'abandonner fa condition miferable, &: ne plus eftre
sykeike. cxccuteur du fang innocentée manière que quelque temps après il fc retira à Geneue,
pour y viure félon la reformation de l'Euangile . Ces propos &: autres lignes de gran-
de repentance,ont cfté ( comme auffi le furplus de celte hiftoire)atteftez par gens fidè-
les Se dignes de foy,qui ont etté prefehs non feulement à la mort du fufdit Martyr, mais
auflï depuis ont parlé auditM.Iaques,& l'ont adrefTé,coniblé &c retiré de la difficulté &
deffiance qu'il auoit de pouuoir obtenir remiflion de tant de fautes &: ofFcnfes, &c fur
tout du feng innocent exécuté par fa main.
ESTIENNE LE ROY,^PIERRE DE NO C H E A V.
L* E X F. M P L E de ces deux nous aiîlurc,quand il eft queftion de fouftenir la vérité du Seigncur.quc la viftoirc & au com
bat eft^u tout noftrc.encant que le Seigneur auquel nous feruons.l'a dés au-parauantacquife.La corifeiiîon icy conte-
nue,eft vn fommaire du Symbole,laqueIle tous deux ont fecllee par leur mon.
^D Lm' ÇlfllSiPIfP ^ Beau/Te de France Dieu appella en ce teps deux (iens domeftiques pour
manifefter l'Euangile de fon Fils.le premier Eftienne le Roy, natif de Chanf
fours bourgade à deux lieues près de Chartres,ayat demouré quelques iours
en l'eglife Françoife de Straf bourg reuint en fon pays,& print refidence à S.
George,quieft vne parroiife presdudit lieudeChauffours.où ilexerçoit office de no-
taire,ayantprins en (a maifonvn nommé Pierre Dcnocheau, qui luy feruoit de clerc.
Ce Dcnocheau auoit autrefois demouré àGcneue,& fort profité en la parolle deDieu,
tellement qu il faifoit valoir le talent que Dieu luy auoit commis, en enfeignant lesi-
gnorans,&: reprenant les blaiphemes.Ils ne furent pas long temps enfemble fans eftre
fufpe&s& accufezd'eftrc Luthericnsrquieft l'accufation que drelfent les ennemis de
vérité à l'encontre des enfans de Dieu. Au mois de Décembre , l'an m.d .l 1 1, ils furent
conftituezprifonnierspar vn Preuoftdcs marefehaux ,&: furent menez en la ville de
Chartres,en laprifondel'Euefque.Là eftansdetenus,& interioguczdeleurfoy,rendi-
rent ample telmoignage fans aucunement varier ne flefehir. Dcnocheau eut moyen
delailTerparefcritenlapnfonfàconfcliion,fondeeenla pure doctrine de l'Euangile,
dont nous auons icy inféré ce que nous en auôs peu tirer,comme du milieu du feu. Peu
té dlrct"1 de gens ignorent la difficulté qu'il y a de retirer les actes & contenions iudiciaircs de
rer ksTd'tes ceux ^ ^ont détenus prifonniers pour la vraye do<5trine:d'autant que Satan a bien feu
dugrertc fuggerer cette rufe au cerneau de fcsiuppofts ,de brufler entièrement les procès aucc
criminel. jcs pCrf0nnes.Ce qu'auons peu retirer de ces peribnnages eft tel qui fenfuit:
En qjt i s quelle cttoit ma croyance, ie refpondy que fay cette ferme foy, qu'il eft vn
Dieu auciel,viuâ:,immortel,&: inuifible,en trois pcrionnes,&: non diuil"c:al]àuoir Dieu
le Pere,commc nccment fans fin,autheur,createur &£ gouucrneurde tout , ayant fait le
ciel &: la terrc,& tout ce qui eft en iceux,tat créatures celeftes que terrettres, & les con
duit& tient fousia iiiiettiomayant toufiours la main à la befongne , rien ne fe fait fans
fa volontc,mais par fon congé & ordonnance.il enuoyc la pluye,le beau temps , ftcrili-
té,fertilité, vents, orages,foudres,tempeftes , fanté &: maladie ; &c par la prouidence il
gouuerne,conduit &c nourrit tout le monde,&: le tout fait &C difpofe à fon plaifir. Il a en
fapui/Tance les diables, lefquels il conduit par fafagcfTe, tellement qu'ils nepeuuent
bouger
EJliemele Roy4 Tierre Denççhea^ $7/
bouger ne fe mouuoir,finon par fa permin*îon:& leur fait mettre à exécution Tes madé-
mens, encores que ce foit contre leur gré &c intention.Et par ainfi nous deuons bien co
gnoiftre,confeifer & aduouër ce grand Dieu comme noftrc protecteur Se gouuerneur.
& le Fils fafageiTc,bonté&: vérité, quieft noftre Seigneur & SauueurIefusChrift:& le
S.Efprit,qui elUapuiflance de Dieu & fa vertu efpandue fur toutes créatures : neant-
moins les trois refident tous en vn. L'Ange impofa le nomdeleJUs , qui eft à dire Sau* Macth.i.
ucur:&: Chrift,oin£t Et fut conceu du S.Efprit,pour demonftrer qu'il eftoit enuoyé de
Dieu pour fauuer les fiens:print chair au ventre d'vne vierge nommée Marie, immacu-
lée & vaiiîeau d'clettion,de la propre fubftance d 'icelle , pour eftre femence de Dauid.
Ettoutesfois que cela s'eft fait par opération miraculeuie,& conception du S. Efprit, Luc 1,5:3.
Ainfi que le foleil entrepar vne verrière fans la froiflenauffi il eft entre au vétre virginal
fans compagnie d'homme, pour reparer l'iniure faite à Dieu par noftre pere Adam. En
après iceluy îefus chriflfittcondam/)e\ ayant efté trouué innocent /par vn luge nommé Poce
Pilate: par les luifs crmfié , ponant noftre maledi&ion furfoy, pour nous deliurer de
mort éternelle .Mort& cn)eucl)>&< mu autobeau, pour nous môftrcr quec'eftoit vne vraye
mort,qui nous eftoit trefnecefTaire^ fans laquelle eftions tous péris eternellemcnt.f^
defeendu aux enfers^ d'iceux a brifé les portes pour en tirer les fain&s Peres,& nous ofteç
d'entre les mains & tyrannie du diable,où nous eftions tous aflubiettis à caufe de la de»
fobeiiTance commife par noftre premier pere. tiers tour eft rejû/cité, pour demonftreç
que ce nous eft vne promelîe de refufeiter d'vne vie à autre,qui eft iavic eternelle.Aïo»-
té 4«w/,demôftrant qu'il auoit mis fin à toutes prophéties &c reuelation$,& qu'il n'eftoit
plus befoin qu'il conuerfaft au monde : & qu'au moyen de ce qu'il eft monte, nous auôs
vn grand profitrcar tout ainfi qu'il eftoit venu en ce monde pour nous fauuer, auflS il eft
monté au ciel pour ndus y attirer,^ monftrer que le chemin nous y eft ouuert par luy:& Rom*
que là il eft deuant la face de Dieu fon Pere, pour eftre noftre Aduocat &C Intércefleur,
Et toutesfois il n'eft abfent de nous que de prefence corporelle,& eft,& fera près de no9
iufqu a la fin.£#4/& à ladextre de Dieu fon Pwe,pour monftrer qu'il a reccu la feigneurie du Madh.^
ciel & de la terre,afin de régir &C gouuerner tout. Et de là viendra iuger les morts &*ks vifs:
qui eft à dire qu'il apparoiftra du ciel ainfi qu'il y eft monté,pour tenir fon iugemét , qui
noWs fera vn fingulier bien : car nous deuons eftre certains qu'il apparoiftra pour noftre
falut. Parquoy nous deuons attendre ceftejournee-la, &ne lauoiren telle crainte fl£
horreur : pource que celuy mefmc qui eft noftre Aduocat & Intercciîeur , a pas noftre
caufe en main,pour la défendre deuant Dieu fon Pere au grand iour de fon jugement.
Auquel Iefus Chrift ay confiance &£ attente, recognoiiTant tout mon falut &c appuy ve-
nir de luy:efperant eftre participant des grans biens qu'il nous a acquis par fa mort &
paflion.f t qudnou* fait receuoir par fin S. Ejpnticeux bénéfices , croyant fermement ce my-,
ftere-la, ne doutant point que le S. Efprit n'habite en nous, pour nous faire fentir la ver
tu de noftre Seigneur Iefus,&: cognoiftre fes graces.Iequel nous illumine pourno9 faire
cognoift re icelles grâces, &c les feele &c imprime en nos cœurs.Er au moyen de ce fenti-
ment,nous ne penl'ons à autre choie pour efpererialiir\qu'en Iefus Chrift. Outre, iecroy
tEgtfecatholi^cpù eft la compagnie des fidèles : laquelle Eglife Iefus Chriftja rachetée,
ainfi qu'il eft dit Ephef. 5, Iefus Chrift ayant racheté fon Eglife,l'a fan&ifiec , afin qu elle
fuftglorieufe,& fans macule ou pollution, Laquelle eft vne en Iefus Chrift ,efpandue
partout le monde:pource eft-elle nommé Catholique,qui eft à dire, vniuerfelle:&qui
fera vn iour aiîembleeaucc Iefus Chrift, qui eft feul chef d'icelle Eglife: que tout ainfi
qu'il ne doit auoir en ce monde qu'vne Eglife,qui eft S vn commun accord <gr volonté en ice-
luy Iefus Chrift,aufli n'y a-il qu'vn feul chef, le croy la remifîon des péchez^, c'eft que Dieu
parfabonré&dc fa grâce les quitte & pardonne à fes fidèles au nom de fon Fils Iefus
Chrift:tellement qu'ik ne viennent point en condamnation deuat fa face,nous faifant
pardon gratuitemét par fon Fils vnique noftre Aduocat,qui intercède pour nous deuac
\x\y.~>4pres iecroy la refûrrecliondeUcljatry&C la vie eternelle,pour monftrer que noftre félici-
té & ioye ne gift en cefte terre,&: qu'appreniôs à pafTer par ce monde corne par vn pays
eftrange, ne mettant noftre cœur aux biens &c délices de ce monde , prenans bon cou-
rageen atttendant la venue ÔC defeente de noftre Seigneur Iefus Chrift. Ainfi doc,puis,
que Dieu me fait ce bié &ç cefte grâce de le cognoiftreDieu véritable & immortel,crea-
teur de toutes chofes,8f qu'il m'a mis au m ôde,creé à fon image & femblance,ie le veux
toufiours auoir en mémoire, mettre toute ma (tance çn luy? le craindre, aimcr,feruir &C
Aa,
LiurCj 1IIL Efiienne le Roy , Tyrre Denocheait.
obéir au mieux qu'il me fera poflîble , félon fes fain&s commandemens , le requérir en
toutes mes neceflltez&: affaires, cognoiftre que de luy fcul vient tout bien , &c cercher
en luy tout mon falut& fecours non ailleurs.
invocation En q_v i s (i les fain£b qui font en Paradis, ont puiflance de nous aider &lecourir en
Ibbauîc h nos ncccffuct > langueurs &: arrimes , &: s'il les faut inuoquer, prier, & auoir vers eux re-
cours, afin qu'ils foyent nos aduocats , moyenneurs& inteiceifeurs enuers Dieu , pour
auoir remiflion de nos fautcs:au5s dit qu'il les raut honnorer , ccft leur porter honneur
&reuerence, en donnant la louange à Dieu , etf les enfuyuant félon qu'ils ont cnfuyuy
Iefus Chrift. mais de les inuoquer& prier commeaduocats, il n'y en a en toute l'Efcritu-
refain&e aucun tefmoignage qui en face mention. Et eux eftans en ce monde,prefchas
la parolle de Dieu, ils nenousont point cômandé de les prfer : mais feulement de nous
adreiTer à Dieu par fon Fils Iefus Chrift noftre feul aduocat & médiateur , d'autant qu'il
nyaqucluyfeul à quigloire& honneur foitdeu, ne qui cognoiiîenos fecrettes péfees,
ieani*. & fait fcrutateur de nos cœurs. C eft luy qui a dit, En verit é,en vérité ie vous dy,que tou
tes chofes que demanderez à mon Pere en mon nom,il les vous donnera.mfqaes à pre-
fent vous n'auez rien demandé en mon nom. demandez,& vous l'aurez , afin que voftre
i.TLnoM. îoye foit pleine &: accomplie. Et S.Paul dit que nous auons noftre Seigneur IefusChrift
pour mediateur,afin qu'ayas accezpar fon moyé, ne doutions de trouuer grâce. Et plu-
sieurs autres paflages en la faincle E(criturc,par lefquels il nous eft prouué que nous n -
auons que Iefus Chrift pour Aduocat & Mediateur.ôi que quiconques met fa fiance en
autre qu'en Dieu feul, &: en prie vn autre pour fon aduocat , il erre , &c n'a pas toute fa
fiance en Dieu.car quand on prie quelcun,c'cft d'autant qu'on en attend quelque pro-
fit: ainfi donc ceftuy la fcdeftourne de la bonne &: droite voyc. D. Si eft-il commandé
de l'eglife qu'il faut prier & inuoquer les Sain£ts,à ce qu'ils foyent nos intercefleurs en-
uers Dieu. R. Les prie qui voudra,cen'eft mon intention.
Pape. Enclv i s s'il ne croit point que le Pape reprefenteà: foit lieutenant de Dieu, collo-
que au lieu de S. Pierre: Dit que ce feroit à fau/Tes enfeignes,pource qu'il ne fait les œu-
ures de Iefus Chrift ne de S. Pierre,&neles enfuit en rien. ^ S'il eft chef de l'eglife Ro-
maine: Dit qu'il ne (ait qui eft rcglifeRomaine:& dit qu'il ne cognoit que l'EghfcCathd
lique,dont Iefus Chrift eft le chef, ainfi que S.Paul Ephef. i .récite* que Iefus a efté con-
ftituéchefde toute l'Eglife,& exalté de/Tus toute principautés aux Philip. r,Qu'il are
ceu vn nom par de/Tus tout nom. Aux Ephef 5, & ColoiT.3, Iefus Chrift eft chef des An-
ges &c de tous fidèles. Et encore aux Ephef. z. Le fondement de l'Eglife , eft la do&rine
des A poft tes & Prophètes. Et aux Ephef. 5, Iefus Chrift ayant racheté fon Eglife,l'a fan-
£tifiee,afin qu'elle fuft glorieufe &c (ans macule. Et q quiconques fe veut ofter hors de la
forme de l'Eglife dont Iefus Chrift eft le chef,& fe veut mettre &: arrefter aux ordônan-
ces des hom mes qui font de l' Antechrift-.il ri'eft pas de l'Eglife de Dieu , & renonce à la
communauté des Chreftiens&fideles.QuantàlapuilTance de lier &c deflier,c'eftlapa- #
rolle de Dieu,qui a cefte vertu d'attirer vn homme à la cognoùTance de fon Euâgile . &C
luy retiré & croyant à icelle,eft dellié:& où il n'y croit poin t. il demeure lié.
Purgatoire. E n qjv i s s'il croit qu'ily ait vn tiers lieu où vont les ames pour eftre purgees,que Ion
nomme Purgatoire:a dit qu'il ne fait autre Purgatoire que celuy qui eft fait par le pre-
cicuxfang de Iefus Chrift,par lequel les iniquitez des pécheurs font purgecsxar en l'E-
feriture nous ne trouuôs que puifîions eftre purgez de nos macules par autre purgatiô,
que parle fang de Iefus Chrift,qui a pleinement fatisfait pour rous vrais croyans,& n'a
rien fait à demy. Or ce feroit faire les chofes à demy ( qui font neâtmoins en fa poflibili-
té)les donner & délai/Ter aux hommes,pour par eux nous retirer de ce feu de Purgatoi-
re, en faifont œuurcscre leurs mains, il vaudroitautât dire que nous fuflîons fautiez par
les hommes & non par Iefus Chrift. Le bon Dieu n'a rien fait à demy: il nous pardonne
& le forfait & la peine. ^"Sur ce poin&ie pris la hardie/Te dé demander à l'Inquifiteur, fi
Purgatoire eftdit deuant ou après l'incarnation de noftre Seigneur IefusChrift.dequoy
M"d»-3- ilnefitrefponfe. Et ie luy dy qu'en vnEuangile noftre Seigrîeuradit, que lavoyeeft
grande&fpacieufe qui meincàdamnation,&, la fente eftroitequimcineàfaluation.Et
M-irci*. quicroira ôc fera baptizé,fera fauué;&r qàïhecroira,il eft defia condamné. En quoy ap-
pert qu'il n'y a que deux voyes. Qui mourra fidelc,fera iauuér&-ïnfidele,fera damné. Ec
Iefus Chrift eftant en la croitf,lé brigand le firppha, Seigneur,quand tu viendras en ton
iLuc ij. royaume, aye mémoire de rhoy : fie le Sérgrieur luy refpondi Tu feras auiourdhuy cok
loque
Eftienne le Roy , Tierte Dcnocheaù. 276
Ioqué auec moy eh paradis.
En ojr 1 s touchant les parollesfacramcntales dites furlepain 6d e v in tafTauoir fi Pactes
par icellesThoftieconfacree parle preftre, ne deuient point le corps de Iefus Chrift,tel «^"^
qu'il a repofé au ventre de la vierge Marie: Ierefpohdyque iene tenoyerien décela:
mais que i'entendoye fermemét que le pain &c le vin en la Cehe du Seigneur nous font
donnez comme tefmoignage,gagc& mémorial que noftre Seigneur nous delaiflbit en
Commémoration : afin que toutes fois,& quantes que nous ferions cela < nous euflîons
fouuenance & mémoire de fa mort & paillon, qui eft pour nous aifeurer & tenir touf-
iours fermes en la foy .Et qu'il n'entédoit & ne parloit point que ce pain fuft rôpu pour
nous, ne ce vin refpandu pour nousrmais quec'eftoit ion propre corps & fang,qui nous
eftreprefenté par ce pain & ce vihenfaifant la Cene. Et qu'il ne fe falloir pas arrefter
auxelemés corruptibles:mais pour enauoir la vérité qu'ilnous falloit efleuer nos yeux
& noftre efprit en haut au ciel,où Iefus Chrift eft à la dextre de Dieu fon Père. Nous
auons preuuc fuffifante en plufieurs partages de l'Efcriture faincte, que Iefus Chrift a-
uec fon corps eft monte' au ciel , d'où il ne defeendra îufqu'a ce qu'il viendra polir tenir aû«E
foniugement. Et ne nous faut douter que par la foy que nous auons aux promefles de
Iefus par fon S. Èfprit, en prenant le pain & le vin qu'il nous lai/Te en fa faincte Cene , il
hliabiteennous&en nos cœurs. Etalleguantcequefainâ, Auguftin dit cnfohliure.
Des rétractations j Pourquoy prepares-tu ta bouche & ton ventre ? croy,& tu l'as man-
gé : l'vn des aflïftansfoudain me dit,que cela ne s ehtëdoit que pour les malades qui ne
pcuuçnt vfer des Sacremens. Mais ieluyrepliquay,qu'il n'y a quelafo^qucnousauonà
en Iefus Chrift,croyâsen luy &c en fes prome/Tes,qui le nous fait receuoir en nous:&que
le dire de S. Auguftin ne s'entend point pour les malàdes,mais pour ceux qui prennent
ce pain 6C vin en la Cene. Si vn Pape Grégoire a mal interprété ces parolles , ou qu'orï
les interprète mal fous couleur de luy ou de fbn direis enfuit-il que nous deuiôs croirefic
tenir cela autrement quece qui eft cy de/Tus allégué pour véritable? TSlbftre Seigneur
Iefus Chriftainftituéfa Cene, pour nous a/Icurer que par la communication de fon
corps, reprefenté parce pain& vin,nos âmes font nourries ehcfperance de la vie éter-
nelle. Et aufîî par cela nous fignifibit& donnoit à entendre, quainfi que le pain maté-
riel a vertu defuftéternos corps humains :auffi fon corps fait le pareil enuers nosames;
qui les nourrit ôÊviuifiefpirituellemcnt, Et mefme comme le vin rend l'homme fort;
le conforte & le refiouit , au/fi fon fang eft la force,la ioye & réfection fpirituelle de nos
^mcs:&fauttoufioursenprehantce pain&:vin,reucniràla chofe fpirituelle, & non
corporelle ne corruptible : & croire que Iefus Chrift eft mort pour nous , àc a refpandu*
fon fang pour nous deliurer de la mort etcrnelle,&: nous acquérir la vie.Et que ce figne
te tefmoighage qu'il monftroit à fes difeiples, eftoit pour leur fignifier qu'il alloit don-
ner fon corps &L fon fang en la remiffiô de plusieurs, afin qu'ils n'en fufTent point ea doit
te, & que des grans biens & bénéfices qu'il alloit acquérir par fa mort 6c paffion, il nous
en feroit capable &c dignes, pourfentirle fruict& l'efficace d'iceux. O rie moy en de re-
ceuoir Iefus Chrift en nous, ce n'eft pas feulement de croire qu'il eft mort & refùfcitê
pour nous deliurer de mort eternelle,& nous acquérir la vie fpirituelle : mais aùffi qu'il
habite en nous par fon S. Efpric,& eft conibint auec nous , fi nous auons foy i eh telle V-
hion que le chefauec les membres: afin de nous faire participans de toutes fes grâces,
en vertu de cefte conion&ion. En telle foy ho9 faut manger fon corps & boire fon fang*
comme os de fes os & chair de fa chair.
Cïcy eft quafi le contenu de mon procei. Vray eft qu'ils m ont enquis & intcrrbgu©
d'autres poin&s:mais rien ne fut mis par efevit. Ils donnèrent iugement fur ce . aduifeZ
quelle tyrannie. Et font neantmoins à croire au timplc monde, que nous tenons mau-
uais propos contre Dieu & l'Eglifermais il appert bien du cÔtraire:car ce font eux-mef-
mesqui tiennent lepoure monde en erreur, qui pcnfeeftre aùvray chemin de&lùti
mais il en eft bien eflongné.
fVo 1 l a en efFeft la confeffion que fit Pierre Denbcheau,deuant ceux qui eftoyent
commis à fon examen,cependant qu'il eftoit détenu és prifoiis derctlcfque de Char-
tres. QùantàEftienne le FLoy, il rendit auffi bien ample confeffiohde verité:mais elle Efticnnele
ne fut pas recueillie par eferit. Il compofa cftant en la prifon aucunes châfons (pirituel- Roy $
les,quicontenoyentlafoy&refperanceqû'ilauoit:foheftat àc condition , que le Sci-
gneurauoit tant exaltée i de lauoirchoifi pour luy rédre teûnoignage deuantlcs honv tuSJm"
Aa. ii.
Lime 111 L
Pierre S errcJ.
mes. Il s'eiiouyfloit en prifon en les chantant, &: magnifiant les bontez nompareilles
du Seigneur.
E S deux perfonnages,apres ainfî auoir perfeucré vaillamment en la vrayc doctrine,
&: auoir repou/Té tous allechemens & promeiTes de deliurace qu'on leur faifoit, voi-
re &c les folicitations qu'en fit fEueique mefme,afîn de les faire defdire, furet finalcmét
condamnez àla mort dont ils fe portèrent pourappelans au parlement deParis:non
point pour efchapper le iugement de la mort , mais pour amplement magnifier , &de-
uantlesgransfouftcnirlado&rineduFilsde Dieu. La cour du Parlement les renuoya
aucc arrcft confirmatif de la fentence precedentc:tellement que peu après, fans les gar
der dauantage,furent exécutez en ladite ville de Chartres, l'an prédit , m. o. l i i i.
PIERRE SERRE, de Languedoc.
NO T F,Le&eur, en U procédure de ce perfonnage vne refponfc autant naifue & notable contre la Preflrifc Papale, qu'apo-
pbtbcgme qui le pourrait dire. Tu prendras amsi fruift au furplus de fon hiftoirc.
M- D- Lut STlIl^Sl I E R R E Serre eftoit de Lefe,au pays de Coferans, aflez près de Touîouze.
tlccluy ayant efté premièrement preftre, fe retira à Geneue , où il apprint le
Imcftier de cordonnier. Depuis il fut touché d'vndefir charitable de retirer
vn fien frère marié, hors de l'idolâtrie Papiftique. 8c* pour ce faire, fe mit en
chemin au temps d'hyuer, l'an m d.li i i.Eftantarriué en fon pays, il parla à fon frere,
& femblablement à fa femme , qui n'y prenoit aucun gouft,& ne vouloit ouyr parler de
delloger.Parquoy incontinent elle 1 alla déceler à vne fienne voifine , laquelle le tint û
peu fecret , qu'aufli toft TOfficialdudit diocefe en fut aduerty . &C craignant qu'il ne luy
efchappaftjlcfitconftituerprifonnierfans autreinformation. De la faire , n'en fut au-
cun befoin : car prom ptement il leur déclara fa demcure,& quelle religion il tenoit.Or
L'inquifî- ledit Officiais fes confors craignans d'eftre retardez par quelques appelations,aduifc-
ThouJouxe rcilt ^e Xiurcr entre les mains de Tlnquificeur de la fby ordonné à. Toulouzc. Par-de-
uant lequel aufli ledit Pierre rendit am pic confeflîon de fa foy ,iufqu es à dire à l'Inquifi-
tcur, que s'il vouloit fonder fon cœur,il fe trouueroit conueincu que ce qu'il fouftenoit
n'eftoit autre chofe que la pure vérité deDieuxc que prom ptement il luy prouuoit,luy
cottant les paifagesek chapitres,tantauoit-il bône&fraifche mémoire. Nonobftant il
fut côdamrvé par ledit Inquifiteur & le vicaire de l'cucfque deCoferans,a cftre dégradé
& mis en la main de la Cour feculiere. Pour faire cède dégradation , il fut mené en vne
petite ville près de Toulouzc , nommée Muret, & de là Huré au iuge des Appeaux ci-
nils ,en laSenefchaucé de Touîouze, qui eft auflî iuge des incours d'herefie. Ce iuge d'-
entrée interrogua Pierre,dc quel meftier il cftoit:& ayat ouy de luy que depuis quelque
temps il s eftoit mis à eftre cordonnier,il luy demâda de quel meftier il eftoit auparauât:
Hdas,monfieur{ditPierre)ieneroferoyedireque fauuevoftre grâce: car i'ay efté du
plus vilain, mefchât& malheureux meftier du monde. Plu ficurs des aflSftans eftimoyee
qu'il euftefte brigand, voleur,ou faux monnoyeur.& partant Texhortoyent de le dire
hardiment:&: fembloit que le remors &c doleance luy fermaft la bouche. Finalement e-
ftant importuné, dit auec foufpirs, Las, miferable que ie fuis, i'ay efté Preftre. Et fur l'-
heure rendit raifon pou rquoy ileftimoit cefteftat fi malheureux & maudit. Adonc le
iuge fut fort irrité, & peu de i ours après le condamna de faire amende honnorable, àc
demander pardon à Dieu,au Roy,&àiuftice,iauoirla langue coupée, & cftre après
bruflé tout vifrdont Pierre Serre fe porta pour appelant.
A c a v s e de quoy il fut mené en la chambre criminelle de la cour de Parlement de
Touîouze. où il perfifta cohftam ment en fa confeflîon . Et inte rrogué fur les griefs de
Serrededa- fon appel , il plaida fa caufe dit qu'il n'eftoit appelant de la mort , pourec qu'il ne
dcfôippcL vou^oic efpargnerfa vie pour l'honneur de Dieu, & le tefmoignagc de fa vente fa^
uoit aufnqucceuxaufqùelsilappekiit, ne luyfauucroyéntlavie: mais il eftoit appe-
lant de ce qu'on lauoit condamné à demander pardon au Roy , lequel il n'auoit offenfé'
non plus que la iufticcicàr quant à Dieu, il eftoit tenu & tout preft de luy demader par-
don.IÎ eftoit auflî appelant de ce qui auoit efté dit, qu'il aurqit Jalanguc coupée, car at-
tendu que le Seigneur la luy auoit donnée pour le louer , il luy eftoit aduis qu'on ne lu}
de-
Plufieurs tïïtartyrs. 277
deuoit oftcr le moyen dele pouuoir faire fur le dernier poinct de fâ vie.Mais nonobftar,
ladite fenten ce fut conferniee par arreft de la chambre criminelle dudit Parlemét. tou
tesfois à raifon de quelque commiflîon baillée au premier Prefidét, pour faire mgerles
procez toncernans la foy, en telle chambre du Parlement qu'il aduiferoit;& que dés Y-
anneepreccdenteilauoitchoiiilagrand'chambre,ilpretendoit quetel iugement n-
auoit peu eftre fait en la chambre criminelle,
Pak.qv o y après difner les deux chambres, aflauoir la grande & la criminelle, fu-
rent aiTemblees>& ledit Pierre derechef mandé par-deuant icelles. Eftantvenu ,il fut
long temps fans vouloir refpondre, difant qu'il n'auoit plus affaire qu'à Dieu , puis que
fon arreft luy auoit cfté prononcé. Tputesfois à la fin il refpondit, &: perfifta en fa côfef-
fion de foy:& ne peut eftre deftourné par les grandes tentations dont il fut lors aiîàilly.
Il fut donc ordonné que ledit arreft fortiroitfoneffect, excepté f amende honnorable
& l'abfcifion de langue, pourueu qu'il ne dift rien contre leur religion. Comme on le
menoitau lieu du fupplice , enpafîant par-deuant le collège de S. Martial , le iuge luy
monftra vne image de la vierge Marie , & luy dit qu'il luy demandait pardon. Pierre re-
fpondit qu'il n'en feroit rien . car il ne lauoit offenfee : ioint que ce n'eftoit pas la vierge
Marie , mais vne idole de pierre. Cela dit,le iuge luy commanda de bailler la langue.ee
qu'il fit fans delay,& endura paifiblement qu'elle fut coupée. De là il fut attaché au po-
fteau,pour eftre brullé vif: ou il leua les yeux au ciel,&: les tît là fichez iufqu es à la mort;
fi que pour l'ardeut&vehemence du feu, il ne fe remua non plus que s'il euft eftéinfen-
fible.Dont tout le peuple fut fort efmerueillé:&: fut dit par vn confeiller du Parlement»
qu'il ne falloir plus ainfi faite mourir les Luthériens, attendu quecela pourroit plus
nuire que profite t à leur religion.
IEAN M A L O, Hamçer.
C E S T E perfecurion au pays de Haynaut dura iufqucs à l'an fuyuant,comme Ion verra en l'ordre des Martyrs cy après
E ST V Y-C Y eft delà femence des fidèles cydeuat exécutez à Mons en M.D.LLir,
1 Haynaut, en l'an m . d . x l i x . Il fut mis prifonnier en ladite ville de Mons,
1 pour auoir maintenu en quelque copagnie , que le pain de la MefTe n'eftoit
; qu'vne idole:& fut plus d'vn an gardé prifonnier en fôd de fofte à grade mi-
fere. Finalement en ceft an m . d . l 1 1 1 1 . il fut condamné à la mort. Ainfi qu'on le me-
noit au fupplice,on l'ouit difant à haute voix ce propos: Quand nous eftions foldats de Parolle no:
l'Empereur, combien de fois auons-nous mis noftre pourc vie en danger pour luy ? Sd tabIc'
maintenant craindrons-nous de la mettre pour le Seigneur? nous ne la {aurions perdre
àplus grand profit:mais nous ne la perdrons pas,car pour vne poure vie caduque &tra-
fitoire que nous luy lai/Tons en garde & gage, non en aurons vne éternelle & bien-heu-
reufe à iamais. Il endura ioy eufement la mort, en louant & beniflànt le nom de Dieu
iufques au dernier foufpir.
* GVILLAVME DALENCON &vn TONDE VK de draps.
L'E X E M P L E iey propofé en la pçrfonne de G. Dalcncon & du Tondeur,& pour nous donner courage en l'oçuure du Sei-
gneur,& aufsi pour nous humilier & apprendre à nous défier de nous-mefrnes, pour mettre toute noftre fiance en la force
du Maiftre duquel S. Paul dit, le puis toutes chofes par ccluy qui me fortifie. Philips
|N T RE ceux quionttafché d'aider les fidèles qui font fous l'oppreflîon de m.d.liiii.
Jtla tyrannie Papale, par communication & port de liures de la faincre Efcri-
[ture, & qui n'ont pour ce faire efpargné leur vie:Guillaume Dalençon , na~
^tif de Montauban, ne doit eftre oublié. Car après auoir fait plufieurs voya-
ges en diuers lieux : il a efté finalement conftitué prifonnier à Mont-peflier , ayant efté
trahy &liuré par faux frères. Il fut donc prifonnier entre les mains de ceux de la iufti-
ce, lefquels après l'auoir interrogué de fa foy, voyans qu'il perfeueroit conftamment en
la confeflîon de l'Euangile , le condamnèrent à la mort, le Samedy feptieme de Ianu ier
jd. ». ï. 1 1 1 1.
Aa,iii,
Richard le F Wo.
O a il y auoic vn autre prifonnier aufli détenu pour la caufe de la verité,qui eftoit ton-
deur de draps de fon meftier,qui par infirmité s'eftant deftourné de la pure côfeflion du
Fils de Dieu, tut condamné à taire amende honorable , &c eftre prefent à la mort dudit
Dalençon. Le iourmefme ordonné pour exécuter les fufditesfcntences,le Seigneur fît
grâce à G. Dalençon de tellement fortifier ledit perfonnage par les exhortations &c pat
Ion exemple,qu'iceluy ayant receu nouucau courage, demanda aux îugcs où deftrc re-
mené en pril'on, ou d élire bruflé auec ledit Dalençon : qu'autre amende honorable
il n'en teroit linon par la movt,confeifant vne mel'me doctrine comme ledit Dalençon.
En celte fermetés conftance moururent ces deux Martyrs de lefus Chrift. ledit Da-
lençon le le ptieme de Ianuier:&; l'autre le Mardy enfuyuant, dixième duditmois, au-
dit an m. l>. mu.
RICHARD LE F E V R E, de Rouan.
|^Jl y adequoy magnifiquemét glorifier le nom de Dieu , en ce^qu'il luy a pieu
ç^É ct ^l c annce tirer cn ^a dernière luite,Richard le Feure,compagno*n orfeurc
l^anatif de Rouan, lequelauoit eftéauparauant prilbnnierenlavillede Lyon,
Tan m. d . l i. où il auoitconltamment maintenu la vérité de l'Euangile,iuf-
ques à reccuoir lentence de mort:de laquelle s'eftant porté pour appelant , ainli qu'on
le menoit à Paris,il fut recoux fur le chemin de Lyô, & olté des mains de ceux quilecô-
duifoyent-Et combien qu'il y ait plulieurs eferits &c contenions dignes de memoire,fat-
tes durant ce premier empnfonnement:neantmoins puis que la mort ratifie tous lese-
ferits des Martyrs,&: eft à bon droit nommée le feau&: confirmation d'iceux»nous les a-
uons pa/Tez en ce recueil : ayant feulement mis pour tout acte dudit emprifonnement,
vne Epiftrc que lors IeanCaluin luy efcriuitfur quelques points&difhcultcz que Ri-
chard luy auoit propofez,pour eftre(comme il mandoit) par luy foulagé au combat con
tre les obiections de fes ennemis vifiblesôt" inuifibles . Or pour conferuer ladite Epiftre
refponliue , comme ainli foit qu'elle contienne grande érudition : nousl'auons icy mife
pour en faire participans tous fidèles, félon l'ordre cy deflus mis &c obferué és eferits de
tels excellens perfonnages.
EPISTRE deM. Iean Caluin , ennoyee de Geneue i Richard le Feure, contenant refponfe aux argumens que
font les aduerfaires fur les poin&s de la religion Chreftiennc , auec confeil & confolation finguliere, côment
le fidèle fe doit porter deuant les ennemis de la vérité.
TRESCHER f rere,côme Dieu vous a appelé pour rendre tefmoignage de fon E-
uangile, ne doutez point auiïi qu'il ne vous fortifie par la vertu de fon Efprit: & comme
délia il a commencé, il ne parface, fe monftrant victorieux en vous contre fes ennemis.
Il eft vray que les triomphes de lefus Chrift font mcfprifez du monde: car cependant
nous fommes en opprobre,les mefehans fe glorifient en leur orgueihmais tant y a qu'ils
ne lailTent point d'eître confus par la puiffance de celte vérité queDieu nous amis en la
bouche:&: aufli nous fommes fouftenus cn nos cœurs, pour nous glorifier contre Satan
& tous fes fuppofts, en attendant le iour que la gloire de Dieu fera pleinement reuelee
àlaconfufion-des mefehans &c incrédules. Ce que vousauezfenty &: expérimenté iuf-
ques auiourdhuy de la bonté de Dieu , vous doit confermer en certaine efperâce, qu'il
ne vous defaudra non plus à l'aduenir.cepcndat priez-le qu'il vous face fentir toufiours
micu x quel threfor ceft que la doctrine pour laquelle vo9 com battez : afin qu'au regard
d'icelle voftre vie ne foit poït pretieufe. Ayez aufii toufiours les yeux leuez en haut,à ce
bô Seigneur Iefusdequel fera voftre garant, puis que vo9n'eftes perfecuté que pour fon
nom.Penfez à celte glo'irc immortelle laquelle il no9a acquife, afin de pouuoir endurer
en patiéce les afflictiôs où vous eftes. Priez ce bonDieu continuellement, qu'il vous dô-
ne telle illue qu'il a prom is à tous les fiens:&: felo qu'il a voulu tirer voftre foy à l'examé,
qu'il vous race pratiquer la vertu de fes promeiîes.Et cômeil eft le Pcre de lumiere,qu'-
il vous efclaire tellement,que toutes les firmees que les malins vous mettront au deuat,
f^T1"'1 ne VOLlsPu,nrente^ouirlesyeux:& que toutes leurs finefTes&: eau telles ne vo'puilîét
drc^ujfwl °bfcurcirrentendement,que toufiours vousnecontépliezlevray Soleil de iuftiee,qui
çumens. eft le vray Fils de Dieu. ^ Quant eft de refpondre aux argumens, vous faites bien de re-
fpondre
Richard le F eurcj. 278
fpondre en toute implicite , parlant félon la mefure de voftre foy : comme il eft eferir,
i'aycreu,pourtantieparleray.Vrayeft que tout es les fubtilitez qu'ils cuidentauoir, ne pfcau iIf
font que îbttifes ridiculcs:mais contentez-vous de ce que Dieu vous a départi de fa co-
gnoiflance,pour rendre pur tefmoignage &c fans feintife à l'a verkè. Car quelque rifee
qu'ils en facentxe leur fera comme vne foudre à leur confu (ion, quand ils n'orront que
ce qui eit fondé en Dieu & en fa parolle. Au refte,vous fauez qui eft celuy qui a promis Luc «
de donner bouche Sciagelfe aux fiens,à laquelle tous fes aduerfaires ne pourront reû-
fter.demandez luy qu'il vous conduife félon qu'il cognoiftra eftre bon. Ils ne lai/Teront
pas pour cela de vous tenir conueincu d'herefie : mais autant en a-il efté fait à tous les
Apoftres &c Prophetes,& à tous les Martyrs.Le Greffier n'eferira linon ce qui luy vien-
dra à plalirrmais voftre confeflion ne lailTera pas d'eftre enregjftrée deuant Dieu & fes
Anges:& il la fera profiter aux liens félon qu'il eft à délirer.
I e toucheray en brief quelques points fur lelques ils ont tafche' de vous molefter. ^[jjj^dc
Pour vous donner à entendre que nous ne fommes point iuftifiez par la feule grâce de la foy.
Dieu^ils vous ont allégué queZachai ie & plufieurs autres font nommez iuftes. Or fur
cela il vous conuiét regarder cornent Dieu les a acceptez pour tels. S'ils fe trouue que
c'eft par fa bonté gratuite,en leur pardonnant tout ce qui cftoit à redire en eux ne
leur imputât point leurs fautes &c vices, voila tout le mérite exelud . car en difant que la
feule foy en Chrift nous iuftifie,nousentédons en premier lieu que nous fommes tous
maudits:&: qu'il n'y a que peché en nous:&: que nous ne pouuons penfer ne faireaucun
bien,lînon entant que Dieu nous gouuerne par ion S.Efprit,comme mébres du corps
defon Fils.Dauantage encores que Dieu nous face la grâce de cheminer en fa crainte*
que nous fommes bien loin de nous acquiter de noftre deuoir.Or il eft eferit, Que qui- Daiw
conque n'accomplira tout ce qui eft commandé, fera maudit.& ainli nous n'auôs autre
refuge qu'au fang de noftre Seigneur Iefus Chrift,qui nous purge & laue au facrifîce de
Ca mort, qui eft noftre fan&ificatiô.Par ce mefme moyé Dieu reçoit pour agréables les
bonnes œuures que nous faifons par fa vertu:côbien qu'elles foyét toufiout s entachées
de quelq poureté, Ainfi quiconque fe voudra appuyer fu r les merites,il fera comme pe
du en l'air,pour branfler à tous vents. Bref ceux qui penfent mériter aucune chofe , fe
font Dieu redeuable:au lieu de quoy il nous faut tenir le tout de fa pure bonté . Nous
ferons riches &abondans en merites,eftans en Ielus Chrift reftans hors de fa grâce, ne L .
penfons point auoir vne goutte de bien.Si les ennemis vous allèguent ce mot de Loy-
er,n'enfoyez point troublé. car Dieu rend aux liens loyer, combien qu'ils n'en foyent
point digncs:mais d'autant qu'il accepte les œuures qu'il a mis en eux > les ayant confa- Iuftifier
crez au fang defon Fils Iefus Chrift-.afin que de là ils prennent leur valeur. Parquoyle
loyer que Dieu promet à fes fidèles, prefuppofe la remiffion de leurs pechez,& le priui-
lege qu'ils ont d'eftre fupportez comme fes enfans.Et de fait,ce mot de iuftifier empor
te queDieu nous tienne comme iuftes,afin de nous aimer:ce que nous obtenons par la
feule foy. car Iefus Chrift feùl eft la caufe de noftre falut. Vray eft que S.Iaques le prend UqA
en autre fignification,quand il dit Que les œuures aident la foy pour nous iuftifier : car
il l'entend pour approuuer par erFed que nous le fomm es:côme aufll il ne difpuic point Sût l'imcr.
fur quoy noftre falut eft fondé,& en quoy il nous faut mettre noftre confiance:mais (eu. dcs
lement comment eft cognue la vraye foy, afin que nul n'en abufe , fe glorifiant en vain
du titre feulem ent. S'ils retournoyet à vous plus importuner fur ce poin&j i'efpere que
Dieu vous donnera dequoy pour les vaincre. ^ Quant à l'intercelïion de la vierge Ma-
rie &: des Sain&strefpaifez,reueneztouliouus a ce principe , que ce n eft pointa nous
à faire des Aduocats en Paradis:mais à Dieu,lequel a ordôné Iefus Chrift vn feul pour
tous. Item que nos prières doyuent eftre faites en foy :&c par confequent reiglees par la
parolle de Dieu, comme dit faind Paul au dixième des Romains . Ôr eft-il ainfi,qu'en
toute la parolle de Dieu il n'y a point vne feule fyllabe de ce qu'ils difent : parquoy
toutes leurs prières font prophanes & defplaifantes à Dieu. S'ils vous répliquent plus,
Qu'il ne nous eft pas defendu:larefponfe en eft facile , Qu'il nous eft défendu de nous
ingérer à rien faire de noftre propre fens, voire en chofe beaucoup moindre : mais fur
tout,Que l'oraifon eft vne chofe beaucoup priuilegee &: trop facree , pour nous y gou-
uerner en noftre fantalîe . qui plus eft,ils ne peuuent nier que ce qu'ils ont recours aux
Saincts,ne vienne d'vne pure défiance que Iefus Chrift feul ne leur foit afîezfuffifant.
Quant à ce qu'ils vont répliquant, Que la charité des Sain&sn'eft point diminueerla
Aa. iiii,
Liurc^j III L
Richard le Feurcy.
refponfe cft facilc,que la charité fe renge & limite à ce que Dieu requiert d'vn chacun.
Or il veut que les viuans s'exercent à prier les vns pour les autrcsules trefpafîez, il n'en
eft nulle mcntion.&: en fi grandes chofes, il ne nous faut rien imaginer de noftre cer-
ueau,mais nous tenir à ce qui nous cft recité en l'Efcrirure.
o_v a n t àcequelesaduei fairc^'alleguét,qu'il eft dit en Gencfc,quelenom d'A-
*f Jc braham Se Itaac doit eftrc inuoque api es leur trefpas:vray eft que le texte le porte:mais
expliqué c'eft vne pure moquerie de ramener à ce propos. Cela eit eferit au quarantehuitieme
de Genele,où il eit parlé que Iacob beniiîant Ephraim &Manan*e les enfans de Iofeph,
prie Dieu, que les noms de (es pères A braham Se Ilaac Se le lien foyét muoquez lui ces
deuxenfans , comme fur les chefsdes lignées defeendantes de luy. Or c'eft autant co-
rne s'il difoit, qu'ils fbyent reputez &: contez au nombre des douze lignées , Se qu'ils ta-
cent deux teftes comme s'ils eftoyent les enfans en premier degré . Io-.ntt auflî qu'ils e-
ftoyent nais en Egypte,il les ioinct par fa prière au lignage que Dieu auoit bénit Se îan-
élifié:pource que de ce temps- la ils en eftoyent comme feparez félon l'apparence exté-
rieure. Ainfi celle façon de parler nefignifiefinon de porterie nom d'Abraham,&:de-
ftre réclamez de fon lignage:comme il eft ditau quatrième d'E(aie,Que lenom du ma-
ri eft reclamé fur la femme : d'autant que la féme eft fous l'ôbrc&: côduitedefonmari.
Svr ce qu'on vous allègue fainâ Ignacc,vous n'auez point à faire grandeïefpon-
PaiTagc de fe.Il y a vne fentenec là où il dir,Qiie Iefus Chrift luy eft pour toure anciéneté. Armez-
s Ignace. VQUS £onc de ce feul mot,pour les ramener à la pure doctrine de l'Euangile.Pource que
i'ay vfé de ce terme-la contre les Papilles, ils prennét couleur de dire que i approuue&
prife ce liure-la.or afin q vous n'en îbyez point eftôné,ie vous aiTeure qu'il y a vn amas
de badinagcs fi lourds, que les Moines d'auiourdhuy n'eferiueroyent point plus fotte-
ment. Mais pource que n'auezpoint cognoiffance de la langue Latine , encores moins
de la Grecque, en laquelle fainct Ignace à efcrit,fi nous auons quelque chofe de luy à la
verité,vous n'auez que faire d'entrer en cefte difpute. Contentez-vous de leur refpon-
dre que ne pouuez faillir en fuyuant Iefus Chrift , qui eft la Lumière du monde.
Quant aux docteurs anciens , ceux qui l'ont plus exercitez leur en pourront dire af-
fez pour leur clorre la bouche, que ce vous (oit aflezd'auoir vrayefoyafteureecnla
feule parolle de Iefus Chrift,lequel ne peut faillir ne mentir. Et mefme que c'eft où les
renuoyent tous les Docteurs anciens, proteftans de ne vouloir eftre creus: finon entant
que leur dire fera trouué conforme à ce qui nous eft enfeigné de Dieu, Se qui eft conte-
nu en fa parolle.
S v r la matière du facrement delà Cene,quand il Vous parleront de leurTrafliib-
Sur la tranf ftannation,il y a reiponlé propre,Quc toutes ces ientences qu'ils ameinet,encores qu -
non1""" c^es dcuilcnt eu^re entendues à leur lens,nc fe peuuét appliquer à la MciTe.Car corne il
eft dit, C ecy cft mon corps Se mon fang:il eft auflï quat Se quant adiou fié, Prenez, man-
gez^ bcuuez tous de ce calice.Or entre eux il n'en y a qu' vn qui mange tout : Se enco-
res à Pafques,ils n'en donct que la moitié au peuple:mais qu'il y a encores vn plusgrâd
mal, qu'au lieu que Iefus Chrift,dir,Prencz:ils prefumét défaire vn facrifice qui doit e-
ftre vnique &: perpétuel. Et ainfi pour s'aider de ces parolles,il faudroit qu'ils euftent IV
lage de laCcnc,cc qu'ils n'ont pas. Au refte,vous au ez touiiours à protcfter,que vous ne
niez pas que Iefus Chrift ne nous donne fon corps , moyennant quenouslecerchions
au ciel. Sur routes les cauiilations qu'il vous pourroyent amencr,vous n'auez finô à leur
déclarer ce que vousauez veu&: ouy,fachat bie que c'eft Dieu de qui vous le tenez: car
noftre foy feroit bien maigre,fi clleeftoitfondcefurlesh6mes.il n y a doc rie meilleur,
finon de méditer continuellement la doctrine où gift la vraye (ubftancedc noftrcChre
fticnté,afin qu'en teps&: en lieu vous puiiïiez moftrer q vous n'auez point ereu en vain.
Et côme i'ay dit du cômenccment,fi les ennemis de vérité côbattcnt par ambition , de
voftre pan monftrez qu'il vous fuffit de donner gloire à P eu,côttc leurs rufes Se fophi-
, . , ftenes.Contétez-vousd'auoir pour voftre bouclier vne fi' !c eonfeUion dece q Dieu
La limple , -i-. /• 1 » i i • •
contdîion a imprime en voftre cœur.Tant moins vous faut-il r; urm or s ils vient de calomnies
de ce cjui impudentes contre moy ou contre d'autres, puis qu ils on r ; ii cce de mefdire fans raifori
la ie lou- ne propos. Portons patiemment tous les opprobres & vile nés, qu'ils nous ictterom def
dierdes fi- fus;car nous ne fommes pas meilleurs quefaind Paul,qui difoit qu'il nous faut chemi-
c C5, ner par blafmes Se par vitupères. Moyennant que nousfacions ce qui cft bon, quand on
dira mal de nous c'eft allez pour nous defcharger.Mais encore quand il non impofenç
telles
Richard le F eurc^f. 279
telles calônies,nous auos bien à rendre grâces àDieu, quand nousauons noftre côfcien
ce pure deuantiuy ôedeuat les hommes, &: que nous fommes hors de toute fufpicion
mauuaife» Et d'autre part, combien que nous (oyons poures pécheurs, fi pleins de po-
ureté,quc nous auons à en gémir concinuellemêt:toutefois qu'il ne permette aux mef-
chans de mefdite de nous,finon en mencant:voire pour les condamner de leur propre cWeil em-
bouche, d'auoircontrouué de nous ce qu'ils ne doyuenc point cercher loin , d'autant |^s™'c~
qu'il eft en eux. Glorifions-nous d6nc en la grâce de Dicu,Tucc toute humilité , quand ennemis
nous voyons que ces poures mal-heureux, cotnmeyurongnes, le glonfîenten leui tur-
pitudc.S'ilvous fait mal de les ouir detra&er ainii hauduleufemcnt de moy,vous deuez
eftre bien plus marri,deles ouir blafphemer contre nollre Sauueur& Maiftrc , auquel
tout honneur appartient:quand auec toute 1 innocence qui fera en nous, nous fommes
dignes d eftre accablez en toute confuiîon .
O r cependant confolez- vous en noftrc bon Dieu , qui nous a fait la grâce de nous
côioindretotalemétauecfonFils,&: quetouslcs diables d'enfer & touslesiniquesdu
monde ne nous en peuuent feparer.Eiiouilfez-vous en ce quevous fouftenezfa querel-
le en bonne confcience,efperant qu'il vous donnera la force pour porter ce qu'il luy
plaira que vous fourTriez.Nous auons telle fouuenance de vous en nos prieres,comme
nousdeuons:enfuppliantce bon Dieu,puis qu'il luy a pieu vous employer à maintenir
fa vérité , qu'il vous donne tout ce qui eftneceilaire à vn office tant honnorable : ^u'il
vous fortifie en vrayeperfeuerancerqu'il vous donne vraye prudence fpintuelle : pour
ne cercher linon laduancemttdefonnom,fansauoirefgardà vous.&qu'ilfemonftre
tellement voftre protecl:eur,que vous le fentiez à voftre côïolatiô,&: que les autres auf-
iil'apperçoyuent,pour en eftre édifiez. Tous les frères de pardeça vous faluent en no-
ftrc Seigneur,s'efiouiflans de ce qu'il a befongné fi puifiamment en vous,ayans auffi co
paffion fraternelle de voftre captiuité:&: délirent qu'il plaife à ce bonDicu dcfployer (a
bonté ci merci fur vous. De Geneue,ce dixneufieme delanuier, 1 5 5 1 . Voftre frère en
noftre Seigneur, Iean Caluin.
To v c h an t l'hiftoire de l'emprifonnemet fécond en la ville de Grenoble/cxamé
deccuxdelaiuftice&fes refponfes,& toute la procédure laquelle finalement ae-
fté couronnée de la mort qu'il endura trefeonftate en la ville de Lyon,il l'a détente am-
plement par les eferits qui s'enfuyuent.
Aux fidèles de l'Eglifede Dieu.
TRESCHERS frères &: amis en noftre Seigneur Iefus Chrift, ne foyez eftônez
fi derechef me voyez en captiuité,confiderans que le Seigneur Icfus ne m'a point en-
core ordonné de repos en ce monde,felon qu'il me l'a fait fentir &plus abondamment
depuis qu'il ma deliuré du péril de morr,& de la main des ennemis que fort bien co-
gnoiirez:&: par expérience ieî'ay mieux cogneu en diuers afîauts que Satan m'a faits,
qui m'ont efté comme monftres& preparatios de nouuellesguerres. Auffi le Seigneur
ïefus ne nous promet point en ce monde auoir paix, ou pour le moins gueres de treues:
combienque iel'euffe volontiers fouhaité. Et me fine il n'a point tenu à m'employer
de tout mon pouuoir,à cercher les moyens de tranquillité: mais (comme dit Dauid) pfcau.»e
quâdiela fouhaittoye, la guerre fe prefentoit.Et qui plus eft,i'ay t fté tellement fecoux,
que le plus fouuent luis tombé par terre,& comme cftourdi,ne fâchant de quel cofté ie
me deuoyc tourner . que il le Seigneur n'euft eu pitiédemoy, l'ycufTe incontinent e-
ftc accablé. Or iefpere que ces confiderations,enfemble le bon iugemenc tpiricucl que
le Seigneur Dieu vous a donné, ne vous permettra point tomber en vaines (pcculatiôs,
pour ignorer la prouidencc de Dieu &c (on con feil éternel, lequel fcul a conduit le tout
jufquesicy:efperant que l'ilfue fera à la gloire defonnom, &c à l'édification de l Eglifc,
5c à ma confolacion : corne défia le commencement en a efté à l'edificatiô de plufieurs,
quiontefté prefensàmonexarnendeGrenoble,tâtdeceuxdelaiuftice&:des prifon» uprifon
niers de Porte-troine,qu'auffi de gens craignâs Dieu,& autres freres,lefquels en pour- & Grenc*.
ront rédre fuffi(ant tel'moignage,cât démon examê,q des différés &: propofirions con- c'
tenues en mô procès. Et corn bisque ce ferait chofe prolixe à reciter, à caulé de la trop
longue procedure:toutefois puis que le defirez,i en >eciteray aucune choie , eltimant
que ne le requérez par curiolité;mais ieulement pour l'eclification de rEglife.
<j"Vo v s fauezaiTeztrefchers frères, commenous fommes expofezfouuentefoisà
voir& ouir diffamer l'honneur de Dieu, & pour cela me fuis-ie aduancé à défendre
Lmr^lllL
Richard le Feurc^r.
laverité^clon les moyens que Dieu m'adonné:d'autantmefme que par folicitation*
on me vouloir inciter à accorder aucunes fupcrftitions qui eftoyent pour me diuertre
de la religion &z foy Chreftienne,&: pour me réduire à leurs impierez : pource qu'ils £a-
uoyent bien que iauoyedemourc à Geneue.Iceux donc onc eitc la caufe de foliciter le
Preuoft des Marefcbaux du pays deDaulphiné,cependam que ie m'eftoye retiré au lo-
gis.Lequel enuiron dix ou onze heures de nuift me vinr appréhender &: lier de cordes,
me m enant(à caufe qu'il eftoit nuid)à la chambre d'vn des gens dudit Preuoft,nommc
la Branche:afin que le lendemain iefufle enferré en quelque prilbn. Ce qu eftârfaitjie
fu prefentë par deuanc le luge duditPreuoft des Marefchaux:lequel me fit incontinent
mettre aux baffes fofl*es,où ie demouray enuiron douze iours auec deux brigans qu'on
dcualloit le foir,qui me faifoyent grande fafch'crie par leurs meichanspropos:doncplu-
iîeurs honnelres perfonnages prifonniers cognoiflans mon affli&ion,folicitercnt leCa-
pitaine à ce que ie fuffe ouyrafin qu'après mon audience l'eufle la commodité & béné-
fice de lair-& le Capitaine ayant entendu ma mifere , fît toute diligence de foliciter le
luge dudit Preuoft:lequel luge ne me voulant ouyr,ne prendre aucune charge de m 'in
terroguer,me remit deuant ledit Vi-bailly,pource que l'Euefque ne voulut auffi pren-
dre aucune charge de moy.
A l'occahon de quoy le premier ioùr de ma captiuité fu pourmené par la ville,&de
première prïfon en autre.En la finie Vi-bailly enuoya vn de ces aduocars& affeffeurs dedans la
dê^Richlrd Pr,^on dePorte-troine,pour m'examiner auecleGreffienoù en la prefenec deplufieurs
c r frères ie fu examiné,tât de mon nô &£ furnom, q du lieu de ma nariuité:d'où ie venoyc,
&: où i'alloye^ que 1 attedoye en la ville:enfemble de la caufe de ma captiuité , de mes
liures,& des propos que i'auoye tenus en mon logis. ^ Or ayant refpondu âffez ample-
ment à cela,ie fu derechef examiné,affauoir fi ie croyoye en leglife Romaine. R. Que
non: mais que ie croy l'Eglife vniuerfclle& catholique.Interrogué quelle eft cefteEgli
fecatholiquetayditquec'eftl'aflembleédes Chrefties.Interroguéqui eft cefteaffera-
blee,&: comment elle eft. R. Ce font ceux que Dieu a efleus pour cftre membres de
fon Fils Iefus Chrift,qui en eft le chef.Interrogué où c'eft qu'elle eft^ &c comment on la
cognoift,aydit,qu'elleeftefpandueparlemonde,&endiuers lieux &c pays :& eft co-
gnue par le régime & gouuernement fpirituel de la parolle de Dieu , & des fain&s Sa-
cremens que Iefus Chrift luy alaifie &c ordonné,comme plufieurs villes & pays en ont
la police. Interrogué fi ie croy qu'à Geneue,Laufanne,Berne &r autres telles villes , il y
aplusvraye&: catholique Eglife que la fain&eeglifc Romaine. R. Qu'ouy: d'auût
qu'elles en portent les marques &enfeignes. Interrogué quelle différence il y a entre
la Romaine &£ celle des villes fufdites:ay dit que la différence eft,que celle de Rome eft
gouuerneepartraditionshumaines,&fautreau contraire eft gouuernee par la feule
parolle 6c ordonnance de Dieu. Interrogué où ie fu premièrement inftruit en cefte do-
ctrine. R. En AngleterreenlavilledeLondres:&: dés ma ieuneffeayefté inftruit
par les fain&es Elcrirures.Interrogué,dcpuis combien de temps i'ay demouré à Gene-
ue:ie refpondy,Depuis dix ans ou enuiron. Interrogué fi ie croy que la vierge Marie foit
aduoeate des pécheurs. R. le croy à ce que les faindes Efcritures en rendent tefmoi-
gnagne,afTauoir que Iefus Chrift eft le feul Médiateur & Aduocat des pecheurs:$C
quant à la vierge Marie,qu'elle eft bien heureufe, 6c n'a office d'aduoeate. Interrogué
fi auffi les Sain&s qui font en paradis n'ont nulle puifTâcc de prier pour nou&ie dy q nô:
mais croy qu'eftans bien heureux fe contentent de iouir de la grâce que Dieu leur a fai
te,d'eftre mébres de fon Fils Iefus Chrift,duquel maintenant ils iouiflet en acfiô de gra
ces,fans vfurper ce faind & facré office que Dieu a donné feulement à fon Fils bien-ai-
mé Iefus Chrift.Interrogué fiie ne croy point que ceux qui tiennent la religion del'e-
glife Romaine foyent Chréftiens. R. Que nomains font infidèles. Interrogué de la
raifbn pour quoy:c'eft comme i'ay dit,qu'elle ne fe gouuerne point, félon la parolle de
Dieu.-mais pluftoft bataille entièrement à l'encontrc. Interrogué fi ie croy que tous
ceux qui fc retirent de l'eglife Romaine font Chréftiens. R. Queienedoy refpon-
dre que de ma foy 6c ce de quoy ie fuis chargé, me contentant de rcfpondre pour moy:
car vn chacun portera fon fardeaujainfi que dit S.Paul. Dot ledit Aduocat mefolicitâc
(«Ut.< derechef,&: me tenant de pres,me menaça,difant,Que fi ie ne refpon,il me fera bic ref
pondre par force. Au quel iedy,que ce ne feroitpointaonc par iuftice : 6c quant à l'in-
terrogat,
Richard le Feurc^. 280
tcrrogat, que i'auoye refpondu comme iecroyencorc,que ceux qui tiennent la rellgiô
qu'on preîchc à Geneue,Laufanne, Berne, &en autres telles villes , font Chrcfticns.
mais quant eft de tous ceux qui fe retirent de l'eglife Romaine, plufieurs y en a qui ion t
ou Atheiftes, Libertins ,ou Anabaptiftes&:autres:lefquels côbienfefoyent reniez de
telle Babylone,ils ne font pas pourtant en l'eglife de Iefus Chrift , fe laiiîans gouuernct
paricelle . A quoy ledit Aduocat médit au récit de tels furnommez hérétiques, que ie
les cognoiiVoye bien. Et ic iuy fy refponfe que voirement ie les cognoiflbye bien( Dieu
merci)pour m'en lauoir garder.car ie délire de demourer en la vraye do&rine de l'eglife
de Ietus Chrift.dont l' Aduocat dit,Mais de l' Antechrift. Interrogué fi ie veux demou-
rer en telledo&rine reprouuee&:damnable:refpondy,Que la doctrine que ie tien n'eft
reprouuee ne damnablc:ains Chrcftienne &c fain&e.Et pourtanne defire tat que Dieu
me fera la grâce de imuoquer,& iufqucs au dernier foufpir de ma vie ,ydem*ourer
perfeuerer.Sur ce ledit Aduocat dit que i eftoye bien obftiné.Et voyat qu'il eftoit tard,
dit qu'il falloir referuer le refte après difner,me failant le&urc du contenu des interro
gats &c refponfes que le Greffier auoit de mot à mot eferites. Lefquelles après me firec
iigner:&: requis audit Aduocat me donnerla commodité naturelle de l'air : ce qu'il m -
ottroya,dont plufieurs de la prifon furent ioyeux , fi que le Capitaine me laifla en la to-
pagnie de plufieurs freres,qui me firent refectionner en toute confolation. Vne heure
après midi le Vi-bailly me mâda quérir au bailliage,où fu conduit par le Capitaine , &:
prefenté deuant ledit Vi-bailly &: plufieurs Aduocats,enlcmble vn Cordclicr.Et là de-
rechefie fu examiné des propos tenus en mon logis,& fpecialement fur les propos d'a-
uoir reprinsrhofte&rhoftefle de ce que leur enfant n'eftoit inftruit autremét à prier
Dieu àla rable.Ce que i'auoye veu & ouy,auoit efté caufe que leur auoye remonihé ce
que nous deuons prier &c co mment.dont ledit hofte Se hoftelTe m'aceuferent , en reri-
uerfant tout au rebours de la verité.Et à celle caufe ie n'acceptay lefdits propos en la
manière que ledit Vi-bailly mêles declaroit: mais ie luy recitay comment & à quelle
finie leur auoye remonftrérallauoir que tous les Chreftiens doyuent prier en langage
entendu &c de cœur,felon qu'il nous eft apertement enfeigné par la parolle de Dieu : & 1
ceafin que le prochain en puilTe receuoir édification. Auffi que la forme de prier en lan
gage eftrage,eftoit venue &C introduite par fuperftition, laquelle regnoit encorcs poul-
ie iourdhuy au monde en grande ignorancc.Le Cordelier oyant mon propos , deman-
da permiflion de parler.lequel me fit longue remonftrance de leur Benedtate, ^igmustiln
grattas-, Laus Deo,paxviuis,requies defunclis,8£ autres ie ne fay quelles prières : &: que Dieu
entend tous langages,&: que l'eglife Romaine auoit retenu la forme de l'eglife ancien-
ne desDo&eurs anciens, qui auoyent prié en Latin:& qu'il s'enfuyuroit, fi autrement e-
ftoit, qu'il ne feroit befoin de prier finon en François, adiouftant plufieurs autres chofes
qui feroyent longues à reciter.Le tout ouy,ie requis d'eftre efcouté,&: que mes refpon-
fes fuffcn t eferites. Cela m'eftant permisse rcfpondi,Que ie ne nie point, ny ne veux di
rc que prier en langue Latine,Hebraique , Grecque ou autre , foit marfaic-bmais qif en
compagnie la prière doit eftre faite en langage entendu de tous,pour edifier,comme S.
Paul en inftruit l'eglife de Corinthe. Sur quoy ledit Cordelier recommençai faire vn
fermon,&:fousceftc matière amena ie ne fay quelle fubtilité 6c philolbphie de l'ordre
des prières ôdouanges de l'egliferfaifant leruir ce que recitent les Euangeliftes,de ceux
qui à l'entrée de noftre Seigneur Iefus en Ierufalem,crioyent, Ofïanna Filio Dauid , distin-
guant les mots,&:les interpretant,que ceux qui rendoyent telles louages à Iefus Chrift
n'entendoyen t point le langage,comme lainit Hierome l'a interprété. Auquel refpon-
di,quc fa ind Hierolme pouuoit bien auoir eferit que ceux qui rendoyent telles louan-
ges à noftre Seigneur Iefus à fon entrée , nentendoyent pas la lignification 6c lubftan-
ce de telles louanges& pneres,attendu que c'eftoit comme vne prophétie de laquelle
Dauid auoit prédit au Pfeaume i i8.maisdulangage,les Euangeliftes interpretans lac
compluTement de celle prophétie eftre en Iefus Chrift,ne font nullement mentiô que
ces perfonrtes ainfi prians ne f entendififen t bien. Mais fur tout faïnâ Paul parlant par
l'Efprit de Dieu,a baillé fuffîfante reigle 6c inftruéhon générale des prières pour tous
Chreftiens,difant icelles deuoir eftre en langage entendu,& ce pour édification .dont
iemecontentc,fans vouloir curieufementdifputer par fubtilitez& philofophies. Le-
dit Cordelier me dit,quen'eftoyefuffîfant pour interpréter lesfain&es Efcritures, at-
tendu que ien'entendoye la langue Latine tpource que fermonnant en Latin, requis
Liure III I. Richard le fV#ro.
qu'il ne me parlai!: autre langue que la mienne , Se qu'il n'eftok befoin meparfercn La-
tin. Derechef me fermonna,remonftrant des Concile? &: des dodcurs,auec ie ne fay
quelles allégations qui contentoyent ledic Vi-baillydequel voulant pourfuyure à l'exa-
men des propos que mes accufateursauoyent produits , qui tendoyent à diffamation
delapcr(bnneduRoy,&:fcdirion,aumefprisdelavierge Marie &c des Sainds,& d'ino
bedience aux Princes&Rois:àquoyfu derechef exammé de tous les fufdrts articles: 3c
ry refponfe, déclarant felonque les aûoye dit,& à quelle fin mes aceufateurs m auoyet
ibliicicc à les accorder. Apres fu examinéparleVi-bailly,fi ie croy en ladite faidehoftie
que le Preftreconfàcre.R. Que ne croy ny en telle hoftie,ne confecrations. Interrogué'
pourquoy ie ne veux croire au faindfacrement de Tautel,que Iefus a ordonné. R, ïc
Des fccre- croy les (ainds SacremensqueIciusChriftainftituez,&quec'eftmcnfalutquede(îre
menî" maintenir iufques à la mort. Interrogué fi ien'ayereu autrefois à la MefTe. R. Que
iamais n'y fu inftruit,&; ne feu iamais que c'eft a dire Méfie , ne de telles confecrations:
mais que du faindfacrement de la Ccne de noftre Seigneur , iecroy qu'en communi-
quant en foy &: charité,telle que S. Paul la dekric aux Corin th. 1 1 .nous fommes nourris
fpiricuellemét du corps &C fang de noftre Seigneur Iefus, qui eft la vraye viâde& le vray
breuage fpirituel de nos ames.C cft le vray autel oùie me repofe, corne l' Apoft, l'expolè
au 1 3 .des Hebr.& ne cognoy autre Sacremét ny autre autel q celuy la. Intcjrogué û au
Sacremét IePChrift n'a pas dit,Cecy eft mo corps,cecy eft mô fang. Faites cecy en mé-
moire de moy:& pourquoy ie ne croy en la Mcfîe.R.Que ie croy à ce q Iefus Chrift a dît
& promis par fon Euangile,comme ie l'ay défia confeflé &: fait efcrire:mais que deMcf-
fe iamais n'y ay efté inft ruic.Le Cordeher m'allégua Vi i .chap. des Corinthiés & appli-
quant ce qui eft eferit au 6.dc faind Iean,où il eftô!it,Ma chair eft vrayement viande, &
ce qui s enfuit: & que les Docteurs anciens de PEglife l'ont décidé auxConciles,Quc la
Méfie eft vnc fainde mémoire delà mort & paflion de noftre Seigneur Iefus Chrift : ic
luy refpondi , que iecroy fermement que le fac rement de la Cene eft vnefain de mé-
moire &c action de grâces de la mort & paflion de noftre Seigneur IefusChriftrainfique
faind Paul le remonftrc en l'onzième chapitre delà première aux Corinthiens,& que
1 efpreuue &C la dignité qu'il dcfire,c'eft d'auoir vray c repentâce de fes fautes &pechez:
auoir vnion,concorde&: charité fraternelle aucc fes prochains,auoir ferme foy à* la mi-
fericordede Dieu,acceptant le mérite de la mort& paflio de fon Fils Iefus Chrift,pour
la remiffion des péchez : qui s eft donné pour nous à la mort,nous laiflant pour tciraot-
gnages &c féaux ce faind fàcrement de la C ene,commc vn gage &: anneau des promef-
fes contenues en fon Euangile,qui eft la parfaite nourriture de nos ames.- Celacroy-îc
que c eft la dignité que faind Paul enfeigne,lequel ne donne autre inftruction , ny aufi
Iefus Chrift:& que ce qu'il commande à fes difciples,&: à toute l'Eglife,difant, Prencz>
mangez,Faites cecy en mémoire de moy:n'cft point offrir, ne facrifier: car il ne parle
ne d'onrir,rte de facrifier,mais de communiquer en mémoire de fa pafîïon. Lefcjuelles
chofes ie fy eferire auec lefdites refponfes,que ledit Vi-bailly me fît figner. Et a caufe
qu'il eftoit fort tard,fu renuoyé aux prifons de Pone-troine par le Capitaine. Enuiron
Troificme huitiours apres,le Vi-bailly me manda àfon logis, oùcftoyent aucuns perfonnages »-
cxaminacio uec autres Iacop?ns,&: le Cordelierfufdit. Et derechef fu examine par ledit Vi-bailly,
qui m'interroga fi ie croy au Purgatoire. R. le croy que Iefus Chrift a fait la purga-
tion des péchez par fon fang.Interrogué fi ie ne croy point qu'il y ait autre moyen , & fi
après cefee vie il n'y a vn lieu où il faut demourer iufques à fatiffadion. R. Que non:SC
ne croy finon la feule & fuffifanteque Iefus Chrift a faite par lefacrifice de fon fang,qui
eft le lauement &c purgation de nos péchez. L'vn des Moines me dit en Latin la fimili-
tude qui eft au 1 8. de faind Matthieu,de celuy qui ne voulut quitter la dette à fon com-
pagnommais le Vi-bailly luy dit que nullement on ne me parlaft en Latin: pource q n'y
refpôdoye.OrleCordeliermeditdclafimilitude,enfemble de plufleurs matières, dt-
fant, Que Iefus Chrift quelquefois auoit parlé par fimilitudes , 5£ toutesfoisil y a certai-
ne fignification : comme celle où il dit , Qu'on ne partira point iamais qu'on n'ait payé
la dernière maille &:par ainfi il s'entéd qu'il y a vn lieumoyé , où il faut faire fatiffadion.
A quoy ie luy rel'pon dy,Que quac à moy ic m'arrefte entièrement à la feule & fuffifante
fatiffaction du facrifi.ee delà moi* de Iefus Chrift ,&: aux promefTes de fon EùangiIe,où
il nous promet vn plein &c parfait 'repos: corne à l'i i .chap.de S.Matthicu , où il nous ap
pelle,difant, Venez à moy vous tous qui trauaillez,& vous aurez repos en vos ames. Au
dixie-
RichardleFeurcj.
dixième de faindt Iean,Ie fuis l'huis : fi aucû encre par moy, il ferafauué, A l'onzième Ôc
quatorzième de S. Iean , lefuisla voye, la veriré, la vie. Au (h* des morts, S. Iean dit en 1 -
Apocalypfe,quatorziemc,Que bien-heureux (ont les mores qui meurent en noftre Sci-
gneuncar ils ferepofent de leurs labeurs. Et au brigand qu: hit crucifié auprès de Iefus
Chrift, luy eft promis le royaume de paradis leiourmelme,(ans autre moyen. Etquanc
à la fimilitude qu'amenez elle ne lignifie autre chofe , que fi nous ne pardonnons à nos
prochains,Dieunenouspardonnerapoinr:comme le conimcnccmét delà fimilitude
parle du pardon &c reconciliation. Ledit Cordelier ne me voulant Iaifterdirc,le Vi bail
lyluy fignificdcmelaiifer rcfpôdre, dédire tout te que ie voudroye,& qu'il me veut en-
tièrement ouir. Làlelacopin refpondir qu'il s'cnfuyuroicàmcs relponies, qu'il n'y au-
roitne Purgatoire ne Limbe:qui eft choie toute contraire à la foy:&: que mclme lcSym | s ;
bole y repugne,côme à l'article où il eft dit, Def vendit admfoua.Et le Vi bailly m inu n o-
gue ii ie necroy poit au Limbe. R. Que ie ne fay quec'eft,& que l'Elcritureiaïcte ne fait
nulle mention de Limbc,&. quauflnen'y croy point. Le î.icopin me demanda, Où c-
ftoyent les Pères anciens deuant la mort de Ictus Chrift? R. Ils eiloycnr.&: font encore
à la vie eternellc,qu'ils ont toufiours eiperee en faueur de lalliance piomile à Adam,
Abraham & les Patriarches. Lelacopinme rcmcnftra des Percsanciës&: Patriarches,
que fain£t Paul expofe de la vie éternelle IefusChrift auoir efte le premier.ee qu il nom-
ma en Latin, puis l'expofa en François, difanr, Cela lignifie Limbe : d autant que n'en
tens Latin. A uiîi m'allégua du liure des Machabees, où il eft fait mention d offre pour
les trefpaiîlz. le luy reipondy qu'en tout le vieil Ttftamc nt il n'eft nulle mention de
Limbe,&: lespalTagesqui parlent d'enfer&dufepulchre &c delà mort, commeenlob,
& de Iacob regrettant fon fils , & autres que ledit Iacob a amenez: ne parlent nullcmét
du Limbe , mais de la mort & du fepulchre&: d'enfer,qui s'appliquent au trefpas de ce-
tte vie. Quant eft: du Purgatoire &: de l'offrande deludas Machabee, il ne parle pas
de Purgatoire. Si Iudas a retenu la forme des fuperftitions des Payens , cela ne doit pas
eftreimité. Aufiî que toufiours PEglife a tenu lefdits hures pour Apocryphes. Item que
les Prophètes , Iefus Chrift &: les Apoftres ne font mention ne de Limbe ne de Purga-
toirermais que le fang de Chrift eft la vraye purgation. Le Vi-bailly en m mten oguanc
me demanda fi abfolument ie ci oy qu'il n'y ait ne I imbe ne Purga toire , ne nul moyen
entre la vie éternelle &c ce monde. R. Que non.Interrogué il ie croy que le Pape ait au-
cune punTance. R. Ouy.Interroguéfiiecroy pasque le Pape ait puiflànce d'abfoudrc
comme vicaire de Iefus Chrift. R. Que non. In terrogué comment donc i'enten celle
puifîance du Pape. R. Que ie I'enten telle quel'Apoftrc fainct Paul le déclare, en la
îecondeEpiftre auxTheilalonicicns:aiiauoirque pourcequele monde n'a voulu re-
ceuoir l'amour de vérité pour eftre fauué,Dieu adonné efficace d abufion à Satan &c fes
fuppofts,àcequelemondefoitabbreuuédemcnfongc &: d'erreur, & qu'il ait des Pa-
fteurs tels qu'il les demande &: qu'il les mérite. Le Cordelier me remonftra comment Pnmwtc
Iefus Chrift a baille puiffance à S.Piertede lier& deflier , & que le Pape eft fuccefifeur i>aFJlc-
de S. Pierre, vicaire de Iefus Chrift:& quel'Eglife a toufiours cfté conduite en cefte ma-
nière, ayant vn chef en ce monde, comme elle a au ciel. Et que fi IcsPafteurs ne fe
gouucrnent pas félon la paroile de Dieu, laquelle ils prefehent, qu'il ne s'enfuit pas qu'-
on ne doit receuoir Ja doctrine, comme Iefus Chrift i'enteigneen TEuangilc, vingttroi-
fiemedeS.Matth.&: plus amplement me remonftra. R. Que quand le Pape &c ies fup-
pofts prefeheronc fidèlement la parolledc Dieu fans inucuons'humaincs,& fansintro-
duiredesloix à leur plaifir,eneorc qu'ils viuent mefeham ment, ie tiendray la doctrine
de Iefus Chrift,ôé des Pafteurs de rÉglife:&: en telle forte que Iefus Chrift dit au vingt-
troifiemcde faind Matthieu , Que les Scribes &: Pharifiens fontaffis fui la chaire de
Moyfe:fakes ce qu'ils vous commanderont, &:ne faites point félon leurs œuures. Mais
ily a bien différence entre eftre affis fur la chaire de Moyie qui eft la vérité de Dicu:&: e-
ftreaffis fur la chaire de menlonge,&: fur le fiege d'abomination &: de toute iniquité,
comme Daniel l'a prophcrizc,& faind Paul l'a prédit deuoir eftre aiïis au temple de v™h9^
Dieu,fefiiLincaiorcrcomnie Dieu. Etquant ace que Iefus Chntla donnécharge à 1 11 1
fainit Pierre de lier &: deflier , il luy aauffi limité fa charge &c fon otfice , en difant , Prcf-
chezl'Euangile.comme mon Pcre m'a enuoyé,ainfiie vous cnuoyc. Cequeiaincc Pier-
re&: fes compagnons onc bien entendu, quand luy-mefme efent aux Pafteurs de lEgli-
fcqu'ilsn'auancëtpoïc en l'Eglife autre doctrine que la puic&fimple paroile de Dieu,
bb.
Richard le F eurent.
qui font les liens pour lier&: deflier, &c les clefs du royaume des cieux:& no pas de met-
Ere 6c impofer loix fur les confcicnces,autrcs que la Loy de Dieu, lequel ne veut qu'on
adioulte ou diminue à fa parolle:&: au contraire, le Pape Impofe loix 6c inuétions à plai
iir. Auflî l'Eglife n'a autre doctrine que la parolle de Dietr.comme il appert en S. Iean 8,
10. & 18, 6c en lai.Epiftre de S.Iean. Scmblablement l'Eglife ne depéd point de la mcl-
chante ou bonne vie des hommes:mais(comme dit S.Paul)elle eft fondée au confeil de
Dicui,& en fa parolle,cdifiee fur la doctrine des Prophètes &des Apoftres,dont Iefus
Chrift eft la maiftre/îc Pierre: comme il en eft fait mention au fecôd des Ephefiens. La-
quelle au/h* n'a point deux clefs, l'vne aux cieux,& l'autre en terreemais tât feulemct vn,
Icfus Chrift, fcul 6c fufrifant pour elle 6c aux cicux 6c en terrc,felon que S. Paul le décla-
re en plulieurs palfàges de les Epiltrcs. A quoy le Cordelier me fit vn autre remonftran
ce de l'interprétation de S. Paul, 6c queie ne l'entendoye point, 6c qu'il auoit veu à Ro-
me le Pape prefcher:&: que fenparloyc parafTection,& que les Docteurs anciesauoyet
interprète les fainctes Efcriturcs &: faincts Concilcs:&: plus longuement mercmonftra.
Mais le Vi-bailly voulat pourfuyure,me dit que ic ne deuoye citre ainli obftinè. à quoy
ie luy dy que ne pouuoye autremet refpondre. Il m'interrogua fi i'ay efté prifonnier au-
tresfoisà Lyon. R. Qu'ouy. Interrogué comment ie fu prins,&: pourquoy :de la procé-
dure de mon procez,de la fin,&: quelle fentence a efte déclarée, &c cornent i'en fuis for-
ti:quifontceuxquim'ontrecoux,pourquellecaufe,&:quilcsinduiloit àce faire. R.
Que ic fii prins pour aller voir vn prifonnier,&ce qu'on me chargeoit cftoit pourlafoy,
laquelle ie tien de l'Euangile de Iefus Chrift. Or ayant protefte d'appeler des luges de-
Lyon, ie fu incontinent après enuiron dix iours mené à Paris , où par les chemins &C fur
la riuierc de Loire ie fu recoux par gens makjuez &: incogneus , me menans dedans les
bois,&: me donnans adreffe de mon chemin, & à toutes mes neceiîïtez,me recomman-
dans à la garde de Dieu, fans me vouloir déclarer leurs noms aucunement. Le Vi-bail-
ly me follicita,& depuis par plufïeurs fois m'a follicitc à nommer 6c déclarer tels perfon
nages. A quoy luy ay toutiours refpondu , qu'iccux ne m'auoyent voulu déclarer leurs
noms. Le Vi-bailly ne croyant à tout cela, nyauffi que ma fentence nem'euft efté pro-
noncée , me demanda fi ie me veux rapporter aux actes &c procédures de mo procez de
Lyon. Ierefpondy que volontiers.
CoiïfcÉioa Davantage ,ie fu examiné, fiiecroy la Confeftion aurïculaire,aiîauoirdefecon-
*uncu«re. fe jjei- au Prcftrc. R. le ne fay autre confeffion, finon celle que nous dcuôs faire ordinai-
rement à Dieu, comme il le nous enfeigne par fa parolle es fainctes Efcritures : 6c la ré-
conciliation fraternelle,que Iefus Chrift 6c fes Apoftres nous recommandent tant foi-
gneuiement. Le Cordelier me demanda fi ie n'ay point veu ce que Iefus enfeigne enl'-
Euangile,de la confeffion au preftre , commandant au ladre , qui auoit eftéguari , Va,
monftrc-toy au Sacrificatcur.ee queles Docteurs anciens &c les Conciles ont tcnu,&: l'-
Eglife corn mande de fe confeffer au Preftre. Or après auoir Entendu fa longue remon-
ftrance, ie luy dy que l'Eglife de noftre Seigneur Iefus n'a iamais tenu ceft ordre de Con
fefîlon auriculaire au Preftre ou Sacrificateur. Que fila Romaine tientvntel ordre, il
ne fenfuit pas qu'il foit bon. car l'Eglife de Iefus Chrift n'a point efté inftruite à cela. Et
quâteft du ladre que noftre Scigneurlefusguarit: il n'eft pas eferit qu'il luyaitcôman-
dé de confefter fes péchez a l'aureillc du Sacnficateur:mais bien qu'ii fe monftraft,&: ce
pour tefmoignage à ceux de l'ordre de Sacrificaturc : afin qu'ils cogneuilent que le fou-
ucrain Sacrificateur eftoit venu pour guarir les maladies: comme il appert au huitième
de S. Matthieu, au premier de S. Marc,& cinquième de S. Luc. Dauid nous inftruit af-
fez comment il nous faut confclîer nos péchez à vnfeul Dieu, comme il appert au }2.,&C
5 1,& 106. Pfeaumcs,où il déclare comment il a confefle' fon péché à Dicu,&: qu'il a efté
abfous-.& que Dieu fe contente de la contrition du pécheur, qui eft plus aggreable à
Dieu que nuls facrifices. S.Iean l'Euangelifte auflî parlant de la confeffion des péchez,
dit,que Dieu eft lumière, n'ayant en foy nulles ténèbres qui l'empefchent àcognoiftre
nos pechcz:& que li nous confeffons nos péchez , Dieu eft fidèle 6c iufte pour nous par-
donner, 6c nous nettoyer de toute iniquité^ ce par lefangdefon FilsIefusChrift,i.Iea
çhap.i . A ulfï l'Apoftre aux Hebricux, premier chap.& fainct Pierre n'enfeignent autre
feuement que le lang de Iefus Chrift, auquel ie m'arrefte. Que fi ceux de la grand' Ro-
^ maine fuyuent l'exemple de Iudas , lequel s'eft confcfTé à fes Preftres , Scribes &c Phari-
nfiens, qu'ils l'enfuyucnt.
Or
Richard le F eurej. 2S2
Or le Vi-bailly voyant qu'il eftoit tard, me réuoya parle Capitaine de Porte-troine,
où demeuray alîcz long temps auec les frcrcs: qui pour me faire repofer aucc eux , fup-
plierét le Capitaine me permettre dormir auec i'vn deux.ce qui me fut permis par cau-
tion. Mais d'autant que chacun de la ville& de? priions vouloyent efeouter la doctrine
qui eftoit la dedans publique,cela vint aux oreilles du Parlementeront la Cour fit figni-
fier audit Vi-bailly que ie fulTe feparé. Parquoy le Vi- bailly me fît tranfporter en la mai-
fonde TE uefque. lequel par commandement tant'du Parlement que du Vi bailly, me
fit enferrer en fa prifon: combien que ledit Euefquc ne me vouloir aucunement en fa
maifon, tellement que quelque temps après iefu derechef mandé deuât ie Vi-bailly èc
fon confeil, enfembledes fufdits Cordelicrs&: Iacopins,&: depluiicurs autres del'eftat
&: ordre Romain .
Et là par deuant ledit Vi-bailly iefu follicité&: requis à me réduire àla religion Pa- Setondcin:
palc,me prefentant toute mifericorde.maisie leur rcfpôdy, que ien'atten mifericorde tcrrc>SatW'
îînon de mon Dieu &c mon Seigneur Iefus Chrift, en faucur duquel i'ay toute efperâce.
Sur cela le Cordelicr me remonftra aucc longue déduite, la dirrerece de l'eglife Romai-
ne &c de l'Eglife ordonnée à Geneuc:pourautant que i'auoye dit,Qu'il n'eft licite au Pa*
ped'impoferloix furies confciences,fans la parollc de Dieu:meremonftrant ce qui eft:
eferit au dernier chap .de S. Ican,où il eft dit que pluiieurs chofes ne font efcntes,&: c.Ec
aufli ce que Iefus Chrift dit en l'Euangile, au quatorzième, &c quinzième^ feziemede
S.Iean,où Iefus Chrift admônefte fesdifciples d'attcdrele ConfolateUr ieS.Elpnt,qui
lesameneroitatouteverité:&cequelesDo£teursderEghfc & les Conciles ont déci-
dé, en baillant les commandemens à l'Eglile, laquelle a puiffanec de lier &: deflier. Da-
uantage,que mefme à Gcneuc il y a des loix qui rte (ont point contenues en la parollc
de Dieu:me remôftrartt par mes Pfeaumes,&: par l'ordre du iour des prières, que le Me-
credy eftoit plflsfainét en la fepmaine, l'ayant trouué par les Pfeaumes en l'aducrtifle-
ment. Surquoy iercquy monneur le Vi-baillyme donner permiflïon &c audience à re-
fpondre,tantàla calomnie du Cordelier, touchant l'eglife de Geneue , qu'au propos
faux par luy amenérou bien qu'ils mclaiflaflcnt à repos,en parlât tous feuls. Le Vi-bailli
fighifia qu'on me laiflaft dire tout ce que ie voudroye. Et aya t regardé l'aduertiflemenc
contenu aux Pfeaumes, que ce Cordelier tenoit en main, luy môftray le Mecredy eftre Dc i orJ0,i
feulement vne police ciuilc, fans obligation de confeience pourconuenir en vnion
fraternelle:& que les Rois anciens ont toujours gardé quelque police, pour entretenir rricrcv à
le peuple à la cognoiflanec & obciilancc de Dicu,&: du i'eiuice qu'on luy doit rendre. A Cc,K-'uc'
l'exemple dequoy les Princes Chrefticnsonr ordonné telle police: non pas pour obli-
ger les confeiences ,mais pluftoft pourlefoulagementd'icelles : comme aufli les Apo-
ftres ont faidt félon que noftrc Seigneur Iefus leur aenfeigné. De ce il appert au quin-
zième des Romains, où S.Paul dit qu'il n'oferoit rien dire de ce que Chrift n'a faitfb par
luy pour amener les Gentils en obeiiTance,en parollc &£ en ceuure. AufliS.Icanenfafe-
conde Epiftrc,parlant de la doctrine de Iefus Chrift, dit, Si aucun vient ,& ne vous ap-
porte celte docîrinc,ne le receuez point. S.Paul aux Galates,premicr chap. aduertit IV
Eg)ile,ti vn Ange venoitannoncer autre doclrine que l'Euangile qu'il leur a annoncé,
qu'il foit excom munie. Aufli Iefus Chrift au 8 . i o, 1 8,& 20. de S.lcan, remon (Ire qu'il eft
Te bon Pafteur,& quefes brebis n'efeoutét point la voix des cftiâgcrs:&: qui cftdeDicu,
oit la parolle de Dieu:& qu'il eft la feule porte de la vie éternelle.
I t 1 m .que comme l'on Pere l'a cnuoyé, ilcnuoyeiés Apoftrcs:lel"quelsia mais n'ont
enfeigné autre do&rine, linon celle en laquelle le Confolatcur le S.Elpritlcsa confer-
mez&inftruits. Et S. Pierre leremonftre auxPaftcurs de Ion' temps, en fa première,
chap. quatrième, &c dit que ceux qui adminiftrent en l'Eglife , qu'ils parlent les parolles
de Dicu,&: par la puiflance, fans aucunement auoir nulle feigneune ne domination fur
Je troupeau &t l'Eglife. Au contraire les pafteurs du Papcimpofent loix en grande do-
mination & feigneuric, qui monftrcaflez quelle eglifec'eft.
L e Cordelier répliquant, me remonftra que l'Eglife ancienne aflembloit les Anciés D« Céciks
& Miniftres de l'Eglife: pour confulter &: décider des affaires d'icellexe qu'au contraire
l'eglife de Geneue n'a confulté nyaifemble aucuns Anciens pour décider &c lauoirs'il
falloir amli reformer l'Eglife : & qu'il me monftreroit cela en mon Teftament meime,
lequelil auoit : afin que plus euidemmentie cogneufîc laforme de l'Eglife. Ce que luy
requisj&dcconfiderer la procédure des Apoftres, &: qu'il n'eftimaft pas qu'en la re-
Bb .ii.
Liurc-j II IL
Richard le Feurc^j.
formation de Geheue on aie procédé à la volce,&: fans le confeil du Magiftrac , des An-
ciens &£. minières de l'Eglife, &: par bon ordre, auec toute bonne diligence &foin des
Efcritures,à l'exemplede l'eglife deThefîalonique &: de Berrce,où les Apoftres S.Paul
&: Silas furet enuoyez, comme il appert au dixfeptieme des A&es,pour fauoir s'il eftoit
ainiî. Mais fi on n'a pas appelé les miniftres &: fuppofts de la grande Romaine &c de fon
efpoux le Paperil ne s'enfuie pas qu'on n'y aie procédé par bon ordre. Et quant à ce qui a
elle caufede l'affemblee du confeil des Anciens de l'eglife de Ierufalem, pour là confir-
mation de l'eglife d'Ancioche aux Actes quinzième , ilappert allez comment les Apo-
ftres n'ont point introduit en l'Eglife autre loy ny autre doctrine que la parolle de Dieu:
tôme S. Pierre le remonftre au mefme pafîage,difanr,Pourquoy tétez vous Dieu, met-
tant vn îoug fur l'Eglife,que nous ne nos peres n'ont peu portenmaisnous croyons que
ferons fauuez par la grâce du Seigneur Iefus. En outre,ils refenuent en Antioche:qu'on
s'abftiénc des idoles & autres infametez qui foc publiques en la Babylone du Pape. Ce
qu'oyant ledit Cordelier,ne m'euft laifîe dire fi par permifïion ne m'euft efté ottroyé.
Ledit Cordelier me remonftra commet i'auoyc efté baptifé en l'eglife de ceux-Ia.
Ileftbieu vray(dy-ie)quei'ay eftébaptizé au Papifmeunais, Dieu mercy,celan'empef-
che pas que E)ieu ne me retienne des fiens: commeaulTi l'iniquiré des nommes & leur
corruption n'empefche rien la grâce de Dieu, qu'il déclare aux fiens quancHl luy plaid
fe manifefter à eux par la regeneratiô & renouation de vie par fon Efprit, arroufant nos
amesdufangdefon Fils Iefus Chriftxomme S. PauH'cxpofeau fixicme des Romains,
parlant du Baptefme. Mais vn des autres qui là eftoyent) ayant affection de me parler
de la Méfie, qu'il m'auoit ouy blafmer parauant, ne me voulant laiiî'er du toutaclicuer,
requit le Vi-bailly pour m'en parler, ce qui luy fù*t ottroyé. Il me die que i'auoye parle
La Méfie, du facnfice de la Méfie en tout blafme &mefpris:&: me fit vne longue remonftrance
des facrifices anciens , en difeernant celuy de la Méfié, auec raifons pourquoy. Apres a-
uoir le tout declaré,fpecifié &ù difeerné , amena en auant le Pfeaume de Dauid, qu'il ex-
pofoit de la facnfîcature éternelle &: perpétuelle de la Meffcen ce qui eft dit en ce Pie-
aume 1 10, Tu es Sacrificateur éternel felô l'ordre de Melchifedec:&: requerât d'aduifer
à me réduire, fans refifter aux fainctes Efcritures,me demandant que ie vouloye dire la
deiîus:ic luy refpondy que l'Apoftre aux Hebneux a fufHfamment refpondu pour moy,
& a inftruit toute l'Eglife de Chrift de ne s'amufer plus à ces facrifices, monflrant que
ce quia efté allégué du Pfeaume iio,au quatrième verfet, où il eft dit, Tu es Sacrifica-
teur eternelfelô l'ordre dcMelchifedcc,ne s'applique à nul facrifice qu'à celuy feulvni-
que,fuffifant&: parfaict facrifice de Iefus Chrift, offert vne feule fois, cômerÀpoftre le
declareamplemcntaux Hebrieux,7,8,9,io.Et pourmieux declarerque ce verfet defa-
crificature éternelle du Pfeaume 1 10, doit eftre approprié feulemenc àlaperfonnc de
Iefus Chrift, fApoftre allègue ce qui eft eferit au Pfeaume 40, 6^bc-j verfec , où il eft die
que Dieu n'a prins aucun plaifir en facrificeny oblacion pour le péché: mais tant feule-
ment en l'obeiflance volontaire du facnfice de Iefus Chrift , qui eft la volonté de Dieu.
Ce que l' Apoftre expofe au io.des Hebr.declarât plus à plein que par la feule &: vnique
oblation du corps de Iefus Chrift, ilaconfacré à perpétuité ceux qui (ontfanctifiez, di-
fant,Que nous fommes fanctifiez par l'oblation vne fois faite en la croix du corps de Ie-
fus Chrift, lequel il dit eftre afîls aux deux à la dextre du Pere , iufqucs à ce qu'il ait mis
fes ennemis pour fon marchepiedrmoftrat manifefttmét où eft le corps de IefusChrift,
& quel facrifice de Méfie il a cômandé.Ce Docteur me refpôd qu'il ne s'entéd pas ainfi:
mais felô que parauat il l'auoit expofé,entédant ledit Pfeaume de ce facnfice de Méfie.
I' a n 1 o v s t a y à ce, que le facrifice que Dieu requiert de nous,c'eft la côtrition &:
repentance des Chreftiens : corne il en eft parlé au Pfeaume 5 1 . &£ le facrifice de louan-
ge, que l'Apoftre auxHebrieux 1 j, appelé Le fruictdesleures.
O r après plufieurs remonftrances faites par iceux , pour m induire à leur eglife Ro-
maine, le Vi-bailly me dit, fi ie me vouloye rapporter aux Atteste procédures de mon
procezdeLyon. le luy refpondy que volontiers.
Lors me f ut môftré vne partie des a&es par moy fîgnez,enfcmble vne fentéce eferi-
te en parchemin, côtenante mô cxccution,d'eftrc trainé fur vne claye iufques aux Ter
reaux de Lyô,& là eftre attaché àvn pofteau pour eftre bruflé, après auoir efté cftraglé.
. Apres ladite lccture,ledit Vi- bailly m'interroga fi le contenu eft tel, comme il ma
efté lignifié & prononcé à Lyon. le refpondy que quant aux actes parmoy fignez,fonc
vne
Richard leFeurcj. iS 3
vnc partie de mon proccz:maisdc Ja Tcntencc,qu'cllcnemefuftpasprononcee:&: tou-
tesfoîs que ic m'en veux bien rapporterai! eôt.-ni.i: acceptant volontiers ladite Tenten-
ceauec l'appel, citant preft de ligner de mon fang mes articles tât de Lyon que de Gre-
noble,quci'ay lignez feulement d'encre.
Apres m'a elle monftré vn autree(crit,où le procureur du Roy bailloit Tes conclu- Concluiïoa
lions, Que pour la charge qui m'eftoit impoTec , de ne vouloir déclarer ceux qui m'ont reurduRoy
recoux tut Jariuicre, que Teu/fc la queftionkiTques à l'extrémité :&: pour le blalmc&: côueleFc-
outrage de la perTonne du Roy & de feglile Romaine»enTemble de l'hcrelie dont ie luis Wt
charge, que ic loye mené à la place desCordeiieis }& làauoir la langue couppee,&
mon corps bruflé a petit feu,&c.
Le Vi bailly après la lecture, me demanda que ievouloyc djrelà de/fus. lerefpon
Que ie n'ay en né peu cognoiftrclcs nomsdel'dits recouurans,lefquels ne le voulurent
déclarer ne dire quels ils citoyen:, ne qui les menoit , fors que le zele delà religion que
ie tien^qu'ils auoycnt ouy de moy à Lyon,& que par-tant ie ne les lauroye nommenaut
il que ie n'ay en rie mefdit de la per Tonne du Roy,& que ie ne Tuis point hérétique, mais
Chreftien.Ce que ie h* coucher pour reTpon Tes aux concluions du procureur du Roy.
Don Tiédit Vi-bailly merenuoyaiuTquesà vne autre fois,&: par deuât luy iefu con-
fronte deuant deux teTmoins,&:Teparémcnt: qui teftifîerent de leuraccuiation contre
moy, tendant aux TuTdites calomnies, mais en leur preTence rcmonftray audit Vi-bailly
les occalîons de leurs faux telmoignages , tellement que Dieu qui eft Pere des orphe-
lins, protecteur des eftrangers , a conduit li bien le tout,que les accuTatcurs & teTmoins
fe Tont trouuez ennemis capitaux,tât par leur apparéte procédure, qu'en partie de leur
propre confeflîon, Parquoy le Vi bailly me demanda reCpôCeCur leTditescôclulions du
procu reur du Roy:& icclle faite li ic vouloye demeurer à la Tentence de Lyon auec l'ap-
pcl.& ainli Te Tont alfemblez plulieurs fois pour debatre la matière de mon exécution.
Apre s me manda ledit Vi-bailly deuant luy &: toute la luftice: où derechef ie fu
follicité,perTuadé & conTeillé de me réduire à leur eglilè . mais ic leur fî reTponle , Que
n'ay autre délibération quededemeurcren TEgliTedelcTus Chrift&fa parolle:&:que
ne fay autre religion que celle-la. &: ii aucunement la parolle de Dieu m'en môftre vne
autre meilleure que celle que icticn,ieTuyuray ce que la parolle de Dieu me monftre-
ra. L'yji des Conleilliers me fît vne rcmonftrance,Que ie ne deuoye m'arrefter à ma Ta-
gefle & à mes opinions:&: mefme que les egliTes d'Alemagne font dmiTecs : &c que fi ne
meTubmettoye aux Conciles, il Tmdroit tous les iours vn Chriftianilmcnouueau.Ieluy
rcTpon,que n'ay,&: ne veux demeurer en mon opinion^ny a nulle fagelfe humainermais
tant feulement à celle de lefus Chrift,que le monde eftime follic,comme dit S.Paul.Ec
quant à ce qu'amenez des cglifes d'Alemagne, celles qui tiennent l'Euagile Tontvnics t.cor.r.
Tans aucun diTcord,quât au vray fondement. Et d'auoir tous les iours nouueau Chriftia-
niTmc ii on ne s'arrefte aux Conciles : il eft dit par Dauid au PTeaume 3 3, & autres lieux
de l'ETcriturc,Que le Seigneur diflîpe le conTeil des gens, parquoy il faut demeurer au
conleil de Dieu, & à Ta parollc,comme les Apoftres ont fait. Or i'ay me mieux demeu-
rer au petit ChriftianiTme, qu'au grand PapiTme.
Apres ces choTes, le Vi-bailly me renuoya à la maiTo/i de l'Euefque, où après quel-
que temps ayant entendu que i'eftoye renuoyé à Lyon , pource que ie n'eftoye punifla-
ble llnoq de la religion & foy qui eft contenue en ma confeflîon, ie deliray parler à mô-
fieur le Vi-bailly ,& requis plulieurs fois le courrier de l'Euefque pour parler audit Vi-
bailly:&: pour le refus Telcnui plulieurs lettres à mes luges dcGrcnoble:& entreaucres,
vne lelon qui s'en Tu it,
^A Mon sie v * le Vi-bailly de GriTuodam&; Ton ConTeil, Richard le Fc-
ure Ton priTonnier, Salut* '
'OMME ainfi Toit, Monfieur,que par plulieurs fois i'aye efté par-deuant vous ex-
amine de ma foy & religion fondée en Dieu &: noftre Seigneur IeTus Chrift , & en
Ton Euangile;où en la preTence de voftre conTeil, & auec plulieurs de voftre religion,ay
parla grâce du Seigneur rout-puiffant, fait apparoiftre la certitude de ma confeflîon
de foy eftre fondée en la vérité de la parolle de DieuJ'Euangile delefus Chrift, la do-
ctrine des Apoftres, & confequemment de toute l'EgliTe, Telon la petite cognoùTance
<ju'uaplcuàDieumedonner,fuffiiance toiuesfoispourrepoufler&meTpriTerlafagefTc
Bb.iii.
LiffîCj 11 IL Richard le Feurc^.
dumonde:neatmoinsiufquesicy ien'ayeu petfonneen voftrc Cour qui ait voulu pro-
curer pour moy:& tant s'en faut que nul de vous me défende , que pluftoft tous enfem-
ble eftes luges ô£ partie . qui déclare allez l'accompliiTement de la prophétie de Dauid
en lefus Chrift &: fes mebres élire accomplie deuant vos yeux,ainfi qu'il eft efcrit,Pour-
quoy femutincntlesgens,& murmurent les peuples choie vaine contre Dieu&lbn
Chriftr&c. le voy qu'il me faut endurer cruellement le fupplice de la mort: mais par i-
celle partant, i'efpere m'en aller à mon Dieu&à mon Seigneur lefus Chrift mon Sau-
ueur,lbuueram luge en ce royaume éternel & treshaute Cour, où vous &c moy compa-
roiftrons deuant le grand tribunal de fa maiefté, pour auoir railon de ma caule , qui eft
aulfi lalieni>c,que vous oppugnez&: contrariez il fort:de laquelle le Seigneur Dieu ne
ie rapportera point aux grans confeils, &: à la grande multitude du monde,ny à la gran-
de &c belle apparence: mais tant feulement à la feule &c (impie parolle : comme dit Da-
uid, Pfeaume 98,99,11 iugera le monde félon la fidélité, &c les peuples fclon là iuftice. Ec
comme dit S.Iean en l' Apocalypfe premier chap. Tout oeil le verra, & ceux qui font na-
urc. Tellement que toutes les exeufes que prétendez pour ignorance , ne vous ferunôc
de rien: mais plultoft il y a grand danger qu'elles ne vous feruent comme le balïïn, le
pot & l'eau à Pilatc pour le rendre innocent du fang de lefus Chrift . car comme ce bon
Lcbafsj.ne'k SauueUr lefus dit de tous fes membres, Qui vous mefprife, il me melprilè:&, Ce que
de" 1 iiate. " vous auez fait à l'vn de ces plus petis qui croyent en moy, aulfi vous le m'auezfait.
Matth.io. IE priedonc le Seigneurvous illuminer pour vous bien côduire en vos affaires: vous
remerciant de l'humanité qu'il vous a pieu me raire.&: vous priât au nom de Dieu, puis
que ne puis parlera vous,pour vous déclarer mon intention , qu'il vous plaife me faire
cognoiftre l'ordonnance qu'auez faite de moy : vous recommandant à Dieu. Des pri-
fonsdelacourreriedeGrenoble,maifondel'Euefque,ce deuxième îour de Ianuier,
m.d. lu 11. Voftre prilonnier Richard le Feure.
Renuoy Je Richard leFeure, de Grenoble à Lyon.
f"\R quelque cho fe qu'il en fuft,il ne m'a efté nullement polïiblede plus parler à mon-
fîeur le Vi-bailly:de forte qu'eftat en ma retraite,enuiron dix ou onze heures du foir
le preuoft des Marefchaux vint &c fa bende auec le Greffier criminel, lequel me fignifia
de bouche, que monfieur le Vi-bailly m'cnuoyoit à Lyon. Le Preuoft me mena iubite-
ment en fachambre enferre, attendant le clair de la lune.de forte qu'incontinent trois
heures après minuicl; departifmes, moy eftant monté à cheual, enchaîné, lié &: enferré.
Et palfafmes par Moran auec toute la bende du Preuoft, lequel la nui6t me faifoiten*
chaîner auec vnde fesgens. Et en laifiant le chemin de Lyon, palîalmcs par Vienne, à
caufe de la Crainte des embufchesquele Preuoft doutoit: carie bruit eftoit tel. Ledit
Preuoft m'amena en fes priions de Rouanne,me recommandant au Concierge:puis al-
la lignifier au Lieutenant de Lyon,nômé Tignac mon arriuee. Et cnuiron douze iours
après, ledit Lieutenant me vint examiner qui i'eftoye,&: qui m'auoit amené, de mon.
nom,& de ma reeoulîc,enfemble de quelques pointts de la religion, A quoy ay refpon-
du félon ce que le Seigneur m'a donné-.& fuis demeuré fans fauoir quoy ne commet, at-
tendant l'heureufeiournee de mapleine deliurance:cn priant mon Dieu me donner
telle allîttence qu'il cognoit cftre neceifaire,auec toute patience : &c m'augmenter tel-
lement la foy, qu'elle furmonte tout ce monde, pour pénétrer iuiques par delfus tous
les cieux en celte bien-heureufe félicité &: royaume éternel , auec ce bon Dieu&: Pere
de mifericorde, &£ ce bon Seigneur &: Sauueur lefus Chrift.
L A procédure dernicre tenue en la ville de Lyon contre luy, au lîegc du Lieutenant Tignac.
M M E ce bon Pere de milericorde,Dieu de confolation nous amonftrcfonaf-
jliftence du commencement en la foy de l'Euangilede fon Fils lefus Chrift, aulTi
efperons-nous parfaitement, qu'ince fiam ment &:iufqùes à la fin il ne nous deftituera
point de Ion aide. Dequoy nous deuonsen toute adion de grâces le louer & magni-
fier, 6c en toute humilité de prière luy recommander tous nos affaires, les remettant
entièrement fur luy, &: il les accomplira comme il a promis. Suyuant cela ie le prie hû-
blement de parfaire ce qu'il a commencétefperant parfaitement que fa bonté le fera en
moy,felô qu'ordinairement par fa vertu il me fouftiét iufques auiourdhuy. De quoy ie T
en remercie hûblement,me remettant entre fes mainspour parfaire ccquiluy apleu
commencer. Et à cela ie vous prie de le fupplier humblement , côme aufli nuict &c iour
tek
Richard le F eurcs. 284.
ielc requier de vous conduire en tous vos afFaires,cn vous augmen tac les grâces de fon
fàinft Efpric>à ce que puiffiez tellement cheminer deuât lûy,que l'on fainct nom en ibic
toufioursglorifié,&: (on Eglife édifiée. Ainfi foitiK
Ta v efté grandement reliouy (trefeherfrere) quand auezeftéaduerti de ma pro-
chaine expedition,qui fera(commeie croy)Samcdi prochain, huitième îour de Iuillet:
afin qu'en temps conuenable ayez meilleure commodité de prier ce bon Dieu pour
moy. Auiii le Portier m'a aduerti que déliriez le double des derniers Articles qu'on m'a
foit ligner auiourdhuy. Sachez(trefcher frere)queceiouruhuy,Icudi matin,6.de Iuil-
ièt, ay efte examiné de me fouuenir desdernieres rclponfcs que fauoyeparauantfai- ^
tes deuant le lieutenant Tignac , du commencement de l'emprifonnemcnt de céans, faits i r
allauoir en venant de Grenoble. A quoy i'ay reipondu que bonnement ne me louuient jj"^ ■
de toutesjpour la longue efpace du temps. Ledit Tignac m'a réitéré aucuns interroga-
toires 6c refponfes de moy à luy faites dudit temps , qui cftoyentdelamaniercdema
rccouile:ce que luy ay accordé,ne luy déclarant le propre faict.amli fur la cognoifîance
des personnes m'eitans încognues. Outre ay elle examiné il perliltemment ie demeure
en mes opinions. A quoy i'ay rcfpondu quede moy ie n'ay aucune opinion particulière:
mais veux demourer en la foy delefus Chrilt auec toute l'eglifeChrelticnnc,&: comme
membre d'icelle, tenir toutes les ordonnances que Iefus luy a eftablies . Surquoy ledit
Tignac m'amena toute celte grande eftendueoù le Pape domine. I'ay reipondu que ie
ne me fonde point fur telle multitude &c paradc,qui ne peut auoir aucune fermeté en
foy,non plus^ue le fondement aflîs fur l'abondance de lable:mais me contente d'eftre
appuyé &fouftenu fur vne feule roche,qui eit Iefus Chrilt &: fon Euangile . ^ Et à cela Mau^
leditTiguac en riant regarda fon compagnon , &: die que ecltoit vne belle comparai-
ent m'a demandé quelle conuenance pouuoit auoir icclle à ce qu'il m'auoit deman-
dé.le luy refpon que puis' qlei'usChriit l'a ainfi appliqueeà la differéce de Y opiniô com
m une du môde,SÎ la foy de les elleus à vn feul Dieu,&:celuy qu'il a enuoyé Iefus CJuift,
quelle cft aiîezfuffilante pour ma defenfe contre luy. Donc parlant ledit Tignac a<fon
compagnôidit qu'en cela il n'y auoit nul propos ne raifon.^ Item, m'examina fi ie croy
qu'au Sacrement de l'autel, après la conlecration faite par le Preftre au pain , le vray
corps de Iefus Chrift realcment &: fubftantiéllement y cil pas.Rcfponfe ,Quant à moy
ic croy parfaitement qu'en communiquant au fainct Sacrement de la Cene,ie partici-
pe& luis nourri du corps & du fang de Iefus Chrift,quieltmontéaucielàla dextredu
Pere,&quedesconfecrationsdecepays,ien'yentcnrien,nyà tous agiotsquis'y font: ï Cor
mais ie me tien à la reigle générale que fainct Paul à monitree à toute l'Eglilc, après l'a-
uoir receu du Seigneur Ieius,comme il fa inftitué,& que les Apoftres ont cntretenu,&:
confequemmenc toute rEglile,auee laquelle ie veux demourer! &c ne cognoy nulle re-
ligion Chrefticnne en ce pais fubiect à la religiô Papale. Item, m'a examiné, s'il m'eftoit
remôlhé par la parolle deDieu mes articles eltre faux,fi ic ne me voudroye point redui
re:i'ay reipondu que volontiers.&: luy ay requis d'entendre le contenu du regiftrede
ma relponfe,& de le u'gner.Il me dit qu'après dilner le Greffier me viendroie lire tous
mes elcnts &c procédures, me les faifant fîgncr.
Env 1 r o n les quatre heures, Tignac retourna auec plufieurs de Ton conleil, &C
ceft enfume do£teur de Sorbone: &m'ayant fait venir deuant eux , derechef réitéra le
propos de la recouife : puis recitant ma refpon Se faite à cela, m'argua d'inobcilfan-
ceàlaiufticc:&: pour la mefcognoiilknccdcldics recour.ms , me dit qu'il ne peut eftre
vray-fcmblable relie faction m'auoir cité incognuc: mais ie luy monihay la raifon qui
manifeltoit le contraire.
^ Ai- r t s m'examina du Sacrcment,ailaucn {iie croy qu'au Sacrement fous l'cf-
pece du pain le vray corps de Iefus Chrilt y loit.Ie rcfpondi.,Que comme iay toufiouis
confelié,ic croy qu'en participant au Sacrement, Ielus Chrilt nous y prefente &:don ne
fon corps &: fon fang pour nous nourrir éternellement : ainfi ie communique & fuis
nourri ducorps&:dulangdeIefusChrift,qui eftau ciel à ladextreduPerc enfaprefen-
cecorporelle:qiij par Ion lain&Efpric mefultéte&: nourrit fpirituellemét de fon corps
&: de ion fang , qui a elté donné pour nous nourrir éternellement en fon royaume ce-
Jefte. Item m'a examiné fi ie croy que le pain foit tranlfubftantié . le refpon , que
comme les Apoftres &c Pafteurs de l'Eglile ont creu & approprié les elemens ,les rcte-
pb.uij,
Livre 1 III.
Richard le Feurt^.
nans en leur propre fubftancc-que pareille met ie veux demeurer en leur doc~trine>com
me la reigle générale nous en cftmonftree par fainct Paul , qui proprement l'auoitre-
ccu ou Seigneur Iefus Chrift,comnie il precefte , en laillant les clemens en leur propre
fubitance:ainli qu'il dit,Lc pam que nous rompôs, n cft-ce pas laparticipatio du corps
i.Cot.io dcÇforilt ? A vilii il eft dit de tous le s autres Apoftres touchant le Sacrement , qu'ils e-
ftoyentd'vnconlcntementcnlemhleen la Parolle&:ovaiibn,& au brilcmencdu pain.
Aâcsi Sur quov le docteur de Soibonc,rcquisdepailer,medit quecombien que les Apoftres
n'ont point vlédc ce mot Tranilubftâriacion, qu'il ne s'enfuit pas que lignificatiueméc
il ne foie enec ndu:& me remonftroit que fi ie ne me vouloyearrefter aux mots, ie tom-
fr. beroyeen plufieurs erreurs corn me de ne croire que fubftant el tenu nt Iefus Chrift aie
ibntution cfté vrav Dieu &c hommeau ventre de laVierge,pourcequii n'eft pas proprement ain-
°t nJu' ^ efcrit.& cemroecemotTnn'tt ne fe trouuetn route 1 tlcnture:ainiien parlât du Sa
p.r l riuu- ci emenr, combien que ce m oc Tianfliibftanciacion nes'y trouuc,toute fois a la vérité il
mé. s'entend quand Iefus Chnft a dit ,C eft mon corps. le luy pnay de m efcouter,luy refp ô~
danr,Quenonfculemcntlcïus Chrift ne les Apoftres, n 'aucuns Docteurs &c Pafteurs
de l'Eglile ancienne n'ont lait mention de tramlubftanticr les clemens, mais ont mon-
{hé du contraire, car ils onc voulu enfeignec les fidèles à retenir la (ubftance desele-
mensen leurs pi opres noms:com me il appert au deuxième &c vingtième des Actes , &:
dixième de la première Epifti'e aux Corinthiens , & n . fcmblablcment par tcut où il
eft fait mention delaCene. Ec quand Kius Chrift a diftribue le facremencaux Diici-
ples'l leur enfeignc que le Sacrement eft vue fain&e mémoire de fa mort & paffion,&:
actiôdegr.ices,cômeilleurdecia e après, leur commandant de prendre &c manger en
mémoire d'ie elle paflicn.Et ce qu'il nomme le pain Ton Corps , c'eft en les ramenant à
i Cor j ^a paflioivcommc l'Agneau du pa:;age,qui n cftoit pas le pailàge:maisil fignifioit le paf
fagc6ddehuranccd'Egypte,commeùintl Paul en parle, ainliil appelé ce qui lignifie,
pour la choie lignifiée. En telle communication Iefus Chrift nous donne Ion corps &c
Ion l.ing,pour nous nourrir éternellement d'iv.cluy par la foy en la vertu de fon Efprir.
Et quant à la Tr:nitc,lcs trois pedbnnes font fuffiiamment &ù apertement déclarées
en vniré,cotnme laine.! Ieau le declare:&: aucres lieux de l'Efcritute monftrencairtze-
uidemment la Ttinitc.&: auflî ladiuinite& humanité de Iefus Chrift eft aperceméc dé-
clarée aux Efcrituresicomme il en eft fait mention en Haie , que la Vierge enfanceroic
lEmanucl^qui eft adiré Dieu auec nous: ÔC au premier de S. Matthieu,&: autres lieux,
où il eft parle de l'incarnation delefus Chnft/maisdc la Tranifubltantiation il n'yafi-
gn.fkation aucune en toute l'Elcriture.Le Docteur ne me permettant acheuer,mcref
pond que ce que dit Iefus Chnft eftfufriiant pour la Tranifùbftantiation, quand il dit,
Voicy mon corpsicomme lesdocteurs de lTghïe font entendu: & qu'aulfi plulîeui s ar-
ticles de la foy ne font efcrits,lefqucls faut croiic.& me fit vne longue exhortaciô,où ne
pouuoye rien entendre pour les fubtiliccz rnais il ne pouuoit trouuer en toute l'Elcn
turc, tant des Apoftres que des Docteuis ancicns,que les clemens fe tranilùbftantienr.
Il me die que fi ventablcmét: mais que ie ne vouloyc entendre ce qui eft au fixiemede
lain& Iean,& plu lieu rs docteurs de l'Eglile. En la fin luy refpondi qu'au mefme texte al-
légué, Iefus Chrift déclare que telle manducation eft fpiritucllc &c non charnelle: ainfî
qu'il dit après , La chair ne profite point, c eft l'Efprit qui viuifie.ces parollts lôc Efprit
&C vie. combien, qu'il n'eft la parlé que de la foy en Iefus Chrift. Ioinct que faind Augu-
ftindicduSacremenr,Croy &ù tu l'as mangéidcclarac que la foy nous lait viuredu corps
de Iefus Chriit , par la vertu de Ion Efpric. Il medicque ie ne picnoyedcsparollcsde
fainec Auguftin,(inoncequi me plailoit,non pas ce qui appartient entièrement à la roy
de l'Eglile. le luy rcfpon que ie fuis contée de amplement demourcr en ladoctrinedes
Prophctcs,de Iefus Chriit Ck: de l'es Apoftres.
Tig n ac me remonftra,que puis que ne fuis ne do<5teur,ne fondé en Théologie,
nyaux Docteurs anciens: pourquoy ie me mecs tant auant à vouloir entreprendre
d enleigner les autres,**: de corriger ce que couce l'vniucrfité de l'Eglife tient .
R, Que quant à moy ie ne luis point'voiremenc docteur , ne fondé en Théolo-
gie pour enfeignerà: corriger : auffi ie n'encrepren poinc ces chofes, nyneveux e-
fere leparédel'vnion de l'Eglile vniuerfelle:ains comme membre d'icelle &c de Iefus
Chnfr,veuxdemourer:mais ie ne peux auoiraucre créance que celle que Iefus Chdfc
aen "cigneeen fon Euangile,les Apofcres,&:confequcmmenccoutc l'Eglife. Ainfipuis
qu'il a pieu au Seigneur Iefus Chrifc m'enleigncr par Ion Euagile ce que tous Chrefciés
Richard le Feurc^.
doyucnt croire il eft bien raifonnablc que ie Je maintienne iufques au bouc.
T i g n a c m'interrogua fi ie croy la conf ef/îon. R . Qu'ouy. Il demanda com-
ment,&:àqui. R. A Dieu &àceux que l'ay otfcnlcz. Dercchcf,li la confelîion au-
riculaire n'cll pasderinftitutiondelefus Chrift. R. Qj.ierEuangilcnefaitmentio
de le confefiér à l'oreille d'vn homme fecrettemcnt : mais que nous deuons conte/Ter
nos péchez à Dieu:& le fang de fon Fils Iefus Chrift nous nettoyé de tout péché . com-
me il appert au premier chapitre delà première Canonique de fainc"t Iean, &enplu-
iieurs aucres lieux des Pfeaumes. Auffi quant au piocham,il eft fait mention de le recon
cilier pour ofter tout diicord : 6c à ce fainct laques exhorte les fidèles de ie confefler les r™.,
vnsaux autrcs:mais de l'auriculaire, il neneft nouuelle.
L'infv m l docteur de Sorbone me fît vne rcmonftrace de la puiiïancc que Iefus
Chrift a baillée aux pafteurs de lonEglife, A quiconques vous pardonnerez les péchez, IcaE
ils feront pardonnez : 6c à quiconques vous les rcciendrez,ils feront retenus . 6c ce que
Iefus Chrift à remonftré au dixhuiticme de fainct Matthieu 6c autres lieux : où il eft fait
mentiô du ncttoyemét du ladie,de ie prelenter deuant le Sacrificateur : 6c diibit q puis
qu'il y a Ablolution&: Rétention, il faut aulii confelîion. Ieluy relpô q voirement il y a
côfelîiô,nô pas auriculaire:maisen la vertu de la predicatiô de l'Euangile, 1a foy produi-
fantlesfruicts de pcnitcce&repctance.L ablolution eft cômife aux Pafteurs parla pré-
dication: en ce qu'aux obftinez 6c endurcisses péchez font retenus auec excommunie-
ment,comme au cutraire auxdociles &: obeiftans à la prédication de l'Euangile, les Pa-
fteurs donnent pleine ablblution en vertu de la prédication de l'Euâgile. Et aulii Iei'us
Chrift en donnant telle puifTance à fesApoftres,il leur a quant &quant enchargé qu'ils
enfeignent publiquement l'Euangile,dii'ant, Comme mon Percma enuoyc , ie vous
enuoye : allez , prefehez l'Euangile.
L s d i t Docteur me remonftraafïez longuement tant de fainct laques que des ka
autres partages, telle abfolution deuoir eftre attribuée à vn Preitre,m alléguant plu-
fieurs raifons pour euiter les inconucniens-.enfemble par les Conciles , & par philofo-
phie me vouloir perluader à le croire. le luy refpondi que quant à moy ie ne fa y autre
choie que ce que l'ay re(pondu:que fay apprins dés ma ieuneiTc en l Euangile de noftre
Seigneur Iefus Chrift &: de les Apoftres. ^ Le Docteur parlant au Licutenant&: fon
côleil,dit,Ie me doutoye bien que ie n'y feroye rie: car il eft entieremét obftiné.ôd ça c-
fté la caufe que ie dirferoye à vouloir parler à luy. Sur quoy il print congé, 6c s'en alla.
Le Lieutenant derechefm'interrogua li ie veux derheurer 6c perhfter en ces er-
reurs^ qu'ils m'auoit fait venir vn fi fauat perfonliage pour m enfeigner,&: que ie pen-
faffe à moy .le refpondi que volôtiers ie penfe à moy:mais q ue d'erreurs,la grâce àDieu,
ie n'en tien, ne veux teninains feulement les articles de la foy Chreftienne. Plus, il me
demadacômeie fay que ce q iappelle Parolle deDicu,c'eft laparolle deDieu.Ieluy ref
pon,que quand noftre différent conlîfteroit en cela, il feroit bien-toft vuidé : mais puis
que ceft la parolle de Dieu fans aucune doute, qu'il ne luy chaillc qui me la fait à croire:
D. Où fay efté premièrement enfeigné. R. En Àngleterre,dés maieunelîe. Aquoy
ilmeremonftra,qu'encepays lailn'yauoitpasii long temps qu'ils auoycntdelaifîela
religion Romainc:& me demanda corne i'auoye donc ap prins.Ie luy relpon , Commet
qu'il en l"oit,de long temps l'Angleterre auoit eu multitude de Chrefticns qui tenoyét
l'Euangilc,dont plulicurs ont efté tourmentez cruellement à mort, comme vous nous
tourmentezauiourdhuy pour celle mefrne verice. 11 commanda fur ceia qu'on me re-
nie naft.
Le Vendredy apres,i'ay eftéderechefprcfcnrc deuant lcditTignac,auectout fon
confcilaffcmblé:où on me demanda fi ie vouloye demourer en mes opinions fauffes,6c
qu'on auoit fait alfcmblcr meilleurs pour appailer &: pacifier le tout:fiieme vouloyere
duirc&qu'au/fi le Docteur,fainctperfonnagc, auoit efté mandé pourme rcmetticcn
liberté . Que li obftinémcnt ie veux periifter, mefiieurs de Parlement leur ont donné
authoricé de prononcer léntence diffinitiue,&: fans appel.Ie luy refpon, que de moy ie
ne fuis ny obftiné ny heretique,ains Chreftien. li le Docteur m a parlé , ie luy ay fait ap-
paroiftre deuant ce confeiI,mes articles de foy eftre fondez en la parolle dé Dicu&: l'E-
uangile de fon Fils Iefus Chrift,cÔfornies à l'Eglife à laquelle fuis vny. Aufli ie Docteur
n'a pour tout fon fauoir fait apparoiftre deuant ce confeil, la doctrine de ce pays auoir
aucun fondement enla vérité de Iefus Chrift 6c fes Apoftres: mais feulement cnphilçe
ItcntenJde
fon prenne.:
ncnvot.
Lim'o Richardk FeUrcJ.
fophie8craifonshimiaines,&fubtiliiez, voulant tirer &:ioindrepar morceaux les pa-
telles de Iefus Chrift.
E t combien que par vous ie fuis condamné à mort comme hérétique, vous ne-
ttes iuges competans delà caufe : mais vous 6c moy comparoiftrons deuant le grand
tribunal de la iufhce de Dieu,legrand &: fouuerain luge , deuantlequel il m 'eft: biena-
greablc d'aller prcmicr.Qui plus c lt,dés long temps vous m'auezfollicité de toutes vos
forces,&:m'auezconfeillc d'en appeler deuant les Prcfidens de Paris: ce que nullcmet
n'auoyc délibéré de faire. à l'occalion de quoy m'amenaftes l'exemple de fain et Paul ap
pelant à Ccfar,pourm'mduirc&: me taire accorder à voftrc confeil . Se mcfmc ne me
voulu Itesoncques déclarer aucune lcntence:ains fu menc,&:nefay pourquoy,ne com-
ment i'ay cité empefchc d'aller où Dieu m'appcloit Oren ce temps n'auiez aucun pri-
uilegc de donner arreft diffinitif:& maintenant vous me dites qu'il me faut palier pac
vos mains.
Le confeil m'cfccutantmemiuement,Tignacrefpôdir, Que deluy il nycftoit,&:
qu'il ne croyoït pas qu'il fuftainfi c.n il c Itoit alors Lieutenant. le luy refpon , qu'eftant
certain des paroIles,ie m en rapporté à tout le confeil lors a/fcmblé : Se que Ipccialc-
mét celuy appeléTignac s'y employa du tout, lequel pour enteignes citeit boiccux,ay-
ant des botincs de cuir noir ce qui me donne vraye cognoilfancc des perlonnes,&: que
tel affaire ne fe peut ignorcr:cnk mbleprck nt monfieurduPuis&rplufieurs autres que
nepuisrccognoiitre.PlufieiirsduccnlaJrctpondircnt qu'il pouuoit cftre vrav que le
Lieutenant y fuft.Tignac rompant proposait qu'il n'eitoit bcfoin de s'arrefter à cela,
me demandant fi ic ne vouloye point changer de propos le luy rcfpondy que ienetay
autre chofc.&: commanda qu'on me rcmen.ut . ^ Ainiiiuis attendant la bonne vo-
lonté de nollrcDicUjlc priant qu'en toute patience il me fouftienne par fa vertu, me
conduitanrà cette vie éternelle, qu'il a promife par lefus Chrift fon Fils : auquel feuî
foittourc gloire , empire Se honneurés iiecles des ficelés. Des priions de LyonàRou-
ane,ce VendredyfixicmedcIuiHet,M.D.L 1 1 1 1.
Voila la refpon (c& la Confeliion detnierc que Richard lcFeurea mainte-
nue deuant les luges de Lyon , le tour deuant qu'il endurait la mort:cn laquelle s'il y a
redircou façon de parler non vlitce,Iedeuor du I ( £tcur fera defupporter le toutxom
mêle noftre à efte de fidèlement recueillir &: prefenter lesefcrits de ceux qui ontper-
feucré constamment en la confeliion de la vraye do ctrine.
ORAISON 411e fit le Fcurc pour !c iour <Iu dernier fiipplicc,en forme de confclfion Jcfoy.
ÎIE Vtout-puilîant& tout fagequi des le commencement as cogneu l'inconfta-
|ce&: fragilité de l'iiommc^cquclpai feu outrecuidance fe voulant clleucr par or
gueil contre ton fainct commandcment,elt tombe es filets du diable Se de la mort éter-
nelle, enfemblc toute là pofterité: dont il t'a pieu par ta bonté infinie auoir compaf-
fiôn,luy prouuoyant de bon remède &conucnable , en fupportant fa fragilité,& luy
<-encrf 5 promettant que la temencede la femme briferoit &: deftruiroit la puiiTance du fer-
pent,quieftlcdiablc,quiacfléinitigatcurdu peché p;»r lequel la mort eft entrée au
mondc:à caufe de quoy tu as eftably ton alliacé par ta faintte prome/Te,&:depuis l'as pre
tentée &: aufii confcrmcc à Abraham, Ifaac &: Iacob,les patriarches, Prophètes Se Gou-
uerncursdeton Eglifed Ifi acl,cnettabliflànt vneLoy Se faincteordonnace de iuftice
&fain£tetédc vie partcsfainrtscommandemens:enfaifant cognoiftre par iceux laper
uerfitc& miferedes hommes,afin qu'en cfpcrant aux diuincs promeffesderedemptiô
parlemeliias promis,qui eft ton Fils bien-aime, ils obtiennent falut parce moyen. Le-
quel Fils(qoand le temps eft venu que tu as ordonné pouraccomplir ta làincte promef-
fe,felon le bon plaifirdc ta volonté) tu as cnuoyé au monde pour vray Rédempteur,
tuci pourratificr&:(ccllerlàpromcficdcnofttcfalui:&ae(réfaithomme, chair de noftre
chair,&: os de nos os. Et ce en vcltant noftre nature dedans le ventre de la Vierge , de la
fubftanced'iccllc,par la vertu mcomprehcntiblc du fainct Efprit. AulTi a efté fubict
aux infir mitez &: patîions de l'homme en toutes chofes, excepté peché, cftant pur & in-
nocent,faincl,iu(cc&parf.iir,afin de purifier,fanttifîer& iuftifier tous ceux qui par fer*
mefoy&efpcrances'arrefceronraufeulfalutacquispariceluy ton Fils : en la foy du-
quel fon t mftifiez tous croyans,lcfquels tu as efleus pour eftre tes enfans,adoptcz par i-
celuy
Richard le F eurcs. 286
celuy ton Fils Icfus Chnft,pour eftre faits membres de Ton corps. Lequel pour fatifïai-
reàta iuftice&£ équité pour la punition du peché,&: pour nous racheter de la mort,s-
cftprerentéparobeinTancevolontaireàfourFrirlamort ignominieul'e de la croix , en
fàintt &c folennel facrifice &: oblation pour les péchez de tous ceux qui s'arrefte-
ront &receurontparroy ce facrifice faind&vnique, luffifant &c perpétuel pour touf-
iours , qu'iceluy Iefus Chrift ton Fils t'a offert en la Croix,où il a porté fur foy la charge
pelante des péchez de tous ceux qui par ferme foy & efperance s'arrefteronr au feul la-
lut lequel il nous a acquis,eftant mort pour nos péchez, &: refufeité en gloire pour no-
ftre iuftification:tellement que par ce feul moyen les croyans fonc faits enfans de Dieu,
membres du corps d'iccluy Iefus Chrift,heritiers du royaume des cicux>&: participans
de fon immortalité gloricufe,en la vertu de fa triomphante refurrection, par l'Euangi-
ledc grace,qui eftla bien-heurcufc&ioyeufenouuelle du bénéfice de reconciliation, 'l-Cor-^
K rédemption. Parquoy , Dieu tresbenin, Pere de mifericordc & de toute coni'olation,
commeil c'a pieu par ta bonré me receuoir à merci, m 'ayant certifié celte heureufe grâ-
ce d'élection étemelle par l'adoption de ton Fils Iefus Chrift , en l'Euangile de grâce,
par lequel tu m'as appelé à la cognoiilance de ta fain&c & bonne volonté enuers moy,
tu m'as aufli eftably en ce lieu pour eftre tefmoin de fà faincte verité,par le fupplice pre
Cent qui ce iourdhuy m'eft ordonné &: appareillé . ce que de bon cœur &: franchement
ie reçoy,eftant certain de la remiffiô de mes péchez par la vertu de la mort bic heureu,
le de ton Fils Iefus Chrift,qui eft reiutcité des morts,& monté à la gloire celefte:en ver-
tu de quoy ie refufeiteray au dernier iour de fon triomphant aduenement ,pour parfai-
tement iouyrde fon immortalité gloneufeauccluy éternellement :eftanta/îéuré que
maintenir mon efprit fera receu en fa faincte protection &fauue-garde auec les bien-
heureux en fon royaume éternel , en laiflanteeprefent monde par la mort corporelle,
qui m'eft prefentement en ce iour ordonée par le fupplice quiàprefent m'eft appareil
lé. Parquoy,bon Dieu,Pere trefbenin & plein de mifericorde &c de toute confolation,
ie te prie qu'il te plaife au nom de ton Fils Iefus Chrift,eftendre ta bonté & vertu puiL
fante fur moy ta poure créature^ qu'en toute patience tu me faces pafTer outre ce pas
de mort corporelle,me tendant ta main puiffante pour me retirer incontinent Victo-
rieux de tous mes ennemis, me conduifant à cefte vie bien-heureufe que tu as promife
en faueur de Iefus Chrift ton Fils noftre feignçur,acceptant le mérite de fa mort & paf
{ion pour recompéfe de toutes mes fautes & pechez,en vertu du fain&& parfaietfacri- Hcbri0
fîccdeton Fils Iefus Chrift ,fuffifant, vnique& perpetuclpourtoufiours: &deceft A- * "
gneau immaculé, de cefte hoftieviuante,dc cefte obeiftanec volontaire : Sidecefacré
iang précieux de ton Fils Iefus Chrift ,qui a efté efpandu pour la remiffion des péchez.
Et qu'en cefte {orte ie me prefente en tagloire,honneur Ôc louange,me couurant de la
iufticc&: innocence de ton Fils Iefus Chrift,pour me pre fenterirreprehenfiblcdeuant
tafacc.Auffibon Dieu,qu'il te plaife auoir pitié de to nEglife,en reftaurantlesdiffipa-
tions &c ruines faites par la malice de Satan,duquel vueilles deftruire toutes les œuures
auec fon règne d'Antechrift:^ que tu eftabliffes le règne bien-heureux de ton Fils Ie-
fus Chnft,cn édifiant fon Eglife,laquelle,bon Dieu,ie te recom mâde , comme de tout
temps tu en as eu le foin. Aufli Scigneur,ie recommande mon efprit entre tes mains,
qu'il te plaife îe conduire en ton royaume bien heureux.
Po v ri an TSeigneur,vueilles-moy fortifier en vrayeconftancc,maÛîfter par ta
vertu ôc puiffance , me donnant vne patience inuincible , pour perfeuerer en cefte ba-
taille ipirituelle iufqucs à la fin de ma vie.
A V T R E OraifonduJit Richard le Fcurc
5jE I G N E VR Dieu, Pere tout- puiflant,ie te remercie de ce qu'il t'a pleum'ap-
_A".peler à la cognoiilance deton fainct Euâgile,&fingulieremétdeceque tu m'as
fait ceit honneur que ie loye participant des rribulations de ton Fils IefusChrift.ee que
ie cognoy euidemment quand ie confidei e que tu ne m'as point baillé la feule cognoif
fance:ains asadiouftéla prattique nourme rendre àlafin homme parfait. Iefauoye
bien que Iefus Chrift auoit endure mort & palfion pour moy,me donnant exemple de
le fuy ure.I'auoye bien leu les admonitions eferites par les Apoftres & Euangeliftes,que
nous fommes bien heureux quand les hommes nous perfecuteront pour ton Fils Iefus *^tth J
Chrift» mais quoy, Seigneur? leconfefTequeiulques àecquetum'ayes faitprattiquer *' lcwe?
Liure III I Richard le Féurc^j.
q ic fauoye de toy,ic n'eftoye de beaucoup fi afleurc en la cognoiflance de mô faille , cô-
Lucn me ie luis maintenât. Ic n ignoioye point la promène que tu auois faite,q quâd nous fe
rions deuâ^ les grâ^ du môde,nous ne fuffiôs point en foucy de ce que nous leur pour-
riôs refpondre , & que bouche & fagcfTenousferoyent données par ton S. Efpric , à la-
quelle nos aduerfaires ne pourroyent concredire:mais ie î'ay maintenant expérimente
en moymefme,&: que tu es le Dieu véritable. Car combien que ienefoyefauant > tuas
toutefois rcmplyma bouc he par ton Efprit,tcliement que Iesfauansdecemondenoc
peu par leurs menfonges con fondre ta fimple venté. le ne recite point deuant toy ma
vitroire,mais la rienne vrayement,qui rens confondus 6c eftonnez mes aduerfaires. Ta
gloire en cela en eft beaucoup plus grâdc,d'autât que ie ne fuis ne fanant ny éloquent.
Parquoy,mon Dieu, dérocher ie te remercie de tant de grâces que tu me fais, te fuppli-
luct; ant me vouloirtoufioursaugmenter lafoy,comme tes Apoftres t'en ontauflïrequis:&:
me faire cheminer de foy en foy,c eft à dire, par accroiiTemét de foy : car i en ay grande-
ment befoin, pour furmonter les tentations de cefte chair rebelle.O mon Dieu, encore
que ieloye en grand tour met &angoilfe: toutefois mô efpritfent délia les joyes du ciel,
qui me ion t oublier la douleur, ou pour le moins vne partie . Les tyrans ont beau lier
mes pieds 6c mes mains, 6c mettre à mort cruelle tous ces m embres: car en defpit d'eux
ilsrefu(citeront&: lieront glorifiez : 6c alors ic riray 6c m ciîouyray , 6c ilsploureronc
& diront , Voicyceux defquels nous nous moquions , les cftimans fols 6C infenfez.
apitace } VOyCZCommentiis(ont rnatntcnancnombrez entre les enfans de Dieu. Ordonc,
mon Dieu, mon Pere,vueilles-moy armer maintenant d'vne grande foy pour réfuter à
toutes tentations, que l'horreur de la mort ne m'efpouuante : mais que ic me reconfor-
te en celle que Iefus Chrift ton Fils a gouftec tant amcre,afin que celle mort que fendu
reray me foit douce. Que dy-ie ? Ma mort: Ha mon Dieu, ce mot de Mort eft trop rude:
ig ie parle impropremcnt:car il n'y a point de mort au Chreftien qui eft conioin£t auec Ie-
fus Chrift qui eft la vraye vicie ne mourrav doc iamaisxar monRedépteur m'a promis
q puis que mon efprit a magé fa chair &: beu ion fang , ie ne mourray iamais: ie neferay
que palfer d'vne ligueur à vne vie,&: de maladie à lame pcrpctuellc,de douleur à ioye,
detrifteifeàliefie,detoutemalcd.aion à benedi£tion,de famine &poureté à richefle
&: coûte abondance,d'ignominie des lu nuiusa la gloire des Anges, de la crainte des
tyrans à vne perpétuelle aileurance, delà compagnie des milcrables pécheurs à celle
des Sam£b& bien-heureux. Ic croy,inuuD;, u pvus que tu m'cflis pour ton Martyr,qu a.
mon dernier iour tu me feras combattre virilement contre ma pourc chair , contre le
diable 6c le mondc:afin que pourFcdihcacion Je 1 Eghfe,ie foye comme cheualierprc-
tendanr en champ clos combattre 6c abbartre mes ennemis par ta vertu , 6c par le cou-
fteau trenchantdcsdeuxcoftez,quieiUaparoile:&en obtenir vidoirepar la victoire
Htbr.4. qUC itjus Chrift en a eué.parlcs mains duquel la couronne me fera dcliuree.Tonfaind:
Efprit me fera comme mon parrin,lequel me confolera , dreiîera 6c enfeignera aux ar-
mes fpirituelles,pour me rendre homme bien à droit}, po ur batailler courageufement
iufqucs à la dernieregoutte de mon fang. Et fi en attendant cefte heureufe murnee , ie
fuis exercé par greiillons,fers,ceps,gehenncs,froidures,ordures,tenebrcs,faim,foif , 6C
autres chofes femblables,cela ne me doit eftôner,car les iambes enferrées aux ceps ne
fentent pas grâd mal, quand la main touche défia le ciel. Auant qu'entrer en champ de
bataille,les chapions qui doyueijt combattre l'vn contre l'autre,ne prennent pas leurs
déduits en vn lici mol,ains mettent peine à s'exercer auant que venir au dernier com-
bat:& toutefois ils ne prétendent que d'auoir feulement vne couronne corruptible.
N'ay-ie pas donc plus grande occafion,pour en auoir vne incorruptible 6c cternelle,de
m'exercer par ces petites croix, auant que venir à ma grande iournee prochaine? Pour
Notczccfte lemoins,ô mon Dieu, li ie luis mis à mort fortant de cefte prifon , iene ïeray exécuté
adhoode comme meurtrier ou brigand : mais pour la meime querelle pour laquelle font morts
Sr*ces tan t de Martyrs de ton Fils Iefus Chrift.Que fi i'ay commis quelque grand malefke>par
lequel fauoye bien mérite la morr(comme le moindre peché du monde eft digne de
morr)tu l'as caché &couuert,afin que ma mort fuft referuee à feeller par mon fang la
doctrine de l'Euangilc. Que vaut de tanc languir'auflî bien faudroit-il mourir vne rois.
Le tourment n'eft pas fi long ne fi grand , d'eftre dcfpefché en vne heure , que de
languirrroismoisen vn lier. Ne vaut il pas mieux mourir alaigrement pour mon Sei-
gneur Iefus Chriftr O Dieu etcmel,que tu me fais vn grand hôneur , de ce qu'il te p|aift
de
Récit d'If iftoircj. 2S7
de me faire boire à la couppede ton Fils bicn-aimé Iefus Chrift ,8<:dç me préparer le
mefme breuuage que luy-mefme a bcu. le n'ay donc plus qu e faire de la lum iere du mo-
de, puis que tu m'appelles, ô mon Dieu, pour me donner la lumière eternelk ù laquel-
le vueilles moy maintenant conduire par ton Fils Ielus,qui en l'vnité du S. Eiprit vit 8C
règne auec toy Dieu éternellement.
CONCLVSIONdu combat d; Richard IcFcure.
J Ly a icy belle matière pour confiderer v ne prouiden ce de Dieu admirable , non feu-
lement en ce que d'vn mouucmcnt vniuerîel il gouuerne les choies, mais auiliquc
d'vn foin Ipecial il n'a voulu orner la première luitte de R. le Feure de mort virtot îeule,
ne qu'il foit paruenu où il fembloit courir de toute fa force. Ayant efte recoux par moyé
illégitime des mains de ceux qui le menoyentà Patis,celuy fut corne vn delay, rcfpitô£
loilir pour le dilpofer a vne fecôde bataillc,à laquelle le Seigneur lauoit relei Lie, pour le
tat mieux manifcftci Se rendre exquife la vocatiôdeuâtles homes. L'inquietudedefon
efprit après celte dchurâcejes lôgs circuis de fes voyages, &; (a côplexion diuerfe n'ont
point empefché que le Seigneur n'ait parfait fon œuureen Iuy,ôJ que le dernier acte de
la vie n'ait efté à la gloire de fon faincï nom,& à la confolation de tous les fidèles. La pri-
fon des aduerfaires luy eftoit non feulement pourefcoïe à toute patience, mais auiîi
comme vn palais royal , où il a triomphé autât magnifiquement qu'homme de ia forte.
brtf,il fut tout autre en la prifon, qu'il n'eftoit en liberté. Or après qu'on l'eut mené
&: pourmene d'vn lieu à 1 autre,& que fa perfeuerance par tout femblabie, eut furmôté
toute cruauté des iuges:fînalement après auoirreceu fentence de mort ,1a langue luy
futincifee,& ion corps bruflé vif leSamedyfeptiemedeIuillet,M. d. l nu.
B RE F récit de ce qui efl Juruenu en ce temps aux Miniftres d'^nglcteire, &àla dijperfion
des fidèles chajjez^dudit pays.
PRES que Marie fut paifibleen fon royaume d'Angleterre, à grand'hafte
ayât remis-fus la PapautédcsEgliles qui auovcn t flouri du règne d'Edouard,
furentfubitniiierablcmcntdi/lipees.IcanàLafco Polonois, fuperinttndât Icanàufc*
des Eglifes étrangères eftans à Iondrr^fut en grand loin, fuyuantl'atfectiô
qu'il portoit au troupeau de Chriit, en quel payMl poun oit trouuer liège pour le par-
quer &pouruoir de feure demeûranre F nnîement de commun aduis il fut arrefté qu'-
on e/foyeroit défaire quelque choie vers le roy de Dannemarc-.dont toute la charge en
fut donnée par les anciens à Iean a Laie o, Iean Vrcnhoue,& Martin Micron. A 1 inftât vtéfconîu< .
de celle fortie,laplufpart de lEglife,fe mit en la compagnie de ces trois perfonnages, Mcrcmus.
pour faire voile en Dannemarc. Le dixfeprieme de Septembre s'embarquans au port
de GrafHenne en Angleterre, finalement après plulieurs dangers de tempeftes &c ora-
ges,aborderenr a Hellefgnore,haure de Dannemarc, le zp.d'Octobre. Entendant Iean
àLafco,quelcRoyeftoità Coldingue, il tira celle part accompagné deldics Vîéhoue
& Micron, Le huitième de Nouembre eftans venus à Coldingue, ils n'impetrerent rie
du Roy . car mefme fon prefeheur en vn fermon auquel ils aflîltoyent,lirritoit &: enflâ-
moit côtr'eux.Et non feulement demeuracc leur fut déniée poui lcursEglifes,ains auf-
li le retour vers leurs gés par Hellefgnore &: Haffinie.tellement qu'il leur fut commâdé
vuider le royaume par Holface. Maints cncombriers&: mefaduentures lors leur aduin-
drent en la cour du roy de Dannemarc,qu'il n'eft icy befoin de reciter,pource que Iean
à Lafco les a fidèlement & foigneufement deferites.
Donc q_v e $ le dixneufieme de Nouembre partirent de Coldingue, &: par le corn*
mandement du Roy paifans par Holfacc,s'achcminerent en Alemagne. Sur lequel che
min fe feparerent,de forte que le feigneurà Lafco &IeanVtcnhouede(ccdirent en Fri-
fe;Micron s'en alla aux Orientales citez maritimes, pour là receuon les frères qui arri-
ucroyent de Dannemarc par mer,pour les feftoyer ci confoier.Car on auoit fouuent li-
gnifié au nom du Roy, que fans delay tous feroyentehaflez du royaume. Micron donc-
quesarriua a Hambourg le vingteinquiemede Nouembre,où pour donner &: receuoic
confolation en lî tnfte&: piteux eftat del'Eglife , il feiourna quelque temps auec les frè-
res arriuez de Dannemarc.Er pour cftre mieux informé du gouuernemcnt des Eglifes
& de la dodrine qui là fc prefehoit, il frequéta les fermons fie leçons publiques en Thé-
ologie. De là fe tranfporta à Lubecôc" Vifmarc ,& lieux circonuoilins. y faifant feiour,
Ce,
L/V^ro ////.
Paris Panier. Ottho Qatel'mc^.
iufques à ce qu'il entendit par bruit commun,que pour la gelée & froidure lors trefue-
hemer.te,il n'eftoit poflîble qu'aucun abordait fain de Danncmarc. Délirant faire en-
tendre ces choies & autres à Iean à Lafco& Iean Vtenhou , qu'il fauoit eftreen grand
foucy pour les frères demeurez en Dannemarc, il print (on chemin en Frife-.&: le vingt-
huiticme de Décembre arnua à Emden. ^Toft après quelques frères venans de Vif-
marc, rapportèrent que les autres laifléz en Danncmarc cftoyét reuenus non fansgrad
danger de leur vie, les vns à Lubec, les autres à Vifmare,tous neanrmoins en bône ian-
té. Micron n eut pluftoft ouy ces nouuelles , que du confeil àc confentement des frères
îl retourna vers eux le vingecinquieme de Ianuicrà Vifmarc:dont rînalemct après plu-
licurs diTputcs de la religion en particulier auec les Miniftres , comandement fut fait à
tous le 2.2. de Fcui ier, m . d . jl 1 1 1 1 . de ibrtir. Parquoy tous s'en allèrent à Lubec.
PARIS PANIER, de Salins.
SVBMETTANS à la cosnoiffance <k verité tout cftude fcumaim.ipprcnons j l'exemple de ce perfonnage, de tenir kefle
verné plus precieiile que toute la plus longue vie que nous tiurious auoiren ce monde mortel.
lO^^^^ A cour du parlement de Dole au conté de Bourgogncjfembleroit dégéné-
rer des autres Cours, fi par actes germains &: du tout fcmblables,ellenc fe
deelaroit ennemie mortelle de ceux qui font profciîîon delà vraye doctri-
ne du Seigneur. Etfansreccrcherlesexcplcsde plus hautcômencemenr,
eUe en a en ce temps donné enfeignement en la perfonne de M. Paris Panier , qui non
feulement eftoit de leur corps commeaduoeat audit Paik ment & iurifconfulte crefdo-
tte, mais auffi auoic tous fes parens &c amis au mefme pays &: conté de Bourgongrie, e-
ft ant iflu d'vn lieu nommé Cornière, enuiron trois lieues près de la ville de Salins. Il n-
auoit encore atteint l'aage de vingtquatre ans, quand parla ton fpiratipn de quelques
melïîres preftres Iean Sachet &c Iean Paul,auec vn troiiieme de leur faction, il fut accu-
fé comme ayant parlé contre le Dieu de leur MeiTe nourrice. Pour l'cncendemét& na-
turel qui eftoit en luy excellent, il eftoit paruenu non feulement d'eftre au râg des pre-
miers hommes de lettre de fon pays, mais aufll entre les Iurifconlultes renômeze à cau-
fe de fa feiencefic: éloquence. ^"Eftant prifonnier, il fut refolu de ne flefehir en la ve-
rité,combicnquepluiicurs le folicitaifcnt de quitter quelque peu d'icclle pour fauuer
fa vie, &: pour euiter la rigueur des placars de l'empereur Chailes cinquieme,nouuelle-
ment publiez fur le faict des Luthériens au conté de Bourgcngne. Plusieurs à cefte oc-
casion furent emprifonnez: ily en eut qui s'abfcnterent du pays pour euiter l'exécution
defdits placars: mais Paris Panier demeurant ferme en laconrelfion de l'Euangile, au
grand regret de fes iuges fut condamné d'auoir la tefte trenchee, & fes liures eftre brut
lezdcuantluy. CefutleSamedy feptiemciourd'Auril, m. d. liiii.
M.d. LII1I
Fglife de
FÎamcnsà
Londres.
OTTHO, o« OEST CATELINE, fUmtng.
M. Martin Micron duquel cy deuant eft fait mention miniftre en la terre d'Fmdcn à conféré par eferit cefte hiftoire mémo-
rable, de laquelle noi.spouuonsrecucilhr.qucla vent de l'Euangile aucaur du fidèle, eft vnc fortereffe inuincible:& fait
des ailles autant hardis qu'on lauroit eftHuer,conrrc les tclmoinsdemenionge.
V mefme mois d'Auril de cefte année, vn nommé Ottho van Cateline,na-
tifde lavillede Gang,enduralamorten ladite ville pour la vérité de l'Euan
gile. Il eftoit bonouuricr degraucr &c damafquincrcoufteaux, armures &
choies iemblables:&: le retira ieune garçon au pays d'Angleterre, où le mai-
ftrequ'iïiéruoir, luy mit*nom Oeft, ouGeorge:&: demeura audit pays iufques au têps
qu'il y eut Egliie deFlamenseftablieà Lôdresduviuantdu bon roy Edouard îîxicme,
l'an m . L> . l . Ottho, combien qu'il fuit ignorant, voire adonné encore aux fuperftitiOns
Papiftiques,frequentoit foigneufement les afTemblees pour ouyr les fermons : mais du
commencement ily profitoit bien peu. Tantyaque continuant l'audition delaparoU
le du Seigneur,il y profita tellement,que depuis ièruic grandement à l'Eglife en laquel-
le il fe rangea.
Advint
OnhoCatelinc, 2f$
Advint quelque temps après qu'il eut la demeure, délibérant de faire vn voyage
à Gand^fes amis l'admônefteren t de fe porter fagement en Ion voyage , à caufe du grâd
danger des perfecutions contre les fidèles. & Ottholeur refpondit qu'il n'efperoit ne
faire ne dire rien témérairement: mais s'il aduenoit qu'en faprefence le nom de Dieu
de Iefus Chrift fuftblafphemé, qu'en ce cas on fetift pour tour alieuré qu'il nedilfi-
muleroit aucunemét,&:ne cachcroit le talét qu'il auoit reccu parla parole de Ttuâgile.
A v fortir d'Angleterre, comme il s'eftoit embarqué pour venir en Flandre ,vne (i
horrible tempefte furuint,que tous ceux qui eftoyét auec luy n'attendoyét que la mort
toute prciente:mais il les confola merueilleufcment , &: leur l'eruit de miniftre durât la
tépefte. Apres que le Seigneuries eut deliurez du peril,&: tait paruenirà bon port, Ot-
tho les exhorta tous de rendre a&ion de grâce au Seigneur , &: de retenir fa crainte de-
uantlesyeux, fefouuenansd'vnedeliuranccfi admirable.Illeurditdauantage,comme
s'ileufteudefiaicntimentdecequi luydeuoit aduenir,que faire fepourroit quelque
iour que Dieu voudra el'prouuer par tourmens bt martyres lafoy de ceux qui eltoyenc
efchappez des périls marins : &t pour glorifier fou nom , les mener deuant le îugemenc
des hommes, &: ainii les retirer des miferes de cemonde . Toft après, ce grand zele
dont il eftoitafFe&iôné à la vérité Diuine, donna occafion aux ennemis de le faire mou
rir. car eftant embrazé de l'amour de Dieu, il ne fc feignit de reprédre librement & pu-
bliquementles idolâtries, toute apprehenfion de danger mife (bus le pied. Ce qui ad- mmh fa,
viint ainii : Arriué qu'il fut à Gand, ayat entendu qu'vn Iacopin nommé Piftoris faifoit COi,1Q.
profelîîondelaverité,&:annonçoitau peuple lavraye do&rine, fi qu'il y auoit grolfe
preffc à les fermonsrefmeu de tel rapporc , fe délibéra quelque fois de l'aller ouyr , pour
en fauoir la vérité. Le Ieudy donc deuant Pafques il fetranfporta au temple de S. Mi-
chel, &c retint place vis à vis de la chaire, pour mieux entédre tout ce qui fe diroit . mais
iltrouuaaulieu d'vn threfor,des charbons.&au lieu de bonnes &C faines viandes , de la
poifon mortelle.Car lors ce prefeheur afferma par plufieurs parolles,quc quand le Pré-
fixe manie le facrement del'autel (comme ils appelent)lc pain eft tranfmué par la vertu pr"IldP rv'n"
& efficace des parolles deflus ce pain proférées, en la vrayefubftance du corps de Iefus Capiurd
Chrift : de manière que Chrift eft là corporellement honnoré, adoré,& mangé. Par tel- PrçJcllcur-
les &C femblables parolles Ottho fu t fi efmcu &c piqué, voyant le peuple eftre ainii abu-
fé,que ceux qui eftoyent près de luy le virent du tout changer de contenance, &c bien
qu'eftant poufifé d'vn grand zelc3il defiraft fort dire ce qu'il en fentoit,toutesfois il le re-
tint, &C eut patience îufqu'à ce que le moine euft acheué fon fermon. Er comme il vou-
loir defeendre delà chane,Otthooftant le bonet,luy dit haut &C clair, Efcoutez vnpeu,
mon amy:tout voftre fermon eft apertement contraire à l'Efcriture iàincte. &c il raflem-
blee prefente veut auoir patience,ie prouueray manifeftement par les fain&es Lettres,
que vous auczicy prefché au peuple vne doctrine faufle&rmefchante. Mais comme le
moine fort eftonné & troublé n'y vouloit entendre, &c luy côfeillaft feulcmét s'en aller,
Ottho s'approcha de plus pres,& par vne grande véhémence d'efprit luy dit tels mots,
O faux-prophete, qui perluades au peuple que le pain eft le vray corps de Chrift,lequel
eft monté au ciel , après auoir enduré mort &: paflion pour nous. ^Sur ces entrefaites,
il s"*efleua vn grand tumulte du peuple, & difoyent à Ottho tant hommes que femmes,
Helas mon amy,que veux-tu faire? A quoy il refponditd'vne grade vehemence,Ce font
tous faux-prophetes, qui vous feduifent, ne les croyez nuliemenr. Cela dit , il futeon-
. traint par la foule qui le pouiroit,fortir auec les autres hors du temple:&:ia-foit que plu
tieurs luy confeillaffent de legagner au pied, il n'y voulut entendre:mais leur dit que ce
qu'il auoit dit publiquement, fe deuoit bien pefer : & puis s'en alla tout le pas. Et fubit
voicy venir le Procureur gênerai laques Heffel, qui le fit prédre près la porte nommee iaquesHcf-
en ¥\2LmcngBrugfcheVvalpoorte:&c le fit mener au vieil chafteau, dit du Conte, furies dix fel'
heures du matin, l'onzième d'Auril, m.d.iiiii.
Apres difnerce Procureur accompagné de Piftoris & de fon compagnon , &: d'au-
tres qu'il auoit fait venir,fe tranfporta en la prifon: où lefditslacopins difputcrcnt trois
heures pour le moins contre Ottho,fans rien gagner fur luy. Car Ottho vouloit exami-
ner tous les propos qu'il difoit delà Cene du Seigneur,de lavraye inuoeation , du Pur-
gatoire,de la principauté ou primauté du Pape,& femblables,par l'Efcriture faincte,<5£
non autrement.Eux au contraire extrauagans du vray but pour efchapper,alleguoyent
telles quelles fubtilitez, ou le placard de l'Empereur, ou les traditions des pères, o\x
Cc.ii.
L/#ro II II.
Ottho CatelirJCs.
par
les ruions
M<t:h.n
Mardi.;
k.aiiô.
Luc \6.
les décrets Je l'cglife Romaincibrcf , tout ce qu'ils pouuoycnt ramaiTer pour eftançon-
nerleurcaufc fortruyneufe. Finalement il futarrcltéentr'eux,qu'Ottho coucheroit
par eferit ce qu'il fentoit des points qui atioyct efté par trop débattis entr eux iàns fi uiéh
Pour ce fane le Procureur commanda qu'on luy huralt papier, encre &c plume. En celt
Ortlioilône t.(cnr^HRU le faire court, Ottho affermoit qu'il y auoit vne figure aux parolles delems
Chrilt,Cecy eft mon corps:& qu'il ne les falloir entendre comme li le pain droit la iub-
ftanec de fon corps naturel. Pourquoy prouucril amenoit force raiions &authontcz
dcrEfcriturc,aufquellcsIes aduerfaires ne pouuoycnt rcfpondre. Ne pouuans latiL
faire,ilslaiifcrentladifputedelaCenc,&: vindrentàl înterroguer qu'il fentoit dcl'in-
uoeation des Sainéts. 11 rcfponditpromptement, qu'il nelcruoit &: ninuoquoit en e-
iput cv vérité autre fain&.que ecluy qui cft le Sainct des faincls.car attendu qu il iemôd
tous ceux qui font tr au aillez, de venir à foy pour les foulagenqu'ihio' exhorte de heur-
ter, cercher& demander, auec a/Feurancc certaine de trouuer&: obtenir: veu auili que
nous Loin mes certains que Dieu le Perefouuerainemcnt bon, nous dônera tout ce que
nous requerrons au nom de Chrift fon Fils , il difoit que nous luy failîons vne extrême
iniure,cn formant nos requcftcs& prières à Dieu le Pere au nom d'autre que deChriit.
Parquoy il concluoit que ceux tailoyent impudêmcnt& melchaniment, lcfqucls ians
tcfmoignagede l'Efci îture veulent perfuader au peuple que les Sain tts ont charge d-
aduocaflei pour nous entiers Dieu le Perc:côfideré que ce droic"r,d'cftreaduocat>ledoic
entièrement attribuer à Chnlt feul, quia elle crucifié pour nous. Car à qui nous pou-
uons nousretireren plusgiandeaiîeurance d'eftre exaucez, & en plus grande cciti-
tude de noftrc falut, qu'a celuy qui eft frère de nous tous , 6c cft le Fils éternel de Dieu
eternchvoirc feul qui veut & peut bien faire au genre humain?
Interrogvb s'il croyoit le Purgatoire: refpondit qu'il ne fauoit que deux voyes;
don t fvne menoit au ciel, demeure des bien heureux: l'autre à la gehen ne perpétuelle,
feiour des mal heureux. Ces voyes font notifiées par les exemples qui font aux fain&es
Lettres, touchant le mauuais riche, le Lazare , 6c le bon larron, auquel il a efté dit , Ti»
feras auiourdhuy en paradis auec moy,& non pas, Tuirasauiourdhuy aufeudePurga-
toirc,pour là faire pénitence de tes péchez.
Interrogve s'ilrecognoiilbitle Pape de Rome pour chef de lafain&c 6c Apo-
ftoliqueeglife:rcfpondir qu'il reueroit Cluilt noftrc rédempteur pour chef ibuueiam
6c vnique dei'Eglilbmaisquantau Pape, qu'il l'ellimoit le prélat de l'eglifc dcl'Ante.
chrift, &: fauoit en dctcftation comme filsde perdition, aiïisaulieu lainct. Apres re-
uenantau propos touchant la Cenc du Seigneur, qui auoit cité rompu : il nioit ia pre-
fence corporelle de Chrill en la Cenc, confermant fon dire, ou bien, de Chrift mcfme,
par plulieurstefmoignages &authoritez de S. Paui& de fEfcriture faindc, qu'il alle-
guoit (i bien à propos, que ces procureurs de l'authoritc Papale &: de la tramfubftantia-
tion n'auoycnt que dirc:mais tant en le taifant qu'en extrauaguant hors de celte matiè-
re fort auant entamée, ils confermoyent bien auant es efprits des auditeurs leur beftife
iointe auec vne fotuierainc impiété 6c cruauté.
Vo y an t leprelident de Flaudres,Helvvegh, qu'en fa preience 6c de quelques C6-
feilliers Ottho relpondoit (i dextrcment&: doucement a tout ce qu'on luy demandoir,
il allégua que par fedittrefexprez de Ion Prmce,il luy eftoitdcfcdu dediiputer des ma-
tières de la foy auec hérétique quclc6que:toutcsfois qu'il luy enuoyeroit quelque moi-
neau s'il aimoit mieux, quelque preftre laïc qui pourhiyuroit ia dilpute encommecee.
Aquoy Ottho fit rcfponfe que ce luy eftoit tout vn : entant qu'il eftoit prcftde rendre
raifondeia foy:non à ceux lafctdcmenr,ainsau moindre du vulgaire. Quant au Preii-
dentôc l'es adioints, qui ont pui/fancede l'auuer,oti faire exécuter ceux qui n'auoycnt
obey aux edits de la rc1fgion,&: cependant l'Empereur ne vouloir qu'il leur fuft licite de
difputer des matières de la Religion, côbien qu'ils fcuflêntque les Efcrirures nousfont
lailîees pour doctrine 6c édification: il prioit le rreibô 6c treiîbuucrain Dieu, qu'ils peuf-
fent long temps exercer leur office &c eftat à la gloire du nom Durin,^ au falut de leurs
ames:lequel ertat(commeil diloit)il auoit en grande reuerencc,&: cftimoitdcuoireftrc
honnoré par tous p!aiiirs<S: leruices.
^To s t après il efcriuit à Chrilb'ne fa femme, qu'il auoit laific e à Emden, pour la con
foler, fadmonneltant qu'elle reiettaft tout loin de fa vie fur le bon Dieu qui eft pere 6C
nournftier des vcfues&des orphelins,comme il eft nommé es faindes Lcttres:&: s'em-
ployaft
Tl.dT.:.
rj.a de
l Empereur
T mJcnvilIi
de la Frifc
Orientale.
Ottho Qatelinc. tt?
ployait du tout à inftruire Samuel & Sara,qui cftoycnt les deux enfans qu'elle au oit de
luy,& aies bien endo&riner en lafoy pour laquelle il donnoic à entédre qu'il mourroit
de bref,&: laquelle ils auoyent fain&cm en t gardée par cinq ans.En la fin il l'aduertiïïbic
de bien-toftchoiùrvn certain eftat &: manière de viure parla conduite de l'Efprit du
Seigneur. ^11 efcriuit auflî l'Epiftre qui s'enfuit à M.Martin Micron,lors côtrifté pour
la perlccution qu'enduroit vn autre fien a.my en ce mefme temps,
fëfâa F R E R E,nc nous defeourageons en portant la croix , mais embrafïbns-la fran-
^jgjchement&debon cœur,eftimans vn grand heur d'endurer pcriecution pour le
nom de Chrift:commeles A poftres le refiouifloyent d'eftre faits dignes d'endurer pour A&ai,
le mci'me nom. Reiîouilîons- nous, dy-ie, auec action de grâces , de ce que noftre Dieu
veut orner il abondamment de tels lignes extérieurs fon Eglife efparf e par tout le mon-
de, car par tel moyenil veut donner tefmoignage que nous fommes vrayement mem-
bres d'icelle.Non que ie vueille affermer que ceux qui endurent le plus.foyent pourtât
ducorpsdel'Eglife.carainiiil faudroicmectre Satan du nombre des gens de bien, le- Satan k
quelefttoufiours en peine & tourment, &: toujours tremblant quand il penfe au iour mcn£d£
du dernier iugement.mais ie dy de ceux qui endurent pour la pure profeffion de la veri- wu«.
té. Car il eft certainque plufieurs Papiftes, Anabaptiftes & Ariés n ont redouté la mort,
combien qu'il n'euflent la vraye foy, comme il fe peut prouuer par l'Efcriturc faincte:
mais de ma part, ma confcicnce me rend tefmoignage, confermé parl'authorité de l'-
Efcriturc faincte, que la foy laquelle Dieuareuelcc à Ion Eglife par fon fainct Efprit,
eft vraye &Apoitolique: de laquelle le fondement eft Chrift. Car on ne nous peut ar-
guer que nous falhfionsl'Efcriture, attendu que nous croyons tereceuonstout ce qui
eft contenu cnicelle: ce que ne font les fc&es deflus nommées, qui eft vne chofe digne
d'eftre de ploree. Mais quoyfil eft ncceiTaire qu'il y ait des fe&es,afîn que les vrais fidèles
foyentcogneus.EtdelànousauôsoccafiondccercherlesEfcriturcs: de forte que i'ex- uCqt£
perimente en vérité, félon la doctrine de S.Paul, que toutes chofes tournent en biéaux
fidcles:iiqued'afFe&ionils louent Dieu de tout ce qui aduient,recognoiiîans qu'il la ^jt,
ainG déterminé. Dauantage, la croix me refîouit plus qu elle ne contrifte,quand ie pen-
fe combien elle eft neceflaire généralement à tous. Car Dieu veut que nous penlîons
plus aux chofes celeftes qu'aux terreftres & caduques: il veut au ffi que nous nous iugios
eftre comme pèlerins en ce monde , n'ayans ici habitation permanente , afin que nous
foyons toujours appareillez à endurer pcrfecution,renonçans auxeommoditez de la
vie prefente:bref,par le moyen des perfecutions Chnft notifie noftre foy à tout le mon-
de, le vous prie donc, trefeher frcrc,dc vous confoler en l'affliétion de N.noftrc frere,ô£
vous préparer alaigremét à portet vne mefme croix. Au refte, il fcmble queDieu vucil-t
le aucugler &c abrutir les emendemens de ceux de ce pays.ee que ie m'aileurc qu'il fera
de plus en plus,s'ils ne fc conuertnfent à luy de tout leur cceurrcar nous voyons le juge-
ment du Seigneur délia cômencé par fa maifon. Parquoy il me femblc bon &c vtile,que
vousadmonncftieziournellcmentnoftre Eglife comment elle fe doit porter és perfe-
cutions:afin qu'au téps de probation ils foyent munis de cognoifTance & foy nccelfairc.
LagracedenoftreSeigneurdemcure perpétuellement auec vous.
La mort heureufe de Ottho de Cateline.
L E Samedy zy.d' Auril, l'an fufdit, Ottho aagé enuiron de trente ans fut condané à
la mort,&: après midy mené en la place oùlcsfagots eftoyent préparez pour le brufler.
Et comme îlfe difpoibit de faire quelque exhortation Chreftiéne au peuple deuât que
xnourir,le Procureur Heifel ne le voulut fouffrir , mais crioit fouucnt au bourreau , Dc-
pefche-lerfay ton office. Ce qu'oyant Ottho , Se voyant qu'il ne luy eftoit aucunement
permis de defeharger au peuple fon coeur tout embraié d'amourDiuin,&: que le Procu-
reur luy difoit qu'il flft ce qu'il voudroit lors qu'il feroit dans les fagots , il fut touché de
douleur extreme,de ne pouuoir admônefter lepeuple de fe donner garde de ceux prin
cipalement qui difent,Chrift eftre icy,où làrcomme s'il n'eftoit a Mis à la dextre de Dieu
fon Pere. Si eft-ce qu'entre autres choies il dit aHelTel d'vne voix piteufe ^lamentable, Matth.14.
lapperçoy que tu es en peine pour caufe de rcfFuilô de ce fang innocet : mais i'ay prié le
Seigneur mon Dieu,qu'il le te voufift pardôner. A quoy refpôdit He/Tel, A mé,amé.Puis
Ottho adreflat fon jPpos au peuple,dit,Mes frères S>C amis,i'auroye beaucoup de chofes
àvo'direîmais on ne le me veut pmettrc,dôt i'ay le cœur fort defplailat.Sur cela le bour
reau felo la couftu me,fe mit à>genoux,requerât qu'il luyvoufit pardôner fa mort.Ottho
le baifa,&dit,Ie te pardône de bô cœur,&pricDieu qu'il tcvueille pardôner tes péchez»
Cc.iii.
Liurc^ II1L Jean Filleul, Julien Leueillc.
Lapricred' Et incontinent luy-mefme fe iettant à genoux fit fa prière à Dieu en cefte fub'ftance,
Oitho. pcrecelefte,quifelon tes prome/fes as enuoyé ton FiJs vnique pour eftre offert en facri-
fîce pour nos péchez, ic te prie, moy qui fuis de tes moindres feruiteurs , que tu roc me
refufes ta grâce &: mifencorde. Et quât à vous,trcfchers freres,ie vous fupplie humble-
ment que d'vn commun accord vous priez Dicupour moy , à ce qu'il m'aHifte en celte
dernière heure de la mort,felon qu'il a promis à fes feruiteurs.Ici derechef le Procureur
gênerai cria au bourreau, Defpcfche,defpefche. Et incontinent Ottho fe prefentapour
titre lie au poftcau.& comme on l'attachoit, dit, Gardez-vous des faux prophetesqui
difent. Voicy , Chrift eft ici oulà.ne vous y fiez pas: car il eft au ciel ,& à la dextre de
Dieu fon Pete. Puis il s'eferia, Pcre celcftc, le recom mande mon efprit entre tes mains:
& te prie que tu faces la grâce à mes petis enfans de toujours marcher en ta craîte. Ce-
la fait , il fut edrâglé &c grefillé feulement, &: puis on mit fon corps au gibet auec les au-
tres:lcqucllc Seigneur, félon fes promefles véritables, refufeitera au dernier iour auec
tous les SainctsjpoUi le taire participant de fa gloire éternelle-
IE AN FILLEVL,^ IVLIEN LEVEILLE.
L E procez fait contre ces deux Martyrs de Dieu, nionftre les rufes que tiennent les Prcuofts des marefehaux pour attraper
les poures lideicsauajs quoy que la chair & la iagefle humaine lâchent faire,le fort de la vérité den»curc inexpugnable.
M.D.LIHL i^SSS^'^ Dimanche quinzième d'Auril, de ceft an m. d.l i i i i, Gilles le Pers, Pre-
|^\W^/wuoft des marefehaux au pays &c SenefchaucédeBourbonnois, pour leMa-
fêri %jÊS& re^haJ Je Saintt-andré , conftitua prifonnier lean Filleul menuifier , &: Iu-
W^^M ^lcn Leueille' efguilletier natif de Sanfcrre près de Neuers,fur le chemin de
Defire.Les ayant rencotrez,il leur dit de premier abord: Frères, ie fay blé où vous allez,
ne craignez de vous déclarer : car nous vous voudrions couurir de nos mâtcaux,&: vous
cache* &: défendre contre tous mefehans. Ayant vfé de cefte préf ace, il les attira par
belles parolles, fe feignant auoir cognoiffance de la veritédes aileurant qu'ils n'auroyét
aucun mal ne deftourbicr, mais que pluftofl leur donneroitfauue-gardepour les con-
duire. Et pour mieux iouer fon perfonnage, ledit Pers fît marcher fes archers deuât luy,
en leur diiant, Allez,allez,piquez en auant :ce n'eft pas ici où vous deuez arrefter. ^"A-
près ces chofes il les interrogua en telles parolles,Où allez-vous,frcrcsfIls luy refpondi-
rent,Nous allons cyprès à Délire. Et le Preuoft leur demandant s'ils ne pailbyent pas
plus outrecrcfpondirent qu'ils alloyent véritablement plus loin. Lors le Pers, Neft-ce
pas à Geneue que vous allez,&: y menez ce petit enfant &: cefte ieune fille ? Tous deux
refpondirent qu'ouy,&: qu'ils les menoyent à Geneue. Demanda en outre ledit le Pers,
fi leurs femmes n'y cftoyent pas. Refpondirent qu'ouy : lefquelles chofes déclarées, le
Preuoft fifflant du poing,appcla fes archers pour les prendre &: mener àNeuers.Quand
ils furent là venus, il les interrogua de toute autre façon qu'auparauat:c'cft affauoir tou
chant les articles ia par eux confelîez:&: puisqu'ils alloyent faire à Geneue. Ils luy direc
que c'eftoit pour fane icur fpirituel profit, lequel ils ne pouuoyent faire au royaume
de France, tant pour les blafphcmes,idolatries& faufles doctrines, que pour les abus
qui fe commettent és Sacremeus de l'Eglife. ce qui n'eft en la ville de Geneue, d'au-
tant que la pure &c ancienne doctrine y eit prefehee &c annoncée. ^ Alors pourec qu'ils
auoy ent fait mention des Sacrcmens,les interrogua de poincl en poinct,&; de l'vfage d -
iceux,& de la doctrine qu'ils difoyent eftre fi purement prefehee à Geneue. Et premiè-
rement s'ils ne croyoyent pas que Iefus Chrift f uft au pain de l'hoftie tellemét enfermé
ÔC enclos, que le pain n'eft plus pain, ne le vin plus vin : mais rcalcment faits le corps &C
lefang de Iefus Chi ift, par les parolles proférées du preftre. A quoy les prifonniers re-
fpondirent, qu'il croyoyent que Iefus Chrift, ainfi qu'il eft cfcrit,eftoit monté au ciel,
éc affis à la dextre de Dieu fon Pcre iufques à ce qu'il vienne iuger les morts & les vL
uans , ainfi qu'il eft eferit au Symbole. Et que par ce le pain &c vin demeuroyent touf-
iours pain &: vin.
De ivfage E n qv i s derechef par ledit Preuoft de ce qu'ils croyoyét touchât le Sacremét.RefpôV
tnLsKK'~ dirent qu'ils croyoyent que le pain &: le vin eftoyet lignes du vray corps &c fang de Iefus
Chrift:
Jean Filleul, Julien Leueille. jtp0
Çhrift:& que tout ainfi corne par le pain le cœur de l'homme eft fouftenU &: afFermy, &:
par le vin eft refiouy:auffi l'efprit eft fuftenté & fouftenu par le corps précieux deChrift,
& refiouy en gloire parle fangd'iceluy,d'autatqueparluy no'fommesreccus duPere.
^ Enquis qu'ils croyoyent de la communication. Refpondirent que l'on adminiftroit
le pain& le vin en commémoration de la mort &: pailîon de IcfusChrift:&: qu'en cefai-
fant ils ne rcçoiuent point du pain& du vin feulement,mais le vray corps &c fang de Ie-
fus Chrift,lequel purifie & fuftenté l'efprit par ;foy. ^ Enquis qu'ils votiloyent dire de DcIaMcffc
la Me/Te . Refpondirent que c'eftoit vne pure fu perdition & idolatrie,inuen tee par les
hommes:& qu'en ceny auoitquecondamnation.Etfurceplus amplement il leur de-
mandâmes menant d'vne demâ\lc à l'autre, Si fain&Picrren eftoit pas Pape,& premier
fondateur de la MelTe. A quoy ils refpondirent que non : &: que iamais S.Pierre n'auoit
penfé à la MeiTe,mais feulement eftoit appelé &:efleu pour prefcher&: euangelizcrla
parollede Dieu:& que s'ily auoit quclqfalut parla Mefle,tlfaudroit dire par côfcqucr,
que Icfus Chrrft a enduré en vain. ^ Ôutre,furcnt interroguez fi le preftre auoit puif-
fance de conuertir le pain au corps de Chrift. Lcfdits Lcucillé & Filleul refpondirent
que Dieu n'eft fubiet aux hommes,n'aux parolles d'iceux:maîs que toutes choies luy e-
ftoyentfubiettes,& que c'eft idolâtrie que de mettre vertu &: puifiance aux. parolles
proférées félon l'intention des hommes. Furent enquis fi les chofes fufdites ne profi-
tent pas pour retirer lésâmes de Purgatoire: &: s'ils ne croyoyent pas ledit Purgatoire. DnPurg*:
Refpondirent lcfdits Filleul Ô£ Leueillc, que tât s'en faut qu'il leur profite, que pluftoft t0 re*
leurviendroitàcondamnation,comme chofes qui prouoquêt l'ire de Dieu àleneotie
d'eux. Et quant au Purgatoire,dirent qu'il n'en eftoit aucun, finô lefang de IefusChrift,
ainfi qu'il eft efent .Le Preuoft leur dit, Vous voulez donc nier l'interceffio &: adoration
desSain&sJlsreipondircntqued'attnbuerauxSain&s l honneur qui appartientà vn
feul Dieu,c'eft contre tout gré &: vouloir des Sainclsmefme. car il faut que tout hon-
neur foie rapporté à Dieu, comme ileftefcrit. Et quand ainfi feroitquils nous pour-
royent aider,encores ne voudroyent-ils vfurper l'honneur qui appartient au feul Dieu,
duquel vient toutepuifiahce.Quant à l'interceffion , nous ne recognoiflbns qu'vn feul
quilepuiirefaire,quieftIefusChriftjlequeldelon propre vouloir &: office âduocaiîe
pournous. ^ Interroguez de la confeffion,& à qui il le falloitconfefTcr, &quicftce- De> c^«*
luy qui pardonne,& s'ils ne croyoyent pas qu'il fe faut confefTer au Preftre , &s'ilnere- fdlIon'
met pas les pèche z. Refpondirent que la confeffion fe doit faire , non point au Preftre,
lequel eft pécheur commeles autres hommes, mais au feul Dieu viuant, feuliufte,qui
feul pardonne les pechez,ainfi qu'il eft eferit. Enquisfiles Preftres n'auoycntpas puif- ^ .
fance de lier & deilier.Refpondirent qu'ils cftoyent chargez de prefeher l'Euâgilcjqui iIC 4h
eft la parolle de Dieu &£ la vérité, par laquelle la liaifon & defliaifon fe fait tant en la tet
re comme au ciel. En après furent interroguez fi les choies depofees par eux eftoyent
vrayes . Refpondirent qu'ouy: & que telle eftoit leur foy & y appoferent leurs femgs:
proteftanshaut &: clair qu'ils s'eftimoyent eftre bien heureux de foufFrir pour cefté
querelle.
^ T antojt apres,ce Preuoft lés mena de Neuers à fainct Pierre le Mouftier, 6c
les liura au Lieutenant criminel dudit lieu* auec Jes charge s & interrogations fufdites:
auquel lieu furent derechef interroguez par pluficurs fois fur les mcfmes articles,fur lef
quels ont toufiours conftamment perfifté. Quoy voyant ledit Lieutenant appela queî-
qucsaduocâtspourconfuîter,nonpass'ilseftoyent dignes de mort, mais de la peine à
laquelle ils les dcuoyent condamner. Sur e^uoy les vns opinoyent d'vne forte,& les au-
tres de l'autre.tou tefois la plus faine partie,a laquelle pluîîeurs condefcendirent,les de
îiuroyent , en les banniiTant hors de France,ians iamais y retourner:leurs biens confif-
qucz,ii aucuns en auoyent.A ces opinions ne fe voulut accorder le Lieutenant crimi-
nel,nommé Iean Bergerontmais les condamna d'eftre bruflcz&: ars vifs,faifans premie
rement amende honorable nudz,îa torche au poing,pendant vne grande Méfie : de la-
quelle fenrence fut appelé à Paris,auquel lieu ainfi que plus eftroitemét ils furent exa-
mi ncz,auffi Dieu leur donna force & confiance inuincible.car quelque faueur d'amis,
quelques lettres qu'ils eu/Tent obtenues* par lefqucllcs le Roy mandoit de reuoir le
procès tout de nouueau,fans tirer le précèdent en confequencé:iceux ne voulurent au
eu nement defuoyer delà verité:ains toufiours perfifterent en leurs confeflîons. ^"Pen-
dant le voyage de Paris,où ils furent ; menez,lefufdit preuoft le Pers , qui les auoit fur*
Ce. iiii,
L 'mrellII. Jean Filleul, Julien Leueille.
pris &: emprifonnez,mourut fort piteufement,touché* de rage & frenefie, dot plufieufs
rîcuoft 1c eurent apprehenfionsdiuerfes de crainte,les autres feconlolercnt, voyant vniufteiu-
îaT C fteiugement du Seigneur.Or de Paris citansreuenus audit lieu de iaind Pierre le mou
ftier,Ie 1 5. de Ianuier,dernier iourde leur vie, furent appelez au Confeil,pour fauoir d'-
eux s'ils vouloyent periifter en leurs premières opinions, Et rcfpondirent qu'ouy: &: qu
autrement feroyent enfans infidèle s>(i ainfi le faifoyenr. Alors le Greffier prononça l'ar
reft donne en la cour du Parlement de Paris , lequel concenoit qu'ils fuiTent brûliez &:
ars tout vifs,s'ils vouloyent perfiiter : auec vn rettmum (qu'ils difent) contenant qu'auflï
leurs langues feroyent coupees:& où ils le voudroyent defdire,feroyent cftranglez fans
voir le feu, 6l fans leur ofter les largues. Mais eux contemnans l'offre, dirent, Vous
nous voudriez bien faire renoncer noftre Dieu pour vn bien petit bénéfice: mais il ne
fera pas ainli . Et après qu'ils eurent acheué ces mots,on achcua de prononcer l'arrcft,
Trois lequel contenoit trois poin&s.Lc premier eltoit3 qu'ils auoycnt mal parlé du S.Sacre-
pomftscô- menc:Mais pluftoft, dirent ils, pour en auoir bien ic fain&ement parlé. Le fecôd cftoit,
femence. pa-ice qu'ils auoyenc nié le Baptefmefauflément: Mais,dirent-ils , pour l'auoir vérita-
blement confeffé.Le tiers pcui auoir blafphemé Dieu & les fain&s: Mais au contraire,
dirent-ils, pour louftenir fon honncui .Et lercgaidans l'vn l'autre, s'cncourageoyét,di-
fans,Nous l'ommesprefts de liurer non feulement vn membre ou deux , mais tout le
coi ps,& eftre ars &: brûliez, fouftenant la querelle de noftrc Dieu : lequel tourment ne
fauroit durer vne minute dhcurc,pour eftre bien-heureux à tout-iamais.
E s t a n s menacez par le Lieutenant criminel , qu'il les feroit mourir de la plus
cruelle mort dont ilouirent iamais parler, s'ilsnelcdcfdifpyent : ils refpondirenc qu'il
filt fon deuoir,& que les tourmens ne les eftonnoyent nullement : car pariceux ilspar-
uiendroyent à l'héritage qui leur eftoit preparé:quand mefme vous nous côdamneriez
à auoir auiourdhuy vn membre ofté,& demain l'autre. ^ Lors furent defpouillcz,$C
demourerent depuis midi iulques à trois heures au Ioir,liez de cordes l'vn à l'autrc.Ce-
pendant on les oyoït louerDicu,de ce quil les auoitfait dignes d edurer pour fon nom.
Etchanterent,eftans en cefteftat&: attente de mort horrible,lc Pfeaumc iixicmc,Nc
vueilles pas,ô Sire,nous reprendre en ton ire,&:c.puis le câtique de Simeon, Or'laiflcs,
Creattur,&:c.Et ce fair,leLicutcnât criminel, pour exécuter {a rage,fit venir vnlacopia
defefpei é en contradittiô & colère, l'ayant mâdc deNeucrs à ces fins.CcCaphard cftac
auprès de ces deux fideles,& difputant contre eux , fut tellement confus qu'il ne feue
que dire,finon qu'il leur dit pour concluiion, A liez au diable. Apres lcfqucÙesparollcs
le Lieutenant criminel leurs prefenta à chacun vne croix de bois qu'il leur mit entre
lesmains,&: par ce qu'ils n'auoyent les mains franches, les reietterent auec les dents,
difans qu'il leur conuenoit porter vne autre croix trop plusnoble& dcplusgrand prix
que cetje- la. De laquelle chofe le Lieu tenant criminel & fa fequelle furent grandemet
irritez,& en (uyuant le retentum de l'arreft, leur commanda qu'ils baillaflent leurs lan-
gues au bourreauxe qu'ils firent.
En la perfonne decesdeux Martyrs le Seigneur monftramanifeftemcnt» voire
au veu &c feu de tous ceux qui eftoyent prefen s à leur execution,qu'il n'a point attaché
le pouuoir de parler au membre de la lâgue.Car après qu'ils les eurent coupées , le bon
Dieu leur donna pouuoir de parlencar on ouit d'eux ces parolles quand ils furet venus
au lieu du fupplice, comme on les attachoit,Nous difons maintenant Adieu à peché, à
lachair,au monde Se au diableuamais ne nous retiendront: & quelques autres propos
d'exhortation au peuple . Et cependant que l'exécuteur de iuitice les accouftroitde
foulphreoi poudre à canon, Filleul luy dir,Salle,(alle à bon efeient cefte chair puante.
Apres que le feu eut efté allumé,&: les eut iàilis à la face, ils furent incontinent tranfis,
fans qu'on app ereeuft aucun remuement de leurs corps.
THOMAS CALB'ERGV EyicTournay.
EN la perfonne de Calbcr?uc nous auons vn exemple de vraye confiance contre les affauo k malice iaueteree dttaduer&i*
res de vcritélaquelle <ie tant plus cft adnnrablc,que ceftuy eftam de baïïc cocdjcoo,* funntttté par UgttCC de Dieu
ce qui hty pouuoit faire peur,& cfblouir les yeux.
EN
Thomas Calbergut^j. 2 pi
[N la ville de Tournay fut confticué prifonnierThomas Calbergue,tapi(fier D.um
[dcfonmcftier,natifde ladite villc,lei9.iour de Iuin, m.d.l i iii. Loccaûô ' !
[de rcmprifonncmentfut,qu'ayancefcrit pluficurschanlonsl'pirituelles,ex-
jtraitcs d'vn lime qui auoit efté imprimé à Geneue, il prefta fon extraie! à vn
fien ramïher,lequcl auffi le communiqua à vn ieune compagnon de meftier, qui tofta-
pres eftant appréhendé par la Iuftice,&: trouué faili de ce Hure , nomma celuy qui luy a-
uoit prefté. lequel incontinent mandé au Chafteau, ôc interrogué de ce liure , dit qu'il
neftoit lien, mais qu'il l'auoit eu deThomas Calbcrgue.Lcs luges ne tardèrent de faire
venir Thomas:&; l'interroguercut ii le liure eftoit lien. Auanc que refpondre il deman-
da de le voir:&: l'ayant veucontcllà qu'il eftoic lien, & eferic de (jt propre main. On
luy demanda comment il auoic elle ii hardy d'eferire telles chanfons maudites &: plei-
ne d'erreurs. Il rcfpondit qu'il n'entendoity cftrc contenu autre choie que la pure veri-
tétlaquclle il vouloit foufienir. Sur cela il fut enquis de f i foy,de laquelle il fit confelîîô
félon les dons & grâces que Dieu luy auoic départies. Ce faïc on le mena es prifons du
Chafteau: &: y fuc depuis le is>.iour îufques au i4.fuyuanc, qui eftoitle iour auquel les Pa
piftes célèbrent la naciuicè de fainft Iean Bapcifte;
Ce iour-laenuiron les neuf heures du foir il fuc amené du chafteau enlamaifon
delavillc:&: ainfiqu'oniemenoicilfemic à chancer le Pl'eaume, Iamais ne cefleray Pfeau.34
De magnifier le Scigneur,&:c. Le lendemain il fuc mené deuancle Confcil: où on luy
fie de belles promefles, qu'on luy feroïc grâce s'il fe vouloic defdiic. Il refpondic que cel-
le grâce menceroic pluftoft d'eftre nommée Perdition de corps &: ame,s'il renonçoic la
vérité &: que plus lu} eftoic la vie ecernelle,qu'vne pecitc prolongation de ceftepoure
&: mifcrable vie. Les Seigneurs de la ville voyans qu'ils n auoyenc autre rcfponfe,&: que
touiiours il perfeueroiten Jamefmeconfeffion de fa foy , prononcèrent fencence de
mort contre luy,alfauoir d'eftre bruflé vif& réduit en cendres.
o_y a n d le peuple eut entendu cefte fentéce,il y eut grand murmure en la ville,à rai
fon d'vn malfaidcur,lequel ayant commis vn cas énorme &c deceftable,neâcmoins peu
de iours auparauant à la folicitation de fes parens & par argent auoit efté deliuré :de Barabbas
manière que plufieurs à hauce voix difoyenc par les rues, Q^i'vn mefehanc foie deliuré, abfous &
qui a fait vn acte ii infame:& ccft homme-cy,qui s'eft coufiours bien gouuerné,& ahô- 2^°""
neftemenc vtfcu,loic condamné &: mis à more fi cruelle ! Le bruit fuc cel, que les Sei-
gneurs de la ville furenc concraincs, pour appaifer le cumulée , de remetere en prifon le
iufdit malfaiccur,&: de faire commandemenc aux archiers &: arbaleftiers*& ceux qu'ils
nomment du fcrmcnt,de fe trouuer en equippage à l'exécution de Calbergue. Eftant
donc accompagn é des bandes de la ville,côme on le menoit au fupplice,il dit Adieu à
plnfieut s qui eftoyent de fa cognoiffance, Entreautres,voy5tvnefiénevoifirieplourer
de pitié qu'elle auoit de le voir en tel eftar,luy dit, Voifine,ne plourez pas-.mais pluftoft
refiouiflcz-vousxari'ay ioye d'aller à mô Dieu. &c pour môftrer cefte îoye , commença
le Pfeaumc, Rendez à Dieu louange &c gloire, &c. mais l'vn de ces Cordelicrs(qui felô
la couftume l'accompagnoyenc)oyanc que le peuple faifoic grand bruic à l'enuiron , luy pfcau* "*
ditjThomaSïChancezenvoftrecœunmaisilnelaiiTapourcancdepourfuyurele Pfeau.
^ Le Lieu du fupplice fut ordonné hors de la porce,en la place nommée les prezà NÔ-
nain s:a railon que les marchans auoyenc fupplié que l'execucion ne fe flft au lieu accou
ftumé du marché,àcaufe du grand venc qui pour lors ciroic.
Estant donc venu audit lieu, il apperceut en la tourbe grand amas decaphars
Cordcliers& Auguftins,quelefenefchaldeHainauc, capitaine du chafteau de Tour-
nay,grandcnnemy&: perfecureur de ceux qu'on acenfoiteftre Luthériens , auoit fait
venir pour tourmenter le paciene,&: le diuertir de fon opinion. Or Thomas monta fu-
bicemenc fur l'efcliarfauccommedefiranc d'eftre inconcinét mis à l'eftachc pour prier
Dicu:mais cefte vermine de moines moncerenc après luy l'vn après l'aucre , pour faire
leur meftier accouftumé,qui eft de tourméneer les pourcs fideles,fur eouc au dernier ar
ticle delà morc.canc y a qu'ils negagnerene rien fur luy.Le Souf-preuoft de la ville,norrt
mé Nicolas de Calonne,pour complaire au Senefchal y voulue auffi moneer, &c parla à
Thomas alfez bonne efpace de cemps, mais il y proficaaucant que les aucres . Qupy
voyanc ledicSenefchal,efmeu de fureur qui luy eftoic couftumiere,fur tout à l'encontre
4es fidelestrlc defeendre les fufdics caphars &c Souf-preuoft , &c commanda au bourreau
Liure M IL FranfoisOjamba.
fubitement de mettre lé feu . Trois de ces Cordeliers n'eftans contens de fi toft fe dc-
porter,en dcfcendât s'efcnerét,Thom as,croyez qu'il y a vn Purgatoire où les aines doy
uent faire leur fatiffaSion.Thomas refpondir, le croy que lefangde IefusChrift nous
purge& nettoyé de tous nos pechez,d autat que luy a fatiffait pour nous deuat Dieu fô
' Pere. Vnautrcluycria,Thomas,croyezenlaS. eglifeRomaine.il rcfpondit,Iecroyla
faintte Eglife vniuerfelle,de laquelle lefus Chrift eft le chef:& non autre. Et comme le
feu ardoïc ia,legardien des Cordeliers luy cria,Retournez vous, Thomas , il eft encore
temps:ayez fouuenance des ouuriers qui furent les derniers venus en la vigne.il relpcn
dit intelligiblement du milieu de la flamme , le croy eftre de fes ouuriers: &dreflàia
veue au cicl,&: en criant par trois ou quatre fois,Mon Dieu, mon Dieu, il rendit l'elprit.
Apreî que cefte exécution fut faite, ce fencfchal de Haynaut s'approchant du
chariot de fa femme,laquclle il aiioit fait cxpreiîément venir à ce ipe&acleaucc fes da-
Demande moifelles,dit deuant la multitude en iurant , Voila vne des belles iuftice que de long
& rcfponfc tempson aitfaitàTournay,d'vnmefchant Lutherien:mafemme,fiiefauoye que vous,
dcmefme. en fufl;CZjic vous en fer0ye autant.Elle relpondant de meime luy dit,Ie croy, môiîeur,
s'il a eu icy chaut,que maintenant îi a bien plus chaut où il eft. Apres ces propos il appe
la l'vn des Cordeliers,& luy dit qu'il allaft faire vnc remonftrancc au peuple quieftoic
venu a ce fpectaclc. Le Cordelier qui eftoit tout fait à cela,defgorgea tout ce qui eftoie
en fon cftomach contre ce faind perfonnage : mais il ne profita gueresxar les jgnorans
eurent horreur de fon impudence , & des taux blafmes qu'il efeumoit contre ecluy que
la plus part auoit cogneu de vie Se conuerfation entière. Plufieurspar ce moyen fu-
rent efmeus à s'enquérir de la vérité, & à detefterlacaphardifc. Les fidèles du pais fu-
rent grandemét confolez de ce que Thomas n auoit aucunemét flefchy,ains auoit ver-
tueusement bataillé iufques à la victoire contre les ennemis du Seigneur.
FRANÇOIS G A M B A,<fe Lmbtràie.
O £J doit recueillir de ceftc hiftoirc.quc U cogooilaace de r Euangile du Seigneur ne fc peut apprendre en autre dcole qu'en
la ôenne:aurxement le fidèle ne pourroit dcmourer terme rat feule minute de temps contre tant d'afïàuts diucn oui huy
font liurez/ur tout quand il eft prochain de la mort.Ln quoy nous expérimentons que la foy dt fondement du vray 1er
uice, & de l'obeùTance que nous deuou? à Dieu quand U nous appde a toufrVir pour fà vérité.
M,DLIUL gg^^J R ANC OIS Gamba natit d'Ifé,au pais de Breûc en Lombardie , ayan
receu la vraye cognoilTance de l'Euangile vint â Geneue , pour demander
confeil de quelques affaires qu'il auoit à cômuniquer. Il s'y trouua au téps
qu'on faifoit la Ccne à la Pentecofte,&: y communiqua en l'aiTcmblce des
fidèles. Depu is,comme il retournoit,en pa/Tant le Lac de Com , fut appréhendé te me-
né prifonnicr en ladite ville de Com:où après auoir conftamment maintenu la vérité
de TEuangile,il fut condamné à eftre bruflé le ai. iour de Iuillet, m.d.uiii. comme il
appert.
COPIE d'vnc lettre enuoyeepar vn Gentil-homme de la ville de Com près dcMilan,au rVercdudit François Gamba,cn la-
quelle il luy recite en bref l'heureufc ùTue de fon frcre,qui fut bruflé pour la querelle de l'Euangile à Com , le XL iour de
]uillet,M.D.LIIII.
E N-A I M Efrere,Dicu fait combien i'ay le cœur ferré,quandic vous veux re-
gfjj^j citer la mort bien-heureufe de voftre bon frère &c le mien. le ne doute point que
voftre couiîn,qui fut icy,ne vous ait défia aduerty de tout ce que luy auoyc dit par de-ça
mais d'autant qu'il eftoit preiTé de s'en retourner,comme ie luy confeilloyc au/fi , ic n -
eu pas le loifir pour lors de luy déclarer le tout , ainfi que ie defiroye b len , & félon au/fi
que iauoye promis à voftre frere,pour vous faire entendre à la vérité commentil s'eft
porté iufques à la mort: afin qu après l'auoirfeu,vous ayez occafion non point de vous
contrifter,mais pluftoft de louer Dieu pouriamais,delagrace finguliere & confiance
admirable qu'il luy àdonnec,depuis fon emprifonnement iufques au dernier foufpir
de favie.Parquoyayant trouué cefte bonne opportunité de vous eferire, ien'ay voulu
faillir de vous aduertir en peu de parodies de ceft affaire,tant pour vous donner matiè-
re de vous refiouir en noftre Seigneur,qui a vfé de telle mifericorde enuers voftre frè-
re,
François (jamba, 2p*
re^auçûr^agnéluy faire tant d'honneur, de Içchoifir pour maintenir fa querelle dc-
uanc les faomme^voire en abandonnant (on corps pour cftre bruflé , afin de fceller la
{am&e domine d^ cu home4e confelTer hardiment
deuantKous^u'aulfipQurm'acquitterdela promcûequc ie luy auoye faite de Ton vi-
uant,de vous mander comment le tout eftallé.Ce que ie feray, non pas fi amplement
que la chofe le mériterais ie vous toucheray breuement les principaux poinûs de ce
quéienay véu&ouy inoy-mefme. Voicydonc commeilenva.
I'Oe«vis quevoftrefrerefutmisenprifon^toutlctempsqu'ilyaeftë.ilneft
pas croyable combien il y a eu de gens de celte ville, voire de toutes fortes àc eftats , & cnfcnj de
principalement les Dofteurs &C gentils-hommesqui l'ont prié inftamment de nés o-
piniaftrer point àmaintenir telles fantafies &; folles imaginations,comme ils cuidoyée
que voftre frère en fuft venu là & de faid ils le iugeoyent du tout defpourueu de fens &C
d'entendement. Et pource ils lexhortoyent d'aduifer à fon affaire, & laiifer toutes ces
refueries aufquelles ils penfoyent qu'il fuft tômhé.mais le bon perfonnage leur refpon-
doit toufiours,que ce qu'il auoit mis en auant,&: qu'il maintenoit fi conftammentun'e-
ftoyent fpeculations friuoles,ou vaines fantafies qui viennent d'vn fens tfQublétque ce
n'eftoir, pas humeur fantaftique quife trafportaft,mais q s'cftoit la pure vérité du Dieu
viuat^lâdoftrinedc falur,&la fain£te paroUe denoftreSeign.Iefus.Etfurchacû.poinâ
qu'il prppçioit,il alleguoit quant &: quant JespafTages de J'Efcriture fain&e,pour prou-
Ùct cç qu'il difoit: proteftant auec vné conftâce efmeruei !^ple,qu.'il aimoit t rpp mieux
(ans coparaifon eftre mis amort^que de renoncer Iefus Chriftle fetil Sauueur & Redc-
pteur du,monde,duquel il maintehoit la querelle & doarine,que de renier la vérité de
rEuagile:bref?que de trahir par fa dénoyauté la caufe que Dieu luy auoit mife en main
pouf la (oufteniriuiqu'au bout. Finalement,apresauoirlohg temps difputé aueç les
Dodeurs de cette ville,auec les Preftres,Moines,& tous autres qui l'alloyent voirjjpen-
{ansledeitournerdefonopinion.aucuns d'entre eux meus de pitié, d'autant qu'ils le
cognoiflbyent homme debïen 6c entier, tous d'vh ac«ord s'en allèrent cnfemble vers
luy:& après l'auoir prié de cnanger defan'tafie,ih luy firent promefic , s'il vouloir faire
ce dont ils le requeroycnt,qu'ils auoyent grand defir de le faire citoyen de ceftevù*lc,&
luy donner telle prouifion qu'il vouloir . mais il ne s'accorda iamais à rien de tout ce-
la^ n'en tint conte aucunement.Or voyans qu'ils ne pouuoyentarracher autre chofe
de luy,tanioft après ils luy mandèrent qu'on le feroit mourir,s'il ne fcchàngeoit.à quoy
il refpondit de grande promptitude,que s'eftoit ce qu'il defiroit le plus , & qu'ilnç pou-
uoit receuoir meilleures nouuelles.
S v r cela voicy lettres qui viennent du Sénat deMilan,par lefquelles il eft c6mandé
qu'on le face mourir,& qu'il foit bruflé tout vif. Comme oneftoit après pour exécuter le°s^^r
ce mandementjvoiciârriuer lettres de recommandarion que l'ambafladeur de rEm-concnuè
pereur^qui eft à Gcnes,efcrit & plufifcurs gentils-hommes de Milan auflî.parquoy l'exe J^S*
cutjon fut. différée pour quelques iours.cependant voftre bon frère demeure couiîours
cohftant U ferme en fon fain£t propos. Peu de temps après voicy la féconde lettre » par
laquelle il eft commandé de le defpefcher.ainfidbnquesil fut mené du chafteau où ile-
ftoit prifonnier comme vous fauez,& prefenté deuant le Podcftà qui eft à Com,le luge
tant des caufes criminelles que ciuiles : &c là on luy prononça cefte fentence , S'il ne fe
vouloir recognoiftre,& changer d'opinion$qu'il eftoit condamné à mourir. Alors mon-
ftrant qu'il eftoit fort ioyeux,& merueilleufemenr confolé, remercia bien humblemét
le Podeftad'vne fi bonne nouuclle qu'il luy auoit apporté. Nonobftant cela le Po-
defta qui auoit efté prié de ce faire par aucuns gentils-hommes, le garda en priforten-
cores cefte fepmaine-la. Or durant ce temps,il difputoit hardiment contre tous , allé-
guant toufiours plufieurs raifons de l'Efcriture faincte pour confirmatio de tout ce qu'il
maintenOir.de forte que de iourà autre le courage luy augmentoit fa confiance fe
monftroit d'autant plus qu'on le laifToit viure.En la fin le Podefta l'enuoya querir,8duy
dit que le lendemain,ou dedans deux iours au plus , il falloit qu'il mouruft , fuyuant ce
qui luy eftoit commandé de faire par le Senar.mais il luy fit la mèfme refponfc qu'aupa- Tentation»
rauant,quc c'eftoit de trefbonne nouuelles pour luy. Et après l'auoir bié prié derechef, detoutc*.
& aduerty longuement s'il fe vouloit defdire de tout ce qu'il auoit mis en auant , à tout parfc
le mo ins de ce qu'il auoit ofé dire contre le facr e ment de la Mefie,que ce qu'6 luy auoit
Luire II II
offert &: promisfc feroit aifémenr.il ni luy chalut de u Iles promclles , & n'en f'ailbit
non plusde casque d'vnc bouffée de vent qui paifc.&: iiloit toutic m qu il ne falloir pas
acconpaier ce qu'on luy promettait aux biens incltimabk s qu'il dloit alicuit de it
ccuorr en bref du Sçigovufïairauoil la uiuncd'immortalitc,& la vie et», rnclle. Lt la
mais ne changea de couiuge.quo» qu * mvpiopO'aU pluftolton voyt ula confiance
croiftred heute a autrc.tommei'ay uict,itnatu des propos li cxtcllcns que tou>enc
ftoyent efmçrucilkz.
L a lolticc [c voyant ainfi difpofc A lî refolu que rien plus.ot ienna qu'il fcioic def
pcfché le lendemain. Or lachantque la fin approchoit , il m cnuoya quérir pour par-
ler à moy. entre autres chofcs,il me pria bien afFtctucufemcnt de vous icfcnrecômr nt
il cftoit aile de tout (on affaire^ quelle en auoit efte l'iifue:dcvous prier aufïi pour l'nô
neurdcDieu,& pour l'amitié que vous luy porceztdc ne vous point falchcr à cauic de
fa mort>puis qu'il fendu r oit trel volontiers pour l'amour de lelusChîift,ôc qu'il fentoïc
vneiovc& confolation iinguliereen Ion efprir,rccognoilfant 1 hôncur& la grâce que
Dieu luy raifoit,dc l'auoir daigné choifir pour endurer les ignom inu s lu môdc,8c fouf
frir la mort cruelle en maintenant la caule de (on Fils le lus , lequel n auoit point efpar-
gné fa propre vie pourlefalut de tous les fidèles. Au rcltc,qu'il vous recommandoitfcf
torurs&r lesvo(tres,fcsncpucux&£ ni< pccs:priant Dieu de vous nuimcnirtousen bon-
ne paix & amitié,vousfai(ant la grâce de conlacrcr toute voftre vie a ion (eruice.
^ Lî lendemain aumatin le bourrcau(quiclt Alemandjsen alla vers luy , pourf*
ftduertir qu'il le deuoit exee uter ce iour-la > fie pourtant qu il luy pat donnait auquel vo
ftre frerc rclpôdir qu'il ne ci aignift point de taire hardimet ce qu'il luy eftoit cômandé,
U q de fa parc nô Iculcmct il luy pardônoit de bô cœur,mais qu'il puoit auffi Dieu pour
luy*à ce qu il luy fill la grâce de cognoiftre fon falut . &: adioufta , s'il euft eu de l'argent,
qu'il luy en euft donné. Apres cela il fut mené deuant IcPodcfta,qui le pria ccores vnc-
fois de fe vouloir dcfdire changer d'opinion: mais il n'en fît rien, non plus qu aupara-
uanr.Et pourec lePodefta après l'auoir piié de netrouuer eftrâgc ce qu'il faifoic, luy de»
clara qu'il cltoit contraint par fes feigneurs de l'enuoyer à la mort. Alors il le remercia
sre (humblement : & luy dit qu'il eltoit bien dolent en fon cœur, d'autant qu'ils ne
fauoyent pas ce qu'ils faifoycnt -.&: qu'il prioit Dieu pour eux, afin qu'il leur fift mifcrr
corde.
covtinint que la cloche de la iuftice eut fonnéj>out le dcfpefchcr.Toky
▼ne couple de moines Capucins qui viennent là pour le côfcflo de première encrée
ils luy dirent qu'il ne fe deuoit point fafcher ne contrifter : mais il leur rcfpondit tout
La œb court,qu'il ne vouloit point de leur compagnie^ qu'ils feretiralTcnt. Or félon la cou-
ftume de ces bons frercs,ils auoyent en leur main vne croix , qu'ils raonfttoyent pour
^unh en auoir fouucnance.Et il leur dilou qu'il auoit Icfus Chrifl tout imprimé en fon cœur,
& qu'il fentoit viucmcnt l'efficace U la vertu delà mort fie paluVncn lonciprit. Usre»
pIiquoyent,s'il ne regardoit leur croix,qu'il fe dcfefpcrcroit quand il viendtoit à fentir
les tourmens du fcu.II rcfpondit que fon cœur eftoit rempli de îoye fit confolation : fit
qucdcfiailauoit louiffance d'vnc hcifcincomprehenfiblc fie quant au mal qu'il dcuoic
fentir en fon corps,qu'il pafTeroit incontment mais que Ton amc (croit cantoft partici-
pante de la béatitude cclcftc,ôc qu elle feroit reccue en celle heureufe Compagnie des
Anges,pounouiràiamai$dcs biens que Dieu a préparé pour fes enfans, & des grâces
que les yeux des hommes ne vnem oncqucs,ne leurs oreilles n 'ouïrent ïamais
Apk i s auoirtcnupluficurscclsproposplcinsdcconlolationfïngtthcre» afin de
luy ofter tout moyc n de parler dauantagc,ôc qu'il ne fuft plus entédu de la compagnie,
on luy perça ia larguc:puis il (ut mené au lieu du fupphce ,où sagenouillant,cfleua les
yeux au cicl,& pria Du u d vn cœur li ardent,quc tous en cftoyent eftonnez, tant il fai-
foit fa prière de bonne grâce. Eftantlcué déboutai fe mit tout-ainfi que voulut le bour-
reau,& incontinent fut cftranglc. Or combien qu'il euft cfté condamné d'eftre bruflé
tout vif,neantmoinsonluy fît ce peudcbienqucdeledclpcfcher fans le faire languir.
Au rcfte,ccux qui cftoyent là prête ns fuient tous fort c fbahis, voiicefpcrdus . fie n'y a-
uoit pertonne qu» (euft que din ,finon qu'on auoit fait mourir vn homme de bicn,voirc
innocent,^ viay Martyr de Ielus Chrift;d*aurant qu'on auoit veu en luy vne confiance
inuincible,en laquelle il auoit perfifté îufqu'en la fin.Cc bon perfonnage tint plufieurf
autres faindts propos ôc digues d'eft rc cognus de tous.tant durit fa prifon,quc quand il
Denis le Vayr. spj
fut preft à mourir, lefquels ie ne. vouspuis-mandèr pour cefte heure ; & ie crain auflî d'-
eftfe par trop long.
Iadiov steray feulement ce qu'il fît eftant fur le poinû de rendre l'efpritrceft
qu'iiietta l'œil fur moyd'aflez loin, me" voyant hors d'vne troupe de quatre mille per-
£onnes:& me fit figne de la main droitc*la quelle n'eftoit point liee,pour me faire fouue-
nir de vous efcrire le tout,fuyuant ce que ie luy auoyepromis de le faire. Et toft après il
fuc*ftranglé, &c rendit l'efprit à Dieu le xx i .four dé Iùillet, m.d.liiii,
Je ne vous puis dire autre chofe pour le prcfent, finon que ie vous* prie de vous con-
foler ennoftre Seigneur, le remercier en patiéce, &: ne vous point contrifter,ne vos frè-
res & fœurs auffi : mais pluftoft de vous refiouir, fachans que vollre bon frère &: le mien
s'en eft allé àDieu pour iouir d'vne félicité éternelle auecnoftrechef& Capitaine lefus
Chrift, &: auec tous les autres fain&s Martyrs. (^nlvousfouuiennetoufîours,'que ia- Je,^m,b,:
mais il n'y a eu que bien peu de vrais Chreftiens au monde, & que de noftre temps il np tZûouxs
s'en trouuequ'vn bien petit nombre. Prenez bon courage, & vous repofez du tout en p«u.
Dieu:lequel ie prie vous augmenter de plus en plus les iaindtes grâces , vous auoir en fa
protection, Se gouuerner par fon faind Êfprit. Ic me recommande de bien bon cœur à
vous,& à toute voftre bonne compagnie, vous priant de m 'employer en tout ce que ie
pourray iamais faire pour vous.
DeCom,cevingtneufiemciour deluillet, m.d.liiii.
DENIS LE VAYR, de U baffe Normandie.
D E l'cftat & condition des libraires, porteurs & conducteurs de liurcs de la faincte Ffcriture, le Seigneur en a appelé plufieurçj
porter quant & quant fa parollc deuanr les hoinmes, voire & de la tcftiiier par leur fang pour plus ample imprcffion.
E N I S le Vayr , natif de Fontenay au diocefe de Bayeux en la ba/Te Nor- M. d.ltiii,
mandic, après auoir quitté fa preftrife Papale vint demeurer à Geneue , où
il apprint la librairic,&:de là fe mita porter liures en Frâce par pluiieurs fois.
Il fît depuis farciidenceaux Illesde Gerzc ôcGucrnezé-.lefquellescômeap-
partenates à la couronne d'Anglctcu c , furet réduites à TE uagile du viuât du trefehre-
ftien roy Edouard vi. Là Denis conrinuanr la librairie, quelque temps fît office de Mi-
niftre en vn village de Gucrnezé,y prefehat i Luâgilc,mais pource que l'an m.d.liiii.
àlafufciration du prince des tencbies . îcs abus&: fuperftitions Papiftiques par le com-
mandement de Marie roine d Angleterre turent remîtes cfdites Ifles : ledit Vayr accô-
pagné tf autres rcuint en Normandie, délibérant de fe retirera Geneue. Eftantarriué
en vn village nomme la Fueillic, côduifant vn tôneau plein de hures de l'Elcriture,ain-
jfî qu'il marchandoit d'auoir vue charrette, M. Guillaume Langlois lieutenant du Vi-
conte, iticc Iean Langlois Ion frère procureur du Roy,fe trouucrent Jà,&: voulurent fa-
lloir quelle cftoit cefte marchandife:& l'arrefterent,&: l'homme qui la gardoit. Sur ces
entrefaites le Vayr furuenant,nonobftant qu'il ouift le bruit de ceftarreft, ne feignit
àtlemander promptementlacaufedudit arreft. Il luy fut relpondu que c'eftoyent li-
ures d'herefîe. Il répliqua &: fouftint quenon,& que c'eftoyent liures delà faincte Efcri-
ture, contenans toute vérité, lefquels luy appartenoyenr,&: non à l'home qu'ils auoyct
arrefte. Sur l'heure l'homme fut laiché, Se le Vayr mené prifonnicr à Peries,où Ufut bie
eftroirement détenu deux mois &demy. pendant lequel temps il fut examiné par les
luges du lieu, qui luy impoloyét crime de trahifon, à raifon qu'il auoit demeuré au pays
fuiet d' Anglererre. A quoy il refpodit (ju'ii ne s'y eftoit retiré pour aucune trahifon,ains
pour y viurelelon Dieu &: fon fain&Euangile. Et pource que les gens de iufticedudit
Pcriesnehaftoyent alfezfon procez, par le cômandement du Procureur gênerai pour
le Roy à Rouan, le Vayr fut mené à Bayeux, Se dix iours fi eftroitement enferré dedans
la prifon Epilcopale, qu'il ne fut poflible à aucun de fes amis de le vifiter ne foliciter. De
làfutmenéàRouan,oùilfutcondamnéd'eftrebruflévif,& furhaufTé par trois fois fur Scnrencc a*
le feu. Ceiugemcnc prononcé, on luy prefenta la queftion extraordinaire, pour de- j^J?1]
clarer ceux de fon opinion. Le Vayr leur dit , que tous Chreftiens amateurs du fou
faincl Euangile eftoyent de fon party , dont eftoit la plus faine partie du royaume
de France, &mcfme de leur Parlement. Au refte, que torture ne tourment quelcon-
que ne luy ft royent dire autre choie, ricftrecauie démettre aucun en fafcherie. que
Dd?
L/V/ro Pierre^ de U Van. Jean Rogers.
s'il aduenoit qu'il mouruft en la géhenne, il eftoit affeuré de ne mou rir au feu. Ceftc af-
feurance fut caufe qu'ils ne le mirenc à la queftion-.mais commandèrent le mener droit
au fupplice .
A v fortir de la côciergerie il y auoit grad peuple , que le Vay r exhorta à fuyure la pa-
rolle de Dieu,iaçoit qu'vn moine Carme ruft auec luy dedâs le tombereau. L'vn des offi
ciers s'efcriaau bourreau, Coppe, coppe-luy la langue: ce qui fut aufli toit exécuté que
dk.Sur cela le moine luy prefenta vne petitecroix de bols pour mettre entre Ces mains
eftroi cernent liées, mais ce fainct perfonnage la refufa ,& de tout fon pouuoir tournoit
tant qu'il pouuoit Je dos au moine:dôt le moine cria au peuple, Voyez mes amis, voyez
lcmefçhantqui refufe la croix. Puis ils le menèrent deuanc la grande eglife, qu'ils ap-
pellent Npltrerdame , & vouloit-on donner à entendre au peuple qu'il tmloit amende
honnorablc.à, |curs fainéts: mais le patient môftroit& des mains & des yeux,& par tous
fîgnes à luy poiTîblcs,qu'il falloir adorer vnfeul Dieu,deftournât la face de leurs idoles.
^Incontinent après il fut mis au feu, duquel félon fa Tenttnce il deuoit eftre retiré par
trois fois.ee que toutesfois ne fut exccuté.car auifi toft que le feu fut allumé* la flamme
monta prefque vne lance de haut par deiîus le patient: tellement que les deux bour-
reaux pour toute leur puùTance ne le peurent refleuer en haut . Cependant les fergeans
frappoyent à grans coups de baftô fur le menu peuple qui là eftoit,pour aider aux bour-
reaux, mais il n'y eut homme qui y voulift mettre la main. Il expira en ce martyre le
neufieme d'Aouft, m.d.liiii.
M.Dimr.
PIERRE DE LA VA V, de Languedoc.
NOTABLE confiance comme du précèdent en la queftion que les ennemis présentent extraordiaaircment pour aceufer
ceux qui font vne melrnc profeffion de l'Eu.ingilc.
E Pierre de la Vau, natifde Pantillacàcinq lieues de Thoulouze, la mort
&: la confiance aux tourmés a efté renommée entre les fidèles cefte mefme
année m.d.lii i i. Il eftoit cordonnier de meftienmais au reftcferuentàla.
parolle de Dieu, 6c bien inftruit en icelle. Car quand il fut conftitué prL
bnnier en la ville de Nifmes, après qu'il eut maintenu la vérité de l'Euangile,on le vou
lut forcer d aceufer les fidèles de fa cognoifTance,il aima mieux endurer la queftion ex-
traordinaire* autant horrible que mutilation & fracture de membres fauroit eftre , que
de mettre en danger perfonne. Il fut finalement bruflé vif en ladite ville de Nifmes:ôc
fa mort a efté femence de f Euangile en plusieurs endroits audit pays.
IEAN ROGERS, ^ingloh.
I* A rie, les aflauts & la mort de M. Rogers font ky amplement defcritj.pource qu'il a cfte* le premier brusl c* fol» le règne crucJ
de Marie roine d'Angleterre. Il eft demeuré terme comme vn bon gendarme qui de long temps auoit prépare tes arma»
& s'eJtoit exerce en icel.es, contre Eftienne Gardincr chancelier du royaume.
EA N Rogers demeura premièrement à Cantabrige, où il employa fon
îtempsàcttudier. Quelques marçhans le tirerét de là,&lemeherentà An-
!uers,auquellieu ilmifîjfioit,& faifoit comme les autres preftres. Enuiron
ce temps la pedonnes s'eftoyent retirez d'Angleterre au pays de Brabant
Guillaume Tyndal, &c Milo Couerdal, tous deux de grand renom,&: iingulierement Je
premier à caufe de Ion martyre. Rogers eut familiarité auec eux,& commença petit à
petit par vn inftîct heureux à regarder la lumière de l'Euâgilc, iufqu a ce que finalemét
îelon que le iugem ént luy croifloit,il fe defpeftra de la preftrife Papale:&conio]gnit fon
labeur auec ccux-cy,anauoir à traduirequclques liures Grecs.Peu de temps après eftât
enfeigné par les (ainctes Efcrirures, qu'és vœuz illicites il n'y auoit aucune vertu de lier
fcanRogm les côfciéccs.il eut en horreur le célibat Papal,&fc maria à vneféme^lMoucc de bônes
(c marie, mœurs &fobrieté de vie,q de richefTes, Auec elle il s'é alla toft après à Vvirtéberg,pour
apprédre lalâgueGermanique:&: l'apprît Ci bié, qu'il fut ordônéminiftrederEuâgile:&
exerça
Jean Rogers. 2 94.
exerça cefte charge plufieurs années auec grande diligence , iufqu'à ce que le règne du
roy Edouard fuft eftably , &c la prédication delà parolle de Dieu mife en liberté » qui a-
uoit efté long temps fupprimce par la tyrannie du Pape.LorsRogers eftimât qu'il eftoit
fpecialement obligé à l'on pays,retourna en Apgleterre,&: s'employa à auancer l'Euan-
gilc autant qu'il luy fut po(lîble:&: ne fut pas là long téps, que fon labeur ne fuit bien re-
compenfé. Nicolas Rydlé euefque de Londres ,,1 uy bailla vne prébende, & quelques
autres penfions &: reuenus,&: fut ordonne profeifeur en Théologie. Il fut en ceft; eftat,
iufques à ce que tout fut chagé en Angleterre,quand Marie fut eileuee à la dignité roy-
alerlaquclle renucria totalement ce que fon frère auoit drefle. Chrift en fut banny,& le
Pape introduit : l'Euangilc charte, &: la Merle remiie , & rendit fon peuple efclaue a 1 -
Antechrift. Ce neantmoins Rogers ne lanfa de perfeuerer comme il auoit commencé,
&: le temps ne luy rit rien faire quitter de fon office: &: les dangers ne l'ont peu faire flei-
chir-.ains lors que la Roincfaifoit tout trembler fous les menaces, &: que nul à grand'
peine ofoit ouurir la bouche pour dire vn feul mot de l'Euangilc, il prefcha au temple
de faind Paul, comme il auoit accouftum é : ad monnefta , Se prefla vn chacun à fe mon-
ftrer conftant&: ferme en la doctrine qui leur auoit cfté annoncée, &: detefta les idolâ-
tries &fuperftition s de la Papauté. Ce fermon irrita les feigneurs, & d'abondant la fa-
ction des Papilles feruoit de foufflets pour les inciter , & allumer le feu contre ce fidèle
Miniftre: toutesfois pource qu'alors il n'y auoit point encore d'edi&s publiez, parleL
quels on le peuft punir de droit, Rogers efchappa pour cefte fois: neantmoins il ne
demeura pas longuement fans punition . car bien toft après fut fait vn edict , comman- f ^J5JÏ!
dant à tous minillres de l'Euangilc de fe taire. Quelque edi& qu'il y euft, Rogers ne Jaif-
fa point de faire comme il auoit accouftumé. Eftant adiourné &c acculé , il eut par com-
mandement fa maifon pour prifon. Dieu voulut qu'on ne luy baillaft point de £arde,
Se qu'on n'viaft d'aucune force en fonendroit,& auoit beau loifir de s'enfuir: auoijauul
plufieurs occafions pour fe perfuader de ce faire,pource qu'il ne voyoit aucune efperan
ce que l'Euâgil e peuft eftre remis au deflus en Angleterrc.il luy eftoit aulfi racile de s'en
retourner en Alemagne d'où fa femme eftoit,&: de laquelle il auoit eu dix enfans. tant
y a que pour la confolation lecrette des fiens, il aima mieux demeurer que defe mettre
en feureté: &: pluftoft expérimenter toutes rhofes, que laifler la caufe de JEuangile, la-
quelle il auoit vn e fois entrepris de maintenir.Sa maifon eftoit prochaine de celle de 1-
euefquedeLondres,quiluy eftoit vn mal prochain^ caufe que ledit Euefque confit en
cruauté (comme il fera veu cy après) ne pouuoit aucunement porter la vertu &c bonne
fenteur d'vn tel bon voilin. Finalement Rogers de ù maifon fut mené en prifon publi-
que^ fut détenu plufieurs mois auec meurtriers &: brigans,durant lequel temps il eut
plufieurs combats contre les Papiftes, Sd^ouftint de grans a/Taux ,& principalemetcon
trele Chancelier Eftienne Gardiner euefque de Vvinceftre. Et d'autant que cy aptes il Fft,^e c. r
fera parlé fouucntesfois de ceft Euefque: pour ceux qui défirent cognoiftre lafource cej^ "a
des troubles d'Angleterre:&: comment le venin &c amertume de ceft ennemy de Dieu
s'efpandit,nous toucherons comme en panant ce qui s'enfuit:
D v temps que le ieune roy Edouard vi.regnoit,& fon oncle Edouard Semer, prore-
. fteur du royaume,gouuernoit les affaires, mandement fut donné à ceft Euefque, qu'en
certain fermon qu'il deuoit faire deuant le Roy & le peuple de Lôdres , il publiait quel-
ques articles contre l'authorité tyrannique&faufie religion du Pape,&: qu'il pronôçaft
le toutclairemét &: en bon ordre.Ceft Euefque au lieu de faire ce qui luy eftoit enioint,
dit plufieurs choies obliquement&d'vnefaçon enueloppee pluftoft en faucur du Pa-
pe, quecontre. Le Royauecfes gouuerneursorTeni'czdecela,luy afîîgneiour pour té-
dreraifon de ce faict, délègue pour fes iuges, Thomas Cranmer aLcheuefque de Can-
torbie, Nicolas Rydlé euefque de Londres, Tayler euefque de Lincolne, le fecretai-
re Pierre,&: plufieurs autres Legiftes. Et combien que Gardiner n'euft rien pour don-
ner couleur à fon offenfe fi manirefle,finon vne feinte oubliance:toutesfois il entretin t
tellemét la Iuftice de parolles &de fubterfuges,qu'il fit durer fon procez fix ou fept fep-
maines. ce qu'il ne fit fans vne iinguliere rufe,&: finefle fort malicieufc , à cefte fin qu'il
euft leloifir de parfaire vneferit, lequel il vouloitprefenterpubliquemét àl'archeuel-
que de Cantorbie, touchant la prelence du corps de Chrift , la Tranffubftantiation , &
le Sacrifice de la Méfie.
Dd.ii.
de l'e;>c'.
de Vviuo
L/«ro ////. Jean Roger s.
L'archevesqjve &: les autres luges qui auoyet pouuoir de punir de mort fa ré-
bellion contre la maielté du Roy, ne luy rirent autre chofe que le dégrader &c mettre en
prilbn, luy lauuans la vie. Ce fai&tourna depuis à grande falcherie aux luges mclmes,
trois ans apres:car Gardincr leur garda iniques en ce téps du règne de Marie, lors qu'il
?rSi'ut" fortic comme vnfanglier de ion halher,&: futeftably Chancelier, &C comme li leglaiuc
euft efté mis en la main d'vn furieux. Il exerça cruellement celle dignité a la ruine de
ceux qui luy auoyent fauué la vie.Eftant donc tiré hors des priions, lu ici ta de gras trou-
bles contre les proreifeurs de l'Euangile . &: tant plus que la roine Marie l'auoit auancé
en dignité, tant plus gransfeuz de perfecutions alluma il contre les fidèles. Et non feu-
lement il opprima par grieue tyrannie les Euefques qui maintenoyent l'Euangile , les-
quels tous il fît mourir : mais aulîî il drefla des embufehes fecrettes a 1 autre fille du roy
Heniy,nômeeElizabcth,cellequi maintenant iouit du royaume d'Angleterre,luy vou
lât mal de mort.&: tafcha par tous moyens ou de l'enuelopper en quelque mariage cura
gc,ou la chaifer en quelque forte que ce fuft.ou bié de luy faire perdre la vie. Et poflîble
que quelque fois il euft fait ce qu'il auoit entrepris,li la mort ne l'cuft preuenu, comme
enverra cy après.
L E combat que Ic.ui Rogicr; eur contre !c Chancelier euefque Je Vvincefrre,& autres iuges Jcleguez par b BLoinc, l'an
1555, le ia. îour de lanuier.
[N premier lieu, ce Chancelier Gardiner fît appeler Ican Rogcrs , &: parla à luy en
jccftefaçomTu fais aiftz en quel eftat font maintenant les affaires de ce royaume.
Rogers refpondit, Ien'enfay rien. car comment le pourroy iecognoiftre,veu que com-
me vous fauez,iay efté li long temps enfermé en ma maifon comme en vne prifon,fans
qu'homme euft accez à moy, &: fans auoir corn munication auec quelques autres ? & e-
ftant ainlî feul n'ay peu rien ouir de tels affaires, finô que quelque fois il eft aduenu qu'à
table on a bien parlé des affaires en commummais de tous ces propos &: deuis de gêne-
rai, ien'ay peu rien recueillir de particulier. Le Chancelier luy dit,Tu te moques,quad
il entend le tu dis rien de particulier. Toutesfois tu as bien ouy dire comment molicur le Cardinal
cardinal i o cft ]Cj retourné nagueres,&: comment tous ont indifferem ment receu le pardon qu'il a
poïï'qw- apporté:auquel nul de tout ce Parlement n'a contredit,excepté vn l'eul qui s eft oppofé
dôdmJape. publiquement à fabfolution de monfieur le Cardinal. A grand peine a onouy parler
de noftre temps d'vne telle vnité,qui eft comme vn miracle. Et tous ceux-cy enfemble
(ilparloitdeceux quitenoyent le grand Confeil, qui n'eftoyent pas moins de cent foi-
xantc)ont receu d'vn cœur & conlentemét le pardon qui leur a efté offert , touchant ce
fchifme par lequel tous Anglois ont reietté le Pape chef de l'cglifc catholiquc.Que dis-
tu.?ne te veux tu pas maintenant rallier auec nous en vnité de la foy &c de l'eglife catho-
lique,felon l'eftat du royaume, auquel il eft maintenant?Parle:le feras-tu, ou non? Ro-
gers refpondit, le ne fachenullcmét que iufqu a prefent ie me foye departy de Ja focie-
té de l'Eglife catholique,&: ne m'en veux point departir.Le Chancelier luy dit,Ie ne dy
pas cela:maisic parle de la côdition ou eftat de l'eglife catholique que nous auôs main-
tenant, par lequel on recognoit le Pape pour chef fouucrain de l'Eglife. Rogers luy
rcfpondit,Ie ne cognoy autre chef de l'Eglife catholique que Iefus Chrift,&: n'en reco-
gnoiftray ïamais d'autre.& quat au Pape:ie ne voy point qu'on luy doyue plus attribuer
que l'authorité de la parolle de Dieu attribue aux autres Euefques-.&: auec la parolle,la
do&rine auflî de l'Eglile ancienne &c pure.ie parle de l'Eglife qui a efté quatre cens ans
après Iefus ChriftSi les Apoftres. Le Chancelier, Pourquoy donc auois-tu admis le
roy Henry huitième pour chef fouuerain de l'eglife , li maintenant tu eftimes qu'il n'en
faille admettre autre que Iefus Chrift? Rogers, Quant à moy,il eft certain que ien'ay
iamais eftimé cela de luy, qu'il euft quelque preemincnce& authorité éschofes fpirL
tuelles:comme li on parloit de pardonner les pechez,ou de côferer la grâce duS.Efprit,
ou qu'il vfurpàft quelque droit & fuperintendence par deftus la parolle de Dieu. Sur
cela le Chancelier,l'euefque de Dunelme &C l'euefque de Vvigorne hochans la tefte,&:
fe rians de Rogers, luy dirent, Vrayement Ci tu euiîés dit cecy du temps dudit Roy,tu ne
ferois pas icy maintenant pour chanter cefte chanfon. Or corne Rogers vouloit paf-
fer plus outre,&: dcmonftrer comment on tenoit le roy Henry pour chef fouuerain de 1'
eghfe,ces vénérables firent fi grand bruit, qu'il ne luy fut loilible dédire plus auant ce
qu'il vouloit.&encore quand audience luy euft efté dônec,ccla n'euft pas de beaucoup
feruixar il n'y auoit homme li peu cognoiftant les affaires , qui ne feuft bien pourquoy
cetiltre
Jean Roger s. *gj
ce tiltre eftoit donné au roy Henry. Cependant le Chancelier adreifant Ton propos à
noble feigneur Guillaume Hauarc, qui elt oit près de Juy, commença à luy reraonftrer
comment & Iefus Chrift & le Pape pouuoyent bien eftre tous deux appelez Souucrain
chef de l'Eglife. Et comme Rogers euft refpondu à l'oppofite , que cela ne fe pcuuoit
nullement fairc;& n 'eftoit point au ffi eonuenable qu'en vn mefme corps, qui eft l'Egli-
fe,ilyeuftdeuxteftes,&:euft voulumonftrer&: déduire plusaulong comment cepro-
pos eftoit tauxde Chancelier luy rompit la parolle,&: luy commanda de refpondre fim-
plement &categoriquement,affauoir s'il vouloitprotefter ou non d'eftre membre de
cefte eglife, de laquelle les autres pour lors fe recognoiflbyent eftre membres en An-
gleterre. Rogers refpondit,ie ne pourroye nullement mettre cecyen mon efprir,que
vous croyez à bon efeient ce que vous dites icy du Pape &: de fa primauté, veu qu'il y a
défia dix ans paiTez que vous, enfemble les auc res Euefques, &c to9 le iùrplus auec vous,
auez maintenu le contraire tant de viue voix que de confentement, &: racfme aucuns
d'entre vous l'ont publié par efcrit:& auec cela il y a eu le confentement du Parlemcnc
publié,^ ratification de tous ordres & eftats . Mais fur cela le Chancelier luy rompit
derechef Ton propos,&:dit,Pourquoy nvallegues tuccParlcment,Jequelfutcontreint»
par vne grande force &: cruauté d'abolir en ce temps la primauté du fiege Papal ? Ro-
gers luy dit , Eft-ce ainfi que vous parlcz?que cela a efté fait par violence 6c cruauté^Ce-
la mefme me conferme dauantage en mon opinion* que vous ne cheminez point droi-
tement , & ne procedezpoint en équité, viant de violence &: cruauté pour dôner quel-
que perfuafion aux confeiences des hommes. Que fi ainii eft comme vous dites, que la
cruauté de ceux qui eftoyent en ce ternps-la, a eu a/Tez de vigueur &c force pour efmou-
uoir&efbranlerles opinions de vos cœurs: comment requérez- vous maintenant que
voftre cruauté (oit pour fatisfaire à nos confeiences ? Le Chancelier,Ie ne parle point
de la cruauté de ceux-la: iedy feulement que les Sénateurs &confeillersqui eftoyent
lors au Parlement, ont efté beaucoup & long temps tourmentez, &: amenez iufques à
ce poin£t,qu'ils n'ont peu faire que finalement ils ne fe foyent rengez de ce party, com-
bien qu'ils le fuîent à regretrmais maintenant en ce Parlement, la chofe va bien d'vne
autre façon , auquel la puilfance du Pape eft confermee, ratifiée &c remife au de/Tus par
la*volonté&: confentement de tous. Alors leMilhordPagct entrelaça quelque peu
de parolles, voulant plus apertement déclarer l'intention du Chancelier , & lefens de
fon propos. Rogers luy refponditainfi, A quel but tendent ces chofes? ou quelle eft la
£n d'icelles:Eft-ce à dire,pource qu'en cefte aflcmblee-la le moindre nombre a approu-
ué ce qui eftoit le meilleur, que pourcelaen ce Parlement alors il y ait eu moins d'au-
thorité,& qu'on luy doyue adioufter moins de foy>&: au contraire, qu'on doyue plus dé-
férer à ce Parlement prefent, pource qu'il y a eu plus de voix, qui l'ont emportent afin
que vous fachiez,feigneur,que ces chofes ne doyuét point eftre mefurees felô le nôbre ^3j"|^nc
de ceux qui ont donné leur voix, foit qu'ils foyenten grand nombre ou petit: maison furCrpar lé
doit eftimer les choies qu'on met en auant, par la vérité, droiture & im portance d urel- «ombre g«
les. Ainii que Rogers eftoit en train de continuer ce propos, le Chancelier luy ferma la vo,x'
bouche, propoiant qu'il n eftoit pas feul, ains qu'il y en auoit encores d'autres à qui il fal
loit parler. Parquoy il luy commandoit de refpondre en vn mot, alTauoir s'il fe vouloit
rengeràla mefme eghfe auec tout le royaume, ou non. Rogers, Ce n'eft ne mavo-
lonté ne mon intention de le faire,finon que vous me monftncz par tcfmoignages eui-
dèns de i'Efcriture, que c'eft la vraye Eglife. Que fi vous m'accordez que 1e puifle recou-
vrer des liures,de l'encre &: du papier,ievousmonftreray facilement tout le côti aii c:&C
û euidemmcnt , que tous pourront aifément cognoiftre qu'il n'y a nulle fermeté en \ o-
ftre eglde. Puis après ie donneroye volontiers liberté à vn chacun qui y voudroit con-
tredire, de prendre la plume pour eferire ce qui luy fcmbleroit bon.
L e Chancelier,N'atten point que noustc permettiosiamais cela. Et qui pis eft, nous
neteprefenterons pasdorenauantcesmefmes conditions que te proposons mainte-
nant, (i tu refuies a cefte fois deterengerà l'eglife catholique. Tu as ici deux chofes:
la muericorde&: la milice, l'vne ou l'autre t 'eft offerte parlaRoine.fi tu refufes la mi-
fericorde , tu fentiras la rigueur de laiuftice impofee par lesloix.
Roc t r s,Ien'ayiamaisofrenlélamaieftédclaRoinedeparollenedcfait.iene vou
droye toutesfois reictter fa miiericordc. Au refte, fi vous ne me voulez ottroyer
Vd.iii.
Liure ML fean Rogrs.
les chofes qucie vous ay ditcs>&: (i vous ne pouuez foufFnr qu on face inquifition de vo-
ftrc doctrine commencee,ou qu'elle foit conférée aucc les iaindtes Efcritures:parvn tel
refus vous déclarez affez quelle peuteftre voftrecaufe. Or eft-ilainfi que vous qui eûes
les prelacs de ce royaume, m'auez il y a plus de x x. ans , induit premièrement à quitter
&: abandonner la fauiTe prééminence du liège Romain:& maintenant vous qui auez e-
ftc caufe que ie l'ay ain(i fait, me déniez la liberté de défendre monfaiCr.& comme ain-
filbitquefoyezconcrairesàvous-mefmes,vousfuyez avi/îî toute cognoiilànce,&: ne
voulez que voftre doctrine (oit examinée. Pour certain on ne mepourrou pas*perlua-
der par cefte façon.
L e Chancclier,Si tu n'admets le Pape pour chefde l'eglifc, la Roine ne te fera iamais
mifericorde: arin que tu ne t'y attendes point. Au furplus,quant à l'inquifition de la do-
ctrine, &C à auoir conférence aucc toy , il m'eft défendu de le faire par les parolles de l'E-
fcriturc:&: fuis auffi admônefte par S.Paul de fuir l'homme hérétique après vne ou deux
remontrances : d'autant que celuy qui eft tel, eft condamné par fon propre iugement.
Roge r s, Monfieur le reuerend, ie nieen premier lieu qucie loye homme héréti-
que, quand vous m'aurez conueincu de cela,Iors pourrez ( comme bon vous femblcra)
alléguer ce qui refte en la fencence.
Menaces de M a i s le Chacelier retournoit toufîours à fon proposé partrois ou quatre fois me-
Girdlocr* naça Rogers,que s'il ne fe rengeoit à leur eglife, il ne falloir plus qu'il attendit aucune
faueur.& qu'il déclarait s'il le vouloir ainfi ou non. AquoyRogers rcfpondit, le ne le
veux & ne le peux faire,iufques à ce que vous m'ayez rendu certain par les faî&es Efcri-
tures,que voftre eglife eft la vraye Eglife,& que le Pape eft chef d'icelle.Que s'il y a quel
cun qui me le puilfe monftrer,au(Ti ne feray-ic rien par obftination.
S v r ce poinîtl'cucfque de Vvigornc luy dit,Quoy?crois-tu pas le Symbole des Apo-
ftres? Rogers refpondit,Ie croy la faincte Eglife catholique.mais en tout ce Symbole ie
ne trouue pas que mention foit faite du Pape en forte quelcon que. Car ce mot Catho-
ûgra- tiqUe ne dénote pas feulement l'eglifc Romaine, mais c'eftvn mot gênerai comprenne
que. ath°U" vniuerfellement la vraye Eglife faifant confeffion confiante : c'eft l'afTcmblee ou com-
munion de tous lesChrcftiens&: fidèles efpandus par tout,lefque!s font cÔfeiîion vraye
du nom de Dieu d'vn mcfme cœur& d'vne mefme bouche. Mais ie prie,par quel mo^c
cefte eglife Romaine pourroit-elle eftre, ie nc dy point chef, ains feulemét membre de
cefte Eglife catholique ou vniuerfelle, veu qu'elle s'eft feparec d'icelle en rat de poin&s
de la do&rine , te répugne manifeftement a la parolle de Dieu ? Et comment leuefquc
d'icelle fe pourra-il vanter d'eftre chef de cefte Eghfe, veu qu'il n'y aprefque rien en
quoy il foit vny auec les membres d'icelle ?
L e Chancelier, Otfus, alleguc-moy vn poin&,'voire~vn feul poin£r, auquel il foitdiA
cordant. Lors Rogers penfant en foy-mefme,& eftimant qu'il luy falloit produire pour
le moins vn poind d'entre plufieurs , luy dit ainû* , Or bien donc, ie vous en propoferay
vn au lieu de plufieurs, combien qu'il feroit facile d'en produire plufieurs au lieu d'vn:
Tout ce que le Pape & toute fa fequelledifent,prient ou pfalmodientenl'eglife,ilsne
le font qu'en langue Latine : ce qui contreuient manifeftement à la rcigle que S. Paul
donne, i. Cor. 14. Le Chancelier lors répliqua en cefte forte, le nie que cela répugne à
l'efcriture canonique: par quelle forte d'argument le prouueras-tu?
Ro gers cômença à déduire fon argument,prenant le commencement du chapitre,
i.Cor.14.1. ou d cu^ dir,Ccluy qui parle langage eftrange,ne parie point aux hom mes, ains à Dieu»
& ce qui s enfuit. Selon l'Apoftre, Parler langages,c'eft parler en langue eftrange,côme
Greque ou Latinc:&: parler en cefte façon (félon S. Paul)ce n'eft point parler aux hom-
mes. Maintenant puis qu'ainfî eft que vous patlez toutes chofes à tous en langue Lati-
ne,qui leur eft barbare &c eftrange,il eft certain que vous ne parlez point aux hommes,
ains à Dieu . Ce que le Chancelier ne nia point : confe/Tant qu'il parloit à Dieu , 6c non
point aux homes. Lors Rogers dit,Si vous parlez à Dieu,c'eft doc en vain que vous pro-
noncez deuant les hommes. Le Chancelier dir, Mon amy il ne s'en fuit pas.car l'vn par-
le vn langage,l'autre vn autre,& chacun fait bien.Rogers refpôdit,Que feta-cc fi ie mô-
ftre que tels ne parlent ny a Dieu ny aux hômes,ains iettent des parolles vaines en l'airî
Ro gers commençoit à monftrer comment ces deux chofes qui femblent eftre cô-
traires,aftauoir Parler non point aux hommes bc non point à Dieu , &: parler au vent fç
pouuoyent toutesfois bien accorder.mais tout incontinent vn grand bruit fc leua , qui
fut
Jean Rogers. ipj
hit caufc qucRogcrs ne peut parler aux hommes,non pas mefme à grand'peine au ve t.
Lors le Chancelier reprint ce propos,& dit,Parler à Dieu &c non à Dieu,font deux cho
fes naturellement repugnantes&impofîibles:maisRogersinfiftoit qu'elles n'eftoyent
nullement répugnantes ou impoflibies en ce fens que S. Paul auoit parlé. Or il auoit
délibéré de paracheuer ce qu'il auoit commencé : mais vn certain gentil homme aflîs
au bancplus bas fc mit en auant,Certainement ic pourray à cefte heure bien 6c ouuer-
tement teftifier contre luy,qu'il eft efloigné de la vérité. &c de fai&, il a tan toft confefle,
que ceux qui vfenc de langage eftrange,parlent à Dieu : maintenant il dit le contraire,
qu'iceux ne parlent ny à Dieu ny aux hommes. Rogers donc ie tournant vers le gentil-
homme,reipondit,La chofe ne va pas ainfï comme vous la prenczdeulement(dùoic-il)
i'ay amené vn partage de fain& Paul,lequel ie vouloye accorder auec vne autre fenten-
ce de ce meime textc:&: en fuiTe défia là venu, fi on m 'euft donné audience. Au refte,
quant au gentil homme,il luy dit,que ce n'eftoit point là fon gibbier , &c qu'il n'enten-
doit rien en cefte matière. Etlegentil-hommeluy refpondit, I'criten bien que ce qUe
tu dis n'eft poflible naturellement:cela fent fafophifterie ie ne lày quelle.
Apres celaleChancelierfemitderechefàparler,&:ditàce gentil-homme qui
s'eftoitainfiauancé de dire fon mor,Que lors qu'il eftoit en Halle ville de Suaube, le
peuple de cefte ville la,qui au parauant faifoit tout le feruice diuin en langage vulgaL Halle de
re dupays,maintenantfaifoit les prières communes se autres chofes appartenantes au Suaubc-
feruice de Dieù,en partie en fa langue commune,en partie en lague LatineX'eueique
de Vvigorneditfurcela,Onen fait autant maintenant en la ville de Vvirtemberg.
Y a-il fi grand* merueille en cela?ditRogcrs: veu que c'eft vne Vhiuerfité où la plus
part fauent parler Latin.?Or il commença à raconter les façons de faire de cefte eglife,
&c de là vouloir retourner à l'autre partie de la difpute qu'ils auoit eue aiTez long temps
au parauant auec le Chancelier euefquc de Vvinceftre:mais il tut empefché par le cry
& grand bruit que faifoyent ceux qui eftoyent là affiftans:&: penfoit ainfi en foymefme,
O quelle poureté eft cecy ! Ces gens-cy ne me veulent nullement ouyr,& fi ne me per-
mettent point quei'efcriue.Quel remède donc y a-il,finon que ie recommande le tout
au Seigneur ? Toutefois il voulut bien encore eflàyer de pourfuyure ce qu'il auoit pro-
pofé,afFermant que facilement on pourroit accorder les paflfages de fain£t Paul quia-
uoyent efté alleguezi&outre cela il promettait de prouuer par raifohs de TEfcriture les
chofes qu'il afFermoit.Lors le chancelier luy dit* Voire, tu ne pourras rien prouuer par
lesEfcritures.cari'Efcritureeft vnechofemorte:ellcabcfoin d'expofiteur» Bhfpheme
Rogers dit,Mais au contraire^l'Efcrirure eft vne choie viue , félon ce qui eft dit ^ UDCC
aux Hcbrieux quatrième chap* Mais ic vous fupplie , permettez moy de venir à ce but
auquel i'auoye prétendu, & retburher à noftre propos. L'euefque de V vigorhe parla a-
lors , &c dit fa rattelee en cefte forte : Tous les hérétiques ont cela de particulier , qu'ils
combattent par les Efcritures,& d'icelles font leur bouclier: &: pourrant eft neceflaire
qu'vn vif expofiteur y foit adioint. Rogers dir,Cela eft bien certain, que les hérétiques
fe font ordinairement aidez des Efcritures:mais auiïî ils n'ont peu eftre réfutez que par
icellesmefmes.
Ce s t Euefquerepliqua,Maisils n'ont iamais voulu confeiîer qu'ils ayent efté re
futez parles Efcritures. Rogers refpondit, le le croy bien ainfi;tânt y a toutefois qu'ils nùmcon-
onteftéxepoufiez& vaincus par icellcs. EsConcilesfrancs&deumentaftemblez^n ueincre le*
n'a iamais combatu contre euxfinon par l'authorité de la fain&e Efcriture , 5c n'ontia- p**» et!
mais quitté la place qu'ils nayertt efté légitimement veincus. Et fur cecy il auoit delibe tritures
ré de déclarer de quel moyen principalement les fidèles deuoyerit maintenant vfer és
diflFerens Ecclefiaftiques,felon la façon des Anciesîmais il eut à faire à des oreilles four-
des. Tous fe ruèrent fur luy d'vneimpetuofité: l'vn difoit d'vn, l'autre d'vn autre :& de
toutes pars fe leuavn grand bruit, &c vn chacun faifoit l'a queftion,eh forte que fi ce po-
ure homme euft eu cent langues & bouches,& autant d'oreilles,il n'euft peu ouyr tous
leurs propos,& encore beaucoup moins fatiifaire à tous. Là citant veincu par la malice
du temps,en partie quittant la place à la fureur de ces beftes,fut coUtreint de fe fermer
labouche*voyant qn il ne profiterait de riert en parlant. Depuis ayant recouuré quel-
que opportunité de parlenencore qu'il euft grande volonté de retomber fur la premiè-
re queftion qui auoit efté mife en auant,toutefois le Chancelier lors principalement v-
fa de foûauthorité,&£ commanda qu'il fuftpromptementofté de là, &c remené en pri-
pd.iiii.
L'mrellIL Jean Rogers.
fon .Se propofoit cefte raifon,qu il y en auoit encore beaucoup d'autres, lefquels il fal-
loicouyr,(inonqueceftuy-cy voulufteftre reformétcaril vfoit de ce mot. Lors Rogers
fe leua fur fes pieds: car iufques à cefte heure la on l'auoit fait tenir fur fes genoux. Sur
ces entrefaites le Milhord Richard Suthvel,cheualier de l'ordrccftant appuyé fur vne
feneftre, voulut bien dire aufli fon mot,afin qu'on ne penfaft qu'il fuft du tout muet . 6c
parlaainiî:Iefay que quand ce viendraau dernier poinct, tu ne pourras &c ne voudras
endurer le feu pour ces chofes. Rogers efleuant les yeux au ciel, dit,Certainementie
ne m'oferoye promettre de faire quelques grandes chofes , & auilîcelane m'eft point
expedicntrtoucefois i ay bonne efperance au Seigneur, &C volonté de perdre pluftoft la
vie que de quicter vne bonne &: lamcte opinion.
Apre s celal'euefque d'Eliecommençaàfaire vnlongdifcoursde la volonté&en-
trepnfe de la Roine.&: après auoir amafle plufieurs parolles pour faire valoir ce qu'il di-
foit,il conclud finalement fon propos en cefte forte:Que la Roine eftimoic indignes de
la mifericorde ceux q ne recognoifToyent point lePape pour chef del'eglife.Rogers dit
iurcela, Combien qu'il s en faille beaucoup que ie l'ave iamais ofFenfee , non pas mef-
me d'vne feule parolle,nonobftantie ne voudroye point melpriler fa mifericorde : &c
mefme ie la prie de bon cœur &: humblement que ie puiile fentir fa faueur,moycnnant
toutefois que ma confeience me demeure entière.
I l n'eut point dit le mot,q plusieurs crieret tous d'vne voix,& principalement Bur-
no le Secrétaire: Voire,tu feras Prcftre marié,&: tu n'auras iamais offenie contre laloy»
Et Rogers refpondit ainfi:Qu.M n'auott violé aucune ordonnance de la Roine en cela,
nyaucuneioy publiquedUroyaume,veu qu'il auoit efté marié aulieuoùle mariagele-
gitime eftoit permis ÔC otttoyé par les loix. Et eftant incerrogué où il s'eftoit marié , il
leur refpondiCjEn Saxe. Etdit dauantage, que fi cela n'euft efté permis mefme au roy-
aume d'Angleterre lors qu'il partit d\Alemagne,il n'euft iamais laide le lieu où il eftoie
pour venir en Angleterre auec fa femme &c huit petits enfans . toutefois le cry du peu-
ple ne ce/Ta pas encore pour tout cela. Adonc il y en eut aucuns qui dirent qu'il eftoit
trop toft venu:Ies autres qu'il eftoit retourné à fon grand malheur auec tant d enfans:
& chacù difoit ce que bon luy fembloit. Vn entre les autres parla allez audacieufemet,
que nul homme ne peut eftre dit bon Chreftien, qui permet à vn Preftredefe marier.
Rogers refpondir,que l'Eglué vrayement iàintte ne defendoit point à quelque homme
que ce fuft,non mefmes aux Preft res de fc marier. Sur cela vn fergeant le mena hors de
la chambre, &: l'euefque de Vuigorne fe print encore à luy dire qu'il ne fauoit où eftoit
cefte Eglife catholique.Et Rogers debatoit au côtrairc, Que cefte Eglife n'eftoit point
cachee,&; qu'il la pourroit facilement monftrer , s'il en eftoit beloin. Voicy en fomme
quelles obic&ions furent faites ce iour-la àRogers,& aufli quelles furent fes refponfes.
Ileuft bien voulu recouurer quelque loifir d'elcrire au long tous les argumés defesad-
uerfaires,Ô£ aufli expliquer ce qu'il euft bien voulu relpondre , &c plus amplement qu'-
on ne luy auoit permis:mais ainfi qu'il fe vouloir mettre en train , ges luy furet cnuoyez
pour luy dénoncer qu'il luy falloir comparoiftre le lendemain deuant les luges, pour
refpondre plus amplement des chofes qui luy feroyent propofees.Et comme il cft con-
tenu au fommaire que luy mefme a rédigé par efcrit,il fe recommanda aux prières de
la vraye Eglife,&: tous les autres aufli qui eftoyenr perfecutez pour la mefme caufe. Auf
fi il recommanda fa femme qui eftoit làeftrangere,&: fes poures enfans. Cela fut fait le
xvn .iour de Iauuier,l'an m . d . l v .
L A féconde iournee tenue contre Iean Rogers le XVIII.de Ianuier,M.D.LV.
@||&§E iour enfuyuant il fut interrogué per Efticnne Gardiner euefque de Vuinceftre,
g|||^qui eftoit pour lors Chancelier du royaume d'Angleterre, aïïauoir s'il vouloir re-
noncer à fes erreurs,par lesquelles il auoit efté malheureufement abufé auparauant: &C
retourner en la locieté de l'eglife commune, approuuee par le Parlemcr,&: côfcntir a-
uec les Euefques &c tout le royaume,& iouyr de la mifericorde qui luy auoit efté propo-
fee le iour précèdent. A cela Rogers refpondit qu'il n'auoit pas bien confideré aupara-
uantquefignifioitceftemifericorde:maismaintenantil entendoitbien quec'eftoit lç
pardon &C reconciliation de l'eglife antichriftiéne desRomanilques: laquelle il prorefta
franchement de ne vouloir accepter. ÔC Ci on luy vouloir permettre,il fe faifçit fort de
cofermer par tefmoignages de la S. Efcriture, éc par authorité fuffifante des Docteurs
anciens
Jean Roger s» 297
anciens qui ont efté incontinent après les Apoftrcs,les chofes qu'il mettoit enauant.
Mais le Chancelier dit que cela ne luy fcfoitiamais permis : &fi n'eftoit pas raifonna-
ble auffi qu'il fe fift,veu que Rogers cftoit féul qui d'authorité priuee contredifoit au
décret & ordonnance publique du Parlementé cela ne fembloit necôuenable ne rai-
fonnable,que ce qui auoit efté ratifié &: eftably par tant de voix, fuft deffait par l'opi- i^fc;^
niond'vn feul homme. Et Rogers dir,Il eft certain que fi on regarde à l'authorité par- ^ " L
ticuliere de moylcul qui ne luisrieniieconfcfTe franchement ce que voUsditesrmaisla gcrUcon :
vertu &maiefté delà vérité des fain&es Efcritures eft telle , qu'il n'y a point fi grande fc,cncc»
authorité entre les hommes;ne les déterminations des Côciles ne font point de fi grâd
poids,que ma confcience en puifTe eftre obligée , finon que le tout foie approuuê &c ra-
tifié parla vérité de Dieu,à laquelle il faut neceflairement que toutes choies obeifTent
& quittent la place.
Rog e r s vouloit encore pourfuiurefon propos:mais le Chancelier laiflant le tout
fe mit à dire des calomnies.-difant qu'il n'y auoit rien en RogerS que pure ignorance Se
arrogance enflée. Quant à l'ignorance,Rogers refpondit qu'il n'eftoit point fi aueugle
qu'il ne vift:ne fi impudent, qu'il ne confcfîaft aufli que celle ignorance eftoit fi grande
6c plus que le Chancelier mefmene pouuoitdire:toutefois il n'eftoit point fi mal four-
ny d'aides de la pure doctrine,que moyennant la grâce de Iefus Chrift il ne fuft fuffifat
de prouuer ce qu'il auoit maintenu iufques à prefent,pourueu qu'ô luy permift de met
trela main à la plume. Dauantage qu'il n'eftoit point fi befte ne fi ighorant que lcChan
celicr le faifoit: toutefois quelque fauoir qu'il y euft , ilattribuoit Je tout à la grâce de
Dieu. Au demeurant le monde fauoit bien de quel cofté eftoit la plus grande ambitiô.
6c ce feroitvnpoure orgueil &miferab!e,que luy & les autres qui eftoyent prifonniers
fo us telles belles inhumaines*, eufiTent encore en eux quelque goutte d'ambition.
Adonc le Chancelier commença à aceufer Rogers,qu'il auoit dit publiquemet
en fes fermoris,que tant la Roine que tout le Royaume eftoyent obeififans à l'Ante-
chrift. Rogers dit, La Roine (à qui ie defire longue profperité)feroitafTez bénigne 6c
humaine enuers fes fuiets,fi elle n'eftoit empefehee par maUuaiS confeils.
L s Chancelier nia cela tout incontinenrafFermant que là Roine auoit toufiours
defon propre gré monftré le chemin à tous les autres , &quciamais elle n'auoitefté
poufTee de fon propre mouuement.
Rog e r s refpondit qu'il ne vouloit &: ne pourroitiamais croire cela. Sur quoyl'e-
ucfque de Carniljdodeur d' Adrifiajconfcrmoit que tous les autres Euefques rendoyét
tefmoignage de cela au Chancelier.
Ie croy&fay bien,ditRogcrs,que vous le ferez ainfî. Le peuple qui eftoit la pre-
fent,commença à foufrire.car en cefte iournee-la il y auoit plus grand nombre d'audi-
teurs d'entre le peuple,qu'en laiournee precedente:&leiour fuyuant à grand' peine y
eut-il la millième partie de ceux qui eftoyent venus pour ouyrxar on ne laifToit entrer
que ceux qui auoyent intelligéce & fait complot aucc les Euefques. Le Secrétaire Bur-
no,& vn autre officier de la cour de la Roine vouloyent aulîi teftifier pour i'euefque de
Vuinceftre:&: fur cela Rogers penfantqu'iceuxn'cftoyent pas des derniers ioueurs de
cefte farce,ditjEtbien,c'efttout vn,vouspouuez bien parler auffi. Voyant donc les
chofes eftre telles,& qluyfeul ne gaigheroit pas cotre tant de tefmoins:ôc qu'on leur
adioufteroit plus de foy en cela,quc non pas feulemêt à luy,mais auffi aux Ajjoftres &c à
îefus Chrift mefme,s'ils eufTcntefté là prelcns,il laifia tout . Lors on vint a ce poind,
que le Chancelier fe leuant de fon fiege,par forme de deuotion ofta fon bonnet,ce que
firent auffi les autres Euefques fes compagnons, &interrogua Rogers du Sacrement
du corps du SeigneurrafTauoir s'il croyoit que le mefme corps de Iefus Chrift, lequel eft
nay de la vierge Marie,&: lequel à efté pendu en la croix , fuft rcalement contenu en ce
facrement. S"nt*dd
Ro gers refpondit peu fur cefte queftion,côme ainfifoit qu'en cefte matière il cenc
fe fuft toufiours retenu, craignant de s'y fourrer trop auant , tellement qu'aucuns Frè-
res l'auoyent pour fufpeCt,comme fi en ceft endroit il euft voulu eftre de contraire opi-
nion.toutefois il refpondit ainû à ces Prélats vénérables, Quant à voftre opinion, 1 cfti-
me que comme prcfque tout le relie de voftre doctrine n'eft qu'erreur fondé fur violen
ce &: cruauté: auffi ce q vous enfeignez en cefte partie, eft féblable aux autres poin&s.
Car fi en difant queChrift eft règlement ou fubftantiellement au facremet de la Cene,
L/«ro ////. Jean Rogers
vous entendez qu'il y Toit corporellement, il eft certain que Iefus Chrift eft au ciel fclo
le corps:&: en celle forte il ne fe peut faire que tout cnfemble il loit corporellement 6c
au ciel 6c en voftre facremenc.De ce pointt-la Rogers print nouuelle occafion ,& com-
mença à le pleindreau Chancelier de la cruauté qu'il exerçoit iniquement contre luy.
Premièrement que (ans aucune forme de droit ou de iuftice il le tenoiten prilbn : que
défia il l'auoit là détenu vn an & demy,fans luy permettre qu'il s 'aidait d'aucune partie
de Ion bien pour fa nourriture, luy faifant grand tort en cela:Fay efté côtreint (diloit-il)
par voftre décret & ordonnance, de me contenir fix mois en ma maifon fans en fbrtir,
6c n'ay fréquenté peribnne en tout ce temps-la,&: n'ay point (brty hors pour deuifer fa-
milièrement aucc quelque homme que ce foit, afin qu'il n'y cuit rie en quoyon m'cull
acculé de n auoir obey à voftre volontc:& toutefois voftre inhumanité ne fc contentât
point de cela, a hit que i'ay elle îcy tourmeté en la prifon publiq,où fay demoute délia
vnancntiei à grans fraiz,ayant cependant ma femme &: dix tnfansenlamaifon.éV: voi
cy de tous mes biens 6c gages qui m'eftoyentdeuz de droit commun, vous ne fouiriez
que fen reçoiue vnfcul denier. Le Chancelier refp.ondit à cela, que le docteur Ridlé,
quiauoit baillé ces prébendes à Rogers, n'auoit pas tenu deuemétcelicu 6c puiftanec:
6c que pourtant ces rcuenus n'appartenoyent point de droit àRogcrs.
Roger s ,Quoyîleroy Edouard auffi,qui luy auoit donné cefte place, auroit-ilefté
vfurpateurdu royaume?carccfutàradueuduRoy qu'iceluy fut ordonné Euefique de
ceheu-la. Le Chancelicr,Ileft ainfi. Et quant 6c quant il vfa de plufïeursparolles ai-
gres pour amplifier le tort que ce Roy auoit fait tant à luy qu'auffi à Boncr euefquc de
Londres. Puis comme par forme de correction reprimant aucunement l'impudence
de fa bouche dehontee,dit,IIpourroitfembler que i'ay parlé trop exceffiuement con-
tre ce Roy,l'ayant appelé vlurpatcur du royaume: mais de l'abondance du cœur la bou
chc n'a peu autrement parler. Or quand il eut dit cela (dit Rogers) ie ne penfe poiac
pourtant qu'il fe (bit repéty de bon cœur de ce qu'il auoit dit. le luy pouuoye bien tenir
plus long propos fur cela:mais me reprimant ie luy demanday pourquoy il mauoitfaic
prifonnier.& il me refpondit,C'cft pource que tu as prcfchc contre la Roinc. Rogers
Fautïe ac- dit,Ie le nie.& fi pourroye bien monftrerpar raifonseuidentes, que cela eftvnecalom-
cuianon. me.g£ me fubmets à telle punition qu'on voudrais 'il y a homme qui me puifTe iuftemec
accuferdecela.En cefte predication-la il v auoit grand nombre d'auditeurs, &-ne fay
point difficulté de les appeler touj> pour tefmoins de mon innocence. Fay prefché au
temple de S. Paul vne fois:mais nul ne peut dire que i'aye rien proféré con tre la Roine.
Et outre cela Rogers alleguoit, qu'après auoir efté interrogué pour ce mefme fait, le
Chancelier luy mefme l'auoit laifte aller fans punition ne dommage.LeChancelier luy
cîit,Tu n'as pas laifTé toutefois de retourner à faire des leçons publiques , contre lade-
fenfe du Parlement. Et Rogers refpondit , Qu'on me face mourir , fi quelcun peut
prouuer ceia.cependant ie peux bien dire que vous m'auez afTez inciuilement traité &C
contre toutes loix tant diuines qu'humaines: veu que vous ne m'auez iamais voulu au-
parauant aduertir non pas d'vne feule parolle,ne m'enfeigner quand ie failloyc, ne co-
fereraueemoy d'aucunes de ces chofes,iufques à maintenant que vous auez le glaiuc
en vos mains pour me percer tout outre, d'autant que ie n'obtempère point à voftre
plaifir . ^ Or ce font-cy les principaux articles qui furent propofez en cefte iournee,
qui fut le xxvn i.delanuier. auparauant le fleur Hoper&: Cardmaker auoyent efté
mis en la torture. Si le temps l'euft permis,Rogers euft bien peu faire plus longue corn
plainte de l'inhumanité de fes ennemis.Or cefte cruauté fe déclare affez, en ce que ces
beftes cornues ont ofté aux poures prifonniers tons leurs biens-da'uâtage , preuariquas
contre leurs ordonnâces propres,les ont emprifonnez fans caufe,fàns les ouyr en leurs
defenfes:& les y ont longuement tenus. Encore y a-il vn point! qui eft pour mieux mô-
ftrer l'inhumanité du Chancelier : La femme dudit Rogers eftant enceinte partit de
Londres pour aller enla ville de Richmond, où eftoirle Chancelier : auquel elle vint
prcfentcrrequefte,& par plufieurs fois,eftant accompagnée de huit matrones l^onno-
rables.& encore il y eut vn perfonnage de renom 6c d'honneur,docteur en Loix, nome
M.Gofmold,quiprefentaaufii requefte au Chancelier pour Rogers. tant y a qu'il ne fut
nullement elmeu de tout cela,ains donna à cognoiftre ouuertement à tous quelle opi-
nion on doit auoir de la charité de ces antechrifts.
O r quatre heures fonnerent,&; le chancelier voulat mettre finauprocés,dit ,Nous
poui^
Jean Roger s. spf
pourrions bien dés maintenant donner fent£cc diffinitiue contre toy: toutesfois félon
la pitié & côpafsion de laquelle noftre eglife a accouftumé d'vfer toujours éuers ceux
qui font coulpables:or fus,nous te faifons encore cciî auantage*quc tu retournes derc
chef icy dcmam:& cependant aduifen* tu aimes que la vie telbit fauuce (ce que tu ob-
tiendras quand tu retourneras au giron de l'eglife catholique) ou bien fi tu veux périr
hors l'egliie.Et aptes que Rogers eut refpondu qu'il ne s'eftoit feparé de l'eglife catho-
Jique,le Chancelier luy dit, Cela eft autant comme fi de noftre eglife catholique tu Fai-
fois vne eglife dAncechrift.EtRogersditjIl eft ainfi,& nelepenfepointautrcment.Le
Chancelier interroga derechef Rogers touchant la doctrine du facrement: lequel ref-
pondit que leur doctrine eftoit corrompue & fauiTe.Il difoit cela aupe quelque vehemé Vegikdc
ce&c en eftendanr les bras:ô£cefte contenance defpleut à queicun qui eftoit là prefent, rA°tcdriê
lequel du, Il femble que ceftuy-cy veut iouer de paire-paiTe,& faire icy le battelcur.Ro-
gers ne refpondit rien à cefte forte gaudiilcrie.Et fur cela leChancelier pourfuy uit, cô-
mandant à Rogers de retourner le lendemain à dix heures. A quoy Rogers refpondit,
le ne refufe point de comparoiftre là où bon vous femblera . Et incontinent il fut re-
mené en prifon par quelques officiers & archers de la garde M.Iean Hooper eftoit
mené deuant. Il y auoic fi grande multitude qui les accompagnoit,qu a grand' peine
pouuoit-on palier par les rues. Voila cequifutfait cefte iournec-laj qui futlc xxvnii
iourdelanuicr.
L A troificme iouroec tenue centre Iean Roger» le XXIX «luditmoù.
|E lendemain qui eftoit le vingtneufieme iour de Iâuicr,Rogersfut derechef me-
!né par les officiers &: fergeansenuiron les neuf heurèsau temple, où lcConfeile-
ftoit aflemblé.Le Chancelier après auoir défia condâné Hooper, parla à Rogers:OC cô-
mença fon propos en remoriftrât de quelle cleméce il auoit vie enuers luyi&qu au lieu
dés le iour précèdent il euft peu prononcer fentehee de mort contre luy * toutefois il
luy auoit donné tem ps &C loifir de prendre adujs,o,ui eftoit plus que le droit ne portoir,
que Rogers ne meritoit:mais que maintenant l'heure eftoit venue , qu'il falloit qu'il
«déclarait fon intention,& de quelle affection il eftoit enuers l'eglife catholique , fans
rien diffimuler.-ailauoir s'il renonçoità fes premiers erreurs,*: s'il vouloit point confen
tir aux opinions communes des autres;
Rogers refpondit à cela,qu'ilfefouuenoit bien des argumens lefquels on luy a-
uok propoiez le iour precedent,& requit qu'on luy donnaft congé de parler , afin qu'il
peuft refpondre à iceux,&quand il auroit refpondu à ces argumcns,il refpondroit puis
après aux interrogations qui luy furent lors faites : Eftant hier deuant vous (diioit-il ) ie
vous prioye inftamment qu'il me tuft loifible de maintenir par eferit tarit ma perfonne
que mon aduis & opinion contre les obiections de mes aducrfaires:& confermoye que
ie rie feroye cela que par tefmoignages euidens desfainctes Efcritures , & par l'authori*
té de la plus pure Eglife,afin qu'il ne vousfemblaft qu'au fait mefine il y eut quelque in-
certitudejny en moy quelque feihtife.mais tât s'en faut q m'ayezaccordé ma requefte
que vous m'auez imputé cela à crime,que moy feul cÔtrc tat de gens,hôme priuc con-
tre les perfonnes eleuees en au thorité publique ; ofoyeainfi debatre : comme certes
(quelque chofe que ce fuft demoy)ie ne pourroye pas feUl debatre contre la prudence
de tout le royaume,ou ne deuoye par raifon me faire fort de rcfifter.Et toutefois il y a af
fez d'exem plesipar lefquels on pourroit bien monftrer , que quelquefois l'authorité de
tout vnConcile a acquiefeé à l'aduis &c opiniô d'vn feul,côme cela eft aduenu au côcile
deNicee. Défia on auoit là déterminé cotre les mariages légitimes des Preftresmonob-
ftant après que PajJhnutius feul fut ouy,tous aufii furent de contraire opinion : & quel- paplmutiu*
que authorité que tous les autres euiTent,toutcfois ils n'eurêt hôte de s'accorder au bÔ
aduis d'vn feul.i'ay auflî vn autre féblable excple.Outreplus l'authorité de S. Auguftin
au troifiemehure contre Maxence,chapitre 14. coriuicritaueccccy : lequel deuoitdif-
puter contre ceft hérétique ,& luy & fa partie aduerfe auoyent également l'authorité
de deux Conciles,par lesquelles vn chacun pouuôit également défendre fon party.De
luy, il ne voulut point faire valoir cela pour fa 4efenfe,&ne permit auflî à fon aduerfaire
de le faire de l'on cofté,afTermant qu'il falloit huiler toutes chofes , 6c s'arrefterau iuge-
ment de la parolle de Dieu:& qu'icelle ferôit vn bon luge également à tous deux, pouf
mettre fin à leur differcm.Ie pourroye bien aulli alléguer le teûnoignage de Panorm e,
Liure II IL JeanRçgérs.
quUjforœoicquilfaUoitplus attribtferàlaparolicd'vnfeul , encore qu'il fnft homme
«2ch«t ' ^ans lettre.SiCouwfois^topxjlant la pacolle de Dieu & la, vcrir,e,qua tout Je rcfte du C&.
;« Cécile*. cile,quelque {auoit,quelqueauthohté& magnificencequaly ait -le pente que ccxyfuf
fit pour donner à eognoiftre que rien ne me doitcmpëfcherquemoy feiUdcxilareruon
aduis contre toutes les vôix& opinions^ écwtlc Parkrtjîcnr,moycnrmnt^cla|Ku:ah
le de Dieu foiteoniointe aucc mon opinioxuEt ie Vous demande, Si le roy Henry r* i ti
aprçs auoir fait aflemblerie Senar&lcsrc&atSieuft ettec y da tout arrefté en ionciprit,
de condamner cefte Roine comme illégitime &: baftarde,oude le conftituér chef' Ibu»
ueraindel!Eglifc,&: que vous M.lc Chancelier, &: vous autres JEuciques euûïezcftc 11
prelenspourcn déterminer, tequ'icemy vous euft m arquez au doigt l'vnapresl autre
pour en dire vpftre aduis: neufliez- vous pas refponduincorrtincnr,Sire,ce qu'il plaira à
voftre maiefté>quil foit tenu pouffait?
Calomnies Q R q»eleun de la compagnie ne peut foufFrir que ie pariafle plus auant:& futeela le
du chance- Chancelier félon fa façon me dit fièrement en fe moquant , Secz-vous,monfieurledo-
^ £teur*Çe ruftre-cy cft icy appelé poureftre enfeigné &c admonnefté ,& il fe conftkuera
précepteur ou inftru&eur des autres.&: iercfpondy, le ne me fafchc point de me tenir
dehout,$C ne m'appartient point de racfoïr.mais quoyîpuis qu'il eft icy queftion de ma
vie,ne me fera-il point licite de parler pour mon innocence? Et le Châcelicrdit, Voircî
fe pourra- il faire que nous fou ririons que tu babilles icy,& que tu iafes en cette forte?Et
quant &: quant fe leuantdefaplace,&eiieuantfes fourcils,&fa veue arreftec fur moy,
penfoit bien de me faire vn mauuais tour . car il fentit bien que ie les grattoyc où il
leur demangeoit . \ Parquoy il tendoit du tout à cela , queparparollesoueftonne-
ment &: authorité il me déftou t naft du propos quéi'auoye commencé. Ce feroit cho
fe trop longue,de reciter tous les diicours qui furent tenus. le toucheray feulement en
bref ces poin&s principaux. QuantàreglifeRomaine,iaydit Amplement cequci'c*
fentoye,a«auoir que c'eftoit vne eglife d*À«techrift,cn laquelle \d Chancelier eucfquc
deVvinceftre& les autres Euefques tenoyent le principal lieu au royaume d'Angleter-
re. Intérrogué touchant le Sacrement du corps & du fang du Seigneur , i'ay reipotodu
que i'-en auoye aflèz parlé le iou raupartu*nt»& que ietâr dovtnne touchant leSaeremer
eft corrompue & falfincc.
On procéda puis après à la forme de l*r oftdamRa lie n.Et quand elle eut efté leue,ie
Articles de & dégradé auec exécrations & maudiffïms, & liuréà la puinance du bras fectilier pour
h condam- eftee mis àmort.En cefte forme de condamnation iîyauoit deux principaux poinftttJe
wàon de ppemier de Tc^life Romaine,laquclfe i'auoye appelée Eghfe 4e rAntechrifble second,
quèr auoye nié le Sacrement du corps & du (angdtfSéigneur.Ccs chofes ainûraitcs,ils
nous menèrent M.Hooper 6c moy en laprifon prochaine de la maifon de leuefquc de
Vvinceftre,pourycftregardcziu(qucsàlanuiâ. Delanousfufmes menez cri vne au-
tre prifoapubliquc,nommeePorte-ncuué,auec torches & grand nombre de gens ar-
mezpournous conduire.Hoopcr àllbitdeuant,conduit par Tvn des Capitaines, &lau
tre Capitaine me menoit. Il ne faut point pa/Tcf cecy,qu'apres que la fentencedecbn-
damnaEiô eut efté récitée ,1e Chancelier £c tournât vers le peuple, dit à haute voix que
i'eftoycexcommunié,aggraué&:reaggraué:cn telle forte quequiconquemarigeroit a-
uec moy,yoire me feroit quelque fecours,feroit excommunié de mcfme. Et à cela ie
refpondy airiiî:Ie fuis icy deuant la face de Dieu viuar,& fî affifte en la prefence de tous
ceux qui font icy en cefte noble affemblee,inuoquant& appelant mô Dieu en tefinoin
que ie ne me fens coulpisbie d'auoir enfeigné chofe iufques à prefent qui doràe eftre e-
ftimeeetreur,ou herefie,ou faune doctrine.Et dauantage,moniïeur le Reuerend,ic (ày
pour certain que le iourviendra,auquel vous & moy comparoiftrons deuant le fiegeiu
dicialdufouùerain&rrefiufteiuge : & me tien afTeuré qu'il approuuera mieux cefte
mcnTde miennc confciencc,qu'il nefera pas la voftre. l'efpercauniqueie ièray trouue vraye-
cefteaffeu- ment membre de l'Eglife catholique duFils de Dieu, & feray recucilly en la vie eter-
rance qu'a ncHc. £c quant à voftre eelife il ne falloir point que vous m'en excommuniffieZ , veu
delà %. qu il y a délia vingt ans panez que ie n y ay eu aucune communication : dequoy ie ren
de bon cœur grâces à Dieu. Or maintenant puis que vous eftes venus iufques au bout
de voftre entceprife^ien'ay phisriendeqUoyie vous puiiTe requérir, (inonqué permet^
tiez à ma poure femme de m e veriir voir icy en la prifon, afin que pour la dernière rois
ielapuiiTeconfoler^mcsdixenrans, & leur donner quelque inftru&iort auant que
mourir.
femlfooper. 2$p
mourir. Le Chancelier dit, Ce neft point ta femme. AquoyRogers refpondit, Sieft
vrayement, il y a dixneuf ans paûez. Le Chancelier , Quelque chofe qu'il y ait, elle ne
viendra pas. Rogers, Voila donc,i'ay bien efprouué la force &c pleine abondance de vo-
ftre charité. Mais vous qui auez en fi grand horreur le mariage des preftres, ne defdai-
gnezpasfi fort leurs concubines ou paillardes, fourfrans meimes publiquement leurs
paillardifes exécrables: comme non (eulement îcy en noftie pays de Galles , mais aulli
par toute la France teTEipagne les loix du Pape& les voftres permettent aux Preftres
d'auoir vn chacun fa putain. Le Chancelier me regardant de trauers, fur ce poinci s'en
alla,&: depuis ne le vy oneques.
Qv^a trï iours après, qui fut le quatrième de Fcurier, Rogers fut mené au lieu au- Sm Afiu
quel on exécute les mal-faitteurs, appelé Smythfîld. Ce fut le premier qui fut bruflé Ueude fup-
fous ce règne de Marie:car combien que M- Hooper euft receu condamnation deuant Pu«.
luy : û ne fut-il exécuté que cinq iours après Rogers en la ville de Gloceftre : dot il nous
faut parler confequemment.
IE AN HOOPER,^».
COMME il a cfké des premiers qui ont purement prefché l'Fuangile en Angleterre , non feulement du viuant du bonroy
Edouard, mais aufsi du règne de Marie:ainfi a-il perfeueré conftamment,en forte que ny opprobres,ne poureté, ne longue
phfon, ne l'horreur de la mon trefcruelle, de laquelle il fut execucé.ne l'ont fait chanceler : & nous a laiflé certain tefmoi-
gnage,quc les grâces & dons que Dieu a vne fois conférez aux fîens, font fans repentance.
I nous voulions reuoquer de plus haut les premières eftudes deleanHoo- M. D. LV.
per,illes faudroit déduire depuis le temps qu'il s'adonna aux lettres humai
nés en l'vniuerfitc d'Oxone : mais il fuffira de toucher comme depuis l'heu-
'reufe adrefle que Dieu luy donna par fa parolle,il commença d'eftre en liai
*ne des Théologiens d'Oxone, auec grand danger de fa personne , tout ieu-
ne qu'il eftoit. tellement que contraint par la pourfuite d'vn nommé Smyth, s'enfuit d'-
Angleterre en Alemagne:où il reiida quelques années, tant que feu de bonne mémoi-
re le roy Edouard lucceda à Hcn t y (on perc. Et lots îtuint en Angleterre auec fa fem- La femme
me qu'il auoitefpoufee à Bafle:&: comme nça de prelcher TEuangile librement & pure- d^j^de^
ment, auec a/Teurance grande dedans Londres. Il eitvray que du premier coup il ne Brabam.
monta pas en chaire , parce que farobbe eftoit différente de celle que portent commu-
némét gens d'egliie> ou bien qu'il n'auoit pas encores obtenu des Euefques permifîïon
de prefeher és temples : combien que le duc de Sommeifet lors gouuernat le royaume
l'euft difpenfé de cela. Cependant pouriuyuant toufiours le fil de fes fermons,&: repre-
nant viuement les mœurs du temps , &c la corruption de leglife , de tant plus fon elo- dên'oop".
quence fe manifeftoit qui rauifToit les perfonnes en admiratiô: de manière que c'eftoit
merueille de laconcurrence du peuple qui venoit ordinairement pour l'ouir. Sa dili- Diligence
gence eftoit fi grade, qu'il ne paifoit vn feul iour fans faire deux prefehes , ou trois quel- eHooPcr'
quesfois, félon que les chofes venoyent à propos. Bref,le trauail ne le peut iamais rom-
pre, ne les honneurs changer, ne les délices gafter, ne cefte vogue populaire efleuenvi-
uant au refte en telle rondeur &c intégrité, que mefmes la calomnie àc malice des hom-
mes ne trouuoit que mordre fur luy.
Qj, A N T
poflîble, le courage grand en toutes chofesrmais fur tout en adueriité: conlianten fon Hooper.
opinion, fobre en fon manger, Ôiplus en fon parler,vfant proprement du temps. De re-
ceuoir benienement toutes perfonnes,& leur aiïifter du moyen que Dieu luy donnoif.
il le faiioit humainement. Il auoit en fon vifage &: commun parler, vne granité honne- GTmit£ mo
fte,quelque peu moins familière &c pnuee que plusieurs euiTentdefiré: de forte que ce- daec.
ftc grauité ofFenfa quelque fois aucûs de la ville.En quoy ceux queChrift appelé au mi-
nifteredefaparolle,doyuentprédregarde dereiglernon feulement leur vie.mais auffi AduemiTe,
leur vifage &c cotenance exterieure-.de peur que ne voulâs eftre veus trop faciles ,ils tô- Maiftî«.
bentanvice côtraire,c'eft d'auoir pl9 de grauité&feuerité qu'il n'appartiét pour le ferui
ce de rEglife,8d'edificatiô du peuple du^ Vils ont charge.Toutefois on peut prefupoier
Ec.
au refte, il eftoit d'vne complexion afTcz forte, la famé bonne,i'efprit vif au ^n^îf"
Liurc^IIlI. Jean Hooper.
qu'il auoit quelque particulière occafion qui le mouuoit à cela.
Ayant ainfi continué fes fermons deuant le peuple , auec grand auancement &
Hooper c- profit , il fut appelé pour prefeher deuant le Roy :& fut fait Euefquc premièrement de
jei'oucde Gloccfti e,puis après de Vvigorne .mais mal heur vint s'oppofer à l'heur & félicité de
puis de wi- ce iainct pcrlonnagc, en cérémonies &: manière de faire iur la réception des Euefqucs,
gorne. touchant leurs habits &:accouftremés,&: (èmblables choies plus ambitieufesqu'vtiles
qui reftoyét encore en Angleterre:comme la tunique Epifcopale, &c vn fin roquet paf-
fant outre par deflîis les deux efpaules,puis le bonnet rond, fignifiant par fa quadratu-
re les quatre parties du mondc.Or ceft Euefque, comme il auoit toufiours mefprifé ces
beaux myfteres en la perfonne des autres, comme feruans plus de fnperftition que d'é-
dification, auflî ne fe pouuoit-il difpenferd'en vouloir vfer. Au moyen dequoy il s'adref-
faau Roy,lefupplianttreshumblemét quefon plaifirfuft,ou deluy ofterlcftat,ou bien
qu'il luy fuit loifible de le tenir fans s'obliger & infecter de telles cérémonies . ce que le
bon Roy luy accorda aulfi libéralement comme il auoit efté requis. Les autres EueL
Eftrif entre ques fe formalizerent au contraire pour leurs mafques& cérémonies, &: remonftreréc
d^rScKr5 c\uc^c^°^c^c^oyn cftoitpas de fi grande importance , qu'on en deuft faire tant de
«furies confeience : que le vice n'eltoit pas aux chofes, ains en l'abus d'icclles: & que de tant e-
remonics. ftriuer en chofes indifférentes, n'eltoit ne conuenable ne propre : &c qu on deuoit pluf-
toft reprimer l'audace &infolence de ceft Euefque nbuueau. Finalement fut tant pro-
cédé, que cependant que les vns& les autres taîchoyent défaire leurcaufe bonne, les
Eglifes reformées à l'Euangile, receurent grande playe, au grâd plaifir des aduerfaires.
Et en fut l'iflue telle, que les Euefqucs gaignans leur caufe, Hooper fut contraint de ve-
niriufques là, que pour le moins n fe monftreroit vnefoisau peuple en fon prefche e-
ftat affublé &: reueftu à la manière des autres Euefques : & qu'autrement on auoit con-
fpiré fa mort nonobftant le vouloir du Roy , dont le duc de SufFolc en aduertit Hooper.
Acquieflànt donc vne fois de iouer fon perfonnage,il vint auec cefte parure. Le verte-
ment premier eftort vnechafuble longue iufques aux talons , frangée en replieure,&:
rouge : par deflbus il auoit vn furpelis de fine toile: vn bonnet quarre, bien que la façon
de la tefte foit rôde.Chacun peut affezpenfer combien il fe trouua lors honteux en tel-
le nouueauté d'accouftremens , endurant cela pour le refped qu'il auoit de l'vtilité pu-
blique, le tairay le nom des aduerfaires, par ce qu eftans depuis faits amis ont efté cux-
mefmes exécutez du mefme martyre,& pour la mefme caufe que luy : &fufnra quepar
fat îïrLt cc rec*c ^e Lecteur foit aduerty combien la croix &perfecution eft neceffaire en l'Eglife
des différés de Iefus Chrift.Car comme nous voyons mefmes es Republiques, que bien fouuentv-
Icclciîifti- ne gUerre s'engendre d'vne paix trop granderainfî la trop grande tranquillité & aife des
gens Ecclefiaftiques caufe maintesfois des dirferens £ contentions bien grandes en
l'Eglife.
Davantage, il eft befoin pour le bien &: profit de l'Eglife de Iefus Chrift, que
tels exem pies de faincts peribhnages viennent quelque fois en lumière. Car fi le diffé-
rent de Paul &: Barnabas, fi le renoncement de fainct Pierre, fi l'adultère de Dauid ho-
micide, ainfi que tefmoigne rEfcriture,nous eft matière de grand aduertiflèment&S
confolation : auflî l'erreur &: faute que pourroyent auoir fait ces Martyrs,feruira àla po-
fterité,pour monftrer qu'on ne doit defefpcrer de la grâce &mifericordedeDieu en
noftre infirmité, puis que nous la voyons mefmes és fain&s Prophètes, Apoftrcs &C
Martyrs? Ainfidonques ce Martyr eftant efprouué par tant d'orages &: tempeftes, fe
retira en fes Eglifes :& refida l'efpace de deux ans & plus , fans aucun empefehement,
Hooper^ n'oubliant rien qui fer uift à l'inftrudion du peuple. Il ne fut moins louable en la mai-
ûfarruie" *on & inftitution de fa famille : tellement que bienquelaplufpart du temps il s'ercu
ployaft après fon troupeau :toutcsfois il referuoit quelques heures pourl'edification
de fes enfans*, &£ retormation de fes domeftiques . fi qu'on ne fauroit dire s'il fe
monftra auec plus d'honneur pere en fa maifon , que vray pafteur en public ÔCcn
l'Eglife, vfant en tous les deux endroits de mefme religion , mefme difeipline, mefme
faincteté & honnefteté.
Qv^e lqjh s gens de bien cqmfienr,qu'eftans en la maifon en la fale prochaine de
la chambre où il mâgeoit, ils ont veu vne table bien grande toute garnie de poures gés:
& qu'eux demandans aux feruiteurs que c'eftoit, refpondirent qu'ils aùoyent lcans
couftu-
JeanhTooper, 300
couftume d'amener &receuoir ordinairement certain nombre de poures, qu'ils pre-
noyent tant es maifons qu'en la rue,&: que l'Euefquc' difnoit après eux. Hpoper en vfa
ainfi l'efpace de deux ans & quelque peu dauantage, tant que viuant le roy Edouard, V-
eftat de la religion demeura en ion entier. Apres la mort d'Edouard , Marie Ce rua ou-
trageusement fur la Religion , &?fur les vrais (bruiteurs de Dieurdcfquels le premier fut
Hooper>auquel elle fît bailler afllgnation pour le trouuer à certain iour à la cour de Lô-
dres . &C ce poupdeux raifons:Premierement pour refpondre à l'euefque Hetee,duqucl
reuefché auoit efté baillé à Hooper, à caufe que Hetee perfiftoit encore en fonPapif-
me. Secondement , pour refpondre auflî à Boncr euefque de Londres , duquel il auoit:
efté l'vn des aceufateurs, lors que Boner fut conueincu &c priué de l'euefché, à caufe de
la do&rine Papiftique , laquelle il auoit publiée deuant le peuple à la Croix de S, Paul.
Hooper auoit preueu tout ce qui deuoit aduenir , quand aduercy par fes amis de fe {au-
uer pendant qu'il en auoit le moyen, dit franchement qu'il n'en feroit rien . qu'il laupic
fait vne fois , & qu'il s'eftoit en cclamonftréinconftant& coulpable. maintenant qu'il
y eftoit retombé, il eftoitrefolu de viure& mourir auecfon troupeau. Hooper s'eftanc
doncquesreprefenté auiourprefîx àLondres, qui fut le premier iourde Septembre,
m . d . l .1 1 1 .auant que refpondre à Hetee &: à Boner,fut mis en procez deuat la Roine &C
fon confeil, touchant quelques contes & argent prefté , pour raifon duquel on preten-
doit qu'il fuft obligé. Et eftant venu en iugement, l'euefque de Vvinceftre cômença de
le receuoir auec parolles iniurieufes. L'iflue fut qu'on luy cÔmanda d'aller en prifon : 1%
aduertiflànt fur le chemin que ce n eftoit point pour caufe delà Religion qu'on le me-
noit là,ains de certain conte d argét,duquel il eftoit tenu à la Roine. 11 fera monftré cy
après comme fauiTement on luy impofa cefte dette.
L'ann e e fuyuante, le 19. iourde Mars fut appelé derechef par le commandement
de l'euefque de Vvinceftre &: certains autres Commiflaires députez de par la Roine:
mais ne pouuat défendre fa caufe par l'importunitc dudit Euefque & la crierie de ceux
qui preûdoycnt au iugement, fut demis defonEuefché, Et pour monftrer comment Hoopcrde.
&pourquoycela fe ht , i'adioufteray icy les lettres d'vn perfonnage qui eJftoit prêtent
lors que cela fe faifoir.
Atteftation de la procédure tenue contre lean Hooper euefque de Vvigorne, en laquelle il fut fpolié defon Euef-
ché en la raaifon d'Efttenne Garduier euefque de Vvinceftre, le ij.de Mars, M. D. LIHI.auant Pafqucs.
V R T A N T que i'enten que le bruit du procez de M. Iean Hooper, & iugé &C
§yj§g|expedié par le Chancelier Gardinei & autres députez pour ce fai& , cft contraire
à verité:&: que,peut eftf e, il a efté femé par quelques vns qui prenoyent plaifir à defgui-
fer les chofes, îc qui cftoye prefent lors que lefaidî fe demenoit , ay penfé mon deuoir e-
ftre de defcouurir limplement &c fidèlement ce qui en eft, comme pour faire entendre
à tout le monde l'iniquité du iugement &C areft donné par les luges déléguez par la Roi
ne contre Hooper: lequel s'eft neantmoins porté enuers eux le plus humblement &C
modeftemet qu'ileft poffible,ne leur demandant iamais autre chofe , finô qu'il fuft ouy
en fes iuftifications : tellement que plufieurs qui auparauant vacilloyent entre les deux
religions , ne fachans laquelle prendre , fe font ce iour-la fentis comme refolus , voyans
d'vne part la cruauté de laquelle ces gens vfoyent contre ce perfonnage : &: au côtraire
fa douceur &C modeftie enuers eux.Et combien qu'on ne puuTe réciter icy tous les mots
defqucls vn chacun d'eux vfoit,ce qui euft efté bien difficile de recueilli r en fi grand de-
fordre ; toutesfois quant à l'ordre & fommaire des matières principales , commeil n'y a
ooint autre tefmoignage que de la propre confeience , ainii ne faut-il douter d'appelé*
a tefmoins tous ceux qui alïifterent à la procédure , fachans qu'ils diront comme r c n&,
pourueu que lai/Tans à part toutes affections, ils vueillent depofer félon ce qui en 1 ix .
LES EueJqucs de Vvinceftre, de Dunclmc, de Londrci, de Landaue,dc Ciceftre, luges députez pour faire le procez
à Iean Hooper.
|S T A N T Hooper appelé pour venir deuant ces Iuges^ut premièrement inter-
rogué s'il eftoit marié. Refpondit qu'ouy : & que rien ne pouuoit rompre ce ma-
riage que la feule mort. Lors l'euefque de Duaelme dit , Encore qu'il n'y euft autre
chofe>c'cft bien aflez pour vous rendre incapable de l'euefché que vous tenez. Cefte
caufe , rcfpondic Hooper, neft pas aflez vallablc se fuffifante, £ ce n'eft que vçu*
Ee.ii.
Liurcj II IL fa" Kooper.
vueillicz deroguer aux loix &: au droift reccu publiquemét en ce royaume. Il n'eut pas
fi roft dit cela, q les Iuges,&: ceux qui eftoyent à l'entourée mirent à crier, & à l'iniurier
& fe moquer de luy.L euefque de Ciceftre l 'appeloit Hypocrite: Bekenfal, & vn certain
Smyth feruiteurdeceuxduConfeiI,rappeloyent Beft«. Bref tous leietterent fur luy
aucc iniures &: opprobres:& après auoir fait le pis qu'ils peurenc ,1e Chancelier finale-
ment vint à dire, Si eft-ce qu'il eft fort facile à vn chacun de viure chaftemenr, s'il veut.
MauLyui &amenacepaflagedelTuâgile>oùilcftparlé de ceux qui fe font chaftrez pour le roy-
aume des deux. Auquel Hooper refpondit, que parce paffage il ne fe prouuoit pas qu'-
il rut en la puilfance d'vnchacun de viure chaftement , encore qu'il le vouluft:ains feu-
lement de ceux aufquels il eftoit donné. & prenant le texte vn peu de plus haut, &: l'ac-
commodant à ce qu i fuyuoic,fe print à le reciter : mais les crieries &: moqueries venans
derechef en ieu, le priuoyent de parler, &d'eftrc ouy& entendu. Hooper remonftra
comme mefmes par les Décrets anciens le mariage n'eftoit point interdit aux preftres:
& quant & quant allégua le pafTage. Mais le Chancelier allégua quelques autres canôs
pris des Clementines&: Extrauagantes,pour prouucr le contraire. Hooper infifta , di-
fant que ce qu'il auoit allégué n'eftoit point en ces liurcs-Ja. Le Chancelier seferiant,
Si n'aurez vous,dit-il,aucun autre liure,que vous ne foyezpaiTé par ceftuy-cy. Puis fou-
dain on fe mit à crier & faire tel bruit, que tout s'en ail oit pefle mefle làns fauoir q c'eft
Leiuge 4U ^s voul°yéc dire.Ccla fait,le iuge Morgan,apres luy auoir dit tout le mal qu'il peuft,
Morgan, commença à difeourir par le menu tout ce que Hooper auoit fait au diocefe de Gloce-
ftre , en puni/Tant ceux qui auoy ent forfait : difant que iamais tyran ne fe monftra plus
LeconcUc Cruel qu'il auoit fait en ce pays-la. Puis l'euefque de Ciceftre luy obie&a le Concile An-
Ancyrao. Cyran(laifeurant çftrcplus ancien que celuy dé Nicee)par lequel le mariage eftoit dé-
fendu aux preftres.
L e Chancelier &c plufieurs autres aucc luy criais contre Hooper, difoyent qu'il n a-
uoit iamais leu aucun Concile.I'en ay leu,dic Hooper : & monfieur de Ciceftre mefmc,
s'il veut dire la vérité, fait bien comme en ce grand Concile de Nicce il en fut autre-
ment ordonné par l'aduis d'vn certain Paphnuce, fauoir eft qu'aucun preftre eftat ma-
rié n'euft à fe diftraire & retirer de la compagnie de fa femme. Finalement après pla-
ceurs crieries, l'euefque de Dunelmc luy demada s'il ne croyoitpas que le propre corps
de Iefus Chrift fuft au Sacrement.Hooper dit qu'il n'eftime point que lefus Chrift y foie
corporellement comme ils entendent.Ceft Euefque tira quelque liure,faifantfemblâc
de Vouloir lire quelque chofe dedans pour la confirmation de fon proposé ne peut-on
fauoir quel ïiure c 'eftoit. Le Chancelier demanda de quelle authontéilnioitii opiniâ-
trement la prefenec corporelle de Iefus Chrift au Sacrement : réfppndit, De l'authori-
Aft.3,11. ^ &: fondement de la parolle de Dieu. & amenaquant &: quat le paiîage de l'Efctiture,
où il eft dit comme il faut qu'il refide là haut au ciel iufques au tem ps de la reftaura tien
de tous. L'autre palTa outre, difant que cela ne faifoit à proposé que rie n'empefehoit
qu'il ne peuft en vn mefme temps eftre& là haut au ciel,& au Sacrement. Celafait,on
commanda aux Notaires & Copiftes de rédiger par eferit premieremét comme Hoo-
per eftoit marié, &: qu'il nepouuoit eftreperfuadé delai/Ter fa femme : fecondement,
comme il nioit que la prefence corporelle de Iefus Chrift fuft au Sacrement,&c.
I'at iufques icy recité amplement le faid tel qu'il a cfté, félon qu'il s'eftprefenté à
la mémoire: hors mis que i'aypaile beaucoup d'iniures &f au/Tes aceufations de queL
ques-vns.
E»S C JL I T de Ican Hooper , touchant le traitement oui luy fut fait en prifon , & l'accufation
qu'on luy mettoit-lus.
§T5|)| A R ce que viuant Edouard,& fes loix eftans en vigueur , ils n'ont iamais peu mç
JyigQmoleftcr touchant le faid de la Religion, ils ont inuenté depuis vn autre moyen:
car il m'ont aceufé d'auoir receu quelque argent, & m'ont condamné à tenir prifon tât
qu'ils cuiTcnt le moyen de mettre-fus leurs eglifes, &c faire tout ce que bon leur femble-
roit. Premièrement donc partant deRychmonde,& arriué queiefuà Londres ,on
me mit en prifon : moins toutesfois eftroite , & auec plus de liberté qu'on ne fait à tous
Babyngton ordinairement: à caufedequoy me fallut bailler au Geôlier quinze efeus , lixioursa-
gcoiicr, pres monemprifonnemenr. Le Geôlier ayant receu ceftargent, ne demeura gueres
qu'il ne s'en allaft vers le Chancelier luy faire quelques plaintes de moy: tellement que
parle
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