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Full text of "Histoire des vrays tesmoins de la vérité de l'Evangile : qui de leur sang l'ont signée, depuis Jean Hus iusques autemps present"

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BR1600  .C82  1570 

Crespin,  Jean,  d.  1572. 

Histoire  des  vrays  tesmoins  de  la  vâeritâe  < 

l'Evangile  :  uui  de  leur  sanu  l'onl  sùaiâee.  < 


CENTRE  NATIONAL  DE  RECHERCHES  D'HISTOIRE  RELIGIEUSE, 
sous  la  direction  de  Paul  BONENFANT,  Professeur  à  l'Université  de  Bruxelles, 
Roger  AUBERT,  Professeur  à  l'Université  de  Louvain,  Raoul  VAN  CAENE- 
GEM,  Professeur  à  l'Université  de  Gand,  Léon-E.  HALKIN,  Professeur  à 
l'Université  de  Liège.  —  Anciens  directeurs  :  f  Albert  DE  MEYER  et  f  Léon 
VAN  DER  ESSEN,  Professeurs  à  l'Université  de  Louvain,  François-L.  GANS- 
HOF,  Professeur  émérite  à  l'Université  de  Gand.  —  Reproduction  anastatique 
par  les  ÉDITIONS  PHOTOGRAPHIQUES  MOSA,  à  Profondeville,  en  1964. 
—  Table  complémentaire,  in  fine,  pages  1  -  58  ,  rédigée  sous  la  direction  de 
Léon-E.  HALKIN.  —  Secrétariat  du  Centre,  41,  rue  du  Pèry,  Liège,  Belgique. 


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in  2014 


https://archive.org/details/histoiredesvrays01cres 


HISTOIRE 


Tcfi 


moins  delà  ven- 


des vrays 

TE  T>  £  LBVtAW^qiLEyQJJi 
de  leur fmg  l 'ontJ  fignéc^Jcpuis  Jean  lins 
tufques  au  temps  prefent. 


C  O  Ulf  P  R  I  N  S  E  E  N  VI  IL  LIT  K  F  S  CO  N  TE  N  of  X  V 
A&es  mémorables  du  Seigneur  en  l'infirmité  des  Çjcm  :  non  feulement 
contre  les  forcer  &  efforts  du  monde,  mais  aufsi  à  1  encontre  de  diucrics 
fortes  daiTaïus  &  Hercues  monftrueufes . 


L  £  S  Trefacu  monflrentj^jne  conformité  dc~>ïeflat  Eccleji  ;J!i 
qttC-j  en  ce  dermer  fieclc^,  a  celuy  de  la  primitmc^  Egli- 
JedejEsrs  Qhrist. 


P  0  C  A  L.     VI.  IX. 
ic.J  t'>  fous  l  auu  lie  $  urnes  dc^>  ceux  qui  *uoyeni  efit  tuez, pour  U paroles  des  Dieu,  &f>9*r 
kS>  iefmngHAg^j  qu'ils  mantcuo yens,    x .  Et  elles  c rtoyent  à  hautcJ  voixJifiHs,  JuJ 
que  s  a  quAndySeigncurfinuf  &  vtrUmhl<^,ncs  iugcst»t&  ncj venges -tu  nêftre^fAfig 
des  ceux  qui  habitent  eu  U  terres  ? 

L'ANCRE  t>  E    1  £  A  N  C  F.  E  S  P  I  N. 
*M.    2>.    L  X  X. 


A  L'EGLISE  DV 

s  e  j  g  &(^e  v 

ET     A    T  O  V  S     SES     VR   AIS  ENCANS 
effars  entrer  les  peuples  (f  nations  * 
I  E  A  N    CRESPIN,  S. 


ou  Trincz^ 
(commande- 


hf^&iS^s§ŒfêJ  iaUoy  affaÙ<->  À  quelque^  %oy 
4-y^^^^^crr^n  >  ivferof  deu  préface  qui  u„ 
(^^^^^'^H^  <r^'F0  lc  %  prrefenteroy  :  mais  enners  vous 


>o  bien-heureufL*  du  S  S  I  (f  J\(^£  V  R,  qui 
,aue7^nourry  ceux-cy  qui  vous  font*  offerts  en  cc^j 
VRjcueil,  Une  fi  ta  befbin  d  autre  recommandation, 
vfinon  qu'en  vous  nommante  la  *s%terç_s,votis  les  te  \\  ™crcdcs 
ccuie\jommc_j  vofires:aufquels  Jefus  Qhrïfi  vofbre^*  chef Çf  effoux,a 
lien  daigné  de  communiquer  /o  premier  degré  de  fon  ordres,  jls font* 
du  nombre^  de  ceux-la  qui  ck  long  temps  ont  entretenu  Ivne  des  prin- 
cipales marques  ,pjir  le/quelles  vous  efies  recogneue  vrnycs  merc_s  >  & 
dont*  aufi  vous  eftes  difcernee  d'auec  la faujfe  ^Maraflte,  qui  na  ceféPfeM , 
dés  vofire  teunejfe  vous faire  guerre^  mortelle:  cuidant*  vfùrper  vofire 
\l.  ice  &  dignité.  Et  d  autant*  quelle, ne fis  bafiorrds,oncques  ne feurent 
ru  ngaigner  fur  vous  .ils  tafehent*,  comme  auparauant*,  arracher 
aux  qui  vous  app  irtiennent>:ceux,dy-ie,  que^*  vous  aue^engendre^ 
de  [quels  elle  en  veut  voir fa  part  couppec  en  pièces,  (  comme  ladù  vnc^ 
mal-hewreufi  demnt*  le  throne  de  Solomon)fi  montrant*  telles  quelle  $; 
cftjwmicidc  altères  dufmg  qui  ne  luy  appartient  nullement*.  Elle  les 
penfe  tellement*  auoir  efioujfe^que  la  mémoire  en  fott  à  iamais  efieinte, 
&  que  du  tout  on  ne  s  en  apperfoiue  aucunement,  mais  il aduient  tout  au 
rebours  de  [es  de  (feins  :  car  en  voicy  quelque  bonne  partie  de  ces  derniers  re: 

/*•  '//  /    •  lin  mis  en  cô- 

ternps  remi.fe  en  meilleure  condition,que  quand  us  efioyent*  au  cours  de dition  mdi 
cefle  vie  humaine.  O  R  commet  de  long  temps  ten  ay  donné aduertiffe- 
ment, ce  ne font  point  des  os, ne  des  cheueux,n:  membres  de__*  leurs  corps, 
ne  quelques  haillop^s  ou  pièces  de  leurs  habiUemens, ne  fables  de  Légendes 
dorées, pour  les  recommander  &  en  faire  des  reliquaires, a  l'vfagc  de  cel- 


ccsRccuci 


La  accefsiw 

d'icCUX 


E  P  I  S  T  R  E 

le- la  Vojire  partie  aduerfe3&  de fia  Synagogue^  maudite  rmais  ce font* 
eux-mefmes  par  Uns  en  leurs  e  fait  s ,  confolans  &  enfignans  ceux  qui 
restent  encore  en  ce  fie  cowrfe*  Vous  y  verre^des  triopkes  qui  fiurpafifent 
t'vti  itté  de  tons  les  plus  magnifiques  que  le  mode  a  feu  onc  décerner  a  ceux  qui  raf 
"s  portoyent  pleine  victoire  des  ennemis,  Jl nefi  pas  quefiion  de  couronnes 
de  laurier, ne  de  ch.  y  lots     an  s  mais  dvnéfafon  nouuelle  de  veiner o 
e  fiant condamne ':  Çf  triopher  contre  tons  Tlacar s,  Décrets  (f  Ordonm 
ces  d'Empereurs  &  'R^où.  Çf  mener  captifs  les  exécuteurs  di  celles  lie^ 
de  chaînes  horribles.  Je  vous  y pre fente, en  fomme,  la  mature  dvne  belle 
hiftoire  Zcclefufiique  ,  quimonfire  la  mefme  façon  de  laquelle  Dieu 
a  de  tout  temps  coduit     gouuerne  les  vofircs.  Sapuifaicefa  protechô 
(f  la  fidélité  de  fos  promejfesy  font  entier  émet  exprimées  pratiquées, 
Voyos-ies  donc  en  leurs  [ofiefi ions,  Reffofè s  &  Di fautes  tenues  non  feu- 
lement cotre  ^MoinesfPrefires^  Docteurs fuppo fi  s  de  lAntechnfi  Rc 
main  ,  mais  contre  les  plus  pernicieux  ha  cliques  de  ce  teps,Seructifies, 
lAnabaptifies ,  épicuriens  -  fe fuites,  &  tant  dApoflats  dc^  la  vente. 
Voyons- le  s  aufii  en  leur  confiace  &  perfeuerace,afin  que  nom  en fioyom 
edifie'^Car  fitamais  il  a  efie  faifon  do  propofer  ces  exemples  fi  umais 
6  les  fidèles  ont;  eu  befbm  d'efire  conferme^au  milieu  d'vn  déluge  de^ 
maux  >  qui  efi-ce  qui  ne  voit  que  /o  temps  d'auiourdhuy  le  requiert? 
far  y  eut -il  iamais  miroir  propoféau  monde  pour  reprefnter  plus  au  vj 
les  furies  infernales  defehamees  ,pour  remplir  toute  la  ter  re  de  trouble  s 
&  cohfufions  ?  T  eut-il  ïamais  orgueil  plus furieufèmentj  enuenime  co- 
tre Dieu,que  nous  ï expérimentons &  voyons  a  préféré?  T  eut-il  ïamais 
ignorance  plus  impudente?  Les  confidences  des  hommes  ont-elles  iamais 
e  fié  plus  contraires  &  répugnantes  a  ce  doivL>  elles  font  neantmoins  con- 
tejïïm  urincues?!  eut-il  ïamais  des  herefies  excogitees  plus  monftrueufes? vit- 
lc"  ?"     on  iamais  des  fecles  plus  pernicieujès  :  ne  la  vraye  âotlrine  foulée  aux 
pieds  de  plus  grande  arrogance  ?  le  nom  de  Dieu  fut -d  on  que  s  bkjpbcmi 
plus  hardiment^  quil  efi  auwurdhuy  ?  les  Apoftatsiqui  de  malice  déli- 
bérée fon?L>  la  guerre  à  la  ver  lté  qu'ils  ont;  cognue ,  ont -ils  iamats  leué/es 
cornes  dvne  Japon  plus  audacieufe?  T  a  -iljbref  ïamais  eu  telle  confit fi on 
que  celle  que  nous  voyons  maintenante  ?  &  voicy  cependant^  la  b  ont  t 
de  nofire  Dieu ,  qui  en  ce  grand  defordre  nous  enuironne  plus  que  iamaù 
de  fa  lumière 0  par  fia  mifericorde  non  feulement-»  nous  entretu  îvL>  en 
la  fiorterefifc_j  de  fa  venté,  mais  aufti  reflabht  &  remet -fus  /e  précieux 
L(  aciioi!  édifice  de fa  maifon,par  la  prédication  de fa  pure  parollc^.Tuis  donc  épi- 
j  r3j£T  on  voit  telle  munificence^  de  fa  bonté  en  ce  temps,  il  eïl  requis  que  tou 
fon  du  '  53  mettent^  la  main  à  rebafiir  les  ruines redrefifer  les  murailles  de  ceHt_ 
gMW'     maifon.  La  remonfirance  quia  efie  fiait  e  autres  fois par  le  Trophete  <*Ag- 

& 


A  L'EGLISE. 

gee  au  peuple  des  Juifs, efi  digne  maintenante ,  comme  en  cas  femblable, 
défirent  mifè  audeuarvU  :  Auez-vous  ,  dit-il ,  le  temps  pour  habiter  en  vos  Aggee 
maufons  lambriiïees,&  la  maiion  du  Seigneur  fera  deferte?  montez  en  la  monta-  *' 
gne,portez-du  bois,&  édifiez  le  cemple,&  i  y  prejidray  mon  pîaifir,  ôc  feray  glo- 
rifient le  Seigneur .  Q^j\ là  'vous ,  en  fans  de  tEglif^  du  Seigneur ,  auf- 
quels  s  adreffe  cejh  admonition ,  puis  que  'Dieu  vous  fait  la  mefme  gra- 
ce, qu  après  va  longe xil &  tantj  de  calamité^  il  parfait  deuantj  vous 
tœuure  de  vofire  réparation,  flefivray  qu'on  donnera  beaucoup  icm  v- 
fchemens  à  ce  fie  befoignedes  <votfem  la  troubler oivUfâ  defiourneron*  'es 
ouuricrs  dvn  œuurefifaincl  :  mais  regardons  les  moyens  que  Dieu  a  t  e- 
nuspour  commencer  ce  baftiment,  (f  la  faneur  qu  il  a  donnée  a  ceux  qui 
en  ont  ictte  comme les fondemens  de  ce  temps  .&  vous  cognoifire^auc^j 
tout  a  efté'pourfuyui  heureufement-j  contre  toute  efierance  humaine.  Et 
fans  recercher  les  exemples  de  plu*  loin,  voye^comment  le  Seigneur  a  be 
foigne&  continue  de  befoigner  al  endroit  dvne  ville  de  Çcneuc^.ccm-  x  t  L 
bien  de  dangers  [ont  emùronnee, combien  d ennemis  &  dehors  &  dedans 
t  ont  a/faillie     comment  le  Seigneur  ta  non  feulement  garent  le, mais  auf 
filuya fait  cefte  grâce, qués  temps  les  plus  peruers  &  dwersj/l'a  confti- 
tuee  nourrice  &  tutrice de  fes pour  es  fidèles dechafiè^de toutes  pars  hors 
de  leurs  pay s,  ayant,  de  die '  ce  fie  ville  afon  J^om,  £?  pour  vn  domicile 
des  fiens.Je  dy  ce  c y  pour  ce  que  d  elle, comme  dvne  Efole  de  pieté,  grand 
nombre  de  sf/Vl  artyrs  contenus  en  ces  Recueils  font  fortis  :  defquels,ainfi 
que  vous, o  Eglife,en  eftes  ornée, au  fît  le  bien  &  loyeen  paruiendraatou 
tes  nations  .Car  four  oit -on  auoir  en  ces  dernier  s  temps  pleins  de  calami- 
te^chofède  plus  grande  confiât  ion  ?  T  a-il  prefent-j  qu'on  puiffe  offrir 
plus  necejfaire  que  tels  exemples  de  la  constance  de  tant  de  fidèles  ^Tcfi 
moins  de  lEuangile  qui  nous  mon  firent  le  chemin?  Fru/lrerions-nous  la 
poflerité  dvn fiwél  fi  grand par  nofire  nonchalance  ?  Lancienn&té  nous 
enfiigne  autrement*  laquelle  a  bien  confideré  comment  ceux  qui  venoyent 
après  ,efloycrit  enrichis  des  bénéfices  cf  exemples  de  ceux  qui  auoyeni'^ 
précédé  au  combat:  &  ce  parla  bonté  de  Dieu  qui  fait  valoir  le  fangdes 
fiens  a  ce  fie  fin ,  comme  plus  amplement  le  mefme  fera  déduit  par  la  Tre- 
facc_j  fuyuante,  en  laquelle  nous  rendons  raifon  de  toutes  ceflc^ pre- 
fente  H ifloire .Les  Martyrs  anciens, dira  -  on  :efioyeW&  ex  celle  71s  en  plu-  ^ 
ficurs  for  te  s. Cela  eft  vraj.  mais fi  ceux  qui  ont  efiéiadis  fpeclïiteurs ,  re-  [c 
gardoyent  auiourdhuy  les  tour  mens  &  afflj cï -ions de  ces  derniers  temps, 
ils  verroyent  chofes  merueilleufes  &  nouueiles.  Le  nombre  des  anciens  e- 
flott  grand:  le  nombre  des  nojtres  quel  efi-il?  Ceux-la  ont  apporté  grand 
fiuicl     adnanccmewL>  à  tEuangde*:  la  confiance  des  nofire  s  fe  fait  fi 
bien fentir  auiourdhuy ,  quelle  donne  affe^a  cognoifire,  que  la  fureur  des 


ITUlî. 

c 


Gracie? 


Genetë 


EPIS  T  RE  A  L'EGLISE, 

tyrans  ri aduance  pas  de  beaucoup  ce  qui/s  défirent  :  oins  fait  croijlre  le 
nombre  de  ceux  qu'ils  veulent  ext  erminer.  0,sils pouuoyent  entedre  que 
Dieu  ejbargne  le  monde  pour  l amour  des  fiens, ils  les  auroyent  en  toutes 
hgBuéte autre  efiimeli  Jls cognoiflroyen±~> quaufii  longtemps que \J\Q  oé héraut 
btS     de  Uijrice  a  eftéfm  la  terre, le  S  eigneur  a  prolonge  le  teps  de fa  vengean- 
e  extrême  :  &  quaufii  tofi  qu'il  eufl  mis  les  pieds  dedans  I arche,  le  de-* 
hge  i'orrihle  fbudain fut  enuoyé pour  couurirCf  defituire  tous  les  mefi 
chans!  fis  apprendroyent  aux  dépens  de  Sodome>  qu  incontinent  quel- 
a/Jlnre  eut' pins  Loth  le  iujlepar  la  ?nain,&  emmené  dehors  Je foulphre 
feu  du  aelconfuma  de  fond  en  comble  les  habïmns  auec  tout  le  pays 
&  villes  an  onuoifines  lau  contr,  nre/jue  la  mille  de  Segor,  en  laquelle  d 
demada  dhabiter,  fut  épargnée  a  caufe  de  luy  !  Jls  entendroyent  qiŒ~ 
gypte  a  efté  bénite  de  fertilité     abodance  a  caufe  de  Jofeph.  Et  qui  vou 
ara  en  ces  derniers  teps  ohferuer  &  remarquer  la  me  fines  miroirs  ,  cèpe 
Hijioirc  en  pourra  fournir  de  plans  argnméts.  ffO  R  noftre  deuoir  fera 
de  remercier  le  S  eigneur  £f  de  linuoquei  d affection  ardente,  luy  recom- 
mandante fa  caufe  &  fa  quert  lle:&  que  de  plus  en  plus  la  a  h 
doctrine  de  fin  Euangûe  foit  ?nanifefee  auynilieu 
des  horribles  confufions  de  ce  dernier  aa- 


du  monde^ . 
*** 


À  V    PERSECVTEYR    DE  L'EGLISE, 

HNNEMYDE     CE  LIVRE* 

Tourquoy  fus-tu fi  laide  &*  grifè  mineuy 

O  poure  aueuglc^yî'/nor ant^arrité 

Qomre  ce  Liure? En  es-tu  défaite, 
°y->&  À  toy  refemblante  vermine^? 
Je  fay  trcfbien  que  rage  ion  cœur  mine^, 

Ue  ^voir  de  Qmft  le  royaume  exali  é: 

€t  qu'au  rebours  de  ce  qùas  areïic, 

En  fes  sïïftartyrs  ores  <vit  &  domine**: 
Qe  ncantmows  toy-mefme  es  linfirumcnfa 

De  tels  effets s9 fans  cognoïfirc^  coïnmcnL: 

^Appren-le  donc?  Si  par  cruel  martyre^ 
"Tu  ne  met  t  ois  les  Fidèles  a  mort, 

J^ous  ne^j  pourrions 'fans  te faire  grand  tort, 

*?iïettre^>  en  auawU  ces  cJ\ecueils pour  les  //rO. 

PREFACE 


PREFACE    MONSTRANT    V.  NE 

C  0  0  I  T  E   D  6  S    T  E 

S  E  C  V  T  I  O  N  S,    ET    MARTYRS   DE  CES 

derniers  temps  a  ceux  de  la  première  Egltji^  : 
avec: 

V  E  C  O  K^O         I  E     ET    D  I  S  P  Q- 

firion  des  VIII.  Liures  de  cefte  Hiftoire. 


irnSM 


V  1  C  O  N  Qjf E  a  dit  le premier ,Que  les  afflictions  font  les 
vrais  commentaires  de  lal'aincfcc  Elnicurc,^  a  confédéré  de  bien 
près  qu 'il  riy  a  enfeignemem  plus  neceffaire^>  aux  Fidèle  s^pour  en- 
jT>  ^Jii»l*$\î£\      wd'^ à  bon  efcient  lesconfolationsdc^'fEfiritde^Dieu^ejrtrou- 
g£  (j^:*V  l*^)  ij£  tter  le-Jvra)  contentement  dc~  la  confeienc^  que^defh'tLJ exercé 
•  Kjfw]  V»  $:/Ë\ Par dtterfes  tribulations .  Vray  (fique^silnyauoitque^lt%fflUlion 
^kt^^^?î  fmlementycefiroitbien  peu  dechofe-j-,  d'autant  quc^plufieurs  endtf- 
i^m^^^y^if^  »  ••  v'  rr,2t"  ^nCqneïs  l  aduerfitên  apporter  qu  z~>  tourment  au  cœur  :  ou  bien 
^'^^^Lés  ne  donne  aucun  cont  entement .  mais  il  faut  qu'il  y  ait  vn  fondement 
fur  lequel  lafpûïon  eflant  appuye^elle-Jpuiffc  feruirde  confirmation  a  lafoy.  Par  fautes  de^j  ^  '™J,lt'  * 
ce \ fondement ,  la  croix  d^j  Iefius  Chrifi  efideuant  ItLJ  mnnde  filiez  cj  fcandali^,  de  fortes 
qu'on  s'en  mozque ,  ne  filmant  pas  queDieu  vif  te par croix &tribulat  onsfincn  les?nefihanst 
pour  leurs  démérites.  Pour  ce  fie  caufe  les  mondains  efiiment  leur  vie  cr  leurs  ceuures  efrcplaifan 
tes  a  Dieu, à  caufe  qu'ils  ne  font  pas  vifitez,  défis  chaflimens  fie  moejnans  despotires  Chrefiiens, 
quand  ils  wyent  qu'ils  abandonnent  pour  leur  Religion ,  ncr, •  feulement  pere,  merefieres^faeurs, 
maifons  é'  héritages,  maïs  au  fit  leur  propre  vies:  ojfrans  à  Dieu  par  toutes  fortes  de  perfhution 
&  leurs  corps  &  l-nrs  eun.es .  C^tugementperucrs  é"  corrvnpu  eftpourfa  bille  apparenœfiort  i.Cot.i.j+ 
pU'tfianl  a  li  cih::r,aiaitfè  qu  clic  negouflc ne fauour^  rien  dis  chofis  celejhs  ^tins  feulement  olj 
qui  <  (l  i  hareu  I  eù'  te»  re/îre,  aimant  mieux  l'honneur  &  amitié  de  ce  monde,  que^>  la  vie  &  çloire 
tt  er, 'i elle  Jl  t  nU  la  pet  m 'le  <  in  Scgn  cur  doit  fierutr  aux  fdeles  de  l  ouclier}p  ou  y  r,  pouffer  t  eu  t  es  ten 
tations  &  tillechcmcns  quipourroyét  difiraire  eu  dtuerardu  droit  chemin. Et  fe  voyans  tourmen- 
te z.par  fia  )  eurs  ordinaires ypar paieries ,pri  fans ,bannifftmens  tortures ,&  toutes  créées  defuppli - 
ce  ytls  doiv.ent confiderer en  vfihange  tant  d' auantages  qui  n  /cernent  de  ces  tmfîres  :  eyà  ïop-* 
pofuc  les  dommages  que  çaufient  les  repos  é'  félicitez,  trop  longues  .  ^  t  cecy  les  exemples  des  vail- 
lavs  champions ,  qui  ont  paffé  par  ces  combat  s, & par  leur  mort  fuvnonté  toutes  a.fiH'cHons  yfoni 
TnerneilUufcment.vt'les  d1*  necejj'aires -.moyennant  que  ce  (oyentde  aux  la  qui  ayent  en  le  fonde- 
ment dejjlfdit : rewerque:  </('ffi/;/-m/<r«^y2^^,poiiriullicts:ipourIc nom  deChriir,  M  (}r 
?  comme  On  clbrns  ej'  en  bien  ï^Xeint.yiqucyfurtûiirfiutprend/egvdeJ'autantque^Sa-  '  J''t^'I0', 
tan  votant  que  le;  vrais fruitenrs  de  Dieu  fou  fient  pour  la  vertti,il  atafebé,  romre  vn fivge~s,  1  ri,:r  4»  t*. 
d'au  on  ai  fi  des  martyrs  d  er;  cur  d' de  m  enfin  geôles  mettant  en  au  a  Vf  auprès  des  vrais  tefnoms  I#pitr'2 
del'Euangile.Ce  qu:  nous  voyons  qu'encore  auiourdhuy  il prattique  * parvhcficie  dc.jgens  qui  *A»Vm~bM 
fipxvntitredelapjrollfde  Dieu fii'ffransperfccuîion /Hafquez.  d  apparence  de  fincJcte',c>t>fiur-  p«:Uj."jb^ 
cifet  dvnewcruciL'atfifiu  i  n  la  venté,  afin  qu'elle  ne  put  fié  cftre  difeernee  d'entre  lemefonge.Si 
les  fruit  eurs  de  Dieu  font  des  /?ierueilles(comme  jadis  CMo^fi  en  Egypte)  pour  demonfirerla  puif 
fiance  de  Dieu  ,& induire les  Rois  à  dcliurerl  Eglifedecaptiuité  :  le  Diable  fiait atfii & oppofi  les  Exoi  ■ 
miracles  de fies  enchanteur  i  jarlefiruels  il  endurcit  déplus  en  plus  les  cœurs  des  Pharaons,  de for' 

«.  mit 


CONFORMITE  DESMARTYRS 
te  qu'Us  ne  donnent  heu  quelconque  aux  fignes  merueilleux  ejr  playes  horribles  que  Dieu fait & 
exécute  lournetiement  deuant  leurs  yeux. Ceux  donc  s' abufent ,qui  arreftent  pluftoftteur  veucfur 
Us  croix  &  peines  (qui  ne fontpoint  le  Martyr)  que fur  infaillible fondcmct  de la vérité JLaqueU 
le feule  monftre  la  diuerfité  deTfoufrances  des  vrais  &  faux  Chreftiens .  Vray  eftque  les  heretï 
que  s  aurot  de  belles  œuures  en  apparence, corne  les  arbres  fauuages  portent  aup  des  fruicts  quire- 
femblent extérieurement aux  bons,ejr  font  ornez,  de  force  belles  fueilles-.mais  et  autant  qu'ils font 
hors  de  Chnft,& par confiquet de  la  voye,de  la  vérité  &:  de  la \\ç,leurfoy  eftmauuatfi,  ejr  leur 
croix forclofe  de  bénédiction.  ^La  doctrine  donc  ejr  confefion  defoy  font  les  fruicts  entre  tous  au- 
tres plus  notables  ejr  certains  du  vray  fondement  de  lafoy:  &  aufquels  il  faut ftccialements'arre- 
ster  en  ces  Recueils  Eccleftaftiques  qui  font  dreffez  ésV  1 1 J.ltures  de  cefte  hiftoire  Ecclefiaftiqu  e, 
pour  iuger  du  fait  des  CMartyrsparla  parollede  Dieu.  ^  ££j*efile  Seigneur  a  donné  k  leur  mort 
iffue  telle  que  l'ont  eue  les  Martyrs  de  Cancie ne  Eglife,en  vne  mefme  confefioh  de  doctrine, ne  les 
a-il  pas  aufîi  voulu  mettre  au  mefme  roolle,ejr fanctifer  leur  mémoire  a  iamaù?  triais  encores  a- 
fin  que  toute  difficulté  foit  oftee ,  qui  pourroitempefeher  les  ignerans  de  tenir  ceux-cy  du  dernier 
aage  peur  vrais  CMartyrs  ejr fidèles  feruiteurs  de  Dieu/adiousteray  quelque  conférence  des  plus 
excelles  &  finguliers  que  l'E friture  nom  propofe  pour  vrais  miroirs  ejr  patrons  de  ^Martyrs,  afin- 
demonftrer  que  d 'vne mefme  caufe  il  y  a  eu  de  touttemps  les  mefme  s  efects  &  procédures  tant  e» 
aceufations,  que  iugemens  ejr  condamnations. 
i  e  a  n        ^SIX  A  ^T'^Ih  anBaptistï  ,legrad  Prophète  du  T res haut,  fès  plus  enragez  per 
b  a  p  t.  fècuteurs, furent  les  plus  gras  en  authorité,en  miniftere,en  degré  d'office,  les  plus  doctes  &faincts 
de  tous  les  autres,  ils  l'aceufoyent  qu'il  vfurpott  le  mimftere  de  prefeher de fi  propre  outrecuidance, 
MatA.3.    fans  la  volonté  de  ceux  qui  auoyent  la  charge  de  l'Eglfe  :  Quil  enfeignoit  vne  doctrine  nouuelle, 
l»*3-      &  diuerfe  de  celle  qu'on  annoncoit  ordinairement  és  Synagogues  :  Jgiïil  monfirott  vn  CMefiits 
fao  U      qui  n'auoit  aucune  apparece  de  Roy  ,abiect ,poure  &  fubiet  à  toute  mifere:  J£uilreprenoit  les  gratis 
gouuemeurs  de  tEglifi,de  ce  qu'ils  auoyent  falfifé&  corrompu  la  doctrine  de  Dieu:gu[il  vfiitde 
faroUes  comme  foudres  etext  ommunication  contre  eux:J£g'il  affermoit  que  tout  le  gouuernemeut 
de  LMoyfi  ejloit  venu  à  fin  but ,  ejr  qu'vne  autre  forme  dé  Religion  deuoit  ejbre  ordonnée:  J%mlj 
mefme  tlbaptifiit  au  Iordain  :  ejr predifoit  la  reiectton  etyrutne  de  tout  le  peuple ,  ejr  U  vocation 
des  Gentils. ils  auoyent  bien  volonté  de  le  mettre  à  mort  :mav  la  pmffance  ejr faculté  leur  defaiU 
lottje peuple les retenant en  bride.  Tant  y  a  qu'il  endurafvne  autre  perfecutiond'ticnies  fis  du 
f rentier  fier  ode  s,  ejr  Tetr arche  de  Galilée ,  qui  auoit  raut  la femme  de  fin frère  Philippe .  ejr  le  fit 
mourir pour  ce  que  lean  le  reprenoit  d'vn  tel forfait,  ejr  dès  maux  qu'il  auoit  comis .   T  a-il  en  ce- 
Ile  procédai -échangez  les  noms  ejr  quafitez  des  temps  tjrper[onnes)chofe  qui  ne  foit  exécutée  e» 
ceux  des fiecles  derniers?  ^ 
1  c  s  v  s         ^  s  j  mus  venons  au  propre  Fils  du  Dieu  viufo,!  eusChrist  ,nous  trouuerons  qu'il 
'  a  eu  des  ennemis  beaucoup  plus  terribles  ejr  enuenimez  qu'homme  qui  aitiamais  efté;aufii  efioit- 
ïlvenu  au  monde  pour  entrer  en  vne  guerre  merueilleufe  contre  les  ennemis  de  Dieu  ejr  de  tout  U 
»      genre  humain.On  a  premièrement  procédé  contre  luypar queftions  ejr  di(putes  cauteleufes,  &par 
lean  7,8,&  outrageufes.  Ses  ennemis  l'ont  appellé 1  Samaritain  ,poffedédu  Diable ,  chajfant  hors  les 

1      Diables  au  nom  de  lB  eel-zebub:  gourmand  ejryurogne,  amy  des peagers .  il  a  efté  s  excommunié 
hlu.9A  n.  jg  synagogue ,aucc  décret  que  tous  qui  le  confie Jfiroyent  eftre  Chrft,feroyent  chaffez  de  mefme. 
\<ua9&.v.Et  nonobftant  il  n'a  iamais  laiffé  de  pourfuyure fa  vocation ,  combien  qu'ils  ejfiajfent  a  toutes  heu- 
res opportunité delefairemourir.il a  aufi  efté fouuent  affaillyparrufes  ejr  cautelles/naisilles  re/t 
uo yoit  toufiours  auec  vne fi  grande  prudence,  modération ,  ejr  reprehenfion fi  graue, qu'ils  eftoyent 
contraints  tout  confus  de  luy  quitter  la  place.  Nonobftant  prenans  quelquefois  des  pierres, luy  eufi 
4  fent  fait  outrage  s'il  ne  fe  fuft  retiré.  Ceux  mefme  de  Nazareth  furent  tellement  offenfez  de  fespre 
j4*     dications,  qu'ils  l'euffent  ictté  du  haut  en  bas  d'vne  motagne,s  il nefuft  efihappA  de  leurs  mains 
Muxh.it.  contre  toute  opmion.ne  laiffant  point  pour  tout  cela  de  pourfuyure fin  office  en  quelque  lieu  qu'il  fi 
L  uc  I3,  &  trouuafi-  Finalemet  cognoiffant  l'heure  de  fa  pafton  ordonnée  de  Dieu,eftre  venue,  feujfrit  que  les 
itan  7,&  10  feldats  de  Pitate  ejr  les  officiers  des  Sacrificateurs  le  prinfint.Et  combien  qu'il y  eut  peu  reftfter(ccs 
Icin7  Se»  qu'4monftraclairementquatidtoutelabandeejr  Iudas tombèrent a larenuerfe a  ce feulmot qu'* 
k  U  dit, Ce  liiis-icj  toutesfoisilfeprefenta  a  fis  ennemis  de  fin  bon  gré. Les  principaux  points  de fis 

Luc  ij 


accufations  quels furent-ils? g£U  enfeignoit  fans  vocation 5  légitime: Jgu  il fi  difoit  eftre  le  6  Mef 


uc  *'*  fias  :  ejr  eftre  Fils  de  Dieu ,  &  mefme y  égal  a  Dieu  le  Pere  :  Wtl  trou  b  bit  la  religion  ordonnée 
Matth.  9.  par  CMojfi  filon LaparoUe  de  Dieu,& fidutfiit s  le  peuple  :  £ue  quant  au falut,  ilcondamnoit  la 
ieau'i,  &  iufi^e œ*ures: J^Uvioloit yle Sabbath : qu'ilpardonnoitpubUquemcnt lespcchezaux  *  croy* 
Marcha*,  ansiggil  defatroit  le temple^,  &  qu'cntTQÙ  WMi  il  le  redifteroit:& defendoit  de  payer  le  tribut 


ANCIENS  A  V  X  DERNIERS. 

aCefar.Bn  fomrne,on  neïaccttfoit  que  de  deux  crimes  les  plus  énormes  detous  ,affauoir  de  bltjjhe- 
me  &  de  (édition. Et qui  efloyent  les  caufes  de  ce/k  persécution  contre  luyîvne  des  principales  c(!oit 
le  grand meuglement  en  ce  peuple ,qw  fe  glorifoit  eflre  le  peuple  de  Dieu  :  &  outre  ceji  Hypocrifie 
ey  malice  desgrans,  qui  ne poituoyent  nullement  fouffrtrque  leurs  traditions  çr  leurs  abus  dr  vi- 
cesfu ([entrepris .  F.  fiant  condamne par  fentences  iniques  contre  la  confciencede  tous  ,  comment 
eft-il  traité  ?  il  n'y  a  ejpece  de  tourmet  qu'on  ne  luy  ait  fait, &  finalemet  on  le  pend  entre  deux  bri- 
gans, comme  s'tleuf eflé le  plus  exécrable  des  plus  criminels  du  monde .  ^ Que  tous  fidèles  dont 
rcduifent fouuent cecy  en  mémoire ,Que  le  Roy  de  gloire, le  Chef  Je  tome  I  hgliie.cn  Icffu- 
fiondefon  fang,  a  propofede  loy  vn  exemple  perpétuel  pour  tons  les  tiens,  qu'autant 
qu'il  aura  de  membres  iuiques  a  la  fin  du  monde,  il  n'y  en  aura  vn  (cul  qui  (bit exempt 
de  la  croix  ou  des  afflictions .  ^.Qv  4  N  T  a  fès  <^Apoflres  &  difciplcs ,  combien  que  le  *  P  o  - 
glame  ne  fui  p.irttenu  ïufqu  a  eux  tandis  que  leCAiaifhre  a  vifiblement  cenuerféen  terre  attee  *T  R  F 
eux, afin  qu'ils  furent  plus  amplement  inflruit  s  &  t  ofirmez,ncatmoins  après  auoirrect  tt  le  f.x  nc  l 
Effrit ,  on  les  excommunie }  on  les  menace ,  on  les  veut  contraindre  de  blajphemer  :  on  les  décapi- 
te,on  les  lapide.  Et  fur  quelles  informations  ? fur  ce  qu'on  les  dit  autheurs  de  nouueîle  Religion  & 
doihine^abohffans  toutes  cérémonies  ancïenesprefchans  vn  le  fus  pour  CM  e  fias  &  rédempteur. 
On  le  s  aceufe  comme  feditieux  ejr  mutins  fa  fan  s  des  afemblecs  particulières ,  reprenans  les  vit  es 
des  crans  Prélats  de  Icrufalern  &  de  tout  le  peuple  Judaïque .  ^  S'il  ejl  queflion  des  autres, 
nous  y  troutierons  en  ejfeîl  vne  mefme procédure . 

^EstiennE)  qui  efl  nommé 'd'ancienneté premier  Martyr  en  l' Eglife  pnmiùue,  à  co?n-  LSTl  L  x- 
lien  eut  il  à  faire  de  fortes  de  gens  des  Synagogues  apvellees  Des  Libertins ,  des  Cyreniens  ,  des    N  E* 
t  alexandrins ,  des  Ctliuens  &  Afiens  ?  Le/quels  tous  d'autant  que  difputans  contre  lu  y,nt  pou- 
uoyentref fiera  la  fapience  à"  a  l'FJpritqui  parlohpar fa  bouche  :  il  efl accu  fe par faux  rapporteurs 
douant  les  Sacrificateurs , Scribes  &  ^Anciens ,& douant  tout  le peuple,  d'auoir  blajphemé contre 
Dieu, cotre  ijlloyfi  &  lefainci  lieu  du  Temple,  ajftwr,£)ue  nul  ne  pouuoit  efire  luftifé  ne  faune 
par  les  œuures  de  l  '  Loy, .tins  feulement  par  la  foy  qui  efl  en  Chrifayat  accompli  la  Loy  pour  nous: 
J2uc  les  cérémonies  efans  défia  abolies ,  on  deuoit  fuyure  la  forme  de  la  Religion  que  leftts  Chnfi 
auoit  ordonnée.  Leprtncipal facnficateur  luy  ayant  demandé  s'il  ejloit  atnfi , il  redraifon  defafoy. 
Premièrement  cjlant  en  gênerai  aceuf r  comme  apoflat  de  la  Religion  &  feruice  de  Dieu  -.pour  mo-  ^^^5 
Tirer  qu'il  au  oit  vn  mefme  Dieu  que  leurs  Pères  auoyenttouftours  (eruy  ,il  declairc,  Qu'iceux  Pe-  ck  fo)  d'E- 
res  auo:  ent  cftéeleus  de  Dieu  pour  luy  ejire  en  héritage  &  peuple peculier ,  auant  que  C\(  oyfe  fuît  [JJ^J1^- 
nê^ejr  que  le  temple fifl  édifié.  Puis  dremonflre  que  toutes  les  cérémonies  externes  que  Dieu  a  or- 
données par  la  main  de  cMoyfe,ont  efle  formées  félon  le  patron  celc(le:& que  partant  la  Loy  cere- 
moniale  fe  rapportant  à  vne  autre fin/efioitfo/ltt  de  laiffer  la  vérité' pour  s'arrefler  aux  figures  ejr 
ombres.  Finalemet  il  les  reprend  de  ce  qu'ils  ont  vilainemctoccy  le  Redepteur ,& que  neantmoms 
demeurans  endurcis, ils  refi fient  opiniâtrement  au  fainctF(pnt,a  l'exemple  de  leurs  predeceffenrs 
qui  ont  mis  a  mort  les  Prophètes .  Ce  (le  confefi'ion  de  foy  fit  grincer  les  dents  &  creuer  de  defpit 
les  aduerfvrcs  ma.'s  quand  ils  ouïrent  quEfiienne  afferment  qu'il 'voyou  les  deux  ouuerts,  &  le- 
f:<  afis  a  la  de  xi  ce  du  P ère,  ils  deutnrent  corne  du  tout enragez,  ejloupan  s  leurs  oreilles. Et  ne  pou 
uan  s  r     endurer  *  qu'il  parlajî,i!s  s' ef  crièrent  à  haute  voix  *  ejr  fans  plus  tarder  fe  ictteret  d'im  l^lll  u'n- 
peluo'm  cotre  lu;  Je  tyrans  hors  de  la  ville/'?  le  lapidèrent  ainfi  qu'il  f ai  foit  (on  oraifon  a  Dieu,  en£« 

t"  L  A  perfecnlionnefutafjouuiedn  fangd'vn  (c-ufmais tout le troupeau  fut recerché ',  corn-  ""«on  «ut" 
rneHaJuicnt  ordinairement ,  les  vns  mis  a  mortJ.es  autres  forcez  fe  retirer  és  contrées  voi fines,  ^""i'^"^ 
qui  fut  oc  cafi  on  première  &  notable  que  l'Euangdefa  e fendu  plus  loindes  <  Apostres  neatmoms  j>»^1rine*cj>)""c 
demeurans (auec grand  danger;  en  îerufaleméEt  qui  cjt-ce  qui  ne  peut  remarquer,  en  ayant  ces  re-  d'eftre  ouy. 
citsj.es  ar confiance  s  qui  (e  rapportent  du  tout  a  ce  qui  efl  aduenu  depuis,  &  qui  dure  encore  à  pre- 
feni?  ^  Si  nous  requérons  l'exemplaire  d'vn  qui  de  la  fecledes  ennemis,  Phanfien & perfecuteur 
extrême, a  1  c/léconucrty  ejrfait  excellent  miniflre  de  i  Fuangile ,  les  Actes  des  x^Apoflres  le  nom 
propofent  en  P  a  v  l  ,ji  uuant  que  pour  cognoijlre  que  fur  tous  il  a  e(lé  agite  de  diuerfes  tepefles  és  ?  a  v  l. 
Egl-fcs  d' A(ie/J' .  Intioche  de  Pif  die,  d'Iconie,  Lyfhesx  Galatic,  Ephefe  &  plujieurs  autres  lieux.  i.Cor.i,8. 
Et  outre-plus, qu'en  CM  ace  do  rie, en  Philippes,  en  iheffalonie,  en  Corinthe  ,en  Berrhoé }  a  Rome1 
&  mfques  à  la  mort  la perfsaitien  l'a  inceffamment  accompagné. 

^  S I  on  defeéd  plus  bas  à  la  conferece  de  ceux  qui- font  venus  après  les  Apofires,  les  hfoires 
Ecckfajliques  nous  m  on  (h  ont  pareil  trattemet  <jr  procédures,  qui  durerot  wfques  a  ce  qu'il  y  aura 
Eglife  au  monde,  line  refle  que  de  regardera  cefle  nueefiejpeffe  de  clfartyrs  qui  nous  enutronne,  Hcbr.n,jjj 
afin  decognotfre ceux  qui  ont  batu  ce  chemin,  qui  ont  frayé la  glace,  ejr  redu  le  pajfage  afé.  L'an- 
cienne Eglife  auott  ladis  ce/le  coujlume,  défaire  fouuent  commémoration  de  la  mort  de  ceux  qui  a- 

«.  v. 


CONFORMITE  DES  MARTYRS 

noient  ainficonfiammcnt expofé leurs  vies pour laveritc de  l' Evangile  :  ejr  félon  que le  Seigneur 
faifott  ce  fi  honneur  a  vnt  Eglife,d'en  tirer  quelcnn  pour  s'en  fer utr  de  tejmoin ,  elle  efioit foigneufe 
Les  m  a  R  de  coucher  par  efcrit  fon  empnfonnementfis  combats  fis  dernières  parollesfi  confiance:  ejr  engar 
apresktéps  doit lesregifires  comme  t  h  r  e  s  o  r  s  bien  précieux,  isf  tours  certains  lepeuple fi  trouuoii  a» 
dt5  Apo-    Heu  du  martyre,  &  la  folennellement  toutes  ces  chofes  efioyet  leu'es  pour  magnifier  Dieu  délivra- 
ftrcs'       ce  qu'il  auoit faite  a  fon feruiteur de  mourir  fivaillamment  :  ejr  exhortertoute  la  troupe  défaire 
avili  quand  on  feroit  appelle  au  mefme  combat  :  &  par  la  letture  de  l'hifioire ,  ejr  par  le  regard  du 
lieu  encore  tout  fanglant .  Depuis  cefie  faincJe  coufiume  (  comme  toutes  autres  chofes  bonnes  )s'efi 
tournée  en  vne  miferable  idolâtrie  en  la  Papauté. Ce  qu'on  a  eu  fouuenance  des  Martyrs, ri  apas  e- 
ttca  cefte  fin-la  que  lepeuplepar  leur  exemple  fufi  enfeigné  de  tenir  ferme  la  profefiwn  de  l'Euan- 
çilc,<jr  l'adoration  d'vn  (cul Dieu  :  mais  quefiris  ejr  rauy  d'vne  fotte  ejr peruerfe admiration  de 
leurfamfîetêjdles  euïi  pour  dieux,  &  leur  fifi  hommage .  Onafaitthrefornon  point  de  la  confef- 
fion  de  leur  foy,nc  de  leurs  fainctes parolles,mais  de  quelques  vieux  dr appeaux  ,ou  de  quelques  oz 
de  chenaux  ou  d'ajhes, qu'on  a fait  bat  fer  au  poure  peuple  au£ugle,pour  le  h  rs  reliques. Si  d'auentu- 
re  iis'cfi  tronué  quelques  eferitures  touchant  les  Martyrsjettcs  ont  efié ou  falji fiées,  on  du  tout fup- 
pofiesparvn  Lis  de  Moi  nés  on  Prefires, pour  les  faire feruir  à  leurs  impoftnrcs  ejr feducJions. 

O  K  maintenant  que  Dieu  anec  fa  doctrine  a  fait  revenir  ce pecle  heureux  ejr  riche  de  tant 
de  perfinnages  vertueux, qui  ont  arroufé  de  l  eurfang  tant  de  pays  ejr  contrées:  il  faut  aufi  rame* 
nerlcs  ailes  ejr  faits  des  Martyrs  a  leur  droit  vfagc.N  efai  fins  pas  ce  tort  a  D:en, quand  nous  ver- 
rons la  fiimd 'été,  U force  &  perfiuerancc  en  ceux-cy,  d'en  faire  honneur  à  la  créature  qui  l'a  receu'è 
du  Crcateur.Ksfyons  en  admiration  leurs  vicloires-.mais  magnifions  cel.ty  qui  a  veinai  crfi-rmo- 
té  en  eux:ér  cerchons  Lifeurce  de  laquelle  ils  mtpuifc toutes  ces  grâces. Ne  nous  amnfions  point  de 
faire  referue  de  leurs  cendres, on  de  leurs  ojfemens,ce font  chofes  mortes:  mais  reuoyons-les  v.uans 
en  leurs  refionfes,  Epifires  &  dilates,  ejr  aux  mémoires  de  leur  confiances ,  afin  d'en  efire  édifiez, 
comme  il appartient.^  CM aïs  le  malcflen  cecy,  que  combien  qu'il  y  euflde  la  matière  ajfezpourex 
ercer  les  efirits  de  ceux  qui  ont  la  grâce  de  mettre  en  hifioire  ce  qui  efiaduenu  depuis  quelques  ans 
ou fiecles  en  l'Eglife, néanmoins  comme  ficela  rieufiderien  appartenu  ou  feruya  la  gloire  du  Sei- 
gneur,ejr  à  la  fortification  de fis  fidèles, pour  remède  en  leursfoiblejfes  :  on  a  laifféprcfiqnecnfiuelir 
la  mémoire  de  tant  de  morts  precieufis,  qui  deuffent  efire  a  fon  Bglifi  comme  guidons  ejr  en  feigne  s 
de favertn  ejr puijfance  admirable.  Lesprophanes  ont efiéfidiligens  a  mettre  par  efcrit  les  faits  ejr 
gefies  de  leurs  gens ,  n'ayans  en  cela  autre  but  que  de  perpétuer  leur  mémoires, fans  regarder  à  U 
gloire  ejr  honneur  du  Dieu  viuant.-ejr  les  Chrefiiens  feront  nonthalans, ou pluîiofi  ingrats , quand 
Dieu  leur  met  la  plume  en  la  main  pour  rédiger  par  efcrit  fis  œuurcs  admirables,  lefquellesil  mam 
fefieparles  Tefinoins  de  fa  caufe-.afin  que  fa  gloire  reluife par  tout:  ejr  quêtons  fidèles  ayentd'antat 
plus  ample  matière  de  mettre  toute  leur  affeurance  &  confiance  en  fa  vertu, bonté  ejr  mtfencorde? 

L  n'y  a  prefquenatto  ne  pays,  non  pas  mefme  entre  les  Turcs, & autres  peuples  barbares, 
ou  Dieu  riait  mis  en  a  nant  quelques  Martyrs , pour  rendre  à  tonte  région  tefmoignage  de  fa  véri- 
té-.voire  en  telle forte  qu'a  peine  t/ouuera-on fiecle  depuis  la  primitiue  Eglifiis, auquel  Dieu  ait fait 
plus  excellemment  reluire fi  grande  pmffance  en  l'infirmité  des  homme  s. en  telle  façon  ,dy-ie,ques 
les  ennemis  turez  de  la  ver  lté  font  contraints  d'auofr  la  bouches  fermée,  demeurans  e  Uonnez  du 
tout  des  merueillcs  admirables  de  Dieu. ils  en font  au  bout  de  leur roollc:  ejr  Satan  des  l'e  (prit  du- 
B  ufes  &  in-  qUel  ils font furieufement  pou  fez, a  dejbloyé  tellement  fis  rufes,quc  quand  il  voudrait  a  l'aduenir 
dcfaicrcl  pi* faire  qu  il  ri  a  fait , ce  ne feroit  rien  de  nouucau.tsfpres  tant  de  cruautez  (  ie  laiffe  celle  de  copper 
(es  langues  aux  pour  es  Martyrs)enpouircii-ilencoreinuenter  & forger  d'autres  plus fubtiles  que 
celles  dont  il  s'efiaduifé,  premièrement  de  faire  brufier  leurs  prcccz.ejr  puis  en  venir  influes  là,de 
les  faire  meurtrir  &  faccager fans  figure  ne  forme  deprecesfafin  qued'vn  ccfitla  caufe  desmnoces 
par  vne fupprefiion fifi  aufii  tofiefiemte  ejr  fupprimee  que  cognue  :  à'  d'autre  part  que  les  cruau- 
tez barbares  des  oppreffeurs  nefufi  cognue.  <j  Outre-plus,  Satan  ri a-il  pas  anfii  tellement  endor- 
my  les  e  (prit s , ejr  aueugle de  longtemps  les  yeux  des  hommes ,  que  fans  difiernerils  ont  iugé  hère- 
tiques  ceux  quiparlent  en  venté, au  fi  bien  que  ceux  qui  parmefihantes  doflnnes  la falftfientïEt 
défi  afin  de  rédre  de  plus  en  plus  tcelle  venté  o  dieu  fi, comme  ainfifoit  q:i  Anabaptifies,  Libertins, 
Epicuriens,  Atheifies,  Seruetifles ,mocquettrs  ejr  contempteurs  de  toute  religion, fuffent fins  choit 
Co,"mf-  îa  m  iugement  enneloppez  en  vn  mefme  roolle  de  condamnation .  On  fiperfuade  qu'ils font  delà  ffez, 
vente  crt  ré     Dieu, quand  on  les  voit  abandonnez  a  la  cruauté  ejr  maffacre  de  leurs  ennemis. Ce  font  les  con- 
4uc  otlicuic  clufions  que  nous  auons  au  précèdent  déclaré  auoirefié faites  contre  Iefiis  Chnfl ,  mefmes  quand  il 
pendoit  en  la  croix -.ejr  de  fis  plus  excellens feruiteur  s,  quand  ils  efioyent  en  leurs  dures  ajfiiclions. 
CHais  il  efi  befoin  de  confiderer  c^ut  ce  rièfipas  chofe  nouuc!Ie,qne  ceux  qui font  les  plus fauoris  du 

Seigneur, 


ANCIENS  AVX  DERNIERS. 

Seigneur \tn  tefmoignage  de  l'amour  qu'il  leur  porte,  pajfentparle  chemin  par  lequel "il 'a  faitpajjer 
fin  propre  Fils  &  tout fes  ^pojlres,&  que  telle  efl  la  condition  à  laquelle  i(.t  voulu  affuiettir  (on 
Eglifi.  Et  davantage ,  regarder  a  cejle  afiftence  qu'il  leur  donne  au  milieu  des  plus  horribles  tour- 
mens  .pour  convertir d'vne façon  admirable  la  rigueur  qu'on  exécute  cotre  eux  au  milieu  des  çuer 
rcs  Ciudesjen  contentement  cjr  conjolationt  Bref, que  ce  n'eflpas  vn  petit  honneur  qui  leur  efl  fait, 
quand  Dieu  les  employé  ainfi armez  de  toute  confiance. jpour  maintenir  fa fainfte ejr  lu  fie  querelle: 
afin  que  l'incrédulité  &  contradiction  desgrans  de  ce  monde, par  la  perfeueract  des  (îensfiit  cen- 
ueincue.  Or  toute  ceflc^hijloire  nom  monjlrcra  quaufi  toft  qu  Ua  pieu  au  Seigneur  rcnouueller  la 
prédication  de fa  fainctc  doctrine, le  monde  s'efl mutiné à  l  encontre -.tellement  qu'il  e(I  le  foin  d'at- 
tacher aux  lettres  patentes  de  fa  bonne  volonté '  enuers  ceux  qui  font  de  fin  Eglife  fies  féaux  ord:-  Jf  *5a0t 
naire^&^comme  tadù  ont  fait  les  P  ères  ycofcrmer  cejlejlennebien-vueillance  de  la  confiance  des  ^  icttre, 
fis  fidèles  tefmows:afin  qu  elle  foit  recognue  d'vn  chacun ,  non  point  nouuclle  ou  dcjgutfee,w,  lis  en  patentes  du 
fifone  ejr  vigueur  ancienne  :  ayant ^ommeiadis  en  Ierufalcm  ,cn  <_s4fie,en la  Grèce ejr par toute  Cl§"eur* 
la  terre,  au  (h  en  cejiccle  a  fa  fuittela  croix  ejr  toute  manière  cl' opprobre  s, pour  efhe  recognue  ancit- 
ne,  voire  éternelle  venté .  <[  S' I Leflbefoin  d'adioufler  tefmoignagfi^  a  cecy  de  l'ire  de  Dieu  pour 
l'engeance  deleurmortjly  en  a  tant  amour dhuy , que  les  plus  aveugles  le  peuucnt apperceuoir.Car 
les  miferes  é"  calamitezpar  lef quelles  maintenant  non  point  vne feideperfonne ,  mais  les  Roy  an-  J^"'?"^ 
mes &pays  entiers  font  dejtruits  &  défaits,  aduienncnt-elles  fortuitement,  commet  les  contern-  rcs  font  ccf- 
pteurs  de  Dieupenfent  ?  Et  oit  fe  trouvera  l'ujloirc  qui  nous  rapporte  des  guerres  plus  longues  ejr  ^oij?«iï« 
plus  fangimtes,  des  changemens  plus  e  flr  anges , des  pejles  ejr famines plus  mortelles  que  celles  qui  peanccV  Je 
ont  t 'fie  &  font  encores par-tout ,  depuis  quecefk  doctrine fawcle  reva-ffante  a  efléperfccutec  en  la  î),cu  F<""" 
perfnne  de  ceux -c  y  en  ces  Recueils, & de  leurs  femblables  ?  \'os  ennemi*  nous  en  donnent  le  tort, 
dtjans, que  nous  en  fommes  caufi.-caril  faut  que  le  Pere  de  menfinge  employé aufii  bien  a  Rencon- 
tre de  nous  les  mefmcs  calomnies  defquclles  il  a  chargé  ceux  dont  nous  auons  cy  devant  li^patron 
(jr  ex  emplâtre, comme  il  a  fut  a  l 'encontre  de  l'ancienne  Eglife. Si faut  il  qu'ils  accordetcccy/ejl 
affauoir,qu en  regardant  au  fermée  de  Dieu,  ils  prennent  la  corruption  d'iceluy  pour  lacaufe  cjr 
matière  de  (on  indignation  .  Démettre  ceflc  corruption  du  coflé  de  ceux  qui  fuyucntl'Euangile,  ^  çollTC<m 
on  ne  fauroitjton  ne  veut  dire  que  la parolle  de  Dieu  enjoigne  vn  feruice  corrompu. La  corruption  ^onte  .les 
donc  fe  t  rouverapluftojtia  ou  les  ordonnances  d'icelle faincle  parolle  font faljifees ,  ejr  autres  efla-  a^""^ 
blies  a  lavolonté  deshommes  .En  quoylesplus  ohfisnezfent  contraints  non fiulemct de ncognoi- 
flre pluftcurs abus, mais aufi  qu'il y abefoin  de rc formation  .  ^E  N  la  Loyjafourcc  des  calami- 
tcz & furies  pays  ejr  Royaumes  efl  au  long  déduite, ejr  les  Prophètes  jpecijict  affez,  défais  les  cau- 
fes  de  la  ruine  de  [  erufilem  ,ejr  de  la  captiiuté dupeuple.On  trouueratoutcs  ces  cauf's,ejr  encores 
de  plus  grandes  en  la  Papauté ,  outre  l'objlination  defejferee  par  laquelle  la  venté  y  efl  combatue. 

^  LE  I.  article  des malédictions efentes  au  Dcutcronomejourroitpour  exemple monjher de  Dcut. 17,1$ 
queïcofléles  vengeances  de  Dieu  doyuentcflre  rapportées  :  tjitauditfht  l'homme, dit  la  Loy,  qui 
fera  imaçc  de  taille  ou  de  fonte, qui  efl  abomination  au  Seigneur,  l'ecuurc  des  mains  d'vn  outtner, 
e}-  le  mettra  en  lieu jecret,  &c.  c9j£on  examine  des  deux  parties  laquelle  tflcoulpabtc  de  cela,  ou 
lesperfciitciirs  cj' protecteurs  des  images:  ou  les  perfe  entez  q  ut  m  eurent  pour  maintenir  qu'en  a- 
uotrentn  les  Chrejliens  pour  religion , efl  abominatton  (jr  idolâtrie.  Si  d'auaniagc  on  veut  exami 
nerles procédures  déduites  en  ces  Recueils ,  on  cogna  flr  a  que  la  condamnation  l  ontre  les  fidèles 
ne  vient  d'ailleurs  jtnon  qu'ils  n'ont  voulu  approuuer  beaucoup  de  façons  de  faire fuperfliticufes  ï-efomraaw 
Cj  idolâtres. ne  conjentir  qu'il  y  eujl  autre  chef  de  l'Eglifi-J  que  Chrïfl:  ne  fouffrir qu'on  cercht^  xjç  d^Ut 
falut  en  autre  que  luy.  Bref , de  ce  qu  ils  ont  eu  en  horreur  la  Mejjè,  c  deleflé toutes  les  chofesqtu  Martyr-,  ôc 
combatent  contre  laventé de  la  S.  Ejcnture .  ^SI  on  réplique  (  comme  on  fait  ordinairement)  mamtenu« 
que  c'ejloycnt perturbateurs  du  repos  commun ,  ejr  tnf 'acteurs  de  Ivmon  de  l'Eghfe  ,parvne  do- 
ctrine contraire  a  celle  qui  cjlen  couflumexeluyfait-iltort  au  repos  public, qui  remoftre  les  défauts 
qu  'il  y  a  en  ce  repos  ,pour f.urc  que  ce  ne  foitvnc  conjpiration  commune  a  l'encotre  de  la  maiejlédc 
Dieu?  Et  quelle  efl  l'vmon  qu'on  a  rencontré  en  ces  derniers  temps  entre  ceux  quife  difent  l'Egli- 
fifinon  vne  ignorance  commune ,  vn  confentement  d' aveugles  a  s'efgarer  de  la  droite  voye,  vne 
liçue  de  toute  trahi  fon  fous  la  coduite  de  l '  Antechrift-.rautffans  a  Dieu  l'adoration  qui  luy  cjldeuè: 
dejpouillans  lefus  Chriflde  tous  fis  ejlats  &  offices foulas  aux  pieds fi  parolle, pour  mettre  au  lie» 
d'icelle  leurs  fantajîes  ?  o<f  v  rejle,  n  ont-ils  pas  t  oufiours  déclaré  qu'ils  defiroyent  eftre  en  feignez,, 
demandons  que  la  Bible fuft produite pouriugerde  leurcaufeiCMais  avjntoftqu'eflans  enquis  s'- 
ils croyoyent  ou  le  Purgatoire,  ou  la  Meffc,  ou  quelque  autre  telle  chofe ,  &  ils  ont  fait  rejponfe  que 
nonda  bouche  leur  a  eïlé fermée  :on  a  crié  au feuSds  remonjhoyent  que  c'ejhitvne  chofe  qu'on  ac 
cor  doit  mcfmc  aux  voleurs  cjr  meurtriers  d'efire  ouïs  en  leurs  iustifications }  cjr  qu'on  ne  leur  de- 


CONFORMITE   DES  MARTYRS 

■ïtcit  tenir  vne  rigueur  plus  grande:  ils  n'ont  eu  autre  rt  A  finon  qu'on  le  s  fit  voit  dijputcr  contre 
le  nom  it'ksfitgfts  à"  bourre  es. Et  voilai 'ajtuce de Satan  ,d 'amener  fis  fuppofs  à  telle  brutalité  de  lettro- 
nur-i ,c'  à'c  sler  toute  affetfion  d'entendre  lacaufe  -les  fidèles:  fa.  hant  bien  que  ta parollede  vérité eflft  claire, 
M.uc;  r.  je  uji(  maiejtt qu'elle  force  les  plus  ïlupides  de  lu  y  donnt ,  confentement  :  &  au  contra  re,que 
(èsfauffes  doclnnes  rapportées  a.  ce  fie  lumières  ,fe  trouuçnt fi  vilaines ,  qu'on  en  e(l  incontinent 
defgouftê.  Or comme  reux-cy  n'ont  maintenu  autre  doclrine  que  celle  des  Prophètes  &  K^Apofitrcs, 
aunspuifedelà  leurs  fainc/cs  Conférions  &  efents ,  aufi  Dieu  leur  a  fait  l'afi  '-'Unce  qu'il  a  ia- 
dis  dmqee  a  tous  autres  qui  ont  fou  fi  rt  peurfon  Nom.  Et  ic  de/ire  que  ce/a  fin  dil -gemment  con- 
pderéyafin  qu'on  ne  leur  re  fufie point  le  nom  de  rjiîartyrou  Tcfmoinje quel  Dieu  leur  a  voulu  im- 
tnmer  en  toutes Joncs.  Lalongu  car  &  ton  rmens  ordinaires  des  prifion  s  n'ont  point  rompu  Icurpa 
tie-ice, les  géhennes, les  b aa  lions  Jamori  fi 'guette ne  les  a  ewpefchez.de  louer  Dieu  auccioyc.  S'ils 
fi#i  i -eus  datant  les  luges  ,ils  n'ont  eflée frayez  de  leur  prefenec:  mais  les  luges  de  leur  confia?: 
ce  &  vertu:  &  le  plus  fini:  ent  ceux  qui  ont  donné  fentence , ont  eu  les  larmes  à  l'ail  plu  ïfoflqtMLJ 
(eux  q >ii  l'ont  receu  e.  Si  d'vn  cojlc  lajournatfe  ardente  ey  les  men  très  fifre fenio  y  et  an  cas  qu'ils 
nefijjenl  bornage  a  l' Joie:  de  l'autre, le  s  promeffis  de  del>uràce,ouucrture  de pr  -fin  ,refinuUon  de 
biens, pour  h  s  faire  confentir  à  leurs  ennemis:  lafournaife  leur  a  e  fie  plus  agréable, & ont  refonné 
h  s  louantes  h  Dieu  au  milieu  des  fiâmes .  Et  ou  rapportons-nou<(  corne  nous  prote  fions  par-tout  ) 
toute  t  <  es  mer  a  tille  s  finon  a  la  bote  infime  de  Dieu,  qui  les  a  fiauorifez  comme  fis  chers  enfans? 

*5  S' IL  EST  question  en  outrc_j,de  menfirer  & 'déclarer que leur mort nés 'cfipointpaf- 
fee^jfans  témoignages euidens  du  courroux  &  fureur  de  Dieu  fur  ceux  qui  les  ont condamnez :., 
xi mrrC  t'r  <>"  donnera  des  efhangesfieAUX  quiont  couru  Aufceu  de  tout  le  monde :ie  ne  dy pas  feulement  fur 
e«3tout  Cardinaux.,  Archeucfqttes  £uefques , Docteurs  ,lnquifiteurs ,  Moines,  Prefires  &  (èmblablesen- 
icmps.      ncm  {g  lu  re  z  de  i  Euangtlc  jnais  aufi  fur  Rois  £r  Reines , fur Ducs  &  Seigneurs,  Ch  an  cellier  s  & 
Prefidensfionfeilhers  ,Lieutenans  ,Commiffiaires  &  Gouverneurs  de  villes  &  prouinces .  lesiu- 
gemenstembUs  qui  font  tombez,  furleu>s  perfonnes  ou  familles  :  les  cris  &  regrets  qu'ils  ont  ict- 
tez  effray  allés  en  leur  mort .  Si  le  s  Payons  du  tout  ignorans  n'ont  point  cfic  épargnez  ,  tellement 
que  les  playes  de  la  vegeanct  de  Dieu  fur  eux  feignent  encore  s, pour auoirmeurtry fis  feruiteurs, 
qntfcra-cc  de  ceux  qui  portent  le  titre  de  Cbreiïten ,  &  aduonent  de  nom  les  E  fritures  fia>ncles? 
Qh  on  regatde  les  hifilotres ,  on  trouuera  en  gênerai  les  defiolations  de  grandes  ma  fins , les  fiubuer 
fions  des  villes  Jes  pertes  des  Royaumes  Ja  e  heu  te  des  Monarchies  esire  aduenuespour auoirperfc- 
cutêl'Eglife  du  Dieu  viuant .  On  y  verra  aufi  en  particulier  pour  la  mefime  caufie  l'iffue  miferable 
F  vol  i      ^es  $>7Am  d'  cc  monde:  Pharao  après plufieurs playes  fùbmergé  '  en  la  mer auec  tous  les  fiens-.eA- 
i      chabyfa  mai  fin  &  Iefabel  fit  femme  du  tout  ruinez, 1  :  <_xf ntiochus  le  Noble  frappé  i  d'vne  mfe- 
v  Rojs  xi.  ftlon  incuyayie:  yjcr  ode  s  le  G  radpourry  4  tout  vif  Herodes  Antipas  rnifierablemcnt  confiné:  He~ 
i.Mick;*   rodes  Agrippa  s  rongé  de  vermine  :  Caligulamu  a  mort  horrible  - .  Néron  abadonne  a  peines  ex- 
ioh-*,rïm.  trewr::Domitian  chargé  de  playes  mortellcs:T raianrejlrefit  demëbrcs  &  hebeté  de  fins:  Adrian 
r: S        hriféé'  comme  moulu  de  tourmens .  Marc  Antonin fiaifi d'apoplexie  foudaine  :  Commode  eflran- 
A«îiyuia-x  ^pAr ulUy  contre  qui  il  ioufloit-.Diocletian  conjumé membre  après  membre:  Maximin  fon  corn- 
Aci.  u ,  i>  pa«non  <  n  l'Empire  ars  en fies  tnteJlins-.Thcotecne  &  auttees  exécuteurs  de  leurs  mande  me  >  ,exe- 
vuet.  D>o;>, 1  utez  d'horribles  fiuppliees  :  Max  e  née  noyé  au  Tybre  :  les  deux  Iulians  yoncle  &  nepueu  apofiats, 
autre-,     frappez  eftouuantablcmcnt:\^Anaïlafi  Empereur  emporté  de  la  foudre  du  ciel:  &  tant  d'autres 
Hiitoncos.  qUimt  tfjijtut  di  peindre  le  fiege  Romain, tuez,  par  leurs  propres  gardes ,  entre  lefquels  Phocas 
decouppé bras  £r  ïambes  &  parties  hoteufes  ,  a  donné  vnperpetueljpeclacle  d'horrible  ingénient 
de  DicuXt  que'sl-d  le  foin  d'amener  daduant âge  d'exemple s  ,ou faire  venir  en  ce  roolle  les  Roi< 
des  peuple  s  ejr  nations  barbares  }de  s  Goths }Huns  ,f andales  ,A Unes }Fcflgoths  ,Longobards ,  lef- 
quels ont  couru  la  mefime  courfie,  ey  obtenu  pareille  ifjue  r  Le  Setgneuren  a  fut  ainfide  tout  teps: 
Pu'.ioî,ii,  ejr  à  chaltic,  comme  dit  le  Prophète, ies  Rois  pour  l'amour  des  licnsxonibitncjuils  fuirent 
'3 14       peu  de  perfonncs,&:  comme  ncn)&  eih  angers  en  la  terre:&:  cheminadenr.  d'vn  pays  en 
autre,&  d'vn  Royaume  en  vn  aucre  pcu^lc^c.cMais firott-ilpofiible  que  tant  d'exemples 
fififent  ouurir  les  yeux  quelquefois  à  ceux  de  ce ficelé  qui fi  bandent  ainfi  ouuertemcnt contre  la  do 
tïrinc  de  Icfius  ChrtH:& qutcuident  ,enfiaifant  mourirfes fidèles  par  tourmens fi  cruels  ,e(leindre 
fa  vérité ,  &  anéantir  l'exécution  de  fis  iugemens  horribles  &  ejpouuantables  ?  H  eurcux  celu y, 
difioitvn  P  oète  ancien, qui  ejl  fait  fage  par  le  s  penls  d'autruy  :  Pourtant, opeuples  ejr  nations  qui 
auezeulaveuedeschofes  contenues  en  ces  Recueils, &  plus  qu'on  nefiauroit  exprimer  ,reuenans 
à  voufmefimes ,  confiderez  à  qui  vous  vous  efilcs  prins ,  en  haijfiint  ou  mettant  a  mort  ceux  défi- 
quels  vous  voyez  icy  les  tefmoignages ,d'auoir  efié  innocens,fioufifirans pour  la  venté  de_j  l'Euan- 
gile  !  Et  vous  luges  qut  les  auez  condamnez, reprenez,  comme  par  forme  de  recolementja  letfu- 


re 


ANCIENS  AVX  DERNIERS. 

te  de  leurs  Confiions  :fiwuenez-vous  des  prier*  s  qu'ils  ont  faites  à  Dieu  en  vos  prefences ,  c  ' 
penfiez  de  quel  vi fige  ils  ont  receu  de  vous  la  condamnation. Vos  folle  s  ejr  auditoires  tefmoignent 
encore  le  zele  qu'ils  auoyent  a  l'honneur  &  gloire  de  Dieu.-ejr  vûs  pri fions  refonnet  encore  les  Çons 
de  leurs  Pfcaumes  &  Cantiques.  Venez,  a  vn  examen  meilleur  de  toutes  ces  chofes, comme  la  rat 
fin  le  requiert, fepofan  s  toutes  affections  qui  vous  ont  transportez,  ou  par  tgnoran  ce, ou  erreur  co- 
mun,ou  comandemmt  des  Placars  &  ordonnances,  ils  n'ont  point  des  homme  smortels  Procu 
rcurs  qui  vous  tirent  de uant  autres  luges, pour  propofer  erreur  ejr  reufion  deprocez,  les  defenfes 
humaines  leur  défaillit -.mais  ils  ont  Dieu  pourprotecleuren  fouuerain  refort, qui  requiert  le fang,  rfal  9''3- 
ejr  en  a  mémoire, & n'oublie  lecry  des  affligez,:  ejr  lequel  defta  tout  mantfefiement  procèdes  aux 
dernières  exécutions , comme  luge  ejr  partie fupreme. 

^OJ'  O  N  n'attende  point d  autres  merueilles  ou  miracles  (  ainfi  que  les  Moines  ejr  Pre-  QiLeIs  mira 
lires  oififis  en  ont  autrefois  forgé  de  leurs  idoles)  car  ce  qu'on  void  amour  d'huyprouenir  du  fangv-  reqU°jit  ^ 
muerfellement  effars  de  ces  CM artyrs,  declaire  ejr  conferme  affez  l'œuure  de  Dieu,  ejr  s'accorder  fcng  de  ces 
du  tout  "a  ce  qui  a  e/lé  ordinaire  de  tout  temps  pour  la  iuflif cation  des  Seruiteurs  de  le  fus  Chrifi.  Mjn- ri" 
S  il  a  fait  quelques  particuliers  miracles  en  la  mort  des  premiers  CM artyrs  de  fin  Eglifè,  le  temps 
ta  requis  pour  vne  confirmation  de  l'Euangile:  mais  ce  que  nous  auons  récité  cy  dejfus,  ajfauoir  de 
pareils  effetts  de  la  mort  de  çeux-cy  de  nofibre  aage,aux  autres  qui  les  ont  précédez,  ,Jontles  mar- 
ques couflumieres  que  Dieu  a  donné  aux  tefinoins  qu'il  veut  chofir  ejr  produire  en fa  eau fe.  Et n'a 
point  voulu  en faire  d'extraordinaire  s, de  peur  que par  icelles  la  confideration  des  chofes  principa- 
lesnefiufiempcfichee,aufiqucllesfiapuiffance  efiplusreluifante .  CMais  quel  miracle Jàuroit-on  de-  Miracles  co 
mander  plus  grand  que  de  voir  en  cefie  hifiotre  hommes , femmes,  ejr filles  de  toute  qualité  &  aa-  llJtrab1"- 
gejtantfiraifies  de  nature, qu'aimons  la  confier uation  de  leur  vie,  biens  ejr  commodité  z,, redoutons 
la  mort ,  efireparuenues  a  vn  courage fi deliure  de  craintes,  qu'Us  marchent  auec  ioyes  aux  fup- 
plices fi  extrêmes  ques  les  baaillons,  les  retranchemens  des  langue,  lesglaiues,  les  flammes,  les 
tonneduxpoiffezjes  gibets,  les  cuueaux  d'eau, le  s  plus  horribles  inuentions  qu'on  a  vfitees  en  ces 
derniers  temps, ne  les  ayent  empefehez  de  glorifier  Dieu? Que furmotez  en  apparence  Us fiurmon- 
tent  tous  ennemis,  ejr  leur  laijfent  des  remors  qui  les gehennent  inceffamment  en  leur  confidence? 
gtfcftant  efieinte  leur  doclrtne ,  reuiue  à  prefientpourgaignerles  cœurs  des  plus  endurcis,  ejr  ab~ 
batre  toute  opinion  contraire? 

^ÏE  S  PERE  donc  que  cefie  hiftoirefieruira  non  feulement  aux  fidèles  de  l'Eglif<s,pour 
leurmettre  au  deuantles  œuures  queDieufaitfi  admirable  s, mais  aufii  aux  pour  es  ignorons  pour 
les  foire fouucntrdes  mentes  de  lacaufe  des  condamnez  ejr  occis  pour  la  venté  de  l'Euangile,  a- 
fn  que  tout  à  loifir  ejr  fans  précipitation  ils  iugent  s'tly  a  eu  raifion  d'exécuter  tant  de  cruautez  . 

^ET afinqu'onne doute  de  la  fidélité ' gardeesences  Recueils ,  depuis  que Dieum 'afaitla  Ij  fidélité 
grâce  d'en auoirietté lespremiers commencemens  ,i'ayprotefié ejr protefies auoir tafiché d'eficrire  cJje"s'  Re" 
ce  qui  concerne Jpecialement  l'efiat  des  Eglifes,  ejr  les  affauts  qu'elles  ont  foufienuesjeplusfuccin- 
ftement  ejr fimplement  qu'il  m'a  eflépofiible:  cognoiffant  que  venté  n'a  befoin  d'ornement  ou  pa- 
rure audehors  d'elles.  Et  au  regard  des  Ejcrits  ejr  Confiefiions,ie  n'y  ay  rien  mis  fans  auoir  eu  ou, 
de  l'eferiture  mefime  de  ceux  qui font  mort  s ,  ou  apprms  de  la  bouche  de  ceux  qui  les  ont  fblicitez, 
ou  extrait  des  regiflres  des  Greffés ,  ou  bien  receu  des fidèles  tefinoins .  l'ay  trouué  quelques  fois 
des  chofes  obfiures,commcsefcrites  en  cachots  ténébreux, ejr fouuentde fangque  le  s  pour  es  Mar- 
tyrs sefioyentfiait fortir, par  faute  d'encre  des  autres  en  affez  mauuais  langage , félon  qu'Us  efioyet 
de  diuerfie s  nations  ou  gens  de  mcftier-.que  l'ay  fait  traduire  ejr  redrefferle  plus  fidèlement  ques 
faire  fie  pouuoit .  De  leurs  interrogatoires  &reJponfes  qui  ont efte quelque  fois  tirées  des  Greffes, 
tout  y  eflcouflumierementfi  confus  ejr  couché  a  l' appétit  des  Greffiers  ou  ignorons  ou  malins,  ques 
befoin  a  efiéd'en  donner  extrait  fommatre,  en  gardât  vne  mefime fubfiancc  des  Demandes  ejr  ifé'- 
Jponfies.Brefiencedernierpointtoutmonbutaefléd'efcrirehviCyhdo&tinCi&hRn  Le  but  dc 

ic  de ceux  qui  ont fuffifianttefimoignaged' auoir  ficelle par leur mort la  vérité de  l'Euangile.  lLtcs. 

^E  N  femme, qui  voudra  contempler  la  condition  ejr  efiat  de  s  fidèle  s  de  l'Eglife  Chreftien- 
neen  ces  derniers  temps, pourtrait  comme  en  tableaux  naifis, ces  VIII.  Liure  s  les  nous  figurent 
par  vi  ue  s  couleurs  :  vôtres  &  en  particulier  reprefentent  a  vn  chacun  comme  en  miroirs  luifianst 
comment  on  fie  doitporter  en  teps  de  projperité  &  d'aduerfité.  ^E  T  pour  approcher  de  plus  près  à 
la  diffofition  d'iceux,ejr  les  représenter deuant  les yeux(combien  que  d'ejplucherpar 
le  menu  le  profit  qu'on  en  peut  recuettlir,fioit  chofie  déplus  longue  déduite) 
ietouchërayenbreffiommairecequifrffirapourmojherïinflru- 
flion  ejr  confolation  qui  reuienara  des  la  pleines 
obferuation  ejr  lec7ùrcs  d'iceux . 

DISP* 


T>I  STOS  ITIO^C  ET  *A%Jj  V  <M  E  N  S 
<Des  VIII.  Livres d(U  ceftcs  Kiftoirz^. 

LIVRE  PREMIER. 

h^sât^Sf^i  s  TANT  le  monde  endormy  en  ténèbres  de fuperfiaion  (jr  idolâtrie, plein  de 
P*gc        Jr&  ^^^^^^fipbtflerie & fiaujfe  docTrine ,Dieutira  comme  etvne  nuiû  profonde  la  lumière 
£rS  de  fa  tenté, donnant fis  rayons  par  petits  permis  &  creuafifesjnaugré Satan  & 
;lrï3  tom  fcsfuP?°fts  °fpfans  a  cefle  lumières  les puijfitncrs  de  ce  mondes.  L'an  M. 

rig.i.b.      (v5a  ^TOwfl  C  CC.LXX  I  IyWiclefeftfifiitédeBieu  en  Angleterre, çrb aille la  lape  puis 
r.ig.,5.b,a.   i^^'J^^^C  aprcs  aux  % ohemiens  Jean  Hus,Hierotne  de  Prague,  &  autres  venus  corne  att 
P^g  tf.l>,i.  p0j„c/Ju  tour  leuant:de fuels  l'exemple  donne  ccjladucrtiffement  ,Çhfen  la  vertu  de  la  docfruie 
de  Dieu  vn  eu  deux  ont  refijléà  tout  le  monde  :  voire  &  cju  'en  leur  condamnation  tout  le  Concile 
P  - b  a  de  Confiance \ou  efioyent  les  plus  grans  ejr  jauans  de  la  terre ,ont  ejt'e coueincm  d  horrible  aueuglif 
VqtfL*'  ferneni -.voire  contraints  de  leur rendre  tefimoignage  de  grande  intégrité.         V purauàt  quaran 
te personnes  exécutées  de  mort  en  Narbonney  é'plttfieurs  autres  meurtris  en  Alemaigne  ejr  An* 
vleterre  ,n'a  yan s  qu'vn petit  commencement  de  ce/le  lumière, donnèrent  exemple,  Que  quad nous 
aurions  fi  ample  cognoijfance  de  tous  les  potncîs  de  la  religion  Chreftiem/e  comme  il  fer  oit  àde- 
firer,  que  nous  retenions  néanmoins  mfqttes  a  la  mort  tas  feul  ejr  afficuré  fondement  D<lj  le  fus 
Chv.fi  crucifie pour  nofln rédemption.  Que  la  nous  demeurions  fermes  &  arreficztufijiï  au  bcut:l\ 
Pag-f3.ajj.  l'exemple  de  Catherine  Saube  de  Lorraine, brufiee  à  Mont-peUicr  ;  Dieu  fi  voulant fierutr  du  te f- 
tMtgnaçe  des pourcs  femmes  à  l'édification  de  fin  Egtife.  ^1 Lya  au  fi  en  particulier  a  toutes for- 
tes de  qcs  de  quoy  efhe  inftrtuts:  Les  premiers  exemples  sadreffent  a  ceux  qui  ont  eftétnfetfez,  de 
Pag.  s,  iuf-  prefir/Jc  Papale. Entre  lejqucls  Guillaume  Sautree  ejr  Guillaume  Thorp,ont  non  feulement  renoeé 
qu«  15  a,b.  rfemnt  leur  Archeuefque  à  la  marque  maudite, mais  au  fi  maintenu  de  bonne  forte  la  cognoifijan- 
ce  defalut  que  Dieu  leur  au  ou  donnée.^  LES  Gentils-hommes  qui  prétendent  1  <n  vray  titre  de 
noble ffe font  aufii  appeliez,  des  premiers  au  fermées  de  la  maifon  du  Seigneur ,pour y  employer  ejr 
Pag.  i4Jj,&  cerpS  &  bits, a.  l  exemple  de  Roger  Atton  chcualterda  tordre  d  Angleterre,  de  lean  Brun  gentil- 
homme, de  laques  Turmin,&  d'autres  qui  ont  enduré  la  mort  en  ces  commecemens  &  rudimens 
p.ag.43,  hif-  de  la  doefrine  Chre (tienne. lté  de  lean  Oldecaftel  feigneurdc  Cobhan, lequel  n  a  redouté  les  plus 
ques  47-i.b  griefs  to  armes  qu'on  luy  ait feu  faire, pour  maintenir  la  gloire  de  Dteu.^D  V  bourbier  monafique 
combien  en  a  retiré  le  Seigneur  en  ces  commencemens?monJlrant  vne  mifericorde  nompar cille,  de 
daiqner faire fis  hérauts  ceux  qui  deprofepon  ouuertefaifoycnt  la  guerre  a  la  venté de fa faincle 
pjg.  4*-  b,  parolle -.votre  au  temps  que  tout  efloit  le  plus  deprauéejr  corrompu  parlefiegc  Romain.-come  Nico- 
iulque t4"   las  Clemangis  archedtacre  de  Baycux,  le  demonjlre  .Ce  que fait  aufii  vn  fiorty  de  l'ordre  des  Car- 
P.ig-4»      mes,  'Thomas  Rhedon  de  Bretagne,  qui  mofire  non fieulemetle  chemin  aux  moines  de  fa  nation, 
mais  aufii  à  tout  l' infâme  clergé  R  omain,fiellant  confia/net  la  venté  de  Dieu  dufang  de  fon  corps 
p       b  deuant  tous.  $D  E  longinl emal  Hierome  Sauanarola  Iacopin,  cont  mua  le  tefimoignage  de  l'E- 
uangde  en  Italie  four  lequel  il  fut  brujlé  a  Florence, a  l'mftdcc  du  Pape,cnuiron  LX  il  I.  ans  a- 
près  Rhedon. Et  ainfi  ce  difiours  de  ces  Martyrs  mofire  que  le  Seigneur  cflant  venu  mettre  le feu 
au  monde, lauroit  allumé  première  met  en  ^Angleterre, ejr  puis  iettêdes  efiincclles  ça  &  la, pour 
efèhuuff'ercr  efclairerlesfiens.  \  DE  plus  enplusefantcefeu  en  Lyfngletcrre_j,auf>cro/fioit  le 
6  b  nombre  desfidcles,  entre  lefquets  Six jurent  exécutez,  dfaàx  V 1 1 1.  ans  après  la  mort  de  S a- 
'      uanarola/cfle  lumière montât ,efilarcitpluficurs poincls de  la  doltrinc  Chrejhenne ,neeeff.v.rcsa, 
Pag.  &  ',7,  lt-gl'fi>  %An  M- J)- x  v  1  I^0YS  4lte  ^ -Luther  comenca  par  articles  &  e  fient  s  publiques  a  foufle 
S8-  nir  la  venté  de  l'Euâgile.l'an  C.  1 1.  après  le'trcjpas  de  lean  Hus,lcquelon  maintïct  auoir  prédit 

auxEuefques  a  Confiance  l'an  M.  C  CCC.X  Vy  lors  qu'on  le  mena  à  la  mort ,  A  près  cent  ans 
vous  en  rcl'pohd  rez  à  Dieu  &:  à  moy.       E  l' Alemaigne  la  clartcrefplendit  au  Pays-bas  :  en 
Brabant  jpecialemcnt par  Henry  Voez.  &  IeanEfich,moines  Augufiins  d'Anuers,  bruflez,  a  Bru- 
5yî,£oJj.  xeUes:en  Holladepar  lean  Piflorius: &a  Anuei s par  M. Nicolas, qui fut  noyé.  Alors  on  comença. 
décrier  en  quelques  endroits  dudit  pays, Quelcs  Preftrescnleuis  Mcllès  eitoyent  pires  que 
Iudas»lequel  ayant  vendu  Iefus  CJbrift,Ie  liura:mais  eux  le  vendans  ne  le  luirent  pas. 
p  «i  b         ^ENce  teps  t  Alemaigne  futarroufee  en  diuers  lieux  du  fangdes  Martyrs, de  Henry  Sup- 
pÏj58  69.  phenyejr  de  M.  George  mtntftre  de  H  ail  Léonard  Keifer,  George  Carpentier,  &  plufieurs  autres, 
rag.<ol    dont  la  mémoire  a  eflécofiruee .  La  ville  de  Couloigne  eut  Pierre  Flijhdc  &  Adolphe  Clarebach: 
ejr  nonob fiant  la [édition  des  payfansJ'Euangile  continua  fies  degrez,  fur  montant  tous  empe fiche- 
Pag.«i.a,b.  mens.  ^LA  Lorraine  ne  tardad' en  auoir japartfremterement par  IennU  Clerc  de  Meaux  en 

Brie: 


Arguments  des  V I  II.  Liurcs. 
Brie.par  CM.  Iean  Cafielain  natif  de  Tournay,que  Dieu  enuoya  a  ceux  de  CMcts,  &  a  Bar  les  io*ra,ne- 
duc,& autres  lieux. & puis  après  parVvolfgangScuch  Allema,pajleur  enuoyé  aceux  dcS.Hip-  PaS-^- 
pdite  aux frontières  de  Lorraines. 

Des  premiers  hommes  de  lettres  de  ïefcole  de  Meaux,qui  ont  ej claire la  France,  laques  des  "*nce 
Pauanes.de Boulenois^efl  nommé-.puis  Louys  du  Berquin, entre les  gentds-hommes.& Denis  de  P^s.b 
Jtieux, entre  les  artifans  ,doiuent  eflre  notez-.car  leurs  cendres  ontferui  de  ciment  aux  fondemets  Pjg.7e.7i 
de  F  r  an  ces. 

C h  pendant  deux  Cardinaux ,  pour touft 'ours  retenir  la  teinture  de  leurs  chapeaux  ey  robes,  tscoss* 
dvnmefme  temps redoublent  les perfecutions .Dauid  Béton  cardinal du  S.André,  enEfcojJèft  JjjJ^  7? 
brufer  Patrice,de  la  maifon  illufre  des  Hameltons .  Et  en  Angleterre  T bornas  Vvulfe  cardinal 
d' Tore, aidé  de  Morus  &  de  l'euefque  Roffenfisfe  ieitàfur  la  noblejfis,  & fur  gens  de  lettres fu-  terre 
fiects  d' eflre  Luîenens.  Luthériens . 

Les  bouts  de  France  furent aujsi  vïfitez,tefmoin  Iean  de  Caturces  profejfeur  en  droit  ,bru fié  Pag75.!> 
a  Thouloufe:& a  Paris  M.Alexandre  Canifs, & Iean  Tointet  de  Sauoyts. 

LIVRE  SECOND. 

ffi&ïï  E  fuieft  du  premier  Hure  eflantcognu,  on  [aura  qiiés  autres  fubfequens,ain fi  que  la  lumie   p'a  r  i  s . 
^^^bresmontoitpar fis  degrcz,auf îles  croy  ans  multiplioyent  par  trouppes  en  diuers  lieux,  l^f/^f^ 

Quelques  attaches  deplacars  en  la  ville  de  Paris, l'an  M.  d.  x  x  x  1 1 1  \,c au  firent  grande  de  l'aonet- 
perfecution .  La  dfperfon  de  la  petite  Egltfe  quua  commençât  s'y  parquer, prof  ta  non feulement  dcî  pkcAis. 
aux  autres  villes  de  France ,  mais  aux  pays  ef ranges  :  La  ville  d'A  t 1  as  eut  vn  Ntcola*  L'Efiri-  l'ag,^ 
uent,qiti fit  grand fruicl  auec  autres  fes  compagnons, exécutez  de  mort. 

G  e  n  e  v  l  en  récent  quelque  aduancement  par  gens  excellens  qucsDieu  y  retira  pourouurir  ceneve. 
puis  après  la  grande  efcole  des fiens.Ftle  endura  de  grandes  afflictions:  &  vid  l'an  m.d.xxxv,  Pjg.85 
en  Pierre  (Ja'tdetmartyrifépar  les  Peneifans  ce  qu'on  attifait  a  tout  le  furplus  de  la  ville  ,fi  les 
adherans  de  l'euefque  de  Geneuefufent  venus  au  dejfus  de  leurs  efforts. 

L'yuroye  des  ksî nabaptifies  cependant  s'efleuoit  en  plujieurs  lieux  ou  le  bon  grain  efioit femé. 

C  e  v  x aufi du  vald 'Angronne ,qui  de  long temps,fjr  corne  de pere en fis  auoyent futui quel-  uvaic'- 
que  pureté de  doctrine  fc  fintirent  de  ladite  difierfion.  ancrons 

L  E  Mafconnois  fis  nfenttt  en  la  confiancesdes  le  an  Cor  non  du  fui  cl desl'Euangtles .    *  87,88 

^enry  v  1 1 1.  roy  d  Angleterre,reiettant  la  primauté  du  Pape  à  l'occafion  d'Anne  de  Bou-  T^-Ut> 
Un  fa  frnme ,  l'ifioffe  voifine  s'en fentit:&  le feu  couuert  des  cendres  de  Patrice  Hamelton>&  Vi^'ï> 
des  Anglois ,  cy  dcJJ'us  morts js'eueilla.     ^  Douay,  ejr  le  pays  de  Bi  abant  a  des  hérauts. 

La  France  ejr  /'  Angle  terre, en  a  pareillement  en  diuers  lieux. 

L  a  Loy  dcsflx  articles  que  le  dit  Roy  Henry  v  1 1  1  .fait  publier  en fin  royaume.done  occafion  r^g.-^ï 
aux  Sorbonifles  d  en forger pour  la  Frace,&  aux  Louanifles  pour  le  Pays-bas, pour  emfiamberla  v^c.io7 
rage  des  perfii  ut  ion  s . 

T  o  v  t  vn  peuple  appelé '  Taudois -,  des  la  Prouences,  endure maux infinis ^pluftoH ques  Pag.rz-jî, 
renoncerait  vente  cognue.    ^  La  counerfion  notiblsdvn  Efp.igr.ol ,  tjf  fa  mort  confiantes,  1>ag  W  h 
édifie  plujieurs  delà  nation.     Ç  Pierre  Brullyjiré du  miniflercs  de  l'eglife  Francoife  de  Straf  JJ^fJ» 
bourg,  vut  rcfl<  aller  ceu  x  du  Pays-bas:  ey  IvjruicJ  de  fa  vijitatio  fe  mçfhe  en  la  mort  de  plufeurs  i  \ 
bruflez  à  T ournay. 

Ceux  de  Mets  reçoyuentinfiructien  ejr  confolattonparFarel,  en  la  perfecution  cr faccagement 
qu'ils  endurent  parles  ennemis  de  l'Euangilc. .  Jg  H°  * 

Flandre  &  Haynautfurla  fin  de  ce fécond  luire font  vifttez,  d'affliction. 

L  A  chambre  du  Pape  n'cftoit  a  fez,  abondante  &  fertile  en  tous  mauxfi  en  Alphonfe  Diazzs  Pag.i5i.b 
die neuf produit  vn  nouueau  Cain,meurtrter  de  Iean  Diaze fin  frère  innocent. 

LIVRE  TROISIEME. 
^5  E  v  x  de  Me  aux  monfirent  en  leurs  x  1 1 1 1. Martyrs  Icfruici  delà  femence  cy  deffus  decla-  ?^-l6oh 


jÈ^l  ree'-<y  n<>n  feulement  en  ceux-la,mais  au  fi  en  plujieurs,  le/quels  ejlans  chajjtz  en  la  fureur 
de  cefle perfecution, ont  fait fluict  en  diuers  endroits. 

S  v  kU  fin  du  règne  de  Henry  v  1 1  i,U  perfecution  parmntiufques  aux  plus  nobles  :  entre  le  f  Vi§ 
quels  la  mort  d  Anne  Askeue,est  a  toutes  damoifeltes  vn  miroir  de  beauté  en  confiance. 

Le  Daulphinois,/f s  Normansjes  Bourguignons(furtout>ceuxde  Langvcs)eurétplufleurs  Pa8 ■l7I'Se 
vatlîans champions  de  leur  ^jj.rAuuergnc,Limoge,  Touraine  aufipareillement.  I7<* 
77  E  n  b.  y  Il.roy  de  France 3au  commencement  de fin  regne^camande  que  procès fujfent faits  Pa5'7î 


Arguments  des  VIII.  Liures. 
à  ceux  qui  auoyent fi  mal  traité  ceux  de  yterindol  <jr  Cabriere .  Etveutledit  Roy  afin  entrée  a 
Parts  ouyr  vn  Coufiunerprifonnierpourl'EuangUe  :  &  le  penfant  cfionncrde  lafilendeur  de  fa 
M  ai  esté  royale, ce  foure  TaiUeurl'effraya:&fa  conjlacefut  incroyable  à  ce  Roy  juf qu'à  ce  que  tuy- 
mefime  le  vid mourir  en  pareille  'vertu. 

pjg.178.Sf     Envainles Parlemets,  àjàuoirde  Dijon  enBourgongne}ejr  de Chambery en Sauoyejeffcr 
cent  d 'cjloujferla  doctrine  de  l Euangile-.Comme  aufi  les  Italiens  met  tans  à  mort  Fanino  :  Les 

Pag  i«<r  iuf  François parperfecutions  diuerfes ,  Et  ceux  des  Pays-bas:  ces pendant  ques  Charle s  /o>  quint 

quts  151     Empereur II  enry  Roy guerroyent  tvn  contrat  l'autre. 

A  vssi  peu  les  Angiois  ont  de  raifena  mal  traiter  l'Eglife fias  l'adolefccnce  première  d'E- 
douardvhguetes  Eicoifois  à  l'endroit  d  Adam  VvaLcc-Etles  Portugalois  cotre  G.Gardiner. 

Pag.w        D  EScinqEfioliers  firtù  de  LaufanneMufleza  Lyomabon  droit  puis -ie dm qu'Us ni 'ont do- 
nc'par  leurs  eferits  la  première  occafion  de  m 'appliquer  à  a- s  Recueils. 

pa  P  1  v  s  1  e  v  k  s  autres furent  au  (h  exécutez,  en  la  mefne  ville  ,&  a  Vil  le- fiance.-^  Malcon.- 

iulqucs  155  Pu**  *  ^au^1:niir;  aufiqucls  Dieu  fit  pareilles  grâces. 

LIVRE    QVATIUEM  E. 

Pa  i<r4  a  b  |M| A  WDrt  Edouard  V I, décédant  au  grand  dommage  des fdeles  d'Angleterre  yfait  entrée 
l'ag-1***  >i  l' Hifioire  des  perfecutions  horribles  fous M arieroy ne  laquelle  n 'épargna fa  propre coufine 

zssiui.jues  la  Princcjfe  I canne  Graye. 

Et  combien  que  prefquc  en  tout  endroits  de  Frances  les  feux  demeurent  allumerait  Meine, 
Pi  i$3.a.b  en  NormandiCjSoiilbnois,  ^enuffe,criujqu'au Languedoc, néanmoins  l'Angleterre^ 
emporte  le  plus  grand  nombre  des  perfecutez  &  martyrifiz,  cependant que  Maries  reHablit  par 
-  '*o t0Ht  fm  royaume  ^ Ier"1' e  des  idoles, par  vne  fuccefion  tri /le  ejr  lamentables  à  tous  vrays  Chre- 
"  'JJt  ' 340  Siens ,  qui  auoyent  efiémieux  en  feignez  fous  la  perle  des  Roys,Edouard  V I.  Ils  fe  font  portez  fi 
con/lans  ejr  vertueux, que  les  jruicts  font paruenus  aux  pays  voyfins. 

E'  E  sco  s  s  e  eut  lefufdit  Adam  Vvalace ,  vaillant  en  courage  contre  les  efforts  des  plut 
cruels  ennemis  du  royaume. 

Les  Flamens  eurent  Ottho  van  Katelm  en  la  ville  de  Gand,  capitale  de  Flandre. Thomas 
CalbergueJ  Tournay:  ejr  autres  à  Mons  en  Haynaut.  Et  pour  déplus  loin  refondre  aceux-cy, 
François  Gambatefiifie  vne  mefmc  venté  aux  Lombards. 


LIVRE  CINQUIEME 

Pag  ^o  1 N  o^notables  hommes, partis  de  Geneue pourfaircfruiffs  des  dons  exquis  que  Dieu  leur 

indues  368  auoit  conférez,  vers  ceux  des  Vallées  de  V\tàrc\OTïZycommcnct  t  le  cinquième  Liure.  ils 

furent  arrestez  en  chcmin,& menez  à  Chambery ,  parlement  de  Sauoye.ou  Dieules fittriom- 
pherde  leurs  ennemis,  ils  y  ontfeeléde  leurfangla  doétrines>  &  pluficurs  eferits  que  des  pri- 
fons  Dieu  a  tiré  en  lumière  pour  ï  édification  des  fiens. 
Pa?.^8  iuf  La  diuerfité  des  nations  &  des  e/prits  rend  vn  mefine  fait  du  Seigneur  admirable ,  quand v- 
ques  360  ne  harmonie  ejr  confient  émet  de  doctrine  fe  void  ainfi  par  tout  magnifiquement  maintenue.  Nom 
yauonsjOutre  les  Angiois  qui  font  en  grand  nombre  >vn  homme  docte  de  la  Champagne  d  Ica- 
lie.lequel  à  Romes,  en  la prefience  du  Pape  Paul  III I,  a  rendu  tefmoignagc  a  la  venté tufiques 
aux  cendres  de  (es  os. 

Pag.3«5  iuf     L  a  vie  ejr  doctrine  des  plufieurs  vrays  Euefiqucs  Anglots  nous  y  Çont  defcritesùx falloir  de  Ni- 
371    c0[as  mdley,de  Hugues  LatimcrJIop^er,Cranmer,ejr  autrcs.lefiqtiels  nouspouuos  a  bon  droit  op 
pofer  a  tous  qui  fe  difàns  Euefiqucs  ejr  Archeuefques  de  nom,fe  bandent  contre  la  venté  de  la  do- 
ctrine de  Dieu. 

/e  an  Bland  ejr  le  an  Francs ,admonnestent  par leur  exemple  tous  Minifires  de  ne fe  laffer, 
mais  aller toufiours  auat  a  la  charge  :  Que/tans  vne  fois  efihappez  d'vn  danger, ils  fi  préparent 
à  entrer  en  noua  eaux  combat  s  >  tufiques  à  (effufion  de  leur fang. 

E  t  ainfi  que  Nicolas  Scheterden  ejr  tant  d'autres  ont  rendu  confits  les  ennemis  de  la  vérité, 
en  vertu  des  l'EJprit  du  Seigneur-.aufii  auons-nous  a  ejperer  lefèmblable,quand Dieu  nous  aura 
euoqucz  a  pareils  combats. 
v  .  jg         .François  ejr  Nicolas,  Martyr  s, fiere  s, exécutez  à  Malincs,  mon  Hrent  cornent  vne  vraye 

fraternité fis  doit  vnirau  Seignfur. 
Pag  .387        Eh  B  ertrand  les  Blas,  la  véhémence  cf vn  zele  Chrefiien fis  cognoit par  les  effecJs ,  comme 

aupar- 


Arguments  des  VII I.  Liurcs. 

dup arguant  on  ta  vtu  en  G.  Gardiner,  exécuté  autant  cruellement  en  Portugal,  que  cefiuy  cy  en 
Toumay. 

Et  quand  le  Seigneur  aura  fait  ce  bien  à  quelqu'un  d  eflre  forti  hors  des  abominations  exe-  pag.4o8  iur 
érables  qui font  en  la  Moineries,quilface  valoir  vn  tel  bénéfice  à  .l'exemple  de  Jean  Rabec,  &  ^  4H- 
de  ceux  qui  font  icy  propofez,  en  cas femblables. 

LIVRE  SIXIEME. 

J  E  lime  efi plein  de  varieté,qui  rend l'œuure  de  Dieu  alendroit  des  ftens  admirable:         Pag.41  $ 
$y    L  a  %  ie  &  la  fn  dvn pères  ejr  mere  de  familles ,auec  deux  des  leurs  fils, exécutez  a 
ïlt\c,y  efidefirites:pourmonfirer  à  tous  quels  font  les  vrays  ornements  de/quels  doyuent  efires 
parez,  vrays  peres, mères  ejr  en  fans  des familles  bien  reiglees. 

LEparlemet  de  Thui  m  en  -vain  s'oppo/ànt  au  cours  de  l'Euagile,efùeil/e  le  Piedmont  par  la  Pag,4,8>& 
mort  de  B.Heéïorejr G.Varagle.  ^Champenois  ,Biernois,Bazadois  ->N  ormans^T uregeois  font  44* 
en  ce  Liure:& les  derniers  Martyrs  exécutez,  en  Angleterre. 

L  k  lumière  motef  haut  par  la  prédication  de PEuangile,  qu'elle  paruientiufques  en  l'Ame-  l'ameri 
riquedu  brcCihlaqueUe,  aufii  tofl  quel'Euagiley  eut  fait  retentir fa  voix,a  cjté  quâd  ejr  quand  qve 
arroufee  du  fang  des  Martyrs.  Pag  441-  b. 

£n  l'hifioire  del'Eglife  drejfee  à  Paris  fil 'y  faut  confiderer  vnde grande  bonté de  Dieu^qui  pag^j]& 
co férue  miraculeufement  les  ftens  au  milieu  défi  horribles  tepefles.vne  prouïdence  admirable  sn-b. 
de  faire  feruir  toutes  chofes, voire  les  plus  gr ans  ennemis ,a  aduancer  maugré  leurs  dents  le  ba- 
fiiment  de fa  maifon^qm  eftfon  Fglife. 

Finalement/?  Seigneur  amortit  le  feu  des  perfecutions  d 'Angleterre,  ofiant  tout  à  coup  r*g  473  -b 
decemode  CMarieroyne  &  le  cardinal  Polos:  ce fut enuiron  deux  mois  après  le  tre fias  de  ï em^ 
pereur  Charles. 

Z/£spaigne  puis  après  vient  à  fin  tourd'efire  vannées, pour  y  difeerner  le  grain  d'à-  pag.53<s.b. 
uec  la  paille  ■  Le  récit  monfire  en  ceux  qui  demeurent  confiansje  bon  grain:  &  és  autres ,  la  pail- 
le. fL'Inquifition  d'EJpagne  exerçant  à fin  bonplaifir  toute  manière  de  cruauté, penfa  eflre  de- 
riuee  en  France,pour  eftre  pratiquée  en  pareille façon  contre  lesgrans  du  Royaume:  mats  nonob* 
fiant  toutes  les  menées  desplus  pernicieux  aduerfairesjes  affemblees fidèles  s'y  parquent  de  tour 
en  tour. 

^nne  du  BourgiConfeillerau  Parlement  de  Parisjs  dernières  confufions  que  les fufpofls  de  Pag-w 
Satan  prétendent  mettre  en  auant ,monfire  a  tous  ceux  qui  font  commis  en  authoritede  iufii- 
ce^comment  ils  fi  doiuent  acquit er  de  leur  charge  en  telles  extremitez  :  non  en  tergiuerfànt  ou 
fuyant,quandle  danger  efiinflant-.mais en  monfirant aux  Rois  &  Princes  la  vérité  de  la  caufe 
des fidèles  jion  feulementpar  paroles^maispar  effetts.  Cependant par la  mort  duroy  Henry  tous  pag.ju 
les  complots  ejr  deffeins  d'vne  confiiration  liguée  cotre  les  fidèles  font foudainement  difiipez^çjr 
corne  le  cordage  d'vne  charrueycoppez.Les  Parlemens  font  efionnez  de  la  multitude  des  croyans: 
ejr  combien  qu'ils femblent  de  crainte  modérer  aucunement  leur  fureur  fi  efi-ce  que  tofl  après  vn 
Cardinal feul efeouté du  roy  François  J  I.fitccejfeur  a  la  couronne  ,releue  plus  que  parauant  les 
perfecutions.-ejr  ainfi  les  peines  ejr  trauaux fe  multiplient  contres  l'Eglifè,  fur  tout  a  lendroitde 
ceux  de  Paris.  ^  Sur  la  fin  des  ce  Liure  la  mémoire  de  ceux  de  Prouence  efi  refiraichies  au 
maffacre  d'Antoines  de  Mouuans  ejr  d'autres. 

LIVRE  SEPTIEME. 

,JS  Seigneur ,commevn  grand pere  de famille  quia  fin  bien  ejr fis  richeffes  en  plufieurs 
leux,cr  comme  vn  Roy  ayant  fes  fubiecls  en  diuerfes  cotrees,  vifite  les  vns  apre*  les  au- 
'très.  Seuillc  en  Efiaigne fait fes  popes  Inquifitionales  de  plufieurs  perfonnes  tant  hom-  Pag^o 
mes  que  femmes. -a  l'occafion  defquels  iefiat  des  affemblees  fidèles  ejl  horriblement  troublé.  Les 
Callabrois  ejr  Neapolitains  tourmetez par  la  mefme  Inquifition ,  reçoyuent  inflruffion  de  Jean  PagH4-b. 
Pafcal:  duquel  le minifiej 'e  tant  de  viue  voix  que  par  lettres  pleines  depieté^a  confiée?  confie 
encore  s  apreJentlEglife  défilée. 
L  E  tumulte  d'AtnboKc, auquel  le  nom  de  Luthériens fut  chagéen  Huguenots, eufltiré  de  gra-  Pjg  *57 
des  perfecutions-,  voire  iufqu'  aux  Princes  du  fangfi  le  Seigneur  n'eufi  enuoyé  vn  foudainchan-  AMBOY" 
gementparlamort  du  Roy  François  1 1 -.redonnant par  ce moyen  quelques  treues  aux  Egltfij  re- 
formées. ^  PaS.W-b. 
L  a  bajfe  Flandre  Occidentale  jufques  à  la  ville  de  L'Jfie,ralume  les feuz  plus  que  parauant,  mi^ues  s  s  j> 

fi. 


Arguments  des  V  1 1  î.  Liures. 

crades  Martyrs  excellents-.cntre  lefquels  laque  s  de  Lo,  ejr  autres  quatre brufiez  en  ladite  vil- 
le, font  vn  fruicî  qui  donne  occafion  aux  fidèles  de  drejfer  de  commun  accord  vue  Conftfiion  de 

Pag.f7z.b.  Foy, pour  la  prefenterau  Roy  d'Ejpaigne.^  Autant  en  font  les  EgUfesperfecutees  es  vatleesd' An- 
grogne /vers  leur  feigne  ur  Duc  de  Sattoye. 

f  lorenti  s,bjs  Aiïemanfarfi  mort  conferme  les  Eglifes  de  Lorraine  -.comme  aufi  fait 
puis  après  le  an  Madoc  mimfhe  de  l'Euangile. 

P-«g  580  c  e pendant  que  les  Eglifes  eurent  quelque  refj>iration,le  Roy  Charles  I X.  venant  a  la  Cou- 
ronne,Dieu  donna  vn  tel  Colloque  a  Poifly,que  la  France  n'en  a  veu  depareil.auqucl  la  voix  de 
la  pure  vérité  de  l'Euangile  ait>en  pleine  audience  de  la  Cour,  reteti  plus  magnifiquement  ejr  a  si- 
tentiquement. 

Pag-sss.b       .S"  v  r  quoy  l  Editât  tant  célèbre ^appelle de  Ianuier  à  caufe  de  fa  datte,  e  fiant  enfupù,fnt  inevn- 
a-Pag  5SS   tinent  violé  par  la  maifon  deGuyfe  aumaffacre  horrible  de  1  Fafiy. Lequel  depuis  fut fuyui  de  p!n- 
rSÏ  o  Peurs /accagcmens  &carnages-)a  Sens  en  Bourgongne,  a  Tours, puis  à  Marfetlle-,  ejr  a  Rouan ,ejr 
Po|.<fIi     autres  villes, dont  les  guerres  ciuiles  eurent  ouuerturefi  quau  milieu  de  telles  horreurs  ejr  con- 
fiions de  la  France, le  s  Eglifes  eflans  dtfiipees>  ejr  les  poures  fidèles  meurtris  ejr  maffacrez  en  tu- 
multes populaires ,  la  dignité  &  fplendeurde  Martyr  n y  peut  efire  bien  dij cernée  ne  recognne 
comme  auparauant. 

p.ig.6.x  L  e  fur  plus  de  ce  V IL  Liure -,  après  auoir  déclaré  les  calamité  z  de  la  Frace,  le  poure  (fardes fi- 
dèles en  Poloigne,er  vn  acte  Inquifitionalen  Callû\c,occupét prcfque  ceux  du  Pays-bas, cen- 
me  de  la  baffe  F landre.de  Tournay Jpcnalement,de  Cambray.du  Liège, d' Audenarde ,  ejr  autres 
endroits.  Carretenans les  procédures  accoufiumees par procès  ejr  fient ences ,  les  condamneront 

Pag.^.b.  pour  la  plus  part  laiffépar  leurs  propres  efents  tefmoignage  de  leur  foy  &  confiance:  fur  tous  C.hrï- 

mjijn J  h   flophc  Smith  min'tfirc  à  Anuers,  le  pénultième  de  ce  Liure. 

LIVRE    H  V  I  C  T  I  E  M  E. 

pag.c  j4     tl|^  A  difapline  efiablie  aux  Eglifes  reformée  s  ,entreti.ent  l'vnion  du  Miniflere  de  l'Euangt-  ' 
âJl&  bjant  en  Frace  qu'ailleurs.  *  Et  combien  que  les  aduerfaires  és  dernières  années  ayent 
tafché  de  couunr  leur  s  cru  aut  encontre  icelle  s  Eglifes  ,de faux  titre  s  daccufation  ejr  prétextes  de 
rébellion, [édition  &  crime  de  lefe  Matefléfi  efl-ce  qu'en  laperfonne  de  Paul  Millet  miniflre,& 
de  tant  d'autres  en  ce  Liure  contenuz.de  contraire  i' efi  mon f ré. 
Pag.^f.b.       Ce  pendant  les  lonclufions  ejr  décrets  du  Concde  de  Trente  (  deux  Cardinaux  tenans  la 
&  pag.fuy-  main  à  l'exécution  d'iceux)  enflamment  en  France  la  guerre  ciuile, ejr  au  Pays-bas  les feuzalltt- 
iSï  8     rnez.  Tellement  qu  Inquifiteurs  en  qualité  de  Nouueaux  euefques  eflans  mis  en  pin fie ut s  vil- 

a.  Pag.7<j5  b  les  dudtt  Pays  :1e  compromis  des 1  Gentils -homme  s  y  entreuenantpar  oppofition ,  fait  l'ouuerture 

b.  Pag.  6ù7.  aux  prédications  publique  s. 

c.  Pag.<î68.b  L  e  brifement  des  Images  ejr  la  démolition  des  Autels  s'en  en  fuit:  ejr  aux  villes  ejr  villages 
^7*.       eflfouffertparles  Magtfirats  faifizd'efionnement fans y  auoir caufe.  ^f^ccordsfefont  a  ceux 

de  la  Religion -.mais  foy  ne  leur  efi gardée. 
c.Pjg.^       C  e  v  x  de  Talencencs  ejr  le fiege  par  eux  foufienu->puis  la  reddition,  ejr  de  deux  leurs  Mini- 
ères mis  amortauecpluf leurs  notables  perfbnnages  ,l' H  ifioire  y  eflà  plein  moflree-.ejr  de  ceux  d'à* 
lenmron .  Finalement  comme  les  prefehes  publiques  prennent fin  partout  le  Pays -bas  :  ejr  nom- 
mément noté  en  Anuers  vn  Mecredi  IX.  d' Auril->iour  d'Eclipfe  de  Soleil. 
Ti$.£97.        L'e  s  t  a  t  des  fidèles  en  Vemfe,& la  mort  de  quelques  perfonnes  de  marque  efi  de faite. 

A  v  re  s  la  mort  de  Martin  TachardMintfire  exécuté  par  arefi  de  ceux  de  Thouloufe ,  l'Hi- 
(loiredes  dernières  années  renient  a  ceux  des  Pays-bas  exécutez  a  Lembourg-,  Brabant^ejr  au- 
tres contrées  1  tufqucs  a  la fin  de  ce  VIII.  Liures. 


A  V  LECTEVR. 

ovrce  queplufieurs  qui  ne  fçauentla  langue  Latine,  ont  derirc  entendre  le 
SÏgSfcns  des  vers  Latins  mis  au  commencement  de  ce  recueil  des  Martyrs,  S.  G.a  c- 
ftécfmcudcles  traduire  en  vers  François:&  les  nous  ayant  communiquez, nous  en  a- 
uons  voulu  faire  part  aux  Ledcurs>  afin  que  déformais  rien  ne  les  retarde  d'entendre 
tout  le  contenu  de  ce  Liure. 


rôr  y  h 


V  O  T  V  M     T>  E  O 

OPTIMO  MAXI- 
mo  facrum. 

WWêA  N  C  T  E  aa^:fantt° facilts.precor', 
"^^^t<  annuevoto, 
f^^&i}  Magne  opifcx ,  cuius  non  enarrabile 
nomen, 

Et  cjthmtac  miferi  confufa  potentia  regni 
Li4cift{gûm,&  mundibruta  hdicelcmentatre- 
mi  fiant: 

Quem  N atura  tremit  vénéras, vltrofofatetur 
Te  Rcge  Authorem^fuum,  quinumine  coplet 
Omnia:  Re^em  vno  quo  iudiceftantqucjca- 
duntqu<LJ. 

Re s  hominumjKorbo  iaceantfeu  lucefruantur: 
Seu  bellum pacémve  feras  & gaudia  vit*. 

^Afpicis  vt  Babylon  Pacem  tôt  pofcat  ab  aris 
Impta,&  mterea  caco  ruat  aclafurore_j 
Infielera,in%nefas  non  enarrabile caftis? 
En  feutra  tut  vetitos  tranfcrtbit  honores 
lnlaruas  hominu  &  mortalia  corpora  vecors. 

Afpicis  vt  fpoliet  te  Maiejlatc^  verenda 
Et tittdis ,dum  nefiio  qtios fibi  comit  &  ornât 
Menttturfy  deosfocium^tibiagmina.  iungit: 
Té  que  amen  s  crufti  concludittn  orbe  nef andi, 
gupdrerumignari)& mtferu  quodvulgus  ad- 
oret. 

Jjpicu  hxc,é'  ferre  fûtes fie  1er  a  ifia  nef  as £? 
Ira  tarnpatiens, potes  hactolerare  tôt  annos? 
Outn  pot  lits  terras  iterurn  Pater  obrue_j, ferras 
Diltitiio ,& pcmtus  nunc  rcrïtcleweta  laboret: 
Constat*  çrjractas  iarn  nunc  compage foluta 
Orbis.iam^mhiUnedum chaos  omma fiant: 
Aut  cadat  horrendo  mundi  cmefacta fragorc^ 
CrudcUs  Babylon , terrx  commums  Irynnis] 
Contcptrixgîtui,& tantorum  caufi malorum, 
J  nu  ad  en  s  m  feras  l  "cri fitb  imagine  gentes, 
p arca  boni  ,/celeru  al que  aliéna  prodiga  vit*. 

Iam  Romam furorille  tuus>Rom*%tribunal 
Sacrilegumfuror  ille  tuus  nunc fulphuris  imbre 
Cornpiat,qu>ilcm  mare  prodigiale  Sodcomes 
Infandj Jpirat3din"que  bituminis  ater 
Gurges^atra  paluss  fiamis  tnfamibm  vndas. 
<%uo  quondam  fœcunda  loco,  diti  vberc  tellus 
Prouentmdabattn gentes firugumj,  merique_j: 
fi  une  tanjum  wfiimis  lacus ,  illuuiéq,  nefanda 
Heu  Ifquallens  regio ,  &  mifero  terra  horrida 
vultu. 

Te  dira,heu! Babylon  nondurapit  ignea cdt 
Tempcfias,necadhuc  triftes  hausêrc^tenebra 
Et  caligo  nocensjerrœtfcimmanis  hiatus*. 
Non  Erebifratres ,  nondum  tC-Jtartarapœnis 
Exercet feclerata,bominît%  De/que  fage/lum? 
Te fuper  Omnipotens  agru  nunquamne  fur  ou 


tM  A  RT  T  R  S    A  BIEF 
tout  bon  &  tottt-pu  fant. 

S ai nct, ô 
inénarrable, 
I  Sous  qui  tremblent  les  cieux,  ôclagent 
^  mifcrable 
Du  royaume  confus  des  esprits  ténébreux, 
Et  tous  les  elcmens  cl  u  monde  Ipacieux: 
Toy  que  Nature  adore  en  tremblant,&confe(Iè 
Eitrcfon  Roy,fonTout:qui  tiens  fous  ta  hautette 
Toutes  chofes:feul  maiftre  &  iuge  ayant  es  mains 
L'iiïiie  des  conlèils  &  ceuures  des  humains: 
Soit  que  la  maladie,ou  ioyc  &  fan  té  bonne, 
Ou  la  guerrc,ou  la  paix  ta  £agellc  leur  donne. 
O  Sainft,oy  ce  faincl  Vœu,&  q  ue  ta  Maiefté 
Déclare  par  cfFecT:  que  ne  l'as  reictté. 

Ne  vois-tu  pas  comment  Babylonc  mefehante 
Pour  fe  mettre  en  reposées  deux  mains  enlangll 
Dans  le  fang  innoccnr,&  J'aueugle  fureur  (te 
E  fiancée  le  iecte  au  trauers  de  l'horreur 
De  péchez  infinis  &  trop  ords  pour  les  direî 
Puis  en  te  defpitam,orgueilleufe,rctire 
L'hôncur,pour  ta  grandeur  recognoiftre,ordoné, 
Et  le  baille  aux  mortels  ,a.ifqueJs  ne  l'as  donné. 

Tu  vois,  tu  vois  cément  detaMaieflé  fain&e 
Et  de  tes  filtres  beaux  elle  cft parée  Se  ceinte, 
En  s'ornant  de  faux  dieux  forgez  à  fon  plaifir, 
Troupe  de  compagnons  qu'elle  a  voulu  choifir: 
T'enfermant  înlènlee  en  vne  ronde  oublie, 
Que  le  peuple  aueuglc  pour  (on  fauueur  fupplie. 

En  contéplant  ces  maux,les  peus  tu  fupporter  î 
Es-tu  tant  patient,qucdepouuoir  porter 
Si  long  temps  ces  meffaitsîpluitoft,  Pere,defbôde 
Le  canal  de  tes  eaux,pour  renoyer  le  monde: 
Qja'il  n'y  ait  élément  qui  ores  ne  trauaille: 
Que  le  monde  péri  ire,  &  en  pièces  s'en  aille: 
Q^ue  tout  foit  confondu,ou  à  néant  réduit: 
Ou  que  par  tremblement  &  par  horrible  bruit 
Trébuche  Babylon,peIte  du  monde  infâme, 
Qui  blafphemât  ton  nom  te  dcfpite  c\:  te  blafmc, 
Et  caufe  tant  de  maux: qui  fous  vn  faux  femblant 
Les  peuples  ignorans  à  foy  va  alfemblant, 
Chiche  à  faire  le  bitn,prodigue  d'iniufticc, 
De  la  vie  d'autruy,cv:  de  tout  maléfice. 

Darde  ores  &  fur  Rome,&  fur  fon  fiege  plein 
D'exécrables  forfaicts,la  toudredeta  main: 
Vne  foudre  {oulphree,à  celle-la  femblable 
Qui  a  changé  en  mer  Sodome  abominable: 
Lors  Sodome,or'  vn  gouffre  obkur  3c  croupifsâr, 
Flamme  &  noire  fumée  &  foulphrevomillànt: 
Si  qu'au  lieu  d'vne  terre  autresfois  tant  fertile, 
Qui  rapportoit  &  blé  &  vin  au  corps  vtile, 
Or'  on  ne  voit  qu'vn  lac  ténébreux  &:  puant, 
Vn  pays  ruiné  qui  fait  peur  au  voyant. 

Cruelle  Babylon, la  tempeile  embrafee 
Ta-elle  point  encor  de  et  monde  rafeeî 
Les  tenebres,la  mort,la  terre  ne  t'ont  point 
Enuahic,accablee,defaidede  tojt  poindî 
Les  diables,lc  manoir  où  feiourne  iniuftice, 
Ne  te  font-ils  fentir  le  fruift  de  ta  maliceî 
O  fléau,  dot  auiourd'huy  Dieu  frappe  les  humais, 
Iaraais  le  Tout-puilTant  de  fes  terribles  mains 


A  l'Eternel  tour 

T  erribilis  fluet  incumbens,peniiùfque  recidet? 

Sed quid ego*,  no fie  Deiis  omnia  protmm  igne 
Corripit,  aut  fontes  Uchrymofo  protin&s  orco 
PlechtfediuHum  expcc7at{ne  accerfite)  tepus, 
g^io  feelus  m  cumulant  crefeat^  motfftfc  ncfid.e 
jrurementum  ingens, ac  fe  tam  ferre  laboret^ 
Ettam  nutanti  fub  pondère fpontefatifeat, 
Séque fui  tandem penstus  ,penitufque_j  ruina 
Obruat-.ejr  fcelcns  fccliu  hauriat  ait  a  vorago. 

Vos  igiturquos  tant  a  te  net fiducia  vit* 
Et feelerum, rébus  nuncindulgete  caduc  is. 
Itefedïjla  olim  confiabunt  gaudta  magno. 
Mox  aderittempus-,  quuiam  quas  mete fecatis 
Spes  interdifîœs,& inania  vota  per  auras 
Dtfcerptjttvcntifaftumife  animofquc;  féroces 
Molliet  vna  dies,  tandémque  dolerc^  docebit. 

ErgoageRoma  tuos%agefacpia  Roma  Cynœ- 
Securos  feelerum  fatia  te  finguine  luflo    (  dos 
Dum  licet^ejrnu/lutibifaciam  crime  maufum: 
Exulta  fidens  quantumlibet.omnia  tenta 
jnfamis  Babylon:terrœ  commune  lupanar 
Roma(  Lup£  nam  curauthortnus  vlera  fin  (Ira 
Suxijfctf  jnteritam  qujtte  obuoluere^tenebrœ? 
Ofite  quis  iam  manet  exitus  anxe  videres: 
Nam  ttbi  mox gemitum  &  lachrimxs^mifercf 

que  vlulatus, 
Vltrices furias  &  inéluctable  fatum 
Attulentiam fumma  diestibi feragementi.  ' 
Ride  age,terrarïtfo  nef  as  criménque  Sodcimcs 
Impia.^upd ft  nunc  cœli  te  languida  claudo 
Securam  vinditfa  gradu  fequiturve  premitve 
Ingenti  nec  adhueferri  trabe frangitauaros 
Pontifices jmiferûfyiftum  infamémque  Diale> 
Que nimiu,heu  !  nimiufunefa  Lutetianouit% 
Hoc  mage  terribilem Jpera feelerata  ruinarn . 

Sera  pedes  lana  infiar  habet  vindic7a,feda- 
crxs 

Ingeminansiffus,&  ferreabracchta  quaffans 
Per  populos -.pedeprofubigit  cakdtque  ttaras 
Pontificum  Regumfyjnagtflratnfque fuperbos, 
AEratis  quondam  audaces  qutfiontibus  audet 
Jnfultare  Deo,ejr  lentum  irrider^furorem 
Numtnisy& cornu  edum  pulfire feroci. 

Sicvbi  Vulturnus  funofaqueverbera  Cùri 
Procumbuntpelago(  quum  matutïnus  Orion 
Occidit)  ecce  ater  rapido furitimpete flucTus, 
Etvanum  exultas.praceps  vehit  agme  aquaru 
Arduus^ac  longo  rupem  fe  murmure  contra 
Impatiens  agit:atmediis,elufus->in  vndis 
Prangitur exanimis,fcopuio<fcrefufus in  &qwr 
Dilabens  pérît  ille furorjàxoque  latranti 
Laguifdus  immoritur ,  vana%  obmurmuratira: 
^Ergo  Deuspopulos>metueda%nomina  Reges 
Tudemttm  edomitos,en  tadem  pulueris  tnjiàr 
Cominmt  }fpargit%  manu, nec  ia  amplius  vfqua 
apparent  :velnti  quum  vetnt  Circius  agrosy 
Pulueream  m  ventos  cernis  vanefeere  nubm. 


bon,tout-puifl*anr, 

Ne  t'accablera-il  de  fureur  violente, 
Pour  ['arracher  du  tout  \  Mais  quel  mal  me  tour- 
mente? 

Dieu  n'eu1  pas  tant  haftif  à  bruire  &  foudroyer 
Ni  aux  enfers  hydeux  les  mefehans  en  noyer, 
Ainsle  reps  il  attéd,(ce  qu'aufiîdeuôs  faire.)  ( re, 
Que  le  mal  viene  au  côblc,&  qu'vn  meich at  arfai 
Croifsât  en  grâdmoceau  du  lourd  poids  trauaillé, 
Et  ployant  îa  défia  fous  le  faix  esbranflé. 
Soit  en  fin  ruiné  de  fa  propre  ruine> 
Et  l'inique  englouti  par  le  mal  qu'il  machine. 

Vous  donc  que  lepeché  Scie  monde  tient  pris, 
Quand  vous  ptenez  plaifir  és  choies  de  nul  prix, 
Allcz:mais  notez  bien,qu'vn  iour  ceftelierfe 
Vous  fera  cher  venduc,&  le  temps  la  s'addrcile 
Que  par  les  rudes  vents  au  loin  feront  fou  ft  lez 
Ces  difeours  Se  fouhaits  dont  vous  elles  enflez: 
Vnc  heure  abaiflera  voftrefiere  haute  ifc 
Changeât  en  plaindre  &  pleurs  voftrevaine  lieflè. 

Sus  doc  o  Rome  fain£bc,oftc  Se  chalîe  du  cœur 
De  tes  effeminez  &  la  honte  Se  la  peur: 
Boy,hume,enyure-toy,tandis  que  le  temosdurc, 
Du  fang  que  tu  relpans:plonge-toy  en  ordure, 
Vatouliours  adiouftant  àta  mefehanceté, 
S'il  y  peut  déformais  plus  rien  eltre  adioufté: 
Rome  de  l'vniucrs  louueric  eshoutec 
(Car  en  vain  vue  louue  auroit-eile  allai  lec 
La  bouche  de  Romule^as-tu  les  yeux  etcuez: 
Ne  vois-tu  les  brouillais  autour  de  toy  leuez.' 
O  que  tu  peulTes  voir  ta  ruine  prochaine  ! 
Car  bien  toit  du  grand  iour  l'meuitable  peine 
Teferafoufpner,hurler,defefperer, 
Sans  pouuoir  par  tes  cris  à  falut  afpirer. 
Sus  donc,ri  tout  ton  faouhmefchâte  Bordelicre, 
Exécrable  Sodome,&  du  monde  meurtrière. 
Si  du  ciel  la  fureur  d'vn  pas  lent  te  pourfuit, 
Et  te  vacoftoyant  en  ta  ltupide  nuift, 
Si  d'vnban  eau  de  fer  Dieu  n'a  calle  la  tefte 
Desaùares  Prelats,&dardé  fa  tempc'le 
Contre  ce  Cardi  nal  1  nfam  e  Se  mal  h  eu  reu  x, 
Que  Pans  trop  cognoiten  meurtres  odieux, 
Nepcnfercfchappcrdu  grand  Dieu  la  fentenec, 
Ains  croy  que  plus  horrible  en  fera  la  vengeance. 

La  vengeance  rardiue  a  les  pieds  cottonnez: 
Mais  en  doublant  les  coups  fur  peuples  cltonnez 
Hauflam  fon  bras  de  fer,abbat,  foule  Se  debrife 
Les  couronnes  de  ceux  que  tant  le  monde  prilê:' 
Accrauantant  tous  ceux  qui  ofcnt,furieux, 
Drelsas  leur  corne  en  haut,  hurter  cocre  les  cicux: 
Mais  du  grand  Dieu  viuant  la  Maieiléluprcme, 
Sefert  de  leurs  efforts  pour  leur  ruine  mefme. 

Comme  quand  le  Siroch  Se  le  vent  d'Occident 
D'vn  foufle  furieux  agitent  rudement 
Les  vagues  de  la  mer,i  l'heure  que  fe  couche 
Orion  matineuxrvoyci  vn  flot  farouche, 
Qui  bruyanr,efcumant,  boulleuerfe  à  monceausf 
Impetueufementjlcs  autres  flots  des  eaux, 
Et  courant  orgucillcux,va  rendement  combarre 
L'cfcueil  ferme  Se  collant,  s'eiioi  cânt  de  l'abattre; 
Mais  en  fin  il  fe  laifc,&  fon  «Fort  cil  vain: 
Si  que  celle  fureur,dont  il  efloit  tout  plein, 
Rabbatue  d'eiihaut,reiaill:  t  dedans  l'onde, 
E  t  languiflante  meurt  au  pied  du  roc  qui  gronde: 
^  Ainfi  par  le  Seigneur  les  peuples  lbr.r  domtez. 
Les  princes  abbatus,&  les  Rois  furmoncez: 
Ainli  qu'on  voit  voiler  la  menue  poufliere 
Q  ue  le  vent  courroucé  rencontre  en  fa  carrière. 


Pour  les  Martyrs  de  ce  temps 

F! le  tandem  mifetos  ridet fecurus  ab  alto 
Mort  de  s  Deus:hîcvic~iis  ex  hofiibusvltor 
Dat  ventis fi>olia,ejr  curru  comitanturouantes 
Viftoris  Dominicircum  ventique  niuéfquey 
Fulguraquc  &  nimbi,tempefiatéfquefinor£. 
Ipfe  triumphatos Jpectans  longo  ordine  Reges 
In  ventes  abujfe-.Viden ,aityimpieytandem 
guidpofltDeusïhac  vobis funtpr&mia->Reges-> 
Débitée  hominum  vanis  conatibus  objlo 
Irride  ns'-mihi  non  o fus eftmaioribus  armis. 

Non  ego  qui  ranis,pamtfy  volantibus  olim 
yiEgyptipottt^tot  debelîare  tyrannos: 
guos  populi  gentifque  me*  ludibriafeci? 
Idem  ego,quum  mifero  nuper  conuiuia  lutfu 
Mutaremjudcns  Regum furiofa  reprefi 
Confdià\&  décret  a  vnus  Regum  irrita feci. 

ifie  vbinuncfamâ  tôt  u  qui  copleatorbemy 
Terribilts  ymedidque  volet  cataphraclus  arena 
Purpureis  inueclus  equisfagattpfe  triumphum 
Iam fine  me.pace  is  longos  du  quarit  in  annos, 
Ecce  meo  iuffu  mediam ferit  arduafrontem 
Lanceayqu&  medio flridens fictif  atfa  cerebro. 
Turbâturprocerum  cunci,turbainfcia  mujfat: 
Seddum  nullus  adefiygalea  qui  vincula filuat, 
Semiammem  quitollat equo ,  quivulnm  oliuo 
Abluat:exhtbeo  hacpopulis fiettacula  Regum, 

Ergo  apte 6  miferi ,  &  quifquù  mea  tujfa , 
meofque 

Spreueriutlle  meum fie fentiat  Me furorem, 
Et  lus  Fafquc  meum pœnUjnmtusJionoret. 
Sic  eat  aternumy&  Legi fuapondera fîmte. 

Sic  att,&  dicJu  dédit  immutabile  pendus 
Omnipotes.  I frende  igitur  Jceleratc,  Deumque 
Crudelem  miferappeîlaydurjt^  Tyrannum 
Le  gis, &  infontes feralibus  obrue  buftts 
Tabefiens  crudeh  odioytéque  ipfe  perure 
Carnifci  malus  inuidta.vonquc.ncfandi 
jmpatiens,animo  tecum  indignante  labera 
Impte:difcetuas  prudens  cumulare  ruinas* 
NU  intentatum  feelenque  doUfque  relmque: 
Sed quod  agtsyvotis  intatfum  optaueris  olim, 
Etnolles  volmffeymodo  qux  Utus  obibas. 

Mira  Deiyproh  !  conjiLia,incompren[aquc-j 
virtus 

tfîcmaicfiatem  Domihi  inferutabile  numen 
Iam  tacttus  tande  &  fippltx  Epicurus  aderet. 
Mirandumfua  perfequttur  Deus  hofte  miniftro 
Confiliaycxequitur^volens  quacumque^j  vo- 
lebat: 

Sic  tamen  vt  fi  quod  vitiumfuaty  illud  ab  hojte 
Fluxerity& gêner  is  Ufa  fcmelmdole  noflri> 
Sponte fua-.ncc  enivitijDeus  authorin  vllo  efi. 
C  a  fera  femper  agit  J>  eus  efi  qui  caterafolus 
Moltturynullm  vero  laborvrget  agent  cm: 
Tranquillus  placida  fecum  Jed mente  quiefeit. 
Et  quauis  tôt fatfa  hominuytot  denique  motus* 
Tôt  regat  crfiatuat  rem faciéfque  vicéfque, 


Icy.finalement  Dieu  fe  rit  de  là  haut 
De  ces  outrecuidez,&:  d'eux  il  ne  luy  cha  uts 
Ains  les  ayant  defFaits,leurs  defpouillcs  il  donne 
A  ce  braue  cfquadron  qui  fon  char  enuironne: 
Aux  neiges3grefles,vents,tépclte,efclairs  &  feux. 
Pour  chanter  le  triomphe  an  Dieu  victorieux. 
Et  puis  de  tant  de  Rois  voyant  au  vent  la  gloire: 
Mon  pouuoir,ô  mefchat,ne  t'eft-il  point  notoircî 
Dira  lors  le  Seigneur  :Rois  c'e/t  voftre  loyer, 
Voila  comme  en  riant  il  me  plaift  guerroyer 
Contre  tous  vos  efforts:d'armes  ic  n'ay  affaire, 

N'eft-cepas  moyqui  ayautresfoispeudeffaire 
Auec  mes  foldats,grenouilles,fautereaux, 
De  ces  tyrans  d'Egypte  &  hommes  «Srchcuauxî 
Les  ay-ie  pas  baillez  à  mon  peuple  en  rifée? 
Ma  main  adesfeftins  rentreprifebrifee, 
Et  tout  tourné  en  dueilxar  me  moquant  des  Rois 
Lcurconfeil  renuerfay&  leurs  cruelles  loix. 

Où  eft  ce  grand  Seigneur,qui  de  fa  renommée 
Deuoit  le  monde  emplirîqui  en  lice  fermée 
Braue  perçoit  le  flanc  de  fon  cheual  bardé, 
Ne  preuoyant  le  coup  que  luy  auoy'gardé  i 
Lors  qu'il  cerchoit  fa  paix  pour  me  faire  la  guerre 
Vne  lance  efclattant  l'a  renuerfé  par  terre 
Ayant  percé  fon  front,  Se  dans  fon  œil  atteint. 
Les  Seigneurs  fôt  efmeus,  le  peuple  bruit  &  craint 
Ne  fâchant  que  penfer:&  cependant  perfonne 
N'accourt,ne  fe  prefente,&  fecours  ne  luy  donne- 
Lors  à  tous  ic  fay  voir  ce  fpectacle  d'vn  Roy. 

Mocquez  vous  maintenat,&vous  prenez  à  moy> 
Afin  que  vous  fentiez  mon  ire  en  cefte  forte, 
Et  que  vous  redoubtiez,trembians  (bus  ma  main 
forte, 

Ma  iufticc  Se  grandeur  qui  ferme  demeurra 
A  iamais,  &maLoy  toufioursfon  poids  aura. 

Ainfî  dit  ce  grand  Dieu,&  fa  voix  effroyable 
Arma  d'autonté,qui  demeure  immuable. 
Va  donc, grince  les  dents  contre  le  Supernel, 
Miferable  mocqucur,appellele  cruel 
Tyran,faifeur  deloy  impoffible  Se  trop  rude: 
Pourfuy  ta  cruauté,appiiqueton  eftude 
A  roftir  à  monceaux  les  corps  des  innocens; 
Que  la bourrelle enuie auec fes feux ardens 
Te  t»rufle,malhcureux:Que  ta  triftepenfée 
D'impatience  foit  &  fureur  offenfee. 
Comble  à  ton  efeient  ce  qui  t'accablera: 
Penfe,inuentc  le  mal  qui  te  ruinera. 
Mais  vniour  tu  voudras n'auoir  touche  lachofe» 
Ni  pas  mcfme  perde  ce  que  ta  main  faire  ofe. 

Que  l'Epicurien  en  crainte  &  en  honneur, 
Adore  maintenant  de  ce  trefgrand  Seigneur 
La  haute  Maiciîe,&  l'cfTenceinfcrutablc. 
O  que  fa  volonté  fecrette  eft  admirable, 
Et  fa  puifTanceauflî  1  C'cft  vn  cas  merucilleux 
Que  tout  ce  qn'vne  fois  il  a  conclu  és  deux, 
Il  peut  exécuter  par  fon  ennemi  propre: 
Tirant  le  bien  du  mal,la  gloire  de  l'opprobre. 
Dieu  fe  fèrt  de  celuy  qui  Icruir  ne  luy  veut, 
Tellement  toutesfoisqu'aceuferon  ne  peut 
Autre  auteur  du  forfaitque  le  mefchât  damnable, 
Et  la  corruption  dont  noftre  ame  eftcoulpable. 
Car  en  fait  quel  qu'il  foit,  Dieu  n'eft  de  mal  au- 
De  tout  le  iufte  ouuricr  Se  îuftc  côdudteur,  (teur. 
lltieft  iamais  prcfle,ni  las  de  tant  d'ouurage, 
Etfii  a  trouble  aucun  qui  change  fon  courage. 
Et  combien  qu'il  manie  Se  les  cœurs  &  les  mains, 
Qu'il guide  tât  de  bruits  Se  changemés humains, 
&  iij. 


A  l'Eternel  tout-bon,  tout-puiilant, 

Confilittm fiempet  tamen  immutabile  feruat: 
Nam  neque  tum primum  Mentem fiubitilla  vo 
luntas, 

Alternant  Mente  :fed  rerum  in  origine  prima, 
Sic  Domine  ante  quidem  fixtim  irnmotumque 
fedebat. 

0  mira,o  ntilli  fatis  enarrabilis  vnquam, 
Proh'.Natura  Deh  modo  fi  N  attira  vocada  efiï 
H  te  mateftatem  Domim,infcruta  bile  nume> 
lamtacitustadfm  &  fiupplex  Epicurus  adoret. 
HÎcftupeat  Natura,Deum  mirata  potentem, 
Immenfium,*ternu,  mentifique  mdagine  nulla 
Deprenfium.Hic flupeatveterum fiapientiaGra- 
ium, 

Ac  quicunque  negantjecum femel  omnia  certo 
Decreuijè  Deum,nec  res  curare  caducas: 
SintfragU'hcanndfimilts  licetiOmnia  curât 
Prouida  Mens.naquid  c&li  pulcherrimus  or  do, 
Quidcxlumyquid  Sol  radiis  vibratibtu  ardens 
Aureus,tmmcnfiu*?quidpleno  argentea  Phœbe 
Lumineïquid  mtidu*  vej}er?quid  c&tera  mudi 
Lumindquc^ ftell*%?  qmd  & pulcherrima  re- 
rum, 

Si  tecummundi  Artificemfi luminis  illum 
ImmenfiOceanum  reputes ,  Mentémque^j  bea 
tam 

LucU  inaccefiis  habitat  qus  fiedibus  in  gens, 
Maxima,inexhaufta  perfundens  omnia  lucey 
guam  nullis  hominu  verbis  effarier  vnquam, 
Hkpoteris  ■>  captumque_j  adeo  fiupereminet  o- 
mnem. 

Omnia fiumus  erunt,indigndque_y  Principe 
tanto, 

Si  vel ad  exigu am  dtuint  luminis  auram 
Protuleristfemtufque  tliato  lumine^-.iam-iam 
Tabeficent  liquefiacJa,  niuis  velgradinis  inftar. 
Ergo  nectlla  Dew  curauerit7.  Et  tamen  omnes 
Hic  Domino  imperium  tribuunt  ,fedémqu<Lj 
tonanti. 

111<lj  ergo  ctt  qui  cuntta  mouens,  ejr  cunclu 
potenti 

Mota  fupercilio  ampleéïes ,  ample x a  gubernat. 
Omnidque  arcanopraeuntibus  or  dîne  caufis 
(gvaspofiuit,  reuocatque-j  voles  iterumque^ 
reponit) 

Ante  videns  fiecu  flatuit ,  moderatur  &  vrget 
Ter  quaterinfelix  iam  nue  Epicure  quid  lit- 
res? 

Agnofeifncj  Deum  infelix ,  Mentémque  po- 
tentem*. 

Difiitc-J  dégénères  anima,  difccj  impia  turbç 
Iam  tandem,ejfe  aliqutdfine  origine,  temporit 
exors, 

lmmenfiumxternûmque,à  quo  emer fier ef créât  a 
Omnia  : fiurrige^te ,  &  mentis proculexcuft^f 
nocJem. 

Dificitc  dégénères  anima, difice  impia  turbs 
E(fic  Deum,arcano  qui  tempérât  omma  matu. 


Tant  Se  tant  d'accidensrfon  confeil  admirable 
Demeure  touecsfois  a  ïamais  immuable. 
Quandquelquechofcil  veut  parfaire  Se  auâcer, 
Il  ne  commence  pas  alors  à  y  penfer, 
Puisque cômencement n'alafaincle  ordônance: 
Mais  pluflolt  de  tout  te  mps  il  a  donné  fentenec 
De  tout  ce  qui  s'dt  faict,qui  fe  faic\,&  fera. 
O  qui  eit  le  mortel, qui  comprendre  pourra 
Ton  ellcnceimmor  telle,  ô  immorte  ISc  igneur! 

Que  l'Epicurien  en  crainte  &  en  honneur 
De  Dieu  la  maicfté,&:  l'eilènee  uncrutablc 
Adore mainrcnant,& quel  incomparable 
PuilTaneed'iceluyjtire  en  eltonnement 
Toutes  chofes  qui  font  deflbus  le  firmament: 
De  luy  duquel  le  Nom, ni  la  foice,ni  l'ellre 
Comprendre  ne  pourroitl'efp rie  le  plus  adextre. 
Que  ces  vieux-fages  Grecs,&  ceux  qui  vont  nians 
Que  Dieu  ait  ordonné  en  foy  deuant  tous  ans 
Le  cours  de  toute  chofe,&  qu'il  ait  en  penfée 
De  conduire  la  paille  au  gré  du  ventenaffée, 
Soyent  ores  eftonnezxar  on  voit  en  tout  lieu 
Reluire  la  fageiTc,&  conduite  de  Dieu. 
Qu'ell-ce  de  ce  grand  ciel,de  la  eclefte  armée, 
Du  grand  foleil  luifant,dont  la  face  enflammée 
Dore  tout  I'vniuers  des  traids  de  fa  beauté? 
Qu'eft-ce  que  de  la  lune  au  vifage  argenté? 
De  celle  cftoille  aufli  qui  marche  la  première, 
Illuminant  lanuiét  de  fa  blonde  lumière? 
Tant  d'ailresîtant  de  teux?  Qui  fera  le  plus  beau, 
Ou  çà  bas,ou  là  haut?lï,comme  en  vn  tableau, 
Tu  regardes  en  toy,quel  eft  l'ouuner  du  monde, 
D*vnc immenfe  lumiere,vne  mer  trefprofonde, 
Efprit  heareuxd'heur  mcfmc  habitant  enclarté 
Inacceflîble  aux  fens,&  qui  de  tout  cofté 
Sur  toutes  chofes  luit,d'vn  rayon  admirable 
Sortarjjtde  fa  fpendeur  qui  eftinelpuifable, 
Laquelle  on  ne  fauroit  deferire  ni  penfer, 
Tant  tout  efprit  humain  elle  feait  deuancer? 

Toutes  chofes(prour  vray;ne  lerôt  que  fumée, 
Aupresde  falueur  parfaite  &confommee. 
Csn'eft  rie  qu'vn  brouillart  tout  foudain  efearté, 
Voire  au  premier  rayon  de  fa  grande  clarté: 
Ou  comme  on  voit  la  neige  eltre  en  eau  côuertie, 
Si  toft  que  du  foleil  la  chaleur  a  fentie. 
Dieu  ne  laiflc  pourtant  d'en  auoir  le  (bucî, 
Vcu  que  tout  ce  qui  cil  dedans  ce  monde-ci, 
Flcfchit  fous  fon  pouuoir,&  luge  le  confeflé. 

Luy,luy  tout  rcmue,&  par  la  feule  adrellc 
De  fô  clair  œil  côprcdtoutce  qu  ovoit  mouuoir, 
Et  gouuerne  le  tout  félon  fon  bon  vouloir: 
Et  preuoyant  en  {by,conclud,manie  Se  traicèe 
Toutes  chofes  qu'il  veu  t  de  volonté  fecrette, 
Par  vn  ordre  caché:puis  félon  qu'il  luy  plaift, 
Les  caufes  entt erompt,&  puis  il  les  refait. 

Que  fonges-tu,  mclchât  des  melchas,Epicurc> 
Malheureux,  as-tu  point  quelque  remors  &  cure 
De  recognoillre  Dieu  cclt  efprit  tout  puillant? 
Apprenez  Apoitars,toy  troupeau  croupiflant 
En  toute  impieté,apprenor'  àcognoiitrc 
Qu'vne  Eflènce  il  y  a,qui  ne  peut  recognoillre 
Commencement  ni  fin,immenfe,quiïouftient 
Et  produit  touteela  que  I'vniuers  contient. 
Efleue  vn  peu  tes  ycux,& charte  la  nuée 
Qui  fait  que  de  clarté  ton  ame  eft  deihuée. 
Apprenez  Apoftats,&  vous  qui  croupilfez 
En  toute  impieté,maintenantcognoiflez 
Qu'il  y  a  vn  Dieu  fort,qui  regit,qui  difpofe 
DVnmouuemét  fecret  Se  conduit  toute  chofe. 


Vœu  pour  les  Martyrs  de  ce  temps. 

NamquA  objlet  vis  vlla  Dco  ,quando  omnta 
pofit, 

Omnui'j.  Ommpotens  quAvult  moliminc  nullo 
Perficiat,rerumque  adeo  cau/a  vna,voluntas 
lpfius  fua  fit?  ^uanquam  tan: en  ille fetundas 
Subflermt  eau  fis  etiam^oxafa  dolique 
Et  [céleris, quo tammlpa fil  lîberab omni. 
N  an/J>Yohlf*cïdegJtmerttes  yAuthorne-J  malo- 
ruta 

Etfcelerum  hortatorfucrit  Dettsïoptimws  ///o> 
Hundt  opifex  bominumque fiitor ,  licet  omni  a 
fecum 

7)  ecernat  fier i que  velit,nochfque  mimfiri 
C  onfdtA  ipjîus  peragant  ml  taie  volent  es  ? 
Deniquz_j  quicquid Agant ;  tactta  Deus  êmniA 
mentes 

Prauidit prw,& fecum  longé  ante  futurA 
Conflit  utt ,prudénfque fuo  mox  tê'pore  promit 
SinguU .  Nectamen  eft quodjer ficeler Ate Lu- 
creti, 

In  culpam  bine  traxiffe  D  ernn pofiifive putéfive. 
Sed  tôt  a  m fubeunt vitro, faaléfiquefequutur 
Corruptt  mores  hominumficelerumque  tenaces^ 
Sponte fua,vcten  quaquam  hortatore  Colubro. 

Sic  Lttn*  cbiccfa  média  quum  luce  repente 
Sollatet}çr  cxlum  fiubitis  contexitur  vrnbrts: 
Hacregionihil  nottis  habet^totaïUatenebm 
obruitur.medioque  die nouA fyderA  edi 
Miratur.mundiqueputAtvemffe  minAm. 
Nec  tamen  mtereA  quicquAm  de  lumme  Solis 
Decedit,vultumve  nigra  ferrugin<L_j  tirikit. 
Non  afin  hocvitium,  non  afin  hœc  culpa ,  nec 
vllaefi 

Lumwis  inuidia:  nam  lampade  fempereadem 
Irradiât  SoUs  rutiloglobm  aureus  orbes. 

Obficœru  fi noctis  attes  inluccpatenti 
Cabrant, mti  une  tubar^emtabile  Solis 
Proptcrcainctijent Jucemque  diémqueperofia: 
An  bebetes  oculos  potim ,  vttuimque  videndi? 

la  nue  ergo  qucri  qttid poji'it  O  audeat  vllus? 
N  am(mificri )exitium  nobis  accevfimus  vitro 
Dégénère  s  [equimurque^j  nefias  vitro  omne_j 
volent  es. 

gtfodfi  aliquos  Deus  exitio  &  crudelibm  vm- 
bris 

Defiinat,ante  quidem  quam  Sol  aut  terra fiuif 
fient: 

Baudtamein  culpa  efifiqdmalè  gefferis  olim: 
NecDeus  hune  finem  {J>ec7at,fed  Nominis  ergo 
Ille  fihvlt*  quos  vult  edu  cit  tn  auras, 
gui  iusto  tandem  intenttt  mentâque  ruinA 
Exortcm  illufirent  Patris  omnipotent is  honore. 
Nam  qui  ex  vllius  damno  mala  gaudtA  CAptet 
Rex  Deus?atque fut  tantum,no  confiulat  Aquus 
Gloria  ,&  aternos  quequam  det  latus  in  ignés? 
^En  quô  nucigiturges  pracipitata  fubvmbras 
Aufa  olim  tmmantLj  nefas  m  fiedibus  altis, 


Car  puisque  cegr  ind  Dieu,fànseftrc  tourmente» 
Peur  taire  ce  qu'il  veut,  &  que  fa  volonté 
Eft  de  tous  accidens  larciglc  &  caufe  vnique, 
Pourrcz-vous  bien  vfer  contre  luy  de  rcplicqueî 
Il  cil:  vray  cependant  qu'il  liait  h*  bien  ranger 
Les  caufes  &  moyens,qu'on  ne  le  peut  charger 
D'eltre  d'aucun  forfai:t  aucunement  coulpabie: 
Si  que  de  vice  aucun  nepeuteftre  acculâble. 
Car,dites  moy  mekham^Dieu  feroit-il  l'auteur 
Dei  maux  par  vous  commis  ;  met-il  cela  au  cœur: 
Luy  en  qui  la  bonté  pail.Uvîtemcnt  abonde, 
Ouuner  &  créateur  des  hommes  &  du  inonde: 
Encor qu'en  (on  conlcil  l'effet  (oitarrefté 
De  tout  ce  que  voyons  çà  bas  exécuté: 
Et  que  mefmc  Satan  auec  les  liens  parface 
Ce  que  le  Seigneur  veutqueïmaugréeuxî  fefaceî 
Bncf  il  auoir  long  temps  au  p.uauant  preueu 
Enfon  confeil  iecrcr,dilj)o(e  c\  prouueu: 
Puis  il  defcouurc  en  temps,  par  fa  fagefTe  grande, 
Tout  le  mal  que  commet  Se  Satan  Se  fa  bande. 

Nepenfetoutestois,  Atheemalheureux, 
Pcuuoir  dire  que  Dieu  foi  t  coulpabie  aucc  eux. 
Ce  font,ce  font  les  meurs  corrompues  du  monde. 
Et  les  iniquitez  cfquellesillefonde 
De  fon  bon  gré,  fui  Liant  du  vieil  ferpent  la  voyx. 
Qui  coulpabie  le  font  des  péchez  que  tu  vois. 

Comme  quand  au  Midi, par  l'obi  cet  de  la  lune? 
Laclartédu  foleil  tontloudain  dément  brune: 
Et  le  ciel,qui  eltoit  ierain  Se  gracieux, 
Raui  t  en  vn  inftant  la  lumière  des  yeux: 
Vne place  feradu  foleil  cfclairée: 
L'autre  place  fera  du  toutdecolourée, 
S'cfbahirTant  des  feux  delà  nuift  qu'elle  voit: 
Et  penfe  que  défia  la  fin  du  monde  fbir. 
Cependant  du  foleil  la  clarté  lumineufe 
Ne  deferoirt  nullemcnt,fa  face  fpacieufe 
D'obfcunté  n'eft  teintc:&  quand  noir  il  deuient, 
Ce  vicc,ceft  erreur  de  luy  pointne  prouient: 
Et  n'eft  pas  enuieux,car  la  melme  lumière 
Mcfurq  tous  les  iours  le  tour  de  fa  carrière. 

Si  les  oifeaux  hidc.ix, qu'on  n'oit  linon  la  muet, 
Ne  peuucnt  fupporter  la  clarté  qui  leur  luit: 
Pour  cela  pourront-ils  aceufer  la  lumière, 
Plultoftque  d'acculer  leur  fragile  paapiereî 
Eux  quihiyentle  iour,leront-ilspas  contraints 
Levice  condanner  qui  tient  leurs  yeuxcftraints* 

Y  aura-il  auffi  homme  qui  s'ofe  plaindre? 
Car  à  faire  le  mal  on  ne  nous  vient  contraindre: 
Ains  de  noitre  bon  gré  tout  malheur  attirons, 
Et  (Yâs  qu'ônous  y  poulTcj  à  la  mort  nous  couros» 
Suiuans  l'iniquité  d'vne  volonté  franche. 
Et  s'il  aduient  que  Dieu  de  fon  troupeau  retrâche 
Quelques  vns,qu'il  deftine,  auât  que d'eftre  nez, 
Voire  auant  ciel  Se  terre,  à  eftre  vn  iour  damnez: 
Il  ne  fenfuit  de  là,que,fi  tu  commets  faute, 
Tu  puilTes  l'imputer  à  fa  Maiefté  haute. 
Ce  n'eft  pas  là  ion  but  :  mais  pour  fon  los  haulïer, 
En  cefte  vie  il  veut  quelques  vnsauancer» 
Qjui  en  fin  d'vne  mort  Se  trefiufte  ruine, 
iDonneluftre  à  l'honneur  de  l'Elîencediuine 
t)u  Pere  tout  puiftànt:autrement,ce  bon  Roy 
Ne  pourroit  s'elîouir,de  voir  au  loin  de  foy 
Son  ouurage  perdu  en  feu  qui  toulïoursdure, 
N*cftoit  que  la  grandeur  de  fa  gloire  il  procure. 

Cornent  dôcques  ceux  la,qui  deseeleftes  lieux 
Ont  elle  deiettez  aux  enfers  ténébreux, 
Pour  auoir  actenté  crimes  trop  exécrables, 


A  l'Eternel  couc-bon,  tout-puillant, 


Ore  Deu  incufet?quid vefo  deinde  quer-mtur 
MortalesmtferUqui  vita  &  criminel  dudum 
Sint  menti  éttern*:  Chaos  trremeabileno&is  ? 
Huquidhabes  Babylon? quidhabes  impure 
Cynxde 

«Hodpofiis  aquo  DowimobiecijpLJpotentis 
lndicio'.mtritâmne vide  s, h  is t^j impia  Jioma, 
Vt  Deus  obuoluat  tenebris  quibus  ante  profana 
Obruit  AEgyptum  îmerito  tibi  maximum  Vltor 
Eripuit  mentem,  &  prorfum  fine  luce  reltfiam 
Infcelerafnque  nefas  (jrinelutfabile  cœnum 
P  ermifit  ruere,  &  caco  indulgeres fu  rori. 
^Va  tibi,va  Babylon,calo  &  mortalibus ipjîs 
Jnuijàybeu!  ttties  méritas  qua fanguine  pœnas 
Pefle,fame^flammaycali  terrœfa  ruinis 
Perfoluisrecidiua,pi)  Vatûmque  Patrumqut^ 
Sanguinù,heu! mmium  fuies fcelerata-.fed  vm 
bras 

Legis^&infandos  obferuans  fedula  rit  us. 

Impia,prohlMeretrix  quœ  mœchosebriaReges 
Sanguine Jpumantipatera  duloqueveneno 
Sollicitas^mifèrofquc^  malo furiata  veterno 
Dementas  populo  s -.ficelas  hacfunera^eclas? 
Tôt  tri/les  tabulas  Jot fiintta  cadauera  ce  mis, 
Bellua,nccte  animi  tandem  crux  vlia  perurit? 
Tun'Jîcco fpetfare potes  totfunera  vultu  ? 
îlicet  hacfuntiUayhxcfuntprœcUra  Sénat  us 
Purpurei  ornamenta  ,hdc  funt  décora  inclyta 
Roma: 

Enilla  kacfe  dis  funt  firmament  a  nefandœ, 
ffœcpietasyhacrclligio  tôt ficîaperannos. 

Afpicis  hos  tumulos  at%  hacmonumeta  piorii 
gui  nitidi  forment  a  interflammafy  relu  cent, 
Autquos  mille  dolii/vna  nec  morte  necafli  ? 
Vltnces  illiad pœnas  aliquanâo  repofeent 
Teque  tuofque  deos.Satis^oftola  fanguine  iufie 
Ebrïa-.iam  veniet  tepus Jam-iam/^propinquat-, 
guu  magnofed  vero frufirasoptauerù  emptos 
Infontes  illos-.necenim fine  vindue  tufius 
Illorumtibi  Jànguù  erit,quos  candida  vefiit 
NuncfiolayquodChrifiicalicem  &  crudele  do- 

lorum 

Simpullum  intrépidité  nîs fitientibus, vitro 
Ebiberintjnediofque  rogos fubiere  volentesy 
Vithicéfqueardcnti  animas fub  fafee  dedère: 
<%ua fimuUac terras auida  moribunda^mebra 
Liquère}anteuolant  Zephyros  plaudettlèus  alis-, 
Vt  leuis  in  naphtham  fulco  volât  alite  flamma: 
Seque  choris  alacres  tandem  felicibus  addunt: 
Et  tandem  felixfiudiis  concordibus  xuum 
Laie  agitant  duce  cum  Chrifto,viua%  frmntm 
Luce  Deijcoràmtfc  ilLum  immenfumque  tuutur 
Luminis  a  ter  ni fontem,viu%  beau 
Biuitias  ,pedibufque  polos  &  fydera  calcant. 
^  His  Deus  exeplis  nos  excttat-.hinc  noua  n^tis 
Pettora  format  açcns  3&  cafibusvrit  acerbts> 
A'  e  Fidei  langue  ns  mtus fit  mut  dis  ardof: 


Se  plaindront-ils  de  DieuîLes  mortels  mifêrables 
Qui  par  tant  de  forfaits  l'enfer  ont  mérité» 
Accufcront-ils  Dieu  d'iniufte  cruauté? 

Que  peus-tu  repliquer,infame  Babyl«ne? 
Parlc,aJlegue,produy  vncdefenfe  bonne, 
Que  puiflts  oppoier  au  iufte  îugemcnt 
Du  Seigneur  tout  puillànt.  ne  vois-tu  pas  conicnr 
Auciigle  Babylon, félon  ton  démente 
Il  te  punit  ainiî  comme  la  gent  maudite 
Des  vieux  Egyptiés?  A  bon droi£t,Dieu  vengeur, 
T'a  lebonfens  ofté,alors  que  fans  lueur 
Te  veautresinfenfée,  infâme,  vagabonde 
De  tous  vilains  péchez  en  la  folle  profonde. 

€fMalheur,malheur  fur  toy  Babylone,cjui  es 
Des  hommes  &  de  Dieu  luye  à  tous  iamais. 
Malheur  fur  toy, qui  as  par  fang,pe(te,famino, 
Foudres  8c  tremblemens  de  la  ronde  machine 
Tous  armez  contre  toy, payé  par  tant  de  fois 
Ce  que  pour  tes  péchez  au  grand  Dieu  tudeuo; 
Malheur  fur  toy  mefchante,encor  trop  altérée 
Du  fang  des  innocens  dont  tu  t'es  enyurée 
Les  ombres  aimât  mieux  que  du  Seigneur  la  Lo 
Et  des  menus  fatras,qu'vne  folide  foy. 

Effrontée  putain,yusongnefle  mefehante, 
Qm  ayant  en  la  main  ta  grand'  coupe  efeumante 
De  fang  clair  8c  vcrmcil,le  venim  doucereux 
Que  veux  faire  aualler  aux  Rois  tes  amoureux; 
Q_j  picquéede  rage,ofl:es  l'intelligence 
Aux  peuples  malheureux  qui  ont  ton  accoincl 
vois-t  j, regardes-tu  ces  funérailles  ci? 
Monître  infame,pcux-tu regarder  tout  ceci, 
Tât  de  piteux  tableaux  &  corps  morts  des  fidèles 
Que  la  honte  &  la  peur  ne  foyent  tes  boun  cite  a 
Peux  tu  fans  larmoyer  veoir  tant  demonumensî 
Ce  font,cc  font  aufll  les  plus  beaux  ornemens 
Des  pères  purpurinsxe  font  les  armoiries 
De  la^Ville  de  Rome  &  de  fes  feigneuncs: 
Tels  font  les  fondemens  de  ton  licgc  maudit, 
De  tagtand'  dignité  Se  de  tout  ton  crédit, 
De  ta  religion  feinte  par  tant  d'années. 
/Vois-tu  ces  tombes-ci  aux  iuites  ordonnées'; 
QjUjbcauxjluifcntcncor  au  milieu  des  tormen?» 
Au  milieu  de  la  flamme  &  des  feux  vehemens; 
Sfrir  toy  &  fur  tes  dieux  tombera  la  vengeance 
Babylon,c'cit  tropfaicT;:la  trop  grande  abôdan. . 
Du  fang  mite  qu'as  beu,te  fait  perdre  le  fens, 
Le  temps,le  temps  vicndra,&prochain  ie  le  fens, 
Que  tu  voudras  auoir  la  vie  rachetée 
De  tous  ces  innocens, aufquels  tu  l'as  oftee. 
Dieu  fera  le  vengeur  du  iuiîe  fang  de  ceux 
Qui  ores  lbnt  parez  de  robbe  blanche  és  cieux, 
Pour  auoir  hardiment,&  d'vn  ardent  courage, 
De  la  coupe  de  Chriftlâuoiuclc  breuuage 
Au  milieu  des  tormens>&  des  feux  au  milieu: 
Par  où  ils  ont  paflè  pour  par  uenir  à  Dieu, 
Plus  vilte  que  le  vent,plus  vifte  que  la  flamme 
Qui  au  foufre  affiné  foudainement  s'enflamme: 
Et  s  arreftent  és  cieux  en  repos  8c  plaiiîr, 
Conioints  àChriftleur  chef,  8c  faoulasleur  défît. 
Contemplans  le  Seigneur,voyans  de  veuc  pleine» 
De  lumière  éternelle  vne  immenfe  fontaine: 
Et  pofledans  des  cieux  les  plus  beaux  ornements» 
Foullent  deflbus  leurs  pieds  aftres  8c  cléments. 

^Parces  exemples-ci  le  Seigneur  nous  efueille, 
Et,en  nous  propofant  celte  eltrange  merueille, 
Il  reforme  nos  cœurs,&  viuement  les  poind, 
De  peur  que  noftre  foy.debile  de  tout  poin<5t, 

Ne 


Vœu  pour  les  Martyrs  de  ce  temps. 


Neu  mâle  fuada  pioffalfa fub  imagine  refît 
Sopiat  in  tenebris  mifer* fiduciapacis. 
Sic  his frpe  fuos  percellit  ejr  implicat  olim 
Monjlris  Omnipotent, (jr  nos  examine  dura 
Pertenfans,  aperit  circum  mille  vndique  mor- 
tes: 

guo fibinos  reddat.quo  nos fuperardua  cali 
Jmtttos  trabat,atque fui fuccendat  amore^t 
Edocîos  nnfquam  humants  confdere^j  rébus: 
Sed  Patris  arbitrium  cupidos  vocémque^  fe- 
quentes. 

iflapiœs  adeo formant  certamina  mentes. 

A  T  vero  nocli fempérquefilentibus  vmbris 
Iam  merfos^ejr  denfa  olim  caltgine  condiy 
sltque-j  adeo  illorum  cineres,famamquç_j>  pro- 

fundis 

Obduci  tenebris ,fjr ferro  ejr  carcere  dudum 
Rebare  extintfam,jlamifque  voraabus  haujla- 
Sed  calo  vifufn  ef  aliter:  namque_j  incubât 
iftis 

Fama  ingens  T umulisyqua fefis  ex  ofibus  vU 
trix 

T  rotultt  innocua  gentis  ylatéqueper  omnes 
Vulgauit populos  jngenti  maxima  plaufu 
Egregias  animas }nolit velit  agra  tyrannis 
Romatua,dr  cineridatJpledidanominA  muto. 
^Ergo  agedum  illufires  anima /vos  pojlhuma 
fama 

E  noeîe  ejr  tenebris  ^ad  vite  ejr  luminis  auras 
Ecce  tuba  reuoeat fonitu  offeiofa  potenti 
Emeritasfenfféque  pio  certaminefunefas. 
Vos  Pater  amplexu  non  dedignatus  amico, 
^Arbitrio fatt  exemptas  Regûmquefurori, 
Jn  calum  Pater  omnipotens  excepitouantes- 
guarc  agite  &facris  etiamnum  accentibus 
omnes 

In  numerum,  denfa  toto  date  carmina  calo: 
Cdo,vbi  perpétuas  aies  chorus  haitrit  anhelans 
Delicias  ,pur£<jMbunt  noua  gaudiamentes-. 
Gaudiamlhumile  autfuxum  Jpirantïa  porro, 
Gaudia  part  a  plis  atque  obferuantibus  a  qui. 

V esira fed  hac  olim  memores  exepla  fequutï 
Sic  calum  répétant  gratique  piiquenepotes, 
guidederint  vitro  durafuanomina  ChriJH 
MtlitU-tJàncfa  cum  maieflates  malorum 
Tôt  Utigladios  ejr  ioterudelia  pafi. 
^Hacvobis  mage  marmoribus  veimolc^fi- 
perba 

Pyrarnidumjongosferduraturaperannos 
SancJa  piis  incifa  notis  monimenta  parauit 
Hteropolis-.vobis  etiam  Crijpinus  amico 
Jujla fcitvotOycjrpatrio fermone  par  entât, 
guod fi  ego  nil  aliud potero ,  vos  carminée 
faltem 

Profequar,&  Siticen  memorabo  funera  plaufu 
Vejbra  pio> fjrvejhas  comitabor  carminé flamas . 
^Ergo>Liber,populosprocul  ex  Oriete  remotos, 


Ne.s'eltaigne  au  dedans,ou  que  quelque  fiance 
D'vn  repos  malheureux,ayant  en  apparence 
Quelque  prétexte  beau,ne  donne  vn  oreiller 
Aux  bonsjpotir  en  erreur  les  faire  fommciller. 
De  tels  monftres  fouuent  le  Seigncui  enueloppe 
Et  picque  viucment  de  Tes  eleus  la  trouppe. 
P  uis  en  nous  efprouuanr  par  des  moyés  tafeheux. 
Il  ouure  autour  de  nous  mille  fepulchres  creux, 
Afin  de  nous  r'au oir, voire  maugré  nous  mefmes 
Nous  tirer  de  ce  val  deflus  les  deux  fupremes, 
En  l'amour  de  fonNom  nosamesembrafer: 
Nous  ayant  enftigné,qu'ilnefaut  s'amufer 
Aux  chofes  de  ce  monde,ains  la  volonté  fainetc 
Du  Seigneur  efcouter,S<:  la  fuiure  fans  feinte. 
Voila  de  quels  combats  Dieu  façonne  les  cœurs 
Des  fiens,  que  puis  après  il  couronne  vainqueurs. 

Mais  toy,toy  Babylon,tu  te  faifois  accroire 
Que  de  ces  faindts  Martyrs  la  bénite  mémoire, 
En  filence  éternel  demourroit  auec  eux 
D'obfcurité  couuerte  és  manoirs  ténébreux: 
Tu  pcnlbis  dés  long  temps  auoir  leur  renommé* 
Par  prifon,fer  &:  feu,auec  eux  confumée: 
Mais  tout  autre  a  cité  du  Seigneur  le  vouloir, 
Car  tous  ces  monumens,que  tu  peux  ici  voir, 
Sont  ornez  d'vn  renom  trelgrànd,  qui  a  naiifance 
Des  osdesfaincts  Martyrs,& qui  crie  vengeance 
Contre  toy;diuulgant  parmi  les  nations 
Les  a&es  vertueux  de  fes  forts  champions: 
Qui  de  tous  reuerez  font  au  long  de  au  large. 
Mefmc  leurs  cendres  ont  encor  ceft  auantage, 
Quenoblefle  acquife  ont  d'vn  magnifique  nom, 
Maugré,bon  gré  toy  Rome,e\r  ton  cruel  renom. 

^  Ames  illultres  donc,oyez  la  renommée 
Qui  faifant  fon  deuoir,en  bouche  a  entonnée 
Sa  longue  trompe,afin  que  de  l'obfcure  nuict, 
Ramenées  ioyez  à  vie  &  iour  qui  luit, 
Comme  vous  méritez,  pour  auoir  feeu  combatre. 
D'vn  vrayzelc  Chreftien,&  l'Antechriftabbattrc. 
Le  Pere  tout-pui(Tant,qui  amiablement 
Daigne  vous  cmbraiTer,deliures  de  tourment: 
Et  de  cette  fureur  au  cœur  des  Rois  efprife, 
hait  que,gaycs,au  ciel  vous  auei place  prife. 

Pource  de  voftre  part,toutes  enfembfe  és  deux, 
D'vn  mefme  accord  chantez  louange  au  Dieu  des 
En  la  maifô  duquel  des  S.  Anges  la  troupe,  ( dieux 
Et  des  eleus  aulh  boit  en  la  riche  coupe 
Desplailîrs  cternels,qui  nefententenrien  * 
Choie  caduqiic,ou  proche  àl'cftat  terrien, 
Préparez  à  tous  ceux  qui  d'aller  droit  ont  cure." 

Que  vos  nepucux  aufl1,qui  en  la  guerre  dure 
Du  Seigneur  lefus  Chriiî  Te  feront  employez, 
Et  comme  vous  auront  leurs  forts  bras  deiployez: 
Paflàns  al  jigrementjCv  en  maieité  faincte, 
Tant  detourmens  efquels  fera  leur  vie  efteinte, 
PuifTent  vn  iour  au  ciel  auec  vous  eftre  admis. 

^Geneuc  cependant  vous  a  bafli,&  mis 
En  caractères  faincts,ces  fainctes  (epultures, 
Lcfquelles  dureront  plus  que  les  pierres  dures 
Superbes  en  hauteur,&  le  marbre  luifant. 
Crc(pm,qui  vous  chérit,  vous  va  cternifant, 
Et  en  ces  Liures  mis  en  langue  intelligible 
Vos  funérailles  faiél.De  moy,s'il  n'eft  poflîble 
Faire  quelque  autre  chofe,  au  moins  ie  chanteray, 
Eccn  vous  beni(Tant,à  tous  raconteray 
Voitre  confiante  mort:&  voftre  flamme  ardante, 
le  fuiuray  par  ces  vers  qu'à  voitre  hôneur  ie  châte. 

^Sus  donc,Liurc,dcpars  arrière  de  Iura 


A  l'Eternel  T-B.  T-P.  Va 

j2^ù  patet  orbe  oiim  Roman  a.  potentia  vitfo, 
^Ad  Tanatn,ad  Cimmerios  atque^j  vltims 
Ponti, 

Aureitsà  Iuraperagraviridifa  Léman  o. 
Sauromitas yt.vifeydoce gclidofque  Polonos, 
<gun s  modo  calèfti  renouatos  Spirim  aura 
P  foçenuit  wjferansjovgjque  à  notle  rcduxit. 

Orchadœs,&  Scotia  plenis  pete  littora  velis: 
Hîcnaperlux  illa  Dei  verbumque  Salutis 
Sacrum  tUudnopa  mamfefio  lumine  coram 
Zxflicuitfefejhkfides  tuttque  receptus 
SanctU  Europa  exulibusprofugifque  parantur. 
ViÇe  anni  Solifque  vias.vbi  nofira  Canopum 
Gensvidet,&  nofirn  contraria  fidera  cernit 
AdmiransJongeEuropa  Calpéque  relitfis 
tergo>Ammericampropter,  qua  languidus 
annum 

Exiguumvertens}gelidofibfidere  nobU 
Sol  bytmem facit1&  currtt  breuioribus  horis 
guapatet/nque  (inum  pandit  fe  diutte  luco 
Brefdia-.infelix fupra  exécrât  aque  tellus 
Cannibalum ,  Paranas  infrà  Lepetifque^j,  fi- 
nanti 

Murmure  gemmarum  &  fquamuis  crepitanti- 
bus  auriy 

In  mare précipites juntto  fimulagmines  cur- 
runt. 

I ,Liber,&  reduces  iterum  folare  Britanos, 
Poftlongaexilia  &  laque  os  çineréfqu<Ls  fuo- 
rum: 

jgups  interpietate  grauis ,  venerandus,  honora 
Canicie^extram  medios  qui  Utus  m  ignés 
Coniecit,no/lro fulget  memorabilis  auo 
Cramnerus  :pete^>  culta ,  Liber,  qua  Sequana 

lambit, 

<%ua  Ligeris  ficat,&  Rhodanus ,  rapidufquc 
Garunna. 

I, Libert(jr  veteres  mœrens inuife  tôt  vrbes 
£)ua  Rhenusfluit:auriferis  qua  diues  arenis 
T urbidus  Oceanum  le  m  T  agus  agmincj  pul- 
Jat: 

Et  tt_j  Roma  légat  caput  imperiumqucs  malo- 
rum. 

Tu  vcroju  Chrijtefaue.qui  lum'mu imbre.. 
Cuncla foues,feruas  ejr  dis filidaque firenas 
Latiùa}&  caltis  renouas  mortalia  cordai 
^sflm^faue,  &  fanttis prafens  allabere  cœ 
ptis: 

Caleflique  patrocinio  mendacia  contra 
Et  vulgi  rabicmypr*fins  monimenta  tuo  rum 
Incifahis  tabults  iam  terrediuiua  tuerey 
guets  latc  cirçum  tua  lux  &  gloria  cre fiant. 


x  pour  les  Martyrs  de  ce  temps. 

Et  du  lac  Geneiiois,piris magnifique  va 
Les  peuples  eflcngnez  de  l'Orient  ccgnoiftrc. 
Et  d'vn  des  bouts  du  monde, ayât  eu  pour  Ion  mai 
Autiesfoisle  Romain, trauerlc  Tanais:  ("lire 
Puis  des  Cimmeriens  entre  dans  le  pays: 
AulVi  del'Hellefpont  tafchc  les  bouts  atteindre. 
Va  voir  &  enfeigner  les  Sarmates»&  îoindie 
Le  peuple  Polonois  nagueres  croupiifant 
En  ténèbres d'erre,        }ue  le  Tout-puilFant 
Ores  par  fon  Elpru  eldairc  régénère. 

Vogue  aux  ides  Orchades,&  anchre  la  galère 
Aux  nuage  d'£fcoffc:le  clair  flambeau  de  Dieu, 
Son  Euangile  fainc~t,luit  ÔV  Tonne  en  ce  heu: 
Oui  fera  le  refuge  &  feiour  de  la  trouppe 
Des  leruiteurs  de  Chriiï  deU  ii allez  de  l'Europe. 
Les  courfes  du  foleil  &  de  l'an  va  t'en  voir, 
Que  noftre  nation  ne  peut  apperceuoir 
Qu'efbahie,  voyant  tant  d'efloilles pofees 
Aux  ciel  de  ces  lieux-la,aux  noftrcs  oppolees: 
Elle  y  voit  Canopus,aftre  clair  &  luilanr, 
Puis  l'Europe  Se  Calpé  derrière  toy  lai  (Tant. 
Coursiufcju'en l'Amérique  en  noftre  tépscognuc, 
Où  le  foleil  tournant  de  courte  retenue 
Eli  contraint  par  deçà  en  peu  d'heures  fournir 
A  fon  plaifant  labeur,fai(ant  l'Hyuer  venir 
Vers  nous  par  ce  moyen. Pies  de  là  eft  la  terre 
Du  fkelil,oùce  bois  le  marchant  y  vaquerre. 
Au  delTus  on  peut  voir  le  pays  malheureux 
Des  cruels  Cannibals:cv  au  dcuous  d'iceux 
Parane  &  Lepetis,riuieres,ou  bruyantes 
Sont  les  efcailles  d'or  &  les  perles  luifantes, 
Qui  d'vn  cours  entre-iointlc  plongent  en  la  mer. 

Va,Liure,derechefles  Angloisconfoler, 
Apres  leur  long  exil,&  des  leurs  la  mort  dure, 
Par  cordeaux  &  par  feu:entre  tous  lefquels  dure 
Encores  auiourd  huy  le  nom  de  ce  vieillard 
Cramner  homme  de  Dieu, qui,  lors  que  le  feu  ard 
Des  flammes  au  trauers, hardi, fa  main  auance. 
DelàXiurejvien-t'en  tournoyer  en  la  Fi  ance, 
Par  les  champs  fructueux  de  la  Seine  arroufez 
Du  Rhofne,de  Garonne  &  Loire  diuifcz. 

Va,Liure,&  gcmiiTantcontéple  en  l'Allemagne 
Tant  d'antiques  citez  que  le  large  Rhin  baigne 
EtrEfpagne,oùTagusfleuue  tant  décoré 
Pour  la  riche  beauté  de  fon  grauicr  dore, 
En  coulant  doucement  fait  enfler  la  mer  grande. 
Çjuccefte Rom e  aufl1,qui aux mefehas cômâde, 
%t  domine  fur  eux,life  ce  que  contiens. 

Mais  toy  Seigneur  Iefus,quidu  ciel  entretiens, 
Gardes,nourris  Se  tiens  en  folide  liclTe 
Par  ta  viue  clarté,tout  ce  qui  le  col  baifle 
Sous  ton  Empire  fain£t,toy  qui  formes  les  cœurs 
Des  humains  que  tu  rends  Ôc  tais  tes  feruiteurs: 
Beni,ie  te  fuppli,maintien  ce  faindouurage, 
EtdVn  celefte  braspreferuedela  rage 
Du  vulgaire  mutin,&de  menfonces  faux  "* 
De  tes  heureux  Martyrs  les  excellens  tombeaux 
En  ce  liure  grauez,qui  de  mort  les  débute, 
Et  défia  par  trçis  fois  les  fait  çà  bas  reuiure, 
Faifant  qu'àlentour  d'cux(tout  brouillart  efearté ) 
Reluife  an  large  &  loing  ta  gloire  ôc  ta  clarté. 


I.  T.  F. 


S.  G.  F. 


SVR    LA   C0NSTANCE    <D E  S 
fidèles  A4  artyrs  de  noftre  Seigneur  Je/us  Chris! , 
dejqptels  il eflfait  mention  en  ce  Lturc^. 

En  ce  grand  feu  la  grande  patience, s 

Qui  en  mourant  fait  le  foldat  vainqueur, 
Efmeut  en  moy,rœil,i'aureille,&  le  cœur, 
Quand  le  le  voy,cj  uand  îe  l'oy,quand  l'y  penfe. 

le  voy  fouffrir  auec  ioye  &  conftance, 
I'oy  chanter  haut  en  extrême  douleur, 
le  penfe  alors  que  de  Dieu  la  grandeur 
Luit  en  l'obfcur  de  l'humaine  împuillance. 


Si  on  veut  donc  d'vn  vray  prouflt  iouyr, 
Ce  n'eft aiTez,&  de  voir  ôc  d'ouyr; 
Car  au  penfer  eit  l'vtilité  toute. 

Et  qui  fe  vient  en  ce  lieu  ad<  eflèr, 

Pour  voir,ouyr,&  non  pour  y  penfer, 
V  o yant,oyanc,il  ne  voit,&  n'oit  goutte. 


PREMIER 


PREMIER  LIVRE. 


De  Ihiftoirc  des  Martyrs,  &  des 

CHOSES    ^ADVENUES    E  J^i   L  E- 
gïtfe  du  Fils  de  cDieu,depuis  le  temps  de  Vvicleff mjques  aprefent^. 

EL  ON  les  tcmps,le  Seigneur  par  fa  bonté  admirable  a  redônc 
à  l'on  Egiifenon  feulement  fidèles  Docteurs  pour  annoncer  (à 
V  entérinais  auih  excellens  champiôs,pourlaieeller  de  leur  pro- 
pre lang.  Ec  combien  que  le  monde  ait  efté  long  temps  cou uerc 
de  ténèbres  horribles ,  il  a  neantmoins  d'vne  merueilleule  façô 
toufiours  gardé  quelque  femence  ou  eltincelles,  pour  allumer 
la  clarté  de  celle  Venté  au  milieu  de  la  nuict  obicurc  &c  tene- 
breufe.  Et  iaçoit  que  depuis  le  commencemét  de  la  prédication 
derEuangilc,ilyait  euvn  ordre  continuel  de  bons  Docteurs  5Z 
Miniftres  (comme  ilièroit  facile  de  môftrer  par  tefmoignagesôc  exemples  fuffifàns  )non- 
obftant  il  a  femblc  que  les  Lecteurs  Chrelh'é«$  auront  dequoy  fe  contenter,!!  de  près  cô- 
mençansàlE  an  Vvic  l  e  f  f  ,Anglois  de  nîicion,  nous  monftrions  combien  ceiteién-  MattLii&ri 
tence  eft  véritable  ,  Que  les  portes  fîenfer  nepeuuent  rien  a  ^encontre  decefle  -venté  invincible  de 
Dieu.Ez  de  faict,  s'il  y  eut  iamais  fiecle,  auquel  Satan  ait  perfecuté  de  haine  furiculc  celte- 
doctrinc>&  tafché  par  tous  Tes  efforts  de  l'abolir  du  touL-c'a  cite  depuis  ce  téps-la .  Et  puis 
qu  vnc  telle  force  tant  puisante,  ran  t  enuenimee  de  hafne,na  peu  venir  à  bout  de  fes  cn- 
treprùes>&:  n'a  feu  tant  faire  quicelle  n'ait  efté  nuraculeufementconféruec,&  baillée  co- 
rne de  main  en  main:  ne  nous  efbahi  (Tons  fi  ceux  qui  la  maintiennnent  ne  font  aucu- 
ne difficulté  de  quitter  leur  propre  vie,  pour  afpircrà  l'héritage  éternel,  où  icclle  les 
appelle. 

Il  cft  certain,  que  lors  quenoftre  Seigneur  &  bon  Dieu  fufeita  Vvicleff,  la  tyrannie 
occupoit  par  tout,  &:  principalement  dominoit  par  ceux  qui  tenoyent  le  gouuernemcnc 
Ecclefiaftiquc .  A  grand'pcine  y  auoit-il  au  monde  qu'vne  bien  petite  eitincellc  de  la  pu- 
re doctrine,qui  fuft  apparente  tant  peu  que  ce  fbit.  Cela  fut  enuiron  l'an  apreçla  natiui-  ,.cftiulede( 
té  de  noftre  Seigneur  Icfus,  m.  c  c  c.  l  x  x  i  i.  Auquel  temps  les  Rois  &  Princçs  dire-  princcsdu 
ftiens,pour  toute  affection  5c  zele  qu'ils  auoyent  de  faire  valoir  la  religion ,  empic^oyent  tcmFJ 
leurs  eltudes  à  recouurer  force  reliquaires  d'oilémens&:  du  bois  de  la  Croix,  qui  cftoit  en  V1CC 
la  villedelcrufalem,  5c  faire  des  voyages  d'outre  mer  pour  femblablcs  deuotionsfnuo- 
les .  Encetemps-la(dy-ie)  Dieu  voulut  par  fa  grande  bonté  reueillcr  le  monde  cnfeuely 
dedans  les  fonges  des  tradition  s  hu  maines ,  &  ce  par  quelque  organe  dudit  Vvicleff.  Le- 
quel ayant  délia  fait  longuement  profefllon  de  Théologie  à  Oxford,  ville  5c  Vniuerfïté 
d'Àngleterrc&i  voyant  la  vraye  doctrine  eftre  vilainement  corrompue  de  beaucoup! d'or- 
dures de  queftions  5c  inuentions  du  Pape,  ne  fe  peut  tenir  degemir  en  (on  cœur  :  &C  déli- 
béra s'oppoier  à  tel  delbrdre.  Il  voyoit  bien  qu'il  ne  pouuoit  fans  grand  trouble  remuer 
telles  ordures  :5c  cequi  de  longue  couftume  eftoit  enuieilli  dedans  les  cceursdeshom- 
mes,  ne  pouuoit  eitrefifoudainement  arraché.  &:  pourtant  il  luyfemblabon  de  manier 
ceft  affaire  petit  à  petit .  Premièrement  il  fît  cefi:  effay  contre  les  aduerfaires  de  la  Vérité, 
afTauoir,qu'il  difputa  contre  eux  de  petites  choies ,  afin  que  par  ce  moyen  il  fe  filt  ouuer- 
ture  aux  grandes .  Et  entre  autres,  il  eut  affaire  à  vn  certain  moine  de  l'ordre  des  Carmes, 
nommelean  Kenyngham. 


fubftancia- 
uon. 


Lime  /.  Jean  Vvicleff. 

D  e  ces  petis  commcncemens  on  vint  à  chofes  plus  hautcs.il  y  eut  finalcmcn  c  difputc 
touchant  le  Sacrement  delà  Cenc.En  cela  ce  bon  perfonnage eut  grade reliftcncc,  affer- 
mant publiquement  es  Efcoles,que  fa  principale  intétion  eftoit  d'ofter  l'idolâtrie  qui  rc_ 
gnoit  en  l'Eglife  touchant  cefte  m  aticre.  Mais  voila  le  mal.  on  ne  pouuoit  toucher  à  cefte 
playe  fan  s  faire  grande  douleur  au  monde.  Les  Moines,  &:  fur  tout  les  Mendians  eftoyent 
transportez  de  rage,eftans  marris  q  par  ce  moyé  leurs  fouppes  leur  eftoyen  t  arrachées  des 
poings.  LesEuefques  vouloyentauoirlacognoiiTanccdeceftecaufe.Et  voyansqucleur 
puiflance  n'eftoit  point  allez  forte  pour  rompre  ce  coup,i!s  eurent  lînalemét  recours  aux 
foudres  duPape.car  c  eft  le  dernier  remède  qu'ils  ont  en  tels  orages,apres  q  les  hurlcmens. 
des  moines  &  preftres  ne  peuuent  pas  beaucoup  profiter.  Ceieul  perfonnagefouftint  le 
choc  contre  vn  fi  grand  nombre  d'ennemis,  n'ayant  pour  toute  ia  defenfe  que  la  fermeté 
des  iametes  Efcriturcs.il  eft  vray  qué  pour  confirmation  plus  grandeil  propofoit  l'autho- 
rite  des  Docteurs  anciens  de  l'Eglife: nonobftâtc'eftoit  en  ce  qu'ils  accordoyentaux  fain- 
des  Efcriturcs,  faifam  remonft  rance  qu'il  n'y  a  vérité  que  celle  qui  eft  côtenue  efditcs  EL 
cri  turcs. Quant  aux  Decrctiftes,il  les  reiettoit  entièrement. 

I  l  maintenoit  conftament,  qu'au  Sacrement  de  la  Cenc  les  accidens  neftoyent  point 
fans  fubiedx'eft  à  d  ire,que  la  blancheur  &:  la  rotondité  du  pain  n'y  eftoyent  point  fans  le 
UTranf.  pain:aflaucur,que  contre  la  TranfTubftantiation  (que  les  preftres  auoyent  forgée)  le  pain 
"  demeuroit  pain,&  le  vin  auffi  demeuroit  en  fa  propre  fubftance.Et  quant  aux  argumens, 
nous  les  différerons  en  vn  autre  lieu,&  poffible  eft  que  ce  fera  mieux  à  propos .  La  vérité 
en  ccft  endroit  rendit  Vviclcff grandement  odieux,&  principalcmet  enuers  toute  la  Pre- 
ftraille,&  les  Eueiqucsqui  auoyent  les  plusgransreuenus. 

A  v  reftetadis  que  le  roy  Edouard  vefquit,on  peut  bien  apperceuoir  que  VviclefrVe- 
ftoit  point  du  tout  deftitué  defaueur  ne  fupport  contre  fes  ennemis .  toutefois  au  dernier 
an  dudit  Roy,il  fut  pris  par  l'archeuefquede  Cantorbery,à  l'inftigationduPapc:&;  corn- 
mandement  luy  fut  fait  de  fe  raire,en  la  prefencedu  duc  de  Lanclaftre&dufcigneur  Hc- 
ride  Pcrie.Mais ayant  derechef recouuré  la faueurd'aucunsgrâs Seigneurs , il rôpit  bien 
toft  fon  filence.Sur  ces  entrefaites  Richard  fils  d'Edouard  fut  fuccefleur  du  royaume,qui 
fut  enuiron  l'an  mille  trois  cens  feptantefept .  Le  pape  Grégoire  nccefladcfolicircrpar 
lcttres(par  les  Eucfques  du  royaume)  &:  par  bulles  ce  nouueau  Roy,  qui  autrement auoit 
le  cœur  fort  noble,  à  ce  qu'il  periecutaft  Vvicleff &  fes  adherens .  &c  trouue.on  la  copie  de 
la  lettre  que  ce  diable  de  Pape  enuoya  au  roy  Richard, laquelle  nous  auons  icy  inférée. 

L  A  copie  de  la  lettre  que  le  Pape  enuoya  au  roy  Richard,pour  perfecuter  Vvideff. 

*j|g|f|Noftre  bien  aiméfils.Richard  roy  d'Angleterre,falut&:benedidiôApoftoliquc.Lc 
^^froyaumed' Angleterre,lcquel  le  Souucrain  afubmisà  voftre  puiflance,  qui  eft  cxccl 
lent  en  force  àc  grande  abondance  de  biens,&  plus  excellent  en  la  religion  delafoy,&  re- 
luifantenprofcffiondela  faindeEicrfturc,a  accouftumé  d'auoir  des  gens  exquis  en  la 
droite  feience  des  Efcritures  diuines,graues  en  maturité  de  mœurs,  feruens  en  dcuotion, 
&  defenfeurs  delà  foy  catholique ,  qui  fauoyent  bien  inftruire  non  feulement  les  gens  de 
leur  pays,mais  auffi  les  autres,  6c  les  adreflfoyent  fort  bien  en  la  voye  des  diuins  comman- 
demens.Mais  par  le  rapport  de  beaucoup  de  bons  perfonnages  dignes  defoy,nous  auons 
e/uendu  à  noftregrand regret,  qu'vn certain  Iean  Vviclcff,  curé  delaparroùTeduLut- 
tervorth,dioce{èdeLincolne,  dodeur  en  Théologie ,  eft  entré  en  vnc  furie  abomina-, 
ble  :  en  forte  qu'il  a  propofe  aucunes  conclufions  remplies  d'erreurs ,  &:  contenantes  hc 
refiemanifeftc,  par  lesquelles  il  s  efforce  derenuerfcr&:  abolir  leftat  de  toutel'Eglife.  Et 
il  y  en  a  entre  autres  >lcfqu  elles  femblent  bien  fefentir  desperuerfes  opinions,  ôc  delà 
Marfilcdc  malheureufe  doctrine  de  Marfile  de  Padua&Iean  de  Gaudun,gensdememoircdam- 
dc^cSîdun*  nablc&cxecrablc:  combien  qu'il  y  ait  quelques  mots  changez  :1e  liurc  dcfquels  aefte 
condamné  &c  reprouué  par  noftre  prcdecefTcur  le  pape  Iean ,  de  bonne  &  heureufe  me» 
moire.  Comme ainfi foitdoncquesqubnosfrercs  venerables,rarcheuefquedeCantor- 
bery  &  l'eucfqucde  Londrcs,ayent  eu  mandemétdenous>dcfaifirau  corps  ledit  VviclefF 
en  noftre  authorité,&  de  le  conftiruer  prifonnicr,&  denous  enuoycr  fa  confeffion:  s'il  eft 
cogneu  qu'en  la  procédure  de  ceft  affaire  ils  ayét  befoinde  voftre  faucur  &c  aide(ainfi  que 
vospredecclfeurs  vertueux  ont  toufiours  efté  protedeurs  delafoy  catholique,^  prince 
paux  zélateurs  de  la  religion  de  laquelle  il  eft  maintenant  queftion  )  nous  requérons  & 
prion  s  afFedueufem  ent  voftre  maiefté,  que  pour  la  reuerenec  de  Dieu ,  8c  pour  le  regard 

de 


Jean  Vviclejf,  i 

de  la  foy  &  du  faï£r  fiege  Apoftoliquc,&  pour  l'amour  de  nous,il  vous  plaife  doher  faueur 
&C  aide  auidits  Archeuefque  &  Euefque,&  aux  autres  qui  pourfuyuent  ceft  affaire .  Et  en 
ce  faifant,  outre  la  louange  des  hommes ,  vous  obtiendrez  le  loyer  de  la  rétribution  diui- 
ne,la  grâce  &:  beneuolence  dudit  iîegc  Apoilolique,&:  là  noftre.  Donné  à  Rome  à  fain- 
cle  Marie  lamaieur,le  vingt  deuxième  de  May ,  l'an  de  noftre  Pontificat  feptieme,  &  Tan 
de grâce  m . c  c  c.lx'xviii. 

Voila  quelles  font  les  fermetez  des  argumens,  par  lefquels  les  Papes  maintiennent 
lafoy  Chreftienne,&:  par  lefquels  ils  donnent  à  entedre  au  monde,qinl  faut  brufler  ceux 
qu'ils  ap  pèlent  hérétiques:  affauoir ,  ceux  qui  ne  peuuen  t  porter  leur  tvrannie  barbare* 
s'efténdànt  non  feulement  fur  les  corps,mais  fur  les  ames  principalement .  Mais  retour- 
nons à  noftre  propos. 

Yvicleff  fut  cotraint  par  les  rhehaces  de  ces  vénérables  Prelats,de  fermer  la  bou  ^""y1™* 
che:  en  lbrte  toutefois  que  la  véhémence  de  la  vérité  qui  bouilloit  dedans  luy,nefc  peut  dciF.  "' 
contenir,mais  fortit  hors  de  plus  grande  force.  Il  commença  doneques  encore  à  refemer 
la  pure  doclrine:derechef  les  ennemis  d'icellecomplotertent  contre  luy,fulcitansdegrâs 
bruits  conrrelalumiercde  rEuangile,quieommcnçoitàiettcries  rayons.LePapecepé- 
dant  ne  dotmoit  point:  ains  pluftoft  tailoic  tous  fes  efforts  d'aigiuïer  les  courages  de  ceux 
qui  eftoyét  défia  faits  à  fa  pofte,&:  de  foliCitcr  inceffammét  par  lettres  &  bulles,  ceux  qui 
n'eftoyét  défia  q  trop  enuenimez.  Entre  autres  il  y  a  qlques  copies  de  lettres  qu'on  pour- 
roit  produire  :  tant  y  a  qu'elles  ne  contiennent  autre  chofè  que  menaces  plus  que  barba- 
res,violences  tyranniques,&;  ie  ne  iày  quelles  paroll<.  sorgueilleufes,plusièâces  à  la  gueu- 
le d'vn  diable,qu'à  la  bouche  d'vn  homme.  Ainfi  doneques  ces  tifons  d'enfer,en  partie  ai- 
guifez  par  ces  belles  lettres ,  en  partie  enflammez  par  la  cruauté  de  ce  vénérable  arche- 
uefque de  Cantorbery,  &  mefmc  par  leur  propre  furie ,  faiioyent  de  belles  proteftations 
auecques  leurs  Euefques,que  quandil  y  auroit  mefmcdangcr  de  leur  vie,  ne  pour  mena- 
ces,nc  pour  dons  ou  prefens,ilsnevoudroyentflefchir  l'efpeffcur  feulement  d'vn  ongle, 
ains  pourfuyurc  celle  caufe  à  toute  rigueur  de  iufticc.  Et  faiioyent  ces  proteftations  en 
grande  audace  dcuanttous,&:  auant  que  leur  Concile  prouincialfuftaffemblé.C'eftoit 
vrayement  vnepromeffe  magnifique^:  droite,  s'ils  euffent  bien  entendu  que  c'eftoit  de 
vraye  iuftice,&:  s'ils  euffent  eu  bonne&:  droite  affe&ion  de  la  fuiure. 

Mais  Dieu  par  fa  grande  vertu  &  bonté  mit  à  néant  toute  cefte  force  bruyâte  de  ces 
belles  cornues  &  leurs  fuppofts,&  pour vncoecafion  bien  petite. Le  iour  de  l'examen  ap- 
prochoit.il  y  eut  vn  des  plus  grans  de  la  Cour  du  Roy,nom  m  é  Louys  Clyfford,  lequel  sa- 
dreffa  à  ces  Eueiques,&:  leur  défendit  auec  menaces, de  n'eftre  fi  hardis  de  prononcer  fen  ^gf^ 
tencediffinitiue  contre  ledit  Vvicleff".  Leur  orgueil  fut  tout  en  vn  moment  abbatu  li  bas  menace*, 
(comme  ileft  monftré  par  les  Chroniques)  qu'ils  n'auoyent  réplique  aucune  en  leur  bou 
che,tant  ils  cftoycnteftonnez.il  y  auoitcccydauantagc:  Ainfiqueles  Euefqucseftoyent 
défia  afféblcz  auec  Vvicleff  en  la  chapelle  de  rArcheuciquc,les  habitas  delà  ville  de  Lon- 
dres en  trerent  hardiment  dedans:  &:  après  auoir  aucunement  troublé  laffemblec,  porte- 
rét  parolle  pour  ledit  Vvicleff:  leql  fe  iéntât  aidé  de  telles  de  autres  occafions,  fe  defpcftra 
facilement  des  machinations  des  Euefques:  &:  fit  cefte  proteftation,  de  laquelle  la  teneur 
s'enfuit: 

En  premier  lieu  îcprotcftc  publiquement,  comme  fay  fait  maintefois,  que ie délibère  proteftat":« 
&  veux  de  tout  mon  cœur ,  moyennant  la  grâce  de  Dieu ,  eftrcbon  &:  vray  Cl;rcftien  :  &.  <*c  Vvicictf, 
tat  qu'il  y  aura  refpiratiô  en  moy,  de  maintenir  &  défendre  iclo  ma  faculté ,  la  loy  de  lefus 
Chrill.Étfîiefaupar  ignorance,ou  par  quelques  autres  caufes  en  ccftendroit,iedeman- 
deàmon  Dieu  qu'il  me pardonne.&:  maintcnât,comc  dés  lors,iemededy&retrâ&e*mé 
lumettanthumblementàlacOrrécliôderEglife .  Or  pourcequel'opihionqueietenoye 
de  la  foy,îaquelle  a  elle  ouye  de  moy  és  efcoles  &  aillcurs,a  efté  rapportée  par  les  petis  en- 
fans,  voire  iufques  à  Rome:  afin  quelesChreftie'nsnefoyétoffenfczen  moy,  ie  veux  met- 
tre par  elcrit  l'opiniô  pour  laquelle  on  me  vient  affaillir,&  laquelle  ie  veux  maintenir  iufc 
ques  à  la  moct:comme  ie  croy  que  tous  Chreftiens  &:  fidèles  doiuent faire,&:  fpecialcmet 
les  Prélats  de  TEglife. Cependant  i'enten  mes  conclulions  félon  lefens  &  la  forme  de  par- 
ler de  l'Efcriture  fain£te,&:  des  faincls  Do£teurs:&  il  elles  font  contraires  à  la  foy,ie  ne  m'y 
veux  tenir.  Cela  feroit  trop  Iong,de  reciter  de  mot  à  mot  les  côclufions  propofecs  par  le- 
dit Vvicleff.  Tanty  a  toutefois  qu'à  caufe  de  l'vtilité  &  profit  fi  ngulier  qu'ily  a  en  icelles, 
il  nous  afemblé  bon  d'en  mettre  icy  aucunes  des  plus  profitables, 

a. ii. 


L/V/ro  /•  J*M  V<vicleff. 

QV  E  L  QV  E  S  conclufions  de  Iean  Vvideff,  propofees  en  la  ville  de  Larobet,  en  Yaffern- 
blee  d'aucuns  Etiefques,l'an  M.  CCC.LXXV  II. 

?  1  quelques  Princes,ou  Seigneurs,  ou  quelques  autres  ont  fait  aucunes  donations 
f;  aux  Minifti  es  de  l'Eglilé,en  cela  il  y  a  vne  condition  tacite;  anauoir  q  Dieu  ibiç  ho- 
^  noré,&  q  les  fidèles  lbycnt  édifiez. Si  cefte  condition  cefle,iceux  peuuent  ofter  aux 
mefehans  Pafteurs  ce  qu'ils  auoyent  donné,  quelque  foudre  ou  excômuniçation  qui  foit 
iettee  alencomrc.  Que  fi  icelles  fulm  in  ations  auoyent  lieu,  le  Clergé  qui  eft  compofe  de 
gens  auaricieux,attireroit  tous  les  biens  du  monde  à  foy. 

L  e  Pape  peut  eftre  légitimement  reprins  par  ceux  qu'il  tient  en  obei/Tance  audef- 
fous  defoy,&:  pour  Fvtilitc  de  l'Eglife  eftre  acculé  tât  des  Clercs  que  des  Laies.  Premiere- 
mét,  quelque  grand  Seigneur  que  foie  le  Pape,  il  doit  pefer  toutefois  qu'il  eft  frerc  des  au- 
trcs,tant  petis  foyent-ils  .11  peut  pécher  comme  les  autres:  &c  s'il  pèche,  il  doit  eftre  frater- 
nellement corrigé,  Ôc  doit  ouy r  fraternellement  les  corre&ions  .  &:  principalement  s'il  y  a 
quelque  obftination  en  luy,par  laquelle  il  maintienne  quelque  here(ie,ou  erreur  domma 
geable  àTEglifc,on  ne  doit  craindre  de  le  reprendrc,afin  que  le  danger  (bit  euité.  Ainfi  S. 
GaLui  £  pauln  a  point  fait  de  difficulté  de  reprendre  S.Pierre. 

Il  yaplulieursautresconclufions,parlefquellesilmonftroit  allez  cuidement  les  abus 
du  Clergé  Papiftique,&  cobien  leurs  pofleflîôs  de  fi  gransreuenus  font  iniuftes .  le  ne  lay 
par  quel  moyen  cela  le  fit,  que  les  Euefques  laifierent  Vviclefî en  repos,  poffible  eft  qu'Us 
ne  lurent  point  les  conclufions,  ou  s'ils  les  lurcn  t,  ikne  les  entendirent  point .  Le  pape 
Grégoire  mourutbien  toft  apres:&  là  mort  fut  aucunement  heurculeaudit  VviclerT.Sou 
dain  après  la  mort  du  Pape  il  y  eut  grande  dilïenfion  entre  deux  autres ,  qui  auoyentefté 
créez  l'vn  en  France,l  autre  à  Rome.&:  cefchifme  duraquafi  xxx.ans.  Ily  eut  de  merueil- 
leufes  guerres  efmeuê's,&  grande  multitude  de  gens  occis  pour  ces  deux  garnemens  am- 
bitieux.En  Angleterreaulfi  y  eut  en  ce  temps-la  vne  cruelle  émotion, qui  dedas  trois  ans 
fut  efmeuë  enti  c  le  commun  populaire  &  les  Nobles  :  ô£  cela  troublagrandement  tout  le 
pays.  L'archeuefquedeCantorbery  futprins  par  les  paylàns,&:  eut  la  tefte  trenchee,  le- 
quel eftoit  nommé  Simon  de  Sutbune.  Apres  ceftuy-cy  fucceda  Guillaume  de  Courte- 
nay,  lequel  trauailla  fort  aulfi  à  faire  la  guerre  aux  fidèles  .  Cependant  coutesfois  le  nom- 
bre de  ceux  qui  tenoyent  le  parti  de  V  vicleff,  croifibit  de  lour  en  iou  r ,  iufques  à  ce  qu'vn 
certain  Doyen  de  la  faculté  d'Oxford ,  nommé  Guillaume  Berton,  quiaufli  eftoit  Chan- 
ProcccW  celier ,  le  leua .  Ceftuy-cy  appela  huit  Doreurs  Moines ,  &  quatre  autres  :&auec  le  con- 
contre  vvi-  fente.ment  de  quelques  autres  qu'il  auoit  de  L  £i£tion ,  fit  faire  des  lettres  où  le  feau  de  F- 
dodw!  Vniucrfité  eftoit  appofé  ,  par  k  (quelles  il  mandoit  à  tous  leselcoliers  de  cefte  Vniuerfi- 
té  auecques  grandes  menaces,  quenul  ne  fuft  fi  hardyde  plus  s'adioindre  aux  opinions 
deVvicleff.  Et  quant  à  VviclefT&:  tous  ceux  qui  luydonnoyentaide&:  faueur,s'ils  nefe 
repentoyent  après auoirefté  adinonneftez  partrois  fois  canoniquement&: péremptoi- 
rement, ils  feroyent  mis  en  prilon,  &  excommuniez  de  la  plus  grande  excommuni- 
cation. 

O  r  VviclcrT ayant  entendu  ces  belles  nouuclles,  combien  qu'il  ne  vift  rien  en  ceman* 
dément  du  Chacelicr  qui  le  deuft  eftonner,toutefois  voulut  appeler  à  la  maiefté  du  Roy, 
&:laificrlàlcPape&:<toutefapreftraille.Ma*sle  DucdeLancIaftrc  furuint>lequelluy  dé- 
fendit d'attenter  telles  cholcs:pluftoft  qu'il  fefubmiftau  iugemcnt&cenfurede  ion  luge 
ordinaire.Ainfi  VviclcfFangoilîé  d'vn  coftéôd  d'autre,  fut  derechef  contraint  de  prefen- 
ter  la  contéfîîon  de  (a  do&nne.En  icellc  il  vfa  de  telle  modération,  que  fes  aduerlàires  fu- 
rent aucunement  appailèz. 

L'an  fuyuant,  qui  eftoit  m.  c  c  c.  lx-xxi  i  ,  Guillaume  archeuefque  de  Cantorbery 
fit  aflembler  derechef  vn  Concile  à  Londres,  &  fut  commadé  à  Vvicleffde  s'ytrouuer. 
Nous  ne  dcuons  point  icy  laifter  palier  vne  choie  qui  aduint  a'iuinemcnt:  A  infi  quel'Ar- 
chcucl'que  auecques  l'es  Surïragans  &:  autres  Docteurs  en  Théologie ,  &c  Legiftcs ,  &  De- 
crcnftcs,cx:grandnombrede  Moines  &:  autres  fripppns  de  Preftres  eftoyent  afifemblez 
pour  de  libérer  des  liures  de  VviclefF&  de  toutes  fes  opinions  (alTauoir  au  cloiftre  dcsla- 
Trcmhic    coPmsc»ela  Vl^c  de  Londres,  où  furies  deux  heures  ils  deuoyent  entrer  en  matière)  a^ 
mem  de  ter  1  >rs  il  y  eut  vn  mcrueilleux&i  terrible  tremblement  de  terreen  tout  le  royaume.  Sur  ce- 
reen  An-    |,  aucuns  des  Euefques  eftonnez  d'vn  mauuais  prelàge  ,  furent  daduis  qu'on  fe  de^ 
glcttrre.j  jCp0rrcr     cefte  cntreprinfc.Mais  Y  Archeueiqueconducleur  de  cefte  guerre,beau- 

couppius  audacieux  que  prudent ,  interpréta  bien  d'autre  façon  cequi  eftoit  aduenu, 

&:  rendit 


Jean  Vvicleff.  3 

ôcrendir  Tes  gens  encorcs  plus  obftinez  à  paraclieucr  ce  qu'ils  aitoyét  commécé-.lcf quels 
finalement  après  auoirefpluche  les  concluions  de  VviclefF:  non  point  félon  les  fainctes 
Efcritures, mais  félon  leurs afflictions particulières ik.  inuentions  humaines:prononcerct 
qu'il  y  en  auoit  aucunes  timplemet  heretiques>les  autres  demi  erronées ,  les  autres  irrcli- 
gieufes&lcandaleulés,  lèntans  bien  peulcltyledcRomc. 

L'Archeuefqucailèmbla  derechef  meilleurs  nos  Mailtres,  &  fît  venir  le  Chancelier 
Ryg,aueclesPiocureurs:airauoir,ïean  Hunteman,&:  Gaultier  Dai'ch ,  Sdembiablement 
vn  autre  nomme  M.Bryutwel .  &c  vou  loit  conuaincré  tous  ceux-ci  d'cltrc  de  la  bande  de 
VvicleiF.Prcmierement  ceux-ci  ne  faifoyent  qu'aller  à  fentour  du  por,&:  cercher  des  ter- 
giuerfations&  exeufes  friuoles,  &:  taichci.  d  eichapper  par  ambiguïté  de  parolles:  nonob- 
ltant,voyât  que  tels  iuhterriigesnelcur  profitoyentpas  beaucoup,  ils  furent  finalement 
contrai  nts  défaire  côfeffion  ouuerte  de  ce  qu'ils  il  ntoyent.  Mais  ce  fut  en  telle  lortc ,  qu'- 
ils firent  protcltation, que  ce  qu'ils  accordoyent  que  ces  concluiions  eltoyeut  herctiques 
ou  erronées,  cftoitenlcsemendantcômeles  parolles  fbnnoyéc:  &  cequ'ils  accordoyent, 
citoit  maugré  eux. Le  Chancelier  mie  les  genouxen  terrc,&  requit  pardô,  lequel  il  impe- 
tra  par  l'interceflion  de  1'euefque  de  Vvinceftre  :  mais  ce  fut  fous  cÔdition  qu'eftant  de  re- 
tour en  fa  maifon ,  après  auoir  fait  inquilitions  par  toute  i'Vn/ucrfiré,il  fermeroit  la  bou- 
che à  tous  ceux  qu'il  trouueroit  porter  aucune  faueur  à  VviclefF,  Herford,  Repyngtô ,  A- 
ftô,&:  autfi  à  Bednam:&:  quant  &:  quant  publieroit  deuant  tout  le  peupleau  grâd  tcple  les 
con  clulions  de  V  vie  lcff,qui  auoycnt  eité condamnées:  &c  côtraindroit  tous  les  autres  à  le 
purger,ou  bien  à  fe  deldire:  voite  au  tant  qu'il  en  trouueroit  fauontàns  à  cefle  faction .  Le 
Chancelier luyrcfpondiç alors, qu'il n'oferoit faire  cela, craignant  d'eflre  mi<;en  pièces 
quand  ill'auroit  £iir.Commét?dit  rArcheuefque,  la  ville  d'Oxford  fauonle  elle  tellemét 
auxheietiqucs,qucnul  ne  foie  fi  oie  d'y  preicher  la  vérité  catholique: 

L  e  lendemain  lacholéfutremifeau  Conleilparl'Archeuelque.  Finalement  les  gens 
du  confeilduRoyenioigmrentâu  Chancelier  de  mettre  en  exécution  cequel'Aicheuef- 
queluyauoit  ordonné.  Le  Chancelier  retourna  en  fa  rnaifon  aucc  celte  ordonnace .  Lors 
les  haines  commencèrent  à  croiltre  entre  les  parties.  &c  fur  tous  autres  les  Moines  eltoyét 
rendus  fort  odieux,aulquels  on  imputoit  toutes  les  émotions  &rous  les  bruits  quiauoy- 
entefté  fufeitez. Entretous  ces  Moines  y  en  auoit  vn  del'ordrede  Cilteaux,nom  me  Hcn  Henri 
Crompé,fort  citimé  en  Théologie,  qui  depuis  fut  accule  par  les  Euefqucsd'cftteherecL  Croir.pé. 
que.(alors  ils  appeloyent  Lollards,ceux  qui  auoyent  bonne  &c  iaincte  opinion)  &  pour  ce- 
ftecauie  le  Chancellerie  fit  (ufpédre  de  tous  fes  actes  de  Théologie  :car  il  eftoit  défia  Ba- 
chelier formé. Il  s'en  alla-incontincnt  à  Londres, & fît  fa  complainte  à  l'Archeueique&à 
toutleconfeildu  Roy.Ainli  le  Chancelier  fut  derechef  appelé  auec  les  Procureurs  ,&  ce 
au  nom  du  Roy  &defon  Confeil.  tant  y  a  toutefois  que  c'eftoit  à  l'inlligation  deTAt-cho,- 
nefque.On  enioignitdoncqucs  denouueau  au  Chancclier,qu'ileuft  àfaireenqueftes,c\: 
perfecuter  les  hérétiques.  Lors  Philippe  Rcpyngton  &:  Nicolas  Herford  cftans  lécrette- 
mem  aduertis  par  le  Chancelier,  fe  retirère  nt  incontinent  par  deuers  le  duc  de  Lâclaflre: 
lequel  les  repouffa,&:  fuient  renuoyez  à  la  c  enfui  e  de  l'Archeuelque.Mais  illéra  parlé  de 
cecy  vn  e  au  t  r  e  fois . 

Or  on  ne  fauroit  dire  pour  certain  ce  qui  cependant  fut  fait  de  VviclefF,  linon  qu'on 
peut  recueillir  de  Vvalden,qu'il  fut  banni .  Il  rut  puis  après  rappelé  de  fon  banniilement: 
&  retourna  en  fa  paroiffe  de  Lutervvorth,de  laquelle  il  eftoit  Pafteur:&  là  mourut  en  no- 
ftre  Seigneur  l'an  m.ccc.lxxxv  i  i,  fur  la  fin  de  Décembre.  Et  quarante  &  vnan  a- 
près  fa  mort  il  fut  déterré  par  le  commandement  du  Pape ,  &  fes  os  furent  brûliez ,  Se  les  Vvicleif 
cendres  iettees  dedans  feau.mais  Iefus  Chrift  ne  meurt  point  en  fes  fideles,quelque  cho  bJljf^" 
fe  que  ces  cruels  tyras  exercentleur  barbarie  non  feulement  fur  les  vifs,  mais  aufiî  enuers 
les  morts. Or  V  vicleff  auoit  compofé  plulîeurs  liurcs,lefquels  furent  brûliez  en  la  ville  d'- 
Oxford, l'an  m.  c  c  c  c.  x,  en  la  prelence  de  l'abbé  de  Salop,  Chancelier  pour  lors.  Il 
feroit  à  délirer  que  fes  liures  nous  fulîent  demeurez ,  Mais  encore  la  fureur  barbare  des 
ennemis  n'a  peu  tant  faire  qu'il  n'y  en  ait  aucuns  referuez ,  pour  mÔftrer  que  Dieu  a  touf- 
iours  eu  des  fetuiteurs  fideles,qui  ont  refifté  aux  erreurs  du  monde .  Entre  fes  elcrits  il  y  a 
vne  Epiftre  qu'il  enuoya  au  pape  Vrbain,laquellc  nous  auos  bien  voulu  mettre  icy ,  pour - 
ce  qu'en  icclleilfaitvnebreueconfeftîon  defafoy. 

a.  iii. 


Liur<u  I.  J^an  V  vicie f. 

EPISTRE  deM.Iean  VVicleff,enuoyce  au  pape  Vrbain  l'an  M.CCC.LXXXHII. 
E  prcn  plaifir  entieremét  de  defcouurir  à  vn  chacun  quelle  eft  la  foy  queietien 
ipccialemcnt  à  vous  qui  eftesEuefque  de  Rome  : -d'autât  que  ieprefuppofe  que  ma 
foy  eft  faincte  &  bonne,  l'efpere  aufli  q  vous  la  confermerez  en  toute  douceur  &  bénigni- 
tés fi  elle  eft  erronée  que  vous  la  corrigerez.Or  ie  fuppofc  que  l'Euangile  de  lefus  Chrift 
eft  le  cœur  de  la  Loy  de  Dieu:  &  quant  à  lefus  Chrift  qui  auoit  immédiatement  baillé  ceft 
Euangile,ie  croy  qu'il  eft  vray  Dieu  &:  vray  homme,&:  qu'en  cela  la  loy  de  l'Euagile-eft  par 
delîus  toutes  les  autres  parties  de  la  faindte  Efcriture.Iefuppofeaufiî,que  d'autât  que  IE- 
uefquedeRome  fe  dit  eftre  fouuerain  Vicaire  de  lefus  Chrift  en  terre,  ainfi  eft-il  fur  tous 
ceux  qui  fontvoyagers  en  la  terre  obligé  à  garder  cefte  loy  del'Euangile.Car  entre  les  dik 
ciplcs  fidèles  de  Chriftja  dignité  n'eftpas  m  durée  félon  la  grandeur  &hauteflemondai- 
ne,iins  félon  l'imitation  de  IefusChrift  en  bônes&fainctes  mœurs.  Derechef  de  ce  cœur 
de  la  Loy  de  Dicu,ic  fay  cefte  illation  manifefte,que  durant  le  temps  de  ce  pèlerinage  ha 
mainJehisChrift  a  efté  fort  poure,reicttant  toute dominacion  ou  fupenorité  mondaine, 
les  tetmoignages  font  clairs  &:euidcns. le  conclu  par  cela,  que  nul  fidèle  nedoit  imiter  le 
Pape,tant  grand  fort  il,  ni  autre  Euefque  quelconque ,  finoh  entant  qu'il  aura  efté  îm ita- 
KUu.io.io  teur  du  Seigneur  lefus  ChriftcarPierre&lesfllsdeZebedee  ont  erré  contre  cefte  imita- 
tion, en  appetant  les  dignitez  &c  honneurs  de  ce  monde,  parquoy  on  ne  les  doit  enfuiurc 
en  telles  fautes.  De  cecy  ie  peux  bien  tirer  ceftêrefolutiô,Que  le  Pape  doit  laiiTer  du  tout 
au  bras  leculier  la  domination  temporelle,ÔC  exhorter  viuement  tout  le  Clergé  à  ce  faire. 
Aa.j.ij  Carnoftre  Seigneur  lefus  Chrift  en  a  fait  ainfi,&  fignammentparfesApoftres.  Si  toute- 
fois il  y  a  faure  &c  erreur  en  tout  ce  que  ie  dy ,  ie  me  fu  bmets  en  toute  humilité  à  eftre cor- 
rigé, voire  par  mort  violente,s'il  en  eft  befbin.  Et  fiié  pouuoye  tât  faire  que  de  m  aller  pre- 
fenter  à  vous  en  propre  perfonne,ie  le feroyc  volontiers. mais  le  Seigneur  m'arengé  à  vne 
neceffité  contraire,  lequel  m'aenièigné  qu'il  faloit  obéir  pluftoft  à  Dieu  qu'aux  hommes. 
Or  (île  Seigneur  a  baillé 'au  Pape  des  inftints  iuftes&Euangeliques,  nous  deuons  requé- 
rir que  tels  inftints  ne  foyent  point  cftouffez  parvnConcilefrauduleux:&:  quclePapeou 
les  Cardinaux  ne  foyent  e!  meus  à  faire  aucune  chofe  contre  la  Loy  du  Seigneur. Parquoy 
nous  faifbns  cefte  prière  à  noftre  Dieu,  Qu'il  donne  des  inftints  &  fi  bonsmouuemésau 
pape  Vrbain, quefelon  qu'il  a  eu  vn  bon  commencement,  il  enfuyue  noftre  Seigneur  le- 
fus Chrift  en  bonnes  &fainetes  mœurs  auec  for.  Clergé:  afin  qu'ils  enfeignét le  pcuplea- 
uec  telleemcace,  que  tous  loyent  ifnitateurs  du  Fils  de  Dieu .  Nous  prions  auiii  fpeciaje- 
mcnt,quc  le  Pape  {bit  preferué  detout  mauuais  confeiheomme  nous cognoiffons qu'ily 
a  des  hommes  en  rîemi  s  qui  font  fes  domeftiques  ,&C  le  Seigneurie  permettra  point  que 
i.  Cor  10.13  nous  foyons  tetez  par  delfus  nosforces:encores  moins  requiert-il  d  aucune  créature*  qu- 
elle face  ce  qu'elle  ne  peut. 

Ceci  auiïï  eft  bié digned'eftrecognu, quelle  refpofe  fit  ledit  VviclefFau  roy  Richard, 
fécond  de  ce  nom,  au  premier  an  de  Ion  règne,  touchant  quelques  poin&s  que  le  Roy  luy 
auoit  demandez. 

L  A  refponfe  de  V  vicleflf  au  roy  Richard,touchant  le  droift  du  Roy  &  du  Pape' 
'O  n  ma  fut  celle  qucltiô:  Aifauoir,fi  le  royaumed'Arglercrrepeutlegitimemet 
retenir  par  deuers  foy  le  threfor  du  Royaume,quâd  la  neceffité  le  prefTei  a  de  fe  dé- 
fendre^ em pefcher  que  le  rhrefor  ne  foit  porté  hors  de  fés  limites,  de  dôné  aux  c- 
ftiagers:voire  mefmequâd  le  Papclerequerroit  fous  peine  d'excômunication,&:  en  ver- 
tu de  (aintte  obeilfance.Refponiè:En  premier  lieu,Ielai/îe  aux  Legiftes  à  dire  ce  qui  peut 
eftre  dit  touchant  cefte  matiere,felon  lcdroicl  Canon  ou  Ciuil,&  félon  les  couftumes  du 
pays  d' Angletei  re  Sculemenr  îlreftedc  perfuader  la  partie  affirmatiue  delà  queftion,  fé- 
lon les  principes  de  la  loy  de  lefus  Chrift. le  dy  donc  ainfi  premieremét,Tout  corps  natu- 
rel a  puiifance  de  Dieu  de  refifter  à  fon  oppofite,  &:  de  fe  côferuer  en  eftre  légitime,  côme 
les  Philofophes  ont  auffi  reiblu:  en  forte  que  les  corps  fans  ames  fôt  auffi  ornez  d'vne  telle 
pui(rance:cômeon  peutvoir  delà  pierre,  à  laquelle  la  dureté  eft  donnée  pour  refifter  à  la 
chaleur  qui  la  pourroit  diiToudre.Côme  ainfi  foit  donc  q  félon  la  façô  de  parler  del'Efcri- 
turc,  le  royaume  d  Angleterredoyueeftrevn  corps,  &c  que  les  gens  d'Eglife& la  commu- 
nauté d'iceluy  doiuét  eftre  les  membres  de  ce  corpsril  mefemble  q  le  royaume  a  vnetclle 
puitface&  authorité  qui  luy  eft  cômife&:  dôneede  Dieu.  &:  d'autât  plus  fignâment,  qce 
corps  eft  plus  précieux  à  Die  u,cftât  orné  de  vertu  &:lciéce.  Puis  donequ'ainfi  eft  q  Dieu 
ne  donc  point  puiflance  à  créature  quelcôquc  à  quelque  fin)finô  qu'icelle  puifTe  vfer  légi- 
time 


Mate.  io. ij 


Jean  Vvicleff.  jf. 

timemét  de  la  puiiface  à  mefme  fin:  il  s'enfuie  que  noftre  royau  me  peut  licitemet  par  de- 
uersfoy  retenir  lôthrelor  pour  fa  défère  en  tous  euenemés,quad  la  necclîîté  le  requerra. 

Se  condement  ,cela  le  peut  prouuer  par  vne  partie  de  la  loy  Euangelique .  Car  le 
Pape  ne  le  peut  vfurper  le  threîbr  de  ee  royau  me  fins  titre  d'aum  olhe:&:  par  confequen  t, 
fous  la  forme  des  œuures  de  mifcricordejèlon  les  règles  décriante.  Mais  en  ce  cas  quia  e- 
fté  mis,le  titre  d  aumofne  doit  celîenainfi  il  faut  auffi  q  le  droit  d'vfurper  le  threfor  deno 
ftre  royaume  cette,  quad  il  y  a  vne  telle  neceliité  comme  i'ay  dit.  Se  delpouillcr  de  lès  biés 
&facukez  pour  en  reueftir  les  eftrâgers,ce  neferoit  pas  vne  œuure  de  chanté, mais  dé  fo- 
lie.Car  il  n'y  auroit  nulle  raifon ,  qu'vn  autre  fuft  eleué  par  le  moyé  de  noftre  bien,&:  que 
nous  vinifions  à  luccôber  par  faute  d'iceluy.  Quad  on  comméça  à  bailler  des  rétes  àl'E- 
glile,touslcs  Clercs  qui  auoyent  des  reuenus  téporels,nelesauoyét  qlbus  titre  d'au moC 
ne. Parquoy  S.Bernard  au  lècond  hure  qu'il  eferit  au  pape  Eugene,declarant  qu'iceîuy  ne  Sent&e 
peut  par  droit  de  fucceflion  de  S.  Pierre  s'attribuer  à  bon  &  iufte  titre  aucune  dominatio  S  Btrn"rd- 
téporelle,ditainlî,SiIean  Bapnftc  parloir  au  Pape  de  cefte  façon  cj  moy  Bernard  favàtoy 
Eugenc,pourroit-on  péfer  qu'il  le pnne  patiément?C^u'iUbitainli  que  tu  t'attribues  d'au- 
tres choiesrtu  le  pourras  fairetmais  cenelèra  point  dedroid  Apoftolique .  Or  commet  fe 
peut  faircceci,q  S.Pierre  t'ait  donne'  ce  qu'il  n'auoit  point?II  a  baille  ce  qu'il  auoit,  c'ell  al- 
fauoir,le  loin  fur  les  egliles.T'a-il  baillé  dominationrEicoute  ce  qu'il  dit,  Non  point  côme 
dominansou  ayans  lcigneuriefur  le  Clergé:  mais  tellemêt  qloyezcxéples  ou  patrons  du  H 
troupeau. Et  afin  qtu  nepélès  cecy  eftredit  par  humilité  lèulcmct,  &  non  poït  en  vérité: 
le  Seigneur  parle  haut  &:  clair  en  l'Euangiledifât,  Les  Rois  &  Princes  des  peuples  ont  do- 
mination fur  eux:mais  il  nelèra  pas  amfi  de  vous  .  Or  la  domination  eft  du  tout  défendue 
aux  Apoftres:&  tu  oferas  t'attribuer  la  domination?  Par  ces  parolles  de  S.Bernard  on  peut 
cognoiftreq  le  Pape  n'anullepuiiFance  d'occuper  les  biésdel'Eglife  côme  Seigneur, mais 
comme  adminiftrateur  ou  difpéfaceur,&  procureur  des  poures.Er  pleuft  a  Dieu  que  ccft 
orgueilleux  accroilFemét  de  domination(laquellev  iirpe  ce  fiege)  ne  fuft  vne  préparation 
pour  dôner  entrée  à  l'AntechriftlIl  appert  bien  par  l'Euâgile,queIefus  a  acquis  les  enfans 
de  ion  royaume  par  humilité  Se  pourcté,&:  par  auoir  enduré  des  iniures  cv  outrages. 

I  L  y  a  beaucoup  d'autres  chofes  en  celte  refponfe  de  V  vicleff,qui  ont  efté  omifes  à  caufe  de  bricueté. 
ÇtrfJS  R  combié  q  VviclefFeuft  beaucoup  d'ennemis  en  fa  vie ,  nonobftant  il  n'en  eutpoît 
j^^Jdeplusenuenimezqles  Preftres&:  Moynes.  Cecy  eft  dit  pour  monftrer  qlaverité 
pourroit  trouuer  ouuerture  aucunemét ,  fi  l'ambition  &  auance  de  ces  Pharifics  orgueil- 
leux ne  fermoit  les  palTages .  Cepédant  toutefois  il  y  a  eu  des  ges  de  hic  qui  luy  tenoyét  la 
main:nô  fculemét  deges  de  bas  eftat,mais  auffi  d'entre  ceux  qui  aiioyéc  crédit  en  la  Cour 
du  Rov. Entre  les  Cheualiers  de  l'ordre,ceux-cy  cftoyét  lès  bôsamisjeâ  Chavvoy,  Louys 
Clyftbrd,  Richard  Stur,Thomas  Latimcr,GuillaumeNevvil,&:  Ica  Monraigu,leqneI  fit 
abbatre  toutes  les  images  en  fa  paroi/Te .  Dauantage,il  y  auoit  le  conte  de  Salbure:cn  la 
mort  duquel  ceci  fut  noté  de  bie  près,  qu'il  auoit  reietté  la  côfeflîon  auriculaire  &  le  dieu 
des  Papiftes.ll  ne  faut  oublier  le  Gouuerneur  de  Lôdres,  lequel  àlafolicitatiô  de  VviclefF 
punillbit  ngoureufement  les  paillards  &  adultères  :  en  foi  re  q  non  leulemct  il  faifoit  hôte 
a  ceux  qui  auoyétoffenfé,maisdinnoit  crainte  aux  autres  de  tôber  en  telles  ordures.  Ad- 
iouftonsauffi  le{èigncurdcCohnam:quiaproteftéouuertemét,q  iamaisil  n'auoit  eu  en 
haine  le  peché,iufqu'à  ce  qu'il  euft  efteabbrcuué  de  la  doctrine  de  VviclefF.  rous  ceux-cy 
cftoyét  gés  d'eftoffe  &  d'authonté .  Et  entre  le  commun  populaire  auffi  il  y  en  auoit  ajfcz 
grand  nombre,  qui  defendoyct&:  maintenoyét  hardimétfa  doctrine,  &  principalement 
delà  ville  d'Oxford:  entre  lefqucls  il  n'y  eut  perfonne  qui  en  efchappaft  fans  quelque  ôp- 
preffion.Les  vns  ont  efté  contrains  de  faire  amede  honorable:  les  autres  ont  cfté  brûliez. 

D  V  Chancelier  Ryg,&  de  deux  autres  amis  de  VviclefF,aflauoir  Herford  &  Repingt  on,ce  qui  s'enfuit. 

p^Vc  v  n  e  s  chofesontcftécidefîusentremefleesdecesdeuxhommes,Herford&: 
^^Repington.Cen'eft  point  noftre  intention  de  faire  long  difeoursde  leurhiftoire: 
auiïi  le  lieu  ne  le  requiert  pas.  Herford  donc  ayat  longtemps  fauorilë  à  VviclefF,  &:  main- 
tenu de  bonne  volonté  fon  parti,futfoufpeçonnépar  les  ennemis .  Et toft  aprescômen- 
ça  à  déclarer  manifeftement  aucunes  chofes  qui  faifoyét  pour  la  defenlè  de  VviclefF.  Ce- 
la fut  caufe  que  les  ordres  des  Mendians(ain  fi  les  appele-on)  conceurent  plus  grande  ini- 
mitié contre  luy:  &c  luy  mirent  en  auant  plufieurs  herefies  qu'ils  auoyét  ramaffees  de  fes 

a.  iiii. 


Lture  I.  Jean  Vvideff. 

Scrmons,&  ies  firent  rédiger  en  certaine  forme  par  quelques  Nctaires.ïl  y  eut  vnfrippô 
Pierre  Sto-  ck>  Carme  nommé  Pierre  Stokis,  qui  tut  promoteur  de  ceft  affaire:  corne  ces  canailles 
lzis'        font  toujours  prefts  à  allumer  des  noi(es,&  à  cfmouuoir  des  bruits  &z  {'éditions ,  comme 
s'ils  neftoyent  nais  à  au  tre  office,au  demeurant  du  tout  inutiles. 

Or  fan  m.  c  c  cl  xxxi  i,iladumt  que  ledit Hcrford deuoit preicher publiquement 
au  milieu  du  cimetière  de  Fridcfvvid.  &  c'cftoitleiour  de  lafeftede  l'Alcenlion.  Làfc 
Jreffent  nouucaux  complots  contre  Herford,d'autant  qu'il  auoit  eftc'fi  hardi  de  main- 
teryr  VviclefFcn  pleine  predication,&:  le  défendre  comme  vn  hommedebien ,  fidelc&: 
innocent. Le  iout  qu'ils  appellct  De  la  feftedu  corps  de  Chrift ,  approchoit  :  auquel  iour 
Rcpyncton  (côme  on  a  peu  voir  cy  deifus)on  attendoit  que  Rcpyngton  deuft  prcicher.il  eftoit  Cha- 
noincdc  Liceftrc,&cftoitdefia  bache  lier  en  Théologie,  lequel  aufsi  en  cetcps-lafît  vn 
lermô  en  vn  autre  iicu,pour  lequel  il  fut  mal  voulu  des  Pharihcns,&:  l'eurët  pour  iiifpcît. 
Au  rcfte,t  ôme  il  eftoit  hôme  de  grandedexterité&:  d'vnetaçonmodeile,il  Ce  porta  d'v- 
neteile  ibrtc ,  qu'ilnelaillade  paruenirau  degré  de  Docteur ,  par  approbation  commu- 
ne de  tous.Ellâc  fait  Do6leur,il  voulut  îouerfon  rolle,&:cômença  àdeicouunrcequ'ila- 
uoit  caché  en  Ion  efprit,faifant  prote dation  deuât  tous  qu'il  defendroitVvicleff en  toute 
matière  mcralc.&:  quantau  fait  du  Sacremét,iln'en  diroit  mot,  iufqu  a  ccque  Dieu  euft 
inipii  é  les  cœurs  du  Clergé.  Lesaduerfairesdôc  aduertis  qu'il  deuoit  prefeher  bien-toft, 
craignans  qu'il  ne  leur  gra  tait  leur  rongne  de  trop  prcs,firent  tant  enuers  l'Archeuefque 
de  Cantorbcrv,q  ce  mefme  iour  à  l'heure  delà  prédication  dudit  Repyngton ,  les  côclu- 
fionsdeVviclclfcondânees  en  priué,feroyécpubliqucmét  diffamées  en  l'afféblec  de  tou 
terVniUcifité.C'eiloit  vnerufeaffez  nnemétexcogitee,u'  toutesfois  l'aftuce des  homes 
pouuoit  quelqchoiecontre  le  confeil  du  Seigneur. Bref,la  charge  fut  dônee  à  Pierre  Sto- 
Rvg  c.han-  kis(c'cftoic  vn  des  plus  habilesMoines  de  toute  la  trouppe)&:  quant  &:  quant  lettres  furet 
ceikr.  addrefleesau  Châceliei  Ryg,àcequilafsiftaftàcefrippôdeMoine,&:  luy  donaft  faueur, 
pour  pouuoir  publier  ces  concluhons.LcChancelici  (côme nous  auonsditcydeifus)fai- 
Ibit  fecrettemét  tout  ce  qu'il  pouuoit  pour  auancer  &C  douer  ouuerturc  à  l'Euâgile.  A  près 
qu'il  eut  reccu  les  lettres  de  Y  Archeuefque:&:  quant  &:  quât  cognenfTant  la  mefchâcctc  q 
braftoit  ce  Moine,fe  courrouça  aigrement  contre  ce  babouin  impudét/cpleignât  de  luy 
&:  de  Ces  {"cmblablcs,&:  à  bon  droit, qu'ils  troubloyet  ferlât  de  l' Vniuerfïté.  Ildifoit  q  par 
leur  moyen  les  priuileges&:  immunitez  de  celte  efcole  s'en  alloycten  decadecc:affermât 
q  ne  les  Euclqucs,ny  auisi  f  Archeuclque  n'auoyét  aucune  puifïance  fur  cette  VniuerfL 
ce, non  pas  mci'me  en  ràictd'hereiie.  Finalement  après  auoirprins  délibération  auec  les 
Procureurs  Vautres, il  proteftoitouucrtemét&:  fans  difsimulauon, qu'il  n'afsifteroit  nul- 
lem  et  à  ce  Carme  en  ceft  affaire. Quel  befoin  eft-il  de  beaucoup  de  parolles  î  Repyngton 
montacn  chaire  pour  fairelà  prédication.  Entre  autres  choies  les  efpiôs  prelens  recueil- 
lirét  ce  ci:c'cft,qu'il  auoit  dit  qu'on  deuoit  premièrement  faire  prières  és  fermons  publi- 
ques pour  les  Seigneurs  tcmporcls,qnô  pas  pour  le  Pape  &c  les  Euefques.  Dauantagcqle 
Duc  de  Lancaftrc  eftoit  bien  affectionné  à  maintenir  celle  caufe,&  auoit  bonne  volom. 
té  de  retenir  à  fou  feruice  ceux  qui  n'y  contredifoyent.il y  auoit  aufsi  d'autres  chofes  qu'il 
auoic  dites  à  la  louange  de  Vviclcff,&:  pour  fa  defenfe. 

O  R  après  que  Rcpyngtô  eut achcué  ion  prefche,il  fe  retira  dedas  le téple,accopagné 
d'aucuns  dciés  amis. Le  Carmecraignant  quelques baftonades,iemit en franchiiè  aufsi 
dedas  le  temple.  Le  Chancelier  &c  ledit  Repyngton  fe  retirèrent  tout  bellement  en  leurs 
maifonsfans  bruit  quelconque. Plufieurs  par  toute  rVniucrfitérurctgrandcmétioyeux 
de  ce  fermon. Cependant  le  Carme  brufloit  d'inquiétude:  &c  premièrement  il  déclara  de 
poinct  en  poin£t  à  l' Archeuclque  tout  ce  qui  auoit  eftéfaict.  11  faifoit  bien  valoir  ledâger 
où  il  auoit  efté:implorant  dégrade  affection  l'ayde  de  fon  Archeucfque,  &  ne  laiffant  rie 
derrière  de  tout  ce  qui  pouuoit  feruir  à  efchauffer  le  courage  orgueilleux  de  ce  Prelat,le- 
qucl  ne  brufloit  q  trop. Ce  frater  trois  iours  après  cômença  à  efeumer  menaces ,  à  enton- 
ner hcrcfies:&:  d'vn  elprit  furieux  délibéra  de  venir  aux  elcolcs,pour  prouucr  q  le  PapeôC 
les  Euefques  doyuent  eftre  recômandczauant  q  les  Seigneurs  ternporels.Là  ildônabien 
à  rire  ci  tous:plus  digne  de  fon  capuchon  que  d'vn  ornemét  de  quelque  hônefte  Docteur. 
Sur  ces  cmrcfaicres  il  receut  lettres  de  fon  Archeuefque,  &  s'en  alla  à  Londres.  LeChan 
ceher  &:  Brytvvcl  motent  incôtinent  à  cheual,  &  s'en  vont  après  ce  Carme ,  pour  fepur- 
ger  cotre  les  biafmes  dclcur  ennemi.  Apres  qu'ils  furent  examinez  fur  les  concluions  co- 
damnees,iiconfententàlarin  qu'onlcs  auoitàbon  droit  condamnées.  &  le  Chancelier 

cftant 


Jean  Vvicleff.  J 

eftant  accufe qu'il  auoic  mcfprifc  Jcs  lettres  quiluy  auoycnt eftc  enuoyces, n'ayât  dcqnoy  ^Jjcté  ** 
fe  defendre,mit  les  genoux  en  terre,  6c  dcmâda  pardon  .cecy  a  el  te  vcu  cydeiîus.  Herrord  R>gnftrhcr 
5c  Repyngton  furcntlur  le  champ  excômuniez.  Ils  eurct  leur  recours  an  Duc  de  Lancla- 
ftre.Là  furentprells  les  fuppoftsdu  Pape:auiquelsleDucde  première  race  le  monftraaf- 
fez  rude  6i  difficile. Mais  depuis  il  fut  vaincu  par  ces  canailles ,  6c  laiflâ  en  proye  ceux  qu'il 
auoit  pnns  en  la  protcétiondefquels  en  fin  endurèrent  beaucoup  de  maux  dedans  les  pri- 
ions. €  Nous  auonsmisceftehiftoiredecestrois,afTauoirdu  Chancelier  Rvg,Herford&: 
Repyngton,non  point  tant  pour  monftrer  leur  conitanec  &  fermeté, que  pour  mettre  c- 
uidcmmentdeuaiu  les  yeux  d'vn  chacun,  côbicn  cftinlàtiablela  toifdufanginnocétde- 
dans les  cœurs  de  ceux  qui  ne  peuuét  endurer  que  la  vérité  de  Dieu  règne.  Mais  quelque 
choie  que  FEglilefoit  opprimée  pour  quelque  teps ,  fi  ell-ccqu  elle  demeurera  toufiours 
viclorieule,cn  la  vertu  de  ecluy  qui  ne  peut  eftre  vaincu. 

I  l  ne  (eroit  polïiblc  d'amaflêr  toutes  les  hiltoircs  de  tant  dcM,irryrs,qui  par  toutes  les 
régions  du  monde  ont  cijpandu  leur  iang  pour  maintenir  la  Vente,  6c  pour  ne  vouloir  ac 
c  epter  les  côihtutions  tyianniques  des  homes.  Les  vns  ont  eftc  circôuenus  par  fraude, les 
autres  cmprifonnez,aucunstourmctezpubliquerncnt,les  autres  mis  à  mort  fecrettemet 
dedans  les  priions,  pluficurs  ibnt  péris  de  faim  .  Et  qui  raconteroit  le  nombre  de  ceux  qui 
ont(ourfci  t,&  la  diuerfitc  6c  horreur  des  tourmës ,  &:  la  cruauté  des  tyrans  &c  bourreaux? 
Tant  va  toutefois  que  cecy  peut  bien  cftre  mis  en  au  an  t,  que  les  Papes  ont  presque  tous 
eftécnHâmezd'vnclemblablc  rage  contre  les  fidèles  lèruiteurs  de  Dieu  :  ils  ont  toufiours 
tenu  vnc  mefmeforme  de  procéder:  ils  ont  eu  vnemelme  façô  decondâner:  ils  ont  pour- 
ftiyji  vnc  mcfmefortcdc  mort.  Et  certes  il  nesen  faut  point  cfbahirrcar  ils  ont  cité  tous 
condui  ts  Scgouuerncz  par  vn  mefmeefpnt,l'cfpricdu  diable,quiell  homicide  dés  lecô- 
mencemét,perede  mcnfonge,ennemi  furieux  delà  gloire  de  Dieu, autheur  de  touteinu 
qn-ré,forgeur  defraudcs,&:  princede  toute  abomination. 

N  trouucauffien  quelque  hiftoiie,quen  Natbonne  y  eut  cent  quarante  perfonnes  çxccuti0ns 
cruellement  traittees,  qui  aimèrent  beaucoup  mieux  endurer  la  violécedu  feu,que  endmers 
de  reccuoir  aucunes  ordonnances  dclcglii'eRomaincqu'on  leur  propofoit»qui  eftoyent  pa>s' 
contre  la  vente  dclafaiiKteEfcnture.Dauâtage,!iy  a  vneautre  hiltoire  qui  fait  mention, 
que  fan  m.  c  c  x,  y  eut  vingtquatrc  hommes  exécutez  pour  celte  mefmecaufeen  la  ville 
de  Paris. Item  quatre  cens,  qui  l'année  cnluyuâte  furent  aufli  brûliez  en  ladite  ville,  pour 
maintenir  la  Verité:&  o&ante,aul'qucls  on  trencha  la  tefte  pour  la  melme  querelle.  Le 
Prince  Armericfut  pendu  6C  edranglc:ladamedeChaileau  fut  lapidée. 

Bcghardaccuféd'herefiecnla  ville  d  Erphurd  enGermanie,fut  bru/lé  fan  m.cc.xvi  i 1. 
A  Oxford  en  Angleterre,vn  Diacre  fut  brufléd'an  m.  c  c  .xxi  i.Vn  aurreHiitoricgiaphe 
récite  qu'au  pays  deCambrefi,îes  lacopins  bruflerent  aucûs  qu'ils  appelov  ent  hérétiques. 
Que  fi  on  veut  venir  à  quelques  fic  .les  precedés,on  trouuera  que  Pan  m.  c  .  l  x^cxi  i,  plu- 
fieurs  furent  brûliez  au  pays  de  France:  delquels  on  appelott  les  vns  Publicains,  les  autres 
Catharicns,ksautrcsPateriniens>&dequelques  autres noms&  blaimcs  qu'on  lcurim- 
polbir. 

Bi  e  n  peu  après  le  temps  de  Vvicleff,  il  y  eut  en  la  ville  de  Heidelbei  gcn  Alemagne, 
vn  lacopin  nommé  Eckhard,!cquelfutbruflé  pourlacôfeffion  delà  Venté .  Cela  fut  fait 
fan  m.  c  c  c  xxx.  Du  temps  de  IeâRoy  d' A  ngleterre,les  Albigeois  furctaulfi  bruflez  p^r 
les  ennemis  de  la  Vérité,  celte  hilVoire  pourra  eltre  veuëaux  Annales  &:  Chroniques.  Il  y 
eut  femblabîementvnHcrmite  perfecuté.duqucl  Iean  Bacon  fait  mention  :  lequel  afFer- 
moiten  pleine  prcdieatiô,que  les  Sacrcmcns,delquelson  vibitpour  lors, n'eltoyent  ceux 
qui  auoycnt  cfté  ordonnez  par  Chrift. 

Povr  retourner  au  temps  de  Vvicleff,  il  vient  à  propos  quenous  parlions  deM.Iean 
Afton,  lequel  fut  appelé  par  larchcuelquede  Cantorbery,&.  condâné  comme  hérétique, 
mais  on  ne  fait  s'il  mourut  en  prifon,  ou  s'il  fut  publiquement  exécute. 

De  l'an  m.c  c  c  c,  toutes  les  perfecutiôs  qui  défia  de  long  temps  ont  duré  en  l'Eglifc, 
ont  prin  s  leur  commencement  èc  matière  de  li  grandes  opprclfions. 

L'a  n  fuyuant,alfauoir  m.c  c  c  c  .i,  quieftoit  lexu  i.an  après  la  mort  de  Vvicleff  6z 
lorsque  Henry  quatrième  eftoit  Roy  d'Angleterre  ,  il  y  eut  vn  Parlemcrtenu  à  Londres, 
auquel  on  fit  ccft  edict ,  Que  tous  ceux  qui  monltreroyent  porter  faucur  aux  opinions  de  • 
VviclefT,fulTcnt  lailis  au  corpsdefqucls  en  ce  teps  la  on  appeloie  Lollards  .  Que  ii  aucuns 
eulTent  maintenu  aucc  obftination  cette  do&rme,ilsfulIl  ntliurez  à  leur  Fucfquc&puis 


L\me  /.  Vn  oArtifan  <*Anglois. 

au  bras  feculier  pour  eftrc  punis  de  mort.  Ceftc  mcfmc  année  il  y  eut  vn  Preftre ,  qui  co- 
trcucnant  à  celt  editt  fut  pris,&:  tantoft  après  bru  fié  a  Smith  fîld,en  la  prefcnce  d' vn  grâd 
nombre  de  gens. Mais  riultoirc  que  nous  auons  puis  après  à  réciterait  bien  digne  de  mc- 
moire  entre  plufieurs  autres. 

L'an  m.c  c  c  .x.  lè^roiuiavn  hommedemeftier,  qui  endura  le  feu  d'vne  confiance 
merueilleufe.  Voicvce  qu'il  maintenoit  :  Quelecorps de  IefusChnit  cil  pris  facramen- 
talement  en  rEgliie,&  non  point  charnellement.  Iamais  on  ne  peut  deftourner  ce  bon 
kômcdelon  opinion, ne  par  menaces  quelcoques, ne  par  flatteries  :ains  print  refolution 
en  loy  de  mourir,pkiitolt  q  le  rétracter. &:  en  celte  forte  fut  liurc  par  les  Euclques  au  bras 
leculicr.  Apres  la  fentence  prononcée  contre  luy,il  tut  mené  en  vn  marche  publiq  hors  la 
ville:  &:  quelque  choie  qu'on  lu  y  fîlt,ne  s'eftonna  point:côbicn  que  la  façon  du  lupplice  à 
laquelle  on  l'auoit  adiugé,fut  tort  terrible  &:  cih  âge.Car  on  le  deuoit  mettre  dedâs  vn  tô- 
Horrible  c-  neau,pour  eftre  le-ans-dedas  brufle  petit  à  petit.  Le  rîls  aifné  du  RoyHêry  voulut  afsiiler  à 
fpece  tor  ce  [)Cau{pC£taclc:lequel  eltant  cfmcu  de  pitié  &c  compafsion  beaucoup  meilleure  q  tous 
les Eu  clqucs,s  approcha  de  ce  poure  homme,&:  luy remôltra  qu'il  euftefgardàfàuuer  fa 
vic,&lc  retirait  de  fes  opinions. Sa  côpalîlc  eltoit  charnelle, tendate  a  vn  but  pernicieux, 
cependant  toutefois  vouloit  il  fauuer  le  corps  ,  lequel  ces  loups-garoux  vouloyct  deftrui 
rc,  ne  le  contentans  point  de  la  perdition  de  l'amc.  Ce  vaillat  champion  de  Icfus  Chrift 
re  pou  lia  conftament  les  flatteries  de  ce  Prince,  autrement  benin:3<:  lurmonta  courageu- 
femét  toutes  machinations  des  hômcs,preft  à  endurer  toutes  fortes  de  cruautez,plultoft 
qfelaiifer  tomber  en  telle  impiété, 6c  que  conlen  tir  a  quelque  blalphcme  contre  fa  con- 
science. Parquoy  il  fut  mis  dcdâ^letonncau,oulevaifTeauquieftoit  là  préparé  pour  Ion 
martyre  :  &:  tantoft  la  flâme  cômença  à  montcr:&  ce  poure  hôme  crioit  au  milieu  du  feu, 
d\me  façon  effrayante.  Le  fils  du  Roy  efmcu  de  ce  cry  tant  horrible,  s'approcha  encore 
du  patient,pour  1  induire  à  auoir  pitié  de  foy-meime.  Il  cômanda  donc  q  le  bois  fuft  fou- 
dainement  olté,&q  lcfeufulteftcint.  Ainfî  s'approchant  de  plus  près,  confoloit  autant 
qu'il  pouuoit  ce  poure  hôme,  promettant  de  luy  lauuer  la  vie,  s'il  le  vouloit  croire  :&:  qui 
pluseft,adiouftoit  ceci  à  fàpromcfTe,  qu'il  luy  feroit  donner  ton  s  lesioursdureuenudu 
Roy  trois  pièces  d'argét,pour  s'entretenir  le  refte  de  fa  vie.  Derechef ce  vaillant  Martyr  de 
noltre  Seigneur  Iefus  rcfufa  ces  belles  ofFres:qui  elt  vn  certain  argument,que  l'on  cœur  e- 
ftoit  plus  brullant  après  les  biens  cclcftes,qu'apres  les  douceurs  &L  flatteries  de  ce  monde. 
Le  Prince  donc  voyanr  qu'il  demeuroit  ferme  en  fonopinion,commanda  qu'il  fuft  dore- 
chef  ietté  dedans  le  tonneau,  fans  aucune  cfperancederecouurer  puis  après  quelquegra 
cernais  ton  c  ainli  que  les  loyers  propofez  ne  l'auoycnt  peu  faire  flefehir:  aulsi  ne  le  peut- 
on  deicourager  pat  frayeurs  ou  eltonnemens.  Le  combat  eftpit  grand  &  difficile  :  mais  la 
barbarie  cru  elle  ne  le  peut  deftourner  deperfeuerer  en  laconfelsion  deChrift. 
Comment  la  doctrine  de  V viclcffparuint  en  Bohême. 
E  Pape  Se  fes  fuppofts  penfoyent  bien  auoir  fait,quc  cefte  eftcincelle  de  vérité  que 
leScigneurauoit  allumée  en  Angleterre  par  Iean  V  viclcff,  fuft  du  tout  efteinte. 
mais  la  piouidence  diuine  en  délibéra  tout  autrement  :  laquelle  lit  flamboyer  telle 
lumiere,que  tout  le  monde  finalement  en  aelté  efclairé.  Le  moyen  fut  tcl-.Il  y  auoit  vn  e- 
fcolier  en  rVniucrlité  d'Oxford  en  Anglcterre,qui  eltoit  d'vne  noble  maifô  de  Bohême, 
nômec  Du  poiflon  pourri. Iceluy  d'auentui e  rencôtra les  liurcs  de  Vvicleff,  intitulez  Des 
Vniuerfales:&:  y  print  fi  grâd  plailîr,  qu'il  en  apporra  les  copies  en  fon  pais,  corne  vn  grad 
threfor.  Orilprcitaccsliureslpccialementaux  Bohemiens,lors  mal  affectionnez  contre 
les  Alemans, qui  pour  lorsgouuernoyentrclcolcde  Prague, au  grand  regret  de  ceux  de 
Bohême. Entre  lelquels  vn  Iean  eltoit  leplus  eftimé,ia  ibit  qu'il  fuit  nay  de  petit  lieu,d'vn 
village  nommé  Hus^c  elt  à  dirc,Oye)dont  il  portoit  le  furnom.Ce  Iean  Hus,qui eftoic  de 
kanHbd  vif&a,guclPnt'&rres^^  &comença  àtrauailler 

cSnedc  °  tellcmét  par  difputcs  ces  mailtrcs  Alemans, q  de  honte  ils  quittèrent  la  place  riointque 
Vrideff.  ceux  de  Bohême  obtindrentduRov  Vvcncellaus,qucrVniuerfité  de  Prague  feroit  gou- 
lier  née  à  la  fiçon  de  celle  de  Paris.  Cela  fut  caufe  que  ceux  d'Alemaigne  n'eurent  plus  le 
goiiuerncmct.parquoy  eftasfortcourroucez,&:  ayasfaitfcrmétl'vn  àl'autrejpartirétpl* 
de  i.  mille  pourvn  iour  :  &c  cftablirenr  leur  Vniuerfité  à  Lipfe, ville  de  Milheà  trois iour- 
nees-de  Prague.  Les  Bohémiens  gouuernerent  leur  efcoleà  leur  plaifir,encre lelquels  Iea 
Hus  cftoitle  parangon, homme  cloquent,  &:  de  vie  faincle  &:  hôncitcdcqueleitat  en  cré- 
dit 


CjuilLSautree,  &  Gmtt.Thorp] 


6 


dit  &  bonne  opinion ,  comença  à  publier  ce  qu'il  auoic  fur  le  cœur,de  la  vérité'.  U  y  auoic 
vn  riche  bourgeois  de  Praguc,qui  auoic  fondé  vn  magnifique  temple,fous,lcs  nomsdeS. 
Matthieu  &:  Matthias.lequel  il  appela  Beth-Iehcm  :  &:  y  laiîfa  du  reuenu  pour  encrecenir 
deux  prdcheurs,qui  annonceroyenc  la  paroll  e  de  Dieu  au  peuple  en  langue  vulgaire,  tâc 
les  feltes  q  les  iours  ouuriers.  Ieâ  Hus  fut  choifi  pour  l'vn  diceux ,  &:  voyanc  le  peuple  fore 
affectionné  à  (à  parolle,commença  à  metcreplufîeurs  chofes  en  auâc  des  liures  de  V  vic- 
lefK,nftermant  q  couce  vérité  eftoit concenuc  en  iceux,&:  difant ibuuét ,  Qtiapres fontrejpat 
ildefroitquefonameallxftoîi  eftoit  Vvideff-.  tant  il  eftoit  aiTcuré  qu'il  auoit  cfté  hômede  bien. 
Prefque  tous  les  Efcolicrsfuyuoyentlean  Hus,auecpluficursaucres  renômezen  fauoir, 
&laplufpart  delaNobleiTerquifutcauicqlePapeauecceuxdu  Concile  ailcmbléàCô- 
ftance,lc  firét  mander  par  l'Empereur  Sigifmond,qui  luy  enuoya  (on  iàuf-conduit, corne 
fera  veu  cy  après  félon  1  ordre  des  tem  ps:&:  déclarerons  comme  après  la  more  de  Hus,  par 
fentence  dudit  Concile  les  os  de  Vvicleff  furent  déterrez 6c  bruilez. 


GVILLAVME    SAVTREE,  uingoU. 

A .  N  S I  eft  la  caufe  de  l'^ui/ilereietcec  fans  auoir  audience  deuant  les  Eftats  des  Royaumes,&  remifeà  eftreiugec  par  ceux 
de  particlackicrlc>com,ne  en  Saurxec  nous  en  auons  exemple. 

Àbientnfonhiftoire  rédtefmoignaged'vn  preftre,noméM  Guill.Sautree, 
lequel  en  la  perfecucion  meue  côcre  V  viclcfr'fut  mis  à  mort  enuiron  ce  téps.  ic  mot(Jc 
Le  fait  monftreouuertemét  quelle  eftoit  lafain&ccé  decepcribnnage,&:de  Parlement 
3[  quelles  vertus  il  eftoit  doué.Eftatembraféduzelede  la  vraye  &purereligiô  ^1^™ 
a  ^requit  en  plein  Parlement  qu'audience  luy  fut  dônee  pour  le  profit  cômun  poûrl'aflë^ 


ildemand 


de  tout  le  royaume  Sa  requefte eftoit  ciuilc,&deuoit  aporter  profir,s'il  euft  cfté  ouy.mais  ^r 
JesEuefqueslefentirent  venir  de  loin,&:  firent  tât  qu'ils  obtindrent  qcefte  caufe  fut  ren- 
uoyee  pardeuers  eux. par  lefquels  il  fut  finalcmét  taxé  d'herelie,  &:  pour  (èpt  articles  cô- 
d?tmné,degradé&:brufléran  m.c  c  c  c . 

(JE  fut  enuiron  cecemps  qu'on  recite  vnerefponfe  notable  de  l'Empereur  Sigifmond. 

Corne  on  mettoit  en  auant  lareformacion  du  Clergé^que  pluficurs  iugeoyent  qu'il 
la  faloit  commencer  par  les  Cordcliers  nom  mez  frères  Mineurs,  Non,dit-il,mais  par  les 
frères  Maieurs:lignifiant  le  Pape  ,les  Cardinaux,Euefques &  Prélats  del'cglife. 


GVILLAVME  THORP.^/i 


CES  premières  difputîs  Se  combats  de  ces  Martyrs  de  Icfus  Ckrift  font  Sotableï ,  comme  faits  3c  tenus  conae  les  plusgrans 
Prélats  de  l'Eglifc  Romaine. 

N  E  vertu  de  Dieu  excellente fe  monftra  en  M.Guillaume  Thorp,  aufll  Pre- 
ftre.Plufieurs  de  fes  faits  vertueux  rédent  fuffiiant  tefmoignage,  qu'il  n'a  peu 
eftre  deftourné  de  fa  foy.il  a  efté  appelé  plusieurs  fois  à  dilputes  par  les  Euef- 
r?U  quesnl a  fouftenu  plufieurs aftauts (ans  hiifer fa  vocation.Tantoft  on  l'affail- 
loïïpar  menaces  &:  frayeurs,  &  puis  on  l'amadouoit  par  flatteries tepromeiTes:  tantoft  on 
luy  drciToitdesfiaudes&:embufchespourlccirconuenir,onragaçoit  à  belles  iniuresô£ 
brocars,plus  feants  àplaifanteurs&farceurs  qu'à  gens  graucs.  Bref,  il  n'y  auoit  rien  q  lès 
ennemis  ne  machinaient  pour  csbranler  fa  côftance&;  fermeté,  chofe  facile  à  faire,  fi  le- 
fus  Chrift  ne  luy  euft  fait  fentir  fa  vertu.Pluficurs  fois  il  luy  falut  rdpôdre  à  pluficurs  Do- 
£teurs,&:  Legiftes:&:  cependant  il  môftra  qDieu  luy  auoit  donné  plus  de  refpôfés  pour  fa 
vérité  q  les  ennemis  n'auoyét  d'obiettiôs.Le  plus  fouuét  il  lesamenoit  iufqu  a  ce  poinc1:y 
qu'ils  n  auoycnt  leur  recours  finon  à  outrages  &c  iniures.  Quiconque  voudra  conférer  fa 
modeftic  &c  fes  raifons  fermes  aueç  le  magnifique  babil,&cauillations  froides  de  l'Arche 
uefque,&  confiderer  les  rcfponfes  de  Thorp,&  toute  la  procédure  de  la  caufe,il  en  iugera 
facilement.  A  tous  propos  l'Archeueique  alleguoit  ordonnances  &  conftitutions,&  glo- 
fes  des  Dccrcts:mais  aux  tcfmoignages  de  l'Eicritureil  fc  trouuoit  court:&:eftoit  côtrainc 


L/#ro  /.  Cj  uillaume  Thorp. 

de  prendre  nouueauxconfcilsauec  les  femblablcsrpourl  opprimer  par  forcées:  violence. 
Mais  on  cognoiftra  mieux  le  tout  par  le  récit  que  Guillaume  Tyndal  &  autres  hiftonens 
ont  fait  de  la  dilputc  faite  entre  Arundclarcheue(quedeCantorbie&  ledit  Thorp. 

V  temps  qu'on  deuoit  faire  le  procez  de  MGuillau  me  Thorp,il  pna  (es  plus  familiers 
x    amis,de  noter  diligemment,^:  rédiger  par  elerit  tout  cequifeferoit,afln  que  tous  les 
autres  on  fuflentcôfcrmcz.  Eftât  doc  ciré  delà  prùon  de  Sait  vvod,qui  fut  l'an  m.c  c  c  c. 
v  i  j  .au  mois  d'Aouftjil fut  amené  deuat  Thomas  Arûdel  archeucfqucde  Catorbie,qui 
lors  aufsi  cftoit  Légat  pour  le  Pape  &  Chancelier  d'Angleterre,qm  eft  le  plus  grâd  office 
incerre»'   ^etout  le  royaume.  Ceit  Archeucfqueayâr  tait  forcir  tous  les  homes  laies, fc  retira  a  parc 
toirw  <k    en  vue  chabre  fecrette  auec  vn  certain  Curé  de  Lôdres,  &:  deux  autres  Dccrctiilcs:  &  fit 
PArcheucf-  ccs  interrogations  au  prilonniertM.G  yuiAVMt ,  depuis  vingt  ans  en  ça,ou  plus,  vous 
que  Arua-  ^  routcs  [Cs  cotrecs  du  pais  de  Boree,&»par  toutes  les  régions  voifincs,&  auez 

corrompu  la  plus  grand  part  de  ce  royaume  par  la  lemece  pernicieufè  de  voltrc  doctrine. 
Tanrya,pource  qS.  Paul  nous  admonneftede  procurer  la  paix  enuers  tous,vous  m'expe 
rimeterez  doux  &  fou orablc,moycnnâtq  reictrant  vos  erreurs ,  vous  vous  fubmettiezen 
toiueobciiï-mccauxcollitutionsdel'eglile.Orlus,  vous  vous  agenouillerez,  &  mettrez 
la  main  fur  ce  liure,5:  ferez  ferment  q  vous  obeirezà  nos  mandemés ,  $c  à  tout  ce  q  nous 
vous  cômanderons.  1  h  o  r  p,Monhcur,pourcequeie  voy  bien  que  vous  autres  auez  o- 
pinion  de  moy  q  ic  fuis  hérétique, ie  vousfupplic  qu'il  mefbit  ottroyc  de  propoier  icy  les 
poincts  dcmafoy.Au  v  n  d  t  l, Dites  hardimet. Thorp  cômença  par  le  Symbole  des  A- 
poitres,&:  récita  chacun  article  de  la  foyChreftienne:apphquâc  vnc  briefuecv  proprein- 
terpretation  fur  chacun  .&  quâd  ce  vint  à  l'article  de  rJEglife»il  dit,/c  mef/ubmetsifolotiers  & 
EpKcf.î.îo.  t  Fgltfc  cf-u  esltnlcfis  ChriftyLt<]uelle  eél  comme  chair  de  fi  chair  &  os  défis  os:ie  mefubmets  (di-ie) 
àtousccuxlefquelspar lesfruicts  delà  foy  i'appcrcoy  cttre  certains  membres  d'iceluy. 
Ch°rc?t5ne.  Maintenant  ie  fay  proteftation  deuant  vous  quatre ,  que  ie  délire  eftre  de  celle  Eglife-la 
auant  toutes chofes:&  à  la  mienne  volonté  que  tout  le  monde  Icfcuftbicn  .  Dauantagc 
ie  croy  que  la  Bible ,  qui  eft  l'vne  &C  l'autre  loy ,  fortie  de  l'authorité  de  Dieu,  eft  necelîai- 
rc  pour  le  fa  Lut  du  genre  humain  :  &c  fuis  d'aduis  qu'on  doit  embraifer  d'vne  foy  certaine 
tout  ce  qui  nous  y  eft  commande  ou  promis  de  Dieu.  Siquelcun  mepeut  redarguer  ou 
bienconueincre  en  quelque  article  delà  loy  par  l'authorité  de cefte  Loy  diuine,  ou  par 
raifons  manifeftes  des  Docteurs,  iem  accorderay  de  "bon  cœur.  Carie  ne  veux  point 
rcictter  à  la  volée  &:  fins  cauie  l'authorité  des  Pères  &c  Docteurs  ,  moyennant  quon  co~ 
giioiife  que  ce  qu'ils  mettent  en  auanr,puilîé  eftrc  rapporté  à  la  règle  de  l'Efcncure.  Mais 
ievouspric  d'vne  chofe.  ,moniicur  l'Archcueiquc,  Quelle  raitonv  a-il  que  ie  mette  la 
main  furie  li  me?  Arvn  d.  C'en:  afin  que  vous  iuriez.  Thorp  ,  Moniicur  le  reue- 
rcnd,ce  liure  icy  eft  corn pofé  de diuertës  créatures,  par  lefquelles  il  n'eft  nullement  licite 
}  rod.ivi3.  de  iurer  ne  faire  ferment,  ielon  que  f  Etcriture  le  défend,  neatmoins  ic  veux  bien  icy  pro- 
Màt  J.34.J6  tc^er  Jcuant  vos  clercs  de  le  faire,  moyennant  que  vous  me  montriez  par  l'authorité  de 
l'Efcriturcquecclaneme  foit  point  illicite  :&C  aufsi  après  que  vous  m'aurez  déclaré  les 
Les  fiddes  conditions  6V:  caufes  du  ferment  que  vous  requérez  de  moy:alors  ie  ne  refufcrav  point  de 
citoycnccn  fajrc  tout  cc  qUi  {Cra  raifonnable.  Ar  v  n  d.  Vous  îurercz  que  vous  laiiîcrczdicy  en  auac 
•ekzLol-  toutes  les  opinions  des  Lol!ards,Ô£  aufsi  de  refilterdorefenauant  de  toutevoltre  force  à 
,m"-  tous  ceux  qui  troublent  la faincteeglife.  Que  s'ils  femonitrëtobftincz  en  leurs  opinions, 
vous  viendrez  rapporter  leurs  noms,  opinions  &  erreurs  aux  Euelques  qui  font  leurs  or- 
dinaires^ à  leurs  Officiaux.  Finalement  que  vous  vous  déporterez  cependant  de  tout 
office  &  charge  de  prefeher,  iufquaceque  nousfoyons  pleinement  informez  de  vollre 
repentanec.^  Thorp  fiiteftonné  n'ayant  promptement  que  refpondre.  Arvn  d.Rc- 
fponde/,oud'vncolté, ou  d'autre.  Th  o  Rr,Moniieur,hi'obtempcreà  ccquevousme 
demandez,  &c  il  ie  rapporte  les  noms  d'hommes  &  femmes  deuant  les  Euelques  &  leurs 
Officiaux,icdonncray  àpenferque  ieièray  efpie,  outraiftre,  plus  mefehant  que  Iudas. 
car  parce  moyen  il  aduiendroit  que  ceux  qui  perfïftent  auiourdhuycnlavoye  falutaire 
deDieu,  (edcuoycroyent  de  la  vérité  qu'ils  ont  vnefois  receue ,  craignans  les  tourmens 
6c  la  perlëcution,  comme  ie  le  fay  par  expérience.  le  ne  trouuc  point  en  toute  la  faincte 
Elcriturc,  pour  quelle raifon  tel  office  compete  àhoramcChreltien,  par  lequel  outre  ce 
quefapporteroye  vn  li  grand  dommage  au  Royaume,icchargcroyc  ma  confeiençe,  ie 
feroyc  digne  non  feulement  que  quelque  mauuais  inconuenient  m'aduint  en  cefte 
vie  :  Se  non  feulement  cela  ,  mais  aufsi  de  fouffrir  la  damnation  éternelle  ,  dequoy 

le  Sei- 


le  Seigneur  me  vueille  garder  par  fa  bonté.  A  r  .Tu  as  le  cœur  endurci  comme  Pharaô. 
Le  diable  a  tellement  abuié  &en(brcclc  tes  ièns,que  tu  ne  peux  cognoiftre  laverité,ne 
la  grâce  que  nous  te  prefencons .  I'appcrçoy  bien  par  tes  rclponf  es  friuoles,  que  tu  n'as 
pas  encore  defpouillc  tes  erreurs,ni  ofté  tes  opinions  premières .  mais  afleure-toy  har- 
diment,mal-heurcux  hérétique  que  tu  es,  qu'il  faudra  que  tu  conlcntes  bien  toit  à  nos 
ordonnances  &c  décrets ,  ou  que  tu  lois  bien  toft  dégrade ,  &  puis  bru  fié  au  marché  de 
fer  après  ton  compagnon .  ^  Guillaume  Thorp  après  cefte  parole  demeura  aucune- 
ment pcnlirjne  délirant  rien  plus  en  ion  cœur  &:deuant  Dieu,que  d'eftre  couronné  d- 
vn  tel  martyre  glorieux  .  Et  voyant  que  ce  monlieur  l'Archcuefque  n'auoit  aucun  re- 
gret ou  componction  d'auoir  lait  mourir  Guillaume  Sautrce,homme  innocc  t,  &  bruf-  De  ce  Sau- 
ler  Tan  m.  c  c  c  c.ainspluitoil^deplusenpluseftoittranfportédefurieàefpandrele  "«voyez 

i  v        •        ■     i  or  ii  '  j  ca  ion  lieu. 

iang  innoccnt,il  commença  a  auoir  moins  de  crainte  &c  frayeur  de  la  cruauté  de  ce  ty- 
ran^ dés  lors  l'eftimer  pour  vn  ennemi  ouuert  &:  manifefte  de  Dieu .    Mais  voici  de- 
quoy  il  eftoit  plus  marri, qu'on  luy  faifoit  fon  procez  en  la  prefence  de  II  peu  de  gens,8£ 
hors  de  la  compagnie  de  l'es  frères  Chrefticns.Cepcndât  il  prioit  Dieu  arfeCtueufemét, 
que  ion  bon  plailir  fuft  de  l'armerdc  l'Efprit  de  la  puiiîance  &  vertu,  contre  les  fureurs 
àc  confpirations  deceux-ci.Or  comme  il  meditoit  ces  chofes  &  autres  en  Ion  entende- 
ment,^ y  eut  vn  des  clerc  s  de  l' Archeuefque  qui  cômenca  à  dire,CVu'eft-ce  que  tu  pen- 
fes  ainli  en  toy-mefmeîFay  comme  môHeuri' Archeuefque  t'a  commandé .  Guillaume 
Thorp  eftoit  encore  penlif,&:  ne  refpondoit  rien.  Alors  l' Archeuefque  luy  dit,  Tu  n'as 
pas  encore  allez  médité  ce  que  tu  as  à  faire. T  h  .  Moniîeur,quâd  premièrement,  &C  par 
les  perfualions  &£  menaces  de  mes  païens  ie  fu  induit  à  eftre  fait  preftre,ie  leur  fi  cefte 
requefte  qu'auant  que  palier  plus  outre  ,  l'euifeloilir  d'eftre  enfeigné  par  ceux  qui  e~ 
ftoyent  en  cefte  réputation  d'eftre  les  plus  faincts  &:  fauans ,  de  ce  qui  appartenoit  à  vn 
office  II  fainCt.Ce  que  mes  parens  m'accordèrent  aifément,  &  aucc  ce  me  baillèrent  ar 
gent  pour  faire  le  voy age.Lors  ie  rn  addreiîay  à  ceux  qui  eftoyent  reputez  les  pi9  fain&s 
&L  fauans  .&fu  tant  auec  eux,  qu'il  me  fembloit  bien  que  i'auoye  aucunement  profite 
par  l'exéple  de  leurs  fainds  exercices  &;  honnefte  vie.Eftant  donc  attiré  par  tels  exem- 
ples de  doctrine  de  la  vray.e  Religion  &  d'innocence,  i'appliquay  mon  efprit  à  leftude 
des  fainctes  Efcritures,pour  conformer  ma  vie  le  mieux  q  ie  pourroyeàlaregle  d'icel- 
lc.ainii  ie  m'y  luis  longuement  exercé,&  aufîi  y  ay  pris  grand  plailir .  maintenant  li  par 
vos  perfualions  &c  menaces  rigoureufes  ie  me  laiilbye  deftourner  entièrement  de  ma 
première  façon  de  viure,&:  de  mon  cftude  accouftumee,q  i'ay  fuiuie  vingt  ans  ou  plus, 
certaineme  nt  ie  meriteroye  d'eftre  repris  de  tous:&auffiilyenauroitplulieurs  qui  en 
feroyent  Icandalizez.En  cefte  forte  monftrcroy-ie  ouucrtement  que  ie  leroye  deftru- 
cteur  de  l'egliic  Chreftiérie,&  non  point  baftilîeur:mébre  pourri    inutile,&:  nô  point 
annonciateur  &:  miuiftrc  fidèle  delà  Parole. Les  exeples  d'aucuns  infirmes  m'admon- 
neftent  allez  de  ce  q  ie  doy  craindre  en  ccft  endroit,  &c  principalcmét  les  exemples  de 
Thomas  Brituuel,dc  Nicolas  Herford>&  de  lean  Purné,&:  fur  tous  de  Repyngton.  Car 
nous  voyons  cornent  ceux-ci  diuifentl'Egliie  par  bandes  en  la  croix  de  S.  Paul,  &  auec 
quels  dangers  ils  la  troublent  d'vne  façon  miferable.  Et  quat  à  Rcpyngton,non  feule- 
ment il  feduit  le  peuple  Chrcftié  par  trÔpcries  Phanfaiques  &c  fraudes  couuertes,mais 
aufli  pourfuit  iufqu'a  la  mort  les  vrais  croyans  &:  fidèles.  Dieu  ne  lairra  point  vne  telle 
prudence  charnelle  impunie,par  laquelle  ils  flattent  ceux  qui  aiment  le  monde,&  ne 
demadent  qu'à  leur  complaire  en  leurs  fermons.Ceux-ciprefchoyent  iadis  la  vérité  au 
grand  ptiz  de  l'Eglife,pour  laquelle  voudroyent-ilsmaintenat  à  grâd' peine  employer 
la  rongneure  de  leurs  ongles.  A  r  .Ceux  defquels  tu  parles,eftoyent  par  ci  deuât  lots  &: 
heretiquesmiais  on  les  cognoit  maintenat  pour  gens  degrande  prudence,ia  foit  q  toy 
&c  tes  femblables  en  ayez  toute  autre  opinion.Iene  viiamaishomefauant,  lequel  s'ar- 
reftaft  longuement  en  cefte  tiene  doctrine  pleine  dcfallaces.T  h  .le  nedi  point  qceux- 
ci  ne  foy ent  fages  félon  le  mondetant  y  a  neantmoins  qu'ils  auoyent  receu  les  arres  de 
la  fapience  Diuinc,pour  leur  grand  bien ôc  lefalutdes  autres,  s'ilseu/Tentperliftéenla 
vraye  Rcligiô  U  foy,8£  en  humilité  d'eiprit&  llmplicité  de  vie  Chreftienne.  Mais  mal- 
heur fur  tous  mcfçhans  côfeils,fur  taure  cruelle  tyrannie, fur  toute  cupidités  ordure 
môdainc,iaquelle  attire  prcfquc  tout  le  mode  en  vn  retrait  &:  bourbier  de  tous  maux. 
A  r  .Mefchât  heretiq,toy&:  tes  femblables  vous  feriez  raire  la  barbe  iufqu'au  fang  pour 
auoirdesbenefices.Par  Dieuic  nelache  point  qu'il  y  ait  des  babouins  pl9auaricicux 


Liurc*>  L 


Guillaume^  Thorp. 


pourtrait 
«lehpcr- 
fonne  de 
Widcf- 


les  gens  de  ta  Icdc.Iay  autrefois  donne  vn  bénéfice  à  lean  Purne', lequel  eft  bié  près  d' 
ici:  il  n'y  a  home  en  tout  le  dioccic  qui  (bit  plus  alpre  à  leuer  ks  décimes  &:  offrandes, 
T  h  .Quat  à  Purnéjil  n'en  eft  point  là  auiourdhuy,quc  pour  le  bénéfice  qu'on  luy  a  dô- 
né(cômc  vn  os  en  la  gucule)il  loïc  de  voftrc  opinion  :  &c  lî  ne  garde  point  fidèlement  la 
doftrinejde  laquelle  il  a  par  ci  deuat  fait  profeflion  tant  par  eicrit  que  par  parole .  mais 
pource  qu'il  monftre  maintenat  qu'il  n  eft  ne  froid  ne  chaud, il  eft  a  craindre  que  luy  &: 
ceux  qui  lereffemblcnt,ne  lovent  effacez  du  nôbre  des  elleus  ,  s'ils  ne  fe  repentent  de 
bonne  heure.  A  r  .Si  Purné  eft  fin  &£  cautcletix,ce  fera  ion  dommage. &c  nonobftant  s'il 
retourne  derechef  ici  pour  tels  affaires ,  il  nous  déclarera  ouuertemét,  auant  qui!  par- 
te, defquels  il  eft.  Or  ça,  di-nous,  qui  font  ces  fages,qui  t'ont  tant  faindement  inftruit. 
T  h  .Maiftre  lean  Vuiclef,en  ion  temps  eftoit  homme  digne  de  grande  louange,i'elon 
l'aduis  de  pluiîeurs,voire  autant  louable  qu'home  qui  fuft.  Il  eftoit  maigre  de  corps,S£ 
quali  deftitué  de  toute  force  corporelle,  &ç  au  refte  home  de  conueriation  honneite  Se 
irreprehéfible.Pourcefte  raifon  plulieurs  des  grans  feigneurs  de  ce  Royaume  prenoy- 
ent  plailir  de  deuifer  bié  fouuent  auec  luy:ils  l'aimoyent  de  grande  affediô,  ils  luy  por- 
toyet  reuerence,ils  redigeoyent  volontiers  par  eferit  ce  qu'ils  luy  auoyent  ouy  dire ,  &: 
fc  ^ppoioyent  les  ex  épies  de  la  vie  pour  regle.Encorey  en  a-il  plulieurs  auiourdhuy  qui 
ont  cefte  opinion  de  la  dodrine  de  Vuiclef,qu'elle  approche  fort  de  la  pureté  de  celle 
des  Apoftres  &  de  la  primitiue  Eglife.Et  c'eft  la  raifon  pourquoy  fi  grand  nôbre,tat  d'- 
homes que  de  femmes ,  l'ont  auiourdhuy  en  fi  grande  réputation,  &c  la  délirent  fi  fort. 
OutrepluS)maiftre  Aifton  a  femé  cefte  mefme  doctrine  auec  autant  grand  zele  &  dili- 
gence qu'il  luy  a  efté  poflîble,tant  par  eferit  que  de  viue  voix,&:  a  hôneftcmét  vefeu  fé- 
lon icelle,&:  fans  reprehenfion  iufqu'au  dernier  foufpir.On  peut  mettre  en  ce  rang  Phi 
lippe  Repyngtô ,  quad  il  eftoit  encore  chanoine  de  Linceftre,Nicolas  Herford,Dauid 
Gottre,Paknng  moine  de  Byland,&  dodeur  cnTheologie,aufli  Ieâ  Purnc  &:  plulieurs 
auti  es,lefquels  on  auoit  en  grande  eftime  en  ce  temps-la,côme  gens  de  grande  autho- 
rité.Iceux  ont  employé  leur  temps  en  telles  eftudes,ont  fait ^pfelîion  d'vnc  mefme  vé- 
rité,&:  ont  vefeu  faindemét  félon  icelle.Ie  me  fuis  adioint ,  àc  ay  vefeu  familiercmet  a- 
uec  ceux-ci,&:  me  fuis  rendu  difciplc  fous  leurs  fainds  cômandemens  &:  ordonnances, 
toutefois  i  ay  efté  plusadonné  à  M.Iean  Vuiclcf,qu  a  tous  les  autres. corne  à  celuy  que 
ie  cognoifibye  autant  homme  de  bien  &c  entier,qu'il  en  fuft  au  monde.  I'ay  puifé,di-ie, 
d'iceux  vue  façon  de  vie  àc  de  dodrinc,laquelle  ie  n'ay  point  intention  de  laiiîer  iufqu' 
au  dernier  fouîpir  de  ma  vie  .  Et  côbien  qu'aucûs  d't  ntr'eux  femblent  répugner  à  cux- 
mefmes,toutefois  la  doctrine  laquelle  ils  annonçoyent,non  point  de  la  chaire  deMc-y- 
fe,ains  de  Chrift,cft  tref-veritable,  ferme,  &c  certaine.  Car  eux-mefmes  eftan  s  mainte- 
nant redarguez  pourauoir  renoncé  la  vérité  de  Dieu,ne  difent  pas  que  pource  temps- 
la  ils  fuiîent  en  erreunmais  qu  eftans  eftonnez  pour  les  tourmens  cruels ,  ils  ont  dilîî- 
mulé  leur  opinion,euxquiaimoyent  mieux  fe  cacher  fous  vnfard  de  paroles, qu'endu 
rer  les  incommoditez  de  perlecution  auec  le  feigneur  Iefus.  A  r  .Cefte  dodnnc  que  tu 
appelés  La  verité,fcandalilc  l'eglife  Romainexeque  cefte  treffainde  eglifea  iouuen- 
tefois  monftré.Et  combien  que  ton  dodeurVuiclcf foit  eftimé  home  treifauant  &:  par- 
fait, par  le  tefmoignage  &c  opinion  de  plufieurs:toutef "ois  l'eglife  n'a  point  approuué  fa 
doctrine, ains  eft  reicttee  &c  condânee  en  plulieurs  articles,côme  elle  mérite.  Quant  à 
Philippe  Rcpyngton,qui  a  efté  autrefois  chanoine  &:  abbé  à  Linceftrc,  ce  bon  îour  luy 
eft  venu,duqucl  il  a  iufné  la  veille  par  fi  longue  efpace  de  téps.car  depuis  qu'il  eft  fait  e- 
uefque  de  Lincolne,il  n'eft  plus  des  tiens,&  ne  fauorife  plus:  en  forte  qu'il  n'y  a  nul  de 
tous  le  s  autres  Prélats  qui  foit  à  beaucoup  près  fi  véhément  q  luy  à  pourfuiure  Se  punir 
ceux  qui  font  de  ta  fadion.T  h  .On  dit  beaucoup  de  maux  de  ce  perfonnage-la ,  &:  plu- 
lieurs l'ont  en  cefte  opinion, qu'il  eft  fort  grâd  ennemi  de  la  vérité.  A  r. Mais  pourquoy 
nous  retiens-tu  ici  fi  long  téps  par  tes  badinagcs  ?  Vcux-tu  confentir  à  nos  décrets,  ou 
non?T  h  .Comme  i'ay  refpodu  defia,la  crainte  de  Dieu  fait  q  n'y  ofe  confentir.  ^  A  lors 
l'Archeuefque  plus  irrité  qu'auparauant ,  fit  figne  à  l'vn  de  ces  garnemens  de  preftres, 
&  luy  dit,  A  pportez-moy  la  teftimon  iale  qu'on  m'a  enuoyee  deSalop(feellee  du  Bailly ) 
contre  les  herefies  femeespar  ce  vénérable .  Ce  clerc  l'apporta,  &c  la  leut  à  haute  voix 
deuant  tous,  voici  la  teneur.  ^Le  ni.  Dimanche  après  la  fefte  de  Pafque,  l'an  m  .cccc. 
vu, Guillaume Thorparriua  a  Salopdequel  ayâteongé de  prefeher, maintint  deuanc 
tous  ouuertement  au  temple  de  faind  Ceddc,Que  le  pain  matériel  demeure  au  Sacre- 

menç 


ment  Je  l'autel  aptes  la  confccrationrQiion  ne  doit  point  adorer  les  imagcs:Qjue  les  ho- 
mes ne  doiucnt  aller  en  pèlerinage  aux  Saincts:Que  les  Préfixes  n'ont  nul  droit  de  s'attri  l°™™^"t 
buer  les  décimes:  Qjj'il  n'eft  point  licite  de  iurer .    Or  après  que  ces  articles  eurent  elle  contre 
leu/J'archcucfque  Arundel,aucc  vn  iront  ridc,&:  regardant  de  traucrsjdit,  Quoy?Elt-ce  Thorp. 
là  vue  inltruction  benne 6c  lalutairepour  le  peuplcrT  h. Ce  lont-ci calomnies  impuden- 
tes d'home s  malis. car  à  la  vente  ien'ay  pas  ainii  parlé,ni  en  public  ni  en  particulier.  Ar. 
l'adiouftc  plus  de  ic  y  à  ceux  qui  l'ont  rapportc,qu  a  toy.O  melchât,  lu  as  tcllemét  trou- 
ble ceux  de  Salop  ,qiùls  m  ont  el'eritdes  lettres, a  moy  qui  fuis  maintenant archeuelque 
de  Cancorhery,primat  d'Anglctcnc,&:  chancelier  de  tout  leRovaumc,  tendantes  prin- 
cipalement à  ce  but  que  îe  te  renuoye  là  pour  cftrepuni  iur  le  lieu,  afin  que  les  autres  y 
prennent  exépled-our  toute  conclulion,r Archeuelque  adiouft a  ceci  finale  menr,diiant, 
Tour  certain, ie  n'oublictay  point  ce  dont  ayefte  tant  fidèlement  &c  hôneilemét  requis. 

O  r  ces  tonnerres  6c  foudres  de  F  Archeuelque  n'eftonnerét  pas  beaucoup  ce  vray  fer- 
uiteur  de  Dieu,ains  cftant  faitplus  courageux, refpondit  ouucrtcmet& flanchcmct:S,-  j0^^1" 
il  faut  que  ic  contclfe  la  vérité, ie  di  que  ceux  qui  ont  réputation  de  nuire  grandement  à   C  °rp' 
lafby  Chrefticnc,foitàSalop,ouailleurs,fontccux  quiprofitét  le  plus.au  contraire,ceux 
qu'on  cftime  fideles,coulUimiercment  ne  font  rien  moins  que  ce  que  leur  titre  porte:ce 
qu'on  peut  facilcmct  cognoiftre  par  leur  enuie,  parleurs  appetiséragcz,par  leur  orgueil 
intolcrablc,par  leurs  mefehates  cupiditcz,pail!ardiles      autres  fruicts  lemblablesdcla  CaI^19- 
chair.Caronne  doitcltimer  qccux  qui  ont  les  paroles  deDieuen  mcfpns, foyer  de  l'egli 
fe  de  Chrift:  ce  qu'on  voitouuertemétadiienirauiourdhuy  à  la  plus  partdeceux-ci.Et  ce 
font  ceux  lefquels,en  voyant  aucuns  vrayement  craignans  Dieu,  incontinent  les  tiénet 
pour  hérétiques. Or  ne  fe  faut-il  pas  clbahir  fi  le  populaire  de  Salopa  vne  telle  opiniôde 
moy,hôme  milerablc  &  mefchât  que  ie  fuisrveu  q(côme  i'en  fuis  bien  afTeuré)ils  ont  efté 
incitez  par  les  Eccleliaftiqucs,&:  parleurs  calônies  cutrageufes,&  clameurs  delbordees. 
Cela  n'eft  point  de  merueilles,veu  que  le  Fils  de  Dieu  noltre  feigneurlefus  a  foufFert  cho 
les  femblables  des  fages  de  Ierulalc.en  celte  forte  les  principaux  de  la  fynagoguede  Na-  Luc 
zareth  ont  ictté  Icfus  Chnft  horsdeleurville,àcaufedefespredicatiôs,faifanscecôplot 
entr'eux  de  le  ic  teer  du  haut  de  la  montagne  en  bas.  Et  le  Seigneur  n'a  point  iadis  autre- 
ment promis  par  Moyfe  l'on  fidèle  feruiteur,de  laiiîcràfes  feruitcurs  vnenatiô  ennemie,  Dcut  7X%* 
afin  qu'ils  fullent  ordinairemét  exercez  par  icelle.  Qui  fera celuy  quifaifant  office  d'am- 
baf]Kdeur,portcra  la  parole  de  Dieu  aux  incrédules ,  qui  ne  face  aufîî  venir  la  croix  6c  tri- 
bulacicn  lur  foy,felon  les  cxcples&  oracles  tant  de  Chrift  que  des  Prophètes?  A  r  .  Tu  t - 
eftimes  donc  imitateur  de  Chnft. as-tu  celle  opinio  que  tu  puilTcs  prefeher  fans  l'autho- 
rite  de  quelque  PrclatrT  h  .11  eft  certain  quelelus  Chnft  nous  a  en  cefte  façô  enfeignez, 
que  l'office  principal  d'vn  preftre  Chreftiencftde  franchement  &:  par  tout  annoncer  la 
parole  de  l'Euangilc.&:  luy  qui  eft  le  Fils  de  Dieu, prince  fouuerain  des  Pafteurs,  n'a  vou- 
lu admettre  à  vn  tel  office  linon  ceux  qui  le  deufient  employer  diligemmét  à  inftruire  le 
peuple  en  la  foy  &:  crainte  du  Seigneur,  de  mov,ic  ne  me  vante  point  d'eftre  tel:  tant  y  a 
que  ie  prie  Dieu  aft ectueufe  ment ,  que  ic  le  puiiîe  vrayement  eftre.  A  r  .  Pendart  que  tu 
es,à  quelproposnous  allegues-tu  cesfantolmes:  S.Paul  ne  fait-il  pas  cefte  interrogatiô, 
Comment  preichcront-ils,  s'ils  ne  font  enuoyez  ?     le  ne  t'ay  iamais  enuoyé  pour  pref-  Rom.i0>,j 
cher.  Or  ta  doctrine  pernicieufe  a  efté  tellement  diuulguee  par  tout  le  royaume  d'Angle 
terre,qu'il  n'y  a  point  vn  fcul  Euefque  qui  te  vueille  bailler  lettre  de  licence .  Pourquoy 
donc  toy  ,  qui  es  vn  mal-heureux  idiot ,  e»fes-tu  faire  cela ,  veu  que  tu  n'y  es  point  admis 
par  aucun  Prélat: S. Paul  luy-mefmen'admonnefte-il  pas  aufîî  qu'il  faut  rendre  obeiffan-  Rom.13.1. 
ce  aux  gouuerneursm  on  feulemét  aux  modeftes,mais  aulîï  aux  tyrans  vicieuxîT  h  .Quât  pier  1 1,1  * 
à  vos  lettres  de  licenee,nom  ne  nous  en  foucions  pas  beaucoup,  &:  n'en  receuons  point, 
car  elles  Contiennent  des  jnftructions  ou  mandemens  qui  répugnent  du  tout  à  la  pureté 
de  l'Euangilc>&:  à  l'efprit  du  Fils  de  Dieu. q  ces  Fratres,  qui  ne  viuent  que  de  menlbnges 
&:fraudcs,en  facét  leurprctfït.  Nos  lettres,cc  font  ceux  q  no9  inftruifons  :  &  le  ferme  tef- 
moignage,qui  eft  la  verité.eternelle  de  Dieu. car  nous  ne  cerchons  point  des  lettres  def- 
cornifîericjefcrites  d'encre,ne  tefmoignage  des  homes,  nous  qui  annôçôs  fimplcmét&: 
pour  neat  les  paroles  diuines  aux  hômes.en  quoy  nous  auons  S.  Paul  accordât  auec  no9:  t  Cor  j  tt 
Nous  n'auons  befoin,dit-il,dc  lettres  de  recômandation.vous  eftes  noftre  epiftre  au  Sei- 
gneunnô  point  eferite  d'encre,ains  de  l'efprit  de  Dieu  viuat.  Or  quat  à  l'obcifface  deué 
aux  gouucrneurs,nous  ne  la  refufons  point  de  rendre,principalemét  à  ceux  qui  prelldét  l,T,m 

b.ii. 


L  inr^j  I.  Çuillaum  o  Thorp. 

par  la  Parole,&:  par  fain£t&:  bon  exéplc.mais  au  contraire  je  di*  que  quant  aux  chofe  s  or- 
données &comandees par  les  tyrans  contre  la  parole  de  l'Euangilc,  il  faut  plultoft  mou- 
rir q  d'y  obéir.  A  r. Si  ceux  qui  fontconftituezgouucrncurs  furies  autres,  ordônét  quclq 
choie  mauuaiie,ce  fera  leur  dômage  :  mais  ii  quelcun  y  obeit,cela  luv  tournera  mclmcà 
merite,V€uquobeif  fonce  vaut  beaucoup  mieux  que  tous  lacnfices.T  h  .  L'obeiflancc  q 
i.Sain.n.zi  Samuel  requeroit  de  Saul  en  ce  pairagc,cftoit  de  Dieu  qui  comandoit,  &  non  point  d  vu 
Rom.i  31  nomme.  S.Paul  &  Dauid,auec  lefquels  S.  Grégoire  s'accorde,difcnt  que  non  feulement 
ceux  qui  tout  choies  mefchâtes  &:  iniques, font  dignes  de  c6danation:maisauliï  ceux  qui 
ont  confenti  aux  autres  qui  les  ont  faites.  Dauantage  les  décrets  &:  ordonnances  de  FE- 
glife  s  accordée  à  cela: par  lefqucllcs  il  eft  dit  que  le  fils  n'eft  point  aftrcint  a  ("on  pere  ,  ne 
le  (eruitcur  à  ("on  fcigneur,nelafcmmeàfonmari,nelcmoineàlon  Abbé,  pour  leur  ré- 
dre  quclq  obeilTancc,  excepté  en  choies  honneftcs&:  licites.  A  r.  Tu  parles  bien  fière- 
ment,elhmant  qu'il  n'y  a  q  toy  &C  tes  femblablcs  qui  love/  mites  :  &  pourtât  mettant  la 
doctrine  de  S. Paul, tu  cuides  q  toutes  choies  te  l'ont  licites.  T  h  .le  vous  fupplic,qui  l'ont 
ceux  que  vous  penfez  qui  principalement  repreientent  l'ofEcc  des  Apoftres  en  l'eglile? 
Ne  font-ce  pas  les  Preftresr  A  r  .Ouy  dea.T  h  .En  premier  lieu  doc,  quant  à  la  charge  des 
Apoftres,ce  qui  eft  dit  Matth.  x.cha.&:  au  dernier  de  S.Marc,eft  tout  notoire,  que  Chrift 
a  enuoyé  prelcher  les  Apoftres  :  &  ce  qui  eft  dit  aufsi  au  x .  de  S.  Luc,où  nous  liions  que 
Chrift  ordonna  leptantedeux  difciples,&:  les  enuoya  annoncer  l'Euangilc  par  toutes  les 
villes  6c  lieux  où  il  deuoit  aller.côme  aulîî  S. Grégoire  ne  diflimule  point  ceci  es  décrets, 
que  ceft  office  de  prédication  eft  conioint  auec  la  Prcftrifc.  Voici  qu'il  dit,  Le  Preftrc  du- 
quel le  peuple  n'oit  point  la  voix  en  la  prédication  de  l'Euangilc, prouoque  Dieu  à  cour- 
roux.Et  la  Glofe  fur  Ezechicl  dit,Lc  Preftrc  qui  ne  fait  office  de  prelcher, eft  fait  partici- 
pant de  lacondânation  de  ceux  quiperiftent  partante  de  prédication. Ceux  qui  preiidët 
lur  le  peuplc,6c  n'enfeignent  point  l'Euangilc, font  meurtriers  deuant  Dieu,fouftrâyans 
la  prouifion  delà  vie.  Outreplus  Ilidore  dit, L'iniquité  du  peuple  fera  furfifante  pour  fai- 
re condaner  les  Prcftres, s'ils  n'enfeignent  point  les  ignorans,  &c  s'ils  ne  reprennét  point 
ican  18.37.  les  defaillans.Icfus  Chrift  dit,Ie  fuis  nay  à  cela,q  ie  rende  tehnoignage  à  la  vérité.  &  qui- 
conque eft  de  la  verité,iccluy  oit  ma  voix. Et  pourtant  félon  le  cômandement  &  exeples 
du  Fils  de  Dieu,c'eft  à  faire  aux  Preftrcsde  quitter  toutes  autres  choies  pour  s'employer 
à  publier  l'Euangilc  de  Dieu. Car  félon  que  dit  S.  Grégoire,  de  tout  ce  que  l'home  fait,  il 
n'y  a  rien  qui  foit  agréable  au  S.  Efprit,s'ileftnôchalâtàfaireccàquoy  il  eft  tenu. Et  incl- 
ine l'euefq  de  Lincolne  a  fort  bien  dit  ace  propos,  Le  Preftre  qui  ne  prcfchc  point  la  pa- 
role de  Dieu, encore  qu'il  n'y  ait  eu  d'autre  faute  en  luy,  tat  y  a  qu'il  ne  laifle  point  d'eftre 
Antcchrift,d'eftreSata,larrondenuid,brigand  deiour,bourreau  des  ames,&:  ange  de  lu 
mierecôucrti  en  ténèbres  obfcures. Ces  authoritezdcmôftrcntclaircmct,q  les  Prcftres 
q  ne  font  point  leur  deuoir  d'annôcer  purcmet  l'Euagilc  aux  poures  brebis, lot  maudits. 

O  r  l'Archeuelque  fe  tournant  vers  les  trois  clercs,  leur  dit,Ces  hérétiques  ont  toul- 
ioursaccouftumé,que  s'ils  trouuent  quelques  fentencesgrauesés  S.  Efcriturcs,  ou  és  ei- 
crits  desDo6tcurs,d'empoigner  &  faire  valoir  cela  cotre  nous,&  les  tirer  par  les  cheueux 
contre  les  ordonnances  de  l'eglile  :  afin  que  fous  telle  couuerture  ils  maintiennent  leurs 
opinions  &:  leur  fe&c.C'eft  la  caufe,mefchât  babouin(car  ce  vénérable  officier  auoit  fou 
uent  de  tels  petismotsen  lagueule)pourquoy  tu  veux  rccouurcr  le  Piautier,  lequel  ie  t'- 
oftay  quelquefois  à  Cantorbery:duquel  tu  recueillois  touliours  quelque  choie  pour  grô- 
der  contre  nous .  Mais  croy-moy  ,  que  tunerecouureraspointce  Piautier, ni  autre  liure 
quelconque  de  rEfcriture,iufqu  a  ce  que  i'aye  entièrement  cognu  que  tu  feras  mieux  re- 
concilié à  l'eglile  tant  de  ccedr  que  de  bouche.T  h  .  Iay  cefte  confiance,  &c  m'alleure  que 
ie n'ay  point  autre  opinion  de  la  S.eglife,qu'il  eft  conuenable  &c  feant  à  vn  feruiteur  fidè- 
le de  Iefus  Chrift.Et  après  que  l' Archeuefque  luy  eut  demandé ,  Qu'eft-ce  que  l'Eglifehl 
Diuifio  ^e  luy  refpôdit,Ie  croy  que  cefte  Eglife  que  i'appelc  Sain&è,c'eft  Iefus  Chrift,&:  la  côpagnic 
l'Eglifci  des  Saincls.  A  r  .Cela  eft  vray  quat  au  ciehmais  qu'eft-ce  que  l'Eglife  ici  bas  en  terre?T  h  . 
notcr'  Elle  eft  diuilce  en  deuxrL'vnc  de  ces  deux  parties,  qui  eft  la  meilleure ,  aobtenu  vi&oirç 
fur  les  ennem  is,&:  triomphe  maintenant  auec  Chrift  en  grade  rehouiflance. L'autre  cô- 
bat  encore  ici  bas  en  terre  par  le  glaiue  de  la  foy,contre  les  efforts  côtinucls  de  Satâ,de  la 
chair,&:  du  monde. Il  n'y  a  fi  forte  violcncc,ne  pope  ii  orgueilleufc,  ne  feu  daffli&ions  ôc 
pcrfecutiôs  fi  bruflat,ne  tyrannie  il  cruellc,ne  raifons  de  do&curs  li  difeordantes,  niopi- 
niôs  fi  diuerfes,qui  puiftent  deftourner  ceux-ci  du  droit  degré  de  la  foy  &:  des  fainttes  E- 


CfuillaumcjTborp-  $ 

fcritures.Car  ils  font  fortifiez  par  la  parollc  de  Dieu  en  Chrift,&:  fermement  eftablis  com- 
me fur  vn  rocher,qui  ne  peut  eftre  bougé  de  fon  lieu.  •  Mat.7.14. 

Or  fur  ce  propos  l'archeuefque  Arundel  pariant  à  fes  clercs,dit,  Vous  voyez  comment 
ce  miferablc  eft  obftinc,&:  comment  le  diable  le  pourmene  &c  tranfporte,  pour  côtermer 
fes  erreurs. Si  nous  luy  voulions  lafcherlabridc,ilnous  tkndroit  ici  toutleiour. 

Alors  vn  de  ces  clercs  commença  ainiî  à  parler ,  Pource  qu'il  a  défia  fait  fa  complainte 
de  long  temps, que  le  tefmoignage  qui  a  efté  enuoyé  parles  habitans  de  Salop,a  efté  mali- 
cieufement  forge  contre  luy -•  qu'il  foitdonc  interrogué  que  c'eft  qu'il  penfe  des  articles 
lefqucls  luy  ont  efté  obie&ez,afïn  que  nous  ayons  maintenant  de  fa  jppre  bouche  dequoy 
tefmoigner  contre  luy. 

L'Arc  h  e  v  h  s  qj  e  alors  print  la  lettre  teftimoniale,  ou  le  papier  des  informations, 
&c  pouriuiuit  ain  lî  fon  propos:  En  premier  lieu  cefte  obieètion  vous  a  efté  faite,qu  en  lavil- 
le  de  Salop  vous  auez  prefché  ouuertement  &:  publiquement  au  temple  de  S.  Cedde,q  la 
matière  du  pain  demeure  au  Sacrement  de  l'autel  après  la  confecration.  Que  relpondez- 
vous  à  celarT  h  .11  n'eftoit  point  là  queftion  de  ce  Sacrement,iinon  fous  cefte  iorme:  Ainli  Du  Sacre- 
que  ic  traittoye  les  commandemens  de  Dieu  en  la  chaire,on  lbnna  la  clochette  à  l'eflcua-  mcnc' 
tion  de  l'hoftie  de  la  Me/Te  qu'vn  preftre  chantoit  particulieremcnt.Tout  incontinent,  co 
me  de  couftume,le  peuple  y  accourut,&:  làfe  fît  vn  bruit:&  tous  lainans  la  prédication,  a- 
uoyent  délia  leurs  efprits  ailleurs. Parquoy  ie  parlay  à  tout  le  peuple  en  cefte  façon:  Frères 
Chreftiens,  la  vertu  de  ce  Sacrement  eft  de  plus  grande  efficace  beaucoup  en  la  foy,qu'cl*. 
le  n'eft  pas  en  quelque  fens  ou  apprehenfion  extérieure .  6c  pourtant  il  vaudroit  mieux  s'- 
arrefter  à  ouyr  la  prédication  falutaire  delà  Parole,qu'eftrc  ainli  efmeu  d'vne façon  eftran 
ge  à  regarder  les  Sacremens,comme  ainh*  foit  que  la  droite  foy  prend  par  cela  plus  grand 
accroiîîement .  Voila  quaiî  tout  ce  dequoy  il  me  fouuient  auoir  dit  pour  lors  desSacremés. 
A  r  .En  ceft  endroit  i  adioufte  plus  de  foy  aux  tefmoins  légitimes,  qu'à  vous.mais  encore, 
pource  que  vous  cerchez  des  fubterfuges,&:  recourez  aux  negations,parlez  ouuertement: 
Quelle  eft  voftre  opinion  fur  cecirLe  pain  matériel  demeure-il  en  rhoftie,ou  non,apresla 
confecration?    Th.  En  toutes  les  fain&es  Efcritures,ce  mot  Matériel  nefe  trouue  point. 
Toutesfois  &c  quantes  donc  que  i  ay  à  parler  de  TEuchariftie,  iene  fay  nulle  mention  de 
pain  matériel  ^Comment  donc  inftruifez-vous  le  peuple  touchant  ce  Sacrement?  T  h  .Co  /N  A\. 
me  ie  croy  moy-meime.    A  r  .  Declarez-nous  quel  eft  voftre  croire.  T  h  .  le  croy  qu'en  la 
nui&  en  laquelle  le  Seigneur  Iefus  fut  liuré,il  print  du  pain:  &:  après  auoir  rendu  grâces,  le 
benit,lerompit,&:  en  donna  à  fes  Difciples,difant,Prenez,&:  mangez-en  tous:  c'eft-cimô  Utt.i6.ié 
corps, lequel  eft  liuré  pour  vous. Or  S. Matthieu, S. Marc,S. Luc,  &:  S.Paul  tefmoignet  tout 
ouucrtement,que  telle  doit  eftre  la  foy  de  tous.  De  moy,  ie  ne  recognoy  autre  foy ,  6c  n'en  *  Cor-II-I4 
enfeignepas  dautre:&:  monaduiseft  que  cefte  feule  eft  furHfante.  Au  refte,i'ay  délibéré  de 
viurc  &d  mourir  en  icelle  feule.  Ar  .  C'eft  vne  chofe  toute  certainc,que  le  Sacrement^ft  Je 
corps  de  Chrift  fous  la  figure  du  pain.mais  vous  &:  vos  femblables  maintenez  que  le  pain 
y  dcmeurc.T  h  .  Ne  moy  ne  mes  femblables,que  vous  reiettez  comme  hérétiques ,  n'auôs 
autre  opinion  que  celle  que  i'ay  dite.Toutefois  ie  délire  que  vous  me  faciez  ce  bien,de  m' 
enfeigner  comme  cefte  lentence  de  fainft  Paul  doit  eftre  entendue,  où  il  dit  ainli,  Qu'il  y  p^j  4  6 
ait  vne  mefme  aftedîtion  en  vous  que  celle  qui  a  efté  en  Iefus  Chrift:  lequel  corne  ainli  foit 
qu'il  ruft  en  la  forme  de  Dieu,&:c.Ce  mot  Forme,n'eft-il  pas  ici  en  S.Paul  pris  pour  fubftâ- 
ce  ?  Que  direz-vous  de  ce  que  chantez  tous  les  iours  és  heures  de  la  vierge  Marie  en  cefte 
forte?0  autheur  de  falut,ay  es  fouuenâce  que  iadis  tu  as  pris  la  forme  de  noftre  corps  de  la 
Vierge  non  corrompue. le  vous  prie  au  nom  de  Dieu ,  maintenant  refpondez-moy  à  ceci: 
aftàuoir  il  la  forme  de  noftre.corps  ne  peut  pas  eilre appelée  fubftance?  A  r  .le  ne  fuis  point 
ici  pour  refpondre  à  ta  demande ,  puis  que  l'eglife  en  â  autrement  déterminé .  Crois-tu 
à  la  détermination  d'icelie,ou  non?  T  h  o  r  p  ,  Quelque  chofe  que  les  gouuerneurs  ayent 
mis  en  auant  de  leur  propre  fantafie,la  foy  ne  lairra  point  de  demeurer  en  fon  entier.  le  n' 
ay  point  ouy  dire  par  ci  deuant,que  fous  ce  mot  de  Foy  les  traditions  humaines  fuftjbntco 
priles.AR  vnde  i,Si  vous  ne  l'auez.point  encore  ouy ,  vousnefauez  que  c'eft  de  la  droi- 
te foy  de  l'eglife.  Mais  quedifent  les  Docteurs  touchant  cefte  matière?    Thorp,  Le 
grand  docteur  de  l'Egnle,  faind  Paul,enfejgnant  la  foy  entière  de  ce  Sacrement,  l'appelé 
Le  pain  que  nous  rompons.&:  mefme  on  l'appelé  Pain  au  canon  de  la  Mefte,aprcs  la  con- 
fecration .    Dauantage,on  ne  trouHerapreûrc  en  tout  ce  Royaume ,  qui  aptes  la  rece-  I,Cor  i<u* 
ption  de  l'Euchariftie ,  ne  dife  en  ceite forte  :  O  Sçigncur,ce  que  nous  auons  pris  de  bou- 

b.  iii. 


£/Wo  /•  Çaillaumc^  Thorp. 

che,que  nous  le  reccuions  d'vn  efpritpur ,  c'eft  àdire(commeil  femble)  par  foy .  Samd 
Auguftin  auflï  confenc  que  Cela  mefme  qui  eft  veu  des  yeux ,  &:  qu'on  croit  efti  e  le  vray 
corps  de  Chrift,  demeurera  pain.  &aufsi  Fulgen  ce,  do&eur  renomme  de  l'Eglife  tnrre 
les  autres, eft  de  cefte  mefme  opinion.  Au  Secret  de  la  féconde  meffe  de  Noël, à  l'aube  du 
iour,ceciy  eft  contenu:  Luy-mefmcquieft  Dieu,eftapparu:ainii  la  lubftance  terrienne 
nous  confère  ce  qui  cftdiuin.Ie  vous  prie, conterez  cefte  fentence  auec  le  Secret  du  Mer- 
credi des  Quatre-temps  en  Septembre^  defueloppez  cefte  dirHculté.  Arvnde  i.J'en- 
ten  bien  maintenant  où  vous  voulez  venir ,  &c  où  c'eft  que  le  diable  vous  pouifc,afin  que 
ne  vous  fubmettiez  aux  décrets  &:  ordonnances  de  l'eglife .  mais  à  cefte  heure  refpondez- 
moy  plus  viftement  :  Croyez-vous  que  la  fubftancc  du  pain  demeure  au  Sacrement  après 
la  co'nfecration,ou  non  i  T  h  o  r  p  ,  le  n'ofe  affermer  ne  nier  aufli  que  l'accident  foit  fans 
fubiet,comme  on  confeiTe  auiourdhuy  en  l'eglifc  touchant  ce  Sacremcnt:&:  d'autant  qu'- 
il y  a  grande  dirHculté  en  cefte  matiere,&:  qu'elle  eft  fuiette  à  grades  difputes  &c  beaucoup 
d'argumens,&:  qu'elle  furmonte  d  e  beaucoup  la  capacité  de  mon  petit  entendem  ent,i'cn 
lai/Te  la  refolution  à  ces  fubtjls  Sophiftcs,me  contentant  de  la  (implicite  de  ma  foy  .Car  c'- 
eft leur  couftume  de  traitter  d'vne  part  &c  d'autre  ces  difficultez  embrouillées,  tant  qu ils 
ne  s'entendent  point  l'vnl'autre:&  cependant  qu'ils  s'attribuent  beaucoup,ils  fe  rendent 
fols  enuers  Dieu.  Ar  v  k  d  e  i,Cen'eft  point  mon  intention  maintenat  de  vous  enuelop- 
per  des  fubtilicez  des  Scholaftiques,veu  que  ie  fay  q  vous  cftes  fort  ignorant .  mais  ic  vous 
feray  bien  rendre  obeifîance  aux  décrets  &:  ordonnances  de  l'eglife.  T  h  o  r  r , Mille  ans 
depuis  lanatiuité  de  Iefus  Chrift,la  détermination  Se  ordonnance  de  l'Eglife(de  laquelle 
i'ay  parlé)fuffifoit  pour  le  îalut  des  hommes. mais  quant  aux  chofes  qui  ont  efté  introdui- 
Apoc.io.  tes  en  l'Eglife  depuis  que  Satan  a  efté  deflié  par  l'Ange,&  après  que  Thomas  &c  ces  autres 
7'  Fratres  fophiftes  ont  amené  leurs  mal-heureufes  reiueries ,  comme  De  l'accidét  fans  fub- 

iet,&  telles  autres  barbouilleries-.ie  di  hardiment  qu'il  n'y  faut  nullement  confentir:  &:  de 
moy,  ie  ne  feray  point  vn  article  de  foy  de  l'opinion  befacierc  de  ce  Iacopin .  qyc  le  Sei- 
gneur face  de  moy  ce  que  bon  luy  femblera .  A  r  v  n  d  e  r ,  Tu  n'efchapperaS  auiour- 
dhuy de  mes  mains ,  fi  tu  ne  changes  cefte  opinion  entièrement .  Or  quant  au  fécond  ar 
mages"  ticle,Desimages,qUellecneft ton  opinion  aulfi?  Thorp,  Selonletcfmoignagede 
Gyj.fjr.  '  Moyfe,toutes  les  chofes  que  Dieu  auoit  faites,eftoycntfort  bonnes.  Parquoy  chacune  en 
fon  efpece  doit  eftre  honnoree,&:  appliquée  à  la  fin  queDieu  a  inftituee:&:  principalemét 
l'homme  que  Dieu  a  formé  à  fon  image,  doit  eftrc  honnorépardeifus  tous  les  animaux, 
fconuuo  mefme  il  faut  que  les  hommes  Chreftiens  fe  preuiennent  l'vn  l'autre  par  honneur  &c  cha- 
rité .  L'or,  l'argent,  Feftain,  l'airain,  le  fer,le  cuiure,les  pierres,le  bois,font  toutes  bonnes 
creatures,chacune  en  ion  efpece,&;  autres  matières  dcfquelles  les  images  font  faites,  tou- 
tefois les  images  faites  en  boftc,les  images  taillees,ies  peintures^:  autres  telles  inucntiôs 
des  ouuriers,ne  doiucnt  point  eftre  adorées  des  fidèles: encores  qu'elles  foyent  ordonnées 
&approuuees  parles  Magiftrats,  pour  feruir  de  kalendriers  ou  de  répertoires  à  ceux  qui 
fcom.t.io.  ne  iouent  point  Dieu,ni  en  fa  Parole,ni  en  fes  créatures ,  &:  qui  ne  le  glorifient  point  en  la 
f  of  me  laquelle  il  donne  aux  créatures  par  fes  œuures  admirables .  rien  de  tout  ceci  (di-ie) 
ne  peut  eftre  adoré  fans  idolâtrie.  Ar  .  l'accorde  bien  cela,que  les  images  ne  doiuétpoint 
eftrc  adorées  à  caufed'clles-mefmcs:  mais  bien  a  caufe  des  figures  qui  y  font  imprimées, 
ou  à  cauie  de  ce  qu'elles  reprefentent  par  dehors: aifauoir  le  Crucifix,  à  caufe  de  la  paflïon 
de  Chrift:&:  les  images  de  la  Trinité, ou  de  la  vierge  Marie,ou  des  Sainc~ts,  à  caufe  de  ceux 
qu'elles  reprefentent.Car  aulïï  les  lettres  dcsRois  terries,aufquellcs  les  féaux  d'iceux  font 
appofez,font  receue's  des  fuiets,auec  grand  honneur  comment  au  prix  doit-on  honnorer 
les  images  de  Dieu  &c  des  Sain&s  î  T  h  .  Ceft-ci  vne  fimilitudc  des  hommes,&  qui  ne  con- 
uient  pas  proprement  aux  chofes  diuines,veu  queMoyfe,Dauid,Salomô,  Ifaie ,  Baruc ,  &C 
prefque  tous  les  autres  qui  ont  eferit  les  liuresde  la  Bible,defendent  par  paroles  exprefTès 
&:  auec  menaces  les  images  ou  ftatucs  à  tous  hommes.  A  r  .Garncmét  obftiné,côbien  que 
deuant  lanatiuité  du  Sauueur,laTrinité  ne  fuft  point  exprimee,toutefois  elle  eft  mainte- 
nant manifeftee  par  le  rapport  d'iceluy.&  ia  foit  qu'entre  les  fauâs  il  y  en  ait  plufieurs  qui 
ayent  cefte  opinion  ,q  c'eft  erreur  &:  mal  fait  de  peindre  la  Trinité,neatmoins  de  ma  part 
ie  fuis  d'autre  opinion  &:  aduis,q  cela  eft  grandement  neceffaire,  veu  q  par  vne  telle  faço 
le  peuple  eft  merueilleufemcnt  incité  à  vne  deuoeion  at dente. Or  fur  cela  il  adreflâfon  jp- 
pos  à  ces  ruftres,difant  ainfi,Il  y  a  des  ouuriers  fort  excettens  es  régions  par  delà  la  merrlé£' 
quels  ont  cefte  couftume,que  ie  loue  grandeméeque  s'ils  ont  àfairc  quelq  image,  outaik 


Çuillaumt^Tborp.  tû 

lee  ou  en  boffe ,  ou  quelque  peinture ,  ils  s'adreiTcnt  à  vn  preft  re  pour  cohfefler  leurs  pé- 
chez^ s'obligent  par  vccuz,ou  àiufncr,  ou  à  dire  quelques  prières,  ou  à  faire  aucun  pèle- 
rinage: &:  cependant  requièrent  le  preftre  de  prier  Dieu  pour  eux,  afin  que  de  leur  ouura- 
ge  il  en  puifle  lortir  vne  belle  image  6c  bien  deuotc .  T  h  o  r  i»  ,  Il  ne  faut  point  douter 
que  tels  ouuriers  ne  fe  repentnTehtde  leur  ouurage,  s'ils  entendoyent  bien  les  eferits  de 
Moyi"e,Dauid,Salomon,  Haie*  Baruc&:  autres  femblables:  &  qu'ils  n'aimaffent  mieux  en- 
durer toute  oppreffion  auat  que  de  recourir  à  tels  meftiers  enragez  &:  fi  pleins  de  blafphe- 
mes. Et  les  preftres  commettét  encores  plus  grieuc  ofFenfe  qu'eux ,  lefquels  par  mefehans 
côfeils  les  incitét  à  faire  des  chofes  pleines  d'impiete,&  maudites  de  Dieu.  Que  fi  les  pre- 
ftres imitans  Ielus  Chrift  &:  les  Apoftres,  faifoyent  leur  office  comme  il  appartient,ie  pen-  Deut  t  . 
fe  qu'on  n'auroit  pas  fort  grand  befoin  de  tels  kalendriers  muets  d'images  pour  cognoiftre 
Dicu-.maisl'auariceinfatiabledes  gens  d'eglife  ne  ce/Te  iamais  d'attirer  le  poure  peuple  à 
damnation  par  telles  &c  autres  trôperies  des  diables.  ArvndeiJc  voy  que  vous  Se  tous 
les  preftres  de  voftre  fede  eftes  maudits }  vous  qui  renuerfez  toute  la  deuotion  du  peuple. 
Quoy,  mal-heureux  bourreau,  cecyte  femblc-ilbon  ,  de  voir  vne  eglife  fans  images  èc 
peintures?  T  h  o  r  p  ,  Il  n'y  en  a  point  qui  prient  de  plus  grande  efficace,  que  ceux  qui  ayas  Icaa  , 
les  yeux  &c  tous  les  fens  fermez,font  efleuez  iufques  à  Dieu  en  efprit  &:  vérité.  De  fait ,  Ie- 
fus  Chrift  prononce,Que  ceux  qui  ont  creu,&:  non  point  veu,  font  bien-heureux:parquoy  lçiai01  •> 
il  nous  faut  appuyer  fur  la  feule  parolle  de  Dieu, fans  qu'il  y  ait  des  images. 

O  r  TArcheuefque  eftant  efmcu  de  colère  dit  alors,  Mefchant,  mefehant  héréti- 
que, quelque  chofe  que  tu  puifîies  dire  au  contraire  ,ic  maintien  eftre  vne  bonne  chofe 
&  fainde  d'adorer  l'image  de  la  Trinité.  Que  dis-tu  furcelaî  l'amc  n'eft-elle  pas  ef~ 
meué  quand  elle  contemple  telles  chofes  î  T  h  o  r  p  ,  le  defireroye  grandement  qu'il  vous 
pleuft  m'ofter  vn  fcrupule  de  ma  confeience  :  Veu  que  le  Pere ,  le  Fils  &  le  faind  Efprit,de 
toute  éternité  ont  eftè  vn  mefme  Dieu  tant  au  vieil  Teftament  qu'au  nouueau,  &  qu'il  y  a 
eu  plufieurs  Prophètes  ÔcPeres  qui  ont  efté  &ConfciTeurs  &Marty  rs:  comment  fe  fait  cela 
que  telles  images  n'ont  point  efté  auffi  bic  permifes  en  là  Loy  ancienne  pour  feruir  de  ka- 
lendriers aux  laies  ou  idiots?  A  r  vnde  l  ,  La  Synagogue  des  Iuifs  n'obtenoit  pas  telle  au- 
thorité  que  fait  maintenant  f  Eglife.  T  «  o  r  p  5  Saind  Grégoire ,  homme  de  grand  renom, 
louoit  fort  vn  hÔme  infidèle  nommé  Serenus,  de  ce  qu'il  auoit  défendu  d'adorer  les  ima- 
ges. Ar  yndei,  Vileînimpudent,parmafoy,  vous  ne  vous  fou  ciez  de  la  vérité  nô  plus 
qu'vn  chien.  Au  tcple  de  faindPaul  à  Londres,du  cofté  de  la  bife,il  y  a  tant  de  miracles  de 
noftre  dame  de  Parathalafe,  &:  en  beaucoup  d'autres  lieux  par  toute  l'Angleterre  :  le  peu- 
ple doc  ne  doit-il  pas  viiiter  ces  licux-la  âuec  plus  grade  deuotion  que  les  autresîT  h  o  r  p  , 
le  fuis  certain  que  Dieu  ne  fait  aucun  miracle  afin  qu'on  face  quelque  grand  cas  des  ima- 
ges:^ il  n'y  a  nulle  vérité  en  icelles  (comme  i'ay  prefché  à  Salop)nc  telle  efficace,  pour  dire 
que  les  hommes  les  aillent  cercher,ou  pour  fe  mettre  à  genoux  deuant  elles ,  ou  pour  leur 
donner  des  offrandes ,  ou  pour  leur  faire  des  vœuz,  ou  pour  leur  faire  quelque  autre  hon- 
neur ou  reuerenec.  Car  combien  que  Moyfeparle  commandement  &  ordonnance  de  Nomi,^ 
Dieu  euft  fait  eleuer  le  ferpent  d'airain  au  defert.  tant  y  a  que  le  bon  roy  Ezechlasle  fit  ab-  i.Roisis.* 
batre  pour  le  danger  qu'il  y  auoit  de  l'idolâtrie.  Les  fainds  Dodeurs  }  S*  Auguftin ,  faind 
Grégoire,  S.Iean  Chryfoftome,&:  plufieurs  autres  fainds  perfonnages  recitét ,  que  les  dia- 
bles enchantent  les  efprits  des  incrédules  par  tels  fantofmes  eftranges  àcaufedeleur  in- 
fidelitércar  ils  font  plus  enclins  beaucoup  en  ces  iours-cy  à  cercher  de  nouueaux  miracles 
qu'à  bien  ouyr  ou  croire  la  parolle  falutaire  de  Dieu.  Parquoyle  Seigneur  a  prédit  àleuf 
grande  honte*  que  la  génération  baftarde  demande  toufiours  des  fignes  :  mais  au  cÔtrairc 
l'Euangile  doit  eftre  toufiours  receu  auec  vne  droite  fby  :  la  parolle  de  Dieu  nous  doit  fuf-  Mat-It-  3J^ 
fire  fans  aucuns  miracles  d'images.  Or  puis  que  Dieu  le  Pere  eft  efprit,&  qu'il  n'a  point  de 
forme  ou  figure  que  nous  puiffions  expliquer»  »e  m  efmerueilk  quelle  femblance  on  luy 
pourra  forger.  Àrvndei  ,C'eft  a/ïez  aux  enfans  de  Teglife  d'âUoir  vne  telle  figure  de  la 
Trinité ,  que  l'cglife  leur  mere  leur  a  permit  fi  teng  temps  :  mais  vott*  mal-heureùx'beh- 
ftre,  puis  <|ucf  vous  cft  es  vfl  membre  pourry  &T  retranché  du  feirt  d'iceHe,  vous  mefprifez 
auffi  fesfain&es  ordonnances.  Or  puis  c^uetenuid  approche,  réfpondezau  troifiemearti- 
cle,Des  pèlerinages.  Cdrnmc  il  m  »  efte  dit  par  gens  dignes  de  foy ,  vous  diriez  Que  ceux 
qui  par  vécurent  en  pèlerinage  ou  à  Cântorbery,ou  à  BetterIar,ou  à  Carlingt6,ou  àVval- 
fingan  *  ou  en  quelques  auttes  heux  àç  deuotiôrf,  font  hebetez  &:  fans  entendement>gens 
auolez,ma«flk«fc;mife^ks.  T H^R*,QuelqHesciïofe cjucles enuicux ayent  rapporté, 

b.1111. 


Lime  L  Cjmllaumt->  Thorp. 

Deux  for-  i  ay  djt  qu'il  y  a  deux  fortes  de  pèlerinages  :  dont  l'vnc  eft  agréable  à  Dieu.  Arvndi  l  . 

riLg^r^  Qui  (ont  donc  les  pèlerins  que  tueftimes  qu'ils  font  bien?  Thorp,  Ceux  qui  cerchent 
Dieu  en  cfprit,  &:  qui  reiettans  toutes  ordures  &  mefehancetez  de  toute  leur  puiliance,s'- 
employcnc  diligemment  a  garder  les  commandemens  du  Seigneur.  Tels  n'ont  point  vne 
autre  foy  que  celle  que  Icfus  Chrift  a  enieignec  en  l'Euangile,  &c  laquelle  ils  ont  puil'ee  du 
Symbole  des  Apoilres.  Tels  s'adonnent  du  tout  aux  œuures  de  chanté,  &c  s'aident  les  vns 
aux  autfcs,  vn  chacun  félon  l'a  faculté  :  nattendans  rien  de  tout  cela,  finon  l'accompliire- 
ment  des  iurtes  promettes  de  Dieu.  Tclsdcfployent  fouuent  leurs  confciences  deuant 
Jafacc  duSeigneur,craignans  touliours  de  l'offenler.  Tels  pèlerins  prennent  grand  plaiiir 
quand  ils  voyait  que  leurs  prochains  cerchent  le  Seigneur ,  ne  font  conte  de  la  prolperi- 
té  du  monde,ieicttent  loing  les  defirs  de  la  chair,  ont  compafiion  des  poures ,  mefpnfcnt 
conftammét  la  cruauté  &c  opprefliondes  tyrans, s'exercent  fouuent  en  oraifon,  &C  fuyuent 
d'vne  faincte  &:  bonne  arFe&ion  les  autres  exemples  de  Iefus  Chrilt  Ceux  delquels  la  bon- 

L  F W  E  té  de  Dieu  approuue  les  pelerinages,portent  auec  eux  ces  marques  ou  enfeignes  diurnes: 

(Nages,  mais  vos  pèlerins  ne  montrent  en  forte  quelconque  vne  feule  de  toutes  ces  conditions 
de  vrayepieté:ce  que  ie  fay,  comme  l'ayant  bien  expérimenté.  Defixcens  à  grand' peine 
en  mettra-on  vn  feul  en  auant  qui  fâche  les  commandemens  de  Dieu,  qui  fâche  pronôcer 
l'oraifon  Dominicale,  ou  le  Symbole  de  la  Foy,ainli  qu'il  appartient.  Les  choies  qui  indui- 
fent  beaucoup  de  gens  à  faire  leurs  pelerinagc«,font  plus  que  ridicules  &:  friuolesxomme 
la  fanté  du  corps,  l'amitié  charnelle,laprofperité>  la  folle  defpenfe,l'intemperance,la  pro- 
digalité &C  les  maquerelages.  Mais  à  la  fin  quand  ceux-cy  ont  bien  fait  des  defpcnfes  excef- 
fiucs,  &£  quand  ils  ont  bien  laiTé  tous  leurs  corps ,  que  trouuent-ils  pour  toute  recompen- 
fe,  que  des  os  des  morts,  &  des  images  muettes?Qui  eft  l'homme  qui  ayant  bien  goufté  la 
vérité  de  l'Efprit  de  Dieu ,  ne  voye  clairement  que  ce  font  là  des  badinages  inutiles  ?  Que 
il  quelque  profit  reuicnt  de  cela(comme  de  fait  il  en  reuient  beaucoup)le  tout  eft  pour  les 
preftresauaricicux,  ou  pour  les  paillardes:  outre  ce  que  tels  pèlerins  laiflênt  cependant 
leurs  familles,defquclles  ils  ne  tiennent  pas  grand  conte  :  au  lieu  que  tout  homme  Chre- 
ftien  doit  neceftairement  auoir  foin  de  fes  domeftiques.  On  voit  donc  que  ces  poures  mi- 
ferables  employent  à  vfages  profanes  ce  qu'ils  deuoycnt  defpendre  pour  fubuenir  à  leurs 
prochains  félon  la  fain&e  ordonnance  de  Dieu.  Dauantage ,  entre  tels  pèlerins  eftourdis 
il  y  en  a  plufieurs  qui  font  leur  voyage,ou  de  ce  qu'ils  ont  emprûté ,  ou  de  ce  qu'ils  ont  def- 
rpbe,fans  faire  iamais  reftitution.  Ils  portent  des  flageolets  ou  des  fleutes ,  &  quelque  fois 
chantent  des  chanfons  vilaines ,  pour  donner  plus  grand  plaiiir  à  la  chair.  Eftans  retour- 
nez à  leurs  maifons,  ils  ne  rapportent  rien  à  leurs  voiiins  quedesmenfonges  impudés,&: 
des  blafphemes  d'hypocrifie.  Arvndei,  Mcichant  garnimét,ne  voy-tu  point  ce  qui  eft 
le  principal  encefte  matière,  aflauoir  les  peines,  trauaux  &:  ennuy*  de  ceux  qui  font  tels 
voyages.  Ce  que  tu  imputes  principalemenr  à  vice ,  c'eft  ce  qui  eft  bien  digne  de  falaire 
ample  &c  grande  louange:&:  ce  qu'ils  mènent  des  bateleurs  &c  loueurs  de  fieute  auec  eux, 
cela  ne  nuit  de  rien  au  pèlerinage:  il  faut  bicnquelablefteure  des  pieds,&:  l'ennuy  du  che- 
min foyent  adoucis  en  quelque  façon.  T  h  o  r  p.Saind  Paul  enfeignc,que  pluftoft  on  doit 

Jtom.i2.rf.  plourer  auec  les  plourans.  Ar  v  n  d  e  l  ^Quelque  chofe que  tu  deigorges  contre  ceux-cy, 
mon  opinion  eft  que  les  pèlerinages  font  certains  aides  pour  obtenir  plus  grade  grâce ,  dé 
laquelle  ie  voy  que  vous  autres  eftes  du  tout  vuides.il  n'y  a  moyen  que  vous  n'eflayez  pour 
aneatir  du  tout  la  deuotiû  du  peuple:  mais  par  ce  dernier  point  tu  ne  profiteras  de  ric,veu 

Pfeau.rço.  que  Dauid  dit  qu'il  faut  louer  Dieu  cri  toutes  fortes  dmftrumés  de  mufique.  T  h  o  r  p  ,  Se- 
lon l'interprétation  des  Docteurs  il  nous  faut  rapporter  cecià  l'efprit:&  l'interprétation 

i.Cor.io.*.  de  S.  Paul  ne  s'cflogne  pas  fort  loin  de  cela:  que  ces  chofes  font  anciennemét  auenues  aux 
Iuifs  en  figure.  Parquoy  il  nous  faut  bien  donner  garde  de  nous  arrefter  à  la  lettre  froide, 

Mat.j».t4.  en  nous  deftournant  du  bue.  Auant  que  Iefus  Chrift  reftufeitaft  la  fille  de  Iairus^ilnt  Sortir 
hors  les  meneftriers ,  comme  ceux  qui  pourroyét  retarder  &  empefeher  le*$  myfteres  de  la 
foy.  A  r  v  n  d  e  l  ,Mefchant,eft-ce  ainfi  que  tu  parles^que  pour  le  feruice  diuinon  ne  dpy- 

les  or-  uc  point  vfer  d'orgues  és  eglifes?  Th  qrpj,  Qn  en  peut  bien  vjer  voirement  félon  la  cô- 

GVES>  ftitution  des  hommes:  mais  félon  l'inftitutiQnde  Chriftila  prédication  de  l'Euagile  feroit 
beaucoup  plus  agréable  à  Dieu,&:  pi9  profitable  au  peuple'que  toutes  les  orgues.  Ar  t  n- 
d  e  l  ,  Les  orgues  auec  vne  mélodie  bien  aceptdate,  efmeuuent  beaucoup  plus  les  efprits 
du  peuple  que  mille  prédications.  T  h  o  r  p  ,  Il  fe  peutbjen  Faire  que  ceux  qui  aiment  ce 
monde,prennentplaifir  à  telles  melodiefcmajs.  jl  enavnent  bien  autrement  ausdtfciplcs 

con- 


Cjuitiaumt^  Tborp. 


tcmptibles  de  Chrift,  lcfquels  ne  défirent  rien  mieux  que  d'eftre  raffafiez  de  la  feule  vian 
dedcl'ame.  Car  la  crainte  &c  l'amour  de  Dieu  lcsdeftournc  des  délices  caduques  de  ce 
monde&dcla  chair:  &c  les  fait  afpirer  aux  biens  celcftcs:  comme  de  fait  i'ainrt  Hicromc 
afort  bien  dit,  qu'il  eft  impolliblc  qu'aucun  tout  cnfcmble  s'efiouiffcauec  le  monde ,  &: 
règne  auec  Chrift.  ^L'Archcucfque  fut  defpité  de  cefte  refpôfe,&  dit,  Qucpeniez-vous 
qucpuiiîc  craindre  ceft  idiotjveu  qu'en  maprefence  il  parle  fi  hardiment?  Parle  Dieu  vi- 
uant  ie  te  feray  bien  auoir  encore  vne  autre  opinion.  Mais  que  refpons-tu  au  quatrième 
article  ?  Aiîauoir  s'il  eft  licite  aux  preftres  d'exiger  des  décimes  de  leurs  paroi/Tiens?  ç^^* 
Thorpj  Ien'ay  là  nullement  parlé  des  décimes.  Mais  après  qu'on  m'eut  détenu  pnfon- 
nicr  vu  mois ,  vn  certain  perfonnage  qui  m'eftoit  incogneu,  vint  vers  moy,  lequel  me  fît 
pluficui  s  demandes  touchant  les  decimes.Ie  ne  voulu  luy  réfuter  ce  qu'il  me  demandoit: 
&:  quand  ie  l'eufîé  voulu,fi  eft-ce  que  ie  ne  l'euife  ofé,veu  que  nous  fommes  admonneftcz 
par  faincb  Pierre  de  refpondre  en  toute  modcftieàvn  chacun  qui  nous  interroguera  de  tK».j.i* 
noftrefoy.  Iedifoyeque  fous  les  figures  du  vieil  Tcftament  les  décimes  eftoyent  deues 
aux  Leuites,  lelquellcs  Iefus  Chrift  n'ottroye  aux  liés  en  lieu  que  ce  foit  du  nouueau  Te- 
ftament.  Mefme  commande  qu'on  s'employc  feulement  aux  œuures  de  mifericorde ,  s'il 
aduient  que  la  necefTité  des  autres  aitbcfoinde  noftre  abondance.  Iceluya  veicu  auec 
fes  difciplcs,  non  point  de  décimes  ou  offrandes,  ains  de  ce  que  les  autres  luy  donnoyent  Luc  ii.4ï; 
par  charité  &  deuotion.  Les  Apoftresayansreccule  fainct  Èfprit,  befognoyent  de  leurs  i.Cor.s.^; 
mains  pour  gagner  leur  vie  :  ce  que  iaind  Paul  a  monftré  a/fez  de  fois.  Et  combien  que  A£Uo.34. 
ceux  qui  exercent  le  miniftere  de  l'Euangile ,  doyuent  viure  de  l'Euangile  :  ce  que  faind 
Paul  aufTi  afferme:  fi  faut-il  bien  en  ccft  endroit  prendre  garde  que  le  peuple  ne  foit  gre-  i.Cor.<>.i4. 
ué.  Aucuns  hiftoriens  recitent ,  que  le  Pape  Grégoire  dixième  de  ce  nom,  fut  le  premier 
qui  l'an  de  Chrift  m.  c  c.  l  x  x  i,ottroya  les  décimes  aux  eglifes.  Nul  ne  fe  peut  dire  pre- 
ftre  de  Chrift ,  s'il  ne  refpond  aux  exemples  d'iceluy  &:  de  fes  Apoftres:encore  qu'il  ait  e- 
fté  mille  fois  raie  &  oind,  &:  quelque  chofe  que  pour  cela  il  foit  prifé  du  peuple:commc  il 
eft  fort  bien  dit  par  faind  Auguftin,faind  Gregoire,Chryfoftomc  &:  l'euefque  de  Lincol- 
ne.  Arvnde  l,  Eftimes-tu  que  cefte  dodrine  foit  iàlutaire  au  peuple?  Onvoitaperte- 
ment  que  ces  chofes  répugnent  aux  ordônances  des  fainds  Percs,  qui  ne  font  point  mar- 
ris que  les  preftres  reçoyucntles  décimes ,  &:  n'oftent  point  les  offrandes  ,&  ne  défende  t 
aucunes  deuotions  du  peuple.  Th  o  rp,  Si  le  nombre  des  preftres  eftoitdiminué,&:  qu'- 
en vn  tel  ordre  il  n'y  en  euft  point  d'autres  receus,finon  ceux  qui  s'employeroyent  fidèle- 
ment à  adminiftrerla  parollede  Dieu  à  l'exemple  de  Chrift  &  de  fes  Apoftrcs-  pour  cer- 
tain la  liberté  du  peuple  Chrcfticn  iiifnroit  bien  pour  fournir  au  viure  honnefte  d'vn 
chacun. 

O  r  vn  de  la  prcftraille  fefentant  pique  dit,  Vrayemcnt  nous  ferions  bien  accouftrez 
fi  nous  attendions  la  libéralité  du  peuple,  veu  qu'à  grand  peine  font-ils  ce  à  quoy  ils  font 
tenus, par  rigueur  de  droit.  T  h  o  r  p,ll  ne  le  faut  pas  beaucoup  cfonhirii  le  peuple  rciiftc 
ainfi  fort  au  clergé,  puis  que  leur  conuerfation  eft  tant  eiloignee  des  ordonnances  de  Ie- 
fus Chrift.  Par  décret  commun  de  droit,  on  rcputoit  entre  les  biens  des  poures  auec  les  Des  biens 
autres  aumofnes  du  peuple,Ics  décimes,  les  fondations  &:  legats,apres  auoir  déduit  le  fa-  Ecclclla,u- 
laire  raifonnable  des  preftrcs.Mais  depuis,eux-mefmes  ont  efté  faits  diipéfateurs  detou- 
tes  ces  choies,  &c  finalement  ayans  mis  en  oubly  entièrement  leur  propre  deuoir ,  les  ont 
eonuerties  à  leur  propre  vfage:&:  qui  pis  eft,beaucoup  en  ont  abnfé  à  toutes  diilblutions 
bordures.  Et  maintenant  fe  doit-on  efbahir,  files  hommes  leur  retrenchent  quelque 
chofe  de  cccy,&:de  la  libéralité  desquels  ils abufént  pour  commettre  toute  mefehancete? 
Malheureux ,  tu  ne  parviendras  iamais  à  grand  bien ,  puisque  tu  mefprifes  ainfi  la  mere 
fpiritucllc.  De  quelle  hardiefTe  oies-tu  prefeher  ces  chofes  deuant  le  peuple  ignorant  ? 
ne  faut-il  pas  neccfTairerhent  que  les  preftres  ayent  les  décimes,  à  celle  fin  qu'ils  puiffent 
viure?  Thorp  ,  I'ay  dit  que  félon  l' Apoftre aux  Hebrieux ,  les  décimes  n'eftoyent  deues  Hcb  7. 
finon  aux  Sacrificateurs ,  qui  eftoyent  de  la  lignée  de  Leui ,  fous  le  vieil  Teftament:  mais 
d'autât  que  les  Sacrificateurs  ou  preftres  de  Chrift  font  de  la  lignée  de  Iuda,  &:  non  point 
de  Leui ,  il  faut  dire  que  felpnia  promette  de  Dieu  les  décimes  ne  leur  appartiennent  en 
rien.  Puis  donc  que  la  facrificature  eft  changée,  il  faut  auffi  que  laJoy  foit  changee:en  for- 
te que  maintenât nous  deuons  imiternon  pas  Moyié,ains  Chrift &:  les Apoftres,  qui  font 
nos  Sacrificateurs.Or  il  neft  point  raifonnable  que  le  dilciple  foit  par  deffus  fon  maiftre:  Mat.10.j4; 
pluftoft  il  faut  qu'il  fe  porte  fimpiement  &modeftement,  &  qu'il  fe  monftre  patient  &: 


bénin ,  &  ce  à  l'exemple  de  fon  maiftre. 

L'archevesqjh  tout  enflamme  d'ire ,  dit,  Pource  que  tu  fais  plus  grand  cas  du 
vieil  Teftament  que  du  nouueau,attribuat  beaucoup  plus  aux  Leuites  qu'à  nos  preftres, 
noftremaledi&ion&lamaledicliondeDieufoitfur  toy &tesfcmblablcs.  Thorp,  le 
m'efmerucille  que  vous  n'entendez  mieux  l'Apoftrc:  le  fris  de  Dieu  &:  l'es  Apoftrcs  c- 
ftoyent  plus  libres  6c  plus  parfaits  de  beaucoup  que  n'eftoyent  les  Sacrificateurs  de  la  li- 
Sentence  gnce  de  Leui.  Et  S.Hicrome  dit(ce  qu'il  a  aufli  pris  dcl'Apoftre)que  les  preftres  de  noftrc 
roroedes  temps  ou  iudaizet  dcrechef,ou  n'ont  nul  droit  de  recueillir  les  décimes.  Parces  ombres 
décimes,  de  la  loy  de  Moyfe,que  font-ils  autre  choie  que  nier  auec  les  Iuifs,que  le  Fils  de  Dieu  (oit 
venu  en  chair?  A  r  v  nd  e  L,Ouyftcs-vous  iamais  parler  vnfchifmatique  de  celle  façon; 
Voila  quelle  eft  la  doctrine  de  tous  tant  qu'ils  font.  Par  tels  dards  de  leur  malice  ils  réuer- 
fent  la  liberté  de  l'eglife  par  tout.  Thorp,  le  vous  prie ,  quelle  liberté  de  l'Eglife  pour- 
riez-vous  maintenir  par  cela,veu  que  IcfusChrift  ne  les  Apoftres  n  ot  point  receudes  de- 
cimes  ni  oblations  :  pluftoft  cela  donne  vngrad  fcandalc  à  l'Eglife ,  &:  met  du  tout  bas  la 
liberté,&:ce  par  la  trop  grade  auariccoles  preitres.  Ar  y  nd  e  l,  Pour  quoy  eft- ce  que  toy 
&c  tes  complices  n'alléguez  ces  fentéces  ou  tefmoignages  tât  courts  de  lafainctc  Êfcntu 
re &  des  Docteurs,  aufli  bien  contre  les  laies  que  contre  les  preftres?  Thorp,  Quand 
nous  prefehons,  nous  n'auons  point  efgard  aux  perfonnes ,  mais  nous  demonftronsfran- 
chement  à  vn  chacun  quel  eft  lbn  deuoir  &  office,  &c  reprenons  les  vices  de  la  vie.Toute- 
fois  nous  commencerons  bien  par  les  preftres,  lefquels^Chryfoftome  appelle  l'cftomach 
du  peuple,  quand  nous  trouuons  que  plus  grans  vices  dominent  en  eux:  car  il  n'y  a  ordre 
ni  eftat  ne  meftier  entre  le  peuple, qui  ne  foie  corrompu  parleur  orgueil,  ambition,  pail- 
lardi  fe ,  &  toutes  fortes  de*  voluptez,vilenies  &:  ordures:  ôc  qui  plus  eft ,  ils  prouoquent  le 
iufte  iugement  de  E|ieu  fur  tous,  quand  ils  permettent  que  telles  chofes  fbyent  commi- 
fesentr'eux,&:fermét  les  yeux  fans  les  punir.  A  r  vnde  l, Tu  iuges&pionôces  orgueil- 
leux tous  ceux  qui  ne  te  rcfTemblent  point,  &:  qui  vont  honneftementaccouftrez.  Pour 
certain  ceux  qui  ont  des  habillemens  d'efcarlate  &:  de  veloux ,  font  plus  débonnaires  &: 
humains  que  toy ,  qui  es  ainfldefchiré ,  &:  mal  veftu.  Or  fus,dis-nous  vn  peu,  Par  quelles 
marques  as-tu  cogneu  qu'vn  preftre  fuft  orgueilleux?  Thorp  ,Par  ce  qu'ils  mefprifét  Ie- 
fus  Chrift  &£  fes  Apoftres: &  pour  cefte  raitbn,qu'iccux  eftoyent  contemptiblcs,  lefqucjs 
reicttans  toutes  voluptez  &:  allechemés  du  monde, eftoyent  poures  d'çfprit  :  ceux-cy  en- 
flez &  pouffez  d'ambition ,  pourchaflent  les  honneurs,richefles  &:  voluptez,  &  les  cbtic- 
nent  mefme  quelque  fois  par  force.  Dauantage ,  vendans  &:  faifans  traffiquedes  chofes 
fpiritucllcs,  profanent  és  temples  tout  ce  qui  y  eft,  à  l'exemple  de  Iudas&  de  Simon  ma- 
gicien. Ar  vnd  e  l  ,  Si  tu  fais  qu'vn  preftre  fuft  adonné  à  tous  ces  vices  6c  ordures  fi 
tu  le  vois  fréquenter  auec  des  paillardes,  iugerois-tu  qu'il  fut  damné  pour  cela?  le  te  d'y 
qu'en  vn  ict  d'ceil  vn  tel  pourroit  bien  auoir  vne  bonnerepentance.  T  h  o  r  p,  le  ne  con-. 
damne  perfonne  :  toutesfois  il  fcmblc  que  ce  foitvnfort  mauuais  flgne  de  repentance, 
quand  vn  preftre  ainfi  péchant  &c  oftenfant  à  toutes  heures,  ncmonftre  point  publique- 
ment qu'il  ferepefite:  mais  la  plufpart  d'entre  eux  non  feulement  pèchent  vne  fois  ou 
deux,  ainsamaffent  péchez  fur  pecheziufques  au  dernier  foufpir de  leurvic.  Or  félon 
mon  iugement ,  tels  pèchent  de  péché  à  mort,  pour  lefquels  il  ne  faut  point  prier ,  com- 
i.ieany.itf.  me  faind  Iean  le  remonftre. 

^  Or  fur  cela  vn  des  preftres  fc  leua,&:  parla  à  l' Archeuefque  çn  çefte  façomMonficur, 
îc  fuis  d'aduis  qu'on  ne  parle  plus  à  luy  :  car  tant  plus  que  vçftrs  bon  plaifir  eft  de  fin- 
terroguer ,  tant  plus  il  fe  monftxe  endu  rcy  &c  obftiné,  8c  tant  plus  }i  fc  fouille  foy-mefme. 

Arundel  dit  à  fon  preftre,  Ayez  vn  peu  de  papence  :  encore  faut-il  que  ie  luy  demande 
vne  chofe.Et  s'adrcflànt  à  Guillaume  Thorp,  luy  dit,  Pour  le  dernier  pqinct  on  a  ici  rap- 
porté contre  toy ,  qu'en  la  ville  de  Salop  tu  as  prefché,  qUf'jln'eftoit  heite  de  iurer  en  fa- 
çon quelconque.^  o  r  p,  Cela  ne  m'eft  iamais  entré  en  l'entendement,  tant  s'en  faut 
MaM.34.   qwciel'ayedittmaiseftant  induit  par  l'authorité  tant; de  l'Euangile  quelle  fainct  laques, 
iean  5.1».    &  auf|]  par  tefmoignages  euidens  des  Doreurs ,  i'ay  bien  dit  qu'il  a'eftoit  point  licite  de 
iurer  parles  créatures,  comme  on  a  accouftumé  de  faire.  J'ay  prefché  aufli  >  eftant  garny 
de  ces  mefines  tefmoins  &  autres,  qu'il  ne  falloit  nullement  ïurer,paurueu  que  la  vérité 
propofee  deuant  vn  luge  legitimcpuifTe  eftre  autrement  çognçué.  Si  cela  n'eft,i'ay  pref- 
r>ei#       cnc^  clu  en  ce  cas  d  falloir  rendre  tefmoignage  par  fidèle  ferment,  feulement  fous  le  nom 
&  10.10.  '  de  Dieu,  veu  que  luy  feul  eft  la  vérité  perpetuelle.L  epristri  ,Quc  dis-tuîcft-il  licite 

àvn 


DES  IV- 
REMENS 


I 


à  Vn  jfubitf»  auffi  toù.  &n  Prélat  luy  aura  commande*  de  ployer  les  gçdbux,&:  après 
auQfr  mis  la^nain  fur  le  liure  de  l'EuangaVi  ou  de  baiferleliure,&:  iurer  en  cefte  forme, 
Ainfi  Dieu  m'aide,  &  cefaind  Euangilede  Dieu,  &c.  carceluy  qui  eft  fidèle  lubiet ,  o- 
beira  promptemeht  à  ce  que  fort  Prélat  luy  aura  commandé«T  horp  ,Ceft  affaire  a  fes 
bornes,&:  faut  bien  auifer  de  ne  les  outrepafTer  à  la  volée.  Que  fi  les  Prélats  Ecclefiafti- 
ques  hous  pommadent  &  ordonnent  quelque  chofe  deshonnefte  &l  illicite, péfez-vous 
que  tout  incontinent  il  y  faille obéir?  Ar  ynde  L»Quantàlapuinance  des  fuperieurs 
bc  gouuerneurs,  il  n'en  faut  nullement  douter,  mais  encores  qu'ils  commandent  cho- 
fes  iniques,  tant  y  a  qu'on  leur  doit  obéir  :6c  n'y  aurou  aucun  danger  pourles  fubiets, 
quand  ils  iurcroyent.  Thoxp,  Il  n'y  a  pas  fore  long  temps  que  ie  difnoye  chez  vn  per- 
fonnage  honorable ,  &  là  i'ouy  debatre  cefte  queftion  des  fermens ,  entre  vn  Théolo- 
gien &  vn  Legifte.  Le  Legifte  maintenoit  que  fi  le  luge  le  vouloit  faire  iurer  ou  pre— 
fter  ferment  en  vne  chofe  iufte, il  ne  feroit  nulle  difficulté  de  bailler  la  main:mais  fi  ce- 
la luy  venoit  en  cognoiffance,  que  la  caufe  fuft  inique,  il  retireroit  aufli  fa  main  pour  e- 
uiter  le  danger.  Le  Théologien  amenant  fes  raifons  debatoit  au  contraire,difant  :  Ce- 
luy  qui  metla  main  au  liure ,  blafpheme  Dieu ,  Se  fi  donne  fcandale  au  prochain.  Car 
queft-  ce  que  le  hure ,  finon  vne  créature ,  ou  chofe  compofee  de  créatures  ?  Parquoy 
ilfemble  que  iurer  en  cefte  forte,  n'eft  finon  appeler  les  créatures  corruptibles  àtef- 
moigner  de  la  Vérité,  qui  eft  vne  chofe  eternelle.Selon  mon  opinion ,  cela  eft  du  tout 
illicite  :  &  auffi  le  Seigneur  l'a  défendu  en  la  Loy.  Et  mefme  Chryfoftome  s'accorde  à 
cecy,  redarguant  l'vn  &:  l'autre,  &  celuy  qui  iure  ainfi ,  &c  celuy  qui  produit  le  hure. 

Or  fur  ce  propos  les  vénérables  affeffeurs  de  monfieur  ï  Archeuefque  fe  priment 
à  rire  &c  fe  moquer:&  l'Arjcheuefque  efeumoit  fes  menaces  &c  tourmés,fïnô  queThorp 
fc  monftraft  autre,en  laiffant  fes  opinions.T  horp  ,Cefte  opinion  n'eft  pas  feulement 
de  moy,  mais  aufli  de  noftre  Sauueur  Iefus  Chrift  :  de  S.Iaques,  de  Chryfoftome  &  des 
làin&s  Percs.  C  Alors  rArcheuefque  commanda  que  l'Homélie  de  Chryfoftome  fuft 
mife  en  auant, laquelle  iceluy  auoit  defrobee  audit  Guillaume  Thorp  à  Cantorbery,ô£ 
-  cftoit  eferite  en  vn  papier>&:  la  donna  au  fecretaire  pour  la  lire.  Quand  il  l'eut  leuè  iu£ 
ques  à  ce  poinct  où  il  y  auoit, Que  mefme  bien  iurer  c'eftoit  mal  fait ,  Malueren  pria  1- 
Archeuefque  de  demander  à  Guillaume  Thorp ,  comment  il  entendoit  ce  paffage  de 
Chryfoftome,ce  que  fit  l'Archeuefque. 

O  r  Guillaume  Thorp  fc  fentit  du  premier  coup  eftoné,mais  à  la  fin  eftant  encoura- 
gé par  l'Efprit  de  Dieu,il  refpondit  en  cefte  forte  :  Il  y  en  a  aucuns  qui  en  leurs  cômuns 
affaires  appellét  volontiers  Dieu  en  tefmoignage  de  la  vérité,  afin  que  plus  facilement 
on  leur  adioufte  foy  :  tant  y  a  que  cela  fe  fait  fans  porter  reuerence  au  nom  de  Dieu ,  &c 
par  grande  folie  &:  témérité ,  veu  qu'il  n'y  a  nul  luge  qui  les  contraigne  à  ce  fairt  :  veu 
auffi  que  Iefus  Chrift  parle  àceux-cy,  dilant  qu'il  ne  faut  nullemét  iurer: ce  paffage  doc  Mac  -  j*. 
de  Chryfoftome  s'adrefTe  à  telles  ges.De  là  vient  que  le  commun  populaire  s  accouftu- 
me  à  iurer  fans  raifon,&  à  £e  pariurer  :  &:  le  font  afin  qu'ils  gagncnt,ou  qu'ils  trompent, 
ou  plufieurs  le  font  pour  euiter  la  peine. 

Arvndi  l,  Cefte  interprétation  peut  bien  eftre  accommodée  à  ce  paffage .  Vn 
autre  de  ces  preftres  dit  à  Guillaume  Thorp  ea  cefte  forte:  Or  fus ,  afin  que  vous  ne  dé- 
teniez point  plus  long  temps  monfieur  le  reuercnd,mettez  la  main  au  liurc,&:  promet- 
tez que  vous  rendrez  obeiifancc  à  ce  que  luy  &leglife  vous  ordonneront.  Thorpj 
N'ay-ic  pas  défia  dit  l  que  i'ay  appris  d'vn  docteur  en  Théologie  envn  femblable  cas, 
que  toucher  le  liure ,  &C  iurer  par  le  liure  ,c'eft  tout  vn  ?  A  r  v  k  d  e  l  ,  En  toute  Angle-  Toucjjcr 
terre  il  n'y  a  pas  vn  feul  Docteur  qui  ne  vienne  iurer  quand  il  luy  fera  commandé ,  ou  le  ilUrc,& 
qui  ne  fait  puni  s'il  ne  lèvent  faire.  T  h  o  r  p,L'authoritéde  Chryfoftome  n'eft-elie  pas  l£r"u**  reA 
furfifante?  Ar  v  n  d  e  x,Ouyfoien.  Th  o  r  p,  S'il  repute  pour  blafphemateur  celuy  qui  tomvn. 
prefentcle  liure  à  vn  autre  pour  iurer,  par  plus  forte  raifon  voirement  il  tiendra  pour 
blafphemateur  celuy  qui  iure  par  le  liu*c.  A  rtndïl  ,Nous  n'approuuôs  point  Chry- 
foftome, en  ce  qu'il  enseignera  chofes  contraires  aux  ordonnances  de  l'eglife.  Alors  i - 
vn  des  preftres  dit,Dicu  &  fa  payolie  n'ont-ils  pas  vne  mefme  authorité? 

Thorp,  Qui  eft-ce  quinieroit  cela?  L  e  preftre ,  Pourquoy  doc  faites-vous  difficul- 
té de  iurer  par  l'Euangile ,  veu  que  l'Euangile  &£  Dieu  c  eft  tout  vn?  T  h  o  r  p  ,  S.  Augu- 
ftm  dit  que  ce  n'eft  point  fait  en  Chrefticn  »  qu'vn  frère  ne  croye  point  fimplemét  à  l'on 
trere;le  fuis  doc  preft  à  voftrc  dam  de  iuter  par  la  parolle  de  Dicu,puis  que  ie  voy  qu'on 


Liure  L  Cjuillœuihtj  Thorp. 

ne m'adioufteroit  point  defoy  autrement.  Le  preftre,  Mettez-donc  maintenant  la 
mainàlT:uangileaeDieu,S6feiteslefermcnt.T  h  o  r  p,L'Euangilc  peut-il  eftre tou- 
ché des  mains?  L  e  preftre,  Vous  vous  gaudiflèz.T  h  o  p,  p  ,1e  Vous  pric,lequel  des  deux 
vous  femble  pluftoft  du  deuoir  6c  office  d'vn  homme  Chreftien,  toucher  l'Euangile,ou 
le  lire?  Le  preftre,Lire.  Thorp,  SclonlctefmoignagedeiàinctHierome,  l'Euangile 
ce  n'eft  point  la  lettre  entière  6c  parfaite,  ains  c'eft  la  parolle  de  Dieu  receue  en  foy  :  ce 
jie  font  point  les  rneillets  fragiles  duliure,ains  la  vérité  creuë  de  coeur  :L'Euangile(dit- 
koouutf.  il)  qui  eft  la  vertu  de  Dieu,  ne  demeure  point  en  papier  ne  parchemin, ains  eft  adhérât 
en  la  racine  ferme  de  la  foy:  non  point  en  lettres  faites  d'encre,  ains  en  fentenecs  ca- 
i.Cor.4.io  chees  des  fainctes  Elcritures.  Sain6t  Paul  afferme  cela  mefme,  efcriuat  aux  Corinthiés, 
Pfcau.i<M.  difant^Le  royaume  de  Dieu  n'eft  point  en  parolle^ains  en  vertu.  Et  Dauid  dit ,  La  voix 
Pfcau.33.tf.  du  Seigneur  eft  en  vertu:Les  cieux  ont  efté  cftablis  par  la  parolle  du  Seigneur,  6c  par  I- 
Efprit  de  fa  bouche  eft  toute  vertu  tant  des  Anges  que  des  hommes.  L  e  preftre,  Vous 
voudriez  volontiers  que  nous  vfifllons  ainfi  de  tels  badinages pour  paner  le  temps  auec 
vous.N  appelons-nous  Euangiles  les  chofes  qui  font  eleriteses  MeftelsîT  h  o  r  p,  Vous 
le-dites  ainlï,mais  vous  vous  abufez.  Les  Philofophes  biértfouuènt  prennent  ta  princi- 
pale partie  pour  le  tout,  comme  l'amcde  l'homme  pour  l'homme  tout  entier.  Dauan- 
tage  la  vertu  de  l'arbre  eft  en  la  racine  ,  &  on  ael'apt>erç»ït  point  des  yeux,  prpout  rc. 
.tournera  noftre  propos ,  dont  nous  eftibns  fbrtisrpluueurs  ont  veu,ouy  &*ouch*  Iefus 
Chrift  encore  vïuant(  comme  auiourdhuy  plufieurs  lifent  les  Efcricures,  les  interprétée 
les  oyent&  efcriu*nt)&;  toutefois  ne  font  deuenus  meilleurs  pour  cela  en  façon  que  ce 
foit.  Tout  ainfi  que  la  Deité  éternelle  n'eft  iamais  cogneue  iànsfoy,aufîï  ne  peut-on 
comprendre  l'Euangile  fans  l'Efpric  de  Chriftle  Fils  de  Dieu.  L  £  preftre ,  Ce  que  vous 
dites  eft  myftique ,  6c  fans  grande  faueuri  Thorp,  Si  vous  qui  eftes  précepteurs  du 
peuple,  toutesfois  n'entendez  point  ces  menus  fatras,  il  eft  à  craindre  que  le  royaume 
des  cieux  ne  vousfoitofté*  comme  iadisila  eftéofté  aux  principaux  Sacrificateurs  5c 
Anciens  des  luifs. 

Or  Malueiett  parla  alors,  difant,Entendez-vons  les  equiuoques?  Leroyaumedes 
cieux  a  diuerfes  fignincatiôs.Mais  qu'appelez-vous  iciLe  royaume  des  cieux?TH  o  r  p, 
i'enten  l'intelligence  de  la  parolle  de  Dieu ,  félon  que  i'ay  appris  des  Do&eurs.L  u  pré- 
ftre,Par  qui  penfez-vous  qu'il  eft  raui  ?  T  h  o  r  p  ,  Par  lesiages  du  monde,  qui  cefchent 
les  premiers  fieges  es  aflemblecs,&:penfent  eftre  lifages  qu'ils  nertiment  point  leur 
eftre  befoin  d'enfuyure  Iefus  Chrift&:  fes  Apoftres.  Arvndbi,  Mal-heureux  que  tu 
es,  tu  iuges  donc  les  gouucr neiïrs  fpirituels:  par  Dieu,  le  Roy  feroit  mal ,  s'il  ne  permet- 
toit  que  toy  6c  tes  femblables  fufliez  condamnez. 

V  n  autre  preftre  luy  mit  en  auant ,  que  le  Vendredi  precedét  il  auoit  baillé  confeil 
à  vn  feruiteur  familier  de  l'ArGheuefque ,  de  ne  confelTer  fes  péchez  à  vn  preftre ,  ains 
confes  ac^esae^couu"r^cu^ement^Dieu.  Guillaume  Thorp  fut  troublé  de  cela, &cogneut 
s  i  o  n.  bien  que  quelque  fingarnement  l'auoit  trahy.  Iceluy  deux  fours  auparauant  eftoit  ve- 
nu finement  vers  luy  en  la  prifon ,  6c  luy  demanda  plufieurs  chofes  touchant  la  confek 
fion.  Voyat  qu'il  auoit  efté  acculé  par  ceftuy-la,il  pria  Dieu  cjuecc  mal  ne  luy  rufl  point 
imputé.  Et  quant  6c  quant  requit  le  preftre  que  ceft  homme  fuft  amené  deuant  luy ,  ô£ 
qu'il  reçitàft  pleinement &:  ouuertement  le  fait  comme  il  eftoit  aduenu.  L'Artheuef- 
qne  fur  cela  luy  dit,  Ceux  qui  font  ici  préfens,  fuffifent  bien  pour  cefte  heure:  mais  qu  - 
as-tu  dit  à  ceft  homme  là?  T  h  o  r  p  ,  Il  vint  vers  moy  en  $aprubn,  6c  raifoit  fortir  des  lar- 
mes  dé  fes  yeux,  deploroitla^corruption  du  monde  ,  la  grande  ignorance  ôfibeftuc  des 
preftrcs,&:  la  contagion  attirée  de  la  Cour:$£  fembloit  bien  a  voir  fa  contenance,  qu'il 
defiraft  eftre  enfeigné  par  la  parolle  de  Dieu  ^  tant  bien  monftroift.il  femblant  d'auoic 
quelqùe  afFe&ion  bonne &fain£te.  Et  de  moy,coriiiderantïa  contrition  6c  repentancd 
de  ceft  homme ,  ie  tafchay  à  luy  perfuader  de  laùTer  touserreurs&  fauffes  opinions  âsi 
terrips  pairé,&  que  déformais  il  vefquift  en  la  crainte  de£)ieu.Or  après  mi'ileut  irulft« 
fur  ce  propos,  afTauoirs  il  pourroit>obtenirremilfion  de  fes  mefraits  fans  s'adrejfïcrà  vtf 
preftre:ie  luy  refpondy,quc  c'eftoit  à  Dieu  feulement  de  pardonner  les  péchez  ÔfoCen^ 
ibs.  D'où  vient  donc  cela(difoit-il)que  c'eft  vnd  des  charges  6c  pinces  d'vn  preftre,dVb- 
foudrélès  péchez  i  Sur  cela  ie  luy  dy,qu'abfcu«dre&  remettre  Jcs  péchez ,  eftoyent  yné 
mefme  chdfc:  6c  que  par  ce  moy  en  il  faloit  atcédrèid  e  Dieu  ièttlfli  l'vne  6c  rautrc.-MiUr 
ans  après  lanaciuitç 4»  Fils  de  Dieu ,  cette  façon  dfa^foUdrd  inainpçBurjC  Vûtcft  Te- 


glife>eftoit  incogneuërtoutcsfois  le  droit  &  authorité  de  lier  &:  deflier  eftoit  en  ce  mef- 
mc  temps  ottroyt  e  aux  fidèles  &  infidèles  par  les  fainctes  prédications.  I'ay  bonne  fou- 
ucnance,qu'aupres  de  la  croix  de  la  ville  de  Cantorbery,iay  ouy  dire  quelque  choie  de 
lemblable  à  Mordon,qui  eftoit  moine  de  Fencrfam,preîchat  là  pour  lors.  Voila  ce  que 
i  ay  dit  a  voftre  hôme,duquel  vous  me  parlez.  Arvnde  l  ,  L'eglife  n'approuue  point 
celte  doctrine. T  h  o  r  p  ,L'Eglii"e  g,  a  Icî'us  Chnlt  pour  chef  en  quelque  part  que  ce  Toit, 
approuuc  bien  celte  opinion. C  ar  certes  es  gens  deglife  ou  void  cefte  outrecuidâce  in- 
tolerable,qu  ils  alfuicttiHent  par  force  6c  fous  peine  d'excômunicatiô  les  poures  Chre- 
ftiés  à  garder  leurs  ordônances  &:  traditions ,  Ici  quels  noltre  Sauueur  Iefus  Chrilt  a  mis 
en  h"  grande  &:  excellente  liberté  par  fa  mort:  veu  mefme  q  ne  luy  ne  les  Apoftres  n'ont 
point  cômandé  de  les  garder,  ains  plultoft  ont  voulu  quelles  fullent  reiettees.  L  e  pre- 
ftre, Vous  ne  craignez  point  de  nous  mettre  en  auat  ces  fraudes  &c  déceptions, lefquel- 
les  vous  auez  puifees  de  ceux  qui  auoyent  brouillé  &:  meflé  l'yuroye&:  autres  feméces 
baitardes  parmy  le  bon  fromct:mais  de  moy,  ie  feroye  d'aduis,  que  reiettans  ces  faunes 
opinions  &C  erreurs,  vous  vous  fubmettiiTiez  du  tout  à  la  bonne  volonté  de  monfieur  1- 
Archeuefque:&.  penfe que  rexperimenteriez&:  feigneur  fauorable  &c  pere  debônaire. 

E  t  vn  autre  preftre  luy  reprocha  qu'il  eftoit  obitiné:  que  depuis  peu  de  téps  il  auoit 
alTailly  à  Londres  d'vnc  façon  fort  importune  deux  perfonnages  hônorablcs,rvn  hom- 
me deglife ,  lequel  on  nommoit  Alkerton ,  &  l'autre  Docteur:  appelant  Alkerton  fla- 
teur,ôde  Docteur  hypocrite.  ^"Ceftuy  Alkertôcltoit  prefeheur  de  Lôdres,lequel  peu 
de  iours  auparauant  prefehant  deuât  vne  grande  affemblee  en  la  croix  de  S.Paul,auoit 
defgorgé  des  outrages  impudens  contre  le  fermon  d'vn  d'Oxford,  qui  n'auoitgueres 
pieu  à  la  faction  des  Papiltes  pour  lors,comme  il  fembloit.  Cefutl'occafion  pourquoy 
Guillaume  Thorp  appela  ceftuy  Alkerton  hypocrite.  A  celte  caufe  Thorp  refpondic 
ainli  à  ce  preftre,Il  n'y  a  nul  qui  à  bon  droit  puiiïe  reprendre  le  fermon  de  ce  pérfonna- 
ge  d'Oxford:&:  n'y  auoit  occaiion  aucune  pourquoy  Alkerton  deuft  ainli  dire  tant  d'in- 
iures  &C  outrages  à  ce  ieune  home  en  la  croix  de  S.  Paul: car  tout  ce  que  celtuy  d'Oxford 
en  auoit  prefché,eltoit  dit  Chreftiennemêt  &C  do&emét>&:  fondé  fur  la  pure  parolle  de 
Dieu,  fur  clairs  tcfmoignagcs  des  DoCteurs,&  raifons  euidentes.  L  e  preftre,  Les  cho- 
fes  qu'il  dit  alors,eftoyét  ii  iniques  &c  hors  de  toute  raifon,  qu'il  ne  les  ofa  maintenir  de- 
puis. Thorp,  Ce  fermon-  la  eft  eferit  en  Anglois  &C  en  Latin ,  &  pluheurs  en  ont  fait 
grande  eftime,&:  l'eftiment  encore  auiourdhuy.  Si  iceluy  a  quitté  fa  bonne  caufe,  l'en 
fuis  efbahv:vne  chofe  fay-ie  bien, que  quand  il  eftoit  à  Lambet,il  ne  defaduouoit  rie  de 
tout  cecy.mais  il  maintint  le  tout  ouuertement  &  publiquement  deuâc  PArcheuefque 
&  les  docteurs  pari  elpace  de  deux  iours.  Vn  autre  preftre  ,  Qui  eft  celuy-la  de  tous  ces  * 
gat  nemens  dont  ceftuy-cy  parlerai-  il  y  en  auoit  plulîcurs  à  Oxrord.Et  bien,&:  bié  :  en- 
core faut-il  vn  peu  viliter  ce  ruftre,  &:  luy  faire  fon  procez  fur  ce  fermon  mefme  qu'il  a 
fait.  Il  n'y  en  a  point  qui  trouuent  ces  fermons  bons,finon  vous  &c  tels  badins  que  vous. 

Arvnde  l,  Cefte  maudite  fecte  fait  tout  ce  qu'elle  peut  pour  mettre  bas  toutes 
leslibcrtezdel'cglife.  Th  orp,  Vrayement  ie  n'en  cognoy  point  qui  trauaillentplus 
pour  le  bien  &c  profit  de  l'eglife  Chrcftienne ,  que  ceux  que  vous  iugez  lï  cruellement 
pour  hérétiques. Car  ils  fuyent  toute  auarice,dilîblution,paillai  dife,ambirion,orgueil, 
iimonie,  idolâtrie  Vautres  vices  femblablesqui  moleftent  fortl'Eglife:  &  enleurlîm- 
plicité  &c  poureté  d'efprit ,  ilsadminiftrent  gratuitement  la  charge  de  la  prédication 
Euangeliquc, comme  il  eft  bien  conuenable  à  membres  de  Chrift,ie  contentans  feule- 
ment d'auoir  ce  qui  eft  necelfaire  pour  la  vie  du  corps. 

S  v  r  cela  le  preftre  dit  à  l' Archeuefque,  Monfieur  il  s'en  va  tard,&  nous  faut  encores 
faire  du  chemin  auiourdhuy.rompez  luy  fes  propos:car  il  ne  peut  faire  fin,&:  ne  veut:&: 
de  tant  plus  que  vouslefounrez,tantplusilfemonftreobftiné.DA  lvïrï  N,Maiftrc 
Guillaume,mcttezles  genoux  en  terre,&  priez  qu'on  vous  facegrace,&:  promettez  de 
monftrer  que  vous  eftes  enfant  de  l'eglife.  T  h  o  r  p  ,  I'ay  fouuentesfois  demandé  à  mô- 
fieur  1  Archeuefque  au  nom  de  Chrift,qu'il  oftaft  toute  malice  enuers  moy ,  &c  qu'il  ne 
m'empefehaft  d  orefenauant  de  faire  ce  qui  eft  du  deuoir  d'vn  homme  Chreftien.  Il  n'y 
a  rien  en  tout  ce  mode  que  ie  délire  plus ,  que  de  feruir  fidèlement  à  mon  Seigneur  en 
vne  telle  vocation.  Arvnde  l,  Situ  me  voulois  encore  obéir,  ce  feroit(poflible)  à 
ton  grand  profit.  Or  fus ,  n'vfe  plus  de  délais ,  recoy  en  toute  humilité  la  beneuolen- 
cc  laquelle  t'eft  offerte  :  ou  bien  fois  ingrat,  &la  reiette.  t  h  orp,  Faut -il  croire 

ç. 


que  Chrift  foit  Dieu&:  homme,  Se  que  les  chofes  qu'il  a  faites  &:  enfeignees ,  foycnt 
vrayes?  Arundel,Et  qui  en  doute? 

T  h  o  r  p  >  Et  que  la  doctrine  des  Prophètes  Se  Apoftres  eft  procedee  du  S.  Efprit? 

Arvnde  l,  Ileltainii.TH  o  r  pjcelle  doc  doit  eftre  receué  fur  toutes  autres  pour 
l'cdificacion  de  fEglife,  Se  n'y  a  rien  qui  luy  doit  cftre  préféré.  Arvnde  l  ,  l'accorde 
tout  ce^la. 

T  h  o  r  p,Car  elle  monftre  ce  feul  remède  contre  les  vices  &:  contre  tous  les  a/fauts 
des  diables ,  fans  lequel  on  ne  peut  obtenir  netranquilité  de  vie  ne  cognoi/îànce  au- 
cune de  la  volonté  de  Dieu.  Arvnde  i  ,  le  n'y  contredy  nullemét.  T  h  o  r  p  ,  Moyen- 
Comment  nant  faide  de  Dieu  faccepteray  tout  ce  que  vous  m'ordonnerez  félon  cefte  doctrine, 
miTfecô-  encore  que  pourcela  ma  vie  fuft  en  danger.  Ar  v  n  d  e  L,Sumets-toy  donc  aux  ordon- 
ner aucc  nances de leglife, lefquelles ie te declaireray .  Thorp  ,  Vousfauez  que  Iefus  Chrift 
ueC îc"     e^  C^ie^ ^e  f  Eglife:iç  protefte  de  rendre  obeifîance  à  tout  ce  que  vous  m'aurez  côman- 
dé  félon  la  fainCte  ordonnance  d'iceluy&:  de  fes  Apoftres.^  A  rundel  fur  cela  frappa  la 
table  de  grande  colère,  Se  citant  embrafé  de  furie  parla  en  cefte  forte  :  Par  le  Seigneur 
Iefus  ,  li  (ans  cauilation  quelconque  tu  ne  confen  auec  nous,ie  te  feray  ferrer  en  prifon 
obfcure,  Se  ii  eftroitement ,  qu'il  n'y  aura  ne  larron ,  ne  mèurtrier ,  ne  brigand  qui  foit 
plus  rudement  traité.  Délibère  donc  en  toy-mefme  de  bonne  heure  ,  &:  auife  à  ce  que 
tu  as  à  faire.  ^"Et  après  que  ce  gracieux  Prélat  eut  ainfi  proféré  ces  mots  tragiques,  il  s'- 
en alla  appuyer  furlafeneftre. 

Mais  Maluercn  print  vn  autre  preftre  de  fes  compagnons  auec  foy  ,&  s'adre  fia  à 
Thorp ,  tantoft  vfant  de  douces  parolles  pour  le  faire  fléchir,  tantoft  le  menaçant  pour 
l'eftonner.  Prem  ierement  il  luy  propofà  quelles  peines  terribles  il  auroit  à  endurer ,  &: 
comment  après  cela  il  faudroit  qu'il  fuft  dcgradé,detefté  du  peuple,diframé  publique- 
ment^ bruflé:  finalement  il  fît  bien  valoir  la  damnation  des  enfers ,  fi  de  bonne  heure 
il  n'acquiefçoit  à  ce  qui  luy  feroit  ordonné  :  Se  pour  conclulion  finale  adioufta  ceci ,  di- 
fant,  Vouspouuez  par  vnefubmifïion  qui  vous  fera  bien  aifeeàfairc,cuitcrccsgrans 
dangers  tant  du  corps  que  de  l  ame ,  en  obtempérant  à  monheur  l'Archeuefque ,  pere 
crcfdigne  de  l'eglife,qui  eft  (bigneux  du  falut  de  voftre  amc.  Pour  l'amour  de  Dieu  dÔc, 
&;  de  fon  Fils  Iefus  Chrift,&:  par  fa  bonté  eternelle,ayez  pitié  de  vous-mefmes:&:  regar- 
dez quant  &  quant  en  vous  quels  perfonnages  fauans  &c  excellens  ont  efté  celuy  qui  eft 
maintenant  euefque  de  Lincolne ,  Herford,  Purné,  Se  Britvvel auflî  qui  eft  vn  homme 
fort  fauant  entre  les  autres:  eux  tous  ont  retradé  leurs  fauiTes&:  peruerfes  opinions  :  fe 
font  defdits  &:  ont  laiifé  leurs  erreurs.  Pour  le  moins  eftat  efmeu  de  l'exemple  de  ceux- 
cy,  qui  font  plus  fauans  que  vous,  retirez-vous  à  la  communion  del'cglife. 
Apre  s  cela  vn  autre  preftre  de  l'Archeuefque  voulut  perfuader  à  GuillaumeThorp: 
&£  pour  ce  faire,luy  recita  qu'il  auoit  autresfois  ouy  dire  d'Herford,qu'il  fentoit  mainte- 
nant vne  plus  grande  grâce  &:  faueur  du  peuple,&:  eft  pour  le  prefent  plus  irrité  alécon 
tre  des  hérétiques, qu'il  n'a  pris  plaifir  au  parauant  à  maintenir  leurs  opinions. Et  fur  ce 
propos  Malueren  luy  dit  derechef,  Si  vous  faites  maintenat  venir  vn  preftre,  Se  luy  co- 
îeifez  vos  péchez ,  &:  acceptez  la  pénitence  qui  vous  fera  ordonnée  par  monfieur  l' Ar- 
cheuelque,  ne  doutez  poît  que  ne  fentiez  en  bref  voftre  efprit  plus  côfermé.  Thorp, 
Si  les  quatre  perfonnages  q  m'auez  propofez  pour  exéple,eulfét  mefprifc  les  hôneurs, 
les  ncnefTes  Se  la  pÔpe  du  monde,fc  contentans  de  la  iimplicité  de  Chrift  &de  fes  Apo- 
ftres,ils  cullet  efté  patros  &exéplaires  de  religiôChreftiéne  Se  à  moy  Se  à  d'autres-.mais 
pource  que  reiettâs  la  vérité  de  Dieu,ils  ont  embralTé  toutes  ces  chofes  au  grand  fean- 
dalc  de  plufieurs,ie  les  reiette  corne  peftes  pernicieufes  de  l'Eglifciayat  cefte  ferme  rc- 
iudc  i.    jfolutiô  en  mô  elprit,dene  cheminer  en  cefte  voye  de  Cain,ny  en  la  receptiô  du  falaire 
par  lequel  Balaam  a  efté  deceu ,  ny  en  la  maledidion  de  Choré",  ny  en  la  contradiction 
obftinee  de  ceux  qui  périrent  auec  luy.afîn  que  ie  ne  prouoque  la  vengeace  horrible  de 
Dit  u  contre  le  monde.  Premieremét  tous  ceux-cy  ont  efté  merueilleufemét  tormétez 
par  les  Antcchrifts,pour  auoir  maïtenu  la  veritéChreftiéne:maïtcnat  aucôtraire  s'eftas 
obligez  par  fermés, ils  perfecutét  Iefus  Chrift. Pour  cefte  raifon  faites  valoir  leur  dodtri 
ne  tât  que  vous^oudreZjfi  eft-ce  qu'elle  ne  pourra  faire  qu'aucun  des  noftres  en  foit  el- 
meu.  qui  plus  eft,clle  nous  côfermera  beaucoup  pl9  en  la  doctrine  de  la  foy,veu  que  no9 
fômes  bié  affeurez  que  toutes  doctrines  humaines  fans  l'efprit  deDieu  ne  font  q  fatras. 
O  r  l' Archcuefquc  commanda  alors  à  fes  gens  de  ne  luy  donner  plus  de  confeil  :  Se 

dit, 


dit,  Ils  ont  complote  cnfemble  de  ne  redre  obeiifance  à  l'eglife  &:  aux  Prélats.  I'ciîaye- 
ray  ii  ie  peux,  de  le  rendre  autant  tnfte  qu'il  eftoit  ioy eux  quand  ic  party  d' A  nglcterre. 

T  h  0  r  p  ,  le  diray  ceci  franchement ,  que  ie  n'eftoye  fort  îoyeux  de  voftre  bannilfc- 
ment  :  mais  bien  ie  fu  aucunement  refiouy  quandleuelque  de  Londres  me  deliura  de 
prifon. 

Ahyndei,  Tu  ne  fauois  pour  quelle  raifon  ie  forty  d'Angleterre,  Tantyaqucic 
veux  bien  que  tu  lâches,  que  Dieu  m'a  ramené  à  cefte  fin  que  icdeftruifc  &:toy  6c  tou- 
te tafecte.  Et  croy-moy ,  que  iene  cetferay  iamaisqueien'aye  tellement  repurgé  l'An-  Notcî, 
gletcrre  de  telles  factions,  qu  îin'cn  demeurera  vnc  feule  petite  trace  en  tout  le  royau- 
me. T  h  o  r  p  ,  Le  prophète  Icremie  difoit  anciennement  à  Ananias  faux  prophète,  krc**.». 
Quand  la  prophétie  du  Prophète  aura  efté  accomplie,alors  on  faura  que  le  Seigneur  1\ 
aura  enuoyc. 

Or  l'Archeuefque  grinçant  les  dents, fepputmenoitd'vncofté&:  d'autre,  difant,  le 
te  chargeray  tellement  de  fers,  que  tu  feras  bien  aile  de  changer  foudaincefte  façon  de 
parler.  ^  Ceft  Archéuefquc  criant  comme  forcené  contre  cepoure  homme,  appela 
fecretement  vn  de  fes  preftres ,  lequel  fit  entrer  la  garde  du  chafteau  de  Saltvvod.  Sur 
cesentrcfaitesily  eut  pjuficurs  genslaics,  qui  entrèrent  par  force:  aucuns  pourfuy- 
uoyent  qu'il  fuft  tout  incontinent  bruflé  :  les  autres  qu'il  fuit  ietré  dedans  la  mer  qui  e- 
ftoit  prochaine  delà.  Or  en  ce  tumulte.enragé  tant  des  payfans  que  des  preftres,  il  y 
"eut'Vn.prcftrotquilemitenauarit,&:feiéttaviIlement  à^enoux  déliant  monlieiuT- 
'  Arcncuéiqitè  ^  le  requérant  qu'il  luy  fuftlojliblc  de  dire'ies  matines  auec  Guillaume 
Thorp ,  pOiîr'éfîayer  s'il  le  pouf  toit  gagner  par  ce  moyen  :  le  me  fay  fort  (dïfoit-H)  que 
dedans  troïs'ioùrsie  le  vous  Ferày'deuenir  tel,  qu'il  ne  refulera  rien  à  l'on  Prélat.  Tant  y 
a  que  la  colère  de  monfieur  f  Ârehéuefque.,  emin'eftoit  encore  a/Tez  bien  digérée ,  rie 
ceflbit d'efàrrnef .  ,   .' '■' ;'; 

'  d  r  fur  cela  la  gardé  du  chafteau  vint,  s'adreïla  à  TA  rcheueique:&:  après  qu  ils  eu- 
rent tenu  quelques  propos  ènfétrfble*  il  mena  Guillaume  Thorp  hors  de  là  parle  com 
"mandement  de  rArcheuefquc  !  toutesfois  l'Archeucfque  le  fit  derechef  appeler  incô- 
tiriciit  après.  Le  preftrot  infiftoit  encore,  te  lepreftoit  de  le  fubmettre ,  luy  remôftrant 
qu'il  luy  vaudroit  mieux  de  faire'ainlî  que  de  mourir  obftiné.  Thorp  s'adrCfTant  à  l'Ar- 
cheucfque, luy  dit,  I'ay  protefte  atiiôurdhuy  par  pîulieurs  fois,  que  non  feulemét  ie  me 
vouloyc  àiTuiettir  aux  lôix  dîuines,  mais  auili  à  vn  chacun  membre  de  l'eglife,  qui  ne 
fera  point  côtredifant  ny  en  do&rine  ny  en  façon  de  viure  à  Iefus  Chrift,  qui  eft  le  chef. 
Car  ie  deiirerove  d'eftreadmonnefté ,  chaftié  S>c  inftruit  par  ceux  qui  font  tels.  A  r  v  n  - 
d  h  L,Iepreuoyoye'bienquecemefchantne  fcfubmettroità  rien  faire  fans  ces  con- 
ditions. 

Or  après  ccla,Ouiliaume  Thorp  fut  aiïailly  par  moqueries,  menaces,  brocards,  op- 
probres &:obiurgation$:maisricndc  tout  eclane  le  peut  faire  fléchir:  cependant  il  ne 
difoit  mot:&  vn  peu  après  l'Archeuefquc  luy  fît  cefte  interrogatiô,  Affauoir  s'il  ne  vou- 
loir pomt  aduouér  les  ordonnances  de  l'eglife.  T  h  o  r  p  ,  le  le  veux  bien  à  cefte  condi- 
tion que  i'ay  dite-.autrcment  point.^"Adonc  l'Archeuefquc  Commanda  à  la  garde  de  l'- 
emmener viftcment.U  fut  donc  mené  en  vue  prifon  pleine  d'ordures  &c  puateurs.  Et  là 
rendit  grâces  à  Dieu ,  non  feulement  de  ce  qu'il  auoit  efté  deliuré  de  l'impiété  &£  des 
ordures  profanes  de  fes  ennemis, mais  auflî  de  ce  qu'il  n'y  auoit  eu  ne  flatteries  ne  me- 
naces qui  l'eufTcnt  peu  amener  à  confentir  en  quelque  choie  qui  fuft  cotre  lagloirede 
Iefus  Chrift.  Car  en  ce  long  combat  il  refifta  fort  te  ferme  en  tout  &:  par  tout  aux  per- 
fuafiorts  mefehantes  de  rArcheuefque  &:  de  Ces  complices.  Et  voici  comment  il  prioit 
à  part-foy  en  la  prifon  :  O  Seigneur  Dieu,  que  tout  ceci  (bit  à  la  gloire  de  ton  nom:  fay-  La  prière 
nous  ce  bien  que  nous  confentiôs  tous  en  ta  vérité  :  &£  te  fupplie  de  tout  mon  cœur  que  ^ 
celafe  face  bien  toft,  afin  que  tous  ceux  qui  auront  leu&ouyccs  miens  eferits  ou  au- CQ,apr 
très,  te  réclament  auec  moy  pour  le  Dieu  immortel ,  &c  te  prient  en  foy,  ne  doutans  en 
rien:  afin  aullî  Seigneur,  quetaiottroyespar  ta  bonté  ineftimableà  ces  hommes-cy, 
que  dorefenauant  ils  ne  cpntredifent  point  à  ta  doctrine  pour  refifter  à  leur  propre  fa- 
îuf.mais  queftans  par  foy,efperance  &c  charité  parfaite  vnis  auec  nous,  ils  viuent  félon 
ta  bonne  volonté  en  paix  éc  Félicité, Àmeh. 

Or  après  cela  il  fit  comme  vn  dernier  teftament:&:  en  la  fin  après  quelques  admo-  ^JnicTde* 
nitions  fainctes  &Chreftiennes,  recommanda  fon  ame  au  Seigneur,  $c  abandonna  fon  Tiwrp. 

c.ii, 


L/Wo  /•  T^ogier  zAttoihJean  cByohyi&  Jean  ISeuerlau. 

corps  aux  bourreaux ,  pour  eftrc  tourmente,  en  quelque  part  ou  en  quelque  forte  qu'il 
plairoit  au  Seigneur:  priant  de  grande  affection  toute  l'Eglife  des  erovans  d'intercéder 
enuers  la  bonté  de  Dieu  pour  luy  homme  miterable  &  délia  abandonne  du  monde  :  à 
celle  fin  de  trouuer  grâce  &:  fapicnced'enhautySÉ  pcrlcucrer  iniques  au  bout  en  la  ven- 
te df  Icllis  Chrift,  &  que  par  ce  moyen  il  fuit  fait  iaenfice  de  bonne  odeur  au  Seigneur, 
à  la  gloire  de  ion  nom  &  à  l'édification  de  l'Eglife  fidèle  &Chreiticn  ne. 

•  Aucuns  tefmoigncnt,  qu'en  ce  mcfme  an  du  Seigneur  m.  c  c  c  c.vn,il  fut  bruflé 
au  mois  d'Aouft  :  mais  ils  ne  parlent  point  du  lieu:&;  de  cela  peut-on  bien  recueillir ,  &c 
de  quelques  autres  indices, qu'on  l'a  fait  mourir  de  faim  en  la  prifon,ou  par  quelque  au- 
tre tourment  par  la  main  des  bourreaux,  &c  ce  par  le  mandement  de  l'Archcucfque  A- 
rundcl,  de  la  miïcrable  iflue  duquel  ci  après  fera  touché. 

R  O  G  I  E  R    ACTON,  chcualierde  l'ordre. 
I  E  A  N    BROV  N,gentil-homme:&: 

M.    IEAN    BEVERLAV,  annonciateur  de  la  parolle  de  Dieu. 

La  vericéde  l'Euangile  eut.  iccroillemenr  en  Angleterre  :dont  grande  pedècution  feleua  contre  les  fidèles.  Les  plusgrans  du 
royaume  n'y  furent  cfpargnçz.  Le  Seigneur  de  Cobham  fut  apprehêdé  des  premiers:mais  il  fut  exécuté  après  ceux-cy,&  par- 
tant nous  Us  auons  ici  nus  félon  l'ordre  du  temps  de  leur  martyre  ,  cjni  fut  l'an  M.  CCCC.XIII,  au  mou  de  Ianuier  :  auquel 
temps  pluficurs  aurres  aufsi  furent  mis  i  mort  pour  la  vraye  Religion. 

M.cccc.  ^  commcnccrRcntdurcgne  de  Henry  cinquième,  roy  d'Angleterre  après 

XI11-       CvSw^K^auoir  débouté  Richard  de  lacourône,  lorsquelefeigneur  lean  Oldecallcl 
/^^Xiw^futmis  prilonnicr  en  la  tour  de  Londres,  les  Théologiens  &:Euefques  re- 
^3^Vy  muèrent  vn  terrible  mefnage ,  &c  firent  de  grandes  côplaintcs  au  Roy  nou- 
red«  Ec-D  uéauj  luy  rcmonftrant  comment  l'eftat  de  l'Eglife  eftoit  renuerfé.  Ils  difoyent  qu'on  ne 
defîafti .    vouloit  plus  obéir  à  leurs  fuiiragans,archediacres,chanceliers,ofEciaux&:  autres  ferui- 
temp!C  CC   teurs:que  les  loix  &c  ordonnances  de  l'eglifc  Lain&e  eftoyent  mifes  bas. qu'il  y  auoit  dan 
gicr  que  la  foy  Chreftiennc  &:  le  laindt  feruice  dcDieu  ne  fuflent  abbatus:qu'on  ne  por- 
toitgueres  de  reuerence  à  leuriurifdiction  l"pirituelle,ou  à  leur  authorité ,  à  leurs  clefs 
&:  cenfures,à  leurs  ordonnances  &:  déterminations  canoniques:que  pluficurs  s'enmo- 
quoyent  ouucrtcment  :  bref,que  tout  tendoit  à  vn  trouble  merueilleux:&:  au  refte,  que 
tout  cela  ne  prouenoit  d'ailleurs  que  d'vnc  trop  grande  licence  des  hérétiques,  qui  fai- 
foyent leurs alfcmblces  en  cachette&cn  ténèbres  &  lieux obfcurs,  efcriuoyentliurcs, 
&:  prefehovent  dedans  les  bois&  parmy  les  buifions:  affermas  que  fi  ces  chofes  eltoyét 
long  temps  permifes, on  verroit  bien  toft  la  ruine  de  la  Republique.  Pourtant  le  Roy 
alTîgna  vnconfeil  à  Leccftre(& c'eftoit  pofliblc  d'autât  qu'il  n'euftefte  bonde  faire cc- 
fte  alfcmblee  en  la  ville  de  Londres ,  à  caufe  qu'il  y  auoit  là  pluficurs  qui  fauoriloyent 
tiiCkcrnd  aufeigneur  de  Cobham  )&:par  ordonnance  publique  dénonça  terrible  peine  à  tous 
du  Hoy.    ceux  qui  de  là  en  auant  fuyuroyent  vne  telle  façon  de  doctrine:  vfant  de  fi  grande  feucri- 
té  enuers  eux,  que  non  feulement  il  les  tenoit  pour  hérétiques,  mais  auili  pour  coul- 
pables  de  lefe  maicfté.Et  pour  celle  raifon  ordonna  qu'ils  d'cuiîent  eftre  punis  de  deux 
façons  de  fuppliccsraiîauoir  qu'ils  fu fient  pendus,&:  quant&:  quant  bruflez:  &:  n'y  auoit 
ne  franchife  ne  priuilege  quelconque  dequoy  ils  peufient  faire  leur  profit  :  tant  eftoit-il 
clincu  de  mauuaife  affection  contre  les  fidèles ,  cerchant  tous  moyens  contr  eux  :  Ici- 
Les  fïdclts  quels  en  ce  temps-la  on  appeloit  Vviclcuiés ,  qui  lifoyent  lesEfcriturescn  leur  langue 
eftoyceap-  vulgaire.  Orles  Euefqueseftans  armczde  ceftedict,  exercèrent  grande  tyrannie  cotre 
cfeuiciw1    beaucoup  de  gens  de  bien      pluficurs  poures  innocens.  Outre  ledit  feigneur  lean 
Oklccaftel  feigneur  de  Cobh  am,le  iîeur  Rogicr  Acton  aufil  cheualier  de  mcfme  ordre, 
eftoit  de  cefte  partie:itcm  vn  autre  gentil-homme,  le  fieur  lean  Broumpuis  vn  miniftre 
de  la  doctrine  Euangclique,nommé  M.Ican  Beuerlaudcfquels  trois  furent  mis  à  mort 
en  ce  temps-la. 

Polydore       Mais  en  parlant  de  ccux-cy  il  cft  bon  de  refpondre  vn  peu  à  Polydore  Virgile ,  le- 
ftoncn  r ^UC^ au  x  x  1 1  •  nurc  de  U3n  hiftoirc  blafme  ces  deux-cy ,  lean  Oldecaftel  &z  Rogier  A- 
ciarguéde  Àon ,  dauoirefté  authcursdclaconfpirationquifutdreiTeecontreleRoy.  C'eit-cyla 
mco/onge .  fomme  de  ce  qu'il  en  a  eferit  :  Apres  que  la  doctrine  de  lean  Vvicleffeut  efté  condam- 
née au  concile  de  Conftacc,&:  qu'en  icelle  mefme  ville  on  eut  faictmourir  par  feu  deux 
Bohémiens,  &z  que  les  autres  complices  euret  elté  aduertis  de  ce  mcfme  fait  en  Angle- 
terre, ils  pnnrent  les  armes  :  &c  premièrement  firent  confpiration  contre  les  preftres, 
puis  après  contre  le  Roy:aufli  faifoyent  des  aflemblees ,  prefts  à  défendre  leurs  opiniôs 

fcer- 


%ogier  $Aiïon3Jean  Broun3t&  Jean  Heuerlau.  if 

te  erreurs  par  force  :  &  bien  toft  après  Tous  la  conduire  de  deux  cheualiers  :  afîàuoir  de 
Iean  Oldecaftel ,  qui  eftoit  homme  magnanimc,toutcsfois  ennemy  de  religion,&:  Ro- 
gier  Adon,  alîemblerent  vne  grande  troupe  de  gens  defbauchez ,  qui  fe  fourrèrent  en 
la  ville  de  Lôdrcs,afin  qu'eftas  faiiîs  d'icelle ,  ils  opprimaflent  le  Roy:  &:  ce  qui  s  enfuyt. 

Maintenant  donc  il  nous  faut  efplucher  comment  cela  peut  eftre  vray,  ou  Contrâdi:- 
comment  Polydore  Virgile  eft  fîdelc  hiftoriographc:En  premier  lieu,  ii  celle  émotion  hEeVe* 
a  efté  faite  en  Angleterre  après  que  Iean  Hus  a  efté ,  comment  conuiendra  le  nombre  Polydore 
des  ans,  veuqu'iceluy  fut  bruflé  l'an  m.  c  c  c  c.  x  v,  au  mois  deluillct:  auquel  an  & 
mcfme  mois  le  Roy  faifoit  fa  refidenec  en  France,  délibéré  de  partir  fur  le  prim-temps 
pour  aller  au  port  de  Suthamton ,  &  là  eftant  demeuré  au  voyage ,  félon  celte  mcfme 
hiftoire  de  Polydore,  à  grand' peine  retourna-il  à  Londres  deuant  le  premier  jour  de 
Décembre?  Auquel  mois  on  n'a  point  accouftumé  de  faire  la  guerre  :  &:  dauantage  Po- 
lydore luy  mefme  recite,que  pour  lors  on  eftoit  cmpefché  par  toute  l'Angleterre  à  fai- 
re entrée  au  Roy  ,&:  on  luy  prefentoit  des  requeftes  par  tout.  Et  il  n'y  a  nul  de  tous  les 
hiftoriens  qui  face  mention  qu'en  ce  temps-la  après  ce  voyage  il  y  euft  quelque  confpi- 
ration  dreflee  contre  le  Roy:&:  mefme  ie  monftreray  ouuertement  parle telmoignage 
dufufditPolydore,quecelanes'eftpeu  faire,quelaconiuration  ait  cité  faite  deuant  ce 
voyage:  car  il  dit  que  celle  confpirationaduint  après  que  Iean  Hus  fut  bruflé .  Dauan- 
tage li  celle  rébellion  (comme  luy-mefme  dit)eft  auenue  après  la  mort  de  Hierome  de 
Prague ,  on  ne  trouuera  point  de  raifon  pourquoy  ledit  Polydore  remet  cela  au  fécond 
an  du  roy  Henry  V ,  qui  eftoit  l'an  m  .  c  c  c  c .  x  v ,  veu  q  Hierome  de  Prague  fut  bruflé 
l'an  fuyuant  après  la  mort  de  Iean  Hus ,  au  mois  demay.  Or  venons  maintenant  aux 
chefs  de  la  coniuration ,  aiTauoir  Iean  Oldecaftel,  lequel  Polydore  appelle  contépteur 
de  religion,&  à  grand  tort:&:  Rogier  Adon ,  duquel  il  dit  qu'il  a  efté  autheur  de  celle 
rébellion  &:  mutinerie.    Comme  ainli  foitque  Rogier  Adon  ait  efté  bruflé  l'an  m. 
c  c  c  c .  x  i  i  i  ,  au  mois  de  Ianuier,  c'eft  à  dire  deux  ans  deuant  le  concile  de  Conftan- 
ce,felon  le  telmoignage  de  Vvalden ,  &c  aulîî  de  Fabien  en  fes  Chroniques  d'Angleter- 
re, &C  de  Iean  Maior  és  Chroniques  &  hiftoires  d'EfcofTe:  comment  fe  peut-il  faire  que 
ledit  Adon  ait  efté  chef  de  celle  bande  perdue,  finô  qu'on  vueille  tirer  les  morts  du  fe- 
pulchre  pour  leur  faire  prendre  les  armes?  Dauantage  entât  que  touche  ledit  feigneur 
Iean  01decaftel,cela  aufîi  n'a  point  de  poids,qu'iceluy  ait  efté  pris  en  celle  fuite,&:con- 
ftitué  prifonnier  en  la  tour  de  Londres,  dont  il  efchappa  de  nuicl  :  veu  que  ledit  Olde- 
caftel feigneur  de  Cobham(comme  toutes  les  hiftoires  font  foy  d'vn  mefme  confente- 
mcnt)demeura  ces  1 1 1 1  .ans  entiers  en  Vvallie  fans  aucune  garde  ne  détention  :  pour 
celle  caufe  en  peut  facilement  cognoillre ,  ou  qu'il  n'y  a  eu  aucune  confpiration  faite 
contre  le  Roy,  ou  qu'elle  a  efte  faite  en  vn  autre  temps,  ou  bien  qu'autres  que  ceux-cy 
en  ont  efté  autheurs.Et  il  fe  peut  bien  faire  que  la  plus  grand'  part  de  la  faute  foit  dn  co 
fté  des  hiftoriens  qui  ont  eferir  en  ce  temps-la, lefquels  n'ont  pas  bien  entendu  le  tout, 
ou  bien  n'ont  point  diftingué  chacune  chofe  en  l'on  temps.  Parquoy  il  ne  fe  faut  pas  ef- 
bahirii  Polydore,  homme  au  demeuranr  fauant,  fuyuant  de  trop  grande  aftedion  le 
party  du  Pape  (duquel  il  auoit  efté  autresfois  receueur  en  ce  royaume  )  &c  eftant  abufé  Polydore 
par  l'erreur  d'autiuy,a  aufli  failly luy-mefme:  ou  bien  quilaitmeflé  quelque  chofe  J"p"e"r 
de  fon  iugement.  On  voit  fouuent  aduenir  cela  en  ceux  qui  font  trop  arre&ionnez  aux  Angleterre 
hommes:  ils  eleuent,  ilsabaiflent,ilscanonizent,  ils  dégradent  ce  que  bon  leur  femble 
pour  gratifier  à  ecluy  à  qui  ils  tafehent  de  plaire.  Or  quelque  caufe  ou  crime  que  les  ad- 
uerfairesayentmisenauant,tantyaquececiefthorsdetoute  doute, que  ce  perfon- 
nage  excellent,noble  &:  orné  de  grandes  vcrtus,Rogier  Adon ,  a  touliours  eu  fon  afle- 
diô  deftournee  du  Pape  &  de  tous  fes  fuppots.Pour  cela  il  eftoit  en  mauuaife  grâce  en- 
uers  eux,  &C  fe  rendoit  odieux  par  ce  moyen  :  &  de  fon  collé  il  ne  les  pouuoit  nullement 
fouffrir. Aucuns  Ibntd'opinion  que  ceftuy  Adon  fut  l'vn  deceùx  qui  aidèrent  au  lîeur 
de  Cobham  à  lortir  de  la  Tour.  Si  on  reçoit  celle  couuerture ,  il  eft  facile  à  penfer  que 
pour  ceftetaufe  auflî  on  mit  la  main  lur  luy ,&  que  finalement  cela  l'a  amène  à  la  mort. 
Nonobftant  en  vn  temps  fi  dur,auquel  ceft  edid  il  cruel  auoit  efté  publié, il  n'eftoit  fort 
dirhciledetrouueroccalïonde  faire  mourir,  li  quelcun  euft  efté  odieux  aux  Théolo- 
giens &c  Prelars.En  celle  ibrte  donc  le  fieur  Adon  fut  pris  ,&  condamné  par  ceft  edid 
du  roy  Henry ,  &:  pendu  en  l'air  &c  bruflé.  On  exécuta  aullî  auec  luy  le  iieur  Iean  Broun, 
te  M.  Iean  Beuerlau,annonciateur  de  la  Parolle ,  au  châp  S«Gilcs:ce  fut  au  mois  de  Ian- 
uier l'an  m.  c  c  c  c.x  m.  c.iii. 


Liurt^  I.  Jean  Uni. 

IEAN  CLAYDON,  &  RI  CHARD  TV  RM  Y  N. 


»Enlhi- 
ltoirc  des 

lill.é  clu.9. 


"?  ,  E  A  N  #Maior  tcfmoigne,qu'cnuiron  ce  mcfmc  temps  qui  a  eue  dit ,  il  y  en 
S^Jf  <-'uc  plusieurs  autres,iufqucs  au  nombre  de  xxxv  i ,  &:  quafi  tous  de  noble  ra- 
'  g  ce ,  qui  furent  condamnez  corne  hérétiques  par  les  Euefques:  &C  puis  brûl- 
iez félon  ccft  edict  tât  cruchccla  fut  celle  mefme  année.  Il  y  en  eut  deux  au- 
tres outre  ccux-cy,  defqucls  eft  parlé  es  Chroniques  de  Fabien ,  a/lauoir  Ican  Clavdon 
cordonnier,  8c  Richard  Turmyu,boulengier:lefquels  aufli  félon  lafeuenté  de  celle  or- 
donnance furent  condamnez  à  tort  8c  fans  caufe  comme  hérétiques  ,  au  champ  de 
Smythfîld. 

IEAN    H  V  S,  Bohémien. 

La  mémoire  de  Ic.in  Hus  doit  élire  fairu'>e&  facrecà  tous  fidelesxar  eftant  feu!,ils'eft  oppofé,  en  la  vertu  de  Dieu  &  Je  faparol- 
le  éternelle ,  à  tout  vn  monde  :  c'eft  alLuoir  aux  plus  grans  de  la  terre ,  qui  auoycnt  confpit é  &  faict  anemblee  au  Concile  de 
Confiance  pour  erkindre,comme  au  poinct  du  iour,  la  lumière  de  la  venté.  Sa  conftance,la  magnanimité  &:  fa  mort  precicu- 
fe  ont  plus  auancé  l'accroilTement  d'icelle  venté,  que  tous  les  efforts  de  ces  grans  geins  n'ont  empelché:comme  on  cognoiflra 
par  celle  hiftoire  extraicte  des  actes  &  procédures  dudit  Concile. 

Proclama  jfflff  "îf^  ^  *an  ^e  no&rc  Seigneur  Iefus  m.  cccc.xiin,  l'empereur  Sigifmond 
tionducô^  EA-^%i  te  le  Pape  Ican,  x  x  1 1 1.  de  ce  nom,  firent  publier  par  tout  que  le  Concile 
fiance  CÔ  s'alfembleroit  à  Confiance,  qui  eft  au  pays  de  Suaube  en  la  Germanie.  Le- 

aDCC  filO^/f  dit  Empereur  enuoya  certains  gentils-hommes  du  pays  de  Bohemc,qui  c- 

^t_3jh&-''  ftoyent  de  fa  maifon, audit  pays,  leur  donnant  charge  d'amener  au  Concile 
Iean  Hus,bachelier  formé  en  Théologie:  8c  ce  fous  fon  fauf-conduit.  Or  la  fin  eftoit ,  à 
ce  que  ledit  Iean  Hus  fe  purgeaft  du  blafme  qu'on  luy  impofoit.  Et  pour  plus  grande  af- 
feurance ,  l'Empereur  non  fculemet  luy  promit  fauf-côduit  pour  pouuoir  venir  à  Con- 
fiance en  liberté-.mais  au/fi  pour  retourner  en  Bohême  fans  fafcherie.  Il  promit  auffi  de 
le  receuoir  fous  fa  protection  8c"  fauue-garde,8c"  dufacré  Empire.  Pour  celle  caufe  mef- 
me il  luy  enuoya  puis  après  lefdits  faut-conduits  doublez  8c  eferits  tant  en  Latin  qu'en 
Alemand,  dont  la  teneur  s'enfuit: 
Teneur  du  Qigismoni)  ,par  la  grâce  de  Dieu  roy  des  Romains, de  Hongrie  ,  Dalmatie,  Croatie, 
d  lit d°r"  &Cc' a  tous  Prmces  tant  Ecclcfiaftiques  que  feculiers,  Ducs, Marquis, Contes, Barons, 
Imper.  "  Capitaines,  Bourgmaiftres,Iuges,Gouuerncurs  8c  Officiers  de  villes,  bourgades  &c  vil- 
lages^ recteurs  de  communautez,  8c  generalemet  à  tous  les  fubiets  de  noflre  Empire, 
aufqucls  ces  lettres  paruiendront ,  Grâce  8c  tout  bien.  Nous  vous  mandons  àtous, que 
vous  ayez  pour  recommandé  Iean  Hus,  lequel  part  du  royaume  de  Bohême  pour  venir 
au  Concile  gênerai,  qui  doit  eltre  bien  tofl  celé  bré  en  la  ville  de  Conflacedcqucl  Ican 
Hus  nous  auons  receufous  nollre  protection  8cfauue-gardc,8c  du  fain&Empire:dehrâs 
que  luy  faciez  bon  8c  ioyeux  recueil ,  quand  il  fera  venu  vers  vous:  quevous  letraitiez 
humainement ,  8c  que  vous  luy  monllriez  bonne  affection ,  8c  luy  faciez  plaifir  en  tout 
ce  qui  concernera  la  promptitude ,  la  facilité  8c  alîeurance  de  fon  voyage,  tant  par  ter- 
re que  par  eau.  Outreplus,  nous  entendons  que  luy  8c  toute  fa  compagnie  8c  feshardes 
pailcnt  par  tous  licux,paffagcs,ports, ponts,  terres,gouuernemens,  dominations,iurif- 
dictios, citez,  villes, bourgadcs,chafleaux&:  villages,  8c  tous  vos  autres  lieux, fans  payer 
aucune  impofition,nc  dace,ne  péage,  ne  tribut ,  ou  autre  quelconque.  Nous  voulons 
que  le  laifliez  paiTer,  arrefter ,  demeurer  &  feiourner  en  liberté ,  8c  fans  luy  faire  aucun 
cmpefchement:8cfi  bcfoinefl,  que  vous  luypouruoyez  de  fidèle  compagnie  pour  le 
conduire, pour  l'honneur  8c  reueréce  que  vous  deuez  à  noflre  maiefté  Impériale.  Don- 
né à  Spire,  l'an  de  nollre  Seigneur  m.cc  c  c.xmi,le  xvm  .iour  d'Octobre, 
iean  Hus  -  Or  Ican  Hus  voyant  tant  de  belles  promefîés,8cTafîeurance  que  l'Empereur  luy 
veutalier  donnoit,luy  fît  rcfponfe  qu'il  vouloit  aller  au  Concile  :  8c  auant  que  fortir  du  royaume 
au  Coci  c.  je  Bohême ,  voire  mefme  de  la  ville  de  Prague,efcriuit  des  billets  allez  long  temps  au- 
parauant,  tant  en  Latin  qu'en  Bohémien  &c  Alemand,  8c"  les  fit  attacher  aux  portes  des 
eglifes cathédrales  8c  parochiales,  8c  dcscloiflrcs  8c  monafteres ,  figniflant  àtous  qu'il 
vouloit  aller  au  Concile  gênerai  à  Confiance ,  prefl  de  rendre  à  vn  chacun  8c  deuant 
tous  raifon  de  fa  foy  :  donnant  auffi  cefl  aduertilTement ,  que  fi  quelcun  fauoit  quelque 
erreur  &  herefiefurluy,  il  fe  trouuafl  audict  Concile,  pour  le  luy  mettre  en  auant. 

En  ce  mefme  temps  Iean  Hus  enuoya  vers  l'cuefque  de  Nazareth ,  qui  eftoit  inqui- 
fitcur  des  hérétiques,  ordonné  par  le  fîegeApoftolique,  tant  pour  la  ville  que  pour  le 

diocefc 


ean 


Ifus.  16 


dioccfc  tic  Prague ,  le  priant  que  s'il  auoit  trouué  quelque  erreur  ou  hcreiîe  en  luy,il  le 
lignifiait  publiquement. Et  ceftEuefque  fît  rcfponfe,quH  auoit  communiqué  pluiîeurs 
fois  auec  luy , mais  iln'auoitiamais  rien  cognu  en  luy  qui  ne  fuft  digne  d'vn  homme  de 
bicn,&:  d'vnvray  Chrefticn:&:  approuua  paries  lettres  patentes  ce  tefmoignage  qu'il 
auoit  rendu  dudit  lean  Hus. 

A  r  u  e  s  ccla,ainli  que  tous  les  Barons  du  royaume  de  Bohême  eftoyent  a/femblez 
au  monaftere  de  fain&Iaques,où  eftoit  auiîî  l'archeuefque  de  Praguc,&:  ce  pour  les  af- 
faires du  Royaume: ledit  lean  Husprefenta  des  lettres,  par  lefquelles  il  fupphoit  hum- 
blement les  Barons, qu'ils  luy  niîent  ce  bié  enuers  ledit  Archeucfque,  que  s'il  le  tenoit 
fuipett  de  quelque  hcreiîe  ou  erreur,il  le  déclarait  apertement:&:  que  de  luy,  îleftoit 
preft  d'endurer  corrc&ion.&:  s'il  n'y  trouuoit  rien  à  redire ,  qu'il  luy  en  donnait  attefta- 
tion,dc  laquelle  cftantmunijil  peuft  aller  plus  librement  à  Conftance.  Ledit  Arche-  Tefmoi- ^ 
uefque  confeiîà  publiquement  deuant  toute  la  compagnie  des  Barons ,  qu  il  ne  lauoit  frcru.uefq 
point  qu'iceluy  lean  Hus  fuft  coulpable  d'aucun  crime  :  &:  que  fon  intétion  n'eftoit  au-  de  Prag„e 
tre,iinon  qu'il  le  purgeaftde  l'excommunication  du  Pape,qu'il  auoit  encourue .    Ce  pour  Hus- 
tefmoignage  que  l' Archeueique  donna  dudit  Hus ,  appert  par  les  lettres  que  les  Barôs 
du  royaume  de  Bohême  enuoyerent  à  l'empereur  Sigifmond  par  ledit  lean  Hus  en  la 
ville  de  Conftance. 

Finalement  tous  les  Prélats  &  tout  le  Clergé  s'aiTemblerent  en  la  ville  de  Pra- 
gue,en  la  cour  de  l'Archeuefque .  lean  Hus  prefenta  là  auiîî  vne  requeftc,Que  luy  ou 
fon  procureur  fuft  admis  à  ce  qu'il  peuft  demander  aufdits  Prélats  &c  Clergé,aiîauoir  s' 
il  y  auoit  aucun  d'cntr'eux  qui  luy  imputaft  quelque  errcur:mais  onne  luy  donna  point 
audience  en  cefteaiîemblee. 

E  n  v  i  r  o  n  le  x.iour  d'Octobre,  m.cc-cc.xxixi  .accompagné  de  deux  bons  gen-  Hus  parc 
tils-hommes,aflauoir Vuenceflaus  de  Dube  &:  lean  de  Chlum,partit  de  Prague  pour  s'  pour  aller 
en  aller  àConftance.  Par  tout  où  il  paiîbit,il  ngnifîoit  fa  prefence  par  lettres  publiques,  au  Concilc 
&c  principalement  par  les  villes  renommées:  donnant  à  entendre  qu'il  vouloit  décla- 
rer deuant  tous  &:  vn  chacun  la  foy  qu'il  auoit  tenue  :  comme  il  auoit  donné  à  cognoi- 
ftre  par  toute  Bohême  auparauant,lors  qu'il  vouloit  rendre  raifon  de  fa  foy  en  raflem- 
blee  Générale  faite  en  l'archeuefché  de  Prague ,  pour  fatisfaire  à  vn  chacun  auant  fon 
partemcnt.Autant  en  deliberoit-il faire  cnla  ville  de  Conftance,comme  auiîî  il  le  mo- 
ftra  bien  puis  après  par  toutes  les  villes  où  il  paiîoit.  &c  principalement  quand  il  fut  en- 
tré en  Alemagneycftant  forti  de  Boheme,grande  multitude  de  gens  venoyent  à  luy,  &c 
eftoit  humaine  ment  receu  de  l'es  hoftes  par  toutes  les  villes  de  la  Germanie,  &:  meime 
des  citoyens  &:  bourgeois,^  quelquefois  des  Curez:  en  forte  que  ledit  Hus  confeife  en 
quelque  Epiftre,qu'il  n'a  point  trouué  de  plus  grandes  înimiticz  qu'en  BohcVie .  Que 
s'il  y  auoit  quelque  bruit  auparauant  de  fa  vcnuc,les  rues  eftoycnt  pleines  de  gens,  qui 
auoyent  grand  deiir  de  voir  lean  Hus:  Se  entre  autres  à  Nuremberg,  où  quelques  mar- 
chans  s'eftoyent  aduancez  pour  venir  lignifier  aux  habitans  la  venue  d'iccluy  .En  cefte 
mefmc  ville  y  eut  pluiîeurs  Curez  qui  le  prièrent  de  parler  à  luy  enfecret:  mais  il  ref- 
pondit,Qu'ilaimoit  mieux  monftrcr  ouuertement  deuant  tous  quelle  eftoit  fon  opi- 
nion.car  il  ne  vouloit  rien  tenir  fecret  ne  caché .  Ainiî  depuis  dilhc  iufqu  a  la  nuid,il 
parla  deuant  lesPreftres&:  Senateurs,&:  beaucoup  d'autres  citoyens:  en  forte  que  tous 
l'auoyent  en  grande  admiration,excepté  vn  docteur  qui  eftoit  Chartrcux,&:  le  curé  de 
faind  Sebauld,qui  reiettoyent  tout  ce  qu'il  diibit. 

Le  vingtième  iour  après  qu'il  fut  parti  de  la  ville  de  Prague,  qui  eftoit  le  troiiîeme 
iour  de  Nouembre,il  arnua  à  Conftance ,  &c  fe  logea  chez  vne  bonne  femme  vefue,  en 
la  rue  de  S.Gal.Le  lendemain  le  feigneur  lean  de  Chlum  &  le  feigneur  Henri  Latzem- 
bog  allerent.^arler  au  Pape ,  &c  luy  lignifièrent  que  lean  Hus  eftoit  venu,  lequel  ils  a~ 
uoyent  amené  à  Conftance  au  Concile  gênerai,  ibus  la  fauuegarde  de  l'Empereur .  ils 
le  prièrent  aufli  qu'il  donnait  permifhon  de  fon  cofté,  que  ledit  Hus  peuft  de  meurer  à 
Conftance  fansfafcherie &c  empefehement .  Aufquels  le  Pape  rcfpondicque  quand 
lean  Hus  auroit  tué  fon  propre  frerc,toutefois  entant  qu'en  luy  eftoit,  il  gardcroit  bie 
qu'aucun  outrage  ne  luy  feroit  fait,tant  qu'il  ieroit  en  la  ville  de  Conftance. 

Cependant  le  plus  grand  aduerfaire  de  lean  Hus,  aiîauoir  M.  Eftienne  Palets,  ^"J"  *f 
qui  eftoit  auifi  du  pais  de  Bohême ,  arriua  à  Conftance .  Son  compagnon  M.Staniflaus  &  leurs 
de  Znoynae  n'auoit  point  encore  paile  les  limites  du  royaume  deBoheme,qu'il  fut  frap  w*1™*. 

c.iiii. 


Liur<jL  Jean  H  as. 

pé  d'vne  apoftume,dcnt  il  mourut.  Aulli  toft  donc  que  ledit  Palets  fuiarriué  à  Côftan- 
cc,il  fit  complot  aucc  vn  certain  Michel  de  Caufis ,  qui  auoit  drcfl'é  premièrement  ac- 
cufation,&  fauifement  blaimé  ledit  Iean  Hus .  Et  ceci  ne  doit  eftrc  oublié,  que  Palets 
auoit  conuerfé  familièrement  auec  ledit  Hus  désià  ieuneffe  .  Mais  après  qu'vnc  bulle 
du  Pape  Iean  x  x  i  i  i.  eut  elle  apportée  à  Prague  contre  le  roy  delà  Pouillc,  nomme 
Ladiilaus,ledit  Iean  Hus  y  contredit  apertement ,  d'autant  qu'il  voyoit  quelle  eftoit  i- 
niquc.Et  touchantPalets, combien  qu'il  euft  confelfé  en  quelque  banquet  en  la  prefen 
ce  de  Iean  Hus,que  celle  belle  bulle  eftoit  contraire  à  toute  équité: ncantmoins  pour- 
cetm'il  eftoit  obligé  au  Papc,à  caufe  de  quelques  bénéfices  qu'il  luy  auoit  baillez,  il 
maintint  Se  détendit  cefte  bulle  contre  Iean  Hus.ceci  fut  la  caufe  dudifeord  enrr'cux. 
Le  compagnon  de  Palets,airauoir  Michel  de  Caulis, auoit  efté  autrefois  curé  de  la  nou 
uelle  Prague: mais  pourchaflant  quelque  proye ,  il  auoit  fongé  vne  nouuelle  façon  de 
paruenir.car  il  faifoit  femblant  d'auoir  trouué  vne  inuention,  par  laquelle  les  mines  d' 
or, qui  eftoyent  peries ,  pourroyent  eftre  remilés  au  deiîus .  Par  ce  moyen  il  fit  tant  en- 
uers  le  Roy,qu'il  luy  mit  vne  grande  fomme  d'argent  entre  mains,  pour  faire  ce  qu'il  a- 
uoit  promis.^  ccft  homme  de  bien  ayant  trauaiïlé  quelque  peu  de  iours,&:  voyant  qu 
il  ne  faifoit  rien,&:  q  par  ce  moyen  la  chofe  eftoit  du  tout  defefperec:il  le  defroba  en  ca- 
chette du  royaume  de  Bohcme,auec  le  refte  de  l'argent  qu'il  pouuoit  auoir:  &c  fe  retira 
en  la  cour  de  Rome.  Vn  homme  de  telles  mœurs  fe  laifta  facilement  corrompre  par  ar- 
gent^ ce  par  les  ennemis  dudit  Hus:&  leur  promit  de  faire  ce  qu'il  pourroit  pour  eux. 
comme  il  fit  aufli  puis  après. 

Ce  s  deuxaducrfairesdonc,Eftienne  Palets  &:  Michel  deCauiisjdrefTerent  des  arti- 
cles contre  ledit  Hus,difans  qu'ils  les  auoyent  recueillis  de  fes  eferits.  Ils  trottoyent  çà 
&:  là,&:  faifoyent  grande  diligence  de  les  môftrer  aux  Cardinaux,Euefques  ,  moines  &C 
telle  forte  de  gens  :&donnoyent  à  entendre  qu'il  y  auoit  bien  d'autres  chofes  déplus 
grande  importance ,  que  ledit  Hus  auoit  faites  contre  les  treifain&es  conftitutions  àc 
ordonnances  du  Pape  ôc  de  l'eglife:  &  fe  vantoyent  de  lespropofer  deuant  toute  l'af— 
femblee  du  Concile,quand  il  en  feroit  befoin.  Par  tel  feu  ils  embraferent  les  cœurs  des 
Cardinaux&de  toute  la  preftraille,qui  n'eftoyet  défia  q  tropenuenimez  de  rageren  for 
te  q  tous  d'vnmefme  confeil  penferent  de  faire  prendre  ce  faind  perfonage  Iean  Hus. 

L  e  vingtfixicmc  iour  après  que  ledit  Hus  eut  demeuré  à  Gonftance,  durant  lequel 
temps  il  seftoit  employé  à  lire  &  eferire  familièrement  à  fes  amis:  finalement  les  Cardi 
^u^atti  naux  Pour  ^ors  cft°ycnc  *  Conftance,à  l'inftigation  de  Palets  &:  de  Michel  de  Cau- 
rcr  Hus  en  ils  enuoyerent  deux  Euefques:aiîauoir  d'Aufbourg&C  de  Trentc,&:  aucc  eux  le  Bourg- 
prifon.  niaiftre  de  la  ville  de Conltance  &:  vn  Banderel,au  logis  dudit  Hus,fur  l'heure  du  difné: 
lefquels  luy  firent  rapport  qu'ils  eftoyent  là  enuoyez  par  le  Pape  &:  les  Cardinaux,pour 
luy  lignifier  qu'il  vinft  pour  rendre  tefmoignage  de  fa  doctrine  deuant  eux,comme  il  1' 
auoit  tant  de  fois  defiré:&:  qu'ils  eftoyét  prefts  de  l'ouïr.  Lors  Iean  Hus  dit  qu'il  n'eftoit 
point  venu  à  cefte  intentionné  défendre  fa  caufe  en  particulier  deuant  le  Pape  &;  fes 
Cardinaux:  proteftant  qu'il  n'auoit  iamais  déliré  cela. mais  qu'il  vouloit  bien  comparoi 
ftre  deuant  toute  l'auemblee  duConcile:&:  lors  pour  fa  defenfe  refpondre  apertement 
fans  aucune  doute,dc  tout  ce  qu'on  l'aura  interrogué .  Toutefois  (dit-il)puis  que  vous 
le  voulez  ainfi,  ie  ne  refufe  point  d'aller  deuant  les  Cardinaux  :  &:  quand  ils  me  traîne- 
ront mal,fi  eft-caneantmoins  que  ie  me  fie  en  mon  leigneur  Iefus,qu'il  me  fera  ce  bie, 
que  faimeray  beaucoup  mieux  mourir  pour  fa  gloire,quc  de  nier  la  vérité  laquelle  i'ay 
cognueparfesfaintlesEfcriturcs.  Parquoy  comme  ainfifuftque  les  Cardinaux &E- 
ueiques  innftaffent,ne  faifans  point  femblant  de  nourrir  quelq  cruauté  en  leurscœurs: 
combien  qu'ils  euflent  mis  en  cachette  des  gens  armez  au  lieu  où  ils  eftoyent  &  dedâs 
d'autres  maifons:Iean  Hus  môta  fur  vn  cheual  qu'il  auoit  au  logis,&  s'en  alla  en  la  cour 
du  Pape  &c  des  Cardinaux.Quand  il  fut  là  venu,les  Cardinaux  luy  commencèrent  à  di- 
re, Nous  auons  ouy  beaucoup  de  propos  de  vous:  que  s'ils  font,  vrais,  ils  ne  font  nul- 
lement tolerablcs .  car  on  dit  que  vous  auez  enfeigné  de  grans  erreurs  &:  manife— 
ftes  contre  la  doctrine  de  la  vraye  eglife,  &c  que  dés  long  temps  les  auez  efpars  par  tout 
le  royaume  de  Bohême .  parquoy  nous  vous  auons  mandé ,  pour  fauoir  de  vous  com- 
ment il  en  va. 

Lors  il  leur  refpondit  en  peu  de  paroles  ,  qu'il  aimeroit  mieux  mourir,  que  de  fe 
fentircoulpable,  voire  d'vnfeul  erreur.    Pour  celle  caufe  il  eftoit  venu  tantplusvo- 

Iontiers 


Jean  Huf.  77 

kmtiers  au  Concile  general:declarant  qu'il  eftoit  preft  de  receuoir  corre£tio,fi  on  pou- 
uoit  prouuer  qu'ily  euft  quelque  erreur  en  luy.Les  Cardinaux  refpondirent,  que  ce  qu 
il  leur  auoit  dit,leurplaifoit  bien.&:  s'en  allèrent  fur  cela. toutefois  ils  mirent  IeanHus 
en  garde  auec  le  feigneur  Iean  de  Chlum. 

Cependant  on  fubornavn  certain  moine  Cordelier,  homme  cauteleux  ,&:  hy- 
pocrite malicieux,pour  interroguer  ledit  Hus,qui  eftoit  enuironné  de  gens  armez.  Icc 
luy  faifant  le  marmiteux  &C  le  fimple,vouloit  tirer  cefte  cof  effion  dudit  Hus,afTauoir  s'il 
n'a  point  maintenu  &:  enleigne'îQue  qtiand  on  a  confacré  &:  prononcé  les  paroles  au  fa 
crement  de  l'autel,nonobftant  le  pairt  demeure  pain.&  ne  fe  contentant  d'vne  refpon 
fe,repeta  par  trois  fois  fa  demande.  Le  feigneur  Iean  de  Chlum  voyant  Timportunité 
hypocrite  de  ce  caphard,ne  fc  peut  tenir  dele  repoufler  rudement  de  paroles. 

Ce  Moine  rufékiy  fît  vne  autre  queftion,proteftant  dé  fa  fimplicité&  ignorance:  à 
fauoir,Quellé  eftoit  l'vnion  de  la  Diuinite  àc  humanité  en  la  perfonne  de  Icfus  Chrift. 
Ce  qu'oyant  Iean  Hus,il  fe  tourna  vers  le  feigneur  de  Chlum,  &:  luy  dit  en  langage  Bo- 
hémien ,  Vrayement  ce  Moine  n'eft  point  (impie ,  comme  il  en  fait  le  femblant:  car  il 
me  propofe  vne  queftion  fort  difficile.  Apres  cela  il  s'adre/Ta  au  Cordelier,&  luy  dit, 
Frater,vous  dites;  que  vous  eftes  fimple  :  mais  comme  i'ay  ouy  de  vous,  ie  voy  que  vous 
eftes  double,^  non  pas  fimple .  Saufvoftre  grâce,  dit  le  Caphard.Hus  luy  dit,Ie  vous 
donneray  bien  a  cognoiftre  qu'il  eft  ainfî .  Pour  la  /implicite  d'vn  homme  il  eft  requis,  Lcj  chofç< 
voire  és  chofes  qui  concernent  la  ciuilité&:  les  mœurs  *  quel'efprit,  l'entendement,le  remues  i 
cceur,laparole,&  là  bouche  s'accordent. &ie  ne  voy  point  que  cela  foit  en vous .  Ilya  Gm?Udté. 
vh  femblant  de  fimplicité  en  voftrc  bouche,laquelle  dit  bie  que  vous  eftes  idiot  &lîm 
ple:mais  le  faid  mohftre  ôuuertement  qu'il  y  a  vne  grande  fubtilité  au  dedans ,  &c  vne 
grande  viuacité  d'efprit,veu  que  vous  me  propofez  vne  queftion  fort  difficile.toutefois 
Iean  Hus  luy  déclara  fon  opinion  fur  cefte  difficultés  ainfî  donna-il  congé  à  ceft  hypo 
crite.Depùîs  les  gens  armez  qui  eftoyent  alentour  duditHus,  luy  dirent  que  ce  moine 
eftoit  M.Didace,eftimé  le  plus  grand  &r  le  plus  fubtil  Théologien  de  toute  la  Lombar 
die.O  fi  ie  l'eufTe  feu(dit  Hus)ie  l'eufTe  traitté  d'vne  autre  façon.  Ainfi  ledit  Hus  &:  le  fei 
gneur  Iean  de  Chlum  furent  laifTez  en  la  garde  de  ces  gens  armez  iufqu  a  quatre  heu- 
res après  midy.  Apres  cela,les  Cardinaux  rirent  derechef  aftemblec  en  la  cour  duPape, 
pour  délibérer  ce  qu'on  deuoit  faire  de  Iean  Hus .  Lors  EftiennePaletz  6c  Michel  de 
Caufis  infiftoyent  fort  auec  quelques  autres  qu'ils  auoyent  adioints  à  eux ,  à  ce  qu'il  ne 
fuft  point  lafché:&:  ayans  la  faueur  des  Iuges,s'efgayoyent  comme  d'vne  façon  de  gens 
furicux,&:  fe  moquoyent  dudit  Hus,difans,Nous  te  tenons  maintenant:tu  es  en  noftre 
puiflance,&:  n'en  fortiras  iufqu  a  ce  que  tu  ayes  payé  le  dernier  denier. 

O  n  enuoya  fur  la  nuift  le  preuoft  de  la  cour  Romaine,pour  dire  au  feigndur  de  Chiû 
qu'il  fc  pouuoit  bien  retirer  en  fon  hoftclleriercar  quant  à  Iean  Hus,on  en  auoit  autre- 
ment ordonné  .  Le  feigneur  de  Chlum  oyant  ceci,eut  grand  defpit ,  de  ce  qu'on  auoit  Ican  Huj 
ainfî  trainé  ce  bon  perfonnage  dedâs  les  filets  par  fmefîes  &:  paroles  fardées. Il  alla  vers  détenu  pri- 
lePape,&:  luy  déclara  ce  qui  auoit  efté  fait,le  fuppliant  qu'il  euft  fouuenance  de  cequ  fonoiarpar 
il  luy  auoit  promis  &c  au  feigneur  Henri  Latzem bog,&:  qu'il  ne  faufTaft  point  fa  foy  ain-  cautc  c' 
fi  legercment.Le  Pape  luy  refpodit,que  toute  cefte  entreprife  auoit  efté  faite  fans  fon 
ordonnance.^  dit  à  l'oreille  du  feigneur  de  Chlum,Quelle  raifony  a-il  que  vous  m'im 
putiez  ce  fai&,  veu  que  vous  fauez  bien  que  moy-mefme  fuis  entre  les  mains  desCardi- 
naux?  Ainfi  ledit  deChlum  s'en  retourna  fort  marri. Il  fe  pleignoit  fort,&  en  particulier 
&  en  public,de  l'outrage  du  Pape-.mais  il  ne  profitoit  de  rien.  Apres  cela  ledit  Iean  Hus 
fut  mené  par  les  officiers  en  la  maifon  du  Chantre  de  la  grande  eglife  deConftance,où 
il  fut  détenu prifonnier  huit  iours.de  là  il  fut  mené  aux  Iacopins,aupres  duRhin,&:  fer- 
ré en  la  prifonde  ce  monaftere,  laquelle  eftoi  t  près  des  retraits.  Apres  auoir  efté  là  en- 
fermé quelque  temps,vne  forte  fleure  le  faifit  pour  la  puanteur  dulicu,&:  deuint  fi  fort 
malade,qu'on  defçfperoit  de  fa  vie.&:  de  peur  que  ce  bon  perfonnage  ne  mouruft  en  la 
prifon  à  la  façon  commune  des  autres,  le  Pape  luy  enuoya  aucuns  de  fes  médecins, 
pour  legairir. 

Av  milieu  de  fa  maladie  fes  aceufateurs  infiftoyent  grandement  enuers  les  princi- 
paux du  Concile,à  ce  que  ledit  Hus  fuft  condamné  :  &  prefenterent  au  Pape  quelques  Art;cIcj  c6 
articles  rédigez  par  ct'erit.  Les  principaux  eftoyent  ceux-ci ,  Que  la  Cene  deuoit  eftre  tre  Hus, 
diftribuee  également  à  tous  fous  les  deux  clpeces:  Que  le  pain  en  la  Cenc  demeure 


toulîours  pain  Tans  cftre  tranl^ 

fequelle:  Que  les  Miniftres ccclefiaftiques nedoiuçnc ftùoiriûriiliâf^ii:ciuik :  Qgf 
tousminiftresdGi  Eglireont  ynemD('mepuiflance:  Qu'on  ne  dûitc^uidre  fexc<kott- 
nication  foudroyée  parle  Pape  &  les  fiens .  On  luy  mettoit  fusyque  {)a£(afo&Ôni'vfti- 
ueriitéde  Prague  auoic  cité  diflipce:  Que  luy  feuUuoÙ  maintenu  ;quararu:ecinq arti- 
cles de  IeanVuiçlefccontre  çous  les  autres  do&eUrsen  Théologie  du  .roy&ttme  de  Bo- 
hctnc,qui  auoyent  déclaré  tous  ccsarticleSîOnhereriquesjOU  Icandaleux  >  ou;çrrone?» 
Ses  ennemis aufli  pLOporercntîquecomhien^qucrarc^euei'quecb  Prague  hiyreuft  tifir 
fendu  de  ne  prefeher  plus,&:  que  cefte  inhibition  euftefté  çolifermêe  pacle  fiçge  Apç 
ftolique:neantmoins  ledit  Içan Hus&fes conïpliees auoyent  vilainement  prokné  les 
fanerions  Canoniques  denoftremere  faincteegli^&ceux-  quiiy  contre^lfpyent>e•f 
^toyentpriuez  de  leurs  Cures  &  autres  bénéfices .Itpra  on TaçCuloitiqu  a  cïa4fe  de  luy 
plulieurs eftoyentgneucment perfecuteZjquinîatxpiQUupyent point  fa. d0$riîiel  QfUje 
ii  ledit  Hus  eftoit  lafché ,  on  ycrroitdes  troubles  merueilleuX  par!  CQU.t  te  royaume  de 
.BohemÇjôc  le  malferoitincondnent  elpandvapat ;tq\ite  k  Germaoi£  :^utie^rs  ame£ 
ieroyent  iuf^de^s  du  venin  dudit  Hus:&  que  depuis :1c te-ropade CopiU^tftwui'qtie*  à 
prcfent,on  n'auroit  veu  vne  h  grande  perfecution  du,Çlerge.Q,uir^pius^qtte,lediïriqs 
jie  ceiflbït  d'enflammer  les  gens  laies  contre  kC\&gç:&.  refpond  qûe^ajCaiffefl^ia^W- 
ne  du  Clergé  contre  Juy  ne  vient  d'aiUeurSjlinonqu'il  reprend  les  yjoead%eky<iftuV 
uoir  la  hnionic,  rauarice^  orgneil  d'jceluy .  lîpm,q»'ttitMafoip^*Priil«^fep*licçs 
contre  ies.Prelats  des  eglifes  &C  les  rêveurs  des  Vniuerfirez>  ,  Itjs^q«'iifftpfiujr(<?y  gjtr 
.neralement  tous  les  heretiques,qui  tiermenç  bje'np.èu  d^Pen  Wi^E.<d«*- 

liaitiques>  &  ont  en  haine  l'authoritéde  leglife  Romains  voire- t'c^t:^»4^ieilatiôfi 
&:mcipns» 

F  i  n'a  l  e  m  e  n  r  les  adUerfairesadrciferent  leur  p^ 
que  s'il  ne  lé  dpnnojt  garde  de,  fes,fcrebis,fui:  lesquelles  jpfainft  Elpriti'aupiii  eoftftitu4 
il  ne  remedieroit  point  au  mal  quand  il  Voudroic  mais  qu'il  le  faloic  retrancher  de  b6V 
ne  heurerd'vn  cofté, quant  àceluy  quifailpit  tels  troubles^  infe&oit^inu  lefilifç:  d"1— 
autrepart>quant  auxoccauons.Et  demandoyent  fur  cela  j  que  le  l'acre  Concile  ordon- 
nait des  Commininres^pârlefquels  ledit  leânHus  fuft  incerrogué  enla.pr£lencecjeuji 
quicognoilîbyent  le  faifl:.  dauantage  >  qu'il  y  élut  de  s  Do&eurs&MaijWs  adonnez 
pour  voir  les  liures  dudit  Hus ,  à  ce  que  de  bonne  heure  on  peuft  r^purger'  JTeglile  des 
erreurs  qui  y  font  contenus» 

Qn  députe  donc  fur  cela  trois  Commih^airesouIugeSîairauoirJe.patriaxchedeCôw 
ftantinoblej'euefque  de  Caftclle,&:  l'euefque  de  Libufs.lefquels  ainh  députez*  ouiret 
facculatio  &  les  telmoignages  produits  pâr  quelques  babouins  de  preftres  de  Prague: 
&;  puis  après  les  récitèrent  audit  Hus  enlaprifoiidots  que  fa  fleure  le  preflbit  bien  fort. 
Sur  cela  Hus  demanda  vn  aduoeat  pour  défendre  fa  caiife  :  ce  qui  luy  fut  refufé  tout  à 
plat.ôi  làraifon  que  melTieurs  les  députez  oppofoyent ,  c'eftoit  que  le  droit  .Canon  dé- 
fend qu'aucun  foie  defenfeur  de  la  çiufe  de  cèïuy  qui  fera  fufpett  de  quelque  hereiie-  U 
y  eut  là  vne  fi  grande  vanité ,  &;  principalement  des  telmoignages ,  qu'il  n'eftoit  point 
befoin  de  grande  diligence  pour  réfuter  &£  tefmoins  &c  telmoignages,  &:  rendre  les  lu- 
ges ridicules  &;  confusanoyennant  qu'iceux  n'eulfent  point  efté  luges  &:  parties .  On 
pourra  voir  aucun  de  ces  telmoignages  friuoles7quand  il  faudra  parler  de  la  procédure 
duiugement. 

Apres  donc  que  Iean  Hus  eut  recouuré  quelque  conualefcence,par  le  comman* 
dement  de  ces  trois  Commentaires  .ou  luy  prefenta  quelques  articles  en  allez  grand 
nombre>lefqueIs  on  difoit  auoir  efté  recueillis  de  fonliure  qu'il  auoit  fait  de  f  Eglife:def 
quels  les  vn's  auoyent  efté  forgez  par  Paletsjes  autres  auoyent  efté  recueillis  feulemet 
à  demi .  Mais  il  en  fera  ci  après  plus  amplement  parlé  >  quand  il  faudra  parler  du  juge- 
ment prononcé  contre  ledit  Hus. 

V  n  peu  deuan  t  Pafquc  Iean  Hus  fut  mis  en  lajbrifon  du  conuent  4es  Cordeliers ,  ôC 
pofczpa°   W  ^onna-°n  des  gardes:&  cependant  par  forme  de  pafle-temps  il  compofa  quelques 
Hus  en  u  liures,alTauoir,Des  dix  commandemens  de  la  Loy ,  De  ladileàon  U  Cognot/îance  de 
prifo».     Dieu,Du  mariagc,De  penitence,Des  trois  ennemis  de  l'homme,  De  l'orau>«  Domi- 
nicale,De  la  Cene  de  noftre  Seigneur.En  ce  mefme  tempsle  pape  Iean  x  x  i  sj  .chan- 
gea d'habillemens,&:  fe  retira fecrettemenede  Conftance,  craignant lj$  iugement^ar 

•  lequel 


Jean  î£hs.  iS 

lequel  puis  après  il  rut  priué  de  la  dignité  Papale  à  caufe  de  Ces  forfaits  çxecrables.Ccci 
futcaufe  que  Husfut  tranfportéen  vne autre  prifon.car  les  feruiteurs  du  Pape,  qui  a-- 
uoyent  alîifté  à  Iean  Husen  laprifon,fachans  que  leur  naaiftre  s'en  eftoit  fuy,  rendirét 
les  clefs  de lapnlbn  àlempereur  Sigifmond&aux  Cardinaux,&fuiuircntlc  Pape.  Et 
par  fentence  du  Concile  ,  ledit  lean  Hus  fut  mis  entre  les  mains  de  l'cuefque  de  Con- 
ftance:lequel  le  fit  mettre  en  vn  chafteau  outre  le  Rhin,non  gueres  loin  dcConllance. 
là  il  fut  mis  en  vne  tounoù  ayant  des  fers  aux  pieds,il  pouuoit  aucunement  fe  pourme- 
ner  de  iour:  ô£  de  nuid  eftoit  attaché  aux  ceps  contra  muraille  auprès  de  ion  lift. 

Cep  lndant  aucuns  gentils-hommes  de  Pologne  Se  de  Bohême  employoyent 
tout  leur  pouuoir  pour  (à  deliurance ,  regardans  au/fi  au  bon  renom  de  tout  le  Royau- 
mc,lcqucl  auoit  efté  grandement  diffamé  par  gens  meichâs.La  chofe  eftoit  venue  iuf- 
queslà,que  tous  ceux  qui  en  la  ville  de  Confiance  monftroyent  qu'ils  ne  haiffoyent 
point  IcanHus,eftoyentexpofezen  moquerie  &:  opprobre  à  tous,  voire  aux  gens  de 
baseftat.parquoyayans  confulté  enfcmble,  ils  conclurent  de  prefenter  vne  requefte 
efente  à  tout  le  Concile,ou  pour  le  moins  à  quatre  nations,afTauoir  d'Alemagne,d'Ita- 
lie,de  France,&:  Angleterre .  Cefte  requelte  fut  prefentee  le  xim.  iour  de  May,  m  . 
cccc.xv.Ces  bons  gentils-hommes  Bohémiens  Polonois  remonftroyent  par  leurre- 
quefte,que  rEmpercur,quideuoit  fiicceder  au  royaume  de  Bohême,  ayant  ouy  lesdif- 
feniions  qui  eftoyent  audit  Royaume,auoit  enuoyé  les  feigneurs  deDube&:  de  Chlum 
pardeuers  ledit  Hus,pour  l'induire  à  venir  au  Côcile:&:  pour  ce  faire  il  auoit  baillé  fon 
fauf-conduit,le  receuant  fous  laprotedion  tant  de  fa  maieft  é  que  du  facré  Empiretafïn 
qu'il  rendift  deuant  tous  raifon  de  fa  foy,&:  qu'il  fc  purgeaft  publiquement  de  tous  les 
blalrncs  qu'on  luy  impofoit.ee  que  les  feigneurs  fulhommez  firent  enuers  ledit  Hus  fé- 
lon le  mandement  de  l'Empereur. 

O  r  comme  ainfi  foit  que  Hus  fuit  venu  fous  vne  telle  afTeurance  au  Concile  gene- 
rahtoutefois  fans  pouuoir  auoir  audicnce,il  a  efté  emprifonné  &c  mis  aux  ceps  par  gra- 
de inhumanité,prefle  de  faim  &:  de  foif,fans  auoir  efté  ne  conueincu  ne  condamné,  nô  J°  g"™^1" 
pas  mefme  ouy:voire  auant  quelày  euftaucûs  ambaifadeurs  prefens  ne  d'aacunRoy,  cxcrccccô-' 
ne  des  Eledeurs,ne  des  Vniuerfitez .    Ils  remonftroyent  dauantage,que  l'Empereur  trc  Hu*- 
mefme  félon  fon  iaiif-conduit,rcqucroit  inftamment  qu'on  pourueuft  à  fon  honneur, 
&  que  félon  cela  Iean  Hus  fuft  publiquement  ouy ,  quand  il  viendroit  à  rédre  raifon  de 
fa  foy.&:  li  on  trouuoit  que  par  obftination  il  maintinft  quelque  erreur  ou  herefie  con- 
tre la  venté  delà  fain&e  Efcriture ,  il  deuft  reparer  la  faute  félon  l'inftrudion  &C  deci- 
liondu  Concilc:ce  que  toutefois  on  ne  luy  auoit  encore  voulu  accorder .  Bref,lafinde  L.jon 
leur  requefte  tendoit  à  cela,  qu'ils  euflent  elgardà  l'honneur  de  l'Empereur,  qui  fous  dci'Emp. 
fon  faut-conduit  auoit  tiré  de  Bohême  Iean  Hus,pour  le  faire  venir  à  Confiante  au  Cô  n°ngardé 
eile  genei al  &:  auiîi  à  l'équité^  à  ce  qu'iceluy  Hus  fuft  publiquement  ouy,pour  main-  ed°e  ^  e 
renir  fon  innocence. 

Or  quand  celte  requefte  fut  lcués€n  plein  Concile,comme  les  gentils-hommes  de- 
clarovent  entre  autres  chofes,  qu'aucuns  faux  rapporteurs  diffamoyent  fans  caufe  le 
royaume  de  Bohcme,vn  certain  eucfque  de  Lutomiflen  fc  lcua,§c  dit,  I'enten  bien(Pe  Haren 
res  reuercns)que  la  dernière  partie  de  cefte  requefte  me  touche  &  mes  familiers:  com-  de  Icuff- 
me  fi  le  royaume  de  Bohême  auoit  efté  diffamé  par  nous.  Parquoy  ie  demande  loifirde  <iucde  Lu- 
dcliber'er,afindc.mepurgerdeceblafme.    Ceux  donc  qui  eftoyent  ordonnez  parle  t0Imflcn* 
Concilc,luyaflignerentiourau  x  v  1 1. de  May,auquel les  gentils-hommes  de  Bohême 
ouiflent  la  rcfponfe  du  Contile,&:  à  part  auffi  fexeufe  de  ceft  Euefque .  Ce  qui  fut  fait 
auisi  puis  apres.car  ils  s'alîemblerent  derechef  le  x  v  1 1 .  iour  de  May  :  &  là  en  premier 
lieu  vn  autre  Euefque  refpondit  aux  gentils-hommes  Bohémiens ,  au  nom  de  tout  le 
Concile.Or  on  pourra  facilement  cognoiftre  les  articles  de  fa  refponfe  par  la  requefte 
que  lcfdits  gentils-hommes  de  Bohême  propoferent  au  Concile,  mais  il  vaut  mieux 
ouir  premièrement  comment  l  euefque  de  Lutomiflen  fe  défendit  contre  la  requefte 
précédente. combien  que  cela  ne  meriteroit  pas  d'élire  ici  inferé,n'eftoit  pourmôftrer 
la  cruauté  brutale  exercée  contre  ce  faind  homme  de  Dieu. 

Ce  vénérable  Prélat  donc  troufTa  vne  belle  harengue  deuant  les  pères  du  Concile,  Fauxrap: 
remonftiâfrqu  vn  certain  Pierre  de  Mladon  yeuuits,bachelier  és  arts ,  auoit  au  nom  de  P°"s  &  im 
quelques  gentils-hommes  de  Bohême  propofé  par  efcrit,qu'aucuns  auoyent  rapporté  P  "** 
qu'au  pais  de  Bohême  on  portoit  le  fang  de  Iefus  Chnft  dedans  des  vaifleaux ,  U  que 


Jean  Hus. 


Lccbncilc 
de  Pife. 


Tefmoi- 
gnagedeï 
vriiuerfitc 
de  Prague. 


iA&t.it.ii. 


Tefrfiôi- 
gnagc  dcl" 
eu  c  fq  ne  de 
Nazucch, 


les  cordonniers  &C  fauetiers  oyoyent  les  confeflions,&:  adminiftroyent  le  corps  delcfus 
ChnlVlequcl  rapport  elloit  fSaruenu  iufqu'aux  oreilles  des  pères  reucrens  du  Concile. 
Sur  cela  il  rcmonftrc,  que  de  grâd  zele  il  auoit  toujours  procure  auec  plufieurs  autres 
doreurs  de  Boliemc,que  la  fecte  des  Vuiclefriftes,qui  prenoit  racine  audit  Royaume, 
tu  11  du  tout  extirpee:&:  que  maintenant  félon  fon  office  &:  vocation ,  il  auoit  propolé, 
non  point  au  deshonneur  du  Royaume,ains  à  la  grande  gloire  d'iceluy ,  qu'audit  Roy- 
aume il  y  auoit  vnnouueaufcandale:  Que  ceux  qui  fuiuoyent  celle  fede,  communi- 
quent fous  les  deux  elpcces  du  pain  &:  du  vin  cnplulieurs  villes,villages,&:  lieux  dcBo 
heme  :  &  enfeignent  qu'il  faut  que  tous  indifféremment  communiquent  ainfi  :  &c  font 
obftinez  à  cela. Il  propofa  auiîi,Que  par  le  bruit  qui  couroit  de  elloit  venu  à  la  cognoif- 
fanecon  portoit  le  fang  de  Icfus  Chrift  en  vaiifeaux  non  confacrez  .  dauantage ,  Qu'il 
auoit  ouypropofer  par  d'autrcs,quieftoyent  gens  d'authorité  &C  dignes  defoy,  quvnc 
certaine  féme  fuiuant  celle  fede,an  acha  par  force  le  corps  de  Chrift  d'entre  les  mains 
du  preftre,&:  fe  communia  foy-mefme:arfermant  qu'il  faloit  ainli  faire ,  quad  le  preftre 
rerufe  o;  t  la  communion,  il  met  aufli  tels  autres  fonges  &:  badinages  en  auant.Sur  cela 
il  lait  requefte  à  la  paternité  des  prélats  du  Côcile,qu'on  pouruoye  par  opportun  rcme 
de,  à  ce  que  ce  royaume  il  excellent  de  Bohême  ne  foit  plus  diffamé  par  telles  fedes 
pernicieufes. 

L  a  veille  de  Pentecoile  les  gentils-hommes  Polonois&  Bohémiens  refpondirent 
aifez  amplement  à  toutes  ces  belles  rcmonftrances,&:pertinemment. Entre  les  autres 
le  feigneur  de  Chlum  fe  prefenta ,  déclarant  qu'on  auoit  enfreint  lefauf-conduit  de  1- 
Empereur,en  détenant  Hus  contre  toute  équité  :  &  premettoit  contre  tous  oppofans 
de  monftrer  que  plufieurs  notables  perfonnages,Contes,  Barons,  Prélats,  Cheualiers, 
&  autres  gens  de  la  ville  de  Conftance,auoycnt  veu  &:  leu  ledit  fauf-conduit.  Ils  firent 
aulfi d'autres  remonftrances  fort  équitables ,dcmandans  que  Huspeuft  vferpour  le 
moins  d'vne  telle  liberté,qu'auoyent  fait  les  htretiques  au  concile  de  Pile, voire  cftans 
condamnez  pour  hérétiques  :aufquels  il  fut  permis  de  retourner  feurement  en  leurs 
maifons:veu  qu'il  n'eftoit  venu  au  Concile  de  fon  bon  gré  pour  autre  caufe,  linon  afin 
qu'il  fîft  publique  recognoi/fance  de  fa  foy.&  en  quelque  endroit  qu'il  luy  feroit  mon- 
ftré  qu'il  elloit  contraire  à  la  parole  de  Dieu ,  &c  feparé  de  l'vnion  de  l'Eglife,  il  ne  de« 
mandoit  que  d'eftre  réconcilié  à  icellc.&:  non  feulement  cela,  mais  d'induire  ceux  qui 
tenoye  nt  fon  partira  faire  le  ftmblable:comme  on  fauoit  bien,que  la  plus  grande  par- 
tie d'iccux  elloit  au  royaume  de  Bohême. 

Apres  ily  eutvntefmoignage  public,  rendu  par  toute  l'vniuerfîtéde  Prague,  le- 
quel aulîi fut  prefenté  en  plein  Concile,  la  fubilancedece  tcfnioignage  elloit ,  Que 
Iean  Hus  en  pleine  aifcmbleejdeuant  le  redeur  de  l' Vniucriité  &  de  tous  lesDodeurs, 
Maiftres&Efcoliers, auoit  publiquement  fait  confeflîon de fafoy , difant,  IeconfelTe 
de  cœur  pur  &:  entier,que  Icfus  Chrill  nollre  Seigneur,  ell  vray  Dieu  &:  homme  :  Que 
toute  fa  dodrinc  contient  vne  Ci  ferme  vcrité,qu  vn  feul  point  ne  peut  trôper.  dauan- 
tage,Que  fa  fainde  Eglife  ell  li  fermement  fondée  fur  la  pierre  ferme,  que  les  portes  d' 
enfer  n'ont  nulle  puillance  enuers  elle.Et  fuis  preft  en  la  fiance  du  chef  d'icclle,  qui  eft 
le  feigneur  Iefus,d't  ndurcr  vn  grief  Se  cruel  tourment  de  mort ,  plulloll  que  de  dire  ou 
affermer  chofe  qui  tuft  contraire  à  la  volonté  d'iceluy. 

Ovtreplvs  encetefmorgnage  eftoyent  contenues  quelques  raifonnables  ex- 
eufes  dudit  Hus,tant  pour  l'excommunication  qui  auoit  ellé  îettee  contre  luy,  q  pour 
autres  crimes  &c  blafmes  qu'on  luy  impofoit.Et  l'atteftation  qu'il  auoit  faite  deuât  tou- 
te l'vniuerfité  de  Prague,eftoit  eferite  de  fa  propre  main,  ôc  demanda  qu'elle  fuft  rédi- 
gée en  forme  publique,&:  feellee  du  feau  de  f  Vniuerfîté  par  le  Redeur:  lequel  après  a- 
tioir  eu  délibération  auec  toute  faiTemblee  des  Dodeurs&:  Regens,accorda  à  Icâ  Hus 
ce  qu'il  demandoit. 

Or  comme  ainli  foit  que  les  gentils-hommes  de  Bohême  vi/Tent  délia  pa/Ter  quel- 
ques iours,&  cependant  ne  pouuoyent  tirer  aucune  refponfe  des  requeftes  qu'ils  auoy- 
entpreftntees:ilsdelibercrentledernieriourdeMay,deprefenter  encore  vne  reque- 
fte aux  principaux  du  Concile,tendante  à  celle  fin, que  Hus  fuft  deliuré  de  la  prifon,ô£ 
qu'il  luy  fuft  oçfcroyé  de  le  défendre  deuant  tous.  Auec  ce  ils  prefenterent  le  tcfmoigna- 
ge  que  l'euei'que  deNazareth  auoit  donné  dudit  Hus. Ils  demandoyent  en  fomme,Qu 
il  tuft  bien  aduifé  fur  leur  requefte  precedente,&:  que  relponfe  leur  fuft  donnée .  Ils 

propo- 


Jean  Ifus.  i  g 

proposèrent aufli la proteftation  folennelle  que  Husauoit  fouuentefois faite deuant 
le  peuple  de  Bohcme,tant  en  fes  ailes  fcholaftiques, qu'en  fes  predications:par  laquel- 
le pi  oteftation  il  auoit  ibuuent  déclare, que  s'il  le  trouuoit  quelques  poinds  ou  articles 
en  toute  fa  docfcrine,qui  fuifent  fcandalcux,ou  erronnees,ou  fcditieux,&  melme  héré- 
tiques, il  le  fubmettoit  à  correction, pourueu  quelafaulfeté  luy  fuft  monftreeparla  ve 
rite  de  l'Euangile .  La  conclufion  de  cefte  requefte  eftoit ,  Que  Hus  ne  fuft  condamné 
fans  cftre  ouy:à  quoy  fes  ennemis  tendoyent  principalement,  dauantage,  Qu'il  ne  fuft 
point  ainlî  inhumainement  traitté  cnlaprifon  :  mais  qu'ayant  repris  quelque  force,il 
fuft  plus  diligemment  &  mieux  à  loilîr  examiné  par  les  députez.  &:  pour  plus  grande  af 
feurance,lcfdits  barons  de  Bohême  s'ofFroyent  de  donner  caution  fumfante  pour  rei- 
pondre  de  la  perfonne  dudit  Hus. 

Apres  que  cefte  requefte  fut  leuë  deuant  les  députez  des  quatre  nations,  le  patri-  Lcpâtriar? 
arche  d' Antioche  relpondit  au  nom  de  tous  à  chacun  article  de  la  requefte,mais  ce  fut  ^J^n" 
en  bref.Premicrement  quant  à  la  protection  de  Hus,afiàuoir  fi  elle  a  efté  vraye  ou  non, 
cela  feroit  ouuertement  cogneu  en  la  procédure  de  la  caule.Puis  après  quant  à  ce  qu'- 
ils difoyent,que  les  aduerfaires  dudit  Hus  auoyent  faulfement  recueilli  quelques  arti-, 
cles  ou  poinds  des  liurcs  d'iceluy ,  cela  aulfi  leroit  cognu  en  la  fin  du  proecz.  &c  lors  s'il 
eft  trouué  que  Hus  ait  efté  faufTement  accufé,fcs  aceufateurs  encourrôt  perpétuel  op- 
probre. Mais  quant  à  la  caution  que  lefdits  Barons  oftroyent ,  encore  qu'ils  en  donnaf- 
fent  mille,nonobftant  il  ne  £e  pouuoit  faire  nullement,  que  ceux  qui  eftoyent  ordônez 
parleConcile,lesreceuiTenteni*aineconfcience  en  lacaufe  d'vntel  perfon nage ,  au- 
quel on  ne  deuoit  adioufter  foy  aucunement.toutefois  ils  feroyent  tant  que  Hus  feroit 
derechef  amené  à  Conftance  le  cinquième  de  Iuin ,  Se  auroit  liberté  de  parler  deuant 
tout  le  Concile,&  feroit  benignement  ouy.  Mais  le  faid  demonftrera  quelle promeffe 
luy  fut  tenue. 

C  e  mefmc  iour  lefdits  barons  &  gentils-hommes  de  Bohême  prefenterent  vne  pe-  Supplîca- 
tite  fupplication  à  l'Empereur,luy  fignifians  qu'ils  auoyent  prefenté  vne  requefte  aux  Jfreilrf mi 
quatre  députez  du  Concile,&:  à  tout  le  Concile  en  general:&:  le  fupplians  qu'il  euft  ef- 
gard  à  l'honneur  du  royaume  de  Boheme,duquel  il  deuoit  eftre  héritier  :  à  fon  fauf-cô- 
duir,quil  auoit  donné  en  faueur  dudit  Hus  :  &:  finalement  à  toutes  les  chofes  qui  auoy- 
ent efté  faites  contre  ledit  lean  Hus. 

O  n  n'a  peu  fauoir  quelle  refponfe  fît  l'Empereur  :  mais  on  peut  afiez  facilement  co-  L'Emper: 
gnoift  re  par  la  procedure,que  ce  bon  Prince  fut  amené  iuiques-là  par  la  mefehanceté  *ûoa*  par 
obftinee  des  Cardinaux  6c  Euefques,dc  fauller  la  foy  qu'il  auoit  donnée.  &:  par  telle  rai  2  du"" 
fon  fut  vaincu:  allàuoir,  Que  defenlé  ne  pouuoit  eftre  donnée  ou  par  fauf-conduit,  ou  Concile 
par  quelque  autre  moyen, à  celuy  qui  auroit  efté  déclaré  hérétique.  • 
O  r  donc  le  cinquième  iour  de  luin  les  Cardinaux,Eue|ques,&:  le  refte  de  la  preftrail 
le  s'aifemblerent  en  grand  nombre  au  conuent  des  Cordeliers  de  Conftance .  &c  là  fut  confpira- 
ordonné,qu'auant  que  lean  Hus  fuft  amené ,  en  fon  abfence  on  recitaft  les  tefmoigna-  tion  côtre 
ges  &:  articles  qui  auoyent  efté  faufTement  recueillis  de  fes  liures.  D'auenture  il  y  auoit  Hus" 
là  vn  certain  Notaire  nommé  Pierre  Mladon  Yeuuits,qui  portoit  grande  amitié  audit 
Husdequel  aufli  toft  qu'il  entendit  que  les  Cardinaux  &:  Euefques  auoyent  défia  ordô- 
né  de  condamner  lefdits  articles  en  labfence  de  lean  Hus ,  s'en  alla  viftement  vers  les 
feigneurs  de  Dube  &:  de  Chlum,&  leur  expofa  le  faid .  Iceux  en  firent  incontinent  le 
tapport  à  l'Empereunlequel  ayant  cognu  le  tout,  enuoya  le  côte  Palatin  &c  le  BurgrafF 
de  Nuremberg,pour  déclarer  à  ceux  qui  prefidoyent  au  Condle,que  rien  ne  fuft  refo-  L'Emper. 
lu  en  lacaufe  de  lean  Hus,  qu'il  n'euftefté  ouy  premièrement  :& que  tous  les  articles  ullZit 
qui  auroyent  efté  trouuez  faux  ou  hérétiques  contre  ledit  Hus,luy  fufTent  enuoyez.car  ouy. 
il  feroit  tant  qu'ils  feroyent  examinez  par  gens  de  bien&fauans. 

Ainsi  donc  félon  la  volonté  de  l'Empereur, la  fentence  de  ceux  qui  prefidoyent  au 
Concile,fut  fufpendue  iufqu  a  ce  que  Hus  fuft  prefent.cependant  les  feigneurs  de  Du 
be&c  de  Chlum  donnèrent  aux  deux  Princes  que  l'Empereur  auoit  enuoyez,aucûs  pe- 
tits traittez  que  ledit  Husauoit  côpofez,dcfquels  on  auoit  tiré  quelques  articles,  pour 
les  prefenter  à  ceux  qui  prefidoyent  au  Concilerfous  condition  toutefois  qu'ils  les  ren- 
dilfent  quand  on  les  leur  demanderoit .  L'intention  defdits  Barons  eftoit ,  que  par 
ce  moyen  les  aduerfaires  de  Hus  fuffent  plus  facilement  redargucz,lefquels  d'vne  mau 
uaife  confeience  auoyent  frippé  des  fentences  rognées  des  eferits  de  Hus.Lcs  liures  fu 

d. 


IwoA  Jean  H  m. 

rent  dônez  auxCardinaux  &:  Euefques.&:  ce  fait,Hus  fut  amcné,&:  les  Princes  eïiuoycz 

par  l'Empereur  s'en  retournèrent.  Apres  cela  on  monftra  ces  liures  à  Ican  Hus:&  il  cô- 

Ti'a  luouc  fcfa  publiquement  deuant  toute  l'aifcmblee  qu'il  les  auoit  faits ,  &  qu'il  eftoit  preft  el- 
fes hures,  i     »     r  r  1 
amender  les  tautes,ii  aucunes  y  en  auoit. 

O  i*oyez  vn  peu  la  faincte  procédure  de  ces  vénérables:  A  grand'  peine  auoit-on  leu 
vnarticle,&:  produit  bien  peu  de  tefmoignages  contré  luy  :  ainfi  qu'il  pcnfoitouuriila 
bouche  pour  refpondre,voici  toute  cefte  trouppe  commença  tellement  à  crier  contre 
luy,qu'il  ne  fut  loiiiblc  de  dire  vn  fcul  mot.tant  eftoit  la  confuiion  grande  &:  le  trouble 
Furieufc    impétueux, qu'on  pouuoit  bien  dire  que  c'eftoit  pluftoft  vn  bruit  de  belles  fauuages,  &c 
demenec    non  point  d'hommes:tant  s'en  faloit  que  ce  fuft  vne  congrégation  de  gens  qui  fuiïcnt 
Conalc dU  alfemblez  pour  îuger  de  choies  graues  &c  de  grande  importance  .  Si  quelque  fois  le  cri 
s'appaifoit,en  forte  que  Hus  pouuoit  refpondre  quelque  petit  mot  de  la  faincte  Efcri- 
turejou  des  docteurs  Ecclehaftiques,tout  incontinent  il  oyoit  ces  belles  répliques, Ce- 
la ne  fait  rien  à  propos.  Les  vns  l'outragcoycnt  de  paroles,  les  autres  fe  moquoyont  de 
luy  à  pleine  bouche. Se  voyat  vaincu  de  ces  cris  barbares,  &:  qu'il  ne  gagnoit  rie  de  par- 
lerai délibéra  finalement  de  le  taire.  A  cefte  heure-la  toute  la  multitude  de  les  aduer- 
faires  penfoitauoir  gagné  la  bataille,  &:  touscrioyent  enfemble,  Il  eft  muet,legaland: 

fcndrev°n  cc*a  ^icn  Vn  certam  %ne  ^u  n  accor^e  à  ccs  "cns  erreurs.La  choie  finalement  vint 
enan  i-  ju^ues_^)qU'aucuns  d'entr'eux  des  plus  modérez  furent  d'aduis,  qu'àcaufedecedef- 
ordre,on  ne  paifaft  point  plus  outre:  mais  que  le  tout  fuft  diffère  iufqu  a  vn  autre  téps. 
Par  le  confeil  donc  de  ceux-ci, les  Prélats  &:  autres  fortirent  hors  du  Concile,  &:  fut  or- 
donné que  le  lendemain  ils  retourneroyent  pour  procéder  au  iugement. 
iclypfedu  ^  E  ^demain  donc,qui  eftoit  le  vi  i.iour  deluin:auqucl  iour  il  y  eut  prcfquc  entic- 
sokil.  re  eclypfe  de  Soleil,vn  peu  après  enuiron  vi  i .  heures,  cefte  mefme  trouppe  s'afTembla 
au  refecloirdes  Cordeliers:&:  par  leur  ordonnance  Hus  fut  amené  deuant  eux,  accom- 
pagné d'vne  grande  multitude  de  gens  armez. Là  fetrouua  aufli  l'Empereur:  lequel  les 
leigneui  s  de  Dube,&:  de  Chlum,&  le  Notaire  nommé  Pierre,qui  eftoyentgrans  amis 
de  Hus,luiuirent,pour  voir  quelle  en  feroit  la  fîn.Eftans  là  venus, ils  ouirent  que  de  lac 
cufatiô  de  Michel  de  Caufîs  on  lifoit  ces  mots:Iean  Hus,en  la  chappelle  de  Beth-lehé, 
&:  beaucoup  d'autres  lieux  de  la  ville  de  Prague,a  enfeigné  au  peuple  plufieurs  erreurs: 
aucuns  tirez  des  liures  de  Vuiclcrf,les  autres  forgez  de  là  propre  tertd:&:  les  maintenoit 
d'vne  obftination  endurcie.  On  luy  propoia  en  premier  heu  l'article  du  pain  matériel 
après  la  confecration:&:  pour  tefmoins  on  luy  mit  en  auant  ie  ne  fay  quels  fnppons  de 
preftres&:  caphards. 

Ce  canii.       Lo  r  s  le  cardinal  de  Cambray  tenant  en  fa  main  vn  certain  billet,  qu'il  difoit  auoir 
nai  de  es.  reccu  le  iour  precedent,forma  vn  argument  contre  Hus.  Puis  deux  Anglois  fe  leucrét, 
Prtrujde"  &  furent  repouffez  aucc  leurs  argumensdcfquels  ne  font  point  ci  recitez,pource  qu'ils 
Aliaco.     font  lî  friuoles ,  qu'ils  ne  merirent  pas  que  les  oreilles  des  auditeurs  en  foyent  emba- 
bouinees.  Apres  eux  vint  auffi  vn  autre  Anglois  qui  propofa  deuant  tous, que  leditHus 
confelfoit  feulement  de  bouchc:mais  quant  au  fai&,fon  opinion  eftoit  contraire.  Lors 
Hus  protefta  qu'il  n'auoit  rien  en  la  bouche ,  qu'il  n'euft  quant  &c  quant  au  cœur .  fina- 
lement l'vn  de  ces  Anglois  fut  contraint  dédire  que  ledit  Hus  auoit  bonne  &c  faincte 
opinion  du  Sacrement  de  l'autel,comme  ils  rappelcnt.il  y  eut  d'autres  badinages  pro- 
pofez  contre  ledit  Hus, qui  ne  valent  pas  qu'on  en  face  mention. 

C  t  s  dii'putes  contentieufes  vn  peu  appai(ees,le  cardinal  de  Florece  s'adrefîa  àHus* 
&£  dit,Noftre  maiftre,vous  fauezque  tout  tefmoignage  eft  ferme  en  la  bouche  de  deux 
ou  trois  tefmoins .  Or  maintenant  vous  voyez  qu'il  y  a  contre  vous  près  de  vingt  tek 
moins,gens  d'authorité  &:  dignes  de  foy,  entre  lefquels  aucuns  vous  ont  ouy  dogmari- 
zer:  les  autres  rapportent  par  ouir  dire,  que  le  commun  bruit  eft  que  vous  enfeignez 
ainii.&  tous  en  commun  apportet  des  raifons  fermes  de  leurs  tefmoignages,  aufquels* 
nous  lbmmes  contraints  de  croire .  &:  de  ma  part,  ie  ne  voy  point  comment  vous  puik 
fiez  maintenir  voftre  caufe  contre  tant  de  notables  &c  excellens  perfonnages.  Auquel 
Hus  refpondit ,  le  pren  Dieu  &c  ma  confeience  en  tefmoignage,  que  ie  n'ay  rien  enfei- 
gné,&nemevintiamaisen  fantalïe  d'enfeigner  en  la  forte  que  ceux-ci  ofenttefmoi- 
gner  contre  moy.&  quand  ils  feroyent  beaucoup  plus  qu'ils  ne  font,  toutefois  i'eftime 
beaucoup  plus  fans  comparaifon  le  tefmoignage  de  mon  Dieu  &:  mon  Seigneur,  que 
les  iugemens  de  tous  mes  aduerfaires,aufquels  ie  ne  m'arrefte  nullement.  Lors  le  Car- 
dinal 


Jean  ifu*.  20 

dînai  luy  dit  >  Il  ne  nous  eft  pas  licite  de  inger  félon  ccnfcicncc:  mais  nous  hc  pouvions 
faire  autre  ment  que  ne  nous  arreftions  fur  les  tefmoignages  de  ces  gcns-ci,qui  l'ont  fer 
mcs&  euidens  .  car  ce  n'eft  point  haine  ou  inimitié  qui  Je  urraitdirc  ceci  contre  vous, 
comme  vousdites  :  mais  ils  allèguent  telles  railons  delcutstcimojgnagesjqu'ilnya 
homme  qui  y  puiffe  apperceuoir  aucune  haine, &que  nous  rr  en  pouuons  aucunement 
douter  .  Car  quant  à  ce  que  vous  dites ,  que  maiftre  Efticnne  Palets  vous  cft  fulpcc"t,&: 
qu'il  a  tire  fiauduleufement  quelques  poin&s  ou  articles  de  vos  hures, pour  les  produi- 
re puis  apres:il  fcmblc  bien  qu'en  cela  vous  luy  faites  tort,  car  il  a  vie  d'vne  li  grande  fi- 
délité enuers  vous  ,  félon  mon  aduis  ,  qu'il  a  adouci  &c  modéré  beaucoup  d'arti- 
cles plus  qu'ils  n'eftoyent  en  vos  hures.  I'enten  que  vousauez  aulîi  femblable  o- 
pinion  de  quelques  autres  peribnnages  cxcellcns;  &:mefme  vous  auezdit,  que  mon- 
iteur le  chancelier  de  Pans  vous  eft  fufpc£fc:&  cependant  entre  tous  les  Chrefticns  il  Gerfon 
n'y  a  pointvn  homme  plus  excellent  que  ccftuy-la.Or  ce  monfieur  le  chancelier  eftoit  chancelier 
Gerlon.  dc  Paris- 

Apres  cela  on  leut  vn  article  d'aceufation ,  auquel  eftoit  contenu  que  Hus  auoit 
opiniâtrement  enlcignc&:  maintenu  aucuns  articles  de  Vuicleff  au  pais  de  Bohême. 
Lors  Ican  Hus  rcfpondit,qu'il  n'auoit  enfeigné  aucuns  erreurs  de  Vuicleff,  ne  d'autres 
quelconques  .  que  li  Vuicleff  auoit  ferhe  quelques  herciies  ou  erreurs  en  Angleterre, 
c'cftoit  aux  Anglois  à  y  pouruoir .  Mais  pour  confirmation  de  ceft  article,  on  allcguoit 
audit  Hus,qu  il  auoit  refifté  à  la  condamnation  des  articles  dudit  Vuicleff,laquelle  fut 
premièrement  faite  au  concile  dc  Rome,puis  après  enla  ville  de  Prague. Sur  quoyHus 
refpondit,qu'entre  les  articles  dudit  Vuicleff,ily  en  auoit  vouement  aucuns  qu'il  n'o- 
foit  pas  condamner: comme  ceftuy-ci,Que  l'empcreurConftantin  &  le  pape  Sylueftre 
auoyent  fort  mal  fait,d'auoir  conteré  telles  donations  à  l'eglifc.  Il  y  auoit  auffi  d'autres 
articles, lefquels  Hus  monftra  deuant  tous  ouuertcment,qu'ils  n'eftoyent  point  tels  en 
fes  liuresjcomme  on  les  allcguoit .  Scmblablemcnt  fe  leua  vn  certain  archeuefque 
Anglois, qui  fît  vn  argument,  Que  les  décimes  n'eftoyent  point  aumolhcs:  mais  il  fut 
rembarré  comme  il  luy  appartenoit.  Et  ainfi  que  ledit  Hus  vouloit  déclarer  cela 
plus  amplement,la  bouche  luy  fut  fermée.  Il  piopofaauffi  d'autres  caufcs,pourquoy  il 
nepouuoit  confentir  à  la  condamnation  des  articles  de  Vuicleff  en  bonne  conlcien- 
cc  .  Quelque  choie  qu'il  y  euft,  il  afferma  ouuertemcnt  qu'il  n'auoit  iamais  maintenu 
vn  fcul  defdits  articles  opiniaftrcmcnt  :  linon  qu'il  n'approuuoit  point  que  les  articles 
dudit  Vuicleff  fuffent  condamnez,  que  premièrement  on  n'amenaft  raifons  dc  con- 
damnation de  la  faincïc  Elcriture.  Il  adioufta  que  beaucoup  d'autres  docteurs  de  Pra- 
gue auoyent  efté  de  cefte  opinion.  Apres  que  l'archeuelque  nommé  Sbinco  eut  fait  a- 
maiTcr  de  toute  la  ville  de  Prague  les  hures  de  Vuicleff,  &c  eut  ordonne  qu'on  les  luy 
portait:  Moy-mefme  (dit  Hus  )allay  offrir  à  l'Archcucfque  quelques  liures  de  Vuicleff 
que  i'auoye, requérant  que  s'il  y  trouuoit  erreur,il  le  notaft,  &c  l'en  feroye  lors  confclîïô 
publique. Mais  FArchcuelque  lans  monftrer  aucun  erreur,brufla  les  liures  qu'on  luy  a-  Lîurcsje 
noit  apportez,^  les  miens  mefmcs  :  combien  qu'il  n'euft  aucun  mandement  du  Pape  WiddF& 
qui  eftoit  pour  lors,aifauoir  Alexandre  V.  Maispar  quelque  rufe  il  auoit  arraché  ie  ne  J^"* 
fay  quelle  bulle  du  Pape,par  le  moyen  d'vn  certain  Euelq  portatif  de  l'ordre  de  S. Fia-  Bohême, 
çois:àcc  que  les  liures  de  Vuiclefffuffcnt  totalement  oftez  d'entre  les  mains  des  hom- 
mcs,à  cauie  de  pluiieurs  erreurs  qui  y  cftoyent  cotenus:  c'eiloit  toutefois  lans  en  nom- 
mer vn  léul.Or  l'Archcucfque  fe  fiant  fur  l'authorité  de  cefte  vénérable  bulle,péfa  qu 
il  pourroit  facilement  obtenir  que  le  roy  de  Bohême  &:  les  plus  grans  du  Royaume  cô- 
fentiroyent  à  la  condamnation  des  liures  de  Vuiclerr.mais  il  tut  deceu  de  Ion  opinion. 
Toutefois  il  ne  lai/Fa  point  d'appeleraucuns  docteurs  en  Thcologie,&:  leur  dôna  char- 
ge défaire  cenlure  des  liures  de  Vuicleff,&  de  procéder  contr'eux  felo  la  ientence  de- 
finie  &  ordonnée  par  lcDroid  canon.  Ainfi  donc  ces  melfieurs  nos  maiftres  tous  d'vne 
mcfme  opinion, les  iugerent  dignes  d'eftre  brûliez. 

To  v  s  les  Docteurs,  Regens, &Efcoliers de  toute l'vniueriité  de  Prague(exceptez 
ceux  que  l'Archeuefque  auoit  mis  en  befongne  pour  condâner  les  liures  de  Vuicleff) 
oyans  ce  bruit,dchbererent  tous  d'vn  mefme  accord  ,faire  vne  requefte  auRcy,à  ce  qu 
il  empefehaft  cela.  Le  Roy  leur  accordant  leur  requefte,  enuoya  gés  vers  f  Archeuefq, 
pour  fauoir  ce  qu'il  auoit  fait .  Cefte  poure  perfonne  marmiteufe  refpôdit,qu'il  n'auoit 
garde  de  rien  attenter  contre  les  liures  dudit  Vuicleff ,  fans  la  bonne  volonté  du  Roy. 

d.ii. 


Liur<_jl.  Jean  LThs. 

Combien  donc  qu  il  euft  délibère  de  les  brufler  le  lcndcmain,neantmoins  la  choie  fut 
mile  en  furleance  pour  la  crainte  du  Roy.  > 

0  r  après  la  more  du  pape  Alexandre,rArcheuefque  craignant  que  la  bulle  mefmc 
qu'il  auoit  eue  dudir  Alexandre ,  n'euft  plus  de  vigueur ,  appela  feercttement  tous  Tes 
gens,&fîttrelbicn  {errer  toutes  les  portes  de  ion  Archcuefché,  &L  mit  gens  armez  de 
tous  coftez,pour  le  tenir  tort: &:  là  fît  brufler  les  liuresde  VuiclefF.Moy  donc  voyant  vn 
tel  outrage, auec  ce  que  ledit  Archeucfque  auoit  fait  vne  autre  choie  aufli  pcutolera- 
ble,aflauoir  qu'après  auoir  rcceula  bulle  du  pape  Alcxandre,il  fitdcfenfe  ions  peine  d' 
excommunication,  que  nul  n'euft  plus  à  preicher  dedans  les  chappelles  :  ïca  appelay 
au  Pape  Alexandre.  Apres  la  mort  duquel  i'en  fi  autant  entiers  fon  fuccefléur ,  aflauoir 
Iean  xx  1 1 1  .Deux  ans  fe  palferent  que  ic  ne  peu  eftre  ouy  par  mes  procureurs  pour  dé- 
fendre ma  caulc,&:  ainfi  i  en  appelay  au  fouuerain  luge,qui  eft  le  feigneur  lcfus. 

^  Or  après  que  Hus  eut  dit  cela,on  luy  demanda  premièrement  s'il  auoit  eu  abfo- 
lution  du  Pape.il  reipondit  que  non .  Outreplus,  s'il  eftoit  licite  d'en  appeler  à  Iefus 
^"erTi?  Ch"^-11  dit,I'afFermç  ici  en  vérité  deuant  vous  tous,qu  il  n'y  a  point  d'appel  plus  mfte 
gneurkiu!  ne  de  plus  grande  efficace,que  celuy  qui  fe  fait  au  feigneur  Iefus  :  comme  ainfi  foit  que 
félon  les  loix,  Appeler  n'eft  autre  chofe,que  du  grief  qui  eft  fait  par  le  iuge  inferieur,im 
plorer  l'aide  du  iuge  qui  eft  par  de/Tus. Or  y  a-il  iuge  qui  foit  par  deffus  Iefus  Chriftry  en 
a-il  encore  vn  autre,qui  puiiTe  mieux  cognoiftre  du  faiet  en  iuftice  &:  équité  :  veu  qu'il 
ne  peut  tromper  ni  eftre  trompé  ?  &:  qu'il  peut  plus  facilement  &:  benignement  don- 
ner fecours  à  ceux  qui  font  miferables  &:  opprimez  ?  Voila  ce  que  ce  bon  perfonna- 
ge  remonftra  tant  fain&ement,&:  toutefois  en  parlant  ainfi,il  fut  grandement  mocqué 
de  tous. 

1  l  y  auoit  auflî  vn  autre  article  en  fon  accufation,Qu,il  auoit  confeillé  au  peuple, qu 
à  l'exemple  de  Moyfe  il  refiftaft  par  glaiue  à  ceux  qui  feroyent  contraires  à  fa  doctrine. 
&c  le  lendemain  après  qu'il  eut  enfeignécela,  ontrouua  plufieursqui  fignifîoyent  les 
vns  aux  autres,qu'vn  chacun  euft  à  porter  fon  efpee,  &:  que  le  frère  n'efpargnaft  point 
fon  frere.Sur  cela  Iean  Hus  refpondit,  que  ces  chofes  luy  eftoyentimpolecsfauflémét 
par  les  aduerfaircs.  Au  refte,qu'il  auoit  diligemment  admonnefté  le  peuple  de  s'armer 

Ephcf.<fi7  du  glaiue  de  la  Parole,&:  du  heaume  de  làlut, félon  l'aducrtiflement  de  S.Paul:&:que 
tous  eftans  ainfî  armez,defendiffent  la  vérité  de  l'Euangile.Et  pour  euiter  les  calônies, 
il  auoit  ouucrtement  parlé  du  glaiuc,non  point  matériel,  mais  de  celuy  qui  eft  la  paro- 
le de  Dieu. 

O  n  l'accufoit  auffi ,  Que  fa  doctrine  auoit  engendré  beaucoup  de  fcandales .  Pre- 
mièrement qu  elle  auoit  femé  des  difeords  entre  l'cftat  ciuil&:  ecclefiaftiquc.  dont  il  s' 
eftcnfuiui,que  lcsEucfques  &£  le  Clergé  ont  efté  perfecutez,  &:  defpouillcz  de  leurs 
biens. dauantage,Que  l'vniuerfité  de  Prague  auoit  efté  diflïpec  par  difeords.  Iean  Hus 
rei'pondit  bricuement  à  cela, que  rien  de  tous  ces  troubles  n'eftoit  aduenu  par  fa  faute. 
Quant  au  premier  difcordqui  auoit  efté  entre  les  gens  d'eglife  &:  les  laies,  il  difoit  la 
caufe  eftre  telle:  Le  pape  Grégoire  x  1 1  .de  ce  nom,  auoit  promis  en  fon  eflccl:ion,  qu'il 
Différent  refigncroit  la  Papauté, quand  îlfcmbleroit  bon  aux  Cardinaux:  car  il  auoit  efté  eilcuà 
Pautc'lira~  eefte  condition. Ce  gentil  pape  Grégoire  couronna  Louis  duc  de  Bauicre  Empereur, 
contre  Vueceflaus  roy  de  Bohcme,qui  eftoit  pour  lors  roy  des  Romains .  Peu  de  temps 
après ,  comme  le  pape  Grégoire  ne  fe  vouloir  point  démettre  de  fa  Papauté ,  quelque 
fommation  qui  luy  fuft  faite  par  les  Cardinaux  :  le  collège  defdits  Cardinaux  enuoya 
des  lettres  au  roy  de  Boheme,par  lefquelles  ils  demadoyent  que  le  roy  de  Bohême  fuft 
de  leur  parti, &c  refufaft  de  rendre  obei/Tance  au  pape  Grégoire.  Par  ce  moyen  il  pour— 
roit  bien  aduenir,que  par  lauthonté  du  nouueau  Pape  il  recouureroit  fa  dignité  Impe 
riale.Pour  cefte  caufe  le  roy  de  Bohême  s'accorda  auec  les  Cardinaux  de  n'obéir  ni  au 
pape  Grégoire  qui  eftoit  à  Rome,ni  pareillement  au  pape  Benoit  d' Auignon,qui  fe  di- 
foit Pape  aufl^comme  on  peut  voir  par  les  Chroniques  des  Papes.  Sbinco,qui  eftoit 
pour  lors  archeucfque  de  Prague,refiftoit  à  cela  auec  tout  fon  beau  Clergé:  &:  par  def- 
pit  pluficurs  d'entr'eux  fe  déportèrent  de  faire  le  feruice  diuin,&  fortirent  hors  la  vil— 
îe.Et  d'autant  que  ce  gentil  Archcuefque  auoit  auparauant  pillé  le  fepulchre  de  fain£fc 
Vuenceflaus,&:  fait  brufler  les  liures  de  VuiclefF contre  la  volonté  du  Roy:  le  Roy  per- 
mit facilement  qu'on  faifift  les  biens  de  ceux  qui  s'en  eftoyent  fuis  de  leur  propre  gré. 
Par  cela  on  pouuoit  facilement  entendre  que  ledit  Iean  Hus  eftoit  aceufé  fauiîement. 


Jean  2t 

Et  quelcun  fe  lcua,  U  dit,Les  preftrcs  ne  fe  deportoyent  de  faire  le  fermée  dïwi'n,  pour 
çc  qu'ils  n'auoyent  voulu  conïentir  auec  le  Roy:  mais  pourec  qu'ils  auoyent  efte  def- 
pouillcz  de  leurs  biens  &facultcz.Or  le  cardinal  de  Carnbray.  qui  eftoitl'vnd  es  luges, 
commença  a  dire,Il  faut  auflî  que  iedifeen  ccft  endroit  ce  qui  în'eft  venu  en  mémoire: 
Ainlî  que  te  fortoye  vne  fois  de  Romc,ic  rencontray  en  mô  chemin  des  Prélats  du  roy- 
aume de  Bohemc,&:  leur  demanday des  nouuelles  dcleurpais.Ilsme  tefpôdircnt,  que 
la  cftoit  aduciui\nforfaictexccrablc:aflauoir  que  tout  le  Clergé  du  Royaume  auc-t  c- 
fté  defpouillc  defes  biens,&  inhumainement  traitté. 

Lors  leanHus  alléguant  la  mcfmc  caufe  qu'il  auoitfàit  auparauant,  vint  à  rcfpon- 
drea  l'autre  partie  de  l'article  qu'on  luy  auoit  propo!e,dilant  q  c<  la  auïli  n'eftoit  point 
aduenu  par  fa  fautc,que  ceux  de  la  nation  d'A  lemagne  fe  fuifent  départis  de  l'vniuerfi- 
tc  de  Praguc.Mais  comme  ainfifoit  qu'iceluy  roy  dcBohcmc,fclon  la  fondation  de  ion 
pere  Charles  1 1 1 1 .  euft  donne  &  oteroyé  trois  voix  à  ceux  de  Boheme,&  vne  feule  à  la 
nation  Germaniquedes  Alcmans  marris  de  ce  qu'ils  fe  voyoyent  fraudez  des  trois  voix 
qu'ils  auoyent  auparauant,scn  allèrent  de  leur  bon  gré:  faifans  ferment,  que  nul  tous 
peine  d'eftre  réputé  infamc,&  de  payer  grande  fbmmc  d'arget ,  n  eult  plus  à  retourner 
en  ladite  ville  de  Prague.  Cependant  (dit  Hus)  ie  ne  refuie  point  d'ouir  ceci,  Que  i'ap- 
prouuay  le  faict  du  Roy,auqucl  ie  deuoye  obciflàncc  :  d'autant  aufîï  que  cela  tendoit  à 
l'aduantage  des  gens  de  ma  nation .  Et  afin  que  ne  penfiez  que  ie  mente,  il  y  a  ici  Al- 
bert Vuarentrap ,  qui  cftoit  pour  lors  Doyen  de  la  faculté  des  Arts,  qui  auoit  fait  fer- 
ment de  s'en  aller  aucc  les  autres  Alemans.s'il  veut  dire  la  vérité,  il  me  deliurera  faci- 
lement de  ce  foufpcçon. Ledit  Albert  voulut  bien  ouurir  la  bouche  pour  parler,mais  il 
ne  fut  pas  ouy .  Sur  cela,  il  y  eut  vn  autre  nommé  Na/b,  qui  demanda  audience:^  l'- 
ayant obtcnuc,il  dit  que  tout  ce  faicl:  luy  eftoit  entièrement  cogneu.  I'eh:oye(dit-iPcn  Faux  ref. 
la  cour  du  Roy  lors  que  ces  choies  fe  faifoycnt  en  Bohême.  le  vi  les  Regens  des  trot,na  mo,0!i- 
tions,d'Alcmagnc,Bauiere,Saxc,&:  Silcfie  venir  vers  le  Roy,luy  présenter  requeitt  &: 
aucc  eux  les  Polonois  eltoyent  contcz.Ladite  requefte  te  ndoit  à  ce  qu'il  pleuft  auRoy 
ne  permettre  point  que  le  droict  des  voix  leur  fuit  ofté .  Et  le  Roy  promit  alors  qu'il 
pouruoiroit  fur  ce  qu'ils  luy  auoyent  demandé. mais  Iean  Hus  &:  Hierome,&  quelques 
autres  perfuaderent  au  Roy  de  ne  le  faire .  combien  que  le  Roy  du  commencement  le 
faleha,& le  courrouça  contre  Iean  Hus,le  reprenant  aigrementdece  queluy&ledit 
Hicromeluy  donnoyent  beaucoup  d'ennuis ,  &c  efmouuoycnt  degrans  troubles  entre 
le  peupîe:cn  forte  qu'il  les  menaçoit  de  faire  brufler,  fi  ceux  à  qui  l'affaire  touchoit,n  y 
pouruoyov  eut. Sa^  liez  donc,Pcrcs  rcucrcndiffimcs,que  le  roy  de  Bohême  iamais  ne  fa 
uorifa  à  ces  gens-  ci  de  bon  cœur,lcfqucls  ont  vne  fi  grande  outrecuidance,  qu'ils  n'ont 
fait  difficulté  de  me  mal  traitter,ia  (oit  que  îefufîe  fous  la  protection  du  Roy,.  Pale  ts 
parla  après  Nafo,&  dir,Percs  reuerens,  il  y  a  bien  plus:  Non  feulement  il  y  a  eu  des  ges 
fauans  d'autres  nations,  mais  aufîï  du  pais  de  Bohême,  qui  ont  cftcchailezdudit  pais 
par  Iean  Hus&:  l'es  entrcpnfés,defqucls  ily  en  a  encoreaucuns  qui  font  bannis  au  pais 
de  Morauie.  Lors  Iean  Hus  dit, Comment  cf  t-il  poffible  que  cela  foit  vray,vcu  qu'en 
ce  temps- la  ie  n'eftoye  point  en  la  ville  de  Prague,  quand  ceux  defquels  vous  parkz  s'- 
en allèrent? 

C  e  s  choies  furent  debatues  ceiour  quei'ay  dit,touchant  ledit  Hus.  Cela  fait,  ledit 
Iean  Hus  fut  donn  é  en  garde  à  l'cucfqae-  de  Rigen ,  fous  lequel  auffi  Hieromc  de  Pra- 
gue cftoit  détenu  pnfonnicr.toutelois  auant  qu'on  lamenaft,lc  cardinal  de  Carnbray 
en  la  prefenec  de  l'Empereur  l'appela ,  difant,Iean  Hus ,  fay  ouy  dire  que  iî  vous  n'eu  f- 
liez  point  voulu  venir  de  voftre  propre  gre  à  Confiance,  ne  l'Empereur  mefmc,ne  le 
roy  de  Bohême  ne  vous  euffent  peu  contraindre  de  le  faire.  Et  Iean  Hus  luy  relpondit, 
Sauuc  voftre  grâce,  ienay  point  vfé  de  tels  propos,  mais  voici  que  i'ay  dit, Qui!  ya 
tant  de  gentils-hommes  &  grans  feigneurs  au  pais  de  Bohême  qui  me  fàuorifent  &:  ^oniïïe!* 
portent  bonne  amitié, qu'ils  m'euffent  peu  facilement  garder  en  quelque  lieu  afléuré:  g"ns  (ci- 
en  forte  que  ie  n'euffe  point  cfté  contraint  de  venir  en  celle  ville  de  Confiance  à  la  vo  j^h"!»  de 
lonté  de  l'Empereur  &du  roy  de  Bohême.    Le  cardinal  de  Carnbray  commença  à 
changer  de  cou  leur,  &  dittout  defpité,  Voyez-vous  l'impudence  de  ceft  homme-ci? 
Et  ainfi  qu'on  murmuroit  d'vn  cofté&:  d'autre  ,1c  feigneur  de  Chlum  ratifiant  ce  que 
Iean  Hus  auoit  propofé,  dit  que  ledit  Hus  auoit  trcfbien  parlé  :    Car  de  ma  part  (  dit- 
il)  au  prix  de  beaucoup  d'autres,  i'ay  peu  de  puiffancc  au  royaume  de  Bohême,  tant 

d.iii. 


Lwro  /•  fan  Uns. 

y  d  toutefois,  û  ic  fauoye  entrepris ,  îc  le  defendroye  bien  facilement  par  l'efpacc  d'\  n 
an,voirc  contre  tourc  la  force  de  ces  deuxgrans  Rois .  combien  pluftoft  le  pourroyent 
faire  ceux  qui  font  plus  forts  &z  pluspuilfans  que  moy ,  &c  qui  ont  des  chafteaux  Se  pla- 
ces plus  fortes? 

Or  après  que  le  feigneur  de  Clilum  eut  dit  cela,  le  cardinal  Je  Cambraydir,  Laif- 
fons  ce^  propos. ic  vous  di,Iean  Hus  ,&vous  confeilk  de  vouslubmettre  à  lafentence 
&  opinion  du  Concile,comme  vous  aucz  promis  en  la  priion  .  &  ii  vous  le  faites,  vous 
ferez  beaucoup  pour  voftre  profité  honneur.  Et  l'Empereur luy  teint  ces  propos, C  )ô- 
bien  qu'il  Y  en  ait  aucuns  qui  difent,  que  le  quinzième  iour  après  que  vous  aucv  die 
conftituépnibnnicr,  vous  aucz  obtenu  de  nous  lettres  de  fauf-conduit;  traite  f  ois  îe 
puis  bien  prouucr  par  le  tefmoignagc  de  beaucoup  de  Princes  &  grans  perlbnnages, 
qu'auant  que  vous  fuflîcz  parti  de  Prague, ledit  fauf-conduit  auoit  efté  impetre  de  no* 
parles  feigneurs  de  Dube&  de  Chlum,fous  la  garde  defquels  ic  vous  ay  mis, a  celle  fin 
qu'on  ne  vous  fîft  outrage  quelconquemiais  que  vous  enfliez  pleine  liberté  de  dire  fra- 
chcmentdcuant  tout  le  Concile,&  de  refpondrc  de  voftre  foy  &:  dottrinc.  Or  comme 
vous  voycz,melTieurs  les  Cardinaux  &:  Euefques  l'ont  tellement  lait,  que  nous  leur  en 
fanons  bon  gré  .  combien  qu'aucuns  difent  que  nous  ne  pouuons  de  droitt  fauonfer  i 
Pourquoy  ecluy  qui cft hcretique,ou qui eft fufpeft  de  quelque hereiie  .  Maintenant  donenous 
1  fr™Pu  "  vous  donnons  vn  mefme  confeil  qu'a  fait  monfieur  le  cardinal  de  Cambray,  que  vous 
t'ey  i  Uns.  ne  Ibycz  point  obftiné  à  maintenir  quelque  opinion  :  mais  que  vous  vous  fub mettiez 
en  telle  obeiifance  que  vous  deuez  à  l'authorité  du  fain£t  Concile,en  tout  ce  qui  a  cité 
amené  contre  vous,&:  confermé  par  tefmoignages  dignes  de  foy.  Que  fi  vous  le  faites, 
nous  donnerons  ordre  que  pour  l'amour  de  nous  &.  de  noftre  frere,&:  de  tout  le  royau- 
me de  Bohême, le  Concile  vous  lairra aller  en  paix ,  auec  vne  pénitence  ôc  fatisfaclion 
toUrable.  (mon,  ceux  qui  prehdentau  Concile  aurontaiTez  dequoy  délibérer  contre 
vous. De  nous,tcnez-vous  pour  aifeuré  que  ne  fauoriferons  iamais  à  vos  erreurs,ni  à  vo 
ftre  obftinatiommais  pluftoft  préparerons  le  feu  de  nos  propres  mains  pour  vous  bruf- 
ler,que  nous  endurions  que  vous  vfiez  plus  de  cefte  opinialircté ,  de  laquelle  aucz  vfc 
iufqu  a  cefte  heure. noftre  confeil  donc  eft,que  vous  acquiefcicz  au  ingénient  du  Con- 
cile .  Ican  Hus  rdpondit  en  cefte  forte,  Premièrement,  o  Empereur  magnanime,  ic 
vous  ren  grâces  immortelles  de  vos  lettres  de  fauf-conduit.  ^  Sur  cela  le  feigneur  de 
Chlum  luy  rompit  propos,&:  l'admonncita  de  ce  qu'il  ne  s'exeufoit  point  de  ce  blafme 
dobftination.Lors  Ican  Hus  dit,Ie  pren  Dieu  en  tefmoin,  ô  Sire  tre  fclement,quc  te  n' 
eu  iamais  fantaiîc  de  maintenir  quelque  opinion  trop  obftinémcnt .  6^  ie  fuis  ici  v  enu 
de  mon  propre  gré  à  cefte  intétion,quc  iî  quelcun  propofe  vne  meilleure  ou  plus  îain- 
ête  do&rine  que  la  mienne,ie  veux  changer  mon  opinion  fans  aucune  doute.  Apres  qu 
il  eut  dit  ces  chofes,  il  fut  laine  entre  les  mains  des  fergeans. 

Lk  lendemain,  qui  cftoit  le  vu  i.  iour  de  Iuin,ceux-ci  mefme  qui  s'eftoyent  affem- 
blezleiour  de  deuant,s'a(lcmblcrcnt  eciechcrau  conucntdes  Cordeliers.  &c  en  cefte 
feflîon  le  trouuerent  les  amis  de  Iean  Hus,aflauoir  les  feigneurs  dcDube  6c  de  Chlum, 
èc  Pierre  le  notaire. là  femblabkmct  Ican  Hus  fut  amené:&  en  fa  prefenec  furent  leus 
enuiron  xxxix.articles,lefquels  on  difoit  auoir  efté  tirez  de  fes  liurcs .  Hus  recognut 
pour  liens  ceux  qui  auoyent  efté  fidèlement  recueillis  :  &c  de  ceux-la  il  y  en  auoit  bien 
peu .  Les  autres  auoyentefté  contrefaits,ou  forgez  par  fes  aducriaircs,&:  principale- 
ment par  Eltiene  Palets,principal  autheur  de  cefte  fafcherie:&  ne  les  trouua-on  point 
és  liures  defquels  on  les  difoit  dire  tirez  &  recueilliz: ou  bien  s'ils  y  eftoyent,ils  eftoyét 
corrompus  par  calomnies,  comme  on  le  pourra  facilement  voir  au  denombremét  des 
articles. Or  ces  articles  ont  efté  prefque  ceux  mefmes  qui  furent  premièrement  prefen 
tez  audit  Hus  en  la  prifomtoutefois  ils  font  ici  recitez  par  quelque  autre  ordre.  Dauan- 
tagc,il  y  en  eut  d'autres  adiouftez,&  d'autres  rongncz.Maintenant  nous  ferons  confé- 
rence des  vus  àc  des  autres:  &:  déclarerons  ce  que  ledit  Hus  a  refpondu  tant  en  public 
deuanttous,qu'enlaprifon.carillaiiîaen  lapnlbn  fes  relponfes  brieuement  eferites 
de  fa  propre  main, en  tels  mots: 

Moy  Iean  Hus  feruiteurde  Iefus  Chrift,maiftre  és  Arts,bachelier  formé  en  Theo- 
logie,confcire auoir  compofé  vn  petit  traitté,intitulé  De  l'Eglife:  l'exemplaire  duquel 
m'a  efté  prefenté  deuant  Notaires  parlestrois  députez  du  Concile,  ailauoir  le  patri- 
arche de  Conftantinoble,l'euefquede  Caftelle,  &  l'euefque  de  Libufs.  lefquels  dépu- 
tez 


Jean  Ifui.  22 

tczpourlareprchenfiondudittraite,rn'ont  prefentédes  articles,  difan s  qu'ils  ont  efté 
cxtraicts  d'iceluy. 

X  X  [.  articles  prefentezi  Ican  Hu$  en  la  pnfon 

L  e  premier  article  :  Il  n'y  a  qu'vnc  faincte  Eglife  catholique  ou  vniuerfelle ,  qui  eft 
la  communauté  vniuerk  ile  de  tous  les  fidèles  &:  ellcus.  le  confeife  que  celte  propofi- 
tion  eft  mienne,  &:  eft  confermee  parle  dict  de  S.  Auguftin  fur  fainct  Ican. 

Le  11.  Saincc  Paul  ne  fut  iamais  membre  du  diable,combien  qu'il  ait  fait  aucuns  a- 
dtes  fcmblablesaux ades del'eglife  des  malins.nefcmblablcmentfaincr  Pierre, qui  eft 
tombé  en  vn  péché  énorme  de  reniemét  &C  panure,  a  celle  fin  qu'il  fuft  plus  fortemec 
redrefic  puis  après.  le  refpon  félon  faind  Auguftin,  Qu'il  eft  expédient  que  les  prede- 
ftinez  tombent  en  tels  péchez.  Les  vns  font  diuifez  de  l'Eglife  entièrement^:  à  iamais: 
&  ce  font  les  reprouuez.  Il  y  en  aura  d'autres  qui  en  feront  diuifez  d'vne  autre  façon  :  &c 
mefme  il  y  aura  des  heretiques,qui  par  leurs  herefies  &c  erreurs  fe  feparent  de  l'vnité  de 
l'Eglife:  toutesfois  par  la  grâce  de  Dieu  peuuent  encore  retourner  au  troupeau  &:  en  la 
bergerie  du  Seigneur  Icfus  Chrift ,  dcfquels  luy-mefme  dit ,  Lay  d'autres  brebis  qui  ne 
font  point  de  cefte  bergerie,  Ican  x . 

Le  m.  Nulle  partie  de  l'Eglifc  ne  déchoit  iamais  du  corps:  d'autant  que  la  charité 
de  la  predeftination,  qui  eft  la  liaifon  d'icelle,  ne  déchoit  point.  le  refpon ,  Cefte  pro- 
pofitioneft  ainfi  couchée  en  mon  liure: Comme  les  rcpurgatiôsdel'Eglife ,  aiiauoir  les 
reprouuez, procèdent  d'icelle,  &:  toutesfois  ils  neftoyent  pas  d'icelle  comme  parties, 
veu  que  nulle  partie  d'icelle  n'en  déchoit  finalement,  d'autant  que  la  charité  de  la  pre- 
deftination ,  qui  eft  la  liaifon  d'icelle,ne  déchoit  point.Et  cela  eft  prouué  par  le  1  ?  .cha. 
de  la  i.aux  Corinth.&  Rom.8,  Toutes  chofes  œuurét  en  bien  à  ceux  qui  aiment  Dieu: 
item, le  fuis  certain  que  la  mort  ne  la  vie  ne  nous  pourra  feparer  de  la  charité  de  Dieu. 

Le  1 1 1 1 .  Le  predeftiné  n'eftât  point  en  grâce  félon  la  iuftice  prefente,  ne  laifle  pas 
d'eftre  toujours  membre  de  l'Eglife  vniuerlélle.  C'eft  erreur,  fi  cela  eft  entédu  de  tous 
predeftinez.  Voici  comment  il  y  a  au  liure,où  eft  declairé  qu'il  y  a  diucrfcs  manières  d'- 
eftre en  l'Eglife:ajlauoir  qu'il  y  en  a  aucuns  en  l'Eglife  qui  ont  quelque  apparence  d'en 
eftre:  &L  nonobftant  ils  n'en  font  pas.  Il  y  en  a  d'autres  qui  femblent  eftre  hors  d'icelle, 
à  caufe  qu'ils  viucnt  mal:&  nonobftat  à  caufe  de  la  predeftination,  ils  ne  lanTcnt  point 
d'eftre  inferez  en  l'Eglife. 

Le  v  .  Il  n'y  a  lieu  de  dignité, ny  eledion  humaine, ou  aucun  (ignefenlible ,  qui  face 
qu'aucun  foit  membre  de  l'Eglife  vniuerfelle.  le  refpon,  Cefte  propofitiô  eft  ainfi  cou- 
chée en  mon  luire  &:  telles  fubtilitezfontcognuès ,  en  penfant  que  c'eft  d'eftre  en  l'E- 
glife •&  que  c'eft  d'eftre  membre  ou  partie  de  l'Eglife:  &c  que  la  predeftination  fait  eftre 
membre  de  l'Eglife  vniuerfclle,laquclle  eft  vne  préparation  de  grâce  pour  le  prèfenr, 
&  de  gloire  pour  l  aducnir  :  &:  non  pointle  lieu  de  dignité,  ou  aucune  élection  humai- 
ne,ou  aucun  figne  i'eniible.  Iudas  Ifcariot  a  eft é  eficu  de  Iefus  Chrift,&:  a  receudes  grâ- 
ces temporelles  pour  fon  oftice  d'Apoftre:quelque  chofe  qu'il  fuft  réputé  vray  difciple 
de  Icfus  Chrift  parles  hommes,  nonobftat  iln'eftoit  point  vray  difciple ,  mais  vnloup 
couuert  d'vne  peau  de  brebis. 

Le  v  1.  Vn  homme  reprouué  n'eft  iamais  mébre  de  l'Eglife.  le  refpon, Il  va  en  mon 
liure  aucc  vnc  allez  longue  probation  du  Pfeaume  $6.  &C  du  y  chapitre  des  Ephciicns, 
&  par  fiunct  Bernard  difan  t,  L'Eglife  de  Iefus  Chrift  eft  plus  clairementfon  corps ,  que 
le  corps  qu'il  a  liuré  à  la  mort  pour  nous.  Item  fay  mis  ainfi  au  5-chapitre  de  mon  liure, 
Toutesfois  on  accordera  ceci ,  que  la  laintte  Eglife  eft  l'aire  du  Seigneur ,  en  laquelle  il 
y  a  des  bons  &:  des  mauuais,predeftinez  &:  reprouuez:les  bons  comme  le  bon  grain,  les 
mauuais  comme  la  paille. 

L  i  vu.  Iudas  ne  fut  iamais  vray  difciple  de  Iefus  Chrift.  le  refpon ,  le  le  confe/Te. 
Ceci  appert  parle  v  .article  mis  cy  de/fus,  &:  par  S.  Auguftin  au  lui. De  Pénitence,  quâd 
il  expoie  la  feAtencc  de  S.  Ican  en  fa  i  .Epiftre.cha. 1 1  .où  il  eft  dit,Ils  font  fortis  de  nous: 
mais  ils  n  eftoyent  pas  des  noftres.  Il  fauoit  dés  le  commencement  ceux  qui  deuoyent  k»n< 
croire,&  celuy  qui  le  deuoit  trahir:&  il  dit,  Et  pourtant  ie  vous  ay  dit,  que  nul  ne  vient 
àmoy,s'il  ne  luy  a  efté  donné  de  mon  Perc.  Dés  lors  plufieurs  des  diiciples  lé  départi- 
rent de  luy.  Ceux-cy  n'ont  ils  point  aufli  efté  appelez  difciples,felon  que  l'Euâgile  par-  ican  s 
le  ?&  toutesfois  ils  neftoyent  pas  vrayement  diîciples ,  d'autant  qu'ils  n'ont  point  de- 
meuré en  la  parollc  du  Fils  de  Dieu,felon  ce  qui  eft  dit,Si  vous  demeurez  en  ma  parol- 

cLiïiï. 


le,  vous  eftes  mes  diiciplcs.  Pourtant  donc  qu'ils  n'ont  point  perfeueré  comme  n'e- 
ftans  pott  vrais  difciplesdu  Fils  deDieu-.aufli  ne  font-ils  point  vrais  enfans  de  Dieu,cô- 
bicn  qu'ils  le  fcmblenfc- être  Car  ils  ne  font  point  ceci  deuant  ccluy  qui  cognoit  bien 
quels  ils  doyuent  eftrc  cit  a  dire,  que  de  bons  ils  doyucnc  deuenir  mauuais:  ce  font  les 
mots  de  fainclAuguftin.  On  peut  cognoiftrececi-mefme  parce  que  ludas  n'a  peu  élire 
vray  difciple  de  Icfus  Chrift ,  côme  amli  foie  qu'il  euft  le  cœur  rempli  d'auarice  :  car  Iu- 

L-.icM  33.  daseltoit  prêtent  quand  celle  fentenec  tut  prononcée  par  Icius  Chrijt,Si  aucun  ne  re- 
nonce a  tous  les  biens  qu'il  polfcdc,il  ne  peut  eftrc  mon  difciple.  Vcu  doc  que  ccft  liy- 
pocritc  ludas  n'auoit  point  renonce  à  tout  ce  qu'il  poifedoit  (  félon  l'intention  du  Sci- 
'gneur)en  le  fuyuat,pource  qu'il  cftoit  larron,  Iean  \  1  \&L  diable,  lean  v  i.il  appert  clai- 
rement jpar  la  parolle  du  Fils  de  Dieu,  que  ludas  n'eftoit  point  l'on  vray  difciple,  mais 
hypocrite.  Parquoy  S.  Augullin  monftrant  comment  les  brebis  ontouy  la  voix  de  le- 
ius Chrift,'dit,Que  penfons-nous  quiayct  eftéecs  brebis  qui  ont  ouyr  Voicrjudas  lfca- 
not  a  ouy:&  tout  csfois  c'cftoit  vn  loup.  11  fuyuoit  le  Pafteur  :  &:  nonobftant  eftant  cou- 
uert  d'vnc  peau  de  brebis,  il  machinoit  la  mort  du  Berger. 

L  e  v  lir.  La  congrégation  des  predeftinez,foyent-ils  en  grâce  ou  non, eft  la  faincte 
Eglile  vniuerfelle  félon  la  mftice  prefcnte:&:  pourtat  c'eft  vn  article  de  foy.  Et  ccft  ecl 
le  qui  n'a  ne  ride  ne  macule  :  mais  eft  fain&c&fans  ordure,  &:  le  Fils  de  Dieu  l'appelle 
iienne.  le  rcfpon  à  cela  en  cefte  forte,  Il  y  a  ainfi  dedans  mon  luire ,  duquel  ccft  article 
a  efte  extraicl:  :  Quelque  fois l'Eglife  eft  prife  pour  la  congrégation  Sz  aflemblee  des  fî- 
dcles,foit  qu'ils  foyent  en  grâce  félon  la  mftice  prcfente,ou  non  :  &:  en  cefte  forte  eft  ar- 
ticle de  foy,duquel  S- Paul  dit  Ephef.  v .  Chrift  a  aimé  l'Eglife,  &C  s'eft  hure  ôc  offert  foy- 
mefme  en  facririce  pour  elle,  &:c.  le  vousfupplie,  y  a-il  fidèle  qui  doute  que  l'Eglife  ne 
iïgnifîe  tous  les  predeftinez ,  laquelle  nous  deuons  croire  eftrc  l'Eglife  vniuerfelle ,  cl- 
poule  gloricufe  de  Icius  Chrift,  fain&e  &c  fans  macule? 

Le  1  x.  Pierre  n'a  point  efte  ,&:  n'eft  point  chef  delà  faincte  Eglifc  vniuerfelle.  Ic 
rcfpon,  Cefte  propofition  a  elle  tirée  de  ces  parolles  de  mô  liure  :  On  accorde  bien  ce- 
ci,que  Pierre  a  eu  humilité, poureté,  fermeté  de  foy,  &:  confequemmét  béatitude  de  la 
pierre  de  l'Eglife,  qui  eft  Icfus  Chrift.  Non  pas  que  de  cefte  fentence ,  I'ediheray  mon 

Mk.iii8.  Eglile  fur  cefte  pierre,  l'intention  de  noftre  Seigneur  Icfus  foit  d'édifier  toute  l'cglifc 
militante  fur  la  perfonne  de  Pierre:car  Icfus  Chrift  deuoit  baftir  Ion  Eglile  fur  la  pierre 

7.Cor.To4  qui  eft  Chrift,  duquel  Pierre  a  reccu  la  fermeté  de  foy  :  vcu  que  leius  .Chrift  eft  le  chef 

Ephcfi.iz,     fontjcmcnt  je  touce  l'Eglife,  &  non  pas  Pierre. 

i.Cor.3.11.  Le  x  .  Si  ccluy  qui  cil  appelé  vicaire  de  Icfus  Chrift ,  fuit  Icfus  Chrift  en  vie  ,  lors  il 
eft  fon  vicaire:  mais  s'il  chemine  en  voyes  côtraires ,  lors  il  eft  meffager  de  l'Antcchrift, 
contraire  à  S. Pierre  &c  au  Seigneur  Chrift  ,  &:  vicaire  de  ludas  Ifcarict.  le  rcfpon,  Voi- 
ci comment  il  y  a  en  mon  liure  :  Siceluy  qui  eft  appelé  vicaire  de  S.  Pierre,  chemine  es 
voyes  de  vertus  Chreftiennes ,  nous  croyons  qu'il  eft  vrayement  vicaire  d'iceluy  :  mais 
s'il  cliwmïne  es  voyes  contraires,  lors  il  eft  meilagerde  l'Antechrift,  contraire  à  S. Pier- 
re &:  au  Seigneur  Icfus  Chrift.  Et  pourtant  S.  Bernard  eferit  ainfi  au  Pape  Eugène ,  Tu 
chemines  en  grad's  bombanccs,accouftré  fomptueufement  :  quel  fruid  rcçoyucnt  les 
hrebisdctoyi  Si  l'oioyedire,  ccfont-cy  pluftoft  pafturagcs  de  diables  que  de  brebis: 
iainct  Pierre  ne  faincfc  Paul  ne  faifoyent  point  ainfi.  Item ,  En  ces  choies  tu  as  fuccedé  à 
Conftantin,&:  non  pointa  fainctPierre.  Ce  font  les  mots  de  S.Bernard.  Puis  après  il  s'- 
enfuit en  mon  liure,  Si  fa  façon  de  viurc  eft  contraire  à  celle  de  fainct  Pierre,  &:  s'il  eft  a- 
donné  à  auanecdors  il  eft  vicaire  de  ludas  Ifcanot,  qui  a  aimé  le  loyer  d'iniquité,  expo- 
fant  en  vente  le  Seigneur  Icfus  Chrift.  Ainfi  qu'on  lifoit  ceci ,  ceux  qui  prefidoyent  au 
concile  fe  regardoyent  l'vn  l'autrc,&;  fe  mocquoyent  hoch  ans  la  tcft e. 

Le  xi.  Tous  Simoniaques,  tous  preftres  viuans  diflblumcnt,  comme  b  a  ftards  in  fi- 
dèles^ non  point  enfans ,  ne  fauent  que  c'eft  des  orRccs ,  des  clefs ,  des  cenfurcs ,  des 
moeurs  &£  ceremonies,ne  du  feruice  diuin  de  l'Eglife ,  ne  de  la  vénération  des  reliques, 
ne  des  ordres  conftituez  en  l'Eglifc,ne  des  indulgeces.  le  refpô  qu'il  v  a  ainiî  couche  en 
mô  liurc:Ceft  abus  de  puilfance  eft  auffi  cômis  par  ceux  qui  vendét  &font  marchâdife 
des  ordres  facrez  par  fimonie,  q.  font  foires  des  Sacremés,  qui  viuâs  en  toutes  voluptez 
&  diifolunôs,ou  en  quelq  ordure  &  vilenie  q  ce  fbit,polluct  l'eftat  ecclehaftique:  &:  cô- 
bien  qu'ils  facét  profefllô  de  cognoiftre  Dieu, nonobftant  ils  le  reniet  de  faich&par  cÔ- 
fequent  ne  croyét  point  enDieu:&:  côme  baftards  infidèles  ont  vneopiniô  infidèle  des 


Sacremens  de  f  Eglife:&  cela  appert  pource  que  tels  ont  le  nom  de  Dieu  en  mefpris. 

Le  x  1 1 .  La  dignité  Papale  eft  procedee  des  Empereurs  Romains.  le  rcfpon,  Voici 
quelles  font  mes  parolles:  Laprccminencc&inftitution  du  Pape  eft  venue  delà  puif- 
fanec  de  l'Empereur:  &:  cela  eft  prouué  par  la  x  c  v  1.  Dift.car  l'empereur  Conftan- 
tin  donna  ce  priuilege  aux  euefques  de  Rome,  &:  les  autres  l'ont  contenue  depuis:  & 
tout  ainfï  que  l'Empereur  eft  appelé  Augufte  par  deftus  to"  les  autres  Rois,  auflï  le  pré- 
lat de  Rome  fut  par  deflus  les  autres  prélats  comme  perc  principal,  quant  à  l'ornemet 
extérieur^  quant  aux  biens  téporels  conférez  à  l'eglife.  Lors  le  cardinal  de  Cambray 
dit,Toutesfois  du  temps  de  l'empereur  Côftantin  il  y  eut  vn  Concile  gênerai  a  Nicee, 
auquel  combien  que  le  plus  haut  &c  fouuerain  lieu  en  l'eglife  fuft  donné  à  l'cuefque  de 
Rome,  neantmoins  il  fut  attribué  audit  empereur  Conftantin  par  honneur.Pourquoy 
donc  eft-ce  que  vous,  Iean  Hus,  ne  dites  pluftoft  que  la  dignité  du  Pape  n'eft  procedee 
du  Concile,  que  de  la  puifTance  de  Conftantin?  Et  Hus  refpondit,Ie  le  dy  pour  la  dona- 
tion qu'en  fît  l'Empereur.1 

Le  xiii.  Nul  n'afFermeroit  raifonnablement  fans  reuclation,nc  de  foy  ne  de  quel 
que  autre,qu'il  eft  chef  de  l'eglife  particuliere.Ie  refpon  que  ie  confefte  cela  cftre  eferit 
en  mon  liure:&:  s'enfuit  puis  après,  la  foit  qu'en  bien  viuant  il  doit  cfperer  qu'il  eft  me- 
bre  de  la  faincte  Eglife  vniueriélle,efpoufe  de  Iefus  Chrift. 

Le  x  1 1 1 1 .  Il  nefaut  point  croire  que  le  Papc,quicôque  il  foit,  foit  chef  de  quelque 
eglife  particulière,!!  Dieu  ne  l'a  predeftiné:  mais  encore  la  predeftination  ne  conftitue 
point  vn  homme  mortel  chef  de  l'Eglife:ouy  bien  Pafteur  &c  fuperintedant  :  lequel  pri- 
uilege  eft  referué  au  fcul  Seigneur  Iefus.  le  refpon  que  ie  recognoy  cela  du  mien  :  &:  eft 
facile  à  prouuer,  d'autant  qu'il  faudroit  que  la  foy  Chrcftienne  fuftdeceuë. 

Le  x  v .  La  puifTance  du  Pape  comme  vicaire  eft  vainc ,  s'il  ne  fe  conforme  en  vie  à 
Iefus  Chrift,  &c  s'il  n'eniuit  les  mœurs  de  S.Pierre.  le  refpon  à  cela  qu'il  y  a  ainti  en  mon 
liure:  Il  faut  que  celuy  qui  eft  côftitué  vicaire,fe  conforme  aux  moeurs  de  celuy  duquel 
il  tient  la  place  :  car  autrement  il  n'a  nulle  puifTance ,  linon  qu'il  y  ait  en  luy  &:  confor- 
mité de  mœurs,  &:  l'authorité  de  l'inftituant.  Et  Iean  Hus  adioufta  encore  deuant  tout 
le  Concile  quelque  autre  chofe  :  dont  les  aftiftans  commencèrent  à  rire ,  fe  regardans 
l'vn  l'autre. 

Le  xvi.  Le  Pape  eft  treifainchnon  pas  pour  tenir  la  place  de  S.  Pierre,mais  pource 
qu'il  adegransrcuenus.  le  refpon  qu'ilyaainiî  en  mon  liure,  Il  n'eft  point  treilàinct 
pour  cftrc  appelé  vicaire  de  S.Pierre  ,  nepourauoir  de  grandes  &:  amples  poftefTions: 
mais  s'il  eft  imitateur  de  Iefus  Clinftenhumilité,enmanfuetude,en  patience ,  en  tra- 
itait^ en  lien  terme  de  charité. 

Le  xvii.  Les  Cardinaux  ne  font  point  manifeftes  devrais  fuc<?e/feurs  des  autres 
Apoftrcs&  de  Iefus  Chrift,  s'ils  ne  viuent  à  la  façon  des  Apoftres,gardans  les  comman 
démens  &C  ordonnances  du  Seigneur  Iefus ,  paiffansle  troupeau  en  bonne  confcicnce.  i.pfcr. 
le  refpon  que  cela  eft  ainii  elerir  en  mon  liure:  &c  ceci  eft  prouué  là-mcfme:  car  s'il  mon- 
tent par  vn  autre  lieu  que  parl'huis,qui  eft  le  Seigneur  Iefus,  ils  fons  brigans&:  larrons,  icâio.; 
Lors  le  cardinal  de  Cambray  dit,  Voici,&  ici  &  en  d'autres  articles  detia  leus ,  il  a  eferit 
en  fon  liure  des  choies  plus  dures  à  porter  qu'il  n'eft  couché  és  articles  propofez  contre 
luy.  Certainement ,  Iean  Hus,  vous  n'auez  point  gardé  mefure  en  vos  prédications  &c 
efents.  Ne  deuiez-vous  pas  accommoder  vos  propos  aux  auditeurs?  car  qu'eftoit-il  be- 
foin,ou  quel  profit  en  pouuoit-il  venir,de  prefeher  au  peuple  cotre  les  Cardinaux,  veu 
que  nul  d'eux  n'eftoit  prêtent?  Vous  deuiez  dire  pluftoft  cela  en  leur  prefence ,  que  de- 
uant le  peuple  en  fcandale.  Lors  Iean  Hus  refpondit,Monticur  le  Cardinal,pource  que 
plutieurs  gens  fauans  a/liftoyent  à  mes  fermons,  fay  parlé  ainfi  à  caufe  d'eux ,  afin  qu'ils 
fe  donnalfent  garde.  Et  le  Cardinal  luy  dit ,  Vous  faites  mal ,  quand  par  tels  fermons 
vous  voulez  troubler  l'eftat  de  l'eglilé. 

Le  xviii.  On  ne  doit  mettre  vn  hérétique  au  bras  feculicr  pourle  punir  demort: 
il  fuffit  feulement  qu'il  y  ait  cenfureecclefiaftique.  le  refpon ,  Voici  comment  ilyaen 
mon  liure:  Il  deuroit  auoir  honte  de  fafemblance  cruelle  spécialement  veu  que  Iefus 
Chrift, Euefque  du  vieil  &  du  nouueauTeftament  >  n'a  point  voulu  ciuilement  iuger, 
ne  condamner  de  mort  corporelle  le  defobeuTant.  Quant  au  premier ,  on  le  peut  voir 
Luc  x  1 1  .&  du  fccond,il  appert  autli  par  la  femme  adultere,de  laquelle  il  eft  parlé  Iean 
v  11 1.  Et  il  eft  dit  au  x  v  m.dc  S.Math.  Si  ton  frère  a  péché,  &c.  Voici  donc  que  iedy, 


L/#ro  /-  Jean  Hnf. 


Qji'vn  hérétique  qui  feroit  tel,deuroit  premicremcnc  eftre  innruitaucc  humilité  6c 
affection  Chrcftienne  par  lcf  fainctcsEfcritures  &:  railons  tirées  d'iccllcs:commc  kiinet 
Auguftin  &£  autres  ont  tait  ^  difputans  contre  les  herctiqucs:mais  s'ils  s 'en  trouucnt  au- 
cuns, qui  après  toutes  bénignes  admonitions  &inftrucliom  ne  Jaillait  pas  délire  o- 
pinialtrcs,  &:de  relîftcr  obitinémem  contre  la  vérité,  ie  dy  que  tels  doyucnt  auili  e- 
llre  côrporcllement  punis.  Ainfi  que  Ican  Hus  difoit  ces  choies ,  les  iuges  leurent  en 
fonliurc  vue  claul'ule,  où  il  le  courrouçoit  alprement  contre  ceux  qui  liurcnt  au  bras 
feculier  vn  hérétique  qui  n'eft  point  encore  côuaincu  :  raifant  comparaison  d'eux  auec 

k-n  ig  j[.  ics  Sacrificateurs, Scribes  &c  Pharificns,  lelqucls  difans  à  Pilate ,  Il  ne  nous  cil  licite  de 
mettre  aucun  à  mort,  luy  liuretét  Iclus  Chnft:  &:  nonobftant  ils  loin  plus  grans  meur- 

icini9.  h.  triersque  Pilate, félon  letefmoignage  de  Chnft,  Celuy  qui  m'aliuré  à  toy,aplus  grand 
pèche.  Adonc  les  Cardinaux  &  Euefqûes  firent  vn  grand  bruit,&:  interroguerent  ledit 
Hus,  Qui  font  ceux  que  tu  fais  femblables  aux  Pharifiens?  Et  il  dit,Ccux  qui  burent  au 
glaiuc  ciuil  vn  innocent,  comme  les  Scribes  &  Pharilicns  ontliurc  Iefus  Chnft  à  Pila- 
te. Non,non,  ce  dirét-ils:nonobftant  tu  parles  ici  des  Docteurs.  Et  le  cardinal  de  Cam- 
bray  à  fa  raçon  accouftumee  dit,  Certainement  ceux  qui  ont  fait  les  articles,ont  vfc  de 
grande  manfuctudcrcarles  eferits  deceftuy-ci  font  beaucoup  plus  énormes. 

Le  xix.  Les  nobles  du  monde  doyuent  contraindre  les  gensd'eglife  à  obferuer  la 
Loy  de  Iefus  Chrift  .  ierefpon,Ilyaainfi  de  mot  à  mot  en  mô  hure:  Ceux  de  noftre  par- 
ti fouhaitcnt&:  prefehent  que  lcglife  militante  purement  félon  les  parties  que  le  Sei- 
gneur a  ordonnées ,  eft  mellee  :  aflauoir  de  gens  d'eglife ,  gardans  purement  les  ordon- 
nances du  Fils  de  Dieu:&  de  nobles  du  monde, qui  côtraignent  à  garder  les  cômandc- 
més  de  Iclus  Chrift     d'hômes  vulgaires  feruans  à  ces  deux  parties,  felô  la  loy  d'iceluy. 

Le  x  x.  L'obeiilance  ecclefiaftique  eft  vne  obenTance  félon  l'inuention  des  preftre  s, 
&:  moines, fans  exprefle  authorité  des  fainctes  Efcritures .  le  refpon  que  ie  confelfe  ces 

J^il^cej  Paro^cseuX;rcain^e^crit:cs  en  mon  liure:Iedyqirilyatroisobeilfances,Spintuclle,  Sé- 
culière, &C  Ecclefiaftique.  La  Spirituelle  eft  celle  qui  eft  deue  purement  félon  la  Loy  &: 
ordonnâce  de  Dieu,  fous  laquelle  les  Apoftrcs  de  Iefus  Chrift  ont  vefeu,  &C  tous  Chrc- 
ftiens  doiuent  viure.  La  Séculière  eft  celle  qui  eft  deue  félon  les  loix  ciuilcs.  L'Ecclelia 
ftiquecft  vneobei/îance  félon  les  inuétionsdes  prcftrcs,à  laquelle  nul  n'eft  oblige  par 
authorité  exprefle  de  l'Efcnture.  La  première  obeiiîâce  exclud  touiîoursle  mal  de  fov, 
tant  de  la  part  de  celuy  qui  fait  commandement  ,que  de  celuy  qui  rend  obeiifance .  &C 
de  cela  eft  parlé  Dcuter.  xxnn,  Tu  feras  tout  ce  que  les  lacrificatcurs  du  genre  Lc- 
uitique  t'auront  enfeigné,felon  ce  que  ie  leuray  fait  commandement. 

Le  x  x  i.  Celuy  qui  eft  excommunié  du  Pape,  fi  en  laiifant  le  iugement  duFapc&: 
du  Concile  gênerai ,  il  appelé  à  Iefus  Chrift ,  vn  tel  appel  fait  que  toutes  excommuni- 
cations ne  luy  peuuêt  nuire.  le  refpon  que  ie  ne  recognoy  point  celle  propolitiommais 
ie  me  luis  pleine  en  mon  liure,  qu'on  m'auoit  fait  beaucoup  de  torts  &C  à  ceux  qui  m'ai- 
ment, &:  qu'on  m'a  refulé  audience  en  la  cour  du  Pape. car  après  la  mort  d'vn  Pape  i'ay 
appelé  à  fon  fucceffeur:&:  cela  ne  m'a  rien  profité.  Or  appeler  du  Pape  au  Concile,  cil 
par  trop  long  eft  requérir  vn  aide  incertain  en  fon  grief.&:  pourtant  i'ay  appelé  pour 
le  dernier  au  chef  deTÈglife,  mon  Seigneur  Iefus  Chrift:  car  il  eft  beaucoup  plus  ex- 
cellent que  tous  les  Papes ,  à  décider  les  caufes  :  veu  qu'il  ne  peut  errer ,  ne  denier  in- 
dice à  celuy  qui  la  demande  droitement,&:  ne  peut  condamner  l'innocét.  A  celte  he  u 
rc-la  le  cardinal  de  Cambray  luy  dir,*Veux-tu  eftre  pardellus  fainct  Paul,qui  appela  à  l'- 
Empereur^ non  point  à  Ielus  Chriftr  Hus  refpondit ,  Quand  ie  feroye  le  premier  qui 
feroye  ceci,  tât  y  a  toutesfois  que  ie  ne  deuroye  pour  cela  eftre  réputé  hérétique:  &:  ne- 
antmoins  fainct  Paul  n'appela  point  à  l'Empereur  de  Ion  propre  mouuement ,  iruus  de 

Aa.13.11.  ]a  volonté  de  Chrift, lequel  luy  dit  par  rcuelation,Sois  ferme  &C  conllantxar  il  faut  que 
tu  ailles  à  Rome.      Et  comme  il  rcpetoit  Ion  appellation, on  Ce  mocqua  de  luy. 

Pourccque  mention  eft  faite  de  l'appel  dudit  Huj  il  a  femblc  bon  d'inferer  la  forme  d'ice/uy. 

Î^Êp  Omme  ainli  toit  que  le  Seigneur  tout-puiiîant  elt  le  prcmiei  &:  dernier  refuge  de 
r'  M*-*.  ygggÀÎ,  ceux  qui  font  opprimcz,&:  qu'il  eft  Dieu  gardât  vérité  en  toutes  générations,  fai- 
1fe.145.1g.  fant  iuilice  à  ceux  qui  font  outragcz,eitant  prochain  de  tous  ceux  qui  Pinuoquët  en  vc- 
rité,defliât  ceux  qui  font  liez,faifant  la  volonté  de  ceux  qui  1  honnorent  &:  craignét,&: 
gardât  tous  ceux  qui  l'aimér,&:  mettat  en  ruine  to9  pécheurs  inec  rrigible  s:&que  le  Sei- 
gneur Ieiv,vray Dieu &vray  hôme}eftâtenangoiire,enuirÔné  de  Sacrincatcurs,Scribes 

&Pha^ 


Jean  Ifat.  24. 

&£  Pharifiés ,  voujant  par  mort  amcre  &c  ignominièufe  racheter  de  <lamnatiÔ  éternelle 
les  enfuis  de  Dieu  clcus  deuant  la  fondation  du  mode,  a  lai/Té  ce  tant  bel  exéble  pour 
mémoire  àceuxquiviendroyent  après  luy,  à  ce  qu'ils  reminent  leur  caufe  entre  les 
mains  de  Dieu,  qui  peut  toutes  choies ,  qui  fait  &C  voit  toutes  choies ,  difant  ainii  :  Sei- 
gneur voy  mon  affliction:  car  mon  ennemi  s  eft  drefle  ,  &c  tu  es  mon  protecteur  &:  dé- 
fendeur. O  Seigneur,  tu  m'as  donné  intelligcnce:&:  l'ay  cogneu:  tu  m'as  manifefté  leurs  pfc-44 
entrepriles,&:  de  moy  i'ay  efté  comme  vn  agneau  débonnaire  qu'on  mené  à  la  bouche- 
rie, &:  n'ay  point  relifte.  Ils  onr  fait  des  entreprifes  fur  moy,difans ,  Mettohs  du  bois  en 
fon  pain,  &c  exterminons-le  de  la  terre  des  viuans ,  &:  que  fon  nom  ne  foie  plus  en  mé- 
moire. Mais, ô  Seigneur  des  armées ,  qui  iuges  iuftement,&:efprouues  les  reins  &les 
cceurs,auife  à  ta  vengeance  contr  eux  :  carie  t'ay  déclaré  ma  caufe,  d'autant  que  le  nô- 
bre  de  ceux  qui  me  troublent  eft  grâd:&:  ontconfulté  enfemble,difans ,  Dieu  l'a  delaii- 
fé:pourfuvucz-lc,^:  l'empoignez.  O  Seigneur  mon  Dieu  ,auife  à  ceci:  car  tu  es  ma  pa- 
tience. Deliure-moy  de  mes  ennemis:  tu  es  mon  Dieu ,  ne  t'eilongne  point  de  moy: 
pource  quelatnbulation  eft  pro  chaîne,  &:  n'y  a  perfonnequi  mefecourc.  Mon  Dieu, 
mon  Dieu, regarde  à  moyrpourquoy  m'as-tu  lai(îe?Tant  de  chiens  m'ont  cnuironné,!'-  Pfeau 
aifemblee  des  malins  m'a  aiîiegé:  car  ils  onrparlé  cotre  moy  d'vne  langue  frauduleufe, 
&:  m'ont  circuy  de  p  arolles  de  haine,&:  m'ont  fait  la  guerre  fans  caufe.  En  lieu  de  m'ai- 
merais detra&oyent  de  moy  :  8c  ont  brafle  des  maux  contre  moy ,  en  lieu  de  me  procu- 
rer du  bien:  8c  en  lieu  de  dile&ion  ils  ont  conceu  haine.  Voici ,  m'appuyant  fur  ceft  ex- 
emple tant  fainct  &:  fructueux  de  mon  Sauueur  8c  Rédempteur ,  l'appelle  deuant  Dieu 
de  cefte  grieue&:  dure  oppreiîîon,  de  celle  fentence  inique ,  8c  excommunication  pré- 
tendue parles  Scribes  &c  Phariliens,  luy  refignant  ma  caufe:  comme  Iean  Chryfoftome 
^appela  deux  fois  du  Concile,des  Euefques  8c  du  Clergé.&André  euefque  de  Prague:&: 
Robert  euefque  de  Lincolne  appelèrent  du  Pape  au  luge  fouuerain  8c  trefîufte,  qui  n'- 
en: point  cfbrâlé  de  craîte,&:  ne  peut  eftre  flechy  par  dons,ne  deceu  par  faux  tefmoins. 
Or  1e  délire  grandement  que  tous  les  fidèles  de  Iefus  Chrift,  8c  principalement  les  Prin- 
ces, Barons,  Chcualiers,Efcuyers,  &:  autres  habitans  de  noftre  pays  de  Bohême  fâchée 
ceci,  8c  ayét  compaflion  de  moy  qui  fuis  fi  grieuemét  oppreffé  par  l'excommunication 
prétendue, qui  a  efté  obtenue  fpccialcment  àl'inftigation  démon  grand  aduerfaire 
Michel  de  Cauhs,du  confentement&  à  la  faueur  des  Chanoines  de  l'eglife  cathédrale 
de  Prague ,  8c  donnée  par  Pierre  de  faincl  Ange ,  diacre  de  l'eglife  Romaine ,  cardinal, 
iuge  dépuré  par  le  Pape  Iean  x  x  1 1 1,  qui  a  efté  prefque-  deux  ans  fans  vouloir  donner 
audience  à  mes  aduoeats  8c  procureurs ,  laquelle  onnedeuroit  refufer  nyà  Iuif,  nyà 
Paven,ny  à  hérétique  quelconque^  n'a  voulu  receuoir  aucune  raiibnnable  exeufe  de 
ce  que  ie  n'ay  perfonnellement  comparu ,  ny  accepter  les  tefmoignages  de  toute  lvni* 
ueriicé  de  Prague  auec  le  feau  pendant,  8c  atteftation  des  Notaires  iurez  &:  appelez  au 
tefmoignage.  Par  cela  on  peut  bien  voir  clairement,que  ie  n'ay  point  encouru  note  de 
contumace,  veu  que  ce  que  ie  n'ay  comparu  en  la  cour  Romaine ,  n'a  efté  par  mefpris, 
mais  pour  caufes  plus  que  raifonnables:&:  outreplus ,  pource  qu'on  m'auoit  dre/fé  em- 
bufehes  de  tous  coftez  par  les  chemins,  pource  aulli  que  les  dangers  des  autresm'onc 
rendu  bien  aduifé,pource  aufTi  que  mes  procureurs  fe  font  voulu  obliger  à  la  punition 
du  feu  contre  tous  ceux  qui  fe  fuflent  voulu  oppofer  contre  moyen  la  cour  Romaine: 
pource  aufli  qu'ils  ont  mis  en  prifon  mon  procureur  légitime,  fans  trouuer  aucune  fau- 
te en  luy.  Comme  ainii  (bit  donc  que  tous  droits  anciens,  tant  diuins  qu'humains ,  dif- 
pofent  que  les  iuges  vititent  les  lieux  où  le  crime  eft  commis,&  que  là  facent  enquefte 
du  blafme  fait  à  celuy  qui  eft  diffamé  8c  aceufé ,  8c  s'informent  de  ceux  qui  par  conuer- 
fation  ont  cognoùTance  de  celuy  qui  eft  blafmé,&:  qui  ne  luy  portent  aucune  maluueil 
lance: qu'ils  foyent  homieftes ,  8c  non  pomt  diffamateurs ,  mais  rapporteurs  fidèles  fé- 
lon la  loy  de  Iefus  Chrift: d'auantage  qu'il  y  ait  feur  accez  pour  celuy  qui  eft  cité ,  8c  que 
le  iuge  ne  foit  point  compagnon  de  l'inimitié  des  parties  &  tefmoins:il  eft  bien  certain 
que  n'ayant  point  ces  conditions  pour  pouuoir  comparoiftre,ie  fuis  exeufé  deuat  mon 
Dieu  de  toute  rébellion  8c  contumace ,  8c  de  toute  excommunication  pretedue  8c  fri- 
uole,  pour  garder  ma  vie.  Moy  Iean  Hus ,  prefente  cefte  appellation  à  mon  Seigneur 
Iefus  Chrift,qui  eft  luge  trefiufte,qui  cognoit,defend&:maintiét  la  caufe  iuûe  de  quel- 
que homme  que  ce  foit. 
Le  x  x  n .  L'homme  vicieux  fait  vicieufemét,&  l'homme  vertueux  fait  vertueufe- 


LimtuL  Jean  tfus. 

ment.  le  refpon.  Voici  comment  il  y  a  en  mon  liure:  Il  faut  noter  qu'il  n'y  a  point  de 
moyen  entre  dcux:ou  les  œuures  humaines  lbnt  vcrtueufcs,ou  vicieufes.  Car  fi  vn  ho- 
me eft  vertueux,  &  il  fait  quelque  chofe,il  l'a  fait  vertueufcmét:&  s'il  eft  vicieux,  &  fait 
quelque  chofe,il  la  fait  vicieufement. 

Le  xxiii  .L'home  d'eglife  viuant  félon  la  loy  &  ordonnance  de  lefus  Chrift,ayant 
cognoiiîance  de  l'Efcriture ,  &:  affedion  d'édifier  le  peuple,doit  prefeher ,  nonobftat  1- 
excommtMucation  prétendue.  Et  puis  après ,  Que  file  Pape  ou  quelque  autre  fuperin- 
tendant  commande  à  vn  homme  d'eglife,  qui  fera  ainfi  difpofé,de  ne  preicher  point,il 
ne  doit  nullement  à  cela  obéir.  le  refpon,  Voici  quelles  font  mes  parolles,Nonobftant 
l'excommunication  pretenduc,foit  qu'elle  foit  faite  on  à  faire,le  Chreftien  doit  execu- 
Aa.î.i  9  tcr  les  commandemens  du  Fils  de  Dieu.Cela  appert  par  ce  que  dit  S.  Pierrejl  faut  plu- 
ftoft  obéir  à  Dieu  qu'aux  hommes.il  s'enfuit  de  cela,que  le  miniftre  de  la  Pa^ollc,viuât 
félon  la  loy  de  lefus  Chrift,  ayant  bonne  cognoillance  de  l'Efcriture, &c.  doit  prefeher 
nonobftant  l'excommunication  pretendue.il  appert,pource  que  prefeher  la  parole  de 
Dieu, eft  vne  chofe  commandée  aux  gens  d'eglife,  Ad.  5.  Dieu  nousacommandé  de 
prefeher  au  peuple.  Puis  s'enfuit  la  féconde  partie  de  l'article:  Il  appert  par  cela,  que 
tout  ainfî  que  donner  l'aumofne  n'eft  point  vne  œuure  indifreréte  à  celuy  qui  eft  riche: 
aufîî  prefeher  n'eft  point  vne  œuure  indifférente  àceluyqui  eft  commis  pourgouuer- 
ner  l'Eglife.Outreplus,on  peut  voir  que  fi  le  Pape  ou  quelque  autre  ordôné  pour  le  ré- 
gime de  l'Eglife,  mande  au  Miniftre  qui  aura  bonne  affediô  de  prefeher ,  qu'il  ne  pref- 
che  point:  ou  à  vn  homme  riche  de  ne  donner  point  l'aumofne ,  vn  tel  ne  doit  en  cela 
rendre  obeifTance.il  adioufta  encore  ceci  :  Afin  que  vous  m'entédiez  bien,  i'appele  Ex- 
cômunication,celle  qui  eft  iniufte  &:  contre  tout  ordre,faite  cÔtre  toute  difpoiition  de 
droid ,  &:  contre  les  ordonnances  de  Dieu  .  Vne  telle  excommunication  ne  doit  faire 
cefTer  vn  Miniftre  idoine  pour  prefeher  auec  vtilité  &fruid:&  iceluy  ne  doit  pour  cela 
craindre  la  damnation.  Lors  on  luy  mit  en  auant  qu'il  auoit  dit ,  que  telle  excommuni- 
cation eftoit  vne  benedidion.il  refpondit  à  cela, Encore  le  di-ie  maintenât:  &:  la  raifon 
eft ,  que  quand  quelcun  eft  iniuftement  excommunié,  cela  luy  eft  vne  benedidion  de- 
Malac  1 1.  uanc  Dieu, félon  ce  que  dit  le  Propheteje  maudiray  vos  benedidions,&c.  Ité\lls  mau- 
Piciig  18  dir0nt:mais  toy  tu  beniras.Lors  le  cardinal  de  Florence, qui  auoit  charge  de  faire  noter 
au  greffier  ce  que  bon  luyfcmbloit  ,commençaàdirc,Tantyaneantmoins,qu'ilya 
Canons  qui  difent,  Encore  qu'il  y  euft  quelque  excommunication  iniuftement  iettee, 
fî  la  doit-on  craindre  toutefois. 

Le  x  x  1 1 1 1 .  Tous  ceux  qui  font  inftituez  pour  feruir  à  l'Eglife ,  ont  quant  &:  quant 
la  charge  de  prefeher  :  &doyuent  exécuter  cefte  charge  nonobftant  l'excommunica- 
tion pretédue.Ie  rcfpon,Les  paroles  de  mon  liure  font  telles, Tous  vrais  fidèles  ne  doi- 
uent  nullement  douter,que  l'homme  qui  eft  idoine  ou  fuffifant  pour  enfeigner ,  ne  foit 
plus  obligé  à  confeiller  les  ignorans,à  inftruire  ceux  qui  font  en  doute,à  corriger  les  re- 
belles,qu'il  n'eft  à  s'employer  aux  aumofhes  &c  autres  œuures  femblables. 

L  e  x  x  v  .Les  cenfures  Ecclefiaftiques  font  contre  lefus  Chrift,  lefquellcs  le  Clergé 
a  controuuees  pour  fe  faire  grand,  &:  pour  réduire  le  peuple  en  feruitude ,  fi  les  laies  ne 
rendent  obeiflanceauxgés  d'eglife  à  leur  appétit  &:  tantalie.  Telles  cenfures  augmen- 
tent rauarice,maintiennent  la  malice,&:  préparent  la  voye  à  l' Antcchrift.Or  c'eft  bien 
vn  figne  euident  que  telles  cenfures  procèdent  de  rAntcchrift,lefquelles  ils  appelent 
Fulminations  en  leur  procès,  par  lefquelles  le  Clergé  procède  principalement  con- 
tre ceux  qui  defcouurent  la  malice  de  l'Antechrift.  le  refpon,  le  nie  qu'il  y  ait  ainfi  for- 
mellemét  en  mon  liure.toutefois  la  matière  eft  bien  amplemet  mife  au  x  x  1 1 1  .chap.Et 
en  l'examen  de  l'audience  ils  ont  extrait  par  cy  parla  des  claufes  qui  leur  eftoyent  plus 
contraires,^  qui  les  pouuoycnt  plus  irriter.Et  après  qu'elles  furentleué's,le  cardinal  d<2 
Cambray ,  chantant  toufiours  vne  mefme  chanfon ,  dit ,  Pour  certain  ces  chofes  font 
beaucoup  plus  énormes  &c  plus  fcandaleufes  que  celles  qui  font  rédigées  par  eferit. 

Le  x  x  v  1 .  Il  ne  faut  point  mettre  interdid  au  peuple  :  car  lefus  Chrift  fouuerain  E- 
uefque,  n'a  point  mis  interdid,ne  pour  Iean  Baptifte,ne  pour  les  iniures  qui  luy  auoyet 
efté  faites.  le  refpon ,  Mes  paroles  font  telles ,  quand  ie  me  plain  que  pour  vn  clerc  on 
m'ait  interdid,&:  pour  cela  tous  les  bons  ccfTent  de  louer  Dieu  :  Or  lefus  Chrift  qui  e- 
ftoit  le  fouuerain  Euefque,n'a  point  mis  interdid  pour  la  détention  de  Iean  Baptifte,ce 
grand  Prophète,  &:  excellent  par  defTus  tous  ceux  qui  font  nais  de  femme,ne  cjuâd  Hc- 


JeanFtui.  2  s 

rode  le  fît  décapiter:  non  pas  quand  luy-mcfme  eftoit  inhumainement  traité  Se  blaf- 
phemé,&  battu  par  les  ennemis.  Il  ne  donna  point  lors  de  malédiction ,  ains  pria  pour 
cux,&:  enfeigna  Tes  difciples  de  faire  le  femblable,Mat.  v  .Et  S.  Pierre  fuyuant  cefte  do- 
ctrine, dit  en  la  i  .Epift.ehap.  1 1  .Vous  elles  appelczà  cela,d'autant  que  Chrift  a  fouffert 
pour  nous,nous  laiifant  exemple,  afin  que  fuyuions  l'es  pasdequel  quand  on  le  maudif- 
foit,ne  rendoit  point  de  malédiction. Et  S.Paul  pallant  par  vn  mefme  chemin, dit  Rom. 
x  1 i  ,Bcniflcz  ceux  qui  vous  peii'ecutent,&:c.  ^11  y  a  autres  tel'moignagcs  de  l'Elcriture 
alléguez  en  l'on  liure:  mais  on  les  lai/foit  là,&:  ne  recitoit-on  linon  ceux  qui  pouuoycnt 
aigrir  les  courages  des  iuges.  Voila  les  articles ,  lcfquels  on  difoit  eftre  ex  traits  du  liure 
de  Iean  Hus,intitulc,  De  l'Eglife. 

Scnfuyuent  fept  articles ,  qu'ils  dilbycnt  eftre  recueillis  d'vn  traicté  dudit  Hus,compofé  contre 
maiftre  EfHennc  Palets. 

premier  article.  Si  le  Pape,  ou  quelque  Euel'que  ou  Prélat  cft  en  peche  mortel, 

ggjlors  il  n'eft  plus  Pape,  Euel'que  ou  Prelat.ie  refpon,  I'aduouë  cefte  fentéce,&:vous 
réuoyeàS.Auguftin,S.Hierome,  S. Cyprien, S. Chryfoftome,S.Gregoire,&:  S.Bernard, 
qui dil'ent bien dauantage,  Que  ccluyquicft  en  péché  mortel, n'eft  pas  vray  Chre- 
ftien,  combien  moins  le  Pape  ou  vn  Euefquc,  dcfquels  ileftdit  Amosvi  1 1 ,  Ils  ont  ré- 
gnerai* non  pas  de  par  moy:ils  ont  gouuerné,mais  ça  cfke  Tans  mô  adueu  ?  l'en  dy  au- 
tant d'vn  Roy  ou  Prince,comme  il  eft  dit  de  Saul,  i .  Sam.  x  v ,  Pource  que  tu  as  reiettê 
ma  parolle,  ie  te  reietteray  aufli,à  ce  que  tu  ne  l'ois  Roy.  ^  Ainlî  qu'il  difoit  cela ,  l'Em- 
pereur regardant  par  vne  feneftre  du  refectoir ,  &c  ayant  auec  foy  le  conte  Palatin,  &:  le 
BurggrafTde  Norcberg ,  &  deuifant  beaucoup  de  Hus  auec  eux,dilbit,Il  n'y  eut  iamais 
plus  pernicieux  hérétique  que  ceftuy-cy.  Cependant  Hus  auoit  dit  cela  d'vn  Roy  indi- 
gne. Et  après  qu'on  eut  appelé  l'Empereur,  on  fit  commandement  à  Hus  de  repeter 
ce  qu'il  auoit  dit.ee  qu'il  fit,adiouftant  la  correction.  Et  l'Empereur  dit,  Il  n'y  a  homme 
qui  l'oit  fans  péché.  Et  le  cardinal  de  Cambray ,  monftrant  face  de  courroux ,  dit ,  Ne 
t'eftoit-ce  pas  allez  de  mefprifer  l'eftat  &c  ordre  eccleliaftique,  fans  tafeher  de  le  trou- 
bler &c  renuerfer  par  tes  efcritsîEt  voici  encore,  tu  t'attache  aux  Rois,&  leur  veux  ofter 
leur  dignité.  Lors  Palets  commença  à  alléguer  les  loix ,  parlcfquelles  ilvouloit  prou- 
uer  que  Saul  eftoit  roy  lors  mefme  que  Samuel  luy  dit  ces  parolles  :  &:  pour  cefte  raifon 
mefme  auoit  défendu  que  Saul, quelque  chofe  cju'il  fuft  fon  ennemy,ne  fuft  point  mis 
à  mortmon  pas  pour  fon  honnefteté  &c  fainctete  de  vie  (  laquelle  il  n'auoit  point  )  mais 
pour  la  fainctetc  de  l'onction.  Sur  cela  Iean  Hus  allcga  de  S.Cypncn ,  que  celuy  qui  n'- 
enfuit point  lefus  Chrift  en  fainctes  &:  bonnes  meeurs,  vfurpe  en  vain  le  nom  de  Chre- 
ftien.  Palets  refpon dit,  Voyez  la  folie  de  ceft  homme-cy,  qui  allègue  des  chofes  ne  fai- 
lans  rien  à  propos. car  encore  qu'il  y  euft  quelcun  qui  ne  fuft  point  vray  Chreftic  n:  cft -il 
die  pourtat  qu'il  n'eft  vray  Pape,ou  Euelque,ou  Roy,veu  que  c'cftnom  d'ofrice?&:Chre 
ftien  eft  vn  nom  de  mérite?  Adonc  Hus  dit, Si  le  Pape  Iean  a  efté  vray  Pape,pourquoy  1- 
aucz-vous  priuc  de  fon  office? L'Empereur  rel"pondit,Les  feigneurs  du  Concile  eftoyée 
nagueres  de  cefte  opinion  &:  confentement,  qu'il  eftoit  vray  Pape  :  mais  à  caufe  de  les 
forfaits  qui  font  tout  notoircs,&  des  malefices,parlefquels  il  a  orfcnle  1  eglife  de  Dieu, 
&:  dilfipé  les  facilitez  d'icelle,il  a  efté  reietté  de  ion  office. 

Le  ii.  Lagracedepredeftination  eft  le  lien,  par  lequel  le  corps  de  l'Eglife  &vn 
chacun  membre  d'icelle  eft  coniointau  chefindifTolublement.  le  refpon,  I'aduoue  ce- 
la eftre  du  mien.&  facilement  fe  prouuera  par  le  v  1 1 1  .chap.dcs  Romains,Qui  nous  fc- 
parera  de  la  charité  de  Chrift?&:c.&:Iean  x,Mes  brebis  oyét  ma  voix:&:  ie  les  cognoy>&: 
elles  me  fuyuent:&  ie  leur  donne  la  vie  éternelle ,  &  ne  périront  point  à  iamais  :  &c  nul 
ne  les  rauirade  ma  main.  Cefte  liaifon  qui  côioint  le  corps  de  l'Eglife  auec  lefus  Chrift 
fô  chef,eft  fpirituelle,&no  corporelle,!!  on  préd  l'Eglife  pour  l'afteblee  des predeftinez. 

L  h  1 1 1 .  Si  le  Pape  eft  mauuais,&;  mefme's'il  eft  reprouué  :  lors  il  eft  diable  comme 
Iudas,il  eft  larrô  &fils  de  perdition:  tant  s  en  faut  qu'il  foit  chef  de  TEglife.ie  refpon,Il  y 
a  ainli  en  mô  liure:Si  le  Pape  eft  mauuais,&mefme  s'il  eft  reprouuédors  il  eft  diable  co- 
rne Iudas,il  eft  larron  &L  fils  de  perdition.  Comment  donc  eft-il  chef  de  l'eglife  militan-  iean  <?.  7o] 
te,vcu  qu'il  n'eft  point  vrayement  membre  d'icelle?  Car  s'il  eftoit  membre  de  l'Eglife,  * lo,u 
il  feroit  aulîi  membre  du  Fils  de  Dieu.  &  s'il  eftoit  membre  du  Fils  de  Dieu,  il  luy  adhe- 
reroit  par  la  grâce  de  la  predeftination. 

Le  1 1 1 1 .  Le  Pape  ou  quelque  Prélat  mauuais  ou  reprouué  n'eft  pas  vrayement  Pa- 
fteur  :  mais  larron  &c  brigand .  ie  refpon ,  Il  y  a  ainli  en  mon  liure  :  S'il  eft  mauuais,  il  eft 

e. 


Liurç^jL  Jean  îttt*. 

lean  10  u.  rnercenaire.duquel  Iefus  Chrift  dit,Il  n'cft  point  pafteur,&:  les  brebis  ne  luv  appartien- 
nent point .  parquoy  quand  il  voit  venir  le  loup ,  il  s>nfuit ,  &:  lanfe  les  brebis.  Et  ainii 
f  ont  tous  rcprouuez. 

1.  e  v .  Le  Pape  n'cft  point&  ne  doit  eftre  appelé  tre/laintt ,  mefme  félon  fon  ofHcc. 
item,I.cs  bourreaux  &  diables  deuroyenteftre  appelez  fain&s.  Iercfpon  que  mes  pa- 
rollcs  l'ont  autrement  couchées.  ||Et  quant&  quant  il  recita  au  long  la  teneur  d'icellcs: 
&  adioufta  ceci, le  ne  fay  quel  fondemét  ie  pourroye  auoir  d'appeler  le  Pape  treilaintt, 
veu  que  nul  n'cft  appelé  fainct  que  le  Fils  de  Dieu.ic  ne  pourray  donc  a  bon  droit  l'ap- 
peler treftainct. 

Le  v  i.  Si  le  Papc,voire  légitimement  &canoniquemetcIeu  félon  l'élection  humaine, 
vit  vne  vie  contraire  à  celle  de  Iefu  s  Chrift,  lors  il  monte  par  vn  autre  lieu  que  par  Iefus 
Chrift.  ic  refponjly  a  ainfi  au  texte:  Si  le  Pape  vit  d'vne  façon  contraire  à  Iefus  Chrift, 
ail; iuoir  en  orgueil,  ou  ambition,  ou  auarice,ne  monte-il  pas  en  l'eftable  des  brebis  par 
vn  autre  lieu  que  par  lepetit  huis  qui  eft  Iefus  Chrift?  Et  prenons  le  cas  qu'il  môtaft  par 
élection  légitime  (laquelle  i'appclle  elc&ion  faite  principalement  de  Dieu ,  non  point 
félon  la  vulgaire  conftitution  des  hommes)encore  ceci  demeure  veritable,qu'il  monte 
par  vn  autre  heir.car  Iudas  Iicariot  a  efté  légitimement  eleu  à  fon  Apoftolat  par  noftre 
Seigneur  Iefus  Chrift,  lean  v  i.  &  toutesfois  il  eft  monté  en  l'eftable  des  brebis  par  vn 
autre  lieu,&:  eftoit  larron,diable  &:  fils  de  perdition.il  eft  monté  voirement  par  ailleurs, 
ican  13.18.  vcu  que  je  Seigneur  Iefus  a  dit  de  luy ,  Celuy  qui  mange  le  pain  aucc  moy ,  leuera  le  ta- 
lon contre  moy.  Autant  en  eft-il  dit  par  faind  Bernard.  Lors  Palets  dit,  Voyez  cornent 
il  eft  hors  du  fens.car  y  a-il  plus  grande  forcenerie,que  dire  que  Iudas  a  efté  eleu  par  Ie- 
fus Chrift,  &  toutesfois  il  eft  monté  par  ailleurs  ?  Hus  refpondit,  Mais  l'vn  &c  l'autre  eft 
vray  :  &  qu'il  a  efté  eleu  par  Iefus  Chrift ,  &:  qu'il  eft  monté  par  ailleurs  :  car  il  eftoit  lar- 
ron ,  diable  &C  fils  de  perdition.  Palets  répliqua ,  Se  pourroit-il  faire ,  qu'aucun  fut  deu- 
ment  eleu  à  la  dignité  Papale  ou  E  pifcopale,  &c  puis  qu'il  vefquift  d'vne  façon  contrai- 
re à  celle  de  Iefus  Chrift>&;  toutesfois  il  ne  monteroit  point  par  ailleurs  pourtant. Et  le- 
dit Hus  refpondit,Et  moy  iedy,  que  quiconque  entre  parfîmonie  à  la  dignité  d'Eucf- 
que,&:  autres  orficesmon  point  en  intention  de  feruir&:  trauailleren  l'Eglife  de  Dieu, 
ains  pour  viure  en  delices,volupté  &c  diiiolutions,&:  s'eilcucr  par  orgueil  :  il  monte  par 
ailleurs,^:  félon  l'Euangile,  eft  larron  &  brigand. 

Le  vii.  La  condamnation  des  x  l  v  .articles  de  Vviclefffaite  par  les  Docteurs ,  eft 
defralfonnable  &  inique:&:  la  caufe  alléguée  par  eux  eft  fauiTe:aflauoir  qu'il  n'y  en  a  pas 
vn  d'iccux  qui  foit  catholique-.mais  ou  ils  font  hereticjues,ou  erronés,ou  (candaleux.Ie 
rcfpon,  Fay  ainfieferit en  mon  liure:  Oh  a  condamne  x  l  v .  articles  pour  cefte  caufe-, 
que  nul  d'iceux  n'eft  catholique:mais  ou  ils  font  heretiques,ou  erroncs,ou  fcandaleux. 
O  monfieur  le  DoCtcur,où  eft  la  probation?vous  forgez  vne  caufe  que  vous  ne  prouucz 
pas.  |Lors  le  cardinal  de  Cambray  ditjean  Hus,vo9  auez  dit  que  vous  ne  vouliez  main- 
tenir aucun  erreur  de  V  vicleflF.&:  maintenant  il  appert  par  vos  liures,que  vous  auez  pu- 
bliquement maintenu  les  articles  d'iceluy.  Et  lean  Hus  refpondit,  Monlicur  le  Cardi- 
nal,ie  dy  encore  ce  que  fay  défia  dir,que  ie  ne  veux  maintenir  les  erreurs  de  V  viclefrjne 
d'autre  quelconque:mais  pource  qu'il  me  lembloit  que  i'euile  fait  contre  ma  confeien- 
cc,fi  i'eufie  iimplcmcnt  accordé  la  condamnation  de  les  articles ,  fans  auoir  aucun  tef- 
moignagedel'Efcriturcàroppofite:  pour  cefte  caufe  ien'ay  voulu  consentir  à  la  con- 
damnation d'iceux. 

Senfuyitcnt  autres  articles,qui  font  le  refte  des  x  x  ri  x,qui  ont  efté  pris  d'vn  autre  petit  liure  compofc  contre 
Staniftaus  de  Znoymc:aflauoir  fix  articles. 

^Tp^E  premier  article.  La  perfonne  n'cft  point  légitimement  eleué,  pour  dire  que  les 
gjfe^cle&eurs  ou  la  plufpart  d'iceux  ayét  confenti  de  viues  voix  félon  la  façon  des  hom 
mes:&:  vn  tel  eleu  n'eft  pas  pour  cela  vray  &:  mamfefte  fucceiFeur  de  Iefus  Chrift,  ou  vi- 
caire de  S.Pierre  en  l'office  eccleliaftiquc  :  mais  d'autant  quoquelcun  œuure  plus  dili- 
gemment pour  profiter  à  l'Eglife,  il  aaullî  plus  ample  puifïancc  de  Dieu.  Sur  cela  Ieaa 
Hus  remonftra  la  belle  élection  qui  fut  faite  d'Agnès,  laquelle  fe  nomma  Pape  lean:  &c 
fut  au  lîege  Papal  deux  ans  &c  plus. Et  que  cela  eftoit  élire  vn  brigand ,  vnlarron  &c  dia- 
ble^ par  confequent  on  peut  élire  vnAntechrift.  Or  il  appert  qu'on  élit  la  perfonne 
par  faueur ,  ou  par  haine ,  ou  par  auarice:  à  laquelle  élection  Dieu  ne  conferjt  point. 
Le  1 1.  Le  Pape  reprouué  n'eft  point  chef  de  l'Eglife  de  Dieu.  Pour  refponfe  ic 

vou- 


1 


Jean  Km.  26 

voudroye  bien,  dit  Ican  Hus,  que  quelque  Docteur  me  donnait  raifon  qui  fuft  fufrîfan- 
te ,  pour  me  monftrer  que  cefte  queftion  foit  infîdcle:Si  le  Pape  eft  rcprouué ,  commet 
eft-il  chef  de  l'Eglifc  ?  Voici  la  vérité  qui  ne  pourra  failli  r:  aiïauoir  fi  la  queftion  de  Iefus 
Chrift  cft  infidèle ,  laquelle  il  fait  aux  Scribes  &  Pharifiens,  Matth.  x  1 1 .  Génération  de 
viperes,commcnt  pouucz-vous  parler  bonnes  chofes,vcu  que  vous  eftes  mauuais  :  Et 
voici  iefay  cefte  demande  aux  Scribes,  Si  le  Pape  cft  rcprouué,  s'il  eft  génération  de  vi- 
pcrcs:commentcft-ilchcfdela  i'ain&e  Eglife  ?  mais  pluftoft  de  tant  plus  que  quelque 
Prélat  fera  homme  de  bien,  tant  moins  s'eftimera-il  eftre  chef  de  l'Eglifc:  mais  refïgne- 
ra  entièrement  cefte  dignité  à  ecluy  qui  leulpeut  baillcrvieau  corps  de  l'Eglifc,  afla- 
uoir  Icfus  Chrift.  Outrcplus  le  Seigneur  Iefus  fait  cefte  demande  aux  Iuifs ,  en  S.Iean,  ican  y. 
Comment  pouuez-vous  croire,  vous  qui  cercliez  voftre  gloire  les  vns  des  autres,  &c  ne 
cerchez  point  la  gloire  qui  cft  de  Dieu  feul?  Et  ie  demande  femblablcment ,  Si  le  Pape 
cft  reprouué:commcnt  peut-il  eftre  chef  de  l'Eglife,  veu  qu'il  reçoit  l'a  gloire  du  mon- 
de^ ne  cerche  point  la  gloire  qui  eft  de  Dieu  leul? 

Le  1 1 1 .  Il  n'y  a  point  d'apparence  qu'il  faille  qu'il  y  ait  vn  chef,  lequel  conuerfe  touf- 
iours en prefence  corporelle auec l'Eglifc  pour  la  gouuerner.ie  refpon,  I'aduoue  ceft 
arcicle:  car  quelle  eft  cefte  côfcqucnce?  Leroy  de  Bohême  cft  chef  du  royaume  de  Bo- 
hême: le  Pape  donc  eft  chef  de  toute  l'Eglifc  en  terre,  car  Iefus  Chrift  cft  feul  chefgou- 
uernantfon  Eglife:&  beaucoup  plus  neceflaircment  qu'il  n'eft  neceffaire  que  l'Empe- 
reur gouucrne  es chofes temporelles. Car c'eft  vnc  ncceiïité,que  Iefus  Chrift,quieft  ai-  Colof.3.1. 
fis  à  la  dextre  glorieufe  de  l'on  Pere,  gouuerne  l'Eglifc  ici  bas  en  la  terre  par  la  grâce  &  Epllc'1  'ia' 
vertu  de  fonElprit.  Etdauantageil  eft  monftré  facilement  en  mon  liure,  combien  il 
s'en  faut  que  cefte  confequence  foit  bonne ,  Le  roy  de  Bohême  cft  chef  de  tout  le  roy- 
aume de  Bohemeril  s'enfuit  doc  que  le  Pape  cft  chef  de  toute  l'Eglife  ici  bas  en  la  terre. 

Le  un-  Iefus  Chrift  regleroit  beaucoup  mieux  ion  Eglife  par  fes  vrais  difciples  e- 
fpars  par  tout  le  monde,  fans  tels  chefs  monftrueux.  le  refpon  a  cela ,  qu'il  fa  en  mon 
liure  comme  il  s'enfuir.Et  combien  que  monfieur  le  Do&eur  dife  que  le  corps  de  l'egli- 
fe  militante  eft  quelque  fois  fans  tefte:  nonobftant  nous  croyons  vrayement  que  le  Fils 
de  Dieu  cft  chef  fur  toucel'Eglife,  lacôduifant&gouuernantfansmtermifîîonjefpan-  W1"1* 
dant  furcllcmouuemens&iéntimcnsfpirituelsjiufquesauiourduiugemét.  Et  mon- 
fieur le  Doilcur  ne  pourroit  donner  raifon  pourquoy  du  temps  d'Agnes  (  qui  fut  eleué* 
Pape  &:  nommée  Ican)  durant  l'efpace  de  deux  ans  &  cinq  mois  fcglife  fut  fans  chef,  & 
cependat  elle  ne  lailîbit  d'auoif  vie  fous  Iefus  Chrift:  &  que  par  cefte  raifon  mefme  elle 
ne  puiflè  eftre  fans  vn  chef  en  ce  monde  par  plulieurs  ans  :  veu  que  Iefus  Chrift  rcglc- 
roit  mieux  l'on  Eglife  paries  vrais  difciples  cfpars  par  tout  le  monde,  que  par  tel  ciie! 
monftrueux.  Et  fur  celaon  luy  dit,  Voiciil  prophetife.  Et  Ican  Hus  pourfuyuant  fon 
propos  dit,  Voire,ie  di  que  l'Eglifc  cftoit  mieux  conduite  fans  afTignation  de  place  du 
temps  des  Apoftres ,  qu'elle  n'eft  auiourdhuy  .  &:  qui  empefeheroit  Iefus  Chrift  de  la 
mieux  régler  par  Miniftres  fidèles ,  fans  tels  chefs  monftrueux,  qui  ont  efté  depuis  peu 
de  temps? 

L  e  v .  Sainct  Pierre  n'a  point  efté  pafteur  vniucrfel  des  brebis  de  Iefus  Chrift  :  beau- 
coup moins  le  Pape.ie  refponje  dy  ainli  en  mon  liure ,  Il  appert  par  les  uarolles  de  Ie- 
fus Chr:ft,que  pour  limiter  la  iurifdiclion  à  S.  Pierre,  il  ne  luy  a  pas  baille  tout  le  mode, 
ny  auffivnc  prouince  feule,  nô  plus  qu'aux  autres  Apoftres.&:toutesfoisily  en  a  eu  au- 
cuns d'eux  qui  ont  efté  en  plus  de  régions ,  les  autres  en  moins  :  &:  cependant  tous  ont 
annoncé  l'Euangile,  S.Paul  a  plus  trauaillé  que  les  autres,  il  a  efté  en  plus  de  pays ,  &c  a 
conuertiplus  deprouinces. 

Le  v  1.  Les  A  poftrcs& autres  fidelesminiftresde  Iefus  Chrift,  ontreglé  l'Eglifc  és 
chofes  neceflaires  à  falut,auant  que  l'office  du  Pape  fuft  introduit .  ainfi  feroit-il  fort  fa- 
cile de  faire  iufques  au  iour  du  iugement ,  quand  il  n'y  auroit  point  de  Pape.  Et  fur  cela 
il  luy  fut  dit  derechef,  Voici  il  prophetize.  Et  Iean  Hus  dit,Mais  ceci  eft  vray,que  les  A- 
poftres  ont  fort  bien  gouuerné  l'Eglifc  auant  qu'il  y  euft  ïamais  Pape  introduit:  &:  cela 
cft  certain,qu'ils  l'ont  beaucoup  mieux  gouuernee  qu'elle  n'eft  auiourdhuy  :  &;  les  mi- 
niftres fidèles  qui  vicndroycntapres,pourroyent  faire  le  fcmblable  .or  voici  nous  n'a- 
uons  point  maintenant  de  Pape  :  &poffible  eft  que  les  chofes  dureront  ainfi  vn  an  ou 
deux.  Apres  cela  il  y  eut  vn  certain  Anglois  qui  ditjean  Hus,tu  te  glorifies  de  ccci,cô- 
me  s'il  venoit  de  toy  :  &:  toutesfois  ces  fentences  font  de  Vvicleff. 

C.iî. 


L/wo/.  Jean  Bus. 

ÇI^JSR  voila  quels  font  les  x  x  x  i  x  .articles,  lcfquels  furent  recitez  le  huitième  îour 
jjjlj^<de  Iuin  deuant  tout  le  Concile  en  la  prefence  dudit  Hus:  aufqucls  il  refpôdit  bre- 
ucment/clon  qu'il  pouuoic  obtenir  audiéce.  Il  y  en  auoitaufli  d'autres, lcfquels  depuis 
on  trouua  en  la  prifon ,  &c  auoit  efent  les  refponfes  de  fa  main  :  mais  c'elt  allez  d'auoir 
propofe  ceux  qui  font  délia  ci  mis:aulli  bien  les  autres  font  de  mcfme  rarinc. C'elt  allez 
d'auoir  remonître  fur  quoy  on  a  fondé  toutes  les  aceufations  de  celt  homme  innocent: 
afin  qu'on  puiiîc  mieux  dcfcouurir  de  quel  zele  eit  menée  toute  celte  tourbe  Roma- 
ntique. Auec  ce  il  y  eut  le  vénérable  chancelier  de  Paris ,  nommé  Ican  Gerfon ,  qui  au 
nom  de  toute  la  Sorhc-nnc  apporta  d'autres  articles  magiltralement  compofez  contre 
Hiks:aulquels  ledit  Hus  n'eut  point  loiiir  de  refpodrexe  qu'il  euft  volontiers  fait.  Pour 
les  faire  trouuer  meilleurs ,  celte  probation  hypocrite  eltoit  adiouftec  en  la  fin:  Ces  ar- 
ticles ont  cité  faits  fous  correction,  ainli  que  Gerfon  pallbit.  Ainli  ligne, Ican  Gerfon, 
Chancelier  indigne  de  Paris. 
PcUi«|uny  J^ggw  pCUtfacl]cmcntcntcndredetout  ceci,  que  ledit  Ican  Hus  n'a  point  cité  accu- 

cn  a  accule  l'SSi.,  1  .     ,  .    -  ,  ■  i      j    i    r  •  •    r  i  - 

Hus.  ^^Sjle  pour  auoir  dogmatize  contre  les  articles  de  la  roy:  mais  pour  auoir  fidèlement 
prelché  contre  le  royaume  de  l'Antechnlt,pour  la  gloire  du  Fils  de  Dieu,  &:  pour  la  rc- 
fiauration  de  TEglife.  le  retourne  donc  à  l'hiltoire.  ^"Apres  qu'on  eut  leu  ces  x  x  x  i  x  . 
articles  qui  ont  elté  ci  deiîus  recitez,  le  cardinal  deCambray  adreifa  fa  parollc  audit 
Hus,  &:  luy  dit ,  Vous  aucz  ouy  combien  font  gras  les  crimes  qui  ont  elté  amenez  alcn- 
contre  de  vous. maintenant  c'eft  à  vous  de  penfer  ce  que  deuez  faire.  Le  Concile  vous 
propofe  deux  voyes,  &c  faut  ne.cefiairemcnt  que  palliez  par  l'vnc.  Premièrement  qu'en 
toute  humilité  vous  vous  fubmctticzau  iugement  &fentence  du  Concile  ,&:  qu'en- 
duriez patiemment  tout  "ce  qui  aura  cité  décrété  &  ordonné  enïceluypar  fentenec 
commune.  Si  vous  le  faites  ainli,  nous  vferons  enuers  vous  d'vne  telle  débonnaire- 
té^  humanité  que  nous  deuons,  pour  l'amour  de  l'Empereur  qui  eft  ici  p  relent,  &C 
pour  l'honneur  defonjfrere  le  Roy  de  Bohême,  &c  pour  voltre profit.  le  di ceci,  non 
point  comme  iugc,mais  pour  vous  faire  aducrtuTement.Ce  propos  du  cardinal  de  Câ- 
bray  fut  aulîi  fnyuy  par  les  autres  :  &  vn  chacun  exhorta  Iean  Hus  à  ce  faire .  Le  poure 
homme  ainfi  preifé  de  tous  coltez,  baillant  les  yeux  contre  terre,dit,  Meflieurs,ie  vous 
ay  délia  dit  tant  de  fois, que  fcltoye  ici  venu  de  mon  bon  gré,  non  point  pour  défendre 
opiniaftrement  quelque  chofe:mais  pour  louffrir  pailiblement&:  de  bon  cœur  d'eltre 
cnfeigné,li  en  quelque  chofe  i'auoye  mauuaife  opinion:ie  vous  lïipplie  donc  de  me  do- 
uer plus  grand  loilir  de  vous  déclarer  ma  rantalie:  &£  liic  n'amené  raifons  viucs&  bien 
certaines, faccorderay  voloticrs  tout  ce  que  vous  demadez.  11  y  eut  quclcun  de  la  trou- 
pe qui  cÔmença  lors  à  crier  à  haute  voix,  Regardez  cornent  il  parle  cautelculement.il 
ne  parle  point  qu'il  fe  fubmet  à  voltre  correction  ou  ordonnance .  ÔC  lors  Ican  Hus  ref- 
pondit, le  me  fubmetray  à  tout  ce  que  vous  voudrez. Inrormez-moy,corrigcz-moy,  cô- 
cluez  cotre  moy,li  ie  ne  môltre  par  viues  rai  fons  que  ie  n'ay  point  de  tort .  car  l'appelle 
Dieu  en  tefmoin,q  ie  ne  parle  poît  par  hypocrilie. Et  le  cardinal  deCâbray  dit,Puis  que 
vous  vo9  fubmettez  à  l'information  &:  à  la  grâce  du  Côcilc,  ceci  a  cité  décrété  par  pres 
de  foixâte  Doc~teurs,dcfqucls  aucûs  s'en  font  allcz,&;  toutesrois  en  leur  lieu  ceux  de  Pa- 
ris font  venus:&:  a  cité  approuué  par  tour  le  Côcilc,lans  qu'vn  feul  y  côtredilt.Premie- 
Hus  foiici.  remet  que  vous  côfclliez  en  humilité  que  vo9aucz  erré  en  ces  articles  qui  ont  elté  ame- 
rerf^do"  ncz  c^"tre  V0US-Puis  après  q  promettiez  par  fermét,que  vous  ne  les  voulez  pi9  ne  main- 
arinc.  tenir  n'y  cnfeigncr:&:  finalemétquevousvousendcdiliczpubliqucmét  dcuattous.Sur 
cela  chacun  dit  fa  râtelée,  &:  finalement  Hus  rcfpondit ,  le  di  dcrcchcf,que  ie  fuis  preft 
à  attédre  d'eltre  informe  par  le  Côcile.  toutesfois  ie  vous  prie  &  fupphe  au  nom  de  ce- 
luy  qui  elt  Dieu  de  nous  tous,  que  ne  me  c5traignicz  contre  ma  côlcicnce  de  faire  cho 
fc  en  danger  de  damnation  cternelle:alTauoir  de  renôcer  par  ferment  à  tous  les  articles 
qui  ont  cité  propoiez  contre  moyrcar  i'ay  fouuenancc  d'auoir  leu  en  quelque  part ,  que 
le  dédire  c'elt  renoncer  à  l'erreur  qu'on  auoit  auparauant  tenu.  Comme  ainli  foit  donc 
qu'on  dife  plufieurs  articles  eltre  miens ,  lefquels  il  ne  m'elt  ïamais  venu  en  fantalie  d'- 
en feigner,  &  meime  ie  n'y  ay  pas  penlé: comment  le  pourroit  faire  cela ,  que  i'y  renon- 
çait par  IcrmentrEt  quant  aux  articles  qui  font  vrayement  miens ,  s'il  y  a  quclcun  qui 
mepuific  autrcmétenfeigncrfelôrEfcritureriefcray  volôtiers  ce  q  vous  me  demadez. 
Lors  l'Empereur  luy  dit,Pourquoy  ne  pourrois-tu  fans  danger  renôcer  à  tout  ce  que  tu 
dis  auoir  elté  fauffemet  depofé  cotre  tby  parles  tefmoins?De  mapart,ie  ne  feroye  diffi- 
culté 


Jean  ifnt. 


culte  d'abiurcr  tous  erreurs:  &:  nonobftant  il  ne  s'enfuit  pas  de  cela ,  que  i'ay  maintenu 
quelque  erreur.  Hus  refpondit,  Sire,ce  mot  abiurer  lignifie  bien  autre  choie  que  ce  à  (^'n,1" 
quoyl'auez  appliqué.  Le  cardinal  Florentin  dit,Iean  Hus,on  te  donnera  vne  forme  d'-  mot  d  Ab- 
abiurer  rédigée  pai  efcrir,qui  fera  ailez  douce &tolerable.  Adonc  l'Empereur  répétât  lUfer- 
les  parollcs  du  cardinal  de  Cambray,dit,Tu  as  ouy  deux  voyes*  lefquelles  on  t'a  propo- 
fees.  La  première  ç  ft,  que  tu  renonces  apertement  à  tes  erreurs  défia  condanez,&:  que 
tu  te  fubmettes  humblement  au  iugement  du  Concile.&:  quand  tu  le  feras  ain/î ,  on  te 
fera  grâce.  Que  h  tu  continues  à  défendre  &C  maintenir  tes  opinions,  le  Concile  trou- 
uera  allez  pour  décréter  contre  toy  f  élonies  Joix.  lean  Hus  refpondit,  le  ne  refufe  rien 
de  ce  qui  aura  cité  ordonné  demoy  par  le  Concilcri'cxccpte  feulement  ccci:Que  ie  n'- 
offenfe  point  Dieu  ne  ma  confcicnce:&  que  ie  ne  dife  point  auoir  fait  profefTion  de  ces 
erreurs  qui  ne  me  font  iamais  venus  en  fantafie.Et  ie  vous  prie,s'il  fe  peut  faire,que  me 
bailliez  loiiir  de  déclarer  plus  amplemét  quelle  eft  mon  opinion  &:  intention  ,  afin  que 
ie  puiiîc  fumfammentrefpondre  des  choies  qui  m  ont  efté  mifes  enauât:  &:  mefme  des 
orhees  Eccleiiaftiques.  Mais  les  autres  2>c  l'Empereur  mefme  retournoyent  touiîours  à  J^Jf11" 
leur  première  chanfon,&  luy  difoyent,  Tu  as  allez  d'aage:  tu  peux  facilement  entedre  Huj. 
ce  que  ie  t'ay  di  hier  &c  auiourdhuy*  De  nous,  nous  fommes  contraints  d'adioufter  foy 
aux  tefmoignages,  d'autant  qu'on  ne  les  pourroit  reprocher.  OrnTEfcriture  dit  >  que 
toute  parolle  eft  ferme  en  la  bouche  de  deux  ou  trois  :  combien  pluftoft  doit-elle  de- 
meurer ferme  es  tefmoignages  de  tant  deperfonnagesgraues&rgens  de  bien?Parquoy 
fi  tu  es  fagej  tu  receuras  la  pénitence  qui  te  fera  ordonnée  par  le  Concile:&:  renonceras 
aux  erreurs  &:  faulfetez  manifeftes,  &:  promettras  par  fermét  que  tu  auras  opinion  tou- 
te contraire  dorefenauant,&  que  tu  enfeigneras  tout  l'oppoiite.  Sur  ce  poinft  vn  vieil 
Euefque  de  Poulogne  dit  aufft  fa  râtelée.  Il  y  a  des  loix  manifeftes  contre  les  hereti- 
ques(difoit-il)il  eft  ordonné  par  icelles,  que  les  hérétiques  doiuent  eftre  punis.  Hus  re- 
fpondit conftamment  à  cela,comme  il  auoit  touiîours  fai&en  forte  qu'ils  difoyét  tous 
d'vne  voix, qu'il  eftoit  obftiné.  Et  vn  certain preftre  ayant  la  face  cramoifie ,  &:  le  ven- 
tre gras,brauemét  veftu,sefcria  à  haute  voix ,  &c  dit  à  ceux  qui  prefidoyent  au  Concile, 
Il  ne  doit  eftre  nullement  admis  à  ie  reuoquer  :  car  il  a  eferit  à  fes  amis,que  quand  il  iu- 
reroit  de  bouche,neantmoins  il  retiendroit  le  contraire  en  fon  cœur.  Hus  refpondit  à 
cefte  fauife  aceufation ,  Qu'il  n'eftoit  pas  ainfi  :  affermant  qu'il  ne  fe  fentoit  coulpable 
d'aucun  erreur.  Lors  Palets  dit,  A  quoy  eft  bonne  cefte  proteftation  ?  car  tu  dis  que  tu 
ne  maintiens  aucun  erreur,&  mefme  de  Vuicleff  &:  toutefois  tu  en  maintiens .  Apres 
qu  il  eut  dit  cela, il  propofa  en  tcfmoignage  i x. articles  de  VviclefF,&:  les  leutpublique- 
mcnt.&  puis  après  dit,Quand  moy  &M.Staniflaus  prefehions  à  Prague  contre  ces  arti- 
cles en  la  preience  du  duc  d'Auftnche,il  les  défendit  auec  toute  obftinatioe ,  non  feu- 
lement en  prédications  ,  mais  aufli  par  liures  faits  &c  publiez.  Situnelesmonftres  ici, 
nous  le  ferons. l'Empereur  en  dit  autant.  Et  Ican  Hus  dit,I'endureray  facilement ,  que 
non  feulement  ces  liures-ci,mais  tous  autres  miens  foy ent  produits. 

C  e  pendant  on  prefenta  vn  article  au  Côcile,par  lequel  Hus  eftoit  aceufé  qu'il  auoit 
calomnieulement  interprété  quelque  fentece  du  Pape.il  nia  l'auoir  fait ,  &  dit  qu'il  ne 
l'auoit  iamais  veue  unô  en  prifon,quad  l'article  luy  fut  monftré  par  les  deputez.On  luy 
demada  qui  en  eftoit  l'autheur.Il  refpondit  qu'il  n'en  fàuoit  rien  :  toutesfois  qu'il  auoit 
bic  ouy  dire  que  M  JeiTcniz  en  eftoit  rauthcur.Quellc  eft  to  opiniô  donc  touchât  cefte 
intcrpretatiôrluy  dirét-ils.  Lors  Hus  refpôdit,  Que  voulez-vous  q  ie  dife,puis  que  ie  ne 
fay  iamais  veue,&:  n'en  ay  iamais  rien  entédu,finô  ce  que  i'en  ay  ouy  de  vous?  Et  fur  ce- 
ci tous  luy  couroyét  fus  &cdu  bec &c  des  ongles:  tellcmêt  que  les  forces  luy  defailloyent. 
car  il  auoit  enduré  vn  grâd  mal  de  dets  toute  la  nuid  paffee,  q.  l'auoit  gardé  de  dormir. 

Apre  s  cela  on  leut  vn  autre  article,auquel  eftoit  côtenu  ,  qu'il  y  auoit  eu  trois  ho- 
mes décapitez  à  Prague,d'autaC  qu'eftâs  inftruits  parla  doctrine  dudit  Hus, ils  s'eftoyét 
mocquezoutrageufement  des  lettres  du  Pape:&  après  leur  mort  ils  furent  menez  en 
proceffiô  par  ledid  Hus  auec  grade  multitude  d'efcoliers:puis  Hus  fit  vn  fermô  publi- 
quemétjpar  lequel  il  auoit  canonizé  lefdits  trois hômes  executez.Or  Nafo  (duquel  il  a 
efté  parle  cy  deffus)affermaceci  mefme,difant  qu'il  y  eftoit  prefent ,  quâd  le  roy  de  Bo- 
hême manda  que  ces  gens  fuifent  decapitez.Iean  Hus  refpondit,Tout  cela  eft  faux:  af- 
fauoir  q  le  Roy  l'ait  commadé,&  que  i'aye  fait  porter  leurs  corps  en  fepulture  auec  au- 
cune lolênité:  veu  mefme  que  ie  n'y  ay  eft  ç  ne  veu  n'ouy:&:pourtât  vous  laites  tort  &  au 

e.iii. 


Limt^L  Jean  Un*. 

Rov&  à  moy.Lors  Palets  conferma  par  argumet  ce  que  Nalb  auoit  dit  (  car  ils  s'enten. 
doyent  Ivri  1  autre)qu  il  auoit  cfté  ordonné  par  edirt  du  Roy,  que  nul  n'euft  à  contredi- 
re à  la  bulle  du  Pape .  ces  trois  hommes  contredirent  à  ladicte  bulle:  parquoy  ils  hirent 
décapitez  en  vertu  del'cdiâ:  du  roy  de  Bohême.  Or  il  appert  ailéz  par  le  liure  que  Iean 
Hus  a  fait  de  l'Eglife,  quelle  en  aefté  l'on  opiniô:auquel  il  y  aainii  de  mot  à  mot,Ie  croy 
Dan  11 33  qu'ils  ont  feu  le  Prophète  Daniel,où  il  eft  Dit,Et  ils  cherront  en  glame,  es  flammes ,  &: 
?4  en  fort  longue  captiuité:&  plulieurs  s'alfocieront  auec  eux  par  fraude.  Et  puis  après. 

Comme  cela  eft  accompli  en  ces  trois  hommes:qui  ne  conlcntans  point,  mais  pluUoft 
côtredifans  aux  fallaces  &:  menfonges  de  rAntechrift,ont  expofe  leur  \ic,&:  beaucoup 
d'autres  ont  eftéprefts  de  taire  le  fcmblable.  Il  y  en  a  eu  plulieurs  auilîquile  fontaifo- 
ciez  par  rufe  &:  fraude  auec  eux,  qui  cftans  eftonnezdes  menaces  de  l'Antechrift,  ont 
tourné  le  dos,&  fe  f  ont  mis  en  fuite,  &x\  Apres  que  ceci  fut  leu ,  ils  le  regardoyent  l'vn 
l'autre:&:  comme  eftonnez,  fe  t  eurent  pour  quelque  temps,  car  Palets  &Nafo  auoyent 
adioufté  ceci,  que  Iean  Hus  en  vnfermon  public  auoit  tellement  enflamme  le  peuple 
contre  le  Magiftrat,qu'vne  grande  partie  des  habitans  &C  citoyens  s'oppofa:en  telle  Ibr- 
tc,  que  ces  trois  hommes  dilbyent  qu'ils  cftoyent  prefts  de  mourir  pour  la  vérité ,  &:  le 
Roy  mefme  n 'auoit  peu  appaifer  ce  tumulte  qua  grand  peine. 

Ovtreplv  s,  les  Angloisqui  eftoyentlà,  prefenterent  la  copie  de  quelque  Epi- 
Autres  a-  ftre,  laquelle  ils  dilbyent  auoirefté  enuoyee  àfauiîesenfeignes  en  la  ville  de  Prague  au 
lomnics  nGm  de  l'vniuerfité  d'Oxford,  &:  que  Iean  Hus  la  leut  publiquemet  en  chaire ,  pbur  re- 
faire*. "Cr"  commander  Iean  VviclefFaux  citoyens.  Apres  que  les  Anglois  l'eurent  leue  en  plein 
Concile ,  ils  demandèrent  audit  Hus  s'il  l'auoit  publiquement  reçitec.  Il  confefTa  qu  il 
eftoit  ainii:pource  que  deux  efeoliers  l'auoyét  apportée  feellee  du  feau  de  l'Vniuerlité. 
Orilsl'interroguerentquieftoyentccsdeuxefcoliers.  Il  refpondit,  Ceftuy-ci  mon  a- 
mi(il  parloit  de  Palets)cognoit  fvn  auffi  bié  que moy.de  l'autre,  ie  ne  fay  qu'il  eft.  Quât 
à  ce  dernier,ils  demandoyent  premièrement  où  il  eftoit.  Et  Iean  Hus  dit ,  I'ay  entendu 
qu'il  eft  mort  en  chemin,  en  retournant  en  Anglcterre:Et  quant  au  premier,Palets  dit 
qu'il  eftoit  de  Boheme,&:  nô  point  Anglois:&  qu'iceluy  auoit  apporté  d'Angleterre  vn 
loppin  de  la  pierre  du  fepulchre  de  V  vicleff:&:  ceux  qui  luyuent  fa  do£trine,Ic  reucrent 
délia  corne, vn  reliquaire.il  appert  parcela,à  quelle  fin&:intetion  toutes  ce  s  choies  ont 
eftétaites:&  que  Iean  Hus  eft  autheur  de  tout  ceci.  Puis  après  les  Anglois  produifirét 
vnc  autre  Epiftre  toute  contraire  à  la  première,  feellee  du  feau  de  laeiite  vnmerlire  d'- 
Oxford, l'argument  de  laquelle  eftoit  prefque  tel:  L'vniuerfité  monftre  qu'elle  t  ic  bien 
marrie  de  ce  q  beaucoup  d'erreurs  de  Vviclerf  font  femez  par  Angleterre,  lcfqucls  on  a 
apporté  des  eîcolcs  d'icellc.parquoy  pour  remédier  ôiobuicr  à  ce  mal  tât  qu'elk  pourra 
elle  a cômis  x  1  i.Dodleurs gras perfonnages &  autres,pour  céfurer  les  liurcs  dudit  Vvi- 
cleff.On  a  doc  marqué  de  fes  liures  plus  de  deux  ces  articles,lefquels  ont  cfté  iugez  par 
toute  l' Vniuerfité  dignes  d'eftre  mis  au  feu:  toutesfois  pour  la  reueréce  duS.Côcile  elle 
<l  cnuoyt  leldits  articles  àCôftace,laiiIat  à  iceluy  la  fouueraine  authonté  de  ce  îugemét 
O  r  fur  cela  il  y  eut  quelque  peu  de  iilcnce.puis  après  Palets  lé  lcua ,  &:  comme  ayat 
Pcnurc4cs  obtenu  ce  qu'il  ctemandoit,  dit  à  haute  voix ,  l'appelle  Dieu  en  teimoin  en  la  prelcnce 
f.ux  tcf-  delà  maiefté  Impcriale,&:  de  vous  meilleurs  les  Cardinaux &:  Euelqucs,qu'cn  cefte  ac- 
culation  de  Iean  Hus  ie  n'ay  vfé  d'aucune  haine  ou  maluueillace  côtre  luy  :  mais  ce  que 
l'en  ay  tait,  ie  l'ay  fait  pour  fatisfaire  à  mon  ferment ,  quand  ie  tu  fait  Dorïeur  :  aflauoir 
que  ie  me  monftreroye  afpre  ennemi  de  tous  erreurs  &:  herehes  à  fvtilité  de  noftre  mè- 
re famete  eglife.autant  en  fît  Michel  de  Caulis:Mais  moy(dit  Iean  Hus)ie  recom  mande 
tout  ceci  au  luge  celefte ,  qui  iugera  iuftement  lacaufe  de  toutes  les  deux  parties.  Et  le 
cardinal  de  Cambray  dit,  le  ne  me  puis  allez  efmerueiller  de  la  bonne  confcience&; 
humanicéde  maiftre  Eftienne  Palets,  de  laquelle  il  a  vfé  enpropofantles  articles  con 
trelcan  Hus:  car  à  la  vérité  il  y  a  des  chofes  beaucoup  plus  énormes  en  l'es  liures,  corne 
nous  lauons  ouy.  Apres  que  le  Cardinal  eut  dit  cela,l'cuefque  de  Rigen,qui  auoit  Iean 
Hus  en  garde,  cômanda  que  ledit  Hus  fuft  remené  en  prifon,&:  eftroitement  gardé.  Le 
fe  igneur  de  Chlum  le  fuyuit,&  conferma  aucunement  fon  courage:car  on  ne  pourroit 
dire  comment  il  fut  eonfolé  par  ce  bref  propos  de  ce  bon  ami ,  fe  voyant  eftre  delailîe 
prefque  de  tous  les  autres  au  milieu  de  tant  d'aigres  inimitiez. 

Apres  qu'on  eut  remené  ïea  Hus  en  Drifon,i'Empereurcommença  à  taire  ces  re- 
môftrances  à  ceux  quipreiidoyentau  Concile,  difant,  Vous  aucz  ouy  pluficurs  crimes 

&e- 


inuinî. 


Jean  Hhs.  28 

&:  énormes  contre  Ican  Hus,  non  feulement  prouucz  par  tefmoignages  fermes, mais 
aufTi  confcfTez  par  luy-mefme  :  defquels  ftlon  mon  opinion  vn  chacun  feroit  dignede 
mort.Si  donc  il  ne  fe  dcfdit  de  tous  ces  articles,ie  fuis  d  aduis  qu'il  foit  bruflé.  6c  s'il  fait  d  ajuisq! 
ce  qu'on  luy  aura  commandé,toutefoisie  donne  confeil  qu'il  luy  l'oit  défendu  de  pref-  Hus  foit 
cher&cnfeignei:mefmeque  leroyaumede  Bohême  luy  foit  intcrdi&.Car  s'il  a  congé  bruflc- 
de  retourner  à  l'office  de  prefeher  &:  enfeigner ,  &:  principalement  au  royaume  de  Bo- 
heme,il  ne  fe  pourra  faire  qu'il  ne  reuienne  à  fa  première  façon  de  faire,  fe  confiant  à  la 
grace&faueurdeceux  qu'il  a  là  pour  foy  :&qu'aucc  ces  erreurs  il  n'en  femed'autres 
nouucaux.ainfile  dernier  erreur  feroit  pire  que  le  premier .  Dauantage,ie  fuis  d'aduis 
que  ces  articles  condamnez  foy  ent  enuoyez  à  mon  frère  roy  de  Bohême ,  puis  après  en 
Pologne&: autres  régions  6c  prouinces ,  efquelles  les  cfprits  des  hommes  lont  abbreu- 
uez  de  fa  do&rine:  voire  qu'ils  foyent  enuoyez  auec  vn  tel  mandemenr ,  que  tous  ceux 
qui  continueront  de  maintenir  telles  opinions,foyent  punis  par  l'aide  commun  tât  du 
bras  cccleliaftique  que  du  bras  feculier.  Voila  comment  on  pourra  finalement  obuier 
6c  remédier  àvn  tel  mal,  fi  on  arrache  du  tout  les  rameaux  auec  la  racine  :&:  fi  à  la  fa- 
ueur  de  tout  le  Concile  on  recommande  les  Euefques  &:  Prélats  qui  onticitrauaillé 
pour  abolir  cefte  herefie,cnuers  les  Rois  6c  Princes  lous  la  iurifdi&ion  defqucls  ils  font. 
Et  finalement  fi  en  cefte  ville  on  trouue  quelques  amis  familiers  dudit  Hus,  qu'ils  foy- 
entreprimez  parvne  telle  feucrité  qu'il  appartient:&  principalement  Hicrome  de  Pra 
gue  fon  difciple.Sur  cela  les  autres  dircnt,Nous  efperons  bien  que  quand  le  maiftre  fe- 
ra puni, le  difciple  fe  rengera  mieux  à  la  raifon.  Ceci  dit,ils  fbrtirent  tous  hors  du  refe- 
c~toir,où  ils  s'eftoyent  aiîemblez. 

L  e  iour  deuant  la  condamnation  de  Ican  Hus,qui  fut  le  iixiem  e  de  Iuillct ,  l'Em  pe- 
rcur  enuoya  quatre  Euefques  vers  Hus,&:  auec  eux  les  îeigneurs  deDube  6c  de  Chlum* 
afin  qu'ils  ouuTent  de  luy  ce  qu'il  auoit  délibéré  de  faire .  Apres  qu'il  fut  mis  hors  de  la 
priion,&:  amené  deuant  eux,le  feigneur  de  Chlum  commença  premier  à  parler ,  6c  luy 
dit,M.Iean  Hus,ie  ne  fuis  point  homme  de  lettres,&:  ne  fuis  pas  pour  vous  donner  con- 
feil,à  vous,di-ie,  qui  eftes  homme  fauant:  nonobftantie  vous  prie,  fi  vousvous  fentez  r??CUf<! 
coulpable  de  quelque  erreur  de  tous  ceux  qui  ont  elte  amenez  contre  vous  deuat  tout  monneite 
le  Concile,ne  craignez  point  de  changer  d'opinion ,  &c  vous  fubmettre  à  la  volonté  du  Hus- 
Concile.finon,ie  ne  vous  veux  inciter  à  faire  quelque  chofe  contre  voftrc  conlcience: 
mais  pluftoft  que  vous  enduriez  toutes  fortes  de  tourmens,quc  de  renoncer  à  la  vérité 
que  vous  auez  cogneuè'.Iean  Hus  fe  print  à  plourer:&:  dit,Comme  i  ay  défia  fait  par  plu 
heurs  fois,ie  pren  encore  Dieu  en  tefmoin,  que  ic  luis  preft:  de  bon  eccur  de  changer  d'- 
opinion,li  le  Concile  m  enfeigne  choies  meilleures  par  tcfmoignage  de  l'Elcnture.  L'- 
vndes  Euefques  qui  cftoit  là  prefent,dit  alfez  fièrement,  Qu'  il  n'auoitiamàis  eifé  fi  ar- 
rogant ,  de  vouloir  préférer  fon  opinion  au  iugement  de  tout  le  Concile .  Hus  refpon- 
dit,Et  c'eft  ce  que  ie  preten  auflï.  Car  li  le  plus  petit  de  tout  le  Concile  nie  peut  con- 
ueincre  de  quelque  erreur,ie  feray  de  bô  cœur  tout  ce  que  le  Concile  requerra  de  moy. 
Voyez  (  dirent  les  Euefques  )  comment  il  cft  obftiné&:  endurci  enfes  erreurs.  Etayans 
dit  cela, ils  cômanderent  aux  gardes  de  le  remener  en  prifon,  &  s'en  retournèrent  vers 
l'Empereur. 

Le  lendemain,quieftoitlevii.deIuillet,ilycut  vneafiemblee  générale  des  Prin- 
ces &c  Prélats  au  grand  temple  de  Conftance  :  &:  là  prefidoit l'Empereur  citant  orné  de 
les  accouftremés  Impériaux.  Au  milieu  de  tous  il  y  auoit  vn  lieu  eminent  de  la  largeur 
d'vne  table,&:  auprès  vn  tronc  de  bois,  fur  lequel  on  auoit  pofé  desornemens  de  pre- 
ftre,à  celle  fin  qu'auantquede  remettre  Hus  en  la  puilfance  du  bras  feculier,  il  fuft  pu- 
bliquement priué  &c  defpouillé  de fes  ornemens  facerdotaux,&  dégradé. Et  après  eitre 
là  amené,il  fit  fa  prière  eftant  à  genoux. 

Cependant  l'eucfque  de  Londen  monta  en  chaire,  &C  fit  vn  fermon  deuat  tous, 
pour  entrée  il  monftra  quel  danger  c'eftoit  de  ne  remédier  de  bonne  heure  aux  maux, 
prenant  fon.  thème  fur  ce  qui  cft  dit  Romains  fixieme ,  Afin  que  le  corps  de  pèche  (bit 
deftruit:alleguant  fur  cela  lauthorité  dAriftotc  &c  de  S.Hicrome.  Puis  il  propola  com- 
bien les  fchifmcs  font  à  dcteftcr,&confequemment  exhorta  les  afliltans  à  confiderer 
les  efclandres  qui  eftoyentaduenus  par  faute  d'auoirdu  tout  arraché  les  herefies.  Sur 
celaceftEuefque  efeumoit  de  véhémence,  pour  de  tant  plus  cfmouuoir  leseceursde 
ces  Pères  pitoyables,  airauoircompalîîon  de  lapertedesreuenusde  l'eglife,  quifedi- 

e.  iiii. 


L  'mrcj  /.  Jean  If 


minuoyent  par  la  doctrine  de  Hus.il  mcttoïc  en  auant  les  exemples  des  Rois,  Princes 
&c  Prélats  qui  auoycnt  grandement  travaille  à  extirper  telles  pertes,  &  n'auoventpeu. 
Et  là  deffusadreifa  fon  propos  à  l"Empereur,luy  difancen  Hattenc,Que  ce  tnôpheglo- 
ncux  l'auoit  attendu:^  que  la  plus  grade  gloire  qu'il  pourroit  ac  quérir,  c  cil  de  purger 
Feglife  de  ce  s  hereties  qui  pulluloyent:&:  que  Dieu  l'auoit  expreifément  ordonné  à  ce- 
la.Nousce  mettons  point  ici  celle  belle  harengue  de  mot  à  mot:  il  tuffit  de  monftrer  à 
quelle  fin  elle  tendoit. 

A  p  r  t  s  que  ce  lermon  fut  acheuc,le  procureur  du  Concile  demanda  que  le  procez 
de  la  cauie  contre  Iean  Hus  fuft  mené  à  fentece  defînitiue.  Lors  vn  Euefque,qui  eftoit 
des  luges  ordonnez ,  monta  en  chaire ,  &:  prononça  à  haute  voix  le  procez  de  la  cauie 
démenée  en  la  cour  de  Rome,entrc  Hus  &  les  prélats  de  Prague,  finalement  récita  les 
menues  articles  qui  ont  efté  ci  deflus  nommez:entre  lei'quels  il  y  eut  auifi  ccfluy-ci  in- 
féré entre  les  autres, a/fauoir,que  Iean  Hus  auoit  dogmatizé  que  les  deux  natures, alîa- 
uoir  la  diuinitc  6c  humanité  font  vn  mefmc  Chrift .  Hus  talchoit  de  rcfpondre  hneuc- 
ment  à  vn  chacun:  mais  à  toutes  les  fois  qu'il  ouuroit  la  bouche  pour  parler,  le  cardinal 
de  Cambfay  le  faifoit  taireduy  donnant  congé  de  parler  puis  après ,  fi  bô  luy  fembloit. 
Et  Hus  ditjComment  pourray-ic  reipondre  à  tous  les  articles  enfemblc ,  veu  que  ic  ne 
les  peux  pas  comprendre  tous  en  mon  eiprit?    Apres  cela  le  cardinal  de  Florence  dit, 
Uusncpeut  Nous  t'auons  allez  ouy. Voyant  que  Hus  ne  fe  vouloit  taire  pour  luy,il  enuoyadesoni- 
dience"    ciers  Poul faite  taire. Lors  Hus  commença  à  prier,fup  plier,  &  obtefter,qu'onluy  dô- 
naft  audience:  afin  que  ceux  qui  eftoyent  là  prefens,ne  penfaifent  point  que  les  chofes 
qu'on  dilbit  de  luy  fuiTent  vrayes.Mais  tout  cela  ne  luy  profita  de  rien:  parquoy  fe  met- 
tant à  genoux, recommanda  fon  affaire  à  Dieu,&  à  fon  Seigneur  Iefus  Chnrt,  pour  im- 
petrer  ce  qu'il  demandoit. 
Bïifphemc     Fin  a  l  t  m  t  n  t  on  propofa  contre  Hus  vn  horrible  blafpheme,lequel  on  luy  impu 
horrible     toit:ailauoir,Qu'il  deuoit  eftre  la  quatrième  perfonne  de  la  Diuinité:6c~  qu'vn  Dodcur 
iHuslierC  ^  auolt  ouy  dire. Et  comme  Hus  eut  requis  que  ceDocteur  luy  fuft  nommé,rEuefque 
qui  prononçoit  l'article  dit, Il  n'eft  beloin  de  le  nommer .    Lors  Hus  s'eferia,  difant,0 
mov  miierable,qui  fuis  contraint  d'ouir  vn  i\  exécrable  blafpliemeî 

Àpr  t  s  cela  on  luy  répéta  l'article  de  l'on  appel  à  Iefus  Chnfl:&:ceft  article  fut  lors 
nommément  déclaré  hérétique .  Sur  cela  Husdit,0  Seigneur  Iefus, duquel  la  parole 
eft  publiquement  condamnée  en  ce  Concile,  i'appclle  derechef  à  toy,qui  cftât  înique- 
menttraitté  partes  ennemis, as  appelé  à  Dieu  ton  Pere, mettant  ta  cauie  entre  les 
mains, comme  de  celuy  qui  eft  treiiufte  luge:  à  celle  fin  qu'à  ton  exemple  nous  aufli  qui 
fommes  opprimez  de  torts  5c  outrages, eu  liions  nollre  recours  à  toy. 

Encori  fut  répété  l'article  de  l'excommunication  mcfprifee  par  Hus.  Auquel  il 
refpondit  comme  auparauant, qu'il  s'eftoit  exonié  par  procureur  en  la  cour  Romaine, 
de  ce  qu'il  n'cftoit  perlonnellemcnt  comparu:&  qu'on  pourroit  prouuer  facilemet  par 
les  actes  mefmcsquc  l'excômunication  n'auoit  efté  ratiflee.Et  pour  fe  défendre  de  con 
tumacc,il  dit  que  pour  cefte  raifon  il  eftoit  venu  à  Conftance  fous  la  l'amie- garde  de  l'- 
Empereur. Or  après  qu'il  eut  dit  cela,l'vn  des  députez  leut  la  fencence  derinitiue,la- 
quelle  fut  telle: 

Sentence  de  condamnation  contre  Has. 

T  e  lacré  concile  de  Conftance  diuinement  affemblé,  Se  reprefentant  feglife  vniuer- 
-*~'iellc,pour  perpétuelle  mémoire  dufaid .    L  a  venté  tefmoigne,qu'vn  mauuais  ar- 
bre a  accouftumé  d'apporter  mauuaisfrui£t.  Pour  cefte  caufe  Iean  VuiclcfF,  homme 
de  mémoire  damnablc,a  engendré  par  là  mefehante  dodrinc  plufleurs  enfans  contre 
la  foy  falutaircde  Iefus  Chnft, corne  vne  racine  vcnimeufc:&  non  point  en  IcfusChrift 
par  rEuangiIc,comme  les  fain&s  Pères  ont  anciennement  engédré  des  enfans  fidèles. 
Lcfqucls  enfans  pernicieux ,  ledit  VuiclefF  a  laiffé  fucceifeurs  de  fa  peruerfe  doctrine: 
contre  lcfquels  ce  S. concile  deConftance  eft  contraint  fe  leuer,commc  contre  enfans 
Noter  en   baftards  6c  illegitimes,6<:  retrecher  leurs  erreurs  du  chap  du  Seigneur,  corne  cfpines  &£ 
«de cad'  kuifîbns  dômageables,&:  les coupper diligemmét  du coufteau  de  l'authorité  Ecclefla- 
mnation  la  ftique,afin  qu'ils  ne  pullulent  au  defaduantage  des  autres.  Côme  ainh  foit  donc  qu'au 
fjcôde  par  S. Concile  gcneral,qui  fut  n'agueres  célébré  à  Rome,  il  ait  efté  ordôné  q  la  dodrinc  de 
/entks  Vo  ViuticfFeiloit  digne  de  condamnation^  quefes  liures  contenans  vne  telle  dodrine, 
aijnifk».    dcuoyét  eftre  brûliez  comme  hérétiques  :  éc  qu'vne  telle  ordonnance  ait  efté  approu- 

uec 


Jean  If  us.  2  p 

uee  par  lauthonté  du  Concile-toutefois  vn certain Iean  Hus,perfonncllement  confti- 
tué  en  ce  fainct  Concile ,  difciple  ,  non  pas  de  Ielus  Chrift ,  ains  de  ce  grand  hérétique 
Vuiclctf,a  dogmatize  apres,&  contre  la  condamnation  &:  la  fufditc  ordonnance,  les  ar 
ticles  de  Vuiclctf,  condamnez  par  l'eglife  de  Dieu,  &  iadis  par  aucuns  rcuerens  Pères 
en  Dieu,  Archeuefques&:  Eucfques  de  diuers  royaumes,  &:  Dodcurs  en  Théologie  de 
plufieurs  Vniucditez:il  les  a  maintenus  &:  prefchez:&:  prirîcipalcmct  refittant  à  la  con- 
damnation fcolaftiquedefdicts  articles  de  Vuiclcf,faite  par  plufieurs  fois  en  l'vniucrfi- 
té  de  Prague,voire  reiiftant  aucc  Tes  complices  es  efcoles  &  publiquement  en  Tes  predi 
eations  :  &c  a  déclaré  deuant  la  multitude  du  clergé  &L  du  peuple  en  faueur  de  la  doctri- 
ne de  Vuiclctf,  qu'iceluy  eftoit  homme  de  bien,&:  ayant  bonne  &c  fain&e  opinion  de  la 
religion. Il  a  aufîî  maintenu  &c  publié  plufieurs  articles  à  bon  droit  damnablcs,qui  (ont 
notoiremét  contenus  és  liures  dudit  Hus.E  t  povrtant  après  auoir  tait  pleine  in- 
formation des  choies  fufditcs,&  diligente  délibération  faite  par  rcuerens  Pères  en 
Chrift  meilleurs  les  Cardinaux  delafainctecglifcR.omaine,lcs  Patriarches,  Archcuel- 
ques, Eucfqucs,&  autres  Prélats  &c  docteurs  en  Théologie  &T  droicts ,  en  grande  aflem- 
blec:  Le  prêtent  facré  concile  de  Confiance  déclare  &:  prononce  par  fentenec  défini 
tiuc,quc  les  articles  fufdits,lcfquels  ont  efté  trouucz  es  liures  dudit  Ican  Hus  eferits  de 
fa  jppre  main,&  lcfquels  il  a  aduouèz  eftre  tiens  en  pleine  audience  deuant  tout  le  Cô 
cile,ne  font  point  catholiques ,  &  ne  doiuent  eftre  dogmatizez  :  mais  il  y  en  a  plufieurs 
erronées:  les  autres  fcandaleux:  les  autres  tels  que  les  oreilles  Chreftienncs  en  font  of- 
fcnfees.il  y  en  a  beaucoup  d'autres  aufli  qui  font  téméraires  &;  fcditicux,&:  aucûs  mef- 
me  qui  font  notoirement  hérétiques ,  &c  dés  long  temps  reprouucz  &  condamnez  par 
les  faincts  Pères  &:Concilcs  généraux. Et  d'autant  que  les  articles  fufdits  font  exprefle- 
ment  contenus  és  liures  dudit  Hus  :  à  cette  caufe  ce  facré  Concile  reprouue  &:  conda- 
mne tous  tes  liures  qu'il  a  eferits  en  quelque  langue  cjuc  ce  foit, &c  qui  ont  efté  trantla- 
tez  par  dautrcs:&  ordonne  &  ^pnonce  qu'iccux  doiuent  eftre  folenncllcment  bruflez, 
Se  deuant  tous,en  la  prefence  duClergé  &:  du  peuple  en  la  ville  dcConftace  &  ailleurs: 
adiouftant  ccci,qu  a  caufe  des  chofes  lufdites,  toute  la  do&rine  d'iceluy  doit  eftre  à  bô 
droit  mefpnlee  &  fuye  de  tous  Chrcftiens.Et  à  celle  fin  que  cefte doctrine  pernicieufe 
{bit  exterminée  du  milieu  del'cglife,  ce  facré  Concile  commande  que  les  ordinaires 
des  lieux  facent  diligente  inquiiition  parcenlures  Ecclefiaftiques  des  traittez&  oput- 
cules  de  telle  fa-rinc:&  autant  qu'on  en  trouuera,qu'ils  foyent  bruflez.  Que  fi  quelcun 
mefprife  cette  fentenec  &  décret, ledit  facré  Concile  ordonne  que  les  Inquifiteurs  des 
herctiques,&:  les  ordinaires  des  lieux  procèdent  contre  tels  contempteurs,comme  lu- 
tpects  d'herefic  .  Apres  donc  auoir  tait  inquiiition  contre  ledit  Hus,&:  pleine  informa- 
tion parles  Commii]aircs&  Docteurs  és  droits  ,&:  par  les  depofitions  des  tcfmoins  di- 
gnes de  foy  &  en  grand  nombre,qui  ont  efté  publiquementleucs  audit  Hus  deuant  les 
Pères  6c  Prélats  de  ce  facré  Concile,par  lcfquellcs  depofitios  de  tcfmoins  il  apperr  que 
ledit  Hus  a  dogmatizé  plufieurs  chofes  mauuaifcs  &  tcandalcufcs ,  &  des  hercties  per- 
nicicufcs,&:  qui  les  a  prefehecs  par  fort  longue  efpace  de  temps  :  ce  facré  Concile  légi- 
timement aiïcmblé  au  fainct  Efprk,apres  auoir  inuoqué  le  nom  de  IefusChrift,definit, 
prononcc,decerne,&;  déclare  par  cette  fentencedaquclle  il  produit  par  efcrit,que  Iean 
Hus  a  efté  &c  cft  vray  manifefte  hcrctiquc,&:  qu'il  a  publiquement  pretché  plufieurs  er 
rcurs  àc  herefies  dés  long  temps  condamnées  par  1  eglife  de  Dieu ,  &:  plufieurs  chofes 
fcandalcufes,&  qui  orientent  les  oreilles  Chrcttiennes,  téméraires  &:  fediticufes  ,  &:  ce 
au  grand  deshonneur  de  la  maiefté  diuine,&:  au  fcandale  de  toute  l'Eghfc,  &:  au  dctàd- 
uantage  de  la  foy  de  feglife  catholique  :  qu'il  a  mefprifé  les  clefs  de  l'eglife  ,  &  les  cen- 
fures  Ecclefiaftiques ,  Se  a  demeuré  obftiné  &c  endurci  en  ce  mefpris  par  plufieurs  ans, 
feandalizant  grandement  les  fidèles  de  Chrift  par  fa  pertinacité,  quand  il  ainterpofé 
fon  appellation  au  Seigneur  IefusChrift,côme  aufouuerain  Iuge,lanfant  là  les  moyens 
Ecclefiaftiques. En  laquelle  appellation  il  a  mis  beaucoup  de  chofes  faufies,iniurieufcs 
&:  fcandaleufes,au  grand  contemnement  du  fainct  fiege  Apoftolique,  &:  des  cenfures 
&c  clefs  Ecclefiaftiques. Parquoy  à  caufe  des  chofes  fufdites  &:  plufieurs  autres,  le  facré 
Concile  prononce  ledit  Hus  auoir  efté  heretique,&  iuge  par  ces  preiéntes  qu'il  doit  c- 
ftre  iuge  &:  condamné  comme  heretique,&:  reprouue  ladite  appellation  comme  fean- 
daleufc  &:  iniurieufe  à  la  iurifdiction  Ecclefiaftique:&:  iuge  que  ledit  Iean  Hus  nô  feu- 
kment  a  feduit&  tiré  en  erreur  tant  par  tes  eferits  que  partes  prédications  le  peuple 


Liurc^L  Je  an  Hus. 

Chreltien,  principalement  au  royaume  de  Bohême,  &  qu'il  n'a  point  efte  vrav  prédica- 
teur de  l'Euangilc  de  Chrilt  félon  1'cxpofition  des  faincts  Docteurs,ains  feduetcunmais 
aufli  qu'il  aefte  pertinax&  incorrigible,^  tel  qu'il  n'a  point  déliré  de  retourner  au  gi- 
ron de  noftrc  mere  fainctc  cglife ,  6c  d'abiurcr  6c  Ce  deldirc  de  les  herelîcs,  ne  de  les  er- 
reurs qu  il  a  publiquement  prêteriez  &:  maintenus. Et  pourtant  ce  lhcré  Concile  décla- 
re 6c  dccerne,que  ledit  Iean  Hus  fera  demis  de  l'on  ordre  lacerdotal  auec  infamie,&:  du 
tout  dégrade* 

La  fin  du  combat  6c  heureufe  iffue  de  Ican  Hus. 

Ainsi  qu'on  lifoit  celte  fentence,  Ican  Hus  quelque  fois  entrelaçoit  quelques  pro- 
pos, combien  qu  on  ne  le  voulult  ouïr.  Et  quand  on  le  rcdarguoit  de  contumace  6c 
obllinati6,il  cria  a  haute  voix, dilant,Ie  ne  fu  ïamais  obltiné:mais  comme  ray  touiîours 
deliré,cncoic  îe  le  délire  mieux  maintenant,  qu'on  m'enfeignepar  les  lainctes  Efcritu- 
res:&:  protelte  que  l'aime  li  fort  la  veritc,que  li  le  pouuoye  en  vn  mot  renuerfer  tous  les 
erreurs  de  tous  les  hérétiques, ic  ne  refuferoye  point  de  m'expofer  à  tous  dangers.  Et 
quand  on  condamnoit  l'es  hures, il  dit,Pourquoy  lescôdamnez&r  reprouuez-vous,  veu 
que  n'auez  prouué  par  vn  feu]  argument  ou  telmoignage  des  laindes  Elcnturcs,  qu'ils 
ne  s'accordent  à  la  vente  de  Dieu,&;  aux  articles  de  la  foy  ?  Dauantage ,  quelle  grande 
iniure  elt  ceci, que  vous  auez  condâné  des  hures  eferits  en  langage  Bohemien,lcfqucls 
vous  ne  veilles  iamais,tant  s'en  faut  que  vous  les  ayez  leus  ?  Et  quelque  fois  il  leuoit  les 
yeux  au  ciel,&  prioit.Et  après  que  la  lent  ence  fut  finie,il  mit  les  genoux  en  terre,&  dit 
à  haute  voix,0  Seigneur  Iefus  Chnit,pardonnc  à  mes  ennemis .  Tu  fais  bien  qu'ils  m'- 
ont faullement  accufc,&:  qu'ils  ont  vie  de  faux  tefmoignages  &:  calomnies  contre  moy. 
Pardonne  leur,ô  Seigneur,pour  l'amour  de  ta  grande  milcncorde  àc  bonté  .  La  plus 
grand'  part  de  ces  vénérables ,  6c  principalement  les  plus  grans  le  moquoyent  de  celte 
prière. 

La  dégrada  Finalement  fept  Eueiques  députez  pour  le  degrader,vinrent  à  luy:  &:  luy  com- 
tiondcHus  mandèrent  de  veftir  tous  l'es  ornemens  facerdotaux.ee  qu'il  fît.  &:  fe  confoloit  par  l'ex- 
par  teptE-  cmple  du  Seigneur  Iefus  :  lequel  eltant  par  moquerie  veftu  d'vnc  nouuellerobbc,  fut 
renuoyé  à  Pilate.  Apres  qu'on  l'eut  ainii  accoultré  de  tous  poincts,cesEucfqucs  l'exhor 
toyétencorcàcc  qu'il  regardait  bien  à  fov,qu'il  ne  fuft  pas  obitiné  :  ains  qu'il  cuit  la  vie 
&c  ton  honneur  en  recommandation. Et  après  qu'il  fut  monté  en  ce  lieu  haut, félon  que 
la  cérémonie  le  requeroit,il  parla  au  peuple  en  plourant,  &:  dit,  Ces  mcflïcurs  les  Euef- 
ques m'exhortent  à  ce  que  îe  confelfe  deuant  vous  que  i'av  failli,  que  li  la  chofe  cftoit 
telle,qu'elle  ne  fe  fift  que  pour  diffamer  vn  homme ,  paraduenture  me  le  perfuaderoy- 
ent-ils  plus  facilement. mais  maintenant  ic  iimdcuâtlafacedc  mon  Seigneur  &  Dieu: 
ic  ne  peux  faire  ce  qu'ils  requièrent  de  moy ,  que  ce  ne  (bit  contre  ma  confciencc,  &:  en 
faifant  grande  iniure  à  mon  Dieu. Car  ic  ne  fâche  point  que  faye  ïamais  rien  enicigné 
de  toutes  ces  choies  qui  ont  cité  faulfcment  propofecs  contre  moy.  mais  i'ay  cfté  toui- 
îours de  contraire  opiniomi'ay  touiîours  cfcrit,enfeigné,  6c  prefché  tout  l'oppolite.De 
quelle  face  pourroy-ic  contempler  le  ciel ,  6c  de  quels  yeux  pourroy-ie  regarder  ceux  q 
i'ay  enfeiguez,dcfquels  il  y  a  grande  multitude, s'il  aduenoit  par  moy ,  que  ce  qu'ils  ont 
iufqua  prefent  tenu pourcertain,maintenant  leurfult  încertainrRcndroy-icpasparce 
mien  exemple  tant  de  pourcs  ames  6c  confciéces  troublées:  qui  iont  defîa  abbrcuuccs' 
de  fermes  fcntcnccs  de  rElcnturc,&:  de  la  doctrine  trcfpure  de  l'Euangile  de  noftre  Seî 
gneur  Ielus  Chrilt^Ic  ne  le  teraypoint.il  n'adiucndra  point  que  ie  donne  à  cognoiltrc 
que  ic  face  plus  de  conte  de  ce  corps  deltiné  à  mort,que  de  leur  falut.  Or  après  qu'il  eut 
iî  iainctementparlédcs  Eueiques  dirent  derechef,  qu'il  perfeucroit  maJicieufementôc 
auec  grande  obltination  en  les  erreurs  pernicieux. 

O  n  luy  commanda  donc  de  defeendre  à  l'exécution  de  la  lentence. Et  ainlî  qu'il  de- 
fcendoit,l'vn  des  fept  Eueiques  deflus  nommez ,  luy  olta  premièrement  le  calice  qu'il 
tenoit  en  fa  main,dilant,0  Iudas  maudit,pourquoy  as-tu  delaifTé  le  confeil  de  paix ,  6C 
as  pris  accointance  auec  les  Iuitsrnous  toilons  ce  calice  de  redeption.MaisHus  repouf 
fa  celte  malédiction  en  celte  forte ,  I'ay  mis  toute  ma  fiance  en  Dieu  le  Pere  tout-puifr 
fanc,&  en  mon  Seigneur 6c  Rédempteur  Iefus  Chrilt, pour  le  nom  duquel  l'endureces 
outrages:  6c  efpere  alfeurémcnt  qu'il  n'oftera  point  de  moy  le  calice  de  fa  redem- 
pnon:ains  queie  le  beuuray  auiourdhuy  en  fon  royaume.  Apres  ceftuy-ci  vindrent 
ics  autres  Euefques,  qui  ofterenç  vn  chacun  en  fon  reng  les  vcltemens  dudit  Iean  Hus: 


Jean  tfta.  30 

te  chacun  donna  fa  malédiction  .  Et  à  chacune  Hus  rcfpondoit,  qu'il  enduroit  de  bon 
cœur  ces  blalphcmcs  &c  outrages  pour  le  nom  de  Iefus  Chrift .  Et  finalement  on  luy  ra- 
cla fa  confure.Etauant  que  ces  Euefques  y  mirent  la  main ,  ils  eurent  grand  débat  en- 
tre cu\,de  quel  ferrement  cela  fe  deuroit  faire:ou  d'vn  rafoir,ou  de  forces .  Cependant 
Hus  tournant  fa  race  vers  l'Empereur,  dit,  le  m 'efbahy  grandement,  veu  qu'il  y  a  vne 
mefme  cruauté  en  tous,cômcntils  ne  s'accordcnt:toutefois  ils  conclurent  que  la  peau 
feroit  couppec  de  forces. Et  faifant  celle  belle  ccuure,dircnt,L'cglife  luy  a  ollé  mainte- 
nant tous  l'es  ornemens  &c  pnuileges  :  il  ne  relie  rien,  linon  qu'il  (bit  liuré  au  bras  fecu- 
lier.Mais  auant  que  faire  cela, on  luy  fit  encore  vn  vilain  outrage  &  contumelic.  On  a- 
uoit  fait  faire  vne  couronne  de  papier,enuiron  delà  hauteur  d'vne  coudée:  en  laquelle 
on  auoit  peint  trois  diables  horribles,&:  eferit  vn  titre  en  groftelettrc,airauoii  ce  mot, 
Heresiarch  a, qui  lignifie  prince  ou  maiflre  des  hérétiques.  Et  ayant  veu  celle 
belle  couronnc,ildit,LcFils  de  Dieu  mon  Seigneur  Iefus  Chrifl  a  porté  pour  l'amour 
demoy  vne  courône  d'efpincs:pourquoy  neporteroy-iepour  l'amour  de  luy  celle  cou- 
ronne légère, quelque  ignominie  qu'il  y  aitîie  le  feray  certes,&  de  bon  cœur.  Ainli  qu'- 
on la  luy  poloit  fur  la  tefte,les  Euefques  difoyent,  Nous  donnons  en  garde  maintenant 
ton  ame  au  diable .  &C  Hus  leuant  les  yeux  au  ciel,dit,  Mais  ie  recommande  mon  efpric 
en  tes  mains, Seigneur  lcfus:qui  m'as  racheté,Dieu  de  vérité. 

Apres  ces  outrages,les  Euefques  tournèrent  leurs  faces  vers  rEmpercur,&  luy  di 
rcnt,Cc  facré  concile  de  Conllancc  dclaifte  au  iugement  &:  puiiTance  ciuile  Iean  Hus, 
lequel  n'a  plus  aucun  office  ni  affaire  en  leglife  de  Dieu.  Lors  l'Empcreurfit  mande- 
ment au  duc  Louis  deBauiere(qui  lors  elloit  debout  deuant  luy  auec  fou  orncment,te- 
nant  en  la  main  vne  pomme  d'or  auec  la  figure  de  la  croix)  qu'il  princ  Iean  Hus  de  la 
main  des  Eucfqucs,&:  le  liurall  aux  bourreaux.  Et  ainli  qu'on  le  menoit  au  lieu  du  fup- 
plicc,il  vit  en  partant  brufler  fes  hures  dcuant  Je  portail  du  grand  temple,  &fefoufrit. 
En  allant  il  exhortoitvn  chacun  qu'ils  ne  penlalTent  point  qu'il  fuft  mené  à  la  mort 
pour  quelque  herelie:mais  par  la  haine  &C  mal-vueillance  de  fes  aducrfaires,qui  l'auoy- 
ent  chargé  de  crimes  trciiniques,&:  de  faux  blafmes .  Et  grande  multitude  de  citoyens 
armez  le  luiuoyent. 

L  e  lieu  du  fupplice  fut  ordonné  hors  delà  porte  qui  meine  au  challeau  de  Gotlebé, 
où  Hus  auoi  t  elle  auparauant  détcniuce  fut  en  vne  place  qui  ell  comme  vn  pré  au  mi- 
lieu des  iardinsdudit  faubourg  .Quand  ils  lurent  làvcnus,Husfe  mit  àgcnoux,&:  leuat  „  . 
les  yeux  au  ciel  ,prononçoit  quelques  fenteces  des  Pfeaum es, en  faifant  oraifon,  &:  prin  aulieudu 
cipalcmcntdu  x  \  x        l  i.  Ceux  qui  clloyent  près  de  luy,  l'ouïrent  prier, &fouucnt  ^??^ce- 
répéter  ce  verfet  d'vne  façon  ioyeufe  Se  alaigrc,Ie  recomande  mon  cfprit  en  tes  mains, 
ôSeigncurrtu  m  as  racheté,ô  Dieu  de  vérité .    Et  quelques  hommes  laiz, qui  clloyent 
plus  près ,  voyans  cela ,  difoyent ,  Nous  ne  fauons  pas  ce  qu'il  a  fait  par  ci  dcuant  :  mais 
maintenant  nous  voyons  &c  ovons  qu'il  parle  &:  prie  fainclcmcnt .  Les  autres  defîroyéc 
qu'il  euft  quelcun  pour  le  conferter.il  y  auoic  là  vn  certain  preftre  à  chenal, veftu  d'vne 
robbe  vcrde,doublcc  de  latin  ou  taffetas  rouge:  lequel  dit,  Il  ne  doiteftre  ouy,  pource 
qu'il  cft  heretique.Et  ainli  qu'il  prioit,il  leua  lesyeux  au  ciel,&:  ployant  le  col, il  fit  tom- 
ber de  fa  telle  celle  belle  couronne  de  papier  qu'on  luy  auoit  mile.  Lors  l'vn  des  fatel- 
lites  dit,  Remettons-la  fur  fa  telle,  afin  qu'il  foit  bruflé  enfemble  auec  fes  maiftresles 
diablcs,aufquels  il  aferui. 

C  e  s  bourreaux  le  firent  leuer  du  lieu  où  il  faifoit  fon  oraifon  :  &:  commença  à  dire  à 
haute  voix, Seigneur  Iefus  Fils  de  Dieu,artîilc-moy ,  à  ce  que  par  ton  faincl  aide  ie  puif- 
fe  conftamment  &  patiemment  endurer  celle  mort  cruelle  &r  ignominieufe,  à  laquel- 
le ie  fuis  condamne,  pour  auoir  prefché  la  parole  de  ton  faincl:  Euangilc.  Apres  cela  il 
expofoitaupeuplelacaulédefamort,commcilauoit  fait  auparauant .  Le  bourreau 
cependant  luy  olla  fes  habillemens,&  l'attacha  à  vn  pofteau ,  de  cordes  mouillées .  Et 
d'auenture  il  auoit  la  face  tournée  vers  foleil  lcuant:&:  aucuns  dirent,  Il  ne  faut  pas  qu* 
il  foit  ainfi:il  n'ell  pas  digne  de  regarder  l'Orient  :  car  il  ell  hérétique.  &C  pourtant  il  fut 
tourné  deuers  l'Occident.On  attacha  aufll  fon  col  d'vne  chaine  de  fer  au  pofteau:&:  re 
gardant  celle  chaîne, il  le  print  à  rire ,  &c  dire  que  de  bon  cœur  il  endureroit  celle  chai- 
ne,pourlenomde  Iefus  Chrift,lequel  il  fauoit  auoir  cftégarroté  d'vne  autre  plus  eftra 
ge  façon. Or  on  auoit  mis  fous  fes  pieds  deux  fagots  auec  de  la  paille.  Ainli  eftoic-il  en- 
clos de  bois  depuis  les  pieds  iufqu'au  menton. 


LîMCj  L  Jean  H  m. 

O  r  auant  que  le  feu  fuit  mis  au  bois ,  Je  grand  Marefchal  de  l'Empire,  &:  vn  autre  a- 
'"   ticcluy  s  apptocherent  de  Hus,&l  exhortèrent  encore  de  ùuucrla  vie:  &  pour  ce  faire 

t  de  le  rtcJ        ,,  n  <  r  r-    -i  J  •     a         i  1 

,  .t  qu  il  renonçait  a  les  erreurs .  ht  il  du,  A  quels  erreurs  renonccroy-ic,  veu  que  ie  ne  nie 
•••=>•  fen  coulpablc  d'aucun  crrcurrCarielay certainement  que  tant  s'en  fane  que  ia\  e  prclr 
ché  l  i  que  r'aufllmcnt  on  a  amené  contre  moy,quc  meime  je  n'y  pcnlay  ianiais.tt  voi 
ci  quelle  a  efte  la  fin  6c  le  principal  but  dcmado&rinc,Denlcigneraux  hommes  la  rc 
pcnianct&  la  remiflion  des  pcchcz,fôlon  la  vérité  de  l'Euangiledu  Fils  de  Dicu,&I- 
expolitiondesfaincts  Do&curs.&  pourtant  ie  fuis  preft  de  mourir  d'vn  cccurioycux& 
alaigre.  Oi  après  qu'il  eut  dit  cela,  ils  lclaiflerent,&scn  allèrent.  On  commença  à 
mettre  lefeu  au  bois. Se  Hus  cria  à  haute  voix,dilant,  Icfus  Ciiriil  FiJsde  Dieu  viuanr, 
aye  pinc  de  moy.  11 1  £  peta  cela  par  trois  fois  :  Se  le  vent  pou  lia  la  flamme  contre  la  lace, 
de  fut  incontinent  cltoufic. Nonobstant  il  le  remua  quelque  peu, autant  qu'on  pourrait 
demeurer  à  réciter  l  ot  aiibn  Dominicale  par  trois  lois.  Apres  que  tout  le  bois  fut  cou 
fumé,ily  auoit  encore  la  partie  fuperieurede  fon  corps,qui  tenoit  attac  hée  a  la  chaîne. 
F  inalt  ment  ils  la  ietterent  aucc  le  polleau  dedans  le  ieu,&:  y  mirent  d'auti  c  bois,&  cal- 
ferent  la  telle  en  pièce s-afîn  qu'il  fuft  pluftoft  réduit  en  cendres. Et  Ion  cœur  fut  trouué 
entre  les  entrailles,^:  le  frappèrent  de  baftons:&  finalement  le  fichei  eut  en  vn  ballon 
aigu,&  le  roftirent  à  part»iufqu  a  ce  qu'il  fut  du  tout  confumé  .  Ils  ment  diligence  à  re- 
cueillir les  cendres, 6c  les  ietterent  dedans  le  Rhin,arïn  qu'il  ne  reliait,  rien  de  cell  hom 
me  fur  la  tcrre,tant  petit  que  ce  fuit. Toutef  ois  fa  mémoire  ne  pourra  iamais  élire  effa- 
cée du  cœur  des  fidcles,nc  par  feu,ne  par  eau, ne  par  aucune  forte  de  tourmens. 

Ccluy  qui  a  rédige  pai  eferit  cette  hiftoire.a  efte  preftntàtout  cequ'ila  raconté  ici  :arîn  que  nul 
ne  penle  que  cefoit  vn  tefmoiguage  pai  ouy  dire. 

E  N  T  R  F  les  ïpirtres  que  (eau  Hus  a  eferites  depuis  Ton  entreprife  de  parrir  de  Boheme.pour  aller  au  concile  Je  Confiance," 
iulqu  a  fa  morticellcs-ci  oiu  iemblé  les  plus  dignes  «i'eftrc  conferuecs  &  gardées. 

Copie  des  lettres  que  Hirs  tailla  â  ceux  de  fon  pais  de  Bohême ,  eftam  fur  )c  pomit  de  partir  de:  Bohême  pour  aller  au  cond'c 
deCoiiftau^e. 

P^SP^  ^  ^  ^  Hus,  feruiteur  de  noftre  Seigneur  IefusChrilF,à  tous  fidèles  &:fré- 
U  s  ^u  namicz  '  4U1  ont  Par  moY  ouy  &  rcceu  la  parole  de  Dieu,  miicricorde 
fΣ%S&*\  &  paix  de  par  Dieu  nollre  Perc  Se  fon  Fils  lelus  Chrift ,  au  lainet  Efprit,  à  ce 
qu'ils  pimTcnt  cheminer  fans  macule  en  la  vérité  de  Dieu.  Frère  s  tidcles&:  bien- 
aiinczjvous  làucz  qu'il  y  a  défia  long  temps  que  ie  vous  av  fidèlement  enfeignez,  Se  en 
bonne  confeience:  vous  propofantla  parole  démon  Seigneur,  &  non  point  choies  cou 
traites  à  la  foy  de  leiusC  liait,  ne  fa  u  fie  doctrine,  car  l'ay  toufiours  cerchc  voltrcfalur,& 
cercheray  tant  que  viuray  en  ce  monde. J'auoye  bien  délibéré  de  vous  annoncer  la  pa- 
role de  Dicu,auant  que  partifFc  pour  aller  au  concile  de  Confiance  :  Se  aucc  ce  réfuter 
les  faux  tefmoignagcs  Se  tefmoins  par  lcfqucls  on  me  veut  faire  mourir:  mais  faute  de 
temps  ne  m'a  permis  de  faire  celaxc  que  toutefois  ie  feray  ci  après.  Parquoy  vous, mes 
frères, qui  fauez  ces  choies  dcmov,que  li  on  me  traitte  outrageulement ,  ce  n'efl  pour 

Hus  s'ar-  quelque  fau/Te  doctrine:  pcrfjftez  fermes  en  la  venté,  vous  fîans  en  la  feule  milericorde 
év  bonté  de  Dieurlaquclle  vérité  Dieu  vous  adonnée  pour  la  bien  cognoillre&:  con- 

uade"0"  Raniment  maintenir  :6c  la  vous  a  donnée  par  moy, qui  vousay  ellé  fidèle  annonciateur 
'  1  "  dicellc.Et  donnez-vous  de  garde  des  faux  prelcheurs.  Icpartiray  maintenant  auec  le 
faut-conduit  de  l'Empereur:  Se  ne  doute  point  que  ie  ne  trouue  beaucoup  d'ennemis, 
mortellement  enuenimez  contre  moy,prefts  à  faufîement  depofer  contre  moy.  Entre 
les  autres  il  y  aura  des  Euefques  Se  Doéteurs,&:  quelques  Princes:il  y  aura  plufieurs  Pha 
i  j/ïcns.Mais  i'ay  ma  fiance  en  mon  bô  Dieu  Se  Sauueur  tout-puiffant,que  pour  l'amour 
de  fa  promellc,&:  par  vos  prières, il  me  donnera  fagelîé  Se  bouche  prudente:  en  forte  q 
ie  leur  pourray  relifler. outreplus ,  qu'il  me  donnera  fon  fain£t  Elprit ,  à  ce  que  ie  puilfe 
demeurer  ferme  en  fa  vérité  :  en  forte  que  les  portes  d'enfer  ne  me  puùTent  arracher. 
Dauantage,il  me  fera  ce  bien,que  ie  pourray  hardiment  mefprifer  les  tcntations,la  pri 
fon,&  les  tourmens  de  la  mort:commc  nous  voyons  le  Fils  de  Dieu  mefme  auoirgric- 
uement  enduré  pour  l'es  bien-aimez ,  nous  laifîant  exemple ,  à  ce  que  nous  endurions 
patiemment  toutes  chofcs,pour  la  gloire  de  fon  nom. Il  eft  noftreDieu,&  nousfommes 
les  creatures.il  cftnoftre  Seigncur,&:  nousfommes  Ces  feruiteurs.  Il  eft  fouucrain  prin- 
ce* 


Le  but  a 


Jean  tfut.  $t 

ce  Se  gouucrneur  de  tout  le  monde ,  6c  nous  fommes  poures  hommes  &c  mi&rables .  Il 
n'a  belbin  de  ricn,&:  nous  auons  beibin  &C  faute  de  toutes  chofes.  Il  a  fouffert,&:  quelle 
raifonyauroit-ilquenousne  fouffriffions:  veu  que  nos  oppreffions  &tourmens  font 
préparations  à  falut?  A  la  verité,il  eft  impoffible  que  quiconque  croit  en  luy,&  demeu- 
re ferme  en  fa  verité,penfTe  &:  tombe  en  ruine.Parquoy,mes  bien-aimez,pricz  inftam- 
ment,pourueu  que  cela  foit  à  fa  gloire,qu'il  luy  plaife  me  fortifier  par  fon  Efpnt,lequel 
face  que  ie  perfîfte  en  fa  verité,&:  me  deliure  de  toute  iniquité .  Or  fi  par  ma  mort  fa 
gloire  doit  eftre  aduancee,quefon  bon  plaifîr  foit  de  me  retirer  bien  toft:  &c  me  face  la 
grâce  que  ie  puifTe  conftamment  endurer  tout  ce  mal .  Tant  y  a  toutefois,  que  s'il  co- 
gnoit  eftre  plus  commode  pourvoftre  bien  6c  mon  falutde  retourner  à  vous:  vous  6c 
moy  faifons  luy  cefte  requefte,qu'eftant  venu  au  Concile,  ie  retourne  fansiniquité:c- 
cft  affauoir,quc  ie  ne  diminue  rien  de  la  vérité  de  l'Euangile  du  Seigneur  Iefus:  à  celle 
fin  que  nous  puiffions  plus  puremét  cognoiftre  cefte  verité:&:  ofter  6c  du  tout  arracher  ™  dèfir 
du  milieu  de  nous  la  dodrine  faulle  de  V  Antechrift,&  laifTer  à  nos  frères  vn  bon  exem-  fun**» 
pic,  lequel  ils  puifîcnt  imiter.  Or  il  fe  pourra  bien  faire  que  vous  ne  me  verrez  plus  à 
Prague:nonobftantfiDieutout-puifîant  permet  par  fa  fainde&:  bonne  volonté,queie 
retourne  vers  vous,nous  profiterons  de  tant  meilleur  courage  6c  plus  alaigre  en  la  Loy 
du  Seigneur:&:  nous-nous  eliouirons  enfemble:&  lors  principalement,quand  nous  fe- 
rons recueillis  en  la  gloire  eternelle.Dieu  eft  bon,mifericordieux&  iufte:  6c  dône  paix 
à  fes  efleus  &:  fideles,&:  ici  6c  après  leur  mort .  le  prie  ecluy  qui  par  fon  fang  précieux 
nous  a  lauez  6c  nettoyez ,  nous  qui  fommes  fes  brebis,qu'il  vous  ait  en  fa  fainde  garde. 
Et  comme  fon  fang  eft  tefmoin  éternel  de  noftre  falut,  auffi  qu'il  vous  face  cefte  grâce, 
que  puiffiez  accomplir  fa  volonté:&  ainfi  vous  ayez  repos  6c  gloire  perpétuelle,  parno 
lire  Seigneur  Iefus  Chiift,qui  eft  Dieu  eternel,&:  vray  home  nay  de  la  vierge  Marie,  au 
quel  eft  gloire,&:  fera  à  tout  iamais,auec  tous  ceux  qu  i  demeurerôt  fermes  en  fa  vérité. 

Autre  copied'vnc  lettre  qu'il  cnuoya  au  peuple  de  Bohcme,cftant  venu  àConfoncc,&  auant  qu'il  fuftcoalHtuéprifonnief. 

RACE  &:  paix  de  parDieu  noftre  pere,&:  de  par  fon  Filsnoftre  Seigneur  Iefus 
Chrift:afin  qu  eftans  deliurez  des  pechez,vous  cheminiez  en  la  grâce  d'iceluy,& 
croilliez  en  toute  honnefteté,modeftie  6c  vertu,&  après  cefte  vie  iouiffiez  de  la  vie  bié- 
heureufe  6C  eternelle.Mes  bien-aimez,quicheminez  félon  la  Loy  de  Dieu,ie  vous  prie 
ne  reiettez  le  foin  du  falut  de  vos  ames,quand  vous  entendez  la  parole  de  Dieu,  en  oy- 
ant  c  e  qui  vous  eft  dir:afin  que  les  faux  dodeurs  6c  hypocrites  ne  vous  deçpiuent ,  lef- 
quels  tant  s'en  faut  qu'ils  reprennent  les  péchez  des  hommes,que  pluftoft  ils  lesamoin  Le  propre 
drillcnt-Ils  flattent  les  Miniftrcs  de  1  egliferils  ne  defcouurent  les  ofFcnfes  du  peuple: ils  a*^1»  d° 
fe  magnifient  cux-mefmes:  ils  prifent  hautement  leurs  vertus,  &:  defdaignent  d'enfui- 
ureChrift  en  humilité  6c  abiedion,en  poureté,opprobres,&:  diuerfes  fortes  d'afflidiôs. 
Dcfqnels  le  Fils  de  Dieu  noftre  Sauueura  predit,difant,Faux  chnfts  6c  faux  prophètes 
s'eileueront,&:  f  eduiront  plulieurs .  Et  quant  aux  fidèles,  il  leur  donne  ceft  aduertifïe- 
mcnt,dilant,D6nez-vous  bien  garde  des  faux  prophètes  qui  viennent  à  vous  envefte- 
mens  de  brebis:mais  au  dedans  ce  font  loups  rauiflans .  vous  les  cognoiftrez  par  leurs 
fruids.Et  à  la  vérité  les  fidèles  de  Chrift  ont  bien  befoin  de  fe  donner  garde,  &:  d'adui- 
fer  à  eux  de  bien  pres.car  comme  le  Seigneur  Iefus  dit ,  S'il  fe  peut  faire,les  efleus  mef- 
mes  feront  induits  à  erreur.Parquoy,mes  bien-aimez,  veillez,de  peur  que  ne  foyez  fur- 
pris  parles  fallaces  de  Satan. Et  d'autant  deuez- vous  eftre  bien  aduifez,que  vous  voyez 
que  le  diable  vous  donne  de  grans  affaux .    Le  dernier  iugement  eft  bien  presda  mort 
ouure  la  gueule,&:  en  engloutit  plufieurs .  Mais  le  royaume  de  Dieu  eft  prochain  aux 
efleus,d'autant  que  fon  Fils  a  liuré  fon  corps  pour  eux .  Ne  craignez  point  les  horreurs 
de  la  mort.  Aimez  vous  l'vn  l'autre.  Perfeuerez  fans  cefi*e  en  l'intelligence  de  la  bon- 
ne volonté  de  Dieu .  Que  le  iour  terrible  &  efpouuantable  du  iugement  vous  foitde- 
uant  les  yeux  inceflamment,afin  que  ne  péchiez .    Dautrepart,reduifez  toufiours  en  ^  ^  Je 
mémoire  la  ioye  de  la  vie  éternelle  &  bien-heureufe,à  laquelle  il  vous  faut  afpirer.Pro-  fidd" fe  6 
pofez-vous  outreplus  la  paifion  de  noftre  Seigneur  Iefusrà  celle  fin  qu'enduriez  volon-  doitpro- 
tairementauecluy&:  pour  luy  tous  opprobres  6c  toutes  afrlidions,qui  pourront  adue-  pofer' 
nir.Car  fi  fes  opprobres  &:  fa  croix  vous  viennent  en  mémoire,  vous  ne  ferez  opprimez 
de  fafcheries  quelconques ,  ains  donnerez  lieu  de  bon  cœur  aux  tribulations,  aux  ma- 
lédictions ,  iniurcs,  outrages,  emprifonnemens ,  batcures  :  &  fi  la  neceflité  le  requiert, 


Jean  Hhs. 


Confiance 
fainttc. 


Admoni- 
tions tous 
cfhtJ. 


vous  ne  ferez  difficulté  d'cxpofer  voftre  vie  pour  la  vcrité.Sachez,mes  frères,  que  Y  An- 
techrift  irrité  contre  vous,braiTe  diuerfes  perfecutions  &:  cruelles  :  &c  toutefois  il  y  en  a 
plulieurs  à  qui  il  n'a  peu  nuire  tant  peu  que  ce  foitxomme  bien  le  monflreray  par  mon 
txempIe,combien  qu'il  meportc  vne  haine  mortelle .  Pourtant  îe  vous  prie  tous, que 
par  vos  oraij'ons  vous  intercédiez  pour  moy  enuers  Dieu  :  à  celle  fin  qu'il  me  donne  in- 
telligence, fourfrance,  patience,  hardie/Te,  &c  confiance  en  celle  ville  de  Confiance.  &: 
que  ie  ne  me  reuolte  ïamais  de  fa  vérité  Diuine .  Iceluy  m'a  défia  amené  à  Confiance. 
En  tout  le  chemin  ie  n'ay  point  celé  mon  noimmais  l'ay  confeifé  franchemcnt,commc 
il  efl  conuenable  de  faire  à  vn  vray  feruiteur  de  Dieu .  le  ne  me  fuis  point  caché  ou  en 
ville  ou  en  village,ou  en  quelque  lieu  que  ie  me  foye  trouué.  Et  n'ay  point  en  lieu  quel- 
conque rencontré  des  ennemis  plus  ouuerts  &:  pernicieux  qu'en  Bohême  :  &:  encores 
ie  n'y  euffe  eu  des  ennemis,linon  qu'aucuns  aftronteurs  du  pais  mefme  de  Boheme,gi  a 
tifians  pour  quelques  bénéfices  qu'on  leur  auoit  ietté  en  la  gueule ,  confits  en  auaricc, 
eufTcnt  donne  àentédre  q  i'auoye  deflourné  le  peuple  du  droit  chemin,  mais  i'ay  bon- 
ne efperance  q  Dieu  me  rera  ce  bien,  par  fa  grade  bonté  &c  mifericorde,&:  par  le  moyé 
de  vos  prières  &:  oraifons,que  ie  perfeuereray  en  fa  vérité  iufqu  au  dernier  foufpir .  Fi- 
nalement ie  vous  recommande  tous  à  ce  bon  Seigneur  Iefus  Chrifl ,  vray  Dieu  6c 
vray  homme,  fils  de  la  vierge  immaculée  Marie,  lequel  nous  a  rachetez  par  famort 
ignominieufe  des  peines  éternelles,^  fans  aucuns  nos  mérites:  &c  nous  a  deliurez  de  la 
tyrannie  horrible  du  diable,  &c  de  la  feruitude  de  nos  péchez .  Iceluy  foit  bénit  à  tout 
iamais .  Amen. 

Hus  cfcriuit  cefte  lettre  cfe  ù  propre  main ,  eftant  en  prifon  i  Confiance  ,  pour  admonnefter  &  confoler  le  Roy  &  le  royaume 
deBohemejicequ'ilsnedelaifTcntla  vraye  &  pure  doctrine  de  l'Euangile  ,ne  les  fidèles  Docteurs  d'icellc:  quelque  chofe 
que  le  diable  &  le  monde  efeument  leurs  rages  jnaù  qu'vn  chacun  viue  (àinctement  &  honneftement,  félon  la  mefure  de  ù. 
vocation. 

fgnjgl  E  A  N  Hus  feruiteur  de  Dieu,  defire  que  tous  les  fidèles  de  Bohême  viuent  6c 
|||§jjî  meurent  en  la  grâce  de  Dieu  :&:  que  finalement  ils  paruiennent  à  la  vie  éternel- 
le.le  vous  prie  &C  admonnefte,  vous  qui  elles  conflituez  en  authorité,  &  vous  riches,&: 
vous  auffi  qui  elles  poures,  mes  frères  bicn-aimcz  &:  fidèles  en  noflre  Seigneur,  que 
vous  rendiez  entière  &:  purcobeiiTanceàDieu,que  vous  magnifiez  fa  parole,  &:  l'ay- 
ans  ouye,que  vous  l'accomplifliez  de  fai£t.Ie  vous  fupplie  de  bon  cceur,que  vous  adhé- 
riez à  la  vérité  de  Dieu ,  laquelle  i'ay  recueillie  de  la  pureté  de  fa  Loy ,  &C  la  vous  ay  an- 
noncée.S'il  y  a  quelcun  qui  ait  ouy  de  moy  ou  en  prédications  publiques,ou  en  deuis  fa 
milicrs,ou  leu  par  eferit  chofe  qui  foit  contre  la  vérité  de  Dieu ,  qu'il  ne  la  fuiue  point, 
combien  que  ie  ne  me  fente  coulpable  d'auoir  iamais  parlé  ou  mis  par  ef  erit  vne  telle 
chofe.Dauantage,ie  vous  prie,que  s'il  y  a  quelcun  qui  ait  apperceu  quelque  légèreté 
ou  en  mon  parler  ou  en  mes  moeurs ,  qu'il  ne  l'imite  point  :  mais  qu'il  facc'requefle  à 
Dieu  pour  moy,qu'il  me  pardonne  vne  telle  offenfe .  le  vous  prie  que  vous  aimiez  les 
miniflres  qui  font  de  bônes  mceurs,que  les  préfériez  aux  autres,&  les  honoriez:&r  prin 
cipalement  ceux  qui  trauaillent  de  bon  cœur  pour  la  parole  de  Dieu .  le  vous  prie  que 
vous  vous  gardiez  des  hommes  frauduleux  ,  principalement  des  miniflres  hypocrites, 
defquels  Iefus  Chrifl  dit,qu'ils  viennent  en  veflemens  de  brebisrmais  ce  font  loups  ra- 
uiflans  au  dedans. le  prie  les  feigneurs,  qu'ils  traittent  leurs  poures  fuiets  en  toute  hu- 
manité^ les  gouuernent  iuflement.Ie  prie  les  bourgeois  &c  citoyens,  qu'ils  côuerfent 
en  bonne  confeience  en  leur  façon  de  viure .  le  prie  les  artifans  d'exercer  leurs  ouura- 
ges  diligemment,^  qu'ils  en  vfent  auec  crainte  de  Dieu.Ie  prie  les  feruitcurs, qu'ils  fer 
lient  fidèlement  &:  en  bonne  confeience  à  leurs  maiftres.  le  prie  les  maiflres,qu'en  vi- 
uant  honneflement,ils  inflruifent  leurs  difciples  bien  &c  fidèlement ,  &£  qu'ils  les  enfei- 
gnent  premièrement  à  craindre  Dieu  puis  après  qu'ils  leur  apprennent  des  honnefles 
difciplincs:&:  que  cela  foit  pour  l'amour  de  la  gloire  de  Dieu,de  l'vtilité  publique,&:  vo 
ftre  propre  falut:&:  non  point  pour  auance,ne  pour  les  honneurs  de  ce  monde .  le  prie 
toutes  gens  d'cfludes,qu'en  toutes  chofes  honnefles  il  obeifTcnt  à  leurs  precepteurs,& 
qu'ils  efludient  en  grande  diligence,àce  qu'ilspui/Tent  profiter  à  aduancer  la  gloire  de 
Dieu,&:  à  procurer  leur  falut  &:  des  autres.Ie  vous  prie  tous  enfemble,que  vous  remer- 
ciez les  bons  feigneurs  &c  gentils-hommes  tant  du  royaume  de  Bohême ,  que  de  Mora- 
uc  &:  Pologne,&:  que  preniez  tous  en  gré  leur  diligéee.  Car  comme  vaillans  defenfeurs 
de  la  vérité  de  Dieu,ils  fe  font  par  plulieurs  fois  oppofezà  tout  le  Concile  pour  ma  de- 

liurance 


Jean  Ifu*.  32 

liurance,&  vont  employé  tout  Icurpoiiuoir  :  6c  principalement  les  feigrreurs  de  J)ube 
6c  de  Chliï.  Adiouitcz  fov  à  tout  ce  qu'ils  vous  diront:car  ils  eftoyçnt  au  Concile  quand 
on  me  fie  rcipondre  par  plulîcurs  iburs.  Ils  fauet  bien  qui  font  ceux  de  Bohême  qui  onc 
produit  tantdc  hlafmcs  ôc  faufles  acculatipns  contre  moy:  de  quelle  lot  te  cefte  belle  al 
fçmblce  crioitimpetueuieincnt  contre  moy:&:  comment  le  rcipondoye  à  toutes  les  m 
tei  relations  qu'on  me  taifoit.Ie  vous  jupplieaufli  que  vous  priez  Dieu  pour  le  roy  des 
Romains,&  pour  voftre  Roy  6c  pour  voftre  Roine  la  femme ,  à  ce  que  ce  bon  Dieu  de- 
meure aucc  eux  &  auec  vous, maintenant  &:  après  en  la  vie  éternelle  6c  bien-heureufe, 
Ainfi  toit  il .  I "ay  eferit  celte  lettre  en  la  pril'on,  attendant  que  demain  on  prononcera 
fentence  de  mort  contre  moy:&  avant  pleine  confiance  en  mon  bon  Dieu,  qu'il  ne  me 
lama  point,  &c  ne  permettra  q  îe  renie  la  vérité  ,&c  q  iemedeidife  des  erreurs,  lelquels 
faux  tcfmoins  ont  malicicuiement  controuué  contre  moy. Or  vous  cognoiftrez  quand 
nous  ferons  cnfemblc  recueillis  cnlaioye  du  iieele  à  venir  par  l  aide  du  Fils  de  Dieu,cô 
bien,  mon  bon  Dieu  me  traitte  doucement  6c  humainement,  6c  de  quelle  puiflance  il 
m'ailifteen  ces  grandes  tribulations .  Touchant  maiftre  Hieromc  mon  compagnon  ^  "p'a" 
bien  aimé, ie  n'en  ay  ouy  dire  autre  chofe ,  linon  qu'on  le  tient  bien  enrouement  ferre,  Jue>  n~ 
6c  qu'il  attend  la  mort  comme  moy.&ce  pour  maintenir  la  foy, laquelle  îi  enfeignoit  fi- 
dèlement aux  Bohémiens.  Mais  aucuns  de  ceux  de  Bohême  nos  plu  s  cruels  ennemis, 
nous  ont  liurez  en  la  ragc&:  puijfance  d'autres  ennemis.  le  vous  liipplic  priez  Dieu 
pour  eux  .  Et  vous  de  la  ville  de  Prague ,  îe  vous  prie  de  donner  ordre  tant  que  Dieu  le 
permettra,  que  la  parole  l'oit  purement  annoncée  au  temple  de  Bcth-lehcm. Satan  eft 
courroucé  contre  ce  lieu  la,&  a  fufeite  eôtre  iceluy  la  rage  des  Curez  6c  Chanoines, d'- 
au tant  qu'il  voyoit  là  affoiblirfon  royaumc.l'ay  bonne  cfperancc  qDieu  bénira  ce  lieu- 
la  ,  &  qu'il  fera  plus  profiter  la  parole  en  iceluy  par  d'autres,qu'il  n'a  fait  par  moy  poure 
infirme. le  vous  prie  auifi  que  vous  aimiez  l'vn  l'autrc,&  n Vmpclchans  perfonne  de  ve- 
nir à  la  venté  de  Dieu ,  vous  procuriez  que  les  bons  ne  lovent  opprimez  par  violence, 
A  Dieu. 

Autre  copie  d'vne  Lcurequ  i!  ennovaiccus;  Je  Bo!  eme  ,en  laquelle  il  remnnfhe  comment  !e  Concile  i'auoit  condamné  par 
faux  ccfmomsA  l»«     liures,!cf<]iislsils  n'auo)  cntiamais  vctis. 

Ican  H  us  feruitcurde  IelusChrift,demc  lagracede  Dieu  atous  lesfidelesduroyaume 

de  Bohemcqui  aiment  Die  u  en  vente. 
Sjjfê&jffi  E  S  frères  bien-aimez  en  noftrc  Seigneur,  cec  i  m  eft  encore  venu  en  mémoire, 
II^IJ  de  vous  aeimonnefter  que  vous  conlidenez  de  quelle  façon  le  concile  de  Con- 
ltancc,rcplid,auaricc,orgueil,&:  toute  abomination, a  condâne  mes  liuies,qui  ont  cite 
clciit^  en  langage  vulgaire  Bolu  mien, comme  hérétiques:  lelquels  il  ne  veit  iamais,&: 
ne  les  a  point  ouy  lire. Et  quand  encore  il  leseullouy  lire:  tant  V  a  toutefois  qu'il  ne  les 
cuit  point  entendus,  car  il  y  auoitcncc  Concile  des  Italiens ,  A  lem  an  s,  brançois,  An- 
glais,Efpagnols  A  gens  d'autres  nations  &:  languesriinon  qu 'ily  auo'itlàvnEuclquedu 
pais  de  Bohcnie:&  quelques  autres  Bohémiens  de  mes  plus  grans  ennemis  :  quelques 
pi  e  itres  aulîi,qui  pouucycnt  bien  entendre  le  langage ,  lelquels  ont  les  premier';  com- 
mence a  diffamer  parcalomnics&  la  vente  de  Dicu,&  noltre  pais  de  Bohême  .  Du- 
que  1  pais  i'ay  eeilebonnc  opinion, qu'il  eft  cnlafoy  de  Dieu:d  autant  que  grandement 
il  appetc  la  parole  de  Dieu,&les  bonnes  6c  fainctes  mœurs. Et  ii  vouseulliczeilé  àCô- 
ftance,vous  eufliez  veu  la  grande  abomination  6c  horrible  de  ce  Concile,  qui  s  appelé 
Trcllain^ôc  ledit  tel  qu'il  ne  peut  errer .  De  laquelle  i'ay  entendu  parplulieurs  gens 
de  Suaube,que  Confiance  ne  pourra  eftre  purgée  des  ord  ure*s  6c  vilenies  commilcs  en  La  ville  Je 
ceft  exécrable  Concile, de  trente  ans  :6c  prcfque  tous  font  offenfez  de  cefte  dcteltable  Confiance 
bende  de  monftrcs ,  qui  ont  efte  la  aifcmblez  :  eftans  fort  marns  des  choies  ii  horribles  ènormttta 
6c  énormes  lefquclîes  y  ont  cfté  faites .  Comparoiilànt  là  premièrement  pour  refpon-  dis  Prélats, 
dre  a  mes  adueriàircs,i'ay  veu  que  toutes  choies  y  cftoyent  faites  fans  ordre,  6c  que  to9 
y  crioyentoutrageufement  &c  defclpercment.  Et  lors  iediouuertcmcntdeuant  tous, 
A  la  vérité  ic  penfoye  qu'il  y  euit.  vne  plus  grande  honneftetc,  bonté  &:difcipline  en 
ce  Concile ,  qu'il  n'y  a  pas .    Lors  le  Cardinal  qui  prefidoit,  relpondit,Eft-ce  ainfi  que 
tu  parles? tu parlois  plus  humblement  au  chafteau.    Et  lors  iedi,Il  n'y  auoit  aulfi 
perfonne  au  chafteau  qui  criaft  ainii  à  l'eftourdie:&  voici  vous  criez  ici  tous  en  con- 
fus.   Comme ainiîfoit donc  que  ce  Concile  a  fait  ainii  toutes  choies  en  dcforelre, 
mes  bons  amis  6c  frères,  ne  vous  eftonnez  point  de  la  fentence  prononcée  contre  mes 

f.ii. 


Rufe  du 

Cardinal 


Liure^l.  Jean  Lfus. 

liures  par  ceux  qui  eftoyent  en  iccluy.lls  feront  efpars  çà&:  là  comme  papillons  volam: 
&  leurs  ftatuts&  ordonnances  ne  dureront  non  plus  que  toillcs  d'araignes .  Ils  s'eifor 
çoyent  de  me  deftourner  de  la  conftâce  &:  fermeté  de  la  -vérité  de  Dieu: mais  ils  ne  pou 
uoyent  furmonter  en  moy  la  vertu  de  Dieu  .  Us  ne  vouloyent  debatre  centre  moy  par 
les  laintfcs  Efcritures, comme  meflieurs  lesgentils-hommcs  m'en  ibnt  bons  ccfmoins, 
qui  tenoyent  mon  parti, eftans  prefts  d'endurer  ignominie  pour  maintenir  hardiment 
la  vérité  de  Dieu,&:  principalement  les  feigneurs  de  Dube  &  de  Chlum ,  qui  furent  in 
troduits  au  Concile  parl'Empereur.Et  quand  îe  difoycje  délire  eftrc  enfeigné  où  i'au- 
ray  faill  ,ils  ouirent  bien  que  le  Cardinal  prelident  rel"pondit,Puis  que  tu  vc  ux  eftie  in  - 
formé,  il  faut  que  tu  rcuoqucs  premièrement  ta  dodrine ,  fclô  la  forme  qui  te  fera  bail, 
prefident.  Jee  par  cinquante  docteurs  en  Théologie.  Voila  vrayement  vnc  belle  inftruclion.Il  m - 
alemblé  1  ô  de  vous  eferire  ceci,  à  celle  fin  que  vous  fâchiez  qu'ils  ne  m'ont  vaincu  par 
aucune  ferme  Efcriture,ne  par  raifon  quelconque-.mais  ils  ont  bien  cfîayé  par  eftonne- 
mens  &c  fallaces  de  me  faire  defdire.mais  mon  Dieu  mifericordieux  eftoit  auec  moy,&: 
eft  encore,&:  ay  bonne  confiance  qu'il  me  conferuera  en  fa  grâce  iufqu  a  la  mort .  I'ay  e- 
ferit  cefte  Lettre  en  prifon  tenu  bien  eftroitement ,  n'attendant  que  la  mort .  toutefois 
pour  les  feercts  iugemens  de  Dieu  ,  ic  n  oferuyedire  que  ce  foit  ci  ma  dernière  Lettre: 
car  mon  Dieu  tout-puiilant  me  peut  bien  maintenant  mcfme  deliurer.  A  Dieu. 

Autre  Lettre.par  laquelle  il  exhorte  &  confcrme  le  peuple  du  royaume  de  Bohcmc.à  ce  qu'il  ne  s'eftonne  pource  que  le  Conci- 
le a  iugéfesliurcsdcuoir  efrre  bniflez.Puis  .iprcs  il  i  emonltxc  les  taçom  ptruerles  de  ce  Concile:  &  hautement  il  parle  deli 
condamnation  du  pape  Iean  13.de  ce  nom. 

KJM  E  A  N  Hus,  feruiteur  de  Dieu,  délire  la  vérité  &:  la  grâce  de  Dieu  à  tous  fide- 
ggjQ  les  qui  l'aiment  &  fcsjtatus.  Mes  bien-aimez,il  m'a  femblébonde  vousadmon- 
nefter,quc  ne  craigniez  point,&:ne  foyez eftonnez  de  ce  que  mes  aduerfaires  ont  decre 
té  que  mes  liures  foyent  brûliez. Souuenez-vous  comment  leslfraelites  ontmisaufeu 
Icremî*.    les  fermons  duprophete  Ieremie:  &£  toutefois  n'ont  point  euité  ce  qui  auoitefté  pro- 
phetizé  par  luy .    Car  après  que  lefdits  fermons  furent  brulk  z,Dieu  ne  lai/la  point  de 
commander  que  ccftemefme  prophétie  fuft  rédigée  par  eferit,  voire  augmentée,  ce 
qui  fut  fait. Car  Ieremie  cftant  en  prifon,dictoit,&  auoit  Baruch  qui  efcriuoit  fous  luy. 
On  peut  femblablement  bien  voir  és  liures  des  Machabees,quc  les  mclchans  brulloy- 
Contrc  lcj  ent  la  Loy  de  Dieu,&:  me  t  oyent  à  mort  ceux  qui  i'auoyent  par  deuers  eux .  apres  cela, 
bruileurs    ^ous  jc  nouucau  Teftament  on  brufloit  les  fidèles  auec  les  liures  de  la  Lov  diurne.  Il  v  a 

ces  liures         ,  1  »  j 

lamas.  allez  d'autres  lemblables  exemples .  Ayans  ceci  deuanc  vos  yeux,  gardez-vous  que  la 
crainte  ne  vous  cmpefche  de  lire  mes  liures,  &:  vous  contraigne  de  les  donner  âmes 
ennemis  pour  les  brufler .  Ayez  fouuenancc  de  ce  que  dit  noltre  Seigneur  &:  bon  Sau- 
ueur  Iefus  Chrift,Deuant  le  grand  iour  il  y  aura  grande  tribulation,  &:  telle  qu'il  n'y  en 
1 14  a  point  e  u  de  fi  grande  depuis  le  commencement  du  monde  iufqucs  à  cefte  heure  pre- 
fente:e  n  lorte  que  les  efleus  mefme  feront  feduits,fi  faire  fe  peut.  Mais  pour  l'amour  d' 
eux  ces  iou  s-la  feront  accourcis.Reduifans  ceschofes  en  mémoire ,  perfeuerez  hardi- 
ment. Car  i'ay  fiance  en  Dieu,  que  cefte  fynagogue  horrible  deTAntechrift  vous  re- 
doutera^ vous  lairra  en  repos.  Et  le  concile  de  Confiance  n'ira  point  iufques  en 
Bohême.  Car  ie  penle  que  plufieurs  de  ceux  qui  font  en  iceluy ,  mourront  auant  qu'ils 
ayentloifirdevous  arracher  mes  liures  hors  des  mains.  Et  apres  le  Concile,  ils  s'ef- 
carteront  par  régions  diucrfi  s,commelescigongnes,&  cognoiftrontenhyuer  ce  qu'- 
ils auront  fait  en  efté.Confiderez  qu'ils  ont  iugé  le  Pape  leur  chef  digne  de  mort,à  cau- 
Contre  les  fe  de  quelques  forfaicls  exécrables.  Orfus, vous  autres  meflieurs  les  prcfcheurs,ref- 
pondezàceci.Vousprefchezque  le  Pape  eft  dieu  en  terre,  qu'il  peut  vendre  les  cho- 


m'niftrcs 
<i.  l'A 


chnft"tC  fes  facrees,  qu'il  eft  chef  de  toute  l'eglife ,  qu'il  eft  le  cœur  de  l'eglifé ,  la  viuifiant  fpi- 
rituellement,qu,il  eft  la  fontaine  de  laquelle  découle  toute  vertu  &:  bonté  ,  qu'il  eft  le 
Soleil  de  la  faincle  eglife ,  qu'il  eft  le  refuge  trefafléuré,  auquel  vn  chacun  Chrcftien  fe 
doit  retirer.Et  voici  maintenant  ce  chef  eft  retréché,ce  dieu  terreftre  eft  lié:fes  péchez 
font  maintenant  defcouuerts-.ceftc  fontaine  eft  tairie:cc  Soleil  eft  obfcurci:cc  caurclt 
arraché &:  honteufement  ietté  :  &  qui  eft  celuy  qui  voudra  là  cercher  l'on  recours?  Le 
Concile  a  condamné  ce  chef  mefme  de  ce  forfait ,  de  ce  qu'il  vendoit  les  indulgences, 
les  Eucfchez  &  autres  choies  femblables  .  cependant  toutefois,  il  y  t  n  a  eu  plufieurs  en 
ce  îugement  qui  ont  acheté  de  luy  telles  chofes,&  puis  en  ont  fait  marchandife  aux  au- 
tres.   Il  y  auoit  là  vn  certain  euefque  de  Lutomifle,  qui  auoit  par  deux  fois  tafché  à  a- 

cheter 


Jean  H us-  jj 

cheter  l'archeuefclié  dePrague:  mais  il  y  en  eut  d'autres  qui  luy  rompirent  fes  entrcpri 
fes.O  bon  Dieu, quelle  manière  de  gens;  Pourquoy  n'ont-ils  ofté  premièrement  la  grof 
fe  poutre  de  leurs  ycux,vcu  qu'ils  ont  cefte  fentence  exprefle  en  leurs  Canons ,  Q  ue  fi 
quclcun  a  obtenu  quelque  dignité  par  argent,il  en  foit  du  tout  priué  ?  O  toy  donc  ven- 
deur^ toy  acheteur,&:  vous  to9  qui  vous  eftes  meflez  de  faire  de  beaux  marchez,foyez 
publiquement  condânez.  Ainfî  S.Pierre  condana  Se  anathematiza  Simon  leMagicien, 
quivouloit  acheter  la  vertu  du  S.  Elprit. Ceux-ci  ont  anathcmatizé  le  vendeurrmaisils 
ont  tfte  acheteurs,&:  ont  ratifié  le  contrael  par  leur  prefence  :  &:  cependant  ils  veulent 
demeurer  impunis. Que  diroit-on  s'ils  exercent  cefte  trarEque  en  leurs  maifons  ?  Car  il 
y  en  a  vn  à  Confiance  qui  a  acheté,  &:  l'autre  qui  a  vendu.  Et  le  Pape  qui  a  approuué  le 
fai&,a  pris  dons  d'vn  codé  Se  d'autre.  Et  vous  fauez  qu'on  en  fait  autant  au  royaume  de 
Bohême.  A  la  mienne  volonté  que  Dieu  euft  dit  en  ce  Concile ,  Y  a-il  quelcun  d'entre 
vous  qui  l'oit  fans  pechérqu'iceluy  ouure  la  bouche  pour  prononcer  la  fentenec  contre 
le  Pape.  Or  il  eft  certain  qu' vn  chacun  fuft  forti  l'vn  après  Uautre .  Pourquoy  eft-ce  qu'- 
auant  ceft  inconuenient  ils  ployoyent  les  genoux  deuant  luy  ?  Pourquoy  eft-ce  que  fe 
profternans  en  terre  ils  baifoyent  fes  pieds,&  le  nommoyentTreffaincl:,  veu  qu'ils  voy- 
oyent  bien  qu'il  eftoit  heretiquc,homme  defefperé,meurtrier  horrible:  lefquclles  tou- 
tes chofes  ils  ont  maintenant  mis  ouuertcmét  en  lumicre?Pourquoy  eft-ce  que  les  Car- 
dinaux font  efleu  pour  eftre  Pape,veu  qu'ils  fauoyent  qu'il  auoit  tué  vn  home  de  bien? 
Pourquoy  luy  ont-ils  permis  de  faire  marchandife  és  chofes  fain&es,quand  il  eftoit  déf- 
ia en  office  de  Pape  ?  Car  la  raifon  pourquoy  ils  font  de  fon  confeil,  c'eft  afin  qu'ils  l'ad- 
monneftent  de  chofes  droites. Or  ne  font-ils  pas  coulpables  de  fem  blables  crimes  aufsi 
bien  que  luyrEt  de  fai&,ils  enduroyent  aucuns  de  ces  vices  Se  fautes  en  luy ,  Se  cftoyent 
participais  d'aucuns.  Comment  fe  fait  cela ,  qu'auant  qu'il  s'enfuift  de  Conftance,nul 
ne  luy  ofa  mettre  en  auant  rien  de  tout  cela?  Mais  voila,il  eftoit  honoré  de  tous  comme 
Pere  trefîain&:&:  eftoit  craint  &  redouté  de  tous.  Et  quand  il  fut  appréhendé  par  la 
puilfance  feculiere,ils  cômencerent  lors  à  confpirer  contre  luy,à  celle  fin  qu'il  ne  peuft 
efchapper  de  la  mort.Maintenant  certes  la  grande  abomination,  la  malice  Se  turpitu- 
de de  l'Antechrift  eft  reuelee  au  Pape ,  &  és  autres  qui  font  en  ce  Concile .  Les  fidèles 
feruiteurs  de  Dieu  pcuuent  maintenant  entédre  que  fignifitnt  les  paroles  du  Seigneur 
Iefus,quand  il  dit,Lors  que  vous  verrez  l'abomination  de  la  defolation,qui  a  efté  prédi- 
te par  le  prophète  Daniel,&;c  Qui  le  peut  entendre  fi  l'entende.  C  eft  vne  grande  abo- 
mination,que  de  voir  vne  telle  auarice  Se  fimonie  :cômc  on  les  voit  clairement  main- 
tenant en  ceux  qui  font  efleuez  és  hauts  hôneurs  Se  dignitez.  Quel  plaifir  ce  me  feroit, 
ii  l'auoye  quelque  loifir  de  defcouurir  maintenant  tant  de  mefehancetez  horribles  que 
i'ay  cogneué's,afin  que  les  fidèles  feruiteurs  du  Fils  deDieu  s'en  peuffent  donner  garde! 
Mais  i'ay  bonne  fiance  en  mon  Dieu ,  qu'il  enuoyera  après  moy  (comme  il  y  en  a  défia) 
déplus  vaillans  prefeheurs,  qui  defcouuriront  beaucoup  plus  ouuertement  la  malice 
de  1  A  ntechrift,&:  fes  fines  rufes,  Se  s'expoferôt  à  la  mort  pour  la  vérité  du  Fils  de  Dieu 
noftre  Seigneur  Iefus  Chrift ,  lequel  donnera  Se  à  vous  Se  à  moy  la  ioye  de  la  vie  éter- 
nelle. 

Autre  Epifrrc.par  laquelle  il  monftre  bien  pourauoy  Dieu  ne  permet  que  fes  fidèles  pcriflènt:&  pour  cela  il  amène  beaucoup  d 
cxcmples,par  lefquels  il  fefbrtifie  &  confole  foy-mcfme. 

I  E  V  foit  auec  vous,  mes  frères  bien-aimez  en  Dieu.  IJyaplufieurscaufesqui 
m'ont  amené  iufqu'à  cefte  opinion ,  que  les  lettres  que  ic  vous  ay  dernièrement 
enuoyees,deuiîcnt  eftre  les  dernières ,  à  caufe  de  la  mort  qui  m'eftoit  bien  prochaine, 
cemefembloit:maiscognoi/Tant  maintenant  que  ma  mort  eft  différée,  il  mefemble 
que  ce  m'eft  vn  grand  plaifir  de  conférer  encore  auec  vous .  Pour  cefte  raifon  îe  vous 
eferi  derechef,  afin  que  pour  le  moins  ie  monftre  le  bon  vouloir  que  i'ay  enuers  vous: 
Et  touchant  ma  mort,Dieu  fait  bien  pourquoy  il  la  diffère ,  &  celle  de  mon  frerci>ien- 
aimé,M.Hierome:duquelf  ay  Cefte  bonne  efperance  qu'il  mdurra  fainâ:ement.&  mef- 
meie  fay  bien  qu'il  fe  porte  plus  vaillamment,^  qu'il  endure  de  plus  grande  confiance 
que  moy  poure  miferable  pécheur.  Dieu  fait  que  noftre  temps  eft  prolongé,afin  que 
nous  reduifions  en  mémoire  nos  péchez, &:  facions  pénitence  de  plus  grand  cou- 
rage.ll  l'a  dirFeré,afin  que  cefte  longue  tentation  &griene  nous  apportaft  confolation: 
&  confiderions  les  opprobres  horribles  de  noftre  Roy  Se  Seigneur  Iefus  Chrift,  Se 
méditions  plus  attentiuement  fa  mort  cruelle,  Se  endurions  les  maux  plus  confiant 

£.iii. 


Liurc-jL  -  Jean  Uns. 


mcnt:&dauantage,afin  que  nous  reduifions  en  mémoire,  que  nous  ne  volons  pas  du 
premier  vol  aux  loyes  de  la  vie  eternelle-.mais  que  tous  les  faincts  ont  entré  au  royau  me 
des  cieux  par  plufieurs  &:  diuerfes  fafcheries  &C  tribulations. Car  aucuns  d'entreux  ont 
efté  defmébrez,les  autres  fciez,les  autres  roftis,  les  autres  bouillis,  les  autres  efeorchez 
toùlt  vifs,les  autres  lapidez,les  autres  fouis  en  terre,  les  autres  pendus, les  autres  decol- 
lez,lcs  autres  briiez&:  moulus,  tirez  çà&:  là  iufqu  a  mourir,  noyez,  bruflez,cftranglcz, 
mis  en  pieces,expofcz  à  plufieurs  opprobres  auant  que  mourir,afTamez  dedans  les  pri- 
ions. Et  y  a-il  quelcun  qui  puifle  deferire  tous  les  tourmensde  tous  les  fidèles  feruitt  urs 
de  Dieu,lefquels  ils  ont  ibuffert  pour  la  vérité  dè  Dieu,tat  fous  le  vieil  que  fous  le  nou- 
ueauTeftamcnt?&:  principalement  ceux  qui  ont  redargué  la  malice  orgueilleuie  des 
Sacrificateurs  &  Preftrcs,&:  lefquels  ont  preiché  contre  icelle  ?  Et  ce  fera  merueille  au- 
iourdhuy,  fi  on  laifîoit  impuni  celuy  qui  auroit  conftâmét  refifté  à  leur  orgueils  per- 
uerfité, de  laquelle  ils  ne  veulent  point  eftrc  repris. Et  ie  fuis  grandement  ioyeux  de  ce 
qu'ils  ont  efté  contraints  de  lire  mes  liures,efquels  leur  malice  cft  bien  aucunemét  dé- 
peinte.Et  iefay  bien  cela, qu'ils  les  ont  plus  diligemmentleus  que  TEuangile:  &:ne  l'- 
ont fait  à  autre  intention, que  pour  y  trouuer  des  erreurs.  Or  la  grâce  de  Dieu  foit  auec 
vous. 

Autre  Epiftrc,'aquelle  il  cnuoya  à  la  communauté  de  Prague,eftant  en  la  première  prifon  où  on  l'auoit  mis,  laqucllefut  leué  par 

les  temples. 

il  E  V  foit  auec  vous  tous,  afin  que  puiifiez  perpétuellement  refifter  contre  tou- 
(te  malice,contre  le  diable  &c  le  monde.  M  e  s  frères  bien-aimez  en  Chrift,eftant 
ici  en  prifon,&:  n'ayant  point  de  honte  d'endurer  quelque  choie  pour  l'amour  de  Dieu, 
ic  vous  fupplic  que  vous  priez  Dieu  pour  moy ,  qu'il  me  face  fentir  fa  grâce,  en  qui  feul 
i'ay  fi  grande  efperance:&:  qu'il  me  face  participant  de  la  vertu  de  fon  fainft  Efprit,à 
celle  fin  que  ie  puilTe  perfifter  en  la  confeffion  de  fon  nom ,  &:  le  glorifier  iufqu  a  la  fin: 
ne  reiettant  point  fa  vérité,  ne  fa  bonté  &c  mifericorde .  S'il  luy  femble  bon  que  ce  foit 
ci  mon  heure  derniere,la  volonté  foit  faitc,laquelle  feule  eft  bonne  &  faincte .  Toute- 
fois ie  fay  que  i'auray  grand  befoin  de  l'aide  prefente  de  Dieu  :  combien  que  ie  foye  bie 
certain,queDieu  ne  permettra  point  que  ie  foye  tenté  outre  mes  forces:&:  dauantage, 
qu'il  ne  viendra  fur  moy  aucun  danger,qui  ne  foit  pour  mon  falut ,  &  pour  voftre  bien. 
Car  la  tentation  a  cela  de  propre,que  il  nous  demeurons  fermes  en  laverité,elle  appor 
te  auec  foy  certitude  de  falut.  Frères  bien-aimez,{àchez  que  ces  lettres  que  ie  vous  ay 
laiifees,  ont  efté  tranilatees  en  Latin  parmes  aduerlaires: &y  ont  adioufte  plufieurs 
mcnfongesjls  efcriuent  tant  d'articles  contre  moy ,  que  i'ay  alfez  à  faire  en  la  prifon  à 
y  refpondrc,tant  eft  grande  la  malice  de  mes  aduerfaires .  Noftre  bon  Seigneur  Iefu  s  a 
dit  à  les  bien-aimez,Ie  vous  dôneray  prudence,  à  laquelle  nul  de  vos  ennemis  ne  pour- 
ra reiifter.Souucnez- vous, mes  freres,que  i'ay  déliré  voftre  falut  fur  toutes  chofcs.pour 
laquelle  railbn  aulfi  ie  vous  ay  enfeigné  la  parole  deDieu.Et  encore  ie  ne  ceflfe  point  en 
la  prifon  de  faire  le  femblable.    La  grâce  de  Dieu  foit  auec  vous .  Amen. 

Autre  Fpiftre.contenant  vne  confefsion  excellente  de  l'infirmité  de  la  nature  humaine,fi  quelque  fois  elle  a  à  batailler  non  point 
contre  vn  mal  ieulxar  la  chair  combat  perpétuellement  contre  1'efprit  :  &  n'endure  pas  facilement  d'eftre  reucxjuce  al'o- 
beilîance  de  l'efprit.   Or  il  euuoya  celte  Epiftre  à  vn  fien  ami. 

A  L  V  T  par  Iefus  Chrift.Trefcher  ami,ie  vous  veux  bien  aduertir  de  Palets, qu 
il  m'a  voulu  perfuader  que  ieneme  dcuoye  point  foucierde  tomber  en  confu- 
iion  pour  m'eftredefditrmaisconfidererlebienquienpourroitaduenir.  Auquel  i'ay 
fait  refponfe ,  C'cft  plus  grande  confufion  d'eftre  condamné  &:  bruflé ,  que  de  fe  deldi- 
re. comment  donc  craindroy-ie  la  confufion?  Mais  dites-moy  vn  peu  voftre  aduis ,  Que 
voudriez-vous  fairè,quand  vous  fauriezpoi^r  certain  que  vous  n'auez  point  tenu  les  et 
rcurs  qu'on  vous  attribue?  Vous  voudriez-vous  deldire?  Et  il  me  dit,  Cela  me  feroit  vne 
chofe  fort  fafchcufe.&  commença  à  plourer.Nous  eufmes  plufieurs  autres  propos,que 
ie  reprins .  Au  demeurant,  ce  poure  miferable  Michel  de  Caulis  a  efté  fouuentefois 
deuant  la  prifon  auec  les  députez.  Etainfiquei'eftoye  auec  les  deputez,il  dit  aux  gar- 
des, I'efpere  par  la  grâce  de  Dieu,  que  nous  bruflerons  bien  toft  ceft  herctique,pour 
lequel  i'ay  deîpcndu  beaucoup  de  florins. Or,  frère  bien-aisné,  ie  veux  bien  que  vous  fa 
chiczparceftelcttre,queiene  defire  aucune  vengeance  contre  luy.ie  I'ay  remifeà 
Dieu,&:  fay  prière  à  Dieu  pour  luy .    le  vous  aduerti  derechef  que  foyez  bien  aduifé 

quant 


Jean  Ifut> 

quant  à  vos  lettres.  Ledit  Michel  a  tant  faitqu  on  ne  lai/Te  plus  entrer  pcrfonneenla 
prifomles  femmes  melmes  des  gardes  n'y  entrent  point.  O  mon  bon  Dieu,  combien 
loinTAntechrifteftend  (a  force  &  cruauté  !  Mais  i'efpcre  que  îàpuiiTancercraabbre- 
gee,&:  que fon  iniquité  fera  plus  defcouuerte  entre  le  peuple  fîdcle.  Dieu  tout-puif- 
fant  confermera  les  cœurs  de  fes  fïdcles,lefquels  il  a  efleus  deuar  la  fondation  du  mon- 
de, à  celle  fin  qu'ils  rcçoyucnt  la  couronne  de  gloire  éternelle.  Et  que  l'Anrechrift  ef- 
cume  la  rage  tant  qu'il  voudra:/!  eft-ce  qu'il  ne  gagnera  pas  contre  le  Seigneur  Iefus,le- 
quel  le  defconfîra  par  le  foufHe  de  fa  bouche, comme  dit  S.Paul.  Et  lors  la  créature  fera 
dcliurce  de  la  feruitude  de  corruption,  en  la  liberté  de  la  gloire  des  enfans  de  Dieu.  Et 
de  nous,nous  gemiiTons  dedâs  nous,  attendans  l'adoption  des  enfans  de  Dieu ,  &:  la  ré- 
demption de  noftre  corps.  Iel'uis  confolé  grandement  de  ce  que  dit  noftre  Seigneur 
lefus,  Vous  fertz  bien  heureux  quand  les  hommes  vous  hayront,&  vous  auront  outra-  H  Te  fortifie 
gcz&:  perfecutez ,  6c  dit  toute  mauuaifeparolle&:  opprobre  contre  vous  en  mentant,  pnra  "J"™"' 
à  l'occalion  du  Fils  de  l'homme.  EiiouilTcz-vous  6c  ayez  lie/Te:  car  vous  aucz  grad  loyer  ifcrinîrcs! 
éscieux.  Voila  vrayement  vne  conlolation  fort  îinguliere.  Elle  peut  eftre  facilement 
entendue  :  mais  à  grâd'  peine  la  pourra-on  pratiquer,aflauoir  de  s'efiouir  en  telles  grie- 
ues  afflictions.  Saind  laques  à  tenu  cefte  reigle,dilant,  Frères,  reputez  eftre  toute  ioye, 
quand  vous  cherrez  en  beaucoup  6c  diuerfes  tentations  :  fachans  que  la  probation  de 
voftre  foy  engendre  patience  :  mais  il  faut  que  la  patience  ait  œuure  parfaite. Pour  cer- 
tain c'eft  vne  chofe  fort  difficile  à  fairc,dc  s'efiouir  fans  eftre  troublé,&  reputer  d'auoir 
rehouiftance  au  milieu  des  tribulations.  Cela  cil  bien  facile  d'en  parler  6c  deuifcr.mais 
fort  difficile  de  l'accomplir.Et  de  faict,  ce  cheualier  tant  patient  &:  tant  pui/lant,le  Fils 
de  Dieu,noftre  Seigneur  lefus  Chrift,fachant  bien  qu'il  refufeiteroit  le  troilieme  iour, 
vainquât  fes  ennemis  par  famort,&deliurant  paricelle  fes  eleus  6c  fidèles  de  damna- 
tion cternelle,a  toutesfois  efté  troublé  en  efprit  après  fa  Cene,&:a  dit,Mon  ame  eft  tri- 
fte  iufques  à  la  mort.Et  il  eiVdit  aufli  de  luy  en  l'Euangile,qu'il  commença  à  s'efpouuâ- 
ter  6c  eftre  angoilîe:&:  melme  eftant  en  deftreife,il  fut  conforté  du  ciel  par  vn  Ange:  6c 
la  lueur  deuint  comme  gouttes  de  fang  découlantes  enterre.  Nonobftant  eftant  ainfi 
troublé,  il  auoit  dit  au  parauant  à  fes  fidèles ,  Que  voftre  cœur  ne  foit  point  troublé  & 
ne  lbiteftonné ,  6c  qu'il  ne  craigne  point  la  cruauté  des  mefehans  6c  orgueilleux  :  car 
vous  m'aurez  toujours,  afin  que  vous  obteniez  victoire  contre  vos  ennemis,  &fur- 
montieztouteleur  rage.  Etpourtant  les  champions  du  Seigneur  lefus  Chrift,  ier- 
tans  leurs  yeux  fur  ce  Capitaine  magnanime  6c  ce  grad  Roy  de  gloire ,  ont  fouftenu  de 
grans  combats.  Ilsontpalfé  par  le  feu  6c  l'eau,  6c  ont  efté  fumez,  &:  ont  receu  la  cou- 
ronne gloricufc  du  Seigneur  Dieu, de  laquelle fainct  laques  dit, Bien-heureux  eft  l'ho- 
me qui  endure  tentation  :  car  quand  il  aura  efté  efprouué,  il  receura  la  courône  de  vie, 
que  Dieuapromil'eàceux  qui  l'aiment.  I'aycertaine&:fermcefpcrance,que  le  Sei- 
gneur me  fera  participant  de  cefte  couronne  auec  vous ,  qui  eftes  zélateurs  feruens  de 
la  vérité,  6c  auec  tous  ceux  qui  aiment  conftamment  6c  fermement  le  Seigneur  lefus 
Chrilblequel  a  fouftert  pour  nous,  nous  laiflant  exemple,  afin  que  nous  fuyuions  fes 
pas. 11  falloir  qu'il  enduraft,comme  il  a  dit  luy-mefme:&:  faut  aufli  que  nous  endurions: 
afin  que  les  membres  foyent  faits  conformes  au  chef.Car  il  a  dit,Si  aucun  veut  venir  a- 
pres  moy ,  qu'il  renonce  à  foy-mefme,qu'il  porte  fa  croix  6c  me  fuyue.  O  Seigneur  dé- 
bonnaire lefus  Chrift  tire-nous  après  toy,nous  qui  fommes  débiles:  car  ti  ru  ne  nous  ti- 
res, nous  ne  te  pouriôs  iuyure.  Donne-nous  vn  efprit  fortferme,ah*n  qu'il  foit  prompt. 
Et  combien  que  la  chair  foit  foible&:  debile,toutesfois  fay  que  ta  grâce  nous  preuiéne, 
6c  que  d'icellc  nous  l'oyons  enuironnez  de  tous  coftez.  Car  nous  ne  pouuons  rien  faire 
fans  roy  :  &:  principalemenr  nous  ne  pouuons  aller  à  la  morr  cruelle  fans  toy.  Donne 
nous  vn  efprit  prompt,  &vn  cœur  hardy ,  vne  foy  droite ,  vne  efperance  ferme ,  &:  vne 
chanté  parfaite,afin  que  nous  expoiiôs  en  paix  6c  ioye  noftre  vie  pour  toy,  Ainli  foit-il. 

Autre  Epiftrc,contenant  vne  fort  belle  vi&oire  contre  les  portes  d'enfer.folickantes  Iç  cœur  de  lean  Hus  par  fraude 
merueilleulc.&fouslionnefte  apparence^  abiurer  la  vérité  de  lefus  Chrift. 

|R  a  c  e  6c  paix  par  lefus  Chrift  noftre  Seigneur.  Il  y  a  eu  auec  moy  exhortateurs 
J&:  pedagogucs,&:  bien  peu  de  Dcres:lefquels  m'onr  renu  de  gras  propos ,  6c  vfé  de 
beaucoup  de  parolles  pour  talcher  a  me  perluader ,  que  ie  doy  &:  peux  licitemenr  me 
dcdire,en  iubmettât  ma  volôté  à  la  fainetc  eglife,  laquelle  le  facré  Çoncile  reprefente. 


L/WoA  Je  an  Uns. 

Mais  il  n'y  a  perfonnc  d'entr'eux  qui  le  pui/Te  fauuer,  quad  ie  leur  propofe  que  c'cft  qu'- 
ils feroyent  s'ils  eftoycnt  en  ma  place.  Comme  quand  aucun  ferait  certain  que  iamais 
il  n'auront  prefché,  ou  maintenu  ou  affermé  aucune  herefic  qui  luy  léroit  impofce  :  co- 
rnent voudrpit-il  alors  lauuerfa  conl'cicnce,à  ce  qu'en  fe  dedilàntil  conteflê  fau/Tcmét 
qu'il  a  ibuftenu  quelque  herelie  ?  Et  aucuns  d'entr'eux  me  difoyent,que  l'abiuration  n- 
emportoit  point  cela:  mais  feulement  de  renoncer  à  quelque  herelie,  (bit  qu'on  l'euft 
fouftenueounon.  Les  autres  mettoyent  en  auant,  qu'abiurationn'eftoit  finonvn  re- 
noncement des  chofes  attcftees,foit  qu'elles  fuftent  vrayes  ou  faullés.  Aufquels  fay  fait 
cefte  refponfe:Et  bien  ie  iureray  que  iamais  ie  n'ay  prefché  ces  erreurs  teftifîez ,  que  ia- 
mais ie  ne  les  ay  maintenus  ou  affermez,  &:  que  iamais  ie  ne  les  prefeheray  ,  maintien- 
dray  ouaffermeray.  Et  tout  incontinent  aucuns  m'ont  fait  cefte  réplique:  Le  cas  foit 
tel: Si  en  l'cglile  fe  trouuoit  vn  homme  innocent:touteffois  il  meriteroit,  s'il  confeffoit 
par  humilité  qu'il  fuft  coulpable.Et  pour  côfermer  cela,  il  y  en  eut  vn  qui  me  vint  ame- 
ner vn  bel  exemple  de  la  vie  des  Pères,  d'vn  Sain&,au  lict  duquel  on  auoit  mis  vn  liure. 
On  remonftra  à  ce  faind  perfonnage, qu'il  auoit  pris  le  liure:&:  iceluy  ne  le  fentât  coul- 
pable,le  nia.  Et  après  on  luy  remonftra  que  le  liure  eftoit  fur  fon  lift  :  &  par  humilité  fe 
rendit  coulpable.  Vn  autre  m'allégua  vn  autre  exemple  d'vne  femme  fain&e,qui  habi- 
toit  en  vn  cloiftre,veftuc  d'vn  habillement  d'homme.  On  luy  auoit  impofé  ce  blafme 
qu'elle  auoit  eu  vn  enfant  d'vne  autre  femme.  Elle  refpondit  qu'il  eftoit  ainfî&  garda 
l'enrant,&  depuis  on  cognut  qu'elle  eftoit  femme ,  &  par  confequcnt  innocente  de  ce 
forfaid:&  on  me  propofa  plufieurs  autres  chofes  femblables.  Apres  il  y  eut  vn  Anglois 
qui  dit,  le  vousiurepar  ma  confeience,  que  fi  l'eftoye  tombé  en  tel  inconuenient  où 
vous  eftes,  ie  ne  feroye  difficulté  d'abiurencar  tous  les  docteurs ,  gcris  de  bien  qui  font 
en  Angleterre,  qui  eftoycnt  fufpe&s  delà  fauffe opinion  de  VviclefF,  du  mandemét  de 
l'Archeuefque  ont  tous  abiuré  par  ordre.  Pour  le  dernier  ils  demeurèrent  hier  en  cela, 
rwncl!  C1UC  ie  me  fUDmcKe  à  la  grâce  du  Concile.  Il  y  eut  Palets  qui  vint  à  moy  à  ma  requefte: 
lier  i  fou  i  vouloye  faire  réconciliation  auec  luy.  Il  ploura  fort,quand  ie  luy  ry  requefte  qu'il  me 
cnncmy.  paidonnaft,  fi  i'auoye  dit  quelque  parolle  outrageufe  contre  luy  :&:  principalement  de 
ce  que  i'auoye  dit  qu'il  s'eftoitdefguifé  en  fes  eferits.  le  luy  propofay,que  quand  on  me 
donna  audicnce,&  niay  les  articles  des  tefmoins ,  il  fe  leua  &:  dit  de  moy ,  Ceft  homme 
ne  craind  pas  Dieu:mais  il  le  nia.  Toutesfois  il  eft  certain  qu'il  l'auoit  dit. le  luy  remon- 
ftiay  auffi  commet  il  auoit  dit  en  prifon  deuant  les  Commiffaires,  que  depuis  la  natiui- 
té  de  noftre  Seigneur  on  n'auoit  veu  de  pl9  pernicieux  hérétiques  que  YxickfF &c  moy. 
Apres  cela  il  me  voulut  foliciter  comme  auoyent  fait  les  autresrmais  le  Seigneur  Iefus 
Chrift  me  tint  ferme  en  mon  premier  propos  par  fa  grâce. 

Autre  Epiftrc,cn  laquelle  il  monftre  fa  conftancr,ayant  refifté  contre  des  aflauts  terribles. 

g^^ÀL  v  t  par  Iefus  Chrift.  Noftre  Seigneur  &£  Sauueur  a  rendu  la  vie  au  Lazare,qui 
^^^auoit  cfte  quatre  iours  au  fepulchre:il  a  conlèrué  lonas  par  1  efpace  de  trois  iours 
dedans  le  ventre  dè  la  baleine,&  après  cela  il  l'enuoya  prefeher  aux  Niniuites.  Il  a  tiré 
Daniel  de  la  foffe  des  lions,&:  luy  a  fait  puis  après  efcrire  fes  jpropheties.  Il  adeliuré  les 
Trois  adolclcês  du  milieu  de  la  flamme  ardente.il  a  racheté  de  mort  Sufanne  défia  co- 
damnee  à  mort.  Et  pourtant  il  me  pourra  facilement  deliurer  pour  cefte  fois  de  la  pri- 
fon ,  &:  mefme  de  la  mort:  voire  fi  celafert  à  fa  gloire ,  &:  au  profit  des  fidèles ,  &c  à  mon 
falut.  Sa  vertu  &:  force  n'eft  point  amoindrie.  Il  a  tiré  fon  difciple  Pierre  hors  de  la  pri- 
fon par  fon  Ange,lequel  eftoit  preft  d'eftré  mené  à  la  mort  en  Ierufalem.  Mais  la  volô- 
té  de  mon  bon  Dieu  foit  toufiours  faite:laquelle  ie  délire  de  bon  cœur  eftre  accomplie 
en  moy,  tant  pour  fa  gloire  que  pour  la  remiffion  de  mes  péchez.  Vn  certain  docteur  s'- 
eft  adrelfé  à  moy,  me  voulât  induire  à  abiuration,difant  que  quelque  chofe  que  iefifle, 
ie  me  fubmiffe  au  Côcile:  &  que  cela  m'eftoit  licite ,  &  me  tourneroit  tout  à  bien.Il  ad- 
ioufta  ceci,  que  fi  le  Concile  me  difoit  que  i'auroye  feulement  vn  œil ,  &:  nonobftant  i'- 
en  auroye  dcuxmeâtmoins  ie  deuoye  côfefTerauec  leCôcile  qu'il  eft  ainfi.Et  ie  refpôdi, 
Quad  tout  le  mode  me  diroit  cela:toutesfois  ayât  maîtenu  vne  raifô  fur  laquelle  ie  m- 
appuye,ie  ne  pourroye  dire  cela  las  blefïcr  ma  confciéce.Mais  après  plufîeurs  parolles, 
ce  vénérable  Do&eur  laifla  ce  jppos:&:  dit,Cela  eft  bié  vray:ie  n'ay  pas  doné  fort  bô  ex- 
emple.Le  Seigneur  eft  auec  moy,côme  vn  preux  eôbatant.Le  Seigneur  eft  ma  lumière 
&:  mô  falut,que  doi-ie  craidre?Le  Seigneur  eft  jptecîcur  de  ma  vie:  de  qui  auray-ic  peur? 


s 

rfe.11S.u7 


Jean  H  us.  jf 

Il^maduient  bien  fouucnçilcluy  dire,  Seigneur  on  me  fait  violence  :  retpon  pour  moy: 
iç  ne  fay  que    doy  dire  à  mes  ennemis.  La  bonté  de  Dieu  (bit  aucc  vous. 

Autre  Epiftre,  en  laquelle  il  rccicc  le:  eflonnemens  des  fon;jes  qui  l'ont  grandement  troublé,  combien  que  l'cuenc- 
nient  ait  monftréraccompliiTcmcntdc  fes  longes. 

£J[*y  ^  gracc  ^c  Dieu  foitauec  vous.  I'ayme le  cofeil &  ordonnancedu  Seigneur)  plu 
fë&èîî SUl  '  or, ne  précieux  loyaux.  Cela  méfait  efpererpar  la  mifericorde  du  Seigneur 
Iefus,  qu'il  me  donnera  fonEi'prit  pour  me  faire  demeurer  ferme  en  fa  vérité.  Pnczle 
Seigneur: car  combien  que  l'eiprit  foit  prompt,  toutesfois  la  chair  cft  infirme.  Le  Sei- 
gneur tout-puiilant  foie  le  loyer  éternel  de  mes  feigneurs, qui  bataillent  constamment, 
fermement  &:  fidèlement  pour  la  milice.  Or  fefpcre  que  Dieu  leur  donnera  a  cognoi- 
ftre  la  vérité  au  royaume  de  Bohême.  le  les  prie  de  mettre  fous  les  pieds  toute  vaine 
gloirc:&:  l'uyure  le  Roy ,  non  point  le  Roy  mortel ,  mais  le  Roy  de  gloire,  qui  donne  la 
vie  éternelle. O  que  cela  m'aefté  fortagreable,quelcfeigneur  Ican  de  Chlum  m  a  ten- 
du &c  baillé  la  main/voire  à  moy  tant  pourc  &C  chetif ,  tant  abiecl  hérétique  détenu  en 
telle  mifere,  Se  diffamé  de  tous  i  II  fe  pourra  bien  faire  que  ie  ne  confereray  plus  guercs 
aueevous.  Pour  celle  raifonfaluez  en  mon  nom  tous  les  fidèles  du  royaume  de  Bohê- 
me. Palets  m  cft  venu  voir  en  la  prifon.  Voici  la  belle  falutation  qu'il  ma  dônee  au  mi- 
lieu de  mes  grans  alfaux  deuant  les  députez:  qu'il  n'y  a  point  eu  vn  hérétique  plus  per- 
nicieux depuis  la  natiuité  de  Iefus  Chrilt,que  Vvicleff  &  moy.  Il  me  dit  dauantage,que 
tous  ceux  qui  auoyent  ouy  &:  fréquenté  mes  fermôs,font  infectez  de  cefte  herelie,  Que 
la  fubftancc  matérielle  du  pain  demeure  en  la  Cene.  O  noftre  maiftre,di-ie,  quelle  fa- 
lutation m'auez-vous  faite  !  il  me  femble  que  vous  commettez  ici  grande  offenié.  voici 
ic  m'en  vay  mourir:&  poflïble  cft  que  ie  feray  bru(lé:quelle  recompéfe  en  penfez-vous 
recouurcrau  pays  de  Bohême?  Parauenture  nedeuoy-ie  point  eferire  cela,  à  celle  fin 
qu'il  ne  fcmblaft  que  icluy  porte  quelque  inimitié  ou  haine.  I'ay  touiiourseu  ceci  en 
mon  cœur,  Ne  mettez  voftre  fiance  aux  Princes.  Item,  Maudit  eft  l'homme  qui  met  fa  ^JJ*'5' 
fiance  en  l'homme,  &  qui  met  la  chair  pour  fon  bras.  Or  fâchez  que  i'ay  eu  de  terribles  crcmJ7-J" 

r  ■■>      r        >         i  t  -    r  i  -«/-i».  Songes  pro 

afiaux  en  mes  longes:i  ay  longe  que  le  pape  leaeichapperoit:  &:  me  iembloit  que  ie  re-  phctiqne» 
citoye  cela  au  feigneur  de  Chlum,  &:  qu'il  me  difoit,  Le  Pape  retournera.  Dauantage,  dc  Huî- 
fay  fongé  l'emprifonncment  de  M.  Hierome ,  &  toutes  les  prifons  où  ie  feray  mené ,  &: 
comment  elles  ont  efté  ouuertcs  :  combien  que  ce  n'a  efté  du  tout  enlaforme  comme 
ilen  cftaduenu.  Plulicurs  ferpens  me  font  bien  fouuent  apparus  ,ayans  des  telles  aufîî 
en  la  queue  :  mais  nul  d'iceux  ne  m'a  peu  mordre  :  &C  plufieurs  autres  choies.  Or  i'efery 
ces  chofes,  no  pas  que  m'eftime  Prophete,ou  que  ie  me  vueille  eleuer  par  orgueihmais 
pour  vous  remonitrer  que  i'ay  fentidesafHiclionsau  corps  &  en  l'efprit,  &:  vue  grande 
crainte,  afin  que  ie  n'outre pafle  le  mandement  du  Seigneur  Iefus  Chrift.IJ  me  fouuiét 
de  la parolle  de  Hierome:  aifauoir  s'il  venoit  au  Concile,  il  pcnfoitn'en  retourner  ia-  Hierome 
mais.  Il  y  eut  aufli  vn  Polonois,homme  de  bien,nommé  André,  qui  me  dit  en  prenant  j^S» 
congé  de  moy ,  Dieu  foitauec  vous.il  me  femble  qu'à  grand'  peine  fortirez  vous  hors  de  loymef 
d'ici  fain& faune.  M.  Ican  mon  bon  amy,  feruitcur  fidèle  de  Iefus  Chrift ,  le  Roy, non  mc" 
point  de  Hongrie  ne  des  Romains,mais  le  Roy  celcfte  vous  doint  toutes  fortes  de  blés, 
pour  la  doctrine  fidèle  Se  diligente  laquelle  i'ay  apprife  de  vous. 

Autre  Epiftre  à  fes  bicn-f.i<£teurs,par  laquelle  il  les  exhorte  àferuir  pluftoft  au  grand  Roy  &  Seigneur  Iefuj  Chrift, 
quine  les  peut  nullement  tromper,qu  aux  Princes  de  ce  monde  auf-jucls  il  n'y  a  nulle  r'anec. 

Oj^fiE  s  bien-fadeurs  trcsbcnins,&:defenfeursdelaverité,ie  vous  exhorte  par  lesen- 
ij^^||t  raille  s  de  lamifericorde  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chrifl,  que  vous  mettiez  fous 
les  pieds  toutes  les  vanitez  de  ce  monde,  &:  que  guerroyez  fous  la  folde  du  Roy  éternel 
le  Fils  de  Dieu.  Ne  mettez  nullement  voftre  fiance  aux  Princes,ny  au  fils  de  s  hommes,  Pfc.t  45.3. 
aufquels  il  n'y  a  point  de  faluf.car  les  fils  des  hommes  ibnt  menteurs  &c  trompeurs.  Ils 
font  auiourdhuy,&:  demain  périront:  mais  Dieu  Demeure  éternellement,  lequel  a  des 
feruiteurs,  non  pour  befoin  ou  faute  qu'il  en  ait ,  mais  pour  le  profit  de  fes  fidèles ,  auf- 
quels il  tient  promeife  infalliblement.  Il  ne  rciette  point  de  foy  vn  fcul  feruiteur  fidèle, 
car  il  dit,  Là  où  ie  fuis,  là  auffi  fera  mon  feruiteur.  Ce  grand  Seigneur  fait  chacun  fien  icann.i*. 
feruiteur,  feigneur  de  fa  pofleflion,fe  baillât  foy-mefme  à  luy,&:  toutes  chofes  auec  foy: 
en  telle  façon  qu'il  poflede  toutes  chofes  fans  ennuy,fans  crainte ,  n'ayat  faute  de  rien, 


L/Vo  /.  Jean  Uns. 

Mar.14.^.  s  ciîouifTantd'vneioyc  infinie  auec  tous  les  fainfts.  Bienheureux  cft  ce  feriiiteur-la;  le- 
quel quand  le  Seigneur  viendra,  le  trouuera  veillant. bien-heureux  ce  (eruiteur,qui  rc- 
cuillna  ce  roy  de  gloire  auec  îoye.  Seruczdonc  à  ce  grand  Roy,  mes  feigneurs  bien  ai- 
mez,feruez-le  en  crainte  6c  reuerence.  Iefpere  qu'iccluy  vous  conduira  maintcnât  en 
Bohême  en  la  grâce  &c  voftre  fanté,  &:  finalement  à  la  vie  bien-heurculc  &  pleine  de 
gloire.Ie*pren  congé  de  vous-.car  ie  péfe  que  c'eft-cy  la  dernière  lettre  que  vo'aurcz  de 
moy  :  car  ie  m'atten  bien  à  cela,  que  demain  on  me  fera  palier  par  vnc  gricue  moi  t.  le 
Î!:u!Ts7  if-  ne  vous  peux  efcrireles  chofes  qui  me  font  aduenues  cefte  nuicl.  L'Empereur  a  fait 
moud.  toutes  chofes  finemenr.Dieuluy  vucille  pardôner,&:  feulement  pour  l'amour  devons: 
&;  vous  auez  ouy  la  fentence  qu'il  a  donnée.  La  grâce  de  Dieu  foie  auec  vous. 

Autre  Ëpiftrc  enuoyeeaufeigneur  Iean  Je  Chlum  fon  aniy  fidèle. 

,On  feigneur,  mon  bien-fa&eur  bien  aimé  en  noftre  Seigneur  Icfus ,  encore  fuis- 
se grandement  ioyeux,  que  ce  bien  m  eft  fait  de  vous  pouuoir  efcrire:comme  i'ay 
bitrTpeu  apperceuoir  par  la  lettre  laquelle  me  fut  hier  apportée  :  par  laquelle]  ay  pre 
Apoc  is.i.  miercment  cogneu,que  l'iniquité  de  la  grande  paillarde ,  c  eft  à  dire  de  la  côgregation 
maligne,de  laquelle  il  eft  parlé  en  l'Apocalypfe,  eft  dcfcouuerte,  &  le  fera  encore  plus: 
auec  laquelle  paillarde  les  Rois  de  la  terre  commettent  fornication  ,fe  deftournans  de- 
là vérité  du  Seigneur  Iefus,  &  confentans  aux  menfonges  de  l'Antechrift  par  trompe- 
rie, ou  par  crainte ,  ou  en  efpcrance  de  faire  alliance  pour  acquérir  l'honneur  du  mon- 
de. Puis  après  i'ay  cogneu  par  cefte  lettre  comment  les  ennemis  de  la  vérité  commen- 
cent à  eftrc  troublez.  Dauâtage  i'ay  entendu  combien  eft  feruente  la  confiance  de  vo- 
ftre  charité  :  qui  vous  fait  faire  confeffion  ouuerte  de  la  vérité.  Outreplus  i'ay  bie  n  co- 
gneu par  ladite  lettre,  que  vous  voulez  mettre  fin  à  toute  vanité,  &c  renoncer  au  ferui- 
ce  laborieux  de  ce  mode,  &c  feruir  paifiblement  en  voftre  mailbn  à  noftre  Seigneur  Ie- 
fus:&:  de  ces  nouuelles  i'ay  efté  fort  ioyeux .  car  feruir  à  lefus  Chrift,c'eft  régner.  Et  à  la 
Luc  11. 4z.  vérité,  bien-heureux  eft  ce  feruiteur-la,  lequel  quand  fon  Seigneur  viendra ,  aura  efte' 
trouué  veillant.  En  venté  ie  vous  di ,  que  fe  leuant  il  fe  ceindra ,  &:  luy  miniftrera.  Les 
Rois  de  ce  monde  ne  font  pas  ainli  à  leurs  feruiteurs ,  lefquels  ne  les  aiment  finon  pour 
autant  de  temps  qu'ils  leur  font  vtiles  &  neceftàires.  le  vous  prie  me  faire  encore  ce 
bien  de  m'elcrire,  s'il  eft  poflîble.  le  vous  prie  au ffi  qu'il  vous  plaife  faluerla  Roine  en 
mon  nom,&  l'admonnefter  à  bon  efcient  qu'elle  tbic  conftantc,&:  qu'elle  ne  le  feanda- 
life  point  de  moy,  côme  fiieftoye  hérétique.  le  me  recômandc  à  madame  voftre  fem- 
me,laquelle  ie  vous  prie  aimer  en  noftre  Seigneur  Iefus.car  i'ay  cefte  bonc  opinion  d- 
ellc,qu'cllc  cft  fille  de  Dieu.  Saluez  au  nom  de  Dieu  tous  ceux  qui  aiment  fa  vérité. 

Autre  Epiftrc,cn  laquelle  il  rend  grâces  à  fes  amis,  pour  les  grans  bénéfices  qu'il  a  receu  d'eux. 

Ç^SIe  v  foitauec  vous,&  vous  enuoye  toute  profperité&:  félicité ,  pour  tant  debe- 
chïuîn  ^  nefices  que  vous  m'auez  conférez.  Gardez  bien  que  le  feigneur  de  Chlum,  mon 

fouuerain  &:  fidèle  amy ,  ne  tombe  en 'danger  pour  l'amour  de  moy,qui  fuis  défia  com- 
me mort.  le  vous  .prie  tous  que  vous  viuiez  félon  la  parolle  de  Dieu,  &c  que  vous  obeif- 
fiez  à  Dieu  &:  à  fes  faintts  commandemens ,  comme  ie  vous  ay  enfeigné.  Remerciez  le 
Roy  en  mon  nom,  pour  tous  les  bénéfices  que  i'ay  reccus  de  luy.  Saluez  en  mon  nom 
toutes  vos  familles,  &c  tous  les  autres  amis  lefquels  ie  ne  peux  nommer  maintenant. 
Priez  Dieu  pour  moy,  ce  queieferay  auflide  mon  cofté:  auquel  nous  viendrons  tous 
moyennant  fa  grâce. 

Pour  la  fin  nous  auons  adioufté  d'vne  epiftre  de  Tean  Hus  eferite  en  la  prifon,  ce  qui  s'enfùit: 

E  a  n  Hus  feruiteur  du  Seigneur,  aux  fidèles  de  Bohême  qui  aiment  Icfus  Chrift, 
Salut.  Il  m'eft  foimcnude  vous  aduertir  comment  ce  Concile  de  Conftace  plein 
Les  Hures  d'orgueil  &  ambitiÔ,a  condâné  mes  liures  eferits  en  noftre  vulgaire  Bohemie,lefquels 
de  Husef.  [\s  n 'ont  ne  veu,ne  lcu,n'entendu:fînon  que  Iean  euefque  de  Litomis,  ou  autres  Bohe- 
hemien.  °"  mi^s  nies  aduerfaircs  les  ayent  entédus.Ce  Côcile  qui  s'appelle  fain&&:  facré  &c  qui  ne 
peut  errcr,cft  fi  plein  d'abominatiôs,que  vous  en  auriez  horreur  fi  vous  eftiez  ^Conftâ- 
ce:de  laquelle  i'ay  ouy  ceux  de  Suaube  qui  difoyet  ouuei temét,  Qu'en  tiete  ans  elle  ne 
feroit  quitte  ne  purgée  des  péchez  énormes  qui  y  ont  efté  vilainemét  perpetrez.Quâd 
i'ay  efté  prefeté  pour  refpodre  à  mes  aduerfaircs:  voyât  qu'il  n'y  auoit  ordre ,  mais  toute 


hTieromedeTraguc^.  3$ 

confufion,ideur  dy  haut  &  clair,  Vrayement  i'eftimoye  qu'il  y  cuft  plus  d'hônefteté  en 
tre  vous,&  meilleure  difcipline  en  voftreaflemblee.Le  fouuerain  Cardinal  me  refpon- 
dit ,  Eft-ce  ainfi  que  tu,parles  ?  tu  difois  tes  parolles  vn  peu  plus  modeftement  en  la  pri- 
fon.Ie  luy  dy,  Il  eft  vray:car  là  perfonne  ne  crioit  contre  moy .ici  vous  criez  tous  enfcm- 
ble.  O  mes  bicn-aimez  en  Chrift,ne  foyez  intimidez  par  leur  fentence  qu'ils  ontpro- 
nôcee  contre  mes  liurcs,  lefquels  voleront  çà  &:  là  comme  papillons:&:  leurs  ftatuts  du- 
reront autat  que  les  toiles  des  araignes.  Ils  tafchcrôt  au/fi  de  me  tirer  de  celle  confian- 
ce que  i'ay  en  la  vérité  de  Chrift  :  mais  ils  ne  pourront  vaincre  la  vertu  de  Dieu ,  que  ie 
fens  en  moy.    Efcrit  en  la  pnfon,en  mes  liens,en  attendant  la  mort. 

LA  fin  de  ce  fainct  perfonnage  Iean  Hus  fut  telle  que  nous  auons  defcrite  cy  deflusrc- 
eft  aflauoir  à  l'honneur  &c  gloire  de  la  dodrinc  du  Fils  de  Dieu.  O  fi  la  chair  pourrie 
des  Ecclefiaftiques  aflemblcz  en  ce  Concile  de  Confiance  euft  peu  porter  le  Tel  de  la 
vérité,  laquelle  Hus  eftoit  venu  de  Ci  loin  leur  annoncer  !  il  eft  certain  qu'on  cuft  prou- 
ueuaux  chofes  ncce/Taires  à  flEglife.  Mais  quoy  qu'il  en  Toit ,  maugré  la  rage  de  Satan,  Le  fic|e?jl; 
le'liege  Papal  a  efté  fort  defcouuert,&:  par  force  ce  décret  a  efté  arraché  du  côclaue  des  pa  e$  ra  e 
ennemis  de  Dieu,c'eft  aflauoir,  Que  le  Concile  afîemblé  légitimement , eft  par  deffus 
le  Pape  :  d'autant  que  celle  puiflance  eft  de  Chrift  qui  eft  le  vray  chef  de  l'Eglife.  Iean 
Pape  x  x  1 1 1 1  .de  ce  nom  fut  depofé,  pource  (ju'il  eftoit  hérétique,  fimoniaque ,  homi- 
cide&  fodomite.  Il  s'enfuit  en  habit  defguife  à  SchafFufe ,  &:  de  lààFribourg  en  Brif- 
goyermais  il  fut  attrapé  Tan  cinquième  de  fon  pôtifkat,&  demeura  trois  ans  en  prifon. 
Gregoire,qui  auflï  Ce  difoit  Pape,fe  démit  de  fa  Papauté  :  &  Pierre  de  la  Lune ,  qui  se-  Trois  Pa- 
ftoit  fait  nommer  pape  Benoit,fut  côdamné  par  ledit  Concile.  C'eftoit  de  luy  que  Iean  J^^e  teps 
Gerfon  fouloit  dire ,  Il  n'y  aura  paix  en  l'Eglife  tant  que  la  Lune  foit  oftee.  Voila  com- 
ment le  Dragon  &  la  Belle  à  fept  telles  comm  encent  eftre  accouftrez  :  c'eft  vn  trou  en  AP°"J •  'î.' 
laparoy  pour  regarder  les  mefehantes  abominations.  Ce  font  les  membresde  la  pail-  foic"47<'" 
larde  mignarde  &c  délicate  qu'on  defcouure ,  afin  que  fa  turpitude  &:  ignominie  foie 
manifeftec  par  tout. 


HIEROME    DE    PRAGVE,  Bohémien. 

L'hiftoirc  de  ce  Martyr  tend  au  mefine  but  que  le  precedent:Le  Seigneur  a  voulu  donner  vn  compagnon  à  Iean  Hus,afîn  qu'en 
la  parolle  de  deux,  la  chofe  fuft  arreftee  :  &  que  les  plus  grans  de  ce  monde  alTemblez  contre  Icfus  Chrilt  au  Concile  de 
Confiance,  d;  meuraflent  confondus.  Au  refte ,  Hierome  a  efté  traité  de  mefine,  i  la  pourfuitte  des  nieûnes  ennemis  & 
aceufateurs  que  le  fufditlean  Hus. 

O  V  T  ainii  que  Iean  Hus  &:  Hierome  de  Prague  auoyent  efté  coioints  par  M\  CCCC. 
grande  familiarité  en  leur  façon  de  viure ,  en  leurs  eftudes,  &:  en  fainde  do-  XVI' 
$fe^t  drine:aufîi  vne  mefme  cÔfeflion  de  foy  les  a  faindemet  aflociez  en  la  mort, 
laquelle  ils  deuoyent  endurer  pour  l'Euangile:&:n'y  a  eu  afflidion  tat  gran- 
de fuft-elle,  qui  les  ait  peu  feparer  de  la  coniondion  d'vne  caufe  tant  bonne  &:  tat  fain- 
de. Nous  pourrions  bien  voircment  ici  raconter  commet  Hierome  de  Prague  fut  nay 
en  l'endroit  de  la  ville  lequel  on  appelle  la  nouuelle  Prague ,  commet  il  a  vefeu  au  par- 
auant  :  en  outre  nous  pourrions  parler  de  fes)eftudes  excellentes,de  Ces  bonnes  &  fain- 
&esmceurs,de  fa  nature,  s'il  en  eftoit  aucunement  befoin:  mais  la  fuitte  &:  ordre  de  ce 
liure  entrepris  requiert  pluftoft  vn  tel  récit,  par  lequel  on  puifle  cognoiftre  la  confian- 
ce &  force  merueillcufe  de  ceux  qui  eftans  appelez  de  Dieu  au  martyre ,  ont  rendu  vn 
tefmoignage  excellent  à  fa  verité,&  qui  l'ont  franchement  &  faindement  maintenue 
iufques  au  dernier  foufpir  de  leur  vie. 

Ainsi  donc  l'an  après  la  natiuité  de  Chrift,  m  .  c  c  c  c .  x  v ,  Hierome  de  Prague  e- 
ftant  merueillcufement  troublé  de  ce  qu'il  auoit  ouy  que  fon  pays  eftoit  opprimé  par 
ennemis  àc  domeftiques  &C  voifins,&  par  plufieurs  &  faunes  calomnies,  &  que  Ieâ  Hus 
eftoit  vilainement  traitté  par  le  Concile,  il  s'en  alla  fort  alaigrement  à  Conftance,où  il 
arriuale  quatrième  iour  d'Auril.  Et  là  eftant  aduerty  qu'on  luy  drefloit  quelques  fînef- 
fes  &c  embufehes ,  il  Ce  retira  le  lendemain  à  Iberlingue ,  qui  eft  vne  ville  de  l'Empire, 
près  d'vne  Iicuë  de  Confiance  ou  enuiron.  Et  faifoit  cela,  afin  qu'il  ne  femblaft  qu'il  Ce 
îettaft  de  fon  bon  gré  &  feu  dedans  les  dangers.  De  ce  lieu-la  il  efcriuit  des  lettres  à  l  - 


IàmiuL  IficromtdePragucJ. 

Empereur  Sigifmond,&:  aux  autres  grans  feigneurs  de  Bohême  qui  eftoyet  lors  à  Con« 
ftance:par  lefquelles  il  faifoit  requeftc  au  Roy  &  à  tout  le  Concile ,  qu'il  leur  pleuft  luy 
bailler  vnfauf-conduir,  parle  moyen  duquel  il  luy  fuft  loifible  d'entrer  en  la  ville  de 
Conftance:&  au  refte  qu'il  eftoit  preft  de  refpondrc ,  pourueu  qu'on  luy  donnaft  audie- 
ce,quelques  crimes  ou  forfaits  qu'on  peuft  produire  à  l'encontrede  luy.  Tant  y  a  tou- 
tefois que  UEmpereur  refufa  de  ce  faire,  alléguant  que  le  fauf-conduit  qu'il  auoit  don- 
Sauf  con-  né  àlean  Hus,  luy  auoit  caufé  de  fort  grades  fafcheries.  Cependant  le  collège  des  Pre- 
du.t  refufé  ftres  faifoit  bien  promcfTe  de  luy  donner  congé  de  vcnir,&:  depefcherent  dès  bulles  fur 

àHieromc.  Q^  m^  nQn  pa$  jc  rctourner. 

O  r  après  qu'on  eut  fait  ce  rapport  à  Hierome,  il  efcriuit  beaucoup  de  lettres  en  La- 
tin ,  en  Bohémien  &  en  Alemand,  &  les  fit  attacher  aux  portes  des  temples  &:  des  mo- 
nafteres  &:  des  maifons  des  Cardinaux.  Par  icelles  il  dcclaroit  qu'il  iroit  fort  volontiers 
hc  d'vn  courage  prompt  à*Conftance,à  caufe  d'aucuns  qui  detra&oyet  tant  de  fon  pays 
que  de  fa  do&rine:afin  que  s.'il  y  en  auoit  là  quelcuns  qui  pretendifTent  action  d  nerefie 
ou  d'erreur  à  l'encôtre  de  luy,  il  les  priaft  de  déclarer  leurs  noms:&  deluy,  il  feroit  preft 
de  leur  fatisfaire.  Que  il  on  le  pouuoit  conuaincre  de  quelque  crime  (ce  que  toutesfois 
il  ne  craignoit  point)il  vouloir  bien  eftre  enfeigné  comme  il  eftoit  raifonnable  :  &c  defi- 
roit  qu'on  luy  monftraft  fon  erreur,  moyennant  qu'on  luy  donnaft  fauf-conduit,par  le- 
quel il  peuft  eftre  en  feurté.  Mais  h*  on  le  detenoit  là  par  violence  ou  fraude ,  combien 
qu'il  fuft  irreprehéfible  en  cela,  l'iniquité  de  ce  beau  Concile  feroit  puis  après  cognuc 
de  tous,  d'autant  qu'il  le  condamnoit  fans  cognoùTance  de  caufe  contre  tous  droits  di- 
uins  &  humains. 

A  v  refte,  voyant  que  par  ce  moyen  mcfme  il  ne  pouuoit  pas  encore  obtenir  de  l'- 
Empereur ce  qu'il  demandoit,  pour  le  moins  il  obtint  des  feigneurs  de  Bohême  &: Pro- 
tecteur qui  eftoyent  là  prefens,des  lettres  feellees  de  leurs  féaux  :  par  lefquelles  ils  ren- 
doyent  tefmoignage  de  l'innocence  de  Hicrome>&:  comment  il  auoit  délibéré  de  fatif- 
faire  à  fes  aduerfaires  touchant  les  calomnies  qui  luy  eftoyent  impofees.Et  ayant  obte- 
nu &  receu  ces  lettrcs,il  délibéra  de  retourner  au  pays  de  Bohême  :  mais  il  fut  pris  en 
Hicroœc  chemin  par  trahifon,  &c  ce  par  les  officiers  du  duc  îean  fils  de  Clément ,  qui  le  ramene- 
Cfon "  Ua  ^nt  *  Sultzbrach,où  ledit  duc  eftoit,  &  auquel  lieu  il  fut  quelque  teps  détenu,  iufques 
à  tant  q«ul  fuft  appelé  par  l'Empereur  &:  tout  le  Concile.  Et  bien-toft  après  le  duc  Iean 
receut  lettres  de  par  l'Empereur  &:  tout  le  Concile,&  renuoya  Hierome  lié  &c  garrotté 
à  Conftance:où  il  fut  recueilly  par  l'autre  fils  de  Clément,  qui  auoit  nom  Louys  :  &c  ce- 
ftuy-cy  pour  plus  grande  ignominie ,  fît  enchainer  Hierome ,  &  le  mener  après  foy  au 
conuent  des  Cordeliers,où  les  principaux  facrificatcurs  &:  la  racaille  des  Pharifienss- 
eftoyent  a/Tembléz  :  car  ce  Louys  alloit  deuant  comme  ayant  obtenu  victoire,  &:  com- 
me triomphateur. 

O  r  après  qu'on  fut  venu  au  conuent  des  Cordeliers ,  &:  que  Hierome  enchainé  eut 
efté  prefenté  deuant  les  Euefques  &c  Prelars ,  on  commença  à  lire  deuant  luy  les  eferi- 
teaux  lefquels  n'agueres  on  auoit  attachez  en  diuers  licux,par  lefqucls  on  l'auoit  appe- 
lé en  iugemét ,  à  caufe  de  fes  epiftres  lefquelles  il  auoit  auparauat  fait  pofer  aux  portes 
par  tout.  Là  vn  Euefque  l'interroga  difanr,Pourquoy  t'en  es-tu  fuy  >&c  pourquoy  n'es-tu 
venu  quand  on  t'auoit  appelé  en  iuftice  î  Adonc  il  refpondit,Puis  que  ie  n  ay  peu  obte- 
nir vn  fauf-conduit  ne  de  l'Empereur,ne  de  vous ,  comme  ce  que  les  Barons  m'ont  ef- 
crit  en  rend  tefmoignage  :  enfemble  que  i  ay  bien  cogneu  qu'il  y  en  auoit  aucuns  auffi 
qui  m'eftoyent  ennemis  mortels.i'ay  pehfé  qu'il  eftoit  bon  que  ie  me  retirafle,  afin  qu'- 
il ne  femblaft  que  ie  me  fufte  ietté  follement  feul  dedans  vn  fi  grand  danger ,  &  fans  e- 
ftre  appelé.  Mais  fi  on  m'euft  aduerty  tant  peu  que  ce  fuft,que  vous  m'eufliez  fait  citer, 
pour  certain  il  ne  m'euft  point  fafché  de  partir  expreflement  de  Bohême  pour  venir  en 
cefte  ville  de  Confiance.  x 

O  r  après  que  ce  faind  perfonnage  eut  ainfi  parlé,  voicy  vnc  grofTe  bade  de  Prcftres 
fe  drefla  contre  luy,Ô£  commencèrent  à  produire  de  fort  eftranges  teûnoigna^cs  :  &  a- 
uec  grandes  clameurs  luy  obie&erentdcs  crimes ,  comme  ils  ont  accouftume  de  faire. 
Sur  cela  il  y  eut  vn  do&eur  ancien  ,chanceliet  deParis,nomméGerfon,lequel  après  que 
Reproche  ce  tumulte  fut  appaifé  commença  à  dire,  O  Hierome,cjuand  tu  demeurois  à  Paris,t'at- 
fon"  Hic-  c"kuât  ie  ne  %  quelle  eloquéee  diuine ,  tu  troubloislà  toute  1' Vniuerfité,femat  beau- 
reme.      coup  de  conclufions  fauftes  parmi  le  peuple.  Auquel  Hierome  fit  vnc  refpofc  fort  mo- 

defte, 


UkrdmLifde  Prague^.  37 

<lcfte,,Noftre  mâiftre ,  du  temps  que  ie  faifoyc  des  harengues  publiques  és  collèges  de 
Pansue  que  par  fermes  raiforrs  ie  difputoye  des  thèmes,  félon  la  couftume  &:  façon  de 
nos  Maiftres,  il  n  eftoit  nullement  queftion  de  ce  crime  que  vous  intentez  contre  moy: 
qui  plus  eft,  i'ay  receu  le  degré  de  dodeur  en  Théologie .  &  ie  ne  feray  pas  de  difficulté 
de  repeter  maintenant  en  cefte  grande  aflèmblee  ce  que  i'afFermoye  en  ce  temps-la:& 
fi  vous  y  trouuez  quelque  faute,  ie  la  corrigeray  fort  volontiers  ,&  prefteray  laureille 
paifiblement  à  vne  meilleure  do&rine. 

Ainsi  que  Hierome  parloit,  voici  vn  autre  d'entr'eux  (  il  fcmble  que  ce  fuft  vn  de  Commen  j 
Nos  maiftres  de  Cologne)feleua,  &  luy  dit,  Par  ma  foy,  la  harengue  que  tu  fis  vne  fois  ""ég^di 
à  Cologne,  eftoit  pleine  d'erreurs,  qui  ne  font  poit  encore  efcoulez  de  la  mémoire  des  gne  dVn 
hommes.  Or  fus,  dit  Hierome,produifez  feulement  vn  erreur.Et  iceluy  eftant  aucune-  D°acur- 
ment  eftonné,  refponditjen'en  ay  point  maintenant  fouuenance  :  mais  onles  produi- 
ra bien  toft  contre  toy.  Et  tout  incontinét  fe  leua  vn  autre  troifieme  grobis  de  Heilde- 
berg,  qui  forma  ainfi  fon  aceufation:  Quand  tu  demeurois  auec nous.,  tu femois  diuers 
blafphemes,  &:  principalement  de  la  fainde  Trinitérlà  où  tu  as  peint  vn  efcu,coparant 
la  fainde  Trinité  à  l'eau,  à  la  neige  &  à  la  glace.Hieromerefponditainfi  à  ces  parolles, 
Si  vous  voulez, ie  diray,i'efcriray ,  ie  peindray  maintenat  les  mefmes  chofes  que  i'ay  di- 
tes alors,ou  efcrites,ou  peîtes:&:  Ci  on  y  trouue  quelque  faufTeté,ie la  retraderay  &  def- 
diray  en  toute humilité,&  m'accorderay  à  vne  meilleure  opinion. Cependant  ceux  qui 
affiftoyent  là,cômencerent  à  crier  tant  qu'ils  peurent,  Bruflez,bruflcz  ceft  hôme-cy.Et 
quad  Hierome  eut  ouy  cela,  il  dit,  Si  vous  autres  prenez  h"  grand  plaifir  à  me  faire  mou- 
rir,la  volonté  deDieu  foit  faite.Mais  le  bon  preud-homme  l'archeuefque  de  Salifbourg  L^c £c£f 
dit,Il  ne  faut  pas  faire  ainii,Hierome.car  il  eft  efcrit:Ie  neveux  poit  la  mort  du  pécheur,  îlsbowg* 
ains  qu'il  foit  conitej^yyÔC qu'il  viue. 

Fin  al  1  m  e  n  T^pres  que  les  calomnies  &tempeftescontreHierome  furent  aucu- 
nement fînies,ledit  Hierome  fut  liuré  aux  fergeans  &  officiers  de  laville,&  les  autres  fe 
retirèrent  chacun  en  fa  maifon .  Les  officiers  le  menèrent  en  vn  certain  logis:&  là  fur- 
uint  vn  de  la  famille  de  Iean  Hus,Pierre  Notaire,qui  parla  à  luy  par  vnefeneftre,  &  luy  ^Jl^ 
dit,Mon  bon  maiftre,ne  craignez  point  :  prenez  bon  courage ,  &  ne  redoutez  point  de  ecHicromc 
mourir  conftamment  pour  le  tefmoignage  de  la  verité,de  laquelle  vous  aueziadis  çant 
bien  &  ii  f  agement  difputé,  quand  vous  eftiez  en  liberté.Et  Hierome  luy  dit»Frere,mo 
amy,ie  vous  remercie  de  bô  cœur  de  ce  que  m  auezvifité:  fâchez  que  ien'ay  point  fray- 
eur de  la  mort:de  laquelle  i'ay  autrefois  difputé  bien  au  long ,  &  maintenant  il  me  faut 
experiméterde  faidquel  pouuoir  cllea.Ceux  quilegardoyétjdrefTeiet  leurs  yeux  vers 
la  teneftre,quant  ils  ouirent  ce  propos-la,&  firent  bien  toft  retirer  Pierre,le  menaçant. 
Et  quant  &c  quant  priment  Hierome ,  &c  l'enfermèrent  dedans  vne  tour  qui  eftoit  bien 
prochaine  du  cimetière  de  S.  Paul.  Ils  luy  lièrent  les  bras,  &:  luy  enfermèrent  les  pieds 
en  cefte  prifon  qui  eftoit  fort  haute,en  forte  qu'il  ne  fe  pouuoit  feoir,  ains  panchat  pou- 
uoit  bié  toucher  la  tefcre  feulement  de  la  tefte':  &  en  cefte  façon  il  fut  tourmenté  par  f- 
efpace  de  pluiieurs  iours,n'ayant  rien  pour  fe  fubftenter  que  du  pain  Se  de  l'eau.  Mais  fe 
fentant  fort  abatu  de  maladie  procedâte  de  ces  tourmens  Ci  griefs,il  demâdavn  confef- 
feur,cfpeiat  que  par  ce  moyé  on  le  traiteroit  plus  doucemet ,  d'autât  qu'il  s'accommo- 
doit  à  leurs  obferuations  &c  ceremonies.il  s'entretint  quelques  iours  en  cefte  efperace: 
car  de  là  en  auat  il  eut  quelque  relafche  de  prifon,oùil  demeuravn  an  moins  fept  iours. 

O  r  cependant  Iean  Hus  iniuftenient  condamné  par  ces  tyrans,fut  bruflé  le  fixieme 
iour  de  Iuillet  :  &  enuiron  le  huitième  iour  de  Septembre  en  ce  mefme  an,  ils  firentve- 
nir  deuant  eux  Hierome,  qui  eftoit  tout  moulu  de  fa  longue  détention ,  &c  luy  propofe- 
rent  beaucoup  de  menaces,tafchans  à  luy  perfuader  de  laiffer  fon  opinion,&de  fouferi- 
re  à  la  condamnation  de  Iean  Hus,qui  auoit  efté  bruflé  iuftement,  comme  ils  difoyent. 
Hieron\e  alors  fut  vaincu  par  infirmité ,  en  partie  craignant  l'horreur  du  tourment ,  en 
partie  efperant  d'efehapper  de  leurs  mains  félonnes.  Etfurcelail  recita  publiquement 
deuant  tous  vn  formulaire  d'abiuration  qu'on  luy  auoit  donné  par  eferit. 

Ovtreplvs  pour  leur  gratifier  il  adioufta,  que  Iean  Hus  auoit  efté  bruflé  à  bon 
droit.Mais  pour  tout  cela  il  n'efehappa  point:ains  fut  ramené  en  fa  tour,combien  qu'il 
fuft  moins  rudement  traité  qu'au  parauant. 

O  k  l'an  fuyuât,aflauoir  m.  ccccxvi. quelques  nouucaux  enncmis,moines  de  l'ordre  Nouucltes 
des  Carmes  vinrét  de  Boheme^efquels  auoyent  aceufations  nouuelles  côtreHicrome.  accu  uos* 

S'  L 


Livrer  L  U morne  ê  Traguc^ 

Deux  apoftats  &  mefehans  garnemens,  affauoir  Michel  de  Caufis  &C  maiftre  1?alets,fu- 
rent  fort  ioyeux  de  cefte  venue.  Ils  pourfuyuirent  encore  plus  afprement  la  caufe  in- 
tentée contre  Hicrome ,  ayans  recueilly  par  certains  lignes  qu'il  n'auoit  de  bô  cœur  re- 
noncé à  ta  dodrinc,pluftoft  ayant  fait  cela  pour  la  frayeur  qu'il  auoit  de  la  peine  ia  emi- 
nente,  &:  pour  l'efpoir  d'eftre  bien  toft  deliuré.Ils  innfterent  doc  enuers  les  Cardinaux 
qui  prefîdoyent  en  ce  Concile,&:  auoyent  authorité  de  iuger:  à  cefte  fin  qu'ils  le  côtrai-» 
gnilfcnt  de  refpondre  à  quelques  crimes  &:  forfaits  autres  que  les  premiers,  mais  iceux 
apperceuâs  bien  la  malice  de  ces  aduerfaires,  &c  le  tort  qu'ils  faifoyent  à  ce  poure  hom- 
me,fc  mirent  en  tout  deupir  de  le  deliurer.  Au  côtraire  ces  babouins  faifoyet  tous  leurs 
efforts  à  ce  que  Hierome  ne  fuft  nullemét  efpargné,criâs  à  gueule  ouuerte  que  c'eftoit 
ivnc  grande  mefchanceté,de  fauorifer  à  vn  tel  heretique.Et  fur  tous  autres  il  y  eut  vnve 
nerable  doôteur  nommé  Nafo,  qui  parla  de  cefte  belle  façon  aux  cardinaux: 

Reverens  Peres,nousfommesefbahis  de  vous,  que  vos  paternitez  intercèdent 
pour  vn  ii  mefehant  heretique,pour  lequel  nous  &:  tout  le  Clergé  auons  fouffert  tât  de 
maux  au  royaume  de  Bohemc,&  vos  paternitez  endureront  cy  apres:&de  moy,ie  crain 
bien  fort  que  vous  ayez  recéu  des  prefens  de  ces  heretiques,ou  du  roy  de  Bohême. 

O  r  les  Cardinaux  eftans  elbranlez  des  clameurs  furieufes  de  ce  mal-heureux, &des 
autres,lainerétla  caufejde  Hierome,&:  fe  démirent  de  l'office  de  iuger.puis  à  lafolicita- 
tion  de  ces  ennemis  obftinez  de  la  vérité ,  le  Patriarche  du  titre  de  Conftantinoble ,  &: 
vncertaindodeurTeutonique,qui  vnpeuauparauant  auoyent  cfté  ordonnez^iuges 
pour  condamner  Iean  Hus,furent  fubftituez  en  ceft  office  des  Cardinaux.  Mais  Hiero- 
Nouncaux  mc  recufojc  ces  nouueaux  iuges,deuant  lefquels  il  ne  voulut  oneques  ouurir  la  bouche 
Sez!^  pour  dire  vnfcul  mot  enla  prifonrains  requit  parplufieurs  fois  qu'on  luy  permift  de 
defcôuurir  publiquement  fon  opinion  en  pleine  alfemblee.  A  quoy  les  prchdens&:  an- 
ciens du  Concile  s'accordèrent  volontiers ,  eftimans  que  Hicrome  fe  retracteroit  dere- 
chef comme  il  auoit  fait  vn  peu  auparauât,  Se  confermeroit  mieux  fa  rétractation.  Par- 
quoy  le  2  5. lourde  May  en  ce  mefme  an,  Hierome  fut  mené  au  grand  temple  de  Con- 
fiance ,  auquel  il  deuoit  cftre  ouy  en  public:  Se  là  cent  &c  fept  articles  d'aceufation  con- 
tre luy  furent  leus  deuant  tous,  defqueis  les  aduerfaires  crioyent  à  gueule  ouuerte  qu'il 
auoit  efté  conuaincu  par  tefmoins,voire  condamné.  Tant  y  a  qu'il  fut  permis  à  Hiero- 
me de  fe  défendre  comme  il  auoit  requis. 

Hierome  alors  fut  depuis  le  poindduiour  iufquesàmidi  à  réfuter  plus  ou  moins 
de  quarate  articles:&:  Dieu  fait  de  quelle  dextérité  èc  alaigrefl'e  d'efprit ,  comme  s'il  n- 
euft  fenti  aucun  tourment  en  fa  détention  fi  longue.  Et  quant  aux  crimes  defqueis  il  ne 
fe  fencoit  nullement  coulpable,  &:  lefquels  il  fauoit  auoir  efté  forgez  &  controuuez  par 
faux  tefmoins,illeslainbitpalTerfansy  inlifter,  fe  purgeant  parvneiîmple  négation. 
Mais  au  rcfte,pourcc  qu'il  ne  pouuoit  pas  paracheuer  fa  caufe  pour  cefte  raifon  que  mi- 
di eftoit  fonné,  il  fut  remis  au  Mardy  fuyuat,&:  mené  ce  iour-la  audit  lieu  de  grand  ma- 
tin: où  rcfpondit  de  mefme  fermeté  &c  dextérité  d'efprit  aux  autres  articles  qui  luye- 
ftoyentobiedez,&:deftournoit  proprement  &  de  bonne  grâce  les  blafmes  furfes  ad- 
uerfaires ,  en  forte  qu'eftans  tous  confus  de  fa  harengue ,  par  laquelle  il  monftroit  eui- 
Luc  d^Hic  demment  la  vanité  &c  fau/feté  de  leurs  tefmoignages,  ils  deuinrent  tous  muets . 
rome  rend  Ov  treplv  s,  c'-eft  merueille  comment  en  cefte  aflemblcc  il  parla  bien  des  difei- 
confus  (es  pi,ncs  diucrics  des  Philolbphes ,  &C  des  faindes  Efcritures ,  ou  de  quelle  induftrie  il  en 
deuifoit:&:  n'y  auoitnul  qui  ne  fuft  efmerueillé:  eftant  là  iufques  à  l'heure  de  midy  fans 
ceffer  de  parler  :  car  il  dcmonftroit  commet  la  vérité  auoit  efté  odieufe  en  tous  temps: 
£>c  prouuoit  cela  par  les  exemples  des  gens  fages ,  &:  auiïi  des  Prophètes  ôc  Apoftres ,  &c 
après  eux  des  Martyrs ,  qui  tous  auoyent  efté  tormétez  de  diuerfes  façons  &:  fupplices, 
eftans  condamnez  à  tort  pour  la  caufe  de  la  vérité ,  comme  feditieux  &  perturbateurs 
de  la  tranquillité  publique,ou  blafphemateurs  contre  Dieu. 

Or  retournant  à  fon  propos,  il  commença  à  dire  quelque  chofe  du  cours  de  fa  vie, 
&:  toucher  comme  en  paffant  ce  qu'il  auoit  fait  en  Germanie,  en  france,en  Boheme,ô£ 
es  vniuerfitez  renémees  dicclles,racôtantauflifes  aduentures,&:lesgrans  trauaux  qu'- 
il auoit  foufferts  en  diuers  voyages.  Il  ne  voulut  omettre  auifi ,  cômçnt  du  règne  du  roy 
Vvcnceflaus  il  auoit  obtenu  le  premier  lieu  en  l'adminiftratiô  du  collège  de  Prague  à 
uec  les  autres  précepteurs  de  fa  natiô,&:  cornent  il  en  auoit  chafle  lesAlemas,^  eftoyét 
efmeus  d'enuic  contre  les  Bohémiens.  Apres  cela  il  vint  à  tôber  fur  les  louages  de  Iean 

Hus,&: 


innemiy. 


ïïieromeçlePragiïLJ.  3$ 

Mus  difoit  qu'il  l'auoit  cogneu  dés  fa  ieuneffe  :  mais  que  iamais  il  n'augit  veu  en  luy 
àucun  vice,  oudcpaillardife  i  ougourmandife  j  ouyurongnerie,  ains  qu'il  y  auoit  touf- 
iours  apperceu  vne  affection  bonne  &  fain&c ,  de  viure  honneftemét  &c  modeftement, 
vnvraydefir&zele  à  la  vérité  de  Dieu,  comme  celuyqui  auoit  fain&cmcnt  &fidele- 
ment  enfeigné  la  pure  doctrine,  en  laquelle  il  s 'cftoit  exercé  fort  diligemmét.  Parquoy 
il  approuuoit  les  fermôs  dudit  Iean  Hus,  &:  auflî  de  Iean  VviclefF,par  lefquels  ces  deux- 
cy  auoyent  repris  aigrement  l'infolcnceja  malicc,la  paillardife  &:  l'auarice  des  Preftres  L'auaricc 
(car  celle  manière  de  gens  eft  remplie  de  toutes  telles  ordures)&:  ne  difeorderoit  point  fe  acsPt^ 
d'auec  eux  tant  peu  que  ce  fuft.  ftrc«. 

Qv^a  n  t  au  Symbole  de  la  foy,  il  affermoit  qu'il  maintenoit  aucc  l'Eglife  catholique 
&  vniucrfelle,  toutes  les  chofes  qui  y  eftoyét  contenues  ,  &:  qu'il  deteftoit  tous  erreurs 
&:  herefies.  Finalement  il  adioufta  ceci,  que  de  tous  les  péchez  par  lefquels  il  auoit  of- 
fenfé  la  Maiefté  diuine  iufques  alors  ,  il  n'y  en  auoit  pas  vn  feul  duquel  il  fentift  fa  con- 
feience  tant  chargée  &:  greuee,que  de  celle  offenfe  qu'il  auoit  commile  en  la  chaire  de 
peftilence  &  d'execratiomoù  eftant  trebufché  par  infirmité  &par  l'horreur  de  la  mort, 
il  auoit  eft  é  contraint  de  le  retracter ,  &  auoit  loufcrit  à  la  condamnation  de  Iean  Hus, 
&dit  plufieurs  chofes  contre  la  do&rine  de  ce  fain&perfonnage  pour  gratifier  aux  ad- 
uerfaires:  parquoy  eftant  maintenant  par  la  bôté  &c  grâce  de  Dieu  conftitué  en  la  mef- 
mc  chaire,  il  fe  repentoit  à  bon  efeient  de  ce  péché  fi  énorme  :  &:  declaroit  que  la  fub- 
feription  qu'il  auoit  faite  cftoit  nulle,  d'autat  que  c'cftoit  à  grand  tort  qu'on  auoit  br  Lil- 
le ce  fainct  homme.  Ce  font  cy  les  parollcs  de  Hierome  de  Prague. 

Or  en  la  première  partie  de  cefte  harengueii  efmeut  merueilleufement  les  audi- 
teurs ,  en  forte  que  tous  defiroyen  t  que  la  vie  luy  demeuraft  fauue  :  tant  auoit-il  bié  feu 
gagner  leurs  cœurs  par  douces  &:  gracieufes  parôlles,&:  attirer  à  côfentir  volôtairemét 
à  fon  opinion. Mais  fe  fentans  picquez,&  eftâs  irritez  de  la  conclu/ion, où  il  auoit  meflé 
plufieurs  chofes  des  louanges  de  Vvicleff&:  de  Hus,  ils  dirent  que  luy-mefme  s'eftoit 
défia  condamné.Parquoy  on  le  traina  incontinét  en  prifon,&:  là  fut  traité  par  ces  bour- 
reaux fort  inhumainement,  ils  luy  lièrent  les  pieds  &  les  bras  &:  la  moitié  du  corps  de 
chaines  de  fer  :  &c  ce  traitement  barbare  dura  iufques  au  premier  iour  d'Aouft  fuyuant, 
auquel-on  luy  donna  vne  grande  compagnie  pour  le  mener  au  teplexar  il  y  auoit  en  ce  Hierome 
iour-la  grande  afiemblee  de  Preftres  &:  de  Moines  pour  prononcer  la  fentence  contre  ™^pieau 
Hierome.  Premièrement  ils  luy  firent  cefte  exhortation,  qu'il  perlillaft  en  fa  première 
rétractation,  &:  reiettaft  apertement  la  doctrine  de  Vvicleff &C  de  Hus.  Hierome  au  cô- 
trairc  nullement  effraye,  ains  confiant  &  ferme,  dit  plufieurs  parolles  picquantes  con- 
tre ce  vénérable  ordre, adiouftant  ceci:Ie  protefte  deuant  le  Seigneur  mon  Dieu,&dc- 
uant  vous  tous  qui  eftes  ici  prefens,que  ie  n'ay  nulle  opinion  hérétique  :  mais  ie  croy  &c 
maintien  tous  les  articles  de  la  foy,  comme  la  fain&e  Eglife  catholique  fait.  Au  refte  ie 
ne  veux  nullement  confentir  à  voftre  fentence ,  par  laquelle  vous  auez  à  grand  tort  cô- 
damné  ces  fainc-ts  perfonnages ,  eftans  agitez  de  furie  &c  d'efprit  d'eftourdiffement ,  d'- 
autanf  qu'ils  auoyent  ouuercemét  manifefté  vofti  e  vie  deteftablc  par  parolles ,  Ôc  figu- 
rée au  vif  en  leurs  liures.  Car  ia-foit  queie  fâche  bié  que  vous  n'auez  déterminé  de  me 
punir  pour  autre  chofe:tanty  a  que  iene  produiray  rien  cotre  ma  confeience  à  l'cncon 
tre  de  ceux  que  ie  fay  pour  certain  auoir  droitement  eferit  &  parlé  de  vos  forfaits  ôctra- 
dirions  peruerfes. 

E  t  après  qu'il  eut  ainfi  hardiment  parlé  &c  fans  s'effrayer ,  finalement  l'Euefque  de  Sermon  de 
Londen  monta  en  chaire,  &  incita  cefte  belle  affemblee à  prononcer  fefttece  de  mort  J^JjJjJ* 
contre  ledit  Hierome.  Il  pnnt  fbn  thème  de  ce  qui  eft  dit  en  S.Marc,  Iefus  repnnt  leur 
incrédulité  &:  dureté  de  cœur:&  dit ,  Tout  ainfi  que  n'agueres  ce  fainct  Concile  a  puni 
l'infidélité  de  ces  deux  hérétiques  fi  mefehas,  Vvicleff &Hus,reiettat  leur  faufie  dodri 
ne  corne  pleine  d  erreurs,  infectée  d'herefie ,  &:  fort  pernicieufe  à  la  iaincte  eglife  :  auffi 
qu'il  puniffe  ce  Hierome  leur  cÔplice,homc  de  dur  col,  arrogat  &c  obftiné  en  fa  malice: 
afin  qu'il  foit  en  exemple  aux  autres,  à  ce  qu'ils  ne  foyét  fi  hardis  d'attenter  chofes  fem- 
b labiés*.  S'il  y  en  a  aucuns  par  cy  après  qui  foyenttrouuez  eftre  de  cefte  fecte,  on  donne 
authorité  indifféremment  à  tous  de  tefmoigner  contre  eux,  voire  de  quelque  infamie 
qu'ils  foyent  marquez  :  rufiens ,  bordeliers,  adultères,  putains, maquerelles,gourmans 
yurôgncs,brigas,bricf  les  plus  mefehans  du  monde  feront  ouys  pour  tefmoins:&:côfef- 
fion  fera  arrachée  d'eux  par  tortures,  fi  befoin  eft,&:  ferot  tout  incontinét  mis  à  mort* 

g.iiv 


L/'^ro  /•  Ilter  ome  de  ^ragut^. 

U  n'y  aura  aucun  lieu  ny  efperance  qu'ils  puiffent  iamais  obtenir  pardon,  s'ils  ne  fe  dôf- 
diffent  de  toutes  leurs  mefehates  opinions.  Et  quant  à  tdy,  Hierome ,  qui  eft-ce  qùi  en 
auioitcompaffion?  comme  ainii  (bit  que  maintenant  tu  ne  fais  point  de  difficulté  d'a- 
uallcr  derechef  la  rétractation  que  tu  auois  auparauat  delgorgee,  comme  vn  chien  re- 
tournant à  ion  vomilfement:  œque  tu  n'as  fait  fans  auoir  grandement  offenie  &dcf- 
honnore  ce  fainct  Concile.  Parquoy  quelque  fentence  de  condamnation  que  ce  Con- 
cilc  prononce  contre  toy,(cra  iufte  &:  telle  que  tu  as  méritée. 

Apr  e  s  queceftEuefqueeutacheuéfonfcrmon,Hieromeauccbonneprudece&: 
cœur  confiant  commença  à  monftrer  ouuertement  qu'on  luy  faifoit  grand  tort:  qu'il 
n'eftoit  coulpable  d'aucun  crime  qui  fentift  fon  erreur  ou  herefie,  ou  qui  répugnait  à  la 
foy  Chreftienne  :  Sinon  (dit-il)  que  vous  eftimez  pour  fort  grande  otfenfe ,  que  i'ay  rc- 
prins  les  Preftres  de  leur  mefehante  vie.  Il  m'a  fait  grand  mal  voirement  de  ce  qu'ils  a- 
bufoyenr  de  leur  eftat  &:  office,  &  que  leur  vie  ne  refpondoit  point  à  leur  profeffion.Or 
fi  vous-vous  arreftez  feulement  aux  tefmoins  fans  me  vouloir  ouyni'appelle  Dieu&ilcs 
hommes  en  tefmoignage,  que  vous  eftes  faux  iuges  &  iniques,  qui  exercez  ainti  cruau- 
té contre  moy  feul,  eftans  pouffez  d'enuie. 
Hierome       A  v  c  v  n  s  des  aduerfaires  ayans  ouy  ce  propos,  ladmonneftoyent  à  l'oreille  qu'il  fe 
fe  icfdir^  rctraftaft  derechef &:bien-toft:  autrement  c'eftoitfait  de  luy.  Mais  luy  voyant  fa  mort 
prochaine,  parla  ain  fi  hardiment,&:  prophetiza contr'eux,difant:  Vousauezdetermi- 
né-de  me  ttainer  au  fupplice,moy  qui  fuis  innocent  :  mais  ie  vous  dy  ouuertement  que 
ie  vous  lailîe des fcrupules&:  aiguillons  fort  poignants  en  vos  conlciences  après  ma 
mort  :  &  entre-iette  mon  appellation  au  fouuerain  &:  trefiufte  iuge  Dieu  tout-puiffant 
Apres  cent  à  ce  qu'après  cent  ans  paifez  vous  me  refpondicz.Mais  ces  bons  Preftres  fc  mocquerét 
ans  me  réf.  j  ccfl.e  parolle  :  &  quant  &  quant  ordonnèrent  que  la  fentence  eferite  contre  luy  fuft 

pondrez.  *  „         *  •     •    ,  1    •  1  \  11  T 

récitée  :  laquelle  nous  auons  ici  inieree ,  traduite  comme  de  mot  a  mot  de  leur  Latin, 
pour  monftrer  les  blafphemes  de  ces  exécrables ,  alleguans  à  leur  impiété  les  paffages 
de  la  fain&e  Efcriture. 

Copie  de  la  fentence  diffînitiue  prononcée  contre  Hierome  de  Prague. 

!  V  nom  du  Seigneur,  Amen.  Iefus  Chnft  Dieu  &c  noftre  Sauueur,  qui  eft  la  vraye 
vigne,  le  Pere  duquel  eft  le  vigneron,  inftruifant  les  diiciples&:  tous  fes  autres  fi- 
dèles, dit,  Si  aucun  ne  demeure  en  moy,  il  fera  mis  dehors  comme  le  farmcnt,&:  léche- 
ra. Ce  lainît  Concile  de  Confiance ,  fuyuant  la  doctrine  de  ce  Docteur  &:  Maiftre  fou- 
uerain, &C  mettat  en  exécution  fes  cômandemensen  la  caufe  de  l'inquifition  faicte  par 
ledit  facré  Concile,  fclon  le  bruit  comun,&:  les  inlïnuations  pleines  de  clameurs  cotre 
M.  Hierome,dit  de  Prague,maiftre  es  arts,hômelaic:pat  lefquelles  il  appert  q  ledit  M. 
Hierome  a  tenu,  affermé  &:  dogmatizé  aucuns  articles  hérétiques  &:  erronez,  dés  long 
téps  1 eprouuez  par  les  fainttsPcrcs,&:aucûs  pleins  de  blafphemcs,les  autres  fcadaleux, 
les  autres  offeniifs  des  aureillcs  Chrcftiéncs, téméraires  &  fediticuxdés  lÔg  téps  main- 
tenus, prefchez&  dogmatizez  par  Ican  y vicleff&  Iean  Hus,  hommes  de  mémoire  dâ- 
nable,&:  inferez  en  aucuns  de  leurs  liures  &C  opufculcs:  Lefqucls,&:  leur  doctrine,  ont  e- 
lté  condamnez  d'herefie  par  ledit  Concile,&:  la  fentence  d'iccluy  :  laquelle  fentence  de 
condamnation  ledit  Hierome  (durât  mefme  la  caufe  de  cefte  inquiiition,&  en  ce  mef- 
mc  Concile)faifant  confefîîon  de  la  vraye  foy  catholique  &:  Apoftolique,  a  approuuee, 
&y  aconfency,  a  anathematizé  toute  herefie,  &  principalement  celle  de  laquelle  il  e- 
ftoit  diffamé,&:  de  laquelle  il  confeiîbit  auffi  auoir  efté  diffamc:&:  laquelle  par  cy  deuât 
Iean  V vicie ff&;  Iean  Hus  ont  dogmatizee  &  tenue  en  leurs  opufcules ,  fermons  &:  li- 
ures :  &c  pour  laquellcjou  lefquelles,  ont  efté  par  ledit  Concile  condamnez  comme  hé- 
rétiques auec  leurs  doctrines  &  erreurs:  Ayant  luy-mefme  condamné  les  chofes  fufdi- 
tes,a  iuré  qu'il  perfifteroit  en  cefte  vérité  de  foy:&  que  h  luy-mefme  prefumoit  de  met- 
tre en  auant  quelque  opinion  au  côtraire,ou  de  prefcher,il  vouloir  fe  fubmettre  à  la  fe- 
uenté  des  Canons ,  &:  s'obliger  à  1  a  peine  éternelle.  Et  dauantage  il  a  prefenté  &C  dôné 
audit  Concile  fa  proteftation,  eferite  de  fa  propre  main.  Long  temps  après  fon  abiura- 
tion  &  proteftation ,  retournant  comme  vn  chien ,  à  fon  vomiffemet,  afin  qu'il  defgor- 
geaft  publiquemét  le  venin  pernicieux  qu'il  nourriffoit  en  fon  eftomac ,  demanda  qu'- 
audience luy  fuft  donnée  deuant  tout  le  Concile.  Il  afferma,  &c  protefta  en  effect,qu'il 
auoit  iniquemét  confenty  à  la  fentence  de  la  condanation  defdits  Iean  V  vicleff &:  Iean 

Hus; 


LTierome  de  ^Pragu^j.  3  p 

Hus  :6c  qu'en  approuuant  ladite  fcntence,  il  auoit  fauflement  menty.  Et  n  auoit  point 
de  honte  de  conrcfl'er  qu'il  n'auoit  point  menty  :  &C  qui  plus  cft  ,  il  reuoquoit  dés  celle 
heuré  Se  à  ïamais  l'a  confeifion,  approbation  &:  protcftation  qu'il  auoit  faite  de  lacon- 
danation  d'iceux:aftermant  que  iamais  il  n  auoit  leu  aucune  hcrelic  ny  cireur  es  hures 
de  Iean  Vviclcff  de  Iean  Hus  :  combien  qu'il  l'cuft  confe/fé  auparauant ,  &:  que  cela 
euft  cfté  prouué  cuidemment ,  qu'il  auoit  diligemment  eftudié  es  liures  d'iceux ,  qu'il 
les  auoit  foigneufement  lcus&:  dogmatizcz:  &:  qu'il  Toit  notoire  qu'il  y  a  plulicu  rs  er- 
re urs&  herc/ïes  en  îccux.l.edit  Hierome  a  proteft  au  Sacrement  de  l'autel  Se  à 
la  trandubflantiation  du  pain  au  corps, qu'il  tenoit  &C  croyoit  ce  que  l'Eglifc  tiét,dilànt 
qu'il  crovoit  plus  à  lain&Auguftin  Vautres  do&eurs  delEgu/e,  qu'aux  erreurs  con- 
damnez Je  Iean  Vviclcff&  de  Iean  Hus,&  qu'il  auoit  elle  Se  eftoit  fauteur  diceux. 

Po  v  r  lefquellcs  choies  ledit  iàcré  Concile  a  décerne  que  ledit  Hierome  doit  cftre 
mis  dehors,  comme  vn  fep  pourri  Se  feché ,  ne  demeurant  point  en  la  vigne  :  &c  le  pro- 
nonce ,  déclare  &c  condamne  comme  herctique,&:  retombé  en  hereiîc ,  excommunié 
Se  anathematizé. 

L  A  fin  du  combat  &:  heureiife  iflïie  de  Hierome  de  Prague. 

^  ^  E  S  que  la  fcntence  eut  elle  ainh  prononcée  prefque  en  cefte  façon ,  voici  on 
apporta  à  Hierome  vne  couronne  de  papier,où  il  y  auoit  dcsdiables  peints  à  l'en- 
tour:&  quand  il  l'eut  vcuc,il  letta  fon  bonnet  contre  la  troupe  des  Preftrcs,&:mit  celle 
courône  ainii  bien  dépeinte  fur  fa  telle,&:  dit ,  Mon  Seigneur  Iefus  eftat  bien  prochain 
de  la  mort,  laquelle  il  vouloit  endurer  pour  moy  pourc  &c  miferablc  pécheur ,  porta  v- 
ne  couronne  d'cfpines  en  fa  telle,  beaucoup  plusgrieue  voiremet  quecefte-cy:&:  moy 
aulîi  pour  la  bonté  Se  dilcclion  qu'il  ma  monftree,ie  m'en  iray  volôtiers  au  feu  auec  ce- 
fte couronne.  Quand  il  eut  ainh*  parlé ,  les  fergeans  &c  officiers  le  menèrent  au  teple,  Se 
en  allât  il  leua  les  yeux  au  ciel,&:  d'vne  voix  îoyeulé  il  châtoi  t  haut  &c  clair  la  foy  catho- 
lique, ainfi  qu'on  lachantoit  alors  au  temple  ordinairement,  &aufli  chanta  d'autres 
hymnes  mfques  à  ce  qu'il  fuft  amené  au  lieu  auquel  nagueres  lea  Hus  auoit  ellé  bruflé. 
Et  là  il  le  mit  à  genoux  dcuantle  pofteau  ,  auquel  on  le  deuoit  attacher:  &:  pria  long 
temps  à  part  foy.^uis  les  bourreaux  le  defpouillerent  de  fes  vcftcmens,&:  luy  ietterent 
vn  linge  laie  fur  les  efpaulcs ,  ainfï  qu'il  eftoit  lié  de  chaines  de  fer  au  pofteau  :  &C  cela 
fait ,  ils  ictterent  de  la  paille  parmy  le  tas  de  bois.  Cependant  Hierome  elleuant  dere- 
chef la  voix,  chanta  l'hymne  Paical,  qui  cft  de  Laclance  :  Se  ce  commence  ainfi, 

S*  'ne  fe.cfa  dies  rota  venerMlts  <tuo, 
Qua  Dens  wfèrnum  fuit ,zsr  aftrx  tentt. 

L  e  iens  de  ces  deux  vers  cft  tel  :  O  heureufe  iournee,  digne  d'élire  célébrée  en  tout 
temps:  en  laquelle  Iefus  noftre  Dieu  a  vaincu  l'enfer,&;  pollcdeles  deux. 

O  r  après  qu'il  eut  paracheué  ceft  hymne  ,  il  confelîa  dercchcfla  foy  catholique  en 
vers,  Se  parla  en  langage  Tcutonique  au  peuple  qui  là  eftoit  prefcnt,difant,  Mes  amis, 
lâchez  que  ma  foy  n'eft  point  autre  que  celle  que  ie  vien  de  chaten&mon  opinion  tou- 
chant le  Symbole  de  noftre  foy  cft  telle  qu'vn  bon  Chreftien  doit  auoir  :  mais  mainte- 
nant ic  luis  enuoyé  au  feu,pource  que  icn'ay  point  confenty  àlacondanation  de  Iean 
Hus,  faite  par  ce  concile  de  Preftres. lequel  (encore  que  ie  ne  dife  mot  de  la  pureté  de 
fa  vie,  ne  de  fa  façon  douce  que  1  ay  apperceue  en  luy  dés  Ion  enfance)  a  efté  annoncia- 
teur fidèle  delà  Loy  diuine  &:  de  l'Euangile  de  Iefus  Chrift.Lcs  bourreaux  donc  l'enui- 
ronnerét  tout  à  l'cntour  de  bûches  &c  fagots  depuis  les  pieds  iufques  par  deifus  la  telle, 
Se  ietterent  fa  robbe  dclfus  ce  monceau  de  bois ,  Se  auec  vne  torche  allumée  y  mu  ent 
le  feu.  Alors  ce  faincl  martyr  chanta  ceci  àhaute  voix,  O  Seigneur,  ie  te  recommande 
moncfprit.  Surcclala  flamme  l'enuironna,&:  finalement  ils'eferia  en  langage  Bohé- 
mien: Seigneur  Dieu,  Pere  tout-puiftant ,  ayes  pitié  de  moy  me  pardonne  mes  pé- 
chez: cartucognoiSjSeigneur,  que  i'ay  cfté  amateur  de  ta  vérité.  Finalement  eftant 
tout  couuert  de  flammes ,  il  fît  quelque  femblant,  par  lequel  il  donnoit  àcognoiftre 
qu'il  prioit  encore  en  foy-mefme,car  il  remuoir,  leslcures.  Cependanton  apporta  fon 
li&ôaoutlc  reftede  fon  meuble  de  la  prifon,&:  on  bouta  le  tout  dedans  lefeu:&:  quand 
toutfutconfumcjonicttale  tout  dedans  le  Rhin.  Voila  comment  ce  fauât*&  bon  per- 
sonnage a  efté  réduit  en  poudre  par  cefte  preftraille  Papiftique  pour  le  nom  de  noftre 
Seigneur- Iefus. 

gjii. 


L/V/ro  /.  Hier  orne  de  Tragut^j. 

Atrefhtîon  de  la  Confiance  &  éloquence  admirable  de  Hicromc  de  Trague  eferite  par  Pogge  Florentinjprefent  au  Concile  de 
Confhnce.par  laquelle  (combien  qu'il  fuft  fe&ateur  des  liippofts  de  Rome)  la  confiance  de  Hicromc  de  Prague  eft  dc^ 
fcriie  en  fes  refponfcs  &  après  la  fencence  de  mon. 

Pogge  Florentin,  à  Léonard  Arctin ,  Salut. 

fë^P  R  E  S  auoir  long  temps  feiourné  aux  bains,  i'ay  eferit  de  ce  lieu  mefme  à  noftrc 
^^§amy  Nicolas  vne  lettre,  laquelle  tu  liras.  Et  depuis  eftant  de  retour  à  Confiance, 
quelque  peu  de  temps  après  on  commença  à  traiter  la  caufe  de  Hicrome,  lequel  on  di- 
foit  eftre  hérétique.  Or  i'ay  délibéré  de  te  reciter  fcefte  caul'e ,  tant  pour  l'importance 
du  faict,  que  principalement  pour  l'éloquence  &c  la  doctrine  de  ce  perlbnnage.  le  con- 
feiîe  que  ie  ne  vy  iamais  homme  qui  pour  défendre  Ija.  caufe ,  principalement  en  accu- 
sation de  mort,  approchai!:  plus  de  l'éloquence  des  anciens ,  lefquels  nous  auons  en  fi 
grande  admiration.  C'eft  merueilles  de  quelles  parolles ,  de  quelle  eloqucnce,dc  quels 
argumens,  de  quel  vifage ,  de  quelle  confiance  &c  hardielfe  il  a  rcfpondu  à  les  aduerfti- 
res,&  maintenu  fa  caufe:tellement  que  c'eft  vne  chofe  à  déplorer  qu'vn  efprit  fi  excel- 
lent s'eft  amufé  à  fuyure  quelque  herefie  :  fi  toutesfois  ce  qu'on  dit  de  luy  eft  véritable: 
rogge  in-  car  ce  n'eft  pas  à  moy  de  iuger  d'vne  caufe  de  telle  importance. ie  m'en  rapporte  à  l'opi- 
certain  s  il  njoncjcccux  qui  font  cftimez  plus  fagcs:&  toutesfois  ne  penfe  pasqueievucilleicifai- 

cioit  nomer  ï  n  ♦  i    /*  i      <~v  ■  r 

h  venté  hc  re  vn  récit  de  poind  en  poinct  a  la  façon  des  Orateurs .  car  cela  leroit  par  trop  long ,  &c 
rdlc-       vn  œuuie  de  beaucoup  de  iours.  le  toucheray  en  bref  aucuns  poin&s  plus  notables,par 
lefquels  tu  pourras  cognoiftre  quel  eft  le  fauoir  de  ce  perfonnage. 

Comme  ainfifoit  que  plufieurs  articles  f  uffent  amaifez  contre  ledit  Hierome,  par 
lefquels  on  le  redarguoit  d'herefie,  voire  confermez  par  tefmoins  :  on  fut  fînalemét  d  - 
aduis  qu'il  refpondift  publiquement  à  vn  chacun  de  ces  articles  qui  luy  eftoyét  mis  en 
auant.  Ainfi  il  fut  amené  deuant  toute  l'alfemblee:  &:  commandement  luy  fut  fait  de 
refpondre  à  ces  articles.  Ce  qu'il  refufa,  &  fut  longuement  fans  refpondre ,  difant  qu'il 
deuoit  défendre  fa  caufe  premieremét  que  refpondre  aux  medifances  de  fes  aduerfai- 
res.  Ainfi  affermoit-il  qu'on  le  deuoit  ouy  r  pour  maintenir  fa  caufe,  auant  que  d'entrer 
en  cognoifîance  des  outrages  que  fes  ennemis  auoyent  amaflez  contre  luy.  Mais  voyât 
qu'on  luy  refufoit  celle  condition  tant  raifonnable ,  il  fc  leua  au  milieu  de  l'aficmblee, 
d^Hiefr  ^1C'  Qiie^e  impicté  cft  cefte-cy,  que  cependant  que  vous  m'auez  détenu  prifonnier 
mcaiTcoD  l'elpace  de  trois  cens  quarante  iours  au  milieu  de  tant  de  vilenies  &ordures,cn  fi  grade 
"k.  mifcrc  &:poureté  ,  vous aueztoufiours  ouy  mes  aduerfairès&:  calomniateurs:  &:vous 
ne  me  voulez  ouyr  vne  feule  heure?  Cela  fait,  qu'après  que  vous  leur  auez  ouuert  les  o- 
reilles,  &  que  défia  dés  long  temps  ils  vous  ont  mis  en  fantalie  que  i'eftoye  hérétique 
malheurcux,ennemy  de  la  foy ,  perfecuteur  de  l'Eglife  :  voici  maintenant  vous  ne  me 
donnez  aucun  loifir  ny  audience  pour  me  défendre:  &c  cependant  vous  m'auez  iugé  en 
vos  cœurs  comme  vn  homme  mefehant,  auant  que  vous  euffiez  peu  cognoiftre  qui  i'- 
eftoye. Mais  quoy?diloit-il,  vous  eftes  hommes,  &:  non  pas  dieux:  vous  ne  durerez  pas 
toufiours,ains  elles  mortels:  vous  pouuez  faillir,&:  eftre  trompez  &deceus.  On  ditqu- 
ici  font  les  lumières  du  monde,  &:  les  plus  fages  de  toute  la  terre.fur  tout  donc  vous  de- 
uez  bien  aduifçr  &c  donner  ordre  que  ne  faciez  rien  à  la  volée ,  ny  a  l'eftourdie,ne  cotre 
raifon  6c  iuftice.  le  confefic  que  ie  fuis  vn  home  de  néant,  mais  il  eft  ici  queftion  de  m* 
vie:&:  ne  dy  point  ceci  pour  moy,  qui  fuis  homme  mortel:  toutesfois  il  me  femble  aduis 
que  ce  feroit  vne  chofe  hors  de  toute  prudence ,  que  tant  de  gens  concliuTent  &:  ordo- 
naflent  quelque  chofe  contre  moy ,  contre  toute  droiture  Se  raifon ,  attendu  que  cela 
pourroit  nuire  plus  par  exemple,q'ue  de  faitl.  Ainfi  qu'il  difoit  ccci,il  y  en  eut  plufieurs 
qui  par  leurs  bruits  importuns  rompirent  fon  propos.Finalement  il  fut  là  ordonnéVque 
premièrement  il  refpondift  aux  erreurs  lefquels  on  allegôit  contre  luy:  puis  après  on; 
luy  permettoit  de  dire  tout  ce  qu'il  voudroit. 
faccufaVô  L  o  r  s  on  cômença  à  lire  les  articles  de  l'accufation  faite  cotre  luy:puis  après  les  tef- 
'  '  moins  fe  leuerent  pour  affermer  &  ratifier  ce  qui  auoit  efté  dit:  &c  cela  fait,on  l'interro- 
ga  s'il  vouloit  rien  dire  à  l'enCôtre. Sur  quoy  il  refpondit  fort  prudement,&  propolà  des 
argumés  fort  pertines.  Iamais  ne  fortit  parolle  de  fa  bouche,  qui  ne  fuft  bien  feâte  à  vn 
home  de  biemen  forte  que  tat  s'en  falloit  que  caufe  de  mort  peuft  eftre  trouuee  en  luy, 
que  mefme  on  ne  le  pouuoit  à  bon  droit  redargner  de  quelque  légère  faute  &c  offenfe. 
11  repoufibit  les  tefmoignages  de  fes  enuieux  corne  choies  faulTes  ïc  controuuees.  En- 
tre 


hCkrorne  de  'Prague  4. 0 

tre  autres  chofeson  luy  mit  en  auant  qu'il  auoit  mefdit  du  Pape,  &  du  liège  Apoftoli- 
que:qu'il  eftoit  ennemi  desCardinaux,perfccuteur  des  Prelats,adu*erfaire  du  Clergé  &: 
de  la  religion  Chreftiennc. 

A  d  o  n  c  ilfelcua,&:  fcprintà  lamenter,  ôceftendant  les  bras,dit,Où  iray-icmain- 
tenant?où  m'adrefleray-ie  pour auoir  fecoursrà  qui  prefenteray-ie  mes  humbles  fuppli- 
cations?Sera-cc  à  vous,meflieursî&:  voici  ceux-ci  qui  me  pcrfecutent,ont  deftournévos 
cœurs  de  mon  falut.Ils  ont  dit  que  i'eftoye  ennemi  de  ceux  qui  me  deuoyent  uigcr:  af- 
fauoir,ils  ont  penfc  que  quand  encores  les  choies  qu'ils  ont  forgées  contre  moyferoy- 
ent  bien  légères  &c  de  peu  d'importance  :  toutefois  que  ie  ieroyc  opprimé  par  vos  fen- 
tcnces,moy  qui  fiùs  ennemi  commun  &  oppugnateur  de  vous  tous,comme  ils  mentet 
faulfement .  Que  li  vous  adiouftez  foy  à  leurs  rapports,  quelle  ei'perancc  auray-ic  de 
pouuoir  cfchapper?  ^  Il  brocardoit  l'vn,il  piquoitrautrc:&:  combien  qu'il  y  cuhVli  ma- 
tière de  compalîion,  neantmoins  pluficurs  turent  contraints  de  rire ,  d'autant  qu'il  fe 
moquoit  liplaifamment  des  obiurgations  de  l'es  ennemis.  Quelcun  entre  aun  es  luy 
propola,  On  dit  que  tu  as  maintenu  celte  opinion ,  que  le  pain  demeure  de  relie  après  qUi 
la  côlecration.Il  relpondit,Lepain  cil  chez  le  bou léger.  Vn  certain  Iacopin  le  courrou  Armcl'af- 
coit  al'prement  &:  fièrement  contre  luy:&:  il  luy  dit,Tais-toy Jiypocrite.il  y  en  eut  vn  au  ii^omt^ 
tre  qui  iura  par  Ai  confciccc  contre  luy:&:  il  refpondit,  Voila  lavoyc  la  plus  l'curcpour 
tromper .  Auflî  il  y  auoit  vn  de  l'es  principaux  aducrlàires, lequel  il  appela  toufiours  ou 
chien  ou  aine: tant  cftoit-il  peu  eftonne  des  calomnies  &;  faillies  acculàtions  de  les  en- 
nemis^ de  la  rage  de  fes  luges .  Orpourcequc  l'affaiifnepouuoit  élire dclpcfché 
ce  iour-la ,  à  caufe  de  la  multitude  &:  importance  des  crimes  qui  luy  cftoyent  obie&ez: 
il  tut  remis  le  troifieme  îour  après. Et  ce  iour-la  on  recita  les  argumens  d'vn  chacun  cri- 
me^ fur  tous  les  poin&s  il  y  eut  plulicurs  tefmoins  qu  i  aftermerét  les  chofes  élire  ainii. 

Lors  Hierome  de  Prague  fe  leua,  &:  dit,  Pource  que  vous  auez  ouy  tant  foigneufe- 
ment  mes  aduerfaires,aulîi  c'ell  bien  raifon  que  vous  m'oyez  parler.  Plulîeurs  murmu- 
royent:toutefois  on  luy  donna  congé  de  parler .  Il  commença  premièrement  à  faire  fa 
requelle  à  Dieu, le  priant  de  luy  donner  bon  efprit,&:  telle  faculté  de  parler,que  le  tout 
fuft  à  la  gloire  de  fon  nom,&:  au  falut  &  repos  de  l'on  amc .  Puis  après  il  dit ,  le  fay  bien 
qu'il  y  a  eu  plufieurs  gens  excellens  &c  de  grandes  vertus,qui  ont  enduré  choies  inique  s 
&  cruelles:qui  ont  efté  mal-heureufement  opprimez  par  faux  tefmoins,&  condamnez 
par  fentences  iniulles.il  commença  par  Socrates,  &:  dit  qu'il  auoit  cité  iniquement  oc-  Exépies  de 
ci  par  l'es  concitoyens  :& n'auoit  voulu  fuir,  îa-foit  qu'il  î'euft  bien  peu  faire,  &:  ce  afin  csllxsin 
qu'il  fe  deliuraft  de  deux  chofes  que  les  hommes  clliment  les  plus  dures,  aflàuoir  la  pri-  °nt  eadur 
fon&:  lamort.  Outrcplus,ilalleguala  captiuitc  de  Platon,les  tourmens de2enon,la 
fuite  d'Anaxa^oras ,  &c  aucc  ce  les  condamnations  iniques  de  beaucoup  de  Paycns,  le 
banniHemcntdcRupilius,&auiride  Bocce,&:  d'autres  que  ledit  Boece  ratonte  auoir 
efté  iniquement  occis.Puis  après  il  propola  plulicurs  exéplcsdcs  Hebricux.  &  premiè- 
rement de  Moy  fe,cc  grand  libérateur  &:lcgiilateur  du  peuple  d'Ifrael,lequclildifoita- 
uoir  efté  fouuentefois  faullcment  accule  par  les  gens  de  l'a  nation ,  comme  s'il  cull  efté 
fedu£teur,ou  qu'il  euft  mefpriié  le  pcuplc.il  propola  aufsi  Iofeph ,  qui  auoit  efté  vendu 
parles  propres  frercs,&:  après  le  foufpcçon  d'adultere,futmiscn  prifon.  Aufsi  il  mit  en 
auant  les  Prophètes,  Ifaic,  Ieremie,&:  prefquc  tous  les  Prophctes,lel'quels  ont  enduré 
fentences  iniques,comme  s'ils  euflent  efté  feditieux ,  ou  contempteurs  de  Dieu  .  Il  ad- 
ioufta  auflî  le  iugement  contre  Sufannc,&:  de  plulicurs  autres:lel'quels  combien  qu'ils 
euflent  honneftement&:faindcmcntvcfcu,  neantmoins  ont  efté  misa  mort  par  fen- 
tences iniques. Confequemment  il  vint  à  parler  de  Iean  Baptiftc  &:  de  noftre  Seigneur 
Iefus  Chrift  :  defquêls  tous  fauoyent  bien  ceci,  qu'ils  auoyent  efté  acculez  par  taux  tcf- 
moins,&:  condamnez  par  faux  luges .  Il  en  dit  autant  de  S.Eftienne,lequel  a  elle  occis 
parraffembleedes  Sacrificateurs,  &  de  tous  les  Apoftresquiont  efté  condamnez  à  la 
mort>non  point  comme  gens  de  bien &:  de  bonne  vic:ains  comme  ayans  fufeicé  des  fe- 
ditions  entre  le  pcuple,ou  comme  contempteurs  des  dieux,&"  comme  faifeurs  de  mau 
uaifes  ceuures. 

I  l  prononça  ces  chofes  en  grande  conftance,&:  tous  le  regardoyent  attenduement. 
Çt  comme  ainli  loit  que  tout  le  poids  de  la  matière  fuft  és  tefmoins:  il  monftra  cuidem 
ment  par  plulicurs  raifons,qu'onneleur  dcuoit  adioufter  foy:veu  mefme  qu'ils  auoyét 
rapporté  toutes  ces  chofes  non  point  en  vérité ,  mais  par  enuie,  haine  Se  mal-vueillan- 

g.iiii. 


Littrcj  l- 


Ifierome  de  Prague^*. 


ce. Et  lors  il  donna  fi  bien  à  entendre  les  caufes  de  la  haine,qu  il  ne  s'en  falut  gueres  qu 
&eI  dofif  jl  nc  lcs  pecéadaft  à  les  ennemis .  lefquelles  eftoyent  fi  vray-femblables,que  li  la  diuer- 
•  ucîc  lie-  Cité  de  la  Religion  n'euft  préoccupé  les  entendemens  des  Ingcs,on  n'euft  adioufté  grâ- 
rome.       t]c  f0y  auxtefmoignages.Les  cœurs  de  tous  eftoyent  efmeus  &:  enchnez  à  compafsion. 

Car  il  auoit  rcmonftré,que  de  Ton  bon  gré  il  eftoit  venu  au  Concile  pour  le  purger  :  co- 
rnent il  auoit  lyen  2c  honneftement  veicuxomment  il  s'eftoit  employé  à  faire  plaifir  à 
vn  chacun  .  Il  mettoit  en  auant  que  les  anciens  ont  eu  cefte  façon,  que  mefme  les  plus 
fauans&:  les  plus  faincts  ont  efté  difeordans  en  opinions:non  pas  toutefois  pourfouller 
la  foy  aux  picds,ains  pour  trouuer  la  vérité.  Ainfi  S.  Auguftin  &c  S.Hicromc  ont  efté  dif- 
cordans:&  non  feulement  ils  ont  efté  de  diuerfes  opinions ,  nujs  aufsi  toutes  côtraires, 
&:  fans  aucune  foufpcçon  d'erreur  ou  dherefic.Or  tous  attédoyent,  ou  qu'il fe  purgeait 
enfedefdifantdecequiluycftoitmiscnauant,ouqu'il  demandait  que  les  fautes luy 
fuirent  pardonnees .  mais  contre  toute  leur  attente  &c  opinion,  il  afferma  qu'il  n'auoit 
point  erré,  &c  qu'il  ne  vouloir  rétracter  les  faux  blalmes  a  luy  impofez.  Et  il  tomba  fina- 
lement fur  la  louange  de  lean  Hus,  qui  auoit  efté  mis  au  feu, l'appelant  homme  fainct, 
&c  tel  qu'on  luy  auoit  fait  tort  de  le  faire  ainfi  mounr.Et  quât  à  luy,il  déclara  qu'il  eftoit 
prcftdefourîYirdc  bon  cœur  tous  lestourmens  qui  luy  iéroyent  propofezdeuant  fes 
yeux,&:  de  quitter  la  place  à  fes  ennemis  6c  faux  tefmoins,qui  auoyent  li  impudemmet 
menti  contre  luydefqucls  neantmoins  rc  ndroyent  quelquefois  conte  des  chofes  qu'ils 
auoyent  depolces,&  ce  deuant  Dieu, lequel  ils  ne  pouuoyent  tromper. 

C  e  v  x  qui  dtoyent  là  preiens,  auoyent  grande  douleur  en  leurs  cœurs  :  car  ils  a- 
Hierome  uoyent  grand  defir  qu'vn  tel  perfonnage  fuit  faune  .  Mais  il  eltoit  toufiours  fort 
hîcrité.60  conltant  en  fon  opinion  :  &C  fembloit  qu'il  defiralt  la  mort  de  bon  gré  .  Et  nc  fe 
pouuoit  tenir  de  louer  ledit  lean  Hus,  dilant  qu'il  n'auoit  rien  mal  dit  contre  l'egli- 
fe  Chreftienne:  ains  qu'il  s'eltoit  bien  cfchaufre  contre  les  abus  des  Preitres,  con- 
tre l'arrogance  &:  pompe  orgueilleufe  des  Prélats .  Car  puis  que  les  reuenus  des  Egli- 
feseltoyent  deus  aux  poutes,aux  eftrangers,&:  à  l'entretenernent  des  hofpitaux  &£ 
efcoles:  il  fembloit  aduis  à  ce  bon  perfonnage  lean  Hus,  que  c'eftoit  mal  fait  d'em- 
ployer ces  reuenus  pour  faire  des  banquets  fuperflus ,  pour  entretenir  des  paillardes, 
chiens ,  oifeaux ,  &  cheuaux ,  fuperfîuitez  d'habillemens ,  &:  autres  chofes  indignes  de 
la  religion  Chreftienne  .&  lors  il  monftrabien  fon  courage.  Pluficurs  rompoyent 
fouuentfon  propos ,  crians  à  haute  voix  comme  enragez:  &;  l'agaçoyent,reprenans 
ce  qu'il  difoit  :  mais  il  n'enlailfavn  leul,à  qui  nc  refpondift  hardiment:  ains  donnant 
àvn  chacun  ce  qui  luy  appartenoit,  en  fit  rougir  aucuns, ôc  taire  les  autres.  Quand 
le  murmure  &:  bruit  feleuoit,  il  fetailbit,  reprenant  quelquefois  l'aiTemblee:  puis  a- 
pres  il  pourliiiuoit  fon  propos,  les  priant,  6c  plus  que  priant  &C  obteftant,  qu'ils  luy 
iC^s,  donnaient  audience,  puis  qu'il  ne  feroit  plus  ouy  d'eux  .  Quelques  bruits  qu'ils 
fiifent,iamais  il  ne  fut  eftonné:  &c  monftra  toufiours  vn  cœur  ferme.  Mais  ceci  eft 
bien  digne  d'eftre  recité:  Il  auoit  cité  trois  cens  quarante  iours  détenu  en  vne  baffe 
Horreur  ^°^c  au  ^on^  °^'vnc  "^ute  tour ,  pleine  de  grandes  vilenies  &  ordures,en  grande  mifere 
detapnion  &:  obfcurité:&:  luy-mcfme  s 'eft  plcint  de  la  grande  afpreté  de  fa  prifon,  affermant  com- 
Hi'cr^m'k  mc^0^t  vn  homme  de  bien  &c  conltant,  qu'il  ne  le  pleignoit  point  de  ce  qu'il  auoit  en- 
eftcdeumi  duré  fi  grandes  iniquitez:  mais  qu'il  s'efbahilîbit  de  l'inhumanité  exercée  contre  luy. 
car  on  ne  luy  auoit  permis  vne  feule  fendaffe  au  lieu  où  il  eftoit ,  dot  il  peuft  recouurer 
quelque  rayon  de  clarté: tant  s'en  faloit  qu'onluy  cuit  permis  de  pouuoir  lire .  Cepen- 
dant quelle  perplexité  pouuoit-ilauoirenfon  elpntrcomment  pouuoit-il  eft  re  tous  les 
icurs  troublé  de  nouuclle  façon ,  pour  luy  ofter  toute  mémoire  î  Toutefois  il  ne  perdit 
rien  de  fa  mémoire  pour  tout  cela:  ains  comme  s'il  euft  efté  en^grand  repos  tout  ce 
temps-la:comme  s'il  euft  efté  bien  à  fon  aife,nc  faifant  autre  chofe  que  d'appliquer  fon 
efprit  à  eltudicr  en  bennes  &  fainctes  lettres ,  il  allégua  tant  de  gens  fauas  &c  fagespour 
tcfmoins  de  fes  opinions ,  tant  de  Docteurs  Eeclcfiaftiqucs  ratifians  &c  confermans  ce 
qu'il  difoit. Il  auoit  la  voix  douce,ouuerte,  &:  refonnante .  fes  geftes  eftoyent  mêliez  d  - 
vncgrauitéhonnorable,ou  pour  exprimer  vne  indignation  &:  courroux,  ou  pour  et- 
mouuoir  à  compalîîon:laqucllc  toutefois  il  ne  requeroit  point,  &c  ne  defiroit  point  d'* 
obtcnir.Il  n'eftoit  point  eftonné,&:  non  feulement  il  mefprifoit  lamort:mais  il  tendoit 
Jes  bras  pour  la  trouuer .  A  la  vérité  ceft  homme-la  eft  digne  de  mémoire  perpetuellç' 
entre  les  hommes. 

On 


Ovcrtuâi- 


Hierome  de  Prague  4.1 

Ô  n  luy  donna  deux  iours  de  loifirpourfe  repentir:  durant  lequel  temps  plufieurs 
gens  fauansvindrent  à  luy,afîn  qu'ils  le  deftournafTent  de  Tes  opinions  :  entre  lefquels 
le  cardinal  de  Florence  le  vint  veir>pour  tafcher  de  le  conuertir .  Mais  le  Concile  iu- 
gcant  qu'il  cftoit  obftiné,le  condamna  comme  hérétique^  digne  d'eftre  bruflé.Il  s'en 
alla  à  la  mort  auec  vne  face  ioycufc:les  flammes  ne  l'effrayèrent  point,  non  pas  mefme 
le  dernier  afTaut  de  la  mort.  Apres  qu'il  fut  venu  au  lieu  du  fupplice,ilfe  defueftit  foy- 
mefmcdc  fes  habillemens .  Etlorsilfemitàgcnouxdeuantlepoftcau,oùilfutatta- 
ché.Prcmicrcmentilfutlié  de  cordes  mouillées:  puis  après  d'vne  chaîne  de  fer,  eilant 
tout  nud.  Et  cela  fait,le  bois  fut  cntaflé  alentour  de  luy,  lequel  montoit  iufqu  a  fa  poi- 
drine,&:  force  paille  femee  de  tous  collez.  Or  après  que  le  feu  fut  mis,  il  commença  à 
chanter  vn  hymne:&:  les  grandes  flammes  ne  le  peurent  empefeher  de  le  paracheuer. 
Entre  les  (ignés  de  fa  grande  confiance,  on  ne  doit  oublier  ceftui-ci  :  Le  bourreau  vou- 
lut mettre  le  feu  par  derriere,afin  qu'il  nelevift  pas:mais  il  luy  dit,  Vien-çà,&:  allume  le 
feu  par  deuant  :  car  fi  i  eulTe  craint  le  feu  *  iamais  ie  nefufTe  venu  en  ce  lieu-ci,  duquel  ie  miSiT 
me  pouuoye  abfenter  h*  i'eulîe  voulu.^Tay  veu  celle  ilfue  de  Hierome,i'ay  cortfideré  di 
ligemment  ce  qu'il  a  fait  en  celle  procédure .  foit  qu'il  âit  fait  cela  par  mefchanceté,ou 
obftination,tu  eufles  prins  la  defeription  de  l'ilTue  d'vn  tel  perfonnage,  del'efcolede 
Philofophie.Ie  t'ay  fait  vn  long  récit  :  mais  ayant  le  loifir  de  ce  faire,  Se  fans  cmpefche- 
ment,ic  me  fuis  bien  voulu  employer  à  quelque  chofe ,  &c  te  conter  vne  hiftoire  appro- 
chante à  celles  des  anciens.  Car  Mu  dus  n'a  point  fouffert  plus  conftammentqu'vnde 
fes  membres  luy  fuft  brutlé,que  ceftuy-ci  tout  fon  corps.  Et  Socrates  n'a  pas  aualléle 
poifon  plus  alaigrement,que  ceftuy-ci  a  enduré  les  flammes .  Mais  ie  feray  fin .  Tu  me 
pardonneras  fi  l'ay  efté  trop  long.tant  y  a  que  le  faid  requeroitvn  plus  grand  recitmais 
ie  n'ay  point  voulu  vfer  de  plus  longues  paroles .  A-Dieu ,  mon  ami  Léonard .  De 
Confiance, ce  trentième  de  May,  auquel  iour  ledit  Hierome  a  efté  bruflé  comme 
hérétique. 

H  I S  T  0  I  B^E  de  ce  qui  eft  dduenu  dpm  U  mort  Je  Jean  Hus,  ©*  Hierome  de  Prague. 

PRES  que  les  nouuelles  furent  venues  en  Bohême  de  la  cruauté  qu'on 
auoit  exerc  ée  à  Confiance  contre  lean  Hus  &  Hierome  de  Prague,les  gen 
tils-hommes  de  Bohême ,  qui  parle  moyen  d'eux  auoycnt  prins  gouft  à  la 
^  parole  de  Dieu,enuoyerent  lettres  patentes  à  ceux  duConcile,efcrites  cti 
LatiiCdefquelles  nous  auons  à  prefent  inféré  l'extrait,pour  publier  îa  lafeheté  &c  trahi- 
fon  dudit  Concilc,contre  tout  d  roid  naturel ,  receu  par  toutes  nations  de  la  terre:  auf- 
fi  pour  perpétuer  la  mémoire  de  la  fînguliere  vertu  &  confiance  des  ces  deux  fainds 
perfonnages.  Epiflre  de  l  1 1 1 1 .  Gentils-hommes  de  Morauie: 

A    REVERENDISS1MES     PERES    ET     5  E  IG  N  E  V  R  J  ,  M  E  S  5  I  î  V  R  J     L  *  S 

Cardinaux,  Patriarches,  Primats,  Archeuefques,Euefques,  AmbafTadeurs,  Do- 
deurs  &:  Maiftres,&:  à  tout  le  concile  de  Confiance ,  Nous  fouffignez  &c  fouferits, 
Gentils-hommes,  Efcuyers,  portans  armes  au  trefrenommé  marquifat  de  Mora- 
uie, &c.  Salut. 

O  M  M  E  tous  fommes  obligez  de  droid  tant  naturel  que  diuin,  faire  à  autruy 
ce  que  voudrions  qu'on  nous  fift,aufsi  àloppofite  chacun  fe  doit  garder  de  faire 
aux  autres  ce  qti'il  ne  voudroit  luy  eftre  fait.Et  c'eft  à  quoy  a  regardé  noflreSauueur*di- 
fant,Tout  ce  que  vous  voulez  q  les  hômcsvous  facent,faites-lcur  aufîî  fcmblablement-  Mutkf.n 
car  c'eft  la  Loy  &  les  Prophètes .  Nous  donc  qui  faifons  profcfsion  par  la  grâce  du  Sei- 
gneur de  fuiure  fes  c6mmandemens,&:  par  confequent  d'exercer  charité  enuers  noftre  Rom  ,j 
prochain ,  devrions  fauoir  de  quel  cfprit  vous  auez  efté  menez ,  de  traitter  ainfî  noftre 
reuerend  Paftcur  d'heureufe  mémoire  M.  Ican  Hus,  bachelier  formé  en  Théologie. 
Vous  l'aucz  condamné  comme  obftiné  hérétique ,  n'eftat  toutefois  atteint  ne  conuain 
eu  d'erreur  ne  d'hereiic  aucune ,  au  feul  rapport,faufTes  aceufations,  &ù  mefehantes  ca- 
lomnies  de  fes  ennemis  mortels  &  les  noftres,traiftres  tant  de  ce  noftre  Royaume,  que 
du  marquifat  de  Morauie.  Eftant  condamné ,  vous  l'aucz  fait  mourir  d'vne  mort  cruel- 
le &:  honteufe,le  faifant(comme  on  nous  a  recité)brufler  toutvif:  au  grand  déshonneur 
du  tref-chreftien  royaume  de  Bohcme,&  tref-illuftre  marquifat  de  Morauie^  de  nous 
tous:  comme  l'auons  tefmoigné  par  nss  efencs  enuoyez  à  Confiance  à  la  maiefté  de  Si- 


Lïm^j  /.  ffiitoite  dcu  ce  qui  aduintj 

gifmond  roy  des  Romains  &:  de  Hongrie ,  vray  héritier  &  fucce/îeur  légitime  de  ce-dic 
Royaume,lcfquels  nous  fauons  auoir  efte  lens  6c  publiez  en  vos  aiïbmblees,  les  tenons 
pour  ici  inferez .  Parquoy  maintenant,Peres  rcuerends,  nous  déclarons  par  ceftes  nos 
patentes,&  affermons  de  cœur&:  de  bouche,quc  M.Ican  Hus  eftoit  homme  de  faillite 
8c  vertueufe  conuerfatioii,fa  vie  6c  intégrité  ayant  de  tout  temps  cfté  cognue  par  tout 
ce  Royaume. Iceluy  a  enfeigné  6c  nous  &  nos  fuiets  la  doctrine  del'Euangile,  tant  par 
les  limes  du  vieil  que  du  nouucau  Te  ftament,felon  la  droite  expofition  des  fain&s  Do 
éteurs  approuviez  de  l'Eghfe.Et  non  feulement  a  prefché  en  public  &  par  beaucoup  d- 
efcrits,detcftant  toutes  herefies  6c  erreurs,mais  auiTi  n'a  celle  en  particulier  de  nous  ad 
monncfter,&:  tous  fidèles  Chreftiens  à  paix  6c  charité  mutuelle»  De  vray,quclque  dili- 
gence que  nous  ayons  faite  à  prendre  garde  fur  luywamais  nous  n'auonsentendu  n'ouy 
dire  que  M.IeanHus  ait  iamais  enfeigné  errcur,ou  feandalizé  aucun  de  hous  ou  de  nos 
fuicts,cn  façon  que  ce  fuft,ne  par  œuurc  ne  par  paroles.  Mais  au  contraire,menant  vne 
fainde  vic&:  paiiible,atoufiours  continué  de  nous  exhorter  autant  qu'il  luy  eftoit  pof- 
fible,de  fuiure  conftamment  la  doctrine  de  TEuangile ,  6c  les  faincïes  ordonnances  des 
bons  Pères  :  non  feulement  pour  noftrc  falut ,  mais  auiîî  pour  l'édification  de  nos  pro- 
chains^ l'aduancement  de  toute  l'cglife  de  Dieu.  Toutefois  vous  l'auez  fait  mourir 
autant  cruellement  qu'iniuftement. 

O  r  ne  vous  contentans  de  cela,auez  auflî  emprifonné  M.  Hicrome  de  Prague,hom 
Hœonîe   me  °1,vnc  finguhere  éloquence  Se  érudition  exquifeés  fept  arts  libéraux,  &:  en  Philofo- 
dc  Prague.  phie:&:  fans  l'auoir  ne  veu  n'ouy  ne  conueincu  en  fes  defenfes,vons  l'auez  cruellement 
traitté,&:  mis  à  mort  comme  Hus,  au  feul  rapport  &:  aceufation  de  leurs  traiftres  .  Au- 
furplus,nous  auons  entendu(cc  qu'auili  on  peut  aifément  recueillir  par  vos  cfcrits)quc 
quelques  malins  detradeurs,enncmis  de  Dieu  &c  des  hommes)&  notamment  traiftres 
à  noftre  royaume  de  Bohême ,  6c  du  marquifat  de  Morauie,ont  mefehamment  chargé 
d'opprobre  lefdits  Royaume  &z  Marquifat  pardeuant  vous,dilans  que  par  tout  il  y  a  er- 
reurs 6c  herefies  femees,&  que  fi  on  n'vfe  de  bonne  heure  de  la  lime  de  corrett,ion,tout 
s'en  va  gafté  6e  corrompu.  Cornent  eft-il  poffible  que  fans  auoir  mérité  tels  opprobres 
&outrages)nouslcs  endurions?  Car  s'il  eftquefticn  de  remémorer  ce  que  lefdits  Roy- 
aume 6c  Marquifat  ont  fait  pour  l'eglife  de  Rome,  lors  que  chacun  fe  forgeoit  Pape  à 
fon  appetit,&:  qu'à  cefte  occaiîon  tant  de  fchifmes  fe  font eneuez:tout  le  monde  fait,&: 
vous  mcfmes,fi  vous  voulez  confeifer  la  vérité ,  en  elles  tefmoins ,  combien  de  fraiz  ils 
ont  fait ,  6e  les  tiauaux  qu'ont  endure  ceux  de  ce  Royaume ,  Princes  Se.  autres  fidèles, 
Rom  u  i   P0"r  monftrer  la  rcucrenceô^  obeiiîancc  cjn'ïls  portoyentàl  Eglife .  Mais  afin  que  fui- 
'  * 17  uant  le  dire  de  Y  Apollre,nous  procurions  chofes  honneftes  deuat  tous  hommcs,&  que 
ne  foyons  eftimez  cruels  enuers  nos  prochains,ou  negligens  à  maintenir  l'honneur  de 
proterta-    nofdirs  Royaume  Se  Marquifat,ce  nous  eft  force  de  proteftcricidcla  vérité .    En  pre- 
Nobicsdc  m^cr  ^CU  nous  vous  certifions ,  Pères  vénérables,  qu'auons  ferme  efpcrance  en  noftre 
Morauic.   Seigneur  Iefus  Chrift,non  feulement  de  noftre  falut,  mais  aulfi  qu'il  efclarcira ,  quand 
il  fera  temps,le  droit  desinnocens.  D  auantage,  nous  délirons  que  vous  &:  tous  fidèles 
entendiez,  qu'en  cefte  caufe-ci,nous  auons  droite  intention  auec  bonne  &:  pure  con- 
fciencc.Auffi  nôusfaifons  àfauoir,quequicoquc,dc  quel  eftat,condition,  religion,  de- 
grc,dignité,ou  prééminence  qu'il  loit(exccptansla  feule  perfonne  &:  maiefté  de  noftrc 
bon  prince  Se  feigneur  héritier  Sigifmond ,  roy  des  Romains,  de  Hongrie^c.  duquel 
nous  auons  cefte  ferme  opiniô,qu'il  n'eft  coulpablc  des  chofes  fufditcs  )  dit  qu'il  y  a  des 
herefies  femeesen  Bohême  ou  Morauie,qui  nous  ayent  infe&ezô£  autres  fidèles  du 
Royaume,ccftuy-la,diibns-nous,afauiTement  menti  par  fa  venimeufe  langue  &:  puan- 
te gorge,comme  mefehant  traiftredes  fufdits  Royaume  Se  Marquifat  :  &c  comme  per- 
kans.      uers&  mal-heureux  hérétique  luy-mefmc:  bref,commefils  du  diable  pere  de  menfon- 
ge.Mais  laillans  à  prefent  ces  torts&  outrages  au  Seigneur,  à  qui  appartient  la  vengea- 
Kcau  jo    cc&      feura  bien  rendre  aux  orgueilleux  félon  leurs  mérites ,  nous  prendrons  patic- 
ce. Mais  vniournous en  demanderons  raifon,&pourfuiurons  noftiedroi&plus  am- 
La  (impie  plcment  pardeuant  celuy  qui  tiendra  le  fiege  Apoftolique.  Auqucl,comme  vrais  Se  fi- 
ignorance  deles  enfans,portans  (  s'il  plaift  à  Dieu  )  reuerence  Se  obciUancc  en  ce  qui  fera licite,&: 
encore  du  conforme  a  railon  &  a  la  Loy  diuinc,demanderons  de  nous  prouuoir  &  noftre  Royau- 
m8fc,e*,°  n"10^  Marquifat  de  remède  opportun.    Et  au  refte,  déclarons  que  fans  nousfoucier 
bil  **  "  beaucoup  de  tout  ce  que  les  hommes  pourront  faire  au  contraire,  défendre  6e  garder, 

iufqua 


iufqu'à  l'effufion  de  noftre  fang,la  Loy  de  noftre  Seigneur  Iefns  Chrift,&:  maintenir  les 
humbles,deuots,&:  conftans  prefeheurs  de  fa  parole. Donné  à  SternbergJ'an  de  noftre 
Seigneur  Iefus  Chrift  m.  c  c  c  c.  x  v.  Leiour&:  feftede  Vuencellaus  martyr  de  no- 
ftre Seigneur  Iefus  Chrift. 

I  l  yauoitcinquantequatre  féaux  appofezàces  lettres,  &:pendans  tout  alentour  d' 
icelles,auec  les  noms  de  ceux  de  qui  eftoyent  les  féaux:  combien  qu'en  la  pluf-part  d'i- 
ceux  les  lettres  eftoyent  ainti  efeachees,  qu'on  ne  les  pouuoit  bonnement  lire. 

Le  premier  feau,  8cc.  Se  les  nomsd'iceux. 

I  AKTokabatdcWyskowits.       19  Pierre Mg  de  Sczitowicz.         37  ZibilutzdeKJeczam. 
t   VlncdcLhora.  20  N.Scudeiuka.  38  Ican  de  Petcrlwaîd. 

3  IcandcKzymicz.  21  N.Bnïchell.  3?ParnTulde  Namyclcz. 

4  Iolsko  de  Sczitouuicz.  22  N.DeCromaflbna.  4oZodonide  Zuuyerziek. 
ç    Perdus  Zuuiranouuicz.           23  ArannfickDonantdePolonia?.  41  RaczeckZauulkalp. 

6  Ieande  Ziuula.  24lean  Donantde  Polomaî.  4iIondc  Tolïauuicz. 

7  Ieande  Reychcnberg.  2j  Ieande  Cziczouu.  43  DiuuadeSpuTma. 

8  wldko  Skitzynye.  i*  Wcnceflaus  de  N.  44Sre.rîkode  Draczduu. 

9  DrlikodeBicla.  27  N.deN.U  y  défaut  le  feau  entier.  45  IelTko  de  Draczduu. 

10  Kus  de  Doloplatz.  28  N.  4*OdichdeHIud. 

II  Ieande  Simufin.  2j>IoiTekdeN.  47  WoiFartdePaulouuicz. 
12  DobelïiusdeTyna.  3oHenrideN.  48Pircbborde Tirczenicz. 
ij  Drazkodc  Hradeck.  31  WaczlalsdeKuckh.  49  RynaddeTiczeuuicz. 
14  Eftiennedc  Hmodorkat."  32  Henri  de  Zrenanouuicz.  50  Bohunkode  Wratildouu. 
iç  IcanDerndcGabonecz.  53  BaczkodeConuald.  Vlricdc  Racdauu. 

\6  Barfo diâ:  Hloderde  Zeinicz.    34 Pierre,  dicr,  Nieniczk de  Zalto-  fi  Deflauu  de  Nakli. 

17  IeanHmrfdorfar.  3?  Czecko  de  Moûnouu.  (roldeck.  $3  Boneib  de  Frabcnicz. 

18  PfatefkadcWikleck.  35  N.  $4  EybldeRoiffouuan. 

L  e  s  Bohémiens  de  plus  en  plus  fe  multiplians  en  nombre,  faifans  profeflîon  de  la 
doctrine  Euangelique ,  impetrerent  de  Vuenceflaus  roy  de  Bohême,  d'auoir  certains 
temples  aufqucls  ils  peuffent  librement  faire  prefeher  la  parole  deDieu,&  adminiftrer 
les  Sacremens.Ils  firent  d'auantage  battre  vne  monnoye  d  argét,  qui  fut  nommée  Huf 
fitique,alentour  de  laquelle  ces  mots  eftoyent  grauéz,  A  près  cent  ans  vovs 
en  re  spondre  z  aDiev  e  t  a  m  o  y  :  qui  eftoyent  les  paroles  que  Iean  Hus  a- 
uoit  dit  à  ceux  du  Côcilc,qui  le  faifoyent  mourir  fi  iniquement:entendant  (peut  eftre) 
pource  que  le  cours  de  la  vie  de  l'homme  ne  s'eftend  ordinaircmét  outre  cent  ans,quc 
tous  ceux  qui  eftoyent  là  prefens  mourans  dedans  tel  temps,viendroyent  deuantée  iu~ 
gement  de  Dieu,rcndre  conte  de  leur  exécrable  forfait.  Ou,predifant  d'vn  efprit  pro- 
phétique ce  qui aduiendroit  puis  aprcs:comme  au/lî  Martin  Luther  l'a  entendu, du- 
quel nous  mettrons  ici  l'interprétation  ,efciite  en  fes  commentaires  fur  Daniel  :Iean 
Hus  (  dit-il  )  a  efté  le  precurfeur  du  mefpns  de  la  Papauté ,  comme  il  leur  prophetifa  en 
efprit,difant,  Apres  cent  ans  vous  en  répondrez  à  Dieu  &àmoy.  Etdercchef,Main- 
tenant  ils  roftirom  TOye  (car  en  langue  Bohémienne  Hus  lignifie  cela  )  mais  ils  ne  ro- 
ftiront  pas  le  Cygne,qui  viendra  après  moy.  Et  certainement  ce  qui  eft  aduenu,a  véri- 
fié &  approuué  fa  prophetie.Car  il  fut.bruflé  l'an  1416.&  le  différent  &:  débat  qui  a  efté 
efmeu  pour  les  pardons  du  Pape,commença  l'an  1 517. 

II  y  auoit  en  ce  temps-la  vnperfonnage  fort  exercé  aux  armcs,nommé  Ie  au  Zi  s-  icanZifcha 
c  h  a,  natif  d'vn  lieu  appelé  Trofnouie,  lequel  dés  faieuneiîe  auoit  efté  nourri  en  la 

cour  du  Roy,&  auoit  perdu  vn  œil  en  quelque  bataille,où  il  sVftoit  porté  vaillamment. 
Ce  Zifcha  eftant  fort  marri  de  la  mort  cruelle  de  Iean  Hus  &  Hicrome  de  Prague,n  m  af 
fa  quelque  nombre  de  gens  de  guerre,propofant  de  venger  l'outrage  du  côcile  de  Con- 
ftancc.Et  pource  qu'il  ne  fe  pouuoit  prendre  aux  autheurs  du  faict,il  délibéra  de  fe  ruer 
fur  leurs  complices,&  ceux  de  leur  liguc,aflauoir,fur  les  Preftres,Moines,&:  autres  fem 
blables.  Suiuant  donc  fa  pointe ,  il  commença  à  démolir  les  templcs,mettre  en  pièces 
les  images,deftruire  &:  abatreles  monafteres ,  &  chaflér les  Moines,  pource  qu'il  difoit 
que  c  eftoyent  pourceaux  qui  s'engraifToyent  en  ces  cloiftres .  Finalement  il  aiîembla 
plus  de  quarante  mille  hommes,tous  bien  délibérez  de  maintenir  à  l'efpee  la  do&rine 
de  Iean  Hus. 

Cependant  Sigifmond,Empereur,&:  vray  héritier  du  royaume  de  Bohême^- 


Çatherïnt_j  SaubcS. 


près  ta  mort  de  Vuenceflaus  fon  frere,tafchoit  par  tous  moyens  de  s'enfaiiiner  du  Roy- 
aume •  mais  pource  que  Zifcha  &:  les  autres  Te  doutoyent  qu'il  leur  feroit  vn  mauuais 
parti,voyans l'infidélité  dont  il  auoit  vfécnuerslean  Hus,  lequel  nonobftant  le  faut- 
conduit  par  luy  ottroyé,il  auoit  abandonné  au  feu:ils  luy  fermèrent  les  paflages ,  com- 
me à  1  ennemi  mortel  des  opinions  qu'ils  fouftenoyent. 

Svr  ces  entrefaites  Zifcha  fut  par  deux  fois  afîailli  de  ceux  qui  tenoyent  le  parti  du 
Papc,&:  demeura  toujours  vainqueur  par  rufe  de  guerre,  ia  (oit  qu'il  fuft  inférieur  à  re- 
iifter  aux  ennemis. L'vne  des  fois  voyant  que  les  ennemis  pour  la  plus  part  eftoyent  ges 
de  cheual,&  les  liens  de  pied,&:  que  pour  combatre  il  faloit  que  les  autres  millent  pied 
à  terre,il  commanda  aux  femmes(lcfquelles  félon  leur  couftumefuiuoyentrarmec)de 
femer  leurs  couurechcfs  en  tcrre,aufquels  les  efpcrons  desCheualiers  s'entortillèrent: 
fi  que  deuant  que  fe  dcsfairc,ils  furent  tuez .    Toft  après  Zifcha  voyant  qu'il  n'auoit 
point  de  ville  forte  pour  fe  retirer,ccrcha  vnlicu  naturellement  fort  furie  fleuue  Luf- 
micius,lcquel  il  ferma  de  murailles,&:  commanda  à  fes  gens  de  baftir  des  maifons  felô 
que  chacun  s'y  cftoit  campé.    j£neas  Syluius  raconte  que  Zifcha  nomma  cefte  ville 
Les  Tha-   Thabor,&:  fes  foldats  Thaborites,comme  ayans  veu  laTransfîguration  de  Chrift  en  la 
bontés.      montagne, &:  que  de  là  ils  auoyent  prins  leurs  opinions  &C  do£trine:li  toutefois  nous  ad 
Ce  u  Ae  i°uft°ns  f°y  audit  vEncas  leur  ennemi  mortel,  qui  depuis  fut  Pape  de  Rome,  nommé 
ncasSykii'  Pius  fecond.Ccux  du  parti  de  Zifcha  n'auoyent  encores  point  de  gendarmerie  à  che- 
Th'bo"   ua^:car  ^s  c^oycnc  ^a  plnfpart  petis  compagnons  .  Vn  nommé  Nicolas,  maiftre  des  fî- 
tcs&dc""  nances,que  l'empereur  Sigifmôd  auoit  enuoyc  en  Bohême  pour  donner  ordre  au  pais, 
ZUca.      fut  caufe  le  premier  de  leur  en  fournir .  Car  venant  ioindre  Zifcha,il  s'eftoit  campé  en 
vn  petit  village  nommé  Vogize, accompagné  de  mille  hommes  de  cheual.maisZifcha 
le  preuint,&  la  nuict  du  Vendredi  deuant  Pafque,luy  courut  fus  à  defpourueu,  &c  luy  o- 
fta  tant  les  armes  que  les  cheuaux. 

De  là  il  commença  à  aguerrir  &C  inft  mire  fes  ges  à  manier  les  cheuaux,à  les  picquer 
àc  faire  voltiger,courir  &c  tournoyer  à  leur  plaiiinen  forte  que  depuis  il  n'eut  iamais  fau 
te  en  fon  armée d'ailles  de  gens  de  cheual.Quelque  temps  apres,comme  il  afliegeoit  v- 
ne  ville  nommée  Rabi,il  perdit  l'autre  œil  d'vn  coup  de  traict:  6c  nonobftant  il  ne  lai/Ta 
de  gouuerner  l'armee,&  d'endurer  tous  les  labeurs  &:  trauaux  de  la  guerre.  Car  depuis 
il  vainquit  plulîcurs  fois  l'empereur  Sigifmôd  roy  de  Boheme,auec  quelques  Electeurs 
de  l'Empire,ayant  en  fon  armée  les  forces  de  Hongrie,Morauie,&:  Dannemarc.Car  E- 
nce  roy  de  Dânemarc  cftoit  venu  au  fecours  de  l'Empereur,  auec  Pierre  l'Infant  de  Por- 
tugal .  Mais  toutes  ces  forces  ne  peurent  empefeher  que  Zifcha  ne  donnaft  la  chalîe 
deux  ou  trois  fois  à  rEmpcreur,iufques  hors  du  royaume  dcBoheme.En  forte  que  l'Em 
pereur  voyant  qu'il  n'y  pouuoit  donner  autre  ordre,&  que  Zifcha  cftoit  inuincible,  fut 
contreint  le  prier  d'eftre  moyen  de  le  faire  iouir  du  royaume  de  Bohême,  luy  promet- 
tant toute  charge  &£  authorité  fous  foy.  Mais  Zifcha  mourut  de  pefte,comme  il  s'eftoit 
mis  en  chemin  pour  aller  parlementer  auec  l'Empereur.  On  dit  qu'en  fa  maladie  eftât 
intcrroguéoùil  vouloit  eftre  enterré ,  refpondit  qu'on  efeorchaft  fon  corps  après  fa 
mort ,  6c  que  de  fa  peau  on  fift  vn  tabourin,aufon  duquel  alîeurémentles  aduerfaires 
prendroyent  ha  fuitte .  Ce  qu'il  difoit  pour  donner  courage  aux  lïens,  en  mefprifant  la 
puiirance&:  courage  des  Papiftcs.Ils  efcriuirent  fur  fon  tombeau  ceft  epitaphe  ,h  an 
Fpitapi.c  Z  i  s  c  h  a  Force  du  pais ,  Frayeur  du  Pape ,  Fléau  de  la  preftraille.  ce  qu'Appius  Clau- 
de Zifcha.  diusraueugle,enconfcil,&:  Marc  Funus  Camille  en  prouellc  ont  fait  pour  leurs  Ro- 
mains ,  i'ay  fait  pour  mes  Bohémiens .  Si  l'enuie  des  aduerfaires  n'empeîchoit,  ie  pour- 
royc  eftre  nombré  entre  les  illuftres  :  mais  quoy  qu'il  en  foit,  mes  os  repofent  en  ce  lieu 
fainct  6c  iâcré,fans  le  congé  ou  pluftoft  maugre  le  Pape. 

mmmmmm 

CATHERINE    SAVBE,  Lorraine,  bruflee  à  Monr-peUier. 

LE  fommaireconuenableau  récit  du  martyre  de  cefte  Cachcrine.eft  de  cognoiftre  qu'aux  temps  les  plus  obfcurs  le  Seigneur 
a  eu  tefmoins  non  feulement  du  cofté  des  hommes,mais  aufsi  des  femmes. 

V  T  I  L  I  T  E  notable  de  ce  recueil  des  Martyrs  eft  accompagné  de  déle- 
ctation pour  la  diueriîté,dont  naturellement  nous-nous  efiouifTons.  Voici  a- 
pres  les  fufdits  excellens  perfonnages,  vne  femme  que  le  Seigneur  nous  pre- 

{ente 


LeTahm9 
cil  lcliure 


£atherinc^>  Saubc^j.  4  $ 

fente  en  ces  temps  obfcurs&:  ténébreux:  l'hiftoire  de  laquelle  partant  nous  doit  cftrc 
en  plus  grande  admiration  .  Car  combien  qu'elle  n'ait  eu  la  cognoiifancc  fi  entière  tic 
tous  les  poin&s  delà  doctrine  Chrcftiennc,  comme  plufieurs  de  laage  qui  eft  venue  a- 
pres ,  neantmoins  elle  a  retenu  jufqu'à  la  fin  pour  vray  fondement  Icllis  Chrift,  fur  le- 
quel elle  s'eft  tellement  arreftec,quc  furmontant  toute  fragilité  du  fexc,&l  les  horreurs 
des  ténèbres  tant  efpefles,a  enduré  la  mort  non  pour  autre  caufe,  lînon  qu'elle  aifeu— 
roit  fon  appuy  en  la  mortôc  paiîion  du  Fils  de  Dieu  .    Or  l'hiftcirede  cefte  Catherine 
a  cfte  extraite  d'vn  hure  qui  eft  en  la  maifon  de  la  ville  de  Mont-pellier ,  vulgairement 
nommé  Le  Talamus ,  auquel  on  enregiftre  les  choies  mémorables  qui  fc  font  en  l'an- 
née courante:  &c  a  efté  traduite  d'vn  vulgaire  rude  &:  ancien,  par  vn  perfonnage  fidèle  dùconflïïj 
dupais  de  Languedoc.En  l'an  m.c  c  c  c.x  v  i  ,1e  quinzième  du  mois  de  Nouembre,a-  dçU^ont~ 
près  la  Méfie  parochiale  du  temple  de  S.  Fermin à  Mont-pellier,  Catherine  Saube,  de  pc  ,cr* 
Thou  en  Lorraine  "fut  prefte  audit  temple.U  y  auoit  ia  quinze  ou  feize  iours  paifez  qu  "Fut  prefie 
elle  auoit  prié  les  léigneurs  Confuls  de  mer  de  ladite  ville,  que  ce  fiift  leur  plailîr  de  la  Pour  Se 
mettre  en  l'hoftcl  des  Nonnains  rcclufes,fitué  au  chemin  de  La  tes .  Lcfdits  feigneurs  prc  enu' 
Confuls  &  ouuriers  vindrent  à  la  procelîîô  générale  dudit  temple  auec  le  reft c  du  peu- 
ple de  la  villcjhommcs  &  femmes  plus  de  1 500.  Lelqucls  Confuls,commc  patrons  des 
Nonnains  reclufes, menèrent  ladite  Catherine  comme  vne  efpouft  audit  hoftel ,  &c  la 
lai/Tercnt  là  enfermée  fous  la  clcf:&:  après  chacun  le  retira  en  la  maifon .  Voila  les  pro- 
pres mots  de  l'cxtrait:fur  lefquels  nous  laiffons  à  penfer  aux  Ledcurs ,  quelle  occafion 
a  peu  induire  cefte  femme  à  demander  fon  cntçec  en  vn  conuent  de  Nonnains .  Il  eft 
polfible  qu'elle  n'eftant  encorcs  bien inftruiteau  vray  feruicede  Dieu,  auroit  cerchéà 
la  façon  &  opinion  commune  des  hômes,quelque  retraitte  pour  eft re  léparce  du  mon- 
de,^ feruir  Dieu  à  fa  dcuotion,d'autant  quelors  il  n'y  auoit  aucun  lieu  pour  cftre  enfei 
gné  à  la  verité:ou  bien, qu'elle  ayant  quelque  commencement  de  pieté,pourroit  auoir 
efté  pouftee  d'vn  faind  delir  d'annoncer  la  cognoifîàncc  de  Ieliis  Chrift  aux  autres  po- 
ures  reclufes,  fi  auant  qu'elle  en  auroit  receule  dô  du  Seigneur: comme  il  eft  vray-fem- 
blable  par  ce  que  gens  dignes  de  foy  afferment  eftre  eferit  auditTalamus,c  eft  afTauoir 
q  le  conuent  où  eftoit  ladite  Catherine  &:  les  Nonnains  furent  brûliez  enfemble  quel- 
que temps  après  la  mort  d'icellc. 

^En  l'anncefuiuante,  m.  c  c  c  c.  x  v  1 1.  le  fécond  iourd'Odobre,enuiroil  deux 
heures  après  midi,  maiftre  Raymond  CabaiTe,  dodeur  en  Théologie,  de  l'ordre  des 
Iacopins,  vicaire  de  flnquifiteur,  feant  au  tribunal  fous  le  chapiteau  qui  eft  àcofté 
de  la  porte  de  la  maifon  de  ville  audit  Mont-pcllier,en  prefence  de  l'euefque  de  Mague 
lonnc ,  &C  du  lieutenant  du  Gouuerneur ,  &:  des  quatre  Ordres, voire  &:  de  tout  le  peu- 
ple,duquel  tout  le  plan  de  ladite  maifon  eftoit  couuert ,  prononça  par  fentence  dirfini-  jonneecon 
tiue,ladite  Catherine  Saube,de  Thou  en  Lorraine(laquellc  à  fa  requefte  auoit  efté  m  i-  tre  Otheri 
fc  al  hoftel  des  reclufes)cftre  heretique,pource  qu'elle  a  femé  &:  tenoit  diuers  &:  dam-  ne  Saube' 
nablcs  erreurs  contre  la  foy  catholiquc,&:c.  ArTauoir,Que  lEglife  catholique  confifte 
feulement  aux  hommes  &:  aux  femmes, tenans  &:  enfuiuans  la  vie  des  Apoftres:&  qu'- 
il vaut  mieux  mourir  qu'oftenlcr  Dieu  .  Item, qu'elle  n'adoroit  point  fhoftie  confacree 
du  Preftre,d'autant  qu'elle  ne  croyoit  pas  que  là  fuft  le  corps  de  Chrift. Item,  qu'il  n'eft 
pas  neceftairc  fc  confelfer  au  Preftre:car  il  fuffit  de  fe  confeifer  à  Dieu.&  qu'autât vaut 
feconfcfferà  vn  preudhomme  laic,qu  à  vn  cappelan  ou  preftre  .  Qu'après  cefte  vie  il 
n'y  aura  point  de  Purgatoire:  mais  feulement  en  la  vie  prefente,&:c. 

I  l  y  auoit  quatre  autres  articles  audit  Talamus,  dont  cefte  Catherine  eftoit  ac- 
culée ,  lelqucls  font  enueloppez&  embrouillez  non  feulement  de  quelque  ignorance 
que  nous  pourrions  imputer  au  temps  ténébreux ,  mais  aurfi  d'ambiguité  grande:  à  rai- 
fon  q  nous  ne  fommes  point  informez  de  les  rcfponfes  &c  procédures  plus  amples.  L'cx  Le 
trait  defdits  quatre  articles  eft  tel ,  traduit  dudit  Talamus  de  mot  à  mot  :  Qu'il  n'y  a  eu  Mefciiapt 
vray  Pape,  Cardinal,  Euefque,  ne  Preftre,  depuis  que  l'eflcdiondu  Pape  ne  s'eft  taite  ^^"rVi 
par  miracle  de  foy  ou  fidélité .    Que  les  "  mefehans  preftres  ou  cappelans  ne  peuuent  pourroic 
confacrer  le  corps  de  Chrift,encores  qu'ils  dient  les  paroles  facramcntales.  Que  le  Ba-  iemblerqu* 
ptefme  adminiftré  par  mefehans  Preftres  ne  profite  à falut.  Que  les  enfansquimeu-  JelferonTeî 
rent  après  le  Baptefme,  auant  qu'ils  ayent  croyance,  ne  font  point  fauuez(car  ils  ne  bons. 

h. 


Jean  Oldcaïlel. 


crovcnt  pomt)li  ce  n'eft  par  la  croyance  du  parnn,marnnc  &:  parens. 

P  a  r  le  récit  defdits  quatre  articlcs,il  nous  eft  allez  donné  à  cognoift  re  en  quelle  in- 
certitude 6c  négligence  le  plus  fouucnt  les  Greffiers  6c  Notaires  des  Cours  des  adticr- 
faircs  de  vérité ,  ont  couché  par  clcrit  les  reiponfes  des  fidèles, pour  c  harger  de  pailles, 
6c  couunr  de  poufliere  le  bon  grain  de  la  vérité  de  l'Euangile. 

f  O  r  après  que  la  fentence  ci  deiîus  touchcc,fut  prononcee.Jcdit  maiftre  Raymod 
la  remit  au  Baille,qui  eft  le  Preuoft  de  la  ville .  Et  le  peuple  pi  ioit  qu'il  fc  portait  beni- 
gnement  enuers  elle.Iceluy  Preuoft  exécuta  au  mefme  îour  ladite  fcnt£ce,&  la  fit  traî- 
ner au  Col-fîn,qui  eft  le  gibet  de  Mont-pellier,prcs  le  pont  de  Caftcl-nou,  6c  là  fut  iudi 
cialement  bruflec  comme  hérétique .  ce  font  les  mots  dudit  Talamus  :  lequel  aufli  ad- 
ioufte,quereuefque  de  Maguelonne,  après  auoir  chanté  vue  Meife  folcnnelle  deuant 
ceux  du  Confulat,  fît  vnfermon  de  ladite  Catherine, &:  contre  pluiîcurs  quidiloyent 
que  ladite  fentence  auoit  efté  donnée  iniuftement,&  aUec  grandes  6c  ai'prcs  paroles  rc 
prenoit  le  mauuais  vouloir  qu'ils  auoyent  à  railbn  de  ladite  fentence. 

^  Voil  a  en  cffeft  ce  qui  a  efté  extrait  6c  traduit  touchant  le  martyre  de  ceftefem- 
me,par  lequel  plulieurs  rudes &ignorans  furent  touchez  à  regarder  de  plus  près  la  ve- 
nté des  choies ,  en  ces  ténèbres  des  temps  :  6c  ainlï  le  Seigneur  befongne  6c  parfait  fa 
louange  en  la  mort  des  liens, maugré  Satan  &:  l'Antechrift. 

IEAN    OLDCASTEL,  feigneurdeCobham,Anglois. 

Encre  ceux  defqueb  il  a  efté  parlé  ci  deiTus,&  fera  dit  ci  apns,tout  ainlî  qu'il  y  en  a  bien  peu  qui  foyent  à  comparer  en  dignité  ex- 
terne à  lean  de  Cobham,cheualier  de  l'ordre,&  des  premiers  d'Anglctei  re,aufsi  y  en  a-il  bien  peu  de  celte  qualité  qui  ayét 
enduré  de  plus  griefs  tourmens  pour  le  nom  de  noftrc  Seigneur  Idus.que  luy.  A-tant  fon  hiftoire  foit  recommandée  aux 
plus  grans  des  Cours  des  Princes. 

M  cccc  W^^^^^  ^  gétil-homme  a  efté  des  premiers  en  fon  temps  quiaenfeignéauxCour- 
Xviii.  Sf/fcPiÉ?!  tilans  de  feruir  à  IefusChrift.Car  outre  ce  qu  il  cftoit  orné  de  vertus  excelle 
fév^^^â  tes,&  que  pour  les  beaux  faicls  ileuftpeu  facilement  obtenir  la  faneur  de 
M^^^^^y  fon  Roy,  comme  de  faiél  il  eftoit  monté  à  grandes  dignitez&  honneurs  par 
fa  vertu  :  6c  auoit  cela  de  plus  excellent,qu'il  ne  fe  fou  doit  pas  beaucoup  de  la  noblelfe 
du  monde,pluftoft  il  conftituoit  toute  fa  dignité  6c  félicité,  de  tafeher  à  faire  feruice  a- 
greable  au  Prince  des  Princes,qui  eft  le  Fils  de  Dieu  ?  Les  inftru&ions  de  Vuiclcff  luy 
auoyent  grandement  ferui  :  6c  finalement  il  eut  vn  tel  fentiment  de  la  vraye  Religion 
6c  pieté,  qu'il  ne  faifoit  difficulté  de  prendre  fous  fa  protection  tous  ceux  qui  maintc- 
noyent  la  bonne  do£trine,&:  qui  eftoyent  en  danger  pour  icelle. 

O  r  les  Euefques  qui  auoyent  des  efeoutes  6c  efpions  par  tout,furent  incontinent  ad 
uertis  de  ccla,&:  cogneurent  q  leurs  forces  deuenoyent  foibles  par  le  moyen  de  ce  gen 
til-homme:&:  tous  d'vne  mefme  impetuolité&  furie  dreiferent  tous  leurs  confeils, ma 
chinations  6c  embufehes  contre  luy.  Leur  opinion  eftoit,quc  tout  ce  qu'ils  euflent  en- 
trepris contre  les  autres  qui  eftoyent  d'vne  mefme  profeflîon  auec  luy,n'cuft  gueres  jp- 
fité,li  ce  bon  gentil-homme  n'euft  efté  premièrement  exterminé,  lequel  donnoit  cou- 
rage &  hardieffe  aux  autres,  de  faire  ce  qu'ils  faifoyent. 

On  ne  trouuera  point  mauuais  il  nous  demonftrons  vn  peu  de  loin, les  raifons  pour- 
quoy  ces  Prélats  eccleliaftiques  çonceurent  vne  telle  haine  contre  luy.  Le  roy  Richard 
fécond  de  ce  nom,  fut  admonnefté  quelquefois  par  quelques  grans  léigneurs  de  fon 
Royaume,qui  auoyent  bonne  affeéhon  que  les  affaires  fe  portaient  bien .  lequel  pour 
donner  ordre  aux  affaires ,  fît  affemblerlcs  Eftats,&:  tenir  le  Parlement  en  la  ville  de 
Londres  l'an  m  .  c  c  c  x  c  i .  Apres  qu'en  cefte  affemblce  on  eut  bien  délibéré  d'vn  co- 
fté  6c  d'autrc,il  fembla  bon  finalement  au  Roy  6c  aux  principaux  du  Royaume,  que  ce 
feroit  le  grand  profit  de  toute  la  Republique,  quand  l'authorité  du  fîcge  Romain  ne 
pafleroit  point  outre  la  mer,&:  que  ce  ferojt  bien  alfez  fi  elle  s'eftendoit  iufqirà  Calets. 
Autrement  ce  feroit  vne  trop  grande  fafcherie  à  tous  ceux  qui  habiteroyent  dedans  Y- 
ille  d'Angleterre ,  que  la  cognoiffance  des  caufes  fuft  renuoyee  iufqu'à  Rome,lefquel~ 
lespourroyenteftre  defpefchees  beaucoup  plus  facilement  fur  le  lieu,  &:  auec  moin- 
dres fraiz.Parquoy  il  fut  refolu  par  l'aduis  de  tous,  que  dorefenauant  il  ne  feroit  licite  à 
homme  quelconque  de  laiifer  le  Royaume  pour  aller  plaider  deuant  le  Pape  à  Rome, 

ne 


Jean  Oldcafiel  4  4. 


fit  fairevenîr  aucune  excommunication  de  là.Que  s'il  aducnoit  que  quelcun  fift  autre- 
mental  y  auoit  peine  ordonnee:affauoir  qu'en  premier  lieu  tous  fes  biens  feroyent  cori 
filquez,&:  finiroit  fa  vie  en  prifon. 

O  r  tout  ainfi  que  celle  détermination  fut  agréable  &C  trouuce  bonne  desbons,&: 
de  tous  ceux  qui  auoyent  fain  &c  droit  iugement*  aufïi  rompit-elle  grandement  la  fierté 
&  tyrannie  des  Euefques,&:  depuis  ceci  fut  occafion  que  meffire  Iean  Cobham  j&  mef-  Le  ficur 
firelean  Chcn  tous  deux  Cheualiers,furent  grandement  hais,  &fetrouuerentau(Ii  en  Ican  cl*B- 
fort  grans  dangers ,  &:  principalement  par  les  machinations  &  prattiques  fecretes  de* 
Euefques .  Comme  de  faid  ceci  leur  doit  eftre  principalement  imputé,  que  le  roy  Ri- 
chard fut  deipité  cotre  ces  deux-ci,&pour  cela  les  fît  conftituer  prifonniers  l'an  vingt- 
ième de  fon  regne,auec  Richard  Arundel,&:  Richard  Varnic  tous  deux  Contes.  Tou- 
tefois par  la  grâce  &c  bonté  de  Dieu ,  le  feigneur  de  Cobham  ne  demeura  toufiours  en 
celle  prifon.Tant  y  a  que  les  confeils  cauteleux  des  Euefques  ne  cefferent  pas  pourtât: 
ains  brafferent  des  embufehes  malicieufes  non  feulement  contre  ce  bon  Cheualier, 
mais  ailffi  contre  leRoy  mefme,pour  le  mettre  à  mort,comme  peu  fauorifant  à  l'ambi-  j-a*. 
tion  des  gens  d'cglife.Henry  quatrième  de  ce  nom  luy  fucceda:&:  après  cefluy-ci,  Hen-  gietcn-c. 
ry  cinquieme,hommc  exercé  aux  armes,&:  fort  vaillant,mais  ami  au  poflîble  des  Papi-  ""J^y1" 
ftes.    La  prcftraille  donc  ayant  rccouuré  tel  maiftre  qu'ils  defiroyent,defployerent  la 
haine  qu  ils  auoyent  longuement  cachée  contre  les  bons,  &  fingulierement  contre  le 
fîeur  de  Cobham,auquel  ils  vouloyent  mal  de  mort. 

O  r  Thomas  Arundelarcheueiquc  de  Cantorbie  s  adreffa  au  roy  Henry,  deuant  le- 
quel il  aceufa  ce  noble  Cheualier,  intentant  contre  luy  de  grans  crimes  :  &:  fur  tout  re- 
monflra  les  dangers  de  l'eglife  troublée .  Bref,  il  n'omit  rien  de  tout  ce  qui  pouuoit  en- 
aigrir  cède  caufe .  Le  Roy  ayant  ouy  la  harengue  de  ceft  Archeuefque  pleine  d'inue- 
diues  &c  accufations,laquelle  euft  peu  enflammer  vn  Prince  au  demeurant  doux  &  be- 
nin,ne  voulut  toutefois  rien  délibérer  à  la  volec  contre  vn  fi  fidèle  Cheualier^:  fi  bien 
expérimenté  aux  armes,lequel  il  aimoit  grandement ,  pourautant  qu'il  fe  fentoit  obli- 
gé à  luy  en  beaucoup  de  fortes.En  celle  forte  il  renuoya  l'Archeuefque,  &  luy  commâ- 
da  d'attendre  encore  quelque  temps  auec  les  autres  Euefques  l'es  compagnons,  iuf- 
ques  à  tant  qu'il  euft  parlé  à  luy  de  ces  affaires ,  pour  effayer  s'il  pourroit  appai- 
fer  ce  différent ,  qui  eftoit  entre  luy  &c  les  gens  d'eglife,  luy  voulant  garder  fon  hon- 
neur fauuc. 

Mai  s  toutcelanepeutiamaisefbranlérlaconftancedececceurvrâyement  Chre- 
ftié,laquelle  il  auoit  eftablic  en  celuy  qui  eft  le  grand  Roy  &C  Prince  fouuerain  de  tous. 
L'Archeuefque  donc  retourna  à  fes  pleintes ,  &:  finalement  le  Roy  fut  vainc*  j  ou  pour 
mieux  dire ,  obtempéra  aux  faux  rapports  des  Euefques ,  &:  abandonna  ce  noble  Che- 
ualier à  l'appétit  furieux  de  l'Archeuefque  8t  de  fes  complices .  L'Archeuefque  donc 
le  fit  citer  vne  fois  ou  deux  :  mais  il  fut  long  temps  qu'il  ne  tenoit  conte  des  foudres 
excommunications  de  ce  Prélat  :  mais  après  que  le  Roy  luy  eut  enuoyé  vn  hcraut,il  o- 
beit,&s'en  alla  vers  le  Roy,  auquel  il  auoit  fait  de  grans  feruices  auec  toute  reueren- 
ce.  Et  après  qui'l  eut  tenu  quelques  propos  au  Roy,  il  luy  prefenta  fa  confeffion 
par  eferit  :  En  laquelle  il  recitoit  par  ordre  les  articles  du  Symbole  ,  &c  fur  chacun 
article  il  y  auoit  vne  brieue  expofition.  Mais  là  ou  il  faloit  parler  de  l'Eglife  catho-  de™T*n- 
lique,  il  la  diftinguoit  en  trois  parties .  Il  méttoit  d'vn  collé  ceux  qui  s'eftans  défia  Msioa  d« 
acquittez  de  leurs  labeurs, regnoyent  auec  Chrift:puis  après  ceux  qui  eftoyent  en  Coblum- 
Purgatoire,toutefois  il  adiouftoit  celle  reftriclion,s'ily  auoit  quelque  tefmoignage  de 
ce  lieu-la  és  faindes  Efcritures:&  finalement  ceux  qui  batailloyent  encore  en  celle  vie 
prefentc.Et  encore  faifoit-il  diftindion  de  ceux-ci  en  trois ,  de  l'Eglife,  de  la  Nobleffei 
&  du  commun  populaire.  Ilappeloit  gens  d'Eglifeceux  qui  fuiuoycnt  en  vérité  Iefus 
Chrift  &  fes  Apoftres .  Et  quant  à  ceux  qui  faifoyent  autrement,&:  qui  enféignoyent 
les  traditions  des  hommes ,  &c  non  point  la  parole  de  Dieu ,  il  les  reputoit  comme 
loups  &  faux-p  afteurs:  &:  difoit  qu'il  les  faloit  chaffer .  Outreplus  il  maintertoit  que 
Pieu  ne  requeroit  autre  chofe  de  fes  fidèles ,  linon  de  garder  par  foy  les  chofes  que  luy 
mefmc  a  commandées  &c  ordonnces.Et  difoit  qu'il  receuoit  volontiers,  &  rendoit  prô* 
pce  obeiffanec  à  tout  ce  qu'il  auoit  ordonné  par  fa  Parole. 

Or  le  Roy  ne  voulut  receuoir  celle  confeffion  auec  quelque  condition  que  ce  fuft, 

h.iï. 


Liurc^L  JeanOldcaftcL 

ains  la  renuoya  entièrement  deuant  ceux  qui  dcuoyent  eftre  iuges.  CegentiUiomme 
pria  le  Roy ,  que  pour  le  moins  il  luy  fîft  ce  bien  de  luy  ottroyer  cent  gentils-hommes 
cheualiers,iiîus  de  noble  race,&  qu'il  les  fift  venir  pour  eftre  fes  arbitres,  par  la  fenten- 
ce  defqyclsildeuftfuccomber  ou  eftre  abfous .  Et  quand  encore  il  ne  luyaccorderoic 
point  cela,nonobftant  qu'il  luy  fuft  licite  de  défendre  Ta  caufe  par  armes:&  promettoic 
de  ne  reftifer  quelque  combatant  q  ce  fuft  pour  défendre  &  maintenir  fa  foy,fuft  Turc 
Cobhamrc  ou  Chreftien  .Toutefois  le  R  oy  ne  luy  voulut  encore  ottroyer  cela,&:  qui  plus  eir,don- 
«quefte?  na  congé  à  fes  parties  aduerfes  de  le  faire  adiourner  deuant  fa  maiefté  Royale  en  fa  châ 
brc.Et  lors  moniîeur  de  Cobha  appelant  de  l'Archeuefque  au  Pape,  prelenta  en  toute 
reuerence  &c  humilité  les  lettres  de  fon  appel  au  Roy,  lcfquelles  il  auoit  là  toutes  pre-- 
ftcs.Or  le  Roy  fut  fort  defpitc  de  cela,&:  luy  rcfpondit,que  ceft  appel  ne  luy  profîteroit 
de  rien .  Au  refte,qu'il  demeureroit  en  priion  iufqu  a  ce  qu'on  euft  délibéré  &:  conclu 
de  la  volonté  du  Pape  touchant  l'appel:&:  encore  outre  cela  il  ne  pourroit-ilpas  euiter 
lors  mefme  le  iugement  de  Archeuefque  vouluft  ou  non.En  cefte  forte  ce  vaillat  che- 
ualier,dcftitué  de  toute  faueur  du  Roy  qui  eftoit  contraire,fut  liuré  à  l'appétit  des  Euef 
ques,pour  eftre  interrogué  &  examiné  par  eux.Mais  on  cognoiftra  plus  facilement  par 
les  lettres  que  l'archeuefque  de  Cantorbery  efcriuit  à  l'euefquc  de  Londres  touchant 
cefai<5t,de  quelle  forme  de  procédure  on  vfa  contre  monfieurde  Cobham,de  quelle  fa 
çon  il  repoufta  fes  aduerfaircs:outreplus,de  quelles  rufes  &:  finefles  il  a  cfté  opprimé,^ 
comment  il  fut  tourmenté  auant  que  laifter  la  vie. 

La  copie  de  la  lettre  de  l'archeuelque  de  Cantorbery  enuoyee  à  l'euefquc  de  Londres,  en  laquelle  eft  contenue  toute  la  procédu- 
re tenue  contre  le  fleur  de  Cobham,&  fes  répliques,*  fa  condamnation. 

I  C  H  A  R  D  par  la  permiflion  de  Dieu  euefque  de  Londres,  délire  falut&cô- 
_  tinuel  aecrouTcment  de  pure  diledion,  à  reucréd  perc  en  Chrift  &c  feigneur  mô- 
lieur  Robert,  par  lagrace  de  Dieu  euefque  de  Herford .  Il  n'y  a  pas  long  temps  qu'auôs 
receu  des  lettres  de  reuerend  pere  en  Chrift  &  feigneur  monfieur  Thomas,  par  la  grâ- 
ce de  Dieu  archeuefque  de  Cantorbery ,  Primat  de  toute  l'Angleterre,  Légat  du  liège 
Apoftolique,defquelles  la  teneur  eft  telle  que  s'enfuit: 

Thomas  parla  permiflion  diuine  archeuefque  de  Cantorbery,Primat  de  toute  l'- 
Angleterre^ Légat  du  îiege  Apoftolique,à  noftre  vénérable  frerc  monfieur  Richard 
par  la  grâce  de  Dieu  euefque  de  Lôdres ,  defire  falutÔC  fraternelle  charité  au  Seigneur. 
Comme  ainii  foit  que  dernièrement  nous  trâittiflions  de  l'vnion  &:  reformation  de  l'e- 
glife  d'Angleterre  auec  les  Prélats  &  le  Clergé,qui  furent  aflemblez  en  noftre  eglife  de 
S.Paul  en  la  ville  de  Cantorbery,il  fut  côclu  entre  autres  chofes,par  nous  &:  lefditsPre- 
lats  &:  Clcrgé,de  refaire  la  coupure  du  faye  de  Chrift  fans  coufture:  qui  fembloit  bien 
vne  chofe  impoflible ,  finon  que  premièrement  aucuns  grans  feigneurs  du  Royaume 
qui  fe  monftrent  defenfeurs,  adiuteurs ,  &:  protedeurs  de  ces  hérétiques,  qu'on  appelé 
les  Lollards,fuflcnt  afprement  corrigez,&:  ii  befoin  eftoit ,  retirez  de  leurs  deftours  par 
les  cenfures  deTeglife,en  inuoquant  le  bras  feculier .  Et  après  diligente  inquifition  fai- 
te puis  après  en  cefte  mefme  aiîemblee  entre  les  procureurs  du  Clergé  &  autres,  qui  fc 
trouuerent  là  en  grand  nombre  de  chacun  diocefe  de  noftre  prouince ,  il  a  efté  trouue 
entr'eux,&:  à  nous  defcouuert&  rapporté  pour  certain,que  melïire  Iean  Oldcaftel  che 
ualier,a  efté  &c  eft  encore  le  principal  mainteneur,receleur,  &  jptedeur  d'iceux:  &c  que 
contre  la  conftitutiô  de  la  prouince  faite  fur  ccla,il  a  enuoyé  prefeher  fes  Lollards  fans 
aucune  licence  des  ordinaires  ou  diocefains  des  lieux,  &  principalement  au  diocefe  de 
Londres, de  RofFen $,&  de Hcrford:&  affifta  à  leurs  mefehantes  predic ations,  &  s'il  y  a- 
uoit  aucuns  qui  contrcdùTcnt ,  il  les  reprimoit  par  menaces  de  bras  feculier ,  duquel  il 
leur  propofoit  lapuiflance  &  force  pour  les  eftonnenfle:  entre  autres  chofes  affermoit  ^ 
nous  &c  nos  confrères  fufFragans  de  noftre  prouince,n'auons  eu  &c  n'auons  encore  aucu 
pouuoir  de  faire  vne  telle  conftitution.Et  il  a  eu  fie  a  encore  maintenant  vne  autre  opi- 
nion, &c  dogmatize&enfeigne  toutautrement  touchant  les  facremensde  l'Autel  &: 
de  Pénitence^  des  pèlerinages ,  &  adorations  des  images,5c:  des  clefs,  que  l'eglife  Ro- 
maine &  vniuerfelle  n'enfeigne  &c  afFerme.Pour  cefte  raifon  nous  fufmcs  lors  requisde 
la  part  dcfdits  Prélats  &c  Clergé ,  que  noftre  bon  plaifir  fuft  de  procéder  touchant  les 
chofes  fufditcs,contre  ledit  feigneur  Oldcaftel. 

O  r  toutefois  pour  la  reuerence  de  noftre  firc  le  Fioy ,  duquel  ledit  feigneur  Oldca- 
ftel 


JeanOldcatteL  4  / 

ftcl  cftoitpour  lors  familicr,&:pour  rhonneurauffi  de  fon  ordre  dé  cheuâlerfe,  nous 
vinfmes  en  perfonne  deuant  la  prefenec  du  Roy  noftre  fire,qui  pour  ce  temps-la  eftoit 
en  fon  chafteau  &:  manoir  de  Kcnyngton,&:  là  le  trouuerent  au/ïi  prefens  tous  nos  con- 
fre  rcs  &:  fufFragans:où  nous  filmes  nos  complaintes  contre  ledit  Seigneur,  &:  en  partie 
recitafmes  ce  en  quoy  il  auoit  failli.Mais  defirans  à  la  requefte  du  Roy  noftre  iire  rédui- 
re ledit  feigneur  Iean  à  l'vnité  de  l'eglife  fans  aucun  opprobre  &  diffame,  nous  différai' 
mes  long  temps  l'exécution  des  choies  fufdites.Mais  voyans  que  le  Roy  auoit  fait  tout 
ce  qu'il  auoit  peu  faire  pour  le  reduire,&:  neantmoins  n'auoit  de  rien  profité,felon  que 
le  Roy  luy-mcfmc  a  bien  daigné  nous  faire  iauoir  tant  par  eferit  que  de  bouche: fuiuant 
cela  nous  auons  arrefté  que  ledit  feigneur  Iean  Oldeaftel  refpondroit  en  perfonne  de- 
uant nous  fur  le  s  fufditsarticles,à  vn  certain  terme  qui  eftdeiia  paifé,&  de  le  faire  appe 
1er  deuant  nous  pour  cela,&  auons  enuoyé  noftre  meiTager  auec  lettres  de  citation  au- 
dit 01dcaftel,qui  pour  lors  faifoitfa  refidence  en  fon  chafteau  de  Coulyng:  ordonnans 
ànoftre-dit  meiTager  de  n'entrer  nullement  dedans  le  chafteau  dudit  Seigneur,&:  que 
par  le  moyen  d'vn  certain  nommé  Iean  Botteler ,  huiiîier  de  la  chambre  du  Roy  noftre 
lirc,il  cerchaft  ledit  Oldeaftel ,  à  ce  qu'il  donnaft  congé  d'entrer  à  noftre-dit  meiTager, 
ou  bien  qu'il  citaft  ledit  Seigneur, ou  pour  le  moins  qu'iceluy  fe  monftraft  hors  de 
fon  chafteau ,  afin  que  par  ce  moyen  il  peuft  eftrç  appréhendé  par  citation  .  Or 
toutefois  ledit  ieigneur  Iean  Oldeaftel  refpondit  au  fufdit  Iean  Botteler, qui  de  la 
part  du  Roy  luyexpofoit  fa  commiifion  fufdite  ouuertement  &C  publiquement,  qu'- 
il ne  vouloit  point  eftrc  cité  en  façon  quelconque,  ni  aucunement  endurer  fa  cita- 
tion. Et  nous  après  auoir  ouy  la  relation  des  choies  fufdites ,  laquelle  nous  fut  fidèle- 
ment faite,  commençafmes  à  procéder  légitimement  plus  outre  en  ce  faict ,  félon  le 
rapport  qui  nous  auoit  cfté  fait,que  ledit  feigneur  IeanOldcaftel  n  auoit  peu  eftre  em- 
poigné par  citation  perfonnelle:ordonnafmes  qu'iceluy  feroit  cité  par  edict ,  qui  feroit 
publiquement  attaché  aux  portes  de  l'eglife  cathédrale  de  RofFens ,  qui  n'eft  diftante 
gueres  plus  de  trois  lieues  d'Angleterre  dudit  chafteau  de  Çoulyng.  Comme  de  faicl 
nous  f  auons  fait  ainii  citer,&  attacher  cefte  noftre  ordonnance  aux  portes  de  ladite  c- 
glifcjà  la  veué  &:  au  feu  de  tous,pour  comparoiftrç  deuant  nous  l'onzième  iour  de  Sep- 
tcmbi  e,qui  eft  défia  paiTé,&:  pour  refpondre  fur  les  fufdits  articles:  &  neantmoins  qu'il 
euft  à  ie  trouuer  en  perfonne,pour  fe  purger  de  quelques  pointts  concernans  la  peruer 
iité  hérétique .  Quand  ce  iour-la  fut  venu ,  nous-nous  aifemblafmes  en  la  plus  grande 
chappelle  qui  eft  au  deiTous  du  chafteau  de  Ledys,lequel  eft  en  noftre  diocefe,où  nous 
faiiïons  noftre  rciidence  pour  lors,&  là  nous-nous  ailifmes  au  iiege  iudicial,  &  tinfmes 
noftre  cour.&:  après  auoir  fidèlement  fait  tout  ce  qui  eft  requis  en  tels  acres,&  ouy  &:  re 
ceu  la  relation  félon  ce  qui  eft  affermé,  &  qu'on  dit  communément  és  quartiers ,  q£ 
ledit  feigneur  Iean  Oldeaftel  fe  tient  fort  dedans  fon  chafteau  ,  &c  là  il  maintient 
fes  opinions  ,  mefprifant  en  diueriès  fortes  les  clefs  de  l'eglife  ,  U  la  puiiTance  Ar- 
chiepifcopale. 

O  r  nous  auons  fait  proclamer  à  haute  voix  ledit  feigneur  Iean  Oldeaftel,  défia  cité 
comme  deifus:&:  d'autant  qu'après  auoir  efté  ainfî  proclamé  par  nous  ,&  longuement 
att  endu,il  n'eft  point  toutefois  comparu,nous  fauons  réputé  contumax,comme  il  eft, 
&;  pour  la  peine  de  ceftefienne  contumace,nous  l'auons  alors  &  là  mefmc  excommu- 
nié par  cicrit .  Et  pource  que  de  la  fuite  des  chofes  fuidites,  &c  par  autres  indices  ma- 
nifeftes  &c  fai&s  cuidcns,nous  auons  conceu  que  ledit  feigneur  Iean  Oldeaftel,  diCt  de 
Cobham,pour  maintenirfon  erreur,  fefortifie  contre  les  clefs  de  reglife,ainiîqu'ilae- 
fté  dit,fous  la  couuertur'e  defquelles  chofes,il  y  a  vne  véhémente  foufpeçon  qui  fe  leue 
contre  ledit  Seigneur,nous  auons  ordonné  qu'iceluy  feroit  derechef  perfonnellement 
cité,s'il  peut  eftre  faiii,iinon  qu'il  foit  cité  par  edict,à  ce  qu'il  comparoiiTe  deuant  nous 
le  Samedi  après  lafefte  defainct  Matthieu  Apoftre&  Euangeliftc  prochainement  ve- 
nant , pour propofer  en  perfonne  quelque caufe  raifonnable, iîaucuneilena,pour- 
quoy  on  ne  doiue  procéder  contre  luy  à  chofes  plus  gxieues,comme  contre  vn  héréti- 
que public,  &ichifmatique,& ennemi  de  toute  l'eglife,  pourquoy  auiîi  on  ne  le  doi- 
ue prononcer  pour  tel,&  pourquoy  on  ne  doiue  inuoquer  le  bras  feculier  contre  luy  fo 
lennellement,&  femblablement  pour  refpondre  plus  outre,pour  receuoir  &:  faire  tout 
ce  que  la  iuftice  confeillera  touchant  les  chofes  fufdites .  Au  terme  prédit,  aiîauoir 
le  Samedi  prochain  après  la  fefte  iâinft  Matthieu,  qui  eft  le  x  x  1  11.  iour  dudit  mois 


L/wo  /.  Jean  Oldcaftel. 

de  Scptembre,honnorables  feigneurs  nos  confreres,mohiieur  Ricnârd  euefqtic  de  Lô 
dres ,  &  monlieur  Henri  euefque  de  Vuynton ,  &  moy  fufmes  aifis  au  fiege  iudicial,au 
lieu  du  chapitre  de  leglife  de  S.  Paul  de  Londres, &:  là  comparut  en  perionne  deuant 
nous  meflire  Robert  de  Morlay  cheualier ,  garde  de  la  tour  de  Londres,&  amena  aucc 
lby  ledit  feigneur  lean  Oldcaftel  cheualier,>&  le  repreientadeuat  nous .  car  les  archers 
&c  officiers  du  Roy  l'auoyent  pris  vn  peu  auparauant,  &:  enferré  en  la  tour .  Or  comme 
ledit  Oldcaftel  eftoit  là  pcrfonnellement  prefent ,  nous  luy  recitafmes  tout  l'ordre  du 
fai£t,felon  qu'il  eft  contenu  es  a&es  du  iour  precedent,&:vlafmes  de  propos  bons  &c  mo 
deftes,&:  d'vne  façon  fort  gracieufe:affauoir  comment  ledit  feigneur  lean  Oldcaftel  a- 
uoitefté  décelé  &accufé  fur  les  articles  ci  de/Tus  recitez  en  l'aiTemblce  des  Prélats  &: 
du  Clergé  denoftre-dite  prouince ,  ainfi  qu'il  a  efté  dit, &:  comment  il  a  efté  cité,  &:  de- 
puis excommunié  à  caufe  de  là  côtumace.Et  puis  qu'on  en  cftoit  venu  iufques  là,  nous 
nous  preléntafmesprefts  pour  l'abibudre .  Toutefois  ledit  feigneur  lean  Oldcaftel  ne 
prenant  nullement  garde  à  vne  fi  gracieufe  offre  &  bénigne ,  dit  qu'il  reciteroit  volon- 
tiers deuant  nous  &  meldits  confreres,fa  foy,laquelle  il  tient&:  afferme:  &c  après  auoir 
demand  é  conge,&  que  luy  eufmes  ottroy é  ce  qu'il  demandoit,il  tira  de  fon  fein  vn  cer- 
tain papier,&  lcutiufqu'au  bout&  publiquement  deuant  nous  tout  ce  qui  eftoit  con- 
tenu en  ce  papier,&  nous  bailla  de  faid  ce  papier,&  la  refponfe  des  articles  fur  lcfquels 
il  a  efté  examiné.    Or  voici  quelle  eft  fa  confefliori. 

Déclaration  de  la  foy  que  tcnoit  mefsire  lean  Oldcaftel  feigneur  de  Cobliam. 

O  Y  lean  Okicaftel,&:c.defire  que  ceci  foit  fait  notoire  à  tous  Chrcftiens,&:quc 
Dieu  foit  appelé  pour  iuge,que  ie  n'ay  iamais  eu  intention,^  n'auray,  moyennat 
fa  grâce,  que  de  receuoir  en  ferme  foy  &c  indubitable  les  Sacrcmens  d'iceluy,  lef  quels  il 
a  ordonnez  luy-mefme  pour  le  falut  de  fon  Eglife .  D'auantage,ie  délire  bien  d'expofer 
plus  clairement  ce  que  ie  fens  de  ma  foy ,  par  les  quatre  fortes  qui  s'enliiiuent:  Premiè- 
rement ie  croy  qu'au  vénérable  facrement  de  la  Cene  nous  prenons  le  corps  de  Chrift 
fous  les  efpcccs  &c  figure  du  pain  &c  du  vin ,  iceluy  mefme  (di-ie)  qui  eft  nay  de  la  vierge 
Marie,qui  a  efté  crucifié,  mort,  &c  enfeucli,&  finalement  reflufeité  le  troifieme  iour  a- 
pres  fa  mort,&:  a  efté  eflcué  à  la  dextre  du  Pere  immortel,&:  triomphe  maintenant  &  à 
iamais  auec  luy,eftant  participant  de  la  gloire  éternelle  .  Et  quant  au  làcrement(qu'ils 
nomment)de  Penitencc,voici  quelle  en  eft  ma  foy  :  le  croy  qu'elle  eft  grandement  ne- 
ceflàirc  à  vn  chacun  qui  afpire  à  falut ,  aftauoir  qu'il  corrige  fa  vie  pecherefTe:  &:  qu'il  fe 
faut  tellement  repentir  de  fa  vie  pafîée  par  vraye  confcfTion ,  &  contrition  non  feinte, 
telle  qu'elle  nous  eft  déclarée  par  les  fam&esEfcritures,  autrement  il  n'yanulleefpe- 
rance  de  falut.Pour  le  troifîeme,telle  eft  mon  opinion  touchant  les  Images ,  qu'elles  n 
appartiennent  point  à  la  vraye  foy:  vray  eft  qu'après  que  la  foy  Chrcftienne  a  efté  intro- 
duite au  mondc,elles  ont  efté  mifes  en  vfage  par  permifîion ,  pour  feruir  de  calendrier 
L^enTrlr"  aux  laies  &:  ignorans,&:  afin  que  par  leur  aduertilîément  on  fepropofe  deuant  lesyeux 
des  ignoras  plus  facilement  les  pallions  &:  faintts  exéples  tant  de  Chr  ift  que  de  fes  fidèles  &c  faincts 
fcruiteurs.Mais  veu  l'abus  d'vne  telle  reprcfentation,&:  qu'on  attribue  aux  images  des 
Saintts  qu'elles  reprefentent,ce  qui  appartient  à  celuy  auquel  tous  les  Saincls  doiuent 
honneur  &  reuerence:&:  mettans  en  eux  la  fiance  qui  doit  eftre  transférée  à  Dieu  feul: 
&:  dauantage  qu'ils  foyent  tellement  afFe&ionnez  enuers  ces  images,qu'ils  y  foyent  at- 
tachez,ou  qu'ils  Ibycnt  plus  deuçts  à  l'vne  qu'à  l'autre:  mon  opinion  eft  que  tels  com- 
mettent idolâtrie ,  &:  vn  péché  capital  contre  Dieu ,  auquel  appartient  tout  honneur, 
gloire  &  louange .  Finalementie  fuis  ainfi  perfuadé, qu'il  n'y  a  nul  habitant  en  terre  ici 
bas,qui  ne  foit  en  pèlerinage  ou  pour  aller  à  la  vie,ou  pour  tendre  aux  tourmens ,  Or  lî 
quelcun  reiglc  tellement  fa  vie ,  qu'il  tranlgrelTe  les  commandemens  &C  ordonnances 
de  Dieu ,  encore  qu'il  ne  les  fâche ,  ou  qu'il  ne  les  vueille  fauoir,  il  ne  faut  pas  qu'vn  tel 
efpcrc  falut ,  combien  qu^il  fepourmenepar  tous  les  bouts  &:  coins  de  tout  le  monde. 
Au  contraire,  celuy  qui  gardera  les  fain&es  ordonnances  de  Dieu,  ne  pourra  périr,  en- 
core cm'il  ne  face  aucun  voyage  ou  pèlerinage  en  toute  fa  vie ,  en  quelque  lieu  que  ce 
foir,ou  les  hommes  abufez  ont  accouftumé  d'aller  en  pèlerinage. 

Extrait  du  procez  dos  Ecclclïaftiques  contre  I«dit  feigneur  de  Cobham. 

PRES  que  ledit  feigneur  lean  Oldcaftel  eut  luy-mefme  leu  iufques  au  bout 
tous  les  articles  qui  cftoyent  contenus  en  ce  papier ,  nous  confultafmes  auec  plu- 
sieurs 


JeanQUcapt. 

iieurs  Do&eurs  fauans:&  finalement  du  confentement  &:  félon  le  confeil  d'iceux  nous 
difmes  audit  feigneur  Iean  Oldcaftel:  Voici,monfieur  de  Cobham ,  ce  papier  contienc 
plufieurs  choies  &affez  catholiques:  mais  ce  terme  vous  a  cfté  donné  pour  refpon- 
dre  fur  d'autres  poincts,  Afiauoir  fi  vous  tenez  ,  croyez  &  affermez  qu'au  facrement 
de  l'autel  après  la  confecration  deué'ment  faite,  le  pain  matériel  y  demeure,  ou  non.  I- 
tem  afiauoir  fi  vous  tenez ,  croyez  &:  affermez  qu'au  facrement  de  Pénitence  il  foit  ne- 
ce/Taire  que  le  pécheur  pouuantrecouurervn  Preftre  ordonné  par  l'Eglife  *  confeffe  à 
ce  Preftre  fes  péchez  &offenfcs.  Apres  que  ledit  Oldcaftel  eut  dit  plufieurs  chofes  &£ 
diuerfes ,  il  refpondit  expre/femét ,  qu'il  ne  vouloit  point  autrement  refpôdre  en  quel- 
que forte  que  ce  fuft,que  félon  ce  qui  eftoit  contenu  audit  papier.  Parquoy  ayans  com- 
paffion  dudit  feigneur  Ican  Oldcaftel,  nous  parlafmes  là  melme  à  luy  dvne  façon  dou- 
ce &  benigne,en  celle  forte  :  Monfieur  de  Cobham,aduifez  bien  à  vous .  car  fi  vous  ne 
refpondez  clairement  aux  chofes  qui  vous  font  obie&ecs  au  terme  competat  qui  vous 
aefte  défia  donné  par  le  luge,  nous  vous  pourrons  prononcer  &  déclarer  hérétique. 
Mais  ledit  Oldcaftel  tint  bon  comme  deuant,  &:  ne  voulut  point  refpondre  autremeti 
Tovtï  s  f  o  i  s  apres  cela  nous  prinfmes  confeil  auecnofdits  confreres,&:  declaraf- 
mes  audit  Oldcaftel  ce  que  la  fàin&eeglifeRomaine  fuyuant  les  tefmoignagcs&aduis 
defainft  Auguftin,defain6t  Ambroife>&defain&  Hierome&des  autres  fàin&s  Do- 
cteurs, a  déterminé  fur  cefte  matière  :  &C  qu'il  faut  que  tous  bons  catholiques  obferuét 
telles  déterminations.  A  quoy  ledit  Oldcaftel  refpondit,  qu'il  auoit  voulu  croire  volô- 
tiers&  garder  cequiaefté  ordonné  &:  déterminé  parlafain&e  Eglife ,  &:  tout  ce  que 
Dieu  a  voulu  qu'il  creuft  &  obferuaft:  Mais  il  ne  voulut  pour  lors  affermer ,  que  noftre 
faind  perc  le  Pape,  les  Cardinaux ,  les  Archeucfques  &  Euefques  &  autres  Prélats  de 
l'Eglife,  eufifent  puiffance  de  déterminer  telles  chofes.  Et  encore  pour  cefte  fois-la  no9 
cufmes  compaffion  de  luy  en  efperancc  qu'il  auroit  meilleure  opinion  &  délibération, 
èc  pour  cefte  caufe  promifmes  audit  feigneur  Iean  Oldcaftel  de  mettre  par  ci'cnt  cer- 
taines déterminations  touchant  la  matière  fufdite  j  fur  lesquelles  iceluy  deuft  refpon- 
dre encore  plus  clairement  &  ouuertement,&:  de  les  tranflater  de  Latin  en  Anglois,  a- 
fin  qu'il  les  entendift  plus  facilement.  Sur  quoy  nous  luy  commandafmcs ,  voire  le  pri- 
afmcs  de  bon  cœur,  que  le  Lundy  prochain  fuyuant  il  donnait  fa  refponfe  pleinement 
&:  ouuertement:lefquelles  déterminations  nous  fîfmes  traduire  ce  mefmc  iour,&:  bail- 
ler reaument  &c  de  fait  audit  Oldcaftel  le  Dimanche  prochainement  fuyuant:  defquel- 
les  déterminations  la  teneur  eft  telle  : 

L  a  foy  &  détermination  de  la  faintte  Eglife  catholique  touchant  le  faind  facremét 
de  l'autel  eft  telle  que  s  enfuyt: qu'après  la  confecration  faite  par  le  Preftre  en  la  Mcffe, 
le  pain  matériel  eft  nairnué  au  corps  matériel  de  Chrift,  &:  le  vin  matériel  au  fang  ma- 
tériel de  Chrift.En  cefte  façon  nulle  fubftace  tat  du  pain  que  du  vin,  ne  demeure  apres 
la  côfccration  faite  par  le  Preftre.Que  refpondez-vous  maintenat  à  ceft  article?  Outre- 
plus la  fain&e  Eglife  a  dcterminé,qu 'il  faut  necefiairemét  que  tout  homme  Chreftien 
viuant  ici  bas  en  terrc,côfefîe  fes  péchez  au  Preftre  ordonné  par  l'Eglife,  s'il  en  peut  re- 
couurer  quelcun.Quelle  eft  voftre  opiniô  fur  ceft  articlerChrift  a  ordôné  S.Pierre  pour 
fon  vicaire  ici  bas  en  terre ,  qui  a l'eglife  Romaine  pour  fon  fiege ,  luy  permettant  &c  ot- 
troyat  telle  liberté  qu'il  a  dônee  à  S.Pierre  &  aux  fucceffeurs  de  S.Pierre,  qui  font  main 
tenant  appelez  Papes  de  Rome ,  par  la  puilfance  ou  authorité  defquels  les  Prélats  font 
particulièrement  conftituez&ordônez  aux  Eglifes,  afiauoir  Archeuefqucs, Euefques, 
Curez^i  autres  ordres  Se  degrez  Ecclefiaftiques,  aufquels  le  peuple  Chreftié  doit  ren- 
dre obeifTance  félon  les  traditiôs  de  Teglifé  Romaine.Outrepl9  la  fain&e  Eglife  a  déter- 
miné., qu'il  eft  neceffaire  à  tous  Chreftiens  de  faire  pèlerinages  aux  lieux  fain£ts,&:  là  Lcsaducr- 
principalement  adorer  les  fain&es  reliques  des  Apoftres,Martyrs&  ConfefTeurs,&:de  k^10^01" 
tous  les  faincts  que  l'Eglife  Romaine  a  approuuez.  Que  fentez-vous  de  ceft  article?  procci. 

Avqvei  iourde  Lundy,  afiauoir  le  xxv.  dudit  mois  de  Septembre,en  noftre  pre- 
fence&denos  confrères  fufdits ,  ayans  âdioint  âuec  nousnoftre  vénérable  frère  Be- 
noift  par  la  grâce  de  Dieu  eucfque  de  Bangore ,  par  noftre  commandement  &c  ordon- 
nance fe  trouucrent  là  nos  confeilliers ,  nos  miniftres  &  autres  officiers ,  afifauoir  Mai- 
ftre  Henry  V  vâre  officiai  de  noftre  cour  de  Cantorbie ,  Philippes  Morgan  docteur  en 
chacun  droit,  Hovvel  Kyffin  docteur  en  Decret,Iean  Kemp  &  Guillaume  Karletô  do- 
reurs es  loix,&:  Iean  Vvitnam^Thomas  PalmeryRobert  Vvombevvel,Iean  Vvitheady 

h.iiii. 


L/Vrfro  /.  fan  Oldcaftel 

Robert  Chamberlayne,  Richard  Dodyngtone,&:  Thomas  Vvalden>tous  Docteurs  en 
Theologic:Ité  laques  Cole  &:  Iean  Stenyns  nos  notaires  appelez  pour  cela. Et  tous  ont 
mis  la  main  fur  les  fainds  Euâgiles  de  dôner  leur  côteil  fidèle  fur  ladite  matière  ôaoute 
la  cauic.  Aufli  coparut  ledit  fcigneur  Robert  deMorlay  cheualier,capitaine  &garde  de 
la  tour  de  Lôdres^  amena  aueciby  ledit  feigneur  Oldcaftel:  Auquel  nous  recitafmcs 
gracieufement  &:  de  bonne  forte  les  ades  du iour  précèdent:  &:  comme  nous  auiôs  fait 
au  parauâtmous  luy  declarafmes  cornent  il  auoit  efté  excômunié,&:  eft  encore,&:  nous 
lepriafmes&requifmesde  nous  donner  vnerefponfe  claire  &ouucrte  fur  les  articles 
qui  luy  auoyent  efté  propofez,&  premièrement  quant  au  facrcment  de  l'Euchariftic. 
Deux  natu     S  v  r  lequel  article  il  refpondit  entre  autres  chofes,que  comme  Chrift  conuerfant  i- 
CJbri^efU'  c*  ^as  cn  terre' a  eu  en  ^  ^  ^a  nature  diuine ,  &:  la  nature  humaine  :  la  diuinité  toutef- 
"  '     fois  couuerte  &:  cachée  fous  rhumanité  qui  eftoit  vilible  en  luy  :  femblablement  au  fa- 
crement  de  l'Euchariftie  il  y  a  le  pain &:  le  corps  qui  nous  font  donnez ,  aflauoir  le  pain 
que  nous  voyons,8de  corps  de  Chrift ,  lequel  nous  ne  voyons  point:&:  nia  expreffemét 
que  lafoy  touchant  ce  facrement  déterminée  par  l'cglife  Romaine  &c  par  les  làinds  Do 
c\eurs,fuft  la  determinatiô  de  la  fainde  Eghfc.  Et  h*  c'eftoit  la  détermination  de  l'Eglife 
(difoit-il)qu'elle  eftoit  faite  contre  la  fainde  Efcriture,&:  que  cela  a  efté  depuis  qu'on  a 
Touchant  donné  des  rentes  à  l'Eglife,&:quc  le  poifon  y  a  efté  efpandu,&:  non  point  deuant.Pareil 
&cCn'ftéfC  ^emenc  4uant  au  facrcment  de  Pénitence  &£  de  Côfefîion,il  a  dit &:  affermé  expreffe- 
fion.°n  C    ment  la  mefme ,  que  fi  quelcun  eftat  en  quelque  grief  peché,ne  s'en  pouuoit  releuer,il 
feroit  bon  &c  expédient  à  vn  tel  de  s'adreffer  à  quelque  Preftrefaind  &:  diferetpour  a- 
uoir  confeil  de  luy:  mais  qu'il  ne  luy  eftoit  point  neceflaire  pour  obtenir  falut,  de  cofef. 
fer  fon  péché  à  fon  propre  Curé, ou  à  quelque  autre  Preftre,encore  qu'il  le  peuft  recou 
urend'autant  qu'vne  telle  offenfe  pourroit  eftre  effacée  par  contrition  feulement,&:  le 
pécheur  mefme  en  pourroit  bien  eftre  purgé. 

O  r  quant  à  l'adoration  de  la  fainde  croix ,  il  a  dit  &C  afferma  la  mefme  ,  qu'il  falloit 
feulement  adorer  le  corps  de  Chrift  qui  eftoit  pendu  en  la  croix.car  ce  feul  corps  a  efté 
&  eft  la  croix  digne  d'adoration.  Et  eftant  interrogué  quel  honneur  il  faifoit  à  l'image 
de  la  croix,  il  refpondit  par  parolles  expreffes ,  qu'il  ne  luy  faifoit  point  autre  honneur, 
finon  qu'il  la  nettoyoit  bien,&  la  mettoit  en  bonne  garde. 

Ovtreplvs  quantàlapuiffanccdcsclefs,&:quantànoftre  feigneur  le  Pape,  A  r- 
cheuefques,Euefques&:  autres  Prelats,il  a  dit  que  le  Pape  eft  vray  Antechrift,&:que  fes 
Archeuefques,Euefques  &:  autres  Prélats  fes  membres  &  frères  font  la  queue  del'An- 
techrift, comme  le  Pape  en  eft  le  chcÊaufquels  on  ne  doit  nullement  obéir ,  affauoir  au 
Pape,  aux  ArcheuefqueSjEuefques  Vautres  Prélats,  finon  entant  qu'ils  feront  imita- 
teurs de  Chrift  &:  de  Pierre  en  vie  &c  mœurs  &:  conuerfation ,  &c  celuy  qui  eft  meilleur 
en  vie  &c  eft  plus  pur  en  fa  conuerfation, eft  fucceffeur  de  Pierre,  &non  point  autremet. 
En  outre  ledit  feigneur  Oldcaftel  a  dit  à  haute  voix&:  eftendant  les  mains  en  haut  ,  a- 
drefTant  fon  propos  à  ceux  qui  eftoyét  là  prefens:  Ceux-ci  qui  iugent,&:  qui  me  veulent 
condamner,vous  jeduiront  tous,  &  ils  vous  mcnerôt&  eux  mefmcs  en  enfer  :  &:  pour- 
tant donnez-vous  garde  d'eux. 

O  r  après  qu'il  eut  dit  toutes  ces  chofes,nous  parlafmes  audit  Oldcaftel  auec  larmes, 
&  continuafmes  par  plusieurs  fois,  l'exhortant  par  parolles  autant  qu'il  nous  fut  poJfïi- 
ble,  à  ce  qu'il  retournait  à  l'vnité  de  l'Eglife ,  qu'il  creuft  &  tint  ce  que  l'cglife  Romaine 
croit  &:  tient  :  Lequel  toutesfois  rcfptondoit  expreffement  qu'il  ne  croyoit  &:  ne  tenoit 
finon  ce  qu'il  auoit  défia  déclaré.  Voyans  donc  que  nous  ne  peufmes  de  rie  profiter  en- 
tiers luy,comme  cela  eft  apparu ,  finalement  auec  vne  amertume  de  cœur  nous  vinf- 
mes  à  prononcer  la  fentence  dimnitiue,  en  la  teneur  qui  s'enfuit: 
côtre  oïd  1111!  n°m  ^C  ^cu>  Amen.  Nous  Thomas  par  la  permifîion  diuinc  Archeuefque  &s 
caftel.  (Semble  miniftre  de  la  faîde  eglife  de  Câtorbie,  primat  de  tout  le  royaume  d'Angle 
terre,&:Legat  du  fiege  Apoftolique:En  certaine  caufe  ou  matière  de  peruerfîté  hereti- 
que,fur  diuers  articles  fur  lefquels  le  feigneur  Iean  Oldcaftel  feigneur  de  Cobha,  cn  la- 
dernière  aflemblee  du  Clergé  de  noftre  prouinec  de  Catorbic,tcnuè  en  noftre  prefen- 
ce  en  l'eglife  de  S.  Paul  de  Londres ,  fut  décelé  &:  acculé  deuat  nous  après  diligente  in* 
quifition  faite  là  mefme,&:  notoirement&:  publiquement  diffamé  par  noftre  prouince 
de  Cantorbic,  à  la  dénonciation  &requefte  de  tout  le  Clergé  enlafufdite  affemblec 
faite  deuant  nous ,  procedans  contre  luy  auec  aufîi  grande  faueur  qu'il  nous  a  eftç, 

pofli- 


pan  Oldcaftel  47 

poflîble(Dieu  nous  en  cft  tcfmoin  )  &  fuyuans  1  'exemplede  Chrift  >  qui  ne  defîre  point 
la  mort  du  pécheur,  ains  plus  qu'il  fe  conuertuTc&:  qu'il  viue,  nous  tafehions  de  le  cor- 
riger, &  par  toutes  les  façons  éc  moyens  qu'il  nous  eft  po/fible ,  le  réduire  à  l'vnicé  de  1-  °  hïpàafc 
Eglife, declarans  à  luy  mefme  cequel'eglife  Romaine  &vniuerfclleenfeigne, tient*  fonge™"" 
adeterminé^prelcheen  ccft  endroit.  Eciafoit  que  l'ayons  trouué  defuoyé  enlafoy 
Catholique,  &  d'vn  col  il  dur  qu'il  n'a  point  voulu  confeffer  l'on  erreur ,  ou  fe  purger  d'- 
iceluy,  ny  aufli  le  deteftentoutesfois  ayans  compaffion  de  luy  d'vne  afFe&ion  paternel- 
le, &  deiirans  fon  falut  d'vn  bon  cœur ,  nous  luy  afïignafmes  certain  terme  competant 
pour  délibérer ,  &:  pour  fe  repentir ,  s'il  euft  voulu,&  pour  fe  reformer  foy-mefme:  &c  fi- 
nalement d'autant  que  nous  i'auons  veu  incorrigible ,  ayas  premièrement  obferué  les 
chofes  qui  font  requifes  de  droit  en  cela,  auec  douleur  &c  amertume  de  cceur>nous  pro- 
ecdafmcs  iufques  à  prononcer  la  fentence  diffinitiue  en  cefte  façon: 

Apre  s  auoirinuoqué  le  nom  de  Chrift,&:  l'ayans  feul  deuant  nos  yeux,pource  que 
par  les  a&es  &  procedures,produdions,lignes  manifeftes,  euidens  &:  diuers  indices,^ 
auec  ce  diuerfes  fortes  de  probations ,  nous  auons  trouué  que  ledit  feigneur  Iean  Old- 
caftel cheualicr  eft  hérétique ,  &:  croyât  aux  hérétiques  contre  la  foy  &c  reuerence  de  la  oldcaftel 
fain&e  eglife  Romaine  &vniuerfelle,&:  principalement  quât  aux  facremés  de  l'Eucha-  j£°ent°n„* 
riftie&  dePenitence,que  comme  fils  d'iniquité  &  des  ténèbres  il  a  tellement  endurci  retl<luc' 
fon  cœur;  qu'il  nentéd  point  la  voix  de  fon  pafteur,&  ne  foufFre  point  d  eftre  attiré  par 
admonitions,  ny  eftre  réduit  par  douceur  :  ayans  premièrement  efpluché ,  ^diligem- 
ment confiderc  les  mérites  de  la  caufe  fufdice ,  les  fautes  &  démérites  dudit  feigneur 
Iean ,  aggrauez  par  fa  damnable  obftination  :  ne  voulans  point  que  celuy  qui  cft  mel- 
chant ,  (bit  fait  encore  plus  melchant ,  &  qu'il  infe&e  les  autres  de  fa  contagion ,'  par 
le  confeil  &  du  confentement  de  gens  de  grande  diferetion  &  fapienec  nos  vénérables 
frères,  monfieur  Richard  euefque  de  Londres,  monfieur  Benoift  euefque  de  Bangore, 
moniieur  Henri  euefque  de  Vvynton,&  autres  dodeurs  en  Theologie,en  droit  Canon 
&  en  droit  Ciuil,  &c  autres  perfonnages  fauans  &  religieux ,  qui  affiftoyét  là  auec  nous, 
auons  iugéjdeclaré  &:  côdamné  fententiellement ,  ôZ diffinitiuement  en  ces  eferits  le- 
dit feigneur  Iean  Oldcaftel  cheualier,feigneur  de  Cobham,conuaincu  de  ceft  erreur 
deteftablc,&  ne  voulant  point  par  pénitence  retourner  àleglifccomme  hérétique 
és  chofes  que Teglife  Romaine  &  vniuerfelle  ticnt,enfeigne,  a  déterminé  &  prefche,&: 
errant  principalemét  és  articles  defufdits,le  lanTans  dés  cefte  heure-ci  corne  hérétique 
au  iugement  feculier.  Et  neantmoins  auons  aufîi  excommunié  en  ces  efcrits,&  dénon- 
çons pour  excommuniez,  &  luy  qui  eft  heretique,&:  tous  les  autres,  &vn  chacun  qui 
dorefenauât  aura  ou  auront  dôné  faueur  audit  Oldcaftel,  &  qui  l'aura  ou  auront  défen- 
du, qui  luy  aura  ou  auront  donné  confeil,ayde  ou  faueur  en  ceft  endroit ,  comme  rece- 
leurs, fauteurs  &  defenfeurs  des  hérétiques.  Et  afin  que  ces  chofes  fufdites  foyent  fai- 
tes notoires  à  tous  ceux  qui  croyct  en  Chrift ,  nous  donnons  commifÏÏon  &c  mandemét 
à  voftre  fraternité,  qu'vn  chacun  de  vous  déclare ,  publie  &:  expofe  à  haute  voix  &  in- 
telligible &c  en  langue  vulgaire  félon  qu'il  eft  plus  amplement  contenu  en  ce  procez, 
que  comme  il  a  efté  dit ,  ledit  feigneur  Oldcaftel  a  efté  &:  cft  condamne  hérétique  par 
nous,&auffifchifmatio^ue,&:c.  Si  voulons  &c  ordonnons  que  vous  refermiez  &  faciez 
entendre  de  mot  à  mot  a  vn  chacun  de  nos  confrères,  fufFragans  de  noftre  prouince  de 
Catorbie;afin  qu'vn  chacun  d'eux  en  fa  ville  &  diocefe  publie,  intime  &  déclare  la  ma- 
nière &C  forme  de  ceftuy  noftre  procez,  &aufli  la  fentence  qui  a  efté  donnée  par  nous, 
&c  toutes  autres  chofes  qui  font  là  contenues,  &  que  fcmblablement  ils  les  facent  pu- 
blier par  leurs  fuiets  &  Curez.  Et  au  refte ,  que  vous  nous  certifiez  &  eux  aufîi ,  du  iour 
de  la  réception  des  prefentes,  &de  ce  que  vous  aurez  fait  des  chofes  fufdites ,  &  com- 
ment vous  aurez  exécuté  ceftuy  noftre  mandemcnt,&:  eux  aufîi.  Donné  au  manoir  de 
Maydefton,  le  x .  iour  du  mois  d'O&obre  l'an  M.cccc.xiu,&de  noftre  tranfpor- 
tement  Tan  xvni. 

Or  c  eft  cy  le  procez  fait  par  les  Euefques,&  eferit  de  leur  ftyle,  contre  ce  noble  che-  La  ««t 
ualier  de  Chrift  Iean  Oldcaftel  feigneur  de  Cobham.Incontinent  que  fentence  capita  5ufe^ncuf 
le  eut  efté  prononcée  contre  luy ,  il  fut  relegué,&  mené  par  Robert  Morlay .  Apres  qu  -  de  Coblû. 
il  eut  demeuré  quelque  temps  au  lieu  de  fon  banniiTement ,  il  en  fut  mis  hors  par  ie  ne 
fay  quelle  façon,  &  s'enfuit  en  Vvallie,où  il  demeura  quatre  ans  entiers.  ^Durant  ce 
temps  ceft  Archeuefque  Thomas  Arundel  mourut  l'an  m.c  c  c  c.&x  v  .(félon  que  re« 


•Martyrs. 


La  mon  e-  cite  Thomas  de  Gafcognc  en  fon  diftionairc  TheologifjaeJdVne  effrange  &  horrible 
ftrangc  de  mort.  La  langue  luy  deuint  fi  enflée  &  groiTe,quelle  luy  rempli/Toit  toute  la  bouchcrde 
«cheuef el  manière  que  quelques  iours  auant  Ta  mort  il  ne  pouuoit  rien  aualler  ne  meftnc  parler: 
que  de  à-  &  mourut  comme  affamé  en  grand  defefpoir.  Plufieurs  difoyent  eh  Angleterre  que  c  - 
torbic.      e^oit  ^  cau(-e  qU'en  fon  temps  il  auoit  lié  la  pârolle  de  Dieu ,  &  par  grandes  cruautel 
empefché  le  cours  d'icelle:Comme  nous  auons  veu  n'agueres  en  Thiftoirc  de  G.  Thor»- 
pe.  Henry  Chicley(ou  Chichel)luy  fucceda  comme  nous  verrons  en  l'hiftorrc  de  Iean 
Puruey. 

Cependant  grands  troubles  furent  cfmeus  parles  Eucfques  contre  la  religion 
de  Chrift  par  tout  le  royaume  d'Angleterre.  En  ce  temps-la  en  la  prouince  de  Vvallie, 
il  y  auoit  vn  gouuerneur  de  Tordre  des  Sénateurs ,  nommé  Pouiz.  Ceftuy-cy  fut  induit 
par  les  douces  . parolles&  prefensdesEuefques*&  fousvn  faux  femblant  d'amitié  il 
trahi:  le  Seigneur  de  Cobham ,  &  par  fes  menées  il  fît  tant  qu'il  le  mena  à  Londres.  E- 
ftant  là  attiré ,  il  fut  condamné  d'herefie  &C  de  crime  de  lefe  maiefté  félon  la  loy  &c  edjc 
que  le  roy  Henry  cinquième  auoit  fait  contre  les  Vvicleuicns  ,&  ferré  prifonniercn  la 
tour  de  Londres.  Bien  toft  après  il  fut  tiré  de  là,  ayant  les  mains  liées  par  derricre,&:  on 
le  mit  fur  vne  claye ,  ôc  puis  tût  mené  au  champ  fainft  Gilles ,  qui  eft  le  lieu  ou  on  exé- 
cute les  malfaiteurs.  Il  auoit  vne  chaine  à  l'entour  du  corps;  6c  on  le  guinda  en  l'air  tÔC 
audefTousde  luy  on  entaflavn  monceau  de  bois  :U  là  ce  vaillant  Martyr  futbruflé  a- 
uec  grande  confiance.  Le  peuple  fut  fort  marry  de  voir  vn  tel  fpe&acle.  Et  cependant 
les  Euefques  faifoyent  toute  diligence  d'admonnefter  le  peuple  que  nul  ne  priaft  pour 
fon  ame,ainscme  tous  le  tinilènt  pour  vn  hérétique  damné  >comme  ccluyqui  eftoic 
mort  Scdecede  de  ce  monde  hors  lafoyfc  obeilfance  du  Pape.  Et  en  celle  forte  ce 
faind  Cheualieracheuant  le  cours  de  fa  vie,  &  recommandant  fon  ameà  Dieu,&  priât 
pour  lefalutde  fes  ennemis,  après  auoir  exhorté  le  peuple  à  s'adonner  à.  la  vraye  foy 
&  pure  Religion ,  rendit  fon  efprit  au  Seigneur ,  l'an  m.  c  c  c  c  *  xrm. 


M.  CCCC. 
XX. 


Les  lettres 
&  le?  lan- 
gues, mefla 
gerçj  de  la 
rerité. 


HENRY 
RADT- 

geber; 


B?leusti- 
ftorico. 


HENRY    GRVNFELDER,  &  autres  Martyn 
exécutez  en  Alemagne. 

E  fang  de  Hus  &:  de  H.de  Prague  neft  pas  tombé  en  terre  pour  eftre  eftouf- 
^  fé  ,  mais  a  fru&ifïé  de  manière  incroyable  non  feulement  en  Bohême , 
H  RKM  niais  auffi  au  pays  4' Alemagne.  Et  Dieu  a  manifeftement  monflré  depuis 
et_;iwj^ï  Ce  temps,  vn  changement  des  chofes ,  faifant  renaiftre  les  Langues  com- 
me meflagere&,  &:  les  Arts  comme  fourriers  de  la  maiftrefle  Vérité  :  kquelle  inconti- 
nent eft  venue  en  auant  auec  fplendeur  du  trefclair  foleil ,  aiTauoir  la  prédication  de  1- 
Euangilc,  en  laquelle  plufieurs  de  ce  temps  ont  excellé,eftans  munis  de  toutes  chofes 
necefl'airescontreles  ténèbres.  Plufieurs  s  y  font  portez  fort  dextrement  :  &  non  feu- 
lement ont  ramené  la  Théologie  en  ià  naturelle  &  première  pureté,  mais  auflî  ont  en~ 
duré  le  martyre  pour  plus  ample  atteflationd'iccllc.  Entre  autres  vn  nommé  maiflre 
Henry  Grunfelder ,  d'vn  ordre  de  Preftrife  eflant  appelé  à  l'ordre  de  Iefus  Chrift ,  fut 
bruflé  en  la  ville  de  Reinfbourg,  fan  du  Seigneur  m  .  c  c  c  c .  x  x . 

^Tr  ois  ansapres,  He  nu  Ra d  t  g  e  b  e  R,decemefmeordre  de  preftrife  Pa- 
pale, a  vaillamment  combatu  &:  enduré  la  mort  cruelle  pour  la  profelBon  del'Euangi- 
leen  l^fufdite  ville  de  Reinfbourg:  cefuclan  Mille  quatre  cens  vingttrois.  Clt  an 
Draendorf,  de  noble  xnaifon  du  pays  de  Mifne ,  fut  exécuté  à  Vvormes  l'an  fuy- 
uant ,  afTauoir  Mille  quatre  cens  vingtquatre.  ^Et  Pierre  Tora  vv,  depuis  aui 
fi  fut  martyrifé  en  la  ville  de  Spire ,  l!an  Mille  quatre  cens  vingtfix.Et  de  tous  ccux-cy 
Iean  Baleus  en  fon  liure  Des  hommes  illuftres  d'Angleterre,  a  donneteJ&aoignage  de 
leurs  nom  s  Sf  furnoms.  •  Reuenons  maintenant  à  ceux  d'Angleterre» 


IEAN 


m 

IEAN    PVRVEY,  Anglois. 

Ce  perfoniuge  difciplc  de  VviclefF  eft  autheur  du  recueil  d'vn  commentaire  fur  l'Apocalypfe  imprimé  à  Vvitembergue  if  z8. 
eferit  deuant  cent  ans  :  par  la  fupputation  duquel  au  13.18c  au  commencement  du  iccha.  appert  auoirefte  fait  l'an  1390.& 
parle  là  du  grand  tremblement  de  terre  qui  cftoit  en  l'an  i38a.lors  que  la  doctrine  de  Vvideif  fut  condamnée. 

I  nous  dcuons  tirer  exemple  d'aucuns  pour  eft  re  conduits  à  ce  que  de  cou-  cc 
rage  délibéré  nous  côl'acrions  nos  vies  au  tefmoignage  de  l'Euagile  de  îe- 
fus  Chrift,  il  faut  que  ceux  qui  ont  en  celte  première  aulbe  du  iour  précé- 
dé,loyent  aufli  propofez  pour  guides.  A  ce  kan  Puruey  homme  de  renom  Ican  Bjlcu* 
&  authorité  en  la  profeflion  des  arts ,  les  Hiftoriographes  A  nglois  rendent  j^mm^iï 
tefmoignage  qu'en  ce  temps  il  endura  plufieurs  cruels  tourmens  fous  la  tyrannie  des  îuitrcsd'- 
aduerfaires  de  la  vraye  lumière.  En  fon  premier  aagçileut  pour  précepteur  Ican  Vvi-  AnS,ctcrro 
cleff,  fous  lequel  heureufement  il  apprint  les  rudimés  de  la  vraye  religion,  lefquels  pâr 
fucceffion  de  temps  il  employa  fi  bien  au  feruice  de  Dieu,que  par  fon  fauoir  ioind  auec 
faindeté  de  vie,  plufieurs  brebis  infirmes  &:  defaillies  en  l'examen,furent  retirées  de  la 
gueule  des  loups  &C  ramenées  à  la  pafture  du  Seigneur:  dont  les  aduerfaires  le  nommè- 
rent par  opprobre  le  libraire  des  Lollards,&:  Glofateur  de  VviclefF.  CePurueyen  TE-  Vvaldenus 
fprit  de  Dieu  a  fouftenu  que  Rome  eftoit  le  bordeau  de  Satan:  &  que  fon  eglifc  tant  in-  cf~ 
fecte&defplayee  au  corps,  eftoit  la  paillarde  deferite  en  l'Apocalypfe,  acàouftree  de  Apocal.17. 
pourpre  &  dorée  d'or.auec  laquelle  les  Rois  &  ceux  qui  habitent  en  la  terre  auoyent 
paillardéjs'eftans  enyurez  du  vin  de  fa  païUardife.    Thomas  Arundel  archeuefque  de 
Cantorbery  leperfecutaôcl'emprifonnadés  l'an  1596.&C  partourmens  horribles  lecô- 
traignit  à  la  croix  de  S.  Paul  à  Lôdres  retrader  fept  articles .  Mais  depuis  ce  temps  Pur- 
uey eftant  derechef  emprifonné,  repara  tellement  cefte  faute  &pufTillanimité,  que 
rien  ne  lepeutdiuertirde  laverité.&:  tient-on  qu'il  mourut  en  prifon  l'an  1421.  ayant 
enduré  cruels  &  long  tourmens  fous  Henri  Chichelc  archeuefque  &:  fuccelTeur  d'A- 
rundel,commc  nous  auons  veu  cy  deuant. 


GVILLAVME    TAYLOVR,  Anglois. 

N  ce  temps  après  le  concile  de  Confiance  il  y  eut  grande  perfecution  en  M.CCCC. 
Angleterre  contre  les  vrais  fidèles  &c  fcruiteurs  de  Dieu ,  fous  le  roy  Henry  xXlL 
cinquième.  Entre  autres  M.  Guillaume  Taylour(autrement  Tailleur)  jwo- 
IfeiTeur  és  arts  en  rVniuerfïtéd'Oxone,preft  te,  ayant  eftéinftruit  parla  le- 
"duredesliuresde  VviclefF,  s'oppofa  fort  aux  idolâtries  &  fuperftitions  de 
fon  temps  par  argumens  puifez  des  faindes  Efcritures.  Il  efcriuit  vnliure  contre  L'in- 
uoeation  des  fain&s  trefpafTez:&:  quelques  fermons  vulgaires.  A  la  première  luitte  qu'- 
il eut  contre  les  aduerfaires,  il  ne  fut  pas  fi  ferme  ne  fi  confiant  qu'il  deuoit  :  car  il  fe  re- 
trada  de  neuf  articles  lefquels  il  auoitparauant  fidèlement  fouftenus.  Mais  depuis  e- 
ftant  remis  au  chemin  de  vérité,  il  fut  tellement  fortifié  que  les  mefmes  aduerfaires  le 
firent  brufler  au  marché  de  Londres  le  fécond  iour  de  mars,  m.ccccxxi  i. 

R  E  C  I T  de  quelques  perfonnages  qui  de  ce  temps  en  diuers  lieux  par  leurs  efcrits  fe  font  oppofez  aux 
fupcrftitions  8c  idolâtries. 

En  t  r  e  ceux  qui  eftoyent  renommez  de  quelque  pieté  &:  fauoir,  il  y  auoit  vnnom-  xxyrCC' 
mé  Iean  Barath  natif  de  Hainaut,carme  du  conueritde  Valencienne  &c  dodleur  de  Pa- 
ris qui  a  eferit  De  la  reuclation  des  chofes  diuines,  Dcl'vtilitc  del'Efcriture,  Des  cala-  ^"pfyVblî 
mitez  de  fon  temps:  Vne  poftille  fur  l'Apocalypfe  de  S. Iean  :  &c  autres  traitez.  Il  repro-  de  Flandre, 
choit  aux  Clergé,Prelats&Moinesdefon  temps,  plufieurs  enormitez  pour  lefquelles 
il  leur  predifoit  par  l'Efcriture  qu'en  bref  il  feroyent  en  opprobre  moquerie  &c  detefta* 
tion  a  toutes  gens,pource,dit-il,que  Dieu  mefprife  ceux  qui  plaifentauxhommes^c* 

Iean  Gerfonchâcelierdel'Vniuerfité  de  Paris  au  mefme  téps  taxoit  plufieurs  er- 
reurs &C  abus  de  la  papauté,&  defiroit  qu'ils  fufTent  oftez.  Il  fit  vu  liure  intitulé  Défail- 
lances des  Ecclefiaftiques,  auquel  il  accule  leur  vie  corrompue ,  le  mefpris  du  vray  de- 
uoir  :  &c  prédit  leurs  peines  auenir.  11  efcriuit  aufli  de  l'efprœuue  des  efprits,  De  la  mo^ 


Ieâ  Gerfort 
en  France/ 


Lim<lj  /•  Plufieurs  ^Martyrs. 

Icfle &:  pollution  Je  la  nui£fc  &  du  iour,taxan t  le  Célibat.  Iceluy  eftant  deuenu  poure  Se 

banni  pour  auoir  prédit  beaucoup  de  chofes  véritables,  mourut  finalcmct  à  Lyon  pri- 
uede  toute  dignité. 

Laurent        La  v  r  e  n  t  valle  natif  de  Rome  par  l'es  eferits  qu'il  publie  en  ce  temps ,  defcouure 
Italie. °n    ^  raufletc  de  la  donation  pretenduc  de  Conftantin  :  &:  monftre  que  le  Pape  n'a  aucun 
droit  d'Empire.  Il  redargue  l'ambition ,  orgueil ,  le  Célibat  fophiftique ,  menlbnges  &: 
autres  grandes  mefehancetez.  Pour  cela  il  fut  enuoyé  en  exil  >  mais  le  Roy  de  Naplcs 
le  reccut  honorablement. 
Henry       H  e  n  r  y  Tokcn  chanoine  de  Magdebourg  s'oppofa  auflî  en  fon  quartier  d'Alema- 
Aiemlgnc  8nc  aucc  granc^e  veheméce  aux  fuperftitions,  &:  en  vn  mcfme  temps  defraçina  de  dix- 
huit  lieux  les  idolâtries  :  condamna  par  les  eferits  la  condition  des  mendians  robuftes: 
&c  montlra  clerement  que  le  Concile  cftoit  par  deifus  le  Pape. 


GVILLAVME    VVHYTE,  autrement  le  Blanc. 

N  nommé  Guillaume  Vv  h  y  t  e  anglois  de  Cantie  homme  de  fauoir  &:c- 
j  loque  nt,  sellant  exercé  en  la  le&uredcs  fermons  de  Vviclcff  changea  fa 
condition  de  viure.  Car  ayant  cogneu  les  ordures  de  Ion  premier  eftat  de 
£|3  preftrife  Papale,  fuyuant  la  faillite  ordonnance  de  Dieu  cfpoufa  vne  ieune 
fille  nommée  Ieanne.  Et  ne  laiffa  de  continuer l'œuure  d'enfeigner  qu'il  auoit  comen- 
ccc,fuft  en  publique  ou  en  particulier,^  d'eferire  plufieurs  bons  liures,s'adonnant  à  P- 
vtilité  commune.  En  enfeignant  il  entreiettoitfouuent  ces  articles  ,  alfauoir  qu'il  n'y 
auoit  aucune  remiiïion  des  péchez  linon  de  Dieu  pour  l'amour  de  Iefus  Chrift:  Que  le 
célibat  papiftique  cftoit  vne  inuention  du  diable  pour  mener  les  hommes  à  fodomie. 
Que  les  images  deuoyét  eftre  oftecs  des  teples  des  Chreftiens:  &:  tous  os  &:  reliquaires 
Marcn.13.  (ie  qUCiqUe  trefpalfé  que  ce  fuft.  Il  difoitquel'eglife  Romaine  cftoit  ce  figuier  qui  n'a- 
uoit  que  des  fueilles,&  lequel  pour  la  fterilité  de  Foy,  le  Seigneur  auoit  maudit.  Fina- 
lcmct il  rut  prins  en  la  ville  de  Norvvic  :  5c  dreifa-on  trente  articles  contre  luy,pour  lcl- 
qucls  il  fut  cruellement  bruflé  en  ladite  ville  à  la  pourfuitte  de  l'Eucfqùe  nommé  Guil- 
laumc:Cc  fut  en  Septembre  m.c  c  c  c.xxvi  1 1.  fous  le  roy  Henry  v  1  .eftant  encore  en- 
fuit. Sa  femme  fuyuant  l'exemple  de  (on  marv,ne  ce/Toit  félon  la  faculté  d'inftruire  vn 
chacun:&:  pour  celle  caufe  elle  tut  durement  traitée  parle  mefmcEuefque,commc  en 
a  eferit  Vvaldenus. 


M.  C.C  CC. 
XXX. 


RICHARD  HOVENDEN,  &  THOMAS  B  V  G  LE. 

P  R  E  S  le  couronnement  du  roy  Henry  lixieme ,  il  y  eut  vn  compagnon  de 
meilienairauoircardcur  de  laines, nommé  Richard  Houcnden,  Bourgeois 
de  Londres,  lequel  pour  quelques  perfualions  qu'on luy  leuft  amener,  ne 
peut  eftre  deftourne  de  la  confeflion  de  la  vérité.  Ainh  les  gens  de  iuftice  le 
condamnèrent  comme  hcretiquc:&:  puis  fut  bruflé  auprès  de  la  tour  de  Londres. 

Il  y  eutauiTienl'anfuvuant  Thomas  Bugle,  natif  d'Angleterre,  vicaire  de  la  parois 
fc  de  Mauendcn ,  qui  fut  accule'  d-herefie  parles  ennemis  de  laveritc.  Etau  mois  de- 
Mars  ayant  elle  dégradé  fut  bruflé  l'an  m.  c  c  c  c .  x  x  x  1. 


Mi 


mm. 


P  A  V  L  C  R  A  VV,  Bohémien. 


ESTE  mefme  anneeaflauoir  m.  cccc.xxxi.  Paul  Cravvdu  royaume 
&:  pays  de  Bohemc,futpris  en  Efcofle  auprès  de  faindAndré  par  vn  Euefque 
nommé  Henry,  &:  par  iceluy  liuré  au  bras  feculier  pour  eftre  mis  au  feu,  &c 
_ce  d'autant  qu'il  dilpura  hardiment  contre  les  opinions  desPapiftes,touchat 
l'Euchariftie,  l'inuoeation  des  fain&s  trefpafTez ,  la  confeflion  auriculaire ,  &  quelques 
autres  articles. 

THO. 


Thomat  'Kheden. 


4-9 


THOMAS    RHEDO  N,  de  Bretagne. 

La  procédure  tenue  contre  Thomas  Rhcdon  cft grandement  ncuble:!ccuc!  après  auoir  long  temps  demeuré  en  Italie,  fut  fi- 
nalement bruGe  pour  L  parole  de  Dieu. 


Fran-  Par3tit.11 


Û^'a^Q'  ^  T  O  N  I  N  en  fes  eferits  dit  qu'en  ce  temps  Thomas  Rhcdon, 
£^^W<n  '°*S  °-e  nation, de  l'ordre  des  Carmes,prefcheur  de  renom, après  auoir  plu  dup.io. 
jaîy!Ï*Yfà  fieurs  années  eu  grand  vogue  en  France,  il  luyprint  cnuie  de  voir  l'Italie. 
SC^ÊS  ^  seu"ant  mis  en  la  compagnie  des  ambaifadeurs  de  venife,  vint  à  Rome. 
L'cïpoir  qu'il  auoit  de  rencontrer  en  Italie  quelques  gens  de  bien,  &  liir  tout  à  Rome, 
ville  nommée  famctc,le  fit  quitter  volontairement  laFrance,fe  propofant  de  mieux  a- 
uoir,&:  viure  plus  Chrelliennement .  Mais  il  futfruftré  entièrement  de  fon  elpcrance: 
car  il  trouua  tout  au  rebours  de  ce  qu'il  penloit .  Il  n'y  trouua  que  fard  &:  pure  hypo- 
eniie  pour  toute  fain&eté:  parades  orgneilleufcs,  au  lieu  de  eraces  celcftes:  au  lieu  de  9^  RI,d" 

in'i  m  jjn  don  trouua 

la  crainte  dcDieu,diflolutions  cxccrablcs:au lieu  de  doctrine,oyliuetez  &:  fuperftitions  à  Rome, 
horribles:  au  lieu  de  fimplicité  Apoftolique,tyrannic  plus  que  barbare.  Quoy  voyant, 
il  ne  peut  contenir  fa  bouche  qu'il  ne  parlait  contre  tant  de  vileines  corruptions  .  Le 
iang  de  Iean  Hus  6c  de  Hiercme  de  Prague  decouloit  cncorc,parlant  contre  toutes  ces 
abominations .  Mais  tant  s'en  faut  que  toutes  admonitions,  tant  fainctes  fuffent-elles, 
pculîcnt  faire  corriger  lavic  des  Romaniftcs ,  qu'ils  en  font  demeurez  beaucoup  pires. 
Cela  ne  peut  empeicher  ce  bon  perfonnage  depourfuiuie  ce  qu'il  auoit  entrepris:  e- 
llantpreftau  befoind'y  lahTerlavie. 

E  n  cette  forte  ecluy  qui  eftoit  venu  pour  eftre  difciple  des  autres,  fut  conrreint  d'e- 
ftre  leur  Do&cur:&:  au  lieu  qu'il  eftoit  venu  pour  apprendre  des  autres  à  former  fa  vie, 
tout  au  rebours  il  propofa  aux  autres  exemple  de  bonne  vie.  Mais  le  clergé  de  Rome 
ne  peut  longuement  porter  vne  telle  fain&eté,  Car  comme  ainh  (bit  qu'il  fe  fuft  rendu 
odieux  paries  predications,n'efpargnant  perfonne  :  6c  remonftrant  les  vices  d'vn  cha- 
cun,&  principalement  les  forfai&s  horribles  des  Cardinaux  :auffi  on  cercha  comment 
on  le  pourroit  mettre  à  mort.  Et  pour  ce  faire  on  recourut  au  remède  accouftumé .  car 
telle  a  efté  toujours  la  couftume  des  fuppofts  du  Pape,  que  foudain  ils  forgent  des  arti- 
cles de  quelque  hereile,pour  opprimer  ecluy  à  qui  ils  veulent  mal .  Comme  chacune 
belle  a  fa  defenfc,aullï  ces  ventres  oyfeux  ont  leurs  armes  particulières. 

Or  pour  dire  en  peu  de  paroles  ce  qui luyeft  aduenu,  finalement  on  le faifit  à l'in- 
ftance  du  cardinal  de  Rouan,  nomme  Guillaume  d'Eftouteuille  ,  qui  eftoit  lors  vicc- 
chancelier:&:àla  pourfuittedu  procureur  de  l'ordre  des  Carmes, nommé  Noël  de 
Venife. Et  eftant  en  pnibn)prcmieremcnt  on  le  trouble  de  qucftions,on  l'examine,  on 
luydreifedcs  articles,  on  l'accule  d'herefies,  on  le  condamne  comme  hérétique,  on  le 
dégrade  pour  l'enuoy  er  à  la  mort. 

L  b  s  articles  qu'ils  forgèrent  contre  Thomas,  Se  pour  lefquels  ils  l'enuoyerent  au 
feu,font  ceux-ci. 

L'Eghfe  a  befoin  de  reformation:  6C  fera  affligée  &:  reformée.  Qu'en  ces  derniers 
temps  les  infidèles  feront  conuertisà  Iefus  Chrift.  Rome  eft  pleine  d'abominations. 
L'excômunication  du  Pape,qui  ne  peut  eftre  qu'iniufte,  n'eft  point  à  craindre:&:  ceux 
qui  ne  l'obferuent,ne  pèchent  point. 

Ainsi  Eugene,quatricme  Pape  pour  lors^pres  auoir  appelé  Thomas,le  fitincon  Rhcdomâ- 
tinent  ferrer  en  prifon,où  il  endura  beaucoup  de  maux.  Apres  gràndes  &:  cruelles  tor-  <*é  ucuant 
tures,il  fut  amené  deuant  les  Iuges,comme  vn  agneau  deuant  vn  nombre  de  loups  en-  ^ rmI>u 
ragez .    Et  pource  qu'il  ne  pouuoit  refifter  à  la  malice  de  tant  de  belles  fauuages,cela 
leurfutficiledcleconuaincre  qu'il  eftoit  coulpable, 6c  auoit  grieuement  ofFenfé  -6c 
pour  celle  caufe,nc  firent  difficulté  de  l'adiuger  au  feu:en  forte  toutefois  que  l'ordre  de 
Preftrife  6c  autres  luy  feroyent  ollez  premièrement .  Baptille  Mantuan  auliure  qu'il  a 
eferit,  De  la  vie  heurculè,  au  chap.dernier,  parlant  de  Thomas  Rhedon,  dit,  O  enuie  Mantuan 
maudite  I  tu  ne  l  as  pas  meurtri ,  car  tu  ne  le  faurois  quant  à  l'ame  :  mais  en  violant  Ion  auihcur  ce. 
corps  terreftre,tu  as  fait  que  tant  pluftoft  il  a  eu  la  vie  éternelle.  le  ne  compareray  pas  ce 
fes  flammes  à  celles  de  Sceuola,mais  de  Laurent  le  martyr,&c.  Ainfi  par  la  rage  du  Pa- 
pe 6c  de  fes  fuppofts,ce  bon  perlonnagefut  dégradé,^  puis  bruflé  vif.  Cela  fut  fait  l'an 

Al.CCÇC. XXXVI. 

i. 


Lïurc^>  I.  J^Çjcolas  Clemangis] 

Comment  l'cftat  Ecclefiaftique  a  efté  du  tout  abaftardi,&:  fa  corruption  &:  turpi- 
tude dclccuuerte  en  ce  temps, à  la  venue  de  la  lumière  de  l'Euangilc. 

E  royaume  de  France  en  ce  fieclen  a cftédeftitue  de  bons  Dodcurs,qui  ont 
dcfcouuert(Sclon  le jpuerbellepoc  à  roSc,&la  trame  du  myiîere  d'iniquité  de 
li  long  temps  ourdie. Entre  IcSquclsM.  Nicolas  Cl  e  m  a  n  g  i  s, docteur  de  la 
Sorbonne  de  Paris,&:  archediacre  de  Bayeux  en  Normandie,  en  a  laiffc  ii  bô 
enieignemcnt,que  nousl'auons  ici  extrait  comme  d'vn  tcSmoin,  que  les  plus  contrai- 
res mel'mes  ne  peuuent  iundiqucmcnt  reprochcr:&  dont  aulli  ceux  qui  par  la  grâce  de 
Dieu  font  paruenus  d'auoir  des  eglilcs  reformées,  auront  aducrtillemcnt  de  fe  donner 
loigncufement  de  garde  de  recheoir  &:  retomber  petit  à  petit,  par  les  inclines  degré?, 
au  mefme  abyl'me  dont  ils  ont  cfte  retirez .  Mais  clcoutons-le,  parlant  en  ce  poinct  du 
M.D.XVii  iour,  COMME  i'cuilè  pris  hier  le  SaincHiure  delà  Biblc,&  mefuflemis  àlirelaprc 
miere  Epiftrede  S.Pierre,quci'auoye  premièrement  rencontrée,  îc  tombay  fur  le  pro- 
i.Picr.4.17.  pos,  où  l'Apoftredit,Qu'ilcft  temps  que  le  iugement  commence  à  la  mailbnde  Dieu. 
Lesquelles  paroles  iene  paflày  en  courant,  comme  le  relie  del'Epiftre:  mais  retardant 
quelque  peu  l'impetuolitc  de  laledure,ic  contraigni  mon  efprit  Surpris  d'horreur  fubi- 
tc,dc  sarreftcrSurcefte  Sentenccpour  l'imprimer  plus  auant  en  ma  mémoire. Inconti- 
nent les  oppre/îions  6c  calamitez  que  l'EgliSe  endure  à  preSent,  Te  reprefenterent  dé- 
liant mon  entendement ,  ia  allez  troublée  eSpouuanté  auec  celles  aduenir  trop  plus 
grandes,qu  clic  doit  Souffrir,»"  ic  ne  deuinc  mal .  Quant  &  quant  ie  penibye  aux  cauScs 
trefiuftcs  de  ligrans  maux. Car  attendu  qu'il  contiendrait  que  les  miniftres  del'EgliSe 
(dcfqucls  Chrift  doit  eftre  l'héritage  &c  la  po/leflîon}fuficnt  nets  de  Souillure  de  conuoi 
tife  terricnne,&:  iuites,à  l'imitation  de  celuy  qui  eft  treliufte:  humbles  pourautant  qu'- 
ils reprefentent  le  treshumble  :  paifïhlcs  &  amiables,  à  cauSc  qu'ils  doiucnt  eftre  com- 
me moyenneurs  de  concorde  encre  Dieu  Se  les  hommes.  Mais  au  lieu  de  telles  &  Sem- 
blables vertus,  dont  il  faudrait  qu'ils  rullcnt  ornez  &  emparez,  ils  Sont  Souillez  d'ordu- 
re de  tous  vices. Qui  s  cfbahira  maintenant  Ci  plulïcurs  aduerSitez  leur  aduiennent,&  ii 
Pfrau.i*.ï.  Dieu  s'eftrange  d'eux  pour  l'enormité  de  leurs  Sorfaits,  le  PSalmiftc  diSanr,  l'ay  hay  fe- 
gliSe  des  malinsrOr  pour  toucher  en  bref  leurs  vices,pour  leSqucls  ils  ont  mérite  à  bon 
droit  que  Dieu  irrite  les  affligealbie  recommencera'/  tout  premièrement  à  la  conuoiti- 
Se,qui  cft  la  racine  &:  nourrice  de  tous  maux. 

La  caufe  de  la  première  fondation  &  dotation  des  eolifcs. 

1  l  n'y  a  pcrfonnc,quc  ic  penfe, qui  n'ait  alfezenrendu  &c  retenu,  côbien  les  Miniftres 
ide  l'cgluc  de  Chriit,gcns  cxcellens  en  toute  vcrtu,&:  dignes  de  louange  à  touiîours, 
ont  peu  fait  conte  de  la  cheuance  terriennc,lc  contentans  amplement  Selon  la  doctri- 
ne de  l'Apoitre,du  viurc&:  vcftcment.Etaducnant  qu'ils  ruiîentplus  ailczcn  leur  meS 
nage,ils  pcnScycnt  de  Soulager  la  pourerc  des  indigens.  Car  ces  gens  trefreligicux  qui 
ne  penSoyent  qu'aux  choSes  cclcftes,craignoyent  que  s'ils  culSent  quelque  peu  trop  ap 
plique  leur  affection  à  ces  choies  traniitoircs,leur  eiprir  d'autant  deftourne  de  la  mcdi- 
tatiô  des  i'pirirucllcs(aulquellesils  s'eftoyent  totalemét  vouéz)fuft  moins  raui  cnDieu, 
par  eftre  courbe  en  radrniniftratiô  &  foin  des  choies  balles.  Mais  il  aducnoit  par  la  grâ- 
ce diurne, que  d'autant  qu'ils  mefprifoyent  les  richelTes&:  gloire  temporelle,  elles  leur 
venoyent  plus  abondamment  de  toutes  parts, à  la  manière  &l  façon  de  l'ombre  qui  fuit 
celuy  qui  laSuit:&  au  contraire, lî  tu  la  fuis  elle  te  fuiura  ,&:  touiîours  t'accompagnera. 
Car  voyans  les  hommes,  qu'on  a  appelez  laiz,tat  Princes  qu'autres  riches,  la  laincte&: 
honncllc  conuerfation  de  telles  gens,purgce  parvn  feu  d'amour  diuin  déroute  ordure 
apparentc,le  perforçoyentàrenuie  deleurama/ferdes  biens  àplanté:afinqu'eftâs  del- 
peftrezde  toute  folicitude,ils  pculfcnt  plus  ardément  vaquer  aux  affaires  de  larcligiô 
Sans  aucun  deftourbiendc  leur  part  s'eftimâs  bie-heureux  fi  tels  bons  perfonnages  dai- 
gnoyent  reccuoir  ce  qu'ils  orfroyët,pour  eftre  côuerti  en  tels  vfages,  &c  prier  pour  eux. 
Le  cf.men-  par  ce  moyen  l'Eglile  a  cfté  accreue  &  ornec  de  plufieurs  grans  biens:  pluiieurs  mona- 
"cheifade  ^crcs  OIK  e  ftc  fondez,pluïîeurs  chapitres  &c  collèges  baftis.De  là  les  cuefehez  &:  paroif 
1  tijijie.  Ses  ont  prins  c  omcnccmcnt:  temples  magnifiques  ont  efté  édifiez  brauement  aux  def- 
pens  tant  des  Princes  que  du  peuple.Finalcment  tous  les  degrezôc  profcfTions  des  Ec- 
cleliaftiquesfontdeucnues  merucilleufemcnt  riches &:  foifonnantes  en  biens.Les  pre- 
miers pcres,qui  les  auoyet  ou  acquis  ou  poffedez,n'ont  employée  nvSagcs  profanes  ces 
biens,comme  font  auiourdhuy  pluficursrains  en  aumofnes,  hoSpitalitez,  éc  autres  ccu- 
ures  de  chanté  &:  de  pieté   )ue  fi  ces  choies  perfournies,&:  leur  necciTité  lobremct  pri 


5Do  latorruption  de  ce  temps.  jo 

fc,il  rcftoit  encores  quelq  bien,ils  le  conucrtiiToyét  à  ce  qu'ils  apperceuoycnt  plus  ex- 
pédient &  neceiTairc.Ils  n'auoycntvaiirclle  ni  d  or  ni  d'argenefe  cotentans  de  boire  en 
vaifleaux  d'eftain  ou  de  terre .  Il  n'cftoitqucftion  degrans  cheuaux  bardez:  moins  de 
trouppes  de  baftelcurs  marchans  deuanr,de  iuuenceaux  bien pignez  &c  teftonnez,  ba- 
billez de  bigarrures  &£  façons  lauuages ,  à  manches  amples  &£  quali  pendâtes  à  terre, fé- 
lon la  guiie  des  Barbares.  Iadislc  monde eftoic  heureux  d'auoir  telles  fain&csgensdes 
villes  &L  villages  eftoyent  rat  &:  plus  peuplez:lcs  cftables  eftoyent  replies  de  beltial,  qui 
portoit  à  force. Les  arbres  panchoyent  d'abondance  de  fi  ui&s,  les  champs  elloyct  cou 
uerts  de  blcz:par  ce  que  la  douceur  &  gratieufeté  de  l'air  &:  du  ciel,  rendoit  par  (on  in- 
fluence la  terre  propre  à  produire  toutes  fortes  de  fruicts. Et  comme  fi  la  terre  n'euft  pl9 
efté  finette  à  maledi&iomrcndoit  toutes  fortes  de  fruicl:  à  foifon.  Les  hommes  viuoyét 
longucment.il  n'y  auoit  l'édition  domcftiquc,ni  crainte  au  dehors:  tout  eftoit  pailîble, 
feurôd  t  anquille. Entre  les  hommes  de  ce  temps-la,  lacharitr,innocence,foy,pieté,iu- 
fticc,&:  iîneere  amitié  eftoyent  en  vigueur:peu  de  tromperies  ou  de  calomnies  le  com- 
mettoyent  ou  drelfoyent:par  ce  que  les  pafteurs  monftroyent  bon  exéple  à  leurs  troup 
pcaux,tant  en  lain&eté  de  vie,qu'en  do&nne  l'alutaire. 

De  l'infolence  engendrée  en  l'Egide  i  caufe  de  l'afrluencc  'es  biens  temporels. 

Ma  i  s,commeiladuientordinairemcnt,ouàl'occaiîon  des  nchelfcs&profperitété 
("»orellc,les  fuperfluitez&:  înfolenceS  fe  ibnt  fourrées  en  l'Eglife ,  peu  à  peu  la  Reli- 
gion s'eft  attiedie,la  vertu  amortic,la  difeipline  diiîbutc,Ia  charité  moi  fondui ,  rhône- 
fteté  &c  aulîi  la  fobrieté  a  efté  en  opprobre  &:  moquerie  .  Et  afin  d  auoir  dequoy  fournir 
aux  boubances  &c  excez,l'auarice  a  efté  mife  en  prattique  :  iaquelle  ne  s'eft  guercs  con- 
tentée de  borncs:ains  a  commencé  aulTitoft  de  non  feulement  conuoiterrautruy,mais 
de  le  rauir  &c  enuahir,d'accabler  le  moindre ,  &  qu'à  tort  qu'à  droit  les  defpouiller .  Et 
poir.  autant  que  fommes  entrez  en  ce  champ  tant  fpatieux ,  il  me  vient  à  gré  de  parler 
vn  peu  plusamplement  de  cefte  pefte  execrable,laqucllç  a  dciia  tant  confu m é  l'Eglife, 
qu'il  n'y  refte  pas  grand'  chofe.  Or  nous  pouuonsàbon  droit  commencer  parle  dire  du 
fainrt  prophète  Ieremic,  Que  depuis  le  plus  petit  iufqu'au  plus  grand,  tous  eftudient  à  Iercm  6  ^ 
l'auance:&:  depuis  le  prophète  iuiqu'au  facrificateur,tous  font  tromperie.  Car  que  pou 
uons-nous  dire  de  leur  auarice  infatiable.qui  furpafTe  toute  la  conuoitifc  des  marchans 
laiz:&:  mcfmc  qui  prouoque&  incite  non  feulement  lesPrinces,maisauffi  le  vulgaire  à 
toute  iniuftice,dol,fraude,&  rapine:cntant  que  les  bonnes  brebis  enfuiuans  les  exem- 
ples de  leurs  pafteurs,eft  iment  ce  qu'ils  font  en  leur  prefence  leur  eftrc  liciteîOr  voyôs 
vn  peu  l'origine  &aduancemcnt  de  cefte  vilaine  pcfte.aprcs,di-ic,que  l'opulence  a  oc- 
cupé l'entendement  des  le  ruitcurs  de  Dieu  à  penfer  choies  temporelles:  poflîble  n'a  c- 
fté  de  feruir  enfcmble  à  Dit  u  &  aux  richelTcs ,  deux  maiftresfi  contraires  àc  différons.  Mj^.m. 
force  donc  a  cité  finalement  qu'autant  de  feruice  qu'ils  employent  à  l'vn,  ils  le  retiraf- 
fent  de  l'autre .  Or  nous  lauons  la  nature  des  richelTes  cftre  telle, que  d'autant  qu'elles 
foifonnent,d'autant  plus  elles  embraient  l'efprit  à  en  conuoiter  d'auantage.  De  là  vint 
que  peu  à  peu  l'efprit  s'amortit  en  cux,la  charité  fe  morfondit,la  deuotion  s'attiedirô£ 
Dieu  fut  tellement  oublié,  qu'ils  rfaipiroycnt  qu'aux  profits  terriens:  ne  fongeans  qu'- 
aux dignitcz&  bénéfices. 

Qv  and  auiourdhuy  on  vient  à  prendre  les  charges  paftorales,il  neft  queftion  de 
penfer  au  foin  des  amcs,a  donner  la  vraye  pafture  de  la  parole  de  Dieu, ni  au  falut  ou  e- 
dification  des  brebis ,  on  enquefte  feulement  dei'abondancc  &:  quantité  des  reuenus. 
Qui  eft-ce  qui  ciTaye  fa  portée  pour  fauoir  s'il  pourra  fouftenir  le  faix  qu'il  entreprend? 
Qui  eft-ce  qui  conliderc  les  périls  tant  de  fa  part,  que  de  ceux  qui  luy  font  commis? 
Qui  eft  celuy  qui  les  prefchc  &C  leur  annonce  î'Euangile  ?  qui  de  raid  &  de  parole  leur 
monftre  le  chemin  pour  paruenir  à  la  vie  éternelle?  Au  contraire,qui  eft  auiourdhuy  le 
prélat  qui  ne  cerche  tous  moyens  pour  piller  fes  fuiets?Où  eft  celuy  qui  ait  pitié  de  leur 
poureté,&:  compaiïion  de  leur  difette?ou  qui  fubuienne  à  leur  necellité  ?  Mais  qui  eft 
celuy  qui  ne  les  rende  d'auantage  ibuffreteux,foit  à  tort,foit  à  droit  ?  Or  afin  que  nous 
monftrions  les  chofes  c  ftre  en  tel  poure  eftat, depuis  celuy  qui  fe  dit  chcf,iuiqu'aux  der 
niers  membres,confidcrons,ie  vous  prie,en  premier  lieu  ce  beau  chef,  dont  tous  les  au 
très  membres  dépendent. 

I)e  trois  viccs,defqu«k  tous  autres  maux  font  engendrez  en  l'Eglife. 

après  que  les  vertus  des  anciens  ont  efté  oubliées,  fauaricc  exceflîue  iointe  auec 
Avne  ambition  aueuglee  a  faifi  les  cœurs  des  Eccleliaftiques,au  moyen  de  trop  gran- 

i.  ii. 


de  aftluencc  des  chofes  mondaines.Car  il  faloit  confequemment  qu'ils  s'enfla/Tcnt  par 
vne  arrogance  &:  vn  appétit  de  domination  :  puis  rendus  mois  par  vne  fuperfluité  effé- 
minée.lia  falu  donques^fatisfaire  àtrois  maiftres,fort  importuns  &:  rafeheux  exacleurs: 
raillardifc  A  la  paillardifc,qui  demandoit  les  délices  du  vin,dcs  viandes, du  dormir ,  îles  icux  ma- 
Orgiieil.    gnifiqucs,  des  infâmes  maquereaux &:  putains:  A  l'orgueil,  qui  vouloit  des  hautes  mai- 
îbns,tours&:  challcaux ,  des  palais  fomptueux,  auec  oftentation  de  meubles  infinis,d'- 
Auarkc.    habillcmens  precicux,&:  de  cheuaux  ordinaires  pour  le  train  :  A  laiiarice,  qui  a  amafic 
foigncufcn.entgransthrefors,pourpouuoir  fournir  aux  chofes  fufdites.  Ces  trois  mai- 
ftres  font  tant  infatiables,que  quand  bien  le  fîecle  d'or  de  Saturnc(commc  il  cil  aux  fa- 
bles)reuiendroit,il  ne  pourroit  fournir  aux  defirs  de  tels  maiftres.Pourautant  donques 
qu'il  n'y  auoit  Euefché  fi  grafle  ne  de  fi  gros  reuenu  qui  peuft  fuffire  à  ce  que  ces  trois  ra 
uilîantes  harpies  dcmandoyent:il  a  falu  inuenter  d'ailleurs  des  aides  pour  y  pouuoir  fa- 
tisfaire. 

Des  di {Formations  introduites  en  l'Eglife  par  les  Papes. 

|)o  v  r  vcniràlaparfînauxPapes:d'autant  qu'ils  ont apperceu  qu'ils  furpa/îbyentles 
*  autres  de  icuueraineté&:  authorité,cn  tcfmoignage  de  celle  primauté,ils  fe  font  ef- 
leuez  par  defius  les  autres  par  conuoitife  de  dominer:&:  voyans  que  les  profits  de  l'eiief 
ché  Romaine  &  du  patrimoine  de  S.  Pierre  autant  grand  que  royaume  qui  foit  point, 
(combien  qu'il  s'eftfort  diminué  par  leur  mauuaife  conduite  )  ne  fufrifoit  pour  la  ma- 
gnificence de  leur  eftat,qu'ils  ont  cfleué  fi  haut,qce  n'eft  rien  de  ecluy  des  Empereurs, 
Rois&:  Princes  de  toutes  nations,au  pris  d'iceluy  :  ils  fc  font  fourrez  ic  ont  mis  la  main 
aux  bergeries  d'autruy,rcmplies  de  laines  &  de  laict. 

De  l'abolition  des  élections  &  de  la  referuation  des  bénéfices. 

ç\  a  r  ils  fe  font  attribuez  les  droicts  &:  collations  de  toutes  les  eglifes  vacâtcs,  qui  font 
^par  toute  leftcndue  de  la  Chreftiété,de  toutes  les  Euefchcz  &:  autres  dignitez,iadis 
ele&iues.cailans&annullans  les  élections  que  lcsPeres  ont  par  le  pafïé  fi  foigneufemec 
ordonnées, pour  mieux  par  ce  moyen  remplir  leurs  bourfes  de  toutes  les  prouinces  du 
nomChreftien,&:par  mefehantetrarrique  faire  vn  amas  infini  d'or  &  d'argent  pour  1*- 
ceuure  de  leur  chambre. 

De  la  chambre  Apoftolique. 

Il  n'eft  poffible  de  dire  &:  autant  peu  de  croire,côbien  cefte  cham  bre  a  coufté,&:  com 
bien  elle  a  efpuifé  toutes  les  eglifes,royaumes  &c  prouinces. Mais  il  peut  élire  que  les 
eucfques  de  Rome  ont  mis  en  leur  main  l'inftitution  des  Euefques,&:  les  collations  des 
plus  grans  dcgrczde  l'cgiifc,  ayans  aboli  les  élections,  pour  mieux  pouruoir  aux  eglifes 
par  leur  aduis,&  pour  y  cftablir  des  Pafteurs  de  meilleure  \  ic  &c  de  plus  excellente  do- 
ctrine. Peut  eftrc  qu'aucun  penferoit  cela  cllrc  fait  pour  cefte  caufc,n'elloit  que  la  cho- 
fc  y  contredifante  monftroit  à  l'œil  que  depuis  tels  décrets ,  hommes  belles  &:  inutiles 
(pourueu  qu'ils  euflent  deniers)ont  cllé  aduancez  aux  hauts  degrez  ecclefiaftiques  par 
LaSimonic  le  moyen  de  Simon. 

Romaine.         '  Des  expcûatiucs^  de  la  qualité  des  Romipetes. 

Le  s  Papes  donc  pour  exalter  incontinent  leur  eftat  en  fuperfiuité  royale,  lequel  ils 
auoyent  îuchc  par  delius  les  magnificences  humaines, non  feulement  ont  annichi- 
lé  lesclcclicns,ainsaufTi  pour  faire  découler  ruiifeaux  d'or  de  toutes  parts,  qui  arroufe- 
royc  nt  leiu  cour,ilsontoftéàtousdiocefains&:  patrons  la  faculté  de  prefcntcr,&:  la  li- 
berté de  conférer  ou  d  en  difpofer,leurinterdifans  fous  peine  d'cxcommunicaciô,  que 
par  audace  téméraire  (  car  leur  referit  tout  batu  de  fréquent  vlage  parle  en  cefte  forte) 
ils  ne  prefument  d'inftituer  aucun  en  quelque  bénéfice  à  eux  fuiet,  tant  qu'il  fe  trouuc- 
raquelcun  de  ceuxaufquels  de  leur  pleine  authoritéilsont  baillé  l'expcc5tâtiue,qui  de 
grâce  le  vueille  auoir.Dcpuis  ce  temps-la  (ô  bon  Dieu)  que  le  nombre  des  attendans  a 
efté  grand,abordant  de  tous  coftcz,&:  fe  trouuans  làj  Mais  quelle  forte  de  gens?  Il  n'a  c- 
hiflces°'CS  ^  queftion  de  les  prendre  des  eftudes  ni  efcoles,pour  gouiierner  paroùTes&:  autres  be 
nefiecs  :  ains  pluftoft  de  tous  autres  meftiers ,  qui  fauoyent  autant  de  Latin  que  d'Ara- 
bicmefmc  qui  ne  fauoyent  lire,voire(ce  qui  eft  vergongneux  à  dire  )  difeerner  TA  d'vn 
B.  iPcut  eftre,dira-on,  que  l'honncfteté  des  mœurs  exeufoit  l'ignorance.au  contraire, 
s'ils  eftoyent  mallcttrcz,encoreseftoyent-ils  pirement  conditionnez, comme  ceux 
qui  fans  lettres  nourris  en  oifiueté, n'ont  fuiui  qu'impudicitez,ieux,  banquets,noifes& 
fots  propos.    De  là  vient  que  par  tout  fetrouuent  tant  depreftresmefchans  &c  mjfe- 

tables 


2)o  la  corruption  dc^>  ce  temps. 

rables,gros  afncs,  qui  par  leur  infâme  conuerfation  font  caufe  de  fcandale  Se  ruine.  De 
là  vient  que  le  peuple  les  a  en  fi  grand  mefpris  &c  deteftation.  De  là  procède  le  deshon- 
neur, ignominie,opprobre,par  trop  vergongneux  de  tout  Tordre  Ecclefiaftique:  s'ils  l'a  L>eft . 
uoyent  auoir  hontc:mais  le  front  deshonté  de  plufieursnepeut  rougir.Iadisla  preftrife  PrçOnff 
cftoit  en  finguliere  reuerence  enuers  les  ges  laiz,&:  n'y  auoit  rien  plus  honnorable  que 
l'cftat  des  preftres.à  prefent  il  n'y  a  rien  plus  vile  &:  defeftimé. 

Des  vacances  Se  autres  irnpoftsgreains  l'Fglife. 

Ov  tre  les  charges  fufditcs,les  Papes  ont  impofé  aux  perfonnes  Ecclefiaftiques&: 
aux  eglifes  des  tailles  Se  tributs,  pour  entretenir  cefte  îienne  chambre ,  ou  pluftoft 
ce  gouffre  infatiable.Car  ils  ont  ordonné  que  toutesfois  Se  quantes  qu'vn  homme  Ec- 
clefiaftique,de  quelque  dignité  ou  condition  qu'il  fuft,viendrpit  à  mourir,ou  à  permu- 
ter fon  bénéfice  aueç  vn  autre  :  qu'autant  dç  fois  tput  le  reuenu  de  l'année  fuiuante,ta- 
xéàfon  plaifir,reuiendroit  à  fa  chambre,  Que  fi  d'aduenture  tous  les  fruits  enfemble 
recueillis  ne  pouuoyent  faire  lafomme,ou  pourla  diminution  du  reuenu,  ou  pour  au- 
tre accefibire:il  a  voulu  pour  fournir  à  la  taxe,que  pluftoft  on  exigeait  lavalcur  de  trois 
Se  quelque  fois  de  quatre  années.  Qu  eft-il  befoin  que  ie  recite  les  defpouilles  des  Pré- 
lats ,  les  difmes  tant  fouuent  leuees  de  tous  les  Ecclefiaftiques ,  auec  autres  charges  Se 
couruées?  Que  diray-ie  des  exactions  ottroyees  du  Pape  Se  des  Eucfques  aux  Princes 
fur  tout  le  Clergé,auec  pyifTance  de  les  contraindre  à  payer  par  le  bras  feculier?Que  re 
memoreray-ie  les  procurations  retenues ,  Se  fouftraites  fans  vifitation  des  Eucfques  ou 
Archediacresîqui  eft  vne  des  grandes  playes  que  TEglife  endure  point .  Car  quel  mal- 
heur eft-ce  d'auoîr  fupprimé  Se  cfteind  les  vifitations  des  eglifes,  Se  les  reformatiôs  des 
gouucrneurs  d'içelles:  Se  cependant  perceuoir  gain  Se  profit  de  la  deftru&ion  de  la  po- 
lice Ecclefiaftique?  Que  raconteray-ie  par  le  menu(difcours  qui  feroit par  trop  long) 
les  infinies  &  ordinaires  exactions  Se  tributs ,  qui  s'exigent  des  mal-heureux  miniftres, 
des  eglifes? 

De  l'inltitution  des  cuciUertCJ,&  des  maurqul  en  procèdent. 

Po  v  r.  exiger  toutes  ces  chofes,  Se  les  tranfporter  à  cefte  (diray-ie  chambre  ou  gouf- 
fre ?  )  ils  ont  inftitué  par  toutes  les  prouinces  leurs  quefteurs ,  ceux  qu'ils  ont  eftimé  Q 
les  plus induftrieux,&  diligens,oupIus  afpres&  rigoureux  de  nature  à  tirer  argenr,qui 
ne  pardonnaient  &:  n'acceptaffent  perfonne,mais  qui  feuffent  tirer  de  l'or  de  la  pierre: 
aufquels  mefmes  ils  ont  baillé  authoritç  d'excommunier  voire  les  Prélats ,  Se  les  ietter 
hors  de  la  communion  de  i'Eghfe,fi  dedans  le  temps  prtfix  ils  ne  trouuoyent  la  fomme 
qu'on  leur  demandoit.Mais  il  vaut  mieux  paiTer  outre  (pour  peur  de  n'en  pouuoir  for- 
tifies maux  qu'ont  fait  ces  quefteurs, les  oppreffions  dont  ils  ont  accable  les  poires  e- 
glifcs,&  les  pafteurs  d'içelles.  De  là  font  venues  les  fufpenfions  à  diuinis,les  interdits  d' 
entreraux  temples, Ieshorribles  anathemes  aggrauez  Se  raggrauez-.dont  les  anciens  v- 
foyent  peu  fouuent,&:  pour  quelque  grand  méfiait ,  quand  il  eftoit  queftion  de  feparer 
vn  homme  de  la  compagnie  des  fidèles  le  liurer  à  la  puiflance  de  Satan.  De  là  vien- 
nent les  querelles  des  pou  res  pafteurs  de  l'Eglife,  que  nous  oyons  envoyons  porter  vn 
ioug  intolérable  du  miniftere,  Se  mefme  mourir  de  faimT  Quant  aux  excommunica- 
tions ,  elles  font  auiburdhuy  fi  fort  en  prattique ,  qu'elles  fe  fulminent  pour  vne  petite 
faute  ou  pour  nulle  :  qui  eft  caule  qu'on  ne  les  craint,  Se  qu'on  n'en  fait  ponte  aucune- 
ment .  De  là  viennent  les  ruines  de  l'Eglife  tant  grandes,  les  deftructions  des  ternples, 
les  rafemens  des  autres  lieux.par  ce  que  les  deniers  qui  fe  deuroyent  employer  à  les  en- 
tretenir Se  reparer,font  mis  à  payer  ces  tributs,  :  en  deffaut  defquels,on  a  eftp  oontreint 
en  plufieprs  eglifes  de  mettre  les  chafTes,reliqucs,crpix,calices  en  vente,$:  tout  ce  qu'- 
on eftime  precieux,pour  payer  ces  imposfQuj  eft  celuy  qui  ne  fait  que  plufieurs  Abbez 
Se  autres  Prélats  n'ont  peu  cftre  enterrez  après  leur  trefpas,parce  qu'ils  eftoypnt  enco- 
res  redeuables  à  la  chambre  Papale,fi  ce  n'a  cfté  qu'on  les  ait  inhumez  en  quelq;  chap 
ou  iardin,ou  autre  lieu  feçret,voire  à  la  defrobec?  Les  preftres  font  forcez  (comme  no* 
voyons)pardifette,de  lai/Ter  leurs  villages,dpmeures,££  bénéfices ,  Se  de  mendier  leur 
vie  d'vne  part  Se  d  autre>ou  de  fbruir  aux  laiz  en  chofes  viles  Se  indécentes .  Les  eglifes 
riches  c^grafTes  ont  porté  quelqac  temps  ces  charges:  mais  eftans  maintenant  toutes, 
fucçeesôi  efpuifees,ne  peuuent  plus  fouftemr  le  faix  de  cefte  tyrannie. 


Liurc^  /.  iï(jco  las  Clemangù] 

Des  pliidcrics  de  la  cour  Romaine. 

r  i  ic  veux  fortir  de  ceft  abyfme ,  il  me  faut  paffer  beaucoup  de  chofes ,  a/Tauoir  corn- 
^  bien  il  y  a  de  fraudes,trompcries,&:  calomnies  en  la  cour  Romaine  (  car  ils  l'appelée 
il  Jit  cela  ainii,combien  qu'elle  foie  loin  de  "  Rome)combien  d'aguets  le  dreflent  contre  le  droit 
pource  que  ^\cs  mnocens,par  ces  chaifeurs  de  procez  corrompus  par  argent  :  combien  de  iugemés 
je^omou'1  y  a_1^  vendre  :  combien  l'or  a  de  puilTance  pour  fubuertir  la  iufticc,  qu'il  aduient  peu 
ckn  ét,  ic  lbuucntquelcpoureaitbôneiHuedefacaule,s,ilaàfaireàforte&:  riche  partie:  pour- 
îd°itlors  i  quoy  s'en  trouue  tant  peu  qui  ayent  impetré  benefice(quelqucs  qualifiez  qu'ils  foyent) 
mgnou.         proccz &;  partie  aduerfe. 

Des  règles  Se  conftiruriems  de  la  Clunccierie. 

Car  que  font  autre  chofe  tant  de  nouuelles  règles  àc  conftitutions  faites  à  l'appétit 
d'vn  chacun  PapcySc  commandées  d'eftregardees  outre  les  droits  anciés  &c  décrets 
des  Pères, (mon  des  laqs  fubtils  &:  abondante  matière  de  procez,  dont  ces  fins  &c  caute- 
leux courtifans&  fophiftcsrenuerfeurs  d'equité,vfent  contre  le  droi£t  &  veritc,inucn- 
tans  mille  rufes  pour  nuire  :  fi  qu'à  peine  fe  peut  trouuer  perfonne  qui  obtienne  quelq 
bénéfice  fans  plaider:  bien  que  fon  titre  fbitaullî  clair  que  le  Soleil? 

De  la  profpcntc  de  la  cour  Romaine. 

T)  a  r  ce  moyen  ils  cftiment  leur  cour  fîorir  &:  cftre  heureufe ,  fi  elle  bruit  de  force 
*■  caufes, procez, querelles, débats, fi  elle  cfclatte  de  toutes  parts  de  crieries enra- 
gées. Au  contraire,  ils  la  lugentpoure,  inutile,  deferte,  fi  elle  eft  fans  proccz&en 
paix,  fi  chacun iouitpaifiblemcnt  de  fes  droicts .  C'cft  donc  auiourdhuy  tout  vn,  com- 
ment on  obtienne  vn  bénéfice,  s'il  entre  par  l'huis  comme  vray  Pafteur,  ou  fi  d'emblée 
ilfefourrepar  la  fcneftre.Que  fî  quelcun  bien  fubtil&:  entendu  fauoit  bienietter &c 
calculer  les  vns  &:  les  autres,  ie  ne  fay  doute  qu'on  trouueroit  beaucoup  plus  de  larrons 
en  lEglife  que  de  Pafteurs  :  fî  que  le  dire  de  Chrift  aux  marchans  dechaffez  du  temple, 
Mat."  '3*  eft  tout  vérifié  :  Ma  maifon  eft  la  maifon  d'oraifon ,  mais  vous  en  auez  fait  vne  cauerne 
de  brigans. 

Dcl'cftat  Se  introduction  des  Cardinaux. 

Qv  a  n  t  eft  des  Cardinaux  qui  alfiftent  au  Pape,ils  ont  le  cœur  tant  fîcr,les  paroles  fi 
arrogantes ,  les  geftes  fi  infolens ,  que  fi  vn  imagier  vouloir  reprefenter  vne  figure 
d'orgueil,  il  ne  le  pourroit  mieux  faire  ,  qu'en  mettant  deuant  les  yeux  l'image  d'vn 
Cardinal:  &  toutefois  à  mefure  que  le  fiege  Apoltoliquc  aprisaccroiflement  enpom- 
V  ft  tdc    pcs,ils  font  venus  à  celte  hauteffc,du  plus  bas  degré  du  Clergércar  anciennement  leur 
Cardinaux  office  eftoit  de  feruir  à  porter  &  enterrer  les  trefpaifez.  A  prefent  ils  ont  tellement  cllar 
que'  H  a  e-  gi  leurs  fimbries ,  que  non  feulement  ils  melpnfcnt  les  Euefques  (qu'ils  appclent  com- 
nxn  émat  nuinement  Euefqueaux)ains  aufîi  les  Patriarches,  Primats,  Archeuefqucs, corne  leurs 
inferieurs:&:  mefmes  ne  s'en  faut  rien  qu'ils  n'endurent  eftreadorez  d'iceux  qu'ils 
ne  s'égalent  aux  Rois. Mais  leur  vanité  là  lailfee ,  qui  pourra  exprimer  de  paroles  l'hor- 
rible &c  renebreux  gouffre  de  leur  conuoitife  ?    Il  n'y  a  languc,efprit,  ni  faconde  qui  le 
puiiîc  faire. 

Des  contrats  fimoniaques. 

t  e  s  autres  pourcs  miferablcs  Eccltfiaftiques,qui  ne  peuuet  rienattraper  fans  laide 
■"-^de  ces  Cardinaux, ne  lâchas  que  faire  ni  de  queleofté  tourner,  ils  ont  recours  à  eux, 
&:  achètent  d'eux  des  beneficesparmefehante  fimonie,ou(qui  ne  vautmieux)leur en 
font  penfion  annuellc-.ou  bien  fejettans  à  leurs  pieds ,  fupplient  cftre  admis  en  leur  fa- 
mille,pour  finalement  acquérir  quelque  titre  en  l'eglife,  en  recompenfe  de  long  &  fou 
lient  deshonnefte  fcruicc.Car  qui  penferoit  auiourdhuy eftre  aduancé  pour  fes  bonnes 
moeurs  ou  pour  fon  fauoir?  Cen'cft  plus  le  moycnfquifouloit  eftre  anciennement  en 
prattiquc)de  monter  aux  honneurs  ecclefiaftiques:  mais  parles  manières  que  i'ay  dit 
courues,&:  le  feruice  &c  poftulations  importunes  des  Princes  de  ce  monde,  dont  iepar- 
leray  toft  après. 

Que  les  fufdit  PreUts  ont  principalement  foin  d'amafler  deniers. 

Lcgaindcs  CtLON  donques  qu'ils  font  profefiionils  font  après  pour  en  amafTer,cerchans  le  gain 
Eccîetufti-  ^non  pas  des  ames  ,  mais  de  leurs  bourfes  ;  lequel  ils  pourfuiuent  par  tout,  brullans 
(3UCS-       du  defir  d'iceluy  :  eftimans  iceluy  eftre  pieté,  ne  faifans  rien  qui  ne  férue  à  amaiTer  ar- 
gent par  quelque  moyen  que  ce  foit.Pour  l'argent  ils  eftriuent,ils  debattcnt,plaidenr, 
querellent ,  guerroy ent  :  car  ils  endureroyent  pluftoft  la  perte  de  dix  mille  ames ,  que 

dç 


2)o  U  corruption  de  ce  temps.  j2 

de  dix  fols.  Mais  ic  me  repen  d'auoir  dit  plus  volontiers ,  attendu  qu'ils  ne  font  aucu- 
nement efmcus  ny  troublez,  quand  ils  voyent  les  ames  périr,  defquelles  ils  ne  penfent 
&:  ne  s'en  foucient:  car  ils  enragent  tous  vifs  s'ils  perdét  vne  maille  de  leurs  biens.Quc 
s'il  admet  qu'il  fe  trouuc  quelque  bon  pafteur  qui  ne  fuyue  ce  traimmais  qui  ne  face  con 
te  de  i'argcnt,qui  codamne  l'auarice,  qui  n'arrache  deniers  à  tors  &:  «à  trauers  de  les  lii- 
iets  ,qui  s'efforce  de  gagner  les  poures  ames  parl'ainctes  exhortations  6c  prédications, 
qui  médite  plus  en  la  Loy  du  Seigneur,qu  es  loix  des  hommes:inccntinent  tous  aigui- 
fent  leursdents  pour  le  mordre. Ils  crient  qu'il  n'eft  qu  vn  badin, indigne  de  la  preftriie, 
ppurce  que  n'eftant  ftylé  des  loix  &c  façons  des  hommes ,  il  ne  fait  maintenir  fes  droits, 
ny  gouuerner  fes  fuiets,  en  les  puniilant  &:  chaftiant  par  cenfures  canoniques  :  qui  n'a 
autre  chofe  apprins  que  d'eftre  oiuf  ou  de  deuifer  en  chaire  :  ce  qu  a  leur  dire  appartint 
aux Mendians , qui  n'ont  aucune  adminiftration  temporeile,&:  ne  fontempefehez  à 
meilleure  chofe.  De  là  vient  que  les  cftudes  des  fain&es  lettres  font  en  moquerie  2c  de- 
rifion  à  tous  auecques  ceux  qui  en  font  profeiîion,  fignamment  (chofe  bien  cftrange  &C 
monftrucirfe)  aux  Euefques,  qui  préfèrent  de  beaucoup  leurs  rraditions,aux  comman- 
démens  de  Dieu.  Quanti  l'office  de  prefeher  tant  noble  &  tant  exccllent,quiiadis  ap- 
partenons*: eftoit  exercé  parlesfeuls  Pafteurs ,  il  elt  tellement defeftimé  d  eux , qu'ils 
ne  penfent  rien  plus  honteux,ne  plus  indigne  de  leur  dignité. 

Les  maladies  de  la  cour  Romaine. 

Voi  c  y,  comme  ie  confideroye  les  maladies  de  la  cour  Romaine  ,  ie  fuis  tombé  fur 
les  vices  communs  tant  à  icclle  qu'aux  autres  Prélats  :  lclquels  vices  nonobftant  ie 
veux(puis  que  l'occation  s'eft  ofFerte)particularizer  dauantage  en  bref.  Premièrement 
il  ne  doit  femblereftrange  à  pcrfonnc,fi  nos  Prélats  veillent  fi  foigneufement  pour  a-  Lci  viees 
maffer  deniers,  li  eftans  maigres ,  fecs  &C  atténuez  fe  veulent  engraifîer  du  laid  &  de  la  d"  Prclat 
laine  de  leurs  brebis  :  attendu  qu'il  leur  a  tant  coufté  à  eftre  pafteurs.  Car  les  moufehes 
affamées  (comme  dit  le  prouerbe)mordent  plus  fort:  &:  tous  animaux  affamez  fe  ruent 
plus  afprement  fur  laproye.  Car encores  que  deuantla  charge  paftorale  ils  fuffent  fort 
riches(car  les  poures  n'ont  accouftumé  d'y  eftre  receus)touteffois  en  receuant  le  mini- 
ftere,il  a  fallu  pour  la  plus  part  efpuifer  leurs  bourfes:  lefquclles  puis  après  ils  s'efForcéc 
non  fans  caufe  de  remplir.:&:  à  l'exemple  du  fage  laboureur,qui  recueille  la  îcméce  par 
luy  iettee  aucc  groiîe  vfure  &C  furcroift,ils  s'efforcent  de  recouurer  leur  cheuâce  dimi- 
nuée, &  de  l'accroiftre  s'ils  peuuen t  :  pourquoy  faire  ils  mettent  toutes  leurs  marchan- 
difes  en  vente  à  ceux  qui  en  ont  à  faire ,  félon  la  façon  des  bien  foigneux  marchans.  Si 
quelque  clerc  tombe  en  leurs  mains  &  foit  mis  en  prifon  en  fond  de  fofle ,  au  pain  &  à 
l'eau  pour  larrecin,homicide,  rapt,  facrilege  ou  autre  crime  énorme ,  il  fera  fa  péniten- 
ce comme  coulpable,iufquaceque  félon  fa  puiffance  ou  de  fes  parensil  fourniffe  le 
poignet. Quoy  fait  il  fera  lafehé  &:  mis  en  liberté  comme  innocentxar  tout  péché, tou^ 
te  faute,  tous  maléfices,  quelques  dignes  de  mort  qu'ils  foyent ,  font  effacez &c  pardon- 
nez par  argent.  Et  que  parleray-ie  de  l'exercice  de  leur  iurifdi&ionjaquelle  cft  admini- 
ftree  fi  violemment  &:  tyranniquement ,  qu'auiourdhuy  les  hommes  aimét  mieux  paf* 
fer  par  les  iugemens  des  plus  cruels  tyrans  du  monde,  que  de  l'cglife  > 

Des  promotions  de  la  iurifdidtion  des  Euefques  &  abus  d'iccux. 

ONnepourroitdirelesmauxquc  font  ces  efpies de  crimes, qu'ils  appellent  Promo-  Les  Pro; 
teurs:car  fouuentils  cicanent  les  fimples&  poures  payfans,  qui  n'entendent  rien  moteurs, 
aux  rufes  des  villes  &L  meinent  vie  affez  innocente  en  leurs  petites  caies-.ils  forgent  des 
caufes  &c  des  crimes  contr'eux,les  tormentent,  efpouantent,  menacent,  &:  par  ainfi  les 
contraignent  de  compofer&  faire  aucc  eux.  S'ils  ne  le  font,ils  les  alfaillent  &:  moleftét 
par  fréquentes  citations.  Et  aduenant  qu'empefehez  pour  quelque  occafion,ils  foyenc 
tombez  en  défaut ,  ils  font  auffitoft  excommuniez  comme  rebelles  &:  contumax.Mais 
s'ils  comparoifTent  toufiours  à  leurs  aflîgnations ,  ils  empefehent  qu'ils  n'ayent  audien- 
ce  des  iuges,  &:  trouuent  des  dilations  &C  allongemens  de  procez  (  qui  s'inuentent  faci- 
lement aux  cours  Ecclefîaftiques)afîn  que  les  poures  gens  ennuyez  de  perdre  li  lôgue- 
ment  leur  temps,  foyent  contraints  de  faire  accord  auecques  eux  pour  racheter  lapei- 
ne  &c  fafcherie  qu'ils  auroyent ,  iointe  à  grans  fraix:  craignans  que  pour  vne  légère  fau- 
te, ou  pour  vne  dette  petite  ou  nulle,il  ne  leur  faille  faire  infinis  defpens. 

i.iiii, 


IàwcjL  Nicolas  Qemangis, 

Touchant  le  furplus  Ju  coi  ps  de  l'cglife  Romaine. 

PRES  que  le  docteur  Clemangis  à  déduit  &:  comme  par  vraye  le&ion  anatomi- 
que  decouppe  les  parties  fuperieurcs  du  corps  de  cefte  eglife ,  pour  monftrcr  que 
depuis  le  (omet  de  la  telle  uifqucs  au  bout  du  talon  il  n  y  a  rien  n  entier  ne  fain,viët  aux 
chinoincs  parties  du  milieu,  &:  parlant  des  Merccnaires>des  Chappelain^Chanoincs  &  Vicaires» 
dit  en  fomme  que  l'Hydre  infernale  8cichifmatique  commençant  du  chef  germât  trop 
abondamment  ,&  icttant  l'es  branches,àinfc&é  tous  les  Collèges  &aflemblces  par  la 
Mcndius.  femence  de  vipère.  Puis  venant  aux  moines  Mcndians  defcouurat  leurs  vaines  &:  met- 
Nmuuûul  chantes  vanterics,  &  l'cftat  de  leur  perfection  infernale,  accouplant  aucc  eux  les  Non- 
nams>adioufte  pour  concluiion> 

L  a  honte  mcmpefche  d'en  faire  plus  long  difeours  (  bien  qiùly  ait  allez  matière  à 
defehifrer  )  de  peur  qu'il  ne  me  faille  tenir  long  propos ,  non  de  troupeaux  de  vierges 
dédiées  à  Dieu,  ains  pluft oit  de  bordeaux, de  rufes  &  afféteries  de  putains,dc  paillardi- 
ses &:  inceftes.  Car,ie  vousprie,que  font  auiourdhuy  les  monaftercs,  linon  des  exécra- 
bles bordeaux  de  Venus ,  &  des  retraites  de  îcuncs  rurHcns  lafeifs  &;  impudiques,  pour 
accomplir  leurs  villenics  ?  (tant  s'en  faut  que  ce  foyet  fanduaires  de  Dieu)  de  forte  que 
rédre  a  prefent  vne  icune  fille  Nonnain  ,cc  n'eft  autrechofe  que  l'expofer  au  bordeau 
tout  publiquement.  Ce  ft-ci  ce  qu'il  ma  femblé  cftre  à  dire  de  noftre  Clergé,bien  que 
de  propos  délibéré  l'aye  pallé  &  teu  beaucoup  de  cholesdefquelles  li  ie  voulove  difcou 
rirparlc  menu,  le  propos  fcroit  trop  long,  &:  n'y  auroitiamais  fin. 

Comparaifon  de  ceux  du  temps  prelènt  auecques  les  mœurs  de$  Pères  ancien». 

T7  A  maintenant  &c  confère  cefte  vic,ces  mœurs,ç£S  gouucrncmens  auec  la  primitiue 
difcipline  des  Pères,  auecques  leur  charité,continencc,  fobrieté,  aufterité  cftroite: 
tu  verras  (li  ce  n'eft  que  tu  fois  plus  aueuglc  qu'vne  taupe  )  qu'il  y  a  autant  de  différent 
entre  l'vn  &c  rautre,qu'entre  la  boue  &  l'or.  Car  en  ces  iaurs  noftres,efquels  les  fins  des 
ficelés  font  venus,  nous  dechcons  peu  à  peu  de  la  tefte  d'or  de  cefte  grande  ftatue  que 
vid  Nabuchodonofor,&:  allas  de  pis  en  pis  pour  l'argent,  l'airain  &  le  fennous  fommes 
paruenus  à  la  partie  des  pieds  qui  eft  d'argile,&:de  poterie.  Puis  adreftant  fa  parolle 
à  Dieu,  s'eterie  en  difant, 

A  s  tu  ainfî  ôDicu  trefbon,dclaiiîe  ta  vigne  eleue,laquelle  tu  as  iadis  platée  de  ta  pro- 
pre main,  laquelle  tu  as  enuirônee  de  haye  &:  de  murailles  pour  empefeher  la  violence 
des  beftes  malignes:Eft-cllc  aïlî  mefprifee  &£  abaftardie  après  que  la  haye  en  eft  deftrui 
te  Se  la  muraille  ruinee:Eft-elle  aïlî  replie  de  rôces  Scdefpines?  Ainfi  au  lieu  de  doux  rai- 
fïns, chargée  d'aigrcts  fauuagcs,c'eft  à  dire  de  mefehacetez?  tellemét  que  partant  par  le 
trauers  d'elle  on  ne  peut  recognoiftrequece  foitcelle-mefmeqtuauois  iadisfaçonnçc 
&:  accouftreefï  foigneufeme"t&:  li  magnifiquement.  Voicy  toutes  les  beftes  la  magent 
&c  pillét,tout  lo  beftail  des  chaps  la  foule  aux  piedsrle  fanglier  de  la  foreft  la  deftruit,  la 
befte  fîngulieremct  terrible  gaftat  &:  foudroyât  tout,broute  ce  qui  eft  d'exquis  en  icel- 
le. Nous  te  prions^cigneu^qu'il  te  plaife  deftourner  ton  ire  &:  la  verge  de  ta  fureur  de 
ta  vigne,  &c  la  regarder  d'enhaut  de  ton  œil  de  milericorde,hnon  pour  nous  qui  en  fom 
mes  indignes,  à  tout  le  moins  pour  l'amour  de  ton  Nom,  qui  par  vne  clémence  infinie 
eft  glorieux.  Nouslauôs  que  ces  chaftimens  &  plus  gras  font  deuz  à  nos  impietczmous. 
fanons  nos  péchez  cftre  multipliez  par  defîus  l'arcne  de  la  mer,furpauans  toute  charge 
en  pelantcur  &  enormitc:  mais  aulTi  nous  fauons  d'autre  part  que  ta  mifericorde  qui  eft 
immenfc,  outrcpaiTc,dc  beaucoup  les  péchez  des  hommes  non  feulemétdena  perpé- 
trez,ains  auffi  ceux  que  l'on  pourroit  inuéterou  imaginer.Nous  entedons  trefbicn  que 
ta  pitié  trcfbenigne,qui  iamais  ne  fe  lafle  de  pardôncr,va  toufiours  deuat  ton  iugemét: 
&mcfmc  excelle  par  delfus  toutes  tes  ceuures.Nous  fauos  que  tu  es  noftrePerc,&:nous 
tes  cnfans(quelques  deprauez  que  foyons)&:  qu'vn  pere  fe  côtente  de  petite  punition 
pour  vn  grâd  péché  de  fon  enfant.  Mais  ie  fay  ce  qui  empefche  que  tu  ne  no"  faces  mife 
ricorde  &n'aycs  pitié  de  no9,bié que  tu  le  vueilles  &:  appetes,c'eft  q  nous  ne  no'defplai 
fons  de  nos  ofFenfes,&:  ne  faifons  côte  de  reuenir  à  toy  en  gemifTant,dôt  tu  nous  admô- 
neftes  li  foigneufemét  par  tes  feruiteurs  Prophètes,  qui  nous  annôcent  ton  ire  &:  ta  vê* 
gcance,nousfîgnifîant  la  côdition,fous  laquelle  tu  no9  veux  faire  grâce.  Mais  nous  qui 
fommes  de  dur  col  &c  cœur  indôptableenuers  tes  cÔmandemens,  ne  t'efeoutons  quad 
tu  nous  appelles  à  pardon, te  mefprifons  quad  tu  nous  reueilles,ne  faifans  conte  de  tes 
fuafiôs:te  prouoquôs  iournellemét  par  nouuelles  &pires  mefchâcetez,bien  que  tu  fois 

prompt 


ce 


la  corruption  de  ce  temps.  s  3 

prompt  &  appareille  à  pardonner  tout  le  pafîc,  fi  nous  en  auions  defplaifir.Parquoy  ru 
es  lourd  à  nos  prières,  &:  ne  retires  ta  main  cftendue  pour  nous  frapper:  mais  tu  redou- 
bles tes  coups  à  raifon  de  noftre  obftination. 

L'excufcdel'jutheurde  ce  qu'il  a  fi  hardiment  aceufe  en  gencu»  Ls  i  (.cleiuftiques. 

IEne  veux  toutesfois  qu  a  caufe  des  chofesdeuant  dites  touchât  ceux  qu'on  nomme 
Ecclefiaftiqucs,lcs  comprendre  tous  fans  nul  excepter.  le  fay  celuy  nauoirôc  ne  pou-  L"ci2.}i, 
uoir  mentir,qui  a  dit,  Pierre, fay  prié  pour  toy,  afin  que  t,a  foy  ne  defaillc.Ie  ne  fuis  aulïi 
ignorant  qu'en  tous  eitats ,  il  y  en  ait  plufieurs  bons,  iuftcs,innocens ,  &:  non  enrachez 
desmelchancetezfuldites.  Toutesfois  en  toutes  profeffionsilya  tant  demefehans, 
qu  entre  mille  à  peine  s'en  peut  trouuer  vn,  qui  face  rondement  ce  que  fa  prof èiïion 
requiert.  Au  contraire  fi  en  aucun  collège  ou  congrégation  &  compagnie  il  lettonne 
quelque  fimple,chafte  &  fobre ,  qui  ne  fuyue  le  chemin  large  &:  glillant  des  autres ,  il 
eft  en  fable  Se  mocquerie  à  tous,  Se  eft  appelé  (ingulier ,  enrage, hypocrite.  D'où  vient 
que  plufieurs  qui  deuiendroyct  gens  de  bien, s  îlshequencoyct  bôs&  modeftes  perfon 
nages,  iont  par  ce  moyen  attirez  à  malcnfuyuant  mauuaife  compagnie?  parce  qu'ils 
craignent  porter  ces  noms  de  brocards  parmy  leurs  compagnons.  Et  certes  le  coin-  ^. 
mun  diretire  du  Pfalmifte,cft  véritable,  Tu  feras  eleu  auecques  l'eleu,  peruers  auec  le  e•I7•3•7• 
peruers . 

Poimpoy  il  fc  taift  des  gens  Je  bien. 

v  e  perfonne  donques  ne  s'eftonne  s'il  yaiprefcnrenl  Eglife  fi  peu  de  genshonne- 
ftes  &:  innocens,  confideré  que  tant  de  meichans  par  tout  les  pouifent  à  mal,ôdes 
follicitent  par  mille  rineiîes.  Parquoy  pour  la  multitude  des  mefehas  priuilegez  à  mal- 
faire, on  ne  parle  des  gens  de  bien,  qui  à  la  comparaifon  des  autres  ne  moment  rien  &: 
ne  font  en  cilime,  tellement  quequandileft  mention  delà  police  de  l'Eglife,  oudes 
membres  d'icelle,la  tourbe  des  preuaricateurs  quila  tiennent  en  tyrannie,  en  fait  par- 
ler à  la  façon  dont  l'Efcriture  vfe  en  plulieurs  lieux:  comme  en  Genefe  il  eft  efcrit,quc  Ge.oui. 
toute  chair  auoit  corrompu  fa  voye:  &:  toutesfois  alors  que  le  deluge  eft  venu  Noé 
homme  mfte  deuant  le  Seigneur  a  cfte'trouué  :  &c  ainfi  fauue  en  l'arche  auec  les  liens. 
Derechef  il  eft  eferitau  liure  des  Pfcaumcs,  Tout  homme  eft  menteur  :  tous  ont  dccli-  Pfe.14.1,  & 
ne  :  il  n'y  en  a  point  vn  qui  face  bien.  Et  nonobftant  celuy  qui  a  ce  dit ,  rend  puis  après  *3  4* 
tefmoignage  de  foy ,  Que  le  S eigneur la  trouué  félon  fon cœur. 

Il  adrefle  fon  propos  à  l'cglife  Romaine,  &:  prédit  fa  ruine  pour  fon  orgueil. 

a  abatu  la  fynagogue  (  qui  a  cfté  la  figure  de  l'cglife, félon  que  S.  Paul  dit,Tourcs  ï.Cor.io.n. 
:hofes  leur  eftre  aduenues  en  figure)qui  l'a  fait  cftre  delaiifce  deDieu,&:  accablée 
de  maux,  finon  fa  malice?Si  donc  félon  la  parabole  d'Ezechiel  couchant  les  deux  feeurs  Ezec.i3  4. 
Oolla  &:  Ooliba,l  eglile  a  fait  le  femblable  quefa  grande  fœur,&  mefme  la  furpa/Fee  en 
enrageant  en  mefchancetez& fornications:  comment  penlera-cllc  cfehapper  fans  pu- 
nition ?  Reucille-toy  donques  finalement  de  ton  fomne  par  trop  long ,  ô  malheureuie 
fœur  de  la  fynagogue?  Reueille  toy,dy-ie,&:  mets  fin  à  ton  yurongnerie  allez  défia  cou- 
lîee.Ly  ce  Prophète  les  autres;  voyôdes  enten,ii  ton  yurôgneric  ne  t'a  du  tout  ofté  le 
cceur  félon  le  tefmoignage  du  Prophète.  Si  donques  tu  as  encorcs  vne  efteincelle  de 
courage  fain,fucillette  foigneufement  les  eferits  des  Prophètes .  là  tu  trouucras  ton  e- 
ftat  &£  ta  confufion  prochaine^  entendras  quelle  fera  ta  fimeombien  que  fi  log  temps 
tu  pourris  en  ces  ordures  en  grand  danger.  Que  fi  tu  n'ois  les  Prophètes  ,&:  ne  penfes 
qu'ils  ayent  parlé  de  roy,  en  ce  qu'ils  predifent  tant  de  maux,  tu  te  trompes ,  &:  t'abufes 
pcrillcuiemcnc:carilsontprophetizédetoy,&dois  entendre  que  les  fardeaux  qu'ils 
menacent  tomberont  fur  toy,  fi  tu  ne  te  repens.  Mais  prenons  le  casque  leur  prophé- 
ties regardent  autre  part ,  quepenferas-tu  de  ta  propre  prophétie,  aiTauoir  de  TApo- 
calypfe  de  Ican  ?  N'eftimeras-tu  point  pour  le  moins,  qu'elle  te  touche  en  quelque  for- 
te? As-tu  perdu  toute  honte  auecques  le  feus  pour  pouuoir  nier  cecy?  Regarde  don- 
ques, &:  ly  la  damnation  de  la  grande  paillarde,  fe  feant  fur  plufieurs  eaux  :  &:là  côtem- 
pie  tes  beaux  f  aicts  &:  tes  deftinees  ou  encombres  à  venir. 

Or  comme  ainfi  foit  que  tu  entendes  &:  voyes  tous  les  empires  &  royaumes  desna- 
tions,quelquespuifians,  forts &grans  qu'ils  fuflent ,  auoir  efté  deftruits  &:rafez  pour 
leurs  iniuftiecs  &£  arrogance:toy  qui  as  reietté  fi  loin  l'humilité  folide,  fur  laquelle  tu  a- 
uois  pris  fondement ,  $c  laquelle  ne  s'effrayoit  d'aucuns  tourbillons:toy,  dy-ic,qui  as  Cr- 


Liurc~>  L  frÇjcohu  Qlernangu, 

lcué  la  corne  fi  haut ,  comment  ne  penfes  tu  poin^qu'vne  lî  groiïe  pefanteur  &z  mafle 
d'orgueil  par  tov  «ireflee  s'en  ira  bas,apres  que  le  rondement  cil  defpccc  &:  arraché?  Il  y 
a  délia  lôg  temps  que  ton  orgueil  à  commencé,  ne  fe  defcouurant  apertemet,  ains  peu 
à  peu  tout  bcllcmët ,  de  forte  que  pluficurs  n'ont  perceu  cefte  tienne  ruine. Mais  à  pre- 
fenttu  es  cullcbutee  du  haut  en  bas  en  la  forte  d'vn  torrentr&fignamment  depuis  que 
ce  l'chifme  abominable  eft  commencé  &c  venu  fur  toy  par  l'ire  de  Dieu ,  pour  réprimer 
tes  premières  mefehancetez  intolérables  &c  tes  fauiTes  rages  :  afin  que  parce  moyc  ton 
royaume  pelant  à  Dieu ,  &£  odieux  aux  hom  mes,cflant  en  ioy  diuile,fuft  félon  la  vérité 
i  uangclique,defolé:afin  qu  citât  briié&dilîipc  s'en  allaft  en  ruine: non  quelafoy  de  la 
vraye  Eglile  qui  combat  en  ce  monde,  perifle  pourtant  :  laquelle  fondée  fur  la  ferme 
pierre  demeurera  ftable  fans  cftre  efbranlec  :  mais  ic  parle  de  la  puiflance  temporelle, 
de  la  gloire  &deliccs,dcfquelles  l'eglife  eft  enyurec  iufqu'au  defgorgcmcnt  Se  oublian- 
ce  de  lby-mefme  :  &:  dont  en  la  damnation  de  la  grande  paillarde  il  eft  commandé  aux 
Apoc.18.7-  Anges  qui  exécutent  la  vengeance,  Donnezluy  tormcnt&:  ducil  à  l'cquipolcnt  dece 
Diuiiiôdcs  qU'cllc  s'eft  glorifiée,  &c  a  efté  en  délices.  Car  encoresque  iene  face  mention  des  cho- 
ies pallées,  alfauoir  de  ladiuifion  des  Grecs  d'auecques  nous,  pour  l'orgueil  des  noftres 
&c  pour  l'auance,des  limites  de  la  religion  maintenant  eftrccis ,  lefquels  auparauant  s'- 
eftendoyentquali  par  tout  le  monde  :  encores  ,dy-ie ,  que  ie  pa/Te  ces  choies  &  autres 
playe  s  dent  lÈglile  commence  de  longtemps  àeftre  blefîée:  pour  le  moins  la  ruine 
dont  nous  voyons  que  la  ville  de  Rome  s'en  va  bas ,  ne  nous  annonce-elle  point  la  de- 
folation  tant  d'icelle  eglife  que  de  l'Empire  eftre  prochaine  :  comme  la  deftruttion  de 
Ieiufaléa  cité  aconfuyuie  de  près  delà  difperfîon  des  Iuifs&:  de  lafynagogueî  ^  O  Ro- 
m  e  ville  de  Romulus ,  tu  as  deu  cognoiftre  ta  ruine  eftre  prochaine ,  depuis  qu'à  caufe 
de  fes  fornications  deteftables,  tu  tesfuye  à  Auignon:  où  plus  apertement  &:  impu- 
demment tu  t'es  expofeepar  les  voyes  detafimonie  &c  proftitution,  amenant  en  no- 
Notczbicn  ft.rc  prancc  ]es  mœurs  eftrangers &.  peruers,  caufe  des  calamitczi  Bien  que  iufqu  alors 
ladite  France  fefuft  maintenue  en  quelque  honnefteté  &:  modeftie ,  à  caufe  de  la  difei- 
plinequis'entretenoit.  Maisàprelentlcsdefbauts  &c  diflblutions  lontiioutrageufes, 
qu'à  bon  droit  tu  pourrois  douter  li  la  choie  eft  plus  admirable  à  ouyr ,  que  milcrable  à 
LVpiiïi    voir'  Toutcsfois  nous  pourrons  peut-eftre  parler  vne  autre  fois  de  la  France  :  parlons 
fiens.        maintenant  de  cefte  eglife:  qui  a  de  couftume  par  vne  manière  &  façon  maligne  infe- 
cter de  Ion  leuain  les  lieux  où  elle  eft  arreftee ,  &c  leur  cftre  caufe  de  ruine  &:  perdition: 
combien  qu'on  luy  rend  bien  la  pareille ,  &:  que  l'on  s'en  venge ,  comme  a  fait  l'Italie, 
qui  luy  a  rédu  chou  pour  chou,par  ce  qu'après  l'auoir  defnuee  &:  defpouillee  de  foa  pa- 
tnmoinc,elle  la  dechaiTce  hors  de  fon  manoir.  Et  défia  la  Fiace  par  elle  appounc  corn- 
ière*,    mence  à  la  recompenfer  de  maux:  afin  que  la  prophétie  foit  accomplie,  Tu  feras  con- 
fufe  par  Egypte ,  comme  tu  as  efté  par  AlTur.Et  ce  qui  eft  dit,Fille  de  Babylon  tu  es  mi- 
rfeau.137.8.  ferable:bicn-heureux  quite  retnbuerala  pareilleque  tunousas  rendue.  Car  depuis 
que  parl'infupportable  multitude  des  péchez  la  furie  fchifmatiquc  s'eft  fourrée  (  ores 
que  ie  ne  touche  ce  qui  a  efté  fait  par  N.  qui  lors  debattoit  &£  qucrelloit  l'office  de  Pa- 
pc:car  ie  lai/Te  cela  à  deferire  pluftoft  à  ceux  quiayans  côuerfé  aucc  luy,peuuent  mieux 
parler  de  fes  conditions &des  mœurs  de  fes  gens)y  eut-ilonques  homme  plus  mifera- 
ClcmentV.  rable  que  noftre  Clément  :  lequel  tant  qu'il  a  vefeu  s'eft  tellement  rendu  iéruitcur  des 
tcmpflS  ^crLUteurs  aux  Princes  6c  à  toute  la  vilenie  de  France,  que  le  plus  poure  efclaue  du  mo- 
dem àAui-  denedeuroitouir?Ildonnoitlicuàtout,  il s'accommodoitau temps, il faifoit  place  à 
gnon.       Timportunité  des poftulans:ilfeignoit,cfiiTimuloit,promettoit  amplement,  auxvns 
des  bénéfices ,  aux  autres  des  parolles.  Il  fe  parforçoit  fort  de  plaire.&  appaifer  par  col- 
lations de  bénéfices  tous  ceux  qui  par  flatteries  ou  plaifantcries  eftoyent  les  bien  ve- 
nus en  cour  :  afin  qu'à  l'aide  d'iceux  il  peuft  acquetir  la  grâce  &:  faueur  des  maiftres.  Il 
conferoit  donc  les  Euefchez  &:  autres  principales  dignitez  vacantes  à  ieunes  braue- 
reaux,  auec  lefquels  il  s'aimoii  fort.  Finalement  pour  plus  facilement  acquérir  la  bon- 
ne grâce  des  Princes,  pour  l'entretenir  après  l'auoir  acquife,  contregarder  après  l'- 
auoir entretenue,  augmenter  en  la  contregardant ,  il  leur  enuoyoït  de  fon  plein  gré 
pluiieurs  prefens  &:  eftrenes ,  leur  ottroyant  toutes  les  exactions  fur  le  Clergé  qu'il  leur 
plaiioit  demander  :  &c  mefme  le  plus  fouuent  leur  offrant  volontairement.  En  telle  fer- 
uitude  de  domination,  quinze  ans  &c  plus  fe  font  paiTez  auec  telle  calamité  qu'on  ne 
pourroit  croire. 

Des 


ï>o  la  corruption  d<u  ce  temps.  jj. 

©CJ  deux  houlettes  de  Dieu,  par  Icfquclks  il  paift  Ton  troupeau. 

No  v  s  lifons  que  Dieu fouuerainPaftcur  de  tous  autres,chcf&:reigle,paift  Ton  troup- 
peau  fous  deux  verges,  ou  houlettes,  L'vnc  Plaifancc,  "l'autre  Liaifon  :  car  ceux  qui  "oùhôncar 
veulent auoir  charge  des  peuples  en  rEghfc,doyuentcftre  ornez  d'honnefteté  Chré- 
tienne &:  de  charité  fraternelle.  Or  le  cordon  de  charité ,  qui  cft  le  lien  de  perfection, 
eft  triple,  &C  difticilemet  fe  peut  romprexar  il  téd  vers  Dieu ,  le  prochain  &:  foy-mefme. 
Mais  li  lame  du  pafteur  n'obciflfant  à  la  parolle  de  Dieu,cerchc  ce  qui  luy  eft  propre 
non  ce  qui  eft  de  Dieu.fi  elle  fe  trouue  variable  par  ceuurc  deshonnefte ,  Dieu  fe  retire 
deux  &:  couppant  fes  verges ,  enuoye  pour  Plaifancc,  ignominie,  &c  deshonneur  :  pour 
vn  cordon  liant,fchifmes,  contentions  &c  venimeux  difcors:&:  parainli  il  rompt  l'allia- 
cé qu'il  auoit  faite,  tant  aucc  les  pafteurs,  qu'auec  les  ouailles  :  &:  aduient  que  les  fuiets 
font  punis  pour  la  faute  des  fuperieurs:commc  pour  le  peché  de  Dauid  qu'il  auoit  corn  i.Sa,i4.  ij. 
mis  en  failantnombrer  le  peuple,  ce  peuple  mefmc  fut  rudement  frappé  de  playe  de 
pefte.  Or  eft-il  certain  que  la  première  verge  nommée  Plaifancc  a  cfté  picça  retrâchee 
ÔC  oftee  de  l'Eglife,poui:  les  péchez  des  pafteurs:aflauoir  du  temps  qu'ils  ont  pris  les  fa- 
çons de  faire,dont  nous  auons  cy  deuant  parlé.  Car  depuis  ce  tcmps-la  PE  ghfc  languit 
fante& malade,  n  a  celle  de  s'efcouler  goutte  à  goutte,  &c  s'en  allcrarecullon,  peurau- 
tant  que  deueftue  de  fon  verdoyant  honneur,  elle  portoit  vne  face  paile, noire  &  abaif- 
fec  contre  terre.  Depuis  cefte  langueur  delaijiée  (ans  cftre  mcdecîncc,\  oire  fans  aucu- 
nement y  prendre  garde ,  s'eft  tellement  empirec  par  fuccelfion  de  temps:&:  difeourac 
par  tous  les  membres  a  tellement  gagné  tout  le  corps  &:  faiiî  de  toutes  parts  qu'à  peine 
les  membres  peuuent  tenir  les  vns  aux  autres.  Parquoy  le  dire  du  Prophète  cft  bien  ve-  Efa  l  <- 
ritablc,  Depuis  la  plante  des  pieds  îufqu'au  fommet  de  la  tefte  il  n'y  a  aucune  famé.  La 
fecôde  houlette,  qui  eftoit  Liaifon,  a  efté  ofteerlaquelle  fouloit  côioindre  les  membres 
maintenant  léparez  par  ceft  abominable  &  horrible  fchifme  d'ambition. 

Quel  a  efte  le  commencement  du  foullemcnt. 

Av  C  v  n  s,quiparinfpirationdiuine(felonqu'oncroit)ontcfcrit  plufieurs chofes  de 
ce  fchifme  deuant  qu'il  aduint,&:  de  la  defolation  de  PEglife  qui  doit  aduenir:ont  e- 
ftimé  que  de  ce  fchifme  aduiendra  que  toute  l'Eglife  fera  foullce  outragcufemét,&:  pi- 
teul'cmentdegaftee  par  la  violence  de  l'empire  terrien,  afin  que  finalement  eftant  dé- 
nuée des  biens  &cheuanccs  terriennes,  elle  vomifîe  l'autruy  ,  qu'elle  auoit  mal  anal-  ^ 
lé  &C  mal  digéré  &:mafché:  &C  qu'elle  pleure  fes  fils  de  fornication  (qu'elle  aengen- 
drcz,tant  par  l'importunité  des  Princes,  que  par  infâmes  contrads  )  les  voyans  morts,  y  e 
fugitifs,bannis,aframez,captifs.  Cefte  perfecution  viendra  peut-eftrefur  la  tefte  d'au-  ph'ticdc-r 
cuns  pluftoft  qu'ils  ne  pcnfcnr.car  fi  du  tout  nous  ne  fommes  aueuglez,  le$  fondemens  iho^s 
en  font  défia  pofezdefquels  de  plus  enplus  s'efleuent  de  terre ,  fi  qu'il  n'y  a  homme  (  s'il  ucuucs- 
n'a  perdu  le  fens  )  qui  ne  les  puiffe  voir  tout  apertement.  Et  certainement  c'eftpar  le 
iufteiugementdcDieu,  que  l'cglife  doiteftre  accablée  de  fi  grand  déluge  de  maux, 
pourautant  qu'elle  cft  venue  à  vne  telle  rage  de  toutes  abominations ,  qu'il  n'y  a  autre 
moyen  delà  chafticr& réduire  à  la  première  innocence.  Infinis  lignes,  admonitions, 
menaces,  reprehenfions,deftru&ions,battures,fleaux  pour  la  faire  fage,de  peur  qu'elle 
n'enduraft  les  maux  préparez  contre  elle, n'ont  de  rien  feruyrôc  s'en  cft  allé  le  tout  fans 
aucun  profit.  Le  fondeur  a  fondu  en  vain  :  (  dit  le  Prophète  )  leurs  malices  ne  font  pour 
confumees:car  de  front  obftiné  contre  Dieu  ils  ont  tout  mefprifé:&:  comme  vn  cheual 
fans  bride  ils  ont  couru  plus  impetueufement  après  leurs  concupifcenccs, 

Il  s'adreflè  à  lefus  Chrift  vray  chef  &  infhuratcur  de  fon  Eglifc. 

«vei  moyen  donques,ô  Chrift,te  faudra-il  tenir ,  fi  tu  veux  nettoyer  ton  Eglifc  de  fi 
grande  ordure  d'efeume,  en  laquelle  fon  or  ôc  fon  argét  font  tournez ,  pour  ietter 
toute  cefte  efeume  par  art  de  fondeur  dedâs  la  fournaife  du  feu  purgatif:  pour  la  rédui- 
re en  bon  or,  &:  faire  reuenir  en  beau  luftre  les  métaux  luifansîSi  dauantage  tu  veux  re- 
mettre  en  nature  ta  vigne  couuertede  lambrufccs&:  de  ronces  qui  poignent  &:fuftb- 
quent  les  feps  &  les  rendent  fteriles,  quel  moyé  y  a-il  meilleur,  que  d'arracher  du  tout 
les  iettons  inutiles  qui  la  rendent  inutile  :  &:  reiettent,  bien  qu'ils  foyent  elTartcz  par  la 
ferperpuis  loer  ladite  vigne  à  d'autres  vignerôs>&  la  peupler  de  nouueau  pla  fructueux» 
Tu  es  tefmoin,Seigneur,qu'on  ne  fauroit  cueillir  raifins  des  efpines,ne  figues  des  char-  Mat.7.xfj 
dons:mefmes  tu  as  ordonné  que  tout  arbre  ne  portant  fouet,  doit  eftre  couppé  &c  ietté 


Plnfieurs 


au  feu.  Ccluy  certes  s'abufe,  qui  penfe  que  les  labeurs  &  douleurs  de  l'Eglifc  fe  puiflerit 
finir  par  les  maux  que  défia  nous  endurons:ce  ne  font  que  petis  commencemés  de  dou- 
leurs, &  douces  efearmouches  de  ce  qui  relie.  Maisileitoit  temps  de  prendre  port  la 
tempefte  venant,  Se  de  pouruoir  au  falut  des  tiens  en  ces  dangers,  de  peur  que  l'ojage 
qui  doit  efbranler  la  nacelle  tant  defpecee ,  de  plus  horrible  tourbillon  que  iamais ,  ne 
nous  engloutiife  au  milieu  des  ondes,  auecquesceux  qui  à  bon  droit  doyuent  cftre 
noyez  &  périr.  c 

prière  filiale  de  N.He.poiir  obtenir  fruitt  falunired  voe  vrjycrcrcrm.uion.. 

D'v  n  e  choie  donc  pour  la  fin,  nous  te  requérons  humblement  tremenin  Ieius ,  Que 
quelques  îugcmens  que  tu  doyues  exercer  fur  ton  Eghie  (car  fans  doute  ils  feront 
arans  )  tu  ne  luy  rendes  félon  fes  iniquitez  en  rigueur  de  vengeance  :  mais  félon  la 
douc  eur  de  ta  clémence  (qui  ne  le  peut  expliquer  )  qu'en  failant  la  punition  d'icclle  tu 
vies  de  ta  mifericorde  dont  elle  eft  indigne  :  &  que  tellement  tu  cfbranches  les  chofes 
mauuaifes&fuperflucs,  que  neantmoins  tu  ne  retranches  quelques  peu  d'autres  non 
du  tout  inutiles. Serre  donques  de  forte  que  tu  n'eftouffes:  Cafle  de  forte  que  tune  bri- 
fes:  Chaftie  tellement,  que  tu  neltcindes  totalement:  pour  le  moins  qu'elle  ne  foie 
femblable  àSodome&:  Gomorre ,  delaifTe  luy  quelque  femence,  te  founenant  de  ta 
trclfacrec  Parollc  ,  par  laquelle  tu  as  promis  d'eftretouliours  auecques  elle,  îufqua  la 
confommation  du  licclc. 


M  ATTHIE  V    HAGER,  en  Alemagne. 

Çjf  OVS  pourrions  ici  dire  plufieurs  choies  par  forme  de  récit  d'hiftoirc,com- 
mi me  les  fidèles  qui  cnoyentde  ce  temps  encore  petitement  cfclaircz,  ont 
^>^Ë  ( neantmoins  foufferteonftamment  diueriesarHiâ:ions:n'eftoitque  de  plu- 
)  h*curs>  outre  les  noms,  il  n'eft  rien  paruenu  a  nous  de  certain  qui  puifle  fer- 
bx^^^»  uir  d'édification.  Et  ne  fe  faut  efbahir  fi  la  tyrannie  de  ceux  qu'on  a  nômez 
Ecclefiaftiqucs,  s'etl  defbordee  fur  les  bourgeois  &:  commun  populaire  des  villes ,  veu 
que  les  Preftrcs&Euefqucs  mefmes  n'ont  point  efte  efpargnez.  Il  n'y  a  eftat  n'ordre  ne 
condition  dont  Dieu  ne  fâche  bien  tirer  aucuns  pour  les  enuoyeren  fa  vigne.  Balcus 
hiftorien  Anglois  fait  mention  d'vn  nommé  Matthieu  Hagcr:  6c  dit  auoir  efté  exécute 
à  Berlin  en  Alemagne  en  l'an  1 458.  ^Touchant  Renauld  Pecok  euefque  de  Ciceftre, 
lequel  fut  afflige  par  les  faux  euefques  d'Angleterre  pour  la  confeflion  de  la  vraye  do- 
ctrine de  l'Euâgile,  nous  le  paffons,  d'autant  que  s'eitat  defdit  (combien  qu'il  foie  mort 
es  tormens  de  la  prifon)  nous  fommes  incertains  quelle  a  efte  fa  dernière  confeflïon. 


AccroilTc- 
nient  des 
fidèles. 


ROGIER  DVL  E,  gentil-homme  Anglois. 
j^p^^COG  IE  R  Dule,  gentil-homme  &z  homme  de  guerre  fut  pendu  &eftran- 
fli  U^lr^p^  Pour  maintenir  la  vérité  au  pays  d'Angleterre,  l'an  m.  c  c  c  c.  xli. 
l  ;  l^oS^  De  p  v  1  s  cetemps,laparolledeDieupnnt  accroiffement  manifefte  en 
§jJ^K^  pluheurs  lieux,  &  fructifia  merueilleufement.Car  le  S.Efpnt  toucha  fi  heu- 
reufement  le  cœur  tant  des  prefeheurs  que  des  auditeurs,  que  le  nombre  des  fidèles 
multiplioit  de  iour  en  iour.  Et  telle  confiance  leur  eftoic  donnée ,  qu'il  y  en  auoic  au- 
cuns qui  enduroyenc  voloncairemenclcs  priions, les  autres  fouffroyent  patiemmentla 
perte  de  leurs  biens:pluficurs  ne  craignoyét  point  de  mourir.  Et  peut-on  bien  dire  que 
les  perfecutions  de  la  primitiue  Eglife  ont  recommencée  que  le  Seigneur  Iefus  a  vou 
lu  monftrerdes  ceuures  autant  admirables  queiamais,efpandant  fa  grâce  aumonde? 
laquelle  auoit  long  temps  elle  cachée  pour  Jagrande  ingratitude  du  monde  :  laquelle 
toutcsfoisil  a  bien  voulu  en  ce  temps  ici  fecller  parlelangde  fes  fidèles  cefmoins,&: 
parlamortd'iccux:  laquelle  combien  qu'elle  foit  ignominicufe&  exécrable  deuant 
les  yeux  du  monde:  toutesfois  elt  de  grand  pris  deuant  la  face  de  Dieu,  comme  dit  le 
Pfalmiftc. 

D'VN 


D'VN    GENTIL-HOMME  qui  efloit parent  à  la  femme  du  ducdeCandie. 

jAMETIN  hiftoriographc  faic  mention  d'vh  qui  eftoit  parent  de  la  du- 
ichefle  de  Càndie.- lequel  fut  condamné  par  vrl  légat  de  Rome  nommé  Pier- 
re Thomas  ,&  après  fa  condamnation  fut  bruflé  pour  là  vérité  conftam- 
[ment  par  Iuy  fouftenue  :  Combien  que  Tes  compagnons  Te  fuiîent  tous  def- 
dits.  Ce  mefme  légat  fit  déterrer  les  os  d'vn  autre  fidèle*  &  les  brufler  au  feu. 


LÀ    M  E R  E  de  la  dame  d'Tonge  ^tngkifc. 

jA  fureur  des  pèrfecuteursn'efpargna  eh  ce  temps  le  fexe  féminin  :  comme  MCCCC. 
(îce  n  eftoit  afTeZ  aux  àduerfaires  d'exercer  leur  cruauté  barbare  Contre  les  XCUI1* 
[hommes.  A  ùcuns  hiftoriens  rédcht  tefmoignagc  de  ceci:  &:  encore  auiour- 
 jd'huy  le  mefme  eftdeuant  nos  yeux  teftifié&approuué.  Ceprefent  exem- 
ple ne  doit  eftre  omis:  affàuoir  d'vne  darhôifelJc  Vertueufe  &  confiante ,  merc  de  la  da- 
me d'Yonge  laquelle  polir  là  confeffion  de  la  parolle  de  Dieu  fut  brùflee  en  Angleter- 
re,!^ m.c  c  g  c.xc.Ccfut  ehuiroh  ces  tefrips ,  àflauoir  «.tcccui  .qu'vn  nom- 
mé m.Ie  an  l'An  gioi  $,chvhechàpeIledeS.  Crcfpihenlaville  de  Paris,  ietta  par  fa». 
terre  vnehoftic&cfpancha  vn  calice  qu'vn  Prcftre  auoit  confacré  en  la  Me/Te»  Au-  %loii' 
tant  en  fît  deux  ans  après  en  la  mefmc  ville  de  Paris ,  vn  nommé  H  emondPicard,  Hemood 
en  lafain&e  chapelle  du  Palais,  lequel  ayant  efté  appréhendé  &mis  prifonriier,  à  la  Picard.;  ' 
pourfuitte  d'vn  nôméStandôc,futbrufle  eh  ladite  vûlc  de  Paris  la  m.cccc.xciii. 


wssm 


HIEROME    UVÀNAROL  ÀJtaÙc». 

La  mort  de  Sauaiuroh  nous  rcduit  en  mémoire  comme  va  commencement  de  la  lumierc>la<jueHe  puis  après 
eft  parucauci  m  plein  midy. 

V  ternes  d'Alexandre  fixieme  pape  de  Rome  Efpaghol  de  nation  *  aflaùoir  M  ccce 
m  .  c  c  e  c .  x  c  v  1 1 1 ,  fut  bruflé  à  Florence  Hieromc  Sauanàrola ,  religieux  x  c  viii.  ' 
[de  Tordre  des  Iacopins,homme  renômé  en  viè&  doctrine.  Ceftuy-cy  main- 
__  ]  tenoit  la  communion  fous  les  deux  efpeces  en  la  Cene  :  cOndamnoit  les  in- 
dulgcnces,&:  auoit  la  couftumed'âccufer  fort  afprementlàvie  deshonriciteft  infâme 
du  Pape,dcs  Cardinaux,&  de  tous  tels  Pères  fpirituels,&  le  mauuàis  deuoir  à  faire  leur 
office.  Et  niât  la  primauté  du  Pape,il  enfeignoit  que  la  ^ui/Tancc  des  clefs  n'auoit  point 
efté  donnée  à  fainct  Pierre  feul:&  en  outre  que  le  Pape  ne  fuyuan  t  ne  la  vie,ne  la  doctri- 
ne de  Iefus  Cllrift ,  eftoit  vray  Antechrift.  Il  affermoit  auflî  que  fes  excommunications 
n'eftoyent  point  a  craindre.Dauantage  il  prédit  certaines  chofes  qui  font  aduefhtes  de- 
puis,a/Tauoir  le  faccagement  de  Florence  &:  de  Rome,la  reftauration  de  l'Eglife.  Nous 
troùuohs  en  l'hiftoire  de  Philipe  de  Comiftes  de  ce  perfonnage  ce  que  fenfuit.il  y  auoit  Ali ,  |iure 
(dit-il)vnfrercPrefcheur  ou  Iacopin, ayant  demeuré  à  Florence  par  fefpacé  de  quinze  de  ùsMe. 
ans  renomé  de  fort  fain&e  vie,Iequel  ic  vy  &  pàrlay  à  luy  en  l'an  tf.cccc.Lxxxxv.  jno,rcs»c,i- 
appelé  Frère  Hicronyme,  quia  dit  beaucoup  de  chofes  auant  quelles  fufTent  àdoe-  a 
nues.  Ettoufiours  auoit  fouftenu  que  le  Roy  (de  France  Charles  v  n  i.  )  pàfTeroit  les  tt 
^lonts ,  &:  le  prefcha  publiquement,  difant  lauoir  par  reuefatiôri  de  Dicii ,  tant  cela  tc 
qu'autres  chofôs  dont  il  parloit.  Et  à  caufe  qu'il  difoit  fauoir  lés  chofes  par  reûelàtion,  tt 
plufîcurs  murmuroyent  contre  luy,  Se  acquit  la  haine  du  Pape ,  &  de  plufieûrs  de  la  vil-  t< 
îedeFlorcncc.  $a  vie  eftoit  la  plus  belle  du  monde  (àfrifi  qu'il  fepôuùoitvoir)en  fes  tc 
fermons  prefehant  contre  les  vices:  &a  feduit  eri  icette  cité  maintes  gens  à  bien  vi-  i.efmift 
lire.  Ën  ce  temps,  mille  quatre  cens  quatre  Vingts  dixhuit,  que  le  Roy  Chàrlesefttref-  ^jj"^ 
paffé  &  finy\  aufli  fît  frère  Hieronymc ,  à  quatre  où  cinq  iours  l'vh  dé  l'a  utre  :  tc  vous  di-  saùanarol* 
ray  pourquoy  ie  fay  ce  conte.  Il  a  toujours  prefché  publiquemét  4  le  Roy  retournèrent 
derechef  en  Italie  pour  accôplir  cefte  cômiffion,queDiéuluy  auoit  dônecqui  eftoit  de 

Lu 


Linrc^>  /.  Ty  'îfcoHrs  hittorial dc~>  ces  temps, 

pourtant  que  le  faict  requeroit  haftiucté ,  finalement  leur  aduis  fut  de  commencer  pair 
le  plus  bref,  alîauoiriicraccufer  de  crime  d'herefie,&  le  rendre  odieux  parce  moyen 
deuant  l'euefquede  Londres  qui  eftoit  lors  Richard  Fyrzian, compagnon  en  celle  con- 
CSiurMlon  iuration,  comme  on  verra  cv  après.  €  Richard  donc  citant  accule ,  fut  incontinêt  cn- 
dc  Richw"  »°yé  cn  ptifort  par  l'Eueique ,  en  vne  tour  ioignant  le  temple  de  S.Paul,  laquelle  on  ap- 
pelé la  tour  des  Lollards.  En  ce  temps-la  Guillaume  Hori'cc  eftoit  chancelier  de  ceft 
Euefque,  fur  lequel  toute  la  charge  &:  gouuernemét  de  la  pnfon  repol'oie  :  &c  auoit  à  fori 
commandement  Charles  ïofeph  officier  de  la  cour  Epifcopale,  &:  Iean  Spaldvng  qui  a- 
uoit  la  charge  des  cloches  deS.Paul.Ceux-cy  tacherét  défaire  mourir  de  faim  Richard 
Hun  :  mais  voyans  qu'ils  nepouuoyct  venirà  bout  de  leur  entreprife,  vnioui  feiettercE 
fur  luy  en  la  prifbn:&:  l'ayans  lié  pieds  &:  mains,  l'cltranglercnt  :  puis  après  le  deflierent, 
&:  pendirent  de  fa  ceinture  à  vn  clou  qui  eftoit  fiché  à  la  muraille.  Cela  fut  tait  le  1 1 1 1, 
de  Deccmb.  m.d  .  x  v .  Ayans  cômis  ceft  acte  fi  exécrable ,  ils  firent  courir  le  bruit  par 
tout ,  que  Richard  Hun  s  eftoit  pendu  cn  prifon  de  fa  piopreccinture.  Ce  bruit  c  liant 
Enquede  ainfiefpandu,  douze  hommes  notables  furent  députez  pour  s'informer  du  faicr,auec  le 
cômis  parC  procureur  fîfcaî  de  Londres,qui  eftoit  Thomas  Barnel.Quand  on  dépendit  le  corps  du 
ceux  de  \'-  lieu  où  il  eftoit,  on  trouua  que  les  membres  cftoyent  delioints,&  le  col  defnoué  par  gra 
Officiahtc  jc  violéce:  tcfmoin  le  fang  qu'on  trouua  vn  peu  pardelàlclieuoù  il  eftoit  pendu  ,  cn  vn 
coin  delà  prifon.  Sa  telle  panchoit  fur  l'efpaule  droite ,  &  les  habillemcns  cftoyent  ar- 
roufez  de  fang  à  codé  gauche.  Ses  deux  poings  auoyent  encore  les  marques  qu'il  auoit 
eflé  lié  par  là  fort  ellroitcment.  Outre  cela, corne  ainfi  foit  que  ce  cas  euft  efte  perpétré 
de  nuici,  on  trouua  la  chandelle  efteinte  ainfi  qu'il  falloit  :  laquelle  autremet  il  euft  bif- 
fé bruller  dedans  le  chandeliers  il  fefuft  pendu  foy-mcfme.  On  y  trouua  vne  robe  lon- 
gue fourrée  de  peaux  precieufes:&  on  doutoit  qu'elle  fuft  à  l'Euefque  ou  à  fondit  Cha- 
celier.  Or  comme  ainfi  foit  que  ces  conicrïures  &:  autres  rendiiîent  le  faict  a/fez  clair 
&c  manifefle, incontinêt  procez  fut  formé  contrece  Chancelier  :  mais  il  efchappa  à  for- 
ce de  prefens  &C  corrupnons,&:  s'enfuit  à  Oxone,&:  depuis  ne  retourna  à  Londres.  Et  a- 
fin  que  le  martyre  de  ce  perfonnage  foit  plus  certain,  &  que  Ihiftoirc  ait  plus  de  poids, 
il  y  eut ,  outre  tout  cecy ,  la  confeflîon  de  Iean  Spalding ,  lequel  finalement  reuela  tout 
ce  qui  efloit  de  celle  mort  :  &  déclara  le  tout  h  bien  qu'on  n'en  douta  nullement.  Fina- 
lement ledit  Eucfque  le  fit  bruller  comme  hérétique  en  la  place  de  Smythfild. 


D  I SC  O  V  RS  hiftonal  des  l'horreur  de  temps  qui  ont  précédé  la  venue  de 
Martin  Luther,  5c  autres  fidèles  Docteurs  de  l'Euangile. 

O  V  T  ce  que  nous  auons  iufqu'ici  deduit,a  efté  comme  vn  preparatifà 
receuoirplus  ample  grâce  &  bénéfice  de  la  lumière  de  l'Euangile.  Pour 
lequel  tant  mieux  cognoiftre&:  magnifier:  il  eft  befoin  que  nous  ayons 
comme  pourtrait  deuant  les  yeux  vn  fommaire  du  déluge  de  maux  qui 
couuroyét  en  ce  temps-cy  toute  la  terre ,  par  lefquels  le  Seigneur  ayant 
fait  pafTer  &:  voguer  l'arche  de  fon  Eglife ,  a  puiflammet  monfiré  la  clar- 
té de  fa  pure  parolle.  Et  pour  déduire  les  chofes  vn  peu  de  plus  haut, pertinentes  à  cefte 
Lr  Concile  hjftoue  des  Martyrs,  il  eft  ainfi  qii'apres  le  Concile  de  Conftâce  (  duquel  a  efté  traité  cy 
deiîus)celuy  de  Balle  fueceda,  auquel  Eugène  1 1 1 1.  Papceftantdepofé,  Amedé  ou  A- 
my  duc  de  Sauoye,tiré  de  fon  hermitage  de  Ripaille  fut  furroguc,&:  nommé  Félix  V.de 
ce  nom.  Ceft  Eugène  defaduouant  le  concile  de  Balle  l'auoit  fait  euoqucr  à  Bolognc,&: 
de  Bologne  à  Ferrare,  &C  de  là  finalement  à  Florence, &c  faifoit  ces  difeours  craignant  la 
liberté  du  Concile  de  Balle  :  mais  cependât  il  couuroit  fon  fai£t  de  ce  que  les  Grecs  ve* 
noyent  és  Itales ,  comme  de  vray  ils  y  venoyent  pour  demader  fecours  cotre  les  Turcs. 
Et  mefmcs  pour  obtenir  ce  qu'ils  demandoyent,  ils  s'eftoyent  offerts  de  s'accorder  à  ce 
qui  feroit  arrefté  au  premier  Concile. Et  combien  que  ces  Grecs  s'accordoyét  pour  lors 
auecl'eglife  Romaine  touchant  le  fainctEfprit,lVfagc  du  pain  fans  leuain  en  laCenc, 
le  Purgatoire  &:  la  primauté  du  Pape ,  toutefois  après  la  mort  de  Iofephe  Patriarche  de 
Conftantinoble ,  ils  ne  voulurent  fouffrir ,  que  le  Pape  en  eftablift  vn  autre ,  comme  il 
vouloit  faire:&  reietterent  tout  à  plat  la  refuerie  de  l'eglife  de  Rome  touchant  la  tranf- 

fubftan- 


dc  Bufle 
Amedé  de 
Sauoyc. 


à  la  venue  de  Luther autres  Docteurs. 

fubftâtiation introduite.  Vn  peu  après  Conftantinoblc  (il  n'y  auoitcôme  rien  que  l'Em 
percur  eftoit  retourné  en  fa  maifon)fut  deftruite.CEugene  fe voyant  excômunjc  parle  Lcs  rurt« 
Côcile  de  Balle  créa  dixhuic  Cardinaux  pour  Te  fortifier  aJencôtre  de  Tes  aduerfaires:&  Eog^anpeC4 
après  auoir  fulcité  Charles  vi  i  .&  ion  filsDaulphin  de  France  cotre  les  Pères afiemblez 
à  Baile,faifoit  fembnît  de  vouloir  tenir  vn  Concile  de  Latran:  &:  ainii  Ce  feruoit  de  l'aide 
des  Princesses  entretenant  de  vaine  efperance.   Apres  Ton  treipas  Fridcric  moyenna 
enuersFclix  cinquième  de  le  faire  quitter  fon  pontificat,  &lereiignerà  Nicolas  cin- 
quième ,  à  condition  qu'il  ratifieroit  les  articles  du  Concile  de  Balle.  Or  par  iceux  il  e- 
ftoit  conclu,que  le  Pape  s'aflubiettiroit  aux  Synodes  &  Conciles,&:  y  obeiroit.dauanta- 
ge  que  de  dix  en  dix  ans  vn  Concile  fe  tiendroit ,  où  gens  fauans  auroyent  liberté  de  di-  Concilcde 
re  leur  aduis. Ces  choies  furet  arreftees  l'an  m.  c  c  c  ex  l  i  x  .mais  les  fucccfTeurs  dudit  ]J"cndlx 
Nicolas  n'en  ont  tenu  conte.  Autres  ordonnances  auiîî  furet  faites  en  ce  Concile,pour  m.cccc. 
retrancher  de  la  puiflanec  excefîiue,que  le  Pape  vfurpoit  en  conférant  les  bénéfices:  &C  XLlX« 
pour  le  rendre  iuftitiable ,  en  cas  qu'il  abuferoit  de  fon  authorité.  Toutes  ces  ordônan- 
ces  ont  efté  appelées  la  Pragmatique  fonction  :  laquelle  les  François  receurent  par  le  com-  pragmati- 
mandement  de  Charles  feptieme,  fuyuant  l'aduis  des  Princes  &:  de  la  noble/Te:&:  la  pu-  quefanftiâ 
blierent  à  Paris  le  feptieme  de  Iuillet  m.cccc.xxxix  ,pour  le  profit  &c  tranquillité 
du  royaume.  C  Alexandre  v  i.& Iules  u,  qui  furent  Papes  depuis  Nicolas  v,  ont  fort 
degafté  par  cruelles  guerres  l'Italie.  Ils  mirét  en  picque  les  Rois  d'Europe  les  vns  cotre 
les  autres,  dont  aduiBt  que  d'autant  que  Louys  xn  ,  parle  confentement  de  l'Empe- 
reur Maximilian ,  publia  vn  Concile  contre  Iules  pour  eftre  tenu  à  Pife  (  combien  que 
depuis  il  ait  efté  tranfferé  à  Milan  )  au  premier  de  Septembre  m.d  .  x  i .  Ce  Iules  ne  vou- 
lant fouffrirlauthorité  du  Pape  eftre  en  rien  diminuée,  après  auoir  cha/ïc  les  Cardi- 
nnux,tenans  le  party  du  roy  de  Frace,hors  d'Italie ,  afTembla  vn  Concile  de  Latran,  qui 
fut  depuis acheué fous  Léon  x.    ^Cependant il n'eftoitnouuelle  d'aucune  reforma- 
tion de  l'Eglife,  ne  de  donner  ordre  à  ce  qu'il  y  euft  vnevraye  do&rine  retenue  entre 
les  Chieftiens ,  d'introduire  vnc  bonne  difcipline,  &  corriger  les  vices  &  mœurs  depra- 
uez ,  ou  de  modérer  les  loix  du  Pape  :  mais  au  contraire ,  il  n'eftoit  queftion  en  ce  beau 
Concile  de  Latran  que  de  confermer  les  vieilles  idolâtries ,  les  erreurs ,  abus ,  fuperfti- 
tions  &£  la  tyrannie  du  Pape.    ^  11  s'engendra  en  ce  temps  vn  grand  différent  entre  les 
Cordclicrs  &:  les  Iacopins,  touchant  la  naiftance  de  la  vierge  Marie,  ce  qui  feruoit  fort 
pour  cfchaufFcr  &  faire  valoir  la  cuifine .  Les  Cordeliers  fouftenoyent  qu'elle  auoic 
efté  conceue  fans  péché  originel  :  les  Iacopins  difoyent  au  contraire,  &:  fur  cela  fe 
bandèrent  les  vns  contre  les  autres  :  &  s'efehaufferent  fi  bien  de  cofté  &  d'autre ,  que 
la  plufpart  des  hommes  abbreuuez  defuperftitions  &:  enracinez  en  idolâtrie ,  trouuoic 
l'opinion  des  Cordeliers  plus  fauorablc  &:  agréable  .&  pourtant  ils  auoyent  la  vogue. 
Les  Iacopins  fc  voyans  reculez, pour  eftablir  &C  donner  foy  à  leur  dire,  eurent  recours  à 
faux  miracles  &  illufiôs  qu'ils  inuenterct.  Car  en  la  ville  de  Berne ,  ils  trou  ueret  moyen 
de  forger  vne  ftatue  de  la  vierge  Marie  fi  bié  à  droia  qu  o  y  pouuoit  mettre  dedas  quel- 
cun  par  lequel  elle  parloit  &femouuoit.  Vn  moine  nouice  parleur  inftigation  &for- 
celeriefe  mit  dedans ,  &  iouôù  tellement  fon  perfonnage ,  que  ces  Iacopins  perfuade- 
rent  au  peuple  que  l'image  pleuroit,  fe  complaignoit,  &  rendoit  refponfe  à  ceux  qui  1- 
interrogoyent.  La  fraude  defcouuerte,  quatre  des  principaux  autheurs  de  ceftemef- 
chanceté  furent  bruflezle  dernier  iour  de  May  m  .  r>.  i  x.  Il  cft  certain  que  lescaphars 
poulTez  par  Satan  ont  vie  deplufieurs  telles  baftéleries&forceleries,  pour  abrutir  le 
peuple ,  qui  n'eftoit  que  par  trop  enueloppé  d'erreur  &:  de  fupcrftitions.    ^Cependat  En^eU,. 
que  les  Papes  &  leurs  fuppofts  abufoyentainfi,&tormentoyent  le  monde,  Dieu  ayant  miferce- 
pitiédu  genre  humain,  remplyde  ténèbres  fi  horribles  &:  efpouantables,*:  fous  ce  î^^}0'1 
mafque  &  titre  de  l'Eglife,  enchanté  ou  pluftoftabyfmé  en  toute  fuperftition,fufcita  Dicufufci- 
par  fa  bôté  infinie  Martin  Luther,qui  eftoit  de  l'ordre  des  Auguftins.  Lequel  combien  M  Lutixct- 
qu'il  fuft  de  petite  toutefois  honnefte  maifon ,  &c  fans  aucun  crédit  au  monde,  home  au 
demeurant  de  bon  efprit,&:  de  fingulier  fauoir,Dicu  luy  donna  vn  courage  mcrueil- 
leux,&:  l'arma  d'vne  confiance  incroyable.  Parle  moyen  dequoy,  &:  vfant  de  là  parolle 
de  Dieu,il  a  comme  dénoué  toutes  les  plus  grades  difïicultcz  dont  les  Papes  embrouU- 
loyent  le  poure  monde. Cependant  les  Rois  de  la  Chreftienté  par  l'inftiganon  du  Pape 
s'en  efearmouchoyent  à  merucilles,&:  lemenaçoyent  luy  &c  tous  ceux  qui  fuyurôyent  fa 
dodrincdebannifTementjdeguerreSjdefeus&demauxinnumerables.  CarUfftevôu- 

Jk  iil. 


Liurc~>  /. 


TyifcoHrs  hiïïonald^j  m  temps, 


Côiuration 
de  la  mort 
de  Richard 


pourtant  que  le  faiît  requeroit  haftiucté ,  finalement  leur  aduis  fut  de  commencer  pair 
lepliisbref*,afîauoirdcraccufer  de  crime  d,here(ie,&  le  rendre  odieux  parce  moyen 
deuant  l'euelquede  Londres  quîeftoitlors  Richard  Fytzian, compagnon  en  celle  con 
îuracion,  comme  on  verra  cv  après.  *  Richard  donc  cirant  accule ,  fut  încontinct  cn- 
uoyé  en  prifon  par  l'Eueique ,  en  vne  tour  joignant  le  temple  de  S.Paul,  laquelle  on  ap- 
pelé la  tour  des  Lollards.  En  ce  temps-la  Guillaume  Horfcc  cftoit  chancelier  de  ccfï 
linéique,  iiu  lequel  toute  la  charge  &gouuernemét  de  la  prifon  repofoic  :&:  auoit  à  l'on 
commandement  Charles  lolcph  ofHcier  de  lacour  Epiicopale,  &:  Ican  Spaldv  ng  qui  a- 
uoit  la  charge  des  cloches  de  S.Paul.Ccux-cy  tacherét  défaire  mourir  de  faim  Richard 
Hun  :  mais  vovans  qu'ils  nepouuoyct  venir  à  bout  de  leur  entreprife,  vnioui  fcicttcrct 
fur  luy  en  la  pnfon-.&  l'ayans  lié  pieds  &  mains,  l'eftranglcrcnt  :  puis  après  le  deflierent, 
&  pcndii  ent  de  la  ceinture  à  vn  clou  qui  cftoit  fiché  à  la  muraille.  Cela  fut  fait  Ici  m, 
de  Deccmb.  m  .  n .  x  v  .  Ayans  cômis  ccft  acte  fi  exécrable ,  ils  firent  coin  ir  le  bruit  par 
tout,  que  Richard  Hun  s'eftoit  pendu  en  prifon  de  (a  piopreccinture.  Ce  bruit  citant 
Enquefle  amj~  efpandu,  douze  hommes  notables  furentdeputczpours'informerdufaict,auec  le 
prociu  cur  fiical  de  Londres, qui  cftoit  Thomas  Barncl.Qijand  on  dépendit  le  corps  du 
lieu  où  il  cltoir,on  trouuaqueles  membres  cftoyent  dclioints,&  le  coldefnoué  pargra 
de  violëcc:tcfmoin  le  fang  qu'on  trouua  vn  peu  pardelà  lclieu  où  il  cftoit  pendu  ,  en  vn 
coin  delà  prifon.  Sa  tefte  panchoit  fur  l'efpaule  droite ,  &t  lés  habillemcns  cftoyent  ar- 
roufez  de  fang  à  cofte  gauche.  Ses  deux  poings  auoyent  encore  les  marques  qu'il  auoit 
efté  lié  par  là  fort  eltroitcment.  Outre  cela, corne  ainfi  foit  que  ce  cas  euft  cfté  perpen é 
de  nuict,  on  trouua  la  chandelle  efteinte  ainfi  qu'il  falloïc  :  laquellcautremêt  il  euft  laif- 
lc  brufler  dedans  le  chandelier,s'il  le  fuit  pendu  foy-mcfme.  On  y  trouua  vne  robe  lon- 
gue fourrée  de  peaux  precieufes:&:  on  doutoit  qu'elle  fuft  à  l'Euefque  ou  à  fondit  Cha- 
celier.  Or  comme  ainfi  foit  que  ces  coniectures  &:  autres  rcndiiîent  le  faict  allez  clair 
Se  manif  efte,incontinét  procez  fut  formé  contrece  Chancelier  :  mais  il  efchappa  à  for- 
ce de  prefens  &  corruptions,&:  s'enfuit  à  Oxone,&:  depuis  ne  retourna  à  Londres.  Et  a- 
fin  que  le  martyre  de  ce  perfonnage  foit  plus  certain,  &  que  l'hiftoirc  ait  plus  de  poids, 
il  y  eut ,  outre  tout  cecy  ,  la  confefiîon  de  Ican  Spalding ,  lequel  finalement  reucla  tout 
ce  qui  eltoit  de  cefte  mort  :  &  déclara  le  tout  fi  bien  qu'on  n'en  douta  nullement.  Fina- 
lement ledit  Euefque  le  fit  bruller  comme  hérétique  en  la  place  de  Smythfild. 


du  meurtre 
cômis  par 
ceux  de I'- 
Orficialué. 


Lf  Concile 
de  Bafle. 
Amedc  de 
Sauoyc. 


DISCOVRS  hiftonal  des  l'horreur  de  temps  qui  ont  précédé  la  venue  de 
MuninLuther,  &  autres  fidèles  Docteurs  de  l'Euangile. 

O  V  T  ce  que  nous  auons  iufqu'ici  deduit,a  efté  comme  vn  preparatifà 
receuoirplus  ample  grâce  &  bénéfice  delà  lumicïc  de  l'Euangile.  Pour 
lequel  tant  mieux  cognoiftre&  magnifier:  il  eft  befoin  que  nous  ayons 
comme  pourtraitdcuant  les  yeux  vnfommaire  du  déluge  de  maux  qui 
l^âMf  couuroyet  en  cetemps-cy  toute  la  terre,  par  lefquels  le  Seigneur  ayant 
^*  fait  pafTer  &:  voguer  l'arche  de  fon  Eglife ,  a  puiflàmmét  monftré  la  clar- 
té de  fa  pure  parolle.  Et  pour  déduire  les  chofes  vn  peu  de  plus  haut, pertinentes  à  cefte 
hiftoire  des  Martyrs,  il  eft  ainfi  qu/apres  le  Concile  de  Conftâce  (  duquel  a  efté  traité  cy 
dciius)celuy  de  Balle  fueceda,  auquel  Eugène  1 1 1 1.  Papeeftantdepofé,  Amedé  ou  A- 
my  duc  de  Sauoye,tiré  de  fon  hermitage  de  Ripaille  fut  furroguc,ÔJ  nommé  Félix  V.de 
ce  nom.  Ccft  Eugène  defaduouant  le  concile  de  Bafie  l'auoit  fait  euoquer  à  Bolognc,&: 
de  Bologne  à  Ferrare,  &:  delà  finalement  à  Florence, &c  faifoit  ces  difeours  craignant  la 
liberté  du  Concile  de  Balle  :  mais  cependât  il  couuroit  fon  fai£t  de  ce  que  les  Grecs  ve- 
noyent  és  Itales ,  comme  de  vray  ils  y  venoyent  pour  demader  fecours  cotre  les  Turcs. 
Et  mefmcs  pour  obtenir  ce  qu'ils  demandoyent,  ils  s'eftoyent  offerts  de  s'accorder  à  ce 
qui  feroit  arrefté  au  premier  Concile. Et  combien  que  ces  Grecs  s'accordoyét  pour  lors 
auecl'eglife  Romaine  touchant  le  fain&Efprit,rvfagc  du  pain  fans  leuain  en  laCenc, 
le  Purgatoire  &c  la  primauté  du  Pape ,  toutefois  après  la  mort  de  Iofephe  Patriarche  de 
Conftantinoble ,  ils  ne  voulurent  foufFrir ,  que  le  Pape  en  eftablift  vn  autre ,  comme  il 
vouloit  faire:&:  reietterent  tout  à  plat  la  refuerie  de  l'eglifede  Rome  touchant  la  tranf- 

mbftan- 


à  la  venue  de  Luther, &  autres  Do&eurs.  j 7 

fubftatiation  introduite.  Vn  peu  après  Conftantinoblc  (il  n  y  auoitcôrne  rien  que  J'Em 
percur  eftoit  retourné  en  Ta  maifon)fut  deftruite.CEugene  fe  voyant  excômunjé  par  le  Lcs  ruft» 
Côcile  de  Balle  créa  dixhuit  Cardinaux  pour  Te  fortifier  alencôtre  de  Tes  aduerfaircs:&  lug^^ 
après  auoir  fulcité  Charles  v  1 1  .&  fon  fllsDaulphin  de  France  cotre  les  Pères  alîémblez 
à  Ba(le,faifoit  l'emblat  de  vouloir  tenir  vn  Concile  de  Latran:  &c  ainfi  fe  feruoit  de  l'aide 
des  Princes, les  entretenant  de  vaine  efperance.  Apres  fon  treipasFrideric  moyenna 
entiers  Fclix  cinquième  de  le  faire  quitter  fon  pontificat,  &:  lereiignerà  Nicolas  cin- 
quième, à  condition  qu'il  ratifieroit  les  articles  du  Concile  de  Balle.  Orpariceuxile- 
ftoit  conclu,que  le  Pape  s'aflubiettiroit  aux  Synodes  &  Conciles,&  y  obeiroit.dauanta- 
ge  que  de  dix  en  dix  ans  vn  Concile  fe  tiendroit ,  où  gens  fauans  auroyent  liberté  de  di-  Concile  de 
releuraduis.Ceschofesfuretarrciteesl'anM.c  ccc.xn  x  .mais  les  fucce/Teursdudit  ^*cndlJt 
Nicolas  n'en  ont  tenu  conte.  Autres  ordonnances  aulfi  furet  faites  en  ce  Concile,pour  m.cccc. 
retrancher  de  la  puiifancc  cxceiîïue,que  le  Pape  vfurpoit  en  conférant  les  bcncfîces:  &:  XLlX« 
pour  le  rendre  iullitiable ,  en  cas  qu'il  abuferoit  de  fon  authorité.  Toutes  ces  ordonan- 
ces  ont  efte  appelées  la  Pragmatique fonction  :  laquelle  les  François  receurent  par  le  com-  pragmati- 
mandement  de  Charles  fepticme,  fuyuantl'aduisdes  Princes &:  delà  noblenre:&  la  pu-  quefanftiâ 
blierentàParislcfeptiemedeluillet  m.c  c  c  c.  x  x  x  i  x,pour  le  profit  àc  tranquillité 
du  royaume.  ^Alexandre  v  i.  &:  Iules  n,  qui  furent  Papes  depuis  Nicolas  v,  ont  fort 
degafté  par  cruelles  guerres  l'Italie.  Ils  mirét  en  picque  les  Rois  d'Europe  les  vns  cotre 
les  autres,  dont  aduint  que  d'autant  que  Louys  xn  ,  parle  confentement  de  l'Empe- 
reur Maximilian ,  publia  vn  Concile  contre  Iules  pour  eftre  tenu  à  Pife  (  combien  que 
depuis  il  ait  cfté  tranfferé  à  Milan  )  au  premier  de  Septembre  m.d.xi.Cc  Iules  ne  vou- 
lant fourfrirlauthorité  du  Pape  eftre  en  rien  diminuée, après  auoir  cha/Té  les  Cardi- 
naux,tcnans  le  party  du  roy  de  Frace,hors  d'Italie ,  aflembla  vn  Concile  de  Latran,  qui 
fut  depuis  acheué  fous  Léon  x.    ^Cependant  il  n'eftoit  nouuelle  d'aucune  reforma- 
tion de  l'Eglife,  ne  de  donner  ordre  à  ce  qu'il  y  euft  vnevraye  do&rine  retenue  entre 
les  Chreftiens ,  d'introduire  vne  bonne  difeipline,  &  corriger  les  vices  &  mœurs  depra- 
uez ,  ou  de  modérer  les  loix  du  Pape  :  mais  au  contraire ,  il  n'eftoit  queftion  en  ce  beau 
Concile  de  Latran  que  de  confermer  les  vieilles  idolâtries ,  les  erreurs ,  abus ,  fuperfti- 
tions  &:  la  tyrannie  du  Pape.    ^  Il  s'engendra  en  ce  temps  vn  grand  différent  entre  les 
Cordeliers  &  les  Iacopins,  touchant  la  naiffance  de  la  vierge  Marie,  ce  qui  feruoit  fore 
pour  cfchauffcr     faire  valoir  la  cuifine .  Les  Cordeliers  fouftenoyent  qu'elle  auoic 
cfté  conceué  fans  péché  originel  :  les  Iacopins  difoyent  au  contraire,  &  fur  cela  fe 
bandèrent  les  vns  contre  les  autres  :  &  s'efehaufferent  h"  bien  de  cofté  &  d'autre,  que 
la  plufpart  des  hommes  abbreuuez  de  fuperftitions  &  enracinez  en  idolâtrie ,  trouuoic 
l'opinion  des  Cordeliers  plusfauorablc  &  agréable  .  &  pourtant  ils  auoyent  la  vogue. 
Les  Iacopins  fe  voyans  reculez, pour  eftablir  &:  donner  foy  à  leur  dire,  curent  recours  à 
faux  miracles  &illuhos  qu'ils  inuenterct.  Car  en  la  ville  de  Berne,  ils  trouueret  moyen 
de  forger  vne  ftatue  de  la  vierge  Marie  h"  bié  à  droi<5t  qu  o  y  pouuoit  mettre  dedâs  quel- 
cun  par  lequel  elle  parloit  &femouuoit.  Vn  moine  nouice  parleur  inftigation  &for- 
celeriefe  mit  dedans ,  &  ioufiit  tellement  fon  perfonnage ,  que  ces  Iacopins  perfuade- 
rent  au  peuple  que  l'image  pleuroit,  fe  complaignoit,  &  rendoir  refponfe  à  ceux  qui  1- 
interrogoyenr.  La  fraude  defcouuerte,  quatre  des  principaux  autheurs  de  ceftemef- 
chanceté  furent  brûliez  le  dernier  iour  de  May  m  .  d.  i  x.  Il  cft  certain  que  lescaphars 
pouffez  par  Satan  ont  vie  de  plusieurs  telles  bafte'leries&forceleries,  pour  abrutir  le 
peuple ,  qui  n'eftoit  que  par  trop  enueloppé  d'erreur  &:  de  fuperftitions.    ^Cependat  jnquci],; 
que  les  Papes  &  leurs  fuppofts  abufoyent  ainfî,&  tormentoyent  le  monde ,  Dieu  ayant  miferee- 
pitiédu  genre  humain,  remplyde  ténèbres  fîhorribles  &£  efpouantables,*:  fous  ce  J^ua^011 
mafque  &c  titre  de  l'Eglife ,  enchanté  ou  pluftoftabyfmé  en  toute  fupetftition,fufcita  Dicufufci- 
par  fa  bôté  infinie  Martin  Luther,qui  eftoit  de  l'ordre  des  Auguftins.  Lequel  combien  M  Lu*cr« 
qu'il  fuft  de  petite  toutefois  honnefte  maifon  ,&  fans  aucun  crédit  au  monde,  home  au 
demeurant  de  bon  efprit,&:  de  fingulier  fauoir,Dicu  luy  donna  vn  courage  merueiî- 
leux,&  l'arma  d'vne  confiance  incroyable.  Parle  moyen  dequoy,&:  vfant  de  làparolle 
de  Dieu,il  a  comme  dénoué  toutes  les  plus  grades  difficultcz  dont  les  Papes  emprouîl- 
lovent  le  poure  monde. Cependant  les  Rois  de  la  Chreftienté  par  l'inftigation  du  Pape 
senefcarmouchoyentàmerucillesj&lemenaçoyentluy&tousceux  quifuyurôyentfa 
do&rine,de  bannifTement,de  guerres,defeus  &  de  maux  innumerables.  Car  Us  ne  vôù- 


L'horreur  &  abyfines  des  temps, 


Prcdittion 
de  Hus. 


Croifadc. 


î'ofici 


lovent  endurer  que  la  religion  qui  auoit  tenu  fi  long  temps,  fuft  ainfi  changée:  &  que 
parfoccafion  de  cela  toute  l'Europe  fuft  cfmeuë,efbralee  fie  troublec:mais  toutes  leurs 
machinations  &:  complots  ne  feruirent  de  gucrcsj&rinuc  de  lavertueufeconftance  de 
P°"'fiondc  Luther  rut  heure  ufe.    ^  Il  y  auoit  alors  délia  cinq  cens  ans  que  les  Papes  opprimoyent 
1  Eglifc    l'Eglilc  par  leur  tvrannie,  fie  cent  ans  eftoyent  efcoulcz  depuis  le  Concile  de  Conftacc; 

En  la  findefquels  Ican  Hus  auoit  prédit  qu'il  y  auroit  tel  changemet  en  l'cglilc  Romai- 
nc,qu'ilncpourroitcftre  deftourné  par  feu  ne  cruauté  quelconque.  L'occalion  aduinc 
de  l'auance  infaciable  du  Pape  fie  de  fa  fcquelle  :  qui  trouuant  à  tout  coup  quelque  nou- 
uelle  mucntion fie  tromperie, pilloycntles  hommes  fans  aucune  mercy.  Nous  les  pou- 
uonsaccopareràceque  les  Poètes  ont  efcritdcsharpycs:  car  après  auoir  touché  furies 
biens  des  homes  fie  les  auoir  rauis,  ils  laiiîoyct  vne  puanteur  aux  pour  es  côfcieccs  qui  e- 
ftoit  intolérable. Mais  fur  tout  ils  môftrcrét  leur  impudcccdefbordee& enragée,  quad 
pour  attraper  argent  ils  firét  prclcher  la  Croifade,ôë  firét  marche  des  amcs,&  vend  ii  et 
leurs  pardons  &:  indulgences  au  plus  offrant.  ^  Celle  année  là  donc  qui  eftoit  15 17.2- 
près  l'incarnation  du  Fils  de  Dieu ,  Luther  cômença  à  guerroyer  contre  la  foire  des  în- 
dulçeces,Se  chaflant  de  l'Eglilc  de  lefus  Chrittvn  tas  de  marchâs,rcnuerla  leurs  tables, 
fcabeauxôe  boutiques.  C'eft  à  dire,  il  cômença  à  deftruire  fpirituclle  mer  les  autels  des 
idoles,ôe  par  la  parolle  de  Dieu  renuerfa  toutes  les  fanfares  des  hypocrites ,  qui  le  mon- 
ftroyentauee  beau  luftre  çàôelà  és  téples.  Dauanrage  il  fc  mit  à  dédier  an  Seigneur  les 
teples  tant  faits  de  mains  d'hômc,que  baftisde  la  feule  main  deDieu,qui  font  les  cœurs 
des  hômcs:voire  après  les  auoir  bien  repurgez  de  toute  fuperftition  fie  erreur.  Et  ce  afin 
qu'ils  tu  lient  faincts  temples  fie  recogncuilcnt  Dieu  corne  il  appartient^  l'inuocalTent 
au  nom  de  l'on  Fils  lefus  Chrift  noftrc  Sauucur fie  Médiateur.  Et  ainfi  que  totitc  la  Tri- 
nité, le  Pere,  le  Fils  &:  le  S. Efprir,  habitait  Se  regnaften  eux  félon  fafaincte  promcf!é,8e 
non  pas  cefte  grand'  idole  de  Pape.  ^Martin  Luther  ayant  celte  occaiîon,mit  aux  por- 
tes du  temple  (qui  eft  près  du  chafteau  de  Vvitemberg  )  de  belles  polluons  pour  difpu- 
ter.  Il  les  mit  ,  dy-ic,ledernier  d'Octobre  delà  fulditeanree.  CËn  ces  quartiers  d'Al- 
lemagne Tckel  Iacopin  ,  qui  eftoit  home  trelîmpudét,  \  t  ndoit  ces  pardôs,lous  le  nom 
d'Albert  archeuefque  de  Magdcbourg.  ^"Luther  cfmc  u  des  mefehans  prefehes  de  ce 
caphard,ôe  eftant  touché  d'vn  vray  fentimét  de  la  crainte  deDicu,drefla  les  politioslef- 
quellesfe  trouuentau  premier  Tome  de  fes  cruurcs.  Te  kc  1  pourfuyuanttouliours  en  fa 
maudite  impieté,fie  efpcrant  d'acquérir  la  grâce  du  Pape, appelé  l'on  Scnatfie  quelques 
moines  Théologiens  qui  auoycnt  mis  le  mufeau  és  limes  dcsfophiftcs.  Voila  les  com- 
mencemens  de  ce  différent,  quia  bien  baillé  les  co  nés  au  Pape. Mais  pour  lors  Luther 
nclperant  aucunement  que  par  ce  moyen  il  y  deuit  auoir  li  grand  changement  en  la 
religion,  comme  il  s'eitenfuyui,necondamnoit  du  tout  les  pardons  du  Pape:tant  feu- 
lement il  dcmandoit  qu'on  vint  à  les  corriger  vn  petit  ou  modérer.  Et  pourtant  ceux 
qui  d-fent  qu'il  a  cerche  parce  moyen  derenuerfer  l'cftat  publique,  fie  fe  faire  grand  8C 
aduancer  félon  le  monde  quelques  autres ,  ils  luv  font  grand  tort,  fie  le  calomnient  ma- 
licieufement.  Meimes  tant  s'en  faut  qu'il  ait  cflé  iuborné  fit  pouffé  de  quelques  cour- 
tiiansfi/  gentils -hommes  pour  faire  ce  qu'il  auoit  tait,  comme  l'accufoit  le  duc  de 
La  pieté  &  Brunfuic,  queFridericfontrclilluftreScigncur&e  Princedc  Saxe  8e  Electeur  de  TEm- 
pru^  nec  p  jrccftoit  bien  marry  que  tant  de  troubles  eftoyent  efmcus  pour  cefte  occalion.Car  ce 
Saxe.  bon  &lage  Prince  prcuoyoit  combien  que  le  cômencement  de  telle  contention  eftoit 
populaire,  que  ce  ncatmoinsla  flamme  s'efprendroit  plu  s  au  long  fie  au  large.  Veu  dôc 
qu'il  eftoit  défia  aagé ,  fie  fe'lÔ  la  prudécefie  experiéce  entedoit  les  dagers  desgouuerne- 
més,il  n'eftoit  ignora  t,qtat  qu'il  tft  pofllble,il  faut  euiter  châgemét  és  cftats  publiques 
Mais  d'autre  cofté  ayant  vne  fpirituelle  fagefle  procedâte  d'vne  vraye  crainte  de  Dieu, 
fie  ne  s'arreftant  pas  feulement  aux  iugemens  profanes  des  hommes, qui  ordinairemêt 
eftiment  que  les  commence  mens  des  choies  pendant  qu'ils  font  encores  tendres  fiepe 
tits,peuucnt  aifément  cftrc  rompus,  mais  prenan  t  confeil  de  la  bouche  du  Seigneur,fi£ 
fe  rciglant  par  fa  Parolle ,  qui  cômande  que  l'Euangile  foit  ouy,  entédoit,8e , toutes  che> 
(es  bien  pefees,trouuoit  qu'il  faut  auoir  la  gloire  de  Dieu  en  fingulicre  recômandarion, 
quad  chacun  en  particulierôe  tous  en  gênerai  deuroyét  perir.ll  feauoit  trefbien  q  c'eft 
vn  horrible  fie  du  tout  enragé  blafpheme  que  de  s'oppofer  à  la  vérité  dcDicu  ia  cognuc. 
Parquoy  lifantdiligémcnt  lcsefcritsdcLuthcr,&:  eïpluchant  le  tout  de  poincten  poîcr, 
Si  voyant  q  tout  eftoit  véritable ,  il  n'a  voulu  qu'ils  fuilent  effacez  ou  bruflez.  Il  faut  bie 

dire 


à  la  venue  dc^>  Luthèr,& autres  Docteurs.  jS 

dire  que  Dieu  le  fortifioit&:  confcrmoitd'vnc  grand'  grâce &£  magnanimité  finguliere. 
Car  quelques  menaces  qu'on  luy  (ceuft  faire  pour  l'elpouantcr ,  quelque  commande- 
ment que  luy  fift  l'Empereur  Maximilian  ÔC  les  Papes  d'empefeher  Luther  de  prefeher, 
il  n'en  fit  pour  cela  autre  chofc.3  Toutefois  il  n'cfloitfi  arrogâtquede  prefumer  de  foy 
qu'il  pcult  tout  feul  mger  delà  doârincdc  Dieu  ,  mais  il  demandoit  l'aduis  de  plufieurs 
gens  aagez,grands  pciionnagcs&:  de  bonne  rcputatiô.  Entre  autres  gens  lcauas  du  cô- 
lcil  dcfquels  il  via,il  dcmandal'aduis  d'Erafme  Roterodam  en  celte  aifemhlcc  que  tint 
Charles  V.enla  ville  dcColognc,npres  fon  couronnemét.  Ayât  dôc  enuoyc  qrirErafme 
il  parla  à  luy  fort  humainement:^:  entre  autres  ,ppos  luy  dit, q  puisqu'il  vauoit  quelque  f"1  rtf?on' 
dirterenc  en  la  rcligion,qu  il  aymoit  mieux  que  la  terre  s  ouunlt  pour  rcngloutir,qucde  mci  la  je- 
donner  conlentemcnt  ou  faucur  quelconque  àfaufîes  opinions .  mais  fi  Luther  repre-  n'a"ded" 
noir  bien  les  crrcurs,&  monftroit  droitcmct  la  vrayedotfrinc  deDieu,encore  qu'il  veit 
en  quel  danger  il  eitoît  luy  &  les  licns,que  toutefois  cela  cognu  &:  en  citant  aiîcurc,iJ  ne 
(croit  jamais  contraire  à  la  vérité. Et  pourtant  qu'il  ne  vouloit  en  vne  matière  de  lîgrade 
conlequence  s  arreiter  à  fon  feul  îugement  :  ains  qu'il  defiroit  d'auoir  aduis  fur  cela  des 
gens  dcfcauoir.Puis  après  il  pria  affcclucufement  Erafmedeluy  déclarer  rondemétee 
qu'il  en  fentoit.Eralme  voulant  refpondre  commença  de  fe  foubrirc,&:  par  manière  de 
moquerie  dire  que  Luther  auoit  cômis  deux  grans  péchez.  l'vn,en  ce  qu'il  auoit  efmeu 
éC  troublé  les  ventres  des  moines:l'autre,d'autant  qu'il  auoit  touché  à  la  courône  du  Pa 
pe.  Ayant  dit  cela  de  bôiiegracc^intàparleràbonerciét^dirantlbnaduis^ireuroitq 
Luther  reprenoit  iufrement  les  abus  &errcurs,&:  qu'il  eftoit  plus  que  necclFaire  à  l'Egli 
fe  qu'ils  fulTcnt  corrigez. Il  adioufta  en  lomme  dauantage  quela  docirine  deLuthere- 
ftoit  vraye,mais  qu'il  voudrait  qu'il  fuft  vn  petit  plus  doux,&:  non  tât  véhément  qu'il  e- 
ftoit. Laurent  euefquc de  V  vrcebou rg  efenuat  à  Fridcric  luy  mandoit  qu'il  auoit  demâ 
dé  l'opinion  de  plusieurs  gés  do&cs,mais  qu'il  trouuoit  q  Luther  eftoit  trop  aigre  &.  af- 
pre  en  fes  efcrits  ll  cft  certain  queLuther  fe  côplaignit  par  lettres  au  pape  Léon  3cà  Al  - 
bertarcheuefquedeMagdebourg  ayantprimautefurfAIemagnede  l'enrageeimpudé 
ce  de  ces  porteurs  de  rogatons  &:  marchans  de  pardons.  Et  leur  madoit  qu'il  fe  foumet- 
toit,luy&:  fes  polirions  au  iugemét&ccfuredcl'cglife  Romaine  .  Au  furplusen  ladiet- 
teque  tint  Maximilian  à  Àufbourg,il  promit  à  Thomas  Caietan  cardinal, de  fe  taire  de 
là  en  auar,  pourueu  qu'on  fift  auffi  taire  les  aduerfaircs.Par  cela  il  appert  que  Luther  ne 
demandoit  pas  fe  fourrer  en  altercation  &:  contetion  ,  mais  n'aymoitritn  mieux  que  la 
paix. Or  depuis  que  ces  difFercns  fe  font  efmcus ,  de  tous  coftez  vn  tas  de  gens  ignorans 
cfcriuirent  contre  luy, tellement  qu'eftant  par  eux  irrité, vint  peu  à  peu  à  delcourir  plus 
grand  nombre  d  abus,&deduire  plus  amplement  les  matieres.^Dont  fe  font  enfuyuies 
les  difputcs  de  la  différence  des  loix  diuines&  humaines:  de  l'exécrable  profanation  de 
la  Cene  du  Seigncur.  des  foires  &  marchandifesdes  me/Tes:de  l'application  de  laCene  à  ♦ 
autre  vfage  qu'elle  n'a  efté  inftituce^ôme  fi  elle  feruoit  à  autres  qu'à  ceux  qui  la  reçoi- 
uent.Su  r  cela  il  fallut  déclarer  toute  la  nature  des  facrifices&:  faeremes.Lcs  gens  de  bié 
es  monaftcresentëdans  qu'il  falloit  euiter&T  fuir  toute  idolatrie>lcsdelaifroyent,&:quit 
toyent  les  fuperftitions  aufquelles  ils  s'eftoyent  miferablement  alferuis.  Voila  commet 
pluficurs  delaiiferent  leurs  moineries.  ^  Lutder  donc  voulant  mieux  déclarer  fa  do&ri- 
nc,mit  en  auant  ce  qu'il  falloit  fommairement  entendre  delà  vraye  pénitence,  de  la  re- 
milfiô  des  pechez,de  la  foy,des  indulgéces  &:  de  femblablcs  autres  pointts  de  la  do&ri- 
nede  Dieu. En  tels  combats  le  Seigneur  donna  pour  adioinc~t  &  compagnon  à  Luther, 
Philippe  MelancT.qui  à  déduit  d'vne  merueilleu(é&:  finguliere  dextérité  toutes  les  prî- 
cipales  difficultez  qui  font  en  la  religion:&  recerchat  comme  iufqucs  aux  profondes  ca 
uernes  de  la  lbphiftene  fchola(tique,lcsàmisd'vne  belle  méthode  en  euidence  tatpar 
eferits  q  par  difputcs  verbales.  Depuis  ces  deux  port-enfeignes  Dieuafufcité  plufieurs 
autres  vaillants  chapions  qu'en  Saxe  qu'es  contrées  àlenuiromcomme  lean  Bugenha- 
ge  Pomeran  ,Gafpar  Crucigerjufte  Ionasjufte  Mcnius ,  lean  Epin  &c  autres  en  diuers 
lieux.  Iccux  s'adioignans  à  la  caufe  quedefendoyét  Luther  &:  Melanthô  ont  prins  grâd 
peine  de  repurger  l'Eglife  de  toute  faulTe  doftrine,&  y  reftablir  celle  qui  eft  vrayemét  de 
Dieu  .  <j  EckiusefmeutladifputedclapuiilanceduPape,non  pas  tant  pour  maintenir 
la  vérité  que  pour  efmouuoir&  enflammer  le  Pape&r  les  Rois  contre  Luther .  Ces  fon- 
demens  mis  &:  pofez  [ , petit  à  petit  l'Eglife  du  Seigneur  pnnt  fon  accroiffement  &  le  rè- 
gne du  Pape  tomba  en  décadence:  premièrement  en  Alcmagne ,  puis  après  es  nations 


L#ro  /.  hfenry  VoeJjSt  Jean  Efck 

VoifinesCConfideronscn  ce  changement,principalcmcntleconfeildcnGftre  boDicu 
qui  aflemble  les  liés  6c  les  gouuernc,nôpasparautlioricc,pui/râce  ou  fagciïé  humaine, 
D.cufckrt  ma|-s      ja  bouche  des  enfans,&  le  miniftcre  des  pourca  6c  (impie-,  gt  ns,qui  alaitent  le 
po^Xn  laictde  la  doctrine  de  rEuangilc.Dauâtagcquand  il  luy  plaift,iJ  garde&defcnd  les  lies 


dre  les 


non  pac  armes  ou  force  des  Rois, mais  feulement  de  l'ombre  de  les  ailes .  ^  Pa  k  cvy  o 
£rindï'     recognonTons  le  grand  bénéfice  de  ceite  lumière  Euangclique  redonnée  en  ce  temps, 
&C  le  remercions  de  ce  qu'il  luy  à  pieu  donner  des  claires  fontaines  de  l'Euangile  après  le 
bourbier  de  la  doctrine  monaftique. Et  n'eftimons  p  oint  que  ce  foie  moindre  miracle 
d'auoir  maintenu  l'Eglne  contre  la  tyrannie  duPape,  6c  tant  de  haines,  menaces^  vio- 
Jécesdes  Rois  de  toute  l'Europe,  qu'à  cfté  la  dcliuranccdu  peuple  d'Ifrael  de  la  feruitu- 
Co-nbien   de  d'Egvptc.Crovons  auffique  la  reftitution  de  la  pure  doctrine  après  vn  tel  abyfmcdc 
on  doîc  rri  tant  ^c  fupCrjtitions &C  opinions  d'hommes, eft  autant  ou  plus  miraculeufe  que  la  deli- 
tu'iondc"  urance  &  conduite  dudit  peuple  par  la  mer  rouge  &  par  les  deferts,à  la  terre  de  promit 
h  venté,    lion:  combien  que  les  choies  corporelles  clmcuuent  dauanrage  nosfens. 

Demandons  donc  ardcment&  auec  gemillemens  qu'il  plaifeau  Seigneur  de  confer 
Prière  au  nier  ce  qu'il  a  befongné  en  nous, pour  l'amour  de  Ion  temple  l'acre. Parquoy,ô  vray  Dieu 
îe'cflwre  ctcrnc^    viuât,Pcre  de  noftre  Seigneur  Icfus  Chrift,nous  te  luppliôs  de  bon  cœur,  que 
m  out      pour  la  gloire  d'iceluy  tu  te  ramalfes  toujours  d'entre  nous  par  la  viue  voix  de  l'Euangi- 
tccips.      je  ca  fain&c  Eglil'e.Gouuerne  nos  cœurs  par  ton  l'ainft  Efprit,afîn  que  nous  t'inuoquiôs 
en  vérité,  &:  t'offrions  leruices  aggreables .  Donne  Seigneur  commodité  d  habitation 
paifible  aux  afl'emblees  fjdeles:&  garde  les  bons  Princes  qui  les  entretiennent^  s'efror 
cent  de  faire  valoir  les  bonnes  lettres  &fcicnces  nccellaires  à  ton  Eglifc. 
Maintien-les ,  &c  les  conferue  par  le  moyen  &c  pour  l'honneur  de  ton  Fils  éternel  noftre 
Seigneur  Iefus  Chrift. 

HENRY  VOE2,6MEAN  ESC  H^^uflinsdeBntbant. 

D  E  pluficuis  Augufb'rw  qui  d'Anucrs  furent  mené?  prifounier»  i  Villeuord,  ville  ôc  ^nfon  ordinaire  de  Brabant ,  il  y  en 
eut  trois  qui  pour  la  profeffion  de  vérité  Furent  longtemps  detenus.Le  mai  t)rc  des  deux  eft  icy  mis  félon  que  l'a  ddem 
&  publié  par  impreflion  vn  perfonruge  notable  cftant  lors  à  Bruxelles. 

M.o.      '|?^^^vy  V  A  N  D  Luther  eut  commencé  de  publier  iàdo&nne  par  liuresimpri- 
XXIII.     j?  p5^^V  mez,plufieurs  les  leurent  &C  en  firent  fort  bien  leur  prouflt  auant  queles  ad- 
iV';lÇ|^yN;  u criai rcs  s  ad ui fartent  d'en  obtenir  la  defenie. Le  contient  des  Auguftins  d'- 
l'^5c>^^l  Anuerscn  fut  deilors  inftruit:d'autant  que  Martin  Luther  ne  leureftoitfuf 
pe£t,eftant  encore  de  leur  ordre.  La  plus  part  de  ces  Auguftins  fut  citée  àBruxclles  à  l- 
inftance  del'euefque  deCambray  ou  Ion  promoteur,  pour  rendre  raifon  deleurfoy: 
mais  il  n'y  en  eut  que  trois  qui  demeurèrent  conftansdes  autres  fe  fubmirent  à  la  volon 
té  des  aduerfaires,qui  eftoyent  en  grand  nombre.  On  fît  tout  ce  qu'on  peur  pour  faire 
defdire  ces  trois-cy,comme  les  autres:mais ceux  qui  auoyent  cefte  commiilion,  voyans 
qu'ils  ne  proufitoyent  rie,  délibèrent  de  les  faire  mourir  pour  leur  obftinatiô  .  Ils  furent 
De  combic  donc  menez  à  Bruxelles,&:  là  on  les  mit  en  prifon  bien  eftroite .  Nos  maiftres  de  Lou- 
aemj  ftercs  uain  s'y  trouuérent,&:  au  refte  bien  peu  d'autres. pource  que  deuant  le  iour  du  fupplicc, 
uerfain»*^  ^e  bruit  n'en  auoit  encores  gueres  couru.  Le  premier  iour  de  Iuillet  le  peuple  s'aftem- 
pour  paur  hla  au  marché,  trois  ordres  des  frères  Mendians  qui  font  en  ladite  ville, y  vinrent  auec 
leurcaufe.  jeurs  banmcrCs,  &  tous  marchoyét  en  procelTïon  la  croix  deuant. Les  Docteurs  en  The 
ologie  eftoyét  chacun  en  l'on  reng,lcs  Abbez  aulll  auec  leurs  mitres  &c  croiTes  y  eftoyét: 
par  faute  d'Eueiques.  On  auoit  fait  dreiTer  à  tous  ces  vénérables  vn  eichafFaut  deuant 
la  maifon  de  la  ville.  De  ces  trois  Auguftins  on  pfint  le  plus  ieune,&:  le  mena-on  par  le 
marché  enuiron  les  onze  heures:  ceftuy-cy  furmontoit  les  autres  en  doûrine  &  grâce 
de  bien  parler.  Apres  qu'il  euft  efté  amené  au  milieu  de  ce  théâtre,  6c  qu'il  eut  là  demeu- 
ré quelque  peu  de  temps,on  le  monta  fur  re(chaffaut,accouftré&  reueftu  des  ornemes 
facerdotaux.il  y  auoit  vne  table  dreffee&  parec  en  forme  d'autel, deuant  laquelle  on  le 
fît  mettre  à  gcnouxi&tous  auoyent  lesyeux  iettez  fur  luy  comme  eftonnez.On  napper 
ccut  aucun  ligne  en  luy  qu'il  fuft  troublé,  ou  qu'il  tremblaft. Derrière  luy  eftoit  vn  beau 
perc  Gardien  des  Cordeliers ,  qui  commença  le  fermon  de  la  dégradation  :  Et  puis  l'E- 
ucfque  portatif  ouurat  fon  liure  commença  auflï  à  iouer  la  partie.  Vne  heure  entière  fe 
palîà  auant  qu'il  euft  paracheué  le  rolle  de  fes  cérémonies:  outre  ce  que  le  beau-pere  a-, 
uoit  demeuré  autant  à  prefeher. 

Cepen- 


tfcnry  Voe%J$  Jean  Efcb.  j p 

Cependant  ce  ieunc  homme  ne  changea  onques  de  contenaneexomeainfi  foit  que 
plufieurs  qui  ne  pouuoycnt  ouyr  Je  prefeheur  pour  la  preiîe  qui  y  eftoir,eufTent  les  yeux 
du  tout  fur  luy. Il  auoit  le  regard  doux  &:  gratieux,mcnftrant  qu'il  mcfpnfoit  ceft  appa 
reil  demort,aucc  grande  modeftie  &c  debonnairete.Qj.iand  on  luy  commanda  de  fe  de- 
ùeftir,oneftoit  efmcrueillé  de  fa  grande  promptitude.  Aucuns  ont  rapporté  qu'il  dit  en 
paiTant,qu'il  feroit  obeiflant  iufqucs  à  la  mort. Quand  toutes  ces  cérémonies  eurét  pris 
fin,  &:  que  de  preftre  on  leuft  lait  home  laie, ou  feculier,ainfi  qu'ils  diicn  t,on  luy  fit  cha- 
ger  d'habits:&  pafla  outre  au  derrière  de  l'efchaffaud.*  On  fit  venir  puis  apres  les  deux  J^/J*")"1^ 
autres, qui  auoycnt  la  face  plus  hidelife:  car  la  barbe  leur  cftoit  accrc  uc  mal  en  ordre  e-  AugufUni. 
ftansen  pril'on:  toutefois  ils  monilroyét  en  leurs  faces  apparéce  de  côftance&:  alaigrcf- 
fc.Lei.iour  de  Iuillct  ils  furent  dcgradez&  defpouillez  de  leurs  habits  de  Moines,  àla 
pourfuitte  derinquiliteurdelafoy&:desTheologicnsdeLouuain:pource  qu'ils  ncs'- 
eftoyét  point  voulu  deidire  ne  retraiter  de  leur  opinion.  Lors  ils  commenecrét  à  rêdre 
grâces  au  bon  Pere  ce  leftc, lequel  les  deliuroit  ainii  par  fa  grande  bote  de  la  faillie  mafq 
de  telle  Prcftrife,pour  les  faircPrcftres  de  foh  ordre  fainft,les  receuat  à  foy  pour  oblatiô 
de  bon  odeur.  De  ces  trois  les  deux  furent  amenez:  aflauoir  Henry  Voez&Ie  an 
Esc  H,&incontinétapresc6duitsau  lieu  du  (upplicc,où  le  bois  cftoit  defiaapprefté:af 
fauoir  au  mcime  marché  où  on  auoit  fait  ces  beaux  myfteres.  Cependant  qu'on  les  me- 
noit,&  qu'on  leur  oftoit  leurs  habillemés,ils  tindret  quelques  propos  lefquels  plufieurs 
ouyrent,&:  depuis  ont  rendu  tefmoignage  que  c'eftoyent  propos  de  gens  fort  modeftes 
&  craignans  Dieu. Ils  proteftoyent  qu'ils  mouroyent  corne  vrais  Chrcftiens:qu'ils  croy-  ^"pol"e 
oyent  laS.Eglife  vniuci  felle:que  c'eftoit  le  iour  qu'ils  auoyent  attendu  pour  voir  leur  de  voez  & 
firaccompli>irâuoird'eftrefepaiTzdeleurscorps,poureftreconioinclsauecChnft.Or  Efcb" 
apres  qu'ils  eurent  efté  dcfpouille2,n'ayans  plus  que  la  chemife,ils  furent  là  long  temps 
embraffans  le  poftcau:&  on  alluma  le  feu  petit  à  petit.Si  on  doit  &c  peut  iuger  de  leurs 
contenaces  &:  geftes,pâr  leurs  fronts  &c yeux,&  par  l'apf>aréce  delà  face  (lesquelles  cho 
fesdcfcouurent  bien  fouuent  plus  fidèlement  &:  certainement  le  cœur  que  la  lâguene 
fait)on  peut  dire  que  rafleurance,la  conrtànce&  alaigrefTe  croi/Toyét  de  bien  en  mieux 
en  eux:&  principalement  monftroyent  vne  lie/fe  en  la  face,de  forte  q  plufieurs  péfoyét 
qu'ils  rioyent.  Entre  autres  chofes,ils  reciterentleSymboledelafoy,&:  quelqs  hymnes, 
refpondans  par  verfets  l'vn  apres  l'autre.L'vn  d'eux  voyant  le  feu  allumé  fous  fes  pieds, 
s'efena  qu'il  voyoït  comme  des  rofes  efpanchees.  Finalement  la  flamme  éleuee  en  haut 
les  cftoufFa,&  leur  ofta  la  parolle  de  la  bouche.^  Lctroifieme  ne  fut  point  amené. aucûs 
difét  qu'il  fc  dcfdit.&  nôobllant,pourcc  qu'il  ne  fur  produit  en  public  pour  fe  retracter, 
il  y  en  aplulieurs  qui  ne  le  peuuét  croire.  Aucûs  péfent  qu'on  la  fait  mourir  fecretemét. 
Le  lcndemain,qui  elloit  le  iour  d'vnefcfte  de  la  vifitation  delà  vierge  Marie,  ce  mefme 
beau-pere  Cordelier  fit  vn  fermon, auquel  il  admonnefta  le  peuple,  que  fi  on  demadoiti  Menfongci 
à  quelcû  d'entre  eux  quelle  a  efté  la  fin  de  ceux  qu'ils  ont  veu  brufler,  qu'on  refpondift  J"rCordC: 
qu'ils  eftoyent  morts  en  la  foy  erronée  de  Luther.  Ce  Cordelier  difoit  outreplus  qu'il  a- 
uoit  entendu  d'aucuns,  que  ceux-cy  auoyent  laifle leurs  opinions  &:  erreurs  deuatleur 
mort,afTermât  que  cela  auoit  efté  fait  par  les  prières  d'aucûs,&  par  le  moyé  de  la  vierge 
Marie  qui  auoit  fait  miracle.On  en  difoit  au  tât  à  Louuaî,car  noftre  maiftreNicolas  Eg  M.Nicoli» 
môda,h6me  de  ventre  prodigieux,qUi'eftoit  là  retourné  de  Bruxellcs,recitat  en  vn  fer-  d'Egmond' 
mon  qu'il  fit  après  di(né,qu'enuiron  lesonze  heures  il  auoit  receu  lettres  d'vn  bon  per- 
fonnage  nommé  François  de  Hulft(lequel  l'Empereur  auoit  ordonné  pour  eftre  Inqui- 
fiteur,  &  pour  attraper  les  hérétiques  )  queceslAuguftins  qui  auoyent  efte  bruflez  pour 
leurs  hcrefies,fe  dédirent  de  leurs  opinions  &:  erreurs  lors  que  la  flamme  fe  retira,  mais 
tous  ceux  qui  auoyent  efté  près  du  feu,  hioyent  cela  fort  &C  ferme  comme  du  tout  faux. 

Autre  tefmoignage  de  la  confiance  de  ces  deux  Auguftins,eitraicl  d'autres  lettres. 

5§ff|8  V  A  N  T  aux  deux  Auguftins  qui  ont  efté  bruflez  en  la  ville  dc'Bruxelles ,  ie  péTe 
l^^^que  d'autresen  ont  efcrit.Quelq  chofe  qu'il  y  ait,ils  ont  enduré  la  mort  d'vne  gra 
de  confiance. LeChancclier  de  Brabant  affermoit  qu'entre  tant  de  perfonnages  conda 
riez&  mis  à  mort  de  fon  téps ,  il  n 'auoit  iamais  veu  aduenir  chofe femblablc .  Au  milieu 
des  flammes  ils  recitoyent  leSymbole,&  inuoquoyent  à  haute  voix  le  nom  du  Seigneur 
Iefus .  Leurs  luges  eftoyent  ces  Théologiens,  afïauoir  Hocftrat ,  Egmonda ,  Latomus, 
Hodfcalc&:  Ruard  Tappacrt.vnCarme  de  Malines  nommé  Pafquier,y  cftoit  aufli.  Fra- 
ÇoisHulft  auoit  certaine  cômiflion  par  vne  bulle  du  Pape,de  créer  vn  Inquihteur,pour- 


Lmrc^  /.  tfenry  VoeXj$  Jean  Efch. 

ucu  qu'il  fuft  Prclat  ou  docteur  en  Theologie.&:  ce  qui  s'enfuit: 

Senfuvuent  les arricles  que  le  Promoteur,  de  Cambray  a  produits  contre  frère  Henry  &  Tes  compagnons. 

llP^Euxqui  commandent  qu'on  le  déporte  de  lire  les  liures  de  Luther,  font  contre  T- 
^0  Efcntuie,laquclJedit,Efpiouuez  toutes  chofes. Item, Efprouuez  ii  les  efprits  font 
de  Dieu. 2.  En  parlât  au  Commiflairc,il  luy  dit  qu'il  le  vouloit  deceuoir  par  douces  paroi 
Touchant  lcs:quicft  parolle  iniuricuie.  3  Lesliurcsde  Luther  luy  ont  donépl9  grade  lumière  pour 
SartinLu-  entédre  les  Efcriturcs,quc  quclqs  autres  Docteurs  qu'il  cuit  leuz. 4  Luther  la  fait  appro- 
uver.       chcr  Je  plus  pics  à  la  cognoiJfâce  de  rEuangilc,queS.  Auguftin  ou  S.Hierofme.j  On  ne 
pourroitptouucrparlaS.efcrirurequelc  Pape  ou  quelque  Prélat  que  ce  foit,  ait  quclq 
"  3FC'  choie  plus  que  le  minifterc  de  la  parolle  de  Chn'ft.6  Ne  le  Pape  ny  autre  Prélat  quelcô- 
que  ne  peut  commander  aucune  chofe  ,  ou  détendre,  qui  ne  foit  contenue  en  la  fain- 
tic  Efcriture,ou  bien  que  Dieu  n'a  pointcommandeeou  détendue, par  laquelle^  la 
confcience  fuit  blcilce.7    Lapuiftance  feculierc  peut  bien  commander  &:dcfendre 
quant  aux  corps,  mais  non  point  quant  à  la  confcience.  8    L'Fglife  n'a  pas  encore  dé- 
fendu les  lnircs  de  Luther.  Et  après  la  folution  de  ces  deux  textes ,  Efprouuez  toutes 
chofes,  Efprouuez  les  efpnts  s'ils  font  de  Dieu:  il  répéta  ce  mefme  article,  difant,L'E- 
glifc  n'a  point  rcprouué  les  liures  de  Luther. 9    On  ne  doit  rien  croire  fous  le  péril  de 
la  confcience,  s'il  neft  ordonné  par  les  fainctes  Efcritures , ou  bien  qu'on  puiiîe  tirer 
clairement  &  manifeftement  defdites  Efcritures.  10    On  doit  tenir  pour  fufpect  ce 
ConciKs.    ^uc  jc  Concile  aura  dctcrminé>qui  ne  fera  point  contenu  en  la  S.Efcriture.i  1  ^  Ayat  c- 
ftc  fouucnt  interrogué  quelle  opinion  il  auoitde  Martin  Luther ,  il  a  rcfpondu  que  par 
leseferits  d'iccluy  il  cit  venu  à  la  cognoilTance  de  l'Euangile.  Interrogué  fi  ledit  Luther 
Cofecraua  auojt  |  cfpnc  de  Dieu, il  ne  voulut  point  refpondre.ii  Eltant  femblablemét  interrogué 
s'il  a  opinion  qu'il  y  ait  différence  entre  lespreftres&  les  laicz,cn  matière  de  la  confecra 
tion  de  l'Euchariftic,&  alfauoirli  confacrer  appartient  à  la  facrifîcaturede  Chrift&  à  la 
facrificaturc  du  nouueau  Teftament,ila  rcfpondu  qu'il  n'entend  point  ce  mot  ambigu 
Confelfiô.  dc  confacrer.  13  Iladitpariniure,Chriftauraefgardà  vos  menaces.  14  CôfeiTcr  tous  les 
péchez  mortels  à  vn  homme,n'eft  point  de  droit  diuin,necommâdé  de  Dieu.  Car  il  n'y 
Sicrcmés.  a  homme  qui  puilTc cognoiftre  fes  pechez,&c.  1 5  Le  Baptefme,l'Euchanftie &  la  Péni- 
tence font  tondez  furies  jpmelfcs  deChrift,lefquelles  fufeitent  la  foy.Et  pourtât  il  croie 
que  fi  on  y  adioufte  foy,la  grâce  elt  conférée.  16  Quant  aux  autres  quatre  (acremens ,  ai- 
fauoir  la  côfîrmation^cs  Ordres  de  Preftrifc>le  Mariage, l'extrême  Onctiô,  il  n'y  a  point 
parolle  de  promeile.mais  ce  fôt  pluftoft  cérémonies  par  cy  deuat  obfetuecs:&  nô  point 
Sacremens.  17  Les  fufdits  Sacrcmens  n  e  confèrent  non  plus  grâce  que  les  autres  obfer- 
uations  de  l'Eglife,lefquelles  TEglife  ne  tient  point  pour  Sacrcmés.Car  la  grâce  n'eft  c5 
feree  que  par  la  parolle  de  Dieu.  18  La  preftrile  n'eit  point  Sacremét,  côbicn  que  ce  foit 
c  eremo-    vn  millIftcre  nccclfairc.i 9  L'extrême  onction  n'a  point  de jpmefle.io  Ne  le  Pape, ne  l'E 
ucfq,ny  autrePrelatquel  qu'il  foitjne  peutobliger  vn  home  aux  chofes  qui  ne  font  poît 
de  dioit  diuin,en  forte  qu'c  les  tranfgreilâtilpechemortellcmétrcômeàiufncrlaQiia- 
reimcjà  (e  c  ôfeiTer  vne  tois  l'an, à  célébrer  les  feftes&  chofes  fcmblables:hors  mis  lefca- 
Vœux  per.  dale  du  ^diaiii,iufqu  a  ce  qu'il  foit  mieux  inltruit.2 1  Tous  vceux  perpétuels  faits  hors  le 
petuclj.     cômanciementde  Chnft,comme  les  vœux  des  moines ,  l'ont  faits  imprudemment,par 
faute  d'entcndrequclle  eft  lalibertéChreftienne:&:  par  confequent  n'obligent  point* 
L  buté     22.  Depuis  qu'il  a  lent  y  que  c'eftoit  de  la  libertéChreftienne,il  n'a  point  eftimé  que  fa  cô 
Chrefticnc  feience  fuit  obligée  pa  vœux.23  La  vrayefoy  Chreftienne&:  catholique  nepeut  eftrefe 
parce  de  h  charité,d'autant  que  la  charité  eft  vn  fruid  de  la  foy.&:  d'autrepart,  lafoy  las 
Rcmiffion  ja  dile&ion  eft  morte.^Quad  Dieu  pardone  les  péchez  à  vn  pecheur,lors  aulfi  ilquit- 
1   pcc'KZ  te  &  remet  toute  la  peine  des  péchez,  par  la  mort  de  Chrift.2.5  Lefacremcntdel'Eucha 
L  .biat  ion  riftïc  n'a  point  d'oblation  en  l'autel-.car  ladite  oblation  a  efté  vne  fois  feulement  faite  en 
•t  res      la  croix.26  II  ne  croit  qu'aucunes  prières  des  viuans  profitent  aux  trefpaflez.  17  Les 
mornT     ftatuts  faits  touchant  la  MelTe,  font  inftituez     ordonnez  fans  le  commandement  de 
La  Méfie.    Dieu  &  de  Chrift.28    Si  les  ftatuts  fufdits,  ou  cérémonies  fontde  l'ordonnance  des 
da  tomn  "onim«s>&  non  point  du  cômandement  de  Dieu, ils  font  contre  le  droit  diiun.19  Nous 
Heurts  ca-  ne  fommes  point  obligez  fous  peine  de  péché  mortel, de  dire  les  heures  canoniques .  30 
noniques.  L.uy-tnefmc  en  difant  les  heures  canoniques,a  toulîours  fait  contre  le  droicl  diuin,  d'au- 
tât  qu'il  n'a  iamais  prié  le  Pere  en  clprit  éc  vérité.  3 1  II  aimeroit  mieux  auoir  la  tefte  cou- 
Qncftions.  pce,  voire-dix  teft.cs  i'vnc  après  l'autre  (s'il  en  auoit  autant)  q  de  confen  tir  aux  queftions 

qui 


■us. 


Memy  Voe\&  Jean  Efch.  €ô 

qui  luy  cftoyéc  propofees.}*  Si  le  pécheur  croit  qu'il  eft  vrayemét  abfous,fes  péchez  Iuy 
font  pardonnez. 53  11  vaut  mieux  ne  rerufer  point  aux  laies  ce  q  IeiusChnft  a  ordonne  d' £ôm,u"i5 
eftrc  baillé  à  tous:  c'eft  aflauoir  la  cômunion  fous  les  deux  efpeces.34.Ceux  qui  défende*  deux  c7pc. 
aux  laiez  de  communierfous  deux  d*peces,font  cotre  lintêtion  deDieu.35  Eftant  inter  ccs« 
roguc  s'ilauoit  cftéfeduitpar  Luther(o»- pource cjuon craind qu'il euft efléfèditn par Ittther,<efle  DcLucJlcr 
mterrogatwnluyfurfaite)i\teCipondit,ic(uis  (eduit  comme  les  Apoftres  ont  eftéleduits  par 
Iefus  Chrift.36  Ce  q  les  clercs  font  exempts  de  la  iurifdidion  de  l'Empcrcur,c  ft  côtre  le  Fxéptions 
droict  diuin.37  Le  Pape  na  point  autre  puùTancc  q  de  prelcher  la  parollc  de  Dieu,  Se  de  du  CUr^- 
paiftre  (es  brebis  par  la  predicatio  de  cefte  parollc  de  Dieu .  38  II  voit  bié  que  meilleurs 
lesComifîaires  not  point  la  parolle  de  Dieu. 39  De  fa  vie,il  ne  s'en  foucic  pas  beaucoup: 
au  refte,il  recômandefon  ame  à  Dieu.4011  n'a  pas  voulu  abiurcr  les  erreurs  cofc/Tez  par 
luy.41  Qu'eftant  rcquis,&:  ayant  cômandemenr,  il  différa  d  abiurcrles  articles  ci  de/fus 
dits,&  déduits  plus  au  long  en  fon  procès. 

Complainte  Chreftienne  faire  fur  aucun  de  ceux  qui  eftoyent  lors  prifonniersen  Brabant ,  qui  parla  tyrannie  d  $  infidèles  &  par 
la  crainte  &  horreur  de  la  mort,fut  contraint  Je  nier  finalem  nt  la  verité,Iaquelle  il  auoit  confeffec. 

R  E  R  E  &c  amy  Chreftien,nous  ne  pouuons  faire  que  ne  foyons  marris ,  de  ce  que 
l|plaperfuaiion  des  hommes  diaboliques  a  eu  telle  puilTance  fur  vous,  quelle  a  ef-  Souluitdes 
branlé  te  accablé  voftrcfoy  laquelle  nouspeniîons  eftre  fondée  fur  la  pierre  ftable  qui  fidtlcs" 
eft  Chrift.  Anoftre  volonté  que  vous-vous  tu  liiez  du  tour  remis  a  Dieu, fichant  enticre- 
rement  l'ancre  de  voftre  fiance  en  luy  feul, lequel  vous  pouuoitbicn  îecourircn  ceften- 
dro;dt.  Cefaifant  vous  n'euiîïcz  prefté  la  bouche  au  licol  de  vos  ennemis,  pour  vous 
brider  félon  leur  apperit.Cary  eut-il  iamais  homme  qui  ait  cfté  confus  pour  auoir  efpe- 
ré  en  luy?y  en  eut-il  ïamaisqui  l'ait  inuoqué,&  ait  efté  delailTé-Ne  fauez-vous  pas  bié  qu 
en  cela  vous  n'eftes  nullement  vengé  de  vos  ennemis 'Ignorez- vous  que  combien  que  surlePfeau 
vous  viuicz  ,  ncantmoins  vos  aduerfaires  vous  ont  englouti?  S.  Auguftin  traitant  delà  me  3 
bonne  caufedes  Martyrs, recite  d'aucuns,que  combien  qu'il  ayent  cfté  occis ,  toutefois 
ont  efté  exaucez,&  lors  eftoyent  deliurez  Se  tirczhors  de  la  main  de  leurs  ennemis,  qui 
defiroyent  leur  ruine:Les  occis(dit-il)  eftoyent  deliurezrmais  les  furuiuans  eftoyent  en- 
gloutis. Car  ceux  qui  demeurent  en  vie,  font  engloutis ,  &  ceux  qui  fonr  occis,  au  con- 
traire font  rachetez. Celuy  qui  tombe  en  la  main  de  tels  larrons  &:  brigans,eft  mallacré 
&  perdu:  &:  fi  ce  n'eft  de  la  vie  du  corps,c'eft  de  la  vie  de  lame.  Car  auant  qu'il  le  loir  de- 
pcftrc  de  leurs  ongles,il  faut  que  fvn  ou  l'autre  aduiéne:Si  la  vie  corporellcluy  eft  oftee, 
la  vie  de  l'âme  luy  eft  gardée  fauue:  mais  ti  condefeendant  à  leurs  blafphcmes  il  euite  le 
danger  de  la  vie  du  corps,il  tumbe  incontinent  au  danger  de  perdre  la  vie  de  l'âme .  Er 
pourtant  le  Seigneur  Iclus  voulant  côforter  fes  Apoftres,&  les  inftruire  à  ce  qu'ils  peuf 
lent  d'vn  cœur  conftant  &:  inuincibic  endurer&  furmôter  les  outrages  de  tous  leurs  en  ^ 
nemis,il  leur  dit,Ne  craignez  point  ceux  qui  tuent  le  corps,mais  ne  peuuét  tuer  l'ame. 
Et  que  profite-il  à  l'hom  me  s'il  gaigne  tout  vn  monde ,  &  cependant  fera  h  dômage  de 
fon  ame?  ^  Vous  auez  eu  voftre  recours  à  la  chaire  de  pcftilence  denosPhariiiens:&fî 
ce  n'a  efté  de  cœur(ce  que  pourriez  bié  alleguer)ç  a  efté  de  la  lague:  &:  vous  vous  eftes  là 
retiré  comme  à  vne  franchife,ayant  fouferit  par  côfequence  à  leur  façon  de  viure,à  leur 
aftuce,impieté,blafpheme,homicide  &c  ryrannie. Attendez-vous  d'ouir  quelque  chofe 
plus  heureufe  d'eux  (  li  d'auéture  iladuiét  que  vous  veniez  quelque  fois  à  faire  repentâ- 
cedeuanteux)queceque  leurs  predecelfcurs  iadisontrefpondu  aludasIicariotralTa-  Mat  l7-4 
uoir,Quenousenchaut-il?tuy  aduiferas.Penfez-vousque  vous  demeuriez  innocét  par 
cela, que  les  Phanfiens&Rabinsenleur  rage&  impieté  auront  prins  fur  eux  toute  la 
coulpe  &  punition  (  qui  pourroit  tomber  fur  vous  au  dernier  examen  )  de  ce  que  vous 
vous  eftes  defdit,&  auez  fait  abiuration  contre  voftre  confciencerSi  Pilate  qui  eftoit  iu- 
ge  profane,  n'eft  excufable  de  la  mort  de  celuy  qu'il  auoit  trouué  iufte  entieremcnt,af- 
fauoir  en  remettant  le  fang  de  ce  iufte  furies  Pharifiens&  fur  leurs  enfans:  quefera-ce 
de  vous,de  ce  que  vous  fiant  fur  vne  prome/Te  pleine  de  tromperie,  auez  mis  voftre  e- 
fprit  à  faire  abiuration  de  voftre  foy?Mais,ô  mon  frère  &:  amy,afîn  que  ic  méfie  de  la  dou 
ceur  de  l'huyle  auec  l'afpreté  du  vinaigre, ie  fupplie  ce  fouuerain  pafteur  Iefus,que  Slobiur 
vous ,  qui  eftes  brebis  efgaree ,  foyez  ramené  fur  fes  efpaules:  vous  qui  eftes  deftiné  à  la  ^cion. 
mort  par  les  naureures  des  brigans ,  foyez  amené  aux  medicamtns  prefens  du  Samari- 
tain debonaire  :  vous  qui  eftes  h*  eflongné  de  la  grâce  &c  maifon  paternelle,foycz  rame- 
né bien  toft  entre  les  bras  de  ce  Pere  tant  mifericordieux,afin  qu'il  vous  recueille  beni- 


Liurzjf.  JtanTiftoritisdè  VVofdtn. 

gncment  &  vous  embraiTe.Plcurez  aucc  Picrrc,ôc  confcflVz  voftre  pethc,&  liieu  mife- 
ricordieux  vous  fera  mifericorde.Surtout,Ie  vouspriejgardcz-vous  de  vaguer  in certaî 
par  le  môdctne  vous  enfuyez  point  de  deuant  la  face  du  Fils  dcDieu,maiS  rengez  vous 
a  fa  Parolle  par  laquelle  vous  ferez  illumine  U  conforte  :  en  appliquant  vt>ftreefprit  U 
L'armoire  iour&  nui£à  lire  les  EferituresS  cfquelles  les  armes  de  la  gendarmerie  Chreftichnc 
do  a'rScs  font  mifes  en  referuc>cbmme  en  vne  ârmoirer  A  Dieu  vous-dy".  Priez  afliduellcment 
pour  la  querelle  de  Chrift,&  de  tous  les  Chreftiens. 


IEAN    PISTORÎVS     DE  WORD  EN,  àlaHayeenHolUnde. 

G.  GNAP  HEVS  homme  do&e  a  derit  la  Vie  de  Iean  Piftbrius  dcV  vordcn.auec  vne  oraùon  apologétique  qu'il  a  pu 
bliee  par  cfcrit.fur  la  capciuité  d'ieelu  v  touchant  le  célibat  des  Prefttrs^nais  ce  que  bous  auont  tev  fucanâcrncnt  mis, 
concernant  fpeaalcment  le  martyre  audit  de  Wordcn,  a  efte  cjqraiô  de  ce  qui  fe  trouue  doit  de  kry  en  langue  Fla- 
mengue. 

O  L  L  A  N  D  Eauoît  en  ce  temps  pour  docteur &tefmoin  delà  veritédu 
Seigneur,Icande  Vvorde:duquellesfouffrances  n'ont  point  feulement  eu 
commchccmentjlors  qu'il  à  efté  facrifié  par  mort,mais  defauparauantau  re 
'  gard  dequoy  il  a  efté  ici  mis  à  1  entrée  de  l'an  m.d.xxiii  .Les  en  nemis  de  1* 
EulingTîene  ceiTerent  de  raffliger,iufqu  a.  ce  que  finalement  ils  l'eurent  misa  mort,  qui 
fut  l'an  m.d  .x  x  y  .En  la  dernière  procédure  qui  fut  tenue  contre  luy,dcuant  fa  mort,il 
Riurdhi    for-  interrogué  de  plusieurs  poin&s  de  fa  foy,furlcf  quels  il  donna  telle  rcfpôfe,qucccux 
Lo^amiie  qui  l'interrogoyét ,  &  fur  tous  le  Do&eur  Ruard  Tappaert  doyen  de  Louuain ,  demeu^ 
rerent  confus.Car  après  auoir  demandé  en  quelle  forte  ils  vouloyent  procéder  en  ladif 
pute,  voire  &  quel  langage  on  y  vouloit  cenir,il  pro tefta  de  ne  rien  dire  ne  fouftenir  qui 
ne  fuft  clairemét  exprime  en  la  S.Efcriture»  du  vieil  &  nouueau  Teftamet.De  cefte  pro 
teftation  les  inquifiteurs U do&eurs fe rians  ,1'interroguerent fur plufieurs  poin&s,  fpc- 
cialemét  du  célibat .  Sur  lequel  enquis  qui  l'auoit  meu  de  trafgreflèr  ccqu*ilauoitvoué, 
lors  qu'il  receut  le  degré  de  preftriic:il  leur  confeiTa  qu'il  auoitfecrcttement  cfpoufé  v- 
nc  femme  pour  euiterpaillardife,&  le  feu  damnable,qui  brufle  ceux  qui  hors  de  maria- 
ge,n'ont  le  don  de  continécc,alleguant  fur  ce  l'authorite  de  l'Efcriture.  lis  luy  diret  qu* 
il  lauoitfait  pour  plaifir:&:  qu'il  s'en  fut  bien  paiTé ,  s'il  y  euft  prins  peine .  Croycz-moy, 
refpôdit  ce  fain&perfonnage,  i'ay  fait  mô  plein  pouuoi r  l'efpacc  de  deux  ans,  de  demeu 
reren  continence  jicunant,  priant  ardemment  Dieu  de  m'ofter  toute  mauuaife  oc- 
Nota  fcy  cafiô:mais  ie  n'ay  trtauué  remède  que  par  mariage.  On  luy  répliqua  qu'il  dcuoit  auoir 
ccab«C  jjjj  penfé  à  ce  remède  deuant  que  fe  faire  preftre:  Il  eft  vray  *  dit-il .  Et  à  la  mienne  volonté 
preftrei.     que  i'euiîe  efté  aufli  bien  aduifé  ou  aduerti  comme  ic  fuis  deprefcnt:afauoir  que  la  mar- 
que de  la  defenfede  mariage, eft  l'vnede  celles  que fainéfc Paul  a  nommée  Do&rine 
des  diables.  Ily  eut  vn  de  cesDo&eursquife  defpitantluydit,Icvoudroyc  que  tueuf- 
fes  eu  à  faire  auec  lediable  t  ou  auec  vne  putain ,  quand  tu  couchas  la  première  nuid 
auec  ta  fcmme.À  quoy  il  refpôdix,n'auez-vous  point  honte  de  fi  vilaines  &  infâmes  pa- 
rolles,ou  pluftoft  blafphemes  exécrables  contre Dicu?Ce  feul  poinéftîu  Mariage(outre 
lesautres  trcfçlp&ement  par  luy  fouftenus»&  Chrefticnnementmaintcnus  parla  parol- 
le deDieu)famenerétfinaiemétapres  longues  procédures^  ùl  dernière  condamnatiô. 
Auant  laquelle^eftant  exhorté  de  îe  cohfeiTer,rcfpondit  qu'il  en  cftoit  cotent.  Sur  quoy 
le  fufdit  Ruardus  Tappaert  principal  en  cefte  inqui/îtion,fe  prefenta  pour  l'ouyr,  Pifto- 
rius  en  peu  de  parolles  confefla  d'eftre  poure  pécheur ,  digne  de  mort.  &  malcdiftion  e- 
ternelle:mais  que  pour  l'amour  de  Iefus  Chrift  il  etperoit  (âlut,Sc  en  cftôif  du  tout  aiTcu 
ré.Ruardusquis  'âttcndoitd'ouir vnetôute  autre  confe/fion,  fut  de  plusirrité  cotre  luy. 
f"  Apres  donc  auoir  eflàyc  tous  moyens  tâtpar  ailechemens  que  tourments,voyans  qu' 
La  vertu  de  ils  ne  profîtoyent  de  ricn:mc&ncsquerayansmis  au  lieu  le  plus  hydeux  &infe&  delà 
Dieu  en  ce  prifon,il  y  auoit  conuerti  vn  meurtrier  &  vn  autre  criminel,à  l'Euangilcrfînalcmet  on  le 
MmïT-     dégrada  pompeufement  à  leur  vfage,prefentTEuefquc  de  Palerme,  Ic/ufFragant  d'Vl- 
trect,vn  Abbé  d'Egmond&  autres  Prélats,  aucc  la  trpuppe  des  Docteurs  de  Louuain 
inquifiteurs  en  cefte  partie.Puis  après  il  receut  fentence  déport  le  x  T.dcSeptébre 
d  .  x  x  v  .en  la  Hayc,fiege  de  laCham bre  de  Hollande.Enie  menant  au  fupplicc  du  feu, 
il  chanta  Te  Deum  laudamusi&'c.Ô£  pailant  parti  eu  an t  les  prifons,ces  deux  prifonniers  qu' 
il  auoit  conuertis,luy  rcfpondirent,chantans  du  mefme  Cantiqueren  figne  de  vraye  lief 
fé  &  viâoire  qu'obtint  ce  iour-la  ce  champion,  maueréSatan ,  &  tous  les  ennemis  du 
famGt  Se  facre  mariage  inftitué  par  l'ordonnance  du  Seigneur. 


JeanleÇkrc:  ^tj^jcolas,  6t 


I  E  A  N    LE    CLERC,dc  Meaux  en  Bric. 

MOT  E,  Lertcur.oni'hiftoircdcccM.invr.conibienqu'à  bon  droit  les  images  doyuent  eftre  abolies,  lî  n'appartient -il  àvn  C'eft  la  f  n 

homititpriucdelesofter.d'aucamquilne'esapas.cn  fapuiflànce.  Que  quand  u-Hc c!.oic le  commet , ou c'efi  de  1'-  tcr.ee de  S. 

c(pnthutmiH,oudMiii\'ï!'efpritfiumampoiiire  l'homme  a  ce  raire.c'eft  pcchéjfi  «.Vf  r  <■.< 1\ ipnt  de D.cu,nous  uu<  oslc  Aueuftiau 

hier  en  admiration  &  icuercncaïuisnouv  ne  le  tirerons  point  eu  exemple  ou  confcqutjire.  Tome  10, 

y^'X}{>^  ^  A  N  le  Clerc  natif  de  Meaux,frere  aimé  de  Pierre  le  Clerc,qui  depuis  ac-  s"nx>"<!' 
%î    p$y:  fie  lVn  des  xim  ,exe  cutez  a  Me  aux  (dont  cy  après  rhiftoirc  fera  deferite)  N1  D- xx 

[4'.^  futconftituc'prifcnnicr  audit  Meaux  l'an  m.d.  x  xn  i,poui  auoit  attaché  In" 
VV^JLIMS  certain  eferit  au  grand  temple  dudit  lieu ,  contre  vn  pardon  que  le  Pape  a - 
uoic  enuoyé:auqucl  eftoit  contenu  quCtUVapteR*£itteckr$  :  Tellement  que  pourec  faitt 
il  fut  condamné  à  cftrc  fuftigé  par  trois  diuers  iours,  &  le  troilieme  iour  cftrc  flcftrv  au 
front.  La  merc  qui  eftoitfcmmc  Chrcftiennc  (combien  qu'elle  euft  vn  marv  aduerfai- 
re)en  voyant  fuftiger  l'on  rîls,luy  donna  courage  :  &  après  l'auoir  veu  fkftrv ,  s  eferia  i  n 
cefte  vo\\,yt~.  c  kfus  ib'iHar  (es  enfeïnies.  IHe  retira  depuis  à  Rofoayen  Brie,  &  de  là  à  Mets 
en  Lorraine  :  auquel' lieu  il  demeura  quelque  temps ,  trau aillant  de  Ion  mcfticr  de  car- 
deur.  Aduint  vn  foir  précèdent  le  iour  auquel  fc  dcuoit  taire  certaine  proçeifion  i'olen  - 
nelle ,  à  vne  petite  chapelle  hors  des  murailles  de  Mets ,  que  ce  perfonnage  efmeu  de 
zelc  6c  afteition  ardente,  fortit  de  la  ville,  &c  pernocta  au  J  it  heu,  où  il  rompit  les  idoles 
qui  deuoycnt  cftrc  le  lendemain  adorées. 

L  k  matinjes  Chanoincs,Preftrcs&:Moines  ayans  là  conduit  tout  le  peuple,&:  trou- 
uans  leurs  idoles  rompues  &  mutilées,  efmeurcnt  toute  la  ville  à  cercher  l'autheur  de 
ce  faicï,qui  fut  tantoft  trouué.car  aucc  l'opinion  que  îa  on  auoit  de  luy,  aucuns  l'auoy  et 
veu  ce  iour  me  (me  reuenant  en  la  ville  dés  lepoind  du  iour.  Parquoy  il  fut  apprehédé, 
&  incontinent  confciîa  le  raid,  &  en  rendit  raifon  deuant  le  peuple:tellcmcnr  qu'aucc 
fureur  Se  rage  on  demanda  qu'il  fuft  incontinent  tramé  à  la  mort.  Son  procez  fommai- 
rcment  i  àit,aprcs  qu'il  eut  maintenu  eicuât  les  iuges  vne  pure  doctrine  du  Fils  de  Dieu 
(oui  lors  eftoit  bié  peu  cogneue)  il  fut  mené  au  lieu  du  dernier  liipplice:  Se  là  endura  v- 
ne  horriMc  efpccc  de  mort:caron  luy  coupa  premièrement  le  poing  dextrc:puis  le  nez 
luy  fut  arraché  aucc  tenailles  :  les  deux  bras  tenaillez  ,  &  les  eieux  mamelles  arrachées. 
Il  n'y  eut  ceftuy  qui  ne  fuft  efmeu  &  eftonne ,  voyant  vne  confiance  ii  grande  que  Dieu 
donna  a  ce  lien  feruitcur:  lequel  en  ces  tourmens  prononça  comme  en  chantant,  ces 
vcrfctsduPfeaume  c  x  v,  Leurs  idoles  font  or 6c  argent  ,ouuragcde  main  d'homme, 
&c.  Tl  finit  le  furplus  de  la  vie  qui  luy  reftoit  au  corps,  par  feu ,  félon  que  là  condamna- 
tion leporto!t. 


fmmmmsmmmmm 

M.    NICOLAS  d'Anuers. 

ZELE  &  grande  affe&ion  .1  enfèignerla  parollcdu  Seigneurie  voidenceft  exemple,  nonobftant  toutes  !eï  defenfes  ^.'pro- 
hibitions des  puiflàns  de  ce  mondc,&  ia  conclradicxion  des  aduerfaires. 

N  V  IRON  l'an  m.  d.  x  xiiii,  il  y  eut  grand  nombre  de  toutes  fortes  de  M.D.  XX 
fgens  en  la  ville  d' Anuers  &c  à  fenuiron,  qui  commençoyent  à  prédre  gouft  mi" 
[a  la  parolle  de  Dieu.  Or  en  ce  temps-la,vn  Curé  de  Mels  (qui  elt  enuiron  v- 
U^gffinc  bonne  lieuë  d'Anuers  )  attiroit  grande  multitude  de  gens  à  lés  fermons: 
de  forte  que  le  plus  fouucnt  il  eftoit  contraint  les  faire  en  pleine  capagne.  Ilprefchoit 
aucc  hardieilc  la  parolle  de  Dieu,{î  auant  qu'il'en  auoit  pour  lors  cognoiirance,&:mon- 
ftroit  les  abus  de  la  doctrine  des  homes. En  l'vn  de  fes  derniers  fcrmôs  il  s'accula,&tcus 
autres  Curez  deuât  tout  le  peuple, &c  dit  en  parlât  de  la  Meife,  Nous  femmes  pires  que  tesf  reflrcs 
Iudas:il  vendit  &liuranoftre  Seigneur.nousle  vous  vendôs,&:  ne  le  vous  aurons  point,  presque 

Pt  v  après  les  Preftrcs&  Moines  obtindrent  mandement  de  l'Empereur  cotre  ledit  u 
Curé,  &c  contre  vn  Auguftin  qui  prefehoit  à  Anuers.  Ledit  mandemét  contenoit  per- 
miilion  d'outrager  ceux  qui  le  trouueroyent  à  leurs  fermons ,  voire  &de  leur  ofterl'- 
accouftrement  de  dcifus,cômc  robc,mateau  ou  faiiles:&:  qu'au  furplus,celuy  qui  pour- 
roit  appréhender  lefdits  prédicateurs  auroit  x  x  x.carolusd'or.  Nonobftant  laquelle 
defenfe,le  peuple  vn  cet  tain  Dimanche  après  s'aflembla  en  grad  nombre  pour  ouyr  la 


Henry  Supphen. 


Supphen 
prclcheà 
Mcldorft". 


îicft  pris. 


Safc 


prédication,  en  vn  Heu  où  on  fait  les  bafteaux  6c  nauires:  auquel  lieu  il  y  auoit  vn  ieunc 
homme  inftruit  en  la  parolle  de  Dieu,  nomme  Nicolas,  lequel  c  itant  en  la  trouppe  de 
ceux  quiattendoycntla  prédication  dudit  Auguibn,&:qu'iceluy  tardoit  tant  de  venir, 
prefuppofa  qu'on  luy auoit  donne  quelque  empeichement.  Qiioy  voyant  Nicolas  dit, 
Ce  feroit  pitié  de lailier  aller  rallemblecainfi  affamée,  iàns  luy  donner  réfection. Il  mô- 
ta  ddhc  fur  vn  bafteau  qui  là  cftoit,  6c  leur  annonça  plus  qu'auparauant  ils  n'auoyeten 
tendu  :  tellement  qu'au  fortir ,  deux  feruitcurs  de  boucher  pour  auoir  le  prix  qui  cftoit 
offert  a  ecluy  qui  les  liureroit,  l'appréhendèrent  6c  m  encré  t  à  la  iuftice.  Et  après  auoir 
constamment  fouftenu  la  doctrine  de  l'Euangile,  le  lendemain  qui  cftoit  vn  Lundy,fut 
du  matin  mis  envn  lac  pour  la  crainte  du  peuple,  ôcictté  en  l'eau  vis  à  vis  duCrancou 
port  d'Anuers,  lanfufdit. 

EN  R  Y  P  P  H  E  N,  Alcmand." 

On  peut  conlîderer  en  ceft  exemple  la  cruauté  du  populaire  mutin,  quand  il  eA  cjucftion  de  fe  bander  contre  la  doûrinc  dit  ScU' 
gneur,  &  quand  moines  &  luppofts  de  Satan  ont  efmeu  fedition. 

E  N  R  Y  Supphen,  l'an  m.  o.  x  xi  i,futch  a/Té  de  la  ville  d'Autdorrf  àcau- 
Iffe  de  TEuagiie,  où  il  auoit  prefehé  Ieiùs  Chrift,iufques  à  1  an  m.d.x  x iiix. 
pt  Pour  ce  faire  le  Curé  de  Mcldorff&  quelques  autres  bons  fidèles  l'auoyenc 
30  feappclc.pour  annoncer  la  parollc  de  Dieu ,  6c  qu'il  les  ottaft  de  la  miicrable 
feruitude  de  l'An techrift ,  qui  là  regnoit  en  grand  crédit  &:  authorité.  Cela  aduint  au 
temps  qu'on  appelle  les  Aduéts:  6c  le  Curé  6c  autres  fidèles  le  receurent  en  grand'  ioye. 
Iceluy  prefehoit  deux  fois  le  ioun voire  auec  fruict  6c  édification.  ^  Sur  ces  entrefaites 
les  Iacopins  conceurent  vnc  haine  mortelle  contre  luy,  &  complotèrent  beaucoup  de 
mefcliantes  pratiques.finalemêt  firent  cette  refolution  auec  les  xxv  1 1  i.gouucrneurs 
du  pays  deDietmar,de  prendre  Henry  fecretement  denuict:  &:fans  aucun  delay  le 
faire  brufler,  auant  que  les  gés  du  pays  en  peuifent  eftre  aduertis.  A  cette  délibération 
incontinent  fe  ioignirent  les  Corde licrs. 

Ainsi  que  ces  chofes  fe  bra/Toycnt ,  il  y  eut  cnuiron  cinq  cens  payfans  qui  safîèm- 
blerent  à  vne demie  lieue  près  de  Meldorff,  6c  le  faifirent  des  pafàges ,  afin  que  nul  n'- 
allaft.  en  la  ville  pour  donner  aduertiffement  de  le  ur  entrcpriie.  Le  peuple  faifoit  cela 
c  liant  forcé  par  les  Capitaines,  qui  leur  faifoye  nt  commandement  elc  marcher  fur  pei- 
ne de  perte  de  biens& de  corps.  Et  pour  leur  donner  meilleur  courage,  ils  donnèrent 
pour  bou  c  trois  pippes  de  bicre  de  Hamclburg.  Finalement  ils  arriuerent  cnuiron  mi- 
nuit!: en  la  ville  de  Meldorff  auec  main  armée. 

Ou  les  Iacopins  auoycnt  fourny  de  torches  6c  flambeaux  pour  cfclairer.  Quand  ces 
gens  furent  là  arriuez,  ils  fe  ictterent  d'impetuolité  6c  violence  dedans  la  mailon  de  ce 
Pafteur  qui  auoit  appelé  Henry  à  la  prédication  de  1  Euangile  :  pillcrcnt&  brigandeiéj: 
tout  ce  qu'ils trouuercnt dedans.  Ils  emportèrent  licts, linge, vaiilellervoire  iufqucsaux 
habillcmens  que  portoit  ordinairement  ce  Curé ,  luy  rauiilànt  tout  ce  qu'il  auoit  d'or 
6c  dargent.&non  contensde  cela,  s'attachèrent  à  faperfonne  :  l'vn  lcfrappoit,  l'autre 
le  picquoit:&  tous  cnfcmble  luneuiement  crioyent, Tue,tue.  Ils  le  prindrcntnud ,  &: 
difoyent,  Il  faut  que  tu  viennes  ainfi  auec  nous.&:  en  celle  forte  le  menèrent  par  la  rue, 
le  rudoyant  en  toute  extrémité.  On  fît  le  fcmblablc  à  Henry,luy  lians  eftroitemcnt  les 
mains  derrière  le  dos,&Je  faifoyent  cheminer  fur  la  glace  a  pieds  nueis,en  forte  que  les 
pieds  luy  faignoyent.  Ils  le  trainerent  ainfi  iufqucs  en  la  maifon  d'vn  preftrc,auqucls  ils 
le  donnèrent  en  gardc:&  là  fut  détenu  en  vne  cauc.  Le  matin  ils  s  en  allèrent  en  la  pla- 
ce du  marché ,  pour  faire  confultation  de  ce  qu'ils  auoycnt  à  faire.  Cependant  ces  y- 
urongnes  ne  ccfîbycnt  de  crier  comme  enragez,  Au  feu, au  feu. 

Or  pour  faire  fin  de  conte,  ce  iàind  perfonnage  Henry  fut  condamné  d'eftre  bruflé 
vif,  ians  auoir  eftéouy  en  fesdefenfes.  Surquoy  les  moines  prenans  grand  plailir,  di- 
foyent aux  gens  de  îulticc,  Vous  faites  maintenant  bonne  iuftice.  Us  le  prindrent,lc 
lièrent  6c  garroterent  :  6c  ain/i  fut  emmené  par  cefte  trouppe  en  grande  crierie  iufques 
au  lieu  où  il  dcuoit  cftre  exécuté.  Là  fa  fentence  fut  prononcée  par  vn  Prcuoft,duquel 
on  auoit  acheté  l'authorité  à  beaux  deniers  contans.Orle  teneur  de  cefte  fentence  fut 
tcl-.Cc  mefehant  a  prefehé  contre  la  foy  Chrefticnne,&:  cotre  la  mere  de  Dieu:&:  pour- 
tant 


(jeorge:  "je an  Qaïlellan.  6 2 

tant  fous  lauthorité  de  mon  trcshonnoré  feigneur  l'euefque  de  Brcme ,  ie  le  condam- 
ne à  citrcbrullé  vif.  Cela  fait  ces  enragez  le  traînèrent  iufques  en  la  place  où  le  bois  e- 
ftoit  apprefté  pour  bruHer.le  foulansaux  pieds  ,&:  luy  faifans  tous  les  maux  &:  outrages 
defquels  ils  fe  pouuoyét  aduifer.  Il  y  en  eut  vn  qui  le  frappa  fur  le  fommet  de  la  telle:  vn 
autre  pareillemét  qui  le  frappa  d'vnehallebardc.Bref,chacun  tafehoit  d'approcher  de 
luy  pour  routrager.Cepcndant  ils  crioyent  à  haute  voix  au  peuple,Or  (us  compagnôs, 
Dieu  eft  ici  auec  nous. 

Mais  quelque  peine  qu'ils  priniîcnt  à  faire  allumer  le  feu, ils  n'en  pouuoyent  venir 
a  bout.&  ne  lachans  que  cela  vouloit  dire,ne  cefToycnt  de  le  tourmenter  en  toutes  for- 
tes qu'ils  pouuoyent.&:  ce  gentil  paife-temps  dura  bien  l'efpace  de  deux  heures.  Ce- 
pjndant  ce  fairu  homme  eitantnuddcuantcesyurongnescnragez,auoitinceiîammêt 
lesyeux  drcflczaucicl,  inuoeant  le  nom  de  Dieu.  Puis  le  lièrent  à  vne  forte  efchelle.&: 
ainli  que  çe  feruiteur  de  noftre  Seigneur  Iefu s  commençoit  à  fan  e  confclîïon  de  fa  foy, 
vn  de  les  pay  tans  le  frappa  en  la  bouche,difant,  Il  faut  que  tu  (ois  brullc  :  puis  tu  barbo- 
teras tant  que  tu  voudras.  Finalement  eftant  ainfi  attaché  àl'efchcllc,ilfut  efleue  auec 
les  hallebardes,  &c  porté  furie  tas  de  bois. car  en  celle  fureur  il  n'y  auoit  point  dExecu- 
tcur  qui  fuft  expert  en  ce  meftier.  Vne  des  hallebardes  gliiTa,  &:  atteignit  ce  patient  de 
telle  façon,  qu'il  en  fut  gricuementnauré.  Et  ainli  futiettéfur  le  bois:  maisl'efchelle 
tomba  en  bas  lur  l'on  collé.  Lors  l'vn  de  ces  mutins  accourut  :  &  à  grans  coups  de  ha- 
ches fur  la  poitrine ,  le  fit  mourir.  Cela  fairï ,  ils  le  roftirent  comme  fur  la  braife  arden- 
te:car  ils  ne  pouuoyent  venir  à  bout  de  faire  bruller  le  bois.  Voila  quelle  acftéla  fin 
de  ce  bien-heureux  Martyr  du  Seigneur. 


GEORGE,  Miniftrede  Hall,&  autres. 

N  ce  mefmc  temps  plufieurs  furent  noyez  fecretement  pour  la  parolle  de 
%  Dieu,  tant  en  la  riuiere  du  Rhin,  qu'es  autres  riuicres, dedans  lefquelles  les 
-ÎC  corps  morts  diceux  depuis  ont  eftétrouucz.  Et  entre  autres  il  y  eut  vnM. 
George  qui  prelchoit  àHalHcquel  d'autant  qu'il  adminiftroit  la  Ccne  fous 
les  deux  efpeces,  fut  cheualle  par  quelques  brigans  &C  voleurs  apportez  par 
lespreftres,&:meutri  cruellement ,  allez  près  d'Afchcm  bourg.  Tels  exemples  nous 
doyuent  donner  à  cognoiltrc  de  quelle  rage  font  menez  ceux  que  l'Antechnit  a  à  les 
gages,  pour  faire  bande  contre  TEuangile. 


IEAN    CASTELLA  N,Tournifien. 

CESTV  Y  a  eOcdcsprcrriii.rsDoi>a!rsdcrEuangi!c(Jcpuislctempsde  Luther.  Il  a  annoncé  la  vérité  à  ceux  du  pays  de 
Lorraine a  confirmé  u  elle  venté  par  fa  mort. 


1 


R'AN  m.  d.  x  x  1 1 1  i,M.IeanCaftellan  natif  de  Tournay,moyne&do&eur  en 
;  Théologie,  cllant  appelé  à  la  cognoiflance  de  Dieu,  a  elle  annonciateur  de 
)  fa  parolle.  Enuoyé  à  ceux  de  Lorraine ,  prefcha  à  Bar-le-Duc ,  à  Vitry  en  Par  CafteJ(an 
'*tois,à  Chaalon  en  Champagne,  &:  en  la  ville  de  Vie  en  Auftralic.^Ilietta  les  preichc\ntl 


premiers  fondemens  de  la  doctrine  de  l'Euangile  en  la  ville  de  Mets,  au  grand  dcfplai-  L 
lîrdes  preftrcs&:  moines,  qui  font  en  grand  nombre  audit  pays.  Et  combien  qu'ils  lit- 
lent  tous  leurs  efforts  contre  ledit  Caftellan,  fi  ne  feurent-ils  rien  faire  cependant  qu'il 
eftoit  en  ladite  ville.  Or  Callellan  le  retirant  de  Mets,  fut  efpié&mcné  prifonnicrà 
Gorze  par  les  gens  du  cardinal  de  Lorraine  :  par  lefqucls  finalement  fut  tranfporté  du- 
dit  Gorze  au  challeau  de  Nommeny.  Ce  qui  ne  fefît  fans  grand  trouble  &:  émotion  de 
ceux  de  Mets:qui  tatolt  après  prindret  certaîs  fuiets  duditCardinal,lcfqueK  ils  tindrét 


onaine. 


met  du  liège  Romain,  fc  trafporta  en  ladite  ville  de  Mets-où  après  plufieurs  remôftran 
ces  par  luy  faites  au  maiftreEfcheuinôi  autres  delà  iuftice  &côfcil  de  Mets,appoîta  en 

Lu. 


fro/.  fanÇattellan. 

façon  que  lcfdits  captifs  fuicts  dudit  Cardinal  furent  eflargis.Or  Ican  Caftellan  fut  de- 
u  nu  &:  trefcruellement  traité  audit  chafteau  de  Nômcny ,  depuis  le  1 1 1 i  .dejvlay  iuf- 
quesau  x  1 1  .de  Ianuicr  cnluyuant,  en  ladite  année  m.d.xxim  i.fouftenant  la  vérité 
de  la  doctrine  du  Fils  de  Dieu.  A  rai  ion  dequoy  tut  mené  dudit  licudcNommenycn 
la  ville  &  chafteau  de  Vic,pcrfeuerunttoufioursconftammentenla  confciîion  d'iecl- 
le  doctrine:  tellement  qu'il  fut  procédé  àla  fentenec  de  dégradation ,  pour  puis  après 
le  liurerau  bras  feculicr,felon  leur  ftylccx:  façon  accouftumee.^  Or  d'autant  ijue  la  for- 
me de  la  lcntence  6c  la  manière  de  procéder  à  la  dégradation  a  eux  déduite  de  poincl 
en  poincl  en  fon  proceznous  l'auons  ici  adiouitec,pour  monftrer  les  horribles  blalphc- 
mes  en  leur  fubtilité  brutale  des  plus  hauts  myfteres  qui  fe  tiennent  en  la  procédure 
dont  vient  les  ennemis  de  la  vérité  contrelcs  enfans  de  Dieu  :  par  laquelle  vn  chacun, 
voire  mcfme  les  plus  ignorans ,  peuucnt  comme  tafter  au  doigt  l'horrible  aueuglcmét 
dont  font  frappez  les  luppoftsdu  Pape. 

La  forme  de  la  fentenec,  &  la  procédure  de  la  dégradation  extraite  du  procez  dudit  ïean  Cafte'ûr:. 

i  inn.u'c  \T  1  v  le  procez  inquifitional  fait  6c formé  contre  toylean  Caftellan ,  preftre  &  reli- 
re lû.rt.in  V  gieux  des  frères hermites  defaind  Auguftin.  Veué  preallablemcnt  ta  confcilîon, 
UiitcDc  s  ],qUCHe  de  ta  pure  volonté  as  confcllee,  en  fbuftenantvne  faufTe  doctrine  &:  erronée,  ' 
6cc.  Veues aucc  ces  choies  les  admonitions  6c  charitables  exhortations  à  toy  faites  de 
par  nous  en  la  cite  de  Mets,lefquclles  à  la  femblance  du  la  pent  Afpid  tu  as  refufé  ouir 
de  tes  aureilles  lourdement  clofes  6c  fermées.  Veues  aulfi  tes  refponfcs  réitérées,  faites 
aux  interrogatoires  aucc  ton  ferment:efqucllcs  par  art  diabolique  tu  n'as  feulcmét  teu 
6c  caché  vcnté,mais  aufli  à  l'exemple  de  Cain,  tu  as  dénié  confelfcrtes  péchez.  Veus 
en  laparmi  les  telm oings  examinez  contre  toy ,  les  perfonncs&  dépolirions  diligem- 
ment conliderees,mclmement  toutes  autres  choies  dignes  d'eftre  veues  par  droict:  vé- 
nérable perfonne  maiftre  Nicole  Sauin  dodteur  en  Théologie  &c  Inquisiteur  de  la  fov, 
nous  afliftant  à  faire  ton  procez ,  citant  communiqué  à  mout  d'hommes  lcttrcz,  mai- 
ftres  6c  Do&eurs  trefexcellens  tant  en  droit  diuin  qu'humain,  qui  ont  ibuferir  &  fouffi- 
gne audit  procez:  il  nous  cft  euidemment apparu  &:  appert,  que  toy  Ican  Caftellan, 
plufïeurs  fois &: en diuers lieux manifeftemcnt&  publiquement  asdiuulgué,  dogma- 
tizé  6c  prefché  maintes  propofitions  erronées,  faillies,  6c  totalement  pleines  de  l'herc- 
Voirc.qui  nc  Luthérienne,  dérogatoires  6c  contraires  à  la foy  catholique, à  la  vérité  Euangeliquc 
croire01"  ^  au  ^mc^  ucgc  Apoftolique:&  ainli  malheureufement  ayant  apoftaté  en  regardant 
derrière  ,  tuas  cftétrouuë  menteur  à  Dieu  tout-puiiiant.  Et  comme  ainfi  loitquc  les 
rcigleslacrccs  du  droit  Canon  ordonnent  que  ceux  qui  par  les  dards  piquans  de  leur 
langue  enuenimee  pcrucraiTciit  les  Efcritures  diumes,&:  talchcnt  à  leur  pouuoir  d  m- 
feder  6c  corrompre  les  ames  des  fidèles ,  feyent  corrigez  de  vengeances  cruelles ,  afin 
que  les  autres  ayent  crainte  de  penier  telles  choies,  &  tous  en  gênerai  prennent  exem- 
ple de  feuerité  6c  bonté  :  Pour  ces  caufes  6c  autres  refultantes  dudit  procez:  des  autho- 
ntez  Apoftoliquc  6c  dudit  rcucrend  feigneur  Cardinal,  par  celte  noftrc  fentence  diffi- 
niciue,laquelle,  feans  au  tribunal,  nous  prononçons  par  eferic,  ayans  Dieu  feul  deuant 
nos  yeux,  conliderans  fainement  que  de  telle  mciure  que  nous  auôs  mefuré  les  autres, 
on  nous  mefurera:  prononçons  6c  déclarons  difKnitiuement,toy  Ican  Caftellan  eftant 
ici  deuant  nous  en  prelence  à  caufe  de  tes  meritcs,ou  (qui  pis  cft)demcritcs ,  auoir  efté 
6c  eftre  excommunié  de  la  plus  grande  excommunication,  auecce  coulpublc  delefc 
m.ucfté  diuine,aduerfairede  la  foy  catholique  &:  vérité  Euangclique ,  hérétique  ma- 
nifeftc,fcctateur de  Martin  Luther,  homme  fufcitatcur  d'herelies  vieilles  6c  défia  con- 
damnées^ pourcedeuoir  eftre  depofc&priué  de  tout  honneur  faccrdotal ,  de  toutes 
tes  ordres, auffi  de  ta  tonfurc  6c  habit  de  religiommefmcment  de  ton  bénéfice  Ecclefî- 
altiquc(li  aucun  cnas)&:de  tout  priuilege  auffi  clérical,  comme  dés  maintenant  te  de- 
pofons  6c  te  priuons,comme  membre  pourry,de  la  communion  des  fideles:&:  ainfi  pri- 
ué  6c  feparc-e  iugeons  deuoir  eftre  actuellement  dégradé. Ce. parfait,te  delaifTons  à  la 
cour  leculierc .  commettons  cefte  mefme  dégradation  6c  actuelle  exécution  de  noftre 
fentenec  à  ce  rcucrend  feigneur  &:  Pontife  icy  prefent ,  par  les  authoritez  6c  comman- 
démens  fuldits. 

De  radatis     ^  A  lcnttrncc  a'nn*  prononcée,  &  le  fermon  de  leur  foy  catholique  paracheué  ,  lefuf- 
de  Caftiliâ.  dit  cucfquc  de  Nicopo!e,furrragant  de  Mets,fèant  pontificalcment  au  tribunal  auec  le 
Clergé, les  nobles  6c  le  peuplc:proceda  à  la  dégradation  du  fufdit  IeanCaftcllamlequcl 

eftant 


JeanÇaïïellan.  63 

citant  preft  à  eftre  dégradé ,  parles  officiers  du  fufdic  Euefque  fut-facerdotalcmcnt  re- 
ueftu,  &  puis  amené  de  la  chapelle  par  les  preftres  à  ce  députez ,  aucc  ornemens  facer- 
docaux.  Les  officiers  luy  donnèrent  entre  les  mains  le  calice,le  vin  &:  l'eau,  la  platine  6c 
1  hoirie.  Toutes  lesquelles  choies  ledit  Euefque  degradateur  luy  ofta  des  mains, dilànt,  Pfeftrf- 
Nous  t'oftons  ou  commandons  eftre  oftee  de  toy  la  pui/îance  d'offrir  facrificeàDicu,& 
vie  célébrer  MefTe  tant  pour  les  vifs  que  pour  les  morts.  Outrcplus ,  ledit  Euefque  luy 
rafales  doigts auecvnc  pièce  de  voirrc,difant,  Par  celle  rafure  nous  t'oftons  la  puîfî'an- 
lance  de  facrifier,de  conlacrcr&  bcnir,laquelle  tu  as  receue  à  l'ondion  des  mains: puis 
luy  ofta  la  chafuble  par  derrière  auec  le  chaperon ,  difant ,  Nous  te  delpouillons  à  ben 
droit  de  la  robe  facerdotale  laquelle  fignifîe  charité:  car  pour  certain  tu  t'es  dcueltu  d'- 
icclle&:  de  toute  innocence.  En  luy  oftant  l'eftolc,  dit ,  Tu  as  vilainement  ictté  <Sj  mis 
arrière  cie  toy  le  ligne  de  noftre  Seigneur,  lequel  eh:  reprefenré  par  cefte  eftole:  à  raifon 
dequoy  nous  te  l'oftons,  &£  te  rendons  inhabile  d'exercer  office  facerdotal  &:  toute  cho- 
ie appartenante  à  preftnfe. 

L  a  dégradation  de  l'ordre  facerdotal  faite  ,  on  procéda  à  l'ordre  de  Diaconat.  Les  Diacre: 
officiers  luy  donnèrent  le  liure  des  Euangiles,  &c  ledit  Euefque  prononça,  Nous  t'oftôs 
lapuiiTancedehrelesEuangilesenrcghlcde  Dieu:  car  cela  necompete  linon  aux  di- 
gnes. Puis  il  luy  ofta  la  dalmatique,  qui  cft  le  vertement  du  Diacre,  en  difant ,  Nous  te 
priuons  de  l'ordre  Leuitique  :  car  quant  à  ce ,  tu  n'as  accomply  ton  miniftere  &:  office. 
Apres  ledit  Euefque  luy  ofta  leftolcjdifant,  Nous  t'oftons  luftement  l'eftolc  blanche, 
laquelle  tu  auois  prife  immaculée,  &  laquelle  tu  deuois  porter  iufques  en  prefence  du 
Seigneur. Et  afin  que  le  peuple  dédié  au  nom  de  noftre  Seigneur  IefusChnft  y  puiffe  cy 
après  prendre  exemple,  te  défendons  d'exercer  plus  l'office  de  Diaconat. 

Apres  ils  procédèrent  à  la  dégradation  de  Tordre  du  Subdiaconat,  luy  ayans  don-  SouWiacrc. 
né  entre  les  mains  le  hure  des  Epiftres, lequel  l'Euefque  retira,  difant,  Nous  t'oftons  la 
puiiîance  de  lire  l'Epiftre  en  l'eglife  de  Dieu:  car  de  ce  miniftere  tu  t'es  rendu  indigne. 
En  luy  oft.int  la  tunique,dit,Nous  te  deuefton  s  de  la  tunique  Subdiaconalercar  la  crain 
te  de  Dieu,chafte  &:  permanente  éternellement ,  n'a  édifié  ton  cœur  ne  conftruit  ton 
corps.  Outreplus  ledit  Euefque  luy  dit ,  Ofte  le  manipule  :  car  par  le  fruict.  des  bonnes 
œuurcs,lcfquelles  le  manipule  repreiente  &:  fignific,tu  n'as  reietté  les  afîauts&:  embui- 
ches  de  l'ennemy  fpirituel. 

Ah  £  s  ces  (hofes,l'vn  des  officiers  luy  mit  entre  les  mains  les  chopincttes,  auec le 
vin  l'eau, l'efguiere,  le  bafiin&latouaillc,  auffile  caheevuide  auec  la  platine.  Tou- 
tes lefquelles  chofes  l'Archcdiacre  receut  des  mains  dudit  Caftellan  ,  referué  le  calice 
auec  la  platine,  que  l'Euefque  luy  ofta,difant,Nous  t'oftons  la  puifîance  d'entrer  au  re- 
ueftiairc,dc  toucher  les  corporaux&:  vaiiTeaux:melme  tous  autres  veftemensfacrez,&:' 
tous  myftercs&:  offices  du  Subdiaconat. 

P  v  i  s  après  on  le  defpouilla  de  la  ceinture,  aube  &  amict:  &:  procédèrent  à  la  degra- 
datiô  des  moindres  ordres.  Pour  ce  faire  l'vn  des  officiers  mit  és  mains  d'iceluy  vne  cho 
pinette  vuidedaquclle  luy  ofta  rEuefque,difant,  Ord  Se  fale ,  dorefenauât  tu  n'admini-  Acol;[C. 
ftreras  vin  n'eau  au  facremét  de  l'autel.  Outre,il  luy  ofta  le  chadclier  &  le  cierge  eftcît, 
difant  en  cefte  maniere,Laiffe  la  lumière  viliblexar  par  tes  mœurs  deprauees  tu  as  efté 
nôchalat  de  dôner  au  peuple  la  lumière  fpirituellc.  Ofte  dôc  du  tout  l'office  d'Acohte. 

En  après  l'Euefque  vint  à  la  dégradation  de  l'ordre  d'Exorcifte.  Etainfi  leminiftre  Exorcifcc. 
député  luy  bailla  le  liure  des  Exorcifmes:qui  luy  fut  ofté  par  l'Euefque,  difant,  Nous  te 
priuons  de  la  puiffance  de  mettre  la  main  fur  les  Energuminspo/Tedez  des  mauuais  c- 
fprits,  &  de  ietter  diables  des  corps  po/Tedez  par  iceux:te  defendas  l'office  d'Exorcifte. 

On  vint  à  l'exécution  de  l'ordre  de  Ledtorat.  Et  pour  ce  faire  l'Euefque  print  des  Ledeur. 
mains  dudit  Caftellan  le  liurc,difant ,  Ne  ly  plus  en  l'eglife  de  Dieu,  U  ne  chante  plus: 
auffi  dorefenauant  ne  beny  les  pains  ne  les  fruicts  nouueaux  :  car  tu  n'as  accomply  ton 
office  fidèlement  &  deuotement. 

P  o  v  r  depofition  de  l'office  de  portier ,  on  luy  donna  les  clefs  du  temple ,  lefquelles  Portier. 
l'Euefque  print  de  fes  mains,  difant,  Pourautant  que  tu  as  mal  fermé  les  huis  de  ton 
cœur  aux  ennemis, nous  t'oftons  l'office  de  Portier,afîn  que  tu  ne  fonn'es  plus  la  cloche, 
&  que  tu  n  ouures  plus  le  temple  ne  le  reueftiaire:aufti  tu  ne  donneras  à  l'aduenir  le  li- 
ure à  celuy  qui  veut  prefeher.  Prcmifr 

Cela  die,  l'Euefque  procéda  à  la  dégradation  delà  première  tonfure:&:  dit  en  confie  ' 

Liii. 


Liurc-j  L  %ech  cthifioire. 

luv  oftant  le  furplis ,  de  l'authorité  Je  Dieu  tout-puiirant ,  du  Pere&:  du  Fils&:  du  S.  E- 
fpiit,& dclanoltre,  nous  t'oitons  l'habit  clérical  :  aucc  ce  te  denuons  &dcucftons  de 
1  ornement  de  religion:  &C  te  depofons,  dégradons  fpolions  &:  dcipouillons  de  tout  or- 
dre, bi  nclicc&:  piiuilegc  clérical  :&:  comme  indigne  de  la  profellion  des  Clercs,  te  re- 
mettons en  leruitude  &c  ignominie  de  l'habit  8c  citât  leculicr. 

Lor  s  ou  prit  des  cileaux  pour  le  tondrc:&;  en  cefte  manière  on  luv  dit,  Nous  teiet- 
tos  hors  de  1  héritage  du  Scigneur,auquel  tu  eftois  appelc:&  li  oftôs  de  ton  chef  la  cou- 
ronne, qui  eft  le  ligne  royal  de  Prcftnfed'Euefque  adioufta  ces  mots,  Ce  que  tu  as  cha- 
ch^t.ric.  té  de  bouche,  tu  n'as  creu  de  cecur,ny  accomply  parœuurc:pourcc  nous  t'oitons  i'ofli- 
ce  de  chanter  en  l'eglifc  de  Dieu. 

L  a  dégradation  parfaite,  le  Procureur  hTeal  de  la  cour  &c  cité  de  Mets,  demanda  au 
notaire  de  celte  caufe,  vn  inftrumcnt  ou  pluhcurs  cftre  faits  de  ladite  dégradation.  A- 
lorsles  miniftres  dudit  Eucfquedefpouillerent  ledit  Cattcllan delà  robe&  habit  cléri- 
cal, &  le  vcftiicntd'vn  habit  iceuher.  Et  d'autant  que  celuv  qui  eft  dégradé ,  doiteftre 
ttàTdiî'î'I-  ^ LU à  la  cour  fcculicrc,  félon  les  conftitutions  du  Pape  Innocent  troiiiemc  :  l'Euclque 
pc  innoccc  degradateur  ne  procéda  plus  auant,  mais  dit  en  cefte  manière ,  Nous  prononçons  que 
!"'         la  cour  fecuiiere  te  reçoyue  en  fa  charge,  ainh  dégradé &deucltu  de  tout  ordre  &c  pri- 
uilcge  clérical.  Cela  fait,  ledit  Euefque  intercéda  pour  luy,felon  leur  manière  de  fauc, 
au  iuge  feculier,  dilant ,  Seigneur  luge ,  nous  vous  prions  h  afFectueufement  que  pou- 
uons,  tant  pour  l'amour  de  Dieu  qu'en  contemplation  de  pitié  &:  mifericorde,  àc  pour 
r  /.^  °     l'égard  de  nos  prières, que  vous  ne  faciez  à  ceftuy  miferablc  homme  choie  dommagea- 
ble, tendante  à  mort  ou  mutilation  de  fon  corps.  Ces  choies  faites ,  la  iuftice  feculicrc 
de  ladite  ville  de  Vie ,  peu  après  confermant  la  fufditc  fentence ,  condamna  Ican  Ca- 
ftellan  à  cltre  bruilc  vifee  qu'il  endura  d'vne  telle  conitance,  que  non  feulement  giad 
nombre  d'ignorans  fut  attiré  à  la  cognoiifance  de  la  venté:  mais  au/fi  plufiturs  ayans  îa 
quelque  fentiment  d  îcelle,  furent  grandement  confermez  par  vne  li  prccicufe  mort. 

Hi  s  t  o  ir  l  de  quelques  cruautez  exercées  en  la  fedition  des  Ruftiqucs, 


M.DXXV  IfB^OV  R  lauthorité  qucl'Eglife  du  Seigneur  a  attribuée  à  Iean  Ecolamp.uù-, 
£ï<  iffîs  miniftre  &:  initauratcur  de  la  vraye  Religion  c  n  la  ville  de  Balle,  nousauiôs 
5$  ] ^^inleréauliure  des  Martyrs,  lhiftoire  de  trois  qui  auoycnteité  cruellement 
<k*  KuîtT  liJ^X'iS^y rann  ^*cz  tmiat  te  temps  de  la  fcdition  desRoftiques  au  pays  d' Aiemagne: 
<lli«-  mais  pource  que  la  peine  ne  fait  peint  le  martyr ,  ains  la  caufe ,  laquelle  en  ces  trois  eft 
menée  aucc  quelques  oeealionsde  faiefo  peu  conuenables  aux  martyrs  du  Seigneur, 
nous  les  auons  ici  inferez  par  forme  de  récit  d'hiltoirc  ,  comme  du  commencement  en 
celte  édition  nous  auons  proteite  de  faire ,  quand  la  mort  n  eft  pas  du  tout  pour  la  cau- 
fe de  la  Religion ,  ains  eft  meilec  aucc  autre  acculation. 

Co  m  m  e  ainhi'oitdoncquelurlafinderan  m.  d.  x  x  i  i  ii, les pay fans euflent com- 
mencé d'eltnuer  à  caufe  des  charges  dont  ils  lé  plaignoyent  eitre  greuez ,  grande  {édi- 
tion sefmeut  contre  les  prélats  Ecclcfiaftiques  &c  pluficurs  gentils-hommes  d'Alema- 
I -  i  icffrtt  gne,  fous  couleur  de  défendre  la  doctrine  de  l'Euangile  &:  de  fe  mettre  en  liberté.  Ou- 
ocs  p:yf.ls.  trc  jc  mcurtrc  &:  degaft  qu'apporta  cefte  tempefte  populaire, elle  fît  de  gias  preiudiccs 
à  la  caufe  de  l'Euangile  ÔC  àpluiieurs  bons  Miniftres  qui i  commençoyent  de  l'annocer. 

^Advint  en  l'an  m  .  r> .  x  x  v ,  cefte  émotion  n'eftant  encore  appaifcc,qu'vn  Prcftre, 
home  f  aifant  office  dePafteur ,  fît  quelque  chofe  qui  n'eftoit  de  grade  importace,  félon 
le  tefmoignage  de  ceux  qui  font  cogneu.  Le  Prince  en  la  fubiection  duquel  viuoit  ce 
Paftcur,  oubliât  toute  amitié  Se  lareuerence  qu'il  auoit  de  tout  temps  portée  audit  Pa- 
fteur,f ut  telle  met  irrité  de  ce  fai£t,  que  côbien  qu'il  ne  méritait  aucune  punition,tat  y  a 
ncantmoins  que  ledit  feigneur  pourchaifa  fa  mort  cotre  toute  raifon.  Il  cnuoya  vn  lien 
Gentil-hômc  allez  cruel  &:  propre  pour  exécuter  fa  volonté  &:  fentence  délibérée;  le- 
quel vint  aucc  quelques  feruiteurs  de  fon  maiftre  ,&:  entta  aucc  fa  bande  en  la  maifoa 
dece  Pafteur ,  faifant  femblant  de  vouloir  faire  bonne  cherc  aucc  Juy.  Il  leurapprefta 
en  bien  peu  de  temps  le  banquet  pour  les  receuoir ,  &c  mangèrent  &c  beurent  en  fa 
maifon. 

Ai'Ki  s  qu'ils  eurent  acheué  de  dilher:  ainfî  que  le  Preftrc  eftoit  encores  à  table, 

&nc 


UuolfgangSfchuch.  64. 

&:  ne  penfoit  à  nul  mal,IcGentil-homme  dit  aux  feruitcurs,  Il  faut  que  vous  pendiez  ce 
Prcftre  noftre  hofte,&:  (ans  delay  :  car  il  a  bien  nlcrité  d'eftre  pendu  à  caufe  d'vn  forfait  l3'u  " 
qu'il  a  commis  contre  foivPrincc.Les  feruiteurs  furent eftonncz,&  auoyent  horreur  de  cruel, 
ce  fairc,&  dirent,Ia  n  aduie£j$e  que  nous  commettions  vnc  telle  lafeheté,  que  nous  pc 
dions  vn  tel  homme, qui nc*u/a  traittez  fi  humainement .  La  viande  mcfme  qu'il  nous 
a  donnée, cft  encores  en  nos  eftomacs  non  digérée .  ce  leroit  chofe  mal-fcante  à  vn  hô- 
mcnoble,dcrcndrelemalpourlebien:&melmedo(krlavieàvn  innocent.  Au  moins 
que  ce  commandement  nous  euft  efte  fait  auant  que  de  nous  mettre  à  table,  &;  nous  n' 
euflîons  mangé  vn  fcul  morceau  de  ion  pain .    Ces  feruiteurs  en  fomme  ne  deman- 
doyent  autre  choie  finon  à  luv  taire  onuerture ,  afin  qu'il  s  enfuift,  Se  qu'ils  fe  déportai- 
fent  d'exécuter  vnefentenecii  inique.    Cependant  que  ce-dit  Gentil-homme  &c  ces 
feruitcurs  eftriuoycnt  ainli, le  Prendre  efmcu  de  frayeur  foudaine,  commença  à  leur  re-  Rcmon. 
monftrer  quelle  inhumanité  ce  feroit  de  le  traitter  ainli  :  pluftoft  qu'ils  l'cmmenailent  p^nt"rdu 
prifonnier  deuers  le  Prince, deuât  lequel  il  ci'peroit  bien  le  purger  du  cas  qui  luy  eftoit 
impol'é.Il  leur  propola  l'humanité  de  laquelle  il  auoit  vie  entiers  tous  les  Gentils-hom- 
mes du  pais:comment  les  biens  n'auoyet  efté  efpargncz  pour  les  recueillir  :  que  main- 
tenant ce  feroit  vnc  mal-heurcufe  recompenfe,fi  vne  telle  cruauté  eftoit  exercée  con- 
tre luy. Il  s  adrclTa aullî  fpecialeinenc  au  Gcntil-hommc,raduertiiîant  du  tourmét per- 
pétuel qu'apporte  vne  mauuaife  confcience,apres  vnc  telle  cruauté  exercée. 

Il  protefta  qu'il  leur  auoit  cnlcigné  fidèlement  la  dodrine  de  rEuangile,&  que  ce, 
doit  la  principale  caufe  pour  laquelle  il  eftoit  ainfi  mal  voulu  :  &  dés  lôg  temps  il  auoit 
prédit  qu'il  luy  en  aduiendroit  ajnh\Car  comme  ainli  foie  qu'il  cuit  par  pluficurs  fois  re 
prins  aigrement  &c  en  public  les  vices  horribles  des  Gentils-hommes ,  qui  entreteno- 
yent  le  peuple  en  tous  maux,&  cux-mefmes  eftoyent  adonnez  à  blafphemes  &:  yuron- 
enenes,au  lieu  qu'ils  deuoyent  monftrer  exemple  de  foy,de  vraye  religion,&:  de  toute 
î'obrietédelHits  Gentils-hommes  refiftoyent  fort  &:  ferme,difans  que  ce  n'eftoit  point  a 
luy  à  faire  de  les  reprendre,veu  qu'ils  eftoyent  fes  feigneurs4&  le  pouuoyent  faire  mou- 
rir s'ils  vouloyent  :  que  tout  ce  qu'ils  faifoyent  eftoit  louable ,  &C  n'y  faloit  aucunement 
contredire  ou  refifter:&:  qu'il  machinoit  quclq  choie  en  les  fermons,quibicn  toft  vien- 
tlroit  à  vnc  fin  mal-heureufe.  Quelque  c holc  qu'il  y  euft,cc  Pafteur  ne  peut  faire  trou- 
uer  la  caufe  bonne:mais  le  Gentil-homme  perfeucra  en  fafelonnie  ,&  prelïà  ces  ferui- 
tcurs d'accomplir  ce  qu'il  auoit  ordonne  .  Car  cela  eftoit  relblu  par  fon  Prince ,  que  ce 
Curé  ruft  misa  mort.  Et  s'adrellant  a  luy,dk  qu'il  ne  gagneroitrien  de  plus  preicher: 
qu'il  ne  penfaft  plus  à  autre  but,imon  à  mounrcar  lePrince  luy  auoit  dôné  cxprcllé  co 
million  de  le  faire  pendreda  grâce  duquel  :1  ne  vouloir  point  perdre  pour  fauucr  la  vie 
à  fon  hofte.  f  A  la  fin  les  feruiteurs  à  grand  regret  le  lièrent,  &c  l'attachèrent  à  vn  po-  ^ai- 
fteau  de  fa  maifon  deuant  le  Gentil-homme.  Et  ce  bon  perfonnage  eftant  prochain  de  icrtc  K  v4t 
cefte  horrible  mort ,  ne  dit  autre  choie  linon ,  Iefus  Chrift  fay  moy  mifericorde ,  Iefus 
Chrift  fauue-moy.  ^  Ceft  acte  entre  autres  meritoit  d'eftre  ici  recité ,  pour  monftrer 
la  grande  cruauté,  qu'à  grand'  peine  les  Barbares  commettroyent  contre  vn  ennemi 
mortel. Chacun  penlera  en  foy-mcfmc  qui  font  ceux  qui  ont  le  plus  grand  aduantage, 
ou  ceux  qui  commettent  cruauté  contre  les  bons  ôdes  iuftes,ou  ceux  qui  endurent  in- 
iuftemcnt.Les  premiers  ont  vn  bourreau  perpétuel  en  leur  confeience:  les  autres  rap- 
portent,mourans  au  Scigneur,vne  couronne  immortelle. 


VVOLFGANG    SCHVCH,  pafteur  Alcman. 

Ce  Martyrnous  reprefentcle  miroir  d'vn  vray  miniftrede  lTuanjiIe,<]ui  non  feulement  enfeigne  fesouail!es,nuisaufsi  met  fa 
vie  pour  elles  &  pour  leu  r  tranquilitc. 

N  T  R  E  ceux  du  pais  d'Alcmagne,  qui  de  ce  temps  eurent  cognoiffan-  M.dxxv 
cède  rEuangilc,VuolfgangSchucheft  au  nombre  des  premiers:  lequel  c-  schuchA- 
ftantvenu  demeurer  à  iainct  Hippolite,  petite  ville  de  Lorraine,  &  receu  kiran* 
pour  Paftcurdc  premier  foin  qu'il  eut  fut  d'extirper  les  fuperftitions  &  ido 
latries  quîeftoyent  par  trop  enracinées  au  cœur  du  peuple.  En  peu  de  temps  par  la  pu- 
re prédication  de  l'Euangile,il  ofta  beaucoup  de  fupcrftiticufes  obfcruations ,  comme 
du  Quarefme,  des  Images  ,&  finalement  l'abomination  de  la  MeiTe ,  ce  qui  ne  luy  fut 

Liiii, 


,/.  Vuolfgang  Schuch. 

par  trop  difficile,d'autant  qu'il  auoic  rencontré  vn  peuple  docile  Se  aifé  à  conduire  à  Y- 
Euan<nle,&  lequel  éult  prins  en  grand' rcucrcnce  Ion  Palleur .  Le  bruit  en  ce  reuolte- 
mentde  la  doctrine  Papalcdonna  occafionaux  ennemis  de  vente  d'accule  r  ce  peuple 
entiers  le  Pnncc,qui  cftoit  pour  lors  Antoine  duc  de  Lorraine,comme  s'il  eull  voulu  rc 
ietter  defey  le  îoug  de  l'obciUancc  deuë  au  Prince  &C  fuperieur:  tellement  que  la  choie 
vint  îufques  là,  que  la  ville  fut  menacée  d  cftrc  mile  à  feu  &:  à  fang.Ce  qu'entendant  le- 
dit Vuolfgang,efcriuit  vne  Epiftre  au  duc  de  Lorraine,  par  laquelle  il  réd  raifon  de  Ion 
fai£t,&:  purge  fon  troupeau  des  calomnies  mifes  fil siafTeure  le  Prince  du  bon  vouloir  Se 
de  lobe  ifïancc  du  peuple  cnuers  luy  .  Le  côtenu  de  laquelle  eft  de  tel  artifice,  tnonfttât 
comment  vn  Palleur  doit  comnunccr  Ion  office,  q  nous  en  auons  ici  donné  l'extrait. 

Vu<  Igjni1,  scliuch  mmiltrcde  Chrift.delire  toute  f  élicité  par  Clinft,a  uef-illuftrc  prince  &l'cigncur  Antoine  ducdcLor- 

raiiu.&cîon  leigneur  trcl-ckment. 

PRES  que  ie  fuis  venu  en  cette  voftre  ville  de  S.Hippolite,  ô  Prince  tref-clemêt, 
Wfàà 1  a)'  tl  0uuc  vn  peuple  errant, comme  brebis  fans  palleur  &£  conduite.  Or  i'ay  com 
mencé  incontinent,ielon  le  minifterc  qui  meftoit  cômis  drt  Scigncur,à  rappeler  les  er 
rans  en  la  droite  voyc:à  exhorter  à  fane  pcnitccc  de  la  vie  palfee,&:  que  le  royaume  des 
deux  eftoit  prochaimà  menacer  que  la  coignec  eftoit  mile  à  la  racine  de  l'arbre,  pour 
eftre  de  bref  coupé  6c  mis  au  feu ,  s'il  eftoit  trouué  fterilc:  $z  que  le  téps  eftoit  venu,au- 
qucl  le  Seigneur  auoit  enuoye  les  Anges(ccft  à  dire  les  annociateursdefaparole)pour 
ofter  tout  icâdale  de  Ion  royaume.  Lay  commencé, di-ic,  incontinent,  corne  fait  le  bon 
laboureur,à  arracher  les  cfpincs  &c  erreurs  qui  eftoyent  petit  à  petit  creuës  cotre  le  Sei 
gneur  &:  fa  parole:  à  planter  ai  bresrendansrruift  en  leur  téps:a  édifier  vn  domicile  non 
pas  tranlïtoire  ne  terreftrc,mais  éternel  au  ciel,eftant  édifié  fur  le  fondement  des  Apo 
ltres&:  Prophètes, dont  Iclus  Chrifl  melmeeftla  maifticffe  pierre  angulaire,  auquel 
toute  édification  lice  cnfcmble ,  croift  en  vn  temple  fainct  au  Seigneur,  auquel  il  nous 
faut  tous  cftrc  édifiez  en  vn  tabernacle  de  Dieu  au  laincl:  Efpnt. 

E  t  afin  que  ie  parle  plus  apertement,i  ay  efté  enuoye  au  peuple  de  voftre  clémence, 
pour  prclchcr  l'Euangile  de  Dieu,lcqucl  il  auoit  deuant  promis  par  les  Prophètes  és  S. 
Eicritures, touchant  l'on  Fils  noftre  Seigneur  Icfus  Chnft ,  qui  a  efté  fait  de  la  femence 
de  Dauid  félon  la  chair.  Oeft  la  vertu  de  Dieu,  donnée  en  falut  à  tous  croy  ans:  par  le- 
quel la  îuftice  de  Dieu  eft  reuelee  de  foy  en  foy,côme  il  eft  efent,  Le  îufte  vit  de  fa  foy. 

L  a  îufticedc  Dieu, par  laquelle  nous  fommes  rcputcziuftes  deuant  Dieu,  eft  parla 
foy  de  Iefus  Chnft, en  tous&:  fur  tous  ceux  qui  croiront  en  iceluy.Car  nous  fommes  îu- 
lufiez  gratuitement  par  fa  gracemous  fommes  iiiftificz  par  foy  en  ion  fang,fins  lcsccu- 
ures  de  la  Loy.Par  foy  nous  auons  paixauec  Dieu  par  Iefus  Chrift  noftre  Seigneur:  car 
il  nous  a  efté  fait  dcDicu  lapience,iuftice,lanctification,&:  redemptiomafîn  que  le  fage 
ne  fe  glorifie  en  fa  fapiencc ,  ne  lef  ort  en  fa  force ,  ne  le  riche  en  fes  richelfes:  mais  que 
ce  luv  qui  fc  glorifie,le  glorifie  au  Seigneur. 

C  e  s  ï  i  foy  que  nous  auos  en  Iefus  Chrift  mort  pour  nous,no9  fait  enfans  de  Dieu, 
héritiers  de  Dieu, cohéritiers  de  Chrift.  Et  pour  inftaurer  cefte  foy  en  nous, le  Fils  de 
Dieu  vniqueaeftc  enuoyédufein  de  fon  Percànous .  car  Dieu  a  tant  aimé  le  monde, 
qu'il  a  donné  fonFils  vnique  pour  fauuer  le  monde:afin  q  quiconque  croit  en  luy,ne  pe 
rifle  point:mais  ait  la  vie  éternelle.  Dieu  n'a  point  enuoyé  fon  Fils  au  mode  pour  iuger 
le  monde:mais  afin  que  le  monde  foit  fauué  par  iceluy .  Qui  croit  en  luy,n'cft  point  iu- 
gé:mais  qui  ne  croit  point,il  eft  defia  iugé.Mais  qu'a  Iefus  Chrift  eniéigné  autre  chofe, 
fin  on  que  tous  ceux  qui  croiroyent  en  luy,feroyent  fauuez  î  Car  quand  les  tourbes  luy 
demandoyent  qu'ils  feroyent  pour  faire  les  ceuures  de  Dieu, il  refpondit,Cefte  eft  l'œil 
ure  eie  Dieu,quevous  croyez  en  celuy  qu'il  a  enuoyé. Iceluy  crie,difant,Siquelcû  afoif, 
qu'il  vienne  à  moy,&  boiue.Qui  croit  en  moy, comme  dit  rEfcriture,fleuues  d'eaux  vi- 
lles forciront  de  fon  ventre .  Nul  ne  vient  à  celle  foy,  qui  ne  foit  attiré  du  Pere  celefte:à 
fin  que  nul  ne  fe  trompe ,  la  penfant  auoir  par  fes  propres  forces.  S.  Paul  dit,Vous  efte$ 
fauuez  de  grâce  par  foy:&  cela  non  point  de  vous,  c'eft  don  de  Dieu:  non  point  par  ceu- 
ures,afin  que  nul  ne  fe  glorifie. 

E  t  n  eft  pas  moindre  vertu  de  créer  cefte  foy  en  nous,  que  celle  par  laquelle  Iefu  S- 
Chrift  a  efté  reffufeité  des  morts,&:  colloque  à  la  dextre  de  Dieu  fon  Pere .    Icelle  nV 
t  eft  point  vne  oifeufe&:  endormie  qualité  en  lame  de  l'homme,  comme  aucuns  l'ont 
Jfaite:mais  vne  vertu  efficace  §c  ouurante  par  le  S.£fpricefpâdu  en  nos  cœurs,plcine  de 

bonnes 


ViïolfgangSçhuch.  6  j 

bonnes  oniuresmoiî  pas  controuuccdenouscu  dcr.oftrc  piudecc,maiscft.int  côman- 
dcc  &:  eileué  de  Dieu.  D'icclle  l'ont  les  œuurcs  de  chante  non  fcintc.L1  Apoitre  dit  ain-  CaUr.-j 
fi, En  Icfus  Chrift  ne  Circoncilîon  neft  rien, ne  prépuce  n  Vit  rien:  mais  la  fby  ouurante 
par  chance.    Celle  feule  foy  difeerne  les  vrais  Chrcfticns  des  faux:  car  Je  Sauueurdit, 
Tous  cognoiftront  par  ceci  que  vous  eftesmcsdilciplcs ,  ii  vous  autzdilectionenfcm-  ,ean 
ble.  Ec  que  commande-il  autre  choie  par  tant  de  fi  trcfdouct  s  paroles  en  tout  ion  fer-  lcj'  +  ^J 
mon  fait  en  la  dernière  Cent ;  De  ces  choies  feulement  jI  redemandera  conte  auder- 
nicriour,dilant,rayeu  faim,&:  vous  m'auez  donne  à  manger,  &c .  Mais  des  ancres  au-  Mattj,  tJ 
urcs  Faites  de  nous-mcfmcs,combicn  qu'elles  ibyent  reiplendiiiântcs»ildira,  Quiade-  Mà. 
mande  ces  choies  de  vous  ?  Mais  le  vailleati  d'eflection  dit,Toute  la  Loy  cft  accomplie 

1       -c  I  a      I  I      r  T  I        •        1       Rom. M. 

en  vnc  parole,  Tu  aimeras  ton  prochain  comme  toy-mclnie:&  dcrccher,La  plénitude  Galat 
delà  Loy,eft  dilcétion.Saincr,  Pierre  nous  induit  amiablcmét  à  ces  choies,  diiànt,  Ayez  1  p«r.i, 
folicitudc  de  faire  voftre  vocation  &:  eilection  certaine  par  bonnes  œuurcs:  car  ce  font 
teimoins  tref-certains  de  la  vraye  toy  qui  eft  en  nous,  que  les  œuurcs  de  parfaite  chari- 
té. Au  contraire,quand  nous  n  aimons  que  de  parole  5c  langue,  &C  non  d'œuurc  &c  veri-  l  Ican  >' 
té,&  que  ces  ccuures  ne  fuiuent  pas, il  faut  nccciîairemcnt  que  ce  ne  l'oit  qu'vne  humai 
ne  opinion  d  hommes, non  pas  vne  toy.  Ain (i  Abraham  &  tous  les  elleus  du  temps  pal-  Gcncfc  n 
fe  ont  tcftifié  par  ccuures  la  foy  qu'ils  auoyent  en  Dieu  :  mais  ils  n'ont  pas  attribué  leur 
iuftifkation  à  leurs  œuures,commc  font  les  hypocrites:ains  à  la  tref-certaine  promette 
de  Dieu, laquelle  ils  ont  appréhendée  par  pure  foy. Car  toute  chair  n'eil  point  iuftihee 
des  œuurcs  de  la  Loy.&:  il  la  iuftice  cft  par  la  Loy-,Chrift  cftmortcnvain.cn  ignorant  la  Galst.i, 
iuiticc  de  Dieu, qui  cft  delafoy,Ô£ccrehatconltituerlalcur  propre,qui  cil  dcsceuures, 
ils  n'ont  point  cité  fuiets  à laLoyde  Dieu. La  perfection  delà  Loy,c'cft  Chrift,pouriu- 
ftifier  tous  croyans.C 'cft  ici  ce  que  Ieliis  Chrift  mcl'me  a  preiche,  ô  Prince  trei-clcmét, 
Se  ce  qu'il  a  commande  à  les  Apoftrcs  d  enicigner  à  toute  créature.  Tay  enfeigné  Se  en- 
leigne  ces  choles,&:  non  autres, à  voftre  peuple.  Certes  il  ne  icra  pas  mefme  licite  à  vn 
Ange  du  ciel  d  cuangelizer  choie  diucrfe  Se  contraire  à  cefte-ci.  Ceux  enfeignent  cho-  Ci'-U* 
fe  diucrfe Se  contraire  à  celtc-ci,qui  prcl'chcnt  mltices  humaines,merites  humains:  qui 
inrroduifentfauilement  les  hommes  en  vne  confiance  de  leurs  bônes  œuurcs:  qui  ma- 
gnifient les  bonnes  intentions, fans  cftimer  la  parole  de  Dieu, lequel  défend  de  rien  ad  Dulr  u 
joufter  à  fa  parolc&:  d'y  nen  diminuer,afin  qu'vn  chacun  de  nous  ne  face  ce  qui  luyfem 
ble  droict,&:  que  ne  foyons  appuyez  fur  noftre  prudence:  car  la  prudence  de  la  chair  eft 
mort. Le  roy  Saul  areceuvnaduertiiTement&:  corrcôtion  non  petite  de  fa  bonne  inté- 
tion  Se  defobciifancc  .  Se  fainct  Pierre  tançant  Iefus  Chrift  en  bonne  intention ,  lequel  Manlw*. 
leur  predifoie  fa  paifion,oir,  Va  derrière  moy,Satan, tu  m'es  en  empefchcment:car  tu  n' 
entens  point  les  choies  de  Dieu, mais  celles  des  hommes .  Que  diray-ie,que  la  faincle 
Efcricurc  défend  partout  les  commandcmcns&:  doctrines  humaines:&  appelé  les  au- 
theurs  de  ces  traditions, Faux-prophctes,qui  obligent  les  confcicnccs  par  eux  fcduices 
à  leurs  inuentions,comme  fi  elles  eftoyent  nece/faires  à  falut:  promettas  à  ceux  qui  les 
auront  gardées, faliit:&  à  ceux  qui  ne  les  auront  gardées,  damnation; afin  que  les  hom- 
mes apprennent  à  fe  confier  en  autre  qu'en  Dieu  iéul,qui  fauuc  tous  ceux  qui  font  fau- 
uez,par  fa  pure  graee  Se  mifericorde?Dieucondâne&:iuge  les  mauuais  qui  l'ont  craint 
par  commandement  Se  doctrine  d'hommes. pour  celte  caufeildit,quelafapicnccpcri-  ih.t$. 
ra  des  fagcs,8£  que  l'entendement  des  prudens  fera  caché. comme,  hclas  !  tei'moigne  le 
temps  prêtent. Et  pour  celte  caufe  Icfus  Chrift  dit  derechef,  Ce  peuple  m'honnore  des  Mutb.if. 
leure  s,mais  leur  cœur  cft  fort  loin  de  moy.    Ils  m'honnorent  en  vain,cni'eignans  pour 
doctrines  commandemens  d'hommes. Et  leProphete  dit,Ne  cheminez  point  aux  corn  Ex0c)  1CU 
mandemens  de  vos  pcres,&  ne  gardez  leurs  iugemens,  &:  ne  vous  polluez  en  leurs  îdo- 
les:ie  fuis  Je  Seigneur  voftre  Dieu,chcminez  en  mes  commandemens,ôc  gardez  mes  iu 
gemcns,&:  les  faites. Sainct  Paul  ne  reprend-il  pointyvoirc  plus  durement  qu'aucuns  ne 
voudroyent,ceux  qui  eftans  mis  en  liberté  par  Chnft,fe  veulet  derechef  rédiger  en  fer- 
uitude  des  humaines  traditions?  Vous  eftes  achetez  par  prix,ne  vueillcz  cftrc  faits  ferfs  i.  Cor.  7. 
des  hommes. Il  fecompleindd'auoir  labouré  en  vain  vers  ceux  quife  côuertillént  de- 
rechef  aux  elemens  de  ce  monde,qui  obferuét  les  iours  Se  les  mois,  les  temps  Se  les  ans.    * ,4' 
II  exhorte  ceux  qui  font  enracinez  Se  édifiez  en  Chrift ,  de  ne  fe  laiilér  tromper  par  phi-  CoU. 
lofophie  &vaine  fallace,felo'n  les  traditions  des  hommes,fclon  les  elemens  du  monde, 
&  non  pas  félon  Chrift:mais  qu'ils  foyent  accomplis  en  çcluy  auquel  habite  toute  ple^  GaI'^ 


Vuolfgang  Scbuch. 


Lol.i 


i.rier  4 

J. Cor. 14 
lc.an  8  &10 
Ican  1 4 

Iertmie  13. 


i.Cor.n. 
Phii.3. 


II., 


Ihb.4.78. 
Rom.8. 
1. Tim  1. 
i.Ican  1. 
lu  a  14. 


M.Uth 


Hcb.5!,&:  10 


îkb.n. 
Ifaictf. 


mtude  dcdiuinitc  corporcllcmcnt,qui  eft  le  chef  de  toute  principauté  &:  puilTancc:n- 
ayant  défaut  d'aucune  choie, finon  de  cheminer  en  iceluy:ne  viuas  plus  à  eux-mefmes, 
mais  que  Chrift  viuc  en  eux.  Et  ne  veut  pas  l'Apoftrc  qu'aucuns  jugent  les  croyans  en 
manger,cn  boire,ou  en  partie  du  iour  de  la  teftc,ou  nouuellc  lune,ou  Sabbats,qui  l'ont 
ombre  des  choies  natures: mais  le  corps  eft  de  Chrîft.Qu'y  a-il  plus  euident,  que  ce  qu'- 
il eferit  à  l'on  difciple  Timorhec, parlant  par  l'efprit  de  Dieu  dilant ,  Qu'aucuns  vien- 
droyent  parlans  menionge,cftans  attentifs  auxefprits  impofteurs ,  enfeignans  doctri- 
nes des  diablcsrEt  afin  que  ne  fuiTions  ignorans  qui  font  iccux,il  a  dit  manifeftcmét  qu 
ils  defendvoycnt  le  mariagc,&:  les  viâdes  qui  font  crées  pour  en  vfer  auec  action  degra 
ces  aux  fidèles, fans  différence. S.  Pierre  dit ,  Si  quclcun  parle,  qu'il  parle  comme  les  pa- 
roles de  Dicu.&  Paul  requiert  que  les  prophéties  foyent  félon  la  raifon  de  lafoy.  Et  le- 
fus  Chnft  mefme  dit,Qui  eft  de  Dieu, il  oit  les  paroles  deDieu:&:,Mes  brebis  oyent  ma. 
voix:&,Si  quclcun  m'aime,il  gardera  mes  parolcs,&:  monPere  Paimera.il  dit  que  fes  di- 
fciples  font  purs,pour  les  paroles  qu'il  leur  a  dites.  &c  aux  Prophètes,  Quiconque  a  ma 
parole, qu'il  parle  ma  parole  vraycrhent.Veu  donc  qu'il  eft  ainli,ô  Prince  tref  clément, 
qui  fera  celuy  q  ne  criera  contre  les  choies  qui  ont  efté  introduites  en  l'eglife  de  Chnft 
par  la  malice  des  hommes ,  contre  cefte  vraye  doctrine  de  pieté,  parle iufte  iugement 
de  Dieu  à  nous  caché, à  caufe  de  nos  pechez:Qui  eft-ce  qui  ne  cognoit  les  aftuces  de  Sa 
tan,lequel  fe  transfigure  en  Ange  de  lumière?  Eft-ce  merueille  fi  fes  miniftres  fe  transfi 
gure  nt  comme  s'ils  eftoyent  miniftres  de  iuftice,defquels  la  fin  fera  félon  leurs  œuures? 
ils  lont  certes  ennemis  de  la  croix  de  Chrift,  la  fin  delqucls  eft  perdition:  le  dieu  del'qls 
eft  leur  ventre,&  leur  gloire  eft  en  confufiomils  fauourent  les  choies  terriennes  .  N'a- 
uons-nous  point  cfté  mifèrablement  fcduits,d'artribuer  à  la  créature  ce  qui  appartient 
feulement  à  Dieu  ?  Dieu  dit,  le  fuis  le  Seigneur,  ceftuy-ci  eft  mon  normienedonneray 
point  mon  nom  à  vn  autre,ne  ma  louange  aux  images  taillées. 11  y  a  vn  feul  8>c  vray  ferui- 
cede  Dieu ,  c'eft  defe  fier  en  Dieu  de  tout  ion  cœur,  l'aimer  &  le  craindre,  feruiràluy 
feul,clperer  en  luy,attendre  toute  chofe  neceffaire  tant  au  corps  comme  à  lame  de  luy 
comme  d'vn  Pere  trclbenin:  auquel  nous  auonsaccez  par  ion  feul  Fils  bicn-aimé  (  afin 
que  nefoyons  l"ansintercefîeur)noftre  feul  Mcdiateur,ieul  Aduocat,  feul  Prellre&:  Sa- 
crificateur. N'exclud-il  point  tout  autre,  celtuy  qui  dit,  Nul  ne  vient  à  mon  Pere,  fi- 
non  par  moy  ?  Mais  ils  cerchent  toutes  ces  chofes  aux  Saincts  trelpaffez,  lcfquels  ont 
efté  i'auuez  par  vne  foy  efficace  par  chanté  :  delaifîans  cependant  Ielus  Chrift,comme 
s'il  eftoit  vn  îugc  cruel  :  &  aux  fimulacrcs  d'iceux  qui  lont  fans  fentiment,  qui  eft  vne 
choie  encore  plus  horrible,  laquelle  l'Efcriture  défend  tant  eftroitement  par  tout,  fur 
peine  d'éternelle  malédiction  :  &:  contre  Ielus  Chrift  qui  appelé  expreffement  vn  cha- 
cun à  foy, difant,  Venez  à  moy  vous  tous  qui  labourez  &£  elles  chargez,  &:  ie  vous  foula- 
geray.  Et  l'éternelle  Sapicnce  dit,En  moy  eft  toute  grâce  de  vie  &:  vérité:  venez  à  moy 
vous  tous.Qui  me  dcfire,il  fera  rempli  de  mes  grâces. Et  dcrechef,Ie  fuis  la  voye,la  veri 
té,ôc  la  vie:Ic  fuis  la  porte. ie  fuis  la  lumière  du  monde, Qui  me  iuit,il  ne  chemine  point 
en  tenebres,mais  aura  la  lumière  de  vie. Et  aux  Prophètes,  Vous  tous  qui  auez  foif,  ve- 
nez aux  eaux:&  vous  qui  n'auez  point  d'argent,haftez-vous,achetez&:  mangez.  Mais 
qui  pourroit  allez  exprimer  celte  fi  extrême  abomination,  par  laquelle  le  tref-pre- 
cieux  Teftamcnt  du  corps  &:  du  fang  du  Seigneur ,  &:  la  commémoration  de  ce  trefîa- 
cré  facrifice  vne  fois  fait ,  &:  de  perpétuelle  efficace ,  vallable  pour  effacer  tous  les  pe— 
chez:qu'ileft,di-ie,cxpolé&:  vendu  poiirvn  quotidien  facrifice,  contre  la  trelfalutaire 
inftitutionde  Chrift?Ilaefté  vne  fois  offert  pour  purger  les  péchez  de  plufîeurs,&:pac 
vne  feule  oblation  a  confommé  à  perpétuité  les  lacrifices.  S'il  faloit  que  Ielus  Chrift 
fuit  offert  fouucntcfois ,  il  faudroit  qu'il  fouffnft  fouuentefois  depuis  le  commence- 
ment du  monde  ,fon  oblation  vnique  feroit  inefficace .  Qui  pourroit  excogiter  plus 
grand  blafp h cme  contre  l'Agneau  de  Dieu,oftant  les  péchez  du  monde,  qui  a  efté  of- 
fert pour  nous,  &:  quia  cfté  mené  àl'occifion?  Ces  paffages  &:  autres  fcmblablcs 
fermes  &  inuincibles  de  l'Efcriture ,  m'ont  efmeu  grandement,  ô  Prince  tref-clemenr> 
à  contredire  comme  ie  deuoye ,  &c  comme  doiuen t  tous  Paftcurs ,  à  cefte  abominable 
foire  de  MelTes:àceperucrs  feruicc  des  Saincts,aufquels  nousferuons  bien  quand  nous 
enfuiuons  leur  foy ,  charité ,  &  leurs  croix  :  lelquels  certes  ont  veincu  les  royaumes  par 
foy;  ils  ont  fait  iuftice,  ils  ont  obtenu  lespromefîcs  fans  fatisfaction  des  humains  mé- 
rites .    Car  Iefus  Chnft  a  porté  nos  langueurs ,  &C  a  porté  nos  douleurs ,  il  a  efté  bief- 

fe 


VuolfgangSchuçh.  6  S 

fc  pour  nos  iniquitez,il  a  c  fié  defchirc  pour  nos  pcchcz.Ic  di  que  i'ay  cfté  cfmcu  à  con- 
tredire aux  prières  qui  fc  vcndent,&  aux  cricries  qui  s  achètent .    Car  les  vrais  adora-  Iean  . 
tcurs adorent Dieu,qui  cft  efprit ,en elprit&:  verité:&i  n'cfperent  point  cftre  exaucez 
par  la  multitude  de  parolcs,ccmme  font  les  Ethniques.-^:  ne  prient  point  en  public,  a-  Matlt  î 
fin  qu'ils  loyent  veusdes  hommes:  mais  ils  prient  Dieu  leur  Pere  en  iecret,ayans  l'huis 
de  la  chambrette  fermé,    I'ay  contredit  aufli  à  infinies  cérémonies  d'humaines  tradi- 
tions,lefquellcs  l'ont  commandées  fur  peine  de  damnation ,  fans  &  contre  la  parole  de 
Dicu,en  laquelle  noftrc  falut  ou  damnation  doit  cftre  cognue.    C  cft  donc menfonge 
tout  ce  qui  promet  remilîion  des  péchez  &  vie  éternelle ,  ou  menace  de  dânation  fans 
cefte  parole  .  Or  condamnant  ces  chofes  &  autres  femblables,  qui  font  contraires  à  la 
parole  de  Dieu  ,ie  fuis  acculé  vers  voftre  clémence  comme  feducïeur,  trompeur,  fedi- 
tieux,hcretiquc,de  ceux  qui  ont  en  eftime  l'hypocriiîc  au  lieu  de  vérité  :  qui  cerchent  Philip-* 
leur  proprc,non  pas  ce  qui  eft  deChrift:quieftans  deftituez  du  brasdeDieu,fe  voyans 
tropfoibles,inuoquentl'aidedu  bras  feculicnlefquclsvoyans  qu'ils  ne  peuucnt  refiftcr 
à  la  veritc>fe  défendent  de  menfonge.  Ils  délirent  que  tous  ceux  qui  honnorent  &:  font 
profefïion  de  la  vérité  de  Dieu ,  foyent  perdus  :  contre  lcfqucls  ils  machinent  infamie, 
dommagc,&:mort:aflnque  tout  le  fang  iufte  cfpandu  vienne  fur  eux,  &:  qu'ils  fc  mon-  Marthe 
firent  eftre  fils  de  leurs  peres,qui  ont  occis  les  Prophètes, Mjis,ô  Prince  tref  chreftien, 
n'endurez  que  ces  iniques  abufent  de  voftre  clémence  ne  de  voftre  bonté  tant  cognue 
de  tous. le  vous  prie  au  nom  du  Dieu  immortel, &  de  la  mort  de  Iefus  Chrift,deuant  le  Pfcan.irs 
liège  îudicial  duquel  nous  affilierons  tous ,  que  vous  ne  failliriez  que  voftre  cœur  tant  ^"j-* 
benin  &ù  amiable  foit  exacerbé  contre  moy,  qui  fuis  vn  petit  feruiteur  de  voftre  béni- 
gne clemence,ne  contre  voftre  poure  peuple,tantobeifîant&:  bien-vueillant.N'cfcou 
tezeeux  qui  aiguifent  leurs  lâgues  comme  glaiues  pour  machurer  ceux  qui  font  nets. 
Ils  n'ont  que  faire  de  prétendre  fauflement  que  le  peuple  eft  efmeu  par  la  prédication 
de  l'Euangile  à  fedition  &£  dcfobeifTance,à  mefprifer  les  Princes  &z  Magiftrats.  Ce  dei-    °m  '4 
honneur  ne  doit  eftre  donné  à  la  parole  de  Dieu:  car  qui  eft-ce  qui  ne  fait  la  voix  de 
Chrift  qui  dit,Rendez  à  Cefar  ce  qui  cft  à  Cefar,&:  à  Dieu  ce  qui  eft  à  Dieu?    Et  iamç>  M*ttt  m 
Paul  dit,Touteperfône  foit  fuiette  aux  pui/fancesfuperieures:caril  n'y  a  point  de  puif-  Rom  li 
fance  finondc  par  Dieu ,  Par  laquelle  fentence  il  n'exempte  nulle  manière  de  gens  de 
l'ubeillanccdc  ecluy  qui  porte  le  glaiue  .  Sainît  Pierre  dit,Soyez  donc  luiets  à  tout  or-  i.rwn 
dre  humain  pour  Dieu:fo;t  au  Roy,comme  au  fuperieunfoit  aux  gouuerncurs,coirme 
aux  enuoyez  de  par  luy  à  la  vengeance  des  mal-fai&curs,&  à  la  louange  des  bons .  Ce 
que  ie  répète  incelfamment:  &:  n'y  a  point  de  meilleur  moyen  pour  rendre  vn  peuple  Levny 
félon  ledefir  des  Princes  en  obciifance  ,  que  parla  diligente  &c  pure  prédication  de  la  n.oycn  de 
parole  de  Dieu.  Icelle  parole  enfeigne  à  tous  hommes  la  vraye  manière  de  bien  viurc:  ^ 
car  où  la  volonté  de  Dieu  (  qui  eft  manifeftec  en  fa  feule  parole  )  eft  plus  purement  co-  fctauVrïcc 
gnue,là  on  appréhende  le  commandement  des  Princes  plus  finecrement,  aufliauant  Aa.4.<. 
qu'il  n'eft  pas  contre  Dieu,  contre  lequel  on  ne  doit  à  aucun  obeillance:  &  rien  ne  fe 
fait  par  contrainte  ou  par  force,  mais  volontairement  6c  ioyeuIcmcnt.Et  n'y  a  rien  qui 
rende  vn  royaume  plus  tranquille  &  pailîble,que  la  parole  de  Chrift, Roy  pacifique:  en 
laquelle  eftenfeignee  charité, qui  cft  patiente,qui  endure  tout,qui  fouillent  tout .  Les  ,  Cor  I3 
frui&s  de  l'efprit  lont  charité, ioye,paix,patience,benignité, bonté. La  parole  de  Chrift 
eft  la  parole  de  vraye  &:  entière  fapience,  à  laquelle  il  faut  que  grans  &  petis  fe  fumet-  GaUi.j 
tentde  commandement  duquel  doit  eftre  feul  gardé  fans  contredit ,  iufqu  a  l'aduenc- 
ment  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift,bien-hcureux&:  feul  puilfant  Roy  des  rois,&  Sei-  _. 

i      /•  i    n  1  o  n  ■  ■       1  i.Timot.6 

gneur  des  ieigneurs:auquel  cit  honneur  &C  empire  a  ïamais,  Amen. 

To  v  t  conleil,equité,prudence,&  force  font  de  ceftuy  fcuhles  Rois  régner  par  luy,  rrouerb.s 
&  les  Legiflateurs  décernent  les  chofes  iuftes.Par  luy  les  Princes  dominent,  &f  les  puil- 
fances  ordonnent  iuftice .    Non  lans  caufe  Moylé  feruiteur  de  Dieu  a  eommanelé  au  _ 

.    Dente  r  f 

Roy  de  s'eferire  le  Deuteronome  de  la  Loy  en  vn  liure,  lequel  il  ait  auec  foy,&  le  life  n-  u«t, 
tous  les  iours  de  fa  vie:afln  qu'il  apprenne  à  craindre  le  Seigneur  fon  Dieu,&:  à  garder  commandé 
les  paroles  qui  font  commandées  en  fa  Loy  :  &£  que  fon  cœur  ne  s'cilcue  en  orgueil  fur  pjVieVoy 
fes  freres,&  qu'il  ne  décline  ni  à  la  partie  dextre  ni  à  la  feneftre,  afin  qu'il  règne  vn  long 
temps  luy  &:  fes  enfans. tant  s'en  faut  qu'aucun  Prince  de  la  terre  ofe  attenter  quelque 
chofe  contre  la  Loy  de  Dieu,  ou  y  changer  quelque  choie ,  ou  qu'il  prefume  de  fe  con- 
ftituer  iuge  de  la  parole  de  Dieu,par  laquelle  feule  &c  grans  &c  petis  doiuent  eftre  régis» 


Lmrc^I.  Vuolfgang  Schuch. 

Se  iugez.Pour  cette  caille  Dauid  eftant  cfleu  de  Dieu  pour  cftrc  Roy,  parle  à  tous  ceux 
rfeal)  qui  font  conititucz  en  iiipcriorité,  difant,  Et  maintenant,  Rois,entendez:foycz  enfei-* 
(rliCZ)vous  quiiugczla  terre.fcruezau  Seigneur  en  crainte ,  Se  vous  cfiouiffez  tu  trem- 
blement ,  qu'il  naduienne  que  le  Seigneur  fc  courrouce  ,  Se  periifiez  de  la  uiftc 
vove.  quand  tout  à  coup  l'on  ire  fera  embrafee:  bien-heureux  font  ceux  qui  fc  con- 
fient en  luy. 

I L  eft  certes  impoffiblc  que  l'homme conftituc  en  puifïâncc,puiflc  bien  faire  ion  of- 
fice, combien  qu'il  foit  prudent ,  s'il  ne  fait  tout  en  la  foy  de  Dieu  par  Icfus  Chrift  :  car 
Rom. '4  15  tout  ce  qui  ifcftde  la  foy, eft  péché. Donc,ô  Prince  trei-clcmenr,  pource  que  îcfay  que 
voftre  hauteffe  eft  ainfi  efleucc  de  Dieu, ic  me  confie  que  les  rapports  des  iniques  Se  en- 
nemis de  vérité  ne  pourront  rien  vers  vous,&:  que  ne  ferez  rien  qui  fente  plus  violence 
qu  equite.Carcn  choies  doutcui'es,&:  principalement  quand  elles  concernent  le  falut, 
ou  le  Seigneur  feul  a  puiifanee ,  il  ne  tant  rien  taire  témérairement  oupar  affection  :  Se 
Dcutcr.i    ne  faut  auoir  reipecï  de  perfonne.  Le  petit  doit  titre  ouy  comme  le  grand,  Se  ne  faut  a- 
uoir  regard  ii  on  dit  choie  incognue  ou  non  ouvc,mais  iï  on  dit  vray.  O  bon  Dieu  !  cft- 
il  bicn  polîible  que  la  doctrine  de  Chrift  &:  des  Apoftrcs ,  qui  ont  elle  infpitcz  du  fainct 
rc.ïui'    Efprit,nouspuiiîe  femblernouuclle  ou  non  ouye,  à  nous,  di-ie,quiiommcs  enrôliez 
pariciaiua:  fous  Chrift?    le  prefume  choie  meilleure  de  voftre clémence, laquelle  lecognoy  c- 
doïrdiïc    ftrc  ornée  de  vertus  dignes  d'vn  Prince,  duquel  la  bénignité,  bonté ,  Se  dile&ionen- 
appciec     uers  fes  fuiets,eft  renommée  par  tout  le  monde .  Vous  détendrez  donc,  comme  Prin 
nouuelle.   tc  n-ci:chrefticn,la  parole  de  Chrift:  vous  aimerez  ceux  qui  portent  honneui  à  Chrift: 
vous  havrezlcs  ennemis  de  Chnit, combien  qu'ils  ibyentgrans.Moy  qui  fuis  vntref-pc 
tit  ieruitcur de  Dicu,ie  nay  rien prefche  .1  voftre pcuplc,& ne prefeheray ïamais.iinon 
cc  ouc  ie  fay  citre  tresferme&:  certain  en  la  parole  de  Dieu. 

I  e  fuis  Se  feray  touiiours  prelt,felon  l'admonition  de  fainct  Pierre,  de  rendre  ration  à 
'  PiCr       tout  requerant,deJa  foy  &:  cfperance  qui  eft  en  moy  .    le  prie  donc  ,ô  Prince  trei-cle- 
ment,que  voftre  bénignité  me  vueille  ouvr.-vous  fuppliant  infhmment  pour  la  parole 
de  Dieu,  de  vouloir  entendre  au  falut  de  nosames.  Eicoutezdonclarailbn  de  noltre 
faict  .  Ne  vueillezacquielcci  à  ceux  qui  s'eiîouillcnt  de  nousdeftruire,  ians  cftrc  ou\  s. 
Nous  ne  ferons  point  rebelles  à  voftre  clémence  (  ce  q  nos  ennemis  ne  font  point  hon- 
teux de  nous  faullémentimputcr)mais ferons  l'uiet$humblcment&alaigrcment,ren- 
. Rom  15.  &  dans  à  vu  chacun  cc  qui  luy  citdcu.Nous  ne  dellrunons  point  fceuure  de  Dieu  pour  la 
l*'         viande. non  s  ne  dégénère  rons  point  en  vnc  deu  ftable  liberté  de  la  chair:  à  quoy  Se  vov 
,Sc  les  voftrcs  deuez  prendre  garde, afin  que  le  cours  de  la  parole  de  Dieu  ne  foit  empef- 
ché  .    *  le  vous  fuppliedc  reccuoir  benignement  les  fupplications  de  celuy  qui  c  il 
nef  prompt  d  obéira  tous  les  bons  dciirs  Se  commandemens  de  voltre  excellence ,  a- 
uoir  pour  recommandée  icellc  Parole,la  détendre  contre  les  embufehes  des  mcfehâs. 
le  fupplic  bien  humblement  aufli  depardonneramagrandetemerité,  quiayofé  eferi- 
rc  a  voftre  hauteile:  fupportant  ma  rudeife,  deecque  iofe  empefeher  voftre  pieté  à 
:  Cur.  1.     lu  e  choie  tant  mal  01  née. mais  vous  fauez  que  le  royaume  de  Dieu  ne  coniifte  point  en 
i.Cor.i.i.  eminencede  parole  ou  d  humaine  fapienee,mais  en  vertu.&ic  ne  m  cftime  autre  cho- 
ie fauoiriînon  Chrift,&  iceluy  crucifié  .  par  lequel  la  paix  Se  grâce  de  Dicunoftrc  Pere 
vous  l'oit  donnec,&C  à  voftre  rcgnc,&.  à  tous  ceux  qui  muoquent  le  nom  de  noftre  Sei- 
gneur Icfus  Chrift:  afin  qu'ayans  les  cœurs  illuminez  parla  parolede  Dieu,  &  le  lact  é 
Euangile  de  IcfusChnft,nous  confciîîons  deuant  le  monde&Satan)quc nous  croyons, 
Se  qu  abondions  en  toute  bonne  ccuure:    Amen  .    De  voftre  ville  de  faincl:  Hippoli- 
tcmartyr,fan  de  grâce  m.d.x  x  v,le  1  i.iourdclanuicr. 

e  pafteur  Vuolfgang,  n'obtint  rien  par  ceftefuppbcation,  ou  pour  auoir  efté  fuppri 
>-^mee,ou  pluftoft  pour  les  faux  rapportsqu'en  firent  les  fuppofts  de  l'Antechrift,mais 
voyant  que  le  duc  Antoine  periiftoit  en  cette  volonté  de  faire  faccager  la  ville  de  fainct 
Hippolite,il  fevint  rendre  a  Nancy,  ville  capitale  de  Lorraine,  Se  iîege  principal  du 
Prince,pour  rendre  raifon  de  fa  do£trinc,&:  defeharger  les  pourcs  citoyens,en  deriuant 
à  foy  tout  le  faix  de  la  coulpe  que  fes  aduerfaircs  Prcftres  Se  Moy  nés  leur  mertoyent  fus. 
Arriué  qu'il  fut  à  Nancy,  on  le  ferra  en  vne  infecte  prifon,  au  ec  garde  de  gens  du  tout 
barbares, dciqucls  il  n'entendoit  la  langue .  Etneantmoinscelane  l'efbranlaaucune- 
ment,mais  demeura  plus  d'vn  an  prifonnier,fans  eftre  diuerti  ne  pour  menaces  ou  pro 
meifes  qu'on  luy  feuft  faire ,  ne  pour  la  compaffion  de  fa  femme  Se  de  fes  enfans,  qui  e- 

ftoycat 


H!tÔ. 


Gajf>arrTamber,&  autres  67 

ftoyent  en  nombre  fîx  ou  fept.  On  le  mena  quelque  fois  au  conuét  des  Cordeliers  pour 
cftre  intcrroçué,&:  rendeit  confus  tous  ceux  qui  s'oppofoyent  contre  luy:  telle  cftoitla 
viuacité  de  Tcfpnt  de  ce  lainct  peribnnage. 

L  e  principal  conducte  ur  de  cefte  periccution  cftoit  vn  nomme  F.Bonaucnture  Re- 
nd, prouincial  de  Tordre  des  Cordclicrs,hommc  autant  hideux  de  viairc&  de  ventre, 
que  fouucrainement  effronté  en  toute  ignorance  de  bien  de  vertu  .  11  auoit  grande 
authorité  en  la  cour  de  Lorraine,cftant  parue  nu  à  ce  degi  c  d  cftre  grand  confeiléur  du 
duc  Antoine,qui  Taimoit  fort  pour  la  licence  qu'il  luy  bailloiten  la  liberté  de  le  s  plai- 
sirs .  Ce  monitre  cruel  ne  pcrfuadoitricntanticc  Prince  ignorant,  que  d'exterminer 
toutes  gens  lauansde  fa  cour  &:  de  les  pais:&:  luy  auoit  li  lien  appris  cefte  leçô,que  fou- 
uent  en  demies  familières  le  Prince  auoit  acceuftumé  de  dire,  Qu'il  fuffilpicfauoir  Pa- 
ter nofter  &:  Aue  Mariai  queues  plus  grans  docteurs  eftoyent  caulc  des  plus  grans  er- 
reurs &:  troubles. 

C  t  moine  prelîdoit  aux  interrogatoires  de  Schuch  ,  &z  n'efeumoit  contre  luy  fincn 
iniure&  blafpheme,Tappclant  hérétique, Iudas, Diable.  Schuch  ne  rcfpondoit  aux  in-  jeSaducr- 
mres,  mais  les  rendoit  confus  par  la  force  &£  puillancc  de  la  parole  dcl'Euangilc.  11  leur  en 
annonçoit  Thornbleiugement  de  Dieu:  tellement  que  de  deipitgrinçans  Iesdéts,luy   1  pl 
arrachèrent  la  Bible  qui  eftoit  bien  cottee  d'annotations  efcritesdefamain.&r  comme 
/  hiens  enragez, ne  pouuans  mordre  fur  fa  doctrineja  brullercnt  en  leur  conuent. 

L  t  duc  Antoine  voulut  eftre  prêtent  aux  dernières  intcrrogatoircs,fans  toutefois  fe 
manifeftenmais  n'entendant  point  Schuch,  qui  neparloit  que  Latin  ,  &  ne  le  voyant 
par  la  contenance  ne  veincuni  cftonné,fc  retira  du  lieu:&  en  fortant  dit  qu'il  ne  raloit 
plus  difputer,mais  qu'il  cftoit  befoin  de jpceder  à  exécution  contre  luy,  puis  qu'ilnioit 
le  facrement  de  la  McfTe .  Toft  après  donc  il  fut  condamné  à  eftre  bruflé  vif. 

Atre  s  qu'on  luy  eut  prononcé  fa  fentence,  il  commença  à  dire  le  premier  verfet 
du  Pfeaumc  ii2.,La?tat9 fum  in  his  qux  dida funt  mihi,  In domum  Domini  ibimus,&:c. 
ht  comme  on  le  menoit  au  fupplice,il  paiTa  deuant  le  conuent  des  Cordehers,lefquels 
eftoventi  la  porte,  Tattcndans  palier.  Lors  ceBonauentures'efcriantditàSchuch: 
Hcrerique, porte  honneur  à  Dieu, à  la  mcre,&:  aux  Saincts,  luy  monftrant  les  idoles  qui 
e  ftoyent  au  portail. Schuch  luy  rclpondit,0  hypocritesiDieu  vous  deftruira,&:  amène- 
ra à  lumière  vos  tromperies. 

Q_v  a  n  d  il  fut  amené  au  lieu  du  fupplice,on  brufla  premieremêtfesliurcs  en  iapre- 
fencc,&  luy  fut  propolé  que  s'il  fe  vouloir  dcfdirc,  on  luy  modereroit  la  peine-11  relpo- 
d;t  que  non,&:  que  Dieu  qui  luy  auoit  touhours  alîifté ,  ne  Tabandôneroit  point  à  la  fin.  ^".^c" 
&  vfoic  de  ces  mots  comme  citant  refolu  de  mourir,  Mandetur  executioni  fcntentia:c' 
eft  aiîauoir,que  la  ientence  fuft  mile  en  c  xccution.  Lors  commençant  à  haute  voixle 
Ple  aume  cinquantevnieme, entra  dedans  le  lieu  où  les  fagots  eftoyét  difpofez,&:  pour- 
fuiuit  le  Pleaume  tant  que  la  fumée  &:  fiamme  TeftoufFa.ee  fut  le  x  i  x .  iour  du  mois  d'- 

Aoilft,  M.  D  .  X  X  V  . 

S  a  grande  vertu  &.  confiance  ornée  d'érudition  exquife ,  édifia  maints  bons  cœurs; 
&r.  rendit  eftonnez  les  aduerfaires  de  la  venté.  Toft  après  mourut  fubitemt  nt  le  Com- 
mandeur de  S.Antoine  deViennois,qui  auoit  efté  iugeecclefiaftique(commc  ils  nom-  L>jblj, , 
ment)dudit  Schuch.    Et  l'on  miniftre  l'abbé  de  Clair-heu,fuffragantde  Mets, mourut  clair-lieu 
foudainàNancy,effrayé&:efpouuanté  du  fon  de  l'artillerie  qui  fut  defehargee  à  l'en-  meurtdef- 
tree  de  la  duchefîe  de  Lorraine  Chriftiçrne  de  Danncmarc,qui  fut  vniugement  nota-  ^cunutime 
ble  de  Dicu,dont  gens  dignes  de  foy  ont  rendu  tefmoignage. 


rfe.ui.i 


G  ASP  AR    TAMBE  R,  &:  autres,  exécutez  en  diuers  lieux. 

Çx  feroit  chofe  defîrable  que  toutes  nations  fifTent  deuoir  de  recueillir  l'hiltoire  de  ceux  d'entre  eux  gui  font  morts  vera:eufc- 
ment  au  Seigncur,defqucls  les  noms  ne  doiuent  cftre  mis  en  oubb.combien  que  nous  n'ayons  à  plein  leur  luftoire. 

A  S  P  A  R  Tamber  fut  bruflé  en  ce  temps  à  Vienne  en  Auftriche,auquel 
lieu  futauili  bruflé  ctuellcmétvn  certain  libraire  qu'on  appeloit  George.  Ccorgc. 
Semblablement  en  la  ville  de  Prague  en  Bohême  <*n  exécuta  par  feu  vn 
perfonnagc:pource  qu'ayant  vefeu  en  la  moinerie,&:  laifïant  fonordrea-  ^""JJ']6 
bominable,&  célibat  poilu, s'eftoit  marié  félon  le  cômandement  de  Dieu.  C'eft  chofe  Prague. 

m. 


Marques 
ck  bon  M 
mitre. 


Liurc^j  1.  T>>fvn  Tœtteur  Aleman. 

certaine,que  ceux-ci&  autres  qui  foufFrcnt  telle  mort,cndurent  vne  palfion  vrayeme  t 
Chrefticnnc  .  Le  mondc(  félon  qu'il  eft  ingrat)ne  peur  ouurir  les  yeux  pour  cognoiftre 
ceci:mais,qui  pis  cil, il  penfe  faire  vn  facririce  à  Dieu .  mais  l'infidélité  des  hommes  ne 
pourra  anéantir  la  vérité  de  Dieu,ne  faire  quiccux  ne  reçoiucnt  la  couronne  d'immor 
talité,qui  eft  préparée  à  tous  hardis  &  vaillans  combatâs  pour  le  nom  précieux  du  Fils 
vnique  de  Dieu.  Lcfqucls  délirent  plulloft  endurer  pourcté  &;  opprobres  auec  le  peu- 
ple de  Dicmque  mettre  leur  portion  auec  les  brauesdece  mondeyauee  lefquels  ils  ne 
pourroyent  élire  incitez  linon  à  s'cfloigncr  de  leur  Dieu .  Ils  aiment  beaucoup  mieux 
ïlcb.ri  îj,  cftrc  moquez  pour  le  nom  du  Seigneur  Icfus  auec  Moyfc,qu'eftre  honnorez  au  milieu 
* lC-       desgrans  thrci'ors  d'Egypte  enlamaifonorgucilleufede  Pharao. 

Hiftoircd'vn  P  A  S  T  E  V  R  du  pafsdeBrifgoye, 

eSIOP^S  L  y  auoit  en  vn  village  du  pais  de  Bnfgoyc,  vn  miniftre  vigilant,&  homme 
■SWM  Zffij  inftruit  és  faindes  Eicritures,renommé  en  ce  qu'il  viuoit  d'vne  façon  hon- 
41  4  ^  nefte  &:  fainde,ayant  long  teps  fait  fidèlement  l'on  office  :  excellent  en  bô- 
^^^J^â  ne  dodrine  par  de/Fus  tous  fes  compagnons,  aimé  mcfmcdc  l'cuefquede 
Conflance.il  appointoit  d'vne  merucilleufc  prudence  tous  difeords  engendrez  entre 
prochains, les  inuitans  à  charité  &:diledion  mutuelle.  Lors  que  la  pureté  de  l'Euangilc 
commença  à  reluire  &  eftre  produite  en  lumière ,  il  fc  print  a  lire  de  grade  afFedion  les 
faindes  Efcriturcs,lcfquelles  aufli  il  auoit  leué's  auparauant,mais  fans  aucune  intclligc 
ce.Quand  il  eut  recouurc  quelque  iugcment,&  commence  a  entendte  la  verité  par  lc- 
thire  continuclle(cflant ia  paruenu à  l'aage de  vieillcire:)0  bonDicu,dit-il,qui  euft  la- 
mais  penfé  que  tant  de  gens  fauans  &c  fainds  porlonnages  fc  fuiFent  deflourncz  du  but 
de  la  vraye  &  pure  doctrine  par  fi  longue  clpacc  de  temps  i  qu'ils  fc  fulfent  cnueloppcz 
de  tant  dcrreurs,&  que  FEfcriture  fainde  euft  clic  fouillée  de  tant  d'abus  horhblcs&:  a- 
bominables^Il  voyoitqueles  Prcllrcs  communément  viuoyent  en  grande profperité: 
ntédcsad"  ^  nu^  n  o^0't  maintenir  vne  lainde  &  bonne  caufe  contre  eux  fans  grâd  danger,&:  fans 
uerfairei  <  i'  fc  faire  grad  dommage,nc  corriger  leurs  vices  publiques.il  voyoit  l'heure  cftrc  venue, 
blouyc  les  qUC  iXuangilc  dcfployoït  grandement  la  vertu  ,  que  la  croix  cftoit  prochaine ,  que  les 
i-luficurs.  ennemis  de  la  venté  cicumoyent  leur  rageque  les  mefehans  lcuoycnt  haut  la  telle ,  & 
eiloycnt  plus  que  hardis  à  entreprendre  contre  les  fidèles  :  que  les  Euefques,qui  dcuo- 
yent  maintenir  la  Parole,cfloycnt  plus  cruels  &c  barbares  qu'aucuns  tyrans  qui  euflenc 
iamaiscfté.Conlidcrant  donc  l'ellat  prefent  du  monde,il  oilade  l'on  cœur  toute  doute: 
t     rf    &tcnoitpoui-toutrcfolu, que  Icfus  Chrift  auoit  prédit  la  verité:  veu  que  tantde  corps 
tionsprcdî  de  fainds  &  fidèles  eiloycnt  tous  les  iours  foucttez,battus,banis,  defehirez, découpez, 
xi  s  par  le    pCndus,noycz,&  brûliez  .  Car  qui  pourra  raconter  toutes  les  peines  que  les  fidèles  ont 
endurecs  ces  années  pallccs,  voire  par  ceux  quivlurpent  le  nom  de  Chreliicns:  &:  ce 
pour  auoir  confefle  franchement  le  nom  de  Icfus  ?  Ainfi  ce  Pallcur  voyant  toutes  cho- 
ies aller  ce  deffus  delîbus(comme  auiFi  pour  lors  les  Payfans  auoycnt  cfmcu  grande  mu 
tincric)afîn  qu'il  ne  fc  polluaft  du  vice  de  fornicatiô,  efpoufa  vne  lienne  châbriere  qu'il 
auoit  en  famailbn,dc  laquelle  il  eut  depuis  de  beaux  enfans.  La  rage  des  Payfans  croif- 
foit  tous  les  iours,&:  ferenforçoit  de  plus  en  plus.  Ils  alloycnt  parmi  les  monaftcres&: 
les  mations  des  Prcftres,comme  s'ils  euflent  entrepris  quelque  pèlerinage:  &:  ce  qu'ils 
F  rcurdef.  ne  pouuoycnt  manger,ils  le  gaftoycnt,ou  l'cmyortoycnt  auec  eux.  Vne  troupe  de  ces 
lorJ«  des  Payfans  fc  fourra  dedans  la  maifon  de  ce  Paftciu,&:  prindrent  tout  ce  qu'ils  trouuerent 
Payfauî.    cjie2  my.bref,luy  defroberent  &  ofterent  par  force  ce  qu'ils  peurent.  Et  combien  qu'il 
leur  rcmonftraft  en  toute  douceurqu'ils  fedcportafîcnt  d'vne  telle  inhumanité  plus  q 
barbaic,ncantmoins  ils  fc  portèrent  enuers  luy  comme  belles  fauuages.  Il  leur  propo- 
fa  l'ire  horrible  de  Dieu ,  qui  ne  peut  laillcr  telles  violences  impunies,  remonftra  que 
les  feditions  n'eurent  iamais  bôneiilue,lcfquelles  cnucloppentles  bons  parmi  les  mef- 
ehans,en  telle  façon  qu'ils  font  expofez  au  danger  de  la  perte  de  leurs  biens  &c  de  leur 
propre  vie. Et  comme  ainfi  foit  que  ces  garnemens  fi/Fcnt  tous  ces  excez&difFolutions 
fous  ombre  de  l'Euangilcil  ne  fe  peut  tenir  de  leur  dire,Commcnt?  en  vouspropoianr 
la  verité  de  l'Euangile,auez-vous  ouy  ou  appris  de  moy,qu'il  fe  faluft  ainii  de/border  en 
furie&  inhumaniré  ?  Voflre  euangile  eft  pluftoft  vn  euangile  du  diable,  lequel  trouble 
tout  à  tors  &  à  trauers,rauùTant  &  pillant/ans  auoir  efgard  à  aucune  équité.    Le  vray 

Euangilç. 


TyvnTïafteUYsÀlemM.  68 

jiuangilcdu  Seigneur  Iefus  enfeigne  de  bien  faire  à  tous,  d'euiter  toutes  mutineries 
&:  monopoles ,  &c  fuir  les  panures .  Toutes  ces  remonftranccs  quelques  bonnes  &c 
fain&es  qu'elles  fulTent ,  n'eurent  point  de  lieu  enuers  ces  gens  forcenez .  toutefois  ils 
s'en  allèrent  pour  cellefois  de  fa  maifon,luy  difans  paroles  outrageufes .  Il  y  en  eut  vn 
plusdeprauc  que  tous,quiluy  dit,Monlicurlc  Cure  vous  aucz  allez  vendu  de  Melfes 
Se  de  vos  coquilles  de  Purgatoirc:maintenant  nous  ne  faifons  que  nous  rembourier  de 
l'argent  que  nous  auons  donné.  Et  Icgaudiïiàns  de  luy,  le  taillèrent  delpouillc  de  les 
biens. 

Apres  que  la  mutinerie  de  ces  Payfansfùt  en  partie  appaifee,  &  qu  ayans  laifTé  les 
armes,ils  furent  aucunement  reprimez  :  après  aufli  quepluiieurs  des  principaux  de  ce- 
lle coniu  ration  furent  prins  çà  &:  là  par  les  villages, fans  chois  &  fans  miferi corde: ce  Pa 
ftcur  commença  à  s'aiîeurcr,&:preicher  franchement  l'Euangilc,  ne  craignant  rien 
moins  que  de  retomber  en  fafcherie  nouucllc.  Cependant  il  y  en  auoit  pluiieurs  qui  c- 
ftoyent  marris  de  ce  qu'il  annonçoit  franchement  la  vérité  de  Dieu.  Ainli  vnenuict  il 
fut  prins  par  quelques  foldats  apollezdcfquels  après  luy  auoir  lié  pieds  &:  mains,  le  mi- 
rent fur  vn  cheual,  &c  1  emmeneret  en  la  prefence  de  fa  feme  &:  de  les  enfansdes  pleurs  pfeo^abic 
&:gemi(îemens  dcfquels  eullcnrpeuelmouuoirdespKrres.&:  cependant  ccsrullres 
brocardoyent  ce  poure  homme, luy  faifans  du  pis  qu'ils  pouuoycnt .  Sur  cela, ainli  que 
la  multitude  des  cheuaux  faifoit  grand  bruit,  comme  la  nuid  donne  plus  grande  fra- 
yeur,pluiicursfeminesy  accoururcnt(car les  hommes  s'eiloyent  cachez  de  peurqirils 
ne  fullènt prins )&C  attendoyent  quelle  en  fcroitla  fin .  Pluficurs  s'en  cltoycnt  fuis,&: 
non  feulement auoycnt  laiile  héritages, poiielTions,femmes  &:  enfans:  maisaulîi  s'elto- 
yenc  retirez  en  autre  pais  pour  y  demeurer,  cftans  preifez  par  les  outrages  de  ces  mu- 
tins.Les  foldats  voyans  ainli  ces  fcmmes,leur  dirent,  Allcz-vous-cn,&:  dormez  à  vollre 
aile:ce  n'eft  point  à  vous  à  qui  nous  en  voulons-.nous  auons  à  faire  feulement  à  ccCuré 
Amenez  nous  vos  maris, s'ils  font  en  la  maifomcar  nous  voudrions  parler  à  eux ,  &  leur 
1  c  môftrer  que  c'eft  à  eux  de  veiller  la  nuicr,&  s  armer  pour  garder  le  villagc,&;  le  main- 
tenir contre  les  courfesdes  brigans&:  voleurs. 

O  r  après  qu'ils  eurent  long  temps  détenu  en  pnfon  ce  bon  perfonnage,&  fait  endu 
rcr  des  tortures  horribles ,  tant  en  fes  pai  ties  honteufes  qu'autre  part  de  l'on  corps ,  ils  ^ciTJii 
le  iugerent  à  mort. Il  n'y  auoit  autre  rai('on,finon  que  ce  preudhomme  auoit  cfpoufe'V-  ft«f  ™du 
ne  femme,non  point  publiqucment,maiscn  fa  maifon  deuant quelques  tefmoins.  Au  [^,cs  l>3y 
demeurantjfesaduerfaircsn'auoyenr  rien  qu'ils  luy  pétillent  mettre  fus,ou  qu'il  full  ic- 
ditieux,ou  brigand, ou  larron ,  ou  ayant  commis  quelque  autre  forfait:  combien  qu'ils 
eullent  attire  ça  &  là  quelques  gens  malins  pour  fripier  en  fes  prédications  &c  eYi  tou- 
tes les  façons  de  faire. 

Or  après  qu'il  eut  elle  amené  parle  bourreau  au  lieu  où  il  deuoit  élire  exécute, il  re- 
fpondit  benignement  &£  paillblement  à  tous  qui  venoyent  à  luy  pour  le  confolcr.il  y  a- 
uoit  là  des  moines  &c  preftres  qui  luy  rompoyent  la  telle  par  leurs  fauiîès  d odrin es: ain- 
li qu'il  eftoit  au  combat  contre  les  horreurs  de  la  mort,  8>c  faifoit  oraifon  à  Dieu,  il  les 
pnoit  qu'ils  fe  teulfent,dilànr  qu'il  auoit  confclfé  fes  oftènfcs&  péchez  au  Seigneur  Ie- 
îus,&  en  auoit  eu  abfolution,&  n'en  doutoit  nullcmét:  le  feray  auiourdhuy  hoftic  &c  fa-  ^°Jp\ 
crifîce  agréable  à  mon  Sauucur  Iefus  Chrift,difoit-il:  lequel  en  ccfl  endroit  m'a  donné 
vne  bonne  confeience  &  pailible. Maintenant  ceux  qui  ont  foif  du  fang  innocent,  &c  V- 
efpandent,qu'ils  aduifent  bien  à  eux  que  c'eft  qu'ils  font ,  qui  cft  ecluy  lequel  ils  offen- 
fent,à  qui  il  appartient  de  vrayement  iuger  les  cœuts  humains  '•  cat  il  dit,  A  moy  la  ven- 
geance appattirji  t,&:  ie  le  rendray. 

C  e  miniftre  ellôn>homme  maigre  &  exténué  en  fon.  corps,  parquoy  il  dit  en  fe  con- 
folant,  Aulîl  bien  deuoy-ie  lai/Fer  celle  peau  bié-toft,laquclle  à  grand'  peine  tient  à  mes 
os.Ie  fay  que  ie  fuis  mortel,  vn  ver  corruptible ,  &:  défia  dés  long  temps  i'ay  déliré  mon 
dernier  ioun&ay  fait  requefte  que  icfuiîè  deliuréde  ce  corps,  pour  élire  aucc  mon  Sei 
gneur  Iefus. I'ay  bien  mérité  la  mort  du  gibet  à  caufe  de  tant  de  péchez  énormes  que  i'- 
ay commis  contre  mon  Seigneur  &:  Sauueur  Iefus  Chrifl ,  en  la  croix  duquel  ie  me  glo- 
rifie. 

I  l  y  auoit  là  des  pendars  qui  ne  peurent  endurer  ces  fainds  proposrains  firent  quel- 
que ligne  au  bourreau,à  ce  qu'il  iettaft  ce  poure  patient  du  haut  en  bas  dedans  l'eau.  A - 
près  qu'il  fut  ietté,il  fe  remua  quelque  efpace  de  temps  dedans  lçau  :  &:  la  riuiere  où  il 

m.ii. 


du  Paikiir. 


Rom.n  19 
Hcb.io  jo 


Les  demie 
rcs  paroles 
de  ce  Mi- 
niftre. 


Limt^L  Jaques^Pauanu:  Léonard  Keifir. 

fut  îettc,  apparut  rouge  de  fang.  Ceux  qui  eftoyent  là  prefens,  voyans  ce  qui  eftoit  ad- 
uenu,furcntcfbahis&:  marris  en  eux-mefmcs,  penlans  que  lîgnifioit  celte  eau  ceinte 
de  iang. Cependant  toutefois  nul  nofoit  ouunr  la  bouche  ne  fonner  mor,pour  la  crain 
te  qu'on  auoit,d'autantque  tout  eftoit  exercé  par  cruauté  entre  ces  gens  rudes  &c  bar- 
baies.     Ecolampade  en  la  fin  de  ce  récit  adioufte, 

I'ay  entendu  tout  ceci  par  vn  qui  a  veu  de  fes  propres  yeux  ce  quia  clic  ci  deffus  ré- 
cité.   Noftre  Seigneur  race  fentir  l'a  bonté  à  tous  les  Tiens. 

31 


I  A  QJ  ES    PAVANES,  Boulenois. 

Ccihiy-cî  a  ifté<tes  premiers  qui  ont  enduré  la  mort  au  paisdeFrance.pourla  vraye  doctrine  de  la  Cenedu  Seigneur , laquelle 
en  ce  temps  commença  deirre  mile  en  auant. 

M   D.  VILLAVME  Briçonnet  euefquedeMeauxen  Brie,  femonftracn 

XXV'  w  ptS^-^  cctcmPsrorca^câ:ionnetantàcognoiftre  la  vérité  de  l'Euangile  venant 
fuc^uTS  $%ij^f  »  Cn  lûmiere'  ^u  * la  llotificr  aux  autres.  Iceluy  vilîtant  d  entrée  fon  diocefe* 
Mcaux.1  trouuaque  le  poure  peuple  eftoitdutout  deftituéde  la  cognohTance  de 

Dieu:&;  que  les  Cordelicrs  &  fcmbUblcs  befaciers  n 'enfeignoyent  finon  vne  vieille 
afncrie,pour  donner  &  apporter  aux  conuents .    Ledit  Euefque  efmeu  pour  lors  d'vn 
bon  zclc,&:  bien  informé  de  leurs  impoftures&:  tromperies,  leur  interdit  generalemet 
la  chaire  &:  fermons  par  tout  fon  diocefe:&  appela  à  foy  pour  fuppleer  au  défaut,  beau- 
coup de  gens  de  bien  &c  de  fauoir ,  tant  dodeurs  qu'autres,  comme  M.Iaques  Fabcr  d - 
v  m  Mar  Eftaple,M.Guillaumc  Farel  cftant  à  Paris,  M.Michel  d'Arande,  M.Martial,qui  depuis 
tui.Pciiitc  a  efté  pénitencier  de  Paris,M. Gérard  Rufî,  qui  puis  après  fut  fait  euefque  d'01eron,&: 
cierdeJ  ans  aurres,par  la  diligéce  defquels,&:  par  la  ferueur  de  ceft  Euefque  qui  prefchoit  luy-mef- 
me  la  verité,n'elpargnant  or  n'argent  pour  donner  liuresàceux  qui  dciiroyent  d'y  en- 
tendre: la  ccgnoifTance  de  l'Euangile  commença  s'augmenter,  corne  d'vne  efcole  ou- 
uerte  à  toute  pieté .  Or  entre  ceux  que  ledit  Euefq  entretenoit  à  celle  fin, il  y  au  oit  M. 
laques  Pauancs,du  pais  de  Boulenois, home  de  grande  fincerité  &  intégrité, lequel  cô- 
ftitué  prifonnier  l'an  1 524.6»:  durant  fa  pnfon  tut  folicité  par  gens  deuenus  froids  &:  tc- 
pidcs,à  lauuer  fa  vie  en  faifant  amende  honorable. Et  fur  tous  ledit  M.  Martial  docteur 
de  Sorbonne,difputant  contrcPauancs,&:  ne  le  pouuant  deftourner,luy  difoit  louuent 
ces  mots, Vous  errez,Iacobé:vous  n'auez  pas  veu  au  fond  de  la  mer,mais  feulement  au 
dciïus  les  ondes  6c  vagues.vculant  fïgnirk  r  par  ces  paroles ,  que  Pauancs  eftoit  encore 
tout  nouueau,&:  trop  arde  nt  pour  vn  commencement:^  au  contraire,queMartial,qui 
auoit  faitaucuncfois  profelTîon  de  la  venté, n'auoit  efté  fi  fcrupuleux, qu'au  befoin  il  n- 
acquiclçaft  &  changeai!:  d'opinion  pour  fauucr  fa  vie. Ce  perfonnage  dôc  agité  par  tel- 
le manière  de  gens,fît  amede  honorable  le  lendemain  de  Noel,audit  aax.D.xxini, 
Depuis  cela  il  n'eut  que  regrets  &  foufpirs ,  &c  les  declaroit  fouuentàceux  qui  le  vifî- 
toyent:dc  forte  que  peu  de  temps  après ,  &z  par  eferit  &  deuant  les  luges,  il  a  tellement 
l  (   inft   maintenu  la  pure  confeflîon  de  la  religion  Chrefticnne ,  &:  fur  tout  le  poinét  de  la  Cc- 
ie  laCcnc  ne, que  derechef  il  fut  emprifonné,condamnéJ&:  toft  après  brullé  vif  à  Paris  en  la  place 
Fta°KeUCn  dcGrcuc,l'an  m.d.x  x  v  .au  grand  honneur  de  la  doctrine  de  l'Euangile,  &z  édification 
de  pluiîcurs  fidèles, qui  pour'lors  ignoroyentle  vray  vfage&:  inftitution  de  la  Cenedu 
Seigneur  Icfus  Chnft. 


LEONARD    KEISE  R ,  Aleman. 

Du  commencement  que  l'Alemagne  fut  cultiuée  par  la  parole  de  Dieu ,  elle  à  donne  de  grans  perfonnages ,  qui  ont  efté  crueUc^ 
ment  meurtris  par  les  princes  tenans  le  party  contraire  à  icelle .  Martin  luther  &  autres  rendent  telmoignage  au  prclcuC 

Martyr. 

^/A^^^i  E  I  S  E  R  (  qui  vaut  autant  à  dire  qu'empereur  )eftoit  de  Raub  >  à  quatrtf 
xxvir.    Kj  l^^^t  lieues  dePairauu,d'vnemaifon  bien  renommée  au  pais  de  Bauiere.DutépS 
^  qu'il  eftudioit  en  la  ville  &:  vniuerfité  de  Vuittemberg,  il  fut  mande'  par  Ici 
^  frères, luy  lignifians  q  11  iamais  il  vouloit  voir  fon  pere  en  vie,  il  s'en  retour-? 
naft  bié  toft.ee  qu'il  fit.  Mais  à  grad' peine  fut-il  arriué,  qu'on  le  tira  d'auprès  de  fa  merc 
£>c  de  fes  frères  pour  çftre  cmprifbnné.Les  articles  qu'il  confeiToit,&:  pour  lefquçls  ilfuc 


s  m  3-1 


Geotgt^  Carpmier*  S  9 

himuinemcttraittéiufquareffufiond  Fils  de  Dieu 

&:  de  fa  vente,  furet  ccux-ci:Premicrcmét,Quc  laieulefoy  faune. Que  les  amures  font 
lesfruidb  de  la  foy.Que  la  MelTe  n'eft  pas  vne  oblation  ou  làcrificc.Chi 'îly  a  trois  fortes  Tro^ 
de  Confefîions:la  prcmicrc,De  la foy^aqlle  nous  ell  tous  les  iours  neceilaircla  fecon-  ç*rfcsf^a 
de,Dc  chanté, laquelle  eft  quand  quelcun  auraoiFcnfe  l'on  prochain, de  le  réconcilier  0  1  1)0' 
aucc  luy .  la  ttoifieme,  De  demander  confeil  &c  confolation  aux  anciens  &  tniniftrcs  île 
l'Eglifc.Etpourcc  que  tout  ceci  cftoit  contre  la  bulle  du  papcLeon,&:  contre  lcdiCE& 
ordonnance  de  1  Empereur  faite  à  Vuormcs,fentencc  fut  donnée  côtre  Léonard  Kci- 
fcr,qu'il  deuil  cftre  dégradé  &:  mis  en  la  puuTance  du  bras  feculienpar  lequel  il  fut  ton  - 
du,deiguilc>&  veftn  dvn  ginpon,auec  ignominie  couucrt  d'vn  bçnct  noir  tout  décou- 
pe :  &  en  celte  forte  fut  liure  entre  les  mains  du  bourreau. 

ORainli  qu'on  le  menoit  hors  laville  pour  cftre  exécute, il  exhorta  le  peuple  en  lan- 
gage Aleman, tournant  la  telle  tantoft  d'vn  cofté  tantoft  de  l'autre. Puis  cftant  venu  au 
lieu  du  fupplice,dit,0  Seigneur  Iefus,  endure  aucc  moy:  foufticn-moy,bailIc-moy  rbr- 
ce.Etainli  qu'on  mit  le  feu  au  bois  qui  là  cftoit  apprefté  pour  le  brader,  il  commença  à 
s'efciïer  à  haute  voix,0  Iefus,ie  fuis  tien,fauue-moy.  Et  réitéra  cela,ayant  le  feu  fous 
foy:  voire  l'ayant  défia  fentiafprement  aux  pieds,aux  mains,  &  en  la  telle.  Mais  pource 
qu'il  n'y  auoit  pas  grand  feu, le  bourreau  tira  le  corps  demi  brufléaucc  vne  longue  per- 
ce crochue,&:  mit  du  bois  dauantage.&  le  ictta  au  feu:&en  celle  forte  facheua  de  bruf- 
ler,l'ayant  tourmenté  iufqu'au  bout. Voila  la  fin  des  iours  de  ce  bon  perfonnage  Keiler, 
mourant  pour  le  tefmoignagc  de  la  vérité  du  Fils  de  Dieu, le  leizieme  iour  d'AouftJan 
m  .  d  .  x  XVII. 


GEORGE    CARPENTIER,  d'Emenng. 

arpentier,cjuifutbruflc^nMunchen,vilIt;de  Bauiercs,  pour  la  doctrine  de  l'Fuang 
de  ijutlquts  la^cs  rr,cndain5,eji!i  fubtilcmcnt  l'abordèrent  pc  u;  le  faire  rlef-hir. 

LVSIEVRS  cxcellcns  perfonnages  fe  font  trouucz  au  pais  d'Alema-  J*.  °- 

A  xv  1 1, 


L'hiftoirc  de  George  Carpentier,cjiii  fut  bruflé  en  Mimclien.villt  de  Bauiercs,  pour  la  doctrine  de  l'Euangile  :  par  laquelle  il  fui 
monta  les  aftuccs  de  ijutlquts  fa^cs  ncndains,cj!:i  fubtilcmcnt  l'abordèrent  pc  u;  le  faire  flefehir. 


îÇJJjji  gne,  parlefquels  le  Seigneur  a  voulu  non  feulement  manifefter  la  vérité, 
f  •  niais  aufli  par  l'efrulion  de  leur  fang  lateftiticr&  confirmer.  Entre lefquels 

GcorgeCarpcntic^d'Emcringîne  doit  cftre  mis  en  oubli:d'autant  qu'aucc 
mcraeillcufe  conltancc  il  a  loullcnu  la  doctrine  de  l'Eu.mgile  du  Seigneur .  Eftant  mis 
en  prifon  en  la  ville  tic  Munchcn,  au  pais  de  Bauiercs,  fan  mille  cinq  cens  vingtlept: 
quelque  menace  ou  tourment  qu  on  luy  fift ,  il  ne  peut  cftre  diuerti  de  la  vraye  docxri- 
nc,tellement  qu'il  ne  fut  qucftion  linon  de  procéder  àia  condamnation. Le  vin  .four 
de  Feuricr  audit  an,apres  que  fentence  de  mort  luy  fut  prononcée ,  deux  bourreaux  le 
vindrent  prendreen  la  prifon  nommee  comme  qui  diroit  Latourdu  Faulcon,  pour  le 
mencraulieudu  fupplkc.Et  voici  arnuer des  Cordcliers  qui  le  vouloyc ntaccopagner 
&:  rinftruirc  àleur  mode  &:  façon  .  mais  il  leur  dit  qu'ils  ne  prinfent  la  peine,&  qu'ils  fc 
retirafTcnttcarilifauoitbcfoindclcurinftruftion  .    Les  officiers  le  menèrent  aux  dc- 
grez  de  la  maifon  de  la  ville, où  furent  leus  publiquement  les  articles  de  ion  proct  z,  cô  s  "mairedu 
felfez  ôc  maintenus  par  luy,  Le  premier  cftoit,  qu'il  ne  croyoit  que  le  prrft  rc,rp  h  .  on-  £  cc"  dc 
feffion,peuft  pardonner  les  péchez .  L'autre,qu'il  ne  croyoit  que  l'homme  pu  i  'c  faire    " 1 
defeendre  Dieu  du  ciel .  Le  troificmc,qu'il  ne  croyoit  que  Dieu  foit  enclos  dedans  le 
pain  que  le  preftre  manic,virc,&:  reuirc  en  l'autel. Le  quatrieme,qu  il  ne  croyoit  que  le 
J3aptefmc  d'eau, puifle  de  foy-mcfme  faire  l'homme  bien-heureux.  On  le  prcfïbit  mer- 
ueillcufemcnt  dc  fe  defdirc  de  ces  quatre  articles ,  mais  il  n'en  voulut  rien  faire .  Sur 
quoy  vn  maiftre  d'efcole  de  la  ville  s'approcha  pour  luy  dirc,Gcorge  mon  ami,  ne  crai- 
gnez-vous point  la  mort  qu'il  vous  faut  cndurer?Sion  vous  lafehoit ,  ne  voud  nez- vous 
pas  bien  retourner  en  voftre  logis  auec  voftre  femme  &;  vos  enfans  ?  Il  rcfpcndic,Si  on 
me  lailfoit  allcr,où  me  retireroy-ic  pluftoft  qu'à  ma  femme  &:  mes  chers  cnfans?Le  mai 
(Ire d'efcole rcphqua,Reuoque  donc  tes  opinions,&:  tu  feras  mis  en  libcrté.Gcorgc  luy  Rff  r 
dit,Ma  femme  &  mes  enfans  me  font  h  chers ,  que  le  duc  de  Bauiercs  ne  les  peurroit  a-  „oubic. 
cheter  de  moy  pour  toute  facheuance  :  li  eft-ce  que  pour  l'amour  de  mon  Dieu  &:  Sei- 
gneurie les  lailfe  volontiers. 

Ço  m  m  e  on  le  menoit,  derechef  le  maiftre  d'efcole  parla  à.  luy  au  milieu  du  mar- 
in, in, 


(iit  Dcl'uii 
Kl. 


C'cfl  vnc 


Liurc_j  L  G  eorge  Car  fermer. 

ché,difant, George  mon  ami,croycz  le  facrement  de  l'Autel,&  non  feulement  le  /igné: 
Sacrmiciu  Ie  tien(dit-il)cc  facrement  appelé  De  l'autcl,pour  vn  ligne  du  corps  &c  du  fang  de  Id'us 
Chnll,qui  pour  nous  a  cfté  liurc  à  la  mort  de  La  croix. 

S  v  r  ce  propos  vn  nommé  maillre  Conrard  Sceitthcr,  vicaire  Se  prck  lient  del'cgH- 
lé  cathédrale  en  ladite  ville,  l'aborda,  &c\uy  dit,  George, lî  tu  neveux  croire  au  facre-- 
ment, au  moins  riche  ton  cfperance  en  Dicu,&:  di,Ie  luis  leur  de  mon  cas:  Se  toute  lois  fi 
ie  failloyc,ie  me  voudroye  repentir  de  la  faute .  George  rcfpondit  a  cela, Dieu  ne  per- 
met qu'ainli  ie  faille. Le  maillre d'efcole  luy  dit,  Ne  te  halte  point  trop,choifi  quelque 
bon  frère  Chrcfticn ,  comme  maillre  Conrard  ou  vn  autre,  auquel  tu  defcouurcs  ton 
cœunnon  par  manière  de  confcflion,mais  pour  auoir  quelque  bon  conleilde  luy.  Il  rc- 
fpondir,Non  fcray:car  de  cela  ien'ay  aucun  belbin. 

A  i"  r  e  s  cela  maillre  Conrard  commença  l'oraifon  Dominicale,Noltrc  Pcre  qui  es 
bricnc'ap!   c's  cicux  .    G  e  o  r  g  e  relpondit,  Vrayemcnt  c'eft  toy,ô  mon  Dieu, qui  es  noftre  Pcre, 
plicatiô  ie  jans  autre:ic  defirc  auiourdhuy  eftre  auec  toy.  Conrard  pourfuiuoit,Ton  nom  l'oit 
L^crfinnc  kn^i^c.  Sut  ce  poind  il  dit,  O  mon  Dieu, que  ton  nom  eft  pourement  iancririé.C  u  n  - 
dupjticnt.  r  a  r  i)  paifoit plus  outrc,Ton  règne  vienne.  LàdcfllisGE  orge  dit,  Auiourdhuy f- 
efperc  entrer  en  îceluy.Quad  ce  vint  à, Ta  volonté  loit  faite  en  la  terre  comme  au  ciel. 
George  dit,Ieiuis  icy  Perc,afîn  que  tavolontè  (bit  faitc,&  non  pas  la  mienne. Co  n- 
r  a  r  n,  Donne  nous  auiourdhuy  noftre  pain  quotidien  .    George  refpondit,Quc 
Ielus  Chtift  le  vray  pain  loit  auiourdhuy  ma  viande .    Conrard  ,Et  nous  pardonne 
nos  pcchez,comme  nous  pardonnons  à  ceux  qui  nous  ont  orrcnfcz.G  e  o  r  g  e  ,0  mes 
amis, de  bon  cœur  ie  pardonne  à  tous, tant  amis  qu'ennemis.  Con  r  a  rd,  Et  ne  nous 
induy  pontententatiommaisnousdcliuredumal .  G  h  o  r  g  e  ,  O  mon  Scigncur,fans 
aucune  doute  tu  me  deliurerasxar  i'ay  en  toy  feulfichc  mon  cfperance. 

Cela  fait,  maiftre  Conrard  commença  le  Symbole  de  la  fby ,  le  croycnDieule 
Jxpiicuiô  Perctout-puillant.  George  relpondit, O  mon  Dicu,re(pere  en  toy  feul:ieciey  en  toy 
duS)  mbo-  çcui^  non  cn  crcaturc  quelcôquc  .  mais  ils  mont  voulu  cfloigner  de  toy.fortifie-moy. 

En  cefte  manière  il  relpondoit  a  chacun  mot.ee  qui  feroit  par  trop  long  a  deferire .  La 
prière  finie,le  maiftre  d'efcole  luy  dit,  George,  crois-tu  li  fermement  en  Dieu  ton  Sei- 
gncur,qucgaycment&:fanspcurtuconfeilesdc  bouche?  Il  relpondit,  Ce  meferoit 
choie  difficile ,  voire  bien  impolfiblc ,  d'endurer  ainfi  la  mort ,  il  ie  ne  croyoye  de  caur 
ce  que  ie  confelîe  de  bouche.  I'cftoye  douant  tout  rciblu  qu'il  me  faloit  endurer  perle- 
hht,6.n.  cution  pour  Chrift,fi  ie  vouloye  m'adioindre  à  luy.  O  mon  Dieu,  où  eft  le  threl'or  de  l'- 
homme,là  cft  auffi  ion  cœur .  Maiftre  Conrard  luy  dit,  George,  crois-tu  qu'il cft  necef- 
faire  qu  après  ta  mort  on  prie  pour  toy  >.  &:  ie  celcbreray  le  facrifïce  de  la  Mclfe  pour  la 
rédemption  de  ton  ame.il  telpondit,Pcndant  que  barne  cft  iointe  au  corps,  priez  pour 
mev, qu'il  plaife  au  Seigneur  me  donner  paticnce,afin  qu'en  toute  humilité  &:  en  vraye 
foy  Chrefticnne  l'cndurclefupplicedelamort.mais  après  que  lame  fera  feparee  du 
corps, k;  n'en  ay  plus  de  beloin. 

Comme  le  bourreau  le  lioit  à  i'efchelle,il  declaroit  au  peuple  plulicurs  poincts  de  la 
doctrine  Chrcfticnne. Quelques  bons  frères  Chrcftiens  le  prioy  en  t,qu'in  continent  qu* 
ilfcroiticttédcdanslefcu,il  fîft  quelque  ligne ,  par  lequel  on  pcuftcognoiftrefa  foy. 
Carpcnticr  Aufqucls  il  refpondit,Cclavous  foit  pour  ligne, que  tant  quepoun  av  ouunrla  bouche, 
a  'xFr^  *c  necenrcray  deconfeflerlenom  delefus.    Telle  confiance  ne  fut  veue  femblable  en 
ùu milieu'  ces  licux-la:onques  ne  le  monftratroublé:ainss'en  alla  toutioyeux  au  feu  .  Ilauoitdit 
du  feu.      au  milieu  de  la  ville, le  confelîeray  auiourdhuy  mon  Dieu  deuant  tout  le  monde.  Ce 
qu'il  fît  eftant  ia  eftendu  fur  rcfchcllc(lors  que  le  bourreau  luy  lioit  vn  fachet  de  poudre 
à  canon  autour  du  col  )  commençant,  Au  nom  duPerc,  du  Fils,  &  dufàincfcEfpfit,&c. 
Comme  les  deux  bourreaux  l'efleuoyent  cn  l'elchcllc ,  il  dit  A-dieu  à  vnfrere  affiliant, 
luy  demandant  d'vn  regard  tout  alaigre,pardon  de  quelque  faute.Et  fubit  que  le  bour- 
reau l'eut  lance  dedans  le  feu, il  cria  deux  fois,  Iefujelu.  Puis  le  bourreau  le  retourna  a- 
uec  crochcts.&:  lors  après  auoir  quelque  fois  répété  à  haute  voix  le  nom  de  Iefus,  ren- 
dit l'efprit. 

PIERRE 


<J>lt4peurs  ^Martyrs- 


7* 


PIERRE  F'LISTEDE  &  ADOLPHE  CLAREBACH. 

Peux  Martvrs  Aleimns  exécutez  à  Cologne,  pour  la  vérité  du  Fils  Je  Dieu.  Le  commun  populaire  imputoit  les  playes  que  le 
*  paysd'Alemagne  fouftenoit  lors,  au  changement  dç la  Religion. 

LISTEDE  &:  Clarebach,  hommes  fauans  &:  exercez  aux  lettres ,  furent  M.  d.xx 
Hfr  mis  prifonniers  à  Cologne  furie  Rhin,  l'an  m.d.x  x  v  1 1 1,  pource  qu'ils  ne  vm" 

conlentoycnt  aucc  les  Papilles  touchant  la  Ccne  du  Seigneur  Se"  les  autres 
^poinc-ts.  Or  le  Sénat  de  la  ville  a  bien  puiflànccd'cmprifonncr,  mais  l'exc-  Ledroia 
cution  ouabfolutioneft  en  l'authorité  de  l'Archcucfque:  de  forte  qu'il  peut  aduenir      ^"J^  " 
que  le  Commis  duditouurira  les  pnfons  àccluy  qui  cil:  condamne'  par  le  Sénat.  coiooUC 

Ce  s  deux  donc  furent  détenus  prifonniers  plus  d'vn  an &dcmy.  &:  finalement  l'an  fur 
fuidit,  au  mois  de  Septembre  furent  condamnez  à  cftrc  brûliez ,  tant  par  le  Sénat  que  m,nc  h 
par  le  commis  de  F  Archcuefquc.  La  fentence  fut  exécutée  au  grand  regret,  côpallion 
fie  cremilTcmens  de  plulîeurs.  On  en  bailloit  le  blafme  à  quelques  Théologies ,  lefqucls 
criovent  en  leurs  fermons,  qu'il  falloir  appaifer  l'ire  de  Dieu, qui  lors  arHigcoit  le  mon- 
de par  vnc  nouuelle  efpecc  de  maladie.  Car  outre  la  grande  famine,  rcgnoit  vnc  nou- 
iic  lie  maladie  nommée  la  Sucttc.parce  que  les  ges  furprins  d'vne  fueur  mortelle,mou-  La  fuctte 
royent  en  vingtquatrc heures.  Dont  vn  nôbre  înfiny  de  pcrfbnnes  fut  furpris  de  mort,  «  Alcma  - 
deuant  que  Ion  trouuaft  le  remède,  On  lappcloit  vulgairement  la  maladie  d'Angleter-  ë"c" 
rc,  pource  que  fan  mille  quatre  cens  quatre  vingts  &:  fïx,  fille  d'Angleterre  en  auoit  e- 
ftc  infectée.  Et  afin  que  le  Seigneur  defployaft  toutes  les  verges  a  vn  coup  contre  1- 
Alcmagne,  le  grand  Turc  Solyman,àla  folieitation  duVayuode  roy  en  partie  dcHon-  Lesplayea 
gric,&  à  la  pourfuitte  de  Hierome  à  Lafco  Polonois ,  eitoir  venuaifieger  Viéne  en  Au-  jjjjjjjjjj, 
ftnchc,  Or  comme  on  menoit  ces  deux  icuncs  hommes  à  la  mort ,  ils  rendoyent  raifon  rAkmagn, 
de  leur  foy,  &:  par  textes  &  tcfmoignagcs  de  f  Efcriturc  fe  bailloyent  courage  fvn  à  f  au 
trc:de  forte  que  tout  le  monde  eftoit  rauy  en  admiration ,  de  voir  leur  maintien  Se"  con- 
tenance afîeuree:&:  principalement  d'Adolphe,  qui  eftoit  vn  beau  ieune  homme ,  fore 
do£tc&:  cloquent. 

M.    HENRY,  Flamen. 


c  f. 


perfonnaçe  cfloit  plus  cogneu  par  fon  nom  propre,  que  par  aucun  furnom  qu'il  ait  eu.&  eft  de  ceux  qui  ont  femé  1*  Fuangi- 
lc  au  pays  de  FIandrc,&  qui  l'ont  arroufe  par  mort  bicn-heureufe, 

-  r^r/ig^  O  VS  auos  touché  cy  dellus  en  Phiftoire  des  deux  Auguftins  qui  furent  exe-  M.  d. 
fel^^^cutczà  Bruxelles,  que  plulieurs  deceft  ordre  furent  attirez  à  meilleure  co-  XXVIIL 
^I^m  Sgnoifîance  de  la  vraye  Religion  par  les  liurcs  de  Martin  Luther.  l3u  nom- 
EjS^feK  ^rc     ccl,x     ce  Martyr  que- nous  auos  à  deferire,  n'a  pas  efté  des  derniers 
àprcfcher&fouftcnir  la  vérité  dePEuangile  au  pays  de  Flandre.  Pourlaqucllc  caufe  c- 
ftant  perfecute, s'enfuit  cnla  ville  de  Courtray,  ayant  mis  bas  tout  habit  monachal.  Il 
ne  demoura  15g  temps  qu'on  ne  le  recognuft:  parquoy  fut  appréhendé  &c  mené  prifon- 
nier  en  la  ville  de  Tournay,  liege  Epifcopal  de  Flandre: auquel  heu, après  auoir  efté  dé- 
tenu en  fon  de  folle  Ôç  en  grans  tourmens  l'efpace  de  fept  mois,luy  fut  offert  condition  condition 
par  vn  qui  eftoit  lors  Orficial, nommé  M.  Baltazar  de  Cordes,  que  s'il  vouloir  confeuer  miquepre 
èc  déclarer  celle  qu'il  auoit  prife  pour  femme,  eftrefa  paillarde  ou  concubinc,la  vie  luy  ^"^j,/ 
(eroitfauuc.  Une  voulut  aucunement  accepter  vne condition  tant  inique  &c  deshon- 
nefte:  mais  perfeuera  en  la  confe/Iion  de  foy  qu'il  auoit  faite  dés  le  commencement  de- 
uant l'Officialité.  Il  ne  reftoit  donc  que  procéder  à  l'exécution  :  &c  premièrement  à  la 
dégradation, félon  leur  manière  de  fairedaquelle  eftant  acheuec,  M.Henry  s  elîouit,&: 
chanta  ce  commencement  d'hymnc,7>  De*m  Uud*mus>vi  .Depuis  il  fut  condamné  a  cftrc 
bruflé  vif.Ôt  endura  la  mort  en  vraye  côftance,enuirô  le  mois  de  Mars, l'an  m.d  .xxvi  1 1. 


DENYS    DE    RIEVX,  François, 
'  E  N  Y  S  de  Rieux,natif  dudift  Rieux  en  Mulcien,  a  efté  vn  des  premiers  qui  M-  D- 
a  enduré  conltammcnt  la  mort  en  la  ville  de  Meaux  pour  la  doctrine  du  Fils  XXVI£T* 
de  Dieu,  &:  qui  a  maîtenu  que  la  MelTe  eftoit  vn  vray  renoncemét  de  la  more 

m.iui. 


LiurcsJ.  Louys  dc^Herquiri. 

Bnconnct  &  paflîon  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift.L'cuefque de  Mcaux,cy  deuant  nomme  Bi i- 
Eucique    çonnct,n'cftantplus  ccluy-laqui  auoit  eftéauparauant,lc  penfadiucrtinlînguliercmct 
trequ  ih"!  de  cefte  opinion  delà  MeHc:luy  promettant  qu'il  Je  feroit  non  fculcmet  dciiurcr ,  mais 
iLioiteftc.  au/fi  luy  donneroit  prouifion&i pcnlion  annuelle.  Maisilluy  rcfpondit,  Monlieur,lé- 
riez-vous  bien  maintenant  li  lait  ht-  de  me  hure  en  celte  force  renoncer  mon  Dieu  :  C  Y 
pcrlbnnagc  auoit  mcrucillculemét  imprimé  en  l'on  caur  cefte  fcnrccc  de  Iefus  Chnft, 
Chu  me  t  énoncera  deuant  les  hommes, &c.  tellement  que  fouucnt  il  la  pro&roic  com- 
me rauy  en  eftonnement,  &:  tremblant  à  la  prolation  d'icellc. 

Estant  donc  condamné  à  eftre  brufle  vif,il  fut  traîné  au  fupplicc  fur  vncclaye:&: 
toujours  parloit  &  exhortoit  le  peuple  à  fe  conuertir  à  la  vraye  dodrinc  de  vie.  On  luy 
Lacrpïide  auoitlié  parforec  vnecroîx de  bois:maisil  lafecoua  desmains  droitement  à  l'endroit 
bo.s  iettee  j'yjj  jjCU)  qUj  c{\  vn  réceptacle  des  caux:&:  ce  iour-la  il  auoit  pieu  abôdamment,  delbr- 
d'vnTuTf-1  te  que  ladite  croix  s'en  alla  anal  l'eau. dont  tellement  turent  irritez  les  caphards ,  qu'on 
kia'        ne  les  feut  onques  contenir»de  faire  outrage  au  pourc  patient  cftendu  fur  la  claye.  Il  fut 
donc  brullé  vif  au  gré  des  ennemis  de  la  vérité, c'eft  aïfauoir  auec  long  tourmentxar  il 
fut  leué  trois  fois  en  l'air  fur  vn  petit  feu  :&  toujours  pria  &inuoqua  le  nom  de  Dieu 
iniques  au  dernier  foufpir.    CcfutletroilieiTiciourdeIuillet,ran  m.d.  x  x  v  m. 


LOVYS    DE    BER  QJV  I  N,  gentil-homme  d'Artois. 

I  N  ceftehiftohedeLouysdeBerquin,  nous  y  auons  dépeint  le  naturel  d'vn  grand  efprit,& quant  &  quant  aduertis  comme 
noftre  Seigneur  felert  des  crans  de  ce  monde  pour  faire  tefk aux  lu  ppcfhde  l'Antechrift.  Ceux  qui  eftoyent  lois  en 
la  ville  de  !  ans,  prclens  a  la  caule  ,  &lcs  Epiflrcs  d'Erafme  nous  ont  ftiffifammcnt  donné  atteftation  du  contenu 
en  ce  récit. 

V  téps  que  la  ibuueraineté  de  Flandre  &:  Artois  cftoit  encore  au  rov  Fran- 
çois, pluucurs  dcfdidcs  Contez  eftoyentau  feruice  du  Roy  :  entre  lefquels 
ce  gentil-homme  ilfu  de  la  noble  famille  des  Berquins,cn  la  terre  de  faind- 
Omcr  au  pays  d'Artois,  a  cfté  renommé  fur  tous  pour  les  dons  &  grâces 
que  Dieu  luy  auoit  conrcrccs&:  en  la  vie  &en  la  mort  qu'il  eut  hien-htr- 
au  pays  d  -  heureufe.    Il  cftoit  venu  en  1  aage  de  quarante  ans  lans  eltre  mane,ayant  veicu  en  tel- 
Artois.      jc  intégrité  &:  chafteté,  qu'il  ne  fut  onques  chargé  de  foufpeç  on  d'incontinence  :  choie 
merueilleufement  rate  entre  les  courtifans.  Deuât  que  le  Seigneur  lcuft  attiré  à  la  co- 
<Tnoiifancc  de  Ion  Euangile,  il  cftoit  fans  fard  grand  fedatcur  des  coniticutiens  Papiiti- 
qucsjgrand  auditeur  de  Méfies  &c  lermons,obferuateur  des  ieunes  Se  iours  de  ftftc,d<.  s 
fa  îeunelfe.  Il  auoit  vn  elpnt  libre  &  ouuert:&  comme  il  ne  vouloic  faire  tort  à  perfen- 
nc,auflînc  pouuoit-il  porter  qu'on  luy  en  fift.  Ladodrine  de  Martin  Luther,  lors  bien 
nouucllcen  France, luy  eftoit  en  fouueraineabomination:&:toutes!'ois,d'vn  naturel  cil 
leué  il  hauToit  mortellement  l'afnerie  des  Sorboniftcs  &c  Moines:  de  1b:  te  que  fouucnt 
,     ne  pouuoit  diflîmuler,  voire  entre  les  plus  apparens  du  Royaume,  de  dire  contr  eux  ce 
qui  luy  en  fembloit.    Il  auoit  eu  quelque  débat  de  difpute  particulière  contre  vn  des 
principaux  de  ladite  Faculté  deSorbone,  nommé  Noftrc  maiftre de  Qucrcu.  Ctftc 
tackfec  haine  fut  caufe  que  de  plus  près  il  s'adonna  aux  eftudes  de  la  vraye  picté:&  le  Seigneur 
luy  fut  propice  &fauorable,  comme  il  a  fes  moyens  par  lefquels  il  attire  les  liens  à  la 
cognoiiîance  de  Iefus  Chrift  fon  Fils  vnique. Depuis  ce  temps  il  ne  ce/Ta  de  s'employer 
dutoutàlaleduredelafamdeEfcriture,&àtranllatcr  liurcs  Chreftiens  de  Latin  en 
Francoisdefquels  il  communiquoit  à  fes  amis.     De  ces  liures ,  les  Sorboniftcs  trouue- 
rent  moyen  d'en  puifer  ce  qu'ils  eftimoyent  leur  pouuoir  feruir  pour  fafchcr  Bcrquin, 
&  le  fubmettreà  leurs  cenfures.  Ils  en  tirèrent  quelques  articles  à  la  manière  des  a- 
raines,  pour  en  faire  du  venin,  &:  procurer  la  mort  d'vn  perfonnage  qui  en  intégri- 
té &:  rondeur  d'efprit  tafehoit dauancer  ladodrine  de  Dieu.  Delà  façon  de  ces  ar- 
ticles eftoit  ceftuy-ey,  Que  la  vierge  Marie  à  tort  cftoit  inuoquee  aux  fermons  au 
Articlcsdcs  jjeu  du  faindEfprit  :  Que  fans  raifon  elle  eftoit  appelée  Threfonere  de  grâce,  item, 
eontrcBcS  Qu'au  falut  ou  Salué  qu'on  luy  fait  du  foir ,  contre  toute  vérité  elleeft  appelée  Noftrc 
quin.       cfperancc ,  Noftre  vie ,  &cc.  qui  appartient  du  tout  à  noftrc  fcul  Seigneur  Iefus  Çhrift. 

Pour 


Louis  dc^'Berquin.  7/ 

Pour  tels  &  fcmblables  articles  il  fut  accule  d'herefîe  par  les  Théologies  Sorboniques, 
&c  à  leur  înilance  irus  en  pnfon.  Les  luges,  qui  cognoilToycnt  l'cfpnt  de  Berquin ,  ne  fi 
rentpas  grand  cas  de  telles  conclu/ions,  ains  le  laifTerent  aller  à  pur  6c  à  plein.  Ceux 
qui  fauoycnt  accule,  rirent  femer  vn  bruit  par  la  ville  de  Paris,  queparfaueur  il  c- 
iloit  cfchappe.  mais  Berquin  au  contraire  fouftcnoit,  que  de  droitt&:  équité  il  auoit 
gagné  lacaulc:&:  comme  voulat  mener  en  triomphe  la  trouppe  des  Sorboniilcs,main- 
tenoit  qu'ils  auoyent  cité  vaincus  parlaforce  de  la  vérité. Cependant  il  le  mit  à  tradui-  ^|-|nJv.c^ 
re  autres  petis  liures,  entre  lefquels  eftoit  le  Manuel  du  Cheualicr  Chrelticn  d'Erafme  RoiaoJ^ 
de  Roterodam,  y  adioullant  plufieurs  choies  qui  de  plus  près  approchoyent  à  la  venté 
Euangchque.  Erafme  qui  de  tout  temps  s 'eit  voulu  maintenir  neutre  entre  l'Euagile 
6c  la  Papiltei  ic,&:  nager  entre  deux,  leur  trefmauuais  gré  a  Berquin  d'auoir  trâllate  ion 
liurc,&  en  fit  de  grades  reproches  par  lettres,  de  ce  qu'il  le  mcftoit  auec  lés  ralchcncs, 
le  tirant  en  grande  enuie  des  Sorbonifles ,  fans  faire  (comme  il  difoit  )  aucun  fruict  de  No  J 
pietéalle  pnoitpartât  qu'il  demenail  facaufe  fans  y  meller  le  nom  d'Erafme.  Vn  nom-  joueur  de 
nié  Noël  Beda,docleurinueteré  de  la  Sorbonc,  auec  fes  adherens  à  beau  renfort  darti-  Sorbonue, 
clcsamaffezfe  banda  contre  Berquin,  6c  le  fit  mettre  en  pnfon.    Le  prieur  des  Char- 
treux 6c  des  Celeftins  de  Paris,&:plulieurs  autres  fuppolts  de  l'Antechnil  dônerent  cô- 
fort  à  celle  bande,  afin  d'opprimer  par  multitude  la  confiance  dcBerquimlcqucl  eltoit 
ia  chargé  par  tels  prehidices,  qu'en  la  caufe  il  ncfcmbloit  relier  fïnon  que  les  hures  de 
Berquin  eflan  s  bruflez,  il  cfchappall(  au  meilleur  marché  faire)  parvnc  amendeho- 
norable  que  luvordonneroitle  Magiflrat  :  ou  ,  qu'au  refus  d'icclle  on  le  menafl  au  feu. 
Berquin  ncantmoins  ne  leur  voulut  quitter  vn  feulpoinct,&:  certes  pour  lors  c'eftoie 
fait  de  luy,  fi  quelques  Confeilliers  de  meilleur  iugement  que  les  autres  (voyans  que  la 
procédure  auoit  elle  démenée  a  l'appétit  d'vne  multitude  enragée  de  haine)  n'euffent 
re  (pondu  qu'ils  vouloyent  cognoillre  exactement  de  la  caufe  depuis  vn  bout  iufqucs  à 
l'autre.    Les  ennemis,  qui  en  leur  courage  auoyent  ia  condamné  à  mort  Berquin, cui- 
derent  creuer  de  defpit.  On  difoit  que  cefte  faueur  efloit  venue  de  l'authorité  de  la  re- 
vente de  France,  Loyfe  mere  du  roy  François ,  laquelle  lors  gouuernoit  les  affaires  du 
royaume.   En  ces  entrefaites  le  roy  François  cftât  de  retour  de  fa  captiuité  d'Elpagne,  Lc  r°> Fra" 
aduerty  que  Berquin  (lequel  il  auoit  aime)eftoit  en  grand  dager  de  fa  vie ,  &c  pourchaf-  nom!'™" 
lé  à  mort  par  les  Théologiens  6c  Moines  de  Paris ,  manda  lettres  au  Parlement ,  qu'on  Je  France, 
n'attentaft  témérairement  aucune  chofe  contre  la  peribnne  de  Berquin:  6c  qu'en  bref 
iroit  à  Paris,&:  cognoiltroit  diligemment  de  fa  caufe.    Peu  de  temps  après  il  fut  relaf- 
ché  de  prii'on,&:  mis  en  garde  feure:&  depuis  eflargy  en  pleine  liberté,  pour  folioter 
plus  commodément  fou  affaire.  C'cft  merueille  de  la  grande  confiance  qùc  Berquin 
conceut  alors  enfon  cfpnc:car  non  feulement  il  fepromettoit  voye  d'abfolution ,  mais 
aufli  victoire  triomphante.  &.  la  difoit  tenir  en  fa  main:  mais  qu'il  aimoit  mieux  que  la 
.caufe  neié  terminait  fî  toit,  afin  que  celle  victoire  fufl  plus  authentique  &:  illuitre. 
Berquin  donc,  comme  fi  la  chance  euil  elté  retournée ,  commença  aceufer  d'impiété 
la  f  facrec  Faculté  de  Pans,  aifauoirlcs  Théologiens  6c  Moines,  ditant  qu'il  auoit  trou-  Sacree 
ué  en  leurs  actes  de  grans  feercts ,  lefqucls  il  vouloit  manifelter.  Plufieurs  liens  amis  1-  ^fa* 
admonncflerent  de  laiffer  les  belles  fauuages,&:  s'en  depeftrer  le  mieux  qu'il  pourroir. 
&:  fous  prétexte  de  quelque  meffage  ou  ambafTade  du  Roy ,  voyager  ou  en  Alemagne 
ou  ailleurs,  cependant  que  la  chofe  s'cfcouleroit  auec  le  temps.  Qu'il  deuoit  afîéz  co- 
gnoillre que  fauoit  faire  ce  monftre  de  Beda  fon  grand  aduerfaire ,  &  par  côbien  de  te-  ^^jj^5 
lies  iliettoit  fon  venin.  Qu'il  auoit  à  faire  à  vnennemy  immortel:  caria  faculté  ne   °  1UCU*' 
meurt  point.  Que  les  trouppcs&:  bandes  d'icelle  Faculté  ne  le  laifTeroyent  iufqucs  à 
ce  qu'elles  l'euflcnt  fait  mourir  cruellement.  Que  les  faucurs  des  Princes  6c  grans  e- 
floyent  temporelles,  6c  qu'en  peu  d'heure  leurs  affections  pouuoyéteitrc  deltournecs 
&c  châgees  au  crédit  des  faux  rapports. Et  Bien  que  de  tout  cela  il  n'en  fuft  rien, les  Rois 
mefmes  fe  fafchent  6c  fe  lafTent  à  la  longue  del'importunité  6c  impudéce  de  tels  pour- 
fuyuansaduerfaircs:  voire  mefmc  quelque  fois  ils  font  côtraints  de  crainte,  fe  déporter 
de  la  defenfe  d'vne  iufle  caufe.    De  telles  &c  fembîables  remonilrances ,  par  lefqucl- 
lcs les  amis cuidoycntefpouanter  ou deilourner  Berquin  de  fa  délibération,  tant  s'en 
faut  qu'il  en  fuit  efmeu,que  plultoft  il  en  print  dauantage  de  courage  en  fa  pourfuitte.  LVfprit  Jc 
Son  efprit auoit  quelque  choie  de  femblableauçclapalme:il  fedreffoit  déplus,  quand  Bers,,ll> 
on  le  vouloit  déprimer.  Pourfuyuant  donc  contre  les  Théologiens  6c  Moines ,  fur  tous  h  p/lml  A 


Liurc^  L  Tatric(U  Uamelton. 

contre  Beda,  il  impetra  lettres  du  roy  François ,  adrelTan  tes  à  la  faculté  de  Sorbonne,! 
ce  que  douze  articles  par  luy  extraits  des  cients  de  Beda,  qui  contenoyent  impieté  raa- 
nifefte  &  blafpheme,  ou  fui  lent  par  icclle  faculté  condamnez,  ou  prouucz  par  tcfmoi- 
gnages  de  la  faincte  Efcrirure.  Ces  choies  fembloyent  promettre  certaine  victoire  à 
Berqiummais  Ulfue  de  la  caufe  a  bien  monftré  que  ce  n'cltoyent  que  vains  allcchemcs 
pour  aiguifer  ou  allumer  de  plus  en  plus  la  rage  defefperce  des  ennemis.  Car  les  lettres 
des  Rois  &c  Princes  le  plus  fouuent  font  froides  6c  de  petite  cftime  enlacaufe  de  ceux 
quis'oppofentpourla  venté. 

C  e  s  abeilles  de  Sorbonne  armées  de  toute  forte  d  efguillô,  &:  irritées  en  telle  façon 
ne  celicrent  de  faire  bruit  &diicourir  par  tout  pour  procurer  la  mort  de  Berquin.  La 
gc°dcic-U    COLlr  ^c  parlement  de  Paris  délégua  douze  luges  aucc  toute  authorité  de  cognoiftre  &: 
gucï  en  la  mger  en  celle  caufe.  Le  ioureftant  prochain  que  la  diihnitiue  fedeuoit  rendre, il  tut 
hc!\  î    commandé  à  Bcrqum(qui  luy  fut  vn  mauuais  prefage  )  de  tenir  prifon.pcu  après  par  a- 
reft  des  luges  déléguez  il  fut  dit  que  k  s  liurcs  de  Berquin  feroyent  bruilez  :  &c  qu'ayant 
abiuréles  articles  contenus  en  fonprocez,il  tiendroit  prifon  perpétuelle  :  celaneant- 
moins  relcrué  au  bon  plaifir  du  Roy,&c.  Berquin  n'ayant  attendu  vne  telle  fentence,' 
appela  au  Roy.    Ces  luges  irritez  pour  leur  authorité  diminuée  par  ce  mot  d'Ap- 
pel, luy  dirent,  Si  vous  n  acquiefeczâ  celle  noftre  fentence,  nous  ferons  que  iamais 
Cuiibumc  vous  n'appellerez  ailleurs.  M.  Guillaume  Budé,  homme  fort  renomme,  pour  fon 
RrtdtsTe-  fauoir  es  lâgues  Latine  &c  Grecquc,maiftre  des  rcquefteschczle  Roy,eftoitl'vn  de  ces 
guettes,     luges  dtlegucz-.lcquel  pour  vne  affection  finguliere  qu'il  portoit  à  tous  hommes  de  let- 
tres, aimoit  Berquin,&:  eftoit  marry  qu'il  n  acceptoit  celle  fentence  ,  pour  euiter  plus 
grand  inconuenient  qui  luy  eftoit  apprefté.  Peu  deuant  que  plus  gneuc  fentence,  alTa- 
uoir  de  mort,  fut  prononcée,  il  exhorta  Berquin  defe  déporter  de  fes  erreurs  :  qu'il  fe 
gardaft  à  chofes  meilleures:&  que  de  fon  mouuement  propre  il  ne  fe  procurait  la  morr, 
laquelle  luy  eftoit  tout  apprclleepar  autre  fentence  des  luges,  s'il  n'acceptoit  la  pre- 
mière tant  équitable.  Berquin  fut  aucunement  efmeuparles  obteftations  &:  admoni- 
tiôs  d'vn  perfonnage  telqu'enoit  Budé,Ôduy  promit  d'acquiefeer  à  ladite  première  l'en 
tence.  Budcneantmoins  ne fepouuoit perfuader que  Berquindeuft  faireccqu'il  pro- 
mettoit  :  le  cognov,dit-il,refprit  de  Thommedon  ingenuité,&:  la  confiance  qu'il  a  de  (à 
caufe, Tabuleront.  Ces  chofes  ici  ayant  ellé  faites  &:  dites  deuant  difner,  incontinent 
après  difné  Berquin  retourna  à  la  première  conclufion  de  pourmyurc  fa  caufe.  Quoy 
vovans  les  luges,  foudainement  luy  prononcèrent  autre  ientcce,aiiauoir  d'eftre  bruilc 
scntccc  fc  aPrcs  c^rc  cftranglé,en  la  place  de  Greue,&c.  Or  pour  mettre  en  exécution  celle  der- 
comk  <]  i  nicre  fentence,  les  aduerfaires  etpicrent  le  temps  que  le  roy  François  allant  à  Blois  s'ef- 
eftde  la    longneroit  de  Paris.  Berquin  donc  au  fortir  de  la  prifon  ne  donna  aucun  fcmblantde 
mort'       cœur  failly  ou  troublé,  lors  que  le  bourreau  d'vne  voix  efpouatable  publia  fon  arej(l,ne 
quand  il  fut  mené  au  lieu  ordonné  pour  le  dernier  fupplicc:auqucleftant  venu, il  parla 
au  peuple:  mais  il  y  en  eut  bien  peu  qui  lcuilcnt  peu  ouyr,  tant  eftoit  grand  le  bruit  & 
tumulte  de  ceux  qui  là  eftoyent  loez  par  les  Sorboniftes  pour  faire  cry ,  afin  que  la  voix 
de  ce  lainct  Martyr  du  Seigneur  ne  fuil  ouye  à  l'extrémité  de  fa  mort.    Ces  ennemis 
La  nge  des  Sorboniques  6t  Moines  n'eftans  raflafiezdu  cruel  fupplice  de  ce  noble  perfonnage ,  cf- 
dc  nrké"  meurcnt  Par  prefens  les  petis  enfans  de  crier  au  long  des  rues  que  Berquin  eftoit  héré- 
tique: tant  ell  grande  la  rage  de  ces  fuppofts  de  Satan ,  qu'après  la  mort  &:  les  cendres 
des  fidèles,  ils  la  continuent  &c  pourfuyueht. 


PATRICE    HAMELTON,  Gentil-homme Efcofiois. 

Q^y  F  ceux  qui  fc  vantent  du  titre  denobleufe,  le  mirent  en  ce  perfonnage  Patrice  Hameltomqu'ils  regardent,  à  ion  exemple,  dj> 
dctlicr  &  conf.,crer  non  feulement  la  fleur  de  leur  aage,  mais  toute  leur  vie  entièrement  au  feruice  du  grand  Roy  des  rois. 

M.D.XXX  ^^P^f^  A  T  R I C  E  dés  fon  ieune  aage  auoit  des  dons  excellens  de  naturc,&:  eftoit 


DauiJ  Bctô 
cardinald 


jS  ^icn  mftitu^  aux  lettres  humaines:  mais  outre  cela  il  eftoit  de  la  maifon 
*  trefilluftre  des  Hamekons,  qui  lent  du  fang  royal  d'Efcofte.  Le  cardinal  de 

^É;S.Andre,DauidB  ourir  cruellement:&  quelque  chofe  q  ceicu» 

i feoffe."  "  ne  homme  full  de  la  lignée  du  Roy,&  mefme  au  commencement  de  fa  ieuneiTe,n  ayac 
point  encore  vingttrois  ans  palTez,cela  n'empefcha  point  ce  rouge  &c  fanglât  Cardinal 

do 


Thomas  tfyttem  Thomas  Bilnee^.  7  z 


de  faire  complot  auec fa  Prcftraillc  pour  l'enuoyer  au  feu.  Lcsartic  Jrour  lcfquelsil 
a  cfté  bruilé,  ce  font ,  Qu'il  confe/Toit  que  Iefus  Chrift  eft  feul  patron  &c  aduocat,&:  cx- 
ciuoitles  mentes  des  fain&s  :  Il  recognoiiîbit  la  iuftificatio  gratuite  dclafoy  parle  Fils 
de  Dieu: Il  niok  le  Purgatoire  tel  que  les  Papilles  ont  forgé. 

O  r  ceftuy  Hamelton  en  ce  îcune  aage  auoit  efté  prore/îeur  public  en  IVniuerfité  de  Mirpurg 
Marpurg ,  laquelle  Philippe  Lantgraff de  Hefs  auoit  fait  nouucllcment  drener  :  en  la-  Sc'pt 
quelle  profellion  il  acquit  vne  mcrueilleufe  louange,  voire  cnuers  les  plus  lauans.  Pen-  le  i-antg. 
fant  finalement  auoir  li  bien  profité  qu'il pourroit  auflt  feruir  à  ion  pavs^ce  qu'il  deiiroit  dc  Heffe" 
de  grande  arfection  )  il  s'en  retourna  en  Efcoflc  auec  vn  lien  compagnon.  Or  du  com- 
mencement ne pouuant  porteries  ténèbres  &:  mperltitions  des  gens  de  Ion  pays,  il  fut 
accule  d'hercfie,&:  cité  à  comparoir  au  iiege  du  Cardinal  Je  premier  lourde  Mars.  Ha- 
melton bruflant  de  zele  d'annoncer  la  verité,comparut  dés  le  iour  precedcnt,&:  difpu- 
ta  contre  le  Cardinal  &  fes  fuppofts  &  eftaniers,auec  telle  promptitude,qu  incontinct 
après  par  la  coniuration  des  aduerfaires  fentence  de  mort  fu  t  prononcée  contre  lu  v:  & 
lemcfmeiouronlemenaapresdifnéaufupplice  pour  eftrebruflé.  En  ce  temps-la  le 
Roy  eftoit  encore  ieune  enfant.  Lefriu&dVnemort  tantprecictrfcacftégrand:lado-  Semêcc  de 
clirine  que  ce  perfonnage  auoit  annoncée  à  plufieurs  de  ce  royaume,  seft  depuis  mon-  E^ofrf  ^ 
ftreer&denoftreaagenousenauonsveulcsefFeds.  François  Lambert,  docteur  fide- 
le,en  la  préface  de  ces  Commentaires  furl'Apocalypfc,arendu  ample  tefmoignage 
de  ce  que  deflus. 


THOMAS    H  Y  T  T  E  N,  Anglois, 

g?p|^VILLAVME  Tyndal,  en  fon  Apologétique  contre  Thomas  Morus,  &  d. 
fif  mW^. en  vn  autrcliure        a  intitulé  delà  Pratique  des  Prélats,  parle  de  ce  Tho- 
&  ^^Tk  mas  Hy "en,mais  c  eft  feulement  corne  en  panant,  difant,Ceftuy-cy  eftoit 
^^S^S,  adminiftrateurdelaparolleà  Madftondequcll'arclieucfque  deCantorbe- 
ry,Guillaume  Vvaran,&:  l'euefque  de  Rocheftre  nommé  Iean  Filcher,firent  mettre  en  Guii,aunte 
prifon:&  après  l'auoir  là  longuement  tourmente  tant  par  famine  que  par  autres  affli-  RoSf 
etions,  finalement  voyans  qu'il  demeurait  ferme  &c  arrefté  en  fon  opinion,  renuoyeret 
au  feu ,  pour  auoir  fidèlement  &  ouuertcment  confefle  Iefus  Chrift  âf  fa  grâce  falutai* 
rc.  Il  fut  brullé  à  Madfton,  lan  m  .  d  .  x  x  x . 


THOMAS    BILNEE,  Anglois. 
IL  NEE  dés  fon  ieune  ange  fut  nourry  en  l'vniuerfitc  de  Cambryge:&  fé- 


lon qu'il  auoit  bon  efprit,  il  profita  aiifii  grandement,voire  iufqucs  à  l'eftu 
'de  tant  du  droit  Ciuil  que  Canon.  Toutcsfois  ayant  recouurc  vn  bon  pé- 
dagogue, il  vint  finalement  iufqucs  à  ce  point ,  que  taillant  la  dernière  par- 
de~deTa^definition  de  Iurifprudcncc  qui  eft  des  chofes  humaines,  il  adonna  fon  efprit  a 
la  premiere,afTauoir  des  choies  diuines  de  la  vraye  religio. Et  corne  il  eftoit  merucilleu* 
fementefmeu  d'vn  bon  zele,  auffi  fut-il  poulie  d'vne  affection  arde  te  à  attirer  plufieurs 
autres  à  la  grâce  de  la  do&rine  de  TEuangilc.  Au  demeurant,  fon  entreprife  aufïî  ne  fut 
pas  du  tout  inutile.car  par  ce  moyen  plufieurs  efeoliers  de  celle  vniuerfité  furent  ame- 
nez à  la  cognoifiance  del'Euangile ,  entre  lefquelsfe  trouuerent  Artus  &  Hugues  La- 
timer,  qui  eftoit  lors  en  fon  ignorance,deputc  en  cefte  vniuerfité  pour  porter  la  croix 
aux  proceffions.  Bilnee  partit  finalement  de  celle  vniuerfité,  &:  alloit  parles  villes  &: 
bourgades  enfeignant  &L  prefehat  la  vérité,  ayant  auec  foy  Aitus,  qui  alors  luy  fît  com- 
pagnie, fortant  de  l'vniuerfité  auec  luy. 

Or  Thomas  Vvlfé  cardinal  &archeuefqued'Yorck,  auoit  en  ce  temps-la  grande 
authorite  en  Angleterre-.mais  fon  ambition  eftoit  encore  beaucoup  plus  grâdejaquel- 
le  declaroit  vne  vanité  manifefte  non  feulemét  de  fa  perfonne.,  mais  aulfi  de  tous  ceux 
qui  eftoyent  de  fon  eftat.  En  celle  forte  Bilnee  &c  quelques  autres  bons  perfonnages  ne 
pouuans  plus  porter  vn  tel  orgueil  és  gens  d-eglife ,  commencèrent  à  dégrader  telles 


M.  D. 
XXX. 


Latinacr 
depuis  a  ei 
fté  martyr 
auScigncur 


Vv  10,  Caf- 
^nal  d'~ 
Yorlï. 


Lturc^l.  Çuillaumc^  ThraccS. 

dignitez  orgueilleufes  auec  toute  la  primauté  du  Pape.  Le  Cardinal  pêf  a  lors  qu'il  luy 
eftoit  temps  de  regarder  diligemment  à  fes  affaires  ,&:  d'y  bien  pouruoir  &de  bonne 
heure.  Or  il  eftoit  aflez  cauteleux  pour  ce  faire,  car  il  cogneut  fur  quel  fbible  fondemét 
cefte  maiefté  ambitieuté  eftoit  appuyée.  Il  fauoit  aufli  que  tout  ce  règne  d'orgueil  ne 
pouuoit  pas  long  tem  ps  fublîfter  contre  la  fentence  manifefte  de  l'Efcnture  :  principa- 
lement files  yeux  des  hommes  eftoyentvne  fois  illuminez  par  la  clarté  derÉuangile; 
car  autrement  il  faifoit  peu  de  conte  des  colères  &c  menaces,  &c  de  la  puiifance  &:  force 
des  autres  Rois  :  il  craignoit  feulement  vne  chofe,  la  voix  de  Chrift  &c  de  fon  Euangile, 
laquelle  deuoit  arracher  la  mafque  aux  hypocrites,  &:  defcouurir  les  fards  Se  fraudes,  &: 
les  contraindre  de  le  tenir  dedans  les  limites  delà  difeipline  Euangelique.  Pour  cefte 
raifon  il  fut  d'aduis  de  remédier  de  bonne  heure  aux  commencemens. 
AfTcmblec  q  £  Cardinal  donc  fans  plus  délayer,  après  qu'il  eut  ouy  que  ces  chofes  fe  remuoyer, 
îlaftiquct  aflemblaaumoisde  Décembre,  l'an  m.d.ïxvh  i,  vne  grande  multitude  de  gens  d'- 
eglife:&:  là  il  promit  de  faire  tant,  que  tous  abus  introduits  en  l'egiife  Romaine  feroyét 
diligemment  repurgez.  Cependant  Bilnee,  Artus,Godefroy,Lom  &:  Garet  furet  con- 
traints de  fe  defdire  de  tout  ce  qu'ils  auoyent  femé  contre  l'authorité  &c  ambition  du 
Pape.Tant  y  a  que  cela  ne  reprima  point  les  entrepnfcs  &  efforts  dudit  Bllnee:pluftoft 
il  en  fut  dauantage  enflammé.  Et  tant  s'en  fallut  qu'il  euft  relafché  quelque  chofe  de 
fonaffe&iondepreicher,que  depuis  ilpourfuyuit  les  corruptions  des  Papilles  d'vne 
plus  grande  véhémence.  Mais  c'eft-cy  comme  vne  condition  ordinaire  des  bons,  que 
touliours  quelque  Satan  fe  fourre  parmy  leurs  fain&es  &c  bonnes  entreprifes:portat  en- 
uie  à  vertu,  &  murmurant  &:  grondant  alencontre. 

Ainsi  donc,  comme  ceft  excellét  annonciateur  de  la  vérité  s'employoit  fidelemec 
Thomu  en  ce  faindminifterc,  pour  attirer  vn  chacun  àfalut,  il  rencontra  des  gens  qui  machi- 
Morus.  noyent  fa  ruinc:entre  lefquels  Thomas  Morus  eftoit  le  principal ,  &  l'euefque  de  Nor- 
vvic,  &:  Richard  Nix,  qui  auoit  perdu  les  deux  yeux,&:  toutesfois  eftoit  autant  aueugle 
del'efprit  que  du  corps. Ledit  Morus  le  fît  empoignert&l'ayant  aceufé  d'herefie,le  con- 
damna tantoft  après  à  eftre  bruflé,  principalement  pour  deux  articles  :  premièrement, 
pource  qu'il  auoit  ofé  prclchcr  après  fon  abiuration:dauantage,d'autant  qu'il  auoit  ce- 
fte opinion,  qu'on  ne  deuoit  tenir  les  lain&s  pour  aduoeats. 

O  n  dit  ceci,  que  le  iour  deuant  que  Bilnee  euft  efté  enuoyé  au  feu,  paflant  la  nutô  en 
prières,  ainfi  que  fa  garde  dormoit  il  mit  fon  doigt  en  la  flamme  de  la  chandelle ,  pour 
^œuuctu  effayer  s'il  pourroit  endurer  la  violence  du  feu  .  mais  aufîi  toft  qu'il  eut  approché  fon 
feu  delà    doigt(comme  la  chair  rehftoit)il  le  retira,  &:  cômença  à  reprendre  fa  chair,difant,Com 
chandelle.  menc  >  cu  ne  peux  endurer  la  bruflure  d'vn  de  tes  membres ,  &:  comment  pourras-tu 
endurer  la  bruflure  de  tout  ton  corps  ?    Et  quant  &:  quant  mit  derechef  fon  doigt 
en  la  flamme  de  la  chandelle,  &c  endura  la  douleur  du  feu.  Apres  donc  qu'il  eutain- 
li  fait  eflay  de  foy-mefme,  comme  s'il  euft  dompté  fa  chair ,  il  print  plus  grand  cou- 
rage pour  endurer  le  feu  le  lendemain  :  &:  en  cefte  forte  mourut  conftam  ment  pour  la 
confeflion  du  nom  de  Iefus  Chrift.    Cependant  il  ne  nous  faut  point  lai/Ter  palier  la 
cruelle  refpoofe  de  Thomas  Morus,  qui  eftoit  pour  lors  chancelier  du  royaume.Quad 
les  bourreaux  furent  venus  vers  luy  pour  luy  demander  lettres  de  feurtê,  à  celle  fin  que 
Cruelle  re-  nuj  jnconucnjcnt  ne  leur  aduinft  pour  la  mort  de  ceft  homme,  il  refpondit,Bruflez-lo 

iponle  de  «        .    i  j  i 

Morus.     premierement,&  puis  demandez  vos  lettres. 

RECIT  d'hiftoire  touchant  Gvillavme  Thrace,  homme  d'armes, 
Anglois,  déterré  &:  bruflé  après  fa  mort. 

xxx?  5o1Kï\tc  ^  ne  trouue  autre  chofe  digne  de  mémoire  aduenue  en  cefte  année ,  fi  on  ne 
veut  parlerde  ce  qui  a  efté  fait  au  corps  mort  de  Guillaume  Thrace  homme 
d'armes.  L'hiftoire  eft  telle: Ce  Guillaume  mourut  en  vne  bourgade  delà  pro 
uince  de  Gloceftre,  nommée  Todyngton:&  auantque  mourir  fit  vn  çeftament  vraye- 
ment  Chreftien.  A  celle  fin  que  ce  teftament  fuft  ratifié,  Richard  fils  dudit  Guillaume 
le  porta  quelque  temps  après  à  l'Archeuefque  de  Cantorbery  ,  nommé  Guillaume 
Vvaran.&  ce  qu'il  en  faifoit,  c'eft  oit  félon  la  couftume  ancienne.  Or  après  quel'  Arr 
cheuefque  eut  leu  le  teftament  de  *Thrace  iufques  au  bout,il  princ  confeil  auec  fes  pre- 
ftres  &c  fuppofts:&:  félon  que  tous  auoyet  ordonné  &C  déterminé  en  commun,  il  dénon- 
ça ledit  Guillaume  Thrace  heretique,côbien  qu'il  fuft  mort.&ne  fe  côtentant  de  cela,' 

or- 


Ç  uillaumc^  Thrace.  7  3 

ordoriA  encore  que  le  corps  fuft  bruilc.  Il  commada  donc  que  ce  eoçps  fuft  tire  hors  de 
fa  toile,  &C  letté  dedans  vnfeu.&  afin  que  cela  fuft  fait  plus  diligcmmenc ,  il  cnuova  ce- 
lte fentenceiudiciairc  au  d odeur  Parker,  Chancelier  du  diocefede  Vvigornc ,  auec 
certain  mandement  qu'il  fift  diligence  de  mettre  cefte  fentence  en  exécution  .à  quoy 
il  s'employa  fortl'oigneul'ement ,  &:  ne  laiflarien  derrière  de  ce  qui  luy  auoit  cfté  or- 
donné . 

Apre  s  que  leroy  Henry  v  1 1 1 .  eut  efté  au  vray  aduerty  de  cefte  cruauté  plus  que 
barbare  des  Théologiens ,  exercée  contre  le  corps  mort  d'vn  tel  homme  deiî  bvn  &c 
honnefte  renom ,  voyant  que  ces  vénérables  fe  defbordoyent  ainli  funeufeme  nt  fans 
fon  feu  &C  fon  commandement ,  il  en  fut  à  bon  droit  marry.  Parquoy  il  fît  appeler  ce 
monlicur  le  Chancelier  par  vu  officier.  Ce  Chancelier  reiettoit  toute  la  coulpe  fur 
rArcheuefquc ,  qui  naguercs  cft oit  mort  :  mais  toutes  les  exeufes  ne  pein  ent  iamais 
tant  faire,  qu'il  ne  fuft  finalement  condamné  à  payer  en  uiron  mille  efeus  au  Roy. 

Le  teftament  dudit  Guillaume  Thracecftoit  tel:  En  premier  lieu  îlfcrccomman-  ^'tS' 
doit  à  Dieu ,  proteftant  qu'il  ne  doutoit  nullement  de  la  bonté  &c  mifericordcd'iccluy,  c*  '  îr" 
ainscftoit  totalement  allcurc  qu'il  obtiendrait  grâce  &:  pardon  deluy  par  les  mérites 
de  Iefus  Chrift  fon  Fils,&:  par  la  vertu  de  la  mort  &:  pafîion  d  iceluv  &:  de  fa  refurrection 
glotieufc:&:  que  par  ce  moyen  tous  ces  péchez  feroyent  effacez.  Carilcroyoït  ferme- 
ment, &eftoit  certainement  perluadé  que  ion  Rédempteur  cftoit  viuant,  &:  que  de- 
rechef au  dernier  îour  il  feroir  enuironne  de  fa  chair,en  laquelle  il  verroit  fon  Sauueur: 
qu'il  auoit  cefte  cfpcrace  enracinée  fermement  en  Ion  cœur,  &c  ne  lalairroitiamais.  Et 
quant  au  falut  de  fon  amc,  il  ne  doutoit  nullement  que  cefte  foy  feule  ne  fuft  allez  fuf- 
fifante  fans  qu'il  y  falluft  adioufter  aucun  aide  des  œuures  &:  applications  des  hommes, 
ou  de  quelque  chofe  que  ce  fuft. 

A  v  refte,  c'eftoit-cy  la  fomme  &  le  fondement  de  fa  foy:qu 'il  n'y  a  qu'vn  feul  Dieu, 
vn  feul  Médiateur  de  Dieu  &£  des  hommes ,  aftauoir  Iefus  Chrift  homme.  Pour  cefte 
caufe  il  ne  recognoillbit  aucun  autre  patron  ny  aduoeat  cnuers  le  Pere,  que  fon  Fils  Ie- 
fus Chriftdes  autres  faincts  n'auoyentpas  vnc  telle  puiffance  &L  faculté  .  car  non  feule- 
ment ils  ne  peuuent  dilpéferaux  autres  le  bénéfice  de  la  grâce  diuinc,veu  qu'eux-mef 
mes  ne  fe  la  pcuuent  conférer.  Parquoy  il  nedeftinoit  point  vne  feule  partie  de  tous 
les  biens  à  ce  qu'il  empruntai!  le  labeur,  l'affection,  lintcrcciTion,lcs  prières  &:  oraifons 
de  quelques  autres  pour  le  falut  de  ion  ame .  car  s'appuyant  fur  les  promefles  dç  Dieu, 
ilfc  tenoit  pouraifeuré^c  certain  que  quiconque  ell  baptii'é&:  croit,  fera  faune  :  &£  qui  Marcis.iô 
ne  croit  point  &c  rciettera  le  Baptefmc  fera  condamné.  Et  quant  à  la  fepulturc  de  fon 
corps, il  n'en  ordonnoit  rien  ,&-iicfe  foucioit  pas  beaucoup  en  quel  lieu  il  fuft  enter- 
ré. Or  il  entendoit  cela  de  la  pompe:  car  iladiouftoit  quefaind  Auguftin  auoit  fort  Scntécc  de 
bien  dit ,  que  la  magnificence  delà  fepulturc  eftoit  pluftoft  vn  foulageme*nt  ou  plaifîr  SAl'§ultlu 
pour  les  viuans,  qu'vn  aide  poiu  les  morts.  Dufurplusils'enremettoitàlavolonté 
de  les  légataires. 

Qv^a  n  t  à  ce  qu'il  laiiToit  pour  les  poures,il  proteftoit  qu'il  le  faifoit  de  bon  cœur:  &z 
dcfiroit  que  cela  fuft  receu  comme  vn  fruict  de  la  foy ,  eftimant  que  par  cela  il  ne  men- 
toit  point  la  grâce  de  Dieu  :  pluftoft  faifoit  déclaration  par  vn  tel  moyen,  que  Dieu  iuy 
auoit  fait  grâce.  De  fait  il  ne  recognoillbit  autre  mérite  que  la  feule  foy  en  Iefus  Chrift 
le  Fils  de  Dieu ,  par  lequel  toutes  les  bonnes  chofes  agréables  à  Dieu  font  faites,  ielon 
ce  que  Chrift  luy-mefme  dit,  Matth.  x  x  v.chap.  I'ay  eu  faim,&:  vous  m'auez  donné  à 
manger,  &:c.  Et  ailleurs,  Tout  ce  qu'auez  fait  à  l'vn  de  mes  plus  petis,  vous  l'aucz  fait  à 
moy-mefmc,&:c.  Il  y  a  plus,il  faut  que  nous  ayons  toufiours  ceci  au  cœur  &:  deuant  les  Rom.1.17. 
yeux,  que  les  bonnes  œuures  &  les  bien  -  faits  ne  rendent  point  l'homme  bon:  mais 
l'homme  bon  fait  les  œuures  bonnes.  Car  à  la  vérité  la  foy  feule  fait  l'homme  bon  6c 
iufte  :  comme  il  cft  ci'crït ,  Que  le  iufte  viura  de  fa  foy .  au  contraire ,  tout  ce  qui  n'eft 
point  conioint  auec  la  foy,  cft  péché. 

Or  quant  au  refte  de  tous  fes  bien  s,  outre  ce  qu'il  auoit  en  cefte  forte  baillé  par 
fon  teftament ,  il  le  laiiîa  à  fa  femme  nommée  Marguerite,  &£  à  fon  fils  Richard:  les- 
quels aulfi  il  ordonna  pour  exécuteurs  de  cefte  fienne  dernière  volonté.  Il  ligna  fon  te- 
ftament de  fa  propre  main  le  x .  iour  du  mois  d'Octobre ,  l'an  m.d.xxxi^Icxxii. 
du  règne  de  Henry. 

n. 


TluJîeurssffîaW'rs. 


lean  sto- 
kiflé. 


GEORGE  BAYNA  M,Anglois. 
EORGE  Baynam fut bruflé auec vn Faifcur  de  gibbecicres.  Tqutesfois 
j!on  ne  trouuc  qualî  rien  de  ceux-cy  que  les  noms  &c  l'an  auquel  ils  furet  faits 
iMartyrs  ,  qui  fut  fan  m  .  n .  xxxn.  Ce  George  cftoit  homme  de  loix ,  de 
[ceux  qui  ont  accouftumé  de  procurer  6c  aduocalîcr  à  Londres  en  la  cout 
6c  auditoire  de  Lincolne.Dauantage,en  celle  mefme  ville  de  Londres  cftoit  ce  Faifcur 
de  bourfes  ou  gibbeciercs,  duquel  i'ay  parlé,  gagnant  fa  vie  à  la  force  de  les  bras.  Ican 
Stokiflé  eucfquc  de  Londres  ,  mit  ces  articles  en  auant  à  ces  deux  perfonnages ,  Qu'ils 
nioyentle  Purgatoireritcm,  Qu'ils  oftoyent  aux  iainds  toute  reuerence,&principaic- 
lement  à  faind  Thomas  Beket.  Pour  cela  ils  furent  atteints  d'hercfîc,&;  d'autant  qu'ils 
ne  voulurent  onques  delaifter  la  vraye  doctrine,  ne  le  defdire  de  leurs  îain&cs  opinios, 
les  ennemis  de  la  vérité  leur  firent  fentir  leur  dernière  fureur.  Prcfcrans  donc  la  venté 
à  leur  propre  vie ,  ils  fusent  tous  deux  bruflez  à  Londres  auec  grande  confiance.  Or 
ceft  euefque  Stokiflé  cft  celuy  qui  eftant  prochain  de  fa  mort  rendoit  grâces  à  Dieu  de 
ce  qu'en  fa  vie  il  auoit  fait  mourir  6C  brufler  bien  cinquante  hérétiques. 

Av  demeurant,  George  Baynam,  fcmonftra  fort  patient  6c  confiant  au  milieu  des 
flammes  ardétesivoire  en  telle  forte,  qu'ayant  pris  des  fagots  entre  fes  bras,  il  fembloie 
qu'il  embraiîaiUa  mort.  Et  fans  changer  de  face,  adreflafa  parollc  au  peuplc,ayât  touf- 
iours  les  yeux  fichez  fur  luy:exhortant  tous  de  perfeuerer  conftamment  en  lafoy,iuf- 
ques  à  ce  que  la  flamme  luy  euft  ofte  la  parolle  6c  l'haleine,  6c  luy  euft  fait  fondre  le  ccr- 
ueau.  Toutesfoisilluyaduintde  mettre  les  mains  à  la  bouche  auant  qu'il  euft:  rendu 
entièrement  l'elprit.  Ce  fut  lors  qu  il  fentit  bouillir  fa  ceruelle  ,&deualler  par  fes  na- 
rines^ pour  quelque  temps  il  réprima  l'ardeur,  tellement  qu'il  rccouura  encore  queL 
que  peu  de  voix,  6c  eu  t  moyen  de  parler  derechef  au  peuple,iufques  à  ce  qu'il  euft  per- 
du toute  vigueur  6c  force  du  corps.  * 


RICHARD  BAYFILD,  Anglois. 
N  peut  adioufter  auec  ccftuy-cy  Richard  Bayfild ,  qui  auoit  cfté  Moine  de 
Burie  natif  de  Hadlee.  Il  eltoit  craintif  de  fa  nature ,  toutesfois  il  eut  la  grâ- 
ce de  Dieu  qui  le  rendit  fort  6c  confiant.  Finalement  il  fut  brufle  ce  mel- 
rne an,  m.  d.  xx  xi  i, pour  auoir  traduit  ksliures  deTyndal.^Leiourqu'- 
Inôdanon.  il  nafquit ,  les  eaux  furent  fort  grandes  en  celle  petite  ville-la  >6c  mefme  entrèrent  pa 
grande  impetuofîté  en  la  maiïon  où  il  efloit  nay. 


par 


M.  D. 
XXXII. 


Symbole 
d'vn  bin- 
<]uet ,  an 
lieu  décrier 
k Roy  boit. 

Caturcc 
prifônier. 


Prôptitude 
ticCaturce. 


IEAN    DE    CATVRCE,  de  Languedoc. 

Par  fon  exemple  nous  efl:  monlti  é  comment  on  fe  doit  rcfîoiar  en  feftins  &  banquets  folcnncls:  &  le  but  ou  doit  tendre  vn  vray 
Iunfconfulte  Chrcftien,&:  rapporter  non  feulement,  le  lurplus  des  choies  liunuincs,naais  auflî  noftrc  vie  toulemcnt. 

E  Caturco,  natif  de  Limons,  licencié  en  Loix,  faifantprofellîon  du  droite 
en  l'vniueriité  de  Touloufe,  homme  d'excellent  fauoir  tant  en  icellé  pro- 
i^felTion  qu'es  fainclcs  lettres:fut  acculé  pour,vne  exhortation  qu'il  auoit  fai- 
te en  ladite  ville  de  Limons  le  iour  de  Touiîaincts:&:  aufîî  de  ce  qu'eflant  à 
n  fbupper  la  veille  qu'on  dit  des  Rois ,  il  fut  autheur  à  toute  la  compagnie 
qui  là  cftoit,  qu'au  lieu  de  crier  à  la  façon  accouftumec ,  Le  Roy  boit,  on  eut  pour  fym- 
boledu  banquet,  Chrift  règne  en  nos  coeurs.  Item  qu'après  auoir  fouppé,chacû  y  pro- 
poleroit  par  ordre  quelque  chofe  de  l'Efcriture(au  lieu  de  propos  deshôneftes  &;dafes) 
&:  que  là  de  Caturco  auroit  touché  plus  auat  les  matières  que  les  autres.  Pour  ces  cail- 
les donc  il  fut  conftitué  pnfonnier  au  mois  de  Ianuicr,lan  prins  à  laNatiuité  m.  d. 
XXXU.&  lors  qu'on  vint  à  faire  fon  procez ,  dit  aux  luges  qu'il  s'offroit  à  maintenir 
ce  qu'il  auoit  fur  le  cceur ,  pourueu  qu'on  luy  amenait  gens  fauans,  auec  liurcs,pour  dif- 
puter  de  poincl  en  poin&:car  il  ne  vouloit  rien  faire  fans  édification ,  6c  defiroit  vuider 
chacun  article  fans  extrauaguer.  Or  auoit-il  grande  promptitude  à  refpondre  de  cha- 
cune 


JeanFrytk 

tune  matière  dont  il  eftoit  interrogué  :  &:  auoit  incontinent  en  la  bouche  le  paffage  de 
J'Efcriture,  qui  le  mieux  feruoit  au  propos. 

Les  aduerfaires  voyans  qu  autrement  il  ne  pouuoit  eftre  conucincu,  luy  firent  offre 
•de  le  deliurer  à  pur  &:  à  plein ,  s'il  fe  vouloit  defdire  &  retraclcr  de  trois  poin&s  feule- 
ment:&:  non  par  autre  forme  d'amende  honnorable ,  finon  en  faifant  vne  leçon  publi- 
qmét  aux  efcoles,  en  laquelle  il  declareroit  qu'il  auroit  failly.Or  combien  que  du  com- 
mencement il  euft  vacillé,  iî  cft-ce  quele  Seigneur  le  fortifia  en  telle  forte ,  qu'après  il 
ne  leur  fut  poffible  luy  faire  accepter  aucune  forme  de  retracf  ation.  Parquoy  il  fut 
déclaré  hérétique  par  lcntence  criminelle:  pour  laquelle  exécuter  au  commencement 
du  mois  de  Iuin  fut  mené  en  la  place  de  S.  Eftiennc ,  peur  là  eftre  defpouillé  de  l'es  de- 
grez&:honneurs:premiercment  de  tonfureou  couronnc,puis  du  degré  de  Licencede- 
qucl  my  ftere  dura  l'efpace  d'enuiron  trois  heures.pendat  lequel  temps  de  Caturce  eut 
liberté  de  parlerai  qu'à  tout  ce  qu'on  luy  faifoit  ou  difoit,il  auoit  toufioui  s  quelque  paf 
fage  de  l'Efcriture  bien  pertinent,  &  pour  inftruire&redarguer  la  beftife  de  Tes  luges 
deuant  les  Efcoliers. 

L'a  vnlacopin  délégué  pour  faire  le  fermon  delà  foy  catholique  qu'on  appelle,  fé- 
lon leur  façon  accouftumee ,  print  pour  ion  thème  ce  qui  eft  eferit  en  la  i.  de  S.  Paul  à 
Timotheeau  1 1 1 1. chapitre,  5/wv>#.r  autemmanifeîlè  dkit&c.c&o.  dire,  L'Efprit  dit  notam- 
ment qués  derniers  temps  aucuns  defaudront  de  la  foy  s'amufans  aux  efprits  abufeurs 
&  aux  doctrines  des  diables.  Orlc  Iacopincouppalàion  textefans  pafîér  outre  félon 
qu'ils  ontaccouftumé  de  rongner  &:  predre  quelque  lopin  depa/îàge  del'Efcriture:  ou 
bien,  que  ce  qui  fuyuoit  en  S.  Paul  faifoit  du  tout  pour  remarquer  ces  efprits  abufeurs. 
Sur  cela  de  Caturce  dit  à  haute  voix,Suyuez,fuyuez  au  texte.Lc  Iacopî  a  cefte  voix  eut 
lî  grand'  frayeur,qu'il  demeura  tout  court.Lors  de  Caturce  luy  dit,  Si  vous  ne  voulez  a- 
cheuer,ie  parferay.Et  voyant  que  l'autre  demeuroit  muet,commença  à  pourfuyure  ce 
qui  s'cnCuït-fEnfeignatis  menfonges  en  hypocriJîe,ayans  leur  conscience  cauterhfe.defendans  fi  marier,  commandas  de 
sabshnir  des  viandes  que  Dieuacreees  pour  envfer  auecaftion  de  grâces  aux  fîdelesarà  ceuxqui  ont  cogneula  vérité. 
Lors  de  Caturce  eut  occafion  de  déclarer  au  peuple  le  texte  de  S.  Paul  :  &:  eut  grand  fa- 
ueur  de  tous  les  Efcoliers  quilàeftoyent  auditeurs. 

C  e  myftere  de  depofition  ou  de  dégradation  acheué,ledit  de  Caturce  reueftu  d'ha- 
billcmês  qu'on  luy  auoit  baillé  par  moquerie,  fut  mené  au  palais  pour  receuoir  areft  de 
mort.  Iceluy  prononcé,de  Caturce  fortant  du  Palais,dit  en  Latin  ,  O  Palais  d 'iniquité*! 
6  fiege  d 'iniuftice  J  Et  de  là  allant  au  lieu  où  il  deuoit  eflre  confirmé  par  feu,ne  ceflà  iuf- 
ques  au  dernier  foufpir  de  louer  &T  glorifier  Dieu ,  &  d'exhorter  le  peuple  à  la  cognoif- 
iànce  d'iceluy.  On  ne  fauroit  exprimer  le'grandfruieT:  que  fît  fa  mort,  fpecialemét  vers 
ks  Efcoliers  qui  lors  eftoyet  en  ccftcvniuerfité  de  Toulouic,afIàuoir  l'an  m.d.x  x  xu. 


IEAN    FRYTH,  deLondres,hommedelettres. 

C  E  perfonruge  cftoit  tellement  orné  de  dons  &  grâces  excellentes  de  feiences  &  doctrines,  qu'il  n'auoitfon  pareil  en  fon  aage. 
Morus&:  RofFenlîs ,  vrais  fuppolts  &  finalement  martyrs  du  fiege  Romain  ,  n'ont  feu  rdifter  à  la  fapienec  du  S.  Efpric 
parlant  par  la  bouche  de  Fryth.  Sa  mort  cft  grandement  notable. 

RYTH  cftoit  homme  de  grand  iauoir  pour  fon  aage ,  &:  au  refte  doué  de  Xxxm 
grans  dons  &:  vertus.  Auec  le  iauoir  il  auoit  vne  grand' crainte  de  Dieu.  On 
a  peu  cognoiflre  cela,  qu'ayant  moyen  facile  pour  s'efleuer  à  gras  honneurs 
[  &  dignitez,toutesfois  il  aima  beaucoup  mieux  fe  dédier  du  tout  au  feruice 
de  l'Eglife  de  Chrift.  Or  il  eftudia  premièrement  en  l'vniuerfiié  d'Oxone,où  il  profita 
grandement  en  peu  de  temps,  comme  celuy  qui  fembloit  eftre  nay  aux  lettres.  Finale- 
met  il  acquit  la  familiarité  de  Guillaume  Tyndal,  qui  luy  fit  le  premier  cognoiftre  que 
c  eftoit  de  l'Euangile. 

Or  le  Cardinal  d'York,  Thomas  Vvlfee , faifoit  drelTer  vn  Collège  à  Oxone  en  ce  CoIîegc  à 
téps-la,lequcl  pour  lors  fut  appelé  le  collège  de  Fryfvvid:  mais  maintenant  on  le  nome  Sé 'pHe 
le  Collège  de  Chrift.  Pour  ce  faire  il  employa  grand  argent-.maïs  pluftoft  par  vne  cupi-  cardinal  d' 
dite  ambitieuie  d'obtenir  quelque  renô  (corne  on  a  peu  cognoiftre)  que  pour  quelque  "*  orlï* 
bonne  &  droite  affection  qu'il  euft  aux  bones  lettres. Or  corne  ainfi  fbit  qu'il  fuft  appelé  Notc  | 
de  par  lcRoy  pour  quelques  forfaits, il  s'empoifonna  foy-mefme  en  chemin,&:  mourut:  mort  dudit 
&c  par  ce  moyen  laiflà  fon  bajHmcnt  iinparfait .  toutesfois  ^uelcjue  ùnpcrfc&ion  qu'il  c*rdinaI- 

n.ii. 


Lwrc^I.  Jean  Fryth. 

y  cvift,  ce  commcncemct  moftroit  bien  quelle  grolTe  fomme  il  y  auoit  défia  employée» 
&:  quels grans  trais  il  luy  falloir  encore  faire  pour  paracheuer  ce  qu'il auoit  commencé. 
Et  tout  ainlî  que  ce  grad  &  orgueilleux  Cardinal  n'cfpargnoit  rien  ny  en  1  édifice  ny  en 
tout  ce  qui  pouuoit  orner  &  enrichir  fon  college:auiîî  pour  ratiilaireenriercmétàf'on 
ambition,il  voulut  bien  pouruoir  ledit  collège  de  gens  excellais  en  fanon  6c  érudition. 

Fryth  eftoit  l'vn  de  ceux-la,  item  Guillaume  Tyndal ,  Tauernier  de  Kofton  exccllét 
mulicien,  Iean  Clerc,  qui  eftoit  aufli  fort  fauant,  &:  beaucoup  d'autres  perfonnages  de- 
grand  ingénient  &:  dilèretion,&  de  boncfprir,  lcfquels  auoyent  quelque  bon  fencimet 
de  la  vraye  religion  :  &c  pour  celle  caule  furent  attaints  d'herefie  par  celle  belle  ronge, 
&:  tan  toil  après  mis  en  vncrotonfous  terre,  qui  eftoit  en  ce  collcgc-la:  6c  la  quali  tous 
furent  malades  iufqucs  à  la  mort,pour  la  puanteur  des  poiflbns  falez  qui  y  eitoyét.Ican 
Clerc  y  mourut,  auec  quelques  autres  bons  perfonnages.  La  renommée  de  ceftuy-cy, 
à  caule  de  fon  fauoir  excellent,  demeure  encore  viuante  entre  les  Oxoniens. 

Fryt  h,  qui  eftoit  gardé  à  chofes  plus  grandes,  fut  bien  tiré  hors  de  ce  crotomtant 
y  a  qu'il  ne  peut  euiter  la  croix.  Car  comme  le  foufpeçon  croifïbit  contre  Fryth  de  plus 
en  plus,  tout  incontinent  vne  grief  ue  perfecution  fut  lufeitee  cotre  luy  ,  qui  le  contrai- 
gnit de  fe  retirer  d'Anglcterre:&  tut  abfcnt  par  l'efpacc  de  quatre  ans  ou  enuiron.Mais 
bien  toft  après  fon  retour,  Thomas  Moins  commença  à  le  hayr  mortellemcnt.&:  d'au- 
tant qu'il  eftoit  fouuerain  Chancelier  d  u  royaume,lc  pourfuyuit  par  mer  &  par  terre 
mit  gardes  par  tous  les  haures  &  chemins:^:  aufti  promettoit  grand'fommc  d'argent  à 
celuy  qui  luy  enfeigneroit  Fryth.  Ce  poure  homme  fe  voyât  ainiî  ferré  de  toutes  parts, 
Fryth  per-  nelauoitde  quel  collé  fe  tournerai  regardoit  ça  &:  là  en  quelle  cachette  il  fe  retirerait: 
fccuté  de    jj  fuyoit  d'vn  lieu  en  fautre,&:  chageoit  d'habillem<5s:il  fe  remuoit  de  place  en  place,  &: 
outespar  c|10{c  qU'jj        ne  pouuoit  trouuer  lieu  de  feurté,non  pas  mefme  chez  l'es  amis, 

O  r  ainlî  qu'il  eftoit  à  Rhcding,  qui  cft  vne  petite  ville  près  de  Londres ,  on  le  print 
pour  vn  vagabond. &C  après  qu'on  fe  tut  enquis  de  luy  qui  il  eftoit ,  il  ne  leut  pas  relpon- 
dre  allez  fînement,&:  nepeutil  bien  faire  qu'on  n'apperceuft  que  c'eftoit  quelque  per- 
fonnage  dcfguifé .  pour  celle  raifon  le  Magiftratdu  lieu  le  fît  conftituerprifonnier,& 
luy  mettre  des  ceps  de  bois  aux  pieds.  Et  combié  qu'il  euft  efté  delîalà  quelque  temps, 
&  qu'il  commençait  à  mourir  de  faim:toutcsfois  il  nci'e  voulut  encore  dcicouurir.  Fi- 
nalement il  pria  qu'on  luy  amenait  le  Principal  du  collège  de  celle  viilc-la .  on  le  nom- 
Lconard  moit  Léonard  Cox:&  eftoit  homme  d'afîez  bon  fauoir,  Quand  il  fut  venu ,  Fryth  com- 
mença à  déplorer  fa  captiuité  en  langue  Latine. Cox  oyant  ceftuy-cy  fi  bien  parler  La- 
tin, non  feulement  eut  compalfion  de  luy,mais  auflî  commença  à  l'aimer.Et  après  qu'- 
ils eureiit  deuifé  enfemblc  de  leurs  cftudes,  des  vniucrfitez  &c  des  langues:  de  la  Janguo 
Latine  ils  vinrent  tomber  en  propos  de  la  langue  Grecque:&  quad  derechef  ledit  Cok 
eut  ouy  Fryth  parler  en  celle  lague,encore  fut-il  plus  raui  en  admiration,&:  l'on  amour 
enuers  luy  creut  dauantage.  Et  fans  plus  tarder  s'en  alla  vers  le  Magiftrat,  Se  commen  - 
ça  à  fe  plaindre  du  grand  tort  &:  outrage  qu'on  faifoit  àceieune  homme  tant  excellent 
&:  tant  innocent.  Et  pourtant  Fryth  fut  par  le  moyens  fous  lafoy  de  ce  Principal  du 
collège, mis  hors  de fes  ceps &:  delà prifon, 
U  croix  Ne  antmoins  ce  bon  heur  ne  luy  dura  gueres,  comme  ainfi  foit  que  la  croix  le 
Fryth"11  ppurfuyuift  partout.  Finalement  eftant  trahy,il  fut  pris&;  mené  en  la  tour  de  Londres, 
où  il  fouftmt  plufîeursalTauts  contre  IcsEuefques .  mais  principalement  combatit  par 
eferit  contre  Thomas  Morus  chancclier.Or  voici  quelle  occalïon  il  eut  premièrement 
d'eferire  ':  Quelquefois  il  auoit  tenu  propos  auec  vn  ficn  ancie  &:  familier  amy,touchât 
le  facrement  du  corps  &c  du  fang  du  Seigneur  :  de  laquelle  difpute  prcfque  toute  la  ma- 
tière conliftoit  principalement  en  ces  quatre  articles:  Premièrement  que  ce  n'eftoic 
point  vn  article  de  la  foy  necelTaire  fous  peine  de  damnation.  Secondement,  veu  que 
le  corps  de  Chrift  cftd'vne  mefme  condition  &;  propriété  que  font  aulli  nos  propres 
corps,  hors  mis  le  péché,  il  ne  fe  pouuoit  nullement  faire ,  &  auftî  n'eftoit  point  raifort 
nable,  qu'il  fuft  côtenu  en  vn  mefme  inftant  ou  momét  en  deux  ou  plulîeurs  lieux. Da- 
uantage,qu 'il  n'eftoit  point  necelTaire  de  prendre  ici  les  parolles  de  Chrift  félon  le  fens 
de  la  lcttre:mais  pluftoft  prenât  garde  à  la  façô  de  parler,nous  deuons  côfererles  phra- 
fes  auec  les  phrales  &c  façons  de  parler,  félon  la  conuenance  des  autres  paiTagcs-de  VEÙ 
criture.  Finalemét  il  le  falloit  receuoir  félon  la  vraye  inftitution  &z  ordônance  de  Iefus 
Chrift,côbien  que  l'inftitution  des  Pjreftres  fuft  grandement  différente.  £t  pourçe  quo 


Jean  Fryth.  7 / 

le  traite  de  ccftc  difpute  fembloit  bien  eftre  trop  lôg ,  ce  lien  amy  le  pria  de  mettre  par 
efcrit  ce  qu'il  luy  auoit  recité  de  bouche  :  &C  de  luy  donner  ccft  efcrit  pour  le  mieux  re- 
tenir en  fa  mémoire. Fryth  luy  accorda,  combien  que  ce  fuft  cotre  l'on  gré,  &  féuft  quel 
danger  il  y  auoitmeantmoins  vaincu  par  les  prières  de  Ton  amy,compleut  &:  obtempé- 
ra plus  à  la  volonté  d'iceluy,  que  regardant  à  la  feurté  de  fa  propre  vie. 

O  r  pour  lors  il  y  auoit  vncoufturier  en  la  ville  de  Lôdrcs, nommé  Guillaume  Hoir, 
lequel  monftrant  fcmblant  de  grande  amitié  &c  bcneuolencc ,  importunoit  fore  ceft  a- 
my  de  luy  donner  à  lire  lefcrit  de  Fryth. Ceft  amy  fans  mal  penfer  le  donna  à  l'autre,le-  JJjJ^ 
quel  s'en  alla  droit  au  chancelier  Morus,&:  luy  porta  ce  billet,  cela  depuis  fut  occalion  celicTd* 
de  la  mort  de  Fryth. Le  Chacelier  ayât  en  ces  mains  ce  billet  ou  petit  traité  de  Fry  th,&  Angleterre 
auec  ce  deux  autres  eferits  q  quelques  autres  brouillons  apoftez  1  uy  auoyét  t  nuoyez,  fe 
mit  après  â  éployer  toutes  fes  forces  pour  réfuter  l'opiniô  dcFryth  parvn  liure  cotraire. 

A  v  refte ,  voici  quel  eftoit  prefque  tout  le  fommaire  du  liure  de  Fryth ,  &:  en  quoy 
toutes  fes  raiibnseftoyentcomprilés:  Premièrement  ildifoitque  lacaufedecefacre- 
met  n'eftoit  point  vn  article  de  noftre  foy  lequel  fuft  neccffaire  à  falut  :  veu  que  c  eftoit 
vne  chofe  afTez  notoire  de  foy-mefme,  &:  dauantage  pouuoit  eftre  prouuee  par  raifons 
faciles  &aflez  claires.Et  défailles  Pères  ont  efté  fauuez  par  la  mefme  foy  que  nous  fom  taml"^ 
mes.&:  S.  Auguftin  tefmoigne  cela  tant  par  ce  qu'il  a  efcrit  à  Dardanus ,  que  par  fix  ces  mefme  roy 
autres  partages.  Et  combien  qu'iceux  crcufîent  toutes  les  chofes  qui  appartenoyent  à  *iucnous« 
la  natiuité,  paffion,refurrecl:ion,  attention  &:  gloire  de  Chrift,neâtmoins  ils  n'ont  rien 
cogneu  ou  creu  de  ce  changement  facramentaire  du  pain  en  la  fubftlce  du  corps.  Par- 
quoy  fî  ccft  article  à  vnii  grand  poids  &c  il  nece/Taire  à  falut,  certes  il  faut  dire  necelTai- 
rement,  ou  qu'iceux  n'ont  peu  eftre  fauuez  fans  ceft  article ,  ou  s'ils  ont  efté  fauuez  ,  ce 
n'a  pas  efté  par  la  mefme  foy  que  nous  obtenons  falut. 

Cependant  toutesfois  il  ne  faut  point  nier  que  ces  bons  Pères  anciens  n'avent 
tous  mangé  le  corps  de  Chrift,  &:  qu'ils  n'ayent  beu  l'on  lang.  Mais  ce  manger  &:  boire 
eftoit  fpirituel,confiftant  en  foy:&:  non  point  qu'il  fe  fîft  des  dents,  ou  qu'il  fe  prinft  par 
la  bouche.  Car  tous  ont  efté  fous  la  nuee,comme  dit  S. Paul,&  beuuoyent  de  la  pierre  «•Ccr.io^ 
qui  les  liiyuoit.  &c  la  pierre  eftoit  Chrift,  qui  n'efloit  encore  manifefte  en  chair ,  ains  e- 
ftoit  encore  en  promeife. 

O  r  cefte  promeife  a  efté  faite  premièrement  à  Adam, lors  qu'il  fut  dit  au  Serpent,Ie  pen.3.if . 
mettray  inimitié  entre  toy  &c  la  femme,  entre  ta  femence&:  la  femenced'icelle:  Puis  à  "cn  "-1^ 
Abraham,  Toutes  gens  feront  bénites  entafemence ,  &:c.Etfur  celalefacrement  de 
la  Circoncidon  fut  adioufté,laquelle  aufli  eftoit  appelée  Alliacé:  non  point  qu'elle  fuft 
de  fait  l'alliance,  mais  d'autant  qu'elle  portoit  feulement  le  fîgne  de  l'allianc»  faite  en-, 
treDieu&:  Abraham:&  par  cela  fommesadmonneftez  quelle  opinion  nous  deuons  a- 
uoir  de  ce  facrement  du  corps  &dufang,  &:  en  quelle  façon  nous  en  deuons  parler: 
aifauoir  que  combien  qu'il  foit  appelé  Corps  de  Chrift ,  toutesfois  nous  cntendiôs  pro- 
prement par  iceluy  l'vtilité  &  le  fruicr,  de  noftre  iuftifîcatiô-.laquelle  découle  en  tous  les 
vrais  fideles,de  ce  corps  8c  de  ce  fâg  falutaire.Semblablemét  cefte  promeife  a  efté  faite 
à  Moyfe,lequcl  non  fculemét  croyoit  en  Iefus  Chrift  tat  de  fois  promis,mais  aufTi  le  pre  ^""^ 
fîguroit  en  diuerfcs  fortes,tâtoft  par  la  manne  defeédante  du  ciel,tâtoft  par  l'eau  ilfant  coulâre  du 
de  la  roche  pour  recréer  &refaire  fes  gens.  Car  c'eft  vne  chofe  certaine  que  cefte  Mane  rochcr' 
&  cefte  eau  n'ont  point  efté  fans  myftere  de  Prophétie:  cÔme  ces  chofes  de  fait  leur  de- 
claroyent  pour  lors  ce  que  le  pain  &c  le  vin  nous  declarét  auiourdhuy  au  Sacremet.  Car 
S.  Auguftin  dit  ainiî,  Tous  ceux  qui  ont  entendu  Chrift  en  la  Manne  ,  ont  mangé  vne 
mefme  viande  fpirituelle  que  nous:mais  tous  ceux  qui  n'ont  cerché  en  laManne  finô  à 
fe  faoùler,mangeoyét  voirement,  mais  ils  font  morts.  Aulîï  ont-ils  beu  vn  mefme  bru- 
uage:car  Chrift  eftoit  la  pierre.  Dauâtage  il  dit  bien  toft  apres,Moyfe  à  mangé  la  Man-  s.  Auguftin 
ne,Phinées  aufli  en  a  mangé,&:  beaucoup  d'autres  en  ont  mangé,  qui  ont  pieu  à  Dieu,  JT1*^ lo» 
k  font  morts. Et  pourquoy?  Pourcc  qu'ils  ont  fpirituellement  entédu  la  viande  vifible,  ur  S 
ils  ont  eu  faim  fpirituellement ,  ils  ont  goufté  fpirituellement,  afin  qu'ils  fu/fent  fpiri- 
tuellement raflafiez.  Tous  ont  mangé  vne  mefme  viande  fpirituelle,  &  tous  ont  beu 
d'vn  mefme  bruuage  fpirituel-.aflauoir  ils  ont  mangé  vne  mefme  viande  fpirituelle: car 
quant  à  la  corporelle,ils  en  ont  mangé  vne  autre(&:  de  fait  ils  ont  eu  la  Manne,  &  nous 
vne  autre  viande)  mais  quant  à  la  fpirituelle,  leur  viande  a  efté  la  mefme  que  la  noftre. 
çomme  tous  ont  beu  vn  mefme  bruuage  fpirituel.  Ils  en  ont  beu  vn?'&  nous  vn  autre; 

n.iii. 


L/Wo /.  Jean  Fryth. 

&  toutefois  la  vertu  fpirituelle  fignifioit  vne  mefme  chefe .  Mais  comment  cft-ce  qu  - 
Bcdafuria  jjs  beuuoyent  d'vn  mefme  bruuage?  L'Apoftre  dit,  Delà  pierre  fpirituelle  qui  les  fuy- 
ciiapXio.°r"  uoit-  Ovh  pierre  cftoit  Chrift.  Et  ces  parolles  font  adiouftees  par  Beda:  Voyez  que  les 
lignes  font  changez,  &c  nonobftant  en  cela  la  foy  demeure.  Ilcftdonc  facile  à  voir  par 
cela^  que  la  Manne  defeendante  du  ciel  leur  a  efté  ce  que  nous  cft  auiourdhuy  le  facre- 
La  manne  mcnc  de  rEuchanftie:il  y  a  vne  mefme  lignification  en  l'vn  Se  en  l'autre,  affauoir  que  le 
Pcrcs*"    corps  du  Fils  de  Dieu  eft  defeendu  du  ciel.&:  toutefois  il  n'y  en  a  pas  vn  feul  d'eux  qui 
<juc  nous    ait  ïamais  dit,  que  la  Manne  fuft  le  corps  de  Chrift,  ou  bien  du  Meflias:  comme  aufîi  le 
riftié*       Pa*n  facramental  n  eft  point  de  faid  le  corps  de  Chrift,  ains  la  reprefentation  myftique 
d'iceluy.  Car  tout  ainli  que  la  Manne  defeendue  du  ciel,  &C  le  pain  pris  de  la  Ccne,bail- 
lent  nourriture  au  corps.-auftî  le  corps  de  Chrift  defeendant  du  ciel,&:  liuré  pour  nous, 
donne  force  aux  ames  des  croyas  en  vie  éternelle  &  bien-heureufe.  Que  s'il  n'y  a  qu'vn 
mefme  falut  &c  vne  mefme  foy  tant  des  Pères  que  de  no9,il  n'y  a  nulle  raifon  maintenâc 
pourquoy  nous  deuions  mettre  pluftoft  la  tranlïubftantiation  en  ce  Sacrcment,qu  eux 
ont  creu  qu'il  y  euft  quelque  changement  en  leur  Manne.  Dauantage ,  fi  ce  font  facre- 
mens,  il  faut  neceflairement  que  ce  foyent  lignes,  &;  le  nom  mefme  nous  y  contraint!:: 
ou  que  ce  ne  foyent  nullement  Sacremens. 
Les  Sacre-    Q^E  L  c  v  n  pourrait  obiecter,  Si  on  eftime  que  la  feule  foy  a  efté  fufnfancc  à  falut  tat 
dônczpouf  cnuers  eux  qu'enuersno9,alors  quel  befoin  eft-ildes  Sacremés  qui  font  inftituez?Il  ref- 
uois  caufts  pond  à  cela,qu'il  y  a  trois  caufes  pour  lefquelles  les  Sacremens  font  ordonnez.  Quant  à 
la  première  caufe,  S.  Auguftin l'explique,  el'cnuant  contre  Fauftus  au  I1u.z9.cha.11,  di- 
fant  ainli,  Les  hommes  nepeuuent  eftre  vnis  cn  aucun  nom  de  religion,  foit  vrayou 
faux,  linon  qu'ils  foyent  liez  par  la  liaifon  des  lignes  ou  Sacremens  vilibles.  La  féconde 
caufe  eft,qu'ils  ont  cefte  propriété  de  no9  aider,  d'imprimer  quelque  foy  en  nos  cœurs, 
&  quat &C  quat  deconfermer  les  promelles  diuines.La  troilieme  eft ,  qu'ils  feruét  à  ceft 
vfagc,q  nous  rendiôs  grâces  &  louages  à  Dieu, de  la  main  duquel  no9  rcceuôs  tat  de  bc 
nefices:&pourrefueillerlesefprits  des  fidèles. Ce  lot  cylesprïcipaux  articles  de  16  liurc. 
Or  le  châcelierThomas  Morus  ayant  recouuré  la  copie  de  ce  liure,côme  on  aveu  cv 
delïïis,  employa  toutes  fes  forces  pour  refpôdre  à  ce  ieune  homme  (car  il  l'appelle  ainli 
par  tout  fon  hure)mais  ce  fut  de  telle  façon ,  qu'apres  que  fon  liure  eut  elle  imprime  &£ 
mis  en  lumiere,bientoft  après,  de  honte  qu'il  en  eut  fit  toute  diligence  à  ce  qu'on  ne 
le  vendift,& qu'il  fuft  du  tout  lupprimé:&:  c'eftoit  polïible  à  celle  fin  que  ion  homme 
Iean  Fryth  n'en  recouuraft  aucune  copie.  Toutefois  parle  moyen  de  fes  amis  il  en  eut 
vne  copie  eferite  à  la  haftc,&:  refpondit  de  la  prifoiî,  n  obmettant  rien  de  tout  ce  qu'on 
euft  peu  délirer  pour  traiter  amplement  vne  telle  caufe.  Or  ce  ferait  vne  chofe  trop 
longuc,&:  parauenturc  non  necellaire,  de  reciter  fes  raifons  &:  argumes ,  &:  tous  les  tcf- 
moignages  pris  des  Dodeurs.-veu  mefme  que  Cranmcr  archeucique  de  Cantorbcrv  a 
fait  le  mefme  en  fon  Apologétique  contre  l'euefque  de  Vvinceftre,  ayant  tiré  de  la  réf. 
ponfe  de  Fryth,la  plus  grade  partie  des  argumes  defqucls  il  le  fait  fort  cotre  fon  home. 
O  n  peut  iuger  quelle  a  efté  la  dextérité  de  fon  eiprit,  &£  comment  il  a  efté  excellent 
Roccflre,   cn  dodrine,  non  feulement  par  ces  liures-cy,maisaulîi  par  quelques  autres  traitez  qu'- 
Saïcon-  il  a  eferits  du  Purgatoire.  En  cefte  matière  il  a  fouftenu  les  alfautsde  trois  combatans 
trcFrych.  fort  opiniaftrcs,de  l'euefque  deRoceftre,de  Mor9,&:  deRaftal.  le  premier  s  armoit  des 
tcfmoignages  des  Docteurs, le  fécond  propofoit  le  texte  de  l'Efcriturc,  le  troilieme  cô- 
batoit  par  raifons  de  la  philofcphie  naturelle  :  &c  ainli  tous  trois  d'vnc  mefme  impetuo- 
lité  s'eftoyent  bandez  contre  luy.mais  luy  feul  fouftenant  le  choq  de  ces  trois ,  les  rem- 
barra &  pourmena  li  bicn,&:  haut  bc  bas,  qu'il  attira  Raftal  de  fon  party. 

O  v  t  r  e  les  autres  louanges  de  ce  ieune  homme,cefte-cy  ne  doit  eftre  oubliée,  qu'- 
il auoit  vne  prudéce  amiable  à  bien  difpcnfer  la  verité,cn  toute  crainte  de  Dieu.  Il  fou 
ftint  cefte  caufe  du  Sacrement  do&ement&:  auec  grande  vehemence:mais  ce  futaucc 
telle  modération,  que  mefme  il  n'euft  point  relifté  aux  Papiftes,  s'il  n'y  euft  efté  amené 
par  necelfi té.&c  au  demeurant,  quad  il  n'y  auoit  nulle  necelfité  de  debatre,il  cftoit  preft 
d'accorder  tout  ce  qu'on  vouloit.  Sa  raifon  &£  fon  opinion  tant  modefte  déclarait  alfez 
cela.  Car  comme  ainli  foit  que  Morus  difputant  cn  quelque  part  du  Sacremét ,  le  pref- 
faft  de  l'authorité  du  docteur  Barne, Anglois ,  pour  eftablir  la  preience  du  corps  &c  du 
Rame  a  Je-  fang-.lcdit  Fryth  refpondit  àMorus  &c  à  fes  féblables,qu'il  promettoit  de  ne  faire  iamais 
Mi'rtyfau  P^us  métion  de  cefte  matiere,moyenant  que  cefte  opiniô  de  Barne  peuft  eftre  receue. 
Se.gneur.    car  tous  deux  s'accordoyét  bien  en  cela,qu  il  ne  faloit  point  adorer  le  Sacrement.  Que 

quand 


JeanFryth.  ? 6 

quad  on  auroit  oftc'  cette  idolatrie,le  furplus  feroit  aifé  d'accorder,d'autant  qu'il  n'y  au- 
roit  plus  de  poilbn  qu'on  deuft  ou  peuft  craindre.  Voila  ce  qu'il  en  a  efcrit  en  ce  petit  li- 
urc  qu'il  a  fait  de  la  fuite  de  Barnc, contre  Morus. 

^"Il  reftemaintcnantquenousparlionsderexamendelamortdeleanFryth.  A-  LVramca 
près  qu'il  eut  bien  com  batu  par  efcrit  contre  Moru s ,  contre  Roceft  re,  &c  Raftal,qui  e-  dc  ?tytk- 
ftoit  afîîn  par  mariage  à  Morus ,  il  futmené  finalement  à  Lambct ,  premièrement  de- 
uant  l'archeucfquc  de  Cantorbery  :  puis  après  à  Croidon  deuant  l'euefque  de  Vuincc- 
ftre,où  il  plaida  fa  caufe.Et  finalement  il  fut  prefenté  deuant  l  aifemblee  générale  des 
Euefques  en  la  ville  de  Londres:^  là  s'il  euft  peu  obtenir  audicnce,il  le  defendoit  con- 
ftamment .  ^Or  il  a  recueilli  en  vn  brief  Commentaire,la  façon  de  la  procédure  qui 
fut  tenue  contre  luy  :  de  quelle  forte  il  fut  examine,  &:  quels  articles  on  luy  propofa .  6ç 
enuoya  ce  recueil  à  Ces  amis,lequel  il  auoit  fait  en  la  prifon .  En  ce  Commentaire  il  a- 
uoit  mis  cefte  bricuc  Préface;  Mes  amis,ie  fay  que  ceci  vous  fera  fafcheux  à  porter, 
que  nos  aduerfaires  fe  donnent  toute  licence  de  parler ,  &C  ne  nous  donnent  aucun  loi- 
fir  de  refpondre,encore  que  nous  propofions  chofes  vrayes  &  raifonnables.  toutefois  ie 
vous  exhorte  &:  admonnefte  que  vous  refigniez  cefte  voftre  folicitude  &  toute  laxaufe 
à  Dieu, qui  eft  iufte  Iuge,&:  qui  îugera  bien  d'vne  autre  façon  :  &c  i'efpere  que  ce  fera  en 
brief.Ccpendant  afin  que  vous  entendiez  tout  le  faid ,  quels  articles  on  m'a  propofez, 
&  quels  ont  efté  les  poinds  de  la  condamnation:  il  m'a  femblc  bon  le  vous  eferire  fom- 
mairement $c  en  brief.  En  premier  lieu,toute  cefte  matière  d'examen  eft  côprife  prin- 
cipalement en  deux  poinds,affauoir  du  Purgatoire,&:  du  faid  du  Sacrement. 

O  n  m'interrogua  premièrement  du  Purgatoire,  Si  ie  croyoy  e  qu'il  y  euft  en  quel-  Du  Pur , 
que  partvn  tel  lieu,qui  fuft  pour  effacer  les  péchez  &  ordures  des  trefpaflcz  après  cefte  gatoiref 
vie.    le  niay  tout  incontinent  qu'il  y  euft  vn  tel  lieu  ,    le  difoye  pour  ma  raiion,que  la 
nature  d  vn  chacun  homme  confiftoit  de  deux  parties,du  corps  &  de  lame .  Le  corps 
eft  bien  purgé  en  ce  monde  par  croix  diuerfe ,  laquelle  nous  eft  ici  impofee  par  le  Fils 
deDieu,qui  chaftie  tout  fils  lequel  il  reçoit:aftauoir  par  afflidion,oppreffion  de  ce  mô-  pr0u.i3.i4 
de,perfecution,emprifonnemens,&c.&  pour  la  fin  de  toutes  affligions,  la  mort  eft  en-  Rom.6 .23. 
uoyee,comme  le  gage  de  peché.Or  quant  àramc,elle  eft  purgée  parla  parole  deDicu, 
laquelle  nous  receuons  par  foy,pour]e  falut  tant  d'elle  que  du  corps ,    Si  maintenant 
outre  ces  deux  parties  de  l'homme ,  aiTauoir  du  corps  Ô£  de  l'âme ,  vous  m'en  pouuez 
monftrer  vue  autre  troilieme  :  ie  vous  accorderay  auflî  qu'il  y  a  vn  troifieme  lieu  &:  en- 
trerdeux,lequel  vous  appelez  Purgatoire.  Si  vous  ne  le  pouuez,il  faut  bien  aufîi  necef- 
fairement  que  ie  reiette  cefte  boutique  Papale  du  Purgatoire.    Toutefois  ie  n'eftime 
pas  que  la  matière  de  ce  Purgatoire  Ibit  de  fi  grande  importance  ,  qu'elle  appartienne 
grandement  ou  au  falut  ou  à  la  condamnation  de  quelcunj  de  quelque  endroit  ou  en 
quelque  forte  qu'il  foit  eftabli, 

On  me  demandaaufîî  en  fécond  lieu,aiTauoir  fi  ie  croyoy  e  qu'au  Sacrement  ce  fuft  Du  Sacrc; 
le  vray  corps  de  Chrift ,  le  refpondi  que  c'cftoit  le  corps  de  Chrift,  &  le  noftrc  aulfi:  ment, 
comme  S. Paul  nous  enfeigne  au  dixième  chapitre  de  la  première  Epiftre  aux  Corin- 
thiens .  Comme  defaid,entant  que  le  pain  eft  compofe  de  plufieurs  grains ,  il  déno- 
te auffi  noftre  corps:car  combien  que  foyons  plufieurs  membres  &:  diuers,neaiu  moins 
nous  fommes  vnis  en  vn  mefme  corps.  Autant  en  pouuons-nous  dire  du  vin, qui  eft 
fait  de  plufieurs  raifins  &:  grappes,&:  toutefois  n'eft  qu'vne  mefme  liqueur .  Or  d'au- 
tre part,entant  que  le  pain  eft  rompu,il  eft  le  corps  de  Chrift:declarant  que  le  corps  d - 
iceluy  deuoit  eftrc  liuré  à  la  mort,&:  auflî  eftre  brifé  pour  racheter  nos  péchez.  &  e  ntât 
que  le  Sacrement  eft  diftribué,  on  peut  dire  que  par  cela  le  corps  de  Chrift  eft  ligni  fie, 
&:  pareillement  le  fruid  de  fa  paflîon,  lequel  eft  indifféremment  communique  à  tous 
vrais  fidèles. 

Finalement,  puis  qu'il  eft  donné  pour  manger ,  te  quand  auflî  il  eft  receu  de 
ceux  qui  le  mangent,c'eft  le  corps  de  Chrift:  &c  fommes  admonneftez  par  cefte  fîgnifi- 
cation,que  noftre  homme  intérieur  n'eft  point  autrement  repeu  du  corps  &C  des  béné- 
fices de  Chrift,que  le  pain  eft  receu  pour  nous  repaiftre  &:  nourrir  extérieurement,  le. 
quel  nous  prenons  par  la  bouche  &c  des  dents. 

Or  ils  me  dirent  fur  cela,  Qupy  donc?  ne  croyez-vous  pas  que  le  corps  organique  de 
Chrift  foit  de  faid,à  la  verité,&  fimplement  contenu  au  Sacrement  fans  aucune  figu- 
rcîle  di,Ic  ne  le  penfe  nullçmçnt,Tant  y  a  toutefois  que  ie  ne  voudroye  pas  que  ce  que 


Liurcjl.  Jean  Fryth. 

ic  vien  maintenant  de  nier,fuft  tellement  pris,que  tout  incontinet  vous  le  teniez  pour 
vn  article neccflaire  de  la  foy .  Car  tout  ain/î  que  nul  article  ncccilàirc  delà  foy  n'eft  e- 
ftabli  par  cefte  voftrc  opinion  que  vous  maintenez:aulli  ne  voudroy-ie  point  qu'on  iu— 
geaft  ou  prononçait  tellement  de  ce  que  nous  conftituons  au  contraire,  que  tout  fou-- 
dain  vous  feceuiez  pour  article  de  foy  ce  que  nous  nions .  Pluftoft  permettez  que  cha- 
cun en  iuge  librement  félon  lbn  intelligence .  &:  en  cefte  façon  que  l'vnc  &c  l'autre  par- 
tie abonde  en  fonfens,fans  que  pour  cela  il  y  ait  quelque  mcfpris  de  l'vnc  contre  l'au- 
tre^ qu'elles  s'entretiennent  en  bonne  &£  mutuelle  charité  au  Seigneur,  &C  endurent 
les  infîrmitez. 

O  n  me  va  produire  fur  cela  le  paifage  de  fainÛ  Auguftin,  où  il  dit,Il  eftoit  porte  de 
fes propres  mains.  Surquoy  ic  refpondi,  que  fainct  Auguftin  s'interprctoitfoy-mcfme 
clairementdequel  dit  ailleurs  en  cefte  façon, Il  eftoit  porté  corne  en  fes  propres  mains. 
Lequel  propos  n'eft  point  comme  de  celuy  qui  veut  affermerons  feulement  qui  veut 
exprimer  par  figure  ou  fim  ilitude. Et  quand  encore  fainft  Auguftin  ne  fc  fuft  point  ex- 
pliqué de  interprété  foy-mcfme:  ncantmoins  cfcriuant  à  Boniface ,  il  rcmonftrc  claire- 
ment «que  les  Sacremens  ont  la  fimilitude  des  choies  defquelles  ils  font  facremens,8c 
lesreprefentent. 

Ovtreplv  silsmemirentenauantlafeiuencedeChryfoftome^quiicmhloit 
bien  de  première  rencontre  fauonfer  à  leur  opinion. Iceluy  a  parlé  en  cefte  façon  de  1- 
Euchariftie  en  quelque  Homilic,Ne  vois-tu  pas  là  du  pamîou  n  y  vois-tu  pas  du  vin?  s'- 
en vont-ils  par  le  bas  comme  les  autres  viandes?  Il  n'eft  pas  ainiï,&  ne  le  faut  penfer  eu 
cefte  forte  .  car  tout  ainfi  q  ii  on  approche  la  cire  du  feu,  elle  eft  faite  femblable  au  feu, 
&:  ne  luy  demeure  rien  de  la  fubftanœaufïî  faut-il  ici  penfer,que  les  myfteres  font  con- 
Aecorddc  ^umez  ou  deuiennent  à  néant  par  la  fubftance  du  corps.  Derechef  ié  vins  à  oppofer 
deux  pafli-  Chryfoftomc  mefme  à  ce  pafTage  qu'on  m'auoit  propofé  de  luy ,  comme  fidèle  expofi- 
ges  aile-  teur  de  foy-mefmc,lequel  parle  ailleurs  en  cefte  forte:  Quand  les  yeux  intérieurs  aurôt 
chryfofto-  veu  le  pain ,  ils  volent  par  de/Tus  les  créatures,  &c  ne  fe  fichent  point  ou  s'arreftent  à  ce 
me.  painmateriel,quiaeftécuitparlc  boulengcr:maispcnfentàceluyquiadit  qu'il  eft  le 
pain  de  vic,lequcleft  lignifié  par  le  pain  myft  ique.Si  ces  Icntcnccs  font  conférées  l'vnc 
à  l'autrc,on  cognoiftra  facilement  que  l'vne  eft  expliquée  par  l'autre.  Car  quand  il  fait 
cefte  interrogation  en  la  premiere,Nc  vois-tu  pas  du  pain  &c  du  vin?  on  trouue  en  la  fé- 
conde qu'il  nie  cela-mcfme.Car  aufli  toft  que  les  yeux  intérieurs  ont  veu  le  pain, dit-il, 
ils  palTcnt  par  defliis  les  crcatures,&:  narre  ftet  plus  leur  penfee  au  pain,ains  à  celuy  qui 
eft  fignifié  par  ces  myfteres. Il  aduient  donc  ô  ce  qui  eft  veu, cela-mefme  n'eft  plus  veu. 
Et  de  faict,c  eft  desyeux  extérieurs  &:  corporels  que  le  pain  eft  veu:  au  lieu  que  d'autre 
part  les  yeux  intérieurs  n  appcrçoiuent  ne  le  pain  ne  le  vin;  mais  pluftoft  paUans  outre 
par  delTus  ces  deux  elemen s, regardent  ailleurs.  Comme  auftî  on  a  accouftumé  de  dire 
par  vne  façon  vulgaire  de  parler,&  ce  par  forme  de  ieu,toutesfois  &:  quantes  q  nous  co 
mettons  quelque  chofe,ou  nous  l'omettons  par  inaduertenec.  Nous  ne  voyons  pas  ce 
que  nous  faifons  mon  pas  qu'à  la  vérité  nous  ne  voyons  ce  qui  eft  fait,mais  pourec  que 
l'entendement  arrefté  aillcurs,n'eft  point  attentif  à  ce  que  les  yeux  voyent.  Scmbla- 
blcmcnt  peut-on  refpondre  à  l'autre  qui  s'enfuit,Le  pain  &  le  vin  ne  s'en  vont-ils  point 
par  le  bas  comme  les  autres  viandes?  On  ne  le  dira  pas.  Car  quant  aux  autres  viandes, 
après  qu'elles  ont  efté  tranfmifcs  paç  les  boyaux  auvérre,&:  donné  nourriture  au  corps, 
elles  s'en  vont  par  le  bas.mais  cefte  viande  fpirituclle,qui  eftant  receuë  par  foy,  raifafie 
&  le  corps  &  lame  en  vie  etcrnelle,n'eft  iamais  enuoyce  par  le  bas. Et  comme  ie  difoyc 
par  ci  deuan  t,que  le  pain  matériel  eft  regardé  des  yeux  extérieurs,  lequel  toutefois  les 
yeux  intérieurs ,  comme  eftans  ailleurs  occupez,ne  voyent  point,&:  n'y  penfent  point: 
de  cefte  mefme  façô  noftre  home  extérieur  digère  le  pain  matcricl,&puis  l'enuoye  par 
le  bas:mais  l'home  intérieur  ne  le  fent  point ,  &  n'y  penfe  point,  eftant  du  tout  occupé 
&:  attétif  au  pain  lignifié  parle  Sacrement .  Et  pourtant  ledit  Chrylbftome  vn  peu  au- 
parauant  nous  admonnefte  fort  bien , difant,  Ilnous  faut  confiderer  tousles  myfteres 
&  Sacremens  des  yeux  intérieurs, c'eft  à  dire  des  yeux  fpirituels  &:  fpiritucllcment.  On 
me  fit  encore  vne  obiection  fur  cela,  que  l'intention  de  Chryfoftome  n'eftoit  point  tel- 
le: lequel  par  ceft  exemple  mefme  declaroit  allez  ouuertement,quelepain  nelevin, 
ne  demeuroyent  point .  le  refpondi  que  cela  eftoit  faux .  Comme  defaiét  l'exem- 
ple qu'il  prend,  ne  tend  point  à  autre  but  >  que  de  deftourner  nps  yeux  fpirituels  dç  la, 

con- 


nAndré  £Tue£. 

contemplation  des  chofes  vifiblcsou  prefcntcs,&:  de  les  faire  penfer  ailleur^comme  fi 
les  chofes  qu'on  voit  des  yeux  corporcls,n'eftoyent  point  du  tout .  Il  retire  donc  nos 
cntcndemens  de  la  confidcration  de  ces  chofes ,  &:  les  veut  arrefter  en  ecluy  qui  eft  li- 
gnifié par  ces  myftercs.Et  les  paroles  meimes  qui  s'enfuiuent,  déclarent  que  Tintentio 
de  l'autheurefttelleioù  il  veut  que  nous  confierions  tous  les  myftercs  des  yeux  inte- 
rieurs,c'eft  à  dire  fpirituellcment. 

O  r  i'ay  plufeurs  raifons  qui  m'induifent  ànepoint  confcntiràla  dodrinedcla  ^rtj^"  c.5( 
Tran/Tubftantiation  ou  tranfmutation.  La  première,  C'eft  que  ie  voy  que  cefte  dodri-  ftiftanti*. 
ne  cftfaufle&menfongere,&:iVeft  nullement  fondée  fur  aucune  raifon  prifedes  fain-  »on: 
des  EfcritureSjOU  de  quelques  bonsDodcurs  &:  approuuez.La  feconde,Que  ic  ne  vou- 
droye  donner  occafion  par  mon  exemple  à  la  compagnie  des  Chreftiens,  qu'ils  receuf- 
fent  en  nom  de  foy  finon  les  articles  neceiîaires  du  Symbole ,  où  gift  toute  la  lomme  de 
noftre  falut:&  principalement  quand  il  y  auroit  de  tels  articlcs,qu'il  n'y  auroit  nulle  cer- 
taine authorité  ou  raifon  fur  laquelle  ils  fuflent  fondcz.I'adioufte  cecy ,  Que  la  faculté 
&:  puifTance  de  leur  eglife,  qu'ils  appelent ,  n'eft  point  de  fi  grand  poids  ou  importance 
qu'elle  puiiîe  ou  doiue  obliger  noftre  foy  parla  neceflïté  de  tel  article  ,  quel' qu'il  foit, 
fous  peine  de  damnation-La  troifiemc  caufe  eft,  Que  iene  voudroye  point,pour  grati- 
fier à  nosTheologiés  &:  Preftres,preiudicier  en  cela  à  tât  de  peuples,  tant  d'Alemagne 
que  de  Suifle,  lefquels  tous  rciettans  cefte  opiniô  peruerfe  de  la  tranfmutation  du  pain 
&:  du  vin  au  corps  &:  au  fang  du  Fils  de  Dieu ,  confentent  auec  moy,tant  ceux  qui  fauo  - 
rifent  à  Luther,  q  ceux  qui  fuiuent  le  parti  d'Ecolampade.  Puis  qu'ainfi  eft,ie  ne  penfe 
point  qu'il  y  ait  homme  de  bonne  &:  droide  confcience,qui  ne  vueille  bien  approuuei 
laraifon&caufedemamort:  côme  defaidonme  faitmourir,pource  queie  n'aduoup 
point  la  tranflubftantiation  ou  tranfmutation,  &:  queiçftime  qu'il  ne  la  faut  eftablir 
pour  article  de  foy  5  encore  qu'elle  fuft  vraye. 

La  condamnation  &  dernière  exécution  contre  Iean  Fryth, 

b.  ce  font-ci  les  articles  &:  la  diipute  de  Iean  Fryth,en  laquelle  on  ne  trouue  que  ton 
te  humanité  &C  modeftie:mais  comme  ainfi  foit  qu'il  n'y  euft  nulle  raifon  qui  ait  peu 
rien  valoir  contre  la  furie  &:  violence  de  ces  enragez ,  il  ne  peut  aufïî  euiter  qu'il  ne  fuft 
opprimé  par  cux,pluftoft  que  iugé.  Et  finalement  ces  tyrans  &  bourreaux  leliurercnt 
au  bras  fcculier.&:  après  toutes  cérémonies ,  on  Je  mena  en  la  place  de  Smyth-fild,  qui 
eft  le  marché  aux  cheuaux,où  on  l'attacha  à  vn  pofteau .  Au  demeurant,ceci  fuftit  pour 
bon  tefmoignagc  de  fa  conftace,qu'apres  qu'on  eut  ietté  fur  luy  des  flambeaux  de  pail- 
le pour  allumer  le  feu,il  print  de  les  deux  bras  quelques  fagots  qui  cftoyent  là,monftrât 
ouuertemcnt  qu'il  n'auoit  point  regret  d'expofer  fon  corps  aux  flammes  pour  vne  eau  - 
fe  fi  iufte,qui  eftoit  la  cauie  de  Chnft  le  Fils  de  Dieu,&:  de  la  vraye  dodrine:  de  laquelle 
il  rendit  ce  lour-la  vnbon&:  fingulier  tëfmoignage  entiers  tous,  &L  le  feella  de  fon  pro- 
pre fang .  Il  endura  quelque  peu  dauantage  à  caufe  du  vent  qui  deftournoit  la  flamme 
de  luy ,  &:  lafaifoit  voler  deuers  fon  compagnon ,  lequel  on  auoit  attaché  derrière  fon 
dos  au  mefmc  pofteau.  mais  le  Seigneur  l'arma  d'vnc  telle  patience,  côme  fi  en  ce  plus 
long  tourment  il  ne  luy  fuft  rien  aduenu  qui  luy  deuft  fembler  afpre  :  &c  fembloit  qu'il  àu  feu 
fuft  plus  aife  de  ce  que  le  vent  aduançoitlamort  de  fon  compagnon,  qu'il  n'cftoitfoi- 
gneuxde  foy-mefme.Tclle  eft  la  vertu  de  Chrift ,  combatant  &:  obtenant  la  vidoirc  es 
llens,par  laquelle  il  luy  plaife  nous  fandifier  enfemble  auec  eux,&:nous  drefler  à  la  gloi 
re de  fon  Nom:  Amen. 


ANDRE    H  V  E  T,  Angtois. 

N  cetempsdemeuroiten  laville de  Londres  vn  ieunc  homme,  d'cfprit  xxxiiiî. 
fimple&fans  lettres, toutefois  heureufement  enfeigné  quant  au  royaume 
de  Dieu.Ceftuy-ci  eftoit  nommé  André  Huet ,  lequel  cxerçoit  lors  le  mc- 
ftier  de  coufturier  fous  vn  maiftre  qui  eftoit  bourgeois  de  Londres. Ce  mai 
#re  auoit  nom  Guillaume  Holt,lequel  aceufa  Huet.  Il  fut  appelé  deuant  les  Eucfques 
après  Fryth  .&;  là  onl'interrogua  quelle  eftoit  fon  opinion  touchant  le  Sacrementde 
J'Euchariftie.îl  refpondit  que  fon  opinion  eftpit  teljc  cjuc  celle  de  M.Içan  Fryth.  Adoç 


O 


Confiance 
de  I-ryrl, 
an  tourmci. 


sAndré  Huet. 


Morus  & 
Rolfenfc 
décapitez. 


vndcsEuefquesluy  dit,Ne  crois-tu  pas  que  c'eft  réellement  le  corps  de  Chrift  qui  eft 
nay  de  la  vierge  Marie  ?  H  v  e  t  ,  le  ne  le  croy  point .  L'E  vesq^vi,  Pourquoy  non? 
Hvst,  D'autant  que  Iefus  Chrift  m'a  commandé  de  ne  croire  point  folemcnt  ou  à  la 
volée  à  tous  ceux  qui  difent,  Voici  Chrift  eft  ici,voici  il  eft  là .  car  le  Seigneur  dit ,  Plu- 
fieurs  faux-prophetes  fe  leueront. 

O  r  fur  ce  propos  aucuns  Euefques  fe  prindrent  à  fous-rire  :  &C  lors  Stokiflé  euefquc 
de  Londres  luy  dit ,  Que  dis- tu  îcy  deuant  nous  de  Fryth  ?  il  eft  hérétique,  &  defîa  con- 
damné &:  iugé  à  eftre  bruilé.&:  toy  femblablemcnt,  Il  tu  ne  te  retires  bien-toft  de  ton  o- 
pinion,&:fituneterubmetsànous,ileftcertainqueturerasauflibruflé.  Hv  e  T,Ienc 
le  refufe  point .  Or  après  que  l'Euefque  luy  eut  demandé  s'ilvouloit  renoncer  à  Ton 
opinion,il  refpondit  qu'il  feroit  tout  ainfi  que  monfieurFryth:&  quant  de  quant  fut  en- 
uoyé  en  vne  mcfme  prifon,&:  depuis  bruflé  à  vn  mefme  pofteau  auec  ledit  Fryth.  Alors 
vn  Do&eur  lequel  on  nommoit  Cook ,  curé  de  ie  ne  fay  quelle  paroi/Te  de  Londres,  fit 
vn  fermon  deuant  le  peuple,&:  l'admonnefta  que  nul  n'euft  à  faire  prière  pour  eux,non, 
plus  que  pour  vn  chien  .  Et  fur  cela  Fryth  fe  print  à  fouf-rirc ,  priant  Dieu  qu'il  luy  par^ 
donnaft  cefte  faute.Qupy  fait,leDo&eur  s'en  alla:Mais  cefte  parole  defpita  fort  le  peu- 
ple,&  à  bon  droid. 

Or  ce  mefme  an  le  premier  iour  de  Nouembrc,  par  edid  public  &exprcfTe  ordon- 
nance du  Sénat,  l'authorité  du  Pape  fut  abolie  par  tout  le  royaume  d'Angleterre,  &: 
transférée  au  Roy. 

Histoire  comment  le  Seigneur  vengea  peu  après  l'arrogance  de  Roffeniis&: 
Morus,&:  autres  perfecuteurs  de  fa  vérité. 

S  '  A  N  fuiuant,  m  .  d  .  x  x  x  v .  Ièan  Fifcher  euefque  de  Rochcftre,&  Thomas 

Morus  chancelier  d' Angleterre,  autheurs  de  la  mort  de  Iean  Fryth ,  furent 
jjv^j^}  ctiuoyezau  gibet,&  tous  deux  decapitcz.La,  caufe  première  de  leur  mort  fut 
qu'ils  ne  fe  voulurent  accorder  aux  loix&cdids  publics  du  Royaume,  pourofter&a- 
bolir  la  domination  du  Pape .  Ce  mefme  mois,le  x  i  x .  iour,  trois  Chartreux,  afiauoir 
£xmene,Mydelmoy,&:  Nudigat,furcnt  exécutez  deuant  ces  deux-ci  pour  vne  mcfme 
caufe. Lefquels  furent  premièrement  à  demi  cftraglcz,  &c  puis  mis  en  quatre  quartiers. 
Quant  à  Morus ,  voici  ce  qu'en  dit  M.  Iean  Caluin  en  les  Commentaires  fur  le  x  x  1 1. 
chap.  d'Efaie  au  verfet  17.  parlant  de  Sobna,  Quand  ie  ly,  dit-il ,  ce  pafiage,  vn  fembla- 
ble  exemple  me  vient  principalement  en  mémoire,  d'autant  qu'il  conuient  à  ceftuy-ci 
beaucoup  plus  que  tous  les  autres  :  a/fauoir  de  Thomas  Morus,  qui  auoit  vn  tel  office 
que  ce  Sobna. Car  comme  on  fait  a/Tez,il  cftoit  chancelier  du  roy  d'Angleterre .  Com- 
me ainfi  foit  qu'il  fuft  fort  grand  ennem  i  de  l'Euangile,  &  perfecutaft  cruellerqet  les  fi- 
dèles à  feu  &C  à  fang,il  vouloit  aufti  par  ce  moyen  fe  faire  renômer ,  &c  acquérir  bruit,  &: 
perpétuer  la  mémoire  de  l'on  impieté  &c  cruauté  entre  les  hommes .  Parquoy,  il  fit  en- 
grauer  les  louanges  de  fes  vertus  en  vn  fort  beau  fepulchre,qu'il  auoit  fait  baftir  magni 
fiquement.Et  enuoya  à  Balle  à  Erafme  (  auquel  il  enuoya  pour  prefent  vne  haquenec) 
fon  cpitaphc,*qu'il auoit luy-mefmecompofé, afin  qu'Erafme  le  fift  imprimer.  Tant 
eftoit-il  conuoitcux  de  gloire,  que  durant  fa  vie  il  vouloit  donner  commencement  à 
fa  renommée, &:  à  fes  louanges  heroiqucs,lcfquelles  dcuoyent  fuiure  fa  mort ,  comme 
il  cfperoit.Or  la  principale  de  toutes  fes  louanges,c'eftoit  qu'il  eftoit  grand  perfecuteur 
des  Lutheriens,c'cft  à  dire  des  fidèles .  Mais  qu'cft-il  aduenu?  Il  fut  aceufé  de  trahifon* 
il  fut  condamné:&:  pour  le  faire  bref,il  eut  la  tefte  trenchee.  Ainfi,  fon  fepulçhre  fut  vu 
.  gibet.  Voudrions-nous  des  iugemens  de  Dieuplus  manifeftes'parlefquels  il  punit  l'or* 
gueil  des  mefchans,&  leur  conuoitife  infatïaWe  de  gloirc>&  leurs  vanteries  pleines  de 
blafphemes .  Et  certes  il  nous  faut  recognoiftrc&  adorer  la  prouidence  admirable  de 
Dieu,en  ceft  horrible  ennemi  dupeuplede  Dieu,auflî  bien  qu'en  Sobna.  Nous  deuôs 
obferuer  auflî  la  circonftance,que  ce  Sobna  eftoit  eftranger.  Ainfi  voit-on,que  tous  leç 
tyrans  &:  ennemis  des  enfans  de  Dieu,  voudroyent  bien  exterminer  les  vrais  héritiers1 
de  la  terre, combien  qu'eux  foyent  forains  &:  eftrangers  :  afin  qu'ils  fufTent  feuls  pofiek 
feurs  du  monde .  Mais  à  la  fin  le  Seigneuries  chafle  hors,  &  les  priue  de  tous  héritages 
&:  poflcflionsjen  forte  qu'ils  n'ont  point  vn  pas  de  terre,pour  fe  faire  vn  fepulçhre ,  Oi> 
trouuera  beaucoup  de  tels  exemples  parmi  ces  hiftoircs. 

A  L  E  X  A  N- 


ALEXANDRE    CANV  S,  d'Eureux  en  Normandie. 

i  exem  pic  i  tous  fidèles .  Le  Seigneur 
:  de  Paris.C'a  efté  v  n  acte  public,  au  - 

quel  &  lcîeau  &  les  lettres  ont  efté  conioints. 


On  peut  bien  mettre  ce  perfonnage  au  premier  reng  des  Miniftres  de  France ,  ayant  efté  t  n  ci 
luy  a  fait  grâce  d'auoir  prefché  en  place  publique  à  l'ioftant  de  la  mort,  à  tpui;  vn  peuple  < 
auel  &  le  feau  &  les  lettres  ont  efté  conioints. 

LEjX  ANDRE  furnômé  Canus,autremcnt  dit  Laurent  de  la  croix, 
ayant  quitte  l'ordre  des  Iacopins ,  délibéra  Te  retirer  au  pais  où  l'Euangile 
du  Seigneur  eftoit  purement  prefché.  Eftant  venu  au  pais  de  Sauoy  e,il  fut  Gencuc  c5 
quelque  temps  au  conté  de  Neuf-chaftel ,  &c  depuis  vint  en  la  ville  de  Ge-  menec  dc- 
neueTe^laquelle  M,  Guillaume  Farel&:  autres  feruiteurs  de  Dieu  commençoyent  d'-  J^^' 
annoncer  rEuangile,au  grand  regret  des  Chanoines,  Preftres,  &:  Moines,  qui  pour  lors  Uangiic. 
eftoyent  en  ladite  Cité.Là  M.Alexandre  fe  voyant  pourfuiui  de  telle  gent,fut  cotraint 
fe  retirer,  &  euiter  le  danger  qui  luy  eftoit  apprcfté.Et  délibérant  de  retourner  en  Fi  â- 
ccpalTa  par  le  Mafconnois,femant  où  il  pouuoit  la  doctrine  de  lEuangile  auec  hardief 
fe,8£  comme  ne  fe  fouciant  de  fa  vie,    Eftant  venu  à  Lyon  jl  fit  quelques  exhortations 
aux  fidèles  qui  y  eftoyent  ,&:  prefcha  par  vn  iour  de  Pafques ,  &  le  lendemain  pareille- 
ment, auec  grand  auditoire .  Il  auoit  afîiftence  &:  adreiTe  de  quelques  orfeures  fidèles, 
qui  lors  eftoyent  en  ladite  ville ,  Y  ayant  feiourné  quelques  iours,la  lufticc  eftant  ad-r 
uertie  des  aflembïèes,M.  Alexandre  fut  conftitué  prifonnicr,  &  toft  après  condamné  à 
la  mort,  dont  il  fe  porta  pour  appelant .  On  le  mena  à  Paris  :  où  il  fut  rudement  traité 
par  tortures ,  plusieurs  fois  réitérées  en  telle  extrémité  de  cruauté ,  qu'vne  des  iambes 
luy  fut  defrompue.Eftant  en  ces  tormens,on  dit  qu'il  s'eferia  en  cefte  voix ,  Mon  Dieu, 
il  n'y  a  pitié  ne  mifencorde  en  ces  hommes:  fay  que  ie  la  trouue  enuers  toy  .  Aucuns 
aufli  ont  attefté  qu'il  dit,N'y  a  il  point  icy  quelque  Gamaliel,qui  foit  moyen  d'adoucir 
cefte  cruauté  contre  moy  ?  Ceux  qui  eftoyent  prefens  furent  grandement  eftonnez  de 
fa  patiece:entre  lefquels  il  y  en  eut  vn  qui  eftoit  de  grande  authorité  &  crédit  pour  fon  a-  futMo, 
fauoir  &C  érudition  exquife,qui  remonftra  aux  autres  qu'on  auoit  par  trop  tourmenté  le  gCUdréG' 
poure  patient,&:  qu'on  fe  deuoit  contenter.  Cefte  parole  fut  caufè  de  faire  ce/Ter  cefte 
cruauté  de  la  géhenne  cxtraordinaire,laquclle  ne  luy  auoit  efté  pour  autre  caufe  reite^ 
ree,finon  pour  aceufer  ceux  de  fa  cognoilTance. 

L  e  s  luges  voyans  telle  perfeuerance  en  ceft  homme,par  grand  defpit  &:  rage ,  & 
pour  voir  s'il  ne  feroit  point  eftonnéou  efmeu  ,1e  iugerenten  pleine  audience  en  là 
prefécc,côtre  leur  couftume,  qui  eft  de  remettre  les  criminels  au  Gcolier,&:fairc  jpnô- 
cer  leur  arreft  par  vn  clerc  du  greffe  criminel  en  la  conciergerie.  Mais  Dieu  auoit  *ou^ 
lu  qu'il  en  aduintainfi,  afin  que  la  fermeté  &  confiance  de  fon  fidèle  feruiteurfuft  de 
tant  mieux  cogneue,  à  la  confufion  des  ennemis .  Alexandre  ayant  ouy  fa  condamna- 
tion publiquement  prononcee,fe  monftra  plus  confiant  &  ioyeux  qu'auparauant .  On 
le  dégrada  à  l'vfage  Pontifical  des  Papilles,  &:  cependant  qu'on  faifoit  tour  ces  myfte- 
res  accouftumez  en  ce  cas,il  ne  fonnoit  mot,  craignant  (ce  qu'on  luy  menaçoit)  d'auoir 
la  langue  couppee .    La  maudite  inuention  de  coupper  langues  commença  cefte  an- 
nee-la  d'eftre  en  vfage,  Mais  combien  qu'il  ne  fonnaft  mot,  fi  eft-ce  que  par  geftes  §c  fé-  ^™c"~ 
blant  du  corps ,  &c  fou-ris  donnoit  allez  à  entendre  au  peuple  en  quelle  eftime  il  auoit  coupptr 
tout  ce  qu'on  luy  faifoit.  Quad  on  l'eut  reueftu  d'vne  robe  de  fol,il  s'eferia  à  haute  voix,  lcs  'j^" 
O  Dieu,y  a-il  grâce  &honneur  plus  grand  que  de  m'auoir  auiourdhuy  donné  la  mefme  au*   e  C<" 
liuree  que  ton  Fils  vnique  receut  en  la  maifon  d*Herode? 

I  l  fut  depuis  mené  fur  vn  tombereau  à  la  place  Maubert ,  lieu  du  dernier  fuppli- 
ce,  où  il  exhorta  le  peuple  qui  le  fuiuoit.Dequoy  irritez  certains  Iacopins  qui  laccôpa- 
wnoyent,ne  cefToyent  de  le  troubler.^  il  leur  difoit ,  Me  voulez-vous  perfuader  à  rénô- 
cer  Iefus  Chrift  &:  fa  verité'departez  vous  de  moy  abufeurs  du  peuple.  Quand  il  fut  ve^ 
nu  au  lieu  du  fupplice,il  pria  le  lieutenant  criminel  du  Chaftclet  de  Paris  nommé  Iean 
Morin  de  pouuoir  quelque  peu  parler  au  peuple  pour  leproufit  ^exhortation  de  ceux 
qui  eftoyent  venus  au  fpeélacie.  Morin  luy  refpondit  qu  il  le  vouloir  bien ,  moyennant, 
que  le  Chantre  de  la  Oaintte  Chapelle(qui  là  eftoit  prefent)  en  fut  content.Le  Chantre 
dit qu'ily  cohïentôlt:  Mais  quoy,  dit-il,  M.Alexandre ,  contentez-vous  de  ce  que  vous 
apez  dit.  Cela  difoit-il,  d  autat  <juc  M?  Alexandre  n'aupit  ççiTç  au  long  du  chemin  cftaç 


Exhorta- 
tion que  fit 
M.  Alexan- 
dre eftant 


TSwtJl.  fan  Pointât. 

fur  le  tombereau  d'admonnefter  le  peuple ,  &:  femer  la  parole  de  l'Euangile,qui  ne  fut 
point  infru&ueufe-.car  plufîeurs  à  l'heure  dirent ,  qu'on  Je  faifoit  mourir  à  tort .  Ayant 
permiiïîon  de  patler,auant  qu'eftre  guindé  à  la  potcnce,il  fît  vn  fer  m  on  excellent  &de 
merucillcufe  efncace,qui  dura  aflcz  long  tcmps:auquel  il  rendit  raifon  de  l'a  foy,&prin 
cipalement  delaCenedu  Seigneur,auec  telle  véhémence  &:  viuacitédefprit,que  plu- 
fîeurs fidèles  qui  là  eftoyent,&  fouuent  l'auoyent  ouy  prcfcher,ont confefl'é  que  iamais 
ils  ne  l'ouyrent  parler  de  telle  grâce. Les  paroles  qu'il  dit  furent  recueillies  &:  mifes  par 
eferit  par  gens  fideles,en  la  manière  qui  s'enfuit: 

Se  i  g  n  e  v  r  s  &:dames,quieftes  ici  aiTemblez  pourvoir  le  fuppliced'vnpoureChrc 
ftien,enuoyé  à  la  mort:encorc  que  pour  la  multitude  de  fes  péchez  il  l'ait  iuftement 
dejfTeruie,fi  cft-il  condamné  par  les  hommes  pour  auoir  rendu  raifon  de  la  puredo&ri- 
?urîebois.  ne  Chreftienne,mefmement  de  celle  de  la  fain&cCene  de  noftre  Seigneur&fculSau 
ueur  IeiusChrift, ainfi  que  luy-mcfme  l'ordonna  &;  inftitua  le  iour  deuant  qu'il  fouffrift 
mort  &  paillon  pour  racheter  noftre  nature  humainc,&:  la  reconcilier  à  Dieu  fon  Pere, 
en  nous  faifant  l'es  vrais  enfans,&  héritiers  de  Paradis .  Voici  donc  ce  que  fay  confe/Té 
&  affermé ,  Ceft  que  noftre  Seigneur  Iefus  Chnft  en  mémoire  perpétuelle  de  fa  mort 
de  paflicn,ordonna  la  fainclc  Ctne,difant  à  fes  Apoftres ,  Hœe  cjuotiefcuncjue feceritis,  in  met 
il  allcguoit  memoriam faciem:T  omcsàc  quantes  fois  que  vous  ferez  ceci, vous  lefer'Z  en'memoirede 
LatInS CS  rnoy* Cc  quc  réitère  l'Apoftre  fainct  V&uUdifantiQuoriefcunyue manduubitU panem hune,  &* 
pour  plus  caltcem  btbet'n ,  mortem  Dornmi  annunciabim  donec  -vcmat.  Ccft  à  dire ,  Toutes  &:  quantes  fois 
grande  cô-  qUC  vcus  mangerez  de  ce  pain ,  &:  boirez  de  ce  vin ,  vous  annoncerez  la  mort  du  Sei- 
rmation.  gncur  ju(qU»^  tant  qu'il  vienne .  Cela  difoit-il  en  baillant  le  pain,afin  que  nous  viuions 
d'vn  mefme  accord  en  charité,  priant  les  vns  pour  les  autres.  Se  qu'en  annonçant  cefte 
mort  de  Iefus  Chrift,nous  prenios  ce  pain  comme  figne  &:  mémorial  de  fa  mort  Se  paf- 
fîon.Et  faut  bien,Mefïïeurs,sefprouuer  auant  que  d'aller  à  cefte  faihete  table  :  &c  auoir 
vne  vraye  foy,en  nous  afleurant  que  IefusChrift  eft  mort  pour  nous. Car  fans  cela  npus 
le  prendrions  indignement,comme  dit  l'Apoftre  S.  Paul ,  Probet  fetpfitmbomo,  &  fie  de  pa- 
ne Mo  edat,  &  de  eaheebibat.    Ainfi,  Meffieurs,penfant  bien  entendre-les  Efcritures,&:  e£ 
meu  de  zele  d'iceîles,i'ay  dit  ce  pain  nous  eftre  donné  corne  ligne  mémorial  de  la  mort 
de  noftre  Seigneur  Iefus  Chnft,nô  pas  qu'iccluy  foit  en  prefence  réelle,  mais  fous  efpe- 
ce,comme  il  luy  plaift.Dcs  autres  chofes  dont  ie  fuis  accufé,ie  les  laiiîe  au  iugement  de 
Dieu  :1e  priant  qu'il  luy  plaifeinipirer  tous  bons  Chreftiens,  afin  que  la  fainde  parole 
de  l'Euangile  foie  annoncée,  &:  qu'il  enuoye  fon  S.  Efprit  à  fon  Eglife.  Car  Iefus  Chrift 
nous  a  efté  long  temps  caché ,  c'eft  à  dire  non  déclaré.  le  vous  prie,MefIieurs,en  charr- 
té,priez  Dieu  que  tout  ainfi  que  fon  Fils  Iefus  Chrift  eft  mort  pour  moy,qu'il  me  donne 
la  grâce  auec  la  confiance  de  mourir  pour  fon  faincl  nom. 

Apres  auoir  fini  fon  propos,  il  dir,  Allons  :&:  ayant  prié,les  yeux  leuez  en  haur,di- 
foit  dedans  le  feu, Prions  Iefus  Chrift  qu'il  ait  pitié  de  nous:  &:  qu'il  reçoiue  mon  efprit. 
Et  iufqu  a  la  fin  criant  à  haute  voix,  Mon  Rédempteur  aye  pitié  de  moy,  rendit  l'efprit. 

Ces  chofes  ainfi  aduenues  ,plufieurs  propos  fe  tenoyent  de  luy  en  l'ailiftence:  les 
vns  difoycnt,que  fi  ceft  homme  n'eftoit  làuué ,  iamais  homme  ne  le  ferbit:  les  autres  s'- 
en alloyent  frappans  leurs  poiclrincs ,  diians  que  Ion  auoit  fait  tort  à  ccft  homme ,  qui 
ne  parloir  que  de  Dieu.il  y  en  auoit  d'autres  qui  difoyent  qu'il  eftoit  mort  bien  obftiné 
en  (àloy:C'eft  merueilles  comme  ils  fe  font  brufler,&:  qu'ils  meurent  ainfi  conftammét 
pour  maintenir  leur  loy  .Et  ainfi  en  ces  diuerfes  opinions,  les  vns  en  parloyent  en  bien, 
les  autres  en  cftonnement  &:  admiration,^  d'autres  aufïi  en  mal. 


IEAN    POINTE  TydeSauoyc. 

A  I  S  T  R  E  Iean  Pointct ,  du  pais  de  Sauoye ,  fe  prefente  en  ce  rang  des 
Martyrs  de  ceft  an  m  .  d  .  x  x  x  1 1 1 .  Il  eftoit  natif  de  Menton  près  d'Anni/Ii, 
exerçant  l'art  de  chirurgie  en  la  ville  deParis,cn  laquelle  il  fut  première- 
ment aceufé  par  Moines  àc  Prcftres ,  s'eftans  prefentez  à  luy  pour  eftre  rç-. 
ontvoS  ^oncîus  gvia.iris  de  la  maladie  peculierc  à  ceux  qui  contre  ttnftitution  dufain&ma— 
«ciibar.     riage, vouènç  vne chafteté  infâme.  Pointet  auoit  accouftume  de  leur  rem onftrcr,  lors 

qu'il 


M.  D. 
xxx  m. 

La  maladie 
pcculiere 


Van  des  ^Plaçât s  à  Paris. 


7$ 


qu'il  ics  auoit  fous  fa  main ,  &  que  toute  cefte  infection  proecdoit  de  leur  maudit  ccli- 
bat,&-que  c'eftoit  vn  vray  làlaire  d'iceluy:  &c  que  trop  mieux  ils  teioyent  de  le  marier. 
Telle  forte  de  gens  ne  faillirent  cftans  regairis,  de  l'acculer  :  te  llement  qu'il  fut  coniti- 
tué  prifonnicrà  la  pourfuitte  d  vn  do&cur  Sorbonique  nomme  Clcrici  ,curé  de  S.An- 
dré des  Ars.  Peu  après  eftant  condamne  à  la  mort,monltra  de  quelle  véhémence  de- 
fprit  il  eftoit  mené. Car  deuant  qu'on  le  fil!  mourir ,  il  y  eut  deux  arrefts  donnez  contre 
luy.Par  le  premier  fut  dit  qu'il  lèroit  eftranglé,puis  brullc.  Pour  lequel  exécuter  on  l'a- 
uoitmis  en  la  chapelle  de  la  conciergerie  aucevn  Moine  confelfeur,  en  attendant  l'- 
heure du  fupplice  .  Ce  Confelfeur  luy  vouloit  perfuader  de  s'agenouiller  deuant  vnei- 
mage  qui  là  eftoit,&:  demander  pardon  de  fes  fautes. mais  Pointet  le  repouila  viuemct, 
l'appelant  Satan,quile  vouloit  feduire  &:  faire  idolâtrer. Le  ConfclTeur  fur  ceci  remon- 
ta haftiue  ment  en  la  chambre  criminelle  :  &:  fit  venir  le  Prcfident  aueedeux  Confeil- 
lers.  vers  cell  hommc,lequel  ils  eftimoyent  comme  forcené  &  hors  du  fens:  mais  ils  fu- 
rent careUcz  par  Pointet  de  la  mefme  façon  que  le  Confelfeur: car  en  la  véhémence  de 
fon  efprit,  il  leur  remonftra  qu'ils  cftoyent  larrons ,  &c  gens  fanguinaires  &  meurtriers, 
qui  iniquement  &:  contre  toute  raifonmeurtriiToyentles  enfans  deDieu.Ce  Prelîdenc 
&;  Conîcillcrs  bien  efchauffez  de  colere,fîrent  fubit  adioullcr  à  fon  areft ,  que  Pointet  Se(5i  arcft 
auroit  la  langue  coupée  :  ou  bien,recognoiiîant  fa  faute ,  feroit  exécuté  félon  la  teneur  côtre  Pom 
du  premier  areft, La  langue  luy  fut  coupée:  &  ce  nonobftan  t  il  ne  Jaiifa  à  perfeuerer  en  tet' 
la  confeifion  delà  verite,au  mieux  qu'il  fe  pouuoit donner  à  cntendrc.Quoy voyans les 
ennemis  de  la  venu'  ,fut  condamné  à  eftre  brullé  tout  vif:  ce  qui  fut  fait  le  plus  cruelle- 
ment dont  on  fe  peut  aduifcr-en  fan  M.D.XX  XIII. 


econ 

STIQJpe,  ET    <D£S  PACTES 
des  ifflartyrs  en  cc*s  temps. 

HISTOIRE  d'yne ^andeperfemionefmeHe  a  raijhn  de  quelques  attaches  oh  flacars  m  U  par  les 
quanjours  de  Paru. 

E  P  V  IS  cescommencemcnsdelareftauration  des  ruines  del'- 
Eglife  du  Seigneur,  l'année  m.d.xxxiiii,  doit  eftre  notée  pour  xxkuir 
vne  faifon  en  laquelle  maints  grandes  mcrucilles  ont  efté  faites  en 
diuers  pais  ôé  contrées -.mais  fur  tout, ce  qui  aduint  en  la  ville  dç  Pa 
ris,  eft  digne  de  mémoire,  dont  elle  eft  vulgairement  appelée  tan- 
née des  placars,  pour  l'hiftoire  qui  s'enfuit.^pieu  ayant  départi  quel- 
ques raye  ns  de  la  lumière  de  fon  Euahgile  à  Marguerite  roine  de 
Nauarre,feur  du  roy  François  i  .fous  Ion  authorité  &c  adueu  beaucoup  de  notables  per- 
fonnesfe  mirent  à  prefcheren  la  ville  de  Paris(au  temps  que  M.Guillaume  Farel  çom-  Guillaume 
mençoit  faire  le  femblable  à  Geneue):dont  les  plus  renommez  eftoyét  M,  Girard  Ruf-  Farel- 
fy,duqucl  ci  deuat  eft  fait  métion,&:  Couraud  &:  Bertfraud  Auguftins.Ce  que  Satan  ne  ^[[^ 
pouuantportcr,fufcitafesfuppofts  de  Sorbone,ennemis  de  lumière  &c  de  toute  vérité,  Couraud. 
pour  empefeher  les  frui&s  qui  en  prouenoyent,  &:  retenir  le  grand  nombre  de  ceux  qui  Bcr^a11^ 
fuiuoyent  lefdites  prédications  d'vn  zele  fingulier  &:  ardente  affection. Parquoy  ils  firét 
tant  par  leur  importunité  Se  audace,que  la  chaire  kur  fut  défendue  au  grad  regret  des 
fidelcs,quiparcemoyé  eft oyent grandement  édifiez.  Quoy  voyant  Ruf7y&:  Couraud, 
g'aduiferent  de  conuertir  lefdites  prédications  çn  leçons  particulières:  par  Je  moyen, 


Liurc^JI. 


L'an  des  Tlacars  à  Par  if. 


defquelles,en  expofant  les  liurcs  de  la  fain&eEfcriture  ils  ne  faifoyent  moindres  fruictJ 
qu'auparauant.Mais  les  Sorboniftcs  ayans  autant  ou  plus  telles  leçons  à  contre-cœur* 
ne  celferent  tant  qu  elles  fu/fent  pareillement  interdites  fur  trefgroircs  peines:  &:  que 
M.Girard  fuft  mis  prifonnier,&:  Couraud  détenu  chez  l'Euefque  de  Paris.  Ainfi  les  fide! 
les  le  voyans  deftituez  de  toute  doâxine  &  exhortation,  furent  grandemét  defplaifans 
&:  deiblezrqui  fît  qu'aucuns  particuliers,  par  vn  Kbudain  mouuement ,  &:  fans  autre  ad- 
uis  de  ceux  qui  les  euifent  mieux  côfcillez,dclibererét  d'enuoyer  aux  villes  de  Sauoye, 
Dclibcratiô  ou*  ^uang^e  commençoit  eftre  prefché,  pour  auoir  vn  fommaire  de  ce  qu'on  donne-- 
dc  femervn  roit  à  cognoiftre  au  peuple  pour  inftrucrion  de  la  foy  &  religion  Chrcftienne.  La  char- 
fommairc  ge  en  fuc  baillée  à  vn  nommé  Feret ,  feruitcur  d'vnqui  eftoit  Apoticaire  du  roy  Fran- 
gin chre-  çois:lequcl  ayant  fait  imprimer  en  la  ville  deNeuf-chaftel  certains  articles  en  forme  de 
ftienne.     Placars,  contre  l'abus  de  la  Me/Te ,  &c  les  inuentions  Papiftiqucs^vnftiltrenchant  &C 
foudroyant  :  fomme,  il  les  fit  aulîi  imprimer  en  petisliurets,  pour  femer  par  les  rues  de 
toutes  parts.  Le  contenu  defquels  eftoit  tel: 

Articles  véritables  fur  les  honïblcs,grans,&  importables  abus  de  la  Meflè  Papale  :  inuentec  directement  contre  la  fain&c  Cene 
denoftre  Scigneur,feul  Médiateur  &  feul  Sauueur  Idus  Chrift. 

Ï'in  v  o  q_v  e  le  ciel  &c  la  terre  en  tefmoignage  de  verité,contreceftcpompeufe&:or- 
gueilleufe  Me/Te  Paoale ,  par  laquelle  le  monde  (fi  Dieu  bien  toft  n'y  remedie)eft&: 
fera  totalement  defolc,ruiné,perdu  &L  abyfmé  :  quad  en  icellenoftre  Seigneur  eft  fi  ou- 
trageufement  blafphemé,&  le  peuple  feduit&  aueuglé.  ce  que  plus  on  ne  doit  fouffrir 
ni  endurer.  Mais  afin  que  plus  aifément  le  cas  foit  d'vn  chacun  entendu,il  conuient  jp- 
ceder  par  articles. 

^Premièrement»  àtoutfîdclc  Chreftien  eft  &  doit  eftre  tref-certain,  que  no- 
i.Piert    ftre  Seigneur &:  feul  Sauueur  Iefus  Chrift,comme  grand  Euefque  &  Pafteur  éternelle- 
i.Tim'i.    ment  ordonné  de  Dieu,a  baillé  fon  corps,fon  ame,fa  vie  &:  fon  fang  pour  noftre  fandti. 
Rom7?     fication,en  facrifice  tref-paifait:  lequel  facrificc  ne  peut  &:  ne  doit  ïamais  eftre  réitéré 
par  aucun  facrifice  vifible,qui  ne  veut  entièrement  renoncer  à  iceluy,comme  sil  eftoic 
fans  efficace,infurKfant,  &imparfait,&:  que  Iefus  Chrift  n'euft  pointfatisfaità  laiufti- 
ce  de  Dieu  fon  Perc  pour  nous,&:  qu'il  ne  fuft  le  vray  Chrift,Sauueur>Preftre,Euefque, 
&  Mediateur.laquelle  chofe  non  feulement  dire,mais  auffi  penfer,  eft  vn  horrible  &:  e- 
xecrable  blafpheme.Et  toutefois  la  terre  a  efté&eft  encore  de  préfet  en  plufieurs  lieux 
chargée  &:  rem  plie  de  mifcrables  facrificateurs  :  lefquels ,  comme  s'ils  eftoyent  nos  ré- 
dempteurs,fc  mettent  au  lieu  de  Iefus  Chrift  ,  ou  fe  font  compagnons  d'iceluy ,  difans 
qu'ils  offrent  à  Dieu  facrifice  plaifant  &C  agréable  comme  celuy  d'Abraham ,  d'Ifaac  &: 
de  Iacob,pour  le  falut  tant  des  viuans  que  des  trcfpafîez:ce  qu'ils  font  apertement  con- 
tre toute  la  vérité  de  la  faincte  Efcriture,faifans  menteurs  tous  les  Apoftres  Se  Euangi- 
liftes:&  fe  démentent  cux-mefmes ,  veu  quauec  Dauid  ils  chantent  Se  confeffent  tous 
Pfcau.  no.  les  Dimanches  en  toutes  leurs  Vefprcs,  ^ue  Ielus  Chrift  eft  éternel  Sacrificateur  félon 
l'ordre  de  Melchifedcc. 

O  r  ne  peuuent  ils  faire  entendre  à  nul  de  fain  entendement,  que  Iefus  Chrift  Se  fes 
Prophètes  Se  Apoftrcs(qui  rendét  tefmoignage  de  luy)foyet  menteurs:  mais  faut  mau- 
gré  leurs  dents  que  le  Pape  Se  toute  fa  vermine  deCardinaux,d'Euefques  &de  Preftres, 
de  Moines  &:  autres  Caphards  difeurs  deMefïes,  Se  tous  ceux  qui  y  confentent ,  foyent 
tels:aiTauoir,faux-prophetes,da*mnablestrompeurs,apoftats,loups,faux-paftcurs,ido- 
latres,fedudeurs, menteurs  &blafphemateurs  execrables,meurtriers  des  ames,renon- 
ceurs  de  Iefus  Chrift,de  fa  mort  Se  pafTïon  faux-tefmoins,traiftres ,  larrons  &Tauiffeurs 
de  l'honneur  de  Dieu,  &:  plus  deteftables  que  les  diables .  Car  par  le  grand  Se  admira- 
ble facrifice  de  Iefus  Chrift,tout  facrifice  extérieur  Se  vifible  eft  aboly  &:  euacué  :  &:  ia— 
mais  autre  n'eft  demeuré .  Ce  que  ie  dy  eft  trefamplement  monftré  en  l'Epiftre  aux 
Hebrieux,és  chapitres  7,  9,  Se  10,  lefquels  iefupplie  à  tout  le  monde  de  diligemment 
ebrifium  nu,  confidercr.Toutefois  pour  vn  peu  le  toucher,&  aider  l'efprit  des  plus  petits ,  au  7.  il  efl 
r,,&eu»Je  ainfi  cfcrit,Il  eftoit  conucnablc  que  nous  cuflïons  vn  Euefque  fainct,innocét  Se  fans  ma- 
^Am!™'  cu*c  '  lequel  n'a  point  neceffité  d'offrir  tous  les  iours  fàcrifices  premièrement  pour  fes 
péchez, puis  après  pour  ceux  du  peuplercar  il  a  fait  ce  en  s'offrant  vne  fois. Notamment 
il  dit,En  s'offrant  vne  fois. car  iamais  cefte  oblation  ne  fut ,  ny  ne  fera  réitérée ,  n aucun 
ne  pareille .  Item  au  neufuiefme  chapitre,  Chrift  Euefque  des  biens  aduenir ,  par  Ion 
propre  fang  eft  entré  vne  fois  és  fan&uaires.  Voicy  où  derechef  il  dit  que  par  s  eftre  pre- 

fenté 


Van  des  ^Placards  à  *Paris.  So 

Tenté vnc  fois,la  rédemption  éternelle  eft  faite'.  Parquoy  il  cft  euident  qu  en  noftre  re- 
rlemptionnous  n'auons  befoinde  tclsfacrificateurs,  fi  nous  nevoulons  renonccràla 
.mort  de  Iefus  Chrift. Item  au  io.chap.  Voici  icvien,afin,ô  Dieu, que  ie  face  ta  volonté, 
par  laquelle  volonté  nous  fommesfanctifiez,par  loblationvnc  fois  faite  du  corps  de 
thrift.Etaufi'île  S.Efpritleteftifie,difant)Ien'aurayplus  fouuenancc  de  leurs  iniqui-  Ezcdu» 
tez:&  là  où  eft  remiflion  d'icelles,il  n'y  a  plus  d'oblation  pour  le  péché .  Ce  que  par  ar- 
gument ineuitable  de  l'Apoftre  ie  monftre  ainfi  :  Au  chap.  5,7,8, &  io.des  Hcbneux,le 
S.  Apoftre  dit  que  pour  l'imperfe&ion  des  facrifices  de  l'ancienne  Loy,  il  faloit  tous  les 
iours  recommecer,iufqu'à  ce  qu'il  en  euft  efté  offert  vn  du  tout  parfait.ee  qui  a  cfté  fait 
vne  fois  par  Iefus  Chrift.Dont  ie  demande  à  tous  facrificateurs ,  fi  leur  facrifîce  eft  par- 
fait ou  imparfait.  S'il  eft  imparfait ,  pourquoy  abufcnt-ils  ainii  le  poure  monde  ?  S'il  cft  Km\'P  1 


parfait,pourquoy  le  faut-il  reiterer?Mettez-vous  en  auant  facrificateurs:&:  fi  vous  auez 
puiflancedercipondre,  refpondcz. 

^  Se  condement)  en  cefte  malheureufe  Méfie  on  a  non  feulement  proiioqué, 
mais  aufli  plongée  du  tout  abyfmé  quafi l'vniuerfel  mode  en  idolâtrie  publique,  quâd 
fauilement  on  a  donné  à  entendre ,  que  fous  les  efpeccs  de  pain  &c  de  vin  >  Iefus  Chrift 
eft  contenu  &:  caché  corporcllemcnt,reellement&:perfonnellementjen  chair  &:  en  os, 
aufti  gros  &c  grand  &c  parfait  comme  de  prefent  il  eft  viuant.  Ce  que  la  (àin&e  Elcriture 
&  noftre  foy  ne  nous  enfeigne  pasrmais  eft  du  tout  contraire.car  IefusChrift  après  fa  re  £JJt,h 
furreîtion  eft  monté  au  ciel,&:  eft  aflîs  à  la  dextre  de  Dieu  le  Pere  tout-puifiànt,&  de  là  AaL\. 
viendra  iuger  les  vifs  &:  les  morts. AufTi  S.Paulaux  Colofs.j,efcrit  ainfi,Si  vous eftes  re-  Hchr.i" 
fufcitcz  auec  Chrift,  cerchez  les  chofes  qui  font  en  haut ,  où  Chrift  eft  feant  à  la  dextre  coioffij 
de  Dieu .  Il  ne  dit  point,Cerchez  Chrift  qui  eft  en  la  Mcfte,ou  au  facraire,  ou  en  la  boi- 
te,ou  en  l'armoire:mais  au  ciel.Parquoy  il  s'enfuit  bien,que  fi  le  corps  eft  au  ciel,pour  ce 
mefme  téps  iln'eft  point  en  la  terre:&:  s'il  eft  en  la  tcrre,il  n'eft  point  au  ciel .  Car  pour 
certain  ïamais  vn  véritable  corps  n'eft  qu'en  vn  feul  lieu  pour  vne  fois ,  occupant  cer- 
tain lieu  &  place  en  qualité  &  grandeur  certaine. Parquoy  il  ne  fe  peut  faire  qu'vn  hom 
me  de  zo.ou  jo.ans  foit  caché  envn  morceau  de  pafte,tel  que  leur  oublie.  De  répliquer 
que  comme  il  eft  tout-puifTant,il  eft  aufli  inuifible,infiny  &  par  toutreela  ne  peut  auoir 
lieu,conûderantque  comme  il  eft  toiu-puiiTant,il  eft  aufli  véritable  &  la  venté  mefme, 
nous  ayant  certifié  de  la  vérité  de  fon  corps,parce  qu'il  a  refpondu  à  fes  difciples  que  C- 
eftoit  luy  (parlant  de  fa  prefc'nce  corporelle)  leur  faifant  entendre  qu'il  n'eftoit  point  H1C144 
fantofme  ny  inuifible  :  &c  que  l'cfprit  n'a  ne  chair  ny  os  comme  luy.Et  en  ce  qui  cft  reci- 
té en  l'Euangile  de  S.Iean  x  x.  chap  .qu'il  vint  &  fut  au  milieu  de  fes  difciples,  les  por- 
tes fermées, ce  n'eft  pas  à  dire  (comme  ces  abufeurs  fauflement  font  entendre)  qu'elles 
n'ayent  efté  ouuc  rtes  par  la  vertu  diuine  de  Iefus  Chrift ,  pour  le  palfage  de  foi!  vray 
corpi.  Car  s'il  a  bien  eu  la  puiflace  de  les  faire  ouurir  par  fon  Ange,  pour  deliurer  fainét 
Pierre  delà  prifon  ,  il  luy  a  bien  efté  autant  facile  defe  faire  ouuerture  pour  entrer  à  fes 
difciples,par  les  moyés  miraculeux  qu'il  luy  a  pieu  fans  changer  la  nature  de  fon  corps 
en  efprit ,  ou  en  vn  autre  qui  ne  fuft  point  vray  corps.  Aufli  l'Euangelifte  ne  dit  pas  que 
Iefus  entra  par  les  portes  fermées:  mais  qu'il  vint  à  l'es  difciples ,  &:  qu'il  fut  là  au  milieu 
d'eux,les  portes  eftans  fermées.  En  quoy  il  a  voulu  donner  à  entendre  en  quelle  crain- 
te eftoyent  aflemblez  fes  difciples ,  &:  qu'il  à  en  cela  voulu  monftrer  vne  prccuuc  mani- 
fefte  de  la  puiffance  diuine  duSeigneurIefus,par  laquelle  les  portes  s'ouurirent  deuant 
luy:fans  ce  qu'ils  fe  foyent  apperceus,ne  commet  elles  ont  efté  ouuertes ,  ne  comment 
elles  ont  efté  clofes  à  la  venue  d'iceluy, entrant  miraculeufcmcnt  pour  rendre  fes  difci- 
ples plus  attentifs  à  fa  nature  diuine. Coclufion,le  corps  de  Iefus  Chrift  n'eft  point  fem- 
blable  àvn  efprit.  Aufli  qu'il  (bit  infini  &par  tôut,cela  ne  peut  eftre:ou  autremêt  il  ne  fe- 
roitne  vray  corps  ne  vray  homme,  s'il  eftoit  aufli  bien  infiny  pour  raifon  de  fa  nature 
humaine,comme  il  l'eft  pour  raifon  de  fa  nature  diuine.  Il  eft  donc  contenu  en  certain 
lieu:&  y  eftant,il  n'eft  pas  en  vn  autre. Ce  que  S.  Auguftin  a  bien  cogneu,quand  en  par- 
lant du  Seigneur  Iefus  Chrift>il  a  ainfi  eferit ,  Donccfiniarur fêculumyfûrfûm  Dorifinus  cft  ,fèd  ^g'^^'t 
tamen  hic  nobifeum  eftyerittu  Domini.  Corpus  enim  in  cjuo  refitrrexit,  in  y  no  loœ  effè  opottet  :  yentu  aU- 
tem  eiusvbtqtte  diffufa  eft.  Item ,  Fulgence  eferit  ainii ,  ^ibfens  erat  cœlo fècundum  humanam  fub-  fuipntiui 
ftantiam^c^mm  effet  interra\0*  derehnquens  terrant,  tptum  afcendrffèt  in  cœlum: fècundum  yerb  diurnam  ^''['-fc™ 
&  immenfam  fubftantiam}nec  cœlum  dimittens  qttum  de  cœlo  defcendit,nçç terrant  deferens  quum  ad  cœ- 
htm  afcendit. 


Van  des  ^Placars  a  Paris. 


O  v  t  r  e  ,  nous  auons  infaillible  certification  parla  (liin&c  Efcriture,  que  laducnc- 
ment  du  Fils  de  l'homme, quand  il  luy  plaira  partir  du  ciel, fera  viliblc  &  manifefte.  Et 
Mate!)  i  ^  aucun  vcus  dit*  *C1  c^  Chnft' ou  là,ne  le  croyez  point.  Icfus  Chnft  dit,  Ne  le  croyez 
pointé  les  facrificateurs  dilcnt,Il  le  faut  croire .  Ils  chantent  bicn,Surfem  (ortf^exhor- 
can's  le  peuple  à  cercher  Iefus  Chnft  au  ciehmais  ils  font  le  contraire,en  ce  qu'ils  l'arrc- 
lient  pour  le  faire  cercher  en  leurs  mains,&:  en  leurs  boites  &:  armoires. 

^Tiercemen  t  ,  ces  facrificateurs  aucugles,pouradiouftcr  erreur  fur  crrcur,onc 
en  leur  frenefic  encore  dit  &:  enfeigné, qu'après  auoir  foufflé  ou  parle  fur  ce  pain  lequel 
ils  prennent  entre  leurs  doigts,  &c  fur  le  vin  lequel  ils  mettent  au  calice  ,  il  n'y  demeure 
ne  pain  ne  vimmais  (comme  ils  parlent  de  grans&i  prodigieux  mots)  par  tranffubftan- 
tiation  Iefus  Chrift  eft  fous  les  accidens  du  pain  &  du  vin,  cache  &cnueloppé:  qui  eft 
doctrine  des  diables,contre  toute  vérité, &C  apertement  contre  toute  l'Efcriture  .  Et 
pourtant  ie  demande  à  ces  gros  enchaperonnez,  Ou  ont-ils  inuenté  ce  gros  mot  Traf- 
fubftantiation?S.Matthieu,f  aincl:  Marc,fain£t  Luc,fain&  Ican,fainc"l  Paul,&  les  anciens 
Pères  n'ont  point  ainfi  parlé  :  mais  quand  ils  ont  fait  mention  de  la  fain&c  Cene  de  Ie- 
ius Chrift,ils  ont  ouuertement  &  fimplcment  nommé  le  pain  &  le  vin, Pain  &:  Vin.  Vo 
i  Cor.ii     yezfaind  Paul  comment  il  efcrit,L'homme  s'cfprouue  foy  mcfmc.puissenfuit,Etain- 
N'auh.itf    {\  mange  de  ce  pain.Ilnedit  point,Mangc  le  corps  de  Iefus  Chrift  qui  eft  enclos,ou  qui 
Lue"*     cu~  *olls  ^a  fcniblancc ,  ou  fous  l'efpcce  ou  apparence  de  pain  :  mais  il  dit  apertement  &: 
i.C<  mi.    purement, Mange  de  ce  pain.Or  eft-il  certain  que  l'Efcriture  n'vfc  point  de  déception, 
&  qu'en  iccllcil  n'y  a  point  de  feintife:dont  il  s'enfuit  bien  qûec'eft  pain. Item  cnvnau 
c 10    tre  lieu  il  eft  ainfi  efcrit,Et  vn  iour  de  Sabbath  les  difciplcs  eftans  aflemblez  'pour  rom- 
pre le  pain,&c.  Aufqucls  tant  cuidens  paffages,  la  fainde  Efcriture  dit  &:  prononce  ex- 
preficment  eftre  pain,non  point  efpece,  apparence  ou  fcmblance  de  pain.  Qui  pourra 
dôc  pl9fouftcnir,portcr&  endurer  tels  moqueurs, telles  peftes,&:peruers  Antechriftsî 
lefqucls  comme  prefomptucux  &c  arrogans,felo  leur  ordinaire  couftume,ont  efté  il  té- 
méraires &:  hardis,de  conclurre  &c  déterminer  au  contraire.  Parquoy  comme  ennemis 
de  Dieu  &  de  fa  fainde  parole,à  bon  droid  on  les  doit  reictter  &c  mcrueillcufement  de- 
tefter.  Car  n'ayans  eu  nulle  honte  de  vouloir  enclorrc  le  corps  de  Icfus  en  leur  oublie: 
aufTi(comme  eff  rontez  hérétiques  qu'ils  font  )  ils  n'ont  eu  aucune  honte  &c  vergongne 
de  dire  qu'il  fc  lai/Tc  mâger  aux  rats, araignées, &:  vermine,  comme  il  eft  eferit  de  lettre 
ittmjtot    rouge  en  leurs  Mcflcls  en  laxxi  1.  Cautellc ,  quife  commence  ainfi ,  Si  le  corps  du  Sei- 
t»  """""  gneur  citant  conlumé  par  les  fouris&  les  araignées,  eft  deuenii  à  rien,  ou  foit  fort  ron- 
VtuLZs,  gé:fi  lever  eft  trouuc  tout  entier  dedans, qu'il  ioit  bruilé  &  mis  au  Reliquaire .  O  terre, 
crf.caute-   comment  ne  t'ouurcs-tu  pour  engloutir  ces  horribles  blafphemateursîO  vilains&de- 
te  (bibles, ce  corps  cft-;l  du  Seigneur  Iefus  vray  Fils  de  DieurSe  lailfc-il  manger  aux  fou- 
ns  &C  aux  araigncesHuy  qui  eft  la  viande  des  Ange's  de  de  tous  les  enfans  de  Dieu ,  nous 
eft-il  donné  pour  en  faire  viande  aux  beftes  ?    Luy  qui  eft  incorruptible  à  la  dextre  de 
Pfeau.no.   Dieu,le  ferez-vous  fuiet  aux  vers  &:  à  pourriture ,  contre  ce  que  Dauid  en  a  eferit,  pro- 
1  cau.itf.    pjietjfant  de  la  fefurredion  d'iceluyrO  mifcrablcs,quand  il  n'y  auroit  autre  mal  en  tou- 
te voftrc  théologie  infcrnale,hnon  en  ce  que  vous  parlcztantirreuercmment  du  pré- 
cieux corps  de  Icfus,combicn  méritez- vous  de  fagots  &  defeuz ,  blasphémateurs  &:  h« 
rctiques, voire  les  plus  grans  &i  énormes  que  jamais  ayent  efté  au  monde-:  Allumez  doc 
vos  fagots  pour  vous  brufler&r  roftirvous-mefmes ,  ncnpasnous,  pourec  que  nous  ne 
voulons  croire  à  vos  idoles,  à  vos  dieux  nouueaux  &:  nouucaux  chrifts  ,qui  fe  biffent 
manger  aux  bc  ftes  &:  à.  vous  pareillement ,  qui  eftes  pires  que  beftes ,  en  vos  badinages 
lefqucls  vous  faites  aletour  de  voftre  dieu  de  pafte,  duquel  vous-vous  iouez  comme  vu 
chat  d'vne  founs:  faifans  des  marmiteux ,  &:  frappans  contre  voftre  poidrine,  aptes  l'a- 
uoir  mis  en  trois  quartiers, comme  eftans  bien  marris, l'appelas  Agneau  de  Dieu,&:luy 
demandans  la  paix.S.Iean  monftroit  Iefus  Chrift  prefent,  viuant,  &£  tout  entier  (qui  e- 
ïxode  11.    ftoit  la  vérité  des  agneaux  qui  ont  efté  figure  de  luy  en  l'ancien  Teftamcnt)&:  vous  mô- 
ican  1       ^rcz  vou^re  OUD^e  partie  en  pièces:  puis  la  mangcz,vous  faifans  donner  à  boire .  S.Iean 
a-il  mangé  Iefus  Chrift  en  ce  poind  ?  Que  pourroit  dire  vn  perfonnage  qui  n'auroit  ia- 
mais  veu  telle  fingerie?ne  pourroit-il  pas  bien  dire, Ce  poure  agneau  n'a  garde  de  deuc 
nir  moutomcar  le  loup  l'a  mangé'par  lequel  le  Seigneur  a  ordonne  le  facrement  de  l'a- 
Cor.iy.    gneaupafchal.&:  S.Iean &c  S.Paul  qui  ont expofé la  vraye lignification d'iceluy,  pour- 
royent-ils  recognoiftre  tels  bafteleurs  pour  feruitcurs  de  Dieu? 


Barthélémy  Milùn.  Sr 

ÇQv  k  r  tévE  M  ï  n  T,le  fruift  &  l'vfag'cdc  la  MelTc  eft  bien  contraire  au  fruid  ScàV- 
vfagc  de  la  fainde  Ccnc  de  Icfus  Chrift.&  n'eft  pas  de  merucilles.car  entre  Chrift  &:  Be  £J23£ 
liai  il  n'y  a  rien  commun  .  Le  fruift  &  le  vray  vfage  delà  làin&c  Ccnc  de  Iefus  Chrift  eft  i.Tim  iV 
pourlcpi  cmier,dcconiidercr  comment  le  Seigneur  nous  prefentede  la  part  le  corps  Rom  lc- 
&c  le  fang  de  l'on  Fils  Iefus  Chrilt,  à  ce  que  nous  communiquions  vrayement  au  facnfî- 
ce  de  la  mort  &:  pafïiô  d  iccluy,&  que  Icfus  nous  ibit  pour  nourriture  lpirituelle  &:  éter- 
nelle^ q  nous  nous  en  tenions  pour  affeurez  :  comme  il  le  nous  déclare  &c  nous  en  af- 
feure  par  ce  faindSacrcmcnt.L'autre  poin£t  eft,dc  publiquement  faire  proteftation  de 
fa  foy:&  en  confiance  certaine  de  falut ,  auoir  adueliement  mémoire  de  la  mort  &:  pal- 
lion  de  Iefus  Chrilt ,  par  laquelle  nouslbmmes  rachetez  de  damnation  &  perdition,  a- 
uoir  aulfi  fouucnance  de  la  grande  charité  &c  dilc&ion  dequoy  il  nous  a  tant  aimez, qu'- 
il a  baillé  la  vie  pour  nous,&:  nous  a  purgez  de  fon  lang.  Aufîi  en  prenant  tous  d'vn  pain 
&;  d'vn  brcuuage,nous  fommes  admonncftezde  la  chanté  &  grande  vnion  en  laquelle 
tous  d'vn  mefme  el'prit  nous  deuons  viure  &  mourir  en  Iefus  Chrift ,  Et  cecy  bien  en- 
tendu, reliouit  l  ame  fïdele,la  rempli/Tant  de  diuine  côlolation  en  toute  humilité, croif- 
fant  en  foy  de  iour  en  iour,s'exerçat  en  toute  bonté  trefdouce  &£  amiable  charité.  Mais 
le  fruitt  de  la  Meiîe  eft  bien  autre, comme  l'expérience  le  nousdemonllre.Car  par  îcel- 
lc  toute  cognoifîance  de  Iefus  Chrift  eft  elfaccc ,  la  prédication  de  l'Euangile  eft  reiet- 
tee  &:  empcfchec,lc  temps  eft  occupé  en  fonnenes,hurlemcns ,  chanteries ,  vaincs  cé- 
rémonies,luminaires, encenlcmcns,deiguilemés,&:  telles  manières  deforceleries,  par 
lelquellcs  le  pourc  monde  eft(comme  brebis  on  moutons)miferablement  trompe,  c  n~ 
tretenu&:  pourmené,&:  parles  loups  rauiflans  mangé,rongé&:deuoré.Etqui  pourroit 
dire  ne  penfer  les  larrecins  de  ces  paillards?Par  celle  Mcife  ils  ont  tout  empoigné,  tout 
dcftruit,tout  englouty.Ils  ont  déshérité  Princes  &:  RoiSjfeigneursjmarchans  &:  tout  ce 
qu'on  peut  dire,foit  mort  ou  vif.  En  lomme, vérité  leur  defaut,veritélesmenace,veritc 
les  pourchafl'e,vcriré  lcsëlpouante:par  lacjllc  en  bricl  leur  règne  feradcftruità  ïamais. 

ES  Plaçais  &c  petis  liurcs  communiquez  à Couraud  &:  autres  gens  deiugement> 
§§0  ne  trouucrét  bon  telle  manière  d'enleigncr,  combien  que  la  doctrine  fuit  lainttc 
&:  véritable  :  &:  diiTuadcrcnt  qu'on  ne  les  attachait  ne  femaft ,  &  que  cela  ne  feroit  qu'- 
animer la  rage  des  adueriaircs,pour  augmenter  la  dilperfion.  Toutefois  le  zelc,ou  plu- 
ftoft  impetuofité  d'aucûs,q  ne  regardoyét  qu'à  leurs  affections  bouillantes,  le  gagna:li 
q  les  places  publiques  de  Pans,&:les  rues  en  furet  réplies, comme  aulfi  quelques  autres 
des  principales  villes  du  Royaume.ce  qui  aduît  au  mois  d'Octobre  de  celte  annee.il  ne 
faut  ignorer  côme  les  cnncmis  de  Dieu  moftrerent  leur  fureur .  carli  auparauant  ils  a- 
uoyctfaitfentir  leur  impatience &:  horrible  piccutiô  delà  parole  de  Pieu:  ceftacl:e4es 
fît  entrer  en  telle  forccncrie,q  leurs  impctuolltcz  precedentesfcmbloyenttolerablcs, 
Se  n'eftoyent  rien  au  prix.tatarAduerfaire  de  l'Euangile  de  force  en  l'endroit  de  ceux 
qu'il  polTcdcqu'onques  tépefte  n'approcha  de  cefte  afpreté.Etce  qdônaplus  de  moyé  taforeu* 
&:  propre  occalion  à  ces  Sorboniftes  dï  pourfuiure  leur  poin£te,ce  fut  q  l'vn  de  ces  Pla  efmeué  l 
cars  fe  trouua  attaché  à  la  porte  de  la  châbre  du  Roy  au  Louure  :  dont  il  fut  enflâmé  de  p^rti 
telle  fortc,qu'il  cômada  prédre  indifFerémet  tous  ceux  qui  eftoyet  aucunemét  fufpetts  liurcts. 
de  Luthererie. Entre  tous  les  luges  qui  fe  môftrerétdiligcns  à  exécuter  cefte  volôte  du 
Rov-c'eftoit  horreur  de  voir  la  manière  de  faire  de  IeanMorin  lieutenant  criminel  de  Lieutcnaîs 
Paris.  Car  comme  il  eftoit  fanguinaire  &:  ingénieux  à inuenter  tourmens,s'il  en  fut  on-  criminel. 
ques:ioint  le  grand  profit  qui  luy  en  reuenoit,voire  &:  que  cela  couuroit  fes  autres  larre 
cins,pillerics,&:concuflïons:ilf:aifoit  trembler  toute  la  ville  delà  façon  comme  îlpro- 
cedoit:n'efpargnant  maifons  grandes  ou  petites ,  comme  aufli  tous  les  collèges  de  l'v- 
niucrfitéde  Paris:  en  forte  qu'il printvn  grand  nombre  de  prilbnniers,  entre  lefquels 
ceux-ci  moururent  conftamment: 

ARTHELEM  Y  Milon,dit  le  Paralytique,  vulgaircmet  appelé  Ber 
thelot,  fils  d'vn  nômé  Robert  Milon,  cordonnier  de  la  ville  de  Paris,  eftoit 
ieune  hô|ne,perclus  de  fes  mébres,excepté  des  bras  &dc  la  lâguc.Sa  côuer  NotaWe  c& 
lion  eft  digne  d'eftre  récitée,  pour  magnifier  la  milericorde  de  noftre  Dieu  u<  rfiondu 
enuers  les  îicns,&:  nous  apprendre  de  mettre  en  icelle  toute  noftre  efperance.  Comme  J»a'vti# 
ainfi  fuft  que  ce  perfonnage  euft  reccu  des  dons  &:  grâces  excellentes  du  Seigneurnon  c  Pans" 
feulement  quant  au  corps,  mais  fur  tout  quant  à  l'cfprit  :  il  en  abufa  en  fa  prem-iere  leu- 
jiçffe  à  toute  intempérance  &;  diftbluUQ.  La  lanté  &:  habilité  du  corps  luy  feruoitd'ap- 

o.iiu 


Uur(U  1Ï-  Njcolœs  Valeton. 

petit  pour  fuiure  les  chofes  de  ce  monde ,  &c  commettre  les  œuurcs  abominables  de  la 
chainfonefpnt  eftoit  adonné  non  feulement  à  vanité,  mais  aufïi  à  raillerie  &:  mclpris 
des  choies  de  Dieu.Mais  aduint  qu'vn  iour  en  continuant  les  cfbars,il  fe  fioiffa  &  rom- 
pit quelques  coftes  de  la  poi&rine,&:  ne  prouuoyat  de  remède  à  la  conuulfionyle  corps 
luy  deuirrt  boffu  &:  tout  contrefait  deuant  &  derrière:  les  parties  inférieures  deftituecs- 
de  nourriture  ordinaire  àc  conuenable,petit  à  petit  défaillirent.  bref,lc  Seigneur,pour 
reformer  fa  créature  cfgaree,fit  tomber  fur  luy  vn  changement  de  corps:  &:  d'habfle,!  c 
rendit  totalement  débile  &  cafîe  de  les  membres ,  luy  referuant  feulement  lvfagc  des 
bras  &  de  la  langue,comme  dit  eft.    Eftant  en  celle  mifere,&:  n'appréhendant  que  la 
douleur  qui  le  prefibit,&:  la  difformité  de  fon  corps,  Dieu  luy  donna  ouuerture  à  la  co- 
gnoifiance  de  la  verité,par  le  moyen  d'vn  homme  fidèle ,  duquel  Milon  vn-iour  s'eftoit 
moqué>ainfi  qu'il  pafîbit  deuant  la  boutique  de  fon  pere.Ce  fidèle  s 'approchant  de  Mi- 
lon,luy  dit,Poure  homme,pourquoy  te  moques-tu  des  paffans;ne  vois-tu  pas'que  Dieu 
Reprii.cn-  a  cn  ceftc  facon  courbé  ton  corps  pour  redrcfîer  ton  amer  Milon  fut  cftonné  de  ce  pro- 
deLdTffor  pos,&:  commença  de  prefter  audience  à  ccft  homme  :  lequel  à  l'inftant  luy  prefenta  vn 
m.té  du     nouucau  Tcftamét,&:  dit,Voy  ce  liure,&:  d'ici  à  quelques  iours  tu  me  fauras  à  dire  quel 
corps'       îlte  femblera  .  Milon,apres  auoir  commecé  à  goufter  le  fruift  de  la  lecture  du  nouueau 
Teftament,ne  ceffa  &  nui&  &c  iour  de  continuer  cn  icclle ,  &c  d'enfeigner  la  famille  de 
fon  pere,&  ceux  qui  venoyent  vers  luy. 

L  e  changement  fi  grand  &:  fi  fubit  de  ce  perfonnage ,  donna  occafion  à  plufieurs  de 
s'cfmeruciller.Ceux  qui  le  fouloyent  hanter  pour  ouïr  les  chants  de  mufique  &  d'inftru 
mens  qu'il  touchoit  auec  grâce  fingulicrc,  eftoyent  rauis  oyans  ccft  home  parlant  tout 
autre  langage  qu'il  n'auoit  fait  auparauant.  Enuiron  fix  ans  auant  qu'il  fouffrift  la  mort 
il  fut  détenu  au  li&,&:  n'en  bougeoit  finon  que  quatre  perfonnes  k  remuaffent .  Eftant 
ainfi  au  lift  attaché,il  enfeignoit  quelque  ieune/Te  en  l'art  d'eferiture ,  en  laquelle  il  e- 
ftoit  nompareihil  grauoit  auec  eaux  fur  coufteaux,dagues,&:  efpees:&  faifoit  chofes  nô 
du  i"raîr  vfitees  pour  les  orfeures,&  de  tout  le  gain  prouenant  de  ceci ,  il  cn  fuftentoit  plufieurs 
«que.       poures  &"  neceifiteux,qui  auoyent  la  cognoiffance  de  l'Euâgilc.  Il  ne  fe  laffoit  d'inftrui- 
re  &C  admonnefter  ceux  qui  le  venoyent  voir,à  raifon  de  ces  chofes  exquifes  &  rares  qu 
il  faifoit.bref,fa  chambre  eftoit  vne  vraye  cfcole  de  pieté,  en  laquelle  la  gloire  de  Dieu 
àc  foir&  matin  retentiffoit .    Il  ne  faillit  donc  en  cefte  fureur  de  perfecution  eftre  des 
Milon  pri-  premiers  appréhendez  par  Morin ,  lequel  parauant  l'auoit  eu  en  fes  prifons ,  &:  dont  le 
fônierpour  Seigneur  le  deliura  pour  le  referuer  de  confolatio  aux  fiens  en  cefte  afpre  faifon,&:pouc 
rc  Yoi™C~  rendre  fa  mort  plus  illuftre.  Morin  efeumant  fa  ragc,&  comme  tranfporté  d'efpnt,ne 
penfant  qu'à  exécuter  fa  cruauté,entia  cn  la  chambre  où  eftoit  couché  ce  poure  Para- 
lytique^ luy  dit,Sus,leue-toy  .  Le  Paralytique  n  eftant  effrayé  du  regard  de  la  face  hi- 
ef  onfc   °*eufe  ^e  ce  tyran,refpondit  corne  en  fe  riant,Hclas,Monfieur,il  faudroit  vh  plus  grand 
procédante  maiftre  que  vous  pour  me  faire  leuer.  Ilfutfou^ainementenlcué&:  tranfporté  par  les 
d >n  caur  fergeans,apres  que  Morin  ,à  fa  façon  accouftumee,cut  raui  le  meuble  le  plus  fecret  qu 
affeurc.     .j  trouua  cn  iadire  chambre.    On  ne  pourroit  a/lez  reciter  le  grand  bien  &:  la  confola- 
tion  qu'apporta  ce  perfonnage  aux  autres  prifonniers:car  autant  eftoit-il  effrayé  eftant 
en  la  prifon&:  deuant  les  Iuges,comme  s'il  euft  efté  en  fon  li&.  Qui  plus  cft,il  enduroit 
lors  toutes  chofes  qu'on  luy  faifoit ,  &:  le  plus  rude  traittement  qu'on  luy  feuft  faire  :  au 
lieu  que  parauant  eftant  au  li&,s'jj  n'eftoit  manié  doucement,  &  par  gens  qui  auoyent 
accouftumé  de  le  leuer,il  crioit  aùx  attouchemens  rudes,  de  la  douleur  qu'il  fentoit  en 
fes  membres. On  le  condamna  a  eftre  bruflé  à  petit  feu  cn  la  place  de  Greue:à  laquelle 
eftant  mené,paffa  deuant  la  maifon  de  fon  pere.Les  ennemis  de  la  vérité  furent  efton- 
niz  de  la  confiance  qu'eut  ce  tant  admirable  feruiteur  &  tefmoin  du  Fils  de  Dieu,&en 
la  vie  &:  en  la  mort» 

I  C  O  L  A  S  Valeton  ,receueur  de  Nantes  en  Bretagne,  cÔmençant  de 
veniràlacognoiffancede  l'Euangile  par  le  moyen  d'aucuns  bonsperfon- 
nages  qu'il  hantoit,&  par  la  lecture  du  nouueau  Teftament  en  François: 
voyant  la  grand'  pourfuitte  qu'on  faifbit,&:  |jue  Morin  (auec  lequel  il  auoit 
eu  different)auprochoit  de  fa  mai(bn,commanda  à  fa  femme  de  faire  ofter  de  fa  cham- 
bre le  bahus  ou  eftoyent  fes  liures  :  Se  cependant  alla  au  deuant  du  danger.    Elle  ef- 
frayée de  fon  cofté,ietta  fou4ainement  tous  lefdits  liures  dedans  les  priuees,cnfemble 

d'au- 


^Martyrs  en  Artois    Toitfou.  êz 

d'autres  papiers  qui  y  eftoyent,  en  forte  que  le  bahus  demeura  vuide.  Monn  eitant  en 
tré ,  enuoya  Valeton  en  prifon,  &  commanda  qu'il  fuft  eftroitement  gardé  :  puis  ayanc 
fouillé  par  tout,&:  n'ayant  rien  trouué,  apperecut  ce  bahus  vuide.  toutefois  il  ne  s  y  ar- 
refta  pour  l'heure,  tant  il  auoit  d'enuie  d'interroguer  Ton  pni'onnience  qu'ayant  fait,  &c 
ne  fc  trouuant  aueunes  charges  &  informations  contre  luy ,  penfa  qu'il  y  falloit  procé- 
der plus  finement.&:  qu'autrement,leReceueurferoit  homme  pour  luy  garder  adon- 
ner de  la  peine,  parce  qu'il  eftoit  homme  d'efprit  &C  de  credit.L'ayant  donc  interrogué 
derechef  fur  le  faid  du  bahus ,  &  rien  profité:il  alla  fbudainement  vers  fa  fem  me ,  à  la- 
quelle il  fit  tant  de  demandes  &c  fi  cauteleufes&:fubtilcs(ioint  qu'il  afleuroit  que  fon 
mary  auoit  confeffé  le  coffre  eftre  celuy  où  il  mettoit  fes  liures  &  papiers  fecrets  )  que  J/a^f°" 
celle  îeune  femme  peu  aduifee ,  fe  fiant  en  la  promeiîe  &:  ferment  dudit  Morin ,  que  °nn' 
fon  mary  nauroit  aucun  defplailir(moyennant  argent  par  elle  offert  &promis)luy  def- 
couurit  la  vérité  du  faid.  Les  liurcs  eftans  retirez  promptemét  hors  des  retraits  encore 
qu'ils  ne  fuffent  défendus,  Morin  le  fit  trouuer  fi  mauuais  au  Roy,qu'il  commanda  qu'- 
on le  fift  mourir,  d'autant  qu'ayant  ainfi  fait4€«er  fes  liures ,  il  eftoit  fufped  d'herefie, 
A  quoy  la  Cour  de  Parlement  obtempéra  tref-volontiers.  &:  fut  ce  perfonnage  mené  à 
la  Croix  du  tirouer,&  là  bruflé  vif  du  bois  pris  en  fa  maifon.il  monftra  vne  grande  con- 
fiance &C  fermeté  :  ce  qui  fut  trouué  admirable  des  gens  de  bien ,  d'autat  qu'il  auoit  en- 
core bien  peu  d'inftrudion.  ^Ce  mefme  iour  par  to9  les  autres  quarrefours  de  Paris  ac- 
couftumezà  faire  exécutions,  furent  aufh  bruflez  pour  la  mefme  querelle  plufîeurs 
fainds  perfonnages,  ainfi  que  le  Roy  paflbit  en  proccffion  générale ,  pour  ce  ordonnée 
en  grande  folennité,  où  affiftoycnt  les  Enfans  du  Roy  auec  toute  la  Nobleffe ,  pour  ap- 
paifer  (ce  dilbyent-ils  )  l'ire  de  Dieu  :  oupluftoft&:  à  la  venté  pour  luy  dédier  &C  confa- 
crer  ces  bonnes  ames  en  facrifice  de  bonne  odeur, 

lî^^^EAN  DV  BOVRG,  marchant  de  Paris  monftra  en  cefte  perfecution    M*  D- 
WtM  SHu  quelle  cognoiffance  de  l'Euangilc  il  auoit  reccue  de  Dieu:  c'eft  affauoir  fer-  XXXUIi» 
me>  ^  ronc^ce  nir  ^c  rocner  °iin  c&  Icms  Chrift  :  car  ne  bien  ne  parentage  le 
,jfjj§j  leut  onques  diuci  tir&  efbranler  de  la  vérité. Son  logis  eftoit  à  l'entrée  de  la 
rue  faind  Denys,à  l'enfeigne  du  cheual  noir,  faifant  eftat  de  marchandée  de  drappe- 
ric.  Il  fut  br\iflé  aux  Halles,  lieu  publique  de  Pans. 


ENRY  POILLE  eftoit  du  nombre  de  ceux  qui  moururent  confias  en 
la  fureur  de  cefte  perfecution. C'eftoit  vn  pourc  m afîbn,d'vn village  près  de 
Mcaux  en  Bric ,  qui  auoit  eu  la  cognoifîance  de  la  venté  en  cefte  efcole  de 
Mcaux,  à  laquelle  l'euefque  Briçonnet,  en  fon  temps  auoit  donné  le»com- 
mel^ernens,  comme  il  a  cfté  touché  cy  deuant  en  l'hiftoire  de  laques  Pauanes.  Sa  per- 
feuerance  èc  entière  confeilîon  de  la  vérité  fe  monftra  au  dernier  fupplice.  La  langue 
luy  fut  percée  &:  attachée  auec  vn  fer  à  la  iouë  qui  luy  fut  opuerte  en  cruel  §c  horrible 
fpedacle,  pour  l'empcfcher  de  parler  au  peuple, 

jSTIENNEDELA  FORGE  eftoit  natif  de  Tournay:  te  relîdent  de 
'longtemps  en  la  ville  de  Paris,  exerçoit  en  icellel'eftat  de  marchandife  en 
[grand' afnuence  de  biens  &C  benedidiondcDieu:  de  laquelle  iln'eftoitmef- 
^Jcognoiffantjn'ingrat,  Car  outre  ce  que  fon  bien  ne  fut  oneques  efpargné  LaF  Jharité 
auxfpoures,  il  auoit  en  hnguliere  recommandation  l'aduancement  de  l'Euangile,  iuf  ac h  Forge 
ques  à  faire  imprimer  à  fes  defpens  liures  de  la  fainde  Efcriture,lefquels  il  aduançoit  Se 
mefloit  parmi  les  grandes  aUmofnes  qu'il  faifoit.ÔÇ  ce  pour  inftruire  les  poures  ignoras. 
Sa  mémoire  doit  eftre  bénite  (dit  Iean  Caluin  au  liure  contre  les  Libertins  aii4.chap.) 
entre  les  fidèles,  comme  d'vn  vray  Martyr  de  la  dodrine  de  Icfus  Chrift  :  laquelle  il  li- 
gna par  fa  mort  qu'il  endura  par  le  feu  au  Cimetière  faind  Iean ,  peu  de  temps  après 
les  autres,  pour  vne  mefme  caufe  de  l'Euangile. 

On  en  pourroit  ici  reciter  plufieurs  autres  que  la  tempefte  de  cefte  perfecution  des 
placars  cmporta:comme  vne  maiftrcfTc  d'efcole  communément  nommée  la  C  a  t  e  l  -  La  Cateile 
l  e  ,  qui  fut  bruflee  viue  en  la  place  qui  eft  au  bout  de  la  rue  de  la  Huchette ,  en  ladite  "^"p 
ville  de  Parisrmais  outre  les  noms  &  la  mort  qu'ils  ont  endurée,  nous  n'auons  certain  d  *co,fc 
tefmoignage  de  leur  foy  &  cognoifîance, 

o.iiii 


liïùrtjrs  ên  Artois  &  Toiftou. 


Qiipquil- 
iard.a  Bc- 
lançon. 


M.  D. 
XXXIIII. 


Laine  ado- 
rée pour 
Manne  en 
la  cité  d'- 
Arras. 


^Av  c  vn  s  ont  attefté,  qu  en  ce  temps  vn  nommé  Qv^o  qjiilard,po 
mefme  doctrine  fut  degradé,&:  qu'il  endura  la  mort  conftamment  en  la  ville  de 
çon  au  conté  de  Bourgongne. 


iour  cefte 
Bczan- 


NICOLAS  L'cfcriucnt.  I E  A  N  de  Pois.  &ESTIENNE  Bourlct. 

CES  trois  ont  foufFert  la  mort  en  la  ville  d'Arras.pour  auoir  manifefté  les  abus  &  lourdes  idolâtries 
jnueterces  au  pays  d' Artois. 

i  A  ville  d'Arras  capitale  &c  Epifcopale  du  pays  d'Artois  eft  diuilee  en  deux 
parties,aiTauoir  ville  &;  la  Citédefquelles  par  partage  &accord  iadis  fait,ont 
Jdes  fain&s  nouueaux  &c  reliquaires  d'idolâtries  particulières  &fpeciales  que 
jles  autres  nations  ignorent.  Ceux  de  la  Cité  gardent  &;  adorent  pour  Man- 
ne descendue  du  ciel  vne  Laine  qui  tomba  iadis  auec  lapluye  après  longue  &  grande 
îecherc/fe  :  à  laquelle  Laine  ils  chantent  cefte  antienne  fort  à  propos,  Comme  iadis  la 
pluye  defcendit  fur  la  toifon  pour  fauuer  le  genre  humain,&:c.  Ceux  de  la  ville  ont  vne 
chandeille  qu'ils  nomment  Saintte,à  laquelle  ils  font  telle  reuerence  côme  iadis  les  E- 
phefiéns  à  leur  Diane.  Elle  a  fa  chapelle  au  beau  milieu  du  petit  Marché,où  elle  eft  ré- 
clamée &c  adorée  auec  vne  confrairie  qui  fe  nomme  des  Ardats  dediee  à  icclle  par  ler- 
ment  de  la  garder  inuiolablement,&:  ce  pour  la  perfuation  que  les  poures  idolâtres  ont 
que  ladite  Chandeilleeftant  enuoyee  du  ciel, ne  s'vfe  ne  confume  en  bruflant.  Enui- 
ron  ce  temps,aiTauoir  m.d.xxxiiii.  aucuns  de  ceux  qui  eftoyent  commis  à  la  garde 
de  cefte  Chandeille,  ayans  quelque  petit  fentiment  de  vraye  Religion,defcouuriret  les 
myfteres,&:  l'impofture  qui  fe  commet  à  l'entour  d'icelle.  Les  patrons  &:  aduoeats  de 
cefte  Chadeille,  ne  pouuans  porter  la  vraye  lumiere,efmeurent  grande  perfecution  en 
la  ville-.tellement  qu'aucuns  furent  emprifonnez  qui  n'auoyét  cognoifTance  finon  des 
plus  lourds  &:  grofliers  abus  que  Ion  peut  voir  &  toucher  à  la  main,comme  de  l'eau-be- 
nite  ôc  femblable  fatras.  Il  y  en  eut  d'autres  qui  furent  aufti  appréhendez  en  cefte  per- 
fecution, leftniels  eftans interroguez  despoin&sde  lado&rine  Chreftienne,fcuftin- 
drent  la  vérité  &  authorité  d'icelle. 

Nicolas  furnommé  l'Efcriuent,  pource  qu'il  tenoitefcole  d'efcrïture,  cftoit  na- 
tif d'vn  village  près  de  Pas  en  Artois,hommc  de  bon  eiprit  &:  bien  iriftruid  aux  fainftes 
Lettres:  IeandePois  natif  de  la  villed'Arras,&:  E  s  tienne  Bovrle  t  cou- 
fturier,  de  Beuury au  diocefe  de  Tournay ,  ayans  receu  grande  inftru&ion  dudit  Nico- 
las, furent  confirmez  en  la  doctrine  de  TEuangile.  Ces  trois  eftans  emprifonnez  pour 
vne  mefme  caufe,  receurent  enfemble  fentence  de  mort  :  &:  par  icelle  la  couronne  de 
martyre,  l'an  m.d.xxxiiii. 


m.  D. 

XXXIIII. 


MARIE    BECAVDELL  E,Poiaeuine. 

A  R I E  Becaudelle,  vulgairement  dite  Gaborite,  natiuc  des  Eflârs  en  Poi- 
,  6tou,  reiîbrt  de  Fontenay  le  Conte ,  fut  enfeignee  en  la  vérité  chez  vn  mai- 
gre qu'elle  feruoit  en  la  ville  de  la  Rochelle.  Ellereccut  en  peu  de  temps 
telle  inftru&ion  en  la  do&rine  de  l'Euangile ,  qu'après  auoir  JaùTé  le  feruicc 
de  iondit  maiftre,  cftant  de  retour  audit  Eftars ,  ne  douta  de  remonftrer  à  vn  Cordelicr 
qu'il  ne  prefehoit  point  la  parolle  de  Dieu,  laquelle  chofe  elle  luy  monftra  par  paffages 
notoires  de  la  fain&e  Efcriture.  Le  Caphard  eut  defpit  ^vergongne  d'eftre  repris  d - 
vne  femme  :  mais  il  vfa  de  dillïmulation,  afin  de  faire  relater  à  cefte  femme  fon  propos 
lors  qu'il  auroit  quelques  tefmoins  prefens.Ce  quelle  ne  refufa  de  faire:mefme  elle  luy 
mit  au  deuant  le  iugement  du  Seigneur,  s'il  perfeucroit  à  faire  outrage  à  l'Euangile  du 
Fils  de  Dieu.  Cefte  femme  fut  fubit  appréhendée  &mife  enprifon:  &toft  après  con- 
damnée par  la  iuftice  de  Fontenay  à  eftre  bruflee .  Laquelle  condamnation  eftarit 
confirmée  par  areft  du  Parlement  de  Paris,  Marie  amenée  au  dernier  fupplice,  en- 
dura la  mort  audit  lieu  des  Eftars,  en  telle  vertu ,  qu'elle  fut  en  admiration:  l'an  m. 
p. XXX  mi. 

PIER- 


PIERRE    G  A  V  D  Ç  T»  à  Pcnay  en  Sauoyc. 

il  O  T  E  au  rccit  de  ce  Martyr,  le  commencement  de  PEuangile  en  la  ville  de  Geneue. 

E  N  E  V  E  cft  prefque  fituee  au  milieu  de  tout  le  pays  de  Sauoye,  &  a  beau-  Xxxv  ' 
Jcoup  foufFert  auant  qu'elle  foit  paruenue  d'obtenir  la  reformation  del'E-  La  refor- 
iuangile:  après  auoir  efté  deliuree  miraculeufement  de  la  domination  des  m«ionde 

 'Preftres&  Moines.  L'anduSeignèur  m.  d.  x  x  x  v,M.  Guillaume  Farel&  GcDC"c- 

autres  miniftres  auoyentia  femé  enicellela  vraye  dodrine  du  Fils  de  Dieu,  non  fans 
grande  difficulté  &  trauail  incroyable.  La  reformation  &:  eftabmTemétde  la  vraye  Re- 
ligion ,  fut  aprçs  ladite  fôrtiedcs  Chanoines,quand  lefeigncur  Pierre  de  la  Baume  lors  Pierre  de  la 
Euefque,(ecrettement  quitta  &  abandonna  ladite  Cité.    Lefdits  Euefque  &:  Chanoi-  J *"™cJg 
nés  eftimans  cefte  reformation  de  dodrine  eftrevntumuke&volont©  populaire  qui  Geneue/ 
feroit  de  petite  durée,  fe  paiiïbyent  de  vaine  efperançe  que  bien-toft  la  chance  retour- 
neroit:& ne  ce/lovent  cependant  par  leurs  adherans ,  molefter  en  toutes  fortes  qu'ils 
pouuoyent  les  citoyens  &habitans  de  ladite  ville.  Surtout  ilycutvne  maudite  fede  Lafeaedes 
des  Penairos  ou  Penayfans,qui  eftoyent  de  la  faction  de  rEucfque,ainiï  nommez  à  eau-  Pcnayfan!ii 
fe  du  chafteau  de  Penay,  qui  eft  fous  la  iurifdidion  de  ladite  ville,  auquel  s'eftoyent  re- 
tirez tous  ceux  de  ladite  fede ,  pour  perfecuter  ceux  qui  tenoyent  le  party  de  l'Euagile< 
Plufieurs  furent  grieuement  affligez: entre  leiquels  vn nommé  Pierre  Gaudet,natif  du 
Val  de  Gallie  près  de  Saind-clou  lez  Paris,y  laifTala  vie  en  grand  tourment  &:  martyre. 
Il  s'eftoit  retiré  du  pays  de  France  en  ladite  ville  auec  fa  femme,  l'an  m.  d.  x  x  xiiii, 
ayant  quitté  l'ordre  de  ceux  qui  fé  difent  Cheualiers  de  Rhodes.   Vn  fien  oncle,Com-  Je°ummdaQ" 
mandeur  de  Compefïeres,  qui  eft  diftante  de  Geneue  enuiron  vne  lieue ,  eftant  marry  côpefîcre*, 
que  ce  Pierre  fon  nepueu  s'eftoit  retiré  en  ladite  ville ,  ne  cclTa  par  fes  menées,  iufqucs 
à  cé  que  par  belles  prome/Tes  l'ayant  fait  venir  hors  de  Geneue ,  le  vingttroifieme  iour 
de  Iuin  fut  appréhendé  par  les  traiftres  dudit  chafteau  de  Penay.    Or  après  auoir  efté 
enuiron  cinq  iours  audit  chafteau  en  grand  tourment,  fouftenant  le  party  de  l'Euan- 
gile: finalement  fans  autre  forme  dç  procez,mais  par  force  &C  rage  de  brigans  fut  bruflé  ^"^p 
vif  par  long  tourment  de  feu.  Dieu  luy  donna  force  &:  conftance  de  ne  varier  pour  les  Gaudet. 
tourmens  qu'ils  luy  firent  &  réitérèrent  fort  cruellemét  à  plufieurs  fois.  L'inuocation 
du  nom  de  Dieu  luy  donnoit  allégement  en  ces  afprçs  tourmens ,  de  forte  qu'il  rendit 
vne  ame  bien-heureufe  au  Seigneur. 

ÇQMMENT  ïyuroye  des  ^fnahaptiftes fut  premièrement femé^  s'eflem  en 
ce  temps parmy  le  blédeÏEmngile. 

E  n'eft  d'hier  ne  d'auiourdhuy  que  Satan  par  fes  fuppofts  feme  mefchgnte 
zizanie  au  champ  du  Seigneur  pour  eftouffer  la  bonne  femence ,  lors  piin- 
jcipalement  qu'elle  commence  deiïa  à  nouer  &  monter  en  tuyau.  La  fede 
pernicieufe  des  Anabaptiftesa  fort  troublé  les  Eglifesoùl'Euangile  eftoit 
nouuellement  annoncé  :  car  d'vne  part  elle  a  rendu  les  fimples  douteux  &:  incertains, 
&:  d'autre  coftç  la.predication  de  la  vérité  fufpede  &c  odieufe  aux  ignorans.  Elle  a  ren- 
uerfé  en  fomme  tout  ordre  de  Police,tant  ecclehaftique  que  ciuile.Ses  fectateurs  nom- 
mez Anabaptiftes  ont  cela  de  fpccial  par  delTus  les  autres  heretiques,qu'ils  font  diuifez 
non  feulement  de  fedes  &:aiTemblees,mais  auiîi  on  trouuera  entr'eux  autant  d'opiniôs 
diuerfes  6c  eftranges,  qu'ils  font  de  teftes.  Leur  commencement  fut  enuiron  l'an  m  .  d  .  Le  c5men- 
x  x  1 1 ,  lors  qu'vne  multitude  d'hommes  mutins  fcfeditieuxs'efleuafpecialement  aux  <*mem  de* 
quartiers  de  Saxe  vers  la  riuiere  de  Sala,entre  lefquels  le  principal  eftoit  Nicolas  Stork.  ^cnabapçu 
Ils  fongeoyent  des  fonges,&  difoyent  que  par  vifions  ils  parloyent  familièrement  auec 
Dieu:&  prefchoyet  tels  fonges  pour  véritables  â  leurs  difeiples:c  eft  allauoir ,  qu'il  vie- 
droit  vn  nouueau  monde  auquel  iuftice  habiteroit  :    que  pour  cefte  caufe  il  faloit  ex- 
terminer de  la  terre  tous  les  mefchas,auec  leurs  Princes  &  Magiftrats  "infîdeles.Dc  ce-  "  Us  appe- 
fte  efcole  eft  forti  Thomas  Muncer ,  lequel  s'eftant  fafché  de  là  prédication  de  l'Euan-  |°sy<flu'nfi(k 
jgile  commença  de  publier  cefte  nouuelle  dodrine.  Le  dodeur  Baltafar  Hubmor,Mel-  n  eftoyenc' 
chior  Rinc,Iean  Hut,Iean  Denk,Lodouick  Hctzer  &  autres  femblables,  fe  vatans  qu'-  de  kur  fa 
ils  deuifoyent  familièrement  auec  Dieu,ne  tafehoyent  que  mefdire  &c  detrader  des  mi-  dl°a* 
niftres  de  i'Euangile,^:  des  Magistrats,  ejtirnans  que  s'ils  pouuoyçnt  anéantir  ces  deux, 


L'mr^jlL  Çommervt>  la  zj£ani^j  dei  aAnabaptifle* 

ordres  hors  de  l'Eglife  de  Chrift,les  loups  le  pourroyent  fcuremét  ietter  fur  le  troupeâU 
&:  le  defmembrer.  Ils  auoycnt  quelque  apparence  dcuanc  les  hommes ,  n'ayans  en  la, 
bouche  que  charité,foy,crainte  de  Dieu.,  mortifîcatiô  de  la  chair>&:  la  croix:qui  eftoyct 
les  couleurs  defquelles  ils  fe  fardoyent  pour  abufer  les  limples  .  Muncer  auec  fon  en- 
ragé Phifcr  mena  ce  train  lors  que  l'an  m.d.  x  x  v,  les  pailans  &:  laboureurs  eftoyent 
en  armes  en  Suaubc  &:  Franconie ,  iufqu'au  nombre  de  quarâte  mille.  Or, de  la  mifera- 
ble  nn  deldits  Muncer  &:  Phifer,&:  de  la  l'édition  des  Ruftiques,  il  n'eft  befoin  d'en  faire 
Voyez  le  v.  jCy  recit  plus  ample, mais  auoir  recours  aux  hiftoriographes  de  noftre  temps  qui  en  par- 
sieldàn"  *  ^cnt  amplement.  Nous  toucherons  icy  feulement  ce  qui  appartict  à  l'hiftoire  Eccleii- 
aftique,àfauoir  commet  ce leuain  des  Anabaptiftes  troubla  les  reformations  des  cgli- 
fcs.Côbien  doc  que  Muncer  auat  qu'eftre  exécuté  par  iuftice,ait  recognu  &  confefîé  fa. 
faute  &c  fon  crrcur,ce  neantmoins  fes  difciples  après  famort  efparsça  &  là,  femerét  fes 
reueries&:  les  hures  De  la  parolle  de  Dieu  fubtile  non  eferite:  Des  vifîons  &:reuela- 
Zurichaffli  u°ns:De  la  cômunauté  des  biens,&:  D'cftre  baptifé  derechef.  ^L'Eglife  de  .Zurich  fuc 
gecen  fon  '  fort  troublée  par  telle  manière  de  gc  ns,  aufqucls  la  refermation  en  ladite  ville  encom- 
comn.éce  -  mencee  defplaifoit,  comme  imparfaite  &  peu  fpintuclle  à  leur  gré. Us  accufoyêt  Zuin- 
înal»pt.,tS  principal  miniftre  en  ladite  eglife,  de  ce  qu'il  ne  s'employoix  pas  comme  il  apparte- 
noit  à  reformer  fpirituellcmcntl  Eglile:ô<:  partant  requeroyent  d'cftre  feparezdes  au- 
tres pour  afîémbler  vnc  pure  c  glife  de  ceux  qui  auroyent  l'efprit  de  Dieu.  Zuingle  leur 
remôftra que  telle feparation  eltoitdu  tout  fchifmatique,&:  que  les  Apoftresdefquels 
ils  pretédoyent  rcxcmple,ne  s'eftey  t  nt  enques  fegregez ,  linon  de  ceux  qui  eftoyét  en* 
nemis  manifeftes  de  l'Euangile.  Le  magiftrat  de  Zurich  fur  ce  différent  ordôna  vn  col- 
loque amiable  aux  deux  parties:auquel  les  Anabaptiftes  furent  du  tout  conuaincus  de 
leurs  erreurs. Et  voyans  que  par  difputes  ils  ne  profîtoyent  rien  (  combien  qu'ilsfuiTcnt 
portez  de  plulieurs  qui  defîroyenr  voir  la  vérité  opprimee,afin  que  la  Papauté  fut  refta- 
blie)commencercnt  lors  aux  enuirons  de  la  ville  plaider  leur  caufe,de  manière  que  les 
vns  receints  de  cordes,  les  autres  de  liens  de  faulx  alloyet  par  tout  cnans,Maledicl:ion  à 
Zurich  la  ville  rebelle,qui  doit  en  bref  eftre  fubmergee;Faites  penitéce,La  coignee  eft 
mile  au  pied  de  l'arbre.  Le  Magiftrat  voyant  ce  defordre,  emprifonna  plulieurs  de  ces 
xnutïs,&  chaftia  les  plus  rebelles  $c  coulpables.  Sur  cela,  ils  accufoyêt  grieuemét  Zuin- 
gle,difans  qu'il  leur  fermoit  la  bpuche  par  l'authorité  du  Magiftrat,côme  s'il  euft  voulu 
l'errer  &:  cftouffer(ainfi  parloyent-ils)la  vérité  en  la  gorge  de  ceux  qui  Juy  refiftoyent.  A 
la  requefte 'donc  dudit  Zuingle  &  de  pluficurs  bons  Miniftres,  le  Magiftrat  publia  vne 
difpute  publique  &  libre,  en  laquelle  tous  les  fubicts  de  lafcigneune  deZurich  furent 
conuoquez  à  cefte  difpute,afîn  de  monftror  qu'on  ne  vouloit  fermer  la  bouche  aux  ad- 
uerlaires  fans  eftre  ouys.  La  difpute  doc  fut  afîignee  au  6.  de  Nouembre  1 515.  àl'hoftel 
de  la  ville  deuant  tout  le  Senat,&:  quatre  notables  &  fauans  perfonnages  ordônez  pour 
ioachimVa  prelider:dont  l'vn  cftoit  Ioachim  VadianconfuldeSaingal.  Audit  iour,cômc  vnc  par- 
deSabgâj  tic<^es  Anabaptiftes  commençoit  à  dil"puter&:  oppofer  cotre  les  articles  propofez  par 
le  Magiftrat,  il  y  eut  vne  faction  d'entr'eux  qui  s'eferia  à  haute  voix,Sion,  Sion,  refiouy- 
toy,  Hierul'alc  m,  &:c.  Incontinent  vn  bruits  elleua  fi  grand  que  la  difpute  fut  remife  au 
grand  temple  le  y.&c  8.  iour  dudit  mois  de  Nouembre.  Il  y  eut  vn  de  ces  ruftres  lequel 
s  cftant  perfuadé  qu'en  adiurant  Zuingle  il  le  feroit  aduoUër  l'Anabaptifme,  priainfta- 
mentd  auoiraudiencermais  fes  autres  compagnons  ne  levouloyent  permettre.  Tant 
y  a  que  finalement  il  le  gagna,&:  s'eferia  en  cefte  façon, Di  moy,Zuingle,  le  t'adiure  par 
le  Dieu  viuant  que  tu  me  die  verité,&:c.Ouy  vray ement(dit  Zuingle,le  coupant  court) 
le  te  di  que  Meilleurs  not  point  de  plus  feditieux  ruftique  en  toute  leur  terre ,  que  toy. 
Le  poure  A  nabaptifte  qui  n'attendoit  vne  telle  refponfe,  deuint  fi  eftonné  que  tout  la 
peuple  qui  là'cftoit,efmeu  de  rire,  départit  de  là  chacun  en  fa  maifon.La  difpute  finie, 
tout  le  peuple  déclara  deuant  le  Sénat  qu'on  leur  auoit  fatisfait  de  la  part  de  la  vérité , 
Mais  aux  Anabaptiftes  perfeuerans  en  leur  obftination ,  commandement  fut  fait  d'a-i 
quief'ccr.  vnc  grande  partie  d'eux  n'en  tenant  conte,  fut  mife  en  prifon.  Et  nonobûant 
leur  rébellion  le  Magiftrat  publia  le  l'ommairc  de  cefte  difpute  auec  areft&  lettres  d\ 
ordonnance  contre  cefte  maudite  &:  dcteftable  fede,du  penulticmede  Nouébre  1  Jiç, 
^ Ce  feroit  chofe  trop  longue  de  reciter  ici  ce  qui  fut  fait  aufli  contre  Baltafar  Hub- 
Hubra^ie'1/  mor  Pacimontam'cy  deuant  nommé,  lequel  eftant  miniftre  de  l'Euangile ,  fut  mifcra-i 
"  mc,cr'  blementfcduit  de  cefte  fette.  Il  fe  dédit  publiquement  à  Zurich  ,1e  tf.d'Auril  1516.  &C 

depuis 


a  trouble  le  commencements  des  Eglijh  reformée*.  $4. 

depuis  à  Groninguetmais  retournant  toufiours  à  fon  vomiifemcntfit  degrans  maux  fi- 
nalement en  Morauie.    ^  Au  mefme  temps  les  Anabaptiltes  troublèrent  au/Iî  l'cglifc 
de  Balle,  Cv  alîaillirent  de  mefme façon  IcanEcolampadeprincipalmjniftre  en  ladite  UOubiec 
ville, où  eftans  amenez  en  difpute  amiable  furent côuaincu s  de  leurs  erreurs:  de  laquel  d«  Anaba. 
le  difpute  les  actes  loints  aucc  l'ordonnance  des  feigneurs  de  ladite  ville  furet  aufïï  pu-  "ftes" 
blicz&:  mis  en  lumière.    ^En  vn  mefme  temps  deux  docteurs  de  celle  maudite  fecte,  Le 
ci  deuant  nommez, Ican  Denk  &:  Lodouick  Hetzcr,  feduirent  tellemet  vn  minillre  de  nre  L\è  .'v 
Vvormeslacob  Kautzi, qu'il  publia  des  conclurions  d'Anabaptifme, lé  vantant  de  les  mwfoiiii:, 
vouloir fouftenir  partout.&:  ainfi  ce  A*rf«f^/deuint  ce  que  fon  furnom  lignifie ,  alfauoir 
Chat-huant,  ou  Hibou  treshideux.  les  Miniftrcs  de  Strafbourg  pour  lors  refpondircnt 
à  fes  conclufions.  ^Derechef  l'an  1 519. ceux  de  Balle  eurét  grolfe  difpute  contre  neuf 
Anabaptiltes,  lelquels  furent  côuaincus  de  leurs  erreurs  fort  pernicieux:  maisauffi  de- 
meurèrent obllinez,car  ce  n'eu:  iamais  fait  aucc  tels  côtentieux  &obftincz  hérétiques. 

Le  s  choies  qui  furent  faites  par  ceux  de  cède  fecte  prefques  au  mefme  temps  en  la 
ville  de  Saingal  au  pays  de  SunTe,  font  fi  horribles  &hideufcs  quelles  font  drellér  les 
cheueux  en  la  te  lie.  C  cft  dedeux  frères  fortis  d'vn  mefme  ventre, Thomas&  Léonard 
Schykcr  habitanspresdela  ville  au  mont  nommé  Mullcg.  lefeptieme  deFcurierl' 
an  1  jzé.s'aifembla  furie  foirenlamaifondeleurperc  vne  compagnie  d'Anabaptiftes,  i~  frerc 
lelquels  parlèrent  toute  la nuicl à  prefeher  ,àfaire  des  geftes  merueilleux  ,&reccuoir  dceapicc 
des  vilions.  Au (bleilleuant,  qui  eftoit  le  huitième  lourde  Feurier,  Thomas  printfon  ' 
frere  Léonard,  &:  le  mit  au  milieu  en  la  prelence  des  païens  ,  8>c  de  tous  les  autres ,  luy 
commandant  qu'il  le  rnift  à  genoux.  Or  comme  les  autres  l'admonneftoycnt  de  le  gar- 
der de  luy  faire  quelque  choie  non  côucnable:il  refpondit  qu'il  ne  falloir  rien  craindre: 
car  il  ne  fc  fera  rien  ici  linon  par  la  volonté  du  Pcrc.  Cependant  defgainant  l'efpce ,  il 
coupa  la  telle  à  fon  frere  qui  eftoit  là  à  deux  genoux.  Or  tous  les  autres  furent  faifis  de 
grande  frayeur,&  firent  de  grandes  complaintes  &  lamentables. Thomas  qui  auoit  fair 
ce  meurtre,  foudain  s'enfuit  droict  à  la  ville,  n'ayât  que  fes  chauffes  &:  fa  chemife,  vfant 
de  geftes  &:  de  maintien  fort  horribles,  comme  ont  accouftuméde  faire  les  Enthulia 
ftes.  En  ce  teps  M.Ioachim  V adian  cy  dclTus  nommé,Conful  de  ladite  ville  de  Saingal,  Mioachitn 
homme  excellent  &:  renommé  en  doctrine  &:  pieté,  eftoit  prefent  quand  ceft  Anaba-  Vadua- 
ptifte(apresauoircrié  efpouantablement  :  Lciourdu  Seigneur  cft  prclènt,  Leiourdu 
Seigneur  vicnr)il  adioufta  quant  &c  quiit,  qu'au  matin  de  ce  iour-la,grâd'  chofe  auoit  e- 
fté  faitc(ncantmoins  il  nexpnmoit  pas  le  meurtre)&:  que  la  volonté  du  Pcre  eftoit  ac- 
complie, ayant  elle  abruué  de  fiel  &c  de  vinaigre.  Le  Conful  le  reprint  >&:  le  tança 
griefuement,  àcaulede  fahircur&idcles  crisimmoderez,  luv  commandant  defe  ve- 
ftir,&:  s'en  retourner  en  fa  maifon,&:  fe  porter  pailiblemét.  Soudain  fon  maurtre  horri- 
ble eftant  diuulguc,ftit  appréhendée  après  informations  furfilantes,  il  fut  mis  à  mort 
&:  exécuté  parle  Magiftrat.  Q11ieft.ee  qui  ne  voit  que  celle  iéctceft  vn  vray  abylme 
de  toute  infection  &:  exécration  ?    ^  Il  s'eft  trouué  vne  femme  à  Appâte! ,  au  pavs  de  Chofdior- 
Suilfe,laqucllcen(éignoit&:perfuadoit  à  beaucoup  de  celle  fecte  qu'elle  eftoit  Chrift  ribled'Vne 
&  Mellias  desfemmes,&:  eflciit  douze  Apoftres:  cho(c,ccrtcs,  qui  cft  autant  honteulé  fe^h  cftïe 
&  infâme  que  monftrueufe&:  abominable.     ^"Ccfte  pelle  infedaaufii  les  terres  des  le  MdCus. 
Seigneurs  de  Bcrnedefquels  au  cômencement  de  l'année  1 5i8.trauailleret  grandemét  beune, 
à  en  extirper  la  femencepcrnicieul'c.  Le  11.  de  Ianuiertous  ceux  qui  en  eftoyent  enta- 
chez, furent  citezà  cris  publiques,  fous  alfeurance  de  fauf-conduit,  à  comparoir  deuât 
le  Sénat  pour  debatre  leur  caufe  deuant  gens  lauâs  conuoquez  de  plufieurs  parts,  pour 
les  ouir  &:  conuaincre .  Depuis  alTauoir  l'an  1 5 3 1  .autre  difpute  fut  tenue  en  la  mefme 
ville  de  Bernc,contre  vn  des  principaux  de  la  fecle  nommé  Piftormaior,lequcl  miracu- 
leufement  conuerti,delailTa  à  bon  efeient  tout  ceft  horreur  de  l'Anabaptifme.la  difpu- 
te en  a  efté  publiée  &mife  en  lumière.  ^L'année  enfuyuante  1531,  au  mois  de  Iuin  les 
mefmes  Seigneurs  derechef  rirent  publier  leurs  patentes  en  celle  fentenec,  Afin  que 
nul  fepuhTe  plaindre  ou  dn^  qu'aucune  vérité  foit  opprimée  non  ouye ,  nous  ordon- 
nons vne  difpute  en  noftre  ville  de  Zofinge  en  A rgouc ,  au  premier  de  Iuillct,à  tous  A- 
nabaptiftes  quiconque  foyent-ils:&:  ce  fous  noft:  e  fauf-conduit,&c.  Cefte  difpute  dura 
neuf  iours:  en  laquelle  on  traita  premièrement  des  luges  de  la  difpute:puis  De  l'enuoy 
des  Anabaptiftes,àfauoir  s'il  eft  de  Dieu:  De  l'eglife:  De  l'excommunication:  Du  magi- 
ftrat: Du  ferment: Des  prefcheurs,&;  miniftere  de  la  parole  de  Dieu:  Du  Baptelme.  Les 


L/'^ro  //.  gomment;  la  %ji2L>anic~>  des  ^Anaba^tïïles 

notaires  de  celte  Llifpute  recueillirent  fidèlement  tout  le  colloque, &  depuis  a  cfîrc  pu- 
blie pour  ddcoimrir  les  cireurs  de  celle  lede  fanatique .  ^  On  pourra  aulîi  monllrer 
en  ion  lieu  comme  les  premiers  fondemes  des  eglifes  reformées  à  G  e  stïi,Ntvr- 
c  h  a  s  t  !  i  &:  autres  heu:  itellc  pareillement  affaillis  par  celle  racaille  d 'héréti- 
ques ,  (ans  que  toutefois  il  ï)  ent  peu  aucunement elbranler  ,  tam  en  eftoit  lappuy 
ferme  au  Seigneur. 

Sawn  ut  O  R  Satan  fc  l'en  tac  par  trop  cognu  en  ces  quartiers  de  1 1  leluctic>&:  comme  debou- 
tA'S^0  té  de  ce  qu'il  auoitcnrieprins,  vint  tendre  fesfillcts  en  ta  bafle  Alemagne,&  es  quar- 
tiers de  \  ïoiiande-.tcllcmct  que  d'hipo<  rite  qu'il  le  monftroitdu  comcnccmcnt  en  ces 
liens  fiq  poils, il  deuint  félon ,  ho:  îible-  ,  &i  du  tout  démorde.  Qui  cft  celuy  qui  eult  ja- 
mais penfé  ou  oie  croire  que  de  créatures  portans  figure  humaine  il  fc  {bit  ainliioué, 
l'an  14J4.&  ;  s  <)  à  Munftre  ville  principale  deVvcftphalic,  de  les  auoir  tramez  comme 
fanâtes  .1  toute  vilcnic,pollution&  d'elprit  6c  de  corps:a  taire  chofestatabfurdes  6c  ex- 
écrables: Je  laiiîe  aux  hillonographes  t  n  ceci  leurs  pleines  narrations,  t\:  toucheray  ce 
qu'aucuns  d'eux  ont  [Mile  fans  le  noter. Ces  mal  heureux  Anabaptiltcsdu  commence- 
ment ne  parloyent  que  de  1  efpritfiJ  de  iainctctc:ils  fouftenoyent  qu'il  n'clloit  licite  au 
Chreilicn  d  eftrc  Magiilrat,&:  qu'il  n'elloit  licite  de  porter  arme  s:if  avans  encores  rien 
côquis  ne  mis  fous  leurspattes  :  mais  après  eftre  paruenus  a  leurs  delléms  :  6c  auoir  mis 
ladite  ville  en  tcldelordrc  que  ïamais  pareil  ic  trouua  :  lors  reietrans  toute  feintife  ,1e 
l'ont  difpcnfez&  donne  licence  de  pre  ndre  les  armes, le  failir  de  la  maifon  de-  la  ville,&: 
e  line  vn  Magiilrat  àleurpoftc ,  reiettansceux  qui  eftoyent  ordonnez  de  Dieu,  pour  le 
faire-  eux-mefmcs  Confuls  6c  Sénateurs.  Qui  e  il-ce  qui  pourroit  exprimer  l'horreur  de 
leurs  dcteftablcs  prophéties:  De  la  pollution  du  i'amcl  Mariage,  y  introduifant  vne  po- 
ligamie  li  horrible:  6c  tout  parles  reuclations  frénétiques  de  quelques  clceruclez,pour 
faire d'vn  coullurier  Hollandois  nommé  Iean  Becol  de  Leiden,vn  roy  trelglorieuxi  Ils 
du  R<  y'X  cr'oycnt  au  commencement  contre  toute  pompe,  6c  s'ils  voyoyent  quelcun  porter  vn 
Munitrc.  peu  de  foye  ou  de  vclouXj  ou  ii  vn  Sénateur  ou  homme  d'eftat  portoit  quelque  anneau 
ou  ligner  d'or,  ils  crioyent  fans  mefurc  cotre  ccla.&:  voici  leur  Coullurier  roy  glorieux, 
monte  en  vne  pompe  plus  que  royale  ,  n'omettant  rien  ne  luy  ne  fesgc  ntils-hommcs, 
qui  peut  feruir  à  tout  dcfbordcment.  Le  titre  de  fes  armoiries  ciloit ,  Le  Roy  deit  nouttcHe 
lerufilcm ,  A*rr  deiujlkepar  tant  h  monde  La  pompe  de  fa  principale  femme  (  car  il  en  auoit 
pluiieurs  toutes  enfemblc  )  elloit  pareille  à  la  lienne.  Ses  fcruiteursvellns  de  vcrd,cn 
bordures  de  couleur  brune,&:  fur  la  manche  il  y  auoit  vn  monde  auec  vne  petite  croix 
dcilus&  deirx  ci'pees  tout  au  trauers.  11  auoit  ion  thronc  hautefleue  en  la  place,  auquel 
on  motoit  à  trois  dcgrcz,&  tout  ciloit  orne  cnor&:  pierres  precieuies.Le  s  procez  pour 
T>  leiquels  on  venoit  à  luy  eftoyent  la  plulpart  pour  les  fcmmcs,&:lcs  diuorces  qui  cftoyct 

b..»t  rus     ordinaires.  ^"E  t  afin  que  tous  fidèles  entedent  que  celle  maudite  feele  ne  s'eil  pas  feu- 
d'AmAcr-  lement  defbordec  vue  fois  ne  deux, ou  en  la  ville  dcMunftrc  fculemét ,  mais  toutes  les 
fois  qu'elle  a  peu.  i'en  reciteray  quelque  autre  hiiloire  ele  cemefme  temps.  Lambert 
Hortenfe  au  liure  Du  tumulte  Anabaptifrique, dédié  au  Sénat  d'Amftcrdam, entre  au- 
très  choies ,  dit ,  L  an  153  j.Sc  letroiliemede  Feuricr  en  la  ville  d'Amftcrdam  en  la  rue 
des  Salines,  en  la  maifon  de  Iean  Sibert,quilors  ciloit  loin  de  fa  maifon, s'aflemblcrcnc 
,,  des  Anabaptiiles  fept  homes  6C  cinq  femmes,cntre  leiquels  il  y  auoit  vn  nommé  Thé  o 
m  Tlucrri  dore  Sartor,lcejucl  lut  la  inipiré,&:  ié  tinft  cftendu  tout  plat  fur  la  terre  quelque  téps  dc- 
Couftuncr  uan£  jcs  JUrrcs  frères  6c  fecurs:  lequel  à  la  parfîn  fc  rcfueilla,&  la  prière  eftan traite  auec 
"  grande  granité, ou  plulloil  belle  hypocriiie,il  dit  lors, qi  «il  auoit  veuDicu  eniamaiellc, 
"  voire  toutes  choies  qui  font  és  cicux&  es  enfers  ,6c  que  le  grandiourdu  iugemenre- 
"  iloit  prei'ent.  Apres  cela  il  le  deueftit  de  tous  fes  vcftcmcns/ansnen  referucr  pour  cou- 
urir  les  parties  honteufes  de  ion  corps. Sur  ce  prétexte  il  commada  aux  autres  frères  6c 
p"tesfe  de  ^œurs  clli  a  ^on  exemple  ilsfc  deueftifient  tout  nudsxar  il  faloit  que  les  enfans  de  Dieu, 
fpouillcnt  difoit-il ,  defpouillaltent  tout  ce  qui  ciloit  fliit  6c  nay  de  terre,  En  après, attendu  que  la 
toutnuds.  venté  cil  nue, elle  ne  peut  endurer  d'élire  enueloppee  d'aucune  chofc.-ainfi  ilfaloit  qu'- 
eux ,  pour  eftrc  véritables  6C  vrais ,  fuifent  deueftus  6c  defpouillez  rous .   Ovans  cela» 
incontinent  ils  fc  defpouillcrcnt  tout  nuds,  n'eftans  aucunement  honteux.  Théodore 
leur  commanda  que  tous  leluyuiffcnt.   Il  fauta  hors  delà  maifon  en  publictoutnud, 
&c  les  autres  hommes  6c  femmes  en  ce  poincLle  fuyuircnt,  criansd'vne  façon  horri- 
ble: Mal-heur,  mal-heur,  mal-heur  ,1a  diuine  vengcance,&c.  en  ce  poincl  ils  couroyct 

furieiu 


a  troublé  le  commencements  des  Eglifes  reformées.         S / 

furicufemct  parmy  la  ville  ainfiqu'enragcz,criar.s  autant hideufemec  qu'on  ouy t  on c- 
ques.Et  corne  les  bourgeois  couroyët  aux  armes,  ne  fâchas  fi  la  ville  cltoitfurprifed  en 
nemis,où  q  vouloir  dire  ceftecfmcute,  on  printeesges  impudents  tout  nuds.  On  leur 
préféra  des  vcllcmcs,  mais  ils  les  reietterent,  difans  qu'il  epuenoit  q  la  vente  fuft  nue. 
Apres  q  ceux  de  la  Iullice  curêt  fuffifammêt  cpgncu  de  leur  eau  le,  fur  la  fin  de  Feurier, 
les  fept  homes  furet  menez  au  fupplicc.Lc  premier  d'eux  enoti, Louez  toujours  le  Sei- 
gneurie fecô d, Vcge  le  fang  des  tics, Seigneurie  troifieme,Ouurcz les  veuxdc  quatrie- 
me,Maledicti6,maledictio,&c.Les  femes  en  après  furent  aulîi  amenées  au  fupplice  en 
trille  lpcftaclc.Qui  elt-ccqiamais  ouït  parler  d'vne  telle  impudêce,ou  pluftoll  d'vne  ra 
ge  fi  erfrenec.  Ily  eut  iadis  vne  fecteq  fenomoit  desAdamites,lefqls  aulîi  alîoyct  nuds,  Ljfcfte<^î 
&c'eltoit  leulemct  entr'eux,  Se  ésiours  de  leurs  fcllcs.mais  ceux  ci  les  outrepaifent  de  Aaanmts- 
beaucoup.  Etq  clt-ceq  pourroit  reciter  les  feditiôs&tumultcs  q  ces  Anabaptilies  ont 
efmeus  en  autres  lieux  du  pays  de  Hollâde,par  leurs  luppofts,&:  difciples  attendes  la  re- 
(tauratiô  du  royaume  à  Ifrael?  Quelqu'vn  a  côfeifc,preile  par  tormëts  citant  prifonnier  Notcz  fc' 
en  Lciden  ville  de  Hollande,que  le  roy  des  Anabaptilies  en  ce  teps  hsbitoit  à  Vltrect: 
mais  qu'il  n'eltoitpas  encores  courÔné,ains  feulemétcitoit  deligné  Prince  du  rcçned'-  Anabapti- 
Ifracl.  Iceluy  prifonnier ,  fut  trouuc  fai/i  non  feulemet  de  grâd  nombre  de  vai/felle  d'or  ft"' 
Se  darget  qui  eiloyét  fultraites  par  mefchâtes  pratiques: mais  aulîi  chargé  d'autres  cri- 
mes horribles  pour  lefquels  il  fut  exécuté.  Etn'yadouteq  parce  Roy  îln'cntedilt  Da-  Les  c6mcn 
uid  George ,  duquel  l'iiTue  horrible  lera  cy  après  déduite  en  fon  heu.    ^Voila  les  Dau'ilTce- 
beauxcommcnccmens&rorigine  de  celte  fecle.  lemelme  cfprit  qui  a  pouiîé  ceux-  orSc« 
la, cil  encore  auiourdhuy:&  n  cil  pas  deuenu  meilleur  ne  plus  humain  qu'il  clloit  alors, 
comblé  que  deiouren  iourles  Anabaptilies  qui  font  venus  depuis,  fe  foyent  delguifez 
en  toutes  les  façons  du  monde.  Ils  ont  en  fomme  édifié  la  tour  de  13abel,&:  Dieu  a  con- 
fondu leurs  langues,  de  forte  qu'ils  ne  s'entendent  plus  fvn  l'autre.  Se  font  diuifez ,  tel- 
lement qu'ils  fc  font  pnns  à  excômunicr&:  condamner  rvnl'autre,&  faire  aflemblecs  à 
part:defqucllcs  (de  peur  d'émiyer  les  lecteurs  de  tant  de  diuci  litez  de  fe&cs)  ie  n  en  no- 
me ray  ici  feulement  que  quinze  de  nom.  En  premier  lieu,  il  va  Thomas  Muncer  leur  Quinze  fe 
premier  perc,  auec  fa  bande. Puis  en  fecôd  lieu  après  il  y  a  les  Anabaptilies  Apoltoliqs,  nabapcjfte» 
vagans  Se  fe  fourrans  ça  Se  là.  Les  Anabaptilies  fpirituels  feparez  du  monde.  Les  Ana- 
baptilies faincts  Se  fans  péchez, ce  font  les  parfaicts.  Les  glorieux  Se  triomphas  Anaba- 
ptilies de  Munllre.Les  Anabaptilies  laifans  filcnce.Lcs  Anabaptilies  prians,&:  fe  fians 
du  tout  en  Dicu,rciettans  tous  moyens  ordinaires.  Les  Anabaptilies  Enthulialliques. 
Les  gros  ou  Anabaptilies  baudets  &  libres. Des  frères  Huttites.  Des  Anabaptilies  Au- 
guftîns.  I  )e  Mclchiur  HprFman,&:  les  Mchcrladrs.  Et  fïnalemét  des  Mennonites  de  no- 
llre  temps, Se  des  Franquiftes,  lefquels  fefont  auflidiuiléz»  ^Nc  voila  pas  d'vn  mauvais 
arbre  beaucoup  de  braehes  en  peu  de  temps?  ne  voila  pas  les  fruicls  du  plat  de  Munftrc 
Se  d'Amllcrdam  ?  Que  fi  maintenant,  ô  Anabaptilies,  vous  alléguez  que  vous  ne  tenez 
ceux-là  pour  Ircrcs.  le  refpon  que  vous  ne  différez  en  rien  quant  au  principal  de  voftre 
doctrine:  car  vous  l'auez  humée  d'eux,&:  lans  leurs  pmieresinucntionsvous  feriez  plus 
muets  que  poiilbns.Vollrc  grand  docteur  qui  en  eltuTu,  Menno  Simon  ne  les  mefeon- 
gnoit  pas  corne  plulîeurs  de  vous,&  n'a  hôte  de  les  appeler  les  frères  &fœurs(icdi  ceux 
de  Mûftrc  Se  d'Amllcrdam).  Car  voici  qu'il  dit  en  vn  petit  hure  qu'il  a  intitules  Belle  Se 
proulî table  admonitiô  Se  correctif)  au  Magillrat,&  a  tous  Ellats.  le  croy  Se  clperc ,  dit- 
il  q  nos  chers  frères  ont  vnDieu  mifericordieux,qui  par  cy  deuat  fe  font  vn  peu  deibor- 
dez  en  défendant  leur  foy  par  armcs:ce  n'elt  pas  merucillc  s'ils  ont  erre  en  ce  temps-la, 
attendu  que  lors  ils  n'auoycnt  encores  l'examen  de  l'efpnr,  Sec.    ^  Qui  en  voudra  co- 
gnoiltrc  dauantage,  les  lix  liures  qu'en  a  eferit  M.Buhngere  y  pourront  fatisfaire. 


IEAN     CORNO  NJeBreffe. 
'AN  M.D.xxxv,aumoisdeMayfutcôllituéprifonicrpourlaparollcdeDieu    m.  n 
jcn  la  ville  de  Mafcpnjea  Cornon,laboureur,du  pays  de  Breflc,hômc  fort  ex-  xxxv. 
(f  Ri5^ercé  en  la  parplle  deDieu,cobien  qu'il  fuit  fans  lettrcs.Ellât  deuat  les  Iuges,il 
^*les  rendit  confus  Se  eftonnez,  tellement  que  toll  après  par  fentéce  fut  conda- 
né  à  élire  brullé  vif.de  laquelle  fentence  il  ne  voulut  nullement  appeler.  Ainfi  fut  traî- 
né fur  vne  cloye  au  dernier  fupplice,en  la  fin  du  mois  de  Iuin  fuyuant,  m  .  d  .  x  x  x  y , 

p- 


Cjulïlaumt-j  TyndaL 


m 

G  V  I  L  I.  A  V  M  E    T  Y  N  D  A  L,  rf  V^ilvmrd. 

TYNDAL  ,  An<;lois- ,  acfté  Jcs  premiers  do  Acut  ••  de  l'Euangitc  au  pais  d'Angleterre  qui  auoit  .itir.ir.ui.int  comb^tu  courra 
Thomas  Moni* .  i:r.ind  adum'airedeh  venu  Finalement  après  aUOH  louftemt  de  grands  coinlutv  ,  il  (>:\  m.,  rviiic  au 
pj\sde  Bradant,  a  la  pouriùittc  do  LoiUJ'.ifVc^. 

M  d.  '^J~p^^-|  N  ce  mcfmctcps  Guillaume  Tyndal,  natif  près  tics  extrem  irez  du  pays  de 
xxxv.  kgft^  V vallie,  inftruit  des  l'on  icuneaagc  en  rvniucru"tcd'Oxone,a  vefeu  i  n  ton- 
i$\  RS#y&  te  intégrité  de  vie  &:  grade  réputation  enuersgcn.s  devertu.  Aulli  toit  que* 
LM^?;^  par  lalecUuc  des  liures  de  Martin  Luther  il  eue  acquis  quelque  petit  rayon 
de  laeognoillance  di  la  verite  de  Dieu ,  luy  icmbJa  que  de  là  en  auant  ilfcdcuoit  cm- 
plov  cr  aucc  toute  diligence,  à  c  c  qu'il  attirail  aulîî  les  autres  île  fa  nation  a  vne  incline 
cognoiilance. 

Et  atin  qu'il  vinft  plus  facilement  ÔJ  plus  hcurcufcmcnt  à  bout  de  ion  entreprile, 
premièrement  il  trauailla  aucc  Ion  bon  amy  Fryth>à  traduire  le  vieil  &:  nouucau  Telta- 
I  a  verfion  mcnt,cuu  fut  vu  ecuurc  loi  t  \  tile  &  faiutaire  pour  tous  les  Anglois.  Il  fît  au  Ai  beaiu  out> 

de  U  Bible.  i  ,  i  ,  1 

d  autres  petis  traitez  de.  diucrs  argumens ,  entre  Iciqucls  on  trouuc  ce  hure  excellent, 
Delobeillancc  Clircfticnnc,&:  quelques  œuures  cône  Morus&:  d'autres  leiquels  plu- 
fieurs  ont  leu  aucc  grand  iruict  &:  dclccLanon.Pautrcpart  aufli  les  Euclqucs  combatas 
d'extrême  force  &  opiniallrcté  pour  les  menus  fatras  de  leur  cglilc,fircnt  tous  leurs  ef- 
forts pour  arracher  de  la  main  des  hômes  les  efents  d'iccluy,&  principalement  la  trans- 
lation de  la  Bible. 

^  Or  lu  r  ceci,  pourccqu'vnchiftoire  en  attire  vne  autre,  ce  fera  a  propos  li  nous 
Tcn/tnie-  montrons icicommentle fage confeilde Cutbcrt Tonftal (home autrement farcy  de 
jjtc«"eAn*  lettres  humaines)  fut  rcuerfé:  i  an  m.  d  .  x  x  x , Guillaume  Tyndal  auoit  delîa  fait  quel- 
que monftrcdcfon  nouueauTcftamcnt,  lequel  il  auoit  traduit  en  langue  vulgaire.  A- 
pres  que  grande  quantité  de  ces  liures  eut  cftéfcmcc  par  cy  par  là,ceftuv  Cutbert  T6- 
îlal  eucfquc  de  Londres ,  lut  en  grand  loucy  comment  il  pourroit  faire  ciuanouir  rcus 
cesliurcs:&:  pouràce  paruenir  print  confeil  aucc  vn  marchand  nomme  Auguftin  Pa- 
Paizyngto.  kyngton.  Ce  marchant  rauorifoit  fccrcttemcnt  à  Guillaume  Tyndal,&  pourtant  don- 
na ce  confeil  a  l'Euefque,que  s'il  baillolt  autant  d'arget  qu'il  pourroit  furfirc  pour  ae Ité- 
rer tous  les  exemplaires  de  ctfte  imprelfion  , on  pourroit  faire  facilement  qu'ilnede- 
niLiireroit  pasvnfeulde  tous  ces  liures.  l.'Euelquc  trouua  ce  confeil  bon:  6c  tour  in- 
continent bailla  l'argent  à  ce  marc  handdequel  1  ayât  rcccuj'enuova  à  Guillaume  Tyn 
dal,qui  pour  lors  eftoiten  exil.  Par  ce  move  n  il  aduint  que  Tyndal  eut  dequoy  viurc*6£ 
les  côpagnons  aulli  :  &  outre  cela  eut  le  moyen  6c  faculté  d  apprefter  la  fecôde  édition. 
Or  Guillaume  Tyndal,  après  auoirloufrcrt  beaucoup  de  raicherics,  futprins  à  Anucrs 
à  la  pourfuitte  des  Théologiens  de  Louuain  :& tomme  aucuns  penfent,  cela  fut  par 
la  trahifon  d'vn certain  Anglois  nommé  Philippe,  lequel  eftoit  incite  par  les  Euefques 
a  ce  faire-.&r  fut  mené  en  prii'on.  Cependant  le  Seigneur  Cromcl  cfcriuit  bien  fouuent 
à  ceux  de  Louuain,&  talchoit  tant  qu'il  pouuoitdelcdcliurcr.  Finalement  après  qu'il 
Lamort  de  tut  cfté  détenu  vn  an  en  priicn  ,les  Louaniftcs  voyans  qu'ils  ne  le  pouuoycnt  induire 
Tj  ud*1,    à  fc  retracter,  firent  prononcer  fentenec  de  mort  à  Bruxelles  cotre  luy ,  6c  de  là  fut  me- 
né à  Vviluôrd  ville  de  Brabant,  pour  y  cftrc  bruflc:où  il  mourut  conftamment,  laiilànt 
vn  excellent  exemple  de  vertu  après  foy. 

O  n  dit  que  le  procureur  filcal  du  pays  luy  a  rendu  ce  rcfmoignage,  qu'il  eftoit  hom- 
me fort  fanant,  de  bonne  &:  famcle  vie.  Vn  marchand  digne  de  foy, a  rapporté  de  luy  v« 
ne  choie  qu'on  ne  doit  oublier  en  cefte  hilloire.  Quelque  fois  le  trouua  vn  enchanteur 
aucc  vne  compagnie  de  marchans  qui  foupoycnt&  banquetoyent  enfcmblecn  la  ville 
d' Anucrs,  lequel  par  Ion  art  magique  raifoit  venir  fur  la  table  &  vin  6c  viandes  de  quel- 
que forte  ou  de  quelque  heu  qu'on  euft  voulu. Tyndal  apperceuant  cela, pria  l'vn  de  ces 
marchans  qu'il  luyfuft  loiliblc  de  fe  trouuer  prelcnt au  lie  u  où  feroit  ecruftre.  Pour  le 
la  preféce  faire  court ,  le  loupe  fut  ordonnédes  marchans  fe  mettent  à  table, 6c  Tyndal  auffi  quic- 
d^  Tyn.iai  {^0it  conuié  à  ce  foupe.  Là  on  pria  ccft  enchanteur  de  monftrer  quelque  tourdcgctil- 
inipcJun-  lequel  laifoit  toutee  qu'il  pouuoit  pour  fe  monftrer  habile,  mais  il  n'en  pouuoit 

tcmeni.     venir  à  bout.  Finalement  voyant  que  toute  fa  magie  eftoit  comme  mile  bas,  il  tut  con- 

trainc 


Çowbrig,  çAngtoh.  86 

traint  de  confefTcr  ouuertcmcnc  qu'en  ce  foupé-la  il  y  auoit  quclcun  qui  troubloit  coû- 
te l'on  entreprise,  &:  lempelchoit  de  faite  ce  qu'il  vouloir. 

CO  VVBRIG,^k 

Nbruflavn  nomme  Covvbrig,  en  l'vniucrfitc  d'Oxonc,  lequel  fut  pris  t's  xxxvi 
(quai  tiers  de  Gloccftre,&:delàmcnéà  Oxone.  Encetcmps-la  le  docteur  smyd.sc 
ÎSmyth  eftoit  Doyen  de  la  faculté  de  Théologie ,  &c  le  docteur  Cootfe  cftoit  Cootfé- 
'le  plus  ancien  après  luy,lefquels  aucc  les  autres  Théologiens  fe  monftrcrét 
irmmnains  entiers  ce  bon  perionnage.  Apres  qu'ils  l'eurent  fait  mettre  en  lapnfon 
nommée  Bocard,  le  faifoyent  mourir  de  faim-.teJlemcnt  qu'il  deuint  tout  fec.Les  Thé- 
ologiens firent  courir  vn  bruit,  qu'il  y  auoit  vn  heretiqueà  Oxone,  que  quand  on  luy 
parloit  de  Icfus,  il  l'enduroit  bien,  mais  il  ne  pouuoit  foufFrir  ce  mot  de  Chnft  :  &:  pour 
cefte  raifon  perfuaderent  aux  oreilles  du  peuple,qu'il  cftoit  d  igne  d'eftre  bruflc.ee  que 
plulîeursd'OxonccroyoyentaulTi.  Ainli  on  ordonna  le  ioui  auquel  celte  pailible  bre- 
biette  de  Chrift  fut  menée  à  la  boucherie  auec  grande  compagnie  de  gens  embafton- 
nez.  Eftant  au  milieu  des  flammes,  il  inuoqua  par  plulîcurs  lois  le  nom  du  Seigneur  Ie- 
fus  Chrift,&:  auecfcrueur  recommanda  ion  cfprit  au  Seigneur. 

HISTOIRE  d'un  trouble  &  cfyouantement  cjut  advint  entre  les  Théologien*  de  f  vniuerfité  d'O- 
.vo«e,  au  grand  u  rnple  de  la  ydle^Jans  aucune  (aufejon  qu'iceux  tfloj  cm  aj]cmblc\ pourvoir/aire-v- 
ne  amende  honorable  à  leur  Jlojlie. 

O  N  voidenec  récit  raccemplilTcmcntdclamenace,Vousfuyrez  5:  tombere7  fans  qu'aucun  vous  poiirfuyue,  Leuit.i6.i7,&:  36. 

t  3  WÎ^S  O  V  R  C  E  que  ce  qui  cft  ici  à  traiter,  cft  <  ôioint  aucc  les  choies  preceden- 
tcs,nousnc  l'auospcu  omettrc,combicn  que  le  fil  de  l  hiftoire  (oit  aucune- 
ment rompu. Prclquc  en  ce  mefme  temps  que  les  CardinauxV  vile  &  Cam- 
pege  faifoyent  leurs  monftrcs  à  Londres, vn  peu  après  iladuint  qu'vn  hom- 
me fut  mené  au  grad  temple  île  la  ville  d'Oxone  (lequel  cônmnément  on  appelle  No- 
(Ire-dame)pour  lcdefdire,&:  taire  là  quelque  amédchonorablc,&:lcqucl(lclon  la  façon 
accoullumce)deuoit  porter  vu  fagot  furies  efpaulc  s  .^falloir  q  là  il  alhftaft  pour  ouyr 
lcfermon.  C'cftoit  vn  iour  de  Dimanche. là  eliovet  venus  grand  nôbre  des  principaux 
Dodcursde  celte  vniuerlité,  &:  Bacheliers  formez  &:nô  formez, &  puis  vn  nombre  in- 
fini d'eleoliers,  outre  vne  grande  multitude  de  citoyens, bourgeois  &:  habitans.  Bref,  a 
grad'  peine  y  auoit-il  vn  fcul  petit  anglet  de  tout  ce  tcple  qui  fuit  vuide.  La  eftoit  le  po- 
ure  home  eondâne.lc  prefeheur  môta  en  chairc,&:  cômença  l'on  fcrmon.l'ai  gumët  du- 
quc  l  eftoit  de  l'Euchanltie.Et  aucuns  difent  que  le  dieu  de  parte  y  fut  auffi  apportc,afin 
que  le  fermô  euft  plus  de  poids  &:  de  reucrence.  Délia  le  prefeheur  cftoit  au  milieu  de 
fon  fermon-.lc  peuple  oyoit  attentiuement,  &:  fàifoit  grand  fik  nce  :  &  voici  la  voix  de 
quelcun  fut  ouye,  lequel  crioit  de  la  rue,  Au  feu,  au  feu.  Ceux  qui  eftoyent  plus  près  de 
la  porte,  ouyrcnt  les  premiers  ce  cry  :&:  deccux-cyil  vola  iniques  aux  autres,  com- 
me il  aduient  couftumiercment  :  &:  finalement  paruint  iufques  aux  oreilles  des  Do- 
cteurs^ mefme  iniques  au  prefeheur  qui  eftoit  en  la  chaire.  Apres  qu'ils  eurent  ouy  ce 
faid,  toutincontinet  ils  furent  laifis  d'cfpouantemcnt&:  frayeur.  &:  tous  elbahis  regar- 
doycntàlacouucrturedu  tcmple&auxmuraillcs.  Les  autres  voyans  ceci,  icttoyent 
aufii  les  yeux  de  toutes  parts  .  &:  délia  cefte  voix  refonnoit  de  tous  coftez  entre  les  au- 
diteurs: Au  feu,au  feu:&:  les  vns  dcmandoyet,Où  cft-cc?lcs  autrcs,Eft-ce  au  temple: Or 
àgrad'  peine  ce  mot-la  fut-il  pronocc,quc  tout  en  vnmomet  il  y  eut  vne  acclamation 
de  tous,Lc  feu  eft  au  temple .  c'eft  tait ,  les  hérétiques  bruflent  le  temple,  &:  autres  tel- 
les parollcs.  Combien  que  nul  ne  viftlcfeu,  neantmoins  pource  que  tous  crioyent 
ainli i,  il  n'y  en  eut  pas  vnquin'euft  opinion  que  ce  qu'il  auoit  ouy ,  eftoit  vray.  Or  ce 
qui  fut  premièrement  caufe  de  ce  grand  cry,  c'eft  qu'il  y  auoit  du  feu  en  vne  cheminée  Vnef" 
d'vne  maifon  de  la  ville:&  d'autant  que  ce  feu  apparoilîbit  haut ,  &:  que  les  cfteincellcs  icHncfc 
voloyent  pardeiîus  les  toidsdes  maifons  voifines,  vn  chacun  (  comme  cela  aduient 
ordinairement  )  fut  efmeu  à  s'eferier ,  Au  feu.  La  voix  donc  qui  fut  ouye  par  les  rues , 
donna  foufpcçon  à  ceux  qui  eftoyent  dedans  le  temple,  comme  fi  le  feu  y  euft  efté. 
Et  qui  augmenta  encore  le  foufpcçon,cc  fut  ptemierement  la  caufe  de  ce  poure  hôme> 

r.ii. 


L/Wo //.  %eck  dhiftoke. 

qu'on  tcnoit  pour  herctique,qui  cftoit  là  amené  pour  faire  fa  pénitence ,  &:  penfoit-on 
que  les  autres  hérétiques  cuifent  confpiré  pour  tout  mettre  en  feu.  Dauantagc,  ce  que 
le  peuple  accouroit  de  toutes  parts ,  &c  bruyoït  ainli ,  auoit  efmeu  la  poufficrc,&:  1cm- 
Tumulte  bloit  qvie  ce  fuit  comme  la  fumée  d'vn  feu. Cela  auee  le  cry  du  peuple  donna  vne  ii  gra- 
Yimc^c  ^  de  fraveur  à  tous,  que  laiflans  là  le  fermé  pour  fuyr,  la  multitude  s  empefehoit  foy-mcf- 
me.  Car  comme  ainli  fuftquc  tousd'vncmefmcimpctuolité  allailcnt  gagner  les  por  - 
tes, ils  le  preifoyent  ii  fort,  qu'ils  s'aecablovent  l'vn  l'autre,  voulâs  fortir  tous  d'vnc  Hot- 
te^ ne  pouuans  trouucr  le  moyen.  Quand  onvid  que  l'vne  des  portes  cftoit  cinpcf- 
chee,on  courut  à  vne  autre  petite,  qui  regarde  le  collège  appelé  Ncz-d'airain,du  collé 
de  la  Bife.  mais  là  fe  trouua  encore  vne  plus  grand' preife ,  d'autant  qu'il  y  auoit  moins 
d'efpace  pour  palier  :  &:  la  furent  tellement  froiiîcz  &:  oppreilez,  que  pluiieurs  furet  en 
d  a  n  q  e  r ,  &:  a  u  c  u  n  s  m  c  1  m  c  s  c  n  m  o  u  r  u  r  c  n  t  p  u  i  s  a  p  r  e  s . 

I  l  y  auoit  vn  autre  huis  dcuccs.le  foleil  couchant,  lequel  on  n'ouuroit  point  ordinai- 
rement. &:  combien  que  lors  il  fuit  fermé  de  groflcs  barres,  tant  y  a  que  la  multitude  v- 
fade  lî  grand'  force,  qu  a  belles  mains  &c  ongles  ils  arracherét  vne  grofle  cfparre  deferj 
Telle c(\  la  &  encore  ne  le  peut-on  ouurir  àcaufe  de  la  multitude.^  Alors  ayans  perdu  toute  cfpc- 
force  &  i-  ranec  de  pouuoir  fortir,  ils  furent  fort  troublez,  ils couroyét  çàcvr  la  haut  &i  bas:&  me- 
ddjouit^  noyenc  vn  JÎ  grâd  bruit,  que  tout  le  temple  cftoit  remply  d'vnc  vapeur  efpeffe  femblât 
mcnt.quâd  à  vnefumee,& crioyent  queles  hérétiques  eftoyent  caufe  de  leur  mort.  Et  tant  plus 
multitude*1  qu'ils  crioyent,  tant  plus  s  cfpcluffoit  la  vapeur  pour  le  bruit  &  l'haleine  des  hommes, 
comme  h  toutes  les  parties  du  temple  haut  &  bas  cu/fent  cfté  efpnfes  de  feu.  L'vndi- 
foit  qu'il  auoit  ouy  de  fes  propres  oreilles  le  pétillement  du  feu,  l'autre  que  mefme  il  le 
voyoït  de  les  yeux-.l'autrc  atteftoit  par  ferment  qu'il  fcntoit  fur  fa  tefte  le  plomb  fondu. 
En  toute  cefte  grande  multitude  nul  ne  fe  portoit  Ci  modeftement  que  ce  poure  home 
qui  eftoit  là  pour  faire  fa  penitéce  auee  fon  fagot:  lequel  il  mit  au  pied  d'vn  certainThe 
ologicn,&:  cependant  fecontenoir  paisiblement ,  attendant  ce  qui  pourroit  aduenir. 
De  tous  les  autres  il  n'y  en  auoit  pas  vn  qui  ne  fuft  ibigneux  pour  foy-mefme  ,&  ne  cet 
foyent  tous  de  crier  &C  le  tempefter.  Maison  ovoit  bruire  môlieur  le  prefeheurpar  def- 
fus  tous  autres,  comme aulft  il  eftoit  plus  haut  môté  que  tous  en  fa  cliairc,criat  à  haute 
voix:Cc  font-cy  les  embufehesdes  hérétiques  dre/lécs  contre  moy  :  Le  Scigneurait  pi- 
tié de  moy  ,  le  Seigneur  ait  pitié  de  moy. Bref  il  n'y  en  auoit  point  qui  le  portailcntplus 
foteement  q  ceux  qui  eftoyet  cftimez  les  plus  iages.iinon  qu'en  vn  ou  deux  il  y  auoit  vn 
Clumot&         j    (je  mo^Cratiô:  entre  lelquels  cftoit  Claimond  home  autremét  eftimé  fauant, 

lutrcsel-     I        I  i         ii  i  i     i~i    -r        s  ii     o    I  i 

potuntez.  principal  du  collège  au  corps  de  Chnit,qu  en  appe lic,cVi  bien  peu  de  vieilles  gens  auee 
luy,lefqucls  àcaufe  de  l'imbécillité  8e  roiblciîe de  leur  vieillelle  ne  s'ofoyct  fourrer  par- 
my  ies  autres,ains  s'eftoyent  icttez  à  genoux  deuant  le  grand  autel  du  temple ,  recom- 
mandansà:  eux  &£  leur  vie  à  leur  bien  heureux  facrement.  Mais  ceux  qui  auoycnt  les 
reins  &C  eoftez  plus  fermes, fe  fourroyent  parmy  la  preife,  &:  fe  veautroyent  haut  5e  bas, 
s'cftiahiifans  de  l'inciuilité  de  s  hommes ,  &:  fc  courrouçans  afprement  contre  le  peuple? 
rude&:  mal  poly  ,tieie  qu'il  ne  faifoit  point  honneur  à  meilleurs  nos  maiftres,  aux  Do- 
cteurs, Bacheliers  &c  Licentiez.  Mais  tout  ainii  que  tous  eftoyent  faihs  de  frayeur  &:e- 
ftonnement ,  aulfi  n'y  faifoit-on  point  de  diftinction  des  eftats  ou  degrez. 

Or  voyas  que  pour  quelque  eftoit  qu'ils  fiftent,  ils  ne  gaignoyentrien  ne  par  force 
ne  par  authonté,ils  le  mirét  à  barboter  des  oraifons&:  à  taire  des  vceuz:  l'vnprcfentoic 
vingt  Hures  de  gros  ou  fterlm  qu'ils  appellent,  l'autre  vne  robe  d'cfcarlate  à  celuy  qui  le 
tircroit  hors  de  là,  voire  par  les  oreilles.  Les  autres  tenoyent  les  pilliers  des  deux  bras 
bien  eftroitement,  penfans  que  par  ce  moyen  ils  feroyent  bien  couuerts,&:  que  le  plôb 
fondu  ne  tomberoit  point  fur  eux. (Car  ordinaiment  les  temples  font  couuerts  de  plôb 
en  Angle  terre.)  Il  y  en  auoit  allez  qui  eftans  deiprouucus  de  confeil  &z  d'argent ,  ne  fa- 
uoyent  bonnement  de  quel  cofté  fe  tourner.  Vn  principal  d'vn  collège  arracha  par  for 
ce  le  de/fus  d'vne  efcabelle,&:  s'en  couuroit  la  tefte  &  les  efpaules,à  celle  nn  que  le  mé- 
tal fondu  ne  luy  nft  point  de  mal.  Car  tous  eraignoyét  beaucoup  plus  cela  que  la  ruine 
du  téple.  Vn  Théologien  ventru  voyatque  tous  les  paflagcs  eftoyét  cmpefchez,&:  qu'il 
n'y  auoit  ouuerture  par  laquelle  il  peuft  fortir,penla  qu'il  eftoit  bon  de  taire  puuerturc 
par  vn  autre  chemin,  8c  s'aduifa  de  cafter  vne  vitre  pour  faire  cftay  s'il  pourroit  paiTcr 
par  là:  mais  il  trouua  des  treillis  de  fer.toutefois  l'affection  qu'il  auoit  de  fortir  hors,  le 
fît  palier  outre.  Quand  donc  il  eut  rompu  la  vitre,  il  voulut  pafter  par  l'entre-deux  des 

treillis 


Ttjcit  d'hifloire-j.  S  7 

tieiiîis&:  mit  premièrement  la  telle  &:  l'vn  des  bras  &  vnc  efpaule.Cela  vintafîez  bic  n, 
mais  il  luy  fallut  auffi  tirer  l'antre  eipaule,&  encore  vint-il  a  bout  de  cela, combien  que 
ce  fiift  à  grande  difficulté.  Et  neantmoins  il  demeura  là  arreflc  en  ces  treillis  de  fer,  en 
forte  ou  il  ne  fe  peutauancer,  ny  aufli  reculer  en  arrière  :  ée  amii  voulant  cuicer  vn  dan- 
ger, tlVe  mit  en  double  pcrikalfouoir  li  le  feu  le  fuit  pris  pardehors,cc  qui  cltoitauancc 
de  fon  corps  cuiKlte  bruflc,&  au  contraire. Et  les  autres  elloyét  auili  bien  attachez  aux 
portes,quc  ccltuy-cy  à  la  feneflrc,voire  tcllemct  qu'ils  fuiTent  pluftoll  là  morts ,  que  de 
pouuoir  remuer  vn  pied.  Finalement  il  y  en  eut  aucuns  qui trouuerent  moyen  de  le 
defueiopper  de  celte  prelfe ,  alîauoir  qui  montèrent  par  dellus  les  telles  de  ceux  qui  c- 
ftoyent  en  la  foule,  &C  palîans  de  telle  en  telle  fortirent  dehors. 

Ôn  peut  iciadioulîervn  plailànt  côte  d'vn  Moyne  delabbaycdc  Gloccflxe:Vn  ieu-  D'vn  moi- 
ne o  arçô  le  trouue  d  aducture  en  ce  tourbillon, lequel  vo\  ât  que  les  portes  eftoyct  ainfi  °cCftdref  l°" 
faifics  par  la  multitude,de  telle  façon  qu'il  n'eufl  peu  fortir,  grimpa  de  pieds  Se  de  mais 
iufqu'au  plus  haut  de  la  portc:&  fe  trouuât  là  fut  aufli  côtraint  de  s'y  arrcllcr:  car  de  fait 
il  ne  pouuoit  retourner  au  téple  fans  crainte ,  ny  aulfi  fortir  hors  en  la  rue  fans  danger. 
Ainfi  qu'il  pâchoit  en  haut,vne  nouuclle  oceaiïon  luy  dôna confeil,&  auec  l'aduis  qu'il 
print,  moyen  propre  s'offrit  de  rexecuter.  Entre  les  autres  qui  cfloyét  portez  fur  les  te- 
lles des  homes ,  il  apperceut  d'aduenturc  vn  Moine  qui  venoit  contre  luy,qui  auoit  fur 
l'es  efpaules  vn  froc  ample  &:  blé  large.  Le  garçon  pela  que  celle  occafion  luy  feroit  pro 
pre  pour  fortir.  Et  ainfi  que  le  Moine  ciloit  délia  près  deluyjc  garçô  fe  ictte  tout  belle- 
ment dedâsle  froc  du  Moine,pélànt  que  li  le  Moine  elchappoit,luy  aufli  ei'chappcroit, 
comme  il  en  aduint.  Pour  le  faire  court,finalcment  le  Moine  cllant  porté  fur  les  tefte  s 
s  îiutres,  fe  defueloppa  de  la  foule,&:  forcit  portât  le  garçon  en  Ion  froc.  Et  fut  fi  eflô- 
nc  qu'il  nefentoic  la  charge  qu'il  portoitrmais  a  la  longue  ayant  l'ecoué  les  bras  &c  les  ci-  ntonoc- 
paule<  ,;1  fentit  que  ion  froc  luy  pefoit  plus  que  decoutlume.dauantage,  o\  at  vue  voix  ™XuT/ 
o; u  [orcoit  de  ion  froe,il  fut  plus  ellônc  qu'il  n'auoit  elle  auparauat  en  la  prelfe&pëibit 
que  t  e  fuft  ce  diable  qui  eut  mis  le  feu  au  te  mplc,&,  de  puis  fe  fufl  ietté  dedans  ion  froc, 
T  out  incontinent  il  cômença  à  t  ôiurer  la  mauuaife  befte  en  cette  forte:  Au  no  deDicu 
; .  c,c  to"  le  s  faindrs  îe  te  eômande  que  tu  fortes  d'ici,&  que  tu  me  difes  qui  tu  es,  toy  qui 
es  dedans  mon  froc.  Auquel  le  garçon  rclpondit  difant,le  fuis  le  garçon  de  Bcrtrâ. Mais 
\c  Moine  ne  le  croyoïr  point ,  ains  luy  dit  pour  la  lecende  fois ,  le  c'adiurc  au  nom  de  la 
iàinete  &  mleparableTrinité,quc  tu  me  dites  qui  tu  es, ou  d'où  tu  es,&  que  tu  fin  ailles 
d  u  1, malin  cfprit.El  le  garçô  luy  dit  derechef,  le  l  uis  le  garçon  de  Bertrâ:ie  vo9prie  mô 
bon  feisneur,que  vo9  permettiez  queie  m'en  aille  d'ici  en  paix.Etlefroc  quât&.  quant 
cômença  aïe  rôpre  depuis  les  efpaules,à  caufe  du  fardeau  qu'il  (ouflenoit.  Apres  que  le 
moine  eut  repris  qui  lq  aflcui  âcc,il  defehargea  fô  froc,ôdc  garçô  s'enfuit  tât  qu'il  peut. 

Cr.  p  t  \  d  a  n  t  ceux  qui  efloyent  dehors  parmy  les  rues&:  places  (  après  auoir  dili- 
gemment regardé  d'vne  part&  d  autre,  &  veu  qu'il  n'y  auoit  nul  dagcr)s  cfbahi/làns  de 
c<  (le  tempeile  li  vainç,firentfignedelamainàceux  qui  efloyent  encore  au  téple,  qu'- 
ils fe  tiniîcnt  quoys  6c  paiiiblcs  ,  leur  crians  qu'il  n'y  auoit  danger  aucun.  Et  toutes  fois 
poiirce  que  le  bruit  eftoit  fi  grâd,que  nulle  voix  ne  pouuoit  eftre  ouve  :  de  ce  ligne  mef- 
me  qui  leur  pouuoit  apporter  quelque  ioulagement,  ils  concernent  plus  grande  ocea- 
iïon &.  matière  de  defefpoir,  interpretans  cela  tout  ainfi  que  lion  leur  eufl  dit  qu'ils  dc- 
meuraflcnt  dedans,  pource  que  s'ils  fortoyenthors  du  temple, ils  fentiroyent  plus  grâd 
dommage  pour  le  plomb  fondu  &:  rembrafement  du  feu,&  les  flammes  volâtes  de  ton 
ce  s  parts.  Ceft  orage  dura  quelques  heures  en  cefle  forte. 

O  r  le  lendemain  &c  durant  toute  la  femaine  fuyuante ,  on  mit  des  billets  aux  portes 
plus  qu'on  ne  fauroitdire,  par  lefqucls  vn  nombre  infiny  de  gens  demandoyent  qu'on 
leur  rendift  ce  qu'ils  aiuîyentperdud'vndemandoit  fa  bourfedautrefon  chapeau,  Tau-, 
tre  fon  bonnet.  Bref,à  grand'  peine  s'clloyent  là  trouue'  peu  de  gês,qui  n'culfent  ou  par 
ouhlv  ou  par  nonchalance  laifîé  quelque  chofe.  Et  quant  à  ce  poure  homme  à  qui  on 
failbit  faire  amende  honnorable ,  après  auoir  affez  fait  de  pénitence,  il  s'en  alla ,  efiant 
plus  aidé  de  la  commodité  du  tcmps,quedela  mifericorde  eies  Théologiens. 

^"E  n  v  i  r  o  n  ce  téps  la  Stokiflé  cuefque  de  Londres  &:  les  autres  firent  mourir  dou- 
ze pcrfonncsd'Alemagne:  On  difoit  qu'ils  fenroyent  mal  du  Baptefme.  Deuxd'en- 
tr'eux,  alTauoir  vn  homme  &:  vne  fcmme,furent  bruflez  à  Londres  au  marché  aux  che- 
uaux,les  autres  en  d'autres  villes  &  villages.  Ceci  te  foit,Le&eur;  pour  récit  d'hilloire. 

p.hi. 


Liureul  I 


M  ARTIN    G  ON  IN, 


C  E  S  T  F.  liiftoirc  nous  meurtre  comtrent  rcux  de  l.i  vallée  d'Angronnc ,  pai  longue  fiicccfTon  ,&  comme  de  pce  en  fils  ont 
luyui  quelque  pureté  de  dockriuc,&  oui  eflé  au  nombre  du  peuple  qu'on  .1  appelé  Vaudou. 


m.  d.  r  \ 

XXXVI.  SJ 

Valet     U  8M 

i 


(OVR  plus  ample  intelligence  du  rccitilcce  martyr  du  Seigneur,  il  nous 
M.'t  faut  fauoir  qu'il)  .1  vnc  certaine  vallée  an  Pic  dmorft  près  du  mont  Vcl'ulu s* 
de  cinq  à  lix  lk  uës  d'ertendue  ou  cnuiron,  laquelle  cmpriïtc  (on  nom  de  la 
liilus.       syg  ^C'.'-"^<  ville  de  L  u /erne, appelée  pour  cède  :  aiton  Vau-luzcrne.IccJk  (  entienti  n 
\  au-luzer  fCyVnc  autre  petite  vallée  que  Ion  nomme  d  Angi  onne,  àcauléd'vn  petit  tic  une  tic  ce 
Val  i'An.  nom  qui  pafle  par  icclle*  llya  e  ncore  deux  autres  vallées  continues  aux  précédentes* 
gronne.     afTauoir  celle  de  Pcrulc,  qui  ainù"  le  nomme  pour  la  ville  de  meime  nom:  i  autre  cilla 
Vï-  Sua  vallée  de  Sainét-Martin.  Plusieurs  \  illcttes  &c  villages  font  efditcs  vallées.  Les  habitans 
Martin,     fout  proù  (Tion  de  l'Euagile ,  ôÉprcfquc  de  tout  te  mps  ont  eu  en  horreur  les  abusà.  tra- 
ditions du  liège  Romain. Ceux  qui  ont  fréquenté  lelditcs  vallées,  eftiment  que  lf  nom- 
bre des  habitans  peut  bit  n  dire  preique  de  Sooo  peribnnes.  M.Martin  Gonin,  homme 
craignant  Dicu,cftoit  en  ce  temps  Miniftrc  en  ladite  vallée  d'Angronnc  :  k  s  habitans 
de  laquelle,  ayans  entendu  que  pluiicui  s  villes  aux  pays  d'Alcmagnc,  Suilli.&:  Sauoye 
auoyent  depuis  quelque  temps  prins  lavraye  tlodrine&:  reformation  de  l'Euagile  , dé- 
libérèrent a  la  façon  d'icclles  reformer  leurs  eglilés.  Car  cftans  fort  affectionnez  a  la  pa 
rolle  de  Dieu,  auoyent  de  long  temps  eu  ce  defïr  :  &:  eognoiflbyenc  allez  que  leurs  di- 
tes eglifes  ciloyc  nt  mal  n  iglecs  en  pluiieurs  ehoies      comme  cnrouillees  par  1  igno- 
rance &:  les  ténèbres  du  temps  précèdent.  Ils  cnuoyerent  à  Gencue  ledit  Martin  auec 
ici  GirarJ  [can Girard(qui  depuis  a  cité  imprimeur  01  ladite  ville)pour  pricrM. Guillaume  Fa:  ci, 
^wlrneuf  qui  lors  prefehoit  en  ladite  ville,  de  vouloir  prendre  la  charge  de  reformer  leurs  Egli- 
Tgcucuc.  i"..  s,  tant  celles  qui  citoyen  t  au  pays  du  Danp  hmé,  Proucncc  &c  Piedmont,quc  celles  de 
la  Pouilie&.  Calabre.  Apres  que  Martin  aue  c  Ion  compagnon  eurent  exécuté  fidèle- 
mcntccftc  coirmilTien:  au  partir  de  la  ville  <le  Gcncue,au  mois  d'Auril  m.d  .  x  x  x  v  i, 
Martin  print  fon  e  hemin  pour  retourner  en  Fiedmont,  ayat  intention  de  vifitci  k  s  pa- 
Martin  Go  rens&  amis.  En  chemin  lefcigneur  Champchô,  nomme  George  Martin,  le  print  pour 
ninpnion-  ejpjon  fur  [es  montagnes  de  la  duché  de  Chanfauren  Dauphiné.  De  là  il  le  mena  en 
Porte- trome ,  qui  eft  la  prifen  de  Grenoble  3  où  il  fut  examiné  par  ceux  du  Parleme  nt 
dudit  Heu.  mais  ne  trouuans  aucun  ioufpeçon  furluydu  crimequi  luyeitoit  împo- 
fé,  ordonnèrent  qucles  portes  de  laprilon  luyleroycnt  ouuertes      qu'il  leroit  mis 
c  n  la  liberté. 

A  v  fortir,  le  Geôlier  nommé  George  Eorel,  en  le  fouillant  luy  trouua quelques  le  t- 
très  lainClement  e  le  rite  s, que  Guiilaumc  Parel,  Antoine  Saunier,& autres miniftres  de 
c  kneucadrefloyent  a  cei  tains perfennages  du  Piedmontcraignans  Dicu,&:  bien  affe- 
ctionnez à  fa  parolle.  Lors  le  Geôlier  luy  dit,Rctourne  dedans  :  car  tu  es  Luthérien .  &: 
enferma  bien  eftrente  ment  en  vnc  baiicroiPcoii  il  fut  par  deux  îours.  Au  troiiieme,lc 
Procureur  du  Roy  aueeques  autres  du  Parlcmcntvindrent  vers  luy:  5,'  ledit  Procureur 
print  la  parollc,&  luy  dit  qu'il  cftoit  efpion,puis  qu'il  portoit  lettres.  Martin  refpondit, 
Lifcz-k  s,  ôc  vous  trcuucrczque  ce  ne  font  lettres  de  guerre ,  ne  concernantes  lesarïai- 
ie  s  des  Princcs-.mais  fculcmct  ce  font  lainctes  admcnitiôs  pour  viure félon  Dieu.  D'où 
cs-tu:diret  les  autres,  tu  es  quelque  Luthérien:  caries  lettres  que  tu  portes  (ont  Luthe- 
rie uncsj&  monftrent  que  tu  es  tel:  le  fuis  d'Angronnc  en  Picdmôt,elit  Martin:^  à  pre- 
fentic  demeure  à  Gencue ,  où  l'exerce  Part  d'imprimerie  :  &c  ne  fuis  nullement  I  uthe- 
rien,  ny  ne  le  voudroye  eftre,  attendu  que  Luther  n'eft  point  mort  pour  moy,ains  Iefus 
Chrift,  duquel  îe  porte  le  nom,  &  pour  lequel  ie  veux  viure&  mourir.  Interrogué  qui 
prei'ehoit  à  Gencue, rei'podit  que  c'eftoit  M. Guillaume  Farel  &:  Pierre  Viret.  Sur  quel- 
le procureur  du  Roy  luy  dit  que  c'eftoyet  les  plus  gras  Luthériens  du  mode.  Martin  luy 
côtredit  doucement,  dilanr,Ne  vous  delplail'e:  ce  font  vrais  feruiteurs  de  Dieu,  qui  ne 
prefehet  que  la  pure  do&rine  corne  ont  fait  les  Apoftrcs ,  &c  ceux  de  PEglife  primitiuc, 
Et  veux-tu  dire  (dit  le  Procureur  du  Roy  )  que  tout  ce  que  nous  tenons  denoftre  mere 
fain&ceglife  de Rome, eft  faux?  aflauoir  la  Meflé,  le  Purgatoire,  les  pardons  du  Pape, 
les  bémcsecuurcs  &:  choies  féblables  ?  Martin  rcfpôditque  telle  eglife  eitoitl 'cglifc  des 
malins,  que  Satâ  a  inuctee:  dot  le  Pape  eft  le  chcf,qui  eft  le  vray  Antcchrilt,&:  n'en  faut 


Martin  Cjonin.  S  S 

cerchcr  d'autre.  Mais  il  en  lira  fait  aïnfi  que  dit  fain&  Matthieu,  Que  toute  plantation 
laquelle  le  Pcrecelefte  n'a  point  plantec,fera  arrachée .  Le  procureur  du  Roy  luy  de- 
manda,Et  quand  fera  ce:  Martin  luy  dit, Cèlera  quand  lefjlsde  pcrdition,qui  Cchcd  au       1  l" 
lien  CaintMcrareiu  lc:c<  m  me  Icl'crit  îaincl  Paul.    Mais  baillcz-moy  vnc  Biblc,&  ic  le 
vous  mentherav  .  C  l'eft  allez  pour  auiourdhuy  (reCpondit  le  Procureur)dcmainont'a 
rnencrades  Docteurs  -,  qui  te  reCpondron  t  bien  au  ircment,&:  t'apporteront  vnc  Bible 
&vn  McîîclauiÎ! .    ^  Le  lendemain  s'aflembla\nc  troupe  de  Cordcliers,  lacopms& 
Preftrcs,auec  \  ne  partie  des  l'eigneurs  île  la  Coût  du  Parlement.]-. t  lors  le  procureur  du 
Roy&  1  Inquiliteui  de  la  foy linterroguerent en  celte  Cotte:  Vicn-çà  ,  ne  veux  tu  duc 
autre  choie  que  ce  que  tu  as  dit?U  relpondit,Ie  ne  Cay  pas  ce  que  me  voulez  demande! 
Adonc  lïnqiuntcur,commc  le  phishardy,s'aduaça  de  1  interroguerainfi,En  qui  crois 
tu:    RefponCe,En  Dieu  le  Pcre  par  IeCus  Chrift,ainli  qu'il  eft  contenuau  Symbole  des 
Apoftres,quc  nous  appelons  le  Credo.&  ne  croy  autremet.  Dcrechefrinquiliteur  luy 
demanda,  Comment  pries-ru  noftrc  Seigneur  r  Rcfponfc,  Ainli  quece grand  Sauueur 
6c  Rédempteur  IeCus  nous  a  apprins,dilant,  Noftte  Pcrequi  es  éscicux  .  L 'Inquiliteui 
répliqua  tout  colère,  Et  veus-tu  dire  que  les Cufrragcs  de  noftrc  mere  Caîcte  egliCenc  va 
lent  rien.  Rciponle,  Vous  le  dires-car  ce  ne  l'ont  quinucntiôs  humaines  &  diaboliques 
qui  ncccflaircmentrombcront  anec  le  Pape  leur  chef,  comme  il  eu:  cCcrit  en  l'Apac  a- 
liple  au  17,6c  18. chapitre ,  deCquels  la  lecture  en  fut  faite  à  l'heure  mefme,&  Martin  en 
donna  l'cxpolition. 

Ai  o  r  s  vo9cuilîi  1  veu  Prelhes  6c  Moines  fi  rafehez,  qu'ils  frappeyet  la  table  a.  gras 
couns  de  poing,&  iertoyent  leurs  bonnets  contre  terre, comme  cnragez.Et  commen 
t  c  rent  a  dirc,Qu'auons  nous  à  taire  de  le  plus  examiner  ?  c  cil  vn  damne  hérétique.  A 
quoy  il  rciponditjSi  les  Proplietes,&  ïelus  Chrift  mon  Sauueur-  auec  les  Apoftreslbnt 
hérétiques, ie  Cuis  content  de  l'cftie  auec  eux  :  cai  ie  ne  tien, ne  veux  tenir  autre  doctri- 
ne que  la  leur.  Ainli  par  quatre  îours  ils  ne  celle  rent  de  dilputerCur  chacun  article  de  la 
Rchgion,&  touchât  les  abus  de  l'eglile  Romaine:  pourleCquelsprouuer,Martin  amc- 
m>u  bons  6c  iutfilans  tclmoignagesderECcritureCain£tc:&duroitleurdiCputc  ordinai- 
rement quatre  ou  cinq  heures  le  iour. Finalement  il  leur  demanda  vn  Melïeljpour  leur 
monftrcr  l'abus  qu'ils  commettent  en  leur  Teigitur.  c  eft  à  dire,cn  leur  Canon, quand  ils 
offrent  derei  hefleius  Chnitpour  U  s  pet  liez  des  viuans  6c  des  morts ,  en  chair  &  en  os 
fb  ,  vn  mou  v  au  de  pafte  .  Qui  eft  vue  pure  moquerie  (dilbit-il)&:  autant  grand  abus 
que  jamais  fut.  C  ar  ce  grand  Sauueur  IeCus  Chrilt  eft  entré  vne  feule  fois  au  Saint!  des  ?iU, 
faincis,&:  s'eit  offert  Coy  mt  line  vnc  fois  en  la  croix  pour  tous  nos  pcchcz:&  nous  a  tous 
purgez  ÔC  netto\  cz  vm  Cois.P  irquoy  les  réitérations  que  vous  faite  s, ne  l'ont  qu'abus  6c 
tromperie s:&  ne  le  trouue  ne  en  l'ECcriturc  Caincte  de  ce  que  vous  dites  &:  faites.  Lors 
les  Moines 6C  leurs adherens  sYCeriert  nt  tous,difans,  Ceft  homme  eft  vn  grand hert  ti- 
que:il  a  le  diable  au  corps, puis  qu'il  ne  veut  croire  à  la  Meiîe.  Adonc  fut  commande  au 
Geôlier  de  lVmmcncr,&  le  tenir  en  vne  tour  bien  eftroitcmcnt. 

Av  partir,rinquiiiteur  dit  à  raHcmbIcc,Puis  qu'il  n'eft  point  de  Francc,il  feroit  bon      ,  . 
de  leietterdenuKtdedanslanuiere,  de  peur  que  le  monde  ne  1  oye  parler:  car  il  parle  cnmmis 
bien,&:  y  auroit  danger  que  ceux  qui  l'orroyent,  ne  deuin (lent  pires  que  luy  .  parquoy  rcur  *'ure 
Meilleurs  y  aduiferont  Deux  iours  après  le  vingtlixicmc  d'Auril,mille  cinq  cens  tien  ZTkli^ 
tcfix,à  neuf  heures  de  muet,  le  Chaftelain  auec  les  Catellitc  s  &  le  bourreau  le  vindrent  wincm. 
prendre  comme  il  eftoit  couche.  Et  il  leur  commença  à  dire, Où  allez- vous,  mes  amis? 
ie  vov  bien  ce  que  vous  voulez  taire .  vous  me  voulez  ictter  dedans  la  tune  rc ,  afin  que 
perionne  ne  me  voyc .  mais  Dieu,  qui  voit  tout,vous  verra  bien .   Quant  à  moy ,  ie  m'- 
en vay  viure  auec  lu)  :  &  luy  prie  qu'il  vous  donne  à  cognoiftre  ce  que  vous  faites, 
&:  riniure  que  vous  faites  à  Dieu&  à  moy.  Allons  au  nom  de  Dieu,pms  qu'il  luy  plarft 
ainli. 

C  h  s  paroles  dites, il  Celeua,&fc  lailTa  lie  r  au  bourreau  pour  cftre  mené  au  Cupphce. 
Au  partir  de  la  priion,il  commanda  a  Dieu  tous  les  priConniers:  deCquels  la  plus  grand' 
part  pleuroit,ccux  principalement  qui  aucyent  receu  quelque  bonne  doctrine  de  luy. 
&  ceux-laluy  bailloycnt  courage. Comme  on  le  menoit  hors  la  ville,il  prioit  Dieu  pour 
la  iuftuce,&:  admonncftoit  ceux  qui  le  Cuiuoycnt ,  de  fuir  toute  idolâtrie .  Quand  ils  fu- 
rent arriuez  au  bord  de  la  riuiere,qu'on  appelé  l'ICereJe  bourreau  l'attacha  parvn  pied. 
Lors  ce  bon  Ceruiteur  6c  telmoin  de  Dieu  eiit  au  Chaftelain ,  Faites  arrefter  voftre  exe- 

p.  hii. 


e]{ecit  d'btftoirLj. 


cuteur>an*n  que  ic  puifle  vn  peu  parlcr.ee  que  le  Chaftelain  luy  ottroya.  Et  lors  il  com- 
mença à  prefeher  ceux  qui  l'auoyent  fuiui  en  grand  nombre ,  &  les  admonnefta  de  fui- 
ure  le  fainct  Euangile  de  noftre  Seigneur  leius ,  &:  de  le  lire  pour  y  trouuer  leur  falut,  ô£ 
pour  cognoiftrc  l'abus  auquel  le  Pape  &£.  la  vermine  les  detenoyent:  Cariivous  le  s  iui- 
uez(difoit-il)ils  \  ousmenerôt  tous  en  enfer. Qu'il  Toit  ainlî,vous  le  pouucz  cognoiftre 
parleurs  ceuures  remplies  de  coure  ordure  &  mefehancetc.  Mais  luiuez  ce  grand  Sau- 
ueur  &i  Rcdcptcur  IcfusChnft, auquel  vous  trouuerez  la  vie  eternclle,fans  iamais  pou- 
uoir  périr .  Il  leur  fit  pluûcurs  autres  femblables  admonitions  Chreftiennes,  qui  n'ont 
point  elle  recueillies  ne  miles  par  c  lcritdcf  quelles  durèrent  plus  de  demie  heure  .  Ce- 
pendant les  auditeurs  clloycnt  tous  rauis  en  admiration  de  l'on  (auoir&  conftâce:  &  la 
plus  grande  partie  pleuroit  à  chaudes  larmes,&  difoit  qu'on  luy  faifok  grand  tort,  attë- 
du  que  c'cftoit  vn  homme  de  Dieu. 

Ma  i  s  le  bourreau  fe  fafchant  de  tant  lciourner,luy ditîSus/uSjdepcfche-toy.Adoc 
Oraifondc  Ie  Don  Martin  f'cmit  à  genoux,  &c  fit  l'on  oraifon  à  Dieu  ,  luy  demandant  pardon  &c  mi- 
Gonm.  fericorde  au  nom  de  leius  Chrift,lc  priant  auflï  d'accepter  le  mente  de  la  mort  8>c  pat- 
lion  de  ce  grand  Sauueur  &  Redépteur  Icfus  Chrift  fon  fcul  Fils  noftre  Seigneur,  pour 
récompense  de  l'es  fautes&  péchez. Finalement  il  dit  pour  la  dernière  parole,Doux  Ic- 
fus,ieterecommandemonamc.  Incontinent  le  bourreau  printvne  petite  cordc,&  la 
mit  autour  de  l'on  col, la  tournant  auec  vn  ballon, mfqu  a  ce  qu'il  tomba  en  terre .  Lors 
il  le  pouiFa  dans  la  nuierc,le  tenant  attache  par  vn  pied,  tant  qu'il  apperceut  qu'il  ne  fe 
remuoit  plus.adonc  il  coupa  la  cordc,&:abandonna  le  corps  à  la  conduite  de  l'eau. Tel- 
le fut  la  fin  de  ce  tefinom  de  Chrifb. 

Récit  de  la  reieflion  de  la  primauté  du  Pape  du  royaume  d'Angleterre  ,&de  la  mon  delarome  Anne 
de  Boulin. 


WWW-^"^  E  N  R  Y  roy  d'Angleterre  v  1 1 i. de  ce  nom, auoit  pris  en  mariage  Cathe- 
$H  f^fv^i  |j  rine  fille  de  Ferdinand  roy  d'Efpagnedaquelle  auoit  efté  auparauat  mariée 
SïïiîiS  S  à  Artus  fon  frerc,  ayant  efté  aucc  luy  l'efpacc  de  fix  mois:  car  il  mourut  a- 
re'jkHcn.  fcLSIi^W^  près  ce  terme-la.  Apres  fa  mort  fon  frère  Héry  efpoufaccfte  Catherinc,dc 
ry  vin.     laquelle  il  eut  depuis  vne  fille  nommée  Manc,qui  a  efté  Rome  après  fon  frereEdouard 
fîxieme. Finalement  le  roy  Henry  commença  à  fe  fafcher  de  cefte  femme,&  penfoit  c5 
ment  il  la  pourroit  repudienfoit  qu'il euft  efgard  a  fvtilité  commune  de  fon  Royaume, 
foit  qu'il  euft  mis  fon  amour  àvnc  autre. On  a  toutefois  penfé  qu'il  le  fift  pour  le  ferupu 
le  qu'il  auoit  que  ce  ne  fuit  vn  mariage  illegitime,d'autant  qu'il  auoit  efpoulc  la  femme 
de  fon  frerc.Lc  Roy  donc  communiqua  de  ccft  affaire  premicremet  à  fes  plus  familiers 
amis, puis  il  appela  aucuns  des  plus  exquis  Théologiens  des  deux  vniuerfitcz,pour  s  - 
cnquerir  d'eux  de  ce  faict.  Et  ne  le  contentant  de  cela,  il  enuoya  bien  toft  après  gens  à 
ensdclv'  coutcs  ^es  vniuerfitcz d'Europe,en  Italie, Alemagne,France,Efpagnc,  Bohcmc,Dane- 
niuerfitez  marc:&:  en  tous  ces  pais  il  fit  débatte  cefte  queftion  de  fon  mariage  par  les  Théologies, 
uSeed*  dl  tallt  en  Parcicu^er  °iu'cn  public. 

Henry.'  To  v  s  ces  Théologiens  &  vniueriitczenuoyercnt  lettres  &  féaux,  &:  chacune  vni- 
uerfité  rendoit  tcfmoignage  de  fon  aduis  &:  opinion.il  n'y  eut  que  le  Pape, auquel  l'Em 
percur  rcmettoit  la  decifion  de  tout  lafFaire,qui  n'y  confentit  point.  Le  Roy, qui  eftoit 
homme  de  ceeur,fut  fort  offenfé  de  cela.  &  pourtant  print  nouueaux  confeils  contre  le 
Pape .  &:  combien  que  la  choie  qu'il  entreprint  fuft  dangereufe ,  tant  y  a  que  l'exemple 
profita  grandement .  Ce  que  nuls  autres  Princes  n'ont  peu  faire  deuant  luy  en  Angle- 
tcrrc,&:  nuls  autres  Rois  hors  Angleterre  n'ont  oie  entreprendre,combien  quel  a  cho- 
fe  ait  efté  plufieurs  fois  effayee  fans  lortir  effed.  Car  les  Papes  auoyent  defia  dés  long 
temps  mis  par  tout  garnifon  forte  de  Moines ,  de  Preftres ,  d'Eucfqucs  &:  Cardinaux,ô£ 
obligé  tout  le  monde  à  eux:en  forte  que  iufqu  a  prefent  il  n'y  a  eu  Roy  ou  Monarche  de 
il  grande  puilfance,qui  ayent  ofé  contredire  à  la  maiefté  de  ces  belles  furieufes.Mais  le 
roy  Henry  ne  craignit  ne  ies  alliances  ne  les  foudres  &c  excommunications  du  Pape:  6C 
Le  Pa  at  r'cn  nc  ^  ernFc*cna  cîu  ^  nc  tepoulTaft  pour  vn  mefme  temps  &:  l'authorité  du  Pape  &: 
bannid*-  le  mariage  de  fa  Catherine.  &:  fur  cela  il  fit  incontinent  vne  certaine  ordonnance,  que 
An6L  Quiconque  aduouè'roitd'orenauant  le  Pape  pour  chcfdel'eglife  dedans  les  limites  de 
fon  Royaume,fcroit  tenu  pour  coulpable  de  lefe-maiefté. 

Or 


Çintj  Martyrs:  Al .^Pierre, pafleur  de  'Douay.  $$ 

O  r  en  ce  temps  il  y  auoit  en  la  cour  du  Roy  vne  icune  fille  de  noble  race,  belle  à 
mcrueillcs:mais  fur  tout  digne  de  louange  en  ce  qu'elle  honoroit  Dieu,  &  auoit  vu  na- 
turel viebon.iirc.hlle  ciloit  nommée  Anne  de  Boule,  laquelle  le  Roy  aimoit,&la  print 
pour  femme.  Le  nom  heureux  de  cefte  noble  &vcrtueufemaifondc  Boulen  ,  merice  Lairaifon 
bien  que  mention  foit  faire  alendroit  d'Anne  de  Boule  n  ,  comme  caufe  en  partie  de  la  d«  Bouler 
Religion  en  toute  1  Angleterre.    L'infection  de  la  primauté  Romaine  a  elle  premiè- 
rement i  halle  c  a  l'occalion  decefte  noble  Dame  :  comme  depuis  citant  remite ,  a  elle 
derechef  cliailcc  par  E  lizabeth  fa  rille, comme  on  entendra  ci  après .  Au  relie,  quant  à 
la  caufe  de  fa  mort,  cela  foit  remis  à  Dieu,  qui  en -eftle  luge  iufte.      Aprcsdoncqu-  m,  n 
Anne  de  Boulen  eut  elle  trois  ansaucc  Ion  Roy,de  la  Cour  elle  fut  menée  en  vne  tour  XXX  VI; 
auec  Ion  frère  feigneur  de  Rochcford ,  homme  de  noble  nature  ,  &  auec  quelques  au- 
tres^ toll:  après  condanee,fut  menée  à  la  mortjan  m.d.xxxviJci  x  Jour  de  May. 
EftantfurlefchafFaut  prochaine  de  la  mort,dir,  Hommes  Chreftiens&frcres,ie  luisi-  Ladcrnic- 
ci  venue  pour  moiu  ir:&:  pourec  que  fuis  condanec  par  les  loix,ie  ne  contrediray  point.  r"parol« 

r  ,         ,•  r  r  11         J  Anne  de 

le  ne  luis  point  ici  nour  m  exeuierou  acculer  perionne, ne  melmc  pour  due  quelque  Boulen. 
chofe  de  la  caufe  pour  laquelle  îe  meurs ,  Seulement  îc  prie  Dieu  qu'il  face  grâce  au 
Roy  de  viurc  longuement, 6c  qu'il  domine  fur  vous  en  bonne  &:  longue  profperité.  Ain 
fi  fuis-ie  bien  tenue  de  ce  faire,veu  qu'il  s'efttouliours  m  on  fixe  Prince  Ôù  Seigneur  fort 
doux  ikibeninenucrsmoy.Et  s'il  y  a  quclcun  qui  pente  palier  plus  outre  pour  rccognoi- 
ftre  de  celle  mienne  caufe,quclle  qu'elle  foit,  ie  le  prie  de  bon  cœur  qu'il  vueille  inter- 
préter toutes  choies  en  bonne  part.  En  celle  lace  n  ie  pren  congé  de  vous  tous  de  bon- 
ne arlection,&  vous  prie  de  tout  mon  delir,quc  vou  s  fuppliez  Dieu  pourmoy.  Puis  elle 
dit,Q  Sc!gncur,ayes  pitié  de  moy.Ie  te  recommande  mon  ame,ô  Seigneur,  Etaprcsa- 
uoirdit  ces  paroles, elle  fc  mit  à  genoux,  &:  dit,  Rcçoy  ma  poure  ame,  ô  Seigneur  Iefus. 
Ce  furent  les  derniers  motSjparlefqucls  elle  déclara  vne  roy  pure  entiers  Iefus  Chrift, 
&:  par  t'a  modeitie  moudra  la  bonté  de  fa  caufc.Outrela  bcauté\ccfte  femme  auoit  plu- 
fu  urs  grâces  fpcciales:clleeftoitarîable,modellc,hunîainc,dcbonnaire,&:  bénigne en- 
uerstous,&:  principalement  entiers  ceux  qui  auoyentbcfoindcfon  fecourstd'auantage 
elle  nourriflbit  en  fon  cœur  vne  bonne  6c  faincte  arîcdion  de  feruir  Dieu  purement. 
Tant  qu  elle  a  vefeu  ki  bas  en  ton  cftat  de  Roine,la  eau  te  de  la  Religion  sett  allez  bie  n 
portec,combien  que  le  roy  Henry  ait  elle  adonne  à  inhumanité .  Mais  le  mal-heur  de 
ce  monde  a  ccla,que comme  il  n'eft  pas  digne  des  chofes  excellentes  6c  vcrtuculës,au{ 
fi  ce  font  celles  qui  font  plulloll  ollees  de  deuant  les  yeux. 

-De  C  I  N  Q^M^rtyrsbrusle^enEfcojJè. 

î  E3  ^  a  c  ^  Par^  de  Patrice  HameItô,EfcoiTois  ,martyr  de  Ictus  Chrift,depuis 
t^'t\  ^a  mort  duquel,allauoir  fept  ans  a  près,  qui  fut  m.d  .  x  x  x  v  i  i,cinq  perfon- 
fefl  nages  furent  enfcmble  brûliez  à  Edimbourg,  principale  ville  ei'Efcotfe  ,cn 
^^lU^â  la  P^acc  tm  Chafteau.II  y  auoit  eieux  Iacopins,vn  Prellrc,  vn  GentiJ-hôme, 
&vn  Chanoine. Or  leurs  inquilitcurseftoyent  l'are  heuctquc  defainévr  André, Iean  Ma 
ieur,PierreChapelain,&quelquesCordclicrs,Iugesô;  parties  criminelles  decefte  eau 
fe,de  laquelle  ledit  Hamelton  auoit  efté  precurfeur. 


M.  D. 
XXXVI 


M.    PIERRE,  Paflettr e» la-ville  de  Douay. 


Pour  montrer  le  fruidijuielt  venu  au  p.iis  d'Artois,Douay,&  Orchies.par  la  mortd'vn  perfonnage  qui  auoîrcfté  Pafteur  audit 
Douay,lc  récit  en  eft  ici  inféré  û  auant  que  nous  en  ont  informé  gens  dignes  de  foy  ,  natifs  des  lieux  ou  les  choies  font 
aduenues. 

»&.3wSSï£  VAND  Dieu  fiait  ce  bien  àquelquc  pais  ou  ville,  dy  donner  gens  fide-  m.  d. 

1  les, qui  non  feulement  enfeignent  la  doctrine  de  lalut  aux  poures  ignorans,  xxxvni 
y  X  mais  autîi  qui  ne  redoutent  par  leur  fang  de  teftificr  la  certitude  d'icelle ,  il 
l'gf^^Ê  rend  par  cela  tefmoignage  de  ton  amour  enuers  les  habitans  dcfditesvilles 
&:  pais. Ce  bénéfice  fut  donné  à  la  ville  deDouay(qui  cft  es  confins  du  pais  ei'Artois)cn- 
uiron  le  temps  de  l'an  m.  p.xxxvj.  n.  parvnmimftere  fecretdvn  perfonnage  nommé 


Lmr<Lj}1.  fan  Lambert. 

M.Picrrc:fcn  furnom  ne  nous  cft  encorcs  venu  à  cognoiflàncc.  T:  e  luv  ayant  cflé  que \- 
ques  années  Paitcur  ou  Cure  (qu'ils  appclent)  et  vne  des  paroifTes  de  ladite  villc,tinal« 
ment  pour  auoir  cnlcigné  la  vente  de  la  doctrine  de  rEuangile,(non  pas  du  tout  en  tel- 
le pureté  &  hardicile  comme  il  euft  cité  requis ,  mais  félon  le  temps  &  le  pais  tout  eou- 
L'offîciali-  uert  d 'ignorance)fut  aceufe  &  mis  prilbnnicr  par  le  Promoteur  &  les  fuppolts  de  l'Of- 
u  à'  Arras.  £cjalitc  d' A  n  as.le  lquels,  comme  ils  ne  peuuét  endurer  la  lumière  du  Fils  deDicu,ma- 
niicnceencc  tcnq^aullis'ctforccnt-ils  tant  qu'ils  peuuentde  rcmpefcher&citeindrc 
entant  qu'en  eux  cil .    Cependant  que  fonprocez  ie  railoit,  les  aduei  (aires  ne  voulu- 
rent rien  reccuoir  qui  fuit  pour  la  de  renie  de  la  vente  :  mais  tendoyent  a  exécuter  leur 
\  e1lonte,&:  le  faire  mourir.  Il  ne  laiJÎ'a  nearu  moins  de  maintenir  la  vraye  doctrine  auee 
plus  grande  intégrité  que  parauant.ll  y  auoit  lors  vn  Iacopin  deuenu  eucique  portatif, 
L'cucfq  de  quicttoit  luJfraganc  d'Arias, appelé  euclquc  de  Salubrv.  m  onttre  ignare,  plcind'auari- 
s.iiiibry.    cc,de  fraudes  &  tromperies  en  Ion  aucugliifemcnt.    C  e  bel  Euefquef  comme  font  les 
fcmblablcs)cftoitarmé  de  eieux  mots  pour  a/faillir  les  fideh  s,ai]auoir  d  Hcrclie     d  E- 
l«Uiv.  ^  glifc:&  ce  pour  cimouuoir  le  peuplcrdc  l'vn  il  a/failloit  ceux  qu'il  tenoit  pour  iuipects: 
de  l'autre  couuroit  (a  rage  contre  ceux  qui  vouloyent  perfeucrer  en  la  vraye  doctrine. 
En  dil'putant  contre  M.Pierre ,  il  vfpit  de  ce  ftil,  &c  nalleguoit  autre  choie,  linon,  Ton 
dire  ci:  tes  propolitions  font  hérétiques ,  fcandalcufcs ,  mal-ionantescX:  mefi  hantes, oJ 
pour  orienter  le  s  fainctes  oreilles. Iccm,C'ett  contre  noltre  mère  laintte  eglilc,c\;  les  de- 
tcrminations,&c. 

O  r  après  que  la  cour  d'eglife  d'Arras  eut  par  prilon,  difpures,iniurcs,&:  menaces 
meilecs  allez  tourmente  ce  fainct  pedonnage ,  finalement  par  fcntcncc  diffinitiiie dé- 
clara M.Pierre  hérétique  ôc  pertinax  ,8ce.Et  d'autât  qu'il  ne  leur  eft  licite  de  taire  mou- 
rir pcrfonne,ordôncrent  qu'il  luit  dégrade  de  la  prcftrilc  &c  de  s  ordres  Ecclefiaftiejucs, 
&c  pnué  de  tous  les  priuilcgcs,  pour  (citant  par  ce  moyen  leparé  de  leur  corps ,  comme 
ils  parlcnt)le  liurer  au  bras  feculier,  &:  puni  du  fuppliee  ordonné  à  tels  hérétiques .  A- 
pres  ccfte  fentenec,  vn  cfchafïaut  tut  drefîc  à  Douay ,  pour  mieux  rcprelentcr  au  peu- 
.  pic  la  tarée  qu'ils  ont  accouftumé  de  ioucr  auant  que  procéder  au  dernier  fuppliee.  Sur 
lion  de  M.  ccft  clchafraut  ledit  Euefque  portatif>tout  cnuironné de  fuppolts  deCour  d'eglilc^exc- 
ricire.  cuta  ja  dégradation  actuelle, qu'ils  appclent.  Lors  M.Pierre  de  cœur  alaigre  commen- 
ça à  louer  le  Seigneur,de  ce  qu'illuy  faifoitceft  honneur  auant  mourir,  de  ledeueftir  d' 
vnc  robe  li  lalc,laquclle  îufqu'à  prêtent  1  auoit  tellement  charge, que  fans  la  mifericor- 
de  de  Dieu  il  euft  elle  fous  vn  tel  habit  accablé  .  Pendant  que  ces  inimiti  és  de  l'Ante- 
chrift  faifoycntlcs  lolcnnitezaccoultumeescn  telle  dégradation ,  M.  Pierre  fouucnt 
leur  di(oir,Ra(ez,rafcz:coupez,oltez  tout,qu'il n^  demeure  ricn:caric  l'auoyede  vous, 
mais  la  vraye  Preitrife  que  Dieu  m'a  donnée  intérieurement  ,&:  par  laquelle  ic  me  fuis 
dédié  6C  confacré  en  oblation  &:  facrificc  à  luy,il  n'eft  pas  en  voitre  puillance  de  me  bo  - 
iter .  Celte  dégradation  acheucc,eftant  accouftré  en  habit  cju'ils  appclent  feculier,  ré- 
cent fcntcncc  de  condamnation  d'cltre  brullé&  réduit  en  cendres.  En  le  menant  au 
fuppliee  de  mort,ilprioit  Dieu  de  le  fortifier  au  dernier  combat:  auquel  il  luy  dcuoit 
rendre  gloire  par  le  facrificc  de  l'on  corps. Plulicurs  bourgeois  de  ladite  ville  voyâs  leur 
Cnré,pleuroycnt,&:  le  recommandoyent  à  Dieu  :  les  autres  luy  iettoyent  des  impreca- 
tionsjcomme  en  vne  multitude  de  gens  il  s'en  trouucd'vne  forte  &:  d'autre.  Tantya 
qu'en  la  mort  qu'il  endura  trcl-cruellc, plulicurs  bons  cœurs  y  furent  côfolcz&:  édifiez, 
voyans  que  ei'vr.c  conltancc  fi  cfmerucillable  il  enduroit  la  mort ,  drcilant  les  yeux  au 
ciel. Plulicurs  peu  arFe&ionnez,voirc  &£  qui  ignorent  la  dignité  &:  excellence  el'vne  tel- 
le mort,  vomirent  ii  peu  de  bien  qu'ils  auoyent  humé,  &:  craignans  d'encourir  pareil 
dangcr,s'adonnercnt  à  l'impiété  Papale,&:  deuindrent  fimulatcurs  plus  que  parauant. 


IEAN     NICOLSON,  dicî  Linibtrt.hommeftHant  ^nglois. 

Ccfte  procédure  du  roy  Henry  VIIlAdes  Euefques  contre  Larr.berr.eft  forr  notable  pour  l'érudition  &  doctrine  exquife  y  cô 
tenue. ioint  qu'il  a  cité  pouriûiui  à  la  mort  par  ceux  qui  deuo)  ent  pluftoft  procrer  la  vie  des  fidèles, que  de  les  expo- 
ier  au  danger  de  la  morr.vcu  que  l'Euangile  auoit  ia  commencé  à  ietter  Ces  ra)  ons  en  Angleterre^  la  plus  part  de  ceux 
qui  (ont  nommez  en  ccfte  hilr.oire,eftoy  ent  ia  imbus  de  la  cognoiiTance  de  la  vérité. 

L  A  M- 


Jean  Lambert. 

ÀMBERT  nâtif  de  Noruuic,fut  vn  des  premiers  qui  s  oppoferent  à  V 

XXXVIII 


effort  &  confpiratlon  des  ennemis  de  la  vérité  au  pais  d'Angleterre.    Au  M*  E 


moyen  de  quoy  contraint  tant  de  la  rigueur  du  temps ,  comme  indu  itd'vn 
certain  dciïr  ÔJ  affection  qu'il  portoit  aux  lettres ,  elquelks  il  sdtoit  e  m- 
ployé tout  le  précèdent  de  fon  aage ,  lailfa  fa  nation  tout  ieune  qu'il  cftoit,  peur  fe  reti- 
rer la  part  ou  il  penfoit  qu  elles  eltoyent le  plus  en  vogue  &:  recommandation  .  Mais 
quelques  années  après,  perfuadé  de  certaine  elperance  que  les  choies  te  porteroyent  Caufcsd. 
mieux  en  Angleterre  quelles  nauoyent  fait  dupa/Te,  par  le  moyen  d'vn  certain  Cro-  tfyvra 
rncl&delaroinc  Anne  de  Boulen  qui  lors  viuoic  :  îointquc  l'euefque  de  Rome  n'auoit  ™eli*p°ur 
plus  de  crédit  en  Angletcrre,commcnça  de  s'appliquer  à  l'Euangile. Mais  d'autant  que     "8  ' 
ce  temps-la  ne  pouuoit  porter  aucunsMiniltrcs  maricz,il  fe  dedia  du  tout  à  inftruire  la    tome  ' 
ieuncifc,puis  qu'il  n'auoit  le  moyen  de  palier  plus  outre.  Ce  qu'ayant  fait  quelque  efpa 
ce  de  temps,auccaulîîgrâd'louange  que  profit  de  ceux  delqueis  îlauoit  eu  charge:  ad- 
uint  que  fe  trouuant  vn  iour  au  temple  de  fainct  Pierre  de  Londres ,  il  ouyt  prekher  vn 
dodeur nommé  Tayler,homme  afoctionnéd'aduancer  l'Euangile,  Du  vmantdu  roy  Lcdofteur 
Edouard  il  auoit  cite  déclaré  eucique  de  Lincolnc  :  mais  depuis  il  auoit  elle  emprifon-  Tay'cr.c. 
né  dedans  la  tour  de  Londres  par  le  commandement  de  la  roine  Marie,  où  il  mourut.  l^J^ 
Le  fermon  cftant  acheué,Lambert  abordant  Taylcr,  luy  déclara  quelque  doute  qui  le 
tcnoit  perplexjdemandant  en  auoir  refolution.  Le  différent  cftoit  touchant  le  Sacre-  Doute  qui 
ment  du  corps  &  du  fang  du  Seigncur.Taylcr  s  exeufa  pour  lors  à  raifon  de  quelques  af  pJJ^J^" 
faires  qui  l'cmpcfchoyent  de  luy  rendre  prompte  refponfe:  &  Je  pria  de  venir  à  luy  vne  btn. 
autre  fois  plus  à  loifir.Lambert  le  reuint  trouucr .  &:  apporta  fom  mairement  dix  argu- 
mensjlefqucls  il  auoit  rédigez  par  cfcrit,parlcfquels  il  talcha  de  prouner  fon  intétion: 
cftans  pris  des  fainctes  Efcritures&:  des  anciens  Docteurs .  Or  de  toutes  les  railons  qui 
furent  amenées, dcfquclles  on  s  eft  fouucnu  principalement,  la  première  fut  prilé  des 
mots  mefmes  de  Iefus  Chrift,où  il  dit,Cc  calice  eft  le  nouucau  Tcftamcnt:    Si(d  it-il)  Lfs  jr 
ces  paroles  ne  changent  ne  le  vin  ne  le  calice  corporcllement  au  nouucau  Teftamcnt:  tmns\ 
par  mclmc  raifon  les  paroles  proférées  du  pain,  ne  pcuuent  tranfliibftanticr  corporel-  Ljmb"t. 
Jemcntle  pain  au  corps  de  Iefus  Chrilt.    Sa  féconde  raifon  eftoit,Quc  d'autant  qu'vn 
corps  naturel  a  celle  propriété ,  de  ne  fe  pouuoir  trouucr  en  vn  mcfmc  temps  en  deux 
diuers  lieux  cnkmble:dc  cela  il  s  enluiuroit  que  Iefus  Chrift  neuft  point  de  corps  na-  Touchant 
turel,ou  pour  le  moins  que  icJô  la  propriété  naturelle  de  tous  corps,  il  ne  pouuoit  cftre  ^rp'plc°,cc 
en  deux  lieux  corporcllementjC'eit  aiîauoir ,  cftre  corporellemcnt  à  la  dextre  de  Dieu  dcCJu-ift! 
fon  Pcre,&  au  Sacrement .  Il  adicuita  plufieurs  autres  prorunes  extraites  des  opinions 
des  Docteurs. mais  pour  le  faire  court,  Taylcr  voulant  fatisfaire  à  Lambert  en  ccci,cn 
communiqua  au  docteur  Barns.  Ce  Barns-ci,combicn  que  dés  lors  il fauorîfaft  aucune-  Robert 
ment  à  l'Euangile ,  &c  qu'il  fuft  d'alfcz  bon  zele:  toutefois  monftrant  n 'élire  pas  l)cau-  Ban,s- 
coup  affectionné  à  telles  opinions,&  craignant  quelles  ne  portaflent  quelque  préjudi- 
ce ^retardement  à  la  prédication  de  l'Euangile  entiers  le  pcuplc,fi  tels  lacramentaircs 
auoycnt  lieu  :  fut  au  theur  à  Taylcr  de  rapporter  le  tout  à  Thomas  Cranmer  archeuef-  TJ.omji 
quede  Canturbic  .  Ce  furent  les  commcncemcns  de  la  caufe  tenue  contre  Lambert.  Cranmer, 
Careftant  cité  deuant  l'Archcuclque,fut  contraint  de  venir  en  iultice,  &:  prouuer  pu-  J^^i 
bliquemcnt  fon  faict,&  faut  noter  que  rArcheucfquc  cftoit  lors  ignorât  en  la  cognoii- 
fanec  du  Sacrement,duquel  puis  après  il  fut  defenicur  lingulicr  entre  tous  ceux  d'An- 
gleterre .  Aucuns  difent  que  Lambert  fe  porta  pour  appelant  des  Euctques  au  conlcil 
priué  du  Roy .    COr  comme  il  a  cité  touché  ci  dciîus,le  Roy  Henry  cnuiron  deux  ans 
deuant  auoit  fait  décapiter  Anne  :  chofe  qui  defplcut  grandement  non  feulement  aux 
Princes  &  grans  Seigneurs  d' A  lcmagne,qui  auoyent  fait  alliance  auec  luy  dés  l'an  m  .  n . 
xxxv  i.  mais  aulîi  aux  plus  gens  de  bien  de  tout  le  Royaume.  Il  auoit  auiTicomman- 
dé.quelesconuents&:  monafteres  fuflent  mis  bas ,  leurs  biens  prins  &:  vendus  publi- 
quement^ raifon  de  quoy,aulîi  qu'il  auoit  reietté  l'authorité  du  Pape, il  commença  d - 
eftrch  hay,que  le  menu  peuple  print  feditieufement  les  armes  contre  luy .    Eftienne  LcroyHc- 
Gardiner  eucfquedc  Vuinceftrc  cftant  du  confeil  priué  du  Rov,  homme  cruel  &  caut,  r>  VlI!hai 

•»  ,  l     '  /  '  '  potir  plu- 

cerchoit  tous  les  moyens  d  cmpelcher  le  cours  de  l'Euangile. Et  voyant  les  chofes  cltrc  iîeurs  «o- 
•cn  cefte  fortc,penfa  d'auoir  moyen  &:  occalion  de  troubler  les  affaires .  Et  vintremon-  *"* 
ftrer  au  Roy  la  haine  tk.  enuic  que  tout  le  peuple  luy  portoit ,  premièrement  à  caufe  de 
l'extermination  de  l'eglife  Papalerpuis  aulîi  pour  auoir  commandé,  que  les  monafteres 


Liurcj  IL  Jean T^kolfon, àttt  Lambert. 


1  <  nuTchât 
ifeil  d  - 


fuiTc  nt  cîcftmits  &:abolis.ioint  que  le  monde  eftoit  encores  bien  recors  du  diuorec  qu'- 
il auoit  fait  de  Catherine  fa  femme  :  Que  le  temps  donc  fc  prclcntoit  maintenant  pro- 
i  uienne    pre  pour  remédier  à  tout  ccla,&:  rentrer  en  grâce  de  l'es  fuicts:  C'eft  qu'en  la  perfonne 
GarJincr.   Jjc  ce  T^mberC)monftrer  le  vouloir  &  ptuiîancc  qu'il  auoit  de  rêbârrer  tels  hérétiques: 
l'aifeurant  que  par  ce  moyen  il  efteindroit  le  bruit  qui  auoit  délia  couru  par  tout  de  por 
ter  fatieur  aux  fectes  &  opinions  nouuelles.  Ce  Roy  preftant  l'oreille  plus  que  de  railon 
à  conlcils  pcrnicieux,publia  vn  edkl ,  &C  donna  aiîignation  à  Londres  à  tous  MiJJhorts 
Afsignatiô  &  Euefques  duRoyaume,dc  venir  prornptcmcnt,&  affilier  contre  tous  heretiquesdef. 
îortT&E-  Suc,s  jI  deliberoit  réprimer  par  iufticé.  Ce  fait,  Lambert  fut  aifigné  comme  les  autres: 
ucftjuesA  &:  y  eut  vne  grande  concurrence  de  peuple  ce  iour-la,  en  gradedeuotion  de  voirl'iUuc 
comparoir.  d'vne  cho(c  tant  nouucllc,&  de  laquelle  on  n  auoit  Jamais  ouy  parler  .  La  chambre  de 
l'audience  fut  remplie  de  peuple  de  tous  celiez:  puis  on  amcnadelaprifon  Lambert, 
accompagné  de  force  gens  armez ,  pour  comparoifhc  deuant  le  fiege  iudicial  du  Roy. 
Te  ut  elloit  prcft,&:  n'attendoit-on  que  le  Roy.  Voici  fin alenu-nt  venir  le  royHéry,cn-, 
uirôné  de  fa  garde, habille'  ce  iour-la  tout  de  blanc,  reluiiant  &:  magnifique  au  pofTiblc. 
11  eut  à  collé  dextre  lcsEuefques:&:  après  eux  fur  le  derrière  eftoyent  les  Confeillers  &c 
u  magni.  Iurifeonfultcs,  affis  haut,&  habillez  de  rouge  félon  la  coullumc:de  l'autre  collé  cftoyet 
ficencedu   jcs  Milhorts&gcnsdc  iufticé,  cnfcmblc  tout  le  rcftcdela  nobleHe.ck*  furie  derrière 
lenu'cotrc  elloycnt  aflislcs  Archers  de  la  garde. 

Lambert.  \  E  rov  donc  cllant  alîis  haut  en  fon  fiege  royal,&  iettant  vn  regard  furieux  furl.am 
bci  t, commanda  au  doclcur  Daij  euefque  de  Ceceftrc,dc  réciter  haut  ôc  clair  deuant  le 
La  lurt-cue  peuple  les  caufes  du  prefent  iugcment,auqucl  il  auoit  voulu  a/Iifter.  C'cftoit  en  fom- 
<fuHo£Uur  nie  pouraduertir  la  nobleflc&:  les  Eucfqucs,cnfemble  toute  fallillencc,  delà  volonté: 
Da11,  qui  elloit  que  perfonne  quel  qu'il  fuft,neuft  à  li  mal  ellimcr  de  luy  que  bien  qu'il  euft 
rcictté  la  puilîance  Papalc,on  eftimaft  pourtant  qu'il  voulift  par  mefme  moyen  eftein- 
drela  religion,&  faire  ouucrturc  aux  hérétiques  de  troubler  impunément  la  paix  &:  rc- 
L'inrcntiô  pOS  des  eglifes  d'Angleterre, desquelles  il  ellcit  chef.  Outre, qu'on  ne  pcnfall  point  qu 
dtiroy  Hé  il  ]cs  cuft  appelez  là  pour  reuoquer  en  difpute  la  doclrine  d'iccux  hérétiques ,  ains  en 
intention  feulement  que  les  herefics  de  1  homme  qui  elloit  là  prcfent,&  de  l'es  fcmbla- 
bles,  cftans  réfutées  tant  par  luy  que  parles  Euefqucs,  fufîcnt  publiquement  eendam- 
nces. Celle  préface  récitée, le  Roy  fc  leua  :  &  s  appuyât  fur  vn  oreiller  de  drap  d'argent, 
LcRoy  in-  çc  tourna  vers  Lambert ,  &  comme  le  menaçant  des  fourcils,  dit,  Vien-çà,  homme  de 
Lambert,  bien, comment  t'appeles-tu?  Lors  la  poure  brebis  humble  &:  à  genoux  rcfpondit ,  qu'il 
sappeloit  Iean  Nicolfon:bienque  ci  deuant  on  l'appcloit  aulfi  Lambert .  Comment, 
dit  le  Roy,cs-tu  homme  de  deux  noms?ic  n'ay  garde  d'adioullcr  foy  à  ne  n  que  tu  dites* 
&  fulîcs-tu  mon  frerc,puis  que  tu  es  homme  de  deux  noms .  Lambert  rclpondit ,  Sire, 
vos  Euefqucs  m  ont  poulie  iniques  là, que  i'ay  ellé  contreint  changer  mon  nom.  Apres 
plulicurs  propos,  il  luy  commanda  de  déclarer  refolument  ce  qu'il  luy  fcmbloit  du  Sa- 
t  rement. Lambert  commençant  à  parler  pour  fon  faicl,rcndit  grâces  à  Dieu, de  ce  qu'- 
il auoit  flcfchi  le  cceur  du  Roy  iufqucs  là,  que  luy-mefmc  daignoit  ouïr  le  dirTcrenr,  qui 
elloit  pourlors  de  la  Religiomdiiànt  que  bien  fouuét  l'inhumanité  des  Euefqucs  eftoit 
caufe  que  plulicurs  innocens  eftoyent  dcffaits  fans  le  fecu  du  Roy .  Mais  maintenant 
que  le  grand  Roy  des  rois  luy  auoit  infpiré  ce  defir  de  vouloir  cognoiftre  du  faitl  de  les 
fuiets,il  cfpcroit  que  Dieu  vouloit  faire  quelque  chofe  finguliere  par  luy  à  l'illuftration 
de  fa  gloire .  Le  Roy  courroucé, rompit  le  difeours  de  ce  propos,  &:  dirjene  fuis  pas  ici 
venu  pour  ouir  mes  louanges,  vien  au  pointt3&  fans  ambagcs(vfant  de  ce  mot-la),  Lâ- 
bert  touché  de  ceftevoix  comme  d'vne  foudre, demeura  quelque  efpace  de  temps  tout 
eftonné:pcnfant  en  foy  par  quel  moyen  il  pourroit  proprement  luy  fatisfaire .  Mais  le 
Roy  colère  au  poftiblc,  luy  dit,  Qu'eft-ce  que  tu  penfes  ?  que  ne  reipons-tu  touchant  le 
facrement  de  l'Autcl:dis-tu  que  le  corps  de  Chrift  (&  fur  ce  mot  le  Roy  efleua  fon  bon-* 
nct)y  eft,ou  nomLambert  dit,  le  refpon  auec  faind  Auguftin,Que  Je  corps  de  Chrift  y 
eft  aucunement. Le  Roy  repliqua,Relpon-rhoy,non  de  faincl  Auguftin  ne  d'autre.: ains; 
difimplc  ment  s'il  y  eft,ou  s'il  n'y  cft  point.  Lefquelles  paroles  le  Roy  exprima  aulfien 
Latin. Lambctt  dit,Ie  ne  croy  pas  qu'il  y  foit.  Le  Roy  rcplique,tu  es  donc  condamné 
par  la  parole  cxpreiîe  de  Chrift  mefme, difant,C'cft-ci  mon  corps.  Et  foudain  il  com- 
manda à  Cranmer  archeuefquc  de  Canturbie  de  réfuter  ceft  erreur. 

Cranme  r  après  auoir  vie  d'vne  brieue  préface  aux  auditcurs,dilputa  affez  mode- 

ftemenc 


La  rcfpôfe 
«k  Lâbcrt . 


Jean  Lambert.  pt 

ftemcntauec  Lambert:  difant,  Lamberr,mon  frère,  difputons  maintenant  tous  deux 
en  pareille  condition  &c  aduantage,à  ce  que  fi  ic  prouue  ton  dire  eftre  faux  par  les  Efcri 
turcs-  tu  ne  te  fafches  de  recognoiitrc  ton  erreur-mais  fi  au  contraire  par  la  mefmcEfcri 
turc  tu  prouues  ton  intention, ic  te  promets  que  iacquic'ecray  volontiers  à  la  vérité. Et 
lors  il  tira  vu  argument  des  Actes  des  Apoftrcs ,  quand  Chrift  apparut  à  laintt  Paul  fur  Argumcur 
lechemin:voulantprôuuerparcc  paifage  qu'il  n'y  auoit point  d'inconuenientqucle  &Cram*r. 
corps  de  Chnitfuft  en  vn  mefmc  tëps  en  deux  diuers  lieux:  d'autant  qu'il eftoit  au  ciel, 
ôc  au  mefmc  temps  apparoiilbit  a  fainct  Paul  en  terre.  Que  li  on  peut  dire  qu'il  fuit  en 
deux  lieux:pourquoy  ne  pourra-on  dire  femblablement  qu'il  peut  eftre  en  pluiieurs? 
Parce  moyen  l'Archeuefque  tafcha  de  réfuter  le  fécond  argument  queLamberta- 
uoit  mis  par  efcrit,&:  prefenté  à  Taylcr,ainii  qu'il  a  cfté  dit. Car  le  Roy  auoit  délia  difpti 
té  contre  le  premier  fondement  qu'il  auoit  amené.  Lambert  refpondit  que  par  ccft  ar-  Rtfponfc 
gument  nefepouuoit  prouuerce  qu'il  infcroit:car  l'Efcriture  ne  dit  point  que  Chrift  notable  de 
parla  à  iainct  Paul  en  terre, ains  qu  vne  lumière  du  ciel  s'apparut  à  luy,  &:  que  luy  eftant  Larobcrt- 
tombe  en  terre  ouit  vne  voix,d!Ïant,SauI,Saul,pourquoy  me  pcriecutes-tu;Par  ainii  ce 
pafage  n'empelche  point  que  Chrift  citât  aifis  au  ciel,  n'ait  peu  parler  à  fainct  Paul,  &c 
cftre  ouy  de  luy  en  terre  .  car  ceux  qui  elloycnt  auec  faincl  Paul  ouyrcnt  bien  la  voix, 
mais  ils  ne  virent  perfonne  .  L'Archcueique  répliquant  contredit  que  S.Paul  mclme 
teftifie  au  26.chap.des  Actes,que  Chrift  luy  eftoit  apparu  en  cefte  vilion.mais  Lambert 
dit  qu'au  m  cime  heu  Chrift  dit  comme  c'eft  qu'il  luy  deuoit  apparoiftre  derechef,  &:  le 
deliurer  d'entre  la  main  des  Gentils:  &:  toutefois  nous  ne  liions  point  qu'il  luy  l'oit  ia- 
mais  apparu  corpoiellcment. Lambert  diiputant  fi  proprement  de  la  conuerfion  de  S. 
Paul,&  le  défendant  en  forte  que  le  Roy  monftroit  en  eftre  efmcu,rArchcuefque  em- 
pefchédepouuoirdupliquer,&:  les  auditeurs  cftonnc*z:l,cucfquedcVuinceftre,qui  de- 
uoit difputcr  au  fixieme  reng,craignant,peut  eftre  qu'vn  autre  ne  le  preuinft  en  l'argu-  £ "il^!\e 
ment  qu'il  auoit  mcdité,iàns  le  commandemet  du  Roy,rompit  l'ordre  de  ceux  qui  de-  nwttrc  ea 
uoyent  di(puter,hms  attendre  que  l'Archeuefque  euft  acheué:&fe  mit  à  genoux,priât  auant  fcs  af 
qu'il  luy  fuit  loiiible  de  diiputcr  &.  mettre  en  auant  ce  qu'il  auoit  proictté .  &:  de  faiCt,il  ëUmci,s" 
allégua  vn  paifage  de  la  1 .  aux  Cor.  chap.  1 1 .  ou  S.  Paul  dit,  N'ay-ie  pas  veu  le  Seigneur 
Icius:  Et  derechef  au  1  ^.chap.Ccphasl'a  veu,&  puis  laques  la  veu,&  puis  encores  tous 
les  Apoftres,'&:  finalement  auiîï moy-mefme, comme  dernier &nouueau venu,&c. 
Lambert  refpondit ,  qu'il  ne  doutoit  point  que  Chrift  n'euft  efte'  veu  :  mais  qu'il  1  euft 
fait  en  diuers  lieux  en  mefmc  temps, félon  le  naturel  de  fon  corps,qu'ille  nioit.  L'euef- 
que  de  Vuinctftre abufant  encores  de  l'authorité  de  fainct  Paul,  cita  vn  pailagedu  y. 
de  la  2.auxCorinthicns,où  il  eit  dit,Bien  que  nous  auons  cogneu  Chrift  iclonla  chair, 
maintenant  nous  ne  le  cognoiiibns  plus,  Ôcc  .  Lambert  dit  qu'il  ne  faloit  prendre  cela 
félon  le  fensdu  corps.  veu  que  fainct  Paul  parlant  de  fa  reuelation,  dit  ainii ,  le  cognoy 
tel  homme  en  Chnft,qui  a  cité  raui  iufqucs  au  tiets  ciel  :  &c  fay  que  tel  hommc(ibit  en 
corps,ou  foit  hors  du  corps,ie  ne  fay,Dieu  le  fait)aefté  raui  en  Paradis,&c.  Par  lefquel- 
les  paroles  eit  plus  tacilc  de  dire  qu'en  cefte  reuelation  fainct:  Paul  eftant  ellcué  au 
ciel,a  veu  ce  qu'il  dit ,  que  non  pas  Iefus  Chrift  foit  defeendu  du  ciel  corporellemcnt 
pour  fe  monftrer.  veu  que  l'Ange  a  dit,que  tout  ainii  qu'il  eit  monté  au  ciel ,  ainii  vien- 
dra-il du  ciel .    Et  fainct  Pierre ,  qu'il  faut  qu'il  foit  &£  reiide  au  ciel,  iufqu  a  la  reftaura- 
tion  &£  perfection  de  toutes  choies  :  monitrant  par  cela  le  traiét  &:  quantité  du  temps 
qu'il  entend. 

Apres  quelcueique  de  Vuinccftre  eut  parlé  ,Tonftal  euefque  de  Dunelmeprc-  Ton/laïc- 
nanties  erres, &:  ayant  vie  d'vne  longue  préface  de  la  grande  puilfance  de  Dieu,  vint  JjJjU  dc 
iufques  à  dire ,  Que  ii  Chrift  pouuoit  accomplir  ce  qu'il  difoit  touchant  la  conuerfion 
de  ion  corps  en  paimqu'indubitablement  ilncdiibitrien  qu'il  ne  vouluft  faire.  Lam- 
bert refpondit  qu'il  n'y  auoit  lieu  euidet  en  l'Efcriture  où  Chrift  dift  qu'il  ait  voulu  châ- 
ger  fon  corps  en  pain:&  qu'il  n'y  auoit  point  de  neceilité  pour  laquelle  il  le  deuft  faire, 
mais  que  c'eftoitvne  manière  de  parler  figurée  &:  aiTcz  receuë  és'Efcritures,que  le  nom  Le  nom  <fc 
delachofe  myftique  eftfouuenr  attribué  au  figne.quieft  vne  figure  par  laquelle  nous  t^u°.e JC 
vfons  femblablement  du  nom  de  la  Circoncifionyde  rAlliancc,de  l'Agneau,  de  la  Paf-  figne. 
que,&  tels  mots  femblables .    Sur  cela  on  commença  de  crier  contre  Lambert,  &:  le 
veincre  d'iniures,fi  on  ne  pouuoit  par  raifon. 

Apre  s  fe  prefenta  en  difputc  Stokiflé  euefque  de  Londresjleque^côme  plutieurs 


au 


Linrc^IL  Jean  Lambert. 

ont  attcftc)mourantfeglorifioit  d'auoirfait  bruflcr  cinquante  hérétiques  en  favic.D*- 
cntrecvfant  de  long  prologue,  dit  que  s'il  p]ailoit  aux  auditeurs,  il  prouueroit  que  le 
faicc  de  celle  difpute  n'eftoit  pas  feulement  vn  miracle,  mais  aniline  repugnoit  nulle- 
ment a  naturc:Car(dit-il)il  n'y  a  pas  d'inconuenient  que  changemens  de  (ubftance  de 
femblableschofes  fe  font  de  l'vneàrautre:  de  façon  que  les  accidcns&qualitczmcf- 
mes  demeurenfjcombien  que  la  fubilance  &  matière  miette  fc  change.Ilmcnftracclâ 
L'argumct  par  exemple  de  l'eau, bouillante  tant  que  toute  fa  fubilâce  aquatique  fe  foit  euaporec. 
ftofa  côîne  Or  les  Philofophcs  enfeignent  que  la  fubilance  ne  fe  peut  changer  finon  en  fubilance* 
Par  ainh"  nous  difons  que  la  fubilance  de  l'eau  s'en  va  &:  fc  change  en  l'ubftance  aerce: 
comblé  que  la  qualité  de  i'cau,c'cil  aifauoir  l'humiditc,dcmcurctouiiouis  aptes  la  (ub- 
ftance changée  d'iecllc.  car  l'air  cil  humide  comme  l'eau. Ccft  argument  ainlî  propofé, 
meilleurs  les  Euefques  commencèrent  a  faire  vn  grand  triomphe, fc  promettans  d'vne 
telle  mutation  philofophique  des  clcmens,vne  vicloire  peremptoire.  La  deifusonac- 
Rcfponfe.  tendoit  la  refponfe  de  Lambert:lequcl  ayant  moyen  6i  occaiion  de  refpondrc,  nia  ce  q 
1  Euefque  vouloir  inférer ,  que  l'humidicc  de  l  eau  demeurait  aptes  la  fubilance  chan- 
gée en  autre fubftance:Car(dit-il)bicn  que  nous  dilions  aucclcs  Philofophcs,  que  Pair 
cil  humide  naturellement ,  toutefois  il  y  a  vn  certain  &autre  degré  d  humidité  qu'en 
lcr.Ujfi  que  quandl'cau  fecôucrtitcn  airjhumidité  demeure  bien,  comme  vous  dites, 
nvis  ccile  humidité  n'eft  de/ia  plus  de  l'eau, ains  del'air,cn  la  (ubftance  duquel  elle  cil: 
K-'pk  '  s  conuercie.    Et  de  fa:d:,c'cftvne  reiglc  encre  les  Philofophes  fort  commune,  qu'il  n'eft 
|; 4o'    poflible  que  les  qualitez&  accidens,  en  ces  chofes  naturelles ,  (ubfiilent  ians  leur  pro- 
pre fuiet,commc  vn  lieu  où  ils  refidenc.    Là  de/fus  le  Roy  &:  les  Euefques  fc  mirent  à 
crier  contreLambert,iufqu"à  Pc/branler  bien  fort,s'il  n'euil  de  longue  main  elle  accou 
Hume  à  telles  ctieries  &:  molcftcs.  Il  feroit  long  de  reciter  par  le  menu  les  raifons  d'vn 
.  chacun  de  ces  Eucfques,&  non  moins  fuperfiu .    Cependant  Lambert  prcile  en  celle 
h \\l toîi-d  forte,  iniurié,  furmonte  de  l'authorité  de  ceux  à  qui  il  auoit  affaire,  cftonné  de  Jamaie- 
us  pans,    fté  &  reuerence  du  lieu,  fafché  &c  greué  mcrueillcufcmcnedc  la  longue  difpute,  qui  a- 
uoit  dciia  duré  de  midy  iufqu  a  cinq  hcurcs,voyant  qu'il  n'v  auoit  efperance  de  rien  re- 
foudrc,aima  mieux  fetaire,que  de  les  importuner  par  raifon plus  outre  :  qui  fut  eau  fc 
que  les  autres  Euefques  qui  auoyent  défia  difputé  auec  luy ,  curent  moyen  démettre 
en  auant  ce  que  bon  leur  fembla ,  fans  que  Lambert  les  empeichaft,  finon  qu'il  inter- 
S.Aiigiiftui  icttoit  quelques  ientencesde  S.Auguilin  poui  prouucr  ien intention  .auquel  autheur 
Laio  ?    il  eftoit  fort  exercé. 

Fin  a  l  e  m  en  t  le  ioureftantprefquc  fini  ,&:  les  chandelles  allumées, le  Roy  vou- 
Les  paroles  ]ant  mettre  fin  à  la  difputc,luy  dit,  Qu'cft  ce  que  tu  dis  '*.  Ne  te  tiens- tu  pas  content  de 
Uiubwt    tant  ^c  Pemcs  ydc  tant  de  raisons  &  cnfeigncmcs  qui  t'ont  efté  donnez  par  ces  gens  fa- 
uansîQifaimcs-cu  mieux;mourir,ou  viurc  :  Refpomtu  as  encores  liberté  d'y  penfer,& 
de  choifir  ce  qui  te  femblcra  bon. Lambert  rcfpondit,qu'il  fe  rendoit&iùbmcttoitàla 
volonté  du  Roy:Non(dit  le  Roy)ren-tov  à  Dieu,&:  non  pas  à  mov.  le  rccommande(dic 
Lamhcrt)mon  ameà  Dicu,&  mon  corps  à  voftre  bénignité. Si  tu  te  remets  à  moy,il  te 
faudra mourir.caric  ne  délibère  point  donner  faueur  aux  hérétiques .  Et  îorsictour- 
Cromel  a-  nant  vers  Cromcl,luy  commanda  de  lire  la  fentence  de  condamnation.  Cromel  eftoie 
mi  aiu  fi-  lors  fort  ami  aux  Hdcics,&  faifoit  pour  eux  tout  ce  qui  luy  eftoit  polTible .  La  malice  &; 

rul'c  de  l'eucfque  de  Vuinccftrc  fut  fîgrande>qiul  aima  mieux  que  la  fentence  fuft  réci- 
tée parCromcl  que  par  autre,afin  que  s'il  refufoit  de  la  lire, il  fuil  en  mefmc  danger  que 
Arc  a  corre  l'autrcDonqucs  par  le  commandement  du  Roy ,  Pareil  fut  prononcé  par  Cromcl  :  au- 
Lambcrt.  ^uc\  jj  cft0it  contenu  que  tous  hérétiques  deuoycnt  cftre  bruflcz,s'ilsdifoyent  oucicri 
uoyent  rien  contre  Peglife  dffauoirPapiflupte^U.  le  fa  in  cl  Sacrement  de  l'autel .  Et  y  eue 
aufli  vn  edicL  lequel  fut  attaché  aux  portes  des  temples,aucc  mandement  de  le  publier 
quatre  fois  par  an, afin  que  la  doctrine  de  ce  Sacrement  demeutall  plus  ferme  6;  impri- 
mée és  cœurs  de  tout  le  peuple. 

Te  r  l  e  futlacondamnation  de  Ican  Lambert,  à  laquelle  plus  ne  reftoit  quePexc- 
Liure  Apo  cution.Orccpendac qu'il  demeura  en  prifon  il  efcriuit  vnc  Apologie  ou  defenfedefon 
logcticjiie,  fai.it, laquelle  il  dedia  au  Roy  :  vfant  d'vne  Préface  fort  modellc,  par  laquelle  il  di(oit  a- 
compof"1  uou"  double  confolation  :  vne  en  Dieu  ,  Si  l'autre  en  la  maieilé  du  Roy.  puis  expoibit  la 
citant  en  caufe  qui  Pauoit  meu  de  faire  ce  liurc  .  Et  après  la  Préface  il  prouuoit  par  pluficurscn- 
îriion-      droits  des  Efcriturcs  Ion  opinion  touchant  PEuchariftie ,  remonftrant  comme  Ieius 

Chrift 


Çourtet,Geneuou:  Cromcl}<*Angloit.  pi 

Chrift  eftant  ici,ou  rcflufcitant,ou  montant  au  cicl,&  y  cftant  refident,ncpouuoit  oc^ 
cupcrquvn  lieu  quant  à  fon  corps. Puis  il  vfa  du  tefmoignage  des  anciens  Docteurs  :  &c 
par  iccux  monftra  comme  toute  cefte  matière  de  Sacre  ment  eftoit  neccllau  émet  my-  Lamatiers 
ftique  &:  i"pirituclle.&  que  le  propre  corps  &lang  de  Icliis  Chrift  eftoit  véritablement  Jj1-^"^ 
contenu  en  ces  myftcres.  myiiiquc. 

L  l  iour cftant  afligné  auquel  on  le  deuoit  faire  mourir,  il  fut  tire  de  prifon  fur  les 
huit  heures ,  &:  mené  en  la  chambre  de  Cromel  :  où  Ion  dit  que  Cromel  luv  demanda  £™™jc 
pardon  de  ce  qu'il  auoit  fait  contre  luy  mal-heurcufcmentïvoirc&:  contre  fa  confeien-  r,,,ù  m  i 
ce.  Là  dedans,  Lambert  cftant  aduerti  que  le  temps  eftoit  près  auquel  il  deuoit  mou-  Lambert. 
rir,sen  foitit  tout  confolé:&:pallant  outre  en  lafalle,faluales  gentils-hommes  qui  y  e- 
ftoycnt,&:  print  fon  repas  aucc  eux,fans  faire  aucun  fembiant  d'eftre  rnfte  ou  craintif. 
Avant  dciieuné,il  marcha  droit  au  lieu  du  fupplice ,  pour  offrir  à  Dieu  facrifice  de  bon 
odcur:ainfï  qu'il  fît. 

LOVYS    COVRTE  TydcGeneuois  en  Sauoye. 
O  V  Y  S   Courtctprarîicicn  renommé  en  la  conté  de  Gcncuois  au  pais  N1  D 
de  Sauoye  ,  fe  refentit  en  ce  temps  du  bien  de  l'Euangile  prefehé  en  la  ville  xxxix. 
de  Gencuc.il  eftoit  natif  d'vn  village  nommé  Vouurcy,au  mandement  &: 
Chaftellenie  de  Chaumont  audit  Gcneuois,de  laquelle  il  fut  ordôné  Cha- 
ftelain  .  Par  la  fréquentation  qu'il  auoit  allante*:  venant  quelque  fois  àGcncuc,il  eut 
vravecognoiflance  delà  vérité  du  Scigneurdaquellenc  futoifiuccn  luy,  non  fculcmct 
quant  à  reformer  La  vic,maisaufîï  pour  en  faire  participaris  fes  familiers .    Or,  comme 
le  monde  ne  peut  aucunement  flairer  vn  odeur  tant  fbuef , aufli ne  demeura-il  long 
temps  fans  eftre  perfecuté,&:  mis  cnla  condition  commune  à  tous  ceux  qui  porteront 
deuant  les  hommes  vn  thrclor  fi  précieux.  Il  fut  doncconftituéprifonnicr  par  le  com- 
mandement de  dame  Charlotte  d'Orléans,  vefuc  de  Philippe  de  Sauoye  duc  de  Ne-  riiil-rpcje 
mours,&:  conte  de  Ge  ncuois ,  ayant  le  gouuerncment  &:  adminiftration  dudit  Gcnc-  J'JJJ,6  |*J 
uois    de  la  Baronic  dcFofîïgny, comme  tutrice  de  laques  de  Sauoye  fon  fîls. M. Claude  duc  k  Nc- 
Dauid  lors  iugemage  de  tout  le  Gcncuois, cftimé  grand  Legi{tc(qui  depuis  eft  mort  în- 
fenfé)luy  rît  fon  proccz:&:  voyant  fa  pericucrancede  condamnad'cftre  bruiné  vit .  Au 
iour  deTcxccutiondeccftclentencc,quiiutlc  x  i  x.iourd'Auril  .m.d.x  x  x  i  x  Je  Sei- 
gneur fortifia  de  telle  confiance  ce  fienfcroitcur,qu'cftat  mené  hors  la  porte  d  Annil- 
Tî,aupafquis  nommé  Mu  lfierc,  prochain  de  ladite  ville ,  lieu  ordonné  du  fupplicc,ilcx- 
hortoit  ceux  qui  le  conduifovent  a  la  mort.Et  comme  le  bourreau  mit  le  feu  au  bois,&: 
que  tout  le  peuple  d\ne  acclamation  accouftumee  crioit  Mifcricorde  >  Courtct  die  à 
haute  voix, Mes  amis, n'ayez  foin  de  mov,i  ay  bon  courage  en  Dieu.    Et  au  milieu  des 

uroit,  il  cuLvne  tref  heureufe  fin  &c  ifîucdtçcfte  vie. 


ni  ours. 


THOMAS    CROME  L,  conte  fltfexe. 

Ci  dcfTus  en  l'inftoire  de  Ican  Lambcrt,a  erré  lait  mention  de  Cromel  :  duquel  à  cefte  catife  nous  .liions  ici  mis  en  Ton  ortlre  L 
procédure  cjni  tut  tenue  contre  luvxn  îacntellc  nous  auons  vn  mirer  delà  bonré  Je  uolhe  Dicu;retirant  ce  i-erfoniiaged' 
vne  vie  du  tout  ccurtif.mnc.i  fon  fcmice,&dlt!y  rendre  tefmoignage  deuant  lesçr-ns. 

A  D  I  S  Thomas  Cromel  fut  homme  de  baffe  condition,maisd'vn  fort  MDXL 
boncfprit  &C  confeil,  tel  qu'à  peine  l'Angleterre  en  pourra  rccouurervn 
femblable  en  feience  politiquexe  qui  le  fit  finalement  du  priuc'conicil  du  science  Pr> 
roy  Henry  v  1 1 1.  Iceluy  ayant  fait  plufieurs  agréables  fennecs  au  bien  pu-  Krique  ^ 
blicd'Angleterrc,fut  premièrement  aceufé  deuant  le  Roy  par  quelques  Seigneurs  Ce-  Cromcl- 
ditieux,ayans  conceu  vne  enuie  contre  luy  quelque  temps  après  qu'il  fut  déclaré  con- 
te d'EfTex .    ^Touchant  fa  magnanimité,  chacun  la  peut  cognoiftre  par  ceci,que  luy 
feul  fit  vn  a£te  que  iulqu'ici  nul  Prince  de  cefte  Europe,ou  Roy  en  fa  république  n'auoit 
entrepris, ou  moins  exécuté  .    Car  comme  l'Angleterre  foi t  &:  ait  cité  vne  nation  fu- 
perftitieufe  :  ce  Cromel  extrait  de  petit  licu,receut  en  fa  perfonne  toutes  les  inimi- 
tiez &  embufehes  de  toute  la  Prcftraille  &:  Moinaillc  de  cefte  iflcrla  porta  en  foy 
feul,&  en  triompha.  &:  finalement  ne  laiffa  m  on  tfi  -enc  maifon  de  toute  cefte  racail- 
le, qu'il  ne  mift  bas  &:  ruinaft  iufquaux  fonde     n  mcfmeilrengeales  Archeucfqucs 
$£Euefques,voirci'eucfquc  de  Vuinccftre,cnce quilfuftprefidentdu  priué  Confeil; 

q.iit 


l'util 


Thomas  CromeL 


fon  ik  Cro 


c  ir.Unal 
V\  ic  .ci 
dcifiis  mm 
ti<  nue. 


tellement  qu'il  anticipa  &z  rompit  tous  Tes  efforts  &:  machinations  qui  tendoyent  Xlx 
r0ir?ar.ii-  ruine  des  fîdclcs.Pour  le  faMfe  court ,  il  y  eut  entre  cuxdcuxvne  iïmulté  &:  émulation 
grande,  eftans  tous  deux  fort  authorifez  &:  agréables  vers  le  Roy  :  Cromel  le  mcnftroit 
touiîours  vertueuxtmaisreuefque  de  Vuincellre  ne  fembloit  eftre  nay  àautrechofe, 
Vuiucuïrc.  que  pour  porter  dommage  &:  ruine  aux  gens  de  bien.  Il  lei  oit  long  de  réciter  ici  parle 
menu  combien  de  gens  de  bien  Te  font  trouuez  foulagez  par  l'afliftcncc  de  Cromel:  li 
qu'après  la  mort  plufîcurs  le  trouuâs  deftituez, déclinèrent  grandcment:&  finalement 
corne  priuez  de  lcurappuy,ne  vcfquirent  pas  longue  met après  luy.Du  commcncemec 
c  e  fut  le    il  rut  au  îeruice  du  cardinal  d'York:&:  eut  dmers  onSces,cn  l'adminiftration  defquels  il 
femonftra  plus  digne  du  icruiccd'vn  Royqucd'vn  Cardinal .    Lors  aufli  Moi  ns  &c  ce 
Gardincrcuefqucdc  Vuinceftre,eftant  au  fermée  dudit  Cardinal aucc  Cromel,furcnt 
eficuez  enicmble  des  leur  icunciîe  .tellement  que  comme  ils  eftoyent  tous  trois  d'vn 
a.igc,ainli  le  furent-ils  prelque  de  condition  &  manière  de  viurc:combien  q  leurs  com 
plexions&eftudesiuifènt  grandement  dilfemblables.Eftant  deuenu  grande  recom- 
mande au  Roy  parle  Cardinal, il  paruint  à  grans  honneurs &:  dignitez. Cependant  qu'- 
il auoit  le  ventcnpouppc,aduint  vn  îour  que  les  threforiers  &:  généraux  des  finances 
du  Roy  tenoyent  propos  des  deniers  &£  reuenu  ordinaire  deuant  Cromel  :aufquclsil 
!tiy  aduint  de  dire,que  ii  le  Roy  le  vouloir  croire  ,  il  feroit  de  forte  qu'il  deuiendroit  vn 
de  s  plus  grans  Princes  &  des  plus  riches  de  toute  laChrcftienrc'.Cc  propos  cftant  venu 
à  la  cognoiflance  du  Rov,ille  voulut  cognoiftre  plus  familièrement .  Orleconfeil  du- 
c  îHif«-il     quel  il  parloit,cftoit  de  prendre  les  rcuenus ,  &  richelTcs  &  reliques  des  monafteresdu 
de  Cromel  Royaume,  &  icttci  hors  vn  tas  de  gros  truans  de  preftres  &:  moines ,  qui  viuoyent  aux 
th: /le  Roy  defpcns  du  peuple  fans  rien  faire. Ce  confeil  fembla  cftrc  bon  pour  les  affaires  du  Roy, 
qui  cltoit  pour  lors  anime'  contre  le  Pape  ,  à  caufe  du  mariage  d'Anne  de  Boulen,  ainfi 
qu'il  a  cftedit.il  y  auoit  lors  en  Angleterre  grande  multitude  de  contiens  :  comme  on 
pouuoit  apperecuoir  par  le  feul  pais  de  Norfolk, auquel  furet  trouuez  plus  de  vingt  cô- 
uens  de  Mcndians,  outre  plufieurs  autres  monaftercs  de  Moines  réguliers  &:  irregu- 
I  Angl  a   licrSj^  Je  Nonnains. Or  puis  que  le  royaume  d'Angleterre  a  trentedeux  pais  &:  prouin 
ces  en  circuit&  payfagc,on  peut  parlàaifcmcnt  eftimer  combien  il  y  en  pouuoit  auoir 
par  tout  le  Royaume. ii  n'y  auoit  pas  tant  en  nombre,  qu'il  n'y  cuit  encore  dauantage 
en  richeiTes. 

De  p  vi  s  que  le  lîcgc  Romain  fut  mis  hors  d'Angleterre,  les  Eucfqucs  tafeherent 
par  tous  moyens  qui  leur  turc  nt  pofl1ble,dc  le  remettre  fus, ou  pour  le  moins  de  retenir 
&:  conferuer  la  plu  s  grande  partie  de  fa  doctrine.  Le  Pape  ayant  efte  forclos,&  l'Angle- 
terre citant  en  grand  trouble  à  caufe  de  la  Religion, le  Roy  fut  d'aduis  d'alfcmbler  tous 
r>.  i.b  ra-   les  Eucfques  &  gens  doctes  de  l'on  Royaume, pour  aduifer  de  toutes  chofes  concernan- 
u..  i,  r  y  tes  la  police  delà  Religion  .bref,  il  y  eutvne  grande  aucmhlce  de  fauans  perfonna- 
do'i'à  EL-1  S'- s  &  au  très,  au  fou  cl  s  ce  r.vct  apparrenoit.Cromcl  fe  trouua  entre  les  Euefques:&:  ren- 
ligioti.      contrant  en  chemin  Alexandre  Alefe,lc  mena  quat  &  luy  à  la  congrégation, où  il  trou- 
ua les  Eucfqucs  qui  n'attendoyent  que  fa  venue.  Tous  luy  firent  honneur  comme  au 
,     Lieutenant  du  Roy  encefte  partie:&luy  lesfalua  tous  les  vns  après  les  autres.    Les  E- 

Le  nonihrc  /  »  *  /  1 

dcsl-.ucf-  ucfqucs& Docteurs  eftoyent  alTis  en  leur  ordre  :rarcheuefquc  de  Canturbie,  l'archc- 
^ues  mm.  uc  j^uc  d'Yorkd'euefque  de  Londrcs,de  Lincolne-de  Sansbure,de  Badc,d'Elie,d'Her- 
rrfornutiô  ford,dc  Ciceitrc,de  NoruuiCjde  Roccftt c,de  Vuigornc,£cc.  Cromel  cftant  alhs  là  com 
ac  u  Relu  me  Lieutenant  du  Ro\,£c  garde  des  Seaux, commença  à  parler  en  celte  forte:  Le  Roy 
(  Tomilprc  vous  mercic  grandement  d'eftre  venusù  l'alhgnation,qui  vous  auoit  efte  faite.  le  croy 
fîdcauxaf-  bien  que  vous  n'eftes  pas  ignorans  de  la  caufe  pour  laquelle  il  vousamandez:  quieft 
rÏmo  ^  Pcur  mcctrc  ^n  ^  or^rc  *  certains  difterens  touchant  1  eftat  de  la  foy  &:  religion  Chre- 
Cjufcdu    ftienne ,  lcfqucls  font  pour  le  iourdhuy  reuoquez  en  doute  &  controuerfe  non  feule- 
manderact  ment  en  ccRoyaumc,mais  aufli  en  prelque  toutes  les  nations  de  la  Chrcftiente':  vous 
Ju  Roy'    aduifant  que  fa  maiefte  ne  dciïrc  rien  plus  en  ce  monde,linon  qu'il  y  ait  paix  &c  tranqui 
lire  en  l'Eglifc.Et  combien  que  fon  delîr  principal  eft,que  les  confcicnccs  troublées  de 
les  fuict  s,&:  h ngulicrement  des  infirmes,  foyent  confirmées  par  quelque  certaine  &:  ar 
reftee  doctrine:côbxé  auffi  qu'il  ne  foit  pas  ignorant  de  laverité: toutefois  il  aime  mieux 
quclescholcsdcmcurcnt  en  l'cftat  ou  elles  font,  que  non  pas  permettre  que  rien  en 
foit  ordonne  fans  le  commun  confentement  de  vous  tous:  qui  vous  peut  allez  faire  en- 
tendre fa  prudence  lïngulicrc,&:  fa  faucur  enuers  vous  tous.  Au  moyen  de  quoy  il  vous 

prie 


ÏXÏ11  [TO 

ninces 


Thomas  CvomeL  p  j 

prie  tous  au  nom  de  Chrift ,  qu'après  auoir  Jaifîc  routes  affedions  particulières ,  voftre 
plaifirfoit  de  mettre  les  raiibns  qDicu  vous  aura  donnees,en  termes  le  plus  fimplemét 
qu'il  vous  fera  poifible:  ayant  toufiours  deiiat  les  yeux  la  vérité  des  Efcriturcs  faindes. 
Et  de  fa;£l,il  n'endurera  pas  qu'aucun  devous  faceviok;.  rc  à  l:Efcriture,pour  la  mener  Escanffs<fe 
où  il  voudrait  tant  par  décrets  &:  canon  s,comme  par  aurhoi ire  de  Dodeurs&:  Concis  l^^f^ 
les:  tant  s'en  faut  qu'il  rcçoiuc  aucuns  articles  &  doctrine  s  fondées  feulement  en  10  11e  aider  q  <ies 
l'ay  quelle  couftumc&:  tradition  commune  des  hommes, laquelle n'eftant aucunement 
prilé  des  El'critures,vous appelez  Couftumc&:  raifon  neneferite.  Vous  làuezquec 'eft 
le  dcuoir  auquel  vous  cites  principalement  obligez  à  Chrift  premieremêr,&:  puis  à  Ton 
Egliïc:lcquel  aura  pour  agréable  la  diligence  que  ferez  au  reftablillement  de  l'on  Egli- 
fc.Or  la  raifon  Se  moyen  que  vous  y  deuez  tenir >  eft  qu  après  auoir  lailTé  arrière  toutes 
inuentions  &:  fictions  des  hômes,vous  reduifiez  le  tout  à  la  touche  de  la  parole  dcDicu, 
ainfi  qu'il  cil  elerit  au  Deuteronome.qui  eft  bié  le  poinct  lequella  maiefte  du  Roy  vous 
veut  eftre  recommandé  le  plus. 

Crome  l  ayant acheué ce difçours,tous les Euefqucsfetcnans debout, remercie-  Rc/^onfe 
rent  humblement  le  Roy ,  tant  pour  l'arfcdion  lîngiîlicrc  qu'il  monftroit  auoir  cnuers  dcs  £uc^; 
lcglifcde  Iefus  Chrift,q  pour  vnc  telle  exhortation  &  aduertiflement  digne  d'vn  Roy 
Chrefticn.On  vinrdonc  incontinent  après  en  difpute  :  où  Boner  euefquc  de  Londres,  Boncr 
grand  zélateur  des  canons  du  Papc,fut  redargue  par  Cromel  à  caufe  de  que  lques  argu 
mens  qu'il  auoit  mis  en  auant  pour  prouucr  fept  facrcmcns,lefquels  il  fondoit  fur  quel- 
ques glofes  des  efcoles .  Ce  Boner  auoit  d'vne  part  la  raueur  de  l'archeuefque  d'York, 
de  l'euefqucde  Lincolne,dc  Bade,de  Ciccftre,&  Noruuic.  De  l'autre  part  faifoyentl'- 
archeuerque  de  Caiuurbie,les  cucfques  de  Salopic,EHc,Hci  ford,  Vuigornc,  Se  autres. 
*  Apres  plufieurs  raifons  agitées  d'vn  cofté  Se  d'autre ,  touchant  les  tefmoignages  des 
Docte  urs  qui  fcmbloyent  répugner  entr'eux,&:  eftre  rapportées  à  contraires  lins  &  cô- 
clu,1ons.  rarchcuefquc  de  Canturbie  commençant  à  dilputcr,fitccfte  préface, Qu'il  n'  i-'opiniod 
appartenoit  point  à  gens  dodes  de  tant  eftriuer  des  mots  ,&  que  eclaeftoit  le  propre  jc'catur- 
des  Sophiftcs&:  autres  fcmblablcs,  quife  délectent  plus  d'altercations &:  contentions  bic. 
friue)les,quenon  pasdelapaix&:tranquilitc  publique.  Que  maintenant  il  eftoit  que- 
ftion  de  choies  graucs  Se  de  grande  importance ,  non  pas  de  cérémonies  Se  autres  cho- 
ies de  peu  d  efte-d,ains  du  vray  fe  ns  &:  intelligence  des  Efcriturcs  faindes .  Qu'il  eftoit 
queftion  de  la  rcmiflion  des  péchez ,  ele  la  confirmation  Se  afièurance  des  pourcs  con- 
feiences  opprclTecs  du  fentiment  de  leurs  péchez. Du  vray  Se  légitime  vl'age  desSacre- 
mens:&:,Si  la  iuftification  eft  aidée  &  fouftenue  pariccux,  ou  fi  elle  procède  feulement 
de  la  foy.Itcm,Quclles  font  les  bônes  ceuurcs:quel  eft  le  vray  feruice  de  Dieu:  alfauoir- 
mon  li  le  chois &C différence  des  viandes,  fi  la  diuerlité  deshabillemens,fi  lesVceus  des 
moines  Se  prcftres,&:  tels  décrets  ^ordonnances  des  hommcs,dcfquellcs  il  n'eft  nulle- 
ment fait  mention  es  Efcriturcs,  doiucnt  eftre  mifes  au  nombre  des  bonnes  œuures,  Se 
ré  putées  faindes,pour  rendre  l'homme  vrayement  Chrefticn ,  &:  le  combler  de  toute 
perfc  dtion.  Dauantage,  fauoir-mon  fi  le  faux  Se  extrauagant  feruice  que  les  homes  pen 
lent  faire  àDicu, introduit  par  leur  inuention  Se  artifice,non  parle  commandement  de 
Dieu,peut  obliger  les  confciences. Finalement  fi  les  cérémonies  de  la  Confirmatiô  qu 
on  appelc,dcsOrdrcs,de  l'Ondicn  extixme,&:  femblables  chofes  qui  n'ont  iamais  cfté 
inftituees  par  Iefus  Chrift,&:  n'ont  aucun  tefmoignage  de  la  faincre  Efcriture,pour  no9 
rendre  certains  delà  remiflion  de  nos  péchez ,  doiuct  eftre  mifes  au  nombre  des  Sacrc- 
mensj&parangonnccs  auec  le  Baptcfmc  Se  laCcncde  neftre  Seigneur  Iefus  Chrift. 

Que  c'eftoyent  les  chofes  qu'on  deuoit  mettre  en  termes  Se. délibération  :  lcfquellcs 
de  tant  plus  grande  confequence  qu'elles  font,  comme  comprenans  vniucrfcllcmcnt 
les  poinds  principaux  de  nuftre  foy  Se  falut ,  tant  plu  s  on  y  deuoit  procéder  foigneufe- 
ment  Se  auec  meure  deliberation.Que  fi  donc  ils  veulent  obéir  à  Chrift  &:  à  S.Paul,qu' 
ils  laiflent  vnc  infinité  de  mots  ineptes  &  fuperfhis ,  &:  qu'ils  cerchent  la  vérité  propre 
desEfcritures.Quc  fon  aduis  porte  que  l'ordre  Se  manière  qu'on  doit  tenir,cft  de  parler 

j-   c  •  ,      r  ■  r  t  r?        •  Ordre  «Ici* 

premièrement  des  Sacrcmens,&:  en rairc tous vne  commune  relolution.  Et  puis  que  di!piltctou 
nous  difons  le  Baptcfme&  la  Cenedu  Seigneur  eftre  les  Sacrcmés  du  nouueau  Tefta-  chant  les 
mét,qu'il  faloit  refoitdrc  ce  q  nous  entendons  parce  mot.Qu'il  fauoit  bic  q  S.  Ambroi-  Sacrcmcn& 
(cSe  autres  Dodcurs  appeloyent  Sacrcmcns,aufïilelauemcnt  des  pieds  des  Difciples, 
Se  chofes  femblables  :  lelqueiles  toutefois  il  ne  voudroit  mettre  au  nombre  des  Sacre- 
mens.^  Ayant  ainfi  difcouru,Cromel  commanda  au  feigneur  Alefe,  qui  eftoit  prefent, 

q.  îii. 


Thomas  Cromel 


&s  fembloit  prendre  plaiiir  à  ce  qui  fe  diibit ,  d'en  dire  Ton  opinion.  Lequel  après  atioir 
vie  de  préface  honorable ,  s  adreflant  audit  Cromel  &:  autres  Euel'qucs  &  minières  de 
rEglil*e,dit  que  combien  qu'il  f  uft  venu  la  fans  y  penfer ,  toutefois  s'aiîcurant  de  la  grâ- 
ce de  Dicu,promettant  bouchefic  fapienec  à  ceux  qui  cftans  interroguez  de  leurfoy  s* 
appreftent  pour  en  rendre  raifon,il  ne  doutoit  d'expofer  librement  ce  qu'il  luy  en  fem- 
bloit.Et  commença  en  cefte  forte:  Monfîcur  rArchcuefquc  me  lemble auoir  très-bien 
ciit,en  ce  qu'il  a  cftime  qu'il  faloit  premièreme  nt  venir  a  la  difrînition  du  mot  de  Sacrc- 
mcnt:alfauoirs'il  s  eftend  feulement  aux  cérémonies  lefquclles  lefus  Chrift  viurpe&: 
lphef.i.</.  accommode  à  quelque  choie  particulière  en  l'Euangile  (  comme  faintï:  Paul  appelé  la 
remiflion  des  péchez:  )  ou  bien  ii  vous  eftimez  qu'il  appartienne  indifféremment  &  v- 
niucrfcllcment  à  toutes  cérémonies ,  par  lclquelles  toutes  choies  facrec  s,  par  quelque 
moyen  que  ce  foit,font  lignifiées  &:  entendues.  Que  ii  veus-vous  arreftez  à  la  féconde 
lignification, ievous  accorderay  facilement  qu'il  y  a  fept, voire  plus  de  Sacre  mens. mais 
l  c  Sacre   ^  mc  fcm^le  que  faind  Paul  s'eft  arrefte  à  la  première, appelant  la  Cnxoncifion  Sacre- 
ment Ofs    ment, comme  vnfeau  &:  marque  de  la  milice  delafoy .  Or  lcsluifsauoycnt  (èulcment 
luits.       cc  Saciement,ainii  que  toute  l\Eicriturc  melmc  tefmoigne.&  eft  raifonnable  que  tous 
Sacremens  doiuent  eftre  rapportez  à  la  définition  &c  propriété  de  ccftuy-la.  Tel  le  dc- 
Ipruf  j.i*.  clare  faind  Paul  aux  Ephefiens,difant,Le  Seigneur  lefus  a  fandific  fon  Egiifc  (c'eft  aifa 
uoir  tous  ceux  qui  ont  cite  baptizczenluy  )  la  purgeant  dulauement  d'eau  en  la  vertu 
de  fa  Parolcdàoùilconiointla  Parole  &z  prome/îe  Diuineauec  le  ligne  &:  cérémonie 
Marc  :6.\6  extérieure. Mefmc  Chrift  coniomt  la  foy  aucc  le  figue, où  il  dit,Celuy  qui  croira  &:  fera 
baptizé,fera  fauuc .  A  ce  propos  faind  Auguftin  dit  proprement, La  Parole  accompa- 
gne i'element,&:  le  Sacrement  en  eft  fait .  &:  en  vn  autre  paflage,  Le  Sacrcmcnt(dit-il) 
eft  auquel  Dieu  befongne&ecuurc  lefalut  occultemc  nt  fous  la  forme  des  choies  vifi- 
blcs .  Et  le  maiftre  des  Sentences  dit,  que  le  Sacrement  eft  vn  ligne  vifîblc  de  la  grâce 
inuiiible:&:  incontinent  après  interprétant  cefte  grâce  inuilible,  dit,qu'elle  n'eft  autre 
choie  que  la  îuftification  des  péchez.  Finalement  laind  Thomas  ne  penfe pas  qu'au- 
cun homme  mortel  ait  puiflànce  d'eftablir  le  moindre  Sacrement  de  ce  monde,  tj  Pre- 
mièrement donques  li  nous  fommes  d'accord  touchant  la  définition  du  mot  de  Sacre- 
mcnt,nous  ferons  bien  toft  après  d'accord  touchant  le  nombre  des  Sacremcs,  lcfqucls 
nous  ont  cité  huilez  par  lefus  Chnft  pour  lignifier  la  remiflion  des  péchez  .  Et  de  faid, 
s  \u«uftin  faind  Auguftin  en  reçoit  deux  en  rÈpiftreii8,  efcriuantà  Ianuarius:  où  ildit,Icvcux 
toucJuntk  cme  tu  entendes  le  fommaire  de  cefte  difpute:c'eft  que  noftre  Seigneur  lefus  (ainfi  que 
nombreics  lUy_mcfme  dit  en  rEuangile)nous  a  chargez  d'vn  fardeau  bien  léger  &:  aifé.car  il  a  obli- 
uu.mcns.      TEglilc  de  fon  peuple  nouucau  à  bien  peu  de  Sacremens,  &c  bien  aifez  touchant  1- 
obferuation  d'iceux,mais  exccllcns  en  lignification:  c'eft  affauoir  du  Baptcfmc  &:  de  la 
Ccne ,  &:  s'il  y  en  a  d'autres  qui  foyent  commandez  es  Efcritures:  hors  mis  ceux-la  tant 
feulement  lcfqucls  auoycnt  efte  baillez  comme  charges  &c  fardeaux  de  feruitude  au 
Au  l  u  de  PeuP^c  ^ncicn,à  caufe  de  ladurté  de  leur  cœur .  Derechef  faind  Auguftin  dit,Que  les 
ladoftrinc  Efcritures  nous  ont  enfeigné  bien  peu  de  Sacremens ,  comme  ccluydu  Baptelme,&; 
ehrcitiêue  De  la  mémoire  célèbre  &£  folennclle  du  corps  &:  fang  de  lefus  Chrift,  &c.  CSurcc  pro- 
pos l'cucfquc  de  Londres  ne  fc  pouuant  plus  contenir,  parla  finalement  en  cefte  ma- 
nière: Premièrement  (dit-il)touchant  ce  que  vous  auez  alfumc,que  les  Sacremens  que 
lefus  Chrift  a  inftituez  en  l'Eglife,  doiuent  auoir  vne  lignification  &:  intelligence  ma- 
nifefte  de  la  remiflion  des  pechcz,tout  ce  propos  doit  eftre  reietté  comme  faux  &c  con- 
traire à  la  vérité. difant  qu'il  le  monftreroit  facilement  tant  par  l'authorité  euidente  d© 
Laremo    1  Efcriture,comme  par  certains  tcfmoignages  desancies  expofiteurs.  ^  Mais  l'cucfquc 
flrance  de  d'Hcrford, lequel  cftoit  reuenu n'agueres  d'Alemagne,oùil  auoitefté  enuoyéambaira- 
Foxecuef-  Jc  pOLir  Jc  RGy  aux  Proteftans,cfmeu de  l'infolence  de  l'euefque  de  Londres,fe  tourna 
|^rj    cr~  vers  Alcfe,le  priant  de  ne  vouloir  venir  en  difpute  aucc  luy  par  tcfmoignages  &:  tradi- 
Lcs  Do-    tions  faites  à  plaifir  denefay  quels  Docteurs  Scholaftiques:veu  principalement  qu'eux 
Ltc:ir<;Scho  mefmes  dilcordent  bien  fouuent  en  cefte  matière  des  Sacremens:  voire  fc  contrarient 
JuitKjiKs.    communcment,comme  en  toutes  autres  chofes .  Que  s'il  faloit  fe  fonder  en  leurs  rai- 
fons,&:prouucrpar  elles  la  refolutionde  leur  difpute ,  il  ncferoit  poilîble  d'eftre  en  rie 
ancurez,ne conclure aucuneehofe certaine.  Dauantage,  qu'ilauoit  efte  eniointparle 
Roy ,  qu'on  n'amenaft  autres  fondemens  6c  raifons,  que  de  la  feule  &c  (Impie  Efcriture. 
Ce  fut  le  propos  qu'il  tint  à  Alefe.  puis  fe  tournant  vers  les  Eu  efques ,  les  reprint  allez 


Thomas C y  omet  p$ 

fiigrcmcnt,ou  pluftod  les  admônefta  de  leur  deuoirde  propos  duquel  efl:  bien  digne  J1 
dire  ici  infère  :  Ne  penfez  point  (dit-il)  mes  frères  &  percs,  que  ievucille  maintenant 
que  vous-vous  nouri  îlfiez  d'vne  vainc  cfperance,  &:  que  vous- vous  perfuadiez  pouuoir 
derechef  obfcurcir  par  vos  artifices  &:  rufes  fophiftiques  ,1a  lumière  del'Euangile,  ef- 
clairant  maintenant  aux  yeux  de  tout  le  monde. car  Icfus  Chrift  a  voulu  en  ce  temps-ci 
manifeilcr  il  cuidemment  fa  parolle  à  vn  chacun,  &:  taire  entendre  à  fon  Egliie  la  ven- 
te, qu'ayant  rcpoiille  les  ténèbres  efquellcs  nous  auons  ii  long  temps  vefeu  par  le  paf- 
fc,  il  en  fera  maintenant  le  maiftre.  Car  mefme  les  gens  laies  &:  limples  artifans  voyent  P^jjf 
plus  à  prefent  par  la  grâce  de  Dieu, es  fainctes  efcritures,quc  ne  font  pluncurs  de  nous,  pêtjj.e  au* 
Théologiens  illuminez  que  nous  lbmmes,  auec  toutes  nos  fpeculations.  Or  outre  ce  LesAlcn  :s 
que  le  monde  commence  défia  à  ouurir  les  yeux,  encores  les  Alemans  ont  traduit  na-  fuSajrs" 
gueres  la  Bible  félon  la  vérité  Hebraique,auec  tant  de  diligence  &:  perfpicuité, qu'on  y  de  la  paroi- 
entend  maintenant  plus  facilement  ce  qu'il  y  faut  entcndre,qu'on  ne  fauroit  faire  auec  lcdc  Dlcu* 
toutes  les  glofes  &  interprétations  longues  &£  prolixes  des  Commentateurs. 

^~C  e  furent  en  fubltance  les  propos  qui  furent  là  tenus  grauement  par  l'euefque  d'- 
Hcrford:tellcment  qu'Alefe  s'en lcntant  fortifie',  pafla  outre ,  &c  prelfa  les  aduerfaires 
par  ceft  argument:  Les  Sacrcmcns(dit-il)font  féaux, ou  cérémonies  par lefquellcs  nous  Définition 
fommes  rendus  certains  delà  bcneuolencc de  Dieu  cm  ors  nous. Or  celle  certitude  ne  dt"™°nlSa" 
peut  eftrc  finis  la  parolle  de  Dieu:  ilfautdonqucs  con.  lure  que  les  Sacremens  qui  ne 
font  appuyez  en  la  parolle  de  Dieu  ny  en  aucun  tcfmoignage de  l'Efcriturc ,  ne  doyuct 
point  élire  receus  pour  Sacremens.  Lamaicurcll  prouuee  par  S.Paul,Rom.4:où  il  ap- 
pelle la  Circoncifion, Signe  de  la  milice  de  foy.par  cela  il  appert  que  la  foy  y  efl:  aufh  rc-  ,L:j.^!ft 
quile,  pour  nous  rendre  certains  de  la  volonté  de  Dieu  entiers  nous.  Of  que  la  Parolle  jcsUs,K-rc! 
ne  foit  le  fondement  de  la  foy,il  n'y  a  perfonne  qui  en  doute  :  autheur  mefme  S.Paul  au  mtns, 
chap.  1  o.  de  1  epiftre  aux  Romains ,  diiant,  La  foy  cft  par  louve ,  l'ouye  par  la  parolle  de  ^  f/J£n'_c 
Dieu.  Car  toute  l  mititution  de  noilrc  cfprit ,  &:  la  certaine  cognoiffanec  de  la  volonté  demande 
de  Dieu  procède  entièrement  de  l'a  parolle ,  ne  plus  ne  moins  que  les  cérémonies  ex-  11 i0'/- 
teneures  des  Sacremës  ne  ieruent  à  autre  chofc,quc  pour  latisfaire  aux  iens  extérieurs 
de  la  perfonne.  Mefme  par  le  fufdit  paliage  de  S.  Paul,  l'erreur  de  ceux  qui  penfent  que 
ics  Sacremens  nous  iultîfient  deuant  Dieu  par  les  œuures  qu'ils  appelle  nt  Ouurecs,voi 
relanslafoy  de  ceux  qui  les  rcçoyuent,  eftmanifeilement  corrige'.  Auquel  propos  le 
mefme  Apoftre  efcriuant  aux  Epheiîens:Chri(l(dit-il)  a  lauc  &  purifie  ion  Egliie  au  la-  Epkf.j.ztf, 
uement  d'eau  parla  Parolle,&:c.  Car  en  ce  qu'il  conioint  la  Parolle  auec  la  cérémonie, 
laquelle  Parolle  baille  véritablement  la  vicnl  nous  monflre  cuidemment  par  a.la,qu'- 
il  faut  principalement  coniidercr  es  Sacremens  la  parolle  de  Dieu, comme  ion  corps  &c 
fubilance.  Mais  en  ce  que  celle  parolle  cft  adminiftree  extérieurement  au  Sacrement, 
cela  ne  peut  rien  de  foy -mefme  fans  le  motif  de  celle  vme  flamme,  laquelle  nous  côce- 
uonsparfoyen  nos  ames,  en  la  parolle  Ôepromc/fcs  de  Dieu.  Voire  que  l'A  poftre  ad- 
ioufteauffilesparollesde  Chrift  en  J'inllitution  de  laCcne,difant,Ilprint  le  pain,  &c  i.Cor.n. 
ayant  rendu  grâces,  le  rompit,  &:  dit ,  Prenez  &  mangez  :  c'eft-cy  mon  corps,  dit  outre,  2-5  &  l4' 
Faites  ceci,  en  mémoire  de  moy. Encores  au  mefme  lieu  il  admonncflc  qu'il  n'eft  loili- 
blc  à  homme  viuant,non  pas  auxApoilrcsjdmftit  uer  les  SacremcnsjOti  mefme  les  cha- 
ger  autrement  qu'ils  ont  elle  ordonnez  par  Chrift:  où  il  dit,  I'ayreceu  du  Seigneur  ce 
que  îe  vo9  ay  baillé,&:c.Car  autremJt  quel  befoin  ciloit-il  de  la  proteilation  qu'il  raifoit 
au  peuple,  par  laquelle  il  pretcndoit  que  foy  luy  fulladiouftcc ,  s'ilauoit  puiflance  ou 
d'eflablir  Sacremens  nouueaux,  ou  de  renouueler  &:  chager  les  vieux  à  fon  plaifirrainit 
que  quelques  vns  calomnient  impudemment  la  forme  &:  manière  du  Baptcfme  intro- 
duite parles  Apoflres. 

^L'e  vj5Qj£  de  Londres  répliqua  en  celte  fortc:Etbié(dit-il)ie  vous  accorde  que 
les  Sacremens  font  fondez  en  la  parolle  de  Dieu. or  fi  vous  penfez  qu'il  n'y  ait  autre  pa-  Boner  a- 
rolle  de  Dicu,finon  celle  qu'vn  homme  de  meftier  ou  payfan  lit  en  fa  langue,vous  elles  terité?1* 
bien  deccus,  Dauatage,fi  vous  penfez  qu'il  n'y  ait  rien  qui  appartiene  à  la  foy  du  Chre- 
ftien,  finon  ce  qui  eft  contenu  es  Efcriturcs ,  vous  eftes  pareillement  deceus,  auflî  bien 
que  les  Lutheries.  Car  S.Iean  eferit  que  plufieurs  chofes  ont  elle  faitespar  IefusChrilî,  Ican  "* zî* 
lefquelles  ne  font  cfcrites,&:c.Et  fain£t  Paul  au  io.chap,  de  la  i.epiftre  aux  The/îàloni-  Boncr 
ciensjcommandc  qu'on  reçoiuc&  obferue  fes  traditions  :  non  feulement  celles  qu'il  a  au  deuant 
comprifes  r>ar  fes  efcrjts,mais  auffi  celles  defquelles  il  a  parle',fans  les  auoir  rédigées  par  leï  vieU!ç' 

q.iiii, 


L/Wo  IL  Eïtiennt_>  'Brun. 

afncriesSeo  cfcrit.  Dauantnge,  au  i^.chap.  des  A£tes,nous  voyons  comme  non  feulement  les  Apo- 
^•qu«.  ^rcs  ont  pr0p0tc  beaucoup  de  choies  qui  n'eftoyent  côtenucs  e  s  Efcritures ,  mais  aulïi 
pluficurs  décrets  &c  ordonnances  de  leurs  predcceileurs.  Finalement  nous  en  auens 
autant  entendu &.  receu  mcfme  parles  Dodeurs&:  Conciles:  lesquelles  choies  la-Ibit 
qu'elles  ne  foyent  comprifes  es  Eicritures ,  toutesfois  puis  qu  elles  ont  cité  miles  &£  in- 
troduites par  les  iaincts  Docteurs  ,nedoyuent  pas  moins  eftre  receues,  quefi  cllcsc- 
ftoyét  venues  des  A  poftres:  &  ne  doyuent  eftre  receues  auec  moindre  Religion  ,  que  li 
elles  eftoyent  proprement  contenues  es  Eicritures.  Bref,  il  n'y  a  point  d'abfurdité  ,li  la 
paroile  de  Dieu  eit  appelée  en  partn  ,Non  efente. 

^L'cuefque  de  Londres  difputant  en  celte  lortc ,  Cromel  &:  l'Archeuefque  de  Can- 
turbiefcfouliianscntrcux,  s'elbahirent  :  &:  remarquèrent  l'elprit  grollicrd'vn  tel  E- 
ucfque,  qui  tantelloïc  obihnéen  vne  chofeii  friuole.  Alcle  vouloit  pourfuyure  la  dif- 
pute, quand  fc  trouuanc  court&  preffe  du  temps(car  l'heure  de  midy  approchoit  délia) 
Cromel  luy  t  ômanda  de  ù  contenter  pour  le  prêtent  de  ce  qu'il  auoit  dit:  &:  pour  met- 
tre fin  &  conclulion  an  propos,  dit,  Puis  qu'il  e  ft  ainfi,  Monlieur  le  reuerend ,  que  vous 
niez  que  la  foy  &c  religion  Chreftiénc  foitfeulemét  fondée  es  Elcriturcs:li  ic  vous  mon- 
ftre  le  côtrairc  par  euidé tes  i  allons, ic  croy  bien  q  vous  m'accorderez  qu'il  n'y  a  pas  plus 
de  Sacremcns  que  ceux  qui  font  i  <  -mpris  e  n  l'Elcriture.  Ce  que  luy  citant  accorde  par 
l'Eueique,  I  on  mit  fin  à  la  eiii'pi  t  c  pour  ce  iour.  Le  lendemain  les  Euelques  eltans  rcuc- 
nus;&:  reprenant  les  erre  s  de  le  ur  première  dil'putc,  Alefe  voyant  qu'il  ne  luy  cftoit  loi- 
ibodircplr  ^le  ^c  Parler,redigca  fommaircment  par  elcrit  Ton  opinion  :  laquelle  Cromel  reccut, 
efent  tou-  &:  la  monltra  aux  Euelques.  Or  par  les  propos  &  difputes  là  tcnues,tat  fut  procède, que 
laReligicnnepouuantprcmptementeftreremifeenfon  entier  par  le  moyen  de  Cro- 
mel, fut  toutefois  réduite  en  beaucoup  meilleur  citât  qu'auparauant. 
Cromclic-     ^  Trois  ans  après  que  ceci  fut  ainfi  fait  &c  ordonné  par  eux,  Cromel  fc  trouuant  afïîe- 
c"k-       gé  par  fraudes  &c  complots  Je  quelques  vns ,  d'autant  que  parlant  vn  iour  du  diuorce 
qui  auoit  cfté  entre  leroy  Henry  &;  Anne  de  Cleues  fa  femme,  il  auoit  dit  qu'il  feroit 
contét  d'auoir  donné  vn  coup  de  dague  à  celuy  qui  romproit  ou  troublcroit  leurs  nop- 
ces  :  il  luy  fut  mis  en  auant  par  Thomas  duc  de  Northfolk&:  autres,  que  cela  eftoit  pro 
feré  obliquement  contre  la  maiefté  du  Roy:lequel  fouhaitant  à  femme  Catherine  Ha- 
uart,auoitluy-mefmceftéle  premier  autheur  du  diuorce.  Qui  futcaufe  que  certains 
Milhorts&grans  Seigneurs  confpircrcnt  contre  luy,  dcfquels  il  auoit  encouru  lama- 
le-gracc,&:  par  enuie  qu'ils  luy  portoyent,ck  pour  le  fait  de  la  Religion,!!  que  fînaleméc 
Cromel  pri  il  fut  conitituc  prifonnicr  en  la  tour  de  L  ondres,  luy  mcfme  qui  auoit  vn  peu  deuat  fait 
Loyrlgou-  vne  W»  Q-uc  ce^uY  qin  ^roic  vne  fois  mis  prifonnier  en  la  tour,  fuft  incôtinent  côdam- 
rtuic  de    né  à  mort  fans  plus  ample  conteftation  de  caufe,&  fans  torture  :  par  la  mefme  loy  fouf- 
Cromcl.     fric  la  peine  qu'il  auoit  ordonnée.  On  dit  (ce  qui  fcmble  affez  vray  fcmblable)  qu'il  n- 
auoit  pas  fait  celte  loy  li  rude  &  rigoureulé  qu'elle  cftoit,tant  par  inhumanité  &:  cruau- 
d"f  Cromel  c^'cornmc  PDur  attraper  l'Eueique  de  Vvinceftrc,  trefgrand  ennemy  de  Chrift  &c  de  fa 
quant  à  la  religion.  Il  clt  certain  que  le  Roy  depuis  fe  repentit  grandement  qu'on  auoit  faitmou- 
l°y-        rir  Cromel,  ne  pouuant  difîimulcr  l'amour  &.  affe&ion  qu'il  luy  portoit  :  comme  on  en- 
tendit de  luy  quelque  temps  après. 


ESTIENNE    BRVN,  Daulphinois, 

I L  y  a  en  l'exemple  de  ce  Martyr  aucunes  chofes  peculieres  digne  d'eftre  notées  :  aflâuoir  les  dons  &  p races  que  Dieu  donne 
à  gens  des  champs ,  fans  obferuer  les  moyens  humains.  C'eftle  premier  après  Ican  Cornoo ,  qui  dl  donné  pour  miroir 

aux  laboureurs  de  la  terre. 

L  N  T  R  E  les  fidèles  tefmoins  de  la  caufe  de  Iefus  Chrift ,  Eftiene  Brun  peut 


chant  les 
Satremcns 


lavicru.  du  DiHiIphine.  A  vray  dire,  ce  perfonnage  nous  ramené  vn  exemplede  l'ancienne  in- 
îaaeu"  tcgrit<^  ^c  k  v'c  ruftiquc&  des  premiers  laboureurs  :  lefqucls  en  cultiuantla  tcrrc,cul- 
tiuoycnt  &:  aelouciifoyent  aulfi  6c  leurs  efprits  &  leurs  mœurs.    Eftant  d'vn  village 

nommé 


Eftienncj  Brun.  pf 

nomme  Rcortier  au  pays  du  Dauphinc ,  combien  qu'il  n  euft  oneques  fréquente  les  ef- 
coles ,  (i  fauoit-iJ  lire  &c  clcrire  en  langue  Françoifc,&:  s'adonnoit  aucc  le  labourage  à  la 
lecture  du  nouueau  Teftament  traduit  en  François  :  l'vn  eitoit  pour  la  nourriture  de  la 
famille,  fit  l'autre  pour  1  mftruction  d'icelle  en  toute  crainte  de  Dieu.  Or  comme  ainli 
foitque  les  Preftres  fit adueriaircs  de  vérité  fouucnt  Iuydonnaflcnt  grande  contradi- 
ction, fi  les  furmontoit-il  en  vertu  de  cette  parollc  de  Dieu  ,  &c  les  rendoit  courus .  telle- 
ment que  le  plus  fouucnt  ils  neluy  lauoyct  que  reprocher,  /inô  qu'il  nelàuoit  point  de  ^ePrcr^ 
Latin, &:  qu'à  cre  dit  il  lifoit  celte  faincte  Efcriturc,laqllc  il  auoit  li  fouuct  en  la  bouche.  d'ç" 

C  e  s  reproches  eurent  telle  force  à  l'endroit  de  ce  perfennage,  qu'il  s  adonna  à  con-  vente, 
fercr  la  vcrlionFrançoifeauecla  Latine  :  dételle  forte  que  finalement  il  paruint  par 
grand  labeur  &:collation  fréquentée  dcfditcs  tranllations,  de  pouuoir  entendre  &:  allé- 
guer en  Latin  les  pailàges  du  nouueau  Teftament ,  qui  fut  depuis  caufe  de'le  faire  par- 
ler de  tant  plus  grande  hardiefle  aux  cotredifans  &:  ennemis  de  la  vérité.  Mais  comme 
aux  chaifieuxla  lumière  eft  du  tout  contraire,  fie  ne  la  peuucnt  porter,  aufti  aduint  qu- 
enl'anM.D.x  x  x  v  1 1  i.lesaduerlaires  neccfferentdemoleitcrlcdit  Ffticn ne , &z  pro- 
curer fon  emprifonnement.  Eltant  détenu  es  priions  de  rEuefqucd'Ambrun,il  fut  cir- 
conuenufi£  induit  par  tromperies  fijvaines  promeuves  des  fuppolts  dudit  Eueiquc,d'ad- 
mettrevn  formulaire  d'abiuration  qu'iceux  auoycntefcriten  Latin  en  leur  ftyl  accou-  chaste 
ftumé,  pour  obtenir  deliurance.  Mais  le  Seigneur  après  icclledcliuranccluy  donna  à  tn!».Ca"C 
cognoiltie  la  faute  :&  en  eut  tel  dclplaifir ,  que  fouucnt  il  s'aceufoit  en  la  prefence  de 
fes  domeltiquesfit  parcns,&:  diibir ,  Miferableque  ic  fuis,  dauoir  fi  légèrement  adiou- 
fté  foy  à  mes  parties  aduerlcslmais  cefte  charongne  de  chair  n'en  cfchappcra  point ,  fi 
derechef  ic  fuis  prmsrains  pavera  l'intereit  de  fon  periure  fie"  defloyauté. 

^Aduint  derechef  que  ledit  Efbenne  en  l'an  x  L.fut  emprifonné  àTinftigationfie 
pourfuitte  de  Gal'par  Auger  de  Gap,fcrmier  de  rEuefque ,  qui  efperoit  d'auon  fa  con- 
fifeation.  Ce  fermier  fît  tant  par  le  moyen  d'vn  Cordelier  inquifitcur  de  la  foy  ,nommé  p°micclli 
Domicclli,&:  d'vn  qui  eltoit  Vicaire,  qu'on  procéda  à  toute  diligence  à  la  condamna-  lnqm  ltcui 
tion  dudit  Efticnne.  Plufieurs  cependant  le  foliciterét  de  le  defdirc ,  fit  de  fauuer  ta  vie 
comme  il  auoit  fait  autresfois  :  mcfmes  la  femme  fie  cinq  enfans  qu'il  auoit ,  luv  furent 
mis  au  deuant:  mais  ilnc  rîefc hit  oneques  en  forte  quelconque.  Etquant  à  ladilctté 
qu'on  luy  remonltroit  qu'auroyentees  poures  enfans  après  fa  mort,il  refpôdir,Moycn- 
nant  que  la  palture  de  l'amc,qui  eit  la  parollc  de  Dieu, ne  leur  défaille  point,  ic  n'ay  fou 
cy  aucun  du  pain  du  corps. 

.  A  v  mois  de  Iuin  de  celte  mcfmc  annee,Eitiçneeftat  mené  deuat  les  luges  pourouyr  °  confticc 
fente  nec  de  mort,  les  aborda  en  celte  forte,  difant,  Poures  gens  que  penfez- vous  faire?  mlrâbie^ 
vous  me  voulez  condamner  à  la  mort:  vous-vous  trompcz,cc  fera  à  la  vie.  La  mort  m'- 
cipouanteroit  lî  ie  ne  cognoilfoyc  qu'aux  enfans  dcDicu  elle  fuit  entrée  à  la  vie. car  des 
mileresdece  poure  monde  icpafTeray  incontinent  à  vne  immortalité  bien-heureufe 
que  i'ay  tant  dclircc.  ^  Cela  dit,ainfi  qu'on  le  menoit  au  lieu  du  dernier  lupplicc  nômé 
Planuol,ilexhortoit  de  grande  affection  le  poure  populaire,  quieftoit  en  grad  nombre 
amallé  pour  voir  fa  mort,  Quand  on  l'eut  attaché  au  polteau  ,  fit  que  le  feu  fut  mis  au 
bois  à  l'cnuiron,  il  demeura  debout  quafi  lefpacc  d'vne  heure  auant  que  la  rîammc  lat- 
touchait  viucment  :  telle  eftoic  à  l'heure  l'impetuolité  du  vent  qui  la  dechaffoit  fiede- 
ftournoitjde  forte  qu'on  fut  cÔtraint  de  remettre  nouueaux  fafceaux  fie  quelques  vait- 
feaux  huilez  pour  de  plus  en  plu  s  allumer  le  feu.  Le  bourreau  voyant  qu'il  n'en  pouuoit 
venir  à  bout  luy  donna  fur  la  tefte  d'vn  long  crochet  qu'il  tenoit  :  fie  Efticnne  viciât  cn~ 
corc,luy  dit,Puis  que  ie  fuis  condamné  d'eftre  bruflé,  pourquoy  me  veux-tu  aflbmmer? 
Lors  le  boureau  luy  lança  le  melme  crochet  à  trauers  du  ventre:Se  l'ayat  abbatufiecou- 
uert  de  bois  allumé,  confuma  le  corps  par  le  fcu,iufques  à  le  réduire  en  cèdres  :  lcfqti el- 
les puis  après  pour  accomplir  la  ientence  des  Iugcs,furét  iettees  fie  efparfcs  au  vent.  Le 
Magiftrat  fit  inhibition  exprelfe  à  cry  publique,que  perfonne  n'euft  à  parler  de  la  mort 
d'Eftienne  Brun,fur  peine  d'eftre  eftimé  hérétique  comme  luy,fiecoulpable  d'vne  mef- 
me  punition. 


QV  A  T  RE  Martyrs  exécutera  Louuainen  Braktnt. 
LA  perfecuriôqueles  Théologiens  de  Louuainefmeurét.y  eft  récitée  par  forme  d'hiftoire.en  laquelle  plufieucs  furét  cruellement 
tormçcezjl  y  en  eut  quatre  <jui  moururéc  fort  couftâm.cpc;allàuoH  deux  homes  &deux  fémes/iefgucls  le  mart )  re  y  eft  défait. 


L/Wo  IL  Quatre  <J%tartyrs  Louuain, 

j^-  ;:;>^0  V"R  déclarer  l'affliction  ^e  certains  perfonnages  qniau  pays  de  Brahant, 
i  aD^a-ui       ^        Flandre  &:  Artois  ont  enduré  la  mort  pour  la  vérité  de  PEuangile,  il  ne  fera 
tiôaupays  &!  pf^^impertinent  de  narrer  comment  la  perfecution  rutcfmcuc  &toft  embra- 
hls-         1^  y^è^i lee  Par  cout  iccluy  pays.  Apres  que  Charles  le  quint  Empereur  y  fut  arriué, 
avant  trauerféla  France  Tan  m.  d  .  x  l,  pour  venir  en  Ton  pays  bas  fcappaifer  le  tumul- 
te de  Gand  :  Théologiens  &:  Moines  le  fblicitcrent  par  requelles  ,  à  extirper  la  1c- 
Requcfte    tte  de  ceux  qu'ils  nomment  Luthériens.  LefommairedeJciirinftancceftoit:  Que  d- 
dt«  Tbcob  aut:ant  qu'il  aimoit  le  falut  du  pays  6c  la  Religion  ancienne, il  donnafl  fecours  à  l'Eglifc: 
*1CIS'      qui  eftoitpreftc  de  tomber  en  ruine,  fi  par  remède  prefent  on  n'obuioità  lapefte  Lu- 
thérienne qui  s'cfpandoit  par  tout  fen  pays.  Et  veu  qu'il  auoit  mis  fi  bon  ordre  en  Efpa- 
gne  qui  cil  grande, que  trace  de  Luthérien  n'yapparoit:  qu'a  plus  forte  railondcuoit-il 
foigner  que  le  pays  où  il  cft  nay  6c  nourry,  fuft  gardé  impollu  de  celte  infedion.  Ils  l'ad- 
Adiuration  iuroyent  donc  par  toute  Diuine  puifianec,  qu'il  voulût  ouyr  la  voix  du  pays  criatA:  im- 
dcsTîuolo  plorant  l'aide  de  fon  Seigneur  naturel ,  cha/îer  &rcpouiier  loin  cefte  abominable  hc- 
louuaïn    re^c  tllu  mctc°ic  ^ous  ^c  P'ed  l'authorité  du  faind  Perc,  grand  vicaire  de  Iefiis  Chrifl,  la 
dignité  de  l'eglire,  la  fuperioritc  des  Théologiens  &C  religieux:  côme  on  a  veu  auoir  efte 
fait  en  Alcmagnc,&:  maintenant  aufîi  en  Angleterre.  <j  L'Empereur  cnflambé  par  ces 
fourriers  del'Antechrift,  leur  donna  permiffion,  puis  qu'autrement  n'y  pouuoit  enten- 
dre, de  faire  cux-mcfmcs  ce  qu'ils  pc  nfcroyct  cure  expédier  pour  le  falut  &  profit  de  1- 
eglifc.  Lors  leur  fut  la  victoire  facile  ,  eftans  conftituez  aceufateurs  6c  luges.  Parquoy 
ils  forgèrent  inconnue  nt  articles  6c  loix  telles  que  jamais  on  n'en  vit  ny  ouyt  parler  de 
femblablcs.  Ic  toueheray  feulement  en  fomme  telles  qui  concernent  de  plus  près  lq 
fai£t  des  fidèles. 

Lc<  artïcks  Premièrement  que  les  liurcs  des  Alcmansqui  depuis  vingt  ans  ont  efcritdcla 
«ic  Louuji".  Théologie,  6c  qui  par  cy  après  cfcrironr,  lovent  défendus  en  gênerai: don t  auffi  en  par- 
ticulier cft  recité  vn  grand  nombre.  ^Que  nul  ne  foit  fi  hardy  de  compofer  ou  chan- 
ter chanfons  fpirituelles  en  langage  vulgaire ,  ne  lire  ou  auoir  aucunement  celles  qui 
auront  efte  compofées  par  les  autres.  Les  ailémblees  où  on  parle  de  la  Religion  (  qu'- 
ils appellent  conucnticulcs)  foyent  defendues:&:  qu'à  tous  généralement  foit  défendu 
de  ten  ir  propos  de  la  Religion, fuft  au  marehé,  ou  à  la  maifon:  foit  en  public,  foit  en  pri- 
uc.  ^  Encffcct,  les  pcnkcs&:  mouucmens  de  l'efpritfont  prohibez:car  par  ces  belles 
loix  ils  commandent  que  les  hommes  nefacent,  ne  parlcnt,ne  hlcnt,  ne  penfent  autre 
chofe  finon  ce  que  Pc  glife  Romaine  en  a  ordonné,^:  que  nos  maiftres  6c  les  moines  en- 
feignent  en  leurfynagogue.  ^Que  pcrfbnne  ne  fréquente  ou  rcçoyuc  en  fa  maifon, 
boyucou  mangc,ou  couche  auec  homme-quelconque  qui  aitiamais  autrement  cnlin- 
gné,  dit  ou  penfé.  *  Qucli  quelcun  en  aeogneu  aucun  tel,  6c  ne  fait  reuelé, qu'il  l'oie 
puny  comme  fauteur  &  receleur  d'herctique  s,  dclamefme  peine  que  Pautre  (croit  pu- 
ny.  *  Que  perfenne  ne  prefumetant  que  d'en  feigner  quelque  choie  de  la  Religion,, 
ou  d'en  apprendre ,  ou  difputcr  des  articles  de  la  foy,  ou  conférer  de  chofe  quelcôque 
concernante  la  fainctc  Eieriturc.  Bref,quctout  lemondc  fecontente  de  l'inltruction 
6c  enftignement  qu'on  en  donne  ou  aux  temples  par  prédications ,  ou  aux  leçons  de 
nosmaiitres.  Que  pcrlonnc,  foit  efeolicr,  tant  foit  dotte,  ou  autre  de  quelque  eftat 
ou  condition  que  ce  foit,  nes'mgcredelire,enfeigncr  ou  interpréter  aucun  liurede 
la  laincte  EicriturCjOU  conférer  auec  aucun  du  fens  d'icclle,  linon  qu'il  foit  de  la  profef- 
fion  de  Théologie,  &  qu'il  ait  prins  degré  en  quelque  Vniuerlité  fameufe.  Sur  ces  arti- 
cles de  Louuain,  il  y  eut  loix  eftablics  pour  les  confermer,  fous  peine  de  mort  à  tous 
ceux  qui  les  tranfgrefîeront  :  fauoir  cft  aux  hommes  d'eftre  bruflcz,aux  femmes  d'eftre 
enterrées  viucs:dauantagc  tous  &c  chacun  leurs  biens  conflfquez,  &:  leur  famille  &c  ton 
te  leur  race  à  ïamais  demeurer  infâme  :  6c  loyer  décerné  6c  conftituc  au  délateur.  Ces 
chofes  ainlî  cruellement  excogitecs,  la  perfecution  qui  auoit  auparauant  efte  cfmeuèV 
s  efpandit  puis  après  par  les  villes  de  Brabant.Et  premièrement  en  la  ville  de  Louuain, 
vniuerlité  dudit  pays,  le  Procureur  gênerai  ou  hïcal  (qu'ils  appcllent)auec  la  bande  des 
Caphars&:  leurs  adhères  sallcmblercnt  vn  foir,&;  vindrétenuiron  l'heure  de  dix  heu- 
res en  lanuidtpourvifitcrlesmaifons  des  bourgeois.^  entras  de  force,  cerchoytntpar 
tous  les  coins  des  maifons,&  fouilloyent  par  tout  pour  trouuer  liurcs  fulpe£ts,  côme  ils 
c.uauté  difoycnt.Làlcsfatcllites,  d'vnc  audace  non  ouye  mettoyét  les  main  s  fur  les  pourcsgés 
des  (tracas.  cn  leur  licirjfelon  c|u'illeur  eftoiccomandé  :  quelquefois  fur  le  mary  6c  la  femme,  6c  les 

emme- 


Lomui-n. 


Quatre  tfflartyrs de  Louuain.  ç S 

emmenoyent.  Les  poures  enfans  cfloyet  aux  codez ,  qui  par  leurs  pleurs  <3j  cris  lamen- 
tables lembloyent  prédire  la  mifere  de  leurs  percs  &c  mercs ,  &  par  conlequen  t  la  leur. 
Pluiîcurs  cllans  cllonnez  d'vn  h  cruel  fpedacle ,  fe  ictterent  villement  hors  du  lict ,  &: 
forcirent  en  chcmilc  pour  fe  lauuer.&:  toutesfois  la  fureur  de  ces  tyrans  ne  s'adoucit  en 
rien  par  ces  lignes  de  nature  tant  euidens,  qui  crioyent  vengeace  contre  vne  telle  cru- 
auté :  ains  au  contraire  ils  s'animèrent  d'autant  plus,  voyant  que  leur  entreprise  par  les 
cris&:  bruits  fcdcfcouuroit,&:  que  ceux  qu'ils  cerchoyent,  le  lauuoyentparlc  bénéfice 
de  la  nuid,&  par  laduertence  de  ces  lamentations.     Apres  auoirdifcouruquali  tou- 
te la  nuicr,  leur  fureur  ne  le  peut  appailer,  iufqu'à  ce  qu'ils  curent  emmené  vingthuit  Vingthuic 
pcrfoimes,tanthommes  que  femmcs&:  enfans  :  lesleparansendiuers  lieux  ,&:  defen-  Jj,™pn,oa" 
dans  de  laiiîer  perlbnne  parler  à  eux.  Ceux  de  Louuain  furent  grandement  eilonnez 
de  celle  perfecution  foudainc.  Plulicurs  qui  auoyent  eugoultderEuangile,qui  para- 
uant  auoyet  fait  beau  femblant,  ne  rctindrent  pour  lors  aucun  figne  ou  indice  de  con- 
fiance. Le  nombre  des  prifonnicrs  s'augmentoit  de  iour  en  iour ,  tellement  qu'aucuns 
des  plus  appareils  de  la  ville,  lailîans  leurs  familles  s'enfuirent.  Plufieurs  le  tenoyët  ca- 
chez en  lieux  lécrets,  defquels  les  biens  furent  failis.&:  auoit-on  le  nom  déplus  de  trois 
ccns(comme  on  diioit)de  ceux  qui  clloyent  foufpeçonnez  par  fus  les  autres,cs  villes  de 
Brabant&:  Flandre.  Les  Theologicns,fur  tous  Roardus  Tappaert  doyen  de  Louuain,  Latomus& 
&  laques  Latomus  deux  inucterez  dodeurs,alloyent  aux  priions  pour  tourmenter  par  Roari!u$- 
leurs  difputes  ces  poures  prilonniers  :  y  venans  comme  au  combat  contre  poures  fem- 
melettes par  rufes&fînclfcs,  ou  par  menaces.  ^Entrelesautres,laFt  mme  d'vn  a-  Lafemmc 
po  t  i  c  air  t  citant  interrogée  qu'elle  tenoit  de  l'inuocation  des  Sainds,alfauoir  s'il  dvn  AP°~ 

o         i  ticdirc 

ne  les  faloit  pas  adorer  &:  inuoquçr:Refpodit  qu'elle  elloit  fort  mal  exercée  en  dilputc, 
&c  pourtant  elle  laiifoit  toutes  les  fubtilitez  aux  Théologiens:  mais  qu'elle  n'en  fauoit 
nevouloittcnirautrcchorequecequelafaindeEfcriturecn  enfeignoit, fauoirell  ce  • 
que  Icfus  Chnftnous  comandeen  fain£cMacthieu,Qu'ilnous  faut  adorer  nollre  Dieu  jj™*' 
éc  Seigncur:&:  feruir  à  luy  leul.  Enquile  où  elle  auoit  appris  cela ,  refpondit  qu'elle  a-  4 
uoit  leu  en  S.Paul,  Qu'il  n'y  a  qu'vn  feul  Moycnncur  entre  Dieu  &:  les  hommes ,  Iefus  i.Tim.  1.5. 
ChriiLqui  s'efl  liuré  foy-mefmc  pour  nos  pechez,&  qui  oyt  nos  foufpirs,  &  prelete  nos 
prières  dcuantle  Perc.&  qu'elle  s  elloit propofee  pour  le  plus  feur  d'adorer &inuoqucr 
celuy-la.  Intcrroguce  d'auantage,  elle  leur  dit  quel  inuoeation  ell  le  principal  poind 
delafoy  Chrellicnne,&  par  lequel  leul  la  vraye  Religion  cil  feparee  de  celle  des  au- 
tres idolâtres. 

Ces  maiftres  Théologiens  ellonnez  de  la  refponfc  de  celle  femme,  defcouurirent 
de  plus  en  plus  leur  vieille  afncrie,&:  dircnt,Il  efl  bien  vray  qu'il  faut  adorer  Dieu:nous 
ne  le  nions  pas. mais  quelle  audace  cll-ce,ou  pluftoft  impudcnce,d'oler  de  front  elleué, 
les  mains  &C  les  pieds  remplis  d'ordure,  te  venir  prefenter  deuat  Dieu  ,  que  tu  auras  of- 
fenléentantdelortcs  :  attendu  que  tun'oferois  faire  le femblable,  non  pas  mefmede- 
uât  vn  home?  Penfe  appart  toy,  Si  tu  auois  à  prclenter  quelque  requefte  à  l'Empereur, 
netadrellerois-tu  pas  à  monlieurdc  Granuclle,  premier  qu'ofer  approcher  de  fa  maie- 
fté:ou  à  quelque  autre  que  tu  faurois  luy  eflre  agreable,pour  la  prefenter?  ^  L'elprit  de 
la  femme  ne  fut  eiblouy  en  rien  pour  cela,  que  quant  &  quant  elle  ne  leur  donnall  ref- 
ponlé,  vfant  dépareille  limilitude:Mais  que diriez-vous,  fi  l'Empereur  elloit  à  vne  fe-  Re(p0llk 
neftre,  qui  leuft  que  i'euifc  befoin  de  fon  aide:&:  quand ie  paiferoye  pardeuant,  il  m'ap-  a'dtrcno. 
pcllall  luy  mefme  de  fa  propre  voix,  Fcmmc,monte  ici  où  ie  fuis  :  ie  te  veux  ottrover  ce  «t. 
que  me  dcmanderas.me  voudriez-vous  confeiller  d'attédre  que  ie  me  fufie  acquile  des 
amis  en  Counou  bien  de  m'en  aller  prefenter  droit  à  l'Empereur ,  qui  leul  peut  &C  veut 
me  donner  ce  que  luy  demandcray?Ces  Théologiens  ne  fonnoyent  mot .  quoy  voyant 
la  femme  leur  dit,  A  vollre  aduis,luy  refpôdrois-ie  que  ie  voudroye  attendre  que  quel- 
que moniteur  premièrement  m 'infinuaft  en  fa  bonne  grâce? ne  ferois-ie  pas  digne,  voi- 
re à  bon  droitjd'ellre  non  feulement  refufec  quand  ie  viendroye  à  luy ,  mais  déboutée 
totalement: ayant  plus  prifé  l'authprité  du  leruiteur  que  celle  du  maillre?Et  ne  me  faut 
pas  ici  reprocher  que  ie  fuis  vne  de  celle  qui  ay  tant  forfait  contre  la  Diuine  maiellé, 
pour  me  defgoufter  d'en  approcher:  car  i'en  fay  plus  que  vo9  ne  m'en  fauriez  reprocher, 
mais  combien  que  ie  ne  fuis  pas  digne  de  leuer  les  yeux  en  haut,li  elt-ce  que  mô  efprit 
eft  tout  cfleué,oyant  la  voix  de  ce  grand  Empereur  celclle,parlant  à  moy  de  lafeneflre 
de  fon  Euangile.il  cognoit  ma  poureté  Se  mifere,&:  y  veut  remédier  :  car  telle  eft  fa  vq  • 


I/^ro  //.  Quatre  ^Martyrs de  Louuain. 

loue  cternellc,ratifiee  par  fonEfcriture,&:  feelleepar  ion  propre  fang.D.Tu  ne  Tais  doc, 
dirent-ils,  aucune  eftime  des  Saincts.  R.  Sauf voftre  grâce  :  îe  ne  lailfe  point  d'auoir  en 
honneur  6c  eftime  leur  fain&e  vie>  &:  de  m  efforcer  de  les  imiter ,  &c  d'enfuyure  leur  foy 
Rom  i  ij.  &  chanté:mais  îc  vous  dy  que  c'eft  vnc  impieté  horrible  de  vouloir  transférer  à  la  créa- 
ture ce  que  nous  deuons  au  feul  créateur.  ^De  la  confclfion  de  celle  femme  tous  ces 
meilleurs  furent  autant  eftonnez  que  de  voir  chofe  contre  nature  :  6c  en  curent  tel  def- 
pit,qucpeu  après  ils  délibérèrent  démettre  fin  auxprocezdes  prifonniers,  de  diuer- 
l'es  qualitez ,  les  vns  en  plus  grand,  les  autres  en  moindre  danger  :  félon  que  les  charges 
eftovent  contr  eux.  C  Premièrement  ils  procédèrent  contre  ceux  de  leur  eftat:  car  au 
Deux  cha-  commencement  ils  auoycnt  prins  deux  Chapelains  de  l'cglife  collégiale  de  S.  Pierre, 
pelaïus.  £jc  |a  profcflîon  jc  Théologie ,  lefquels  (  telon  leur  façon  de  parler  )  ils  appeloyent  fils 
baftards  6c  rebelles.  Or  d'iccux  le  plus  îeune  eftoit  efchappé  du  lieu  où  ils  lauoyct  mis 
en  garde:&:  partant  le  rirent  dé  clarer  par  attaches, hérétique,  réfutant  de  reuenir  au  ju- 
gement 6c  à  la  correction  de  fainetc  mere  eglife.  quoy  fait  ils  le  ietterent  dedans  fa  mai- 
fon,&  cômeharpyes  înlatiabLs, pi  lièrent  toute  fa  fubllance.  L'autre  qui  eftoit  aagé  de 
foixante ans,  après  auoir  efté  eit hafFaudé,  &:  quelque  téps  fouftenu  la  venré,finalemét 
par  tromperies  meilecs  auec  cruels  torments  qu'ils  luv  firent  endurer,  fut  a  la  parfin  ef- 
branilé  &i  diùcrty  de  fa  conllancc:parquoy  ne  de  luy  ne  des  autres  qui  flclchirent,'nous 
ne  ferons  ici  autre  récit. 

Deux  hom     Venons  à  l'exécution  des  autres  prifonniers, alîauoir  de  deux  hommes  laics(qu'ils 
Deuxfem-  appellent^  de  deux  femmes  qui  moururent  vertueufement  :  defquels  l'exéple  cil  mê- 
mes,       morable ,  encore  que  nous  n'ayons  par  exprès  leurs  noms  6c  furnoms.  Ces  deux  homes 
receurent  en  premier  lieu  fentence  de  condamnation ,  eftans  amenez  en  la  maifon  de 
villedaquellc  leur  fut  prononcée  parle  Procureurgeneral,qui  cfloit(c5meila  efté  veu 
cy  delfus)leur  partie  ad  uerlé.  Le  dicton  d'icelle  fentéce  eftoit,  (^v  e  leurs  corps  feroyee 
brûliez  6c  réduits  en  cendres,  leurs  biens  côfîfquez  à  l'Empereur,&c.Et  après  celle  con 
damnation  tous  deux  furent  remenez  en  la  prifon ,  où  on  leur  fit  attendre  la  mort  deux: 
iours  cntiers;qui  ne  fe  palTercnt  fans  que  pluficurs  Caphars  les  vinllcnttormenter,  co- 
rne ils  ont  de  couftume.  ^Cependant  en  la  ville  tout  eftoit  en  trouble:  6c  fe  preparoyée 
toutes  choies  neceiîaircs  pour  l'exécution  defdits  prifonniers.  Etiafoitque  la  couftu- 
me fuit  de  faire  les  executiôs  dehors  la  ville  au  heu  où  eft  fitué  le  gibet ,  ce  neantmoins 
pour  intimider  &  cfpouanter  les  bourgeois,  ils  voulurent  faire  ce  facrifice  au  milieu  du 
petit  marche,  deuant  la  maifon  delà  ville,  alîauoir  deuant  le  temple  S.  Pierre.  Le  tiers 
iour  venu,  auquel  l'exécution  fe  deuoit  faire ,  il  y  eut  grad  bruit  en  la  ville,  tellement  q 
pour  euiter  vn  danger  de  fedition,on  fit  cômandement  que  toutes  les  bandes  iurees  de 
la  ville  fu lient  en  armes  pour  tenir  le  marché,&:dôncr  confort  à  la  milice.  En  ce  tumul 
te  6c  grande  aifcmblce ,  il  eftoit  mal-aiic  d'entédre  les  dernières  voix  de  ces  poures  pa- 
ne ns,  qui  eftoyent  dciia  tous  foibles  &£  comme  à  demy  morts:  mais  ceux  qui  cftoyét  au 
La  Pi  itre   plus  près  deux  ont  affermé  q  toute  leur  dernière  action  fut  en  prière  6c  oraifon  à  Dieu, 
des  deux    à  ce  que  par  fa  bonté  6c  puilTance  il  leur  afliftaft  en  ce  dernier  combat.Le  Procureur  ge- 
neral,duquel  cy  deif9  eft  fait  métion,fit  tenir  prcftevne  torche  de  cire,laquellc  il  bailla 
luv-  mclme  au  bourreau  pour  allumer  le  feu:&:  faifoit  cela  de  fi  grade  alaigrefle  &c  ardét 
courage,  que  peu  s'en  fallut  que  de  halle  il  ne  tombait  du  lieu  où  il  eftoit.  Le  feu  s'allu- 
ma 6c  monta  fort  grand,  tellement  que  les  corps  de  ces  Martyrs  furent  incontinét  con- 
Le  martyre  fumez.  ^L  e  lendemain  de  ce  malîacre,dcux  femmes  allez  aagecs,natiues  de  Louuain, 
fcmfne"*    ^  c^°yent  ce^ics  <\ui  deuant  tous  autres  auoyent  côftamment  maintenu  la  vérité  de 
l'Euangile,receurcnt  fentence  d'extrême  cruautédauoir  eft  délire  enterrées  toutes  vi- 
ues.  L'vne  de  ces  femmes  nommée  Antoinette,eftoit  d'vne  des  principales  maifons  de 
la  ville:dc  laquelle  les  parens  6c  anceftres  auoycnt  efte'  autrefois  au  gouuernement  pu- 
blique. Toutes  deux  moururent  auec  vertu  6c  force  admirable ,  voire  incroyable ,  eu 
leurs  corps  autrement  infirmes  6c  imbecilles. 


BARNES,    GVILLAVME  H IEROME,  &:  THOMAS 
G  A  R  R  E  T,  Théologiens  ^4nglnts. 
LES  conditions  qualité?  &  degrez  qu'auoyent  communs  ces  trois  cxcellens  Do&curs,  rendent  leur  tcfmoignage  notable,  con- 

ioiut  en  meune  fupplice  qu'Us  ont  enduré  pour  l'Euangile,  ««or»  -r 

KO  B  t  K  1 


RHames,  T. G  arrêt,  Ç.Lfierome.  $7 

A  R  N  E  S  le  docteur ,  natifdu  conté  de  Norduic ,  près  de.Lynne,  entre  les  m.d.xl. 
ordres  8c  fe&cs  inuentees  par  les  homes,  s'adonna  à  celle  des  Auguftins  de 
Ton  premier  commencement.  Baleushiftorien  Anglois,  &c  luy  ettovent  pa- 
reils &:  d'aage  &  d  eftudc:&:  lous  le  royaume  de  TA  ntechrift  frcquctoyët  en 
l'an  m  .  d  .x  1 1 1 1 ,  les  efcolcs  des  Sophiftes.  A  la  fînBarnes  paffa  docteur  en  la  doctrine  Sco  Bamcs  in. 
laftique  :  mais  quand  il  eut  vnpcu  goufté  de  la  vérité  Euagcliquc  par  les  liurcs  de  Mar-  ftimt  cn  la 
tin  Luther,il  ne  redouta  point  de  le  prefenter  cn  difputcs  contre  les  plus  gras  monftres  beolaftiauc 
des  efcolcs  de  Sophiftericr&eftant  armé  de  la  vertu  d'enhaut,  corn  bâtit  il  vaillammét 
contre  Je  Dragon  &c  la  Befte,  qu'il  gagna  fur  eux  plufîcurs  de  leurs  fortereffes  qu'on  e- 
ftimoit  en  ce  temps-la  imprenables.  Les  fuppofts  de  l'empire  de  Bahylonc,  alfauoir  les 
Euefquesde  Londres,  de  Roceftrc,de  Bathon&Afaphen, firent  tous  leurs  efforts  de  le 
molefter  &:  tirer  deuant  les  fieges  des  cours  qu'ils  nomment  Ecclciiaftiqucs ,  auec  leur 
chef  le  cardinal  d'York,  qui  lors  dominoit  au  pays  d'Anglctcrre:fous  la  tyranic  duquel 
Barnes  fut  forcé  de  fedefdire,&  de  tenir  prifon.    L'an  ttoiiieme  de  ion  emprifonne- 
ment,Barnes  trouua  moyen d'efehapper des  priions,  &  s'enhut  cn  Alemagnc  vers  Lu-  f/f™" 
ther,  où  il  demeura  quelques  anneesauee  gens  doctes  &  bien  exercez  cn  la  doctrine  de  Yvittébcrg 
pieté.  Quad  il  eut  entedu  que  le  roy  Henry  v  1 1 1  .fembloit  porter  faneur  à  la  vraye  reli- 
gion (corne  l'hiftoire  en  a  efté  déduite  cy  deffus  )  il  retourna  au  pays  d'Angleterie ,  &:  y 
demeura  faifant  office  d'vn  vraydo&eur  Chreftien.  Quelque  temps  après,  i'auoir  cil 
l'anM.D.x  x  \  v, il  fut  en  la  compagnie  auec  Edouard  Foxe,euefque  dcHerfurd,à  la 
iournee  de  Smalcalde,  pour  accorder  les  poinits  de  la  religion  auec  les  Protcltans,  &c 
contracter  alliance  auec  eux.  Leur  charge  exploitée ,  ils  fc  retirèrent  à  Vvittembcrg, 
où  pafferent  l'hyucr:  &c  cependant  ils  conferoyent  auec  les  Théologiens  de  1  Vniuedi- 
tc:toLichant  les  matières  de  la  Religion,  mais  depuis  qu'on  eut  entendu  que  le  Roy  a- 
uoit  fait  décapiter  A  nne  de  Boulen  fa  femme ,  qui  fauorifbit  &:  auançoit  la  doctrine  de 
rEuangilcpluilcurs  furent  troublcz:&:  cela  cmpefcha  que  le  Roy  ne  fuit  receu  cn  la  li-  ^"^"h - 
gue  des  Protcftans.  Le  Roy  cômença  depuis  à  retenir  la  doctrine  Papiltique  auec  plus  r>  u'cft  re- 
grande  rigueur  que  parauant:tellement  que  plulicurs  fidèles  furent  mis  à  mort.    Le-  ""^"j1* 
ucfquedc  V  vinceftretrouuât  bien  ample  occafion  pour  exercer  la  cruauté,  fufeita  des  Akmans, 
troubles  merueilleux,  &c  ietta  fes  premières  efeumes  contre  ces  trois  Théologiens ,  al- 
fauoir Robert  Barncs ,  Thomas  Garret&:  Guillaume  Hicromedcfquels  il  fit  bru  fier  en 
ce  mefme  moisvoire  deuxiours  après  la  mort  de  Cromcl.Quârà  Barncs, il  conuict  dé- 
duire l'hiltoirc  de  fa  mort  vn  peu  de  pl9loin.  ^Eftiéne  Gardincr  prcfchalc  premier  Di- 
mache  de  Quarefme  au  téple  de  S.Paul,&  parla  allez  mal  de  l'article  de  la  Iullification. 
Et  pourtat  le  3 .Dimachc  apres,ledit  Robert  Barnes,^  fut  ordôné  pour  prefeher  là  mef 
mc,refuta  deuat  tous&ouuertcmetla  doctrine  dudit  Gardincr  cuefque  deVvinccltre, 
dônant  quelques  attcîtcs&:  mots  piçqnas. car  auec  ce  que  ledit  Barnes  cftoit  vHicmet, 
aufïî  eftoit-il  facétieux  de  nature.Or  il  dit  ceci  entre  autres  choies,  Si  nous  eftions  tous  ^  " 
deux  enfemble  à  Rome,  il  me  faudroit  beaucoup  pour  racheter  ma  vie,voirc  s'il  fe  pou  Barncs. 
uoit  raire:mais  la  fienne  ne  luy  coufteroitgueres  à  racheter:  vouhât  donner  à  entendre 
par  ceci, que  l'eucfque  de  Vvîceftre  cftoit  pour  le  Roy  de  parolles,mais  pour  le  Pape  de 
faict.  ^  Apres  que  Gardincr  eut  cfté  aduerty  de  cela,  il  fut  fort  dcfpité,&  aceufa  Barnes 
vers  le  Royrdeuat  lequel  il  fut  appelé ,  &:  contraint  de  dire  fes  raiiens  :  6c  d'autrepart  le 
Roy  permit  à  I'Euefque  d  interroguer  ledit  Barncs, comme  il  entédoit.  L  ors  fEuefque 
cômença  à  dreffer  les  cornes,  enflé  de  iacommiffion  ,  difant  ces  parollcs  audit  Barncs, 
Puis  que  le  Roy  l'auoitconftitué  pour  fon  preccptcur,auffi  baillcroit-ilàfon  dileiplc  d'- 
autres inftru&ions ,  &c  en  toute  autre  cfcole  qu'il  nauoit  appris.  Par  celte  cfcole  il  enté- 
doit  la  tour,en  laquelle  ceftEuefquc  l'exerça  depuis  par  menaces, cruauté  &eftôncmés 
en  forte  queBarnes  bien  toft  après  fut  côtraint  de  luy  demâder  pardon  à  genoux  au  mi- 
lieu d'vn  fermô  au  téple  de  fainÊte  Marie(lequel  on  appelle  S.Marie  de  l'holpital)à  Lon 
drcs,&  faire  côfeffion  ouuerte  deuat  tous,  qu'il  lauoit  traitte  trop  irreucrément  en  fon 
fermô  precedét:&:  quat  &:  quant  le  pria,  que  s'il  luy  pardonnoit ,  il  fift  quelque  figne  du 
doigt  q  fon  cœur  eftoitappaifé. Ce  q  I'Euefque  fît  à  regret  &  contre  fon  ceeur,donnanc 
affez  à  cognoiftre  au  peuple  qu'il  ne  faifoit  pas  cela  de  bonne  affection.  Tout  ce  qui  a 
cfté  iufqu  a  cefte  heure  recité^aduint  au  mois  d' Auril  auquel  téps  Gardiner  n'auoit  pas 
fort  grand  pouuoir  d'exercer  fa  cruauté  contre  les  bons  perfonnages, d'autant  que  Cro 
mcl  viuoit  encore.MaiSjComme  dit  a  efté,incontinét  que  la  puiffanec  luy  fut  dônee  fuç 

V. 


Liurc^j  IL  QLle  Peintre:  J.  Marlar:  M  arg^oulard. 

lcsrîdelessaprcslamort  de Cromcl,  la rngc qu'il  auoit  conceué  contre  Barncs,nc  fut 
oneques  ralfalïee ,  iufqu  a  ce  qu'il  le  vid  condamné  &  liuré  au  bourreau  pour  eftrc  exé- 
cute du  dernier  fupplicc.  Foxus  dît  qu'il  fut  decapitélc  dixhuiticme  de  Iuillct  :  mais 
Balcus&  Sloidan  difent  qu'il  fut  bruflé  auditmois:&:  mourut  confiant  en  la  cohfcllion 
de  la  doctrine  du  Fils  de  Dieu. 


M.D.XL. 


CL  A  V  DE    LE    PEINTRE,  Parifrn. 

ffîW^Sl)  E  S  ruifleaux  de  l'Euangilç  puremet  commencé  &  prefché  à  Gencuc,ccm- 
Ai  me  il  a  ciré  touché  c  vdeuant,  découlent  peu  à  peu,  &:arroulent  la  terre  de 


L'odeur 

l'Fuangilc; 
morr  1  aux 
r'prouuez. 


SÇI  France.  Voici,Claude  le  Peintre  ieune  compagnon  orfeurc ,  natif  du  faux- 

^L~Éb  bourg  de  Sainct- Marceau  de  Paris,apres  auoit  profité  en  ladite  ville,  y  ayat 
demeuré  cnuiron  trois  ans,  retourna  audit  Paris ,  pour  départir  à  ces  amis  ce  bien  ine- 
ftimable  de  la  cognoiifance  du  falut  éternel.  Aucuns  de  la  mailbn  où  Claude  auoit  pris 
habitation  à  Paris  pour  exercer  ion  mefticr  d'orfeurc,nc  pouuans  porter  ceft  odeur  tat 
foucf  de  l'Euâgile  du  Fils  de  Dieu, l'acculèrent  vers  Monn  lieutenant  criminel  du  Cha 
ftelet:par  lequel  ledit  Claude  incontinent  fut  conftituéprifonnier.  Et  après  qu'il  eut 
deuant  luy  maintenu  vne  pure  &c  entière  côfcfllon  de  fa  foy  &c  de  la  doctrine  qu'il  auoit 
annoncée,  Morin  le  condamna  à  eltre  bruflé  vif.  Claude  fe  porta  pour  appelant  de  fa 
fentcnce.mais  la  Cour  de  Parlement  lors  gouuernee  par  Lifct  premier  prch'dent,voyat 
laperreuerancedcceicunecompagnon,adioultaà  ladictc(cntcnce,  qu'il  auroit  auffi 
la  langue  coupée,  l'cftoye  au  nombre  de  ceux  qui  furent  fpectateurs  de  fa  mort&  iflue 
tresheureufe,  laquelle  confirma  plufieurs  qui  auoyent  commencement  &:  quelque  ("en 
timent  de  la  vérité,  de  laquelle  le  Seigneur  rendoit  deuant  nos  yeux  en  la  perfonne  de 
Claude  vn  vray  &c  viftcfmoignage.Ce  fut  vne  chofe  admirable  devoir  la  côftance  &:lc 
maintien  de  ce  ieune  homme ,  palTant  de  cœur  alaigre  vne  infinité  d'opprobres  qu'on 
luy  iettoit  en  allant  à  la  place  Maubcrt,  lieu  ordonné  au  dernier  fupplicc:auqucl  lieuii 
endura  la  mort  d'vn  cœur  alaigre,  fan  m.d.x  l  . 


I  E  AN 


MARLAR,  &  MARGVERITE 
LARD,  d'Orchies. 


BOV- 


^ÏÏ^Se  fruiclde  la  mort  de  M.Pierre,curé  de  Douay  que  nous  auôs  cy  deuant  reci- 
;S5tcc,lc  monftra  quelque  temps  après,  car  plufieurs  en  la  ville  de  Douay  furent 
LS/^confirmczcnla  cognoiiîance  de  la  vérité:  lefqucls  en  leur  faifon  ont  donné 
Martin  Co  fruiâdc grande confolation  àl'Eglife  du  Seigneur.  Entre  autres  vn  nommé  Martin 
cicl,û"      Comclin  natif  de  kditc  ville  de  Douay ,  homme  riche  &:  libéral  enuers  les  poures ,  fut 
lors  ad  uancé  en  la  dochinede  l'Euangilç:  fi  que  depuis  il  alla  touiiours  de  plus  auant  en 
la  cognoiflance  d'icellc. 

L  e  mefme  fruict  de  ladite  mort  s'efpandit  puis  après  aux  lieux  circonuoifins.  A  Or- 
chics,  qui  eft  vne  petite  ville  pics  de  Douay  ,vn  nommé  M.Ieau  Marlar,  eftantde  re- 
tour en  fon  pays  après  auoir  quelque  temps  cftudié  à  Louuain,fut  conftitué  prifonnier 
par  la  iuftice  dudit  lieu  d'Orchies,  pour  auoir  annoncé  à  aucuns  la  vérité  de  la  doctrine 
de  l'EiiangilcCcux  d'Orchies  le  liurerét  entre  les  mains  de  M.Ican  de  Latre,lors  lieu- 
tenant du  gouuerneur  de  Douay,  le  2.iour  de  Nouembre  m.  d.ui,  Marlar  demeura 
conftant,&:  perfcueraenlaconfeffiondelapure  doctrine:  de  forte  que  tous  ceux  qui 
luy  furent  amenez  pour  le  conuaincre ,  demeurèrent  confus  deuant  le  Magiftrat.  Son 
procez  rait,il  fut  condamné  d'auoir  la  tefte  trenchee  pour  certain  regard  qu'eurent  les 
Iugcs:&:  mourut conftamment le  x  x.de Ianuierfuyuant. 

Marg  vlrite  Bovlard  fa  tante  vefue  honorable  de  George  Maurice  bour- 
geois d'Orchies,  auoit  quant  &  quant  efté  appréhendée  par  la  iuftice  dudit  lieu,  le  pre- 
mier de  Nouembre,  iour  de  Touffaindts,  qu'il appclent:&  le  lendemain  elle  fut  aulïi  li- 
uree  entre  les  mains  de  la  iuftice  de  Douay.  Il  eft  incroyable  combien  cefte  femme  e- 
itoit  embrafee  de  vraye  pieté  :  qu'eftant  interroguee  de  fa  foy ,  déclara  fans  crainte  ce 

qu'elle 


M.D.XLI. 


Juïle  jusietg.  pg 

qu'elle  auoit  appris  des  fain&es  Efcritures    Or  pource  qu'elle  perfiftoit,dohhaht  touf- 
iours  foy  à  la  venté  de  Dieu ,  manifeftee  en  l'Euangile  de  fon  Fils  Idus  Chrift ,  &C  reiet- 
tant  les  inuentions  des  hommes  qu'on  luy  mettoit  au  deuanr ,  fut  condamnée  à  eftre 
enterrée  viue:quieftvn  genre  de  i'upplice  ordonné  aux  femmes  au  pays  bas  del'Em-  ^n"tprïc'rc* 
percur,  comme  nous  auôs  veu  cy  deflus  en  l'hiftoire  de  ceux  de  Louuain,  &  comme  on  k»  femme* 
verra  au  dilcours  de  ces  hiftoires  eftre  vfîté.  On  la  mena  à  ce  cruel  i'upplice  trois  iours  V1U"- 
après  la  mort  de  fondit  nepueu  Marlar ,  aiTauoir  le  23  .de  Ianuier  :  auquel  iour  elle  ren 
dit  vne  ame  bien-heurcule  à  iamais  au  Seigneur.  Ces  deux  Martyrs  furent  grandemét 
regretez  au  pays.mais  quelle  vertu  pourra  eftre  Tans  danger  contre  vne  rage  li  cruelle 
des  aduerfaires? 


I  V  S  T  E    I  V  S  B  E  R  G,  du  pays  de  Brabant. 

I  L  y  auoit  aflez  long  temps  que  le  Seigneur  auoit  efprouué  par  diuerfes  affligions  vn  de  Louuain  nÔmé  Iufte  Iusberg,Icfquelle$ 
par  grâce  admirable  il  auoit  fi  heureiuemét  furmôtees,q  la  dernière  luitte  luy  a  efté  en  falut,&  à  no'  pour  vray  miroir  de  côftâcc. 

|N  la  perfecution  de  Louuain,  cy  delTus  récitée ,  les  aduerfaires  auoyét  dref- 
[fé  vn  roolle  de  ceux  qu'ils  vonloyent  emprifonner  au  pays  de  Brabant  &:  de 
[Flandre.Entre  les  fufpc/ts,  Iufte  Iufberg  eftoit  vn  des  plus  recommandé,  &: 
jH  l^^jaccuié.  Ils  le  firent  donc  ccrchcr  premièrement  à  Louuain:  oùneletrou- 
uas  poit,on  leur  dit  qu'il  eftoit  âllë  en  vhc  Abbaye  à  deux  lieues  pres,accouftrer  de  l'on      ft  e 
meftier  de  peletier,  les  robes  des  moines. &  fur  ce  requirét  le  "  DroiTard  de  Brabant  de  j>iJeft 
le  venir  là  prends  A  quoy  ne  faifant  refus,  vint  foudain  en  cefte  Abbaye  auec  nombre  fm??nZ"» 
darchers:&trouuant  Iufte  accouftrantfes peaux,  leconftitua  prifonnier  fahs  aucune  ?££utBti~ 
reiïftence.  En  le  fouillant  ils  luy  trouuerentvn  nouueâu  Teftament,&:  vne  partie  des 
prefehes  de  Luther  *  lcfquels  il  auoit  accouftumé  de  porter  en  fon  fein.  Ils  furent  bien 
refiouis  d'auoir  cefte  proy e:&  partant  le  menèrent  lié  à  Bruxelles.   Le  lendemain  qu'- 
il y  arriuâ*  deux  Conseillers  de  la  chancellerie  de  Brabant  vindrent  vers  luy  pourl'in- 
terroguet  de  fà  foy.Iufte  leur  refpondit  qu'il  vouloit  dire  &  fouftehir  la  vérité  mfqu  a  la 
mort,fans  que  par  toimeris  ils  le  contraignifTent.Lors  ils  luy  demandèrent  touchât  les 
articles  de  Louuain,  ce  qu'il  en  croyoitj  aiTauoir  De  la  puilîance  du  Pape ,  du  Purgatoi- 
re, du  facrifïce  de  la  Meflc ,  des  Indulgcnces,&  des  Sacremens  &c  autres  chofes.  Il  leur  ^'^"olS 
refpôdit  en  fomme,Qu'il  recognoifîoit  (comme  vn  vray  Chreftien  doit  faire)la  îufticc,  de'iusberg. 
la  fandification  &  rédemption  de  tout  le  genre  humain,  eftre  donnée  de  Dieu  par  fa 
gratuite  bôté:&  difoit  qu'il  l'auoit  ainlî  appris  par  la  fain&e  Efcriture.  Interrogué  pour- 
quoy  il  auoit  ces  liurcs-la  fur  foy ,  attendu  que  ce  n'eft  point  fon  eftat  de  lire  :  Refpond 
qucc'eftoitbienfoneftatdelirecequieft  neceffaire  à  fon  falut:&  que  la  rédemption 
côtenue  au  Teftament  du  Pere ,  ne  luy  appartenoit  pas  moins  qu'aux  gran*  Docteurs, 
voire  qu'aux  grans  Princes  de  ce  monde.  Mais  tels  liures  font  hérétiques,  dirent-ils.  II 
leur  refpondit  qu'il  les  tenoitpour  bons  &  falutaires. 

FiNAtîMEJiî  lepreiîans  de  leur  reuelerfes  complices,  lefquels  ilfauoit  eftre 
fouillez  de  mefme  herefie:  dit  qu'il  n'eftoit  point  entaché  d'aucune  herefie,  entât  qu'il 
ne  tenoit  autre  doctrine  que  celle  du  Fils  de  Dieu,&:  qu'il  ne  recognoi/Toit  autres  héré- 
tiques, finon  ceux  qui  perfecutent  la  vraye  doctrine ,  quels  qu'ils  foyent.  A  ce  mot  de 
Ptrfecuteurs (combien  qu'il  n'euft  nommé  perfonne)ils  furent  incôtinent  enflammez:  &c 
le  menacèrent  de  luy  donner  lâ  queftion  li  rude  qu'homme  n  auoit  encore  enduré,voi- 
re  de  le  defchlrer  membre  à  membre  auec  fers  chauds,  s'il  ne  leur  declaroit  fes  compli- 
fes.  Sur  cela  il  leur  dit  que  le  DroiTard  auoit  bien  veu  les  Moines  du  contient  où  il  auoit 
efté  pris,  &:  auec  lefquels  il  hantoit  :  s'ils  les  vouloyent  faire  prendre  *  qu'ils  en  mTent  à 
leur  bon  plaifir. 

Ces  CommiiTaires  voyans  qu'ils  ne  pouuoyeht  auoir  de  luy  ce  qu'ils  demandoyent, 
le  firent  mener  en  prifon,  &c  le  tindrét  enuiron  neuf  fepmaines  en  vne  chambre  haute, 
grillée  &  bârree ,  (ans  que  perfonne  peuft  parler  à  luy.  Depuis  on  le  mena  à  Louuain, Iu<k,  *? 
pour  aceufer  ceux  de  fa  cognoilTance,comme  on  difoit  :  mais  ce  fut  en  vain  :  car  il  s'e-  Louuaii 
ftoit  refolu  de  pluftoft  mourir  par  pièces ,  que  de  mettre  fes  amis  &:  frères  en  danger  c- 
uident.  Eftant  de  retour  en  la  prifon  de  Bruxelles,  le  DroiTard  enuoya  de  fes  gens  pour 
amener  Iufte  en  iugefncnt.  Lors  fe  leuerent  les  deux  fufdits  CommiiTaires ,  &:  qui  a- 
uoyét  ouy  fa  côfelfion  première,  laquelle  ils  luy  reciterét  par  efcrit:&:  après  l'auoir  leûë 

r.  ii. 


Liurcy  II-  Jufte  Jusberg. 

entière,  luy  demandèrent  s'il  ne  la  recognoilfoit  pas  pour  confelïîon  de  fa  foy.  Il  leur 
refpondit  en  celle  forte,  le  ne  vous  ay  rien  dit  fans  le  conlci  mer  par  tcfmoignagcs  de  la 

il  reco-    faincte Elcnture :  mais îappcrçoy  maintenant qu'iceux tclmoignages , par  lcfqucls  a 
t  n;on  1°1S1C  confermoyc  mon  dire ,  ont  eflé  par  vous  omis  .&c  neantmoinsi  approuue  ces  ar- 

dc  foy.  ciclcs  qui  font  nuds,  m  offrant  de  les  conformer  par  authorité  de  la  parollc  de  Dieu.  Ils 
luy  dirent ,  Puis  que  tu  recognois  ces  articles  pour  confellion  de  ta  toy,  nous  te  deman- 
dons de  t'en  dcldn  c:car  ils  font  hérétiques  &c  contre  la  fain&e  merc  cglilc.  Que  ii  tu  ai- 
mes micuxy  pcrleuercr, tu  feras auant  qu'eftre  bruflc  vif,tormcnté  de  peines  inuli- 
tecs,  pour  donner  en  toy  exemple  aux  autres.  lufte  relpondit.  En  mon  efprit  il  ny  a  au- 
cune impieté,  &:  ne  voudroye  tenir  aucune  mauuaile  opinion  à  mon  cfcicnr.Si  fay  tàil- 
ly  en  aucune  choie, comme  il aduient  à  tout  efprit  humain,  ic  demande  qu'on  le  me  re 
monftrc  par  raifon  Se  telinoignagc  de  lafainéte  Efcritùrc.  Il  n'eft  pas  ici  qucftion,dirét- 
ils,dc  dilputer:on  te  cômande  de  te  defdirc  de  ces  mefehates  opinions.  le  ne  voy  point, 
dit  lufte,  encores  en  mes  articles  propos  de  mefchancctc .  à  tant  ie  ne  puis  aufli  les  rc- 
uoqucr,queic  ne  renonce  par  melme  moyen  la  vérité  de  Dieu .  ce  que  n'ay  pas  déli- 
béré faire  :&:  prie  Dieu  de  me  garder,  pendant  queie  viuray,d'vne  telle  lafeheté.  Ils 
luy  dirent,  Afin  que  tu  n  ayescaufe  de  te  plaindre  de  ce  qu'on  te  fera,  on  te  donne 
temps  de  délibérer  îufqu  a  demain.  &fur  cela  commandèrent  qu'on  leremenaft  en 
prifon. 

L  f  iour  enfuyuanr ,  qui  cftoit  Vcndrcdy  5.  de  Ianuier ,  deuant  midy  reuindrent  les 
fergeans  à  la  prifon,  pour  remener  lufte  en  Iugement.  Quand  il  fut  deuant  les  luges,  ils 
luy  demandèrent  s'il  auoit  changé  d'opinion,  &  s'il  fc  vou loi  t  defdirc.  Si  tu  ne  tcdcidis 
de  tout,  dirent-ils ,  tu  périras.  le  fuis  preft,dit  lufte, d'apprédre  de  vous,  fi  vous  me  vou- 
lez enfeigner  par  authorité  de  la  limite  Efcritùrc.  &£.  li  fuis  preft  de  prouucr  ce  que  i'ay 
dit ,  par  celle  melme  authorité. que  II  vous  ne  voulez  ne  m'enfeigner,n  ouyr,ains  feule- 
ment contre  tout  droit  &:  équité  aller  par  force:  fouuienne-vous  que  vous  rendrez  vn 
iour  conte  de  c«  rak~t  deuant  le  iugement  de  Dieu.  Quant  à  moy ,  ie  me  garderay  bien 
de  nier  en  terre  deuant  les  hommes  l'éternelle  vérité  de  Dieu  ,  de  laquelle  ie  délire  a- 
uoir  tefmoignage  au  ciel  deuant  le  Pere  celcfte.  Lors  ils  luy  dirent,  Nous  t'auons  défia 
dit  qu'il  n'cftoit  pas  ici  queftion  de  difputer  :  que  ii  tu  péfes  eftrc  fi  bon  difputeur,nous 
t'enuoyerons  après  diliié  deux  religieux,auec  lefquels  tu  dilpu  teras  tat  que  tu  voudras, 
sentence  de  Us  le  condamnèrent  par  ientence  diffinitiue  comme  hérétique  à  eftre  bruflé ,  &  telle- 
^on^amna"  ment  ofté  d'entre  les  hommes,que  fon  corps  fuft  confumé  en  cendres. 

I  v  s  t  e  oyant  cefte  fentence  fe  ictta  à  genoux,  &:  remercia  premieremet  Dieu, puis 
après  les  luges,  de  ce  qu'ils  mettoyent  fin  à  toutes  les  miferes  de  fa  vie.  f  Apres  dilhc 
vindrcntdeux  reucrens  ,dont  l'vneftoitlacopin  licentié  en  Théologie  ,  homme  tout 
fait  à  hypocrific  &c  impieté. l'autre  Cordeher ,  homme  ignorant ,  mais  non  pas  ii  mali- 
cieux que  l'autre.  On  les  fit  entrer  tout  feuls  auec  lufte,  pour  le  tormenter  tout  le  long 
du  iour  par  leurs  interrogations.  Ils  luy  dirent  au  commencement  qu'ils  cftoyent  là  en- 
uoyczparles  Confeillcrs  pour  luy  donner  quelque  confolation  l'admonnefter  du 
falut  de  fon  amc,  puis  qu'il  n'y  auoit  point  d'efperance  de  la  vie  du  corps  :  $C  le  prioyent 
bien  fort  qu 'auec  le  corps  il  nemift  pasaufti  fonameau  danger.  lufte  les  pria  au  con- 
traire de  retourner  à  leur  maifon,  &:  ne  fe  doner  tant  de  peine,  Se  par  vn  melme  moven 
aulTi  ne  luy  en  donner  point.  Que  s'ils  vouloyent  faire  quelque  chofe  pour  l'amour  de 
luy,  qu'ils  priaflent  les  luges ,  ou  ceux  qui  auroyent  cefte  puilTance ,  de  faire  qu'il  fuft 
décapité .  s'ils  l'impetroyent,  que  le  tout  alloit  bien  :  finon,  qu'ils  demoura/Tent  en  leut 
contient. 

L  e  s  Moines  luy  promirent  d'eiîaycr  fi  cela  fe  pourroit  faire:  mais  ils  ne  lailToyet  pas 
pourtant  de  venir  fouucnt  autour  de  la  prifon,  où  ils  eftoyent  tous  les  iours  prefque  la 
plufpartdu  temps  .car  après  la  condamnation,  lufte  demeura  trois  iours  entiers  en  la 
priion  ,&  ne  le  voulurent  exécuter  iufquau  iour  du  Lundy  enfuyuant,  en  efperance 
qu'il  fe  defdiroit  de  la  doctrine  qu'il  auoit  mfques  alors  fouftcnue.Le  Dimanche  matin, 
voyans  les  Moines  qu'il  n'y  auoit  point  de  moyen  que  lufte  le  defdift ,  ils  luy  firent  en* 
Acfpôfc  de  tendre  qu'il  y  auoit  eiperance  qu^l  feroit  décapité  :  &c  que  deux  Confeillers  eftans  allez 
n«dcHon"  vers  la  roine  Marie  gouuernantedes  pays  bas,  pour  impetrer  cefte  grâce,  elle  auroic 
jne  regen-  refpondu  que  c'eftoit  bien  petite  grace,là  où  la  mort  n'eftoit  point  remife. 
•cJ«Fiidrc     l£  s  Moines  ne  luy  voulurent  point  dire  que  cela  fuft  impetré  de  la  Roine:  mais  luy 

auoycnt 


âUoyentdittahtfculement,que,peuteftre,ilfe  feroit,  afin  que  fous  cefte  efperahce  il 
fuft  prompt  à  faire  ce  qu'ils  voudroyent  »  car  ils  l'exhorroyenc  à  fe  confelTer,  afin  que  le 
peuple  feuft  qu'il  fut  mort  en  bon  Chreftien.  le  ne  mefoucie  pas*  dit  Iufte ,  quelle  opi- 
nion ait  le  peuple  demoy.  ie délire  feulement  d'eftre  approuué  deuant  Dieu:  par  la 
mifericorde  duquel  ie  meurs  en  paix  &  repos  de  ma  confcience.  Carie  luyaydeliâde 
long  temps  confelfé  mes  pcchcz,àluy  qui  cognoift  les  fecrets  des  cœurs,&  peut&vcut  Rom.s  ^. 
par  le  moyen  de  fon  Fils  me  les  pardonner.  Encore  maintenant  ie  confefîe  que  icfuis  Ap**-1-*^ 
tout  pécheur,  &:  mefme  rie  autre  choie  que  mafle  de  péché,  fouille  par  infinies  taches, 
ayant  fouuent  &:  grandement  oftenfé  la  maiefté  de  mon  Dieu  :  mais  ie  fuis  afléuré  qu'à 
caufe  de  fon  Fils  Iefus  Chrift  noftre  Sauueur ,  le  Perem'cft  propice,  &:  couurira  par  la 
mifericorde  mes  péchez,  en  forte  qu'ils  ne  pourront  empefeher  mon  falut  :  &:  en  outre 
me  reueftira  de  fa  iuftice , &:  m'efleuera  en  la  vie  éternelle,  ainfi  ie  comparoiftray  afleu- 
ré  au  iugement  de  Dieu ,  deuant  lequel  i'ay  efperance  d'allifter  bien  toft.  Quant  au  fi- 
èrement &:  alliance  du  corps  &:  fang  de  noftre  Sauueur  Iefus  Chrift ,  ie  l'ay  long  temps 
y  a  receu  par  foy  en  cfprit,  &c  le  retien  ferme  &c  immuablemon  pas  en  efpece  de  pain  &c 
de  vin,  mais  imprimé  &  engraué  par  lettres  y  iues  dedans  les  tables  de  mon  cceur.Ie  fay 
combien  m'eft  profitable  cefte  fainde  alliance,  laquelle  eft  propofee  à  tous  Chrcftiens 
en  l'Euangile  du  Fils  de  Dieu. 

Entre  les  autres  qui  lors  venoyét  pour  conuertir  Iufte  à  leur  impieté,  le  Curé  de  la 
Chapelle  (celuy  qui  fut  caufe  que  ce  Iufte  auoit  efté  empnfonné)  y  vit  auflï.  La  mefmc 
nuid  dont  il  fut  exécuté  le  matin,  ceux  qui  eftoyent  en  la  prifon,  détenus  aulîî  pour  la 
parollc  du  Seigneur,  eurent  cefte  faculté  de  monter  où  eftoit  Iufte,  pour  luy  dire  le  der 
nier  A-dieu.  Ils  le  trouuerent  bien  foible  ,  endurant  vne  grand'  foif.On  luy  fit  apporter 
du  vin,duquel  il  beut  fort  peu:&  fe  plaignoit  tant  feulement  d'vne  foif  perpetuclle.On 
dit  que  ceux  qui  font  près  de  leur  mort,  font  merueilleufemét  altérez  de  foif.  parauen-  Altemiô  i 
ture  que  cefte  forte  apprehenfion  de  mourir,  ioint  vne  cuacuation  de  vapeurs ,  qui  ad-  ^l 
uicnt  de  trop  grand douleur,dcfeche  leur  corps.  chains  de 

Voyant  donc  plufieurs  de  la  prifon  auprès  de  luy,  il  fe  tourna  vers  eux,&:  parla  en  la  mort- 
cefte  forte:  Vous  voyez,  frères  Chreftiens,  que  ma  mort  approche:  laquelle  côbien  que 
ie  craigne,  comme  homme  chargé  encore  de  ce  corps  de  péché,  toutesfois  ie  fuis  bien 
refolu  de  l'endurer  loycufcment  comme  Chreftien, m'afteurant  que  toutes  les  ordures 
de  ce  corps  ont  efté  fichées  à  la  croix  de  noftre  Sauueur  Iefus  Chrift  :  &:  corne  repofant 
feurcment  en  fa  mifericorde.  C'eft  bien  raifon  aufTi ,  ayant  fouuenance  d'vn  tel  bénéfi- 
ce receu  par  moy  du  Fils  de  Dicu(lequel  par  le  prix  de  fon  fang  m'a  racheté  de  la  ferui- 
tude  du  diable  &c  du  peché)quc  luy  en  rende  grâces ,  en  donnant  gloire  à  Dieu  par  le 
lacrifice  de  ce  corps,  &c  feellant  de  mon  fang  la  dodrine  celefte  :  attendu  qiyl  m'en  re- 
uiendra  mefme  vn  grand  gain,  &  que  pourvu  tormêt  léger  &:  de  peu  de  durée,  la  cou- 
ronne de  gloire  m'eft  propofee  au  ciel  :  laquelle  ie  receuray  d'autant  pluftoft,  que  ie  fe- 
ray  en  bref  deliuré  des  liens  de  ce  corps.  Cependant  mes  frères,  ie  vous  admonnefte 
que  vous  cetenieztouiiours  vne  vraye  chanté,  vn  cœur  entier:  &  fur  toutes  chofes,  la 
pureté  de  do£trine:&:  vous  prépariez  auffi  tous  les  iours  à  tels  affauts  :  car  li  mon  efprit 
ne  me  trompe ,  ^1  y  en  a  entre  vous  quelques  vns  qui  me  fuyuront  de  bien  près  j  &:  qui 
expérimenteront  ces  mefmcsmouucmcns  d'eiprit,cesmefmcs  aflauts,  &  cesprœu- 
uesfecrettesde  Dieu.    ^Difantcela,&:  ayant  les  yeux  fichez  furvn  nommé  Gilles  pilles  TiL 
Tilleman,  homme  de  Dieu(qui  pcuapresla  mortde  Iufte  futaufli  martyrilé  àBru-  fokTuftc.0 
xelles,  duquel  l'hiftoirefe  traittera  en  fon  lieu)  il  commença  à  ietter  grande  abondan- 
ce de  larmes,  &la  langue  luy  demeura afTcchce,  en  forte  qu'il  ne  peut  dire  vnmot 
dauantage.    Lors  Gilles ,  comme  embrafé  de  l'Efprit  de  Dieu ,  print  la  parolle ,  &: 
fuyuant  le  propos  de  Iufte,  parla  en  cefte  forte  :  Bon  Dieu  ,  que  tes  fecrets  diuins 
font  admirables  !  Vous  voyez  ici  maintenant  Iufte  noftre  bon  frère  condamné  par  le 
iugement  du  monde,  abandonné  y&c  preft  àeftre  ofté  d'entre  les  hommes,  com—  i.Cor.4.ij. 
me  quelque  ordure  &:  ballieure  :  mais  cependant  vous  le  deuez  eftimer  vray  en- 
fant de  Dieu  ,  par  la  fentence  &:  arreft  du  Pere  celefte.    Vousauez  tous  ouydefa 
bouche  vne  confeflion  d'vn  cœur  vrayement  Chreftien  &  heroique:  argument  eui- 
dent  d'vne  force  6c  confiance  laquelle  Dieu  a  mife  en  ce  faind  Martyr ,  pluftoft  pour 
eftre  par  nous  enfuyuie,  que  louée  de  bouche.Il  ne  nous  faut  point  fcandalizçr  pour  les 
iugemens  du  monde,  ou  pour  l'apparence  externe,  vile  &:  abiedede  noftre  îrere  r  fi 


Liurcs  IL  nAymond  dcu  ta  Voy. 

vous  confinerez  diligemment  la  condition  du  Fils  de  Dieu,  lequel  nous  deuos  tous  en* 
s-    iVyurc  pas  à  pas.  Il  cft  eferit  de  luy,  nous  l'auons  veu  frappé  de  Dieu  ,  6c  ce  pour  nos  pc- 
chez.par  lefquelles  parolles  nous  eft  donné  à  entendre  qu'il  a  fouftenu  des  tonnés  plus 
gnefs,  que  fi  tout  le  monde  &:  l'enfer  ailcmbloyent  en  vntous  les  inftrumcns  de  leur 
Maùo.14   cruauté.  Or  le  difciplc  n'eft  point  par  fus  fon  maiftre,  dit  noftre  Sauueur.  que  li  le  mon- 
de vous  hait,  fâchez  qu'il  ma  hay  le  premier.  Ccfte  eft  la  condition  des  Chrefticns ,  la- 
quelle expérimentent  auiourdhuy  (fi  iamaisparauant)  ceux  qui  fontprofeilion  de  fuy^ 
rhil  3 1.    ure  Iefus  Chrift.  Or  nous  vous  reputôs  bien-heureux, lufte  noftre  frère,  de  ce  que  vous 
voyons  li  ferme  &:  fortifié  de  Dieu, que  vous  eftimez  ordure  tout  ce  qui  eft  en  cefte  vie 
mortelle,  pour  retenir  pure  6c  entière  la  profefllon  de  la  doctrine  de  Dieu.  O  heureufe 
lame  qui  habite  maintenant  au  domicilie  de  ce  corps ,  &  demain  comparoiftra  nette 
&  iauec  de  toutes  les  fouilleufes  d'iccluy,  &:  parce  des  ioyaux  de  Chrift  fon  cfpoux ,  en 
fxhortariô  ]a  prefenec  duPieu  viuatiduquel  bien  éternel  vous  iouiriez  des  à  prêtent,  neftoit  la  lô- 
d  ?ne  'd  c  gueur  des  bourreaux,  qui  vous  contraignent  de  demeurer  encore  en  miferc  pour  cefte 
^"récitée  nuict.  Or  perfeuerez  donc ,  mon  frère ,  de  confefler  de  ccfte  conftance  que  vous  auez 
àctux  qui  commCncee,  la/do&rine  de  falutiufques  au  dernier  lbufpir.    ^Gillesayant  fait  cefte 
°U  K" "  exhortation, fe  tournant  vers  les  autre  s  qui  là  eftoyent,  dit,  Mes  frères,  ie  vous  prie  que 
nous profternans  à  genoux,  recommandions  à  Dieu  cefte amc de  noftre  frerc  lutte: 
Pricrede    Di  e  v  viuant  6c  cterncl(commcnça-il  a  pricr)Perc  de  noftre  Sauueur  Iefus  Chi  ift,  qui 
vois  nos  cœurs,  gouuernes  nos  a&ions,&:  exauces  les  prières  des  tiensmous  lommes  ici 
deuant  toyalTcmblez  en  ton  Nom,  6c  fommes  afilurez  par  noftre  Médiateur  Iefus 
Chrift,  que  tu  veux  exaucer  nos  requeftes,&  nous  ottroyer  tout  ce  que  nous  te  deman- 
dcrôs.Nous  te  prions  dôc  à  prefent,  que  ton  bon  plaifir  loit  de  fortifier  lame  de  ceftuy 
ton  icruitcur  Iuftc,iuiqucsau  dernier  lbufpir  :  6c  quâd  celle  dernière  heure  fera  venue» 
en  laquelle  il  te  doit  rendre  gloire  par  le  facrificc  de  fon  corps ,  que  tu  la  rcçoyues  pure 
6c  impollue  en  ioyc  éternelle.  Lors  tous  en  larmoyant  recommandèrent  à  Dieu  lufte 
Iufbcrg,  ayans  les  genoux  en  terre.  ^  Apres  que  la  prière  fut  acheucc,Iufte  commença 
en  cefte  forte:  le  ftn,dit  il,vne  grande lumière,  laquelle  me  refiouit  d'vne  ioye  que  ne 
fauroye  expriment  ne  délire  maintenant  autre  chofe  q  de  mourir  6c  eftrç  auec  Chrift. 
Ç  Vn  peu  après, ceux-cy  qui  auoyent  efté  la  plus  grand'  part  de  la  nuid  auec  Iuy,voyans 
que  les  feruiteurs  du  Geôlier  ne  vouloyent  plusattendre,dirent,  A-dieu  à  lufte,  pnans 
que  la  confolation  du  fain&Jjfprit  demeurait  auec  luy. puis  chacun  fe  retira  en  fon  lieu. 

L  e  lendemain  de  grand  matin  viennent  les  archers, les  bourreaux  :  le  Droila.rd  vint 
auffiluy-mcfme,qui  de  premier  abord  pria  lufte  de  luy  pardonner  fa  condamnation. 
Ç^uant  à  moy,  dit  lufte,  ie  le  vous  pardonne  de  bon  cceurrauifez  feulement  comment 
vous  en  pourrez  rendre  conte  deuant  Dieu  en  fon  iugement.  ^  Apres  que  toutes  cho- 
ies necclfaires  à  cefte  exécution  furent  appareillées, ils  conduirent  lufte  au  marche, où 
la  tefte  luy  fut  trenchee.  Il  tailla  beaucoup  de  gens  triftes  en  la  ville  de  Bruxelles,  voyâs 
qu'on  auoit  faitmourir  celuy  qui  ncparloitque  de  Dieu  6câ\i  fain&  Euangile  de  Ie- 
fus Chrift. 


G;!Us. 


Mar.7.; 


AYMOND    DE    LA    VOYE,  de  Picardie. 


C  E  S  T  V  Y-ci  cft:  entre  les  premiers  qui  ont  prefchc  feercttement  en  France,&  drefle  eglife  ou  congrégation  reformee,ayant  ré- 
genté à  Sainfte-Foy  la  gr.md.en  Agenois  fur  Dordoigne. 

li.  iCf^)^?^.  'AN  m.  d  .  x  l  1,  enuiron  trois fepmaincs  auant  Noël  vne  prife  de  corps  fuc 
décrétée  par  la  Cour  de  Parlement  de  Bourdeaux  ,  contre  maiftre  Ay- 
mondDelavoye,  enfeignant  l'Euangile  de  Iefus  Chrift  dedans  la  ville  de 
Saincte-Foy  en  Agenois  :&:  ce  àl'accufation  du  Curé  dudit  lieu  auec  cer- 
tains autres  preftres  fesadherans.  De  laquelle  prife  de  corps,  ledit  Delà  voye  fut  ad- 
uerty  trois  iours  deuant  que  l'Huiflier  la  vinft  exécuter,  6c  fut  incité  par  plusieurs  de 
s'en  aller ,  6c  s'ofter  hors  de  danger:  mais  il  ne  le  voulut  faire  :  mais  dit  telles  paroles ,  l'- 
Iran 10  u.  aimeroye  mieux  n'auoir  iamais  efténay,  que  de  commettre  telle  lafeheté.  car  ce  n- 
eft  point  l'orHced'vn  bon  pafteur  de  s'cnfuyrquand  il  yoid  venir  le  danger,  comme 
dit  noftre  Seigneur  :  ains  doit  demeurer,  afin  que  les  brebis  ne  foyent  efgarees.  Or 


sAimond de  la  VoycS. 

noftre  Seigneur' m'a  donné  la  grâce  de  vous  auoir  prefché  fonEuangilc  :  Se  fi  mainte- 
nant pour  vnc  tentation  ie  m'en  alloye,oncftimeroit  que  n'auroye  prefché  que  fables, 
fbn<Tes,&  choies  contre  Dieu,  vous  1  aillant  feandalizez .  fie  pourtant  vous  pne-ie  de  ne 
me  parler  plus  deeelaxarie  fav  les  choies  par  moy  prelchecs,eftrcvrayes:pour  lefqucl- 
les  fouftenir,aidant  le  Seigneur,i'expoferay  mon  corps  &c  mon  amefii  diray  auec  l'aine!  4a.1r.t5, 
Paul, Non  feulement  îefuis  preft  délire  lié  en  la  ville  de  Bourdeaux,maisauHidy  mou 
rirpour  Chnft.L.aqucllc  confiance  veue, ne  l'importunèrent  dauantage  .    ^  Aduinc 
que  THuilfier  nrnua  pour  exécuter  Ion  mandement,  &:  demeura  trois  jours  en  la  ville, 
pendant  lelquels  ledit  De  la  voye  fît  trois  lcrrnons:aulquels  ilfltvn  fommaire  de  toute 
la  doctrine  qu'il  auoit  prcfchec,&:  pour  laquelle  il  cftoit  preft  d'expofer  mille  vies, Il  tat 
en  auoit. Defquclles  paroles,auec  lbn  innocence  &  zele  plufieurs  furet cfmcus,  difans, 
Comment?  il  eft  caufe  que  nous-nous  fommes  retirez  des  icux&:  des  tauernes;  &:  que 
plulieurs  le  font  retirez  des  mefehanectez  qu'ils  auoyent  accouftumé  de  faire: te  ilemét  muian  qu' 
qu'ils  s'approcherét  <ie  l'Huifiier  pour  le  deliurer  de  les  mains:  mais  ledit  De  la  voye  ne  ameinel'. 
le  voulut  pcrmettreîCriantjCeflcz^îes  frères  &:  amis,  n'empefehez  point  mon  marty-  1  Ullis,tc' 
re.La  volonté  de  Dieu  eft  ttllc,que  ie  fouftre  pour  luy:à  laquelle  il  ne  faut  reiiftcr.Lors 
les  Confuls  aduiferent  de  le  prendre  en  leur  charge,  &c  le  mener  audit  Bourdeaux,  &:  c| 
l'HuifTier  s'en  retourneroit  .  Eftantamenéau  Parlementde  Bourdeaux  ,  plulieurs  tel- 
moins  luy  furent  confrontcz,prclque  tous  Prtftres,cxccptc  le  feigncur  de  Riucrac,  hô 
me  riotcux  de  grand  plaideur  :  &:  vn  lien  feruitcur ,  lelquels  eftoyent  l'es  ennemis  mor- 
tcls.car  ledit  Riucrac  s'eftoit  vanté  qu'il  luy  coufteroit  mille  efc9,ou  il  le  feroit  bruflcr. 
Et  combien  qu'il  euft  baille  reproches  contre  lefdits  tcfmoins ,  toutefois  les  luges  dc- 
îeguezpar  le  Roy, ne  le  voulurent  receuoir  ni  admettre:  ains  reccurent  limple  ment  à 
démolition  lefdits  Preftres, combien  que  tous  iceux  tcfmoins  ne  le  chargealfent  prin- 
cipalement que  du  Purgatoire.  Simcttoitcnfaictlcdit  De  h  voye ,  comment  le  pre- 
mier Prefidcnt  &C  le  fécond  eftoyent  tccufablcs:par  ce  que  le  premier,  pendant  le  pro- 
ecz  qu'il  auoit  contre  ledit  cure  de  Sain&c-foy ,  auoit  fait  prendre  lacaufe  audit  pro-  C«if«Je 
çureur  gênerai  du  Roy,&:  auroit  reccu  ladite  cure  dudit  Cure'  pour  vn  de  les  enfans.  Et  r^ !  asun° 
par  ce  moyen  eftoyent  lefdits  deux  Prelidens,  qui  font  enfcmble  coulîns  germains, re- 
cufables  :  comme  l'es  parties  adue ries, d'autant  qu'il  cftoit  queftion  du reuenu  de  la- 
dite Cure.    Or  toutefois  cftans  plusqueconueincusdcfon  innocence,  fut  admis  à  le 
iuftifier  &  prouuer  fes  obicts.Cc  qu'il  fit  par  fept  ou  huit  vingts  tcfmoins  gens  de  bien: 
lelquels  neantmoins  ils  ne  voulurent  receuoir,  ains  dilbyent  eftre  lufpeûs  comme  luy,, 
U  qu'ils  eftoyent  de  fa  fccte,combien  qu'il  n'y  euft  aucune  information  contre  eux. 

Estant  touliours  prifonnier  par  lefpace  enuiron  de  huit  ou  neuf  mois, endura 
beaucoup  de  calamitez,mais.  il  fupportoit  le  tout  fort  patiemment  par  foy  âc  cfperan- 
cc.  Pendant  lequel  temps  plulieurs  fois  luy  fut  dit& annoncé,qu'en  bref  dcuoit  eftre 
brullé.  lefquclles  nouuelles  il  receuoir  eie  telle  affedion,  qu'il  rendoiteftonnez  fes  en- 
ncmis,dcmeurant  touliours  en  vn  mefme  eftat,&:  ehfantauec  lainél  Paulj  I'ay  defir  d'e-  „  1  ip  t,ir' 


Aimoiul  a 


ftrefeparé  du  corps-.&:  eftre  auec  Icfus:  Chriftm'cft  gain  a  viureck:  à  mourir.Mais  d'vne 
chofe  i'ay  regret, qu'il  nem'eftloilibledcfcruirplusdetcmps,enfcignant&:communi-  reêrctci"  !i 


ne  ferrda- 
i?e  ail 


quant  aux  autres  le  talent  que  le  Seigneur  par  fa  grâce  m'a  donné:  &:  quand  i'y  cftoye,  uanug 
que  plus  amplement  n'ay  defcouuert  les  chofes,  comme  trop  mieux  les  m'a  données  à  Sci§ue 
cognoiftre.Toutefois  s'il  luy  plaît  m'appeler,fa  volonté  foit  taitey&  non  point  ce  que  ie 
délire. Dauantagc,pleurant  regrettoit  grandement  fa  vie  mefehante ,  confelfant  auoir 
mal  vefcu,&  non  point  félon  la  cognoilfance  à  luy  donnée .  &:  cela  regrettoit  plus  que 
tout,combien  qu'il  euft  mené  vne  vie  irreprehenfiblc  deuant  les  hommes. car  mefmes 
fes  aceufatcurs  &  aduerfaires  eftoyent  contraints  de  louer  fa  bonne  vie  &:  conuerfatiô; 
telle  eftoitfon  intégrités  rondeur.  Or  il  fut  détenu  prifonnier  elepuis  le  iour  de  fon- 
dit emprifonnementjiufqu'au  vingt  &:  vnieme  d'Aouft  enfuiuant,  qui  font  près  de 
neuf  mois. 

rAv  qv  e  l  iour  après  auoir  receu  les  lettres  des  luges  delcgucz,fut  procédé  à  façon 
damnation, nonobftant  fes  iuftifîcations ,  innocences ,  &:  caufes  de  reeufations  contre 
plulieurs  defdits  Iugesdefquels  dés  incontinent  qu'il  fut  prins ,  &c  fans  auoir  veu  aucu- 
ne chofe  de  fes  charges  &c  informations ,  auoyent  ia  donné  leuraduis,&  dit  à  plufieurs 
qu'ilfaloit  qu'il  fuft  brullé.  Tellement  que  fon  procezfut  foudain  mis  fur  le  bureau  en 
Ja  chambre  des  luges  delegucz:ôc  commença  à  eftre  rapporté .  Bref,  il  y  fut  tellemcnj; 

r.im, 


I/'«fO  //.  ^Aimonâ de  la  Voytj* 

procédé, qu'incontinent  après  difné  luy  furent  donnez  les  gros  fers  :&  lors  il  dit  telle* 
paroles, Ceci  m 'eft  vn  prefage  &  meffage  de  mourir.mais  point  ne  m'en  foucic,ic  fouf- 
friray  tout  pour  Iefus  Chnft:&:  prioit  tous  ceux  qui  l'alloycnt  vihter,quc  quelques  nou 
Uelles  qu'on  dift  de  luy,qu'il  en  fuft  aduerti,en  difant,  Si  feftoye  quelque  homme  inflr- 
mc,ou  que  la  chair  me  dominaft,vous  dcufîlez  différer  à  me  le  dirc,maisviéne  la  mort, 
vienne  tou  rment,viennent  perfecutionsj  ïamais  ne  feront  e (branler  ma  foy:  îe  demeu- 
reray  confiant  en  ecluy  qui  me  fortifie. 

L  e  Mercredi  fumant  il  fut  extraordinairement  géhenne,  auffi  cruellement  que  ja- 
mais homme  ait  cfté, combien  qu'il  eftoit  de  petite  complexion.  ce  ne  fut  pas  pour  fon 
procez:car  on  auoit  îa  conclu  de  fa  morc:mais  pour  luy  faire  dire  &  déclarer  fes  compli 
ces.  Eftant  en  cefte gehenne,le  premier  Prehdent  luy  dit,cn  le  prenant  parla  barbe, 
Pi,mefchant,di  maintenant  :  car  tu  es  condamné:  il  ne  refte  que  îauoir  tes  complices. 
Quels  complices(dit-il)demandez-vous?ien'aypoint  de  complices  autres  que  ceux  qui 
font  Se  fanent  la  volonté  de  Dieu  mon  Pere,foyent  gcntils-hommes,marchans,  labou- 
reurs,ou  autres.  Et  en  ce  tourment  demeura  l'cfpace  de  deux  ou  trois  heures  :  où  il  dit 
ces  paroles,Ce  corps  périra,  mais  l'eiprit  viura:&  le  royaume  de  Dieu  demeurera  eter- 
nellcmeut. 

Es  t  an  t  en  ce  tourment  il  s'efuanouirmais  quand  il  fut  reuenu  à  foy  ,dir,  Seigneur 
Scigneur,pourquoy  mas-tu  laiifé?Le  fécond  Prefident  luy  dit,  Mefchant  Lutherien,c'- 
cft  toy  qui  as  défaille  Dieu. Et  il  dit,Helas,meffieurs,pourquoy  me  tourmétez-vous  tatî 
Scigncur,vueilles-leur  pardonner,  car  ils  ne  fauent  qu'ils  font .  Et  lors  ledit  Prefident 
dir,  Voyez  ce  mefchant  qui  prie  pour  nous .  Or  en  tout  ce  tourment  il  ne  nomma  per- 
fonne:  mais  endura  patiemment  Se  conftamment,difant,Iepenfoye  trouuer  plus  de  pi- 
tié aux  hommes  que  îe  n'ay  fait,dont  ie  prie  le  Seigneur  que  îe  trouue  en  luy  mifericor- 
de.  Et  après  fut  mis  en  vne  prifon  en  la  tour  des  Barons, la  plus  eftroicte  qu'il  eft  poffi- 
ble  de  voir,iufques  au  Samcdy  cnfuiuant.  Se  aduenu  ledit  Samcdy  cnuiron  huit  heures 
du  matin ,  luy  fut  prononcé  l'areft  d  eftre  bruflé  vif  de  quoy  ne  s'efbahit  non  plus  que 
les  autres  fois  qu'on  luy  auoit  dit  :  mais  loua  Dieu  grandement,  de  ce  qu'il  luy  faifoit  la 
grâce  de  luy  annoncer  l'heure  de  fa  mort .  Et  foudain  on  enuoya  quenr  force  moines 
Mendians  pour  le  confeiîer:  mais  il  ne  les  voulut  receuoir ,  ains  demanda  vn  de  fa  qua- 
lité,le  Curé  defainct  Chnftofle:&:  difoit  aux  moincs^birehincomnes.  ego  confitebor Domi- 
no pecuta  mea .  Videw  me fim  perrurbarum  ah  homimbtts ,  yultis  adhuc  adducere  perturbatwnes  ? \Alij 
habnerunt  corpus  ^yaku  &yos auferre animam?abire  hinc,obfecro:c\ui  eft  à  dire ,  Oftez-vous  d'icy. 
ie  confefleray  mes  péchez  au  Seigneur.  Vous  me  voyez  tant  troublé  des  hommes  :  me 
voulez-vous  amener  dauantage  de  troublerLes  autres  ont  eu  mon  corps  ,  voulez-vous 
auflî  rauir  l'amer  Allcz*vous-cn,ie  vous  fupplie. 
DcLooga  T  lorsvintleconfeillerde  Longa&r  leconléillcrdcla  Chaffagne,  lefquels  le  vou- 
ée de  la  loyent  confolcr  :  mais  fa  foy  Se  conftance  eftoit  li  grande ,  que  luy  mefme  les  confoloir. 
cbafTagne.  £c  vovât  q  Ion  auoit  défendu  audit  cure  de  S.  Chriftofle  d  aller  versluy,il  print  vn  Car- 
me,le  moindre  de  to9  les  moinesdequcl  il  retint  ,&:  ht  fortir  les  autres:  Se  demeurèrent 
feuls  longuemct  enfcmble,  tellcmët  qu'il  côuertit  ledit  moine.  Puis  on  luy  porta  à  dil- 
ner,&  fît  venir  le  Concierge,fa  féme  &  fa  fille,  aufqucls  il  dit ,  I'ay  obtenu  de  Dieu  l'ac- 
côpliifement  de  mes  defirs.car  il  y  peut  auoir  huit  ans  q  Dieu  me  donna  par  fa  grâce  la 
cognoilfance  de  fa  volonté:  mais  tout  foudain  me  vint  en  mémoire  de  mourir  à  Bour» 
deaux  pour  faParolle:cequeievoy  accompli. 

^En  v  i  r  o  n  vne  heure  après  diihé  le  premier  &  le  fécond  Prefident,  de  Cha/Tagne, 
Longa,&:  autres  Confeillers  vindrent  en  la  prifon.  Lors  le  patient  commença  à  parler 
delaCenc,&:  dir  fa  foy  eftre,que  toutes  &quantes  fois  que  les  Chreftiens  font  aflem- 
blez  en  vnion  &  paix,enfeignans  tous  vne  mefme  do&rine,&:  que  par  vraye  foy  Se  efpe- 
rance  viennent  Se  prennent  ce  pain  ,  que  vrayement  ils  communiquent  au  corps  &:  au 
fang  de  Iefus  Chrift:& allégua  faind  Paul  i.  Corinthiens  11.  déclarant  auec  vncfingu- 
liere  grâce  les  paffages  de  la  fain&eEfcriture.&:  en  parlant  à  eux,il  s'eferia  en  ceftevoix, 
Les  paroles  que  ie  vous  parle  font  efprit  &:  vie  .  A  la  fin  il  dit ,  C'eft  donc  ma  foy, 
meilleurs,  de  laquelle  ie  fuis  maintenant  aceufé.  Se  ie  veux  bien  qu'vn  chacun  lâche 
ce  que  ie  croy  touchant  la  Cenex'cft  que  tous  Chreftiens  participent  au  corps  de  Iefus 
Chrift,hparfoyilsrcçoyuentlepain&:le  vin  prefentez  eulaCene.  Se  allégua  les  paf- 
làges  des  Efcritures  Se  del'Euangile  parlans  de  la  Cene.  Puis  voulant  plus  amplement 

decla- 


itAimond la  Vcyc_j.  j  or 

déclarer  le  tout,lc  fécond  Prefidcnt  luy  rompit  Ton  proposdifant,  Efcoutcz,iI  faut  que 
nous  dilîcz  ce  que  Tentez  du  Purgatoire. Il  rcïpondit,Ceft  bien  dit, ie  vous  diray  ce  que  du  Pur^j 
i  en  croy.Vous  lauez  qu'en  l'Ei"criture,purgcr,nettoyerylaucr,lbntiynonymes,&  Jigni- 
fient  vne  melmc  choie.  Or  vousauezen  Haye, Il  a  porté  nos  dou  leurs  &:  nos  langueurs:  Elai-5J  4- 
vrayement  il  a  eftefait  noltrc  lalut&  noftre  purgation.   Iedy  que  h  nous  ne  lommes 
purgez  comme  l'or  à  la  fournaile,  nous  n'entrerons  iamais  en  Paradis .  '  Derechef  le  ic- 
cond Prefident  dit,  Voyez  comment  les  Luthériens  parlent  par  ambages,  nous  ne  te 
demandons  point  cela:  mais  dy-nous  s'il  y  a  vn  lieu  auquel  lésâmes  font  purgées  après 
la  mort, quand  en  la  vie  n'ont  fait  deue  pénitence.  A  quoy  relpondit,Helas,Moniieur, 
laillcz-moy:  vous  lauez  que  chofe  dite  en  trouble  ou  perturbation  ne  peut  cftre  enten- 
due.le  vous  dy  que  Iefus  Chrift  en  fa  mort  a  (atisfait  a  toutes  nos  ofFcnî"cs>&  en  Ion  fang  La  vMye 
fommes  lauez  :  comme  dit  l'Efcriture ,  Ipfclauit  nos  inptngttinejûo.redemprieftts  non  aura  ^fed  1>ur6ai»)"- 
fan*uin?c\mjh .  N'auez-vous  pas  leu  en  faincl  Paul  aux  Epiftrcs ,  où  tant  de  fois  il  eft  dit 
que  par  le  fang  de  Iefus  Chrift  nous  fommes  lauez  de  nos  péchez?  A  quoy  le  fecôd  Pre- 
fidcnt rcfpondit,que  de  ces  Epiftrcs,les  enfans  en  alloyent  à  la  mouftarde.  Aimond  re-  Biaiphem-: 
fpondit,Lcs  cnransliecrain  que  vous  n'en  ayez  pas  leu  beaucoup  .  Lors  vn  moine  dit,  horrible- 
M.  A  imond,vous  le  conteterez  en  vne  parole ,  il  vous  dites  qu'il  y  a  vn  lieu  où  les  ames 
font  purgées  après  la  mort.  A  quov  refponditjc  vouslaifîc  à  dire  cela,  me  voulez-vous 
faire  damncr,&:  dire  vne  choie  de  laquelle  ie  lay  le  contraire:    Et  le  fécond  Prefidcnt 
dit,  Venez  çà,  à  celle  heure mourant,nc  penfez-vous  point  aller  en  Purgatoire:  Et 
quand  quelque  homme  meurt  en  quelque  peche  véniel,  ira-il  droict  en  Paradis  ?  Il  re- 
fpondit,quc  la  fo\  &  la  confiance  qu'il  auoiten  fon  Dieu  cftoit  ii  grande,  qu'il  penfoic 
&;  croyoït  aller  ce  îour-la  en  Paradis.il  luy  demande, Ou  cft  Paradis;  Lois  il  dit, Il  cft  ou 
Dieu  cil  aucefa  maieftc&  gloire.  Le  premier  Prelidcntdit,Lc  Canon,  ^fnimd  defimeio- 
>-»w,&  autres  Canons  en  font  mention  :  &:  en  vos  fermons  jamais  vous  ne  recomman- 
diez que  les  pourcs  .    A  quoy  refpondit,qu'ilfaifoit&:enfcignoit  la  parole  de  Dieu,&: 
que  quant  aux  Canons, il  n  y  auoit  cftudie  .    D.  Ne  croyez- vous  pas  a  1  cghle, laquelle  Canons  au 
les  a  faits-    A  refpondu, qu'il  croit  élire  vray  tout  ce  que  l'Eghfe  régénérée  par  le  lang  PjP5- 
de  Iefus  Chnft,&:  tondec  fur  fa  Parole,a  conllitué  &c  ordonné.  Réplique  ledit  Prelidét, 
Quelle  eglife  cft-ccla?Lors  dit. L'cglifc  cil  vn  terme  Grcc,&  en  Latin  lignifie  Congre-  f 
gation  &  aflemblce.lcdi  que  fumant  la  promeflede  Iefus  Chrift,  toutesrois&  quantes 
que  les  fidèles  font  allcmblcz  cnlemble  à  l'honneur  de  Dieu, &c  augmentation  de  la  re- 
ligion Chreftienne,vraycmcnt  le  faincl  Elprit  cft  auec  eux.  A  quo\  ie  fécond  Prefident, 
Il  s'enfuit  donques  qu'il  y  auroit  plulicurs  cglifcs:&:iidcs  laboureurs  s'aifemblovcnt,  q 
ce  leroit  vne  eglife .    Aimondluy  dit,  Ce  n'eft  point  incomu  nu  nr, qu'il  \  a;:  entre  les 
Chrcftitns  plulicurs  congrégations. carfainct  Paul  a  bien  dit,'  imnifaw  ealefo  cjgx Junt  Ga 
LttiJC.&C  ncantmoins  toutes  ailémblcesnefont  qu'vnc  Eglife. Lors  le  Confeillcr  de  Lon- 
ga  dit,  L'Eghfe  a  laquelle  vous  croyez,  n'eft-ce  pas  celle  dont  eft  parle  au  C,edcy  Sanciam 
Ealeftam  ?  A  quoy  refponditje  lacroy  vraycmcnt,&:  cil  celle  de  laquelle  ie  parle  .  Lors 
luy  demanda  le  fecond,Qui  eft  le  chef  de  celle  Eglife:    Refpondjcfus  Chrift.  Et  non  chef  de  I*. 
point  le  Papc?Rcl'pon(1,Non.  Qu'cll  ildonqiu  si'Miniilre,  s'il  eft  homme  de  bicn:&.  les  ESiifc- 
Eucfques aufli  mmiftres.  commcilellditau  chap-4.de  la  promit,  rc  aux  Connthitns, 
Que  l'homme  nou s  eftime  comme  min îfti es  &dilpenfatcurs  des  iecretsde  Dieu .  In- 
terrogués'il  ne  croit  point  auPape.R. Qu'il  ne  fait  qui  il  cft,  Intervenue,  N'eft  -il  pas  lue 
cefleur  de  S.Pierrc:R.S'il  cft  tel  q  S.Pierre,fondé  fur  lavrave  pierre  qui  eft  Iefus  Chrift» 
ie  croy  que  cequ'il  tait  eft  tref-que  bien  tait.  Lors  dit  le  fécond, O  poure  hommc,tu  me 
fais  grand' pitic!  tu  t'en  vas  damné.  R.Damnéidamnéiô  quelle  confolation:  mais  au  con  Exclamai 
traire ,  i'efpere  de  voir  auiourdhuy  mon  Dieu  mon  Pere  .  Quti  me  Jêparabit  a  i  baritatt  Da-  ^  s  ain" 
^AngLdiusyctnfamesyinnuditu?  Non,  rien  ne  m'en  feparera:  maisi'ay  grand'  pitié  de  vous 
tous. Lors  fortircnt,&  demeura  feul  auec  les  moines. 

Tan  t  o  s  t  après  on  l'emmena  pour  aller  au  lieu  du  fnpplice,&:  en  fortant  commê- 
ça  à  chanter  le  Victime  In  exrruljrael de  ^4E^ypto .  puis  s'arreila  deuant  la  priiondcla  Pfeau.i«4- 
conciergerie,cnant,Mes  frères, efperez  en  Iefus  Chrift:  mettez  en  luy  voftre  efpcran- 
ce,&  de  rien  ne  vous  efbahifiez.ray  parlé  de  vous  au  fécond  Prefident,luy  dii'ant  les  ca- 
lamitez  où  vous  elles  détenus  pour  les  longs  délais  de  iuftice:  &:  m'a  promis  vous  expé- 
dier en  brief.mes  freres,ie  vous  di  A-dicu.Ie  m'en  vay  à  Dieu, qui  eft  mon  Pere  &  le  vo  j.^1^ 
ftre.Pricz-lc  auec  moy, qu'il  m'en  face  lagrace.    Madame  la  conciergerie  vous  mercie 


QommentiULoy  des  fix  Articles 


des  biens  que  m'auez  faits,&:  vous  recommande  les  poures  prifonniers,  que  vous  leur 
l'oyez  douce. Puis  monta  deifus  vnecharette:&  forçant  du  palais,  commença  ceci,Ocw- 
los  habent  &  non  videbunr.aures  habent  &  non  audient.&C  achcua  l'on  Pfèaume  îufqu  a  ce  qu'il 
fuft  paruenu  au  lieu  de  faintt  André .  où  eftant,on  luy  voulut  faire  demander  pardon  à 
Dieu,  à  noltre  Dame,&:  à  la  Iuftice.il  demanda  pardon  à  Dieu  &:  à  la  Iuftice:  mais  il  dit 
qu'il  n'auoit  en  rien  ofTenfé  la  vierge  Marie  :  &  là  ou  il  n'y  a  point  d'orrenfe,  il  n'y  faut 
point  de  pardon.  De  là  rut  mené  à  faincïc  Liège ,  &:  le  long  du  chemin  ne  cellà  de  prel- 
cher,s'eriouilîànt  qu'il  mouroit  pour  Chrift ,  puis  qu'il  cftoit  mort  pour  luy .  Lors  vit 
Huilficr  dit,Touchc,touche,c'eft  trop  prefehé.  Auquel  il  dit  telles  paroles,  Qui  eft  de 
ican  8.^7.  Djcu,il  oit  volontiers  parler  de  Dieu. En  palîànt  pardeuant  vne  image  nommée  noftre 
Dame,beaucoupdegenscrioyent  après  luy,  l'iniuriant  grandement,  de  ce  qu'il  ne  la 
laluoit  point,&:  qu'il  inuoquoit  feulement  Iefus  Chrift  ,6c  non  point  la  vierge  Marie. 
O  uoy  voyant,dit  à  haute  voix,Ie  te  prie  Seigneur  Dieu,  ne  vouloir  permettre  que  ie  re 
cîame  autre  que  toy.En  la  place  duiupplice  voulant  donner  à  cognoiftre  la  caufe  de  fa 
cohdânation,ne  luy  fut  permis  par  les  Huilîlcrs  &c  fergeans,  ains  fut  poulie  par  le  bour- 
reau quali  per  terre  :  6c  en  dcfcendant,dit,  Meilleurs, ie  meurs  pour  î'Euangile  de  Iefus 
Chrift  &  pour  là  Parole.il  voulut  parler  plus  à  plcin:&  commença  en  cefte  force,Chre- 
ftien,efcoute-moy.  mais  derechef  les  Huifficrs  &:  fergeans  rirent  vn  tumulte,  crians  au 
bourreau, Defpefche,defpefchc,qu'il  ne  parle.plus.  Commentait  le  patient,ie  veux: 
monftrer  que  ie  ne  meurs  point  heretique,mais  Chrefticn.  ne  me  fera-il  point  permis? 
Lefquels  dirent  que  non.  A.Helas,pourquoyjLors  parla  à  faureille  de  ce  petit  Carme, 
lequel  il  auoit  n'aguercs  conuerti.Puis  le  bourreau  le  print,  &  le  fit  monter  à  l'cfcrielle. 
Là  il  le  mit  à  pricp,  Seigneur ,  vien  à  mon  aide,  &:  ne  tarde  point,  ne  defdaigne  point  F- 
StatspleT  œuurc  de  tes  niains.  pardonne  à  ceux-ci:  car  ils  ne  fauent  qu'ils  font .  Mes  freres,mef- 
nes  d  dfi-  rieurs  les  efcoliers,ie  vous  prie  eftudiez  en  I'Euangile  :  il  n'y  a  que  la  parole  de  Dieu  qui 
"cc-  demeure  éternellement.  Apprenez  à  cognoiftre  la  volonté  de  Dieu.Ne  craignez  ceux 
qui  n'ont  puiflance  que  fur  le  corps,  &:  n'ont  point  de  puifTance  fur  lame.  ^~Sur  la  fin  il 
dit ,  Cefte  chair  bataille  merucilleufemcnt  contre  l'efprit  :  mais  i'en  feray  incontinent 
de  lpouillé.Seigneur,cn  tes  mains  ie  recommande  mon  ame.Meflîeurs,priezDicu  pour 
moy  :  &  fouuent  recita  cefte  prière ,  Seigneur  mon  Dieu, en  tes  mains  ie  recommande 
mon  ame.Or  le  bourreau  luy  donna  la  fecouric  pour  l'cftranglcr ,  &:  ainli  rendit  l'efprit 
au  Seigneur:&  le  corps  puis  après  fut  confumé  par  feu,felon  le  contenu  de  lafentence. 

HISTOIRE  de  U  Loy  des  fixartnles  publiée  en  Angleterre:  &  comment  les  yniuerjîre^  s  accor- 
dent à  perfecuter pur  articles  la  veritéi&1  introduire  ÏInyuifîtion. 

'ANTECHRIST  eftantvcnu  comme  au  bout  defonroolle,  tend 
de  nouueaux  filets  pour  furprédre  les  fidèles .  C'eft  que  par  fes  fuppofts  les 
Théologiens  des  vniueriitez  renommées, prefque  en  vn  mefme  temps  for 
ge  des  ajticles  &:  determinatiôs  magiftrales  :  comme  n'aguercs  à  Louuai  n 
pour  affligerle  pais  bas  de  l'Empereur  :  &  maintenant  en  Angleterre  par  la  Loy  des  rix 
Ai  ticles:&:  tantoft  après  en  France  par  les  Sorboniftes  de  Paris ,  comme  nous  déclare- 
rons en  fon  lieu.  Et  tous  ont  fait  authorizer  leurfdits  articles  par  puilfances  fouuerai- 
nés ,  pour  couper  broche  à  toutes  répliques  Se  difputes ,  par  lesquelles  leur  afnerie  au- 
tant impudente  que  cruelle,n'eft  que  pàr  trop  defcouuerte  &  diuulguee.  On  ne  pour- 
roit  autrement  cognoiftre  la  fource  des  perfecutions  qui  font  aduenucs,ne  celle  qui  fe 
dre/îà  horrible  en  cc  teps  en  Angleterre  après  la  mort  de  Cromel,ri  on  n  e  dit  ici  quelq 
chofe  de  laLoy  des  rix  Articles,&:  des  Inquiriteurs  ordonnez  fur  icelle,à  la  pourfuitteôC 
inftance  des  Euefques  &:  Abbez  dudit  pais.  Or  pour  le  déduire  de  fon  premier  cômen- 
cemcnt,elle  fut  premièrement  propofee  aux  Eftats  du  pais(qu'on  nomme  Parlement) 
en  l'an  m.d.xxxix,  lors  que  ledit  Cromel  cftoit  détenu  prifonnier  en  la  tour  de  Lô- 
drcs.Et  combien  qu'il  y  euft  grande  répugnance ,  tant  y  a  que  finalement  les  aduerfai- 
res  de  la  vérité  furent  les  plus  forts.&:  obtindrent  cefte  Loy  languinaire,qui  fut  nômee 
La  Loy  des  des  rix  Articles  qu'elle  contient,comme  areft&  ordonnance  dernière  de  ce  qu'il  faut 
lit  articles,  croire  fur  peine  de  la  vierdefquels  articles  la  teneur  s'enfuit: 

i .  Que  fous  la  forme  du  pain  &  du  vin,le  vray  &c  naturel  corps  de  Iefus  Chrift  eft  ain 
il  contenu,qu'il  ne  demeure  aucune  fubftance  au  pain  &  au  vin,&c.  1 1 .  Que  prendre 

la 


a  eftérnifè  en  Angleterre^,  ixm 

la  Ccne  entière  &  fous  les  clcux  cfpeccs,ne  fait  ne  pour  le  falut  de  1  ame:veu  qu'en  cha- 
cune d'icellcs  Ielus  Chrift  entier  eft  contenu  .  1 1 1 .  Qu'aux  Preftres  il  n  cil  loifible 
de  contracter  mariage,  un  .  Que  les  vceuz  de  chaftetc  vue  fois  faits,  doiucnt  nc- 
cefTairemcnten:reobferucz&:  gardez, &c  v  .  Item,  les  Me/Tes  priuecs  retenues  &: 
gardées  en  l'eglife .  v  i .  Que  la  confeffion  auriculaire  des  péchez  faite  au  Prcftre, 
doit  eftrc de  neceiîité obferuee &:  entretenue. 

C  e  s  t  e  Lov  des  fix  Articles  denonçoit  peine  de  mort  corporelle  a  tous  ceux  qui 
tranlgreflcroyent  le  moindre  d'iccux:de  forte  qu'à  bon  droit  on  peut  dire  quelle  a 
pluftoft  efté  eferite  de  fang  que  d'encre:auflî  plusieurs  la  nommèrent  Loy  homicide  &: 
languinaire.  Les  autres  l'appelcrét  efeourgee,  ou  fouet  à  fix  cordes:  car  non  feulement 
elle  a  allumé  les  grans  feus  par  toute  l'Angleterre ,  mais  aufïî  a  efté  caufe  que  plusieurs 
exccllens  personnages  ont  abandonne  le  pais  pour  fauucr  leur  vie. 

De  p  v  i  s  que  celte  Loy  fut  publiée,  on  ordonna  quant  &:  quant  des  Inquifitcurs  inquiiï- 
pourlagarder.&commelamaiftreflc  eftoit,aufli  pareils  (eruiteurs  furent  choi/is.  Car  J5urJ  cn 
au  nombre  &:  cn  l'ordre  d'iceux  Inquifiteurs  nul  n'eftoit  admis ,  qui  ne  fuft  totalement  S  C  '* 
ignorant  &:  contraire  àlafaintteEfcnturc,  voire  &:  qui  ne  portail;  haine  mortelle  aux 
prefeheurs  Euangeliques.  On  en  trouua  allez  de  tels,  fur  tout  en  la  ville  de  Londres, 
pour  adminiftrer  ceft  office: lcfquels  eftans  d'vne  nature  fort  inhumaine,  ont  rendu  la- 
dite Loy  beaucoup  plus  cruelle  qu'elle  n'eftoit.  Car  non  contens  du  contenu  de  ces  fix 
Articles,ils  eftendirentleurinquilîtion  en  plufieurs  branches  (  ainfi  appcloyent-ils  les 
dependences  d'icelle  Loy.)  Car  on  vint  iufques  là,qu'en  ladite  Inquilition  on  prece- 
doit  non  feulement  contre  ceux  quimanifeftement  auoyent  tranlgrefle  aucun  de  ces 
fix  Articlcs,ou  qui  publiquement  contredifoyent  à  laMeffe:mais  aufll  contre  ceux  qui 
peu  fouucnt  la  frequentoyent,combien  qu'ils  ne  fufi'cnt  autrement  contraires .  Bref, 
il  n'eftoit  pas  feulement  queftion  de  ceux  qui  nioyent  l'hypoifafe  du  corps  &:dulang 
au  Sacrement-mais  contre  ceux  aufli  qui  n'cfleuoyent  les  mains  iointes,  qui  ne  frappo- 
yent  leur  poictrine ,  &c  qui  ne  regardoy  ent  de  leurs  yeux  le  Sacrement ,  lors  que  le  Pre- 
ftrel'cfleuoit.Item, contre  ceux  qui  rarement  ou  négligemment  alloycnt  au  temple, 
ou  quienyentrantneprcnoyent  l'eau  confacrec  ou  bénite  (  qu'ils  appclent)  :  quililo- 
yent  la  Bible:qui  donnoyent  femblant  de  quelque  mcfpris  des  Préfixes, ou  des  images, 
&  de  chofes  femblablcs,qui  eftoyent  des  dependences  defdits  fix  Articles. Mais  qu cft- 
il  befoin  en  ceci  multiplier  paroles?L'erfc&  a  monftré  que  ces  Inquifitcurs  ont  eftendu 
fi  auant  les  branches  de  ceft  arbre  pernicieux ,  qu'incontinent  après  la  publication  d'i- 
celle^ grand' peine  fe  trouua-il  vn  feul  prelchcur  qui  ofaft  parler  contre  l'authorité  du 
Pape(  laquelle  neantmoins  eftoit  abolie  par  edicts&  ordonnances  publiques  duRo- 
yaume)fans  eftre  cnucloppé  &c  empeftré  entre  les  filets  de  ces  fix  Articles:  de  forte  qu  - 
ily  cn  eut  en  peu  de  temps  plus  de  cinq  cens  accufez,defquels  les  vns  furent  emprifon- 
r.cz  &:  meurtrisses  autres  en  dangentous  généralement  curent  crainte  &:cfpouuante- 
ment .  Et  n'euft  efté  que  le  feigneur  Audlé  chancelier  du  Royaume,pour  l'amour  qu'il  dû- 
portoit  à  fheureufe  mémoire  de  feu  Cromcl,s'oppofa  aucunement  aux  fraudes  &:  aftu  Angkirre 
ces  des  Ecclcliaftiques,la  plus  part  de  ceux  qu'on  aceufoit  euft  cité  mile  à  mort .  Car 
tant  eftoit  grande  &:  roide  la  fureur  de  cefte  Inquilition ,  que  fi  feulement  on  trouuoit 
deux  tefmoins,qucls  qu'ils  fulfen  t,qui  accufalTent  aucun  d'auoir  mal  parlé  de  la  Meiîb, 
la  condamnation  incontinent  s'enfuiuoit:&:  ne  profitoit  de  rien  à  ecluy  qui  eftoit  accu- 
fé,d'allcguervneconfcifion  de  foy  accordante  au  Papifme,  ou  de  reprocher  fes  accusa- 
teurs: car  foy  eftoit  adiouftee  à  tout homme,comme  en  cas  de  lefe-maieftc.On  dit  mef 
mes  que  plufieurs  de  ceft  ordre  ecclefiaftique  Papal  aceufoyent  l'vn  l'autre  par  enuie 
&  maluueillance:&  n'eftoit  queftion  que  d'auoir  à  gages  des  tefmoins  apoftez,  pour  fe 
venger  &  faire  mourir  ceux  qu'on  auoit  en  haine.Cesïnquifiteurs  commencèrent  leur 
tragédie  par  petis  compagnons,  pour  procéder  puis  après  contre  les  plus  grans  du  Ro- 
yaume,comme  nous  verrons  au  difeours  de  cefte  hiftoire: 

ICHARD    MEKYNS,  ieune  garçon,  aagé  enuiron-de  quinze 
ans,eftant  en  compagnie  d'aucûs  de  la  cognoûTance,  ouit  quelque  propos  M.D.XLI. 
touchant  le  Sacremcnt-&  depuis  ne  fe  peut  tenir  qu'il  n'en  parlaft .  Dont 
il  fut  aceufé  deuant  l'euefque  de  Londres  EdmondBoner,&  peu  de  temps 
après  cité  deuant  ceft  Euefque,comparut,  &c  receut  incontinent  condamnation .  Lç 


Liurcj  11-  LInquîfitïon  ctzAngleterre:  Cjittej  Titteman. 

cœur  de  ccft  Euefquc  ne  hic  encore  ailouuy  pour  cela, mais  ne  fit  point  difficulté  de  cô- 
damnerau  feu  ce  ieuneenfant  ,qui  àgrand'pcinc  auoit  encore  quelque  diferetion  ou 
internent.  Au  relle,ccfte  cruauté  fi  bouillante  rendit  Boncr  tort  odieux. Le  peuple  pen 
loït  que  ce  fuft  pluftoft  l'office  d'vnEucfqucdc  fauuerla  vie  à  vne  telle  ieuncilecn  quel 
que  forte  que  ce  fun\que  de  mener  lî  cruellement  la  chofe:  veu  mefme  qu'il  y  auoit  ap- 
parence de  grande  (implicite  en  luy,  à  caufe  de  Ion  bas  aage. 

l&T^r^  '-   N  V  I  R  O  N  ce  temps-la  vn  peintre  nommé  I  e  a  n  ,&vn  AIcmâ  nom- 
'  \nt™  '    vl  IlSll^  nié  Gilles,  furent  acculez  pour  la  Religion .  &  ainiî  qu'ils  eftoyent  de- 
ou"  es,  S  F%Ml  uant  rEucfqucôc les  luges  pour  défendre  leur  caufc,làfuruint  dauenture 
*  a"  ^'cE  d  K'Œ^  ^  vn  officier  du  Roy  nommé  L  a  n  c  e  lot,  homme  de  fortgrande  ftature, 
lot.        ^jJuxc:^  mais  encore  plus  excellent  en  pieté  &  vraye  Religion  ,  que  non  point  en 
force  de  corps .  Ainfi  qu'il  elloic  là  prefcnt,il  monftra  femblant  par  fa  façon  de  faire  &c 
contcnance,de  porter  faueur  à  ces  deux  perfonnages&:  à  leur  cauic.parquoy  il  fut  exa- 
miné auec  eux ,  U  empoigné  :  &c  le  lendemain  on  le  mena  cnuiron  les  cinq  heures  du 
matin  au  champ  Éunâ  Gilles ,  où  il  fut  brufle  auec  les  autres  :  &:  peu  de  gens  eftoyent 
prefens  à  les  voir  brifiler. 

^r^V^  I  C  H  A  R  D  Spenfcr  cftoit  de  la  contrée  de  Cantabrigc,&  Preftre.  Ice- 
SIM/^  luy  quitta  la  religion  des  Papilles,  &fc  maria  :&c  trauailloit  de  les  mains 
P  pour  gagner  l'a  vie.  Auec  cela  il  eftoit  foufpeçonné  d'auoir  quelque  con- 

r  fef^X  traire  opinion  touchant  l'Euchariftie .  Il  tut  donc  allailli  par  ceux  de  l'in- 
quilition  delà  Loydeslix  Articles,  &:  finalcmét  condamné  à  lamort,&enuoyé  au  feu. 
On  l'exécuta  àSarilburc:  &:  auec  luy  André  Hvet  tutauffi  bruflé,  l'an  m.  d  .  x  l  i, 
pour  vne  mefme  caufe  ,&:  par  les  mefmes  ennemis. 

'A  N  fuiuant,qui  cftoit  m.  d.  x  l  i  i.Ican  Longland  euefquc  de  Lincolnc, 
fit  crucllemc  t  brufler  deux  hommes  en  vn  mefme  iour,  aflauoirl  a  clv  e  s 
Morton  ôjThomas  Bernar  d  :  l'vn  d'autant  qu'il  auoit  enfeigne 
à  vn  autre  Toraifon  Dominicale  en  laguevulgaired'autre  pource  qu'il  gar- 
doit  l'epiftre de  S.Iaques,traduitc  aufli  en  vulgairc,pour  l'on înftruction. 
^Sftfj  ^  ^  ^  QJVr  E  en  ce  mefme  temps  I  ean  Portev  r,  coufturicr,eftant 


encore  bié  icune  &C  en  la  fleur  de  l'on  aagc,fut  cnuoyé  en  la  pnl'on  de  Ncu- 
Pgl  %f$§k  g^t  par  Boncr  euefque  de  Londres, feulement  pour  auoir  leu  dedans  la  Bi- 
WMfSl  blc  au  tcmPlc  °-c  *"ainc*  Pauhdedans  laquelle  prifon  ce  cruel  Euelque  le  fie 
longuement  languir  &:  miferablement  mourir,ran  m.d.xlii. 


M  D  XL]. 


M  D  XLU 


Les  œil  tire  s 
aulquelles 
Gilles  s  a- 
(Jo.inoic. 


GILLES    T  I  L  L  E  M  A  N,  Bruxellois. 

Il  n'y  aura  celuy  qui  ne  prenne  plaifir  &  inftruc'tion.oyant  le  dilcoursde  la  vie  &  de  la  mort  de  ce  Cilles:  car  outre  le  récit  d'vne 
intégrité  grandc.ily  a  aulsi  dodiiuc  lo'ide  poi;r  eftrc  inOruit.combicn  qu'il  ne  fuft  homme  de  lettres.  Le  te  ut  nousa 
cfté  iufjftfarnincnt  telmoigné  p.ircfcrits  véritables  &  dignes  defoy. 

N  rhiftoire  de  Iuftc  Iufberg ,  corne  dépendante  de  la  perfecution  de  Lou- 
uain,  mention  a  efté  faipe  de  Gilles  Tillcman  compagnon  dudit  Iufberg, 
tant  és  liens  de  Bruxelles, qu'en  la  confefîion  d'vne  melme  doctrine .  Ce 
'jyi  Gilles, combien  qu'il  fuft  de  petite  maifon  de  Bruxelles,  lî  auoit-il  acquis  fà 
ueur  de  beaucoup  de  perfonnes  de  qualité.  Il  auoit  pafîe  le  cours  de  fa  vie  fans  repro- 
che,cftant  adonné  à  faire  plaifir  à  vn  chacun,  iufqu  a  trentetrois  ans,  dedans  lequel 
temps  homme  ne  fe  plcignit  iamais  d'auoir  receu  iniurc  de  luy  en  aucune  rmnien  :rac 
eftoit-il  débonnaire .  il  cedoit&:  quittoit  plyftoft  defon  droid  que  de  deb.urc,;uin  d'- 
entretenir toujours  concorde  &:  charité  digne  d'vn  Chreftien  enceftevie.  Il  citoitdc 
l'on  meftier  couftclier,&:  s'eftoit  adonné  à  ceft  art  pour  euiter  oifiueté,&:  gagner  la  vie 
de  ion  propre  labcur.car  il  difoit  que  c'eftoit  chofe  deshonnefte  à  vn  homme,  de  pa/Ter 
fa  vie  oifiuement  envolupté,ou  viure  defordonnémentdes  chofes  acquifesparautruy. 
Il  employoit  ncantmoins  la  moindre  partie  du  temps  à  fon  meftier .  car  la  plus  grande 

eftoic 


Cjil/e*  Tilleman,de  'Bruxelles.  ioj 

eftoit  par  hiy  employcc  àvifîter  les  malades,tbulager  les  poures,accorder  Jesbourgcois 
qui  auoyent  entre  eux  quelque  dilfenfion .  Et  ia-foit  que  la  plufpart  du  temps  fuit  par 
luy  colloquce  à  exercer  les  offices  de  vraye  charité  entre  fes  prochains,&:  que  pour  ion 
meftier  il  ne  referuaft  que  bien  peu  d'heures  du  iour ,  il  cft  împolfible  de  dire  combien 
Dieu  beniiToitâc  multiplioitlc  fruidde  fontrauail .  Tout  ce  qu'il  gagnoit  de  ion  art,il 
en  diftribuoit  vne  grande  partie  aux  poures:&  quant  à  luy,  il  viuoit  fort  petitcmen  t,&: 
ne  dcfpendoit  preique  comme  riempar  tel  moyen  s'acquerant  l'amour  du  peuple.  Les 
gens  de  bjen  de  la  ville  de  Bruxelles rinuitoyent,&:  cftoyent bien aifes de prel'enter 
leurs  biens  à  ion  commandement. Souuentauin  luy  donnoyent  quelques  prefens:  Ici- 
quels  s'il  prenoit,ce  n'eftoit  que  pour  en  ibulager  quelque  poure  qu'il  cognohfoit.  De  Gilles  di- 
cefte  faucur  des  citoyens,^  des  biens  qu'il  auoit,il  n'en  vfoit  point  à  ion  profit  particu-  ftribue  aux 
lier,mais  tout  au  profit  de  fes  prochains.il  auoit  à  Bruxelles  fon  boulenger  propre,  ion  [umoînes 
cordonnier,foncoufturier,fon  apoticaire.de l'vn  ilprenoit  du  pain  pour  distribuer  aux  desrickj. 
poures,de  l'autre  des  fouliers  pour  chauffer  les  necefliteux ,  des  robes  pour  veftir  d'hy- 
uer les indigcns,des médecines  pour fubuenir aux  poures  foufïrcteux  .malades  ."Voila 
quant  à  fa  charité. 

Dira  Y-ie  maintenant  de  la  pieté  &£  crainte  deDieu  qu'il  auoit,de  laquelle  il  eftoit 
plus  renommé  que  de  toutes  fes  autres  vertusîTout  fon  principal  loin  eiloit  à  s'enqué- 
rir de  la  doctrine  de  l'Euangile  :  à  laquelle  lire  &:  méditer,  eniémble  en  lmuocation  de 
Dieu &c  pncrc,il  auoit  tant  profit c,&  eftoit  ii  ardent, que  fouuentcfois  fes  amis  le  trou- 
uoyent  à  genoux  priant  &z  comme  raui  hors  de  foy-mefme:  tât  il  auoit  les  forces  de  ion 
ciprit  ententiucs  &  fichées  à  fa  prière. De  fauoir,il  en  auoit  autant  qu'il  luy  en  eftoit  be 
foin  à  lire  iiures  imprimez  en  fa  langue  &c  aies  entendrc:d'autrcs  grandes  feiences,  il  n 
en  auoit  point.^  Enuiron  le  temps  que  la  perfecution  (dont  nous  auons  parlé  ci  deuât) 
fut  ii  afpre  au  pais  de  Brabant ,  il  aduint  qu'en  la  ville  de  Bruxelles  on  voyoït  quclq  ap- 
parcncc  &  commcnccmct  de  pefte  &c  de  famine.  Gilles, qui  auoit  toufiours  furpaifé  en 
lacraite  de  Dieu  &:  amour  entiers  fon  jpchain  to9ccux  quienicelle  villc,&:  mefmes  en 
tout  le  pais  auoyent  renom  d'eftre  Chreftiens  &  charitables ,  d'vne  vertu  admirable  ££  La  ferneur 
merueilleufe  eonftancefevainquitfoy-mefme,lors  qu'on  eftoit  en  grande  difficulté  de  <fc  v«ye 
viures,&:  beaucoup  depouresgens  en  grande  angoiifc.Adonc  il  vendit  quelque  bien  à  ctc^p7dc 
l'encan,duquel  il  fit  vnc  fomme  de  deniers,ôé  la  defpendit  en  ce  temps  de  famine  à  fou  perieeutio . 
lager  les  poures,les  malades  &:  autres  foufFreteux  .  Il  ne  fe  pafToit  iour  qu'il  n 'allait  aux 
lieux  publics  de  la  ville,ou  il  les  penfoit  peftiferez ,  &:  qu'il  ne  leur  fubuinft  en  leurs  ne- 
ceiîitcz.  Il  retiroità  ia  maifen  les  eftrangcrs,les  poures,  finguliercmcntles  malades:il 
les  nourriiîbir,les  foulagcoit,lcs  feruoit,iufqu  a  ce  qu  ayans  par  la  grâce  de  Dieu  recou- 
uré  leur  fanté,ils  retournaiî'.nt  à  leur  trauail.&  nefailoit  pas  office  feulement  de  fubuc 
nir  aux  corps, mais  ipecialement  aux  ames,les  inftnufans  en  la  doctrine  de  IefusChrift, 
&:  les  enfeignant  auec  grande  efficace  de  paroJes,qu'ils  ne  fe  deuoyet  point  fier  aux  ceu  f*™,^" 
urcs,&:  que  c'eftoit  paria  feule  mifericorde  delefus  Chriit  qu'il  leur  faloit  cftrefauuez:  6s  de  G.;: 
que  la  gradeur  du  péché  auoit  eité  tclle,que  l'ire  de  Dieu  ne  pouuoit  eftre  appaifee  par 
autremoyenque  parle  facrifice  du  propre  Fils  de  Dieu. D'autre  part,  q  l'amour  &  cha- 
rité  de  Dieu  auoit  cfté  fi  grande  cnuers  le  genre  humain,  qu'il  auoit  bien  daigné  cnuo- 
yer  fon  Fils  en  ce  mondc,afin  que  par  fon  fang  tous  nos  péchez  fuifent  laucz,&:  que  par 
fon  facrifice  il  fiit  accord  entre  Dieu  &c  nous ,  &c  nous  fiit  héritiers  du  royaume  celeite. 
Bref,il  annôçoit  d'vne  grade  eificace',La  mifere  de  noftre  nature,  L'horreur  du  péché, 
La  mifericorde  de  Dieu, La  milice  de  la  foy,&  la  vie  éternelle.  Plufieurs  ayans  cité  par 
luy  inftruits  en  cefte  lumière  de  l'Euangile ,  fe  retirèrent  au  pais  circonuoiiin,  &:  ont 
commencé  à  cfpandre  &:  femer  ce  qu'ils  auoyent  apprins  de  luy:  en  forte  que  la  doctri- 
ne de  falut  print  grand  accroiffenient  au  pais  de  Brabant.  Mais  comme  la  vertu  de  ceit 
homme  a  toufiours  eité  reluifante,auffi  n'a-ëllepas  eu  faute  d'aceufateurs,  qui  tafehaf- 
fcntàladeftruire.  Entre  autres  il  y  eut  vnfuppoft  de  l'Antechrift,  curé  du  temple  qu'-  Le  curé  de 
on  appelé  la  Chapelle,à  Bruxellesdequel  accufaGilles  au  Procureur  gênerai. Qui  vou-  £ 
droit  raconter  les  mefehans  tours,les  blafphemes,&:  les  horribles  faicts  de  ce  loup  abo-  XCU£S 
minablc,il  ramafferoit  vn  retrait  de  toute  vilenie  &  ordure,indigne  d'eftre  nômé  entre 
les  homes  .celoup,di-ie,cômença  à  crier  contre  luy  tât  en  public  qu'en  priué:  à  iurer  &C 
appeler  le  ciel  &:  la  tcrre,q  fi  ceft  home  n'eftoit  ofté  par  mort,  en  bref  temps  tout  le  pais 

f. 


LiurcjII.  Gilles  Tilkman,dc~>  Bruxelles. 


{'croit  de  Ton  opinion. Il  fut  donc  incontinent  appréhende  en  la  fureur  de  la  perfecutiô 
fthu? Cr°  ^ *a c^olt allumee.Or eftant en prifon,il n'eftoit pas oilifmais confoloit & inftruifoit 
foncier?    les  pouresprifonniers,en  forte  qu'il  lembloit  y  auoir  efté  amené  par  vnc  grande  proui* 
denec  de  Dieu, afin  d'enfeigner  les  poures  gens  en  la  crainte  d'iccluy.  Mais  pour  veni* 
àl'iiTue  heureufe  que  le  Seigneur  donna  à  Gilles:les  adueriaires,comme  il  a  efté  dit,  ne 
ce/îerent  de  pourfuiure  la  mort  de  Gilles,tellcmét  que  certain  temps  après  la  mort  de 
Iuftc  Iulberg,les  fergeans  à  l'inftance  du  Procureur  gênerai  vindrent  en  la  prifon  qué- 
rir Gillcs,pour  le  mener  au  iugement.Si  toft  qu'il  fut  au  lieu  ordonné,ce  Procureur  gc- 
neraJ,qui  eftoit  fa  principale  partie, commença  à  parler  en  celte  forte:  le  demande  ta 
"  On  nome  v^c^- ccs  biens:  car  tu  as  forfait  contre  le"  placart  de  l'Empereur.  Gilles  refpodit,Vous 
lesordon-   auez  ici  fur  le  champ  &£  l'vn  &:  l'autre: il  cft  en  voftre  puiifance  d'en  faire  ce  qui  vo9fcm- 
nd.nccbsdsu    blera  bon. Tu  es  heretique,dir  le  Procureur,&  par  confequent  digne  de  mort.  là  Dieu 
plïcm*'    ncplaife,dit  Gillesje  fuis  Chrcfticn  :  &  ne  veux  faire  profeflïon  d'autre  Religion  que 
de  celle  de  Chnft .    Lors  ils  tirèrent  fa  confcflion  hors  d'vn  fac,  &  la  leurent  en  fa  pre- 
fence.  Apres  qu'il  l'eut  toute  ouye  patiemment,  ils  luy  commandèrent  de  fe  defdire  de 
tout  ce  qui  eftoit  contenu  en  icclle,commc  mefehant  &:  hérétique.  le  n'ay  rien  ouy  en 
icelle,leur  dit-il,que  bonnes  &c  hôneftes  fentences:  &  ne  fcroit  pas  iufte  ne  raifonnable 
de  les  blafmer  feulement.&  quand  ie  le  voudroye  faire,vous  ne  le  deuriez  pas  endurer, 
toutefois  fi  vous  penfez  qu'il  y  ait  quelque  choie  qui  foit  contre  la  vérité,  ie  vous  prie  q 
vous  me  donniez  cognoilfance  de  ma  faute ,  félon  celle  charité  dont  doiuent  vfer  les 
Chrcftiens  les  vns  enuers  les  autres.  Vous  cognoiftrez  que  ie  feray  attentifs  preft  à  re 
ceuoir  toute  bonne  doctrinc:carie  fuis  homme, &  peux  faillir.  ^  Apres  cela  l'interro- 
guerent  de  plufieurs  chofes,  aufquelles  il  refpondoit  auec  grande  grauité  &c  fingulierc 
Rcfponfes  rnodcftic,en  forte  qu'il  ne  fe  deftournoit  point  de  la  vérité ,  &:  n'irritoit  pourtant  beau- 
dc  Gilks.    COUp  ies  efprits  dcs  luges. car  il  eftoit  de  telle  douceur,que  les  aduerfaires  mefmes  efto- 
yent  contraints  l'auoir  en  admiration. 

Apres  que  Gilles  eut  rcfpondu  à  toutes  leurs  demandes ,  &:  qu'ils  ne  peurent  rien 
trouuer  en  tous  fes  dits  &:  faits  qui  fuft  digne  de  reprehéfiomtant  s'en  faut  qu'ils  y  trou- 
ualfent  que  reprendre,  que  lors  comme  conuaincus  en  leur  propre  confcience,  le  firet 
remener  en  prifon  fans  rien  faire.  Cependant  les  loufflets  de  Satan  ne  celèrent  de  ma- 
chiner,implorer  l'aide  des  grans  contre  vn  poure  homme ,  prcfTer  les  luges  de  le  faire 
mourir  fans  différer  plus  longuement:Car  li  le  peuplc,difoyent-ils,le  voyoit  dcliuré,(a- 
chant  qu'il  eftoit  détenu  pour  herefie ,  non  ièulemét  il  fera  renommé  par  tout  comme 
iuftifié,mais  aufTi  fera  magnifié  par  le  peuple  comme  quelque  faind .  Les  luges  adonc 
efmeus  de  ces  illulions  de  Satan  ,  firent  venir  encore  derechef  Gilles  en  iugement .  &: 
luy  demandèrent  s'il  ne  fe  vouloir  pas  defdire  des  herefies  qui  eftoyent  contenues  en 
celle  qu'il  aduouoit  pour  fa  confelïion  de  foy ,  &:  pour  lefquelles,  félon  lesloix  del'Em- 
pcreur,il  meritoit  d'eftre  priué  &  de  fes  biens  &  de  fa  vie .  A  cela  il  leur  refpondit  de  la 
mefme  grauité  &:  confiance  que  deuant ,  le  vous  di  l'autre  iour  que  tous  les  deux  efto- 
yent en  voftre  puiilance:  prenez-les  tous  deux,  &C  en  faites  ce  que  vous  aduiferez  eftre 
au  falut  de  la  Republique. 

Ils  luy  demandèrent  dauantage,  s'il  vouloit  auoir  vnaduoeat ou  vn  procureur 
pour  défendre  fa  caufe  en  iugemet,felon  la  couftume  de  la  Cour.  Il  leur  refpondit  qu'il 
ne  vouloit  d'autre  aduoeat  ou  procureur,que  celuy  qu'il  auoit  délia  aux  cieux,leFils  de 
Dieu, ferutateur  des  cceurs,lequel  fidèlement  meneroit  fa  caufe  deuant  le  Pere  celefte, 
luge  de  tous  les  Princes,  mais  entant  que  touchoit  la  caufe  prefente,  laquelle  eftoit  en 
cillcsayât  *eur  punTance,il  s'en  rapportoit  tant  feulement  à  leur  confcience .  qu'vn  chacun  d'eux 
efté  long    donques  regardait  en  foy  ce  qu'elle  leur  iugeroit  eftre  expédient  de  faire ,  &  profitable 
tlnu*  d    ^  ^a  RcPurjhque:&:  que  làns  autre  aduoeat  ou  procureur ,  ils  ordonnaient  &:  fuiuiiTent 
fonmer,  re  ce  qu'ils  auroyent  ainli  arrefté:Toutefois(dit-il)ie  vous  veux  bien  aduertir,afin  que  vo' 
monftrc    n'en  loyez  point  trompez,que  vous  ne  lauriez  euiter, quelque  chofe  quefaciez,q  vous 
ne  remportiez  de  celle  caufe  vne  grande  honte  &  blafme.Car  fi  vous  me  faites  mourir, 
vous  aurez  fait  mourir  à  tort  vn  poure  Chrcftic  n  &  innocent .  penfez  en  vous-mefmes 
quelle  enuie  &:  quelle  infamie  cela  vous  caufera  enuers  le  peuple:&:  quelle  condamna- 
tion au  iugement  de  Dieu.Que  fi  vous  me  lailTez  aller  abfous,pen  fez  derechef  quel  def 
honneur  ce  vous  fera ,  d'auoir  fi  long  temps  tenu  prifonnicr  vn  innocent ,  qui  n'a  touf- 
iours  tafché  à  autre  chofe  que  de  profitera  la  Republique .  Ayant  dit  cela,  comme  s'il 


filles  cnileman,(l<z_j  Bruxelles.  i 

euft  blafphemé,ils  ccmmandercnt  incontinent  qu'il  fuft  rcmené  en  plifoin 

La  difputc&  combat  qu'eut  Gilles  Tilleman  auec  deux  Cordcliers. 

"A  pri  s  difné  le  Procureur  général  manda  au  Concierge  qu'il  le  mift  à  part  en  quel- 
"  que  lieu  où  pcrlbnne  ne  peuft  parler  à  luy:&  vn  peu  après  vindrent  quatre  moines 
(deux  Iacopins  &:  deux  Cordeliers)qui  cftoyent  cnuoyezdes  luges  pour  examiner  Gil- 
les.on  les  mena  où  il  eftoit,&  les  laifla-on  tous  fculs  îuiqu'au  foir.  Gilles  raconta  puis  a- 
pres  àvn  certain  perfonnage  ami  fîclele,qui  eftoit  lors  en  la  prifon,ce  qu'ils  auoyent  fait 
auec  luv.Ils  luy  dirent  au  commencement  que  le  Procureur  gehcral  les  auoit  enuoyez 
pour  tenter  fa  confcience:pourtant  ils  le  prioyent  de  côferer  hbrem  ent  auec  eux,  &  de 
leur  dire  les  fecrets  d'icellc. Gilles  leur  refpôdit,  i\  ce  qu'ils  faifoyent  eftoit  de  chante  6c 
en  fimplicité ,  fans  aucune  intention  de  calomnie ,  que  cela  luy  viendroit  fort  à  plaifir. 
toutefois  que  quant  à  luy(Dicu  merci)il  n'auoit  aucun  trouble  de  confaence,&:  qu'il  a-  Rccit  de  u 
uoitapprins  vnedo&rinc  éspromeiTcsde  Dieu,laquelleluy  feruoit  grandement  en  Tes  ^^J^i 
angoiiTes:parquoy  n'auoit  aucû  befoin  ne  de  leur  doctrine, ne  de  leur  confolatiô.  Pour-  c^amc  " 
tant  quilles  prioit  bien  fort  de  ne  fe  donner  point  tant  de  peine,  ainsdes'en  retourner  qu««moi 
en  leur  conuent,iouyr  de  leur  loilïr  à  leur  aifc:le  laiflant  en  la  paix  &  repos  d  c  confeien-  ' 
ce  auquel  il  eftoit .    Car  quant  au  jugement  des  hommes,  il  auroit  défia  dit  aux  luges 
ce  qui  luy  en  fembloit,&:  qu'eux  en  feroyent  félon  qu'ils  verroyent  eftre  bon:  que  de  là 
part  il  obeiroit  volontiers  à  leur  jugement .  ^Ces  moines  ayans  entendu  clairement 
la  volonté  de  Gilles,  ne  s'en  voulurent  pas  aller  ncantmoins,ains  commencèrent  à  1-  L'imporcu 
importuner  par  ie  nefay  quelles  vaines  queftions:  comme  s'ils  eulTcntexpreifernent  ^Sncs 
efté  apoftezpour  troubler  l'cfprit  pailible  du  pourc  Chrcfticn.    Gilles  voyant  qu'il  ne 
pouuoit  tant  faire  auec  eux  qu'ils  s*cn  allafTenti     le  vous  prie  donques>dit-il,puis  que 
vous  voulez  demeurcr,de  vous  ieou  fur  ce  bâc,&  dire  vos  heures,  oit  faire  quelque  au- 
tre choie  qu'il  vous  plaira  :  quant  à  moy ,  ic  me  ferray  ici ,  fans  vous  empefeher  en  rien: 
auflï  ie  vous  prie  ne  m  cmpcfchcz  peint .    Mais  pour  cela  les  moines  ne  ceiferent  on- 
ques .  tant  plus  ils  voyoyent  qu'il  ne  prenoit  pas  plaifîr  auec  eux,  tant  plus  eftoyent-ils 
après  luy  pour  le  tourmenter  par  leurs  queftions.  Adonc  il  leur  dit,Puis  que  ie  ne  gagne  Lc  n„ 
rien  auec  vous,&  que  vous  ne  voulez  rien  fane  pour  moy ,  faites  tout  ce  que  vous  vou-  moyen  de 
drcz:criez  ii  vous  voulez  fi  haut  que  vous  en  foyez  enrouez ,  ie  ne  vous  refpondrav  plus  tJm 

?  i         /•  /-  i  \  *         moines  oc 

vn  feul  mot.&:  ainii  aduinc.  Les  moines  bien  raieriez,  commencent  a  crier,l  iniurier,  Y-  aducrfa.res 
appeler  hérétique .  Gilles  fc  tenoit  quoy,fans  dire  pas  vn  mot.  les  moines  enrageoyent  dc  vcrilé* 
de  defpit  qu'il  ne  leur  vouloit  refpondrc ,  &;  cependant  ne  ceilbyent  de  crier.  Sur  le 
foir  finalement  ils  tombèrent  fur  la  queftion  de  la  Cene  :  Nous  auons  etitendu,  dirent- 
ils,que  tu  n'as  bonne  opinion  de  la  Cene:&:  pourtant  nous  t'aduertifîbns  en  ce  poihety 
de  fuiure  la  doctrine  de  leglife  catholique.  Parquoy  ii  tu  veux  eftre  Chreftien,il  te  faut 
croire  indubitablement  que  le  vray  corps  de  Chrift  eft  prefent  au  facrement,auiîi  grad 
&  auiri  gros  qu'il  pendoit  en  la  croix, la  mefme  chair*  tout  de  meime  :  excepté  que  lors 
il  eftoit  mort,&:  le  preftre  le  baille  aux  hommes  tout  vif  à  manger .  (  fay  horreur  de  ré- 
férer leurs  paroles.)  Ils  adiouftoyent  la  raifon  :  D'autant,  difoyent-ils,  que  le  fang  eft 
contenu  dedans  lc  corps,  combien  qu'on  le  baille  feparément  aux  preftres  dedans  le 
calice:&  autres  tels  monftrcs  horribles  de  paroles ,  aufquels  vne  droite  ame  ne  fauroit 
penfer  fans  douleur.  ^  Gilles  voyant  la  gloire  de  Dieu  ainfi  foulée,  la  pureté  du  Sacre- 
ment profanée,  ne  fe  peut  tenir  qu'il  ne  leur  rcfpondift  en  cefte  forte:  le  m'eimerueil-  Note, 
le,  dit-il,  comment  vous  abufez  ainfi  fans  mefurc  du  temps  &:  du  loifir,&  cornent  vous 
parlez  fi  irreueremmentdc  choies  il  hautes.  Quelle  fureur  defordonnee  cft-ce  à  vous, 
de  retirer  Dieu  du  ciel,pour  l'cnclorre  fous  les  elemens  de  ce  monde  ?  Voulez-vous  en- 
fermer cefte  nature  diuine  &  punTance  fupreme  (laquelle  ne  fe  peut  comprendre  que 
par  fa  feule  Parole)&  tenir  liée  fous  aucune  efpece  de  créature  quelconque?  Ignorez- 
vous  que  Dieu  eft  inuifible  ?  qu'il  ne  peut  eftre  touché  de  mains,  &:  beaucoup  moins 
mâché  des  dents  ?  ce  que  vous  ne  pouuez  dire  fans  blafphemer,ne  moy  penfer  fans  hor 
reur.  ^"Cependant  que  ceci  fe  difputoit  d'vne  part  &  d'autre,  la  nuict  vint,&  l'obfcure- 
té  s'approcha  :  en  forte  que  les  moines  s'en  retournèrent  pour  ce  iour-la ,  ayans  afleZjà 
leur  aduis,dequoy  acculer  le  poure  Gilles.  ^~Le  lendemain  de  grand  matin  les  moines 
ne  faillirét  à  reuenir:&:  leur  difpute  fut  Des  bônes  œuuresrmais  la  queftion  n'eftoit  pas  Des  bcnnei 
entre  eux,  aHauoir  fi  les  bonnes  ceuures  des  gens  de  bien  eftovent  agréables  à  Dieu*  al,ur£S- 

f.n. 


L///ro  Tillemanjç^j  Bruxelles. 

s'il  leur  propofoit  quelque  loyer  ou  de  cefte  vie  ou  de  rercrnelle  :  mais  affauoir  fi  par 
le  mente  des  bonnes  œuurcs  nous  ne  gagnions  pas  la  remiflîon  de  nos  pcchez&la  vie 
eccrnelle.ee  que  niaGilles  ouuertcmcnt,&:  dit  qu'il  ne  recognoiflbit  autre  mérite  que 
çcluy  dcChriiljCeftc  fentence  fembla  hérétique  aux  mcincs,&  ne  peurent  ïamais  pat 
aucune  raifon  s'accorder  à  ccll  article. Oyez  maintenant  vue  craluloii  Se  ddloyauté  de 
Latraliifon  ces  hypocrites:Toutesfois&  quantes  qu'ils  departoyent  d'auec  Gilles>  ils  s'enalloycnt 
dev  menus.  jrojt  au  Procureur  gencial,&:  aux  autres  ennemis. la  ils  detiguroyent  la  caule  du  pourc 
homme,ils  corrompoyenr&  peruertifibycntpar  leurs  mcnlbngcs&  calomnies  tout  ce 
qu'il  k  urauoit  rci'pondu. Le  premier  iour,pourcc  qu'il  ne  leurauoitpointvoulu  refpô- 
drc,ils  lemerent  par  la  ville  qu'il  cfloit  pofî'cdé  d'vn  diable  muet ,  qui  l'auoit  cmpefché 
de  parler.  Le  fécond, ils  dirent  qu'il  auoit  vn  cfprit  de  blafphcme  dedans  le  corps, peur- 
ce  qu'il  n 'auoit  voulu  confcntiralcursblafphcmes  exécrables.  Quicfl-ce,ie  vous  prie, 
qui  poun  oit  contenter  ces  beftes  monflrueufesrSi  vous  ne  rcfpondcz point,  vouseftes 
poftedé  d'vn  diable  muet:li  vousrclpondcz,  d'vn  ei'prit  de  blafphcme .  ^  Le  troificme 
ibur  ils  vindrent  à  vne  nouucllequeftion,du  Purgatoire .    Ils  luy  demandèrent  s'il  ne 
toire1^3  croyoit  pas  qu'après  celle  vie  prelente  il  y  cull  vn  feu,  dedans  lequel  les  ames  des  Chrc 
ilicns  tullent  purgées  deuant  qu'élire  receus  en  la  gloire  éternelle.  Gilles- rclpondit  à 
c  ela, que  s'il  y  auoit  vn  feu  ou  non,qu'ilsy  aduifàlfcnt:  &  que  quant  à  luy, il  nioit  que  ce 
nom  fuil  cogneu  en  la  faincte  Efcriture,  ou  qu'il  y  euft  aucune  mention  du  Purgatoire, 
au  contraire,il  fe  difoit  élire  purgé  de  tous  les  péchez  au  fang  de  lefus  Chrift,&  fi  ailcu 
redcla  milcricorde  d'iceluy ,  qu'il  croyoit  &elperoit  aller  droit  en  Paradis, fans  palier 
par  aucun  feu  de  Purgatoire.Ceftc  relponfc  ne  contentoit  point  les  moines:  car  ils  vou 
lovent  qu'il  dift  fimplemcnt,  Il  y  en  a:ou  il  n'y  en  a  point. mais  Gilles  ne  leur  voulut  rc- 
fpondre  autre  choie  que  ceci, Si  vous  voulez  aller  en  vn  feu  de  Purgatoire  après  voflre 
mort ,  allez-y  :  îe  n'y  porte  point  d'empefchrmcnr  :  mefme  fi  ce  rcu-la  ne  vous  fcmblc 
point  allez  chaud,allcz  en  Enfer.quant  à  mov,qui  recognoy  mon  infirmite,quim'afreu 
re  que  tous  mes  péchez  me  font  pardonnez  pour  l'amour  du  Médiateur  lef  us  Chrifl, 
me  repofant  du  tout  en  la  mifcricorde  de  Dieu  :  ic  fay  bien  que  le  n'irav  îii  en  Enfer  ni 
en  vollrc  Purgatoire. mais  quel  bcfoin  efl-il  de  dilputer  de  ces  queftions  inutiles  &  plci 
nés  d'impietc,plus  auant.?    le  vous  prie  encore  derechef  comme  au  commencement, 
de  vous  en  retourner  au  conuent ,  vous  repofer ,  &:  ne  vous  donner  tant  de  peine,  ni  à 
moy  tant  d'alîîiclion. car  ce  trauail  ne  vous  apporte  nul  bien,&  me  caufe  à  moy  de  gra- 
des douleurs  &C  fafcheries  d'efprit,aucc  vos  queilions.  LaiiTcz  faire  au  Procureur  gêne- 
rai &c  autres  luges ,  ce  que  leur  confeience  leur  dira,  &:  qu'ils  verront  c  (Ire  bon  pour  la 
Rcpublique.Quclquc  choie  qu'ils  facent,  ils  n'y  auront  pas  grand  honneur,  comme  ie 
le  ur  ay  délia  dit. S'ils  meront  mourir,mon  i'nng  criera  vengeance  contre  eux  à  Dieu:  s'- 
il, me  ielafchent,cc  leur  fera  grand'  honte  de  m'auoir  fi  long  temps  tenu  à  tort.  Quant 
à  vous,ie  vous  prie  de  vous  en  aller  ou  en  voltrc  conuent ,  ou  ailleurs  où  vous  voudrez: 
&:  ne  me  rompez  plus  le  repos  de  mon  cfpnt .  Car  foit  que  demeuriez  ou  reueniez  vne 
autre  fois,ie  ne  vous  refpondray  vn  feul  mot .    ^  Tout  ceci  fut  tait  entre  Gilles  &Jcs 
moines .  &L  viuent  encore  beaucoup  de  bourgeois  de  Bruxelles  qui  en  pourroyent  tc- 
ilifier,e]uilors  venoyent  prelqtous  lesiours  en  la  pnlonpour  aduertir  Gilles  des  bruits 
que  lemoyent  les  moines  parla  villc,&  pour  fauoir  la  vérité  de  tout.  Finalement  après 
beaucoup  de  prières, les  moines  s'en  allerent,non  pas  au  conuent, mais  droit  au  Procu- 
reur gcneral.&:  luy  dirent  qu'il  n'y  auoit  cfperance  que  Gilles  fuft  conuerti,  &:  que  tant 
s'en  raloit  qu'il  voulu  il  entendre  leurs  raifon  s ,  qu'il  ne  leur  daignoit  pas  feulement  re- 
fpondre  vn  mot. 

T  i.  efl  impoiribic  de  dire  de  quel  amour  &c  pieté  Gilles  efroit  enflamme  en  ce  temps- 
■*  la:comment  il  fe  lurmontoit  foy-mcfmc,comment  il  fc  preparoit  à  mourir  heureufe- 
rnent,commc  s'il  euft  veu  deuant  fes  yeux  les  choies  qui  luy  eiloyentà  venir .  Il  cfloit 
L s  vdiemG  fans  ce/Te  en  prière  :  &c  y  cfloit  quelque  fois  fi  raui ,  que  qu  i  l'eufl  veu  pricr,cufl  dit  que 
c;  f  "Jei."  ion  amc  cfloit  rauie, ayant  laiile  le  corps  froid  en  la  place. Il  efl  quelque  fois  aduenu  qu' 
deGilks.    on  le  ccrchoit,&:  quclcConcicrgerappeloit  par  tout  à  haute  voix, fans  qu'il  refpôdifl, 
ou  qu'aucun  des  feruiteurs  le  peufl  enieigner.De  fbufpcçonner  qu'il  fuft  forti,nul  ne  le 
vouloit .  car  on  le  cognoiffbit  tel,  que  quand  les  portes  de  la  prilon  eu  lient  elle  ouucr- 
tes(cc  qui  eftoit  quelque  fois  aduenu)  il  n'eull  pas  voulu  mettre  le  pied  hors,  afin  de  ne 
mettre  en  peine  le  Concierge,auqucl  il  auoit  efté  baillé  en  garde.  Finalement  comme 

on 


o 


Cjillcs  Tillemanje  Bruxelles.  /  oj 

on  ne  le  peut  trouuer  aux  ehambres  baffes,  on  môta  en  haut:&:  là  on  le  trouua  au  coin 
d'vne  chambre  à  genoux ,  les  yeux  eflcuez  au  ciel ,  &  la  face  mouillée  de  larmes .  mais, 
qui  cft  efmerueillable,  il  cftoit  fi  ardent  en  fa  prière,  &c  fi  raui ,  qu'on  auoit  beau  l'appe- 
ler tout  haut,&:  fe  mettre  dcuantluy,  il  ne  voyoitpourtantnioyoit,  iufqu  a  ce  que  le 
prenant  parla  main  on  le  rcfucilla  de  cefte  contemplation  fi  profonde  »  Alors  comme 
fortant  de  quelque  fonge,il  refpondit,(^ue  voulez-vous,mes  frères  ?  Rien,dircnt-ils,fi- 
non  que  vous  veniez  au  repas. Lors  il  defeendoit  tout  ioyeux,&:  feruoit  les  autres  au  dif 
ner.car  il  eftoit  fîfobre  &:  attrempé  en  fon  viure,que  pendant  qu'il  fut  en  prifbn,il  ne  s  Sohrkté  a» 
affitiamaisàtable.  Il  mangeoit  tant  feulement  vn  peu  de  ce  que  les  autres  laiffoyent,  Gilles. 
&:  beuuoit  encore  plus  fobrement.  On  le  preffoit  fouuent  de  manger  vn  petit  plus  lar- 
gement,mais  on  ne  luy  peut  iamais  perfuader  qu'vne  fois  ou  deux .  Et  ne  le  faifoit  pas 
pourtant  par  aucune  fuperftition,ne  par  ncccffité:d  autant  qu'il  yauoit  des  principaux 
de  la  ville  qui  luy  enuoyoyet  tout  ce  dont  il  auoit  befoin:  mais  pource  qu'il  eftimoit  qu 
il  n'eftoit  pas  necefTaire  de  nourrir  fon  corps  trop  delicatemét:  ayât  regard  à  ce  qu'il  e- 
ftoit  fain,&  qu'il  voyoit  beaucoup  de  poures  qui  eftoyent  en  grande  necefTitê,&  n'auo- 
yent  pas  du  pain  à  fuffifancè. 

Nouucaux  tourments  préparez  à  Gilles  par  les  aduerfaircs. 

r  pendant  que  le  poure  Gilles  viuoit  ainfî,le  Procureur  gênerai  machinoit  d'au- 
tre colle  de  le  faire  mourir:  &:  pour  ce  faire  auec  plus  grande  couleur,  inucntavne 
nouuelle  mefchanceté.Car  pource  que  Gilles  n'auoit  point  voulu  affermer  qu'il  y  euft 
vn  Purgatoirc,il  difoit  que  félon  les  loix  il  le  faloit  gehenner ,  pour  luy  en  faire  dire  ou- 
uertement  fon  opinion. Mais  c'eftoit  feulement  vne  couucrturc  pourle  faire  mourir  a- 
uec  moins  de  murmure  du  peuple  ,  car  ils  fauoycnt  bien  qu'il  eftoit  fort  bien  voulu  de 
tous. Adonc  le  x  x  i  i.du  mois  de  Ianuierau  fin  matin  deuant  cinqheures,ils  enuoyerêc 
leurs  fergeans  pour  le  mener  en  vne  autre  prifon  deuant  le  iour  (  car  ils  craignoyent  le 
peuple  )  afin  de  le  mettre  à  la  queftion ,  à  caufe  que  ià  où  il  eftoit ,  il  n'y  auoit  point  de 
torturcraufn"  on  n'auoit  point  accouftumé  d'y  gehenner  perfonne.  Eux  donc  eftans  en- 
trez dedans  la  prifon, &  fâchant  Gilles  qu'ils  demandoyent  aptes  luy, il  les  receut 
bien  ioyeufement  :  &:  à  caufe  qu'il  faifoit  fort  grand  froid ,  les  fit  entrer  en  la  cuifine,&: 
leur  alluma  du  feu  pour  les  chauffer,  pendant  que  le  Concierge ,  qui  vouloir  aller  auec 
cux,s'habilleroit. 

Il  s  le  menèrent  donc  en  vne  autre  prifon  de  la  ville,  &:  là  luy  baillèrent  la  torture, 
fous  couleur  de  luy  faire  dire  s'il  y  auoit  vnPurgatoirc.mais  quand  il  fut  fur  la  queftion,  fu'r  j's^' 
ils  ne  lmterrogucrent  ne  du  Purgatoire,ne de  quelque  autre  article  de  laReligion.ains  turc 
pretendoyent  de  le  contreindre  à  déclarer  ceux  auec  qui  il  conferoit  en  prifon,&  ceux 
de  la  ville  qui  eftoyent  de  fa  Religion  :  mais  il  ne  déclara  perfonne .  car  il  eftoir^d'vn  tel 
naturel ,  qu'il  euft  mieux  aimé  mourir  cruellement ,  qu'aucun  fuft  tombe  en  danger  à 
caufe  de  luy.  Aufïi  il  aduint  par  vn  grand  miracle  de  Dieu  (  comme  gens  fidèles  ont  tcf- 
moigné)qu'eftant  en  la  queftion, il  n'endura  pas  beaucoup  de  mal.  ^  Le  mcfme  iour  a- 
pres  que  le  monde  feut  que  Gilles  auoit  efté  mené  en  vne  autre  prifon  ,  grand  nombre 
dc;ceux  de  la  ville  accoururent  viftement  pour  Je  voir.  On  luy  enuoyoit  fes  neccfîitez 
par  les  principaux  de  la  villc.^Le  lendemain  vint  à  luy  le  Cure  du  grand  temple,nom-  Ce  curé  a- 
mc  de  fain&e  Goudlc .  Ce  Curé-ci  eftoit  communément  appelé  le  Pape  de  Bruxelles:  JJ'^irn°J 
à  caufe  qu'il  eftoit  home  de  grande  corpulence  &  reprefentatiô:mais  en  tout  ce  grand 
corps  il  n'y  auoit  pas  vn  grain  de  bonne  doftrine  :  bref,  il  eftoit  tout  farci  d'impiété  .  & 
pour  comprendre  en  vn  mot  toutes  les  qualitcz  de  ce  perfonnage,c'cftoit  vn  droit  Epi- 
curien, auquel  il  ne  faloit  parler  q  de  volupté  du  corps  :  ce  Pape  de  Bruxelles  vint  auffi 
pour  conuertir  Gilles,  lequel  il  receut  en  toute  reuerence:&  incontinent  il  luy  fit  du 
feu  pour  le  chauffer,au  mieux  qu'il  peut.il  print  fes  admonitions  en  la  bonne  part,s'ap- 
perecuant  bien  quel  il  eftoit,affauoir  mené  &c  tràfjporté  comme  les  autres  aduerfaires. 
^  Apres  difnc  voici  reuenir  les  moines  pourle  tourmenter  la  dernière  fois .    Gilles  les 
pria  de  s'en  retourner  au  conuent,&:  de  fepafferdorenauant  de  cefte  peine.  Sur  quoy 
ils  s'en  allèrent  de  là  droit  aux  Iuges,pour  leur  rapporter  q  c'eftoit  fait  de  Gilles,  &;'qu' 
il  n'y  auoit  plus  d'efperance,d'autant  qu'il  ne  vouloit  efeouter  aucunes  remonftrances. 

Procédure  de  la  condamnation  &  exécution  de  la  fentence  contre  G.Tilleman. 

Le  lendemain,qui  eftoit  le  iour  dédié  entre  eux  à  la  conuerfion  de  S.Paul,  vingteinq- 
ieme  de  Ianuicr,les  luges  côclurent  enfemble  par  leur  fentence  diffinitiue,  qu'il  de- 

f.  iii. 


£ wo  //•  G Tilleman,  do  ^Bruxelles. 


uoit  cftrc  brulle  :  &  donnèrent  cefte  fentence  de  tcllcfaçon  ,  que  ceux  qui  ont  demeu- 
ré long  tcm[*s  en  laville,&  (huent  fur  le  doigt  toutes  les  manières  de  procéder ,  difoyce 
La  ccuiv.1-  que  de  mémoire  d'homme»  il  n'en  auoit  efté  donnée  en  la  forte .    Caria  couftumecft 
me  du  lieu  tic  condamner  en  pleine  aifcmblce  des  luges  le  criminel  prefent.mais  ils  auoyct  peur» 
uecâïcn""  Sue  s     menoyent  Gilles  en  la  place  ordinaire  pour  luy  pronôcer  fa  fcntcnce,lcs  pour- 
droit  At    geois  le  deliuraflent  par  force.    Et  pourtant  ils  donnèrent  cefte  fentence  clandcfti- 
cilles.      nement  &:  en  cachctte:laquelle  ils  luy  firent  pronôcer  après  difné  en  la  priibn  par  leurs 
Greffiers .  Gilles  ayant  ouy  fa  fentence/e  mit  incontinent  à  genoux,&:  rendit  grâces  à 
Dieud'auoir  cftédeluy  réputé  digne  de  mourir  pour  maintenir  la  pureté  de  fa  doctri- 
ne cclefte:&:  ceauec  fi  grande  ardcw&afTcétion,  que  ceux  melmcquiluyauoyent  jp- 
noncce,furent  cfmcus  à  pleurer.  Il  remercia  auflî  puis  après  les  Iuges,dc  ce  qu'ils  auo- 
yent  expédié  fa  caule  fi  heureufement  pour  luy. 

L  e  bruit  de  cefte  condamnation  efpandu  par  la  ville,  tout  le  peuple  fut  inconti- 
nent troublé,  &:  y  auoit  apparence  de  l'édition, laquelle  les  frères  Prefcheurs  talchoyct 
d'appaifer  &C  efteindre  à  force  menfonges  &c  calomnies  côtre  Gilles:  neantmoins  ils  ne 
profkoycntdericn  .   Quoy  voy ans  les  luges ,  firent  aftembler  le  lendemain  toutes  les 
irncwdcî  dixaincs&:  bandes  delà  ville  en  vn  lieu  ,&:d'icelles  en  choifirent  ceux  qu'il  leur  pleut, 
bandes  de  pour  ailiftcr  en  armes  le  iour  enfuiuant,pour  exécuter  ladite  fentence.Ainfi  le  iour  or- 
L  vjiic.     donné  le  trouucrcnt  au  marché  plus  de  fix  cens  hommes  en  armes,defqucls  nonobftac 
la  plufpart  eulTcnt  plus  volontiers  tourné  les  armes  contre  les  faux  Iugcs(fi  le  peuple  ri 
euft  efté  efmcu)  que  d'aider  à  vn  fi  mefehant  acte.  Les  luges  voyans  bien  que  le  peuple 
eftoit  fort  animé  contre  eux, n'oferent  amener  de  iour  le  prilbnnier  parla  ville  :  ains  de 
grand  matin,en  grande  obfcurece',  le  firent  venir  bien  accompagné  en  la  maifon  de  la 
villc,qui  eftoit  tout-contre  le  marché  où  il  deuoit  mourir.    A  l'uTue  de  la  maifon  de  la 
Gilles  ne    ville  eftoit  vne  image  de  pierre  nommée  la  vierge  Marie,deuant  laquelle  on  comntim- 
vent .  io    da  à  Gilles  de  s'agenouiller.  Ilrefpondit  qu'il  auoit  apprins  en  TEuangile,  qu'il  faloit  a- 
«r  l  muge  t|orer  yn  {eui  DjCU)&;  Juy  feruir  en  efprit  &:  vérité  :  à  tant  qu'ils  palTaflcnt  outre  &:  para- 
cheuaflent  leur  entreprife  .  Lors  le  Procureur  gênerai  tout  furieux  de  ce  qu'il  n'auoic 
voulu  laluer  l'image,commanda  qu'on  le  menaft  viftement .     ^  Or  eftant  là  venu  au 
lieu  du  iupplice>&  y  voyant  vn  grand  amas  de  fagots,  dit  à  haute  voix,  Queft-il  befoin 
de  tant  de  bois  pour  brurter  ce  pourc  corps?il  futfifoit  de  beaucoup  moins .  que  n'auez- 
vous  pitié  des  poures  qui  meurét  de  froid  en  cefte  ville  ,&  ne  leur  aucz  diftribué  le  fur- 
plus  de  ce  bois  ?  Les  bourreaux  auoyent  là  fait  vn  petit  tabernacle  de  bois  &  de  paille, 
dedans  lequel  ils  le  vouloyent  faire  entrer ,  pour  là  l'eftrangler,  afin  de  luy  amoindrir  le 
fupplicc  :  mais  il  leur  dit ,  Il  n'eft  ia  befoin  que  vous  preniez  cefte  peine.:  car  ie  n'ay  pas 
peur  du  feu.  ie  levcrray&  endureray  volontiers  pour  la  gloire  de  mon  Seigneurlefus 
iiim«deUI  Chrift,qui  a  enduré  pour  moy  plus  grans  tourmens  de  corps  &c  d'efprit.laifrez-moy  feu- 
Gillcsmo-  lement  vn  peu  pricr,i'cntrcray  puis  aprcs,&:  feray  tout  ce  que  vous  voudrez.  Lors  il  s'a- 
n'au'oit"    genoiulla,&:  leuant  les  yeux  au  ciel, fit  fa  prière:  après  laquelle  il  fc  leua,&  entra  dedans 
crainte  de  ce  taudis .  mais  deuant  qu'entrer  defehaufla  fes  fouliers,  &:  pria  qu'on  les  donnait  à  vn 
mounr.     pOLire. Eftant  entré  dedans,rccommanda  fon  ame  à  Dicu.&:  incontinent  les  bourreaux 
mirent  le  feu  dedans  la  maifonnette  de  paille,dedans  laquelle  Gilles  fut  tantoft  confu- 
mé  .  ^  Les  luges  ordonnèrent  quelques  vns  de  leurs  fatellites  pour  garder  les  cendres 
iufqu  a  deux  heures  après  midy,qui  furent  puisapres,par  leur  commandement,iettees 
dans  la  riuiere .  Le  peuple  murmurojt:  &l  fc  difoyent  des  propos  afTcz  diuers  contre  les. 
luges  .Les  moines  femoyent  ce  bruit  entre  leurs  gens,queGilles  auoit  efté  bruflé  à  bon 
Les  voix&  droi£r,d'autant  qu'il  auoit  nié  le  facrement .  &c  ainfi  tafehoyent  d'exeufer  les  luges.  Il  y 
propos  qui  cn  CUt  plufieurs  qui  deplorerét  publiquement  la  mifere  de  ce  temps:  &  qu'on  en  eftoit 
mez  apr«  ^  venu,qu'auiourdhuy  ceux  qui  fe  vantoyent  du  nô  de  Chrift,eftoyent  Pharifiés  &  hy- 
ïamort  de  pocrites:permettans  pluftoft  toute  impiété,  que  d'eftre  Chreftien  à  la  vérité  ,  ^De  ce 
Gilles.      temps  les  moinailles  &C  preftrailles  commencèrent  à  eftre  fort  hais  à  Bruxelles ,  com- 
bien qu'auparauant  ils  ne  fuflent  gueres'aimez:&:  quand  ils  venoyent  quefter  aux  mai- 
fons  des  bourgeois,on  leur  difoit  pour  toute  aumofne,  qu'il  n'y  auoit  perfonne  qui  leur 
donnaft  fans  eftre  cn  danger  par  leurs  calomnies:&:  que  Gilles  n'auoit  efté  bruflé  pour- 
autre  chofe,quc  pour  auoir  diftribué  tout  Ion  bien  aux  poures, 

HECTOR, 


Tlufîeurs  M  artyn*  iq& 


HECTOR    REM  Y,  &c  MATTHINETTE  fafomme. 

A  tempe Rc  de  la  perfecucion  cfmeué  (  comme  dit  a  efté)  au  pays  ï  as  de  lEm-  M  D  xur. 
;J^pereur.Charlcs  V,  après  les  villes,  tomba  auflîfur  les  villages.  Em  .iron  vn  an 
S^/^après  la  mort  de  Ican  Marlar  &:  Margueritte  fa  tance ,  ey  deJîiis  dits,  a  Bouui 
gnv  bourgade  prochaine  d  Qrchies,  le  greffier  dtidit  lieu  nomme  Hector  Rcmy>eftai  t 
mis  prifonnier,  donna  amjaliçcbnfeflion  de  la  foy:cn  laquelle  perfeucrant,  tut  décapite 
en  la  ville  de  Douay. 

Sa  femme  nommée  M  a  tthtne  t  t  e  dvBvisset,  cftoit  notable  &vertueu 
fe,pouï  la  incline  caufe,  laquelle  dauoic  maintenu  en  pareille  c  on  lia  n  ce  &c  intégrité  la 
parolle  de  Dieu,  fut  côdamnec  par  la  milice  de  Douay ,  a  eftre  enterrée  viue.  Les  deux 
genres  de  fupplice  font  viitcz  en  ladite  ville  aux  laies,  qu'ils  appellent. 


CONSTANTIN,  &  trais  Autres  exécutera  Romn. 

O  V  AN  ville  meti  opolitainc,  Se  iiege  du  parlcmêt  de  Normandie,  a  aulïi  md.xliî 
J^lfa  part  à  la  boucherie  queTAntcchrift  Romain  a  exercée  contre  les  brebis 
^^fede  la  bergerie  du  Seigneur.  Vn  nomme  Conitatin,  tire  du  parc  d'iecllc  par 
"  3,1a  cruauté  des  loups  rauiifansjcndura  martyre  en  ce  temps  en  laditeville  de 
KmîanTauec  trm  autres fes  compagnons ,  pour  la  confcilïon  de  la  vraye  doctrine  de  l'Euan- 
gilc.Leur  cmprifonnement&:  la  procédure  tenue  contr  eux  a  efté  delcrite  en  vers  Fra- 
coi^  par  vn  homme  docte  dudit  pays  de  Normandie  :  mais  d'autant  que  fuccinttement 
noustraittonsThiftoiredes  Martyrs ,  nous  nous  contentons  d'expofer  leur  mort  bien-  Lepr,nci: 
heureufe.  Car  ctft  la  vraye  face  en  laquelle  on  peut  contempler  le  plus  beau  du  por-  palpour- 
traict  des  Marrvrs  de  IefusClirift,  puis  qu'autrement  nous  ncpouuons  reprefenter  le  JJîîLjj' 
furplus  des  aunes  parties  du  corps ,  6c  des  circoftances  de  la  procédure  tenue  côtr  eux.  ctten  leur 
f  Quand  ceux  iy  furent  menez  au  dernier  fupplice  en  vn  tumbercau  ou  bcncauàor-  morc- 
dure ,  à  la  façon  viitee  en  France ,  Conftantin  s'ciiouillant  dit  à  les  compagnos,  Vraye  - 
ment  nous  fomincs  les  ballicures  du  inonde ,  lefquellcs  puent  maintenant  aux  homes 
de  ce  monde-mais  refiouiflbns  nous,  car  l'odeur  de  noitic  mort  fera  plaifantc  &c  pre-  i.Cor.^ij. 
i  icufedeuant  Dieu.  Ce  fut  vne  voix  prophetiquc,de  laquelle  le  Seigneur  ésderniers  ^ 
temps  a  monll;  c  le  fruict  6c  lerlect,  tel  que  depuis  on  a  veu  au  pays  de  Normandie  par 
la  prédication  de  Ion  Fuangile. 


mmdsmmmMÊmmmmmgmm 

PERSON,    TESTVVOD,  &MARBE  K 

C  F  S  trois  hommes  Anglois  furent bruflti à  Vvinfor,cn  la  rigueur  de  l'Inquifition fi  f.îitedelaLoydesfix  Articles. 

O  V  R  A  V  T  A  N  T  que  nous  nations  certaine hiltoire  dcplufieurs  per-  M-D<XLI1* 


/^J*3  tonnages  qui  furent  exécutez  en  la  rigueur  dclaLoydes  lix  articles  d'An- 
^%^gletcrrc,  comme  d'vn  Prtflre  qui  fut  pendu  au  portail  de  rcuefque  de  Vvin? 
^\^Sceitre:d'vn  nômé  Henry,  brufle  a  Colccftrc  ,  auec  ton  fï,  tuteur  :  '6c  d'vn  KyAù% 


r- 

coufturicr,  bruflé  à  Londres,  nous  les  palîons  fans  en  hure  citât:  pour  venir  a  l'an  m  .  d  , 
x  l  1 1 1 ,  auquel  trois  excelles  perfonnages  furent  brûliez  à  Vvinfor ,  eftans  acculez  par 
cette  mefmcLoy,ai]auoir,  An'toinï  Person  Preftre  fut  aceufç  de  ces  poïcls;  c'en:  An.Pcrfpu; 
qucdcuxansauparauantilauoittcnii  cepropos  en  vniîcnfermon ,  CommeChnita 
efté  îadis  pendu  entre  deux  bngans,  ainlieit-il  quand  le  Prcftrc  lclcuc  entre  les  deux 
mains  fanglantes,&:c.  Item,  qu'il  auoitdit  en  chaire  publiqucmet,  qu'il  ne  falloir  poit 
que  le  peuple  le  mangeait  tel  qu'il  auoit  efté  pendu  en  la  croix ,  comme  en  découpant 
fa  chair  par  pièces  6c  morceaux,&:  comme ii  le  fangdccouloit  par  la  bouche  :  mais  qu'il 
le  falloit  tellement  manger  auiourdhuy,  qu'il fuftaulTi  mangé  de  nous  6c  demain  c-:le 
lendemain  après.  Outre  cela,  que  Chnft  a  plus  ouuertement  monilré  fa  pui/fance  a- 
pres  fa  refurre&ion,  qu'il  n'auoit  pas  fait  auparauant. 

Ro  b  e  r  t  Te  s  t  v  v  o  d  chantre,  fut  condamné  feulement  pource  que  quelque  Tcflviod 
fois  par  forme  de  fornette  il  auqit  dit,  àvnPrcftrç  quiaiioit  en  faMefle  lcué  fon  dieu 

f.iiii. 


Limes  IL  Ter/ecutions  efmeu'és  par  tes  S  or  bonifies. 

bien  haut  :  Hohé,  fi  haut?&:  encore  plus  haut  ?  mais  aduifez  bien  qu'il  ne  rombe. 
Marbclz.       IeanMarbek  aufîi  chantre,  fut  accufé  qu'il  auoit  eicrit  de  fa  main  beaucoup  d  - 
annotations  recueillies  de  ditiers  autheurs,qui  fembloycnt  répugner  directement  tant 
enirSÎ  à  la  Me/Te  qu'au  i'acrement  de  l'autel.  Qu'il  auoit  dit  que  la  Me/Te  en  laquelle  le  Preftre 
reprefente  confacre  le  corps  du  Seigneur,  eftoit  pollue  de  grande  impiété  :  &c  d'autant  qu'elle  def- 
dreffez^r  pouilloit  Dieu  de  fon  honneur  &  gloire ,  les  Chreftics  ne  ladeuoycnt  aucunemét  fouf- 
icKiboam.1"  frir.  Outrcplus,  que  leleuation  du  facrement  reprefcntoit  en  quelque  façon  les  veaux 
que  Ieroboam  auoit  fait  dreflér  au  temple. Et  qu'il  y  auoit  beaucoup  plus  de  mal  en  ce- 
lte idolâtrie,  qu'es  lacrifkes  iadis  offerts  par  les  Ifraelites  au  temple  de  Ieroboam. Item 
qu'il  ne  falloit  poît  douter  que  Icfus  Chrift  ne  fuft  là  expofé  en  mocquerie  &opprobrc. 

Ovtre  cestrois-cyilyauoit//t»rTFmcwor, coufturier,& vnnommé/îr»me',qui  e- 
ftoyent  en  la  mcfme  condamnation  aucc  les  autres,  &  adiugez  à  eftrc  bruflcz  :  mais  les 
deux  derniers  obtindreht  pardon  du  Roy  :  lesautres  trois  furent  bruflez  conftamment 
à  VvmforJ  an  m.d. x  l  1 1 1, lcz8.  iourde  Iuillet :  aiTauoir  Perfon,  Tcftvvod &C  Marbck, 
Les  principaux  conducteurs  de  cefte  tragédie ,  c'eltoycnt  le  Do&eur  London  chanoi- 
ne de  Vvinfor,&:  Guillaume  Symons,  qui  valloit  auffi  peu  que  l'autre. 

Jugement  de  Dieu  fur  deux  Inquifiteurs  &  perjetuteurs. 
Sy0mô°nin&  (^^s  deux  vcncrablcs,London  &:  Symons  eftoyent  après  pourfaire  fafcheric  à  quatre 
«juiiîceurs.  ^Gentils-homes  des  principaux  de  la  chambre  du  Roy,iulqucs  là  qu'ils  furet  appelez 
en  iugement  pour  faire  leur  proccz:mais  eux  entendans  ce  que  ces  ennemis  leur  braf- 
foyent,  allèrent  au  deuant  prefenter  fupplication  au  Roy ,  luy  remonftrans  les  dangers 
efqucls  ils  eftoyent  .&  finalement  obtindrent  du  Roy  pour  la  faucur  qu'ils  auoycnt  de 
luv,  que  ceux  qui  leur  brafîoyent  ce  mal,  furent  appelez  pour  refpôdre  après  informa- 
tions faites  contr'cux.Du  commencement  London  &:  Symons  fc  pariurct  cnt,&  en  ce- 
fte façon  couurirent leur  trahifon  &  fecrettes  entreprifes  :  toutesfoisils  furent  depuis 
conueincus  par  euidens  argumens  &  fi  mamfeftes, qu'ils  n'euffent  peu  rien  profiter  par 
tous  leurs  fubtcrfugcs.&:  finalement  ils  furent  à  bon  droit  punis.  On  les  mit  àlefcnelle 
en  la  place  publique  de  Vvinfor  auec  billets  au  front  àc  par  derrière ,  pour  les  rendre  i- 
gnominieux.  Depuis  ils  furent  menez  prisonniers  à  Londres,où  London  mourut. 

HIST  OIRE  desperfecutions  efmeu'cs  à  Paristfar  les  Sorbon:jles>pour  introduire 
llnquifition parleurs  articles. 
OMME  n'agueres  il  a  efte  récite  de  l'Angleterre,  aîfi  maintenat  ceux  de  la 
Scrbonne  de  Paris  iouet  la  mcfme  farce,&:  eicumet  pareille  rage  en  la  Fra- 
icc,  non  feulement  alendroit  des  vrais  fideles,mais  auffi  t  ôtre  que  Iqucs  vns 
iflus  de  leur  troupeau,  <k  graduez  en  leur  vénérable  faculté.  M.  Fraçois  La- 
prancois   dri  Curé  de  Sain&c-Croix  paroiilc  près  le  Palais  de  Pans  prefehoit  afiez  purcmét,&:  ne* 
Lâdry  r  h.  difoit  MciTe,pourcc  qu'il  ne  beuuoit  poît  de  vin.on  ne  fait  fi  cela  venoit  de  fon  naturel, 
li  s'il  lefaifoit  de  propos  délibéré. La  Sorbône  le  pn'nt  en  extrême  haine.  &:ayat  fait  a- 


cte  Croix. 


OU 


maffer  quelques  jfpos  de  l'es  fermos  par  certains  clpiôs,  on  mit  par  efenc  quelques  arti- 
cles criblez  de  la  farine  de  cefte  faculté, afin  que  ledit  Cure  les  approuuaft  &:  les  fignaft. 
Or  d'autant  que  quelques  iours  après  il  fit  vne  rcfponfe  à  deux  ententes  aufdits  Arti~ 
clesdesThcologiens,affauoir,Qucceque  l'eglile  tenoit  touchant  ces  matières  eftoic 
fainct  &  catholique ,  il  fut  accufé  par  lcfdits  Sorboniftes:&:  quelques  iours  auât  Pafques 
à  leur  inftanec  emprifonné.  Quelques  iours  après ,  le  roy  François  I.  vint  à  S.  Germain 
en  Laye,  qui  eft  près  la  riuiere  de  Seine,à  cinq  lieues  de  Paris.  Là,  eftant  aduerty  de  ce- 
fte pourfuitte  des  Sorboniftes,euoqua  la  caufe  du  tout  à  fa  cognoiflance,induit  à  ce  fai- 
re par  vne  partie  des  mieux  aimez  de  fa  Cour,  qui  donnoyent  lors  grand  fcmblant  de 
porter  faucur  à  la  doctrine  de  l'Euangilc,  entre  lefquels  la  duchefle  d'Eftampe  qui  pou- 
uoit  beaucoup  en  ceft  endroit,  y  tenoit  fort  la  main.  Le  Roy  donc  ayant  fait  venir  ledit 
Landry,fans  s'arrefter  à  procédure  quelconque  faite,lc  voulut  luy-mefme  interroguer 
ôc  6uyr ,  efperât  qu'il  le  rendroit  refolu  de  quelques  poincts,  dont  il  deliroit  cftre  mieux 
informé  j  &c  fur  tout  du  Purgatoire,  ne  l'ayant  oneques  tenu  certain  ne  bien  fondé  par 
les  raifons  de  fcsThcologicns. Landry  auant  qu'eftre  prefenté  au  Roy,  fc  trouua  cfpou- 
anté  des  parollcs  &  menaces  qu'aucuns  de  ceux  qui  maintenoyent  le  party  contrai- 
re,  luy  auoyent  fait  accroire  (  fur  tous,  François  deTournon  Cardinal  )  que  le  Roy  e- 
ftoit  granelemét  irrité  contre  luy,  d'auoir  ainii  troublépar  fes  fermons  fa  ville  de  Paris. 

Dont 


^Articles  des  SQrbûniïlts.  107 

Dont  aduint  que  Landry,  par  lequel  on  efperoit  à  l'heure  &:  à  fi  propre  occaiion  triom- 
pher des  Sorboniftes,  i"emonftralafche&:inconftant:tcllemcntquele  Roy  fevoyâc dé- 
liant toute  l'a  Cour  fruftréde  ce  qu'on  luy  auoitrait  efpercr ,  le  renuoya  à  Paris  aucc  in- 
dignation. Il  fut  contraint  de  le  defdirc  le  xxix.  d' Auril  publiquement  au  grand  têplc, 
en  la  prefertee  de  tout  le  Parlement  au  gré  des  ennemis  de  la  vérité  de  l'Euangilc. 

On  traita  de  meime  Claude  d'Efpenfe  docteur  d'icelle  Sorbonne:car  pourautât  qu'  Claude  d 
ilne  s'cftoitdelditaiîezouuertemétjmaisentermes  ambigus &:  obfcurs  pour  efblouir  pcne' 
les  yeux  des  ad  uerlàires,on  luy  fit  expliquer  vn  autre  iour  haut  &:  clair  en  plein  fermon, 
iufques  à  fatisfaire  &£  contenter  les  plus  grofiîers  deecs  Nos  maiftres  refrongnez  qui  là 
eftoyent.    ^  Clément Marot  poète  François  fut  aufîî  lors  contraint  de  s'enfuir ,  6c  fe  Jk™'nt 
retira  à  Geneue,  pour  le  foufpeçon  qu'on  auoit  fur  luy  qu'il  fuft  Luthérien. 

^  O  r  les  Sorboniftes,  après  qu'ils  curent  ainfi  triomphé ,  &:  que  l'efperance  du  Roy 
eut  efté  abatue&  changée  au  defdit  de  Landry,forgcnt  des  articles  de  foy  à  leur  porte, 
pour  furprendre  &:  faire  palTcr  par  là  (comme  par  leurs  lacqs)tous  ceux  qui  ne  feroyent 
fermes  &L  conftans  en  la  vraye  do.&rine  de  l'Euangile.  Nous  les  auons  ici  inférez  auec  le  J^'jjj^ 
remède  &  confutation  d'iceux,afrn  que  tous  fidèles  ayent  dequoy  pour  fe  garder  &c  d'-  futatkm. 
efuelopper ,  quand  il  aduiendra  que  deuant  les  Rois, Princes  &;  Magiftrats  ils  feront  af- 
faillis  &:  interroguez  pour  y  refpondre. 

L  E  Doyen  Se  faculté  de  Théologie  en  l'vniuerfîté  de  Paris,  à  tous  fidèles,  Salut  en  Iefus  Chrift. 
Œfâfi^Ornme  ainfi  foit  ijuauiourdhuy  nous  -voyons  par  Les  contentions  &  altercations  aucuns  predica- 
VSi£$teurs  ^prefhans  doctrines  contraires  &  diuerfes, plufcur s fideles,felon  ce  quefrit fainct  Paulaux 
Epnefens ,  ainficpue  petits  enfans  mal fiables  &  peu  arrefte\,  ejlrc  de  toutes  pars  agittfXj&  mene\,  & 
tournans  a  tous  vents  de  diuerfes  doctrines  :  Et  au  deuoir  de  nojhc  ejlat  &  charge ,  appartienne  appaijer 
&  compofer  les  flots  de  diuerfes  doctrines  <&  con  traires  opinïds  en  la  foy ,  Nous  bien  afewrexjdu  trefaind 
propos  &  religieux  -vouloir  de  noflre  Roy  trefchreflienytuons  auiféde  rédiger  en  brej  ordre  ce  (jue  doyuent 
prefher  <&  Ire  les  fidèles  docteurs  &  prédicateurs, &  les  autres  fidèles  Chrefliens  croire  auec  feglife  catho- 
liqucjouchant  aucuns  artides  &  proposions  lonccrnanslafoy ,  auionrdhuy  nwparplufeurs  en  différent 
&  controuerfte, 

Response  1. 

^ Vand l'Apoftre  défend  d'eftre  fcmblables  à petis  enfans rîottans, &:  eftans  tranl'por-  Ephcf4. 

tez  à  tout  vent  de  doctrine,  monftre  quant  &  quant  le  moyen  comme  nous  pour- 
rons euiter  ce  dange  r,  c'eft  que  nous  conuenions  tous  en  vraye  vnité  de  foy:  laquelle  il 
définit  eftrc  la  cognoifiànce  du  Fils  de  Dieu. Or  en  vn  autre  partage  il  prononce,que  la 
foy  procède  de  la  parolle  de  Dieu. pour  laquelle  caufe  il  exhorte  ailleurs  les  fidèles ,  d'-  Rom-10- 
eftre  édifiez  en  Dieu  fur  le  fondement  des  Apoftres  &:  des  Prophètes.  Scmblablcment 
il  admonnefte  les  CcloiTiens  de  perfeuerer  fermes  fur  le  fondement  de  la  foy ,  &:  ne  fe 
point  laiiTer  deftourner  de  l'efperance  de  l'Euangile  qu'ils  auoyct  ouy,  Pourtant  faind 
Luc  loue  les  TeiTaloniciens,  d'autant  qu'ayans  reccu  volontiers  la  doctrine  de  S.  Paul,  A<a-  »7- 
ils  l'examinoyent  à  l'Efcriture.  Et  défait  autrement  ne  peut  confifter  ce  que  dit  S.Paul 
en  vn  autre lieu:aflàuoir,  Que  noftrc  foy  n'eft  point  appuyée  en  la  fage/Ie  des  hommes,  i.Cor.j. 
mais  fur  la  vertu  de  Dicu:finon  que  nous  depédions  de  Dieu  feul,  comme  aufTi  il  cft  ef- 
crit,  Efcoutcz-moy,&:  voftreamc  viura.  C'eft  ce  quenoftre  Seigneur  commande  par  ^Sf* 
Ieremie,  difant,Que  le  Prophète  auquel  i'ay  reuclé  ma  parolle,la  porte  purcmét.  Item  Iercmi3- 
par  S.Picrre,Siqueicun  parle,  qu'il  parle  comme  delà  bouche  de  Dieu.  Pourtat  s'il  fur-  *-P«r.4- 
nient  quelque  côtrouerfic,  elle  ne  fe  doit  point  décider  au  plaifir  des  hommesmiais  par 
la  feule  authorité  de  Dieu,ce  que  lignifie  faincr  Paul,  ne  nous  aimant  à  l'cncôtre  de  Sa-  EPnc-^ 
tan  d'autre  glaiue  que  de  la  parolle  de  Dieu.  Noftrc  Seigneur  Icfus  auilînous  amoftré 
le  femblable  par  fon  exemplc:quand  eftant  affailly  de  Satan ,  il  n'a  vie  d'autre  bouclier  Mat-4t 
pour  repouiTcr  les  coups,  que  des  tefmoignages  de  l'Efcriture.  Autrement  la  louange 
que  S.Paul  luy  attribuc,ne  feroit  point  vraye: quand  il  dit  qu'elle  cft  vtile  non  feulemét  ^•Tl,n•î, 
à  enleigner  ÔC  admonnefter ,  mais  aulTi  à  redarguer  les  aducrfaires.Puis  donc  q  le  mon- 
de eft  auiourdhuy  en  grand  trouble  pour  la  diuerfité  des  opinions:il  nous  conuient  vfer 
de  ce  remede.&  n'y  en  a  point  d'autre  qui  foit  propre  :  C'eft  qu'il  nous  faut  auoir  noftre 
refuge  à  l'Efcriture:  ou  comme  parle  Ifaie,àla  Loy&  au  teimoignage  .afin  quefuyuant  lf"aic8- 
Je  commandement  de  l'Apoftre,  nous  foyôs  tous  d'vn  accord,  vnis  eu  Iefus  Chrift.  Car  Ronu* 


^Articles  des  Sorboniïttstë 


nb.z.  de  fainct  Auguftin  nous  donne  vne  belle  doctrine,  ditant  que  quad  il  eft  queftion  de  quel- 
fec  mer.&  qUe  chofe  obfcurc,laquclle  ne  fe  peut  prouuer  par  certains  ôdeuidens  tefmoignagcs  de 
Ttm.rn.fn.  j^fe  icurejia  prefomption  humaine  fe  doit  refrener,ne  déterminant  rien  ne  d'vn  cofte 
Eccl  cî  ^  ne  d'autre.En  Comme  nous  auons  auiourdhuy  à  fuyure  la  reigle  que  Conftantin  dônoit 
jt»  imles  aux  Euefques  eftans  affemblez  au  concile  deNicee-.c'eft  que  nous  premôs  la  rcfolution 
synodes^on-  ^q^qY^ux.  les  differens  de  la  Chrcftienté,dclapure  parolle  de  Dieu.  Car  comme  dit  S. 
l' coJZZ  Hilairc,  c'eft  vn  grand  détordre,  quand  on  détermine  de  la  do&rine  Chreftiennc  feloft 
tentent.      \c  jugement,  des  hommes,  ouparleurauthorité. 

DV  BAPTESME. 

\L  faut  croire  de  certaine  &  ferme  foy^  que  le  Baptefme  eft  à  tous  necejjàire  pour  leur  falut  :  mefme 
[auxpetis  enfans:  Et  quepariceluy  eft  donnée  la  grâce  du fainU  Efprtt. 

R  e  sponse  i. 

^  Ve  la  remiiîîon  des  péchez,  Se  la  grâce  du  S.Efprit  nous  foit  offerte  au  Baptefme ,  c - 
eft  vne  chofe  que  tous  fidèles  confeffent.&  îuyuant  cela,  ils  recognoiffent  que  les 
enfans  ont  befoin  du  Baptefme:non  pas  comme  d Vn  aide  neceffairc  à  falut,  mais  com- 
me d'vn  feau  ordonné  de  Dieu,  pour  confirmer  en  eux  la  grâce  de  Ion  adoption.  Car  S. 

i.Cor.7.    Paul  enfeigne  que  les  enfans  des  fidèles  nahTent  fain&s.  Et  de  fait,  le  Baptefme  ne  leur 

Gencfc  17.  conuiendroit  point,  fi  leur  falut  n  eftoit  enclos  en  cefte  promeffe ,  le  fuis  ton  Dieu  &  le 
Dieu  de  ta  femence.  Car  ils  ne  font  point  faits  enfans  de  Dieu  par  le  Baptefmermais  d'- 
autant qu'en  vertu  de  la  promeffe  ils  font  héritiers  de  l'adoption  de  Dieu ,  I'Eglife  les 
reçoit  au  Baptefme.  Comme  anciennement  il  ne  nuifoit  rien  âux  enfans  d'Ifrael,  de  n'- 

Gcn.17.  auoir  point  eft é  circoncis ,  s'ils  decedoyent  deuant  le  huitième  ioUr  j  aufli  à  prefent  la 
feule  promeffe  l'unit  en  falut  aux  petis  enfans  qu'on  n'a  loifir  de  baptifer  :  La  promeffe, 
dy-ie,  par  laquelle  ils  font  introduits  en  I'Eglife  dés  le  ventre  delà  mere.  Car  nous  fai- 
fons  iniure  à  Iefus  Chrift,finous  penfons  que  la  grâce  de  Dieu  ait  efté  diminuée  parfont 

Ezech.17.  aduenement.  Or  eft-il  ainfi ,  qu'anciennement  Dieu  appeloit  tous  les  enfans  qui  nai{- 
foyent  du  peuple  d'Ifrael,fiens.  Dauantage  nous  ne  lifons  point  que  Iean,  qui  baptifoic 
les  autres,aiteftéluy-mefmebaptifé.  Concluons  donc ,  que  comme  la  iufticede  foy  a 
précédé  la  Circoncilion  en  Abraham  pere  de  tous  les  fidèles  :  auflî  que  la  grâce  d'ado- 
ption précède  auiourdhuy  le  Baptefme  aux  enfans  des  fidèles .  comme  auffi  chantent 
les  mots  de  la  promeffe,  le  feray  le  Dieu  de  ta  femence.  Et  ainfi  eftimons  que  le  Baptef- 
me eft  confirmation  de  cefte  grace,comme  vn  aide  de  la  foy. 

DV    FRANC  ARBITRE. 

\^4ri>ne  mefme  con fiance  &  fermeté  de  foy  eft  à  croire  que  l'homme  a  fon  franc &  libéral  arbitre, 
\par  lequel  il  peut  ou  bien  ou  mal.  O*  par  lequel  aufti ,  combien  qu'il  jbit  en  péché mortel \fe  peut  re- 
letter  a  grâce. 

Response  11. 

Gcd.<î,&:s.  T)Vis  que  l'efpric  de  Dieu  prononce  que  tout  ce  qui  procède  du  cœur  humain  dés  la 
Pfcau.ij.  1  première  enfance,  n'eft  que  mal  :  &c  qu'il  n'y  a  nul  iufte,  nul  qui  foit  entendu,  nul  qui 
Rom.f.  3.  cerCfie  Dieurmais  que  tous  font  inutiles,  corrôpus,  vuides  de  la  crainte  de  Dieu,pleins 
Rom.  «.  de  fraude,  d'amertume,  Se  de  toute  mefehanceté.  Item,  Que  tous  font  denuez  de 
gloire  deuant  Dieu,  &c  que  toute  cogitation  de  la  chair  eft  inimitié  contre  Dieu  :  &C  ne 
nous  laiffe  point  la  vertu  d'auoir  feulement  vne  bonne  penfee.Nous  concluons  auec  S. 
lih.^ad  Auguftin,  que  l'homme  ayant  mal  vfé  du  libéral  arbitre,  l'a  perdu ,  &C  foy-mcfme  auec. 
vA.it  per-  Item,  que  puis  quela  volonté  a  efté  vaincue  par  le  péché,  il  n'y  a  plus  de  liberté  en  no- 
fe.  infi.reff.  ftre  nature.  Item, que  la  volonté  n'eft  point  libre  quand  elle  eft  fuiette  aux  concupifee- 
"o7n'.[ ces,gui  la  furmontent  &  la  tiennent  liée.  Item ,  auec  S.  Ambroifc,  que  noftre  cœur  &c 
Defù»a  fe-  nos  penfees  ne  font  point  en  noftre  pouuoir.  Dauantage,  puis  que  Dieu  teftifie  que  c- 
pf  âu  C^  *°n  œuurc'clllc  ^e  renouueler  le  cœur  de  l'homme,  &:  d  amolir  la  dureté  d'iceluy:d'- 
Ewd».ltf.  efcrirc  fa  Loy  en  nos  cœurs,&  fengrauer  en  nos  entrailles:  de  faire  que  nous  cheminiôs 
ifrem.3i.  en  fes  commandemens,  de  nous  dôner  tant  le  bon  vouloir  que  l'effect  d'iceluy,de  met- 
levlm  y  tre  en  nos  cœurs  la  crainte  de  fon  nom,  afin  que  iamais  nous  ne  déclinions  de  luy ,  Se  fi- 
ïzech  a.  nalement  de  parfaire  le  bien  qu'il  a  comencé  en  nous,iufques  au  dernier  iounNous  cô- 
Philip.i.  cluôs  derechef  auec  S.  Auguftin,  q  les  enfans  de  Dieu  font  menez  de  fon  Efprit,  afin  de 
faire  ce  qu'ils  doyuét.  lté,  qu'il  les  tire  pour  les  faire  vouloir  ce  qu'ils  ne  vouloyét  point. 

Item 


Z,o  remède  pour  s'en  depeftrer.  10? 


fcem,  que  depuis  la  cheute  du  premier  homme,  il  n'appartient  qu'àla  feule  gracede  Dtcorrep. 
Dieu,  de  faire  quel  homme  vienne  à  Dieu,  &  qu'il  ne  s'en  recule  point.  Item, que  nous  jj^y 14 
nefauons  que  c'efl  qu'on  pourrait  trouuer  de  bien  en  noftre  volonté, qui  foit  de  nous.I-  Bomf.  c.l9, 
te  m,  depuis  que  parle  péché  nous  auons  perdu  le  frac  arbitrc,cen'eft  plus  ne  du  vueil-  ^J™"'^ 
lant  ne  du  courant  que  nous  croyons  en  Dieu&viuons  faindementmon  pas  que  ne  de-  /X/l  ^. 
uions  vouloir  6c  courir,  mais  pource  que  Dieu  fait  tous  les  deux  en  nous.  Item  aucc  S.  »»«-  ew- 
Cyprian, qu'il  ne  nous  faut  en  rien  glorifier,  veu  qu'il  n'y  a  nen  du  noftre.  ïSrîjr? 

DE    PENITENCE.  t'^Z. 

}tns  certain,  qu  a  ceux  qui Jonten  aa°?,&wvjans  de  raijon,apres  auotr  commis  peche  nior-  ,\e  s.jiug*. 
Jft7,  la  pénitence  efl  necejfaire. Laquelle  confîfh  en  contrition  &  confection Jâcramentalc,  qudfauc 
verbalement  faire  au  Prtftre:& pareillement  en  fin  faction. 

Response  III. 

L'Efprit  de  Dieu  requiert  de  nous  par  tour ,  que  nous  facions  penitéce:En  la  Loy,  aux  Ez«l).i<s. 
Prophetes,en  l'Euangile.  Et  quant  Se  quât  il  définit  que  c'eft  qu'il  ented  par  ce  mot,  '««0.4. 
commandant  que  les  cœurs  foyentrenouuellez,que  nous  l'oyons  circocisau  Seigneur,  lfa.r.j*. 
que  nous  foyons  nettoyez ,  que  nous  dciiftions  de  nos  mauuailes  cogitatiôs ,  que  le  fai 
fceau  d'iniquité,qui  eft  entortillé  en  nos  cocurs,foit  deueluppc,que  nous  rompions  nos 
cœurs,  &:  non  pas  nos  accouftremens,que  nous  deueftions  le  vieil  homme,  renoncions 
à  nos  propres  defirs,  &:  foyôs  renouuellez  en  l'image  de  Dieu.Dauantage  il  nous  mon- 
ftre  quels  (ont  les  fruits  de  pcnitence,aifauoir  les  œuurcs  de  charité,  &:  de  bône  &c  faill- 
ite vie.  Touchât  de  fufciller  en  l'aureille  d'vn  Preftre,il  n'en  fait  nulle métion.Dc  fatif- 
faire  à  Dieu, encore  beaucoup  moins. Mcfme  c'efl:  choie  notoii:e,que  deuant  le  téps  du 
Pape  Innocent  III,  iamais  n'y  a  eu  loy  impofee  au  peuple  Chrcftien  de  foy  confciîér, 
comme  il  appert  par  le  décret  qu'il  en  fît  au  concile  de  Latran.  Etainfi  parfeipace  de 
douze  cens  ans  celle  théologie  a  eue  incogneue  en  l'Eglife  Chreftienne,  de  dire  que  la 
confefliontbitrcquifedcneceilité  à  pcnitence.  Et  les  parollesde  faincl  Chryfbftome  Hlpl  n 
font  claires, quand  il  dit ,  le  ne  te  cemande  point  de  te  conrefler  à  vn  homme. confelfe-  sL^e 
tov  à  Dieu.  lté, Il  n'eft  point  requis  que  tu  te  côfe/Tes  deuant  des  tefmoinsrque  tu  faces 
ton  examen  en  ta  penfee  fccrette,&  que  Dieu  feul  le  voyc.  Item  ,  le  ne  t'appelle  point  2,  je 
deuant  les  hommes  :  monft  re  tes  playes  à  Dieu ,  qui  efl:  le  fouucrain  médecin  pour  les  uxmto. 
guérir.  le  ne  nie  pas  que  la  façon  de  fe  côfeifer  n'ait  cité  fort  anciene.  mais  iedy  que  ce-  V'f^' 
la  eltoit  en  la  liberté  d'vn  chacun.  Comeauffi  il  eft  récité  en  l'hiftoire  Ecclefiaftique. 
où  il  eft  dit  que  cefte  façon  tut  abolie  à  Conftantinoble ,  d'autant  qu'vne  femme ,  fous 
ombre  de  le  confeifer,  habitoit  trop  pnuément  aucc  vn  Diacre.  Or  que  peu  de  gens  fe 
confciîafTent  en  cetemps-Ia,  il  appert,  d'autant  qu'il  n'y  auoitqu'vn  feulpreftre  en  cha 
cun  Eucfché,  député  à  ouïr  les  confellïons.  Et  meunc  de  là  on  peut  iuger  que  l'origine 
eftoir  venue  des  pénitences  publiques .  lefqucllcs  ne  regardent  point  Dieu  quant  à  la 
confcicnce,  mais  appartiennent  à  la  police  de  l'Eglife:  afin  que  le  pécheur  déclare  de- 
uant les  hommes  par  quelque  ligne,  qu'il  fe  repent  de  fes  meffaids.  Quant  aux  fatisfa- 
dionsJ'Efctiture  donne  cefte  louange  du  tout  à  Iefus  Chrift,qu.'il  effacciuy  léulles  pe-  Uam. 
chez,  que  le  chaftimét  de  noftre  réconciliation  a  cfté  fur  luy^qu'en  l'on  lèul  nom  il  nous  tf» M- 
faut  obtenir  remiffion  des  péchez.  Quant  eft  de  noftre  cofté,S.  Paul  teftifie  quc(*ftc  Att.io. 
béatitude  eft  gratuitement  accomplie  en  nous,&  fans  aucun  merite,que  Dieu  ne  nous  R<>m-4* 
impute  point  nos  péchez.  Aurefte,nousne  reprouuons  point  les  fatisfa&ions  qucT  E- 
glife  ancienne  fouloit  enioindre  aux  pécheurs  feulement  pour  tefmoignagc  de  leur  a- 
mendement,  &c  non  pas  pour  appaifer  l'ire  de  Dieu. 

DE    LA  IVSTIFICATION. 

)^4uantage,eïla  croire  que  le  pécheur  n  efl  point  iuftifîe parla  feule foy,  mais  aufîi  par  les  bones  œu- 
vrer, qui font  tellement  necefjaires ,  que fans  kelles  Phomme  qui  efl  en  yfage  de  raifon ,  ne  peut  obte- 
nir la  yie  éternelle. 

Response  lui. 

a*^E  font  les  Parolles  de  S.Paul ,  que  11  l'héritage  eft  par  la  Loy,  la  foy  eft  anéantie  ,  &:  la  Rot»;  4. 
^promefle  abolie.  Pour  cefte  caufe ,  que  l'héritage  nous  eft  donné  de  foy ,  afin  que  la 
promeUe  foit  ferme  félon  la  grâce.  Or  il  auoit  dit  auparauant,  que  la  iuftice  de  Dieu  eft  RoBU< 


L/Wo  //.  ^Articles  des  Sorboniftes,  (f 

Rom.i.    manifeftee  fans  la  Loy,par  la  foy  de  Chrift  fur  tous  ceux  qui  croyenten  luy.  Item,  Que 
tous  l'ont  defnuez  de  la  gloire  de  Dieu,&:  font  gratuitement  mftifiez  par  fa  grâce. Main 
tenant  conioignons  ce  qu'il  adioufte  puis  après,  Que  fi  c'en,  par  grâce ,  ce  n'eft  plus  par 
Rom.n.    œuurc.car  fi  c'eftoit  par  ceuure,  ce  ne  feroit  plus  par  grâce.  Il  dône  laraifon  en  vn  autre 
Rom. 4.    llcU:a:laiïoir  que  le  loyer  n'citpoît  imputé  pour  grâce  à  celuy  qui  l'a  gagné  par  fesœu- 
ures.rnais  luy  eft  deu.  Il  répète  celle  mefme  fentence  aux  Ephefiens,difant,  Vous  cites 
EpJief.i.     fauuez  par  grâce,  non  point  par  vos  ceuures ,  afin  que  nul  ne  s'y  glorifie.  Or  il  monftre 
Rom  3.     aux  j^ornainS)  qUC]  eft  le  [cns  de  ces  parolles,  difaht  que  Dauid  détermine  la  béatitude 
de  l'homme, lequel  Dieu  aduouë  pour  iufte  fans  aucunes  ceuures, quad  il  dit,Bicn-hcu- 
i.Cor  3.     rcux  font  ceux  (Jei'qucls  les  péchez  font  remis.  Item  aux  Corinthiens ,  Dieu  eftoit  en 
Chrift  réconciliant  le  monde  à  foy,  n'imputant  point  aux  hommes  leurs  péchez.  Car  il 
a  fait  facnfice  pour  le  pechc, celuy  qui  ne  fauoit  que  c'eftoit  de  peché:afin  que  nous  fuf- 
fions  raits  iuftice  de  Dieu  en  luy.  Nous  voyons  en  ces  parolles ,  que  le  moyen  de  iufti- 
Luci.      fier  les  hommes,  eft,que  Dieu  leur  pardonne  leurs  péchez:  pourtant  Zachariedit,que 
c'eft  la  feienec  de  falut  de  cognoiftre  cela.  Quant  à  ce  qu'on  expofe  communément  les 
fentenecs  précédentes,  delà  loy  cercmoniale, cela  eft  friuole ,  veu  que  S.Paul  partout 
Rom. 10.   oppofe  la  iuftice  propre  de  l'homme,à  celle  de  la  foy:comme  aux  Romains,  Voulans  c- 
ftablir  leur  propre  iuftice ,  ils  ne  font  point  fuiets  à  celle  de  Dieu.  Et  adioufte  la  raifon, 
Pource  que  la  Loy  dit ,  Qui  fera  ces  choies,  viuraen  icelles.  Or  Chrift  nous  a  rachetez 
delà  malcdidion  delà  Loy ,  afin  que  la  promeife  faite  à  Abraham,  fuft  accomplie  en 
Philip. 6.   nous  par  foy.  Item  aux  Philippiens ,  N'ayant  point  ma  iuftice  prope?qui  eft  de  la  Loy: 
Augufi.in   mais  celle  qui  eft  de  Dieu  par  la  foy  de  Chrift.  Nous  concluons  donc  auec  S.  Auguftin, 
MU**    C1L1C  cc  n  cu:  point  donc  par  nos  mentes  :  mais  félon  la  mifericorde  de  Dieu ,  que  la  pro- 
ann.frrm.  méfie  de  falut  nous  eft  ferme.  Item  auec  S.  Bernard,  que  tout  noftre  mente  eft  la  mife- 
6-hn     ricorde  du  Seigneunou  pour  parler  plus  clairement,  nous  concluons  auec  S.BafiIe,que 


îalat.j. 


BrfLjïm.   cefte  eft  la  parfaite  &  entière  gloire  que  nous  auons  en  Dieu,  quand  nous  cognoiiîbns 
àvHmil    que  nous  fommesdenuez  de  noftre  iuftice  propre,  &c  que  nous  fommes  iuftifiezparla 
feule  foy  en  Chrift.  Comme  S.Paul  dit,qu'il  Cc  glorifie  de  ce  qu'ilamefprifé  &£  reietté  fa 
iuftice:afin  que  toute  hauteffe  &  orgueil  tombe  bas ,  quand  il  ne  refte  rien'  à  l'homme 
dequoy  il  fe  puilfe  vanter. 

DE    LA    TRANSSVBSTANTIATION    D  V 

pain  au  corps  de  Ici'us  Chrift. 

A"  chacun  Chref  ien  eft  tenu  croire  fermement ,  quen  la  confecration  qui  fefait  au  fâincî parement 
de  l'autel,  le  pain  &  y  m font  conuems  au  rray  corps  &  fang  de  lejûs  Chrift.  Et  après  ladite  confe- 
cration, ne  demeurent  que  les  cfpeces  dudit pain  ty*  Dinfons  lefjuelles  eft  reell ement  contenu  le yray  corps 
de  lefus  Chnjt-.lctjuelnay  de  la  -vierge  Marie,  a  fouffert  en  l'arbre  de  la  croix. 

Response  v. 

T  A  nature  des  $acremes  emporte,  que  fous  les  fignes  vifibles ,  la  vérité  inuifible  nous 
^loit  donnée.  O r  fi  le  figne  nous  trompe ,  &:  eft  fruftratoire ,  que  pourrons-nous  iuger 
de  la  choie  figurée?  Cefte  proportion,ou  fimilitude  entre  le  figne  &  la  vérité ,  nous  eft 
Cor.io.    déclarée  par  S.Paul  quand  il  dit,  Nous  tous  qui  participons  d'vn  pain ,  fommes  vn  pain 
&  vn  c  orps-.Pourtant  à  ce  que  nous  apprenions  de  la  Ccne,  que  la  chair  de  lefus  Chrift 
eft  la  viande  de  nos  ames,il  eft  requis  que  le  pain  nous  foit  làjppofé  pour  en  eftre  image: 
commeS.Paulle  dit  là  mefme,  Le  pain  que  nous  rompons ,  eft  la  communication  au 
corps  de  Chrift.  Que  fi  feulement  il  y  auoit  là  vne  efpece,  c'eft  à  dire  vne  figure  du  pain 
fauile&:  menlbngcre,  &:  que  la  fubftance  n'y  fuft  point,  l'erficace  du  Sacremét  periroit. 
ïdmKrM  ^c  °-c  ferles  fain&s  Pères  ont  parlé  en  cefte  façon.  S.Irenee  dit ,  Comme  le  pain  ter- 
reftrc,ayant  receu  la  benedi£hon  du  Seigneur,n'eft  plus  pain  commun,  mais  l'Euchari- 
ftie, contenant  deux  chofcs,l'vne  terrienne  &C  l'autre  eclefte.  En  ce  mefme  fens  il  eft  dit 
au  Canon  du  concile  de  Nicee  le  premier ,  Que  nous  rie  regardions  point  le  pain  &c  le 
vin,qui  nous  font  prefentez,  mais  qu'eleuans  l'efprit  en  haut,nous  confidehons  par  foy 
i»£*yM  l'Agneau  de  Dieu.  Item  S. Cyprian,Côme  le  Seigneur  appelle  le  pain  fait  de  plufieurs 
Mn.<my.    grains,fon  corps.&  comme  il  appelé  le  vin  fait  de  plufieurs  grains,fon  fang:auftiil  mon 
e *7rt  1  a<i  ^re  ^U  ^  nous       C^re  comomts  enfemble.  Item  Fulgencele  nomme  Sactement  du 
Bmifi*'*  pain  &:  du  calice.  Finalement,  comme  dit  S.  Auguftin,  fi  les  Sacremensn'auoyët  quel- 
que 


Zo  remette  pour  s'en  depeftret.  top 

que  fimilitude  alicc  les  chofes  qu'ils  figurent ,  ce  ne  feroycntplus  Sacremens.  Et  pour- 
tant aucuns  des  Pères  ont  dit,  que  c'eit  pain  fanclificau  corps  de  Iefus  Chrift.  Au  relie, 
S.  Auguftin  monftre  quelle  eft  l'exhibition  du  corps  de  Icius  Chrift  en  la  Cene ,  parlât  ^  £j'J'' 
ainli:Ne  doute  point  que  leius  Chnft ,  félon  fon  humanité ,  ne  foit  maintenant  au  lieu 
dont  il  doit  venir,en  Jameimc  forme  vifîble  en  laquelle  on  l  a  veu  monter,  &  en  lamel- 
me  lu  bilan  ce  en  laquelle  il  a  donné  immortalité,  mais  il  n'a  point  ofté  la  nature.  Car  il 
nous  faut  garde  r  de  tellement  affermer  laDiuinité  de  Icius  Chrift,quc  nous  deilruifiôs 
la  vente  de  Ion  corps.  Tous  ces  propos  tend  et  à  ce  but,  que  pour  receuoir  Icius  Chrift 
en  la  Çene,  côme  il  nous  eitrcalement  donne ,  nous  eleuiôs  nos  cœurs  en  haut. Et  ain- 
li  noftre  intention  neft  point  de  dire,  que  nous  ayos  vn  ligne  vuide,ou  vn  fpedacle  frU 
ftratoirc  en  la  Cene,  côme  fi  Ieius  Chrift  n'accomplilfoit  point  ce  qu'il  nous  y  promet: 
mais  feulement  de  deftourner  les  coeurs  de  toute  fuperftition  &imaginatiô  charnelle. 


fy&M  F  ftcnfice  o.e  h 


DV    SACRIFICE    DE    LA  MESSE. 

e  U  Meffe,  efl  de  l'tnjlitution  de  lefws  C  hnfh  &  ejl  vtde  &  prvftable pour  les  ytuans 


Response  VI. 

L'Inftitution  de  Ieius  Chnft  contient ,  qu'on  prenne  &:  qu'on  mange ,  non  pas  qu'on  Mu.ib. 
offre.  Pourtant  le  facnrîce  n'eft  point  de  l'inftitutiô  de  Chrilfmais  répugne  direde-  Marc 
met  à  l'cneontre.  Dauantage,  il  appert  parl'Efcriture  faincfe ,  que  ça  efté  le  propre  of-  Lucu> 
ficc  de  Ieius  Chrift  leul,de  s'offrir  foy-mcfme:  comme  dit  l'Apoftre ,  qu'il  a  fanctifîé  les  '-Cor  u. 
liens  à  perpétuité  par  vne  feule  oblatiô.Item,Il  eft  apparu  vne  fois  en  s'offrant  fby-mef-  Heb.5.7. 
me.  Item,  Que  depuis  que  cefte  fandiheation  eft  parfaite ,  il  ne  refteplus  d'oblation. 
Carauifi  pour  celle  caui'e  il  a  efté  conlacré  Prcftre  fclô  l'ordre  de  Melchifedcc,fans  fuc- 
ceffeurne  compagnon.  Icius  Chnft  donc  eft  defpouillé  de  l'honneur  defa  Sacrifîcatu- 
re,  quand  fauthoriré  de  l'offrir  eft  transférée  aux  autres, non  feulement  pour  reietter  le 
lacrince  qu'il  a  fait,  mais  auffi  pour  le  rcnouuelcr ,  ou  ratifier,  ou  en  faire  application, 
finalement  nul  ne  doit  vfurper  ceft  honneur,  linon  qu'il  y  foit  appelé  de  Dieu,  comme 
dit  l' Apoftre.  Or  on  ne  lit  point  que  nul  autre  foit  appelé  que  Chrift.  D'autrepart,com 
me  ainli  foit  que  la  promette  s'adrelfc  feulement  à  ceux  qui  communiquent  au  Sacre- 
ment, de  quel  droit  l'vtilité  &c  la  valeur  en  appartiendra-elle  aux  morts? 

DE  L  A  COMMVNICATION  SOVS  VNE  ESPECE. 

^ffê^Ç     communion  de  l  Euchariftie  fom  les  deux  cjpcces  de  pain  &  de  Vm,n  \fl pas  neitjjai,  t  auxgcs 
Uns.  Vavouny  .t  bon  droit^pour  certaines  &  iufles  caufes  a  1a  de  longtemps  ejlé  ordonne  dt  l  eglfe, 
iju  au/dits  Lues  fou  communié  feulement fom  l\fj)ece  du  pain. 

Response  vu. 

T   E  mandement  de  Chnft  porte  que  nous  bcuuiôs  tous  du  calice  .mcfme  après  auoir  Mat.ztf. 

iimplcmét  dit  du  pain,  Prenez  mangez  :  quat  ce  vient  au  calice,  il  commande  nom- 
mément, que  tous  en  boyuét.  S.Paul  tcftifîequ'ilaainfi  enfeigné  aux  Corinthies,  félon  1  Cor.n. 
qu'il  auoit  receu  du  Seigneur.  La  railon  qu'on  a  accouftumé  d'amener  de  la  cont  omi- 
tanec,  n'a  point  ici  de  lieu.  Car  il  ne  conuient  pas  feulement  regarder  ce  q  Chnft  nous 
donne,mais  auffi  comment  il  nous  donne. ou  fi  quelcun  l'aime  mieux, il  conuient  auoir 
efgard  à  la  façon, par  laquelle  il  fc  veutcÔmuniquer  à  nous.  Comme  dôcfous  le  pain  il 
nous  donc  fon  corps:aufii  tous  le  calice, il  nous  donc  fon  fang.  Pourtant  il  ne  nous  refte 
que  d'obéir  à  fon  commandcmcnt,afin  que  receuat  de  fa  main  les  lignes  qu'il  n 09  don- 
nerons iouiffions  auf  fi  de  la  vérité  des  chofes. Car  corne  nous  admomftc  S.Chrylofto-  r^j' <  c 
me,d'autant  que  nous  lbmmcscorporcls,felon  noftre  rudefle  il  nous  donne  les  chofes 
fpintuelles  fous  les  chofes  viliblcs.  Ccfte  façon  a  efté  gardée  en  l'Egliléplus  de  mille 
ans, côme  il  appert  parles  hures  de  tous  les  Dodeurs. Noftre  chair,dit  Tertulliâ,  eft  re-  In  yefiir- 
peue  du  corps  &:  du  lâg  de  Iefus  Chrilfarin  q  noftre  ame  foit  nourrie  de  Dieu.  Et  The- ('"""' 
odoric  récite  les  parollcs  de  S.  Ambroifeditcsà  l'Empereur  Theodofe ,  Comment  o-  l,f'l*cc, 
feras-tu  prendre  de  tes  mains  fanglantcs  le  facré  corps  du  Seigneur?  commet  oferas-tu  "  c^'u 
approcher  le  S. calice  de  ta  bouchc?S.Hierome  auffi  dit,  Les  Prcftres  qui  fontfEuchari  inîqU 
ftic,&:  diftnbuét  au  peuple  le  la  g  du  Seigncur.Itë  S.Chryfoftome,Ce  n'eft  pas  corne  en  smia  t. 
la  Loy  ancicnc.où  le  Preftrc  auoit  fa  portion  par  deffus  le  peuple  :  mais  en  l'Euchariftic  cor.«foi.s 
tout  eft  cômun  entre  le  Preftrc  ôc  le  peuple. il  y  a  vn  mefme  corps  propofé  à  tous  ,&  vn 


Lmrc^  I /. 


^Articles  des  Sorbonïïtcs,^ 


mcfme  calice.  Mais  touchant  de  l'vfage  ou  obferuation ,  il  n'y  en  a  nulle  controuerïîe, 
d'autant  que  tous  confeflent  qu'elle  a  efte  telle.  Mais  qu'ils  ayent iugé  que  du  cout  il  en 
neTtrtur    falloic  ainii  faireril appert  par  le  décret  de  Gelaflus,qui  ordonne  que  tous  ceux  qui  s'ab- 
' 'i 'l- ^  {tiendront  du  calice  foyent  excomuniéz  de  tout  le  Sacrement,adiouftant  la  railon,  que 
}e7.^fî.l!°'  la  diuifion  de  ce  myftcre  ne  fc  fait  point  fans  gi  ad  facrilcgc.  Ht  S.Cyprian  débat  par  vi~ 
ipip.i.Dc  ues  railcns,  que  nullement  on  ne  doit  denier  à  vn  Chrcfticn  le  fang  de  Iclus  Chriiï ,  le- 
quel  doit  cîpandrc  l'on  propre  fang  pour  ligner  la  venté  d'iccluy. 

DE    LA    PVISSANCE    DE  CONSACRER. 

S^jfj  "ï  'tre-plusja  puifftncc  de  conptcrerlevray  corps  delejks  Chriflyt  eflépar  luy  donnée  feulement  aux 
preflres  ordonnexjGr  ftcrC'K [don  U  couflume  &  obferuance  de  Çeglife&  aufi  d'abfoudrc  les  pé- 
cherait purement  de  pénitence. 

Response  VIII. 

:  Ccr.4.    vtOus  confeflonsbien  que  les  vrais  Preftres  l'ont  les  vrais  difpenfatcurs  des  myfteres 
-^dc  Dieu:pourtant  qu'ils  (ont  miniftres delà  Cenc.  Mais  nous  entendons  ceux  qui 
Aa.ij.      çQm  ort^5nCzàla façon  de  Chrift  &c  des  Apoftres,mefme  de  l'Eglife  anciéne  :  en  laquel- 
t."i  mi.  !    le  la  feule  impolitiondes  mains  cftoit  vlitce,fans  fonction  &:  lemblables  fatras,  côbien 
qu'en  la  promotion  il  faut  principalement  regardcrla  fin  &:  l'office  auquel  on  députe 
les  Preftres.  Or  félon  le  commandement  de  Dieu  &:  la  règle  de  l'Elcriture ,  on  les  doit 
conftituer  non  pas  pour  facrifier  :  mais  pour  gouuerner  l'Eglife ,  paiftre  le  troupeau  du 
Seigneur  par  fa  parolle ,  &c  adminiftrer  les  Sacrcmens.  Touchant  de  la  puiflancc  d'ab- 
i.Tim  y.    foudre, il  faut  tenir  que  le  melfage  de  reconciliation  cil  commis  aux  vrais  Pafteurs,afîn 
que  par  leur  doftnnc,c'eft  à  dire  la  prédication  de  l'Evangile,  reduifant  les  hommes  en 
appointementauec  Dieu,  ils  les  abfoudét  de  leurs  pechcz:mais  queccfteauthoritéeft 
donnée  «à  la  Parolle,  &c  non  point  lice  aux  hommes  :  tellement  que  quiconque  met  en 
auant  la  remiflion  gratuicc  que  Dieu  nous  fait,  il  ablout  le  pécheur  en  fa  con/cience&: 
îcan  iï.     deuant  le  iugement  de  Dieu.  Car  combien  qu'il  (bit  fpecialemét  dit  aux  Apoftrcs,quc 
les  péchez  feront  remis  à  ceuxaufquels  ils  les  remettront:  toutefois  les  Pères  anciens 
De  f<mfi,à.  confeflent  que  les  clefs  d'abfolution  font  données  à  toute  l'Eglife:  nommément  S.  Cy- 
r'm.        prian&S.Auguftin,aucclcfquels  s'accordent  les  autrcs:car  la  remiflîon  des  péchez  en 
hcm.icc?  lefus  Chnft,  par  quiconque  elle  foit  annoncee,eft  la  vraye  abfolution. 

II4./A  lo.m. 

utmJeM.  DE    L'INTENTIOlsT    DE  CONSACRER. 

CbnJlMb.î. 

tatx7m       (§1^  Y.  fuels  preflres  pour  certain,  combien  qu  ils  foyent  mauuah  &  en  pèche '  monel^onftccnt  U  yray 
^^[iorps  de  îefm  C  hnfl-pourueu  cuilsayent  intention  de  le  confacrer. 

Response     i  x . 

/^Hrift  n'a  pas  dit  à  vn  homme  feul,Si  tu  veux  tu  auras  mon  corps ,  ôc  le  donneras  aux 
^autres. mais  il  parle  à  tous  en  leur  présentant  ion  corps.  Caria  promefle  s'adrciîe  à 
Mat.itf.    tous  ccux  aufquels  il  eh:  dit,  Prcnez,mangez.  Parquoy  il  n  eft  en  la  puiflancc  d'vn  hom- 
me mortel ,  quelque  infidèle  qui  foit ,  ne  mefme  vn  diable ,  d'anéantir  celte  promefle. 
s-^pf-—  Et  c'cft  ce  qu'entendent  les  anciens  Pères, quand  ils  difent  qu'il  ne  périt  rien  de  laver- 
'(Intre  in"  tu  du  Sacrement, quel  qu'en  foit  le  mmiftre.  Nous  concluons  donc  qu'il  n'y  a  rien  plus 
vwmîfles.  défi  aifonnablc,  que  de  laifler  cela  en  l'arbitre  du  miniftrc,ou  pluftoft  à  fa  pofte,  voire  d* 
vnminiftrc  infidèle,  de  priuer  l'Eglife  du  bénéfice  de  Chnft  quand  il  luy  plaira.  C'cft 
aufll  vue  chofe  autant  abfurdc,d'imaginer  que  les  Preftres  avent  puiilance  de  côlacrer 
toutesfois  tiquantes  qu'il  leur  vient  en  la  tefte:voirc  outre  l'inftitution  de  lefus  Chnft. 
car  la  promefle  eft  liée  auec  le  commandement  auquel  elle  eft  adiouftee .  &c  pourtant 
nuls  n'ont  le  corps  de  lefus  Chrift,linon  ccux  qui  célèbrent  la  Cene  félon  la  reigle  mi- 
le par  luy.  Nous  concluons  donc  derechef,  que  c'eftvne  confecrationfriuole&denul 
crré£t,quâd  vn  preftre  fait  fon  cas  à  part  pour  luy  fcul.  Car  ce  ne  font  point  des  parolles 
d'enehantcmcnt,quand  noftrc  Seigneur  dit  qu'il  nous  donne  fon  corps  :  mais  contien- 
nent vne  promefle  qui  doit  feruir  à  l'action  ordonnée  par  luy.  Dont  aufli  îlappert  que 
c'cft  vne  façon  perucrïc,  de  les  murmurer  tout  bas  entre  les  dents:comme  ainiî  l'oit  qu'- 
on les  doyueprononccr  à  haute  voix  6c  en  langue  intelligible,  comme  on  le  voitpar  le 
Honni 80    contexte,Prcnezmangez.c  eft  mon  corps.  Pour  laquelle  raiibnS.  Auguftin  dit,  que  la 
hr  i  .îtu».  parolle  de  confecration  eft  la  parolle  de  foy  qui  fe  prefehe. 

DE 


N 


Le  remède  pour  s* en  depejlrer.  no 
DE  LA  CONFIRMATION  ET  EXTREMÊ  ONCTION. 

Onfirmation  &  Extrême  on&ion  font  deux  Sacremens  infiitue\  delefus  ChnsJ,  parlefijuels  eft 
donnée  la grâce  du  S.Ejpnt. 

Response  x. 

Ous  lifons  bien  que  les  Apoftres  par  l'impolit  ion  des  mains  ont  diftribuc  les  grâces  Aft 
viiibles  du  S.Efpric:mais  que  cela  ait  cfté  vn  don  temporel, l'expérience  le  monftrc. 
mefme  les  plus  anciens  Docteurs  telmoignent  qu'il  a  celle  incontinent  après  la  mort 
des  Apoftres. Nous  conte/Tons  que  la  cérémonie  d'impofer  les  mains  a  efté  depuis  rete- 
nue des  fucceiFcurs,&  eft  demeurée  en  vfage  quand  les  leunes  enfans  failbyent  confef- 
fion  de  leur  foy:  mais  non  pas  à  cefte  fin  qu'ils  la  tinllent  pour  vn  Sacrement  mftitué  de 
Chrift.Car  S.  Auguftin  afferme  que  ce  n'eft  autre  choie  qu'vne  orailbn  qui  fc  tait  fur  vn  l't"j? 
homc,pour  le  recommander  à  Dieu. Il  y  a  vne  pareille  raifon  de  l'Extrême  onction. car  UsDonmft. 
c'a  efte  vn  ligne  dvn  don  téporcl ,  que  nous  fauons  n'auoir  point  dure  lôg  temps  après  cha-16- 
les  Apoftres.  Il  eft  vray  qu'iccuxoignoyent  les  malades,  aufquelsilsdonnoycnt  guéri-  M*IC6' 
fon  par  la  vertuduS.Efprit.  S. laques  commande  qu'on  vie  d'vne  telle  onctionrmais  où  U<Î  J 
eft  ce  don  de  lanté,quand  on  oind  les  poures  malades, qui  iettent  délia  les  fouipirs  de  la 
mort  ?  Ceux  donc  qui  vfent  des  lignes  làns  la  vérité,  ne  font  point  imitateurs,  mais  feu- 
lement linges  des  Apoftres. 

DES    MIRACLES    DES  SAINCTS. 

.8T|p5:r  ne  faut  douter  (jue  les  fawcls,tant  ceux  qui  font  en  ccfleyiemortelle^cjue  ceux  qui font  en  parafai 
Œ  ^S»f  faœnt  des  miracles. 


N 


efti 

Re  sponSé  xi. 

Ous  fauons  paiTElcriturc  à  quoy  feruent  les  miracles,&:  à  quelle  fin  on  les  doit  rap- 
portenaiîauoirpour  conrermer  la  doctrine  de  l'Euangile ,  comme  il  eft  dit  en  faincl: 
Marc,  Que  le  Seigneur  affiftoit  aux  Apoftixs,&:conrermoit  leur  doctrine  par  les  mira-  Marc  iôu 
clcs  fuyuans.  Et  S.Luc  dit  aux  Actes,Qjic  le  Seigneur  rendoit  teimoignage  à  la  dpetri-  Att.  i4. 
ncdefagtace,  quand  il  le  Failoit  miracles  par  les  mains  des  Apoftres.  Pourtant  1  vlage  Rom.if. 
)cj4inme  des  miracles,  eft  qu'on  les  reçoyue  comme  féaux  de  la  dc&rine  de  l'Euangile: 
ainli, qu'ils  feruent  à  la  gloire  non  pas  des  homes  ne  des  Anges, mais  de  Dieu  ieul.i  orne 
difoit  S. Pierre,  Que  nous  regardez-vous,  comme  (i  nous  auions  fait  ceci  par  noftrc  ver-  A£tcs4. 
tu  ou  fain£teté?  Le  nom  de  Ielus  Chnft,  &c  la  foy  qui  eft  en  luy, a  donné  guenion  à  ccft 
homme.  Or  puis  que  Omit  a  prédit  quele  règne  de  l'Antechnft  le  fortifiera  par  mira-  Mat  14. 
cles,&  que  S.Paul  a  confermé  cefte  prophétie,  nous  cochions  auec  S.Auguftin,Que  le  1  ^  M* 
Seigneur  nous  a  donné  occalion  de  nousgarder  de  ces  miracleurs ,  qui  ibus  ombrede 
cela  deftournent  le  mode  de  l'vnité  de  la  foy.  Or  il  nous  faut  ici  auoir  double  aduis:Car 
Satan  abufe  les  hommes  de  beaucop  d'illuhons  faillies  :  &c  fecondement  Dieu  permet 
que  plulîeurs  miracles  fefacent  pour  fc  venger  de  l'ingratitude  des  hommes,  comme  ^*J^^ 
tcfmoigne  S.PauhcL'  après  faincl:  Paul,lainct  Auguftin.  taie  tcd. 

:ab.u6. 

DE    PRIER    LES  SAINCTS. 

'EfichoJèJain&e^trefip-eableaDieu^deprierUbien-heun'uJèyier^e  Marie  &  les  fainefs  c- 
\Jlans  au  ciel,  a  ce  quils  foyentaduoeats  £7*  tnterceffeurs  four  nows  emers  Dieu. 

Response  xii. 

L'Efcriture  requiert  que  nous  prions  enfoy:&:  S.Paul  nommément  adioufte  que  celle  Mire  n. 
foy  viét  de  la  parolle  de  Dieiv.S. laques  aulîl  nous  défend  de  douter  en  priât.  Or  c  it  il  «m.io. 
ainli  que  li  nous  voulons  obéir  à  la  parolle  de  Dieu ,  il  nous  faut  inuoquer  vn  feui  Dieu  ,aci,lts 
au  nom  dclefus  Chrift:  car  le  Seigneur  protefte  que  celuy  eft  leferuice  fpirituel  de  fon  ^Xz^*1' 
Nom:&  no"propofe  fon  Fils  pour  Médiateur  vnique,par  l'interccftio  duquel  S.Paul  dit  icrem.ts». 
Que  nous  auôs  facile  accez  à  Dieu  auec  fiance.  Et  l'autre  Apoftrc  no9 exhorte  de  nous  !jjn'm  1 
adrefTer  hardimét  au  thronc  de  la  grâce  de  Dieu ,  puis  que  nous  auons  vn  tel  Aduocat.  &  us.  4' 
puis  donc  qu'il  n'y  a  nul  cômandement  de  recourir  à  1  întérceflîô  des  faincb,  &:  qu'il  ne  ^l1,J)e^,• 
s'en  trouue  nulle  promefte, nous  côcluons  que  cefte  façô  de  prier  côtreuient  à  la  règle    c  "4" 
de  l'Efcriture.Dauâtage,ne  les  Prophètes  ne  les  Apoftres  ne  no9  ont  iamais  môftrc  tel 
exeple.Maintenant  que  chacun  fïdelerepute  de  foy,  quel  dâger ;1  y  a  d'atteter  vne  nou- 
uelle  façon  de  prier  non  feulement  fans  parolle  de  Dieu,  mais  aulfi  fans  aucû  exemple. 

t.ii. 


L/Wo  IL  ^Articles  des  Sorhoniflts& 

Quaritace  que  le  S.Efprit  nous  commande  de  prier  mutuellement  les  vns  pour  les  au  - 
icrc.6  9x1.  tres,ccîa  eft  vn  exercice  mutuel  deuat  la  vie  prefente:commc  il  appert  de  tous  les  paf- 
Ofee».  fages.  Or  nous  voyos  en  quelle  abomination  Dieu  atoufiours  eu  les  Baalim:  par  lequel 
nom  le  peuple  d'Ii'rael  entendoit  ce  que  nous  appelons  Patrons.  Il  y  a  encore  vne autre 
confédération ,  Que  nul  ne  peut  acertener  fi  les  Saintts  ont  ii  longues  aureillcs  que  no» 
oraiions  paruiennent  iufqu  a  eux .  Se  mcfme  cela  n'a  pas  grande  apparence  de  veritc'. 

DE    LA    VENERATION    DES  SAINCTS, 

fî^^T pourtant  ne  datons  iceux  fitintts  regnans  auec  IefhtChriÛ  imiter  feulement  &  enfuyure ,  m.xis 
%Wj^honno>tr  &  prier. 

Response  XIII. 
T  L  a  défia  efté  parlé  de  l'oraifon  qu'on  fait  aux  fàincts.  L'Elcriture  ne  nous  enfeigne 
*  point  de  les  honnorer ,  finon  comme  en  gênerai  elle  parle  de  tous  fidèles  au  Pfcaume 
1 5. &  1 39.  en  telle  forte  nearitmoins  que  chacun  foit  honnoré  félon  la  mefure  de  la  grâ- 
ce qu'il  a  receuë.  Pourtât  il  nous  faut  auoir  les  fain&s  en  eftime ,  &:  en  parler  reuerem- 
menr,  félon  que  chacun  d'eux  eft  excellent  en  dons, ou  que  Dieu  la  exaltc:mais  de  leur 
porter  vne  telle  reuerence  que  le  monde  a  accouftumé ,  c'eft  vne  lupefftition  profane, 
&:  laquelle  fent  vne  rage  Payennc,plus  qu'elle  ne  conuiét  à  l'Eglifcde  Dieu,  mcfme  cl- 
Deut  <s.     le  répugne  au  commandement  qui  dit,Tu  adoreras  ton  Dieu,  &:  à  luy  feul  tu  feruiras. 

DES  PELERINAGES. 

Çf^îr  4  cefle  caufe  ceux  qui  par  deuotion  -vifitent  les  lieux  &  eglifes  dédiées  aufdi  ts faintfsjont fatnâç- 
$  Moment  &*  religieusement. 

Response  xiiii. 

IEfus  Chrift  a  ofté  toute  différence  de  lieux  en  difant,L'heurc  eft  venue  que  les  vrais 
adorateurs  n'adoreront  plus  Dieu  en  cefte  montagne  ny  en  Ierufalem  .  mais  adore- 
ront Dieu  par  tout  en  ciprit  Sévérité.  Car  il  ne  parle  point  là  feulement  de  la  folle  de- 
uotion que  pouuoyent  auoir  peu  de  gens  :  mais  il  monftre  en  quoy  nous  differos  d'auec 
i.Tim.i.  jes  pcrcs  de  l'ancien  Teftament.  A  quoy  conuientee  que  dit  S.Paul,  quand  ileomman 
de  que  les  hommes  leuent  leurs  mains  pures  au  ciel  en  tout  lieu.  Pourtant  ceux  quii- 
magment  qu'il  y  ait  plus  grande  faincreté  en  vn  lieu  qu'en  1  autrc,à  ce  qu'on  repute  oeu- 
ure  méritoire  de  viliter  les  lieux  par  deuotion,  remette  t  au  deifu  s  vne  nouuelle  Iuifue- 
rie:combien  que  cefte  fuperftition  eft  pire  qu'vn  Iudaifme ,  d'autant  qu'anciennement 
Dieu  auoit  aflîgné  lieu  en  Ierufalem  pour  adorerrmais  ceux-cy  à  la  façon  des  Payens,fe 
forgét  à  leur  pofte  des  hauts  lieux  &:  des  temples,  qui  ne  font  que  cauernes  d'abomina- 
tion. Secondemcnt,il  n'y  auoit  que  Dieu  fcul  qui  fuft  adore  en  Ierufalem:  mais  ceux-cy 
confacrentdcs  temples  en  l'honneur  descreatures. 

QVE    LES    SAINCTS    PE  V  VENT  DROITE- 
ment  eftre  inuoquez pluftoft  que  Dieu. 

/  ejuelcun  en  teglife  ou  hors  adrejjè  d'entrée  fon  oraifon  à  la  glorieufe  -vierge  Marie ,  ou  a  quelque 
faincl  premier  quà  Dieu,  ilne  pèche  point. 

Response  xv. 

ç  'Il  n'eft  nullement  licite  d'auoir  noftre  refuge  aux  fainds  pour  les  prier ,  c'eft  en  vain 
^  qu'on  difpute  fi  deuant  ou  après.  Or  puis  que  Chrift  nous  eft  donné  pour  Médiateur 
vnique,  par  lequel  nous  ayons  acc,ez  à  Dieu:  ceux  qui  ont  leurs  recours  aux  faintts,  le 
laiifans  là  derrière,  n'ont  aucune  couleur  pour  exeufer  vne  telle  peruerfité.  Quant  eft 
Roh  g.  des  prières  qui  Ce  font  au  temple,Salomon  en  la  dedication  folennelie  qu'il  fit,  difoit,!- 
ci  fera  inuoqué  ton  nom, Seigneur.  Hors  du  temple  tous  les  fidèles  difent  enfcmble  au 
Pfeaume,Les  vns  Ce  fient  en  leurs  efteuaux,  les  autres  en  leurs  chariots:mais  nous  inuo- 
querons  le  nom  du  Seigneur. 

DE    L'ADORATION    DE    LA  CROIX, 
&:  des  images. 

ÇKÏÏp  L  ne  faut  aucunement  douter  que  foy  agenouiller  deuant  C image  du  crucifix,  &ide  la  vierge  Marie, 
g^j^eS?4  £  autres  faincl  s  ,pour  prier  nojhe  Sauueur  le  fus  Chrtft  les  fainÛs ,  ne foit  bonne  œuure  O* 
faintie. 

Re  s- 


io  remède^ pour  s'en  depeftrer.  /// 

Response  XVI. 

T^Es  images  &  ftatucs,nous  en  auons  le  commandement  de  Dicu.>qui  nous  dit,Tu  ne  Éxo<Uo, 

les  adoreras,  &  ne  leur  porteras  honneur,  Or  le  mot  d'adorer  emporte  ce  que  nous  RvUt-5" 
difons,S'agcnouiller.&:  de  raict,quc  telle  ait  cfté  l'opinion  des  Gctils,  de  prier  les  dieux 
celeftes  en  s'agenouillant  deuant  leurs  images,  leurs  propres  liures  en  font  foy.  Saintfc 
Auguftin  auffi  raconte  quelles  exeufes  pretendoycntlcs  idolâtres  de  fan  temps  :  c'eft  SH*kvfc. 
que  les  fîmplcs  5c  idiots  difoyent  qu'ils  n'adoroyent  point  la  figure  vifiblc,mais  la  diui-  "3' 
nequiy  habitoit  inuifiblcmcnt.  Ceux  quiauoyent  l'cfpritplus  aigu,  difoyent  que  ce 
n'eitoit  point  l'image  qu'ils  adoroyent,  ne  le  diable,  mais  qu'en  l'effigie  corporelle  ils 
contemployent  le  ligne  de  la  chofe  qu'ils  dcuoyét  adorer.  Le  femblable  nous  cft  mon- 
ftré  par  Euiebe ,  &  Laftance  ancien  Docteur  de  l'Eglifc.  Puis  donc  que  ceux  qui  s'age- 
nouillent auiourdhuy  deuant  les  images,  ne  différent  en  rien  des  anciens  idolâtres, 
nous  concluons  que  cefte  façon  eft  condamnée,  tant  par  la  parolle  de  Dieu  que  parl'- 
authorité  des  anciens  Pères.  Et  certes  ce  que  dit  S.  Auguftin  eft  vray ,  Que  nul  ne  peut  Surle  pf'-. 
prier  ou  adorer  en  regardant  vne  image,  qu'il  ne  penfe  eftre  e  xauce  par  icclle:  Car  la  fi-  ?rï4$. 
gure  des  membres,dit-il,nous  induit  là  que  nous  penfios  qu'vn  corps  iemblable  au  no- 
if  rc,ait  vie.  Et  par  telle  fimilitude  incite  les  ames  infirmes  de  penfer  qu'il  y  ait  quelque 
vigueur  &:  vertu.  Et  toufîours  cela  aduient  quand  on  les  colloque  en  lieu  eminent. 
Pour  cefte  caufe  il  a  efté  décrété  autresfois  en  Côcile,qu'on  ne  fift  nulles  peintures  aux  co,,d!.ti;. 
temples,  $c  que  ce  qu'on  doit  adorer  ne  fuft  pourtraidl  aux  parois.  Pourtant  S.  Ambroi-  ^"onXt. 
fe  parlant  d'Helene  mere  de  Conft antin,  comme  elle  trouua  la  croix  :  dit,  Elle  adora  le  bttu  m  r»«, 
Roy,non  point  le  bois:  car  ceftvn  erreur  Payen,&  vanité  des  infidèles*  rli"^0\ 

DV  PVRGATOIRE, 

fi^^jf'Vw faut  croire  fermement  &  nullement  douter^ il  y  a  vn  Purgatoire^  auquel  les  ames  détenues, 
cMÊ%3 font  aidées  paroraifonS)ieufnestaumofnes  Çrautres  bonnes  œuures:afn  d 'eftre  pluftoft  dcliurees  de 
leurs  peines, 

Response  xvii. 

DV  Purgatoirc,i'Efcriture  n'en  fonne  mot.  Et  S.  A  uguftin,côbien  qu'il  fe  laiffe  en  ccft  %££J* 
endroit  vaincre  par  la  couftume,  côfefle  neantmoins  que  l'opinion  qu'on  en  a ,  n'eft  i. 
fondée  en  nul  tefmoignage  de  l'Efcnturc,finon  en  l'hift oire  des  Macchabées  :  laquelle 
toutefois  il  recognoit  n'eftre  point  canonique^  S.Hierome  le  dit  auffi,  &:  cfl  tenu  de 
tous.  Car  le  pafTage  qu'on  allègue  de  la  première  Epiftre  aux  Corinthiens,  S.  Auguftin  Chap.j, 
mcfme  l'expofe  autrement:  &  le  fens  cft  tel,Comme  il  y  a  tranflation  aux  mots  de  Pail-  ^jjf'i 
Jc,de  foin  &  de  bois:aufTi  fans  doute  le  mot  de  feu  fe  préd  par  trâflation  ,  pour  l'examen  i*»™»**» 
du  faind  Efprit ,  lequel  confume  toutes  doctrines  humaines , approuue  la  vérité  de  C"P-6S- 
Dieû7comme  l'or  cft  efprouué  en  lafournaife.  Or  combien  que  S.  Auguftin,  comme  i-  jJ<m 
ay  dit,  cède  à  la  couftume  iufques  là ,  de  ne  point  nier  le  Purgatoire ,  toutefois  il  n'en  ' 
ofe  rien  affermer.  Qui  plus  eft,  il  en  parle  douteufement,  difànt  qu'il  n'eft  pas  incredi- 
ble,&:  qu'on  peut  enquérir  fiainfieft.  D'autrcpart,  il  n'eft  pointfermeen  vn  propos 
quant  à  cefte  maticre:car  il  enfeigne  ailleurs,  que  les  ames,  en  fartant  de  ce  monde  ont  Vannl  '* 
diuers  réceptacles, où  les  bonnes  reçoyuent  ioyc,  les  mauuaifes  font  tormentees  :  mais  u""'*9' 
que  chacun  entre  incontinent  après  la  mort  au  repos  des  fidèles ,  quand  il  en  cft  digne. 
Toutefois  puis  qu'il  eft  en  la  puiflàncc  de  Dieu  feul,  d'ordôner  des  ames  des  trcfpaifez: 
il  n'y  a  rien  plus  feur  que  d'efeouter  cômét  il  en  parlc,veu  que  cela  gift  en  fa  difpolîtion. 
Or  quâd  l'Efcriture  teftifie  que  ceux  qui  meurent  au  Seigneur  font  bien-heureux,  d'au-  Apoc.r4: 
tant  qu'après  la  mort  ils  repofent:  quand  elle  nous  enfeigne  que  les  morts  reçoyuent  iuci6. 
confolation,viuerit  auec  Chrift,  &:  iouifîent  de  la  prefenec  de  Dicu,appuyons-nous  fur  Philip,  j. 
cefte  dodrine,  laquelle  n'a  nulle  controuerfie.  Quele  baftiment  dePurgatcirc  aitau-  lCor  5- 
tant  de  fermeté  que  peut  auoir  vne  fantafic  forgée  au  ccrucau  des  hommes  fans  autho 
ritéderEfcriture,touchantdes  chofes  incognues.  Certes  lesoraiionsparlcfquclleson 
leur  veut  fubuenir,veu  qu'elles  ne  font  fondées  fur  aucun  commandement  de  Dieu,ne  R.°«u0. 
fur  promefTe  aucune,  n'ontpomtee  fondement  de  foy  que  S.  Paul  requiert  en  toutes 
les  prières  des  fidèles.  Il  ne  nous  eft  rien  plus  diligemment  commandé  en  l'Efcriture, 
que  d'exercer  toutes  œuuresde  charité  enuers  les  viuâs.de  fubuenir  aux  morts, il  n  é  cft  e»  rtifwrt 
fait  nulle  mention.  Dauantage,  il  n'y  en  a  nul  exeple:  corne  ainfi  foit  que  l'Efcriture  ra-  T»- 
çpte  de  la  fepulture  de  nlufîeurs,  &  mefme  des  cérémonies  des  funérailles,  les  deduifàt  \'Z'yaU~ 

t.iii. 


Liurcs  IL 


^Articles  des  SorboniHestë 


tout  au  long.  Or  n'eft-il  pas  croyable  que  le  faindEfprit  fcfuft  amufcàccs  chofes  lé- 
gères, laiilànt&:  oubliant  le  principal. 

DE  L'EGLISE,  &AVTHORITE  D'I C ELLE. 
Î^SpJ  &  chacun  Chrejlien  eft  tenu  de  cotre fermement  ^cjuily  a  en  terre  vue  Egltfeyniuerftlk  yVtfible^ui 
Ç^fij ne  peu*  errer  en  la  foy  &  bonnes  mœurs.  ~4  laquelle  tous  C'hrefliens  font  tenus  à' obéir  en  ce  qui  tou- 
che lafoy  &  les  bonnes  mœurs. 

Response  XVIII. 

r^  V'ily  ait  eu  Eglife  vninerfelle  des  le  commencement  du  mode ,  &:  qu'elle  doyue  du- 
^i^rer  iufqucs  en  la  fin, nous  le  confeifons  tous.  La  queftion  eft ,  De  l'apparccc  par  la- 
Fphe.i.      quelle  no9  la  pouuos  difeerner.  Or  nous  difons  que  fa  marque  eft  la  parollc  de  Dicu:ou 
i.Cor.ir.    bien,  ii  quelcun  l'aime  mieux  ainfi,  puis  que  Iefus  Chrift  eft  le  chef  d'iccllc  :  comme  on 
Mat.x«.     cognoit  vn  homme  par  la  race,  ainii  diibns-nous  qu'il  la  faut  côtempler  en  Ieius  Chrift 
comme  il  eft  eferit,  Où  fera  le  corps,  là  s'aiîcmbleront  les  aigles.  Item,  il  y  aura  vn  leul 
troupeau  &:  vn  fenl  Paftcur.  Or  comme  ainii  foit  qu'il  n'y  ait  pas  toufiours  pure  predica 
tion  de  la  parolle,  &:  que  la  race  de  Chrift  n'apparoifTe  point  toujours ,  nous  dilbns  que 
femblablemcnt  l'Eglife  neft  pas  toufiours  expofee  à  la  veue  du  mode,  comme  nous  en 
auôs  l'exemple  de  pluheurs  temps.  Car  du  temps  des  Prophètes  la  multitude  des  mef- 
chans  fur  montoit,  tellement  que  la  vraye  Eglife  eftoit  fufroquee.  Auflldu  temps  que 
noftre  Seigneur  Icfus  eftoit  au  monde ,  Dieu  auoit  l'on  petit  troupeau  caché  de  la  veuë 
des  hommes,  &:  cependant  les  mefehans  vfurpoyent  le  nom  de  l'Eglife.  Mais  ceux  qui 
i.Roisi*.    ont  les  yeux  fi  clairs  ,  qu'ils  fe  vantét  de  voir  toufiours  rEglifc,que  diront-ils  d'Helic,le- 
quel  penfoit  cftre  demeuré  feulî  Vray  eft  qu'il  fe  trompoit  :  mais  tant  y  a  que  cela  nous 
2  t  kili.  môftre  que  l'Eglife  de  Dieu  no*  peut  bien  cftre  occulte. principalemét  veu  que  S.  Paul 
a  uredit,  que  le  monde  fe  reuolteroit  de  l'obei/Tance  de  Dieu.  Concluons  donc  que  là 
ou  Ieius  Chrift  apparoift,  &:  où  la  parolle  eft  ouye,  l'Eglife  auiîî  y  eft  apparente,commc 
K  .m  io.     il  eft  efcrir,Mes  brebis  oyent  ma  voix.  Aucontraire,  que  fi  la  doctrine  de  vérité  eft  enfe- 

1.  rim  3.    uelic,  l'Eglife  quant  &:  quant  s'efuanouit.  Or  nous  confeifons  auec  S.Paul,  cefte  Eglife 

cftre  colomnc  &  firmament  de  la  vérité, d'autant  qu  elle  garde  la  bonne  dodrinc,  &c  ï- 
Ic  in  3'      entretient  par  ion  miniftere,à  ce  qu'elle  ne  pcriifc  du  môde.Car  puis  qu'elle  eft  clpou- 
Fpluf.ç.     çc  tje  ie[us  Chrift,  c'eft  raifon  qu'elle  luy  foit  fuiette.  &:  auhl  fa  vraye  chafteté  ,  corne  dit 
or. ii.    s.Paul,  eftdenepoint  foufFrir  qu'on  la  deftournedelafimplicité  de  Chrift.  Ellen'crre 
point  donc,  pource  qu'elle  fuit  la  vérité  de  Dieu  comme  règle,  fi  elle  en  décline,  elle 
n'eft  plus  Eglife,  mais  deuient  adultère.  Que  ceux  qui  attachent  l'Eglife  à  la  puiflance 
tmt.jux*.  ordinairc,&:aux  pompes  extérieures,  efeoutent  que  S.Hilaireen  prononce:  C'eft  folle- 
mctfait  à  vous,dit-iJ,de  tât  aimer  les  beaux  baftimens  ,&:  de  là  honorer  l'Eglife  :  ne  là- 
uez-vous  point  q  c  eft  là  q  l'Antcchrift  doit  auoir  fon  fiegerle  me  tic  plus  leur  aux  mon 
tagncs,&  aux  bois  &:  caucrncs:car  c'eft  là  q  les  Prophètes  eftas  cachez,  ont  prophetife. 

QV'iL    APPARTIENT    A    L'EGLISE  VISIBLE 
taire  refolutions  fur  la  dodrinc. 

§W$kl"e fi  aucune  ebofe  venoit  és  fainctes  Efb-itures  en  controuerfw  ou  doute,  a,  icelle  Fglife  appartient  en 
)g£^ùiffinir  £7*  déterminer. 

Response  xix. 

i  Cor  i4.  r  AindPaulnousmonftre  lafaçonde  diffinirfurlefaiëtde  Jadodrine,quantaux  Egli- 
fe s  particulières, difant  que  deux  Prophètes,  ou  trois  tout  au  plus,  parlent ,  &:  que  les 
autres  iuget.  Si  quelcun  de  ceux  qui  font  afîis,  a  meilleure  reuclation,  qu'il  fe  leue  pour 
parlcr.S'il  y  furuient  quelque  côtention  entre  les  Eglifes,  nous  confcftbns  que  pour  les 
appaifer,  la  façon  qui  a  toufiours  cfté  obferuec  aux  Eglifes,cft  trefbonex'eft  que  les  Pa- 
fteurs  s'afiemblét,&:  qu'ils  dirHniiTent  par  la  parollc  de  Dieu  ce  qui  eft  à  tenir.  Aduifons 
quelle  feurté  il  y  a  de  tenir  les  diffinitions  de  l'Eglife  pour  oracles  de  Dieu  :  C'eftoit  le- 

2.  Para  is,  glife  vifible  à  laquelle  Michee  feul  refiftoit.  C'eftoit  l'eglife  vifible  qui  difoit ,  Venez, 
icrcm.18.  forgeôs  des  penfecs  cotre  Iercmic:car  la  fageiîe  ne  périra  poît  des  fages  ,ne  le  côfcil  des 
kan  iî.     Ancicns,ne  la  Loy  des  Preftres.  Finalement  c'eftoit  l'eglife  vifible  le  collège  des  Pre- 

ftres>&:  le  Concile  qui  s'a/fcmbla  contre  Iefus  Chrift. Qu'ainfi  foit,  il  y  auoit  vneHierar- 
chie  beaucoup  mieux  fondée, que  n  eft  celle  de  laquelle  fe  vantet  auiourdhuy  ceux  qui 
.prctcdentlc  nom  de  l'Eglife. Parquoy  ceux  qui  veulent  qu'on  reçoyue  indifféremment 

cou- 


<ec- 
Crre- 


Le  remède^  pour  s'en  depefirer.  112 

toutes  diffinitions  de  l'eglife  vifibIe,impofent  cefte  neceflîré  aux  Chrcftiens,d'adherer 
à  rimpictc,renonçant  Chrift  &:  dclailTant  la  vérité  de  Dieu. 

DES    ARTICLES    DE    FOY  COM- 
pofezparl'Eglife. 

,  /  ejï  aufsi  certain,  quon  doit  a-oire  beaucoup  de  i  hojès  qui  ne  font  exprefjèment  &  Jpecialemenf  co- 
tenues  aux  fondes  Ejcritures-.lejquelles  toutefois  ejl  de  necefsiré  receuoirpar  la  tradition  de  î  eglife. 

R.KSPONSE  XX. 

Le  Seigneur  en  pluiicurs  fortes àc  manières, dit  l'Apoftre,a  parlé  anciennemétà  nos  Hebr.i. 
Percs:  finalement  en  ces  derniers  iours  il  a  parlé  à  nous  par  Ion  Fils  bien-aimé.  Or 
nous  pouuons  iuger  par  ce  que  dit  la  Samaritaine,  en  quelle  reputatiô  on  auoit  au  peu-  kan  4- 
pie  d'Ifrael,la  do&rine  de  Chrift .  Quand  le  MeiFias  fera  venu,  il  nous  annoncera  toutes 
choies. Il  nous  conuient  donc  arrefter  à  cefte  doef  rinc:en  laquelle  nous  fauons  que  tou 
te  perfe&ion  de  la  iagefle  celefte  eft  enclofe .  Pourtant  faind  Augultin  a  eu  trcfbon  iu-  mM 
gement,quandiladitquetoutcequi  n'eft  point  reuelé  auxEicritures  ,  n'eft  point  rc-  "'er° 
quis  à  noftre  lalut:pource  que  s'il  y  euft  efte  ncceiîaire,Dieu  ne  l'euft  point  omis .  Il  y  a  miJ'1't'ylt' 
auifi  vne  belle  fentence  en  faind  Chryfoftomc  à  ce  propos,  quanti  il  dit,  Comme  Iefus  De  f^stoo- 
Chrift  a  teftifïé  qu'il  ne  parloir  point  de  foy,  d'autant  qu'il  parloit  par  la  Loy  &  les  Pro-  st> 
phetes:ainiî, quand  on  mettra  rien  en  auant  outre  FEuangile  tous  ombre  de  l'Efprit,  ne 
le  croyons  point  :  car  corrjjne  Iefus  Chrift  eft  l'accompliilement  de  la  Loy  &;  des  Pro- 
phetes,auflî  eft  l'Efprit,de  FEuangile.  En  lbmme,puis  qu'il  nous  faut  prendre  de  Dieu 
feul  la  vérité  de  noftre  foy,nous  concluons  que  la  droite  foy  eft  fondée  aux  feules  Efcri 
tures,lefquellesfontprocedeesdeluy:  veu  que  là  il  nous  a  voulu  enfeigner  non  pas  à 
dcmi,mais  pleinement ,  de  tout  ce  qu'il  vouloit  que  nous  feulFions ,  &  qu'il  preuoy oie 
nouseftrevtile. 

DE    LA    PVISSANCE  D'EXCOMMUNIER. 

\aryne  mefme  certitude  de  verite\faut  croire  que  la  pmffance  d'excomunier  ejl  de  dwicl  diuiny  tmrne 
\diatement  ottroyeepar  lefm  Chriftk  l'Eglife .  Et  pour  cejlccaufe  font  à  craindre  grandement  les 
cenfures  ecdefiajliques. 

Response  xxi. 

Co  m  m  e  la  puiffance  d'excommunier  eft  commife  à  l'Eglife,  aufîî  la  règle  d'en  bien  v- 
fer  luy  eft  commandée .  c'eft  premièrement,  qu'elle  ne  îuge  point  fînon  par  la  bou-  MaIacJl  a 
che  du  Seigneur:fccondemét,qu'elle  tende  à  fin  d'edifîcr,&:  non  pas  de  deftruirc.Si  clic  i.Cor.io. 
en  fait  autrement ,  le  dire  de  S.  Grégoire  eft  commun, Que  celuy  qui  abufe  de  fou  pou- 
uoir,merite  de  perdre  fon  priuilege.Or  nous  parlons  de  l'eglife  apparente:  car  la  vraye, 
comme  elle  fe  gouuerne  par  l'Efprit  de  Chrift,auiFi  en  iugeant  elle  ne  déclinera  iamais 
de  la  règle  de  fa  Parole.mais  pource  qu'il  aduient  fouucntcfois ,  que  ceux  qui  tiennent 
lapuiftance  ordinaire  en  l'Eglife,  exercent  vne  tyrannie  au  lieu  d'vn  bongouuerne- 
ment,  il  nous  faut  diligemment  obferuer  cefte  diftinclion  :  autrement  ce  feroit  en  vain 
que  Iefus  Chrift  euft  dit  à  fes  Apoftres ,  Ils  vous  reietteront  hors  delcurs  fynagogues, 
Parquoy  il  ne  nous  faut  craindre  d'eftre  excomuniez  d'vne  aflemblee,de  laquelleDieu 
eft  banni  auec  fa  verité.Mais  touchant  de  l'Eglife  laquelle  a  la  pure  Parole  pour  le  lien 
de  fon  vnion,non  feulement  il  nous  faut  craindre,mais  garder  fur  toutes  chofes  d'en  e- 
ftre  feparez:car  il  n'y  a  point  de  faluthors  la  communion  d'icellc.  Ezecli.u. 

DE    L'A  VTHORITE    DES  CONCILES. 

Leslaufsi  certain  que  le  concile general^legitimement  &  deuement  cong>-ege'>  reprefentantfeghjè 
•vmuerfelle^ne  peut  errer  és  déterminations  delà  foy  &  des  mœurs. 

Response  xxii. 

•  e  sv  s  Chriftjpmet  d'eftre  au  milieu  de  ceux  qui  feront  aiFemblez,mais  en  fon  nom.  Mâtch.18. 

1  Pourtant  il  ne  faut  pas  adioufter  foy  indifféremment  à  tous  conciles  :  mais  feulemét 
à  ceux  que  nous  fauons  auoir  efté  congregez  au  nom  de  Chrift .  Les  Prophètes  crient 
de  leur  temps,que  depuis  le  Prophète  iufqu'au  Preftre ,  chacun  fuit  menfonge .  Item,  Iercm-*- 

t.  îiii. 


ifj.  *: 

locl  1. 


L/wo  IL  os4 rticles  des  Sorbonifles,  & 

Leurs  Prélats  font  tous  aucugles:leurs  Pafteurs  n'entendent  rien. Item, la  confpirauon 
•â's6-'      de  leurs  Prophètes,  cft  comme  des  lions  rauifiàns  la  proye:  leurs  Preftres  ont  violé  la 


Izccfa 


•  Picr. 


Loy,&  ont  profane  la  faincteté.Puis  q  l'cglile  d'Iirael,qui  eftoit  la  vraye  cghfe  de  Dieu, 
a  elle  miette  à  celte  pourcté,  pourquoy  ne  nous  en  aduicndroit-il  autant  auioiardhuyî 
Mcimc  ks  Apoftrcs  ont  dénoncé  qu'il  en  aduiendroit  ainfi  :  Com  me  il  y  a  eu  des  faux- 
pi  ophetes  au  peuple  ancié,difent-ils>ainfi  il  y  aura  entre  vous  des  faux-docteurs.  Nous 
concluons  donc  qu'vn  Concile  eftantaffemblc  au  nom  de  Iefus  Chrift ,  eft  gouucrnc 
parle  S.Efprit:&  par  la  grâce  d'iceluy^ft  conduit  en  vcrité:mais  q  ceux  où  Iefus  Chrift 
neprefide  point, font  gouuei  nez  par  leur  propre  fc«s:&  pourtant  ne  pcuuent  qu'errer 
&  mener  en  crreur.Nous  difonsaulîl  qu'aucunsConcilcs  font  du  commencement  gou 
uernez  par  le  S.Efprit,  tellement  qu'il  s'y  mefle  puis  après  quelque  affection  charnelle, 
l«"  3-  pour  les  faire  décliner  de  la  vérité  en  quelque  endroit:  car  il  n'y  a  que  Iefus  Chrift  feul 
auquel  refide  toute  plénitude  d'Efpnt.à  chacun  des  autres,  ta  grâce  cft  donnée  par  me- 
line. 

DE    LA    PRIMA  VTE    DV    SIEGE  ROMAIN. 

Tries! point  moins  certain  ,  que  de  droit  diuin  il  y  a  i>n  Pape ,  qui  efl  leô.ef fouuerain  en  Vepjifi 
Ifcy  militante  de  Icfhi  C  hnjl^u^ueliCHi  C  hreSltens  doment  obéir:  qui  a  au/si  puijjance  de  conférer  les 


1  Cd.ll 


md<  thèmes. 


Response  XXIII. 


Ephcf.i.4,  T  'escritvkl  fait  fouucnt  mention, que  Chrift  eft  le  chef  vniuerfel:  duPape,iln* 
LCn  eft  nulle  nouuellc.  Et  quand  fainctPaul  nous  depeind  la  figure  de  l'Egli(e,il  ne 
EpÎJ**'  met  point vniucrfclEpifcopal de  quelque  homme  mortel, mais  dit  que  Iefus  Chrift 
gouuerne  fon  Eglile  par  fes  miniftres  .  Et  toutefois  ce  paflàge-larequcroit  bien,  li  la 
vente  euft  efté  telle,qu'il  en  euft  nommé  vn  comme  ayant  prééminence  par  deffus  les 
autres.  Il  déclare  le  moyen  de  fvmté  en  laquelleles  fidelesfont  conioints  aucc  Iefus 
Chrift  leur  chcf.pour  nous  amener  à  cefte  vnité ,  il  dit  qu'il  y  a  vn  Dicu,vne  Foy>vn  Ba- 
ptefme. Pourquoy  n'adioufte-il  vn  Pape, comme  chefminifterial,  ainfi  qu'il  fe  nomme? 
Dauantagc,il  déduit  là  de  propos  délibéré, la  hiérarchie  laquelle  les  flatteurs  du  Pape 
difenr  principalement  confifter  en  la  primauté  du  fiege  Romain .  Pourquoy  donc  ou- 
blic-il  ce  qui  faifoit  le  mieux  à  fon  propos  ?  Il  dit  en  vn  autre  lieu, que  la  grâce  d'Apo- 
Ga!.r,&2.  ftolat  hvy  eft  donnée  entre  les  Gentils ,  égale  à  celle  que  Pierre  auoit  entre  les  Iuifs. 
dont  nous  deduifons  deux  poincls  :  c'eft  qu'il  n  auoit  point  faincl  Pierre  pourchef,Ôc  q 
FApoftolat  de  fain£t  Pierre  ne  sadreffe  point  proprement  à  nous  qui  fommes  Gentils: 
mais  cft  deftiné  pluftoft  aux  Iuifs.  Au  mcfme  paffage  il  récite  qu'il  auoit  promis  com 
pagnic  aucc  Picrrc,pour  cftre  compagnons  enkmble,&:non  pas  qu'il  le  recogneuft  fu- 
(  Pjcr  pericur .  Sain£t  Pierre  auffi  de  fon  cofté,efcriuant  aux  autres  Prcftres,ne  leur  comman- 
de point  comme  par  authorité-.mais  il  le  s  fait  fes  compagnons,&  les  exhorte  aimable- 
ment,comme  iUc  fait  où  il  y  a  cqualité  .  Quand  on  Paccufe  d'auoir  communiqué  a- 
uec  les  GentilSjCÔbicn  que  ce  foit  à  tort:toutcfois  en  s'exculant  deuant  l'Eglife,il  mon- 
ftre  fuic&ion  .  Eftant  iuftement  reprins  de  faind  Paul,il  n'allègue  point  exemption; 
mais  fouffre  en  obciftant,d'eftre  corrigé.  Quand  il  eft  enuoyé  aucc  Iean  en  Samarie  par 
£phe^'4'  fes  compagnons,il  obéit  à  leur  décret.  Tenons  donc  ce  que  dit  fainct  Paul,Que  Chrift 
cft  le  chef,duqucl  tout  le  corps  eftant  conioint  par  iointures  &:  liaifons,  félon  la  vertu 
&  la  mefurc  d'vn  chacun  mcmbrc,par  l'adminiftration  d'enhaut,  prend accroiflefnent 
au  Seigneur-.car  là  il  conftitue  tous  les  hommes  du  monde  au  corps  comme  membres, 
referuant  l'honneur  &  le  nom  de  chef  à  Iefus  Chrift  (cul.  Dauantagc,il  attribue  à  cha* 
cun  membre  certaine  mefure&  opération  limitée:  en  forte  que  laïouuerainepuiffan- 
Tu7t'i'  cc  ^c  gouucrncr  demeure  toufiours  en  Iefus  Chrift .  Sainct  Cyprian  auflî  deicriuant 
torum.  '  l'vnite  de  l'Eglife ,  Il  y  a,  dit-il,  vn  Euefché,  dont  chacun  Euefque  en  tient  vne  portion 
entièrement,  comme  ilya  plufieurs  raiz  au  Soleil  ,"&:  la  clarté  eft  vne:  plufieurs  bran- 
ches  en  vn  arbrc,&:  le  tronc  eft  vn, fondé  fur  fa  racine:  plufieurs  ruiffcauxdecoulansd'* 
vncfontainc,dontlafourcccftvne:aufl1  l'Eglife  eftant  illuminée  de  la  clarté  duSei- 
gncur,efpand  fes  raiz  par  tout  le  monde  :&  toutefois  la  clarté  n'eft  qu'vnc .  elle  eftend 
fes  branches  par  tout,&:  fait  découler  fes  ruiffeaux:  il  y  a  toutefois  vn  chef&  vne  origi- 
ne. Nous  voyons  qu'il  fait  l'cuefché  de  Iefus  Chrift  feul  vniucr(el,difanc  qu'rl  eft  par- 
ci 


A  et.  15. 


Gilar 
Ad>.8. 


L  e  remède  pour  s  en  depeflrer*  à  i  £ 

ti  cnrelcsminiftrcs.  Peur  celle  caufeilfutiadis  défendu  au  concile  de  Carthagc,quc  c/,^.47. 
nul  ne  fuit  appelé  Prince  des  Luc(ques,ne  premier  Euelque:  mais  feulement  Euelque 
du  premier  liège. Et  faindGregoire  en  exécration  detefte  le  nom  d'Eucfque  vniuerfel,  jjjjf7* 
comme  profane  &:  exc  et  ablc  ,  dilànt  qu'il  eft  muenté  du  diable,  &:  que  cv{\  le  titre  du  «t«&.*pft. 
precurfcurderAntcchnft.  Et  faind  Cyprian  eue  (que  de  Cai  thagt , n'appelé  point  au-  Jjjjv"'" 
ticmcntreucfquedt  Romc,que  ion  frcrc&:  compagnon^  euelque  comme  Iuy.  Mcf-  jt»g$.fc 
me  cfcriuant  à  Efticnne,qui  eftoit  auili  bien  euelque  de  Rome,  non  feulement  il  le  fait  JJT'-* 
cgâlàfoy,mais  auflî  Ictraitterudementîrarguantd'ignoiancc  &:  de  prcfomption.Mef-  t^.gj.^ 
nu  faind  Hicromc,qui  eftoit  preftre  de  figlilc  Roma;nc,abailfc  bié  la  hauteffe  du  lie- 
ge, quand  il  dir,S'ileft  queftion  d'authorité,le  monde  eft  plus  grand  qu'vnc  ville .  Qu'-  'conf 
cil  ce  que  tu  m  allègues  la  couftume  d'vne  ville  ?  Pourquoy  aftiains-tu  l'Eghfcàpeu  Ep>ji..,dE. 
de  gens, qui  eft  la  fource  de  tout  orgueilrPar  tout  où  il  y  a  Euelque, l'oit  à  Rome  ou  à  Eu  ua&r' 
gubio:lo:t  à  Conftantinoble  ou  à  Rcgc,il  eft  d'vne  mefme  digniré,&-  d'vne  mefme  pre- 
ftnfc.La  puilîancedcsrichefTes,ou  lebaseftatdepouretémefait  vn  Euelque  fupericur 
ou  inférieur .  Finalemcnt,cncoreque  noirs  concédions  tout  a  nos  Romanilques:lî  eft- 
ce  toutefois  que  celuy  qui  n'eft  point  Euelque ,  ne  peut  cftrc  princjpal  c  ntreles  Euel- 
ques .  Quant  au  fécond  membre ,  il  eft  vray  qu'ancienncment.pource  qu'en  impofoic 
peine  aux  penitens,il  eftoit  en  la  diferetion  de  chacun  Euelque  de  remettre  ou  châger 
les  peines  impofecs:  mais  cela  eftoit  feulement  pour  la  police  &c  ordre  de  l'eglife.  De- 
puis par  ignorance  on  a  tranflaté  cela  à  la  confcience,faifan  t  à  croire  que  c'eft  la  remif- 
lion  des  peines  que  nous  deuons  à  Dieu.     Or  c'eft  vne  grande  impieté ,  d'attacher  au 
parchemin, ou  au  plomb  &:  à  la  cire  ,1a  grâce  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chnft,qui  nous 
eft  appliquée  parrEuangile,5c  laquelle  nous  receuons  partoy ,  Il  y  a  encore  vne  autre 
impieté  plus  mcfchante:c'eit  qu'ils  difent  que  telle  remilîîon  fe  fait  en  vertu  de  la  moir, 
des  Martyrs,comme  s'ils  eulfent  efté  nos  rédempteurs  pour  nous  réconcilier  àDiciijOu 
pour  faire  la  fatisfadion  de  nos  pechcz.Or  faind  Paul  teftific,que  ne  luy  ni  autre,  linon  i-Corr. 
Iefus  Chrift,n'eft  point  mort  pour  les  Corinthiens:&:  faind  Ieâ  dit,que  tous  les  Sainds  AP°C1- 
ont  laué  leurs  robbes  au  fang  de  l'Agneau  :  pourtant  nous  concluons  auec  Léon  eueliq  W-^o 
de  Rome  premier  de  ce  nom ,  que  i  a-foi  t  que  la  mort  des  Sainds  ait  efté  precieule  de-  *7" 
uant  Dieu:  toutefois  que  la  paifion  de  n  ul  n'a  efté  la  rédemption  du  monde ,  Item, que 
les  fidèles  ont  acquis  couronnes  en  mourant,  &:  non  pas  donné  :  &  que  leur  conftance 
nous  eft  en  exemple,non  point  vn  don  de  iuftice .    Item, que  nul  ne  paye  la  dette  des  Trdn 
autres  en  mourant. Item  auec  faind  Auguftin, qu'il  n'y  a  fang  de  Martyr  qui  (bit  elpan-  furs.ieM 
du  pour  la  remilîion  des  péchez  :  &  que  c'eft  luv  i'cul  qui  a  endure  la  peine,eftant  inno-  * 
ccnt:afin  que  nous  obtenions  par  luyla  grâce  qui  ne  nous  eft  point  deue.  J 

DES    CONSTITVTIONS    H  V  M  A  I  N  E  S.  » 

Es conftituttons  ecclefiajliques ,  comme  de  ieufiies-,  àifcretion  des  viande^  abstinence  de  chair>& 
0^ plusieurs  autres  chojès^  'véritablement  obligent  la  conftience ,  rnefme  encore  jeduent  tout Jcandale. 
Response  xxiiii. 

Ïl  y  a  vn  fcul  Lcgiflateur,dit  famdlaques,lcqucl  peut  fauuer  &:  damner  :  la  raifon  eft  i^ua 
doublc,d'autant  que  la  volonté  de  Dieu  nous  eft  vne  règle  parfaite  de  toute  iuftice 
&ù  faindeté ,  &  luy  leul  a  la  fuperionté  lur  les  ames ,  laquelle  il  ne  veut  rcligner  à  vn  au- 
tre. Pourtant  il  requiert  par  tout  obeilfance ,  &c  que  nous  l'oyons  fuiets  à  luy  feuhà  quoy 
appartiennent  ces  fentcnccs,Obciirance  eft  meilleure  que  facrifice.  Item,  Tu  obier-  i.Sam.if. 
ueras  ce  que  ie  te  commande, fans  y  adioufter  ne  diminuer ,  Item, Que  chacun  ne  face  Dait  ,a* 
ce  que  bon  luy  fcmblera,mais  fay  feulement  ce  que  ie  t'ordonne. Item,  Ay-je  comman-  Icrcmi7 
dé  à  vos  pères  de  m'offrir  lacrifîccs,&:  non  point  pluftoft  d'efeoucer  ma  voix  ?  Or  laintt 
Paul  prononce  qu'il  n'eft  licite  que  les  confeiences  foyent  aftraintcs  à  quelques  loix  hu  GJI«.f. 
maines:Tcnez- vo9,dit-  il,en  la  liberté  en  laquelle  Chrift  vous  a  appelez:  &c  ne  vous  laif- 
fez  réduire  fous  le  iougde  icruitudc.il  rend  ailleurs  la  raifomd'autant  que  leschofesqui  CoIolTU. 
ont  mefme  apparence  de  fagcffc,font  friuoles  &:  vaines ,  li  elles  viennent  de  traditions 
des  hommes.  Pourtant  il  protcfte,en  traittantdu  mariage,  qu'il  ne  veut  point  mettre  t  Cor  7 
de  liens  fur  les  confeiences.  Le  règne  donc  fpirituel  de  Iefus  Chrift  eft  violé,&  la  puif- 
fance  qu'il  a  lur  les  ames,luy  eft  oftec, quand  les  hommes  oient  tant  vfurper,que  d'aflu* 
iettir  les  confeiences  à  leurs  loix .  Outre-plus ,  c'eft  abomination  deuanc  Dieuycnie  dç 


4 


^Articles  d&s  Sorhoritftes& 


luy  forger  vn  fcruicc  lequel  il  ne  requiert  point,  ou  bien  de  le  feruir  au  plaifir  des  iiorrl- 
l  foie  i9.    mes:comme  El'aie  le  tcfmoigne,  quand  il  dénonce  vne  horrible  vengeâce  de  Dieu  fur 
le  peuple  d'Ifrael,d'autant  qu'il  honnoroit  Dieu  félon  les  commandemens  des  homes. 
Mauç.      Et  la  lentcnce  de  Ictus  Chrift  eft  commune, qu'en  vain  on  honnoreDicu, ayant  les  pré- 
ceptes des  hommes  pour  doctrine.    Quant  à  la  différence  des  viandcs,nous  fauons  ce 
Co!  i      qu'en  ditS.Paul,Qucnulnevous  nigeen  viandcoti  brcuuage.    Item, Le  royaume  de 
Rom.14.    Dieu  n'eft  point  viande  ne  breuuage.Et  Ici'us  Chrift  dit,  Ce  qui  entre  en  la  bouche,nc 
iTinî'     ^olu^c  Pomt  l'homme.  Finalement  S.Paul  en\n  autre  palfage  predit,qu'il  viendra  des 
*"  mi  4    abufeurs,quipar  inftigation  du  diable  défendront  les  viandes  que  Dieu  a  permifes  &; 
créées  à  noft  re  vfage:&  pareillement  condamneront  le  mariage.  Et  ne  faut  ouyr  cefte 
cauillation ,  que  S.  Paul  parlant  des  viandes ,  difpute  contre  les  Iuifs,  &:  que  ce  dernier 
paifage  eft  vne  prophétie  contre  les  Tatiens  &c  autres  hérétiques  :  car  fi  Dieu  a  ofté  la 
différence  des  viandes  qu'ilauoitmifeenfa  Loy  ,&  en  a  permis  indifféremment  l'vfa- 
ge  aux  hommes:qui  fera  ecluy  tant  arrogant  qui  oicra  ordonner  loix  nouuelles,poura- 
Awr.iffl. .  bolir  la  liberté  permife  de  Dieu  ?    Si  S.  Auguftin  fc  complaignoit  à  bon  droicl  de  fon 
\\9Mim.   temps, que  l'cgliiede  Dieu,  laquelle  par  fa  grâce  doit  cftrc  franche,  eftoit  tant  affuiet- 
tic,quc  la  condition  des  Iuifs  a'uoit  efté  plus  tolerable:quellcs  quciimonies  ferôs-nous 
de  la  feruitude  que  nous  voyons  maintenant? 


Col.x 


DES    VOEVZ,    ET    DE    LA    VALEVR    D'ICE  VX. 

Es  yœu^encore  quils  foyent monaftt^ues  &de  religionfomme  de  perpétuelle  iontinence,pourc- 
Ht^h  té->&  ob edïence ^obligent  en  (.on f  ience. 

Response  XXV. 

Il  faut  conliderer  ces  crois  chofes  en  tous  vecuz  .  Affauoir  fi  ce  que  nous  vouons  eft: 
ennoftre  faculté:  Secondement,ii  l'intention  eft  droite:  Ticrccment,li  ce  que  nous 
vouons  plaît  à  Dieu. Par  tout  où  ces  chofes  défaillent,  ourvned'icelles,nousconcluôs 
quelcs  vœuz  font  de  nulle  valeur  &c  de  nul  effect.  Orque  la  continence  perpétuelle  ne 
Mat.19.  foit  en  la  puiffance  d'vn  chacun, l'Elcriture  le  monftre.car  Icfus  Chrift  teftifie  que  tous 
ne  comprennent  point  cefte  Parole. Et  fainâ  Paul  admonnefte,parlant  de  cefte  matie- 
i.cor.7-  re,que  les  dons  deDicu  font  diftribucz:nous  donnant  à  cognoiftre  que  ceftuy  eft  vn  do 
fîngulicr,qui  n'eft  pas  concédé  à  tous .  Et  pourtant  il  commande  à  tous  ceux  qui  ne 
peuuent  rcfîfter  à  leur  concupifcence,d'vfer  du  remède  demariagc  :  Celuy  qui  ne  fe 
i.Cor.7.  pourra  contenir,dit-il,  qu'il  le  marie.  Item,  Pour  cuiter  paillardifc,qu'vn  chacun  ait  fa 
femme  .  Que  la  fin  de  vouer  l'obédience  monacale  foit  vitieufe,  ce  leul  mot  de  S.  Paul 
le  monftre  fuffifamment,quand  il  condamne  tout  feruicc  volontaire:  c  eft  à  dire  forge 
à  la  fantalîedes  hommes:carle  mot  Grec  dont  il  vfe,qu'ona  tranllatc  lupcrftidon,  em- 
porte cela. Or  les  moines  vouent  obédience  à  leurs  abbez,  prieurs  &c  beaux-percs  gar- 
d  icns,l*eulement  pour  honnorer  Dieu  par  inuentions humaines. Nous  difonsaufîi,que 
cefte  pouretc  qu'ils  vouent, n'eft  nullement  agréable  à  Dieu:mais  pluftoft  luy  defplaic: 
car  Dieu  commande  à  chacun  de  viure  de  fon  labeur.  Et  S.Paul  dit  que  celuy  qui  ne 
t.TtdT.y.  trauaj]]e  point,ne  doit  point  manger.  &C  dit  que  c'eft  vne  vie  defordonnee,  quand  vn 
homme  vit  en  oiliueté  du  bien  d'autruy:  commandant  que  telles  gens  foyent  excom- 
muniez. Outre-plus, la  poureté  volontaire  laquelle  Dieu  nous  recômande,eft  cefte-ci, 
Que  le  riche  diftribuant  fes  biens  pôur  fubuenir  à  l'indigence  de  fes  frères,  s'apouriffe 
i.Cor.  8.  a  l'e  xemple  de  Chrift,comme  dit  S.Paul .  Les  moines  au  contraire ,  vouent  pouretc 
pourn'auoir  iamais  faute,  viuans (ans rien  faire  :&:  pour  deuorer  la  fubftancecjespo- 
ures ,  le  priuans  cependant  de  tout  moyen  de  bien-faire.  En  fommc,nous  concluons 
que  tous  vœuz  faits  par  fuperftition,ne  doiuent  tenir  n'auoir  vigueur  pour  lier  lessron- 
lciences.Secondement,que  fi  quelcun  a  fait  vn  veu  cemeraire  par  prefbmption,  qu'il  y 
doit  de  bône  heure  renoncer,deuant  que  Dieu  le  puniffë  pour  l'obftination  de  fon  ar- 
rogance. 

Rces  Nos  maiftresadioufterent  aux  articles  précèdes  aucuns  ftatuts  noua  eaux, 
affauoir,  Que  ceux  de  leur  troupeau  (  ainiï  appelent-ils  ceux  qui  afpirent  àeftre  Ba- 
cheliers ,  ou  Docteurs  de  leur  faculté  &  congrégation  ,  ou  pluftoft  confpiration  ) 
fgnent  ,  auant  que  pouuoir  prendre  leur  degré  ,  lejdites  propoftttons  .     ^  Q*£cn  fermons 

ils 


Le  remed(U  pour  s'en  depeftrer.  / 14, 

il<  inuoquent  le  S.ETpritparl'interceJfion  de  la  yierge  Marie ,  &  parla  falutatien  >singeliqiiÈ .  Qt^tls  n- 
aycntà  dire  Chnft finalement ,  fans  prepofer  le  nom  de  lefws ,  y  eu  <jue  S.  Pierre  dit  cjuil  ny  a  autre  nom 
joies  le  aeli&C.  Finalement  Q^ils  ne foy  eut  négligent  à  recommander  lésantes  des  trefyajfe^.  Voila 
en  lomme  leurs  décrets  magiftraux. 

Rt  SPONSE. 

Es  a  1  h  défend  à  tous  les  difciples  de  Dieu,  de  ne  dire  point  confpiracion,  quand  la  Efafct. 
_  multitude  aura  confpiré.En  quoy  i  1  fignifie  qu'il  ne  tau  t  ni  obtc  m perer  ne  confentir 
a  aucunes  confultationsdcs  iniques.  Suiuonsdoncce  qu'il  commande  apres:c  eft  que 
nous  fandtifions  le  Seigneur  des  armces,adhcranb  à  luy  aucc  crainte:afîn  qu'il  nous  loir 
en  Landirîcation.  Quiconque  talchcra  de  nous  retirer  de  cefte  craintc,qu'il  nous  foie 
en  exécrant  n:&  ne  craignons  point  d'eftre  bannis  delafynagoguc  desmelchansauec  ican  <>. 
1  auèuglc  qui  auoit  efté  illuminé,pour  trouucr  Icfus  Chnft  qui  nous  vienne  au  deuant, 
de  nous  rcçoiue  en  la  communion  de  l'on  corps .  Pluftott  mourir  cent  fois,  que  de  pol- 
luer nos  mains  d'vnc  telle  fîgnature  d'abomination, par  laquelle  nous  renoncions  lave 
rite  de  Dieu.  Ce  que  les  Sorboniftes  font  mention  de  leur  trou  peau,  ils  Te  font  bien  ici 
monftrcz  troupeau  de  pourceaux .  Qui  eft-ce  qui  ne  cognoit  que  l'inuocanon  de  la 
vierge  Marie, de  laquelle  ils  ont  vie  iufqu  a  celle  heure  pour  obtenir  la  grâce  du  fainft 
Efprit,eft  vn  blafpheme  execrable:encore  que  nous  biffions  là  les  titres  pleins  de  iacri 
lege,aufquels  ils  font  grand  deshonneur  à  la  Vierge  en  la  voulant  honnorer,  quand  ils 
la  nomment  Roine  du  ciel,Threforiere  de  gracerNous  oyons  ce  que  dit  Icfus  Chrift:  c'  ican  ,4J^ 
eft  qu'il  enuoycra  de  par  fon  Pere,rEl"prit  de  vérité. Il  nous  commande  de  le  demander  &  «« 
en  fon  nom.voila  donc  la  vraye  règle  de  le  demander ,  &  le  moyen  certain  pour  l'obte- 
nir .  D'auoir  donc  fon  recours  à  la  Vierge,  laiifant  Icfus  Chnft  :  &:  s'adrefter  à  elle  en 
priant,non  pas  à  Dieu, qui  eft-ce  qui  ne  voit  que  c'eft  vne  façon  profane  ?  certes  elle  eft 
du  tout  cftrange  de  la  parole  de  Dieu.  Mefmc  il  y  a  vn  décret  du  concile  quatrième  de 
Carthagc,qui  défend  d'inuoquer  les  Saincts  à  l'autel.  Us  monftrent  encore  plus  aperte- 
ment  leur  beftil'c,  difans  que  cette  Salutation  nous  eft  ordonnée  enl'Euangile.U  eft  vray 
q  lange  GabricI,fclon  que  raconte  S.Luc,fut  enuoyé  pour  porter  le  mcfTage  à  la  Vier- 
ge^ la  falua  ainii:  mais  fommes-nous  anges  Gabriels^Où  eft-ce  que  cela  nous  a  ïamais 
efte  commandcrQuçl  accès  auons-nous  à  laViergc,pour  deuifer  auec  cllcjDauantagc, 
à  quel  propos  font-ils  cefte  falutation,en  implorant  la  grâce  du  fainft  Efprit,  iinon  qu'- 
ils en  abufent comme  d'vnc  prière  î  Quant  eft  du  nom  de  Iefus  Chnft,depuis  quand 
eft-ce  que  les  aines  ontlcs  aurcilles  tant  délicates ,  qu'ils  font  fafchez  delà  manière  de 
parler  dont  Je  fain&Efprit  vie  couftumiercmcnr?  Ce  nom  de  Chrift  eft  mis  feul  le  plus 
fouucnt  par  toute  l'Elçriturc.tous  les  anciens  Docteurs  ont  ainfi  parlé.Celan'eft  point 
au  gré  de  Nos  maiftres .  Et  afin  d'auoir  quelque  couleur,ils  allèguent  la  vertu  du  nom 
de  Icfus,  comme  h*  lcfalutdcs  hommes  eftoit  enclos  en  deux  fyllabcs .  Bref,  en  cela 
ils  fe  monftrent  vrais  Iuifs.  Ce  n'eft  donc  merucillcs  s'ils  (ont  tant  difficiles  à  con- 
tenter aux  noms  des  Saincts, veu  qu'ils  ont  telle  iupcrftition  magique  au  nom  de  lei'us. 
Finalement ,  d'impofer  cette  loy  aux  prefeheurs ,  de  recommander  au  peuple  les  ames 
des  trefpaifequclle  raiion  en  ont-ils,ou  quel  exemple?Il  y  a  beaucoup  de  fermons  des 
anciens  Docteurs  en  leurs  liures,où  on  ne  trouuera  point  que  ïamais  cela  fe  fou  fait  de 
leurs  temps. 

^"Nov  s  voyons  donc  qu'ils  font  comme  les  tyrans,  c'eft  de  fe  maintenir  en  poflef-  Condufiôi 
(ion  par  rigueur  extrême,  d'autant  qu'ils  ne  peuuét  dominer  en  humanité  &  modeftie. 
s  qu'eft-cc  que  Dieu  dit  de  l'autre  cofté?  Aflcmblcz  voftrc  confeil,ôc  tout  fera  dilîl- 


Mais  qu'eft-cc  que  Dieu  dit  de  l'autre  coite?  Allcmblcz  voltrc  conleiJ,ôc  tout  fera  dilli-  lfjie  *• 
pc .  Faites  vos  arrefts  &:  concluions  :  il  n'en  fera  pas  ainfi ,    Muni/Tez-vous,&:  vous  fe-  p">u.zi. 
rez  vaincus.    Car  il  n'y  a  nulle  fagette,il  ny  a  nulle  prudcncc,iln'y  a  nul  conieil  contre 
le  Seigneur. 


ses 

FRANÇOIS 


BRIBARD 


N  la  fureur  de  cefte  persécution  efmeuè(comme  dit  a  efte)  par  les  Sorboni-  m.  d. 
ftesdePans,pluiitursexcellenstefmoins  de  la  vraye  &:  pure  doctrine  de  1'-  xliil 
Euangilc,  furent  exécutez  en  diuers  lieux  au  pais  de  Fiance .  En  la  ville  de 
Paris>François  Bribard,fecretaire  de  Iean  du  Bellay  cardinal  U  euefque  de 


Liurc^IL 


MerindolÇf  Cahiers. 


Paris,donna  ample  &:  luffifant  tcfmoignage  que  la  vérité  du  Seigneur  luy  ciloit  pr  pre 
cieufe  que  les  menibnges  des  aducrfaires,ne  que  fa  vie  propre.  Sa  confiance  en  la  fleur 
de  ion  aage,  iurpallbit  l'ordinaire  d'humaine  nature,  de  forte  que  pluficurs  ont  eu  opi- 
nion qu'il  eftoit  aliéné  de  fon  fcnsrmais  il  eft  plus  raifonnablc  que  le  iugement  des  hom 
mes  s'accorde  à  la  bonne  renommée  d'vne  mort  tant  heureufe  qu'il  endura,  que  la  foi- 
blefle ou  ignorance  des  iugeans  face  deferoire  lavertu  &  fruiéfc  d'icelle.Car,à  vray  dire, 
on  le  mena  au  fupplice  comme  vn  agneau  paifible.  La  langue  luy  eftant  coupée  au  for- 
tir  de  la  Conciergerie ,  ne  ceflà  par  fignes  manifeftes  de  déclarer  l'efperance  qui  cftoit 
en  luy  .11  fut  bruflé  en  la  place  Maubert,l'an  m.d.xliii. 


m.  D. 

XLiH. 


IEAN    DV     BEC,  du  pais  de  Brie. 


PRES  qucIeanduBec,quieftoitdesEfTarspresSedaneen  Brie,cut  efté 
longuement  détenu  pnfennier,  &:  q  les  luges  de  Paris  ne  le  pouuoyent  au- 
cunement diuertir  de  la  vérité  de  l'Euangile ,  laquelle  il  auoit  maintenue, 
s  tant  en  public  que  deuant  ceux  de  la  Cour  eccletiaftiquc,  lors  qu'il  fut  de- 
gradé  delà  preftrife  Papale:  finalement  ayant  receu  fentence  de  condamnation,  fut 
bruflé  en  la  ville  de  Troyc  en  Châpagne,en  la  place  de  l'Eftaple  au  vin,au  mois  de  Iuin 
duditan,  m.d.xliii. 


"Ityatnco 
reaLôdres 
en  Ang!.  la 
tour  des 
LollarJs. 
"Le  proucr 
bede  long 
cemps  fe 
dit  en  ces 
pais-la  ,U 
eft  des  en- 
fans  de  Tu- 
relupins, 
jnal -heu- 
reux de  na- 
ture. 

Note  vne 
grande  foli 
citude  qu'- 
auoit  ce 
peuple  d'e- 
ftre  fidèle- 
ment in- 
firme cnla 
rente. 


LA    PERSECVTION    ET    SACCAGE  MENT 

de  Merindol&  Çakriere,  &c .  peuple  fidèle  enProuence. 

Ccfte  luftoire  cft  autant  mémorable  que  chofe  qui  foitaduenue  de  mémoire  d'homme.  Car  iln'eft  pasqueftionde  deux  ou 
de  trois  Martyrs  qui  ayent  enduré  la  mort .  mais  de  tout  vn  peuple  &  multitude  deperfonnes,  tant  hommes  que  fem- 
mes &  enfans,qui  ont  enduré  toutes  efpeces  de  cruauté.  Et  partant  il  cft  befoin  de  la  déduire  par  actes  judiciaires .  car 
elle  feruira  d'inftruction  non  feulement  à  tous  fidèles  en  particulier .  mais  aufsi  en  gênerai  aux  peuples  &  républiques 
qui  ont  receu  l'Euangile  du  Seigneur. 

E  long  temps  le  monde  a  eu  les  Vaudois  (  peuple  d'vne  religion  plus  nette 
&pure  que  la  vulgairc)en  tel  horreur,que  toute  abfurdité  d'opprobres  leur 
a  efté  mile  fus:&i  a  fcmblé  que  la  terre  ne  les  deuft  pas  fouftenir.  Ils  ont  efte 
difperfcz  çà  &:  là ,  &:  contreints  d'habiter  es  lieux  deferts,  comme  entre  les 
beites:&:  félon  les  lieux  &ù  places  où  ils  le  (ont  retirez, on  leur  a  donné  diuerfes  appella- 
tions. Au  Lyonnois,  après  leur  premier  nom  de  Vaudou  qu'ils  ont  eud'vn  nommé  Pier- 
re Valdo,on  les  aappelezPouresde  Lyon.  En  Angleterre  &:  és  dernières  parties  de 
Sarmatic  &  Liuonic,on  les  nommoit  "  Lvllards.  Au  pais  de  Flandre  &c  Artois, on  les  di 
foit  Tureluptm,  d'autant  qu'ils  n  habitoyent  qu  es  lieux  expofez  aux  dangers  des  loups. 
En  Piedmont  &£  Dauphiné,par  vn  extrême  mefpris  furent  nommez  chaignars  ouChié- 
nars. La  première  appclation  de  Vaudou  leur  eft  demeurée,  iufqu  a  ce  que  lenom  de  Lu- 
thérien eft  venu  en  auant,  qui  a  furmonté  en  horreur &c  abomination  toutes  autres  in- 
iurcs&:  opprobres  .  Quelque  partie  de  ce  peuple  depuis  deux  cens  ans  eftoit  venu  du 
Piedmont  habiter  en  la  Proucncc,  és  quartiers  de  Merindol  &:  Cabriere ,  &:  pais  à  l'en- 
uiron:&  s'y  font  toujours  entretenus,  de  manière  que  leur  xic&c  conuerfationmon- 
ftroit  qu'ils  auoyent  la  crainte  de  Dieu  .  Si  peu  de  vraye  lumière  qu'ils  auoycnt,  ils  taf- 
choyent  de  l'allumer  dauantage  de  iour  en  iountellement  que  pour  ce  faire  ils  n'efpar- 
gnoyent  rien,  fuft  à  auoir  liurcs  de  la  fainfte  Efcriture,  ou  faire  inftruire  gens  de  bon  c- 
fprit:à  enuoyer  çà  &l  là, voire  iufques  bien  loin ,  où  ils  oyoyent  dire  qu'il  fe  leuoit  quel- 
que rayon  de  lumière.  Et  comme  nous  auons  recité  ci  deiîus  en  l'hiftoirc  de  MartmGc- 
»/'»,quc  ceux  du  val  d' Angronne  n'agueres  auoyent  fait:aulîî  ceux-ci  ayans  entédu  que 
l'Euangile  fe  prefehoit  en  quelques  villes  d'Alemagne&:  de  SuilTerils y  cnuoycret  deux 
d'entr'eux,airauoir  George  Maure],  natif  de  FreHiniere  enDauphiné,Miniftre,homme 
bien  inftruit,lequel  ils  auoyent  entretenu  aux  efcoles  :  &:  Pierre  Maflbn ,  de  Bourgon- 
gne,pour  conférer  de  la  doctrine  de  l'Euagile  auec  les  Miniftres,  &:  en  particu  lier  pour 
auoit  leur  aduis  fur  quelques  poin£ts  dont  ils  cftoyent  en  difficulté.  Ces  deux-ci,apres 

qu'ils 


*Merindol&  Qabrier^  i  rf 

qu'ils  eurent  communique  à  BaflcauccIeanEcolampade:àSuaibourg.auec  Capitol 
Bucer:&:  à  Berne  auec  Bcrktold  Haller :  comme  ils  cftoyent  en  chemin  pour  le  retour, 
Pierre  Ma/Ton  fut  arrefte  prifonnicr  à  Diion ,  tellemét  que  George  retourna  fcul  à  Me- 
rindol,auec  les  h'urcs&:  papiers  qu'il  portoit.  Auquel  lieu  citant  an  iué,il  expofa  deuant 
tous  fes  frères  les  poinds  de  fa  commiflîon  ,  &:  déclara  publiquement  qu'en  pluiieurs 
fortes  &:  façons  ils  erroycnt:&:  que  leurs  anciens  Min  iftrcs  (  lclquels  ils  appeloyent  Bar- 
bes ou  Oncle$)tic  le  s  auoycnt  enfeignez  e  n  telle  pureté  qu'il  appartenoit.  De  celte  venue- 
ce  peuple  fut  tellement  cfmeu, que  force  leur  tut  d'enuoyer  quérir  des  plus  anciens  de 
leurs  frères  de  la  Fouille  Se  Calabre,&:  d'auoir  gens  doctes  pour  aduifer  à  vnc  faincte  re- 
formation. La  choie  fc  mena  en  telle  forte,que  le  bruit  en  vint  uifqu  a  la  cognoiiiance 
du  Parlement  d'Aix,&:  des  Euefques,Prcltres  Se  Moines  du  pais  de  Proucnce.  Se.  furent 
gneuement  aceufezô*:  mis  en  la  haine  du  roy  François  premier  de  ce  nom  ,  à  caufe  de 
la  Religion. 

Or  cft-il  qu'en  l'an  m.  d.  x  cà  l'inltance  du  Procureur  du  Roy  audit  Parlement,les 
habitans  eie  Merindol  furent  adiournez  en  la  perfonne  de  certains  dénommez  en  1' 
Arclt(que  nous  reciterons  incontinent)à  comparoir  perlbnnellement .  luiuant  lequel 
adiournement,lefdits  dénommez fetrouucrcnt  à  A ix  pour  fe  prefenteràlaCourau 
iour  à  eux  afligné.Ils  s'adrefferent  aux  plus  fauans  Aduocats,pour  confulter  Se  auoir  ad 
uis  comme  ils  le  pourroyent  conduire &:  gouuerner  en  ccft  affaire  .    Les  Aduocats  Se 
Procureurs  leur  dirent,  qu'il  ne  leur  cft  permis  bailler  confeilàceux  qui  font  fufpeds 
de  fede  Luthérienne. toutefois  l'vn  des  Aduocats  aduertit  feerctement  &:  à  part, qu'ils  ^"l'cc^x 
ne  le  deuoycnc  prclentcr  à  ladite  Cour,linon  qu'ils  f  uifent  preits  Se  appareillez  d'cndu-  de  Mcrin- 
rerd'eltre  brullez,voire  à  petit  feu,  fans  autre  forme  ne  figure  de  procez.car  celacftoit  doid'euitcr 
défia  par  ladite  Cour  arrefté  côtr'eux. Par  ces  propos  leldits  de  Merindol  furent  efpou-  k  da"s<:r' 
uantez.&:  encore  plus, quand  de  faid  ils  virent  deuant  leurs  yeux  rigoureufemét  &C  cru- 
ellement tourmenter  &:  meurtrir  plulieurs  bonspcrlonnages:  n'ayans  autre  caufe  en 
leur  condamnation,linon  qu'ils  auoycnt  dit  &:  maintenu  propos  qui  eftoyent  déclarez 
Luthériens  parles  cenfures&:  déterminations  desdodeurs  en  Théologie.  Quoy  enté- 
dans  leiditsdeMcrindol,feretirerent,n'ofans  comparoiltre  à  l'alfignation  :  tellement 
que  défaut  fut  prononcé  contre  eux,  en  vertu  duquel  ladite  cour  de  Proucnce  eionna 
ce  cruel  areft,qui  toufiours  depuis  a  efté  appelé  l'Arelt  de  Merindol  :  duquel  la  teneur 
s 'en  luit: 

qvr  la  demande  du  profit  S>C  vtilïté  des  deffauts  obtenus  par  le  Procureur  gc-  arest 
^  neral  du  Roy,demandcur  en  cas  de  crime  de  lefe-maiefté  diuinc  Se  humaine,contre  du  paric- 
André  Maynard  baille  de  Merindol,  François  Maynard,  Martin  Maynard,  laques  mcntdAlx 
Maynard ,  Michel  Maynard, Ican  Pom  &:  fa  femme,  vn  nomméFacy  le  Tourneur  &:  fa 
fcmme,Martin  Vian &:  fa  femme,  Iean  Pallcnq &: fa  femme, les enfans&  familles  des 
fufdits  manans  Se  habitans  dudit  Merindol  :  Pciron  Roy ,  Philippon  Maynard ,  laques 
de  Sangre  mailtred'cicole , habitans  du  bas  dudit  Merindol:  mailtrc  Léon  Barberoux, 
Se  Claude  Fauycr  de  Tournes, vn  nommé  Pomcry  libraire  Se  Marthe  fa  femme  n'ague- 
res  nonain  à  Nifmes ,  Thomas  Pallenq  did  du  plan  d'Apt,  &  Guillaume  le  Normand, 
retirez  Se  demeuransde  nouueau  audit  Merindol:  deldits  cas  &  crimes  adiournez  à 
trois  briefs  iours, non  comparant  ainsdefaillans  :    V  E  V  E  S  les  charges  Se  informa- 
tions faites  à  la  requefte  dudit  procureur  gênerai  du  Roy  :    Ordonnances  de  pnnlcs 
dccorps,&  à  tautedeceadiournemens  à  trois  briefs  iours  décernez  contre  lefdits  ac- 
culez^ defaillans  du  pénultième  de  Iuillct  m.  d.  x  l: Exploits defditsadiournemcns 
àtroisbrieh  iours:  Les  deffauts  obtenus  parledit  Procurcurgcncral  contre  lelditsac- 
cufez:Leslcttrcs  patentes  du  Roy,du  dernier  de  May  auditan  m.  d.  x  l  .  adreffantes  à 
ladite  Cour,pour  procéder  contre  Vaudois&:  Luthericns,&:  autres  tenans  fedes  con- 
traires Se  derogatiues  à  la  foy  Se  religion  Chrcftienne:  Et  autres  lettres  patentes  du-  Pinfieur* 
dit  Seigneur,  du  feizieme  dcTuillet  m.  d.x  x  x  v  ,&:du  dernier  de  May  m.d.x  x  x  v  i.  l«»«p*- 
par  lesquelles  il  faifoit  pardon  Se  grâce  aux  chargez  ,  acculez  Se  fufpeds  d'erreurs  roy  Fran- 
herctiques,  en  euxdcfiltansdefdics  erreurs,  &"  les  abiurans  dans  iix  mois  après  la  pu-  çois  pu- 
blication dcfditcs  lettres:  Lesrecollcmens  destefmoins  examinez  es  deffufditesin-  mlcr' 
formations:  Autres  charges,  informations &procez  produits  parledit  Procureurge- 
neral,pour  faire  apparoir  que  notoirement  tous  ceux  de  Merindol  tiennent  fedes 
Vaudoifes  Se  Luthériennes ,  reprouuees  Se  contraires  à  la  faincte  foy  Se  religion 

v. 


Linrc^j  IL  Merindol  Çf  Quittera 

Chrcfticnnc:rctirent&:  rcccllentplufîeursgens  cftrangers  &fûgitifs,chargez&diiTâ- 
mcz  d'efttc  dételles  fe&es:&  iccux  entretiennent  &  fauorilent .  Qu'audit  lieu  il  y  a. 
efcole  des  erreurs  &  fauflesdo&rines  defdites  tettes  ,gens  qui  dogmaeizent  lefdits  er- 
reurs &  faillies  do£trines,&  libraires  qui  ont  imprimée  vendent  liurcs  pleins  dételles 
rauiîes  do&rines:&:  aufll  que  ceux  dudit  Merindol  au  terroir  &  es  roches  ont  balli  des 
cauernes  <Sc  fpclcnques,où  ils  retirent  &c  cachent  eux, leurs  complices  &  leurs  biens,  &z 
fe  font  forts .  Autres  informations  prinfes  par  leiuge  d' Apt,pour  faire  apparoir  qu'a- 
près que  Colin  Pallenq,dit  du  plan  d'Apt,comme  fectatcur  defdites  le&cs  fut  ces  iours 
paffez  condamne  &:  brulîé,&  les  biens  confîfquez  au  Roy:cn  haine  de  ce  plufieurs  qcs 
dudit  Merindol,  leurs  complices  &z  adherens  en  grande  affemblee,cômc  de  fix  ou  fept 
vingts  hommes  armez  de  harquebufes, hallebardes,  efpces,  $c  autres  harnois,ont  rôpu 
le  mol  in  qui  c  ftoit  audit  feu  Colin  Pallcnq  &  Thomas  Pallcnq  frères,  battu  &:  outragé 
le  mofnicr,&  iceluy  mcnacé,&  tous  autres  qui  s'empcfchcroycnt  des  biens  de  ceux  de 
leurs  (i  des. Le  tout  confidei  e,dit  a  cfté,Quç  la  Cour  a  dit  &:  déclare ,  dit  &  déclare  lef- 
dits deffautsauoirefté  bien  obtcnusrEt  pour  le  profit  d'iccux,quc  tous  les  dcffufditsac 
eufez  &:  adiournez  font  vrais  deffaillans  &  contumax,  defeheus  de  toutes  dcfFcnfes ,  Se 
attaints  &  cenueincus  des  cas  &:  crimes  à  eux  impofez,  de  tenir ,  maintenir  &c  cnfuiuir 
feclcs  &  doctrines  heretiques,rcprouuecs  &:  contraires  à  la  foy  &:  religion  Chrefticnne, 
&:  aux  fainctes  prohibitions  duRoy,&:  deftrc  retircursôc  receptatcurs,  receleurs  &:  fau 
tcurs  des  gens  chargez  &c  diffamez  de  tenir  telles  doctrines  &fcclcs  damnées  &c  repieu 
uees.Pour  la  reparatiô  defquclscas,a  condamne  &:  condamne  lefdits  André  Maynard, 
laques  Maynard, Michel  Maynard,lean  Pom,Facy  le  Tourneur,Martin  Vianjean  Pal 
lenq,  Hugues  Pallcnq,  Peyron  Roy,  Philippon  Maynard,  tous  dudit  Mcrindol,Iaqucs 
de  Sangre  maiftre  d'efcole,maiftre  Léon  Barberoux  de  Tourues ,  Claude  Fauicr  dudit 
Tournes ,  Pomcry  libraire  &:  Marthe  fa  femme  n'aguercs  nonain  à  Nifmes ,  Thomas 
Pallcnq  di£t  du  plan  d'Apt,&  Guillaume  le  Normand, habitans  dudit  Merindol, a  eftre 
bruflcz&:  ards  tous  vifs:  Aftàuoir  quant  aufdits  Barberoux  &z  Fauicr,  en  la  place  publi- 
que dudit  Tourues:quant  audit  Thomas  Pallenq,en  la  place  publique  d'Apt:&  quant 
aux  autres, en  la  place  des  Iacopins  de  cefte  ville  d' Aix:&à  faute  de  les  auoir,("cront  to9 
exécutez  en  figure  &:  peinturc.Et  au  regard  des  femmes, cnfans,fcruiteurs&  famille  de 
"C'cft  vn  touslesdcfîuidits  deffaillans  &: condamnez,  ladite  Courles a "dcficz& abandonnez  à 
kqud  Pk  tous>Pour  ^c  s  prendre  &  reprefenter  à  Iuftice;  afin  de  procéder  contr'eux  à  l'exccurion 
Cour  leur  des  rigueurs  &  peines  de  droi£t,&  ainfi  qu'il  appartiendra  Et  en  cas  qu'ils  ne  puiflent  c» 
ofte  toute  {\YC  pvn-js  &c  apprchcndeZjdés  maintenant  les  a  tous  bannis  de  bannit  des  royaume, tt  r- 
fu"ra?  rcs  &  feigneuries  du  Roy,  auec  interdiction  &c  prehibitiô  d'y  entrer  ne  venir  fur  peine 
de  la  hard  &:  du  fcu:Et  déclare  tous  &:  chac  uns  les  biens  des  defliildits  condanez&:  bâ- 
nis,lcui  s  femmes, cnfans,{'eruitcurs&  fa  m  il  ie  eftre  acquis  cxr  confîfquczaudicScigneur. 
&£  auflî  prohibe  &.  défend  à  tous  gcntils-homc  s>\  aflaux  &c  autres  fuicts  dudit  Seigneur, 
qu'ils  n'ayent  à  reccuoir  ne  receler  lefdits  côdamnez ,  leurs  femmes,  enfans,fcruitcurs 
&  famille,nc  leur  bailler  aucune  faucur,a  ide  ou  confort  en  manière  q  ce  foit,  fur  peine 
à  ceux  qui  feront  le  contraire,  de  confifeation  de  leurs  biens  &:  autres  peines  arbitrai- 
res.^Et  au  furplus,attendu  que  notoirement  rout  ledit  lieu  de  Merindol  cft  la  retraite, 
fpclonq,refugc,&:  fort, de  gens  tenans  telles  iectes  damnées  &£  rcprouucesJaditeCour 
a  ordonne  &ù  ordonne  que  toutes  les  maifons  &  baftics  dudit  lieu  feront  abatues,demo 
lies  &:  abrafccs,&  ledit  lieu  rendu  inhabitablc,fans  ce  que  pcdbnne  y  puiffe  redifierne 
baftir,li  ce  n'eft  par  le  vouloir  &:  permiflîon  du  Roy.  Scmblablemcnt  eue  le  chafteau  5£ 
fpelonque,  repaires  &  forts  eftans  es  roches 6c  bois  du  terroir  dudit  Merindol, feront 
ruinez  Se  mis  en  telle  forte  que  Ion  n'y  puiffe  faire  refidcnce:&:  que  les  lieux  foyent  def- 
couuers,&;  les  bois  où  font  lef  dits  forts  coupez  &  abbatus  deux  cens  pas  alcntour.Et  d* 
auantage  fait  prohibitions  &  defenfes  de  bailler  à  ferme  &c  arrentement  ni  autrement 
les  héritages  dudit  lieu  à  aucuns  du  furnom  &  lignées  des  deffufdits  condamnez.  Pu- 
blié en iugement au  parlement  de  Prouence  feantà  Aix,ledixhuitiemeiourdeNo^ 
uembre,an  m.d.x  l. 

Dudit  iour  fut  enioint  par  la  Cour  au  iuge  ordinaire  d'Aix ,  de  faire  exécuter  ledit  a- 
reft  en  ce  que  fait  à  exécuter  en  cefte  ville  d  Aix:&:  que  fait  à  exécuter  à  Tourues,au  iu- 
ge de  faind  Maximin:&:  ce  que  fait  à  exécuter  à  Apt,au  iuge  ordinaire  dudit  Apt.  Si- 
gné Boiffony,fccretaire  criminel. 

Ceft 


Sermrn:  ^ 
iurcnt  le* 

Côfcjlkrî 
Jcs  l'aile- 
meus. 


rthi-lem* 
Challané, 


aMermdo/&3  Çahriert_>.  né 

pt  $  t  Areft  fut  eftime'  de  fi  grande  importance,  qu'il  n'y  auoit  lieu  ne  pJace  au  pais 
de  Proucnce ,  où  il  n'en  fuit  parle  ,  &  fur  tout  entre  les  Aduocats  &:  gens  de  Iuftice: 
tellement  qu'aucuns  ofovent  bien  dire  publiquement ,  que  c'eftoit  merueilles  qu'vne 
Cour  de  Parlement  fuft  telle, dauoir  baillé  vn  Areft  manifeftement  contre  tout  droict 
&:  raifon:&  mcfmc  contre  le  ferment  tant  ("olennel  qu'ont  accouftumé  de  faire  tous 
clux  qui  (ont  n  cens  en  offices  aux  Cours  de  Parlemcns:  afTauoir  dciugeriuftcment&: 
librement,  félon  la làinclc  Loy  de  Dieu  &lcs  iuftes  ordonnances  du  Royaume, fans 
attenter  aucune  choie  iniuftement,&  fans  endommager  aucun  à  tort  par  violence  ou 
vo\  e  de  faict.Les  autres  fouftenans  ledit  Areft  cftrc  iufte,difoyent qu'en  cas  de  fecte  Lu 
thcrienne,les  iuges  ne  font  tenus  de  garder  ne  droict  commun  n'ordonnance:  pourueu 
que  ec  l'oit  pour  l'extirpation  de  ceux  qui  (ont  fbuipeçonnezd'cfttc  tels .  ^  Aduifit  dix 
ou  douze  iours  après  que  ledit  Areft  fut  donne,  qu'vn  grand  feftin  fut  fait  en  la  ville  d  - 
Aix,auqucl  cftort:  le  prefident  M.Barthelcmi  ChaiTané,&:  plufieurs  Confeillcrs  &  gen- 
tils-hommes du  pais  de  Proucnce.  Au/Ti  y  eftoyent  l'archcuefq  d' Arles,  l'cuefq  d'Aix,&  cômmëàù 
dames  &  damoifelles:  entre  lefquelles  y  en  auoit  vne  qui  eftoit,fclon  le  bruit  commun,  ^eurftdu 
entretenue  par  ledit  eucfque  d'Aix.  Icellc  en  ce  banquet  deuifantdcceft  Areft,adref-  micr  jc" 
fa  Ion  propos  au  Prefidcnt,&:  dit,Monficur  le  Prefidét,  quand  ferez-vous  exécuter  l'A-  Bourgon- 
reft  qui  a  efté  donné  ces  iours  paffez  contre  ces  Luthériens  de  Merindol?  Le  Prefident  ënc* 
ne  refpondit  rien,feignant  qu'il  n'euft  entedu  ce  qu'elle  difoit.&:  vn  gentil-homme  de- 
manda quel  Areft  il  y  auoit  contre  ceux  de  Merindol.  La  damoifelle  le  recita  fans  rien 
oublier,comme  fi  de  long  téps  elle  feuft  bicnrccordé.  Ceux  du  banquet  refeoutoyenc 
diligemment  fans  diremot,iufquace  qu'elle  euft  du  tout  ach eue  ion  propos .  Et  alors  Lefdgncur 
le  lcigncur  d'Alenc,hôme  ayant  quelque  commencement  de  bonne  cognoiifance,  luy  d  A,cnc 
dit,Madamoifelle,vous  auez  apprins  ce  conte  de  quelciï  qui  voudroit  qu'il  fuft  ain(i:oa 
bien  c'eft  vn  Areft  qui  a  efté  donné  en  la  cour  du  parlement  des  femmes .  Le  fleur  de 
Senas,ancien  Confeiller,dit,Non,non,monfieur  d'Alenc,ce  n'eft  pas  vn  côte  ne  fable, 
ce  que  vous  auez  ouy.mais  vn  Areft  de  la  Cour.  &:  nefaudroit  pas  beaucoup  parler  en 
cefte  forte,finon  que  vueillicz  appeler  la  Cour  de  Proucnce, le  parlement  des  femmes. 
Lors  le  feigncurd'Alcncs'cxcufa,  auec  proteftation  qu'il  ne  voudroit  dire  choie  pour 
blafmer  l'authontcd'vne  Cour  foUuerainc:toutefois  qu'il  ne  pouuoit  croire  du  tout  ce 
q  cefte  damoifelle  auoit  jppofé^/lauoirqucpar  Areft  de  la  Cour  du  parlement  de  Pro- 
uenceayent  efté  condamnez  à  mort  tant  d'habitans  de  Merindol:&:  mefmcs  les  fémes 
&:  les  petis  enfins,&:  le  lieu  à  eftre  rafé,fur  vn  défaut  de  dix  ou  douze  perfonnes ,  qui  ne 
fefont  prefenteesa  ladite  Couraiiiouràeux  afïîgné  .  Le  feigneur  de  Beau-ieu  fur  cela  Lefcigncut 
dit,Ie  ne  crqv  pas  q  la  Cour  ait  baille'  vn  tel  Arcft.cc  feroit  choie  defraifonnable,&:  qles  teBcau  icu 
Turcs  &c  les  homes  les  plus  cruels  du  mondeiugeronttrop  inhumain  Sidctcftable^  ï  ay 
de  long  téps  cognu  plulicurs  de  Merindol ,  qui  me  femblent  de  bonne  preudhommie. 
Mais  monfieurle  Prefident  endiroitbien  ce  qui  en  eft.ee  n'eft  rie  du  dire  des  femmes. 
La  damoifelle  n'attendit  pas  q  lePrcfidcnt  refpondiftrmaisfoudàincment  en  tegardât 
fon  eueiq  d'Aix,dit,Ieierove  bie  efmerueillee  s'il  ne  le  fuft  trouué  quel:  un  en  cefte  cô- 
pagnie  qui  deffendift  ces  mal-heureux  &leuât  les  yeux  en  haut, dit  toute  courroucée, 
Que  pleuft  à  Dieu  que  tous  les  Luthériens  qui  font  en  Proucnce,  voire  en  F rance,euf-  Pro  oj  K 
fent  cornes  au  front!  on  enverrait  beaucoup  de  cornus. Le  feigneur  de  Beau-ieu  ne  luy  m*  au  ban 
accreutguere:Que  pleuft  à  Dieu, dit-il, que  toutes  les  paillardes  des  preftres  parlaient  c?'?ft  *jiti 
comme  font  les  oyesiEt  la  damoifelle  dit,Moniîcur  de  Beau-ieu, il  ne  fuit  pas  ainfi  par-  ' 
1er  contre  l'eglifeuamais  chien  nabaya  contre  le  crucifix, qu'il  n'enrageaft .     Alors  l'e- 
uefque  d'Aix  commença  à  rire,&rdit  en  frappant  fur  l'efpaule  de  la  damoifeîiesPar  mes  L'enefone 
fain&es  ordres(ainfîiuroit-il)  vous  m  auez  fait  plailîr.     Elle  a  bien  parle  a  vous, mon-  iAlx' 
fieur  de  Beau-icu:rctenez  bien  la  leçon  qu'elle  vous  a  baillée.  Le  feigneur  de  Beau-ieu 
dit  en  courroux,  le  n'ay  que  faire  d'aller  à  fon  efcole,m  a  la  voftre.&:  ne  l'auroye  appren- 
dre d'elle  ne  bien  n'honncur.&:  quand  ie  diroye  que  la  plufpart  desEuefques  &  Pre- 
ftres font  paillais ,  adultères ,  trompeurs  &:  feducteurs ,  ie  ne  parleroyepas  contre  la 
fain&c  Eglife  :  mais  contre  vn  tas  de  loups  &;  de  pourceaux  abominables .  &;  en  di* 
fanteela,  ie  ne penferoye point  enrager, linon  qu'on  enrage  pour  dire  venté.  Sur 
çelafarcheucfque  d'Arles  refpondit  en  colère,  Vous  parlez  mal, monfieurdcBeau-iciH 
&  vous  faudra  rendre  conte  en  temps  &  lieu  des  propos  que  vous  tenez  desgens  d'cgli 
fe .  Et  le  feigneur  de  Beau-ieu  dit ,  le  voudroyc,  monlicur,  que  ce  tuft  dés  auiourdhuy, 
&  ie  me  foumettroyc  à  prouuer  plus  d'abus  &  de  mefchancctcz  des  preftres  »  que 

v.  îi. 


sMerindol  &  Cabrierd. 


ic  n'ay  encore  dit. Lois  le  prefident  Chaflané  dir,Laiflbns  le  moufticr  où  il  cft,  môfîcur 
de  Beau-ieu,&  viuons  comme  nos  pcrcs,&  maintenons  leur  honneur  .  Le  feigneur  de 
Beau-icu  dit  tout  courrouce ,  le  ne  fuis  pas  fils  de  preftre  pour  maintenir  leurs  abus& 
mefchancetez.puisditjc  veux  bien  honnorertous  vrais  Paftcursdcl'Egliic,  qui  mon- 
trent bon  exemple  &  en  doctxine&  en  vie,  &  tels  ne  voudroyc  blafmer .  mais  ic  vous 
Dcmandt    demande,monficur  d'Arlcs,&  vous  pareillement, moniieur  d'Aix,  quand  les  Sacrifie  a- 
pcrcinenic  teurs  &:  Preftrcs  de  Ierufalem  ont  cfté  appelez  par  noftrc  Seigneur  Icfus  Chrift,  Hypo- 
critcs,aueugles,&  fedu£tcurs,leur  a-il  fait  outrageîEt  ils  dircnr,Non  :  car  la  plufpart  c- 
ftoit  telle  .    Audi  de  ce  que  1  ay  dit  des  Euefqucs  &:  Preftrcs  (  dit  alors  le  lejgncur  do 
Beau-icu)laplufpart  font  tels  &  pires .    Le  lîcurde  Senas  dit,  Laiilbns  ces  propos  raf- 
Inftruaio  chcuxmous  fommes  ici  alfemblez  pour  faire  bonne  chère. Monfieur  de  Bean-ieu,  pour 
digne  du    l'amitié  que  ie  vous  porte ,  ic  vous  aduiferay  de  trois  chofes  :  que  i\  vous  les  faites,vous- 
conuiuc.    VQUS  cn  trouuerez  bien  .    La  première  eft,  que  vous  ne  donniez  aide, ne  de  raid  ne  de 
parole,à  ceux  dcfqucls  vous  auezouy  dire  qu'ils  font  Luthériens .  La  féconde,  c'eft  de 
ne  reprendre  aigrement  les  dames,de  leurs  menus  plailirs.    La  troiiieme,denc  recer- 
cher  de  li  près  la  vie  desgés  d'eglife:  car  vous  fauez  qu'il  eft  dit,  Nolite  r.rri^erc  chrifos  nteos. 
Le  feigneur  de  Beau-icu  refpondit,  Quant  au  premier,  ie  ne  cognoy  point  de  Luthé- 
riens,^ ne  fay  que  c'elt  de  Luthcrerie  :  linon  que  vous  appeliez  Luthériens ,  ceux  qui 
prefehent  la  doctrine  de  l'Euangile.rant  y  a  que  n'approuueray  iamais  vn  Arcft  qui  au- 
ra cité  donné  à  mort  contre  gens  qui  n'aurôt  cfté  ouys,&  encore  moins  contre  les  fem- 
mes &  petisenfans  :&  fuis  aifeuré  qu'il  n'y  aura  cour  de  Parlement  de  Francc,qui  ap- 
prouucvntel  Arcft.    Et  quant  à  ce  que  dites ,  de  ne  reprendre  les  damcs,li  icfay  qu'- 
vne  mienne  parente  s'abandonne  ni  à  preftre  ni  à  clerc ,  fuft-il  bien  Cardinal  ou  Eucf- 
que,  ieneluy  feray  pas  l'honneur  de  la  reprendre  :  mais  ic  luycouperay  le  nez  pour  le 
moins.    Et  au  regard  des  preftrcs,  ic  fuis  content  de  ne  me  nieller  plus  de  leurs  affai- 
resrmais  aufîi  qu'ils  ne  le  mcllent  point  des  miennes .    Le  prefident  ChafTanc  ,  oyanc 
alfez  volontiers  le  iicur  de  Beau-icu  parlant  cn  celte  rerueur  de  ieuneife,  fe  print  à  rire: 
mais  la  damoifelle  (  qui  auoit  commencé  la  querellc)dit,  le  ne  feray  pas  bië  à  mon  aile, 
fiienediencorcsvnmot:  Et  penfez-vous,  monfieur  de  Beau-icu  ,  que  tous  les  Cardi- 
naux &C  Euefqucs,  Abbez  &c  Preftres,&:  gens  de  religion, qui  vont  fouucnt  aux  maifons 
des  gentils-hommes, voire  qui  entrent  familièrement  &:  hantent  aux  chaftcaux&:  pa- 
lais des  Princes, qu'ils  y  aillent  pour  faire  malimonlieur  dcBcau-icu,(i  vous  vouliez  fou- 
ftcnir  tels  propos, ie  ne  cclîcroye  de  vous  acculer  de  crime  de  lefe-maiefté  diuinc  &:  hu- 
maine, mais  îlyabien  des  feigneurs  en  cefte  compagnie,  qui  vous  cn  feront  rendre 
conte .     Elle  n  eut  point  acheuc  fon  propos,quc  Beau-icu  luy  dit,  Allez,  madame  He- 
rodias,erFrontee:deunez-vous  ouurir  la  bouche  pour  parler  en  celte  compagnicîfaucz- 
vous  bien  que  c'eft  que  crime  de  lcfc-maieftc  Diuinc  &c humaine?  ne  vous deuroit-il 
pas  fuffire,fans  foliciter que  le  fang  innocent  (oit  rcfpandu  ?    ^  A  ces  paroles  la  damoi- 
Côfidtrci!  telle  fut  vn  peu  cftonnec:&:  penfoit-on  que  le  propos  prend  roit  fin  :  &:  chacun  tafehoit 
c» ceci  rim  d'inuci\tcr  propos  facctieux,pour  empefeher  que  de  ceft  afraire ne fuft  plus  parle.Mais 
j  ^k,'Jî|Cd  la  damoifelle  fe  l'entant  par  trop  outragée,  rompit  tous  les  propos,  &:  dit,  Moniieur  de 
Unie!"      Beau-icu, h  i'eftoye  aulli  bien  homme  que  femme, ic  vous  maintiendroye  que  ienc  fuis 
pas  telle  que  vous  dites, que  ic  délire  de  faire  relpandrelc  fang  innocent.  Appelez- 
vous  le  fang  de  ces  mclchans  dcMerindol,fang  innocent?appelcz-vous  l'exécution  des 
Luthcriens,efrufion  du  lang  innocent?  Et  vous  aucz  beau  dirc,ie  nemegarderay  pour 
homme  viuant,d'aller& fréquenter  aux  maifons  des  Euefqucs,  en  tout  bie&touthon 
ncur,&:  pour  le  deuoir  quei'ay  à  l'egliferpouraduifer  les  moyés  de  faire  mourir  ces  mal- 
heureux. Le  feigneur  de  Beau-icu  ne  fit  plus  conte  des  propos  de  celle  babillarde  :  aulli 
tous  lcsafliftcnsla  mefprilercnt:  &c  eftoyent  fafchezde  fes  fols  propos:  mais  il  y  eut  vn 
îcunc  gentil-home  en  la  côpagnic,qui  dit  cn  fegaudiflant,  Il  faut  bic,  madamoifelle,  cj 
ces  mefehans  gens,aufquels  vous  voulez  mal  mortel,  vous  ayent  fait  quelque  grad  def- 
plailir.Et  la  damoifelle  dit,Ie  pourroyc  bien  faire  ferment,  que  de  ces  îr.iferablcsgens, 
ie  n'en  cognoy  pas  v  n,&:  n'en  vionques  vn,queiefache:&aimeroyc  mieux  rencontrer 
dix  diables ,  qu'vn  d'eux. car  leurs  propos  lont  tant  dcteftables,  que  bien  heureux  font 
ceux  qui  n'en  ontiamais  ouy  parlcr.Ettu  bien  mal  aduifee,quandpar  curiofité,voyant 
que  moniieur  l'cucfque  d'Aix  eftoit  tant  fafché  qu'il  cnperdoit  le  boire  &:  le  manger, 
le  priay  me  dire  la  caufe  de  fa  fafcherie.il  me  déclara  en  partie  ccft  affaire:  alfauoir  qu'il 

y  auoit 


sMerindol&>  Qahriero. 

y  auoit  par  le  monde  vnc  manière  de  genshcretiques,parlans  contrenoitre  mere  fain- 
cte  eglife.^ Or  ces  propos  engendrèrent  grand  trouble,  &:  plufieurs  menaces,  qui  fero- 
yent  trop  longues  à  deîcrire.  Dont  le  prchdcnt  Chaflané  &c  les  Confeillers  fè  départi- 
rent,&:  les  gentils-hommes  s'en  allèrent  d'autre  part. 

La  délibération  &  complot  des  Ecclefufti<}ucs,poUr  faire  exécuter  l'areit  de  M  erindol ,  &  pourfuiure  la  confpiration  contre  les 
fidèles. 

L'archives  q_v  e  d'Arles  &  l'euefque  d'Aix,aucc  aucuns  Abbez&  Pncurs,le  Pre 
uoft&:  quelques  anciens  chanoines  d'Aix ,  s'aifcmblerent  pour  confultcr  les  vns  a- 
uec  les  autres  de  ceft  affaire .    11  fut  arrefté  entr'eux  qu'vn  chacun  enparticulier,cer- 
cheroit  tous  moyens  de  faire  exécuter  ledit  areft  de  Merindol.autrement,difoyent-ils, 
c  eft  fait  de  noftre  eftat,&:  vn  chacun  le  voudra  nieller  de  nous  reprendre,  &  fc  moquer 
de  nous.    Etceferoit,  difoyent-ils,  peu  de  faid  s'il  n'y  auoit  que  ceux  de  Merindol&; 
Semblables  payfans,finon  que  melineplulieurs  docteurs  en  Theologie,&  religieux:auf 
fi  aucuns  Confeillers  &c  Aduocats  des  Cours  fouueraines,  voire  (fi  on  l'oie  dire)  la  pluf- 
part  de  la  nobleffc^ul'qu'aux  plus  grans,commcncent  tous  à  nous  defprifer,&:  ne  nous 
tiennent  point  pour  vrais  pafteurs  de  l'Eglife.    Que  fi  nous  n'y  pouruoyons  foudaine- 
ment ,  il  n'y  a  pas  feulement  danger  de  perdre  nos  bénéfices,  &c  eftre  deichaffcz:  mais 
aufli  y  a  danger  pour  tout  l'ordre  ecclefiaftique.  ^L'archeuefqued'Arles,vfant  de  les  L-arcj,cucf 
finefies  naturelles  d'Efpagne,  opina  comme  s'enfuit  :  Il  nous  faut  garder  d'entrepren-  qued'Arks 
dre  aucune  choie  contre  la  nobleife:  mais  par  tous  moyens  l'cntrctenincar  ceft  no- 
ftre  bras  &c  protection:  &'  nous  faut  donner  garde  de  difputer  ne  contredire  à  tels  per- 
fonnages  :  de  les  blafmcr ,  &:  encorcs  moins  de  les  acculer  :  mais  pluftoft  de  les  adoucir 
par  prefens  &:  dons  .    Car  c'eft  choie  certaine,que  fi  nous  entreprenons  contre  la  No- 
bleife,que  finalement  ks  luges  Séculiers  en  auront  la  cognoifTance:  &:  nous  n'y  gagne- 
rons ricn,comme  défia  nous  auons  afiez  expérimente .     A  quoy  l'euefque  d'Aix  s'ac- 
corda à  ceft  aduis:  Mais  ie  vous  declareray ,  dit-il  >  vn  fecret  pour  remédier  à  tout  cela* 
Il  faut  battre  le  chien  deuant  le  lion ,  &:  faut  que  nous  employons  tous  nos  amis ,  pour 
faire  telle  tuerie  de  ceux  de  Merindol&fcmblablcspayfans,  qu'il  n'y  ait  homme,  de 
quclqueeftatqu'ilfoit,fuft-il  dufangroyal,  qui  puis  après ofeouurir la  bouche  pour  Deliberatio 
parler  contre  noftre  eftat .    Etpourparueniràcesfins,  nous  n'auons  meilleur  moyen  îçUt"fcm_ 
que  de  nous  retirer  en  la  ville  d'Auignon:  où  nous  trouuerons  plufieurs  Eucfques&:  bleeiAui* 
Abbez,  qui  ne  faudrontà  s'employer  aueenous .    ^  Ce  confeil  fut  incontinent ap-  SUOD- 
prouué  de  tous,  tellement  que  lefdits  archeuefque  d'Arles, euefqued'Aix,&:  autres, 
partirent  haftiuement  pour  aller  en  Auignon:  où  eftansarriuez,propoferentd'aiTem- 
blcr  incontinent  les  Euefques&:  autres  perfonnages  d'authorité  &c  credit,\pourtrait- 
ter  de  ceft  affaire  .    En  ce  parlement  fecret ,  l'euefque  d'Aix  eu  t  charge  de  faire  la  ha- 
rengue:&:  propofa  comme  s'enfuit .  ^  Vous  fauez,hommes  pères  &:  frères,  que  grande 
tempefte  de  vent  s'efleuc  contre  la  nacelle  de  Iefus  Chrift,  &:  que  les  ondes  efmeues  fe  a/i  !"! 
icttent  tellement  dedans, que  la  nacelle  eft  quafi  remplie  d'eau  :  &:  peu  s'en  faut  quel-  que  d'Au. 
le  ne  periife  .  Le  tourbillon  vient  d'Aquilon,  dont  la  tourmente  eft  grande:les  offran- 
des ceftent ,  les  pèlerinages  &c  deuotions  fe  refroid îilen t ,  la  charité  eft  quafi  gelée  par 
tout     (  qui  pis  eft)  noftre  authorité  eft  fort  abaifîee,noftre  iuriidittion  abatue,lcs  or- 
donnances de  l'eglife  mefprifces.  Or  nous  fommes  conftituez  &:  ordonnez  fur  les  peu- 
ples &ù  fur  les  royaumes,pour  arracher  tout  ce  qui  s'efleue  contre  l'eglife.  Parquoy  qu'- 
vn chacun  de  nous  fe  refucille  à  bon  efeient ,  &C  vfons  de  noftre  authorité,  pour  perdre 
&C  deftruire  tous  ces  mefehans  Luthériens ,  ces  renars  qui  degaftent  la  vigne  du  Sei- 
gneur^ ces  baleines  qui  s'efforcent  d'enfonfer  la  nacelle  duJFils  de  Dieu .  Or  nous  a- 
uons  défia  bien  commencé,&:  auons  procuré  de  bailler  vn  areft  efpouuantable  contre 
ces  mal-heureux  Luthériens  de  Merindohil  ne  refte  plus  que  de  le  faire  exécuter.  Par- 
quoy employons-nous  de  noftre  pouuoir,afin  qu'il  ne  vienne  aucun  empeichement:&: 
adulions  bien  que  noftre  or  &£  noftre  argent  ne  tefm oignent  contre  nous  au  iour  du  iu 
gcment,fi  nous  l'efpargnons  à  faire  ce  beau  facrifîce  à  Dieu.Çt  de  ma  part,i'offre  &c  pro 
mets  de  foudoyer  de  mon  argent  jppre,  cent  hommes  bien  equippez  &:  bien  en  ordre* 
voire  iufqu  a  ce  que  la  deftru&ion  de  ces  iruferables  foit  faite.  Et  ce  propos  pleut  qua(i 
à  toute  la  compagnie.  Lcdc&eiir 
Vn  docteur  en  Theologie,de  l'ordre  des  Iacopins,  nommé  Baflïnet,  opina  comrne  Ba£,uw' 

v.  iii. 


L/Wo  //.  Merindol  QabrïeYt^. 

s  cnfuit:Nous  deuons  bien  aduifer,dit-il,àceftafFaire,&:  n'attenter  rien  à  la  volée.  Car 
linous  faifons  mourir  ces  poures  gens  à  tort,  &  que  le  Roy  &  les  Princes  s'en  apperçoi- 
i.RoisiS.  uent,nousfommcs  en  danger  qu'on  ne  nous  face  comme  aux  preftres  de  Baal .  Et  fuis 
«G-  contreint  de  vous  dcclarcr(mais  c'eft  en  confeffion  iculcment)que  i'ay  figné  bien  lcgc- 
rcmctpluiieurs  procczde  ceux  qui  ont  eftéaccufezd'eftic  hérétiques:  toutefois  iepuis 
dite  vrayement  deuant  Dieu,  qui  voit&  cognoit  nos  cceurs ,  que  ic  n'ay  point  eu  de  re- 
pos et}  maconfcience,depuis  que  fay  veu  l'efFeddemes  fignaturcs:  aflauoir  que  les  lu- 
ges feculiers ,  à  mon  rapport  &c  iugement ,  &C  des  autres  Dodeurs  mes  femblables,  ont 
condamné  à  mort  ceux  que  nous  auons  iugez  eftre  hérétiques.  Et  la  caufe  pourquoy  ic 
fuis  ainfi  troublç  en  moy-mefme, c'eft  que  depuis  quelcjue  temps  en-çà,  ic  me  fuis  adô- 
né  à  regarder  de  près  les  faindes  Efcritures,&:  ay  trouue  que  la  plufpart  cics  propos  que 
maintiennent  ceux  qu'on  appeleLutheriens,fontafTez  conformes  al'Efcriture  fainde. 
B.ifsinct  Toutefois  pour  maintenir  l'honneur  denoftre  mere  fainde  eglife,  de  noftre  faind  pe- 
enrendeur  re  jc  pape?&;  de  noflre  ordre, ie  me  fuis  iufqu  a  maintenant  accordé  auec  les  autres  do- 
uïduu"  deurs,tant  par  ignorancc,quc  pour  complaire  &:  me  renger  à  la  bonne  volonté  des  E- 
luux.  uefques,&  de  leurs  grans  Vicaires.  Oràprefcntil  mefemblefous  corredion,  qu'il  ne 
faut  plus  procéder  en  cefte  matière  comme  nous  auons  fait  le  temps  pa/Té  :  mais  il  fuf- 
fira  de  condamner  à  certaines  amendes  pécuniaires:  ou  bien,de  bannir  ceux  qui  parle- 
ront trop  hardiment  &C  légèrement  contre  l'eglife ,  &  les  ordonnances  de  noftre  faind 
perc  le  Pape.Et  quant  à  ceux  qui  feront  conueincus  manifeftement  par  les  fondes  E- 
feritures, eftre  blafphcmateurs  &  hérétiques  obftinez ,  tels  pourront  eftre  condamnez 
à  mort,ou  perpétuelle  prifon, félon  l'enormitc  de  leurs  erreurs  :  &  vous  prie  de  prédre 
mon  aduis  à  la  bonne  part.  ^Commc  le  dodeur  Bafllnet  eut  achcué  fon  propos,toute 
la  compagnie  fut  ofîenfee,&  murmurèrent  prefquetous  contre  luy.  &C  l'euefque  d'Aix 
luy  dit,Homme  de  petite  foy,  pourquoy  as- tu  douté?  ha,  noftre  maiftre,vous  repentez- 
vous  d  auoir  bien  fait?  Vous  auez  ici  dit  des  propos  qui  fentent  les  fagots  &  le  foufrrc.Ec 
faites-vous  différence  entre  herefics  &c  blafphemcs  dites  contre  la  fainde  Efcriture ,  &: 
les  opinions  contraires  à  noftre  mere  faindc  eglife,ou  à  noftre  faind  perc  le  Pape  vicai- 
re de  Dieu  en  terrerEt  rarcheuefque  d'Arles  dit,Noftre  maiftre,  fauroit-on  mieux  par- 
ler de  la  nacelle  de  Iefus  Chrift,qu'a  fait  monfieur  d' Aix  '-.  Et  le  d  odeur  Bafïïnct  rcfpon. 
dit, Il  cft  vray  que  la  harengue  &  le  propos  de  moniteur  le  rcuerend  cucfquc  d'Aix  con- 
uient  bien  à  noftre  eftat,&  pour  reprendre  les  abus  &  hereiies  du  temps  prcfcnt.Quad 
donci'ayouy  parler  de  la  nacelle  de  Iefus  Chrift ,  il  m'eft  fouuenu  premièrement  du 
Rcmôftran  gYan(\  Sacrificateur  de  Ierufalem ,  &  des  preftres  Se  dodeurs  de  la  Loy,aucc  les  Scribes 
acur  Bai-  &  Pharifiens,qui  ont  quelque  temps  eu  le  gouuernement  de  cefte  nacelle,eftans  ordô- 
finct.  nezPaftcursenreglilcdeDieu:maispource  qu'en  delaifl'ant  les  commandemens  de 
Dieu, ils  luy  ont  voulu  feruir  par  ordonnances  &:  traditions  des  hommes,  le  Seigneur  n* 
a  point  prins  plaifiràtels  ouuriers,&  les  adeftruits .  Et  ayant  compafîîon  deshommes, 
qui  eftoyent  côme  brebis  n'ayans  pointdepafteunil  a  cnuoyédes  ouuriers  en  famoif- 
fon,&  des  laboureurs  en  fa  vignc,pour  rendre  vrais  fruids  en  la  faifon:&  des  pefchcurs 
diligent, pour  pcfcherlcs  hommes .  Sccondement,cn  oyant  la  harengue  de  monfieur 
le  rcuerend  euefque  d'Aix, ie  me  fuis  aduifé  dé  ce  que  le  faind  Apoftre  dit,en  la  i .  Epi- 
ftreàTimothee,au4.  chap  .  Qu'es  derniers  temps  aucuns  defaudrontdelafoy,s'amu- 
fans  aux  efpnts  abufcurs,&:  aux  dodrines  des  diables .  Et  TApoftre  baille  les  marques 
pourles  cognoiftre  :  tellement  qu'il  eft  aifcà  cognoiftre&:  iuger  qui  font  ceux  qui  taf- 
chent  d'enfondrer  la  nacelle  de  Iefus  Chrift  :  aflauoir  ceux  qui  empliffent  la  nacelle  de 
bourbier  &t  de  fange,&  d'eau  infede  &:  puate,ceux,di-ie,q  ont  delaiflé  Iefus  Chrift,qui 
eft  la  fontaine  d'eau  viue,- pour  cauer  des  eifternes  qui  ne  peuucnt  contenir  eaux?  Ce 
font  ceux  qui  fe  difent  Le  felde  la  terre ,  &  n'ont  aucune  vertu  ne  faucunils  s'appelenc 
Pafteurs,&:  ne  baillent  la  vraye  pafture,&  ne  coupent  ne  diftribuent  le  pain  de  la  paro- 
le de  Dieu .  Et,  fi  ie  l'ofoye  dire,  n'eftimeroit-on  pas  auiourdhuy  aufTi  grand  miracle, 
i\  on  voyoit  vn  Euefque  prefeher ,  que  de  voir  vn  afne  voler?  Et  ceux  ne  font-ils  point 
de  Dieu  maudits ,  qui  difent  &  fc  vantent  d'auoir  les  clefs  du  royaume  des  cicux,&  n'y 
entrent  point,  &:  ne  laifTcnt  point  entrer  ceux  qui  y  viennent?  On  les  cognoiftraà 
leurs  fruids:car  ils  ont  delaifle  foy,  iugement ,  &:  mifericorde ,  &£  n'y  a  rien  de  blanc  ne 
de  poli  en  eux ,  que  leurs  habits ,  le  roquet  &  furplis ,  &  autres .  Ce  font  fepulchres 
Notez  ceci  blanchisikfquclsapparoiflcnt  beaux  par  dehors  :mais  le  dedans  eftplein  d'ordure  Se 


de  pourriture.  On  cognoift  les  loups  par  leurs  frui&s>qui  magent  les  viuas  &  les  morçsj 
fous  ombre  de  longues  oraifons.  Et  puis  qu'il  faut  dire  la  venté,  &:  que  vous  m'appelez 
Maiftre  en  Ifrael,ie  veux  maintenir  parles  fainctes  Efcritures ,  que  ce  grand  pilot  &C 
patrônoftre  faindt  pere  le  Papc,&  fes  Euefques  matelots,&  tous  femblablcs  batte]  i  ers, 
qui  ont  delaifte  la  nacelle  de  IefusChrift,  pour  s'embarquer  hirefquifs  &  brigantins, 
font  pyrates&:  efeumeurs  de  mer,faux-prophetes&:  abuieurs,&:nô  point  pafteurs  de  1- 
Eglife  de  IefusChrift. 

L  e  Docteur  Baflinet  n'eut  pas  acheué  ces  propos,que  tous  ceux  de  l'aflcmblec  grin- 
cèrent de  plus  fort  les  dents  contre  luy.  L'euefque  d'Aix  au  nom  de  tous, luy  dit,  Vuide 
hors,mefchant  Apoftar,  tu  n'es  pas  digne  d'eftre  en  celle  compagnie.  On  en  a  bruflé 
pluheurs  qui  ne  l'ont  pas  fi  bien  mérité  que  toy.  Tels  befacicrs ,  &:  coquins  de  moines 
gaftent  tout.  ^Les  autres  dotteurs  Mendians  qui  là  eftoyent,reprindrcnt  incontinent 
l'euefque  d'Aix,de  l'outrage  qu'il  leurfaifoit:&:  y  eut  grande  diflenlîon  :  tellement  que 
pour  lors  il  n'y  eut  aucune  conclufîon,  Apres  difncr  tous  ces  vénérables  prélats  tin- 
drent  confeil,  où  ne  furent  appelez  les  docteurs  Mendians,  ny  autre  moine,  s'il  n'eftoit  Prenez con 
Abbé.  Et  à  la  parfîn  ils  firent  complot  auec  ferment,  de  s'employer  à  faire  exécuter  le-  ["j^-'f" 
dit  areft  de  Merindol  :  offrans  tous  fans  contredit,  de  foudoyer  gens  de  guerre ,  vn  cha-  &c.iCi.8.;ô 
cun  félon  fa  puiiîancc:baillans  aufîi  charge  à  leuefque  d'Aix  &:  au  Prcuoft  des  chanoi- 
nes, dcfolicitcrccsaffaires'àcommunsfrais;&:dcperfuaderpar  tous  moyens  au  Preh- 
dent  &  confeilliers  de  la  Cour,  de  ne  craindre  de  faire  exécuter  ledit  arcft,aucc  tabou- 
rins  &C  enfeignes  defployees  &:  artillerie.le  tout  en  bon  équipage,  f  Cefte  confpiration 
conclue  &c  arreftee,  l'Euefque  d'Aix  vouloit  incontinent  partir  d'Âuignon,pour  aller  à 
Aix  faire  le  deuoir  de  la  charge  qui  luy  auoit  efté  donnée,  mais  on  le  pria  dafiïfter  à  vn 
grand  banquet  qui  fe  deuoit  faire  le  lendemain  de  cè  concilc,en  la  maifon  de  l'euefque 
de  Rieux.  Et  en  ce  feftin,  les  dames  d'Auignon ,  les  plus  belles  &c  renommées  furet  în- 
uitees ,  pour  refraichir  ces  bôs  prélats  de  tant  de  peines  &  trauaux  qu  ils  prennet  pour 
maintenir  faincte  eglife.Et  après  auoir  difné,  danfé  &:  ioué  à  la  manière  accouftumee, 
les  reuerends  s'en  allèrent  pourmener  en  attendant  le  foupper.  Or  comme  ils  pafîbyéc 
par  la  rue  des  changes,menans  les  damoifelles,ils  s'arrefterent  à  regarder  des  peintures 
&c  pourtraits  deshonneftes,auec  les  dictons  de  mcfme,pour  efmouuoir  à  paillardife.  Ils 
^achetèrent  ces  belles  images,&:  s'il  y  auoit  quelque  énigme  ou  chofe  difficile  à  enten- 
dre és  di&ons  defdites  peintures,ils  en  donnoyent  ioyeufement  prompte  expofition,  > 

L  E  Martyre  d'vn  LJBÂ      R  E  exécuté  en  la  ville  d'^fuignon,  dont  la  confiance  ejl  mémorable  en  ce 
àifcours  de  ïhiftoire  de  ceux  de  Merindol. 

\K  y  auoit-il  en  cefte  place  des  changes,  vn  Libraire  eftrangcr ,  qui  auoit«x- 
>fé  en  vente  des  Bibles  en  Latin  &:  en  François:&:  n'auoitautres  luircs.Et 
[ces  prélats  le  rcgardans,furentefbahis,&:  luy  dirent,  Qui  t'a  fait  h  hardi  ,de 
Jdefployer  vne  telle  marchandife  en  cefte  ville?  ne  fais-tu  pas  que  tels  liures 
font  clefendus?Et  le  Libraire  refpondit,  Lafain&c  Bible  n'eft-elle  pas  aufti  bonne  pour 
le  moins,  que  ces  belles  images  &:  peintures, que  vous  aucz  achetées  à  ces  damoifelles? 
Il  n'eut  pas  Ci  toft  dit  cefte  parolle,  que  l'Euefque  d'Aix  dit,  le  renonce  ma  part  de  para- 
dis,s'iln'eft  Luthérien.  Surlechample  poure  Libraire  fut  empoigné  &:  bien  rudement  Outrage 
mené  en  prifon.  Car  pour  faire  plailir  aux  prélats ,  vne  bande  de  rurfiens  &  de  brigan-  fj,cau  ll- 
deaux,  qui  les  accompagnoyent,  commencèrent  à  crier,  Au  Luthérien, au  Luthérien:  brairc' 
au  feu,  au  feu.  Et  l'vn  luy  bailloit  vn  coup  de  poing,l'autre  luy  arrachoit  la  barbe  :  telle- 
ment que  le  poure  homme  eftoit  tout  plein  de  fang  deuant  que  d'arriuer  en  la  prifon. 
^"Le  lendemain  il  fut  amené  deuant  les  iuges  en  la  prefence  des  Euefques:  &c  fut  inter- 
rogué  comme  s'enfuit:N'as-tu  pas  expofé  en  vente  ces  Bibles  &:  nouueau  teftament  en 
François?Refpond  le  poure  prifonnier,qu'ouy.  Interrogué  s'il  ne  fait  pas  bien  que  par 
toute  la  Chreftienté  defenfes  font  faites  de  n'imprimer  ne  vendre  la  Bible  en  autre  lan 
gage  qu'en  Latin  :  Refpond  qu'il  fait  tout  Je  contraire:  &c  qu'il  a  vendu  plufîeurs  bibles 
en  François  auec  priuilege  de4'Empereur:&:  aufli  d'autres  imprimees  à  Lio,&  des  nou- 
ueaux  Tcftamens imprimez  auec  priuilege  du  Roy. Et  après  le  prifonnier  dit  en  grade  HardielTc 
hardiefte ,  Vous  qui  habitez  en  Auignon,  eftes-vous  tous  fculs  de  toute  la  Chreftienté,  ^'b^rc  ° 
qui  aucz  en  horreur  le  Teftamçt  du  Pere  celefteîEt  pourquoy  nç  voulez-vous  permet-  ! 

Y.iiii, 


L/V/ro //•  Merindol &  Cahier  tj. 

tre  que  l'inftrument&:  les  lettres  authentiques  de  l'alliance  de  Dieu,  foyentpar  tout 
publiées  &  entendues  ?  Voulez-vous  défendre  &  cacher  ce  que  Iefus  Chriffc  comman- 
de de  reueler  &C  publierîNe  fauez-vous  point  que  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift  a  baillé 
puilîance  à  les  faincts  Apoftves  de  parler  toutes  langucs:afîn  qu'en  tout  lagage  le  fainft 
Euangile  Éuft  enfeigne  à  toute  créature  ?  Et  que  ne  defendez-vous  les  hures  &c  les  pein- 
tures qui  font  pleines  de  parollcs  dcshonneftes,&:  mefmes  de  blafphcmes,pour  înciter 
les  hommes  à  paillardilc,&:  à  mefprifcr  Dieu  î  Et  leur  dit  tout  elercment  qu  ils  en  ren- 
droyent  côte  deuant  Dieu. Et  l'eueique  d'Aix  Se  les  autres  prélats  creuâs  de  defpit  cou 
trecepoure  prifonnier,  commencèrent  à  s'efcrierjQu'eft-ilbet'oin  de  tant  l'interro- 
Labcr.  gUCr  ?  il  le  faut  enuoyer  tout  droit  au  feu  fans  plus  de  parollcs.  ■  ^Or  leiuge  Laber&: 
quelques  autres  n'eftoyent  point  de  ccft  aduis,&ne  trouuoyent  point  caufe  iuffifante 
pour  faire  mourir  ce  Libraire:&:  cerchoyent  de  le  faire  pafTer  par  vne  amende  honora- 
ble:derecognoiftrel'euefque  d'Aix  &:  les  autres  de  fa  compagnie,  pour  vrais  pafteurs 
de  l'Egliïe  de  Iefus  Chrift.mais  le  Libraire  refpondit  qu'il  ne  pouuoit  faire  cela  en  bon- 
ne confeience  :  d'autant  qu'il  voyoit  que  ces  Euefques  maintenoyent  les  liures  abomi- 
nables, &:  peintures  deshonneftes,&:  qu'ils  reiettoyent  les  liures  fainds  :  &:  dit  qu'il  les 
eftimoit  pluftoft  facrificateurs  de  Bacchus  &  de  Venus,que  vrais  pafteurs  de  l'Eglife  de 
Iefus  Chrift.  ^Incontinent  après  ces  propos  fut  condamné  à  eftre  bruflé:&:  la  fentenco 
ce  îour  mefme  fut  exécutée.  Et  pour  l'enfeigne  de  la  caufe  de  fa  condamnation ,  il  pôr- 
toit  deux  Bibles  pendues  à  fon  col,l'vne  deuant,l'autre  derriere.Ce  n'eftoyent  pas  fauf- 
fes  enfeignes:car  vrayement  le  poure  Libraire  auoit  la  parolle  de  Dieu  au  cœur  5c  en  la 
bouche.  &:  ne  ce/Ta  parle  chemin  &c  au  lieu  du  fupplice,  d'exhorter  &admonnefter  le 
peuple,de  lire  la  faindc  Efcriture:tellemét  que  plufieurs  furent  efmeus  à  s'enquérir  de 
la  venté.  ^"Et  les  prélats  voyans  qu'il  y  auoit  grande  di/Tenfion  entre  le  peuple  d'Aui- 
gnon,&"  que  plufieurs  de  fain  iugemét  murmuroyent  de  fa  mort ,  corne  ayant  efté  iniu- 
îtement  côdamné,  &:  encores  plus  du  deshôneur  &:  mefpris  qu'on  auoit  fait  aux  fainds 
liures  de  la  Bible:  voulans  mettre  crainte  &c  frayeur  au  peuple ,  pourfuyuirent  de  faire 
crier  le  lendemain  à  fon  de  trompe,par  toute  la  ville  &  conte  de  Vcninc,quc  tous  ceux 
qui  auroyent  liures  en  François,  traitans  delà  fainde  Efcriture,  qu'ils  les  eu/Tent  à  ap- 
porter &:  mettre  entre  les  mains  des  CommùTaires  nommez:  autremet  que  ceux  qu'on 
trouueroit  faifis  de  tels  liures,  feroyent  mis  à  mort. 

a  Près  que  lefdits  Prélats  eurent  mis  ordre  de  drefTerccfte  perfecution  en  Auignon 
au  conté  de  Veniife ,  l'eucfque  d'Aix  s'en  retourna  pour  pourfuyure  l'executiô  de 
L'cuefquc^  ^arc{\  Jc  Merindol. Et  incontinent  qu'il  y  fut  arriué  vint  trouuerle  prefident  Chaffané, 
fuit  lcxccu  auquel  il  communiqua  toute  l'entrcprife  qui  auoit  efté  faite  en  Auignon.  Auflîluy  dé- 
clara la  bonne  volonté  des  prélats  d' Auignon  &  de  Prouence,  &:  faffedion  qu'ils  a^ 
uoyent  de  luy  faire  plaifir  &c  aux  fiens,  s'il  mettoit  à  exécution  1  areft  de  Merindol.  A- 
près  plufieurs  belles  &  grandes  promeftés,  le  preiïdent  ChaiTané  refpondit  que  ce  n- 
eft  pas  petite  entreprinfe  que  dexecuter  vn  areft  de  Merindol:  qui  auoit  efté  donné 
L  areft  de  p}us  p0ur  tenir  en  crainte  les  Luthériens ,  qui  eftoyent  en  grand  nombre  par  la  Proué- 
dôn^poljr  ce,  que  pour  exécuter  félon  fa  teneur.  Lors  l'euefque  d'Aix  dit  au  Prefident,  le  cognoy 
tenir  en    bien,Moniicur,  que  les  gentils-hommes  qui  eftoyent  l'autre  iour  au  banquet,  vous  ont 
LuiTenë"  gagnc'>ou  Pour  Ie  moins  cibranlé.  Et  le  Prefident  dit ,  L'areft  de  Merindol  n'eft  pas  dif- 
nnitif,à  parler  propremcnt:&fesloix&:  ordonnances  du  royaume  ne  permettent  pas 
l'execucion  fans  autres  procédures.  L'Euefque  luy  dit ,  S'il  y  a  loy  ou  ordonnance  qui 
vous  retarde  ou  empefche ,  nous  porterons  les  frais.  Le  Prefident  luy  dit ,  le  ne  doute 
point  que  fi  l'areft  de  Merindol  èft  executé,que  le  Roy  ne  foit  mal  content  de  faire  y  ne 
telle  deftrudion  de  fes  fubiets.  L'Euefque  luy  dit,  Si  le  Roy  de  primfaut  le  trouue  mau- 
uais,  nous  luy  ferons  trouuer  bon  auec  le  temps ,  nous  auons  les  Cardinaux  pour  nous: 
ral^de  "   nommément  monfieur  le  Cardinal  de  Tournô,  auquel  on  ne  pourroit  faire  choie  plus 
Toumon.  agréable.  Et  fi  nous  auons  befoin  de  fon  aide,  nous  en  fournirons  bien.  Par  tels  ô£  fem- 
blables  propos,  l'euefque  d'Aix  perfuadaauxPrefidens  &:  Conl'eilhers  du  Parlement 
de  Prouence  d'exécuter  ledit  areft  :  &:ainfi  de  l'authorité  de  ladite  Gour,  le  tabourin. 
fonna  en  la  Prouence,  pour  aflembler  gens. 


non  del  - 
Areft. 


COMMENT 


mt  t 
eu- 


sïiïerindol  (f  Qahrim^,  i  /  jf 

COMMENT  Pappreft  pour  exécuter  l'arert  de  Merindol  rut  einpefché  par  vn  Gentil-homme,qui  remonftra  au  Prefiden« 
Chaflané  qu'en  vnc.is  ridicule  ilauoitefcritccqui  deuft  maintenant  pratiquer  en  chofe  de  grande  importance. 

Es  Capitaines  furent  ordonnez,  &:  nombre  de  gens  à  pied  &:  à  cheual  commencerez 
àfortir  d'Aix,&:  marcher  tout  cquippez,  pour  exécuter  ledit  Areft,  Ceux  de  Merin- 
dol aduertis  de  l'cntreprinfcn'auoyent  autre  confort  que  de  recommander  en  prières 
Se  larmes  leur  caufe  à  Dieu,sattcndans  d'eftre  meurtris, comme  brebis  à  la  boucherie.  Ce  font  Ic* 
Eux  eftans  en  ces  dcftreiTcs,  le  pere  plourant  auec  le  fils,la  fille  auec  la  mere,  la  femme  ""fi, 
auec  le  mary:foudaincmcnt  leur  fut  annoncé  que  ladite  armée  s'eftoit  retiree,ians  que  deles. 
pour  lors  on  euft  peu  fauoir  par  quel  moyen.  ^Toutefois  depuis  on  a  entédu  que  le  fei- 
gneur  d'Alenc,gentil-homme  bien  inftruitaux  fainçles  Efcriturcs&muni  du  droi&ci- 
uil,remonftra  lors  par  grande  compafîîon  au  prefident  Chaflané ,  que  celle  procédure  ^jj^'1 
par  voye  de  faicl:  Se  de  force  eftoit  cotre  toute  forme  &:  ordre  de  iuftice,&:fans  diftin&iô  de  l'exc 
des  coulpables  Se  innocés,  Or  eft-il  que  ce  Prefident  auoit  mis  en  lumière  Se  publié  par 
impreiîïonvnliure  intitulé  Cataloj^glorixmundj:  auquel  par  manière  de  paiTe-tëps  il  de-  Ctt^V 
duit  les  jpcedures  qu'il  feit  iadis  tenues  cotre  les  rats,par  les  officiers  delà  Courfpiritu-  ^ôpofé  par' 
elle  de  reucfque  d'Authun.  Corne  ainfi  fuft  que  quafi  partout  le  bailliage  de  Laulfois,  chaiTan.', 
il  y  euft  grade  multitude  de  rats  qui  degaftoyent  Se  mangeoyét  les  blez  de  tout  le  pays:  *  L™nr'mC 
il  fut  aduifé  qu'on  enuoyeroit  gens  deuers,  l'offîcial  d'Authun ,  pour  excommunier  lcf- 
dits  rats:&:  que  fur  cela  ledit  Officiai  ayant  ouy  le  plaintif  du  Procureur  hTcal ,  ordonna 
auant  que  procéder  à  l'excommunication  qu'il  falloit  vne  monition  félon  l'ordre  de  iu- 
fticc,par  laquelle  lefdits  rats  feroyent  citez  à  trois  brief  iours  :    a  faute  de  côparoiftre, 
procedé,&c.  Les  trois  iours  pafTez ,  le  Promoteur  fe  prefenta  contre  lefdits  rats  :  Se  par 
faute  de  côparoifîancc  obtint  defaut:en  vertu  duquel  demandoit  qu'il  fuft  procédé  à  1'- 
excommunicatiô.  Surquoy  fut  cogneuiudicialemét,  qu'aufdits  rats  abfensferoit  prou- 
ueu  d'aduoeat  pour  ouir  les  dcfenfes,&:c.attédu  qu'il  eftoit  queftion  de  la  totale  deftru- 
ction  Se  extermination  defdits  rats,  Le  fieur  d'Alenc  fe  feruant  trefbien  de  ceci ,  dit  au 
Prefident,Monfieur,fouuenez-vousdu  confeil  que  vous  auezefcrit  en  chofe  de  néant; 
lors  qu'eftant  aduoeat  du  Roy  à  Authun ,  vous  défendîtes  lefdits  rats ,  Se  remonftraftes 
que  le  terme  donné  aufdits  rats  pour  comparoiftre,eftoit  trop  bref.  Se  dauantage,  qu'il 
y  auoit  tant  de  chats  aux  villages,  que  lefdits  rats  auoyent  iufte  caufe  d'abfence,&:c.  par 
plufieurs  droits  Se  paffages  par  vous  alléguez  &traitez  bien  amplement  en  voftre  dit  li-. 
urc  fait  à  plaifir.  Or  s'il  eft  ainfî,Monfîcur ,  que  par  tel  plaidoye  d'vne  matière  de  vaine 
importanccjvous  ayez  acquis  ce  bruit  d'auoir  dextremétremonftré  la  manière  par  la- 
quelle les  iuges  doyuent  procéder  en  matière  criminelle:  Se  maintenat  ne  voulez- vous 
point  prendre  droit  par  voftre  liurcmefme,  qui  vous  condamnera  manifeftement,  fi 
vous  procédez  plus  auant  en  la  deftru&ion  de  ces  poures  gens  de  Merindol  ne  valent- 
ils  pas  bien  qu'on  leur  garde  autat  de  droicl:  Se  équité  que  vo"  auez  fait  garder  aux  rats? 

Par  ces  remonftrances  ce  Prcfidcnt  fut  fi  fort  efmcu ,  qu'incontinent  il  reuoqua  la 
commiilîon  qui  auoit  efté  donnee:&:  fît  retirer  la  gendarmerie  qui  approchoit  défia  de 
Merindol  enuiron  d'vne  lieue  Se  demie. dot  lefdits  de  Merindol  rendiret  grâces  àDieu:  Comment 
fe  confolans  les  vns  les  autres,&:  s'admonneftans  enfemble  de  retenir  toufîours  la  crain  ruJdolfe'cô 
te  de  Dieu,  &fefubmcttrc  à  fa  prouidence,  en  attendant  patiemment  l'efperance  des  foloyent, 
bien-heureux,afTauoir  là  vraye  vie  &:  les  biens  eternelsrfe  propofâns  pour  miroir,noftre 
Seigneur  Iefus  Chrift  vray  Fils  de  Dieu,  lequel  eft  entré  en  fa  gloire  par  tant  de  tribula- 
tiôs.  ^Le  bruit  de  cefte  entreprife  &:  exécution  dudit  Areft  Se  de  la  patience  Se  côftan- 
ce  defdits  de  Merindol,fut  grand,  Se  eftimé  de  telle  importance,  qu'il  ne  fut  pas  caché 
au  roy  François  :  lequel  manda  lettres  au  feigneur  de  Langeay,  qui  pour  lors  eftoit  fon 
lieutenant  au  pays  de  Piedmont,  de  s'enquérir  diligemment  Se  au  vray  de  tout  ceft  Guillaume 
affaire.  Surquoy  ledit  feigneur  enuoya  en  Prouence  deux  perfonnages  gens  de  bien,  feufdcu' 
aufquels  il  donna  charge  de  luy  apporter  le  double  dudit  Areft,&:  de  s'enquérir  de  tout  geay,lieu- 
ce  qui  s'en  eftoit  enfuyuy,&  femblablemenç  de  la  vie  Se  moeurs  defdits  de  Merindol,  Se  P™r 
autres  perfecutez  au  pays  de  Prouence,  PicdmoTt . 

Rapport  de  Tcnquefte  £utc  par  les  commis  cnuoyez  par  le  feigneur  de  Langeay.Lieutenant  pour  le  Roy  en  Piedmont. 

/^>Es  deux  députez  apportèrent  le  double  dudit  Areft  au  feigneur  de  Langeay,  Se  tout 
^ce  qui  s'en  eftoit  enfuyui.&:  luy  contèrent  les  iniuftices,  pUleries ,  &:  concufîions  dot 
vfoyent  iournellement  les  iuges  tant  Eccleftaftiques  que  feculiers,  à  l'encontre  defdits. 


LÏMt^lL  j.vlerindol&  Cabriercj. 

de  Merindol  &C  autres.  Et  quant  à  la  vie  &  mœurs  defdits  perfecutcz,  en  fîrenc  rapport j 
que  la  plus  part  de  ceux  du  pays  de  Prouence  a/Fermoit  que  lefdits  perfecutez  eftoycnc 
gens  de  grand  trauail-  &C  que  depuis  cnuiron  deux  cens  ans  ils  s'eftoyent  retirez  du  pays 
de  Piedmont  pour  venir  habiter  en  la  Prouence  :  &  auoycnt  prins  à  tiltre  d  cmphïtcofc 
&  abergemenr,  pluiîeurs  hameaux  defb  •  rs  par  guerrc,&:  autres  lieux  deferts  6c  en  fri- 
Bencdiaiôs  che:&:  que  tant  bien  auoycnt  trauaillc  ç  lieux  qu'ils  habitoyentjy  auoit  abondance 
dépens  té-  de  blcz,vin$,huilcs,miel,amandes>&g•  dbeftail,  dont  tout  le  pays  àTenuiron  en  c- 
ceux'dc  ftoit  foulage,  mcfme  qu'auparauant  qu'ils  vinffcnt  habiter  audit  pays,lc  lieu  de  Meriu- 
Mtnndol.  dol  amodié  couftumierement  pour  cnuiron  quatre  efeus  par  an,  eftoit  venu  a  plus  de 
trois  cens  cinquâte  elcus,d'amodiation  annuelle  au  feigneur.  Et  qu'ainfï  eftoit  de  I. or- 
marin  &£  plufieurs  autres  lieux  de  Prouence  :  lefquels  efloyent  deferts  &:  expofez  à  b  rî 
gandagcsauantqueles  fufdits  vinffent  y  habiter.  Ilstrouuerent  auflî  par  inforruatior 
faite  audit  pays  de  Prouence,que  lefdits  de  Merindol  &:  autres  perfecutcz  eftoyent  gés 
paifibles,aimez  de  tous  leurs  yoifins,gens  de  bonnes  mœursrgardans  leurs  promclîcs  &C 
payans  bien  leurs  dcttes,fans  fe  faire  plaidoyer  ne  tracaflengës  charirables,ne  permet- 
tans  qu'aucun  d'entr'eux  euft  neceflïté:aumofniers aux eftragers &c  aux  poures  pafTans, 
fclonleur  pouuoir.  Iceux-melmesdu  pays  de  Prouence  affermoyent  au/fi,  que  ceux  de 
Merindol  &  autres  perfecutcz  efloyent  cognus  entre  les  autres  du  pays  de  Prouence, 
pource  qu'on  ne  les  pouuoit  induire  à  blalphemer  ou  nômer  le  diable,ny  aucunement 
jurer ,  fi  n'eftoit  en  iugement ,  ou  pa/î'ant  quelques  contrats.  On  les  cognoiifoit,pour- 
ce  que  quand  en  quelque  compagnie  on  tenoit  propos  lafeifs,  où  blafphemes  contre  V 
honneur  de  Dieu,ils  fe  departoyent  incontinent  de  telle  compagnie.  Nous  ne  fauons 
autre  chofe  cotre  telles  gens,fmon  que  (difoyent  ceux  de  Prouence  )  quand  ils  vont  par 
les  marchez  ou  par  les  villes  ,  on  ne  les  voyoit  gueresallcr  au  mouflier:  &:  s'ils  y  entrent 
ils  font  leur  prières  fans  regarder  ne  Saincl  neSain&e.  Et  que  par  les  chemïsils  paffent 
deuant  les  croix  èc  images  fans  faire  aucune  reuerence.  ^"Les  preflrcs  ouys  aufli  en  ce- 
lle enquefte,atteftoyét  qu'ils  ne  faifoyent  dire  aucune  Meffe,ne  Libéra  wf,  ne  De profim- 
du-.8>C  qu'ils  ne  prenoyent  point  d'eau  benite:&  mefme  (i  on  leu  r  en  bailloit  par  les  mai- 
fons,qu'ils  ne  difoyent  pas  grand  mercyr&voyoit^on  bien  qu'ils  n'en  fauoyér  gré  à  ceux 
qui  leur  en  bailloyent:Qu'ils  n  alloycnt  en  pelerinage,gagner  les  pardons:Qjn'ils  ne  fai 
foyent  le  ligne  de  la  croix  quand  il  tonnoit:mais  feulement  regardoyét  au  ciel,  en  fouf- 
pirant:&  aucuns  s'agenouilloyent, &c  prioyent  fans  fe  ligner  ne  prédre  eau  benite.Qu'- 
on  ne  leur  voyoit  faire  aucune  offrande,  ne  pour  les  viuans  ne  pour  les  morts.  C  Voila 
ce  qui  fut  rapporté  audit  feigneur  de  Langeay,de  la  vie  &:  mœurs  de  ceux  de  Merindol 
&:  autres  perfecutcz  :  &c  auffi  de  1' Areft,&:  de  ce  qui  s'en  cft  cnfuyuy. 


LETTRES  patentes  du  roy  François  I.  en  forme  de  grâce  à  tous  les  acenfez  ou  condamnez  de  Merindol 
&  pays  circonuoilin. 

Leficur  de  T^E  toutes  ces  chofes,ledit  feigneur  de  Langeay ,  fuyuant  la  charge  qui  luy  auoit  cflc 
^nfofmde      baiHce ,  en  aduertit  le  Roy  François  :  lequel  ayant  tout  entendu  ,enuoya  lettres  de 
royFran-  gracc,non  feulement  pour  les  condamnez  fur  defaurs  &:  contumaces  :  mais  aufîîpour 
çois.        tous  autres  du  pays  de  Prouence,  accufez&foufpeçonncZ  de  femblablcs  cas;  mandat 
&c  commandant  expreflément  audit  Parlement,  que  dorefenauantils  n'cuiTentcntcl 
cas  à  procéder  firigoureufement  qu'ils  auoyent  fait  par  le  paffé  .  dcfquelles  lettres  la 
teneur  s'enfuit: 

FRANÇOIS  par  la  grâce  de  Dieu  roy  de  France,c5te  de  Prouence,  Forcalquier 
&:  terres  adiacentes,à  nos  aimez  &:  feaux,les  gens  tenans  noflre  cour  de  Parlement  au- 
dit pays  de  Prouence, feant  à  Aix,Salut&  dile&ion.  Comme  nous  ayons  entédu  qu'- 
aucuns defuoyez  du  bon  chemin  de  la  foy  &:  religion  Qircflienne  ,  qu'on  appelle  Vau- 
dois,  fe  foyent  afl'emblcz  en  quelques  endroits  de  nofdits  pays  de  Prouence,où  ils  con- 
tinuent en  leurs  erreurs  par  la  fedu&ion  d'aucuns  malins  efprits,  à  quoy  foit  bef'oin  dô- 
ner  bône  &c  falutaire  prouifion,afîn  que  ce  venin  ne  procède  plus  auant:S  avoir  vous 
faifons  que  nous, enclinans  plus  volontiers  à  mifericorde&:  clémence  qu'à  rigueur  de 
iuflice,&:  voulans  pluflofl  effayer  par  la  voye  de  douceur  &  de  remonflrances ,  de  reti- 
rer &:  radreffer  lefdits  defuoyez  j.  la  voye  de  falut,  que  par  rigoureufes  punitions  les  fai- 
re tomber  en  defefpoir:  Attendu  mefmement  la  grande  multitude  de  ceux  que  Ion  dit 
dire  tombez  en  ces  fautes  &:  erreurs,&:  que  Ion  peut  efperer  que  par  la  bonté  de  Dieu 

noftre 


/20 


noftre  créateur  ils  fc  réduiront  pluftoft  à  la  voye  de  falut,  que  d'eftre  hors  do  la  Congre* 
gation  des  bons  Chreftiens  &:  fidèles, &c  demeurer  continuellement  en  la  crainte  de  U 
rigoureufe  iuftice  tant  de  Dieu  que  des  hommes.  Nous  à  ces  caufes  auons  donné  &£ 
donnôs  par  ces  prefentes,  grace,pardon  &:  remiflîon,enrant  qu'à  nous  eft,  aufdits  Vau- 
dois,&:  les  auons  quittez  &:  quittons  de  toutes  peines  &:  orrenfes,&:  de  toutes  punitions 
&C  condanations  qu'on  leur  pourroit  faire  tant  en  leurs  perfonnes  qu'en  leur'-  biens  en 
vertu  des  iugemens  donnez  ou  à  donner  :  Pourueu  toutesfbis  que  dedans  trois  mois  a-, 
près  l'infinuation  de  ces  prefentes  à  eux  dcuèment  faites,ils  le  retournenr  deuers  Dieu 
noftre  createur,&:  facent  abiuration  &  renonciation  folcnelle,  &:  telle  qu'elle  eft  requis 
fe  à  tous  erreurs  &  fau/Tes  do&rines  efquelles  ils  font  tombez  parcy  deuant.  Dont  ils  fe 
départiront  cntierement:&:  promettront  viure  catholiquement  &:  fîdelemét,  ainfi  qu'» 
il  eft  requis  &c  necefTaire  à  tous,  bons  Chreftiens  &  catholiques ,  viuans  félon  la  loy  de 
Dieu  &c  de  l'eglife.Et  à  ceftcfin,&:  pour  entendre  s'ils  voudront  vfer  de  noftre  prefente 
grâce &C  mifericorde*  voulons  qu'ils  puhTent  venir  ou  enuoyer  pardeuers  vous,  iufquea 
a  tel  nombre  de  perfonnes  que  fera  par  vous  aduifé  &  ordonné ,  en  pleine  feureté  tant 
pour  aller,feiourner  que  retourner:  fans  ce  que  durant  ledit  temps  il  leur  punTe  eftre 
donné  aucun  deftourbier  ou  empefehement  en  leurs  perfonnes  &  biens ,  en  quelque 
manière  que  ce  foit.  Et  où  ils  n'en  voudroyent  vfer,  &:  demeureroyent  en  leur  obftina* 
tion,  vous  en  ferez  faire  telle  punition  que  verrez  au  cas  appartenir.  Et  de  ce  faire  vous 
auons  donné  &c  donnons  pouuoir,authorité ,  commiflien  &:  mandement  efpecial ,  par 
ces  prefentes.  Par  lefquclles  mandons  &:  commandons  à  tous  nos  iufticiers,  officiers  &C 
fuiets,foyent  gens  de  guerre  ou  autres,qu  a  vous,  vos  commis  Se  députez  ils  preftent  &: 
donnent  toute  l'aide,  faueur  Se  aflîftence  dont  ils  feront  par  vous  &:  vofdits  députez  re- 
quis. Donné  à  Fontaine-bleau,le  huitième  iour  de  Feurier,  l'an  de  grâce  m.d.xl,^ 
de  noftre  règne  le  vingtfeptieme.  Ainfi  fignéjPar  le  Roy,  conte  de  Prouence.  Bayard. 

CES  lettres  furent  fupprimecs  quelque  temps,  mais  en  fin  on  les  lignifia  à  certains 
prifonniers ,  qui  eftoyent  détenus  aux  prifons  d'Aix  :  aufquels  on  demanda  s'ils  fe  vou- 
loyent  aider  defdites  lettres,  lefquelles  leurferoyent  communiquées  en  payât  chacun 
vn  efeu  fol  pour  la  copie  d'iceUes.  Parce  moyen  les  prifonniers  furet  eflargis  en  payant 
lcsdefpens,&promectansdefeprefenteràlaCourtoutes  fois  qu'ils  feroyent  deman-  ^ 
dez.Le  greffier Se  autres  efperâs  grand  proufit  defdites  lettres,faifoyent  leur  conte  qu  -  énorme  du 
il  en  faudroit  expédier  quatre  ou  cinq  mille  doubles,qui  feroyent  autant  d  efeus.  Au  Greffier  de 
contraire,  lefdits  de  Merindol  entendiret  que  le  vouloir  du  Roy  eftoit,  que  lefdites  let- 
tres fulTent  publiées  par  toutes  les  villes  Se  villages  de  Prouence.Parquoy  firent  reque- 
fte à  ladite  Cour  de  publier  lefdites  lettres,ainfi  qu'il  leur  eftoit  mandé:&  en  demandè- 
rent vn  double:remonftrans  telle  exa£rion,eftre  contre  l'intention  du  Roy ,  aifauoir  de 
Jes  vouloir  contraindre  à  payer  chacun  vn  efcu,&:c. Sur  quoy  la  Cour  ordonna  que  lef- 
dites lettres  feroyent  publies,  &:  que  nul  ne  feroit  contraint  d'en  prendre  double  :  mais 
que  ceux  qui  en  voudroyent,payeroyent  cinq  fols  pour  la  copie  :  commandant  de  ren- 
dre le  furplus  à  ceux  qui  en  auroyent  payé  dauantage,  Ordonnant  au  furpîus^que  tous 
ceux  tant  hommes  que  femmes  qu'enfans,de  toutes  les  villes  ou  villages  que  ieroyent 
foufpeçonncz  d'eftre  Luthcriens,eufTent  àfe  prefenter  par  deuers  ladite  Cour  dedans 
trois  mois  après  la  publication  defdites  lettres.  A  cefte  caufe,autre  requefte  fut  prefen 
tee  à  ladite  Cour,par  les  deuxfyndiquesde  Merindol,contenant  que  ce  feroit  grad  tra* 
uailfc  couft  que  tous  les  hommcs,fcmmes  &:  enfans  de  Merindol  ,&:  des  villes  Se  villa- 
ges de  Prouence,fe  nreientaffent  en  perfonne  deuât ladite  Cour:&:  partant  fupplioyét 
qu'ils  eufTent  liberté  de  ce  faire  par  procureur ,  excepté  ceux  contre  lefquels  le  procu- 
reur du  Roy  prendroit  conclufion,&  qui  feroyent  fpecialement  demâdez  pour  refpon- 
dre  fur  le  contenu  des  charges  Se  informations  contr'eux  faites.  Laquelle  requefte  leur 
fut  entièrement  accordée,  ^Huit  ioursapres,François  Chay  Se  Guillaume  Armant> 
çant  en  leur  nom  que  comme  procureurs  des  habitans  de  Merindol ,  faifans  foy  de  leur 
procuration,  fe  prefenterent  deuant  la  Cour  d'Aix  pour  fatisfaire  au  vouloir  du  Roy  S4 
au  côtenu  de  fes  lettres,  requerans  aux  noms  que  deflus,qu'il  plaife  à  ladite  Cour  auoir 
efgard  à  leur  caufe  tant  pitoyable,&  leur  faire  droict  félon  le  côtenu  des  lettres  duRoy: 
qui  veut  Se  commande  que  félon  tout  droid  Se  raifon ,  on  face  premièrement  apparoir 
par  bônes  Se  fuffifantes  informations,tous  les  erreurs  Se  herefies  defquelles  on  prétend 
que  Jcfdirsperfecutezfont  chargez^  après»  leur  remonftrer  parla  parollç  de  Dieu.Eç 


la  Courd* 
Air. 


ainfi  conuaincus,  qu'ils  abiurcnt, Sl  qu'il  foycnt  réduits  au  troupeau  de  l'Eglife ,  Sic, 
CLa  Cour  ordonna  que  cefte  requcfte  feroit  communiquée  aux  ges  du  Roy,  &:  que  lef- 
dits Supplians  comparoiftront  à  huitaine ,  pour  entendre  ce  qu'il  plaira  à  la  Cour  or- 
donner. Le  mefme  iourleprefident  Chafîané&:  quelques  Confcilliers ,  au  ce  les  Gens 
du  Roy  parlèrent  à  part  aulditsSupp  îansdeur  remonftras  quil  n  eftoit  beibin  faire  in- 
formation des  erreurs  qu'ils  tienne  ne: veu  que  chacun  {ait  bien  qu'ils  ne  viuét  pas  félon 
les  ordonnances  de  l'cgliie,  &  qu'ils  ne  font  non  plus  d'eftime  du  Pape  que  d'vn  autre 
homme.  A  quoy  de  la  part  defdits  Supplians  fut  refpondu ,  que  combien  qu'ils  fuiTcnt 
LesfuppU-  gens  non  lcttrez,  toutesfois  s'il  plaifoit  aufdits  feigneurs  Prefîdcnt&:  Confeillicrs,  ils 
dlefpondre  reipondroyent&  rendroyent  raifon  de  leur  foy  &:  des  articles  iamis  en  auant  &:  propo- 
de  kur  foy.  fez  par  ledit  iieur  Prefîdent.  A  quoy  fut  refpôdu  par  ledit  Prefîdent  Se  Conieillicrs ,  qu'- 
ils n'auoyent  charge  de  la  Cour  de  ce  faire,  mais  qu'il  feroit  bon  &  bien  conuenable, 
qu'à  la  huitaine  cy  deuant  aflignee,  ils  bailla/Tent  par  eferit  leur  manière  de  viure ,  &c  la 
do&rine  qu'on  leur  a  enfeignee  &:  qu'ils  euffent  procuration  de  tous  ceux  deMcrindol, 
pour  fpecialemcnt  déclarer  qu'ils  ont  ainiivefcu.  Et  les  Supplians  firent  refponfe  qu'- 
ils feroyent  fauoir  leur  aduis  &:  délibération  aufdits  de  Merindol.    Lefdits  procureurs 
eftans  de  retour,firent  entendre  aufdits  de  Merindol  tout  ce  qu'ils  auoyent  fait,&:  l'ad- 
uis  Se  délibération  dudit  prefident  Cha/îané,&:  autres:  aufli  leur  montrèrent  le  double 
iufques  ici  dc  ja  requcfte  lignée  du  Grenier  :  dequoy  lefdits  de  Merindol  furent  efbahis,  d'autant 
ourovéa    qu'ils  n'auoyent  onques  peu  obtenir  copies  des  procédures  faites  contr'eux,  ne  double 
ceux  de  Me  d'aucun  atte,  ne  des  requeftes  par  eux  prefentees ,  ne  des  fentences  ou  Arefts  donnez 
rindoi  d'à-  contr'eux  :  mefmes  y  auoit  defenfes  faites  à  tous  Greffiers ,  Notaires ,  Sergeans  &:  tous 
des aa«.C  autres  officiers,de  ne  receuoir  aucun  a£te,  ny  oppofition ,  ne  protcftation  ,  ny  expédier 
double  de  leurs  executions:tcllement  que  fur  cela  leur  fut  pourueu  par  lettres  patétes 
du  Roy ,  mandant  Se  commâdant  qu'il  leur  fuft  baillé  double  de  toutes  les  procédures 
faites  côntf'eux:afin(ii  aucunes  extorfions  ou  abus  cftoyent  commis  par  les  fentéces  Se 
exécutions  d'icclles)que  lefdits  Supplians  en  peufTcnt  faire  apparoir  pour  leur  feruir  en 
temps  Se  lieu.  Or  lefdits  Supplians  ayans  la  copie  defdites  lettres  fignee  par  le  Greffier 
de  ladite  Cour,auec  mandement  à  tous  Notaires  Se  autres  officiers,  d'exécuter  tous  a- 
ttes,  Sec.  nonobftant  lareft  de  ladite  Cour  de  Parlement  donné  au  contraire:  lequel  en 
ceft  endrbit  eftoit  rcuoqué,&c.  CDont  lefdits  de  Merindol  enuoyerent  quérir  vn  No- 
taire au  lieu  de  Malemort:auquel  déclarèrent,  que  fuyuant  l'aduis  du  Président  &c  Con 
feilliersdelaCourdu  parlement  de  Proucnce,  ils  vouloyent  déclarer  à  ladite  Cour  li- 
La  doûri-  brement,la  dodrinc  laquelle  leur  auoit  efté  enfeignee,comme  de  pere  à  fils,voire  mef- 
rîuïtT6  mc  depuis  ^an  nulle  deux  ces  apres  la  natiuité  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift:  comme 
Merindol  toufiours  ont  entendu  par  leurs  Anciens,^  Anceftres.  Ledit  notaire  ayant  veu  les  lct- 
depuisen-  trcs  fa  Roy,  Se  le  mandement  de  ladite  Cour  attaché ,  ne  fît  difficulté  de  receuoir  par 
ai^0"400  acte  publique  en  bonne  forme,  les  articles  &:  la  confefîîon  de  foy  defdits  de  Merindol. 
Laquelle  par  leurs  procureurs  fut  prefentee  à  ladite  Cour,  auec  requefte  contenante 
claufes  en  tel  cas  requifes  &:  neceflaires,&:c.  Or  apres  ladite  prcfentation,plufieurs  ont 
defiré  plus  ample  déclaration  de  la  foy  defdits  de  Merindol .  lefquels  lachans  cftre  te- 
nus d'en  rendre  raifon  à  tout  homme  qui  leur  en  demâdera:cognoifTans  aufli  que  leurs 
Anciens  en  Bohême,  eftans  en  péril  demorr,  auoyent  iadis  fait  le  mefme ,  enuoyansle 
d  "b  dh'CS  contenu  ^e  ^cur      *  Vladiflaus  roy  de  Hongrie  Se  de  Bohemc,qui  les  perfjcutoit  l'an 
periecuteT  m.d.v  1 1 1  :  A  cefte  caufe  lefdits  de  Merindol  enuoyerent  plus  amples  articles  au  cardi- 
par  leur    nal  Sadolet,  pour  lors  Euefque  de  Carpentras:  auflî  aux  fyndiques  d'Auignon,  à  l'euek 
Roy'       que  de  Cauaillô,  Se  à  to9  ceux  q  en  ont  demadé  raifon  t£t  en  gênerai  qu'en  particulier. 

Le  roy  François  I, aufli  voulut  entendre  quelle  eftoit  la  doctrine  que  fuyuoyent  lef« 
dits  de  Merindol,  &c  autres  perfecutez  au  pays  de  Prouence.  Et  deuant  fa  maiefté  roya- 
petrut  ca-  le,  la  confeflion  de  ceux  de  Merindol  fut  leué  par  fon  Lecteur  ordinaire ,  qui  lors  eftoic 
ae^*du'C  Caftellanus.Et  apres  auoir  efté  leuë  de  poind  en  poinct,le  Roy(cômc  efbahi)demanda 
royFrâjois  en  quel  endroit  on  trouuoit  faute,ou  chofé  à  redire  en  ladite  confeflion  de  foy.  Et  nul 
n'ofaouurir  la  bouche  pour  y  contredire.  ^Orici  nous  auons  inféré  la  fupplication  Se 
confeflion  de  foy  defdits  de  Merindol ,  pref  entee  à  la  cour  du  Parlement  de  Prouence: 
Quant  à  l'autre  confeflion  plus  ample  des  articles,  qui  furét  enuoyees  tant  au  cardinal 
Sadolet,qu  a  l'euefque  de  Cauaillon,&:  aux  autres  q  s'en  font  voulu  enquerir,&:  ont  de- 
madé pi"  ample  declaratio,no9  l'auôs  inférée  en  l'hiftoire  imprimée  à  part,l  a  m.d.lvi. 

JSVP- 


*fflerindol&  ÇabriercJ*  121 


^SVPPLIENT  humble  ment  André  Maynard ,  Martin  Maynard ,  Pcyron  Roy,  8c 
généralement  tous  habitans  de  Merindol,tant  hommes ,  femmes,  filles  que  petis  cn- 
fans  déclarez  &  nommez  en  certain  areft  donne  contr  eux  le  mois&  icur  contenu  au- 
dit Areft  m.d.x  l.  &  autres  de  ce  pays  de  Prouence,  pour  lesquels  le  Roy  noftrcSirc  a 
donnc&enuo\  e  lettres  patentes  de  pardon  3c  remiffion.  Treshonnorcz  Seigneurs, 
les  grandes  fafclicrics,  trauaux, pertes  &  tormens,  tant  a  nos  biens,  noftre  hôneur  qua 
nos  perfbnncs,  qu'auons  enduré  &:ioulierc  depuis  l'an  m.  d.  xxx  i,iuiqucscn  laprc- 
fente  année  m.d.x  l  i,  pour  les  faux  rapports  Ôcaccufations  qu'on  a  fait  alencontredc  MDXLI< 
nous,nousincitent,&  par  neeelîire  contraignent  derechefvousiupplier,combien  que 
par plullcurs fois auons  efte  efconduis,qucvoftre  bon  plaifir  ioit  pour  l'honneur  de 
Dieu  benjgnemcnt  efeouter  noftre  humble  ôc  Chreftiennc  requelle ,  aucc  ccrtainSc 
véritable  aducrtilTemcntque  nous  vous  ferons  en  faine  confciencc  ,  prenant  Dieu  qui 
\  oidôc  cognoit  toutes  chofes,  en  tefmoin,  a  celle  fin  que  dorenauant  vous  nous  main- 
teniez en  droictôc  équité, comme  ceux  qui  doyuct  adminiftrer  milice  tat  à  pouresqu'à 
riches  fans  faueur.  ^Première  m  e  n  t  ,  pourtant  que  toutes  les  molcftcs  «Se  perlc- 
cutionsqu  on  a  fait  alencontre  de  nous,  viennent  à  caufe  de  la  religion  :  Nous  confér- 
ions deuant  Dieu  &i  deuant  vous  ôc  tous  princes  Chreftiens ,  en  quelle  U  y  &c  doctrine 
nous  fommcs&c  voulons  viure.  Et  premièrement  •  En  la  lentencccc  opinion  de  la 
religion &:  eglife  Chreftiennc  nous  nous  accordons  totalement.  Car  par  la  règle  feule 
de  noftre  fov ,  nous  auon>  le  vieil  £c  nouucau  Teftament ,  Se  nous  accordons  à  la  cène-  £3r,a,"ac 
raie  confeilion  de  foy  aucc  tous  les  articles  qui  font  côtenus  au  Symbole  des  Apoltres. 
N  o  v  s  neibmmes  point  cnucloppez,nc  voudnôs  cftrc,d'auciïs  erreurs  ou  hercïiescô- 
damnees  parPanciénc  eglife,  &c  tenos  tous  les  enfeignemes  qui  ont  elle  approuucz  par 
lavrayefoy.  No  v  s  nous  rtputons  eftre  corrompus  8e  perdus  par  Iepeché  originel,  P|<l^'ori" 
8c  que  de  nous-melmc  <  nous  ne  pouuons  faire  aucune  choie  que  peché.  A  quoy  nous  8 
vous  dii'ons  ÔC  conreilbns,  que  le  premier  ôc  principalfondemcnt  de  tout  bien  en  l'ho- 
me  eft  régénération  d'efprit,  laquelle  Dieu  paria  honte  Se  grâce  baille  à  fes  efleus.  Et  à 
caufe  que  tous  les  hommes  de  leur  nature  font  totalement  pécheurs,  nous  les  eftimons 
eftre  en  damnation  5e  ire  de  Dieu ,  linon  ceux  que  par  fa  mifericorde  a  referue.  Or  la 
manière  de  la  deliurance  eft  tellc:Il  faut  receuoir  le  fus  Chrift  en  la  façon  qu'il  nous  eft 
prcfché  en  l'Euangilc:  c'eft  à  dire  qu'il  eft  noftre  rédemption  ,  initiée  £c  fanctification. 
Parquoy  nous  croyons  que  par  la  ieulefoy  œuurante  par  e  harité,nous  lommes  iuftifiez: 
nousdeffians  de  nos  propres  cru  tire  s,  nous  rendansdu  tout  à  la  milice  de  Chrift.  D  e 
la  régénération,  nous  tenons  que  l'homme  de  fa  natiuité  eft  aucugled 'intelligcnce,de~  ^at(r^cnc 
praueen  volonté.  Et  afin  qu'il  puiïfcauoir  vraye  &£  falutaire  cognoiffance  de  Dieu  8e 
de  fon  Fils  Iei'us  Chrift ,  il  eft  illuminé  du  S.  Efprit  :  6c  après  eft  fanâjfic  en  bonnes  ocu- 
ures,  afin  que  luy  ayant  la  Loy  de  Dieu  efente  dedans  fon  coeur,  il  renonce  à  tous  defirs 
charnels. à  caule  dequoy  remiffion  de  peché  nous  eft  toujours  neccifaire  ,fans  laquel- 
le nul  ne  peut  auoir  Dieu  propice.  A  v  nom  feul  de  leurs  Lhnfî  ,feul  Mediateur,nous  ç^*1"  Ur 
inuoquons  Dieu  le  Petc-.Sc  n'vlons  d'autres  orailons  que  de  celle  qui  font  en  l'Eicriture 
fain&c,  ou  à  icellcs  concordantes  en  fentenec.  No  v  s  ne  retenons  aucunes  doétri-  Dodrinc- 
nes humaines contreuenantes  à  la  parclle  de  Dieu,  comme  fatisfa&ion  de  péchez  par  tumainiS« 
nosceuures:  lesconftitutions  commandées  fans  icelle  parolle  deDieu:auec  vnemau 
uaiie  opinion  d'obligation  8c  mérite:  Se  tontes  couftumes  fuperftiriculcs  ,  comme 
adoration  d'images  ,  pèlerinages  ,  Se  telles  chofes  femblablcs.  ^Novs  auons 
les  Sacremens  en  honneur,  Se  croyons  qu'ils  font  tefmoignagcs  6c  lignes  par  Icfqucls 
la  grâc  e  de  Dieu  eft  confermee  Se  affeuree  en  nos  confeiences  :  à  caufe  dequoy  nous  n"m*CTC~ 
croyons  que  le  Baprc  (me  eft  ligne  par  lequel  la  purgation  qu'obtenôs  par  le  fangde  Ic- 
fus  Chrift, eft  en  nous  corroborée  en  telle  façon,  que  c'eft  le  vray  lauement  de  régéné- 
ration Se  renouation.  L  a  Cenc  du  Seigneur  Icius,eft  le  fignefous  lequel  la  vraye  cô- 
xnunion  du  corps  Se  du  fang  de  lefus  Chrift  nous  eft  baillée.  T  o  v  c  h  a  n  t  du  Magi-  Du  M 
ftrat,  corne  des  Princes  Se  Seigneurs  Se  toutes  gens  de  iufticc,  nous  les  tenons  eftre  or-  ftrac. 
donnez  de  Dieu, 8c  voulons  obeu -à  leurs  loixSe  conftitutions  qui  concernent  les  biens 
Se  corps.-aufquels  loyaument  voulons  payer  tributs  6c  impolis, du  mes ,  cenfes  Se  toutes 
chofes  qui  leur  appartiendra  :  en  leur  portant  honneur  ôc  obeiilance  en  toutes  choies 
qui  ne  font  contre  Dieu. 


x. 


L/«ro  //.  nfflerindol  &  Cabriertj* 

Rcmoiiian     TRES  honnorcz  Seigneurs ,  nous  vous  au  on  s  touche  fidèlement  en  Comme  la foy 
conoubks  &  doctrine  laquelle  noustcnons,qui  n a  autre  fondemet  que  la  (stinerc  parollcdc  Dieu, 
qui  eft  !  \  leulc rciglcdc  toutes  vrayes  confcienccs  Chreftii  «mes.  C"e  ncantmoinsauôs 
efte  inhumainement  affligez  en  tous  moyens,cc  qui  nous  ftniblecftrc  bu  n  afprc  entre 
les  hommes  qui  Le  nomme  ne  t  ihreftiens. 
(fcRo     pR  .  m  i  e  r  e  •  t  n  i  vous lauezquetrerclean de  Romajacopin &  Inquifiteur,  vint 
"  a.  * k''    en  Proucncc.  lèquc  1  difanc  aueiirautheirité&puiflancc&du  Roy  &  de  vous, fit  ta  t  par 
la  cricrieSi  faux  donner  .1  entendre ,  qu'il  eut  gios  fupport&aidc .  &:  rcficmblant  vn 
Capitaine,mcnoitiksgarncmens  portans  armcs,&:  alloit  par  les  maifons&vilJagcs,cù 
ilsrompoyent  coffres, emportoyent or  &:  argent  &  toutes  autres  choies  qu'ils  pou- 
uovent  rauinEref  de  Roma  pilla  tcllcmet  les  poures  Chrcfticns  de  Prouence ,  tant  pai 
amendes,  condamnations,  comportions  lecretes  tant  luy&  les  (icns,quc  pîuficurscn- 
cores  auienird'huy  en  font  en  grande  mifcre&  pouretcul  eftoit  Inquiiitcur,accufateur, 
iuge  £c  partie-.cn  telle  forte  que  plulieurs  (ainfî  qu'il  auoit  forge  a  (on  plaiiîrlcs  procez) 
ont  cite  brûliez  :  aucuns  bannis,  aucuns  morts  en  priibn, aucuns  par  tormens  mutiliez. 
Amiîkz     Mais  Dieu  qui  defcouurelamefchanceté  desmefehans ,  le  fît  cognoiftre  tel  qu'il  cftent 
mifGiircdû  pa^uant  vos  excellences  par  le  moyen d'vn  Commiflaire  enuovc  Je  par  1er  Roy.  lit 
Roy.       hit  demis  dcMbn  orh.ee,  &:  toutes  ces  procédures  anullecs  ,6c  ce  qui  s'en  (croit  cnfuvui: 
mourut  miferablemêtà  Auignon,  cieftituc  de  tout  aide  humain  par  le  iufte  ingéniée 
de  Dieu.    A  l'exemple  d'iccluy  les  officiaux& autres  Inquilireurs,  fermiers  des  béné- 
fices,   autre  s  officiers  des  Eucfques  n'ont  ceffe  depuis  ce  tcmps-la  de  nous  tormenter 
&  pillerfous  ombre  Je  titre  de  s'enquérir  tic  la  foy:cc  qu'ils  n'ont  pas  fur. mais  fc  ulcmëc 
de  noftre  argent  &  nos  biens,  nousdi/Hîmans  pour  coulourer  les  grandes  pilleiiesôC 
tortures  qu'ils  ont  c  x<  rt  e  (ur  nous,  nous  notans  cilre  Vaudois  &:  i.uthericns,cc  que  ne 
fommes  :  car  nous  ne  t<  nous  rien  de  Vvaldo  ne  de  Luther,  nede  la  doctrine  cuii  procè- 
de d'eux  :  nous  content  ins  de  celle  feule  qui  cil  de  Iefus  Cluift  noftre  Sauucur.  ^  O  r 
Du  u  a  voulu  que  lacognoi/?ancc&  iugement  de  l'inquifition  de  la  fo\  ne  foit  plus  en 
i.i  puiifance  des  Ecclciiaftiqucs,  a.nfi  que  le  Roy  c  n  a  baille  lettres .  nais  que  telle  écail- 
les fiuTc  nt  miles  pardeuant  vos  c  xccllcnct «.  Pat  le  quel  mcyt  n  nous  allions  grande  cf. 
per.mee  cjuc  noftre  innocence &  bon  droit  ferait  t.  egru  èc  entédu.  Mais  ace  que  nous 
voyôs,i\c  fanons  plus  à  qui  recourir,  linonnous  fubmettre  totalcmét  fous  la  prot<  ttion 
c\;  fume-garde  de  Dieu-,  cà;  prier  qu'il  pi  c  une  i.i  caufe  a  lu\  :  ce  que  nous  cfpcrons  qu'il 
tera.    *  No  v  s  fommes  notez  d'eftre  fcditïeux,ceqîienous  ne  femmes  point  :5c  ne 
Pcicttftoit  nous  pouuôs  alïez  efmei  ucillcrquc  monlïeur  le  (  chancelier  de  Fracc>&  vous  meffic  urs 
cJ^celw  nut,/  refufe  nous  bailles  C  'ommiif.mcs  a  nos  defp<  ns,qui  vinrent  prendre  information 
fui  le  lieu,  tant  de  noftre  a  ic&:  mœurs,quc  de  noftre  foy:  à  celle  fin  que  tu  liiez  aduertis 
St  bien  informez  à  la  \  en  te.  &  io)  e/  ce  ;  t.  en  s  qu  <.  ufltcz  trouuc  e]ue  nous  lommes  Chrc 
("tiens &  fidèle  s,&T qu'il  n'y  a  rien  en  ce  mode  que  tant  nous  baillions  que  fedition.  Mais 
facilement  e)n  nous  peut  mettre  lus  tous  taux  crimes  r.ït  d  hcrtlit  que  de  (édition.  Car 
il  n'y  a  li  mefc liant  ou  mefehantequine  ioit  receu  en  t<  fmoignage  conri  c  nous,  voire 
nos  propres  ennemis  attendu  m  cime  qu'il  n'eftoie  loifihlcà  procureur  ny  aduoeat  ny 
a  autre,no  pas  à  nous-mcfmcs  propres,  de  défendre  noftre  eau  le  par  la  parolle  deDieu. 
*  On  nous  accufeauîlî  q  nous  fommes dcfobcifTans à  la  iufticc,  pourautât  éj  ne  voulôs 
côparoiftrc  pcrfoniacllctiicntquâd  Ibmmesadiournez.  Certes  nous  voudrions  obeir  à. 
la  iultice,quâd  on  nous  garderait  tel  droit  qu'on  fait  aux  Turcs  à  Venile,ou  aux  lu  ifs  en 
Auignon,  eui  a  brigans&  larrons aulquels  eft  permis  de  le  défendre  par  voye  de  droict: 
mais  a  ne)9  tout  eft  fcrmc,pcrfonne  n'oie  parler  pour  nous ,  line")  qu'il  vueille  cftrc  nom- 
me fauteur  d'hcrefie:mais  vn  chacun  eft  le  bien  venu  qui  parle  cotre  no9,  quelque  mcf- 
1  e<  tormes  chat  qu'il  foit.l  A  ucus  d'entre  no9  ont  côparu,lefquels  font  demeurez  en  pri  fondes  au- 
<  1  iVoparu  très  ont  efte  brûliez, &  les  autres  ont  efte  marejucz  au frÔtdvne fleur  de  lys  ardante:  les 
*  aix.      autres  banis,  Se  t  ôfifqucz  tous  leurs  biens,  fans  en  vouloir  départir  aux  pourcs  ternes  &: 
enfuis  vue  leulc  maille.  Toutes  ces  choies  côfidcrces,  auôseltc  tellemet  elpouuâtczq 
ne  fommes  oie  /  côparoiftrc  par  deuât  vous,ve>yât  le  traite  met  qu'en  a  fait  aux  autres. 

V  O  V  S  laiicz ,  treshonnorez  feigneurs ,  que  quand  monlieur  le  Prcfidcnt&:  ceux 
qui  ont  cité  cnuovcz  de  voftrc  part,  font  venus  en  nos  maifbns  de  villages  ,  ils  n'ont 
point  eu  ne  rébellion  ne  répugnance.  Il  eftvrayque  vovans  qu'on  mcnoitdcs  gen- 
darmes ,  vn  Prenoft  ,  vn  bourreau  ,  2>c  des  cordes  ,  imus  auons  cité  effrayez  ,  &: 

a  ban- 


*Merindol&  Cahiers.     .  122 


abandonnâmes  les  maifons,  nous  rctirans  aux  bois,  cauernes  Proches,  pour  laurier 
nos  poures  vics:là  où  auons  endure  plulicurs  nccc/fitcz.&nous  femblc  bien  cftrangc 
qu'on  nous  appelé  feditieux  à  celle  caufe.  Car  nous  voyons  qu'il  n'y  a  fi  petite  befte  qui 
ne  cerche  lieu  pour  fc  fauucrdc  liant  celuy  qui  luy  veut  faire  mal.  ^Nov  s  auonslaif- 
fe  prendre  a  tous  ceux  qui  fc  font  dits  enuoyez  de  voftrc  part,  blcz,vins,  niefnages  be- 
ftail,&:tout  ce  qu'ils  ont  voulu,  fans  reiiftencc:  tellement  qu'il  iembloit  que  ce  tuft  vn 
pays  de  conquefte  Se  baille  en  proye.  C  Quant  à  ce  qu'on  nous  veut  impoicr  d'eitre  le- 
ditieux,  à  caufe d'aucun  beftail  qui  fu tollé  des  mains  d'vnnoramé  Pacquot,qiul  auoit  ncp2q"« 
raui(ainfi  qu auons ;  entendu)  à  certain  perfonnage,  en  ce  on  nous  fait  tort:  car  le  beftail  hômefen-. 
n  cftoitpas  à  nousrcombicn  quelî  ledit  beftail  cuilcfté  noftre,  quand  nous  lauriôs  re-  fl'S'ur. 
coux,  nous  n'euiïîons  fait  dommage,  &  ne  penferions  auoirorreni'c  perfonne:  attendu 
que  ledit  Pacquot  eft  homme  vagabond,  malfamé  Se  di/îipatcurde  biës ,  Se  qui  n 'auoit 
aucune  commiflïon  de  ce  Élire.  Pareixiement  on  nous  charge  d'auoirofté  des 
pnfonniers  aux  officiers  de  la  Cour,  Ce  que  n'auons  faict, ,  &  c'eft  a  caufe  qu'auprès  de 
la  Cofte,  ainti  qu'aucunes  gens  portans  armes  tant  à  pied  qu'à  chenal,  auoycnt  prins 
des  prifonniers  par  maifons  Se  par  chaps,  entre  lclqucls  emmenovet  pnlbnniercs  deux 
îeuncs  filles  :  ce  que  voyans  leurs  païens  ,ainfi  qu'on  nous  a  dit:  craignans  que  deshon- 
neur ne  fc  tilt  à  lcurfdites  tilles ,  comme  autre-fois  à  cité  fait  par  telle  manière  de  gens, 
Vindrent  au  deuât  de  ceux  quilcs  emmenoyent,  leiqucls  les  en  laiifleret  aller  ("ans  coup 
f rappcr,&  auant  qu'ils  en  mîfcnt  requis.  Il  n'y  a  pcrlonne  qui  de  noftre  l'eu  ou  conten- 
tement ait  entreprins  ne  fait  chofe  contre  le  Roy  noftre  iouuerain  Prince ,  n 'autre  les 
officiers.  Mais  fommcs&  voulons  eftre  trefloyaux  Se  obciilàns  fuicts  au  Roy  noftre  Si- 
re. Se  quand  fa  royale  maicite  nous  voudroit  benignement  bailler  audience  ,  il  cognoi- 
ftroit ,  que  quelque  poures  que  foyons,quç  fommes  C  hreftiens ,  &:  obeiftans  fuicts  a  fa 
loyale  maiefté:&  efperons  que  noftre  Seigneur  donnera  à  cognoiftre  noftre  innocence 
par  les  grans  torts  qu'on  nous  a  fait  îufqu'à  preient.  Tov  chant  à  ce  qu'on  nous 
charge  que  nous  nous  fommes  retirez  aux  fortesvilles  &:  chaftcaux,no9  c  n  ptenôsDieu 
à  telmoin,  Se  tous  ceux  du  pays  :  qui  fauent  que  ne  nous  fommes  rerirez  ny  en  villes  ny 
en  chafteaux ,  inclines  n'oiions  pas  demeurer  dedâs  nos  maifons.  mais  corne  poures  oi- 
fclets  qui  fuyent  deuât  l'efpreuier,nous  fommes  retirez  au  mieux  qu'auons  peu,  das  les 
bois,caucrnes&:  rochers,  pour  dôner  lieu  à  l'ire  des  hommes:  craignas  la  fureur  du  peu- 
ple, qui  eftoit  tellement  enriambee  contre  nous,  qu  il  Iembloit  qu'ils  nousdeuftent  du 
tout  abyfmcncc  qu'ils  euflent  tait  fans  la  grâce  de  Dieu, lo9  la  protedio  duquel  nous  e- 
ftions  humblement  fournis.  Et  par  cela,honnorez  Seigncurs,nc  dcuons  eftre  nommez 
fediticux ,  voyant  que  n'auons  fait  autre  choie  linon  fuir .  Se  penfons  qu'il  o  y  a  Prince 
ne  Seigneur,  n aucunes  gens  qui  lovent  de  bon  ingénient ,  qu'en  ce  îuftemcnt  nous 
puillcnt  blalina  :  veu  qu'on  a  fait  mourirplufîeurs  des  noftres,  tant  en  prifon  que  par 
feu  :  &:  qu'on  en  a  banni  pluiicurs  auec  confiication  de  tour  leur  bicn,&7  qu'Areft  a  cite 
donne ,  de  nous  bruiler  tous  vifs ,  nusfemmes  Se  en  fan  s  bannis  fans  qu'ils  puiilent  em- 
porter aueuns  biens  meubles  :  que  noftre  village  tuft  raie  iniques  au  fond,&  que  le  lieu 
fuft  rendu  inhabitable.  Toutes  lcfquelles  choies  ailemblces ,  nous  ont  tellement  cl- 
pouantcz&  effrayez,  auec  les  fouffranecs  qu'auons  endurées ,  que  ç'cft  merueille  que 
de  peur  ne  foyons  morts .  mais  Dieu  qui  eft  le  Perc  des  defolez>nous  a  confolez:&  nous 
femblc,  par  la  fuitte  qu'auons  taire  fans  porter  dommage  àaucùn  ,  cftans  preifezen  la 
manière  fuldite,  que  perfônc  ne  nous  peut  en  infte  caufe  ac  euier  dcfcditiô.^Qv  a  n  t 
à  ce  qu'on  nous  a  chargez,  qu'il  y  a  entre- nous  gendarmes  Laniquenets  Se  Piedmon-  LciVf-- 
tois,ainli  qu'on  nous  a  recité,  nous  ne  limons  que  cela  cft  &  n'y  a  homme  qui  puiffedi-  ^cz  ik7" 
rcen  vérité  qu  homme  de  guerre ,  ne  Picdmontois  ne  Lanfquenets  ,foitver.u  à  nous.  nirgensJc 
Mais  ceux  qui  ont  informé  le  Rov  noftre  Sire  &:vos  magniiiecces,  de  telles  faui!crcz&:  £uerrt' 
menfonges,tafchent  parce  moyen  nous  faire  ruiner.  Certes,  tieshonnorez  Seigneurs, 
on  peut  bien  dire  tout  ce  qu'on  veut  alencotrc  de  nous  :  car  nous  n  auôsaccez  ne  moye 
de  no9 purger  ne  deuat  le  Roy  noftre  Sire,ne  deuât  vos  magniflccccs,à  caufe  qu'il  n'y  a 
perfonne  qui  ofe  parler  pour  no9,car  il  n'eft  queftiô  de  plaider  auec  nous  tinô  par  le  cou 
fteau  Se  le  feu. Mais  no9  auôs  noftre  totale  tiace  à  noftre  bô  Dieu,q  void  nos  arBidios  Se  , 
les  iniurcs  qu  o  no9  fait,qu'ilno9fufcitera  quelque  bône  roine  Hcftcrjaquellc  déclare- 
ra au  Roy  noftre  innoccce:&:  q  les  traiftres  Se  faux  tefmoins  q  ainfi  pourchaHent  noftre 
ruinc,tôbcront  à  la  foife  qu'il  no9ontpparec.amli  qu'il  aduïç  autraiftre  Ama,q.  vouloit  ls0C"  cec< 


ifflerindol  &  Cabrier<u- 


taire  mourir.cn  vniour  tour  le  peuple  de  Dieu.:  lequel  fut  pendu  auec  les  liens  ail  haut 
giber  qu'il  auoit  préparé  au  bon  Mardochee.     ^Véritablement  tous  d'vn  ac- 
corda vnion  defireriôs  que  ccsprelcnres  vousfulfcnr  prefentecs:  nonfculemct  à  vous* 
mais  au  Roy  noftre  Sire  :  mais  il  n'y  a  eu  homme  d'entre  nous  qui  les  ait  oie  prefenter, 
craignant  d'eilrc  pris  &:  brullc.&  ne  doutons  que  li  nous  eu/fions  moyen  de  les  vous  rai 
re  prefenter,  Se  qu'il  vous  cull  pieu  benignement  les  lire  &:  entendre,  quelïncus  de  pi- 
tic  humaine  Se  chanté  Chrcftiennc,  vous  eufTicz  fait  vous-meimes  la  remonftrancc  au 
Rov  noftre  fouuerain  Prince ,  de  nous  remettre  en  liberté ,  auec  derenfes  à  tous  d'ain/i 
plus  ne  nous  molefter.  Et  par  ce  moyen  nous  euiîîons  peu  labourer  &:  cultiuer  la  terre 
(laquelle  demeure  vuide  )  pour  nourrir  nos  pouresfemmes&:  enfans,qui  font  en  grade 
dilette&:  fouffrance.  Ce  que  nous  auons  clperance  de  faire  le  remps  aduenir ,  attendu 
le  vouloir  duRoy  noftre  Sircdequel  a  enuoyé(felon  qu'auons  enrendukerraines  lettres 
patentes  de  pardon  &:  remilïion  :& par  iccllcsdcclaréqu'il  veurque  foyons  rraitcza- 
miablement  par  douces  parollcs  &:  bonnes  remonftrances ,  s'il  vous  appert  par  noftre 
refponfe  qu'en  quelque  poinct  lovons  errans.  Et  pource  que  par  lefditcs  lettres  vous 
eft  mande, que  vous  ayez  à  faire  Se  accom  plir  le  rout  félon  leur  forme  &:  teneur ,  fans  y 
faire  aucune  difficulté,  le  pluftoft,en  la  meilleure  diligence  que  faire  le  pourra.    C 12 
conlideré,  plaifeàvos  bénignes  grâces  faire  exprès  commandement  à  toutes  gens  de 
quelle  qualité  qu'ils  foyent,  de  ne  nous  plus  molcfter,tant  en  nos  perfonnes  que  biens, 
attendu  que  voulons  viure  félon  la  foy  de  Dieu  Se  de  l'Eglife.  Ce  que  le  Roy  noftre  Sire 
délire  feulement  de  nous  :  Vous  fuppliant  qu'il  vous  plaife  auoir  clgard  à  noftre  poure- 
té:  au  moyen  de  laquelle  n'auons  puiïfance  de  pourfuyure  parriculierement ,  pour 
obtenir  de  vous  lcfruitr.  dcfdires  lertres .    Car  nous  auons  eftéaduertis  que  délia  au- 
cuns fe  fonr  prefenrez,  qui  onr  fait  grans  frais  Se  dcfpcns.  Se  aucuns  autres  qui  font  de- 
tenus  aux  priions ,  par  feintes  parolles  on  leur  a  fait  de/pendre  plus  de  quinze  efeus  par 
homme,fansceque  cela  leur  ait  encoresrien  proufité.  Parquoy  pouuons  dire  que  les 
lettres  reuiennent  plus  au  proufit  des  aduoears, procureurs, greffiers  Vautres  gens, que 
non  point  de  ceux  pour  lefquels  elles  font  données.  Aquoylilon  vouloir  continuer, 
nous  tafeherons  par  tous  moyens  que  le  Roy  &:  vous  Se  tous  bons  Chrefticns  feront  ad- 
uertis  de  noftre  arraire,afin  qu'ils  prient  Dieu  qu'il  nous  doint  bonne  patience ,  Se  aux 
pourcs  prifonniers,qui  n'ont  mangé  que  du  pain  Se  beu  de  l'eau ,  &:  ne  demeurent  que 
pour  les  deipens.  A  ce  prierons  treshumblcment  le  Perede  mifericorde,qu'ilfacc  que 
la  venté  Ibit  cogncuc,&  qu'il  change  le  cœur  de  nos  cnnemis,&:  nous  vueille  tous  vnir 
envnefoy,cnvneloy,&:envnBaptefmc:&:àrecognoiftre  &:  confellcr  vn  Dieu  &:vn 
Sauueur  Icfus  Chnft,  auquel  foir  honneur  Se  gloire  éternellement.     De  Mcrindol  le 
lîxieme  d'Auril,  m.  d.  xli.    En  tcfmoindece,  nous  auons  mis  le feel  accouftumé  de 
faire  à  noftre  village  de  Mermdol ,  en  ptefence  d'Antoine  Michel ,  du  heu  de  Chorgcs 
del'euefché  d'Àmbrun,&:  André  du  bois,du  lieu  de  Colmars. 
Forme  approchante  du  cachet  ou  (eel  eftant  au  pied 
de  ladite  requefte  en  cire  ronge. 

APPOSTILEdela  Cour.fur  ladite  requefte. 

Soit  monftré  au  procureur  gênerai  du  Roy.  Fait  à  Aix  en  Parlement  j  le  fepticme 
iour d'Auril,  m.d.x  li.  BoiJJoni. 

Refponfe  des  gens  du  Roy. 

Re  q_v  e  r  o  m  s  que  la  Cour  commette  deux  de  meilleurs  les  Confeillers  d'icclle, 
pardeuant  lefquels  les  fupplians  foyent  tenus  de  dire  Se  déclarer  s'ils  fe  veulent  aider 
de  certaines  lettres  patentes  du  Roy,en  forme  de  grace,remiffion  ôtpardon, données  &: 
ortroyees  par  ledit  feigneur  aux  Vauldois  de  ce  pays  de  Prouence,pour(cc  fait  Se  ouyes 
leurs  déclarations)  élire  procédé  ainli  qu'il  appartiendra  par  raifon.  Et  cependant  que 
l'original  de  ladite  requefte  demeure  pardeuers  le  Greffe  de  ladite  Cour ,  Se  copie  col- 
lationnec  à  l'original  dicellc,  foit  baillée  aufdits  fupplians.  Délibéré  ce  feptieme  d'A- 
uril, m.d.xli.  Signé  Garfonnct^àuocâX  du  Roy,&  Pyolcnc^  procureur  du  Roy. 

Autre  ordonnance  faite  par  la  Cour.au  pied  des  conclurions  des  gens  du  Roy. 

L  A  Cour  permer  aux  Supplias  de  pouuoir  venir,feiourner&  retourner  en  cefte  vil- 
le d' Aix,  iufques  au  nombre  de  dix,  aux  fins  de  déclarer  s'ils  veulent&:  entédent  s'aider 
Se  vier  des  lettres  de  gracc,remiiïîon Se  pardon  fur  ce  ottroyees  par  le  Roy,les  mettat  à 

ces 


t^terindû/Çf  Qabrierz_j.  123 

ces  tins  en  pleine  feurtc.auec  inhibition  à  tous  qu'il  appartiendra, de  ne  leur  dôner  au- 
cun deftourbier  ou  cmpei'chemcnt  en  leurs  permîmes  ou  biens  en  manière  que  ce  foir, 
félon  la  forme  6c  teneur  defdites  lettres,  delquelles  ordonne  eftre  baillée  copie  au  mei- 
fager  qui  a  prcfcntc  ladite  requefte,  enrcmblclc  double  d'ïcellc  requefte  deuémet  col 
lationncc  à  l'original  par  le  GretHer. ledit  original  demeurant  au  greffe,  pour  ladite  dé- 
claration taire,  eftre  procède  comme  de  raifon.  Fait  au  Parlement  de  Proucncc  feant 
à  Aix,  le  huitième  icurd'Aunl,  Tan  m.  d.  xn.  BoiffonL 

Extraict  à  l'original  retenu  au  greffe  criminel  de  la  Cour ,  &:  collationé  par  ordon- 
nance d'iccllc.  Expédié  à  laques  Bartholmi  du  lieu  de  la  Colle ,  meffagier  ayant  ap- 
porté  &:  prelenté  à  ladite  Cour  l'original  de  ladite  requefte,  foy  difant  ace  cxprclie- 
mentenuoyé  par  André  Maynard  baille  Martin  Maynard  lyndiquede  la  ville 
de Merindol,  le  8.d'Auril:  m.d  .  x  i.  i .  Boijfonr. 

A  efté  donnée &  prefentee  ladite  requefte  à  la  cour  du  Parlement  de  Proucnce,  co- 
rne appert  au  dciTus:&:  à  icelle  relpondu,  comme  auflî  tcftifîons,  André  Maynard  baille 
dudit  Merindol,  Martin  Maynard  lyndique,  Pcyron  Roy.  Et  en  ligne  de  vérité  ont  mis 
le  cachet  dudit  lieu  au  pied  des  prefentesen  cire  rouge,  prefens  M.  François  Eminde 
Manoafco,&  M.Antoine  Gaudinmarefchal  du  chafteaudeRoflillon. 

Ce  s  t  e  ConfclTion&:  defrenlceftantprelcntee  à  la  Cour  du  Parlcmentde  Proucn- 
cc, depuis  ils  la  déclarèrent  par  articles  plus  amplemét  à  l'Eucfque  de  Cauaillon ,  ainfi 
qu'il  auoit  demandé .  &:  après  au  cardinal  Sadolct,  euefque  de  Carpcntras,auec  vne  re-  SaJoict  car 
quelle  attachccxontcnant  que  les  habitans  de  Cabriere ,  au  conté  de  Veniiîe ,  le  fup-  Jéfqlif  dê 
plioyent  humblement  qu'il  luy  plcuftreceuoir&  lire  la  doctrine  qui  leur  auoit  cfté  en-  Carr-êtras. 
ieignccdcpercenfils.-laquclleilscftimoycntcftrc  fondée  en  la  doctrine  contenue  au 
vicil&:  nouueauTeftament.Etpource  que leditCardinal  cftoit  renommé d'auoirgiad 
fauoir  és  fain&es  Efcritures ,  &:  qu'il  s'adonnoit  à  la  lecture  d'icelles ,  lefdits  de  Cabrie- 
re le  fuppliercnt  qu'il  luy  pleuft  marquer  les  articles  &  proportions  qu'il  cftimeroitc- 
ftre  contre  la  fain&e  do&nne  de  Dieu.&:  où  il  leur  feroit  apparoir  qu'il  y  euft  choie  con 
traire  à  icelle:que  non  feulement  ils  fe  fubmettroyent  à  abiuration ,  mais  à  telle  peine 
qu'on  les  voudroit  condamner,  tant  en  punition  de  corps  que  d'amendes  pécuniaires, 
lufqu'a  la  priuation  de  leurs  biens  meubles  Se  immeubles.  Scmblablcment,  que  s'il  y  a- 
uoit  iugeaucontéde  Vcnille,  qui  pculle  faire  apparoir  par  bonnes  informations  qu'ils 
ayent  tenu  autre  dodtrine  fcandaleufe  ,  ou  autre  religion  que  tout  ainfi  qu'ils  ont  pro- 
pofé  par  les  articles  de  leur  Confellîon  :  qu'il  plaifcaulîi  leur  communiquer  ,oifrans  o- 
beir  à  tout  ce  qui  fera  iufte  Se  railonnable. 

Sur  ladite  requefte  ledit  cardinal  Sadolct  refpondit  par  lettre  eferite  par  fon  Secrétai- 
re, lignée  de  la  main ,  &c  fecllee  de  fon  feau ,  comme  pluiîeurs  qui  font  encores  viuans, 
l'ont  tenue  &  leuc .  dont  lelommaire  du  contenu  eftoit:    Fa  y  veu  voftre  requefte,&: 
ay  leu  les  articles  de  voftrc  ConfelTion.  Ilyabcaucoup  de  matière  :&:  n'ay  pas  enten- 
du que  foyez  aceufez  d'autre  doctrine,  que  de  celle  mefme  que  vous  côfeflcz.  Il  eft  vray  Teçmoi 
qu'aucuns  ont  fait  bruit,  &:  vous  impofentehofes  qui  cftoyent  grandement  àrepren-  gnagede 
dre.mais  quand  on  en  a  fait  diligente  inquilïtion,on  a  trouué  que  c  cftoit  toute  calom-  SjJo1"' 
nie  &£  faux  rapport.  Au  rcfte,dc  vos  articles ,  il  me  femble  y  auoir  quelques  mots  qu'on 
pourroit  bien  changer  fans  prciudice  de  voftre  Confeffion.&:  femblablcmét  il  me  fem- 
ble qu'il  n'eftoit  pas  befoin  de  parler  li  manifeftement  contre  lesPafteurs  de  l'Eglifc. 
Q\iant  à  moy ,  ie  délire  voftre  bien  :  &c  icray  marry  Ci  on  vous  deftruit,  comme  Ion  a  en- 
trepris. Et  afin  que  vous  entendiez  mieux  l'amitié  que  ievous  porte, ie  me  trouucray 
vntcliouren  ma  maifon  prés  de  Cabriere,  &  là  vous  pourrez  venir  &:  vous  en  retour- 
ner feurcment  en  petit  ou  grad  nombre,  fans  que  nul  vous  face  delplai/ïr.&làvousad- 
uertiray  de  ce  qui  me  femblcra  eftre  à  voftre  falut&:  proufît. 

r'N  ce  temps -la,  qui  cftoit  l'an  m.  d.  x  l  i  i  ,  le  vice  légat  d'Auignon  fit  alTembler  grade  M'DXLHj 

gendarmerie,  pourallerdeftruirc  Cabriere  à  la  pourfuittede  l'euefque  de  Cauail- 
lon. Et  l'armée  cftant  à  vne  lieue  près  du  lieu  de  Cabriere,  le  cardinal  Sadolct  alla  en  ^™îx L 
diligence  vers  le  Vicc-legat  ,&  luy  communiquai!  bien  la  requefte  defdits  de  Cabrie-  déporte  de 
re  auec  les  articles  de  leur  Conreflion  de  foy,&  les  offres  qu'ils  failjpycnt:  qu  a  fa  faueur  mole(krce 
il  fit  retirer  ladite  armée .  &  pour  lors  ceux  de  Cabriere  n'eurent  aucun  dommage.  pic"" 

^Depuis le  cardinal  Sadolct  alla  à  Rome,  &deuant  que  partir enuoya  quérir  plu- 
iîeurs de  ceux  de  Cabriere ,  àc  auflî  pluiîeurs  de  fes  fermiers  qu'il  auoit  de  ce  peuple  :  &C 

x.iii. 


Lùirc^IL  Merindol  &  C 'abner *o. 

ne  vouloir  autres  grangers  que  de  ceux-la  en  toute  Ta  fcigncurie,à  caufe  de  leur  loyau- 
Promcflcs  ctf.  Or  il  leur  dit  qu'il auroit  fouuenance  d'eux  >&:  que  tatoit  qu'il  fcroit  à  Rome, il  com- 
woaêM*  muniqueroit  leurs  articles  &  Conte/lion  aux  Cardinaux  :  S>C  clpcroit  qu'il  y  auroit  quel- 
sadolct.  que  moyen  pour  dreffer  en  vn  Concile  vne  bonne  rcformatioiîjdont  le  Seigneur  Dieu 
leroit  glorifié,  6c  la  Chreftienté  en  bonne  paix.  &c  qu'il  ne  doutoit  point  que  les  abus,  à 
tout  le  moins  les  plus  lourds,  ne  fuifent  corrigez.  Ccpcndat  îlles  aduertinbit  qu'ils  fui- 
lent  prudens  ,ôt  qu'ils  auroyent  bien  befoin  de  veiller  &c  de  prier,  car  ils  auoyent  beau  - 
coup d'ennemis.  ^Lefdits  de  Cabricre  furent  coniblez,&:  efperoycnt  qua  la  pour- 
fuitte  du  cardinal  Sadolet  ils  auroyent  refpcnfe  dclcur  Confeffion.  toutesfois  àfon  re- 
tour ils  entendirent  qu'il  n'y  auoitefpoir  de  ce  cofte-iade  rtformation-.mais  plullou  d- 
vn  appareil  de  guerre  contre  tous  ceux  qui  ne  voudroyenc  viure  félon  les  ordonnances 
de  leglile  Romaine.  Neantmoins  qu'il  cognoillbit  bien  que  les  abus  ne  pouuoyét  plus 
gueres  durer,attendu  le  grad  nombre  de  gens  de  toutes  nations  quiauoyctla  cognoil  - 
lance  de  la  fainde  doctrine.  Et  autant  en  difoit  le  threforicr  de  Carp.entrasdequelcom 
bien  qu'il  fournift  l'argent  pour  foudeyer  les  loldats  qu'on  leuoit  pour  faire  ladcftru-. 
di<>ndeCabnere:toutefoisillcuraidoitdeccqu'ilpouuoit.  Mais  il  ne  peut  faire  ces 
choies  Ji  ieercttement,  qu'il  ne  vinft  auxaurcillesdu  vicc-lcgatd'Auignon  ,  dont  il  fut 
contraint  de  fc  retirer  en  diligcce.  ^Cependant  l'cucfque  d'Aix  &:  de  Cauaillon  pour- 
fuyuoyent  l'exécution  de  l'Arelt  fufdit:tcllcmcnt  qu'il  tut  ordonné  parla  cour  du  Par- 
lement de  Proucnce>que  fuyuantlcs  patentes  du  Roy  >  M.Iean  Durandi  conlciller  de 
Ccmifnire  ja  Coui  ,auec  vn  Secrétaire:  &c  lcuefque  de  Cauaillon  aucc  vn  dc&eur  en  Théologie  fe 
Wcrindd.  tranlporteroyent  fur  le  lieu,&:  rcmonitreroycnt  &:  feroyent  abiurer  aux  habitas  de  Me- 
rindolles  erreurs  &  herefies  contenues  en  leur  Confellïon  de  foy  ,  ou  autres  defquels 
leur  confiera  par  bonnes  informations.  Et  où  lefdits  de  Merindol ,  eftans  conuaincus 
parlaparolledc  Dieu  ,d'auoirluyui  &vcfcuen  erreurs  &:  hereiies ,  ne  voudront  faire 
abiuratio,que  lors  de  tout  ce  qui  auoit  efte  fait,cn  feroit  fait  piocez  verbal, pour  y  pro-. 
céder  comme  par  la  Courferoit  aduife. 

^  Apres  ladite  ordonnance,  l'euelque  de  Cauaillon  ne  peut  attendre  de  procéder 
L'cucfi).  ùc  en  cc\\c  matière  auterme  ordonne  par  ladite  Cour  :  mais  luy-mefmc  auec  vn  dodeur 
s  innae  de  en  Théologie  vint  au  lieu  de  Merirfdol ,  pour  leur  faire  faire  abiuration.  A  quoy  de  la 
faire  abiti-  part  de  ceux  de  Merindol  luy  fut  remonitré  qu'il  entreprenoit  contre  l'authorité  de  la 
Weruidol0  Cour  fouueraine,  Se  contre  lacommimon  qui  en  auoit  elle  décernée.  Nonobltant  ce- 
la, il  preiladeplus  en  plus  lefdits  de  Merindol  dabiurcr,&:  qu'en  ce  faifantil  lcsgardc- 
roit  fous  fes  ailes  (vfant  de  ces  mots'comme  la  gelinc  fait  les  poullcts:  &:  que  plus  ils  ne 
feroyent  pillez &C  tourmentez.  Sur  ce, de  la  part  de  ceux  de  Merindol  hit  rcfpondu  qu'- 
il luy  plcuft  faire  apparoir  en  quoy  il  vouloit  qu'ils  fiffent  abiuration.  L'Euefque  ref- 
pondit  qu'il  n'eftoit  befoin  de  rcmonltrance  ne  difputc  par  la  parolle  deDieu-.mais  feu- 
lement d'vne  générale  abiuration  de  tous  erreurs  .&c  que  par  cela  ne  leur  en  pourroit 
venir  aucun  dommage ,  tk.  que  luy-mefmc  ne  reroit  difficuLe  de  faire  telle  abiuration. 
Lefdits  de  Merindol  luy  rirent  refponfe ,  qu'ils  ne  voulovent  rien  faire  contre  l'Arelt  ÔC 
ordonnance  de  la-Cour,  ne  contre  la  prouifion  qui  leur  auoit  cité  faite  par  le  Roy  :  afin 
qu'eftas  remonftrcz  par  la  parolle  de  Dieu, ils  puiifcnt  fatisfaire  au  contenu  des  lettres' 
du  Roy.    <  L'cucfque  de  Cauaillon  ne  vouloit  ouyr  parler  de  ce  moyen  de  faire  remo- 
î igurcd'v  11  itrance  par  la  parolle  dcDieu:mais  furieufement  donnoit  au  diable  celuy  qui  s'en  cftojr 
qif/plpal"  aduife  le  premier.  En  fin ,  le  docteur  en  Théologie  qui  là  auoit  cité  amené  par  l'Euef. 
que,  demanda  quels  eftoyent  ces  articles  qui  auoyent  efté  prefentez  de  la  part  deldits 
de  Merindol.    Leldits  de  Merindol  rcfpondirét  que  l'euefque  de  Cauaillon  les  dcuoic 
auoir:  toutefois  qu'ils  en  auoyent  la  copie.  Alors  l'Euelque  qui  ne  les  luy  auoit  encore 
communiquez,  monftra  le  tout  audit  Docteur ,  $C  après  queledurc  en  eut  elfe  faite,  il 
dif,Qiiç  voulez-vous  plus  de tefmoignage  nede  remonftrance?  celacft  plein  d'here- 
he.  Lefdits  de  Merindol  demaderent ,  En  quel  endroit?  Etl'Euefqucne  feutqueret- 
pondre.  Le  dotteur  en  Théologie  demanda  terme  pour  regarder  les  articles  de  ladite 
Conrcffion,pour  fauoir  s'ils  eftoyent  contraires  à  la  fainde  Efcriture.  Et  ain  fi  l'Eucfque 
s'en  alla  bien  marry ,  de  ce  qu'il  n 'auoit  peu  faire  ce  qu'il  pretendoit.    ^  Au  bout  de 
huit  iours,  TEuefquc  cnuoya  quérir  ce  Dodeur,pour  entendre  comme  il  fe  faudroit  co- 
duire  à  remonftrcr  les  herefies  qui  eftoyent  en  ladite  Confeffion  de  fov.    A  quoy  le 

Do, 


*ffler'wdol&  Cabrierc^.  124, 

po&eurdit,que  ïamais  ne  fut  fi  cibahy  :  qu'ayant  veu  les  articles  de  ladite  ConrciTiô ,  il 
les  a  trouucz  conformes  aux  fain&es  Lettres.  &  qu'il  n'auojt  tant  apprins  aux  lainctes 
Efcriturcstout  le  temps  de  la  vie, qu'en  huit  jours  qu'il auoit  regarde  les  laintt.es  Elcri- 
turcs  alléguées cfiiits  articles .    ^  Vnpeudc  temps  aptes,  1  cuclqucdc  Cauaillon  vint 
àMcrindol,accempagnéde  fesferuitcurs  feulement.  &  ayant  fait  appeler  les  enfans, 
grans&  pc  us, leur  bailla  de  l'argent  &  commanda  par  douces  paroles  d'apprendre  l'o- 
raiion  de  nollrc  Seigneur  en  Latin ,&:au/ïj  la  créance  en  Latin .  La  plufpart  refpondit 
qu'ils  lauoyent  bien  le  Pater  en  Latm,(te  au/Ii/e-cWo.mais  qu'ils  ne  pourroyent  rendre  rai 
ion  que  c'eltoit  à  dire,linon  en  leur  langage  vulgaire .  L'Eueique  leur  dit  qu'il  n'citoit 
bcfoin  qu'ils  fuilent  tant  fauans,&  qu'il  furfiloit  s'ils  fauoyét  ces  thofes  en  Latin:&  qu'- 
il y  a  beaucoup d'Euelques&  Curez, voire  des  docteurs  en  Théologie,  qui  feroyent  blé 
empetclicz  d  expolér  le  Pater  &C  le  Credo.  A  quoy  fut  reïpondu  par  le  baille  de  Menndol, 
nomme  André  Maynard,Moniîe ur,dc  quoy  feruiroit-il,deiauoirdirc  de  beuthelcPrf- 
terlte  le  Credo,i\  on  n'entendoit  qucc'ell  à  dirc?ii  on  ne  l'entend  point,  on  mcnr:&.  le  mo 
que-on  de  Dieu  ,  quand  on  dit,  Iecioy  en  Dicu,fi  on  n'entend  point  que  c'cll  à  dire,  le 
eroy  en  Dieu. Et  1  Euelquc  dit  au  Baille, Et  entendez-vous  bien  que  c'eft  à  dire,  le  croy 
en  DieuîEt  le  Baille luy  refpondit, le  m'cllimeroye  bien  miferable,fi  îcnel'cntendoye: 
voire  le  moindre  enfant  de  ceux  que  vous  voyez  ici  deuant  vous, l'ente  nd  bien:&  ie  n- 
auray  pas  honte  de  déclarer  mafoy& ma  croyance,  félon  qu'il  a  pieu  a  Dieu  de  m'en 
donner  l'intelligence. Se  commença  à  rendre  raifon  de  fa  Jfby  par  bon  ordre.  Dont  1E- 
ucfque  fut  euSahy,&:  luy  dit, le  n'euilc  point  penfé  qu'iLy  cuit  eu  défi  grans  e  lercs  a  Me 
rindol .  Et  le  Baille  luy  dit,  Le  moindre  des  habitans  de  Menndol  vous  pourra  rendre 
raifon  de  fa  foy  encores  plus  proprement  que  moy.mais,monficur,ie  vous  prie  d'inter- 
roguer  ces  enfans,  ou  l'vn  d'eux, afin  que  vous  fâchiez  s'ils  font  bien  inftruits,ou  mal. Et  Les  ^ 
l'Eueique  fauoit  auffi  peu  le  moyen  mefmes  de  les  interroguer,quc  de  relpondre.^  Vn  1}Ut$  du  p  . 
nomme  Peiron  Roy,fyndique  de  Menndol,  s'aduifade  luy  dire,Monlieur,vn  de  cespe  penciiiiét 
tis  enfans  pourra  bien  interroguer  les  autres,!!  cela  vous  eft  agréable.    Et  l'Euefque  le  ""hume 
permit.  Adonc  l'vn  commença  à  interroguer  les  autres  de  ii  bonne  grâce,  qu'on  cuit  gucjr. 
proprement  dit  quec'eftoitvn  Inquifiteurdela  foy  .  Et  les  enfans  l'vn  après  l'autre  rc- 
fpondoyent  tant  bien  à  propos, que  c'clloit  mcrucille  de  les  ouyr.  Or  cela  ie  fit  en  pre- 
fence  depluiieurs  gens,&:  meimeincntde  quatre  Religieux,  lefquels  tout  fraiichemct 
venoyent  de  l'vniuerlité  de  Paris. Et  l'vn  defdits  Religieux  dit  a  rEuel'quc,Il  faut  que  ie 
ponfelîcici  que  fay  elté  iouuent  à  !a  Sorhonnc  à  PariSjOyantlesdilputesqui  fefaiibyét  Notc' 
en  Theologie:mais  ie  n ay  iamais  tantappnns  de  bien, que  i'ay  fait  en  oyantees  petis 
enfans .  Et  vn  nomme  Guillaume  Ai  mant  luy  dit,  Vous  auez  bien  leucc  qui  cit  eicrit  Mar.n.i<. 
en  fainct  Matthieu  >Pere, Seigneur  du  ciel  (te.  de  latcrre,ie  te  ren  grâces  que  tu  as  cache!  16  - 
ces  ehofes  aux  fages  &î.  (te  prudens,&:  les  as  rcuelces  aux  petis  :  voire,  Pere,  puis  que  ton 
bon  plailirai  ftc  tel. Sur  cela  l'Eueique  ayant  fait  retirer  tous  les  citrangers,ditgracieu- 
fement  auidits  de  Menndol,  qu'il  fauoit  bien  qu'il  n'y  a  point  tant  de  mal  en  eux  que  nr.«T^ 
beaucoup  degcnspenfent:toutcfois  pour  contenter  ceux  qui  les  pouriuiucnt-il  eft  ne-  i'cuefsjuc  ^ 
ceiîaire  qu'ils  facent  quelque  abiuration  feulement  en  faprefence,  fans  ce  qu'il  y  ait  ne  dcC,iuai!" 
Notaire  ne  Secrétaire  pour  en  taire  a&e  par  eferit  :  mais  que  le  Baille  (te  les  Syndiques 
au  nom  des  habitans  de  Menndol  racent  ladite  abiuration  générale  en  les  mains: &qu 
en  cefaifantils  feront  aimcz&: fauorifez  de  tous,  mcfme  de  ceux  qui  les  persécutent. 
Que  fiaueun  leur  en vouloir  faire  reprochc,ils  le  pourront  nier  ,6e  dire  qu'ils  n'ont  fait 
aucune  abiuration.  Aulîi  fi  on  vouloit  alléguer  cela  contre  eux, pour  leur  fan  e  quelque 
dommage  le  temps  aducnir,ils  le  pourront  toufiours  nier,&:  on  n'en  pourroitrien  taire 
apparoilTtre  ne  par  lettres  ne  par  tefmoins. Et  pour  ce  faire, les  pria  de  parler  cnlemble, 
afin  qu'ilyait  vncfinen  celte  cau(e,&:  qu'il  ne  s'en  parle  plus .  €  Le  Baille&:  les  Syndi- 
ques &c  plulieurs  anciens  rcfpondircnt  l'vn  après  l'autre,  que  quant  à  eux  ils  citoyent 
tous  aduifcz,&:  refolus  de  ne  taire  ne  confentir  à  faire  abiuration ,  quelle  qu'elle  tuit,  fi, 
ce  n'eftoit(  comme  ils  ont  toufiours  dit  )  qu'on  leur  fift  apparoir  par  la  parole  de  Dieu, 
qu'ils  ont  efté  en  herclic.  Et  luy  dirent  hardiment,  qu'ils  s'clmcrucilloyent  de  ce  qu'il 
les  vouloit  induire  à  mentir  à  Dieu  (te  aux  hommes  .  &:  combien  que  tout  homme  de  fa  ^  ^  . 
nature  (bit  mcnteur,toutcfois  ils  auoycnt  cité  enfeignez  par  la  parole  du  faintt  Euangi  jc  menfee 
le, qu'ils  fe  doiuent  foignculemcnt  garder  de  dire  aucune  mentene,  quelque  petite  qu'  ged*  ds- 
clletuft.Aufli  qu'ils  dcuovent  prendre  garde  à  leurs  enfans.qu'ils  ne  s'accoulhiinaiîenç 


Livres! /•  M.erïndol&  QabrieYC^j. 

à  dire  menfonge-.aufh*  les  chaftioyent  aucanc  quand  ils  les  furprenoyent  cri  quelque  mê 
fonge,quc  s'ils  les  cuifent  trouuezcn  larrecin .  carie  diabJccft  menteur,^'  perede  mé- 
longc.L'Eucfquc  fut  bien  marri  d'ouir  ces  proposé  s  en  alla  au/fi  mal  content  q  côfus. 

Li  ptocedurc  tenue  par  Durandi  Cornmiflàire  en  cefte  p  nie  ,eft  digne  d'eftre  ici  inloreepour  les  icf  j  ci-r  •  excellentes  que  fi- 
rent ces  pourcs  p.n  làn^contre  les  plui  lubtils  Je  U  Cour  Je  paiJt  nient  de  i  rouenec . 

e  l  q_v  t  temps  aprcsleuefqucd'Aix  folicita  maiftre  Ican  Durandi,conlci]lcr  de 
[ja  cour  du  Parlement  de  Proucnee, d'exécuter  la  commifîion  qui  luy  auoir  elle  bail- 
Jee:aiiauoir  de  le  traniporter  au  lieu  de  Merindol  ,auec  vn  Greffier  de  la  Cour:&  là  en 
la  prefence  de  l'euefque  de  Cauaillon,  accompagné  d'vn  docteur  en  Théologie,  propo- 
fer  les  erreurs  &  herelics  dont  les  Euel'ques  pretendoyent  que  lei'dits  de  Merindol  fuf- 
fentcntafchcz,&:  de  leur  bien  &dcucment  faire  renoncer &abiurer  le  ("dites  herelics. 
Ledit  Durandi  fît  lauoirle  iour  auquel  il  fc  rrouucroit  à  Merindol  pour  exécuter  facô- 
DuriJiviÊi  million, afin  qu'il  n\  euft  aucun  defdits  de  Merindol  abfent .    A  la  iournee  ailignce  (c 
^amSiK  trouualcdit  Durandi,l'cue(quede  Cauaillon, vn  dodeur  en  Théologie,  &:  vn  Greffier: 
beoamiC.  auec  plulieurs  gentils  hommes  &  gens  fauans ,  &:  autres  de  tous  eftats ,  qui  là  cftoyent 
iîon.        venus  pour  taire  cefte  exécution  .Or  lcfdits  de  Merindol  furent  aduertis,  qu'ils  ne  coin 
paroiftroyent  point  tous  cnfemblc  :  mais  qu'ils  fe  pourroyent  retirer  vers  lemouftier, 
pour  venir  chacun  à  ion  tour  quand  ils  feroyent  appelez.    Or  après  qu  au  lieu  &  en  la 
place  accoutumée  de  tenir  la  iuftice,le  conleiller  Durandi  fut  aflis,&:  l'cuclqnc  de  Ca- 
uaillon après luy,aucc  le  Docteur &c  le  Grefficr,on  appela  André  Maynard  baillejenô 
Romane,&:  Michelin  Maynard, lyndiqucs,Ican  Cabrie  &:  Iean  Pallenq  anciens  de  Me- 
rindol.   Ceux-ci  le  prefentans  auec  tout  honneur  &:  reuerence,  Durandi  dit,  qu'ils  n' 
auoycnt  à  ignorer  que  l'Arell  auoit  cité  donné  contre  eux  par  la  lbuueraine  cour  du 
Remôftrâ  I>arlcment  ^e  Proucnee  :  parlequel  ils  eftoyent  condamnez  à  eftre  brûliez  auec  leurs 
ce  de  Du-   femmes  &c  leurs  cnrans:&  aufli  que  toutes  leurs  mailbns  feroyent  abbatucs ,  &c  le  villa- 
randi.      gC  t{u  tout  rafé,lclon  le  contenu  audit  Areft .  toutefois  il  a  pieu  au  Roy  enuoycr  lettres 
de  grace:par  lesquelles  il  elt  mandé  qu'il  ne  veut  qu'il  (bit  procédé  contre  eux  (i  rigou- 
reufement:mais  que  lî  on  peut  taire  apparoir  par  bonnes  ÔC  lîifhfanrcs  informatios  qu'- 
eux tous ,  ou  aucuns  d'entre  eux  par  ignorance  ou  par  feduction  d'aucun  malin  cfpric 
fuit  deuové  de  la  vraye  religion  Chreftienne,  qu  à  tels  ou  à  tel  foyent  faites  rcmonllran 
ces  par  la  parole  de  Dieu:  6c  par  ce  moyen  qu'ils  foyent  réduits  ou  réduit  au  giron  de  1- 
cgliic  de  Iefus  Chiilt, comme  il  cft  plus  à  plein  contenu  auidites  lettres.  Qu  après  plu- 
lieurs ordonnances  de  ladite  Cour,finalement  auroircftéarrelté  que  l'euefque  de  Ca- 
uaillon auec  vn  docteur  en  Théologie,  feroyent  entendre  en  fa  prefence  leshcrefies 
dont  on  prétend  qu'ils  lovent  cntafchcz:&  après  bonnes  remonftrances  pâteux  faites 
par  la  parole  de  Dieu, ils  renoncent  auidites  hcrcfiespubliqucmcnt&:  folennellcmcnt. 
Et  en  ce  faifantjils  iouyroyent  de  la  grâce  contenue  aux  lettres  du  Roy  nofhc  Sire.  Et 
après  il  leur  demanda ,  Qucrcfpondcz-vousàcequeievousaypropolc^  André  May- 
nard baille,rit  ligne  aux  lyndiquesde  Merindol  de  refpondre      les  Syndiques  aulfilî- 
gnifïoyent  qu'iTappartenoit  au  Baille  du  lieu  de  refpondre.    Dontleconfeillcr  Du- 
randi dit  au  Baille  qu'il  deuoit  refpondre  le  prcmier.d'autant  qu'il  cftoit  en  office. Lors 
le  Baille  reipondit  que  ceft  affaire  appartenoit  à  la  communauté  detout  levillage:&: 
que  partant  c'efloit  aux  Syndiques  d'en  refpondre  les  premiers. toutefois  puis  qu'il  luy 
auoit  tait  commandement,poury  pbeir,  ils  le  fupplioyent  de  permettre  &£  ottroyer  vn 
dVrefpon    Aduocat ,  pour  refpondre  pour  eux  félon  l'inftruction  qu'ils  luy  bailleroycnt:  d'autant 
dre  par  Ad  qu'ils  n'eftoyent  gens  lettrez ,  pour  refpondre  tant  proprement  qu'en  tel  cas  feroit  re- 
uout.      qUjs  _  Surquoy  le  Confeiller  ordonna  qu'ils  ne  refpondroycnt  point  en  celte  caufe  par 
Aduocat,nc  par  efcrit:mais  de  leur  propre  bouche. qu'il  leur  permettoit  bien  de  parler 
enlemhlc,eltans  vn  peu  retirez  de  la  prefence  des  CommiiTaires3fans  toutefois  deman 
der  confeil  aucun, linon  ainfi  qu'ils  s'aduifcroyentd'eux-mefmes .  Suiuant  cefte  délibé- 
ration,le  Baille  te  les  deux  Syndiques,&:  les  deux  anciens, ayans  vn  peu  con fuite  enfem 
blc, n'eurent  autre  aduis, linon  q  les  Syndiques  parleroyet  les  premicrs,&  après  le  Bail- 
lc,&  côfcquement  les  deux  anciens, felô  q  Dieu  leur  en  feroit  la  grâce.  Et  incôtinét  fe 
prefenterentrdont  leConfciller  fut  efbahy,de  ce  que  fi  foudainement  ils  auoyet  arrefté 
Rcfponfe   ^cur  aduis.Mi  c  h  e  l  in  Maynard,fyndique,commençaàrefpondrc,priantleconfcil- 
dt  ceux  de  1er  Durandi  &  l'euefque  de  Cauaillon,&  tous  les  affiitan s  de  luy  pardonner,  s'il  refpon- 
Menndoi.        trQp  lourciement:fupportans  leur  rufticité  &  ignorance .    Il  refpondit  donques 

comme 


sfflerindol  &  Çabriert_j.  1 2j 

comme  il  s YnfuitiN  o  v  s  fommes  bien  tenus  de  remercier  Dicu,dc  ce  qu'aucc  tous  les 
juti  es  Luc  n- raits  il  nous  a  deliuré  degrans  aifauts,&:  luy  a  pieu  toucher  Je  cccûrdu  Roy 
iiujire  Suc,  à  ce  qucnoftre  cauleioit  traitée  pariuftice,&  non  point  par  violence  ne 
v  i  >\ c  uc  raicl.&  auiîi  nous  remercions  meilleurs  de  la  c  oin  du  Parlement  de  Prouence, 
•.le  ce  qu'il  leuiplaiiladminiitreriuftice.Finalemcnt  nous  vous  deuonsauilî  remercier, 
monfîcur  l  ;urandi,coirn-iii]ajrecn  celle  caufe,  d'autant  qu'en  peu  de  paroîes&i  bien 
facilement  nous  auezpropolé  la  manière  par  laquelle  il  nous  faut  procéder.  Suiuant 
laquelle  iedciirc  entendre  de  ma  part  les  herelies  dont  ic  luis  acculé ôc  charge  :&  là  où 
on  me  f  era  apparoir  auoir  dit  ou  te  nu  propos  c  ontre  l'honneur  de  Dicu,ic  le  voudroye 
en  tel  casreparer,toutainlî  qu'il  feroit  par  vous  ordonne.  ÇIenon  Romane ,  hom- 
me fort  ancien, aufli  lyndique  de  Merindol,dit  après, qu'il  approuuoit  tout  ce  qui  auoit 
elle  dit  par  ion  compagnon^'  qu'il  loue  Dieu  de  ce  qu'en  l'on  temps  &£  en  les  derniers 
jours  il  auoit  veu&ouy  ces  bonnes  nouuclles,  que  lacaule  de  leur  religion  feroit  trait- 
tee  par  la  fa  in  de  Efcriture:&  que  touliours  auoit  ouy  dire  aux  anciens, que  ïamais  ils  n' 
auoycnt  peu  obtenir  des  luges  de  leurs  periecunons,  d y  procéder  en  celle  manière. 
^  Ai'Rt  s  ces  deux  Syndiques,  André  Maynard  baille  dudit  lieu,  rei'pondit,puis  que 
Dieu  auoit  fait  la  grâce  aux  deux  fuidits  de  rcfpondrc  au  nom  de  tous,  qu'il  n'elloit  be- 
loin  par  luy  d'y  adiouller  :  toutefois  qu'il  luy  fcmbloit  bien  que  leur  relponfe  deuoit  e- 
ilre  mite  par  eicrit .  ce  qui  n'auoj  t  elle  fait  par  le  Greffier ,  qui  n  auoit  fait  que  rire  &c  fe 
îoucr, regardant  l'vn&  l'autre  en  fe  moquant ,  comme  vniuuenccau  bié  peu  expert  en  Le  Greffier 
tels  affaires. fur  quoy  requeroit  prouilîon  ÔC  ordonnance  dudit  fieur  Commiifaire.  Du-  du  Cônuf- 
randienfutmarry,&:  reprint  ng^  urcuicment  londitGrcifier:&:  Jefaifant  approcher  de  e* 
luy,commanda  qu'il  eull  à  eferire  la  refponle  dcidits  de  Menndol ,  de  mot  à  mot ,  fans 
rien  omettre. Et  luy- incline  commença  à  dicter  la  refponle  qu'ils  auoyent  faite.  &:  fou- 
uent  leur  ilemandoit  s'ilsn'auoyent  point  ainlirefpondu.  Les  prédites  refponfes  miles 
par  e'crit,ledi  t  heur  Commiifaire  demanda  au  baille  de  Menndol  s'il  vouloit  rcfpôdre 
autre  choie:adioullant  qu'il  leur  iauoit  bon  gré,  de  luy  rcmonllrer  la  faute  de  ion  Gref- 
hcr:&:  qu'il  parlalUiardiment  pour  la  defenfe  de  leur  caufe  .  Adonc  le  Baille  luy  dit, 
Puis  qu'il  vous  plaiil  me  bailler  audience  &C  congé  de  parler  librement ,  il  me  femble 
qu'en  ce  îugemcnt  il  y  a  faute  de  partie  qui  aceufe .  Si  nous  auions  vn  aceufateur  pre- 
lcnt,&:  qu'il  full  deuant  vous  pour  maintenirles  accufations  qu'il  feroit  côtre  nous  :  ou 
l'oulfrir  en  défaut  de  fon  intentionnés  peines  deucs  à  ceux  qui  font  hérétiques, comme 
riifcriturel'ordônene  penié  qu'il  feroit  autant  empelché  daccuJcr,que  nous  de  refpô- 
die  à  les  aeeufanons.  Apres  la  rclponfcdu  Baille,  lean  Pallenq  ancien  dcMerindol,dic 
qu'il  appiouuoit  tout  ce  qui  auoit  elle  refpondu  par  les  Syndiques  6c  Baille  de  Merin- 
dol,(ànsy  vouloir  nen  adiouller. Ht  le  Commiifaire  luy  dit,  Vous  n'auez  pas  tant  vefeu 
que  n'ayez  apprins  pour  voilre  part  refpondrc  quelque  choie  pour  la  deffenfe  devollre 
caufe.EtPalh  nq  icipondit,Puis  qu'il  vous  plaill  que  ic  die  quelque  choie,il  me  femble 
qu'il  cil  bien  difficile  que  nous  puilfions  auoir  victoire  ne  profit  en  celle  caufe.  car  nos 
iuges  l'ont  nos  ennemis.  Apres, lean  Bruncrol, lieutenant  du  Baille, relpondit  qu'il  vou- 
droit  bien  fauoir  la  puiifance  de  moniteur  le  Commiifaire  en  celle  caufe:  pourautant 
que  ledit  le  igneur  Commiifaire  leur  auoit  donne  à  entendre  qu'il  auoit  puiifance  de  duc^'/n; 
la  Cour,pour  les  faire  abiurcr  les  erreurs  qu  on  fera  apparoir  par  bonnes  informations 
qu'ils  ticnnenr.&:  ce  failant,lcu  r  taire  iouir  des  lettres  &:  grâce  du  Roy  nollre  Sire,  6c  les 
quitter  de  toutes  peines  &:  condamnations.  Mais  il  ne  leur  a  point  donne  a  entendre, 
que  s'il  ne  le  trouuoit  par  bonnes  informations  qu'ils  tuifent  en  erreur,  q  ledit  leigncur 
Commillaireeull  quelque  puiifance  ou  authorité  de  les  quittcrôcabloudredefditcs 
lentences  £v  condamnations.  A  celle  caufe  il  requeroit  qu'il  pleull  audit  feigneur  Cô- 
milfaire  en  taire  dcclaratiomconcluant  que  s'il  n  y  a  informations  contre  eux ,  par  lef- 
c]uelles  apparoiile  que  ceux  de  Menndol  ont  ellé  deuoyez  de  lafoy.ou  s'il  ne  fe  prefen- 
teacculateurcontr'eux,qu'ilsdcuoyëtellre  abfousà  pur&:  à  plein,  lans  plus  les  trauail- 
lcr  en  leurs  perlonnes  &  biens. 

s  chofesainfi  debatues  depuis  l'heure  de  fept  heures  du  matin  iufqu'cnuiron  onze 
^-  heures, ledit  feigneur  Commiifaire  les  remit  à  midi  après  difnc  :  leur  commandant 
precifcntentcle  venir  en  Ion  logis,  afin  que  nullement  ils  ne  communiquaifentde  ces 
affaires  auec  les  autres  habitans  de  Merindol.Enuiron  vne  heure  après  midi,  lefdits  de 
Merindol  eltans  appelez ,  leur  fut  demandé  s'ils  vouloyent  dire  autre  chofe  fur  ce  qui 


Merindol&  Cabriercj. 


Icurauoit  cité  le  matin  propofé.Etrefpondirentque  non.  A  Jonc  le  Commi/îàire  leur 
dcmanda>Que  concluez- vous  pour  vos  detenfes?  I  es  Syndiques  refpondircnt,Nous 
concluons  qu'il  vous  plaifcnous  déclarer  les  erreurs  &l  herclics  dont  nous  fouîmes  ac- 
['.irlci  i  y.  eu  fez.  Alors  le  Commiflaire  demanda  à  leuefquede  Cauaiîlon  quelles  info:  mations  il 
aiircHlt-,  auoit  conrtc  eux. lit  l'Euclquc  luy  parla  en  l'aurcillc,&  ne  voulut  point  rcfpodrc  à  hau- 
ïp&c"  rc  volx *  *  parlement  à  l'aureille  dura  bien  demie  heure:  dont  le  Commiiîaire  fe 
faichoit,&  autli  tous  les  aiïîltens.En  fin  le  Commi/îairc  dit  auklits  de  Mcrindol ,  que  1- 
eucfquc  de  Cauaiîlon  diibit  qu'il  n'cltoit  befoin  de  leur  taire  apparoir  d  'information^ 
que  telle  elloit  h  commune  renommée.  A  ce  rcfpondircnt  lefdits  de  Mcrindol ,  qu'ils 
requeroyent  que  les  cauk  s  Se  raiions  alléguées  contre  eux  par  reucfquc  de  Cauaillon; 
fuflentmifes  nu  procez  verbal .  L'Luciquciniiftoit  au  contraire,  ne  voulant  que  choie 
qu'il  difi  ou  alléguait,  fuit  infère  eau  procez  verbal. Iean  Bruncrol, lieutenant  du  Baille, 
demanda  qu'il  plcuft  au  leigncur  Commiiîaire  de  taire  mettre  atout  le  moins  au  pro- 
cez verbal, que  ledit  Eueique  ne  vouloir  rien  dire  contr'eux  qu'ils  pcuiîent  cntcndrciSc 
au/11  qu'il  ne  vouloir  parlerdcuant  ledit  leigncur  Commiiîaire  qu'a  l'aureille .  L'Eucfq 
de  Cauaiîlon  perfiftoit,  qu'il  ne  vouloir  cftrc  nomme  au  procez  verbal:  &liir  ce  y  eue 
grande  difpute  qui  dura  long  temps. 

Fin  a  i  emfnt  le  Commiiîaire  adrefl'a  (a  parole  nu  docteur  en  Théologie ,  luy  de- 
mandant s'il  auoit  eu  communication  de  quelques  articles ,  dont  il  tu  il  befoin  taire  rc- 
monftranceaufdits de  Mcrindol.  I.  c  Docteur  rcfpondit,qu'il auoit  bien  eu  commu- 
nication de  la  Confclfion  defov  preientec  par  lefdits  de  Me  rindol,  &  non  d'autre  cho- 
le.  Sur  cela  le  Commiiîaire  demanda  aufdirs de  Mçr'ndol ,  s'ils  auoyent  les  articles 
de  la  Confeflîon  prefenrec  au  Parlement  de  1  'roucntc.S:  auili  celle  qui  auoitcllé  pre- 
fentee  audit  eueique  de  Cauaiîlon .  Lcldits  de  Mcrindol  demandèrent  nue  lecture 
f  n 11  faite  dcfditcs  Conte  ifions;  Se  que  par  la  k  chue  ils  entendront  bien  li  c  Vit  la  doctri- 
ne qui  leur  a  elle  cnfcignec:&  aufiï  ii  ce  font  le  s  Contcihons  pareuxprefentecs.  La  le- 
cture cirant  faite  publiquement ,  aduouéïi  nt  &:  conieuerent  que  telle  elt  la  doctrine 
qu'ils  confeflcnt&C  tiennent .  Le  Commiiîaire  demanda  derechef  au  DocKur,s 'il  pre- 
teneloit  qu'il  v  cuil  aufditcs  Confcfsions  quelques  articles  hérétiques ,  dont  il  peuft  fai- 
re apparoir  par  la  parole  de  Dieu,rant  du  vieil  que  du  nouucau  Tcftamcnt.Lc  Docteur 
parla  Latin  allez  long  temps  :  &  après  qu'il  ceiia  de  parler ,  André  Maynard  fupplia  le 
Commiiîaire  t]u'il  luy  plcuft,  lelon  ce  qu'il  leur  auoit  propofe,  faire  apparoiftre  des  er- 
reurs Se  herclics  dont  ils  font  acculez,  par  bonnes  in  formations:  ou  à  tout  le  moins, qu'il 
luv  plane  faire  marquer  k  s  article  s  de  le  ur  Confei5îon,quc  l'Euclquc &*lc  Docteur  pre 
tendent  e  lire  heretiquesde  fuppliant  aulsi  de  mettre  en  l'on  procez  vei  bal  le  refus  tant 
d.t  i'Lueique  que  du  I  )ocU'ur:dont  i'vn  parle  à  Luire  illcl'autre  parle  Latin  :  Se  que  d'i- 
e  eux  lefdits  de  Mcrindol  n'ont  peu  encore  s  ouyr  Mie  bonne  parole.  Le  Commiiîaire 
k  ur  promit  de  mettre  e  n  ton  procez  verbal  routée  qui  pourroitferuii  a  leur  cauie  :  au 
lurpkis,!!  remonttra  qu'il  n'cltoit  nccellâirc  de  taire  appeler  les  autres  de  Mcrindol,lî 
on  ne  vouloit  leur  remonitrer  autre  choie  qu'à  ceux  qui  auoyent  délia  e  lie  appelez.  Et 
■\  oila  le  fommairc  de  tout  ce  qui  fut  Lut  depuis  midi  lufqu  a  quatre  heures .  ?Ce  vx 
qui  eftovent  là  venus  pentans  qu'on  deuft  monftrcr  les  erreurs  aufdits  de  Mcrindol,  fu- 
rent efbahis  de  voirl'Eue(que&:  le  Docteur  ai nii  vcincusôV:  confus.  Parquoy  plulieurs 
firent  cfmeus  de  demander  le  double  des  articles  de  la  Confcfsiondes  habitas  de  Me- 
rindol,eftimans  que  c 'elloit  la  vrayc«doctrine  de  Dieu  .  Et  entre  autres ,  les  trois  Do- 
tJurl  con  &curs  qui  t'ont  venus  à  diucrfesfois,penfans  deftournerceux  de  Mcrindol  de  la  vraye 
n. îtisàt.i  fov,ontcftéconucincusquec'eftoitla  vrave  doctrine  de  Dieu  :&  ont  cogneu  qu'ils  a- 
«ux  le  m'  lloycnc  ma'  enfeignez:&  que  la  plufpart  de  leur  fauoir  n'cltoit  que  fables.  Ils  ont 
riiulol.  depuis  laide  toutes  fuperftitiôs  Se  idolatrics,&:  toute  la  doctrine  fe  holaftiquc,  Se  le  ibnt 
adôncz  à  l'eftudc  de  la  faincte  Efcriture:&  y  ont  Ci  bien  profite,  qu'ils  font  deuenus  pref 
cheurs  île  la  vcn'tcjaquclle  autrefois  ils  auoyent  pcrfecutcc. 

Par  quelle  forte  de  gens  les  fidèles  de  Prouencc  ont  efté  affligez .  &  quelle  fin  ont  eu  le  prciîcknt  Chaflàné,  te  moine  de  P.  orna: 
&  de  e.m  Muu.r  leigncur d'Opedc. 

f        E  P  V  I  S  cetcmpsleshabitans  de  Mcrindol  furentquelquc  peu  en  repos:  SC 
craignoit-on  d'entreprendre  de  les  afrliger,àcaufe  que  ceux  qui  malicieufement 
les  pcrfccutoycnt ,  finalement  n'cnrcccuoyent  q  confulion.  La  mort  foudainc  du  pre- 

(îdenc 


sMerindol &*  Çahriett->.  1 26 

fidcntChailanc,quiaduintcnccscntrcfaircs,confcrmaforcccn:codmtnufic  opmio:&: 
cncorcs  plus  la  more  cfpouuatablcdu  moine  Iean  deRoma,ci  dcuatnommé,dcfbordé  JJ®"^  ' 
à  toute  cruauté.    On  lait  allez  de  quelle  rage  il  afliigeoitlcs  poures  Chrcfticns.  Vne  pretïdens 
des  peines  delaquelle  il  s'aduifa  pour  tourmenter  ces  poures  gens  de  Proucncc,  eftoit  chaiUnc- 
d  emplir  des  bonnes  de  graille  chaudc,&  de  les  f  aire  chauffer  a  ceux  qu'il  vouloit  tour- 
menter.Dont  le  feu  roy  François  citant  aduerti, commanda  par  lettres  patentes  enuo- 
yces  au  Parlement  de  Proucncc,qu'cn  toute  diligence  on  l'apprchendail:&  que  Ion  ^p- 
cez  luv  citant  fait,ilfuft  aduerti  de  la  condamnation. mais  de  Roma,qui  auoit  pluiieurs 
tauteursjfe  retira  de  bonne  heure  à  Auignon  ,  où  il  penfoit  faire  grand'  chère  des  ran- 
çons,extoriions,pilleries&:  raui/femens  qu'il auok faits  fur  le  poure  peuple  de  Prouen- 
ce  &  du  conté  de  VeniUe .  mais  il  aduint  que  celuy  qui  auoit  brigandc,  fut  pillé  par  (es 
domcftiqucs  proprcs,&  reduità  toute  indigence .  Puis  après  tomba  malade  d'vne  ma- 
ladie cfpouuantablc&  incognue  aux  Médecins .  Horribles  douleurs  le  làiiïrent:  &:  n'y  Tourmfî3 
auoit  fomentations  mondions  qui  peuifent  feruir  pour  luy  donner  repos      qui  plus  horribles 
eft,iln'y  auoit  perfonne  cjui  feuft  demeurer  près  de  luy.    Il  fut  mené  à  l'I  iofpital,&  rc- 
comandé  d'eftrebien  traitté:mais  nul  nofoit  approcher  de  luy,pour  l'infection    puan  R0ma. 
teur  quilortoit  des  playes  pourries  de  ion  corps,  ToutcJaconlblation&:  meilleure  at- 
tente qu'il  auoit  en  telles  dcftre/Tcs,  c'eitoitdcfcipoir&:  vndefir  qu'il  auoit  de  finir  fes 
îours.  Ses  cômplaintcs  eftoyent  celles-ci, Helas, en  quelles  douleurs  fuis-ie  vcnu,&  en 
quel  tourment  fuis-ie  maintenant:  Iay  mémoire  des  maux  que  l'ay  faits  à  beaucoup  de 
poures  gcns:&:  cognoy  bien  que  pour  cefte  caufe  ic  fuis  aiîailli  de  tous  codez.  Mais  qui 
me  deliurerade  celte  deftreife  ?  qu'on  me  tue,  &:  que  ic  ne  langui/le  plus  en  telles  dou- 
leurs?Et  luy-mefme  nepouuantfouffrir  fa  puanteur,cilàyade  le  tucnmais  il  n'auoit  au- 
cune forcede  ce  faire .  Et  ainficeft  homicide  &c  blafphcmateur,  ayant  affligé  pluiieurs 
fidèles  par  tourmens  nouueaux,pour  la  fin  de  fes  cruautezil  récent  celte  côhiiion  hor- 
rible:arin  qu'il  fuft  à  tous  perfecuteurs  exemple  du  mgement  de  Dieu,  &  de  la  vengea- 
ce  qu'il  fera  du  f  ang  efpandu  à  tort  ôc  fans  railbn. 

Ai'Ris  ce  De  Roma,le  plus  renomme  perfecuteur  a  efte  maiftre  lean  Mcnier,fei-  i<  ;  Menicr 
gneur  d'Oppede ,  premièrement  viguier  du  Pape  en  la  ville  de  Cauaillon  au  conté  de  loueur  <*' 
Vcnifle,&  puis  fait  prefident  du  Parlement  de  Proucncc,gouucrnoit  la  Prouence  en  1'  °*'pc  t; 
abfcncc  du  feigneur  de  Grignan. Pluiieurs  fauent  comment  il  eft  paruenu  à  ces  offices, 
mais  peu  de  gens  entendent  par  quel  moyen  il  a  enrichi  fa  maiton.  Apres  que  ion  pci  e 
Guillaume  Menicr  fut  pnué  de  les  cftats&  offices  qu'il  auoit  au  Parlement  de  Prouen- 
ce, &T  qu'il  eut  prefquc  tout  employé  fon  bien  pour  racheter  fa  vie:  ce  Iean  Menicr  Ion 
filsellaya  tous  moyens  de  fe  mettre  à  l'auant.  Envoyant  que  fon  père  ne  luy  auoit  bif- 
fé pour  tous  biens, que  le  titix  de  la  feigneurie  d'Oppede, qui  pour  lors  eftoit  biefi  petit 
cas, il  s'aduifa  de  faire  acculer  par  fubtil  rnoyen  quelques  riches  laboureurs  d'Oppede, 
comme  hérétiques  &  Luthériens.  Il  les  tint  bien  longuement  en  extrêmes  miferes  de 
prilbn.Et  felaifit  de  leurs  biens  meubles  Se  immeubles,  fans  en  lailfer  aucune  part  ni  à 
leurs  femmes  ni  à  leurs  enrans ,  lefqucls  abandonnant  tout  fe  retirercrent  à  Cabricre, 
diftant  d'Oppede  cnuiron  vne  licué' ,  Et  d'autant  que  ceux-ci  au  temps  de  moillbn 
èede  vendange  prenoyent  tout  ce  qu'ils  pouuoycnt  emporter  des  poileilîonsoccupees 
par  ledit  Mcnicr,il  cercha  depuis  ce  tcmps-la  tous  les  moyens  de  fe  venger  de  ceu  x  de 
Cabriere:s'eftâtpcrfuadc  qu'ils  donnovent  faneur  aux  héritiers  de  ceux  qu'il  auoit  fait 
mourir  en  les  priions. Et  depuis  qu'il  eut  lamftice  en  main,  comme  chef  du  Parlement; 
&c  aulll  la  force  &c  puiifance  dupais,  comme  lieutenant  du  Roy  enl'abfenceduditde 
Grignan, fous  couleur  de  l'exécution  de  l'Arclt  ci  deuant  dit,il  employa  toute  ft  >rce  ^: 
puiifancc,touteauthorité&:  crédit,  pour  deftruire  leshabitansde  Mermdol,&:  confe- 
quemment  de  Cabriere,au  conté  de  VeniiTe.  ^Ct  v  x  de  Merindol  aduertis  du  vou- 
loir &c  pouuoir  dudit  Prefident ,  fe  retirèrent  derechef  vers  le  roy  François ,  l'an  m  .  d  . 
x  l  1 1 1 1. auquel  ils  firent  entendre  que  dés  l'an  m.  d.  x  l  .fa  maiefté  auoit  entendu  Pc-  ^u^' 
uidente  oppreifion  &:  nullité  dudit  Areft  de  contumace ,  &:  auroit  fait  différer  f  exécu- 
tion d'iccluy:defendant  de  ne  procéder  à  telle  rigueur.  Et  que  neatmoins  pluiieurs  les 
oppreffoyent  &  deliberoyent  de  les  opprefler  de  plus  en  plus,  bref,  ils  donnèrent  à  en- 
tendre les  procédures  dece  que  dciîiis  a  efté  recité. LcRoy  côtinuant  fa  bénignité  pre- 
cedcnte,euoqua  à  foy  l'exécution  de  l'Arclt  de  côtumace,  &  toutes  les  procédures  au- 
parauant  faites  &:  introduites  au  Parlement  de  Prouence:auquel&:àfon  Procureur  ge 


L/«ro  //.  Merindol  Of  Qabnert_j. 


Menées  des 
procédures 

lairesati 


ncral  il  ofta  la  cognoilTance ,  iufqti  a  ce  qu'il  euft  clic  informe  par  l'vn  des  Maiftres  de? 
requeftes  clc  l'on  hoftel,&:  vn  docteur  en  Théologie  de  lvniucrfîté  de  Paris,  lequel  il  au- 
roic  député  pour  fe  tranfporterfur  les  lieux  necelfaircs  ,  afin  de  bien  &:  amplement:  i 


M.DXLV 


:  '  :n  ''■  quérir  de  la  vic,foy  &  conuerfation  defdits  de  Merindol  Se*  autres .  L'euocation  fut  pu- 
Mcrinaol.  blice  au  Parlement  ,&  iniinuee  au  Procureur  gênerai  à  la  fin  du  mois  d'Octobre  enfui- 
tiant.  Le  Parlement  à  l'inftigation  d'Oppede(commcil  cft  vray  icmblablc  qu'il  crai- 
gnoitforetme  les  pillci ■ics&concuffions,  Tes  menées  &  factions  ne  fuirent  dcfcouûcr- 
tes)dcputa  Philippe  CouiTin,huiffierdu  Parlcmcnt,pour  faire  pourfuitte  d'obtenir  let 
tre<  du  Roy,pour  exécuter  l'Arcft  donné  contre  tes  habitans  dudic  Merindol .  Et  non- 
obftant  l'interdiction, les  mémoires  &  inftruâ:ions  furent  faites  par  ledit  Prefident,  ef- 
entes  parfô  clerc,auec  la  requefte  lignée  par  le  Procureur  gênerai: mefme  Indite  pour- 
fuitte fut  faite  des  deniers  ordonnez  audit  Parlemét  pour  les  fraix  de  iuftice.Dont  ledit 
Courtin  ,  par  le  moyen  du  cardinal  de  Tournon  obtint  lettres  du  mois  de  Ianuier  en- 
fuyuant ,  fous  le  nom  du  procureur  gênerai  du  Roy,  au  Confeil  priué,pour  exécuter  le- 
dit Areft  de  contumace  :  nonobftant  l'euocation  cy  dciîus  dite, 

L'Fxecurion  cruelle  del'Arelt  de  Merindol,£îite  en  vertu  des  lettres  patentes  du  roy  François .  faccagemen:  autant  lamentable 

que  chofeqm  ait  cité  de  long  temps. 

$TP^E  S  lettres  patentes  obtenues  pour  exécuter  l'Areft  de  contumacc,furcntcnuo- 
RB^yees audit  Preiident  d'Oppede  au  mois  de  Ianuier  m.  n.  x  l  v  :&1cs  garda  ca- 
chées iufqu'au  douzième  d'Auril  enfuyuant,  téps  qu'il  efhmoit  propre  pour  mettre  en 
exécution  fesdeffcins.  Car  pour  1  abfcncc  dufeigneur  de  Grignan,il  cftoit  gouuerneur 
n'oit"orsC*  au  PaYs  c^c  Proucncc,s'attribuant  puiflance  de  commander  a  l'armée  du  Roy  qui  cftoit 
en  ambaila  lors  drelfce  pour  aller  contre  les  Anglois,  &c  Y  cm  ployer  contre  ceux  de  Merindol  &:  de 

«leverslev  Cabricrc,&aucrcsvillcs  &c  villaecs,iul*ques  au  nombrede  vinetdcux.Pourccfaireil  cx- 
Aicmanj.  ,       ,    ,-  rr  -      -n      r  i      n  i 

pedia  pluiieurs  commulions  pour  auantcounr,pilIcr,laccnger,bruller  Se  tuer  nommes 

&:  femmes  &:  pens  entans  des  lieux  nommez  efditcs  cômifllons.  comme  fera  déclaré  ci 

après.  Le  dimanche  \  n.d'Auril,  m.d.x  l  v ,d'Oppede fit alfembler cxtraordinaire- 

mentle  Parlement  d  Aix:&  parluy  furent  leuës  les  lettres  pourexeeuter  l'Arcft  deco- 

tumacc  contre  les  habitans  de  Merindol  :&fans  autre  délibération  cciour  mefme  le 

ir.terine-    Parlement  les  interina:&  députa  Cômilîaires  pour  les  exécuter  M.Frâçois  de  la  Fond, 

ment  (ou-  f ■   àd  prcli jcnt,  ^.Honoré  de  Tnbuths  6ê  M.Bernard  de  Badct,Confeillcrs,&  faduo- 

Jain  aes  ce  '  ■  • 

trespatcu-  car  G  n  crin  ,  qui  pourluyuoitl  exécution  en  lablence  du  Procureur  gênerai.  Le  prcli- 
tcs-         dent  d'Oppede, comme  lieutenant  en  l'abfence  de  Grignan ,  offrit  d'aflïfter  en  perfon- 
ne  à  l'exécution,  Se  d'employer  les  forces  du  Roy,  lesquelles  il  auoit  délia  aiîemblccs 
par  bades  en  pluiieurs  villes  de  Prouence.trouua  moyen  d  auoir  cinq  ou  fîx  vieilles  ba- 
des des  garnifons  de  Piedmont,auecquclq  compagnie  de  gens  de  chcual  de  ladite  gar- 
nifon.  Et  amli  fe  voulant  monftrer  eftre  lieutenât  du  Roy  non  moins  expert  aux  armes 
qu'aux  lettres,  fit  proclamer  a  ton  de  trompe  (  pour  publier  le  grand  pouuoir  de  fon  au- 
thoritc  )  tant  à  Aix  que  MarfcilleS*:  autres  villes  deProuence,  que  tout  homme  de 
qualité  print  les  armes  pour  faire  efeorte  à  ladite  éxecution.  Le  lendemain  x  1 1  i.d'A- 
nril,  les  Commilfaires,  au  lieu  d'aller droit  à  Merindol,  où  s'adreflfoit  leur  commiflfîon, 
prindrent  leur  chemin  à  Pertuis,où  eftoitle  capitaine  Yaulgine:  qui  en  vertu  de  la  cô- 
million  àluy  adrellee  par  ledit  Prefident ,  auoit  délia  anticipé  l'cfpaced'vn  mois  «Se  da- 
uantage  pillant  le  beftailSc  les  biens  de  certains  villages  voilîns  de  Pertuis,où  on  difoic 
y  auoir  des  Luthériens.    Le  mardy  x  1 1 1  i.d'  Aurifies  CommilTaires,l'aduocatGucriri 
Se  le  greffier  criminel  partirent  de  Pcrtuis,  Se  s'en  allèrent  au  chafteau  de  Cadence.  Et 
pluiieurs  gens  de  guerre  venans  de  Picdmond ,  firent  de  grans  fourragemens  &:  extor- 
riiierics  &  lions  là  &c  à  f  enuiron.L  e  x  v  .d'après  d'Oppede  arriua à  Cadenct,accompagnc  de  Ca- 
extorfions  pitaines  Se*  gens  de  guerre,  Si  quatre  cens  pionniers:  lefquels  incontinent  qu'ils  furent 
gCnent  cefte  fortis  d'Aix ,  commencèrent  a  piller  par  les  villages  &  les  métairies  que  le  Prelldét  leur 
exécution.  auoit  nommees:tcllemct  que  le  x  v  i .  d'Auril  au  matin  on  voyoit  de  Merindol  les  feux 
allumez  en  diuers  villages  en  piteux  fpectacle.  Les  poures  gens  qui  pouuoyent  efchap- 
pcr,s'enfuircntalamontagne:car  les  gendarmes  auoyent  commandement  démettre 
à  mort  tous  ceux  qu'ils  rencontreroyent  des  villages  que  le  Prefident  auoit  nommez, 
fans  efpargner  ne  malades, n'ancics,nc  les  petis  enfans .  Aprcs,fut  crié  à  fon  de  trompe 
fur  peine  de  la  hard, qu'il  n'y  euft  perfonne  qui  donnait  viures  quelconques  à  ceux  qui 


*ïïïerindol&  Qabriert~>.  12/ 

cflovcnt  fugitifs  par  les  montagnes  6c  defcrts.D'Oppede  cftant  à  Cadcnct,le  x  v  1  i.d' 
Auril  fit  approcha  K  s  bandcsviciîles  qui  cfloycnt  venues  du  Picdmont,& les  fit  arre- 
fter  à  I  oris,diflantvnc  lieue  de  Merindol .  Etcc  iour-la  on  commença  à  mener  grand  Nomir? 
nombre  de  pourcs  gens  lie/  &z  attachez  en  galères,  fans  qu'il  y  euft  contr'cuX  aucun  iu-  *f  J^'J," 
gcmcntdonné:mcfmelans auoirelté  appelez  en  iufticeXclàmedi  x  v  i  u.d'Aurilà  1'  aUxg4icu$ 
aube  du  ioiir,ce  prefidciiE  d'Oppedc  accouftré  en  homme  de  guerre  auec  Pefcharpede 
taifetas  blanc,  monté  fur  vn  grand  chcuaJ ,  &£  deuant  luy  railanr  porter fon  heaume  au 
bouc  d'vn  garrot ,  fit  marcher  fon  armée, ordonnée  en  auant  garde,  bataillc,&  arrière- 
garde: &  paruindrent  à  Merindoi,où  lis  ne  trouuercnt  qu\  n  ieune  compagnô  nommé 
Ai  a  v  r  i  z  i  D  l  a  n  c  ,  lequel  s'eftant  rend  \  i  a  v  n  foldar,  au  ec  prom  elle  de  luy  donner  le  Le  martyr, 
lendemain  deux  éfeus  pour  fa  rançon ,  ce  Prcfîdent  le  voulut  auoir  comme  par  force.  K(ieif,lu- 
Mais  il  luy  fut  rcmonftre  qu'vn  foldat  ne  deuoit  point  perdre  la  rbrtune:tellementque  oneufuer 
Je  Prefident,auant  que  l'auoir  paya  les  deux  efcus.Lors  ledit  Prcfidcnt  le  fit  lier  Se  atta- 
chera vnolmicr,&càgransconpsdc  harquebufcsluy  fît  inhumainement  finir  fesiours. 
Et  phdieurs  gentils-hommes  qui  accompagnoyent  par  force  ledit  d'Oppcde,voyas  ce 
cruel  fpe&aclc,mcus  de  mifèricorde,nc  le  pouuoyent  garder  de  refpandrc  larmes .  Car 
côbivii  que  ce  ieune  côpagnô  ne  riift  pas  des  plus  initruirs,  ne  raifant  fa  demeure  à  Me- 
tindol:toutefois  il  eut  toufiours  les  veux  au  ciel ,  inuoquant  le  nom  de  Dieu. Sa  derniè- 
re parole  tutjSeigneur  Dieu,  ces  hommes  m  citent  celte  vie  pleine  de  miferc  s:  mais  tu 
nie  bailleras  celle  qui  eft  éternelle  parle  moyen  de  mon  Seigneur  IcfusChrift,  auquel 
loir  gloire. S  Merindol  prinle,fut pillée, brullce,laccagce,&:  raieepar  les  pionniers,  ht 
combien  qu'il  n'v  euft  aucune  réfute  n  ce,  fi  elt-ce  qu  on  voyoit  ce  vaillant  capitaine  d'- 
Oppede,arme  de  toutes  pieces,tremblcr.    Le  Dimanche  x  \  x.dudit  mois,!  armée 
fut  mi  née  &  conduite  par  d'Oppedc  à  Cabrierc. &:  Je  camp  plante  on  commença  à  ti- 
rer de  Lirtil.leric.mais  pour  ce  iourn  y  eut  grand'  brefche  aux  murailles.  Le  lendemain 
x  x  .  d  Aurai,  degrand  matin  on  recommença  la  batterie  .    Etenuiron  huit  heures  d- 
Oppcdc*&  le  feigneurde  Cabriere,&:  le  capitaine  Poulin  parlementèrent  auec  les  ha- 
bitans  de  Cabnere,leur  remonflrans  qu'ils  ne  deuoyent  rebeller  contre  la  milice  .  A 
quoy  refpondircnt  ceux  de  Cabricre,quc  ce  qu'ils  faifbyent,ne  deuoit  i  lire  appelé  Ré- 
bellion :  car  ils  efloyent  contreints  le  ferrer  c  n  leur  ville  ,àcaufe  des  opprcllions  qu'on 
leur  faifoit:&  qu'ils  eltovent  prefts  d'obéir  6z  faire  ouucrturc ,  en  leur  permettant  de  fe 
retirer  aux  Aîexnagncsauec  leurs  femmes  Se  enrans,fans  rien  emporrerde  leurs  bie  ns: 
ou  eue  leur  i  aufe  luit  traitée  en  îulhec .    Le  prefident  d'Oppedc  auec  les  officiers  du 
Papc,&  le  feigneur  de  Cabrierc  accordèrent  que  leur  eau  le  fercir  i  raitee  en  iufhee,  £c 
qu'ils  ne  fe  relent  force  ne  violcnce,s  lisvouloyent  faire  ouuerture.I  a  quelle  cirant  fai- 
re, d'Oppedc  retenant  vn  courage plu  I  toit,  de  belle  iauuagc que  d  home,  monftra  par 
trahifon  fa  furcur.Car  ayant  ville  gagnée,  fit  prendre  cnuiron  vingteinq  ou  trente  hô-  NôhreJc 
nu  s  de  ceux  que  bô  luy  lcmbla.,&  les  lit  licr&  mener  en  vn  pre  dcffousla  ville  Se  là  fu-  m.°»3s< 
rent  milerabiement  hachez  en  pièces .  Le  feigneurde  Pourriers,gendrc  d'Oppede,e-  hachez  ca 
iloit  îles  plus  vaillansà  [aire  ce  carnage:  6c  pour  cÔplaircàlon  beau-pere,&:  comme  s'il  puers. 
euft  prins  les  efbats  a  tuer  les  morts ,  o iloit  à  l  vn  la  tefte  de  deffusjcs  cfpaulcs,  à  l'autre 
coupoit  bras  6c  ïambes.  D'Oppedc  de  ion  colle  fit  prendre  rrentefix  ou  quarante  fc  m-  Non.b.e 
mes, entre  lefquelles  il  y  en  auoit  quelques  vncs  enceintes, 6c  les  ayant  fait  enfermer  en  &  femmes 
vnc  grangc,fit  mettre  le  feu  aux  quatre  coings. Et  quand  aucunes  pour  fuir  la  Marne  du  1"l'1,'t'ltsn't" 
feu  vouloyent  fortir,clles  ciloyent rcpoulfees  a  gras  coups  de  piqucs  &  hallebardes. Le 
feigneur  de  Faulcon  acquit  aulli  grand  bruit  en  ce  mafîacre  de  Cabriere,pour  les  gran- 
û'c>  cruautez  qu'il  cxcrçoitatcllcmcnc  que  les  vieux  foldats  de  Picdmont,voyans  la  ma- 
nière de  faire  dudit  Faulcon  6c  des  autres ,  eurent  opinion  d'eux  ,  que  pluftoft  ils  meri- 
toyentlcnom  de  bouchers, que  de  gentils-hommes.  Apres  ces  chofes,plufieurs  furent 
trouuez  qui  s'elloycnt  cachez  aux  caues:&  furent  liez  deux  à  deux,  &  menez  en  la  l'allé  m^.. 
du  chafteau  de  Cabricre.Lors  le  capitaine  V aileron,  6c  le  capitaine  Ican  de  Gayc  auec  dep;i.riu.u 
fa  bande,firent  choies  énormes  &  dcteltahlcs.  Cela  fait,les  Capitaines  des  rutHcns  d'-  ^'^'^^ 
Auignon,&  brigandeaux  du  Conté,  entrèrent  au  temple  de  Cabrierc,  où  il  y  auoit  te  "nombre 
pluficurs  ancienSjtemmes 6c  enfans  :  6c  la  aufîi  lut  faite  vue  mcrueillcufe  cruautés  oc-  d«  pécïs. 
çifionhorriblcjfansauoir  cfgard  al'aageni  au  fexe.  On  dit  q  le  nôbre  de  ceux  q  furet  li  ef°àTetù 
crucllcmet  meurtris, elloit  d'enuirô  8oo.perionncs,tat  homes  q  terne  s  &  enfans .  Pour  fig^e  ac  ■•■x- 
le  triophe  de  celle  belle  vicloire,les  officiers  duPape  firét  depuis  engrauer  l'an  &c  iour  q  doirc' 

y- 


Liurcs  If. 


sffîerindol  &  Cabrm^j. 


Cabrierc  fut  prifc  Se  mince  par  Iean  Menicrfeigiicur  d'Oppcdc,  &  premier  prelident 
du  Parlement  de  Prouencc. 

piPUDANT  ceux  de  M  e  r  in  d  o  l  eftoyent  par  les  montagncs&:  rochers,  &  par 
^  les  cauernes  du  pais. Et  ayansfait  prefcntcrrcqucitcsau  prelident d'Oppedcle  fup- 
Rcfponfc    plioyet  qu'il  luyplcuft  leur  ottroyer  paiïàge  pourie  retirer  auxvillcs  d'Alemagne,où  on 
d  «poarcs  auoit  cglifcs  reformées  félon  la  doctrine  de  l'Euangilc  :  fe  fumettans  de  quitter  &  aba- 
pnijiuers.  jonnçr  touslçurs  biens  meubles  6c  nnmeubles,moyennant  qu'il  leur  fuit  permis  de  fc 
retirer  aucc  leurs  femmes  &  leurs  enfans  au  pais  des  anciens  amis  Ralliez  delà  Fran- 
eem  ayans  que  leur  cliemife  pour  eouurir  leur  chair.  D'Oppcdc  avant  entendu  le  con- 
Crudlc     tcnu  ^c  cc^-e  lcoiuc^c>  tefpondit,  le  fay  que  i'ay  à  faire  de  ceux  de  Mcrindol  &:  de  leurs 
rJponic.    femblablesricles  veux  prendre  tous ,  fans  qu'aucun  puifTc  clchapper  de  mes  mains:  &: 
les  cnuoveray  habiter  au  pais  d'enfer  aucc  tous  les  diables  ,  &:  eux  Se  leurs  femmes  & 
leurs  enfans:&  en  feray  telle  deftruction,quc  i'en  ofteray  la  mémoire  à  ïamais.  Us  auo- 
yentau/Ii  eiïâyélc  meime  vers  le  capitaine  Poulin,  lequel  fut  aucunement  efmcu  à  pi- 
tié: 6c  cftoit  d'aduispluitoit  leur  permettre  de  le  retirer  pour  viure  félon  qu'ils  enten- 
droyent,quc  d'vfer  de  plus  grande  violence  ,& les  deftruire  tous,  mais  d'Oppcde  n'y 
voulut  aucunement  entendre.  Parquoy,lctout  citant  rapporté  à  ceux  de  la  dilperficn 
de  Mcrindol  ,  ils  s'aiTemblercnt  pour  confultcr  ce  qu'ils  feroyent.    Et  en  l'a/fcmblccil 
leur  fut  déclare' ,  qu'on  n'auoit  rien  feu  obtenir  de  ce  félon  Prelident:  6c  que  l'armée  e- 
ftoit  prefte  pour  les  deftruire  6c  mettre  à  mort ,  6c  leurs  femmes  &:  leurs  enfans:  &:  que 
tous  les  pailages  eftoyent  fermez  ,&:  y  auoit  garde  pour  prendre  prilonniers  tous  ceux 
qui  n'auoycnt  certification  luffilante  de  n'eft rc  point  de  ceux  qu'on  appelé  Lutheries: 
6c  qu'il  y  auoit  partout  embufehes  drciTccs:&:  partant  qu'vn  chacun  aduilaû  comme  il 
fc  deura  conduire  en  ceft  affaire. 

CONGREGATIO  N  tenue  jpiYS  les  prierc^par  les  N'îniflre  &:  Anciens  Je  ceP.cdifreriion.pour  .-îJuis.confoIjtic11 
&  perfeuerance  en  la  coufeI  >i  on  du  nom  Je  Dieu.noaoblhnt  l'.itriidtion  horrible  cjui  leur  eftoir  prochaine. 

I^II  P  ^  E  S  quc  ^cs  prières  furent  faites,aucc  exhortations  félon  la  doctrine  de  Dieu 
contenue  en  la  Loy,aux  Prophc  tes,&  au  faind  Euangile,  vn  chacun  bailla  fon  ad 
uisôc  confcil:&  les  plus  anciens  commencèrent  à  parler  aucc  larmes  6c  gemiifemens, 
telles  ou  fcmblables  paroles  d'exhortation  6c  ad  uis,  chacun  en  fon  ordre  comme  s'en- 
T;:hort.i-  fuit:  M  h  s  frercs&  amis,  le  Seigneur  Dieu  cognoit  toutes  chofes,fait  6c  voit  ce  que  les 
'  hommes  ont  penfé  6c  arrelte  contre  nous ,  &:  ne  pouuons  durer  dcuantleur  face,  ni  ef- 
chapper  que  nous  ne  foyons  deftruits&:  tuez,uous&  nos  femmes  &:  nos  cnfans,lî  ce  i\ 
cft  que  leSeigneur  avant  pitié  de  nous, nous  de  hure  de  leur  maimcomme  fa  volonté  ie- 
ra,amii  foit-il  fait.  La  moindre  folicitude  que  nous  dcuons  aUoir,c'eftdc  nos  biens  Sjdc 
noftrc  vie. mais  la  plus  grande  6c  principale  crainte  qui  nous  doit  efmouuoir,  c'eft  que 
partourmcnsfcpar  infirmité  non1-  ne  défaillions  en  la  confclîion  de  nollrc  Seigneur 
Icfus  Chrilt,&:  de  ion  fainct  Euangile. Parquoy  nous  auons  grand  befoin  de  deftourner 
nos  ycuxdcccfretcrre,&:  regarder  au  cicLcn  veillant  inceffâminent,  &  priant  que  no- 
llrc bon  Dieu  nous  \  nulle  donner  la  grâce  de  pcrlcuercr  en  la  lain&e  doctrine:  6c  qu'il 
nenousdclaiifcau  manuais  temps, mais  qu  ilnousfoit  propice  .  Er  quand  mefme  tou- 
tes les  nations  fe  dcftourneroyentdc  la  vraye  religion,  6c  qu'elles  conlentiroyent  à  l'i- 
dolâtrie pour  feruir  aux  Baalim, demeurons  fermes  :  6c  prions  au  Dieu  viuant  nousdô- 
ner  la  grâce  de  perfeucreren  iafainCtcdoctrinc:&  qu'il  n'y  ait  ncfeu,ncfiammc,ncglai 
ue,ne  famine  pour  grande  qu'elle  foit ,  ne  bombardes  ou  canons  qui  puiiient  efbranlcr 
noftrcfoy.Mes  amis,criOnsà  Dieu,&  le  Seigneur  aura  pitié  dcnous:&  fera  glorifié, foit 
que  nous  viuions  ou  que  nous  mourions .  Nous  auons  beau  regarder  vers  les  monta- 
gnes 6c  eaucrnes.car  nous  ne  trouucrons  fecours  (inô  au  nom  de  Dieu  qui  a  fait  le  ciel 
6c  la  te  ne.  E  t  après, vn  autre  propofa  à  la  compagnie  tous  les  tourmensqucpouuoyét 
faire  les  enncmis:&:  les  rcmedes:&:  parla  corne  s  enfuit:  Le  Seigneur  Dieu  nous  appelé 
à  pleurs  6c  à  gemiifemens.  Voici  maintenant  le  téps  de  trouble  6c  de  pcrplexitéje  reps 
d'oppre  ffion  6c  de  deftruction.  Apprcftons-nous  donc  à  endurer  plulieurs  tribulations, 
à  mefpiifertous  lesaffauts  deshômcs,qui  ne  nouspcuuct  regarder  d'vn  bon  œil ,  6c  ne 
nous  pcuuent  endurer  fur  la  terre. Les  homes  aueuglcs  fc  font  cileuez  cotre  nous,  pour 
nous  affliger  par  iniurcs, par  outrages, par  blafmes,detra&ions,faulfcsaccufations,pour 
nous  mettre  à  mort, pour  nous  bruflcr,pour  nous  tcnaillcr,pour  nous  dcfmebrcr,&:exc 
cuter  fur  nous  toutes  manières  de  tourmens,&:  les  plus  cruels  dont  ils  fe  pourront  ad- 

uifer. 


tions  neci 
♦aire*'  en 
tels  divers 


ANCIEN 
I  [. 


*!%Gerindol  (f  CabrierLj.  i  28 

uiîcr.mais  mourons  en  noftre  iimpticite:&  le  ciel  &c  la  terre  feront  tefmoins  qu'ils  nous 
dcilïiiiicnt  iniuilcment:Côme  la  volonté  dcnoftre  Dieu  fcra,ainii lbit-il fait.  Ht  ne  ic* 
gardons  plus  en  bas:  mais  leuc>:>  les  yeux  au  ciel,  &:  adreiîbns  tout  noftrccœnrà  et  grâd 
Sauueur  noftre  Seigneur  IciiisChnibfic  le  prions ardémet-qu'il  luy  plaife  premiercmes 
nous  del'iurcr  de  nos  plusgrans ennemis  :  ailàuoir  du  poche,  de  la  mort,  de  Satan  &:  de 
dânàtiô  éternelle.  &  qu'il  luy  plaife  au/Il  appaiier  l'ire  &  la  iuile  vengeâcedu  Pcrccçle- 
fte-.àec  qu'eftans  réconciliez  a  luy,nous  ayons  la  vraye  paix  au  milieu  delà  guerre,  6c  la 
vraye  ioyc  au  milieu  d'vne  fi  horrible  trifte/Te ,  &:  la  vraye  vie  au  milieu  de  Lunort  hor- 
riblc.Qi't  fi  le  Fils  deDicu  nous  affranchit,  nous  ferons  vrayemét  francs. Et  quad  nous  fcan  8 
cheminerons  parlavallcc  de  l'ombre  de  mort,nous  ne  craindrons  nul  mal:  car  le  Sci-  'cai,*3-4« 
gneur eftaucc'îious.&:  luy-mcfmc a dtr,Ic ne tclaillcray point, <2c  ne t'abâdôneray pou:  H<.b.iî.f. 
tcllcmct  q  nouspouuons  dire  aifeure  ment, Le  Seigneur  m'cftadiutcur,ie  ne  cramdray  Pfe.ns.6. 
chofe  q  l'home  niçpuifîc faire. car  toutes  choies  qui  aduienent àccuxquiaimêt  Dieu,  Rôm.s.ig. 
font  pour  leur  profit, foit  lamorr,foit  la  vie. Ne  craignons  point  donc  ceux  qui  tuent  le  Mitio.  is. 
corps,Ôi  ne  pcuuet  tuer  l'ame:mais  craignes  ecluy  qui  peut  perdre  1  ameôc  le  corps  en 
la  gehéne. Mourons  pluftoft  tous,q  délai/Ter  la  Loy&  les  ordonnâtes  de  Dieu,&  la  do  Mjr  iq 
ftrine  du  S. Euangile.  Ayons  touiiours  en  noltrc  cœur  ce  que noftre  Seigneur  nous  en- 
itigne,Qujpcrieuereraiui'qualafin,ierafauué.    Vn  a  v  t  r  l  d'entre  eux  parla  ancien 
comme  s  enfuit  :  Si  nous  regardons  à  ce  que  les  hommes  ont  arreftc^Ia  confpiration  11 '* 
des  ennt  mis  eft  fi  grande ,  que  félon  raifon  humaine  on  ne  pcutcomprcndrcqu 'aucun 
puifle  eiehapper,deceux  qui  apertement  voudront  confeifer  noftre  Seigneur  lei'us 
Chrift  fiû  fon  iaind  Euangile .    Toutefois  nous  auons  tant  fouuenr  des  noftre  îeunef- 
fcefté  en  feignez  par  la  parole  de  Dieu,  que  fes  penfeesne  l'ont  point  comme  les  pen- 
fees  des  hommes  :  &c  fes  arrefts  &  les  iugemens  ne  l'ont  point  comme  les  arrefts  &:  fen-  Ui- 5S  8 
tences  des  hommes .    Car  nous  voyons  ibuucnt  qu'il  fe  mocque  des  cntrepnfes  des 
hommes,  de  leurs  confeils  &c  déterminations  :&  change  &rcnuerfc  leurs  délibéra-  pft.H  ,4. 
tiens  à  leur  confuiîon,&  de  ceux  quideuorent  fon  peuple  comme  s'ils  mangeoyent  du 
pain  .  ^  Or  nous  femmes  ici  pluiïeurs  Anciens,  q  le  Seigneur  Dieu  a  par  plu  lieu  r  s  fois 
deliurcz  degrans  perilsrdont  &  de  tous  les  biens  nous  fommes  tenus  de  luy  rendre  grâ- 
ces.   Et  maintenant  que  dcuons-nous  demander  au  Seigneur  Dieu,  linon  qu'il  luy 
plaife  nous  donner  à  tous  le  coeur  de  l'honnorer& le  craindre  de  tout  noftre  coeur,  &: 
de  mettre  toute  noltrc  confiance  en  luv?    Et  pour  ce  rairc,qu'il  luy  plaife  ouurir  nos 
veux  pour  contempler  les  iugemens ,  &c  faire  les  eommandemcns,&:  limite  les  chofes 
qui  luy  font  agréables  :  &  nous  fortifier  par  fon  fain&Efprit ,  afin  que  nous  ne  lacions 
légèrement  chofé contre !a  doctrine  de  l'on  Euangile,  pour  gagner  quelque  petit  rc- 
fpit  de  celte  vie,  Car  que  profite  ra-il  à  l'homme ,  quand  ores  il  gagneroit  tout  le  mon-  M-itic  te. 
dc,&:  cjiùl  face  le  dommage  de  fonamc?  Et  quand  bien  nous  (crions  deliurcz  des  tour- 
niez des  hommes, en  fumant  par  fimulation  la  manière  de  viure  tics  idolatres,nous  n 
cil  happerons  point  la  main  de  Dieu  .    Or  il  eft  plus  à  craindre  de  tomber  entre  les  Hc[)  10  u> 
mains  du  Dieu  viiïant,qucntrc  les  mains  des  hommes  mortels.  Et  que  nous  doit  il  cha 
loir  de  viure  plus  au  milieu  de  la  nation  mauuaifc&  idolâtre  ?    Soyons  appareillez  de 
mourir  conftamment,  &c  comme  fera  la  volonté  de  noftre  Dieu,qui  eft  levray  Maiftrc, 
auquel eftdeue  toute  obeiffanec.  Vn  av  tr  h  luiuit  ces  paroles  d'exhortation,^  dit,  ancien 
Le  Seigneur,  qui  feul  peut  tout  ce  qu'il  veut,  ne  permettra  point  qu'vnfeuleheueu  de  nu. 
noftre  réfte  tombe  enterre  (ans  la  volonté. La  principale  choie  que  nous  auons  à  taire, 
c'eft  qu'en  gênerai  Ôc  particulier  nous  foyons  touiiours  en  prières ,  à  ce  que  le  Seigneur 
Dieu  nous  baille  la  force  &  la  vertu  de  porter  patiement  les  tribulations  qui  nous  font 
appareillées. Ce  breuuage  fera  vn  peu  amer  à  la  bouchc:mais  il  en  viendra  vn  grand  ,p- 
fit  à  toutlecorps:&  le  Seigneur  donnera  bonne  ilTue  à  toute  cefte  perfecution  .  Noftre 
Pere  celcfte  fait  mieux  les  chofes  qui  nous  font  profitables  &:  neceftaires,quc  nous  mef  Mit.d.31. 
mes. La  chair  voluptueufe  &c  rebellera  touiiours  horreur  de  la  tnbulation,&  ne  fc  veut 
foumettre  au  boplaiiirde  Dieu, afin  cjuedc  nous  foit  fait  ce  qui  luy  plaift .  Pour  rclifter 
donc  à  toutes  tentations,prenons  le  glaiue  de  la  parole  de  Dieu ,  U  croyons  que  le  Sei- 
gneur eft  le  Roy  tout-puiliant,&:  que  toutes  chofes  font  miles  en  fa  puiifâce,&  n'y  a  nul 
qui  puillc  rclifter  à  fa  volonté .  Parquoy  ne  foyons  en  grande  trifteile  pour  l'ordonnâce 
&:  arreft  des  hommes,  qui  ont  iniuftement  délibéré  de  nous  mettre  tous  à  mort  :  voire 
&:  nos  femmes  &c  nos  enfans.  Car  foyons  aileurez,  que  fi  le  Seigneur  a  ordonné  de  nous 

y.ii. 


lehtion 


L/Wo  1 1 .  sffîerindol  Çf  Cabriertu* 

dcliurcr  tous,ou  aucuns  de  nous,que  nul  ne  luy  pourra  relîfter .  S'il  luy  plaiit  que  nous 
mourions  tous,nc  craignons  point,  car  il  a  pieu  à  nollre  Perc  nous  donner vnc  autre  ha 
bi  rat  ion,  qui  cft  le  royaume  celcftc.Ccrchons  celte  cite  permanente  &  etemt  llc,cn  la- 
quelle n'y  aura  point  de  muratiô,poureté,mifere,larmcs,pleurs,dueil  ou  triftclîe  :  mais 
félicité  et  béatitude  éternelle .  Cependant  il  nous  faut  boire  du  brcuuagc  que  le  Sci  - 
gneur  nousa  preparé,vn  chacun  félon  fa  portion  :  mais  les  mefehans  beuuront&aual- 
Jcront  la  lie, qui  leur  fera  mcrueilleufcment  amere,voire  &:  les  eftranglera .  Rcliouil- 
lons-nous  en  nos  tribulations, fachans  que  noftie  triftcflc  iera  tournée  en  ioycr&à  no- 
llre tournous  rirons, quand  les  mclchans  pleureront  &  grinceront  les  dents.  *j  Vu  au- 
tre de  la  compagnie adioulta  ce  qui  s'enfuie: Le  SeigneurDieu  par  tribulations  fait  Ycl- 
prœuue  de  lés  vrais  difciples,&  de  ceux  qui  ont  bien  appnns  en  fon  efcolc  celle  leçon, 
Maics.34.  qui  cft  biendure,mais  elle  eft  vcntablc,Si  quelcun  veut  venir  après  moy,qu'il  renonce 
&  abandonne  foy-mefme,&:  porte  la  croix,&  me  fuiue.  Parquoy  tous  ceux  qui  viennet 
au  feruicc  de  Dicu,qu'ils  fe  préparent  à  tentation  &  a  tribulation.  Car  tous  ceux  qui 
i.Tim.3.11  veulent  viure  fidèlement  en  Iefus  Chrift,foufFriront  perfecution  .  Mais  les  mauuais&: 
decepteurs  profiteront  en  pis,abulans&:  cftans  abufez.  Et  au  liurede  Iudithil  cft  dit, 
iuJiths.u      fi  tou$  jcs  Hdclesquiont  pieu  à  Dieu,  font  ainfî  pallez  par  plusieurs  tribulations. 

Si  a  mli  cft  doneque  par  icellcs  tribulations  il  nous  faut  entrer  au  royaume  de  Dieu,  le 
Seigneur  monitre  bien  qu'il  a  le  loin  de  nous .  lettons  donc  en  luy  tout  noftre  fouci, 
fachans  qu'il  y  a  temps  de  naiftrcë£  temps  de  mourir:  &:  que  le  Seigncur,quifcul  baille 
la  vie, a  l'empire  fouuerain  fur  la  mort .  Mettons-nous  donc  en  fa  fauue-gardc&:  protc- 
étion,&:nous  ne  craindrons  point  chofe  que  l'homme  nous  puifle  faire.^V oila  en  fub- 
ftance  vue  partie  des  propos  que  les  Anciens  eurent  en  cefte  aficmblce. 
Lcsieunts  It.  y  eut  aiilliaucuns  îcuncs  hommes  qui  propoferent  en  leurrang  ce  que  Dieu  leur 
apro  ks  aUQn:  donne  a  cognoiftre  pour  l'édification  &:  confolation  de  rafTembîee.  dont  nous  a- 
poiè!)TPFa°  uons  auln"  recueilli  &:  tire  ce  que  s'enfuit:  Novs  fommes  cnfcignez  par  la  parole  de 
mie  de  cô.  Dieu ,  de  prendre  garde  qu'aucun  de  nous  ne  foit  afflige  comme  meurtrier ,  ou  larron, 
ou  conuoitcux  des  biens  d'autruy:  mais  li  aucun  cft  afflgé  comme  Chrcfticn ,  qu'il 
n'en  ait  point  de  honte:  ains  qu'il  glorifie  Dieu  en  cefte  partie.  Car  le  Seigneur 
nous  enuoye  .les  afflictions  pour  nous  humilier  ,  &:  efprouuer  noilrc  patience:  pour 
nous  taire  cognoiftre  nos  péchez,  &  luy  demander  merci,  afin  qu'il  ait  pitié  de  tous. 
Noftre  bon  Pere  ne  nous  traitte  pas  félon  nos  péchez  ,  &c  félon  que  nous  auons 
mérite.  Et  combien  que  ceux  qui  nous  affligent,  ne  le  facent  pour  autre  chofe  que 
pourec  que  nous  ne  voulons  point  delaift'er  la  Loy&:  les  ordonnances  de  Dieu:  ains 
que  nous  luy  voulons  feruir  félon  la  doctrine  de  fon  iainet  Euangile:  toutefois  nous  cou 
iiderons  que  nous  pouuons  élire caufe  du  mal ,  pour  les  ofFcnfes  que  nous  auons  com- 
mifcs&  commettons îourncllemcnt  par  ingratitude  &c  mcfcognoiffance.  Parquoy 
nous  auons  befoin  de  prières  ardentes,  pour  demander  merci  &:  milcricorde ,  pour 
obtenir  grâce  que  nous  puiflïonspioyer  noftre  colfous  le  ioug  de  Dieu.  Autres  icu- 
nesgcnscnla  mefme  Congrégation  parlèrent  comme  s'enfuit:  Àvron  s-n  o  v  s 
honte,  6c  nous  eftimerons  nous  mal-heureux,  d'eftre  de  la  race  de  ceux  qui  ont  totif- 
iouus  efte  fuiets  à  perfecution  :  veu  que  l'Elcriture  dit, Que  bien-heureux  font  ceux  qui 
foutfrt  nt  perfecution  pour  iufticc: car  le  royaume  des  cicux  cft  à  eux  r  Vous  eftes  bien- 
heureux, dit  le  Seigneur ,  quand  les  hommes  vous  auront  outragé  ,&:  vous  auront  per- 
fecuté  ,&:  dit  tonte  mauuailc  parole  contre'vous  en  mentantà  l'occafion  demoy.ef- 
iouiffez-vous  &z  ayez  liefte:car  voftre  loyer  eft  grand  es  cicux.  Aufîi  pour  noftre  con- 
folation nous  deuons  bien  imprimer  en  noftre  cœur  l'hiftoirc  de  la  foy  de  Moyfc: le- 
quel citant  ia  grand,  refufa  d'eftre  nommé  fils  de  lahlledePharao,eflifantpluftoft  d'- 
eftre affligé  auec  le  peuple  de  Dieu,  que  d'auoir  pour  vn  peu  de  temps  iouiflancc  de  pc- 
ché:cftimant  l'opprobre  de  Chnft  plus  grande  richeffe  que  les  threfors  d'Egypte .  Le 
Seigneur  Dieu  nous  doint  la  grâce  denousarrefter&:  cftre  fermes  en  fa  fainftedoétri* 
ne:&:  qu'il  ne  permette  lamais  que  nous  foyons  feduir s  par  ceux  qui  nous  voudront  en- 
feigner  autre  langage  que  la  doctrine  du  fainct  Euangile  contient.  Aufti  qu'il  luy 
plaife  nous  efloigner  de  tous  ceux  qui  tafeheront  à  nous  deuoyer  delà  droite  voye, 
laquelle  noftre  Seigneur  Icfus  Chnft  nousa  monftree  par  fa  fainde  Parole  .  Q_u'il 
plaife  aufti  à  noftre  bon  Dieu  nous  faire  la  grâce ,  s'il  1  uy  plaift  nous  retirer  à  foy,quc  ce 
Ichji  làns  regret  des  biens  de  ce  monde  :  mais  que  nous  confiderions  l'heureux  efchan- 


M.it.5.10 
&  11. 


Hcb.u 


eMerindolÇf  Q^brierc^j*  ur 

ge  que  nous  ferons  ,  cftans  feparez  de  ce  monde  pour  alJer  enlafainttc  montagne 
de  Sion  ,  en  la  l'ainde  cité  de  Dieu  ,  en  la  compagnie  des  Anges  &.  des  efleus  de 
Dieu ,  en  toute  béatitude  àc  félicité .  Auffi  li  c'eft  le  bon  plaiilr  de  Dieu ,  de  nous  de- 
liurer  de  la  îentcnce  de  mort  donnée  contre  nous,que  ce  foit  pour  leruir  àfon  honneur 
&C  gloire. 

^  En  cefte  forte  le refidu  de  la  difperfion  de  Merindol  fe  fortifioit:&:  auec  telle  fer- 
ueurdczele  embrailbit  les  promeiîés  du  Seigneur ,  qu'il  n'y  eut  peribnne  en  la  com-  Côdufiou 
pagnie  qui  ne  donnaft  confentementaux  exhortations  des  Ancien  s,  auec  proposé  gregiuoT 
délibération  d'endurer  pluftoft  les  horribles  menaces  des  ennemis,  &c  toute  cruauté  hcurcuiè. 
&:  dernière  opprefîion,  que  de  donner  femblant  d'abiuration  ou  renoncement  de  la 
vérité. 

Pour  tefmoignage  plus  ample  des  chofes  ci  defïus  defcrites,&  fpecialement  pour  donner  à  cognoi/tre  la  dernière  cruauté  des  en- 
nemis, nousauons  ici  inféré  la  Lettre  d'vn  perfonnage  quieftoiten  la  compagnie  dudird'Oppcde.  lequel  a  fidèlement  ré- 
duit par  eferit  toute  la  procédure  &  dernière  exécution  tenue  en  ceft  affaire. 

BSEvJÎ  ON  SIE  VR  le  Maiftre,  ien'ayfailly  vous  eferire  la  prefente,  pour  vous  fai- 
rc  entendre  que  l'Areft  de  Merindol  a  efté  cruellement  &c  excelTniement  execu 
té:non  pas  feulement  fur  ceux  qui  eftoyent  condamnez,  mais  fur  plulleurs  lieux  circô- 
uoifins,fans  aucune  forme  de  iuftice.  Il  vous  doit  fouuenir  comme  à  moy,  que  dés  l'- 
an m.  d.  x  x  x  i  x.  douze  ou  treize  poures  payfans,laboureurs  ignorans,furent  par  cô- 
tumace  déclarez  par  Areft  du  parlement  d'Aix,heretiques,condamnezà  eftre  bruflez, 
&:  tous  leurs  biens  confifquez.Et  par  mefme  Areft  fut  dit  contre  ceux  qui  n'auoyent  e- 
fté  ouis&appelez,que  tout  le  lieu  de  Merindol  feroit  rafé  &:  deshabité.  Or  le  Roy,fei- 
gneur  noftre,en  fut  lors  aduerti  :  qui  trouuant  ceft  Areft  fort  eftrange  &:  inique,  via  de 
fa  clemence,fufpendant  l'exécution  d'iceluy:&:  fit  pardon  gênerai  à  tous  ceux  qui  vou- 
droyent  abiurer,&c.  Aucuns  de  ces  poures  gens  feroyent  venus  en  perfonne  prefen- 
ter  leurs  requeftes  au  Parlement ,  afin  d'eftre  ouis  furies  cas  dont  ils  eftoyent  chargez. 
Ce  qu'ils  n'ont  iamais  peu  obtenir,comme  i'ay  feu:  &  vouloit-on  qu'ils  abiuralfent  fans 
eftre  autrement  ouis ,  &c  confeffafTent  pleinement  ce  dont  ils  eftoyent  chargez  &:  con- 
damnez par  contumace.  Ceux-la  voyans  qu'on  leur  faifoit  iniuftice,fe  feroyent  retirez 
en  leurs  maifons:les  autres  font  encores  abfens  du  pais,&:  les  autres  font  morts .  Vous 
fauez  comme  moy,que  Merindol  eft  fituee  près  de  la  Durance,du  cofté  deuers  Cauail- 
lon,diftantdulieud'Oppedcvne  lieue  &c  demie  ou  enuiron,  de  là  oùeft  maiftre  Iean 
Menier,noftre  premier  prefident  de  Prouence  :  qui  a  fait  mourir  de  faim  en  fa  cifterne  côcufsions 
cinq  ou  fix  poures  payfans  fes  fuiets  :  aufquels  il  a  fait  à  croire  qu'ils  eftoyent  Lutheries  *SVJJ1(J~ 
&  Vaudois:afind'auoir  leurs  biensôdicritages,qu'ilaprinsenfamain  pour  augmenter  Oppedc. 
fa  fcigneurie,qui  eftoit  auparauantpeu  de  chofe. 

Ces  poures  gens  ainfi  trefpaflez,ont  delai/Té  des  enfans  qui  font  deuenus  grans,qui 
ont  des  amis  &:  parens  k  Cabriere ,  voiiîne  d'vne  lieue  dudit  d'Oppede:  qui  ont  donné 
quelques  courfes  &:  carrières  audit  Menicr,allant  &:  retournât  dudit  lieu  à  Aix.  lequel 
pour  fe  venger  d'eux  auroit  trouué  moyen  d'eftre  lieutenant  du  Roy  en  ce  pais  de  Pro- 
uence,en  l'abfence  de  monlieur  de  Grignan,cependat  qu'il  fera  en  Alcmagne.Et  pour 
paruenir  par  ledit  Menier  à  fes  vengeances  non  pas  feulement  contre  ceux  de  Cabrie- 
re,mais  de  plulleurs  autres  lieux:a  forgé  vne  mentene  qu'il  a  efente  au  Roy,luy  faifant  Voihcèm(, 
entendre  que  ceux  dudit  Merindol  &:  d'autres  lieux  leurs  voifins,  iufquau  nombre  de  |c,  ^urcs 
douze  ou  quinze  mille  hommes  ,  s'eftoyent  mis  aux  champs  en  armes ,  l'enfeigne  def-  fidèles  font 
ployee,en  délibération  de  prendre  d'emblée  la  ville  de  Marfeille,  &c  d'en  faire  vn  Catô  calomnKZ- 
des  Suilîes.  Et  que  pouf  remédier  à  leurs  entreprifes ,  il  faloit  exécuter  ledit  A  reft  manu 
mthtari.lc  vous  Jaiffe  penfer  ii  ceft  vneville  aifec  à  prendre  d'emblée  &:  fans  mitaines. L' 
Empereur  &  monûeur  de  Bourbô  par  deux  fois  y  ont  mené  leurs  forces  par  mer  &c  par 
terre  ,où  ils  n'ont  rien  gagné.  Le  Roy  ne  penfe  iamais  qu'onletrompc-.dontilluy  ad- 
uient  fouuefit  grand'  perte .  Croyant  que  cefte  menterie  fuft  verité,a  ordonné  par  let-    °"  feour 
très  patentes  d'exécuter  ledit  Areft  de  Merindol ,  &  d'y  employer  fes  forces  auec  Pou-  Roy  deccr 
lin,ban  &  arriere-ban  du  pais,auec  bandes  de  Piedmont,qui  defeendoyent  pour  s'em-  "s  *  J"*" 
barquer  audit  Marfeille ,  pour  faire  le  voyage  d'Angleterre.    Quand  ce  menteur  bc  xecuterl  . 
trompeur  de  Preiident(ie  levouspuis  dire&  nommer  tel ,  d'autant  qn'il  a  trompé  le  Alcft« 
Roy)eutreceu  les  lettres  pour  exécuter  ledit  Areft  de  Merindol,  où  il  n'y  auoit  plus 

y.iii. 


MerindolÇf  Cabrierz_j. 


que  deux  ou  trois  de  ceux  qui  auoyent  cfté  condamnez  :  délibéra  d'y  aller  en  perfonne 
&:  en  armes,comme  lieutenant  du  Roy, pour  donner  force  au  fécond  Prefident  deFon- 
te,qui  ne  luy  fert  que  de  laquais,&  aux  confeillers  De  Tnbutns&:  de  Badet  :  lefquels  il 
auoit  députez  Commifiàires  &:  exécuteurs  dudit  Arcft,à  la  grande  pourfuitte  &:  Inftan 
ce  du  procureur  gênerai  Pyolcnq,qui  s'abfenta  pour  lors  de  ladite  ville ,  afin  de  donner 
Cucrin"'  occafion  d'y  faire  aller  l'aduocat  gênerai  Gucrin  ,  homme  de  grand  fauoir  &:  experien- 
c-c,&  autant  eltimé  qu'il  cil  poiiîblc(  comme  vous  fauez:)  qui  sexeufa  plufieurs  fois  d'- 
affilier  a  ladite  exéc  ution ,  en  difant  que  le  Roy  eftoit  abufe  par  ledit  Prefidcnt,&:  que 
pour  vente  tant  à  Mcrindol  qu'ailleurs  dedans  le  pais,  il  n'y  auoit  aucune  alfemblec  d  e 
gens.&:  la  venté  eftoit  tclle,comme  moy  &  plus  de  quatre  vingts  perfonnes  auons  veu 
au  diicours  des  exploi&s  qui  ont  efté  faits .  Ce  nonobftant  quelques  exeufes  que  ledit 
Aduocat  peuftfairc,il.i  efté  contreintpar  menaces  d'yaflifter  : &:  faybien  qu'il  luy  fuc 
dit,que  s'il  ne  s'appreftoit  pour  marcher  auec  la  compagnie ,  on  eferiroit  au  Roy,  qu'il 
ne  tenoit  qu'à  luy  que  ledit  Arcft  ne  fuit  exécuté .  Qui  a  elle  caufe  de  le  faire  marcher 
auec  ceux  de  longue  robbe  dcfru!dits,qui  partirent  des  le  Ludi  treizième  iour  d'Aunl 
dernier  paiïe.Moy  eftant  toufiours  en  la  compagnie  ,  allafmes  cedit  iour  dormir  à  Per- 
mis,où  nous  trouualmes  les  capitaines  de  la  Brute  &:  Vozioine,  auec  quelques  gens  de 
pied. Le  Mardi  allafmes  diiher  à  Cadenet,où  on  deuoit  attendre  ledit  prefident  d'Op- 
pede,  qui  elloit  demeuré  à  Aix,  pour  s'en  venir  en  équipage  auec  le  capitaine  Poulin, 
qui  deuoit  amener  des  gens  tant  d'Aix  que  de  Marftille  ,&  fe  trouuer  tous  à  Pertuis  le 
Mccrcdi  enfuiuant,où  au/Il  les  bandes  de  Piedmont  fc  deuoycnt  trouuer.  Cepen- 
dant îe  Jaiifay  à  Cadcnct  ceux  de  longue  robbe,  &:  m'en  allay  à  Aix,  où  il  n'y  a  que  qua- 
tre licuës:afin  de  voir  en  quel  équipage  venoit  ce  Prefident,  qui  penfoit  que  ledit  Pou- 
lin  le  deuft  accompagner.  Ccqu'jlnefit,pource  qu'il  s'cftimeplus  noble  &:  dauantnge 
que  ledit  Prefident ,  qui  eftfils  d'vn  Iuif  retaille  d'Auignon.  &:  s'en  alladeuant  l'atten- 
dre à  Pertuis. Et  quand  cedit  Prefident  fe  vid  fans  ledit  Poulin ,  il  monta  à  cheual  bien 
armé,fors  qu'aux  iambes  &  à  la  tcfte,bien  demonftrant  que  ce  n 'eftoit  pas  ion  meftier 
que  de  la  guerre.  Aux  deux  coftez  dudit  capitaine  Preiident,pour  renforcer  fa  magnifî- 
ccnce,eltoycnt  lcsfeigneursdc  Pouiricrs&:  de  Launsfcs  gendres, qui  luy  feruoyent  de 
Confcillcrs:&:  reiîcmbloyent  bien  copagnons  pour  venir  à  bout  defîafcons  &c  bouteil- 
le Merâ  \CSA  Apres  marchoitlc  iugcd'Ai>:,maiftreIcanMeiâ,capitainedes  enfansde  la  ville: 
lequel  en  lieu  d'vn  bon  courfier,cftoit  monté  fur  vne  mulle  noirc,qui  eftoit  fi  fort  char- 
gée,qu'elle  ne  le  pouuoit  porter: &;  luy  eftoit  fi  fort  cmpefchc, qu'il  n'euft  feu  tuer  vn  ci- 
ron.En  la  troupe  des  pionniers ,  Nicolas  Thibaut,  marchand  de  Cru/Ton, marchoit  en 
bon  ordre, comme  capitaine  bien  experimenté:faifant  auât-garde&:  arricre-garde  de 
pionniers  en  l'art  de  tauernerie .  Et  ledit  luge  eftant  hors  la  porte  de  ladite  ville  d'Aix 
pour  voir  Tordre  &£  l'équipage  dudit  Prefident,  vint  au  deuant  de  luy  vn  me/Tagcr  qui 
luy  prefenta  lcttres:&:en  ouurât  icellcs,fa  mulle  oyat  le  bruit  du  papier^iaufia  la  queue 
&  baifte  lcsoreilles,&:  fit  vneruadc,fc  defchargeantdefon  maiftre:  qui  receut  fi  grand 
raduc8nCtlC  iaut'cluc  ^on  Pcn,olt  qu'il  fuft  mort:qui  luy  fut  vn  mauuais  prcfage,comme  vous  verrez 
ci  apres.En  cefte  belle  ordonnance ,  nous  allafmes  vne  partie  par  Pertuis,  &:  les  autres 
pafierent  lariuicredela  Durance,au  port  de  Cadenet.  Et  le  Prefident  auec  vne  partie 
de  fes  gés  vint  trouuer  le  capitaine  Poulin  audit  Pertuis:&  de  là  print  fon  chemin  à  Ca 
dcnct,où  les  gens  de  fon  confeil  l'attcndoyent  au  difncr.  Or  durant  le  difner  arnua  au- 
dit Cadenet  le  capitaine  Poulin, lequel  he  fe  contentoit  point  dudit  Prefident  :  &  croy 
que  c'eftoit  de  quelque  cnuie  &:  grandes  pratiques  q  Ion  chargeoit  ledit  Poulin  auoir 
faites  à  J'auitaillc ment  des  galères  &nauires  qu'il  conduifoiten  Normadie  .  Toutefois 
i  ouiins,-  après  leur  difner  fc  retirèrent  en  vne  chambre  pour  tenir  confeil, où  eftoit  ledit  fécond 
.1  ûppcje  prefident  &  le  confeiller  Badet. le  confeiller  deTributiis,&:  ledit  Aduocat  ne  s'y  voulu- 
jlcrt'qnion  rcnt  trouuer:&:  me  fut  dit  par  ledit  Aduocat,  Beateivircjui  non  alnjt  inconfilio  tmpiorum:  Se  q 
»!cpcrûcu-  certainement  îlsfcroycnt  quelque  grande  folie  &£  outrage  irréparable .  car  chacun  fa- 
c  hAft"5'  l,oit  bië  qu'il  n'y  auoit  aucune  aflemblee  de  gens  aux  champs,commeil  auoit  eferit  au 
Roy  .  Or  après  que  ledit  confeil  fut  tenu  par  iceux  à  la  femblance  des  Scribes  &:  Phari- 
iiens,  Poulin  s'en  retourna  à  Pertuis.  &  Je  lendemain  matin  commença  à  mettre  le  feu 
és  villages  de  Cabrierettc,  Pupin ,  La  mote&  fainct  Martin,  qui  appartiennent  au  fei- 
gneur  de  Cental ,  enfant  pupille  :  où  ils  commencèrent  à  faire  les  premières  cruautez. 
Carlaplulpartdcspoures  laboureurs  lans  refiftence  furent  tuez  &:  meurtris,  femmes 


tfflerindol  &*  Cafoierc^.  i  jo 

&  filles  violees:femmes  groflcs  &:  péris  enfans  nais  &:  à  naiftrc,tucz  Se  meurtnsrlcs  ma-  Cruautez 
nielles  à  plulîcurs  femmes  coupées .  on  voyoit  les  petis  enfans  mourans  de  faim  auprès  to"|b,«« 
des  mammclles  de  leurs  meres  qui  cftoyent  mortes .  &:  ne  fut  ïamais  veu  vne  telle  cru- 
auté Se  tyrannie .  tout  a  cfte  pillé, brufle  Se  faccagé,  D'Opede  fit  predre  Se  enuoyer  aux 
galères  de  ce  capitaine  Poulin, />/w  de  huit  cens  hommes  de  ces poures payjans.  Aucuns  foldats 
tenoyent  decespouresgens  prifonniers  comme  cfclaues,qui  les  offroyent  à  vendre  &: 
deliurerpour  vn  efeu  la  pièce.  le  vous  aduife  bien  que  lediefeigneur  de  Ccntal  a  perdu 
dix  mille  liures  ou  cnuiron.ôc  il  ay  ouydire  en  bon  lieu,  que  cela  a  cfte  par  grande  vin- 
dication&  mauuaife  haine,  àraifondecequeladamede  Ccntal  n'a  voulu  confentir  à 
faire  alliance,  Se  donner  fa  fille  en  mariage  à  quelcun  des  parties  dudit  Prelident.  ^  Le 
Ieudy  enfuyuant,  ledit  Prefident  voyant  le  feu  és  lieux  deifufdits, monta  à  cheual,  déli- 
béré d'en  faire  autant  aux  autres  lieux  voifîns.-eftant  accompagne  du  fécond  Prefident 
&deBadet  confeiller,&:  d'autres  ayans  defir  d'exécuter  fes  vengeances  :  mais  ledit  Ad- 
uoeat  &:  le  côfeiller  deTributiiss'eftoyent  cachez  Se  retirez  à  part  auiardin  dudit  lieu, 
de  peur  d'aller  auec  eux ,  coniîderans  la  mauuaife  intention  dudit  Prefidét.  Ce  nonob- 
ftant  il  n'y  eut  ordre  qu'ils  demouralTent,&  furent  contraints  de  fuyurelc  Prelidét:qui 
fît  brufler  les  villages  de  Lormarin,  Ville-laure,&:  Trczemines,  où  nous  ne  trouuafmcs 
aucune  perfonne.  De  l'autre  cofté  de  la  Durance  eftoit  le  lieur  de  Roque, parent  dudit 
Prefident ,  Se  autres  de  la  ville  d'Arles,  qui  bru  fièrent  Genilbn  Se  la  Roque,  où  aufîi  n  y 
auoit  perfonne.  le  le  vous  puis  alîeurer,carieray  veu. 

L  e  vendredy  fuyuant,  bandes  de  Piedmont  arriuerent  pour  aller  cm  barquer  à  Mar-  f^"^ 
feille,  pour  faire  ledit  voyage  de  Normandie:&:  pa/ferent  par  ledit  lieu  de  Cadenet,  où 
ils  firent  grans  maux.  Se  de  là  allèrent  loger  à  Lauris,  quieftau  gendre  dudit  Prefidét, 
qui  fut  bien  gardé  toute  lanuict.  Et  le  Samedy  marina  l'aube  du  îour,  ledit  Prefîdét&: 
les  gens  de  longue  robbe  délogèrent  dudit  Cadcnet,&:  s'en  allcrct  droit  au  lieu  de  Lau 
ris,où  eftoit  le  capitaine  Poulin  auec  toutes  les  bandes  de  Piedmont:&:  commencèrent 
à  marcher  en  bataillc,pairansians  grande  crainte  de  perlonne  par  ledit  bois  de  Lauris, 
qui  dure  deux  licuè's,iufqu'auditMerindol:où  nous  arriuafmes  enuiron  neuf  heuresdu 
matin,  Se  n'y  trouuafmes  qu'vn  îeune  payfan  idiot,qui  fut prefenté  au  Prclidentdcqucl  Vn  poure 
finterrogua  de  fa  foy  .  mais  pourec  que  ce  poure  innocent  ne  luy  feut  refpondre  à  km  J^™"*v"" 
defir ,  il  le  déclara  hérétique.  Et  fur  l'heure  le  fît  attacher  contre  vn  arbre      tirer  de  arbre. 
harquebufes,en  difantparkdit  Prefidenr,qu'il  faifoitladite  exécution  pour exempleà  ^"Kô 
ceux  dudit  Merindol.    ^  Or  en  ce  village  de  Merindol  y  a  plulicurs  lubucsy  autrement  ner>°»  "'y  »- 
cauernes,  enlamontagnerou  pluficurs  femmes, filles  Se  petis  enfans  s  cftoyent  cachez  ™i 
Se  retirez,  que  pluficurs  foldats(non  pas  des  vieilles  bandes  venans  de  Piedmont  )  vou- 
loyent  tuer&:  mcurtnr.toutefois  on  ne  les  toucha  finon  en  leurs  biens.  Le  Prefident  fe 
trouua  pour  lors  bien  cftonné,  voyant  fa  menteric  dcfcouucrte,  de  ne  trouuer  hemme 
quelconque  de  iefiftcnce:lequcl  comme  vn  capitaine  hardy,  fit  mettre  le  feu  par  tout 
le  village ,  où  il  y  auoit  plus  de  deux  cens  maifons,  qui  furent  toutes  brnflces ,  Se  n'y  de- 
meura aucunes  murailles.  le  ne  vy  iamais  tant  de  chats  courir  pour  fe  fauuer  du  feu, ne  La  cI»fle 
tant  de  gens  à  la  chaffe  des  chats, comme  il  y  auoit  audit  lieu.  Celle  exécution  fut  faite  ^onftroit 
Se  achcucc  enuiron  midy:&  à  la  fin  d'icellc  arriuerent  audit  lieu  aucunes  bandes  à  che-  le  bon  loi 
ual^i'Aix&d'Auignonjpour  donner  fecours:dont  il  nef  toit  befoin  .  car  tout  ce  poure  ^csfol* 
peuple  s'e  n  eftoit  fuy  és  montagnes  çà&  là,  comme  gens  fauuagcs ,  mourans  de  faim. 
Dont  le  Roy ,  s'il  en  fait  la  vérité ,  fera  faire  la  iuftice  de  ladite  cruauté.  Ledit  A  duoeat 
pour  l'heure  fe  vouloit  defrober ,  Se  s'en  retourner  au  lieu  d'Aix,  après  ladite  exécution 
de  Merindol,  difant  que  ladite  commifîion  ne  s'eftendoit  que  iufques  audit  Merindol 
feulement.  Toutefois  ledit  Prefidét  le  perfuada  d'aller  au  lieu  d'Oppede,en  ladite  mai 
fon,auec  le  fécond  Prelident  &: les  Conléillersdcilùfdits,pour  voir  delà  faire  donner 
la/faut  audit  lieu  de  Cabriere:  en  luy  difant  que  s'il  s'en  retournoit  feul  auec  fes  gens,&: 
que  les  fugitifs  des  villages  defïus  nommez  le  rencontroyent  >  il  pourroit  cftre  en  dan- 
ger de  fa  perfonne.  Cela  le  perfuada  d'aller  audit  lieu  d'Oppede,&:  de  fuyure  ladite  co- 
pagnic.  ^Le  Samedy  au  foir  ce  Prefident  auec  Poulin  Se  la  plufpart  des  bandes  logè- 
rent audit  Cauaillon:&i  les  autres  allèrent  mettre  le  liege  deuant  Cabriere,d'vn  double 
canon  Se  d'autres  pièces  d'artillerie.  Le  Dimanche  matin ,  qui  eftoit  le  x  v.  après  Paf- 
ques ,  l'artillerie  commença  à  faire  la  batterie  à  quatre  heures ,  Se  ne  cefî'a  iufques  à  la 
nuict,qu'elle  n'auoit  fait  brefche  pour  pafTer  vn  afne:  Lemefme  îour  lefdits  Prefident 

y.iùi. 


Liurcj  IL  Merindol  &  Qahrmt^. 

ôi  Poulin,  cnuiron  midy  parcans  dudit  Cauaillon, allèrent  voir  ledit  ficge.  A  la  rencoii- 
Gucrin     trc  defqucls allèrent  le  fécond  Prefident  ôi  les  ConfeilleiS:  mais  ledit  Aduocatnc  vou- 
duRnv!    lut  aller,  qui  demeura  feul  audit  Oppcde:Ôi  croy  qu'il  rit  fagemec,pource  qu'en  la  trou- 
pe des  gens  de  longue  robbe,  fut  tiré  vn  coup  de  harquebulé.  ieftime  que  c'eftoit  à  luy 
que  Ion  adrc/foit  celte  pillulemo  pas  en  haine  de  celte  exécution,  mais  pour  autres  eau 
les  que  vous  pouuez  falloir,  car  îe  fuis  bien  leur  que  ledit  Aduocât  droit  marry,Ôi  auoit 
grans  regrets  dcfditesciuautezôi  tyrannies.  ^Lanuict  turent  faites  approches  de  lar- 
tillcrie  plus  près  de  la  ville:  qui  recommença  le  Lundy  matin  à  faire  la  batterie:  telle- 
ment que  du  premier  coup  elle  fit  grâd  dommage  au  comble  de  la  maifondu  feigne ur 
d'iccluy  lieu,  qui  eftoit  au  meime  iïege  deuant  ladite  ville:qui  s'approcha  de  la  murail- 
le, Si  parlementa  à  lefdits  fuiets.  Or  il  n'y  auoit  dedans  en  refiftence  que  foixante  pay- 
Jans.  defquels  Efticnnc  le  Maroul,gentil-galand,  eftoit  le  chefôi  conduercunqui  auoit 
fait  plufieurs  petis  pertlnsen  la  muraille,  par  lefquclsil  tiroitfouuent  contre  nos  gens, 
Ôi  quafi  fans  faire  faute.  Il  y  auoit  auiîï  tréte  femmes  ou  enuiron,  qui  leur  adminiftroyët 
leurs  neceilîtez.  Le  furplus  des  autres  homes  s'eftoyent  cachez  ôi  retirez  dedans  leurs 
cauestôi  les  femmes,  filles  &  pctisenfans,  en  l'eglife.  Enceparlement  ledit  feigneur 
PromtfTe    jc  Cabrierc,  après  toutes  remonftrances  par  luy  faites,  leur  promit  la  vie  ôi  leurs  biens 
îkabnerc  fauues,ôi  de  les  faire  ouir  en  iuftice .  à  quoy  ils  s'accordçrent  :  Ôi  réciproquement  ledic 
Prelidcnt.  Au  moyen  dequoy,  tout  incontinent  ledit  Maroul  auec  fes  compagnons  ôi 
lcidites  femmes  qui  leuradminiftroyent,  fortirent  hors  de  la  villefans  armes.  Sur  lef- 
quels  tout  fubit  ledit  Prefidét  ôi  (es  deux  gendres,ôi  autres  de  leur  deuotion  coururér, 
en  forte  qu'ils  tuèrent  Si  taillèrent  en  pièces  trente  de  fes  pourcs  paylans.Les  autres  tu- 
rent prins  prifonniers  ôi  menez  à  Marfeille,  à  Aix  Ôi  Auignon.  Les  trente  femmes, dôt 
la  plufpart  eftoyent  grofles,  furent  miles  ôi  enfermées  en  vne  grange,  où  Ion  mit  le  feu 
pour  les  brufler.  Ces  pourcs  femmes  crioyent  fi  amèrement ,  qu'vn  foldat  ayât  pitié  d - 
elles,leur  ouurit  la  porte  .  mais  ainfi  qu'elles  fortoyent ,  le  cruel  Prefident  les  fit  tuer  ÔC 
kriarc     mettrc  en  pieces.iufques  à  faire  ouurir  les  vétres  des  mères ,  ôi  fouler  aux  pieds  les  pe- 
tis  enfans  eftâs  dedas  leurs  vétres.  ^Cepédant  q  cela  fe  faifoit,aucûs  foldats  d'Auigno, 
qui  vouloyét  piller  la  ville, entrerét  es  maifons ,  où  ils  trouuerét  plulieurs  de  ces  pourcs 
homes  cachez  en  leurs  caues,  fur  lefqucls  ils  commencerét  à  crier,Tuc,tue.  Les  autres 
qui  eftoyéthors  la  ville,entrcrct  dedans,Ôi  tuèrent  tous  leshômes  qu'ils  pouuoyct ren- 
contrer. LePrefidét  fe  monftra  plus  cruel  que  ne  fut  onc  Herodes:car  il  cômanda  publi 
quemét  au  capitaine  Iean  de  Gaye,qu'il  entrait  auec  fes  gés  en  l'eglife  dudit  lieu,ôi  qu'- 
il tuaft  toutes  les  femmes  Ôi  enfans  qu'il  trouueroit  dedas  ladite  eglife.  Ce  q  ledit  capi- 
taine ne  vouloit  faire,  remonftrat  audit  Prefidét  que  ce  feroit  vne  cruauté  nô  vfitec  en- 
tre gens  deguerre.ôi  d'autant  q  le  Roy  ôi  fes  Lieutenasn'enauoyét  iamais  vfé,  qu'il  ne 
I!  nomme   dCUOit  s'entremettre  de  ce  faire. Celle  rcmonftrace  defpleut  au  tyran"  Iuif,quicôman 
/j»^,pourcc  ^a  derechef  audit  Capitaine ,  fur  peine  de  rebelliô  ôi  defobeiflance  au  Roy,  de  faire  la- 
qu'ô  tenoit  due  exécution.  Ledit  Capitaine  de  craï te  d'eftre  aceufé  rebelle, obeir.ôi  entra  auec  fes 
fils  duCftOU       en  ^acutc  egn^e' ou  &  tuèrent  toutes  les  femmes,  filles  ôi  petis  enfans  qu'il  peurent 
udUt.       trouuer.  L'Aduocat  fufdit  arriua  audit  lieu  lur  la  fin,  pour  voir  ce  que  Ion  faifoit:Ôi  fau- 
ua  trois  petites  garces,  qu'il  enuoya  proprement  audit  lieu  d'Oppedc.ôi  le  iour  mefme 
dcfpelchavnpayfanpourlesenuoyerà  Aixàfafemme.  Auflifurlafin  d'icelle  cruelle 
exécution  arriua  le  ficur  delà  Cofte,qui  pria  le  Prefident  fon  parent,  de  ne  luy  enuoyer 
aucunes  bandes  audit  lieu  de  la  Cofteduy  offrant  mener  iufques  dedas  Aix  tous  fes  fu- 
iets prifonniers  en  telle  forte  qu'il  voudroit:  ôi  de  faire  tat  de  brefehes  à  la  muraille  qu'- 
il voudroit:  lefquellcs  il  auoit  défia  commencées,  pour  demoftrer  que  perfonne  ne  vou 
D  Oppede  ]oit  faire  refiftâce.  Ce  que  ledit  Prefident  luy  accorda:  neâtmoins  en  derrière  il  enuoya 
tous? i[  1    tr0is  enfeignes,  lefquelles  fans  aucune  refiftence  bruflerent  quafi  tout  le  village,ôi  tuè- 
rent plulieurs  paylans.On  fit  auih  plufieurs  violéces  de  filles  ôi  de  femmes:ôi  finalemec 
tout  fut  pillé, bruflé  ôi  mis  à  fac.  Le  fcmblable  a  efté  fait  en  plufieurs  autres  lieux  circô- 
uoifins .  ôi  croy  qu'il  auoit  délibéré  de  mettre  en  ruine  tout  le  pays  de  prouence. 

I  e  laiflay  au  dit  lieu  de  la  Cofte,lcs  gens  de  longue  robbe,qui  s'en  allèrent  loger  en 
la  ville  d' Apt:ôi  de  là  îe  prin  le  chemin  de  Cauaillon,defirant  voir  la  fin  de  cefte  cruelle 
entreprife.auquel  lieu  eftant  arriué  fur  le  foir ,  Dieu  y  dcmonftra  vn  cômencement  de 
d^DKu!"   iu^ice  Diuinc.Car  il  s'efmcut  débat  entre  Louys  de  Vaine,beau-frere  dudit  Prefident, 
ôi  le  frcreôi  le  gendre  de  Pierre  Durant,  maiftre  boucher  delavilled'Aix:Ôi  aduinc 

telle- 


Cjuillaumc^j  LTujfon.  ijr 


tellement , qu'ils  sentretuerent.    ^Lc  Mardy  matin ie  vy  le  Prefidcnt d'Oppcde  qui 
tondu ifoit  les  trois  petites  filles  que  ledit  Aduocat  auoit  fauuees  dudit  lieu  de  Cabne- 
re,lcsfaifant  mener  à  Aix  par  vn  pavlan:  ce  que  ledit  Pre/îdcnt  ne  voulut  lbuffrir,  ains 
les  luy  fit  ollcr.  ne  fay  qu'il  en  a  elle  fait.  Auflî  le  Côfdllerdc  Launs, beau-fils  dudit  Prc- 
iident ,  prmt  &  oita  au  payfan  les  lettres  que  ledit  Aduocat  efcriuoit  à  la  femme,  où  il  y 
auoit  ces  mots  eicrits  ciditcs  lettres,  le  ne  votts fauroye  mander  cjue  chofe pitoyable  &  demande 
Cruauté.ldquch  mots  ledit  Côicillcr  faifoit  lire  en  manière  de  mocquerie  à  plulicurs  qui 
eftoyent  en  l'a  compagnie.  Et  le  melme  iour ,  le  îugedc  la  ville  d'Aix  cftant  en  l'on  re- 
tour, partant  la  nuiere  de  Durace,fe  noya:  où  Dieu  démolira  délia  fa  bonne  milice.  La  ^^'"j 
dernière  venge  ance  de  celle  exécution  fous  couleur  de  iullicc,que  fit  ledit  Preiident,a  Dicu"ur  k 
elle  que  maillre  Pierre  Ioannis,&:  IcanRabicr  iuge  de  S.Maximin,  font  allez  au  lieu  de  iuse  a  A 
Tournes:  où  ils  prindrent  les  Confuls&r  principaux  de  ladite  ville ,  pour  haine  &:  ven- 
geance ,  à  raifon  qu'ils  ont  procez  contre  lebeau-ficre  dudic  Prciîdent  .&lcs  ont  fait 
mener  par  force  en  galères,  fans  forme  de  milice .  les  autres  ont  elle  rançônez  &:  com- 
pofez .  chacun  peut  cognoillre  que  c'cll  vfer  de  vengeance.  le  vous  aduerty  que  voftrc 
maiftrcmoniicurdcGrignana  mauuais  bruit  par  deçà,  de  sVilrcrecôcilié  auecce  luit 
de  Prclîdcnt,  &:  de  l'auoir  fait  ("on  Lieutenant.  Et  dit-on  que  c'eft  de  peur  qu'en  fon  ab- 
f'ence  ledit  Prefidcnt  ne  mette  en  auant  contre  luy  plufieurs  cas  qu'on  luy  met  fus. mais  Vn  mau" 
croyez  que  ledit  Aduocat  qui  cil  mande  d'aller  en  Cour,  l'entend  bien  :  &:  tait  la  vérité  l'autre' 
de  tout  le  fait.  le  vous  dy  ceci,  pour  en  aduertir  mondit  feigneur  voftre  maiftre.Et  pro- 
tefte  en  tout  ce  que  ie  vous  refery ,  nonreiederek  f.de  catholica ,  ne  dire  choie  qui  prciudicie  Pfotcftatio 
au  Roy.  Car  ie  fuis  bien  aiîeuré  que  fi  le  Roy  fait  les  cruautez  delîùfdites ,  il  en  fera  faire  craiatmc' 
bonne  iuftice.Et  n'y  a  plus  autre  chofe  que  ie  vous  pui/îe  eferire, linon  quciamais  ne  fut 
veue  fi  grande  tyrannie  &z  cruauté. 

^  V  o  i  l.  a  les  tcfmoignagcs  de  la  procédure  tenue  en  l'affaire  de  ceux  de  Mcrindol  &C 
des  autres  circonuoilins.  Il refteroit  de  cognoiftre  lesi]Iues&:  les  iugemens  de  Dieu 
manifefl.es  qui  font  cnlUyuis:Iefquels  nous  toucherons  cy  après  par  forme  de  récit  d'hi- 
ftohe  en  fon  lieu,  c'eft  aflauok  au  temps  de  Henry  II,roy  de  France, en  l'an  m.d . x  l  i  x . 
Car  la  chofe  ell  digne  d'cllre  cogneuc  îufqu'au  bout,  à  celle  fin  que  ceux  qui  ontvnc 
feule  goutte  de  crainte  de  Dieu  ,  voire  de  quelque  humanité  commune ,  ayent  ces  ex- 
emples deunnt  les  yeux ,  &:  en  tacent  leur  profit. 


GVILLAVME     H  V  S  S  O  N,  François. 

,N  V  IRON  ces  temps  de  l'an  m.d.xliii  i,  Guillaume  Hulfon  apoticai- 
\ïc  ,  fugitif  de  Bloys  pour  la  parolle  de  Dieu  ,  arriua  à  Rouan ,  &:  le  logea  vn 
Mmatin  pres  la  porte  Martin- ville ,  chez  vne  femme  vefue  :  à  laquelle  entre 
* '/Jautres  propos  demandai  quelle  heure  feleuoit  ordinairement  la  cour  du 
Parlement.  Ayant  entendu  d'elle  quecelloit  lur  les  dix  heures ,  il  s'en  alla  au  palais,  &: 
fema  quelques  pctis  liurets  contenas  do&nnc  de  religion  Chrellicnnc,&:  des  abus  des  ""J^f"" 
traditions  humaines:dont  la  Cour  tut  tellement  efmcue,  qu'incontinent  on  fit  fermer  uns. 
toutes  les  portes  de  la  ville,&:  furent  mandez  tous  les  holleliers  pour  fauoir  quelles  gés 
ils  auoyent  chez  eux.  La  fufdite  vefue  leur  dit  qu'vn  homme  eftoit  venu  le  matin  loger 
en  fa  maifon,  qui  luy  auoit  demade  l'heure  de  l'irtue  de  la  Cour:  &:  ayant  feiourne  quel- 
ques deux  heures  par  la  villc,reuintdeiiuner:&:  ce  fait  monta  à  cheual, r  s'en  cftoit  al- 
lé.Cela  ouy  on  depelcha  courriers  pour  aller  apres:dont  ceux  qui  tirèrent  le  chemin  de 
Dicppe,le  ratteindirent  à  my  chemin,&:  le  ramencrét  à  Rcuan:où  il  fut  incontinct  en- 
quis  de  fa  foy,laquelle  il  confeifa  fans  contraintc:&:  dit  qu'il  eftoit  notament  venu  pour 
femerlefdits  liurets, &:  qu'il  s'en  alloità  Dieppe  pour  faire  lefemblable. 

L  a  fepmaine  fuyuante  il  fut  condamné  à  eftre  bruflé  vif.&:  d'autant  qu'il  elloit  hom 
me  de  quelque  fauoir,on  luy  bailla  vn  docteur  Sorbonique  nommé  De-landa  ,  prouin- 
cial  de  l'ordre  des  Carmes,  afin  de  le  conuertir  à  la  foy  qu'ils  nomment  Catholique.  A- 
pres  que  fa  fentence  luy  eut  elle  prononcée,  il  fut  mené  delapnfon  en  vne  charrette 
deuant  l'eglile  cathédrale,  accompagné  de  ce  docteurdequel  ayant  fait  lier  vne  torche 
au  poing  du  patient,luy  vouloit  perfuader  de  faire  amende  honorable  à  vne  image  qu- 


L//#ro  //•  Franfois  de  Sant-%omain. 

ils  nomment  Noftrc-dame:mais  Huflbn  ne  le  voulant  efcouter,  lai/Ta  tout  exprès  tom» 
ber  la  torche.  A  caufe  dequoy  la  langue  luy  fut  coupee,&:  puis  fut  mené  au  marché  aux 
veaux ,  où  ledit  doéleur  fit  vn  fermon  qui  dura  bonne  cfpace.  Quand  ce  caphard  difoit 
quelque  choie  de  la  mifericorde  de  Dieu,  le  patient  luy  prelloit  audience,  mais  quand 
il  retombôit  furie  mérite  des  Sain&s  &C  fcmblables  refuerics ,  il  tournoit  la  telle  en  ar- 
nere.Cc  vénérable  dodeur  voyant  ces  contenances  de  Huiïbn,leua  les  mains  en  haut* 
&c  aucc  grande  exclamation  dit  au  peuple  que  ccll  homme  elloic  damné  ,&  des  à  pre- 
fentpo/iedé  du  diable.  ^  Or  après  que  toute  la  farce  du  Moine  fut  acheuce,  Huflon 
fut  attache  &  guindé  en  l'air  auec  vne  grande  poulie,les  pieds  &c  mains  lices  derrière  le 
dos.  Quand  on  eut  allumé  le  feu,  il  demoura  fur  la  flamme  quelque  efpace  de  téps  fans 
le  remuer, linon  qu'en  rendant  l'cfpnt  on  luy  vit  remuer  le  corps  en  bai/Tant  la  telle.  Au 
partir  de  ce  fpeclacle  on  oyoit  diucrfes  fentéces  &  opinions  du  peuple.  Aucuns  diibyét 
Dèmn  s 'iu  clu ^ au01t  ^C ^ia^^c au  corPs:  lcs  autres maintenoyent  ducontraire,  alleguans  que  ii 
popuûuc.U  ainfi  Cl"ft  efte,  il  le  full  deft  fperé,  d'autat  que  la  fin  où  le  diable  meine,  c'ell  à  defefpoir. 
or  auoit-il  touliours  eu  les  yeux  drclfcz  au  ciel.  Tant  y  a  que  la  côtenance  immobile  de 
cefainâ  Martyr  au  milieu  du  feu,renditeftonnezplulieursperfonnes:  dont  les  vns  de- 
meurèrent ilupides,  les  autres  furent  incitez  à  vouloir  cognoillredeplus  près  levray 
Dieu  d'Ifrael ,  qui  au  milieu  des  fournaifes  embrafees  a  puiflancede  fauuer  ceux  qui  1- 
inuoquerontaunom  de  fon  Fils, fcul  protecteur  ôdiberateur  des  liens. 


M.  D. 
XLIIII. 


Doctrine 
Elpagnolle 


M.Iacauc? 
iadisprîcur 
des  Aii.'ii- 
ftins  d'An- 
uus. 


Signes  de 
gynd  zt-lc 
&  ai  Jcur. 


FRANÇOIS    DE    SANT-ROMAIN,  Efpagnol. 

E  N  l'hiftoire  de  ce  perfonnage,!a  conuerfion  cft  notable,  comme  extraordinaire  du  tout  :  voire  telle  qu'à  grand'  peine  en  pour-, 
roit-on  trouuer  vne  lemblablc. 

W^^^^'fi  MBI E  N  que  la  nation  Êfpagnolle  aitfurmonté  les  autres  en  fuperfti- 
S'^^^ftion  Se  idolatrie,neantmoins  le  Seigneur  a  voulu  aulîî  eftendre  fabonté&: 
}!■  Wâ^^mifericorde  fur  icellc,&:  la  faire  participante  de  ce  bénéfice  incftimablc,d  - 
l^^^^fauoir  eu  de  vrais  tcfmoins  qui  ont  attelle  &c  feellé  de  leur  fang  la  vérité  éter- 
nelle du  Seigneur.  Entre  autres,  l'Efpagne  nous  donne  en  ce  lieu  vnpcrfonnage  delà 
ville  de  Bourgues ,  de  parens  fort  gens  de  bien  Se  grandement  aimez  pour  lcut  vertu  &c 
modellie.  l'on  nom  eft  François  de  Sant-Romain,  nourri  en  toute  doctrine  Efpagnolle, 
c'ell  à  dire  au  plus  profond  de  toutes  abominations:  dont  aulîî  la  conuerfion  en  a  elle 
de  tant  plus  excellente  &C  admirable.  ^  Comme  ainfi  foit  que  l'an  m.  d.  x  l,  quelques 
marchas  de  la  ville  de  Brème  en  Ollland  nefefulTenttrouuezàtempsauxfoiresà  An- 
uers  pour  payer  quelque  grand' fomme  d'argent,  laquelle  îlsdeuoyent  à  certains  mar- 
chans  Elpagnols-.iceuxaduifercnt  d'enuoyer  quelques  vns  d'entre  eux  à  Brème  pour 
recueillir  ccllargét  de  leurs  detteurs.  Il  leurfembla  qu'il  n'y  auoit  homme  pour  mieux 
exécuter  celle  cojnmillîon  que  celluy  François  de  Sant  -  Romain ,  le  cognoifîans  élire 
diligent  en  tels  aflfaircs ,  &c  qui  cognoiilbit  les  marchans  de  Brème .  Il  fe  mitdoneques 
en  chemin  auec  vn  autre  Efpagnol  qui  auoit  aulîî  charge  de  ceft  affaire.  Ellans  arri- 
uez  à  Brème ,  luy  voulant  vifiter  par  fuperllition  quelque  temple ,  entra  d  auenture  ad 
temps  queM. laques  ,iadis  prieur  des  Auguflinsd'Anuers,homme  ayantvrayementla 
crainte  &:  cognoiiTance  de  Dieu,y  pfefchoit.  Et  combien  que  Frâçois  de  Sant-Romain 
entendift  bien  peu  en  la  langue  Alemande ,  il  voulut  neantmoins  ouyr  celle  prédica- 
tion, peur  pouuoir  aucunemét  fauoir  quelle  elloit  celle  doctrine  qu'on  prefehoit  en  A- 
h  magne,laquelle  elloic  tant  detellee  de  tous  Efpagnols.  Aduint,  ce  qui  cft  efmerueil- 
lable,  que  non  feulement  il  entendit  le  fermon.mais  qui  plus  eft ,  fut  efmeu  8c  enflam- 
mé tellement  par  la  parolle  de  ce  Minillre ,  qu'incontinent  après  la  prédication ,  com- 
me nouuelhomme&frappédc  l'aguillondeDicu,  il  accourutà  luy  fans  auoir  aucune 
fouuenace  des  affaires  pourlefquels  il  elloit  là  venu.  Le  Prefcheurle  reccut  fort  humai 
nemcnt,&  le  mena  en  fa  maifon:  où  François  recita  quafi  de  mot  à  mot  tout  le  prefchc 
qu'il  auoit  ouy .  chofe  vraye  &  atteftec  par  gens  dignes  de  foy ,  qui  l'ont  ouy  de  la  bou- 
che mefme  du  prefeheur  de  Brème.  ^  Ne  fe  contentant  point  d'auoir  ouy  le  prefche, 
6c  le  pouuoir  reciter,  il  commença  à  endifputer  auec  le  Prefeheur,  &lc  requérir  in- 
llamment  de  luy  vouloir  déclarer  ouuertement  toute  la  doctrine  ,  laquelle  il  auoit 

gou- 


F  tarif  ois  de  Sant-T{  umam.  ij2 

goufteeence  premier  prefehe.  Le  Pafteur  s'efmerueillantde  la  véhémence  &fubite 
mu  cation  de  ceft  homme,  l'admonncfta  d'eftre  vn  petit  plus  modéré  &:  prudet,  enfem- 
blc  l'cnfeigna  diligemment  en  tout  ce  qu'il  penfoit  luy  eftre  necellàire.  Ainii  François 
demeura  trois  iours  entiers  en  la  maifon  du  Pafteur,  fans  qu'on  l'en  cuit  peu  aucune- 
mer  tirer:&:  foudain  en  ce  temps-la  fut  tout  changé,  &:  deuint  tout  autre  qu'il  n'eftoit 
auparauant.  Apres  cela  il  donna  quelque  ordre  à  fon  affaire,  le  recomandant  en  par- 
tie à  ecluy  qui  eftoit  venu  auec  luy ,  &c  s'en  retournoit  touiiours  au  Miniftre  pour  de- 
uifer  auec  luy.  Il  ne  penfoit  tout  le  iour&:  ne  fongeoit  la  nuict  autre  chofe  que  les  fen 
tences  de  la  Religion,  lcfquelles  il  auoit  ouyes  du  Pafteunfî  que  le  Pafteur  apperceuoit  côuertîon 
en  luy  quelque  chofe  d'extraordinaire,  &:  que  fa  conuerfion  eftoit  aduenue  autrement  n"™r  *" 
que  la  couftume  ordinaire  des  hommes,  lcfquels  procèdent  de  petit  à  petit  en  ce  qu'ils 
ont  entrepris  d'apprendre,  mais  ceftuy-cy  n'auoit  pas  feulement  appnns  tous  les  prin- 
cipaux articles  de  la  Religion  en  vn  moment  &  bien  peu  deioursrain  sanfli  comméçoit 
de  les  prefeher  &:  enfeigner  aux  ignorans.  11  leut  liures  en  François  &:  Alemad,de  ceux 
qu'il  peut  trouuer  en  la  ville.  Il  deuifoit  fouuent  auec  M.Iaques  le  miniftrc,&:  auec  mô- 
fieur  Machabee,  qui  eftoit  là  pour  lors:duquel  il  difoit  auoir  appnns  vne  bonne  partie 
de  ce  qu'il  fauoit.  Seiournant  la,  il  efcriuit  lettres  fort  longues  à  ceux  d'Anuers, par  lcf- 
quelles il  remercioit  Dieu  qui  l'auoit  amené  en  ce  lieu ,  où  il  auoit  cogneu  Icfus  Chrift 
fon  vray  Sauucur,  &  acquis  vne  pure  intelligéce  des  fain&es  Lettres, laquelle  il  ne  pou- 
uoit  allez  prifer.  Il  deploroit  la  cruauté  del'Inquitition  d'Efpagne,  &:  l'aueuglifleméc 
des  Efpagnols,  lcfquels  ne  voudroyent  ouurir  les  yeux  pour  contépler  la  celefte  lumiè- 
re de  l'Euangile,n'ouurirles  oreilles  pour  ouyr  la  voix  de  Dieu  qui  les  appeloit  à  repen- 
tance.Et  pourtant  qu'il  auoit  délibéré  de  rewenir  à  Anuers  pour  annoncer  cefte  lumiè- 
re à  aucuns  de  fes  amistpuis  après  aller  en  Efpagne  pour  amener  fes  païens  {il  c'eftoit  le 
plaiiir  de  Dieu)  à  la  vraye  religion  &au  vray  ieruiccde  Dieu.  Ilefcriuit  lettres  à  l'Em- 
percur,efquellcs  il  remonftroit  les  grandes  opprelfions  de  la  république  Chréftienne.  Lettres  à  l'. 
Il  l'admonneitoit  aufli  auec  afFc&ion  trelardéte,  du  deuoir  de  fon  eftat,  luy  remôftrant  ^Ecs  v 
qu'il  eftoit  conftitué  de  Dieu  fouucrain  Monarque,  afin  qu'il  recogneuft  cefte  grâce  de 
Juy,  comme  de  ecluy  qui  feroit  autheur  de  tous  biens:  &£  qu  il  adoraft  auec  telle  pureté 
&:  lincerité  qu'il  feroit  de  befoin,  cefte  li  haute  maieftc.ee  qu'il  ne  pouuoit  faire ,  finon 
qu'il  employai!:  toute  fa  force  &C  puiiTance  à  appaifer  les  troubles  de  la  Chrcftienté ,  à 
maintenir  la  gloire  de  Dieu,  &:  reformer  en  toute  l'Efpagne  Vautres  pays  de  faiùbie- 
dion,la  religion  brouillée  &:  contaminée  par  les  rciucrics  des  hommes, à  la  vraye  règle 
de  la  parolle  de  Dieu ,  contenue  purement  és  liures  de  la  famde  Efcriture  :  &:  pluficurs 
autres  chofes  qu'il  cfcriuoit  prefque  en  ce  fens.  Il  efcriuit  aufli  quelques  petis  liures 
en  Efpagnol,  efqucls  il  traitoit  des  articles  de  la  religion  :  &C  tout  ce  que  nous  auons  dit  Liurc' c- 
cy  delfus(qui  eft  chofe  efmerueillable)commença-il  a  eferire  &:  parfît  en  vn  mois,ou  au  ^0^^ 
plus  en  quarante  iours,  pendant  qu'il  attendoit  ïarefponfe  des  lettres  enuoyces  à  ceux 
d'Anuers.  Eux  donc  ayans  leu  fes  lettres, cogneurent  incontinent  dequoy  il  auoit  cfté 
touché:&:  le  rappelèrent  par  douces  parolles,  vfans  en  cela  de  dol  &c  lîmulation ,  &£  luy 
donnans  efperanec  que  quand  il  feroit  prefent,  il  pourroit  remédier  à  telles  chofes.  A- 
donc  plein  de  l'efperance  que  luy  donnoyent  ceux  d'Anuers, fe  mit  en  chemin. Cepen- 
dant les  Efpagnols  apoftent  quelques  moines  pour  le  receuoir ,  qui  a  fon  arriuct  le  de-» 
uoyent  interroguer  de  fa  foy ,  afin  que  s'il  ne  S'accordoit  totalement  à  eux ,  ou  le  fiifent 
mourir,ou  bien  le  iettafTcnt  en  quelque  prifon  cfpouantable,où  il  fuft  enterré  tout  vif, 
fans  qu'il  peuft  toutefois  de  long  temps  mourir.  Le  poure  homme  eftoit  ignorant 
de  tout  ccci,&  pourtant  arriua  à  Anuers  tout  ioyeux,  penfant  bien  fans  grade  difficul- 
té côucrtir  fes  Efpagnols  à  la  vraye  Religion, laquelle  n'agueres  il  auoit  apprinfe.  Mais 
ils  ne  faifoyent  qu'eipier  le  iour  qu'il  deuoit  arriuer.Et  ne  fut  pas  û  toft  entré  en  la  ville, 
que  les  bourreaux  de  moines  apoftez  ne  fe  iettaffent  fur  luy,le  demôtaffcnt  de  fon  chc- 
ual,&:  menaiTcnt  prifonnier  chez ie  ne  fay  quel  marchant. Liîy  qui  venoit  ardent  d'vne 
chaleur  qu'il  auoit  en  fon  efpnt,  voyant  ce  tour  qu'on  luy  iouoit  contre  fon  efperanec, 
fut  encore  de  cela  plus  efchaufFé.  Quâd  il  fut  au  lieu  où  il  deuoit  demeurer  prifonnier, 
les  moines  luy  lient  pieds  &:  mains,  &:  commenceret  après  cela  à  difputer  auec  luy  tout 
à  leur  aife.  Ils  fouillèrent  incontinet  fon  bagage,  là  où  ils  trouuerent  force  liures  en  A- 
lemand,enFrançois,cn  Latin,de  Luther,deMelancl:hon,d'Ecolampade&:  autres  Ale- 
mans. quelques  images  aufli  en  moquerie  du  pape.  Alors  les  Moines  fetournans  vers 


Liurt^  IL  Franfois  de  Sant-  Romain. 

luy,  commencèrent  à  luy  dire  qu'il  citoit  \n  parhiir  Luthérien.  I.uy  fortcfmcu  en  'on 
ciprit,  leur  rcipondit  en  cefte  forte ,  le  ne  luis  point  Luthérien .  mais  îe  iav  pibfcihcn 
de  la  doctrine  du  Fils  de  Dieu,  de  laquelle  vous  cites  ennemis  Se  perfecutcurs.  I- 
avapprius  cefte  Teule  doctrine  du  Fils  de  Dieu  Ieùis  Chnit ,  qui  elt  mort  pour  Icspc- 
chez  deftout  le  monde  ,5c  reHufcitc  pourla  iuftification  de  tous  ceux  qui  receuronc 
&  cm  braderont  pa.  foy  *  n  iig;and  bénéfice  qui  nous  eft  prefenréen  1  Euangilc .  de  ce- 
lte de.hincie  ray  proréllîun  a  haute  voix.  Quantcltdc  vos  rcfucrics  ,dc  vosiliul»  ns, 
■vos  tromperies  &  dcpiame  doctrine,  ie  l'abhorre  de  tout  mencaur  llyatn  it  quel- 
ques Efpagnols  prclcnsàladiipute,tenansdu  tout  leparty  des  moines:  h  (quels  ["(  l<n- 
tansauoir  la  faut  urdes  ElpagnoJs,qui  fans  aucun  iugementenclinoyent  de  U  u  eolc  , 
le  tourmcnteri  nt  d  autanr  piushardimcnt,&  pourfuyuirtnt  plus  rigourc  uli  ment 
fpu ter  contre  vn  pourc  homme  lie: Si  tu  abhorres  ne  lire  religion,  dlibye  nt-ilsjaqutlle 
l'cglifc  appelle  Litar  de  pcrK  ttion,&  ncâtmoins  te  dis  Chrciticn,quelle  tfttarcljgi»  ni 
que  lie  elt  ia  foy-quelle  e  il  ta  doclrincrqu'cft-ce  que  tu  crois?  le  vous  ay  dir,dit-il,  que  ie 
fuis  Chrcfticn,&:  que  ic  ne  veux  faire  profeflion  d'autre  chofe  que  de  Chrift  crucifié. 
JDauantagi  ,ic  ne  croy  rien  autre  choie  pour  le  prefcnt,&  necroiray  lamais  autre  choie 
que  ce  que  la  \  rave  Eglifcde  Chrift, clpark  partout  le  monde  ,acrcu  de  tout  temps  &: 
enlcigne.  Vousautre  s  aucz  corrompu  celte  (impie  doctrine  de  Ieius  Chrift  cruciné,(  n 
vue  façon  de  viureabommabh  &  pcrnicieulc  à  tout  le  genre  humain,  par  vos  illuiù  ns 
6c  impietez.  Iccroy,di-i(  ,en  Dit  u  le  pere  qui  a  tout  créé.  le  croy  cri  Dieu  le  Fils  Ie- 
ius Chrift,  qui  a  tacheté  par  ù  n  fang  tout  le  genre  humain  :  &:  le  tirant  hors  de  la  le  rui- 
tudedu  diable,dc  péché  &c  delà  mort,  Fa  remis  en  la  liberté  de  FEuangile.  le  croy  en 
Dieu  le  S.Elpnt,  qui  par  vne  vertu  cachce^c  diuine  fanctifie les  croyans.  Iecroyqi  e 
pour  l'amour  du  Fils  de  Dieu  mes  péchez  mefontpour  néant  pardonnez,  le  croy  que 
par  ce  Médiateur  feulement,  lan  <;  aucuns  mies  merircs,  fanseigard  aucun  de  mes  bon- 
nes ceuures,(ans  aucune  at  iolutie  n  Papalc,ie  iouyray  delà  vie  éternelle.  Lors  lu  y  de- 
mandèrent les  moines,  Crois-tu  que  le  Pape  de  Rome  elt  vicaire  de  C  hrift,  thtfdclc- 
giifc  en  terre,  &  qu'ii  a  tous  les  threfors  de  l'cglifc  en  fa  main,  S:  puiflànccdelîer&  de1 
liera  ion  bon  plaiiir,tairc  nouucaux  articles  de  foy,  &;  abolir  ceux  qui  font?  le  ne  croy 
rien  de  tout  ce  la  ,  leur  re  fpon  dit-il .  au  contraire  ie  croy  que  le  Pape  eft  vn  Antedu  It, 
que  loirperc  elt  le  diablcquil  elt  e  rremy  de  Ieius  Chriit,  qu'il  veut  qu'on  luy donc  ic  -, 
h  ont  tirs  qui  appartii  nnét  a  Dieu  leul ,  qu'agité  de  l'eiprit  de  Satan  il  met  tout  le  mon- 
de en  trouble,  pour  maintenir  feulement  les  Ululions.  Alors  il  fcmbla  aux  Efpagnols 
qu  il  hlafphcmoit  à  bon  e  h  ict.  car  aux  prîcipaux  articles  il  leur  auoit  toujours  fcmblé 
qu  il  citoit  d'accord  au  ce  les  moines,  mais  quand  ce  vin  ta  la  puiffance  du  Papc,au>  ta- 
cre  mens,  à  la  mcl]c,au  purgatoire,  aux  bulles  6c  indulgences, il  en  parloit  auc<  grande 
véhémence.  Les  moines  commencerét  à  le  menacer  de  la  mort  &:  dufe  u  .  &  il  leur  rel- 
ponditainlî,  le  n'ay  pas  crainte  de  mourir  pour  la  querelle  de  mon  Seigneur:  car  i!  ne 
m'a  pas  dcfdaigné.me  fme  ic  penlcrav  que  ce  mefcragloirc,de  pouuoirfeellcr  par  me  n 
f  mg  celle  fainetc  dod  rine  de  celuy  qui  a  efpandu  fen  fang  pour  moy.  L  vous  dem  and  c 
Qu'aucz-vous  de  puillanct  flir  moyîque  pouucz-vous  fane  autre  chofc ,  que  bru  lier  ce- 
lte chair  mal-heureule&pecherelicîmaisi'ay  apprins  à  craindre  celuy  qui  a  puilîane  c 
d'cnuoycrfamcauec  le  corps  aux  tourmens  éternels  d'enfer.  Eti'cftimcray  que  ce  me 
fera  vne  grande  grâce,  d'eftre  bien-toit  dcliuré  par  mort  de  voftre  tyrannie,  de  vospol 
lutions  ,6c.  de  palier  ner  ex  impollu  au  payseelefte,  en  la  gloire  de  Dieu  £c  compagnie 
des  Anges.  Alors  les  moines  rirent  allumer  vn  feu  ,& bradèrent  deuant  luv  lesliures 
qu'il  auoit  apportez.  &  luy  voyant  que  ces  moines  bruflovcntle  nouucau  Teltamenc 
&:  autres  liurcsde  iaindte  doctrine, c'eitoit  pitié  de  ce  qu'il  leur  dii'oit.  A  la  fin  le  s  Ei\  - 
gnolsle  iugeans  eftrc  fol  ou  furieux,  le  menerét  en  vne  tour  à  iix  lieues  d'Anuers,  J.i  <  u 
ils  le  fourrere nt,&  le  tindrent  en  vne  folie  obfcurc  parl'efpact  de  huit  mois. Ci  pe  ndàc 
bcaut  oup  de  gens  de  qualité  le  venoyent  voir,  qui  l'exhortoyent  a  changer  d'opinion, 
èx  pai  1er  auec  plus  grande  modeitie.  11  leur  reipondic  qu'il  ne  penfoit  point  auoir  e  u  de 
mauuaiie  opinion  ,&:  qu'il  n'en  vouloir  à  ion  efeient  l'ouftenir  aucune.  A  la  fin  finale, 
quand  il  fcmbla  a  ces  Efpagnols  qu'il  auoir  recouurc  quelque  partie  de  la  pre  mierc  la- 
geirc:&  après  qu  il  cur  promis  de  fe  gouuerncr  en  toute  fa  vie  plus  modérément ,  ils  le 
huilèrent  aller  enuiron  le  temps  que  l'Empereur  tenoit la  iournee  à  Reinlbourg.Apres 
fa  deliuranec,  il  demeura  quelque  vingt  îours  à  Anuers,&de  là  s'en  vint  àLouuain, 

ou  il 


François  de  S ant -Romain.  ijj 

où  il  conféra  de  plufieurs  poincts  auec  certain  amy  nommé  François ,  dit  Driandcr,  na- 
tif de  lamcfmc  ville  dont  il  cftoit:  lequel  Juy  dit  qu'il  nctrouuoit  bon ,  que  fansfpccia* 
le  ordonnance  de  Dieu  il  vfurpaft  vnc  autre  vocation  trop  inconfiderémcnt.Scrcxhor- 
tade  feruir  à  Dieu  en  celle  vocation  à  laquelle  il  cltoit  appelé  ,  fauoir  c  (t  la  marchandi- 
fc:  cn  laquelle  il  pouuoitviure  honncftcment,& faire  plailïrà  beaucoup  degens  de 
bien.  Quant  a  la  doctrine,  illuy  con (eilla  de  ne  dire  ou  faire  choie  quelcôqucen  faueui 
d'homme  quel  qu'il  fuft,  dont  la  gloire  de  Dieu  fuit  diminuée,  mais  que  ce  iugcmCt  dc- 
uoit  venir  d'vne  pure,  droite  &  claire  cognoiilancc  de  lavolôte  de  Dieu  c"c  doctrine  ce- 
leltc,  laquelle  cil  contenue  en  la  fainâcEfcrirurc:'non  pas  tic  quelque  opinion  incer- 
taine, ou  de  quelques  affections  priiieesjlcfqucllesfouuentefoislbnt  contraire  s  à  In  vo- 
lonréde  Dicmauquelccn'cft  point  chofe  agréable  de  le  mettre  temeraircméten  dan- 
ger, &i  taire  tumulte  en  la  Republique.  Il  confcflaaeionc  tout  ce  que  ledit  amy  luy  di 
lbit,cltrc  vray  :  &  après  auoir  rcictté  la  faute  furies  moines ,  promit  de  fc  porter  d'ore- 
nauant  plus  modeftement,  fi  qu'il  n'y  auroit  rien  fur  luy  à  reprendre.  Ce  que  toutefois 
il  ne  tint  pas .  car  incontinent  qu'il  hit  forty  d  auec  ledit  Driander ,  ainfi  qu'ont  racon- 
te quelques  vns  qui  furent  toufiours  en  fa  compagnie,  &l'euenement  l'amollrc,  il  par- 
tit :  &C  s'en  allant  droit  à  Reinlbourg,où  lors  cftoit  l'Empereur  à  la  Dictercn  chemin  ne 
dcfcouuroit  ïamais  nen  à  fes  compagnons  de  fon  entreprile.  Arnué  qu'il  fut  en  la  vil- 
le, trouua  moyen  de  feprelenter  à  l'Empereur  :& luy  fit  vneharengue  hardie,  par  la- 
quelle il  rcmonftioit  que  la  vraye  Religion  cftoit  entre  les  Proteftans ,  &:  que  les  Efpa- 
gnols  eftoyent  détenus  en  vn  erreur  abominable  dimpicté:  que  l'office  de  l'E  mpereur 
eltoit  de  rcftablirôc  remettre  fus  le  vray  feruice  de  Dieu  en  toutes  les  terres  de  fon  o- 
bciliance  :  6c  beaucoup  d'autres  chofes  de  mcfme.  L'Empereur  fouit  patiemment ,  &c 
luv  rit  vnc  relponfe  allez  douce, afiauoir  qu'il  auoit  tout  celt  a/Faire  à  cœur,&  qu'ily  dô-  Dll:,r;iub  - 

i  i         a       •  •    r  •    r  i       /■  i     t,on  k,e  1  " 

neroit  bon  ordre.  Amli  concevoir  rrançois  fort  grande  cfperance,  après  auoirouy  la  Fmpcrcur. 
relponfe  de  l'Empereur.  Et  toutefois  voyant  beaucoup  d'exemples  dccruauté,lefquels 
le  hiioyenta  Rcmsbourg  par  les  Impériaux  contre  ceux  delà  vraye  Religion, l'on  efpe 
rancenedutoitguercs:  mais  il  ne  perdoit-il  pas  courage  pourtant,  ains  peffiftant  en 
fon  entreprile,  le  prefentaà  l'Empereur  pour  la  féconde  fois&  pour  la  troilieme,  par- 
lant toufiours  à  luy  en  toute  liberté:  &:  auoit  toufiours  aufïi  bonne  relponfe  de  l'Empe 
reur.  Finalement  comme  il  ne  cefiàft  point  de  iblicitcr ,  voulant  encore  pour  la  qua- 
trième fois  parler  à  l'Empereur ,  fut  cmpefché parles  Efpagnols ,  qui  le  firent  prendre 
&  foudain  mettre  en  prifon.  Ils  le  vouloyent  fans  autre  cognoiilancc  de  caulc  ,  ietter 
mcontinent  dans  le  Danube:  mais  l'Empereur  les  empefcha  ,&  commanda  qu'on  ne 
luy  tilt  point  de  tort ,  mais  que  l'on  procez  fuft  examiné  diligemment ,  &c  iugé  félon  les 
ioix de  l'Empire*  Ainfi  il  fut  mis  en  la  fin  en  vnc  balle  folle,  là  où  il  demeura  lié  6^  en 
chainé  mlqucs  a  ce  quel  Empereur  reuintd'Aphriquc.  Aduint  tomme  François  c- 
itoit  mené  auec  les  autres  prisonniers  lié  fur  vnc  charette ,  que  quelcun  de  ceux  qui  a- 
uoyent  cite  auec  luy  de  Lointain  a  Reinfbourg ,  l'auifant  en  tel  eltat ,  fut  fort  eimerueil- 
Je.  Lors  luv  demanda  que  vouloit  dire  cela:  que  celt  qu'il  y  auoit,  qu'il  cftoit  là  auec 
les  criminels.  A  Jonc  il  leua  les  bras  autant  qu'il  peut,  &  luy  monltrant  les  chaînes 
de  fer  defquelles  il  cftoit  lié, dit,  Voyez-vous  ces  liens  de  fer?  le  les  voy,dit  l'autre ,  Se  à 
mon  grand  regret.  Ct  s ,  liens,  ditSant-Romain  ,  cesfers ,  celte captiuitchonteufe ,  la-  Onfolatîo 
quelie  l'endure  pour  la  gloire  tic  mon  Seigneur  Iefus  Chrift ,  m'apporteront  en  la  pre-  aouak- 
fencede  Die  u  plus  grand  honneur  &  triomphe,  que  vous  ne  villes  iamais  pompe  ne 
magnificence  royale  en  la  cour  de  l'Empereur.  Voyez-vous  ce  corps  enuironne  de 
chaînes  de  fer,  en  vn  lieu  ord&  laie  ?  fi  clt-il  dés  à  prefent  en  la  gloire  du  Seigneur. Mon 
innocence  &:  l'cfperancc  de  l'heur  aduenir  me  relîouit  d'vne  îoye  qui  ne  fe  pourroit  ra- 
conter. Cependant ,  mon  frerc ,  combien  que  vous  voyez  ces  mains  &ù  ces  piez  liez 
&:  tout  ce  corps  fi  bien  attaché  à  ce  chariot,  qu'il  nefe  peut  remuer:  ne  penfez  pas 
pourtant  que  l'ciprit,  fur  lequel  l'Empereur  n'a  aucune  puifiàncc ,  ne  foit  libre  ,  &l  qu'- 
il ne  s'elleuc  fans  celle  iufqucs  au  domicile  de  Dieu,  pour  contempler  les  choies  celc- 
ltes:&:  que  là  il  ne  foit  fort  recréé  &  foulage  de  la  prelencedc  Dieu, &  de  la  douce  com- 
pagnie des  fainctes  aines.  t[ L'autre oyoït  toutes  ces  parollcs  citant  bien  cftonné:& 
degrande  abondance  de  larmes  ne  luy  peut  rcfpondre  autrement  que  par  pleurs  Se 
foufpirs,tant  il  cftoit  cmpefché  degrande  douleur:&:  quâd  encore  il  cuit  peu  parler ,  le 
poureprifonnicr  cltoit  mené  fi  roide ,  qu'il  n'euftpas  eu  le  loilîr  d'en  dire  dauantage. 

z. 


LiWo/7.  Fr  an  fois  de  S  an  Romain. 

Ainfi  fut-il  trame,  lie  dedans  vn  chariot,  par  tout  où  l'Empereur  marclioit  :  &:  mefrnes 
à  ce  que  difent  aucuns ,  iufqucs  en  Aphrique ,  tant  que  l'Empereur  après  ceftegrande 
perte, s'en  rcuint en  Elpagne.    ^Apr  e  s  que  François  fut  aufïi  traîne  en  Efpagne,il 
Sa:  Rom.  fut  incontinent  liurc  entre  les  mains  des  Inquifiteurs ,  qui  commcnccrent  aie  traiter 
in'-frï  V    beaucoup  plus  cruellement  qu'il  n'auoit  efte  des  foldats,  en  quelque  dâger de  terre  ou 
mus.       de  mer  qu'ils  fc  fuflent  trouuez.  Ils  le  fourrèrent  en  vn  trou  fous  terrc,fort  horrible:  &: 
luy  enuoyercnt  quelque  s  nu)incs,pour  le  tourmenter  ince/lamment,&:  le  diuertir  de  fa 
fov,ou  par  importuniré,ou  autrement  s'il  leur  eftoit  pofliblc.  Ils  le  mirent  en  ipeclacle 
quelque  fois  deuant  le  peuple,  &:  luy  firent  toutes  les  iniures  qu'ils  peurent.  Mais  pour 
toutes  ces  pcrfecutions,ccs  tourmens  &  autres  maux,tant  s'en  fallut  que  celte  vigueur 
d'cfprit  luy  fuft  efteinte ,  ou  qu'il  fuft  arïbibly  en  fa  foy  (  ce  qui  cft  chofe  ci'merueillable) 
qu'au  contraire  il  croillbitic  nefay  comment  en  confiance,  &:  fembloit  de  ioureniour 
plus  aident,  ainfi  nioit-il  vertueufement  &:  conftamment  tout  ce  que  cefte  vermine  de 
moines  luy  propofoit  pour  oracle  :  &  approuuoit  d'autre  part  ccquils  condamnoyenc 
La  dociri-  pour  hérétique.     ^  Le  fommaire  de  la  doctrine  laquelle  il  fouftint  iufques  au  dernier 
fcnoiVfri  foufpir,eft  qu'ifnioit  qu'aucune  créature  pan  ces  jppres  forces,  paries  bônesceuures,ou 
çms.        quelque  dignité  qui  fuit  en  elle,  meritaft  la  vie  éternelle,  ou  peuft  acquérir  falut,  ou  c- 
ftre  iuftinc  deuant  Dieu. Qu'il  falloit  que  tous  hommes  fuflent  fautiez  par  la  mifericor- 
Epiicï  i<r.  de  de  Dieu,  fans  aucun  aide  humain,  pour  l'amour  de  fon  Fils  mediatcur,qui  no9  a  net- 
toyez de  toute  tache  par  fon  fang,  a  appaifé  Tire  du  Pere  par  fon  facrifke  vnique&e- 
tcrnel,  &  a  par  ce  moyen  acquis  falut  à  tout  le  genre  humain.  Il  affermoit  la  doctrine 
delà  Mefle(quelcs  moines  tiennent,  difans  qu'elle  mérite  remiflîon  des  péchez  pour 
les  viuans  &:  pour  les  morts,  d'ceuurc  ouurec,  comme  ils  parlent  en  leur  lang  âge  )  cftre 
vne  horrible  abomination.    Que  la  dodrine  de  la  confeflion  auriculaire ,  du  dénom- 
brement des  péchez,  de  la  fatisfa&ion,du  Purgatoire,  des  indulgcnces,de  l'inuocation 
des  Sain£ts,&:  adoration  des  idoles,  eftvn  blafpheme  contre  Dieu  manifefte ,  &  vnç 
profanation  du  fang  de  Chrift.    ^Or  vovans  à  la  fin  ces  faintts  Inquifiteurs  qu'il  n'y  a- 
uoit  point  d'cfpcrance de  le  diuertir  de  fa  foy,ils  le  condamnerët  publiquement  à  cftrc 
N<  ;bjc1|c   brufle  tout  vifeomme hérétique  pertinax.  Pluficursquiafliftcrcnt  àcefte  condamna- 
cJjVtïaudcr  tion,ont  raconte  de  attefte  qu  aucc  luy  auoit  elle  produit  fur  l'efchafTaut  deuant  le  peu- 
pic  vn  grand  nombre  de  criminels, Marrancs,&  autres  blafphematcurs ,  defquels  ii  n'y 
en  eut  pas  vnfeul  condamne  que  luy.    Ils  menèrent  donc  ceftuy-cy  feul ,  que  tout  le 
monde  auoit  en  exécration,  dehors  la  ville  au  heu  du  fupplice,  &c  luy  mirent  fur  la  tefte 
vne  couronne  de  papier,  en  laquelle  eftoyent  peintes  quelques  figures  hideufes  de  dia 
bles,  pour  le  rendre  plus  exécrable  au  peuple.    En  chemin  il  aduint  vnechofe  quin'- 
eft  pas  à  oublier:  Hors  la  porte  de  la  ville  il  y  auoit  vne  croix  de  bois  eflcuec,vn  peu  par, 
delà  les  fauxbourgs.  Quand  ce  vint  à  cefte  croix, les  moines  voulurent  côtraindre  Fran 
çois  de  l'adorer  :  mais  il  rcfpondit  promptement  &z  ians  eftre  en  rien  troublé ,  que  les 
Chrcfticns  n'adoroyent  point  le  bois  .  que  quat  à  luy,  il  eftoit  Chreftien,&:  fentoit  que 
Dieu  luy  eftoit  prefent:&:  qu'il  ladoroit  en  toute  reucrence  en  ion  cœur.  Ainfi  il  exhor-, 
toit  les  Inquiiïteurs  de  paffer  outre,  &£  aller  droit  où  ils  le  vouloyent  mener.  Adonc  s- 
cfleua  contre  luy  vn  grand  cry  du-peuple  qui  le  fuyuoit,  luy  djfant  iniures  de  ce  qu'il  ne 
Sâa"rl     l'auo,c  voulu  adorer .  &:  tout  lbudain  leur  vint  en  fantafie  d'imaginer  certaine  diuiniré 
peuuent  d"  en  cefte  croix ,  pourec  qu'elle  n'auoit.pas  voulu  endurer  d'eftre  adorée  par  vn  hercti- 
vnc  (orre    qUC .    dcflors  comme  s'ils  euflent  veu  diuinement  quelque  iecret  miracle  en  elle ,  ils 
te  fetour  *  accoururent  tous  à  la  foullc  les  efpees  nues,  &:  la  découpèrent  toute  en  pièces:  &  s  efti- 
nët  ci  au-  moit  ecluy  bien-heureux  qui  pouuoitauoir  la  moindre  pièce  de  ce  fain£t  bois,  par  la 
vertu  duquel  ils  pouuoyct,à  leur  dirc,gucrir  toutes  fortes  de  maladies.  Quand  ce  vint 
au  lieu  duiupphcc,  les  moines  ne  cciferc nt  de  tourmenter  &c  foliciter  à  grande  impor- 
tunitc  ce  poure  homme  à  fe  defdire.mais  il  leur  refpôdit  auec  vne  force  d'efprit  incroy- 
able^ lesincitoit  à  faire  ce  qu'ils  auoyent  entreprins ,  fans  confu mer  ainfi  le  temps  Se 
leur  parolle  en  vain.    Il  fut  mis  au  milieu  d'vn  grand  tas  de  bois  qui  eftoit  là  appareil- 
lé pour  le  brufler:&:futlefcu  allumé,  mais  quand  il  commença  eielc  fentir ,  ioit  que 
ce  fuft  pour  deftourner  la  fumée ,  ou  pour  quelque  autre  occafion ,  il  leua  la  tefte  quel- 
que peu.    Les  ennemis  voyans  cela,  penferent  incontinent  qu'il  vouluft  donner  à  en- 
tendre par  ce  ligne ,  qu'il  fc  repentoit ,  &  qu'il  fe  vouloit  defdircde  ladoftrine  quil  a- 

uoiç 


%och,  </o  Tombants.  i  34. 

uoit  toufiours  maintenue,  ainfi  ils  firent  quelque  peu  retirer  le  bois  fi  habilement,  que 
le  feu  ne  luy  auoit  encore  comme  point  greué.  Cela  donques  ainlï  foudainement  fait, 
François  leur  dit,Quellc  malice  vous  meine  àprefcnt?eftes-vous  cnuicuxde  mon  gtâd 
bien  ?  me  voulez-vous  retirer  du  chemin  à  la  vraye  gloire?  Adonc  voyans  qu'ils  eftoyent 
fruftrez  de  leur  attente,ils  firent  remettre  le  feu, auquel  il  fut  toft  après  conlumc.  ^  Les 
Inquiliteurs  après  fa  mort  affermoyent  qu'il  eftoit  damné ,  &:  pourtant  il  n  eftoit  point 
licite  de  prier  pour  luy.  mcfmc  ils  tenoyent  celuy  pour  hcrctiquc,qui  olcroit  douter  de 
la  damnation.  Tous  les  moines  fuyuoyent  l'opinion  des  Inquiliteurs. La  railon  cft,qu- 
vntei  feroit  directement  contre  le  décret  de  1'cglifc,  qui  necefiaircmeiu  doit  tenir  &a~ 
uuu  lieu  au  ciel  comme  en  la  terre.  Au  contraire ,  il  fc  trouua  aucuns  des  art  Iici  s  de  la 
garde  de  l'Empereur,  qui  recueillirent  des  cendres  du  corps ,  comme  des  reliques  d'vn  Deuosiô  lu 
(âinâ  homme,  &:  les  garderët  foigneufement.  L 'ambassadeur  du  roy  d'Angleterre,  qui  Pcrftlt,eufc 
lors  eftoit  prefent ,  fit  cercher  quelque  mémorial  de  ceftuy-cy,  le  recognoiifant  pour 
vray  Martyr  de  Icfus  Chrift.  Mais  tout  cela  ne  fc  peut  faire  fi  fecretement ,  que  le  bruit 
n'en  vint  à  l'Inquifition,  &  iulques  aux  oreilles  de  l'Empereur .  parle  commandement 
duquel  (  gneuement  offenfe  de  telle  choie  )  les  archers  fure  nt  mis  en  prifon  ,  &:  fallut 
que  l'ambalTadcur  s'abfentaft  de  la  Cour  pour  quelque  temps.  Ce  que  delîus  a  cfté  ti- 
ent par  celuy  qui  dit  luy-melme  auoir  veu  cefte  exécution .  L  c  fu  rplus  a  efte  attelle  par 
gens  (qui  aufli  l'auoyent  veu)dignes  que  foy  leur  foit  adiouftee. 


ROCH,  de  Brxbxnt^executé en  Ejpugne. 

D  E  ceft  exemple  nous  pouuons  eftimer  en  quel  danger  viuent  en  Ffpagne  ceux  <jui  ont  cognoiflance  de  la  vraye  Religion. 
L'jdol-itrie  y  eft  tellement  enracineciju'i  Feu  &  à  lang  &  par  toute  manière  d'outrage,  elle  y  cft  maintenue. 

f  S "F^^S  ^  V  Rmonftrer  l'horreur  de  l'Inquifition  d'Efpagne,  nous  auons  vnexcm-  m.d  xlv 

.  ^'j^ple  autant  mémorable  que  peu  en  foit  aduenu,  en  la  perfonne  d'vn  nommé 
|\|  >  ^.,^Roch,  natif  du  pays  de  Brabant ,  imager  excellent  en  Ion  art ,  &:  d'honnefte 
>*J^Èâv'c  conuerfation.  Iceluy  demeurait  en  vue  ville  d'Efpagne  qu'on  appelle 
Sant-lucar,  qui  n'eft  pas  loin  de  Seuillc,&  ce  l'an  m.d.xlv.  Le  Seigneur  le  touchant 
de  quelque  fentiment  de  cognoilfancc  de  vraye  religion ,  fon  mcfticr  luy  comméça  à 
dcfplairc,&  fe  déporta  de  faire  images  pour  expofer  en  idolâtrie  &  fuperftition,&:  n'en 
fail'oit  plus  que  quelques  vnes  à  plaifir,  où  on  pouuoit  voir  quelque  fingularité  de  fon 
art.  Or  auoit-il  de  long  temps  taillé  en  bois  vne  image  de  la  vierge  marie ,  de  grand  ar- 
tifice:*^ la  tenoit  en  fa  boutique  comme  pour  monllrcd'imagcr.  Vn  des  Inquiliteurs 
palfant  quelque  jour  deuant  la  boutique,  luy  demanda  combien  il  lafaifoit.  L'imager 
luy  dit  le  prix,  l  lnquifitcur  n'en  offrit  point  la  moitié.  Rochdit  que  s'il  labailloitpour 
le  prix,apres  y  auoir  mis  tant  de  temps  &  de  peine ,  il  n'y  gagneroit  pas  de  l'eau  à  boire. 
L'Inquifiteur  dit  qu'il  n'en  bailleroitpas  d'auantage,&:  qu'il  ladeuroit  auoir  pour  ce 
prix-la.  Vous  l'aurcz,dit  l'imager,  fi  vous  en  donnez  ce  qui  eft  railonnable:  mais  autre- 
ment ie  la  romproye  pluftoft,que  la  vous  bailler  pour  le  prix  que  vous  dites.  Rompez- 
la  pour  voir,ditrinquifiteur.  Alors  Roch  printvn  defesvtils,  le  premier  qu'il  trouua, 
èc  le  ietta  contre  fon  ouuragc ,  de  lotte  qu'il  luy  rompit  vn  peu  du  pourtrait  du  vilage. 
Toutfoudainil  fut  mené  en  prifon,  comme  s'il  euft  commis  quelque  grand  crime. 
Qiioy  ?  difoit-il,  n'eft-il  pas  en  ma  puiffance  de  faire  &c  refaire  mon  ouurage  à  mon  plai- 
fir ?  elle  ne  me  plaifoit  pas  ainfi.  Mais  tout  ce  qu'il  allégua  n'eut  point  de  lieu. car  on  ne 
le  voulut  pas  ouyr.  Trois  iours  après  il  fut  menéaufupplice  poureftre  brulle  comme 
hérétique:  &ch  caufe  eftoit  en  la  bouche  du  populaire,  pource  qu'il  auoit  bielle  la 
vierge  Marie. 

C  o  m  m  e  il  fuft  preft  d'entrer  dedans  le  feu,  il  demanda  à  haute  voix  s'il  y  auoit  point 
là  aucun  du  pays  de  Flandre.  Quelques  vns  qui  eftoyétprefcnsrclpondirentqu'ouy,&: 
qu'il  y  auoit  au  port  deux  nauires  qui  n'attendoyent  que  le  vent  pour  s'en  aller  en  Flan- 
dre .  àc  pourtant  s'il  y  vouloi  t  mander  quelque  choie ,  qu'il  le  dift  franchement ,  &  ils 
feroyenr  fidèlement  tout  ce  qu'il  leur  diroit.  Laslrien  autre  chofe,dit-il,linon  que  vous 
annonciez  à  mon  pere,  qui  demeure  à  Anuers,  quei'ay  efté  bruflé  en  cefte  ville,  non 

z.ii. 


Brully. 


pour  autre  caufe  que  pour  ce  que  vous  aucz  ouy.  Ainli  fut  brullé  ce  bon  perfonnage.Et 
afin  que  ccftehiftoircnc  l'oit  reuoquce  en  doutc,ily  eut  depuis  vu  homme  digne  de  loy 
qui  cercha  diligemment  à  Anucrs  (  à  caufe  que  la  choie  fembloit  trop  eftrauge  )  ii  on 
pourroit^trouuer  quelque  certitude  de  cette  hiltoirc  ,  &C  h  les  maiftres  de  ce  millier  la 
en  auoyent  ouy  quelque  choie.  On  trouua  à  la  fin  des  parens  de  Roch,  qui auovent  de- 
meure auccluy  en  Eipagnc&  en  Anucrs, lelqucls  alîeurerent  la  choie  en  la  forte  côme 
elle  eft  ici  racôtee.mcfme  fut  dit  q  le  pere  de  Roch  en  cftoit  mort  de  trifteife  &c  regret. 


M.     PIERRE     B  R  V  L  L  Y,  Lorrain. 


M  D.XLV 


Buc.et  bail- 
U  t«  hno'i- 


Bjully. 


Retour  de 
Brully  dé- 
celé. 


S'  1  L  cftoit  queftion  «le  faire  allufiontles  nomsde*  perfonne^il  eft  certain  que  le  nom  &  furnom  «le  Pierre  Brnliv  ont  quelque 
conuenance  auecl'hiftoire  dcl'ifluehcureitfequcDieii  luy  a  donnée.  Vnc  pierre  l'arrefta  tout  court,  voulant  eichapj  et 
&  hurle  danger  de  mort ,  qui  fut  d'eftre  br»flc vif  en  Tournay,  pour  feeller  la  dottrme  de  vente  q'fil  y  auoit  prefehec. 

\®TS?9S  ^  Sénat  de  Strafbourg  ayat  ouucrt  vn  temple  des  l'an  m.d.xxxviii  ,aux 
m  +êizÊ0L  ?oincs  h^cles  de  la  langue  Françoile,  fugitifs  à  caufe  de  lavraye  religion, 
Jj|^^  pludeursdu  pays  bas  de  rEmpercur  &C  de  Lorraine  s'y  retirèrent.  M.lean 
j^JjK  Caluin  eut  la  charge  d'y  prefeher  du  commencement  :  puis  M.  Pierre  Brul- 
ly, duquel  nous  auons  à  traiter  l'hiftoire,  luy  fucceda.  Et  comme  atnii  foit  qu'en  Tcur- 
nav,  ville  entre  les  principales  dudit  pays  bas,  la  vérité  de  TEuagilc  ayant  cite  délia  an- 
nonceepar  ccux-lamcl'me  dont  nous  auons  cy  dclTùs  deferit  le  martyre, le  nombre  des 
croyans  s  y  multiplia  en  telle  forte,  que  l'appétit  des  viandes  de  falut  croiffoit  de  jour 
en  iour  auec  la  multitude.  Les  fidèles  donc,  poureftre  de  tant  mieux  rallafiez ,  enuoy- 
erent  vers  ceux  de  Strafbourg  l'an  m.d.xlmi  i,  gens  exprès  pour  demander  vn  Mini- 
ftre,  non  fculemét  pour  h:  prédication  plus  lolidede  la  parolle  de  Dieu,mais  aulîi  pour 
adminiftrer  les  Sacrcmens,&  leur  donner  forme  &  commencement  d  eghfc  pour  1  ad  - 
iienir.  Brully,fans  faite  plus  long  récit  d'autres  circonftanccs,  fut  ellcu  pour  exécuter 
celte  charge  ,  laquelle  il  accepta  de  eccur  alaigre:&  M. Mai  tin  Bucer  lors  principal  Pa- 
ftcur  de  Straibourg,  luy  c  n  donna  tcfmoignage  el'crit  de  fa  propre  main.  *  Brully  fut 
receu  au  mois  de  Septembre  en  grande  ioye&  rcuerencc:&:  ayant enfeigné  en  particu- 
lier quelque  temps  ceux  de  Tournay ,  il  s'en  alla  viliter  ceux  de  Lille,  Valenciennes, 
Douay&  Arrasxombkn  qu  es  deux  dernières  villes,  le  nombre  y  fuft  bié  petit  &:  clair 
femé.  ^  De  ce  voyage  Se  fainere  vilîtation  ,  Brully  fut  de  retour  fur  la  fin  d'Octobre, 
ayant  prins  congé  de  tous  ceux  pour  lelquc  ls  il  cftoit  venu  .&  s  cftoit  charge' de  leurs 
milliucs&efcrits ,  pour  porter  a  Strafbourg.  Au  partir  de  Lille,  il  print  le  chemin  de 
Tournay,nôobftantraduis  que  luy  auoyët  donc  les  amis,  &  la  promette  qu'il  leur  auoit 
faite  de  tirer  droicl  à  Anucrs. La  multitude  des  auditeurs  de  la  parolle  de  Dieu  croiffoit 
tellemét  en  ladite  ville  de  Tournay,  qucprefties  elpions«5«:  dciguikzn  cftoyét  cognes 
ne  dikernez  en  t'aiVcmbkc.  Le Minillre  ordinairequi  les  prefchoit,ayant efte aduerty 
du  iour  que  M".Picrre  Brully  dcuoitcilrcde  retour  en  laville,adiouftaala  pnerc  ordi- 
naire d'vne  de  les  prédications,  qu'il  pleuft  au  Seigneur  donncrfauf&:  propice  ledit  re- 
tour à  fon  feruiteur  leur  bon  Paltt  ur,entcndant  de  M.Picrrc  Brully.  Vn  preftre  cfpion 
qui  cftoit  en  la  troupe ,  ne  faillit  incontinent  d'en  aduertir  les  Chanoines  du  téple  Ca- 
thédrales maiftres  :  à  la  pourfuitte  &£  inftance  defqttcls ,  le  lendemain  que  Brully  fut 
ardue',  les  Magiftrats  de  la  v  ille  firent  tenir  les  portes  fermées  enuiron  trois  iours, telle- 
ment que  nul  nepouuoitiortir  fansauoir  de  la  maifonde  la  ville  vn  petit  lignet  de  cire 
furlepoulx.  Ce  pendant  le  Prefcheur  d'Alemagne(ainii  eftoit  appelé  vulgairement  M. 
Pierre  Brullyjfutcerchc  de  toutes  parts, &àcris  publiques  auec  prix  propole  à  ce- 
luy  ou  ceux  qui  le  liure  rovent  vil  ou  mort.  La  fureur  de  ce  tumulte  cftoit  li  alpre,  &:  le 
pourc  troupeau  li  cfpouanté  &  efpars,que  Brully  ne  potiuoit  eftrc  longuemet  cache  en 
vn  lieu,  fans  eftre  remis  en  l'autre  en  habit  defguifc,  la  barbe  luy  avant  efté  coupcc.Plu- 
lie  tirs  moyens  furent  acttiik  z  pour  le  faire  iortir.  mais  Brully  de  grade  appre  heniion  de 
crainte  qu'il  auoit,  ne  s 'accordai  aucun  d'tccux,  finô  d'eftre  deuallé  de  nui«fl  par  la  mu- 
raille de  la  ville.  Le  Seigneur  par  ce  moyen-la  mamfeftemcnt  voulut  déclarer  qu'il  a- 
uoit  choili  ce  perfonnage  non  feulement  pour  enfeigner  fa  dodrine,mais  aufli  pour  tc- 
ftificr&fecller  la  vérité  d'iccllc  par  vne  mort  autant  mémorable  que  de  long  temps  on 
ait  veu  audit  pays.    Le  lendemain  de  la  Touftaincts,fefte  folennclle  en  la  Papauté,af- 

lauoir 


tree  oc 
nlon . 


fauoir  le  fécond  de  Nouembrc,les  amis  le  defcendirent  denui&à  vne corde  parla  mu-  Brully  jc: 
raille,  au  lieu  le  plus  fecret  qu'on  peut  choifîr.  Et  comme  il  eftoit  défia  au  tond  du  fofle,  jif11*'" fof 
Tvn  de  ceux  qui  l'aiioycnt  defeendu  fe  bailla  lur  la  muraille,pour  à  demie  voix  prendre 
com;é  de  luy.mais  comme  il  eftoic  ainii  appuyé ,  il  y  eue  vne  pierre  mal  cimentée  6c  ef- 
branlee  du  cordage,  laquelle  en  tombant  rompit  la  cuiifcdc  Brully,qui  n  eftoic  encore 
dcfueloppé  de  la  corde  de  fa  deicentc.de  force  qu'eftanc  arrelté  tout  court  pour  la  dou- 
lcurdu  coupôc  pourlagrandefroidurc  qu'il cnduroit,  commençaà  icttercris  &c  fouf- 
pirs ,  inuoquant  le  Seigneur  à  fon  aide,  à  ce  qui' 1  luy  fuit  propice  en  cefte  extrémité  de 
miierc.Ces  lamentations  furent  ouyesparceux  quifaifoyenc  Je  guet,lelquels  lé  doutas 
du  faitt  accoururent  à  Imitant ,  &:  après  auoir  aduerty  le  gouucrncur  du  chafteau ,  par 
vne  poltcrne  qu'on  fit  ouunr,  Brully  fut  porté  en  la  pnlbn  audit  chafte  au  :  où  eftant  ar- 
nué,  il  inuoqua  le  Seigneur,  &:  dit,Ô  Dieu  tu  es  iufte  :  tu  m'as  arrefte  fuyant  lafflidion  P'icrc  i  I*. 
de  ton  poure  troupeau. Forrifie-moy  en  cefte  foiblcffe  de  cœur  &:  de  corps,arin  que  ton  ^  *r~" 
faincl  nomfoit  glorifié,&:  ta  doctrine  ratifiée.    CEftant  en  celte  pnion  plufieurs  le  ve- 
noyent  voir,lcs  vns  par  cutiolité,  les  autres  pour  luy  rcfifter,quelques  vns  pour  cilre  in- 
ftruits  en  la  doctrine  de  l'Euangile:  aufquels  il  fatisfaifoit  auec  grâce  &  contentement. 
Les  deux  Euefqucs,  ou  pluftolt  deux  monftres  contrefaits  de  la  mailbn  de  Crouy ,  alfa- 
uoir  celuy  de  Cambray  &C  l'autre  de  Tournay ,  vn  iour  accompagnez  de  grande  fuitte, 
voulurent  voir  ce  prefeheur  d'Alemagnc ,  pour  en  auoir  leur  paiïé-temps  après  dither. 
Brully  fut  aduerty  par  le  Geôlier,  que  ces  deux  Euefqucs  le  viendroyent  voir,  &  que 
partant  il  euft  à  fe  porter  reucremment  enuers  eux.  Ces  Euefqucs,apres  que  Brully  fut 
deuant,  l'interroguerent  de  plulicurs  chofes,defquelles  ils  curent  plus  prompte  refpon 
fe  qu'ils  n'euflent  attendu  .  car  ilscuidoyentluyefblouir  les  yeux  de  leur  apparence  &C 
mafquc,ou  l'intimider  d'autant  qu'il  eftoit  en  leur  puitlànce.  Mais  Brully  donna  allez  à 
cognoillre  que  lefprit  eftoit  libre,  combien  que  le  corps  fuft  attaché,voire  &:  en  grade 
affliction  ,à  raifon  de  la  fracture  de  la  iambe.  Ces  vénérables  luy  dirent,  Di-nous,  mile- 
rablc,qui  t'a  meu  de  venir  ici  de  fi  loin,te  tourmcntcr?Brully  refpôdit,  Si  vous  faiiîez  le 
deuoir  d'Euefque,  comme  vous  en  portez  le  titre,  ne  moy  ne  mes  femblables  n'aurions 
voircment  que  faire  d'eftre  cerchez  de  li  loin.  Mefehant ,  dit  celuy  de  Cambray ,  on  te 
fera  bien-toft  autrement  parlcr,&:  rendre  conte  de  ton  fait.  Brully  dit,Helas,Euelqucs, 
qui  le  penfez  eftre,vou s  rendrez  vn  iour  vn  piteux  conte  deuantle  Seigneur  que  ie  fers. 
Celle  parolle  picqua  de  celle  force  ces  reuerens,quc  leur  colère  ,  qui  ia  eftoit  efprife  de 
fumee,  fut  incontinent  enflammee:tellt  ment  qu'à  voir  la  furieufe  contenance  de  ce- 
luy deCambray,on  euft  dit  qu'à  l'heure  il  deuft  tuer  Brully de  fait,il  euft  efté  cruelle-  Brully  en 
ment  outrage ,  li  le  lieur  d'Ognicgouucrneur  du  chaftcau,n'cuft  retenu  ledit  de  Cam-  j^^* 
brayacmonltrant  que  celuy  qui  l'auoit  offenfé,  eftoit  entre  les  mains  de  iuftiœ ,  &C  que 
1  Empcreur(qui  lors  eftoit  à  Bruxellesjauoit  ia  efté  aduerti  de  ib  ta  ici.  Toute  cefte  trou- 
pe infenlee  fe  retira  incontinent  de  la  prifon  ,ayat  humé  vn  odeur  de  mort  des  faincles 
remonllrances  que  leur  auoit  fait  Brully  à  leurs  demandes  &:  inftance.     ^  Cependant 
on  cerchoit  de  toutes  parcs  de  la  ville  les  auditeurs  de  ce  prefeheur  d'Alemagne,  tant  E«p«fône 
hommes  que  femmes, pour  les  empril'onner,  dcfquels  plufieurs  moururent  conftans  a-  X"iCs  dV* 
liant  qu'on  euft  mis  fin  au  procez  de  Brully,  comme  nous  dirons  cy  après.  Et  d'autant  Toumjy. 
qu'vnc  grande  partie  de  ceux  de  lajuftice  de  Tournay  portoit  aucunement  faucur  à 
ceux  de  l'Euangile,&:  que  partant  cftoyent  fufpeds  aux  Preftres&:  Chanoines ,  la  Cour 
de  Bruxelles  cnuoyavn  Legiftc  Bruxellois, M. Charles  DilîenacàTournay,commiflài-  ^  fol  ni* 
re  en  cefte  partie,pour  faire  le  procez  de  tous  ceux  qui  eftoyét  em prifon nez,8£  de  leurs 
complices  atteints  ou  conuaincus  d'eftre  Luthériens ,  pour  contre  iceux  exécuter  l'or- 
donnance &c  mandement  de  l'Empereur.    Brully  les  confola  par  lettres,  &c  encoura- 
gea à  conftanec  6c  fermeté  :  &  comme  on  luy  faifoit  fon  procez  en  prifon ,  les  moines 
Théologiens  l'interroguerent  en  prefence  du  Magiftrat,fur  plufieurs  poincls  de  la  reli- 
gion,^ fur  tout  de  la  MclTe,de  la  conlècratiô,de  l'adoratiô,de  lhoftie  &:  du  Purgatoire, 
dont  ledit  Brully  efcriuit  à  fa  femme  fous  le  nom  de  fœur,&:  autres  amis  ce  que  s'enfuit: 

Iefus  Chrift  crucifié  vous  foit  pour  (àluc 

A  trefeherc  feeur  en  Iefus  Chrift,  i'ay  veu  voftre  eferit  quem'auez  enuoyé  par 
[Marguerite,  lequel  m'a  grandement  touché  le  cœur,  d'autant  que  vous&tous 
les  frercs  ,  comme  i'ay apperceu ,  auez  foin&:  folicitude  de  moy.    Et  quant  eft  de 

z.iii. 


Liurc^  IL  Tierrc^  TSwlly. 

m'cfiouir  en  mes  liens,  vous  pourrez  voir  fi  ie  fuis  trifte  ou  ioyeux ,  par  vn  eferit  que  i  ay 
fait  ces  îourspalîcz  à  mes  frères  prisonniers  auec  moy  pour  laparolle  delefus  Chrift. 
Vous  cognoiftrez,di-ie,  en  ceft  eferit  ce  que  i'ay  fenty  en  moy,au/iî  ce  que  i'ay  perluadë 
aux  autres .  &c  comment  ic  ne  demande  rien  d  eux ,  que  moy-mefme  ne  le  vucillc  auoir 
en  moy  :  ceft  (comme  Dieu  fait)  que  noftre  Seigneur  me  maintienne  en  fa  garde,  &c  en 
la  vraye  conéeflïon  de  fa  venté.  Il  eft  vray  que  mô  ennemy  domeftique  m'afflige  beau- 
coup:neantmoins  li  fera-il  matté  par  la  vertu  du  S.Efprit.  Car  Icfus  Chrift,en  qui  i'efpe- 
re.me  fera  plus  de  bien  que  ie  ne  puis  conceuoir.  Pour  fon  honneur  ie  m'abandôneray 
toujours  foit  au  feu,  ou  à  l'eau ,  ou  à  autre  tourment  que  les  aduerfaires  pourront  for- 
ger, tel  toutefois  qu'ils  plaira  à  Dieu. 

v  refte  vous  requérez  que  ie  vous  aduertifle  des  interrogatoires  quon  m'a  fait: 
des  refponfes  aufli  données  par  moy ,  tant  à  Meilleurs  qu'aux  Docteurs.  Sachez  que  la 
chofeleroit  fort  longue,  lifauoyc  a  vous  eferirede  tous  les  interrogatoires  qui  m'ont 
elle  faits ,  &:  cnfemble  des  refponfes  que  ie  leur  ay  données  :  il  me  feroit  mal  poflïblc  le 
tout  vous  mander.  le  croy  que  vous  ne  demandez  point  cela  :  mais /eulemcnt  (  ce  me 
femblc)  les  demandes  &:  refponfes  touchant  lafoy  &:  la  doctrine  Chrefticnne.  De  ceci 
ie  vous  refpontPremiereméc  m'interrogua  le  docteur  Hafard,qui  eft:  de  la  fe&c  des  Cor 
Hafard,     deliers,  le  z6  iour  de  Nouembre,en  la  prefence  du  gouuerneur  du  chafteau,  du  Licute- 
Cordcli*.  nantjespreuofts&;iurezdcceftecitédeTournay,&:de  laiuftice  de  l'Empereur.  I! 
m'a  donc  interrogué  en  premier  lieu  que  ie  fentoye  du  fainct  Sacrcmét  de  l'autel,  &:  de 
laMefle.  Auquel  i'ay  refpondu  que  ie  croyoye  le  Sacrement  de  la  lacree  Cene  dele- 
fus Chrift  :  que  les  fidèles  qui  rëçoyuent  le  pain  &c  le  vin  du  Miniftre ,  rcçoyuent  rcale- 
ment  le  corps  &:  le  fang  du  Seigneur  Iefus  Chrift:  non  point  en  leur  ventre  ou  bouche, 
mais  en  leurs  ames& efprits,  leur  faifant  ce  bien l'Efprit  de  Iefus,par  le  moyen  delà  foy 
Mat.  i<r.    laquelle  on  a  aux  promeftes  qui  font  là  récitées:  dont  la  première  eft,  Ceci  eft  m  ô  corps 
Luc  1*1     qui  eft  liuré  pour  vous  .l'autre,  Ceci  eft  mon  fang  du  Nouucau  Teftamcnt,  qui  cftef- 
zo.    '     pandu  pour  la  remiffion  des  péchez.  Il  m'a  interrogué  fiien'admettoye  point  la  tranl- 
i.Cor.it.    fubftantiation.  I'ay  refpôdu  que  non: mais  que  le  pain  demeuroit  pain,&  le  vin  demeu- 
Maïitf.i,.  roitvin.  Etqu'ainfi  le  nommoit  le  S.Efprit  en  rEfcriture:aiTauoir  pain  &  yin,mefmea- 
i.Cor.io.ie;.  prcs  faction  de  laCcne:&:ainh,  queie  n'auoyc  point  peur  d'errer,  quand  ie  pailoye 
f  Comm  '  comme  l'Ecriture  faincte.    Il  m'a  pu*«  demandé  li  ie  ne  croyoye  point,apres  les  parol- 
Mit.i6.i6.  les  facramentales  dites  d'vnPreftre,  que  là  fuft  en  l'autel  le  vray  corps  &fangde  Iefus 
Chrift.  I'ay  refpondu  que  ie  ne  reccuoye  autre  confecration  que  celle  quife  fait  par  le 
Miniftre  quand  on  celcbrc  la  Ccne ,  quand  le  Miniftre  recite  au  peuple ,  qui  là  eft  pre^ 
fent,  en  langage  entendu  du  peuple,l'inftirution  de  la  Cene  de  Iefus  Chrift ,  enlèmblc 
l'admoneftant  delà  mort&:  paffiondu  Seigneur .  &  que  telle  eft  la  confecration  qui  fc 
fait  en  la  Cene  .&:  de  parler  au  pain  Se  au  vin  en  fecret ,  que  ce  n'eft  confecration ,  mais 
vne  manière  défaire  qui  pluftoft  appartient  aux  enchanteurs  ,  forciers& magiciens, 
qu'aux  Chieftiens.  Car  (comme  il  appert)  Chrift  en  faifant  fa  Cene ,  adrefle  fes  parol- 
les  aux  Apoftresqui  font  en  fa  prefence  ,&:  non  pas  au  vin  ny  au  pain.  Il  m'a  lors  de-^ 
mandé  queic  fentoy£  delaMeffe.  I'ay  refpondu  que  la  Me/Te,  comme  elle  fe  dit  au- 
iourdhuycn  l'eglife  Romaine .  n'eft  point  la  Cene  de  Iefus  Chrift,  mais  vne  corru- 
ption d  icellc ,  au  grand  outrage  de  Iefus  Chrift ,  &:  aneantuTement  de  fa  mort  &:  paf- 
fion.    Touchant  l'adoration  qui  s'y  fait ,  ie  leur  ay  concédé  qu'ils  adoroyent  le  pain  àC 
la  créature.  Quand  ils  ont  dit ,  Nous  fommes  donc  tous  idolatres,ie  leur  ay  dit ,  Voyez 
donc  en  quel  mal  ils  vous  meinent ,  quand  vous  retirans  delà  parolie  de  Dieu ,  ils  vous 
font  fuyure  les  fonges&  les  doctrines  des  hommes.  Il  y  a  eu  encores  pluficurs  parolles 
qui  ont  efté  dites  de  la  mefme  matière,  mais  en  voila  le  principal.     Apres  i'ay  efté 
*^urgJtoirc-  interrogué  du  Purgatoire,  fi  ie  ne  croyoye  point  qu'il  y  euft  vnlieu  auquel  les  ames 
9.14.  '     defcendentdecefte  vie,  pour  là  endurer  la  peiné  dcué  à  leurs  péchez.  I'ay  dit  que  ie 
i.pier.i.  19.  ne  croyoye  point  d'autre  Purgatoire ,  Se  n'en  cerche  autre  que  le  fang  de  Iefus  Chrift. 
Ap"".^    Lors  il  ma  demandé  fi  ie  croyoye  que  la  peine  &lacoulpe  du  péché  fuft  remifetout 
Rom. 8.1.   cnfemble.  I'ay  refpondu  qu'ouy,  &  que  Dieu  ne  fait  point  grâce  àdemy:mais  s'il  par. 
donne  quelque  chofe  >  qu'il  pardône  tout ,  &c  peine  &  coulpe.  Sur  quoy  ay  efté  interro- 
gué qu'il  me  fembloit  de  tant  de  belles  MciTes,priercs ,  &:  autres  bien-fai&s  qui  fe  font 
iournellemét  pour  les  trefpaflcz.  I'ay  dit  que  c'eftoyét  feruices  dreiTez  en  l'Eglife  fans  la 

paroi- 


Tierrc-j'Bmlly.  f^ 

parolledeDieu,à  caufcdequoy  ils  eftoyent  vains  &:  inutiles:  m  efme  d'autant  qu'ils  cfto- 
yent  faits  fans  foy,que  c'eftoycm  pechez.    Car  il  efteferit  au  quatorzième  des  Rom, 
Tout  ce  qui  n'eft  de  foy,cft  péché  .    Quand  ils  m'ont  dit,  Tous  les  Saincts  donc  qui 
ont  elle  ci  dcuant,&ontfait  les  mefmes  chofes  que  nous  faifons  pour  les  trefpaflèz,ont 
erré  îc  leur  ay  refpondu  que  tout  tels  Sain&s  du  temps  pa/fé  ,  lesquels  ont  fait  les  mef- 
mes  chofes, ont  tous  eftéenueloppez  d'ignorance  &  péché:  dont  il  ne  fe  faut  eibahir  s'- 
ils ont  fuiui  les  couftumes  receuès  défia  de  leur  temps.    En  telles  chofes  1e  ne  les  veux 
exeufer  de  péché .    Touchant  la  vénération  des  Sain&s ,  ils  m'ont  demandé  que  l'en 
fentoye.    I'ay  refpondu  que  nous  ne  faurions  les  mieux  honnorer,  qu'en  e  nfumant  la 
foy  qui  a  efté  en  eux  :  a:nfî  de  la  charité^humilité,  patience,  &:  toutes  autres  vertus  par 
lelquellcs  ils  ont  enfuiui  Iefus  Chrift,  Car  ils  nous  doiuent  tant  feulement  ertre  propo- 
fez  en  ce  qu'ils  enfuiuent  Iefus  Chrin%comme  dit  l'Apoftre  au  quatrième  de  la  premiè- 
re aux  Corinthiens,Soyez  mes  imitateurs,  comme  ie  le  fuis  de  Chrift .    Touchant  de 
faire  des  feftes  aux  Sain&s  „  de  iufner  les  vigiles  d'icelles ,  de  leur  faire  des  images, allu- 
mer chandelles  deuant  icelles,cela  n'eft  point  honnorer  les  Saincts, mais  d'iccux  en  fai- 
re des  idoles,&  grandement  les  deshonnorer .    Quainû*  foit,  cux-mefmes  ont  detefté 
toutes  telles  chofes  en  leur  viuant.    Quant  au  poinft  de  prier  àc  inuoquer  les  Sain&s, 
qu'ils  foyent  nos  intercefTeurs  enuers  Dieu:ils  m'ont  demandé  qu'il  m'en  fem'c  loit .  I'- 
ay refpondu  que  telle  doctrine  n'eftoit  de  Dieu ,  mais  pluftoftvn  blafphemeintoleia- 
ble.Car  on  leur  attribue  ce  qui  appartient  feulement  à  Dieu:  affauoir  de  cognoiftre  les  pfe.7.1». 
chofes  abfentcs,ce  que  toutefois  ils  donnent  aux  Sain&s  morts,quand  ils  croyent  qu'i-  Aflj  14- 
ceux  les  oyent  quand  ils  les  requierent,comme s'ils  cognoi/royent  leurs  neceiîitcz  .  Et  t  il^^2 
auflî  cefte  do&rine  tend  au  deshonneur  de  Iefus  Chrift,  d'autant  que  luy  fcul  nous  eft  Rom.834. 
eftabli  de  Dieu  fon  Pere,Mediateur  &:  Aduocat,  voire  auflî  Interceifeur,  G  nous  parles 
des  morts.  le  di  ceci,d'autant  que  nous  pouuons  prier  les  vns  pour  les  autres  durant  ce- 
lle vie  mortelle  .    La  queftion  du  libéral  arbitre  n'a  cfté  oubliée  :  &:  ay  efté  interrogué  Francar. 
bien  diligemment  que  i'en  fentoye  .    I'ay  refpondu, que  pour  parler  dignement  du  li-  bure, 
beral  arbitre,il  faloit  conuderer  l'homme  diuerfcment  &:  lèlon  diuers  eftats .  Prem ie- 
rement,ie  croy  que  le  premier  homme  citant  créé  à  la  femblance  &  à  l'image  de  Dieu, 
a  eu  liberté  de  volonté  tant  à  bien  comme  à  mal  :  àc  luy  feul  a  feu  propreme  nt  que  c'e- 
ftoit  du  libéral  arbitre  en  fon  entier.    Mais  le  mal  heureux  n'a  gueres  gardé  et  don  de 
Dieu: ains  en  a  efté  priué  par  Ion  peché:&  non  feulement  luy,mais  tous  ceux  qui  defe  é- 
dent  de  luy  naturellement:  en  telle  forte  qu'ils  n'ont  aucun  pouuoiràfaire  choie  bon- 
ne deuant  Dieu  de  leur  nature,ainçois  trouuet  en  eux  toutes  chofes  mauuaifes.  Main- 
tenant, pour  dire  la  vérité,  il  n'y  a  nul  des  fils  d'Adam  qui  ait  en  foy  vne  cftincellcde 
bicmpource  nul  ne  peut  auoir  libéral  arbicre  .    Tous  les  hommes  courent  naturelle- 
ment après  le  mah&pource  dit  l'Apoftre ,  L'homme  fenfuel  n'entend  les  ahofes  qui  lCnr 
font  de  Dicu:mcfme  elles  luy  font  follie.    Ofcedit,0  Ifrael,ta  perdition  eft  de  toy.L'-  o  c  n  9' 
Apoftre  en  vn  autre  lieu,Laprudence  de  la  e  haïr  eft  ennemie  de  Dieu.    Voila  des  au-  Roni-8-7. 
thoritez  qui  demonftrent  bien  qu'il  n'y  a  point  maintenant  de  libéral  arbitre  en  1  hom 
me  de  chofes  bonnes  deuant  Dieu. le  di  notamment  deuant  Dieu.car  lhommc  pourra 
faire  beaucoup  de  belles  œuures,&  en  apparence  bonnes  deuant  les  homes ,  obéir  aux 
loixexterieurement:mais deuant  lciugement  de  Dicu,toutes  telles  ccuures  ne  valent 
tiemmefme  ce  font  pechez.    Entendez  tout  ce  que  i'ay  dit  ci  delîus,  de  celuy  qui  n'i  ft 
point  régénéré  parle  faind  Efprit .  Venons  maimenant  à  l'homme  Chreftien,baptizé 
au  fang  de  Iefus  Chrift,lequel  chemine  en  nouueauté  de  vie.    En  vn  tel  homme  Iefus 
Chrift  reftitue  le  libéral  arbitre,&:rcforme  favolonté  à  toutes  bonnes  ceuuresmô  point 
toutefois  en  perfe&ion:  car  d'exécuter  plein  émet  la  bonne  ceuure,ne  fe  trouue  en  luy: 
mais  a  befoin  de  nouueau  fecours  de  Dieu.    De  ceci  l'Apoftre  dit  au  feptieme  desRo-  Hom  7.  il 
mainsj'ayle  vouloir,mais  en  moy  ie  ne  trouue  le  parfaire.  Parainii  noftre  libéral  arbi- 
tre n'eft  plus  en  nous,côme  il  eftoit  au  premier  homme:  car  il  pouuoit  exécuter  le  bien 
qu'il  vouloit.&  ce  défaut  procède  de  la  corruption  de  noftre  naturc,&  non  du  cofté  du 
reftaurateur  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift.  Voila  du  libéral  arbitre  ce  qu'il  m'en  fcmble, 
&  ce  que  i'en  croy.    En  après  ils  m'ont  interrogué  des  bonnes  ccuures, me  difant,  Puis  Bonne$œu 
que  l'homme  n'a  en  fa  punTance  d'exécuter  le  bien  qu'il  veut,  il  ne  pe  ut  donc  faire  nul-  »rcs. 
les  bonnes  œuurcs.    Aufquels  i'ay  dit,  que  l'homme  de  foy  vrayementnepeut:mais  lcanJi*'. 
aidé  par  J'efprit  de  Dieu  ueut  faire  bonnes,  çeuures  &  planantes  à  Dieu.ôi  ce  qu'elles 

z-iiji. 


L/Wo  / /.  T/>rro  Brully. 

fcnt  bonnes,ou  qu'elles  ("ont  receuës  de  Dieu,  ne  procède  de  luy,  ne  du  cofté  de  l'hoirt- 
jtf   nie,mais  de  IelusChriit,qui  habite  &:  fait  Ces  œuures  en  vn  tel  homme  .  le  leur  ay  dit  q 
at*7J  *  c'ell  de  l'homme  comme  de  l'arbre,  lequel  faut  premièrement  eftre  bon  deuant  q  por- 
ter bon  frui  et:  auflî  que  l'homme  bel'ongne,&  eft  cooperateur  de  telles  œuures,aufquel 
iuftifiaciô  les  roel'mc  la  vie  éternelle  eft  promife  en  l'Elcriture  .    Ils  mont  demandé  de  la  iuftifî- 
Rom.3. 18.  cation.  Aufquels  i'ay  relpondu  que  iecroyoye  que  nous  fommes  iuftifïez  par  foy,  com- 
me il  eft  dit  aux  Romains  troilîeme  chapitre.  Lors  ils  ont  dit, Comment?  par  la  foy  feu- 
lemcnt?Ne  fommes-nous  point  auffi  îuftifiez  par  bonnes  œuures  &  par  charité?  Etie 
leur  di,que  nulles  telles œuures  ne  charité  auflî  ne  fc  trouucnt  en  l'homme  lequel  n'eft 
point  iuilifié .  Ils  ont  demandé,Comment?ne  pourra  l'homme  eftant  en  péché  mortel 
donner  l'aumofne  à  vn  poure  pour  l'honneur  de  Dieu,  lequel  il  aime  fur  toutes  chofes? 
I'ay  dit  que  non. Il  eft  vray  qu'vn  pécheur  donnera  bien  de  fon  bien  à  vn  poure.mais  ce 
ne  fera  pour  l'honneur  de  Dieu,lequel  il  aime  fur  toutes  chofes:mais  bien  par  affection 
humaine .  Car  s'il  aimoit  Dieu  fur  tout,fon  péché  ne  luy  plairoit, pC  en  demanderoit  à 
Dieu  pardon. Et  leur  ay  dit  des  bonnes  œuures  comme  ci  deffus .    Ils  m'ont  demandé 
que  fappeloye  donc  foy,qui  eft  fi  puiffante,qu'ellc  feule  iuftifie l'hom me  pécheur .  I'ay 
relpondu  que  foy  eft  vne  certaine  affeurance  qui  nous  eft  donnée  par  le fain&Efprïr, 
de  la  mifericorde  de  Dieu,&:  de  fa  bonne  volonté  enuers  nous ,  côtenue  aux  promellés 
de  l'Euangile,lefquelles  lont  accomplies  en  fon  Fils  Iefus  Chrift .  Par  cefte  foy  nous  ap- 
préhendons que  Dieu  nous  veut  pardonner  nos  péchez  à  caufe  de  fonFils,auquel  nous 
Heb.n.i.    croyons.    Lors  ils  m'ont  dit  que  telle  n'eftoit  la  définition  que  donne  faind  Paul  aux 
Hebrieux,chapitre  vnzieme.Et  fur  cela  i'ay  dit,  que  ie  la  trouuoye  bien  en  fainft  Paul, 
hùmt'n»  *  ^CS  tracKUons  ^es  hommes,ils  m'ont  demandé  fi  i'en  tenoyc  quelque  chofe,ou  fi  ie  les 
umamts.  reiett0ye  >  j'ay  ^t  qUC  je  ten0ye  comme  bonnes, celles  qui  eftoyent  faites  à  vne  fin  po- 
litique &ciuile:mais  non  les  autres, comme  font  les  defenfes  de  mariage  aux  Preftres 
&c  Moines ,  &:  la  defenfe  de  manger  chair  en  certains  iours ,  &  les  autres  fatras  &:  cere- 
monies  femblables  ,par  lefquelles  ils  veulent  obliger  les  ames  fur  peine  de  péché 
image  1.     mortel .    Puis  i'ay  efté  interrogué  des  imagcs,s'il  eftoit  licite  aux  fidèles  d'en  auoir.  I'- 
ay dit  que  pour  ma  part  ie  n'en  vouloye  nulles ,  &  qu'aux  temples  des  Chrcftiens  ne  s'- 
en deuoyent  nulles  tolérer.  Car  par  icelles  les  temples  font  profanez, lefquels  doiuenc 
eftre  dédiez  à  ouyr  la  parole  de  Dieu, pour  adminiftrer  les  Sacremens ,  &  faire  les  priè- 
res publiques  :  qui  font  chofes  trop  plus  fam£tes  que  d'y  mettre  des  images .     Et  alle- 
guoyc  que  telles  images  ou  peintures  retirent  fouuent  les  gens  de  la  parole  de  Dieu. 
Au  refte,di-ie,on  les  admet  aux  maifons  comme  chofes  indifférentes  ,  moyennant  que 
nulle  idolâtrie  ne  s'y  face:car  lors  auflî  des  maifons  les  faut  ofter .    Toutefois  pour  ma 
part, voyant  la  parole  de  Dieu  qui  les  défend  tant  eftroitement,  ie  ne  fuis  d'aduis  qu'el- 
les foyent  admifes  aucunement, ne  que  leur  vfage  puiffe  eftre  bon  .  Car  certes  l'imager 
Et  pfeau.    eft  maudit  de  Dieu  &  l'image  auffi ,  comme  il  appert  au  liure  de  Sapience,troizieme, 
llî-8-       douzième,  treizième, &:  quinzième  chapitres  *    Du  Baptefme  auflî  ils  m'ont  interro- 
Baptcfmr.  gU^  £t  cr(jy  qU'j]s  pcnfoyent  que  ie  fuffe  quelque  Anabaptifte .    I'ay  refpondu  que  le 
Baptefme  eftoit  le  ligne  de  l'alliance  que  Dieu  a  faite  aux  Chreftiens:affauoir  qu'ilveut 
Gcncf.17.7  eftre  noftre  Dieu ,  &  le  Dieu  de  noftre  femence  :  auquel  auffi  il  nous  tefmoigne  qu'il 
Kom.6.y  nous  pardonne  nos  péchez.    Et  de  cefte  promeffe  de  Dieu, le  Baptefme  de  l'eau 
nous  en  affeure.    Car  comme  l'eau  laue  les  corps  de  leurs  ordures,  auflî  nos  ames 
font  nettoyées  de  leurs  péchez  au  Baptefme  :  &c  ceci  par  la  vertu  du  fang  de  Iefus 
Chrift ,  qui  lors  nous  eft  communiqué  par  l'opération  du  faintl:  Efprit .    Le  Baptcf- 
Rom.<f.^.  me  aufsi  eft  ligne  de  continuelle  mortification  qui  doit  eftre  en  nous,  car  comme  l'- 
eau nous  eft  mife  fur  la  tefte,  toutefois  en  telle  forteque  cela  fefait  feulement  pour  v- 
nc  minute  de  temps,non  pas  pour  nous  noyer  du  tout:  ainficlle  eft  fignedemort  à  la 
vie  prccedente,pour  viure  d'vne  vie  nouuelle.    Et  fe  doit  le  Baptefme  communiquer 
à  tous  ceux  qui  veulent  eftre  de  la  bande  de  Iefus  Chrift,tantgrans  comme  petis.  I'cn- 
ten  des  grans  qui  en  ieunefle  n'ont  efté  baptizez  :  lors  venans  à  la  foy ,  doiuent  eftre  ba- 
ptizcz:&  ayans  l'opportunité  de  le  receuoir,s'ils  ne  levouloyent  point,comme  contem 
p/tcurs  des  faindes  ordonnances  de  Dieu,  n'entreront  au  royaume  des  cieux .  Les  petis 
c  nfans  des  fidèles  doiuent  aufsi  eftre  baptizez  .  car  combien  qu'ils  n'ont  foy  aduelle  de 
ce  qu'on  doit  croire  à  caufe  de  l'aage ,  toutefois  fi  doiuent-ils  eftre  prefentez  au  Ba- 
ptefme e  n  la  foy  des  parens .  ils  appartiennent  aufsi  à  Dieu  par  la  vertu  de  fa  prornefle, 


&diuinepredeftination  .  Quant  eft  des  cnfans  qui  meurent  fans  auoir  receu  le  Ba-  Mat.i?  i+. 
pcefme,ie  croy,pourueu  qu'ils  loyent  de  pères  &c  de  mercs  fidèles,  ou  feulemêt  l'vn  des  ««Cor.7  + 
deux  cftant  fuicle,qu'ils  appartiennent  aulïi  à  Dicu,&:  qu'ils  ne  font  point  aux  Limbes, 
comme  on  fait  accroire,mais  font  en  Pat  adis.car  Dieu  n'a  pas  en  telle  forte  lié  fa  grâce 
au  Sacrement ,  que  fans  le  Sacrement  (ilippole  que  Tentant  l'a  it  peu  receuoir)ils  ne  fo- 
yenr  liens. Quant  eft  des  vœuz,ay  elle  interrogué  fi  l'homme  Chreftien  pouuoit  vouer, 
&  s'obliger  à  iamais  par  vœuz.  I'ay  refpondu que  l'homme  Chreftien  peut  faite  vœu 
à  Dieu  des  chofes  qu'il  fait  par  fa  parole  luy  eftre  plaifantes ,  &c  qui  font  en  la  puiilance 
de  rhommc,&:  non  autrement .  Or  pourec  que  l'entendoye  bien  qu'ils  demandoyét 
de  leurs  vceuz  monaftiques,  ic  leur  ay  dit  que  l'homme  ne  peut  faire  vécu  ou  de  poure- 
té  perpétuelle ,  ou  d'obédience ,  &  encorcs  moins  de  chafteté.  Et  pourtant  ceux  qui 
auroyent  fait  tels  vceuz,  doiucnt  demander  à  Dieu  pardon  d  auoir  ainii  voué:  &:  cftans 
appelez  à  eftats  contraires  à  ceux  defqucls  on  auroit  voué,  ils  y  peuucnt  entrer  lans  au- 
cun fcrupule  de  confeience  à  caufe  de  leur  vœu  ,  Il  eft  bien  vray  que  pour  vn  temps  on 
peut  vouer  ces  chofes  ou  femblables  :  mais  que  ce  ne  foit  point  à  jamais .  De  la  confel-  Confcfsiô. 
fion ,  i'ay  refpondu  que  i'eftoye  tenu  de  me  recognoiftre  deuan  t  mon  Dieu  par  chacun 
iour&  en  tout  lieu,  &:  aulîi  deuant  les  hommes,  vn  pourc  miferable  pécheur,  quia  de- 
ferui  &  mérité  tous  les  iours  d'eftre  damne,  fi  ce  n'elloit  la  grâce  que  Dieu  nous  fait  par 
Iefus  Chrift.  Ainfi  ie  me  doy  confefier  à  Dieu  de  mes  fautes  &c  pechcz,&:  luy  en  deman- 
der pardon.  De  telle  confelîion  l'Efcriturc  eft  pleine:&:  ainii  le  fontconfcirczlesPro-  PiVau.31 5, 
phetcs,lesApoftres,&:  tous  vrais  feruitcurs  de  Dieu  ,  Quant  aux  hommes,fiiay  offen-  yj1* 
le  mon  prochain  en  faid  ou  en  parole,ic  me  doy  con/c/Tcr  à  luy  de  mon  ofFcnfe ,  ou  de  JC  *  '  ' 
plulieurs, fi  ie  les  ay  commifes  contre  luy,  à  celle  fin  que  ie  foye  réconcilié  à  luy,&:  qu'il 
{bit  appaifé  enuers  moy.&:  de  la  part  il  me  doit  pardôner  de  bon  cœur.Ccfte  confeiîion 
cftauin"  de  l'Efcriturc.  Ilyavne  autre  manière  de  confciîion,laquelle  eft  proprement  ï*M»*. 
pour  demander  confeil  fur  les  troubles  qui  peuuent  furuenirà  la  confeiéce  fcrupuleu- 
fccomme  s'il  y  a  quelque  perfonne  qui  ait  dou  te  de  quelque  chofe,  dont  fa  confeience 
en  eft  troublec,combien  qu'elle  cognohTe  la  mifcricorde  de  Dieu  contenue  aux  jpmel- 
fcs:li  elle  eft  encores  en  doute, d'autant  qu'elle  s  'arrefte  feulement  aux  promette  s  géné- 
rales &  non  au/fi  aux  particulières, c'eft  trefbicn  &c  trciîagemen  t  fait  à  vn  tel  perfonna- 
gc  de  cercher  quelcun  fauant,à  qui  il  puiife  déclarer  Ion  cœur.  Et  lors  celuy  auquel  on 
demande  confeil, doit  mettre  en  auant  les  fentences  particulières  qui  (ont  en  I'Eicritu- 
rc,  de  la  miléricorde  de  Dieu, pour  confoler  celuy  qui  vient  à  luy ,  &  le  deliurer  de  fcru- 
pule. Vne  telle  confeiîion  eft  grandement  louable,&:  eft  de  Dieu  .  Et  de  cefte  manière 
de  faire  a  efté  introduite  la  confeiîion  auriculaire  :  car  cela  fe  faifoit  en  fecret ,  &  entre 
deux:comme  ils  veulent  aufti  eftre  fait  en  leur  confeiîion  auriculaire ,  laquelle  n'eft  de 
Dieu, ne  tefmoignee  parrEfcriturelainctc.  Carie  Seigneur  ne  requiert  de  l'homme 
vn  tel  dénombrement  fuperftitieux  de  fes  péchez,  auffi  c'eft  vne  choie  impofiiblede 
fane  aux  hommes, comme  aiTez  monfti  e  le  prophète  Damd, quand  il  dit,Seigneur,qui  prr ,  , 
cft-ce  qui  cognoit  toutes  fes  fautes?  Et  tantoft  après,  Ncttoyc-moy  de  mes  péchez  oc-  &38.J. 
cultes .  Toutefois  le  Pape  le  commande  fur  peine  de  peché  mortel,  pour  le  moins  vne 
fois  l'an .  le  rcictte  ladite  confeiîion  auriculaire,  comme  vne  choie  qui  n'eft  de  Dieu: 
mais  qui  eft  vne  vraye  géhenne  des  confcicnces,vne  aryfmc  de  gouffre  à  la  perdition&: 
ruine  des  poures  ames.  Ils  m'ont  aufli  demandé  que  ie  fentoye  de  la  virginité  de  la 
vierge  Marie,&:  fi  ie  croyoye  qu'elle  euft  enfanté  fon  Fils, vierge, &:  que  depuis  elle  fuit 
demeurée  vierge.  I'ay  relpondu  l'article  du  Credo,  le  croy  qu'il  a  efté  conceu  du  Jaincr. 
Efprit,nay  delà  vierge  Marie:&:  croy  qu'elle  a  perfeucré  touliours  vierge.  Et  lors  le  do- 
cteur Hazard(commevne  grofle  bcftejme  vint  à  dire,Qui  vous  cfmeut  à  croire  la  vu  gi- 
nité  de  la  Viergc,veu  que  ce  n'eft  vn  poinct  del'Efcriture  fainde  ?  Auquel  ie  refpon- 
di,queieluy  auoyetrouuéafiez  clairement&manifeftcment.carileft  ditquelofeph  Matl  :î. 
ne  lauoit  point  cognue ,  quand  elle  enfanta  fon  Fils  premier  nay .  &c  lors  il  fe  teut  &c  ne 
fonna  plus  mot. Ils  m'ont  demadé  aiTez  d'autres  chofes:  mais  ie  vous  ay  efent  de  celles- 
ci  comme  des  principales .  Parquoy  vous-vous  contenterez  de  ces  chofes.  le  tu  Ven- 
dredi aftailli  des  Docteurs  de  la  grande  eglife,  maiftre  Fiable  Se  maiftre  Aucrtin:  ie  I'ay 
efté  auiourdhuy  de  Hazard.  Ils  tafehent  tous  à  me  faire  hérétique  tant  feulement  en 
la  partie  de  la  Meife.Et  me  femble  qu'ils  voudroyent  bien  qu'elle  leur  peuft  demeurer: 
&:  non  fans  caufe,car  elle  fait  la  bonne  cuifine,  &:  fait  venir  l'eau  au  molin .  Mais,Dieu 


7*tf7ro  Brully. 


merci,McjTîeurs  ont  bien  appcrceu  que  ic  n'auoye  pas  perdu  la  parole,  car  ic  ne  leur  ay 
cédé  d'vn  ("cul  poin£t:  mais  leuray  dit  la  vérité,  laquelle  paraucnture  ils  nepenlbyenc 
ouir .  Quand  ils  font  vcnus,i'ay  allez  rudement  parlé:  en  quoy  s'il  y  a  eu  excès  en  paro- 
lcs,&  n'ay  gardé  modeftie  Chrefticnne,ie  prie  que  noftre  Seigneur  me  vucillcpaidon- 
ncr.ç'a  efté  le  zele  de  fon  honneur  &:  de  fa  Parole,  qui  m'a  ainlî  pouffé,  Se  tout  en  la  pre- 
fence  de  Me/lîeurs:doiu(comme  il  m'a  femblé)les  vns  eftoyent  ioyeux,&:  les  autres  bic 
triftes .  Et  Ce  font  départis  en  me  difant  iniures  :  mais  cela  ne  me  trouble  point,car  ie 
ne  fuis  meilleur  que  mon  maiftre&  chef  Iefus  Chrift.  Ma  fœur,  vous  &c  tous  les  frè- 
res priez  noftre  bon  Pere  par  fon  Fils  Iefus  Chrift,quil  me  maintienne  par  fon  Cainâ  E- 
fprit  en  la  vérité  de  fa  Parole,  me  donnant  accroiflemcnt  en  foy  &:  en  tous  biens  ccle- 
ftes.  De  ma  par:,ielc  prieray  pour  toute  fon  Eglifc,  &;  fpecialcmentpour  vous  &:  pour 
Marguerite  ma  bonne  fœur.Dieu  vueille  auoir  mémoire  des  plaiiirs&:  feruices  qu'elle 
m'a  f ait,&:  me  fait  iufqu'à  prefent.La  grâce  de  noftre  Seigneur  foit  auec  vous. 


A  tous  lesfîdelcs  quifouffrentperfecution  pour  auoir  ouy  la  prédication  del'Euan- 
gik  ,ou  icellc  fouftenue  en  leurs  maifons ,  qui  font  és  quartiers  de  Tournav ,  Val- 
lencicnnc,  Lille ,  Arras ,  Douay,  &c .  Pierre  Brully  (bruiteur  de  Dieu ,  cnuoyc 
pour  vous  vifiter ,  &:  conlbler  vos  cœurs  par  la  parole  éternelle  de  Dieu ,  Grâce, 
paix  &:  mifericorde  de  par  Dieu  le  Pere ,  &c  fon  Fils  Iefus  Chrift  bien-aimé  noftre 
Seigneur ,  vous  délire  eftre  donnée  &:  conferuee  en  vos  cœurs  à  iamais .  Ainlî 
foit-il. 

E  S  frercs,ie  ren  toufiours  grâces  à  Dieu  en  mes  prières ,  de  ce  qu'il  luy  a  pieu  de 
nous  monftrer  que  nous  citions  des  fiens,en  nous  faifant  tous  participer  Sdéntir 
la  difeipline  de  laquelle  il  chaftie  les  liens,  afin  que  ne  foyons  damnez  auec  ce  mau- 
uais  monde:duquel  il  nous  a  rachetez  par  la  mort  &c  palfio  de  fon  cher  Fils  IefusChrift. 
Certes,mes  frères, il  nous  eft  donné  d'enhaut  non  feulement  de  croire  en  luy,  mais  auf- 
li  de  foufinr  quelque  choie  pour  luy .  ce  qui  n'eft  pas  donné  à  tous  ceux  qui  croyent: 
maiseft  vndonfpcxialdeDieu,cômelctefmoignefainctPaulenfonEpiftreaux  Phi- 
Roro.8.18,  hppiens.    Par  ce  moyen  nous  (auons  que  nous fommes  des  liens,  voire  defesdome- 
n>         ftiques:  &:  cognoilfons  que  ces  choies  nous  aduiennent  àgrandbien ,  puis  que  ce  bon 
Pierzii  r>crc nousaimc tant"> cîllc ^c nous  conformer  parcroixôd  tribulationàccluyquieftle 
«,13       premier  nay  des  enfans  de  Dieu ,  qui  n'a  iamais  fait  péché  ,&:  dol  n'a  efté  trou  ué  en  fa 
bouche  :  &C  toutefois  a  enduré  la  croix ,  mais  ç'a  efté  pournous  deliurer  de  la  mort  qui 
nous  tenoit  fuicts  à  elle .    Il  a  enduré,  di-ie,  afin  de  fan&ifier  par  les  peines ,  les  peines 
&C  rourmens  que  nous  endurons.    Car  maintenant  nous  ne  craindrons  plus  lespri- 
fons ,  fuftigations,  iugemens,  le  feu ,  les  chaines  de  fer ,  les  deriiïons  &:  mocqueries  :  &C 
brief,  toutes  les  machinations,  alfauts  &c  autres  manières  de  faire  du  diable,  ne  du  mo- 
de ,  comme  choies  maudites  de  Dieu  .  mais  les  endurerons  comme  lignes  ôctefmoi- 
gnagesde  la  clémence  de  Dieu  cnuers  nous.    Certes ,  mes  frères,  la  mort  de  Iefus 
Chrift  nous  deliurc  de  la  mort  éternelle  qui  nous  eftoit  deuè  :  &:  li  fan&ifie  noftre  mort 
corporelle .    Ses  prifonsfan&ifient  les  noftres,  fa  flagellation  la  noftre,  fon  iugement 
le  noftre, fe^  chaînes  les  noftres,fes  derilions  &  mocqueries  fan&ificnt  les  noftres,&  gé- 
néralement tout  cela  que  nous  endurons  eft  fan&ifîé  par  Iefus  Chnft,pource  que  nous 
endurons  pour  l'amour  de  luy.    Dont  nq  nous  troublons  en  nos  croix  &aduerfitez, 
t  pjcr       comme  fi  quelque  chofeeftrange  nous  aduenoit:  mais  tout  au  contraire,  il  nous  fauc 
Rom. 5  5,  grandement  elîouir,quand  diuerfes  afHi&ions&afTauts nous  aduiennent:  fachansque 
4  *         les  tribulations  engendrent  probation ,  Se  probation  patience ,  &:  patience  efperance 
en  Dieu  :  laquelle  ne  confond  point,  pource  que  la  charité  que  Dieu  nous  porte,  eft 
efpandue  en  nos  cœurs  par  Ion  faind  Efprit:  &:  eft  cogneu  que  nous  fommes  de  Dieu. 
i.Pier.4.12  &:  eft  noftre  foy  lors  trouuee  parfai&e,  comme  l'or  lur  la  touche,  Se  l'argent  en  la  four- 
naife .    Car  tout  ainlî  qu'on  ne  fait  iuger  â\n  or  pleinement ,  s'il  eft  bien  fin,iufqties  à 
ce  qu'il  foit  mis  fur  la  touche  :  &C  l'argent  n'eft  point  bien  pur ,  que  premièrement  il  n'- 
ait fenti  la  fournaife  longuement  :  aulîî  par  tribulations  grandes  &:  abondantes  ilap- 
Mat.7.z4,  pert  quelle  eft  la  foy  qui  eft  en  nous ,  &.  cognoit-on  lors  li  nous  fommes  édifiez  fur 
Jî»*6       le  ferme  rocher,  ou  fur  lefablon  :  h  nous  fommes  la  femence  qui  eft  cheuteen  bonne 
k,6  7t'g'  ttcrre3ou  fi  nous  fommes  la  femence  qui  eft  cheute  entre  les  pierres.fi  nous  fommes  or, 

argent 


argent  ou  pierres  precieufes  édifiées  fur  le  vray  fondement,qui  eft  Chrift ,  par  ceux  qui 
nous  ont  dit  la  parole  de  Dieu,oufi  nous  Tommes  le  bois,ou  foin, ou  eftoupe,  qui  brut--  j  Cor.3  n, 
leronsôd  ferons  perdus,quand  le  feu  de  tribulation  nous  a/faudra.    Mes  frères,  redui-  '3>'4>m- 
fez  en  mémoire  ceux  qui  vous  ont  precedé,&:  ont  pieu  au  Seigneur.Penfez  par  chacun 
temps  ce  qui  a  efté  fait  aux  feruitcurs  de  Dieu,  &c  vous  n'aurez  occasion  q  de  ioye,quad 
vous-vous  verrez  lcmblables  à  tous  les  bons  feruiteurs  de  Dieu  .  Certes, tefmoin  Iefus  Mat.ç.ii, 
Chrift, parauant  fes  Apoftres  ils  auoyent  perfecuté  les  Prophètes  qui  auoyent  précède, 
comme  ils  ont  fait  les  Apoftres .  Et  après  les  A  poftres,le.v  Euangeliftesjcs  Martyrs  &£ 
bons  Pafteurs,qui  ont  efté  laprimitiueEglife.&  généralement  tous  ceux  qui  dés  le  cô- 
mencement  du  monde  iufqu'au  definement  dernier,  ont  voulu  viure  félon  Dieu,  ont 
toufiours  efté  affligez  des  mauuais ,  des  mondains  &  charnels .  ce  qui  a  efté  demonftré 
ésdeuxenfansquionteftétrouuezenlamailondenoftregrand-pere  Abraham:enla-  Q^  ^ 
quelle  celuy  qui  cftoit  félon  la  chair,aiîàuoir  Ifmaclfils  de  la  cJiam  briere  Agar,pcrlccu  GaUt^ij» 
toit  celuy  qui  eftoit  félon  refprit:iedilfaac  le  fils  de  Sara,mere  de  famille .    Si  aucuns 
font  affligez  de  leurs  frères  &c  prochains ,  voire  luirez  à  la  mort ,  qu'ils  penfent  qu'il  ne 
leur  aduient  rien  qui  n'ait  efté  fait  auparauant.  Qu'ils  voyent  Abelcebon  enfant  &  a- 
mi  du  Seigneur,tué  de  fon  frère  Cain  par  enuic .  Saind  Iean  en  fa  première  Epiftre  dit  Uean  3.11 
Ja  raifon  pourquoy  il  l'a  tuéjl  voyoit(dit-il)quc  fes  œuures  eftoyent  mauuaifcs,&:  celles 
de  fon  frère  eftoyent  bonnes. Et  pour  ce  il  a  eu  enuie  fur  luy,&:  l'a  tue  &£  occi,pource  qu 
il  ne  faifoit  comme  luy .    Que  tels  fe  recordent  des  paroles  que  noftre  Seigneur  dit  au 
dixième  chapitre  de  faind  Matthieu,&  au  douzième  de  faind  Luc.    Or  fi  aucuns  (ont 
perfecutez&:  mocquez  de  leurs  enfans,qu'ils  regardent  le  bon  Noé.     Si  de  leurs  fem-  Gen.  sa% 
mes, qu'ils  ayent  regard  à  lob ,  mocqué  de  fa  femme ,  &  prouoqué  à  blafphemer  Dieu.  '°b  110 
Qu'ils  voyent  Moyle  &:  Aaron  iniuriez  de  ceux  de  la  famille  de  Chore' ,  de  pelle  de  Da-        1  5 
than  &c  Abiron  .  Qu'ils  voyent  aufli  Dauid,  qui  toutefois  eftoit  Koy:ils  le  verront  &c  de  i.Sam.t<r. 
Saul,  &c  de  (es  frères,  &c  de  les  enfans  dechalîe  &:  mocqué,&  contraint  de  vaguer  par  les  7'8 
montagncs.&:  là  il  endure  les  iniures  de  Semci .    Qu'eft-il  aduenu  au  grand  prophète 
Elie,&:  à  Elifee  ion  fuccefteurrà  Efaie,à  Ieremie,Ezechiel,&:  aux  autresProphctes?Tel- 
lement  q  faind  Eftienne  le  reproche  aux  Iuifs, qu'ils  ont  tué  tous  les  feruiteurs  deDieu. 
Manafles  n'a-il  pas  vniour  fait  fi  grand  meurtre,  que  toute  Ierufalem  eftoit  pleine  du  1^0,slI!i 
fang  des  Prophetes^Ceque  bien  leur  met  en  auant  Iefus  Chrift  au  vingt  &c  vnieme  cha 
pitre  de  faind  Matthieu ,  par  la  parabole  de  celuy  qui  auoit  lai/Té  la  vigne  aux  ouuriers, 
qui  ont  tué  fes  feruiteurs,&  premiers  &:  féconds  &:  tiers,voire  fon  propre  fils.    le  croy, 
mes  freres,que  ne  vous  troublerez  point  donc:car  vous  cognoiflez  bien  ces  chofes  que 
ie  vous  di,eftre  de  Dieu:&:  ce  que  les  vous  ay  maintenant  eicrites,&:  non  par  ci  deuant, 
n'a  point  efté  que  ic  ne  l'euffe  bien  voulu  faire:  mais  il  ne  meftoit  loilibleen  lamaifon 
de  mon  hofte  du  chafteau .  car  il  eft  pur  ignorant,  duquel  n'euffe  feu  obtenir  ne  papier 
ni  encre  .    Maintenant  combien  que  ie  fuis  félon  le  corps  plus  eftroitement  que  n'e- 
ftoye  là:(i  puis-ie  dilater  mon  cœur ,  &:  l'eflargir  plus  que  ne  faifoye .    Donc  prendrez 
mon  efcrit,comme  de  celuy  qui  vous  délire  à  tous  la  grâce  de  noftre  Seigneur  comme 
àluy-mefme. 

Deux  Epiftrcsfingulicrescfcritcs  par  ledit  Brully  '.  la  première  à  fes  amis.l'autre  à  fa  femme,  après  auoir  receu  fentence  de  mort, 
par  laquelle  il  la  çonfole,&  donne  aduertiflement  comment  elle  fe  doit  gouuerner  &  conduire. 

E  S  freres,il  me  fcmble  bon  de  vous  toucher  en  cefte  forte  de  la  ioye  que  i'ay  des 
afflidionsqui  nous  font  aduenues,  afin  qu'auec  moy  vous  aufli  en  rendiezgraces 
anoftre  Seigneur ,  &z  vous  eliouiflîez maintenant  auec  moy  de  nos  liens  &  de  nos  affli- 
dions.Ceux  font  les  fruids  de  ladodrine  qu'auons  appnnfe.fi  toutefois  nous  auons  ap- 
prins  Iefus  Chrift  çrucifié.Que  nul  de  nous  ne  défaille  &:  ne  perde  courage. Perfeuerez  Heb.u.  j 
en  la  difeipline  encore  vn  peu  de  temps  ,  &:  celuy  qui  doit  venir ,  viendra,  &c  ne  tardera  "cb'10  '8' 
point  :  cependant  mon  iufte  viura  de  la  fpy  :  que  s'il  fe  fouftrait,il  ne  plaira  point  à  mon 
ame,comme  il  eft  dit.Parquoy  il  nous  en  faut  retirer:  car  vous  fauez  que  feulemét  ceux 
quiperfeuererontiufqu'àlafin,ferontfauuez.ôt  iîfauez  aufsi  queceux  quiiouentàla  MatI0  21 
luitte,ne  font  couronnez  comme  vidorieux,  qu'ils  n'ayent  luitté  puilTamment .  Par- 
quoy  faites  deuoir  de  vous  monftrer  vrais  champions  &c  gendarmes  de  Iefus  Chrift ,  &: 
ne  foyez  de  plus  lafche  cœur  que  ceux  qui  bataillét  fous  vn  Empereur  terrien:  lefquels 
après  qu'ils  font  vne  fois  enrôliez ,  ayans  donné  le  ferment,ne  s'efpargnent  en  rien  qui 


peut  cftre  pour  la  gloire  de  leur  Empereur  &  chcf.Iln'y  a  fo/Tez  fi  profonds,mura]lles  fi 
hautes,aiulleries  ii  groires,gendarmeries  de  l'ennemi  fi  bien  en  ordre,qu'ils  ne  mel'pri- 
lent:&  ce  afin  qu'ils  s'acquirent  du  deuoir  qu'ils  ont  promis  de  faire  quand  ils  ont  elle 
enrôliez.  Vous  auez  renoncé  au  diable  &:  au  monde,  &c  eftes  enrôliez  au  nombre  des 
gendarmes  de  Iefus  Chrift)  c'elt  à  dire  au  liure  de  vie  »  Maintenant  donc  que  rien  ne 
vous  cmpe{che>,quc  rte  vous  monftriez  vrais  feruiteurs  de  voftre  Roy .  11  eft  au  guet  a- 
ucc  Tes  Anges  benics,prçnâtfon  efbaten  voftre  combat.  Que  (i  vous  n 'eftes  allez  forts, 
il  eft  preft  à  defeendre  pour  vous  aider,comme  il  a  efté  demonftré  à  fainct  Eftienne.  Et 
ce  qu'il  a  enduré,quand  luy-mefme  eftoit  en  la  bataille,ç'a  efté  pour  vous  rendre  main- 
tenant victorieux  de  vos  ennemis, comme  il  dit,  Au  monde  vous  ferez  affligez:  mais  cô- 
fîez-vous  enmoy,i'ayveincu  le  monde.  Et  comme  dit  Ion  difciple,Ccfte  eft  la  victoi- 
re qui  iurmontelemonde,voftrefoy  .  Et  s'il  y  a  quelque  chofe  auprès  de  vous  qui  vous 
poui  roit  empefeher  que  ne  faciezdeuoir ,  iettez-la  arrière  de  vous,  voire  fi  c  eftoit  ton 
ceiljou  ta  main,ou  ton  pied. Par  lefquels  mébres  il  entend  ceux  qui  nous  font  précieux 
comme  l'oeil, vtilcs  comme  la  main,necelfaires  comme  le  pied.Et  qu'il  foit  ainfi,  le  Ca- 
piraine  Ta  dit  à  fes  gendarmes,  quand  il  difoit ,  Qui  aime  fon  pere  ou  fa  mere  plus  que 
moy,il  n'eft  point  digne  de  moy.&:  qui  aime  ia  femme  ou  fes  enfans  plus  que  moy,  il  n'^ 
1.UC14.33  eft  point  digne  de  moy. Et  bref  il  dit ,  Qui  ne  renonce  à  tout  ce  qu'il  a,  pour  l'amour  de 
moy,il  n'eft  point  digne  de  moy  .  Ces  chofes,mes  freres,femblent  fort  cftranges  â  vne 
grande  partie  des  hômes:mais(ic  croy)non  point  à  vous,qui  auezembraffé  Iefus  Chrift 
paftîonné  &  tourmenté  auant  qu'il  foit  entré  en  fa  gloire,  plus  que  tous  hommes:  &  ne 
l'auez  point  appnns  que  crucifié, afin  qu'aufli  auec  luy,comme  les  membres,  foyezeru- 
cifiez .  Vous  auez  aufîï  apprins  à  fon  efcole  qu'il  faut  en  premier  lieu  que  fon  enfant  fe 
Luc  14.nr.  jenje (by-mefme,&:  prenne  fa  croix,&  l'enfuiuc.Qui  aura  peur  de  ces  chofes,&  afin  de 
ne  les  endurer  fe  retirera  arrière, &:  diïïimulera  auec  le  monde,eftimant  qu'il  peut  bien 
cftre  difciple  de  Chrift  (ans  porter  la  croix(ce  n'eft  point  moy  qui  le  dit ,  c'eft  le  Maiftre 
luy-mefmc)il  fe  perd  foy-mefme .  Car  il  dit ,  Qui  aime  fa  vie  en  ce  monde,il  la  perd  à 
la  vie  éternelle.  &:  qui  la  perd  en  ce  monde ,  il  la  garde  à  la  vie  éternelle .  Ceci  co* 
gnoilfoit  trelbien  le  bon  Apoftre  de  Iefus  Chrift  fainct  Paul,  quand  il  dit  aux  frères  qui 
le  pnoyent  qu'il  n'allait  en  Ierulalcm ,  le  n'eftime  point  ma  vie  plus  que  moy-mefme. 
A<ft.u.  u.  Auifi  il  dit  aux  Philippicns, qu'il  met  toutes  chofes  mondaines  au  derrière,  s'eftendant 
feulement  és  chofes  ipintuelles,afin  qu'il  appréhende  le  prix  de  la  vie  éternelle.  Vray- 
eft,mes  trefchcrs,qu'on  nous  aceufe  que  nous  fommes  caufe  de  noftre  mal,&  que  nous 
abrégeons  nos  iours:ce  qui  eft  pure  calomnie. car  celuy  qui  feroit  appelé  de  fon  Empe- 
reur pour  aller  quelque  part,  quand  il  veut  exploiter  la  volonté  de  fon  feigneur,  s'il  eft 
renconcré  de  fes  ennemis,&:  mis  à  mort,ou  fort  blefTé,fera-il  caufe  defon  mal ,  ou  char- 
gé de  fa  mort?Nul  ne  le  dira  :  mais  au  côtraire  fera  loué  corne  vn  fidèle  feruiteur  &:  fort, 
qui  n'a  point  voulu  cfpargner  fa  vie,afin  q  la  volôté  de  fô  Empereur  fuft  faite.  Ainfi  no9 
en  préd  -il  .Certes  ce  font  les  ennemis  de  Chrift,qui  ne  peuuent  fouffrir  que  fon  hôneur 
foit  maintenu  de  nous,ne  fa  volonté  accomplie.  Et  partant  nous  traittentmal,&  ab- 
bregent  nos  iours  &  années. Et  ceci  nous  font-ils, pource  que  ne  leurvoulôs  rcfTembler 
en  idolâtrie,  fuperftition,blafpheme,  yurongnene,  gourmandife,  paillardife,& autres 
chofes  défendues  de  noftre  Roy.  Ils  nous  baillent ,  pource  que  nous  tcfmoignons  que 
leurs  cruures  font  mauuaifes,&  condamnées  de  Dieu:  voire  que  les  meilleures  ne  valet 
rien. car  non  feulement  elles  font  introduites  fans  la  parole  de  Dieu:maispour  vne  gra 
de  partie  font  drefîees  contre  icelle  tant  diuine  parole,  au  blafpheme  de  Iefus  &  de  fa 
pafîion.  Vous  fauez  defquelles  ie  parle,mes  freres:&  pource  nous  perfccutét-ils.  Ceux- 
cy  font  ces  Sainds  qui  ne  veulent  qu'on  les  touche,  de  peur  que  par  l'attouchement  d - 
autruy,ils  ne  foyent  contaminez.Ce  font  les  montagnes ,  lefquelles  touchées  vomiflet 
incontinent  fcu&  fàng,&:  crient  Harau  fur  les  enfans  de  Dieu.  Et  comme  i'ay  dit  par 
ci  deuant,ils  ne  nous  font  rien  qui  n'ait  efté  fait  aux  feruiteurs  de  Dieu,qui  ont  efté  de- 
uant  nous .  Que  di-ie  aux  feruiteurs?mais  au  Maiftre.  Qu'il  nous  fouuienne  qu'ils  1* 
ont  appelé  yurongne  &  gourmand, Samaritain, enchâtcur,demoniaque,feduc"teur:  qu 
il  a  cité  liuré  des  Preftres  en  la  main  des  Romains ,  defquels  il  a  efté  bufFeté ,  decraché, 
mocqué, flagellé  depuis  le  fommet  de  la  tefte  iufqu'aux  pieds,couronné  d'vne  couron- 
ne d'elpine  luy  perçant  le  cerueau  :  &  à  la  fin  l'ont  condamné  à  la  mort  la  plus  honteu- 
fe  qui  fuft  lors,qui  eftoit  la  mort  de  la  croix.Et  pour  luy  faire  plus  grand  deshonneur,l'- 

ont 


Mat. io, 
19 


Plul.3.13.1, 


Iean  15.10 


Bmlly.  ijp 

ont  pendu  au  milieu  de  deux  larrons,com  me  s'il  euft  efte  leur  maillre.  Voila  ce  qu'ils 
ont  tait  à  ecluy  qui  auoit  illuminé  leurs  aucugles ,  fait  ouir  leurs  lourds ,  nettoyé  leurs 
ladres  &  refïufcitc  les  morts:&:  bref,  toutes  bonnes  œuures  auoit  t'ait  au  milieu  d  eux:& 
pour  recompenfe  nous  voyons  comment  ils  l'ont  mal  traitté-  Or  s'il  eftoitiullc  deuanc 
les  hommes,  aulTicftoit-ildeuant  Dieu.&:  toutefois  luy  qui  eft  le  buis  verd, endure  tou- 
tes ces  choies:  nous  qui  fommes  le  bois  fec,  qui  ne  valons  que  pour  cftrc  brûliez,  que 
pouuons-nous  donc  attendre  ?  Pc  nions-nous  aller  en  Paradis  fans  rien  endurer  ?  Ne 
nous  abufons  point .  il  y  faut  entrer  par  mout  de  tribulations .  Nous  (auons  qu'il  n'y  a 
que  deux  voyes,&:n'eny  apointdetroifieme.  L'vnc  eft  eftroite&r  pleine  de  mauuais  Mar-7  *h 
pa/fages:mais  à  la  tin  d'icelle  fe  trouue  la  vie  éternelle.  L'autre  eft  large  ôc  fort  fpacieu- 
1c,  &fejuhlc  fort  belle  &  plaifaftte  :  il  n'y  anuh  dangers  coin  me  à  la  première*  :  mais 
âla  fin  (ont  les  douleurs,  car  elle  même  àdamnatioii  éternelle.  Les  dangers  delà 
première  fontpourcté,  affliction  ,  diffamation ,  difette  des  biens  de  ce  monde',  cftre 
mal  traitté  de  chacun ,  eftre  banny ,  empnfonné ,  bruflé ,  noyé-,  décapite,  ictté  aux  be- 
lles,&c.  Mais  toutes  ces  choies  ne  font  point  à  comparer  à  la  gloire  qui  fera  reuc- 
lee.&:  pourtant  elles  eftablitfent  en  nousvn  poids  degloirc  merucilleux,commc  tef- 
moigne  l'Apoftre  en  la  féconde  aux  Corinthiens^uatriemc.  Et  à  eau  fc  de  ces  dangers 
peu  cheminent  pat  celle  voye  ,&:  quafi  tout  le  mondela  mefprife  :  &:  aiment  mieux  lei 
mondains  cheminer  legrand  chemin,  nonobftant  qu'il  mené  à  perdition ,  que  cefen- 
tier  qui  mené  à  la  vie  éternelle.  Nous  doncques,~mes  frères  >  cheminons  par  la  premie-» 
re,  quelque  difticile  qu  elle  foit,  veu  que  nous  auons  vne  guide  tant  (eure ,  qui  eft  Iefus 
ChriuSquiapafietousles  mauuais  paiîagcs:&:  à  caufe  qu'il  eft  noftrc  guide , ne  pou- 
uons  périr  aux  dangers .  Car  comme  dit  vn  de  ceux  qu'il  conduit ,  le  fuis  leur  que  ne  les 
Anges,neles  principautez,  ne  les  puifTances,  ne  la  vie,  ne  la  met  r,  ne  les  chofes  hautes,  *-cm*-  3*- 
ne  les  profondes, ne  les  chofes  prefentes  rty  aduenir,  ne  nous  cnipeù  lieront  que  ne  pal- 
fions.  Sera-ce  tribulation  qui  nous  fera  perdre  courage  ?  fera-ce  angoilîc  ,  ou  famine,  ou 
nudité?  fera-ce  glaiue?  Nous  ne  craindrons  rien  de  ces  chofes ,  à  caufe  que  nous  auons  h 
bon  condu&cur,qui  tant  nous  aime,  qu'il  ne  nous  abandonne  iamais  que  premiercmet 
nous  ne  l'ayons  delaiiTé .  Il  lémble  fouuent  à  noftre  chair,  &c  à  noftrc  efpric  aufli  aucune- 
fois  ,  qu'il  nous  ait  abandonné .  Mais  non  a.eav  il  dit ,  le  ne  t'abandonne  &:  ne  te  delaiffe 
point.  Et  en  vn  autre  lieu,Iefuisauectoy  en  ta  tribulation:  inuoque  moy&ie  t'exauce-  Ff"u-î°  '-r 
ray,&:  te  deliureray.  Penfons-nous,  mes  frères,  que  fi  le  Seigneur  n'eftoir. aucc  nous,que 
nous  faurions  endurer  cela  qu'il  nous  faut  endurer:Non  en  venté:  car  nos  ennemis  font 
trop  plus  forts  que  nous:  &c  vn  d'eux  eft  fuffilant  pour  nous  ruiner  &c  perdre  à  iamais.  La 
puiiîànce  du  diable  eft  grade, qui  eft  le  premier  de  nos  ennemis.  Certes  il  c(t  fi  puiilant, 
qu'il  fit  tomber  de  flou  s  luv  ce  grand  ccdreôccepuiifant  capitaine  Adam ,  au  premier 
alfaut  qu'il  luy  liuroit.C'eft  celuy,mes frères, qui  efmc ut  les  autres  cotre  nous. Haftons- 
nousderefiftcràceftuy-cy,&  luy  refilions  tenanslefcuffon  de  lafoyen  l'\  ne  des  mains,  tyhete.iï. 
&le  glaiue  de  la  parolle  de  Dieu  en  l'autre:  &;  li  nous-nous  courrouce  ns,que  cefoit  co- 
tre ceftuy-cy .  Le  monde  eft  bien  fort  ,auflîeft  noftre  chair:  mais  file  premier  eft  vain- 
cu ,  les  autres  ne  nous  nuiroht  point  beaucoup:  car  neantmoins  qu'il  y  ait  desa/îàucs 
merucillcux  du  cofté  de  la  chair,  fi  lerengera-ellepctirà  petit,  &:  la  matinc  ral'efprir,e- 
ftant  victorieux  du  diable.  Voila,  mes  frères,  ce  qu'il  conuient  que  nous  tarions  &  vous 
&:  moy,en  nosaduerlitez&cafBidions.  Vous  pourriez  direjfivn autre  qui  ne  tuften  ad- 
uerfitez  comme  vous,  efcriuoit  ces  chofes ,  Il  parle  bien  aile  des  tribulations  &c  aduerfï- 
tez:il  eft  en  la  raaiibnauecqucs  les  fiens,il  peut  bicnlouer  ces  chpfes-cy.mais  s'il  luy  fal- 
loir endurer,  il  en  parlerait  tout  autrement.  Mais,  mes  frère  s  t  ie  croy  que  cela  ne  direz 
demoy:car  îe  participe  auec  vous,&  boy  du  mefme  breuuageque  vous  beuuez:&  pour 
mapartjien'atten  autre  chofe  tous  les  iours,que  la  mort  cruelle.  Quedi-ie,mort  cruel- 
le? ie  me  fuis  abufé, quand  fi  mal  ie  la  nomme:car  ie  cognoy  que  ce  n  eft  autre  choie  que 
la  bonne  volonté  de  mon  Perc,  lequel  veut  terminer  celle  vie  corporelle,^;  la  changer 
à  vne  fpirituclle.il  veut  m'ofter  la  tcmporelle,&  me  donner  1  ctCTnellc.-dequoy  grande- 
ment luis  tenu  à  luy. Et  vous  prie,que  priez  le  Seigneur  pour  m ofalut-^  qu'il  me  main- 
tienne toulïours en  confiance :&;  face aufîî que ieperfeuere  en  laconrcïïion  de  fafain- 
fte  parolle,  iufques  au  temps  qu'il  me  mettra  en  lieu  de  feurté,  qui  eft  l'on  lainCt  Royau- 
me. Et  de  mon  cofté  ie  feray  le  mefme  pour  vous.  La  grâce  de  noftre  Seigneur  foit  a- 
uec  vous  tous,  Amen. 

A, 


Ljik)  o  IL  Tierrc^j  ÈruBj. 

f  Autre  cpifheduJit  Brully  cfcr.cc  des  priions  de  Tourruy.pcu  dtuanr  jj  mort. 

A  trcfchcrc  fœur,fache  que  ie  me  luis  grandemét  ciiouy  en  noftre  Seigneur  quâd 
^'él' >;iy  ouy  te  entendu  par  les  lettres  de  ton  pcrc&  le  mien ,  eferites  en  ton  nom, que 
tu  ce  reliouiilbis  en  Dieu,  nô  point  de  ma  prinfe,car  ic  lay  quelle  t  cft  gi  icuc:mais  de  ce 
que  ce  bon  Dieu&Perc  t'auoit  donne  vn  mary ,  lequel  il  auoitelcu  à  endurer  pour  Ion 
nom,  &  pour  l'Euâgilc  de  ton  Fils  Iefus  Chrift.  le  te  prie  que  maintenant  tu  te  reiiouif- 
fes  plus  cnluy,&le  loues  plus  plcinemêt  que  n'as  fait  iufques  à  celle  heure. Car  mainte- 
nant îlluy  plâift  accomplir  en  moy  cela  que  plufieurs  roisay  dcfiié,cC>nictu  lefais  bien; 
aîiauoir  qu'il  me  tilt  la  gracede  mourir  pour  l'on  Euangile,à  l'édification  de  Ton  peuple: 
cl  la  qu'il  fera  ces  iours-ci ,  me  deliurant  de  tous  maux,  &cmc  mettant  en  ion  ro}  aume. 
Et  peur  ma  more  ne  te  deconfortc  ou  dcfolc  aucunement, ains  pren  vigueur  &c  coura- 
ge en  noftre  Scignc  ur,  croyant  fermemét  qu'après  mon  treipasil  prendra  du  tout  char- 
ge de  toy  la  feruante  :  &:  monllrc  qu'en  luy  fcultu  as  mis  toute  ta  fiance  ôc  efpoir .  Le 
genre  de  mort  cil ,  comme  ie  pcnle,d'cftre  traicté  cômeecux  qui  ont  précède  conftam- 
mcnt,tcfmoignansdc  Icfus  Chrift  &:  de  fa  doctrine  :  c'eftailauoir  de  palier  tout  vit"  par 
le  teu  lans  quelque  mifericorde.  Et  doit  tant  &  fi  longuement  durer  &:  eftre  entretenu 
le  ic  u,quc  tout  l'oit  en  cendre  conuerty  &  puis  fera  ladite  cendre  icttec  en  l'eau.  Or  ie 
ne  t'efery  point  ceci  parce  que  i'en  ay  grand'  peur  ou  horreur:  car  neantmoins  que  ie  lâ- 
che que  celte  iournee-la  m 'cft  à  la  mort  félon  le  corps ,  ie  iay  aulïi  d'autre  part  (&  cft  ce- 
la qui  m'a  lait  contemner  la  mort  corporelle)  que  ladite  iournee  m'eft  à  la  vie  félon  l'E- 
iprit ,  lequel  ne  peut  régner aucc  Iefus  Chrift  Ion  cfpoux  pleinement,  fans  la  diiîblutiô 
du  corps. car  cepédant  que  nous  fommes  au  corps ,  nous  fommes  pèlerins  du  Seigneur. 
Reiiouy-toy  donc, ma  c  hcrcfa-urenDieu&du  cempsque  tu  feras  vcfuc,efpere  du  tout 
en  luy, &  fois  vacante  en  fain&cs  prières  &:  autres  bonnes  ceuures ,  comme  la  vêtue  qui 
veut  du  tout  plaire  à  Dieu  ,  doit  faire.  Et  te  garde  que  tu  ne  fois  telle  vc  fue  qu'il  y  en  a- 
i.Tim.f. 6.  uo|t  ju  tcrnpS  L|c  S.Pauhcomme  il  eferit  à  fon  difcipic  Timothee  :  alîauoir  oifeufes ,  ap- 
pétantes  d'aller  de  mailon  en  maifon:&:  non  feulement  oifeufes, mais  auiîî  ayansdim  :  s 
langages, difans  parolles qui  ne  font  point  licites.  Et  quand  le  temps  viendra,  le  Sei- 
gneur te  pouruoyerad'vn  autre  mary,qui  aura  le  foin  de  toy ,  auquel  tu  obéiras, lequel 
tu  craindras, &c  luy  porteras  honeur,  comme  doitlafcrnmcà  lonmarv.ainli  quede  toy, 
ma  trcfchcrc,  ie  me  confie  en  noftre  Seigneur.  Ic  t'ay  bien  voulu  eferire  ces  choies,  co- 
meceluy  qui  eft  tenu  à  t'inllruire&r  endoctriner.  Et  ii  maintenant  ic  ne  peux  bouche  à 
bouche,  àtoutlemoinsquc  ie  face  deuoir  par  efent  encore  cefte  fois.  Tu  as  ton  boa 
pere,  par  lequel  tu  m'as  reicrit  que  tu  te  tcnoisauec  luy. ne  lay  rien  fan?  fonconfeil  :  vie 
de  luy  en  tes  affaires ,  garde-toy  de  le  contnlKrcn  aucune  choie,  ne  ta  merc  auffi.  Tu 
re  ucreras  ton  freic,&:  inftruiras  tes  Cœurs  en  ce  que  tu  pourras  félon  Dieu  ,  c  es  choies  ie 
dyau  nom  de  noftre  Seigneur.  le  te  prie  fi  aucuns  de  mes  frères  te  viennent  voir,  que 
tu  lesreçoyues  en  toute  douceur  pour  l'amourde  moy, &monftreàiccux  de  quelle  a 
mourtu  m'aimes.  Au  refte ,  ie  te  recommande  noftre  feeur  Marguerite ,  à  laquelle  ay 
donne  ces  prei'entes  pour  les  te  rédre.  Elle  m'a  déclaré  qu'elle  fe  veut  retirer  auecques 
vous.  6c  là  feruir  le  refte  de  la  vie  a  noftre  Seigneur.  Tu  luy  affilieras  tant  que  tu  pour- 
ras, Se  la  recommanderas  à  toute  l'cglife  de  Iefus  Chrift.  lime  fcmblc  que  toy&TEgli- 
fede  Iefus  Chrift  luy  deuez  affilie  ncr  :  carclleaailiftc  à  plufieurs:  mais  fpecialement  à 
moy,  me  folicitant  tant  &  iîfouuent  qu'elle  a  peu.  Elle  m'a  recréé  de  l'on  bien.  LeSci 
gneurluy  donne  milcricorde.  Salue  z  l'Eglilcen  mon  nom:mais fpecialement  les  tiens 
8£  les  miens  parens.  La  grâce  de  noftre  Seigneur  foit  aucc  ton  efprit,  Amen.  De  Tour- 
nayee  x  v  1 1 1 . de Eeurier.  Déshieriepcnfoycpaft'cr.fattentoulioursi  heure.  Ton 
lovai  mary    P.  Brully. 

ITp^§E  Magiftrat  de  Strafbourg  avat  efte  aduerty  de  toute  cefte  procedurequ'6  tenoic 
gti^contre  Brully  leur  bourgeois,  fupplicret  par  lettres  &:  mciTagecxprcs  1  Empereur 
\?ttnà  l,cs  delcdeliurenauffi  firent  les  ambafîadeurs  des  Proteftans ,  qui  lors  citoyen t  à  vneiour- 
en  t.-iuur  née  qui  letcnoita  Vvormcs.  On  enuoya  quant  &:  quant  lettres  elcrites  au  nom  du  duc 
de  Biully.  Je  Saxe  &:  de  Philippe  La  ntgraue  de  Hcfi'e,  en  faneur  dudit  Bvuliv  pourfadcliuran- 
ce:mais  rien  n'y  proufita,  (bit  que  lefdits  ayent  efte  trop  tard  enuoyccs,ou  que  Grauclle 
d'vne rufeaccouftumee ,  lésait  fupprimees  iufques  après  l'exécution  dernière  dudic 
Brully, comme  il  en  eftoit  le  bruit  au  pays  bas.  ^  Apres  donc  l'anoir  détenu  prifonnier 
enuiron  quatre  mois,  &:  que  les  aducrfaircs,par  les  confeffions,lertres&:  papiers  dontil 

auoit 


Ter/ècHtion  de  Aiets.  /j.  q 

àuoic  efté  trouué  faifï,curent  tire  dequoy  faire  le  procez  à  plulicurs  fîdck  s  des  villes  ou 
auoit  cité  ledit  Brully,cy  deflus  nommées,  &;  mcfmis  l'ayant  fait  mener  à  Valencicnes 
pour  remarquer  les  maifons  des  fidclcs  où  il  auoit  dogmatize ,  comme  ils  parlent .  fina- 
lement lentcncc  de  mort  luy  fut  prononcée,  laquelle  contenait  d'eftre  ars&r  brullc  vif, 
iulques  à  eftre  confumé  en  cendres .  la  caufe  cfhnt  adioufu  e ,  Pourcc  qu'il  auoit  tranf- 
greiféle  mandement  de  l'Empereur,  &C  qu'il  eftoit  efchcu  au  placart  (  ainfi  parlent-ils) 
dudit  Seigneur.  Celte  fentence  fut  mife  en  exécution  le  xi  x .  de  Fcurier ,  m.  r.xlv. 
Le  fupplicc  fut  horrible ,  entant  qu'on  le  bru  fia  à  petit  feu  fur  vn  grand  efchaffaut  qui 
auoit  efté  fait  exprès  furie  marché  delà  ville,afîn  d'augmenter  l'horreur  du  tourment. 
T  es  dernières  parolles  furet  quafi  toutes  prières  à  Dieu,hors  lcfquelles  il  ne  luy  fut  per- 
mis de  tenir  aucun  propos  au  peuple. 

Hiftotre  de  la perjêcution  à  M  E  TS  en  Lorraine. 

PLVSIEVRS  fidèles  tefmoins  de  la  verijc  de  l'Euangilc  ont  efte  faccagez  &  noyez  en  cette  perlêcurion ,  comme  on  pourra 
voir  par  le  récit  de  l'Epiftre  de  M.Guillaume  Farcl.ôc  par  les  requeftcs/upplications  &:  orailoiu  ici  inférées, dignes  que  ccuj 
tes  les  Eglifes  des  fidclcs  de  ce  temps  prefent  voyent  &  lifent. 

E  territoire  deMets  en  Lorraine  cft  cftimé  fertile, eftat  cnuironné&arroufe 
de  deux  riuiereSjMofellc  &:  Seine.  La  ville  cft  ancicnc,appclec  des  Meàioma 
mce5,lefquels(felon  l'opinion  d'aucuns  hiftoricns)furcnt  ainfi  appelez, d'au- 
tat  que  leur  ville  capitale  eftoit  au  milieu  de  ces  trois  citez  Tulles,  Verdun 
&:  Trcues.  Auec  les  bénédictions  de  la  terre,  le  Seigneur  a  fait  auffi  découler  en  ces 
temps  fur  les  habitans  d'icellc  la  pluye  de  fa  fainetc  doctrine,  non  feulement  par  le  fang 
des  Martyrs  dcfquels  cy  deuant  nous  auons  fait  mention ,  mais  auflî  par  la  prédication 
de  plufieurs  perfônes  qui  ont  efté  enuoyees  à  ladite  ville  de  Mets.  Sur  tous  M.Guillau- 
me Farci,  ancien  (bruiteur  de  la  mail'on  de  Dieu,  a  tafchc  de  toute  affection  non  feule- 
ment vne  fois,  mais  derechef  cefte  année  réduire  ladite  ville  à  vnc  fainetc  reformation 
dç  l'Euangilc.  Mais  comme  Satan  ne  ce/le  d'exercer  le  miniftere  d 'iniquité ,  aulli  fit-il 
tous  fes  efforts  de  troubler  la  compagnie  des  fidèles,  non  fculcmct  par  preftres  moi- 
nes, maisaufli  par  gcns.de  guerre  adonnez  à  toutes,  cruautez,  fes  vrais  fuppofts&:  orga- 
nes, comme  on  pourra  voir  par  le  récit  qui  s'enfuit  extrait  des  efents  dudit  Farci. 


A  tous  cœurs  affamez  du  defîi  de  la  prédication  du  S.Eiun.ile,  &  du  vray  vlage  des  S.icreniem,  S. 

C  I  ïamais  i'ay  eu  regret  d'aucun  peuple,  voyant  la  poureté  d'iceluy  ,&  fi  quelque  peu- 

pic  a  toufiours  efté  deuant  mes  yeux,  certainement  vous  eftcsiceluy.  Car  il  ne  faut  I-'affcclieii 
élire  combiende  fois  îe  penle  .i  vous  cv  de  vous,  non  pas  Tannée  ne  le  mois,  mais  cha*cu~  c"utrs  fo„ 
ne  heure, & dciour$£  de  nui  et .  «Se  m'aduient  en  cecy  comme  àla  merequi  a  eu  beau-  uouppeau. 
coup  de  peine  après  fon  entant. Car  tât  plus  il  luy  a  coufté,plus  elle  l'aime  :  &c  n'a  aucun 
repos  en  fon  cœur ,  quand  elle  elt  loin  de  fon  enfant,  craignant  que  mal  ne  luy  admen- 
nc,  &c  finguliercment  s'il  eft  en  lieu  dangereux.  Et  n'y  aperfonnequipuilfc  déclarer  v- 
ne  telle  affection,  que  celuy  qui  l'afcntieje  pcnfe&repenfe  d'vne  part  àla  trefardente 
affection  que  i'ay  veu  en  vous  après  l'Euangilc^  de  quel  défit  vous  i'auez  ccrchc  Se  de- 
mandé .  &c  confidere  d'autre  cofté  ce  qui  vous  cft:  aduenu  ,  en  talchant  de  1  auoir.  De 
moy,  ie  ne  dy  rie  de  ce  que  i'ay  tait,  ne  de  quel  cœur,  fînon  que  ie  vous  puis  affe  urcr,que 
iamais  ie  n'eu  choie  plus  à  cœur  que  voftre  édification  ;  &  n'ay  point  eu  plus  d'angoilfe 
que  de  voftre  oppre/fion.  Et  quand  ie  penfe  a  l'opportunité  qui  a  efté ,  que  noitre  Sei-j 
gneur  auoit  donnée,  ie  ne  fuis  ne  mort  ne  vif,&:  ne  fay  que  ie  doy  dire.  Bref,  ie  n'ay  au- 
tre chofe,  fînon  que  de  m 'humilier  deuat  Dieu,  &c  donner  louage  à  fon  fouucrain  nom, 
qui  void  &£  cognoit&:  entend  tout.  Et  en  m 'humiliant  iceonfeffe  que  Dieu  cft  iufte, 
droit  &:  cntier,qui  enuoyc  la  pluye  fur  vne  ville  quâd  il  luy  plaift,là  où  l'autre  n'en  a  pas  Amo,  ^ 
vne  feule  goutte.  Carie  fay  &:  cognoy  des  gens  qui  eulfcnt  trop  plus  aimé  la  mort  que 
l'Euangilc,  ne  voulans  ouyr  ny  entcndre:&:  toutefois  eftans  côcraints  daflifter  aux  pre-  Plufîcur.^ 
dications,  combien  qu'ils  ayent  ouy  maugré  eux,  ce  nonobftat,  auoir  ouy,  ils  ont  reccu  j™^*  * 
la  Parolle;en  oyant  ils  ont  efté  touchez ,  tellement  qu'ils  ont  furmonté  les  premiers  en  maugré 
foy  &c  charité, eftans  efbahis  comment  on  les  auoit  loufferts  &c  endurez,  &c  qu'on  ne  les  ellx- 
auoit  faitmourincomme  ils  difoyentl'auoir  bien  deferuy,  en  côtreuenantà  vne  fi  faill- 
ite &c  fi  bonne  doctrine. 

I  e  ne  rçciteray  point  de  ceux  qu'on  a  vifité  en  maladie,ou  autrement ,  qui  voloricrs 

A.ii. 


LiurtLj  //■  Terfecution  dc^  *Mefs. 

eu  lient  ferme  leurs  portes,  fi  honte  ne  les  euft  empefehez:  à  qui  Dieu  a  fait  telle  grâce, 
qu'après  auoir  ouy ,  îbudainement  ils  ont  efté  changez .  Se  en  remerciant  Dieu,  ils  oni 
inftamment  prié  qu'on  print  la  peine  de  les  viliter  fouuent,  Se  de  leur  parler  de  c  e  doux 
Sauueur  Iefus.  Mais  au  contraire,vous  mes  frères,  combien  de  fois  aucz-vous  fupplic  à 
vos  Scigneiirs,dauoir  la  parofleîEn  toute  humilité  vous  auezdonné  de  telles  (Implica- 
tions, que  vos  Seigneurs  difoyent,  qu'elles  eftoyent  bonnes  &:  fain£tes,&  dignes  d'eftre 
receués:adiouftans  cela ,  Mais  que  le  cœur  fuft  félon  les  requeftes.  Des  promefiTcs  qui 
vous  on tefté  faites,  fi elles  euflcnt  clic  accomplies,  vous  feriez  fort  bien.  Et  combien 
Lemairtrc  de  fois  en  aucz-vous  inft animent,  &  au  nom  de  Iefus ,  requis  le  maiitre  Efcncuin  :  que 
d^Mcts"  commc  chef  de  la  ville,  il  vousottroyaftla  Parolle?  Et  lui  qui,  comme  fauez,  auoitgrad 
C  '  defir  que  l'Euangile fuft  prefché:  quelles  remonftrâcesa-il  faites  aux  autres  Seigneurs? 
quelles  requeftes, Se  combien  de  fois  les  a-il  priez  en  voftre  nom  :  Combit  n  aucz-vous 
couru  dc-çà  Se  de  là:  &:  toutefois  il  a  pieu  à  Dieu  de  permettre  tant  à  Satan ,  que  i'en  ay 
horreur:&:  ne  penic  point  que  pour  l'iniquité  de  laquelle  Ion  a  vie  contre  la  parolle  de 
Dieu  cnuers  vous,  il  n'en  aduicnnc  vne  trefgrofte  punition,  Se  telle  vengeacc  que  tout 
le  monde  en  fera  eftonné.  O  pourcs  Herodes,  qui  auczpeur  que  le  vray  Roy  ne  règne, 
Se  que  vous  ne  perdiez  le  royaume ,  lequel  fi  vous  ne  l'auez  vfurpé  iniuftement,  toute- 
fois vous  le  conduifcztrefmal:  en  empefehant  la  fainibe  parolle  delelus  i  O  que  vous 
fen  tirez  vn  iugemét  trop  plus  grief  que  iamais  Hcrode  n'afenty ,  vous  qui  auez  efté  ba- 
ptil'ez,  Se  qui  confefTcz  quclefus  Chrift  eft  le  Roy  des  Rois,  &c\c  Seigneur  des  Sei- 
gneurs^ que  luy,  qui  eft  vray  Dieu  Se  vray  homme,  qui  a  fouffert  pour  noftre  fàlut,  ve- 
nant ici  en  chair,  iugera  les  vifs  &c  les  morts:  comment  ofez-vous  empefeher  quel'E 
uangile  Se  les  fainctes  ordonnances  de  ce  grand  Roy  (à  qui  tous  doyucnt  feruir)  n'ayenc 
prou.io.  |jcu  partoutr  Que  peut-on  dire  autre  chole,fino  que  tout  ce  que  vous  craigncz,&:  plus 
encore  vous  auiendra ,  fi  en  bref  ne  vous  retournez,  Se  fi  ne  vous  fubmettez  humble- 
ment à  ce  fouuerain  Roy? 

Voyant  donc ,  mes  frères ,  voftre  affection  Se  trauail  le  grand  empefehement 
qu  auez  eu  de  toutes  parts,&:  confiderant  la  trefgrande  grâce  de  Dieu,  qui  a  efté  dônee 
à  pluiîcurs  autres  peuples &:  Seigneurs:  jen'ay  peu  faire  autre  chofe,  fors  que  de  vous 
fupphcr  au  nom  de  noftre  Seigneur  Iefus, que  vous- vous  mi/Tiez  tous  en  prières  Se  orai- 
fons,  en  confeflant  v  os  pechtz  cftrc  caufe  que  la  l'ainctc  parolle  de  Dieu  ne  vous  eft  an- 
noncée. Etainiï  e  fiant  aupresde  vous,&  parles  machinations  de  Satan  eftant  empei- 
ché  de  vous  feruir  en  noftre  Seigneur,finon  qu  a  bic  n  peu ,  au  prix  du  grâd  nombre  que 
\o9eftcs:iay  tafehéde  vousincitei  à  prier  noftre  Se  igncur,&  pour  mieux  vous  elinou- 
uoir  à  la  faincte  prière,  &:  à  requérir  l'aide  de  Dieu  en  la  ncccflîtc  &:  pourcté  en  laquelle 
vous  eftcs,qui  eft  fort  grande  Se  fort  pitoyable,i  ay  voulu  mettre  par  cfcrit  vne  requefte 
adreflée  au  Seigneur,  lequel  eft  plus  amiable  Se  plus  équitable  que  tous  ceux  qui  onc 
furent.  Cariamaisil  n'a  refuie  dottroyer  la  demande  Se  requefte  mite  Se  raifonnable 
qui  luy  a  efté  faite  en  foy.  Parquoy  i'ay  ce  fait ,  eftant  bien  afteuré  que  fi  en  vraye&:  viuc 
foy  vous  luy  prefenciez  voftre  requefte,  pour  fon  honneur  Se  gloire,&:  pour  l'exaltation 
de  fa  parolle ,  Se  pour  voftre  falut ,  qu'elle  vous  feroit  accordée  Se  palTce  :  non  point  en 
vertu  de  la  requefte ,  ne  de  chofe  qui  ibit  en  vous ,  mais  par  lagrande  bonté  Se  grâce  de 
cetrefton  Seigneur,  à  qui  vous  deuez  donner  ôcadreficr  voftre  requefte ,  parle  moyen 
de  noftre  bon  Sauueur  Iefus,qui  eft  eau  lé  que  nous  impetrons  tout  ce  que  le  Pcrc  nous 
ottroye  Se  donne.  Et  ne  faut  ici  eftre .honteux  à  demander,  ne  craindre  aufti  de  fafcher 
vn  tel  Seigneur,  nepcnlér  (  quelque  choie  qui  foit  en  nous,  ne  que  nous  voyons ,  ny  o- 
yons)  qu'il  nous  vucille  efeonduire  ,  ou  reietter  noftredcmande  ,  que  nous  luy  pré- 
sentons par  Iefus  en  vraye  foy.  Mais  mefmc  quand  la  chofe  nous  femble  du  tout  defel- 
perec ,  Se  qu  il  y  a  moins  d'ordre  d'auoir  ce  que  nous  demandons,  que  lors  par  vraye  foy 
nous-nous  fortifions,  6c  nous  afieurions  que  lademande  eft  paftec  Se  donnée  :  ôcàce 
nous  faut  arrefter  cotre  tout  iugement  que  l'homme  p  ni  fie  ici  auoir  :  côme  nous  voyôs 
Gcn.j8.  qu'il  eft  aduenu  au  fidèle  Abraham.  Car  quand  a-ilcula  pro  méfie  accomplie  d'auoir  li- 
gnée ?  n'a-ce  pas  efté  quand  tout  cfpoir  eftoit  defailly  tant  à  luy  qu'à  fa  fem  vnc'-.Se  quand 
il  s'arreftoit  lurlfmael ,  comme  s'il  euft  efté  celuy  qui  luy  auoit  eftépromis  1  Et  quanda 
Gcn.it.  efté  confer mec  ladite  promelîe,  voire  par  le  ferment,  linon  quand  ledit  Abraham  auoic 
tiré  le  coufteau  pour  lacrifierfon  fils  Ifaac,&£  qu'il  eftoit  comme  en  la  mort  ?  Certaine- 
ment ,  trefchersamis,noftre  Seigneur  veut  exercer  voftre  fpy  &:la  miënc:&  veut  qu'en 

icelle 


fçrfecmion  d<u  tfflets.  f^f 

icelle  nous  Iuy  prefentionsnos  requeftes ,  en  priant  Se  requérant  que  Ton  faincl  Ëilangi  - 
le  foitprefché,  &:  qu'il  veut  qu'on  croye  de  cœur  en  oyant ,  Se  qu'on  conf  elle  de  bouche 
en  receuant  l'es  fain&s  Sacremens  &:  faifant  comme  il  a  ordonné ,  que  par  l'a  grâce  il  fa- 
ce qu'en  cela  fa  fainetc  volonté  foit  fai(e:&  qu'il  vous  conferue  icy,& vous  pardône  tou9 
vos  péchez.  Et  combien  que  vous  Se  moy  voyons  quali  tout  le  contraire  de  celle  dema- 
dc,&:que  Satan  s'efleue  plus  que  iamais,  toutefois  il  nous  faut  perfeuerer  après  noftre 
requefte,&:  ne ceiîer aucunement:  mais  touliotirs  en  priant  croire  parfaitement  que 
Dieu  la  nous  accorde:&  qu'il  le  monftrera  pour  magnifier  l'on  (ainâ  nom. Il  cil  vray  que 
de  ma  partie  n'ay  point  celle  de  prier  fie  requérir  que  noftre  Seigneur  vous  donnait  des 
fidèles  Paftcurs  :  Se  combien  que  l'aye  prediçt  les  choies  qui  vous  font  aduenucs ,  com- 
me vous  lcpouuez  voiràrœil,&:  toucher  au  doigt:  toutefois  îe  me  confie  à  la  bonté  de 
Dieu,ô£  a  fa  grande  grâce  Se  mifericordcll  cft  vray,comme  i'ay  dit  à  ceux  qui  pcnfoyêc 
parler  bien  fagement,  &  auoir  vn  confeil  tant  fage  pour  conduire  Dieu  &:  les  hommes* 
pour  cuiter  tant  de  maux  Se  faire  tat  de  biens,commc  tant  de  fois  ic  I'ay  dit,  qu'il  eftoit 
neceflaire  enl'œuure  de  Dieu ,  regarder  Dieu  feulement ,  Se  ce  qu'il  commande .  Se  ne 
falloit  aucunement  regarder  l'effort  de  Satan,  ne  les  grans  rempars,  ne  fa  puiiîance,ne 
le  craindre  aucunement. mais  puis  que  noftre  Seigneur  ouuroit  la  porte ,  pour  donner 
l'alTaut  à  Satan,  &  qu'il  y  auoit  moyen  félon  Dieu ,  qu'on  deuoit  regarder  la  puiiïancc 
de  Dieu:&  que  félon  Dieu ,  ceux  qui  auoyent  charge  du  peuple  fiilent  comme  peres;a- 
fîn  que  ceux  du  peuple,  qui  leur  eftoyent  commis  comme  le  urs  cnfans,&  qui  deliroyét 
d'ouyr  l'Euangile  eullent  la  parolle  de  Pieu  comme  ils  la  dcmanloyêt,  pour  leur  vraye 
viande.    Car  Dieu  n'a  iamais  dclailTé  les  Seigneurs  qui  ont  eu  charge  du  peuple ,  en- 
tant qu'ils  ont  fait  leur  office:  mais  leur  a  affilié  mcrueilleuiement.    Etdauantage  ay 
dit ,  que  s'il  y  auoit  perfonne  qui  deuft  craindre,  ie  le  deueye  faire,  pourtant  que  tout  le 
danger  eftoit  fur  moy.    Car  ainfi  que  par  la  parolle  de  Dieu  ie  luis  aiieurc ,  tant  que  ie 
la  porte  purement,  de  n'cftrç  vaincu  parraiibn,  &  que  i'ay  promeife  de  Dieu  d'auoir  J"1'" 
bouche&:fagefre,àqui  tous  aduerfaires  ne  pourront  reiifter  :  aulTi  1  ay  les  aduertifTe-  iCial6[' 
tnens,  Se  certaine  parolle  d'eftre  perfecuté ,  voire  tellement  que  ceux  qui  me  mettront 
à  mort,  penferont  faire  vnferuice  à  Dieu,  comme  plusieurs  Je  m'ont  recognu ,  en  de- 
mandant merci  à  Dieu  de  leur  ignorance  &du  mauuais  vouloir  qu'ils  auoyent  autre- 
fois contre  moy ,  tafehans  àme  mettre  à  mort,  pour  faire  vneœuure,  comme  ilsptn- 
foyent ,  fain&e&J  bonne.    Il  eft  bien  vray  qu'vn  cheueul  de  ma  telle  ne  tombera  point 
fans  le  vouloir  du  bon  Pere,com  me  ie  l'ay  bien  expérimentées  dangers, def  quels  au- 
cun homme  n'euft  peu  efchapper  fans  l'aide  linguliere  de  Dieu  .    Mais  en  failant  ma 
charge  ordonnée  de  Pieu,  ic  fuis  fubiect  à  la  mort  violente  Se  à  battures,&:  n'ay  en  mon 
office  autre  reuenche  ,quel'inuocationde  Dieu.    le  lai/Te  plufieurs  autres  propos,  Se 
les  exemples  amenez  qui  n'ont  eu  leur  lieu  quand  il  eftoit  neeelfaire:  mais  quelque  cho 
fe  qui  ait  cfté  faite ,  ue  lailTee  à  faire,  fi  ay-ie  ma  fiance  en  Dieu  ,  qu  i  1  aura  pirié  de  vous: 
&  que  fi  vous  retirez  vos  cœurs  de  la  terre ,  &.  que  ne  mettiez  voftre-  fonce  és  hoirs  mes, 
mais  que  vous  ayez  tout  voftre  cœur  Se  cfperance  en  Dieu,&  que  fans  celle  vous  demâ- 
diezfonaidc  &:  affiftéce:quandily  auroit  cet  mille  fois  plus  de  eôtranere  Se  de  reiiftcn- 
ce,&:  moins  d'efpoir  félon  la  chair,  neantmoinsic  luisaifeuré  que  Dieu  vous  orra,  &. 
vous  donnera  voftre  demande.  Et  pourtant  qu'en  regardant  aucun  iiurct,  i'ay  ttouué 
la  prière  laquelle(commc  i'ay  dit  parauant)  i'auoye  eferite ,  èc  me  fuis  mis  à  la  lire,  Se  en 
ay  efté  efmeu:à  cefte  caufe  il  m'a  fcmblé  bon  de  la  reuoir,  Se  la  vous  renuoyer  :  cfp  :?rant 
auffi  que  vous,  à  qui  la  chofe  touche,  n'en  ferez  poinr  moins  touchez  que  moy,  il  la  mé- 
moire vous  eft  refraifehie,  non  fculcmét  des  choies  qui  font  aduenues  en  vn  lieu ,  quad 
les  portes  furent  fermées  à  plein  iour  aux  feruitcu rs  de  Dieu, pour  auoir  ouy  prefeher  l'- 
Euangile ,  en  conlïderant  en  quel  eftat  eftoit  le  poure  peuple ,  qui  couroit  deçà  &:  delà: 
entre  lefquels  en  y  auoit  plulieurs  frappez  de  pelle,  qui  pour  lors  eftoit  fort  grieuc  en  la 
yille,  comme  les  courfes  de  la  guerre  eftoyent  tout  à  l'enuiron:  tellement  qu'on  n'oyoit 
autres  chofes  que  tueries,  pillages  Se  meurtres ,  §£  comme  bien  pouucz  fauoir ,  vous  c- 
ftiez  recômandez  aux  deux  parties, tant  à  ceux  qui  couroyent  d'vn  collé, que  de  l'autre» 
Dieu  face  merciàceuxqcÔtre  tout  deuoir  en  telle  manière  tafchoyët  à  voftre  perditiô, 
Se  leur  doint  cognoiiTance&:  amédement. Corne  vo9  eftes  tenus  de  prier  pour  to9,pricz 
pour  eux:&:vô9  végez  de  Sat^en  tafehat  de  retirer  de  fa  tyrànie  tât  q  vo9  pourrez,tous, 

À.iii» 


Liurc^I /. 


Terfecutton  de  tfflets. 


amis  bc  ennemis.  Or  bien  auez  entendu  comment  ceux  qui  venoyent  cie  propos  déli- 
béré pour  vous  ruiner  &gafter,  quand  ils  vous  voyoyent  ouallans  ou  rctournans  du 
fermon,  le  cœur  leur  eftoit  changé,  tellement  qu'ils  ne  vous  pouuoycnt  faire  mal,  ne 
mefmeledire:  mais  vfoyentdc  bonnes  parolles  enuers  vous,  comme  s'ils  euflent  cfté 
de  vos  bons  amis.  Et  fi  vous  y  voulez  penfer,vous  trouucrez  que  vous  auez  eu  trop  plu  r 
de  fafcherie  de  vos  domeftiques,  &  de  vos  plus  prochains,  &:  qui  félon  le  deuoir  eitoyct 
tenus  de  vous  aider  &  afTifter  à  vne  fi  faindte  œuure ,  comme  eft  d'ouyr  l'Euangile  :  que 
vousn'auczeu  de  ceux  qui  eftoyent  incitez,  ie  nefay  s'ils  eftoyent  locz  pour  vous  dom- 
mages 6c  qui  fouuentcsfois  en  mettoyent  d'autres  par  terre.  Icy,mes  freres,hautcmec 
leuez  vos  yeux  &c  cris  à  noftre  Seigneur,&:  dites  :  Seigneur ,  par  ta  bonté  as-tu  ainfi  em- 
pefchéceux  qui  tant  ouucrtement  cfpandoyentlefanghumain,&  qui  ne  demandoyét 
finon  rencontrer  pour  battre  ou  tuer?  Ne  toucheras-tu  point  le  cœur  de  ceux  que  tu 
nous  as  donnez  pour  pères,  afin  qu'ils  facent  leur  deuoir  enuers  nous,  comme  nous  dé- 
lirons taichons  leur  porter  tout  honneur,  &  leur  redre  tout  deuoir  &c  toute  obcilfan- 
ce,  &C  prions  pour  leur  falut,  bien  &:  conferuation ,  &c  qu'ils  n'empefchét  noftre  bien  &C 
falut:mais  qu'ils  le  procurent  auec  le  leur,  en  receuant  l'Euangilc  de  ton  Fils  Iefus  î  Et 
en  vosrequeftes  reduifanten  mémoire  les  banniffemens,emprifonnemens,tourmens, 
&:  tout  ce  qui  a  cfté  fait  à  ceux  qui  delîroyent  de  fuyure  l'Euangile,  non  pour  autre  cau- 
fe  que  pour  TEuangile:  leuez  vos  mains  au  ciel,  &  criez  hautement  de  cœur,  &  fi  trefaf- 
fectueufement  &:  de  (î  grande  foy,que  voftre  oraifon  perce  tous  les  cicux,&:  qu'elle  vie- 
ne  aux  oreilles  du  bon  Pere  éternel, pour  les  trauaux  que  fon  poure  peuple  a  foufFert  Se 
enduré,  en  courant  comme  poures  brebis  affamées ,  loin  de  leurs  maiions  &:  en  grand 
danger:  Et  comme  parauant  les  vns  eftoyent  chafTez,  les  autres  tourmentez  par  extor- 
fions,  noftre  Seigneur  a  voulu  plus  efprouuer  les  fiens,&:  leur  faire  voir  chofes  fort  hor- 
ribles félon  la  chair,  &:  gradement  dommageables  à  ceux  qui  les  font.  Et  côbien  q  plu- 
iieurs  fois  ceux  qui  fc  vindrét  ruer  /ur  vous,  en  eulfent  peu  tourmenter  plus  gros  nôbrc 
&  moy  auec  vous:car  vous  fauez  que  fans  aucune  crainte  en  parlât  de  noftre  Seigneur, 
&:  exhortant  tous  à  pei  feuerer  en  l'Euangile,  quel  chemin  ie  faifoye:  ncâtmcins  iâmais 
ils  ne  vous  ont  rien  fait,  finon  en  la  iournee  qu'il  a  pieu  à  Dieu  leur  permettre  de  venir 
contre  vous  en  groifefureur:&:  comme  fembloit,  en  propos  de  perdre  Situer  tout  ce 
qu'ils  trouueroyér.&  fut  en  la  iournee  de  Pafques,  quileur  fembloit  bien  propre  à  faire 
ce  qu'ils  auoycnt  propoié.  En  ce  iour-ln, après  qu'vne  partie  de  vous  auoit  cfté  à  la  fain- 
tteCenc  de  noftre  Seigneur  Iefus,  &:  auoit  ouy  la  douce  voix  d'iceluy,qui  vous  inuitoit 
par  mon  faind  miniftete  à  prendre  la  viande  qu'il  vous  donnoit  pour  voftre  falut  :  c'eft 
l'on  précieux  corps,qu'il  a  dôné  à  la  mort  pour  vous:&  fon  précieux  fang,  qu'il  a  efpadu 
parla  rcmifiion  des  pechez,  afin  que  vosames  eufienten  ce  bon  Sauueur  pleine  affeu- 
rance  de  leur  falut,pour  cheminer  côme  ce  bon  rédempteur  cômande  en  toute  pureté 
de  vie:côme  en  auiez  eft  é  admonneftcz,à  celle  fin  que  deuement  vinfiez  àcefte  fainfr© 
table,  déliras  le  vray  falut  &  de  chager  voftre  vie,  en  vous  recognoi/Tant  tous  pécheurs, 
&c  demandans  mercy  à  Dieu:&  pourtant  que  le  Pere  a  ordonné  defauuer  les  fiens,&  de 
leur  pardôner  pour  l'amour  de  Ielus,  &:  qu'il  a  mis  noftre  falut  en  iceluy,  qu  en  Iefus  vo* 
le  cerchiiTicz,&:  le  prin(icz,eh  deteftât  péché ,  &  defirans  eftre  participais  de  la  iuftice, 
pureté  &c  innocence  de  Iefu  s.  Ce  qui  nous  eft  donné,  quand  nous  participées  à  luy  pour 
cheminer  en  vne  vie  nouuelle,  &:  es  œuures  que  Dieu  a  ordonces,que  nous  cheminiôs 
en  icclles.  Côme  de  ceci  en  fentét  le  fruicT:  ceux  qui  deuement  viennét  à  la  faintte  table 
de  Iefus,comme  vous  fauez  ouy,&:  par  la  grâce  deDieu  au/Ti  l'aucz  expérimenté.  Car  ic 
me  confie  que  ceux  qui  ont  ouy  ont  encore  imprimé  en  leur  cœur  ce  qui  leur  a  efté  dit 
en  l'adminiftration  de  la  fain&e  Cene,  tat  auant  le  rÔpement  du  pain  d'aétio  de  grâces, 
qu'apresrainli  qu'il  a  pieu  àDieu  leur  parler  par  moy.  Apres  doc  auoir  ouy  cefte  voix  tac 
falutaire  de  Icfus,à  peine  aucûs  auoyét  pris  leur  refe£biori,&des  autres  eftoyet  à  table:8£ 
pleuft  à  Dieu  qu'ils  euftet  lors  demeure  fans  mager  :  voici  la  trôpette  pleine  de  frayeur, 
&:  gédarmes  à  grans  cris  tât  d'eux  que  de  leurs  cheuaux,  &  de  l'autre  cofté  adueturiers. 

Touchant  vn  nommé  >AI>^4M  martyr  du  Scigntur. 

j^T|p3L  n'y  auoit  que  ceux  de  la  ville  qui  feufient  la  venue  des  gendarmes ,  ne  qui  feuf- 
M^_vl<ent  ncn  ^e  toute  letrcprife  quieftoit  faite.  Les  poures  gens  eftoyét  la  furpris,cô- 
me  agneaux  entre  les  loups,vn  petit  nôbrc  entre  groffe  multitude:fâs  aucû  baftô,entre 

ceux 


Terjecution  de  Mets-  14  2 

ceux  qui  eftoyent  armez  de  toutes  piccesA'  à  voir  la  chofe ,  il  fembloit  que  tout  deùft 
cftrc.tué  &c  meurtri:ce  qui  eftoit  facile  félon  le  jugement  de  l'homme.  Car  tous  les  en- 
nemis eftoyent  comme  enragez ,  comme  bien  il  appert  en  ce  qui  a  cfté  fait  en  vn  ancie 
homme  nommé  Adam,  qui  cftoit  en  la  rue  fans  aucun  bafton,  comme  eftoyent  ceux 
de  la  ville. peut  eftre  qu'aucun  de  la  ville  donna  à  entendre  qu'il  eftoit  de  la  partie  de  1' 
Euangilc,comme  Ion  faifoit  des  autrcs,cn  criant  contre  eux  &  di(ànr,Ccux-ci  font  des 
chiens  hérétiques. Sur  quoy  vint  vn  aduenturier  contre  ce  vieil  liommc,&:  luy  dit,Mar^ 
che.Et  le  poure  homme  refpondit  fimpIement,Que  me  demandez-vous?  Incontinent 
fut  iafchee  vne  harquebufe  contre  le  ventre  de  ce  bon  ancien,  qui  fe  fentant  blclîc ,  pi- 
teufement  dit,Hamon  Dieu,aide  moy.Sur  quoy  l'aduenturicr  tourna  le  bois  de  ia  har- 
quebufe:&:  en  luy  difant,Ha  mefthant,tu  inuoques  ton  Dieu, il  luy  donna  vn  coup  qui 
le  îetta  à  terre. Et  incontinent  vn  gendarme  fît  paffer  (on  cheual  fur  l'homme  mort,qui 
auoit  efté  repris  de  s'eftre  recommandé  à  Dieu, comme  il  auoit  ouy  en  la  lain6tc  Cene. 
En  quoy  Ion  void  (  félon  ce  que  porte  la  Pafque  des  affaillans ,  &:  de  ceux  qui  les  incito- 
yent  à  gagner  Paradis  en  tuant  les  gens  qui  n'adorent  point  le  Pape  ne  ce  qu'il  fait)qu'- 
il  ne  faloit  parler  de  Dieu  fors  qu'en  le  blafphemant ,  mais  il  cftoit  bien  loilible  de  par- 
ler de  tous  les  ennemis  d'enfer. 

Il  faut  qu'en  telle  forte  fe  portent  ceux  qui  feruent  à  l'Antechrift,  ne  pouuanspor-  i_acon(Ji 
ter  le  bien ,  tafehans  à  deftruire  tout  ce  qui  eft  de  Dieu  :  là  où  Ieliis  &:  les  liens  par  tous  non  des 
moyens  trauaillent à  conferuer  toute  bonne  chofe,  &:  à  réduire  à  bien  tout  ce  qui  va  iduer^Ic^ 
mal,cn  rendant  bien  pour  mal ,  fe  portans  enuers  tous  en  toute  douceur  &  bénignité. 
Mais  les  Moines  &:  leur  fuitte,  qui  ont  trauaillé  à  fufeiter  cefte  perfecution ,  n'ont  pas 
encore  fait,&  n'eft  encore  la  fin  de  leurs  maux  :  &c  quelque  chofe  qui  foit  aduenue  à  ces 
poures  miferables ,  reiettans  la  grâce  de  Dieu ,  tout  n'eft  rien  au  prix  de  ce  qui  leur  eft 
appreftc.Dieu  leur  vueille  ouurirles  yeux  &:  leur  toucher  les  cœurs  :  &  fingulierement 
à  ceux  qui  pèchent  par  ignorance  &:  qui  penfent  bien  faire,quils  ne  foyent  abyfmez  a- 
uecles  autres. 

Le  Martyre  de  plufîeurs  qui  furent  accablez  de  pierres ,  s'efans  fauuez  en  la  riuiere. 

Î^^V  A  N  T  eft  du  bon  homme  qui  auoit  efté  chafte  de  la  ville  auec  fa  femme:  cô- 
bien  qu'il  y  euft  au  commencement  de  l'ignorance,fi  auoit-il  bon  cœur  à  laParo- 
le,&  auoit  bien  profité,comme  il  l'a  déclare  àla  fin .  Car  ainfi  que  tous  comme  efgarez 
couroyent  fvn  deçà  l'autre  delà ,  &:  que  mefmes  il  eftoit  ainfi  arrefté  de  tout  perdre  :  &: 
que  groftes  defenfes  auoyent  cfte  faites  aux  bateliers  de  ne  pafier  perfonne,plufieurs  fe 
ietterent  dedans  la  Mofelle,&  paflerent  outre  comme  par  grand  miracle. 

Or  ce  bon  homme  eftant  entré  dedans  la  riuiere,  vne  bonne  femme,  &:  la  cham- 
brière d'icelle  le  (uiuoyent  :  &:  en  allant  par  la  riue,  il  regarda  les  femmes,  &:  en  eut  pi- 
tié,craignant  qu'elles  ne  demeuralTent  en  l'eau:&  leur  dit  qu'elles  prin/Tent  le  bord  de 
farobbe,&:  qu'elles  lefuiuiffent:ce  qu'elles  firent.  &ainfî  qu'ils  marchoyent,aucuns  c+ 
ftans  à  la  riuc:commencercnt  à  crier,  Aux  chiens,  aux  chics,  félon  la  chanté  qu'on  leur  Cruauté 
auoit  appris  en  ce  iour-la:lesautres  iettoyent  des  pierres,tellement  que  ce  bon  homme  Jj°r"J^r 
&:  lefdites  femmes  eftoyent  contreintes  de  fecachcr&  mettre  la  tefte  dedans  f  eau,  &c  faues 
quand  ils  retiroyent  la  tefte  de  f  eau, incontinent  on  leur  iettoit  derechef  des  pierres. 

O  r  des  cris  &  inuoeations  du  faind  nom  de  Iefus ,  &  comment  tous  recommando- 
yent  leur  efprit  à  noftre  Seigneur,en  peuuent  rédre  tefmoignage  ceux  qui  les  ont  ouis. 
Et  combien  que  quafi  tous  criailcnt  parauant ,  comme  contre  des  chiens, toutefois  par 
l'inuocation  du  nom  de  Dieu,  le  cœur  fut  changé  à  plufieurs ,  &  en  reprenant  ceux  qui 
iettoyent  les  pierres  contre  ces  bons  perfonnages ,  ils  leur  eulTenc  volontiers  aidé  à  les 
fauuer.Mais  entre  les  autres,deux  garnemens  ne  cefTerent  de  ietter  pierres,  iufqu  a  tât 
qu'ils  rendirent  l'efprit  auecgrofîes  recommandations  de  leur  ame  faites  à  noftre  Sei- 
gneur .  Et  ici, mes  frcres,priez  au  Seigneur  qu'il  ait  fouuenance  de  la  mort  que  fes  fer 
uiteurs  ont  endurée  pour  courir  après  la  prédication  de  l'Euangile,ne  faifansà  nul  mal: 
mais  de  vie  &  de  parole,  voire  iufqu'à  la  fin,edifians  &  tirans  tous  à  noftrewSeigneur.  Et 
fi  la  grande  bonté  &  bénignité  de  noftre  bon  Pere  a  efgard  à  fes  feruiteurs ,  &:  à  ce  qui 
leur  eft  fait,&  qu'en  reduifant  cela  en  mémoire,  nous  le  pouucns  prier,  &  efperer  qu'il 
nous  donnera  nos  fain&es  requeftes ,  combien  plus  fans  comparaifon  deuons-nous  ré- 
duire en  mémoire  la  mort  qui  tant  iniuftement  eft  aduenue  au  feul  innocent  &  put  Ie- 

A.ini. 


Ltarc^  I  /•  Perfecution  de  ifflets* 

lus  noftre  Sauueurï  laquelle  il  a  volontairement  endurée  pour  noftre  falut,  afin  qu'ïce U 
le  nous  fuft  annoncée ,  prefehee ,  &  mile  deuant  nos  ycux,&  que  nous  en  fentifîions  le 
fruiden  nos  ames,par  le  fainct  Baptcfme  &c  parlalàinûeCenc,qui  noustircntdu  tout 
&  nous  mènent  à  la  mort  du  Seigneur  peur  en  auoir  le  fïuict  &  en  l'en  tir  la  vertu  .  Rc- 
du  liez  en  mémoire  tout  ce  que  Iciu's  a  tait  &:  dit ,  tous  l'es  tourmens  angoilfcs ,  &:  ici 
vous  icttez  à  terre  &  criez  de  tout  ce  qui  eft  en  vous:  iettez  toutvoftre  cœur  en  Dieu, 
tout  l'eus, puiifancc, vertu  &c  cntcndcment:dc  trefardente  affection  criez  (ans  ceffe,  Ha 
Seigneur  Dieu  &c  Pere,la  grande  multitude  de  nos  péchez  >de  nous  &c  de  nos  Pères ,  te 
preïicra-elle  tât,que  tu  n'ayes  pitié  de  nous,&  que  tu  vies  de  telle  rigueur  fur  nous,  que 
nous  lovons  dclaiifcz  comme  poures  brebis  elgarees&:  ians  pafteur? 

Orjifon  des  tidcks  au  milieu  des  afflittuw  &  cîes  horruirî  de  la  mort  trcfcrucUc. 

peigne  v  r,ô  Seigneur,  ayefouucnance  de  la  mort&:  paflion  de  ton  trefeher  fils» 
^qui  eftantfaitefgalàtoy,d'vnemefmc  piMiiaïicejnuthorite'jCfîènce&diuinite^pour 
noftre  falut  a  pris  noftre  chair,&;  a  eftéfait  vrav  homme,commcil  eftoit  vrayDicu:pre- 
nant  ce  qu'il  n'eftoit  point  &:  ne  laiiiant  point  ce  qu'il  eftoit  éternellement.  Et  en  eefte 
chair  t'a  voulu  feruir  &:  taire  plus  de  bien ,  que  nous  ne  pourrions  faire  de  mal,  &:  payer 
plus  que  nous  ne  l'aurions  deuoir,  &  en  luy  tu  nous  as  aiieurezdenous  donner  tout  ce 
que  nous  te  demanderions .  O  Seigneur»  pour  l'honneur  &:  gloire  de  ton  l'ainâ:  nom, 
pour  l'exaltation  du  règne  de  Iefus  ton  Fils,&:  pour  noftre  falut^ious  te  prions  regarde 
de  ton  haut  ciel  fur  nous  en  pitié,&;  nous  fay  la  grâce  d'ouir,entendre,&:  retenir  ta  fain- 
cte  Parole. Donne-nous, non  point  des  fages  de  ce  monde,ne  des  gens  qui  s'enqueftenc 
des  choies  en  quoy  ne  gift  point  le  falut  >&:  qui  cerchent  de  parler  en  hautelTe  de  paro- 
lcs,cerchanseux-mcl'mes:  mais  il  te  plaifenous  donner  des  vrais  feruiteu»  de  ta  gloi- 
re,qui  s  arreftent  du  tout  à  la  tolie  de  la  prédication  de  la  croix  de  l'Euangile,qui  propo 
fe  lc  fus,&:  iceluy  crucifié  :  lequel  feul  ils  fâchent ,  &c  nous  le  propofenr,afîn  que  du  tout 
nous  nous  arreftions  à  luy,&:  que  tout  le  demeurant  nous  le  tenions  &:  mettions  com- 
me fiente.  Que  nous  &c  ceux  que  tu  nous  enuoycs ,  ne  nous  tenions  qu'au  i'eulSau- 
ucur,parvraye&:  viue  foy  befongnante  par  chanté.  Mettez  cette  mort  de  Iefus  en  vos 
pricres,Ô£  priez  au  Pere  qu'il  y  ait  efgard,&  non  point  à  nos  démérites:  qu'il  face  que  ce 
bon  Sauupur  règne  comme  il  en  eft  digne ,  &  qu'il foit  ferui,  prifé,  &:  honnoré  par  tout 
pourfontrefgrandmcritc,&  pourceqinladeHcruiaubien&  falut  de  tous  &c  qu'il  con 
fonde  Satan  &c  tout  fon  règne ,  ne  permettant  plus  que  fes  abus  &  trompencs,nc  fa  ty- 
ranmeaitlieu  fur  la  terre  pour  nos  péchez  &  démentes ,  en  noftre  ruinc,de  nous&dcs 
autrcs:&  en  gros  gemilfcmens  &  foufpirs ,  dites  à  Dieu  ,  O  Perc ,  ta  fureur  eft-elle  ainfi 
enfîambee,que  tu  aimes  mieux  que  ton  fainct  nom  foit  blafphemc,&  que  tout  foit  p:  r- 
uerti,5jquetcs  poures  créatures  foycntconfonducs,&:  voilent  à  perdition, en  nous  pu- 
niifant  comme  nous  l'auons  dcifcrui,que  fi  en  nous  pardonnant  nos  péchez,  &cn  châ- 
geant  nos  miferables  cœurs ,  tu  cftois  loué  &c  magnifié  ,&  que  tout  luft  fait  comme  tu 
nous  as  commandé,&  que  tes  creatures,qui  entant  qu'elles  font  de  toy,lbnt  bonnes  &c 
ordonnées  en  bjen,fuffent  feruantes  à  ta  gloire  félon  ton  ordonnance,^  que  nous  euf- 
iions  falut  en  obtenant  de  toy  grâce  &c  mifericorde,  comme  Iefus  en  eft  digne  &:  corne 
i M'a  deffcrnirll  eft  vray,Seigneur,q  par  noftre  groffe  ignorance,&:  grande  tromperie  de 
J' Antechrift,&;  menez  de  nos  propres  afFections,nous  auons  delailîc  Ielus,fa  foy  &:  fa  do 
drinc ,  &:  auons  cerché  autre  moyen ,  6c  en  auons  controuuc  pluficurs  outre  ceux  que 
les  autres  nous  ont  propofez& mis  en  tefte,  tellement  que  par  ton  iufte  iugcmentçu 
d  of™'^  as  rct'r<^ ta  c^irté ,  &c  pource  que  nous  n'auions  la  foy  &r  fiance  en  Iefus ,  tu  nous  as  ofté 
quand Ure  tout  Ie  Dicn  °im  &  *loit  enfuiure  de  la  foy:tellement  que  nous  fommes  venus  à  ces  abyf- 
tirc  fa  clar  mes  tant  horribles. 

^Hclas,Scigneur,nous  l'entons  nos  maux,  &c  par  ta  grâce  nous  auons  quelque  cftin- 
celle  de  foy,&:  croyons  qu'il  n'y  a  falut  en  autre  qu?en  ton  Fils  Iefus .  Aidc,ô  bon  Dieu, 
&C  fecour  à  noftre  infidélité:  augmente-nous  la  foy,  Qc  nous  deliuredcceftedamnable 
capriuité  de  pechc  &:  d'erreur .  Fay-nous  participans  de  la  iuftice  de  Iefus  &"  de  fa  vé- 
rité,afin  que  nous  l'oyons  affranchis, non  point  charnellcmenrcar  telle  liberté  ne  nous 
mene,(k  ne  la  demandons  point:mais  nous  demandons  la  liberté  &:  franchife  d'cfprit, 
de  l'ame ,  du  cœur  &:  d'entendement,  afin  que  tout  ce  qui  eft  en  nous,foit  du  tout  à  Ie- 
fus: Amen. 

Efucillez 


Terfecution  de  sffiett.  14J 

Es  v  e  il  l  e  z-v  o  v  s  donc  à  prier,ô  mes  trcfchers  frères:  laiflez  le  boire  &:  le  mager, 
6c  vous  icttez  deuantDicu  en  humble  prie  rc  .Ne  ferez-vous  point  eimeus  a  cela, puis 
qu'aueztant  decommandemcns,tant  de  promeiîcs,&:  tant  d'exemples  en  la  faincteE- 
fenture  ?  Pardonnez  de  bon  cœur  à  tous ,  en  priant  tingulicrement  pour  vos  ennemis; 
mettez  deuant  vos  yeux  tout  ce  que  Iefus  a  fait  6c  dit  pour  noflre  falut:&:  en  ayant  plei- 
ne fiance  à  luy,pricz  lePere  de  mifericorde.^  Et  vous  entre  les  autres,qui  auez  veu  plus 
pleinement  comment  tout  a  efté  fait  6c  démené,^  les  dcftielles  6c  angoiifes  dequoy  1'- 
ay  efté  enferré,&  commeDieu  le  fait:en  demandant  la  deliurance  de  ceux  qui  eftoyent 
autourde  moy,i'ay priéfouuentànoftre Seigneur, quefi  pour  les  péchez  ilenvouloit 
faire  vengeance  &:  les  frapper,que  tout  vinft  fur  ma  tefte,  6c  qu'en  paix  6c  (ans  domma- 
ge les  autres  fufléntdchurez,  afin  que  fon  faintt  nom  &:  fa  Parole  ne  fuiîentblàfphc- 
mcz.  Vous  fauez les  exhortations&lesDroposquiont  efté  tenus,  en  déclarant  cornent 
il  n'y  a  fi  iufte  fur  la  terre,qui  n'ait  gagnç  d'eftre  en  tel  danger  comme  nous  citions, &:  d' 
y  demeurer,voire  encore  d'eftre  abyfmé  iufqu'en  enfer ,  h  Dieu  vfoit  de  fa  iuftice  feule- 
ment^ que  tous  auons  dclferm  d'eftre  totalement  deftruits .  &c  vous  mettoye  deuant 
les  yeux  (  côme  la  chofe  cftoit  vraye)&  du  lieu  6c  des  gcns,qu'il  n'y  auoit  nul  ordre  d  ci  - 
chapper,vcu  que  tout  s'adrelfoit  à  nous .  Et  ceux  qui  mieux  le  voyoyent,  trembloyent  EfpouuSte 
comme  la  fueille,&  mefme  vous  troubloyent  grandement:  de  forte  que  li  aucuns  euf-  J1*™*"* 
fent  creu le  confeil de  tels  efpouuantez, ils  euil'ent  efté  perdus-  Mais  combien  que  ie 
vous  propofalTe  tout  deuant  les  yeux,  6c  que  ie  vous  fille  toucher  la  mort  au  doigt  :  tou- 
tefois,comme  vous  fauez  >  en  la  vertu  de  la  Parole ,  6c  après  la  faincte  prière,  vous-vous 
en  alliez  tous  confolez  &:  ayans  bon  courage  en  noftre  Seigneur,  voire  les  femmes  pre- 
noyent  grand  cœur  en  fe  fiant  en  Dieu ,  &:  de  fa  grâce  il  a  déclare  (  félon  qu  e  par  moy  il 
vous  auoit  prédit  )  qu'il  cft  véritable ,  6c  qu'il  a  foin  des  fiens .  tellement  que  lans  aucun 
dommage  nous  fuîmes  tous  dcliurez.Ccci  ne  vous  fera-il  point  caufe  de  prier  ?  N'auez- 
vous  point  recours  aux  faindes  prières  î&hc  demanderez-vous  point  vnc  deliurance 
plus  excellente  &  vn  pkis  grand  bien  que  ceiuy  qui  vous  a  efté  donné  ?  Regardez  au 
nom  de  noftre  Seigneur  Iefus  de  corriger  voftre  vie ,  6c  ayez  tout  péché  en  horreur  6c 
dcteftation. Fuyez  auarice,toute  tromperie  &  déception ,  6c  au  lieu  de  prendre  de  d'at- 
tirer à  vous  iniuftement  le  bien  dautruy,aidez  de  voftre  propre  bien  6c  fecourez  en  bô- 
ne  foy  &:  charité  à  voftre  prochain .  N'ayez  voftre  cœur  ne  vos  threfors  en  la  terre, mais 
au  ciel. Et  vous  arreftez  aux  héritages  qui  font  au  ciel  >  6c  non  point  aux  chofes  de  la  ter- 
re,qui  font  tané  vaines  6c  tant  incertaines. Fuyez  toute  paillardifc,aycz  vos  confciences 
nettes  6c  pures,vos  penfees  foyét  fainc~tes,&:  loin  de  toute  vilenie  6c  fouilleure ,  comme 
il  appartient  à  ceux  qui  ont  Dieu  en  leurs  cœurs,qui  voit  les  penfees ,  6c  ne  peut  porter 
aucune  ordure  ne  puantife  dépêché:  mais  il  fe  retire  de  ceux  qui  demeurent  en  leur  fan 
ge,&  qui  font  contaminez  de  cœur  6c  de  penfee ,  Vos  paroles  aufïî  foyent  honneftes  6c 
pleines  d'édification  :  rien  ne  forte  de  voftre  bouche ,  qui  ne  foit  en  l'honneur  de  Dieu, 
£>C  édification  de  tous  ceux  qui  vous  oyent  parler .  Entendez  que  vos  bouches  ne  font 
point  à  vous ,  mais  à  celuy  qui  nous  a  rachetez  par  fon  précieux  fang .  parquoy  nous  luy 
deuonstqut,&  fommes  tehus  de  faire  tout  feruir  à  luy,ame, corps, pelées,  paroi  les,faits 
&C  dits. 

Or  donc  gardez-vous  bien  que  chofe  qui  foit  en  vous  ne  férue  à  autre  qu'à  Iefus  feul.  ^ 
nefoyezfuiets  àgourmandife,ny  àyurongnerie,ny  à  paillardifc:mais  en  toute  fobrieté,  cio™  "«T 
attrcmpance&chaftetcferuez  à  Dieu.  Et  non  feulement  tafehez  deviure  purement,  ctflarrcîà 
mais  aufli  trauaillez  au  nom  de  noftre  Seigneur,  de  retirer  les  autres  de  tout  mal ,  6c  par  "u*  JJJ, 
cxemplc&: par faindes admonitions.  Quevoftrevie  parle  &:enfcignecommcntil  faut  Eaan^ik 
viure  .  Voftre  charité  foit  ardetc  enuers  tous:  ne  portez  haine  à  autre  choie  qu'à  péché, 
6c  àl'autheur  de  pcché,qui  eft  Satan  l'enncmy  de  tout  bien:  6c  faites  différence  entre  la 
bonne  créature  de  Dieu,qui  a  efté  créée  à  bien,&.  pour  feruir  en  bien:  6c  entre  le  péché 
6c  le  vice,  quia  corrompu&:  corrompt  la  créature  de  Dieu.  Et  ayans  vraye  charité  à  la 
créature  de  Dieu,  priez  Dieu  pour  icelle,  qu'elle  foit  deliuréede  peché:&  en  toutes 
manières  félon  Dieu,  trauaillez  à  la  gagner  à  noftre  Seigneur,  6c  a  la  retirer  de  peché. 
Requérez  à  Dieu  qu'il  deftruife  peché  &  l'autheur  d'iceluy.  Gardez-vous  de  prédre  vos  .^-^ 
ébats  en  medifant  des  poures  pécheurs, en  vous  moquât  d'eux,&  ne  récitez  point  leurs 
péchez  par  moquerie,  ne  par  haine,  ne  par  aucune  mauuaife  affection  que  vous  ayez 
contre  les  perfonnes  qui  pcchent:mais  s'il  vous  aduient  d'en  parler,  faites  que  ce  foit  a- 


Lntrz^lL  Perfection  de  <&%tcts. 

uecvne  grande  compalTTon  du  mal  des  pécheurs ,  en  detcftation  de  péché  ,&atiecvtt 
grand  deiir que  tous  en  i'oyent  retirez.Car>mes  frercs,qui  lbmmes-nous?dont  fommes- 
nous:qu'auons-nous  de  nous-mefmes,  que  tout  ne  foit  pareil  en  nous  &c  es  autres  ?  il  n'y 
a  que  la  feule  grace&mifcricorde  de  Dieu  entiers  nousilequelaulicudcnouslaiflcrcn 
la  mort  éternelle ,&:  de  nous  lailfer  pourrir  en  nos  péchez,  comme  nous  l'auons  mérité, 
il  nous  a  retirez  pour  auoir  la  vie  ctcrnelle,&:  pour  fortir  de  no$  péchez,  &  cheminer  de 
biéen  mieux,&:  le  tout  îlafaitdefa  iculegrace.  Noftre  conception  a  eftéen  pcché,&: 
nous  cftions  enrans  d'ire  naturellement,  ne  pouuans  dire  ne  penfer  que  tout  mal  com- 
me les  autres .  parquoy  ne  nous  eflcuonspoint  en  penfant  eftre  quelque  chofe  de  nous 
comme  de  nous:maishumilious-nous,&:  regardons  d'où  nous  auons  cité  pris,&  remer- 
cions Dieu,cn  luy  donnant  tout  honneur  &:  gloire:  recognoi/Tans  que  tout  le  bien  eft 
de  luy,&:  vie  nt  de  luy  :  &:  autre  choie  que  mal  ne  vient  de  nous ,  ne  de  tout  ce  que  nous 
pouuons  penler,dire  ne  faire  de  nous-mefmes.  Ayans  donc  pitié  des  pourcs  pécheurs* 
pricrepodr  prions  Dieu  pour  eux.Et  fingulieremét  pour  vos  fiiperieurs  &:  feigneurs  que  Dieu  vous 
;rs  bu-  adonnez:  gardez-vous  d'vler  de  paroles  ne  dcfai&squi  foyenthors  de charité,&: qui 
lb'7ftrats  contreuiennent  à l  honneur&:  obcillancequc  (clon  Dieu  vous  leur  deuez .  Au  lieude 
mal  parler  d'iccux ,  &:  de  les  auoir  en  mcfpris ,  ni  en  faict  ni  en  parole ,  priez  Dieu  pour 
eux  en  trefgrande  charité  &:  affedion,  que  Dieu  leur  touche  les  cœurs.  &:  que  vous  auf- 
li  leur  obeiirans  &c  leur  faifans  le  dcuoir,comme  bons&  loyaux  fuiets  à  leurs  fuperieurs, 
les  ayez  pour  vrais  pères ,  en  priant  toufiours  Dieu  qu'ils  facent  leur  office  faindemenc 
&:  purement  comme  il  appartient  :  &c  grandement  vous  gardez  d'eftre  delbbeiflans  ne 
rebelles,  ne  d'auoir  aucune  mauuailc  penfeeni  alfedion  contre  iceux,  ne  contre  per- 
sonne: mais  beniflez  ceux  qui  vous  maudifTcnt:  priez  pour  ceux  qui  vous  perfecutent: 
rendez  le  bien  pour  le  mal,eftans  amis  à  tous,ne  hai/fez  que  péché  &C  iniquité:  &  voftre 
amitié  &  obeiftance  foit  toujours  félon  la  parole  de  Dieu, fans  contreuenir  à  ce  q  Dieu 
vous  commando:c'eft  en  cuitant  toute  idolâtrie,  Se  en  enfuiuant  &:  tenant  la  dodrine 
de  la  foy  &£  l'Euangile  de  noftre  Seigneur  Iefus .  Et  pour  rien  qui  vous  foit  commandé, 
ne  pour  aucunes  defenfes  ne  vousdcftournezdelelusne  de  fa  Parole:  mais  du  toutvo9 
y  arreftez:  voire  quand  voftre  vie,&  des  voftres ,  &  tout  ce  que  vou  s  auez  y  deuroit  eftre 
fondu  &pcrdu,gardcz  bien  que  cela  ne  vous  empefche  de  fuiure  Iefus.  Car  vous  ne 
pouuez  rien  employer  mieux,  ni  à  plus  grand  profit,  que  cela  que  vous  perdez  pour 
Mat^zv.  l'Euangile:  dequoy  noftre  Seigneur  nous  fait ;la  promeuve,  tant  pour  celte  vie  que  pour 
l'autre. 

O  r  li  pour  aucune  chofe  qui  vous  aduienc  en  vos  corps,ou  en  vos  biens,  ne  de  vous, 
ne  des  voftres, vous  ne  deuezaucunement  vous  deftourner  delà  parole  de  noftre  Sei- 
gneur,mais  fermement  vous  arrefter  à  la  vérité  de  l'Euangile:  combien  plus  deuez-vo9 
prendre  garde  que  Satan  par  fes  eau  telles ,  ne  par  foy,  ne  par  les  liens  ne  feduife  vos  en- 
tendemens  pour  vous  retirer  de  la  parole  de  Dieu.  ,  Et  pourtant  fuyeztous  héréti- 
ques &:  fcmcui  s  de  peruerfe  doctrine ,  &  confiderez  bien  à  quelle  fin  tirent  tant  d'abu- 
feurs,  defquels  parle  iufte iugement  de  Dieu,auiourdhuy  la  terre  eft  toute  pleine  :  lcf- 
quclsiettent  leur  venin  en  grotte  fincfte&cautclle.  Demeurez  fermes  en  la  foy  de 
noftre  Seigneur  Iefus  ,&:  ainli  qu'il  eft  vray  Dieu ,  aufli  fermement  croyez  qu'il  eft  vray 
homme,&:qu'il  a  pris  vn  vray  corps  naturel,  de  chair,dcfang&  os, de  la  propre  fubftan- 
cc  &c  du  corps  de  la  vierge  Marie,&  qu'en  iceluy  il  nous  arachetez  parfon  feul  facrifkc* 
qu'il  a  fait,par  lequel  tous  les  péchez  cfes  croyans  font  pardonnez  :  &:  ne  demandez  au- 
tre fatisfaction  enuers  Dieu  le  Pere,que  la  feule  mort  &:  paflion  de  Iefus .  Et  ne  penfez 
que  Iefus, qui  a  fatisfait  pour  les  pechez,nous  ait  lafché  la  bride  à  mal  faire ,  ne  qu'il  foie 
venu  pour  nous  ofter  toute  crainte  de  pechenmais  au  contraire ,  il  eft  venu  afin  q  nous 
ayan s  le  péché  en  deteftation  &:  horreur ,  &  defirans  d'en  eftre  deliurez,  courions  à  luy: 
&  eftans  purgez,nous  ne  péchions  plus,mais  que  nous  ayons  vn  fain&  defir  de  viure  en 
D  bn  en-  toute  pureté  .    Etàcaufe  du  débat  qui  eft  entre  la  chair  &  l'efprit ,  dequoy  il  vient 

tre  la  chair  '  c  ...  \  .    r  r  j     •    r  • 

&  i  cfpnc.  que  nous  ne  huions  ce  que  nous  voulons,  mais  tommes  encore  en  grande  infirmi- 
té ,  que  nous  gemiflions ,  demandans  la  pleine  deliurance .  Parquoy  au  nom  de  no- 
ftre Seigneur ,  ayez  touliours  en  dctcftaqon  tout  péché ,  &:  mettez  toute  voftre  fiance 
en  Iefus. 

Garde  z-v  ov  sdc  tous  refueurs  pleins  de  babil,&  de  paroles  enueloppees  &  ob- 

feures 


Terftcution  de  effets.  /  ^ 

fcures,lefquclslemblcnt  parler  hautement  &:  fortfpiritueIlement,pour  mcnei(cçfem 
bleaux  fimplesgens  )  à  vne  grande  perfection  ,&:àvn  eftat  des  Anges  &  plus  que  des 
Anges .  mais  toutefois  il  n'y  a  puantife  de  rurHc  ns  &:  paillards  plus  orde  &:  plus  laie,  ne 
rien  plus  brutal &:  plus abyimant  en  toute  mclchanceté,  que  cela  àquoy  tafehent  ces 
mal-hcurcux:&  ce-par  telles  li  grande  cautclle,  que  les  plus  adonnez  aux  choies  de 
Dieu ,  en  font  deceus ,  en  ce  qu'ils  penfent  ouir  grans  myftercs ,  pour  viure  àc  faire  plus 
excellemment  que  la  faincte  Loy  de  Dieu  ne  porte.  Ccrtainement,mes  frercs,tout  gift 
en  la  vraye  &:viue  foy  befongnante  par  charité:  tout  œuure&  perfection  de  vie  gift  en 
l'obfcruation  des  commandemens  de  Dieu,qui  ne  font  point  abolis  par  l'Euangile,  qu 
on  ne  les  doiue  fairc:&  n'y  a  autre  chofe  deftruite  de  la  Loy(entant  que  touche  l'amour 
de  Dieu  &:  du  prochain)que  la  malédiction  &:  condamnation  qui  eft  tiir  ceux  qui  ne  i'- 
accompliirent  parfaitement:&  ainfi  le  contient  la  doctrine  de  vérité.  N'oyez  dôc  point 
tels  âbufeurs,maisgardc2-vous  foigneufement  d'eux  &:  de  tous  ce  ux  qui  portent  autre 
doctrine  que  celle  du  fainct  Euangile  que  vous  auez  ouye  :  comme  lauez  que  purement 
la  vous  ay  propofee  $C  prefehee  par  la  grâce  de  noftre  Seigneur,  qui  vou  s  alîîfte,  confer- 
ue&garde:&  face  qu'en  la  vertu  du  fainct  Efprit  vous  batailliez  vaillamment,afîn  que 
vous  receuiez  la  couronne  qui  eft  promife  à  tous  ceux  qui  bataillent  fidèlement  :  &  la-  Lacouron. 
quelle  vous  receurez  quand  aurez  defpouillé  ce  corps  mortel:  auec  lequel,  tât  que  fom-  ne  promife 
mes  ici,nousfommesenuironnez& chargez  de  tant  de  pourctez&  pechez,que  c'eft  v-  j^sn,bi* 
ne  chofe  fort  miferable.Mais  par  l'Efprit  delefus  en  mortifiant  nos  mauuaifes  aftcctios, 
&:  eftans  renouuelez  de iour  en  iour ,  nous  paruiendron s  au  b ut  de  noftre  courfe,  &:  au- 
rons la  couronne  qui  eft  appreftee  à  tous  ceux  qui  par  vraye  &:  viue  foy  perfeuerent  au 
faindt  Euangile. 

^Vo  v  s  prendrez  ceci  comme  vne  fouuenance  de  ecluy  qui  en  noftre  Seigneur  de- 
fire  voftre  bien  &  falu  t .  Et  après  la  lecture  de  la  faincte  Efcriture  pourrez  lire  ceci ,  8£ 
l'ouir,  pour  cftre  incitez  à  prier,  &c  pour  auoir  matière  de  plus  penfer  aux  péchez  auf- 
quels  vous  auez  cfté  fous  le  Pape,qui  certainement  palfent  tout  ce  qu'on  pourroit  dire, 
afin  qu'entre  vous  les  reduifant  en  memoire,vous  en  criez  merci .  Et  d  autant  plus  que 
vous  y  auez  efté  enueloppez,foit  par  faid  ou  par  confentement  ^  tant  plus  recourez  à  la 
mifericorde  de  Dieu,demandans  fa  lumière  &:  la  clarté  de  fa  Parole.  Et  auec  vous  ceux 
qui  és  autres  lieux  délirent  la  Parolc,pourront  aulîï  aucunement  par  ceci  cftre  clmeus: 
éc  mefme  tous  ceux  qui  du  tout  ne  font  corrompus  &:  peruei  tis ,  &c  qui  n'ont  pleincmet 
délibéré  de  faire  laguerre  à  noftre  Seigneur ,  tous  aura  t  qu'il  y  en  a,  g.  ont  efté  baptizez 
au  nô  du  Pcrc,du  Fils,&  du  S.Efprit,  en  lilat  ceci  ou  en  l'oyat,  ils  pourrôt  eftre  eimeus  à 
délirer  q  par  tout  foit  prefehee  &:  reccue  la  vraye  &:  pure  doctrine  ,q.  doit  eftre  tenue  de 
ceux  qui  ont  receu  le  S.  Baptefmc,&:  la  vraye  foy,qui  eft  felô  ce  S.Baptelme.Car  tant  c5 
me  ie  puis  délia  cognoiftre,  to9  cômencét  à  cftre  fafchez,&  auoir  qlq  cognoilfance  des 
abominatiôs  de  ce  mlferable,appelé  trelTainct  Pere  de  Rome,  &:  de  les  fils  tat  aimez  les 
Euefques&autrcsPrclats,&:de  les  foufHeurs,prcfcheursde  Bulles, indulgeces,pardôs, 
&:  queftions  Theologales,auec  les  quefteurs:tcllemcnt  qu'il  n'y  a  perfonne  qui  ne  voye 
bien  qu'il  y  a  tant  &:  plus  d'abus  &  de  tromperies.  I'cfpere  que  la  vertu  du  fainct  Baptel- 
me  fe  monftrera,&:  que  les  poures  ames,  auec  vn  regret  de  la  vie  tant  pouremét  pa&e, 
foufpireront  après  le  bon  Pere, non  pas  de  Rome ,  au  nom  duquel  on  n'a  pas  eft  é  bapti- 
zé:mais  après  le  Pere  celcftiel,qui  eft  fans  commencement  &:  fans  fin  :  &:  qu'elles  pren- 
dront gouft  à  ouir  &  à  s  enquefter  du  bon  vouloir  du  vray  Pere  fainct,qui  veut  que  tous 
par  foy  voyent  Ion  Fils  bien-aimé,&  qu'en  l'oyant  ils  croyent  en  luy,&:  ayent  la  vie  eter- 
nclle:&:  que  plus  ne  s'arreftent  aux  enfans  du  Pape,  qui  parlét  comme  enfans  de  cemi- 
fcrabfc  ennemi  dcDieu,pour  cftre  en  tout  honneur  &  plaifir  aux  dcfpens  du  poure  mô- 
de:mais  que  du  tout  s'arreftent  au  vray  Fils  de  Dieu,  vrav  Dieu  &c  vray  homme,  Iefus, 
qui  a  voulu  eftre  mefprifé,angoifié,mal-aifé,&  en  toute  poureté,  pour  nous  faire  parti- 
cipans  de  l'honneur  des  enfans  de  Dieu, des  ioyes  éternelles ,  des  richeffes  infinies .  Et 
puis  que  tous  eftans  baptizez  confelfent  que  Iefus  eft  mort  pour  nous  &:  pour  nos  pé- 
chez ,  ils  apprendront  à  pleurer  leurs  péchez ,  qui  ont  cfté  caufe  que  Iefus  ait  tant  four- 
fert,&  les  auront  plus  en  deteftation ,  &:  prendront  courage  debienferuirceluyqui  a 
tant  fait  pour  eux,&  feront  marris  qu'ils  n'ont  cheminé  autrement .  Et  en  conliderartt 
que  Iefus  eft  monté  au  ciel,d'où  il  a  enuoyé  fon  fainct  Efprit  à  fes  Apoftres,ils  demande- 
ront l'aide  &c  alïiftence  du  fainct  Efprit ,  pour  cheminer  félon  le  deuoir  du  fainct  Baptet- 


Liurtu  IL  Vetfecution  de  *SWets. 

mc,cnayant&:fcntantdeiouren  iour  l'efficace  &:  la  vertu  d'iceluy,  pour  mourir  auec 
Iefus,&  cftre  plantez  en  la  mort  auec  luy ,  pour  relfufciter  à  vne  nouuelle  vie  qui  eft  fé- 
lon Dieu:en  telle  forte  qu'eftans  veitus  de  lefus ,  ils  ne  foyent  trouuez nuds  &:  honteux 
deuant  lePere:&:encoic,quipis  eft,  qu'ils  ne  foyent  trouuezveftusdclavileine  robbe 
de  péché ,  mais  l'ayans  defpoLiillce  par  la  mort  du  Seigneur  lefus,  ils  foyent  vertus  de  la 
vrave  innocence  &c  pureté  d  iccluy:tellement  que  tous  fc  tiennent ,  croyent,obciiîent, 
&l  ieruent  à  luy,cftans  tous  en  vne  foyjvne  Loy  ,vn  Euangilc,vn  corps,vn  efprit,fous  vn 
Dicu,vn  Seigneur,  vn  Baptefme:pour  paruenir  tous  à  la  vie  qui  eft  làns  fin  :  en  laquelle 
iceluy  Icfus  noftre  bon  Seigneur  nous  a  précédez ,  régnant  à  ladextre  du  Pere  :  &:  d'où 
nous  l'attendons  pour  venir  iugerles  vifs  &c  les  morts,  pour  recueillir  les  liens:  auec  lel- 
quels  il  kw  plaife  nous  alfemblcr,  nous  gardant d'eftre  du  nombre  des  mefehans  reiet- 
tez  mai  sfaifant  que  fans  fin  nous  foyonsviuans  auec  luy,pour  le  louer  auec  le  Pere  &:  le 
S.  Efpnt,auec  qui  il  règne  éternellement. 

Ce  v  x  qui  ayment  noftre  Seigneur,  &  qui  défirent  voftre  bien,  ont  fouuenancc  de 
vous  en  leurs  prieres,&:  vous  recommandent  à  Dieu,qui  benignement  vous  vueille  vi- 
fiter. 

Di  Ncuf-chafteU'onziemedelanuier,  m.d.x  l  v  .Voftre frère  Guillaume Farel. 

A  V  X    EGLISES  dc  noftre  Seieneur,&  à  tous  Chreftiens,pour  auoir  aide  &  confort  en  la  nccefsitè&  râmine  de  la  parofe 
deDieu.Rcqueftc  auunc  ncceluire  pour  le  temps  prcler.que  quand  elle  a  efté  eferite  pour  les  fidèles  de  Mets  en  Lorraine. 

Vous  tous  vrais  amateurs  de  l'honneur  &C  de  la  gloire  de  Dieu,&:vous  qui  le,  crai- 
gnez  &c  qui  l'aimez  :  au  nom  du  Seigneur  lefus ,  nous  vous  prions  aidez-nous  par 
vos  prières  enuers  Dieuxn  luy  fuppliant  qu'il  nousface grâce  &c  merci ,  Et  finguliere- 
ment,ô  vous  Eglifes  Chreftiennes,qui  auez  efté  vifitees  en  grande  grace&r  douceur  de 
noftre  Seigncur,par  fa  fain&e  Parole ,  par  la  faincte  prédication  de  l'Euangilc  qui  vous 
eft  prefché,&:  qui  l'aucz  purement  auec  le  droict  vfage  des  faincts  Sacremés:  priez  pour 
nous, nous  vous  en  fupplions  au  nom  deDieu.Et  comme  vous  auez  commencé  au  nom 
de  noftre  Seigneur  Iefus,au/Ti  perfeuerez,ô  vous  fainctes  aficmblees  &:  tous  fidèles ,  qui 
en  vos  prières  parauant  nous  recommandiez  à  noftre  Seigneur:  dequoy  tant  que  poll- 
uons nous  vous  mercions,&:cn  rendons  grâces  à  noftre  bon  Dieu&:  Pere,qui  vousacf- 
meus  à  prier  pour  nous-.vous  donnant  telle  charité  &ù  affection  enuers  nous,de  deman- 
der &  procurer  noftre  falut,luy  fupplians  aulfi  de  noftre  part, qu'il  ait  fouuenance  de  vo 
lire  bonne  afFe£tion,&:  du  bon  &:  Chreftien  cœur  que  vous  auez  enuers  nous.Certainc- 
înét  vos  prières  n'ont  efté  fans  fruid:  mais  par  la  grâce  de  Dieu  nous  auons  fenti,  &  fen- 
tons  en  aucuns  de  nos  Seigneurs  l'ceuurc  de  Dicu,&  fingulieremét  en  monfieur  le  mai- 
ftre  Efchcuin, lequel  noftre  Seigneur  nous  conferue>&:  luy  augmente  lafoyj  le  cœur,  6c 
luy  donne  vertu  de  pourfuiure  iaintrcmen  t  vne  fi  fainc~te&:  fi  digne  œuure .  Et  auec  ce 
nous  auons  pour  aucun  temps  receu  fort  grande  confolation  de  laParolc, laque  lie  nous 
a  f'alu  cercher  hors  de  la  villc,&  allez  loin:  mais  Satan  a  tant  trauaillé  d'vn  cofté  &c  d'au- 
tre,quc  le  lieu  nous  a  efté  oftc,&  cefte  confolation  a  peu  duré:combien  que  grandemet 
re  mercions  Dieu ,  de  ce  que  nous  auons  ouy ,  &:  ne  voudrions  pour  rien  du  monde  que 
ifcuiîionsouy  &;  entendu  ce  qu'il  a  pieu  à  Dieu  nous  faire  ouir&:  entendre. 

Mais  nous  fommes  en  trefgrandeangoiiTc,  pourtant  que  lors  que  nous  commen- 
cions à  goufter  le  pain  de  la  Parole,&  que  nous  y  prenions  faueur,  il  nous  a  efté  ofté,  co- 
rne tant  de  fois  parauant  nous  eft  aducnu.-car  quand  il  y  auoit  grande  apparence  que  la 
Parole  deuft  auoir  fon  cours  entre  nous ,  ceux  qui  auoyent  commencéà  prelcher ,  fail- 
loyc  nt  &:  changeoyent  propos  au  fécond  lermon  ,  ou  au  milieu  ou  à  la  fin  du  temps  qu'- 
ils nous  ont  prcfché ,  &:  ne  perfeueroyent  point  en  vérité  :  ou  il  faloit  qu'ils  nous  aban- 
donnaient, tellement  que  nous  fommes  toufiours  demeurez  comme  pouresbrebis- 
lans  Paftcurs  :  toufiours  grandement  defirans ,  &:  toutefois  ne  pouuans  auoir  la  pafture 
&:  nourriture  de  nos  poures  ames.  Parquoy  nous  foufpirons  &:  gemilîbns,&:  non  feule- 
ment nous  qui  fommes  viuans  auons  eu  ce  defir  après  la  Parole, mais  ceux  auffi  qui  font 
i  a  pertei  pa/Iez  de  cc  monde,ou  par  pcfte ,  qui  trefgrieuement  nous  a  prefîe ,  Se  de  laquelle  tant 
Mas  en     de  bons  cœurs  ontefté  frappcz,qui  en  fi  gros  regrets ,  en  tant  douloureufes  lamentati* 
Lui  rame.  onS)Cn  Cris,en  larmes  &:  pleurs,  dont  les  pierres  en  deuroyent  fendre,  fc  font  lamentez, 
qu'ils  n'ont  ouy  la  Parole  auant  leurs  trelpas ,  &  de  ce  qu'il  leur  faloit  palier  de  ce  mon- 
de fans  voir  ici  l'Eglife  drenTpe>condujr.te  ôc  gouuernee  par  la  parole  de  Dieu:&:  ce  pour 

eftre 


Terpcution  da^>  'effîets.  tj-j 

eftreconfolczen  leurs  nccciîltcz  &c  maladies  par  vrais  Paftcurs,&:  pour  auoir  pure- 
ment les  iaincts  Sacrcmens .    Or  leur  regret  cftoit  plus  grand  à  eux  &  à  nousauilî,veu 
que  tant  de  fois  il  a  icmblc  que  tout  eftoit  prcil  pour  dreifcr  vnc  faincle  afTcmblcc  .  Car 
rarîcdiontrefgrande  cftoit  à  tout  le  pcuplc,qui  defiroit  la  Parolc,&  le  Miniltrc  eftoit  à  La  vanité 
la  main, & grandes  promcllcs  nous  eftoyent  faites,    Helas.' qu'elles  nous  ont  cité  bien  <l«promcf 
chcrvcnducs^car  à  la  mal-heure  nous-nousv  fommesarrcft.cz  quand  on  difoit,  Atten-  5"^^" 
dcz  vn  peu, pour  tout  certain  vous  aurez  la  Parole  en  paix,fans  aucun  trouble. attendez  de 
vn  îour  ou  deux:  car  la  choie  eftoit  de  certaine  apparence .  Mais  nous  deuions  regarder 
le  commandement  de  Dieu,&:  le  bien  qu'il  nous prefentoit, puis  que  tout  cftoit  tant  Se 
fi  bien  preft. 

H  e  las!  tout  eft  aile  comme  en  fumec,fmon,ô  trefehers  freres,que  par  vos  fainclcs 
prières  Dieu  de  fa  grâce  a  fait  que  le  cccurncnous  eft  point  failli  .carparfagra<  enous 
fommes  autant  prefts  d'y  mettre  &  employer  nos  corps,  femmes,  enfuis,  biens,&  tout 
ce  que  Dieu  nousadonné,queiamaisnousfufmcs,voire  encoreplus.carnous  fommes 
tranlîs  dejj£iir,ôdaguiiTons  conurieccux  quinepcnfentquciamaislciour  vicnnemc 
qu  ilspuiÏÏent  allez  toft  voir  ce  que  trefardemment  ils  fouhaittcnt.Nous  ncdemandôs 
que  voir  ce  fa  met  lour  tant  deiiré,auquel  puiftîons  (  comme  vne  (atnôte  &c  fidèle  Eglife) 
ouïr  la  parole  de  noftrc  Dieu.  Et  prions  le  Seigneur  qu'il  nous  face  la  grâce  de  l'auoir* 
fans  aucun  efclandre ,  nous  la  donnant  en  toute  édification ,  &c  par  vray  moyen  droite- 
mcntChrcfticn&Cirrepreheniiblc.Et  combien  que  nous  ayons  pluiicursfoiscidcuant 
grandement  fupplié  nos  Seigneurs  gouucrneurs  delà  ville:  encore  perfeuerons-nous 
au  nom  de  Dieu,d  les  fupplier  en  toute  humilité,voire  en  pleurs  &  en  cris,cn  les  requé- 
rant qu'ils  ayent pitié  de  nous,&:  qu'ils  prennentnoscorps&:  bicns&du  tout  enfacent  j  e2ejeJe3 
à  leur  bon  piaifir:$£  leur  promettons  en  vérité  qu'en  tout&:  par  tout  nous  voulons  plus  fidcles  eft 
faire  &  plus  obéir  que  iamais:  feulement  qu'ils  ayent  pitié  de  nous  pour  l'honneur  de  Jeiffanw:0 
Dicti:& pour  l'amour  de  la  douloureufç  mort  &:  paftion  de  noftrc  Sauueurlefus ,  qu'ils 
nous  ottroycnt&  permettent  la  pure  parole  de  Dieu.  Nous  offrons  encore  pleges,& 
tout  ce  qui  nous  eft  poiîîblc  défaire,  pour  reipondre  que  nous  fommes  prefts  de  faire 
tout  deuoir  entiers  la  Seigneurie  &enucrs  tous,  moyennant  que  nous  ayons  la  parole 
de  Dieu  .  Et  quelque  chofe  qu'il  aduienne ,  quelque  fafchcric  qu'on  nous  donnc,nous 
pafîbns  tou  t,SÎ  prenons  en  patience:&  nous  fcmblc  que  tout  ce  qui  nous  peu  t  adu  enir 
eft  fort  lcgcr,ieulemcnt  que  nous  ayons  la  parole  de  noftrc  Sauueur  Icfus:  laquelle  s'il 
la  faloit  achcter,nous  vendrions  tout  ce  que  nous  auons, pour  l'auoir.  Or  puis  que  c'eft 
vnc  grâce  &C  don  lingulicr  de  Dieu:  fi£  quetout  eft  en  vain  fi  elle  ne  vient  île  Dieu,  qui 
feu!  la  donne  :  grandement  vous  iupplions  au  nom  de  Dieu ,  tous  férniteurs  de  Dieu, 
Die  Li,tous  fidèles  Chrcfticns,pricz,pnez  Dieu  inftam ment  pour  nous  :  &que  vos  prie-» 
res  Se  crisauecles  noftres  viennent  &:  montent  au  ciel:  que  tout  en  foit  rempli, afin 
que  nous  ne  demeurions  defolez.Requerez&fuppliez  l'Eternel,  qu'ij  change  le  cœur 
à  nos  Seigneurs:  Ôcqu'iccux  comme  nournftici  s  ordonnez  de  Dieu,ayanspiticdu  peu- 
ple qu'ils  ont  en  charge  (ainli  que  leur  auons  prie  Se  touché  en  nos  requeftes  )non 
feulement  ils  permettent  que  la  Parolcloit  prclchee  :  mais  qu'ils  la  facent  prefc  lier,  Se 
qu'ils  s'employent  à  l'ouïr ,  &c  y  facent  tous  venir  :  &c  cependant  que  nous  fommes  def- 
pourucusdcPafteurs,&  qu'il  y  enaqui  prefehent  contre  vérité:  qu'ils  facent  que  tels 
rendent  raifon  de  ce  qu'ils  difent,afîn  que  rien  ne  (bit  fait  ne  dit  linon  félon  la  parole  du 
Seigneur,&:  que  pariccllc  tous  ceux  quienfeignentde  prefent,&:  qui  ci  après  le  fc  i  onr, 
fatisfacent  aux  auditeurs:tellement  que  Dieu  en  foit  honnoré,fa  Parole  aduanccc,rou 
tes  eglifes  edifiecs:&  vous,nos  trefehers  frères,  en  ayez  ioyc&  conic  laticn  ,  c  n  \  o\  ant 
le  fruict  de  vos  prières, aulquelles  au  nom  de  Dieu  perfeucrez  :  &:  nous  perféuererons 
àuili  a  le  prier  pour  vous  &  pour  tous.  Le  Seigneur  Dieu  vous  conierue&igaioe,  vous 
augmétant  en  toutes  bénédictions  &:  grâces:  Amen. 

SVPPLIC  A  T  ION  aux  Princes  Se  Seigneurs  pour  vne  meime  nccefskc  que  dcfTus. 

Princes  Se  Seigneurs  Chrefticns,&:  tous  qui  elles  conftituez  en  authoritc&f  puif  Le . 
fance,ayans  6c  portans  le  nom  de  Dieu,  qui  auez  reietté  la  tvrannic  dclaviîai-  Roiu* 
ne  putain  de  Rome,  qui  non  feulement  eft  indigne  d'auoirpunTancc&  authoritéfur 
vne  telle  diuinc  Se  faincte  vocation, comme  eft  la  voftrc  (  à  qui  tous  doiuent  obéir 
Se  eftre  fuiet.;  )  mais  mcfme  elle  eft  indigne  qu'aucune  créature  luy  lbit  i'uiettc.  Car 
ellcmente  pluftoft  tourmens  ,&:de  toutes  punitions,  comme  avant  introduit  l'eftac 

B. 


L/wo/A  Perfecution  de  Mets. 

&  façon  de  viurc  le  plus  exécrable  que  iamais  ait  efté  ne  fera  fur  la  terre.  Il  eft  tout  clair 
quc,fclon  ce  qui  eft  elerit  naturellement  és  cœurs  de  tous  hommes,  le  mcfpris  de  Die  u 
ScTiniure  faite  à  fon  nom, cft  digne  de  grofle  punition. Tous  ont  iuge  que  cela  qu'on  te- 
noir  pour  Dieu,deuoit  élire  hoiinoré&  fcrui:&  ce  que  Dieu  veut,  doit  eftrc  fait& gar- 
de^ qu'on  doit  fuir  tout  ce  qui  luy  dcfplaift:&  qu'en  faifant  autrement,  on  cft  digne 
de  punition.  &£  lingulicremet  quand  l'home  en  a  cognoiiTance  ,&:  qu'il  ne  pèche  point 
par  ignorance, &  iur  tout  quandla  faute  vient  par  mefpris&:  contemnement  de  Dieu, 
car  là  vn  chacun  en  l'on  cœur  iuge  que  ce  ne  le  doit  aucunement  porter  :  mais  que grie- 
uc  punition  s'en  doit  faire. Or  le  lîegc  de  Rome  confelTe  le  Pcrc, le  Fils,&:  le  S.Efpi  it,vn 
feul  Dieu  en  trois  pcrfonnes:&dir  que  Iefus  Chnft  eft  vray  Dieu  &c  vray  homme,  Dieu 
éternel  engendre  du  Pcre,eftant  d'vnc  melme  efTcnce  &c  diumité  auec  lePere  &c  le  S.E- 
fprit,6j  vray  homme  conceu  du  S.Efprit,de  la  propre  fubftance  de  la  vierge  Marie,  qui* 
ainli  que  la  Loy  &:  les  Prophètes  ont  prédit  &  promis,  eft  venu, &:a  accompli  pleine- 
ment l'eeuurc  de  noftrc  falut ,  comme  il  eft  contenu  en  la  faintle  Efcriture ,  laquelle  eft 
compnfe  au  vieil  &  nouueau  Tcftamcnt,qui  eft  receu  parle  Pape,  car  il  confefte  ce  qui 
eft  en  la  lain£te  Efcriture  auoir  efté  reuelé  du  faind  Efprit ,  &:  loue  &:  magnifie  les  ferui> 
tcurs  de  Dieu, qui  au  commencement  ont  trauaillé  pour  planter  &c  entretenir  l'Eglifc: 
&C  femblc  à  fouir  parler  des  choies  celeftes  en  gênerai,  qu'il  n'y  ait  eftat  qui  mieux  iuge 
&ù  fente  de  Dieu  comme  le  Pape.  Maisquoy  ?il  fait  tout  ceci  comme  vray  traiftre&: 
l  e  plus  mefehant  que  Iudas,qui  baifant  Iefus,&lefaluanthonnorablement,vicntpourle 
comparé  trahir,  comme  chef  de  tous  les  ennemis  mortels  de  Iefus,  comme  le  capitaine  de  tous 
aiudas.  blafphemateurs:&:  fait  tout  pour  le  liurcr&:cxpoferàtoutemocquerie,àtourmes,voi- 
L  Pcrc  rc  *  *a  morC:&  ^a'c  couc  CCC1  Pour  argcnt«  Qui a  renoncé  le  Pcrc  plus  ouuertement  que 
le  Pape,cn  deftruifant  la  Loy ,&  en  mettant  vne  autre:  faifant  de  péché  vertu,&:  de  ver- 
tu péché  ?  Car  pour  nettoyer  les  péchez ,  &  pour  faire  iuftes  les  pécheurs,  n'a-il  point 
l ,  Fi]s  tiouué  autre  moyen  que  Icfus,&:  que  la  foy  en  iceluy?  Qui  a  foule  le  Fils,&  qui  l'a  ain- 
li mis  tous  les  pieds, en  controuuant  autre  fageflc,iuftice  &:  faintleté,&:  autre  moyen  de 
falut  que  luy  :  mettant  le  facrifice  qu'il  a  fait,  plus  bas  que  le  facrifice  des  belles ,  &:  que 
Lcç  Efprit  l'office  des  Sacrificateurs  lous  la  Loy?  Qui  a  tellement  relifté  au  fainér  Efprit  par  cer- 
taine malice ,  en  contredilant  à  tout  ce  qu'il  a  reuelé  &  dit  par  l'es  feruiteurs  Prophètes 
&  Apoftrcs,en  pcruertifrantrEuangile  &:  tout  ce  qui  eft  cnlafaincTeEfcriture,comme 
a  fait  ce  trefexccrable  fu  ge  en  l'adoration  des  images, és  reliques  &:  manières  qu'il aor- 
donnces&:  inuetecs  comme  feruices  de  Dieu,  &:  en  tant  d'abominations  qu'il  n'eftpoC 
iible  de  l'exprimer? 

L'infec  t  i  o  n  de  celle  ribaude  a  tellement  peruerti  la  vérité  de  Dieu,  qu'il  cft  im* 
poiîîble  de  le  comprendre  :  &c  cela  il  a  fait  par  treigrande  finelfc  &  cautelle ,  en  renuer- 
lant&:  gallant  tout  en  l'Eglife  de  Ictus,  ne  laiflant  rien  qui  ne  fuft  corrompu  &:  du  tout 
peruerti  Se  deftruit .  Bref,  c'eft  vne  abylme  de  toute  herelîe,  la  mer  des  facrilcges,vn 
gouffre  de  blafphemes ,  vn  enfer  ouuert  pour  renoncer  &:  detefter  Iefus  :  c'eft  l'ennemi 
mortel  de  laChreftientcdeftruélcur  de  la  foy  de  Iefus:c'eft  ecluy  qui  met  à  néant  la  gra. 
ce  &C  iullice  de  ce  grand  Sauueur,  &  la  foy  qui  eft  en  luy .  &:  faifant  ainfi,il  a  du  tout  aba- 
tu  i'Eglife,&  a  cftacé  &  aboli  toute  la  face  d'icelle ,  ne  permettant  aucune  eftinceilc  de 
la  lumière  de  vérité  qni  férue  à  la  vie  qui  eft  promife  aux  fidèles  .  car  tant  qu'il  a  peu  il  a 
deftruit  tout  l'cftat  &  l'ordre  de  l'Eglife,&:  tout  ce  qu'il  faut  garder &tenir  en  icclle,fur- 
montanttous  les  blafphcmateurs,tous  tyrans,  tous  ennemis  qui  furet  iamais,  &  qui  ia- 
mais Te  lont  elleucz  contre  Dieu.  Qui  plus  eft,  il  a  attribué  à  la  perfonne  l'cftat  de  diui- 
nité  &:  d'excellence, eh  plus  grande  malice  &:  plus  finement  en  la  vertu  de  Satan .  Par- 
quoy  iamais  ne  fut  aucun  eftat  tant  digne  de  punition  ne  vengeance  fi  grieue,  corne  de 
ccftuy-  ci. Et  puis  qu'il  a  prefumé  ainlî  contre  Dieu,augmentant  de  iour  en  iour  l'es  puâ- 
tifes  éc  abominations,  comme  le  cours  de  fes  canons  le  monftre,  il  a  bie  n  peu  s'adrelfer 
à  voftre  faincle  puiflanec,  laquelle  il  a  du  tout  anéantie ,  linon  entant  qu'elle  a  efté  fous 
les  pieds  d'vnc  telle  infecle  paillarde .  Si  Satan  vray  ennemi  de  Dieu  a  tafché  par  plu- 
fieurs  des  liens  à  defuoyer  celle  faincle  puiirancc,afin  qu'e  lle  ne  fift  fon  office,  l'incitant 
àguerresmiuftes,àinuentionsiniques,&:àperuertirle  jugement  &iufticc,c6metouf~ 
iours  il  eft  après  pour  dcshonnorerDicu:certaine  ment  par  la  Babylone,mere  de  toutes 
faillardifes,  il  a  parfait  Ion  mauuais  vouloir  contre  la  puhTance,plus  qu'on  ne  fauroic 
penfer,&  tout  fous  la  couuerture  du  nom  de  Iefus .    Ceft  homme  de  perdition  faiiânt 


Terfecution  de  <±Met$.  14.6 

fçmblantd'auoirlefoin,&:  d'adrefler&coduircla  puiflance  des  Rois  qui  eft  iclô  Dieu, 
a  fui  monté  toute  la  machination  de  Satan  qu'il  a  machiné  .&c  fait  plus  qu'on  ne  pourr 
roit  dire,pour  corrompre  &:  perdre  vnefi  fain&c,H  bonnc,ôcli  necefïàire puiflance:  car 
il  a  eu  tous  les  moyens  tant  fous  l'ombre  de  l  ame  que  du  corps,&dcs  biens  &  honneurs 
des  Seigneurs  &:  Princcs:&:  tcllemét  abefongne  cefîcgc  Papal  (qui  eft  la  vraye  maque- 
relIedcSatan)qu'en  donnant  à  entendre  aux  Princes  &c  Seigneurs,  qu'ils  eftoyent  plus 
q  Chreftiens  en  cnfuiuant  les  abominations,il  les  a  retirez  de  la  foy  denoftrc  Seigneur 
&:  de  la  do&rinc  de  rEuangile,poui  les  empefeher  de  faire  aucunemét  leur  office,  quât 
auferuicede  Dieu  ,&:  à  la  maintenance  delà  foy  &;  do&rinc  Euangeliquc .  Il  lésa  met 
me  pouflez&:  prelfez  à  batailler  contre  Iefus ,  &c  à  deftruire  la  dcétrinc  pour  mainte  nir 
fon  abomination. 

Qv  an  t  eft  de  I'adminiftration  des  corps  Se  biens  des  fuicts,  tft-il  po/ïible  d'expri- 
mer les  prattiques  que  cefte  putain  tant  rufee  a  trouuces  pour  faire  battre  les  plus  gras 
d'entre  vous  ?  Pourroit-on  dire  vne  feuleguerre,que  le  Pape  n'y  ait  eu  fes  boute  feux? 
voire  qu'il  y  ait  eu  aucun  fnnç  efpandu,ne  pais  gafté ,  que  tout  ne  (bit  loi  ti  de  l'enfer  de  Lna  P2?^>té 

-~  1      /•  ti    »  2  ■   •  L    /•  •     J    J-  J  r  1  >         r  eftcauicda 

Romc,ou des  liens?    Un  eitici  bcloin  de  direque  tant  de  maux  lontaducnus  acaule  tousjcs 
d'auoir  laifîc  d'enfeigner  purement ,  comment  la  puiflance  félon  Dieu  fc  doitgouuer-  maux  du 
ner:  enquoy  Rome&:cequieftd'icelle,eft  coulpable  de  tous  les  péchez  commis  par  moude' 
faute  de  la  vraye  doctrine  qu'elle  deuoit  bailler .    Car  la  Papauté  n'a  pas  feulement  en 
celapeché,  nefaifantfondcuoirpour  retirer  le  monde  du  mal:  mais  auflî  elle  a  efté  le 
feu  pour  enflamber  tous  à  guerres  &:diflçnfions,  tellement  que  tout  vient  d'elk^com- 
me  de  la  fource&;  origine  de  tous  meurtres.    Quutrouué  tant  de  façons  de  ronger 
6c  manger  le  peuple,  &:  de  mettre  tout  en  vente:  bref,  de  tout  corrompre  comme  a 
fait  l'cftat  Papal?  Pourroit-on  dire  aucun  defordreen  lapuifl~ance,que  tout  ne  foit 
venu  de  la  fontaine  d'iniquité  de  Rome  ?    ^  Tous  les  droi&s  condamnent  ceux  qui  s'- 
cfleuent  contre  la  Seigneurie ,  &qui  s'attribuent  l'office  d'icelle,  en  l'empefehant  de 
fai*l||jftice:&:  ceux  qui  entreprennent  fur  elle,  &c  qui  machinent  contre  cllc,&;  qui  luy 
refiftent  en  fon  office,  en  prenant  domination  &c  authorité  fur  la  puiflance:  cela  eft 
appelé  Cas  &:  crime  de  maiefté  violée ,  &  ce  à  bon  droift.car  fi  la  puiflance  eft  deftruite 
&  oftce,quel  enfer  de  toute  briganderic  s'enfuit-il:Et  quel  horreur  eft  là  où  il  n'y  a  puif- 
fance  pour  maintenir  les  bons,&:pour  punir  les  mauuais?Mais  qui  iamais  s'eft  ainfi  cfle- 
ué  contre  la  puiflance  ?  qui  iamais  a  ainfi  refifté  iniquement  ?  qui  iamais  a  tant  machiné  Les  e.em_ 
pour  la  ruine  despuifl'ances ,  tant  par  trahifons  comme  par  empoifonnemens,  que  par  pies  coin*- 
tous  rnoyens  dignes  de  grande  &:  feuere  punition?    Il  ne  faut  alléguer  ce  qui  a  cfti  fait  jj^""^ 
contre  les  Empercurs;dcpuis  que  les  Papes  ont  commécé  à  régner,  ne  ce  qu'ils  ont  fait  tby  de  wtli 
&C  ordonné  contre  les  puiflances.Ccla  qui  a  cfte  machiné  contrevos  nobles  personnes,  ceci- 
ô  Princes  Chreftiens,nc  palfe-il  point  tout  ce  qu'on  fauroit  dire?Eufficz-vous  iamais  pe 
fé  que Turc,Iuif,nc quelque  ennemi  delà Chrcfticnré  euft  peupenfereeque  ce  fiege 
exécrable  a  tafché  de  faire? Certainement  vous  auez  expérimenté  la  grande  prouiden- 
ce  de  Dieu, qui  vous  a  conferuez  en  ruinant  &c  deftruifant  ceux  qui  contre  Dicu,&:  tout 
droid  &  raifon,&  qui  contre  leurs  propres  confeiences  tafehoyent  à  vous  ruiner ,  com- 
nic  il  fera  auflî  de  rou s  ceux  qui  les  voudront  enfuiure:  mais  que  feulement  vous  gar- 
diez voftre  faincle  vocation  comme  il  appartient  ,dequoynoftre  Seigneur  vous  doins 
la  grâce. 

E  t  pour  certain  qui  bien  regardera  tout  ce  qui  eft  fait  &  dit  contre  voftre  fain&e- 
ftat,vient  de  la  boutique  du  Pape .  Car  combien  que  les  enragez  Anabaptiftes  femblt ç  a n.i!>apri- 
eftre  fort  contraires  auPape:neantmoinsleur  erreur  qu'ils  ont  cotre  voftre  fainrï  cftat,  ftcsont  Pul 
vient  du  Pape,qui  fe  difant  fpirituel  &c  les  fîcns,a  iugé  qu'il  ne  deuoit  eftrc  fuiet  à  voftre  bdlion 
puiflance,  mais  que  toute  puiflance  luy  deuoit  eftre  miette  :  &:  à  ce  il  a  peruerti  l'Efcri-  i^pc. 
tuft,  blafphemant  les  5eigneuries,contreuenant  aux  fain&s  commandemens  dcDieui 
&:  par  ainfi  les  miferables  A  nabaptiftes  fe  font  iugez  parfaits  &:  i'jftes,n'ayans  befoin  de 
loy.  Car  ils  font  tellement  conduits,quc  tout  ainfi  que  le  Pape  a  dit  qu'il  ne  peut  errer, 
auffi ils  ne peuucnt  faillir,  comrne  ils  difent:  &:  pourtant  ili  n'ont  que  fane  de  Magi- 
ftrats ,  &  s'ils  euflent  eu  le  loifir  de  penfer  à  leur  affaire  comme  le  Pape ,  ils  euflent  auf- 
fi regardé  d'en  auoir  fous  leur  obeiflance  .    Mais  vous,par  la  grâce  denoftrc  Seigneur, 
ne  leur  auez  donné  le  loifîr:&:  ceux  qui  portent  &  prefehent  la  parole  du  faintt  E- 
uangile,font  trop  armez  des  fainétesEfcritures,&:  en  grande  vertu  de  la  Parole  aba- 

B.ii. 


L/#ro  //.  Werfecution  âe  sffîets. 

tcnt  toutes  les  raifons  de  ces  poures  démoniaques:  tellemct  qu'ils  font  diflîpcz  cqpïme 
la  fumée  deuant  le  vent. 

S  i  donc  le  Pape  s'eft  ofé  ainfi  leuer  contre  Dieu  &:  contre  voftre  pui/Tancc ,  il  ne  faut 
douter  que  fur  tout  le  peuple  il  s  eft  horriblement  eflcué:&:  commet  ne  le  feroit-il,puis 
qu'il  dit  qu'il  eft  fur  gens,peuples, royaumes  &:  natiôs:  voire  îufqu  a  dire  qu'il  n'eft  point 
homme:OrDieufoirloué,que  vous  auez  abandonné  vne  telle bcfte,&  fes  loix  diaboli- 
ques^ non  point  pour  eftre  fans  Ioy ,  ne  pour  faire  tout  à  voftre  appetir ,  ne  pour  gou- 
uerner  tout  par  voftre  teftermais  recognoiflans  le  Roy  des  rois  &:  le  Seigneur  des  fei- 
gncurs,qui  donne  les  royaumes,&  les  change^  qui  a  toute  puiffance  au  ciel ôé  en  ter- 
rera icdoux  &  bénin  Prince  vo9eftesfuiets,&:àfafain&e Parole,pourluy  obcir,&:  pour 
faire  que  vos  fuiets  aufli  auec  vous  luy  obeiffent.Et  c'eft  bien  raifon,puis  que  vous  reco- 
gnoiflez  Iefus  pour  voftre  Roy  fouuerain  ,  que  ceux  qui  font  fous  voftre  puiffance  le  re- 
cognoiffent auiTi ,  &:  luy  obeiffent.  O  que  vos  excellences  font  heureufes  de  feruir  &:  o- 
beir  à  vn  tel  Roy,qui  de  tous  les  bons  &  fidèles  fuiets  bc  obei/fans  feruiteurs  qui  chemi- 
nent en  vraye  foy  comme  il  demande ,  il  en  fait  des  Rois  &  vrais  enfans  &  héritiers  du 
royaume  des  cieux,voire  fes  frères  !  O  combien  font  heureux  vos  bons  fuiets,  qui  fain- 
ftement  vous  obeiffent,&:  vous  portent  tout  honneur  &  reuerence,  &c  qui  fans  aucune 
fraude  vous  rendent  tout  ce  qu'ils  doiuent,  en  rentes,  ccnfes,difmes>& toutes  autres 
chofes  deues  à  voftre  Seigneurie ,  tant  en  corps  comme  en  biens  ;  mais  finguliercment 
qui  vous  obcifTent  en  oyant  &:  receuant  la  fain&e  parole  de  Dieu ,  en  croyant  à  l'Euan- 
gile^ viuant  Chrcftiennement! 

O  quel  bien  &  quelle  grâce  noftre  Seigneur  fait  de  donner  Seigneurs  Chreftiens, 
u  fdicicé  qui  facent  viure  leurs  fuiets  félon  l'Euangile!  Certainement  nul  peuple  fous  Salomon, 
des  due-  nil]s  feruiteurs  d'iccluy  ne  furent  iamais  tant  heureux ,  que  ceux  qui  fontfous  les  vrais 
Au'uiiaVa  Princes  Chreftiens,&:  qui  leur  obeiffent  en  leurs  faint~tesordonnances.&:  n'y  a  point  de 
Magifirats  plus  mefehans  ne  plus  maudits,que  ceux  qui  ne  veulent  auoir  tels  Seigneurs ,  éc  qui  ne 
chrcfiiens  jcu r  vcu]en t  obeir,ne  leur  eftre  fîdeles,nc  faire  le  deuoir  comme  il  appartient .  Noftre 
Seigneur  face  la  grâce  à  tous  de  pouuoir  bien  cognoiftre  &:  bien  entendre,pour  fe  con- 
duire comme  il  appartient. 

nobles,excellcns  &  vrayement  Chreftiens  Princes  &  Seigneurs,&:  tous  gouuer- 
neurs&:  confeillers  des  villes  fainc~tes&:  Chrcftjenncs,&:  tous  quifelonDicu  auez  char- 
ge du  pcuple,afin  qu'il  foit  entretenu, non  feulement  es  chofes  corporelles ,  mais  com- 
me vrais  mébres  de  la  fainde  Eglife,&  eftans  vrayement  du  corps  de  Iefus  Chrift,  vous 
Remercie-  faites  feruir  voftre  puiiTanccàibn  honneur  &c  aufalutdesamesr  afin  que  félon  la  pure 
mentaux  parole  de  l'Euangile, elles  foyent  conduites  &  gouuerneesrnous  vous  remercions  tref- 
fc  loiTem.  humblement  de  ce  qu'en  charité  vous-vous  eftes  employez  cnuers  nos  Seigneurs  pour 
pioytz  benigncmentlesinduireàccqu'en  droite  affection  paternelle  ils  nous  ottroyaffent  la 
Se  Mas  *  faîn^c  prédication  de  l'Euangile:  nous  vous  fupplions  en  toute  humilité ,  qu'il  plaife  à 
vos  bénignes  grâces ,  pourfuiure  ce  que  vous  auez  commencé  :  &:  vous  tous  autres 
quiaueclafaincte  puiffance  auez  la  cognoiflancede  noftre  Seigneur  Iefus  ,voftre  bon 
plaifir  foit  de  vous  employer  cnuers  nofdits  Seigneurs ,  pour  les  attirer  amiablement, 
&c  les  induire  à  vne  choie  fi  fainfte,  ii  digne  &:  tant  raifonnablc,comme  mefme  ils  le  cô- 
feflent.  Et  combien, trefcxcellens  Princes  &  Seigneurs,&;  villes  faint~tes,que  vous  en 
ayez  eu  tant  de  fafcherie,&"  ayez  fait  de  grans  fraiz,&  tant  y  ayez  pris  de  peine,qu'en  re- 
gardant noftre  petite/Te  &:  voftre  grandeur ,  &:  la  façon  de  faire  qu'on  a  tenu  vers  vous, 
nous  ayons  grand'honte:  toutefois  puis  qu'il  n'y  achofe  qui  foit  tant  feantcàvoftre 
iainft  eftat,  ne  tantdigneàquoylapuiiîancceminente  s 'employé,  comme  eftdctra- 
uailler  à  l'honneur  &:  gloire  de  Iefus ,  à  magnifier  &  tafeher  en  toute  manière  d'eflargir 
&;  dilater  l'on  royaume  r  au  nom  d'iceluy ,  qui  a  touché  vos  nobles  cœurs ,  ne  defiftez  de 
tafeher  que  nous  ayons  vn  il  grand  &  h  excellent  bien,  qui  eft  le  fain&Euangile:  fai- 
tes par  tous  moyens  faintts  que  nos  Seigneurs  s'accordent ,  &c  nous  efperons  que  Dieu 
le  fera .  Et  afin  qu'ils  ne  redoutent  troubles  &:  efmotions,  ne  qu'on  fe  vueille  eileuer  au- 
cunement contre  eux  ne  contre autres(commeles  ennemis  de  vérité  toufiours  calom- 
nient^ en  blafm  enta  tort  l'Euangile,  comme  induifant  à  rébellion  )  qu'il  vous  plaife 
les  afteurer  de  noftre  part,que  rien  de  ce  n'aduiendra :  &  a  ce  leur  offrir  voftre  aide  pour 
ks*maintenircntoutdroicl:&raifon:&:dencfoufTrir  que  tort  leur foitfait.  Certai, 
ncment  bons  &:  Chreftiens  Princes  &  Seigneurs,  après  Dieu&  &  fainfte  Parole  nous 

n'auons 


'Tçrjecution      sMets.  14? 

n'auoiis  chofe  pour  laquelle  tat  nous  vueilliôs  employer ,  côme  pour  la  fainctc  puifTan- 
ce  ordônee  de  Dieu  :  pour  laquelle  maintenir  &  con  l'cruer ,  en  luy  obeiffan  t  &:  rendantt 
tout  deuoir,  nous  voudrions  mettre  la  vie,corps  &;  bics  tant  de  nous  que  des  noftrcs:  &C 
ainfi  croyôs  que  nous  en  fommes  tenus.  Car  vn  tel  dô  de  Dieu  côme  cil  la  puiflance  qu 
il  a  ordonee.-ainfi  qu'elle  eft  trelhecciïaire  fur  la  terre, nu/Ti  pour  la  côfcruer  &maïtenir, 
tous  de  grad  cœur  fe  doyuét  employer.  Excellcns,vrais  &:  fidèles  Princes ,  par  la  faincte 
affection  qu'auez  à  Dieu  &c  à  ceux  que  Dieu  vous  a  donnez.-ainfi  que  vous  feriez  efmeus 
à  pitié,  fî  les  voftres'eftoyét  en  tel  eftat  comme  nous  lbmmcs,&:  qu'ils  vous  fiffent  telles 
requeftes  au  nom  de  Dieu,  côme  nous  les  faifons  à  nos  Seigneurs:aycz  pitié  de  nous,  8£ 
nous  aidez  en  toute  bénignité  enuers  nos  Seigneurs.  Lel'quels  Dieu  conferuc  &  garde 
en  tout  bien  aucc  vous,  ÔC  tous  ceux  qui  font  conftituez  en  telle  puiffance  pour  feruir  à 
la  gloire  de  ce  bon  Dieu, au  bien &:  édification  de  toute  la  Chreftientc. 

^  Apr  e  s  ces  faindtes  requeftes  &  fupplications,  ce  vrayminiftre  de  Dieu,M.G.Farel 
dreifa  vne  prière  au  Seigneur  pour  obtenir  la  vraye  &c  entière  prédication  de  l'Euâgile» 
&C  le  vray  vfage  des  Sacremés ,  en  laquelle  eft  faite  confcfîîon  des  péchez  qui  font  caufe 
de  la  ruine  des  Eglifes  de  toute  la  Chrcftiété:de  laquelle  no9auôs  extrait  ce  qui  s'enfuit, 

il  E  V  éternel  &Pere  de  toute  mifericorde,tu  as  dit  par  la  bouchefacree  de  tÔ  Fils  Ica"  ?<W> 
|q  ceux  qui  ont  foif  viennent  à  toy,&:  qu'ils  boyucnt:&  q  tu  donnes  l'eau  de  vie,  &:  '5Î*1^ 
que  tu  es  le  pain  de  vie  qui  eft  defeendu  du  ciel:&  nous  as  promis ,  que  tout  ce  que  nous 
demâderons  en  ton  Nom, que  nous  l'aurons:^  dis  qu'auant  qu'on  t'inuOque  que  tu  ref- 
pôdras:&:  quâd  on  criera,  q  tudiras,Me  voicy.  Nous  criôs,ô  Seigneur,delafaim:noftre  lfi  S8*; 
poure  ame,  qui  a  efté  fi  long  temps  parchemin  tant  miferable ,  par  les  deferts  &:  par  les 
defolations  de  l'Antechrift,  reuiét  en  la  m  aifon  de  cognoiffance,&:  a  grand  faim  de  toy. 

Owre  -nous  la  porte  de  ta  mifericorde,ô  Sauucur,&  ne  t'arrefte  tat  auec  ceux  qui 
font  auec  toy,&:  qui  te  font  agréables,  que  tu  ne  regardes  aufîl  à  no9 ,  qui  par  nos  iniqui- 
tez  fommes  dehors,  donne-nous  du  pain  de  ta  parolle.Et  combien  que  nous  foyons  en- 
uers toy  pires  que  chiens,  tant  s'en  faut  que  nous  foyons  pour  eftre  tenus  de  tes  enfans, 
s'il  n'y  a  autre  elgard  qu'à  nous ,  &:  à  ce  qui  vient  de  nous  :  mais,Seigneur ,  qui  fais  fortir 
ton  Soleil  furies  bons  &  furies  mauuais,  &  enuoyes  ta  pluye  fur  les  iuftes  &:  iniuftes-.ces  Mat.f  4t« 
poures  chiés  n'auront-ils  point  quelque  miette  de  pain,  qui  chet  de  la  table  des  enfans?  * I  I7- 
Aide-nous,  enuoye-nous  cefte  viade  celeftielle,ce  pain  de  ta  parolle.  Ne  feras-tu  point    "  '  7' 
la  vengeance  de  noftre  ennemy,  qui  nous  fait  tant  de  tort?Tu  as  dit  que  tu  exauceras  le 
cry  de  l'oppreffé,  de  la  vefue,  de  l'orphelin  &:  de  l'eitranger.Nc  vois-tu  point,ô  Pere,cô-  Pfal  i4*  ft 
ment  les  poures  vefucs  font  multipliées, comment  les  pupilles  font  en  gros  nombre:dc  *'^o  xi  u 
qui  les  maris &percs  ont  efté  tuez  &c  meurtris  pour  ta  parolle,  &:  tous  leurs  biens  ont«e-  n. 
fté  rauis  ?  Ne  crient-ils  point  à  toy,ô  Seigneur,  delà  poureté  qu'ils  endurent?Et  auec  tel 
rauiiîemcnt,  quelles  fincfles    cautelles  ont  trouuces  les  Preftres ,  &  les  Moines ,  pour 
attirer  tous  les  biens  des  vefues,des  pupilles  &c  de  tous  ?  Côbien  ont-ils  deftruit  de  gens 
&;  mis  à  groffe  poureté?  Et  fi  pour  les  rauiiîemés  des  biens,toy  iufte  luge, tu  fais  végean- 
ce,voire  non  feulement  des  rauifTeurs,  mais  auffi  de  ceux  qui  n'aident  aux  indigens ,  &C 
qui  ne  donnent  du  leuntu  feras-bien  plus  groffe  vengeâce  du  fang  efpandu  iniquemét. 
6  Seigneur ,  fi  iamais  il  a  efté  efpandu  horriblement,  n'eft-ce  pas  en  noftre  temps?  car  il 
a  efté  fait  en  telle  fureur  &  rage ,  que  Satan  n'a  peu  pis  faire.  Car  comme  au  temps  de  ta 
natiuité,  pour  te  mettre  à  mort,  il  a  tué  les  petis  enfans  qui  n'auoyent  aucune  cognoif-  Mac.i.tf. 
fancc:combien,SeigneurIefus,enya-ileu  detuez,quinefauoyent&:n'entendoyétnen 
de  ta  parole?  Mais  la  fureur  eftoit  telle,que  de  dire  Chrift  fimplement,ou  parler  fans  iu- 
rer  le  corps  èc  le  ven tre,on  eftoit  Luthérien  &;  hérétique. Et  que  dirons-nous?Ton  vray 
ennemy  l'Antechrift,  craignant  d'eftre  trop  defcouuert  par  tels  meurtres  tant  euidens, 
â repris  ceux  qui  faifoyent  ainfi ,  demandant  qu'on  feruift  au  diable  pluftoft  qu'au  Dieu 
viuant.  Tu  fais,Seigneur,en  quelle  cruauté  tes  feruitcurs  ont  efté  demencz-.car  d'autât 
que  ton  Efprit  plus  puifTamment  par  iceux  parloit ,  tant  plus  on  a  efté  enrage  côtr'eux. 
Le  cry  du  fang  de  tes  fcruiteurs,Seigneur  Iefus ,  n'eft-il  point  paruenu  a  tes  oreilles  ?  Et  Pfj!.7^.ii. 
nous,Seigneur,qui  ne  voyons  que  fang  par  toute  la  terre,que  corps  icttez  par  les  caues, 
fcque  feu  &:  fumée  par  tout  i'air,meurtres  de  tes  feruiteurs:pour  toute  vengeâce  ne  de* 
mandons  autre  chofe,fînon  que  ta  parolle  ait  lieu,  &;  que  Satan  foit  confondu.  Exauce 
noftre  requefte,ô  bénin  Sauueur.car  que  font  les  biés,ne  les  corps  au  prix  des  ames?  he- 
las;Seigncur,qui  les  as  racheteesjquelle  defQlaçion  i  quelle  tuerie!  quel  meurtre  eft  aux 

B.iu, 


Liurc^>  IL  *PerfecHtion  zffletï. 

pour  es  amcs,  d'cftre  priuee$  d'iccllc  parolle  !  Venge,  ô  luge  équitable ,  venge  ton  Egli- 
fe,qui  a  efté  corne  vefue  fi  long  temps,  6c  qui  crie  à  toy:vcnge-la,ô  iufte  luge. car  tu  vois 
comme  nt  elle  cric,  &  cornent  par  grande  deftrefic  de  cœur  elle  leue  fa  voix  entiers  tov, 
ayant  toutes  les  entrailles  rongées  &  amèrement  tranchées:  cftat  toute  deftruitc  6c  ga- 
ftee,&  en  extrême  tnftciicpour  la  grande  multitude  des  amcs  qui  ion  côduites  6c  me- 
nées en  la  voyc  de  perdition ,  parla  poifon  de4a  fuperftition  diabolique  du  Pape  6c  des 
fienàNe  feras-tu  point  la  vengeance  de  telles  abominations  ?  ne  la  confoleras-tu  point 
par  ta  douce  parolle  ?  HelasiSeigncur,  ce  qui  refte  des  pourcs  amcs  qui  foufpirent  après 
toy,&  demandent  ton  aide ,  ne  les  regarderas-tu  point  ?  Ne  fecourras-tu  poin  t  à  ce  que 
tu  as  tant  chèrement  racheté  ?  Regardc,ô  Seigneur,  comment  les  pourcs  amcs  foufpi- 
rent après  toy,  combien  qu'elles  ne  te  cognoillent  que  bien  petitemet:  toutefois  le  dc- 
lir  qu'elles  ont ,  cft  d  auoir  ialut,  6c  d  cfuyure  le  droit  chemin:  bcibngne  y,Scigncur,œu- 
ure  de  ta  iuftice  contre  l'iniquité  de  Satan:&:  de  tn  grande  miiericorde,bclbngnc  fur  les 
M»r.*.3tf.  poures  amcs.'  Ne  ferme  poît  tes  entrailles,  toy  qui  as  eu  pitié  du  poure  troupeau  égaré, 
quand  tu  eftois  ici  en  chair,  voyant  les  poures  gens  qui  cftoyent  comme  brebis  ians  pa- 
ftcurs.  Et  puis  que  tu  commandes  qu'on  prie  le  Seigneur  de  la  moiifon  qu'il  enuoyc  des 
ouuriers  en  icclle, nous  t'en  prions,nous  t'en  requerôs  que  tu  le  faces  :  ô  Seigncurlefus, 
cnuoyc,cnuoye  des  bôs  6c  fidèles  ouuricrs,&  chaffe  les  loups,  6c  deftruy  iniquité  6c  tou- 
te la  doctrine  de  mort.  O  vray  autheur  de  iufticc,qui  es  noftre  vie,  duquel  viét  la  doctri- 
ne qui  viuific  6c  fauucxefte  moiiîbn  n'eft-clle  point  grande,  ô  Seigneur  Iefus?  n'eft-clle 
point  à  toy?Ha  doux  Icfus,n'vfcras-tu  point  de  ta  douceur  6c  de  ta  grade  benignité?Ou- 
blieras-tu  d'auoir  pitié  de  ton  pcuple?Nous  te  pries,  ô  noftre  Sauueur,ô  noftre  Rédem- 
pteur, cnuoye  nous  des  ouuriers  fîdcles,Ôc  donne  grâce  à  ceux  qu'il  t'a  pieu  de  nous  en- 
uoyer,d'accomplirccquetu  as  commandé:  c'eft  de prefeher  tonEuangile,&:denous 
enieigner  purement  tout  ce  que  tu  commandes. 
î^Cor.n.  O  iaiu& Efprit,  vray  viuificateur  des  poures  ames,  qui  diftribue tes  dons  &:  grâces  fe- 
iP^cliir  l°n  ronbon  plaihr,cn  l'édification  du  corps  de  Iefus:  toy  qui  as  parlé  par  les  Prophètes, 
ieani6i3.  qui  n'ont  point  parle  par  volonté  ny  affection  humaine,  mais  en  ta  vertu  :  toy  qui  me- 
Aa.1.5.4.  nes  cn  tolltc  cognoifiance  de  vérité:  qui  as  rcmply  les  l'aîcts  Apoftres  de  telle  vertu,  que 
là  où  ils  auoycnt  abandonné  lcurMaiftre  tous  cfpouantcz ,  6c  s'eftans  tcus ,  6c  defiftans 
de  prefeher  depuis  la  prife  de  Iefus  iufques  àce  que  tu  es  def&ndu  de/Tus  cux,&  lors  en 
tereceuant  tu  leur  as  tellement  efchauffé  leurs  cœurs,  &:  tellement  as  ouuert  leurs  bou 
ches,  qu'en  grande  ferueur  &  ardeur ,  6c  en  hardiefic  6c  pleine  aifeurâce  ils  ont  parlé  de 
Iefus,  6c  ont  prefehé  fa  rcfurredion ,  voire  à  toutes  nations  qui  cftoyent  lors  cn  Icrufa- 
lem,  cn  parlantà  tous  par  langues  que  tous  entendoyent:  ha  Seigneur  Dieu,  regarde 
cn  quelle  pourcté  nous  lbmmes,&  nous  6c  ceux  qui  ("ont  en  tant  de  lieux ,  tant  qu'il  en 
y  a  qui  ont  eu  quelque  cognoiffance  de  Ieius,car  s'ils  ne  font  aidez  &fecourus  de  ta  grâ- 
ce, ils  font  plus  prefts  la  plufpart  de  renoncer  Tc(us&:  l'Euangilc,que  leconfefter.  Chaf- 
fe,ô  Efprit  de  vérité,  tout  ce  qui  cft  de  l'clprit  d'erreur  &:  de  menfonge.  CliaiTe  tous  h e- 
Icai7.i.  i<f.  retiques  d'entre  nous,  6c  d'entre  tous  les  autres.  Glorifie  le  Seigneur  Icfus,car  fa  gloire 
jj  cft  laticnne,&  celle  du  Perc.  Rcpicn,ô  Seigneur,  rcprcnlcmondedc  péché  ,deiuge- 

z.  1  hd.1.8.  ment  &:  dcuifticC.  touche  le  s  cœurs  de  tous ,  afin  qu'ils  foyent  enfeignez  de  Dieu ,  pour 
entendre  la  parolle  de  vcrité,en  l'oyant,  la  reccuant,  &:  la  gardant  parfoy.  Monftre  ta 
vertu  fur  tous  ceux  qui  te  reiiftent,  ne  Ibufire  plus  que  ta  doctrine  foit  outragée, en  te 
blafphcmanr  &iniuriant.  Deftruy  l'Antcchrift  &:  fa  mcfchante&  maudite  doctrine. 
Et  par  ta  clarté  6c  lumière  pure  6c  (ain£ce,par  laquelle  tu  purifies, fancrifics  6c  parfais  les 
amcs,chafie  toutes  les  ténèbres  d'erreur  6c  de  fuperftition,  toute  feintife,hypocriiic  6c 
tromperie  eau  teleufe,  en  defcouurat  les  fauifetcz  de  Satan  6c  des  liens,  6c  nous  côferue 
en  toute  vérité,  nous&  nos  Pafteurs,  lefquels  il  te  plaife  donner  6c  cnuoycr  tels  qiietu 
as  reuelé  qu'ils  doyuet  eftre.autrcmet  nous  (ornes  perdus  6c  gaftez  parla  deceptiô,  trô- 
pcrie&  tyranie  de  ceux  q.  font  menez  les  efprits  d'erreur,  qfeduits,feduifent  le sautres. 

H  a  bon  Sauueur,  combien  que  noftre  foy  foit  fort  petite  pour  venir  à  toy,li  venons- 
nous  à  toy,  pour  te  demander  cefte  eau  pour  en  boire.  Augmente-nous  la  foy ,  6c  nous 
la  conferm£,nous  donnant  ta  parolle  &:  tes  fainîts  Sacremens  purement. Donne-nous, 
Seigncur,cefte  eaudeviequi  ofte  la  foif,car  nous  auôspuifé  trop  de  l'eau  denos  pères» 
ne  fachans  que  nous  voulions, ne  que  nous  faiiïons,&;  tant  plus  auons  beu  d'eau  infecte 
"e.i.rç.    ^cs  vieilles  eifternes,  plus  auons  eu  de  Ibif.  Done-uous  le  pain  de  Yie  qui  eft  defcédù  du, 

ciel» 


Terfecutbn  de  Mets.  14. 8 

ciebdonne  le  nous  par  ta  fainde  parolle &dodrineceleftielle,&:  partes  pures  ordonan- 
ces.  O  Seigneur, que  nous  foyons  nourris  de  toy,pour  viure  eternellcmët.  Helaslle  fon 
bc  le  leuain  des  Phariliés,  la  doctrine  diabolique  de  toute  hypocri/ie&  tromperie,  nous  Mat.i<?.<r. 
a  tant  enflez,  que  nous  en  fommes  creuez,&:  toutes  les  entrailles  de  nosamesen  font 
corrompues.  Car  la  doctrine  peruerfe  a  tout  perdu  ,  empoilonné  &c  galle  en  nous.  Sei- 
gneur lefus,  vray  Sauueur,  vray  Rédempteur,  aye  pitié  de  nous.  Commande &c  fày  que 
ta  parollc  nous  l'oit  prefchee,&:  que  tes  famds  Sacrcmcns  nous  Ibycnt  purement  admi- 
niftrcz,cômc  tu  l'as  ordonné  &c  commandé.^Tu  as  ouy  la  Canancc,ô  Seigneur.donnc- 
nousdes  miettes  qui  tombent  delà  table  de  tes  enrans.  Seigneur,  les  autres  à  qui  tu  as 
fait  la  grâce  que  ta  parolle  leur  a  efté  donnée*  ont  tant  de  predications,tât  de  lieux,  tac 
de  Miniftres&  Paftcurs, qui  continucllementles  enfeignent,&lcuradminiftrcttes pu- 
res ordonnances  &  fainds  Sacremens:  &:  nous  n'auons,ô  Seigneur,  vnfeul  Pafteur,  vn 
feul  lieu,vne  feule  prédication  le  iour,  en  vne  fi  grande  ville,où  tu  as  tant  de  peuple  :  &c  "  ented  de 
ne  pouuonsvfer,ne  receuoir  purement  tes  lainc"tsSacrcmens,fi  pour  l'amour  de  tes  en-  Mcvr's'!^Ju 
fans>que  tu  as  es  Eglifes,  à  qui  tu  t'es  manifefté,&:  à  qui  tu  as  dôné  purement  ta  parolle,  cun  ic  peut 
tant  es  benin,que  tu  as  prefenté  tes  bcnedidiôs  &  grâces  aux  iniques,&:  qui  ne  croyent  ^  'heux 
en  l'Euangile  :  &z  mefme  tu  fais  que  tes  feruitetirs  les  contraignent  à  ouyr  ta  parolle,  en  &pay$. 
forte  qu'ils  font  fouuent  gagnez  à  toy,&  croyent,  où  ils  eftoyent  incrédules. 

Bon  Seigncur,n'auras- tu  point  pitié  de  nousîN  entendras-tu  point  noftre  dcfir,pric- 
re  &c  clameutfRegarde  à  ton  hôneur  &:  gloire. regarde  à  tes  faindes  promciTes,  ô  Dieu, 
ô  noftre  Dieu.  Quel  profit  y  aura-ilj  il  nous  demeurons  ainii:&:  li(comme  il  eft  aduenu  à 
plulieurs  par  faute  d'ouyr  &:  d'eftre  adirertis,  tant  en  fanté  qu'en  maladie)nous  perdons 
ce  peu  de  coeur  que  nous  auons  à  toy  &:  à  ta  parolle,  &:  fi  nous  retournons  à  ce  que  nous 
deteftons:affauoir  à  la  doctrine  de  fAntechrift,en  adorant  les  creatures,&:  mettant  no- 
ftre fiance  &  efperâce  aux  chofesdamnables»en  t'offenfantplus  queparauâtrSeigneur, 
nous  auras-tu  donné  tel  commécement  &:  entrée  en  ta  cognoilTance ,  pour  nous  lai/fer 
&  abandonner  ?  Non,non,Seigncur,ainfine  foit:mais  aye  pitié  de  nous,ouurat  lesyeux 
de  ta  mifcricordefurnous.-que  tes  entrailles  foyentcfmeuè's  à  pitié,à  milericorde&cô- 
paifion  fur  nous,ô  Pere  de  toute  bonté. Helas, que  nous  ayons  ta  parollc,que  nous  la  rc- 
ceuions  par  ton  S.Efprir,  &:  que  tout  en  nous  foit  rengé ,  conduid,  fait  &  garde  félon  ta 
fainde  volonté ,  qui  eft  reuelec  Se  manifeftee  és  faindes  Efcntures ,  efqucllcs  ta  fainde 
parolle  eft  contenue.  Fay  qu'auecques  grand  fruid  nous  oyons  ta  parolle,&  la  gardiôs: 
&:  que  félon  îcclle  nous  ayons  purement  tes  purs  &  fainds  Sacremens.  Et  afin  que  nous 
puilfions  bien  enfeigner  nos  enfan  s  en  ta  fainde  dodrine,cn  ta  crainte,en  la  vraye  Avi- 
lie foy*  fay  que  droite  inftrudion  leur  foit  donnée,  comme  en  la  primitiue  Eglifç;&:  que  . 
les  Pafteurs  n'ayent  feulement  le  foin  des  grans  tant  en  gênerai  comme  en  particulier: 
mais  qu'ils  Payée  aufli  des  petis,  Se  qu'ils  les  inftruifent  en  la  pure  dodrine  de  la  foy,&  de 
tout  ce  qui  appartient  à  la  foy:  &c  que  toutes  chofes  foyent  drelfees  comme  il  appartint. 
Qu'en  ton  Eglile  foit  corredion, admonition,  réception  &reiedion:que  ta  parolle  y  ait 
toutes  les  proprietez  ,  &:  que  le  vray  vfage  des  clefs  foit  gardé  :  que  les  elcoles  &C  fainds 
exercices  pour  conlerucr  ta  dodrine,  foyent  faindement  dreffez  &  entretenus:  que  les 
poures  foyent,  félon  le  deuoir,foulagez  &:  lecourus.  Scigncur,quon  cognoifle  que  tu  y 
as  befongné,&:  que  tout  l'honneur  Se  la  gloire  te  foit  rendue,  de  nous  auoir  tirez  de  Ci 
horrible  maledidion,  à  vne  fi  grande  &z  excellente  benedidion:fay-nous  cefte  grace,ôc 
la  pourfuy  &:  entretié  iufques  à  la  fin,&:  à  nous  &  aux  noftres.  ^  Bon  Dieu,touche  &z  illu 
mine  les  cœurs  de  nos  fupericurs ,  pour  entédre  à  cefte  benedidio:  &c  au  lieu  de  refifter, 
qu'ils  foyent  les  plus  ardans,  &c  qu'ils  y  trauaillét.  Tu  as  promis  d'ainli  aider  à  ton  Eglife 
par  les  Rois.Princes  &:  Seigneurs:donneleur  pleine  cognoiffance ,  Se  droit  Se  entier  iu- 
gement  pour  cognoiftre  ce  que  tu  vciix,ô  Pere:  Se  auec  la  cognoilTance  dône  leur  la  gra 
ce  d'exécuter  en  rondeur  de  cœur,eri  vérité,  &:  à  ton  honneur  &:  gloire,  tout  cequi  eft 
de  leur  office,fe!on  ta  parolle:tclJement  que  nous  &:  eux  puilfions  heureufement  palfer 
de  cefte  cité  terrienne,  à  la  cité  éternelle.  ^Seigneur,  comme  il  t'a  pieu  de  changer  le 
cœurde  S. Paul. qui  eftoit  fi  afprc  Se  fi  enflabe  contre  ta  parolle:  aye  pitié  des  poures  Pre-  Aa  9  6' 
ftrcs,Moines,  &z  de  tous  qui  par  ignorance  contreuiennent  à  ta  parolle  :  Se  qui  tafehent 
de  deftruire  ton  Eglife  Se  la  dodrine  de  la  foy,ne  fachans  qu'ils  font.  Et  corne  tu  fais  que 
ce  qu'ils  font  n'eft  point  pour  maintenir,comme  ils  penlént,ton  Eglife,  ne  la  foy  Chre- 
ftienne,mais  pour  maintenir  ralTernblee  danable  de  confufioivqui  eft  la-mere  d'erreur- 


Liurcj  II-  Enjinœ$3  ditDriander* 

pour  entretenir  la  grande  paillarde  auec  fa  do&rine  diabolique ,  &£  les  fonges  &c  inuen- 
tions  des  hommes,Scigncur ,  fay  leur  mercy ,  en  leur  pardonnant:  donne  leur  grâce  de 
pouuoir  fuyure&:  pourfuyure,  garder  &:  tenir  ta  fain&c  doctrine,  &:  donne  leur  la  grâce 
de  viure  au  corps  de  Iefus,qui  eft  fon  Eglifc.laquelle,ô  Seigneur,par  ta  venté,puiifance 
&C  vertu  rcdific,rcftaure  3c  remets  en  citât  deu.&:  la  ccnferuc&:  garde  par  toute  la  terre: 
afin  que  partout  tu  l'ois  loué,  feruy&:  adoré  en  efprit  &c  vérité  :  &:  que  de  Satan ,  ne  de  1- 
Antechrift  qu'il  a  efîcué  par  l'es  cautelles,tromperies ,  faux  lignes  &:  miracles ,  en  toute 
deception,&:  de  ce  fils  de  perdition  ne  (bit  plus  rien  icy:c'eft  qu'il  n'ait  plus  de  lieujmais 
que  du  tout  il  foit  exterminé.&:  comme  il  s  eft  alîïs  en  ton  Tcmple^'elleuant  fur  toy,  fe 

t,Thcf.t.4  faifant  adorer  comme  toy:  ainfi  en  toute  confulion&  ignominie  il  foit  entieremétaba- 
tu  :  &  qu'il  n'ait  ny  en  ton  Temple  ,  ny  en  autre  lieu ,  ne  règne  ne  puiflance  :  mais  toute 
douleur,  angoilîe  &:  deftrelfe.  Donne  le  royaumc>ô  Pere  etcrnel,à  le  fus  ton  Fils,&:  que 
de  nul  au  tre  il  ne  foit  mention,  ne  d'autre  doctrine,  polir  fairesdire  nepenfer  autremét, 
qu'ainfî  que  Icfus  a  ordonne  &  commandé:tellcment,Seigneur,quc  tous  vitiâs  qui  lont 
de/fus  la  terre,  obeiffent  à  l'Euangile,par  pure  foy:&:  s'employent  àcout  bien  par  feruc- 
te  &:  ardente  charité,&  perfeuerent  en  grande  conftâce  c£  fermeté',  6  Seigneur  Dieu  &: 
Pere,  pour  l'amour  de  lefus  ton  Fils , rempli  fiant  tous  de  ton  bon  Efprit ,  afin  que  touçç 
louange,  gloirc,a£tion  de  grâces  te  foit  donnée  éternellement,  Amen. 
D  Ar  ce  récit  des  Lettres,Requefte ,  Supplication  &:  Oraifon  des  fidèles ,  on  peut  aile- 
métcognoiftrequelcômencement  d'eglife  eurent  en  ce  téps  ceux  de  Mets  en  Lor- 
raine,par  les  predicarions  Se  miniftere  de  M,  Guillaume  Farel.  Mais  les  gras  de  la  ville, 
qui  auoyent  lors  le  gouuerncment  d'icelle,  fe  rendirent  indignes  d'vn  tel  bien  &  béné- 
fice du  Seigneur.  Et  comme iadis  les  Gadareniens,  pour  la  perte  de  leurs  pourceaux 

Luc  8  prièrent  le  Sauucur  du  monde  de  fe  partir  d'eux, eftas  làifis  de  grand'craintc,au{fi  ceux- 
cy  firent  inftance  que  Farel  ne  prefehaft  plus  en  leur  vijlc  la  parole  de  falut  éternel .  Ce 
fut  lors  que  ce  feruiteur  du  Seigneur ,  efmeu  d'vn  vray  efprit  prophétique ,  après  auoir 
rcmonftréplulieurs  chofes,leur  prédit  qu'vn  iour  viendroit qu'au  lieu  duSeigneur,qui 
tant  doucement  fe  prefentoità  eux  pour  les  entretcnir,ilsauroycnt  vn  tyran  qui  lesaf. 
feruiroitdu  tout,&:  leur  ofteroit  la  libertéde  leur  republique,  laquelle  ils  craignoyenc 
perdre  en  receuant  lefus  Chnft.  ^  Il  lé  partitdonc  de  là,&  vint  à  Gozc,à  deux  petites 
lieues  de  Mets ,  en  palfant  la  Mofcllc:  &C  fous  le  crédit  du  conte  Guillaume  de  Furftem- 
btrg,qui  pour  lors  occupoiçlc  bourg &c  abbaye  de  Goze,y  parqua &: entretint  quel- 
ques iours  le  troupeau  des  fidèles  en  la  pafture  de  la  parolle  du  Seigneur  &  administra- 
tion des  Sacremens ,  iufques  à  ce  que  l'orage  àc  la  tempefte  çheut  iî  grande ,  qu'elle  el- 
carta  tk  mit  en  difperiîon  toute  raîlernblee. 


ENSIN  A  SA  Driarider,Ejpagnol. 

PE  VX  circonftances  rendent  notable  ceft  exemple  la  perfonnc,&  le  lieu  du  martyre.  [  a  perfonne  eft  d'Flpagne,  c'eftaflauoir 
du  plus  profond  de  fuperftition.  Le  lieu  eft  Rome,iîe.  e  d'abomination,  d'impiété  &  de  mefpris  de  Dieu  :  auquel  pour  lor9 
cftoit  aliîs  Paul  Fernefetroilîeme,  monftre  abominable. 

3SN  pourra  voir  cy  après  en  quelle  hônefteté,  eruditiô  &c  fain&ctc  Iean  Diazc  a 
m  ployé  toute  fa  vie:&mialemét  de  quelle  cruauté  fon  lang  innocet  a  efté  ef- 
Spandu  parfonfrere  jpprc:afin  qu'on  cognoiiîeque  Dieu  n'a reftreint  la  bonté 
^envnfeul  perfônagedecefie  natiô,  voici  maintenant  vne  hiftoired'vn  Efpa- 
gnol,qui  n'a  redouté  les  fanfares  magnifiques  de  fa  gent,  &  ne  s'eft  arrefté  à  la  dcuotion 
rcfplendiifante  des  liés. mai$ayat  toufoursfoncceurcn  Dicu,apaiféhardiment&:con- 
ftament  par  le  milieu  des  fiâmes  ardentes,  côfc/lant  le  nom  &£  la  vérité  du  Fils  de  Dieu 
iufqu'au  dernier  foufpir.  Le  furnom  de  ce  bô  perfonnage  cftoit  Enzinas,qui  eft  en  Efpa 
gnol  ce  que  nous  dirions,Du  chefne:&:  en  Grec,Driander:par  laquelle  appellation  il  e- 
ftoit  plus  cognu  que  par  fô  nom  ne  le  furnom  dEnzinas,  ce  fut  luy  qui  premieremét  en- 
feigna  ledit  Diaze.  Ainii  qu'il  cftoit  à  Rome,où  il  demeura  quelqs  années  cotre  fô  vou- 
loir,feulemét  pour  obéir  &:  complaire  aux  fortes  affedios  de  les  pares  :  il  fut  pris  par  les 
gês  mefmes  de  la  natiô,fur  l'heure  qu'il  fe  preparoit  pour  venir  en  Alemagne  vers  fô  fre 
re,nommé  François  Enzinas  Driâdcr,  qui l'appcloit là,  Incôtinent  qu'on  l'eut ferrç  en 
yne  eftroitc  prifon,  il  fut  interrogué  de  fa  foy  deuât  vne  grande  a/Temblee  de  gens  Rou- 
mains, 


Martin  Ffœttrtloc.  . 

rnains,&:  en  la  prefcnce  des  vénérables  Cardinaux  &  Euefques  quilors  rcfidoyehtà 
Rome.  Là  il  maintint  dvne  grande  conftànce  &:  fain&ehardiclîe  la  vraye  dodrine  de 
l'Euaiigile:&  condamna  ouuertemcnt  les impictez &c  tromperies diaboliques  du  grâd 
Antechrift  Romain .  Tout  incontinent  non  feuj^nent  les  Cardinaux,  mais  fur  tou9 
ceux  qui  eftoyent  là  de  fa  nation ,  commencèrent  amener  à  haute  voix ,  qu'on  le  dcuoit 
brufler.Pour  conclu/ion, ces  defenfeurs  &  miniftrarrurieux  de  toute  impieté  &:  cruau- 
té Epicurienne, firent  tant  par  leurs  efrorts^qu'ils  firent  finir  la  vie  à  ce  bon  fcruiteur  de 
Dieu  par  martyre  glorieux:qui  a  efté  admirable  en  la  ville  de  Rome,au  milieu  de  toute 
impieté,fuiuant  de  près  la  mort  du  fufdiç  Içtn  Diazc,  qui  par  ion  frère  romanizé  auoic 
efté  meurtri  pour  vne  mefme  querelle  de  i'Euangile. 


MARTIN    HOEVRBLO  QG^fe, 

Hiftoirc  de  Martin  Hceurbloc  poiflbnnicr  natif  de  la  ville  de  Gand,martyr  de  noltrc  Seigneur  Icfus  Chrjft. 

ÔMME  Gand  a  efté  vne  ville  fur  laquelle  Dieu  a  efpandu  beaucoup  de 
fes  grâces  &  benedidions,y  fuicitantplufieUrs  bons&faindsperfonjpages,  g^"*^ 
qui  purement  &conftamment  ont  confeiîé  le  nom  denoftre  Seigneurie-  capitale  de 
fus  Chrift,&:  d'autant  que  comme  ingrate  elle  a  méfprifc  ces  dons  excelles  Flandre- 
de  t)ieu,meurtriflànt  &c  mettant  cruellement  à  mort  les  feruiteurs  :  à  bô  droit  elle  mé- 
rite d'eftfe  mife  au  nombre  des  villes,  qu'on  doit  nômer  pluftoft  boucheries  des  Chre- 
ftiens,que  villes  Chreftiennes .  Et  qu'ainli  foit,le  8. de  May  m.d.xlv.  outre  plufieurs 
autres  jnfînies  crUautez,qui  de  tous  temps  y  ont  efté  exercées  par  les  ennemis  de  véri- 
té :]i>oùrtoufiours  accomplir  le  comble  d'icelles*  fut  faite  vne  exécution  exécrable  fous 
prétexte  de  iuftice  &:  dç  religion  comme  il  s'enfuit  :  Martin  Hœurbloc,  natif  de  ladite 
ville  de  Gand,poiflbnnier  de  fon  meftier ,  eftoit  vn  homme  fort  adonné  à  fes  plaitirs  &: 
voluptezjfrequentant  la  plufpart  compagnies  ou  il  n'eftoit  queftion  que  d  excès  &  (il* 
perfluitez  en  bcuueries  &:  autres  çhofes,comme  le  pais  y  eft  par  trop  enclin .  Cepen- 
dant grand  zélateur  des  traditions  &  ordonnances  de  l'Antechrift,  &:  confequemmet 
ennemi  de  la  doctrine Euangçlique.  Alors  toutes  chofes  luy  eftoyent  tranquilcs  &C 
profperesxar  le  fort  armé  tenoit  en  luy  l'on  fort  fanscontradidion  quelconque.  Mais 
comme  ce  poure  homme  eftoic  ainli  détenu  és  liens  de  Satan  :  noftre  Seigneur  Iefus, 
qui  eft  le  plus  fort ,  vint  arracher  à  ceft  ennemi  fa  proye  :  &c  comme  il  fait  bien  tourner 
toutes  chofes  au  profit  &  lalut  de  fes  efleus,  il  fit  recueillir  à  ceft  homme  quelque  mot 
de  faine  dodrine  en  vne  prédication  d'vnCuré,prefchan  t  à  fes  paroiflîens  en  ladite  vil- 
le de  Gand,  &  les  inftruifant aucunement  en  lacognoiiTancedeverité,ia-foitquela 
plufpart  C'eftoit  vne  meure  entre  deux  verdes,ccmme  Ion  dit .  Ce  nono,bftant  noftre 
Seigneur  ne  laiifa  pas  de  pourfuiure  fonœuureencepcure  poiflonnier,  &c  luy  toucha 
tellement  le  cœur,qu'au  lieu  dehanter  compagnies  de  fuperfluitez  &  excès,  il  adonna 
fon  cœur  à  vifiter  les  poures  aucc  grande  diligence,les  fecourant  en  leurs  neceflltez.  &: 
de  ce  coup  qu'il  fut  touché  audit  fermon ,  eftant  retourné  en  fa  mailbn,  il  difpofa  de  fes 
afFaircs,&:  fit  toute  diligencede  cercher&  trouuer  gens  de  bonne  vie  &:  faine  dodrine, 
Comme  vn  homme  affamé  de  la  bonne  pafture.Et  pour  eftre  tant  mieux  inftruit,il  par- 
tit hors  de  ladite  ville  de  Gand ,  &:  fut  abfent  enuiron  trois  mois,  fréquentant  les  lieux 
&:  perfonrtes  où  il  efperoir  de  trouuer  meilleure  inftrudion. 

Estant  retourné  en  Gand ,  alors  tous  furent  efbahis  de  voir  en  luy  vn  Ci  grand  &C 
Ci  foudain  changement: car  ce  n'eftoit  plus  celuy  qui  fouloit  eftre.  Les  vns  en  s'efmer- 
ueillant  d  vne  telle  œuure  de  Dieu,glorifioyent  lautheur  d 'icelle-.lcs  autres,  comme  c- 
eftlacoiiftume  delà  plufpart,  conuertiffoyent  ccft  œuure  admirable  en  blafphemes,. 
irnp'utantà  erreur  &  {édition  ce  qui  procedoitdel'Efprit  de  Dieu.  Et  adôc  les  miniftres 
de  Satan  &:  les  engraiffez  de  l'Antechrift  voyans  bien  qu'vne  telle  proye  leur  eftoit  ef- 
chappee,  &  quclaconfequcnce  leur  eftoit  dangereufe&:  preiudiciablc  à  leur  cuifinc, 
commencèrent  de  confpirer  contre  luy,  mefmes  pource  qu'il  ne  vouloir  plus  commu- 
niquer à  leurs  fuperftitions  &:  idolâtries*  mais  les  reprenoit  viuement  .  dauantage, 
pourautant  qu'auec  vne  fain&e  hardie/Te  il  vifitoit  &:  confojoit  les  prifonniers  :  &C 
quand  on  en  menoit  quclcun  à  la  mort  pour  la  parole  de  fàlut ,  il  les  accompagnoita- 
i}e£  faindes  admonition?  iufqu'à  l'efcliafraut ,  &:  ne  celToit  de  les  confoler  &;  confirmer; 

C. 


Lmr^jîL  Martin  IrTœurbloc. 

par  paroles  de  grande  vertu  &:efîîcacc,le  tout  publiquement  & deuant  tous.  Or  eftaht 
requis  de  par  ion  Cure ,  de  communiquer  au  facrement  de  l'autel ,  rei'pondit  qu'il  vou- 
loit  bien  communiquer  aux  Sacrcmcnsde  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift,  &c  qu'il  tenoit 
La  parole  toutes  eglifes  fainctes, moyennant  que  la  pure  parole  de  Iefus  Chrift  y  fuit  annoncee:& 
de  Dku  parainlî(difoit-il  au  Curéjs'il  vous  plâifoit,  comme  miniftre  dvnc  telle  Eglife  ,&com- 
H"t«el"  me  noftre  pafteur,  me  diftribucrlefacrement  delà  Cene  félon  l'ordonnance  de  Iefus 
Chrift,ie  vous  en  voudroye  treshumblement  fupplier.Sur  quoy  rei'pondit  le  Curé,qu'- 
il  ne  foferoit  fairermais  le  prioit  treiinftamment  de  fe  vouloir  contenter  de  faire  com- 
me les  autres.  Toutes  ces  chofes  defcouuertes  aux  miniftres  de  l'Antechrift,  qui  ne 
ce/foycm  d'efpier  ledit  Martin,fînalcmentilfut  appréhendé  &:conftituéprifonnier,S£ 
toft  après  ion  empnfonnement,  mefmes'dedansla  prifbn  fut  interrogué  parlesluges 
qui  eftoyent  ceux  de  fa  faction ,  &ù  auec  menaces  meilees  de  paroles  douces  exhorte  de 
les  déclarer.  A  quoy  il  refponditoqu'illuy  fembloit  qu'en  cefaifanc  il  les  pourroit  ame- 
ner en  fafcheric  &c  en  danger,chofe  qu'il  n'entendoit  luy  eftre  aucunement  licite  par  la 
féconde  table  de  la  Loy.Mais  combien  qu'il  fuft  preft  à  foufFrir  peines  &c  courmés  pour 
fupporter  fes  freres,&:  pluftoft  que  de  les  reueler  :  Toutefois  fi  vous,meiTieurs(difoit-il) 
mefauez  monftrer  par  rEfcriturefainctc,  qu'en  ce  faifantie  contreuienneà  la  premiè- 
re table,ieprotefte  que  ie  veux  préférer  l'honneur  de  mon  Dieu  au  fupportde  mesfre 
res,&  fuis  preft  de  faire  tout  ce  que  TEfcriture  fain&e  nous  enfeigne,  toutes  chofes  pri- 
fes  en  leur  degré. 

^"Interrogve  par  les  moincs,quclle  opinion  il  auoit  du  Sacrement  de  1  autel: 
Sa'creme't  refpondit , qu  en  l'adminiftrant  félon  l'ordonnance  Papiftique,c'cltoit  vn  dieufaità 
plaifir  de  pafte .  A  quoy  ils  répliquèrent,  Donqucs  tu  ne  crois  pas  que  le  corps  de 
Iefus  Chrift  foit  entre  les  mains  du  preftre  ,  quand  il  célèbre  la  Mené  .  Ledit  Martin 
fur  ce  propos  ayant  fait  quelque  filence  ,fut  inquiété  par  ces  caphars  derefpondre  :&: 
leur  dit  que  Iefus  Chtift  auoit  efté  iî  mal  traitté  entre  eux,  qu'il  ne  s  y  trouueroitplus. 
JoyS.6  En  fuiuant  ce  que  deflus,  ils  entrèrent  plus  auant  en  propos,  comme  telles  canailles 
prennent  plaifir  à  gazouiller  &:  molefter  les  enfans  de  Dieu,  tafehans  deleur  adioufter 
affliction  fur  affliction: mais  Dieu  tourne  le  tout  à  la  confolation  des  ficns,leur  donnant 
parole  de  prudcnce,à  laquelle  leurs  adueriairesnepeuuent  refifter  :  ains  faut  qu'ils  de- 
meurent confus.  Entre  autres  obic£tions,ils  dirent  audit  Martin,Puis  que  vous  dites 
que  le  Sacrement  eft  nud ,  pourquoy  faites-vous  fî  grande  inftance  de  le  receuoir fous 
deux  efpcces?Surquoy  il  refpondit,queles  clemensdemeuroyentd'eux-mefmes  nuds: 
afïauoir  le  pain  demeuroit  pain, &  le  vin,  vin  :  mais  en  les  receuant  félon  l'ordonnance 
de  Iefus  Chrift,iceux  elemens  luy  eftoyent  pour  facrez  lignes  du  grand  myftcre  q  nous 
auoit  fait,donné  &£  communiqué  le  grand  Pafteur  des  ames  Iefus  Chrift.  Et  que  de  fai- 
re bannière  pour  ne  le  receuoir  fous  deux  efpeces  (  à  leur  correctif)  )  il  luy  fembloit  que 
perfonne  ne  deuoit  eftre  fi  prefbmptueux  &  arrogant,pour  quelque  raifon  que  ce  fuft, 
de  changer  l'ordonnance  de  noftre  Seigneur  IefusChrift,ne  d'y  adioufter  ou  diminuer: 
entant  que  luy  eftant  Dieu  &.  hom  me ,  eftoit  fage  allez  pour  preuoir  les  inconueniens 
que  les  Docteurs  de  leur  belle  eglife  rorgeoyent. 

^Finalement  Hœurbloc,apres  auoirefté  plufieurs  foisgehenné,  pour  luy  faire 
déclarer  ceux  qui  eftoyent  de  fon  opinion,le  huitième  iour  de  May  fut  amené  au  Con- 
fîftoire  des  feigneurs  du  confeil  de  Flandre,afîis  en  ladite  ville  de  G  and .  Et  là  on  luy* 
prononça  fentence  de  mort:afTauoir,pource  que  par  diuerfes  fois  &:auec  plufieurs  per- 
fonnes  il  auoit  fréquenté  conuenticules&  aflémblees  :  &  qu'il  fentoit  mal  delamaie- 
fté  du  Sacrement, du  Purgatoire,&T  des  prières  pour  les  trefpaiTcz.mefmes  quecombié 
qu'il  en  euft  efté  admonnefté  &  repris,toutefois  n'auoit  iamais  voulu  deiifter,  ni  autre- 
ment fentir,&:c.  à  ces  caufes  deuoif  eftre  mené  au  lieu  qu'on  appelé  Le  verlé,  place  au- 
ditGand,pour  là  eftre  bruflé  tout  vif,  &:  fon  corps  conuerti  en  cendres,&:  tous  fes  biens 
confîfquez.  Laquelle  mort  cruelle  &  ignominieufe  deuant  les  hommes,  mais  precieu- 
fe  &:  gloricufe  deuant  le  Fils  de  Dieu  &  fes  A  nges ,  il  f  bu/Frit  auec  vne  confiance  admi- 
rable, à  la  confufïon  des  ennemis  de  vérité,  &  confirmation  de  l'Eglife  de  noftre  Sei- 
gneur Iefus  Chrift,  qui  fait  fortir,  contre  tout  ce  que  prétend  Satan  &:  fes  fuppofts,  de* 
cendres  de  fes  Martyrs  vne  bonne  femence,vnfruid&:  moiflbn  merueilleufe  * 


IE  AN 


^Plufwrs.  ^Martyrs. 


4J* 


I  E  A  N    DE    BVCZ  &fafemme:  NICOLAS  VANPOVLE. 

E  ncufïcmc  de  May,alTauoir  le  iour  enfuiuant,furcnt  décapitez  audit  Gâd,  MD  XLy 
par  fentenec  duditconfeil  de  Flandre, vn  nomme  Ican  de  Bucz,coufturier, 
&  vn  autre  nomé  Nicolas  Vanpoule  :  auffi  fut  la  femme  dudit  Ican  Bucz 
plantée  &c  enterrée  viue,  pour  les  melmescaules  contenues  en  la  fentence 
duHudit  martyr  Hceurblocdefqucls  moururent  tous  cenftamment.  Au  Seigneur  en 
(bit  la  gloire,duqucl  feul  procède  telle  vertu  admirable:  Amen. 


PIERR  E,fumommé  M  I  O  C  E,  Tourntfm. 

Ce  que  l'Efprit  du  Seigneur  a  prédit  par  Ifâic.Que  les  pieds  font  beaux  de  ccluy  qui  annonce  &  publie  la  paix.de  celuycjui  an- 
nonce lebien,quiprefc!ie  le  falut,  &c<  s'accomplit  îournellcmenc  eala  prédication  &  iemmeede  l'Euangile  «lieux  auf- 
cjuels  fidèles  Mimftrcsfont  enuoyez. 

A  venue  de  M.Pierre  Brully  (  comme  dit  a  efté  )  apporta  au  pais  bas  de  l'Em- 
pereur vn  fruict  &:  aduancementen  la  doctrine  du  Seigneur  ,  à  ceux  qui  efto-    D  XL^ 
vent  ia  difpofezàreccuoirlafcmence  dclalut  éternel .  Et  d'autant  plus  que 
?s&t  le  nombre  eftoit grand , aufîi  la  periccution  après  la prifedudit Brully , fut 


afpre&  cruelle  audir  pais  bas.  Or  comme  de  tout  temps  elle  a  efté  la  vraye  touche ÔC 
cfprœuuc  pour  difcerner*&:  cognoiftre  les  fidèles  d'auec  les  hypocrites,  auflï  elle  mani- 
t\  fta  lors  ceux  qui  auoycnt  efté  vrais  auditeurs  de  la  parole  du  Seigneur ,  &:  ceux  qui  en 
auoyent  fait  le  icmblant.  Or  entre  autres  qui  furent  pour  lors  prifonmers,  il  y  auoit  vn 
certain  Pierre,iurnommé  vulgairement  Mioce,  faifeur  de  trippe  de  vcloux  .  Iccluy,  a- 
uantqu'eftrcappeléàla  cognoillance  de  l'Euangile,  auoit  mené  vne  vie  diifblue&:  a- 
bandonnee  à  tous  vices  :  mais  depuis  ladite  cognoillance  il  fut  change  totalement,  de 
forte  qu'il palfoit  les  autres  en  zele  &:  ferucur  d  ciprit  :  comme  il  le  monftra  tant  en  l'on 
empril'onnement  qu'en  la  mort  qu'il  endura  trcfcruelle. 

D  £  premier  abord  eftant  interrogue'  s'il  auoit  efté  des  auditeurs  de  ce  prefeheur  d*. 
Alcmagnc,refpondit  franchement  qu'ouy  :  &  qu'il  auoit  grandement  profite  en  la  do- 
ctrine de  noltre  Seigneur  Iefus  Chriftpar  luy  annoncée  .  Les  aducrfaires  luy  dirent, 
La  veux-tu  fouftenir?Ouy,dit-il,d  autant  qu'elle  s'accorde  à  ce  qui  eft  contenu  au  vit  il 
&rnouueau  Teltamcnt .  Or  les  luges,  pour  l'cfpouuanter,&:  cfbrankr  la  confiance, 
commandèrent  en  grand'  colère  qu'on  le  menait  au  chafteau  de  Tournay,  au  bas  d'v- 
ne  tour  cnuironnce  de  foffez  pleins  de  crapaux  &:  autres  belles  vcnimeules&:  infectes, 
à  canfe  du  réceptacle  des  eaux  croupies  qui  y  font:&:  en  laquelle  on  ne  met  lînon  ceux 
qu'on  veut  incontinent  enuoyer  à  la  mort.  Et  afin  qu'il  pcnfalt  de  plus  près  à  l'on  affai- 
re, il  fut  menacé  ne  partir  de  celte  ordeprifon  tant  qu'il  parlait  autre  langage ,  Il  eut 
donc  ledit  lieu  pour  prifon  depuis  le  mois  de  Nouembre  ,iufqu,àce  qu'on  luy  pronon- 
ça fa  fentence  de  mort  .pendant  lequel  temps  la  milice,  accompagnée  de  caphars,Fe- 
xamincrent  fouuent, non  pour  autre  choie  que  pour  le  faire  deldirc.  On  luy  amena 
le  mefme  docteur  Cordelier  nommé  Hazard ,  qui  auoit  tourmenté  Brully ,  auec  autres 
pour  difputer  contre  luy:  mais  rien  ne  l'cfbranla.  Eftant  vn  iour  deuant  eux,  il  leur 
dit ,  le  m'efmcrueille ,  Meilleurs ,  que  maintenant  vous  mettes  tous  li  contraires,  ini- 
ques à  délirer  ma  mort  :  &  toutefois  quand  icmenoyc  publiquement  vie  diffoluc ,  pas 
vn  de  vous  ne  m'a  iamais  reprins .  Apres  ces  paroles,  tous  ceux  qui  citoyen  t  là  pre- 
fens, commencèrent  à  regarder  l'vn  l'autre  fans  lonner  mot  .  Hazard  ,  comme  le 
plus  effronté,  commença  de  dire,  Ne  penfes-tupas  maintenant  élire  plus  meichant 
que  iamaisr  Voire  à  ton  iugement,dit  Mioce. mais  ce  n'elt  pas  à  toy,  Caphard,que  ie  m* 
adrelTe ,  c'elt  à  mon  Magiltrat  qui  eft  ici  prefent .  pour  ton  honneur,tu  te  deurois  taire 
en  la  compagnie  des  gens  de  bien. Celte  parole  abailfa  aucunement  le  caquet  du  Cor- 
delier.  Lors  ceux  de  la  iuftice,  pour  parfaire  ibh  procez,  l'interroguercnt  fur  plulieurs 
poincts ,  fpecialement  de  la  MelTe  &c  des  Sacremens  :  luy  commandant  de  refpondre 
fommairement  fans  faire  long  propos .    Mioce  eftant  îoyeux  d'eftre  interrogue  de  ù 

C.ii. 


Liurc^  II. 


foy,commença  à  leur  dire  &Z  alléguer  fur  chacun  poincï:  les  partages  de  la  fainéte  Efcri- 
tu  t  e. Eux  ne  le  pouuans  porter,dirent,Nous  n'auons  que  faire  que  tu  nous  prefches,rc- 
fpon  Ouy  ou  Non  à  ce  qu'on  redemande.  Meilleurs, dit-il,  ce  n'eft  pas  ici  vn  procezde 
meurtre  ou  de  larrecin  .  mais  il  eft  queftion  de  fauoir  qui  a  meilleure  caufe ,  ou  vous  ou 
moy:  parquoy  il  n'eft  polïiblc  de  rcfpondreii  fommaircment.  Et  comme  ilrecommen- 
çoit  de  parler,fa  parole  eftoit  toujours  entre-rompue .  Lors  il  leur  dit,  Si  vous  ne  me 
voulez  efcouter,icnuoyez-moy  à  mes  crapaux  qui  font  auecmoy  en  la  pnfomlcfquels, 
quand  ie  chante  ou  prieDieu,ne  me  troublent,&:  ne  me  donnent  aucun  cmpefehemét 
ne  bruit.&  vous  qui  eftes  créatures  raifonnables,formees  à  la  fcmblancc  deDieu:  vous, 
di-ie,ne  me  voulez-vous  point  efeouter  quand  ie  parle  de  fa  Parole  éternelle  ?  Eftimez- 
vous  ce  que  ie  vous  dieftre fable, ou  chofe  icrnblable  à  ce  que  ces  capharsvous  prcl- 
chcnt?Non,non:c'cft  la  vraye  vérité  que  ie  vous  annonce .  Cefte  conftance  cftonna  de 
plus  en  plus  ceux  qui  l'oyoyent  ainfi  parler.aucuns  en  furent  edifîez,les  autres  Ibrtirent 
Bergiban  grinçans  les  dents.  ^  Ilyauoitlorsen  la  prifon  audit  Chafteau  vn  nommé  Bergiban,  ■ 
i1Mjocc°fC  nomnic  auoit  receu  de  grans  dons  deDieu-.ayant  fi  auant  profité  en  la  fainétc  Efcri- 
turc,que  fouucnt  il  auoit  exhorte  en  la  congrégation  des  fidèles  auant  que  M.  Pierre 
Brully  vinft  à  Tournay. Incontinent  que  ledit  Brully  fut  conftitué  prilbnnier,cc  Bergi- 
ban  fut  des  premiers  que  la  iufticc  de  Tournay  cercha  pour  appréhender.  Les  officiers 
neletrouucrent  pas  en  famaifon,oupourcequ'ileneftoitabfcnt ,  ou  qu'il  fc  fit  celer, 
mais  il  en  eut  vn  fi  grand  regret  &:  defplaifir,  que  depuis  il  conclud  de  fc  rendre  prifon- 
nier  auec  les  autrcs,&:  de  fouftenir  vne  mefmecaule  auec  eux.  Les  amis  qui  n'auoyenc 
cogneu  en  luy  que  toute  intégrité  de  \  ic,&:  grande  érudition, eftoyent  cfmcrucillez  de 
le  voir  firefolu:  tellement  qu'ils  ne  luy  fauoyent  que  dire ,  finon  qu'il  regardait  bien  de 
ne  renter  le  Seigneur. Rien  ne  le  feut  diuertir,ne  les  pleurs  de  fa  femme,ne  le  regard  de 
fa  famille  qu'on  luy  mettoit  à  deuant,ne  pere,ne  parens  ou  amis  quelconques. Parquoy 
après  auoir  difpofé  des  affaires  domeftiques ,  6c  auoir  dit  le  dernier  A-dieu  à  tous,tiois 
iours  après  il  s'alla  rendre  prifonnicr .  Les  gardes  du  chafteau  le  voyans  entrer,  luv  de- 
mandèrent qu'il  cerchoit.  Il  refpondit,La  iiiftice  m'a  demandé, ie  fuis  venu  fauoir  ce 
qu'elle  me  veut.  Eftant  mené  deuant  le  gouuerneur  du  chafteau, il  confclfa  qu'à  tort 
il  s>eftoit  caché  quand  le  Seigneur  l'appcloit  à  fouftenir  vne  mefmecaule  auec  M.Pier- 
re Brully  &c  les  autres  prifonniers .  Le  Gouuerneur  fut  grandement  cftonné  oyant  ceft 
homme  en  telle  attrempance  rendre  raifon  de  fon  faiden  la  prefence  de  tous  ceux  du 
chafteau,&:  fans  s'eiïrayer.On  euft  voulu  qu'il  euft  efté  bien  loin:mais  le  voyant  tan t  rc 
folu&:  arrefté,le  Gouuerneur  commandaqu'il  fuft  ferré.  Du  commencement  il  le  mô- 
ftrafort  confiant:  mais  depuis  que  le  commilfaircdc  l'Empereur  luy  eut  fait  fentirMior 
reur  de  plus  afprc  pnfon  ,&  menacé  de  luy  faire  endurer  mort  la  plus  cruelle  qu'on 
pourroit  excogiter,Bcrgiban  commença  peu  à  peu  d'eftre  elbranlé,&:  quitter  de  la  vé- 
rité pour  complaire  aux  caphars  qui  luy  promettoyent  de  luy  faire  auoir  grâce.  Bref,cc 
poure  Bergiban  pour  auoir  le  dernier  bénéfice  que  les  bourreaux  &:  tyrans  confère nr, 
c'eft  adauoir  d'eftre  vn  peu  plus  doucemét  traitté  en  la  moit,dit  &£  accorda  tout  ce  qu'- 
on voulut,afîn  de  palier  parle  trenchant  de  l'efpcc  félon  le  placart  de  l'Empereur .  La 
chofe  entendue,  tous  ceux  qui  l'auoyent  cogneu  turent  mcrucilleulement  eftonnez, 
comme  auffi  les  ennemis  en  firent  leur  triomphe,  comme  s'ils  cuifenc  tout  gagné:  ce  q 
nous  auonsdeicritafléz  amplement,  d'autant  que  parce  moyen  &  à  l'exemple  dudit 
Bergiban  ilspenfoyentefbranler  Miocc.  Carés  derniers  inrerrogatoircs  ne  pouuans 
plus  rien  faire  vers  Mioce,luy  dirent,  Voila  ton  compagnon  Bergiba  qui  eft  beaucoup 
plus  fauant  que  toy,qui  s'eft  defdit:&  toy  veux-tu  demeurer  plus  iàgc  que  luy?  Mioce 
leur  rcfpondit,Ie  ne  fuis  point  fondé  fur  les  hommes;  fay  bien  vn  autre  fondement  qui 
me  foufticnt:i'ay  pour  exemple  deuant  mes  yeux  IefusChrift  mon  Sauucur.  Quant  à 
Bergiban, s'il  eft  ainfi  que  vous  me  dites,il  ferait  traiftre  &ù  de(loyal,&:  monftreroit  bien 
que  s'eftant  ainfi  rendu  prifonnier,il  aurait  tenté  le  Seigneur.Quant  à  moy,fi  Dieu  m'- 
euft  donné  vn  tel  moyen  d  elchapper ,  ie  mefuffe  bien  garde  de  venir  entre  vos  mains: 
&:  partant,cependant  que  vous  me  tenez  faites  de  mon  corps  ce  que  bon  vousfemble: 
mon  ame  n'eft  pas  à  voftre  commandement .  Les  luges  plus  irritez  que  iamais,  fans 
plus  tarder  luy  rirent  fa  fentence ,  laquelle  peu  de  iours  après  on  luy  prononça  ,  conte- 
nant d'eftre  btutlé  vif  au  grand  marché  de  la  ville,fur  le  grand  efchaffaut  qui  auoit  efté 
exprefTement  drefTé  en  cefte  perfecution  de  Brully .  ^  Ainfi  qu'on  le  menoit  au  der- 
nier 


*ffîarl(m>dz-r>  Tournay:  Jaques  Çhohard.  i  j/ 

nier  fupplicc  ceint  d'vne  cnainc^il  admonncltoit  le  peuple  de  ne  croire  aufc  Prc  ftrcs&: 
Moines  léducteurs,mais  à  PEuangile  du  Fils  de  Dieu  .  Tdutc  celle  vermine  irritée  par 
ces  paroles,  firent  grande  pleintc  pourquoyonlaidbitparlervn  limefehant  homme» 
Miocc  oyant  les  bruits  8C  cris, commença  à  chante  r  a  haute  voix  vn  Pfeaumc.  Et  quâd 
il  fut  mis  à  rcltachc>on  luy  pendit  vn  Cachet  de  poudre  à  canon  à  fa  poictrinc:  &:  incon- 
tinent que  le  feu  y  fut  mis;la  poudre  fît  vn  grand  bruit,  de  forte  que  les  Preftrcs&:  Moi 
nés  la  clians,direntmalicieufemcnt,Ccft  famedecemcfchanc  que  les  diables  empor 
cent.  Mioce  au  milieu  du  feu  auoit  toulîours  la  face  leucç  au  ciel,  ôc  iend.it  paihblemét 


a  vie  au  Seigneur. 


M  A  R  1  O  Njfemmed^drian^ctifturierdcToumay, 

V  temps  de  ceftcperfecuticn,vn  nommé  Adrian, du  mciuerdecoufturier,  M.d.xl  v 
&  Manon  fa  femme  furent  emprifonnez  pourvnc  mefme  caufe:  affauoir 
pour  la  venté  de  PEuâgilc.  mais  h'fiue  en  lut  diuerfc.ear  Adrian  ne  demeu- 
ra fermerains  fedefdit  pargiandeinfîrmité,&:  pourtant  fut  décapite  toft  a- 
pres  fa  prife, félon  le  placartdcPEmpercur.  Safemmc  au  côtranc  perlcuera  ton  fi  ours,, 
&  fut  fa  confiance  d'vn  exemple  notable  à  tous  les  fidèles  de  Tournay  ,  c  ar  pour  choie 
quelconque  on  ne  la  feutdiuertir  ne  faire  aucuncmcntvaciller.a  quoy  neantmoinsles 
aduerfaircs  tafeherent  par  tous  moyens, luy  mettant  au  dcuantquefon  mary  seftoit  re 
penti.Elle  ne  croyoit  leur  dirc:mais  ayant  feulement  efgard  à  fouftenir  la  vérité,  donna 
à  cognoiftre  aux  Iuges,qu'elle  ne  craignoit  ne  tourment ,  ne  la  mort  cruelle  dont  ils  la  conftana 
mcnaçoycmt.Quoy  voyans  ils  la  condamnèrent  d'eftre  enterrée  &:  enfouye  toute  viue.  ûe  M*rl£>0 
<3[  Ainfi  qu'on  la  menoitau  dernier  fupplicc  au  grand  marche  de  Ja  ville,clle  ne  ce  f  lad' 
admonnefter  le  peuple ,  &  de  prier  Dieu  pour  ceux  qui  eitoyent  encore  détenus  en  i~ 
gnorancc.Et  quand  elle  pafTa  cieuant  la  tour  du  Bclfroy  (  où  elle  penfoit  fon  mary  cftrc 
encore  pnfonnicr)s>cfcria  à  haute  voix  ,  A-dieu  Adrian ,  iem'cn  vay  à  d'autres  nopees. 
Eftant  venue  fur  l'efehaffaut ,  &:  ayant  apperecu  la  terre,  ie  coffre  ,  &  les  prcparatiucs, 
tant  s'en  fahit  quelle  s'eftonnall  de  ce  cruel  appareil,que  mefme  d'vn  cœur  alaigrc  c  1- 
le  dit  à  ceux  qui  eftoyent  montez  fur  l'cfchaffau^Eft-ce  ci  le  pafté  que  vous  m'auez  ap- 
prefté  :  failant  allulion  à  la  figure  du  bois  creux,  auquel  on  deuoit  mettre  fa  chair  com- 
me en  vn  paftc.Car  il  cft oit  fait  en  forme  d'vn  cercueil  ou  hiere,de  longueur  &c  largeur  Dcfcrîpcia 
pour  y  couche  r  vne  perfonne  de  corpulence  accomplie:*^  pour  la  fermeture  Jcnhaut  a  VVL~  k'; 
il  y  auoit  trois  barresde  fer  trauerlantcs,  l'vne  pour  tenir  i  endroit  delà  poich  me ,  Tau-  " 
tre  le  milieu,^  la  troilieme  pour  les  pieds,afin  détenu  lerreeen  tous  endroits  celle  qu'  meiuvir' 
on  deuoit  coucher  audit  cercueil  fous  lcldites  barres .  Le  bourreau  fît  grand  effort  de 
ferrer  le  ventre  de  la  pourc  patiente ,  pour  faire  traites  fer  !a  lian  e  du  milieu,auant  que 
jetterla  terre  lui  elle  .     11  y  auoit  vn  permis  alendroitde  la  te  de  en  ce  cevcueil,par  le- 
quel le  bourreau  fit  palier  le  licol  pouiTeiirangler:  leque  l  fe  tiioit  defibusVcfchafTaut 
quant  ôc^juant  que  la  terrefeiettoit  fin  la  pourc  patiente  .  ^  Quand  Manon  fut  cften- 
due  en  ce  coffre, les  trois  barres  la  ferrant  cifroitement,  on  luy  voyoït  feule  ment  la  fa- 
ce au  defîus  dreffee  au  ciel,failant  fa  prière  àDieu  iuf'quacequc  le  1k  ol  tiré  pardtrfTous 
luy  euft  abaiifec  &:  du  toutatterrec  la  refte.  En  ce  tourment  cruel3la  veitueufc  femme 
fut  iurfbq uec  ôc  couuerte  de  tcrre,&:  ainfî  finit  fon  martyre. 

^  Pl  v  s  '  f.  v  r  s  autres  perfonnes  fidèles  furent  exécutées  durant  cefte  perlecutio» 
defquellcs  la  confiance  naefté  pareillene  rcfpondanrca  la  profeflion  de  la  vérité  co- 
gnue .  Des  autres  qui  font  confi  amment  fouftenue  en  celte  pcrfecution-  l'iiiftoire  ne 
nous  en  cil  venu  à  cognoif  fincc. 


IAQVES    CHOBARD,  Lorram. 

La  mort  dcVuoIfgang  Schuch.ci  dcffusHcJcritc,.!  pfté  vue  femencedel'Fnangiie.aii  pais  de  Lorninc.I  esfniicïs  peu  .J  peu  fefonc 
monrVre^X  e  pcrlonnage  [.iqties  Chobaid.aucc  k  fauoir  <juc  Dieu  luy  auoit  donné,  eftoit  grandement  ar!  ectionné  .1  F- 
çihjdçdeî  fain&cs  i  lcntures. 

C,iii. 


Liurc_jll.  Jean  Dia%c^>. 

ETENDANT  que  ces  chofcsfc  font  au  pais  tas  de  l'Empereur ,  les 

m.d.xlvj,  fcf**J^  fuppofts  de  Satan  ne  dorment  point  es  autres  contrées.  Car  comme  ainfi 
];  V""v^^>.  foie  qu'en  la  ville  de  Sain£t-mihicl,au  duché  deBar,pIuiieursfuflcntpri- 
l.  x7^J£j$.  fonniers,les  autres  fugitifs  à  raifon  de  quelques  afTemblees  faites  par  eux 
en  toute  intégrité,  pour  lire  &c  entendre  quelque  choie  des  fainctes  Efcritures  :  il  y  eut 
le  maithe  des  efcolesdudit  lieu,  nomme  laques  Chobard,  natif  de  Mcfcrignes,  village 
prochain  duditSainct-mihiel,  lequel  vint  cndifpute  auec  trois  preitres  touchant  ks 
iic/trois3  Sacremcns.Car  iceluy  Chobart  foultcnoit  que  le  Sacrement  tant  du  Baptefmc  que  de 
pmtrcs.  la  Ccne  ne  profïtoit  qu'àccluy  qui  le  prend  .  Lesprcftres  inferansde  cela,  qu'il  veuloit 
entendre  que  la  Méfie  ne  icruoit  de  rien  ni  aux  viuansniaux  mortSjl'acculerent:  fi  qu'- 
il demeura  quatorze  ou  quinze  l'cpmaines  en  prifon ,  fouftenant  toujours  fon  dire  par 
viucs  raifons  &:  authoritez  de  l'Eicnturc.  Eftant  là  lolicité  de  le  rétracter  6c  faire  amen- 
de honnorable  auec  les  autres  prifonniers:  tant  s'en  falut  qu'il  s'y  accordait, qu'au  con- 
traire efmeu  dezelc  &:  ardeur  dcf'prit  libre  6c  entier ,  il  efcriuit  vne  confefîion  de  la  foy 
bien  ample:&  la  bailla  à  la  propre  mere  pour  porter  au  luge,  luy  défendant  de  la  mon- 
ftrer  à  perfonne  quelconque.  La  fimplc  femme,  ne  fâchant  qu'elle  portoit,prefcnta  au 
luge  ladite  confefîion  .  laquelle  ledit  luge  tout  forcené  porta  au  duc  François  de  Lor- 
raine, aduerfaire  du  tout  de  vraye  Religion:  lequel  commanda  que  foudainement  le  jp- 
cez  fuit  tait  fur  ladite  confefîion:  puis  le  condamna  d'eftre  brufié  vif.  ce  que  le  luge  du- 
dit  lieu  de  Sainct-mihicl  exécuta. 

^  Or  comme  on  menoit  Chobard  au  fupplice,  voulant  donner  vne  dernière  inftru- 
ction  &:  admonition  au  peuplequi  cftoit  alentour  deluy:  vn  luge  inférieur,  qui  tlt  le 
Preuo{t,luy  commanda  de  fc  taire  :  adiouftant  que  les  afîîflans  cntcndcycnt  mieux  les 
commandcmensôc  la  doctrine  de  Dieu  que  luy:  &:  que  s'il  continuoit,illuy  fcrcir.  cou- 
per la  langue. Qui  fut  eau fc  que  depuis  il  ne  fonna  mot,cxcepré  que  fouuent  il  repetoit 
ces  mots, Mon  Dieu,aye  pitié  de  moy,mon  Dieu,aye  pitié  de  ton  poure  tclmoin.  Pins 
fans  aucunement  sVtmouuoir  n  effrayer, fut  bruflc  tout  vif.  Plufïeurs  murmuroyent,8£ 
mefmc  aucuns  de  la  milice  difoyent  qu'on  auoit  mal  fait,de  bruflervn  homme  fi  fanant 
en  toutes  langue, &  d'vnc  telle  prend  hommic  :  tellement  que  defenfc  fut  faite  de  dire 
qu'il  fuft  bien  mort, mais  pluftolt  comme  hérétique  6c  mefehant. 


I  E  A  N    D  I  A  Z  E,  i'JpagnoL 

La  pap  alite  Romaine  n'tftoit  p.u  .ilk'i  connue  d'efire  le  my  fkpc  c!c  S.i:an,tî  de  noinieau  elle  n'ccft  produit  vn  Cain  meurrrier 
d'vn  Abcl  innocent  C'tlt  vn  nomme  A'plionle  Diazc.iuppoit  du  conliJloire  Je  R  orne,  ijui  rue  ion  propicfrerc  lean  Dia- 
zc,pource  «ju'il  fuit  la  vérité     LTuangilcL'liiiioirc  tlt  ici  récitée  auec  les  circonitauccs  bien  notables. 


M. D. XL VI  tdgâ 


f^rl  E  A  N  Diaze,natifd'vne  ville  nommée Cucnce en  Efpagne,  au  royaume 
.o>7T?  de  TolctCjCmploya  la  premiej  e  icuncflè  en  bonnes  lettres  audit  pais.de  là 
1  vint  à  Paris, ou  il  demi  lira  1  efpaee  de  treize  ans  ou  plus  :  6c  profita  de  telle 

(  '<^§J^f  forte  es  lcienccs,qu  il  fut  fort  cftimé  entre  tous  les  Efpagnols  qui  cftoyent 
pour  lors  à  Paris  en  affez  bon  nombre, gt  ns  lauans  6c  de  grande  doctrine.  11  appliqua 
„  ,  au/fi  diligemment  fonefpritauxLettresfaincl.es.  Et  lâchant  bien  que  la  langue  He- 
Duze.  braique  cftoit  fort  ncccfîaire  poun  l'intelligence  de  (dites  Lettres ,  il  y  employa  vncfl 
grande  cftudc,qu'il  furmontoit  en  icellc  tous  ceux  de  fa  nation.  Auec  cefte  excellente 
doctrine, il  cftoit  orné  de  bonnes  mœurs, d  vne grande  douceur,  d'vne  bénignité  ad  mi* 
rablc,dcprudcncc,rondeur&:  (implicite  graue .  En  cefte  diligente eftude  il  apprint  fa- 
cilement (  moyennant  la  grâce  du  fainct  Ef  prit  )  combien  il  y  auoit  de  différence  entre 
la  vanicé  delà  théologie  Scholaftiquc,&:'la  vraye ccgnoifVancc  de  la  pure  doctrine.  Il 
cftoit  aflîducl  en  prières ,  demandant  à  Dieu  de  grand  zclela  purecognoiffancede  fa 
faincte  volonté.  Ayant  biengouité  celte  faincte  doctrine,  il  mit  en  foncfpiïc  qu'il  ne  fa- 
loit  point  cacher  la  cognoiflance  qu'il  en  auoit  :  ains  comme  fidèle  difpenfatcur,  la  de- 
uoit  manifelter  deuant  lesycux  de  tout  le  monde  .  Et  fans  faire  long  difcoui>  il  aban- 
donna Paris,&:  fc  retira  en  la  ville  de  Gcneue  auec  Matthieu  Budé  6c  Ieâ  Crclpin,  pour 
voir  l'cftatdc  rEglifcd'icclle,&  le  bel  ordre  qui  y  cft.  Il  v  demeura  quelque  temps, 
durant  lequel  il  communiqua  aucclcs  Miniftrcs  de  l'Eglifeion  opinion  touchant  vn 

cha 


Jean  Dia%c_s-  ijz 

chacun  article  de  la  religion  Chreftienne:par  lcfqucls  fa  doctrine  fut  approuuee  bonne 
&:faincte.  Puis  après  il  voulut  voiries  Eglifes  bien  ordonnées  en  Alcmagne ,  efqnclles 
il  fauoit  que  l'Euâgile  eftoit  prcfchc,  cognoiltre  les  moeurs  des  gens  du  pays,&  côfercr  JjJ^JJ" 
auec  les  gens  fauans  de  toute  doctrine,  &  principalement  de  la  religion.  Il  partit  donc  nmepour" 
de  Geneue,  Se  s'en  vint  à  Balle .  &:  après  auoir  là  demeuré  quelque  temps ,  &c  deuîfé  fa-  alUrcn  a- 
milieremcnt auccles Miniftres fidèles Se  Do&eursde cefteEghfc,print  congé deux,&  (-mjSnc 
fc  retira  a  Strafbourg:&  là  délibéra  de  s'arrefter  plus  longuement,pource  que  félon  ion 
opinion  il  y  auoitplus  grand  nombre  de  gens  fauans:  toutefois  fon  intention  eftoit  d'y 
demeurer  feulement  iniques  à  ce  qu'il  euft  rencontre  lieu  plusvtile.  Là  il  fut  aimé  de 
toutes  gens  de  bien  ,&  principalement  de  M.Martin  Bucer,homme  de  grande  doctri-  M-Buccn 
ne  fur  tous  autres,  duquel  il  fut  tort  familier. 

Or  il  aduint  que  quelque  temps  après,  l'Empereur  ordonna  vnca/lemblee  à  Rcinf- 
bourg ,  en  laquelle  on  deuoit  traiter  de  la  religion.  Il  fut  aduifé  par  les  Sénateurs  Se  cô- 
fcil  de  Stra(bourg,que  Iean  Diaze  (croit  enuoyé  audit  Colloque  au  nom  de  la  villerayât 
cogneuaftez quelle  eftoit  fon  intégrité  Se  fidélité.  Ils  l'cnuoyerent  donc  à  Reinfbourg 
auec  ledit  Bucer.  Eftantarriué  à  Reinfbourg,  il  s'adrclTa  à  vnEfpagnol  nomme  Pierre  PîwwMal. 
Maluenda,  qui  eftoit  grand  defenfeur  de  l'idolâtrie  Papiftique.  Auiîi  toft  que  ce  vene-  ,c 
rable  le  vid(lequel  autrement  l'auoit  familièrement  cogneu  à  Paris)il  fut  autant  etbahi 
comme  fi  quelque  monftre  fe  fuft  prefentç  deuant  les  yeux.  Apres  auoir  tait  plulicurs 
fignes  d'admiration,  finalement  il  dit  à  Diaze  qu  il  luy  tembloit  voir  vn  fantofme,  eftat 
cftonnédele  voir  là  prêtent,  &mefmc  en  Germanie,  voire  en  la  compagnie  desPro-  côuerfion 
teftans,quifcglorifieroyét  beaucoup  plus  d'attirer  vn  feul  Efpagnol  àleuropinion,c]ue  gnvo"  ^JJr 
de  conuertir  dix  mille  Alemans,ou  bien  vn  nombre  infiny  de  quelques  autres  nations,  eftimee  mi 
C'eft  ainfi  que  tels  Docteurs  ont  accouftumé  d'eftimer  le  prix  ou  dignité  de  la  doctrine  raculcur* 
celeftc,  à  laquelle  doyuent  obei/fance  toutes  créatures  fans  aucun  contredit  :  aflàuoir 
par  la  gloire  des  hommes,  pluftoft  que  par  le  décret  éternel  &c  ordonnance  immuable 
de  la  volonté  Diuine.Maluenda  interrogua  Diaze, s'il  y  auoit  long  temps  qu'il  eftoit  en 
Alemagne,&:  quelle  mouche  l'auoit  piqué  de  venir  en  cette  region,8c"s'il  approuuoit  la 
doctrine  de  M.Martin  Bucer,  &:  des  autres  Alemans.Iean  Diaze  luy  refpondit  paifible- 
ment  Se  modeftement,  qu'il  auoit  habité  près  de  fix  mois  en  A  lemagne,  Se  non  pointa 
autre  intention,finon  pour  voir  ce  pays ,  Se  commet  la  religion  y  eftoit  remife  en  fa  pu- 
reté ,  Se  pour  conférer  de  fon  opinion  aucc  gens  fauans ,  touchant  la  vérité  :  comme  de 
faict  l'homme  Chreftien  doit  préférer  ceci  à  toutes  chofes:  aflauoir,  d  auoir  la  vraye  co- 
gnoiifance  de  Dieu  de  la  bonnet  fainetc  volonté  d'iceluy  félon  fa  parolle.  Et  pour 
bien  îugcr  de  cette  vérité,  il  ne  faut  point  apporter  les  affection  s  corrôpues  du  cerueau 
humain  :  mais  eftimer  &z  rapporter  le  tout  à  la  reigle  compatTcc  des  certains  oracles  de 
Dieu.  Diaze  donc  difoit ,  qu'en  vu  affaire  de  ti  grande  importance,  ilaimoit  beaucoup 
mieux  croire  à  tes  yeux,  qu'aux  faux  rapports  des  gens  malins.ôc"  que  la  raifon  principa- 
le qui  fauoit  incité  à  vi/iter  la  Germanie ,  c'eftoit  de  voir  en  prefence  la  façon  commet 
la  religion  &  vraye  doctrine  auoit  efté  repurgee  par  gens  de  bien  &:  fauans ,  de  laquelle 
plufieurs  Eglifcs  d'vnemefme  bouche  font  profctîion  en  Alcmagne. Et  après  auoir  fait 
toute  diligence ,  &:  trouué  de  faict  que  la  doctrine  de  ces  Eglifes  s'accordoit  auec  toute 
antiquité:]'!  ne  feroit  pas  bien  ny  en  faine  confeience ,  de  reictter  vn  tel  confentement 
perpétuel  auec  les  Prophètes  &:  Apoftres. 

S  v  r  cela  Maluenda  raui  d'vnc  admiration  lotte  &  fuperftitieufe,  refpondit,  Vraye- 
met  vn  homme  de  bien  eftimera  fix  mois  en  Alemagne  autant  d'années,  ou  bien-aurâc 
de fieclesrtanteftchofemiferable&fafcheufede  viure  en  Alcmagne  à  celuy  qui  aime 
Se  honnore  l'vnité  de  l'eglife  Romaine ,  &:  a  fon  authorité  en  reucrence,Et  de  ma  part, 
ic  conféîTeray  cecy  de  moy  franchement ,  que  ie  fuis  plus  enuieilly  en  fix  îours  en  Ale- 
magne, queiene  feroye  ailleurs  par  l'cfpace  de  beaucoup  d'années  hors  de  cette  rcgiô: 
en  laquelle  il  y  a  défia  vingt  ans  ou  plus,  qu'on  n'a  ouy  autre  doctrine,  ou  leu  d'autres  li- 
mes que  des  docteurs  du  pays.  C'eft  bien  vn  exemple  digne  d'eftre  lamenté ,  Se  tel  qu'- 
vn  homme  honnefte  ne  doit  nullement  enfuyure ,  Se  beaucoup  moins  toy,  b  Diazelqui 
es  d'vn  pays  auquel  la  religio  de  fainde  mere  eglife  a  toufiours  fleuri,  là  où  elle  a  eu  touf- 
iours  honnorable  domination,  &:  lequel  feul  entre  autres  a  toufiours  gardé  la  doctrine 
des  anceftres  entière  &:  pure  de  toute  ordure  des  fec^es ,  au  mili  eu  de  li  grandes  ditîen- 
fions  qui  ont  efté  etpandues  par  tout  le  monde.  Parquoy  ie  t'exjiorte  grandement  que 

C.mi. 


tions  >1< 
MàlucndJ. 


tu  aycs  cfgard  à  ta  réputation,  &  que  tu  te  gardes  de  perfeuerer  de  faire  ce  déshonneur 
à  toy  ôcà  ta  famillc,&:  à  la  bonne  renomm  ce  de  toute  la  nationE  fpagnolc.Ce  fut  la  pre- 
mière conférence  que  ce  gentil  docteur  eut  aucc  Diaze:  en  laquelle  auiîi  il  luy  propofa 
l'excommunication  du  Pape, &: autres  rels  badinages,aufqucls  Diaze  refpondit  fort 
modeltcmenr.  Or  pource  que  Maluenda  craignoitla  prefenec  d'vn  certain  côpagnon 
que  Diaze  auoit  aucc  foy ,  il  ne  luy  ofa  pour  lors  defcouurir  tout  ce  qu'il  auoit  fur  le 
cœur  :  &£  par  ce  moyen  ils  prindrent  congé  fvn  de  l'autre .  fous  condition  toutefois  qu'- 
ils fc  deuovcnt  trouuer  encore,  pour  deuifer  plus  amplement. 

Or  pour  le  faire  court,  Diaze  retournapar  deux  fois  depuis  toutfcul  audit  Malucn- 
da-.lequcl  par  fa  belle  rhétorique  tafcha  de  tout  fon  pouuoir  de  retirer  ce  bon  perfonna- 
gc  Diaze  de  l'obeiffance  de  Icfus  Chrift.  Il  luy  propofa  les  dangers  tant  du  corps  que  de 
lame,  les  foudres  redoutables  du  Pape,  comme  vicaire  du  Fils  de  Dieu,&:  fucccffcur 
Txhona-  dCc  Apoftres,  l'exécration  horrible  de  ceux  qui  font  excommuniezpar  luy,  comme  rc- 
trenchez  du  corps  de  Chrift,  &:  peftes  de  tout  legenre  humain.  Il  luy  mettoit  en  auant 
la  conftâce,la  foy,rintegrité  de  la  nation  Eipagnolc.il  luy  propofa  finalemét  quelle  fol 
lie  enragée  ce  feroit  à  lny,de  penfer  que  luy  feul  feroit  paruenu  à  plus  grade  lumière  de 
la  religion ,  que  tant  de  gens  fauans.  Et  quant  ainfi  feroit,fi  ne  falloit-il  pas  coduire  ceft 
affaire  par  fedition ,  ne  violer  la  difeipline  de  fon  pays  tant  bien  &:  fainctement  ordon- 
nee,pour  l'opinion  de  quelque  petit  nombre  de  gens,ne  troubler  la  tranquillité  publi- 
que. Sur  cela  il  l'exhorta  de  regarder  à  fon  falut ,  à  craindre  &:  auoir  en  horreur  le  iuge- 
ment  de  Dieu,  à  euiter  les  clameurs  &:  bruits  du  pays.il  luy  promit  aufli  de  luy  afllftcr  bc 
fauorifer  en  ceft  affaire  de  tout  fon  pouuoir ,  moyennant  qu'il  vouluft  f  uyurc  fon  côfeil: 
luyremonftrant  qu'il  n'attendift  point  que  l'Empereur  vint  àRcinihourg(car  cela  ne 
fe  pourroit  faire  fans  fon  grand  dommage  )  mais  pluftoft  qu'il  vinft  au  deuant  de  luy,  &c 
fe  iettaft  aux  pieds  de  fon  Confeffeur ,  homme  prudent  &  religieux ,  &  luy  demandait 
pardon  de  fon  forfait. 

^Di  a  z  e  cognoiffant  bien  lesrufes&r  fine/Tes  de  ce  renard:  toutefois  pource  qu'il 
n'eftoit  point  là  venu  pour  contefter  auec  ceft  impudent,  il  luy  rcfpondit  plus  mode- 
ftement  que  ne  meritoit  fa  malice  effrôtee.  Il  luy  remonftra  qu'il  ne  feroit  difficulté  de 
fc  fubmettre  à  tous  dangers  qui  peuucnt  aduenir  aux  homes ,  pour  maintenir  la  pureté 
de  la  religion  &£  doctrine  celeftc,ii  la  ncceffité  le  requeroit:  voire  en  vne  caufe  de  ii  gra- 
de importance, de  laquelle  noftre  falut  dependoit  entièrement.  Et  mcfme  il  ne  crain- 
droit  d'cfpandre  fon  fang  pour  le  tcfmoignage  de  la  religion  Chrefticnne:&:  eftime- 
roitcclaluy  cftrevn  grand  honneur  &c  gloire.  Brcf,il  reietta  conftamment  toutes  les 
belles  admonitiôs  de  ceft  aftronteur,  ne  craignant  ces  horribles  menaccs,ains  préférât 
la  vocation  du  Fils  dcDieu  à  toutes  les  chofes  de  ce  mode  douces  ou  amercs.  Aucc  ce  il 
luy  fît  de  belles  remonftraces:  mais  ce  fut  en  vain,cûme  ayât  à  faire  à  vn  pourccau,yure 
du  bourbier  de  ce  môde:adiournant  cependant  là  côfcience  deuat  le  iugcmét  deDicu. 

Ainsi  que  Diaze  tenoit  ces  propos, ce  malheureux  fremiffoit  en  foy-mefme ,  d'au- 
tant qu'il  (auoit  que  tout  ce  que  Diaze  luy  auoit  dit,eftoit  véritable. Et  nonobftant  il  n'- 
en peut  eftrc  nullement  efmemmais  demeurant  obftiné  &c  endurcy  en  fa  première  ma- 
lice, rcfpondit  que  Diaze  ne  luy  auoit  encores  fatisfait.  Car  quant  à  l'authorité  du  Pa- 
pe &  de  la  doctrine  propofeeparl'eglife  Romaine,  il  n'en  falloir  nullement  douter  :  &C 
prononçoit  ouuertement  que  le  Papc,cômc  vicaire  de  Chrift,  ne  pouuoit  faillir.^ Dia- 
ze repouifa  cefte  abfurdité  impudente ,  remonftran  t  la  folie  enragée  des  hommes ,  d'- 
evempter  de  peché  vn  tel  môftre  abominable,  infe&é  &  dedans  &  dehors  de  crimes  c- 
normes.  Maluenda  penfant  auoir  dequoy  refpondre  à  cela,  exeufa  les  vices  des  Papes, 
confeffant  toutefois  que  c'eftoyent  gens  de  vie  impure &:  deteftable. Cependant  chan- 
geant de  propos,  demanda  à  Diaze  pourquoy  il  eftoit  venu  à  Reinfbourg.il  luy  refpon, 
dit  qu'il  y  auoit  efté  enuoyé  par  les  feigneurs  de  Strasbourg,  afin  qu'en  ce  Colloque  pu- 
blique il  priait  auec  l'Eglife  du  Fils  de  Dieu,  &  aidait  de  tout  fon  pouuoir  à  accorder  les 
articles  qui  eftoyent  en  différent.  Maluenda  luy  refpondit  qu'il  auoit  perdu  fa  peine:car 
il  ne  feroit  rien  ordonné  en  tout  ce  Colloquermais  s'il  fe  vouloir  employer  pour  le  bien 
&vtiht é  publique, il  luy  falloir  aller  au  concile  de  Trcte,inftitué  par  le  Pape,  oy  fe  trou- 
ucroyent  beaucoup  de  Prélats  catholiques. 

Diaze  oyat  que  rien  ne  fe  feroit  en  ce  colloque  de  Reinsbourg,  entendit  bien  que 
toutes  les  entreprinfesdesfuppofts  du  Pape  eftoyent  fraudulcufçs  :  &:  qu'il  ne  falloit 

point 


Chrcfticnc 
rcmi'.ftrlcc 
tic  Diaze. 


point  attedre  aucune  concorde  ny  appointement ,  ou  bien  que  la  pureté  de  la  religion 
demeurait  en  l'on  entier.  Parquoy  il  print  congé  de  Maluenda,  en  intention  qu'il  ne  le 
viendront  plus  ccrchcr.  CCes  propos  &:  conferencesde  Diazc  auec  Maluenda  ont  elle 
trouuecs  eferites  en  plus  ample  forme  cntreles  papiers  dudit  Diaze. 

O  r  ce  deuis  mutuel  (autant  qu'il  eft  poffible  de  penfer)  fut  lafource  de  la  haine  que  f,0^"  llje 
Maluenda  conecut  centre  Diaze.  Car  depuis  ledicMalucnda  aigry  delà  liberté  de  1'-  Maïutnda. 
autre,  commença  à  luy  drcfler  des  embufehes,  àluy  brafler  des  mefehantes  pratiques, 
&  s'adonner  du  tout  à  ce  qu'il  ruinaft  ccft  homme  innocent. Ecce  qu'il  ne  pouuoit  faire 
par  violence  manifefte,  6c  n'ayant  nulle  taifon  pour  le  faire ,  il  entrepont  de  l'exécuter 
par  menées  occultes,  &C  par  menfonges  qu'il  auoit  impudemment  forgées.  Ileicriuit 
des  lettres  à  vn  certain  Iacopin  de  la  cour  de  l'Empereur,  foh  Confeifeur  :  &c  l'aducrci£ 
foit  qu'il  y  auoit  à  Reinflxwrg  vn  Efpagnol  nommé  Iean  Diaze ,  lequel  il  auoit  cogneu 
à  Pans  fils  obeilfant  de  l'eglife  Romaine  :  &:  maintenant  eftoit  du  party  des  Proteftans, 
fe  déclarant  ennemy  de  l'eglife  catholique,  &  amy  des  Luthériens. Dauantagc,  par  de- 
tra&ions  mefehantes  &:  faux  rapports  ilembrafa  le  courage  de  ce  melchant  moine, qui 
fans  cela  ne  brufloit  que  trop  de  fa  propre  malice,  &;  de  haine  de  la  vérité  diuine,Iaqucl 
le  il  ne  cognoilfoit,&  n'en  pouuoit  ouïr  parler.  Outre  cc,il  prelfoit  le  moine  auec  ob- 
teftations,  de  deftourner  vn  tel  malpar  quelque  violent  remède.  Car  autrement  il  pre- 
uoyoitqueii  ce  mal  prenoit  accroilfement ,  finalement  l'Efpagne  ouuriroit  les  yeux: 
qu'elle  verroit  famifere&  fonaueuglement,qu'ellc  recognoiftroitiaferuitude&:  tyra- 
nie,qu'elle  verroit  bien  fon  ignorance  coniointe  auec  arrogace  &  grand  orgueil, qu'el- 
le apperceuroit  bien  fon  idolâtrie,  &:  tous  les  maux  defquels  elle  eft  cnforcclce  &c  op- 
primée par  ces  garnemens  affronteurs,  &:  le  ioug  importable  duquel  elle  eft  maintenât 
accahlce:&:  parce  moyen  tafeheroit  de  defeharger  l'es  elpaulcs  de  tels  fardeaux. 

O  n  peut  facilemét  conietturer  par  ce  qui  eft  depuis  aduenu ,  quelles  machinations  1^°^ 
ce  confeifeur  de  l'Empereur  bralfa  en  fon  cerueau,  après  auoir  Jeu  ces  lettres.  Maluen-  confeircur 
da  attendant  le  moine  quidemeuroit  trop  à  venir  félon  fon  opinion  ,  voyant  au/fi  que  del  EmPer: 
Iean  Diaze  faifoit  diligemment  fon  office  à  Reinfbourg,  nefe  contenta  point  de  ces 
premières  le  ttresrains  en  efcriuit  d'autres  audit  Confeifeur,  qui  cftoyét  beaucoup  plus 
aigres  &:  rudes  que  les  premières.  Il  le  prelfoit  auec  obteftations  véhémentes  detrou- 
ucr  moyen  pour  ruiner  ce  dangereux  perfonnage,  qui  tafehoit  de  renuerfer  leurs  con- 
fcils&  entreprifes:  &c  ce  auant  qu'il  euft  loifir  de  prendre  quelque  forcc,&:  de  s  auancer 
en  l'affaire  qu'il  auoit  commencé.  ^"Orainfi  que  ce  Conteifeur  lifoit  les  lettres  de  Mal- 
uenda, il  y  auoit  près  de  luy  vn  certain  homme  Efpagnol,  nommé  Marquina,  fuyuat  la  Marquina. 
pratique  de  la  cour  Romaine,  dont  il  eftoit  party  nagueres  pour  venir  en  la  cour  de  l'- 
Empereur. Ccftuy-cy  auoit  autrefois  cogneu  Iean  Diaze  familicrcment:&:  oyat  ce  que 
Maluenda  auoit  eferit  de  luy, fut  fort  marry,  voyant  ainfi  diffamer  la  retiommce  de  ce- 
luy  que  grandement  il  aimoit,&:  principalement  noter  de  crime  d  herefîe:  lequel  côme 
il  eft  énorme,  aufîi  à  bon  droit  eft-il  en  haine  &  deteftation  à  toutes  gens  de  bien.  Et 
pourec  qu'il  fauoit  bien  que  ledit  Diaze  auoit  vefeu  en  toute  honnefteté;  il  commença 
à  l'excufcr  enuers  le  Confeifeur: &z  de  la  meilleure  façon  qu'il  peut,  il  remonftra  ouucr- 
tement  qu'il  ne  falloir  point  adioufter  aucune  foy  aux  parollcs  de  Malucnda,qui  eftant 
induit  de  quelque  haine  particulière ,  ou  efmeu  de  quelque  autre  occafion,  palfoit  en 
cela  les  limites  de  vérité  :  pluftoft  il  falloit  croire  aux  tefmoignages  publiques  de  ges  de 
bien  &c  excellcns,  qui  auoye  nt  touliours  approuué  la  vertu  &  rondeur  de  Iean  Diaze. 
Parquoy  il  prioit  le  Pcnitecier  de  retenir  cela fecret  eniby-mefme,&:  delufpendre  fon 
opinion  uilques  à  tant  qu'il  f  uft  plus  certainement  informé. 

n  dit  que  ce  Confeifeur  entre  autres  chofes  fit  cefte  rcfponfe ,  que  fi  Iean  Diazc 
demeuroit  lôg  temps  auec  les  hérétiques ,  il  feroit  beaucoup  de  mal  à  l'eglife.  Parquoy 
on  oeuoit  aduifer  en  toutes  fortes,  que  par  quelque  moyé  que  ce  fuft  on  tafehaft ,  ou  de 
le  conuertir  bien-toft,  ou  de  l'ofter  hors  de  ce  monde. 

Vn  peu  après  ce  Marquina  print  la  pofte,&:  s'en  alla  à  Rome,  &:  là  lignifia  tout  faf- £j^'cP"£ 
faire  à  Ion  frère  Alphonfe  Diaze ,  qui  auoit  long  temps  fait  office  d'Aduocat  en  la  cour  «ocat  en  b 
Romaine.  On  ne  fauroit  pas  bien  dire  quel  confcil  prindrent  ces  deux-cy,  Marquina  &  co,,r  Ro- 
lc  frère  de  Iean  Diazc  :  toutesfois  on  le  peut  facilement  fans  aucune  difficulté  eftimer  m 
par  ce  qui  s'en  eft  enfuyuy  puis  après.  Il  eft  bien  certain  que  dés  lors  ils  confpirerercnt 
&c  bralferent  quelque  exécrable  forfait,  comme  leur  mefe  hanceté  l'a  bien  monftré  de- 


Liur<Lj  //.  Jean  tDiœ&Cs. 

puis>  Or  ledit  Alphonfc  raconta  le  tout  à  fon  frcre  par  ordre  en  la  ville  de  Ncubôurg. 
CoUoquc  C  e  p  e  n  d  a  n  t  le  Colloque  de  Reinlbourg  fut  du  tout  rompu,  &:  n'en  fut  parle  de- 
bourg^rom  puis,côme  fi  ceux  qui  cftoyent  ordonnez  pour  confcrcr,cuifent  change  d'opinion.  Les 
pu.  ennemis  de  venté  furent  caufede  cecy  :&:ce  parvnc  nouuclle  inuention  ,  laquelle  ils 
forgeret  en  leur  cerucau,  autant  finemét  que  mefehammet:  ou  pour  cacher  leurs  frau- 
des &z  déceptions,  ou  pour  opprimer  la  vérité.  Ils  donnèrent  à  entedre  que  l'Empereur 
leur  auoitenuoyé  des  lettres,  parle  -{quelles  il  mandoit  qu'on  traitait  enfecret  toute  la 
difputc  de  la  religion  Chreftienne.  Et  pour  ratifier  cela,  &:  le  rendre  plus  ferme  félon 
leur  plain>&:  volontc,ccs  renais  voulurent  faire  faire  fermée  aux  deux  parties,.!  ce  que 
rien  de  tou  t  ce  qui  fcroit  traitté  au  Colloque,  ne  fuit  aucunement  reuclc  ne  iignitic,où 
à  leur  Princes,  ou  à  quelque  autre  que  c  e  fuft.Er  pource  que  cefte  condition  eftoit  trop 
abfurdc,&  que  iamais  n'auoit  cfté  ouye  ne  propofec  auparauat  en  Colloque  libre  ceux 
qui  maintenoyent  le  party  de  la  vente  de  rEuangile,nc  la  voulurent  acceptcr:&:  à  bon 
droit.  Mais  voila  que  c  eft:  Vne  mefehante  côfciencecraindde  venir  en  lumicrc,&:  fuit 
les  iiigemcns  des  gens  de  bien,  «j  Les  aduerfaires  donc  deftituez  de  toute  caufe  honne- 
ftc  &c  bonne,  curent  leurs  recours  à  fraudes  &c  trôperics ,  lefquelles  ont  efté  dcfcouuer- 
testantoft  apres.  Car  l'Empereur  déclara  ouucrtement  auxPrinccsen  la  iournec  de 
Spircque iamais  il  n'auoit  mande  ccla,&:  qu'vne  telle  condition  n  eftoit  iamais  venue 
à  fa  cognoiJÎance.  Mais  laiffons  là  ces  ordures, &  retournons  à  Iean  Diaze. 

Apres  que  les  affaires  du  Colloque  furet  ainfi  fufpédues,Iean  Diaze  s'en  alla  à  Ncn- 
bourg,  qui  eft  vne  ville  du  côte  Palatin,fituee  fur  le  bord  du  Danau,pour  corriger  vn  li- 
urc  de  M.Martin  Buccr,lcquel  pour  lors  s'imprimoit  en  cefte  ville-la. Cependant  q  ces 
choies  lefaifoyet  en  Alemagnc,lc  frerc  de  Diaze, ci.  eftoit  à  Rome,nedormoit  pas,  ains 
braffoit  en  grade  diligece  de  terribles  cntrcpnfcs.  Apres  qu'il  fut  aduerti  par  Marquina 
des  lettres  qMaluéda  auoit  eferites  au  Penitécier,entreprit  tout  foudaî  de  venir  en  Aie 
magnc,en  intetion  de  deftoui  n  er  fon  frère  de  la  vraye  religion  Chreftiene ,  par  tous  les 
moyes  qu'il  pourroit  s  aduifer.II  amenavn  garnemét  aucc  foy,leql  corne  on  cognut  de- 
puis,auoit  cfté  bourreau  de  Rome. Il  prît  la  pofte  luy  troilicme,&  s'en  vîr  en  grade  dili- 
gece à  Aufbourg.Dc  là  il  alla  àRcifbourg  auec  Ion  pédart:où  il  péfoit  trouucr  fon  frcre. 

Estant  à  Reinlbourg,  il  parla  premièrement  à  Malucnda,  &:  luy  dclchargca  tout 
fon  cœur  &:  intention:&:  le  pria  de  luy  bailler  quelques  moyen  s  &:  adreilcs,ou  détrom- 
per ou  de  conuertir  Ion  frerc. On  dit  que  Malucnda  dit  à  vn  Efpagnol,  A  la  mienne  vo- 
lonté que  ic  puilfe  voir  le  lour  auquel  le  corps  de  Lan  Diaze  l'oit  mis  au  feu:  à  celle  fin 
pour  le  moins,  que  quand  le  corps  fera  ainliconfumé  par  lcu,l'ameen  puifTe  mieux  va- 
loir. Que lï  cela  eft  vray, comme  pour  le  moins  il  eft  vray-kmblable,  ce  vénérable  re- 
nard a  allez  monftrc  &c  déclaré  par  cefte  lie  nne  parolle,  non  point  humaine ,  mais  plus 
que  brutale  &:  du  tout  diabolique, qu'il  eft  coulpable  de  l'ire  ctcrnellc  de  Dieu:  auquel 
toute  la  fiute  de  ce  fang  innocent  eipandu  doit  eftre  reiettec,  comme  fur  ecluy  qui  en 
a  efte  le  vray  meurtrier  &C  bourreau.  Ceci  eft  bien  vray,  qu'après  qu'ils  curent  confulté 
MacJiina.  cnfcmble,  6c  brailc  leurs  machinations  mefehante  s  &:  dcccuablcs ,  ils  rirent  cefte  refo- 
ucDïnc'  hition  entr'eux,dc  s'enquérir  en  toure  diligence ,  en  quel  lieu  ou  pays,  ou  ville  ou  villa- 
ge Iean  Diaze  pourroit  cftrc  trouué.  Pour  cefte  raifon  ils  enuoyercnt  vers  vn  lien  amy, 
vn  certain  Efpagnol  de  la  maifon  de  Mafucnda,  aufli  homme  de  bien  que  fon  maiftre, 
pour  luy  demander  fecrettemét  où  pourroit  eftre  Diaze:&:  penfoyent  qu'iccluy  luy  fuft 
plus  familier  que  tous  les  autres  ,&:  que  nulnefauroit  h  bien  fes  confeils  que  luy,  pour 
leur  en  dire  ce  qui  en  eftoit.  Ccft  Efpagnol  luy  dit  qu'il  y  auoit  lettres  de  grande  impor- 
tance venues  delà  cour  de  l'Empereur  pour  ledit  Diaze:&r  cela  luy  tourneroitàgrand 
proufit,  lï  elles  luy  tomboyent  entre  les  mains:&  le  prioit  de  grande  affection ,  qu'il  luy 
pleuftenfeigncr  en  quel  lieu  on  pourroit  trouucr  ledit  Diaze.  Ceftamy  de  Diaze  fît 
rcfponfeà  l'Efpagnol ,  que  pour  le  prefent  il  ne  fauoit  pas  bien  où  il  eftoit  :  &£  toutefois 
s'il  luy  vouloit  enuoycr  ou  faire  tenir  quelque  chofe,  il  feroit  diligence ,  &c  donneroit  fi 
bon  ordre  qu'elle  luy  feroit  portée  hdclemcnt&:  fans  aucun  danger.  ^  Ainlîceft  E- 
fpagnol  s'en  alla,  comme  fe  contentant  de  cefte  refponfe  :  mais  il  retourna  bien-, 
toft  après  ,  clifant  à  l'autre  qu'il  y  auoit  vn  cerrain  Gentil-homme  en  l'hoftelleric 
de  la  Couronne,  grand  amy  de  Iean  Diaze ,  qui  apporroit  lettres  de  quelques  autres 
fes  amis  pour  luy  donner:  lefquelles  contenoyent  des  affaires  de  grande  importan— 
cc.Parquoy  il  le  prioit  inftamment  ou  qu'il  luy  vouluft  enfei'gner  le  lieu  où  eftoitDiaze, 

ou 


Jean  Dia%t_j.  /jf 

ou  bien  qu'il  vinft  parler  au  Gentil-homme  en  riioftcllcrie.  Ce  familier  amy  de  Diaze4 
qui  dcllroit  que  les  affaires  fe  portaient  bien,vint  en  riioftcllcrie  auec  ce  meichâc  trai- 
ftre  Eipagnol ,  pour  cognoiftre  de  plus  près,  (ans  faire  femblanc  de  rien, quels  affaires  il 
y  auoic  là  pour  lbn  amy.  Là  il  trouua  ce  Çentil-homme  Efpagnol,à  l'on  auis  homme  d'- 
eftoffe:lequcllepria&:obtefta  furtous  les  plaifirs  qu'il  luy  pourroit  ou  voudroit  faire, 
qu'illuy  enfeignaft  où  il  pourroic  trouuer  Iean  Diaze:  car  il  auoit  à  leur  communiquer 
des  affaires  de  fort  grande  conlequence ,  &  qui  luy  pourroyenr  apporter  vn  fort  grand 
proufit.^  Or  l'ami  de  Diaze  luy  fit  prefqucvnc  telle  refponfe  qu'il  auoit  faite  à  l'autre 
Eipagnol,  qu'il  nefauoit  bonnement  oùileftoit:  toutefois  afin  que  ces  affaires  ne  dc- 
mouralfent  en  arrière,  il  dit  qu'il  s'enquerroit  des  autres,  dcfquels  il  efpcroit  entendre 
quelque  chofedecertain.il  promit  aufil  que  s'il  en  pouuoitlauoir  quelques  bônes  nou- 
uelles,illes  luy  fîgnifieroit.  Êftantde  retour  en  Ton  logis ,  il  raconta  tout  l'affaire  à  Mar- 
tin Bucer& à  Iean  Brence,ô£ aux  autres  qui  auoyent  efté  ordonnez  pour  le  Colloque:  Bucer& 
&  leur  demanda  quel  côfeil  ou  délibération  il  deuoit  fuyure  en  ceft  affaire .  Sur  cela  il  y  Brence- 
eut  diuerfes  opinions. Les  vns  difoyent  qu'il  eftoit  bon  d'enfeigner  le  lieu  où  cftoit  Dia- 
ze,les  autres  qu'il  ne  le  faloit  pas  faire:  &  des  deux  coftçz  on  dônoit  des  raifons  affez  fuf- 
fîlàntes  pour  la  confirmation  de  chacune  opinion.  Finalement  celle  opinion  emporta, 
qu'il  cftoit  bon  d'enfeigner  le  lieu,  qui  au  demeurant  eftoit  feur&  en  liberté ,  de  peur 
que  par  imprudence  on  ne  preiudiciaft  aux  affaires  de  Diaze,  par  faute  de  lignifier  le 
lieu  où  il  eftoit.  Cepedanc  il  fut  délibéré  qu'il  feroit  bon  d'aduertir  Diaze  par  lettres  fe-  J-Js  *mi», 
crettes,  que  s'il  y  auoit  quelque  danger,  &  le  peuft  cognoiftre,  il  fe  donnait  bien  garde.  Dj'âzeà  dô 
Ainfi  donc  félon  ce  confeilceft  amy  familier  de  Diaze  lignifia  à  Alphonfc,  lequel  il  ne  garde 
fauoit  encore  eftrefonfrere,qu'iceluy  eftoit  en  vne  ville  prochaine  de  là ,  nômee  Neu-  du  danStr« 
bourg.  Iccluy  le  remercia  grandement  pour  ces  nouuelles  :  àc  pria  l'amy  de  Iean  Diaze 
bien  fort  pour  aller  auec  luy  voir  fon  amy:&:  quant  &  quant  luy  offrit  vn  cheual  qu'il  a- 
uoit  là  tout  preft,  &:  tout  ce  qui  feroit  befoin  pour  faire  le  voyage. 

Il  relpôdit  qu'il  ne  pouuoit  pas  pour  lors  partir  de  Reinfbourg:toutcfois  il  ^pmit  d'ef- 
crire  à  Ieâ  Diaze,  Se  luy  enfeigner  le  lieu  où  il  le  pourroit  trouuer.il  cfcriuit  dôc  des  Ict- 
tres,&  les  bailla  à  Alphonfe  pour  les  porter.il  n'y  auoit  rien  qui  fuft  dangereux  dedans 
les  lettres.  Il  en  cfcriuit  auflî  d'autres,  lcfquelles  il  donna  à  part  au  meifager  de  la  ville, 
qui  deuoitfaire  compagnie  audit  Alphonfe,&  luy  donna  charge  cxprelfe  de  garder  di- 
ligemment ces  lettres,  &c  qu'il  ne  les  donnait  à  autre  qu'à  Iean  Diaze.  Par  ces  lettres  il 
l'aduertiffoit  amplemét  de  tout  ce  qui  luy  eftoit  aduenu ,  &:  qu'il  fe  donnaft  bien  garde 
de  ceft  homme  qui  s'en  alloit  vers  luy.  Martin  Bucer  cfcriuit aufli  par  cemeftager, 
&  quelques  autres  de  fes  amis:&  cous  l  aduertiffoyent  diligément  qu'il  fe  donnaft  bien 
garde  des  dangers  qui  luy  pouuoycnt  aduenir.  Et  à  celle  fin  qu'on  ne  fe  doutait  de  rien, 
on  donna  au  melfagcr  ce  qui  auoit  efté  fait  au  Colloque  de  Reinfbourg,  pour  porter  au 
fecretaire  du  conte  Palatin.  Auec  ce  le  Mclfager  receut  quelque  argent,  afin  qu'il  euft 
meilleur  courage  défaire  ce  qu'on  luy  auoit  donne  en  charge.  Iccluy  promit  de  s'em- 
ployer en  ceft  affaire &C  volontiers  &£  diligemment. 

Cela  fait,l'amy  de  Diaze  pnnt  congé  du  meffager,&  dudit  Alphonfe,lcquel  le  re- 
mercia fort  derechef  pour  le  plailir  qu'il  luy  auoit  fait.  Etauat  quefelaiffci Tvn  l'aucrc, 
derechef  il  le  pria&  fupplia,  voire  l'adiura  par  la  charité  Chreftiennc,  que  s'il  aimoit  1  -  °  ^^ô- 
honneur  de  Iean  Diaze,  il  ne  reuclaft  à  homme  du  monde,&  principalement  à  Malue- 
da,tien  de  tout  ce  qui  auoit  efté  délibéré  entr'eux .  car  il  fauoit  bien  que  Maluenda  luy 
portoit  vne  mauuaifc  affettion,  d'autant  que  Diaze  n'auoit  voulu  obtempérer  à  fes  cô- 
fcils:&:  quand  Maluenda  ne  feroit  point  aduerty  de  ce  qu'il  auoic  à  faire  auec  Diaze ,  le 
tout  fe  portèrent  beaucoup  mieux.  Quel  befoin  cft  il  de  dire  dauancage  ?  Les  propos 
de  ce  traiftre  cftoyét  de  il  grande  véhémence  :  qu'il  fembloit  qu'il  parlait  à  bon  efeient, 
quand  il  difoit  à  l'amy  de  Diaze  qu'il  n'en  aduertift  aucuneméc  Maluenda:  en  forte  que 
l'autre  penfoit  qu'il  n'y  auoit  nulle  feintife  en  toutes  ces  parolles.  Iceluy  luy  promit  de 
n'en  dire  mot:  ce  que  mefme  il  euft  fait  volontiers,  voire  quand  iln'euft  point  fait  de 
promefîe . 

Mais  que  fît  ce  traiftre  ?  A  grand'  peine  l'amy  de  Iean  Diaze  s'eftoit  party  de  luy:&: 
voici  il  s'adreffa  au  meffager,  &:  luy  ofta  par  force  toutes  les  leccres  qu'il  porcoic  :  &c  cout 
incontinent  fe  retira  vers  Maluenda.  Or  après  qu'ils  eurent  leu  tous  ces  paquets  ,&: 
confulté  enfemble,  ils  defehirerent  toutes  les  lettres:feulcmét  ils  gardèrent  l'efcrit  où 


Lmr<L->  IL  Jean  Dia%c_j. 

eftoit  contenu  ce  qui  auoit  efté  fait  au  colloque  de  Rcinfbourg ,  lequel  on  cnuoyoït  atl 
kerctaire  du  conte  Palatin:lequel  Alphonle  n'eult  point  gardé  s'il  n'euit  penfé  que  ce- 
la luy  cuit  peu  feruir  pour  trouuer  faucur  enuers  ledit  Secrétaire. 

Pe  v  de  temps  après  il  fut  lignifié  que  ledit  Alphonle  auoiteité  vers  Maluenda:  8£ 
Ican  Diazc  luy-mcfme  raconta  depuis  comment  fon  frerc  s'eftoit  porté  enuers  le  Mcf- 
fager.Sesamis  voyans  la  grade  delîoyauté  decelt  homme,  lequel  auoit  fi  beau  lemblât 
de  rondeur  &:  fidelké,cmtrcrcnt  en  l'ouipeçon  qu'il  brafîoit  quelque  grande  melchan- 
ecté.  Parquoy  ils  luy  cnuoycrent  vn  mciTager  exprès ,  ladmonncftans  qu'il  Ce  donnait 
bien  garde  des  embufehes  de  ccft  homme. 
Alphonic  Finalement  Alphonle  s'en  alla  à  Neubourg,  &:portoit  des  lettres  de  Maluenda 
foifrenT  Pour  Portcr  *  ^can  I^iazc,  Par  lesquelles  il  l'exhortoit  de  croire  le  boh  confeil  de  l'on  fre 
re.  Il  promettoit  auflî  à  Diaze,que  s'il  vouloit  aller  auec  luy  en  Itahe,&:  laiiler  l'Alema- 
gne  auec  ces  Alcmans ,  lefquels  il  appeloit  corrupteurs  des  bons  efprits ,  il  feroit  tant 
enuers  le  Pénitencier  par  d'autres  lettres ,  qu'il  conecuroit  maintenant  vne  autre  opi- 
nion de  luy:&  au  lieu  qu'il  auoit  auparauant  mandé  beaucoup  de  maux ,  maintenant  il 
luy  cknroittoutau  rebours:  afin  que  ce  qui  auoit  cité  inconfiderémétcfcritd'vnhorn 
meinnoccnt,nc  prciudiciaft  audit  Diazeàl'aduenir.  Ainfi ce faind Théologie &;  pro- 
tecteur de  la  foy,  monftroit  ouucrtemcnt  par  fes  lettres  fon  impieté  &  infidélité. 

tj  Or  Alphonle  chargé  de  ces  lettres  ,&:  accompagné  de  fon  bourreau  ,s'en  vint  à 
Neubourg.  Son  frere  le  voyant,  le  regardoit  auec  grand  cfbahi/fement  :  comme  ainfi 
foit  qu'il  y  euft  long  temps  qu'il n'auoit  receu  lettres  de  luy,&pefoit  bien  qu'il  fuft  pour 
lors  à  Rome.  Ican  Diaze  donc  demanda  à  fon  frere  la  caufe  de  fa  venue,  laquelle  il  n'at- 
tendoit  nullement.  Alphonfe  refpondit  ce  qui  a  cfté  dit  cy  delïus ,  que  plufieuts  bônes 
taules  luy  auoyent  fait  c  ntreprendre  ce  voyage  fi  fort  pénible.  Ce  Gain  monftra  vne  fa- 
ce d'Abclà  fon  frerc,  &:  cachoit  en  fon  eccurfon  entreprife  diabolique  fous  belle  cou- 
uerture  d'amour  fraternel.  Qjjepouuoitpenfer  ce  bon&  fimple  perfunnage  Iean  Dia- 
zerilluy  fembloit  bien qu'vne amitié  vrayement  fraternelle  auoit  induit  îonfrercàle 
venir  voir. Et  combien  qu'il  euft  voulu  que  fon  frerc  n'euft  point  fait  cefte  entrcpnfc 
fans  ingénient  :  nonobftant  il  prifa  (on  arrection,&  fut  fort  ioycux  de  la  bonne  volonté 
diceluy.  Il  recueillit  donc  fon  frerc  fort  benignemét,  ne  lâchant  point  qu'il  nournlfoic 
cependant  vne  vipère  en  fon  fein,  laquelle  puis  après  deuoit  par  fa  fureur  defbordee  e- 
fpandre  fonfang. 

Or  après  qu'ils  curent  parlé cniemblc allez  familièrement:  Alphonfe  dcfcouuric 
peu  à  peu  ce  qui  le  menoit.  Il  récita  que  cefte  feule  caufe  luy  auoit  tait  entreprendre  ce 
fafchcux  voyage:  atfàuoir  qu'il  vouloit  deftourner  Ion  frere  de  cefte  façon  de  viure,  &C 
de  cefte  opinion  où  il  eftoit ,  pour  l'attirer  au  droit  chemin ,  &:  au  giron  de  noftre  merc 
faute  cglile.Ce  meurtrier  fe  làuoit  bien  couurir  de  ce  beau  nom  d'Eglifc ,  luy  qui  auoit 
vie  vne  bonne  partie  de  fa  vie ,  voire  quiauoit  efté  nourry  en  cefte  horrible  impieté  de 
Romc,&:  ne  fauoit  non  plus  qu'vne  befte  que  c'eft  à  dire  Eglifc.  Il  mettoit  en  auant  les 
grans  dange  rs,  lefqucls  fon  frere  ne  pounoit  nullement  fuir,s'il  pcrfcucroit  longucmét 
en  cefte  cntreprije.  Il  propola  aufli  en  quelle  exécration  &:  haine  plus  que  mortelle  les 
plu  s  grans  icigneurs  de  ce  monde  ont  le  nom  de  Luthérien. 

Ovtrh'lvs  il  monftra  quel  deshonneur  ccferoitàtoute  la  famille,  les  miferes" 
aufquelies  fon  fi ère  pourroit  tomber:  les  bannilïcmens,  les  priions,  le  faifuTement  de 
biens,  le  feu, le  glaiue ,  &  tous  les  autres  dangers  efquels  tombent  ordinairement  ceux 
qui  l'ont  vrais  membres  de  l'Eglife ,  &:  rcçoyucnt  d'vn  bon  coeur  &:  d'vn  defir  ardent  ,8£ 
cî'vn  fainit  zele  la  pure  doctrine  de  l'Euangile.  Il  amenoitaulïi  beaucoup  d'autres  cho- 
ies pour  feruir  à  ce  propos:à  celle  fin  qu'en  ramenteuant  les  dangers ,  il  peuft  esbranler 
la  force  &:  conftance  du  courage  de  lbn  frere,  qui  eftoit  au  demeurant  bien  muny  de  la 
fermeté  des  promeftes  de  Dieu. 

Iean  Diaze  oyât  les  raifons  de  fon  frere,  ia  foit  qu'il  fuft  bie  ma.rry  en  fon  coeur  du  iu- 
gement  corropu  d  iceluy,oyant  qu'il  preferoit  les  dangers  &c  les  fureurs  des  hommes  à 
la  profeilion  de  la  vrayedodrine:  toutefois  luy  fit  vne  refponfe  fort  gracieufe,  diiant, 
Mon  frere  &  bon  amy,  ce  n  a  point  cfté  vne  cupidité  particulière,  ains  vnferme&:  cer- 
tain iugement  qui  m'a  fait  cmbralTcr  &  receuoir  cefte  doctrine  :  laquelle,  après  auoir 
diligemment  cerché  les  fources  des  faindes  lettres,  &  le  commencemét&  la  fuittede 
la  vray e Religion, ic  cognoy  clairement  cftrek  vray ^.perpétuel  confentement  des 


Prophètes  &:  Apoftres.  Ayant  donc  empoigné  cefte  doctrine  par  la  grâce  de  mon  Dieu, 
ic  ne  la  peu  rcietter  fans  commettre  vne  grande  mefchanceté:&:  quelque  dâger  que  ce 
monde  propofe,  ne  me  dcftournera  de  cefte  fain&e  entreprile.  le  vous  prie, mon  frcrc, 
confidcrez  vn  peu  fi  c'eft  à  faire  à  vn  fage  homme  d'euitcr  les  dangers ,  qui  ne  peuuenc 
gucres  durer,  pour  tomber  en  condamnation  éternelle.  Oreft-ilainfî,quiln'y  apeché 
de  blafphcme  plus  horrible,que  perfecuter  la  vérité  laquelle  on  aura  cogncué :  lequel 
péché  ne  peut  iamais  eftre  pardonné.  La  chofe  donc  qui  me  retient  en  mon  propos, cil 
de  trop  grande  importance^  ie  delireroyc  bien,  mon  frère ,  que  vous  cmployflîez  au- 
tant de  peine  à  cognoiftre  la  vérité  de  Dieu,  que  iufques  à  cefte  heure  auez  employé  d'- 
induflrie  après  les  affaires  de  ce  monde.  Comme  ie  cognoy  d  vn  collé  la  dextérité  de 
voftrc  cfprit:&:  d'autrepart  comme  ie  cognoy  combien  eft  grande  la  bonté  &:  mifericor 
de  du  Pere  éternel  noftre  Dieu  :  ie  ne  fay  point  de  difficulté,  qu  il  ne  vous  defployaft  les 
grandes  richeiles  de  la  fapience  celefte  :  &c  que  ne  puilfiez  par  les  fain&es  Efcritures  co- 
gnoiftre quelle  eft  la  bonne  volonté  de  Dieu,&  la  magnifier,  pourueuque  vous  y  vou- 
lu/fiez employer  voftre  peine  &induftnc.  Montrerez  à  la  mienne  volonté  que  ievous 
peu/Te  acquérir  cefte  heureufe  cognoilîance,  voire  par  mô  propre  lang.Le  Fils  de  Dieu 
luy-mefmetefmoigne,quec'eft-cy  la  bien-hcurcufc&  vrayement  eternclle:affauoir de  icam/^ 
vrayement  &:  bien  cognoiftre  le  Dieu  viuat,  &:  celuy  qu'il  a  enuoy é  qui  eft  Iefus  Chrift. 
ÇEt  à  la  vérité  ceci  eft  à  déplorer,  qu'il  y  a  vne  fî  grande  négligence  &c  impieté  entre  les 
hommes,  en  vne  chofe  de  fi  grand  poids  &c  tant  neceffairc.  Les  oracles  de  Dieu  font 
ouys  par  la  voix  reformante  du  ciel,  ouuertement  &:  clairement  publiez  à  toutes  créa- 
tures^ les  hommes  cependant  en  feront  fi  peu  de  conte  6ù  eftime  !  ou  bien  les  mefpri- 
feront  &£  reictteront  auec  vne  telle  fierté  &:  orgueil  !  Et  fi  vous  confiderez  comme  il  ap- 
partient, ie  vous  prie,  y  aura-il  autre  caufe  pour  laquelle  nous  fommes  condamnez  des 
hommes  infidèles,  finirez  prefque  tous  les  iours  à  la  boucherie,hnon  que  nous  auons 
mis  tout  noftre  efpoir&:  fiance  au  Dieu  viuant,&:  non  point  és  hommes  nyés  chofes 
&:  biens  de  ce  monde:hors  lequelilne  faut  point  que  les  homes  s'attendent  d'eftre  fau- 
ucz?  le  vous  fupplie  donc,  mon  frère,  cognoiffez  premièrement  noftre  caufe,  &:  quand 
vous  l'aurez  bien  apprife,  vous  iugerez  facilement  vous-mefmcs ,  qu'il  ne  la  faut  laifîer 
pour  quelques  dangers  de  cefte  miferable  vie  humaine.  Quant  à  moy,  la  vérité  eft  tel- 
le, que  i'ay  fortifié  tellement  moneccurpar la  mifericorde  $£  bonté  gratuitede  mon 
Dieu ,  que  ie  ne  le  laifleray  en  façon  quckôquc  deftourner  de  cefte  profefïion  heureu- 
fcmententrepnfe. 

Or  Alphonfe  voyant  la  grande  confiance  de  fon  frère,  penfa  à  vn  autre  moyen:  &C  A^ll0^lc 
ne  le  pouuat  efbranler  par  la  cruauté  des  dangers ,  commença  à  luy  faire  offre  de  grans  biensAfo» 
biens,  efperant  par  vn  tel  moyen  obtenir  de  fon  frère  ce  qu'il  pretendoit.  Il  luy  propofa  fr«e. 
donc  qu'il  auoit  des  bénéfices,  ik.  que  d'iceuxilreccuoittousles  ans  cinq  cens  ducats; 
lefquels  il  luy  rcfigneroit  tous,  pourueu  qu'il  allaft  à  Rome  auec  kiy.  Iean  Diaze  luy  ref- 
pondit  ainfi,  le  ne  fuis  point  fi  conuoiteux  d'argent  que  pourriez  bien  penfer ,  mon  frè- 
re. Car  fi  ie  me  fufTepropofé  ce  chemin,  de  pourchafîer  des  honneurs  ou  richeffes  ,1  + 
euffe  tout  autrement  donné  ordre  à  mes  afFaires.  Mais  maintenant  ie  repute  pour  va 
grand  honneur  &c  fouuerain ,  cefte  telle  quelle  cognoiifance  de  la  doctrine  celefte ,  la- 
quelle le  Seigneur  m'a  donnée  par  fa  bonté  gratuite  :  &:la  bonne  confeience  que  i'ay 
m'eft  beaucoup  plus  precieufe  que  tous  les  th  refors  lefquels  on  me  pourroitprclenter. 
Gardez  donc  vos  reuenus,  mon  frère,  que  fi  vous  les  pouuez  pofïederd'vn  cœur  fidèle 
&  craignant  Dieu,  ils  vous  feront  falutaires:finon,  il  eft  bien  certain  que  tout  ce  grand 
amas  d'argent  ne  pourra  apporter  finalement  que  grand  dommage,  lors  mefme  qu'au- 
rez plus  grand  befoin  de  ferme  fecours.  Mais, mon  frere,tédons  à  ce  but  de  tout  noftre 
cœur,quc  n  ^us  amaffions  les  vrais  threfors  de  la  crainte-de  Dieu  és  cicux  :  &:  appreniôs 
diligemment  la  fain&e  doctrine,  laquelle  ne  delaiiTe  point  celuy  qui  la  pofTede  :  &  non 
feulement  adoucit  les  angoiffes  &c  fafcheries  prefentes  d'vne  façon  merucilleufe ,  mef- 
me quand  nous  fommes  conftituez  és  grands  dangers  de  ce  monde:mais  auffi  fait  com- 
pagnie iufques  au  ciel  mefme  ,  au  poffeffeur  de  cefte  confolation  diuine. 

Finalement  Alphonfe  voyant  qu'il  ne  pouuoit  pas  venir  à  bout  de  fon  entrepri- 
fepar  vn  tel  moyen,  en  effayavn  autre,&:  appliqua  le  dernier  effort  de  fes  traînions  :&:  ^"nin"9 
par  vne  horrible  malice  aiTailhtfôfrcreinocét,&  vuide  de  toute  fraude  &mefchaceté.  ^pres  les 

jy    j  belles  offre» 


U*r<uU.  fan  SDw^o. 


Ce  traiftre  n'ayant  aucune  religion ,  fait  Semblant  que  quelque  bon  cîefir  de  la  vraye  ÔC 
pure  Religion  luy  auoit  touché  le  cœurrafin  que  par  vue  telle  opinion  il  deceult  plus  fa- 
cilement Ion  frerc,  qui  eftoit  vn  vray  homme  de  Die  u  ,  dépendant  entièrement  de  luy  * 
Et  tarant  finalement  des  ibufpirs  du  profond  de  fon  eccur,  icttam  de  les  yeux  forces  lar- 
mes,2c  gcmiflànt,  commença  à  dire  ainiî  à  l'on  frère ,  le  yoy  bien  que  voftre  foy&con- 
ftanec  eft  lî  grande,  &c  que  vous  eftes  li  entier  à  cognoiltrc,  à  tenir  &:  garder  la  doctrine 
de  l'Euangile,  que  vous  m'auez  tiré  à  voftre  opinion.  Carie  ne  luis  point  encore  li  rude 
ne  farouche,  mon  frère,  que  ie  nevoye&cognoiilc  bien  que  cefte  pureté  de  Religion 
que  vous  auez ,  ne  ioit  digne  dadmiration ,  &ne  mérite  bien  d'eltre  mutée.  le  ne  fuis 
li  lourd  que  ie  vueillc  empefeher  celte  grande  vtilité,laqucllc(comme  1  efperc)prouic- 
dra  de  vcllre  grande  doctrine,  &c  redondera  tat  à  l'Eglile  de  Dieu  en  gênerai ,  que  prin- 
cipalement à  nos  Espagnols.  Encores  y  a  il  bien  dauantage,  conioignôs  enfem  ble  tous 
deux  nos  forces  de  tout  noitre  cœur,  &c  nous  employons  principalement  de  bonne  af- 
fection à  cela ,  que  la  vraye  &C  pure  doctrine  du  EilsdcDicu  foitdiuulguee  par  tout  le 
monde,  autant  que  faire  Se  pourra  :&:  que  la  profeiïion  del  Euangile  tiorifle  &:  foit  a- 
uancec  en  noitre  pays  comme  elle  eft  es  autres  régions.  Mais, mon  frerc,  pour  parfaire 
vn  li  excellent  œuure  de  Dieu,  vous  deuriez  difpenfer  le  don  &:  la  grâce  que  Dieu  vous 
a  donnée  par  deilus  tous  les  hommes  de  noitre  nation  :  voire  difpenfer  non  feulement 
en  bonne  prudence,  mais  auffi  en  toute  diligence.  Cependant  que  vous  habitez  &:  de- 
meurez ici  en  Alemagne  ,&  viucz  entre  ces  gens-cy,  le  langage  dcfquels  vous  n'enten- 
dez point,  aduifez  bien  que  ce  que  vous  faites ,  n'eit  linon  mullér  en  terre  fans  fruict  lo 
talent  que  Dieu  vous  a  donné  par  fa  bonté  en  grande  abondance.  Vous  voyez  bien  qu'- 
il y  a  grand  nombre  de  gens  fauans  en  ce  pays,  tant  bien  exercez  es  bonnes  lettres  ,&: 
en  la  vraye  Rebgiô,  leiquels  n'ont  nul  befoin  de  voftre  aide  &  induftric:&:  tant  s'en  faut 
qu'ils  en  ayent  beloin,  que  ii  ie  cognoy  bien  leur  vertu ,  eux-melmes  vous  bailleront  ce 
conlcil,  que  vous  employez  celte  doctrine  qu'auez  receucd'cux,à  l'édification  &:  refor- 
mation de  nos  Efpagnols.  Maispource  qu'auiourdhuy  noitre  pays  clt  opprimé  dvnç 
cruauté  &£  tyrannie  incroyable, &  ne  feroit  pas  bon  pour  vous  qu'y  habitifîlez,ie  ne  cef- 
feray  encores  de  vous  bailler  ce  confeil ,  &c  taire  celte  exhortation,  que  voftre  bon  plai- 
fremeffe  j]r  (0jt  jc  venir  auec  moy  en  Italie.  I'oieroye  bien  me  promettre  vne  li  grade  vtilité  de 
Diàïc.UrCr  ce  voyage,  à  auancer  la  gloire  de  Dieu,  &c  à  faire  profiter  la  doctrine  de  l'Euangile ,  que 
vous  ne  pourriez  en  efpcrer  dauantage  de  l'Alemagne  ou  de  quelque  autre  lieu.  Nous 
irons  donc  premièrement  à  Trente,  où  nous  trouuerons  beaucoup  de  Prélats  de  gran- 
de authoi  lté,  leiquels  enclinent  du  party  de  l'Euagile:&:  fi  vous  leur  feruiez  d'aiguillon, 
ils  feroyent  profeiïion  ouuerte  de  ce  qu'ils  ont  furie  cœur ,  &:  qu'ils  n'ofent  mettre  hors 
pour  la  crainte  de  la  tyrannie  du  Pape.  Aduifez  bien  à  cecy  maintenant:  quel  profit  re- 
uiendroit  de  cela,  que  le  Concile  qui  eft  alîémblé  pour  eftablir  la  tvrannie  furicuié  des 
hommes  infidèles, fera  incité  à  s  cnqucrir&  a  faire  publier  la  venté. 

Alphonse  adioufta  autrcspcrlualions  ,ô£  dit,  Nous  conférerons  voftre  opinion 
auec  ces  gens  iauans,&:  fi  vous  auez  appnns  quelque  meilleure  choie  que  ce  qu'ils  tien- 
nent,^ le  rendront  dociles  auditeurs:&:  m'en  oie  faire  fort. Et  qui  plus  eft, voftre  doctri- 
ne allez  ferme  autrement,&:  munie  de  teimoignages  exprès  de  la  faincte  Efcriturc,fera 
dauantage  confermee  par  voftre  vie  pure  &honneftc,&:  par  vos  autres  vertus  dot  vous 
eftes  orné,  lesquelles  ceux  mefmcs  qui  ne  vous  veulent  gueres  de  bien,  aiment  en  vous 
&  honnorent.  Apres  cela  nous  irons  à  Rome  &c  à  Naples,  &:  à  toutes  les  autres  bonnes 
villes  d'Italie,  elquclles  y  a  grande  cognoilTance  &c  grand  defir  de  la  vérité  :  où  vous  au- 
rez affaire  au  ec  gen  s  de  condition  honorable ,  leiquels  pourrez  fortifier  en  la  vraye  do- 
ctrine, &:  déclarer  entr'eux  à  haute  voix  ce  que  fentez  de  la  vraye  Religio.  Et  fînalemet 
après  que  par  voftre  doctrine  &:  vertu  vous  aurez  gagné  toute  l'Italie,  ou  pour  le  moins 
ceux  qui  font  en  plus  grande  authorité:  vous  verrez  aduenir  ce  que  vous  de/irez  grade- 
ment,  alfauoir  cjue  cefte  do&rine  paruiendra  iufques  aux  gens  de  noftre  Efpagne ,  &  ce 
O  trj^ifon  ^ans  qllc  vous  vous  mettiez  en  quelque  dâger.  Mon  frère  mefpriferez  vous  cegrand ^p- 
fit,  lequel  vous  voyez  comme  prefent  deuant  vosyeux?  Penferiez-vous  bien  que  vous 
foyez  nay  feulement  pour  vousîN'aidercz-vous  point  à  l'imbécillité  &:  foihlc/ïe  des  au- 
tres^ «nie  fanent  s'ils  doyuentefpererfalut,ou  le  defefperer?  qui  fonteibranlez  entre 
*»fpoir  ic-craintc,  &:  implorent  voftre  aide  bc  fidélité  :  défirent  voftre  façon  de  viure ,  8C 
cÔme  a  teintes  mains  &  larmes  requierét  de  vous  la  coenoiifancc  delà  vrave  doctrine; 

Et 


Jean  T>ia7^j.  i  jS 

Et  certes  ie  ne  penfe  point  que  vous  mcfprifiezles  gemiflemês  &:  clameurs  des  fiMcles: 
veumermes  que  les  occafions  ne  vous  défaillent  point  pour  mettre  vnc  telle  œuure  en 
exécution,  ne  les  aides  mefmes  &  (upports  des  grans  perfonnages .  Et  de  ma  part,  ie 
vouspeux  bien  hardiment  promettre  que  ie  mcmonftreray  frere  fidèle  en  ceft  œuure 
du  Seigneur.Ic  vous  meiicray  en  Italie  à  mes  frais  Se  defpens.ie  vous  donneray  cognoif- 
fance  de  plufieurs  grans  r>erfonnages,&.vous  feray  entrer  en  amitié  auec  eux:&  en  tout 
ce  que  me  voudrez  employer,  vous  me  trouuercz  fidèle  en  tout  &  par  tout.Dauantage 
après  que  vous  aurez  fait  fidèlement  &:  accomply  voftrc  miniftere  parla  bonté  &  grâce 
de  Dieu,  fi  vous  voulez  après  cela  retourner  en  Alcmagnc,  ie  vous  promets  par  fermët 
de  retourner  auec  vous,  &:  vous  tiendray  perpétuelle  compagnie  &  fidèle  ,  îufques  à  ce 
que  ie  vous  auray  laifie  en  quelque  lieu  où  puifîicz  viure  en  quelque  dignité  ,  mefme  fé- 
lon voftre  fantalie.  Pour  le  prêtent  voici  toute  la  requefte  que  i  e  vo9  fay,que  vous  nous 
monftriezvne  bonne  volonté  auec  vncgayeté  ôJ  promptitude  décourage  entiers  vn  fi 
cuident  &  fi  grand  proufit  de  l'Egliie  :  laque,  lie  eglife  mefme  du  Fils  de  Dieu ,  &£  le  falut 
de  toute  la  republique  Chrcfticnnefcmble  maintenant  requérir  de  vous  à  haute  voix.  JJ^J^*' 
CleanDiaze  fut  touché  en  ion  cœur  du  propos  de  fon  frere  Alphonfc,&:futgrandcmct  propos  de 
refiouy  en  fon  cfprit,  penfant  bien  que  fon  frere  parlait  à  bon  cfciët  &  fans  aucune  fein-  foofiw». 
tife.  Parquoy  il  commença  à  luy  refpondre  beaucoup  plus  doucemet  qu'il  n  auoit  fait 
auparauant:aiI*auoir  qu'il  eftoit  preft  en  forte  &:  manière  que  ce  tuft,dauancer  la  gloire 
de  IefusChrift:&  mefme  pour  ce  faire  il n'eipargneroit  point  fa  propre  vie.  Ilprifoit 
grandement  le  courage  de  fon  frere,  il  trouuoit  ils  confeils  bons  :  &c  pour  les  mettre  en 
exécution  comme  iceluy  fon  frere  le  defiroit,  il  luy  promettoit  de  ne  luy  faillir  enceft 
œuure.  Au  furplus,  pource  que  ccft  affaire  eftoit  de  grande  importance^  ne  pouuoit 
eftrc  mis  en  exécution  fans  grandes  difficultcz  &c  danger1;,  il  eftoit  befoin  auffi  d'vfer  de 
bon  confeil&  meure  délibération,  à  celle  fin  que  cela  fuft  conclu  par  le  conieil  de  gens 
de  bien  &:  prudens,  &c  qu'on  fuyuift  ce  qui  fembleroit  eftrc  plus  vtile&  necefiaire  pour 
le  bien  &vtilité  delà  republique,  &  pour  nuancer  la  gloire  de  Dieu.  Pour  cefte  cau- 
feil  luy  fembloit  bien  aduis,  que  toute  cefte  délibération  dcuoit  eftrc  remife  au  iuge- 
mcntdcceux  qui  eftoyent  députez  &:  ordonnez  pour  le  Colloque  de  Rcinfbourg,  au 
iugemcnt&:  bon  aduis  delquels  il  icibumcttcit  du  tout.    ^  Ceconfcilfut  trouuc  af- 
fez  bon  par  Alphonfc  .  &  poiîible  çft  qu'il  penfoit  que  ceux-cy  qui  deuoyent  iuger  de 
ceft  affaire  ,fuifent  des  troncs  de  bois,  &:  qu'il  ne  fe  pouuoit  faire  qu'il  y  euft  vnieul  A- 
lemand  qui  peuft  entendre  fes  fine/fes ,  ou  apperceuoir ces  trahifons.    Ainfi  donques 
Iean  Diazeefcriuit  à  ceux  qui  auoycntefté  députez  pour  le  Colloque  de  Reinibourg: 
aufqucls  il  lignifia  la  venue  de  fon  frere  ,  lequel  requeroit  de  luy  à  toute  inftance ,  qu'il 
luy  fift  compagnie  pour  aller  en  Italie.    Iladiouftoit  lesraifons  de  fon  frere,  par  lef- 
quclles  il  debatoit  à  toute  force  que  cela  fe  dcuoit  faire  :  ainfi  finalement  il  mandoit  fa 
volonté  :  qu'il  n'auoit  délibéré  d'en  faire  autre  chofe,  linon  ce  qu'eux  auroyentiugé  e- 
ftre  bon  de  faire.    Il  eleriuit  aulîi  des  lettres  a  maiftre  Bernardin  Ochin,  e]ui  prefehoit  o/hin^'11 
pour  lors  à  Aufbourg:&  luy  prioit  de  luy  cnuoyer  fon  aduis  fur  cela.    Pour  faire  bref, 
après  que  les  lettres  delean  Diaze  furent  leues  àReinlbourg,  tous  les  Collocuteurs 
s  affcmblerent  pour  bailler  vn  chacun  fon  opinion  fur  cela.    Tous  d'v ne  mefme  bou- 
che délibérèrent  qu'il  ne  falloit  adioufter  foy  aux  rauifes  raifons  de  ce  meurtrierdequel  L'3du'f  'Ie 

m  i  .  is  u       r  J  i   •    J  •   r      c        r  tous,eft;de 

ils  voyoyent  bien  ne  tendre  a  autre  but,  linon  de  vouloir  deceuoirion  rrcrclous  om>  n'adioufter 
bre  delà  religion  Chrefticnne.    Et  il  y  en  eut  aucuns  en  cefte  afiemblec,  qui  predi-  iaY*  A1- 
1  rent  dés  cefte  heure-la  le  meurtre  que  ce  mefehant  niachinoit  en  fon  cœur.  Parquoy  p  °n  e* 
tous  d'vn mefme  confentement  efcriuirent  à Iean Diaze,  &:  luy fignifierent  diligem- 
ment ce  que  tous  les  frères  d'vnmefme  accord  auoyent  aduiféfc  délibéré  fur  ceft  af- 
faire. Bernardin  aullî  de  fon  cofté  fut  de  mefme  aduis. 

Or  Alpnonfefe  voyant  fruftré  de  fon  attente,  $c  que  fes  entreprifes  eftoyent  de fcou- 
uertes  à  peu  près:  combien  qu'il  euft  côceu  vne  grande  triftefic  en  fon  cœur,nonobftat 
pource  qu'il  voyoit  aufti  que  la  beneuolence  de  fon  frere  eftoit  grandement  neceilaire 
a  parfaire  les  forfaits  exécrables  qu'il  auoit  machineziil  ne  le  voulut  offéfer  de  parolles 
aigres,  mais  pluftoft  diflîmulala  grande  douleur  qu'il  auoit  en  fon  efprit.  Il  trouuoit  ce- 
fte opinion  bône  de  ces  gés  fauâs(ce  difoit-il)Iaquelle  il  voyoit  bien  eftre  fignec  de  leurs 
propres  mains  :neantmoins  à  celle  fin  qu'on  fift  quelque  thofe  pour  l'amour  de  luy, 
pourtoute  la  recomnenfe  de  la  peine  qu'il  auoit  prife,il  pria  inftamment  fon  frere  Iean 

D.ii, 


Liurt^  IL  Jean  T>uz,t^. 

Diaze,que  pour  le  moins  il  ne  luy  fuft  point  grief  de  venir  iufques  à  An /bourg  auec  luy: 
&c  là  ils  feroyent  la  dernière  rcfolution.  Il  vouloir  que  fon  frerc  prinft  Bernardin  Ochin 
pour  lby:&  luy  prendroit  le  maiftre  des  chenaux  légers  :  &z  ce  que  ces  deux-la  auroyenc 
délibéré  entr'eux,  luy  &  fon  frere  l'approiuicroyenr.  Si  ledit  Bernardin  (difoit-il)  &c  l'au- 
tre concluent  que  vous  me  deuez  obtempérer,  veu  mcfmcque  ic  nerequier  devons 
que  «holcs  honneftes  &:  vtiles,  nous  irons  enfcmblc  en  Italie.  Au  contraire,s'ils  (ont  de 
ceft.  arre  ft,  qu'il  vaut  mieux  que  demeuriez  en  Alemagnc,  ie  ne  vous  demanderay  plus 
rien,  ains  me  contenteray  de  cela:  puis  après  ie  m'en  retoumetay  feul  en  Italie  ,&:  vous 
retournerez  à  voftrc  façon  de  viure.Ce  mefehant  ne  difoit  point  cela  fans  grande  mali- 
ce, il  tafehoit  par  douces  parolles  attirer  fon  frère  innocent  en  pleine  câpagne ,  &:  hors 
la  ville ,  afin  qu  il  le  tuaft  en  quelque  dcdroiiï.  Sans  cela ,  il  ne  doutoit  nullement  de  l'- 
opinion de  Bernardin  Ochin,  laquelle  luy-mefme  auoit  veue'fignee  de  la  propre  main 
d'iccluy. 

To  v  t  e  fois  Iean  Diaze,  qui  procedoit  en  grande  fimpliciré,&:  ne  foufpeçonnoîe 
encore  nul  mal.  pourecque  larequeftede  fon  frère  ne  luy  fembloit  point  trop  imperti* 
nen  te ,  promit  d'obtempérer  volontiers  en  cela  à  fon  frère ,  lequel  il  aimoit  côme  (by- 
mcfmc.  ce  qu'il  euft  fait,  fi  M.  Bucer,  qui  d'aduenture  eftoit  là  venu  auant  que  fon  frerë 
fuft;  party,  ne  l'cuft  cmpefchç.  Car  d'autant  que  ceux  qui  auoyent  efté  députez  pour  le 
Colloque ,  ne  faifoyent  rien  à  Rcinfbourg ,  &:  auoyent  défia  délibéré  de  retourner  cha- 
Fr'ch"  cun  en  fa  maifon:  M.  Bucer,&:  Martin  Frechtiusprcfcheurd'Vlme,  voulurent  venir  à 
Neubourg,  afin  qu'ilsimprimalîcnt  mieux  au  cœur  de  Iean  Diaze  ce  dont  ils  l'auoyenc 
parauant  aduerty  par  lettres, afiauoir  qu'il  n'adiouftaft  aucunement  foy  aux  parolles  de 
fon  frère  Alphonfe,  &  n'allait  point  en  Italie  auec  luy.  Il  y  eut  auflî  ceft  amy  de  Iea  Dia- 
ze.duquel  il  a  efté  parlé  cy  deflus,qui  fe  mit  en  chemin  auec  eux.  Apres  qu'ils  furent  ar- 
Frecht  riuez  à  Neubourg,  lcfdits  Buccr&Ftcchtiusadmonncfterent  diligemment  Iean  Dia- 
mooncftft  zcdesgransdangersquipouuoyentaduenir,s'ilfe  mettoiten  chemin  auecfon  frère, 
Diazcdcfc  i;  l'exhortèrent  à  conftance,&:  à  befongner  prudemment  en  ceft  affaire  :&C  ne  levou- 
fonfrerc.6  mrcnt  point  laitier,  iufques  à  ce  qu'ils  vident  fon  frère  hors  de  là ,  &  Iean  Diaze  hors  de 
tout  danger,  comme  on  pouuoit  iuger  pour  lors  félon  la  façon  des  hommes.  Or  doncil 
fut  accorde  entre  les  frères, qu'Alphcnlé  fon  frere  s'en  iroit  feul.  Ainfi  il  partit  le  vingt- 
cinquième  de  Mars,afiàuoir  trois  iours  après  que  les  autres  furent  arriuez  à  Neubourg: 
combien  que  cela  fuft  vnc  terrible  pillule  au  cçeur  d'Alphonfe ,  toutefois  il  faifoitfem- 
t>lant  d'eftre  fort  ioyeux  :  &:  autant  qu'il  pouuoit  il  donnoit  à  entendre  à  fon  frere ,  qu'il 
nedelii  oitautrechôfefinoncequifembleroit  bon  &  agréable  à  Iean  Diaze  fon  frere, 
lequel  il  aimoit  grandemenr ,  ce  difoit-il .  Le  iour  deuant  qu'il  deuft  fortir  de  la  ville, 
comme  il  auoit  délibéré  de  partir  de  grand  matin,il  parla  à  fon  frere ,  &  l'cxhortaà  per- 
feuerer  conftamment  en  la  profclîion  de  la  vraye  Religion.  Il  afFcrmoit  qu'il  ne  fepou 
uoit  faire  qu'il  ne  fuft  grandement  marri  de  partir  d'auec  fon  frere  tant  bien-aimé,auec 
lequel  il  euft  bien  voulu  viure  longuemcnr  &:  familièrement:  ^non  pour  autre  raifon, 
lïnon  afin,  qu'il  fuft  bien  inftitué  en  la  cognoifiànce  de  la  doctrine  falutaire.  Cependant 
il  eftoit  bien  aife  de  ce  peu  de  temps  qu'il  auoit  fenti  ie  ne  fay  quelle  infpiration  diuine, 
qui  l'auoir  fait  deuenir  meilleur  qu'il  n'eftoit,Dauantage  il  prioit  fon  frere  qu'il  euft  per 
petuelle  fouuenancc  de  luy,&:  luy  efcriuift  bien  fouuent ,  &c  que  par  ces  lettres  il parfîft 
ceft  ceuure  que  Dieu  auoit  commécé  en  luy. Il  promettoit  au/Ti  qu'il  le  trouueroitpreft: 
à  luy  faire  plaifir,&  tous  fes  biens  à  fon  commandement.Et  qui  plus  eft,il  luy  bailla  mau, 
gré  qu'il  en  euft,quatorzeefcuspour  acheter  des  habillemens.  Son  frere  refufa  ceftar- 
genr-.mais  il  fut  contraint  par  importunité  de  les  prendre.  Ainfi  après  pluficurs  propos 
tant  d'vn  cofté  que  d'au  tre,lefqucls  cftoyét  pour  rendre  tefmoignage  de  l'amour  vraye- 
ment  fraternel  de  Iean  Diazenls  s'en  allèrent  finalement  coucher,qui  ne  fut  point  fans 
grande  abondance  de  larmes. 
Départe-  L  e  lendemain  à  l'aube  du  iour  on  apprcftale  chariot  de  Neubourg,fur  lequel  deuoic 
Tonfe  Al  monter  Alphonfe  auec  fon  bourreau, pour  aller  à  Aufbourg.Là  derechef  il  y  eut  des  lar 
1  °n  '  mes  efpaducs  au  departir.toutefois  Alplion^5'611^!2^!"11^0111011^3  Neubourg  a- 
uec  les  frères,  Icfquels  eftoyent  fort  ioyeux  de  ce  qu'ils  eftoyent  depeftrez  d'vn  tel  hom- 
me, lequel  ils  auoyent  toufiours  eu  pour  fufped.  Finalement  maiftre  Martin  Bucer  6C 
maiftre  Martin  Frechtius  penfans  que  tout  fuft  en  feurcté,  voulurét  auffi  partir  ce  iour 
mcfme  après  difncr.Et  ceft  amy  de  Iean  Diaze,duqueJ  a  efté  parlé  cy  de/Tu  s,  délibéra  de 

de. 


Jean  Dia&tu.  ïj? 

demeurer  à  Ncubourg  auce  Ton  amy ,  iufqucs  à  ce  que  le  hure  fuft  acheué  d'imprimer, 
lequel  t  Hoir,  pour  lors  iurlaprelfc .  Câpres  qu'il  feroitimprimé ,  deretourner  àStraf- 
bourg  auec  ledit  Diazc.  Ces  deux-cy  conuoyerenc  les  feigneurs  Bucer  6c  Frechtius  itili 
ques  hors  dç  ia  vi]Ic:6j  après  auoir  prié  Dieu  qu'il  leur  fuft  propice,qui  ne  fut  fans  plou- 
icr,dautant  que  la  ncceilité  les  concraignoïc de  fc  fepaicr,ils  rcrournerent  à  Neubourg^ 
pour  encendre  à  leurs  affaires. 

I  l  faut  maintenant  reuenir  à  Alphofe,  qui  s'en  alloit  furie  chariot  à  Aumourg.Quâd 
le  chariot  fut  arnué  à  la  porte  delà  ville,  Alphonfene  voulut  point  i'ourFrir  que  le  cha- 
retier entraft  en  la  ville,  mais  le  contraignit  d'aller  à  l'cntour  des  murailles, îufqu  es  à  ce 
qu'il  fuft  entré  en  1  a  maifon  enlaquelle  il  vouloit  loger.  Le  chemin  eftoit  long ,  mais  il 
faitbit  cela  à  celle  fin  qu'il  ne  fuft  cogneu  de  perfonne  dedans  la  ville,  qui  le  peuftpuis 
après  cmpclchcr  de  perpétrer  ce  cas  tant  horrible  qu'il  auoit  conceu  en  l'on  elprit.  Caf 
ceux  qui  ont  cnuie  de  mal  faire,  ne  cerchent  point  la  lumière.  6c  ccft  homicide  exécra- 
ble le  fentantcoulpablc,fuyoit  la  prefence  des  hommes,  6c  ne  vouloit  eftre  apperceu 
d'aucun  homme  de  bien.  Toutefois  le  charetier  ne  peut  cognoiftre  la  volonté  de  ce 
meurtrier^  n'euft  iamais  penfé  qu'il  y  euft  h*  grande  mefehancetc  conecué  au  cœur  d'- 
Alphonfe,principalcment  contre  vn  tel  frère  qui  eftoit  tant  homme  de  bien,  lequel  il 
auoit  déclaré  aimer,  par  tant  de  lignes  externes  .  Finaleméc  après  quele  charetier  l'eue 
amené  iufques  à  fon  logis:  Alphonfeluy  dit  que  de  bon  marin  il  vouloit  partir  pour  al* 
1er  en  Italie:  mais  auffi  il  vouloir  auant  que  partir  elerire  des  lettres  à  fon  rrere .  Et  pour- 
tant illeprioitqu'auantqu'iceluy  s'en  retournait  à  Ncubourg,il  vinft  versluy,&  iîtroU- 
ueroit  les  lettres  toutes  preftes.Ce  que  le  charetier  luy  promit  de  faire.  6c  le  lendemain 
il  vint  de  bon  matin  au  logis  d'Alphonfe, comme  il  auoit  promis,afîn  qu'il  prinft  les  let- 
tres pour  porter  à  Ican  Diaze  fon  frcre.On  fît  refponfe  au  chaietier,qu' Alphonfè  eftoit 
encore  au  lich&:  pourec  qu'il  auoit  veillç  lefoir  précéder  t ,  il  eftoit  encores  tout  endor- 
my.  Le  charetier  creut  cela:&:  eftant  prié  par  les  domeftiques  de  retourner  dedans  vne 
heure  ou  deux,  il  promit  de  le  faire.  Mais  cependant  ces  ruftres  faifoyent  ceci  tout  à  jp- 
pos,fans  que  le  charetier  en  feuft  ricmafin  que  par  telles  menées  il  fuft  détenu  plus  lon- 
guement à  Aufbourg,&:  que  les  meurtriers  euflent  plus  grand  loihr  de  perpétrer  le  mal 
qu'ils  braifoyét,  fans  en  eftre  punis. Car  depuis  que  le  diable  eut  faifi  le  coeur  d'Alphon- 
fe pour  le  pou/Ter  à  meurtrir  fon  frère  tant  innocent-,  il  ne  lailla  parler  occaiion  quelcon- 
que qui  luy  fembla  vtile  ou  aucunemét  propre  pour  exécuter  fon  entrcpnfe.  On  auoic 
donc  forgé  cela,  qu'il  eftoit  au  lict:  &:  nonobftant  il  eftoit  délia  partypour  retourner  à 
Ncubourg  pour  paracheuer  fa  mefehante  entreprife.  Le  charetier  retourna  pour  la  fé- 
conde fois  au  logis  d'Alphonfe,  6c  luy  fut  dit  qu'il  eftoit  paity  pour  aller  en  Italie,&  qu'- 
il n'auoit  peu  eferire  les  lettres  à  Aulhourg:  nonobftant  il  auoit  promis  d'eferirede  la 
première  ville  où  il  arriucroit.  Parquoy  ils  donnèrent  quelque  pièce  d'argent  au  chare-* 
ticrpourl'appaifer.&:ils'enalla,penfantquece  qu'on  luy  auoit  dit  d'Alphonfe,  eftoit 
vray,  Luy  aulTî  auec  vnfien  compagnon,  qui  le  iourdedeuant  eftoit  venu  à  Aufbourg 
auec  Alphonfè  fur  le  mefme  chariot,  fe  mit  en  chemin  pour  retourner  à  Ncubourg* 
Enuiron  midy  ils  arriucrét  en  vne  bourgade  nommée  Bothmes ,  qui  eft  prcfque  au  mi- 
lieu du  chemin  entre  Aufbourg  &:  Ncubourg  >&  cftdiftante  del'vn&de  l'autre  enui- 
ron de  trois  lieues.  Là  ils  trouucrent  Alphonfc  en  l  hoftellerie  contre  toute  efpcrance, 
lequel  eftoit  encores  à  table,  6c  ceux  qui  eftoyét  venus  auec  luy,fon  bourreau  6c  le  mel- 
fager  d'Aufbourg,lcquclils  menoyent  auec  eux  tans  qu'il  feuft  rien  de  leurs  entreprifes. 
Auec  ce  il  y  auoit  le  Curé  ou  le  vicaire  du  lieu  ,3c  d'autres  qui  banquetoyent  auec  eux. 
Alphonfe  voyant  le  charetier  6c  fon  compagnon, fut  grandement  troublé  :  6c  craignoit 
que  ce  qu'il  auoit  conceu  en  fon  entendement,  nefuft  empefché  ou  retardé  parleur 
moyen.Mais  il  fit  la  meilleure  mine  qu'il  peut,8£  pria  le  charetier  6c  fon  compagnon  de 
ce  mettre  à  table:  ce  que  de  premier  coup  ils  refulerét  de  faire, tant  pource  qu'il  y  auoit 
là  défia  beaucoup  de  gens,que  pource  qu'ils  vouloyet  eftre  de  bône  heure  à  Neubourg 
Or  illes  prefTa  tant  qu'il  les  fit  feoir.  Il  eftoit  libéral  à  payer  pour  les  autres:  d'autre  part, 
la  vertu  &:  fain&eté  de  Iean  Diazc  fon  frère  eftoit  cognue  de  tous ,  ainfi  la  libéralité  de 
luy  &C  l'honnefteté  de  l'autre  auoyent  tellement  attire  les  cœurs  des  hômcs,qu'à  grand* 
peine  pour  lors  y  en  auoit-il  vn  feul  en  toute  cefte  rcgion,.qui  ne  defiraft  gratifier  à  tous 
deux.Durât  le  difné  ce  traiftre  forgea  vn  nouueau  méfonge  6c  s'adrcila  au  charetier,& 

D.iii. 


Liurt^lL  Jean  Dia^j. 

luy  dit  qu'il  luy  eftoit  furuenuvn  affaire  de  fort  grande  importance, duquel  il  dcuoitàcU 
uertir  Ion  fre  re  de  ce  lieu-la.  Mais  pource  qu'en  ce  mefmc  lieu  il  luy  falloir  eferire  quel- 
ques choies  qui  feruoyent  à  ccft  affaire,  auquel  lieu  il  auoit  délibère  de  demeurer  tout 
ce  iour-la,  il  pria  inftamment  le  chai  ctier&:  l'on  compagnon  ,  qu'il  ne  leur  luit  grief  de 
demeurer  cciour  auec  eux:&  le  tout  feferoit  à  fes  dcfpés,  afin  que  le  lendemain  il  peuft 
mander  à  l'on  frère  ce  qu'il  vouloit  par  eux,  lelqucls  il  cognoillbit  ges  fidèles.  Combien 
que  le  charctier&:  Ion  compagnon  eulfcnt  grand  defir  de  retourner  en  leurs  maifons: 
toute  fois  pour  gratifier  à  Alphonfc  qui  les  prioit  fi  inftamment,  voulurct  bien  demeu- 
rer cciour  la  auec  eux.  Celafutarrcllécntr'eux  .&  après  difné  chacun  s'en  alla  à  fes  af- 
faires. Le  chareticr  alla  d'vn  collé  :  mais  Alphonfe  &:  fon  bourreau  penfoyent  bien  à  d'- 
autres choies  beaucoup  plus  horribles.  Ils  conlultoycnt  par  quel  moyen  ils  pourroyent 
occirlcan  Diazc.&:  pource  qu'ils  voyoyent  quvnc  grande  cfpee  ou  long  ballon  nefe- 
roit  pas  propre  pour  ce  faire,  ils  délibérèrent  d'acheter  en  ce  lieu-la  vnc  cognée  ou  ha- 
chette pour  commettre  ce  meurtre.  Mais  cncoresily  eut  ici  de.  la  difficulté  .  car  ils  ne 
voulurent  acheter  ce  ballon  derouuricr  qui  les  vendoir,  de  peur  que  par  telle  occafion 
il  n'cntrall  en  foufpeçon  .  Ilstrouuerent  cfauenture  vn  charpentier  en  fa  boutique 
faifantlabefongnc.  iiss'adreirercntàluyj&luydemadcrcnts'ilyauoit  point  d'autres 
cognées  enfamaifon  ,  qui  fuflent  à  vendre.  Le  charpenrier  leur  en  monllra  d'autres, 
delquelles  ils  en  choifirent  vnc,  laquelle  ils  iugeoyent  cftre  fort  propre  pour  commet- 
tre ce  qu'ils  auoyent  en trepris.Or  après  auoir  payé  le  charpentierflequel  depuis  racon- 
ta tout  le  faid)  ils  s'en  retournèrent  en  leur  hoftellerie,  ou  ils  ne  trouuercnt  perfonne 
•  excepté  leur  hofte&:  le  melîager  d'Aufbourg,  qui  eiloir  venu  auec  eux.  Lors  ils  donnè- 
rent à  entendre  à  l'holle  qu'il  leur  falloir  partir  bien-toft  pour  aller  en  quelque  lieu  ,  d'- 
où ils  dcuoycnt  aufli  retourner  tout  incontinent.  Et  pource  qu'ils  ne  vouloyent  trauail- 
ler  leurs  cheuaux  pour  taire  ce  voyage,ils  rrouucret  moyen  d'en  recouurctde  frais  pour 
les  porter.  Apres  que  les  cheuaux  furent  feellez&:  bridez,  Alphonfe,fon  bourreau&le 
Meflager  montèrent  haftiucmcnt.  Ce  meflager  ne  faupit  ce  qu'ils  vouloyent  faire,  &: 
euft  bié  voulu  fe  deffaire  d'eux  s'il  euft  peu .  nôobftat  pource  qu'il  eftoit  dcfrayé,il  eftoic 
content  de  leur  faire  côpagnie.  Sur  le  loir  le  chareticr  retourna  en  fon  hoftellerie  pour 
foupper:&:  ainfi  qu'il  attendoir  Alphonfc  &c  fes  gens,  l'holle  luy  dit  qu'ils  auoyent  pris 
des  cheuaux  fiais,  &  auoyent  laifié  leurs  cheuaux,&:  nclauoitoù  ils  eftoyent  allez: mais 
auoyent  promis  de  retourner  bien-toft.  Le  chareticr  donc  &:  les  autres  qui  eftoyent  en 
ceftchoilellerie,fecontcntans  de  celle  refponfe,foupperent,&:ie  charetier  attendit 
Alphonfe  iniques  au  lédemain,comme  il  auoit  promis.  Ainfi  qu'il  atteloit  fes  cheuaux 
pour  s'en  retourner,  l'holle  voulut  eftrepayé:  &  voici  le  preftrequile  iourde  deuanr  a- 
uoit  difné  auec  Alphonfe  en  celle hoftcllene,furuint,&:  donna  vn  efeu  à  rhofte,qu'il  a- 
uoit  receu  d'Aiphonfe,afin  que  tout  fuft  payé.  L'holle  print  ce  qu'il  luy  appartenoit 
donna  le  relie  au  chareticr,  lequel  attendit  Alphonfe  iufques  àfept  heures. 
1  Or  furces  enrrefaites,  Alphonfe&fesgensarriuerenr  enpeu  de  temps  en  vn  villa- 
ge nommé  V  vcld  jcirchen,  lequel  eft  près  de  la  ville  de  Ncubourg:où  ils  furent  toute  la 
nui£r.  Leiour  luyuantauant  qu'on  ouurift  les  portes,  ils  vindrent  àNeubourg.  Iln'c- 
.  ftoit  encore  grand  iour:  &:  voyans  que  les  portes  de  la  ville  eftoyent  ia  ouuertes ,  ils  des- 
cendirent de  chenal)  &c  attachèrent  à  vnc  haye  leurs  beftes ,  &  laiflerent  là  le  Meflager 
pour  les  garder.  Leferuiteur  d'Alphonfe,aflauoir  fon  bourreau,  print  la  robbe&le 
chappeau  du  Meflagcr,afin  qu'il  ne  fuft  point  cogneu  en  la  ville:&:  eftant  en  cefte  façon 
defguifé,il  enrra  en  la  ville  auec  fon  maiftre.  Le  bourreau  alloit  deuant,  le  meurtrier  le> 
fuyuoit.  car  ils  auoyent  ainfi  accordé  entr'eux,  que  le  cas  feroit  perpétré  de  la  main  de 
ce  bourreau,  qui  eftoit  mieuxduit  pour  ce  faire .  &:  le  meurtrier  fe  tiendroit  près  de  fon 
brigand,  afin  que  fi  lanecefntéleréqueroir.oubienfirenrreprife  nevenoit  point  à  ^p- 
pos,il  le  lécouruft  cependanr.ainfi  donc  Alphonfe  fuyuoit  pas  à  pas  fon  bourreau.  Eftas 
donc  ainfi  defguifez,ils  entrèrent  haftiucmenr  en  la  ville,  &:  arriuerent  en  la  maifon  du 
Miniftrc  où  Diaze  failoit  fon  logis.  Le  bourreau  frappa  à  la  porte ,  &  demanda  au  frère 
du  Miniftre,qui  vint  ouurir  la  porte,où  eftoit  Iea  Diaze:&  difoit  qu'il  apportoit  des  let- 
tres de  fô  frère  Alphonfe  pour  luy  bailler.Le  garço  fefpôdit  q  IeanDiaze  eftoit  encores 
au  Ji&.Mais  pource  q  ce  garço  cognoifïbit  ce  bourreau  &  fon  maiftre  aufîi:le  voyat  ainfi 
defguifc,luy  demada  que  fignifîoyent  ces  nouucaux  accouftremens.  Le  bourreau  pour 

tçutç 


Jean  DiAt-J  *S& 

toute  rcfponfc  contraignit  le  garçon  de  monter  en  haut ,  &:  ce  afin  qu'il  ne  fuit  décelé, 
&c  d'aller  dire  â  Ica  Diaze  qu'il  eftoit  là  auec lettres  d'Alphonfc  fonïrerc.  Apres  que  Ieâ 
Diaze,qui  auoit  fon  amy  couché  auec  luy,eut  entendu  cela, il  fortit  du  lift  en  plein  fur* 
làut,ayant  grand  de (ir  de  iàuoir  ce  que  Ton  frère  luy  mandoit,&:  pour  la  halte  qu'il  auoit 
il  ne  print  aucuns  habillemens  fur  foy,  finon  vn  manteau  bien  leger.  Et  eftant  ainii  ac- 
couftré  fortit  horsde  la  chambre,&:  entra  au  poifle,  qui  eftoit  vis  à  vis  de  la  chambre,&: 
là  il  vouloit  recueillir  lefcruiteurdeibn  frère.  Finalement  ce  bourreau  monta  en  hautj 
eftant  conduit  par  ce  ieune  garçon,duquel il  a  cité  parle  cy  deiîus,lcquel  fembloit  bien 
empefeher  ce  forfaift  par  la  prefenec.  Alphonfe  demeura  à  la  porte  en  bas  au  pied  des 
degrez,pour  garder  que  perfonne  ne  montait  en  hautjqui  peuft  donner  cmpclchemér, 
a  fon  bourreau.  Lequel  voyant  quele  garçon  qui  eftoit  làprefent,  lcdeftournoitdc  fai- 
re haftiucment  ce  qu'il  auoit  à  faire, l'enuoya  quérir  de  l'eau  à  la  fontaine .  Apres  que  le 
garçon  fut  party ,  ce  brigand  fe  voyant  feul  auec  Iean  Diaze,  luy  prefenta  les  lettres  de 
fon  frère  Alphonfe,lequel  il  difoit  eftreà  Aufbourg:  &;  nonobftant  le  meurtrier  detefta 
blc  n'eftoit  pas  loin  de  fon  frère  innocent:  car  il  eftoit  au  pied  des  degrez.  Or  Iean  Dia- 
ze print  les  lettres:  &:  pourec  qu'il  ne  faifoit  pas  encorcs  bien  clair ,  il  voulut  approcher 
de  la  feneftre,afin  qu'il  peuft  plus  facilement  lire  ce  qui  eftoit  contenu  es  lettres. Com- 
me depuis  nous  auons  bien  feu,  le  contenu  d'icelles  eftoit  tel:  Alphonfe  fon  frère  luy 
madoit  qu'aufli  toft  qu'il  eftoit  venu  à  Aufbourg,on  l'auoit  aduerty  que  fon  frère  eftoit 
en  grand  danger:&  eftant  efmeu  d'amitié  fraternelle,  il  luy  enuoyoit  fon  home  expref- 
fement»pour  l'aduertir  qu'il  fe  donnait  garde  des  entreprifes  de  Maluenda,du  Péniten- 
cier^ autres  femblables:lefquels  tous  comme  ennemis  du  Fils  de  Dieu,tafchoyent  en 
toutes  fortes  de  le  faire  mettre  à  mort,  à  caufedela  vraye  religion  de  laquelle  il  fai- 
foit profelîlon  .Ily  auoit  auflien  ces  faunes  lettres  d'autres  parolles  frauduleufes  Irai- 
fans  à  ce  propos.Finalement  ainlî  que  Iean  Diaze  s  amufoit  à  lire  ces  lettres ,  ce  bour- 
reau qui  eftoit  derrière  luy,defploya  fa  hachctte,laqucjle  il  tenoit  cachée  fous  farobbe, 
&c  en  frappa  ce  fainct  perfonnage  en  la  temple  dextre:  &:  la  hachette  ou  coignee  entra 
iufqucs  au  manche. Pource  que  tous  les  organes  des  fens  furent  en  vn  moment  blcflez 
&c  totalement  deftruifts  au  ccrueau,ce  bon  feruitcur  &:  tefmoin  de  IcfusChnft  ne  peut 
mettre  hors  vn  feul  cry.  Apres  cela,  afin  que  le  corps  qui  eftoit  prcfquc  mort,  ne  tobaft 
de  fon  haut  en  terre,&:  ne  fift  bruit  furie  planché  de  la  maifon ,  &:  que  par  celte  occafiô 
les  meurtriers  ne  fuftent  furprins  en  leur  forfaift:  ce  bourreau  qui  auoit  fait  le  coup,em 
poignale  corps  des  deux  mains,&:  le  pofa  en  terre  rout  bellement:&  laifla  la  coignee  en 
la  tefte  d'iceluy  au  milieu  du  poifle  ,  &:  s'en  retourna  vers  fon  maiftre  fans  faire  bruit,le- 
quel  Jattendoit  au  pied  des  degrez  en  bas. Tout  cecy  fut  fait  fi  haftiuement,que  cepen- 
dant nul  n'y  peut  futuenir,  non  pas  ouyr  ce  qui  auoit  efté  fait. Son  amy  qui  eftoit  demeu 
rç  au  lift,efmeu  de  quelque  foufpeçon,  faillit  hors  du  lift,  &c  ayant  pris  fe*  îabillemcns, 
voulut  entrer  au  poifle ,  pour  voir  ce  que  fon  amy  Iean  Diaze  faifoit .  Eftant  donc  forty 
de  la  chambre  ,  premièrement  il  ouit  les  efpcrons  des  meurtriers ,  qui  eftoyent  encore  gne  d'étrer 
en  bas  au  pied  des  degrez:  &:  pource  qu'il  ne  fauoit  s'ils  montoyent  ou  defeendoyent,  il  j"^^' 
ferma  la  porte  du  haut  des  degrez,&:  entra  au  poifle  pour  s'habiller .  Or  eftant  entré,&  bre  c  ù  font 
voyant  ce  trifte  fpeftacle,aifauoir  le  corps  de  fon  amy  gifant  en  terre,il  fut  tout  furprins  fcs  liûï* 
de  frayeur  &;  l'eftonncmcnt  luy  fît  tomber  les  veftemens  hors  des  mains,  &c  perdit  lapa 
rolle.Alafin  reprenant  haleine,approcha  de  fon  amy ,  lequel  il  voyoit  gifant  par  terre, 
ayant  les  mains  pliees,leuat  les  yeux  au  ciel,côme  s'il  euft  voulu  prier.  Lors  ceft  a  m  y  da 
Piaze  fe  print  à  larmoyer,&:  tira  la  hache  qui  eftoit  encores  fichée  en  la  tefte ,  &:  regar- 
da s'il  y  auoit  encore  quelque  eft^rit  vital  au  corps  d'iceluy , Or  il  cognut  qu'il  y  auoit  en- 
core quelque  peu  de  mouuement  >  qui  dura  bien  enuiron  l'efpace  d'vne  heure.  Cepen- 
dant comme  s'il  euft  voulu  implorer  la  bonté  &c  mifericorde  de  Dieu,  il  tourna  fesyeux 
•vers  le  ciel.&:  quand  il  oyoit  parler  de  Dieu,il  faifoit  quelque  petit  ligne  de  fes  yeux:  par 
cela  donnant  bien  à  entendre,  que  ç  eftoit  tout  fon  defir,  &:  tout  le  but  où  il  tendoit.Sô 
amy  appela  foudain  les  gens  delamaifon,lequel  virent  ce  fafcheux  fpe£tacle&:  forfaift 
exécrable.  Les  voifins  en  furent  aduertis  de  li  bonne  heure^qucJe  bruit  eftoit  tout  ef- 
pandu  par  toute  la  rue,  auant  que  les  meurtriers  euflent  loifîr  de  fortir  hors  des  portes  LCm 
de  la  ville.  Peu  à  peu  l'affaire  fut  rapporté  auMagiftrat  de  la  ville,&:  aufsi  au  gouuorneur  de  Diaze 
du  chafteau,  ayant  charge  de  par  le  feigneur  Ottho  Henry  conte  Palatin.  Ceux-cy,  qui  man,fcft 
eftoyent  honneftes  pcrfonnages,fi  bien  inftituez  en  la  vraye  religion  :  qui  fauoyent  aul- 

P.iiu, 


La  fnankte 

d'Alcrtu- 


curtr© 


Littrcjll.  Jean  Dia%ç_j. 

fi  que  Ican  Diazc  cftoit  bien  aime  du  Conte,Prmce  vrayement  Chreftiefl,  ordortnerée 
haftiuemcnt  des  gens  de  cheual,lefquels  à  grade  courfc  deuflent  pourfuyurc  ces  meur- 
criers  &:  brigans  .Pour  ceftecaufe,  depuis  que  le  meurtre  fut  fait  iufqucs  au  temps  que 
ces  gens  montèrent  à  chcual  pour  faire  diligence  de  pourfuiure  ccsbourrcaux,à  grand' 
peine  y  eut-il  vnc  demie  heure  d'efpace  entre-deux .  ^  Or  ces  meurtriers  qui  alloyent 
dcuant,ainii  que  fept heures  fonnoycnt,cftoyent  délia  arnuez en  la  bourgade  de  Both 
mes, où  ils  trou.ucrét  le  charetier  preft  pour  s'en  retourner  àNcubourg)&:  auoit  iufqucs 
à  celle  hcurc-la  attédu  A  Iphonfe.  Le  charetier  voyant  le  frère  de  Icâ  Diazc  &  l'on  bout 
rcau  ainli  courans  haftiucmcnt,&:  les  cheuauxfuans  de  tous  codez,  &  leurs  yeux  chan- 
gez^ leur  couleur  muec  en  la  face,penl"a  bien  qu'ils  auoyentcômis  quelque  mefehan- 
ceté  horrible. Mais  pource  qu'il  n'en  eftoir  point  ccrtain,il  remit  en  Ion  cœur  cefte  pen 
("ce  qui  n  cftoit  pas  allez  ferme:&  demanda  à  Alphonfe  s'il  vouloit  mader  quelque  cho- 
ie à  lonrrerc.Ce  meurtrier  ne  peut  relpondrc  vnlcul  mot:mais  feulement  il  fignifîoit  à 
Ion  bourreau  qu'il  fe  talloit  hafter.Et  lailfans  là  les  cheuaux  de  loage,qui  cftoyét  las ,  ils 
montèrent  haftiuement  fur  leurs  cheuaux,  qui  cftoyent  feiournez&:  bien  refaits,  &;  vin 
drent  en  grande  diligence  à  Aufbourg.Lc  charetier  trouua  furie  chemin  deNcubourg 
Les  meur-  bic-toft  après  le  mciïàgcr  d'Aufbourg,qui  cftoit  bic  las,&  n  auoit  iamais  peu  atteindre 
tr.<rs  vie.  ces  meurtriers  &c  brigans  qui  couroyent  trop  vifte  pourluy.  ^Orlesgés  de  Neubourg 
boùr 3  *ïu'  Pourujyuoycat  autres  eftans  arriuez à  Aufbourg,ouyrent  des  nouue!lcs,que  cesi 
bourreaux  cftoyent  long  temps  auparauant  palfcz  plus  outre.&confulterent  cnfcmblç 
s'ils  s'en  deuoycnt  retourner,d'autat  qu'ils  fe  defloyent  de  pouuoir  atteindre  les  autres 
qui  couroy  en  t  deuat  eux. Mais  entre  eux  il  y  en  auoit  vn  plus  ieunc  que  les  autres ,  nom 
m  k)w\  m é  Michel  Herpfer,lequ  el  efmeu  de  plus  grand  zele  que  les  autres,  refpôd it ,  Mes  amis 
Herpfer.  vous  pourrez  retourner,!!  bon  vous  femble:&:  de  mapart  il  me  fcmble  que  le  deuez  fai- 
re ainli.Car  félon  mon  iugement ,  vn  feul  pourra  bien  donner  ordre  à  ceft  affaire ,  voire 
autant  que  s'il  y  en  auoit  plufieurs ,  pourueu  qu'il  s'y  employé  &  fidèlement  &:  diligem- 
met. le  pren  cecy  fur  ma  charge,&  vous  promets  que  ie  ne  lairray  rien  de  tout  ce  que  ic 
pourray,ains  m'y  employeray  autat  que  mes  forces  &c  ma  vie  s  y  pourrôt  cflcndre:  &c  ne 
cefleray  iufques  à  ce  que  i'auray  atteint  ces  meurtriers.  Ayant  dit  cela  il  monta  haftiuc- 
ment  à  chenal,  &:  courut  après  les  autres ,  &  chemina  tout  ce  iour  iufqucs  à  la  nuift  :  &£ 
fît  tant  qu'il  vint  en  vne  ville  où  cftoyét  les  meurtricrs.il  fît  appeler  l'hofte,en  la  maifon 
duquel  cftoyét  logez  ces  brigans.  l'hofte  luy  dit  que  les  autres  dormoyent,  6c  qu'ils  auo- 
yent  dit  aux  feruiteurs  de  les  reueiller  auant  fcfpace  d'vne  hcurc.Michc  1  aduertit  ceft 
hofte  que  c'eftoyent  homes  mefchans,qui  a.uoyét  fait  vne  mefehanecté  i\  grade ,  qu'on 
n'en  pourroitracôtervncautrefcmblabledelamemoiredeshommcs:puisluy  dit  qu'- 
il ne  fut  femblant  de  rien. mais  qu'il  les  laiffaft  dormir  deux  bonnes  heures.  &  cependâç 
il  lia  les  pieds  des  cheuaux  de  drapeaux, de  peur  qu'ils  ne  fîifent  bruit  :  &c  quad  &C  quand 
monta  à  cheual  s'en  alla  en  grande  diligéee  en  la  ville  où  les  autres  dcuoyet  arriucr. 
Incontinent  qu'il  fut  là  ardue, il  aduertit  les  Magiftrats  du  lieu, du  meurtre  horrible ,  & 
imploralcur  aide,à  ce  qu'vn  tel  forfaict  ne  demeuraft  impuny .  Le  Magiftrat  promit  de 
faire  ion  office. Peu  de  temps  après  ces  meurtriers  arriuerent.Ily  auoit  délia  desgensen 
armcs,preparez  pour  les  empoigner,  ils  allerét  dôc  au  logis  où  ces  meurtriers  cftoyét 
defcendus,&:  l'enu!ronnerent,afîn  qu'ils  ne  peufTent  efchapper.  Les  officiers  auffi  de  la 
feigneuriemonteréten  haut  pour  faifir  ces  bourreaux,  lefquels  fevoyasainfî  apprehen 
Lciidcz/  dez,commenccrent  à  s  efcner&  obtefter  &:  ciel  &c  terre,  qu'ils  eftoyent  gentils-homes 
ambafTadeurs  de  la  maiefté  Impériale ,  enuoycz  pour  traiter  affaires  de  grande  impor- 
tance y&C  faluraires  à  toute  la  republique.  ^Ces  hauts  cris  &  menfonges  forcez  n'eu- 
rent point  de  lieu  enuers  ceux  qui  fauoycnt  quel  meurtre  ils  auoyent  perpètre.  Ils  faifî- 
rent  donc  Alphonfe  le  premier,  qui  ne  pouuoitrefifter  aux  officiers  :  mais  il  y  eut  plus 
grande  difficulté  à  prendre  le  bourreau ,  qui  eftoit  vn  hardy  pendart ,  &  refifta  fort  aux 
fergeans.  toutefois  après  auoir  allez  longuement  combatu ,  &  receu  quelques  coups,il 
fut  empoigné.  A  près  que  ces  meurtriers  furent  ferrez  en  pnfon,  Michel  Herpfer,quia- 
uoit  fait  toute  diligence, retourna  viftement  à  Neubourg ,  &:  raconta  ce  auil  auoit  fait.' 
Le  Magiftrat  de  Neubourg  en  aduertit  aulli  le  côte  Palatin, qui  cftoitgrândemét  mar- 
ry  de  la  mort  de  ce  bon  perfonnage.  Aulîl  toit  qu'il  entendit  que  ces  brigans  eftoyçt  pri 
fonniers,il  mâda  qu'on  n'efpargnaft  rien  pour  la  pourfuitte.  Ainli  deirx  perfonnages  no- 
tables furent  ordonnez  de  la  ville  de  Ncubourg,lefquels  arriuerent  le  i  .iour  d' Auril  en. 

lavuV 


L  s  meur 
tappre 


Jean  Dia^A.  /ffi 

la  ville  où  ces  brigans  eftoyenr  derenus,&:  intentèrent  procès  criminel  cotre  eux .  Ils  a- 
uoyent  porté  aucc  eux  le  bônet  de  nuittde  Ican  Diazc,lcs  faunes  lettres  de  l'on  frere,&  J^di^*" 
la  cognée  ou  hachettc,qui  eftoit  encores  toute  fanglâtc.à  celle  fin  que  fi  d'auenturc  ces  «leurtre, 
homicides  nioyent  le  faid,ils  fù  fient  conueincus  par  certains  teimoignnges. cependant 
on  accorda  à  Alphôfe  d'eferire  lettres  aux  cardinaux  de  Trctc  &  d' Aufbourg ,  lefquels 
firent  tout  ce  qu'ils  peurent  pour  deliurer  ces  meurtriers  de  la  mort  qu'ils  auoyent  bien 
méritée. Pour  le  faire  courr,quelque  pourfuitte  que  p eu ilcnt  faire  les  ambaifadeurs  de 
Neubourg,ils  ne  peurent  iamais  obtenir  que  ces  meurtriers  fulTent  punis  félon  leur  me 
rite.  Mais  pource  que  tels  meutres  trouuent  affez  de  protecteurs  au  monde ,  duquel  le 
diablecft  le  prince:aufTi  ces  brigans  trpuuerent  aflez  de  faueur  enuers  les  luges  du  lieu 
où  ils  furent  pris. Lefquels  après  plufieurs  délais  rrouffes  produifirent  finalement  let  tuernîou* 
très  dcrEmpcreur,lequeleftant  folicité  par  le  grand  meurtrier  de  Romc,&:  aucûs  Car-  uéc  fautur. 
dinauxfescoppe-gorges,  vouloir  que  tour  ce  procès  fut  fufpendu,  &:  que  luy  aucc  fon 
frère  Ferdinand(fous  la  iurildithon  duquel  ces  meurrriers  aùoyenr  efté  pris)euoquoic 
à  foy  la  cognoiftance,Or  nous  voyons  icy  vn  exemple  propofé  deuant  nos  ycux,lequcl: 
eft  admirable  en  plufieurs  forresrd'vn  cofté  plein  de  fraude,  cruauré,  malice  &c  impieté 
d'autre  part  plein  de  grande  innocence,manfuetude,conftancc,  vraye  religion ,  gloire 
&  grauité.Car  fi  nous  confiderons  le  forfaid  horrible  d'A lphonfe ,  nous  trouuerôs  que 
iamais  on  n'ouit  parler  d'vn  tel:  &c  que  le  diable  mefme  ne  pourroit  forger  des  menées 
plus  exécrables.  D'aurre  part  fi  nous  regardons  la  verru  admirable  de  Iean  Diazcvray 
marryr  du  Fils  de  Dicu,nous  rrouuerons  que  ç'a  efté  vn  homme  auranr  bénin ,  aurant 
graue,conftant  &:  religieux ,  que  maintenant  on  pourroit  pe*nfer.  ^Erpour  refmoi- 
gnage  de  fa  doctrine ,  Dieu  à  voulu  (  qui  eft  chofe  notable  )  cependant  qu'il  fur  de  fe- 
iour  à  Neubourg ,  qu'il  air  eferir  Se  publié  par  imprefîîon  en  ladide  ville  auanr  mourir, 
vne  côfefsion, comme  mémorial  perperuel  à  tous  fidèles  des  grâces  qu'il  auoit  receues 
du  Seigneur.Nous  l'auons  ainfi  infereefur  la  fin  de  l'hiftoire  ,  afin  de  ne  rompre  le  fil  du 
difeours  des  circonftances  d'icelle  fa  foy:  cefte  Cpfefsipn  rraduire  de  Larin  en  François 
comme  s'enfuit: 

Confcfsion  de  fby.qui  eft  vn  fommairc  de  h  religion  Chrefticnnc. 

A  Religion  Chrcftienne  confifte' principalemenrcn  ces  deux  poin&s:  afTauoir 
que  Dieu  foit  deuemenr  feruy  &:  honnoré  :  &:  que  l'homme  fâche  dont  il  doit  at- 
tendre l'on  falut. 

<j"Voicy  quel  nous  difons  eftrc  le  feruice  de  Dieu  :  le  principal  fondement  duquel  eft  Lei.poinft 
de  recognoiftre  Dieu  comme  fource  &:  fonrainc  vnique  de  toure  vertu, îuftice,  iain&e- 
té,fapiencc,vcrité  puiilnncc,bontc,clemence,vie  &  làlut:&:  pour  cefte  raifon  luy  arrri- 
buer  enriercmenr  la  gloire  de  routes  fortes  de  biens ,  cercher  routes  chofes  en  luy  feul, 
&:  par  confequent  fc  fier  U  mettre  l'on  cfperance  en  luy  feul,  de  tout  ce  que  nous  auons 
befoin.De  la  procède  l'inuocation  de  Dieu, la  louange  &:  a&iô  de  grâces.  Ces  rrois  cho-  JjJUJ" da 
fes  fonr  refmoignages  de  cefte  gloire  que  nous  luy  attribuons. Et  c'eft-cy  la  vraye  fan&i* 
ficarion  d-e  fon  Nom, laquelle  il  requierr  de  nous  fur  roures  chofes:  $c  laquelle  nous  de- 
mandons rous  les  iours  en  l'oraifon  Dominicale,quand  nous  difons,7o»»om  foitfanclifié* 
Cefte  fan&ificatiô  du  no  de  Dieu  a  l'adoration  coniointe  auec  foy,par  laqu  elle  nous  luy 
prefentons  vne  rcuerence  digne  de  fa  grandeur  &  excellence.  A  laquelle  ferucntlesce 
remonies  comme  aides  ou  inftrumens,  à  ce  que  le  corps  foit  exercé  auec  l'cfprit  à  ren- 
dre tefmoignage  du  feruice  de  Dieu.Er  par  manière  de  dire,  nous-nous  prefenrons  par 
l'ceiles  deuanr  la  face  de  Dieu,&  proreftons  fingulieremenr  en  la  compagnie  des  fide- 
le$,quenousleferuons:&:leprincipal  que  nous  faifons  en  cela, c'eft  que  nous impcrriôs 
pardon  de  ce  ç»ue  rar  de  fois  &  en  ranr  de  diuerfes  forres  nous-nous  fommes  deftourneZ 
de  l'obeiftance  de  fa  parolle  &c  fes  ordonnances  en  nos  autres  operarios.  Puis  après  s'en* 
fuir  l'abnégation  de  nous-mefmes,  à  ce  que  renonçans  à  noftre  enair  &c  au  mode ,  nous 
foyôs  Transformez  en  nouueauté  d'efprit:afin  que  ne  viuions  plus  à  nous-mefmes  ,  ain$ 
que  nous-nous  refignips  du  routâ  noftre  bô  Dieu,pour  eftre  côduirs  &c  gouuernez  par 
luy.  Orparvne  relie  abnégation  nous  fommes  préparez  à  rendre  prompre  obeiftance 
&c  feruice  volonraire  à  fa  bpnne&:  fain&e  volonré-.en  relie  forre  que  la  crainre règne  en 
noseceurs,  &gouuerne  toutes  les  opérations  de  noftre  vie.  Car  là  où  eft  la  crainre  de 
Pieu,  làilyaaufsicommencemenr  defalur. 

yoila  en  quoy  confifte  le  vray  &  pur  feruice  de  Dieu  :  lequel  feul  Dieu  approuue ,  U 


Le  II. 


L  /«ro  //•  Enfmas,  dit  Driander. 

auquel  feul  il  prend  (on  bon  plaifir.Et  le  faind  Efprit  enfeigne  cela  partout  es  faindes 
Efcritures:&:  le  fentiment  de  la  crainte  &reuererfce  de  Dieu,  nous  fait  entendre  cela 
mefme  fans  en  faire  longue  difputation.Et  n'y  a  point  eu  vne  autre  façô  de  feruir  Dieu 
depuis  le  commcncement,(inon  qu'il  y  a  cefte  dirFerécc,que  cefteverité  fpirituelle  que 
nous  auons  limple  &  nue,c  ltoit  enueloppee  de  plufieurs  figures  fous  le  vieil  Tcftamcr. 

teau  Et  c'eft  ce  que  lignifîct  les  parolles  de  Iefus  Chrift,Lc  teps  eft  venu  que  les  vrais  adora- 
*  teurs  adoreront  le  Pcrc  en  efprit  ô£verité.Or  il  n'a  point  toutefois  voulu  nier  par  ces  pa 
rollesque  JcsPeres  l'aycc  adoré  pat  cefte  façô  fpirituelle-.mais  il  a  bien  voulu  feulement 
monftrer  la  différence  qui  eftoit  en  la  forme  extérieure:^  au  lieu  que  les  Pères  anciens 
ont  eu  f  efprit  couuert  de  plulicurs  figures,  nous  l'auons  fans  ombres  &  figures  .Et  par 
ce  moyen  cecy  a  toufioui  s  eu  lieu, que  Dieu,  qui  cft  efprit,  doit  eftre  adoréen  efprit  ôc 
vérité. Outreplus,il  y  a  vne  reigle  générale,  laquelle  difeerne  bienle  pur&  vray  feruice 
de  Dieu  du  feruice  corrompu  &:  baftard:  c'eft  que  nous  ne  forgions  ce  qui  nous  femble- 

Dfu.4,&  n  ra  bon, mais  que  nous  regardions  ce  que  nous  ordonne  celuy  qui  feul  a  puilîance  de  co- 
mander  &  faire  des  ordonnances. 

T  E  fécond  membre  de  la  dodrine  Chrefticnne  &:  pure  gift  en  cecy,quand  l'homme 
entéd  &:  cognoift  où  ii  faut  qu'il  cerche  fon  falut.Or  la  cognoilfance  de  noftre  falut 
côfifte  en  ces  trois  poindsraflauoir  Au  fentimet  de  noftre  propre  mifere,En  la  cognoif- 
fance  delefusChrift,  Et  la  certaine  &ferme  fiance  en  iceluy.Le  premier  degré  pour  vc 
nir  à  recouurcr  lancé &: guerifon,c'eft  de  fe  cognoiftre  cftre  malade.  Parquoy  il  faut cô- 
mencer  parle  fentiment  de  fa  propre  miferedequel  nous  doit  amener  iufques  là,  que 
nous  abbattions  nos  courages,  comme  eftans  morts.Et  cela  fe  fait,  quand  on  nous  mô- 
ftre  la  corruption  héréditaire  &:originelle  de  noftre  nature,qui  eft  la  racine  &:  fontaine 
de  tous  maux. Laquelle  engendre  en  nous  la  defHance,rcbellion  contre  Dieu,orgucil,a 
uarice,impudiciré)&:  toutes  fortes  de  cupiditczperuerfesdaquellc  nous  fait  reculer  de 
toute  droiture  &iuftice,&:  nous  tient  captifs  fous  le  ioug  de  péché:  quand  vn  chacun 
void  fes  péchez  ouuertement  de  fcouuers,  à  ce  qu'eftant  confus  &  ayant  honte  de  fa  tur 
pitude,il  fojt  contraint  de  fe  defp]aire,&:  auoir  en  horreur  fa  perlonne,&:  n'eftimer  nul- 
lement tout  le  bien  qui  peut  eftre  en  luy. Outreplus  à  l'oppoute,les  confeiéces  font  ad- 
iournees  pour  côparoiftre  deuant  le  iugement  de  Dieu,  à  celle  fin  que  cognoifTans  leur 
maledi&ion,&  comme  ayans  receu  les  nouuelles  de  la  mort  éternelle  , elles  apprennét 
d'auoir  en  horreur  le  courroux  de  Dieu.C'eft-cy  (dy-ie)  le  premier  degré  pour  paruenir 
dlglc  pour  *  falut: affauoir  que  les  homes  eftans  abbatus  en  eux-mefmes,&eftonncz  de  frayeur  def 
paruenir  à  efperent  detous  les  aides  de  la  chair:&  nonobftant  qu'ils  ne  s'opiniaftrent  point  contre 
iiiau  le  iugement  horrible  de  Dieu,ou  qu'ils  ne  fe  rendent  ftupides,  corne  n'ayans  plus  de  do 
leance:mais  qu'auec  tremblemens  ils  gemiffent  de  douleur,&  que  de  tout  leur  defir  ils 
afpirent  au  remede,qui  eft  Iefus  Chrift.  Apres  cela  f  homme  doit  montcr.au  fécond  de- 
gré.Cela  fe  fait  quand  par  la  cognoiffance  de  Icfu  s  Chrift  il  fe  redrefTe,  &:  reprend  halei 
ne. Car  quand  l'homme  eft  ainii  abbatu  &:  humilié,comme  nous  auons  dit ,  il  ne  luy  rc- 
fte  linon  qu'il  fe  retourne  au  Seigneur  Iefus,  afin  que  par  le  moyen  d'iceluy  il  foit  de- 
liuré  de  fa  mifere.  Cepédant  toutefois  lors  feulemét  on  cerche  fon  falut  en  Iefus  Chrift, 
quand  on  cognoift  bien  quelle  eft  fa  vertu,  quand  on  le  cognoit  pour  facrificateurou 
médiateur  vniquc,par  lequel  les  hommes  foyent  reconciliez  au  Pere:  quand  on  co- 
gnoift que  fa  mort  eft  la  feule  oblation  pour  les  péchez,  par  laquellenous  obtenons 
grâce  enuers  Dieu  :  par  laquelle  il  a  cfté  fatisfait  au  iugement  de  Dieu,  &:  la  vraye  & 
parfaite  iuftice  eft  obtenue  .  Car  ceftè  diledion  de  Dieu  enuers  nous  ,  par  laquel- 
le il  nous  a  donne  fon  fils  vnique,  &  a  mis  toutes  nos  ofFcnfes  &£  iuiquitez  fur  luy, 
eft  11  grande  qu'il  n'y  a  cœur  humain  qui  lapuiiTe  comprendre.  Et  le  facrifice  de  Iefus 
Chrift  eft  tant  agréable  &  plaifant,&:de  fl  bonne  odeur,  d'vn  mérite  h*  infini,  d'vne* 
dignité  fi  grande  deuant  les  yeux  de  Dieu  ,que  Dieu  ne  nous  pourra  ou  voudra  damner 
moyennant  que  nous  croyons  en  Iefus  Chrift  fon  flls.Et  cefte  oblation  eft  Ci  excellente, 
que  là  où  elle  eft  offerte,  il  n'y  peut  auoir  aucune  condamnation  de  péché,  ny  aucune 
volonté  de  pécher.  Finalement  celuy  cerche  &trouue  vrayement  fon  ialut  en  Iefus 
Chrift,qui  ne  fe  met  en  auant  pour  faire  partage  entre  luy  &:  Iefus  Chrift  :  aflauoir  que 
l'homme  face  la  moitié  de  fon  falut,&  Iefus  Chrift  l'autre:ains  recognoit  que  le  bénéfi- 
ce d'iceluy  eft  gratuit,par  lequel  il  eft  réputé  iufte  deuant  Dieu .  De  ce  degré  il  eft  neceC 
faire  de  monter  iufques  au  troifiemc:afiauoir  que  celuy  qui  a  bien  appris  que  ç  eft  de  la 
grâce  d'iceluy,du  fruid de  fa  mort,&  de  l'efficace  de  fa refurredion ,  fe repofe  en  luy  d- 

vnc 


Jean  ^ia^cj- 

Vne  fiahce  affeuree  &  ferme:  &  ait  cefte  r efolution  en  foy-mefme,que  la  pafïio,la  mort 
&:  refurre&ion  de  lefus  Chrift  eft  fienne:  bref,  que  lefus  Chrift  tout  entier  auec  tous  fe$ 
dons  &  grâces  innumerableseft  tellement  fien,  qu'il  poffede  en  luylaiuftice  &  la  vie 
éternelle. Quand  l'homme  a  vn  tel  lentiment&:  gouft ,  quandpar  viue  foy  il  appréhen- 
de vn  il  excellent  bénéfice  de  lefus  Chrift ,  &C  quand  par  vn  mouuement  vif  de  la  foy  il 
s'eftudic  à  bonnes  œuures ,  àgrand'peine  pourroit-on  dire  quelleconfolation  celaap* 
porte  à  vne  conl'eience  d'vn  fidèle  &Chreftien,&:  comment  il  luy  conferme  &:  augme* 
te  la  fiance  en  lefus  Chrift. 

O  r  il  y  a  trois  autres  chofes  qui  nous  meincn  t  &:  guident  a  ces  trois ,  &c  au  feruice  de 
Dieu:affauoirla  do£trine,adminiftrati6  desSacremês,&:  la  façon  degouuernerrEglife. 
La  doctrine  eft  la  première  en  ceft  ordre,&:  à  bon  droit:  car  ceft  le  fondement  &:  appuy 
des  autres  partics:&:  par  icelle  nous  entendôs  les  eferits  des  Prophètes  &;  Apoft.  c'eftaf 
fauoir  les  liures  canoniqs  tant  du  vieil  que  du  nouueau  Teftamét.Ces  oracles  diuins  irt 
fpirez  par  l'Efprit  deDieu,par  lefquels  Dieu  s'eft  manifefté  au  mode  d'vnc  faç6&  côfeil 
admirable ,  font  la  pierre,l'appuy  &:  le  fondemét  fur  lequel  l'Eglife  de  Dieu  eft  heureu- 
fcmét  baftie,fur  la  principale  pierre  du  coin, qui  eft  lefus  le  Fils  duDieu  viuât:&  tout  ce 
qui  eft  vtile &C nccefîaire  pour  noftrc iuftice &:  falut,eft  pleinemët  &:  parfaitement  con- 
pris  en  ces  eferits.  Ccpedat  nous  ne  laiffons  pas  de  receuoir  ces  trois  Symboles,aiTauoif 
celuy  des  Apoftres,celuy  de  Nicee,  &:  celuy  d'Athanafe ,  corne  vn  fommaire  ou  abbre- 
uiation  de  tous  les  eferits  tant  des  Prophètes  que  des  Apoftres.Nous  receuons  aufliles 
quatre  grans  Conciles,  aflauoirde  Nicee,de  Conftantinoble,d'Ephefc,&:de  Calcedo- 
ne,&  quelques  autres  que  ce  foycnt:pourueu  qu'ils  s  accordent  auec  lafain&e  Efcritu- 
rc,&:  les  décrets  ÔC  ordonnances  defquels  foyent  confermez  par  lestefmoignages  des 
Prophètes  &  Apoftrcs,  Finalement  nous  comprenons  fous  cefte  dodrine  les  docleurs 
Ecclcfiaftiques,lefqucls  ont  eu  fain&e  opinion  de  la  vérité  de  Dieu,comme  Bafilc,Ter 
tulien,Cypricn,Ambroife,Auguftin,Hierome,&:  autres  fcmblables:  en  forte  toutefois 
que  ne  les  receuons  plusauantqu'eux-mefmes  veulent  eftre  receus,  &  que  leurs  opi- 
nions font  authorifees  par  la  fain&e  Efcriture .  ^  Apre  sla  Parolle ,  l'adminiftration 
des  Sacremens,alfauoir  du  Baptefme  &:  de  lafain&e  Cenc,eft  vtile  &  neceffaire  en  TE-  s*«cmci« 
glife. Car  lefus  Chrift  luy  mcfme  lésa  inftitucz& ordonnez,pour  eftre  lignes  &:  inftru- 
mens  de  fa  grade  bencuoléce  enuers  nous,  &  du  mérite  de  ion  obeiiîance  qu'il  â  offert 
pour  nous.Et  vcutque  par  iccux  nous  receuions  fes  bénéfices  excellés,affauoir la  remif 
fiode  nos  péchez  &orfcnfcs>lacômunication  de  Dieu  en  luy  qui  eft  le  Fils  de  Dieu  ,1a 
participation  de  l'Efprit  droit ,  &:  la  benedidion  fur  toute  noftre  vie:  &  dauantage  que 
par  ces  Sacrcmens  nous  l'annoncions  l'vn  à  l'autre,  nous  le  glorifions  &honnorions,&: 
nous  confacrionsdu  tout  en  fonobeilfance,  ^ORquantàla  faconde  gouuernerl'E- 
glife,ellegit  principalement  en  ces  deux  chofes, affauoir  qu'il  y  ait  vn  Prince  ou  Magi-  Gouueme: 
ftrat  fidèle: puis  après  qu'il  y  ait  des  fîdeks  Miniftres  ou  Pafteurs.  Car  fi  le  Prince  ou  Ma  ™ent  «le  r* 
giftrat  eft  fidèle  &c  Chrefticn ,  &  s'il  defire  d'vn  bon  cœur  &  comme  feruiteur  fidèle  de  £sllfe' 
feruir  à  Dieu ,  duquel  il  a  receu  le  glaiue&:  la  puiffance:  lté,  fi  le  Miniftre  ou  Pafteur  eft 
vigilant,s'il  eft  fongneux  au  m  iniftere  de  la  Parolle  ô£  à  inftru  ire  les  ieunes ,  fi  ces  deux 
(dy-ie)font  droitement  leur  office,&:  exercent  leur  vocation  fidèlement,  s  aidans  l'vn  à 
l'autre,àla  vérité  il  fera  bien  facile  de  pouruoirà  l'adminiftration  de  toute  l'Eglife  en 
general,al'inftrucl:ion  dcsenfansauxefcoles(car  çefont-cyles  fèmencesde  l'Eglife  de 
de  la  Republique,  &:  pour  cefte  raifondoiucnt  eftre  diligemment  procurées  tant  pat 
les  Princes  que  parles  Miniftres  )  à  la  correction  des  mœurs,  à  l'excommunication  qui 
eft  principalement  ordônee  pour  cela,à  la  necefîîté  des  pourcs,  aux  aumofnes  qui  doy- 
uent  eftre  diftribuees  par  les  Diacres  aux  malades,au  recueil  des  eftrangiers,aux  chan- 
tres,  &  aux  autres  minifteres  &:  feruices  de  l'Eglife .  Car  fi  le  Prince  ou  Le  Magiftrat  n'â 
l'on  authorité  par  le  miniftere  de  la  Parolle,&:  fi  le  Prince  ne  fait  que  le  Pafteur  foit  hon- 
noré  comme  il  appartint  :  le  Pafteur  ne  pourra  reprendre  l»s  viccs,neredarpier  les  dif- 
folutions  auec  maiefté:  &le  Prince  ne  pourra  corriger  ne  donner  ordre  a  ces  chofes 
quand  il  voudra ,  Et  toutefois  il  eft  bien  certain  que  toutes  ces  chofes  procèdent  &  dé- 
pendit delà  do&rinc.  Car  le  gouuernemet  de  l'Eglife,  la  charge  &C  office  du  Pafteur^: 
le  refte  de  l'ordre  auec  les  Sacremens,font  comme  vn  corps:  &:  cefte  doctrine ,  laquelle 
monftrelareiglede  bien &c purement  feruir  Dieu,làoùlcsconfciences  des  hommes 
(ioiuent  mettre  la  fiance  de  leur  falut,eft  comme  fame,qui  donne  mouuemét  au  corps, 


&  le  rend  vif  &  plein  d efficace^  finalement  fait  que  toutes  chofes  font  faites  par  bort 
ordre  en  l'Eglife.Et  pourtant  les  Miniftres,les  Princes,  les  Magiftrats  &:  tout  le  peuplé 
doiuent  regarder  de  bienpresàem*re\inftituer&:  admettre  des  Parleurs  fidèles.  Car 
quand  le  Pafteur  eft  vigilant,&  fait  fon  office  fidèlement ,  non  feulement  le  peuple  cft 
côtraint  de  faire  fon  deuoir  par  l'authorité  de  la  Parolle,mais  auffi  le  Magiftrat,le  Prîce, 
le  koy&  l'Empereur  mefmejcomme  on  peut  voir  par  l'exemple  de  iàintt  Ambroife,&: 
toute  la  République  par  Juy . Mais  quandla  doctrine  n'a  point  de  lieu, ou  quand  la  Paroi 
le  n'exerce  &:nedefploye  point  fa  vertu,  la  façon  de  gouuernerlEglifcn'eft  point  droi- 
te,toutcs  choies  vont  en  décadence,  comme  nous  filions  veu  cy  deuant,&  le  voyons 
encores  auiourdhuy  en  plufieurs  royaumes  auee  grande  perte  de  plusieurs  ames:ceque 
nous  deuons  grandement  déplorer.  Afin  donc  que  toutes  chofes  foyent  plus  heureufe- 
ment  drefiees  &c  adminiftrees  en  l'Eglife,de  plus  grande  diligence,  embraflons  tous  d'- 
il parolle  vn  grand  courage &:  grans  &c  petis  la  parolle  de  Dieu,non  point  tât  des  bras,  des  mains 
deDicu.  ^  oreilles  externes,que  du  cœur  àc  efprit  intérieur  :  &:  ne  fouffrons nullement  en  quel' 
que  façon  que  ce  foit  d  eftrc  deftournez  d'icelle:  qu'icelle  illumine  les  yeux  des  enten- 
demens  de  tous  comme  lumière  celcfte  :  qu'elle  brufle  és  cœurs  de  tous  comme  vnfeu 
diuimqu'elle  incite  à  bonnes  œuures  &:  dignes  d'vn  homme  Chreftien .  Car  il  aduiédra 
par  ce  moyen  que  Dieu  fera  droite  ment  honnoté,&queles  hommes  s'employans  a- 
pres  leur  falut  aucc  crainte  &  tremblement,fauront  d'où  il  faut  qu'ils  attendent  leur  fa 
Jut.Finalement,non  fculementils  feront  certains  de  la  religion  Chreftienne,la  fomme 
de  laquelle  nous  auons  voulu  comprendre  en  ce  peu  de  parolles:  mais  auffi  prendra 
ordinairement  plus  grans  accroiflèmens  en  eux,  à  la  gloire  de  noftre  Seigneur  Iefus 
Chriftrauquel  foie  honneur,louange&  empire  à  tout  ïamais.  Amen. 


Troifieme  liurede  lhiftoire  des 

^Martyrs  &  des  chofes  aduenues  en  l'Eglifcs  du  Seigneur. 

DeauxdeLviUe  de  M  E         JC:&  àeQ^V  ~4T  O  RZE  Martyrs 
executexjen  icelle. 


Pierre  Le  Cl  e  r  c , 

EsTIENNE  MANGIN, 

Mi  c  helCaillon, 

I  A  Q_V  EsBoVCHEBEC, 

I e  an  Bris  se  barre, 
Henry  Bvtinot, 
FrancoisLeClerc, 


Thomas  Honnors 
IeanBavdovin, 
IeanFlesche, 
Ie  a  n  Pi  q_v  E  r  y  , 
Pie  r  r  e  Pi  q_v  e  r  y, 
IeanMateflon, 
Ph ilippe  Pe  tit. 


M.D. 
XLVI 


E  A  V  X  ville  au  pais  de  Brie ,  à  dix  lieues  de  Paris ,  peut  à  boa 
droit  eftremifc  au  premier  reng de  celles  qui  en  ce  temps  ont 
efté  participantes  des  bénédictions  &:  grâces  celeftes  Par  la  pa- 
rolle de  Dieu.Çt  fe  trouuera  bien  peu  de  lieux  fous  la  tyrannie 
de  l'Antechrift ,  où  la  vérité  ait  efté  fi  fidèlement  annoncée ,  il 
heureufement  receuë,fi  fort  accreué  &;  amplifiée,  fi  conftam- 
ment  défendue  &conferuec.Nous  auons  ci  deuant  dcclar.eT!- 
ordreque  lé  Seigneur  tint  à  illuminer  cefte  ville,  laquelle  au- 
trement n  eft  peuplée  que  d'artifans& gens  trafiquons  en  lai- 
ne.Ceft  que  de  petits  commencemens  de  pieté  qu'elle  receut  depuis  l'euefque  Briçô- 
net,il  s'engendra  vn  ardent  defir  en  plufieurs  perfonnes,tant  hommes  que  femmes,  do 

cognoi- 


Dru 


cognoiftrcla  voycdefalutnouuellcmcnt  rcùe|c:fl  que  les  artilans,commc  cardeurs,pi 
gneurs  &  foulions  n'auoyelit  autre  exercice  en  trauaillanr  de  leurs  mains,que  conférer 
dclaparolledeDicu,&  fcconlolercnicelle.  Ht  ipccialcment  Dimanches  &c  feftese-  La 
ftoyent  employées  à  lire  les  Efcrirurcs,&  à  s'enquérir  de  la  bonne  volonté  du  Seigneur. 
Pluiicurs  des  villages  faifoyentlefemblable:  enforte  qu'on  voyoït  en  ce  dioeele  la  re- 
luire vnc  image  d  Fglifcrenouuclcc.Car  la  Parollcde  Dieu  non  feulement  y  cftoitpref 
cheemaisaufli  pratic]ucc,attendu  que  toutes  œuurcs  de  charité  &  dilccbô  s'e  xerçovec 
là, les  mœurs  fe  reformoyent  de  iour  en  iour,8j  les  fuperftitions  s'en  alloyent  bas.  <j  Ce- 
pcndantla  renommeedece  grandbien  s'cfpandoit  par  la  France, &eitoit  auxvnso- 
deurdcvic,à  vitraux  autres,odcur  de  mort, à  mort.la  femence  de  l'Euangilc  gcrmoit&: 
fru&ificutdeplusen  plus,àlac6folatiodcs  clleus,iufqucsàcequc  Sata  ennemy  de  tout 
bien, voyant  approcher  la  ruine  totale  de  fon  royaume ,  elmcut  fes  organes  accouftu- 
mez,  aifauoir  les  Cordeliers(qui  intentèrent  procès  en  la  cour  de  Parlement  contre  1- 
Euefque,lequel ils  pretendoyent  prouucr  hérétique  )  les  docteurs  Sorboniques  &:  au- 
tres. RçuoJ 

E  t  tout  premièrement  il  accabla  rEucfque  par  vnc  rcuoltemalheureufe: puis  s'at-  ivuefijue" 
tacha  aux  au  très, qu'il  trouua  plus  fermes  &:  conftans  en  la  foy .  Les  vns  il  fit  bruflcr,cô-  Bnçonnet, 
mecideuantà  cftéditd'vn  ieune  regent  qu'on  nommoit  vulgairement  M.  laques. Les 
autres  furent  fouettez,  efchafFaudez  ou  bannis  .  Bref ,  les  ennemis  de  l'Euangilc  ne  cef 
ferent  nifqu'à  ce  qu'ils  curent  ofté  toute  liberté  d'annoncer  publiquement  la  venté,  &C 
eurent  prefqucs  enfeueli  la  lumière  &:  cognoiflàncc  d'icclle.  Car  les  Cordeliers  ayans 
reconquis  la  chaire  femoyent  leurs  menfonges&:  laribolcs  comme  de  cou  Hume  .Tou- 
tefois ii  ne  fut-il  en  leur  pmYfance  d'arracher  ou  effacer  la  femence  de  vérité  lï  heurcu- 
femét  croilTante  aux  cœurs  de  plufieurs:  lcfquelsfe  voyans  fruftrez  de  la  liberté  dinuo- 
quer  Dieu  purement,commcncercnt  à  s  alîcmbler  en  cachette,  à  l'exemple  des  fils  des 
Prophètes  du  temps  d'Achab,&  dcsChi  tfticnsdcla  primitiucEghlé  feus  les  horribles 
pcrfccutions:&:  félon  que  l'opportunité  s'ofîroit,s'nlîembloyc  t  vne  fois  en  quelque  mai 
fon,  l'autre  fois  en  quelque  lieu  efcarté,.&  en  quelque  vigne  ou  bois.  Là  celuy  d'entre 
eux  qui  eftoit  le  plus  exercé  és  faincles  Efcritures,les  t  xhortoit:&:  ce  fai£l,prioycht  tous 
enfc  mble  d'vn  grand  coura  ge ,  fe  nourrifTans  toufïours  &  s'entretenans en  J'cfperancc 
que  l'Euangilc  leroitreceu  en  France,    que  la  tyrannie  de  l'Antechrift  prendroit  fin. 
<3  Mais  après  longue  attente,  voyans  que  tant  s'en  falloit  que  la  rcligiô  fe  repurgcaft,qu  ^ .'/JJ 
au  contraire  les  iuperilitions  6:  vilenies  Papales  s'augmcntoyent&  fortifîoyétdeiour  ia  tyrannie 
en  îounaucuns  d'eux  plus  feruensd  efpiit,&;  qui  dés  la  première  cognoi/Iancc  délave-  J^111*' 
rite s'eftoyét gardez impollusde toute idolatne,dclibcrercnt l'an  m.d.x  l  v  î.d'ordon  m.d. 
ner  entre  eux  vnc  certaine  forme  d'Eglifc .  Aquoy  faire  ils  furet  principalemct incitez  XLVI- 
parlcxépledeTegliieFiançoifedc  Stralbourg,  laquelle  pluiicurs  d'entre  eux  auoyét  di- 
ligemment viiitcc&:  cenfideree. Les  principaux  qui  conduiloycntceft  affaire, t  ftoyent 
Eftitnnc  Mangin,hommede  bien  &  fortancie:Pierrele  Clerc,cardeurdc  Ion  meftier,  Formt  r. 
&:  neantm  oins  fort  exercé  é?  !aincteslettrcs,quantà  fa  langue  Françoife.Ct  ux-cy  auec  ïtglifc<!cs 
quelques  autres  cnuiron  quarante  ou  cinquante,aduifcrent  tout  premièrement  d'élire  ^ei*Si 
vn  Miniftre  d'entre  eux  qui  leur  annonceroit  la  paroîle  de  Dieu,& àdminiltreroit  les 
Sacremcns. Ce  qu'ils  ne  firent  légèrement  ou  temcrairctnentrcaraprcsauoirvaqué  d'- 
vn commun  confentement  certains  iours  à  iulne  &  prières  :  ils  efleurent  pour  Minillre 
le  fufdift  Pierre  le  Clercdcqucl  commença  à  exercer  fongneufemcntfa  charge  ,  en  les 
afTemblant  tous  les  Dimanches  &  feftes  au  logis  dudit  Mangin.Là  il  leur  deelaroit  les 
Efcri turcs  félon  la  grâce  que  Dieu  luy  dônoitdà  ils  faifoyent  les  prières &:  orailons.cha- 
toyent  quelques  Pfeaumes&:  Cantiquesdà  vnefoisou  deux,apresauoirfolennellcmeE 
tous  protcilé  de  iamais  n'adhérer  aux  idolâtries  Papiftiques ,  célébrèrent  tous  enfem- 
blelafain&eCenc,  félon  l'inititution&:  ordonnance  denoftre  Seigneur  Ieius  Chrift. 
^Orcefte  petite  Eglife  en  peu  de  temps  prenoit  vn  mcrucilleuxaccroilfemet,  e  n  forte 
que  fouuent  fe  trouuoyent  de  trois  à  quatre  cens  hommes  que  fem  mes  &:  cnfans,qui  là 
accouroyentnon  feulement  delà  ville,  mais  auflî  des  villages  de  cinq  ou  lîx  lieues  à  la 
ronde. Qui  futcaufeque  bien  toft  ils  furent  décelez. Bien  eit  vray  qu'ils  furent  aduertis 
par  aucuns  bien-vueillans,de  fe  doner  garde,attédu  qu'on  leur  drelfoit  des  embuiches: 
mais  ils  firent  refponfe  que  leurs  cheueux  cftoyét  contcz,&:  qu'il  fe  feroit  feulement  ce 
qu'il  plairoit  au  Seigneur  .Aduît  que  le  v  1 1  i.deSeptébreauditan  m.d.x  l  v  i.  auquel 

E.u 


•mb. 
:  vuni- 


IllOiliti 


iour  les  Papules  célèbrent  la  natalité  de k  vierge  Marie  ,on  vint  annoncer  au  Mag:-J 
itratjcnuironfcpt  heures  du  matinîquclcsfurditscornmciiçoycntàsaiTcmbler.Incon 
brtdcccicc  tinent  le  Lieutenant  de  la  vil  le  ôile  Preuoft,  auec  leurs  fcrgcans&  officiers  vindrent 
en  la  maifon  cîudit  Mangin:&  entrans  en  la  chambre  où  tous  eftoyencaflcfnbkzjtrcu- 
uercntlc  Clerc  qui  txpofoitvn  pailbgc  delà  première  Epiftreaus  Corinthiens, corn 
me  c ftonnez  sarrefterent quelque  peu  ('ans  dire  mot.puis  le  Lieutenant  leur  demanda 
quefaifoycntlàtantclc  perfonnes  amaflees,  fans  aller  a  leurs  paroi/les.  Ce  que  vous 
voycz,rcfponditlc  Clercunais  ayez  patience  que  nous  ayons  acheuc.  Il  vous  faut  venir 
en  prilbn,dircnt  les  autres.  Allons  ou  il  plaift  au  Scigneur,dit  le  Clerc  .  Ii  fc  lailfn  lict 
fans  contredire;  ce  qu'au  fiî  firent  les  autres,tanr  hommes  que  femmes  cnuiron  fonçante 
Reproche  &dcux.  Il  y  auoit  vne  icunc  fille,  laquelle  le  voyant  liée  fans  eaufe,  pour  seftre  trou 
f!i'k«e"iu  uee  cn  vne  tumPa&mc  ^  lainéîe  é\:  hennefte,  dit  an  Lieutenant,  Si  vous  m'cuilîcz 
ix  ni  trouucc  au  bordeau,  ou  en  quelque  lieu  deshonnefte,vous-vous  fufliez  bien  gardé  d- 
ainli  me  lier. Ce  Lieute  nant  la  faifant  taire,  commanda  de  mener  toute  la  troupe  en  la 
prifen  de  la  ville.  Ocftoit  choie  cfmcrucillablc,de  voir  comme  en  vne  longue  proeelliô 
tant  d  honneft.es  perfonnes  de  tout  fexe  &:  aage,quide  hongre  le  laillbycnt  mener 
cnprifonparpeude  gens.  Car  il  ne  faut  douter  que  s'ils  euffent  voulu  fc  rebecquer, 
facilement  ils  cuïlcnt  efte  lecourus  de  leurs  parens  &:  amis  qui  les  voyoyent  paifci; 
par  les  rues  tous  îoycux&chantans  Pfeaumcs, principalement  le  l  x  x  i  x  .  Les  gens  en- 
tnX,&e. 

A  pies  qu'ils  furent  mis  en  la  prifon,on  commeça  à  informer  de  leurs  Sabbats ,  corne 
dilbyent  les  ennemis  delà  verité.k:  entre  les  autres  critnes(feIon  leur  iugemet)  ils  trou~ 
uerent  qu'ils  auoycntolcfairclaCcne.il  ne  faut  demander  lia  ce  motdeCene  l'ordre 
Ccncnou-  Monacal  &  PrcibitcraI  fut  autant  trouble  qu'Hcrodcs  iadis  a  lanaiifâce  de  Iel'us  Chrilr, 
ucau  iux    preuoyans  que  leur  authorité  &  c  redit  garde  inuiolable  par  tan  t  de  laps  deteps  tombe- 
prcrt'cs&  roit  entre  les  mains  de  gens  viles&:  mécaniques      que  lcfactifiçe  de  leur  me/lc  tant 
engraifl'ant  &:  fouet, s'en  iroit  en  rumec.Or  après  qu'on  eut  malicieufement  inue  nté  cô 
treeux  toutcequilcruoitàlcs  grcucr&:  charger  ils  turent  menezà  Paris, liez  fur  des 
chariots  comme  poures  brebis,  ians  paille  ou  aucû  foulagcmcnt:cn  forte  que  plufieurs 
ti'cntre  cux,aagcz&:  caliez  de  trauail,cftoytnt  t  onum  defrompus,dcuant  qu'eftre  mis 
fur  la  géhenne:  laquelle  après  ne  leur  fut  cfpargntc}&  principalement  aux  Quatorze, 
que  ceux  duParlcmcnt  iugcrentiugcz  digne  de  mort, par  Areil  de  laCour,lcquel  pour 
perpétuelle  mémoire  d'vne  telle  exécution  nous  auc  nsicy  infère  félon  la  formel  te? 
ncur,cxtraid  des  K  cgi  lire  s  du  Parle  m;  nt. 

T  /E  V  par  la  Chambre  ordonnée  parle  Roy  au  temps  de  vacations,  le  procès  crimi- 
ncl  fait  par  le  Bally  deMeaux,onfcs  Lieu  tenans  gênerai  &  particulier,  àlencontrc 
de  Pierre  le  Clerc,Eftienne  Mangin  ,  laques  Bouchcbci ,  Iean  Bmlebarre,  Henry  Hu- 
tinotjThomasKonnoré,  Iean  Baudouin  ,  Iean  Fie  ièhe,Ican  Piquety,  Pierre  Piquery, 
Iean  Mathcfîon, Philippe  Petit, Mie  be  l  CailIon,Fiançois  le  Clerc,Louys  Piquery,  Iean 
Vincent,  Adrian  Grongnct,Louys  Coqucmant,  Pafquier  Fouace,Picrre  Coqucmant, 
Iean  de  la  Bordc,Claude  Petit  pain, Michel  du  Mcr,ïcan  Roujfel,Piei  rc  Iauelle,Nico- 
las  FleuryJIeâFornier,Gcorge  des  Prcz,Nicclas  de  Moulîy, Léonard  le  Roy,Pa(quctte 
vefue  de  feu  Guillaume  Piquery, Iean  le  Moynejean  Atignanjcannc  Cheron  femme 
de  Louys  Coqucmant ,  Guillcmetté  femme  de  leanSaillard,  Marguerite  femme  d'E» 
Iticne  Mâgin, Martine  femme  de  Pierre  le  Clerc,Picrre  d'Arabie, laques  le  Veau,  Yuô 
Congnart,Iean  de  Laurence ry  l'aifncjean  deLaurencervlcicunejGuillaumcdeLau^ 
rencery ,  Denis  Guillot ,  Pierre  Cheuallet,  Philippe  Tuîpin ,  Iulianc  femme  de  Paf. 
quierFouaceJcannc  Guillcminot,Batbanc  femme  de  Thomas  Honnorc, Marguerite 
femme  de  Iean  de  Laiftrc, Marguerite  Rclligno!, Catherine  fille  de  Iean  PNicourt,Iean~ 
neGennienfe,Guillc  mette  femme  de  Léonard  leRoyJeanncvcfucdefcu  MaccRou- 
gebcejeanne  femme  de  Nicolas  Codet,PoIine  vefuede  feu  Adam  le  Conte, Mar- 
guerite  vefue  de  feu  Iean  Volant, Pc  n  ette  Mâgin,&  Marion  Mangin:  tous  prifonniers 
en  la  Côcicrgeriedu  Palais,pourraifondcscas&  crimes d'hereu*cs&  blaiphcmes exé- 
crables, côuenticulcs  priuez,ck  aiîeblees  illicitcs,ichifmes&  erreurs  referas  efpcced'- 
idolatnepar  eux  e  ômilcs  refpediuement  en  la  maiion  d'Elh'enneMagin,en  laquelle  lef 
dits  prifonniers  fc  fçroyent  auemblez,&  cômis  lefdits  cas  contre  l'hôneur  de  noftre  San 

ueur 


l'Arcft 


ucur&:  Rédempteur  Icfus  Chrift ,  du  faintf  Sacre  ment  de  l'autel ,  commandement  de 
noftremcrcfainctecgIife,&:  doctrine  catholique  d'icellc.Lcsconclulionsiui ccpnnies 
par  le  Procureur  du  Roy:&  tout  coniidcré,D  I  T  a  elle  que  ladite  Chambic,pour  repa^ 
ration  dcfdits  cas  Périmes  fcandalcux& pernicieux  plus  à  plein  contenus  audit  pro- 
cès,;* condânc&:  condâne  lefdits  pril"onnicrs:ceft  aiiauoir  lefdits  Pierre  le  Clerc, Luic- 
ncM.lgin,lacjs  Bouchcbcc,l<  anBnireharre;Hcnry  Hutinot,TliomasHônorc,lcâbau 
doùi%kan  Fleichc, IeS  Piqucry,Pierre  Piqucry,lcan  Mathciiô,!  hilippePetit,:\iichcl 
CaiUonjSc  François  leClerc,à  eitre  ars&  bruik  z  vjfs  au  grâd  marché  de  Meaux,au  lieu 
pluscômodecx:  prochain  de  ladite  mailbn  d'iccluy  Mangin,  en  laquelle  lefdits  cas  &»  cri 
mes  ont  eftéeôuiis.  Au  ql  feront  lefdits  Pierre  le Clerc &Magin  tramez  fur  \  ne  cioyc,&:  Mangi 
les  autres  defl*  nômez  menez  en  des  tôbereaùx,du  lieu  des  prilôs  royaux  duditMcaux,  i  er.c 
àù  les  liurcs  trouucz  en  leur  poilelfiô  pareilleméc  bruflez:&  a  déclare  ce  deelave  les  bies 
d'ieeux  pnlbnniers  acquis  &  coniîlquez  au  Roy. Et  neantmoins  ordonne  ladite  Cham- 


Cltll 


quauparauant l'exécution dcfdits a  t  o  r  z  e  prifonniers,ils  feront  mis  tnlatortu      ■« vnc 
re  &c  queftiô  extraordinaire,  pour  déclarer  ÔJ  enseigner  leurs  fauteurs,  alliez 6c  compli- 
ccs,&:  autres  peribnnes  iufpettes  de  leur  lectc  &c  erreur. Et  ledit  Louys  Piqucry  à  eftrcpé 
du  fous  les  cifelles  à  vnc  potencc,qui  fera  mile  &:  plante  e  près  Se  îoignan  t  le  lieu  où  fera 
faite l'exécution defdits Quatorze eondâncz  au  fcu:t  n  laquelle  potëce demeurera  pen 
du  durant  laditccxeçution:&:  après  fera  fuftigé  par  l'exécuteur  de  la  haute  milice  audit 
Marché:  &:  ce  faitmis&:  reclusau  monafterede  fa  in  et-  Phaicn  dudit  Meaux  xtouliours 
aux  defpens  de  l'eucfque  de  Mcaux. Et  lefdits  Louys  Coquemant,Ican  Vincent,  Adnâ 
Grongnet,&PafquierFouace,àafl]iterà  ladite  exécution  de  feu  defdits  condamncz,la 
corde  au  col:8t  après  cftrc  battu  s  &:  fuftigçz  de  verges  ladite  corde  au  col»  (aiiorr  leidits 
Coquemant&:  Fouace  par  trois  diucrs  iours,ayans  la  corde  au  col:&  leidits  Vincent  &C 
Grongnet  par  vnc  fois  par  les  carrefours  dudit  Meaux:  &  encorcs  ledit  Grongnct  c  ftre 
fuilige  au  village  de  Sacy  par  vnc  fois  parles  carrefours  dudit  heu  ia  cordeau  col.  Et  les 
a  bannis  &C  bannit  ladite  Chambre  hors  de  ce  royaume  îufqucs  à  cinq  ans,  fur  peine  de 
Ja  hard.  Auparauant  laquelle  exécution  les  a  condamnez  &C  côdamne,en.'emblc  lefdits 
Pierre  Coqucmantjcan  de  la  Borde,Picrrc  Petit- pain,Michel  du  Mont,  lean  RoulTel, 
Pierre  Iauclk , Nicolas  Fleuryjean  Fornier,Gcotgedes  Prez,  Nicolas  de  Mouily,  Léo- 
nard le  Roy,Pafquettc  vefue  de  Guillaume  Piquery,Iean  le  Mo\  nejean  A  tignan,lc  â- 
ne  Chcron  femme  de  Louys  Coquemant,Guillemette  femme  de  lean  Saillard, Marti- 
ne femme  dudit  Pierre  le  Clcrc,&  Marguerite  femme  dudit  Eiticnnc  Mangin, pour  les 
cas  &  crimes  par  eux  commis, à  afhltcr  à  l'exécution  de  mort  deidits  Qj/  a  r  o  r  z  e  ce 
damnez,tcllc  nues  quant  aux  hommesdefdites  femmes  eftans  auprès  d'eux,  &  leparc- 
ment,en  manière  qu'on  les  puillccognoiilrc  d'entre  les  autres. Et  ce  fait,  à  faire  améde  • 
honnorable  pieds  &:  telles  nues,&  en  chemifes, quant  aux  hom  mes:  &c  quant  auxfem- 
nies,piedsnuds, deuant  la  principale  porte  dclcglife  cathédrale  dudit  Meaux  :ayans 
chacû  d'eux  en  leurs  mains  vue  torche  de  cire  ardete ,  du  poids  de  deux  liures.  Et  à  dire 
bc  déclarer  par  chacun  d'eux  à  haute  voix, que  follemcnt,tcmerairement&:  indifcrcte- 
ment  ils  fc  font  trouucz  cfdits  conuenticulcs  faits  en  la  mailbn  dudit  Eltienne  Mangin,, 
pour  ouyr  les  lectures  en  François  dudit  Pierre  le  Clerc, dont  ils  requierêt  mercy  &  par- 
don à  Dieu ,  au  Roy  &  à  milice. En  outre  plus,  après  lefditcs  amedes  honorables  afîi lie- 
ront les dcffufdits,ayans  tous lefditcs torches,  à  vneproccifion  générale  qui  fera  faite 
audit  Meaux  à  vne  grande  m  elle  îolennelle  qui  fera  dite  &:  célébrée  en  ladite  cght"e,&: 
à  la  prédication  qui  y  fera  faite  par  vn  dodeur  en  Théologie,  exhortatoire  au  peuple: 
iîngulierement&:  principalement  delareucrence  &:  adoration  du  précieux  corps  de 
noftre  Seigneur  Iefus  Chrift,&  vénération  de  la  benoîte  &:  glorieufe  vierge  Marie  mè- 
re de  Dieu,&  des  Sainôts  &:  Saindes  de  Paradisrcnfemble  de l'obfcruance des  comman 
démens  de  noilre  merc  fainde  eglifc,rcucrcnce  de  la  dodrine  d'icelle,detcilanon  &:  re 


On  pourra 


probation  dcfdits  conuenticulcs  &c  priuces  aiîemblees,lcdures  èc  interprétations  par  Arc  vn  ftils 
gens  laies     mécaniques  ,  des  hures  en  François  reprouuez&:  damnez,  &:  dogmatiza-  jj^j6!^ 
tions,  prédications  abuiiucs,qui  fe  font  par  lefdits  laies  fur  les  fainds  Euangiies. Pareil-  |ors  j,jc' 
lement  ladite  Chambre  acondamné  &:  condamne  leidits  Pierre  d'Arabie,  laques  le  ir,«er  l'rct- 
Veau,  Yuon  Congnart,IeandeLaurcncery  laifiié, lean  de  Laureneeryle  icune,Guil-  <lt"t* 
laume  de  Laurencery ,  Denis  Guillot ,  Pierre  Chcuallet ,  Philippe  Turpin ,  Iulien- 

E.ii. 


ncfcinmc  de  Palquier  Fouacc:pour  les  cas  par  eux  comis,a  aflifter  &cftrc  preiens,  avâs 
chacun  d'eux  vn  cierge  d'vn  quarteron  de  cire  en  leurs  mains  en  ladite  proccflîon, 
melfe  &:  prédication  .  Enfemble  à  alMcr  fans  cierge  à  l'exécution  de  mon  defdits 
Quatorze  condamnez, telles  nues,quantaux hommes leulement  &  quâtauxftmmcrj 
feparcmentdcraiîîftcnce,cn  manière quellcs^uiflcnteitrccogncues  entre  lesautn  s. 
Ht  lcfdites  IeiiftneGuilleminot,&:  Baftiénc  femme  de  Thomas  Konnoré,àailîfterà  la- 
dite prédication  &  mt  fie  entièrement .  Et  après  ladite  prédication  faite, &monitions 
qui  liront  faites  aux  deilus  nommcz,rcqucrir&demâder  pardon  àDicu,des  tantes  par 
eux  par  e  v  deuant  eommiles ,  àplcin  contenues  audit  procès ,  Et  quant  au  {'dites  Mar- 
guerite t\  mme  de  Ienn  de  laiftrc,Margucrite  Roflignol  femme  de  Iean  Ricourt,  Guil- 
lemette  femme  de  Léonard  le  Roy ,  IeanneGennienle:  ladite  Chambre  a  ordonne &: 
ordonne,quc  les  priions  leur  feront  ouucrtcs.  •  Et  neantmoins  leur  a  fait  ôc  fait  inhibi- 
tions 6j  de  fe  nies  de  fe  trouucrcy  après  es  prédications  &  lectures  defdits  gens  laies,  cô- 
uenticules  &  aiîcmblces  illicites,fur  peine  de  lahard .  Et  au  furplusamis&  met  ladite 
Chambre  à  pleine  deliurancedeidites-pnlons  lefditcs  leanne  vefuedefeu  MaeéRou- 
gt  beejeanne  femme  de  Nicolas  Çodct,Polinc  vefue  de  feu  Adam  le  Conte,  Margue- 
rite vefuede  feu  Iean  VoIant,Perrette&Mariô  Mangins.^  E  t  a  f  iNqueleldits  cas&: 
crimes  des  ful'djts,qui  ont  cfte  commis  en  ladite  mailon  dudit  Mangin,foycntcn  perpe 
tuelle  deteftation  enuers  toute  la  pofterité  :  &C  que  la  mémoire  de  la  punitiô  en  demeu- 
Liftt  î  ic  repourcxcmplc, bailler  ôc'>inuitercrainteauxmauuaisdccômettre  femblables  cas&: 
btior.gné.'  cnmcs,&:  inuiter  &:  inciterles  bons  en  la  doctrine  de  la  foy  catholique,&:  doctrine  de  no 
lire  merc  fainetc  eglife  :  a  ordonne  &  ordonne  que  ladite  maifon  dudit  EfticnncMan- 
gin,  en  laquelle  ont  cfte  faits  lefditsconucnticules  &:  défendues  lectures  de  lafainele 


Vuemaiion 

oWkVp"s  Êfcnture  par  ledit  Pierre  le  Clcrc,icelle  prelbmptueufement  &:  témérairement  inter- 
hmciroirc  prctant  èc  expofant  :&c  auflî  ladite  blafplu  me  &c  fcandaleufc  Cenc  mentionnée  audit 


comciIc  Je 
Laccran, 


procés,rcfcrant  efpecc  d  idolatric,fcra  abatuc  &rafec  entièrement  &c  du  tout.  Et  audit 
lieu  fera  édifice  &c  conltruitc  vne  chapelle,  laquelle  fera  dedicc  $c  conlacrce  en  l'hon- 
neur du  fainct  Sacrement  de  l'autel.  En  laquelle  fera  célébrée  vne  grande  meffe  dudit 
fa  in  et  Sacrement  chacun  iour  de  Ieudy,àheure  de  fept  heures.  Et  pour  icelle  fonder,a 
ordonne  Se  ordonne  ladite  Chambre, qu'il  fera  ptinlc  telle  (om  me  de  deniers  qu'il  fei  a 
aduife  par  ledit  hailly  deMcaux,ou  fes  Lieutenans  gênerai  &:  particulierappelezaueç 
eux  ledit  Aduocat  Se  Procureur  du  Roy  audit  iîege,  fur  les  biens  ccnhfqucz  defdits  pri 
fonniers. 

Etladite  Chambre deuement  aduertie,qucdeiour  en  iour  celle  malheurcufc& 
damnable  f<  de  Luthcricnnc,& autres  femblables  herefies  pullulent  grande  menten 
■  ladite  ville  ôcdioccfe  de  Meaux,  &:  qu'il  y  en  a  grand  nombre  qui  oecultemcnt  ôclati- 
temment  en  font  entachez  &:  infectez  :  fouftenans  propos  erronez  &:  fcandaleux  con-r 
r>ecret<lu  tre  le  fainct  Sacrement  de  l'autel ,  &de  latrcflacree  vierge  Marie:  ladite  Chambre  a 
par  prouilion,  &£  iufqucs  à  ce  que  parle  Roy,  ou  ladite  Cour,icellc  feant,  autrement  en 
fera  ordonné:Et  a  cnioint&enioint  à  l'euclquc  dudit  Meaux  d'exécuter  ou  faire  execu 
tcrle  côte  nu  qui  eft  au  côcile  de  Lateran  ,  tant  en  ladite  ville  de  Meaux  qu'autres  lieux 
de  ion  dioeele:  En  faifant  diligemment  &  feercttement  informer  par  bons &fufn*fans 
perfo images  cotre  tous  ceux  qui  font  entachez  de  celte  malhcurcufc  &  perniticufele- 
de  &  herelie:&:  procéder  à  l'cncontrc  d'iccux,  qui  lbnt  lu iets  à  fa  cognoilfance  &:  coher 
n"on,commc  font  les  perfonnages  Ecclcliaitiqucs,quifonten  ordres facrecs.Et à cc,iuf 
ques  à  la  dégradation ,  s'il  v  efehet ,  &  le  cas  lerequiert.  Et  quant  aux  perfonnes  laies  6c 
clercs  non  ayans  ordres  facrees,  dont  la  cognoilfance  en  appartient  aux  iuges  laies  par 
ledit  du  Roy,d'cn  aduertir  les  iuges  dudit  Seigneur,&  leur  ehuoyer  les  charges  &:  infot 
mations, ou  le  double d'icclles, qui  aurôt  efté  faites  par  fes  iuges  &  orriciers, pour  icellcs 
informations  veues  parlcfditsiuges  laies  y  élire  procédé  plus  diligemment  qu'il  fera 
poffiblc,&  ainlî  qu'il  appartiendra  par  raifon  Et  au  demeurant,aladitcChambre  en- 
îointàtouslesdcmcuransenlavilledc  Meaux  &r  dedans  le  diocefc,  d'apporter  ou  fai- 
re apporter  dedans  huitaine  après  la  publication  de  ce  prefent  Areft,  tous  les  liures  qu 
ils  ont  en  Fi  âçois  de  la  fainetc  Efcriture,ou  conccrnansla  doctrine  Chreftienc,au  Gref- 
fedu  Bailliage  de  Meaux,  &  ce  fur  peine  de  confifeation  de  corpsSi  biens:  pour  illec- 
que  élire  gardez  &  mis  à  part,afm  d'en  eftrc  par  ladite  Chambre  ou  ladite  Cour ,  icelle 

feanç 


fcant,ordohnc  ce  qu'il  appartiendra  par  rai  l'on.  Et  cnioinr  aulllits  BailJy  Lieutcnans 
o-cneral  &c  particulier  duditMeaux,d'informer  diligemment  de  ceux  qui  11  auront  obéi 
a  ladite  ordonnance:  &  aux  A  duocat&  Procureur  du  Roy  dudit  lïegc,d'cn  l'aire  la  ici  :- 
citatîon& pourluitte:  &  faire  cnuoyer  les  informations  fcablcmcnt  clofes  6c  fccllccs 
au  Greffe  de  ladite  Cour  pour  icellcs  veucs  en  eftre  ordonné  &c  procédé  contre  les  dei 
obeillansainli  qu'il  appartiendra  par  raifon.En  outre  cc,exhorte  ladite  Chambre  ledit 
cucfquc  dcMcaux,pour  obuiei :à  ce  que  ladite  peftifere  fecte  ne  puifle  procéder  plus  a" 
uant,commcttrc  aucuns  bons  &:  notables  perionnages,do£teurs  en  Théologie,  fauans 
&:  expérimentez  en  prédications  &  inftruchons  du  peuple,  pour  fongneufement,  tant 
en  feglife  Cathédrale  que  parochiales  dudit  Meaux ,  qu'en  toutes  lefditcs  autres  Egli- 
fes  parochiales  dudit  dioccfe,prefcher  &:  admonnefter  leshabitans  fcdcmeuranscn 
tout  le  dioeele,  de  garder  abferuçr,reuerer,la{ain6tefoycatholiqae,obuier,  répugner 
&  contredire  aux  malheureux  hérétiques ,  qui  la  veulent  impugner,  &:  iccux  reueler  a. 
iufticc,pouren  faire  la  punition.  Et  auffi  mettre  peine  par  bonnes  &:fain<îtes  remon- 
ftranecs  &£  admonitions ,  de  réduire  ceux  qui  en  feroyent  entachez  à  la  lumière  delà 
faincte  foy  catholiquc,Ô£  à  laitier  les  ténèbres  de  la  malheurcule  fecte  Luthérienne ,  8£ 
autres  herelies,qui  ont  efté  enfcmencccs  cy  deuant  en  ladite  ville  &:  diocelè  de  Meaux 
çontre  l'honneur  du  benoît  Sauueur,foy  &c  do&rinc  de J'cglife  catholique.  Et  pour  fai- 
re mettte  le  prefent  Areft  à  exécution  félon  la  forme  &c  teneur,  ladite  Chambre  a 
renuoyé  &c  renuoyc  lefdits  prilonniers  par  deuant  ledit  Bailly  de  Meaux  ou  deldits 
Lieutenans.  A  laquelle  exécution  aflifteront  aum*  les  Aduocat&:  Procureur  du  Roy- 
Fait  en  ladite  Chambtc,le  quatrième  iour  d'Octobrcl'an  m.  d  .  x  l  v  i.  Amlifigné 
Malon, 

L'exécution  du  [ûfdit  Areft. 

CEft  Areft  eftant  donne'  par  les  Confeillicrs  de  la  Chambre ,  Satan  noncontentdu 
fangde  tantd'innocens,&:  perdant n'auoir  lien  fait, ains  eftre  veincu&  conlus  s'ils 
perliftoyent  conitans  ik  immobiles  en  la  vérité,  tal'cha  par  tous  moyens  de  les  en  reti- 
rer. Pour  quoy  faire  il  inipira  aux  iuges  de  leparcr  par  dîners  monaltercslesQv  a  t  o  r- 
z  e  qui  eftoyent  condamnez  à  mort,  pour  effayer  tous  moyens  de  les  deftourner  de  LeïXill^ 
leur  confiance.  Mais  après  que  l'expérience  eut  donne  à  cognoiftre  qu'ils  eftoyent  trop 
roides,&  qu'il  n'eftoitpoffible  de  les  faire  chanceler,  ils  furent  huiez  entre  les  mains 
de  Gilles  Bcrtelot  preuoftdcs  Marefchaux  ,pour  les  mener  exécuter  à  Meaux  :&ù  les 
Quatorze  condamnez  au  feu,  mis  en  vnchariot  àpart .    Orpour  lesfafchcr  &C  defo-  Maillard  « 
icr,dcux  doâreurs  Sorboniques,  Maillard  &  Picard,  cftans  furmules  coitoyoyent  les  Picard, 
chanots,&:  ne  ceflbyent  de  leur  rompre  la  telle,  pour  les  diuertir  de  la  vérité  iufqucs  à  ri"Jur^'! 
ce  que  Pierre  le  Clercdit  à  Picard,Retire-toy  dcnous,fatan:lanTe-nouspenfer  ànoftre  iige*. 
Dieu, 

Cependant  aduint  vn  acte  notable  par  vue  grande  prouidence  de  Dieu, qui  rdiomt 
&c  confola  mcrueilleufement  ces  pourcs  patiens  ,  opprtlfcz  de  fafchcrie  <k  trauail 
tant  d'eiprit  que  de  corps.    Commeils  paiToycnt  par  la  forcit  de  Liury ,  laquelle  eftà  ConfaUùû 
trois  lieues  de  Paris  :  fe  prefenta  à  eux  vn  homme  d'vn  petit  village  voiiin  nommé  qucDl*u 
Coubcron,tiireranddetoilcdc  l'on  meftier:  lequel  commença  à  luiurc  les  chariots,  auxabwu?, 
exhortant  tous  à  perfeucrer  en  la  conteflîon  de  la  vérité  :  Prenez  courage,  difoit-il, 
mes  frères  ÔC  amis,  &:  ne  vous  lalîez  point  de  rendre  tcfmoignage  à  la  vérité  de  1- 
Euangile .    Or  pource  que  les  chariots  fe  haftoyent  fort ,  &c  qu'il  ne  pouuoit  pas  eftre 
ouy  de  ceux  qui  precedoyent,  il  commença  à  s'efcricrleuant  la  main  au  ciel,  Mes  frè- 
res, ayez  fouuenacc  de  celuy  qui  eft  la  haut  au  ciel .  Les  fatçllites  &  archiers  du  Preuoft, 
voyans  la  contenance  &:  façon  de  faire  de  ccfthommc/c  doutèrent  qu'il  eftoit  Luthé- 
rien :  Se  fans  autre  inquilition  le  lièrent  &:  garroterent ,  puis  le  ietterent  dedans  le  cha- 
riot des  plus  criminels,  Peu  de  gens  (linon  ceux  qui  l'ont  expérimenté  )  pourroy  ent  en 
ce  fai&  comprédre  les  voyes  fecrcttes&:  incognues  aux  charnels ,  que  le  Seigneur  tient 
pour  foulager  l'infirmité  des  liens .   Car  ceft  homme  toutfrais  en  Ion  ardeur ,  leur  fer- 
uit  de  refraifchiiTement  &  nouueau  fecours .  Et  (  comme  aucuns  d'eux  ont  confelTc) 
à  la  venue  de  ceft  homme,  lequel  comme  vn  Ange  du  ciel  s'eftoit volontairement 
pfrertjilsreceurent  nouuellcs  forces  :  &C  aucuns  d'eux  qui  eftoyent  comme  accablez,. 

Eau, 


de  triftdTc,com  mène  c  rem  à  leuer  latefte,&:  s'efgaycrau  S.  Efprit  :  tant  bien  ce  pou  te 
homme  mec  unique ,  tout  trais  &  de  corps  &c  d'clprit,  venant  dvne  folitude  fvlueftrc* 
les  animoit  a  fouftenir  la  querelle  de  Icl'us  Chnft.  Ils  arriuerent  toft  après  au  village  de 
Liun  ,&  pource  que  tout  le  peuple  des  lieux  circôuoifms  eftoit  refpadu  fur  le  gTad  che- 
min,on  1  c  cognent  cclt  homme:dont  aucuns  commencèrent  à  s'eferier,  Au  Luthérien: 
&c  dire  aux  archiers  du  Preuoft  qu'il  auoit  mieux  mérite  le  feu  que  les  autrcs:ce  qui  leur 
dôna  bô  courage  de  le  l'errer  de  plus  pies.*  On  récite  vne  hiftone  des  Martyrs  de  lapri 
miciue  Eglife  prcfque  femblablc  à  celle  cy, touchât  vn  fainct  Martyr  lequel  le  prefenta 
à  la  mort  aucc  d'autres  Chreftiens, qu'il  rcncôtraainfi  qu'on  les  menoit  au  fupplicc .  Et 
Vn  Martyr  pource  que  ccft  hôme  de  Dieu  eftoitincognu,  on  lenômacn  Latin^frta«clf«*,côme  qui 
cjuifîtnô-  diroic  Surcroift,  pource  qu'il  auoit  augmente  le  nombre  des  faincts  tcfmoins  delcfus 
ftusf Chrift.Aprcs  que  toute  la  trouppe  fut  arriuee  à  Meaux,onlcs  logea  derechef  en  prifon 
où  la  queftion  extraordinaire  tut  donnée  aux  Quatorze  principalcmcnt/ans  toutefois 
qu'on  leur  leuft  taire  aceufer  ou  nommer  pci  forme  de  ceux  qu'ils  fauoycnt  auoir  reccu 
Crnftance  l'Euangilc.^  Il  s  en  trouua  entre  eux  vn  plus  fortifie ,  lequel  crioit  aux  boutreauxqui  le 
aJmiriblc.  tjroycm  gj  defmembroycnt, Courage ,  mes  amis ,  n'efpai  gnez  ce  mifcrable  corps  qui  a 
tant  refifté  àl'Efpric>&:  a  tant  efté  contraire  au  vouloir  de  Ion  Créateur. 

Le  lendemain  de  la  qucftionfqui  eftoit  le  iour  de  l'cxecuriô)on  vint  encores  à  diljpu- 
ter  contre  eux ,  fpecialement  de  la  matière  de  la  Ccnc .  Mais  Picard  ne  les  autres  ne  fa- 
uoyent  que  dire,quand  le  Clerc  leur  demandoit  où  eftoit  fondée  leur  traniîùbftantia- 
tion:&:  fi  en  mafchât  le  pain, ou  en  beuuat  le  vin,  il  auoycnt  iamais  fenty  quelque  gouft 
de  chair  ou  de  fang  .^Pour  la  fin  on  leur  fît  cefte  offre ,  que  ceux  qui  voudroyent  parler 
en  l'oreille  du  Prcftre,c'cft  à  dire  fe  confeiler,auroyent  quelque  gracc,&  n'auroyent  les 
langues  coppecs .  Six  de  Quatotzc ,  ou  par  infirmité ,  ou  eftimans  cela  de  petite  confe- 
quence7reccurcnt  cefte  condition  au  grand  dueil&  regret  des  autres,  qui  ne  s'effneu- 
rent  pour  menaces  ou  promefTes  qu'on  leurfeuft  faire.^  A  l'heure  de  l'exécution, qui  e- 
ftoitfur  les  deux  heures  après  midi, ainfi  qu'ils  partoyent  de  la  prifon, le  bourreau  dema 
da  premièrement  la  langue  à  Eftienne  Mangin, lequel  la  bailla  volonticrs:&:  après  que 
le  bourreau  luy  eut  coppée,en  crachant  le  fang  parla  encore  allez  intelligiblemet,diiat 
trois  fois,Lc  nom  de  Dieu  foit  bénit. Incontinent  il  fut  trainc  fur  vne  cloye,  comme  auf 
fi  Je  Ckrc,&:  les  autres  menez  en  tombcrcaux:&:  ceux  qui  n'eftoyent  iugezà  mortfui- 
Fvmition  uoyent  à  pied  iniques  au  grand  marché ,  où  eftoyent  érigées  quatorze  potences  en  cer- 
barUrc.  cjc  y -s  ^  y -s  ^  ja  maj^  jutjjt  Magin:&:  vne  autre  potecevn  peu  plus  eflognec,où  deuoit 
cftrc  pendu  par  dclTous  les  ai/Telles  vn  ieunc  garço  nômé  Michel  Piquery,qu'ils  auoyét 
hôte  de  bruflerpourla  ieunciîe.Là  les  bourreaux  cômcncerét  à  les  lier ,  corne  agneaux 
deftinez  au  facrifîcc.  Et  pource  que  ceux  qui  auoyent  les  langues  coppees  ne  ceilbycnt 
de  louer  Dieu,&;  les  autres  de  chanter  Pfcaumes:  les  Preftres  qui  là  eftoyent  comme  for 
cenez/e  prindret  à  chanter  O  falutart*  hoJ}r>i>Salnc  regmafc  autres  blafphcmcs  exécrables: 
&  ne  ce/fa  leur  chant  enragé,  îufques  à  ce  que  les  lainétcs  hoftics  de  Iefus  Chrift  furent 
toutes  brullees  en  fouet  odeur  au  Seigneur. 

^  Le  lendemain  qui  eftoit  le  huitième  duditmois,lesaduerfaires  comme  ayansbien 
fait  leurs befongncs,&: comme  voulans  mener  la  vérité  captiue  &veincue  en  triom- 
phe, ordonnèrent  vne  magnifique  proceflîon  générale  en  laquelle  ils  promenoyent 
leui  hoftic,accompagnced'vne  infinité  de  torches  &:  cierges  en  plein  iour.    Et  quand 
la  pompe  fut  paruenue  au  lieu  de  l'exécution,  où  le  feu  ardoit  encores,on  fît  là  repofer 
ladite  ou  blic:&:  lors  le  docteur  Picard  monta  en  chaire,  ayant  pour  pauillon  vnciel  de 
drap  d'or,dc  peur  du  foleil  qui  lors  luifoit  :  &:  commença  à  fe  tempefter  contre  les  exé- 
cutez, diiant  qu'il  eftoit neceflaire à falut de  croire  qu'iceux  eftoyent  damnezaufond 
BufpLeme  des  enfcr$:&  que  ii  vn  Ange  du  ciel  venoit  qui  dift  du  contraire ,  il  le  faudroit  reietter. 
korribledc  &  qu'autrement  Dieu  ne  feroit  point  Dieu  s'il  ne  les  damnoit  éternellement.  Or  tou- 
Picard'      tefois  quelque  chofe  qu'il  peuft  iargonner,  il  ne  feut  tant  faire  qu'il  peuft  induire  lès 
femmes  à  confellerau  forcir  de  prifon,  que  leurs  maris  fuflent  damnez,  car  toufiours 
elles  s'armoyent  de  cefte  refponfc,qu'ayans  longtemps  conuerfé  auec  eux,  elles  les 
auoyent  toufiours  veuviure  en  la  crainte  de  Dieuj&enl'obferuation  defescomman- 
demens. 

PIER- 


T/ufeUrs  Martyrs 


PIERRE    B  O  N-P  AIN,àiW 

PR  E  S  la  mort  de  ces  fain&s  perfonnages,  les  tyrans  abbreuucz  de  fang ,  fi-  MD.XLVi. 
rent  grade  diligence  de  difliper,gafter&:  meurtrir  le  troupeau  duSeigneur, 
&c  ruiner dn  tout  l'héritage  d'iceluy.  Plufieurs  donc  d'entreux  ïc  tranf- 
portèrent  es  villes  tant  circonuoifines  que  lointaines,  pour  la  rage  &:  violé- 
StTc  lapcrfccution.  Cefte  difperlion  ne  fe  fit  fans  grand  auancement  &:  femenec  de  1- 
Buagile-.car  il  ne  faut  douter  que  chacun  d'eux  ne  fift  deuoir  de  profiter  où  l'occafion  s' 
adonnoit:  comme  PharonMangin,hommc  de  grande  ardeur  &£  véhémence  fpirituel- 
le  failbit  à  Orleas&  autres  lieux:comme  Pierre  Bon-pain  (qui  toft  après  fut  exécuté  en 
la  ville  de  Pari  s)faifoit  à  Aubigny.  Et  par  ce  moyen  le  royaume  delcfus  Chrift  s'auan- 
çoit  maugré  la  furie  des  ennemis  de  la  vérité. 


D\n  nommé  R  O  G  I  E  R  deNorthfolc. 

jO  X  V  S ,  au  recueil  qu'il  aeferit  des  chofes  de  l'Eglife d'Angleterre,  fait     D  Xi- 
imention  d'vn  certain  perfonnage  natif  du  pays  deNorthfolc,  nommé  Ro-  u  duc  de 
kgier,homme  laicqui  fut  bruflé  à  la pourfuitte  du  duc  de  Northfolc ,  à caule  Northfolc. 
[qu'il  maintenoit  la  vraye &:  fainéte  opinion  du  Sacrement.  Et  auantquele 
demy  an  après  i\\  mortfuft  parte,  le  Duc  perdit  fon  fîlsaifné ,  quiauoitgrans  dons  de  na- 
ture^ orné  de  grandes  vertus:&:  quant  à  luy,  il  fut  conftitué  prifonnier ,  &c  finalement 
après  auoir  recogneu  fa  faute,ou  pour  le  moins  modéré,  ne  fe  moftra  point  depuis  tant 
rigoureux  ne  véhément  enuers  ceux  qui  faifoyent  profefhon  de  l'Euangile. . 


ANNE     ASKEV  EJamoifelle  >An«loife. 

S  V  R  la  fin  du  règne  du  roy  Henry  VIII.de  ce  nom,pluficurs  endurèrent  confhmment  la  mort  pour  la  vraye  prorefsion  de  I  j 
dodtrinedc  i'Euan  ilcEntreautrcsccfte  noble  damoilelle  a  cfté  porte-cnfdene  a  ceux  qui  jont  venus  après  elle,  à  catife  Je 
la  vertu  &  force  que  Dieu  lu  y  donna  de  foultenir  en  l'aage  de  vingtdnt)  ans  la  vraye  doctrine  de  fa  vente  ,  lors  que  toutes 
chofes  cftoyent  du  tout  confu/cs,  fous  vn  gouuerncmcnt  cruel  &  tyrannicjue. 

E  qu  Eulebc  a  cicritde  Blandine  conféré  auec  ce  que  cefte  noble  femme  a 
fait,on  trouueia  vne  grande  fimilitude.  Car  cefte-eyfurmontant  la  fragilité  Xlv;D 
de  Ion  lcxc,a  fait  vne confeflïon  admirable  delà  vérité  de  Dieu,  &  a  mainte- 
nu fa  vraye  gloire  contre  les  idolâtres  de  la  meife  Papiftique:&:  d'vn  courage 
inuincible  a  enduré  la  prifon&  toutes  reproches  ignominieufes  &:  cruelles.  Elle  eftoit 
natiue  du  pays  de  Lincolne,  iilùe  de  nobles  parens.  Son  pere  eftoit  Guillaume  Askeue, 
de  l'ordre  des  Cheualiers.  Ayant  efte  nourrie  &  entretenue  d  vne  façon  noble  &c  digne 
defesparens,paruint  fmalemctà  ce  but,qu'ellefauoit  bien  lire  &cfcrire.Elleauoit  bon 
efprit  &:  euft  bien  peu  comprendre  de  plus  grandes  feiences ,  fi  l'inflruclion  ne  luv  euft 
non  plus  failli  que  le  naturel, Mais  au  refte,Dieu  fupplea  en  elle  par  fa  grâce  &  bonté  ce 
uiluy  defailloit  par  faute  d'inftru&ion.  Elle  eftoit  chafte&:  honnefte  en  toute  fa  façon 
e  viure,en  forte  que  les  bons  y  pouuoyent  voir  beaucoup  d'exemples  de  vertu  pour  s'- 
inciter^ les  malins  ne  lapouuoy  c  nt  blafmer.  Sa  prudence  &:  la  promptitude  de  fon  ef- 
prit peuuent  eftre  facilement  cognues  par  fon  double  examen.  Au  premier  elle  a  mon- 
ftré  ouuertement  par  la  viuacité  de  fon  efprit  &par  fes  refpôfes,qu'elle  euft  bien  peu  ef- 
chapper  fi  elle  euft  voulu  :  au  fecôd  elle  a  aufti  monftré  par  fa  grande  confiance,  qu'elle 
n'auoit  point  regret  de  mourir.  Car  elle  eutàfouftenir  deux  combats  coatrecesen- 
nemisrlefquels  elle  a  eferits  de  fa  propre  main ,  à  la  requefte  de  fes  amis. 

Le  premier  examen  de  noble  &  honnorable  femme  Anne  AsK  eue. 

JO  M  M  E  S  freres,compagnons  d'armes  bien  vnis  en  Chrift,afin  que  ierefponde 
à  vos  defirs  &:  requeftes:  L'an  m  .  d  .  x  l  v  i ,  au  mois  de  Mars,on  me  fit  commande- 
ment de  me  trouuer  en  l'auditoire  :  &:  là  s'adrerTa  à  moy  vn  des  douze  députez  pour  in- 
Scrroguer  ceux  quifont  foufpeçonnez  d'her efie,lequel  on  appelle  Chriftophle  Daire.il 

E-iiii, 


2 


me  demanda  fi  ie  nadioufloyc  point  foy  au  facrement  qui  eftoit  pendu  au  ciboire ,  &  il 
ic  ne  croyoye  point  que  ce  fuit  de  taitt  &:  de  nature  le  corps  de  noftre  Seigneur. Et  pour 
luy  taire  refp<  >nfc ,  ie  luy  demanday  aulii  qu'il  me  monftraft  pour  quelle  raifon  on  auoit 
îadis  lapidé  fainctlifticnne.  Et  après  qu'il  m'eut  dit  qu'il  n'en  iàuoit  rien,  ie  luy  relpon- 
dy  en  ceiteTortc:lc  ne  relpondrav  auÛi  à  voftre  queftion  friuolc.  Pour  le  fécond  poinct 
ilmcmcttoitenauant ,  qu'vne  certaine  femme  auoit  tclhrîe&i  confermé  que  i'auoyc 
leu  en  quelque  part,  que  Dieu  ne  tait  point  fa  refidece  és  lieux  faits  de  main.  le  luy  vay 

Aa.7.4»,&  produire  furie  champ  le  ftptieme  chapitre  des  Actes,  Scie  dixfeptiemc,  montrant  de- 

i7,i*-  uant  les  yeux  ce  que  S.I  ilienne&  S.Paul  nous  ont  laùTé  touchant  cefte  matière.  Il  ni- 
interi  ogua  en  quelle  forte  i'auoyc  pris  ce  partage: &:  luy  refpondy  qu'il  ne  falloir  pas  ict- 
ter  les  perles  dcuantles  pourceaux,  qui  prennent  beaucoup  plus  grad  plaiiirau  gland. 
Il  mede  manda  puis  aptes  qui  m  auoit  fait  ainfi  parler,  Que  i'aimeroyc  mieux  lire  cinq 
vers  en  la  fainetc  Bible  de  Dieu  ,  qifouyr  autant  de  Melfcs  au  temple.  le  ne  niay  point 
queie  n  cuilè  ainfi  parle:toutefoisc  n  parlant  ainfi  ie  nauoye  pointât  mauuaife  opinion 
de  1  Ey  litre  &c  de  l'Euagile  qu'on  lifoit  en  la  mciïe.ains  ie  fondoye  ma  raiibn  en  ce, Que 
iefentoye  grande  édification  en  la  lecture  de  la  biblermaisenoyantla  Méfie, nulle. De- 

i.Cor.14.8.  quov  S.  Paul  rend  tort  bon  tclmoignagc,  au  quatorzième  chapitre  delà  première  epi- 
ftre  aux  Corinthiens, quand  il  ditainli,Sila  trompette  red  vn  fon  confus ,  quieft-ce  qui 
fe  préparera  à  la  bataille? 

Or  cemonfîcurpourfuyuantfon  propos,  me  dit,  Vous  auez  dit  que  fîvn  mefehant 
PreftrechantoitlaMcire,  le  diable  cftoit  là,  non  point  Dieu.  Ic  refpondy  que  jamais  ie 
nauoye  ainfi  parle,  mais  que  i'auoyc  dit  que  quelque  Prcftrequecefuft  quichantaft  la 
MefTc,ou  de  quelque  vie  qu'il  fuft ,  cela  ne  derogoit  rien  à  ma  foy  :  &  cela  ne  m'cmpel- 
choit  point  de  receuoir  en  cfprit  le  corps  &c  le  fan  g  de  Chrifl. 

Ovtreplv  s,  pour  le  cinquième  article  il  me  de  mada  quelle  eftoit  mon  opinion 
touchant  la  Confeffion.  le  dy  queie  n'en  penfoye  autre  choie  flnon  ce  que  S. laque  s  en 

i*<is.\6.  ditjlequel  nous  commande  de  confcJlcr  nos  péchez  6c  ofïenfes  les  vns  aux  autres, &c  de 
prier  les  vns  pour  les  autres .  On  me  parla  puis  après  du  Hure  qu'on  appelle  Lcliure 
royal .  &:  ccftuy-cy  me  fit  celle  demande ,  Que  c'eft  que  i'en  penfoye.  le  dy  que  ie  n'en 
pouuoye  faire  aucun  iugement ,  veu  que  ne  I'auoyc  encore  veu.  Conlcquémcnt  il  me 
fît  vnc  autre  interrogation,  afïauoir  li  i'auoye  l'Efprit  de  Dieu.  Et  ie  luy  refpondy ,  Si  ie 
ne  lav,ienc  fuis  point  de  Dieu,  ainçoisdov  cftre  mife  au  reng  de  ceux  qui  font  reiettez. 
Alors  il  me  dit  qu'il  auoit  amené  vn  Preftrc  qui  me  de u oit  examiner.  &: le  Prcflre  le- 
quel il  auoit  làpreft  en  main, commença  à  médire,  première  ment  qu'il  dcfircroit  bien 
iauoir  de  moy  quelle  opinion  i'auoyc  touchant  le  facrement  de  l'autel .  mais  ielepnay 
qu'il  ne  me  preflaft  de  trop  près  à  luv  refpôdre  de  ce  rte  matière  .  car  pource  que  i'auoye 
apperceu  qu'il  eftoit  Papille,  ie  n'en  vouloye  point difputer  beaucoup  auecluy. 

Finalement  moninquifiteur  reuint  à  ce  poinct,Quelle  cfloit  mon  opinion  tou- 

'usin)n'r  chant  les  Meffespriuees,afTauoirfî  après  celle  vie  cllespcuuent  faire  que  les  ames  fe- 
parées  des  corps*  ayent  quelque  foulagement.  Sur  cela  ie  refpondy  que  ii  quelcun  met- 
toit  plus  fafianccenicclles  qu'au  fan  g  duFilsde  Dieu  ,  quieft  mort  pour  nous  ,ccn  e- 
floit  point  fans  idolâtrie  ou  facrilcgc. 

Ok  après  qu'on  eut  ainfi  exploité,  on  me  mena  finalement  au  Maire  delà  ville,  le- 
quel m'interrogua  de  poinct  en  poinct  de  toute  s  ces  chofes,&rpar  mefme  ordre:&  ie  luy 
refpondy  en  mefmes  parollesdefquelles  i'auoye  vféauparauant:  linon  e]uemonfieur  le 
Maire  me  mit  en  auant  vnc  chofe  qui  eftoit  procedec  d'eux,  &c  non  point  demoyrc'e- 
floit,Si  vne  fouris  rencontrant  vn  pain  con(acré,venoir  à  le  manger,  afTauoit  fi  elle  ma- 
gcroitdicuencefaifant,  ou  non.  Etdcfait,  icn'ay  point  tenu  ce  propos ,  mais  eux  m'- 
ont bien  demandé  quelque  chofe  approchant  de  cela.  A  laquelle  demadeie  ne  refpô- 
dy  pas  vn  feul  mot:  feulemét  ie  me  prins  à  foufrire  quand  on  me  fît  celle  interrogation. 
Là  eftoit  prefent  le  Chancelier  de  l'Eucfque,qui  parla  à  moy  rudement,  de  ce  quemoy 
qui  eftoyc  femme,  me  mefloye  de  tenir  propos  des  S.Efcritures  de  Dieuraffermant  que 
S.Paul  auoit  défendu  aux  femmes  de  parler  des  S.Efcritures.  A  quoy  ie  refpondy  que  iç 

i.Cor.i4.  n'ignoroye  pas  tellemet  l'intention  de  S.  Paul,  que  ie  ne  feu /Te  bien  ce  qu'il  ordonnoit. 
Là  il  défend  aux  femmes  de  parler  en  la  congrégation, corne  en  la  côpagnie  des  homes 
qui  font  orHce  d'endoctriner.  Et  incontinét  ie  le  priay  de  me  dire  côbicn  il  auoit  veu  de 
femmes  môter  en  chaire  pour  prefcher.Et  après  qu'il  eut  côfefîe  qu'il  n'en  auoit  iamais 

veu. 


veu,  ic  luy  dy  derechef,  Ne  chargez-vous  donc  point  les  poures  femmes  par  vofrrc  ju- 
gement précipité,  lesquelles  la  loy  abfoutr  •  Et  fur  ce  point  monlicur  le  Maire  com- 
manda qu'on  me  menait  en  prilbn  :  mais  ie  luy  h  requefte  qu'il  luy  pleuft  receuoir  quel- 
cun  qui  me  plcigcatt.  Ce  qu'il  ne  mevoulirt  aucunement  accorder,  ains  me  fit  inconti- 
nent mener  en  pnfon  :  S>C  durant  l'efpacc  de  douze  îours  entiers  on  ne  permit  qu'aucun 
de  mes  amis  me  vinft  voir.  Ce  temps  pendant  il  y  vint  bien  vn  Preitrc,  lequel  me  dit 
qu'il  t  ftoit  là  venu  auec  expre/Ic  ordonnance  de  l'Euefque ,  pour  s'enquérir  de  mov ,  6c 
pour  me  donner  bon  cofcil.mais  ce  vénérable  eftoit  fort  prompt  a  taire  des  inrerroga-  Efpïonea* 
tions,&:  beaucoup  plus  qu'à  donner  confcil:&:  la  première  choie  qu'il  me  demanda  ,  ce 
fut  la  caule  pourquoy  l'auoye  efté  amenée  en  cefte  pril'on.  le  dy  que  ic  n'en  iauoye  rien.  Anne 
Alors  il  dit  que  ficefte  calamité  m'cltoitimpofee  à  tort  &  fans  caule  ,  cela  dtoit  digne 
de  compaiiîon.  Pour  le  faire  court,  iltendoitàce  but,qu'il  vouloir  monltrcrd'eilre  tort 
fafchc  de  ce  mien  inconuenient.  Il  difoit  auoir  ouy  dire  que  ic  nioyc  le  facrement  de  l'- 
autel, le  luy  rclpondy,Cc  que  i'ay  dit,  ie  l'ay  dit.  Il  me  fit  vne  autre  demande,aiïàuoir  li 
i'auoye  çonfeffé  mes  péchez  à  vn  Prcftre.  Non,  dy-ie.  Tout  incontinent  il  me  dit  qu'il 
en  ameneroit  vn  pour  m'ouyr  en  confciîîon.Ie  refpondy  que  ic  le  vouloyc  bien, moyen- 
nant qu'il  m'amenait  vn  de  ces  trois,  aiîauoir  le  docteur  Crom,ou  Gillam,ouHuntyng- 
ton,  pource  que  i'eftoye  bien  informée  tant  de  la  pieté  que  de  la  prudence  deceux-cy. 
non  pas  (dy-ie)queie  vous  dedaignermaispoureeque  ic  ne  vous cognoy pas  fi  bien.  le 
ne  voudroyepas,  dit-il,  que  vous  euffiez  quelque  doute  de  moy  ne  des  autres ,  que  nous 
ne  fufîions  à  comparer  à  eux  en  toute  honneftetc.  Que  fi  nous  n'eftions  tels ,  le  Roy  n- 
ellimeroit  point  que  celte  charge 6c  office  de  prefeher  nous  deuft  cfkre  délégué.  Pour 
rcfpôdreàccla,ieluy  allcgay  lepaifage  de  Salomon,  Ccluy  qui  fréquente  auec  vn  hom  PrCllcr  1  -s* 
me  fagCjdcuient  encore  plusfagerceluy  qui  conuerfe  auec  vn  toi, le  fait  grand  rômage. 

I.e  x  x  1 1 1  iourdcMars,aprescelavnmiccouiin germain  me vintvoir,&:  medema- 
da  fi  ie  pourroye  cftrc  tirée  de  pnfon  en  baillât  caution  ou  pleigc.Puis  s'en  alla  droit  au 
Maire, &:  luy  prefenta  requefte  d'accepter  caution  6c  plcigc  de  quelques  penonnes 
hôneftes  :  6c  par  ce  moyen  m  eflargir.  Le  Maue  luy  refpontiit  qu'il  voudroit  volontiers  Jr¥c" ;; 3  2" 
touteschofes  pourluygratifier,moyennantquelaiuftieeipuituelleyf  onlentift.  Il  luy  „  :i  . 
confcilladoncdcs'adreilcràrOtticialdc  BonerEucfqucde  Londres. Mon  coufineftat  c;ou- 
renuoyé  auec  cefte  rcfponfe,  s'en  alla  droit  à  ccft  Officiai,  lequel  luy  fît  telle  refponfe, 
que  c'eftoit  vne  caufe  de  grande  coniéquccc,  6c  qu'il  n'auoit  pas  telle  authorité  ou  pui(~ 
fance  en  ceft  endroit  qu'il  y  peuft  mettre  quelque  ordre  :  6c  que  c'eftoit  la  propre  char- 
ge^ office  de  l'Euefque.  Et  pourtantilluy  dit  qu'il  retournait  le  lendemain  ,&:  lors  il 
fauroitplus  au  long  la  volonté  de  l'Euefque. Bref,mon  coufin  retourna  vcrsl'Officialau 
iour&:  heure  qu'il  luy  auoitafllgnce,&  s'en  alla  à  l'Euefque:  lequel  pour  conclufion  dit 
que  ie  fortiroyc  voircment ,  mais  que  ce  feroit  pour  conférer  de  ma  doctrine  &:  a/îlgna 
le  terme  au  lendemain  à  trois  heures  après  midy.  Iladioufta  outre  cela  ,que  les  perfon- 
hages  qu'il  ad mettoit  en  cefte  conférence ,  feroyent  principalement  ceux  aufquels  ie 
portoyc  pins  de  faucur,  en  forte  que  tous  pourroyent  manifeltemét  cognoiftre  qu'il  ne 
voudroit  vfer  d'extrême  rigueur  en  cefte  caufe  contre  moy.  Et  mon  coufin  luy  refpÔdiç 
qu'il  ne  cognoiifoitperfonne  à  qui  iefuile  plus  adonnée  qu'aux  autre  s,  Et  rEucfqueditj 
Il  cftainli  quelle  en  a  aucuns  qui  luy  portent  taueur  plus  que  les  autres,  aiîauoir  le  do- 
cteur Crom,Gillam,Vvythod,  6c  Huntyngton. car  elle  les  recognoit  pour  perfonnages  Coi\;?s 
fauans,  6c  de  bon  6c  pur  iugcment.Dauantagc  il  prefia  ce  mien  cou  lin  par  beaucoup  de  Boàa.  2 
parolles,à  ce  qu'il  me  perfuadaft  de  déclarer  &c  defployer  franchement  deuant  luy  tou- 
tes les  cachettes  de  mon  cœur .  6c  qu'en  ce  failant  il  s'obligeroit  fur  fa  fov  qu'il  ne  m'en 
aduiendroit  dommage  ou  inconuenient  quelconque.  Le  lendemain  l'Euefque  me  fit 
appeler  à  vne  heure,  îa  foit  qu'il  nous  euft  remis  feulement  à  trois.  Et  quand  ie  fu  venue 
deuant  luy,  il  me  dit  qu'il  eftoit  fort  marry  de  cefte  mienne  calamité.  Au  relie ,  il  m'ad- 
monnefta  de  luy  delcouurir  franchement  Se  lans  crainte,  pour  quelle  chofe  mes  aducr- 
fairesauoyent  drelle  aceufation  contre  moy,  &  de  luy  defployer  tout  ce  que  i'auoye  en 
mon  cœur:  qu'il  n'y  auroit  perfonnè  qui  me  fîft  fafchcrie  pour  quelque  parolle  q  ic  fcul- 
fe  direxar  ce  que  ie  diroye,  feroit  comme  enfeuely  dedans  fes  murailles. le  luy  dy,Mon- 
fieur,  pource  qu'il  vo9  a  pieu  m'affigner  le  terme  à  trois  heures  ,  à  laquelle  heure  le  doy - 
uent  trouuer  ici  ceux  qui  doyuent  parler  pour  moy,  ie  vous  fupplic  me  faire  ce  bien  d'- 
attendre iufqu  a  ce  qu'il  foyent  venus .  Et  bien  donc(dit-il)  ie  fuis  d'aduis  qu'on  face  ap- 


Livrer  III.  oAnn<Lj  zAskeuç^j. 

% 

peter  fur  le  champ  ces  quatre  defquels  i'ay  parle  naguercs,  afin  qu'ils  foyertt  icy  prefens 
pourouyreequi  feradir.  le  lepriay  qu'ilne  6ft  point  cela:  car  il  n'eftoit  autrement  bc- 
loin  qu'ils  pi  inifent  cefte  peine-la ,  veu  que  ces  deux  gentils-hommes  feroyent  hons&: 
fuiHians  celmoins ,  autant  qu'il  i'eroit  expédient  en  tel  afiaire.   Api  es  cela  l'Euefque  fe 
Spflnun.    retira  en  fa  gallericî&  rit  là  venir  moniieur  Spîlman,&luy  ordôna  d'infifter  enuers  moy 
par  tputes'lbrtcs,  à  ce  que  ie  ne  cclalle  rien.  Cepédant  il  m'enuoya  ion  Archediacrc,le- 
quel  de  première  au  iuec  me  demanda  pour  quelle  caui'c  on  m'auoit  accufcc.  le  luy  ref- 
pondy  qu'ilfalloit  demâder  cela  à  mes  accusateurs.  Alors  il  m'ofta  \  n  petit  liurc  que  ic 
tenoye  en  mamain:&  me  dit,  Ce  petit  liurc-cy  &  autres  fctnblablablcs ,  vous  ont  ame- 
née à  la  calamité  où  vous  elles  maintenat .  parquoy  ic  vous  admonnefte  que  vous- vous 
en  donniez  garde.  Car  (  eluy  qui  a  compofé  ce  liurc  que  ie  vous  ollc ,  a  cfté  brullé  en  la 
j  place  de  Smythfild.  Ic  luy  demanday  fur  cela,  s'il  cftoit  bien  certain  de  ce  qu'il  diibit.  11 
■Mrtv'rcv  mc  cn  1  qu  ouy:&  qu'il  iauoit  bien  q  c'eftoit  le  liurc  de  IeâFryth.  Et  ic  repliquay,  Voyez, 
dcfi'ui.  '  fans  ainli  prononcer  a  là  volée  d'vnc  chofe  que  vous  ne  fauez  pas.  Etquant&quant  a- 
presauoirouucrt  le  hure ,  ie  luy  monftray  que  c'eftoit.  Iepenfoye  (dit-il)  qucccfuft  vu 
autre  .&  ne  trouua  rien  qu'il  peuft  reprendre.  Finalement  après  que  feu  remonftré  à 
ccll  Archediacre qu'il  ncfuft  dorefenauat  ii  haftif&:  inconiidcréàiugcr,  fansauoirbo* 
ne  cognoiiiance  de  la  choie,  il  me  laiii'a  &:  s'en  alla. 

Br  y  t  a  n  moncouiin  vint  puis  après  vers  moy  aucc  moniieur  Hauill,aduocat,&: 
quelques  autres,  en  prefence  defquels  l'Euefque  medit  que  ie  deiployaflè  hardiment 
ce  que  ie  tenoye  caché  au  dedans,  le  luy  refpondy  que  ie  n'auoye  rien  caché  en  mon 
cœur  pour  mettre  en  auant:  Car,  grâces  à  Dieu ,  ie  fentoye  ma  conicience  paiiible&: 
fans  aucun  remors  ne  fcrupule.  Et  fur  cela  BV.ner  l'Euefque  prepofa  vne  (imih'eude, 
dilant,  Vn  chirurgien  fauant  &  bien  expert  ne  peut  pas  appliquer  vue  emplallreà  la 
playe,  s'il  n'a  en  premier  lieu  diligemment  fonde  la  profondeur  de  laplaye.  auflî  ne 
pourroy-ic  pas  donner  des  confeils  propres  à  voilre  maladie ,  ii  vous  ne  me  defcouurez 
premièrement  ce  qui  vous  fait  mal  envoftre  conicience.  Derechef  ic  luy  dy  que  ma 
confcicnce  ne  mefaifoit  nulle  ment  mal.  ce  icroit  folie  de  vouloir  mettre  vne  empla- 
ftre  fur  vne  chair  faine  &  entière.  Il  me  refpondit,  Vousmccontraignezdevous  pref- 
fer  par  vos  parolles  m  cimes .  car  vous  auczditque  quiconque  receuoitlcfacrcmcntd'- 
vn  preftre  ord  &  mal  viuant ,  il  reccuoit  Satan  ,&r  non  pas  Chrift.  Ic  luy  dy ,  le  n'ay  pas 
ainli  parlé .  mais  ce  que  i'ay  confelfe  deuant  moniieur  le  Maire  &:  les  enquefteurs ,  ie  le 
vous  veux  auflî  maintenant  confe/Ter:  ailauoir ,  A  quelque  mefehant  Prcftre  qu'on  ait 
à  faire,  cela  n'cmpcfclic  pas  les  autres  de  receuoir  le  corps  &  le  fang  de  Içfus  Chrift  en 
efprit&  parfoy. 

Bon  e  R,Qrei:gniriecequcvousaGioufl.ez,cncfprit?  Maiscncorcic  nevous  veux 
pas  trop  prelîcr.  An  n  e  ,  Vous  fauez  que  nulncpeut  receuoir  deuement  &falutaire- 
mentee  Sacrement, finon  cncfpnt&:  partoy:  ^  Apres  cela  il  vintàccpoin£t,quei- 
auoycditquc  le  Sacrcmetqui  eftoit  enfermé  au  ciboire,  n'eftoit  que  du  pain.  le  dy  que 
ic  n'en  auoye  point  parlé,  mais  les  Inquiiitcurs  m'interreguerent  fur  cela  quelle  en  e- 
ftoit  mon  opinion  :  &  de  mon  cofté  auflî  ieleurry  celle  dcmande,Pourqucy  S.Eftiennc 
auoit  cfté  lapidé.  Et  après  qu'ils  eurent  rcfpondu  qu'ils  n'en  fauoycnt  rien ,  ic  dy  auflî 
que  ie  ne  rcfpondroye  point  à  ce  qu'ils  me  demandoyent.  ^  Boner  puis  apres  me  mit 
en auant que fauoyc  allégué  quelque  paiîagede  rEfcriturc.  le  luy  dy,  que  ie  n'en  auoye 
point  allégué  d'autre  ,  linon  celuy  ou  l'Apoftre  S.  Paul  relpondit  îadis  aux  Athéniens, 
Que  Dieu  n'habite  pointés  temples  faits  demain.  Et  quelle  cil  voftre  foy  (dit- il)  tou- 
chant cefte  matière  du  Sacrement  ?  Iccroy  (  dy-ie  )cc  que  la  fainile  Efcrirurcdc  Dieu 
m'enfeigne.  11  répliqua,  Et  que  diriez-vous  (i  l'Efcriture  en  feigne  que  c'eft  le  corps  de 
Chrift?  le  croy(di-ie)tout  ce  qui  eft  ordonné  par  les  fain&cs  Efcriturcs.  Bonï  R,Mais 
que  fera  ce  fi  rEfcriturc  ne  dit  point  que  ce  foit  le  corps  du  Seigneur?  Ann  E,Iefuyen 
tout&partoutl'authoritéde  l'Efcriture  nous  enfeignant.  ^Orils'arrefta  quelque  peu 
de  temps  fur  celle  queftion,  la  répétant  par  pluiieursfois,  afin  que  par  quelque  moyen 
il  arrachait  de  moy  finalement  ce  qu'il  prerendoit .  mais  de  moy,  ic  me  contenoye  touf- 
iours  dedans  ces  limites  &:  bornes,  ne  refpondant  autre  chofe,  linon  que  ic  iuyuroyedc 
toute  ma  foy  tout  ce  quclareigle  del'Euangile  commandoit.  On  me  demanda  fur 
cela ,  pourquoy  i'eftoyc  ii  chiche  en  parolles ,  &c  ii  reftreinte  en  rcfponfes.  le  dy  que  le 

don 


lutcrro 

tu  »1  l 

Boner. 


A2.I7.: 


don  d'intelligence  m'auoitefté  baillé,  mais  non  pas  le  don  déparier.  Ce  que  mainte- 
nant vous  blâmiez,  Salomon  au  19. des  Prouerbcs  le  tourne  à  grande  louangc:afFermât 
que  c'cttvn  don  lingulicr  de  Dieu,  quand  vnc  remmeeit  attrempee  &bien  modérée 
enlaparollc.  *Bon  t  r,  Vous  auez  dit  que  la  Mciiéeftvne  idolâtrie.  An  ne, le  ne 
1  ay  point  dit .  mais  quand  les  gens  de  la  iuiïicc  nagueres  me  demandoyent ,  Sue  n'efti- 
me  point  que  les  Méfies  priuees  fulfent  ialucaires  après  cefte  vie  aux  ames  feparecs  des 
corps:  ie  rclpondy  bien  que  cecyn'eftoit  fans  idolâtrie,  quand  quclcun  mettoit  plu- 
il  oit  la  fiance  aux  Meilès  qu'au  iangde  Iefus  Chrift ,  par  lequel  nous  Tommes  rachetez, 
Bon  e  r,  Ievous  prie,  quelle  eftoit  cefte  rcfponfc?  An  n  e ,  Encore  que  dauenture  elle 
nefuil  pas  des  meilleures ,  ne  des  plus  doctes  :  toutefois  clic  vailoit  bienles  interroga- 
{ions  qu  on  me  faifoir. 

Or  rEuefquepourfuyuantfon  propos, propofa autre  accula tion  contre  moy  :  aiTa- 
uoir  que  fauoye  dit  quelque  fois  a  Lincolne  qu'il  y  auoit  (oixante  preftres ,  qui  auoyent  Cpnlpira- 
fait  confpiratjon  enfcmbledc  me  faire  mourir.  le  ne  le  niay  point:  car  pour  lors  aucuns 
de  mes  amis  familiers  m'en  aduertirent:  a/làuoir  qu'en  ladite  ville  de  Lincolne  il  yen 
auoit  qui  auoyent  complotté  enicmble,  &confpirédefc  bander  contre  moy.  Aufîi 
toit  que  i'en  eu  cité  aduertie,  ic  m'en  allay  droit  à  Lincolne ,  où  ïc  demeuray  par  l'cfpa- 
cc  de  neufiours ,  pour  iauoir  mieux  à  la  vérité  comment  il  en  alloit.  Cependant  que  i  - 
eftoye  en  leur  grand  temple,  lifânt  en  la  Bible»  ils  m'enuironnerent  par  trouppes ,  tan- 
toft  deux,  quelques  fois  trois ,  aucune  fois  mcfmc  iuiqu'à  iîx  :  neantmoins  fans  fonner 
mot  ils  s  en  retournoyent  comme  ils  cftoyent  venus. 

B  o  n  e  r  me  demanda  fur  cela,lî  de  tous  tcux-la  il  ny  en  eut  pas  vn  feu  1  qui  me  diftvn 
feul  mot.  le  luy  rclpondy  que  voircment  entre  les  autres  il  y  en  eut  vn  qui  parla  vn  peu 
à  moy.  B  o  n  e  r,  Et  que  vous  difoit-il?  Ann  e  ,  Ses  propos  eftoyenc  de  Jî  petite  confe- 
qucnçe,queielcsaydutout  oubliez.  Bone  r,  Il  y  cnaplulicursquiliicntlcslainctcs 
E(critures,&:  nonobftant  ne  monltrent  point  en  leur  vie  qu'ils  ayent  rien  profité.  A  n  - 
n  e  ,  Monfieurlcrcuerend,ievoudroyequetous  cuiléntdeprcsconfidcrémaraçonde 
viure:  ic  fuis  bien  certaine  qu  il  n'y  a  peribnne  qui  me  puuTe  mettre-fus  vne  feule  ma- 
culcou  ordure  de  quelque  condition  deshonnefte.  L'Euefque  s'en  allalur  cela,&:  di- 
foit  qu'il \  ouloit  mettre  par  eicrit  vne  partie  des  chofes  que  fauoye  refpondues.Ce  qu'- 
il fit  aufîi. mais  quant  à  moy,  ie  n'ay  peu  retenir  en  ma  mémoire  chacun  point,  ou  pour- 
ce  quil  y  auoit  trop  grand  nombre  d'articles,  oupource  qu'on  ne  m  auoit  point  bail- 
lé de  copie  pour  la  lire.  Au  relie,  les  chofes  dt  (quelles  icpouuoye  bienauoir  louue- 
nance,  tendoycntprefque  enfomme  au  butdeuantdit. 

La  féconde  procédure  tenue  coi.tre  Anne  Askeuccomintcllt-nicrax: l'icfcncc  à  vn  lîcnamy. 


S^pR  ERE  bien-aimé  ennoftre  Seigneur  Iefus,  touchant  à  mon  autre  examen, 
^Jggvoici  comment  il  en  va  :  Premièrement  quad  ie  fus  amenée  deuant  le  confeil ,  M. 
Kym  m'interrogua  :  auquel  ie  refpondy  que  fauoye  defia  alTez  defcouuert  ce  que  ie  fen- 
toyc  en  mon  cœur ,  entant  que  touchoit  ceft  affaire.  Mais  ces  meilleurs  diioyent  que  ce 
n'eftoitpas  airez.&qiie  la  volonté  du  Roy  eftoit,  que  ie  leur  déclarante  quelle  eftoit 
mon  opinion  fur  cela.  Et  de  moy,  ie  repliquay  au  contraire  que  ie  n'en  feroye  rien:  mais 
s'il  fembloit  bon  au  Roy  que  ie  fulfe  vne  fois  ouye  deuanc  luy ,  ie  feroye  volotiers  cequ  - 
ils  demandoyent.  Ils  rcfpondirent  que  cela  n'eftoit  nullement  raifonnable,  que  1ère- 
pos  du  Roy  fuit  troublé  à  caufe  de  moy  &:  de  mes  fem  blables.  Ic  dy  qua  bon  droit  tous 
auoyent  mis  anciennement  Salomon  au  rang  des  plusfages  Rois, d'autant  qu'iceluy 
n'a  point  defdaignéd'ouir  la  caufe  de  deux  pourcs  femmelettes  qui  auoyent  débat  1'-  r' 
vne  contre  l'autre, &:  d'en  prendre  luv-mefmelacognoiilancc  :  iene  me  defrioyc  point 
aufîi  de  la  debonnaireté  &  bénignité  du  Roy ,  qu'il  ne  me  vouluft  ouyr  ,moy  ion  hum- 
ble fuiette  en  toute  fidélité  &  humilité .  Outre-plus ,  monfieur  le  Chancelier  m '111-- 
çerroga  quelle  eftoit  mon  opinion  touchant  le  Sacrement  de  fEuchariftie.  îeref- 
pondy,  que  ma  foy  eftoit  telle,  que  toutes  fois  &:quantes  qu'en  l'aflcmblce  des  Chre- 
ftiens,  ie  pren  le  Sacrement  du  corps  &:  du  fang  en  mémoire  delà  pafTîon  du  Seigneur, 
qu'après  auoir  rendu  grâces  félon  cefte  fainetc  ordônance  &c  inftitution,  ic  fuis  fembla- 
blcmet  faite  participate  dufruidt  de  la  pafîîon  falutaire  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift.» 


Sur  cclai'Euefque  de  Vinccftre  me  dit  que  ie  parlaflTe  plus  (împlemènt  &:  fans  faire  au- 
cun c  ircuit  ,&:  que  ic  rcfpondilîe  d'vne  forte  ou  autre.  le  rclpondy  que  ie  ne  pouuoye 
pfc.i?7.4.  chanter  Ja  nouuelle  chanfon  du  Seigneur  en  vne  terre  cftrange.  Sur  cela  l'Eucfque  m - 
ayant  die  que  ieparloye  en  paraboles  &  figures  :  ie  repliquay  que  cela  luy  côucnoit  fort 
bi#n.  De  faicr,quand  f  culte  parle  à  luy  rondcment,il  n'eult  point  aoiouftc  foy  à  mes  pa- 
rollcs.  Adoncil  m'appela  Papegay:  maisieproteftay  ouuertemcnt  d'endurerpatiem- 
ment  non  feulement  l'es  brocards,  mais  auffi  toutee  qu'il  voudroit  déformais  drellèr 
contre  mov.Sur  cela  les  confeillcrs  me  dirent  pluficurs  parolles  piquantes  &:  outrageu- 
ies:mais  il  n'eft  befoin  de  les  rectter.ne  les  articles  l'vn  après  l'autre ,  veu  qu'il  y  en  auoit 
tant  ait  on  ne  les  pourroit  exprimer  en  beaucoup  deparollcs.  De  raid,  ic  tu  là  détenue 
cinq  heures  ou  plus.  Et  finalement  après  auoir  beaucoup  difputé,  commandement  tut 
(ionneau  prcmierlccrctairedu  Confcil,  de  memenerde  Jàcn  lamaifon  de  monlîcur 
.  intcr  Garnishé.  Le  lendemain  ie  fu  derechefamenee  deuant  le  Sénat.  Us  me  pre/îcrét  fort 
icigiue  de-  de  déclarer  ce  que  ie  croyoyc  du  Sacrement.  Ic  rclpondy  que  tout  ce  qui  m  auoit  efté 
uâî  u-  Sénat  p0fl'mlc  de  dire  fur  celle  matière,  ic  l'auoyc  dit.  Et  après  quelques  propos ,  ils  me  com- 
mandèrent de  me  retirer  vn  peu  à  part.  Et  bien- toft  après  mon  lieu  r  L)  IIc,moniieurd- 
nfcx  &  l'cucfquG  île  Vvinccftre  vinrent  vers  moy,&  me  folicttcrêt  de  près,  à  eequeie 
confefTafî'e  que  le  Sacrement  eftoit  le  corps  de  Chrift  en  chair  &  fang  &c  os. le  dy  à  mon- 
fieur  PariT&:  à  monficurLvfîe,  que  c  eftoit  grand'honte,  de  me  confeilk  r  de  dire  vne 
choie  à  laquelle  leur  confcicnce  ne  s'accordoit  nullement.  Ils  rcfpondirent  qu'ils  de- 
liroyét  que  par  ce  moyen  tout  allaft  bien.  &:  fur  cela  l'cucfque  de  Vvinccftre  me  dit  qu'- 
il vouloit  parlera  moy  tamiliercmcnt.  Ainlî(dy-ic)Iudas voulut  parler  à Iefus Chrift, 
quand  il  le  vouloit  trahir.Il  me  demanda  pourquoy  ie  refufoye  de  parler  en  particulier. 
Pourcc  (dy-ie)  qu'en  la  bouche  de  deux  ou  trois  toute  parollc  demeure  ferme .  Or  a- 
Robnfon  pres  qu'ils  m'eurent  commandé  de  me  retirer  delà ,  le  d  odeur  Robinfon  &:le  dodeur 
&cms.  d°~  Cox  vinrent  vers  moy  .  mais  pour  dire  en  bref,  nous  ne  nous  peufmcs  iamais  accorder. 
Et  puis  le  mirent  à  rappetaller  vn  eferit  touchant  le  Sacrement ,  m  exhortans  que  ic  le 
lignant*  de  ma  propre  main .  ce  que  ierefufay  défaire.  Lciour  enluyuant,  qui  eftoit  le 
Dimanche,  iedeuin  fort  malade,  n'attendant  rien  moins  que  la  vie.  pour  ceftecaufeie 
demanday  que  Latimer  me  fuft  amené  pour  parler  àluy  :  toutefois  îcncle  peu  iamais 
impetrer.  Finalement  ainli  quei 'eftoye  en  grand  danger  de  mourir,  on  commanda  que 
ie  fulïe  menée  en  la  prifon  de  Ncvvgat.  &  lors  i  eftoye  en  telle  lâgucur  de  maladie,  que 
jamais  ic  ne  fenty  li  griefues  douleurs  en  toute  ma  vie.  Le  Seigneur  vous  vueillc  forti- 
fier en  la  cognoillanccdc  fa  vérité.  Priez,  priezrie  vousdy  derechef  que  vous  priez. 

Copie  de  la  confefhon  que  ladite  Amie  Askeue  laiiïa  en  la  prifo;i  de  Ncvvgat. 

r.Coi.11  m  ^Sj^S'AY  leu  6c  trouué  ésfaindcsEfcriturcs,  comment  Chrift  print  le  pain,  &:  en  bail- 
&*îêvl'a  a  lcs  difciples,difant,  Prenez, mangczx'cft  cy  mon  corps ,  lequclfcra  bnfé  pour 
vous:  lignifiant  pour  certain  Ion  vray  corps  dcfaid&:  en  fubftancerduquel  voircmet  ce> 
pain  cft  figure  &  Sacrement.  Car  par  vne  fcmblable  façon  de  parler  il  difoit,  Que  le  tem- 
ple léroiuieftruit,  &:  en  trois  iours  il  le  redifieroit:entendant  fans  difficulté  de  fon  jppre 
corps,  comme  ceci  cft  facile  à  cognoiftre  par  ce  qui  eftdit,  Icam.  Et  pourtant  il  nous 
faut  conlïdercr  en  ce  Sacrement  du  corps  &  du  fang  de  Chrift, vne  façon  figurce&  my- 
ftique,  &.  vn  Sacrement  d'action  de  grâces,  &  mémoire  de  recognoiilàncc ,  par  lequel 
nous  ibmmcs  côioints  auec  luy , &  nous  auiTi  fommes  vnis  entre  nous  par  vne  commu-. 
nion  Chrcfticnnc&:  vrayem'ent  fraternelle.  Combien  qu'il  y  en  ait  pluficurs  qui  n'en- 

ExcJ.34.   tendent  pas  quel  cft  le  vray  fens  de  ce  Sacrement,  à  caufe  du  voile  que  Moyfe  mettoit 

*'  °1-3'  fur  fa  face,  afin  que  les  enfans  d'Ifrael  ne  viftent  point  fa  clarté. &i'entcn  quecevoilc 
demeure  encore  auiourdhuy  és  cœurs  d'aucuns. Mais  quand  ils  feront  conuertis  au  Sei- 
gneur, &  le  voile  fera  ofté,eux  qui  eftoyent  aueuglcs,verront.  Il  appert  par  l'hiftoire  de 
Bel, qu'il  n'y  a  nulle  diuinité  en  aucune  chofe  matérielle,  ou  qui  foit  faite  de  main  d'ho- 

j  Rds  6. 1.  me.  Ne  vous  abufez  point,  ô  Sire,  car  le  Treshaut  n'habite  ppint  és  lieux  faits  de  main. 

Aa.7'48.  o  cornent  ce  peuple  a  le  col  dur,  &:  commet  il  relifte  toufiours  au  S.Efpnt  !  Ils  font  tels 
que  leurs  peres  ont  cfté:car  ils  ont  le  eccur  obftiné&endurcy. 

Vostre  lœur  Anne  Aske  v  e  ,  qui  ne  defire  point  la  mort ,  pour  la  violence  d'i- 
cellc:  mais  fuis  ioyeufe  &C  alaigre ,  autant  que  peut  eftre  vne  perfonne  qui  pretéd  d'aller 
au  ciel.  Or  la  vérité  cft  mife  en  prifon, Luc  21.  La  Loyaefté  conuertieenabfynthe,  A-. 
mos  6.  Et  leiugcmcntaeftérenuerfé,Ifaic49.chap.  O  Seigneur tay  mifencorde,ofte 

tou- 


toute  iniquité,  &C  fois  propice  &  fauorablc,&:  nous  rendi  ons  les  veaux  de  nos  leures:  &c 
nous  ne  dirons  plus,  Or  nos  dieux  ce  font  les  ouurages  de  nos  mains:  car  le  pupille  &c  l'- 
orphelin obtiendra  mifericorde  en  toy.  Que  s'ils  faifoycnt  ainfi,  ie  gueriroyc  leurs  blcf- 
fures,dit  le  SeigneUr:  ic  les  aimeroye,&  leur  feroye  volontiers  du  bien.  Ephraim,  qu - 
ay-ie  à  faire  d'idolcsrQui  cil  le  fage  &:  bien  aduiie  ?&:  il  entendra  ces  chofes.le  prudent? 
&  il  les  cognoiftra.  De  fait  les  voyes  du  Seigneur  font  droites,  &  les  iuûes  chemineront 
cnicellcs:  maislcsmcfchanstrelbucherontenicclles.  Cccieft  dit  par  le  Prophète  O- 
fee  i4.chap.  Noftre  Seigneur  Ieliis difoit àla Samaritaine,Femmc,croy  moy  que l'heu-  I«n  4.1$. 
re  eft  venue  que  vous  n'adorerez  pluslePereny  en  celle  montagne,  ny  en  Icrufalem* 
Vous  adorez  ce  que  vous  ne  fauezmous  adorons  ce  que  nous  fanons .  car  le  falut  eft  des 
Iuifs.  Mais  l'heure  viendra,  &  eft  maintenant,  que  les  vrais  adorateurs  adoreront  le  Pè- 
re en  efprit  &£  vérité.  Mettez  peine  non  point  pour  la  viande  qui  périt ,  dit  le  Seigneur,  iean  s.if. 
ains  pour  celle  q.  eft  permanéte  à  la  vie  éternelle,  laquelle  le  Fils  de  l'home  vo9  dônera. 

Du  iugement  &  de  la  fentenec  Je  mort  prononcée  contre  moy  en  l'audicoircj 

j^^P  R  E  S  ces  chofes,  ils  conclurent  que  i'eftoye  hérétique,  &:  que  le  dernier  fuppli- 
'^^^cem'eftoit  ordonné  parlesloix,ti  iecontinuoye  à  maintenir  mes  opinions  trop 
obftinémcnt.  Sur  cela  ieniay  que  iefuiîe  hérétique:  cômedefaitie  ne  mefentoye  nul- 
lement coulpable  d'aucune  dodrine  hérétique: en  outre  que  parlesloix  de  Dieu  ie  ne 
meritoye  aucun  fupplicc.  Quant  à  la  foy  &  la  confeifion  que  i'auoye  faite  à  meilleurs 
du  Parlement ,  l'ayant  rédigée  par  eferit,  qu'il  n'y  auoiten  icelledequoy  ieme  deufTe 
repentir ,  &c  que  ce  n'eftoit  mon  intention  d'y  changer  aucune  chofe.  Sur  ce  propos  ils 
voulurent  fauoir  de  moy  fî  ie  nieroye  que  le  corps  &:  le  fang  de  Chrift  fuft  au  Sacremet. 
le  rcfpondy  que  ie  nioye  du  tout  cela  :  veu  que  le  Fils  de  Dieu  que  nous  confeifons  tous 
eftre  nay  de  la  vierge  Marie, eft  maintenât  en  haut  au  ciel,&:  reuiendrades  deux  corn-  AâJuiJ 
me  on  l'a  veu  monter.  Et  pource(dy-ie)  qu'on  ne  fc  contente  point  des  limites  des  Sa- 
cremens,  vous-vous  defoordez  en  h*  grande  &  lourde  luperftition,  que  ce  qui  eft  Sacre- 
ment, vous  le  tenez  aulïi &  reputez  pour  Dieu,&:  ce  que  vous  adorez  n'eft  que  du  pain: 
&:  qui  voudra,pourra  auoir  certain  tefmoignage  de  cela:aiTauon  que  s'il  eft  gardé  deux 
ou  trois  mois,  il  dénient  fî  moify ,  qu'eftant  tourné  en  pourriture  ,  finalement  il  eft  ré- 
duit à  néant.  Cclam'eft  vnfurlifant argument,  quec^eftdu  pain:  c'eft  voirement  vn 
facrement  en  l'action  de  la  Cene ,  mais  ce  n'eft  nullement  Dieu. 

Finalement  ils  tindrent  propos  de  faire  venir  vnPreftre  pour  me  confefîenmais  Ll  Coi,fdj 
ic  me  pris  à  foufnrc.  Et  ils  dirent,  N'eft-ce  pas  vue  bonne  chofe  de  confeifer  Us  péchez  fion. 
àvnPieftre?  Ierefpondy ,  Il  mefufrirabien  de  me  confefler  à  Dieu:  lequel  feul  peut 
ouyr  celuy  qui  le  confeflè,  &:  veut  pardonner  &c  faire  mifericorde  à  celuy  qui  fe  repent. 
^Incontinent  lafentence  iudiciale  fut  prononcée  contre  nous,  &:  fuîmes  condamnez 
àmourir,fansquily  euft  en  quefte  faite  par  les  douze  députez,  qui  eft  contre  la  cou- 
ftume  ordinaire. 

Anne  Askeue  cnuoyaau  Chancelier  ce  rhot  de  ii.ttre,npre»  que  lafentence  de  condamnation  eue 
cfté  prononcée  contre  elle. 

|AL  VT  vous  foit  donné  au  Seigneur  créateur  de  toutes  chofes,  &  aufîî  cognoif- 
[fance  de  fa  vérité  falutaire,  Amen.  ^Ie  vous  prie  me  pardonner  cefte  audace 
inciuile  de  vous  importuner,  laquelle  poflible  nevousfcraqu'ennuyeulc:maislane- 
cefllté  me  contraint,&:  voftre  bénignité  m'y  poufTe.  Et  afin  que  ie  ne  vous  deftourne  de 
vos  occupations  grandes , voici  dequoy  ie  vous  voudroye  bien  fupplier  en  toute  humi- 
lité, Qu'il  vous  plaife  prefenter  à  la  maiefté  du  Roy  ces  deux  ou  trois  lignes  quei'ay  ef- 
crites  touchant  la  raifon  de  ma  foy.  Que  lifon  bon  plaitir  eft,  qu'il  vueille  en  équité  &C 
humanité  (comme  laraifon  le  veut)pefer  lafentence  que  les  luges  ont  prononcée  con- 
tre moy,me  condamnans  à  mort,&coniîderer  de  bien  près  l'aigreur  d'icelle:i'auroye  e- 
fperance  que  fa  maiefté  entendroit  facilement  que  la  caufe  de  ma  mort  n'a  pas  efté  iu- 
ftement  balancée. Mais,ie  remets  tout  ceft  affaire  quel  qu'il  puiiTe  eftre,  au  grand  Dieu 
fouuerain  Iuge,&:  trefîuftc  inquifiteur  de  toutes  chdfes.Et  pour  la  fin,ie  vous  délire  tou 
te  profperité ,  monfîeur:&:  prie  Dieu  de  bon  cœur  qu'il  vous  maintienne  en  bonne  fan 
té,&  vous  adrefFe  en  toutes  chofes,  Ainli  foit-il .    Voftre  feruante  en  noftre  Seigneur, 

An  N  £  A$  K  E  V  £ . 

F.i.  . 


Lwr(u  III-  <±Annt.j  ^skeucy. 

Protcftarion  d'Anne  Askeue,  eferite  &cnucyeeau  Roy,touchan:  fa  foy  &  iftnoccuce. 

PHtËÎ  E  foufligncc  Anne  Askcue  ayat  l'entendement  fain,  &:  la  mémoire  bonne  :  com- 
ÎJgjgJ  bié  que  Je  Seigneur  m'aie  enuoyé  du  pain  d  aduerfitc,  &:  veifc  de  l'eau  d'affliction, 
(touccrois  n  cft-cc  point  fi  auant  que  mes  offenfes  ont  mente  ;  îc  defireroye ,  Sire,vous 
fane  t  ntendre ,  qu'eftant  condamnée  a  mort  parles  loix  &c  ordonnances ,  comme  teni- 
me  mefehante  ex  dévie  malheureufe:  l'appelle  le  ciel&i  ta  terre  en  tcfmoignage  en  ccil 
cndroir,que  les  hommes  me  ront  mourir  à  grand  tort.  Et  ce  que  Tay  dit  du  commence- 
ment, ie  le  répète  encore  maintenant,  Il  n'y  arien  qui  me  Toit  en  plus  grande  horreur 
Touchant  qu  herciie.  Quant  à  la  Cene  myftique ,  ie  croy  tout  ce  que  leScigneur  ena  ordonne 
s  'n'euî"  luy-mefrae:&  protefte  de  tenir  non  feulement  cnccfaict,mais  auftî  en  tous  autre  s,  tout 
ce  quiccluy  mcfme  a  profère  de  fa  propre  bouche  facrec,  ce  que  l  Eglile  catholique  a 
de  tout  té}-s  tenu.  Carie  n'eu  iamaisintétiondc  medcftournertatpcuiquccefufttque 
ie  fachc)de  la  parollc  de  Dieu.  Bref,  l'ay  cefte  délibération ,  de  retenir  fermement  tout 
ce  que  la  bouche  iaerce  du  Seigneur  a  ordonné,&:  autant  que  l'cntcndcmet  d'vne  fem- 
me fc  peut  eftendre.  Parquoy,afin  que  ie  ne  détienne  plus  longuement  voftre  maiclté 
par  mes  proposée  mets  fin  à  ma  lettre ,  en  déclarant  limplement  ma  volonté  :  &c  ce  par 
faute  de  plus  grand  fauoir.       anne  askeve. 

Quels  rormci.s  cefte  vertueufe  femme  endura  au  fortir  de  la  prifon  de  NcVvgat. 

Boner  &    SI^E  Mardy  on  me  mena  de  la  prifon  au  logis  de  la  Couronne,  où  l'eucfque  Boncr  &: 
K)  cii.      r£ug)jlc  heur  Rych  vindrent  vers  moy,où  nVayans  tenu  plufieurs  proposgi  acieux  pour 
medeftournerde  mamtenirlaveritcnlsneprofitercntderien.  Depuis  Nicolas  Shax- 
tonfuruint, lequel  avant  cfté  auparauant  démon  opinion,  auoit  tourné  fa  robbe  :  ce- 
ltuy-cy  me  confeillaque  iefiflè  commeil  auoit  fait.  le  luy  refpondy,  que  pour  certain  il 
vaudroit  beaucoup  mieux  que  ie  ncu/fë  iamaisefté  née:  &  autres  chofes  fcmblables* 
Bic  n-toft  après  monlieur  Rych  me  fît  mener  de  là  à  la  tour  de  Londres ,  où  après  que  i  - 
eu  demeure  trois  heures^  ledit  feigneur  Rych  vint  vcrsmoy  auec  vn  autre  des  confeil- 
lers  du  Roy  :  &  me  commanda  que  pour  la  fidélité  &:  obei/Iance  que  ie  deuoye  au  Roy, 
i  euffe  à  déclarer  fi  ie  fauoye  d'autres  hommes  ou  femmes  qui  fuilent  de  cefte  faction.Ie 
An^c  pref.  niav  tout  à  plat  que  i'cncogneuifevn  feul.  Ils  s  enquirent  fi  ie  ne  fauoye  rien  de  ma  da- 
J:  '  ^  ^""c  me  la  ducheiîc  de  SufFolc,  de  la  contcflc  de  Sulfex,de  la  conteffe de  Herford,  de  lafem- 
i.  cogùiî-  me  de  monlieur  Dcnéc&r  femblablementdelafcmmedemonficurFith  Vvihan,tou- 
faucc.       tcs  renUncsvertueufes&:honnorablcs.  Ma  refponfe  fut  ambiguë,  que  fi  ievouloyc  iet- 
ter  quelque  accusation  fur  elles,  ie  ne  la  pourroyeprouuer.  Mais  le  Roy  (  dirent-ils  )  a  c- 
fté  aduertv,  voire  bien  aduerty  qu'il  y  a  vn  nombre  infiny  de  voftre  fa&ion ,  icfquels  il 
vousferoit  facile  de  nommer  il  vous  vouliez.  Iedyfurccla,  Pourcertain  le  Roy  eftde- 
ceu  en  cecy,  comme  en  plufieurs  autreschofes.  Aufurplus  ils  firent  tous  leurs  efforts 
pour  me  faire  dire  qui  eftoyent  ceux  qui  me  fouftenoyent  le  menton  en  lapriion,&:  qui 
eftoyent  caufe  que  ie  demeuroye  ferme  en  mon  opinion.  le  refpondy  qu'il  n'y  auoit 
homme  du  monde  qui  m'ait  rendue  plus  forte  &  plus  ferme  à  maintenir  vne  telle  opi- 
nion &  doctrine.    Quant  au  moyen  que  fauoye  de  recouurer  maneceflîté,  ieleur  dy 
que  rien  ne  m'auoit  cité  fourny  finon parle  moyé d'vne  chambrière,  laquelle  folicitoit 
quelques  bons  pcrlbnnagcs  de  me  fecourir.Iceux  &  leurs  feruiteurs  fidèles  le  m'appor- 
toyent  fans  les  cognoiftre  ou  fauoir  leurs  noms.  Mais  (dirent-ils)  il  y  en  a  entre  lesgrans 
Seigneurs  qui  vous  fourniifent  argent.  le  refpondy  que  ie  ne  fauoye  leurs  noms.  Ilya 
des  Gcntils-femmes(dircnt-ils)voire  des  plusgrollés  dames, qui  vous  aident. le refpon- 
dv,eftrevrayqu'vn  enfant  habille  en  vallet  vint  vn  iourversmoy  ,&:  m'apporta  deux 
florins ,  dilant  que  la  contelfe  de  Herford  me  les  enuoyoit.  Aufîîily  en  eut  vn  autre 
veftu  d'vne  robbe  longue,  qui  m'apporta  vn  efeu, lequel  (  comme  il  difoit  )  m'eftoit  en- 
uoyé de  par  madame  Denée.  Quecelafoitvray,iene  le  tien  d'ailleurs  que  du  rapport 
Tortnrcà  de  ma  chambrière.    Finalement  pource  que  ie  ne  vouloye  nullement  confciïèr ,  qu'il 
tonte  r  u-  y  cuft.  aucUns  de  s  gras  Seigneurs  ne  des  grans  dames  qui  fu/fent  de  mon  opinion ,  ils  me 
fccï Aiinèl  donnèrent  la  torturc,afin  que  par  tormensilstiraifentde  ma  bouche  ce  qu'ils  n'auoyét 
peu  par  interrogations.  Et  après  qu'ils  meurent  long  temps  tenue  en  la  gehenne,voyas 
qu'en  ces  torments ,  ie  ne  diloye  pas  vn  feul  mot,mefme  ne  bougjeoye  le  corps,mofieur 
le  Chancelier  &:  monlieur  Rych  furent  plus  defpitez  que  parauant,&:  tout  foudain  def- 
pouillercnt  leurs  robbes ,  6c  eux-mefmes  prindrent  les  engins  de  la  torture ,  pour  faire 

office 


168 


office  de  bourreaux  :&rvferentd'vne  telle  violence,  que  prefquc  ils  me  briferenc  les 
membres,  &c  ne  s'en  rallutguercs  que  ienemourufle  entre  leurs  bras.  Le  gouuerneur 
de  la  tour  apperecuat  cela,  fut  d'aduis  que  ic  fufTe  oftee  de cefte géhenne.  Quâd  ils  m'- 
eurent retirée  de  là,  le  cœur  me  faillit ,  &c  n'auoye  plus  de  force  en  tous  mes  membres: 
&  alors  ils  m'appliquèrent  des  fomentations  ,&:  me  firent  aucunement  retourner  les 
forces  &  la  vie.  ^Ic  demeuray  couchée  par  terre  l'eipace  de  deux  heures,  cependant 
qucmoniîeurle  Chancelier  mexhortoit  par  parollcs  blandnTantes  de  renoncer  à  tou- 
tes mes  opinions ,  &:  que  i  accordafle  à  leurs  décrets.  Mais  mon  Seigneur  &:  bon  Dieu 
(ic  luy  en  ren  grâces  éternelles,  m'arma d'vnc  telle  force  &:  conftancc,que  ic  n  abando- 
nay  iamais  la  conleflion  pure  de  fon  Euangile:  &:  efpcre  que  luy-mclmc  me  dônera  ver  - 
tu &:  force  de  perfeuerer  iufques  à  la  fin.  ^  Apres  qu'on  m'eut  ainfi  torturée,  ie  fus  me- 
née en  vne  petite  maifon,  où  on  me  mit  dedans  vn  hcï.  Là  ie  fenty  des  douleurs  extrê- 
mes par  tous  les  membres  de  mon  corps  :  mais  ie  ren  grâces  à  la  honte'  de  mon  Dieu  &: 
Seigneur,qui  ne  m'abandonne  nullement.  Le  Chancelier  m'enuoya  dire  par  vn  mefla- 
ger,  que  fi  ie  vouloye  quitter  mes  opinions  &:  erreurs ,  ic  n'auroye  faute  de  rien  :  autre- 
ment, ie  feroye  remenee  en  prifon  obfcure:&:  de  là  au  fupplice  pour  cftrc  bruficc.Ic  luy 
manday  cefte  rcfponfe  parle  mefmemeiTager,  qu'il  n'y  auoit  fi  horrible  ne  ficruclle 
mort,  que  ic  n'aimafle  mieux  endurer  autant  qu'on  voudroit,Jque  de  renoncer  vne  feu- 
le fois  à  la  foy  donnée  à  la  vraye  religion.  ^Ie  prie  noftre  bon  Dieu  ,  que  par  fa  bonté 
ineftimablc  il  vueillc  ouurir  lesyeux  aueugles  de  leur  entédement ,  afin  qu'ils  cognoif- 
fent  quelque  iour  la  vérité  &:  l'embrafTent.  Ainfi  foit-il.  A  Dieu  foyez-vous,  frerc  bien- 
aimé  en  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift.    Priez,pricz,  &  derechef  ie  vous  dy  priez. 

L  A  rcfponfe  que  fit  Anne  à  vne  lettre  que  Laffcl  prifonnier  auec  elle,  luy  ai:oit  cnuoycc. 

"CRercbien-aimcau  Seigneur,  iàlutparluy  vous  foit  donné.  Ie  ne  me  peux  aflczef-  *n"„"JJ 
A  bahir  dont  vient  cela  que  m'auczfoufpeçônce  de  pufillanimité  &:  faute  de  courage,  fpeçon  «je 
comme  li  l'horreur  de  la  mort  m'auoit  du  tout  efbranlcc.  Ic  vous  prie  de  bon  cœur,  &c  pullîldni~ 
fupplie,  que  ne  laiificz  entrer  fi  auant  telles  opinions  en  voftre  cœur .  car  ie  ne  fay  nulle 
doute,  que  le  Seigneur  ne  mené  iufques  à  lafinfonœuurc,  qu'il  a  commence  enmoy. 
On  m'a  maintenant  rapporté ,  que  les  Gens  du  confeil  du  Roy  font  fafchez ,  de  ce  que 
le  bruit  eft  commun  par  tout ,  qu'ils  m'ont  mis  a  fi  horrible  torture  en  la  Tour ,  à  caufe 
de  la  religion.  Ils  s'exeufent  maintenant  qu'ils  ont  fait  cela  pour  meftonner,  mais  c'eft 
d'autant  qu'ils  ont  honre  de  l'outrage  qu'ils  m  ont  faite  :  ou  pluftoft  pource  qu'ils  crai- 
gnent que  quelque  choie  de  cela  ne  paruiennc  iufques  aux  oreilles  du  Roy.  Maintenat 
ils  tafehent  de  donner  ordre  que  le  rai£t  foit  caché  en  toutes  fortes  qu'ils  peuuent:  mais 
quant  à  moy,  ie  prie  de  bon  cœur  le  Seigneur  qu'il  leur  pardonne.  A  Dieu  fovez-vous. 
Priez,  priez,  priez. 

Sa  defenfe  contre  ce  qu'on  la  blafmoît  à  tort  Jes'cftre  rctractcc. 

T  'Ay  leu  certain  eferit  plein  de  menfonge  impudente  qu'on  vend  publiquement  fn- 
*  titulé  La  rétractation  d'Anne  AsJccuc  :  ainfi  Dieu  mefoit  en  aide ,  il  fay  penfé  à  dc- 
faduotier  fa  vérité  en  me  defdifant.  le  confefte  bien,  qu'en  la  première  enquefte  que  1- 
eucfque  de  Londres  Boner  fit  contre  moy ,  il  me  propoià  plulieurs  chofes  touchant  le 
Sacremcnr,  Se  de  ma  part  auifi  ie  luy  fy  pluficurs  refponfes.Tat  y  a  qu'il  ne  feut  arracher 
autre  choie  de  moy,  finon  que  ie  croyoye  &:  tenoye  feulement  en  cela  fi  auant  que  mon 
Dieu  m'auoit  commandé  de  croire  par  fon  ordonnance  faincStc.  Sur  quoy  il  fit  faire  vn 
eferit  afapofte  maintenant  imprimé,porté  par  tout:  lequel  ce  bon  Prélat  me  coman- 
da ligner  de  ma  maimmais  ie  refufay  tout  à  plat.  Sur  cela  mes  deux  pleiges  iniiftans  en- 
uers  moy,  par  toutes  les  perfuafions  dequoy  ils  fe  pouuoyent  aduifer ,  me  prclîbycnt  de 
ce  faire,  &C  que  cela  eftoit  de  petite  confequence.  Finalement  après  beaucoup  de  pro- 
posée fouffignay  en  cefte  forte:  Anne  Askeue  croy  &:  confens  à  tout  ceci,  pourueu  que 
î'inftitution  de  la  parollc  de  Dieu  &C  de  l'Eglife  catholique  n'y  contredife  point.  Ccft  e- 
uefque  Boner  fut  grâdementorTenfé  de  telle  foufcription,&:  pour  cela  me  réuoya  dere- 
chef en  prifon:  ou  après  auoir  quelque  temps  demeuré,i'cn  fus  finalcmet  efiargie  par  le 
moyen  d'aucûs  de  mes  amis:mais  ce  fut  à  grad'  peine.  Voila  la  vérité  de  tout  ce  faid.  Et 
quant  àlachofe  de  laquelle  principalement  vous  demandez  eftre  fatisfait ,  ie  vous  ren- 
uoyeau  v  1. chapitre  deS.Iea,  lequel  iedefire  que  vous  reteniez  pour  vne  règle  trefecr- 
taine  quant  à  cefte  matière.  A  Dieu  foyez  vous.    V  oftre  fœur  Anne  Askeve. 


Forme  de 
t  dament 
(  hreftien 


CES  TE  forme. le  confefûon  defoy  eft  comme  vn  dernier  teftament,  qu'Anne  Askeucfiten  prifon:Iequc!  peuapreS 

elie  feilla  de  l'on  propre  fang. 

NNE  Askeuc  ayant  l'entendement  fain  &c  la  mémoire  bonne ,  combien  que  le 
Seigneur  m'ait  donne  du  pain  daduerlité,  &:  de  l'eau  d'affliction,  non  point  toute-* 
fo:s  cât  que  mes  péchez  &:  ofFcnfcs  ont  bien  mérité:  confefle  en  premier  lieu  q  i'ay  grie- 
ticmcntpeché,&:  orVcnfé  en  pluficurs  fortes.  Pour  celaie  m'abandonne  du  tout  à  la  bo- 
te de  mon  Dieu  &:  Pcrc  tout-puilTant  :  &  le  prie  aftcctueufcmcnt  de  me  faire  mifericor- 
de.  ^  Et  pource  que  i'ay  efté  à  tort  condamnée  par  les  loix  &c  ordonnances, comme  cel- 
le qui  mente  la  mort  à  caufe  de  quelques  opinions:  i'appelle  en  tclmoignagc  ce  bô  Sei- 
gneur plein  de  mifcricorde&  bonté,  qui  a  fait  le  ciel  &C  la  tcrre,que  ie  ne  fuis  coulpable 
d'aucune  opinion ,  &:queiene  maintien  aucune  doctrine  qui  ibit  contraire  aux  ordon- 
nances des  fainctcs  Efcriturcs.  le  mets  toute  ma  fiance  en  ce  grand  Seigneur  ,&:  efpere 
queiagraccmaflUtcratoulîoursde  telle  lotte  qu'elle  me  gardera  de  tomber  en  quel- 
que erreur  ou  opinion  mauuaile  ,&c  contraire  à  fa  laincte  paiolle,  iufqucs  au  dernier 
Ibufpir  de  ma  vie.  Mais  d'autant  que  mes  aduerfaires  m'imputent  cecy  à  erreur  &  hc- 
rcfie,queiafî'crmequelcpain  demeure  pain ,  voire  après  toute  conlécration  :  ie  fçay 
qu'en  celaie  ne  luis  aucunement  fouruoyee de  la  venté  des  {aindtesElcrituresxar  mon 
Seigneur  Iefus  eft  aflis  à  la  dextre  de  Dieu  le  Pere  tout-puiflant  :  &:  delà  viédra  uigcr  les 
viuans&  les  morts.  Voila  quelle  eft  cefte  horrible  &  deteftable  herelie,  pour  laquelle  il 
faut  que  ie  meure.  Et  quant  à  (a  faincte  Cene,ie  croy  qu'elle  eft  vraye  &:  neceflaire  corn 
memoration  de  fa  mont  &:  paffîon  bicnheurcufc&lalutaire.  ^  Finalcmcnticcroyôc 
aduouë ,  que  toutes  les  Efcritures  lefquellcs  il  a  luy-mefme  feellees  de  fon  propre  fang, 
font  Yraycs  &c  indubitables  :  àc  (  comme  nous  lommesenfeignez  par  S.  Paul  )  qu'icelles 
font  liiftifantes  pour  noftre  instruction  &:  falut  :  en  forte  que  nous  n'auons  beioin  de  ces 
veriteznon  cfcrites,comme  on  les  appele:&l'Eglife  n'en  a  quefairepour  cftre  gouuer- 
nce :  mais  i'adhere  volontiers  &:  de  bon  cœur  à  tout  ce  que  la  bouche  du  Seigneur  a  de- 
Pfcau.n8.  claréenfonfainctEuangile:&yrctienmafoy  ferme, cfperant  auccDauid,  Quefapa- 
veri.104.  rolleieravne  guide  &ù  lanterne  à  mes  pieds.  S'ilyena  donc  qui  difentqueie  nie  l'Eu, 
chariftie,  qui  eft  le  mémorial  ou  facrement  de  recognoillance&  d'action  de  graces:tel- 
lcs  gens  me  blafment  à  grand  tort.O,  fi  elle  cftoit  auiourdhuy  en  tel  vfage  comme  iadis 
entre  les  Chrefticns,&:  que  Iefus  Chrift  l'a  inftituee,  ie  fçay  quelle  apporterait  vnc  fin- 
gulicrc  confolation.  Et  quant  à  la  Melleainiî  qu'elle  eft  auiourdhuy  rapetaflec  (pour  en 
dire  Amplement  ce  que  i'enfcns,&:  ce  qui  eft  vray  )ie  croy  fermement  que  c'eftvnei- 
dolatrie  deteftable,  voire  plus  que  toutes  les  idoles  qui  aye  nt  cité  iamais  forgées  parles 
hommcs:car  Iefus  Chrift  n'eft  point  mâché  ne  molu  des  déts:&:  ne  meurt  plus.  Et  ainfi 
ie  perfifte  en  la  côfciîion  de  cefte  foy  iufqucs  à  la  fin ,  &  dône  mon  fang  à  cftre  efpandu, 

Oraifon  qu'elle  fitauant ion  martyre. 

Q  Seigneur,  i'ay  plulicurs  ennemis,  voire  plus  que  ie  nay  de  poils  en  ma  tefte .  ô  Dieu 
mifericordicux,ray  moy  la  grâce  que  parolles  deceuantes  ne  me  facent  fuccomber, 
mais  toy,  corn  ba  pour  moy,icipon  pour  moy  :  carie  remets  toute  ma  folicitude  fur  toy, 
&c  mets  toute  ma  fiance  en  toy.  Ils  fc  îettent  de  grande  impetuoiité&  force  fur  moy  ta 
pourc  crcature,pour  auoir  victoire  fur  moy.  le  te  prie,  fay  moy  fentir  la  force  de  ta  gra- 
ce,afin  que  ie  ne  les  craigne  en  façon  que  ce  foit,ne  tous  ceux  qui  te  font  contraircs.car 
toute  ma  force 6c  cfpcrance  gift  entoy.  Dauantage,ietefupplie  afFectueufement,  ô 
Dieu  débonnaire  ,  qu'il  te  plaifepar  ta  bontés  douceur  leur  pardonner  cefte  iniu- 
re ,  cefte  violence^:  opprcfllon ,  delaquclle  ils  vient  contre  moy.  Et  aufiî  que  félon  ce- 
fte bonté  tienne  tu  vueillesilluminei  &:  ouurir  les  yeux  aueuglesde  leur  entedement, 
afin  que  fuyuans  les  chofes  qui  te  font  bonnes  &:  agréables,  ils  fc  Jaiftent  gouucrner  en 
tout  &:  par  tout  par  la  pure  parolle  de  ta  faincte  doctrine,fans  y  adioufter  aucû  méfonge 


voir 

la  fin  de  Ion  dernier  combat.  Apres  donc  auoir  efté  tellement  brifee  par  tourmens,qu - 
elle  ne  pouuoitviurc  long  temps  en  telle  extrémité  de  langueurs,  les  aduerfaires  crai- 
gnas  qu'elle  mouruft  en  prifon,  hafterét  le  iour  du  fupplicc.  On  la  mena  au  marché  des 
cheuaux ,  eftant  portée  en  vne  chaire ,  ne  fe  pouuant  fbuftenir  fur  fes  pieds ,  à  caufe  des 

tor- 


t.ctrrcscl;; 
Roy  appoj 
ttcs  lois 
qu'Anne  t- 
(toit  atta- 
cha eau  po- 
ftcau- 
Shaxcon, 


tortures  qu'on  luy  anoit  fait  endurer.  On  la  porta  iniques  nu  pofteau  drcfle,âuqticl  elle 
fut  attachée,  par  au  trauers  du  corps  d'vne  chaîne  de  fer.  Quand  on  eut  appreilc  tout 
ce  quiferuoit  pour  la  brullcr,  voici  on  apporta  lettres  du  Roy,par  lclqu elles  la  vie  luy  e- 
ftoit  offerte,  fi  elle  Ce  vouloitdeldire:  mais  tant  s  en  fallut  qu'elle  en  voufift  faire  ion  ^p- 
fic ,  que  mcfmcclle  ne  daigna  regarder  ceux  qui  luy  en  parloyent.  Sur  cela  on  luy  a- 
mcnaShaxton,quicciourlàmcfmc  s'eftoit  defdit  publiquement:  lequel  talcha  tant 
qu'il  peut  par  longue  rcmonftrance ,  de  la  réduire  à  taire  le  mcfmc.mais  elle  le  reicttâc 
dcmcurafcrmc  iuiquesau  bout.  Et  ainfi  ayant  elle  exercée  par  tant  de  fafchcries ,  aile 
chemens  &c  tourmens:  finalement  au  milieu  des  flammes  ardâtes  tout  à  l'entour ,  mou- 
rut au  Seigneur ,  comme  vne  oblation  de  bonne  odeur  :  l'an  de  ialut  m.  d.  xlvi,  tail- 
lant à  la  poftenté  vn  exemple  digne  d'eftre  enfuyuy: 

IEAN    LACELS,  IEAN    A  D  L  A  M,  &:  NICO- 
LAS   BELENI  AN>  >Angw. 

C  ES  trois  hommes  furent  efmeus  &  effrayez  au  comb.it ,  mais  voyansla  confiance  d'wne  femme  qui  les  accempagnoir 
au  fupplice,  reccurent  telle  confolation,  quelamortiiehurfut  rien. 

fi  N  brufla  auec  Anne  Askcue  en  vn  mefme feu  ,  Nicolas  Belenian  qui  attoit  e-  m.L.Xlvi 
'itépreltreenlacontédeSalop,  Iean  Adlam  coufturier,&:  Iean  Laccls,hôme 
;  de  noble  race  &:  vertueux,  &:  qui  pour  lors  eftoit  au  iéruicc  du  roy  Héry,^~Cc- 
ftuy-cy  a  laifle  vne  Epiftre  defenliue  eferite  en  la  prifon  touchant  la  Cene  du 
Seigneur,  par  laquelle  il  réfute  Terreur  de  ceux  qui  ne  fe  contentan  s  de  la  réception  (pi 
rituelle  du  corps  &:  du  fang  de  Icfus  Chrift  ,  ne  laiflent  aucune  fubftance  du  pain  .  puis 
auffi  fe  purge  de  quelque  opinion  mauuaife  qu'aucuns  auoyent  de  luy  .Cil  leur  en  print 
bien  d'eftre  auec  Anne  Askeue.  cariafoitqu'ilsfuilcnthommcsdouezdegransdons, 
neantmoins  l'exemple  d'icelle&:  l'es  prières,  leur  firent  auoir  meilleur  courage.  Us  cu- 
rent matière  de  plus  grande  confolation  en  cefte  efpecc  de  mort  fi  horrible ,  non  feule- 
ment de  ce  qu'ils  voyoyent  fa  confiance  inuinable  :  mais  auffi  pour  ce  qu'ils  furent  ex- 
portez par  elle,cc  qui  leur  ofta  toute  frayeur.  Parquoy  fe  fortifians  l'vn  l'autre  attendi- 
rent paifibicment  &C  le  Bourreau  &;  fou  feu:dedans  lequel  ils  Unirent  leurs  vies ,  l'an  m  . 
d.xl  vi.le  16.de Iuillet, auquel iour(lélô le tefmoignage de Baleus  hiftoricn  Anglois) 
grans&:  horribles  tonnerres denhaiitefpouanterctmcrueilleufemet ceux  qui  eftoyét 
a  ce  fpectacle  de  la  mort  de  ces  Martyrs  bien-heureux. 

Touchant  la  mort  de  Henry  V  1 1 1.roy  d'A  nglct;  rtc 

CIx  mois  après ,  le  roy  Henry  fut  frappé  de  maladie  >  &c  mourut  le  27.  de  lanuicr  enfuy- 
uant;  en  grads  regrets  &tormcnts,aagé  de  l  v  1 1  .ansrapres  auoir  régné  38.  Et  com- 
bien que  le  Seigneur  fe  foitferuy  deluy  pour  defcouunr  les  turpitudes  de  l'Antcchrift 
Romain,  il  a  neantmoins  retenu  iufqucsàla  mort  la  doctrine  dudit  Antcchnft  es  cho- 
fes  mefmes qui  font  deplusgrande  confequence.  Sa  morrdoncapportapaixaux  fide-  Leroy  H<- 
les  d'Angleterre:  comme  de  raid  ilyauoit  plufieurs  bons  perfonnages,  lclquclsfEucf-  ry  oûé  de 
que  dcVvirtccftrc  auoit  faitcnroulcr  &  mettre  fur  le  papier  du  Rov  pour  les  tyrannifer,  pouHc"/^ 
lefqueiseuifeneefté  bruflez  bien  toft  après,  fi  le  Seigneur  n'euft  oftece  Roy  ,  qm  eftoit  liment 
aux  fviclcs  comme  au  milieu  de  cefte  ifle  vn  rocher  de  perd  &  de  naufrage.  dts  ****** 


PIERRE    CHAPOT,  jx^fcfea*, 

Apprenosen  l'cxéplede  ce  perfonnag<-,qiû  J  le  Seigneur  lafchera  labride  a  Satan  pour  nous  affliger  .qu'il  dônera  neâmoini 
vidoirc  à  fa  vérité,  non  feulement  cotre  les  luges  qui  peu  fe  fouciét  de  la  doctrine  de  l'Euâ^ilc,  ve>ire qui  far  cruauté  & 
audace  tfFrôtcela  penfeni  efteindrc.mais  aufsi  côere  les  plus  fubtilsDeâcursde  la  Papauté  qu  ô  puifleoppofir  à  icclle. 

I E  R  R  E  Chapot,  du  pays  de  Daulphiné,ieunehôme  bien  inftruit,  fut  mis 
enl'œuure du  Seigneur  en  cécéps-cyfeftantforty  de  Gcncuelicu  de  l'on  ha- 
bitation pour  faire  vn  voyage  en  France,  Ils'eftoit  adonné  quelque  tépsà 
eftre  corredeur  chez  vn  imprimeur  de  Paris:où  cftant,gens  dignes  de  foy  l'- 
Ont fouuent  ouy  fouhaitter  de  pouuoir  mourir  pour  pour  la  vérité  de  l'Euangilc.  ce  q  le 
Seigneuren  ce  teps  luy  accorda.Or  poy  r  faire  cjuelcj  frurô  de  fou  voyage  r  il  fit  mener  à 

F.iii» 


L  'mïC-j  III.  Pierre^  Qoapot* 

Paris  vne  quantité  dcliurcsdelafaincteEfcriture,  pour  les  diitribuer  &  vendre  aux  h- 
'Les  hures  deles  alFamez  du  dciir  d'eltre  instruits  parle  miniftcr'c"  muet  deldics  liures.  La  grande 
Utcsmmû  promptitude  qu'il  monitroit  defubuenir  àcefte  neceflitc,fut  caufe  de  le  taire  tomber 
à  ceux  qui  entre  les  mains  de  Iran  André  libraire  du  Palais ,  qui  de  long  temps  faifoit  meftier  de 
tuez  depre  tendre  les  filets  pour  attraper  tant  les  acheteurs  que  vedeurs  dcfdits  liures .  &£  exciçoit 
aications.  celte  nouucllc  forte  doifclcric ,  ou  plultolt  volerie  inulitec,  àlalolde  du  prciident  Li- 
ci.apot     fet,&:dcs  Sorboniftes  de  Paris.  Chapot  pris&:  interrogué  parles  CommiJlaires  de  la 
indrï  ka  Chambre  ordonnée  à  Pans  au  temps  de  vacations  ,&  des  Grans  iours  qui  lors  furent 
tenus  a  Rion  au  pays  dAuuergne,rendit  promptement  confeilîon  de  la  roy ,  aucc  inté- 
grité ii  bien  accopagnee  de  modeftie,  que  les  Confeillers  ou  plultolt  les  bruileurs  de  la 
Chabrc  ai  dante ,  combien  qu'ils  icm  blaifcnt  en  ce  temps  eltre  du  tout  forcenez  cotre 
les  fidèles, non  feulement l'cfcouterent, mais  auiTîluy  ortroyeret  que  les  Docteurs  Sor- 
boniftes rinrerrogueroyent,&difputeroycntauec  luy  en  leurpreîence.  Auant  qu'ob- 
tenir cela,  Chapot  leur  auoit  fait  vne  harengue  trefdodc,par  laquelle  il  remonftraam- 
plcm.ee  quel  eltoit  l'omce  &:  le  dcuoir  des  luges  d'vnc  telle  Cour,  laquelle  comme  ainli 
(bit  que  de  long  temps,  elle  ait  le  bruit  deiuger,  comme  on  dit,  exiufto&bono  ,  aulîi  ne 
le  doyuent  arrefter  au  rapport  dautruy,  fur  tout  en  la  caufe  de  la  Religion  ,de  laquel- 
le la  faincte  Efcriture  deuoit  feule  décider,  quand  les  hommes  en  viennent  en  différée: 
d'autant  que  c'elt  la  pierre  de  touche,  qui  donne  vraye  efpreuue  (ïvne  dodrineclt  de 
bon  ou  faux  alloy.  Bref,que  c'cltoit  à  eux  de  prendre  celle  pierre  en  la  main,  &:  d'en  co- 
gnoiftre,  fur  tout  quand  il  cil  queftion  d'aceufer  vn  homme  de  taulle  doclnne  ou  here- 
fie,  fans  donner  iugement  à  l'appétit  dautruy.  Que  s'il  leur  plaifoit  de  faire  examiner 
là  doctrine  par  les  Docteurs ,  il  les  fupplioit  que  ce  fuft  en  leurpreîence  &:  deuat  leur  fc- 
nat:  s 'a/1  curant  li  bien  de  fon  bon  droid,  &:  de  leur  iugemet  équitable,  qu'on  ne  le  tt ou- 
ueroit  autre  que  vray  Chrcltien ,  &:  non  hérétique.  La  Cour  eut  à  gré  celte  remôltran- 
ce ,  &l  enuoya  quérir  trois  docteurs ,  aiTauoir  M.  Nicolas  Clerici ,  doyen  de  la  faculté  en 
^fadcSor  "théologie, Iean  Picard, &: Nicolas  Maillard,  vrais  fuppolts de  Sorbonne:lelqtiels,com 
i.onnc  cou-  me  ainli  (bit  que  de  premier  abord  ilsfiifcntrefus,d'autâtque  de  tout  temps  on  s 'eltoit 
tre  chapot.  fie  &  attendu  à  leur  fîmple  rapport:  voire  &  que  c'cltoit  chofe.de  mauuaife  conséquen- 
ce de  difputer  aucc  les  hérétiques  :neantmoins  la  debonnaireté  de  Chapot  adoucit  ii 
bien  leurs  grondemens,  qu'il  les  fît  c  ntrer  en  propos.  Il  n'alleguoit  pour  fa  defenfe  que 
les  textes  des  laindes  E  feritures  :  eux  au  contraire  n'oppofoyent  que  Conciles,  courtu- 
mes,  articles  &c  déterminations^  Chapot  reuenant  toujours  à  lareigle  certaine,  fou- 
ftenoit  que  toutes refolutions  deuoyent  eltre  examinées  à  icellc  :  Se  requeroit  les  luges 
qu'ils  oftaiTent  toute  opinion  &c  acception  de  perfonnes ,  pour  s'enquérir  (implcment 
delà  venté  (ans  que  rie  nies  cmpelchait  &c  dcltournaft.Ces  maiûres  Dodcui  s  turét  tel- 
lement picquez  de  hôte,&:  cnrlamhcz  de  courroux(voyas  que  leur  afnerie  &c  impuden- 
ce eftoit  comme  mife  en  ieu  )qu  a  beaux  cris  &  grincemens  fe  departircnt,apres  auoir 
reprot  hé  à  ceux  de  la  Chambre  de  s'eftre  ainiilaillé  mener,  àlafantaiîe  dvn  mefehant 
&:rufc  hérétique.- de  les  auoir  fait  venir  pour  difputer  deuat  eux  des  articles  îa  eclurez  &c 
condanez  par  leur  faculté:  vfâs  de  menace  d'en  faire  plainte  où  il  appartiédroit.  Chapot 
voulut  répliquer  :  mais  il  ne  luy  fut  pcrmis:tât  fut  grand  le  bruit  qu'efmcurent  ces  fup- 
pofts de  Sorlône,  efeumas  vne  rage  defcfperec.  &  frappansleurs  poitrines  eniigne  de 
repentance,  d'auoir  entré  ii  auant  en  matière  cotre  vn  hérétique.  Le  patiét  après  qu'ils 
furet  fortis,  dir,Vousauezpuy,  Meilleurs, que  ces  gens-cy ,  fur  lefquels  toute  la  foy  clt 
appuycc(cefcmble)n'amenétpour  toutes  raifons  q  menaces  &  cris:parquoy  ia  n'elt  be 
foin  plus  longucmét  vous  faire  cognoiftre  la  iultice  de  ma  caufe:  car  ces  Docteurs  l'ont 
allez  iuftifïee  quad  ils  n'ont  peu  môltrer  que  i'eltoyc  en  erreur,  ne  par  les  laindes  Efcri- 
tures,ne  par  argumes  lufHfans:quelque chofe  qu'ils  ayent  pretédu  alléguer  au  cotraire. 
C  l  s  chofes  faites,  Chapot  eltât  à  deux  genoux,lcs  mains  îointes &:  elleuees  en  haut, 
Action  de  fit  fa  prière  à  Dieu, en  forme  d'adion  de  grace,le  fuppliât  de  côtinuer  ià  faueuren  lade- 
grâces.      fenfe  de  fa  caufe:&  auffi  de  vouloir  infpircr  la  noble  compagnie  de  juger  droitemcntrle 
tout  à  l'on  hôneur  &:  à  fagloire.  ^  Apres  qu'ils  eurét  fait  retirer  Chapot, il  s'efmcutgrad 
eltrif  entre  les  Prefidcnt&  Côfeillers  ,  encore  qu'ils  fuilentdu  tout  acharnez  à  cipâdre 
le  làng,  &  fut  Chapot  en  voye  d'abfolution ,  n'eult  elté  que  le  Rapporteur  de  fon  jpcez. 
home  confit  non  feulemet  en  impieté,mais  aufll  en  toutes  pollutios  &:  villcnies,  infilta 
fans  celle  qu'Ici  fift  mourir.&  ne  fuft-ce,dit-il,q  pour  auoir  efté  trouuc  faifi  de  liures  re- 

prouucz 


TierrCj  Chapot.  270 

prouuez&:  défendus.  Sur  quoy  Chabot  derechef  mâdé,refpodit  qu'il  y  en  auoic  de  plu- 
ficurs  fortes-.cntrc  autres  le  plus  grand  nôbrc  cftoyent  Bibles, alfauoir  les  hures  du  vieil 
&  nouueau  Tcftament:&:  le  rc  ftc  c'eftoyen t  des  opufcules  6c  interprétations  lur  iceux. 
En  quoy  ils  dcuoycntmeuremcntaduifcr,  de  peur  qu'en  condamnant  fans  aucune  di- 
ftmdion  tous  lunes  împrinKzà  Gencue,ils  ne  fuifent  blaimez  d'auoir  pai  trop  grande 
&:  demcluiec  affection  condamne  au/fi  lafainde  Bible,qui  auoit  cfté  par  \  nea  uure  de 
Dieu  admirable  reccuc  &  gardée  laine  &c  entière  iniques  îcy  :  àc  tenue  pour  la  vente  in 
faillible, voue  de  toutes  gens  quelques  hérétiques, fchifmatiquc  s  ou  aduerfaires  qu'ils 
fuiicnt:&:  qu'autrement  ils  ne  pourroyent  euitcrdelhetaxtz  d'impictepar  trop  mani 
fefte.  Et  quant  aux  autres  Hures,  il  maintenoit  cftre  tirez  de  cefte  lource  desfaindsli- 
ures,&  conformes  à  la  doctrine  des  anciens  d  odeurs  &:  catholiques .  Ccncluuo,fes  rel- 
ponfes&:  raiions  tenoyent  les  confeiences  de  la  plus-part  de  ces  iuges  tellement  capti- 
ues, qu'ils  cerchoyent  de  le  deliurenmais  l'impudence  des  plus  erfrôtez  gagna  la  couar- 
dile  des  autres,qui  auoycnt  elle  intimidez  par  ces  Sorboniftes  :  fi  que  finalement  Cha- 
pot fut  condamné  d'eftre  brufié  vifjuy  referuant  le  bénéfice  delà  langue, moyennant 
qu'i  1  ne  dift  mot  contre  leur  mere  faindceglife. 

Allant  au  fupplice  à  la  place  Maubert,le  reuerend  Soi  bonifte  Maillard  le  coftoyoit 
de  fipres  qu'il  ne l'abandônoit  ancunemét.car  il  craignoit  que  tout  ainfi  que  ceChapot 
auoitarrefté  toute  vnc  Cour  pat  cesremonftrâccs,àplus  forte  railon  il  n'attirait  le  peu- 
ple. Chapot  citant  venu  à  la  placeMaubert,demanda  d'eftre  efleuc  debout  pour  parler 
vn  peu  au  peuple,  fuy  liant  la  pcrmiflion  de  la  Cour,  afin  que  nul  ne  penfaft  qu'il  mou- 
rait comme  infidèle:  ce  que  voulut  empefeher  Maillard, iinô  qu'il  voufift  dire  après  luy 
fuy  uant  fes  parole  s.  Chapot  le  pria  de  ne  l'empefchcr:&:  qu'il  n'y  auoit  pas  vne  heure 
qu'il  luy  auoit  confeifé  en  la  chapelle  que  fa  doctrine  eftoit  vraye  :  mais  qu'il  y  auoit  des 
raiions  par  lelquelles  il  ne  falloir  pas  que  le  peuple  en  fuft  abbreuuc.  ^  Or  citant  louilc- 
uc  debout  fur  la  charrette  pat  deux  hommes  (par  ce  qu'il  auoit  cité  prcfque  démembré 
fur  la  géhenne, qu'ils  nomment  extraordinaire ,  pour  aceufer  ceux  a  qui  il  auoit  vendu 
des  liures)commcnça  à  dire  tournant  la  tefte  ça  &c  la,  Peuple  Chreftien,  peuple  Chre- 
ftien.Et  voulant  pourfuyure,  il  eut  quelque  foibleife,qui  fit  qu'en  voix  dcbile,il  pna,les 
yeux  leuez  au  ciel, Seigneur,  donne  moy  la  force  que  îe  t'ay  touiiours  demandée  ,  aifa- 
uoir,dc  pcuuoir  rendre  railon  de  ma  foy  aux  hommes ,  afin  qu'ils  cognoifient  que  ie  ne 
fuis  pas  hérétique:  mais  du  tout  d'accord  auec  leglife  catholique  &c  vrayement  Chre- 
ftienne.Sur  cela  efleuant  fa  voix  dit,Peuple  Chreftien ,  combien  que  vous  me  voyez  1-  Jr*™°njcr 
cy  amené  à  lamort  corne  malfaiteur,  &c  que  ie  me  fente  coulpable  deuant  Dieu  de  tous  merc  de 
mes  péchez: fi  eft-cequeiepneque  chacun  entende  que  fay  à  mourir  maintenant  com  chaP0C- 
me  vn  vray  Chreftien, non  pour  aucune  herefie,ou  comme  eftant  ians  Dieu, mais  croy- 
ant en  Dieu  le  Pere  tout-puiflant  Créateur  du  ciel  &:  de  la  terre-.le  Djeu,dy-ic,qui  eft  le 
commencement^:  origine  de  toutes  chofes .  Et  en  Iefus  Chrift  ion  Fils  vniquenoftre 
5eigncur,qui  eft  fa  fagelle  étemelle  auant  les  ficelés,  par  lequel  ont  elte  faites  toutes 
choies  au  ciel  &:  en  terre  :&:  lequelpar  fa  mort&:  paflion  nousa  deliurezde  l'obliga- 
tion de  mort  éternelle  en  laquelle  nous  eftions  plongez  par  la  cheute  &:  defobeiiTance 
d'Adam. le  croy  qu'il  a  efte  conceu  du  faind  Efprit,nay  de  la  vierge  Marie  Et  comme  il 
pourfuyuoit,Maillard  rompant  fon  propos,  luy  dit,M.  Pierre  c'tft  en  ceft  endroit  que 
vous  deuez  requérir  pardon  deuant  le  peuple  à  la  vierge  Marie, que  vous  aucz  tant  grie 
uement  orfenfee ,  fans  plus  s'amufer  à  prefeher ,  mais  penfer  à  voftre  confcience .  Lors 
Chapot,  Monficur,ie  vous  prie  laiifez  moy  dire.ie  nediray  rien  indigne  d'vn  bon  Chre- 
ftien.   Quant  à  la  vierge  Marieje  ne  l'ay&:  ne  voudrois  l'auoii  aucunement  orfenfee. 
Maillard  luy  dit,Si  faut-il  pourtant  que  vous  la  priez,  autrement  vous  ferez  bruflé  vif. 
Chabot  le  retournant  vers  le  peuple ,  continua  le  Symbole ,  monftrant  que  le  Pere,  le 
Fils  &c  le  fainct  Efprit  n'eftoyent  qu'vn  Dieu  en  trois  perfonnes,lequel  feul  il  falloir  ado 
rer  par  iouFils  noftre  Seigneur  IefusChnft.Et  d'autat que  cefaux aduoeat de  laVierge, 
lemoleftoit  fans  ceife,il  dit  fur  l'article  Nay  delà  vierge  Marie,  qu'il  auoit  toufiours  te- 
nu &  confeifé,  &:  confelferoit  iufqu'à  la  mort,qu'ellc  eftoit  vierge  auant  l'enfantement, 
vierge  en  l'enfanrement,&:  vierge  après  l'enfantement,la  reputant  treiheureufe  entre 
tous  les  fainds,  d'auoir  porté  le  ftuid  de  noftre  rédemption, qui  eft  noftre  feul  Sauueur 
&;  Rédempteur  Iefus  Chrift  .Et  quand  il  voulut  entrer  fur  la  matière  de  la  Cene,&:  de  la 
différence  qu'elle  auoit  auec  la  Meife,  le  propos  fuft  du  tout  interrompu  par  Maillard 

lE.iiii. 


Linr^j  III.  T/upars  ^Martyrs. 

ôc  s'efmeut  quelque  murmure  encre  les  Efcolicis.&  lors  ce  Maillard  s'aida  de  cette  oC- 
calion  pour  le  faire  defeendre  en  bas,&:hatler  l'exécution  .  Ainli  qu'on  le  delabilloit  il 
fit  fa  prière  à  Dieu  d'ardente  arretlion,en  priant  pour  les  luges:  ce  que  Maillard  approti 
uoir,pourucu  qu'il  s'adrellall  tant  loitpeu  à  la  Vierge,pourelticfon  aduoeacc.  Chapot 
ciïu  nud  arrache  &  efleué  en  l'air,MaiIlard  luy  dit,Dites  feulcmenc  *é*t  Mariante  vous 
ferezellranglé.Ccil  la  belle  faueur  qu'ils  fonc  à  ceux  qui  renient  Dieu. mais  C  habotdi 
foitiansceiic,ieui  riisde  Dauid,aycs  miicricordedemoy.  Et  comme  l'autre  lepreflbiç 
il  s'cxcufa,Helas,difoit-il3 comment  voulez-vous  que  ie  parle,  cftantainli  fc  n  e  de  celle 
cordcrl.ors  Maillard,  Dy  feulement  Ieiùs  Maria,  ou  tu  feras  bruilé  vif.  Aucuns  difent 
que  prefle  extrêmement  en  celte  lâgucur,ii  luy  efchappa  de  dire  Ictus  mariarmais  tout 
ioudain  fc  reprtnant,dit,0  Dieu  qu'ay-ie  fait.&  en  difant,Pardonnc-mov,Scigneur;c'- 
eitàtoyfeul ,  Maillard  iit  tirer  la  corde  l'cltranglcr  ;  li  que  toutefois  il  lencit  le  feu. 
Ce  Maillard  ne  faillit  de  ce  pas  d'aller  en  Parlement  à  la  Chaîne  ardentc*faire  (esplain 
tes  derineonuenient  qui  cftoit  cuidé  aduenir  pour  les  propos  qu'auoit  publiquement 
tcnusChapoc:&  comme  il  nel'auoit  peu  empefeher  de  parlera  caufe  de  leur  pernullïô; 
donc  sViloit  cnfuyui  grand  murmurc,&:  qucii  on  permcttoit  le  mefmc  aux  autres, tout 
feroit  perdu.Defaicl,ilimportunatant  la  Cour,qu'ilfur  coclud,  qu'au  fortirdclapriio 
on  couppcroit  les  langucs:comme  c  ettoit  la  coultume,  lans  nul  excepter ,  ahn  que  par 
leuu  propos  le  peuple  ne  luft  fcduit .  Ce  qui  tut  depuis  fbjgncufement  gardé,  linon  à 
ceux  qui  le  dcfdifoiycnt,auquels  les  langues  eltoyent  rel'eruees,  pour  triompher  de  leur, 
infirmité  deuant  le  peuple. 

ESTIENNE    POVLLIO  T,<îe  Konuaniie, 

Ce  perfonnage  après longue  detention,comme  s'il  cuir  eftécfueilié  d'vn  fomne,s'esb.;hit  au  fortirde  f.i  pnfon.cjuc  le  mon- 
de cft  encore  en  ignorance  .  Enquoy  nous  voyons  comment  Dieu  foulage  l'horreur  des  priions  &  longs  torments  des 
i  IcaUJitfJ,  fieiis,p.r  îainctes  cogitations  &;  méditations  qu'il  kui'donncjcommevn  repos  a  l'es  bien-aimez.dit  le  Plalmifte. 

jrfé^v  S  T I E  N  N  E  Poulliot  natif  de  Saincl-daubernille,  pres  de  Caudcbck,cn 
i  PxSfy  Normandic,delailTantlelicu  de  la  natiuité,fe  retira  à  Meauxen  Brie  :  où  il 


M.D. 
VLVI. 


^     ne  demeura  long  temps  tans  cftrc  perfccuté:de  force  qu'il  tuteoncraint  de 
p   W<tj^i}--  fc  retirer.  Il  s'en  alla  à  la  Ferc  en  Tretenois,à  quatre  lieues  de  SoiiTbns ,  où 
NëiiS  •]  fut  prins:&:  de  là  mené  à  Paris,fuc  longuement  détenu  en  grande  nn*ere. 


Finalementquand  il  en  fouuint  à  me/heurs  du  Parlement,  on  donna  fon  ArelEpar  le- 
quel iltut condamné  dauoirla  langue  couppee,&:  élire  bruilé rout vif,  &ccd'vne  fa- 
çon non  accouftumec.Car  on  luy  mit  fur  fc  s  cipaules  vne  charge  de  liures,aueclcfquels 
il  fut  bruflé.CCôme  il  îortoitdcs  priions  de  la  Conciergerie,  auant  qu'on  luy  couppaffc 
la  langue,dit  ces  parollcs,Hclas,mon  Dieu, le  monde  eft-il  encores  en  ténèbres,  ne  co- 
gnoift-il  point  encores  la  vcritéill  elloit  aduis  au  bon  perfonnage, que  pendât  le  temps 
qu'il  n'auoit  veu  le  Soleil  vilïble,lcs  hommes  dcuoyent  auoir  elle  efclaircz  de  celle  gra- 
de grâce  &:  luniicre  de  Dieu, qui  ell  maintenant  au  monde  parla  reuelation  de  fa  Paroi 
lc.il  fut  finalement  exécuté  &c  bruilé  à  Paris  en  la  place  Maubert. 

Pttfcaitionà  Langres. 

h  AnTaf  F  IGNON&  IeANNE  S  E  I  O  V  R  N  A  M  fâ  fcmiTlC. 

S|MOnMarE$CHAL&  I  E  A  N  N  E  B  A  I  L  L  Y  fa  ftmmC. 

G  V  I  L  L  A  V  M  E  Ml  C  H  A  V  T  ,  Ia  QJ  E  S  Bo  V  1£  R  E  A  V,& 

Iaqj  e  s  Bretenaï. 

D  V  fimple  récit  de  la  mort  de  ceux  qu'on  exécute  pour  l'Euangile,  quand  autre  plus  ample  narration  ne  fepeue 
donncr.nous  deuons  recueillir  en  fonime cette  doctrine,  Que  la  certitude  &  vraye  per/iuiion  delà  vérité  du  Sei- 
gneur,eft  le  feul  remède  pour  furmonter  la  moi  :.au  milieu  des  plus  horribles  tentations  que Satan  &  le  monde  nou» 
pourroyent  fuggerer. 


M  D. 

XLvir. 


O  V  T  ainfi  que  ceux  qui  font  ellat  de  pourtraire  au  vif,  recerchenc 
lesfemblanccs  fpecialemet  en  la  face  &:  aux  traits  du  viiage,  efqucls  fe  voit 
vne  vraye  image  du  naturel  de  1  homme  raufli  en  ce  pourtraid  des  Mar- 


•tW  tyrsduSeigneur,leprincipal  que  nous  auons  à  confiderer  ,c'cftlamort&: 

heureu- 


Tlufieurs  ^Martyrs.  i?t 

heureufc  fin  qu'ils  ont  eue.  Et  combien  que  par  la  malice  des  îuges,lc  furplus  des 
ftdesd'iccux  nefe  puilfedonner,tantyaqu'icelle  fin  fidèlement  atteftee,nous  doit 
grandement  rcliouir&confoler.En  la  perfecution  qui  aduint  en  ce  temps  à  Langrcs, 
ville  cnclauce  dans  la  Champagne,le  duché  de  Bourgongne,la  Franche  conté,  &c  Lor- 
raine :  les  defïùs-nommez  y  turent  bruflez  pour  la  confeliion  de  la  doctrine  du  Fils  de 
Dieu,  enuiron  la  fin  du  mois  de  Septembre,  m.d.  x  i.  v  ii.ailàuoir,  IcanTaffignonâC 
Ieanne  Seiournam  fafemmc,Simon  Marefchal  &  Ieanne  Bailly  fa  femme,  Guillaume 
Michaut  Jaques  Boulereau,&:  laques  Bretenay,tous  natifs  de  la  contrée  de  Lâgres:del 
quels  la  confiance  &:  perfeuerace  en  la  confeflîon  de  la  foy  Chrefticnnc  qu'ils  auoyent 
faite  tous  d'vn  commun  accord, a  efté  admirable  &:  ioyeufe  aux  fidèles  &:  au  contraire 
en  cftonncmcnt&  grincement  de  dents  aux  aduerfaircs .  Ieâne  Bailly  tt  mme  dudit  Si- 
mon,fut  munie  de  grâce  &  vertu  (înguliere  en  ce  fexe:  car  comme  ils  eftoyent  tous  pro 
chainsdu  fupplicc,elle  exhortoit  les  autres,&  principakmet  (on  mary,àpcrfcucrance. 
Entre  autres  propos  elle  luy  dit,  Monamy ,  fi  nous  auons  eux  con?oi  nets  par  mariage 
quant  au  corps, eftimez  que  cela  n'eftoit  que  comme  promcUcs  de  fiance  ment:  mais  le 
Seigneur  IefusChrift  no'efpoufera  au  iour  de  noftre  martyre  ,  Or  poun  <t  qu'elle  eftoic 
la  plus  icune  des  autres,clle  fut  referuee  pour  la  dernière  à  la  mort. Les  aduerfaires  taf- 
choyent  à  la  diucrtirdecefte  confiance,  luy  promettans  beaucoup  de  belles  chofes: 
mais  &:  elle  &:  les  autres  furent  aiîïftez  d'vne  torce  plus  qu'hu  maine:&:  demeurèrent  cô 
ftans  iulqu  a  Ja  fin. 


IEAN     L'ANGLOI  S.Bour^non. 


P  V I  S  que  le  principal  à  noter  en  ce»  çxcmples.eft  la  mort  des  fidèles ,  comme  cliofe  trefprecieufe  deuantDieu  :  en  quelle  PfeaiMi*. 
l.orreur  aura-il  la  cruauté  de  ceux  qui  les  affligent.» 

EM.Ieanl'Anglois  aduocatde  Sens  en  Bourgongne ,  puis  que  nous  nV  MD 
uons  autre  choie  des  aftes  &c  procédures  iudiciaires  tenues  contre  luy,  xlvii. 
nous-nous  contenterons  de  cognoiftre,qu'eftant  condamné  en  dernier 
reiîbrt  parla  cour  du  Parlement  de  Paris,  pourauoir  maintenu  la  vérité 
du  Seigneur,  auroit  efté  bruilé  en  la  ville  de  Sens  au  mois  de  Mars,  de  ceft  an  m.d. 
xlvii. 


MICHEL  dttU  I  QV  E  L  O  T,deToitmay. 

AV  récit  du  martyre  de  ce  perfonnage.il  y  a  vne  refponfe  digne  d'eftre  bien  notée:  laquelle  gens  excellens  ont  alléguée  en 
prcicli.mt,comnicparollc  prononcée  de  l'Efprit  du  Seigneur. 

N  V  IRONceteps  Michel,  vulgairement  appelé  Miquelor,  natif  de  Fro-  M  D 
yenne  bourgade  près  de  Tournay,ieune  compagnon  eoufturier,  ayant  efté  XLVir. 
quelque  temps  àGcneue,rctournaen  fon  pays,où  il  ne  demeura  gueres  fans 
cftrc  perfecuté  pour  la  doctrine  de  l'Euangile,  laquelle  il  auoit  manifestée  à 
pluheurs.Eftant  pnfonnier  à  Tournay  entre  les  ennemis  d'icelle,  atrant  que  procéder  à 
la  fentence  difHnitiue de  mort,on  luy  propofale choix  de deux:ou  d  auoir  la  tefte  tren- 
chee(fc!on  les  Placars  de  rEmpereur)en  cas  qu'il  fe  vouiift  defdire ,  ou  d'eftre  bruflé  vif  Refponfe 
à  petit  feu  s'il perfiftoit  enfes  propos .  Miquelot  fur  ces  offres  refpondit  alaigrement  no"bk- 
fans  demander  terme  de  refpondre,Meflieurs,dit-il,  Celuy  qui  m  a  fait  ceft  honneur  d' 
endurer  patiemment  pour  fon  nom,  me  fera  bien  la  grâce  d'endurer  le  feu. Il  fut  bruflé 
vif  audit  Tournay:&  fa  mort  a  efté  en  édification  à  ceux  du  pays  de  Tournefi. 


LEONARD    DV    P  R  E,ZJmoJm. 

La  vérité  de  l'Fuangile  a  telle  énergie  &  force.quc  les  plus  aduerfàirçs  font  contraints  fouuentefbis  de  pronÔcer  de  leur  pro 
pre  bpuche,lcur  iugement  &  condamnation. 

E  O  N  A  R  D  du  Pré,  home  exercé  aux  lettres,  eftoit  iflu  de  Limoges:  &c  m.d. 
pour  la  doctrine  de  l'Euangile  fut  conftitué  prifonnier,au  mois  de  Iuillet  en  XLV1^ 
la  ville  de  Bar  fur  Seine,en  Thoftellerie  nommée  du  Palfe-temps-Il  fut  dece 
lé  par  deux  faux  frères  qui  l'auoyent  accofté  depuis  Diion  iufques  en  ladite 


Liurc^j  III*  Jean  "Brugiere. 

ville  de  Bar  .Enquis  de  fa  foy  deuant  le  Bailly  du  lieu ,  &c  fur  plufieurs  poin£b  de  la 
Religion,  rcfpondit  fi  pertinemment  Se  conftamment,  que  les  Caphars  de  la  ville, 
quil'auoycnt  allailly  en  députe, conuaineus  deuant  la  iuftice  de  leur  afneric  ,  furent 
contraints  de  côteil'cr  qu'il  difoit  venté  .  Et nonobftant  cela  on  le  mena  à  Pans  aucefes 
informations  :  où  il  tut  condamne  d'eftre  brullé  vif  au  mois  d'Aouft:  lors  que  les  grans 
feux  eftoyent  allumez  par  tout  à  caufe  des  edi&s  cruels  du  roy  François,publicz  aupar- 
auant. 

IEAN    BRVGIER  E,<ï\^*««g»e. 

V  H  l  S !  T  O  T  R  E  du  Martyre  de  Tean  Prugiere  atiec  le  grand  areft  de  Paris  donné  à  fr  n  occa"fion,'nous  monfrrem 
que  le  fidèle  tremblant  &  fe  déifiant  de  foy-melme,fe  retire  vers  la  f  r.-.cc  de  Dieu,  cependant  que  ceux  qui  le  perfecu- 
tenr,ont  refuge  a  leurs  men(ongcs,&  s'endurciflent  enleurihipidicV  P.  pl  renefic,  delorte  qu'à  bon  droit  on  fe  peut  cf- 
bahir  comment  il  le  fait  cjue  ces  fages  de  la  Cour  du  Parlement,  en  celle  clarté  de  l'Euangile  ,  fe  monftrcnt  fi  hebetez 
&  abrutis. 

S-ffi^SS  R  V  G  I  E  R  E  eftoit  de  Formai,  qui  cft  vn  village  au  pays  d'Auuergne, 
XLVir.    d|j  homme  de  grandzclerdepuis  que  le  Seigneur  luy  eutmanifcfté  la  cognoif 

C  ^ fUt  rrinsPar<^cl,xro's^cs  officiers  du  Roy  au  lîege  de  Montserrat, 
Regrets  ^yj^^J  en  Auuergnc,eftant  chargé(comme  ils  parlent)  d'eftre  Luthérien  .  Lapre- 
uoirconfcf  mitre  lois  il  rompit  les  priions,  eftant  accompagné  d'vn  autre  qui  eftoit  chargé  de  mef 
fé  b  venté  me  aceufation, lequel  de  nuid  fauta  de  la  muraille  fans  fe  faire  aucun  mahmais  Brugie- 
duScigueur  fe  çc  vou]ant  {auuer  après  luy,fc  rompit  vne  iâbe:à  caufe  de  quoy  ioin£t  la  grande  pour- 
fuite  qu'on  faifoit  après  cux:à  grade  difficulté  peut-il  efchapper.^Depuis  Brugicrecut 
vn  regret  extrême  en  fen  cœur,&:  le  preffoit  autant  ou  plus  que  la  douleur  de  faiambe, 
cVft  qu'il  eftimoitauoir  décliné  de  la  vocation  à  laquellcDicu  rauoitappclé:fiquefou- 
ucntefoiscngcmiifanticttoitdegians  regrets  à  fes  familliers,&;  acculoit  la  lalcheté, 
pour  laquelle  Dieu  àbônc&:  iufte  caufe  l'auoit  puny,  voire  Se  que  le  mal  qu'il  enduroit 
ne  relpondoit  à  vne  faute  fi  lourde.-mais  qu'il  efperoit  fi  Dieu  luy  failoit  derechef  ce  bie 
de  le  rappcllcr  à  la  confeiîîon  de  l'on  fainét  Nom, de  reparer  entièrement  tcllefaute  par 
vneobeilTance  volontaire.  Ce  qu'il  monftraparefFed: finalement:  car  eftant  reprins 
quelque  temps  après  par  les  Officiers  de  Montferrant ,  il  leur  fit  fi  prompte  confe/Iion. 
defafoy,voire&:d'vn  cœur  11  allegre,que  les  luges  mefmes  en  eftoyent  cftonnez:  oyas 
deluy  beaucoup  plus  qu'ils  ne  vouloyent  &:  n'attendoycnt.Son  procès  donc  eftant  par- 
fait fut  mené  à  Paris,accompagné  de  plufieurs  quile  conduifoyent.  Et  ayant  elfe  quel- 
que temps  en  la  prifon  delà  conciergerie ,  fut  interrogué  par  M .  Pierre  Lifet ,  lors  pre- 
mier Prelidcnt  de  la  cour  de  Parlement. lequel  auec  plufieurs  Confcillers ,  trouua  ledit 
Brugicre  refolu  en  fa  première  confefîion  ,  &:  ne  s'en  voulant  rétracter  aucunement ,  le 
condamnèrent  à  eftre  bruflé  viren  la  ville  d'IiToerc:comme  on  pourra  voir  plus  ample- 
ment par  l'areft  donné  en  ladite  cour  du  Parlement  alencontre  dudit  Brugiere.Et  com 
bien  qu'il  loit  plein  de  babil  fuperflu  &£  inutile ,  nous  l'auons  neantmoins  îcy  inféré  de 
mot  à  mot,pour  monftrer  à  l'aduenir  la  belle  procédure, ou  pluftoft  vn  aueiiglilfcmenc 
brutal  des  grans  de  ce  monde,  &:  des  fages  de  ladite  Cour,  qui  en  telle  rage  s'eileuenc 
contre  la  vraye  doctrine  du  Fils  de  Dieu. 


V 


E  X  T  R  A  I  T  des  regiftres  de  la  Cour  du  Parlement  Je  tiers  iourde  Mars,millc  cinq  cens ,  quarante  &fcpt,  com- 
me il  a  elle  efent  &  publié. 

F.  V  par  la  Cour  leprocés  fait  par  le  Bailly  de  Montferrandou  fon  Lieutcnantâ 
l'cncontre  de  Iean  Brugiere  prilonnier  en  la  conciergerie  du  Palais, pour  raifon  des 
blafphemes&:  erreurs  facramétaires  à  luy  impofezparles  coclufiôsdu  Procureurgene 
ral  du  Roy:&:  ouy  Se  interrogué  par  laditeCour  ledit  prifônier  fur  Jefdits  cas.  Se  tout  cô- 
fefut  chrift  fideré>dit  a  efté,que  pour  reparatiô  des  blafphemes  heretiqs  &  propos  " fcandaleux,  Se 
cuÀociri.  erreurs  contraires  à  la  fainctefoy  catholique,&  doctrine  de  l'Eglife,dits,  proferez SeeC- 
Zu  'mpï   cnts  Par  lecnt  prifonnicr  contre  l'honneur  de  Dicu&r  du  faindt  Sacremét  de  l'autel ,  de 
fierred  af-  noftre  mere  fain&e  eglife ,  conftitutions  &:  commandemens  d'icelle,à  plein  déclarez 
fcld'!u'°'  au  Proc^s  contre  luy  fait  ladite  Couf  la  condamné,  Se  condamne  eftre  mené  dedans 
vn  tôberau  depuis  les  priions  delà  ville  d'Illbere  iufques  au  grad  marché  &c  place  oubli 
que  de  ladite  villc:ou  fera  mife  Se  affichée  vne  potence ,  en  laquelle  il  fera  foufleue.&:  à 

l'entour 


Jean  Urugicrcs.  172 

l'cnrour  d'icelle  fera  fait  vn  grand  feu,dedans  lequel  fera  ars  &:  bruflé  tout  vif.Et  ferôt 
les  Hures  defquels  il  a  efté  trouué  faili,  &:  en  fa  prefence  iettez  dedans  ledit  feu ,  &  en  i- 
celuy  ars  &bruflcz:&  fia  déclaré  Se  déclare  tous&:  chacuns  les  biens  dudit  prifonnier 
confifquez  au  Roy.Et  outre  ordonne  ladite  Cour,aucuns  chargez  par  ledit  procès  (def- 
quels les  noms  feront  mis  au  greffe  de  ladite  Cour,&:  baillez  par  extrait  des  regiftres  d' 
icelle)eftrc  prins  au  corps  quelque  part  qu'ils  pourront  efttc  trouuez  en  ce  Royaume, 
mefme  en  lieufaind:fauf  à  les  réintégrer  fi  faire  fe  doit,&:  menez  prifonniers  es  prifons 
dudit  Montferrand,pour  illec  eftre  à  droid,&  eftre  ouis  &:  interroguez  par  ledit  Baillif 
ou  fon  Lieutenant,fur  les  cas  dont  ils  font  chargez  par  ledit  procès,  ainfi  que  de  raifon. 
Et  pource  que  ladite  Cour  a  cfté  deuement  aduertie,que  de  iour  en  iour  cefte  malheu- 
reufc&damnable  fede  Luthérienne  &c  autres  fcmblableshcrefies  ont  parcydeuant 
pullulé,&r  encores  de  prefent  pullulent  grandement  au  pays  d'Auuergne-.mefmement 
en  la  ville  d'iffoerc&plufieurs  autres  lieux  &c  villes  de  la  fenefehaucee  dAuucrgne  &C 
bailliage  de  Montfcrrât,occultcment&latément,augrad  regret  &:dcfplaifir  des  gens 
de  bien,demeurans  audit  pays:pour  obuieràce  que  ladite  fede  pe(lifcre,"glaiuc  d'in-  ?"'/<*»" 
fe£tion&:contagion,n'accroiire& augmente  plus  auant  ,&  que  les  bons  catholiques  Clli'jTp'a 
fidèles  ne  foyent  ou puilfent eftre infedez  &c  corrompus  par  les  fuafions  publiques  ou 
fecrettes  des  malheureux  hérétiques:  ainspuirïent  viureen  paix&  ti  âquilité,en  vraye  'J^J^jf 
vnité  de  la  foy  catholique  de  l'Eglifevniuerfe!le:a  ordonne  &  ordonne  qu'il  fera  publié  cheminées  fi 
&  proclamé  tant  en  la  ville  d'Iiîbere  qu'autres  villes  principales  dudit  pays  d'Auuer-  manttli. 
gne,efquellesyafiegeRoyal,rellbrtiifant  fans  moyen  à  ladite  Cour,à  fon  de  trompe  & 
cry  public  par  tous  les  carrefours  d'icelles,que  ladite  Cour  a  défendu  &c  défend  expref- 
fement&  furpeine  de  feu  à  tous  les  habitans  demeurans  au  pays ,  de  parler,  dire,tcnir, 
ou  propofer  publiquement  ou  occultement ,  directement  ou  indiredement ,  au  cunes 
dodrines,ou  blafphemes,ou  propos  feditieux  contre  l'honneur  de  Dieu  de  latrcfglo-  IefusChr!(ly 
rieufe  vierge  fa  beneite  mere,des  Sainds  &  Saindes  de  Paradis,"  &,  contre  noftre  mere  e(l  autant  no 
fainde  eglife  &C  fa  dodrinermefmement  contre  les  fainds  Sacremens  d'icelle,&  fpecia-  ™^"éM 
lement  contre  le  faind  Sacrement  de  l'autel, &façon  de  viure  qui  a  efté  toufioursgar-  je°Uwmef, 
dee&obferuec  par  les  vray  s  fidèles  &  catholiques  Chreftiens:  ains  au  contraire  leur/"- 
enioint  fur  mcfme  peine  de  parler,&  viure  félon  la  dodrinc  de  noftre  mere  fainde  egli- 
fe,&  félon  les  commandemens  de  Dieu  &de  ladite  eglife  catholique ,  fans  donner  de 
faidou  de  parolle  aucune  occafion  de  fcandale  ou  d'infedion  aux  vrais  fidèles  catholi- 
ques^ leur  défend  fur  mefme  pein  e  de  retenir  deuers  eux ,  lire ,  ou  faire  lire  aucu  ns  li- 
ures  en  François  ou  en  Latin  contenans  dodrines  erronées  &  hérétiques ,  imprimez  à 
Geneue  ou  autres  villes  fufpedes.Et  afin  qu'aucuns  ne  puiffent  eftre  feduits,  f» e  preten 
dre  que  par  ignorance  ilsayenr  failly,a  ordonnée  ordonne  ladite  Cour,que  les  articles 
propofitions,ô£  "  Cenfures  de  la  faculté  de  Théologie  de  l'vniuerfité  de  Paris,  approu-  tkUstidl^t 
uees  Se  confermees  par  l'edit  du  Roy  leu  &  publié  en  ladite  Cour ,  entant  qu'audit  Sei-  mu  m  fe<°& 
gneur peut &:  doit  appartenir,  comme  conferuateur  des fainds décrets  de  l'intégrité  j^Jjj^, 
de  la  foy  catholique  en  fon  Royaume  trefchrcftien,&  lefquellcs  cenfures  font  contrai- 
res aux  malheureufespeftiferes  proportions  mifesen  auant  par  les  Luthériens  Vau- 
tres hérétiques  leurs  complices  &  adherens,feront  publiées  pnr  chacun  iour  de  Dimâ- 
che  au  profne  de  toutes  les  paroiffes  eftans  audit  pays  d'Auucrgne,tantau  diocefede 
Cle?*m5t  que  de  faind  Flour,  par  les  Curez  ou  Vicaires  d'icellcs  paroiffes.  Et  feront  ex- 
pofees  au  peuple  en  langage  vulgaire,en  manière  que  chacun  pui/fe  facilement  enten 
dre  le  contenu  efdits  articles,de  ladite  faculté  deTheoJogie,ainfi  au  thorifez  par  IcRoy 
corne  de/Tus  eft  dit.^Et  défend  ladite  Cour  fur  les  peines  que  defTus,à  tous  les  habitans 
ou  demeurans  audit  pays ,  tant  bas  que  haut ,  de  dire,  fouftenir,  ou  difputer,  (bit  en  pu- 
blic ou  en  priué,contre  les  chofes  côtenues  efdits  articles,&:  autres,c'eft  à  dire  gardées, 
obferuees,prefchees  &  publiées  en  l'eglife  catholique:&  enioint  ladite  Cour  aux  Mar- 
guilliers,  ou  luminiers"defdites  paroiffes ,  fur  peine  de  dix  marcs  d'argent,&:depuni-  c'tpààh* 
tion  corporelle  à  la  diferetion  de  ladite  Cour,defolicitcreffeduellement,quelapubli  iui 
cation  des  fufdits  articles  &:  proportions  de  ladite  faculté  foit  faite ,  expofee  &t  decla-  fsLmlL'- 
rce  au  profne  defdites  paroiffes,touslefdits  iours  de  Dimanche:  &  femblablement  ex 
horte  &:  admonnefte  lefdits  Curez  ou  Vicaires  d'ainfi  le  faire,  &:  ou  ils  feroyent  contre-  f/w* 
difans,negligens,ou  contempteurs  de  l'admonitiô  de  ladite  Cour,  enioint  icclle  Cour 
aufdits  Marguillicrs,&  à  chacun  d'euxf  ur  les  peines  que  deffus  ,d'en  faire  informer  par 


res  aux  tem~ 


tcrr 


Liurdllï.  Jean  Tïrugierc^: 

le  plus  prochain  luge  Royal,&:  enuoyer  les  informations  pardeuers  laditeCotir,pour  c* 
ftre  procédé  contre  les  dclinquans&:coulpablcs,ainfi  qu'il  appartiendra  par  raiîbn.  Ad 
monnefte  &  exhorte  les  eueiques  de  Clermôt  &£  de  fainct  Flour ,  leurs  Vicaires  &c  Offi- 
ciai»,d'ainfi  le  faire  fairç  par  lefdits  Curez  ou  Vicaires,&:  les  contraindre  à  ce* 
Llus  witu     ^Ord  on  n  e  au^l&:enioint',  ladite  Cour  aufditsMarguilliers,&:admonncftelef- 
ïetforgeur  dits  Eucfques, leurs  Vicaires  &:  Officiaux,  lefdits  Vicaires  ouCurez,dc  faire  faire  vn  roi* 
dectftAreft  ]c  cn  chacune  paroifle  de  tous  les  paroiifiens qui  font  en  aage ,  &:  capables  de  receuoir 
fcpourTcit  le  fain& Sacrement  de  l'autel  amour  de  Pafques,  &decotteren  marge  ceux  qui  n7fe- 
pmsquc     ront  venus  audit  iour:&:  approuuer  les  cottes  qu'ils  aurôt  mis  audit  marge,par  la  figna- 
mtefté  la"  tureduditCuréou  Vicairc,&  dcfckts  Marguilliers  ou  l'vn  deux:  lefquels  feront  tenus 
vérité  de  fa  enuoyer  lefdits  rolles  &  regiftres  auec  la  certification  au  procureur  du  Roy,au  plus  pro 
parollc.     chain  iiege  Royahauquel  ladite  Cour  enioint  incontinent  s'en  informer,&faire  procé- 
der contre  les  coulpables. Et  ce  fur  peine  de  fufpenlion  de  leurs  eftats  parvn  an, pour  la 
première  faute:&  de  priuation  d'iceux  pour  la  féconde. 

CE  t  fur  mefmes  peines  enioint  aux  iuges  Royaux  dudit  pays,  refTortuTans  inmedia- 
tem  ent  cn  ladite  Cour ,  d'en  informer  diligemment ,  tous  &  affaires  quelconques  poft* 
Mais  vous  pofcZjContre  tous  ceux  qui  font  infectez  de  la  fe&e  blafphematoire  hérétique,  Luthe- 
qi.i  trou.   rienne,&:  perturhatiuedelatranquilite&:  repos  des  "iiiiets  du  Roy:& de  leur  faire  leur 
nlcflani  îê  Procc^s  mi4ucs  au  Jugement  dcfînitif,ou  de  torture  exclufiuement.  Et  ce  fait ,  enuoyer 
cid  auec  la  lefdits  pnlbnniers  en  laConciergerie  de  laditeCour,&:  leur  procès  auflî  pardeuers  elle, 
pour  eftre  procédé  au  iugement  d'iceux  ainli  qu'il  appartiendra  par rahon:  &  de  certi- 
fier dorcfnauant  de  trois  mois  en  trois  mois  ladite  Cour,dc  ce  qu'ils  aurôt  fait  en  la  ma- 
tiere:fur  les  peines  que  delîus.Et  outre  d'eftre  reputez  fauteurs ,  recclateurs  des  hereti- 
La  cour  à  ques,perturbatcurs  de  la"  paix  de  la  republique  Chreftiénc:&  comme  tels  punis  de  tel 
Pcnfé       le  peine  que  de  droit. Sera  aufsi  enioint  à  cry  public  &C  fon  de  trompe,à  tous  les  habitas 
roft  meio-C  &  demourans  audit  pays,d'enuoycrau  greffe  du  plus  prochain  iuge  Royal ,reiiortiilant 
dieux  eftit  fans  moyen  en  ladite  Cour ,  &c  dedans  trois  iours  après  la  publication  de  cefte  prefente 
d^mots  rc  ordonnance ,  tous  les  liures  qu'ils  auront  deuers  eux ,  concernans  la  foy  &:  do&rinc  ca- 
fenants.     thohque,faits  par  les  hérétiques ,  &:  imprimez  à  Geneue ,  ou  aucuns  lieux  Éiifpe&s ,  fur 
peine  d'eftre  reputez  hereriques ,  &  punis  de  telle  peine  que  de  droit.    Etfur  mefmes 
peines  enioint  à  tous  ceux  qui  (auront  aucuns  auoir  &:  retenir  lefdits  liures ,  &  ne  les  a- 
uoir  apportez  audit  greffe  dedans  lefdits  trois  iours  après  la  publication  de  cefte  prefen 
te  ordônâce,de  les  aller  reueler  à  la  îuftice  au  prochain  fiegeRoyal,aux  officiers  duquel 
ladite  Cour  enioint  de  procéder  à  l'encontre  des  delinquans,  coulpables  &  defobeifïas 
aux  defenfe s  8z  inion&ions  de  ladite  Cour,ôdeur  faire  leur  procès  extraordinairemenr, 
iufques  au  iugement  définitif  exclufiuement,commedit  cft.Et  ce  fait,les  renuoyer  pri 
fonniers  en  la  Conciergerie  de  ladite  Cour  auec  ledit  procès ,  félon  &:  enfuyuant  ledit 
du  Roy.E  nioint  aufsi  ladite  Cour  à  tous  les  habitans  &  demourans  audit  pays,qui  fauet 
ou  cognoifîent,ou  qui  ont  feu  ou  cogneu  aucûs  infeds  de  ladite  fe&e ,  d'en  aller  aducr- 
tir  la  îuftice  au  plus  prochain  iuge  Royal,  pour  en  informer&  Procéder  contre  les  coul 
pablcs  comme  deiTus.  Et  outre  enioint  aux  fubftituez  du  procureur  gênerai  es  lièges 
^nevofd  Royaux>rcirortiiTans  fans  moyen  cn  laditcCour,d'obtenir',lettrcsmonitoires,/nybïw* 
que  ceft  a  matefactorum &  les  faire  publier  tous  les  Dimanches  au  profne  des  eglifes  paroifsiales, 
"të  '  d'vn  Par  ^e^cîue^es  liront  admonneftez  tous  ceux  qui  fauent  ou  ont  cognu  aucûs  infe&s  de 
Sue  de  chu  cefte  peftiferee  do&rinc,d  en  venir  à  reuelation  à  leur  Curé  ou  au  Vicaire  cn  la  prefen- 
canerie,fas  Cedcs  Marguilliers  ou  delvn  d'iceux.-laquelle  reuelation  fera  mifeparefcrit,  &fignee 
maîefiïau-  dudit  Curé  ou  Vicaire,&:  defdits  Marguilliers  ou  de  l'vn  d  eux  :  auquel  ladite  Cour  en- 
cunc;       ioint,  fur  les  peines  que  defîus ,  de  la  porter  ou  faire  apporter  incontinent  aux  Officiers 
du  plus  prochain  liège  Royal, rciTortiirant  en  ladite  Cour  fâs  moyé,auquel  ladite  Cour 
enioint  examiner  en  information  le~stcfmoins  qui  feront  venus  à  reuelation  Etprocc- 
1  aCouren  ^crcommc  deflus  contre  ceux  qu'ils  trouueront  delinquans  &:  coulpables ,  furies  pei 
«  a  areft  n'  nés  lufdites,tous  autres  affaires  poftpofez.Et  pour  faire  mettre  ce  prefent  areft  cn  exe- 
oublie  nen  cution  félon  fa  forme  &  tencur,a  l'encontre  dudit  prifonnier,ladite  Courl'arcuoyé  & 
cipaKPna  tenuoye  en  l'eftat  qu'il  eft,pardeuant  ledit  Baillif  ou  fondit  Lieutenant.  Faitcnpar- 

lemcnt  le  troifieme  iour  de  Mars,L'an  m.d.xltii.  Etau  defTous  ligné,  Malon. 
Mifcrabic  T)  Rugiere  donc  fut  renuoyé  à  fon  premier  luge ,  pour  mettre  en  exécution  cn  ladite 
toufiours"     V1^C  d'Ilfoere  le  prédit  areft  donné  contre  Juy.  Là  ne  faillit  à  (e  trouuer  Orriinquifi- 

teur 


renr,inuctci  é  ennemi  de  la  vérité:  lequel  fit  vn  fermon  en  plein  marche ,  qu'on  fe  don- 
naftgardc  d  eftre  furprins  des  fallaccs  de  ces  Luthériens. Et  ditlors  pourrailbn  cespa- 
rol  le  s  ou  en  erlVd  fem  blables.  Ce  qu'ils  "  afferment  efl  -véritable ,  mante  qu'ils  nient  efï faux,  ils  co-  M  jferat},c 
uiennent  bien  auec  nous, en  ce  que  nom  croyons  que  Dieu  efl  tout-puijjant  &  l'cntab le ',£7*  que  noflre  Sei  Orn  qui  as 
gneurlefUs  efl  le  Sauueur du  mondc'.Que  l 'Efriture  fa  racle  a  eftè  reutlceparle  jainti  Ejprit  ,      en  tout  t(,lif!.0J"s  *" 
ie  qui  ejt contenu  en  noflre  Credo,  qui  font  les  articles  denoflre •  fny-.  mais  voicy  (difoic-il)  ougiftlevenm-yk  \tXïmt$ 
fauoir^enleur  negatiuc.car quandilsD0U6  dnonî que  Dieu  ri 'efl  point  en  la  famtie  lioftic,  ou  nieront  le  cujx  qui 
Pur^atoircyles  indulgences  de noftre faintt  Pere  le  Pape ,l 'adoration  &  invocation  des  Sainds  &  autres  j^"*'^  ^ 
constitutions  &  décrets  ordonnez^  &  edablvs par  noflre  mere faincte  eglift:  ('efl  là  oit  ils f aillent,  &  où  nonc<  s  icy 
con fislen t  leurs  erreurs. Parquoy  ie  vous  admonnefle  de mows  en  don ner garde .  ^  V o  1  la  c ô m e  c e  ta ux  ta  con d a m ". 
prophète  Orri  admonneftoit  le  pourc  peuple  d'Iflbere: félon  qu'il  a  de  couftume  de  rai 
ie  par  tout  où  il  va. 

Or  après  que  l'areft  contre  Brugiere  eut  efte  prononce  en  l'auditonedc  ladite 
ville  d'ÏÏlbere  par  le  Lieutenant  de  Montferranf,  accompagné  de  l'aduocat,  procu-  j  otn  con 
reur  &c  autres  officiers  du  Roy  audit  Bailliage ,  Orri  voulut  taire  le  coup  d'eflay  vers  le  tr<  Brugie- 
pourc  condamné,  à  i'auoii lien  quelque  manière  illepourroitdiucrtir  de  ("a  pure  con-  rc- 
fcifion:&  iinguliercment  fur  le  poinct  du  Sacrement. Et  comme  il  infiftoit  à  luy  vouloir 
faire  à  croire  que  la  iubftance  du  pain  &C  du  vin  s'cluanouiiibit,&:  qu'au  iieu  d'icclle  fub 
ftancefuccedoit  Je  vray  corps  &:  lang  de  noftre  Seigneur:  voire  auiïï  long  &c  large  qu'il 
eftoit  en  l'arbre  de  la  croix:  Brugiere  luy  dit,  Si  nos  corps  pouuoyet  eftre  nourris  de  ces 
nues  qualitez  fans  leurs  fubftâces,voftre  dire  auroit  quelque  couleunmaisveu  que  cela 
ne  Te  peut  faire,quclle  côuenance  y  aura-il  entre  la  figure  &:  la  choie  figurée?  Ce  qui  efl 
requis  en  tous  Sacremens:carautrcmét  ceneferoitqu  vn  pur  fantofmc,  voire  vne  ido- 
le que  iedetefte. Orri  dit,Si  tu  me  nies  que  le  corps  de  noftreSeigneurfoitenrhoftie,a- 
presque  le  preftre  a  prononcé  les  paroles  facramétales  auec  intention  de  confacrer,  ie 
dyque  tu  meslapuiliàncede  Dieu,qui  peut  tout  ce  qu'il  veut  .le  ne  nie  point(dit  Bru- 
giere)lapuifTancede  Dicu:carnous  ncdifputons  point  icy,  fiDicuapuiiîancc  de  ce  fai- 
re ou  non:  ains  de  ce  qu'il  a  fait  en  fa  fain&e  Cene,&:  de  ce  qu'il  veut  que  nous  y  tacions. 
Ledit  Orri  voulant  couper  la  difpute  luy  dit,Et  dea,mon  amy,  pourquoy  eftant  à  Paris 
ne  pailiez-vous  ainfi  à  monfîeur  le  prefident  Lifet?Ic  n'ay  iamais  patlé  autrement  à 
môfieur  le  Prefîdent(dit  Brugiere)&:  ne  trouucrez  point  en  tout  mon  procès ,  que  i'aye 
en  rien  contreuenu  à  cela.Orri  donc  baillant  la  telle  à  fa  façon  de  taire ,  &  hauffant  les 
cfpaules,le  laiifa. 

Depuis  il  dit  à  quelques-vns  de  fes  famillicrs  qui  ont  rendu  atteftation  de  ce-  Derechef  or 
cy,quJon  falloir  tort  à  ce  pourc  homme ,  dont  il  en  eftoit  marry  :  &:  que  ion  opinion  du  "J^-à^f 
Sacrement  n  eftoit  pas  mauuaiie.    Et  l'vn  d'iceux  famillicrs  luy  dit,  Pourquoy  clone  a- 
uez-vous  foulent  à  la  mort,ôcconfentezàicellc?    Vous  deuriez  pluftoft  aduertir  la 
Cour,&  vous  oppofer  à  fon  exécution .  Et  qu'y  feroy -ie(dit  Orri)  ie  ne  Ihuroyc  quel  or- 
dre y  mcttre:s'il  cft  pofîiblc  de  faire  adoucir  fa  fentencc,arîn  qu'il  ne  fente  point  le  fe.u, 
ie  le  feray  volontiers .         cela  toutefois  ne  voulurent  entendre  les  officiers  du  Roy, 
difans  qu'ils  noferoyent  entreprendre  fur  la  Cour  du  Parlement,  de  peur  d'en  eftre  rc- 
prins..   Les  preftres  vindrenr  puis  après  àl'auditoire  delà  prifon  ,pourexhorter  Bru- 
giere &:  lediuertir.  ils  luy  prefenterent  vne  longue  croix  de  bois  auec  vn  cruci- 
hx  atrachc,  tel  que  les  caphars  ontaccouftumé  de  monftrerau  peuple  le  iour  du  grand 
Vëdredy  pour  faire  crier  milericordc;&:  luy  dirent,  Orça,Brugiere,vous  parlez  tant  de 
Icius  Chriit,&  que  vous  n'auez  autre  fiance  qu'en  luy  feul  :  c'eft  à  cefte  heure  qu'il  faut 
quele  monftriez par  efrccfmc  voulez-vous  pas  adorer  cefte  vraye&  digne  croix?  Bru- 
giere les  regardant  de  trauers ,  leur  dit,Ha  poures  gens ,  ie  n'adore  point  chofe  faite  de 
maîd'fiômeu'adore  le  vray  Dieu  &:  Pere  en  efprit&  vérité.  On  le  prefTaauiTi  d'inuoquer 
la  viergcMarie.Mefme  aucun  des  officiers  luy  reprocha  qu'il  n'en  tenoit  conte,  &C  la  def 
hônoroit,elle  qui  eftoit  l'aduocate  des  poures  pécheurs. le  vo9  prie,ditBrugiere,  melaif 
fcrenrepos,&:  permettre  que  iepenfevn  peu  à  monDicuauant  que  mourir. ie  me  con-  ^ 
tente  du  feul  aduoeat  que  Dieu  a  conftitué  pour  les  pecheurs:en  cela  ie  ne  defhonnore  [^£^(1 
point  la  vierge,côme  ie  feroye,fi  ie  confentoye  à  ce  iacrilege  deteftable ,  que  vous  vou-  feul  Jonné 
lez  que  ie  comette.en  defpouillant  foh  cher  fils  de  fon  office  d'aduoeat,  pour  la  reueftir  aduocat- 
comme  d'vnc  chofe  dcfrobee:ce  quelle  ne  demande  nullcmct.Que  fi  vous  voulez  per- 
mettre que  i'en  dife  deuat  tout  le  peuple,ce  auc  i'en  ay  apprins  par  l'efcriture  faîdc,vo* 

G.i, 


£,/Vo  ///.  Sainttin  J\Çjnet. 

cognoiftrcz  lors  en  quelle  fain&e  réputation  ic  la  tien.  Les  officiers  du  Roy  ne  luy  vou- 
lurent  permctrrc:maisluy  dirent  qu'il  aduifalr  de  ne  feandalizer  le  peuple.  €  Et  corn- 
me  on  le  preilbic  de  prédreentre  l'es  mains  vue  petite  croix  ,dit  haut  &  clair,  Non,  non, 
ce  n'cftj>oint  celle  croix  qu'il  faut  queieportcae  portera)  tantoftla  mienne  lut  tout 
mon  corps, moyennant  i  aide  de  mon  Seigneur.  AjnC  tut  emmené  de  la  prilbn  au  lieu 
du  (uppliceyt  n  Saine!:  ioui  di  marche,  auquel  lieu  on  auoit  dreiîe  vnc grande  potece» 
en  laquelle  y  auoit  deux  poullies  au  dcf]"us,&:  vue  chaîne  de  fer  qui  saualloitdcuant&: 
derrière,  pour  attache;  le  pacit  tit&£  pour  le  tirer,  vn  tour  qui  ciloit par  derrière.  Au  dc£ 
fous  delà  potence  y  auoit  deux  poireaux  enuiron  de  la'hauteur  d  vn  home,  fui  leiquels 
deBru'E  cltoit  clouévnaïx  afTczeftroit,&  alentour  ciloit  le  bois  &la  paille  poui  brufler  le  pa- 
rc tiét.lequel  tàt  s  en  faut  qu'il  s'eftônaftcn  rien  de  ce  piteux  appareil, qmeime  il  donnoit 
courage  au  Bourreau: lequel  fc  laifla  choir  en  le  montant  fur  ledit  aix ,  pour  l'attacher  à 
lagroilc  chaine.Brugierc  luy  bailla  la  main  en  dilant,Courage,M.Fôchet,nc  vous  efL  s 
vo'pas  blciieîPuiseitâtattat  he  par  le  milieu  du  corps  àla  grolfechaine,les  mains  &  ia- 
bcs liecsdefîl  d'archar,il  efleuaiesycuxau ciel,diiat,Ie  te-  lupplie,Pcre  ccleftc,pour l'a- 
mour de  tô  Fils  qu'il  te  plaire  me  côfbrtcr  à  cefte  heure  par  tô  S.Eipi  it,  afin  que  l'écume 
q  tuas  rncômcceccn  moy,foit  parfaite  à  tavioirc,&  vtilitc  de  ta  pourc  Eghie.  Et  après 
auoirpric  pour  fesennt  mis,&:  rccemmâde  ion  ameà  Dieu  ,  ilie  tourna  de  fon  bon  eré 
deuers  Iercu,qui  venoit  par  derrière  luy.Et  le  bourreau  mit  basl'aix ,  tellement  que  le 
patient  demeura  pëdu  en  l'air  tout  au  milieu  du  feu ,  fans  remuer  ne  crier,iufques  a  tat 
quen  baillant  la  telle  il  rendit  pajliblementrcfprit.Lorslc  peuple  s'eferia  grandement, 
voyant  cefte  grande  conftance,commevne  vertu  miracuIcufc.Lcs  vnsdiïoycnt,  Voila 
vn  grand  miracle  de  Dieu, les  autres  rendoyét  grâces  d'auoirveu  mourir  vn  Martyr  en 
leur  remps:&  ainii  il  y  auoit  grand  eftôn  cment  au  peuple. Quoy  voyant,lcs  officiers  du 
chl  *fu  é  R.oy»Orri,&  le  bourreau  furent  tcllemct  effrayez,  que  (ans  retourner  au  logis,  ils  ic  de- 
ransquon  partirent  cômegens  pouriuyuis,  ou  prochainsdu  danger: ôfprindrct leur  chemin  vers 
t«po"rfuy  Montferrantjdiftantduditlicu  cTIlibcrefix  grades  lieues. Le  Bourreau  laifla  le  patiet  à 
uc  i  xo.:$a  c|cm]  bruflçjvoyât  les  autres  départis.  L  e  CJu>  e  de  ladite  ville  d'Ilîbere ,  qui  auoit  ailiilc 
aupatienr(combien  que  ce  hift  vn  granddiiîîmulateur,neantmoinsinterroguépar  au- 
cun,quelle  opinionil  enauoit,ditclerement ,  plulîcurs  loyans,  Dieu  meface  la  grâce 
demourirenlafoydeBrugiere  .  ^Tclfutle  rVuittdelamort&de  la  conftance  de  ce 
Martyr  au  milieu  des  horreursde  In  morr. 

i  ^^»MRf  wsBss&iïnm 

SA  IN  C]  1  N     N  i  V  E  T,de  Meaux  en  Brte. 
Apprenons  ici  à  cognciflrecMiibiciiK'  rcux  cft  l'homn  <  auquel  rTfpnt  du  Seigneur  donne,  vue  telle  &  fi  (mue  pufua* 
lîon.ic  ù  vcritcvjuc  unùi  epourec   'nfo:i,voire  la  u. oit  tour  apprdlte,neluy  Ion:  nui  au:  égard  Je  la  vie  éternelle. 

MD       W^É^^*  y  cuti:,  mivt  de  ce  temps  qui  oie  lainetc  ferueur  d'clprit,  ait  dételle  la 
XLViH.    g^^S^  profanatiôdu  \  •  av  ic  ruicc  de  Dicu,&  (e  foit  defplcu  en  celte  vie,  voyant  1- 
JwTtf'»  1  <■-■  U;l  1       lu,n<  0c  l'Eglife  foyladeriiinatiô  de  l'Antechnibs  'il  y  a  eu  aulli  ho 
%/?  nie, qui  de  cœur  volontaire  fc  foitprclcnte  à  la  mort,  pour  fouftenir  la  que- 
relle du  Se  igneur,ç'a  efte  Sam&mNiuet, natif  de  Meaux  en  Bric. Car  quand  IcsQuator 
zc(dont  cy  dclfusl  hilloirceft  defcrirc)furcnt  brûliez  en  ladite  ville,  eftant  perche,  il  fe 
retira  quelque  peu  de  temps  aucc  fa  fcmme,au  pays  de  l'Euangile .  Etfevoyat  en  la  vil- 
le de  Motbeliard  comme  inutile,voire&  tn  charge  à  l'egb'fe  (  pource  qu  citant  fort  de- 
bile  de  (es  membres, ik  pcuùoit  faire  grand'  beiengne)  délibéra  de  retourner  au  com- 
bat, nonobftat quch  on  que  rcmonllran  ce  à  luy  faite, tant  du  collé  dcsMiniftrcs  de  ladi 
te  ville,quede(afemme:àlaquellcfouuentildifoit,qu'ils  n'eftoyent  laque  par  trop  à 
leur  aile  &:  en  feurtc,&  que  cela  leur  eau  foit  vncnonchallâce.Ilrcumtdonqs  à  Meaux: 
&.  à  certaine  foirc,quieil  audicl  lieu  àlalaincTManin,  efta  lia  quelques  petites  mercer 
ries  en  plein  marche.  Eftant  recognu  fut  mis  en  piïfon  :  &c  ion  procès  n  arrefta  guercs  à 
eftre  inftruit&:  parfaiâ.Cariln'citoiria  befoin  d'information  ou  de  confrontation  de 
tcfmoins,à  raii'on  qu'il  en  cofelToitheaucoupplus  que  les  luges  n'en  vouloyêt  ouyr.En- 
Ferucurcîe  trc  autrcs  choies  cecy  cft  digne  de  mémoire, que  quand  il  auoit  mis  en  auant  quelque 
zelenott-  poind  de  la  verité,&  que  lesluges  luy  difoyent,pour  l'intimider, veux-tu  fouftenir  cela? 
h'iC".         il  leurdiioit,Et  vou  s,  Meilleurs,  olerez-vous  nier  cela,  qui  eftfi  vrayfAufll  au  lieu  de  re- 
quérir grace,il  liipphoit  les  luges  tant  à  Meaux  qu'à  Paris,que  pGurl'honneurfle  Dieu 
ils  euftent  pitié  de  leurs  amcs,&:  qu'ils  auoycnt  la  eipandu  tant  de  fang  innocent,en  fai 

fane 


Ottomen  TttçnM  *74 

fant  iourncllcment  la  guerre  à  Chrift  &  à  Ton  Euangile.il  ne  faut  demandée  h*  telles  re- 
monftra'nces  fonnoyent  bien  aux  oreilles  délicates  de  ces  meilleurs  du  Parlcmcnr,&  fur 
tout  de  M.  Pierre  Liict, premier  Prefidcnt.Lc  Lieutenant  de  Mcaux  voyant  la  ferueur 
de  ceil  homme  (lequel  ildifoit  valoir  pis  que  louslcs  fufdits  Quatorze  enfcmblc)re- 
quit  ledit  Lifet,dc  ne  le  renuoyer  mourir  à  Mcaux,dc  peur  (difcit-il)  qu'cftâtainli  reio- 
lu^ln'achcuartàegaitertoutx'ertàdircdedifierlcpcLiplc.  Parquoy  ils  le  firent  mou- 
rira  Parisjans  rien  oublier  des  cruautez  v/itecs  contre  les  (bruiteurs  de  Dieu. 


OCTOV1EN    BLONDE  L,de  Tours  en  Touraine. 

S'IL  aduient  i^u'à  l'occifion  dos  bieus  de  ce  monde.ou  de  quelques  entrc-priTes  fomptucufes.nous  tombions  en  la  main  des 
ennemis  Je  l'Euangile^ipprenons  de  demeurer  paifïblcs  tn  nos  tiprits,  &  a  l'exemple  de  et  Martyr,  afpirer  aux  nçhcf- 
îcs  eternelles,en  réprimant  tout  ardeur  excefsif  de  no*  deliu. 

^nSSf^  L  O  N  D  E  LcftoitdcToursenTouraine,  marchant  lapidaire  de  fone-  ^j/vn 
4-À)^sl  itat:&  fc  tenoit  ordinairemêt  «à  Lyon  a  çaule  des  Foires  &  de  la  marchandée 
\v  qui  v  a  cours  kir  toutes  les  villes  du  royaume  de 


qui  y  a  cours  lur  toutes  les  villes  du  royaume  de  France. Ice  luy  ayant  de  lon- 
_  \  gue  main  la  cognoiflance  de  la  vente  de  l'Euangilc,cheminoit  en  telle  inte 
gritt  c*:  rondeur  qu'il  cftoit  priléôd  honnore,  non  feulement  de  ceux  de  la  rtligiô,  mais 
des  autres  marchas  aucc  lesquels  il  côueribit:  en  forte  qu'ils  auoit  acquis  grad  crédit  &£ 
authorité.Enran  1 548,  il  fut  bruit  d'vn  collier  d'or  &  rie  ht  met  01  né  de  pierres  precieu- 
fc  s,  qu'il  faifoit  faire  pour  le  porter(comme  on  difoit)à  Ccnilantinoble.  Celultre&  re- 
gard de  richcifes,cfmeut  quelques  ennemis  à  clpicr  la  vie ,  &:  1  ecercher  de  plus  près  fa 
conucrfation.  Aduint  qu'eftanten  ladite  ville, logé  à  la  Courôncrcôme  il  cftoit  d'cfprit 
libre  accôpagné  de  douceur,ne  pouuoit  fouffrir  beaucoup  de  parollcs  impudiqs  &  fa- 
çons fupcrftitieufes  en  fonhofte  &  en  ceux  de  la  famille,  (ans  les  reprendre  &c  admône- 
fterde  leur  deuoir.Son  hollceut  à  dcfplailir  celte  liberrc,&  luv garda  vnt  mauuaife  pé 
fec,  laquelle  il  manitefta  le  trouuât  auet  Gabriel  de  Saconnex  precenteurdu  grand  tc- 
plcde  Lyon. Ce  Saconnex  muni  de  ceft  aducrtiilcmcntne  futlafthc  ne  parciTcux  à  la 
pourfuittc:&  cercha  pour occalion de  fa  pourl'uittc vn  gentil  homme  dcDauphiné: 
par  lequel  il  fît  demader  quelque  Comme  d'efeus  à  Blôdel  par  forme  d'emprût.A  t!  refus 
de  Blonde  1,  ces  altérez  penfansauoiraflezdamisàla  Cour  pour  obtenir  fa  confifeat  16, 
le  rirent  prçdre  prifonnier  chez  Ion  hofte  pour  crime  d*hcretie,au  cômencement  de  Fc 
uricr  de  ccft  an. Le  lendemain  citant  înterrogiic  de  fa  foy,il  en  fit  bonne  &:  fainetc  côfef 
lion  (ans  (éteindre.  Dequoyce  Prccéteur aduerti,  iouiilant  délia  par  cfpcrâce  desbiés 
d'02fcouié,mit  toute  peine  à  faire  faifir  tout  ce  qu'il  auoit.  mais  les  amis  y  donnèrent!! 
bon  ordre  qu'il  fut  fruftré  de  fon  attente:  dont  Saconnex  de  plus  en  plus  fut  incité  à  le 
pourchallérà  mort.O&ouic  pendat  fon  tmprifonneme  ntiàilbit  beaucoup  de  bics.aux  Ltsœuurcj 
autres  prifonniers.  mefmes  il  en  deliura aucuns  détenus  pour  debtes  en  payant  leurs  ç^'..]^ 
creditcurs:aux  autres  il  donnoit  argent  pour  leur  nourriture  &ù  vc  -démens. Ses  parés  &C 
amis  cependant  le  lbllicitoyentàfe  defdire  pour  lauuer  fa  vie:&  firent  tant  par  leur  im 
portunité, qu'après  longue  reliftence  veîcu  de  tentation, au  grand  regret  '6L  fcadalcdes 
fidèles, il  changea  faconfelîion  defoysfit  allégua  qu'il  n  cntepdoit  les  chofes  ainfi  qu'il 
les  auoit  pmiercmcnt  dites.  Celte  térgiucrfation  neatmoins  ne  luy  pt  oufita  de  ricn:& 
Dieu  remédia  à  fa  cliente  parle  mcfme  Sacônex.-lequclfe  voyant  fruitre  detoutcatté- 
tc, fit  tous  (es  efforts  par  vn  (anglant  dcfpit  de  le  faire  condamner  à  la  mort,  nonobftant 
le  defdit:dont  Blondcl  fc  porta  pour  appelât,  Eftant  mené  à  Paris  &  au  fortirdes  pnfôs 
de  Lyorr,\'n  lien  amy  fidèle  trouua  moyen  de  luy  re  môllrer  la  grade  faute  qu'il  auoit  cô 
mifcd'auoir  plus  craint  les  homes  que  Dieu, l'adir. ont  ftât  de  réparer  fa  faute. Celle  cx- 
hortatiô  fut  de  telle  vertu  Se  erricacc,qu'Ottouien  des  qu'il  arriuaà  Paris  citât  mten  o- 
gué  à  laqllc  des  deux  confcfîlons  il  fe  vouloir  tenir: rtfpon dit  qu'il  vouloit  viure  &  mou 
nr  félon  la  pmiere,pour  edre  félon  Dieu.Etfedelplan?.ntdelafecôdedit,qSatan  ena- 
uoitefteautheur  par  l'inducLion  des  amis  de  fa  chair. Sur  ce  pria  le  Seigneur  ne  luy  im- 
puter telle  tautc:  mais  luy  faire  la  grâce  de  demeurer  te  1  me  e  n  la  pureté  de  la  vérité. Sur 
cette  refpôfe  fa  îcntëcc  cftat  conrcrmee,futcondané  d'eftre  bruflé  vif.&  fut  incontinét 
exécuté  en  la  ville  de  Paris,pour  le  dager  qu'on  ne  lerecouruft  p  les  chemins. Or  il  n'ed 
pas  croyablecôme  l'executiô  fut  haftce,de  peur  qu'on  ne  le  deliuraft:&:  à  la  vérité, il  y  a- 
uoitquelquetfperance  ducoftédesCourtifansqui  l'auoyet  fort  en  recômandatiô.  Vnc 
ilnguliereallegreflb  l'accompagna  iulquesà  la  fin, laquelle  édifia  plufieurs  ignorans,ÔC 
leurelonnal'adreiTe  de  cercher  vnfauueur  &:  feigneurlelus  Chrift  en  fa  doctrine. 


Comme  h  Seigneur  vengea  en  ce  temps  la  eau je  de  ceux  de  A1crir<(hl&  Cahriert. 

CE  Redtd'htfteire  touchant  l'adioiirnerntnt  &  euocation  au  Roy  de  ladite  calife  nous  eft  d<  mit  poi;r  monftuT,  que  !c 
p/al.^.rj  des  Martyrs  eft  précieux  douant  Dieu ,  &  quand  il  aduient  qu'en  cefte  vie  il  venge  leur  mort,  il  donne  aj  [  i  iDation 

de  Lift  qu'il  maintient  &  ^arde  en  (on  lem  ceux  qui  lemblent  morts  félon  la  chair.Et  c'eft  ce  que  Dauid  ait,  qu'il  Je  /ou- 
uient  dufcng  des  liens,quand  il  le  requiert. 

£  qui  elmeut  en  ce  temps  Henry  fécond  roy  de  France ,  à  publier  fc  s  patentes  en 
forme d'adiourncmcnt,contre  ceux  du  Parlement  de  Prouencc  qui  auoycnt  ci- 
pandulefang  deshabitansdc  Cabricre&:  Mcrindol,&  autres  circonuoifins:cftoit>que 
îbnpereleroy  François,  à  l'article  de  la  mort  preffé  de  remorts  &c  regrets,qu'i]  ne  pou- 
uoitauant  mourir  faire  vne  punition  exemplaire  de  ceux  qui  fous  /on  nom  &  authori- 
té  auoyent  fait  ce  dur  efclandre,cy  deiîus deferit  contre  fes  fubicts  de  Prouencc  >  char- 
gea l'on  fils  aucc  grandes  obtcftations,  de  ne  différer  ladite  punition  .  Qu'autrement 
Dieu, qui  ne  Iaillë  telles  concullions  &i  faccagemens  impunis 3  en  feroit  la  vengeance: 
deilus  au    Et  d'autant (dilbit-il)quc  ceft  affaire  rouchc  noftrehon  ne  urenuers  toutes  natiôs,  on  ne 
n.Liuie.    Je  fauroit  m  jeux  rt  parer  qu'en  failant  les  procès  à  tous  ceux  qui  auoycnt  en  telle  cruau 
téabufe  du  dcuoirdc  leur  e  harge:fans  efpargner  grand  ne  petit,foible  ne  fort.Qu'en  ce 
faifantferoycnt  retenus  ceux  qui  à  l'aducnir  voudroyent  entreprendre  telles  oufem- 
blables  choies. 

L  e  Roy  Henry  l'on  fuccefleur,  décerna  en  ce  temps  lettres  patentes, clignes  non  feu 
lement  que  tous  Rois&  princes  voyent,maisauiîl  que  tous  peuples  &  nations  de  la  ter 
reefcoutent,comme  vn  tcfmoignage  perpétuel  que  le  Seigneur  a  fouuenance  des  fiés, 
voire  après  lamort.Ec  combien  qu'il  ne  les  dcliure  pas  toufîours  des  glaiues  des  mef- 
chans,fif.iit-ilcognoillre  àlaparfin  qu'il  y  a  eu  efgarchlequel  en  fon  temps  femanifefte. 
ff^frjf  e  n  k  v  ,par  la  grâce  de  Dieu, roy  de  France:au  premier  noftre  Huifîie*r,(àlur .  No- 
IJÏffijftrc  Procure  ur  en  noftre  g;  and  Conleil,  par  nous  e  ôftituc  procureur  es  psoeczey 
après  mentionne  7,  nous  a  fait  dire  &c  remonftrer ,  que  l'an  mille  cinq  cens  quarante ,  le 
dixhuiticme  iour  de  Noucmbrc  ,futdonné  en  noftre  cour  de  Prouencc  quelque  iugc- 
mentquelon  a  voulu  dirc&  appeler  l'Areft  de  MenndoJ:  par  lequel  14. ou  16  .paitieu- 
liersy  denomme7,habitans  de  Merindol,  furet  condamnez  par  de fauts&  contumaces 
àeftre  brufic?  comme  hérétiques  &:  Vaudois  :  &c  oùils  ne  pourroye  nt  cftre  appréhen- 
dez,cftre  brûliez  par  figurc.-furcnt  leurs  femmes,  &  enfans  &:  nllcsdefTaits  &:  abandon 
nez:  6c  oùils  ne  pourroyenteftre  prins ,  furent  des  lors  déclarez  banis ,  leurs  biens  ton 
fifquez:  chofe  notoirement  inique  &c  contre  tout  droit&  raïfbn.  Er  combien  que  tous 
les  autres  habitansdudit  Merindol  n'euifentefte  ouys  ny  appelez  :  toutefois  par  le  mef 
mciugemcm  fut  dit,que  toutes  les  maifonsdudit  Merindol  feroycntabbatues>&  le  vil 
lage  rendu  inhabitable.  Eten  l'an  1 544.  lefditshabitansfe  retirèrent  par  deuers  feu  de 
bonne  mémoire  le  Roy  dernier  de  e  ede  noftre  pere,  que  Dieu  al  iolue  autres  qu'en 
•  maintenoit  hérétiques:  qui  difoyent  que  contre  vérité  on  les  vouloir  dire  Vaudois  &C 
hérétiques  .  Or  tindrrnt  lettres  de  neftredit  feu  feigne  ur  &:  pere,  auquel  ils  firent  en- 
te ndre qu'ils cftoyçnt  journellement  trauaillez&i  molefttzpar  les  Euefquesdu  pavf  >&: 
par  les  Prclidcnsix.  Confeillieis  de  noftre  Parlement  de  Prouencc ,  qui  auoye  nt  de  ma- 
dé  leurs  corfifcations&  terre  s,pour  leurs  parens:  le  (quels  par  ce  moye  n  les  \ouloyent 
chafler du  pays:fupphâ«  noftrcdit  feu  pere,quelon  s'enquift  de  la  vérité. Sur  quoyil  eut 
ordôné,qii'vn  maiftrcdcsRequeftes,&vn  Docteur  en  Theclcgie  fc  tranfpovteroycnt 
lettres  d'e  fur  les  lieux ,  pour  s'e  nquerir  de  le  ur  manière  de  viure.Et  parce  que  prom  prennent  le- 
uocation.  dit  feigncur  n  y  pouuoit  e  nuoye  r,ilauroitcependanteuoqué  à  luy  tous  les  proce's  pen- 
dans  pour  railon  de  ce  :&  en  auroit  interdit  toute  cognoilfane  cauxgé's  tic  noftre  Cour 
Lettre»  de  de  Parle  me  nt  de  Proue  nce.I  aquelle  euocation  eut  elle  fignifieeà  ne  If  redite  Cour  le 
reuoeation  xxv  .d'Ottot  re  e  nlnyuant:dont  cftant  irritée  du  contenu  en  îcclle, auroit  enuoyé  de- 
uers ledit  Roy  vn  Huilfier,pourfuyure  lettres  de  reuoeation,  qui  furent  obtenues  le  pre 
mier  lourde  Ianuier  e  nfuyuant:par  lefquelles,furce  que  Ion  auroit  fait  ente  ndre  audit 
feu  feigncur  Rov, qu'ils  eftoyent en armesen grande  aflemblec  ,forçans  villes &cha- 
fteaux,e  x-mans  le  s  prifonniers  des  priions,  &  rebellans  à  la  iuftice ,  &  la  tenant  en  fuie* 
ttion ,  ledit  feu  feigncur  permet  exécuter  les  arefts  donnez  contre  eux ,  reuoeant  Iefdi- 
tes  lettres  d'euoeation ,  pour  le  regard  des  recidifs ,  non  ayans  abiuré.  Et  ordonna  que 
tous  ceux  qui  fc  trouueroyent  chargez  Si  coulpables  d  hereficck:  fe&e  Vaudoifc,fuflène 
exterminez. &  qu'à  cefte  fin  le  Gouuerncurdu  pays  ou  fon  Lieutenanr,y  employaftfes 
forces,que  la  iuftice  fuft  obeye.Lefquclles  lettres  ne  furent  lignifiées,  mais  gardées  iuf- 

ques 


jRjcit  iKifiotrcJ.  1 7/ 

qucs  au  i z.iour  d'Auril cnfuyuat,qui eftoit  le  iour  de Quaiïmodo:auqucl  iour  après  dif 
ner,le  premier  plidétM.IcanMenier,  ht  afte Wer  laditeCour,8c  fit  que  ncftrc Procureur 
pre fêta lcfdites  lcttres,&: requit l'exccutiô  dudit  pretédu  Arcft  dux  v  1 1  i.deNouébre 
1  540.duqln'eftoit  faite  metion  cfditcslcttres:maisfeulement  en  termes  généraux  d  es 
Arefts  donnez  contre  les  Vaudois.Et  fur  ce  rut  dit,que  ledit  prctcdu  Arcft  feroit  execu 
té  félon  la  forme  &:  teneur,raiiant  pareil  erreur  que  dcuant.  Et  qncleldits  Cômiflàires 
iadeputez,fe  tranfportcroyét  audit  lieu  de  Merindol,&:  autres  lieux  requis  &C  necefîai 
res,  pour  l'exécution  d'iceluy.Etferoyét  exterminez  tous  ceux  quiferoyentdeladitefe- 
&e,ceux  qui  icrovent  prins  prifonniers, menez  en  galères  pourprifon.  Furent  commis 
pour  exécuteurs,  n^aiftre  François  de  la  Fond  fécond  Preiidcnt,Honnoré  de  Tnbutiis, 
ôc  Bernard  de  Badet  confeillers  :  auec  lefquels  fe  tranfporta  ledit  maiftre  Iean  Mcnier, 
prelident,  comme  Lieutenant  de  noftredit  feu  pere;  pour  donner(  ainfi  qu'il  difoit  )  la 
main  forte  à  iuftice  (èulemenr,&  en  ce  qu'en  feroit  hcfoin.Et  mena  gés  &c  artillerie:  lei- 
quels  fans  tenir  le  chemin  de  Merindol,  allèrent  à  Cadenet:  auquel  lieu  ledit  Mcnier 
tint  confeil,en  ladite  qualité  deLieutenât  de  noftre-dit  feu  pere:&  fur  ce  qu'ils  ditoyet, 
qu'on  leur  auoit  rapporté  ,  qu'il  y  auoit  grand  nombre  deldits  habitans  en  armes,  qui  a- 
uoyent  fait  vn  baftion.&  fans  autrement  en  enquérir,  côclurcnt  qu'ils  les  iroyent  alfail- 
lir,&  rompre  ledit  baftion,&  les  tuer  s'ils  fe  reuengeoyet:  &  s'ils  s  enfuyoyct ,  que  leurs 
maifôs  feroyct  bruflees.Diftribuét  aux  capitaines  plufieut  s  villages, pour  eftrcbniflcz, 
ÔCconfequemment  pillez:  combien  que  de  ce  ne  fuft  faite  aucune  mention  audit  pré- 
tendu Areft,qu'ils  difoyent  exécuter  :  &;  qu'à  iceluy  dôner  lefdits  habitas  ny  en  gênerai 
ny  en  particulier,n'cufTet  iamais  cfte  appclcz.Furêt  aufsi  diftribuez  au  capitaine  PoulT, 
pluficurs  villages  appartenâs  à ladame dcCcntaldaquelle l'aducrtit  fie aulfi  ledit  Mc- 
nier,que  les  fuiets  eftoyent  bôs  laboureurs &£  bons  Chreftiés,  &nondclafe£te  Vaudoi 
fe:les  prioit  de  ne  leur  faire  torr.orf  rat  de  les  faire  efter  &  obéir  à  iuftice,  Dot  ledit  Pou  II 
aduertit  ledit  Mcnier  prelident:  &:  qu'il  luy  enuoyaft  vn  home  de  robbe  lÔguc,  pour  la- 
uoir  qu'il  auoit  à  faire.  Toutefois  fans  auoirefgard  aufdites  remonftrances,furcnt  bruf- 
lez&c  pillez  vingtdeux  villages,  fans  aucune  inquilitiô  ne  cognoilîàcc  de  caufc,dcceux 
qui  eftoyent  coulpables  ou  innoccns:&:  fans  qu'il  y  cuit  delapartdefdits  habitans  aucu 
nerefiftencc,ny  aucun  baftion.Etauecceauoycnt  cfte  les  biens  defdits  habitans  pillez 
&  plufieurs  filles  &:  femmes  forcées,  &  autres  crimes  exécrables  commis. Ce  lait  allcrét  si  lc  Sfi. 
leidits  prétendus  Commiflaires  àMermdol,où  ne  trouuerentqu'vn  pouregaiçô  de  18.  gneurgar- 
àio.ans,  qui  s'eftoitcachédequel  ils  firent  attacher  à  vn  oliuier ,  &:  tuer  a  coups  de  ha-  j"c'sar" 
quebuttes:  piller  ledit  village  &  brufler.Et  ce  fait,  allèrent  a  Calriercs,ou  furet  tuez  ho  fon*  côce<s 
mcs&fcmmcs&  filles forcees,iufquçsdcdâ^regliic: grand  nôbre d'homes  liezeniem  cn 
ble,ôc  menez  en  vn  pi é,8c  là  taillez  en  picces:&  plulîeurs  autres  cas  exécrables  comis,  ^1™  feur 
allîftantledit  Menicr.Au  lieu  de  la  Colle  y  auroiteu  pluficurshômes  tucz,remes& fil  fang  sYmu 
les  forcees,iufques  au  nombre  dei). dedans  vnc  grangc:&  infinis  pillages  efté  faits  par  nouilk: 
l'efpace  de  plus  de  3  .fepmaincs.Et  pour  cuider  par  ledit  Menier  couurir  lcfdites  cruau- 
tczôC  inhumanitcZjdecerne  cômilTîon  narratiuc,qu'il  cftoit  aduerti  qu'ô  pilloitôc  facca 
geoit  bôsôc  mauuais,Chreftiens&  Vaudois:par  laqlle  eft  mâdc  criera  Ion  de  trôpc  dc- 
fenfes  de  nô  piller,  linon  ceux  contre  lefquels  feroit  donc  congé  par  noftrcdit  feu  pere, 
ou  luy.AuiTi  décerne  autre  comllion  en  ces  termes, C  a  pi  t  ain  e  s  &foldats,quiauez 
charge  de  ruiner  ôcdcualifer  en  perlones&  biésles  Vaudois,  ne  touchez  aux  fuiets  du 
Seigneur  de  Faucô:qui  cftoit  fon  parét.Furét  faites  defefes  à  fon  de  trôpe  tât  par  autho 
rite  dudit  Menier,  que  dudit  de  la  F5d,de  non  bailler  boire  &  mâger  aux  Vaudois  fans 
iauoir  qu'ils  eftoyent.&:  ce  fur  peine  de  la  hard.  Au  moyc  de  quoy  plulieurs  femmes, en- 
fans  8c  vieilles  gens  furent  trouucz  par  les  chemins  mangeans  &C  pailîàns  l'herbe,  corne 
beftesbrutcs.&:  finalemét  morts  de  faim.  Apres  lcfdites  cruautez  8c  inhumanitez  ainfi 
faites  8c  comifcs,cnuoyerent  Cômiiiàires,  pour  informer  qui  eftoyent  les  fuipcâs  d  he 
refie:&  cn  fîrét  mener  nôbre  infini  aux  galeres,par  forme  de  prifon,où  en  eft  mort  gra- 
de partie.les  autres,leurs  procès  faits,ont  efte  eflargis ,  ijuoiijque:  faut  à  noftie  Procureur 
de  plus  amplemêt  informer.^  les  autres  côdanez  en  petites  amedcs,les  autres  abfo'pu 
remet  8c  limplemct:8c  mefme  les  fuiets  de  la  dame  de  Cétal  corne  appert  par  les  iuge- 
més  jpduits.Êt  neatmoins  feroyét  leurs  maifôs  demeurccsbrullécs,8c  leur  biés  pillez.  A 
cefte  caufc>lefdits  premier  8c  fécond  Prehdés,8c  le fdits  de  Tnbutiis  ôcBadet  côfeillers, 
voyâs  auoir  mal  procédé  8c  côtre  laceneur  defdites  lettres  de  noftrcdit  feu  pere,  qui  re« 

G.iii. 


queroyeht  cognoiiîunce  de  caufe:  voyans  auffi  les  gens  de  noftredit  Parlement  de  Pro- 
vence qui  auoyent  donne  leldics  iugemens  cotre  tout  droid Se  raifompour cuider  cou- 
urir  leurs  fautes,fe  feroyent  aflemblez  le  cinquième  îour  de  May  enfuyuant .  Et  le  dire 
&rapportdefditsMcnicr&:delaFond,auroycntdonné  autre  iugementou  prétendu 
Areft,que  l'exécution  encommenece  feroit  parfaitc:&  qu'à  cefte  fin  feroyent  cnuoyez 
deux  des  Confcilliers  de  noftredite  Cour,en  chacun  des  lièges, pour  faire  les  procés,&: 
declairer  les  conhfcations  des  biens. 

E  t  derechefle  vingtième  defdits  mois  Se  an,fe  feroyent  encores  aflemblez  :  Se  donc' 
autre  iugement  fuy  uant  les  précédents, contenâtpluficurs  chefs,pour  toujours  cuider 
couunr&excufcr  leurs  fautes  :6c  fâchât  que  la  plainte  en  cftoit  vernie  iufques  à  noftre- 
dit feu  pere,auroyét  enuoyé  ledit  de  la  Fond  deuers  luy.  lequel  fous  ion  dôné  a  entédre 
&c  procès  verbal,  auroit  obtenu  lettres  données  à  Arques,  le  18.  iour  d'Aouft, 15:45. ap- 
prouuanstaihblcment  ladite  execution.n'ayant  toutefois  fait  entendre  à  noftre-ditfcu 
pere  la  vérité  du  faict  :  ains  fuppofa  par  jcelles  lettres ,  que  tous  les  habitans  des  villes 
bruflez,cftoyent  cogneus  Se  îugez  hérétiques Se  Vaudois.  Par  lefquclles  lettres  eft  man 
dé  receuoir  à  mil'ericordeceux  qui  fe  repentiroyent ,  Se  voudroyent  abiurer.  Et  depuis 
nous  aduerti  de  la  vérité  du  faicl,&:  que  fans  diftinttion  des  coulpables  Se  innocens,con 
tre  toute  forme  Se  ordre  de  iuflice,&  fans  iugement  ne  condamnation,  qui  euft  aupara 
uant  efté  donnée  cotre  eux,auoit  procédé  par  voyc  de  faict  Se  de  force:  dot  s'eftoyét  en- 
fuyuis  les  cas  Se  crimes  defTufdits:  auriôs  dccernéCômiiTaires  pour  informent  auroyét 
efté  faits  les  procès  criminels  aufdits  Minier  &:  de  la  Fôd*  de  Tnbutiis  &:  Badet .  Procé- 
dant au  jugement  dcfquels,noftrc  Procureur  auroit  dés  le  i .iour  requiscômiffion,pour 
appeler  les  gens  de  noftredit  Parlemct  dcProuence,pour  \xnir  refpondrc  par  jpeureur 
oirtyndic  aux  conclu/ions  qu'il  entendoit  prendreà  rencontre  d'eux,pour  l'iniquité  Se 
erreur  oculaire  de  leurfdits  iugemens  qui  ont  efte  caufe  defdits  crimes,cruautcz,&:  ini- 
quitez.Sur  quoy  ne  luy  auroit  encores  efté  fait  droict.  Et  voyat  que  l'on  paffoit  outre  au 
iugcmctdes procès  ("ans  fur  celuy  faire  droi£t,dout|t  que  lô  luy  voulift  dire  qu'il  n'eftoïc 
appelant,auroit  prefenté  requefte  aux  Cômiffaires  par  nous  déléguez îugcs  duditpro- 
ces,à  tin  d'eftre  receu  appelant  de  l'exécution  de  Merindol,&:  de  ce  qui  s'en  eft  cniuyui. 
Et  pourec  que  de  receuoir  noftredit  Procureur,  appelât  d'vne  executiô  approuuce  par 
A  reft  ou  iugement  d'vne  Cour  de  Parlement, cela  dcpendoit  de  noftre  authorité,&  ne 
s'eftédoit  iujqs  laie  pouuoir  Se  cômiifiô  denofdits  Cômiffaires:&:pource  qu'il  eftoitauf 
liqftion  de  cognoiftrc&iuger  cotre  vne  Cour  de  nos  Parlemes.ndus  auriôs  voulu,  &: 
ordonné,quc  noftre  Cour  de  Parlemétdc  Pans(quieftla  première  &:  principale  Cour 
de  toutes  nosCours  fouueraines)en  euft  la  cognoiifance.Et  à  cefte  fin  aurions  fait  expe 
dier  nos  lettres  patentes, du  vingthuitieme  iour  de  Ianuicr:  mais  fc  feroit  trouué  que  ce 
iour  mcfmclefdites  appellations  premières, qui  eftoyent  de  ladite  conclufion  de  bruf- 
lcr  faite  au  lieu  de  Cadenet  :  de  l'exécution  faite  en  la  perfonne  du  harquebufé,  &:  des 
defenfes  de  non  bailler  viurcs,auroyent  efte  plaidces  par  noftredit  Procureur,  par  dé- 
liant nofdits  CommnTaires:&  qu'en  plaidant lefdites  appellations,lefdits  preiidens  Me 
nier  &  de  la  Fond, de  Tnbutiis  &:  Badet  confeilliers ,  fe  feroyent  principalement  arre- 
ftezaux  fins  de  non  receuoir,  difans  que  c'eftoyent  Arcfts  &:  iugemens  de  noftredite 
Cour  de  Parlement  de  Prouence:&:  que  par  lettres  patétes  de  noftredit  feu  feigneur  Se 
pere, ladite  cxecutiô  cftoit  cognue  Se  approuuec:tcllement  qu'il  n'auroit  efté  receu  ap 
pelât:  mais  auroit  efté  fa  rcquefte&:  appclatiôs  iointes  au  procès  criminel.  Aceftc  caufe 
il  auroit  prefenté  autre  requefte#pour  eftre  receu  appelât  defdits  iugcmés,ou  pretédus 
Arefts:c6me  donez  par  gens  qui  n'eftoyet  iuges:fans  ouir  parties  :  fur  fimples  requeftes 
du  Procureur  de  noftredit  feu  pere:fas  cognoiftace  de  caufe,&:  côtenat  erreurs  iniques, 
cruautez&:  inhumanitez:periîftâtàcequefuyuantnofditcspatétes,lcfditesappelatiôs 
fufîcntplaidecs  en  la  grand' Chambre  de  noftre  Parlement  de  Paris, &c.  Po  v  r  c  e  eft 
il,que  nous, après  auoir  entedu  la  qualité  du  faict  dont  eft  queftion:&le  fcandale  qui  en 
a  efté  &:  eft, non  feulement  en  ce  royaume,mais  es  pays  eftrangers  :  Se  à.  ce  que  tout ain- 
fi  que  les  exccutiôs  tant mifcrables faites  cfdits lieux,ont  publiquemet  efté  faites ,  qu- 
elles foyent  auffi  publiquement  réparées, s'il  y  afautc:&  la  vérité  cognue,nô  feulemétà 
nos  luges;mais  aufli  à  nos  fuiets  Se  cftrangcrs,qui  en  peuuét  eftre  mal  edificz:aufli  pour 
le  dcuoir  de  la  iuftice,&  côfcruatiôs  de  lamemoirede  feu  noftredit  feigneur  Se  pere:  A- 
uôs  par  ces  prefentes,de  nos  certaine  fciece,pleinc  puiflace  Se  authorité  royale  cuoquc 

&euo- 


fycitdtfiflotrcj.  476 

6c  euoquos  à  noftre  perfonne,rinftâce  delà  requefte  par  noftredit  Procureur  de  la  cha- 
bre  de  la  Roine,prcfentee  pardeuant  les  luges  (ficelle  Chambrc,&:  appelations  par  lùy 
formées ,  des  exécutions  faites  audit  lieu  de  Merindol,  6c  autres  villages  :  fur  lefqucllcs 
les  parties  ont  ia  cité  ouyes  pardeuant  lefdits  Iuges,appointees  au  confeil,  6c  iointes  au 
procez  principal,  pour  eftre  de  nouueau  plaidees, comme  eftans  lefdites  rcqucftes&: 
appelations  inteparables  d'aucc  la  requefte  6c  appelations  de  nouueau  interiettees 
par  noftre  Procureur,  aucc  la  requefte  auffi  preientees,  tendant  à  fin  d'eftre  receu 
à  fe  porter  pour  appelant  des  prétendues  mgemens  6c  exécutions  defdites  lettres  pa- 
tentes cydeffus  declairees.  Et  le  tout  auons  par  cefdites  prefentes  renuoyé&:  ren- 
uoyons  en  noftre  Cour  de  Parlement  à  Paris ,  en  ladite  grand'  chambre  du  plai- 
doyc  d'icelle , au  x  x.iourde  May  prochain  venant,  pour  y  eftre  publiquement  6c  à 
huis  ouuert  plaidé  :6c  les  parties  ouyes  en  eftré  ordonné  ce  que  de  raifon.  Emnter- 
difant  &:  défendant  aufdits  luges  de  ladite  Chambre  delà  Royne  par  cefdites  pre- 
fentes (  que  voulons  par  nous  leur  eftre  prefentees  par  le  premier  Huillier  ou  Ser- 
geanefur  cerequis,  qu  a  ce  faire  commetons  )  toute  Cour,  iurifdi&ion& cognoiiîan- 
ce.  Si  te  mandons  6c  commandons  par  ces  prclentes,  que  les  gens  de  noftre  Parlement 
de  Prouccecnfemblelefdit  Menier,delaFôd,Badet,deTnbutiis,&:  autres  qu'il  appar- 
tiendra, tu  intimes  audit  iour  en  noftreditc  Cour  de  Parlement  à  Paris  en  ladite  grand' 
chambre  du  plaidoyé:  pour  fouftenir  6c  défendre  lefdits  iugemens,&:  exécutions  d'i- 
ceux,ôc  defdites  lettres  patentes:&:  les  procedurcs,&:  autres  torts  6c  griefs:&:  iceux  voir 
repares,  corriger  6c  amender,  h  befoin  eft:  linon  procéder  outre  félon  raifon.  Et  adiour- 
nc  audit  iour  à  comparoir  en  noftreditc  Cour ,  lefdites  gens  de  noftre  Parlcmet  de  Pro- 
uence,  par  fyndic  ou  procureur,qui  fera  pour  ce  conftitué  par  eux:pour  défendre  aufdi- 
tes  appelations,  rel'pondre  à  noftredit  Procureur  :  6c  pareillement  ledit  Menier  &:  de  la 
Fond,dc  Tributiis&:  Badet,  6c  autres  parties  adueries  de  noftredit  Procureur ,  ii  aucu- 
nes en  y  adeur  faifant  commandement  qu'ils  lbycnt&  comparent  audit  iour  en  noftre- 
ditc Cour  ,  s'ilsvoycntquebefoinfoit,  6c  que  lefdites  appelations  leur  touchentou 
appartiennent  en  aucune  manière:  en  leur  faifant  les  inhibitions  6c  defenfes  en  tel  cas 
requifes.  A  laquelle  noftreditc  Cour  de  Parlcmentde  Paris,  en  ladite  chambredu  plai- 
doyé d'icclle,  de  nos  grâce  fpcciale,  pleine  puiffance  &authonté  royale,  nous  auons 
(comme de/Tus  eft  dit)attribué  6c  attribuons  la cognoiifance&:  dcciiion  deldites appe- 
lationsmonobftantreftablcmentde  noftredit  Parlement  de  Proucnce  les  appoin- 
temens  donnez  par  nofdits  Commiifaircs,lur  la  requefte  de  noftredit  Procureur  iointe 
au  procez  criminel,  auec  les  premières  appelations  ia  plaidees,  que  ne  voulons  prciu- 
dicicr  à  noftredit  Procureur:  6c  quelcôques  autres  edicts,mandemés,reftrictions  ou  de- 
fenfes à  ce  contraires:aufquellcs,entant  que  befoin  feroit,nous  auons  derogué  6c  Aero- 
guôs  de  noftreditc  puiffance  6c  authoritc  par  celdites  préfères  :  cartel  eft  noftre  plaifir. 

Donné  à  Montercau ,  le  dixfeptieinc  iour  de  Mars ,  l'an  de  grâce  1 549.  de  noftre  rè- 
gne le  troiiïeme.  Ainfifigné,  Parle  Roy.  Claufte  rlëellé  du  grand  feau  de  cire  îaune 
furfimple  queue. 

L'  I  S  S  V  E  de  ces  commençemcns. 

(~^Es  lettres  d'euoeation  lignifiées ,  6c  le  Parlement  de  Paris  faify  de  la  matière,  y  côpa- 
rurent  en  perlbnne  le  prefident  Menier  feigneur  d'Opcde,  de  la  Fond,  de Tnbutiis 
te  Badet,  6c  le  furplus  du  Parlement  d'Aix,  par  vn  Procurcur.La  caufe  fut  plaidee  en  la 
grand  Cham  bre  du  Palais  par  aduoeats  les  plus  fameux  qui  fuifent  pour  lors.Riât  eftoit 
pour  le  Roy:Robert  pour  les  luges  de  Proucnce:  Aubery  pour  ceux  de  Merindol  6c  Ca- 
brieres:  vn  autre  pour  la  dame  de  Cental,  iufqucs  au  nombre  de  douze. Et  durerét  leurs 
plaidoyez&  remonftrances  par  vn  long  temps,  à  plus  de  50.  audiences. De  toutes  parts 
chacun  y  accouroit  pour  ouirchofes  qui  ne  furet  ïamais  ouyes  fcmblables  en  excès  de 
cruauté  enragée.  Et  combien  que  les  aduoeats  quiacculbyentne  recitalTent  la  dixiè- 
me partie  de  ce  qui  en  eftoit:  voire  6c  dilTimulaiTentla  caufe  pour  laquelle  tant  de 
fang  innocent  auoit  e{té  efpandu,  h"  eft-ce  que  tous  auditeurs  eftoyét  rauis  en  cftonne- 
ment,  oyant  tant  d'enormitez,  qui  crioyent  vengeance  à  Dieu.  On  euft  dit,  que  grans 
6c  notables  iugemens  fe  deuoyent  faire  après  tels  6c  Ci  longs  plaidoyez:  mais  d'vne  hau- 
te montagne  il  n'en  fortit  en  la  fin  quvne  petite  fumée  de  vapeurs.Le  prelîdet  Menier, 
chef  en  toutes  aceufations,  après  auoir  efté  long  temps  détenu  pnfonnier,  attaint&: 
conuaincude  tant  de  conçu/fions,  pilleries  6c  faccagemes,  efchappa  hnalcmét  lamaia 


Littr*^  III*  (jaulteri:  Do  'Bejfa:  Ceux  dc.^  ff ma  ut. 

fcucrin  pc-  des  hommes:mais  non  pas  celle  de  Dieu.^~L'aduocat  Gucrin  ayant  efté  pendu  à  Paris, 
du  a  Pans,  Menier  trouua  façon  de  non  ieuleméc  efchapper,mais  auflî  d'eftre  remi  s  en  l'on  cftat  a- 
pr<s  auoir  promis  aux  plus  pernicieux  ennemis  de  la  venté  deDieu, qu'il  nettoyeroit  Ja 
Proucnce,  decesnouueaux  Chrcftiens, qu'ils  appellent,  voire  &  que  toute  l'a  vie  vege- 
roit  ce  qu'à  leur  occalîon  il  auroit  efté  mis  en  telle  extrémité  de  la  vie  &:  de  l'es  biens. 
&"$bp|Si  N  des  premiers  &  prlcipaux  exploits  que  ce  Menier  exécuta  à  ion  arriuec 
&.VR^  en  Proucnce ,  ce  tut  cotre  vn  nommé  Gavlteri,cIu  diocefe  de  Digne, 
Myfe  homme  dc  lettres:  lequel  s'eftant  retiré  à  Aix,  après  auoir  quitté  la  peda- 
^^My^S^l  g°gie  cnez  du  Vcrnet,fut  cruellement  martyrilé  en  ladite  ville ,  &  bruflé  à 
lapourluittedudit  Menier.  Item,  Ba  r  telemyAvdovi  n  jditdeBeflajàraifon 
qu'il  eftoit  dudit  lieu,pres  de  Brinolles:par  la  mort  duqucl,&  de  pluheurs  autres  que  ce 
Prelîdcnt  fit  cruellement  tyrannifer,lc  peuple  de  Proucnce  en  a  efté  de  plus  en  plus  cô- 
Mcnier  ef-  fermé  en  la  vérité  victorieuie  de  TEuangile.  ^"Or  ce  Menier  qui  fembloit  verdoyer  en 
htmmc$dC$  toutc  Pro^Perlt^>  fuft  tantoft  après  arrachc,cftandaiiy  d'vn  flux  de  fang,qui  luy  efmeut 
tombées   les  parties  honteufes:&:  luy  engendra  vne  carnoiité&:  rétention  d'vrine:&:  mourut  a- 
dc   uec  cris  &defpitemens  horribles,fcntat  vn  feu  qui  le  brufloit  depuis  le  nombril  iuiques 
en  haut,  auec  extrême  infection  de  fes  parties  baltes. 


ma 
Dieu 


M.    NICOLAS,  François  de  nation. 
A  V  G  V  S  T  I  N,  &  MARION  fa  femme,  Hanuicrs. 

E  N  diuers  lieux  &:  entre  nations  rudes  le  Seigneur  continuant  de  monftrer  fa  bénignité  ,  produit  par  vne  proui.ience 
admirable  tefmoins  de  fa  caufe,  pour  inftruire  les  ignorans,  fortifier  ceux  qui  ont  receufa  cognoiflance:  pour  rendre 
iiicxculabîes  les  plus  barbares  &  obftinez. 

D  V  I N  Tau  pays  dcHainaut  enuiron  cetcps,queperfecution  citant cm- 
brazeeplufieurs  furent  empriionnez.  Vn  nommé  M.Nicolas  home  defa- 
uoir,du  paysdeFrancc,&  Barbe  fa  femme:  Auguftin  barbier  de  lbnart,&; 
Marion  la  femme,  Hanuiers,  ayans  demeuré  quelque  temps  à  Geneuc ,  s'a- 
cheminerentenfembleparl'Alcmagne,  deliberans  daller  demeurer  en  Angleterre. 
Quand  ils  furent  paruenus  au  pays  de  Hainaut ,  Auguftin  pria  M.  Nicolas  de  viliter  le 
cnHainaut  Pet^c  troupeau  des  fidèles  en  la  ville  de  Mons:  &:  leur  départir  des  dons  &  grâces  que 
Dieu  luy  auoit  conférées.  Nicolas  volontiers  s'y  accorda,  pour  le  deiir  qu'il  auoit  d'ad- 
uancerlagloire  du  Seigncur.Ces  deux  donc  turent  humainement  receus  des  fîdeles:& 
après  quelques  îours  partans  de  Mons,  tirèrent  le  chemin  vers  Tourn  ay  pour  paruenir 
à  Anuers:maiseftanspourfuyuis  parvnPreuoft  furent  arreftezà  quatre  lieues  près  dc 
Tournav,  aifauoir  M.Nicolas  auec  les  deux  temmes  :  Auguftin  efchappamiraculcufe- 
ment,commc  il  fera  dit  cy  après. Les  trois  furent  rudement  traitez: fur  tout  M.Nicolas, 
lequel  priant  Dieu  deuant  les  repas,  fut  non  fculemét  menacé  parle  Preuoft,  mais  auf- 
fiauec  blafphemcs  exécrable  s  outragé ,  en  luy  dilant ,  Voyons  mainte  nant  li  ton  Dieu 
Kefpsfecht*  te  dcliurera,mefchant  hérétique.  M.Nicolas  luy  refpôdit,Quc  t'a  fait  IcfusChrift,q  tu 
bUfflKmt  c-  Ie  mets  ainfi  en  pièces  partes  blafphemcs?li  ton  cœur  eft  tant  enflabé  de  rage  contre  le 
■mmU.     Fils  de  Dieu  &  la  fametc  parolle,que  tu  ne  te  fâches  contenir  d'outrager  le  Seigneur  Ic- 
lu  s, frappe  lu  r  moy,  Se  contente  en  cela  ton  courage.  Ils  arriucrent  en  la  ville  de  Mons, 
liez  fur  vne  charrette  comme  poures  brebis,  &C  chantoyent  quelques  Pieaumes  :  eftans 
ioyeux  d'auoirtrouué  la  rencontre.  On  les  mena  auchafteau  de  la  ville  en  vne  prifon 
obfcure,  enferrez  par  les  pieds  comme  bngans.  ^  Ayans  là  efté  quelques  iours,  le  duc 
d' A  feotarriua  auec  force  Preftres&Cordeliers,  entre  lefquels  eftoit  vn  Gardien  do- 
^      f    creur  en  Théologie.  Nicolas eftantintcrrogué  d'où  il  cftoit,&:  où  il alloit,&  quelle  foy 
cl"™rern-  il  tenoit:donna  raifon  à  toutes  ces  demandes, iuiques  à  rendre  li  confus  ces  Cordelicrs 
blent  ou  i  1  qu'ils  ne  fauoyent  que  dire,  lïnon  crier,U  a  le  diable,  au  feu,  au  feu  le  Luthérien.  M.  Ni- 
àcalmu  co^as  ^cur  dit,  Commente  vous  orriez  vn  lu  if  ou  vn  Turc  en  fadefenfc  :auez-vous  peur 
Pfc.ï3  6.    d'eftre  feduitsHi  voftre  doctrine  eft  la  veriré  dcDieu,que.craignez-vous?^  Apres  lôgucs 
difputcs,  Nicolas  demanda  qu'on  luy  permift  d'eferire  fa  confeilion  :  ce  qui  luy  fut  ot- 
troyé  défaire  en  la  prifon, &:  ainfi  donna  fumfante  raifon  de  fa  doctrine. 

S  v  r  cela,  les  ennemis  s'aduiferent  de  luy  demander  où  il  auoit  logé ,  quand  il  pal- 
fa  par  Mons.  A  cela  il  refpondit  qu'il  n'cftoit  point  de  la  ville,  Ôiiamaisplus  n'y  a- 
uoit  efté  quecefte  fois,  partant  qu'il  ne  leur  fauroit  nommer  le  lieu;  Mais,diibit-il, 

fue 


tfflœrtyrs  au  pays  dc^>  hTainaut.  /  77 

h*  ic  vcyoyc  la  tnaifon  ,  peut  cftrc que  ie  Jn  ponrroye  bien  rccognoiflre,  II  ne  difoir  point 
cela  pour  accu  fer  ceux  qui  lauoyent  reccu:  toutefois  les  aducrlaircsoyans  ce  propos,  le 
hrt  nt  lier,&  mené;  parmyla  ville,  afin  qu'il  leur  monih  ait  fon  logis  .ce  qu  ils  firent  en 
vaimearde  par  luy  1  Eglilc  ne  fut  troublée. Kux  le  vovansf  ru  (Irez  de  ce  qu'ils  efperoycr, 
s  adreiferet  à  barbe  fem  me  dudit  Nicolas  :  laquelle  le  duc  d'Arfcot  pnnt  par  les  mains, 
&  difant  de  parollcs  blandiil'atucs,dit,Barbem'amie,achii('edc  làuuerta  vic:tu  es  enco- 
re îeune  femme,  li  tu  nous  veux  n orner  ceux  qui  vo9ont  logé,  ic  promets  de  te  deliurer 
des  pnlbns,&  remettre  en  liberté  .  De  telles  paroles  &:  promenés  la  pourc  femme  fut  Barbe  U 
vaincue,&  s  accorda  à  tout  ce  qui  luy  fut  propoïc:qui  fit  redoubler  la  perle  eu  non  cotre  dtUu- 
Jes  fidèles,  &:  que  plufieurs  furent  conllitucz  pnfonniers.  ^Or  après  qu'on  eut  procé- 
dé contre  M.Nicolas  iufqu  a  toute  extrémité  de  rigueur,  il  rut  finalement  tiré  hors 
de  la  tour  Aubron:&;  delà  mené  deuant  les  Iuges,pour  reccuoir  Icntcncc  de  mort:c'eft 
affauoir  d'élire  bru  lie  vif,&  réduit  en  cendres,  à  la  façon  accoutumée  de  procéder.  Ni- 
colas ayant  ouy  là  Icntcncc,  dit ,  Bénit  loit  noftre  bon  Dieu  ,qui  me  fait  tant  de  bien  5c 
d'honneur,  de  mechoifirpourtefmoindela  caufedefon  cher  Fils.  Et  aprcs,il  le  pnnt 
à  chanter  vn  Pfcaumed'v  ne  telle  ardeur,  que  les  lergeansmeim  es  qui  les  gardoyent  s'- 
en clmerucilloyent.  En  attendant  l'heure  du  lupplice ,  il  fut  mené  en  la  chambre  de  la 
garde  de  la  prifbn:&  là  cftant ,  fc  nettoya  de  la  poudre  &c  paille  dont  l'es  habillemcns  e-  '  °ntance 
if  oyent  chargez ,  comme  s'il  fc  fuft  préparé  d'aller  au  banqueté  dit  ces  parollcs  à  ceux  CoI«.'N'" 
qui  citoyen  t  là  prefens ,  Mes  amis,  ic  me  nettoyé  ainlî,  pourautat  que  ic  fuis  appelé  aux 
nopees  de  l'Agneau. 

^  Ci  p  t  \  i)  a  n  t  qu'ils\iccouftroitainfi,ily  vintvnfcrgcant,dcla  part  du  Lieute- 
nant de  la  ville ,  luy  défendre  de  parler  nu  peuple.  Nicolas  oyant  celle  defenfe ,  pria  de 
.parler  au  Licutcnant:&  ayant  ouy  de  la  bouche  d'iceluy  la  melme  defenfe ,  voire  à  pei- 
ne d'auoir  1  cftœùf  en  la  bouche,  il  luy  dit,  Puis  que  vous  le  me  défendez,  i'obeiraytmais 
auflîic  prie  que  m'ottroyezvn  don.  Le  Lieutenant  luy  dit  qu'il  demandait  .&  il  requit 
qu'il  luy  fuit  permis  de  prier  Dieu  ,  &c  de  le  louer  en  allant  au  lupplice  :  ce  qui  luv  fut  ac- 
corde, moyennant  qu'il  ncparlall  au  peuple.  Or  les  deux  heures  après  midy  fonnces,la 
iufticele  vint  quérir  pour  cftrc  mené  à  l'exécution.  Ildefcendit  du  chafteau  ,&:  ayant 
les  yeux  cflcuezau  ciel, d'vn  regard  toutioyeuxmarchoit  eninuoquant  le  Seigneur. 
Plulicurs  Cordehcrsle  luyuoyent  pourempeicher  les  pricrcs:&:  quelque  defenfe  qu'on 
luy  euft  laite,  il  ne  fc  l'eut  tenir ,  voyant  vn  li  grand  peuple ,  de  le  tourner  vers  eux ,  &:  di- 
re à  haute  voix ,  O  Charles ,  Charles  (  entendant  l'Empereur  Charles  cinquième  )  iuf- 
ques  à  quand  fera  ton  cœur  ainlî  endurcy  ?  On  ne  le  laiffa  dire  plus  outre ,  &.  vn  des  fer- 
geansluy  bailla  vn  grand  foufflet  fur  la  face.  Lors  M.  Nicolas  dit ,  Ha  pourc  peuple,  tu 
n'es  pas  digne  qu'on  te  preféte  la  parollc  de  Dieu.  En  difant  ces  parolles ,  il  fyt  misa  re- 
liât he:&  le  Cordcliers  citas  à  l'cnuii  ô,luy  difoyet  plulicurs  iniures,  &  leur  chanfon  ac- 
coultu mec,  affauoir  qu'il  auoit  le  diable  au  corps.  Il  leur  dit  ce  verfet  du  Pfeaume  6.  de 
Dauid,  Sus  fus,  arrière  iniques, Dellogeztyrâniqucs,  De  moy  tous  à  la  fois:  Car  le  Dieu 
c!cb<  nn.iirc,  De  ma  plainte  ordinaire  A  bien  ouy  la  voix.  Et  foudain  après  ces  parollcs 
la  paille  fut  allumée:  &  efleuant  la  bec  au  ciel ,  cria  par  deux  ou  trois  fois ,  Seigneur  Ic- 
fus,Pcrc  éternel, en  tes  maïs  ic  me  rccômandc:&:  ainli  partit  hcureufemétdc  ce  mode. 

Senfuit  la  moi  t  Je  Mariort  kmrhe  d'Aupuftin. 

rÇT^PR  E  S  cefte  exécution  Jes  luges  commencèrent  àtraitter  l'affaire  de  Marion 
^^fcmmcd'Auguftin  cy  delfus  nommé:laquelle ayant  cité  interroguee  de  plulicurs 
clioles ,  &£  fur  tout  de  ce  qu'on  faifoit  à  Geneue ,  comment  on  y  ad  miniltroit  les  Sacre- 
mens,&:  fi  elle  y  auoit  communiqué:Refpondit  qu'ouy ,  &:  mefmcs  qu'à  Geneue  on  te- 
noit  la  vraye  inilitution  du  Seigneur.  Aux  autres  interrogations  &:  demandes  qu'on  luy 
fît ,  elle  relpondit  félon  la  mefure  de  la  foy  &:  cognoilTancc  que  Dieu  luy  auoit  donnée: 
de  forte  qu  elle  ne  fut  diuertic  aucunement ,  ne  par  promeiles ,  ne  par  torments ,  de  la 
confefîion  de  la  vérité.  Toll  après  Ion  procez  eftant  parfait,  elle  fut  condamnée  à  cftre 
enfouye  &:  plantée  viue  en  terre,  genre  de  lupplice  vlité  es  pays  bas  de  l'Empercur,con 
tre  celles  qui  veulent  maintenir  la  doctrine  du  Fils  de  Dieu.  Elle  cftant  conduite  à  ce 
fupplice,  leuant  les  yeux  au  ciel,louoit  Dieu  de  la  grâce  qu'il  luy  failbit,à  elle  poure  mi- 
ferable,  de  l'auoir  retirée  des  ténèbres  fi  horribles ,  cfquclles  elle  auoit  elle  plongée.  A- 
presauoir  prié  à  deux  genoux  auant  qu'eftre  couchée  par  l'exccutcur, demanda  vn 
mouchoir  pour  mettre  fur  fa  face.  Cela  fait,  l'exécuteur  la  coucha  furlatoffe,luycou- 


Liurc^IIL  Martyrs  au  pays  Kainaut. 

urit  la  lace  de  terre,  &  le  demeurant  du  corps  :  &c  ce  fait  luy  pafla  fut  le  ventre ,  &:  foula 
aux  pieds,  tant  que  finalement  elle  rendit  heureufement  ton  efprit  au  Seigneur. 

S'eufuit  la  mort<d'Auguftin  barbier. mary  de  la  fufdite  Marion,  lequel  fut  exécuté  en  la  ville  de  Bcaunu  nt, 
à  iïx  heues  près  de  Mous  en  Hainant. 

II^^YdefTusilacftéditqii'Augullinniiraculeufemcntauoit  efchappc  le  s  mains  des 
g|§g$fergcans,  lors  que  M.Nicolas &C  Marion  turent  appréhende/.  Depuis  ladite  dcli- 
urance,s'cftant  mis  a  vendre  parles  bourgades  &:  marchez  des  cfpiceries  Si  quelques 
merceries  pour  gagner  fa  vic:a:nfi  qu'ilcfloit  en  la  ville  de  Beaumont  au  pays  de  Hai- 
naut,y  avant  eft  aie  fa  marchandée,  fut  recogneu,&  quant  &  quant  accule:  &:  voyant 
l'appareil  qu'on  faifoit  pour  le  prendre,  il  abandonna  fa  marchandife,  &:  fc  hafta  de  for- 
tir  la  ville:ayantapperceu  de  loin  l'on  logis  enuironné  de  fergeans.  Ilauoittouliours  c- 
d  grande  fié  de  tout  temps  ii  cnùnufjqu'au  feul  regard  d'vn  lergeant  il  trembloit,&:  apprehédoit 
fion'nrind'  * norrcul l'emprifonnement.  Il  fortit  de  la  ville  l'aily  de  frayeur,  &  s'en  alla  cacher  au 

criincc.  1  premier  buiflbn,  le  peniant  mettre  à  fauueté.mais  il  y  eut  aucuns  fur  les  murailles  de  la 
ville,  qui  !c  virent  le  cacher  au  builfon.lefquels  incontinent  le  décelèrent  aux  fcrgcàs, 
tellement  qu'il  fut  appréhende  &:  mené  à  Mon  s,  ville  capitale  de  Hainaut.  Làcftàt  m- 
tei  vogue  de  fa  vic&  dcfafoy  :  refpondit  pertinemment ,  &:  rendit  bonne  raifon  del'e- 
fperanec  qu'il  auoiten  Icfus  Chrilt,commeila  déclaré  à  ceux  qui  l'ont  viiitc  en  lapri- 
Ion.  C'a  eltechofe  de  grand'  merutillc,  qu'vn  home  qui  auoit  eflé  toute  fa  vie  li  crain- 
tif, deuint  aulfitoft  conftant  écoutent  de  la  bonne  volonté  de  Dieu,  rendant  confus 
tous  l'es  nenemis  par  vne  patience  admirable.  Son  procez  luy  citant  parfait,  il  receut 
fentence  d' élire  brullé  vif. 

Environ  huit  iours  deuant  l'éxecution  de  la  fentence  donnée  ,&:  auant  que  le  re- 
mener à  Beaumont  :  le  Gardien  des  Cordclicrs  de  Mons,aduerfairc  de  l'Euangilc ,  luy 
fît  vne  longue  rcmonftrance,  tendant  à  luy  taire  entedre  qu'il  eltoit  hérétique  &c  dam- 
né ,  s'il  ne  renonçoit  à  la  doctrine  qu'il  tenoit.  mais  Augullin  n'eut  pas  la  bouche  fer- 
mce:car  cependat  que  ce  beau  pere  babilloit,  il  luy  dit  deuant  toute  raJ]emblec,Prou- 
ue  ce  q  tu  dis  par  la  pure  parolle  de  Dieu,  &c  on  adiouftera  foy  à  tes  parolles:tu  dis  beau- 
coup ,  &  prouucs  peu  :  en  quoy  tu  te  déclares  eftrc  do£tcur  de  menfonge:  quant  à  moy, 
ic  me  tien  à  la  doctrine  des  Prophètes  &:  Apoftres,  &  cela  me  fuffit  pour  mon  lalut, 
f  De  là  Auguftin  fut  me  ne  en  vne  hoftellerie  de  l'Ange ,  pour  le  monter  à  chcual,  af  n 
de  le  mènera  Beaumont.  Il  y  auoit  a  l'heure  en  ladite  hoftellerie  vn  Gentil-homme  c- 
ft  ranger  logé,  qui  luy  prcfcntaàboirccn  vne  vaiflelle  pleine  de  vin ,  difant,Mon  amy, 
ayes  pitié  de  toy:&  pour  le  moins  Ci  tu  ne  veux  lauuer  ta  vie,(àuue  ton  ame.i'ay  merueil- 

Rcfronfe   lcuft  pitié  de  toy.  Auguftin  luy  rclpondit,  le  vous  remercie  de  la  bonne  arîe&ionquc 

notable,  vous  me  portez:  vous  voyez  quei'ay  li  grand  pitié  de  moy  &:  de  mon  ame,que  i'oàre 
mon  corps  pour  élire  bruflé,  pluftoft  que  de  pécher  contre  ma  confcicnce  :  en  quoy  ic 
m'eftime  bien-heureux: car  ce  que  iefoufFre,  ce  neft  point  pour  ma  mefehante  vie,ains 
feulement  pour  la  parolle  de  Icfus  Chnft ,  pour  laque  lie  tous  les  Martyrs  ont  cfpandu 
le  ur  l'ang:  comme  i'cfperc  de-  le  faire  auflï.  Cela  dit ,  eftant  mis  fur  le  chcual  tut  mené  à 
Beaumont ,  auec  vne  grand'  bande  de  fergeans,  tous  cmbaltonnez  à  l'cntour  de  luy. 
*  A  rriué  qu'il  fut  en  ladite  ville,  on  l'en  ferra  bien  eftroitemcnt.  maisà  caufe  que  lors 
on  cftoitempcfchéàfairelesobfequcs&fimcraillesdu  fils  du  duc  d'Arfcot,qui  auoit 

nicH  J-jbtft  cité  tuc,plulicurs  Princes  &  Seigneurs  eftoyent  là  venus  :&:  quad  ils  entendirent  la  ve- 
JVr£  nue  de  ce  prifonnjer,  ils  vindrent  le  viliter  U  interroguer  de  fa  foy  &  de  fa  religion  :  auf- 

auûmbs  d:  quels  il  rcfpondoit  &  fatisfaifoit  ioyeufement  &:  allègrement  :  maislccontc  del'Alain 

Tïclmik*  Illt^on8t:cmPsautc^uy'  larraifonnanten  particulier  outre  les  autres. 

hommes.  A  v  îour  ordonné  pour  faire  l'exécution ,  il  fut  mené  hors  de  la  ville  furvn  couftau, 
pour  cidre  là  facnfîé.  La  plus  part  du  peuple  cftoit  li  animé  contre  luy,à  caufe  de  fa  con- 
fiance &:  patience,  qu'ils  crioyent  qu'on  le  eleuoit  lier  parles  pieds  derrière  vn  cheual, 
&  ainiih  trame  r  iufque  s  au  lieu  du  lupplicc  :  mais  Dieu  ne  leur  permit  faire  telle  cru- 
auté contre  fon  feruiteur.  ^  Quand  on  l'euft  amené  au  lieu  du  fopplice,  il  {émit  à  prier 
Dieu:puis  fut  lie  au  pofteau ,  &:  ne  difoit  mot  :  mais  quand  le  feu  fut  mis  en  la  paille ,  &: 
qu'il  lcuft  fenty,  il  s'efciia  au  Seigneur,  &:  luy  recommanda  fon  amc  au  plus  fort  du  tor- 
*ment  de  la  moir. 

H  Y- 


Tlufieurs  sMartjrs. 


17$ 


BVRR  E,  dcUduihcdeBonrorjngnc. 

fF?WWi^  ncftras^c  maintenant  que  la  ville  &le  parlement  deDyion  alauefes  m.  d. 
^ifi^Smainsauiangdcs  Martyrs.Ccfte  année  HubertBuiré,filsdclcan  Burrcvna-  XLiX 
|l\^^^tifclc  ladite  ville,aage  enuiron  x  i  x  ans,  y  fut  bruiïc  au  mois  de  Mars.  Les 
j^^^^èlblicitations  &:  allcchemens  de  Tes  parens  &  amis  pour  le  diuertir ,  n'eurent 
aucune  force  contre  la  vertu  d'en-haut  :  par  laquelle  il  hit  fi  bien  garenti ,  que  la  mort 
pour  le  nom  de  Icfus  Chrift,  luy  fut  gain  à  vie  bien-heureufe  &:  pernianc  nte. 


■Mm 


ESTIENNE  PELOQVIN. 

N  lavilledcBloisily  a  vnemaifon  bourgeoile  aiTezanciénedes  Peloquins,  M.  d. 
laquelle  le  Seigneur  a  voulu  anoblir  par  deux  frères  îiî'us  d'icelle ,  les  ayant  XLlX- 
fait  châpions  en  Tordre  de  fon  Fils  Icl'us  Chrift.Tous  deux  ont  e  lle  inftruits 
1  en  la  ville  de  Geneue;&  d'icelle  font  forcis  pour  aller  au  combat  fpiritnel  de 
fa  querelle.  Efhenne  comme  aifné  de  fon  frère  Denys ,  fut  mis  en  exploit  le  premier  e- 
ifantfortydeGeneuc(oùil  auoit  l'a  famillc)pour  y  amener  6c  conduire  quelques  ri deles 
d'Orléans  &:  de  Blois.maisle  Seigneur  qui  par  la  puifiancc  admirable  befongne  conti- 
nuellement, Se  conduit  tous  les  mouuemcns  de  l'es  créatures,  arrefta  tout  eourt  ce  /îen 
fcruitcur&:  toute  fa  compagnie  à  Chafteau-renard  ,  par  vn  Preuoft  des  Marefchaux  e- 
xeeureurdefon  décret.  Anne  Audehcrt(delaquellc  cy  après  fera  deferit  le  martyre)e- 
ftoit  en  ladite  compagnie  pour  venir  à  Geneuc,  mais  le  chemin  &:  le  but  de  leur  entre- 
prife  fut  abbregé:  5c  pour  vne  cite  &:  ville  de  refuge  qu'ils  cerc  hoyét  ici  bas,  le  Seigneur 
en  donna  vne  permanente  &:  perdurable  à  iamais.  Éfticnnc  tut  mené  de  Chafteau-re- 
nard  à  Pans,  où  après  auoir  rendu  tefmoignage  à  la  vérité  de  fEuangile,  fut  condamné 
par  les  Confeillcrs  de  la  Chambre  qu'on  anomme  ardante  du  Parlement  de  Pans ,  d'à-  j^"3"- 
uoir  la  langue  coupée,  &d'eltrc  brune  à  petit  feu.  Le  cruel  toi  met  qu'il  endura  de  cou-  parlement 
rage  tant  refolu,  en  la  place  du  cimiticre  S.Iean  ,  cft onna  grâd  nombre  des  fpectateurs  <1«  Paris, 
de  la  mort.  Quant  à  fon  frere  Denys9le  Se  igneur  cinq  ans  après  le  fît  entrer  en  lamefme 
vove ,  &z  fe  feruir  de  fon  tefmoignage  au  Lyonnois  ,  côme  il  fera  dit  cy  après  en  ion  lieu. 


LE  COVSTVRIER  exécuté  à  rentrée  du  roy  Henry ,.t  Parti. 

Par  fnpcriation  t;oi  ï  dirom  &  nommerons  le  COVSTVRIE  R.aluy  qui  eut  le  crédit  d'annoncer  au  roy  Henry  fé- 
cond ,  la  vérité  du  Scigncur:pour  laquelle  &  pour  fon  martyre  excellent  on  l'a  nommé  le  ta  illeur  du  Roy. 

N  la  fin  du  mois  de  Iuin&:  commencement  de  Iuillct ,  au  temps  que  les  M  o 
£ter!t  triomphes 6c  tournois  magnifiques  fe  failoyet  à  Paris  pourle  ioyeux  adue-  XL1X 
^  r  'nnncnc  du  roy  Henry  &  de  la  Roinc,  il  y  eut  vn  pourc  Coultui  ier,qui  pour 
Mc-^A  la  vérité  de  l'Euangile  ayant  elle  conftitué  prifonnier  par  le  Lieutenant  du 


Prcuoftdclhoilcl,  tutreierué  en  ce  temps(commc  Dieu  le  voulu t)pour  annôcericelle 
vérité  au  Roy,  &  à  toute  fa  Cour.  Ce  n'cltoit  pas  vn  tailleur  de  grand  renom  ,  mais  po- 
urc compagnon  dcuantle  monde:  tant  y  a  que  le  Seigneur  qui  lé  rit  de  toutes  les  fplen- 
deurs  des  plus  grans,  l'auoit  choifï  pour  abailfcr  les  plus  braues  :  voire  pour  cffrayer,cÔ- 
me d'vnc  foudre, leurs confcienccs.Qui euft iamais dit qu'vne fi  abie&e perfonne ( du- 
quel le  nom  à  grand' peine  peut  venir  en  cognoiifance  )  deuft  porter  vn  ambalfade  tel 
de  la  doctrine  de  Dieu  &c  de  fon  iugement  à  vn  tel  Rov,  uifques  à  le  rendre  c5me  efton- 
né,  lors  qu'il  eftoit  ainli  efleué  en  les  feflins  des  deux  entrées, triomphant  au  milieu  des 
lices  &:  des  arcs  drciléz  magnifiquement  au  pollible;  L'intention  de  ce  Roy,  quand  la 
volonté  luy  printd'ouir  parler  vne  fois  vn  Luthérien ,  eftoit  ou  d'en  prendre  fon  paffe- 
temps,ou  bien  de  le  vtincre,  comme  pour  le  iouer  delà  vérité  ,&  la  fouler  aux  pieds: 
mais  le  Roy  des  rois  en  auoit  autremet  difpolé,  ainli  que  la  procédure  le  môftrera.  ^Ce 
Lieutenant  donc  du  Preuofl;  de  fhoftel ,  quieftoixdes  entendeurs  de  la  Cour,  après  a- 
uoir  interrogue  ce  Coufturier  fur  plufieurs  poincts  de  la  religion  Chreftiéne,  faiioit  fes 


£/«ro  ///•  £o  C0U^urt€Y- 

contes  aux  Gétils-hommes  qu'il  auoit  mis  prifonnier  vn  artifan  qui  difoit  mcrueille ,  l'- 
ayant trouué  belongnant  de  fonmeftierlesiours  prohibez  &  défendus.  Le  Roy  eftant 
en  celle  volonté  de  voir  &  ouyr  parler  quelcun  de  cefte  feetc,  pour  fauoir  leurs  propos 
deUui  bouche  propre,  commanda  qu'on  luy  en  amenait  vn  de  ceux  qui  cftoycntpour 
lors  prifonniers.  Sur  cela  quelques  leigneurs  delà  Cour,  qui  auoyent  cognoifTancc  des 
abus  du  Papc,prierct  ledit  Lieutenant  d'en  faire  venir  vn  qui  fuft  de  bonne  grâce  pour 
ch.uies    rcfpondre  pertinammcnt  au  Roy.  Charles  pour  lors  cardinal  de  Guifc  ,  &c  depuis  de 
"oî«hL.C  Lorraine,  fâchant  qu'il  y  anoit  au  mefmc  temps  des  homndes  doCtcscn  la  conciergerie 
du  Palais, qui  pourroyent  remuer  les  ordures  de  la  Papauté(lefqucls  iuflï  furent  exécu- 
tez ,  comme  nous  du  ons  tantoft )il  s'aduifa  que  ce  poure  Coufturier  feroit  propre  pour 
contenter  la  fantaiie  du  Roy  fans  dommage:attcndu  qu'il  eftoit  homme  fans  lettres.  Il 
craignoit!  comme  il  eft  à  prefumer  )quc  ce  Prince  eftant  aucunement  abbreuuc  de  ce- 
lte doctrine,  en  fuit  touche  pour  en  vouloii  fauoir  dauantage.  Ce  Coufluricr  donc  me- 
né deuant  le  priué  Conleil  du  Roy,  ne  le  monftra  muet  ny  eftonné:  ains  d  vn  zele  Chre- 
ftien,  après  auoir  fait  la  rcucrcce  au  Roy  &:  à  l'on  confcil ,  refpondit  à  toutes  les  queftios 
&:  demandes  qui  luy  turent  laites,  mieux  qu'on  n'attendoit  de  luy  ,&:  que  ne  deiiroit  le 
Cardinal  6c  autres  beneficiers  delà  fuitte  Papale:defquels  il  delchifFra  deuant  le  Roy  la 
vie  &c  l'ambition  autant  naiucment  qu'on  euftfeu  fouhaiter  pour  lors.  En  outre  eftant 
interrogué  de  la  Me/ie ,  il  l'accouftra  de  toutes  fes  façons  ÔC  couleurs.     Diane  de  Poi- 
tiers, ducheilé  de  Valcntinois  (qui  eft  appelée  la  grande  Senefchalle)cn  fut  aducrtic,&; 
aufli  toft  en  voulut  auoir  ion  palïe-temps.  Le  Pvoy  vniquement  luy  fauonfant,fît  mener 
ce  Coufturier  en  la  chambre:où  elle  fc  trouua.Et  ayat  fait  fortir  les  Gentils-hommes  &c 
Pierre  Ca-  autres  ofHciers, retenant  aucuns  des  plus  ramiliers,Caftcllanus  euelque  de  Mafcon(au- 
ftcltanuse  ^uc\  ja  vérité  n'eftoit  incogneuè' ,  mais  futfoqnce  des grans  honneurs  de  la  Cour  )  corn- 
Mafcon!16  mença  d'audace  (le  Roy  luy  donnant  le  commandemét  )  in  terroguer  ce  poure  Couftu- 
rier. Iceluy  fc  voyant  aflailly  de  ce  fage  moqueur,apres  auoir  fait  derechef  la  rcuerence 
au  Roy,  comme  à  fon  Prince  &:  fouuerain  Seigneur ,  donna  gloire  &:  louange  à  Dieu  de 
l'honneur  qu  il  luy  tai  foir  d  auoir  audience  deuant  vn  tel  Prince  pour  rédre  raifon  de  fa 
foy.  Ceft  euelque  de  Mafcon  luy  fît  beaucoup  de  demades  fur  les  principaux  poinéts  de 
la  religion  Chreftienne  :  aufquels  fans  vaciller,  ne  fe  monftrer  aucunement  eftonné,  il 
rcfpondit  bien  pertinemment ,  félon  les  grâces  que  Dieu  luy  auoit  conférées.  Et  com- 
bic  que  ledit  De-mafcon  &:  autres  le  prefla/Fent  d'iniures  meilees  de  menaces ,  h  cft-ce 
qu'ilperlcueraconftanunétenvnemefmeconfeiîîondela  doctrine  qu'il  auoit  receuè* 
de  Dieu  .Qj.  i  ne  fut  point  fans  eftonner  la  compagnie ,  voyant  vne  côftancc  inuincible 
en  vn  poure  prifonnier,  qui  refpondoit  h  hardiment  deuant  la  maicfté  du  Roy.  Pour 
conclufion  Caftcllanus&;  quelques  autres  pour  defennuyer  le  Roy  dirent ,  que  c'eftoit 
vn  paillard  obftinc,&  qu'il  le  falloir  renuoyer  pour  en  faire  îuftice.  On  dit  que  la  gran- 
de Senefchalleen  voulut  aufiî  dire  fa  râtelée  :  mais  elle  trouuafon  Coufturier  qui  luy 
tailla  fon  drap  autrement  qu'elle  n'attendoit.  Car  iceluy  ne  pouuant  endurer  vne  arro- 
gance tant  dcfmefuree  en  celle  qu'il  cognoiilbit  cftre  caufe  des  perfecutios  fi  cruelles, 
luy  dit,  Contentez-vous  (ma  dame)  d'auoir  infecté  la  France,  fans  meiler  voftre  venin 
&:  ordure  en  choie  tant  faincte &:  facree ,  comme  eft  la  vraye religion  &laveritéde  no- 
ftre  Seigneur  Iefus  Chnft:craignant  qu'à  cefte  occaiion  Dieu  n'enuoye  vne  grade  playe 
furnoftreSirc  lcRoy,  6:  fur  fon  royaume.  Le  Roy  irrité  grandement  de  cefte  refponfe> 
commanda  foudain  qu'il  fuft  ofté  delà ,  &:  qu'on  dcfpcfchaft  fon  procez.  Ce  comman- 
dement fut  bien  toft  exécuté .  car  peu  de  iours  après  il  fut  condamné  par  le  Preuoft  de 
rhoftcl  à  cftre  brullé  vif  en  la  rue  S.  Antoine,&:  deuant  la  ceufturc  laincte  Catherinercç- 
qui  fut  tait  à  l'iiîued'vne  procelîîon  générale ,  comme  aufTi  on  en  brulla  trois  autres  en 
la  place  Maubert}Cn  Greue  &:  aux  Halles.  Le  Roy  voulut  cftre  ipe&ateur  delà  mort  de 
ton  Coufturier:&;  pour  mieux  le  voir,  alla  en  la  maifon  du  lïeur  delà  Roche-pot  vis  à  vis 
du  fupplicc.  Le  patient  perfeuera  conitammenr  :  &  ayant  apperecu  le  Roy ,  le  regarda 
fi  fort  qu'il  n'en  fc  ut  eft  renullcmct  deftourné:meime  le  feu  eftant  allumé ,  il  auoit  fceil 
tant  arrefté  en  ce  regard  que  le  Roy  fut  contraint  de  quitter  la  teneftre&  ferctirer,telr 
lemcnt  cfmeu,que  ges  dignes  de  foy  ont  ouy,  qu'il  luy  fembJoit  à  voir  que  ce  perfonna- 
gc  le  lixx)  uoit:&  degrande  apprehéfion  il  en  fut  quelques  nui&s  que  ce  fpcctacle  luy  ve- 
noit  au  deuant,  de  forte  qu'il  fie  fermet  que  iamais  plus  il  n'en  verroit,  n'efeouteroit:  $C 
que  ce  plaifirluy  auoit  efté  bien  cher  vendu.  Voila  comme  ce  Piincc;au  lieu  de  profiter 

aux 


Florent^  Venot  :  Leoudr  Çalimar.  i?p 

aux  admonitions  de  tels  hérauts  de  Dieu,  en  fut  dauantage  irrité,  c£plus.enrîammé 
que  parauant. 


M.    FLORENT  VENOT. 

Tormens  horribles  &  ineognus  aux  autres  nations  font  icirecitez.-Iefquels  ce  Martyr,  en  la  vertu  de  Dieu  a  foufienut 
&  furmontiz. 

A  confiance  de  M.Florent  Vcnot,natif  de  Courgiuot  près  Sedane  en  Brie,   M-  D' 
eft  digne  de  mémoire .  car  elle  a  efté  mefime  en  eftonnement  aux  plus  gras       1  ' 
aduerfaires  de  la  vérité.  Il  n'y  a  efpece  de  forment  qu'il  n'ait  enduré  l'elpa- 
_  ce  de  quatre  ans  &:  neuf  lours,  qu'il  fut  détenu  prilbnnier  en  la  ville  de  Pa- 
ris.   Entre autrestormens  de  la  prifon,  il  fut  enuiron  fixfepmaines  en  vnlicu>où  il  ne 
fe  pouuoit  coucher  ny  cftrc  debout  finon  furie  bout  des  pieds ,  le  corps  eftant  courbé. 
Cefte  efpece  de  torment  eft  appelée  par  lesmaiftres  inuetcurs  de  ce  torment ,  La  ihauf  La  c?uufl« 
fi  ou  bonne  a,  ïhippocras,  pour  la  figure  qui  eft  au  bas  eftroite,&:  groife  en  eflargillàat.  Il  n'y  cras^Spcce 
a  eu  criminel ,  au  rapport  d'eux-melmes ,  qui  ait  peu  endurer  ce  torment  quinze  iours  de  tormenc 
au  plus,  fans  eftre  en  danger  de  mort ,  ou  de  tranlport  par  rage  6c  aliénation  de  fens.L - 
intention  des  ennemis,&:  fur  tous  de  M.Pierre  Liict,  lors  Prclident  (fort  defplaifant  de 
la  perfeuerance  de  ce  faind  perfonnage  )  eftoit  de  le  faire  cruellement  languir  pour  ro- 
pre  fa  cpnftance,ou  pour  le  faire  mourir  entre  deux  murailles,  de  peur  que  l'odeur  6c  le 
fruid  de  fa  mort  ne  paruinft  à  quelque  édification.  Et  de  faid  Venot  eftant  mandé  dé- 
liant les  Confeillcrs  au  parquet  de  la  chambre  ardente,  vn  iour  adreila  fa  parolle  audit 
Lifet  6c  à  quelques  autres  là  eftans,&:  dit ,  Vous  prétendez  par  longs  tormens  débiliter 
la  force  del'efprit ,  ou  de  me  faire  mourir  en  la  prifon  :  mais  vous  y  perdez  temps,  car  i'- 
efpere  que  Dieu  me  fera  la  grâce  de  perfeuerer  iufques  à  la  fin  ,&  de  bénir  fon  faind  ConWatiô 
nom  en  ma  mort.    ^  Quelque  temps  après  il  eut  heureufe  ilTuede  fon  fouhait,  voire  dc  VcD0C« 
en  cefte  faifon  fort  conutnable  pour  manifefter  aux  plus  braues  delà  Cour  de  France, 
que  la  vérité  de  l'Euangile  eft  plus  forte  6c  puiflan  te  que  ne  font  toutes  les  entreprifes 
6c  machinations  des  aduerfaires  :  Icfquellcslç  Seigneur  ade  tout  temps  renuerfees  6ç 
deftniites  par  chofes  foiblcs  ôede  petite  apparence.  En  ces  pompes  6c  feftins  folennels 
ordonnez  par  le  Roy  après  fon  entrée  en  la  Ville  de  Paris  :  entre  autres  pnfonniers  pour 
la  parolle  de  Dieu ,  M.  Florent  après  auoir  efté  dégradé  d'vne  preftrife  Papale  dont  il  a-  Seîfpiï 
uoit  efté  charge  parle  paité,  receut  fentence  de  mort,  &c  lut  produit  pour  eftre  facnflé.  rent. 
Et  pour  Iuy  faire  plus  grâd  opprobre,  ou  pour  l'intimider,  on  le  fit  fpectatcur  de  la  mort 
des  autres  Martyrs  du  Seigneur,  qui  ce  iour-la  endurèrent  la  mort  en  diuers  lieux  en 
ladite  ville  de  Paris.  Et  combien  que  ce  perfonnage  euft  la  langue  coppeemeantmoins 
par  lignes  &c  regards  au  ciel,  donnoit  courage  à  vn  chacun  :6c  luy-mefme  fe  fortifioit, 
voyant  la  grâce  que  Dieu  faifoit  aux  autres.  Il  fut  donc  exécuté  le  dernier ,  eftant  fort 
trauaillé  du  corps  :  6c  fut  brullé  vif  en  la  place  Maubert ,  enuiron  les  trois  heures  après 
midy,lencufiemedeluilletduditan  m.d.xl  ix.  Nous  l'auons  mis  entre  les  premiers 
de  ce  reng,  eu  regard  à  la  longueur  de  la  prifon)  &:  des  tormens  qu'il  endura. 


M.    L  E  O  N  A  R    G  A  L  I  M  A  R. 
X?SÈ8fS  A  L I M  A  R  eftoit  de  ceux  qui  eftoyent  ordonez  à  ce  facrifice  folennel  que  xi\x. 
W  ^£^cv^fitleRoy  àfonentree.  Il  eftoit  de  Vcndofme,  ayant  aufli  efté  du  mal  heu*. 


H  fe&Sgjreux  ordre  de  preftrife  Papale ,  comme  fon  compagnon  M.  Florent  Venot 
^^^^^deuantdit.  Enquoy  la  bonté  de  Dieu  qui  ne  peut  eftre  empcfchcc  par  or- 
dures, tant  abominables  foyent- elles ,  femonftre  manifeftemcnt,puis  qu'il  nous  en 
donne  dc  ii  beaux  exemples  en  ces  derniers  temps.  Il  auoit  aufli  fait  refidence  quelque 
temps  en  la  ville  de  Geneue,&:tafchoit  d'y  attirer  plufieurs  mefnages.  Eftant  en  che- 
min pour  y  en  amener ,  rut  appréhendé  à  Chery  près  la  ville  de  Blois ,  enuiron  le  quin- 
zième de  May  de  cefte  anne  m.d.xlix.  Puis  de  ce  lieu-lafut  mené  à  Paris  :  6c  par  tout 
fe  monftra  confiant  en  la  confefTîon  de  la  vérité  de  l'Euangile.  On  le  condamna  côme 
les  autres  en  vn  mcfme  temps,d'eftre  bruflé  vif:&:endura  le  torment  au  mefme  iour  ix. 
dclullet  m.  d.  x  l  i  x. 

H. 


T/ufeurs  sfflartyn. 


ANNE 


A  V  DE  B  H  R  T. 


M.D.L, 


N  N  E  Audebert,vcfuedc  Pierre  Geneft  apoticaire  d'Orléans',  eftant  en 
chemin  peur  venir  en  l'eglifc  de  Geneue,fut  arreftee  pri'ônicre  àChafteau- 
renard, auec  Eftienne  Pcloquin,  telimoin  de  Iefus  Chrift , duquel  cy  delfous 
cft  faite  mention:  auec  lefqucls  furent  auili  prins  quelques  autres, qui  par 
crainte  des  homes  ne  confeflerent  point  la  doctrine  de  l'Euagile.  Du  lieu  de  Chaftcau- 
renard  elle  fut  menée  à  Paris  :  où  elle  reccut  fentence  de  mort,dcftre  brullee  viuc  en  la 
ville  d'Orléans,  en  laquelle  eftant  arriueeleSamcdy  viilgthuitticme  de  Septembre,, 
qu'on  dit  veille  de  S.Michel ,  fut  tan  toft  après  exécutée  à  deux  heures  après  midy .  Au 
fortir  de  la  prifon  pour  la  mener  au  lieu  du  iupplice ,  qui  fe  dit  le  Martroy  :  ainfï  qu'on  la 
lioit  d'vnc  corde  à  la  façon  accouftumce,clle  dit,Mon  Dieu ,  la  belle  ceinture  que  mon 
efpoux  me  baillc.par  vn  Samcdy  ie  feu  fiancée  pour  mes  premières  nopees:  mais  en  ces 
fécondes  nopees  ie  feray  mariée  ce  Samedy  à  mon  efpoux  Iefus  Chrift.  Quand  elle  vid 
le  tomberau  à  boué,clle  demanda  de  corur  alaigre,Eft-ce  cy  où  il  me  faut  monter?  te  en 
dilant  cela  elle  moiitacouragcufement,&:iufquesàla  fin  perfeuera  auec  confiance  &: 
vertu  admirable:  de  iortc  que  tous  ceux  qui  la  voyoyent,  en  eftoyent  grandement  e- 
Il onnez ,  ôc  les  fidèles  fortifiez  la  voyat  de  telle  force  endurer  la  mort ,  qui  fut  en  ceft  an 

M.  D  .    X  I  1  X  . 


THIERRY. 

N  ce  mcfme  temps  Claude  Thierry  de  Chartres ,  icune  compagnon  apoti- 
caire  en  venant  de  Gcnt  ur,fut  conftitue  pnfennier  en  la  ville  d  Orléans.  A- 
pres  auoir  fait  déclaration  de  fa  foy  par  la  cognoifiance  qu'il  auoit  de  l'Euan 
gile,il  ne  tarda  gueres  d'eft  rc  condamné  par  fentence  d'eftre  brufié  vif.  De 
laquelleilne  vouloir  appeler:  maispouraucunementfatiifaireà^grandc  folicitation 
&:  importunité  de  fes  parens  &:  amis^il  appela  à  Paris.  Sa  fentence  fut  incontinent  cen- 
fermec  par  Areft  de  la  cour  de  Parlement .  de  forte  qu'eftant  renuoyé  en  ladite  ville  <ï'- 
Orlcans,  il  endura  la  mort  au  grand  aduançcment  de  la  gloire  du  Seigneur ,  &c  édifica- 
tion de  pluiieurs. 


Faninofc 
defdit. 


F  A  N  I  N  O,  de  la  Rom  ai g»<?,  Italien, 

L  E  récit     la  vie  &  mort  fieiircufc  de  ce  Martyr  Italien,  nousmonfrre  vnïclc  ardanttfonioint  auec  vne  debonair'tr  fin- 
guliere,  defirant  par  JelTiis  routes  choit  s  de  Ce  monj.c  l'aduancement  de  la  gloire  de  Dieu,  &:  édification  du  prochain. 

A  N I N  O  cftoit  d  e  Faence,  (qui  eft  en  laRomagne)de  la  maifô  des  Fanins, 
Enfon  îeuneaage  il  n  auoit  aucune  côgnoiiface  de  la  doctrine  de  falut.mais 
[depuis  il  commença  à  lire  diligemment  l'Efcriture  faincte ,  s'aidât  de  limes 
'traduits  en  langue  vulgaire,  d'autant  qu'il  n'entendoitpas  bien  laLatine. 
Apres  qu'il  eut  bien  cftudié,&:  recognu  le  grand  proufit  qu'il  en  auoit  recueilly ,  déli- 
béra cjuant  &:  quant  faire  les  autres  participans  du  mefme  threfor,que  Dieu  par  fa  pure 
bonté  &:  grâce  fpeciale  luyauoir  communiqué.  Il  publia  peu  à  peu  en  diuers  lieux  &à 
plufîeurs  perlbnncsla  cognoiffance  qu'il  auoit  pour  lors  del'Euangile  de  noftre  Sei- 
gneur Iefus  :  non  pas  qu'il  fe  deelaraft  ouuerrement  du  premier  coup,  mais  il  en  dônois 
quelque  gouftpourle  commencement.  Mais  les  fuppoftsdu  Pape  eftans  aduertis  de 
cela,  donnèrent  ordre  que  F  min  tu  il  pris  prifonnier.  Eftant  en  prifon,fa  femme,fes  en- 
fans  &:  aucuns  de  fes  amis  le  foliciterent  tant  par  prières  continuelles ,  que  le  poure  hÔ- 
me  felaùTa  gagner  de  l'aftedion  qu'il  leur  portoit:tellement  qu'il  fe  défait  de  ce  qu'il  a- 
uoit  enfeigné  auparauânr,  &:  par  ce  moyen  fut  deliuré.  Si  toft  qu'il  fut  hors  de  prifon, 
vint  en  tel  defeipoir ,  que  li  Dieu  neluy  enft  tendu  la  main ,  il  s'en  alloit  tomber  en  vne 
horrible  confufion,  cognoùfant  que  pour  auoir  voulu  demeurer  auec  les  liens,  il  auoit 
abandonne  Iefus  Chrill.  Et  fa  confckncclepreflbitde  fi  près,  qu'il  eftoit  tormcntéiuf- 
ques  au  bout.  Sur  cela  il  fe  mit  à  gémir  &T  plourer  ameremét  fa  faute  &  fadefloyauté , 
commença  de  mener  vne  vieil  uifte&r  n  mélancolique,  cju'onc puis  on  ne  le  vidref- 

iouȂ 


Fanino, 


;ouy  ncdchbcré,iulqu  a  tant  qu'il  eut  reprins  com  agc,pour  mieux  faire  Ton  deuoir,de- 
fîrant  de  tant  plus  magnifiquement  confeficr  Dieu,  qu'il  l'auoit  malhcureufemcM  rc 
nie. 

^  Et  ainli  citant  côiuc  embraie, s'en  alla  par  tout  le  pays  de  la  Romagne,&  preft  hoir 
publiquemet  par  toutes  les  villes  auec  telle  force  &  côftance.qu'vn  chacun  s'en  elmer- 
ucilloit.S'il  voyoit  qu'en  quelque  lieu  la  parolle  deDieu  n'efloit  ii  ouuerccmcnt  reccuë 
il  sadreifoit  en  particulier  pour  expérimenter  ceux  qui  citoyen  t  capables  pour  l'en- 
tendre     trauailloit  après  ceux-la  tant  qu'il  pouuoit,  pour  les  enfeigner&  amènera 
la  cognoi  fiance  de  Dieu. Et  vfoit  de  ce  moyen: tai'chant  premièrement  de  leur  faire  en- 
tendre l'impiété  en  laquelle  ils  eftoyent  confits  &:  puis  après  de  les  réduire  peu  àpeu  à 
meilleure  manière  de  viure.    Entre  autres  chofes,  il  s'eftimoit  auoir  beaucoup  gagné 
quand  il  partoit  de  quelque  lieu,  pourueu  qu'il  en  euft  inftruitdeux  ou  trois  :&:raiioit 
{"on  conte  que  chacun  d'eux  cnpourroit  inftruîre  autant,  &:  que  ccux-cy  feroyent  le  ^f0l"^"j 
fcmblahle:  &:  qu'ainlilenombrc  des  fidèles  croiftroittoufiours.  ^  Il  fut  mis  prifonnicr  laverité. 
en  vn  lieu  nomme  Bagnacauallo-.auquel  ayant  elle  condamné  d'élire  bruflé,  il  s'en  rit, 
diiant  que  Ion  heure  n'efloit  point  encore  venue,  &c  que  c'eftoit  tant  feulemét  vne  en- 
trée pour  profiter  aux  autres.  Et  dit  bien  vray  en  cela:  car  toft  après  il  fut  mené  delà  à 
Fen  are ,  où  pluficurs  fidèles  furent  bien  confolez  par  les  exhortations ,  &c  mftruits  de 
plus  en  plus  en  la  crainte  de  Dieu.  Mais  le  Pape  craignant  qu'il  ne  defcouurift  vn  peu 
trop  fes  trafiques, commanda  qu'il  fuft  tenu  plus  cftioitement.  Il  fut  reiTcrrc  dedans  le 
chafteau ,  &C  y  demeura  cnuiron  dixhuit  mois,  où  il  fut  tormenté  cruellement  :  &:  l'euft 
cfté  encore  plus,  fi  les Iacopins  du  lieu  l'cuiTcnt  peu  auoir  entre  leurspates,  Etcom- 
bien  qu'on  le  changeait  iouuent  de  pi  lion  ,&  qu'on  le  mi  11  maintenant  en  vne,tantoft 
en  l'autre:  fi  ell-cc  que  pour  cela  iamais  il  ne  changea  d'cfprit  ne  de  courage.    Il  efloit 
quelque  fois  enfermé  tout  lcul,&  quelquefois  auec  d'autres:maisccluy  eftoit  tout  vn, 
car  il  n'efloit  ïamais  fans  faire  quelque  profit:  d'autant  que  s'il  eftoit  en  la  compa- 
gnie d'autres  prifonniers,  il  fail'oit  vn  frui£l  mcrueilleux,  leur  montrant  bon  exem- 
ple, &  lesenfeignant  fidèlement.    Que  s'il  eftoit  feul ,  il  efcriuoit  couliours ,  &  en  cf- 
criuant  il  delcouuroit  par  fes  eferits  ce  qu'il  ne  pouuoit  pas  dire  de  bouche.    <4  A  la  fin 
eilant  mis  dedans  vneprifon  où  il  y  auoit  quelques  vns  des  principaux  des  factions  qui 
font  prefque  ordinaires  par  u  uce  l'Italie,  il  fut  repris  d'eux  par  pluficurs  fois  bien  ai- 
prement ,  pcnlans  que  ce  fuft  quelque  humeur  qui  luy  fuft  montée  au  ccrueau.  Ils 
luy  remonftroyent  qu'ildcuoit  laiiler  ces  opinions,  &: viure  en  liberté  auec  leshom- 
mes,  &  ne  le  rompre  point  la  tcftc:mais  demeurer  tout  quoy  iuiques  à  ce  que  le  Conci- 
le fuft  fait.  Sur  cela ,  comme  il  eftoit  homme  modefte  &:  gracieux ,  leur  relpondit  qu'- 
il lcsremercioitdcbienboncccur  du  foin  qu'ils  auoyent  de  luy.  Se  quant  à  la  querel- 
le qu'il  maintenoit  iï  conllamment  ,_que  ce  n'eftoit  point  vne  humeur  ou  opimÔcreuë 
en  Ion  Iardin  :  niais  que  c'eftoit  la  pure  vérité  de  Dieu ,  rcuelec  aux  hommes  par  Icfus 
Chriften  fa  fain&e  parolle:  qu'il  n'eftoit  pas  délibéré  de  iamais  renoncer  celle  vérité 
infaillible,  peur  adhérer  au  mcnfonge:&  au  refte,  qu'cftantChrcfticn,  il  eftoit  en  plei- 
ne liberté      en  quelque  lieu  que  nous  ioyons ,  que  nous  femmes  touiioursen  prifon, 
quanta  la  chair  «Se  à  péché:  mais  quant  àl'amc,  qui  eft  rachetée  par  le  fang  du  Fils  de  J^^1^. 
Dieu,  nous  femmes  tous  en  liberté.  Du  Concile,  il  n'en  difoit  autre  choi  e  pour  lors,  jcConalc. 
iinon  qu'il  ne  vouloit  point  d'autre  détermination  ne  déclaration  que  celle  de  l'E- 
uangile.   Car  Icfus  Chrift  apportant  vneli  bonne  nouuellc ,  auoit  fait  vn  Concile  cer- 
tain &:  luffifant  pour  tous  fidèles  :  &:  que  les  enfans  de  Dieu  n'ont  que  faire  d'autre  con- 
firmation. En  fomme,  il  parla  ii  bien ,  &:  gagna  tellement  les  cœurs  de  ccux-la ,  qu'- 
ils furent  réduits  finalement  à  vne  bonne  vie:  &c  s'efmerueillercnt  tellement  de  luy, 
qu'ils  l'a  ppeloyent  Satncl .  Ce  qu'ayant  entendu  ,  leur  dit,  Mes  frères,  quant  à  moy ,  îe 
fay  &  recognoy  que  de  ma  nature  ie  fuis  vnpoure  miferablc  pécheur  :  mais  que  par  la 
foy  &afTcurancc  que  i'ayà  mon  Sauueur,  mespechez  me  font  pardonnez:  comme 
aufli  vous  feront  les  voftres,  fi  vous  croyez  fermement  à  l'Euangile  de  la  grâce  de  Dieu. 
Il  y  en  eut  d'autres  prifonniers  auec  luy,  lefquels  auoyent  accouftumé  de  viure  hon- 
norablement ,  comme  Gentils -hommes:  &:  fe  fafchoyent  de  fe  voir  ainli  eilroitc— 
mentrefTerrez:  maisFamn  les  rendit  fi  contents  qu'ils  fe  glorifioyent  d'auoirefté  af- 
franchis par  le  moyen  de  la  feruitude  où  ils  auoyent  efté  mis ,  quand  on  les  mena 
en  prifon. 

H.ii. 


/.  /«ro  III-  Fanino,  Jtalien* 

Ok  fesparcnsaduertis  comment  tout  en  alloit,  fe  doutèrent  qua  lafiniJ  feroit  mis 
a  mort.  Parquoy  fa  femme  &  fa  locur  s'en  allèrent  vers  luy  pleines  de  lai  mes  du  c<  ni 
dcfolecs.  C  citait  chofe  pitoyable  &  digne  decompaflion  ,deles  voir  d(  uxcnfemblc  h 
mîtes  £c  angoiilces,  ie  prier  qu  'il  eu  il  pour  le  moins  le  loin  de  les  cuians,  U  uucnain  c 
delà  maifon,s'il  n'en  vouloir  auoir  de  foy-mel'me.  Larcfponfe  que  Fanin  lcurntfur  le 
ehamp,  fut  telle ,  que  tous  ceux  qui  fouirent ,  demeurèrent  rauis  en  admiration:  Mon 
Seigneur,dit-il,&  mon  Maillre  in  m'apascommadéqueielercmi  pot»  maintenirma 
famille, Qu'il  vousiufhlc  que  pou  r  l'amour  devousiay  délia  £aiUy\  n  t'ois  ii  Inurdcmêr* 
comme  vous  le  fauez.  Mais  i>-  \  ou  s  prie  retournez-vous-en  en  paix  (  'ai  ie  l'en  I  »ien  que 
Dieu  s  eft  leruv  de  moy  iniques  ici  A  que  ma  fin  approchepour  aller  a  luy.C  'esiemmes 
s'en  alk  rcraucc  loufpirs&:  larmes  luy  lans  le  troubler  demeura  du  tour  refolu.Qucl- 
que  temps  après  le  pape  Paul  citant  mort, (on  fuccelieur  Iules  troiliemenouuellemcnt 
créé  Pape  cnuova  lertrc,  par  laquelleil  commandoit  qu'on  fi  il  mourir  Fanin.  Vnoffi- 
cierfalia  trouuer,  pour  luy  dire  que  le  foii  mefme  il  feroit  mené  en  la  prilon  cômunc, 
d'autant  qu'il  cftoir  condamne  amort.  Tout  incontinentil  embraiîa  l'officier ,  &:  le  rc- 
La  m<  u  mercià  des  bonne  nouuellcs  ,cn  luy  difant,Monfrcic,ieprcn  bien  en  gré  la  mort  que 
jV'î"'1'  iedovi  ndurcrpoui  l'amour  de  noitre  Sauueur  lefus  Clniit ,  lequel  n'a  point  tTpaigné 
l'a  pi  -  me  vie  pourmoy.l  Sur  cela  il  ht  vn  longdiicours  touchant  la  félicité  &c  \  ie  aduc- 
nu,  deuanttousceux  qui  cftoyct là  prclens.  Entre  lefquels  il  y  en  eut  vn  qui  luy  dit,  Et 
où  t'en  vas  tu  maintenant  lailler  les  tiens-qui  eft-cc  que  tu  as  ordonne  en  ton  lieu  pour 
eitre  leur  tuteur;  6Fanin,ie  te  prie  qu'il  te  louuiëne  de  tes  poures  petis  entas,  8c  que  ru 
aves  pitié  de  ta  femme  que  tu  aimes  tantilc  leur  ay  laiiTc,diMl,lc  meilleur  tutcur&  cu- 
rateur de  tout  le  môdc:ic  te  puis  a/feurcr  qu'ils  ferôt  rrefbun  dt  fendus&  gardez  de  luy. 
tt  qui  cil  celruy-la:dit  l'autre.  C'eft,  rcfpondit-il,  noltrc  Svigncur  lefus.  Ainlî  citant  de . 
party,fut  liuré  entre  les  mais  de  la  iulrice:puis  il  lut  attaché  a  vn  gros  corn  e  du  Prcuoil, 
cftac  mis  en  fa  châbre,  on  luy  lerra  les  pieds  en  des  ceps.&:  luy  rit  ou  ci  fie  grâce , qu'il 
au  1  oit  les  bras  àdehureanais  tout  le  relie  du  corps  garrott.C  a  pédant  nul  de  la  ville  ne 
le  pouuoit  aller  voir,  (mon  ceux  de  la  maifondu  Lieutenât  ,&:  ceux  quiauoyent  crédit 
entiers  luy  ,ou  fesgens.  De  ceux  qui  peurent  l'aller  voir,  il  y  en  eut  plulîenrs  qui  di- 
foyent  qu'il  auoit  le  diable  au  corps, &c  qu'il  parloit  en  telle  efficace, qu'il  talion  bien 
que  ce  fuit  quelque  diable  qu'il  le  pofledaft.  Mais  quand  ils  virent  depuis  la  confiance 
admirable,  &  qu'il  n'eftoit  nullement  cfperdu  ny  effrayé  de  la  mort,  n'ayant  rien  en 
la  bouche  que  la  faintte  parollc  de  Dieu,  ils  commencèrent  à  le  regarder  comme  fai- 
foyent  les  autres,  &.  à  feicouter  tandis  qu'il  parloit.  Les  femmes  aulii  de  ceux  delà  iu- 
ftice, l'oyans parler  fidouccment&  aucc  tellegrace, ne  fe  peurent  tenir  deplourer: 
voire  le  bourreau  mefme  qui  ledeuoit  exécuter.  Or  Fanin  difoit  à  ceux  quilalloycnt 
voir,  Mes  frères, Dieu  loit  auec  vous .  cftes-vous  ici  venus  pour  vous  relîouir  auec  moy, 
de  ce  que  partant  de  ce  monde  ie  m'en  retoutne  au  ciel  r  Et  puis  ilicttoit  laveuè'  en 
haut, ôdpnoit  de  telle  ardeur  êx:  véhémence,  qu'il  attiroit  vn  chacun  à  fov  :  &:  ceux  la 
mefme  qui  elloyent  allez  vers  lin  pour  luy  donner  courage  &c  le  réconforter,  furent 
confortez  par  luy.  Il  v  eut  vn  notaire  qui  l'alla  aduertir ,  s'il  le  vouloir  deldire ,  que  l'in- 
tention du  Pape  n'eftoit  pas  qu'il  mouruft.  Et  le  bon  Fanin  en  riant  rcfpondit,  S'il  a- 
uoit  rien  dit  qui  fuft  faux,  qu'aifement  on luypourroit  contredire , &c  melmc  lecon- 
uaincre.  mais  que  la  vente  ne  peut  eftre  fufîoquee:  &:  pourec  qu'il  ne  vouloir  point  ef- 
chappercn  t.içon  que  ce  tuft,&:  que  la  venté  cependant  en  fuit  obfcurcie.  Or  taillant 
lace  que  diloit  le  Notaire,  d'autant  que  ce  n'eftoit  pas  choie  qui  valull  d'eftre  efeou- 
tee,  il  commença  à  expoler  plulicurs  palTages  de  l'Efcriturefainctc:  &:  alleguoit  touf- 
iours  le  texte  en  Latin,  fans  prononcer  vn  mot  pour  l'autre  :  qui  cftoit  choie  merueil- 
leule,  àcaufe  qu'on  fauoit  bien  qu'il  n'eftoit  pas  exercé  en  langue  Latine  :  Se  alleguoic 
les  chapitres  fans  y  faillir  :  tellement  qu'on  apperceuoit  bien  que  lefprit  de  Dieu  con- 
duifoitfa  langue.  Il  récita  quelques  vers  qu'il  auoit  compolez  delà  Iuftifîcation ,  de  la 
Predeftination,  &:  de  quelques  autres  poincis  d'importance,  Mais  pourtant  qu'il  fem 
bloit  élire  vn  peu  trop  ioyeux,&:  s'clgayer  outre  mefure,  quelques  vnsde  ceux  qui  e- 
ftoyent  là  prefens  luy  dirent,  D'où  vient  cela  que  tu  es  fi  loyeux?  Si  Chrifteftant  pro- 
chain delà  mort ,  fua  lang  &ù  eau,  &c  pria  auec  vue  trille  (Te  qu'il  ne  mouruft  point:  que 
veux-tu  dire  :  Il  leur  rcfpondit ,  que  combien  que  le  Seigneur  Ielus  Chrift  n'euft  ia- 
mais péché, fi  eft- ce  que  voulant  fatilfairc à  laïuftice  de  Dieu  pour  nous,  il  print  fur 

loy 


Jean  Cjodeau  :  Çafo.jBeraudin  iSt 

fov  routes  nos  infir mitez  ,&  endura  toutes  les  peines  qui  eftoyent  de  lies  a  110S  péchez:  Pourquoi 
de  fuite  qu  cftantau  iardinfic  en  lacroix,ilfentit  vrayement les  douleurs  de  la  mortel  c,irift'  1 
Jes  peines  d'enfer,  lesquelles  nous  auions  méritées , &:  que  nous deuions endurer  nufii.  fV',™  , ":  C 
voila  pourquoy  il  fe  contrifta  au  iardin ,  fentant  en  là  chair  noftre  mort  6c  noîlre  enfer. 
Mais  quant  a  moy,  qui  par  vraye  foy  fuis  en  poifeifion  6c  iouhTance  de  la  bénédiction 
de  Ictus  Chriil,  ic  me  reiiouy  maintenantear  îe  fuis  certain  6c  alfcure  qu'en  mourant  i'- 
t  ntrc  en  vne  vie  bien-heureufe.  Pourquoy  donques  ne  me  reiîouyroy'-ie  ayant  vne  tel- 
le fiance-  ?  Et  comme  le  bon  Fanin  deuifoit  ainfi  tout  confolé:  voicy,  enuiron  trois  heu- 
res deuantiour  qu'on  le  mené  en  la  place  de  la  ville,  afin  que  Je  peuple  ne  fnftprelent 
pou  rouyi  ce  qu'il  auoit  délibère  de  dire  auant  que  mourir.  On  luy  porta  vne  croix  fc- 
luiî  la  coullumc  :  &C  quand  il  la  vid ,  le  vous  prie ,  dit-il ,  ne  prenez  point  tant  de  peine . 
cuidez-vous me  faire  mieux louuenir  auec celle  pièce  de  bois,  du  Seigneur  Iefus  viuât 
6c  régnant  au  ciel,  que  ie  ne  fay  l'ayant  engraué  au  milieu  de  mon  coeur?  Ht  en  difant 
Ce  la  il  le  mit  à  gcnoux,&:  pria  Dieu  degrande  arleclion,&:auec  parolier  pleines  de  grâd' 
ardeur,  qu'il  luy  pleuft  illuminer  les  cœurs  aucuglcz  de  ces  pourcs  gens  qui  là  eftoyent. 
Et  puis  s'eilant  accouftré  luy-mefme  à  vne  perche ,  6c  à  la  corde  où  il  deuoit  eftrc  pen- 
du, dit  ioyeul'ement  au  bourreau  qu'il  fift  tout  ce  qui  luy  cftoit  commandé  défaire.  6c 
a.  n-i  fe  recommandant  touliours  au  Seigneur  Iefus,  6c  le  priant  qu'il  receuft  fou  amc, 
futedranglé.  Apres,  enuiron  l'heure  du  difner,  ils  baillèrent  ion  corps  en  la  ni  cime 
place.  Cependant  qu'on  le  bruilojt  plulicurs  dirent,  que  la  fumée  d'vn  tel  corps  entre- 
rr  it  en  la  telle  de  tant  de  gens,  qu  elle  feroit  le  frui&mefme  que  les  parolles  de  Fanin 
n  aucycnrpeu  faire  pour  lors.  Or  la  coullumc  cil  là,  qu'il  falloit  des  lefoir  emporter 
hors  de  la  ville  les  os  6c  les  cendi  es  qui  eftoyent  de  meurecs .  mais  ne  le  Lieutenant ,  ne 
1  lnquilïteur,nerEucfquc,  nelegrand  vicaire,  nv  aucun  Théologien  ne  voulut  pren- 
dre la  charge  de  ce  faire,  chacun  difoit,Qm  l'a  fait  mettre  là,  fi  lefàce  emporter.  Et 
cmireffoyeni  tous  qu'ils  n'auovent  point  eu  celle  opinion  qu'vn  tel  homme  que  ce- 
ftuv-la  meritallla  mort.  A  la  lin  le  peuple  mefme  print  la  charge  de  les  faire  emporter 
dw  la  place.  ^  Quant  aux  caufes  pourcjuoy  il  tut  ainli  condamne ,  6c  quant  a  ce  qu'il 
c  nie  ignoit,  &C  preichoit  contre  les  idolâtres ,  il  n'eft  pas  beioin  d'en  tenir  ici  grand  pro- 
pos: car  on  a  fesefetits,  où  il  rend  les  raifons  de  tous  ce  qu  il  difoit,&  recite  ce  qui  luy 
futobietlc  ,&:  comment  il  donna  folution  auxobicdlions  qu'on  luy  fit.  llaeîcrit  plu- 
fieurs  Epiftrcs,&:  beaucoup  d'autres  chofes  cllant  prilonnicr.  Entre  l'es  œuures  ,  il  y  a 
deux  traitez  De  la  propriété  de  Dieu:  De  la  Confellion ,  6c  Du  moyen  de  cognoillre&: 
dneerner  le  fidèle  d'au  ce  l'infidèle  :  Cent  fermons  furies  articles  de  la  foy  :  6c  plulïeurs 
autres  eferits  que  ce  faincl  Martyr  Fanin  a  lai/îcz  après  la  mort. 


I  E  A  N    GODEAV.&  GABRIEL  BERAVDIN. 

CHA  M  BE  R.  Y,  fiege  du  parlement  de  S.mojc,  a  eu  tu  horreur &cxecration  h  doctrine  qui  cft  annoncée  à  Gcne- 

ue.      elqucurnps  auparavant  o.ï  auoit  bruilc  en  ladite  ville  1EAN   LAMBERT  k-  icu  ne  citoyen  de  Gc-  Ic.tn  Larrv. 

neue.pour  iccllc  Jo£lrine:&  maintcoatit  en  la  perfonne  de  ces  deux  Martyrs  de  nation  Françoife,  lamcfmc  haine  bcitdtGj 

le  continue,  &  l'cxa  eD  outre  cy  après  cxcrccc  ts  autres,  comme  nous  verrons  au  dil'cours  des  temps.  neiie. 

O  D  E  A  V  cftoit  de  Chinon  en  Tourainc ,  6c  Beraudin  de  Lodun  ,  demou-  m.d  l. 
rans  à  Geneue.  Us  furent  conftituez  prifonniers  ellâs  trouuez  en  la  ville  de 
Chambery,pour  auoir( comme  on  dit)reprins  &C  admonnefté  vn  Preftrc  qui 
blafphemoit  le  nom  de  Dieu.Godeau  après  auoir  purement  confciîc  la  eio- 
dtnnc  de  1  Euangile ,  fut  bruilc  audit  Chambery,  au  mois  d'Aunl,  m.  d  .  l  . 

Qj^an  t  à  Gabriel  Beraudin,  c'eftoit  vn  ieune  homme, &  pourl'apprehélion des  tor-  Beraudin 
me  ns  auoit  aucunement  vacille'  en  la  prifon ,  neantmoins  il  fut  tellement  côfcrmc  par  côftrmé  en 
la  mort  heureufe  qu'endura  ledit  Godcau,quc  peu  de  temps  après  illouffrit  vne  pareil-  gôdeaïi  ^ 
le  el'pece  de  mort.  Mefmes  pour  la  grande  ferueur  que  les  aduerlàires  vovoyent  en  luy, 
ils  luy  firent  copper  la  langue  :6c  toutefois  ceftefainclc  véhémence  qu'il  auoit,  le  fai- 
loit  parler  aifez  intelligiblement  ;  de  lbrte  que  le  Preuoft,  en  le  menant  au  dernier  fup- 
plicc  ,  accula  le  bourreau  de  ce  qu'il  ne  luy  auoit  point  allez  pies  coppé  la  langue, 

H.  ni. 


Lime  III  aMacc^>  sMoreatt. 

Et  Le  bourreau  tuy  dit,  plufieurs  oyans,Le  puis-ie  engarder  de  parlcr?Ccs  dcux,afiâuo]'f 
Ciodcau  6c  Beraudin  ,  édifieront  plufieurs  ignorans  par  côitance& force  que  Dieu  leur 
donna  iufqu'à  la  fin.  C'a  cite  vn  exemple  mémorable  que  de  ces  deux  Martyr:  d'auoir 
fi  bien  monitte  le  fruit  de  rhcurcuicinftruction  qu'ils  auoycnt  receuéà  Gencue  par  J.i 
gracedu  Seigneur.  Leurs  adesô^  leurs  côteflîons  ont  elle  fupprimees  p.u  quelques  en- 
tendeurs Confcillc?  s  .uidit  Chamberv. 


M.  D.L. 


Noftre  M 
Morcl. 


M  ACE    MOREA  V,  t  rançon. 


|A  C  E  Moreau  touché  de  la  crainte  de  Dieu ,  6c  du  defir  d'eftre  inftruit  en 
jjjla  vraye  cognoiffanct  delà  parolle,  fe retira  à  Geneucroù  ayat  efté  quelque 
|pcudc  temps ,  parvn  changement  fubit  de  qualité  &  condition  première, 
S&^âJfcdc  porteur  d'images  il  deuint  porteur  de  liures  de  la  làintteEfcriture.  Ad  • 
uint  que  s  ellant  chargé  de  plufieurs  dcfdits  liures,  s'achemina  en  Frâcc,  pour  les  y  ven- 
dre 6c  diftrïbuer.  Paiïant  par  Troyes  en  Champagne,s'acofta  à  la  l'ortie  d  vn  fermon  du 
têple  de  lainct  Ican  en  ladite  ville,d'vn  nomme  Nicolas  Vaulthcrin,  bonnctier,appelc 
communément  le  grand  Colas ,  lequel ,  l'entant  à  peu  près  par  les  propos  que  luy  auoit 
tenu  Macc,de  quel  clprit  il  eftoit ,  ne  demâdoit  que  de  l'attraper &furprcndre.  Et  Tei- 
gnant d'élire  de  la  religion, le  condùifoit  en  dcuiîant  iufqucs  en  l'a  maifon.Macc  cfmcu 
de  zele  d  auancer  la  gloire  de  Dieu,  fans  fonder  plus  auant  ce  Vaulthcrin ,  luy  prefenta 
vn  des  liures  qu'il  portoit.  Vaulthcrin  l'avant  receu, incontinent  failit  au  corpsMacé,&: 
le  mena  droit  vers  M.Marc  Champy,pourlors  Lieutenant  criminel  de  Troyes:  lequel 
avant  intcrrogucMacé, commanda  que  fa  balle  de  liures  fuft  apportée  &vifitee  en  fa 
prcfencc,&  ce  tait  iceluy  mené  aux  prilos  royales  de  Troycs,&:  enferré  aux  pieds.  Quel 
que  temps  après  ce  Lieutenant  Champy  fe  tranfporta  cfdites  priions ,  où  il  interrogua 
Macé  fur  plufieurs  pcin&s  concernais  la  religion  Chrellicnne  :  furlelqucls  ilrefpôdit 
de  poinct  en  poinct  comme  il  l'tntendoit.  En  fin  Macé  fut  condamne  d'eftre  bru/lé  vit 
par  fcntcncc  de  ce  Lieutenant  criminel, qui  ncantmoins  quelque  temps  auparauant  a 
uoit  fait  profefsion  du  nom  de  Chrcfticmmais  depuis  s'eftoit  tellement  lafché  la  bride, 
qu'il  eftoit  tombe  en  vray  Epicunfmc:côme  il  monftra  parles  effets  qui  s'en  enfuyuirét 
depuis, efqucls  ila  touliours  continué. Depuis  Macé  fut  mis  fur  Jaqucftion, à  celle  fin  d' 
acculer  6c  reuclerfcs  compagnons, &(coramc  il  les  nomment)  complices  6c  adhérais. 
Et  côbicn  qu'en  icclle  queftion  il  ait  efté  autant  cruellement  traité  qu'onques  fut  hom 
mc:li  eft-ce  toutefois  que  le  mgc  ne  peut  rie  gagncr.&:  luy  difoit  Macé  en  fcsplus  cruels 
tourmens,Iugc,tu  me  tourmentes  bjcn3&lînegaigncias  guercs.  Auparauant  qu'il  fuft 
tiré  des  priions  pour  eftre  mené  au  fuppîice,il  pria  qu'on  le  fift  parler  à  vn  nommé  No- 
ftre maiftre  More)  Cordelierau  contient  deTroycs:&:  cela  faifoit-i l pour  conférer auec 
luy  de  quelques  poincls  delà  Rcligion,&  receuoir  confolation,pourle  bon  récit  qu'il  a- 
uoit  ouy  faire  de  fa  doctrine  :  comme  aufsi  a  la  venté  Morcl  eftoit  pour  lors  en  bon  cfti- 
mc&;  réputation  d'homme  craignant  Dieu ,  combien  que  depuis  il  foit  à  ce  qu'on  dit, 
retourné  à  fon  premier  vomiiîcmcnt.Or  pource  que  lors  Morcl  eftoit  abfenr,on  luy  en 
uovaen  Ion  heu  vn  nomme  Noftre  maiftre  Bezançon,  Cordcher:  quieftant  approché 
pi  es, Macé  luv  demanda  s'il  eftoit  Noftre  maiftre  Morel.  Apres  luy  auoir  efté  relpondu 
par  Bezançon ,quc  non:Macé  luy  dit,Si  tu  n'es  Morel,ie  te  pries  retire-toy:car  tu  nefer- 
uirois  que  de  me  tenter.  Bezançon  ne  Ce  contentant  de  celle  refponfe,  s'enquit  de  Ma- 
cé s'il  ne  fe  vouloit  côfcftér.Ia  Dieu  nc  plaife,dit-il,que  ic  côtelfemes  péchez  à  vn  hom- 
me pécheur  comme  moy,pour  obtenir  pardon  de  luy.Ictcpricrctire-toy  :car  tu  ne  gai 
gneras  rien  en  moy.  S'cftant  Bezançon  retiré,  furuint  vn  Iacopm  nommé  Noftre  mai- 
ftre Salins,pcnfant  lcdefuoycrdcfonbonchcmin:&:aufli  toft  qu'il  fut  approché,Macc 
le  eognoiiîant,luy  ditje  te  prie  retire  toy  de  moy,lc  diable  ne  me  fauroit  faire  autât  de 
malq  tu  voudrois  fairc.Mais  Dieu  me  gardera  de  ta  pate.  Ce  Sahns  rcnquits'ilcioyoït 
en  Dieu:Ouydca,  dit  Macé.  Et  fur  cela  ayant  recité  de  poinct  en  poindt  le  Symbole  en 
FrançoiSjdcmanda  à  Salins,Quc  veux-tu  dire  là  deifusme  contient-il  pas  tout  ce  qui  eft 
îcquis  à  noftte  falutfy  faut-il  autre  chofe  que  cela?Péfes-tu  que  le  côtenu  en  ce  Symbole 

n'eft 


air 


n'cft  alTcz  futfiiant,ou  que  Icfus  Chrift  &:  le  s  Apoftres  nous  ayet  laiiîcz  en  fufpcns,fans 
faire  déclaration  de  cequieft  nccelIàne:Salins  n'ayant  de  quoy  rcfpondre  s'en  retour- 
na en  fon  cô  lient,  tniuriant  Macé  pour  toute  folution  &C  refpôfe.-maïs  iceluy  Ce  côioloit 
&rcnouiiîbittouliours  en  Dieu. Le  poure  Macé  «toit  le  bas  des  iambes  tout  entamé 
par  la  pclanteur  des  fers:  &:  quand  par  fois  le  frotte  ment  d'iceux  fur  la  playe,luy  eau-  Macét 
{bit  trefafpre  douleur, Ha,ha  mefehante  chair,difoit  Macé,  que  tu  es  rebelle  l  fi  kras-tu  lachai 
à  la  parfin  matce.Finalemcnt  il  fut  tiré  des  prilbns,&  mené  au  lieu  du  fupplice ,  rendat 
à  Dieu  par  tout  le  chemin  attion  de  grâces:  puis  chanta  vnPfeaume,&  le  côtinuatouf- 
iours  iufques  à  ce  qu'il  fuit  furpris  du  feu,au  milieu  duquel  il  rendit  vne  amc  bien-heu- 
reufe  au  Seigneur. 


M.    CL  A  V  DE  MONIER,^^. 

r\^'^fjr5^L  A  V  D  E  Monier,hômedocle,natifdelàinct  Amand  dcTalande,autre- 
V  v^-^ê  ment  la  Chaire,à  trois  lieues  d'Iflbere  en  A  uuergne:aprcs  auoir  tenu  quel-  M.D.LI. 
j  > \  ^S!^  <lu e  temps  les  elcolcs  publiques  en  icellc  ville,  &:  à  Clcrmbnt  ville  capitale 
■  .  ^S^^  dudit  Auuergne'.ayanc  inftruit  la  icuncflc  fpccialcmét  en  la  crainte  dcDieii 
&:  en  la  cognoiifance  de  lafaincte  parolle,vint  en  haine  &:  foulpeçô  vers  les  ennemis  d'i 
ccllc,tellement  qu'il  fut  ofté  de  celte  charge  d'enfeigner.  Depuis  s'en  alla  par  le  pays  d' 
Auucrgne  Vautres  lieux  circonuoifins,  publiqucmcntannonçant  la  parollcdcDieu, 
iulqu  à  ce  qu'il  fut  perfecuté  6c  contraint  fc  retirer  en  pays  de  l'Euangile,  ôcEglife  refor 
mec  parla  parollc  de  Dieu.Parquoy  il  fe  retira  à  Laufanne,villc  de  la  iurifdi6tion des  fei 
gneurs  deBernc,en  laquelle  îlelludia  quelque  temps. Depuis  fc  trouuantà  Lvon,ilcuç 
charge  de  quelques  enians ,  lcfqucls  il  inftruifoit  auxfainctes  lettres:  tellement  qu'en 
pe  u  de  temps  il  fut  cognu  dcplufieurs  fideles,qui  eftcyent  ioycux  de  fa  faincYc  conuer- 
îationxar  îlcitoit  douéd'vn  efpritdoux,paiiihle&:dcDonnaire,{'el61cte{mo)gnagequ 
ont  rendu  de  luy  plulicurs  fidcles  te(moins,qui  ont  familièrement  cogneu  la  t  ône  vie, 
&;  la  pu  re  do&rinc  qu'il  annonçoit  à  vn  chacun  qu'il  pouuoit  rencontrer  capable  d'icel 
Icxommcaufliil  a  manifeftement  dcmonftrc  parle  fruiû  &  lavraye  marque  qui  enfuit 
ladite  doctrine  .  Car  il  aduint  toft  apres,quc  par  vn  Dimanche  cinquième  iour  de  Iuil- 
let,  m.d.li  .ayant  efté  en  la  maifon  d'vn  lien  amy  pour  luy  donner  aduertence  de  fe  re- 
tirer de  dcuantle  Prcuoft  qui  venoit  pour  le  prendre:  après  auoir  conduit  ledit  amy,ôc" 
fait  acte  de  vray  Chrifticn.-reuenu  delà  conduite,commcilpenfoit  çonfoler  la  rem  me 
fij  la  mefnic  d'iceluy,voici  venir  leuitPreuoft  qui  par  foufpcçô  empoigna  Monicr ,  &:  le 
menaprifonnier  à  l'Official,  par  lequel  il  futinterrogué  de  plulicurs  choies.  Or  d'autât 
que  le  Seigneur  luy  a  tait  la  grâce  qu'eftât  pnfonnier  il  a  eferir  vne  partie  des  actes  &  în- 
tcf  ogations  judiciaires  tenues  contre  luy,nousauonsiey  mis  fa  lettre  contenante  con 
fellîon  cnticre,en  la  forte  qu'elle  a  cité  par  luy  rédigée  par  eferit  aux  fidèles ,  comme  s'- 
enfuit. 

C  L  A  V  D  E  Monicr  prifonnicr  de  IefusClinfr.à  tous  fc*  frerc;  tant  pourcs  que  riclics^hoifis  de  Dieu  pouf  auoir  part 
à  l'héritage  d'immortalité, 5:  taire  perpétuelle  relïdcncc  en  fa  maifon  fans  auoir  faute  de  rien,  Grâce  &  aifeurance  parjlon 
Fils  bien-aime. 

E  vous  cuiTe  eferit  phiftoft,fii'eufie  eu  papier  &:  eferitoirc. le  vous  merciede  ce  qu'il  Interryc, 
vous  a  pieu  auoir  foin  de  moy,&:  par  prefenec  de  perfonnes  &:  par  lettres-.Dicu  vous  tion«?rcf 
le  rende  en  {on  royaume.  Vous  lauez,comme  ie  penfe,  comment  i'ay  efté  appréhendé.  ponfes2e 
La  femme  denofire  amy  Ld.G,  fa  Chambrière  àc  fes  enfans  vous  en  tefmoigneront,  Mdnicr* 
comment  après  quci'eftoye  reuenu  de  conuoyerfon  mary ,  voicy  venir  fixou  feptfer- 
geas  cfchaufïezà  merueille,qui  me  trouueret  en  ladite  maifon  feul  eP  ranger.Somme, 
ayans  cha/fé  la  proye,&:  ne  la  trouuans  point,ils  me  prennent  comme  fuiped.  Pour  ab- 
breger,  ie  vien  deuant  l'Oificial .    Si  toft  que  ie  fus  entré ,  il  me  demande  u"  le  corps 
de  Iefus  Chrift  n'eftoit  point  dedans  le  pain ,    le  refpond  que  i'adore  Iefus  Chrift: 
là  lus  à  la  dextre  de  fon  pere .  Et  du  Purgatoire ,  quoy  ?  le  refpond  que  pourec  que  mi- 
fericorden'a  point  de  lieu  après  la  mort ,  qu'il  n'eft  ia  befoin  de  purgation  :  car  il  faut 
eftre purgé  auantquedcfloger.Etdu  Pape?Ie  dy  qu'il  feroit  Eucfque  comme  vnau- 
tre,pourueu  qu'il  fuft  imitateur  deiàinâ  Pierre.  Or  pour  ce  Dimanche-la  n'yeutpas 
grand  proposée  lendemain  icfu  mené  au  parquet,  là  où  ie  fu  interrogué  auec  grande 
inftance,(iiecogno!ilbye  perfonne  de  cefte  ville,  &  auec  qui  ie  çonuerfoye,&:de  quel 

H.iiii. 


I 


Liure^IIL  Claude^  Mortier. 

meftier  i'eftoyc.  le  leur  dy  (pour-ce  que  ledit  amy  eft  oit  du  tout  delcouuert  )  que  ie  fre- 
quencoye  chez  luy, Se  qu'ailleurs  ne  frequentoyc,finon  depuis  huit  ou  neuf  iours  à  l'Oli 
uicr  mon  logis  ordinaire:làoù(pource  que  Ceft  au  cœur  de  la  ville)  feftoyc  venu  loger, 
pour  trouucr  pluftoft  pratique  de  mon  art,qui  eft  d'élire  ef  criuain.  Or  ont-ils  en  bonne 
réputation  ce  logis,&  ne  leur  eft  fufpe&.^Le  iour  enfuyuant  voicy  venir  trois  fortes  de 
religicux,làoùicruappelé,&:enquisdeplusen  plus  de  voftre  cognoitfance,  fi  bien  &: 
bcauquequâdie  vy  ccla,quei'cftoyefipreflcdeleurennomcrquelcun  à  toute  force: 
pour  obuier  à  la  gehéne,ie  leur  en  nômay  deux  qui  eftoyent  partis  il  y  auoit  délia  douze 
ou  quîze  iours, l'vn  pour  aller  en  Angletcrre,&:  l'autre  àX>cncuc.&  de  ce  Dieu  en  eft  tel' 
moin.  Car  pour  vray ,  mes  ficres,  la  plus  grande  f ai  chérie  que  fay,  quand  ie  fuis  dtuant 
eux,  c'eft  quand  ils  s'enquierent  de  vous.  A  la  fin  me  demandèrent  fi  ie  ne  cognoifibye 
point  les  trois  frères  Dimonets,&  me  renfeignerent  la  maifon  d'enhaut.  le  leur  dy  que 
non,  ny  autre  delà  ville:  car  auffi  nefay-iepas  voftre  cœur.     Pourtant  aduertiiîczle 

Dimonet.  frère  Dimonet  de  ne  fréquenter  là  fus  que  le  moins  qu'il  pourra,&  qu'il  fe  garde  d'eux: 
car  ils  l'ont  en  leur  memento.  Au flî  Greno(s'il  m'en  croit  )trouuera  moyen  de  changer 
d'air  du  tout. Car  comme  i'ay  feu  depuis,il  y  a  long  temps  qu'ils  le  cerchent.Ie  le  vous  re 
commande:carielelaiftay  bien  malade. Pour reuenirà nos  religieux,  l'vnmcpinfc  d'- 
vn  cofté, l'autre  de  l'autre.Toutefois  pource  qu'il  reftoit  à  refpondre  à  plulîeurs  articles 

Les  Vaux.  delaPapiftenc,rOmcialmedemandades  Vœux,  que  i'cnfentoye.Ie  luy  dy  que  nous 
ne  faunons  tant  vouer  que  ne  foyons  tenus  d'en  faire  dauantage  félon  l'obligatiô  de  la 
Loy.Puis  après,  S'il  falloir  prier  les  Sain&s.Ie  luy  dy  qu'ils  ne  fauroyent  prier  fans  foy 
qu'on  les  laiflaft  repofer.car  ceft  aux  Anges  d'aller  &:  venir  pour  nous  faire  feruice  par 

Salutation  le  commandement  de  Dieu. En  après,  S'il  falloir  dire  f^ue  AlarU  pour  faluer  lavieige 

adaVkrge  Marie.  le  refpon  que  lors  qu'elle  eftoitau  monde,illafalloit  faluer  comme  fit  l'Ange, 
d'autant  qu'elle  auoit  befoin  defaluteomme  les  autres:  mais  à  cefte  heure,  quand  el- 

jm  le  a  ce  qu'elle  attcndoit,nc  luy  faut  délirer  autre  falut  .Intcrrogué,  s'il  faut  auoirdesi- 
'  mages ,  ie  refpon ,  que  pource  que  de  noftre  nature  nous  fômes  fi  enclins  à  idolâtrie,  &: 
quenous-nousamufons  &c  arreftons  plus  à  ce  que  nous  voyons,  qu'à  ce  que  nous  ne 
voyons  point,  telles  images  n'ont  point  de  lieu  entre  lesChreftiens.Car  aulfi  vous  fauez 
bic,mes  frercs,qu'il  faut  adorer  ce  qu'ô  ne  voitpoît,a(fauoirvn  feul  Dieu  qui  eftefprif- 
parquoy  le  faut  adorer  en  cfprit  &  vérité. Le  voir  n'y  fait  rien. il  ne  demade  que  le  cœur. 
Intcrrogué  dauantage  du  Vœu  de  religion,  iereljpon  que  nous  n'auons  qu'vnere- 

Heurcsca-  ligion  Chreftienne .    Enquis  des  .heures  canoniales,  ie  refpon  que  nous  ne  prions 

oomaics.  point  à  certaines  heurcs.mais  quand  l'Efprit  de  Dieu  nous  y  pouiTe;&  lors  pl9  aftectueu 
femen t ,  quand  la  neceiîîté  vrgente  le  requiert.  Interrogué  de  cefte  huilc,de  ce  fel  àc  au 
très  fanfares,ie  leur  dy  que  cela  fent  fonMarranilme  ou  l'on  Marrane.Lors  l'official  n'é- 
tédoit  point  ce  mot  Marranifme:&:  ie  luy  deelaray ,  difant  que  ces  engraiflemcns&  fa- 

Marramf-  jcures  fencent  fa  loy  des  Marras,  &:  là  fuperftition  Iudaïq.On  me  demande  fi  c'eft  bien 
fait  de  chanter  les  Pfeaumes  de  Dauid  en  langue  vulgaire  publiquement.  le  dy  qu'ouy, 
pourueu  que  ce  foit  auec  reuerécemon  pas  ces  puantes  chanfons  dont  l'air  eft  tout  em- 
punaifé.^ Quelques  iours  après  ie  fu  rappelé  pour  voir  fi  ie  perfiftoye  en  mon  opinion. 
Etvoyansque  ie  ne  mcchangeoye,ne  me  voulurent  plus  interroguer.  Lors  ie  deman- 
day.Qui  fefait  partic?Ei  l'Orncial  en  foufriant  me  dit,  Vous  enauez  beaucoup  de  par- 
ties. Et  ierepliquay,  le  requier  que  icfoye  interrogué  de  ma  foy  .Lors  le  luge  dit  qu'il 
feroit  bon  que  i'efcriuilfe  ma  confeflion,comme  fit  Richard.  Sur  cela  ils  me  dirent  que 
.,    ,,  ie  fortifie^  qu'ils  en  delibereroyent. depuis  ie  ne  les  ayveus.  Or  l'efpere  (au  plaifirde 

Richard  le  ~.     .      '      *  7  r  /  r       \  r 

F(  ure  cy  Dieu)vous  enuoyer  ma  conreflion  après  1  auoir  mile  au  net.  ht  voila  quant  a  ma  depoli- 
jpus  Mar-  tion.Il  refte  maintenant  de  vous  aduertir  de  mon  eftat,&  cornent  ie  me  porte,&;  de  me- 
tyr*  confoleraucc  vous  en  noftre  captiuité.Iedy  Noftre  captiuité,  pource  que  vous  deuez 
fcntirlamicnne,&:moyla  voftre:car  tous  biens  &  tous  maux  font  communs  entre  frè- 
res. Premièrement, mes  amis,pourueu  que  Dieu  par  Je  moyen  de  vos  bônes  prières  me 
donne  paticnce,ie  ne  voudroye  pas  eftre  en  la  maifon  du  Roy.  Car  cftat  là,  &:  n'ofant  di 
re  la  verité,la  confeiéce  me  remordroit  &  m'aceuferoit  :q.  n'eft  pas  petit  tourmét,  mais 
eft  bien  vne  merueilleufe  gehene  &c  torture.Ie  vous  en  fay  iuges,vous  autres  qui  c  ôuer- 
fez  entre  les  Babyloniens.  Voila  lacaptiuitéen  laquelle  vous  eftes,qui  n'eft  pas  moîdre 
que  la  mienne.  Vos  corps  font  à  deliure  :  mais  vos  ames  foufpirent  lous  le  ioiig  infup- 
portable  de  l'Antechnft.    Et  fi  mon  corps  eft  enferré  entre  quatre  murailles,  l'efpri- 

agran- 


Claude^  efyf  orner.  183 

a  grande  occafion  de  fe  refiouir  en  fon  Dieu:  puis  qu'il  me  fait  tant  d'honneur,  de  me 
taire  compagnô  de  Ton  Fils,&:  luy  tenir  compagnie  à  porter  la  cnoix.Le  principal  eft  de 
prier  ce  bon  Dieu,quc  mon  efprit  la  trouue  auflî  doute,comme  la  chair  la  fent  amere: 
bc  de  tant  plus  que  la  fuyoyc  le  temps  pafle,  que  maintenant  de  tant  plus  grand  coura- 
ge ic  la  puiifc  em brai1er.Hclas,mes  freres,fi  nous  pouuions  goufter  la  grande  douceur  Côfohtiôs 
qui eil  cachée  fous  cefte croix, perfonne ne  reçu leroit: mais  fe  côbatroit-on  bien  àqui  Cnl4Crou' 
mieux  la  porteroit,&  qui  la  chargeroit  le  premier.il y  auroit  beaucoup  de  SimonsCyre, 
neés  pour  la  portcr.Mais  noftre  chair  eft  fi  douillctte,qu'ellen  y  veutpas  toucher  feule- 
met  du  bout  du  doigt.Orpriôs,prios  le  Tout-puifTât,qu5il  nous  vucille  fortifier  par  fon 
fam&  Efprit  au  nom  de  fon  Fils,  pour  combatre  virilcment&:  fubiuguer  tous  nos  enne 
m  is,&  la  chair,&:  le  monde  bc  fon  prince,&:  la  mort,&  enfer.Mais  encore  ie  n'en  trouue 
point  de  pire(commefouuentiedifoyeen  mes  prieres)que  cefte  traiftre  volonté  noftre 
compagne. Et  d'autant  qu'elle  eft  de  la  maifon,&:  fi  familière  de  nous,là  où  tous  nos  au-  dees  "\H^e 
trt  s  ennemis  font  forains  &c  cftrangers,tant  plus  la  deuons-nous  craindre  :  car  c'eft  vne  noftrechair 
fine  bague  &t  faufTe  piece.Tant  plus  on  la  tient  mignarde,tant  plus  on  |a  flatte,  tat  plus 
on  veut  complaire  à  cefte  truade,tant  plus  on  endure  de  cefte  arfettee,tat  plus  l'efprit, 
fon  poui e  mary,(upporte  cefte  glorieuîe:&:  voila  la  tempefte  dans  la  maifon,voilaledia 
ble  fon  paillard  qui  la  vient  incontinent  aborder.  Penfez-vous  qu'elle  face  confeience 
de  paillardcr  auec  luy,&:  de  faufter  la  foy  à  fon  efpouxrelle  s'en  foucie  bien.N'eft-ce  pas 
vne  mefehante  fille  de  mefehans  parens?le  mortier  donc  fent  toufiours  les  aulx  .  11  faut 
qu'elle  le  reduife  là  d'où  elle  eft  iortie,  filagracedcDieunela  change,  fi  elle  ne  quitte 
fon  pays,fesparés,&:  tout  ce  qu'elle  auoitauparauant,voire  fi  elle  mefmenefe  quitte. 
Mais  qui  feracela.?ce  fera  Iefus  Chriftfonnouueau  mary:lcfpoux  de  toutes  les  fain£tes 
ames  éc  nettes  volontez.il  la  renouuellera  toute,illa  rendra  franche  ,obenTante&:  paifi 
ble. Ce  fera  lors  vn  lid  chafte,&meiueilleux  accord  dedas  la  maifô.  Le  diable  n'a  garde 
d'y  aborder  pour  faire  fon  bordeau,tât  qu'elle  tiedrafoy  au  fainct  Efprit:  car  les  malinse- 
fprits  nom  garde  de  li  frotter.Parquoy,mes  frères,  priôs  inceflamment  noftre  Pere  cc- 
lefte,de  créer  en  nous  vn  cœur  net, de  nous  donnervn  cœur  tout  neuf,de  conduire  touf 
jours  noftre  volonté  par  fon  Efprit,  &  de  ne  permettre  iamais  que  ce  ribauld  Satan  la 
dcçoyue  par  aucun  faux-femblant:lequel  pour  ladcfbauchcr,'la  vient  mugueter  en  for 
med'vnbon  Ange.  O  bien-heureux  faind  Paul,  qui  fauoit  bien  fes  fine/Tes,  &:  de  quel 
piedmarchecefingalâd!Aduifcz,mesfreres&fœurs,fi  nous nedeuriôs  point  eftrevi- 
gilans,&:  faire  bon  guet,&  nous  tenir  fur  nos  gardes,puis  que  nos  ennemis  font  ii  cauts, 
meimement  ayans  la  pire  guerre  de  toutes,dedans  noftre  maifon ,  en  nos  perfonnes  àc 
dedans  nous-mc  fmes.Et  dites  maintenant  que  nous  fommes  fans  croix,&:  fans  affaires  lob  7  î 
&:  fans  combat.  Voyez-vous  fi  le  dire  delob  eft  vray:La  vie  de  l'homme  en  ce  monde  eft 
vne  guerreîll  faut  bien  dire  que  nous  fommes  iufques  aux  oreilles  en  continuelle  guer- 
re,puis  que  iamais  ne  pouuons  auoir  treucs  iufques  à  lamort.Dauantage,n'eft-ce  pas  v- 
ne  horrible  &c  fîere  bataille, quand  on  en  veut  à  foy-mefme,  quand  nous  fommes  enne- 
mis de  nous-mefmes, voire  les  plus  cruels  &:  félons  de  tous  ?  Et  fi  nous  n'auons  pitié  de 
nous  mefmes,qui  en  aura  pitié?  Ce  fera  ce  bon  Pere  plein  de  mifericorde,  s'il  luy  plaift: 
qui  ne  cefl'e  de  faire  bien  à  fes  ennemis,redant  toufiours  le  bié:pour  le  mal  lequel  pour 
l'amour  de  fon  Fils  nous  face  la  grâce  d'auoir  pitié  de  nous  &  des  autres. Sus  donc,  mes 
côpagnons  de  guerre,  à  l'afiaut,  à  Tayaut. couragc,fbldats,courage,marchez  hardimét. 
ÎSlc  les  craignez  poît .  ils  ne  font  pas  gés  pour  nous-.car  Iefus  Chrift  noftre  capitaine  no9 
les  a  tous  vaincus.L'efperance  donc  de  fa  victoire  nous  feruira  d'armer  noftre  tefte.  N'- 
oubliôs  pas  noftre  bouclier,qui  eft  d'auoir  vne  foy  viue,puiflante  &t  vertueufe,  pour  re- 
poufler  les  coups  de  nos  ennemis.  Gardons  que  l'eipee  ne  nous  efchappe  de  la  main.ee 
coufteau  du  lainft  Efprit  tranchant  des  deux  coftez ,  qui  eft  cefte  viue  parolle  de  Dieu, 
laquelle  perce  &  cœurs  &z  ames,&:  penfeés  &:  intentions.  Rien  n'arrefte  deuat  elle.tout 
luy  eft  defcQ  iuert:  tout  tremble  deuant  elle.  Elle  fait  cheoir  fes  ennemis  à  la  renuerfe 
fans  les  toucher.  Bref,  ce  fera  elle(comme  dit  faind  Paul)qui  aiTbmmera  l' Antechrift. 
Qu'on  fe  garde  bié  fur  peine  de  la  hard,dc  changer  ces  armes  pour  celles  de  fer .  Le  fer,  u  toijchc 
le  bras,  la  cheualcrie,nautre  force  humaine  n'a  point  de  place  en  la  guerre  Chreftiéne.  ceUx  de  s. 
Laiffons  tout  cela  aux  tyrans,&  à  ces  meilleurs  de  Rhodes ,  qui  veulent  faire  croire  les  î""  &  Liô. 
g<  ns  par  force  d'armes. Mais  vous  voyez  comment  ils  profperent  .11  s'en  vont  tantoft 
comme  les  Templiers^ui  furent  tous  fâceagez  en  vne  nuià.  Ils  ont  perdu  la  meilleure 


Liurcs  III- 


Claude^  M onier. 


fleur  de  leur  chapeau,  &:  leur  plus  grande  fortereffe ,  aflauoir  la  ville  de  Rhodes. le  refte 
Mat.1j.13  s'cn  jra  petjt  a  pt  tit.Cai  c'eft  vne  plante  que  le  Pcre  celefte  nauoit  ia  p  lancée ,  &.  pour- 
tant elle  fera  dcfracinee.Et  le  Pape  &  les  adhères  n'vfent-ils  point  de  force  &:  puiifance 
ce  humaine, quand  ils  nous  veulent  faire  renier  Iefus,  &  croire  à  leu  r  Antcchriit , ôc îe- 
ceuoir  leur  faufle  rcligionîLcurs  emprifonnemens  &:lcurfeu  ,qu  cft-ccfinon  puillan- 
de  tenebres  &  force  tyrannique:  Cefte  tyrannie,  quand  nul  autre  mal  ne  le  trouueroit 
en  euxjmonftreafTezcuidemment  qu'ils  font  miniftres  derAntechrift>&:  quelaPapau 
te  eft  vne  autre  plante  qui  fera  dcfplantee. Encore  le  poure  Turc  eft  beaucoup  plus  f  u- 
main  qu'eux, qui  ne  contraint  perfonne  de  renier  fa  religiondequel  nous  ne  deuons  ou- 
blier en  nos  prières.  Vous  voyez  donc  comment  les  plus  grands  tyrans  quilontau  mon 
dc,font  ceux-la  qui  (bus  le  tiltre  de  Chrcfticn,  &c  fous  ombre  de  fàin&eté  occupent  par 
force  la  place  du  Fils  de  Dieu. Le  temps  s'approche,puis  que  le  Pape  commence  fort  à 
sappctiifer,&:  les  terres  s'efeartent,  fefaifant  hayr  des  Princes.  Dieu  vucille  remettre 
le  règne  de  Iefus  Chrift  fon  fils  cnfbnentier,&:  depofer  l'Antcchrillde  fon  ficge:  ccie- 
ra  quand  il  luy  plaira:  c'eft  à  nous  feulement  de  prier,& de  le  délirer.  Mais  ne  penions 
point  que  cela  Te  face  par  la  force  de  s  hommes:car  (comme  dit  lain£t  Paul  )  Dieu  de- 
i.TJ»cf.  1.8  itruiracefilsdc  perdition  parle  fouffle  de  fa  bouche, c'eft  à  dire  par  la  vertu  de  lapa- 
rolle.  Vous  voyez  délia  depuis  vingt  ans ,  la  grande  ouuerture  qu'a  fait  par  tous  les 
royaumes  ce  doux  fouffle  de  la  bouche  de  Dicu,cefte  parolle  tant  amiable ,  fans  forcer 
Mat.ni>  ptrlbnnc&  fans  tempefter. Cefte  fain&e  parolle  nous  apprend  comment  nous  ne  de- 
uons point  vfer  de  force  corporelle,  ne  de  fer  contre  nos  ennemis .  Apprenez  de  moy, 
dit  Iefus  Chrift,  que  ie  fuis  doux  &  humble  de  cœur  .Contentons  nous  donc  des  fain- 
âes  armures  dont  neusauens  parlé  cy  de/Tus,  aflauoir  de  ccfte  noble  foy  &efperance 
que  nous  deuons  auoir  en  Iefus  Chrift,nous  appuyât  fur  fa  parolle.  Vne  chofe  refte  mes 
frcrcsjc'eft  cfrarité,la  pratique  de  cefte  foy, plus  mal  pratiquée  que  chofe  du  mode.  C'eft 
bien  le  teps  que  Chnft  propheti(oit,que  la  charité  de  plufieurs  refroidiroit.  Nous  auôs 
Mat  i4.u  bcau  nous  dire  Chreftie  ns, fidèles  &:  Euangeliftesmous  auons  beau  lire  l'Efcriture:  par- 
lons-en tant  que  nous  voudrons-.fi  nous  n'auons  charité,nous  n'auons  rien.  Tout  le  de- 
meurant ne  nous  fert  de  rien.  La  foy  nepeut  efclairer  lans  charité,  non  plus  que  la  lape 
fans  huile  .  Charité,  c  eft  la  marque  pour  cognoiftre  les  vrais  difciplcs  de  Iefus  Chrift. 
Charité  cft  le  plus  vray  tefmoin  que  nous  ayons  de  noftre  foy  .  Charité  fait  de  plufieurs 
T  cœurs  vn,dc  plufieurs  ames  vne .  Charité  amaffe  Je  petit  troupeau  en  vn. Charité  fait  la 

i.kan  Im  cômuniô des Sain&s.Qui n'a chariré(dit  S.Icâ)ildcmcurecnlamort,ileftcn  tenebres, 
il  eft  meurtrier.C'cft  vne  chofe  fi  magnifique,que  S.Ieâ  mefme  efcrit,quc  Dieu  eftCha 
ricé.Puis  que  c'eft  fi  grâd  cas  que  de  charité,&  qu'elle  eft  fi  ncceflTaire,quefansellenous 
fommes  morts,quelque  profperité  qu'ayons, nous  deuôs  bien  prier  Dieu  lansintermif 
fien, qu'il  luy  plaife  au  nom  de  fon  Bien-aimé  la  refpandre  en  nos  cœurs  par  fon  fàinâ:  E 
fprit,tellement  que  nous  bruflions  de  fon  amour,  cluzelede  fàgloire,&:  d'vn  grand  de- 
firdelc  voir,&d'eftrevuiourprefensauec  luy  fans  fin:  là  où  nous  nous  puiflîons  voir 
tous  pour  y  faire  fefte  perpétuelle  en  parfaite  refiouiflance,chantans  fans  iamais  cefler 
hymnes  &  cantiques  fpirituels  àl'honneur  &  gloire  de  noftre  Dieu,  Amen. 

Frercs,ne  laifTez iamais  vos  alTéblecs,à  tout  le  moins  par  petits  troupelcts,&nevifcz 
laque*  1.1  point  tant  à  la  robe  ny  aux  anneaux:  vous  fauez  commentS. laques  reprend  cela.Chacû 
s'eft  ime  moins  que  tous  les  autres. Et  vifitez-vous  plus  fcuuent  les  vns  les  autres.&  pi  in 
cipalemcnt  les  poures  infirmes  tât  d'efpnt  que  de  corps-.  &  faites  de  vos  maifons  de  bel- 
les petites  Egliù  s-&:  tenez  toufiours  quelque  S. propos  en  vos  repas.  Car  parce  moyen 
la  famille  fe  gatgne,&:  l  ame  eft  repeuë  comme  le  corps. Que  ma  captiuité  ne  vous  réde 
point  craintifs-mais  pluftoft  hardis  à  tenir  bon, mieux  q  iamais. C'eft  pour  toufiours  cô 
fermer  la  vente  de  Dieu,y  befongnant  moyennant  vos  côtinuelles  oraifons,aufquellcs 
me  recommâdc  vn  million  de  fois:  aufli  me  recômanderay  aux  Eglifes  de  là  haut.  Vous 
n'eftes  pas  oubliez  de  ma  part, fi  mes  fouhaits  ont  quelque  efficace.  Au  refte,mes  frères, 
Dieu  vous  rende  le  bien  que  m'auez  fait  &:  faites  encores,  comme  ie  vous  ay  dit  vne  au- 
tre fois  au  commencementjcn  vous  priant  deuant  Dieu  me  pardonner  de  ce  que  ie  n'- 
ay  pasconuerfé  e  n  telle  difcretion&conftace  entre  vous  comme  ie  deuoye.Car  vraye- 
ment  ie  confeife  que  ie  ne  me  fuis  point  monftré  homme  quad  il  falloit ,  &  me  fuis  trop 
reculéquand  me  deuoyeauancer,&:  tout  pour  cefte  maudite  crainte  des  hommes:  Ù. 
tant  d'autres  impcrfc&ions,lefquelles  Dieu  mepardonne  par  le  mérite  de  Ief  us  Chrift: 


fon  trcfobehTant  Fils.  Ayez  en  rcuerence  lçs  Miniftres^non  pas  pour  les  adorer:  mais  cô 
memeffagcrscleDieu.  De  moy,n'aycz  autre  ioucy  que  de  prier:  carie  remets  en  Dieu 
&moy&:  monafraire,  auquel  (bit  tout bonneurj,  Joua ngc, gloire &c  recognoiifance  de 
tous  biens  à  perpétuité,  Amen.  le  vous  prie  que  la  prefente  aille  de  main  en  main:  non 
pas  que  cefoit  chofe  qui  le  merite,mais  pour  la  refiouifiace  de  tous  les  frercs,&:  pour  les 
inciter  à  prier  Dieu  pour  mpy*  Ievousfalue&:  açolle  toi.  s  tnlefusChrift.  Voftrefre* 
re  Claude  Monier. 

ILprcfcnta  depuis  aux  Iug«  de  Lyon  ta  certain  çferit  par  forme  de  remonftrance.en  cefte  fobftance. 

E§8§j§  Ous  fommes  en  plus  grande  deftreffeque  n'eftoit  lfrael  fous  Pharaon .  Lepoure 
[||g^jj  Ifiacleftoit  contraint  pour  le  plaifirdudit  tyran  de  manier  la  fange  &lcmortier  fn6tJc^. 
ordinairement:  mais  nous,pourle  plaifir  de  Satan,  fommes  perfuadez  de  faire  toutesvi  ujtudcd'E- 
lenies,  L'IfraelneppuuoitauoircQgédefortiriufquesaudefert,pourfeiuir&  facrifîer  f/^^J* 
à  fon  Dieu  :  &c  le  Chreftien  ne  peut  auoir  permiffion  tant  feulement  de  louer  fon  Sau-  tenant.  " 
ueur  en  lieu  qui  foit.Toutefois  llfraelitc  maugréPharaon,&:  en  defpit  de  fes  dents,a  eu 
licencede  Dieudefortir  dece  malheur,  pour  le  feruit  en  toute franchife:  auffiaurale 
fidèle  en  ce  dernier  temps,  par  la  bonté  de  Dieu ,  liberté  de  fadorer  en  efprit  &:  vérité, 
de  le  louer  &c  remercier  publiquement ,  de  chanter  fes  merueilles  fans  aucune  crainte: 
&  face  Satan  &  fon  fils  l'Antecurift  le  pis  qu'il  pourra. 

A Près  auoir  prefentç  cefte  rempnftrance  perfeuere'  en  Iaconfeflîou  de  fa  foy  ,fue 
mis  aux  baifes  fo/Fes  de  la  prifon,où  il  demeura  iufques  au  vingtfixieme  d'Octobre, 
perfeuerant  toufiours  conftamment  aUec  grande  patience:  combien  que  par  plufieurs 
fois  il  ait  eu  de  grans  a/faux  &:  tenrations,  tant  par  Satâ  que  par  les  aduerfaires:lefquels 
par  diuerfes  manières  ont  efTayé  de  le  deftourner  de  fa  ferme  foy .  mais  la  bonté  du  Sei- 
gneur le  preferua.Parquoy  ledit  iour  d'Octobre,  qui  eftoitvn  Lundy ,  fut  mené  en  la 
grande  place  deuant  le grand  temple  nommé  S.Ican  ,où  il  fut  déclaré  heretique,&  de- 
gradé  parle  furfragat  de  rarcheuefque  de  Lyon,&  fes  fuppofts,&:  à  leur  façon  accouftu 
mee  remis  entre  les  mains  du  bras  feculier:  de  ce  lieu  fut  mené  aux  priions  de  Rouan e, 
&  mis  en  fpiTe  pbfcure:oii  il  demeura  iufques  au  Samedy  fuyuat  vieille  de  Touffaincts, 
comme  ils appclent:auquel  iour après  auoir  receu  fentenec  d'eftre  bruflé  vif,fut  mené 
en  la  chappelle  en  attendant  l'apres-difner  des  luges. Cependat  on  luy  apporta  vn  peu 
de  poifibn  aueç  du  pain  $c  du  vin  pour  fon  difner .  Or  ayant  efté  long  temps  à  deux  ge- 
noux,faifant  fa  prière  au  Seigneur:  comme  il  commençoit  à  prendre  fa  réfection,  voicy 
venir  deuxCordelier$:lefquels  après  auoir  tenu  plufieurs  propos  eftranges  &  eiloignez 
de  verité,que  ce  perfonnage  rçmbarra  parla  parolç  dé  Dieu,commencerenc  a  luy  met 
tre  deuant  comme  vne  efpcce  nouuelle  de  gpurmandife:d'autant  qu'il  n'eftoit  pas  téps 
de  samufer  à  manger,mais  de  penfer  à  chofe  plus  haute  &  appartenante  à  fon  falut:  He 
las,dit  Monier,  ie  ne  mange  point  pour  autre  caufe,finon  pour  vn  peu  fortif  er  le  corps, 
afin  qu'il  ne  foit  en  trouble  à  la  promptitude  de  refprit,cognoifiant  que  ce  fera  à  luy  in  Accufatioi; 
continent  à  enduret  vn  horrible  combat.De  cefte  refponfe  tant,  douce&  amiable,il  les  Saun^uc» 
rendit  coufus  deuant  quelques  gens  qui  là  eftoyent.  ^Enuiron  les  deux  heures ,  eftant 
defpouillé  de  fes  habillemens,fut  mené  fur  vne  charrette  au  lieu  du  fuppliceéLes  luges 
mcfmesen  voyant  fa  grande  confiance  &pâtlence,  ne  fepouuoyent  tenir  de  gémir  & 
regretter  vn  tel  perfonnage,  voire  les  vns  auiJî  de  larmoyer.  Car  auant  que  partir  il  leur 
demanda  licence  de  priera  inuoqucrDieu:ce  qui  luy  fut  accord  é,moyennant  qu'il  ne 
parlaft  chofe  contraire,fur  peine  d'auoir  la  langue  coppee. 

Ilfutdonques  mené  depuis  la  prifon  iufques  à  la  place  qu'on  appelé  Pes  terraux, 
tenant  les  mains  iointes,&  la  face  lcUee  au  ciel,d'vn  regard  ioyeu3i.Il  y  eut  vn  paffant  en 
Ja  multitude  qui  luy  dit  ces  mots  Vakin  chrtfio  :  lequel  fur.  incontincm  appréhendé  à  la 
perfuafion  des  deux  Cordehers  qui  là  eftoyent.Eftant  venu  au  lieu  de  l'eilach  e,aprt  s  a- 
uoir  rendu  raifon  de  fa*fpy  deuant  tout  le  peuple,&  prononcé  l'oraifon  du  Seigncur,il 
fut  ceint  d'vne  chaine:&  puis  le  feuallumé,on  l'efleua  en  l'air  par  deflus,endurant  long 
temps  le  tourment  auant  que  mourir  cependant  ilprioitàhautevoix,fouucntdi- 
fant  ces  mots,Mon  pieu,rapn  Pere:<jui  furent  fes  dernières  parplles  entendues  du  r#iT 
]ieu  du  feu, 


^Plufieurs  efflartyrs. 


MD.U 


tecon 
Lihi 


pays 

Haynaut 


GILLOT    VIVIE  R?&  autres  de  Valenaennes. 
J&ù  N  V I R  O  N  ce  temps,  plufieurs  furent  emprifonnezau  pays  bas  de  l'Em- 


«s  fe&W^  pereur:&  fur  tout  en  la  ville  de  Valencienncs,  àlapourfuittedu  concède 
ntede  Bp7?|j  Lalain,  gentil-homme  adonné  à  toute  fuperftition  &:  idolâtrie.  Entre  ait- 
n  au  w^-^-^f  très  Gillot  Viuier ,  natif  de  Sainct-fauue ,  à  trois  lieues  de  Tournay ,  tiffe- 
randdedrap,Mi  c.  helLêFevr  e  , natif dudit  lieu, beau-frereduditGillot,deraage 
dedixneufans,&  fonperelA  qjvesLeFevre  ,  homme  aagé  de  foixanreans,perç 
deHANO\LEFEVR  e  , femme  dudit  Giîlot  .laquelle  auffifut  emprùonnee  pour  la 
mefme  caufe.  Vn  chacun  d'eux  a  conftam  ment  maintenu  la  vérité  de  l'Enangileauec 
damoifelle  Michelle  qui  s'enfuit.^  Ledit  laques  le  Feure,  en  fon  vieil  aage  ayant  efté  a- 
mené  à  la  cognoiflance  de  vérité, perieuera  conftamment  :  &:  nonobftant  toutes  obie* 
étions  &c  cauillations  des  aduerfaires,leur  difoit,Ie  ne  fuis  pas  fauant  pour  vous  refpon- 
drc;mais  ie  m'arrefte  à  la  vérité  de  rEuangile,quelqne  chofe  qu'on  me  die.^LaditeHa 
non  le  Feure  receut  vnc  mefme  fentence  de  condamnation  &:  de  mort  auec  les  autres . 
mais  l'executiaquat  à  elle,fut  différée  à  caufe  qu'elleeftoit  enceinte.On  la  garda  en  la 
prifon  iniques  après  fa  gefinne:aprcs  laquelle  elle  dit  aux  luges  qui  h  foudroyée  à  faut 
ucr  fa  vie ,  Helas ,  meilleurs,  c'eft  trop  languy:pourquoy  me  gardez-vous  dauantagerie 
fuis  airezforte,gracesàmon  Dieu, pour  aller  après  mon  pere,  mon  mary& mon  frère. 
Les  luges  voyans  qu'ils  ne  proufïtoycnt  de  rien  de  la  garder ,  la  firent  mener  au  lieu  du 
fupplicc,où  elle  fut  bruflee:&:  mourut  alaigrement  louant  de  inuoquantte  nom  du  Ser- 
gneur. 


MICHELLE  DE 


m 

CAIGNONCLE. 


M.D.LI. 


A  feu 


L  y  auoit  aufli  auec  les  fufditcs  vne  damoifelle  nômee  Michelle  de  Càigno- 
cle,vef ue  de  laques  le  Clerc  de  bonne  maifon  à  Yalenciennes.laquclle  auf 
fi  endura  conftamment  vn  mefme  Martyre. Icelle  auant  que  de  tom  ber  en- 
tre les  mains  des  aduerfah  es  de  rEuangile,pour  les  dons  &  grâces  que  leSei 
gneur  auoit  mis  en  elle, fut  requile  en  mariage  par  vn  perfonnage  qui  dciiroit  la  mener 
en  Eglife  reformée  par  la  parollc  de  Dieu .  Dont  elle  s'exeufa:  non  qu'elle  ne  portail 
affection  audit  perîbnnage,  mais  pource  qu'elle  nefe  fentpit  point  pouiîee  par  l'E- 
fprit  du  Seigneur  d'abandonner  le  lieu  de  fanatiuité:  ains  au  contraire  fe  fentoitaf 
dcccftêdat  feuree  que  le  Seigneur  la  garderoit  de  fe  polluer  aux  idolâtries  &c  abominations  :& 
moifelfc.    que  fi  elle  eftoitapprchendee,illuy  donneroitforce  &  vertu  pour  confeiïer  purement 
fon  fainct  nom:Comme  aufTi  elle  a  fait.Car  eftant  condamnée  à  la  mort ,  aifauoir  d'eftre 
bruflee  toute  viuc  auec  les  iufdits  Gillot  &:  deux  autres  pour  vne  mefme  caufe,  ainfi  qu* 
on  lesmenoitaufupplice,ellecxhortoit  les  autres  à  élire  conftans:&:  monftrant  au 
doigt  les  luges  qui  les  auoyent  condamnez,&  qui  eftoyent  aux  feneftres  pour  regarder 
leur  fupplicc,  Voyez-vous  ceux-la,dit-elle,ils  ont  bien  d'autres  tourmens  que  nous:  car 
jls  ont  vn  bourreau  en  leur  confeiencermais  nous  en  fouffrant  pour  IefusChrift,nous  a- 
uons  repos  $c  certitude  de  noftre  falut. 

Eftant  au  lieu  du  fupplice , plufieurs  poures  qui  auoyent  reccu  foulagement  de  cefte 
bonne  créature ,  lamentoyent  fa  mort  :  mais  elle  les  confoloit  autant  qu'il  luy  eftoit  per 
mis.  Entre  autres  il  y  eu t  vne  poure  femme,laquelle  s'eferiant,  dit,  Helas  ma-damoifel- 
le,vous  ne  nous  dônerez  plus  raufmone.&:  elle  luy  dit,  Si  fcray:tenez,  voila  mes  pantou 
fles,ie  n'en  ay  plus  que  faire.  Cefte  conftanceeftonna'tous  les  ipedtateurs ,  &:  erFrayales 
ennemis. car  Dieu  la  luy  garda  entière  iufques  au  dernier  foufpir. 


M.    MAVRICE  SECENAT. 

■  A  viJledc  Nifmes  au  pays  de  Languedoc,a  receu  inftructiô  en  la  mort  deMau 
'rice  Sccenat,natifdeSaincl:-farurninpresColetde  Dezeen  Sauennes.Iceluy 
ayat  quitté  la  profeflion  de  la  preftrife  infâme  de  l' Antechrift,  s'adonna  à  cn- 
iei^ner  laieuneffe,&:  fit  grand  fruit:puis  qu'autrement  il  ne  luy  eftoit  permis  publique- 
ment 


fThomasdcsSainff-paul.  //  j 

ment  enfeigner  les  homes  en  la  vérité  du  Seigneur  :  pour  laquelle  vérité  if  futbrufîé  au- 
dit Nifmes.  Sa  morttresheureufe  confola  grandement  tous  les  fidèles  de  Languedoc. 

fi 


THOMAS    DE    SAINCT-PAV  Usoijfonnois. 

Nous  fommes  aduertis  par  cclt  exemplc.quel  falaire  doiu,ent  attendre  les  enfins  de  Dieu,quand  ils  reprennent  ksblafphe- 
mes  &  vices  énormes  des  enfans  de  ce  monde.  Et  quant  &  quant  de  l'ifTuc  heureufe  que  le  Seigneur  donne  à  ceux  qui 
feront  dcuoir  &  office  de  Chrefticn. 

flgfiH  O  M  A  SdeSaind-paul,  natif  de  la  ville  de  Soi/Tons ,  s  'eftant  retiré  àGe- 
S|p  neuel'an  m.d.x  l  i  x,auec  fa  mere,fes  frères  &  grand  nombre  de  fes  parés,  fît 
Jl^tJ  vn  voyage  en  France  pour  aucûs  affaires  particuliers  l'an  m.d.l  i. Partant  fbn  md.li, 
chemin,  rencotra  plufieurs  dâgers  aux  hoftelleries,à  caufe  des  blafphcmes  &:  autres  vi- 
ces trop  publiques  audit  pays,que  de fàin&e affc&ion  il  reprenoit:  mais  Dieu  le  prefer- 
ua,&  le  rendit  fain  &:  l'aufen  la  ville  de  Paris:afin  que  là  comme  en  vn  théâtre  du  mon- 
de,il  luy  feruift  de  tefmoin  contre  tan  t  de  monftrcs  qui  y  font.  Eftant  donc  arriué  à  Pa- 
ris,envendat  quelque  marchandife  il  ne  peut  foufirir  les  blafphcmes  d'vn  quidamrains 
le  reprenant  l'admonnefta  doucemét  d'vne  humanité  &:  douceur  naturelle  qu'il  auoit: 
mais  ledit  eftant  irrité,incontinent  le  foufpeçonna  Luthérien  (comme  Ils  appcicnt,)à 
raifon  d'icelle  remonftrance  non  accouftumee  entre  Papiftes,  ains  feulement  vfitee  en 
tre  perfonnes  qui  ont  l'honneur  de  Dieu  en  plus  grande  recommandation  que  leur  vie 
propre. Ceftuy-mefme  le  fît  efpier  &  fuyure  pas  à  pas,iufques  en  la  maifon  où  il  eftoit  la 
gé. Laquelle  ayan  t  marquee,le  défera  à  Iean  André, home  afTez  renômé  pour  la  cruau- 
té exercée  ces  années  pafîces  cotre  les  feruiteurs  de  Dieu,  en  laqlle  il  a  efté  le  principal 
bouté-feu. Enfôme,ilfutpris&:menéauChaftelct:oùfonprocczfutfait&:inftruitpar  Thx>,m* 
les  Côfeilliers  dudit  lieu ,  plus  par  fa  bouche  Se  cofefîion,que  par  fes  papiers  &c  memoi-  chaikiet, 
res  qu'il  auoit.  Par  eux  fut  condamné  à  eftre  bruflé  tout  vif,attendu(comme  ils  parlent) 
fapertinacité&opiniaftreté:  c'eft  à  dire  fa  confiance  &  perfeuerance  en  la  confefîîon 
de  fa  foy:de  laquelle  ne  peut  eftre  efbranlé  ne  par  menaces  de  tpurmens  horribles  qu'- 
on luy  propofoit  deuant  les  yeux ,  ne  par  la  douceur  de  cefte  vie  :  laquelle  les  luges  luy 
promettoyent  fauuer  fans  note  d'ignominie  ne  d'amende  publique,au  cas  qu'il  fe  vou- 
îuft  defdire.  Ce  qu'ils  faifoyent  tant  félon  leur  couftume  pour  le  mettre  en  perdition,  à 
la  confufion  &c  au  grand  fcandale  de  la  religion  Chrefticnne ,  qu'ayans  commiferation 
de  fon  aage,d'autant  qu'il  ne  donnoit  apparence  d'auoir  plus  de  dixhuit  ans.mais  la  bô 
té  &:  verit  é  de  Dieu  le  rendoit  inuincible  contre  tous  affaux .Car  quand  la  queft ion  luy 
fut  baillee,aufsi  cruelle  qu'elle  fut  oneques  à  brigand  ou  meurtrier  quelconque,  pour  Q^eftion 
fauoir  les  noms  des  Çhrefticns  de  fa  cognoifTancc:Dicu  le  fortifia  tellement ,  qu'on  n'é  n*["ordl~ 
peut  tirer  vn  feul  mot.il  eft  vray  qu'il  nommoit  franchement  ceux  qui  eftoyent  efchap 
pez  de  leurs  mains,&:  de  la  puiflancc  de  l'Antechrift,&:  qui  démeuroyent  en  pays  où  1- 
Euangile  eftoit  prefché,&  ne  fefeignoit  de  dire  comme  ils  feportoyent:  mais  Dicule 
gouuernoit  tellemen^qu'il  ne  mit  aucun  en  danger.ains  fouuent  difoit  aux  Côfeilliers 
quilàafliftoyent&lepreflbyent,  Pourquoyme  tourmentez-vous  pour  vous  nommer 
tantdegensdebien?  Que  vous  vaudra  quand  les  auriez  tourmentez  commevousme 
faites  maintenant?  Si  ie  penfoye  que  leur  exemple  vous  deuftferuir  d'imitation,  ie  les  ^ 
vous  nommeroye  volontiers  comme  les  autres .  mais  ic  fay  que  s'il  vous  eftoit  poffible, 
vous  leur  feriez  pis  que  ne  me  faites.Neantmoins  ces  cruels  CommifTaires  eftans  obfti 
nez  en  leur  rage,defployerent  fur  luy  tous  les  inftrumes  de  leur  fureur  cruautéjCriâs, 
Tu  nommeras  tes  complices, mefchant,ou  tu  feras  defmébré  en  pièces. Brief,les  mains 
des  bourreaux  qui  afTiftoyent  à  ceftade,  furent  tellement  laflees,  que  Maillard  (digne  A&e<ili 
fupportdela  Sorbonne)  &: autres euoquez  pour re réduire, feietterent fur  les  cordes  Maillard 
pourles  tendre  dauantage.  Gens  dignes  de  foy  ont  ouydireau  CommifTaire  Aubert,  s^h»™^ 
qui  eftoit  prefent:Iequel  combien  qu'il  fuft  homme  mau-piteux  ,& propre  pourfone-  " 
ftat,fur  tout  cruel  au  faid  de  la  religion,  fi  ne  pouuoit-ilfourTrir  telle  cruauté  :  de  forte  Tefmoi- 
qu'il  fut  contraint  en  larmoyant  fe  retirer  à  part.Et  dit  dauantage  en  prefence  déplus  fJJJJîîjffi 
de  vingt  cinq  perfonnes,qu'il  auoit  longuement  diuifé  auecThomas  de  beaucoup,d'af  re  Aubtw.' 
fairesjtant  priuecs  que  de  lareligiommais  il  luy  fembloit  eftre  bien  bonieune  homme 
&  entier. 

Or  l'obftinec  cruauté  de  ces  iuges  fut  veincue  par  la  conftace  de  Thomas  de  Saind- 
paul-.lequel  finalement  aores  fentence  de  mort  on  le  mena  au  lieu  le  plus  célèbre  de  la, 

lu 


Liurt^I  II.  Jean  Joery. 

ville,nommé  la  place  Maubert,pour  cftre  bruflc  tout  vif:  ayant  pour  toute  extrême  c5- 
folation  la  compagnie  de  ce  Maillard,  homme  autant  miferable  qu'autre  qui  foit:&:  ce 
pour  le  tenter  6c  diucrtir  de  la  vraye  inuoeation  du  nom  de  Dieu. Lequel  auec  ferment 
à  fa  façon  de  parler,luy  dit  plufieurs  fois>  qu'il  auoit  charge  de  la  part  des  luges ,  de  luy 
offrir  la  ve  s'il  fc  vouloir  defdire.Thomas  ayant  fait  refponfe  qu'il  aimeroit  mieux  mou 
rir  dix  millefois,fiautantfairefepouuoit,fut  guindé  en l'air:&  ayant  commencé d'ad- 
môncfterle  peuple,le  feu  fut  foudain  mis  dcilbus:&  après  qu'il  l'eut  fenty,fut  retiré  par 
l'exhortation  de-Maillard,luy  difant  que  s'il  vouloit  appeler  de  ?ceftc  fentence  au  Par- 
lement, il  s'aflêuroit  qu'on  luy  fauueroit  la  vie.ee  que  ledit  faifoit  pour  triopher  de  luy 
&  l'abbatre  par  l'horreur  de  la  mort  &  du  tourment  iafcnty.Mais  Dieu  véritable  en 
toutes  fes  promettes, luy  ouurit  les  yeux  pour  pénétrer  iufqu  a  la  gloire  à  laquelle  il  l'ap 
peloit:fi  qu'il  dit  à  haute  voix, Puis  que  ie  fuis  en  train  daller  à  Dieu  :  remettez-moy,  Se 
me  taillez  aller.  Ainfi  Thomas  de  S.Paul  ayant  ainû  combatu  virilement  côme  vn  bon 
champion  de  Iefus  Chrift,reccut  à  Paris  la  couronne  de  Martyre,  le  19.de  Septembre, 
l'an  m  .  n .  l  1 . 


I  E  A  N    IOER  Y^lhi&ois:&fonS  ERVITEVR. 

L  E  plus  digne  d'eftre  note  âpre1;  la  mort  bien-heureufe  de  ce  Martyr,c'eft  le  foin  &  la  folicicude  qu'il  a  eue  du  falut  de  fv^ 

icniiteur,(jui  auf.i  endura  le  mcfme  Martyre. 

M.d.li.  {^"{^Se  A.  N  Ioery,natifd'vn  village  à  deux  ou  trois  lieues  d'Albic:  nomméSaind- 
ra^iocry,auoit  le  plus  efté  nourri  en  la  ville  de  Monr-aulban.Dc  là  Ce  retira  à  Ge- 
neuc  aage  enuiron  de  vingt-deux  ans:  Se  y  ayant  demeuré  quelque  cfpace  de 
temps,delibcra  au  mois  de  Iuillet  l'an  mille  cinq  cens  cinquante  Se  vn ,  faire  vn  voyage 
en  Ion  pays, ayant  en  fa  compagnie  vn  bien  ieune  garçon  qui  le  feruoit.  Pour  faire  quel- 
Souhait  de  que  proufit  en  leurdit  voyage,&:  aufli  pour  cofoler  les  fidèles  du  pays  ,ils  s'eftoyent  char 
locry  ac-  gCZ  debons  liures.Qiu"  fut  la  caufe  qu'eftans  à  Mcnde  au  pays  de  Languedoc,ils  furent 
prins  tous  deux,&  côdamnezd'eftre  bruflez,don  t  ils  appelerét.Leditloery  auoit  autre- 
fois dit  à  fes  familiers, que  fi  noftre  Seigneur  l'appeloit  à  rendre  tcfmoignage  de  (a  veri- 
té,il  defiroit  fort  que  ce  fuft  à  Touloulé.Ils  furent  donc  enuoyez  au  parlement  de  Tou- 
loufc:où  Ioery  fit  ampjc  confeflion  de  la  foy, rendant  bonne  raifon  de  tout  par  authon- 
té  de  rEfcriture,en  laquelle  il  eftoit  furfiiamment  exercc:&  fc  monftra  en  les  refponfcs 
fortmodefte&attrcmpé.^Le  ieune  fcruitcuren  Ion  eudroicln'auoitpas  moins  de  gra 
cc:car  il  auoit  fait  vne  mcfme confeffion  entière Se  pure  de  la  veritéreombien  que  tant 
pour  la  ieunefle  que  pourttgnoracc  des  faincles  lettres, il  ne  pouuoit  foudre  honnemet 
les  argumens  des  aducrfaires.Se  voyanr  quelque  fois  pre/le  par  les  Commiflaires  depu 
tezàfaireleprocez,illcsrcnuoyoità  fon  maiftre Ioery, proteftant  que  quant  à  luy  il 
perfiftoit  en  fa confefllon:  mais  s'ils  vouloyent  en  auoir  plusample  déclaration,  aued 
folution  de  leurs  obie£tions, qu'ils  s'adreifaflént  à  fon  maiftre,  qui  nefaudroit  à  leur  fa- 
tisfaire.Et  quand  les  Commiflaires  luy  diloyent,qu'il  n  e  deuoit  adiou.fter  foy  à  fon  mai 
lire  qui  eftoit  h'eretiq  Se  reprouué,il  refpodoir,Ie  l'ay  toufiouf  s  cognu  de  fi  bône  &:  fain- 
£te  vic,que  ie  me  tien  pour  afleurc, qu'il  ne  m'a  enfeigne  que  la  vérité  contenue  en  la  pa 
rolle  de  Dieu.^Lc  iour  que  la  fentéce  de  mort  leurfut  pronôcee ,  plufieurs  Preftres  ôC 
moines  venoyét  en  la  pnfon  difputer  cotre  Ioery,  aufqls  il  rcfpondoit  aufll  paifibleméc 
Se  pofément  comme  s'il  euft  efté  «n  pleine  liberté,  hors  de  tout  danger  &  effroy.  Apres 
qu'ils  furent  menez  au  lieu  du  tourmet  en  la  place  dite  de  fain&GeorgeJe  leruiteur  fuç 
le  premier  interrogué&  mené  furies  fagors,cependat  qucloery  refpondoitàquelques 
interrogatoires. Là  plufieurs  caphars  lolicitoyent  ledit  leruiteur  d'inuoquer  la  vierge 
Maric,&:  fe  diuertir  de  fon  propos:&  l'importunèrent  tant  que  le  ieune  fils,ou  par  infir^ 
mité  ou  par  fafcherie,fe  mit  à  plourer.  Ioery  en  parlant  aux  autres  fc  retourna:  Se  voyac 
qu'on  folicitoit  fon  iéruitcur,fe  hafta  de  monter  fur  les  fagots:&:  le  trouuant  en  tel  eftat; 
luydit,Et  quoy,monfrere?tu  pleures. Et  ne  fais-tu  pas  qiienous  allons  voir  noftre  bon 
maiftre,&:  que  nous  ferons  bien-toft  hors  des  miferes  de  ce  monde?  A  quoy  le  feruiteur 
rcfponditjc  plouroye  pource  que  vous  n  eftiezauecmoy.Or  il  n'eft  pas  téps  de  plourer 
(dit  Ioery:  )mais  de  chater  auSeigneur.Et  comme  ils  fe  mirent  à  chanter  vnPfeaume,Ic 
feu  fut  mis  au  bois,&commença  de  toucher  le  corps  de  Ioery:&  toutefois  comme  s'il  fe 
fuft  oublié  foy-melmepourpcnferduicunegarçon  fon  compagnô,ilfeleuoit  contre  le 

pofteau 


pofteau  tant  qu'il  pouuoit,&:fe  retournent  pour  luy  donner  couiagc.Et  ayant  apperecu 
-qu'il  eûoit  pallc,il  ouurit  la  bouche  comme  pour  humer  la  flamme  &:  lafumec:  &  baif- 
fant  le  col,  rendit  l'Efprit. 

GODEFROY    DE    H  A  M  E  L  L  EA»'  llemBrahunt. 

C  E  P  E  N  D  AN  T  que  Charles  V  .Empereur,  &  Henry  II.  roy  de  Francc,L.ucrro\cntl'vn  contre  l'autre,  les  ennemis 
de  la  vérité  continuent  leur  guerre  contre  Iefus  Chrift.quclques  empclchcz  qu'ils  IcmM.iflent  eftre  en  leur  maudite  allé 
blee  dcTrentc.Cetteanneea  eu  degrans &excclkns  tefnioins  de  la  doftrinc  de  l'Euangileaux  pays  des  deux  luldits 
combattans. 

çfË^&i  E  P  V  I S  que  Dieu  eut  appelé  à  facognoiflànce  Godefroy  de  Hamcllena- 
kJ  tir  de  Niuelle  en  Brabant,  la  conuerlîon  a  cité  autant  admirable  que  proufi- 
table  aux  fidclcs  du  pays  bas  de  l'Empereur  •  Car  par  icelle  la  vie  mondaine 
_  l  que  Godefroy  auoit  auparauant  menée,  fut  incontinent  réduite  au  grand 
bien  m.  édification  deidits  fidèles.  Le  train  de  marchandise  de  toiles  qu'il  m cnoit  fous 
la  conduitte  de  ion  pere ,  n  cmpefcha  point  qu'il  ne  viiitaft  les  Eglifes  reformées  à  l'E- 
uangilc,  voire  &£  qu'il  n'y  cenduift  aucunes  ieuncs  filles  qui  cftoyent  en  danger  ou  de  fe 
polluer  aux  idolâtries,  on  de  tomber  es  mains  des  tyrans.  Qui  fut  caule  qu'eftanteer- 
chc  de  toutes  pars, finalement  fut  côftitué  prilonnier  en  la  ville  de  Tournay:  en  laquel- 
le il  confefîàla  vérité  de  Dieu  en  cefte  intégrité  &  rondeur  que  fes  eferits,  que  nous  a- 
uonsicy  inférez,  demonftrcnt. 

L  A  grâce  &  milcricorde  de  Dieu  noftrcbon  Pere,en  lafaueurdc  fonFils.vous  foit  donnée  pour  Saluti 

f/fp^  ^E  K  1  ^  amiable  focur,dc  tout  mon  eccur  vous  remercie  de  la  bonne  fouuenan- 
ISÊl  ccqu'auez  de  moy, tant  corporelle  que  fpirituellc. Certes  îc  reçoy  telle  fouuenan 
ce  comme  vn  meiîagediuin, voire  comme  odeur  de  bonne  lenteur .  Auflidaurntagea 
efté  tort  recréé  mon  elprir,de  ce  que  tous  enfem  ble  auez  tant  grande  mémoire  de  moy 
en  vos  oraifons  :  lesquelles  certes  ic  croy,  comme  vous  dites,  qu'elles  ne  retourneront 
point  vuides  &:  fans  fruict  deuant  la  face  du  Treshaut,deuant  laquelle  elles  font  prefen 
tees:dont  ic  vous  prie  de  tout  mon  cœur,nc  vous  lafler  point,cn  faifant  que  cefte  batail 
le  excellente,  où  le  Seigneur  m'a  mis, foit  à  fa  gloire  &:  à  l'édification  de  fon  Eglifc, com- 
me i  ay  fiancc,qu'cllefera  telle. Car  il  cognoit  combié  ie  délire  q  fon  nô  foit  glorifié  par 
moy  fon  petit  inftrumcnt,s'il  s'en  veut  aider,  &:  en  la  vie&  en  la  mort.  le  ne  délire  autre 
cho(e,linon  que  fa  fainclc  volonté  foit  faite  de  moy  à  fon  plaihr:  non  point  feulement 
que  ic  foyc  icy  emprifonné  en  fo/Te  bafî*e,mais  aulîi  à  mourir  pour  fon  nÔ,fi  la  gloire  en         J  ^ 
cil  plus  exaltée: m  afléurat  par  faparolle  que  Chrift  m'eftgain  à  viure&  mourir .  le  n'a- 
uoye  point  encore  volôté  de  vous  cnuoycr  maconfefliô,iufqs  à  ce  que  ie  fauroye  fi  plus 
nem'cnqucftcroyétdc  ric:mais  pourecque  ccporteurm'a  lignifié  que  das  deux  ou  trois 
iours  il  fe  part  de  la  maiion  pour  aller  ailleurs, cela  m'a  côtraint  de  cefaire.  le  ne  vous  e- 
feri  p.i s  celle  confelîion, afin  d'en  eftre  édifiée  corne  d'vnc excellente &:  pleine  de  fapié- 
ce:mais  corne  d'vnc  petite  côte/lion  d'vnpoureferuiteur  deDicu,n'ayat  poït  voulu  en- 
fouir en  terre  ce  teul  talent  que  le  Seigneur  m'a  donc:  c'eft  devons  aduertir  principale- 
met  qu'en  ma  petite  limplicité,ie  n  ay  point  renie  Ielus  Chrift  deuat  les  h5mcs:mais  1'- 
ay  côreflc  fclon  l.i  mefure  de  la  foy  qu'il  m'a  diftnbucc:cn  m'alfcurant  vrayement  quele 
Seigneur  en  ceft  endroit  fe  contetc  de  moy,veu  que  ic  n'ay  point  efpargné  ma  vie  pour 
lavouloirfauuer:maisrayabandonnee,lavoulantpcidre,puisquemonSeigneurDieu  Mr  ( 
la  trouue  bonne  d'eftre  perdue  deuant  les  homes. Certes,ma  lceur,  dés  lors  que  ie  lu  ru- 
dement empoigne  des  fatellitcs,mcdifans,  le  vous  fay  prilonnier,  mon  coeur  cnoit ,  O 
Seigneur,nonleulemcnt  d  eftre  emprifonné,  mais  auffi  de  mourir  pour  ton  S. nom,  s'il 
peut  redonder  à  ta  gloire. Et  celle  volonté  m'efteit  telle,  comme  elle  a  efté  en  ma  con- 
feflion,&:  cft  encore  pour  l'heure  prcfétc,&:  fera  iufqu'à  la  dernière  goutte  de  mon  fang 
&:  iufqucsau  dernier  os  de  mes  membres  bruflezen  cendre. le  fuis  certes  à  luy  &:  à  la  vie 
ÔC  àlamort,qu'il  face  de  moy  fa  volôté,  m'aiîeurât,{oit  que  je  vineoil  queie  meure,  que 
toufiours  ferav  à  luy:  car  ie  fuis  à  fô  Fils, lequel  m'a  racheté  cheremét  &£  degrâd  prix,  tel 
lcmentcjucie  luis  héritier  de  Dicu,&  cohéritier  de  Chrift:dont  maintenat  ic  croy  que 
toutes  chofes  font  miennes, foit  mort,(bitchofeprefcnte  ou  aduenir:  tout  croy-ic  eftre  i  cor.6.io 
mien,&  moy  à  Chrift,&  Chrift  à  Dicu.^Parquoy  ic  fuis  feur  aufîi,que  Chrift  m'eft  gain    7  i5' 
à  viurc,  &:  non  moins  a  mourir.  Ic  n'ay  eu  honte  de  confefler  hardimét  deuant  les  hom-  i.coi.j.i  £ 
mes,quec'eftoitdeparluy  feul  que  i'attendoye  tout  (alut,&  la  vie  bien-heureufc:a- 
uec  lequel  fefpcrc  faire  éternelle  demeuranec.    Et  pource  que  ie  n'atten  mon 

I.ii. 


X/Wro  ///• 


Codefroy  dc^  Hœmellc~>. 


falut  en  autre  facrifîce  &:  oblation  que  du  corps  de  mon  lauueur  Iefus  Chrift  crucifie  c  a 
la  croix  pour  mes  péchez:  mon  cœur  n'a  peu  porter  d'accorder  aux  demandes  qu'il  m'- 
ont faites,  l'efprit  me  rendant  telmoignage  qu'elles  n'eftoyent  point  félon  la  venté, 

Kom.r9.10  ia<jUejjejcurcftcontrairc.jçac|îantaufl|  qu'on  croit  poureftre  iuftifié:mais  qu'il  faut 
faircconfcrtion  de  bouche  pourauoir  falut.  ^Le  Seigneur  voulant  vfer  d'vnpetitin- 
ftiumcnt,m'a  réputé  digne  deftre  appelé  &  prefenté  deuant  les  hommes,  pour  faire 
confeflïon  de  bouche  par  l'abondance  du  cœur,iufqua  trois  fois.  Dont  la  première  fut 
tc8.de Mars, m. r.l  1  i.,cnuironlcs  troisheures  après  midy  ,  où  eftoit  prêtent  le  doyen 
de  Tournay^'Orhcial  &c  encore  deux  autres  Inquifiteurs  auec  celuy  qui  efcriuoit. Beau 
coup  de  choies  m'ont  efté  demandées  auant  qu'entrer  en  matière  de  cofefliô,  lcfquel- 
lcs  feroyent  trop  longues  à  eferire:  &:  auffi  ne  fuis  point  délibéré  de  vous  mettre  tout  au 
long  les  propres  parolles ,  c'eft  à  dire  autant  qu'il  a  efté  mention  :  mais  feulement  en 
bref>&  comme  les  principales,  touchant  les  articles .  En  premier  lieu,  pour  entrer  en 
matière  m'ont  demandé  combien  il  y  auoit  que ien'auoye efté  confeffé  .Ieleuray  de 
mandé  que  premièrement  ils  me  baillafîcnt  vn  Teftament  nouueau,fur  lequel  ie  vou- 
loye  fonder  toutes  mes  refponfes,&:  auflî  ma  foy  .  Lequel  Teftament  m'ont  refufe ,  di- 
fant  que  ic  rcfpondiffe  fur  c  c  qu'ils  auoycnt  demandé.  Et  ic  leur  dy  qu'ils  me  paifaHcnt 

Ccnfwfioa.  ceia<  Apres  m'ont  demandé  fiie  ne  croyoye  pas  qu'vn  Preftre  ordonné  de-parl'egli- 
fe  Romaine,  en  confeflant  à  luy  fes  péchez ,  pouuoit  pardonner &:  abfoudre  les  péchez 
par  pénitence.  l'ay  refpondu  que  ie  n  attendoye  pardon  ny  abfolution  de  mes  péchez, 
iinô  par  la  mifericorde  d'vn  fçul  Dieu, en  la  faueur  de  fon  Fils.  Or  fi  toft  que  i'auoye  par- 

L'Eglifc     lé,on  mettoit  mon  dire  en  eferit.  Apres  m'ont  demandé  fiie  ne  croyoye  pas  en  l'eglifc 

Romaine  Romaine,dont  le  Pape  cft  le  cher  d'iccllc,&:  iucccflcur  de  S.  Pierre,  auquel  Iefus  Chrift 
adonné  les  clefs.&:  pluiîeurs  autres  telles  paroles, comme  ils  ont  félon  leur  eglife:  dont 
de  grand  cœur  i  ay  refpondu  (  pource  qu'il  auoit  dit  eglife  Romaine)  que  ic  croy  lafain- 
dte  Eglife  inftituce  &:  fondée  par  le  fainét  Efprit ,  dont  elle  a  pour  feu  1  chef  Iefus  Chrift, 
èt  pour  fes  fuccefteurs  les  Apoftrcs  &  Prophètes  :  mais  quant  à  l'eglife  Romaine ,  ne  la 
tenoye  pour  vraye  eghfe,ains  pluftoft  l'eglife  de  l' Antcchrift:  là  oùtant  s'en  faut  que  les 
poures  brebis  foyer  nourries  de  vraye  pafture  Euageliq,que  mefmes  elles  font  rongées 
&c  tonducs:&:  leur  donne-on  pafture  d'erreur  diabolique. Voire?  (dit  le  doyen.)  efcriucz 

Mcflc.  Notaire.  Apres  m  ont  demandé  que  ie  tenoye  delà  Me/Te.  I'ay  dit  que  nous  parliflïons 
des  mots  qui  font  en  la  fain&e  Efcriturc.  &que  ie  ne  trouuoye  point  ce  mot  deMciîe 
au  nouucau  Teftamet  ny  au  vieil,  autant  que  l'e  n  auoye  peu  lire, Voire,  dit  le  Doyen  &C 
les  autres  murniurans.Ei'criuez  qu'il  ne  latrouue  point.  Apres  fubit  me  demanda  fi  ic 

Tranflùb-  croy°Yc  pointla  Tranfïuhftantiatien  du  pain  au  corpsde  Chrift. le  leur refpôdi  ,difant 

ftâidation.  Quand  à  voftrc  MefTe,ic  la  croy  vrayement  pure  inuention  controuuee  des  hommes, 
au  grand  blafphemc  &C  deshonneur  de  Icius  Chrift:  pourautat  qu'on  fait  adorer  au  peu 
pie  vn  morceau  de  pain,  enluyfaifant  accroire  que  là  eft  Iefus  Chrift,  au  lieu  qu'on  le 
doitcercheràladextrcdc  Dieu  (on  Pcre.Quant  à  voftre  tranflubftantiatiô ,  ie  n'y  croy 
point:  ains  dy  que  telle  lingerie  appartient  pluftoft  aux  magiciens  &c  enchanteurs. 
^Mes  frcres,pardonncz-moy,fi  fay  vfé  de  parolles  aigres  ou  rudes  :  TEiprit  certes  ainfi 
mepoui1bit,que  ien'culfefcu  pour  l'heure  parler  autrement, fâchant  que  le  nom  de  no 

S.uremem.  ftreSauucur  y  eftoit  tant  deshonnoré.  Apres  m'ont  demandé  fiie  ne  croyoye  pasfcpc 
Sacremés.Ie  dy,que  ie  n'en  tenoye  que  deux:&:  me  demaderent  lefquels  deux.  le  dy,  le 
Baptefme&  la  Cenc,que  vous  appelcz,dy-ie ,  Sacremens .  Me  demandèrent  que  ic  te- 
noye delà  Ccnc:puisqueicrappeloyc  Sacrement  .A  quoy  iercfpondy  petitement  &c 

anHc^?-  fimplcmcntjfclonquciay  receu:  C'eft  que  laCcncpurcméradminiftrce  félon  l'inftitu- 

Eiungiic.  tion  de  Iefus  Chrift,eft  vn  banquet  vrayement  fpirituel  à  lame  fous  le  pain  &:  le  vin:  en 
croyant  qu'en  prenant  ce  pain  &  ce  vin,on  reçoit  vrayement  le  corps  &:  lofa  ng  de  Iefus 
Chrift.Nonpoint(leuray-ic  dit)  que  ie  croye  que  le  corps  foit  en  ce  pain  ,nclcfang 
^*  en  cevin,ouauccce  vinrmaiscroy  receuoirle  tout  fpirituellement,  au  grand  proufit 
&  foulagement  de  mon  ame  ;  tellement  qu'en  prenant  ce  pain  &  ce  vin ,  ie  croy  véri- 
tablement eftrc  participant  du  corps  &c  du  fang  de  Iefus  Chrift.  non  point  que  ie  m'ar- 
refte  à  ces  elemens  cy  bas,  c'eft  à  dire  au  pain  Se  au  vin  que  mes  yeux  ccrporcllcmcnt 
voyent:mais  regarde  pluftoft  de  mes  yeux  de  foy  Iefus  Chrift  crucifié  pour  nos  péchez, 
laplayedefoncofté,  dont  fon  fang  eft  forty  pour  me  nettoyer,  &:  payer  la  debte  de  la- 
quelle i  eftoyeredeuablc  au  iugement  de  Dieu. 

Usine, 


(jodefroy  4c~>  tfameiïcj*  ifi* 

Ils  medcmaderent  fi  le  pain  demeuroit  toujours  paift,&  le  vin  fcmblablemet  vin, 
le  refpon  qu'ouy:  mais  qu'ainfi  que  le  pain  &  le  vin  matériels  noiirrifiTent  Te  corps ,  auf- 
li  vrayement  eft;  pourrie  lame  fpirituellcmcnt  par  foy.Etlcur  dy  que  pour  fe  communi 
quer  à.  nous ,  ia  n'eft  befoin  qu'il  defeende  de  la  dextre  de  Pieu  ion  Pere ,  pour  venir  en 
ces  elemês  matériels  &ç  corruptibles: mais  pluft  oft  que  nous  arrachiôs  nos  coeurs  de  ces 
chofes  vifiblès,&  les  tranfportions  au  ciel,  à  la  dextre  de  Dieu  où  il  eft ,  dont  n  e  dépen- 
dra qu'à  fôn  fécond  aduenemét,  pour  iuger  les  vifs  &  les  mortsXequel  ne  viédra  point 
en  cachette,  nyobfcuremcnt:  mais  comme  le  foleil  fe  leue  d'O  rient  s'en  vacoucher  Mat.24.27 
en  Qcçidét,ainfi  viedra  IefusChnft.^Les  fept  heures  approchoyétrpar  ainfi  on  fit  arre 
fter  la  caufe  pour  cefte  fois. Et  les  fergeans.  incontinent  memenerent  en  vne  autre  pri- 
(bn  obfcure,où  ie  fuis  encore  pour  l'heure  prefente,tant  qu'il  plaira  à  mon  Dieu,  De- 
puis cç  Jour  de  Mars  fu  là  laiifé,iufques  au  1  f.dudit  mois,  eftât  certes  ennuyé  cedic  iour  Go 
plus  qu'on  ne  vous  pourroit  diremon  point  pour  la  prifon  obfcure,ne  pourla  crainte  y' 
i'euiTe  de  venir  deuant  euxrmais  pluftoft  pour  ce  que  ie  craignoy  e  que  plus  ne  me  man- 
deroyent:car  i'auoye  bien  plus  grand  defir  d'eftre  prefenté  deuât  eux ,  qu'ils  n'auoyent 
de  m  ouir,  le  prioye  le  Seigneur  que  iç  peufTe  parfaire  ma  fimple  confeiïion,lequel  m'a 
fait  participant  de  mon  fouhait.  Ce  quinzième  de  Mars  doncàhuit  heures  :vnpeua- 
pres  i'ouila  voix  du  geôlier  qui  me  dit,Godefroy*preparez-vous,&  venez  parler  à  Mef- 
fieurs.O  la  vqix  que  ie  recep  ioyeufemét!  Et  ie  dy , Seigneur ,  parfai  en  moy  ce  que  tu  as 
çommcncé,&:  ta  prome/Te  me  foit  tenue:  çar  çeft  ta  caufe,pour  laquelle  il  faut  que  ton 
Eftprit  me  foit  aidaht.Quand  ie  fu  deuant  eux  pour  la  féconde  fois,  me  vindrent  demi-  Du  Bap«f- 
der  û  i'eftoye  baptizé.  dont  ie  leur  refpondy ,  pourquoy  ils  me  demandoyent  cela ,  &  s  -  me" 
ils  me  tenoyet  pour  Anabaptifte.Mais  ils  dirent  que  ie  refpondiife.Ie  dy  que  ie  croyoye 
eftre  baptizé  dés  ma  ieunefle,&  point autrement.Me  demandèrent  fi  ic  le  tenoye  eftre 
bon. le  dy  que  ic  m'en  contentoye.  Puis  m -interroguerent  où  ie  trouuoye  ce  Baptefmç 
en  l'Efcriture.^Or  efcoutez,me$  freres,la  cauillation-&  pourquoy,$c  à  quelle  fin  ils  de» 
mandoyent  cela,&:  ce  que  vous  orre?  encore  apres.po.ur  laquelle  cauillation  certes  m'a 
lçblé  bon  de  vous  eferire  ma  côfeflion.Ie  refpô  firhplement,qu'ainfi  que  la  Circoncifio 
fut  dônee  à  poftre  pere  Abrapâ,pour  circoc ir  au  8. iour ,  ainfi  le  Baptefm e  duquel  on  v- 
fe  maintenât ,  nous  eft  dôné  pour  eftre  baptifez  au  nom  du  Pere,du  Fils,  &  du  S.  Hfprit. 
Me  demandèrent,  Y  a-il  chofe  pour  l'approuuer  en  l'Efcriture  >  le  dy  qu'ils  regardaflet 
le  dixième  chapitre  de  la  première  aux  Corinthiens,  là  où  il  eft  fait  mention  que  tous 
nos  perçs  qnt  eftç  baptifez.  en  la  mer,  &:  fous  la  nuee  :  &c  que  tels  propos  6c  autres  fem~ 
blables  me  rendent  aifez  content.  Puis  médirent:  Voilalcs  deux  Sacrernens  que  vous 
tenez,p'eft-ce  pas?Je  re{pôdy,Ouy,^Or  c'eftoit  ce  que  les  renards  demandoyét,que  i'a 
uoye  accordé  de  les  appelerSacremés:  mais  ie  ne  péfoye  point  à  leur  trafiq,côme  incôti 
net  ie  fy:££  ce  que  ic  les  appeloye  Sacremés,c  eftoit  pource  que  ce  mot  eftoit  plus  vfité 
des  Chreftiés.Puis  pour  venir  à  Jeur  cauillation, me  dçmaderent,Où  eft-ce  q  vous  trou 
uez  que  ce  foit  Sacrement  en  l'Efcriture?  le  fu  contraint  de  dire ,  comme  il  eftoit  vérité 
que  ce  que  ie  les  auoye  nommé  Sacrernens,  c'eftoit  pource  que  ce  mot  eft  plus  aifé  à  en 
tendre  entre  cux:mais  que  quant  à  ma  part,ie  ne  les  vouloye  plus  nommerSacremens, 
ains  félon  que  la  propre  Efcriture  les  nommoit,aiTauoir  Bapçefme  &  Cene.car  fi  i'euffe 
accordé  de  les  nômcrSacremens,cela  m'euft  dôné  greffe  bataille, &  leur  fuft  bien  venu 
à  poinft  en  tous  leurs  mots  &c  traditions,comme  Meire,Purgatoire,&:  autres  mots  fem 
blaples,que  vous  fauez,dont  ils  vfent  en  leur  Droit-canon  abominable. Pourtat  ie  leur 
dy  que  iepe  les  appeleroye  d'autre  nom  que  l'Efcriture  les  appelé.  puMan^ 

Puis  me  dirent,  penfans  bien  merendrematté  en  ceft  endroit,  Vous  dites  tant  de 
fois,que  vous  ne  voulez  croire  ne  refpondre  que  ce  qui  eft  contenu  en  l'Efcriture ,  que 
dites-vous  du  mariage?  ne  le  tenez- vous  point  pourfaçrement?  Iedy  queietenoyele 
mariage  pour  vne  fain&e  ordonnance  de  Dieu,&  là  couche  fans  macule ,  tellemét  que 
lacpnionctiô  doit  eftre  fi  grande,que  l'home  delaiflera  pere&  m  ère,  Se  s'adioindraà  fa 
fcmme,de  forte  que  deux  ne  feront  plus  qu'vn.Ie  tien  ce  fain#  eftat  tant  excellént,que 
JefusChriftmefmelavouluapprpuuer&hpnorer,quandilaefté  prefent  aux  nopees  Icani< 
en  Cana  en  Galilée.  Puis  me  dit  vn  qui  affez  fauoit  l'Efcritutc?  Vous  croyez  aux  parolles 
de  TAppftre ,  ne  faites  pas  ?  le  dy ,  la  n'aduiene  que  i'y  contrediié  .Vous  ne  voulez  que 
deux  Sacrernens,  &c  voici  l'Apoftre  qui  appelle  le  mariage,Sacrement,aux  Ephefiens, 
«juantil  dit  parlant  du  mariage,Çc  Sacrement  eft  grand,  &c,Qu'en  di;es-vous?mc  dit-> 

I.iii. 


il.  Ic  cîy  que  ie  ne  vouloyc  dédire  l'Apoftreï&s'ildifoic  &crcment,  queienc  Youloye- 
contredire  à  luy  qûi  auoic  parle  par  la  bouche  du  S  »Eiprit.  Dont  en  toutes  mes  enque- 
ftes  ie  ne  fu  plus  trifte  qu'à  cefte  demande,!  caufe  que  n'y  pouuoye  contredirc:mais  cer 
tes  le  Seigneur  ne  me  lailfa  gueres  tnftecarfon  Efprit  me  vint  mettre  en  mémoire  que 
la  choie  n'aLloit  point  ainiî.  Et  quand  ma  mémoire  fut  rcrVaichie  y  ie  leur  dy  que  ce  mot 
de  Sacrement  ne  deuoit  point  aJlcr  ainfi:  mais  au  lieu  de  Sacrement  doicauoir  Secret,, 
félon  la  vray  e  tranflation  auxTeftamens  derniers. Parquoy,mes  treres,ie  foudroyé  que 
tous  fidèles  n  vfaift  nt  que  de  Tcftamcs  de  Geneue  ou  de  Lyon,pour  telles  lourdes  fau- 
tes. Adonc  furent  fort  courroucez  contre  moy,apres  auoir  regardé  au  Teftament  de  1- 
împreflion  de  Lyon,  ayans  trouué  ainfï  que  ie  leur  auoyc  dit,  qui  feroitlongàrefcrirc: 
car  beaucoup  de  parolles  lors  furcntdites  .  Les  douze  heures  approche/vent  {par  ainli 
fifmes  pofe  pour  ce  iour.Ie  fu  le  lendemain  rcmandé^qui  cftoit  le  feizieme  de  Mars,en- 

Congrau-  uiron  les  huit  heures:&medemanderét  fiienecroy  point  au  Sacrement  de  Confirma- 

tlOÛ-  tion,quc  l'Eucique  fait  aux  créatures ,  quâd  elles  font  en  aage.  le  refpôdy  que  de  toutes 
telles  cérémonies  ma  foy  n'eftoit  point  confermee:mais  le  principal  eftoit  d'eftre  régé- 
néré &:  fait  nouuelle  créature. Adonc  m'alléguèrent  Je  huitième  des  aftes,  comment 
les  A  poftres  mettoyent  les  mains  fu r  ceux  qui  auoyét  efte  baptifez.  le  dy  que  ie  tenoye 
trefbon  ce  que  Pierre  &les  Apofticsauoyentfait,&:c'cftûitlcS.Efpritqui  les  condui- 
ibit  à  ce:mais  que  telles  chofes  auoyent  prins  fin. Puis  me  demandèrent  fi  ienc  croyoye 

îx-rcme    point  au  facrement  d'Extrême  on&ion.Ic  dy,queiecroy  bien  qu'il cft oit  trefncceflair© 

ooâioo.  au  malade  cte  luy  apporter  la  vraye  huile  de  la  parolle  de  Dieu  ,  le  confortant  par  icelle: 
veu  que  ceftlafculc  parolle  de  Dieu  qui  peut  donner  falut  àtouscroyans:  mais  l'huile 
matérielle  &corruptible,que  peut-elle  profiter  aux  malades?  Adonqucspourapprou- 
uer  leur  huile,me  mirent  au  deuant  le  5  .chapitre  de  faind  laques.  Vous  oyez,  dy-ie,  ce 

refu s  que  ren  croy.Et  beaucoup  de  parolles  furent  là  dites.  Apres  me  demandent  des  feftes: 
le  dy  que  le  Seigneur  a  commandé  de  faire fon  labeur  lix  iours:  &:  ne  parle  de  nulle  fe- 

Qjurefinc  ftc,  mais  bien  du  feptieme  iour  pour  le  rcpos.Ils  m'ont  interroguédu  Quarefme,  des 
quatre-téps,&  autres  mcfmes  brouilleries.  le  dy  que  tous  tels  cômandemens  n'eftoyét 
tro.uuezenl'Efcriture  pourchargcrlepeuple:maisbiende  mortifier noftre  chair, &:  e- 
ftre  noftre  vie  vn  continuel  ieufne:non  point  feulement  à  manger  vne  fois  le  iour,mais 
toute  noftre  vie  vfer  de  fobrictc  ,&:  non  d'excès.  Et  furleur  demande  touchant  l'abftine 

Oeufs*    ce  de  la  chair&:  d'œufs  au  Quarefme ,  rayditquantàmoy,que  depuis  que  le  Seigneur 

ella,r•  m'a  appelé  des  ténèbres  à  fa  vraye  lumière,  &  à  la  cognoiifance  de  fa  vérité,  ienefay 
plus  de  différence  des  iour^,&croy  que  ie  peux  boire  &:  margerde  tout  ce  que  le  Sei- 
gneur a  creé,moycnnant  que  i'en  vfe  auec  a&ion  de  grâces, comme  dit  l'Apoftre,  Tou- 

i.Tim.  44  te  créature  de  Dieu  eft  bonne,&:  rien  n'eft  à  reietter:  moyennant  qu'on  en  vfe  ainfi  co- 
rne i'ay  dit.  Adonc  m'ont  dit,  Vous  mangeriez  donc  aufîîtoft  delachair  leiourdubon 
esiours.  dredy,que  leiour  de  Pafques,Ie  leuray  dit,  Quant  aux  iours,  ils  ne  me  (ont  en  rien 
differcs,foit  en  quelque  téps  que  ce  peut  eftre,en  Quarefme  ou  horsQuarcfmetde  tout 
cequime  feroitprefenté  i'en mangeroye  aueca&ionde  grâces  &:  en  foy ,  n'en  faifanç 
fcrupnle.Maisfiiefauoyequeceluy  qui  me  voit  manger  fe  feandalifaft  pour  la  viande, 
iene  ie  voudroye  faire,  à  caufe  que  ie  ne  chemincroye  point  à  édification, maisà  trebu- 
0m.14.r7  cjicmcnt:p0urautant  qUC  le  Royaume  de  Dieu  ne  gift  peint  en  viander&foitque  ie  ne 
mange  point ,  ie  n'en  fuis  point  plus  fain&,toutefois  ie  fuis  libre  par  la  parolle  de  Dieu, 

DeU  vicr-  d'vferde  fes  biens  auec  action  degraces. Apres  montdemadé  s'il  ncfalloit  point  prier 

gc  Manc.  ja  vierge  Mane,pour  cftre  aduoeate  vers  Ion  Fils.I'ay  rcfpondu, quant  à  la  Viergeje  rie 
qu'elle  a  efté  trouuee  pleine  de  grace,&:  bénite  entre  les  femes,  &c  que  le  Seigneur  a  re- 
gardé l'humilité  de  fa  feruante:  tellement  que  le  fils  du  Trcshaut,le  Sauucur  du  monde 
a  repofé  en  fon  ventre  neuf  mois ,  prenant  la  noftre  humanité ,  Se  après  l'a  enfanté  fans 
corrupnô:&:  que  c'a  cité  celle  qui  a  creu  aux  parolles  de  l'Ange:dont  pourcea  efté  biê- 
heurcufe.Mais  de  luy  donner  plus  grand  titre,en  l'oftant  à  fon  Fils,ia  ne  m'auienne:  car 
clic  meime  ne  m'a  point  apprins  de  luy  donner  titre  d'adoratiô, ne  la  prier  pour  eftre  ad 

loin  14  uoeate  enuers  fon  Fils:mais  pluftoft  elle  m'a  dit,  parlant  de  fon  Fils  aux  nopees  de  Ca* 
na  enGalilcc,Faites  ce  qu'il  vous  dira. 

S*k  ts  Adonc  m'ont  demandé  de  prier  les  Saincls  morts,  pour  eftre  nos  aduoeats  enuers  la 
cour  cclcftcuay  refpondu  que  ne  recognoiifoye  autre  aduoeat  que  IcfusChrift  le  lufte, 
ayât  acquis  feulceft  office  par  fa  mort,  corne  vray  cment  pur  &:  înnocét.Carlc  Peren'a 

pris. 


pris  fon  bon  plaifir  en  nul  comme  en  luy:&  fc'a  efté  trouuçe  fraude  en  fa  bouchc:dont 
k  le  recognoy  feul  pour  mô  Médiateur  Jntercc/Teur&  Aduocat ,  comme  ileft  dit  en  la 
première  de  faind  Ican  jchap.2., 

Ap  R  e  s  m'ont  demandé  des  images,  fie  s'il  n'eftoitpoint  licite  d'auoirla,  reprefenta*  i°>*gf«i 
tion&remembrançe  du  Crucifix,  Ieleuraydit  comment  ils  demandèrent  cela  *vcu 
qu'ils  lifent  l'Efçriture ,  &  qu^en  tant  de  lieux  elles  font  défendues  au  vieil  &xiouueau 
Teftament:Que  par.tclles images^:  idoles  eft  ofté  &:  defrobé  l'honneur  qui  appartient 
à  vn  feul  Pieu^  Y ous  n'en  voulez  donc  nulles,dirent-ils.  le  dy  dç  bon  coeur,  Non:  car  ic 
fuis  appris  par  la  fain#e  parolle  de  Dieu,d'çftrc  adorateur  en  efprit  Se  en  vérité.  Et  tous 
ceux  qui  veulent,  que  Pieu  les  oye ,  faut  qu'ils  cerchent  le  Pere  celefte  des  yeux  de  foy 
<?s  cieux.  car  fon  fils  Iefus  ainfi  nous  la  appris  en  i'Euangile,Que  ceux  qui  adorét  Dieu,  i"n  4*% 
l'adorent  en  efprit  &:  vérité.  En  efprit,  pource  qu'il  eft  E(prit:  En  vérité,  &c  non  à  noftre 
{antafic-maisfelon  fa  parollequieft  feule  véritable. 

I  l  s  m'ont  aulÏÏ  faitvnequeftion,  Si  les  enfans  morts-naisfansBaptefme,  cftoyent 
fauuez.  I'ay  refpondu  que  c'eftoit  vne  demande ,  à  laquelle  ie  ne  pouuoye  refpondre  à 
leur  vouloir,  pourautant  que  ie  n'en  auoye  aucune  certitude.  Et  me  dirent,  Vous  en  di- 
rez bien  quelque  chofe.  le  dy  que  ie  n'en  diroye  rien:£:  quela^auToye  au  fecret  du  Sou* 
uerain.  Mais  quant  aux  enfans  des  fidèles ,  foie  bien  dire  qu'ils  font  fanctifiez ,  prenant 
J'Apoftre  mon  autheur,  1  .Cor.7. 

Apres  m  ont  demandé  fi  ie  ne  croy  oye  point  qu'il  y  auoit  vnjieu ,  auquel  les  âmes;  Purgatoire 
décédantes  de  ce  monde  allpyent  pour  eftre  purgées,  que  nous  appelons  Purgatoire, 
le  refpondy  de  meilleur  coeur  queiamaisi'aye  mangé  :  &  me  fembloit  que  mçs  entrait 
les  ferefiouiflbyent  dedans  mon  ventre,  quandie  pouuoye  parler  à  mon  aife  defhon- 
ncur  de  Iefus  Çhrift  &  du  falut  par  luy  açquis  :  I'ay  donc  dit  que  ne  recognoiffoye  autre 
purgatoire  que  le  fang  de  Iefus  Chrift .  &c  croy  fermemet  qu'il  a  fait  vn  facrifice  éternel 
aiamais  pourlapurgation  de  nos  péchez, eftant  maintenant  à  ladextre  de  fon  Pere, 
toufiours  viuant  &  intercédant .  &:  croy  fans  doute ,  que  quand  le  pécheur  s'eftant  reti* 
ré  de  fa  mauuaife  vie ,  fe  conuertit  au  Seigneur,  fes  fautes  ne  luy  font  point  pardonnees 
à  demy:mais  pleinement  &  entièrement.  ^Voilapojurladernicre  interrogation  qu'il 
m'ont  faiterie  ne  fay  s'ils  me  demanderôt  encores  autres  chofesjie  croy  que  non.  Beau* 
coup  d'autres  chofes  furent  dites,  lefquelles  feroyent  trop  longues  à  raconter,mais  voi- 
la toutefois  les  principales.  ^  Or  ne  vous  ay-ie  point  relçry  cefte  fimple  confeiïion 
pour  y  recueillir  grand  fruiÇk.  ;  mais  feulement  pour  vous  aduertir  des  cauillations  qu'ils 
ont  :  afin  que  vous  fâchiez  que  le  Seigneur  qui  aide  les  fiens,eft  plus  fort  que  les  homes. 
Car  quand  ils  nie  parlèrent  des  Sacremens,i'apperceu  bien  leurfallace:  que  fii'eufTo 
accordé  à  tels  mots ,  qui  ne  fe  trouuent  en  l'Efcriture ,  ils  m'eulTent  dit ,  Pourquoy  nç 
croyez-vous  point  au  Purgatoire  &:  à  la  Me/Te,  combien  que  ces  mots  n'y  font  point  par 
exprès  ?  Il  me  fouuient  encore  d'vne  demande  que  i  auoye  oublicc:C'eft  que  par  grâd' . 
fineiTc ,  pour  me  furprendre  &:  pour  approuuer  leur  rotiflerie  dames ,  me  demanderét 
quels  liures  ie  tenoye  pour  la  fainctc  Efcriture.  le  relpondy.  Le  vieil  &:  çouucau  ^Tefta- 
ment.  Adonc  me  dirent  encorcs,Tcnez-vous  le  tout  fain<à  &:  bon?  Ouy  (dy-ie)excepté 
les  liures  Apocryphes:  lefquels  iene  vouloye  prendre  pour  y  fonder  ma  foy,  nyauflî  en  Afocrypic* 
refpondre  pour  affeurance:veu  que  i'ay  tous  les  autres  approuuez  qui  me  font  fulhTans. 
En  demandant  pourquoy  ie  prenoye  plus  l'vn  que  l'autre:  Pourtant  (dy-ie  )  que  tous  les 
autres  ont  leurs  autheurs  approuuez,  ce  qui  n'eft  point  des  autheurs  des  liures  ^pocry- 
phes:ie  dy  toutefois  que  ie  ne  les  voudroye  reietter  pour  beaucoup  de  beaux  exemptes 
qui  font  en  iceux,  mais  pour  y  appuyer  ma  foy ,  iene  les  voudroye  prendre.  Endifant 
ces  chofes,  il  y  auoit  belle  Latineric  entr'eux.  Or  ils  m'auoyent  demandé  pour  eftre 
mieux  aiTeurez  de  leurs  gorgees,fi  ic  fauoye  le  Latin.ie  leur  relpondy  que  non .  &  firent 
mettre  cela  en  eferit.  Yoila,chere  ioeur,  mes  interrogations.  Et  depuis  ces  trois  fois 
n'ay  plus  comparu  par  deuant  eux ,  linon  qu'ils  ont  enuoyé  par  deuers  moy  vn  nommé 
maiftre  Quintin  chanoine,  dit  Charlar,  pour  fauoir  s'il  me  pourrait  induire  à  croire  au-  M.  Qi>îtio 
trement,&:  félon  leur  croyance  Papiftique.Dont  &  moy  &  luy  auons  eu  grofTe  difpute,  \ \ 
chacune  fois  quatre  heures  de  long.  I'ay  grand  dueilen  mon  coeur  qu'vn  tel  doux  efprit  ai  de  la  fe- 
n'eftoit  illuminé,  car  il  aie  zele  de  Dieu ,  mais  non  félon  fcience,car  il  défend  leur  que-  lc~ 
relie  Papiftique  en  forte  que  iamais  homme  n'ouit ,  &  a  vn  merueilleux  defir  que  ie  m'- 
accorde à  luy,  mais  j'ay  relifté  vaillammét  iufques  icy,  &.  refifteray  iufques  à  la  fin,  Dieu 

Liiii, 


ZJtfro  -Mil  Ç  odefroy  </o  Uamçltt^ 

aidant>  moyennant  vos  oraifons,  Quant  à  ce  qu'il  me  veut  faire  accroire,  qu'après  les 
parollcs  facramentales  dites  en  la  Mell^qu'au  pain  eft  le  corps,l  humanité  &:  prefence 
corporelle  de  Ictus  Chrift  :  voire  &  que  combien  qu'il  foie  à  la  dextre  de  Ion  Père ,  fi  cft> 
il  là  aufli:&:  puis  que  par  humilité  il  fe  vient  tant  ab bailler  que  de  fe  mettre  en  ce  pain, 
c'eft  bien  railbn  que  là  on  l'adore  :  toutes  les  deux  fois  m!ay an  t  tenu  tels  propos  en- 
cores  beaucoup  d'autres  fembhbles,iay'refpondu  que  ma  foy  n'eftoit  telle  que  pour 
mourir  de  mille  morts  ne  croiroyc  à  tel  erreu  r.  Et  luy  dy  que  ie  tenoyelcur  M  elTe  telle 
que  vous  auez  ouy  enraa  eôfelîion.  Que  s'il  luy  plaiioit  de  rtfé  venir  voir  pour  conférer 
eni'cmbJc  de  l'amour  &c  crainte  de  Dieu,  de  patience  en  trib.ulation,  &  dù4alut  par  qui 
nousTattendons  ,qu'ilmeferoitle  trefbienvenu:  maispourdeuiferdeccpoinctde  la> 
prefence  charnelle  de  Iefus  Chrift^ue  ie  ne  le  vouloye  plus  ouir.  ^âr  pour  eftre  parti- 
cipant du  corps  de  Iefus  Chrift'(dy-ie)  ia  n'eft  befoin  qu'il  defeende-en  choie  matérielle 
'  faite  de  main  d'homme  :  mais  pluftoft  que  nous  oftions  nos  cceurs  dëcçs  clemes  corru- 
ptibles^ que  l'albonscercher  des  yeux  de  foy  à  la  dextre  de  fon  Pcr*.  Beaucoup  de  pa- 
rollcs furent  ditesrmais  voila  les  principales.  Ilmè  difoitpourl&fin,quefiie  m'accor-% 
doye  à  cela,  on  feroit  bien  de  toutes  autres  choies .  car  luy-mçfme  confefTe  qu'il  y  a  de 
gro/Tes  fautes  en  leur  eglifc:&:  les  autres  auffi  l'ont  confefTé:  mais  point  il  grandes  que  ie 
penfe,me  dirent-ils  quand ieftoye  deuant  eux.  le  vous  prie  donc,  ma  fœur  &  tous 
ceux  qui  aiment  la  Parolle  &:  l'amitié  fraternelle,  que  priez  le  Seigneur  enfemble  pour 
moy,  qu'il  me  tienne  &:  entretienne  en  la  foy  de  fon  Fils, &en  laconftance  furia  con- 
feiîion  quei'ay  faite:  medonnanttoufiours  vi&oire contre  tous  aduerfaires,  tant  delà 
chair  que  ceux  de  fa  parolle.  Et  s'il  veut  vfcrdemoy  à  fon  honneur  ,  fcefpandre  mon 
£ang,  &t  faire  cendre  de  mes  os ,  qu'il  me  rende  ferme  &:  confiant  pour  peneuerer  vail- 
lamment en  la  confemon  de  fon  Nom  iufqucs  à  la  fin.  À'ûffi  s'il  veut  que  ie  puùTe  enco- 
re durer  &viure  à  fa  gloire  &:  à  quelque  profit  de  fon  Eglife,  qu'il  luy  plaife  adoucir  la. 
fureur  de  ces  tyrans  ,  &:  me  deliurer  de  la  gueule  des  lions.  le  ne  dy  point  cecy ,  pource 
queiedefire  plus  ia  vie  que  h  mort:  Dieu  qui  eft  le  fcrutateùrdcmon  cceur,cognoic 
que  ie  délire  que  &  volonté  foit  faite:auiîî  en  pouuez-vous  iuger  par  ma  confeffîon.Car 
mainrenant  ie  n'atten  que  l'heure  qu'on  me  viendra  dire  >  Sortez  hors  de  prifon  :  voftre 
cas  eft  fait. certes  ie  mets&renge  mon  courage  à  attendre  d'heure  enheured'ouirma 
pfeau  i  il  fenccncc> non  P25  d  en  efchapper.Maudit  eft  l'homme  qui  fe  confie  en  l'hommc^c  qui 
mctlachair  pour  fon  bras:&:  au  contraire,  heureux  eft  celuy  qui  fe  confie  au  Seigneur, 
&C  qui  prend  le  bras  de  Dieu  pour  fa  fauue-garde,  Ainfi  fâchant  feeur ,  que  nay  vfe&  ne 
veuxvfêrde  feintifeou  prudence  charnelle  :  mais  confellcr  Amplement  Ieiiis  Chrift: 
comm^  vne  poure  brebiette,pres  de  laquelle  font  les  loups,  ie  ne  defirequed 'eftre  loin 
detouteaide  charnelle, & eftredefpouillé  d'armure  corporelle  contre  mes  aduerfài- 
r.Sami/HS  res,ainfique  le  petit  Dauid  fît  contre  fon  aducrfairc  Goliath  :&  ne  veux  auoir  finon 
feulement  vn  bras  :  ce  n'eft  point  vn  bras  charnel  ,ny  vn  bras  impuiiTanr ,  ne  corrtipti- 
blc:mais  le  fcul  bras  robufte  de  l'Eternel  Dieu ,  le  fort  des  forts,le  puiflant  des  puuTans: 
auquel  ie  me  confie  &c  m  arrefte ,  attendant  vrayement  fecours*  Se  aide  de  luy  feul ,  m- 
afleurant  que  ce  qu'il  cognoiftra  eftre  plus  neceffaire  àfa  gloire,  foit  3  la  vie  on  à  la 
mort ,  ainfi  fora  fait. 

Ma  fœur,  &  tous  autres  amateurs  de  PEuangile ,  refiounTez-vous  auec  moy,&  que 
nul  ne  fe  trouble  ou  feandalize  en  ces  perfecutions  ici  aduenues ,  à  la  façon  de  ceux  qui 

Mat.rç.f.io  ont  receu  la  femence  entre  les  pierres  :  mais  pluftoft  que  telles  perfecutions  aduenue* 
deuant vosyéux,  foyent  en  confirmation  de  voftre  foy ,  vous  arreftans  fur  la  parolle  de- 
Dieu,  encores  plus  que  ne  fîtes  iamais ,  en  oyant  deuant  vos  yeux  ces  voix  accomplies, 

iean  15 10.  S'ils  m'ont  perfecuté(difoit  le  Roy  de  gloire)  auftivousperfecuteront-ils.Ia  n'eft  befoin 
que  ie  vouseferiue  en  combien  de  lieux  la  parolle  de  Dieu  le  confermet  vous  meûnclev 
fauez,&  tous  amateurs  de  l-Euangilc.En  fomme,pour  vne  conclufîon  l'Apoftre  en  a  ek 

t.Tim.3.iz  crit,difant,  que  tous  ceux  qui  voudront  viure  fidclecnenten  pieté  félon  Iefus  Chrift* 
fouftrirôntpcrfecurion,  laquelle  fouffrance  pour  Iefus  Chrift,  il  ne  recognoit  point 
pour  vn  petit  don  &  de  petite  eftime ,  mais*  pour  vn  excellét  don  &  grande  benedtéboi^ 
de  Dieu.  le  ne  dy  poinroeci  pource  que  ie  fuis  emprifonné ,  mais  pour  tout  fidelc,t  qui 

BtrwJiaiô  lapcrfecution  peutaduenir.  Puis  qu'ainii  eft,  mes  frères,  que  la  croix  eft  bcnediâtïon, 

lUi  "°n  ^c  ^ieu  * nc  ^°ycz  en  troublez'des  aduerfaires,  aufqncls  tribulation  eft  caufe  de  per- 
t,M4'  dition,  maisànous  ellccftcanlidc  falut:  car  côme  dit  l'Apoftre,  Il  vous  eft  dôné  pour 

Chrift 


Chrift,  non  feulement  de  croire  en  luy,mais  aufTid'cndurerpourluy:nou5a/reurâ'tqure 

fi  nous  fommes  participansdefesafllidionSïqu'auflîfemblabJementleYerons-nousde 

fa  gloire.  Priez  pour  moy,  &:  non  pour  moy  feulemét:mais  pour  tous  ceux  qui  vou s  per-  Mat.M4« 

fecutent:  afin  que  fi  dû  tout  ils  le  font  par  ignorance,  ils  puifTcnt  trouuer  mifericorde, 

&:  venir  à  îa  cognoiffancç  dç  cefte  voye,laquelle  ils  perfecutent.BeniflTons-les  donques, 

èc  ne  les  maudifibns  point.  Saluez  ceux  qui  maiment.La  grâce  de  noftre  Seigneur  foit 

auec  vous,  aidant  à  voftre  efprit,  Amen. 

Par  voftre  frère  emprifonné  pour  le  nom  de  Iefus,  Godcfroy  de  Hamelle. 

tpiftre  dudit  Godcfroy,  lacjuellea  cité  prefentcc  à  ceux  de  laiufticcdc  Tournay:d'autant  que  les Inquiiîteurs 
l'auoycDt  chargé  vers  eux,  de  l'auoir  liuré  comme  hérétique. 

^  L  A  grâce  &:  paix  de  noftre  bon  Pere  éternel ,  par  la  faueur  de  ion  Fils ,  vous  foit 
donnée  pour  falut. 

ESSIEVRS,  pourec  que  ie  fay  que  les  ennemis  m'ont  liuré  entre  vos  mains,no 
point  comme  Chreftien,  mais  (comme  ils  difent)  pour  vn  hérétique  $c  fchifmati- 
que:fachezqueie  ne  me  tien  pour  tehmais  bien  pour  vnpoure  pécheur  Chreftien  ou 
Luthérien ,  s'il  ne  vous  plaift  m'appeler  autrement  (  combien  que  Luthérien  n'hereti- 
que  ie  ne  délire  d'eftre  appelé.)  Et  afin  de  vous  doner  la  caufe  pourquoy  ie  me  dy  Chre- 
ftien ,  &  non  hérétique  ou  femblable,  ie  vous  prie  au  nom  du  Seigneur  qu'en  patience 
vueilliez  ouir  la  raifon  :  c'eft  le  Symbole  des  Apoftres  &:  les  articles  de  la  foy  que  ie  croy, 
U  que  vous  confeiîez,&:  que  tous  Chreftiens  doyuent  fauoir  &:  croire.  Dont  itrfuis  bien 
efmcnicillé  que  ceux  qui  fe  font  mis ,  ou  ceux  qu'on  a  ordonnez  pour  Inquifiteurs  de  la 
foy ,  que  principalement  d'icelle  croyance ,  vray  Sym bole  àc  articles  de  foy ,  ils  ne  s'en- 
quierent;  veu  que  nous  l'appelons  le  Credo  des  Chreftiens.  Mais  c'eft  vne  pitié  digne 
d'eftre  plourec ,  qu'on  eft  ainfi  mené  de  rage  :  car  ie  fay  que  pour  telle  croyance  &  vrais 
articles  de  foy ,  ie  ne  feray  iugé  à  lamort  :  mais  feulement  pour  non  adhérer  &  vouloiF 
croire  aux  commandemens  des  hommes.  Or  bien,  le  Seigneur  face  de  moy  fa  volonté: 
ie  fuis  à  luy  &  à  la  vie  &  à  la  mort.  le  vous  eferi  ceci  feulement ,  au  moins  s'il  faut  que  ie 
foufFre ,  que  ne  me  iugiez  pour  hérétique.  Car  ie  ne  fuis  ignorant  de  la  croyance  &  arti- 
cles des  Chreftiens  :  mais  les  croy  tous  fimplement ,  félon  la  petite  capacité  de  foy  que 
Je  Seigneur  m'a  diftribuee  de  fagrace,  comme  vous  orrez. 

pRemierement  ie  me  tien  Chreftien ,  &c  non  hérétique ,  fchifmatique ,  Turc ,  Epicu-  £°f"y  ^™ 
rien,  Arrien,  ou  femblable  monftre .  La  raifon,  pource  que  te  croy  en  Dieu ,  non  point  uam  les  ar- 
à  vn  dieu  Payen ,  Mahomçtifte,  ou  dieu  des  idolâtres ,  mais  vn  vray  Dieu  régnant  &  vi- 
uant ,  vray  pieu  (dy-ic)Createurduciel&  de  la  terre,  le  vray  &  propre  Dieu,  comme  ie  croy  Ecclci.*.' 
que  nos  Pères  ont  creu ,  alTauoir  le  Dieu  d'Abraham ,  d'Ifaac  &:  de  Iacob.  lequel  ils  ont 
aimé,  feruy  &  feul  adoré,  dont  n'ont  point  efté  fruftrez  de  leur  attente ,  ains  l'§nt  trou- 
ué  Dieu  véritable  en  promefle,  ainfi  que  ie  croy  que  tous  ceux  qui  mettront  leur  efpe- 
rance,  fiance &aflcurance  en  luy,lctrouucront  Dieu  gardant  promefle,  Dieufauora-  Hcb.io.zj. 
blc  &:  mifericordieux  à  tous  ceux  qui  le  craindront  U  aimeront,rendans  à  luy  feul  l'hô- 
neur  qui  luy  appartient.  ^Ie  me  tien  auflî  Chreftien ,  &;  non  Iuif  ou  Antechrift  &  fem- 
blable, pource  que  ie  croy  en  Iefus  chrijhjbn  Fils  vniquenojbe Seigneur,  laquelle  féconde  per- 
sonne en  Trinité ,  croy  eftre  Fils  coeternel  du  Pere,  de  la  propre  liibftance  &c  nature  di-  iean  r.f, 
uine,egalau  Pere. 

Croy,  quand  le  temps  a  efté  que  le  Seigneur  auoit  promis  à  nos  Pères  anciens,dés 
incontinent  après  la  tranlgreflîon  d'Adam ,  parlant.de  la  femence  de  la  femme,  laquel- 
lebriferoitlatefteduferpent,quecela  a  efté  accomplylors  que  le  Seigneur  a  enuoyé 
fon  Fils  ici  bas,  &  fait  repofer  au  ventre  virginal,  prenant  de  la  Vierge  noftre  humani-  Mat.1.13. 
té.  le  croy  que  tout  ce  a  efté  fait  par  l'obombrarion  &:  vertu  du  S.Efprit,  comme  l'Ange  L  uc 
auoit  dit  à  la  Vierge,  Et  pourtant  le  croy-ie  maintenant  eftre  Dieu  &  homme  :  homme    onu,}  4* 
(dy-ie)  de  la  femence  de  Dauid  félon  la  chair  :&:  Dieu,  pource  qu'il  eft  déclaré  Fils  de 
Dieu  en  puifTance  félon  l'Efprit.  Pourtant  dy-ie  en  ma  croyance,  Conceu  dttS.Eftrit,  nay 
de  la  Vierge  Marte. 

Ie  croy  qu'après  qu'iceluy  Iefus  Chrift  fut  nay,  venant  en  aage  floriftbit  en  vertu  ex- 
cellente^ que  dés  fon  ieune  aage,mefme  à  douze  ans,comméçoit  à  faire  l'ceuure  pour  Luc  1 41, 
laquelle  il  eftoit  enuoyé  de  fon  Pere.  Dont  de  plus  en  plusfe  manifeftoyentenluy  les 
vertus  d'cn-haut,tellement  que  tout  le  peuple  s'efmerueiUoit  de  fa  fapiéce  &c  do£trinc> 


Liurc^f  III.  Çùdefroy  dc~>  Hamellt^. 

en  magnifiant  &:  glorifiant  le  Dieu  du  ciel.  Mais  les  Preftrcs,  Scribes  &:  Pharificns  n'efl 
fail'oyent  nullement  leur  profit,  ôt  tant  s'en  faut  qu'ils  en  dônaiTent  gloire  à  Dieu  corne 
le  menu  peuple,  que  mefme  prindrent  grand  enuie&  haine  contre  luy  :  tcllemér  qu'ils 
Mar.itf.4,  confpirerent  entr'eux  de  le  rairc  prendre ,  &  ne  le  plus  laifTer  viure  :  mais  le  liurcrent  au 
&  17  5      prcuoft  des  Romains,  qui  lors  eftoit  Ponce  Pilate:  lequel  ayant  ouy  &:  in terrogue  Iefus, 
fut  contraint  de  reuenir  à  eux,  difant  qu'il  ne  trouuoit  enceft  homme  caufe  de  mort, 
lean  19  4.  Mais  luy  oyant  la  voix  de  tous ,  lcfquels  crioyent ,  Crucifie-le ,  crucifie-le  :  &:  que  s'il  le 
deliuroit  il  n 'eftoit  point  amy  de  Cefar,  obéit  au  pcuple,craignant  de  perdre  Ton  office: 
&:  en  le  lauant  les  mains,  le  condamna  à  mort  la  plus  ignominieufe  du  monde.  Et  pour- 
tant en  ma  crcyacc  ic  dy,(£uila  foujfertfott*  Ponce  Pilate^ejuila  efté  crucifié,  mort,  enfeuely,  &  dé- 
pendu aux  enfers.    Et  pour  déclarer  qu'il  eftoit  non  feulement  homme,  mais  aufli  Dieu 
tout- pu  i  liant  :  il  s 'eft  monftré  victorieux  du  diable,  d'enfer  &:  de  la  mort  qui  ne  la  point 
cnglouty.  Et  afin  qucfarefurre&ionne  femblaftfantofmc,  ou  qu'on  n'endoutaft,il  a 
Loci4.43.  parlé,  cheminé,  beu  &c  mâgé  auec  fes  difciples&:  Apoftres,  choiiis  pour  tefmoins. Bref, 
j  Cor.  ï<i.6.  jj  a       vtu  de  pius  Je  cmq  c£s  frCrcs  à  vnc  fois.  Dont  quarante  iours  après  les  a  menez 
horsdclcrufak  men  vne  montagne ,  où  il  leur  dit  plufieurs  parolles  tant  du  Confola- 
teur  qu'il  cnuoyeroit ,  qu'auiTi  il  feroit  auec  eux  iufqu  a  la  confommation  du  uecle.Puis 
Acl  1  g.     l'ont  veu  de  leurs  yeux  monter  en  vnc  nuee  aux  cieux  à  Dieu  fon  Perc.  Et  pourtat  croy- 
ic,  &:  dy  en  ma  croyance  qu'il  cft  rejjufaté  des  morts,  &  taèii cft monté aux  deux,  où  tlfied  a  la  dex~ 
tre  de  Dteufon  Peretout-pwjfant.  le  croy  iceluy  Iefus  Chrift  eftre  maintenant  à  la  dextre  de 
Hcb.7.if.  fon  Pere,noftre  vray  Interceflcur,  Médiateur &:  feul  Aduocat,toufiours  viuant,& in- 
tercédant pour  tous  les  poures  pécheurs»  qui  viennent  au  Pered'vn  cœur  contrit &hu- 
Epkf  mi.  milié:&  à  la  faueur  d'iccluy  Ieliis ,  croy  que  par  luy  auons  accez&:  grâce  par  foy,  croyat 
que  le  Pere  nous  regarde  en  la  face  de  fon  Fils.  Et  croy  qu'iceluy  Iefus  Chrift  ne  defeen- 
A0  ■' ■"•     dra  de  là  iulques  à  fon  fécond  aduenement,  lequel  ne  fera  point  comme  fous  couuertu- 
re  ou  en  cachette  :  mais  ainfi  qu'on  voit  le  folcil  fe  leuer  d'Orient ,  &c  faire  fa  courfe  iuf- 
Mat.14.17  qU'en  Occident  :  ainfi  fcmonftrcra  Iefus  pleinement  &c  à  veuéd'œil.  Et  croy  que  ce  fé- 
cond aduenement  fera  pour  iuger  le  monde,  alfauoir  bons  &  mauuais.  Et  pourtat  ie  dy 
en  mon  Sym  bole,  le  croy  cjue  de  la  dextre  il  viendra  iuger  les  -vifs  &  les  morts.     Au  ilî  ie  me  tien 
Chrcfticn&:  non  hérétique,  fchifmatique,  magicien  ne  femblable,  pomec  queiecroy  m* 
LcS.Efprit.  s.Ejpnt.  Au  S.Efprit(dy-ie)non  point  à  vn  efprit  de  fantofme  ou  d'art  magique, ou  efpric 
diabolique,mais  au  vray  S. Efprit  :  lequel  ainfi  que  i'ay  confeiîe  que  le  Fils  eftoit  coeter- 
nel  auec  le  Pere,d'vne  mefme  nature  diuinc:aufli  croy-ie  que  ce  faind  Efprit  eft  coeter- 
nelauecle  Pere  te  le  Fils,  d'vne  mefme  fubftance  &:  nature  diuine.Bref,ie  croy  le  Pere, 
le  Fils, le  fainct  Efprit  eftre  vn  feul  Dieu  en  trois  perfonnes.  le  croy  ce  faind  Efprit  eftre 
lcanitf.7.   iceluy  mefme  que  Iefus  Chrift  promit  à  fes  Apoftres,  l'appelât  le  Confolatcur  qu'il  en- 
uoyeroit.  Ce  que  ie  croy  qu'il  a  fait  au  iour  de  Pentccoftc,lors  qu'ils  eftoyent  aflemblez 
en  Ierufalem  l'attendans:  où  il  a  efté  bien  monftré  queceftoit  vn  Efprit  d'efficace ,  &: 
non  point  efprit  de  fantofmercar  après  l'anoir  receu  ,  ont  efté  munis  de  toutes  langues, 
tellement  que  toutes  nations  ont  magnifié  le  Seigneur,  des  merueilles  qu'ils  voyoyent 
par  ce  fainct  Efprit  leur  eftre  données.  le  croy  aufli  que  ce  faintt  Efprit  eft  celuy  mefme 
qui  pou/Te &:  in  fpire  tous  Chrcftiens  fidèles  à  faire  ceuure  plaifantc  à  Dicu:qu'iceluy  E- 
Rrm  s l/  ^Pr'c  a,^e  'e  n°ftrc»  &  9lie  ne  faurions  quelle  chofe  nous  deurions  prier ,  s'il  n  aidoit  no- 
Gal.4.<î.    ftrcfoibleiîe.  Bref,ie  croy  que  c'efteeluy  qui  nous  fait  crier  de  boneccur ,  Abba,  Pere, 
&:  qui  nous  rend  tcfmoignage  que  nousfommes  héritiers  &  enfans  de  Dieu,  &:  cohéri- 
tiers de  Chrift.    IemedyauffieftreChrcftien,&:non  point  hérétique  faifant  fe&e  à 
L'Eglifc.    part)  p0urcc que tecroy  la fameie  Eglifevniuerfelle:h faincle  Eglife(dy-ie)gouuernee&regic 
!.Cor.n.i8  Parlc  fainét  Efprit.  qu'ainfi  que  l'homme  cft  le  chef  delà  fcmmc,aulfi  Chrift  eftchefdc 
rphe.  4.11.  telle  Eglifc.  le  ne  fuis  ignorant ,  mais  croy  qu'en  icelle  Eglifc  faut  qu'il  y  ait  des  Surueil- 
i.Tjm.j.17.  Jans, aifaiioir  Eucfqucs,  Pafteurs ,  Miniftrcs ,  Diacres,  Anciens,  tant  pour  annoncer 
au  peuple  la  fainétepaftureEuangelique  ,  que  pour  adminiftrer  lesfaincts  Sacremens, 
félon  l'ordonnance  qu'il  a  laifTee.  Et  qu'iceux  Surueillans  font  dignes  de  double  hon- 
neur,entant  qu'ils  font  miniftrcs  de  Iefus  Chrift,  faifans  Iccuure  de  Dieu.  Deuons  eftre 
foigneux  de  frequenter&  ouir  leurs  prédications  &  remonftrances;les  tenans  nô  point 
comme  pa  rolle  d'hommes ,  mais  de  Dieu ,  entant  qu'ils  font  vrais  ann onciateurs  de  la 
pure  vérité ,  fondans  leurs  fermons  &:  commandemens  fur  la  pure  parolle  tant  des  Pro- 
phètes que  de  Iefus  Chrift  &:  de  fes  Apoftres. 


Ïe  me  dy  encore  eftre  Chreftien,  pourcc  que  iccroy  la  communion  des  Sainfls.  Cariehe 
{\iis  ignorant  de  toute  la  communion  des  Sain&s  qui  font  regnans  en  la  cour  celefte  :  &c 
non  feulement  d'iceux ,  mais  aufli  la  communion  des  Sain&s  viuans  encore  en  ce  ficelé 
mortel,tous  croyans  &:  fidèles  qui  font  d'vn  accord  &  d'vne  mefme  foy,  vnis  &C  côioin  ts  Eph.4  4.j. 
enfemblc  fans  difeord  ou  dùTenfion  l'vn  auec  l'autre  :  mais  humbles,  paifibles  &:  mode- 
ftes,  s'aymans  l'vn  l'autre,  &:  vfans  d'hofpitalité  &:  de  charité  mutuelle.    ^Ie  croy  aulli 
cftre  Chreftien ,  pource  que  iecroy  la  remtfion  despechcx,.  d'autant  que  la  fatiffaâion  &:  rc- 
miflion  des  péchez  cft  faite  par  vn  feul  lacrifice  que  le  Fils  de  Dieu  a  fait,fe  lai/Tan t  atta-  ihbr  9.i6, 
cher  au  bois  de  la  croix  pour  faire  la  Latilfa&ion  des  péchez  de  tous  croyans ,  appailant  &  ,o  u- 
l'ire  de  Dieu  fon  Pere  contre  le  peché:&  pour  fon  obeiffance  ie  croy  qu'il  a  obtenu  par- 
don pour  nous.  Dont  par  telle  humilité  du  Fils  de  Dieu,  s'abaifiant  tellcmét  pour  nous 
que  de  prendre  la  forme  de  feruiteur ,  nous  deuons  à  fon  exemple  nous  humilier ,  nous  Philip.  1.3.' 
gardans  de  l'ofFenfer  :  Se  auoir  en  grand  horreur  &  haine  le  péché ,  puis  qu'il  a  fallu  que 
le  Fils  vnique  du  Pcre  en  ait  cfté  cloué  au  bois,&:  y  ait  efpadu  tout  fon  làng.  Que  il  nous 
c  soyons  vrayement  ce  bien  nous  cftre  fait  fans  l'auoir  mérité,  nous  deuôs  auoir  vne  foy  Gal  r*. 
viue  &  ouurante  par  charité  &c  dile£tion,nous  exercitans  en  toutes  œuures  de  pieté,tât 
pour  plaire  à  noftre  bon  Dieu  que  pour  profiter  à  noftreprochain.    Et  croy  queceluy 
qui  fe  dit  auoir  la  foy,  tant  de  la  rcmifiion  des  péchez,  que  des  bénéfices  faits  parlefus  L<*  œu: 
Chrift,  &C  toutefois  ne  demonft  re  par  œuure  les  cfFe&s  de  foy  viuc  :  cefte  foy  ne  luy  pro-  llres  ' 
£te  de  rie:  mais  eft  vne  foy  morte  &c  feinte .  car  ainfi  que  le  corps  fans  ame  eft  mort,ainfi  uq.lllo; 
eft  la  foy  morte  fans  ceuurcs,  Maisie  ne  croy  point  par  ceuures,  tant  bonnes  que  nous 
les  puifîïons  faire,  mériter,  n'y  eftre  fauuéparieelles  :ne  mefme,  ayant  accomply  tou- 
tes chofes  qui  font  commâdees ,  eftre  autre  que  poure  feruitcur  inutile,afin  de  dernan-  Luc  17. 10." 
der  remifîion,  grâce  &:  mifericorde  par  le  feul  moyen  du  Médiateur  lefus  Chrift.  le 
me  dy  encore  eftre  Chreftien,  &:  non  hérétique,  Sadduceen  ne  femblable ,  pource  que  Refurrc- 
ie  croy  la  refurretiinn  de  la  chair,  que  fans  faute  au  definemét  de  ce  fiecle,  quad  lefus  Chrift  ftl0D- 
defeendrapour  fon  fécond  aduenement,& qu'au  fon  de  la  trompette  &  à  la  voix  de  1-  i.Thc^.i* 
Ange,  quand  il  dira ,  Leuez  vous  morts ,  qu'alors  en  vn  iect  d'œil  tous  morts  reflufcite- 
ront,  reprenans  leurs  propres  corps  qu'ils  auoyent  quad  ils  eftoyent  encore  en  ce  mon- 
de terreftre.  Mais  le  changement  en  fera  grand,  câr  la  chairlors  cftant  corruptible, vile 
&:  mortelle,  feraadonc  incorruptible  &:  immortelle.    le  me  tien  encore  pour  la  fin  de 
ma  croyance,  Chreftien,  &:  non  mal-heureux  hérétique,  pource  que  iecroy  la  y  te  éternelle. 
le  croy  qu'en  ce  fécond  aduenement,  lefus  Chrift  iufte  luge  viédra  tenir  fon  fiege  iudi-  Mat.xj.  31. 
cial  pour  iuger  le  monde^  &:  fera  venir  toutes  natios  de  la  terre  deuant  fa  maiefté,  fepa- 
rantles  vns  des  autres  comme  vn  pafteur  fes  brebis.à  fa  dextre  feront  les  bien-heureux 
&:  eleus,&:  les  bouc  s  àfafcncftre,qui  feront  les  maudits  &reprouuez.Adôc  dira  le  grâd 
Dieu  &c  luge  iouuerain  à  ceux  quiferont  à  fa  dextre,  Venez  les  bénits  de  Dieu  mon  Pè- 
re ,  pofledez  le  royaume  qui  vous  eft  préparé  des  la  fondation  du  monde.  Puis  viendra 
à  ceux  de  là  feneftre  en  voix  feuere  &  rigoureufe,difant,  Allez  vous  maudits  de  mo  Pe- 
re ,  en  flame  éternelle,  qui  eft  préparée  au  diable  &  à  fes  anges. Et  ainfi  ie  croy  que  ceux 
de  la  dextre,  qui  auront  craint,  adoré  &:  aimé  le  Seigneur  de  tout  leur  pouuoir,  force  & 
entendement ,  tous  iouyront  de  la  douce  &  heureufe  familiarité  delà  cour  celefte,  def 
quelslaface  fera  reluifante  comme  le  foleil.     Aufii  croy- ie  que  tous  ces  mal-heureux 
&:  reprouuez  de  la  feneftre,  qui  n'auront  craint,  honnoré,feruy  &:  aimé  le  Seigneur  co- 
rne ils  deuoyent,  nefe  foucians  de  luy  qu'à  demy,&:  ne  l'aimas  qu'en  pallant,  iront  iouir 
de  la  familiarité  de  tous  les  diables,  &:  fentirôt  la  gehéne  du  feu, qui  iamais  ne  s'efteind,  Mat.z^o. 
oùyaurainceiTammcntpleurs&:  grincement  de  dents.  Bien-heureux  fera  celuy  qui  ne  aPoc.i.u: 
fera  point  touché  de  la  mort  féconde.  Voila  lapetite  &  fimple  croyance  du  poure  pri-  &  10>6> 
fonnier.Iene  la  vous  ay  point  eferite  afin  que  la  receuiez  pour  vne  croyance  excellente 
bc  de  haute  fcience&:  magnifique,  mais  comme  d'vn  petit  infiniment  du  Seigneur,  af- 
fame de  fauourerdauantage  lapaftuceEuangclique,dont  i'ay  à  remercier  mon  Dieu 
merueilleufement ,  qu'outre  ce  que  i'ay  receu  de  luy  de  fa  pure  grâce,  encore  il  m'a  fait 
cegrand  bien ,  que  nullement  n'auoye  deferuy  enuers  luy ,  ains  pluftoft  fon  ire,  s'il  me 
vouloit regarder  félon  ma  face  corrompue,  &la  vie paiîce,  dont  ie  m'aceufe  deuant 
luy ,  que  tant  s'en  faut  que  ie  feroye  fon  enfant,  héritier  de  fon  royaume,  que  pluftoft  ie  Aftion  ,e 
feroye  enfant  de  dam  nation.  grâces  de 

Q  e  ie  ren  grâces  à  Dieu  par  lefus  Chrift  noftre  Seigneur ,  qui  m'a  regardé  de  fon  doux  GodcW  ■ 


Liurcj  111  Ç  odefroy  Hamell<u. 

œil  de  mifcricorde,mefme  m 'ayant  fait  digne  d'eftreemprifonné  pour  Ton  S.  nom,&  do 
fouffrir  la  mort  pour  luy,  ainli  qu'il  me  femble  que  l'en  apperçoy  l'apparence,  Se  aulïî  ic 

Coi.1.9.  my  atten,  n'ayant  plus  efperance  de  viure  en  ce  fîecle  :  car  pafie  délia  longuement  i'ay 
reccu  fentence  de  mort  en  moy-mefme,  afin  que  ie  n'aye  point  efperance  en  moy:  mais 
au  Dieu  viuant  ,qui  rcfîufcite  les  morts.  Auiourdhuy  Vendredy  après  la  Pétecofte,  ayat 
eftémterroguédemafoy  pour  la  dernière  fois,  m'ont  dit  qu'on  ma  fait  trop  de  grâce 
de  me  garder  li  longucmcnt.mais  les  poures  gens  ne  regardent  point  que  ça  efté  la  vo- 
lonté du  Seigneur,  Se  non  eux. Car  ic  croy  que  le  Seigneur  a  nombre  tout  le  nombre  de 
mes  iours,&:  qu'ils  n'en  peuuent  abbrcgerny  allonger vnfeul, non  point  d'vne  petite 
demie  heure.  Or  quand  il  luy  plaift,  ie  luis  à  luy  Se  à  la  vie  Se  à  la  mort,au  feu  &:  à  l'elpec, 
Se  à  ce  qu'il  luy  plaira,  moyennant  que  fon  Nom  foit  fanâifié,  Se  Ion  Eglife  edifice-.il  ne 
m'en  chaut ,  pourucu  que  fa  volonté  foit  faite.  ^Seulement  mes  frères, ie  vous  prie  que 
lacraintedu  Seigneur  foit  touliours  deuant  vosyeux:pource  que  la  crainte  de  Dieu, eft 
commencement  de  tout  bien.  Viuez(dy-ie)en  paix  Se  concorde  iufqucs  à  voftre  depar- 

Pfcau.34.15  tement  de  ce  liecle,  tant  auec  vos  chères  parties,  qu'auec  vos  frères  &  prochains.  Ccr- 
chez  tant  la  paix  que  vous  la  trouuicz  :  Se  iamais  ne  luy  donnez  côgé.car  noftre  Dieu  n'- 
en: point  Dieu  de  dilTenlion,  mais  le  Dieu  de  paix.  Soyez  fermes  en  oraiibn,  &  ne  foyez 
laflé  z:  car  l'oraifon  Se  prière  au  Seigneur  eft  comme  la  clef  du  cichc'cft  comme  vne  am- 
bafiàde  pour  déclarer  à  Dieu  nos  demandes,  ôd  auffi  pour  obtenir  grâce  de  luy. Croyez, 

Li  vertu  de  frcres  qtlc  ja  prière  faite  en  foy ,  eft  de  grande  efficace  enuers  Dieu,  N'oubliez  auffi  la 
lecture.    La  grâce  du  Seigneur  vous  loit  pour  aide. 

Autre  epiftre  dudit  Godefroy>par  laquelle  il confole  fes  parais  5: amis. 

E  n'eftoye  point  délibéré  de  plus  vous  eferire,  comme  auffi  icn'ay  fait  à  ma  pro- 
pre mere:fachant  que  mes  lettres  ne  donnent  maintenant  que  pleurs  Se  foufpirs. 
neantmoins  ic  me  fuis  accordé  de  vous  eferire  encore  celle  fois,  Se  principalement  afin 
que  voftre  triftefTe  foit  modérée ,  Se  que  vous  l'accoupliez  auec  lieflertellemet  que  ioyc 
Se  douleur  s'entrebaifent  l'vne  l'autre.  I'ay  efpcrace  Se  croy  que  le  Seigneur  fupportera 
voftre  triftelîe  modérée,  qui  eft  poiu  l'amour  qu'auez  à  moy  félon  la  confanguinité  'Se 
pour  l'amour  corporel.  Mais  ie  vous  prie  que  la  ioye  palTe  par  delTus  voftre  ennuy,vous 
aduertiffant  que  le  Seigneur  n'a  point  delaiilé  fon  pouie  feruitcur:  mais  luy  a  donné  la 
hardielle  de  le  confeller  deuat  les  hommes  limplemét,  fans  couuerture  ne  fallaccrmais 
rondement  félon  la  petite  mefure  de  foy  qu'il  m'a  diftribuee  parla  grâce  :  Se  m'a  aidé  à 
palier  tous  afiauts ,  tant  de  la  torture  que  de  la  bataille  contre  la  chair.  Le  Seigneur  m'a 
deliurc  de  toutes  te  ntations,m'aidant&  confortant  en  tout  &  par  tout:comme  encore 
i'ay  fiance  qu'il  parfera ,  Se  ne  dclaifîcra  point  fon  poure  feruitcur  au  plus  grand  befoin. 
le  luy  mets  au  deuant  qu'il  tienne  promeUe,  comme  il  a  touliours  fait  à  ceux  qui  fe  font 
Pfciu.puf  fiez  en  luy,  ayant  dit,  le  ne  te  delailleray  point  en  tribulation.  Mon  cœur  fentantainfi 
la  main&  puiilance  de  Dieu,croift  en  confiance  Se  alîeurancc  qu'il  me  fera  adiuteur&: 
dcfenfcur.Ccla  méfait  pa/Ter  vne  armée  de  tentations, eftant  muny  des  promclTes  qu'- 
il a  faites  aux  affligez,  Se  principalement  à  ceux  qui  fouffrent  pour  fa  querelle.  Parquoy 
ic  vous  prie,  chère  Se  bien  aimec  fœur ,  de  ne  vous  côtrifter  point:mais  que  vous  repre- 
niez vigueur,ayant  plus  de  ioye  que  d'ennuy,  vous  alTeuraut  que  voftre  frère  prifonnier 
n'eft  point  dclaifle  du  Seigneur.  Etiicfpcrcqucmoncmprifonnement  ne  fera  au'def- 
honneurde  fon  nom,  ny  au  fcandale  de  fon  Eglife:  car  ic  croy  pluftoft  qu'il  a  permis  de 
me  mettre  es  mains  de  mes  contraires  pour  la  gloire  de  fon  nom  Se  l'édification  de 
fon  Eglife.  Si  ie  ne  vous  ay  eferit  qu'vne  fois,  eft-ce  pource  que  ie  ne  vous  aime  point? 
Die  u  le  fait.  Car  vous  auez  efté  celle,  depuis  qu'auez  reprins  vigueur  &  courage  à  la  Pa- 
roi le,  que  i'ay  eu  en  continuel  foin,  comme  macherc&:  plus  qu'aimée  fille,que  i'ay  en- 
gendrée en  l  Euangile  de  Chrift.  Combien  que  ce  n'a  point  efté  moy,  mais  la  grâce  du 
Seigneur,  vous  ayant  regardé  de  fon  doux  œil  en  pitié  Se  côpalfiôn,  Se  en  la  face  &:  doux 
viairedefonFils.  S'il  luy  a  pieu  donc  de  vous  choifir  parla  grâce,  Se  faire  participante 
de  fon  Fils  par  la  cognoilfance  de  là  parolle,  ia  ne  vous  aduiénede  perdre  courage  pour» 
les  perfecutions  que  vous  voyez  appareillées  à  ceux  qui  veulét  viure  en  pieté  félon  le- 
fus  Chrift,maiscroyans&:cognoiîlàns  que  nous  fommes  deftinezàccla,  de  tant  plus 
nous  faut-il  eftrc  fermes  à  la  parolle  du  Scigneur,voyans  qu'icelle  eft  accoplie  en  nous, 
4}uâd  nous  fommes  vitupérez  Se  affligez.  Et  pourquoytfl  eft  bien  certain  que  c'eft  pour- 

ce. 


Cjodefroy  Jrf 4metlc_j.  i  pi 

ce  que  nous  croyons  au  Dieuviuant:  carfiie  vouloye  confentir  aue'c  eux  de  croire  en 
leur  dieu  de  pafte  cuitte,  hier  aufsi  tard  qua  huit  heures  au  loir  ils  médirent  que  la 
mort  du  corps  me  leroit  garentie.  le  refpondy,quc  quand  i'y  adhereroye,ceYeroit  félon 
la  bouche  qui  parleroit,&:  non  le  cœur  -èc  leroit  feulement  pour  efchapper  vue  mort 
parleglaiueouparlefeu:dont  i'ofFenferoye  leSeigneur  contrema  confcience, voire  Refponfe 
contre  le  fainft  Efprit.  Païquoy  l'aime  mieux  fouffrirpluftoft  mille  morts,s'il  eftoit  pof-  conftjntc« 
fible,que  renier  mon  Seigneur  Iefus. l'aime  mieux,di-ie,  cftre  dcfaduoué  des  hommes, 
&:  reietté  d'cuxique  d'eftre  dénié  de  Iefus  Chrift  deuant  l'on  Pere  &c  toute  la  Cour  cele- 
fte.  ^  Ils  demeurèrent  là  commeayànsla  bouche  clofe,&:  me  firent  incontinent  a- 
pres  ces  parolles  rebouter  en  prifon.  Celafut  mis  ehcores  par  efcrit,auec  beaucoup 
d'autres  parolles  que  nous  auions  eu  deuant.  le  voy  bien  qu'ils  ont  grande  compaflion 
de  moy,  les  poures  gens  :  &c  auflî  certes  ie  les  regarde  eh  pitié  quâd  ie  fuis  deuant  eux:  &: 
principalement  en  ma  prière*  priant  pour  eux'.  Car  la  plus  grande  partie  eft  efpouùan- 
tee  de  côdamner  telles  gens  à  mort:mais  le,teimoignage  de  ceux  qui  m'ont  liuré  à  eux, 
les  rend  confus*  ne  fachans  que  dire:aufli  le  mandement  de  Cefar,  duquel  ils  perdroyét 
l'amitié.  Il  eft  vrày  que  ie  fuis  maintehat  en  leurê  mains,  mais  principalemet  en  la  main 
du  Seigneur  mon  Dieu ,  lequel  a  tous  les  cœurs'des  hommes  en  fa  main.  Et  pourtant  ie 
me  repofe  fur  luy ,  qui  eft  tout-puiflantj  attendant  fa  bonne  volonté,  ainfi  qu'il  luy  plai- 
ra difpofer  de  moy  :  m'alTeurat  bien,  de  ce  qui  peut  aduenir,  cjiie  rien  ne  permettra  que 
ce  ne  foit  tant  à  l'honneur  &:  à  la  gloire  de  fon  nom ,  qu'à  l'édification  de  fon  Eglife ,  &  à 
m  on  falut.  le  m'efiouy  &c  m'efiouiray  iufqlies  au  dernier  foufpir,m'afleuran.t  qu  e  Chrift 
meferatoufioursgainàviure&à  mourir.  RefiouhTez-vous  donc  âuecmoy  ,&difons 
auec  l' Apoftre,  Grâces  à  Dieu ,  qui  toufiours  triomphe  en  nous  par  Iefus  Chrift  noftre 
Seigneur.  La  grâce  d'iceluy  foit  en  vous  multipliée,  ornant  voft  re  efprit  de  foy,  defpe^- 
rance  &:  de  charité.  Saluez  tous  ceux  qui  m'aiment.  le  ne  me  recômande  pas  aux  prie-  t.Cor.i.i4 
res  de  vous  tous,  pourtant  queienefày  fi  cefte  lettre  fera  en  vos  mains  deuant  que  ie 
foye  oftédecefiecle.  Car  hier  le  Chantre  me  dit;  Puis  que  iene  vouloye  changer  d'o- 
pinion, feulement  de  la  Méfie ,  qu'il  falloit  que  ie  fourTrifiTe:&  l'autre  iour  deuat  aucuns 
de  la  îuftice  me  difoyent,  que  ce  qu'on  m'auoit  tenu  l'efpace  de  neuf  ou  dix  iours,  eftoit 
de  grâce,  l'atten  donc  de  iour  eh  iour  &:  d'heure  en  heure  la  mort .  ôr  h'eft-ce  point  la 
mort  que  i'atten  >  mais  c'eft  la  vie. 

La  fin  &!  .uorc  h:ureufe  duJic  GoJefroy,  attertee  par  gens  dignes  de  foy. 

f^JE  Samedy  vingttrolfiemeibur  de Iuilletj m.d.lii, après  que  la fentence  de  mort 
^fut  prononcée,  par  laquelle  il  eftoit  déclaré  hérétique,  ledit  Godefroy  dit  ces  pa- 
rolles, Helas,non  point  hérétique;  mais  inutile  feriiiteur  de  Dieu.  Puis  mettant  les  ge- 
noux en  terre,  pria  à  haute  voix  :  Seigneur  Dieu ,  tu  coj*noisléullacaufe  pom  laquelle 
ie  fuis  condamné.  Eftant  venu  au  lieu  du  fupplice,  parla  allez  long  temps  au  peuple, 
perfuadât  vn  chacun  à  croire  en  Iefus  Chrift,  h  à  mettre  fa  fiâce  en  luy  feul:  par  la  mort 
&  pafiion  duquel  auos  rerriiflîon  de  nos  pechez^par  la  foy  en  fon  nom  feulemét.  Et  par-  pa!  olies  de 
loitauec  telle  conftance  que  chacun  en  eftoit  touché:  de  forte  que  les  fimplesgens  di  Godefroy 
foyent,N0Us  ne  fauons  pourquoy  on  fait  mourir  vh  tel  homme;qui  patle  ainfi  de  noftre  ^ra£ut  U 
Seigneur  Iefus  Chrift.  Apres  eftant  fur  l'elcliarraut  il  fe  ietta  à  deux  genoux,  &:  confefla 
les  article^  du  Symbole  Apoftolique:  &  comme  il  difoit  IecroyanS.  Efprit:  k  fuintte Eghfe 
vniuerfelle  :  vn  Chanoine  de  Tournay ,  nommé  Charlar ,  luy  dit ,  Eglife  Romaine ,  Go- 
defroy. Etilrefpondit,  le  rte  croy  quel'Eglife  vniuerfeUe.Lors  sJapprochâ  de  l'attache, 
&  cependant  que  le  bourreau  l'accoûftroit  &C  lioit  de  chaines,  il  djt ,  O  Pere  éternel,  ef- 
coute  le  gemifiement  de  ton  poure  feruiteur.  Derechef  Charlar  luy  dit,  Recômandez- 
vous  à  la  vierge  Marie,  afin  qu'elle  l'oit  voftre  adubcate  énuers  fon  F  ils. Godefroy  refpô- 
dit,  Mon  feul  Médiateur  &C  AduOcat,  lequel  eft  intercédant  enuers  le  Pere  pour  moy, 
c'eft  Iefus  Chrift,  auquel  feul  ie  m'arrefte.  Ces  parolles  dites,  le  bourreau  luy  voulat  fai- 
re quelque  foulagement,  s'appreftoit  pourl'eftrangler:  mais  il  le  refufadiiant,Laiflc, 
laifife,  mon  amy  :  ie  veux  enfuyute  mâ  fentence ,  comme  elle  m'a  efté  prononcée.  Puis 
Yefcria  à  hautevoix,Pere  eternel,reçoy  mô  efprit  en  tes  mains.  Le  feu  eftat  mis  au  bois, 
il  cria  derechef,Pere  éternel  reçoy  moy  en  ton  royaume.Et  au  milieu  des  flammes  ilex~ 
pira  auflï  paifiblement  qu'en  vn  fomne  naturel,  la  face  eftant  efleuee  au  ciel» 


Liutc^M 


Le  re?nc_j  du  roy  Edouard  V  L 


CORNEIL    VOL  C  ART,  &  autres  éxecution  Flandre. 

N  cemefmetehips  seflcua  vhegrande  perfecutioh  en  Ja ville  de  Bruges 
^  en  Flandre,  où  furent  appréhendez  Corneil  Volcart  ,'orfeure:  vn  homme 

Vègèt,  HvîERT 


^VHv  b  t  r  t  Iniprimeur,  ^Phiiè  b  e  r  t  menuher:  tous  ceux-cy  furent 
!^_%Hrv  exécutez  pourvne  mefme  do£tnne  du  Fils  de  Dieu,  &:  moururent  con- 
ftans.  knuiron  ce  mefme  temps  fut  atiffi  conftitué  prifon  nier  en  ladite  ville,  Pi  er- 
re t  e  Ro  v  x,lecjuel  rendit  bonne  &  ample  confeffionde  fa  foy  déliant  ceux  qui  le 
Condamnèrent.  Il  fut  bruflé  tout  vif,  glorifiant  Dieu  en  fa  mort: 

HISTOIRE  deschofès  aduenues  en  CEglifedï Angleterre fom  Edouard  VI.  roy  ihnjlien. 

M.DXir.  Jît^^^fi  O  V  S  auons  veu  cy  deuar  comme  les  fidèles  d'Angleterre  agitez  de  diuer- 
'iestempcftes&:  perfecutions  ont  vogue  fur  mer  tort  dangereufe:  voyons- 
les  maintenant  arriuer  à  bon  port  fous  le  Roy  Edouard ,  après  le  treipas  de 
,  Henry  VI II,  qui  leur  auoitefté  comme  vn  rocher  de  naufrage.  Car  ainfi 
que  la  mer ,  aulïi  les  temps  &:  la  terre  ont  quelque  fois  après  la  tempefte ,  grande  tran- 
quillité par  le  bénéfice  du  Seigneur.  L'ordre  donc  des  années  requiert  de  dire  quelque 
chofe  du  règne  de  ce  petit  Roy ,  petit  iedy  quant  àl'aage,mais  grand  déuant  le  Sei- 
gneur, fous  lequel  l'Eglife  a  eu  repos ,  ou  pluftoft  treucs  pour  quelques  années .    C  e 
roy  Edouard  y  i ,  fut  couronné  Roy  eftant  encores  au  commencement  de  fon  adole- 
Edouard    feenec.  Etpourceque  l'aagene  perrnettoit  qu'il  gouuernaft  le  royaume,  Edouard  Se> 
cm"'     merduede  Sommerfet  fon  oncle  maternel,  fut  ordonné  protecteur.   Parfbn  moyen 
celle  loy  fanglante  Des  fix  articles,  qui  auoit  efté  caufe  de  la  mort  de  tant  de  fideles,fut 
abolie     toute  la  pui/Tance  de  l'EuefqUe  de  Vvinceftre  tomba  bas  :  lalefture  des  fain- 
&es  Efcritùre  fut  remife  en  liberté:  èc  les  MefTes  s'efcoulantcs  petit  à  petit,le  feruice  di- 
Uin  commença  d  cftre eftàbly  en  langue  vulgaire.  Les  commencemens ,  qui  eftoyent 
bien  foibles,  prindrent  peu  à  peu  àccroifîemcnt  en  ce  qui  concernoit  la  reformations 
de  l'Eglife.  Les  bannis,  que  les  dangers  aUoycnt  chafTez  bien  loin,  retournerétau  pays,' 
&:  furent  amiablcment  reccus:  bref,  ily  eut  vn  changement  partout,  onmit  d'autres 
Eucfqucs  parles  diocefes:  ceux  quieftôyent  muets  furent  chaflez.  On  fit  venir  gens 
f-T&Fa"  &l,ans  d'Alcmagne  ,  comme  Martin  Bucer,  Pierre  Martyr  &:  Paul  Fagius,tous  trois 
giuj.        profeiTeurs  en  Théologie,  defquels  lehiiniftere  auoit  efté  chaffé  en  la  ville  de  Straf- 
bourg  après  la  réception  d'vn  Intérim  baftard  que  TEfnpereurCharles  V.y  auoit  fait  in- 
troduire. Martyr  fut  ordonné  en  rvniuerfîté  d'Oxonc:  &  les  deux  autres  à  Cambrigc, 
Des  anciens  inueterez  Euefques  qui  auoyent  efté  depofez  de  leur  eftat,  aucuns  furent 
mis  en  prifon,  les  autres  réduits  à  viure  d'vne  façon  piiuec ,  comme  du  reng  commun. 
Boncr  eaefquè  de  Londres,fut  mis  en  la  prifon  de  Marshal.Gardiner  eùefque  de  Vvin- 
ceftre,&  l'cuefque  de  Dunelme  furent  mis  eh  la  tour  de  Londres.  Or ,  on  peut  reciter 
pour  chofe  digne  de  mémoire,  que  iâ-foit  qu'il  yeuft  plufîeuis  Papiftes  detrauez,  les 
vns  fe  retirahs  du  royaume  à  la  defrobee ,  plufieurs  diflîmulans  finemét  leurs  mefehans 
courages  ^aucuns  ouuertement  repugnans  :  toutefois  il  h  y  en  eutvnfculquiperdiftla 
vie.  Bref,  durarît  les  fix  ans  de  ce  régné  d'Edouard,  l  Eglife  eut  repos ;  :  les  Ecclefiafti- 
ques  aimans  la  vraye  religion  iouyrent  d'vne  bonne  tranquillité,  tellement  que  rien  ne 
«-  lcs  greuoit  :  finon  que  trop  grand' aife  rendit  plufieurs  nonchalans  &c  oififs.Pour la  reli- 
a  gaftérï-  gi°n  &  Pour  confefltoft  defôy,  nul  né  fut  mis  à  mort,  finon  qu'vn  nommé  Thomas  Do- 
giife.       bee,  eftant  mis  en  prifon  le  premier.an  d'Edouard,  il  y  mourut .  &£  quelque  tempjaprcs 
deux  autres  furent  bruflez:l'vn  de  Mayence  en  Alemagne,  l'autre  eftoit  vne  femme  du 
paysdeCantie  :  defquels,  aflâuoir  dé  l'Aleman  qui  auoit  nom  Georgc,&delafcmmc 
nommée  Ieanne,riôus  ne  ferons  icy  autre  mention:  d'autant  qu'ils  eftoyent  chargez  de 
kÏasdÔ  ^nir  quelques  opinions  eftranges:  mais  quanta  T  h  om  a  s  Do  b  f.  e, d'autant  qu'il  a 
bee.       maintenu  l'Èuangile,  &  qu'il  eft  mort  en  prifon  fur  vnèiàm&e  ^uérelle,  nous  en  dirons 
par  forme  de  récit  ce  qui  "s'enfuit,!  l  auoitefté  bouïfierducollegedeCambrige,&:a- 
près  qu'il  eut  heureufement  employé  fa  ieunefle,  aux  bonnes  lettres ,  il  fut  ordonné  ré- 
gent au  collège  dé  faintte  Marguerité,  lequel  auoit  efté  fondé  par  Marguerite  meredu 

ro/ 


^Touchant*  k  *I)ut  de  Sommer  [et.  rjx 

roy  Henry,  &  dcdie  à  fainft  Ican  l'Euangelifte.  Il  eftoit  en  fore  bon  train,  pour  faire  pro- 
fit,  s'il  n'y  euft  eu  empefehement.  Il  aimoit  vnc  fille ,  qui  eftoic  demandée  par  d'autres 
de  ce  melmc  collège,  gens  de  vie  diffolue  :  l'vn  sappeloit  Pindar,  le  fécond  Huthchyn- 
fon,  qui  fe  fit  Prcftre  fous  la  royne  Marie,&:  retourna  à  la  Meffe,  &:  fît  ie  ne  fay  quel  liure 
de  la  Trinité  :1c  troifîeme  auoit  nomTaler.  Ces  trois  garnemens  piquèrent  Dobee 
(qui  eftoitd'vn naturel  paifible  )  de  façon  fioutrageufe,  qu 'eftant  contraint  dequitter 
fi  place  &:  la  pcniîon  du  collcgc,fc  retira  à  Londres  :  ou  citant  vn  iour  entré  au  temple 
de  faind  Paul, voyant  vn  Preftre  qui  leuoit  ion  dieu  de  farine ,  fe  tourna  vers  le  peuple, 
pour  deftourner  d'idolâtrie  ceux  qui  làeftoycnt  ,remonftrant  que  ce  qu'ils  adoroyenr, 
c 'cftoit  du  pain,&:  non  point  Dieu,&  leur  déclara  le  vrây  vfàge  des  Sacrcmcns.  Incon- 
tinent qu'il  eut  dit  ces  parolespubliquementdedans  le  temple  de  fainct  Paul:  le  faict 
eftant  rapporté  au  Maire  de  la  ville,  &£  a  larcheuefque  de  Cantoi  bie ,  on  mena  Dobee 
en  prifon,  où  peu  de  iours  après  il  mourut  >  foit  que  ce  ruft  de  maladie ,  ou  d  ennuy.  S'il 
euft  vefeu  quelque  peu  de  temps  dauantage,  on  eftime  qu'il  euft  efté  remis  en  liberté. 
^^VANT  àIeannedeCantie,lesEuefques  Euangeliqucs  auoyent  concludela  ie..nnedc 
^^^Jfaire  mourir.Mais  vn  amy  familier  de  Iea  Roger^qui  pour  lors  lilbit  publiquemét  CiatK- 
en  Théologie  àLondres  au  temple  de  S.Paul,s'adrefTa  audit  Roger  &:  le  pria  inftâmcnt 
d'éployer  fon  crédit  enuers  larcheuefque  de  Cantorbie,à  ce  qu'il  reprirnaft  l'erreur  de 
cefte  femme,&:  qucla  vie  luy  demeurait  faune:  luy  rcmonftrât  que  pofsible  on  la  pour- 
roit  réduire  auec  le  temps.  Et  pour  obuier  qu'elle  n'infectaft  perfonne ,  qu'oh  la  lequc- 
ftraft  en  prifon,arriere  de  la  compagnie  des  infirmes.  Roger  demeuroit  d'aduis,  qu'en 
luy  oftant  fon  erreur,on  luy  oftaft  aufsi  la  vie.  Qupy  voyant  ceft  amy  luy  dit ,  S'il  eft  ainfi 
ordonné  de  lui  ofter  la  vie  auec  l'erreur ,  au  moins  que  ce  fuft  d'vne  cfpece  de  mort  qui 
refpondcàla  debonnaircté  Euangelique.  Roger  dit,  Le  tourment  que  les  hommes  leaRog. 
endurent  quand  ils  fontbrurtez,pailetantoft.  Ceft  amy  oyant  cefte  parolle,prin't  la  ^  jtaL 
main  dextre  de  Roger:&:  efmeu  d'ardeur  d  efprit,en  la  {errât  tant  qu'il  pouuoit ,  lui  dit, 
Or  fus,il  pourra  vn  iour  auenir  qu'on  vous  fera  fentir  la  force  d'vn  tel  bruflement.  De- 
puis fous  la  perfecution  de  la  royne  Marie,  Roger  hit  le  premier  brufîé,  comme  H  fera 
recité  en  fon  lieu.    On  dit  prefque  chofe  femblablcde  Hunfroy  Midelton ,  lequel  e- 
ftant  détenu  prifonnier  auec  d'autres  l'an  dernier  du  règne  d'Edouard:  rarchcuefque 
de  Cantorbic  auec  fes  compagnons inquifiteurs  ■■>  en  faifoit  l'inftance ,  ainfi  que  ces  po-- 
urcs  prifonniers  cftoyent  en  iugement  public  prefts  à  eftre  condamnez ,  Midelton  dit,  L*™2~\ 
Monfieur  le  reuerend,  ordonnez  &  faites  de  nous  ce  que  bon  vousfemblcra:  mais  ne  l  Arck. 
dites  pas  cy  après  que  cecy  ne  vous  ait  efté  prédit  :  le  vous  dénonce  que  vous  aurez  vo  sue  CrJ 
ftre  tour.  Et  ainfi  aduint.  car  après  que  le  bon  roy  Edouard  fut  mort,ledit  Archeuefque 
&:  autres  furent  aiprementperfecutez. 

TOVCHANT  U  Seigneur  E Jouard  Semer ,  duc  de  Sommerfct ,  Protecteur  du  roy  Edouard  h  du  royaume 
d'Angleterre. 

^ijf-^E  roy  Edouard  n'ayant  ne  pere  nemere,auoitdcuxGncJesdcparfamere,aiTauoir  ! 
^^Edouard  &  Thomas  Semer ,  frères,  l'vn  luy  fut  ordonné  Protecteur  ;  l'autre  fut  Thcmï 
tait  admirai  de  toute  la  mer.  Tandis  qu'il  y  eut  amitié  ferme  entre  ces  deux  frères ,  te-  Scmu. 
nans  bon  contre  les  ennemis  de  la  Religion, le  Roy  demeura  en  profperité  ,&:  la  Répu- 
blique paifible.  Mais  ce  repos  ne  dura  gueres  :  quelques  langues  venimeufesfemans 
matière  de  difeord  entre  eux,  firent  cju'apres  les  mauuaifes  opinions  &:  foufpeçons ,  ils 
commencèrent  à  conecuoir  inimitié  l'vn  contre  l'autre.  La  chofe  vint  iufques  là, quele 
Protecteur  permit  que  fon  frère  l'Admirai  faufTement  accufé&i  innocent  (commede- 
puisaeftécognu  )  ait  eu  lateftctrcnchec.  Delà  aduint  quele  Protecteur  luy-mefme, 
qui  n'eftoit  pas  des  plus  fins ,  &:  le  Roy  qui  eftoit  encore  bien  icune ,  furent  plus  facile- 
ment expofez  aux  déceptions  des  hommes  fins  &:  cauteleux.  Iccux  voyans  qu'il  n'y  a- 
uoit  rien  qui  empefehaft  leurs  entreprifes  que  la  vie  du  feuj  oncle  du  Roy,  ils  forgèrent 
des  crimes  contre  luy ,  qui  eftoyent  (quand  ores  ils  euffent  efté  vrais  )  de  bié  petite  con- 
fequence,  &:  tels  qu'vn  homme,  voire  de  la  plus  baffe  condition,n'en  euft  point  elle  en 
danger  de  mort  félon  les  loix.  Ils  trouuercnt  moyen  de  le  faire  mettre  prifonnier  en  la 
tour  de  Londres:&  nonobftant  il  en  fortit,fe  déportant  de  l'adminiftration ,  &c  gouuer* 
ncment  qu'il  auoit  du  Royaume. 

Mais  cefte  liberté  ne  luy  dura  pas  beaucoup:  car  deux  ans  après  il  fut  derechef  mené 

K.ii. 


LiUft^  ïîï-  Touchants  Iz^duc  Sommer/ tf. 

en  la  mefmc  prifon ,  au  grand  regret  de  toutes  gens  de  bien  :  &:  ainiî  que  le  duc  de  Noi 
thumberland  gouuernoit  le  royaume  ,il  eut  la  tefte  trenchec  ,  vn  peu  deuant  Je  trcfpas 
du  roy  Edouard .         n'y  auoit  lors  prefques  homme  de  bon  jugement  en  Angleter- 
re, qui  n'entendift  que  ce  ne  fu lient  cy  des  prefages  &c  préparations  à  la  mort  du  Roy:&: 
ncantmoins  il  n'y  auoit  perlonnc  qui  vouluft  mettre  la  mainàlabcfongne,  pour  don 
neriecoursau  royaume.  Tanteftoycnt  defpourueus  de  fens  alors  tant  les  grans  feï- 
gneurs  que  les  officiers  &:  gens  de  iuftice  de  la  ville  de  Londres.  Et  de  làj  comme  d'vne 
fontaine,  eft  procedee  vneli  grande  mer  de  calamitez.  dont  cyapresles  effeds  feront 
demonftrez;  Maintenant  il  nous  faut  parler  de  la  mort  de  ce  noble  duc  de  Sommeriez 
&:  des  parolles  qu'il  dir.d  autant  qu'il  fembie  bien  que  ce  faict  n'eft  point  Tans  vn  iïngu- 
lier  miracle* qui  touche  grandement  le  profit  de  l'Eglife.  Il  ne  fera  rien  ici  dit  fans  bor* 
tefmoignage:car  ce  récit  eft  extraiddes  lettres  d'vn  Gentil-homme  de  bonne  marque, 
qui  non  feulement  eftoit  prefent  au  Ipedacle  de  la  mortunais  qui  plus  eft,  bic  n  pies  du 
Duc  fur  l'efchaffaut,  &:  fort  attentif  à  tout  ce  qui  le  faifoit.  Le  récit  defdites  lettres  por- 
toitenefféetee  ques'eniuit.    ^"L'an  du  Seigneur  m.  d  .  l  i  i,  le  vingtdcuzicme lourde 
Ianuier,  &  le  fixicme  an  du  règne  du  bon  roy  Edouard ,  qui  eftoit  encore  ieune  &£  fous 
Sommerfec  tuteurs  :  Je  duc  de  Sommerfet,  fon  oncle ,  eftant  amené  hors  de  la  tour  de  Londres ,  fut 
fupjlicc.    mis  entre  les  mains  des  Efcheuins  de  la  ville ,  félon  la  façon  accouftumeerenuironne  d'- 
vne grand'  troupe  de  gens  armez ,  lefquels  on  auoit  pris  tant  de  la  garde  du  Roy  que  d'- 
ailleurs :  de  là  fut  mené  au  lieu  où  fefchafraut  eftoit  drelTé ,  pour  le  faire  mourir.  Là  ce 
Duc  doux  &:  débonnaire  ne  fît  aucun  femblant  de  refiftence ,  ne  de  voix ,  ne  de  vifage, 
ne  de  la  bouche  :  ains  monftroit  vne  mefme  face  &:  regard ,  comme  on  luy  voyoit  ordi- 
nairement en  famaifon.    Premièrement  il  mit  les  deux  genoux  en  terre,  &c  quant  &c 
quant  leiiant  les  mains,  &  lesyeux  au  ciel,  pria  Dieu.  Et  après  a.uoir  achcué  fa  prierc,ii 
fcleua  derechef, &fe  retira  paifiblement  au  cofté  de  l'eichafraut  regardant  vers  l'O- 
rient: &:  a  utant que ie peux  eftimer  (  comme  eftant  au  milieu  de  l'efchaffaut  conlî- 
derant  diligemment  tout  ce  qui  fe  faifoit)il  ne  fut  onques  erroné  pour  le  regard  du  glai- 
ue,  ne  pour  la  prefence  du  bourreau,  ne  pour  l'image  hideufe  de  la  mort,  mais  comme- 
ça  à  parler  au  peuple  en  cefte  forte:  M  e  S  amis&leigneursbien-aimez,  ie  fuis  icy  a- 
mené  pour  endurer  la  mort:  fans  auoir  rien  commis  contre  le  Roy ,  ne  de  parollcne 
de  faift  j  m'eftant  porté  fidèle  ehuers  la  République  autant  que  nul  autre.  Mais  puis 
queiefuis  condamné  à  mourirpar  les  loix&:  ordonnances,  ie  confelfc  franchement 
que  i'y  fuis  fuier  aufli  bien  que  quclcufi  des  autres.  Parquoy  ie  fuis  icy  preft  à  endurer  la 
mort ,  pour  déclarer  deuant  tous  &c  rendre  tefmoignage  de  cefte  obeilfance  que  ie  doy 
aux  loix  :  à  laquelle  mort  ie  me  fubmets  de  bon  gré  &  volontaircmét.  Et  comme  ie  fuis 
mortel,auflï  ay-ie  mérité  en  beaucoup  de  fortes  deuat  la  maiefté  deDicu  non  feulcmét 
de  mourir  cefte  fois  ,aihsaulîi  plulieurs.  Mais  il  apleuainlià  cePerè  trefclemcnt  &c 
bénin ,  lequel  autrement  pouuoit  d'vne  mort  foudaine  accabler  &:  opprimer  tous  mes 
fens ,  &£  faire  que  ie  n'euife  aucun  loilir  de  le  bien  cognoiftrc ,  ne  moy-mefmc  :  &:  main- 
te^tent  il  me  donne  le  loilir  6c  de  me  repentir  &  de  le  recognoiftre .  pour  cefte  raifon  ie 
'  luy  ren  grâces  de  bon  cœur,  &  comme  il  le  mérite.     Outre  cecy  iayencorcs  quelque 
choie  à  vous  dire,  mes  amis:  c'eft  touchant  la  religion  Chrcftienne,  de  laquelle  ie  peux 
dite,  que  i'ay  fait  ce  que  i'ay  peu,  &:  procuré  diligemment  que  vous  fuflïez  purement 
entretenus  en  icelle,  tantquelapuifTanceaeftéen  mes  mains.  Et  certes  iene  me  rc- 
lUfiouiflân  pen  point  de  cequei'enayfaict.pluftoftïeprende  làoccaiion,&:plus  ample  matière 
ccfainfte.  de  me  refioùir,  puis  que  maintenant  on  voit  que  l'eftat  delà  Chrcftienté  approche  de 
plus  près  au  patron  &c  original  de  la  primitiue  Eglife.  Tant  s'en  faut  que  faye  quelque 
regret  de  cela ,  que  i  interprète  que  c'eft  vn  fingulier  &:  excellent  bénéfice  que  vous  &C 
"   moy  auonsreceude  Dieu,  vous  exhortant  degrande  affection,  &:  vous  priantde  tout 
mon  cœur ,  qu'em braillez  à  bon  efcient&  aucc  humble  rccognoilfance,ce  qui  vous  eft 
propoféauec  reformation  autant  diligente  qu'ilaefté  poflïble,&  que  ledemonftricz 
ouuertement  en  toute  voftre  façon  de  viure.  Et  11  vous  ne  le  faites  ainii,  il  ne  faut  nul- 
lement douter  que  ne  tombiez  en  plus  grans  dangers.    Qv^and  il  eutainfi  parle,  les/ 
cœurs-de  tous  les  afliftans  furent  faifis  d'vne  frayeur ,  &:  laquelle  on  ne  pouuoit  pas  bien 
expliquer ,  &  en  vn  inftant  on  euft  là  ouy  vn  bruit,  &:  comme  vn  cfclat  qui  aduient  fou- 
dain,  comme  d'vn  orage  ou  tourbillon,  tout  ainfi  comme  fi  le  feu  s  eftoit  prins  en  quel- 
que quantité  de  poudre  à  canon  enfermée  dedans  vn  armoire,  qui  feroitvn  bruit  vé- 
hément,' 


tfiftoire  deh  mort  du  duc      Somtnêrfet.  îpj 

hcmcnt  icttoit  tout  foudain  vne  grande  flamme.  Aucuns  penfoyent  que  ce/toit 
vne  grande  compagnie  de  gens  decheual,qui  couru/Tent  de  toutes  parts  pour  fe  îet- 
ter  fur  ceux  qui  eftoyent  Jà  affemblez .  &C  la  (bit  qu'ils  ne  viifcnt  rien ,  toutefois  les  oreil- 
les leur  tintoyent ,  comme  s'ils  eulfent  ouy  vn  tel  bruit.  Dont  aduint  que  prelquc  tous 
ceux  qui  eftoyent  là  pour  regarder,  s  enfuyreht  les  vns  d'vn  cofté ,  les  autres  de  1  autre, 
combien  qu'il  n'y  euft  nulle  occa/îon  apparente,  ny  aucune  violence  faite,  ne  mclme 
nul  qui  fiappaft .  plufieurs  enoyent,  Seigneur  Icfus,  lauue-nous  .  il  y  enauoit  auflî  qui 
ne  bougeoyent  de  leur  place  :  mais  1! s  ne  fauoyent  où  ils  eftoyent .  Cefte  confuiion 
eftoit  grande  de  foy  :  l'vn  difoit  d'vne  forte ,  l'autre  d'vne  autre,  félon  qu'il  y  auoit  dt  s  o- 
pinionsdiuerfes,  félon  lefquelles  vn  chacun  feforgeoit  quelque  danger.  I.  Foxus(tef- 
moin  de  ce  récit)  eftant  là  prefent,  ne  fut  pas  moins  eftonné  que  les  autres  :  car  il  fc  fen- 
tit  tout  cfperdu  en  fon  elpnt ,  comme  attendant  que  quelcun  le  vint  maiîacrcr  d  vne 
malle  d'armes.  ^  En  ces  entre  faites  le  peuple  apperceut  vn  nommé  Antoine  Broum, 
qui  eftoit  monté  à  cheual,&  venoit  vers  l'cfcharfaut.cela  donna  encore  nduuelle  occa- 
iion  de  crier.  Car  voyans  venir  ledit  Broum,  ils  penferent  vne  choie  dequoy  il  n'eftoit 
ricmlaquellc  toutefois  tous  deiiroyent  de  grande  aftechomafTauoir  que  ce  fuft  vn  mef- 
iager  que  le  Roy  euftenuoyé  pour  apporter  la  grâce  à  fon  oncle.  Pourceftecaufeily  en 
eut  aucuns  qui  crioyent,  Grâce,  Grâce:  les  autres,  Viue  le  Roy:  les  autres,  Dieu  garde  Faueur  du 
le  Roy ,  &  parolles  femblablcs.  Or  combien  que  ce  bon  Duc  fuft  deftitué  de  tout  par-  PcuPlc- 
don  des  hommes,  toutefois  il  oyoitauant  que  mourir,  aiTauoir  comme  prefque  tous 
l'aimoyent  &:  luy  portoyeht  faueur.  Et  ne  fauroit-on  dire  que  pour  la  mort  de  quelque 
autre  Duc  il  y  ait  eu  tant  de  larmes  iettees,  que  pour  ceftuy-cy:combien  qu'il  y  en  auoit 
eu  plufieurs  defFaits  en  Angleterre.  Et  cela  ne  fut  point  fans  bonne  caule  :  car  en  la 
mort  de  ce  Duc  tous  voyoyent  tomber  bas  la  tranquillité  publique  d'Angleterre.  ^Et 
pour  retourner  au  premier  propos,  le  Duc  cependant  ne  bougeoit  de  fon  lieu  où  il  e- 
ftoit ,  Se  faifoit  figne  de  fon  bonnet  au  peuple ,  que  tous  fe  tinifent  qupis  :  &c  cela  fait  ,il 
parla  ainfiàtous; 

Mes  amis,  rien  ne  fe  fait  icy  de  ce  que  vpusauez  malpenfe'.  Ilafemblé  ainfi  à  no- 
ftre bon  Dieu  ,  à  l'ordonnance  duquel  c'eft  bien  raifon  que  nous  obeilfions  &C  vous  &: 
moy.  le  vous  prie  que  fuyez  paihbles ,  fans  efmouuoir  aucun  tumulte .  &  de  moy  il  y  Remon. 
a  défia  long  temps  que  ie  iùis  paiiible  en  mon  coeur.  Maintenant  donc,  faifons  prière  à  q™c^4 
Dieu  tous  d'vn  cœur  pour  la  profperitë  de  noftre  louuerain  Roy ,  auquel  ie  me  fuis  mô-  pCUpic, 
ftre  iufques  à  prefent  fubicft  fidèle  &c  obeifTant*  autant  que  nul  autre ,  en  tous  fes  af- 
faires, au  temps  de  paix  &  de  guerre  :&  d'autre  part  aimant  fon  profit,  &:l'vtilité  pu- 
blique de  tout  le  royaume  A  cecy  le  peuple  refpondit  que  c'eftoit  chofe  trefuerita- 
blc.  Il  y  en  auoit  auflfi  qui  crioyent  à  haute  voix ,  Nous  le  fauons  trefbien.  Alors  le  Duc 
pourfuyuant  fon  propos  ,dit  ,  le  délire  à  fa  maieftë  longue  &:  bonne  fante&  ioyeufe,a- 
uec abondance  &: félicité  de  toutes  chôfes,&:  que  tout  bon-heur  luyibit  enuoyédc 
Dieu.  Et  le  peuple  refpcndit ,  Ainfi  foit-iL  Outreplus,  ledefire  que  Dieu  face  grâce 
â  tous  fes  Confeillers,  à  celle  fin  qu'ils  adminiftrent  toutes  chofes  iuftement  &C  droite- 
ment.  Rendez-vous  obeiflàns  à  eux ,  dequoy  ie  vous  exhorte  affeclueufement  au  nom 
de  noftre  bon  Dieu  :  ce  qui  vous  eft  neceifaire ,  &:  d'autre  part  grandement  vtile  pour 
maintenir  la  profperité  du  Roy  Orpoùrce  que  par  cy  deuanti'ay  eu  affaire  à  plufieurs 
gens  &:  de  beaucoup  de  fortes ,  &  que  c'eft  chofe  difficile  de  complaire  à  chacun  :  s'il  y  a 
quelcun  d'entre  vous  à  qui  i'aye  fait  quelque  ofTenfejfoit  defai&oudeparolle,  iele 
iupplie  qu'il  me  vucille  pardonner.&  principalement  ie  demande  pardon  à  Dieu, com- 
me celuy  que  i'ayoffenlé  par  deiTu  s  tous  en  ma  vie.  Et  au  furplus,  ie  pardonne  de  bon 
cœur  à  tous  ceux  qui  m'ont  ofFenfé.  Cependant  ie  vous  prie  &c  fupplie  que  vous-vous 
portiez  paifiblement.  Gardez  que  par  voftre  tumulte  vous  ne  fufeitiez  aucune  fafchc- 
rie:  en  quoy  finalement  vous  n'auriez  pas  grand  plaifir,&  encore  moins  de  profité 
que  fi  vous  faites  quelque  mutinerie ,  vous  ferez  caufe  que,  i'auroye  plus  grande  fafche- 
rie.  Outre  plus,  ie  defire  que  vous  me  foyez  tous  tefmoins,  que  i'atten  icy  la  mort  en 
la  foy  de  noftre  Seigneur  IefusChrift-  cependant  ie  vous  prie  de  bon  cœur  que  vous 
priez  Dieu  pour  moy ,  que  ie  demeure  ferme  en  cefte  foy  iufques  à  la  fin. 
C 1 1  a  dit  il  fe  tourna,&  fe  mit  àgenoux.Et  lors  le  fieur  Cox  luy  preféta  vn  petit  billet1 

K.iiî. 


Lïtm^jlll*  Fftfioire  de  la  mort  du  duc  dc.^  Sommer  [et. 

de  papier  en  la  main  ,  où  ily  auoit  vne  bricfue  confc/Tion  qu'il  faifoit  à  Dieu.  Ayant  veu 
ce  qui  y  eftoit  efcrit,il  fe  leua  derechef  debout  (ans  qu'il  cuit  ou  le  corps  ou  l'cfprit  trou- 
f  le, autant  au  on  pouuoit  iuger:  &C  dit  le  dernier  A -dieu  ,  premièrement  aux  Efcheuins 
delà  ville,  puis  au  Capitaine  6:  gouuerncur  de  la  tour  de  Londres ,  item  au  iicur  Dyar, 
bc  au  fieurBrok:  &:  donna  la  main  à  tous  ceux  quiclloventlur  l'efcliafraut.  Il  bailla  ai! 
bourreau  quelques  pièces  en  la  main. .A  près  qu'il  eut  fait  tout  cela,  il  fe  defpoudla  de  fa 
robbe:  &c  s't  liant  derechef  iiiis  a  genoux,  luy  mcfmedeflia  les  cordons  de  fa  chcmifc.£: 
lors  le  bourreau  abbaifla  tout  le  bord  qui  clloit  à  l'ctourdu  col ,  puis  clla  les  autres  em 
j  elchc  mens  tant  de  fen  lave  que  de  (on  pourpoint ,  àeclle  f  n  que  rien  n'empefehaft  le 
coup:  ainlî  tout  le  coi  luy  demeura  nud.  Puis  l'a  face  fut  couucrtede  Ton  propre  mou- 
choir .  &i  ayant  ainfi  les  yeux  badez,  i!  ellcuoit  toujours  les  mains  au  ciel,  où  il  auoit  l'on 
rccours:&s'cnelina  toutpaiiibîemcnt.  Apres  qu'il  fe  fut  couché,  encore  le  fit-on  lcucr 
derechef>ou  pourCe  que  la  natrequ'il  auoit  fous  les  genoux, clloit  plus  haute  que  le  bil- 
lot, oupource  que  fon  hoiqueton  n'cftoit  pasa/Tcz  baille,  on  luy  fitdefpouillcr:  2c 
ccfiit,  il  mit  le  col  furie  billot  inuoqua  le  nom  delefus  par  trois  fois,  difanr,  Sauue- 
mov,Ô  Seigneur  lelus.&:  ayat  encore  le  dernier  mot  Iefus  en  la  bouche,  Je  bourreau  luy 
au  alla  la  telle  tout  d'vn  coup.  Et  en  celle  forte  ce  bon  Duc  mourut  en  noflrc  Scigneur 
Iefus,  &"  maintenant  il  repole  douce  ment  en  la  paix  de  Dieu,duquel  il  s'elloit  mcnftrc 
excellent  organe  quand  il  viuoit  -,  en  procurant  l'aduancement  de  l'Euangilc.  C'cll-cy 
la  pure  vérité  de  la  mort  du  duc  de  Sommcrfet ,  quelque  autre  récit  qu'on  en  puilTc  fai- 
Mœnrs<îe  re.  ^  On  peuticiadioufterquelquechofedefesmœurs:ilatou/ioursmcnfl:re  vneex- 
Sciucrict.  qU  jfc  douceur  &:  bénignité >  combien  qu'il  fud  eleué  en  grande  profpcrité.  Il  a  volon- 
tiers ouy  les  caufes  des  poures  fupplians ,  aufquels  il  n'a  refufé  de  faire  iuftice.  Il  clloit 
grandement  adonné  au  profit  commun  de  la  Republique,  en  laquelle  il  cull  conflitué 
vne  forme  parfaite  auec  le  roy  Edouard,  fi  tous  deux  eulfent  vefeu.  Il  nelloit  point  far- 
dé, ny  outrageux,  ny  ambitieux.  Il  clloit  d'vnc  nature  paifïble ,  n'appetant  point  ven- 
geance: plus  propre  à  eftrcdcceu,  qu'à  deccuoir  autruy.  I  csnouucaux  honneurs  ne 
luy  ont  point  fait  changer  l'amour  qu'il  portoit  à  la  vraye  Religion  &C  à  l'Euangilc.  Et 
l'a-onccgnu  autant  vaillant  &heurcux  en  guerre, que  doux&  humain  en  temps  de 
î  .i  ««erre  pajx<  Entre  autres  fai&s  heroiques ,  il  monflra  cela  en  l'expédition  qu'il  fit  contre  les 
tn  u  ÂT  Efcolîois,où  il  y  eut  pi  es  de  dix  mille  hommes  tuez  de  fes  enncmis,&:de  les  gens  àgrâd' 
iJU flbij.  peine  y  en  eut-il  lix  cens.  Ync  chofe  a cmpefchc  fon  bon  renom,  qu'il  fe  laifla  trop  faci- 
lement mcnei  à  confentir  à  la  mort  de  fon  frère  l'Admirai ,  qui  eftoit  vn  fort  bon  per- 
fonnage.ee  qui  ne  fut  point  fait  fans  la  rufe  de  quelques  mefchansgarnemens.  Cefaict 
feul,  comme  foui  ce  de  tout  fon  mal,  l'a  mis  bas,  &t  le  Roy  depuis,  &:  tout  le  royaume. 
fOw  fepotirroitelbahir  comment  s'eftfait  cela  ,  que  le  Roy  ne  retira  fon  oncle  de  la 
mort.  La  raifon  eft,  pouree  que  lors  il  y  auoit  au  ffi  grand  dager  pour  le  Roy  mefmc,  que 
/tmbition  pour  fon  oncle:  fans  cela  il  n'y  a  rien  qu'il  eufl  fait  plus  volontiers.  Car  le  ducdcNoi- 
orab^rTiJh  thumberlanddominoitlors  d'vnefaçon  fort  cllrange,&  toute  la  nobleiTe  tremblcit 
fous  luy,  de  telle  forte  que  nul  n'ofoit  ouurir  la  bouche  pour  fupplier  pour  le  duc  de 
Sommerlèt  :  &  mefme  le  Roy,  qui  eftoit  encore  fort  ieune ,  ne  le  peut  deliurer.  Ce  que 
le  Roy  déclara  depuis  alfez  ouuertement  :  aflauoir  quand  aucuns  des  plus  apparer.s  &: 
grans  feigneurs  de  la  Cour  furet  venus  vers  luy  faire  quelque  requclle,  il  refpôdir,Mais 
nul  n'a  voulu  prierpour  mon  oncle.  ^En  tr  e  les  argumens  qui  font  pourmonftrçr 
comment  il  clloit  aimé,  ccftuy-cy  eft  grand,qu'aucuns  trempèrent  leurs  mouchoirs  en 
fon  fang ,  &C  les  rapportèrent  ainfi  en  leurs  maifons.il  y  eut  vne  femme  entre  les  autres, 
laquelle  vn  an  après  la  mort  de  ce  Prince ,  lors  que  le  duc  de  Northumberîand ,  vaincu 
par  la  roine  Marie,  eftoit  mené  prifonnier  en  la  tour  de  Londres ,  vint  au  deuant  de  luy 
en  pleine  rue,  &  luy  monftra  vn  couurc-chef  teint  du  fang  du  duc  de  Sommerfc:t,&  luy 
dit  ainii,  Voicy,voicy  le  fang  de  ce  bon  Duc  oncle  du  Roy,  qui  a  efté  eljpandu  par  voftre 
niefehante  cruauté ,  Se  maintenant  crie  vengeance  contre  vous.  Northumberîand  o- 
yant  cela,&autrcs  reproches  des  citoyens,defquels  il  eftoit  affailly  de  toutes  parts,def- 
chira  fes  veftemens ,  &  de  honte  baiftala  face  contre  terre ,  fe  fentant  puny  à  bon  droit: 
duquel  (comme  d'vn  miferable  ambitieux  )  la  mort  fera  cy  après  défa  ite  en  fon  lieu. 


GVIL- 


G  wltattmt-t  G  ar dîner*  ip  4, 


GARDINE  K,m  Portugal 

Entoutle  difco'.irî  de  ces  hiftoires  des  Martyrs  on  ne  trouuera  point  qui  plus  vertueûIcmentlitpôrtélaetuixdaSeignetiE, 
que  ceftuy-cy:pour  les  circonlt  :nces  de  Ion  aage,du  temps  du  ii£ù;dcs  perfonnes  aufijucïles  il  s'adfefloit  pour,  I'fllufrra- 
tion  -le  PEuan^ile.Or  ce  fut  en  Portugal  deuant  le  K.oy  auec  telle*  cruautez,<jue  la  mémoire  fert  pour  le  iourdliuy  d'e 
xemplc  aux  Portugalois; 

ÇCS^Q  'ANC  LETERREle  Royaume  de  Portugal,  nous  appelle  à  fuyurc  MDLn 
^  't ordre  de  la  periècution,quiafbn  cours  &eftenduepar  tout;Etc- 

l|  S-îS^^  c^  i'occafi°n  de  Guillaume  Gardiner,  Anglois  broflé  à  Lifbonne  ville 
!gd§èÉI^  principale  de  Portugal ,  l'an  m.  d  .  l  i  i.  ieune  homme,  digne  non  feule- 
ment deitre  conféré  aux  plus  cxcellens  Martyrs  de  noftre  temps  ,jmaisauffi  de-  L'excellécc 
ftre  mis.au  reng  des  plus  îlldilrcs  qui  ont  iadisfoufrertpourle  tefrnoignage  de  vérité:  ^rccMar~ 
foit  qu'on  regarde  la  confiance  requife  en  vn  fidèle,  foit  qu'on  considère  la  rigueur  &Z 
cruauté  des  tourmens  &c  fupplices  accouftuirtezd'eftre  propofèz  à  tous  Martyrs  ioufte 
nans  la  querelle  &  parolle  de  Iefus  Chrift.U  fur  natif  de  Briftol  en  Angleterre,  ville  ma- 
ritime, &C  marchade  après  Londres  plus  que  ville  de  tout  le  royaur  ne:d'vne  maifon  hô^ 
nefte,bcau  de  vifage,&  de  corpulence  mediocre-.accompagné  au  tfefte  d'vnc  tant  hon- 
nefte  grauité  &:  modeftie,qu'elle  pouuoit  tcimoigner  vne  integritré  grande  du  dedans. 
Outre  ce  luftre  naturel  qui  fut  en  Iuy,il  eut  vne  médiocre  cognohTance  des  lettres.^E- 
ftant  paruenu  en  aage  propre  poXir  s'inftituer  vn  certain  but  &:  manière  de  viure,  il  Gardiner 
choifit  la  marchandile:&:  de  faid  fe  mit  auec  vnfurnommé  Paget,  marchant  dudit  m"ciaai- 
Jieu  de  Briftol  de  forte  qu'enuiron  l'an  x  x  v  i.  de  l'on  aage,  fut  enuoyé  par  forimaiftre  Lisbonne, 
en  Portugal,  &:  arriué  qu'il  fut  à  Lifbône,  il  s'y  arrefta  quelque  teps  pour  le  fai£  de  mar- 
chandife:  &C  y  demeura  tant, qu'ayant  appris  la  langue  du  pays  &:  les  mœurs  de  ces  gens- 
la,il  fit  fes  affaires  &:  ceux  de  fôn  maiftre,voire  de  plufieurs  autres,en  toute  forte  de  traf 
iîque  concernante  l'eftat  duquel  il  femelloit .  Et  traffiquoit  tellement  aùec  les  eftran-  î*'1^  dt 
gers,que  fur  tout  il  fegardoit  fort  de  polluer  la  religion  Éuagelique(en  laquelle  il  auoit 
efté  nourri  en  Angleterre  )  par  la  fuperftition  des  Portugalois  n'autres.  Il  y  auoit  lors 
à  Lifbonne  allez  d'autres  Anglois  gens  de  bien  :  auflï  y  trouuoit-on  des  Bibles  &.  iiures 
delafain&eEfcriturc:  outre  il  y  auoit  a/Tez  bonne  compagnie  d'honneftes  gens  qu'il 
frequentoit  ordinaircmcnt,lcur  defcouUrant  bien  fouuent  fon  infirmité  par  beaucoup 
de  doléances  &c  regrets  qu'il  leur  faifoit,difant  qu'il  fe  fentoit  fort  peu  touché  du  fen ri- 
ment de  fes  péchez,  &:  du  zele  delà  parolle  de  Dieu.  Cependant  on  faifoitgranspppa-  Nopcrs  du 
rcils  pour  les  nopees  du  Roy  &:delaRoine,  quefedeuoycnt  fairele premier  iourde  ^toyc&^oyr 
Septembre. Lequel  iour  eftant  venu ,  y  eut  grande  compagnie  de  Seigneurs,&rr  de  gens  tugaJ. 
de  tous  eftats .  aufsi  s'y  trouuerent  quelques  Euefques  auec  leurs  mitres ,  &:  Cardinaux 
auec  leurs  chapeaux  rouges, pour  faire  hôneuraufeftin.Pour  le  faire  court,  les  nopees 
furent  faites  auec  tant  de  magnificéces&:  fanfares, qu'il  neftoupofsibledeplus.  Tou- 
chant Gardiner,combien  qu'il  ne  fift  pas  grand  eftat  de  toute  cefte  pompe,  toutefois 
eftant  induit  du  bruit  qui  eftoit  de  l'excellence  de  Ges  nopocs,&:  de  ce  qu'il  en  voyoit,  il 
voulut  bien  s'y  trouuerfpe&açeur  entre  tant  d'autres.  A  iniï  doneques  il  s'en  alla  de  bon 
matin  au  temple  pour  y  eftre  d'heure  ,&  pour  mieux  voir  le  tout:  &  s'y  trou  ua  propre- 
ment au  temps  qu'il  falloit.Orvoicy  arriuerau  temple  la  noble-fle.  le  Roy  marchoit  le 
premier,les  Eftats  &  toute  la  Cour  venant  apres:fi  que  tant  plus  la  dignité  dçsperion- 
nes  eftoit  grâde,&:  plus  les  cérémonies  furent  aufligrandes&folennelles.Eftâs.unfi  les 
chofes  ordonnées, on  vint  pour  ouyr  la  Me/Te  (car  c'eft  celle  qui  fert  à  tout)  laquelle  fut 
célébrée  par  le  Cardinal  auec  orgues  &mufique  de  toute  forte .  Le  populaire  alîiftoit 
auec  toute  la  deuotion  qu'il  luy  eftoit  poflible,  priant  &i  barbotant,  frappant  fa  poi&ri- 
ne  à  la  façon  du  pays,&  regardant  piteufement  le  leruice  du  dieu  de  pafte.  Ce  ieune  n"^1*" 
homme  voyant  cela*fe  trouuainerueilleufementfafché&eftônfjtantpourl'abfurdité  îourfrù  n. 
du  fai£t,côme  pour  la  ftupidiré  &:  rudefle  de  ce  peuple,mefmem  en  t  que  lcRoy  &;  tât  de  d°latric  du 
fages  gens  de  fa  Cour  eftoyent  menez  de  la  mefme  idolâtrie  que  le  menu  peuple.  De  fa  a  cour.  ° 
çon  que  peu  s'en  fallut  que  ce  mefme  iour  il  ne  fift  quelque  chofe  en  la  prefence  duRoy 
&detouteralïiftenceidignedememoire:ainfîque  véritablement  il  euftfait,n'euft  e-  Gardiner 
fté  qu'il  ne  pouuoit  pafferiufques  à  f autel,à  caufe  delà  grande  preiîc  qui  Icgardoit  de  yj^faf* 
approcher.Cependant  qu'il  contemploit  ce  fai&,en  quelle  peine  &c  perplexité  eft-ilà 
penfer  qu'il  foft^ie  fâchant  que  faireîCar  qu'eft-ce  qu'il  euft  faitîfuft-il  forty  d  u  tem  pic? 

K.iiii. 


i:  demanic 

tonfcif 


ÏÀPtrc^ltt.  Çuilîaum^  (j  aràiner  martyrise  en  Portugal 

il  ne  pouuoit  à  caulè  de  la  foule  du  monde  qui  y  eftoit:fe  fuft-il  rué  fur  celuy  qui  difoit  la 
Meife?encore  le  pouuoit  il  moihs,àcaufe  de  la  honte  &  reuercncedu  lieu  où  il  eftoit. 
Qu'euft-il donques fait?euft-iï crié  après  vne  telle  abominationril  ne  pouuoit  faillir  d'e- 
ftrebien-toft  rnaflkcré.Se  fuft-il teu?helasl il  craignoit  lapunicion&  vengeance  de 
Dieu.Brcfjle  feruice  fait,  il  f 'en  retourna  en  fon  logis  tant  perplex &C  troublé,quc  fes  cô 
pagnons  en  furent  tous  efmerueillez.Et  combien  qu'ils  fe  douta/Tent  aucunement  de 
lacauledefatrifteiTeitoutefoisilsnefauoyentpoint  lagradeurdurhal&:  angoiife  que 
S.perfonnageauoitconceu  en  fon  cceur.AufsiilnedefcouuroitàperfonheibndeiTcini 
D>eU  de  «  ains  fe  fequeftrat  de  toutes  côpagnies,&:  fe  profternat  en  terre  auec  effulion  de  larmes, 
Turc.^  contrifte  d'auoirainfifailly  à  faire  ce  queledeuoird'vne  fainde  afFe&ioii  luy  cofnman- 
doit,  délibéra  comment  que  ce  fuft,de  reduire,au  moins  d'aduertir  ce  poure  peuple  d  - 
vne  telle  fuperftitiô&:  impieté  :  ce  qu'il  fit  Son  efprit  donceftant  refolu  en  cela,  &  qu'- 
il ne  falloir  différer  fon  entreprife ,  il  print  pour  la  dernière  fois  congé  du  monde  :  &:  fît 
les  contes  tant  de  ce  qui  luy  pouuoit  eftre  deu,comme  de  ce  que  luy  mefme  deuoit:  &c 
les  liquida  fi  proprement, qu'il  contenta  ceux  auec  lefquels  il  traffiquoit.  Cela  fait,il  ne 
fît  autre  choie  tous  les  îours  que  prier  &:  inuoquer  Dieu,&:  méditer  fa  fainîte  Efcriture: 
mangeant  à  grand' peinefeulement  vne  fois  le  iour,&  bien  peu  :  dormant  aufli  peu  la 
couchoit:  mn^>n  aYanc  au  P^us  Jllle  deux  heures  pour  dormir:ainfi  que  Pendigrat  en  a  donné  tef 
uecGardï  moignage,eftant  logé  en  vn  melmelogis,&:  couché  en  mefme  lift  auec  luy.^Le  Dima 
esr-        chefuyuanteftantvenu,auquelon  deuoit  vfer  de  pareille  magnificence  *  Gardincrfe 
trduua  au  temple  de  bon  matin, accouftré  le  plus  fomptueufement  qu'il  peut ,  comme 
il  auoit  défia  proietté  en  fon  efprit:afin  que  par  le  moyen  de  tel  equippage  il  peuft  de- 
mourer  près  de  l'autel  .Et  ne  tarda  gueres  que  voicy  venir  le  Roy  auec  fa  garde,  &en- 
trerdedâs  le  temple. Gardiner  fe  ferra  Se  tint  le  plus  près  de  l'autel  qu'il  luy  fut  poflîble, 
ayant  le  nouueau  Tcftament  de  noftre  Seigneur,  &:lifant  dedans  iufquesàce  que  lé 
temps  auquel  il  deuoit  exécuter  fa  deliberation,fuft  venu. Le  Cardinal  commença  à  dî 
relaMelîe:  Gardiner  ne  fe  bouge.  Le  miffificateur  facrifia,  confacra',  leua  le  plus  haut 
qu'il  peut  fon  facrement :encore  ne  fe  bougea  Gardiner.Finalemcnt  le  Cardinal  vint  à 
l'endroit  de  la  Mefle,auquel  tenant  l'oublie  en  l'vne  des  mains^cV:  le  remuât  fur  la  plati- 
ne,lacontournoitd'vncofté&:  d'autre.  Là  Gardiner  ne  pouuant  plusfoUrfrirfi  grande 
Vcrtn&ir.a  impieté,s  'adreifa  promptemét  vers  le  Cardinal.&:(qui  eft  la  caufe  prefque  incroyable) 
chr'iutne  en  la  prefence& veuc  du  Roy  &:  de  toute  lanoblcife  de  tous  les  Eftats,  arracha  d'vne 
de  Gardi-  main  le  dieu  de  pafte,&  marcha  foudain  delfus.-de  l'autre  il  réuerfa  fa  platine. Cela  eftô- 
»cf-        na  tellement  toute  l'afiemblee  de  prime  facc,que  le  peuple  fe  mit  à  faire  vn  bruit  &:  tu- 
multe fi  grand  que  le  Cardinal  en  deuint  tout  eftonné  &  efperdu.  La  nobleife  inconti- 
nent de  courir-lus  à  ceft  homme  auec  le  menu  peuple,  fi  que  l'vn  d'entre  eux  mettant 
la  main  à  la  dague,le  bleffa  bien  fort  en  l'efpaule:&  reprenant  le  coup  l'euft  fait  mourir, 
n  euft  cfté  queje  Roy  cria  par  deux  fois  qu'ô  ne  le  tuaft  pas.Àirtfi  il  fut  pour  ce  coup  de- 
liurédelamort.    ^  La  fureur  populaire  eftant  appaifee,  iln.it  menédeuantleRoyrle- 
quel  l'ayant  interrogué  de  quel  pays  il  eftoit  ,&  de  quelle  audace  il  auoit  attenté  de 
faire  ce  tort  à  fa  m^iefté ,  &  au  précieux  facrement  de  l'eglife,  refpondit  ainfi-.Roy  tref- 
illuftrejien'ay  point  honte  de  mon  pays,  moy  qui  fuis  Anglois  &:  de  nation  &  de  reli- 
gion :&  (uisparty  d'Angleterre  pour  venir  icy  traffiquer  au  fait  de  rharchahdife,& 
Voyant  telle  idolâtrie  en  vne  côpagnie  fi  noble  &:  excellente,ma  confeience  n'a  ne  peu 
ne  deu  iouffrir  ne  différer  plus  outre  ce  que  i'ay  fait  deuant  voftre  maicftéxe  que  tant 
s'en  faut  que  faye  faitoupourpenfé  pour  faire  la  moindre  iniure  à  icelle  voftre  ma- 
ieftè ,  que  mefme  ie  veux  bien  confefTer  deuant  Dieu ,  que  ce  que  i'en  ay  fait  a  efté 
pour  le  falut  de  voftre  peuple.    Ç  Eux  entendans  qu'il  eftoit  Anglois,  &c  fachans  bien 
que  le  roy  Edouard  auoit  mis  bas  la  religion  du  Pape,  ils  foufpeçonoercnt  inconti- 
L'inrltion  nent  que  c'eftoit  quelque  gentil-homme  qui  auoit  cfté  fuborné  des  Anglois  pour  fe 
&  caufe  du  moquer  de  leur  religion .  ce  qui  les  incita  dauantage  de  vouloir  fauoir  qui  le  pouuoit 
fGir  auoirefmeu  d'entreprendre  chofe  iï  audacieufe.  Luy  refpondant  les  pria  de  ne  feper- 
fuader  vn  tel  mefehefimais  que  fa  feule  confciécel'auoit  pouffé  iufques  là:  &  qu'autre- 
Remon     mcnc  ^n  V  auoit  homme  en  ce  monde,par  lequel  il  peuft  eftreinduit  de  faire  tela£tc,& 
ftntjcede   fe  précipiter  en  tel  danger,que  c'eftoit  vndeuoir  qui  l'obligeoit  premièrement  à  Dieu 
Gardiner.  &  pujs  a  délirer  leur  falut.Que  s'ils  en  reccuoyent  quelque  defplaifir,  cela  leur  deuoit  e- 
ftre  pluftoft  imputé  qu'à  perfonne  :  veu  qu'ils  abufoyent  de  la  Cenc  de  Iefus  Chnjft  fi 

mi- 


(juillaumtj  Gardiner  marUriXc^  en  Portugal        i ps 

hiiFcrablement,mettat-Fus  vne  grande  idolâtrie  au  deshonneur  de  Iefus  Chrift,&:  igno 
)iiiniede  touterEglire:pourlacorraptiohdesSacrernensî  &  auec  vn  danger  euidéc  de 
leurs  confciences,s'ils  ne  s'amehdoyent  é  f  Parlant  ainfi  d' vne  vertu  fiç  confiance  bien 
grande,ilFedebilitoit  Fort  pour  la  perte  du  Fahjg  qui  degputtoitdefaplaye:maison  le 
prouueut  de  chirurgiés,à  ce  qu'eftat  guery (fi  Faire  Fe  pouuoit)ilpeuft  eftre  rcl'eruc  à  plus 
grandes  inquiétions  &:  tourmcns.Car  ils  penFoyét  de  vray  qu'il  euft  efté  induitpar  quel 
ques  vns:qui  Fut  cauFe  que  tous  les  autres  Anglois  qui  eftoyent  en  la  ville ,  furent  auffi 
endanger,&  conftituezpriFonniers, entre  leFquelseftoitPendigrat ,  lequel  Fut  Fort  ge- 
henné  &:  tourmenté, à  cauFequ  il  couchbit  auec  luy:  tellement  qu'après  auoir  trempé 
deux  ans  en  priFon,à  peine  peùt-il  eFchapper&s  en  retourner  en  Fa  maiFon.les  autres 
ifurent  long  temps  auparauant  deliurez  à  la  requefte  d'vh  certainDuc.EtperFeueras  les 
PortugaloisenleurfôuFpeçohj&neFecohtentans  de  ce  qui  a  cFtédit,vindrent  en  la 
châbre  où  Gardiner  couchoiti  pour  voir  iî  on  y  trouuerbit  quelque  lettre,par  laquelle 
on  peuft  comprendre  l'autheur  de  ce  Fai&:&:  ne  trouuans  rien,  vindrent  der.ccheF  vers 
Gardiner  auec  toùrmens  ;  tant  pour  le  contraindre  de  dire  #s  coplices,  &  ceux  qui  luy 
auoyct  Fait  Faire  <tela,que  pour  le  conueihere  d'herefie.  mais  il  les  repoufFa  le  plus  viue- 
ment  qu'il  peut:  car  bien  qu'il  parlaft  allez  bon  EFpagnol,  touteFois  il  saidoit  encore 
mieux  du  Latin.Mais  ces  gens-cy  ne  pouuas  adioufter  Foy  à  ce  qu'il  diFoit,eurét  finale- 
mét  recours  à  la  toiture :à  laquelle  s'ils  FeFuflét  encoresarreftez,ils  euflent  vFé  de  moin 
dre  cruauté  qu'ilsne  firent:  ia-Foit  que  la  choFe  en  quefcion,n'eftoit  pas  fi  douteufe,que 
la  raiFon  &  commun  iugemét  ne  l'euft  bien  Fondée  &c  compriie  Fans  torture.  Car  qui  eft 
celuy  fi  hors  du  Fens,qui  à  la  perFuafiô  d'vn  atitre  euft  voulu  fe  précipiter  en  vn  péril  cer- 
tain &c  Ci  euidcnt,en  vn  lieu  où  il  n'y  auoit  feulement  vn  brin  d'efperance  de  pouuoir  eF 
chapper,  fi  l'amour  de  la  vraye  religion  6c  zele  ne  l'euft  incité  à  cela  ?  Or  nô  contens  en- 
cores  des  remôftranccs  qu'il  leur  auoit  tenues,au  deFaut  des  lettres  &  du  teFmoignage 
deFes  compagnons,  ils  adioufterét  encorcs  vne  nouuelle  manière  de  torturc,delaquel 
le  on  n'auoit  gueres  auparauant  ouy  parler,&:  laquelle  palTe  la  cruauté  des  autres  toùr- 
mens. Ils  firent  coudre  vn  linge  quafi  en  rondeur,  &  le  luy  Fourrèrent  dedans  le  gofier,  La  gd)  .  .e 
puis  le  firent  diftiler  en  l'eftomach ,  eftant  attache  par  le  dernier  bout  auec  vne  petite  <Wa  ferme: 
corde  qu'ils  tenoyent  en  la  main,  puis  le  retiroycnt.ee  qu'ils  continuèrent  par  plufieurs  p^^Jj  " 
Fois, pour  le  Faire  plus  languir,&  pour  luy  arracher  de  vlcerer  les  parties  intérieures .  Or 
eftans  les  bourreaux .fafchcz  des  tortures  &  cruautezv  desquelles  ils  auoyent  inhumai- 
nement martyrizé  ce  lairicl:perfonnagc,&:  voyans  que  tout  cela  ne  leur  profîtoit  de  rie: 
ne  Feurent  plus  que  Faire,Finon  luy  demander  s'il  ne  Fe  répentoit  point  d'auoir  commis 
vn  a&e  Fi  indigne  &fi  malheureux  que  ceftuy-la,&  en  vn  temps  &:  lieu  fi  malpropre. 
Quant  à  l'aftc  ,il  i  cFpondit  que  tant  s'en  Falloit  qu'il  s'en  repentift ,  que  meFme  s'il  ne  1'-  Confiance 
euft  fait,ilFeFentoit  pourtant  obligé  de  le  Faire:mais  quant  a  la  Façon  de  laquelle  il  y  a-  dc  Gardi- 
uoit  proccdé,il  en  eftoit  aucunement  deFplaiFant:d'aûtant  que  cela  eftoit  aduenu  en  la 
prefence  du  Roy,&:  auec  vn  fi  grand  trouble  Se  Fcandalè  de  tout  le  peuple.combien  que 
cela  ne  luy  deuoit  point  eftre  imputé(ne  l'ayant  Fait  ne  proietté  en  vne  telle  intention)  pre„  &  uxe 
ains  pluftoft  au  Roy  meFme ,  qui  FoufFroit  vne  telle  idolâtrie  en  Fes  Fuicts,  de  laquelle  ;1  luftemem. 
les  pouuoit  bien  garder.il  leur  dit  ces  parolles  auec  vne  afTeurance  rherueillcuFe.^ Eux 
luy  ayant  Fait  le  pis  qui  leur  Fut  poflîble  ,&:  voyans  bien  que  d'attendre  rien  plu  s  de  luy, 
c'eftoitFolie:&:qu'eftantainfibleiré&'mcurtry  de  la  géhenne  il  ne  poutiok  plusgucrcs 
viure,trois  iours  après  le  menèrent  au  Fupplice,&:  premièrement  fut  conduit  d  euant  le 
temple,  où  la  mai  dextre  luy  Fut  coupeedaquellc  ilprint  de  l'autrê,&.  I^yat  leuée  là  bai-  Gar<Jinef 
Fa:  puis  eftant  venu  en  la  place  publique  delà  vjlle,i'autreîuyFut  auffi  coupée,  laquelle  baHefes 
s'eftant  profterné  en  terre  il  baifa  Femblablcment.Ce  qu'eftant  ainfi  Fait  à  la  modc'd'E- 
Fpagne,il  Fut  lié  des  pieds  &  ïambes  Fur  vncheual,&  porté  au  lieu  où  la  dernière  execu-  ccu?ecs 
tion  de  Fon  corps  Fe  deuoit  Faire.Lony  auoit  planté  vne  potence ,  qui  auoit  au  bout  vne 
corde  allant  &:venât  dedasvnepoulie.il  Fut  attaché  auec  cefte  corde  &c  eflcué  en  haut'- 
par  deffous  y  auoit  vn  grand  Feu  auquel  on  le  deUaloit  ,iuFquesà  luy  Faire  Fcntjr  Feule- 
menr  en.la  plante  des  pieds:puis  on  le  remontoit.derecheF on  le  deualoit  en  cefte  Forte 
£ar  interuallesaucc  vn  tourmentée  martyre  indicible:  auquel  touteFois  il  refifta  ver- 
tueuFemcnt,  &  tant  plus  il  Fe  Fentoit  preftéduFeu,&plusilprioit  &  inuoquoitleSei- 
gneur.Finalemcnt  ayant  ainfi  les  mains  coupees,&  les  pieds  bruflez,Fut  interrogué  jpar 


dAdarru  V<vallaet^. 


les  boute-feux  8c  bourreaux,s'il  ne  fc  repentoit  pas  encore  de  ce  qu'il  auoit  fait:  &  l'cx- 
hortoyent  de  prier  la  vierge  Marie  &c  les  fain&s.Aufquels  il  refpondit,  que  puis  qu'il  ne 
leur  auoit  en  rien  mesfaict,  il  n'auoitbefoih  de  recourir  à  l'interccfTion  de  la  Vierge  6c 
des  faincts:& que  quelques  chofes  qu'ils  luy  fiflbnt,  la  vérité  neantmoins  denieureroit 
tcuiîoursenfoncnticnlaquellecommeil  auoitconfeffécnlavici  ainfi  le  feroit-il en- 
ces  tourments  de  la  momies  priant  au  refte  de  le  déporter  de  telles  importunitez.Ilad 
ioufta aufli  ce  mot,que  quad  le  Seigneur  Icfus  Chrift  ne  feroit  plus  noftre aduocat,il  au 
roitfon  refuge  à  la  vierge  MaricLorsadrefTant  fa  prière  à  Dicu,dit,Dieu  cternel,pere 
de  toute  mifericorde,vucille  regarder  ton  poure  ieruiteUr .  Eux  tafehans  d'cmpclcher 
fes  prières  par  tous  les  moyens  dont  ils  s  aduiferent,il  comméça  à  chanter  à  haute  voix 
lePfeaume  lxii  i,Reuenge-moy,ô  Dieu,&c.Iln  auoit  pas  encore  acheué  le  Pfeaume 
qu'eux  l'ayansdeuallé  au  milieu  du  feu, tafehoyent  encore  de  le  guinderen  haut  pour 
le  tourmenter  dauantage:  mais  la  corde  eftant  bruflee,  îlcheutautiauers  du  feu,  ou 
ayant  offert  fon  corps  en  {acrin*ce,il  mit  heureule  fin  à  la  douleur  temporelle  par  vn  fa- 
u  r,  oredu  lut  &  repos  éternel. Ce  fut  l'iifue  de  Guillaume  Gardiner,par  lequel  le  Seigneur  voulut 
Kov  <!c  recueillir  &  introduire  lcfPortugalois  en  fa  cognoifTancc .  Quant  au  Roy,  on  dit  qu'il 
1  os  tl'8 '   mourut  trois  ou  quatre  mois  après  le  martyre  de  ce  faind  perfonnage. 


ADAM  VVALLACE,£/?flfo«. 

V  O  I C I  la  procédure  tenue  par  les  prélats  &  gouuernetirs  d' Efcoce  l'an  M.D.L.  contre  vn  Martyr  dùd ir  pays.qui  nous  a 
efté  communiquée  traduite  du  vulgaire  Elcoçois:par  lequel  on  pourra  cognoiitre  que  les  derniers  bouts  de  la  terre  tié- 
nent  fouucnt  plus  bel  ordre  és  caulcs  de  ceux  qui  font  perfecutez  pour  la  vérité  du  Seigneur  ,  que  les  nations  du  cceur 
d'Europe  :bien  que  toutes  conuiennent  &  s'accordent  en  pareille  cruauté. 

N  la  vilîc  d'Edinbourg,{îege  des  Rois  d'Efcôce,  quand  il  fut  queftion  de  iu- 
ger  le  procès  d'Adam  Vvallace  prifonnier  pour  la  parolle  du  Seigneur,  on 
dre/Ta  vn  efchafFaut  au  conuent  des  Iacopins ,  le  xvii .  de  Iuillet  mille  cinq 
^  cents  cinquante,pres  la  Chancelliere:lur  lequel  efchafFaut  onordônaplu- 
fîeurs  fieges.Lc  Milord  gouuerneur  tenoit  fô  rég,&  à  cofté  de  luy  eftoit  M.Gavvâd  Ha 
mil  ton  doyen  dcGlaskovv,qui  reprefentoitlediocefainduditlieu,  d'autant  que  le  liè- 
ge eftoitlors  vaquant.  A  dextre  eftoit  affis  l'archeuefque  de  faind  André,  primat  du 
royaume , &£  derrière  luy  vn  peu  à  coftél'official  de  Laudiane,  l'cucfque de  Dunblane, 
l'euefque  de  MourraycJ'abbé  de  Dunformelin,  l'abbé  de  Glcnlus,  aucc  autres  gens  Ec 
clefiaftiqucsde  moindre  eftat&dauthorité  inferieure^comme l'official  de  fain£t  An- 
dré &  autres  docteurs. Puis  le  conte  d'Argy lie  eftoit  afTis,&:  au  ueffous  de  luy  fon  dépu- 
té le  lire  Ican  Campbcl,&  auprès  de  luy  le  conte  de  Huntlé  au  banc  mefme,&  de  fuitte 
leconted'AngousJ'cucfquede  Galov  vaye,  le  prieur  de  fainft  Andréjleuefqued'Ork- 
nay,leMilord  Forbus,&:  plufieurs autres  perfônages  tat  ecclefiaftiqs  que  laies. Il  y  auoit 
aufli  chaire  ordonnée  pour  M.Iean  Lavvder  l'accufateur,lequcl  eftoit  rcueftu  d  vn  fur- 
plis  &:  d'vn  chappeton  rouge.  Brief,tout  lefcnafFaut,  voire  tout  le  temple  fut  remply  de 
toutes  pars, de  gens  venus  à  ce  fpectacle.Là  fut  produit  Adam  Vvallaec,hommepoure 
à  voir &fimple  de  fait;&  amené  par  vn  des  feruiteurs  de  l'Archeuelque  de  S.  André,nô- 
mé  Iean  d'Arnok,fut  mis  au  milieu  de  refchafFaut,vis  à  vis  de  M.Iean  Lavvder,promo- 
teur  de  l'accufntiôik  quel  d'entrée  luy  demanda  fon  nô.Laccufé  refpondit  qu'il  s'appe- 
loit  Adam  Vvallace. Lors  l'accufateurprofera  ces  mots  deuantl'affiftence,Ic  fuis  marri 
qu'vn  tel  poure  miferable  home  que  toy,ait  mis  vnc Ci  noble &c  excellente  côpagniecn 
ceftepeine&fafcheriepourvaines&rrr^efchantcsparolles.Iepuis  auodrparlé,dit  Ada, 
comme  Dicum'auroit  enfeigné&faitlagrace:maisiepenfe  n'auoir  aucunement  mal 
dit,pourblefTerou  endômager  perfonne.Pleuft àDieu,ditl'accufateur,que tuneu/Tes 
iamais  parléxar  tu  es  acculé  de  crime  d'herefies  fî  horribles  qu'ôques  furet  imaginées, 
beaucoup  moins  ouyes  en  ce  pays  :&:  ont  eftépartantde  tcfmoins  &  fi  fuffifamment 
prouuecs ,  que  tu  ne  les  faurois  nier,  mais  ie  fuis  en  peinc,&:  me  delplaift  d'eftre  con- 
traint d'en  faire  le  recit,de  peurdcblefTerles  confeiences  débiles  d'aucuns  de  ceux  qui 
font  icy  prefens.Et  neantmoins  puis  qu'il  m'eft  cômandé  de  ce  faire, efeoute  les  poin&s 
&:  les  articles  que  ie  reciteray.  Toy  Adam  Vvallace,  es aceufé  dauoir  enfeigné  &: 
prefchc  tât  en  public  qu'en  priué, ces  blafphemes&:  abominables  herefies  qui  s'enfuy- 

uenc 


ucur.Premierement  tu  as  dit  que  Je  pain  &L  le  vin  du  Sacremét  de  l'autel,apres  les  mots 
delà confecration,neFortt  le corps& le fang de Iefus  Chrift.  Adam fe retournant  vers 
le  Milord  gouuerneur  &  les  autres  feigneu rs  ujfdits,d it,U  ne  me  fouuiét  d'auoir  jamais 
parlé  nyenfeignéchofe  quelconque,  que  premièrement  celle  faincteEfcriture  ne  me 
l'ait  cnfeigné(monftrant  le  liure  de  laBible  qu'il  portoit  attaché  à  là  ceinture)if  voulez 
eftre  contens  que  le  contenu  de  cefte  fain&e  parolle  que  voicy  me  (oit  pour  iuge,  &;  s'il 
fe  trouue  que  i'aye  parlé  à  l'encontre d'icelle,ou  que  l'aycaucunement  peruertie,iefuis 
preft  à  fourFrir  telle  peine  &:fupplice  que  me  voudrez  enioindre.  L'accufateur,Qu'eft- 
ce  donc  que  tu  as  dit?  I'ay  dit(rel^ôdit  Adam)qu'apres  que  noftrc  Seigneur  Iefus  Chrift 
eut  mangé  l'agneau  de  Pafques  afon  dernier  fouperauec  fes  Apoftres  &:  difciples,&: 
eut  accomply  les  cérémonies  de  la  Lôy  ancienne,il  inftitua  vn  nouueau  Sacrement  en 
mémoire  de  la  mort  pour  le  temps  aduehir:  c'eft  qu'il  print  du  pain ,  &:  après  auoir  ren- 
du grâces  le  rompit ,  &:  en  donna  à  fes  difp'ples ,  difant ,  Prenez,  mangez:  cecy  eft  mon 
corps  qui  eft  rompu  pour  vous:&  femblablement  print  la  couppe,&:apres  auoir  rendu 
graccs,leur  en  donna  à  boire  à  tous,difant,Cecy  eftla  couppe  du  nouueau  Teftament 
en  mon  fang,qui  doit  eftre  efpandù  pour  la  remiflîon  des  péchez  de  plufieurs,toutefois 
&quantes  que  ferez  cecy  en  mémoire  de  moy.  Lors  l'archeuefque  de  faintF  André,&: 
autres  Prélats  direnttou*  enfemble ,  Nous  fauons  bien  tout  cela  2  Le  conte  de  Huntlé 
luyditjTuriercfponspasàprbposàcequ'on  te  demande:  nie  d'auoir  dit  telles  parol- 
les,  ou  bien  confeflé-lcs  fans  faire  longue  harengue.  Adam  refpondit,  Si  le  Dieu  toùt- 
puiflant,&  fa  fain&e  parolle  prononcée  par  là  bouche  facree  de  fon  Fils  bien-airné  no- 
ftrc Scign  eur  Iefus  Chrift  a  aucun  heu  &  crédit  enuers  vous ,  vous  ne  trouuerez  eftran- 
gecequciepuisaL.oirditjveu  que  n'ay  rien ditnyenfeigné  quinefoit contenu  en  iceL 
le  parolle,  laquelle  eft  la  vraye  pierre  de  touche  pour  approuuer  ce  qui  eft  bon,  &:  reiet- 
ter  ce  qui  eft  raux.icelle  me  fera  iuge  &: de  tout  le  monde.Pourquoy  dis- tu  cela?dit  le  co 
te  de  Huntlé, ne  penfes-tu  point  auoir  à  faire  à  vn  iuge  allez  bon  &:  fuffifant  ?  &:  cuides- 
tu  que  nous  ne  cognoiiîlons  Dieu  ne  faparollerrelpon  feulement  à  ce  qu'on  te  deman- 
dc.Lorsils  commandèrent  à  Faccufateur  de  repeter  derechef  lemefme  article.  Tuas 
dit(dit  M.Iean  Lavvder  accufatcur)&  enfeigné  que  le  pain  &  le  vin  au  facrement  de  l'- 
autel,après  les  parollcs  de  la  confecratiô  ne  font  le  corps  &c  le  fag  de  Iefus  Chrift.  Vval- 
lacercfpondit,Quandi'enfeignoye(quieftoit  peu  fouuent, voire  eftant  premicremenr 
rcquis)i'ay  dit  que  file  facrement  qu'on  appelle  de  l'autel, eftoit  fidelemen  t  adminiftre 
comme  le  Fils  de  Dieu  vruarit  l'aubit  inftitué,que  là  feroit  &C  prefideroit  la  perfonne  du 
Fils  de  Dieu  meimc,par  la  vertu  &  puiifance  diuinc  par  laquelle  il  eft  par  tout,  en  tout 
&:pardelfus  coûtes  choies.  Adôcl'eueiqUèd'Orknay  dit,  Ne  crois- tu  point  que  le  pain 
Se  le  vin  du  Sacrement  de  I'aurel,aprcs  les  parolles  de  la  confecration  proférées,  deuié- 
nent  le  vray  corps  de  Chrift,  fa  chair,fcn  fang  &:  fes  os  *Ie  ne  fay ,  refpondit  Adam ,  que 
veut  dire  ce  qu'appelez  Confecratiomicnay  point  grande  intelligence  du  Latin,mais 
ic  croy  que  le  Fils  de  Dieu, qui  eft  Iefus  Chrift  va  efté  conceu  du  faind  Efpnt ,  nay  de  la 
vierge  Marie,&  qu'il  a  vn  vray&  naturel  corps,&  non  phantaftique.-qu'il  a  conuerfé  icy: 
bas,allant  ça  &  là,enfeignât  Se  prefchant:ie  croy  qu'il  a  loufFert  fous  Ponce  Pilaf  e,  qu'il 
a  efté  crucifié,mort  Se  enfeuely,&  que  par  fa  diûine  vertu  il  a  reflufeité  fon  corps  le  troi- 
lieme  iour,  &:  qu'en  ce  mefm e  corps  il  eft  monté  au  ciel ,  Se  eft  a/fis  en  gloire  à  la  dextre 
de  Dieu  fon  pere:  de  Inquelle  il  viendra  en  ce  mefme  corps  qu'il  a  prins  du  ventre  delà 
vierge  Marie,  iuger  tant  les  vifs  que  les  morts. le  croy,dy  ie,  que  ce  corps  eft  naturcl,ay- 
ant  pieds  &  mains::&:  que  partant  il  ne  peut  eftre  en  deux  lieux  à  la  fois.Hclas!  ie  luy  ren 
grâces  éternelles  dece  que  luy  mefme  a  voulu  efclarcir  ce  pointdeuant  là  mort.Quand 
la  femme  refpanditl'onguent  fur  luy,refp  ondant  au  grondementd'aucuns  de  fesdifei-  Mat  z6 
pies  ,il  dit.  Vous  aurez  touiîours  les  poures  auec  vous,  mais  vous  ne  m  aurez  pas  touf- 
iours:entendan  t  de  fon  corps  naturel/Et  femblablement  à  fon  Afcenlion  il  dit  aux  mef 
mesdifciplesquieftoycnt  chàrrïels,&  qui  eulFent  bien  voulu  qu'il  euft  demourétouf-  IcanI<f* 
iôurs  auec  eux  corporcllement,U  eft  expédient  que  ie  m'en  voife:  (voulant  dire  que  ce 
corps  naturel  deuoit  neceftàirement  eftre  abfenté  d'eux)  autrement  le  Confolateur,le  Mat.zs. 
S.Elprit  d  e  mon  Pere  ne  viendra  point  à  vous: Mais  foyez  fermes  6c  ayez  bon  courage, 
dit-il,ie  fuis  auec  vous  iufques  à  la  consommation  du  monde.Que  la  manducation  cor- 
porelle de  fa  chair  ne  proufîte  de  rien ,  il  appert  par  fes  parolles,  quand  après  auoir  dé- 
duit, Si  vous  ne  mangez  mi  chair  &  beuuez  mô  fang,  vous  n'aurez  point  de  vie  en  vous:  Ican  * 


il  a  dic,Que  fera-ce  donc  fi  vous  voyez  le  Fils  de  l'homme  monter  où  il  efloït première- 
ment: C  eft  l'efprit  qui  viuific,Ia  chair  ne  proufite  rien ,  alTauoir  d'eftre  mangée  corn  ni  c 
ils  le  prcnoyenr,&:  comme  vous  l'entendez aulsi.L'Eueique  d'Orknay  s  efcrià ,  que  c'e- 
ftoit  vneherelie  exécrable.  Quand  M.  Iean  Lavvder  eut  recommencé  derechef  à  pai- 
ler,&:  eut  demandé  au  Gouuerneur,lî  Adam  auoit  bien  dit  ou  non  ,  l'archeuel'que  de  S. 
André  cria  en  Latm^dfeiundmn,adfccundum:commc  s'il  euft  voulu  dire, Pourfuyucz  au 

i.ârtk!e.  fécond  article.Tu  as  dit  &:  publiquement  enfeigné  que  la  Mefîe  eft  vraye  idolâtrie  Se 
abomination  deuant  la  face  de  Dieu.  Adam  rcl'pondit,i'ay  leu  la  Bible  en  trois  lâgagcs 
par  deux  ou  trois  fois,&:  l'ay  entendue  comme  Dieu  m'en  a  fait  lagrace,&  fi  n'ay  iamafs 
trouué  ce  mot  de  Mclîé  en  toute  iccllc:  mais  i'ay  bien  leu  que  ce  dont  les  hommes  font 

Luc  i6,i s  ]e  p]us  <je  cas,&:  leur  femble  bon  fans  en  auoir  exprefTe  parolle  de  Dieu» que  c'eft  idolâ- 
trie &  abomination  au  Seigneur.  Or  fion  trouué  que  mention  foit  faite  delà  Mcflctn 
lafainde  Efcriturcde  confeiferay  mon  erreur  fi  ie  fuis  trouué  en  faute , autrement  non; 
&:  me  fubmettray  à  toute  correction  droite  &  félon  les  loix.  L'archeuel'quc  de  S.  André 

3  article,  là  delfus  dit,*^ci  tertium, commandant  qu'on  recitaft  le  troiiîeme  article.  Tu  as  dit  Se  pu- 
bliquement dogmatizé  que  le  dieu  que  nous  adorons  vient  de  terre,  creu  en  terre,  fc- 
mé,&  prtfty  de  la  main  des  hommes.  Adam  rci'pondit,i'adorc  le  Pere,le  Fils  Se  le  faind 
£fprit,trois  perfonnes  diftih&es  en  vne  Deité,qui  créa  le  ciel  &  la  terre  :  mais  le  ne  l'ay 
quel  dieu  vous  adorez.Ne  crois-tu  pas(ditM.Iean  Lavvder)  que  le  Sacrement  de  l'au- 
tel, après  les  parollesde  confecration  foit  le  vray  corps  &  làngduFilsde  Dieu,voirc 
Dieu  luy-mefme?  Adam  refpohdirje  vous  ay  dchadit  que  c'eft  du  corps  de  Iefus  Chrift 

«.article.  &:  quelle  manière  de  corps  il  a,  léJon  qu'en  ay  trouué  en  la  faincte  Efcriture.  ^Tuas 
dit  aufli& publiquement  prefché  beaucoup  d'autres  abominables  herefies  contre  les 
fept  lacreméSjlefquelles  pour  abregerji'obmettray  :  mais  que  dis-tu  des  articles  fufdits? 
ne  côfeffes-t  u  pas  d'auoir  tenu  tels  propos?  VeUx-tu  que  ie  te  les  recite  encores  vnefoi.s 
afin  que  tu  regardes  ce  qu'auras  à  dire?  ^  Les  ayant  reCitez,il  luy  demanda  comme  au 
parauant.  Adam  refpondit  perfiftant  toujours  en  cela,  qu'il  n'auoit  rien  dit  qui  ne  fuit 
eoforme  à  la  parolle  de  Dieu,&  qu'il  auoit  parlé  fclcn  Dieu  &:  l'a  côfcience:&:  dont  il  en 
appela  Dieu  tefmoin  &:  iuge. bref, qu'il  fe  tenoit  à  Ja  confeflion  qu'il  en  auoit  faite ,  iuf- 
qu  a  ce  qu'on  l'auroit  mieux  inftruir  par  la  parolle  de  Dieu ,  voire  qu'il  s'y  tiendroit  iuf- 
qu'au  dernier  ioulpir. Puis  dit  âu  Gôuuemeur&  autres  leigneurs  là  affiflans,Si  vous  me 
condamnez  pource  que  ie  fouftien  là  parolle  de  Dicu5mô  fang  fera  requis  de  vos  mains 
quand  feiczamenczdeuant  le  licgeiudicial  du  Fils  de  Dieu ,  qui  eft  puillant  pou;dc- 
fendre  l'innocence  de  ma  eaufc:deuant  lequel  ne  pourrez  rien  nier,&  encore  moins  rc 
lifter  à  fon  grand  îugemcnt;  auquel  ie  remets  la  vengeance, comme  il  eft  efent,  A  moy 

fteut.ji  35      la  vengeance,^  ie  la  rendray,dit  le  Seigneur. 

Alors  ils  prononcèrent  leur  icntécc  contre  luy,.&:  le  condamnèrent  félon  leurs  loix, 
puis  le  liurercnt  au  bras  feculier  à  Iean  Campbel,  député  de  la  iuftice,  qui  le  remit  en- 
tre les  mains  du  preuoft  d'Edimbourg ,  pour  eftre  bruflé  au  lieu  appelé  Caftel-hil,  &tn 
attendant  le  temps  de  l'exécution  d'icelle  iéntence,on  mit  V  vallacc  au  plus  haut  de  la 
prifon  du  lieu  dit  Tolbuith,lts  fers  aux  pieds:&  les  clefs  de  cefte  p  ri  fon  furent  liurees  à 
Hugues  Curry,hôme  cruel^qui  faifoit  office  de  porte-croix  de  l'archeuelque  de  S.  An- 
dré. Cependant  les  Euefquesenuoyercntau  pOure  Adam  deux  Cordeliers,auec  lef- 
quclsilne  voulut  aucunement  entrer  en  propos.  On  luy  enuoyaaufsi  deux  Iaçopinsa- 
ucc  vn  autre  moine  Anglois,  Se  vn  certain  fophifte  nômé  Abercromy»  Or  Adam  euft 
bié voulu  déclarer  fefperance  cju'il  auoit  en  Dieu,au  moine  Anglois,  &:  luy  faire  côfel- 
fien  de  la  foy*eftimât  qu'il  euft  quelque  bon  fe  ntjmét  de  la  vraye  religiô .  mais  le  poure 
moine  luy  refpondit  qu'ils  h'auoyent  àùcurîe  charge  d'entrer  en  difpute  auec  luy.&: 
ainli  départirent  de  luy.  Vn  peu  après  on  enuoya  vers  luy  le  doyen  de  Laftarig ,  vn  fage 
mondain  qui  n  auoit  aucune  crainte  ne  ccgnouTancede  Dieu. Entre  autres  propos  qu 
il  luy  tint,il  luy  euft  bien  voulu  perfuader  la  realité  du  facrement  de  l'autel  a  près  la  con 
fecration.mais  Adâ  rte  luy  voulutaucunemét  accorder.La  nuict  venue ,  après  que  tous 
fe  furent  retirez,  Vvallace  la  paiTaeri  chantant  Se  louantDieu(côme  plufit  urs  qui  l'ouv- 
rent en  ont  fait  le  rapport  jayant  les  Pfeau .  de  Dauid  en  petit  volume:  la  Bible  luy  ayat 
cfté  oftee.Hugues  Curry,entcndant  qu  encores  il  auoit  quelque  liure,  vint  à  luy  ,  6c  luy 
rauit  hors  des  mains  fes  Pfeaumes,luy  difan  t  iniurcs  Se  opprobres:pour  clbranler  lacon 
ftance  du  poure  patient,  Se  le  retirer  de  cefte  efperance  qu'il  auoit  il  ferme  Se  (ï  entière, 

Èn 


Cinq  Ëfiolters  martyrifi^  a  Lyon.  iç? 

En  celte  forte  ce  bon  feruiceùr  de  Dieu  demeura  aux  fers  mfqu'au  iourenfuyuant,  au- 
quel en  fît  les  apprefts  pourle  brufler.  Lorsle  Gouucrneur&:  tousles  principaux  fei- 
gneurs,  tant  ceux  qu'on  dit  fpirituels,  que  temporels  départirent  d'Edimbourg,  cha- 
cun à  leurs  affaires.  Apres  leurdepartie,derechef  ce  doyen  de  Laftang  vint  vers  Vvalla 
cepourlediuertir:  mais  Adam  luy  dit  tout  court  que  touchant  làtby ,  quand  vn  Ange 
viédroit  du  ciel  pour  luy  perfuaderiquil  ne  l'efcoutèroit  poinr.Sur  cecy  entra  ledit  Cur 
ry,&:  le  tança  &c  iniuriâcomme  de  couftume,difant  qu'il  Jeferoit  chanter  vne  autre  cha 
fon  deuant  le  foinauquel  il  rcfpondit,  Vous  deuriez  auoir  quelque  crainte  de  Dieu  :  voi 
rc&  au  lieu  de  m'iniurier  me  confoler  en  mon  affliétiomquand  i'ay  apperceu  que  vous 
vcnieZji'ay  prié  Dieu  qu'il  continuait  en  moy  la  force  pour  refïfter  à  vos  tentations,par 
quoyievous  priemelailfercnpaix.  ^  Peu  après  Ada  de  coeur  alaigre  demanda  à  vn  des 
officiers  qui  l'cftoycnt  venu  querir^Le  feu  elt-il  preft? L'officier  luy  cht,Ouy .  Et  moy  die 
Adam, ie fuis  aulfi  preft  Apres  cela  il  parla  à  vn  certain  fidèle  qui  eftoit  enla  troup- 
pe,l'aifeurant  qu'il  fe  rencontreroyent  au  ciel.  Depuis  perfonne  ne  parla  plus  à  luy.  A 
îilfuedela  prifon  le  Prcuoft  défendit  exprefTement  aucc  menace*,  qu'il  n'euft  àpar- 
ler  dauantage,ne  perfonne  à  luy:  ce  qu'il  difoit  luy  auoir  cftéenioint  de  fes  fuperieurs 
&feigncurs.Le  populaire  alloit  apres,priant  Dieu  auoir  pitié  de  luy.Eftant  arriuéau 
fcu,ileikura  par  deux  ou  trois  fois  fes  yeux  au  cîel,puisfe  tournant  vers  ce  poure  popu- 
iairc,dit,Que  ie  neyousofFehfe  de  ce  que  ie  fourfre  la  mort  cciourdhuy  pour  la  querel 
le  de  la  venté,d'aut5t  que  le  difciple  n'eft  pas  plus  grad  que  fon  maiftre .  Defqlles  paro- 
les le  Prcuoft  fut  fort  courroucé,&  luy  cômandade  fe  taire.  Adenc  Adâ  Vvallaceregar-  Mâta0 
da  derechef  au  ciel,  &  dit,Seigneur,ils  ne  me  veulent  laiffer  parler.  La  corde  luy  eftant 
mife  au  col,le  feu  fut  allumé:&:  ainfi  il  départit  heureufement  à  Dieuj  à  la  grande  côfu- 
lîon  de  lès  ennemis; 


mm 


Martial     Alba,  Pierre      Escrivain,  Bernard     Se  g  vin, 
Charles     Favre,    Pierre  Navihbres. 

A  l'exemple  de  ces  cinq  qui  ont  vhcmefme  caufe  cbnioihte  l'Vri  aucc  rautre,ncus  fommes  aduertis  comment  les  ennemis 
de  vérité  fe  portent  en  l'affaire  de  !'Euans..ile:quels  aflàux  ils  liurent  à  ceux  qui  le  fourtiennet  de  quelles  armes  &  refpon 
fes  faut  vfer  er  cec"Ixu:quel!e  bouche  le  Seigneur  donne  aux  fiens:enquoy  cbnfîftc  la  victoire  que  nous  dcuons  efperer. 
L'vnion.la  lnnîicfTc.  &:  confiance  de  ces  cinq  en  la  vie  &  enla  mcrt.nbus  cfibieh  icy  ail  long  prdpolee,  comme  en  vnc 
bataille  fpirituellc. 

E  que  iadis  vnRoy  Ethnique  difoit  d'vn  homme  fagc&  éloquent  de  faCour, 
qu'il  auoic  pris&  gaigné  plus  de  villes  auec  fon  éloquence ,  que  luy  auec  fes  M.d  ni 
ai  mes, nous  lcpouuôs  dire  des  Martyrs  du  Seigneur:  qui  n'ont  pas  feulemét  Jj^1^ 
gaigne  des  villes, mais  ont  furmonté  toute  la  puilfance^  richeife,  atithorité,  Cincas. 
dignité,cxccllcnce,fcience  ôc  apparence  humaine.Nous  voyons  comment  ils  ont  tout 
faittrëbicrdcuât  euxôcen  peu  de  tcinpsscontre  tous  les  efForts,eîtudes,machinations 
&  cautcllcs  deSata&:  de  fes  fuppofts.En  voicy  cinq  qlc  Seigneur  enuoye  pour  ccftecau 
fe  en  fa  befongne, après  les  auoir  quelque  temps  entretenus  en  l'efcole  deLaufane  fous 
la  iuridiction  desfeigneursdeBerne.Lesnomsdes5.font,MA  r  tialAlb  A,natifde 
Mont-auban  en  Quercy  le  plus  aagé  des  Cinq:Pi  erreEscriv  ain,  dcBoulôgné . 
en  Gafcogne-.BE  rnardSegvi  N,delaReoleen  Bazadois:CH  arlesFevRe  ,de 
Blanzac  en  Angoulmois,Pi  erreNavihere  s,  dfe  Limoges:  leiquels  furent  con- 
ftituez  pnfonnicrs  enla  ville  de  Lyon, le  premier  iour  du  mois  de  May,  m  .  n .  i  1 1  .Nous 
auons  mis  fvne  après  l'autre  leurs  confefsions  &:  actes  dignes  de  mémoire  pcrpctuel- 
lc,auec  leurs  Epiftrcs  extraites  de  plufieurs  qu'ils  ont  eferités,  tat  de  celles  des  vns  aux 
autres  eftans  lors  pnfohniers,qu'aufli  d'aucunes  eferites  aux  Eglifes  &:  à  leurs  amis.  On 
cognoiltra  le  difeours  de  leur  partement  &C  emprifbnnement,  &c  des  premiers  a&cs  iu- 
diciaires ,  par  vn  extrait  de  leurs  lettres, &efcrit  icy  inféré  comme  s'enfuit-    To  v- 
f  n  an  t  lefaiètdcnoftre  emprifonnement: En  preniierlieu  nous  vous  aducrtifTonS  L'inre,,^ 
que  nous  cinq  après  auoir  demeuré  certaihtempsàLaufanne,lesvns  plus  les  autres  descinq 
moins,&:  nous  eltre  adonnez  à  l'eftude  des  lettres  tant  diuines  qu'humaines  :  deuant  la  cfcollcrs- 
feltc  de  Pafques  arreftalmcs  entre  nous  de  nous  en  aller , Dieu  aidant  tous  cnféblc  vers 
nospais:a/fauoirles  viis  versThouloufe,les  autres  versBordeaux,aucûs  vers Xantoge, 
&d'autrcs  vers  Limogcs,felon  les  lieux  d'où  chacun  de  nous  eft  natif:&  ce  pourfernirà 

L.i. 


sffldrtiàl  <*Alba. 


l'honneur  &C  à  lagloire  de  Dieu,&:  comuniquerlepctit  talent  que  Dieu  abailîéà  cha- 
cun de  no9  en  particulier  à  l'es  parés,  pour  tafeher  de  les  réduire  a  la  mefmc  cognoiflàn- 
cc  que  nous  auons  receue  de  l'on  Fils  lcliis  Chrift,  &:  aulïi  à  tous  ceux  lcfqucls  noftrc  bô 
Dieu  euftvoulu  appeler  à  foy  &  à  la  cognoiifancc  de  la  vente  par  noftre  moyen.  Cepen- 
dant nous  communiquafmes  noftre  entreprife  àl'eglifc  de  Lau faune,  laquelle  la  trou- 
ua  nonne  &  faincle.vcu  qu'elle  rie  tendoit  qu'à  la  gloire  de  Dieu,  &  à  l'amplification  du 
royaume  de  (on  Fils.  Et  mefme  pour  plus  grade  approbatiô,  bailla  à  trois  de  noftiecô- 
pagnie  tefmoignagc,ahn  que  les  hères ,  aufquels  on  s'adrclîbit  pour  les  faire  participas 
des  mefmes  grâces  que  Dieu  lcuraconfcrces ,  fulTent  par  letefmoignagcdegensde 
bien  plus  certiftez,&:dclabonne  vie  qu'ils  auroyent  tenue  au  lieu  fufdit,  &  de  la  pure- 
Tcfmoi  na  té  &c  fidélité  de  leur  doétrinc.  Auquel  tclmoignage  moniteur  Caluî  ne  doubta  adiou 
gc^eVirct  fter  leiié,a  larequeftede  monlicur  Virct. Quant  au  deuxautres  de  nous,  l'vn  a  demeu- 
re allez  long  temps  au  logis  du  fufdit  feruitcur  de  Dieu  monlicur  V  iret,  l'autre  auec  ino 
lîeur  de  Bcze:&:  le  fonr,la grâce  à  Dieu, tellement  portez,que  FEglifc  en  a  elle  conten- 
te.Peu  après ayans  demeure'  certains  iours  à  Gcneue ,  nous-nous  achcminal'mes  pour 
venir  en  cefte  ville,&:  fur  le  chemin  trouuafmcs  vn  certain  perfonnage  de  celle  ville  de 
Lyô, lequel  s'en  vint  touliours  auec  nous  depuis  Colôges.  Iceluy  par  le  chemin  nous  fit 
promettre  dcrallervoirdeuant  éj  partirdeLyon.ee  que  nous  luy  promifmcs. Pour  faire 
bref,cftâs  arriuez  en  celle  ville  le  dernier  iour  d'Aui  il,  par  faute  de  pouuoir  trouuer  au- 
tre logis  pour  feiourner  deux  iours  ou  enuirô,allafmes  loger  aux  trois-poifibns,&:  le  len- 
demain après  difner  cnuiron  furies  deux  ou  trois  heures, allafmes  tous  enféblc  au  logis 
de  ce  fufdit  perfonnage  vers  Enay:ou  après  nous  élire  vn  peu  pourmenez  parle  iardini 
fufmes  requis  de  goufter  chez  luy.  Ayans  inuoqué  le  nom  de  Dieu, comme  il  cil  de  rai- 
fon,deuant  que  nous  mettre  à  table,commcnçalmcs  d'vfer  des  viandes  que  Dieu  nous 
auoit  baillées.  Cependant  quenousefticnsalïîs&:  nous  refiouiflions  lelon  Dieu.voicy 
foudain  venir  le  preuoft  Pouller,fon  lieutcnant,&:  grand  nombre  de  fergeans  auec  eux. 
Iceuxeftans  entrez  en  la  Chambre  où  nous  eftions,  le  Preuoft  foudain  lans  dire  autre 
choie,  demanda  à  chacun  de  nous  fon  nom,  èVliunom,  l'on  pays, (a  vacation, &:  autres 
telles  choies  qu'on  aaccouftumé  de  demander.  Ayat  fait  ccla;&:  nous  ayans  fouillez  fuf 
mes  liez  quatre  de  nous,dcux  àdcux:&:  fans  qu'enflions  aucunement dogmatizé  ne  lait 
aucune  choie  contre  les  ordonnances  du  Roy:  fans  nous  dire  noftrc  partieaduerle,&: 
fans  nous  môftrer  aucunes  informations,  fufmes  côtre  tout  droit  de  iufticc  menez  aux 
prifonsdemolieurrOfricial.Eftâslaarriuez,chacundcnousàpart  fut  mis  en  vn  crotô 
fortobfcur&  tenebreux:&  enuirô  vne  heure  après  fufmes  appelez  l'vn  après  l'autre  de 
uat  môlieur  rOfficial,&  ce  mefme  iour  interroguez  de  tous  les  articles  qu'ils  de  fendét 
auec  fi  grande  rclitlencc.  Aufquels  chacun  de  nous, la  grâce  àDicuJeur  rcipondit  fé  lon 
la  parolled'iceluy:&  donna  gloire  à  Dieu, en  confortant  fon  fa  in  et  nom  deuât  ceux  qui 
ne  le  vouloyent  ouvr.€  Le  lendemain  après  rufmcs  interrogue  z  derechef:  8c  le  iour  en- 
fuyuat  on  nous  bailla  lu  éce  d'eferire  noftre  confeiîîon,mais  à  la  halle. parquoy  ne  peuf- 
mes  qu'en  bref  toucher  les  poinctsdefqucls  aiuôscftc  defia  interroguez:  &:  ne  nous  fut 
poflible  de  nous  rcieruer  vn  double  de  la  côfelTion  que  chacun  leur  bailla  par  cicrit.  La 
fe  pmaine  après,  aucus  de  nous  furent  encores  interroguez,&:  falloir  touliours  dilputc  r 
de  certains  poincts  auec  aucuns  moines, en  partie  Iacopins,en  partie  CordcliersÔÎ  Car 
mes.  Pour  la  dernière  fois  nous  ayans  appe  lez  pour  v  oir  fi  nous  pe  i  liftions  en  noftre  pi  e 
miereopiniort,&  voyas  qu'aymios  mieux  endurer  ce  qu'il  plaiioit  àDieu  nous  cnuoycr 
que  nous  dédire,  après  auoir  fait  ligner  nos  confe  liions  ,&  refponfcs  que  nous  auions 
faites  autres  fois  aux  articles  defquels  ils  nous  auovét  interroguez,  combien  qu'en  ice  1- 
le  le  Greffier  n'adioufta  pas  la  moitié  de  ce  que  nous refpondions,  mefmement  des  rai- 
fons  que  nous  mettions  en  auant  pour  prouuer  le  contraire  de  ce  qu'ils  tiennent ,  nous 
renuoyerent  à  nos  crotons,&  lé  lendemain, qu i  eftoit  le  Vendreuy,  15.  de  ce  mois,  fuî- 
mes chacun  appelez  au  parquet  de  fOfEcial,&  par  ice  luy  deuât  vne  grande  multitude 
de  gens)condamnez  d'hercfic,&  luirez  entre  les  mains  du  luge  fccuJier.Chacû  de  nous* 
ayant  ouy  telle  fentence  prononcée  contre  foy,appela  quant  à  la  condamnation  d'here 
Appi  tes  <ic,commcd'abus5&:  demanda  d'eftre  mené  en  Parlcmét.dcquov PC lHciai  s'eimerucit 
i  ' i-  la. toutefois  noftrc  appel  fut  reccu.il  y  eut  vn  qui  eftoit  alTis  près  de  POfficial,  lequel  ay  - 
ant ouy  vndc  nous  auoir ainfi  appelé,luy demanda  s'il  appeloit  dufurplus  delà  fenten- 
ce. A  quoy  fut  rcfpondu,e]uepourautant  qu'il  eftimoit  le  principal  poinctdela  fenten- 
ce con- 


ce  conlîfter  en  ce  qu'il  nous  declaroyét  hérétiques ,  qu'il  appeloit  de  cela  corne  d'abus, 
6C  du  rcftc  qu'il  ne  l'entendoit.Sur  quoy  l'Ofiicial  dit  que  c'eftoit  a/Tez'puis  qu'on  en  ap 
pcloit.  Voyez  trelchers  freres,la  diligence  que  nos  aducrfaircs  on  t  mile  pour  vuider  no 
lire  caule  eù  l'eljpace  de  treize  iours.  ^  Voila  l'entrée  de  leur  caufe:oyons-les  mainte- 
nant chacun  enparticulier,comme  ils  ont  parlé  par  elcrit.Etpremiercmentj 

MARTIAL  ALBA. 

1 L  efcriuit  ce  qui  fenfuit  aux  freres  fidèles  eftans  en  la  ville  de  Bordeaux. 

^Ource  que  par  l'cnnemy  de  Dieu,  ie  luis  cmpefché  de  vous  annoncer  la  Parolle 
\  bouche  à  bouche,i'ay  prié  le  Seigneur  me  donner  de  quoy  vousconfolcrcn  celle 
tant  véhémente  rage,par  laquelle  le  diable  trauaille  à  vous  troublerjafin  de  reculer  ou 
empclcher(puis  qu'il  ne  peut  anneantir  )  celle  tant  falutaire  &c  grandement  delirable 
œuure  de  Dieu, qui  cil  le  cours  de  la  laincStc  &c  diuinc  parolle, laquelle  porte  auec  elle  la 
gloire  de  l'on  trellainct&  louable  nom:  &  celle  gloire  confifteenla  publication  &c  an- 
nonciation  de  l'honneur  quenous  luy  deuons  comme  eftans  fes  créatures ,  à  luy  qui  eft 
noftre  Dieuvinant  &c  éternel:  &c  non  pas  corruptible  &  fuietâ  vermine,  comme  celuy 
que  la  plufpar-t  du  monde  adore  &:  tient  pour  Ion  dieu. Lequel  honneur  côlifte  en  ce,de 
côlîderer  qu'il  nous  a  créez  &  mis  au  môde,&  qu'il  eft  le  feul  autheur  de  tout  noftre  bié 
&:  félicité,  tant  du  corps  que  de  l'ame:lequel  a  voulu  &  commandé  qu'euflîons  en  hor- 
reur plus  qu'exécrable  toute  idolâtrie  ,  &c  que  totalemet  dependiffions  de  luy:qu'ilfuft 
noftre  feule  adreffe,noftre  feul  recours  &:rcfuge,noftre ferme  efperance&  totale  alleu 
rance:  c'eft  aifauoir  qu'il  veut  que  nous  foyons  alîciirez  du  tout  de  luy:du  t0ut,dy-iejvoi 
re  du  tout:&:  qu  eftans  ainli  fichez  en  luy,  nous  venions  à  le  craindre  par  grande  reue- 
renec. C'eft  le  faind  Euangile  que  l'Ange  de  l' Apocalypfe ,  volant  par  le  milieu  du  ciel 
publie  &:euangelize  à  ceux  qui  habitent  en  la  terre,&  àtoutegent,&:  lignee,&  langue* 
&:  peuple,  difant  à  haute  voix, Craignez  Dieu,  &  luy  donnez  honneur:  car  l'heure  de 
fon  ingénient  eft  venue.  Adorez  celuy  qui  a  fait  le  ciel,&:  la  terre,&  la  mer ,  &:  les  fontai 
nés  des  eaux.  Lequel  cry  &c  publication  a  efté  par  la  grâce  deDieu,de  vous  &  beaucoup 
d'autres  receu&:  acccptc:&:  auquel  auezobcy  comme  prouenant  du  trelfaind&incon 
taminé  fiege  du  Dieu  viuant,bc  n  in  &:  fauorable  a  ceux  qui  luy  obeiflent,&  feuere&  re- 
doutable à  les  rebelles  &aduerfaircs . Quoy  voyant  le  diable, que  tout  le  monde  deli- 
roit  d'entendre  ce  cry  pour  luy  obeir:comme  cftant  dés  le  commencement  ennemy  de 
Dicu,s'eft  oppofé  à  ce  l'aind  &c  diuin  ciy,&:  a  excité  les  mébres  a  faire  tous  efforts,  pour 
empefeher  cefte  tant  iufte&  de  tous  deuechofe, qui  eft  crainte  6c  honneur  à  Dieu,&  à 
affem  blé  l'on  concile,  qui  eft  le  bras  &:  prudence  de  la  chair,  par  laquelle  il  a  voulu  en- 
treprendre contre  Dieu. Et  témérairement  a  forgé  des  articles  pleins  de  blafpheme  a- 
bominable  contre  Dieu,lefquels  par  les  heraux  il  a  fait  publier ,  commandant  les  tenir 
fur  peine  de  priuation  de  biens  &  vies  par  feu  &c  par  glaiue,Mais  quoy  ?  viendra-il  pour- 
tantaudellusde  Dieu, &:desliens:Non.carS. Paul  ditquencmortncvie,nechofepre-  Rom 
fente  ni  aduenir  ,ne  nous  pourront  feparer  de  noftreDieu:ains  par  vn  ferme  amour,par  19 
lequel  Dieu  nous  a  conioints  à  loy, obéirons  à  ce  fain£r  6c  éternel  Euagile,publié  de-  par 
Dieu  par  l'Ange,ainli  qu'auons  dit,&  ainli  luy  rendrons  l'honneur  que  nous  luy  deuons 
comme  les  créatures ,  pour  laquelle  choie  il  nous  a  mis  en  ce  monde, lequel  honneur  le 
diable  a  en  abomination  6c  exécration, ainli  qu'il  eft  eferit  que  l'honneur  de  Dieu  eft  en  ^ 
exécration  6c  abomination  au  me  fchant.Etpource  fait-il  tous  les  efforts  à  fempcfclier  cc  1 
&:  reculer,puis  qu'il  ne  le  peur  annichiler. 

Or  autrefois  vous  auec  ouy,qucnecefîairement  il  nous  fauttouliours  auoirdeuant 
nos  yeux,&;  conlïderer  diligemment  queDieu  nous  a  mis  en  ce  monde  pour  le  feruir:&  La  creatiâ 
afin  que  nous  fullions  plus  enclins  à  ce  faire,voire  &:  plusdihgens,il  a  cômandé  à  la  ter-  del'hommc 
re  de  produire  ce  qui  nous  eftoit  necefTaire  pour  noftre  vie  en  particulier^  confequé- 
ment  aux  beftes  qui  nous  feruent,&:  en  gênerai  qu'elle  nous  baillaft  ce  qui  nous  eftoit 
necefTaire  .  Or  pour  nous  acquitter  de  ce,il  nous  faut  neceffaircment  fauoir  que  c'eft 
qu'il  nous  cômande  6c  deféd,&:  pour  cela  par  fon  Prophète  il  crie  à  fon  peuple,Tcnez- 
vous  furies  voyes  publiques,  6C  enqueftez-vo9  des  palfans  quelle  eft  labône  voye,  &C  qu' 
après  cheminiez  en  icelle.Ie  fuis  elbahi  grandemet  de  ce  que  nous  n'y  péfons  autremét: 
&veu  que  la  nature  de  l'homme  eft  de  s'acquitter  enuers  l'vn  l'autre  d'vne  charge, 
quand  il  l'aura  pnnfc,commenc  fe  peut-il  faire  que  nous  nous  foucions  fi  peu  de  ce  que 


L\ur<L->  III 


*MartÏAl<*Alba. 


Dieu  ncusacômandérd'ou  vint  cela? C  'cftque  lcdiab]c,duqucl  tout  icdchïc  ftdc  nous 
Sîîrquoy  vo^r  malheureux  comme  luy,  trauaille  tant  qu'il  peut ,  aucc  diligence  extrême  ,  à  nous 
nnisnoiw  amufer  aux  choies  de  ce  monde, pour  nous  faire  oublier  ce  que  nous  deuonsà  Dieu: 'a 
't-uS*  11  chant  pour  tout  certain, que  la  fin  de  cela  fera  noftre  totale  perditiomd'autant  que  te  us 
chofesde    contempteurs  de  Dieu& de  fafacrec  parollc,auront  pour  fin  de  caufe  conr'uficn  eter- 
Dicu.      ntllc.Etn  y  vaudra  aucune  choie, prétendre  ignorance  ou  inaducrtccc.car  JcScigneut 
a  cxactvmci-!  t  donne  la  publication  de  tes  bénéfices  &z  grâces  :  afin  qu'en  les  confidci  at 
&:  pcn(ant,nous  luy  fiilions  honneur  &:  rcuerence,ainfi  qu'il  dit  par  ion  prophète  royal 
Pfc.5c.14.  Dauid,Sacnfic louange  «à  rEtCLncl.Lii'czrExodcleLeuit.  les  Nomb.  Detttc.  &cor.le- 
quément  les  liures  tant  du  vieil  que  du  nouueauTc  (tamét,par  lcfquels  femmes  admô- 
ncftczdcrecognoiftre&fouuent  remémorer  les  bénéfices  de  Dieu  pour  luy  en  faire 
honneur. Et  pourec  aucz  cfté  admonncftcz,qu  a  voftre  ieucr  &  coucher ,  &c  à  voftre  re- 
pas:aprcsia  trcifaindcoraiiondc  nbftrc  Seigneur,  veniez  à  reciter  le  Symbole  des  A 
poftrcs,qui cftla confeilion denoftre  tby:&: après  la  treifaincte  &  ïacree  Loy  de noftre 
Dieu  cternehmefmc  après  le  repasja  faifant  publier  a  haute  voix,  y  faiiant  ailiftci  tous 
ceux  de  voftre  maifon  que  vous  aurez  en  chargc:afin  qu'vn  chacun  depuis  le  plusgiâd 
iufques  au  plus  petit, fâche  &  (bit  aduerti  de  ce  que  Dieu  luy  commande^  défend, afin 
qu'il  face  &:  l'vn  &:  l'autre,luyobciilànt  corne  à  celuy  de  la  main  duquel  il  a  rcceu&:  re- 
çoit larefc&ioh  &c  k  nourriture:&:  qu'ils  fachet  q  pourlc  vray,Dieu  ne  laiftcira  point  im 
puny  le  mcfpris  de  fa  maicité.Car  tous  maiftresdemâdct  de  leurs  fcruiteurs  toute  obe- 
iifance  :  voircmefmes  qu'après  leurs  repas  ils  entédent  à  leur  bclbngne.  &:  nollre  Die  ri 
pour  le  moins  n'aura-il  pas  autat  de  nous  corne  l'hômerCertcs  ie  me  remets  à  vous.  •  Il 
y  en  a  entre  vous  qui  ne  trouuent  pas  bon,&  ie  faichent  de  fi  longues  grâces  :  mais  fi  le 
repas  du  ventre  leur  eftoit  fi  court,corrime  ils  veulent  le  repas  de  lefprir:&  fi  la  v  iandè 
terreftre  les  degouftoit  fi  toft  comme  la  celefte,  ie  croy  qu'ils  ne  feroyent  pas  te  1s  qu'ils 
Içjn  %,A7'  lbnt.Qu,'ils  confiderent  vn  petit  ce  que  le  Seigneur  Iefus  dit  en  S.Ican,Qui  eft  de  Dieu,- 
oitlaparolledcDicu:certcsie  crain  que  tels  lbyét  plus  pofiedez  du  diable  que  de  Dieu: 
car  il  tranfporte  les  liens  de  l'auditoire  de  Dieu  à  toute  vanité.  Or  lâchent  tels,  que  n'a- 
llons pas  introduit  cela  fur  vous  de  noftre  teftc:mais  nous  citant  commande  de  Dieu  au 
Deuteronome      8:  là  où  ils  trouueront  cicrit  tout  au  long  comme  Dieu  le  cômandc. 
Maintenant  après  eftrc  certifiez  que  c'eft  commandement  de  Dieu,  perfonne  devoir, 
ne  fefafchera:  rhais  auec grande  rcucrence  efcoutercz,car  c'eft  Dieu  qui  parle,  &c  non 
pas  l'homme.Vous  me  direz, Cefte  Loy  ne  nous  apporte  que  trifteife.  &C  d'autant  que 
nous  ne  la  pouuons  accomplir,  elle  nous  enuoyc  tous  en  cnter,ainii  qu'il  a  cfte  pronon- 
çait. i;.i<r  céparMoyfe  au  Dcut.où  cil  donc  cefte  confolation  que  tu  te  dis  nous  donnerai!  com- 
mencement  de  ton  Epi'he?Ic  vous  reipo, que  laLoy  n'a  point  de  puiffance  fur  vous,cn- 
Ronî.  ?°!4.  tant  que  vous  eftes  dehurezde  l'exaction  &c  violence  d'icclle  par  Iefus  Chrift',  fcul  vrav 
*M-  naturel  Fils  de  Dieu  vinantdeque  lie  Pere  a  baillé  pour  faire  pour  nous  ce  qiie  nous 

ncpouuos  point,ain(îqucrattefte  S.Paul  aux  Romains  8. lequel  Fils  a  pris  la  charge  de 
l'accomplirpour  nous,&:  nous  acquitter  totalement  de  la  malédiction  qu'elle  dénonce 
Gai  x  13     à  tous  ceux  qui  ne  l'accompliront,ainli  que  dit  S.Paul  aux  Galat.C'cft  celle  plusqu'ad- 
Gcn.3  ly    nurablc  Semence  de  femme, qui  fut  promile  en  Adam  au  monde,  qui  briieroit  la  telle 
de  ee  vieil  Serpcnt:&  que  tout  ainfi  que  par  le  Serpent  eftoit  venu  au  monde  route  ma- 
ledictiomfemblabkment  par  celle diuine  Semence  feroit  donnée  au  monde  toute  be- 
Rom.  11  s-  fiediition.De  ce  bien  nous  aiîeure  S. Paul, quand  il  dit  que  Chrift  nous  incorpore  à  loy, 
ïpJic  5  31.      nous  fait  fes  mêbres:&  par  ainfi  femmes  transferez  de  la  mort,qui  eftoit  fur  nous  par 
la  Loy,à  la  vie  qui  nous  eft  offerte  &  donnée  par  Iefus  Chrift. 

Nous  donc  vicions  de  la  Loy  pour  menacer  la  chair ,  afin  qu'elle  ne  vienne  à  fafchcr 
l'efprit,&:  fait  en  la  main  de  l'entât  de  Dieu  ,  côme  la  bride  en  la  main  du  cheuaucheur: 
lequel  met  la  bride  en  la  bouche  du  cheual ,  non  pas  pour  hw  mal  faire  :  ains  pour  le  fa 
gement  conduire ,  &c  le  garder  que  par  vnc  férocité  brutalle  il  n'aille  par  tout  où  il  vou 
droit,&  qu'elle  luy  feit  comme  la  verge  ou  l'cl'peron  pour  luy  taire  faire  fa  iournee.  Ain  - 
fi  fera-il  eie la  Loy  en  nous,  carpoureeque  la  chair  que  nous  portons  n'eft  pas  du  tout 
mortifiec,elle  a  beibin  de  ces  dcuxchofesx'eft  d'eftfe  retirée  du  mal  parla  Loy,&  poui 
fec  à  bien  faire  par  promeifes  de  la  foy.ee  que  le  Pfalmiftc  dit  au  Piéaumc  trétequatrie- 
mc,Retirc-toy  du  mal,  &c  fay  bien. La  chair  par  les  defirs  qui  font  en  elle  &c  par  le  diable 
eft  poulîceàmal,  l'inuitant  par  vne  ardeur  vehemenreà  fc  veautrer dans  le  bourbier 


•Martial  &ilb  a. 


de  toute  vanité*  au  grand  deshonneur  du  treflainct  &;  facré  nom  deDieutainfî  quauons 
fait  tout  le  temps  qu'auonseftéignorans  de  Dieu:  pendant  lequclau  lieu  d'honnorcr 
&:  glorifier,  voire  refiouir  Dieu  par  noftre  chair ,  comme  à  ces  fins  Dieu  1  auoit  crccc, 
nous  l'auonsdeshonnoré&:  grandement  faiché  par  icelle:e'ntât  qu'elle  c'eft  baillée  a  1- 
ennemy  &  aduerlaire  de  Dieu, le  laiilant  côduire  par  l'on  conlèil,&:  à  (à  volôté .  Lequel 
ennemy  a  vie  d'vne  li  grande  rufe  contre  ce  bon  Dieu, que  non  l'eulemét  il  a  priueDieu 
de  l'honneur  que  la  chair  luy  doit:ains  a  fait  que  Dieu  en  a  cfté  deshofinoré  vilaincmét: 
tellemet  que  les  mebres  que  Dieu  auoit  créez  pourfoy,&  auoit  conlacrez  pour  Ion  fer- 
uicc,lediablelesagaignczàfoy  ,&:luy  en  a  fait  cruelle &:  mortelle  guerre  .Melme  le 
principal &: plus  noble  d'iceux  mébrcs,quieftla  bouche(parlaquellcDicu  vouloir  eftre 
glorific,loué&:  magnifie  par  adiôs  de  grâces,  &:  récit  de  l'es  grands  &L  diuinsceuures)  le 
diable  l'a  fi  vilainement  polluée  &_i  nfedee,qu'il  a  faïc  que  Dieu  en  eft  blal'phemé,qu'el 
le  vient  à  maudire  l'on  Crcateur,&:  outrager  l'innocéce  immaculée  de  IcfusChnft  vray 
&;  naturel  Fils  de  Dieu  viuant,qui  eft  bénit  des  Anges&  de  toutes  créatures  celeftese-  Miroil  ^ . 
ternellement,Amen:qui  l'a  rachetée  fi  benignement  par  vn  amourincroyablc;  de  ma-  l'homme, 
niere  qu'il  lemble  que  le  diable  ait  eu  puiflance  de  renuerfer  tout  le  confeil  de  Dieu  en 
l'homme,le  dehSauchant  de  l'on  Dieu  d'vn  dcfbauchemcnt  perpétuel ,  &:  le  deprauant 
par  vne  malice  obftincc,fc  monftrant  manifeftement  ennemy  irréconciliable  de  Dieu. 
Bref,  par  vne  rage  plus  que  brutale,n'a  point  craint  d'entrer  dedans  JeparcdeDieu,&: 
rauir  du  troupeau  lapoure  brebis,  la  leduilanc  par  parolles  de  tromperie,^  par  péché 
la  faifant  proye  de  ce  lion  rugi/Tant  duquel  parle  S.Pierre,qui  eft  le  diable,  l'ennemy  de  «.Hw-5-* 
Dieu. Et  ce  que  ledit  ennemy  ne  pouuoit  de  iby, l'homme  luy  baille  &:  fait  aide  tclle,qu 
il  vient  au  delHis  de  ce  qu'il  veut.  Voila  dequoy  fert  l'homme  domeftique  de  Dieu:c'eft 
qu'au  lieu  de  trauailler  pour  l'augmentation  de  la  maiîbn  de  Dieu, il  fait  tous  l'es  efforts 
delaruiner&:  mettre  basr&n'a  point  de  honte,  par  vne  puante,cxecrable&:  abomina- 
ble luxure  maculer  l'image  de  Dieu:proftituer  le  fangprecieuxde  l'Agneau  immaculé, 
qui  eft  Iefus  Chrift  fon  Redemp teur: profaner  &£  anéantir  la  mort  &:  paflion  trelfainde, 
par  laquelle  il  auoit  cfté  rachetéme  tenant  conte  de  la  chanté  qu'il  doit  à  Dieu  &  à  fon 
prochain.^Or  1e  vouslaiffc  à  penfer,li  nous  n'auons  point  efte  telsle  téps  paifé.&c  vous 
prie  de  conlîdcrcr  de  quelle  plus  q  trcfgrade  mifericorde  a  vie  noftre  bon  Dieu  enuers 
nous,delaiifer  viure  telles  pniciculcspeftes&:  trop  plus  que  dommageables  en  fa  repu 
bliquetnous  permettant  l'vlage  de  Tes  biens,&:  communiquant  en  partie  fa  beneditltiô 
côme  aies  enfans  qui  luy  obeillent,qui  le  glorifient  &i  honnorent.D'autrepart,  mettez 
deuant  vos  yeux  l'ire  unplacable,voire  &  importable  de  Dieu  Jaquelle  il  aiuftemét  fur 
nous,pource  que  nous  auôs  ainli  vilainement  difFormé  cefte  tant  admirable  &:  diuine 
image  lienne(laquelle  il  auoit  daigné  mettre  en  nous)par  vne  tant  abominable  ôipuan 
te  chofequi  eft  peché:vous  priant  bien  fort  d'y  penfencar  certes  c'eft  le  côble  de  noftre 
conlolation,  de  croire  q  Dieu  nous  ait  créez  à  ion  image  &:  femblance,&:  qu'il  ait  impri-  Gcn  1  zy 
mé  viucmét  en  nous  celle  fainde  &c  diuine  image  liéne,côme  vnfeau  d'affeurâce  de  fon 
infallible,ir.léparable&:  infini  amour  en  nous:  de  laquelle  tant  excellente  ÔC  diuine 
chofe  nous  n'auons  tenu  conte:ains  pargrandmefpris  l'auons  fouillé  par  péché  au  grad 
deshonneur  de  Dieu.^Or  ce  trop  infâme  forfud  enuers  Dieu  nous  eft  pardôné  par  le- 
fusChrift  noftre  Seig.&:  non  l'eulemét  nous  eft  pardôné:ains  nous  eft  promife  par  Iclus 
Chrift  réparation  reformatiô  de  ladite  diuine  image, qui  eft  vn  bien  pret'q  incroyable. 
Tous  les  laindsEfcrits  de  Dieu  ne  font  propos  d'autre  chofe  plus  que  delà  réparation  Co,  ?  ,c 
de  la  tât  horrible  dilfipation  de  cefte  fainde  &:  admirable  image  de  Dieu,laqllerepara- 
tion  fe  deuoit  faire  &:  a  efté  faite  par  iceluy  bié-aimé  Fils  deDieu  IelusChrift  noftre  Sei- 
gneur: voire  par  fon  fang  precieux,parleql  ill'alauee,purgec&:  parfaitemét  nettoyée, 
tellemet  qu'il  la  rend  &:  fait  plus  aimée  de  Dieu  fon  Pere ,  qu'elle  n'auoit  efté  parauant.  Eplrf 
voyez l'hiftoire  de  l'éfant  prodigue. Apres,dy-ie, nous  auoir  laucz  en  fon  précieux  fang, 
de  toute  ordure  qui  nous  rendoit  odieux  àDieu  fon  Pere,il  nous  réconcilie  à  luy  par  fon  Luc  25.  i 
faindEfprit,  lequel  nous  donne  la  iuftificationpar  la  foy,par  laquelle  croyons  à  ces 
promelTes,&:  nous  vnit  tellement  à  foy,quil  nous  fait  vn  auec  Dieu  fon  Pere  &:  luy,com 
mêle  tefmoignefaind  Iean  au  17.  chap.& nous  communique  tout  ce  qu'il  a  de  Dieu 
fon  Pere,  nous  failant  enfans, &  par  confequent  héritiers  de  Dieu,&:  cohéritiers  auec 
luy.    Il  nous  fait  auiîî  par  ladite  coniondion  facree  du  faindEfpnr,  rois&facrifica- 
teurs  à  Dieu  fon  Pere  :  Rois,  nous  communiquant  l'entière  &:  parfaide  vidoire  fur  nos 

L.in. 


ennemis,qui  ont  la  chair, le  pechc,le  monde,lediable:laLoy  &  enfendefqucls  nous  hue 
Apoc.^io  trjomp[lcr}qUciqUCplli|fanceJlTîalice& rage  qu'ils  ayent:  Sacrificateurs,  nous  douane 
pouuoir  ci  entrer  par  luy  au  treflainct  throrie  de  Dieu,&  prefenterà  fa  redoutable  maie 
lté  nos  orailbns,requeftes,plaintes,&r  toutes  nos  neceflittz ,  non  pas  vhc  fois  l'an  feule- 
ment, ainli que  le  grâd  Sacrificateur  de  la  Loy  anciéne,mais  à  toute  heure, (ans  rien  li  • 
^  miter.Oyezl'ApoftiCjVcufdit-ilîquc  nous  auons  liberté  d'entrer  aux  lieux  faincts  pat 
xo,sx.  >l9  1e  *ang  ^c  Iefus,par  la  voyc  laquelle  il  nous  adediec  frefche&  viuanre  parle  voile,  c'eft 
à  dire  par  fa  chair:  &  qu'auons  vn  grand  Sacrificateur  commis  fur  la  maifon  de  Dieu: 
allons  aucc  vray  cœur  en  certitude  de foy,ayans les  cœurs  purgez  de  mauuaifeconicicn 
cc,&:  ayans  les  corps  laucz  d'eau  nette, tenons  la  confcflion  de  noftre  efperance  fans  va 
rier.car  celuy  qui  la  promis  cft  fidelc.Et  au  4-chap.  de  la  mefme  Epiftrc,il  dit,Nous  qui 
auons  le  principal  &:  grand  Sacrificateur  lefus  Fils  de  Dieu, qui  cft  entré  es  cicux,tenôs 
noltrc  confefîîon.car  nous  n'auons  point  vnfouucraih Sacrificateur  qui  ne  puilfeauoir 
compalfion  de  nos  infirmitezrmais  auons  celuy  qui  aefté  tente  en  toutes  choies  felo  la 
limilitude,  fans  péché.  Allons  donc  au  throne  de  fa  grace,afin  que  nous  obtenions  mife 
ricordc,&:  trouuions  grâce  pour  auoir  aide  en  temps  conucnablc.  Qui  ne  fc  refiouiroit 
d'vn  tel  bienïVcnons  vn  peu  àconfidcrcrla  victoire  qu'il  nous  communiquc:commen 
çons  au  plus  prochain, qui  eft  noftre  chair:  c'eft  celle  à  laquelle  fermons  par  le  parte  au 
Rom. *. 13  grand  deshonneur  deDicu,viuansmefchament,feduil'ans  les  pcribnncs,hômcs&fem 
mes,pour  les  faire  confentir  à  mal.  Et  maintenant  nous  la  faifons  feruir  à  l'honneur  &c 
gloire  de  Dieu,admonneftant  toute  manière  de  gens  à  tout  bonœuurc,&  feruantau 
prochain  par  charité  en  toutes  choies. Et  les  membres  de  noftre  chair,  qui  fouloyet  fai- 
re la  guerre  à  Dieu,viuans  contre  fon  faillit  commandcment,font  maintenant  la  guer- 
re au  diable, feruans  &c  obeiflans  auDieu  viuant.Par  le  paffe  le  diable  reiiouùToit  noftre 
chair,elle  eftant  toutefois  en  l'ire  de  Dicu,luy  pourchalfant  fa  defolario  éternelle,  mais 
maintenant  le  Fils  de  Dieu, lefus  Chrift  noftre  Seigneur,  l'afftigcieftât  toutefois  aimée 
de  Dieu:  pour  luy  cômuniquer  fa  fanctificatiô  éternelle. La  bouche  qui  auoit  autrefois 
vilainement  blalphemé  Dicu,maintcnât  le  magnifie,&:  le  bénit  en  tout&:  par  tout.  La 
mefme  chair,dy-ic,quia  côtrifté  Dieu  en  l'ofFenlant  par  grand  mcfpris,icelle  mefme  le 
refiouit  maintcnant,luy  faifant  honneur,^:  luy  obeiflant  en  vray  amour.  Péché,  lequel 
nous  menoit  en  licffe  après  nos  concupifccnccs,&:  dominoit  fur  nous ,  maintenant  eft 
ictté  loin  de  nous:&: celuy  qui  nous  auoit  eflongnez  deDicu, fait  maintenant  qu'en  fofti 
mes  plus  près  que  iama;s:&:  celuy  qui  nous  auoit  fait  haïr  de  Dieu,  &  qui  nous  auoit  iet 
tez  en  la  profondeur  des  ténèbres  mortelles, a  fait  que  maintenant  auons  plus  claire  cd 
gnoiiTancedenoftreDicu,que  l'aimons  plus, le  délirons  plus, languirons, voire  bruftôs 
Rom. 5  après  luy. Oyez  encore  S.PauI,Là  où  le  péché  a  abondé,grace  y  a  plus  abondé  :  afin  que 
cômepeché  auoit  régné  à  mort,parcillcmct  la  grâce  regnaft  par  iuftice  à  la  vieeternel- 
Kom.s  le  par  lefus  Chrift  noftre  Seigncur.Et  maintenât  eftant  deliuré  de  péché ,  &  faits  ferfs  à 
Dieu,  vous  aucz  vollre  frui&en  fanctification,&:  pour  fin  vie  éternelle  Quat  à  la  Loy,à 
caufe  de  la  faincteté  qui  eft  en  elle, elle  nous  précipite  tous  en  enfer  par  vue  maledictio 
horrible  prouenante  de  l'ire  de  Dieu,  ainii  qu'il  eft  eferit  au  Deutcronomc  17:8c  ccà 
caufe  que  ne  la  pouuorts  faire  pour  la  corruption  de  noftre  naturc.de  laquelle  malédi- 
ction lefus  Chrift  nous  a  deliurez,ainfi  qu'auons  dit  delfus,laprenatfur  foy,  nous  en  ac- 
G.ilat.3  quitant  parfaitement. Oyez  aulli  S.Paul ,  Chrift  nous  a  dch'urcz  de  la  malédiction  de  la 
Loy, ayant  cfté  fait  pournous  malediction,afinquela  bénédiction  d'Abraham  fuft  fai- 
te à  nous  par  lefus  Chrift. Et  dauantage  met  en  efFect  tout  ce  que  laLoy  cômandc  pour 
nous  qui  croyons  en  luy,&:  nouscômuniqùeccftaccomplilTementdela  Loy:  &c  par  ain 
Rom  s  nppaife  Dieu  Ion  Perc,iuftemcnt  courroucé  contre  nous,pource  que  tranfgreilbns  fa 
fain&e&diuinc  Loy. Oyez fainct  Paul,  Laloy  de  l'Efpnt  de  vie  qui  cft  en  lefus  Chrift,- 
m'a  afiranchy  de  la  loy  de  péché  &  de  mort. Car  ce  qui  cftoit  impofliblc  à  la  Loy  (entât 
qu'elle  eftoit  foible  parla  chair)Dieu  l'a  fait ,  ayant  cnuoyé  fon  propre  Fils  e  n  îémblan- 
ce  de  la  chair  de  peché:&:  de  péché  a  condamné  le  peché  en  la  chair,  afin  que  la  iuftifi- 
cation  de  la  Loy  fuft  accomplie  en  nous, qui  ne  cheminons  point  félon  la  chair,  mais  fe 
Ion  l'Efprit.Et  luy  mefme  en  autre  pa/fagcatteftedilantjl  vous  foit  notoire  que  par  ce 
ftuy-cy  vous  eft  annoncée  laremiftion  des  pechcz}&  de  tout  ce  que  n  aucz  peu  cftre  iu- 
ftifiez  parla  Loy  de  Moyfc.  quiconque  croit,eft  iuftifié  par  ccftuy .  Dauantage  a  veincù 
pour  nous  le  diable,&:  nous  adonné  authorité  &puiiTancefuiluy,  ainli  qu'il  cft  eferit 

en  l'A- 


Martial  zAtba. 


200 


en  l'Apocalypic  :  là  où  il  eft  dit,  Et  fut  deietté  le  grand  dragon,le  ferpcnt  ancien, qui  eft  Apoc.u. 
appelé  le  Diable  &  Satan,  &:c.  En  S.  Luc,  le  voyoyeSatâcheoirduciel  comme  foudre.  Luc  10. 
Voicy  ie  vous  donne  puiffancc  de  marcher  fur  les  fcrpens&  fur  lesfcorpions,&:  fur  tou- 
te la  puilTance  de  fennemy  :  &c  rien  ne  vous  huira.Quât  à  la  mort,S.  Paul  dit  que  Penne-  JjjJJJ^ 
my  qui  fera  deltruit  le  dernier,  c'eft  la  mort,  toutefois  il  dit  aufli  que  la  mort  eft  englou- 
tie en  vi£toirc:cVllallauoir  que  la  viuacité,la  terreur,  la  violence,  l'horreur,  la  peur,  la 
crainte  qu'elle  bailloit,tout  cela  cil  cnglouty,aboly  '&  amorty  tellement,  que  celle  que 
nous  fuiyons  par  cy  deuant,&:  cerchions  tous  moyens  pour  l'euitcr  &:  luy  cfchapper, 
maintenant  nous  l'alfaillons ,  la  defirons ,  la  cerclions  &c  demandons ,  comme  la  caufe 
qui  nous  baille  le  comble  de  tous  plailirs,&:  la  confommation  de  toute  félicité.  Oyez  S. 
Paul  aux  PhilippiensJ'ay  defird'eftrc  feparédu  corps,&:  cftrc  auecChnlt. Celle  qui  par  piùi.i  13, 
grande  crainte  nous  failbic  taire  le  temps  paffé,nous  gai  dant  de  parler  de  noftre  Dieu, 
&C  de  magnifier  ôCconfciTer  fon  fainct  &  louable  nom, maintenant  à  pleine  bouche,tou 
te  crainte  mile  bas, confefle  par  grande  Iiardielîc  fon  faind  &:  terrible  nom. Oyez  fainct 
Paul  cnla  féconde  aux  Corinthiens ,  Comme  ainfi  l'oit  (  dit  il  )  qu'ayons  vn  mcfmeEf-  *.Cor.4.i: 
prit  de  foy:ainfi  qu'il  eft  efcritj'ay  creu  pourec  ay-ie  parlé  :  aufsi  nous  croyons ,  &  pour-  H 
tant  nous  parlons,fachans  que  celuy  qui  a  re/îufeite  le  Seigneur  Iefus,  nous  relîiifcitera 
aulfi  par  Iefus.  Quant  au  mondc,noftre  Seigneur  dit  en  S.  Iean,  Vous  aurez  affliction  au  Iran  16. 33. 
nionde:mais  ayez  bon  courage,i'ay  vaincu  le  monde. Et  fainct  Iean  en  la  première  Epi-  IeAn  5 
ftredit,  ToutccquieftnaydeDieufurmontclemonde:  &c'eft-cy  la  victoire  quifur- 
monte  le  mondc,alîauoir  noftre  foy.Et  fainct  Paul  aux  Galatcs,  Grâce  à  vous  &:  paix  de  Ga  *I'Î'4' 
par  Dieu  le  Pere  &:  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift,quis'cft  donné  foy-mefmc  pour  nos  pe 
chez,afin  de  nous  deliurer  du  p relent  monde  mauuais.  Et  là  mcfmc  il  dit ,  la  n'aduien- 
ne  que  ie  me  glorifie ,  linon  en  la  croix  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift,  par  laquelle  le  GlU  l4- 
monde  m 'eft  crucifié,  &:  moy  au  monde.  &:  comprenant  tout  en  fommc,ditaux  Corin- 
tiiicns,Gracesà  Dieu, qui  nous  a  donné  victoire  par  Iefus  Chrift  noftre  Seigneur.  C'eft  1  Ct  r  ^  î_ 
(comme  auonsdit)ccfte  admirable  &:  diuinc  Scmence,laquclledefa  puiflanceinuinci- 
blc  dcuoit  rompre  la  telle  du  Serpent.  Voila  vn  petit  commcnccmet  de  la  doctrine  que 
nous  auons  de  la  parole  de  Dieu, laquelle  nous  confole,&:  nous  alTcure  que  Iefus  Chrift 
Fils  du  Dieu  viuant,a  vaincu  pleinement  &:  totalemct  nos  ennemis  pournous,&  nous 
communique  ladite  victoire.  €  le  voudroyc,&:  de  tout  mon  cœur  ie  prie  Dieu,  que  vo- 
ftte  plus  grande  occupation  fuit  cefte  tant  laincte  8cialutaireceuure.,de  lire  la  parolle 
de  Dieu,  laquelle  nous  tcfmoigne  de  ces  choies.  Et  de  ce  faire  nous  admônefte  noftre 
Seigneur  Iefus  Chrift  en  S.Ieaiiidifant,  Ccrchez  les  E fer i turcs:  car vbus  cuidezenicel- 
les  auoirlavicetcrncllc.ee  font  elles  au  Mi  qui  portent  tefmoignage  demoy.  S.  Paul  à 
Timothee  fur  ce  propos  dit, Tu  as  cogneu  dés  ton  enfance  les  fainCtcs  Lettres,  lefquel-  i  Tim.5, 
les  tepeuuentrcndrefageàfalutparlatoy  qui  eft  en  Iefus  Chrift. Toute  Efcriturediui-  I4-I5-I5  :  * 
nement  infpirce  eft  vtile  pour  doctnnc,pour  reprehcfïon,  pour  correction, pour  inftru- 
crion  qui  eft  en  iufticc:  afin  que  .l'homme  de  Dieu  foit  cnticr,appareillé  à  tout  bon  œu- 
ure.  Vous  fauez  comment  par  plulicurs  fois  fay  admonnefté  vn  chacun,  6c  en  gênerai 
ôeen  particulier,  d'y  vaquer  6c  entendre.  Se  afin  qu'y  filficz  profit, y  aller  auec  grande 
crainte  &reucrence:  comme  fi  vous-vousprcfenticzdeuant  la  redoutable  maiefté  de 
Dieu,  pour  ouyr  fa  faincte  &:  diuine  volonté .  iedy ,  Pour  ouyr  parler  Dieu  à  vous ,  &:  ef- 
couter  diligemment  ce  qu'il  vous  com  mande  6c  défend,  afin  que  vous  ne  veniez  à  fail- 
lir. Et  demàdercz  à  Dieu  fon  S.  Efprit,  lequel  vous  a  cité  promis  par  Iefus  Chrift  noftre 
Seigneur  fon  bien-aimé  Fils,  en  S. Iean,  là  où  il  eft  dit,  le  pricray  Dieu  mon  Pcrc,&:  il 
vous  donnera  vn  autre  Confolatcur  pour  demeurer  auec  vous  éternellement.  Prcm  ic- 
rement  ainli  qu'auezouv,  demeurera  en  nous  cternellcmct:  il  demeure  en  vous  fera 
en  vous.  En  après  nous  enfeignera  les  choies  qui  nous  font  dites  de  Dieu,&:  les  nous  ré- 
duira en  mémoire  en  temps  6c  lieu,  pour  nous  en  feruir  à  là  gloire. Le  Côfolateur(dit-il) 
qui  eft  le  S.  Efprit  que  mon  Pere  enuoycra  en  mon  nom,  vous  enfeignera  toutes  choies, 
6c  vous  réduira  en  mémoire  toutes  les  choies  que  ie  vous  ay  dites. S. Iean  dit  aufli, Quad 
le  Confolateur  fera  venu,  lequel  ie  vous  cnuoyeray  de  mon  Pere,  l'Efprit  de  venté ,  qui  k  '  ' 
procède  de  mon  Pere,  il  rendra  tefmoignage  de  moy,  c'eft  à  dire,  vous  baillera  force  6c 
confiance ,  voire  hardiefle  de  parler  de  Dieu  à  pleine  bouche  deuant  la  face  de  tous  les 
ennemis  6c  aduerfaires  de  Dieu;quels  qu'ils  foyent,  fans  craindre  aucunemet  leurs  me- 
naces de  mort,  ne  par  feu  neparglaiuc ,  confelîans  hautement  le  trefîàinct  6c  louable 

L.iiii'. 


hiurt^ll /. 


nom  de  Dieu.  Et  affermeras  en  grande  puùTance,que  IefusChrift  vray  Fils  de  Dieu  vi- 

r.Cor.i.o.  uant,  eft  noftre  iufticc,  fapiencc,  lan&ification&:  rédemption,  noftre  paix,  noftre  recô- 
ciliatiô,  noftrc  vray,  partait  Se  total  Sauucunpar  lequel  obtenôs  de  Dieu  le  Perc  la  fain- 

icin  -(,.  de &:  éternelle  bénédiction.  Dau5rage,nous  auons  en  S.IeanJl  vous eft  expédient  que 
ic  m'en  voilc:car  li  ie  ne  m'en  vay,  le  Côiblatcur  ne  viédra  pas  à  vousrii  ic  m'en  vay,ie  le 
vous  enuoycray.  Et  quâd  ceftuy-la  lera  venu,  il  reprendra  le  monde  de  pèche,  iufticc  &c 
iugcmcnt.C'eft  celuy  qui  nous  tait  entendre  lesfecrets  de  Dieu, comme  dit  S.Paul  aux 

•  cor.i.v.  Corinth.  Oeil  naveu,  n'aureilleouy,&:  neft  pas  monté  en  cœur  d'home  ce  que  Dieu  a 
prépare  à  et  ux  qui  l'aiment- mais  Dieu  le  nous  a  reuelc  (dit-il)paf  fon  Efpiit.carrEfprit 
enquiert  toutes  choies,  &c  int  ime  les  choies  de  Dieu  prorondes  ou  cachées.  C'cft  celuy 

x.Cor  il.?,  duque  l  ildit,Ie  vousfay  fauoir,qut  nul  parlât  par  fEfprit  deDieu,ne  dit  Iefus  eftre  exe- 

Ro.nb.i6.  crable:6c  nul  ne  peutdire  Icius  elhc  Scfgncur,(inon  par  le  S.Elpnt.  C'eft  celuyqui  tcf- 
moigneà  noftre  ciprir,  ÔJ  le  réd  ailcurc&:  certain  que  nous  fbmmcscnfansdc  Dieu.  Et 
corne  ainii  loit  que  de  nous-melmcs  ne  lâchions  cément  nous  deuons  pncrDicu  tôme 
ilappartient, îlnous  t  nleigiu^  voire  fait  requefte  pour  nous  pargemiii'cmcnsquon  ne 
peut  exprimer.C'eil  celuy  qui  nous  authorize  tellemct  cnuers  Dieu, qu'il  fait  qucDieu 
nous  côm  unique  ce  tât  gracieux &plein  de  toute  alleu  race  nom  de  Pere,arin  que  nous 
necraigniosaucunemét  deltiy  aucune  choie,  quelle  qu'elle  l'oit;  ains  enloyons  tout  ai- 
feu  rez.  Certes  ii  ie  vouloyc  mettre  par  tient  le  bie  que  fElcriturc  nous  reuelc  qui  nous 
viét  par  le  S.Efprit,ily  faudroit  beaucoup  plus  de  temps.  Voila  pourquoy  ievous  ay  prié 
qu'iiKciîamment  en  tous  vos  actes  vous  demandiez  à  Dieu  fon  S.  Efprit  ,&ne  vousfaf- 
chiez.de  It  faire:ainsqucvousyaccouftumieziufqu*au  dernier  foufpir  devoftre  vie.  le 

Hcb.n.24.  vous  l'upplie  que  vo9  enfuyuicz  Moyfe  en  ce  qui  eft  t  ient  de  luy  aux  Hcbneux:  c'eft  qu'- 
il a  delaillé  le  pays  d'Egypte, aymat  mieux  eftre  affligé  au  defert  aucc  le  peuple  de  Dieu, 
que  de  iouir  vn  peu  de  têps  (notez  quâd  il  dit  Vn  peudetéps)  des  nchelles&:  délices  d'- 
Egypte.Il  y  en  a  entre  vous  qui  ont  ofé  parler  côtre  Dieu  pour  vous  feduite  &ù  deceuoir, 
à  voltre  grade  defolationik:  perdition  quelque  iour,en  vous  donnât  faulTcmét  à  enten- 
dre que  vo9  n'auez  point  de  LÔmandemt  nt  de  Dieu  de  lortir  du  pays  qui  eft  plus  idolâ- 
tre que  celuy  des  Chaldecns,voire  des  Turcsrdâs  lequel  Dieu  &c  Ion  Fils  bié-aimé  Iefus 
Chrilt  t  ir  plusdeshonnoré  qu'en  pays  qui  foit  au  monde  :  &£  fur  lequel  eft  la  menace  de 
Dieu,rircdeDicu,le  coui  roux  de  Dieu,voirc  famaledittiôrcdoutable,&:  fonfeuerciu- 
gemét  îneuitablc.Que  tels  fachêt(quels  qu  ils  foyer)  que  li  vov&  les  autres  voulez  iouir 

Rom.i.  18.  t-jc  ]a  bénédiction  de  Dieu  qui  a  cfté  jpmife  à  Abraham, il  faut  neceilairemet  eftre  feme- 
",  '  '     ce  d'Abraha  par  foydaqucHc  lov,ainli  q  dit  S.  Paul  aux  Romains,  vice  de  l'ouyc  de  la  pa~ 
rollc  de  Dieu. Et  quâd  il  n'y  anroit  autre  partage  en  toute  l'Efcnture  que  celuy  de  S.  Ica, 

laa  8  ;p.  ils  fe  deuroyét  taire  &  fermer  la  bouche.  Car  Iefus  Chnft  noftre  Seigneur  dit  la,Si  vo9c- 
ftiez  enfans  d'Abrahâ,vous  feriez  les  œutircs  d'Abrahâ. Qu'ils  conlideret  bié  ces  paroi 
lcs,&  ils  verrôt  qu'ils  ont  mal  fait  de  taxer  aîii  le  S.&:  diuin  parler  île  Iefus  Chrift,  lequel 
le  Perc  nous  a  baillé  pour  no9  enfeigner  àfalut  &  en  toute  vérité. No9  liions  en  Gcnefe, 

Cen.ij.  que  Dieu  fc  magnifiant  à  Abraham, luy  dit,  le  fuis  le  Dieu  qui  tay  tiré  hors  de  l'idolâtrie 
des  Chaldecns:nc  luy  remémorant  aucun  des  autres  biens  qu'il  luy  auoit  faits.  Nous  li- 
ions aufli  en  ce  mcfme  lieu, que  quâd  Abraha  enuoya  le  procureur  de  fa  maifon,  predre 
Gcn  i4  -.  krnme  à  l'on  rîls  Ifiac,luy  dit ,  Dieu  qui  m'a  tiré  de  lamailbn  de  mon  pere&dc  laterre 
de  ira  naUîance,  te  côduira,  &:  fera  profpererton  chemin:fans  luy  faire  métion  d'aucun 
des  autres  biés  gras  &  admirables  que  Dieu  luy  auoit  laits.  Certes  il  ne  tailoit  pas  les  au- 
tres,en  magn ifîâtDieu  de  ccftuy-ïa  fcul.mais  il  côlideroir  mieux  le  grâd  dâger &  plus  q 
pernicieux  péril  duquel  Dieu  lauoittiré,  que  \  tv  ne  côlidcrezceluy-l?  où  vous  eftes.  Si 
vo'aucz  la  foy,  laquelle  nccclfaircmét  vo9faur  auoir:de  quoy  &c  enquoy  craignez-vous 
de  voftre  Dieu?  Le  mtfme  Dieu  qui  eft  le  Dieu  d'Abrahâ,cft  aulli  vollrc  Dieu  .  le  ciel  Se 
toute  la  terre  lont  a  luy. Ne  voiiSjpfirei  a  point  la  diurne  cxhorratiô,&  la  certaine  &:  ter- 
me alîcurâcc  q  le  Fils  de  Dieu  nous  baille  de  la  bôté  de  Dieu  fon  Perc ,  en  nous  aiicurâc 
qu'il  a  foucy  dcnousrCcrtes  il  me  tait  mal  de  vo9  voir  perdre  li  facilemct&li  lafchcmet, 
&i  partante  d  aduis.  Dauâtîige  ils  \  ans  dilent  que  Dieu  vous  peut  fauuer  iciaulTi  bien  q 
là. certes  ce  font  parollcs  fort  mifcrablcsicar  autâten  euft  peu  dire  Abraha  en  fontéps, 
eôme  ils  difent  a  celle  heure  :  c'cft  que  Dieu  leuft  peu  aulîi  bien  fauuer  en  fon  pays ,  cô- 
me là  où  il  luy  commandent  d  aller.  Mais  il  ne  fut  pas  li  fol  &  mfenfé,  ne  il  mal  fage:  ains 
glorifia  Dieu,  fe  commettant    baillant  du  tout  à  luy  ,  fe  fiant  &crovant  à  faparolle. 

Tels 


^Martyrs  de  Lyon.  201 

Tels  veulent  aifuiettir  Dieu  à  eux,  &:  le  veulent  faire  côdef  cendre  à  leur  charnel  &  laf 
che  vouloir.maisDieu  leraobey  quoy  qu'il  tardc,&  le  mefpris  trop  outrageux  de  la  tr.a- 
iefte,  qu'on  luy  fait  en  ne  luy  obciiîant  point,  fera  crucllemct  vengé  &  puny:&  les  yeux 
&;  oreilles  qui  le  ferment  à  celte  heure,  Se  ne  veulent  voir  ny  ouyr  leur  perpétuel  lalut, 
feront  ouucrtcs quelque  iour,maugrc  qu'ils  en  ayent,  pour  ouyr  &  voir  leur  delblation 
cternellc.  Or  cltans  adiurez  parle  Magiftratau  nom  du  Dieu  viuaht,rc(p5diczen  tou- 
te venté  fans  aucune  palliation,voulans  efpargner  aucun,  ou  iauucrvos  vies:ayâs  touf- 
iours  deuant  vos  yeux  ce  que  Icfus  Chrift  noitre  Seigneur  a  pronôcé,  difanr ,  Qui  aime-  Miuo 
ra  plus  Ton  pcrc,&c.&:  affermerez  conftamment  que  Icfus  Chrift ,  vray  Fils  de  Dieu  vi-  c  ' 
uant,  eft  noitre  leul  Sacrificateur,  tel  ordonné  de  Dieu  le  Perc  par  ferment  inuiolabic: 
fcj  n'en  receurez aucun  autre,  quand  faudrait  expofer  mille  vies:  ains  les  tiendrez  &c  au- 
rez pour  cxecrablesjcomme  ceux  qui  contrcuicnncnt  à  la,  volonté  de  Dieu  conrermee 
par  ferment  :  voire  comme  compétiteurs  de  Iefus  Chrift  touchant  ce  treifainct  &c  facre 
ortice  de  facnHcarurc,  s'oppofans  comme  li  l'ordonnance  eftoit  inique ,  ou  le  den  iniu- 
ftementfait,ou  Iefus  Chriit  infuffifant:priansinftamment  la  maiefté  de  Dieu  ,  qu'il  fa- 
ce vengeance  de  celte  témérité  &  outrage  tait  «à  luy  &:  a  ion  bien-aimé Fils,  contre  le- 
quel ils  fe  font  bandez.Ie  vous  prie  qu'il  vous  fouuicnnc  de  ï eferit  que  ic  vous  laiflay  de 
ma  maim&n'efcoutcz  ces  propos  vains,  qui  font  autant  pernicieux  &c  dommageables 
que  pertes:  vousfuppliant  au  nom  de  noitre  Seigneur  Iefus  Chrift,  que  vous  monlttiez 
par  reformant)  de  voftre  vie ,  que  vous  eftes  à  vn  autre  que  vous  n'eftiez  le  temps  paire: 
c  eft  affauoir  à  Dieu  par  Ielus  Chriit  noftre  Seigneur.  AimcZ-vous  en  Dieu  :  &c  vous  af- 
femblez  fouucnt  pour  fa  parolle  :  car  ce  font  vos  principaux  affaires.  Aimez  les  poures: 
car  Dieu  le  vous  commande  eltroitcmcnt.  Ayez  l'honneur  de  Dieu  en  iînguliere  re- 
commandation, plus  que  vos  propres  vies.  Oyez  que  dit  S.Paul,  Si  aucun  n'aime  le  Sei-  i.Cor.i<î. 
gneur  Iefus,  qu'il  foie  en  exécration ,  voire  qu'il  foit  excommunié  à  mort.  Glorifiez  le 
nom  de  D;eu, comme  Icfus  Chriit  vous  admonnefte,  difant ,  Ainii  luife  voftre  lumière  Mit-î ,£ 
deuant  les  hommes,âfin  qu'ils  voyent  vos  bonnes  œuures ,  &  qu'ils  glorifient  voftre  Pè- 
re qui  elt  aux  deux.  Qu'il  vous  fouuienne  de  la  menace  qu'il  nous  fait  en  vn  autre  lieu, 
quad  il  dit,Si  voftre  initiée  n'abonde  plus  que  celle  des  Scribes  &z  Pharih'ens,  vous  n'en-  Mac 
trerez  point  au  royaume  des  cieux.  Il  y  en  a  entre  vous(ie  le  dy  fans  louer  perfonne)qui 
ont  beaucoup  glorifié  le  nom  de  Dieu  par  le  changement  de  leur  vie,faifans  beaucoup 
de  fruict.  ic  prie ceux-la qu'ils  en  rendent  grâces  à  Dieu  ,&  qu'ils  perfeuerent  &:  con- 
tinuent de  bien  en  mieux  iiiiqu  a  la  fin.  car  pourcertain  ils  en  receuront  falaire&  en  ce  Luc  18  3 
monde-cy& en  l'autre.  Souuienne-vous  definiure  que  vousay  autrefois  dit  qu'on  a 
faite  à  noitre  Seigneur  &Sauucur  Iefus  Chrift. Priez  à  Dieu  en  toutes  vos  oraifons  qu'il  Apoc  .6 
en  face  vengeance,  car  ie  croy  que  d'vne  telle  requefte  Dieu  vous  en  l'aura  merueilleu- 
fement  bon  gré.  Par  cefte  prefente  ic  faluc  vn  chacun  de  vous  en  particulier^  tous  en 
gênerai,  vous  priant  qu'avez  fouuenanccde  moyen  toutes  vos  oraiions .  La  bénédi- 
ction de  Dieu  par  Iefus  Chrift  foit  fur  vous  éternellement,  Amen. 

E  p  1  s  t  r  *  au  nom'des Ci  n 

Nom  auons  fait  fuvurcccfte  Epiftre,  rjui  eft  Je  Pierre  Efcritiain, eferite  ail  nom  Je  fes  compagnons  qui  rfrnycnt  prï- 
fenniers  à  Lyotiîd'auuntquc  par  icellc.crmme  d'vne  trompette,  tous  fidèles  fonr incitez  J'auoir  bon  courage  de 
combatre  vaillatnmenr,&  Je  fouftenir  la  caufe  de  la  vérité  in f.jues  à  la  Viftoire. 

|*rg^;V  I S  qu'il  a  pieu  à  noftre  bon  Dieu  &  Perc,  de  nous  produire  deuant  fes  ennemis 
iJ^pour  cftre  telmoins  de  fa  venté  nous  luy  en  dcuons  rendre  grâces  &  louages  éter- 
nelles, iuy  priant  de  parfaire  en  nous  ccft  œuurc  haut  &  admirable  qu'il  a  commencé: 
afin  quefbnfainct  nom  foit  glorifie  par  nous,  foit  par  vie,  ioit  par  mort.  Nous  auôs, cher  Mui 
frère,  par  cy  deuant  enduré  de  grans  alfauts:  mais  ccn'eftrien  au  prix  de  ceux-la  que 
Satan  nous  prépare  maintenant.  Nous  auons  bataillé  pour  la  gloire  de  Dieu  iufques  à 
prcfcnt:mais  non  iufques  au  fang.Nous  auons  côfcilé  Iefus  Chrift  Se  fa  venté  deuâtnos 
ennemis  cruels  ôc  inhumains.il  refte  donc  maintenant(fi  le  bon  plaiiir  de  Dieu  eft  )qu'- 
elle  foit  feellce  par  noftre  fang.Dôc  voyans  qu  vn  tel  côbat  nous  eft  preparé,que  noftre 
ennemy  fe  renforce  de  toutes  parts, qu  il  s'arme  de  grade  puàTance  pour  nous  perdre  de 
deftruire:  prenons,prenons  bon  courage  6c  hardielfc  pour  combatre.  Armons-nous  de  Fpl-  (6 
toute  armure fpiritu elle,  &  entrons  en  bataille ,  fuyuans  Iefus  Chrift  noftre  Roy  &:  Ca-  Hib.12. 
pitaine:  lequel  pour  obtenir  la  couronne  d  in  mortalité,  a  enduré  la  croix  6c  mort  tant 
jgnominicufc,  avant  dcfprifé  la  honte  &c  contulion  du  monde,  pour  faire  la  volonté  de 


Liurt^  III.  ^Martyrs  */o  Lyon. 

Djeu  Ton  Pcrc,  &:  amener  par  ce  chemin  à  la  vie  éternelle  tous  les  efleus,qui  de  toute  e- 
Rotr..8.î  >•  tcrnitcontcftc  prcdeftinczde  Dieu  le  Perc  pour  eftre  faits  conformes  à  l'image  de  (on 
Fils: pour  lequel  nous  endurons  maintenant,  arin  qu'auec  luy  l'oyons  glorifiez. Que  li  le 
mondera mort,le diable êc  enfer  nous  veulet  perdre &:  engloutir,cicoutôs  Ielus  Chnlt 
lean  16. 33.  noftrc  bon  maiftre,  dilant,  Vous  aurez  affliction  au  mondermais  ayez  bon  courage ,  car 
53-i  i'ayveincu  le  monde.  Ccluy  qui  croit  en  moy,rraifcrade  lamortàlavic .  Car  Iefus 
Chriftcn  mourant  a  fait  que  la  mort  nenous  cil  point  mort:mais  cil  chemin  pourallcr 
en  la  vie&à  la  gloire  infinie.  Si  les  ondes  &£  vagues  de  la  merde  ce  monde  le  leuêt  con- 
tre nous, pour  nous  abylmcr&  perdre:»"  nos  ennemis  à  grandes  troupes  &  bandes  nous 
bt  8.15.  alfaillcnt ,  cnôs  aucc  les  Apoftres,Scigncur,fauuc-nous:&:  il  nous  dcliurcra  de  tous  da- 
Pf1-.50.1j,  gersjcôme  il  a  promis  par  l'on  prophète  Dauid ,  Inuoque-moy  au  iour  de  ta  tnbulation, 
&  pl  lî"  &  ie  te  dcliureray:&:  tu  me  feras  honneur.  Quand  tu  m  inuoqueras  ie  te  refpondray ,  ie 
icray  aucc  toy  en  affliction,  &:  t'en  deliureray,  &  te  gloriricray.  O  la  grande  conlblation 
que  deuons  auoir  en  ces  promcllcs  li  grandes  de  noftre  Dieu  (delquclles  auons fait  plu- 
sieurs fois  en  noftrc  captiuicé  expenencc)voyans  qu'il  promet  d  élire  aucc  nous  au  têps 
de  noftre  tribulation  pour  nous  conColerôc  deliurcr  de  tour  mal  :  Car  eftans  condânez 
à  la  mort  par  les  aduerl'aires,  eftans  reicttez  de  la  compagnie  des  hommes ,  comme  les 
ordures  du  monde  :  helaslconlîderons  la  grande  bonté  ,  mifericorde&:  clcmece  de  no- 
ftre bon  Pere  eclefte,  lequel  a  eu  compalllon  de  nous  l'es  poures  feruitcursmous  conlo- 
lant  en  plulicurs  fortes,  tant  en  nos  corps  qu'en  nos  clpnts:  nous  failantlentir  en  nos 
cœurs  vneioyeincomprchcnfible,  laquelle  non  feulement  a  englouty  ôifurmonté  la 
triftelfe ,  mais  aulfi  nous  fait  reliouir  au  milieu  de  nos  tribulations, voire  au  milieu  de  la 
mort,  contre  la  rage  de  tout  le  monde,  en  forte  que  par  la  grâce  de  Dieu  nous  voyons 
nosaducrlàiresdeuant  nosyeux  eftre  cent  mille  fois  plus  captifs  &  affligez  quenous. 
car  li  noftre  corps  eft  enclos  aux  prifons  &:  chartres,refprit  néanmoins  eft  en  libertc,c- 
ftant  rcmply  déroute  ioyc &c  conlblation  celcftepar  le  S.  Efprit,  qui  nous  rend  tefmoi- 
gnage  que  no9  lommes  enfans  de  Dieu  Ireres  de  Ielus  Chnft,  qui  nous  afleurc  de  no- 
ftre ialut,&aulîlde  noftrc  deliurance  heureufe, laquelle  fera  faite  en  la  feparation  du 
corps  &  de  lame,  &c  finalement  en  la  triomphante  relurrection.  Au  contraire,  ia-l'oit 
que  nos  ennemis,  quant  à  l'apparence  extérieure,  l'emblent  eftre  en  liberté  &C  profpeii- 
té  en  grande  pompe  mondaine,  ncantmoms  ils  font  efclaues  du  diableuls  ont  le  ver  de 
leur  confeience  qui  leur  ronge  &:  mange  fans  celle  leur  cœur.ils  ont  vn  feu  en  eux-mef- 
mes  qui  les  tormente  grandement. Brcf,ils  fentent  maugre  leurs  dents  la  main  puilîan- 
te  de  Dieu  fur  eux,  qui  les  pourluit  lans  celle  en  fa  furcurfc  en  ion  ire.  Parquoy  fuyuans 
Rom.fA.  je  S.Apoftrc,  reliouilfons-nous  en  la  croix  de  noftre  Seigneur  &  en  nosafflidiôs:&ren- 
i.  r.or  .4.17.  dons  luy  grâces  de  ce  que  main  tenant  il  nous  cnaitie&:  corrige,  afin  qu  il  nenous  con- 
damne aucc  lomonde .  car  noftre  tnbulation  eft  légère  &  de  petite  durec.mais  lefruict 
&:  la  conlblation  qu'elle  porte,  eft  éternelle.  O  iî  nous  conliderons  la  gloire  infinie ,  Se 
couronne  immortelle  qui  nous  eft  préparée  là  haut  au  ciel  après  lavi&oirclii  nouscon- 
(iderions  les  biens  &.  threforsincftimablcs,&:  l'héritage  éternel  que  Ielus  Chrift  nous  a 
acquis  par  fa  mort  &  palîion,&:  par  fa  refurrcèh'onlfi  nous  (dy-ie)pcnlions  à  la  bien-heu- 
reufe  félicité,  à  laioyc&  à  la  vie  éternelle  en  laquelle  nous  ferons,  ayans  nos  corps  im- 
mortels &fcmblables  au  corps  glorieux  de  Iefus  Chrift:  non  s- nous  cliouinôsen  noftrc 
captiuicé,  voire  au  milieu  de  la  mort,  nous  chanterions  louanges  éternelles  à  noftre 
bon  Dieu  &:  Perc,&  nu  ici:  &:  iour,  nous  luy  rendrions  grâces  du  bien  &  hôneur  qu'il  luy 
plaift  nous  faire,  en  nous  conftituant  telmoins  de  la  venté  ,  nous  fouhaiterions  d'em- 
ployer noftrc  corps  pour  vne  fi  bonne  querelle  que  celle  qucDieu  nous  a  mife  en  main. 
Hclas,trelcher  frère,  Iefus  Chrift  noftre  bon  Maiftrc  n'a  pas  eu  honte  de  maintenir  no- 
ftre caufe  abominable^  dcteftablc,  d'endurer  iniures  &c  opprobres,  d'eftre  mis  en  l'ar- 
bre de  la  croix  entre  deux  brigans,  de  porter  l'ire  &  fureur  de  Dieu  fur  loy,  iufques  à  ve- 
M 17 nil-  cricr  à  haute  voix,  Mon  Dieu, mon  Dieu, pou rquoy  m'as- tu  laiffé?  Aurons-nous  dôc 
hôte  de  maintenir  fa  caufe  tât  îufte  &  raifonnable,fa  iufticc  &c  innocéce,  la  mort  &:  paf- 
liô,qui  eft  le  falut  de  tout  le  mode  ?  Douterons-nous  d'aller  après  luy  &  après  les  S.  Pro- 
phètes &  Apoftres, après  tât  deMartyrs  qui  ont  fait  le  chemin  deuat  no!,?qui  ont  expofé 
leur  vie  à  cruels  tonnes  pour  maïtenir  la  gloire  de  Dieu  &  la  fain&c  venté  de  l'Euagile, 
pour  paruenirà  la  gloire  infinie  en  laquelle  ils  regnét  maïtenat  auec  Iefus  Chrift  noftrc 
Chef  &  Capitaine  en  toute  paix ,  îoye  &c  félicité,  attendas  la  bié-  heureufe  tefurrect-ion, 


^Martyrs  de  Lyon.  202 

en  laquelle  tous  les  efleus  de  Dieu  ferot  recueillis  au  règne  de  fon  Fils  \  Alors  les  poures 
Martyrs  fendront  le  fhiiâ  de  la  croix  Sz  tribulation  qu'ils  ont  endurée  en  ce  monde .  a- 
lors  cognoiftrons-nous  comblé  l'ont  heureux  ceux  qui  ont  enduré  pou  r  Iefus  Chrift ,  & 
ont  blanchy  leurs  robes  au  fang  de  l'Agneau  .  alors  entendrons-nous  ces  fentences  de 
Iefus  Chrilt,  Qui  perdra  fa  vie  pour  moy  &c  pou  r  mon  Euagile,il  la  gardcta.  Qui  perdra  Mat.  ro.js, 
pere,mere, femme,  enfans,mailbns,champs&:  vignes  pour  moy,il  aura  la  vie  éternelle 
Qui  veinera,  ieluydonneray  de  fcfcoiraticc  moyenmon  throne.  Bref,  alors  verrons-  AP0C^  xï- 
nous  noltre  Pere  celeftc  clairement  face  à  face  r&:  le  cognoiflrons  comme  il  nous  co- 
gnoit:lequel  efluyera  toute  larme  des  yeux  de  fesenfans:  lefquels  il  courônera  de  gloi- 
re Si  immortalité,  pour  viureauccluy  ctcrnellemet.  Alors  fera  faite  vue  bergerie  •&:  vn 
Pafteur:!  Li'poulé  fera  auec  fon  Efpoux:Dieu  fera  tout  en  tous. Toute  tyrannie, puiiïan- 
ce  Se  hautefîe,  toute  beauté',  richci:cs&  pompe  des  aduerfaires  de  Dieu  fera  palfee:  les- 
quels receuront  lciàlairc  de  leur  infidélité  -Se  idolâtrie  :  lefquels  plctircrot  &:  gémiront, 
quand  nous  rirons  &:  chanterons  :  le/quels  fentiront  la  malédiction  de  Dieu  lureux,e- 
ftans  plongez  aux  abyfmcs  d'enfer  auec  le  diable  leur  pere  Se  capitaine ,  quand  nous  fe- 
rons là  haut  au  royaume  de  Dieu  noltre  Pere.  Et  que  profitera  alors  aces  poures  mau- 
dits Se  mal-heureux, l'honneur  beauté  Se  magnificence  de  ce  monde?  Que  leur  profite- 
ra d'auoir  amafle  tant  de  richeifes  Se  biens,  tant  d'or  Se  argent  :  d'auoir  eu  tant  de  beaux 
enfans  &  femmes: bref,d'auoir  prins  tous  leurs  plaihrs  en  ce  mÔde ,  comme  le  mauuais 
riche,  duquel  parle  noftre  Seigneur  en  fon  S.Euangile?  Helas!  tout  cela  fera  paifé  corne  Luci*.^: 
l'ombre  Se  fumée  :  tout  fera  comme  le  fonge ,  &c  s'en  fera  fuy  comme  le  vent.  Alors  au- 
ront famine,  froid, chaleur:  pleureront,  grinceront  les  déts,  eftans  au  feu  qui  iamais  ne 
s'efteind,  lequel  les  tormentera  à  tout  iamais,  &c  fi  ne  les  confumera  point.  Alors,  dit  S. 
Iean:  demanderont  la  mort  pour  fuyr  celte  grancje  peine,  &:  line  latrouueront  point,  AP°<*'- 
car  elle  s'enfuira:&:  ils  viuront  en  enfer  auec  le  diable ,  pour  eftre  là  tormentez  éternel- 
lement. Voila  la  recompenfe  des  mefeharts  &:  ennemis  de  Dieu, qui  font  en  grade  ptiif- 
fanec  Se  triomphe  en  ce  monde.  ^  Parquoy,trcfchcrs  frères  &:  amis, ne  nous  fafe lions 
point  en  noltre  alHiclion,  &:  ne  nous  contritions  point  de  la  profpcrrtc  des  mefehas.  Ne 
ioyons  point  troublez  de  voir  les  ennemis  engrande  profpcrité:  car  tous  feront  finale- 
ment confirmez  par  la  fureur  de  Dieu  :  tous  feront  foudroyez  Se  accablez  fans  iamais  fe 
pouuoir  releuer.  C  cft  le  temps  maintenant  qu'ilfiiut  leuernos  telles  en  haut ,  veu  que 
noftre  rédemption  approche.  C'cll  le  temps  de  ioye  Se  licite, auquel  fera  faite  noltre  de- 
liurance:auqueirefpbuxrcceurafon  efpoufe.  Ayans  donc  nos  lapes  ardentes  à  l'exem-  Mat.tfl£ 
pic  des  cinq  vierges  fages,  foyons  prelts  pour  aller  au  deuant  de  Iefus  Chrift  noltre  ef- 
poux  quand  il  viendra,  pour  entier  auec  luy  aux  nopccs.O  combien  feront  heureux  les 
feruiteurs ,  lefquels  le  Maiftre  trouucra  trauaillans  en  l'on  œuure,faifans  profiter  le  ta- 
lent qui  leur  a  efté  commis  :  car  certainement  (dit  Iefus  Chrift)  il  lcconftituerafur  tous 
fes  biens. Donc  puisque  Iefus  Chrift  noftre  bon  Maiftre  nous  a  cômis  fon  talent  &:  dire 
foi  ineftimablc  de  iafaincte  venté,  faifons-lc  valoir,  en  le  gardant  Se  maintenatiufques 
à  la  dernière  goutte  de  noftre  fang:  maintenons  ion  honneur  Se  (a  gloire  iufqu'au  der- 
nier foufpir  de  noltre  vie.  Et  donnons  garde  d'cftrefcmb  labiés  au  meichant  ieruiteur, 
qui  ayant  reccu  le  Talent  de  fon  maiftre,  fouit  en  tcrre,&:  cacha  l'argcc  de  fon  ieigneur- 
Ne  regardons  pas  aux  biens ,  plailïrs&:  honneurs  de  cemonde:ne  penfons  tant  Se  ne 
confiùcrons  point  à  nos  pcrcs,meresj femmes  Se  enrans,mefmc  à  noftre  propre  vie,qu'- 
cllc  nous  l'oit  plus  chère  que  la  gloire  de  Dieu. mais  fermans  les  yeux  à  routes  choies  de 
ce  monde,  &cfleuans  nos  telles  là  haut  au  ciel,  prenons  le  bouclier  de-  lafoy  ,&lcglai- 
ue  de  la  parolle  de  Dieu ,  pour  rabbarre  Se  repouifer  les  coups  &:  dards  enfiâmez  de  Sa- 
tan noftre  grand  ennemy&aduerfaire.  Courons  légèrement  en  toute  patience  auco- 
bat  qui  nous  cft  propole,  regardansauchefeie  noftre  foy,  Iefus  Chrift.  Sovôs  fidèles ,  Se 
combatons  iufques  à  la  mort  pour  la  querelle  :  &.  il  nous  donne  ra  la  courône  de  vie ,  la- 
que lie  il  a  promife  à  ceux  qui  bataillent  pour  fon  nom&pour  fa  gloire,  Attendons  en 
patience  Se  lilence  le  Seigneur,  Se  verrons  finalement  là  gloire  Se  puiflance  :  Se  cognoi- 
(trons  qu'il  n'a  pasdormy  en  noftre  tribulation  s  maistoufiours  nous  a  cachez  de  fes  ai- 
les, il  nous  a  gardez  comme  la  prunelle  de  fon  oeil.  Que  li  nous  auons  celle  afleurâce  Se 
confiance,  il  n  y  a  menace  ne  flatterie,tormcntoii  mort  cruelle, glaiuc,puiifancc  ou  ty- 
rannie, voire  quand  les  porte  s  d'enfer  auec  tous  les  diables  s'efieucroyent  contre  nous, 
*jui  nous  puhTent  cfbranler  aucunement  de  noftre  toy ,  6c  de  l'honneur  Se  dikchon  que 


Uurz^UL  Tierr<u£fcmain, 

nous  dcuôs  à  noftre  bon  Dieu  &c  Perc  par  Icfus  Chrift  noftre  Seigneur:  auquel  foit  gloi- 
re, honneur  &C  magnificence,  Ainli  (oit-il.  Le  Dieu  de  toute  patience  &c  confolâtion 
vous  vueilleconfoler  &:  fortifier  cotre  les  affauts  de  Satan  &c  de  tous  nos  ennemis ,  pour 
perfeucrer  en  la  confciîîon  de  Ton  fa  i  n  et  nom  îufques  à  la  fin  ,  &:  pour  fecllcr  la  fainfte 
vérité  (lî  Ton  bon  plaiiîreft)par  voftrefang:  maintenans  ion  honneur  &:  fa  gloire  iut 
<mcs  au  dernier foufpir  devoftrevie,  Ainli foit-il.  Vos  trefehers  frères  chlcfus 
Chrift,  prifonniers  comme  vous  pour  la  parolle  de  Dieu. 

PIERRE  ESCRIVAIN. 
vT^V-^^r  O  V  S  mettrons  en  fécond  lieu  Pierre  Efcriuain,  Gafcon,  home  d'efprit  vif: 
■jEaK^S'i!  ^auquel  le  Seigneur  dôna  bouche  magnifique ,  à  laquelle  les 


!  pauquel  le  Seigneur  dôna  bouche  magnifique ,  a  laquelle  les  ennemis  de  ve- 
£1]^^^  Srité  n'ont  peu  reiîfter,  mais  font  demeurez  confus ,  comme  on  peut  voir  par 
^^l^^ccfteconfeirioniudiciairc,  laquelle  ila  laiïîce  par eferit  es  termes  8c  cil  la 
manière  qui  s'enfuit: 

t'vtiliré  Considérant,  mes  trefehers  frères  &  fœurs  en  îefus  Chrift ,  le  profit  qui  pour- 
dtsCôtef.  roit  venir  à  toute  l'Eglife  de  noftre  Seigneur,(i  iemettoyeen  auant  lcsargumens&rdif- 
fidcics?"  ficultcz  que  les  aduerfaires  de  la  foy  m'ont  obiectees  aux  prifons  de  Lyon,&  les  refpon- 
fes  que  ie  leur  ay  faites  :  i'ay  voulu  eferire  cefte  prefdfate  confefîion  pour  la  confolâtion 
de  tous  les  fidèles,  ÔC"  pour  laduancement  du  règne  de  Icftïs  Chrift  :  en  laquelle  ie  com- 
prendray  les  poincts  que  i'ay  mis  en  la  côfefïïon  que  i'efcriuy  de  ma  main ,  &C  baillay  aux 
aduerfaires,  après  l'auoir  leue  deuan t  eux.  Or  iâ-foit  que  n'en  ayg  peu  retenir  ne  recou- 
Urer  awcun  double ,  toutefois  i'ay  efperance  en  Dieu ,  pour  lequel  ie  fuis  prifonnicr ,  d'  - 
autant que  ie  ne  demande  en  cecy  que  fon  honneur  &c  fa  gloire,  que  parla  vertu  du  S. 
Efprit,  il  me  réduira  en  mémoire  toutes  ces  choies  :lefquelles  îa-foit  qu'il  foit  impolli- 
ble  de  reciter  en  mefmes  parolles  ôclentences  en  pluficurs  lieux, neantmoins  ayant 
bonne  fouuenancede  tous  les  poincts  qu'on  m'interrogua  ,  &.  queieti  ajtayenmadite 
côfeflîon  :  i'efpere  par  la  grâce  de  Dieu,  les  remettre  tous  en  auat,  fans  y  adioufter  rien 
ne  diminuer,  &:  tenir  le  mcfme  ordre  tant  des  Dcmandcs,Refponfes,Diiputes,quedes 
poin&sque  ie  traitayenmaconfcfîion.  Leprianttrefafrectueulemcntquecefoitàfon 
honneur  &  à  fa  gloire,à  la  confolâtion  &c  édification  de  fa  poure  &£  dcfolee  Eglife,&:  à  la 
confuiion  &  ruine  du  règne  de  Satan  &  de  l'Antechrift.  Parquoy  ie  prie  tous  fidèles  de 
receuoir  cefte  grâce  que  Dieu  m'a  faite ,  de  tel  cœur  Se  affection  que  ie  leur  donne ,  ex- 
eufans  cependant  ma  trop  grande  rudelTe  Ô£  ignorace ,  tant  au  langage  qu'en  la  tracta- 
tion de  la  matière,  difputcsôc*  refponfcs:  priansDieu  afrcctucuiemcnt  qu'il  vucillcpar- 
faire  l'ceuure  qu'il  a  commencé  en  moy,&me  faire  perfeuerer  en  la  confcilionde  fon 
fainet  nom  iufques  à  la  dernière  goutte  de  mon  fang,  par  fon  Fils  Iefus:auqucl  foit  hon- 
M  d.lii.  neur,gloireôc  empire  éternellement,  Ainfifoit-il.  ^  Premièrement  deuant  que  ve- 
nir au  poindt ,  trefehers  frères,  il  vous  faut  entédre  que  le  premier  îour  du  mois  de  May 
m.  d.  li  i,pafTant  par  la  ville  de  Lyon  en  venat  de  Laufane  qui  eft  en  la  terre  des  Prin- 
ces de  Berne,où  i'auoye  eftudié  en  la  parolle  deDieu  par  long  temps  aucc  mes  frères  bC 
compagnons prifonniers :  enuiron deux  heures  après  midyvinfmcs  en  lamaifond'vn 
Colonges  homme  dudit  Lyon  qui  eftoit  venu  auec  nous  depuis  CoJonges  diftafit  trois  lieues  de 
dt  î'Eiclufe  Gcneuc,  Se  ayant  communiqué  auec  nous  de  la  parolle  de  Dieu ,  nous  auoit  conuié  de 
faire  collation  en  fa  maifon.  Or  cftans  totis  à  table,  voicy  entrer  le  Preuoft  de  monlieur 
de  Lyon,  aucc  fon  Lieutenant,  accompagné  de  quinze  ou  vingt  fergeans ,  lequel  nous 
demandad'oùnous  venions,  &  de  quelle  vacation  nous  eftiôs.  Auquel  vn  de  mes  com- 
pagnons refpondit,  Nous  fournies  cfcoliers.,  &  venons  des  Alemagnes.  Et  après  auoir 
dit  cela,  il  nous  côftitue  prifonniers  de  par  le  Roy,&  Thofte  de  la  maiion  qui  nous  auoit 
Conuiez.fi  nous  fit  incontinent  attacher  deux  à  deux ,  craignant, voire  &c  tremblant  de- 
uant nous.  Or  cependant  qu'on  nous  attachoit  nous  fifmesiignes,  &:  parlafmes  lesvns 
aux  autres  en  Latin,  nous  exhortans  àconfelTer  le  nom  de  Chrift  ,&raufli  parle  che- 
min. Toutefois  on  nous  mena  aux  priions  de  monfieur  de  Lyon,  là  où  noîïs  fufmes  fe- 
parez  les  vns  des  autres,  eftas  mis  chacun  en  vn  croton:là  où  nous  dcmcurafmcs  gemif- 
îansôc  prians  Dieu  qu'il  luy  pleuft  nous  confoler  &  fortifier  par  fon  Eiprit,pour  eofeflei 
fon  fainet  nom  auec  toute  hardîclle  deuant  nos  aduerfaires.  Et  cependant  que  nous  e- 

ftions 


Efcriudn.  2û $ 

ftions  en  cette  fain&e  contemplation,  voicy  venir  le  Geôlier:  lequel  ayant  ouuert  les 
deux  portes  du  croton,  accompagné  du  lieutenant  du  Preuoft,  me  mené  au  parquet 
par  deuant  l'OrHcial  &C  plufieurs  gens  d'apparence  qui  cftoyent  prefens.  Adonc  l'Offi- 
cial  me  demanda,  Comment  vous  appelez-vous?  le  refpon,  Pierre  El'criuain.  D.  De  j^>n^e 
quelle  vocation  eftes-vous?  R.  Iefuisefcolier.  D.  D'où  venez-vous?  R.  Du  pays  des  R.re"pôfe. 
Princes  de  Berne.  D.  Dequelle  ville?  R.  Delavillede  Laufane.  D.  Que  fai liez- vous 
là?  R.  I'cftudioycen  la  parolle  de  Dieu.  D.  Quelle  doctrine  tiennent-ils  à  Laufane?  R. 
LaparollcdeDieu.  D.  Comment  fauez-vous  qu'ils  tiennent  la  parolle  de  Dieu?  R. 
D'autant  que  long  temps  i'ay  eftudié  là,  &c  aflifté  aux  fermons,  aflemblees  &:  congréga- 
tions qui  s'y  t'ont  iournellement  :  i'ay  veu  &:  ouy  qu'ils  ne  prefehent  autre  chofe  que  la 
pure  parolle  de  Dieu,  &  le  croy  auifi: carie  fain&Efpritm'enafTeure.  Alors  l'Orficial 
dit,  Voulez-vous  donc  tenir  &c  viureen  leurloy?  R.  Ouy ,  monlieur,  d'autant  que  c'eft 
la  parolle  de  Dieu.  D.  Croycz-vousquelecorpsdelefus  Chrift  foit  au  facrement  de  1'-  D"  Sacre- 
autel?  R.  Nenny,monheur:car  cela  cil  contraire  à  l'article  de  noftre  foy ,  làoùnous  di-  Cene.dcli 
fons  &:  croyons  qu'il  cft  aflis  à  la  dextre  de  Dieu  le  Pere  tout-pui/Tant  :  de  là  où  il  ne  par-  Aa.3. 
tiraiufquesauiourduiugement.  OrquantàfaDiuinité,ie  confeiTe  qu'il  cft  par  tout 
le  monde.  Mais  arin  que  vous  ne  penliez  que  ie  nie  le  faintt  Sacrement  inftituépar  Ie- 
fus  Chrift:  ie  croy  &  confeife  le  facrement  de  la  faincte  Cene  :  en  laquelle  ie  reçoy  &: 
mange  le  corps  de  Iefus  Chrift,  &c  boy  fon  fang:  non  pas  charnellement,  ainfi  que  les 
Capernaitcs&.  Papiftes  cft  imenr: mais  ie  croy  qu'en  receuant  le  pain  &c  le  vin  de  la  fain-  i«n  <f- 
c~te  Cene,ie  reçoy  le  corps  &c  le  fang  de  Iefus  Chrift:&:  que  ie  mange  fa  chair  &  fon  farig, 
maisparfoy.  Alors  moniieurle  Procureur  fifcal,  homme  de  grand  fauoir(  ainfi  que  i'- 
ay entendu  depuis  )  lequel  on  appelé  monlieur  Clepier ,  qui  eftoit  auprès  de  f  Officiai, 
me  demande ,  Vous  dites  que  vous  croyez  qu'en  receuant  le  pain  &  le  vin  de  la  Cene, 
vous  receuez  le  corps  de  Iefus  Chrift  &  fon  fang.  Ouy ,  monlieur,  fpirituellemcnt  par  ColofTj; 
foy,&  non  charnellement,  car  ia-£bit  qu'il  foit  là  haut  au  ciel,  oùiele  cerche  par  foy:  fe^I,ef4' 
toutefois  par  la  vertu  de  fon  Efprit,  qui  conioint  les  chofes  qui  font  feparees  par  lôgues  Ephcr.T. 
dïftanccs,  il  nourrit,  rctc'clionne&  entretient  nos  ames  delà  chair  &C  du  langdc  Iefus 
Chrift  ,  par  vnc  manière  admirable  &  incomprehélible:&  fait  que  nous  lommes  mem- 
bres de  fon  corps ,  &  os  de  fes  os ,  &:  chair  de  fa  chair.    Croyez-vous  qu'il  y  ait  vn  Pur-  Purgatoire 
gatoirelàoùlesamesfont  purgées  &  nettoyées ,  pour  lefquelles  il  faut  prier  Dieu?  R.  i-kam. 
k  croy  que  le  fang  de  Iefus  Chrift  nous  purge  &c  nettoyé  de  tousnos  pechez:car  pour 
cela  il  a  efté  cfpandu .  &C  ne  croy  ne  reçoy  autre  Purgatoire.  L'Efcriture  aufti  nous  de- 
monftrc  qu'il  n'y  a  que  deux  chemins  :1e  chemin  de  vie  éternelle ,  en  laquelle  vont  a- 
pres  la  mort  tous  ceux  qui  croyent  en  Iefus  Chrift  :  &:  le  chemin  de  mort  &:  damnation 
éternelle,  en  laquelle  vont  tous  ceux  qui  ne  croyent  point  en  Iefus  Chrift.  Car  il  cft  ef- 
crit,  Qui  croit  au  Fils  de  Dieu,  il  a  la  vie  éternelle,  &palïe  de  la  mort  à  la  vie.  mais  qui  Ican5  & 
ne  croit  au  Fils  de  Dieu ,  il  eft  délia  condamné ,  &:  1  ire  de  Dieu  demeure  fur  luy.  Par- 
quoy  il  ne  faut  point  prier  pour  les  morts  au  ninement  :  car  s'ils  font  en  Paradis ,  la  priè- 
re ne  leur  peut  profiter,  veu  qu'ils  fentent  &  lont  participans  du  frui&de  la  mort  &:  pal- 
lion  de  IcfusChrift,&  de  toutes  les promeffes  qui  nousfont  prefentees  en  l'Euangile:s'- 
ils  font  danez,la  prière  auiïi  ne  leur  profite  de  rien, car  ils  font  maudits  deDieu  éternel- 
lement.   Croyez-vous  qu'il  fc  faut  confeffer  aux  Preftres?  R.  le  croy  qu'il  fe  faut  con-  Dt  Cortt 
fcfTcràvn  fcul  Dieu,  ainfi  que  dit  Dauid  en  plulieurs  lieux  defes  Pfeaumes,& princi-  fion. 
paiement  au  Pfeaume  31,  I'ay  dit  en  moy-mefme ,  Ieferay  confeiîion  de  mes  péchez  au 
Seigneur  :  Se  foudain  tu  as  ofté  la  coulpe  de  mon  péché.  Voila  la  vraye  Confeflion ,  &  I'- 
abfolution  incontinent.  D.  Ne  croyez-vous  pas  donc  qu'il  fc  faut  cofelfer  aux  Preftres? 
R.  Non,môiieur:car  cela  eft  contraire  à  la  parolle  de  Dieu,laquclle  nous  enleigne  que 
c'eft  à  Dieu  fcul  qu'il  fe  faut  confefTer.ee  queDauid  demôftre  au  Pfeaume  cinquante  &c 
vniemc,I'ay  péché  contre  toy  feul ,  &;  ay  fait  deuant  toy  ce  qui  t 'eftoit  defplaifant.  Que  d,s  c<  re- 
dites-vous des  Cérémonies  de  l'Eglife,  comme  de  fonner  les  cloches,  &:  autres  chofes  niches, 
qui  y  font  obferuces?  R.  D'autant  que  nous  fommes  enuironnez  decefte  chair,nous  ne 
pouuons  entendre  ne  comprendre  les  chofes  de  Dieu  telles  qu'elles  font:  mais  auons 
befoin  d'aide ,  à  caufe  de  noftre  infirmité .  parquoy  en  l'Eglife  de  noftre  Seigneur  il  faut 
qu'ily  ait  quelques  cérémonies  necefîàiremét  :  comme  pour  ouyr  la  parolle  de  Dieu,&: 
pour  prier  &:  chantcr,il  fe  faut  afTembler  en  vn  lieu:auflî  au  faincl  Sacrement  du  Baptef- 
me  &c  de  la  Cene,  il  y  a  certaines  cérémonies  qu'il  faut  qu'elles  foyét  obferuces ,  d'autat 

M. 


Liwo  ///  Pierre^  Efcriuain. 

qu'elles  ont  efté  inftituees  de  Iefus  Chrift  &:  obferuees  par  les  Apoftres ,  lefquclles  i'ap- 
prouue.  Mais  quant  aux  cérémonies  de  l'cglife  du  Pape,  ie  les  renonce  du  tout:car  elles 
loin  contraires  à  laparolle  de  Dieu     retiret  le  poure  monde  du  vray  fennec  que  nous 
D  *n  feni    juy  dcuons.  D.  Croyez-vous  qu'il  faut  prier  la  vierge  Maric,&:  les  Saincls  6c  Saindbes  de 
îkan»1*  l>ara^is>^  qu'^s  font  nos  aduoeatsî  R.ïe  croy  qu'il  n'y  a  qu'vn  Aduocat  qui  intercède  6c 
Rom  s.     prie  pour  nous  deuant  Dieu  le  Pere ,  qui  cil  Iefus  Chrift:  au  nom  duquel  nous  auons  jp- 
leamifkifi  melle  d'eftre  exaucez  de  Dieu  noftrc  Pere  en  nos  prières  &orailbns.  Iecrbyaufli  qu'il 
clt  noftre  fcul  Médiateur  entre  Dieu  &:  nous,  ainfi  que  dit  le  iainct  Apoftre  :  6c  qu'il  n'y 
a  autre.  Quant  à  la  Vierge,  ie  croy  qu'elle  eft  la  plus  heureufe  d'entre  les  femmes ,  d'au- 
tant qu'elle  a  creu  ,&  porte  Iefus  Chrift  en  fon  ventre ,  citant  vierge  deuant  l'enfante- 
ment, 6c  après  l'enfantement.  Et  croy  que  nous  la  deuons  imiter  en  fa  foy  6c  conuerfa- 
tion  :  6c  inuoquer  6c  adorer  vn  fcul  Dieu  à  fon  exemple,  6c  amli  qu'elle  nous  demonflre 
en  ion  Cantique.  Iecroyaulfi  quelesSaincts  fontbien-heurcuy,!cfqucls;nous  faut  imi- 
ter ,&  louer  Dieu  en  eux,  d'autant  qu'il  leur  a  fait  tant  de  grâces  :&  non  pas  les  inuo- 
Aa.3-4.sa4  querny  adorer,  car  eux-mefmcs  ne  le  veulent:  ains  le  défendent.  ^Or  voyant  que  le 
Greffier  n'eferiuoit  pas  ce  qifeiedi{oye,mcfmcment  les  paiinges  que  i'amenoye  del'- 
Efcnturefaindte,  iedy  alors  àl'Orncial:  Moniteur, le  Greffier  n'eferit  pascecjue  ic  dy, 
ainft  que  ie  voy.  Parquoy  il  vous  plaira  de  me  faire  donner  de  l'encre  &  du  papier,  pour 
faire  ma  conf  effion  :  &:  pour  demonftrerpar  partages  de  la  faindteEfcriture,cc  que  ic 
croy  6c  confefle  :  &:  queie  ne  dy  rien  contre  la  parolle  de  Dieu.  Lequel  rcfpond ,  Bien, 
cela  fera  fait: demain  vous  aurez  de  l'encre  6c  du  papier.  Et  après  auoir  dit  cela ,  il  me  fît 
foi  t  ligner  ma  depofition,  6c  commanda  au  Geôlier  6c  au  lieutenant  du  Prcuoft,de  me 
mener  en  mon  croton  :  où  icrendy  grâces  à  mon  Dieu  par  Iefus  Chrift  fon  Fils,  de  ce 
qu'il  m'auoit  fortifié  deuant  fes  ennemis,  pour  confefler  fon  iainct  rem  ,luy  priant  de 
me  donner  perfeucrance  iiiiqu'à  la  fin.  Et  après  auoir  prié,  ia-loit  quefufTecn  vn  cro- 
ton obfcur,laoù  à  grand' peine  pouuoyerefpirer,  neantmoins  iefu  rortifk'par  la  vertu 
du iainct  Efprit ,  &  conl'olé d'vnegrande  confolation 6c  ioyc , laquelle  furmontoit  tou- 
te trifteflé,  angoiil'e&:  fafeherie .     Le  Lendemain  qui  cftoit  le  Lnndy  fécond  iour  du 
mois  de  may,  à  huit  heures  le  Geôlier  me  vint  muer  en  vn  autre  croton,  là  où  ie  voyoye 
quelque  peu  pour  efcrirc,&:  me  donna  demie  fucille  de  papier  pourefenre  ma  cenfef- 
fion  .  ce  que  ie  fy  en  inuoquant  Je  Seigneur.  Le  lendemain  le  Geôlier  vint  par  plufïeurs 
fois  me  commander  que  ie  defpefchafle. auquel  ie  fv  rcfponfe  que  ie  nepouuoyc,  à  cau- 
fe  que  ie  n'y  voyoye  que  bien  peu.    •  Or  deux  heures  après  midy,lc  lieutenant  du  Prc- 
uoft  me  vint  quérir ,  6c  m'em  mena  en  vne  grande  laîle  où  cftoit  monfieur  1  Officiai ,  le 
iuge  Courrier, 6c  pluiïcurs  genseic  grande  apparence,  tant  Aduocats  que  bourgeois 
Ôcmarchans  Vautres.    Il  y  auoit  auffi  plufleurs  Moines,  tant  Iacopins  que  Corde- 
liers,&:  autres  faux-prophetes  qui  portent  la  marque  de  la  Befte.  Alors  l'Orficial  me  de- 
manda, Voulez-vous  perfeuerer  6c  maintenir  ce  que  vous  aucz  dcpofé&  confefle?  R. 
Icn'ay  rien  dit  ne  depofé  que  la  parolle  de  Dieu.  Parquoy  ie  veux  perfeuerer  en  made- 
poiition  ,&:  veux  maintenir &viurc&:  mourir  en  ce  que  i'ay  confeiïe.  D.  Auez-vous 
eferit  &:  achcué  voftre  confefîlon  ?  R.  l'en  ay  bien  eferit  vne  partie  feulement .  mais  ie 
vous  prie  de  permettre  que  iel'achcue,&  de  commander  au  Geôlier  qu'il  me  donne 
du  papier.  Lequel  me  dit,  Lifezceque  vous  auez  fait .    Alors  ie  cemmençay  à  lire  à 
haute  voix  ce  quei'auoyc  eferit.  Et  après l'auoir  leuJ'Official  me  dit,  Voulcz-vo9  main- 
tenir cela  que  vous  auez  eferit?  R.  Ouy,monfîeur,iufquesàlamort:  car  c'eft  la  vérité 
de  Dieu.  Et  il  me  commanda  de  fbubfigncr  ma  confeffion  .  ce  queie  fî  suffi .  &  après 
jlmedit,  Voicydes  Docteurs  qui  vous  monftreront  le  contraire  de  ce  que  vous  dites. 
R.  Qif  ils  commencent  donc,  carie  fuis  icy  pour  refpondrc.  Alors  vn  moine  Iacopin, 
qui  cftoit  auprès  de  l'Offîcial,  lequel  les  autres  moines  appeloyent  Mcnfîeur  le  Do- 
etcu r,commence  de  parler  à  moy,  eiifant ,  Venez-çà,mon  amy,  vous  dites  en  voftre  co- 
r  u  Pape,    fcflion ,  queie  Pape  n'eft  pointehef de  l'Eglile  i  ie  vous  prouucray  fc  contraire.  Le  Pa- 
pe eft  fuccefleur  de  faindt  Pierre  :  Ergo  il  eft  chef  de  l'Eglilé.  R.  Premièrement,  ie  nié 
l'antécédent,  aflauoir  que  le  Pape  foit  fuccefleur  de  fainâ  Pierre.  le  le  vous  prouue, 
dit-il.  II  eft  au  lieu  de  faindt.  Pierre,  Ergo  il  eft  fuccefleur  de  faindt  Pierre.  R.  le  nie  qu'- 
hier.f.     jj  (QIC  2ui,cu  dc  faindt  Pierre,  ne  fon  fuccefleur:  canine  prel'che  point  la  parolle  de 
Dieu ainfi  que  faindt.  Pierre.    Or  celtsy  qui  veut  eftre  fuccefleur  de  faindt  Pierre,  il 
faut  qu'il  face  comme  faindt  Piètre,  aflauoir  prcfcherle  faindt  Euangilc,&paiftre  le 

trou- 


^Pierrc^ÇfctMaitt.  adjf, 

troupeau  de  noftre  Seigneur:  ce  que  le  Pape  ne  fait  point  ,  ainfi  que  ie  vous  demonftre 
en  ma  confefTion.  Dauantage,  encore  que  le  Pape  fift  comme  faind  Pierre ,  &c  qu'il  fuft 
ion  vray  fuccefîeur,  fi  ne  feroit-il  pas  pourtant  le  chef  de  l'Eglife  de  Iefus  Chrift»  Car  Si 
Pierre  n'a  point  efté  le  chef  de  l'Eglife ,  mais  membre  ,  miniftre  &  Apoftre.  Parquoy  il 
n'y  a  autre  chef  en  l'Eglife      n'en  cognoy  d'autre  que  Iefus  Chrift  feul ,  fans  vicaire  ne 
fucceiTeuncar  S.Paul  auiTi  le  conftituefeul  chef  des  Anges  &  des  hommes.  Alors  mon-  Ephcf.r.i: 
fieur  le  moine  refpondit ,  le  fay  bien  que  S.Paurdit  que  Iefus  Chrift  a  efté  coftitué  chef  • 
fur  toute  l'Eglife  :  mais  fi  a-il  vn  Lieutenant  en  terre.  R.  le  vous  nie  cela  :  car  puis  qu'il        "  ' 
remplit  tout  quant  à  fa  Diuinité,  &  puis  que  par  fon  Efprit  il  gouuerne  fon  Egjife:la  où 
il  eft,  il  ne  faut  point  de  Lieutenant.  Le  moine  re(pond,  le  vous  prou  ue ,  que  combien 
que  Iefus  Chrift  foit  Roy  du  ciel&  de  la  terre:  toutefois  fi  a-il  plufïçurs  Lieutenâs  en  ce 
monde,  qui  font  Rois,  lefqucls  il  veutqu'ils  rcgnentfurfon  peuple;  R.  C'eftbienau- 
trechofe  des  affaires  ciuils,  &:  autres  des  fpirituels .  car  quant  au  gouuerhement  des 
chofes  de  ce  monde,  il  veut  que  les  Rois  &c  Princes  dominent,  pour  la  conferuation  du 
genre  humain  :  mais  quant  aux  chofes  fpirituelles  (comme  au  royaume  de  Iefus  Chrift 
qui  eft  fpirituel  )  il  n'eft  pas  ainfi.  Il  m'amenoit  d'autres  fimilitudes  friuolcs ,  defquelles 
ie  me  déporte.  Or  pendant  que  ce  Do&eur  difputoit  contre  moy ,  pluficurs  des  autres 
rafez  qui  eftoyent  là ,  voyans  que  leur  monfieur  le  grand  Docteur  eftoit  veincu,  crioyét 
aucunefois  deux  ou  trois  eniemble  contre  moy  pour  m'eftonner.  Et  entre  les  autres,  il 
y  eut  vnCordelicr  do&eur,  lequel  on  appelé  De-corn  bis,  qui  médit,  Vous  dites  que 
iaind  Pierre  n'a  pas  efté  chef  de  l'Eglife.  R.  Ouy,  monfieur.  le  vous  le  prouue ,  dit-il: 
Noftre  Seigneur  a  dit  à  S.  Pierre,  Tu  es  Simon  fils  de  Ionas:  tu  feras  appelé  Cephas.  or  iean  ù 
Cephas  veut  dire  Caput  en  Latin,&  en  lâgue  Françoife,  Chef.R.D'où  auez-vous  prins 
cefte interprétation;  Saind  Iean  en  fon  Euangile,  l'interprète  bien  autrement, car  il 
dit,  Tu  feras  appelé  Cephas,  qui  eft  interprété  Pierre.  Voila  donc  Cephas  qui  fignifie 
Pierre,  &  non  pas  Chef.  Monfieur  le  iuge  Vilardsqui  eftoit  auprès  d'vn  Cordelier,  va 
regarder  au  nouucau  Teftamet ,  s'il  eftoit  ainfi  que  ie  difoye  :  &  trouua  l'interprétation 
ainii  que  i auoye  dit.  Adonc  le  d  odeur  moine  baifla  la  tefte  de  grand'  honte  qu'il  eut,& 
ne  dit  plus  rien .     Et  après  le  Iacopin  dit,  Vous  dites  en  voftre  confeiîîon ,  que  l'hom-  Du  Franc_ 
me  n'a  Libéral-arbitre.  le  vous  prouue  le  contraire.  Il  eft  eferit  en  l'Euangile,qu'vn  arbitre 
hommedefeendoit de Icrufalcm en  Icricho,  lequel cheut  entre  les  brigans,&:en  fut 
deipouillé&:naurê,&:laifie  pour demy  mort.  Or  faind  Thomas  d'Aquin  l'interprète 
du  Libéral-arbitre,  difant  qu'il  a  bien  efté  blelTé,  mais  non  tué  du  tout:  Ergo,nousa- 
uons  encore  le  Libéral-arbitre.  R.  Premièrement  ie  vous  nie  cefte  interprétation.  D. 
Eftes-vous  plus  fauant  que  faind  Thomas  i  R.  Ienedy  pas  que  îefoyeplus  fauant  que 
luy,mais  ie  vo9  nie  que  cefte  parabole  le  doyue  ainfi  expliquer,ains  pluftoft  Iefus  Chrift 
par  icelle  veut  demonftrer  la  charité  que  nous  deuons  auoirenuers  noftre  prochain. 
Quant  au  Libéral-arbitre, nous  n'en  auôs  aucunemét,car  nous  fommes  morts  du  tout, 
ô>:  non  pas  en  partie,  ainfi  que  dit  S.Paul.  Et  fi  nous  faifons  bien,  c'eft  Dieu  qui  le  fait  en  Roa.f  ,&  6 
nous  par  fon  S.  Efprit»  Saind  Paul  dit  aufli,  que  pour  faire  bonnes  œuures,ilfaut  que 
Dieu  nous  donne  le  vouloir  &  le  parfaire.  Et  ii  Dieu  nous  le  donne,  nousnel'auonspas  Ephef.i.  : 
donc.  D.  Vous  dites  en  voftre  confe/îîon ,  que  nous  fommes  iuftifiez  par  foy  feulemet. 
R.  Ouy,moiieur.  le  vous  prouuc,dit-il,  que  nous  fommes  iuftifiez  par  les  ceuures.Nous 
méritons  par  nos  œuures:Ergo,  nous  fommes  iuftifiez  par  icclles.  R.  le  vous  nie  l'ante- 
cedét.  le  le  vous  prouue.  Saind  Paui  dit  au  dernier  chapitre  de  l'Epiftre  aux  Hebrieux, 
HmcfictntiA  &  communications  nv  obliwfcamini  ^îcdibm  enimviciimit  promn-etur  JDcm ,  Ne  met- 
tez en  oubly  la  beneficence  &  la  communication,carDieu  eft  mérité  par  tels  facrifiecs. 
Vous  voyez  donc  comment  promeretur  fignifie  mériter.  Parquoy  s'enfuir  que  nous  mé- 
ritons. R.Ie  nie  qu'il  y  ait  ainfi  au  texte  en  fuyuant  la  vraye  tranflation.  Alors  l'Orflcial 
&:  les  autres  moines  dirent  tous  cnfemble ,  Dites  donc  comment  il  y  a  au  texte.  R.  En 
fuyuat  la  propre  langue  àc  le  fens  de  l'Apoftre,  il  y  a  ,  TaLbusiticlitnuplacttrur  Deue,  ou  bien 
pacatur:  Le  Seigneur  prend  fon  bon  plaifirentelsfacnfices,oubieneftappaifépar  tels 
facrifices.    Alors  monfieur  de  Vilards  le  iuge  regarda  au  nouueau  Teftament  du 
Cordelier,&:  trouua  ainfi  que  i'auoye  dit  :  dont  ces  faux-prophetes  furent  confus  fans 
réplique. 

1 1  vous  aiTcure,mcs  frères  ôdbeurs,qu'en  difputat  cotre  ces  mal-hcureux,i'eftoye  alai^ 

Mai. 


jL/wo  ///.  TiencJëfiriuain. 

gre&ioyeux,&:  leur  reipondoyepàifibiement&:  doucement.  Eux  au  contraire  eftoy  et 
eftonncz: aucuns  baillbyent  leurs  telles  ,  les  autres  grinçoyentles  dents,  ainiî  que  ie 
voyoye.  Entre  autres  Cordcliers ,  il  y  en  eut  vn  qui  me  demanda ,  Que  dites-vous  de  là 
iscofefcf-  Conreflîon?  R.  Qu'il  le  faut  confellér  à  Dieu  feul .  car  quânt  aux  partages  que  vous 
Con.  amenez  de  l'Efcnture,  ils  ne  le  peuuenc  entendre  ny  expliquer  de  la  Confcflion  àuricu- 
U**'  lairc.EtcequeS.Iaquesditdeconr'eUcrlcspechezrvnà  l'autre > s'entend  delà  recon- 
ciliation que  nous  deuonsfairelesvnsauec  les  autres.  Lcspoures  aueugJcs  ne  (eurent 
que  dire  ne  rcfpondre.  Adonc  l'Orficial  dit,  Mon  amy,  ie  voy  les  dcmonftrations  qu'oii 
vous  rait:mais  vous  pcifeuerez  en  voftre  erreur, 6c  elles  obftiné.  Parquoy  penfezà  vo- 
ftrearFaire.  R.  Quant  aux  dcmonftrations,  raifons&argumcns  que  Ion  m'ameine  de 
toutes  parts, vous  voycz,monlieur,  (û  vo9  en  voulez  iuger  félon  vérité) que  tout  cela  n'- 
en: pas  furfifant  pour  prouuer  le  contraire  de  ce  que  ie  dy.  Vous  voyez  qu'ils  ne  pcuucnt 
réfuter  ce  que  ie  dy  par  la  parolle  de  Dieu-,  ne  monftrfer  le  contraire.  le  ne  fuis  point  ob- 
ftiné) ny  ne  fuis  en  erreur,  6c  ne  fouftié  rie  que  la  parolle  de  Dieu, laquelle  ie  veux  main- 
tenir 6c  défendre  iufqucs  au  dernier  foufpir  de  ma  vie.  Et  alors  l'Orricial  commâda  qu'- 
on me  menait  au  crotomlà  t>ù  ie  fu  iulques  au  Mardy  fuyuant ,  qui  eftoit  le  dixième  du- 
dit  mois  de  May,  priant  ie  Seigneur  de  me  fortifier  de  iour  en  iour  pour  maintenir  con- 
ftammentfacauie.  ^  Et  d'autant  qu'on  auoit  difputé  contre  moy  du  (acrement  de  la 
Ceneaux  dernières  difputes,ieme  preparoye  cepehdant  pour  reljpondre  aux  obiediôs 
qu'on  me  pourroit  faire  cotre  ce  qUe  l'en  auoye  dit  &c  traitte  en  ma  côfeflion .  6c  ce  bon 
Dieu  exauça  ma  prière  6c  oraifon.  Le  dixième  du  mois  de  May,  qui  eftoit  vn  Mardy  au 
matin  enuiron  fept  heures,  le  Geôlier  me  vint  quérir  pour  me  mener  deuant  l'Official* 
où  eftoit  aumTorKcial  de  la  Primace,  ennemy  delefus  Chrift:  aufïîmonlîeur  de  Clepi, 
qui  eft  procureur  officiai,  auec  quelques  autres  de  la  marque  de  l' A  ntechnft  :  entre  lef- 
quels  il  y  auoit  vn  do&eur  lacopin, lequel  auoit  bien  efté  prefent  aux  difputcs:mais  n'a- 
uoit  point  difputé  contre  moy.  Quand  ie  fu  deuant  eux,  l'Official  me  dît,  Et  bien, mon 
amy,  voulez-vous  perfeuerer  en  ce  que  vous  auez  dit?  R.  Ouy,monlieur:car  c'eft  la  pa- 
rolle de  Dieu ,  pour  laquelle  ie  veux  viurc  6c  mourir.  Incontinent  le  Iacopin  me  dit, 
Croyez-vo9  que  le  corps  de  Ictus  Chrift  loitauS.Sacrcmétlocalemct:  R.Nenny,mon- 
Matas  iieur:car  la  parolle  de  Dieu  no9  cnleigne  qu'il  eft  là  fus  au  ciel,  où  il  demeurera  iufqu'au 
Luc  ill  iour  du  iugement  :  Et  c  eft  aulïi  vn  arcicle  de  noftre  foy,  en  laquelle  nous  difons,  le  croy 
Aa.i.  qu'il  eft  monté  aux  deux ,  6c  eft  allis  à  la  dextre  de  Dieu  le  Pere  touc-puilfant.  Parquoy 
CdofT3.  s  ^  e^  ^  naut  cîLiant  *  *°n  humanité,  6c  faut  qu'il  demeure  là(ainh  que  dit  S.  Pierre)  iuf- 
qu  a  la  reftauration  de  toutes  choies,  qui  fera  au  iour  du  iugement ,  il  ne  le  faut  dôc  cher- 
cher icy  bas  ny  au  Sacrement.  D.  Iefus  Chrift  prenant  le  pain  dit,Cecy  eft  mon  corpstil 
s'enfuit  donc  que  le  corps  y  eft.  R.  Iefus  Chrift  ne  veut  pas  dire  que  le  pain  de  la  Ce  ne 
qu'il  donnoit  à  les  difciples,  fuft  Ion  corps  :  mais  le  ligne  feulement ,  carie  mot  eft ,  n  eft 
pas  prins  là  fubftatif ,  aifauoir  en  fa  propre  lignificatiommais  pour,Signifier  :  par  vnc  fi- 
gure qui  eft  fortvlitce  aux  fainctes  Efcritures,  laquelle  s'appele  Métonymie  :  alfauon' 
quand  le  ligne  le  prend  pour  la  choie  qu'il  lignifie  ou  reprefente,  ou  la  choie  mefme 
Gcn  17.  pour  le  ligne  :  ainli  que  nous  en  auons  plulîeurs  exemples  tant  au  vieil  Teftamcnt  qu'- 
au nouueau.  Et  premièrement  en  Genefe ,  le  Seigneur  appelé  la  Circoncilion ,  Son  al- 
liance: &:  toutefois  ce  n'eft  pas  fon  alliance:mais  le  lèau  6c  le ligne,ainli  qu'en  ce  mefmc 
1x0,11,  chapitre  eft  dit,  6c  en  plufieurs  autres  lieux.  Ileftefcriten  Exode  touchât  l'Agneau,  C- 
eft  le  pallàge  du  Seigneur. Or  il  n'cftoit  pas  le  palfagermais  le  ligne,ainfi  queMoyfe  l'ex- 
plique en  d'autres  lieux.  Voila, e/?,qui  eft  prins  en  ces  deux  lieux  pour,  Signin"er,&  mef- 
mes  âux  Sacremens.  Alors  le  Moine  dit  ,11  y  a  grande  différence  aux  Sacremés  du  Vieil 
&  du  Nouueau.  Car  ceux  du  Vieil  ne  conferoyent  pas  grace:ce  que  font  ceux  du  Nou- 
ueau. R.  Ne  les  Sacremés  du  Vieil  ne  du  Nouueau  ne  côferent  point  grâce:  mais  nous 
dcmonftrcnt  qu'elle  nous  eft  conférée  par  Iefus  Chrift.  Car  le  Miniftre  donne  le  Sacre- 
ment tant  feulement*  &:  Iefus  Chrift  par  la  vertu  de  lonEfprit  donne  les  graces,&:  com- 
munique les  jpmclfes  qui  nous  lont  faites  6c  preléntees  en  iceluy.  D.  Les  Pères  du  vieil 
Teftamcnt,  n  ont-ils  pas  efté  participas  de  lagrace&des  promeilés  corne  nous?  R.  Les- 
nCor  10.  peres  vieii  Teftament,  ainli  que  dit  S.  Paul, ont  magé  vne  mefme  viande  fpirituelle 
auec  nous,&  ont  beu  vn  mefmc  bruuagc  fpirituel. Parquoy  s'enfuit  qu'ils  ont  efté  parti- 
cipans  d'vne  mefme  grâce  6c  de  mefmes  promeilés  que  no9  fommes ,  par  la  loy  qu'ils  a^ 
uoyent  en  Iefus  Chrift.  D,  Iefus  Chrift  dit  en  S. Iean,chap.v  1,  Vos  peres  ont  mangé  là 

Man- 


Martûe  au  fcCctuto  font  moartfcErgo^i&^Stojt  point  cft^.pARlc^iwdViïcmcfmt  grg- 
ceauecnous*  R.  lefus  Chjift pftrieen ,  cëfrç(0agc-la  dcccuxquinereceuremla-Manné 
par  £by>  qui  eftoic  vp  Sacrement  lequcljttonftrdit  que  lefus  Ciuift  cftoit  la  vraye  Man- 
ne dépendance  du  ciel:  mais  il  ne  parle  pas  en  ce  paffage  dç  ceux  qui  la  receurent  par 
foy,  comm  e  Moyfe>  AafoejIofué&Calcb.  Dauantagc ,  Ie/us.Chrift  dit  en  S,  lean  A- 
braham  a  veu  mon  iôur,  Sic  s  en  cil  refiouy.  Or  Abrahama  yeu  Iews  Chrift,  non  pas  des  l*«  «» 
yeux  cbarnels:mais  des  yeux  cMafoy.  Alors,  le  Doaeurfutforteftonné,ne  fâchant  de 
quel  cofté  fe  tournençar  quand  ieluy  aupye  baillé  la  folution  d'vn  a/gumet,  il  cerchoic 
toujours  quelque  échappatoire,  afin  qu'il  ne  fvrft  eftiméeûre  vaincu:  &:  bien fouuent 
ilraedifoit,  J^fcouçez  monamy,  ne  vous  efchauflez  point  tant,&  ne  criez  ainfi.  Atten- 
dez,attei*lez  vn  peu: ie  vous  prçuue  que  ceux  dç  l'ancien  Teftament  n'eftoyent  parti- 
cipans de  UgFftfie  comme  nous.  S.Paul,dit,La  Loyengçjadreire,  Etenvn  autre  pailà-  Roro.4; 
<*e, Tonsççux quifontfousla Loy, Ion; fous maledidion.Syis: font fousmaledi&ion&:  Gaiat.3, 
ire:Ergo,ijs  n'ont  pas  efté  parcicipans  de  la  grâce  corn  me  nous.  R.  S.Paul  demôftre  par 
ces  paifag.es,  que  la  Loy  ne  nous  peut  iuftifieryd'autant  qu  aucun  ne  la  peut  accomplir: 
Se  que  tous  ceux  qui  veulent  ,eftreiuftiÉez  deuant  Dieu  par  iedle ,  font  maudits:  mais 
qu'il  faut  aller  à  lefus  ChrinSqui  l'a  accomplie  :  fii  par  la  foy  que  nous  auons  en  luy,  l'ac- 
compliiTement  d'icelle  nous  fera  impu  té.  LaLoy  donc  engendre  ire  i  Se  nous  condâne 
tous  :  non  pas  d'elk-mefme,mais  à  caufede  nous  qui  ne  k  pouuons  accomplir.Or  nous 
voyôs  que  les  Pères  de  1'ancie.n  Teftament  n'ont  pas  cferché  leur  iuftification  en  la  Loy# 
mais  en  lefus  Çhrift,qui  eft  la  En  de  la  Loy,auquel  ils  ont  creu.  S.Paul  demonftre  au  fe- 
prieme  des  Romains  qu'en  l'ancien  Teftament  n  y  auoit  qu'ire  Se  menaces,  Se  au  nou- 
ueau  Teftament  grâce  Se  miiericorde,  difant,Las  moy  miferable  homme  i  qui  me  deli- 
urera  du  corps  de  cefte  mort  ?  La  grâce  de  Dieu  par  lefus  Chrift.  Voila  comme  en  l'an- 
cien Teftament  n'y  auoit  qu'ire  Se  vengeance^  au  nouueau  Teftamenr,grace  Se  mife- 
riçorde.  R.  S»  Paul  ne  parle  point  là  du  vieil  ne  du  nouueau  Teftament:  mais  delà  ba- 
taille qui  eft  en  l'home  régénéré  par  l'Efprit  de  Dieu.  Car  la  partie  qui  n'eft  régénérée, 
bataille  contre  le  S.Efprit  qui  eft  en  l'homme  fidèle ,  ainii  que  le  S.  Apoftrc  demonftre 
&  lent  en  foy-mefme.  Dauantage,en  la  vraye  tranflation  il  y  a,  le  ren  grâces  à  Dieu  par 
lefus  Chrift  :&  non  point,La  grâce  de  Dieu  par  lefus  Chrift.  Or  cependant  que  ie  dif- 
putoyeauecceMoine,l'officialde  la Primace fe  tormentoip>& fouuent  crioit  contré 
moy,  m'appelant  hérétique,  Se  voyant  que  monfieur  le  Doreur  auoit  la  bouche  fer- 
mée, &  qu'il  neppuuoit  relpondre,  il  cria  contre  moy,  difanr,  Va  mefehant  hérétique: 
tu  nies  le  fainft  Sacrement.  R.  le  ne  nie  point  le  faind  Sacrement<  ains  le  croy,&  le  re- 
çoy  ainfi  que  lefus  Chrift  l'a  ordonné  s»:  communiqué  à  fesApoftres.  D.  Tu  nies  que  le 
corps  de  Iefiis  Chrift  foit  au  Sacrement ,  Se  appelés  le  Sacrement,  Pain.  R.  L'Efcriture 
nous  enfeigne  qu'il  nous  faut  ex  rcher  le  corps  dé  lefus  au  ciel  :&:  principalement  fainft 
Paul,  qui  dit  au  troifieme  chapitre  des  Coloffiens>  Si  vous  eftes  reffufeitez  auec  Chrift*  en- 
cercliez les  chbfes  qui  font  d'enhaut*  Se  non  qui  fontfur  la  terre  :  là  où  eft  Chrift  feant  à 
ladextredeDieu.  Quanta  ce  que  iedy  que  le  Sacrement  n'eft  pas  le  Corps  de  lefus 
Chrift,mais  pain  ayant  fa  propre  fubftance  telle  qu'il  auoit  deuant:fain£t  Paul  le  demô- 
ftre auflî  clairement  en  la  première  aux  Corinthiens ,  chapitre  onzième .  car  en  iceluy 
par  quatre  ou  cinq  fois  il  appelé  le  Sacremétde  la  fain&e  Cene,  Pain.  Le  Moine  refpôd 
alors  Se  dit ,  lefus  Chrift  fe  dit  eftre  le  pain  de  vie.  Et  puis  l'officiai  de  la  Primace  dit* 
Mefehant  hérétique,  lefus  Chrift  dit,  le  fuis  la  vigne  &  la  porte,  &  parle  là  par  umilitu- 
des:mais  les  parolles  du  Sacrement  ne  s'entendent  pas  ainû".  R.  Cespaffages  que  vous 
amenez  font  pour  moy,  Sinon  point  pour  vous.  D.  Vien-çà,  mefchanr,  veux-tu  donc  DifFcrc 
dire  que  le  pain  de  la  Cene,  Se  celuy  que  nous  mangeons  ,  eft  tout  vn,&:  qu'il  n'eft  en  enlrc  '( 
rien  différent  ?  R.  Quant  à  la  fubftance,  ils  ne  font  point  differejis:  m  ai  s  quant  aux  JJj^ 
qualitez.  car  le  pain  de  la  Cene  a  vne  mefme  fubftance  que  celuy  que  nous  mangeons,  noiu  i. 
Or  il  y  a  grande  différence  aux  qualitez .  car  au  pain  duquel  nous  vfons  journellement,  Sco,JS; 
il  n'y  aprome/Te  :  mais  en  celuy  delaCene,ilyapromeffe.  Alors  il  dit,  Va  mefehant 
hérétique,  tu  feras  bruflé,&  t'en  iras  au  diable.  R,  Si  ie  fuis  bruflé  pour  maintenir  la 
parolle  de  Dieu ,  ie  n'iray  pas  au  diable  pourtant.    Vous  iugez  maintenant  Se  faites 
à  voftre  plaiûr:  mais  regardez  que  vous  ferez,  car  il  y  a  yn  autre  luge  par-deffus  vous, 
qui  eft  le  Dieu  viuant ,  lequel  iugera  de  noftre  caufe  en  vérité ,    11  iuftifiera  les  in- 
nocens  qui  maintiennent  fa  caufe  Se  fa  querelle, mais  il  condamnera  les  mefehans, 

M.iii. 


Pierre^  Efirimin. 


6C  ceux  qui  perfecutent  fâ  fainete  parolle*  Adonc  il  cria  comme  vn  enrage,  Va  mefohàt  - 
menez-le  au  croton.  le  dy  alorsàmontieur  l'orficial  Buaticr ,  le  vous  pricjmoniicu^dc 
permettre quei'achcue  ma  confeflion.  Lequel  me  rclpondit  enlemble  le  Moine ,  îs:  T 
autre  Orficial,  Allez,allcz.  le  party  donc  de  deuant  eux  bien  taiché,  à  caulc  de  ces  po 
ures  mai-heureux.  Mais  quand  îc  ru  au  croton,  ie  commençay  à  prier  Dicu,&confuie- 
rer  la  victoire  q  i'auoye  eue  de  ces  faux-  prophètes  de  l'Amechrift  :  lefqucls  i'auoye  vt  u 
confondus  Se  a  b  bat  us  par  la  parollede  Dieu ,  fans  Te  pouuoir  relcuer.  Alors  le  S.  Efpric 
me  réduit  en  mémoire  la  promciîc  que  Icfus  Chrift  a  faite  à  tous  ceux  qui  ieront  ame- 
nez deuant  ("es  ennemis,  pour  maintenir  la  cau!e,dilanr,  Vous  ferez  amenez  deuant  k  ; 
Luc  iu  Rois,  Prclidens  6c  luges,  pour  eftrc  tcfmoins  contr'eux  :  &c  ie  vous  donneray  alors  bou- 
che Se  fapience,  à  laquel  ie  vos  aduerfaires  ne  pourront  refifter.  O  la  grade  cortfolation 
i^-  6c  ioye,  cvcfchcrs  frères  6c  fleurs,  que  i'cu  en  mon  caur  quand  ie  vv  la  prbmelîe  auoir  e- 
ftc  en  moy  accomplie,  6c  la  parolle  de  Dieu  demeurée  viclorieufe  contre  Satan, 6c  con- 
tre rAntcchrift  &:  Ces  fàux-prophetcs!  Certes  i'ay  eu  de  grades  confolation s  depuis  que 
noftrebon  Dieu  maappelle  àlacognoiiîàncc  de  fa  fain&e  Parolle,  6C  m  clin  cment  ce 
pendant  que  i'ay  demeure  en  la  S.aifcmbléc  des  fidèles  à  Gcneuc  6c  a  Laulàne:  mais  la 
moindre  ioyeis£  confolation  que  i'cu  pour  lors, ôcay  encore  iournellcmcnt  en  ma  ca- 
ptiuité,  furmonce  toutes  les  îovcs*  confolàtions  &c  plaifirs  que  ïamais  i  eu  t  n  ce  monde. 
Carie  S.  Efpnt  me  réduit  en  mémoire  tant  de  belles  promettes  que  Icfus  Chrift  fait  a 
ceux  qui  fouit  Vent  pour  ion  nom  ,  6c  me  fait  goufter  les  ioyes  de  Parad  is  :  Tu  es  mainte 
Confola-  nanr,dit-il,en  ces  lieux  obfcurs,  ô  bien-heureufe  créature,  mette  de  tout  le  monde  c  a* 
voas  iu  s.  me  vn  mauclitt  6c  mal-hcui  eux,  pour  maintenir  la  querelle  du  Fils  de  Dieu:  tu  a<  grade 
prl  '  trifteflc&  pleur  maintenant,  mais  ccft  le  temps  que  tu  te  dois  refiouir  en  Dicu,i  Ôiide- 
rant  le  bien  6c  honneur  qu'il  te  fait:  regardant  à  cefte  couronne  d'immortalité  qui  t'eft 
préparée  là  haut  au  ciel,  en  la  fin  de  la  bataille.  Que  il  tu  es  mené  aux  toi  mens  en  grade 
hote  6c  deshonneur,ô  bien-heureux  fidcle ,  rciiouy-toyxar  deuant  Dieu  6c  les  Anges  il 
t  e  il  fait  plus  d'honneur,  que  (i  tu  cftois  Roy, Empereur  ne  Monarque  de  tout  le  modes 
Ron-,  s.  l'remieremcnttu  es  fait  conforme  à  l'image  du  Fils  de  Dieu ,  pour  eftrc  parricipant  de 
i.i»icr.4-  ^a  g]uire  immortalue. après,  l'Efprit  de  la  gloire  repofe  fur  toy,  qui  ftirmontc  tous  les 
honneurs,  couronncs&:  triomphes  de  ce  monde.  Tues  maintenant  àl'efcolc  de  Ictus 
Chrift,  là  où  le  Pereccleftcdefplovc  les  threfors&:  riche/Tes  de  fagrace,&;  les  admira- 
bles fecrets  de  fafapiencc\&:  profonds 6c  incomprchéfiblcs  iugemensrcn  laquelle  rous 
les  Prophètes,  Icfus  Chrift  ,  les  Apoftres&:  Martys  ontefté  ,&:  enduré  iniures,  oppio- 
bresik:  playes,&:  ontefté  efprouuez  comme  for  en  la  rornaifc,deuât  qu'obtenir  la  cou- 
ronne d'immortalité, laquelle eft préparée  àtous  ceux  qui  maintiennent  lacauie  de 
Dieu,  6c  qui  font  vrais  &  fidèles  foldats  de  Chrift  iufqu  à  la  mort.  Voila  trefehers  frères, 
la  le£ture&:  leçon  que  le  fainâ  Efprit  nous  tailoit  pour  lors, 6c  fait  encore  tous  les  iours, 
qui  eft  le  grand  Docteur  de  cefte  tant  heureufe  efcoîe.  Le  lendemain  ,  qui  dl  oit  vn 
Mecrcdy  onzième  iour  duditmois,  icfli  amené  envn  autre  croton  qui  eftoit  vn  peu 
clair,làoii  eftoit  vn  de  mes  frères  6c  côpagnons, qui  eftoit  prins  auecmoy  pour  vue  mef 
mecaufe,  auecïequeliemc  confolay  grandement  patTefpace  dedeux  iours.&fu  a- 
mené  là  parvncgran.de  prouidence  deDieti.  Careftant  làauec  ledit  frère,  on  nous 
aducrtit commet  nousdeuionsappelercommed'ahus, après  que  ferions  déclare  "  hé- 
rétiques, laquelle  chofe  ie  n'cu/Icpeufauoir,  ny  autfi  vn  autre  frerequi  eftoit  deiîous 
moy  envn  croton,  linon  par  ce  feul  moyen.  Orlefoir  on  me  remena  en  monpn  miei 
crotom&r  parles  priuez  i'aducrty  ledit  frere  qui  eftoit  de/Tous  moy.  Le  vendredy  venu, 
le  trezieme  dudit  mois,  cnuiron  huit  heures  le  Geôlier  me  vmt  quérir  pour  me  mener 
deuant  l'OrHcial  :  la  où  il  n'y  auoit  aucc  luy  que  le  Geôlier  6c  vn  homme  :  lequel  me  d< 
manda  premièrement  li  i'auoye  cfté  iamais  à  la  Chcrité.  R.  Nenny,  moniîeur,  ny  ne 
fay  ou  elle  eft.  Voulez-vous  dire,  dit-il,  que  vous  n  y  ayeziamais  cfté?  R.  Certainemct 
non.  1).  N'auez-vous  pas  efté  en  la  compagnie  de  ceux  qui  deliureicnt  Richard, quad 
onlemenoit?  R.  Non  moniieur,  ne  iamais  n'ayveu  ne  cognu  Richard,  lufques  afau- 
tre  iour  qu'il  palfoitpar  la  Saône,  qu'on  diloitque  c'eftoitluy.  Et  foyez  a/fcuié,  mon- 
Ccfl  Ri-  ficur,  en  fuyuant  le  iu  rement  6c  la  foy  que  ie  vous  ay  promife,  que  ien'y  ay  point  cité,  ny 
uie'juqiitî  aui^  voudroye  y  auoir  eltc,&  n'approuue  aucunement  ce  faicl.car  ce  n'eft  pas  Je  moyen 
k-  nurtyre  par  lequel  il  fau  t  défendre  la  parolle  de  Dieu  &:  ceux  qui  la  maintiennent.  D.Erdonc, 
c<* c>  lir«  voulez-vous  touliouLsperfeuerercn  voftreerreur,&:  opinion?  R.  Cequefe  maintien, 

c'eft 


ccft  la  parole  de  Dieu,&:  ne  dy  rien  cotre  îCellc.D.Cômehtfauez-vousqueceque  vous 
niaiïitcfiezjc'cft  parolle  de  Dieu?R.Par  ce  que  tout  ce  q  ie  dy  eft  conforme  à  la  doctrine 
dcsPropheteSjApoit.&delefusChrift^&parleS.Ei'pritquim'a/îcure  que  c'eftla  paroi 
le  de  Dicu,&:  ie  le  croy  ainfi.Dauantage,vous  auezveu;,monn*eur,qu'oh  ne  me  peut  pa^ 
monftrcr  du  contràireme  cohuaincre  que  ce  que  ie  dy  ne  foit  la  vérité. Car  ces  iours  paf 
fez  vous  viftes  que  cel'uy  quidifputoitcontremoy,futvaincuparlantdu  S.  Sacrement, 
&:  de  plulieurs  autres  poin&s.D. Vous  niez  leS. Sacrement. R.  Non  fay  pas,monfîeur: 
ains  le  croy  ainfi  que  Iefus  Chriftl'a  ordonné, &ainfi que  S.  Auguftin  l'explique  fur  S*. 
Iean.Or  voyant  que  leditOfficial  eftoit  accouftré  autrement  qu'il  n'auoit  decouïlume, 
îoind  auflî  qu'il  m  auoit  tenu  tels  proposée  penfay  qu'il  me  vouloit  déclarer  hérétique, 
&:  qu'en  bref  nous  ferions  dcfpefchez.Ie  dy  aIors,Monfieur,  on  nous  a  prihs  en  parlant 
noftre  chemin  fans  inquifitions,&:  fans  auoïrrien  fait  contre  les  edicts  du  Roy.  Vous 
rousauezinterrogué  de  noftre  foy,&  nous  vous auons  refpondu  parla  parolle  deDien, 
il  eft  bien  permis  à  vn  Turc  &  à  vn  Iuif  de  rehdrc  railon  de  leur  foy,&rdoftrine,  s'ils  font 
ïntcrrogueZjfans  aucû  danger  de  leur  vie.Pourquoy  ne  nous  doit-il  eftre  permis, à  nous 
auflî  qui  ne  dirons  rien  que  ce  qui  eft  contenu  en  la  Parolle? Nous  (auons  bié,  môfieur,q 
nous  ne  fômeS  pas  tombez  entre  vos  mains  à  l'auéture:  mais  par  la  jpuidence  èc  vouloir 
de  Dieu.VouseftesauiTi  ordonné  de  Dieupoiir  eftre  juge  de  noftrecaufc,  qui  eft  bon- 
ne Se  iufte  Parquoy  regardez  maintenant  cornent  vous  iugerez.Car  û  vous  iugez  malj 
il  y  avnautreiuge  par-deiïusvousquiencognoiftra  &:  iugera  félon  équité:  deuant  le- 
quel faudra  que  vous  veniez  quelque  fois  pour  ouyrfentencc  contre  voùs,fi  vous  coft-  ^ 
damnez  fa  fain&e  parole.Or  cependant  que  iedifoye  ces  choies  d'vh  grand  zele  &:  ve-  tourmea* 
hcmenccjcc  poure  mal-heurelix  fe  poùrmenoit  eftant  tout  eftonnc&:  efFrayé,tcllemet  ?u  001  lrt 
qu'il  ne  pouuoitrefpôndrevn  feul  mot.  Auparauant  il  auoit  vn  vifage  riant  quand  il  îondlmnlt 
m'interroguoit:  mais  alors  il  eftoit  trifte  &  pafle,nc  fe  pouuant  arrefter  en  vn  lieu  .Quad.  la  vérité. 
îeluyprôpofoyeleiugemcntdeDieudcuant^ilnedifoitrien^lî  ne  fauoit  fortir  de 
deuant  moy:&  cependant  le  Seigneur  foudroyoit  fur  iatefte,&:  me  faifoit  parler  d'vn, 
zele  &  hardTciTc  la  plus  grande  que  iamais.Or  après  auoir  parle  long  temps,il  me  dit  en 
s'en  allantjl  faut  bien  maintenir  la  parolle  de  Dieu.  Apres  auoir  dit  cela,Je  Geôlier  me 
remit  au  croton.Vn  quart  d'heureapres,  on  me  vint  quérir  pour  m'amener  au  parqt  de 
uantlcs  OfHciaux&:  plulicursautrcs,là  oùily  auoit  vne grande  multitude  de  gens.  E- 
ft  a  nt  donc  arriué  au  lieu,rofficialBuatier  commença  à  lire  &  pronocer  ma  fentece,,me 
condamnant  hérétique &fchifmatique.  Alors  iedy,  l'appelé  de  voftrefcntence  com-  .  « 
me  d'abus.  L'Official  me  dit,  Pourquoy  en  appelez-vous?  maintenant  vous  ne  parliez  mïï'abui 
pas  ainfi.R.Mon!îeur,en  ma  confellîon  ie  parle  contre  les  abus,&  non  pas  contre  la  pa- 
rolle de  Dieu.  Parquoy  i'çri  appelle  comme  d  abus.  Or  après  la  fencence  &:  noftre  dit  ap 
pel,ils  cuiderét  enrager  de  grade  ire  &c  fureur.Et  l'official  Buatièr,  vicaire  gênerai  de  F- 
archcucfque  de  Lyon, après  nous  auoir  condamnez  s'en  retourna  en  lama  maifon  tté- 
blant,ainfi  qu'il  nous  a  efté  dit  par  vh  homme  de  bien  qui  levid.&T  en  parlant  de  noftre 
appel, il  eftoit  tout  troublé.^  Eftant  donc  arriué  en  fa  maifon  tout  eftonné ,  voicy  venir 
vne  demie  heure  après,  le  iugeMelier,  qui  fe  difbit  eftre  enuoyé  parle  lieutenant  du 
Roy:lequcldit,Moniieurle  Lieutenant  m'enuoye  icy  pour  faire  remuer  ces  Lutheries 
&C  les  amener  à  Rouanne,afin  qu'ils  loyent  defpcfchez  demain.  Au'qucl  l'Official  fit  ref 
ponfc  qu'il  n'en  feroit  rien,pource  qu'auions  appelé  comme  d'abus.&  que  noftre  appel 
feroit  receu.  Adonc  ce  lion  cria,Comment?vous  ne  voulez  pas  donc  faire  îuftice  de  ces 
mcfchansheretiqueslL'OrÏÏcial  refpohdir,Si  fay:  mais  premièrement  i'en  veux  conful- 
ter,&  enefcrireàParis,pourfauoiriïlcurappelauralieu.ilsferontauiri  bons  entre-cy 
6c\n  mois  que  maintenant.  Voila  comment  Dieu  nous  à  défendus  parceluy  qui  nous 
auoit  condamnez  vn  peu  deuât:&  a  fait  que  ce  lion  nous  a  eftépaftcùr  pourvn  temps,  Que  tous 
pour  nous  défendre  contre  la  rage  des  autres  lions.  Vn  loup  raui/lant,  contre  fa  nature  c,  uns  de. 
a  gardé  que  les  poures  brebis  n'ont  efté  deuorees  par  autres  lonps.En  quey  Dieu  a  mô-  «cyXcT 
ftré  fa  main  forte  &  puiifante-,quia  efté  certes  vne  œuurc  de  Dieu  grande  &  admirable  1U1 
deuant  nos  yeux, pour  nous  afleurer  touliours  en  ces  pi  orne/Tes ,  &  en  l'a  bonté  &  mife- 
ricorde,voyans  le  grand  fdin  qu'ilatoùliours  deceuxquiefpcrent  en  luy,  lachansauf- 
fi  que  quand  nous  ferons  fous  la  garde  &:  fous  fa  main,le  diable  ne  toute  la  puiflance  du 
monde  ne  nous  pourra  nuire  aucunementmon  pas  mcfmes  nous  ofter  vn  petit  poil  dé 
tioftre  cçfte.Dequoy  nous  luy  deuons  rendre  grâces  &  Iouanges,magnifians  &:  glorifias 

M.  iiii. 


lu  u. 


Liurc^j  111  Pierre^  Efiriuain. 

fon  fainct  no  de  cette  dchurance  qu'il  a  faite  defes  poures  feruitcurs, nous  faifant  viurt 
a  milieu  de  la  mort,mefme  contre  toute  cfperance:fuicitant  cependan:  tât  de  gés  de 
bien  pour  noftre  grand  foulagemenrqui  fe  font  employez  par  tous  moyens,  tât  pour  le 
foulage  ment  de  nos  poures  corps, que  pour  noftre  dcliuranccxjui  cft  vne  choie  admira 
ble  deuant  nos  veux,6e"  impoffiblc  à  raconter.  Voila  ces  cruels  lions,qui  dciiaauoyct  ou 
uert  leurs  gueules  pour  nous  deuorcr  &:  engloutir,&:  pour  nous  mettre  à  moitié  lende- 
main,qui  eftoit  le  quarorzicme  du  mois  de  ivlav,ainiî  qu'ils  l'auoyent  arreile  en  leur  cô- 
feil:  mais  par  ces  deux  ou  trois  mots  que  noftre  bÔDicu  mit  en  noftre  bouche,  il  c  mpef 
chalarage  de  ces  cruelles  bc ftes:&:  a  fait  que  ces  parollcs  ont  efte  vne  bride  en  leur  bon 
che  &:  en  leurs  narines ,  pour  les  tenir  tellemc  t  qu'ils  ne  no9  ont  peu  nuire  aucunemér. 
Certes  le  Se;gncurmiraculeufemcntnousaprc4éruez3e"dcfendus  con tre  leurs  côicils, 
machinat:ons,&:  'entreprinfcs:nousfaifant  glorifier  l'en  fainct  nom  aux  priions  par  lôg 
temp5  voire  triompher  dedans  le  fort  de  nos  ennemis.Etiaibir  que  Sar.an  nous  ait  mis 
embuichcsdetousceftcziia-ioitquelcs  aiTauts  nous  ay  eut  efte  donncz&par  dehors 
Se  par  cil  dans,maintenant  par  crainte  &:  trcmblcmcns,mamtcnant  par  belles pre  met 
fesSJ  ivatteriesrmaintcnant  nous  piopciant  les  tourmens  delamort  cruelle  U  îgnomi- 
eufe  qu'il  nous  talloir  endurer  deuant  le  monde ,  il  nous  perleuenons  en  noftre  confef- 
fiomrpajntenant  la  liberté  de  nos  corps,ôc  les  porte  s  ouuertes  qui  nous  cft oyent  prçfen 
tees,n  vôuhôsnousdcfdire6:  accorder  auec  eux:mais  quoyiont-ils  peu  gagner  rurno9: 
Ncus  ont-ils  peu  faire  perdre  couragc,pour  nous  accorder  auec  eux  en  quelque  peiner, 
eu  pour  nous  faire  quitte  r  du  tout  la  placerNenny,  nenny.  Car  noftre  b  on  Dieu  nous  a 
tellement  confolczÔJ  fortifiez  par  la  vertu  de  ion  Efprit,  qu'il  nousa  rendus  inuinci- 
l  ks,Yoirc  victorieux  de  tous  nos  ennemis.  O  que  ce  vieux  ferpent  Satan  nous  a  donné 
de  grans  afiaux,&:auec  grande  rage ietté  ics  flefehes  ardentes  contre  nou s,quâd  il  nous 
a  prefente  la  liberté  de  noftre  corps, les  bicns,ncheilcs  8e  honne  urs  du  monde ,  1  angoif 
le  Se  mfteiTe  que  nos  poures  pare  ns  ont  pour  nous,&  la  grâd'ioyc  Se  heiïe  qu'ils  auroyét 
de  neftre  deliurance:mais  ce  bon  D:cu  nous  a  tellement  affilie ,  que  vrayement  quand 
ces  choies  ont  cfté  &:  font  encorcs  propofees  Se  miles  deuant  nos  yeux ,  nollrcpoure  c- 
fpntgcmit&rplcure,non  pasdcfirantladeliurancede  ce  corps ,  ou  regrettât  les  biens, 
honneurs  Se  plaifirs  de  ce  mondemon  pas  regardant  plus  à  la  tnfteife,  angoiifc  Se  milc- 
re  de  nos  poures  parens  qua  la  gloire  de  Dieu,6c  la  caule  que  nous  mamtcnôs:mais  no- 
ftre efprit  gémit  ion  adoption  ,&:  la  reuelationde  la  gloire  des  enfansde  Dieu:  il  rc- 
ic^tetcutes  choies,Scles  cftime  fientefic  ordure,  au  prix  de  l'excellence  ce  noftre  Sei- 
gneur Ielus  Chnft,&:  delà  couronne  de  gloire  qui  nous  cft  préparée  après  ce  combat. 
Et  fi  la  chair  d'autre  part  fe  contrifte  Se  tremble, fi  elle  gémit  Se  foufpire, voyant  le  tour- 
ment  Se  la  mort  prochaine,incontinent  l'efprk  luv  propole  latresheureuie  Se  tnophan 
te  reiurrettiô,en  laquelle  elle  fera  plcincmét  reftauree,&  courônee  de  gioirc&:  immor- 
talité, femblable  au  corps  glorieux  de  Iefu s  Chnft,pourviurelahautau  ciel  éternelle 
ment  auec  Dieu  Se  auec  les  bien-heureux  Anges. Hclas,  trefehers  frère  s  &  fecurs,  nous 
fommes  maintenant  reiettez  de  tout  le  mondc,ÔJ  eftimez  comme  l'ordure  Se  fiente  d'i- 
celuy  .Nous  ne  voyons  deuant  nos  yeux  que  confufion,  cruels  tourmens  Se  fhorriblcfa 
.  ttinc  ce  àeb.  morr,nous  monrô's  tous  les  iours  Se  à  toutes  heures  pour  noftre  Seigneur  Ieius, 
'  '  -■  f  5c  pour  feiperance  que  nous  auons  en  luv:toutcfois  nous  ne  perdons  courage  aucune- 
tida-  mét,ni  ne  nous  troublons  poît:maiseftâs  aifcurcz&:  certains  de  l'amour  Se  chanté  que 
noftre iion  dieu  nous  porrc:cftans  enuironnezdc  fes ailes  .Se  cachez  fouslcs  plavesde 
Ieius  Chnft,defpitons  toute  la  rage  du  mode  Si  du  cjablc,de  la  mort  Se  d'enfer,  Se  nous 
eficui'î'ons  d  vne  îoveSe  liciTc  mcomprehétibleôe  inénarrable,  artendans  en  grand  de- 
iirSc  repos  de  confciencc,  cefte  bicn-heureufciourn.ee  en  laquelle  noftre  Seigneur  ap 
paroiftra,pour  nous  recueillir  en  fon  royaume  cclefte,auquel  nous  viurons  Se  regnerôs 
auec  luv  etcrncllement-N  auons-nous  pas  donc  grande  matière  de  nousreiiouyr,Sc  de 
nous  glorifier  en  la  croix  de  noftre  Seigneur  Iefus,puis  que  noftre  bô  Dieu  nous  fait  tât 
de  bien  Se  d'honncur,que  nous  receuoir  au  nombre  de  fesMarryrs,nous  qui  nefommes 
que  poures  vers  de  terre,Se  nous  retirer  de  ce  val  de  mifercs  Se  maux  pour  nous  emme- 
ner en  fon  royaume  eterneheuy  vraycmét.Certes,trcfchcrs frères  fie  iœurs,ncus  fentôs 
vne  telle  confolaticnSc  ioyc  en  noftre  cœur,nous  fentons  vne  telle  douceur  en  la  croix 
Se  aux  cfpines  de  la  couronne  de  Icfus  Chrift,  qu'à  bon  droid  ncuspouuons  dire  auec 
«-_.-      le  S.Apoitre,  la  naduienne  que  iemc  glorifie  qu'en  la  croix  de  Chnft,  par  lequel  le 

monde 


fykrtc^Sfcrmain.  207 

monde  m'eft  crucifié,&:  moy  au  rnonde.O.que  fi  nolis  pouuions  entendre  les  grads  tre- 
fbrs>richefles  &c  bencdiôtions  ecleftes  que  Dieu  defpîoye  &  cômunique  à  ceux  qui  fouf 
fi  ent  &  endurent  aux  prifons  de  l'Antechrift,  pour  maintenir  fa  parollei  Si  nous  poll- 
uions fentir  quelque  gouft  desioyes  ecleftesj  deiquelles  l'ont  dciia  participas  en  ce  mô- 
de  les  Martyrs,&  ceux  qui  ehdufet  pour  Chrift:  nous  ne  ferions  pas  fi  lafehes  que  nous 
fommes-.nous  ne  nous  endormirions  point,&:  ne  fuirions  la  croix  ne  les  afflidiohs  pour 
maintenir  la  gloire  de  Dieu.-ainfi  que  nous  faifons.Las,ceUx  qui  font  aux  gages  de  quel 
que  Prince  terrïen,ne  doutent  pas  de  lai/lcrnonfeulement  leurs  peresjmeres/emmes,  Argument 
enfâSjrichcfiTes  pour  aller  à  fon  feruice.mais  le  plus  fouhét  expofent  leurs  propres  vies,  du  mo»dr« 
mefmes  pour  maintenir  vne  mefchante  querelle.  &;  nous  ^qiii  auons  vn  tel  Prince ,  alfa-  *u  8raudr 
uoir  Iefus  Chrift  Fils  de  Dieu  ,  qui  a  fouffert  mort&:  paillon  en  l'arbre  de  la  croix  pour 
nous  pourespecheurs,douterons-nous de laifler toutes  chofes,voired'expofer nos  pro 
près  vies  pour  maintenir  fa  caufe& querelle  tantiufte  &:  raifonnable  >  veu  qu'ilapuil1 
fance  de  les  nous  rendre  apresrEt  fi  tant  d'exeples  du  téps  paifé  ne  nous  peuuét  eimou 
uoir ,  ny  inciter  de  marcher  eh  bataille  pour  maintenir  la  càufe  du  Fils  de  Dieu  :  helas, 
pour  le  moins  que  ceux  de  noftre  temps, que  Dieu  nou  s  prefente  deuant  nos  yeux,le  fa 
cent.  Nous  voyons  nos  poures  frères  Se  lœurs  eftre  amenez  aux  tourmens  &  à  la  mort 
cruelle  de  toutes  pars,  pour  maintenir  celle  mefme  caufe  tant  iufte  &raiionablc.Nous 
Voyôs  laterre  arroufee  du  fang  innocet,l  a/faUtquî  a  efté  doné  contre  le  fort  de  l' Antc- 
chrift,&  la  grade  brefche  qui  a  efté  faite  par  cefte  grade  artillerie  de  la  parolle  deDieu: 
&:  nous  ne  predrons  courage  de  marcher  en  bataille donner  l'affaut?  Penfons-nousà 
uoir  la  courône  de  gloire  lans  auoir  pmierement  bataillé  auec  noftre  grandCapitaine? 
pcfons-no9  régner  auec  le  Fils  de  Dieu  fans  aUoir  fouffert  &  enduré  auec  luy  en  ce  mo- 
de ?  Nenny^nenny.Parquoy^chers  frères  &:  fœu  rs  ^courons  jcou 1 5s  au  côbat  qui  nous  eft 
propôfé  regardans  à  noftre  grad  Capitaine  Iefus  Chrift:  &:  oftôs  toute  charge  qui  nous 
pcutcrnpefcher  de  courir  legeremet,pour  obtenir  la  cburôneôc  leprix  qui  nous  eft  pro 
pôle. Sortons  hors  des  tentes ,  portans  l'opprobre  de  Iefus  i  Se  portons  auec  luy  la  croix 
en  la  montagne  de  Caluaire:afin  que  fi  nous  fbuffrohs  en  ce  m6de  auec  luy,  &,  fommes 
faits  conformes  à  fa  mort  &c  opprobrc,auiîï  foyons-nous  à  fa  rcfurre&ion&:  gloire.  Allôs 
à  la  montagne  de  Sion,&  à  la  cité  du  Dieu  viuantjerufalem  eclefte ,  &:  à  la  compagnie 
des  Anges  &  bénits  efprits.  car  nous  h'auons  pas  icy  maifon  ou  cité  permanente  :  mais 
nous  cerclions  celle  qui  eft  à  vertir.^  Voila,  trefehers  frères  &  fœurs,ce  que  nous  auons  p  ^ 
retenu  à  la  venté  de  nos  refpbhlcs,&:  demandes  des  adùerfaires.  Lefquelles,eftans  re-  certeconfef 
quis  plufieurs  fois,vous  auons  mis  par  eferit  pour  là  cohfolation  &c  édification  de  toute  fi°n  »  efté 
l'Eglife ,  prians  ce  bon  Dieu  &  Pere  celefte  que  tout  foie  à  fon  honneur  &  gloire ,  &:  à  la  cfcmc* 
confirmation  de  tous  ceux  qui  ont  la  eognoùTaiice  de  verité,&:  à  rinftrudtiô  des  poures 
ignorans,au  nom  de  Iefus  Chrift:  Ainfi  foit-il.  Au  refte  trefehers  frères  &:  fœurs  en  Iefus 
Chrift,tant  ceux  cjui  eftes  en  la  faintteaffembleei  qu'en  la  grande  captiuité  de  Babylo- 
he,fous  la  tyrannie  de  l'Antechrift,ie  vous  remercie  trefarîectueufcment  des  prières  &C 
oraiforis  qu'âuéz  faites  pour  moy^  pour  mes  chers  frères  &  cornpagnons,&  de  la  com 
paiîiohqu'auez  eu  de  nos  liens. car  certes  elles  n'ont  point  efté  vaines  ny  inutiles:  mais 
nous  en  auons  fenty  vn  grand  frui£t,coniolation&:  foulagcmét.Parquoy,ie  prie  noftre 
bon  Dieu  &:  Pere  de  toute  mifericorde,le  vous  rendre  en  cefte  grande  îournee,  &;  vous 
faire  fentir  le  frui&des  promefTes  qu'il  a  faites  à  tous  ceux  qui  aurot  compafiion  de  fes 
poures  prifonhiersj  &:  exercent  charitéeriuersfesferuiteurs&mébresdelefusChrift: 
tellement  que  puiffiezâuec  nous  obtenir  la  couronne  dévie,  pour  viure  &c  régner  au 
royaurhë  tclefte  éternellement  auec  le  Pere,  le  Fils  &c  le  faihet  Efprit:  Ainfi  foit-il.  A- 
Dieu,  trefehers  frères &fceurs.  ie  vous  faluc  tous  d'vnfaind  baifer,&  accole  en  Iefus 
Chrift,Priez  pour  nous,ainfi  que  nous  faifons  pour  vous  :  afin  que  Dieu  nous  donne  vi- 
ctoire de  tous  nos  enn*emis,&:  qu'il  brife  Satan  hoftre  mortel  ennemy  foiis  nos  pieds,au 
nomdenoftre  Seigneur  Iefus  Chrift,  Ainfi  foit-il.  Tous  les  frères  prifonniers  auec  moy 
vousfalueht  en  noftre  Seigneur,prians  toufiours  pour  vous. 
Par  voftre  frère  en  Iefus  Chrift, Pierre  Efcriuaiti. 

A  V  T  R.  E  epiftredudit  Pierre  Efcriuain,  par  laquelle  il  cônfole  fes  autres  fi  ères  prifonniers. 

11  eft  ainfi, trefehers  freres,que  la  coniôn&ion  des  membres  du  corps  humain  eft 
fi  grande,que  l'vn  ne  peut  endurer  que  la  douleur  neparuienne  aux  autres;  à  plus 


Liurz^IIL  Tirrrc^  Efcriuain. 

forte raifon  nous  qui  fommes  membresdu  corps  de  Iefus,  eftans  liez  enfcmblc  &T  coït» 
ioincts  par  le  S.Efprit,dcuons  fentir  les  douleurs  de  nos  pourcs  frères  qur  fbuff  rét  &:  en- 
durée pour  Iefus  Chrift.Parquoy  après  auoir  efté  aduertis  de  voftre  captiuité,  nous  qui 
lbmmcs  enfemble  pnfonniers  comme  vous  pour  verité,&:  tous  ceux  qui  aiment  noftre 
Seigneur,auons  efté  grande  ment  marris  eftimans  vos  afflictions  eftre  les  noftres.Tou- 
tefoisconfiderans  la  prouidcnce  &  volonté  de  noftre  bon  Dieu&  PeiCjqui  ne  per- 
met ne  fait  aucune  choie  qui  ne  foit  à  fon  honneur  &c  à  fa  gloire,  &C  à  la  confolation  de 
les  enfans,auons  efté  îoyeux  de  voftre  conftance,prians  Dieu  qu'il  luy  plaife  de  parfaire 
Tœuure  qu'il  a  commencé  en  vous,&:  de  vous  donner  bouche  &  fapience  à  laojuellenos 

Luc  a  i  aduerfaircs  ne  puiflent  refifter.  Vous  fauez,trefchers  freres,pour  qui  vous  endurcz:afîa- 
uoir  pour  Iefus  Chrift  Fils  de  Dieu, qui  a  fouflert  &  enduré  vne  mer  de  tous  maux  pour 
nous  poures  pécheurs. Refiouilfons-nous  donc  de  la  côformité  que  nous  auôs  auec  luy: 
eftans  aiîeurez  que  puis  que  nous  fommes  participas  de  les  afflictions,  auiîî  ferons  nous 
de  laconfolatiomSi  Iefus  Fils  de  Dieu  eternel,noftre  chef&:  capitaine ,  citant  mefpriié 
du  monde,batu,fouetté,couronné  d'efpines,par  le  chemin  delà  croix  cft  allé  à  lagloi- 
ra  de  Dieu  fon  Peremous  qui  fommes  fes  membres,poures  vers  de  terre ,  y  péfons-nous 
aller  par  autre  voye?Penfons-nous  obtenir  la  couronne, (ans  auoir  premieremet  batail- 
lé!Nenny,ncnny:car  il  faut  que  les  membres  fuyuent  nccefTairement  le  chcf,duquel  ils 

♦..Tim.i.s  ontvie&:  mouuement:commele  foldât  fon  capitaine,  fous  l'enfeigne  duquel  il  batail- 
le,afîn  d'eftre  participant  de  la  victoire  &c  defpouille  des  ennemis. Puis  que  nous  bataiU 
Ions  fous  Iefus  Chrift  noftre  Capitaine,pour  maintenir  vne  fi  bonne  querelle,  prenon  s 
courage  pour  cobattre  conftament  iufqu  a  la  dernière  goutte  de  noftre  fang.Regardôs 
à  la  ioye  qui  nous  eft  propofee,qui  eft  infinie  &:  éternelle  Courons  en  toute  diligéce  ce 
pendant  que  fommes  en  la  lice, afin  d'obtenir  la  courône  incorruptible,  qui  nous  a  efté 
préparée  deuat  la  côftitution  du  mode.Ne  doutons  point  de  la  victoire:car  IefusChiift 

CoU.ij  noftre  Roy &Princc  l'a  obtenue  pour  nous,laquelle  il  nous  a  acquilépar  fa  mort  &C  paf- 
fion  en  l'arbre  de  la  croix,en  laquelle  il  a  triomphé  de  nos  ennemis:affauoir  du  monde, 
de  Satan  &:  la  mort.prenant  l'obligation  par  laquelle  Satan  &c  la  mort  nous  tenoyent  o- 
bligez&:  efclaues,la  rompant  &  fichant  en  la  croix,defpouillant  toutes  pnncipaufezfic 
puiiîances.&  les  a  amenées  en  monftre,triomphant  d'elles  par  icelle,tenant  nos  enne- 
mis captifs:tellement  qu'ils  ne  pcuuent  rien  maintenant  contre  nous,non  pas  mcfmes 
nous  ofter  vn  petit  poil  de  noftre  tefte  contre  fon  vouloir.  Vous  ferez,dit-il,hays  de  tous 

Mat.io.ii  pOUr  mô  nô:toutefois  ne  craignez, car  mefmes  les  cheueux  de  voftre  tefte  font  tous  co- 
tez^ n'en  tôbera  pas  vn  en  terre,quelquerage  ou  fureur  que  le  monde  ait  cotre  vous, 
fans  la  volôté  de  voftre  Pere  celefte.  Puis  donc  que  nous  auons  vn  tel  Roy  qui  tient  tel- 
lement liez  nos  ennemis  qu'ils  ne  peuuent  rien  contre  nous  fans  fon  commande  ment, 
&:  non  tant  feulement  contre  nous, mais  mefme  contre  les  beftes  brutes:&:  puis  que  Ie- 
fus Chrift  noftre  Roy  &:  frère  a  toute  puiffance  au  cicl&  en  la  terre  &  aux  enfers ,  que 
deuons-nous  craindre?qui  deuons-nous  redouter?Sera-ce  la  mort?nény:car  lefusChrift 
l'a  par  fa  mort  engloutie,  tellement  que  maintenant  ellen'eft  qu'vn  tranfport  à  meil- 
leure vie,&  à  la  ioye  infinie. Sera-ce  Satan  prince  du  monde?N'enny,d'autant  que  Iefus 
Chrift  l'a  deftruit  &C  ietté  dehors.  Car  quelque  puifiance  ou  tyrannie  que  les  mefehans 
exercent  contre  les  enfansdeDieu:ce  n'eft  pas  à  dire  pourtant  que  Satan  leur  prince  &C 
nfciiftrc  ne  foit  mis  hors  de  fon  regneque  fa  tefte  ne  foit  rompuee&  brifee .  Que  fi  mai- 
tenant  par  fes  membres  il  mené  la  guerre  aux  poures  fidèles,  lefqucls  il  tourmente  &C 
tyranmze:  toutefois  c'eftpar  la  volonté  de  noftre  Pcre,qui  éternellement  a  efleu  tous 
fes  enfans  pour  aller  à  la  gloire  éternelle  par  croix  &:  afflictions.  Il  nous  faut  tous  boire 
de  la  couppe  &:  du  calice  qui  eft  en  la  main  de  Dieu ,  fuyuans  Iefus  noftre  Maiftre .  Pre- 
nons donc  courage ,  &:  beuuons  après  luy ,  car  il  a  auallé  pour  nous  l'amertume  &:  poi- 
fon, maires  mefehans  &:  reprouuez  maugré  leurs  dents  aualleront  la  lie  qui  les  eftran- 

i.Pkr.4.18  glera:  car  en  icelle  cft  toute  la  fureur  de  Dieu  .  Il  faut  premièrement  que  le  iugement 
commence  à  la  maifon  de  Dieu  :&:  fi  premièrement  à  nous,  quelle  fera  la  fin  de  ceux 
quinecroycntpointàl'EuangiledeDieu,ainsle  blafphement  &  pcrlécutent  parfeii 
&parglaiue?  Et  fileiufteeft  difficilement  fauué,  oùcomparoiftra  l'infidèle  &:  pé- 
cheur? S'il  n'a  pas  efpargné  les  fain&s  Prophètes  ôc  Apoftres,non  pas  mefme  fon  bien- 
aimé  Fils  Iefus  Chrift,comment  efpargneroit-il  fes  ennemis  tant  cruels ,  inhumains  &: 
abominables?  C'eft  donc  chofe  iufteenuers  Dieu,  qu'il  rende  affliction  à  ceux  qui 
nous  affligent  ;  &C  à  nous  qui  fommes  affligez,  repos  éc  confolation  en  cefte  grande 


<Pièrrc^>  Sfcriuam.  2  oS 

journée  d'ire  Se  vengeance,quâhd  le  Seigneur  Iefus  noftre  Roy  &Maiftre  viendra  enfa 
gloire  tk  puifiànce  aucc  les  fain&s  Anges,ayant  vne  grande  flamme  de  feu  deuant  luy,  . 
pour  faire  vengeance  contre  tous  ceux  qui  n'aymentDieu,&:  n'obeiiTentpas  à  l'Euan- 
gile  de  noftre  Seigneur:  ]efquelsfoufTrirontpcine,aifauoïr  perdition  éternelle  deuant 
la  face  du  Seigneur.  Voila  la  recompenfe  des  mefehans  & ennemis  deDien,qui  auiour- 
dhuy  perfecLircnt  la  poure  Eglife. voila  la  fin  &c  perdirion  de  nos  aduerfaircs,  qui  en  gra 
depuiflancc&rage  auiourdhuy  menent  guerre  contre  Dieu  &:fon  Eglife.  Ne foyons 
donc  troublcz,tre(chers  frères, voyans  leur  grande  profperite&rpuiiTance, leurs  richef- 
fes,honneurs&  magnificece:  car  tout  cela  paffera  comme  l'ombre  ;  tout  s'enfuira  com- 
me le  vent. Toi<*tc  gloire  &:  richeiTe,toute  beauté, force &puiifarice  derhôme,n'eft  qu' 
vne  petite  fleur  d  herbe,laquelle  feche  incontinéc  par  la  chaleur  du  foleil,  &:  la  fleur  to 
,bc,&:  fa  belle  apparence  eft  perie: mais  nous  qui  fommes  enfans  de  Dieu,  perfecutez  &: 
feicttez  comme  les  abominations  &:  ordures  de  ce  mondc,dcmourerons  eternellemét 
en  ioye  perpetuclle,eftas  en  gloire  &:  immortalitc:ayans  nos  corps  qui  maintenat  font 
abict5ts&:  caduques,  fubiets  deuant  le  monde  àmefpris&  deshonneur,  fcmblables  au 
corps  glorieux  de  Iefus  Chrift:eftansmefmesfemblables  à  Dieu  ,  lequel  nous  verrons 
face  à  face.  Et  non  tant  feulement  le  verrons  clairement  tel  qu'il  eft:  mais  ferons  vnis 
conioincts  à  luy  d'vn  amour  fi  grand, que  mefmes  les  Anges  nele  peuuent  entendre 
ne  comprendre. Car  tout  ainfi  que  ladile&ion  de  Iefus  enuers  fes  fidèles  furmonte  tou 
tecognoiifance:auflï  fait  celle  de  Dieu  le  Pere  enuers  fes  enfans, lefquels  il  couronnera 
de  gloire  éternelle  &  immortalité  auec  fon  bien-aimé  Iefus  Chrift .  Fermans  donc  les 
yeux  à  toutes  choies  de  ce  monde  qui  nous  pourroyent  troubler,nous  qui  courôs  peur 
obtenirceftegloireimmortclle,icttons l'ancrede  noftre  efperance  encefte  heureufe 
&  triomphante  refurrcctiôn,&:  en  cefte  gloire  qui  nous  eft  préparée.  Attendons  par  pa 
tience  noftre  deliurancc,eftans  afleurez  que  celuy  qui  nous  a  promis  eft  fidèle  &  venvà. 
ble,&:  qu'il  ne  fe  peut  nier  foy-mefme. Prions  luy  qu'il  nous  donne  par  fon  fainct  Efprit 
perfeueranceiufques  à  la  fin.  Regardons  à  celuy  qui  dit,  Ne  craignez  point  ceux  qui  M*tK>1* 
tuent  le  coi  ps,&:  ne  peuuent  tuer  lame:  mais  craignez  celuy  qui  peut  perdre  lame  &c  Mat  10.15 
le  corps  en  la  géhenne  du  feu,  là  où  il  n'y  a  que  pleurs  &:  grincement  de  dents .  Confo- 
Jons-nous  en  ce  qu'il  dit,Ie  vous  enuoye  comme  brebis  entre  les  loups .  Puis  donc  qu'il 
nous  enuoye,nous  fommes  en  fa  main&  fàuue-garde:car  c'eft  luy  qui  eft  le  bô  Paftcur, 
qui  cognoit  fes  brel>isj&:  les  garde:tellemeht  qu'il  n'en  peut  périr  aucune  :  mais  contre 
nos  aduerfaiics,c'eft  le  Lion  de  Iuda,qui  deuore  tous  fes  ennemis. C'eft  le  Rcy  du  cicl&C 
delaterrejayantpuiflancefur  toute  créature,  lequel  par  verge  de  fer  peut  brifer  auflï 
aifément  qu'vn  pot  de  terre,la  tefte  aux  Princes  &c  aux  Rois  qui  ne  veulent  obéir  à  fa  pa 
rolle,ainsla  perfecutent  par  mer  &:  parterre.  Efioui/îbns-nous  donc  d'auoirvn  tel  hou 
clier  &  defenfe,fachans  que  nos  ennemis  ne  peuuét  rien  contre  nous, linon  ce  qu'il  en  a 
ordonné. Or  eft-il  qu'il  n'a  rien  ordonné  de  nous  qui  ne  foit  à  fon  honneur&:  à  fa  gloire, 
à  noftre  falut  &:  confolatiô  de  toute  fon  Eglife.  S'il  luy  plaift  de  fe  léruir  encore  de  nous 
pouresvaiiTcauxdeterre,qui  fommes  viles  ,abiefts:  voire  &  auiTi  deftituez  de  toute  ai- 
de humaine, il  eft  trop  plus  que  puiiTant  pour  nous  deliurer  contre  l'elperance  de  tout 
le  môde,car  c'eft  luy  qui  a  deliuré  Iofeph  des  liens  &:  prifon,&:  de  toutes  fes  tribulatiôs,: 
&  l'a  efleué  en  grand  honneur  par  toute  la  terre  d'Egypte .  C'eft  luy  qui  eut  compalTion 
de  fon  poure  peuple,&  ouitleurgemiiTement  quand  il  eftoit  affligé  des  Egyptiens:  le- 
quel par  main  forte  &C  bras  eftendu  il  deliura  contre  toute  efperance,  &:  l'amena  en  la 
terre promife,confondant  Pharaon  &:  toute  fon  armée  aux  abyfmesde  laMer-rOuge. 
C'eftlefus  Chrift  Dieu  éternel ,  qui  brifa  la  tefte  aux  Princes  &:  Rois ,  peuples&:  na- 
tions qui  voulurent  molefter  les  enfans  d'Ifrael  au  defert,&  empefeher  qu'ils  n'entraf- 
fent  en  la  terre  promifc.C  eft  luy  qui  oyoit  les  gemiflemés  de  fon  peuple  quand  il  eftoit 
captif  &  prifonnieren  BabyIone,&ledeliilr*icontreleiugemcntde  tout  le  monde:  &C 
en  le  deliurant  fit  vengeance  horrible &efpouuantable  contre  fes  ennemis, afin  que  les  ^jj1^ 
enfans  d'Ifrael  ânnonçalfent  fonnom-s&:  que  les  peuples  &c  nations  cogneuiTcnt  qu'il  y  piedcDica. 
auoit  vn  Dieu  qui  faifoit  chofes  grades  &merueillcufes  en  la  terre. C'eft  luy  qui  deliura 
DauidfonferuiteurdelamaindeGoliath,&Saul,&:detousfes  ennemis  qui  eftoyent 
plus  forts  que  luy. C'eft  Iefus  Chrift  noftre  Maiftre,qui  cotre  toute  efperance  tira  les  3. 
enfans  de  lafournaifedefeù,&:  fauua  Daniel  de  la  foiTedes  lions  :  qui  pour  vne  mefme 
eaufe  que  la  noftre  furent  mis  au  danger  de  mort.G'eft  luy  qui  deliura  îenas  le  Prophe 


Li«ro  ///.  Tterrc-jËJcriuain. 

tc,quand  il  cria  du  ventre  de  la  baleine  par  l'efpace  de  trois  ion  rs  te  trois  nnicts ,  &:  le  fit 
aller  prefeher  Pénitence  à  la  grande  cité  de  Niniue.  Mais  détaillant  ces  exemples  an- 
ciens, regardons  en  la  primiriueEglife,  laquelle  contre  la  rage  de  tout  le  monde  a  efte 

hdi  ii  défendue &gardec.Qui  adeliuré  lainct  Pierre  de  la  gueule  du  lion  cruelle  roy  H c rode, 
lequel  l'ayant  mis  en  pnfon,le  bailla  à  garder  en  grande  diligéce,pour  le  mettre  à  mort 
après  la  Eefte?  Qui  adeliuré  iainét  Paul  de  tant  de  tribulations,  de  tant  de  dangers  de 
mort, des  priions, dt  s  playcs,dcs  périls  de  lamer,des  l'éditions  des  Iuifs& Gentils: bref, 
d'vne  merde  fnauxâc tribulations, t'inon  noftre bon  Dieu  exauçant  leurs  priercs&o- 
raifons:Donc,trefchcrs  fi  ères, puis  que  nous  lommes  en  la  folle  des  lions  plus  cruels  te 
inhumains  cent  mille  lois  que  iamais  furent  ceux  de  la  fofl'e  deDamcl,attcdans  de  iour 
en  iour  qu'on  nous  viênc  quérir  pour  nous  mener  à  la  mort, pour  nous  mettre  en  deshô 
neur&  fpcctaclc  deuant  le  modc:brcf,puis  que  nous  atrédons  d'heure  en  heure  d'eftre 
emmenez  a  ia  boucherie  comme  poures  brebis  deftinecs  à  occifion:  priuns,prions  no- 
ftre bon  Dieu  te  Pere  plein  Je  pitié  &:  mifericorde:ci  ions  après  luy  :  faiibns  que  nos  gc- 
mùTcmens  montent  iniques  au  ciel, luy  priant  denous  deliurer  de  la  main  de  nos  enne- 
mis,de  la  fpile  des  lions,&:  de  l'ombre  de  la  mort  en  laquelle  nous  fommes:afin  d'anno- 
cerfon  l'ainet  nom  au  milieu  des  peuples  te  nations, aufil  fapuiifance  te  mifcrù  orde  in  - 
finie, fon  amour  paternel  cnuersfcs  enf'ans ,  fesiugemcnsadmirables&  incemprehen 
fjbles.Que  ii  nous  le  faifons  en  vraye  te  viuc  ro\  ,ioyons  certains  qu'il  nous  dchurera,s  il 
le  cognoift  eftre  expédient  pour  fa  gloire  &:  noftre  lalut.  Que  s'il  luy  plailt  que  nous  ei> 
durions  pour  Ton  nom,&:  pour  feeller  fa  vérité  par  noftre  fang:helas;rrercs, rendons  luy 
, ,  graccsrear  nous  ferons  cent  mille  fois  plus  heureux  .Mourir  pour  Chnft,  enluyuant  l'A- 
^  poftre, nous  eft  gain:  te  qui  voudra  fauuer  fa  vie,  dit  noftre  Seigneur  Icius,  il  la  perdra: 
mais  qui  la  perdra  pour  l'amour  de  luy,  &:  pour  maintenir  fa  paroîle,  il  la  trouucra,& 

Afoc.  çclîl  arfjs  au  throne  de  Dieu  aueelefus  éternellement,  eftant  relplendiilànt  comme 
le  Soleil  au  royaume  de  noftre  Pere.O  pourcs  fidèles  te  Martyrs  quieftes  es  priions  cb- 
feures  te  horribles, là  ou  iour  &  nuict  vous  plourez,voyans  la  defolation  te  perdition  du 
poure  monde,&:  le  nom  de  Dieu  blafpheméllà  où  bien  fouuent  elles  en  angoilics  gian 

:  Picncy.8  ^cs  ^  cfpouuantablcs,  cftans  aiîaillis  de  la  chair  malheureufe  &:  ennemie  de  Dieu!  du 
lion  bruyant^alfanoir  noftre  adueriaire  Satan  cruel  &  inhumain,  quinous  cerehe  peur 
deuoreridel  horrible  te  efpouuantablc  face  de  la  mort  qui  feprefente  bien  fouuent  de- 
uantvous:0  nous  tous  enfansde  Dieu,  de  toute  éternité  cfleus  pour  auoir  la  vie  éter- 
nelle, contemplons  les  rieheffes  incomprchenfibles&  ineftimablesqui  nous  font  pré- 
parées, contemplons  noftre  grand  héritage  immortel  te  incorruptible , noftre  vie, no- 
ftre gloire  te  ioye  infinie, qui  nous  eft  préparée  deuant  laeonftitution  du  mondc.Iettos 

iXor  4 1  >  lcs  ycux  ^e  no^rc  cn  cc  grand  abyfme  de  gloire  te  immortalité. Helasi frères ,  confi- 
derons  que  noftre  afRietio  eft  légère  te  de  peticc  d  urce,mais  la  ioye  qu'elle  porte  te  pro 
duit,eft  infinie  te  éternelle.  Que  fi  nous  le  faifons ,  facilement  nous  endurerons  toutes 
chofes,nousdeuorerons,commelondit,toutetrifteire&.  talchene:  bref,  nousembraf- 
ferons  cn  grade  ioye.  la  croix  qui  nous  fera  propofee  te  prefentee,nous  irons  ala  igtc  met 

i  uc  ii.i8  \  cc  pa|]agC  tiint  he  ureux  te  defirable  de  la  morr,cn  efleuant  nos  teftes  cn  hau  t,façh;i  n  s 
que  noftre  deliurance  s'approche.  Donc,  frères bien-aimez,  regardons  aux  biens  qui 

/ute  7  ss  nous  font  prcparez,carii  on  nousofte  la  terre,  le  ciel  nous  eft  ouuert  ainfi  qu  afaincl:  E~ 
ftienne,  fi  on  nous  met  à  mort,regardôs  à  Iefus  Chrift  qui  eft  noftre  vie,  lequel  eft  mort 
Se  refiuk  né, afin  qu'en  mou  rat  nous  mourions  à  luy, pour  après  reflufciter  cn  gloire  ain 

r.Pki  4.14  n  qu'ila  faic.Si  nous  femmes mefprifezau  iv3dclefusClnift,dit{àinctPierre,hclas:nous 
femmes  bien  heureux, car  l'Efprit  de  la  gloire  de  Dieu  repofe  fur  nous .  N'ayons  donc 
l;onted'eftrcanSigez,conimcChreftiens,ainsglorifions  Dieu  en  cela,  te  luy  rendons- 
grâces  immortelles, car  ils  nous  fait  plusd  honneur,quoy  que  la  chair murmure,quc s'il 
nous  faifoit  Empereurs  de  tout  le  monde. Si  noftre  corps abied eft  mefprifé&  deshon- 

1C0r.1j.43  noré,he!as:rc  gardons  qu'il  reifufcitera  en  gloire  te  immortalité, s'il  eft  debilc,ilrcffufci 
tera  pui/lat,s'il  eft  corruptible^  fenfuel,il  reflufcjtei  a  incorruptible  te  fpirituel,  queli 
maintenir  ;l  pleure  &  gémit  en  cefte  mer  de  miferes,eftant  pèlerin  enec  mode,  alors  il 
s'eliouirad  \  nci<  yc  inc  omprehéliblceftant  éscieuxauecDieu&:  lesS.Anges,Proph. 
Apoftrfs&  Martyrs  ,nucc  hfqucls  il  viura éternellement.  Voila,trefchcrsfreres,aiiez 
pour  nous  confolcr  en  noftre  captiuité,pour  engloutir  la  triftefte  que  la  chair,  Satan  te 
le  monde  n  ous  p  oun  oit  donner,  voire  pour  nous  rauir  aux  cieux ,  te  lufques  au  throne 

denoftrç 


Tierrc-j  6 fer  main.  20  9 

denoftreDicu,auquclfoitgloire,  honneur,  empire  &  magnificence  éternellement, 
Ainfi  Toit-il.  Le  Pere  de  toute  mifericorde&  Dieu  de  toute  confolation,vous  vueillc 
confoier  &c  fortifier  par  l'on  îaind  Efprir,vous  deliuratdela  main  de  vos  ennemis»  pour 
feruir  à  l'on  honneur  &  à  Ta  gloire,&:  à  l'édification  de  Ta  poure  &  defolee  Eglife:  &:  brife 
Sacan  noftre  aduerfaire  ious  vos  pieds,au  nom  de  fon  Fils  Iefus  Chrift ,  Ainfi  foit-il.  Par 
vos  frères  en  IclusChrift,prifonniers  pour  fa  parolle  comme  vous,ayans  défia  en  eux  re 
ceu  fentence  de  mort. 

L  A  paix&  cracc  de  noftre  bon  Dieu  &  Pere.par  Tefus  Chrift  fort  Fils,&  la  communication  &  confolarion  du  faii  .ftEfprit 
vous  foi  t  multipliée  éternellement,  Ainfi  foit-il. 

g?p}  h  croy,trcfcher  frère  &  entier  amy,qu'auez  eftéaduerty  des  gras  alTaux  qui  nous 
EljgJ  ont  elle  donnez  par  les  ennemis  de  la  foy  ces  iours  paffez,&:  auffi  de  la  grande  affi 
ftence  que  noftre  bon  Dieu  nousafaitc,nousdonnantparfon  fain&Efprit  vneconftan 
ce  inuincible.Or  maintenant,trefcher  frere,refte  le  grand  &  dernier  afîaut  que  Satan,  Le  derDicr 
le  monde  &c  la  chair  nous  doiuent  donner  en  bref,  ainfi  que  nous  voyons  félon  fefpera-  affaur. 
ce, complots, conjurations  &c  refponfes  de  nos  ennemis.  Mais  noftre  bon  Dieu  ne  nous 
laiife  point,ains  nous  confole&  fortifie  plus  que  iamais,tcllcmcnt  que  ne  menaces,ne 
tourmens,ne  mort  ignominieufe  ou  cruelle  qu  on  nous  prefente,  ne  nous  peuuent  fai- 
re perdre  courage,ne  quitter  la  place  à  noftre  cnnemy.Car  de  tant  plus  que  nous  tom- 
mes abandonnez  du  monde,d'autant  plus  nous  approchons  de  noftre  bon  Dieu  :  &:  d'- 
tant  que  la  hôte  ignominieufe  &:confu(iô  nous  eft  prochaine  deuat  le  monde ,  d'autâc 
pius  auffi  lagloirederEfpritde  Dieu  nousenuironne,&:  remplit  nos  poures  cœurs  de 
iove  &c  lieffe  inenarrablc,laquelle  nous  cileue  par  de/fus  tous  les  cieux,&  nous  fait  mai- 
U  nant  glorifier  aux  portes  de  la  mort,en  l'efpcrance  de  la  vie  éternelle  &:  de  la  couron- 
ne d'immortalité, laquelle  nous  eft  préparée  à  la  fin  du  combat.Certes,chcr  frère ,  il  ne 
nous  aduient  aucune  chofe,à  laquelle  nous  nefoyôs  préparez  tous  les  iours. Car  la-foit 
que  noftre  bon  Dieu  nous  ait  fufeite  pluiieurs  moyens, parlefquels  pouuions  attendre  ?£pmrcarc|ô 
fclon  l'apparence  du  monde  quelque  dcliurance:ia-foit  que  tant  de  gens  de  bien&no-  a 
bles  personnages  nous  ayent  aftîfté  comme  inftrumens  &  miniftres  de  Dieu  :  toutefois 
ckans  bien  fouuét  à  part  nous  en  contemplation, &  côfiderans  la  caufe  que  nous  maî- 
tcnons,&  à  qui  nous  auons  à  faire,nous  auons  attendu  noftre  deliurance  pluftoft  par  la 
mort  que  par  la  viemous  auons  attendu  pluftoft  de  féeller  par  noftre  fang  la  parolle  de 
Dieu,&:  boire  du  bruuage  que  Dieu  a  préparé  à  tous  fes  elîeus  fuyuans  Iefus  Chrift  leur 
capitaine,qui  a  beu  le  premier.Or  puis  que  le  temps  &c  l'heure  de  noftre  deliurance  eft 
venue,&:  que  nous  commençons  à  poiTeder&embrafler  ce  que  nous  auons  tant  atten 
du&defiré  de  long  temps: nous  en  fommes  grandement  ioyeux,&en  rendons  grâces 
à  noftre  bon  Dieu  &:  Pere  cclefte,par  fon  Fils  IefusChrift.luy  prians  de  parfaire  lceuure 
qu'il  a  commencée  en  nous, nous  donnant  force  &  conftance  pour  perfeuerer  en  la  foy 
iniques  à  la  fin:ce  que  nous  el'peronsaulfi  qu'il  fera  à  la  confolation  defapoureEglife, 
àc  à  la  grande  ruine  &c  confufion  deSatan,de  Y  Antechrift  &c  de  tout  fon  regne,lequel  re 
ceura  plus  grâd'  playe  par  noftre  mort  que  par  noftre  vie.Car  noftre  bon  Dieu  fera  par-  H  fc 
1er  noftre  fang  côme  celuy  d' Abel,&:  fera  auffi  noftre  mort  féblable  à  celle  du  fortSâfon  e  r* 111  * 
Jequcl  en  tua  plus  en  fa  mort  qu'en  fa  vie:ainfi  que  défia  nous  en  voyons  l'experiéce  de-  iug.Hf.30 
uant  nos  yeux,  car  pluiieurs  Papiftes  ignorans  nous  viennent  conioler  &  enhorter  à 
patience,  recognoiifans  bien  le  grand  tort  &c  iniuftice  qu'on  nous  fait  .  Dauantage, 
il  nous  aefté  ditpar  vn  de  nos  frères  quinous  vient  vifiter,  qu'il  y  auoit  plufieurs  po- 
ures aueuglcs&:  ignoransenla  ville,  lefquels  font  grandement  efmeus  &  contriftez 
de  la  mort  &  rourmens  que  nos  ennemis  nous  preparent,&  en  gemiiTent  &:  fouipirenc: 
qui  eft  certes  vn  certain  figne  que  noftre  mort  &c  noftre  fang  feront  femencespar  lef- 
que  llcsDieu  produira  grans  fruicts  en  fonEglife,&;  côfondra  &:  ruinera  le  règne  deSata 
&c  derAntechrift.Parquoy  nousauôs  tousmaticre  denous  refiouir,&:  de  rendre  grâces 
à  Dieu  du  grand  bien  &:  honneur  qu'il  luy  plaift  nous  faire,à  nous  fes  poures  fcruiteurs, 
de  nous  retirer  de  ce  malheureux  mode,pour  nous  amener  en  fon  royaume  celefte,qui 
eft  noftre  pais&  heritage,lequel  nous  aefté  préparé  deuant  la  conftitution  du  monde. 
Helas,trefcher  frère ,  ne  penfez  pas ,  quelque  infirmité  ou  refiftéce  qu'il  y  ait  en  noftre 
chair,que  nous  regrettions  le  monde, ains  qui  plus  eft ,  le  haifibns  plus  que  iamais ,  veu 
que  c'eft  vre  mer  &  abyfme  de  tous  maux:&  allons  alaigrement  &  ioyeufement  à 
ce  bien-heureux  paflagedelamort,fachans  bien  que  c'eft  le  chemin  &  la  porte  pour  'Tim^.ï 

N.  i. 


.Cor.iMÎ 


Mat.  h 


L  iurc~>  111.  ^Bernard  Seguin. 

pâruenir  à  la  vic,&:  obtenir  la  couronne  de  gloire>laquelle  IefusChrift  noftre  bon  capî- 
tainc,eftant  là  haut  à  la  dextre  de  Dieu,rtous  prefente  après  le  côbat  &  la  vi&oire,  pour 
viure&: régner auecluy&auecfes faines  Anges, Prophètes,  Apoftres&:  Martyrs.  O 
bien-heureufe  iournee,en  laquelle  l'clpoulc entrera  aux  nopees  aucc  fon  eipoux  ,  te  le 
chef  fera  anec  l'es  membres,pour  eftre  participans  de  la  gloire  te  immortalité,^  voir  te 
contempler  Dieu  face  à  facelO  bicn-heureuie  refurrection,  en  laquelle  ce  poure  corps 
vilc,abiect te  caduquc,refufcitcra  en  puiflance,gloire te  immor talité,cltant  fcmblablc 
au  corps  glorieux  de  Iefus  Chrift  ?  Voila,  cher  frerc,toute  noftre  confolation  te  efpeia- 
ïJcan  J.4  ce.  Voila  noftre  foy,par  laquelle  nous  auons  victoire  du  monde,delamort,d'enfcr&:  du 
diablc:&:  rapportons  la  victoire  d'eux  auec  Iefus  Chrift  noftre  grand  capitaine ,  qui  par 
fa  mort  te  palsion  les  a  veincus  te  furmôtez  pour  nous ,  afin  que  nous  foyons  participas 
de  fa  victoire  te  triomphante  refurrcttion,&:  qu'eftans  affeurez  te  certains  de  telles  cho 
fes  au  milieu  de  la  mort,nous  nous  venions  à  refiouir,&  dcfpiter  tout  le  monde.  Hclas, 
trelchcr  frere,ie  vous  cnuoyc  ces  dernières  lettres  pour  voftre  confolation,  &:  pour  cel- 
le de  tous  nos  bons  frères  te  fccurs,afin  que  vous  vous  confoliez  cnfcmble,pt  ufitas  touf 
iours  en  la  parolle  de  Dieu  :  te  que  preniez  bon  courage  pour  refifter  contre  les  a/îàuts 
de  Satan,  de  la  ehair,&  du  mondc,perfeuerans  toujours  en  la  foy  de  l'Euangile.  Car  ia- 
foit  que  foyez  en  la  fain&e  afifemblée&:  en  la  maifon  de  noftre  Seigneur:  toutesfois  fi  ne 
ferez- vous  pas  exempt  d'afflictions  &  tribulations,&  d'ennemis  domcltiques ,  qui  fonc 
Mat.i6.j  4  cent  mille  fois  plus  dagercux  que  ceux  qui  font  de  dehors .  Mais  vous  lauez  que  tat  que 
nous  ferons  en  cefte  vie,  il  nous  faut  porter  la  croix  pour  fuyure  Iefus  Chrift  noftre  bon 
maiftre  &:  que  tant  que  nous  ferons  en  ce  monde,en  quelque  part  que  nous  foyons,Sa- 
tan  nous  mènera  par  fes  fuppofts  guerre  mortelle  :  car  le  Seigneur  a  ordonné  que  l'y- 
uroye  foit  parmy  le  grain  îufqucs  à  la  moiiibn,&  les  mefehans  parmy  les  bons  iufques  à 
lafindu  monde,aim  qu'ils  nous  foyent  commeverges  &:efpincs  poutnouspoindre  te 
rekicillcr.Carfi  nous  citions  fans  croix  ou  afflictions, nous  nous  cndormiriôsen  ce  mo- 
de auec  les  mefehans  Parquoy  noftre  bon  Dieu, comme  vn  bon  &fageperc nous  frap- 
pe te  vilite  de  les  verges,pour  nous  faire  regarder  plus  auant  que  cefte  vie,nous  demon 
ftrantqu'icy  bas  tout  eft  tranfitoke  te  caduque, &qu'ilyavncautre  viclaquellenous 
deuonscercherenIefusChrift,quicftlàhautaucielàladextrede  Dieu .  ReiiouùTcz- 
°- 153  vous  donc  tous  en  cefte  foy  te  eiperance ,  attendans  en  filence  &:  patu  nce  voftre  deli- 
urance,prians  ce  bon  Dieu  qu'il  vous  dehuredes  embufehes  de  Satan  te  de  cous  vos  en 
ncmis.Ie  vous  cufîés  eferit  plus  amplement  de  cefte  matière: mais  il  n'eft  ia  be(oin,veu 
que  vous  elles  au  lieu  où  pouuez  ouyr  tant  de  gens  de  bien, qui  vous  confolét  &  inftrui- 
fent  journellement  par  la  parolle  de  Dieu:  lefquels  vous  deuez  ouyr  &:  efcoutcr,ncn 
point  comme  hommes,  mais  comme  la  propre  bouche  de  Dieu,  &c  comme  miniftres 
de  fa  fain&e  parolle  :  par  lefquels  Dieu  parle  au  monde ,  l'exhortant  à  pénitence  &c  re- 
pentance.  le  vous  prie  donc  au  nom  de  noftre  Seigneur,  de  ne  vous  troubler ,  quelque 
chofe  que  vous  voyez  ou  oyez.mais  efeoutez  toufiours  les  ges  de  bie,&:  dônez-vousgar- 
de  de  ces  faux  prophètes  qui  troublent  l'Eglife  denoftre  Seigneur,&  de  ceuxquifemét 
fauffes  do&rincs>contraires  à  la  parolle  de  Dieu.Tenez-vous  toufiours  en  l'vnion  de  l'- 
Eglife, te  vous  ne  périrez  point.  Priez  Dieu  qu'il  luyplaiie  vous  tenir  fous  fa  garde  &: 
protection,  vous  fortifiant  toufiours  par  la  vertu  de  fon  S.Efprit,afin  que  puifîlcz  perfe- 
uercrenlafoy  iufqu'à  la  fin  ^Pl  v  s  i  e  v  r  s  autres  Epift.  ont  eftécfcritesparP.  Efcri- 
uaimdefqucllcs  nous  auons  inféré  celles  à  fes  compagnons  prifonniers  félon  l'ordrç  du 
temps  qu'ils  ontfouffert  martyre. 

BERNARD  SEGVIN. 

O  V  S  pouuons  apprendre  par  les  Efcrits  de  ces  Efcoliersj  de  quelle  fagef- 
fe  te  ioye  te  confolation  le  Seigneur  les  a  munis  en  la  prifbn  te  deuant  les  lu 
ges.  Voici  le  3  .natif  de  laReole  en  Bazadois,qui  fera  pareille  foy  que  les  pce- 
dens,des  dos  te  grâces  finguliercs  queDieu  luy  auoit  côferecs,pour  les  faire 
feruir  à  fon  honneur  te  gloire,^  pour  l'inftructiô  de  tous  ceux  qui  font  mébres  d'vn  mef 
me  corps. Ceftuy-cy  auflî  a  eu  moyé  de  laiffer  par  eferit  la  confeflîon  de  fa  foy,laquelle  il 
prefenta  aux  luges  de  Lyon,au  mois  de  May  audit  an.  m.  m.  1 11.  te  eft  telle  que  fenfuiti 


TSernArd  Svguik.  ira 

Lr  fain&Efprit  pariant  par  la  bouche  de  l'  Apoftre  S.  Pierre,  "nous  commande  que 
Soyons  toufiours  appareillez  de  refpondre  à  vn  chacun  qui  nous  demandera  raifon  de  I,PicMt' 
l'elperance  qui  eft  en  nous,&  ce  auec  begniftiré  Ôc  reuerence.Et  parla  bouche  de  fainct,  Ronuo 
Paul  il  nous  dit,Que  de  cœur  on  croie  pour  eftre  iuftifîé:mais  qu'on  côfefTe  de  bouche 
pour  auoir  falut.  A  celle  caufe  puis  qu'il  a  pieu  à  Dieu  que  i'aye  efté  emprifonné ,  non 
pour  auoir  commis  quelque  meurtre,  larrecin,  paillardife ,  ou  quelque  autre  mefchàn- 
çeté(dcquoy  ie  rengraces  à  Dieu)rhais  pource  qu'eftant  interrogué  par  vous  de  ma  foy 
n'ay  voulu  accorder  à  certains  poin&s  qui  font  pour  le  iourdhuy  en  dirFerent,ne  conf  ef 
fer  iccux  eftre  véritables, d'autant  que  là  paroile  de  Dieu  &:  ma  propre  confeiéce  me  téf 
moignent  le  contraire: auflî  pource  que  pendant  mes  interrogations  n'ay  eu  le  loilîr  ne 
commodité  de  vous  bailler  ma  confefîion  defoy  par  efcrit,à  caufe  que  lors  ne  m'eftoit 
permisiie  vouslaprefentemaintenant,pnisqueroccafî6  m'a  efté  offerte,pour  vous  dô 
ncrà  entendre  que  ce n'eft  point  vnc  opinion  volage,ou  obftination  imprimée  en  ma 
teftc,qui  m'ait  empefché  d'approuuer  les  articles  deifus  dits  :  mais  vne  certitude  &  af- 
feuranec  que  i'ay  qu'ils  font  contraires  à  la  paroile  de  Dieu.Cc  quc(Dieu  aidant)i'efpe- 
re  monfti  cr  article  par  article,fclon  la  grâce  qu'il  m'a  faite,les  couc  liant  tous  par  ordre, 
laiilànt  cependant  le  refte  qui  eft  commun  entre  tous  ceux  qui  fe  difent  Chrefticns:  cô 
mecft  le Sym bole  des  Apoftres,s'accordât  à  tousles articles  de  la  foy  qui  fon t  contenus 
en  icelle.En  premier  lieu,touchant  le  Franc-arbitre  qu'on  attribue  à  l'homme,  de  pou-  *r*ac  "- 
uoirfaire  bien  ou  maldc  fon  propre  mouuementriedy  que  l'homme  de  fa  propre  natu-  1  rc" 
re,depuis  la  cheute  du  premier  pere  Adam,d'autant  qu'il  eft  enfant  d'ire  &  mort  par  le  Ephefz 
peché,comme  S.Paul letefmoigne,ne  peut  qu'offenfer  Dieu,&:  par  confequentfedam  Gcn-«>&  i 
ner.Car  l'Efcriture  nous  teftifie  que  tout  ce  qui  procède  du  cœur  humain  dés  la  pre-  pfcau  | 
miere  enfance,  n'eft  que  mai:  Qu'entre  les  hommes  il  h  y  en  a  aucun  qui  foit  iufte,ne    °  "  ' 
qui  cerchc  Dieu:  mais  que  tous  font  inutiles,  corrompus,  &c  vuides  de  la  crainte  de 
Dieu,&confequemment  pleins  de  toute  mefehanceté,  Que  toute  cogitation  de  là 
chair  eft  inimitié  contre  Dieu,    Que  l'homme  eft lï  abominable ,  qu'il  hume  fini-  Jjjj14^ 
quité  comme  le  poifîbn  hume  l'eau.  Qu/il  eft  plus  vain  que  la  vanité  mcfme,lefquel- 
les  chofes,comme  ainfi  foit  qu'elles  fbyeht  trèfueritables,  que  peut  l'homme  produire 
de  foymeime,que  foute  corruption^  peché,côme  vnmcfchantarbre  melchâsfrui&s? 
Parquoy  puis  que  l'home  eft  tel,il  ne  peut  de  foy-mefme  faire  aucun  bien  tat  petit  qu'- 
il lbit:mais  faut  que  Dieu  le  face  tout  en  luy.Et  pourtant  de  tout  le  bié  qu'il  fait,il  ne  s'- 
en doit  aucunement  glorifier. Or  comme  dit  S.Paul,Qu'eft-ce  que  tu  as, que  tu  n'ayes  *'  °r'4 
receu?&:  h  tu  l'asreceu,pourquoy  t'églorirîes-nr,cÔme  fi  tu  ne  l'auois  point  receuîTou- 
te  la  gloire  donc  doit  eftre  référée  àDieû,puis  qu'il  eft  autheur  de  toutlc  bien  que  nous 
faiios.Cequicfteuidét&:trefcertaîparrEfcriture.carie  Seigneur  mcfmedir,quenul  laas 
ne  peu  t  venir  à  luy,fi  fon  Pere  qui  l'a  enuoyé,ne  le  tire:Que  c'eft  l'œuure  de  Dieu  ,  q  de 
croire  en  ecluy  qu'ilaenuoyé:Quenulnepeut  venir  à  luy, s'il  ne  luy  eft  donc  de  fon  Pe  ^ 
re.Puis  S.IeâBaptifte  dit,que  l'home  ne  peut  receuoir  aucune  chofe,s'il  ne  luy  eft  dôné 
du  ciel. S. laques  dit,Toute  bonne  dohation,&  tout  don  partait  eft  d'en  haut,defcenuât  ^•Cor.} 
du  Pere  des  lumières. Mais  S. Paul  parle  encores  plus  clairemétjquâd  il  dit  que  nous  ne 
fommes  point fufhians de  penferqùelquechofedcnous,cômedenous  mefmes:mais  pilIjP-2 
que  toute  noftre  fuffiface  eft  deDieu:Qwe  c'eft  Dieu  qui  fait  eh  nous  le  vouloir  &C  le  par  philiP'* 
faire,feioh  fon  bon  plaifir.Fihalemét  que  c'eft  luy  qui  parfait  le  bien  qu'il  a  cômencé  en 
nous,iufqu'au  dernier  iour.Parquoy  &  le  corhencemét,&  le  milieu  &c  la  fin  de  noftre  fa-  e 
lutgift  totalemet  en  £)ieu,&:  rien  en  nous.Dauâtagc:Ieremie  dit  apertemét, Seigneur, 
ie  cognoy  que  la  voye  del'hôme  n'eft  pas  en  fa  pùiilancc,&:  n'eft  pas  en  l'homme  de  che 
miner  Se  d'adrefferfes  pas. Et  en  vh  autre  lieu,Conuertymoy  à  toy,Seigneur,&:  ie  ferày 
conuerty.Luy  pareillement,&:  Ezechicl  auec  Dàuid  teftifie  que  c'eft  l'œuure  de  Dieu, 
de  renouueler  le  cœur  de  l'homme,  d'amolir  la  dureté  d'iceluy ,  d'eferire  fa  Loy  en  nos 
cœurs,&  les  conuertir  de  pierres  en  cœurs  de  chair ,  de  faire  que  nous  cheminiôs  en  lés 
commandemenSjde  mettre  en  nos  cœurs  la  craîte  de  fon  nom, afin  que  iamais  nous  ne 
déclinions  de  luy. Si  donc  nous  croyons  enDieu:&:  après  auoir  creu,fî  nous  perfeuerons 
à  viurcfain£tement:celânevientpointdenous,  mais  de  Dieu  feulement.  Car  premie- 
ment  deuat  la  foy  nous  ncpouuons  que  pecher:ainfî  que  l' Apoftre  dit,Que  tout  ce  qui 
eft  fait  fans  foy,eft  péché. Item,La  foy  eft  vn  don  de  Dieu,  &  confequemmét  toutes  les 
bonnes  œuures^mefmc  la  vie  éternelle:  d'autant  qu'elles  procèdent  de  Ja  foy  com- 
me de  leur  caufe  &fource.Parquoy  s'enfuit  que  l'homme  a  perdu  leFranc-arbitre  pour 

N.ii. 


Littr^j  III  "Bernard  Seguin. 

bien  fairc,puis  que  de  fa  nature  il  ne  peut  commettre  que  péché:  &  ne  peut  faire  fi  peu 
de  bien  que  ce  foit,qu'il  ne  faille  que  le  Seigneur  face  en  luy  le  tout,  voire  iufqu  a  vn  bô 
r  e  laiufti-  vouloir  &  vne  bonne  pcnl~ee,comme  il  a  efté  prouué  par  euidens  tefmoignagcs.Quant 
..«ion.     àlaluftification,  iecroyque  l'homme  eft  iuftifie  parlafculefoy  ouurante  par  charité, 
fans  toutefois  qu'aucune  part  de  la  iuftification  doyueeftre  attribuée  aux  œuurcs  :  car 
tout  ainfi  qu'il  faut  que  larbrefok  bon  deuant  qu'il  puiiïe  produire  bon  fruid:  ainfide- 
uantque  l'homme  puiife  faire  aucune  bonne  œuure,  il  faut  qu'il  foit  iuftifie  par  foy:vcu 
qu'auiïi  la  perfonne  cil  pluftoft  plaifante  à  Dieu, qu'il  n'a  regardé  à  l'ceuure  d'iceluy,cô- 
me  il  appert  par  l'exemple  d' A  bel:  duquel  il  eft  dit,que  Dieu  regarda  pluftoft  à  luy  qu  a 
Gen  4      fes  dons.C'eft  donc  la  roy  feule  qui  iuftifie,&:  non  point  les  œuurcs:  comme fainct  Paul 
ledemonltretrcfbien,dii"ant,Sachansquerhomme  n 'eft  pas  îuftifié  parles  œuuresde 
Gaiac.i      }a  Lov,finon  par  la  foy  en  Ieius  Chrift:&:  nous  auons  auffi  creu  en  Iefus  Chrift ,  afin  que 
nous  misions iuftifiez  par  la  foy  de  Chrift,&:  non  point  par  les  ceuures  de  la  Loy,  pourec 
°m       que  nulle  chair  ne  fera  niftifiee  deuant  Dieu  par  les  ceuures  de  la  Loy.    On  void 
donc  apertement  comme  il  exelud  les  œuurcs, &c  attribue  le  tout  à  la  foy  .  Il  dit  auffi  au 
mefme  lieu  peu  après,  Si  la  iuftice  eft  par  la  Loy, Chrift  eft  doc  mort  en  vain:  car  fi  nous 
Rom  J     pouuons  cftre  iuftifiez  par  nos  ceuures,  à  quoy  eftoit-il  befoin  que  le  Fils  de  Dieu  mou- 
Rom.!!     ruft  pour  nous, où  quel  proufît  nous  a-il  apporté  par  fa  mort?Envn  autre  lieu  il  dit,  La 
iuftice  de  Dieu  eft  maintenâtmanifefteeians  la  Loy  par  la  foy  de  Iefus  Chrift,  à  tous  &C 
fur  tous  ceux  qui  croyét.  Puis  il  dit,Tous  fôt  iu  ftifiez  liberalemét  par  fa  grâce ,  par  la  re 
f      demptionquieft  en  Iefus  Chrift.Envn autre  lieu,  Si  c'eftpar  foy ,  ce  n'eft  plusparles 
Erh        œuuresrcarfic'eftoit  par  les  ceuures,  ce  ne  feroit  plus  par  grâce.  Puis  en  vn  autre  lieu, 
Vous  cftes  fauuez  de  grâce  par  foy:&  celanon  point  de  vous,c'eft  don  deDieu,n6  point 
par  ceuures,afin  que  nul  ne  fcglorifie.Parquov  le  moyen  de  iuftifïcr  les  hommes ,  c'eft, 
preau.3i    que  Dieu  leur  pardonne  leurs  péchez,  comme  dit  Dauid,  Bien-heureux  font  ceux  dcl- 
quels  les  péchez  font  remis.    Nousdeuons  doncrenonceràlaiuftice  de  nos  ceuures 
entièrement,^:  nous  appuyer  furcelle  de  la  foy,  par  laquelle  Dieu  nous  acceptera,  &C 
A(XcsIi     nous  aura  pour  aggreables, comme  il  eft  dit  aux  Aftes:  De  tout  ce  dequoy  n'auez  peu 
eftre  iuftifiez  par  la  Loy  de  Moyfc-.quiconque  croit  en  luy,eft  iuftifie  par  luy .  Et  deuens 
Luci8      à  l'exemple  du  Publicain  nous  condamner  deuant  Dieu,  en  luy  demandant  pardon 
de  nos  fautes,  &  eftre  iuftifiez  comme  iceluy:  &:non  point  nous  enorgueillir  par  nos 
bonnes  œuures,car  nous  ferions  reicttez  comme  le  Phanfien,&lesluifs  defquelsdit 
Rom.io    S.PauhQue  ne  cognoiifans  point  la  iuftice  de  Dieu,iis* n'ont  point  efté  fuiets  à  la  iuftice 
Rom       de  Dieu:pourceque,comme  il  dit  au  ehap.  précèdent,  ils  n'ont  point  cerché  la  iuftice 
qui  eft  par  la  foy,mais  celle  qui  eft  parles  ceuures  de  la  Loy.  Si  aucun  euftpeu  iamais  e- 
ftre  iuftifié  par  les  ceuures  de  laLoy,S.Paul  l'euft  cfté,& toutefois  il  dit  qu'il  a  réputé  tou 
Philip  3     tes  chofes  à  dommage,&:  comme  fiente  pour  Iefus  Chrift:  n'ayant  point  la  iuftice  qui 
eft  de  la  Loy:  mais  celle  qui  eft  de  Dieu  par  la  foy  de  Chrift.Parquoy  nul  ne  peut  eftr  e  iu 
ftifié  par  les  ceuures,car  elles  feront  toufiours  imparfaites ,  quelque  belle  apparence  de 
fain&cté  qu'elles  ayent  &:  dignes  d'eftre  reiettees  de  Dieu, s'il  les  veut  examiner  à  la  ri- 
gueur de  fon  iugement.Mais  fi  feulement  nous  fommes  iuftifiez  par  la  foy,que  deuien- 
dtont  donc  les  ceuures  î  (  dira  quelcun)  à  quoy  proufite-il  de  les  faire  î  A  cela  ie  refpon, 
M.ir.:?      qu'il  les  faut  faire  puis  que  Dieu  les  acômandees,dauantage  afin  que  fonnom  foïtglo- 
M«1       rifié  deuant  les  hômcs,&  que  les  hommesparicellesfoyent  incitez  à  viure  fainftemét. 
i  Picr  i     Pu's  d'autant  qu'icellcs  font  vrayemét  les  marques  de  noftre  élection,  &  quenousfom 
mes  enfans  de  Dieu:toutefois  il  ne  fenfuit  pas  qu'en  les  faifant  nous  meritiÔsla  vie  cter 
ne  llc,ou  quelque  autre  chofe  enuers  Dieu, car  elle  eft  vn  don  de  Dieu  qui  nous  eft  don- 
né  gratuitement,  &  la  parolle  du  Seigneur  demeure  toufiours  véritable,  laquelle  dit, 
LueV     Qiwnd  vous  aurez  fait  toutes  chofes  qui  vous  font  cômandees,dites,Nous  fommes  fer 
uitcursinutiles,cc que  nous deuionsfaire,nous  l'auons  fait. Nous  fommes  doncobli- 
gcz  fur  peine  de  damnation,  de  faire  bônes  ceuures,toutefois  en  les  faifant  nous  neme- 
Matj      ritons  rien  enuers  Dieu, combien  qu'il  ait  promis  de  nous  remunereram'plemetpour 
Rom.i     icelles,no  que  l'ayonsgaigné,mais  pource  qu'il  luy  plaift  ainfi  par  fa  grade  mifericorde, 
afin  que  nous  ne  demeurions  en  noftre  pare/Te  naturelle,&  fans  rien  faire .  Que  fi  nous 
ffcau.61   ne  p0uuonspar  nos  ceuures  mériter  rien  pour  nous-mefmes,  cornent  meriterons-nous 
pour  les  autrcs?Parquoy  ceux  qui  fc  vantent  de  fe  pouuoirfauuerpar  leurs  ceuures, &: 
par  icclles  mefmes  fauuer  les  autres,&:  à  raifon  de  cela  les  vendent  à  beaux  deniers  con 

tans 


jBernard  Svgttin*  *ït 

tr.ns,font  condamnez -par  ïa  parole  de  Dieu.  Car  s'ils  ne peuuéteftrcfâuuezpâr  les  œu- 
urcs  de  la  Loy ,  qui  font  treflain&es,&kfquellesDieumeIme  a  commandées:  commet 
ù  fauueronc-ils,&  les  autres  enfembléauec  eux,  par  lesœuures  quiontefté.inuentees 
au  cerueau  des  nom mes,lefquelles  Dieu  n'a  iamais  commandees,&  qui  mefme  font  dï 
re&emént  contraires  à  fa  parolle'Quant  à  l'inuocation  de  la  viergeMarie  &  des  faincts,  £>c  i'iouo- 
iedy  qu'elle  a  efté  introduite  en  l'eglifc  cotre  la parolle  de  iDicu:  laquelle  nous  teftifîe  «cion. 
que  Icftis  Chrift  eft  noftrefeul  AduocatjMediateur  &IntcrceiTeur  enuers  Dieu  fon  Pe  I•Tlm•^, 
ree  car  faindt  Paul  dit ,  Il  y  a  vn  Dieu  &:  vn  meyenneur  de  Dieu  &  des  hommes ,  aflaùoir 
IelusChrifthomme,qui  s  Vil  donné  foy-mcfme  rançon  pour  tous.EtS.Iean»  nfa  i.càn.  £p"c"** 
Si  aucun  a  péché ,  nous  auons  vn  Aduocat  enuers  le  Perejefus  Chrift  le  lufte.  Il  cft  dit  Hebr.4. 
en  vn  antre  lieu,Que  par  Icfùs  Chrift  &  par  la  foy  quehous  auôs  en  luy,nous  auôs  afi'eu  Rom 
ranec  &£  accez  enuersDieu  àuec  fiace.En  vn  autre  lieu  le  S.Elprit  nous  exhorte  de  nous 
add  relier  hardimét  au  throne  de  la  grâce  deDicu,pùis  que  nous  auôs  Ictus  Chrift  pour 
noftre  Aduocac.S.Paul  encore  dit,  Que  Ieius  Chrift  eft  à  la dextre deDieu,&:  fait  reque 
fie  pour  nous. le  mefme  cft  cicrit  auy.des  Hebr.Parquoy  puis  que  l'Efcriture  ne  no9pro 
pôle  autre  Aduocat  &:  Intcrcelleur  enuers  Dieu  ï'ePere  queIefusChnft:puisq  luyfeul 
eft  lurHiant  pour  impetrer  enuers  fonPere  tout  ce  qui  nous  cft  necciîaire.Puisauflî  qu'il  Matth  û. 
eft  plus  libéral  &:  plus  mifericordieux  quetous  lesau'tres,&:  qu'il  nous  ayme  plus  (as  cô  *kw-i°te> 
pàraifon  que  tous  les  faïncts:  pourquoy  ne  nous côtentons-nousd'iceluy  fans  en  predre  nln^.i^ 
d  autres  î  Car  luy-mefmedit,  Venez  à  moy  vo9 tous  quitrauaillez&  efteschargez,&:ie  &  **• 
vousjpulageray .  Puis  il  nous  cômande  d'inuoquerDieu  feulemét  en  toutes  nos  neceflï- 
tcz,&:  1  a  promefle  y  eft  quant  &:  quant, qu'il  nous  exaucera,commeDàuîd  le  tefmoigne 
en  plulieurs  Pfcaumes.  &: Iefus Chrift mefme en plulieurs lieux nolis commande  d'in- 
uoquet  fon  Pere  en  fon  nom ,  difant ,  Si  vous  demandez  quelque  chofe  à  mon  Pere  en 
mon  nom,vous  l'aurez. Il  ne  faut  donc  inuoquer  aucun  autre  qu'vn  fcul  Dieu.  &  ce  feu- 
lement au  nom  de  Iefus  Chrift.  Par  aihft  puis  qu'iln'y  a  nul  commandement  de  reebu- 
rir  àrintercciIiondcsSainétSj&qu'ilnesçntrouue  aucune  promefle:  lacouftume  de 
les  prier  contreuient  àl'Efcritùre  faincte:  Dauàntageine  les  Prophètes  ne  les  Apoftres 
ne  nous  ont  point  monftré  tel  exemple  de  rkieir.  Le  fainct  Efprit  nous  commande  bien  ^JX^ 
de  prier  mutuellement  les  vns  pour  les  autresrmais  cela  eft  vn  exercice  mutuel  durant  vkrgc  & 
la  viepreknte  feulement.  Outre-plus,qui  eft-ce  qui  nous  peut  afleurer  que  nos  oraifôs  dcsla,r,as- 
puiilcntparueniriufquesauxSain&s:veuqu'iln'yaqu'vn  feulDieu  qui  cognoifle  les 
cœurs  des  {iômes?Parquoy  ie  conclu  qu'il  fe  faut  arrefter  à  ce  feul  Intercefleur  qui  nous         1%  - 
cft  propofé  par  la  parolle  de  Diemqui  eft  Iefus  Chrift  noftre  Saûueùr.  Confequemmét  coU.  ' 
touchant  la  vénération  de  la  vierge  Marie  &:  des  5àin£ts,ie  dy  que  l'honneur  qu'on  leur  Co1- 
fait  auiourdhuy ,  eft  totalement  contre  Dieu.  Premièrement  quant  à  la  Vierge ,  en  ce 
qu'on  l'appelé  Roine  du  ciel ,  porte  de  Paradis ,  threforiere  de  grace,efperahce  des  pé- 
cheurs, &c  par  plulieurs  autres  noms  fcmblables ,  on  luy  attribue  les  titres  qui  appartié- 
nent  feulement  au  Fils  de  Dieu,  comme  l'Efcriture  le  tefmoigne  en  plufieurs  lieux.car 
c  eft  luy  feul  qui  eft  Roy  du  ciel  &:  de  la  terrc,la  porte  de  la  vie  éternelle:  en  luy  feul  font 
tous  les  threfors  de  la  fageiTe  cekfte ,  &  toute  plénitude  de  grâce  :  luy  feul  eft  le  refuge 
des  pécheurs:  bref,  tout  ce  qui  appartient  au  1  alut  de  nos  ames .  Parquoy  en  attribuant 
tels  titres  à  la  Vierge,  il  y  a  trcfgrande  idolâtrie,  &  Dieu  y  eft  grandement  ofFenfé.  La  Luc,: 
Vierge  mefme  ne  demande  point  tel  honneur  *  fâchant  qu'il  eft  deu  au  feul  Dieu  créa- 
teur de  toutes  chofes^  non  à  la  creàture.Elle  ne  s'efleue  point  en  fon  faind  Cantique, 
mais  fe  contente  feulement  de  s'appeler  chambrière  du  Seigneur:  elle  fe  dit  bienheu- 
reufe,non  pas  à  raifon  de  fa  propre  vertu,mais  à  raifon  de  la  grande  mifericorde ,  &  des 
grandes  grâces  que  Dieu  luy  auoit  faites.  Elizabeth  pareillement  l'appelé  bien-lieu* 
reufe,non  point  pource  qu'elle  a  porté  le  Fils  de  Dieu  eh  fon  vétre  :  combien  que  cefte 
grâce  ait  efté  plus  grande  qu'on  ne  fàuroit  comprendre:  mais  d'autât  qu'elle  a  creu  à  ce 
qui  luy  à  efté  annoncé  de  l'Ange  par  le  commandement  du  Seigneur.Nous  luy  pouuôs 
&dcuons  bailler  l'honneur  que  la  parolle  de  Dieu  luy  baille,  larecognoiflant  pour  la  1^7. 
plus  heureufe  qui  ait  efté  iamais ,  ne  fera  entre  les  femmes:  pour  vne  tre/Taincte  vierge, 
de  h  quelle  la  virginité  cft  dertieurée  eh  l'ehfah  terhent,  &  deuant  &:  après.  Si  nous  luy 
baillons  plus  gras  hôneurs,nous  ofFenfonsDieu,&:  fommes  idolatres.car  il  ne  nous  faut 
aucunement  outre- paiTer  les  limites  qui  nous  font  côftituez  par  la  parolle  de  Dieu.  Pa- 
reillement l'honneur  qu'on  baille  auiourdhuy  aux  faintts,eft  du  tout  condamné  par  la 

Nui 


lÀwt^tllL  Hernéiïd  Seguin. 

NJat.7,  par  fa  parolle  ne  nous  enfeigne  que  deux  voyes,  afiTauoir  l'eïtroite  qui  mené  à  la  vie  etef 
nclle,  &:  la  large  qui  mené  à  perdition .  il  n'en  conftitue  point  de  troifieme.  Si  on  entre 
par  reftroite,il  ne  propofe  autre  chofe  que  la  vie  eternelle,laquelle  eft  exempte  de  tout 
torment.  Si  on  entre  par  la  large  >  il  n'y  a  autre  fin  que  la  géhenne  du  feu:  Par  l'exemple 

tus  i<  auflîdu  mauuais  riche  &:  duLàzare,il  ne  nous  propofe  que  la  condition  de  deux  maniè- 
res de  gens  après  la  mort:  affavrôirdes  fauuez&  des  damnez.  Siiamais  aucun  eufteu 

luav     befoin  d'aller  en  Purgatoire,  le  brigand  qui  fut  crucifié  aucc  Iefus  Chrift  l'adoit  :  toute- 

Uau  s-  fois  le  Seigneur  luy  dit,qu'il  ferait  en  ce  mefme  iour  auec  luy  enParadis.  S.Iean  dit,Qui 
croit  au  Fils  de  Dicu,il  a  vie  eternelle:&:  ne  viendra  point  en  condânation,  mais  eft  paf- 
fé  de  la  mort  en  la  vie.  Parquoy  ceux  qui  meurent,  il  faut  qu'ils  croyent  au  Fils  de  Dieu, 
ou  qu'ils  n'y  croyent  point.  S'ils  croyent,  ils  ne  vont  en  autre  lieu  qu'en  la  vie  éternelle: 

APoc.r4.  S  ils  ne  croyent,  le  feu  éternel  leur  eft  apprefté.  Aufïi,puis  que  ceux  qui  meurét  au  Sei- 
gneurie repofent:ils  ne  peuuét  c  ftre  en  Purgatoire,  où  il  n'y  a  que  tonner.  Des  reprou- 
uez,nul  ne  peut  niei  qu'ils  n'aillent  droit  à  la  gehéne  du  feu  éternel.  Le  Purgatoire  doc 
a  efté  controuue  contre  la  parolle  de  Dieu:  Se  confequemment  les  prières  pour  les  tref- 
paflez:veu  qu'en  toute  l'Efcriture  il  n'y  a  ne  commandement  ne  prome/Te  de  prier  pour 
les  morts:  combien  qu'en  iccllc  rien  ne  nous  foit  plus  diligemment  commande,  que  d'- 
exercer les  offices  de  charité  cnuers  les  viuans.il  eft  bien  vray  qu'on  talche  de  les  côfcr- 

t)u  Pape,  mer  parles  liures  des  Macchabees,mais  ils  font  apocryphes.  Quant  au  Papc,c'eft  cotre 
TEicriture ,  de  croire  qu'il  ibit  chef  vniuerfel  de  l'Egiiie  :  veu  qu'elle  n'en  parle  aucune- 

Ephcf.i.  mét:ains  par  tout  l'attribue  feulemet  à  Iefus  Chrift.Parquoy  fi  le  Pape  eftoit  chcfd'icel- 
Ici  il  faudrait  q  l'Eglife  fuft  vn  corps  monftrueux  qui  euft  deux  teftes.  S. Paul  dépeignât 
4  la  figure  de  l'Eglifc,ne  met  point  vniuerfelEuefquc  quelque  home  mortehmais  dit  que 
JefusChrift  gouuerne  fon  eglife  par  fes  miniftres.toutefois  ce  pafiage-la  requérait  bien 
(fi  la  vérité  euft  efté  telle)  qu  il  en  euftnômévn  qui  euft  eU  prééminence  pardefTus  les 
autres.  Quad  il  dit  qu'il  y  a  vh  Dieu,  vne  fby  &c  vn  Baptefme:  pourquoy  n  adioufte-il  vn 
Pape  corne  chef  minifterial,aihfi  qu'il  fe  n6me>  Au  mefme  lieu  S.Paul  côftituc  tous  les 
homes  du  mode  au  corps  de  l'Eglife  corne  mebres,  reièruant  l'honeur  &:  nom  de  chef  à 
ïefusChrift  feul.dauatage,il  attribue  à  chacun  mébre  certaine  mefure  &c  operatiô  hmi- 
tee,en  forte  que  la  fouueraine  puilTace  de  gouuerner  demeure  toufiours  à  Iefus  Chrrft. 
C'eft  dôc  luy  feul  qui  eft  le  chef  de  l'Eglife,&:  nô  point  le  Pape,pourUeU  qu'il  foit  home: 
côme  il  ne  peut  nier  qu'il  ne  le  foit.carcôbien  qu'il  fe  dife  eftre  lieutenat  de  Dieu  en  ter 
re,il  ne  l'eft  pas  pourtât.  Puis  q  Dieu  eft  prefent  en  tous  lieux,il  n'a  point  affaire  de  lieu- 
tenat:côme  les  Rois  mortels  en  ont  befoin ,  pource  qu'ils  ne  peuuent  eftre  prefens  par 
tout  le  royaume.Dauatage  c'eft  vne  grade  impudéce  à  luy,de  fe  dire  lieutenât  de  Dieu, 
auquel  il  n'eft  en  rien  femblable)8dequel  il  hait  mortellemét,tafchât  d'abolir  fa  doctri- 
ne en  perfecutât  fes  mébres,&  ceux  qui  libremét  le  côfeflent.S'il  veut  fauoir  quel  il  eft, 
qu'il  lifele  i.cha.  de  la  i.de  S.  Paul  àuxTheiT»  câr  il  y  verrâ  quels  beaux  titres  le  S.  Efprit 
luy  baille.Quat  à  ce  qu'on  tafche  de  prouuer  la  prééminence  du  Pape  fur  to9  les  autres, 
pource  que  S.Pierre,  duquel  il  eft  fuccefTeur(ainfi  qu'il  dit,côbien  qu'il  ne  luy  refemble 
aucunemét  ny  en  vie  ny  en  doctrine)a  eu  preeminece  fur  les  Apoftres,&:  a  efté  côme  le 
maiftre  d'iceux  après  la  mort  de  IefusChrift(felô  qu'ils  iafent,)c'eft  par  vne  chofe  faufTe 
qu'ils  le  preûuét:car  tat  s'en  faut  qu'il  fe  foit  côftitué  fuperieur  furies  autres,  ne  qu'il  ait 
efté  recognu  pour  rel  des  autres  Apoftres«,qu'il  fe  môftre  pluftoft  inférieur  àeux,en  leuf 

Afl.s.&n.  obei/Tant  quad  ils  le  veuletehuoyeren  quelque  lieu,  s'exeufant  humblemét  quad  il  eft 
reprins  par  eux. Pour  le  moins  il  fe  môftre  egal,&côme  côpagnon,ainfi  qu'il  appert  par 
plufieurs  lieux  de  l'Efcriture,&:  mefme  par  le  5xh.de  fa  1  .Epiftre:où  efcriuat  aux  autres 
Preftres,il  ne  leur  cômande  poit  par  authorité,  mais  les  fait  fes  côpagnons,&  les  exhor- 
te amiablementjcôme  il  fe  fait  où  il  y  a  equalité.  S.  Paul  aufli  ne  l'a  point  recognu  pour 
fuperieur,mais  pour  fô  côpagnon  en  vne  mefme  ceuure  du  Seigneur:  côme  il  teftific  au 
i.des  Gal.lequel  mefme  il  a  reprins  libremét. De  ce  q  le  Seigneur  s'eft  plusfouuent  ad- 

Marti.  17.  dreiTé  à  luy  qu'aux  autres  A poftres,&  plus  familiercmér,&  qu'après  famortilafaitdes 
a<^es  mcruc'^cux  cn  prefchât  conftâmentl'Euagiledc  Dieu,qu'il  eftoit  plusferuét 
auoit  plus  grâd  zele  q  les  autres,  c'eft  en  vaio  qu'on  tafche  parce  moyc-la  d'eftablir  la  fU 
perioriré  du  Pape,car  mefme  quad  il  feroitainfi  que  S.Pierre  euft  eu  preeminece  furies 
autres  A  poftres,qu'il  euft  efté  Euefque  àRomé(ce  q  toutefois  ne  fc  peut  nullemét  prou 
uer  par  l'Efcriture)cô  menimonftrera-il  qu'il  eft  fuccefteur  d'icelay  >  veu  qu'il  fait  tout 


'Bernard  Seguin.  srj 

le  contraire  cîe  ce  qu'il  die  &:  fait  ?  S.  Pierre  &:  S.  Paul  ne  veulent  point  auoir  feigneuric  i.Pier.f. 
fur  la  foy  des  hommes,  &c  ne  veulent  pas  que  les  vrais  Pafteurs  enayentrmais  le  Pape  lCor-1- 
fait  au  contraire,  fe  difant  auoir  domination  fur  la  confeience  des  hommes .  lefquels 
mefme  il  contraint  de  fuyure  la  foy  qu'il  tient,  tetoute  fon  eglifeauecluy»  Parquoy  c'- 
en: peine  perdue  de  debatre  que  le  Pape  ne  peut  eftre  prîcipal  entre  les  EÎicfques ,  puis 
que  luy-mefme  n'eft  nullement  Euefque  :  veu  qu'il  ne  repaift,  ne  fait  repaiftrele  trou- 
peau de  la  vraye  pafture,  qui  eft  la  parolle  de  Dieu,  comme  le  Seigneur  mefme  le  com- 
mande, &£  S.  Pierre  après  luy:  mais  feulement  de  fables  &menfonges,cn  faifant  pref-fc™ 
cher  ce  qui  eflcontrouué  des  hommes  contre  le  commandementdc  Dieu.  Puisdonc 
qu'il  eft  tel,  foneglife  ne  peut  eftre l'eglife de  Dieu:  ce  qui  appert  a/Tez  par  cefte feule 
raifon:  La  vraye  marque  de  TEglife,  après  la  pure  prédication  de  la  Parolle  &admini-  lams. 
ftration  des  Sacremens,  c'eft  qu'elle n'eft  iamais  fans  perfecutions.  Or l'cglifedu  Pape,  l  Tim  J' 
tant  s'en  faut  qu'elle  foitperfecutee,  que  c'eft  celle  quiaperfecuté  dés  long  temps  &c 
perfecute  encorcs  les  enrans  de  Dieu  ,  les  raifant  mettre  à  mort  cruellement,  &  les  li- 
urant  entre  les  mains  des  luges .  parquoy  elle  ne  peut  eftre  nullement  çglife  de  Dieu. 
Quant  aux  conftitutions  des  hommes,  S.  Paul  prononce  qu'il  n'eft  licite  que  les  con-  D«  cenfti.' 
feiences  foyent  aftreintes  à  icclles  :  Tenez- vous  (  dit-il  )  en  la  liberté  en  laquelle  Chrift  *1,c,cns  dc' 

i  i   •  n*         J    •      r       i    •         j    r  i  hommes. 

vous  a  appelez:  ne  vous  Jaillez  réduire  lousleiougdeferuitude,pourcc(  comme  il  dit  Gai.*.  ' 
ailleurs)  que  les  chofes  mefme  qui  ontapparence  de  fageffe,  font  friuolcs& vaines ,  fi  c°u-  . 
elles  viennent  des  traditions  des  hommes.  Pourtant  il  protefte  en  parlant  du  mariage,  *'  °1'7' 
qu'il  ne  veut  point  mettre  des  liens  furies  confidences.  Le  règne  donc  fpintuel  de  Ie- 
fus  Chrift  eft  viole,  &:  la  puiiîance  qu'il  a  furies  ames  luy  eft  oftee.quand  les  hommes  o- 
fene  tant  vfurper  que  d'alluiettir  les  côfciences  à  leur  loy.  Outreplus  c'eft  abomination 
deuant  Dieu,  de  luy  forger  vnferuice  lequel  il  ne  requiert  point,  ou  bien  le  femir  au 
plaifir  des  hommes:  comme  Ifaie  le  tefmoigne  quand  il  dénonce  la  vengeance  de  Dieu  ti*  *-»'. 
horrible  fur  le  peuple  dlfracl ,  d'autant  qu'ilhonnoroit  Dieu  félon  le  commandement 
des  hommcs:&  la  fentence  de  Icfus  Chrift  eft  commune,qu'en  vain  on  honnore  Dieu,  Mat  »f  • 
ayant  les  commandemens  des  homes  pour  do&ririe .  parquoy  rien  ne  peut  obliget  nos 
confeiences  que  la  parolle  de  Dieu  :  veu  qu'il  n'y  a  qu'vn  feul  Legiflateur(comme  dit  S. 
Iaqucs)lequelpcutfauuer& damner.  Cecy  n'empefche  point  qu'on  n'ayeen  reucren-  Ia<3u«4- 
ce  les  bonnes  mftitutions  qui  font  faites  par  les  hommes,  quad  elles  font  félon  la  parol- 
le de  Dieu  :  mais  quand  elles  font  telles ,  elles  ne  font  plus  au  nombre  des  conftitutions  D  ^ 
humaines,  mais  pluftoft  diuines.    Touchant  la  defenfe  du  mariage  &£  des  viandes  ,  S.  £  d„  ^i* 
Paul  en  la  première  a  Timothee,chap.  4,  appelé  cela  doctrine  des  diables  :  laquelle  il  a  rûgc. 
prédit  deuoir  eftre  prefehee  par  des  abufeurs&  feduéleurs.  Quant  au  manage,il  eft  dit 
aux  Hcbrieux ,  Mariage  eft  entre  tous  honnorablc,&  la  couche  fins  macule:mais  Dieu  Hib.13. 
iugera  les  paillards  6l  adultères.  Par  lequel  paftage  nul  n'eft  excepte ,  qu'il  ne  foit  loifl- 
blcde  fe  marier.  Dauantage  S.Paul  dit,  Pour  euiter  toute  pailîardife ,  qu'vn  chacun  ait  i.Cor.7. 
fa  femme ,  &  qu'vne  chacune  ait  fon  mary;car  il  vaut  mieux  fe  marier  que  bru  fier.  Puis 
tous  n'ont  point  le  don  de  côtinence,  comme  le  Seigneur  mefme  le  tcfmoigne.&  pour- 
tant le  mariage  eft  ncce/Taire  à  tous  ceux  qui  ne  fepeuuent  contenir,  &  permis  à  tous:  Mat.i*; 
comme  S.Paul  le  dcmonftreencorffSfen  d'autres  palTages.  Sainct  Pierre  mefme,  qui  e-  TltC1' 
ftoit  Apoftre,  a  efté  marié:comme  il  appert  parle  huitième  chapitre  de  S.Matthieu:où 
il  eft  dit  que  Icfus  Chrift  guérit  la  belle  mere  de  S.Pierre,  qui  eftoit  malade  de  Heure.  Et 
S.Paul  aux  Corinthiens  dit,  N'auons-nous  pas  puuTance  de  mener  partout  vne  femme  1  cor.*. 
fccur,ainfiqueles  Apoftres,&Cephas,&:lesfreresdenoftre  Seigneur?  Parquoy  ceux 
qui  ont  défendu  le  mariage ,  ont  fait  mefehamment  &:  cotre  Dieu:  &:  on  t  par  ce  moyen 
ouuert  la  porte  à  tant  de  paillardifes  &:  adultères  qui  fe  commettent  iournellemet:def- 
quels  ils  font  caufc,&  pour  iceux  feront  aufft  tormentez  plus  grieuement. Condamnas 
donc  le  mariage  comme  profane  &  pollu,ils  difent  toutefois  que  c'eft  vn  Sacrement.  &: 
ainfi  ils  fe  contredifent  eux  mefmes,  &:  monftrent  qu'ils  ne  fauent  qu'ils  font.  Quant 
à  la  defenfe  des  viandes,  S.  Paul  dit,  Que  nul  ne  vous  iuge  en  viande  ny  en  brcuuage.&  De  la  <kfen 


es  viaft- 


Iefus  Chrift  dit,  Que  ce  qui  entre  en  la  bouche  ne  fouille  point  Y  homme  .bref,  il  n'y  a  _ 
nulle  différence  des  viandes  corporelles  pour  la  confeience ,  ainh  que  l'Efprit  de  Dieu  Coi.i. 
le  tefmoigne  en  pluiîeurs  autres  paffages  outre  lesfufdits  :  comme  au  10.&  1 1.  des  Ad.  ^T1I  '4* 
au  6.de  la  première  aux  Corinth.&8.&:  10.  Parquoy  puisque  Dieu  aorte  la  différence 
des  viandes  qui  eftoit  en  la  Loy  ancienne ,  &  qu'il  en  a  permis  indifféremment  l'vfage 


£i«ro///.  "Bernard  Seguin. 

ÀJat.7,  par  fa  parolle  ne  nous  enfeignc  que  deux  voyes,  aflauoir  l'eltroitè  qui  mené  à  la  vie  eter 
nclle,  &  la  large  qui  mené  à  perdition .  il  n'en  conftitue  point  de  troiiieme.  Si  on  entre 
par  l'eftroite,ilne  propofe  autre  chofe  que  la  vie  eternelle,laquelle  eft  exempte  de  tout 
torment.  Si  on  entre  par  la  large  >  il  n'y  a  autre  fin  que  la  géhenne  du  feu.  Par  l'exemple 

tue  i«  auflïdu'mauuais  riche  &  duLàzare,il  ne  nous  propofe  que  la  condition  de  deux  maniè- 
res de  gens  après  la  mort:  afTairôir  des  fauuez&  des  damnez.  Siiamais  aucun  eufteu 

Lucij.     befoin  d'aller  en  Purgatoire,  le  brigand  qui  fut  crucifié  auec  Iefus  Chrift  l'adoit  :  toute- 

itau  s-  fois  le  Seigneur  luy  dit,qu'il  feroit  en  ce  mefme  iour  auec  luy  enParadis.  S.Iean  dit,Qui 
croit  au  Fils  de  Dieu,il  a  vie  eternellc:&:  ne  viendra  point  en  condanation,  mais  eft  paf- 
fé  de  la  mort  en  la  vie.  Parqxroy  ceux  qui  meurent,  il  faut  qu'ils  croyent  au  Fils  de  Dieu, 
ou  qu'ils  n'y  croyent  point.  S  ils  croyent,  ils  ne  vont  en  autre  lieu  qu'en  la  vie  éternelle: 

Apoc.r4.  S  ils  ne  croyent,  le  feu  éternel  leur  cil  apprefté.  Auih,puis  que  ceux  qui  meurét  au  Sei- 
gneurie repofent:ils  ne  peuuét  eftre  en  Puïgatoirc,  où  il  n'y  a  que  tonner.  Des  reprou- 
uez,nul  ne  peut  niei  qu'ils  n'aillent  droit  à  la  gehéne  du  feu  éternel.  Le  Purgatoire  doc 
a  efté  controuué  contre  la  parolle  de  Dieu:  bù  confequemment  les  prières  pour  les  tref- 
paiTez:vcu  qu'en  toute  l'Eicriture  il  n'y  a  ne  commandement  ne  promc/Te  de  prier  pour 
les  morts:  combien  qu'en  iceîle  rien  ne  nous  foit  plus  diligemment  commande,  que  d'- 
exercer les  offices  de  charité  enuers  les  viuans.ll  eft  bien  vray  qu'on  tafche  de  les  côfer- 

Du  Pape,  mer  parles  liures  des  Macchabees,mais  ils  font  apocryphes.  Quant  au  Papc,c'eft  cotre 
l'Eicriture ,  de  croire  qu'il  ibit  chef vniuerfcl  de  l'Eglile :  veu  qu'elle  n'en  parle  aucune- 

Ephef.i.    met:ains  par  tout  l'attribue  feulemét  à  Iefus  Chrift. Parquoy  fi  le  Pape  eftoit  chcfd'icel- 

E  "h-h  ^  ^  Adroit  4  lEgli^e  fuft  vn  corps  monftrueux  qui  euft  deux  teftes.  S:Paùl  dépeignât 
la  figure  de  l'Eglifc,nc  met  point  vniuerfelEuefque  quelque  home  mortehmais  dit  que 
IefusChrift  gouuerne  fon  eglife  par  fes  miniftres. toutefois  ce  paflage-la  requeroit  bien 
(fi  la  vérité  euft  efté  telle)  qu'il  en  euft  nômévn  qui  eufteu  prééminence  pardeHus  les 
autres.  Quad  il  dit  qu'il  y  a  vh  Dieu>  vnefoy  &c  vn  Baptefme:  pourquoy  n'adioufte-il  vn 
Pape  corne  chef  minifterial,aihfi  qu'il  le  nôme?  Au  mefme  lieu  S.Paul  côftitue  tous  les 
homes  du  mode  au  corps  de  TEglife  corne  mëbres,  referuant  l'honeur  &:  nom  de  chef  à 
IefusChrift  feul.dauatage,il  attribue  à  chacun  mébre  certaine  mefure  &:  operatiô  limi- 
tee,en  forte  que  la  fouueraine  puiiîace  de  gouuerner  demeure  toufiours  à  Iefus  Chrrft. 
C'eft  dôc  luy  fcul  qui  eft  le  chef  de  l'Eglife,&:  nô  point  le  Pape,pourUeu  qu'il  foit  home: 
corne  il  ne  peut  nier  qu'il  ne  le  foit.car  côbien  qu'il  fe  dife  eftre  lieutenât  de  Dieu  en  ter 
re,il  ne  l'eft  pas  pourtât.  Puis  q  Dieu  eft  prêtent  en  tous  lieux, il  n'a  point  affaire  de  lieu- 
tenat:côme  les  Rois  mortels  en  ont  beibin ,  pource  qu'ils  ne  peuuent  eftre  prefens  par 
tout  le  royaume.Dauatage  c'eft  vne  grade  impudece  à  Iuy,de  fe  dire  lieutenât  de  Dieu, 
auquel  iln'eft  en  rien  iemblable)Ôdequel  il  hait  morrellemét,tafchât  d'abolir  fa  doctri- 
ne en  perfecutât  fes  mébres,&  ceux  qui  libremêt  le  côfefTent^S'il  veut  fauoir  quel  il  eft, 
qu'il  lifele  i.cha.  de  la  i.de  S.  Paul  aux^ThefT»  câr  il  y  verrâ  quels  beaux  titres  le  S.  Efjjrit 
Juy  baille.Quat  à  ce  qu'on  tafche  de  prouuer  la  prééminence  du  Pape  fur  to9  les  autres, 
pource  que  S.Pierre,  duquel  il  eft  fuccefleurtainfi  qu'il  dit, côbien  qu'il  ne  luy  refemble 
aucunemét  ny  en  vie  ny  en  doctrine)a  eu  preeminéce  fur  les  Apoftres,&:  a  efté  corne  le 
maiftre  d'iceux  après  la  mort  de  IefusChrift(fel5  qu'ils  iafent,)c'eft  par  vne  chofe  faufle 
qu'ils  le  preûuét.car  tat  s'en  faut  qu'il  fe  foit  côftitué  fuperieur  fur  les  autres,  ne  qu'il  ait 
efté  recognu  pour  rel  des  autres Apoftres^qu'il  fe  môftre  pluftoft  inférieur  àeux,en  leur 

ÀÛ.8.&11.  obei/Tant  quad  ils  le  veulctehuoyeren  quelque  lieu,  s'excufanthumblemet  quad  il  eft 
reprins  par  eux. Pour  le  moins  il  fe  môftre  egal,&côme  côpagnon,ainfi  qu'il  appert  par 
plufieurs  lieux  de  J'Efcriture,&:  mefme  par  le  5xh.de  fa  1  .Epiftre:où  efcriuat  aux  autres 
Preftres,il  ne  leur  cômande  poît  par  authorité,  mais  les  fait  fes  côpagnons,&  les  exhor- 
te amiablement,côme  il  fe  fait  où  il  y  a  equalité.  S.  Paul  aufîi  ne  l'a  point  recognu  pour 
fuperieur,mais  pour  fô  côpagnon  en  vne  mefme  ceuure  du  Seigneur;  côme  il  teftifie  au 
i.dcs  Gal.lequel  mefme  il  a  reprins  libremét.De  ce  q  le  Seigneur  s'eft  plusfouuent  ad- 

Matth  if.  drefTé  à  luy  qu'aux  autres  A  poftres,&  plus  familiercmér,&  qu'après  fa  mort  il  a  fait  des 

Aûj.z.&l.  a&es  merueilleux  en  prefehat  conftâmentl'Euâgiledc Dieu,qu'il eftoit plusferuét 

auoit  plus  grad  zele  q  les  autres,  c'eft  en  vai©  qu'on  tafche  par  ce  moyé-la  d'eftablir  la  fU 
perioriré  du  Pape,car  mefme  quad  il  feroit  ainfi  que  S.Pierre  euft  eu  preeminéce  furies 
autres  A  poftres,qu'il  euft  efté  Euefque  à  Romé(ce  q  toutefois  ne  fc  peut  nullemét  prou 
uer  par  l'Efcriture)cô  ment monftrer a-il  qu'il  eft  fucccfleur  d'iceloy ,  veu  qu'il  fait  tout 


'Bernard  Seguin.  sij 

le  contrai  rc  de  ce  qu'il  dit  &  fait  ?  S.  Pierre  &:  S.  Paul  ne  veulent  point  auoir  feigneuri*  i.Pier.ç. 
fur  la  foy  des  hommes  ,  &c  ne  veulent  pas  que  les  vrais  Pafteurs  en  ayent  :  mais  le  Pape  tCot'u 
fait  au  contraire,  fe  difant  auoir  domination  fur  la  confcience  des  nommes .  lefquels 
mefme  il  contraint  de  fuyure  la  foy  qu'il  tient,  &  toute  Ton  eglifeauecluy*  Parquoy  c'- 
en: peine  perdue  de  debatreque  le  Pape  ne  peut  eilrc  prîcipal  entre  les  Eucfques ,  puis 
que  luy-mefmen'eft  nullement  Euefque  :  veu  qu'il  ne  repaift,  ne  fait  repaiftrele  trou- 
peau de  la  vraye  pafture,  qui  eft  la  parolle  de  Dieu,  comme  le  Seigneur  mefme  le  com- 
mande, &:  S.  Pierre  après  luy:  mais  feulement  de  fables  &menfonges,cn  faifant  pref- fc"  in 
cher  ce  qui  cil  controuué  des  hommes  contrele  commandementdc  Dieu.  Puis  donc 
qu'il  eft  tel,  foneglife  ne  peut  eftre  l'eglife  de  Dieu:  ce  qui  appert  a/Tez  par  cefte  feule 
raifon:  La  vraye  marque  de  TEglife,  après  la  pure  prédication  de  la  Parolle  &admini-  ieaoïtf. 
ftrationdesSacrcmens,  c'eft  qu'elle  neftiamais fans perfecutions. Orl'eglifedu  Pape,  l  Tlm 
tant  s'en  faut  qu'elle  l'oit  perfecutee ,  que  c'eft  celle  qui  a  perfecuté  dés  long  temps  &c 
perfecute  encores  les  enfans  de  Dieu,  les  faifant  mettre  à  mort  cruellement,  &  les  li- 
urant  entre  les  mains  des  luges .  parquoy  elle  ne  peut  eftre  nullement  oglife  de  Dieu. 
Quant  aux  conftminons  des  hommes,  S.  Paul  prononce  qu'il  n'eft  licite  que  les  con-  Des  conftù 
feiences  foyent  ail  teintes  à  icelles  :  Tenez-vous  (  dit-il  )  en  la  liberté  en  laquelle  Chrift  Jo^*,410' 
vous  a  appelez:  ne  vous  laiflez  réduire  fousleiougdcferuitude,pourcc(  comme  il  dit  Gal.f. 
ailleurs)  que  les  chofes  mefme  qui  ont  apparence  de  fagefTc,  font  friuoles&;  vaines ,  fi 
elles  vienne  nt  des  traditions  des  hommes.  Pourtant  il  protefte  en  parlant  du  mariage,  °r'7* 
qu'il  ne  veut  point  mettre  des  liens  fur  les  confidences.  Le  règne  donc  fpintuel  de  Ie- 
fus  Chrift  eft  violé,  &c  la  puiifance  qu'il  a  fur  les  ames  luy  eft  oftee.  quand  les  hommes  o- 
fent  tan  t  vfurper  que  dalfuiettir  les  côfciences  à  leur  loy.  Outreplus  c'eft  abomination 
deuant  Dieu,  de  luy  forger  vnferuice  lequel  il  ne  requiert  point,  ou  bien  le  femir  au 
plaifirdes  hommes:  comme  Ifaie  le  tefmoigne  quand  il  dénonce  la  vengeance  de  Dieu  ik.i*.' 
horrible  fur  le  peuple  dlfracl ,  d'autant  qu'ilhonnoroit  Dieu  félon  le  commandement 
des  hommes:^  la  fentence  de  Icfus  Chrift  eft  commune,qu'en  vain  on  honnore  Dieu,  Mat  'ï- 
avant  les  commandemens  des  homes  pout  doctrine .  parquoy  rien  ne  peut  obliget  nos 
confeiences  que  la  parolle  de  Dieu  :  veu  qu'il  n'y  a  qu'vn  feul  Legiflateur(comme  dit  S. 
Iaqucs)lcqucl  peut  fauuer&:  damner.  Cecy  n'empefche  point  qu'on  n'ayeen  reueren-  Ia<3u"4- 
ce  les  bonnes  mftitutions  qui  font  faites  par  les  hommes,  quad  elles  font  félon  la  parol- 
le de  Dieu  :  mais  quand  elles  font  telles ,  elles  ne  font  plus  au  nombre  des  conftitutions  ^  ^  ^ 
humaines,  mais  pluftoft  diuines.    Touchant  la  defenfe  du  mariage  &£  des  viandes  ,  S.  fcduma-D 
Paul  en  la  première  a  Timothee,chap.  4,  appelé  cela  doctrine  des  diables  :  laquelle  il  a 
prédit  deuoir  eftre  prefehee  par  des  abufeurs  &c  fedueteurs.  Quant  au  managc,il  eft  dit 
aux  Hcbricux ,  Mariage  eft  entre  tous  honnorablc,&  la  couche  fins  maculc:mais  Dieu  Hibi*. 
iugera  les  paillards  &l  adultères.  Par  lequel  paffage  nul  n'eft  excepté ,  qu'il  ne  foit  loifi- 
ble  de  fc  marier.  Dauantage  S.Paul  dit,  Pour  euiter  toute  pailiardife ,  qu'vn  chacun  ait  i.Cor.7. 
fafemme ,  &;  qu'vne  chacune  ait  fon  mary:car  il  vaut  mieux  fe  marier  que  brufler.  Puis 
tous  n'ont  point  le  don  de  côtinence,  comme  le  Seigneur  meime  le  tefmoigne.&:  pour- 
tant le  mariage  eft  nece/Taire  à  tous  ceux  qui  ne  fepcuuent  contenir  ,&:  permis  à  tous:  Mat.i?; 
comme  S.Paul  le  demonftreencoresen  d'autres  paffages.  Sainct  Pierre  mefme,  qui  e-  TltcI" 
ftoit  Apoftre,aefté  marié:commeii  appert  parle  huitième  chapitre  dcS.Matthieu:où 
il  eft  dit  que  Icfus  Chrift  guérit  la  belle  mere  de  S.Pierre,  qui  eftoit  malade  de  Heure.  Et 
S. Paul  aux  Corinthiens  dit,  N'auons-nous  pas  punTance  de  mener  par  tout  vne  femme  1  cor.*. 
fœur,ainfiqueles  Apoftres,&  Cephas,&:  les  frères  de  noftre  Seigneur?  Parquoy  ceux 
qui  ont  défendu  le  mariage,  ont  fait  mcfchamment&:  cotre  Dieu:  &c  ont  par  ce  moyen 
ouuert  la  porte  à  tant  de  paillardifes  &c  adultères  qui  fe  commettent  iournellemet:def- 
quclsils  fontcaufc,&  pour iceux  feront  auffitormentez  plus grieuement. Condamnas 
donc  le  mariage  comme  profane  &  pollu,ils  difent  toutefois  que  c'eft  vn  Sacrement.  &: 
ainfi  ils  fe  contredifen  t  eux  mefmes,  &:  monftrent  qu'ils  ne  fauent  qu'ils  font.  Quant 
à  la  defenfe  des  viandes,  S.  Paul  dit,  Que  nul  ne  vous  iuge  en  viande  ny  en  brcuuage.&:  De  la  defen 
Iefus  Chrift  dit,  Que  ce  qui  entre  en  la  bouche  ne  fouille  point  l'homme  .bref,  il  n'y  a  Jf^1"  viaft- 
nulle  différence  des  viandes  corporelles  pour  la  confcience,  ainfi  que  l'Efprit  de  Dieu  C0I.1. 
le  tefmoigne  en  pluficurs  autres  partages  outre  les  fufdits  :  comme  au  10.  &  1 1.  des  A  et.  j^™"'4* 
au  6.de  la  première  aux  Corinth.&:8.&:  10.  Parquoy  puis  que  Dieuaofté  la  différence 
des  viandes  qui  eftoit  en  la  Loy  ancienne,  Se  qu'il  en  apermis  indifféremment  l'vfage 


^Bernard  Seguin. 


aux  hommes,  ceux-là  ont  efté  par  trop  arrogans>  qui  ont  ordonné  loix  nouuclles,  pour 
i>uiirfhc.  abolir  la  liberté  permife  de  Dieu.     Leslufnes  des  Papiftes  font  totalement  contre 
Dieu  en  la  forte  qu'ils  le  font,  encore  qu'il  n'y  euft  autre  chofe  que  l'opinion  qu'ils  ont 
de  meritergrandement  en  ce  faifant.Le  vray  Iufne  des  Chrcfticns  n'eft  point  détermi- 
né en  certains  îours .  carroute  laviedes  fidèles  n'eft  qu'vn  iufne.  d'autant  qu'en  tout 
temps  ils  tai'chentde  viurefobremcnt.  Deiumer  vniour  &  s'adonner  l'autre  à  toute 
Matib.tf.   gourmandife,  ce  ne  II  qu'vne  moquerie  de  Dieu.  Le  iufne  donc  eftvnechofe  faindc* 
quâd  il  cft  fait  pour  mortifier  plus  fa  chair  pour  fe  préparer  mieux  àoraifon  :  &c  pour  les 
autre  s  fins  qui  font  contenues  en  la  famdc  Efcriture.  Ileft  commandé  de  Dieu:  mais 
non  plus  en  vn  iour  qu'en  fautrecar  le  temps  de  iufncr  cft  laii'îé  en  la  liberté  de  chacun 
fidèle,  pour  en  vfer  quand  il  cognoift  qu'il  en  a  befoin  pour  les  fins  fufditcs.  Lacouftu- 
me  doneques  des  Papiftes ,  de  commander  de  iufncr  en  certain  iour  fur  peine  de  péché 
mortel  (comme  ils  difcncjcft  totalçment  contre  Dieu.  Et  pareillement  l'inftitution  du 
icfra?^   Quarcfme  :  lequel  a  efté  inftitué  par  vn  Pape  nomme  Tclcfphore  (  côme  il  c  ft  tout  cer- 
tain par  les  hiftoircs)&  non  point  par  les  Apoftres ,  comme  fauifcmët  on  leur  attribue. 
Des  Sacre-  Quant  aux  Sacrcmcns ,  les  Papiftes  difent  bien  qu'il  y  en  a  fept  :  mais  il  cft  tout  certain 
TOenS'       qu'il  n'y  en  a  que  deux  qui  ayent  efté  inftituez  de  Dicu,&  qui  foyent  communs  à  toute 
fon  eghié:alfauoir  ie  Baptcfme  &:  la  Cene  .car  encores  que  les  Apoftres  ayent  vfc  de  l- 
fitin^ics"  im  F °^tIon  ^cs  mains, &:  de  l'ondion, qu'ils  appelent  extrême,  ce  n'a  efté  que  pour  plus 
m.uni,  se  grande  confirmation  de  la  dodrinc  de  l'Euangile,  laquelle  eftoit  pour  lors  nouuelle.Ils 
F.xtnm:    onc  [,jcn  par  l'impoiition  des  mains  diftribue  les  grâces  du  S.Elprit ,  ôc  par  fonction  dô- 
néguerifon  à  plulieurs  malades  en  inuoquant  le  nom  de  Iefus:maisces  dos  ne  font  que 
temporels,  pourferuir  à  plus  grande  amplification  &  confirmation  de  l'Euangile,  lcf- 
quelsont  ccJïe  incontinent  après  la  mort  des  Apoftres.  Maintenantceux  qui  veulent 
retenir  ces  lignes,  n'ont  nulle  promeife  de  pouuoir  conférer  la  grâce  du  S.  Eiprit,ne  de 
donner  le  dondeguenf:  n  en  vfantdcfditsfgncs,  côme  auoyent  les  Apoftres.car  com- 
ment au  royent-ils  le  don  de  bailler  famé  aux  malades  par  l'onction  ,  quand  ils  ne  les  oi- 
gnent linon  quand  ils  iettent  défia  les  foufpirsdc  la  mort  r&ainli  ceux  qui  vient  des  li- 
gnes fans  la  vérité  ne  font  point  imitateurs:  mais  feulement  linges  des  Apoftres.il  n'y  a 
uu  Baptei-  jonc  qlie  Jcux  Sacrcmens,  le  Baptcfme  &  la  Cene.    Le  Baptcfme  nous  eft  comme  v- 
ne  entrée  en  f  Eglifc  de  Dieurainli  que  la  Orconciiiort  eftoit  aux  Iuifs.  Le  commande- 
ment de  fadminiifrcr  eft  baillé  aux  Apcftresparle  Seigneur:  mefmequand  il  leur  dit, 
Matth.18.  Allez  &£  endodrinez  toutes  gens,  les  baptizans  au  nom  du  Pere,  du  Fils,  &  du  S.  Efprit. 
Ccluy  qui  adioufte  outre  le  iigne  de  l'eau  en  âdminiftratle  Baptefme,le  feu, le  crachat, 
&:  autres  tels  fatras,  n'a  pas  eftimé  S.Iean  Baptifte ,  ne  mcfme  le  Fils  de  Dieu  afTez  fage. 
parquoy  il  y  a  grand  mefpris  cotre  luy.&  aufli  tout  ce  quiy  eft  adioufté ,  doit  eftre  reiet- 
té.  Du  fel,de  l'eau  bcnite,côme  ils  vient  en  baptifant,il  n'en  eft  point  parlé  au  nouucau 
Matih.j.     Tcftament.  mais  il  eft  dit  que  Iean  baptifoit  auprès  du  fleuue  de  Iordain,qui  eftoit  vne 
acïcs  g.     gra  Jc  riuicre:&:  que  Philippe  baptiza  l'Eunuque  de  la  roine  Candace  à  la  première  eau 
qu'il  trouua.lefquelles  eaux  eftoyent  communes,&  non  point  enchatees  comme  celles 
qu'ils  garder.  Puisqu'elles  eftoyétfandifieesdc  Dieu  côme  toutes  les  autres  créatures, 
elles  eftoyét  plus  bénites  que  la  leur  ne  fauroit  eftrr  ^L'opinion  qu'on  tiét  aufli  des  pe-  . 
titsenfans  qui  meurent  deuantqu'eftre  baptizez,qu'ilsfont  damnez, ou  pour  le  moins 
priuez  de  la  viiion  de  Dieu(  li  cela  fe  peut  faire  fans  eftre  damnez)eft  mefehante  &:  fauf- 
ï'e.Car  par  ce  moyé  on  neftime  pas  Dieu  aiîéz  puiifant  de  iauuer  ceux  que  bon  luy  fem- 
ble,  s'il  n'vfe  des  moyens  inférieurs  qu'il  a  ordonnez.  Et  ont  attaché  le  falut  d'iceux  à 
vn  peu  d'eau,  qui  eft  vn  clément  corruptible:au  lieu  qu'on  deuroit  côfiderer  lapromef- 
fe  qui  rft  faite  à  tou  s  fidèles  &  à  toute  leur  femenec ,  en  la  perfonne  d'Abraham,  quand 
GcD.17.     jj  iUy  dit  Je  fcray  ton  Dieu  8c  le  Dieu  de  ta  fcmence:&:  ce  qu'anciennement  Dieu  appe- 
lent tous  les  enfans  qui  nailTbycnt  du  peuple  d'Ifrael ,  fiens ,  comme  il  eft  contenu  en  E- 
F./cch  17.   zechïelr&ccqueS.  Paul  dit,  quclesenfansdcsfidedesnaiiTentfaindSjcftansmeimes 
ilnm  1'    knftificz  au  vétre  de  leurs  mercs,comme  nous  lifons  de  Ieremie,  &  de  S.Iean  Baptifte: 
Luc  r.       lequel  comme  ainli  foit  qu'il  baptifoit  les  autres ,  toutefois  on  ne  lit  point  qu'il  ait  efté 
Matih.3.    baptifé.Côbien  donc  que  le  Seigneur  ait  inftitué  leBaptefmc,côme  vn  moyeu  pour  in- 
troduire les  enfans  en  fon  Eglifc,&  amener  fînalemet  àfalut:toutefois  il  ne  s'enfuit  pas 
qu'en  cas  de  neceftité  il  ne  puilfe  iauuer  par  autre  moyé,felô  qu'il  eft  tout  puiflant,ceux 
aufqls  il  ne  fait  poït  la  grâce  de  viure  pour  pouuoir  receuoir  le  Sacreméc  du  Baptcfme. 


'Bernard  Seguin.  214. 

La  Cene  eft  vn  Sacremet  inftitué  du  Seigneur,  par  lequel  il  veut  faire  office  de  vray  Pe-  De  U  Cm\ 
re  enuers  nous,  en  nourrilfant  non  feulement  nos  corps,  mais  aufli  nos  ames  de  fa  chair 
&:  de  fon  fang ,  qui  font  vraye  viande&:  breuuage  d'iccllcs .  ce  qu'il  fait  quand  par  vraye 
foy  nous  eleuons  nos  cœurs  au  ciel  pour  contempler  Iefus  Chrift  eftant  àladextre  au 
Pere,  &:  reduifons  en  mémoire  la  mort  &:  pafîîon  d'iceluy ,  par  laquelle  nous  auons  efté 
rachetez.  Nous  Comuniquons  donc  vrayement  au  corps  &c  au  fang  de  noftre  Seigneur 
Iefus  en  ce  Sacrcment,quànd  par  vrayefoy  nous  prenons  le  pain  &  le  vin,qui  nous  font 
en  iceluy  propofez  pour  lignes. Pourtant  la  traniTubftantiation  eft  totalement  contrai-  Tran/Tub- 
ic  àl'inftitution  de  la  fain&eCene  du  Seigneur  :  &  a  efté  inuentee  par  le  diable,  &:  efta-  ftjntlJtio^ 
bïîe  par  ceux  qui  ont  efté  poiTcdeï  &  menez  de  fon  efprit  au  cocile  de  Latran  à  Rome, 
comme  il  eft  certain.  Le  pain  donc  qui  eft  en  la  Cene ,  ne  peut  eftre  le  corps  de  Iefus 
ChriftjCommedifent  les  Papiftes:  car  premièrement  cela  contreuient  aux  articles  de 
la  foy,aufquels  nous  confeflbns  qu'il  eft  reftiifcité,  qu'il  eft  monté  aux  cicux-,&  eft  alîîs  à 
la  dextre  de  Dieu  le  Pere,  &C  que  de  là  viendra  iuger  les  vifs  &c  les  morts.  Il  eft  donc  à  la 
dextrede  fon  Pereauciebcommci!  eft  dit  en  plusieurs  lieux  du  rrouucau  Teftamet,af- 
fauoirau  fezieme  de  S.Marc,  au  vingtquatriemedeS.  Luc:  au  premier,  fécond,  troilie- 
me,fcpticmedcs  A£tes,au  huitième  des  Romains,  Ephcliens  r,  Coloiîicns  3,Hebrieux 
i.4.9,&:  io:en  la  première  de  S.Pierre,au  j.Mefmement  aux  Actes  il  eft  dit,  Qu'il  faut 
que  le  ciel  reçoyue  Iefus  Chrift  iufques  au  téps  de  la  reftauranon  de  toutes  chofes.  Par- 
quoy  fon  corps  eft  là  fculemét:la  prefence  duquel  eft  du  tout  abfentc  de  nous ,  comme 
mefme  il  le  tefmoigne  par  fa  parolle,difanr,  Vous  aurez  toufiours  les  poures  auec  vous,  Mat.i*. 
mais  vous  ne  m'aurez  pas  toufiours .  où  il  eft  certain  qu'il  ne  parle  que  de  la  prefence  de  ™uc 
fon  corps.il  dit  auflï  en  S.  lean^  le  ne  vous  ay  point  dit  ces  chofes  dés  le  commencemét,  ican  ïe. 
pource  que  i'eftoye  auec  vous. Or  maintenat  ie  m'en  vay  à  ceiuy  qui  m'a  enuoyé  :  pour- 
ce  qu'il  eft  expédient  que  ie  m'en  voifercar  fi  ie  ne  m'en  vay ,  le  Confolateur  ne  viendra 
point  à  vous:&:  fiie  m'en  vay,  ie  ie  vous  chuoyeray.En  vn  autre  lieu  il  dit, Maintenant  ie 
ne  fuis  plus  au  monde,  &:  ils  font  au  monde ,  &:  ie  vien  à  toy.  Par  tous  ces  paifages  il  ne  Icjn 
parle  que  de  fon  corps,lequel  il  deuoit  eleuer  au  ciel,quâd  après  eftre  reiTufcité,&auoir 
fumfamment  manitefté  fâ  refurre&ion,  il  y  deuoit  monter  vihblement&:  deuant  tous. 
S.  Paul  mefme  dit  ainii,Encore  que  nous  l'ayons  cognu  félon  la  chairtoutefois  mainte-  1  ■Cor-ï- 
nant  nous  ne  le  cognoiilbns  plus.  Le  corps  donc  de  Iefus  Chrift  n'eft  en  autre  lieu  qu'à 
la  dextre  de  Dieu  fon  Pere .  dont  il  s'enfuit  qu'il  ne  peuc  eftre  fous  le  pain  de  la  Cene,  &c 
ce  pain  nepeuteftre  lecorpsdelems  Chrift.  Car  vn  vray  corps,  comme  le  corps  de  Ie- 
fus Chrift,nc  peut  eftre  qu'en  vn  lieu  en  vn  mefme  temps. toutefois  il  faudroit  qu'il  fuft 
en  vn  mefme  inftant  en  cent  mille  lieux,  s'il  eftoit  fous  le  pain:  ce  qui  eft  impoffible.car 
cobien  que  le  corps  de  Iefus  Chrift  foit  glorifié  &:  immortel,^:  qu'il  ait  perdu  toutes  les 
qualitcz  qui  procèdent  de  la  corruption  de  péché,  c'eft  à  dire  qu'il  ne  foit  plus  fuiet  aux 
paillons  &C  inhïmitez  humainesjcomme  il  eftoit  cependant  qu'il  a  efté  en  cefte  vie:  tou- 
tefois il  n'a  pas  perdu  les  qualitez  qui  font  propres  &:  infeparables  à  la  nature  d'vn  vray 
corps. qui  font  d'eftre  en  vn  lieu  feulement  en  vn  mefme  temps,&  auoir  certaine  quan- 
tité. Dauantage  puis  que  le  corps  de  Iefus  Chrift  eft  incorruptible  &:  glorieux:  &  qu'il 
eft  tout  certain  que  le  pain  qui  eft  en  la  Cene,  fe  corrompt  &c  fegaftepat  fuccelîlon  de 
temps-.comment  pourra-il  eftre  le  corps  de  Iefus  Chrift  ;  En  outre,  puis  qu'il  faut  qu'en 
tous  Sacremens  il  y  ait  ligne  viiible,qui  reprefente  la  vérité  inuifible  qui  nous  eft  dônee 
fous  lefdits  lignes,  &r  que  la  Cene  eft  Sacremét:ilfaut  qu'en  icelle  le  femblablc  foit  fait. 
Il  faut  donc  que  fous  le  pain  &:  le  vin,  qui  font  lignes  de  la  Cene,  la  vérité  nous  foit  don- 
née .  &C  pou  rtant  faut-il  qu'ellefoit  diftinguee  des  fignes.Et  auili  le  pain  ne  peur  eftre  le 
corps  de  Iefus  Chrift. car  s'il  eft  ainli ,  il  n'y  aura  aucun  ligne  en  la  Cene  :  veu  q  ue  ce  qui 
doit  feruir  de  ligne,  fera  la  vérité.  Dauantage,  comme  l'eau  qui  eft  pour  le  ligne  viiible 
au  Baptefmc ,  n'eft  conuertie  en  autre  chofe  :  au/Iî  le  pain  en  la  Cene  ne  peut  eftre  con- 
iicrtv  au  corps  de  Iefus  Chrift,  veu  que  la  Cene  eft  par  mefme  raifon  Sacrement  que  le 
Baptefme.  Outreplus,  li  le  pain  eft  conuerty  au  corps  du  Seigneur,  cela  fefait  par  la 
Vertu  de  ces  parolles  qu'ils  appelent  Sacramcntales  :  aifauoir,  Cecy  eft  mon  corps ,  qui  Mat.zis. 
eft  liuré  pour  vous.  Orcesparollesnes'adrelîentpoint  au  pain  ny  au  vin:  mais  à  ceux 
aufquelsilcftcommandc&:dit,Prenez&:mangez.carlapiomcirenes'adreiîe  à  autres 
qu'à  ceux  aufquels  eft  fait  le  commandement.  Parquoy  telle  conucrlion  ne  fe  peut  fai- 
re en  veitudc  ces  parolles  fufdites.  Lacouftumequiacfté  introduite  de  priucr  les  gens 


Liwt-j  Ifl  Bernard  Seguin. 

qu'on  appelé  Laies,  du  calice,eft  mefehante  ô£  cÔtre  Dieu,  car  le  Seigneur  a  dit  eyprcC- 
Matth  i«.  l'ément  en  baillant  le  calice,  Beuuez  tous  de  cecyiEt  S.Paul  teftifie  qu'il  a  ainii  cnfeigné 
i   w.ii.    aux  Corinthiens,  félon  qu'il  auoit  receu  du  Seigneur.  Parquoy  pour  eftre  faits  partici- 
pans  du  corps &:  du  fang  du  Seigneur,  il  n'eft  ia  befoin  qu'il  foit  enclos  ibus  le  pain  &:  le 
vin:  car  encore  que  le  corps  de  lefus  Chrift  (bit  au  ciel ,  toutefois  par  la  tby  &:  par  la  ver- 
tu du  S.  Eiprit ,  qui  peut  conioindre  les  chofes  feparees  par  moyens  incomprchétibles, 
nous  communiqués  à  iceux.  Ces  pârolles  donc,  Cecy  eft  mon  corps,  doyuent  eftre  en- 
Exo.'i.     tendues  par  figures ,  côme  l'Agneau  du  paifage  eft  appelé  Paffage  du  Seigneur,  côbien 
iXor.io.    qu'il  n'en  fuft  que  le  ligne  :  &:  la  Pierre  eft  appelée  Chrift,  duquel  elle  n'eft  que  la  figure. 

Quant  à  la  Méfie,  laquelle  on  dit  eftre  de  l'inftitution  de  lefus  Chrift,  &  eftre  vn  facnfl- 
ce  vtile  &c  proufitable  pour  les  viuans  &:  trefpailez:cela  eft  du  tout  faux  &:  contre  la  pa- 
Mmh.i6.  rollc  de  Dieu .  car  l'inftitution  de  lefus  Chrift  contient  qu'on  prenne  &:  qu'on  mange, 
non  pas  qu'on  offre .  pourtant  le  facnfîce  n'eft  point  de  l'inftitution  de  Chrift  :  mais  ré- 
pugne directement  àl't  ncontre.  Dauantage,  ça  efté  l'office  de  lefus  Chrift  feul  de  s  of- 
Hebr.io.  {rir  foy  mefme,  com  tue  dit  l'Apoftre,  Qu'il  a  fan&ifié  les  fiens  à  perpétuité  par  vne  feu- 
le oblation.  Item,  Il  eft  apparu  vne  fois  en  s'offrant  foy-mefme.  Item ,  Que  depuis  que 
cefte  fan&ification  a  efté  parfaite,  il  ne  refte  plus  d'oblation  :  car  auffi  pour  cefte  caufe 
ilaeftéconftitué  Preftre  félon  l'ordre  de  Melchifedec,  fans  fucceffeui  ne  compagnon, 
lefus  Chrift  donc  eft  defpouillé  de  l'honneur  de  fa  facrificature,  quand  l'authorité  de  1- 
offrir  eft  transférée  aux  autres  non  feulement  pour  réitérer  le  facrifice  qu'il  a  fait,  mais 
aufti  pour  le  renouucler,ou  ratifier,  ou  en  faire  application.  Finalement  nulne  doit  v- 
Hcbr  <.  ftirper  ccft  honneur,  finon  qu'il  y  foit  appelé  de  Dieu,comme  dit  l'Apoftre.  or  on  ne  lit 
point  que  nul  autre  y  foit  appelé  que  Chrift.  D'autre  part,  comme  ainii  foit  que  la  pro- 
meffe  qui  eft  en  ces  parolles,Cecy  eft  mon  corps  qui  eft  liuré  pour  vous,s  adreffe  à  ceux 
qui  communiquent  au  Sacrement,  l'vtilité&  la  valeur  ne  peut  appartenir  nullement 
aux  morts ,  veu  qu'ils  n'y  peuuent  cômuniquer  :  îoint  au/fi  que  le  huict  de  la  Meffe,qu  - 
ils  difent  paruenir  aux  morts,  eft  fondé  fur  le  Pu  rgatoue,lequel  a  efté  inuenté  contre  le 
commandeme  nt  de  Dieu.  &  par  ainii  il  n'y  a  point  vn  tel  Purgatoire  que  les  homes  ont 
forgé.aufli  les  morts  ne  peuuent  auoir  vn  tel  profit  de  la  Méfié  comme  ils  difent. 

^Vcu  a  ce  que  ie  tien  quant  aux  articles  qui  font  pour  le  iourdhuy  en  différent, 
vous  pouuez  voir  que  ic  ne  dy  rien  de  ma  tefte  :  ains  prouue  tout  par  la  parolle  de  Dieu, 
felô  la  grâce  qu'il  m'a  faite.  Si  toutefois  fans  vous  arrefter  à  tout  cela,  tafehez  de  procé- 
der contre  moy  comme  eftant  conueincu  d'herefie ,  ainfi  qu'à  tort  pour  tel  ay  efté  long 
téps  y  a  déclaré:  prenez  garde  que  ce  ne  foit  au  danger  de  vos  ames ,  de  pourfuyure  par 
moyen  défendu  de  Dieu,  celuy  qui  ne  met  en  auant  que  fa  parolle.  Car  mefme  quâd  ic 
feroye  heretique(dequoy  ie  louë'Dieu  qu'il  m'en  a  exépré)toutefois  ce  n'eft  pas  le  moyé 
pour  me  faire  laiffer  les  opiniôs  par  lefquelles  ie  feroye  tel, de  me  punir  de  mort. Mais  ie 
remets  le  tout  à  la  bône  volôté  de  Dicu,le  priât  qu'il  luy  plaife  me  donner  patiéce  pour 
endurer  de  bo  cœur  tout  ce  qu'il  luy  plaira  de  m'éuoyer ,  &  ce  au  nom  de  fon  Fils  noftrc 
Scigneur,auquel  auec  le  S.Efprit  foit  hôneur, gloire  &empire  eternellemét,  Alfi  foit-il. 

Epiftre  duefit  Bernard  Seguin  enuoyfe  à  vn  (îcn  amy:en  laquelle  eft  contenue  vne  chofe  digne  de  mémoire  ,  touchant  la 
cornu  rfion  miracuieufed'vn  brigand  nommé  Iean  Chambonrlequel  eftant  en  te  nebres  horriblej  &  du  corps  &dc 
1  Vfprit,a  entendu  la  douce  voix  de  l'Euangile ,  cV  a  efté  conueny  à  la  vrayecognoiflaoce  par  le  moyen  de  Pierre 
Berger  &  des  autres  prifonmers  pour  la  parolle  Je  Dieu. 

^  A  prefente  fe  ra  pour  vous  aduertir,  que  celuy  pour  la  querelle  duquel  nous  fom- 
ies  captifs ,  nous  fait  de  iour  en  iour  fentir  plus  viuement  fa  grande  bonté  &c  fa- 
ueur  plus  que  paternelle ,  de  laquelle  il  luy  plaift  vfer  enuers  nous  :  en  forte  qu'eftant 
par  la  grâce  d'iceluy  pourueus  de  ce  qui  eft  neceffaire  pour  fubuenir  aux  nccefîitcz  cor 
poi  elles, n'auons  de  rien  plus  grand  befoin  que  deconfolation  &  fortification.Non  pas 
que  nous  en  foyonsdcftituez:car  nous  pouuons  dire  deuant  Dieu, que  depuis  le  iour  & 
l'heure  qu'il  luy  pleut  nous  ouurir  la  bouche  pour  cÔfeffer  fon  faincf  nom,  nous  auons 
fenty  en  nous-mefmes  grandes  &  merueilleufesconfolations:  mais  d'autat  qu'il  eft  ne- 
ceffaire  qu'on  le  renforce  toufiours  de  plus  en  plus  des  armures  qui  font  les  plus  fortes 
&  les  plus  propres  pour  repouflér  les  aifauts&  durs  alarmes  de  celuy  auec  lequel  nous 
auons  à  combatre.  Car  iamais  on  ne  fauroit  eftrctrop  bien  armé  pour  batailler  contre 
fontnnemy:  d'autant  que  celuy  qui  fait  la  guerre,  eftnon  feulement  fort  &rpuiifanc 
mais  aulfi  fin  &c  cauteleux,  &c  dont  il  fe  faut  garder  d'eftre  furprinsàdefpourueu.  Le 

prin- 


^Bermrd  Seguin.  ë/jr 

principal doncques  nous  auonsl  faire  pendant  les  treues  quf  rioûsforit  données,  c'-  Treue»  fôf 
eft  de  noUs  fortifier  toufiours  dauantigejmefniemcnt  de  ce  cofté  duquel  nous-hôus?  <Jow»ci 
pouuons  fentir  plus  foibIes:afin  que  quandlafTaut  nous  fera  donné,  duquel  nous  riefa-  f  huft  fct? 
uons  ne  le  iour  ne  l'heure1,  nous  lç  puilfionS  virilement  fouftenir:&:  qui  plus  eft ,  gagfièr  tifier; 
la  victoire.  Ce  que  nous  fer&?>non  pas  parnoftrë  vertu  &  force,  laquelle  en  ceft  endroit 
eftnulle:mais  par  la  puiflànce'de  celuy  quiayant  cbmbatuaucc  fon plusgrâd  ennemy 
&  le  noftre,l'a  veincu,  8z  en  a  rapporté  le  triôphe,  p  our  puis  après  en  faire  participant 
ceux  qu  ilappele  au  combat  contre  l'es  miniftres  &c  membres  de  celuy-Ia,  lequel  il  a  fur- 
montc.Eftans  donc  veftUs  des  armures  de  hoftre  grad  maiftre  &:  capitaine  IefusChrift, 
nous  fommes  affeurez  que  comme  Dauid  par  ce  moye  gagna  la  vi&bire  contre  ce  grad 
gean  Goliath,  pareillement  nous  la  gagnerons  contre  ces  monftrcs  horrible* ,  qui  font 
fi  impudens  &C  cffronteZ,  voire  fi  enragez  de  faire  la  guerre  à  celuy  qui  fbudaincmët  par 
fa  feule  parolle,fans  aucun  empefchemét  lès  peut  abyfmer  iufques  au  plus  profond  des 
enfers,  puis  que  d'vne  fi  grande  furcUr  ils  les  perfecutent  en  fes  membres.  Vray  eft  que 
de  nous-mefmes  nous  hepouuôs  rien  promettre  ne  prefumer  :  ains  auons  pluftoft  gra- 
de occafion  de  craindre,  qu'encores  que  iufques  à  prefent  foyons  demeurez  debout ,  & 
ayôsefté  fermes  fans  vaciller,toutcfois  à  l'aduenir/clon  la  gradeur  des  aflauts  qui  nous 
peuuent  eftrc  referuez,  ne  tobions  &:  trebuchions:comme  nous  en  fommes  admonne- 
ftez  tant  par  la  parolle  de  Dieu,que  par  beaucoup  d'exemples  qui  nous  ont  efté,  depuis 
que  nous  fommes  captif  s,  propofez  deuant  les  yeux  en  trop  plus  grand  nombre  qu'il  n  - 
euft  efté  befoim  Si  donc  nous  regardons  la  grande  fragilité  qui  eft  en  nous,nous  ne  pou 
uons  que  conceuoirvn  grand  tremblement  &:crainted  eftrcfurmÔtez  de  celuy  qui  cn- 
cores  n'a  peu  rien  gagner  fur  nous  dequoy  il  fe  puifte  glorifier,  mais  fi  de  l'autre  part  no* 
regardons  qui  eft  ceftuy-la  qui  a"  promis  d'eftre  noftre  garanti  protecteur,  &c  de  batail- 
ler pour  nous  par  Ion  S.  Efprit,  tât  que  defcndrBs  fa  caufe  &  querelle  cotre  fes  ennemis, 
nous-nous  pouuons  affeurer  de  demeurer  conftls  iufques  en    fin ,  &  de  n'eftre  iamais 
deftituez  de  fon  aide  &:  fecours .  car  puis  cjù'il  à  fait  la  promefTe  d'aider  tous  ceux  qui  ffc 
fentans  oppreffez  daffli£tion,de  tout  leur  coeur  àurôt  leur  recours  à  luy,&  l'inuoqucrôt 
au  nom  de  celuy  auquel  il  a  prins  tout  fon  bon  plaifîr ,  &c  fjîecialement  ceux  qui  fourni- 
ront pour  fa  parolle.-nous  ne  deuons  aucunement  douter  qu'il  ne  femonftre  enicelle, 
comme  en  toutes  les  autres,trefuéritable,&:qu'il  ne  nous  en  face  fentirrefFe&&:  la  ver- 
tu, linon  que  par  noftre  lafeheté  &:  incrédulité  nous  l'empefchiôs ,  &  nous  en  rendions 
du  tout  indignes.  Il  l'a  monftré  iufqu  a  prefent  afTez  par  expérience  en  tous  ceux  qui  é- 
ftans  ëntieremet  appuyez  en  luy,  ont  libremét  confeffé  fon  nom:aufque!s  a  donné  con- 
fiance inuincible,  mefme  au  milieu  des  tormehs,  &  les  a  rendus  victorieux  à  l'encontre 
de  tous  leurs  ennemis.  Parquoy  nous-nous  côfions  qu'il  fera  le  femblable  entiers  nous; 
puis  qu'il  nous  a  appelez  à  vn  fi  grand  honneur  :  comme  eft  dè  rendre  tefmoignage  à  fa 
facree  vérité  deuant  les  grans  &  fages  de  ce  monde.    Et  com  bien  que  nos  aduerfaires 
ne  cerchent  qu'occafion  de  nous  fafcher,  &  nous  priuer  de  la  liberté  qu'il  a  pieu  à  Dieu 
nous  donner  long  temps  a,par  le  moyen  de  ceux  defquels  il  s'eftvoulu  feruir  comme  d - 
inftrumens,pour  nous  preferuer  iufques  ici  de  leur  rage:  &:  mcfmes  nous  veulêt  empef- 
cher,  s'ils  peuuent,  de  nous  confoler  en  chantant  enfemble  auec  toute  modeftie  Chre- 
ftienne  les  Pfeaumes  de  Dauid, pour  faire  obferuér  l'exécrable  defenfe  qu'ils  ont  long 
teps  a  faite  fur  cela:toutefois,quoy  que  ce  foit,  nous  fommes  tous  certains  qu'ils  ne  vié- 
drôt  àbout  d'aucune  de  leurs  entreprifès,que  Dieu  ne  le  permette.  Que  s'il  le  permet, 
ce  fera  pour  le  meilieur,côme  il  ne  fait  ny  ne  laifTe  faire  aucune  enofe ,  finon  félon  qu'il 
voit  eftiçexpedient  pour  fa  gloire  ôc  pour  le  fahjt  des  fiens.Nou*  auohs  doc  grande  ma- 
tière de  nous  côfoler,  puis  que  c'eft  pour  la  vérité  infallible  de  pieu  que  nous  enduros. 
A  quoy,combien  que  nous  ayons  infinis  paffages  enl'Efcriture  qui  font  fort  propres  6c 
conuenables:  toutefois  le  Seigneur  nous  a  (n'a  pas  long  temps)  propofé  vn  exemple  ,& 
le  nous  propofe  tous  les  iours,  lequel  nous  fert  d'vne  trefgrande  confblation,  fy.  d'vn  ar- 
gument trefeertain  &:  treffufKfant  pour  nous  affeurer  de l'affiftence  de  noftre  Dieu  iuf- 
qu a  la  fin  en  la  caufe  que  nou s  maintenonsjc'eft  d'vn  ieûne  home  qui  eft  en  mefme  pri- 
fonauec  noftre  frere  Pierre  Berger,  aceufé  d'auoirfait  depuis  deux  ou  trois  ans  en-ça 
quelque  volïerie, emportât  certaine  pièce  de  veloux  à  vn  marchant,  à  caufe  dequoy  il  y  pierrc  Bcr^ 
a  bien  dix  mois,côme  il  nous  a  made,qu'il  fut  mis  en  prifon  :  où  il  a  efté  prefque  tout  le-  ger,  auf$» 
dit  teps  détenu  fi  eftroiteméc,  qu'il  a  eu  toujours  les  fers  &.  les  fouches  aux  pieds ,  &  les  Muty*- 

G. 


Liurcj  III.  Bernard  Seguin. 

manottes  aux  mains-.de  forte  qu'il  ne  fc  pouuoit  remuer  en  façô  que  ce  fuft:&  auec  ce  à 
efté  en  autre  grande  mifere  &:  pourete,  laquelle  n'efthonnefte  de  raconter.  Or  pen- 
dant ledit  temps,  noftre  frère  Berger,  félon  la  commodité  que  Dieu  luy  a  donnée ,  l'eft 
allé  vcoir  plufieurs  fois, pour  le  confoler  :  duquel  Dieu  s'eft  feruy  en  telle  forte,  que  ce- 
fte  poure  créature ,  qui  auoit  employé  tout  le  temps  de  fa  vie  précédente  à  deshennô- 
rer  Dieu  par  fes  mefrai£ts,eftant  à  caufe  d'iceux  en  captiuité  fi  dure&:  eftroi&e,&  corne 
Goucrfion  i'ay  dit  deifus,a  efté  appelé  à  la  cognoiifance  de  (on  Sauueur  Iefus  Chrift  :  duquel  après 
vnvokar"  auoircpgneu  la  grande  mifericorde  enuers  les  pourcs  pécheurs,  a  efté  tellement  con^ 
folé  ,  qu  au  lieu  qu'auparauant  il  ne  faifoit  que  maugréer  &"  defpiter  Dieu, maudire  fou 
pere  &  fa  mere,  &:  le  iour  &  l'heure  qu'il  eftoit  nay,  Se  qu'il  ne  faifoit  que  blafphemer  in- 
ceifamment  contre  la  maiefté  de  fon  Créateur,  à  caufe  desgrans  tormens  qu'il  endu- 
roit,  eftant  en  fi  grande  deftreffe&  peine  corporelle:  ne  fait  depuis  que  le  remercier  de 
la  grande  grâce  qu'il  luy  a  faite ,  &  recognoiftre  fes  péchez,  en  s  acculant  grandement 
deuant  luy,  endurant  d'vne  patience  admirable  les  tormens  qu'il  endure,  lcfquels  font 
encores  bien  grans:  combien  que  Dieu  luy  en  ait  baillé  quelque  allégement.  Depuis 
que  nous  auons  efté  aduertis  de  ces  chofes  par  noftre  frère  Berger ,  nous  faifons  noftre 
dcuoir,  entant  qu'en  nouseft,de  confoler  ledit  prifonnier,  félon  la  petite  grâce  que 
Dicu.nous  a  faite  :  comme  mefme  il  a  requis  par  certaine  lettre  qu'il  nous  a  cnuoyee  ef- 
ente  de  fa  main,  encores  qu'il  ait  les  manottes.  par  laquelle  aufh*  il  nousaprié  que  fi 
nous  auions  quelque  liureconfolatoire ,  que  nous  luy  enuoyiffions.  Et  d  autant  qu'il 
craint  d'eftre  defpefchç  en  bref,  nous  a  cnfemble  demandé  confeil, comment  il  faudra 
qu'il  fe  porte  le  iour  qu'on  l'emmènera  au  fupplicc ,  afin  qu'il  ne  face  rien  contre  Ja  pa- 
rollcdc  Dieu,  qui  luy  a  communiqué  fa  cognoiffance.  Sur  cela  nous  (  Dieu  aidant)  luy 
en  manderons  noftre  aduis ,  &£  ce  qu'il  nous  en  femble ,  félon  que  ccghoifTons  par  l'Ef- 
criturefainetc.  le  vous  tien  long  propos  de  ce  poure  prifonnier,  pourec  que  c'eftvn 
miracle  de  Dieu  merueilleux,&vn  exemple  digne  d'eftre  mis  en  mémoire,  voire  par 
efçrit.  Nous  certes  (comme  i'ay  dit  cy  deflus)  fommes  grandement  confcrmez&  con- 
^  folez  par  fon  exemple.  Car  fi  noftre  Dieu  fait  vne  telle  grâce  à  vn  poure  brigand,  que 
fera-il  àceux  defquelsil  fe  veut  feruir  pour  maintenir  la  vérité  de  fa  parolle?  le  vous 
prie,  fi  vous  auez  quelque  petit  liureconfolatoire,  qu'il  vous  plaife  le  nous  enuoyer,a- 
iîn  qu'en  facions  participant  ledit  poure  prifonnier.  Aurefte,vous  nenous  oublierez 
auflî  en  vos  prieres,comme  nous  ne  vous  oublions  iamais  aux  noftres.  Celuy  fans  la  vo- 
lôté  duquel  rien  ne  fe  peut  faire,  &Z  qui  par  fa  mifericorde  infinie  s'eft  manifefté  à  vous 
&c  à  nous,  nous  tienne  tous  en  fa  fain&e  protection  &c  fauue-garde,  iufques  à  ce  qu'il  luy 
plaira  nous  recueillir  en  fon  royaume  celefte.  Ceft  onzième  de  Feurier,  m.  d*  lui. 

E  N  fuyuant  l'hiftoire  de  la  conucrfioD  de  lean  Chambon,  nous  auons  ici  mis  l'Epiftre  fuyuante  ,qui  a  efté  enuoycepour 
confolatiooaudir  Chambon  eftanten  trcfgrandc  affli&ion,  par  Pierre  Efcriuain  deffufdit.au  nom  ce  fes  autas  frè- 
res prifonniersequieft  pour  monftrcr  le  foin  qu'ils  auoyent  du  poure  pecheurainficonuerty. 

\0  V  S  ne  vous  auons  eferit  long  temps  a ,  trefeher  frère  en  Iefus  Chrift ,  d'autant 
_|qu'auons  efté  grâdement  empefehez  après  nos  affaires.  Ioint  aufïi  que  voyôs  que 
"noftre  trefeher  frère  Pierre  Berger ,  prifonnier  pour  la  parolle  de  Dieu ,  auoit  efté  ferré 
&c  enfermé  :  follement  qu'il  ne  pouuoit  communiquer  à  vous ,  ne  vous  enuoyer  lettres 
qu'aucc  grande  difficulté  &  danger.  Toutefois  cftâs  aduertis  par  ledit  Berger  de  voftre 
grande  confiance  &:  confolation  ,  de  laquelle  noftre  bon  Dieu  vous  confole  en  voftre 
captiu  ité&  affliction,  par  la  vertu  de  fohfaindEfprit,  vous  donnant  grande  patience: 
ce  qu'aufîl  auons  trefbien  cogneu  par  vne  lettre  qu'auez  eferite  audit  frère,  Pierre  Ber- 
ger, laquelle  il  nous  a  enuoyce,  tant  pour  noftre  grande  confolatron,  que  pour  nous  ad- 
ucrtir  de  la  foy  &:  efperance  qu'auez  en  Dieu  par  Chrift,  &:  de  la  tribulation  &:  affliction 
grande  en  laquelle  vous  eftes  détenu  aux  fers &:  ceps  eftroi&ement:ccrtes,trefcherfre- 
1  e  &:  amy,  nous  auons  reccu  grande  confblation  par  vos  lettres,  voyans  la  grande  grâce 
que  ce  bon  Dieu  &  Pere  vous  fait,  &c  la  grade  patience  qu'il  vous  donne  en  ceftegiâde 
captiuité.  Mais  quand  nous  auons  entédù  la  deftrefTc&:  angoifTe  en  laquelle  vous  eftes 
Exemple  détenu  bien  eftroittcmentrquâd  nous  auons  efté  aduertis  de  la  lôgue  detention-.certai- 
ciLïitr**  ncmét  nous  auons  efté  fort  contriftez,  &  auons  fenty  lesdouleurs  de  vos  liens ,  comme* 
eftas  membres  d'vn  mcfmc  corps  auec  vous. Car  ia-foit  que  nous  foyos  feparez  de  vous* 
tant  par  la  diftace  du  lieu  qui  eft  encre  vou  s  &  nous,que  par  la  caufe  pour  laquelle  nous 

fouk 


foufFrons,  qui  cft  grandement  <^^a^dci^voîit^totit4^Ûcli(Aèeh^$t  fchan 
tépaftequelno'fommesi^iimiawiœ^ 

fait  que  not^s  fommes  parti  tipamrdeï  âffliâaans  de  vos liens* comme  {iin&ù^efliôttsdc*. 
tenus&  ferçez  auec  vous  ;  ôegeniiflbns  te  foufpirons  auec  vonsi'ppiâh*  ce  bôaÎMeti'  U 
Pqre  de  toute  miferiçofde ,  vous  fortifier  par  (on  S.Elpmvafin  qu'en toute  patieYtoe 
humilité  vous  puifîiez  endurer  &fouftenir  routes  tribulations^  peines^  angônles  êC  rtifc-" 
feres  qu'il  luy  plaift  vous  donner/Se  cnuoycr  pourVoftre  grad  prou  fit,  &  'pbut'lfc'-Ûltife  de 
voftre  poure  ame:  vous  Vifitant&:  cha&ant  de  fes  verges  parcrnelles,c6rtfc  le  péfé>0hâs 
ftie  Ton  enfant  lequelilatfne.  Helas,  cher  frère  &c  amy,  confîderez,  confide^éz^êe^éftf 
voftre  Pcre  celefte  qui  vous  vifite  &c  chaftie  en  ce  mode,  afin  que  ne  pedfîîezen  l'ant*^ 
Confiderez  qu'il  vous  aime  d'vn  amour  infiny  &:  fouuerainsmefmes  du  temps  que  vous  Rom.jiio. 
eftiez  fon  ennemy,  ainfi  que  dit  S.  Paul .  car  il  n'a  pas  efpargné  fon  bien-aimé  Fils  ïefus 
Chrift,  mais  la  liuré  à  la  mort  ignominieufe  &:  cruelle  de  la  croix  pour vo9  &:  pour  nous, 
O  la  grade  charité,bôté  &c  mifericorde  de  noftre  bon  Dieu,laquelle  il  nous  a  defployee' 
cnlamorCiSi  paniondcIciusChriftjquieftlaconrolanon  &  falutde  tous  affligez  &  pé- 
cheurs qui  la  reçoyuentenvraye  foy  !  carparicclleleFils  de  Dieuaveinculamort,le 
monde  &  le  diable  :6c  a  fait  que  la  mort  (qui  cft  terrible  &:  efpouantable  àceivxqui  ne 
croyent  en  Icfus  Chrift  &  en  la  faincte  parolle  )  neft  pas  mort:mâis  le  chemin  &  partage 
p  our  aller  à  la  vie  6c  à  la  gloire  infinie.  Par  fa  mort  leurs  Chrift  en  a  ofté  la  malcdictjô  6C 
terreur  mortelle,  6c  y  a  efpandu  toutegrace,  ioye 6c  bénédiction  celefte  :  tellement  que 
les enfans  de  Dieufe  rcfiouiront&:  confolerôten  elle,  Tans  s'efpouantcr ny  deftournér 
du  droit  chemin  :  fachans  bien  que  c'eft  la  fin  de  toute  mifere ,  6c  la  tresheureufe  porte 
pour  entrer  en  la  vie  éternelle.  Etheftansaux  priions  &:  Chartres  enferrez 6c  enferrez 
eftroitement,&:trait!:cz inhumainement, ils  endurent  grandes  miferes&neceffiteZ: 
ils  fentét &  font  participas  des  graces,riche{Tes  &:threfbrs  que  IefusChrift  y  a  mis  &def- 
ployez  par  fa  prefence.  Car  le  Fils  de  Dieu,  qui  eft  Roy  du  ciel  6c  de  la  terre,fain&,iufte 
6c  innocét,a  eftéliuré  entre  les  mains  des  mefchâs,  attachée  lié,  mené  en  prifon  côme 
lcplusgrâdbrigaddumôdedàoù  ilaeftémoqué,decraché,fouffleté,fouctté&courÔ- 
né  deipines:premieremét  pour  deflier  les  enfans  deDieu  deslïés  du  diable  &:  de  péché: 
6c  pour  les  deliurer  des  prifons  d'enfer ,  auxquelles  ils  eftoyét  condânez  cterncllenrét  à 
caufe  de  leurs  peche2.Il  a  fait  aufll  que  les  liés,  prifons  6c  tribulations  des  liens  font  gra- 
des bénédictions  &:  grâces  de  Dieu,  efquelles  les  enfans  de  Dieu  qui  endurét ,  foiepour1 
maintenir  fa  parolkjfoit  pour  leurs  pechez,fe  refiounTent  6c  côfolent  plus  que  les  Rois,  y^^fco' 
Princes  6c  riches  de  ce  mode  en  leurs  gras  palais  royaux,  threfors ,  richeiTes  &:  hôneurs*  le  des  fide- 
Car  les  liés,ceps  6c  prifons  font  lefcole  du  S. Efprit  :  là  où  les  poures  fidèles  apprenét  de  ,cs- 
cognoiftre  6c  pratiquer  la  bôté,grace  &:  mifericorde  de  Dieu,&:  de  fentir  fon  aiîîftence 
Se  faucur  paternelle  par  la  vertu  du  S.  Efprit ,  qui  eft  le  docteur  &  maiftfe  de  cefte  tref- 
heureufe  efcole.  En  cefte  efcole  de  tribulatiô,  les  fidèles  fe  refiouiirent  d'vne  ioye  incô- 
preheniible, chantas  &  louans  Dieu:&  les  grans,  riches  6c  puifîans  de  ce  mode  en  leurs 
palais,chafteaux&  maifons  magnifiques  bien  fouuét  pleurent  6c  gemiflent,  ne  fe  pou- 
uans  confoler  pour  les  grans  remors  de  leur  confeience ,  qui  les  preifent&:  tormentent 
grandcmét,leur  faifans  fentir  l'ire  &:  fureur  de  Dieu,à  caufe  de  leur  mefehante  vie,&  la 
damnation  éternelle  qui  leur  eft  préparée  après  la  mort.  En  cefte  efcole  de  tribulation 
les  fidèles  &:  enfans  de  Dieu  rccognohTét  leur  mal-heureufe  vie ,  &:  les  fautes  6c  péchez 
qu'ils  ont  cômis  cotre  la  maiefté  de  E)ieu,eftâs  en  liberté  de  corps. Ils  gemifient  &  criée 
à  Dieu, luy  demandas  pardon  de  leurs  pechez:&  le  Seigneur  qui  entéd  leurs Ibufpirs  6C 
gemiiTemés,&:  qui  eftât  près  d'eux,  voit  leur  affliction, les  exauce  6c  côfole  de  grade  cô- 
folation,les  faifant  participans  des  ioyes  celeftes  parla  vertu  du  S. Efprit,  lcfqu  elles  fur- 
montét&:  engloutnTent  toute  triftcfre,angoiiTe,peines  &  tormés.  Ce  que  nous  auôs  ef- 
prouué  en  nous,depuis  que  iîo9  fommes  prifonniers  pour  la  parolle  deDieu:&:  cognoif- 
îbns  aufC  eftre  fait  en  vous.  Car  ia-foit  que  voftre  caufe  ne  foit  pas  iufte ,  côme  la  noftrèt 
ia-foitq  vous  foy ez  traité  inhumainemét&cruellcmét  aux  prifonsmeantrhoins  noftre 
Pere  celefte  qui  eft  auprès  de  vous,  6c  qui  habite  en  voftre  cœur  par  fon  S.Efprit,ne  per- 
met que  vous  foyez  tété  plus  que  ne  pouuez  porter:mais  vous  confole  &:  remplit  voftre 
cœur  d'vne  grade  ioye  &:  lielfe,qui  adoucitSi  modère  les  tormens  &c  mjferes  q  vous  en- 
durez. Vo9  eftes  reietté  du  môde,&:  defnué  de  toute  aide,fecours  &c  côfolatiô  humaine: 
mais  vous  eftes  receu  de  Dieu  voftre  Pere,pour  la  foy  &  efperace  que  vo9  auez  en  Iefus 

O.ii. 


216 


Limt-j  III  Bernard  Seguin- 

Chrifl  fon  bien-aimé  Fils,  lequel  il  a  liuré  à  la  mort  pour  la  remiflîô  de  nos  péchez.  Vo- 
lire  caufe,  comme  vous  dites  &:  confefTcz,eft  mefehante  6c  iniufte;mais  confiderez  que 
la  caufepour  laquelle  Iefus  Chrift  à  tant  foufFert  6c  enduré  iniuftement  ,  fait  que  fini- 
quifcé  d'icelle  eft  oftee  de  deuant  Dieu,  6c  vous  eft  pardonnee*  Farquoy  refiouiifez-vous 
en  iefus  Çhrift  noftre  Stigneurjeftat  alterné  que  fa  iufticej  fain&eté&:  innocence*  eft  la 
voftre:  &:  que  pour  l'amour  de  luy  Dieu  le  Pere  vous  accepte  pour  fon  enfanr.  Ne  vous 
conr.riftez,poinCj  &:  ne  perdez  courage  pour  lalongueur  de  vos  priions  &arfli&ios:mais 
prenez  bonne  patience,  regardant  &:  conliderant  la  vie  eternelîe,qui  vous  eft  préparée 
la  haut  au  ciel ,  pour  eftre  &  viurc  auec  Dieu  à  tout  iamais  en  toute  ioye ,  repos,  paix  6c 
fe>U<;itc.  Confiderez  que  la  tribulation  que  vous  endurez ,  eft  brieue  6c  de  petite  durée: 
mais  la  confolation  6c  ioye  que  vous  aurez  fera  éternelle,  6c  durera  à  iamais. Que  fi  vous 
regrettez  de  ce  que  n'auez  eftudié  6c  veu  les  fain&es  Efcritures  plus  amplement ,  confia 
derez  que  il ie  Seigneur  vous  retire  à  foy*  vous  aurez  cognoillànce  de  toutes  chofes 
quand  vous  ferez  auec  luy.  Car  l' Apoftrc  S.Paul  dit ,  qu'en  ce  monde  nous  cognoillbns 
Dieu  &:  les  fain&es  Efcritures  en  partie:  mais  quand  nous  ferôs  là  haut*  nous  le  cognoi- 
ftrons  ainh  qu'il  nous  cognoit.Nous  le  voyons  maintenant  par  vn  miroir  en  obfcurité, 
ipais  alors  nous  le  verrons  face  àfacer&non  tant  feulement  le  verrons  tel  qu'il  elbmais 
quiplus  eA,  ferons  faits  femblables  à  luy  ,eftans  couronnez  degloire  6c  immortalité. 
Parquoy  ne  vous  contriftez  pour  cela,ne  pour  aucune  chofe  :  mais  attedéz  en  patience- 
la  bonne  volonté  de  Dieu:  car  s'il  luy  plaift  que  vous  demeuriez  encore  au  monde  pour 
le  feruir ,  {'oyez  certain  qu'il  vous  deliurera  contre  toute  eiperance.Que  s'il  luy  plaift  de 
vous  retirer  de  ce  monde  mefchant,pourvous  receuoir  en  fon  héritage,  rehouyifez- 
vous  en  cela,  &  luy  rendez  grâces:  car  vous  ferez  plus  heureux  que  fi  vous  demeuriez 
en  ce  monde.  PrepareZ-vous  donc  àtoutes  chofes  qui  vous  peuuent  aduenir:  mais  plus 
à  la  mort  qu'à  la  vie.  Et  n'ayez  point  honte  de  confeifer  noftre  Seigneur  au  milieu  de  la 
mftrt,  repouftant  Satan  &:  tous  fesfuppofts.  ConfeffeZ  deuant  le  mode  que  Iefus  Chrift 
eft  voftre  Sauueur  &Redem  pteur,  6c  qu'il  a  foufFert  &:  enduré  la  mort  6c  paflion  pour  la 
remhTion  de  vos  péchez:  lefquels  ia-foit  qu'ils  foyentgrans,  neantmoins  la  mifericorde 
de  Dieu,  laquelle  vous  eft  promife  en  l'Euangilc  par  Iefus  Chrift ,  eft  phis  grande.  Ne 
voiifttrOublez  point ,  s'il  vous  fautendurer  en  voftre  corps  quelques  peines  ou  tormés: 
mais  efleuez  voftre  tefte  en  haut,  6c  recommandez  voftre  eiprit  a  Dieu ,  à  l'exemple  de 
Iefus  Ghrift  noftre  Capitaine:&:  croyez  qu'il  vous  receura  en  fon  héritage. 

Vo  i  t  A,trefcherfrere,cequenousvousauonsvouluenuoycrpourlepiefent,prias 
le  Seigneur  vous  donner  bonne  patience,  6c  perfeucrâce  en  la  foy  iufques  à  la  fin.  Tous 
les  frères  prifonniers  vous  faluent  en  Iefus  Chrift ,  prians  toujours  pour  vous ,  comme 
vous  faites  pour  nous.  Le  Seigneur  foit  auec  vous  éternellement:  Ainfifoit-il.  Si 
vous  auezbefoin  d'aucune  chofe,  enuoyez-le  nous  dire  :&  nous  vous  affifterons  de  ce 
que  nous  pourrons. 

A  V  T  R.  Ecpiftreenuoyee  à  Pierre  Berger  &  Matthieu  Dymonet.aufti  prifonniers,  fur  1*  mefrhe  rcfiouiflànec  du  poure 
brigand  leanChanibon,conuerty  à  la  vrayccognoiflàneedc  l'Euangilc. 

MO  V  S  ne  vous  faurions  dire  ny  eferire ,  trefehers  frères  en  Iefus  Chrift ,  la  grande 
^^^ioyc  6c  confolation  que  nous  auons  receuè"  en  nos  cœurs ,  de  la  grande'conftance 
S>c  patience  que  noftre  bort  Dieu  donne  à  noftre  poure  frère  Iean  Chambon  en  fa  gran- 
de captiuité  en  laquelle  il  eft  détenu  :  mais  conhderans  lapeine,  angoi/Te  6c  torment,&: 
la  dcftrefle  en  laquelle  cefte  poure  créature  eft  quant  à  fon  corps  :  voyans  aufîï  la  lon- 
gueur du  temps  qu'il  endure  telles  chofes ,  qui  font  certainement  fort  dures  ,afpres  6c 
cruelles  à  la  chair.  nos  cœurs  ont  efté  efmeus  grandement ,  &c  ont  fenty  les  afflictions  6c 
angoifles  dé  fes  liens ,  gemiffans  6c  foufpirans  auee  luy ,  comme  membres  d'vn  mefme 
corps ,  6c  enfans  d'vn  mefme  Pere.  O  que  nous  auons  bien  matière  de  louer  noftre  bon- 
dieu  6c  Pere  celefte,  de  ce  qu'il  luy  plaift  fe  manifefter  fi  puifîàmmét  en  ces  poures  cré- 
atures ,  &:  monftrer  la  vert u  &c  puifiance  en  vai/Teaux  tant  fragiles  6c  abie&s  •  Nous  de- 
uons,  dy-ie,  rendre  grâces  à  ce  bon  Dieu ,  de  ce  qu'il  luy  plaift  nous  conftituer  heraus 
6c  tefmoins  de  fa  fainéte  venté,  nous  faifant  triompher  de  Satan  6c  de  tous  nos  ennemis 
dedans  leur  fort  mefme ,  portahs  là  dedans  les  marques  6c  enfeigftes  de  Iefus  Chrift ,  SC 
fbnnans  la  trompette  de  fon  fain&  Euangile  en  figne  de  victoire  &:  triomphertellcmenc 
que  maugré  la  rage  du  diable  6c  de  tout  le  înondc,  Iefus  Chrift  eft  manifefté  3T  prefché 
par  nos  liens ,  ^dedans  les  prifons  6c  dehors.  Les  Scribes  6c  Pharklens*  qui  eftoyenr 

efti- 


'Bermïd  Seguin.  èi? 

eftimezfagcs  au  monde,  auec  lesgransfacrificateurs&:  euefques  Anhe&  Cayphc,ont 
perfecuté  Iefus  Chrift  ,&  liurc  encrç  les  mains  du  preuoft  Pilatc ,  pour  eftre  crucifié  Se 
mis  à  mort:afïn  que  le  peuple  le  voyant  ainfi  déshonoré  &:  expofé  à  toute  moquerie ,  e- 
ftant  pendu  en  la  croix  entre  deux  bngans  ,  comme  la  plusmal-heurcufe  créature  du 
monde,  fuft  fcandalilé  de  luy,  &:  ne  receuft  fa  doctrine. Mais  ont-ils  empefehé  pourtant 
que  Iefus  Chrift  n'ait  efté  cogneu  6c  confelfé'eftre  Fils  de  Dieu ,  Sauueur  6c  Kedepteqr 
du  monde?  Leur  rage$:  cruauté  a  elle  efpouanté  ny  empefehé  que  plufîeurs  n'ayent 
crié  à  haute  voix,di£ms,  Vrayement  ceftuy-lacftoit  Fils  de  Dieu?  N'enny,nenny:  car 
quand  les  Scribes  &:  Pharifiens,quand  les  grans  docteurs  de  la  Loy  &:  le  grand  facrifica- 
teur  Cayphe  ont  eu  la  bouche  fermée  pour  donner  gloire  à  Dieu  ,  &confe/Ter  Iefus 
Chrift  eftre  le  Sauueur  &  Rédempteur;  voila  vn  poure  brigand, qui  n'auoit  fait  toute  fa 
vie  que  deshonnorer  6c  blafphemcr  Dieù,  en  efpandant  le fang  de  fon  prochain,lequel  Jc°"^c$ 
eftant  pendu  pour  fon  mal-faid  près  de  Iefus  Chrift,  a  ouuert  fa  bouche  pour  confelîer  du  Bngaod 
qu'il  cftoit  Fils  de  Dieu,  Roy  du  ciel  6c  de  la  terre,  6c  Sauueur  &  Rédempteur  de  tout  le  tt^J  *" 
monde.  lia  défendu  l'innocence  delefus  Chrift  deuant  les  Scribes  6c  Pharificns  ,Ô£  les  chrift. 
gransdodeurs  de  la  Loy  qui  eftoyent  prefens.  Ce  poure  brigand  aeuvne  G  vraye  foy, 
que  les  iniures  6c  bfarphemes  qu'on  difoit  cotre  Iefus  Chrift ,  l'opprobre  6c  malédiction 
de  la  croix: bref ,  la  rage 6c  cruauté  de  ceux  qui  eftoyent  prefens ,  ne  la  point  feandalizé 
ny  efpouanté ,  qu'il  n'ait  crié  à  haute  voix,  Seigneur ,  aye  fouuenance  de  moy  quand  tu 
viendras  en  ton  royaume.  Ainfi  maintenant  Iefus  Chrift  eft  perfecuté&:  crucifié  en  fes 
membres  par  l'Antechrift,  par  les  Rois,Princes,puiiTans&lagesdecemôde.  Il  eft  mo- 
qué,battu  ,  flagellé  6c  reictté  de  ceux  qui  fe  difent  Pafteurs  del'eglife ,  vicaires  de  Iefus 
Chrift,  6c  fuccelfeurs  des  Apoftres.  Il  eft  mis  à  mort  iournellemét  par  ceux  qui  fe  difent 
piliers  de  l'Eglife, &defenfeurs  de  la  foy:  maislespoures  ignorans  6c  idiots,  les  meur- 
triers 6c  brigans  le  conreflent&reçoyuent  pour  leur  Sauueur  &:  Rédempteur.  Usreco- 
gnoiifent  qu'il  n'y  a  lalut  en  autre  qu'en  luy.  Ils  fentent  Se  font  faits  participans  des 
fruids ,  grâces  6c  bénédictions  de  la  mort&  paflîon  de  Iefus  Chrift:&:  ces  mal-heureux- 
la  renoncent  &:  foulent  fous  leurs  pieds  le  fang  précieux ,  qui  a  efté  efpandu  pour  la  re- 
miiîion  des  pccheZ.  O  quelle  malédiction  6c  peine  eft  préparée  à  telles  màl-heureufes 
créatures,  qui  d'vne  malice  obftinee  perfecutent  Iefus  Chrift,  &:  mettent  à  mort  cruel- 
lement les enfans  de  Dieu;  Car  ia-foit  qu'ilfemble  âduis  qu'ils  foyent  vidoneux,  entat 
qu'ils  demeurét  viuans  en  terre:ncantmoins  li  font-ils  veiheus  &:  côfondus. Iefus  Chrift 
a  bien  efté  mis  à  mort  par  les  Scribes  &  Pharifiés:maisparfamortil  aenglouty  lamorr, 
a  brifé  la  tefte  à  Satan,  6c  a  veincu  fes  ennemis.  Il  a  efté  lefort  &:  puiifant  Samfon,lequel  lefusChi  ut 
a  eu  vidoire  de  tous  fes  aduerfaii  es.  Iefus  Chrift  a  bié  efté  cnléuely,  6c  mis  au  fepulchre  ^"fln  ' 
fous  vne  grande  picrre,gardé  en  grande  diligence  par  les  gëdarmes  qui  eftoyent  auprès 
du  fepulchre  bien  armez  6c  embaftonnez  :  mais  maugré  la  mort ,  le  diable  6c  la  rage  de 
tous  fes  ennemis, il  eft  refuicité  le  troiiieme  îour  en  grande  gloire  6c  puilfanceitellemét 
que  ceux  qui  le  gardoyent  font  tombez  par  terre  auec  leurs  glaiues,&:  font  deuenus  co- 
rne morts,  fans  le  pouuoir  tourner  ne  leuer.  Anne  6c  Cayphe  auec  les  Pharifics&  Sacri- 
ficateurs ont  efté  confus,  6c  ont  tremblé  en  la  terre  toute  leur  vie,fcntâs  l'ire,  vengean- 
ce 6c  maledidion  de  Dieu, qui  les  abyfme  finalement  en  enfer.  Ainfi  maintenant  en  ces 
derniers  temps, l'antechnft  Romain  a  bien  efté  par  iong  temps  efleué  en  grande  gloire; 
honneur  6c  magnificence:mais  Iefus  Chrift  parla  clarté  de  fon  adueneme  ne  l'a  manife- 
fté  par  tout  le  monde  eftre  le  fils  de  perdition  :  6c  a  commence  à  deftiuire&  ruiner  Ion 
règne  parl'efprit  defabouche,&leglaiuedefafainde  parolle.  L'Antechrift  auec  les 
Rois,Prîces  6c  gras  de  la  terre  s'eft  efleué  cotre  Iefus  Chrift,&:  a  tafché  par  to9  moyés  d'- 
empcfcherle  coursduS.Euagile.il  a  allumé  les  feus  de  toutes  parts, pour  mettre  àmort 
les  feruiteurs  deDieu,&:  a  efpadu  tât  de  fang  innocét:mais  le  malheureux  qu'a-il  fait  ne 
profité  pour  celà:a-il  eu  vidoitc  contre  les  membres  de  Iefus  Chrift  \  a-il  empefehé  qufc 
la  parolle  de  Dieu  ne  foit  allée  par  tout  Je  mode?  Non  certainemét  :  mais  au  côtraire,la 
mort  des  feruiteurs  de  Dieu  a  efté  la  mort,&:  la  ruine  de  fon  règne.  Le  fang  innoect  qui 
a  efté  efpadu, a  efté  vne  feméce  de  l'Eglife,  6c  amplificâtiô  du  règne  de  Icius  Chrift. Les  ^jjj 
gras  feus  qu'il  a  allumez,ont  efté  6c  font  auiourdhuy  autât  de  tropetees  par  tout  le  mon-  mence  de 
de,  pour  refueiller  les  enfans  de  Dieu ,  &c  pour  leur  donner  courage  à  batailler  pour  le-  l  Eglllc' 
fus  Chrift. Dieu  luy  a  bien  permis  qu'il  en  a  mis  pluiieurs  aux  priions  &:  chartres,&:  per- 
met encores  auiourdhuy:mais  c'eft  afin  qu'il  (bit  côfondu  6c  abbatu  dans  ion  jppre  fort: 

O.iii. 


LiurtuM.  TSerrktrdSeguin. 

&  lenfeigne  de  Iefus  Chrift  dreffee&:  efleuee  en  haut  par  les  bons  foldats  &:  feruireurl 
de  Iefus  Chrift ,  en  ligne  de  vi&oire.  Parquoy  ô  trefchers  frères ,  puis  que  par  la  grâce 
de  ce  bon  Dieu  nous  auons  efté  receus  au  nombre  de  fes  enfans,  &:  enrôliez  pour  c- 
ftre  foldats  de  noftre  grand  Capitaine  Iefus  Chrift,  pour  maintenir  fa  caufe  &:  querel- 
le^ puis  que  la  brefchecft  de iïa  faite  par  l'artillerie  dclaparollcde  Dieu,  &:  que  mef- 
mes  nous  fommes  dedans  le  fort  de  noftre  ennemy,  prenons  bon  çourage  pour  batail- 
ler conftamment  îufqucs  à  la  fin  du  combat  :  car  c'eft  iufques  là  où  il  faut  marcher  pour 
obtenir  la  couronne.  Ne  dourons  de  la  victoire  :  car  Iefus  Chrift  la  obtenue  pour  nous: 
qui  eft  le  grand  capitaine  Iofué  ,  lequel  a  tellement  pourfuyuy  fes  ennemis ,  qu'il  les  a 
tous  vaincus  &:  defeonfits.  Iefus  Chrift,  Prince  des  Rois  delà  terre ,  qui  eft  le  vray  capi- 
taine Iofué  pour  no9  amener  en  la  terre  promife,  par  fa  feule  parolle  a  fait  tomber  tous 
fes  ennemis  à  la  renuerfe ,  fans  fe  pouuoir  releuer  ne  tourner  nous  fait  marcher  par- 
délais  leurs  cols  &:  te  ftes,  quelques  forts  &:  puiflâns  qu'ils  foyent.  le  vous  ay  donné  dit- 
Luc  to.is.  il,  puiffance  de  mai  cher  fur  les  ferpens,  feorpions,  lions  &  dragons ,  &c  fur  toute  la  puif- 
fancedel'enncmy:&  rien  ne  vous  pourra  nuire.  Il  eft  bien  vray  que  nos  ennemis  nous 
détiennent  en  leurs  prifons,  pour  nous  ofter  la  vie,  &  pour  empefeher  le  cours  de  la  pa- 
rolle de  Dieu:mais  cependant  fi  font-ils  veincus  par  nous,  &:  abbatus  en  terre  par  la  pa- 
rolle de  Dieu,  tellement  qu'ils  ne  fe  peuuent  releuer.  Nous  les  voyons  comme  charon- 
gnes  puantes  &  corps  morts  profternez  en  terre  deuanr  nos  yeux,&  ne  fe  peuuent  rele- 
uer fans  le  vouloir  de  noftre  Capitainc,ne  mettre  la  main  fur  nous  fans  fon  commande- 
menr.  Ils  n'ont  pas  la  puifTance  de  nous  ofter  vn  petit  poil  feulemet  de  noftre  tefte,fans 
la  volôté  de  noftre  Pcrc.  Que  fi  le  Seigneur  permet  qu'ils  ayent  puifTance  fur  nos  corps 
nour  les  me  ttre  à  mort,  &:  pour  feeller  la  vérité  par  noftre  fang  :  fi  n'auront-ils  pas  puifc 
lance  fui  lame,  &  fi  n'auront  pas  pourtant  gagné  la  vi&oire:  car  noftie  mort  fera  leur 
Ccn.4.j.  morr,  &:  noftre  fang  fera  femence  de  l'Eglife,&:  parlera  comme  celuy  d'Abcl, tellement 
que  nos  ennemis  en  trembleront  toute  leur  vie. Ne  craignons  donc:  mais  oftons  toute 
charge  qui  nous  pourroit  retenir  :  &:  courons  â  la  lice  après  Iefus  Chrift  noftre  Capitai- 
ne, pourobtenirla  couronne  de  gloire  qui  nous  eft  propofceà  la  fin  du  combat:&  pour 
cftre  fîdele  à  noftre  bô  Capitaine,^  batailler  bône  bataille  fous  fon  enfeignc:trauaiU6s 
corne  bons  gédarmes,fans  eftre  occupez  ny  empefehez  par  les  affaires  deceftevie:&ne 
plaignons  pas  de  perdre  nos  biés,de  laifTer  noftre  maifon  terrcftre,nos peres,meres,f re- 
res,iœurs,fcm  mes  &:  enfans. ne  nous  contriftôs  de  laifTer  leur  côpagnie  pour  feruir  â  vn 
tel  Roy  &Capitaine:ne  craignons  pas  d'expofer  noftre  vie  pour  celuy  qui  premicremét 
l'a  expofee  pour  nous,  &C  a  puifTance  de  la  nous  rédre,apres  que  Taurôs  mile  pour  main- 
tenir fa  querelle.  Mais  confiderons  que  pour  la  vie  de  ce  mode,  qui  n'eft  qu'vne  merde 
Ôppoiuiô  toute  mifere ,  il  nous  donnera  vne  vie  éternelle ,  où  nous  aurons  toute  paix, repos,  ioye 
delbieiT  ^  ^enc^t^  »  pour  les  biens,  threfors,  richeffcs&  honneurs  de  ce  monde,il  nous  donnera 
heureux  les  biens,  threfors  &:  richeffes  de  Paradis, &  la  courône  degloire& immortalité,qui  eft 
aux  peims  je  côble  de  tous  biens:  &:  pour  la  compagnie  de  nos  peres,meres,freres,fceUrs ,  femmes 
u"z"prou"  &c  enfans,  nous  ferons  en  la  compagnie  de  noftre  Pere  celeftc  là  haut  au  ciel,&:  aucc  tat 
de  milliers  d'Anges  &  bénits  efprits,chantans  &C  louans  Dieu  fans  fin  &:  à  perpetuité:là 
où  nous  rirons  &  nous  efiouyrôs,&:  aurons  grad'lieiTe ,  quand  nos  ennemis  &C  ceux  qui 
perfecutet  TEuagile gcmirôr,  pleureront,&  grinceront  les  déts,  pour  lesgrans  tormés 
&:  peines  qu'ils  endurerôt  en  enfer  auec  le  diable  leur  capitaine.  Ils  cognoiftrôt  alors  &: 
confcfleront  en  grade  douleur  &angoifTe,  ce  qu'ils  n'ont  voulu  cognoiftre  necôfefTef 
en  ce  monde. Et  puis  qu'ils  n'ont  voulu  receuoir  IefusChrift  pour  Sauueur  &:  redepteur 
cependant  qu'ils  ont  efté  en  ce  monde,ils  le  fen  tiront  en  enfer  leur  Iugc,portans  Tire  Ô£ 
fureur  de  Dieu  fur  leurs  telles  à  tout  iamais.Et  que  leur  profiteront  alors  leurs  biens,  ri- 
chcfTes  &  threfors,  veu  qu'ils  ne  les  pourront  racheter ,  ains  crieront  contr  eux  deuant 
kq-f  3-  Dieu  ?  Leur  or  &  leur  argent  feront  tefmoins  contr'eux,  &:  leurrouillure  (  ainfi  que  dit 
faind  laques)  mangera  leur  chair  comme  le  feu.  Leurs  peres,meres,freres,  feeurs,  fent-i 
mes,  &:  leurs  beaux  enfans  les  deliureront-ils  des  peines  fi  horribles  &:  efpouantables> 
efquelles  ils  feront  tormentez  éternellement?  Non  certes:  mais  au  contraire,  s'ils  ont 
efté  contepteurs  du  nom  de  Dieu  ainfi  qu'eux  en  ce  mode,  ils  feront  condanez  &C  mau- 
dits auec  eux  en  enfer.  Et  tout  ainli  qu'en  ce  mode  ils  leur  ont  donné  ioye  &  plaifir,  auf- 
fi  en  l'autre  leurdonneront  triftefTe,angoifTe&:  tonnent,  &  leur  feront  comme  bour- 
reaux pour  les  tormeter  à  tout  iamais,C'eft  vne  peine  horrrible,de  laquelle  le  Seigneur 


menace  tous  les  idoktres&:  couwnpteurs  de  ion  fainârnorh:  àtfàiréïr  qu'il  les  mau di- 
ra^ fera  vengeance  du  pere  &irîe«ctifans  iuf^ûesàlatroifieme  &  quatrième  écrier*-  Ex0  io*î 
tion.VoilaoorajnentleseniÉans  de  Ditîu,&:ceu*  qui  bataillent  po\ir  màintehirffiuan- 
gile,feront  fîn^lebicnt  recueillis  au  regnè  de  Idus  Chrift  ^  pour  eftre  en  repos  eterneî. 
Au  contraire  v  tes  id»Jâtrcf«d:  persécuteurs  de  la  paroi  le  de  Dieuferom  aby^mczchîa 
grandegehenne,làoàils  feront  tourmentez  etemeHemenr.  Or  prions  noftre  bô  Dieu 
U&ctc  qu'iHuy  plaifebar  fon  ùtinà  Efprit  nousfottiner  en  cefte  bataille,  tclIemSt^fôe 
Contre  les  aiTaux&  embufehes  de  Satan  &  detous  nos  ennemis  nous  demeurions  vféto 
rienx,pcrfeuei as  en  la  conreftiô  de  ton  fainônom  iufques  à  laderniere  goutte  de  noftre 
fang,au  nom  de  Icfus  Chrift  fon  Fils,auquel  foit  honneur,  gloire  àt  empire  éternelle- 
ment: Ainûfoit-îl,  Ainfi  foit-iJ.ToUsles  frères  prifonniers  pourla  parolle  de  Dieu,  vous 
falucntenIefusChrift,&moy  enfemble:prians  toujours  pour  vous,ainii  que  vous  fai- 
tes pour  nous. Le  Seigneur  brife  Sata  fous  vos  pieds,vous  donnât  victoire  cotre  tous  les 
aflaux  des  ennemis  de  la  foy:lefquels  ainfi  qu  auons  entendu,  vous  a/Taillent  de  toutes 
pars  pour  vous  efbranler,&  vous  faire  perdre  courage  de  maintenir  lacaufe  du  Fils  de 
Dieu,tant  iufte  &:  raifonnable.Le  Seigneur  leur  vueille  pard6ner,&  d iiTipcr  tous  leurs 
confeils&entreprifeSjdonnantrresheureufe  i/Tue  àvoftrc  captiuitéàla  gloire  de  fon 
fainct  nom!,&:àla  confuiion  de  Satan  &c  de  l'Antechrift.  Vous  faluerez  en  noftre  Sei- 
gneur tous  les  freres,principalemet  noftre  poure  frère  Iean  Chambon,  lequel  confie- 
rez Ci  pouuez  par  lettres  pour  le  moins,&  enhorterez  à  perfeuercr  eh  la  foy  6c  patiéce  q 
ce  bon  Dieu  luy  a  donnee,iufques  à  lafin:&  s'il  a  befoin  de  quelque  chofe,  afîîftez-luy  (i 
pouuez.  Des  prifons  de  Lyon,ce  cinquiemede  Feurier,  Par  vos  trefehers  frères  en 
Iefus  Chrift,prifonniers  pour  la  Parolle  de  Dieu. 

C  E  S  T  E  epiftre  eft  confolatoire  &  a  efté  cnuoycc  par  ledit  Bernard  S^^n  à  Pierre  Bagcrviufslprifoûaief. 

Paix  par  Iefus  Chrift  vous  foit  multipliée. 
) O  V  S  vous  prionsjtrefcher  frere,de  ne  trouuer  eftrangc,fi  auons  aucuncroét rc- 
_]  tardé  à  vous  efçrire:ce  que  n'euflions  fait ,  n'euft  efté  que  n'auons  eu  bonnement 
le  loifir.d'autant  auffi  que  n'aujons  rien  dé  nouueau  pour  vous  mander .  Nous  fommes 
grandement  mârris  dece  quen'auez  la  commodité  de  vous  retirer  en  quelque  lieu  à 
part  pour  vous  cohfolcr  aucc  Dieu,en  lifaht  ou  cfcriuant  quelque  chofe  pour  augmen- 
ter de  plus  en  plus  le  zele  que  Dieu  vous  a  donné  de  maintenir  fon  honneur  &  gloire: 
toutefois  il  ne  faut  point  que  vous  regardiez  tant  aux  chofes  qui  vous  font  prefentees  Argument 
deuant  les  yeux,que  n'efleuiez  voftre  cœur  eh  haut  à  celuy  fans  la  pouruoyance  duquel  tire  de}* 
rien  ne  fe  fait  non  feulement  fur  fes  enfans  &:  feruiteurs,  mais  âuiïi  fur  les  infidèles ,  qui  d^Dicîu" 
ne  font  que  le  blàfphemer  &:  deshonnorer  fans  ceffe:  voire  mefme  fur  toutes  les  créatu- 
res qui  ont  efté  par  luy  faites. Et  pourtant  faut  prendre  en  patience  tout  ce  qu'il  plaift  à 
noftre  bonDieu  nous  enuoyer,  veu  que  fa  volôté  ne  peut  eftre  que  iufte  &t  rai(onable,&: 
pour  l'aduancement  de  fa  gloire  &de  noftre  lalut.Et  puis  qu'il  fait  mieux  que  nous-mef 
mes,ce  dequoy  nous  auons  befoin:  laiflbns-nous  conduire  par  luy,&  remettons  tout  no 
ftrefoucy  &  toutes  nos  fafcheries  entre  fes  mains  :&  il  y  mettra  fin  quand  il  fera  expé- 
dient.Si  cependant  nous  n'auons  tout  à  noftre  fouhait,  voire  mefme  en  ce  qui  pour- 
roit  feruiràlagloire  de  Dieu ,  ne  nous  fafchons  point  pour  cela,  mais  recourons  à  no- 
ftre bon  Dieu  par  continuelles  prières  &:  oraifons,  pour  luy  demander  qu'il  luy  plai- 
fe  de  fubuenir  ànosncceffitez,hon  feulement  quant  au  corps, mais  pluftoft  quant 
à  l'efpnt.Et  mefmement  puis  qu'il  nous  a  fait  la  grâce  de  nous  auoir  reputtz  dignes  d'- 
endurer pour  fa  fain&e  parol!e,&  nous  auoir  conftituez  comme  fes  procureurs  &  lieu- 
tenans  pour  maintenir  fa  caufe,hon  pas  deuant  les  petits  du  monde ,  mais  deuant  ceux 
qui  font  plus  haut  efleuczi&  eftimez  plus  fages  que  tous  les  autres  :  qu'il  luy  plaife  nous 
armer,non  d'armes  charnelles(iefqûelles  ne  feruen  t  de  rien  en  ce  côbat  )  mais  d'armes 
fpirituelles,pour  combattre  en  telle  forte  nos  ennemis, que  nous  obtenions  àla  parfin 
vi&oire glorieufe  d'iceux.Perfeuerohs  donc  en  Tinuocatioh  du  nom  de  Dieù,le  prians 
qu'il  nous  tienne  prefts&  appareillez  pour  glorifier  l'on  fain&  nom  par  tel  moyen  qu'il 
luy  plaira,foit  par  vie,foit  par  mort.Enfuyuons  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift,lequel  a  de 
mandé  à  fon  Pere,que  le  hanap  qu'il  auôit  à  bôire,paffâft  de  luy,s'il  eftoit  pbfsible  :  tou- 
tefois que  la  volonté  de  Dieu  fon  Pere  fuft  faite,&:  non  pas  la  tienne:  aïîauoir,felon  que 
la  nature  humaine  eftant  effrayée  du  iugement  de  Dieu,auquel  il  falloit  fatisf  airele  fai 

O.iiii. 


£/#ro  / //  *BeM4rd  Stgibt. 

foie parler.Àinfînou$,piHS  que  fommcspcHccutez, non  point  comme  larrons  ou  ori- 
gans (ce  que  deuons  attribuer  à  la  feule  ùiifericorde  de  Dieu)  mais  comme  Chreftiens: 
nedetirons  rien  dauancage  que  deftre  faits  conformes  à  eeluy  duquel  nous  auonsvn 
nom  &:  titre  fi  honnorable .  Demandons  luy  que  s'il  eft  expédient ,  il  nous  prolonge  la 
vic,comme  iadis  il  la  prolongea  à  ion  bon  feruiteur  Ezechias:  &  tenon  pour  autre  cau- 
t.Roiî  *o.  k  4ue  Pour  iofl  ^neur  &  gloire,afin  que  les  infidelesne  le  blafphcmaiîétiS'il  luy  plaift 
a.j.        que  par  mort  nous  glorifions  fonnom,recommandons  nos  efprits  entre  fesaiaihs,&il 
ifa.38  M-  jcs  receura  en  fon  royaume  eternel.Nous  ferons  par  ce  moyen  cent  mille  fois  plus  heu 
reuxjquc  fi  nous  viuions  plus  longuement .  Car  tan  t  que  nous  ferons  en  cefte  vie  ,nous 
aurons  plus  de  matière  denous  contrifter  &:  fafcher ,  que  de  nous  refiouir  :  veu  les  hor- 
ribles blafphemes  que  journellement  fe  commettent  par  toute  la  terre  contre  la  fain- 
&e  maiefté  de  noftreDieu:  veu  que  tous,comme  il  le  iemble,fe  font  bandez  contre  luy, 
pour  le  defpitcr  &L  luy  faire  la  guerre.Car  toute  mefehaceté  règne,  vérité  eft  foulée  aux 
pieds,&:  eft  côdamnee,&  menfonge  maintenu. LesFaux-prophetes  de  la roinelezabel 
grande  paillarde,font  entretenus«n  toutes  pompes &:  deiices:&:  le  poureMichee  &He 
he  font  pourfuyuis  iufques  à  les  vouloir  faire  mourir.  Voyans  ces  chofes,  eft-il  poflible  ù. 
|R        nous  auonsvnfeulgrain(comme  on  dit)de lacrainte deDieu,& auons  fon honneur  en 
r  ois  1  .   recommandatiô,que  nous  nedefirions  auec  fain&Paul  d'eft re  iéparez  de  ce  corps,&:  e- 
Philip.1.13.  ftre  auec  Dieu?Deftournons  donc  noftre  cœur  de  ces  chofes  corruptibles  &  terriennes 
fcuJbf*'*  &  Pem°ns  aux  ioyes  celeftes  &  biens  ineftimables  ,  que  le  Seigneur  à  préparez  à  ceux 
qui  perfeuereront  à  le  conte/Ter  deuant  les  hommes.  Car  li  nous  perdons  cefte  vie  cor-^ 
porelle  pour  maintenir  fon  Euangile,il  nous  baillera  celle  qui  eft  eternelle,cn  laquelle 
il  efluy era  toutes  larmes  de  nos  yeux.Confolez-vous  donc  en  Dieu,  ayans  toufiours  les 
yeux  fifehez  en  luy.  Cependant  au/fi  nous-nous  préparons  pourfouftenir  vnnouueaU 
combac.Dieunous'dointforcedelefou'ftenir,  tellemét  que  la  victoire  luy  en  demeure* 
Priez  Dieu  pour  nous .  Quant  à  nous,foyez  aiTcuré  que  nous  ne  vous  oublions  pas .  Le 
Dieu  de  toute  mifericorde  vous  confole  &c  fortifie  iufques  à  la  fin,&  nous  auffi .  Par  vos 
frères  &c  amis  en  Iefus  Chrift,compagnons  de  vos  liens. 

ïptffreefcrite  par  ledit  Bernard  Seguin. 

La  charité  de  Dieu  le  Pere,&  la  paix  &  grâce  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift,  &  la  cott* 
lolation  du  faincl  Efprit,foit  &  demeure  à  iamais  auec  vous:  kinû  foit-iL 

I  iufques  à  prefentien'ay  fait  mon  deuoir  de  vous  rendre  trcicuident  &c  certain 
j  tefmoignage  de  l'amitié  &:  charité  Chrefticnne  que  i'ay  commencé  de  vous  por- 
ter depuis  que  Dieu  vous  fit  la  grâce  d'auoir  compafsion  de  nos  liens  pour  le  (aindE- 
uangile  d'iceluy:ie  vous  prie  trefafFe&ueufement  qu'il  vous  plaife  le  me  pardonner ,  &C 
receuoir  les  prefentes  pour  vne  preuue  fufïifante  de  l'afFedtiô  que  ic  vous  portervous  co 
gnoiflànt  non  feulement  pour  ma  fceur,mais  pour  ma  propre  mere.  Certes  fi  les  demie 
res  parolles  qu'vn  pere  dit  à  fon  en  fant  quant  il  s  en  va  mourirjpeuuét  allez  tefmoignec 
le  bon  vouloir  qu'il  luy  porte:  aufti  la  prefente  Vous  pourra  allez  fufHfamment  donner  à 
cognoiftre  le  mien  ehuers  vous  >  combien  que  ie  fuis  trefafleuré  que  vous  n'en  auez  eu 
doute,n  y  n'en  doutez  aucunemét.Ie  di  ces  chofes,cherefœur,pource  que  i'efperc  que 
mes  compagnons  &moy,  nous  en  irons  en  bref  à  noftre  Dieu. Car  félon  le  monde  les 
chofes  font  tellement difpofees,  qu'iln'ya  pointapparencede  deliuranec- Ienevous 
mande  pas  ces  chofes  pour  vous  contrîfter  :  mais  pluftoft  pour  vous  refiouir  en  Dieu,  à 
la  volonté  duquel  il  faut  que  tous  vrais  fidèles  &c  Chreftiens  fe  rengent.  Car  puis  que 
c'eft  Juy  feul  quia  créé  noftre  corps  &  noftre  ame  pour  la  gloire  de  fon  fain£t  nom,  nous 
ne  deuons  nullemerrt  cftre  marris  quâd  Dieu  difpolé de  l'vn &:  de  l'autre  à  fonBon  plai 
fir,mefmement  en  telle  fortê  qu'il  eft  glorifie  enfaifant  telles  chofes:&  le  règne  de  foU 
ennemy  mortehquieftle  prince  de  tenebres,ruiné&  deftruiâ.Ileft  bicnvray,combié 
que  ceux  qui  nous  pourfuyuentfacent  complots  &c  machinations  pour  humernoftre 
fang,&  penfent  défia  nous  auoirenglputis,que  toutefois  Dieu  eft  par-dc/Tus,  qui -peut 
en  vn  moment  renuerferà  leur  grande  confufion  toutes  leurs  entreprifes.  Ce  qui  nous 
donne  vne  confolationineftimable,car  nous  fommes  afîèurez  qu'il  rompra  tous  leurs 
confeils,fi  noftre  heuren'eft  encores  venue:ou  bien  fi  elle  eft  venue ,  qu'il  nous  tendra 
fa  main  dehhaut  pour  nous  fortifier,  &  ne  permettra  que  nous  foyons  tentez  pins 
que  ne  pourrions  porter.    Quelque  chofe  donc  qu'il  arienne ,  comme  dit fainft 

Paul 


Paul,foît  que  nous  viuions,foit  que  nous  mourions ,  nous  ferons  au  Seigneur  :  qui  aura 
foucy  de  nous,comme  de  ceux  qu'il  aime  pour  l'amour  de  fon  Filslefus  Chiift.Parauoy  1 
fachans  que  nous  fommes  en  fa  feindre  protedion  &c  fauuegarde,  nous-nous  confolons 
&  refiouhfons  d'vnc  ioye  intérieure  6c  fpirituelle,Iaquelle  diuercit  nos  penfees  de  l'ap- 
prehcnfîon  des  tourmens  qui  nous  peuuènt  èftre  propofez:&:  nous  fait  leuer  nos  cœurs 
en  haut  pour  contempler  les  biens  incftimables  que  Dieu.a  préparez  à  ceux  qui  préfé- 
reront la  gloire  d'iccluy  à  leur  propre  vie.La  chair  certes  ji'eft  pas  fans  nous  tourmen- 
ter bcaucoup,&:  nous  propofer  plusieurs  chofes:  aufqucllcs  il  nous-nous  voulions  arre- 
fter,pourrions  perdre  couràge.mais  le  Seigneur  fait  par  fa  grande  mifericdrde  quelle 
n'a  point  la  domination  fur  nous:&;  n'aura,comme  nous  efperons.Car  noftrc  bonDieu 
&:  Pere  nous  fait  la  grâce  de  ladomter  par  la  continuelle  inuoeation  de  (on  famet  nom. 
Pour  côclufîon  de  la  prefcte,ie  vous  prie  que  fur  tout  vous  crajgniezDieu,&;  que  toute 
voftre  famille  foit  aulTi  inftruite  en  la  crainte  d'iceluy.  Voila  la  plus  belle  admonitiô  que 
ie  vous  fauroye  fairc,car  en  craignant  Dieu  rien  ne  vous  defàudra:  pluftoft  le  Seigneur 
conuertiroit  les  pierres  en  pain,auant  qu'il  vous  lailTaft  auoir  neceflité.  Fiez-vous,  donc 
entièrement  en  luy:&:  vous  ne  ferez  iamais  confufe.La  grâce,  paix  &  mifencorde  d'ice 
luy,par  ion  Fils  Icfus  Chrift,cn  la  vertu  du  faindEfprit,  foit  &  demeure  à  iamais  auee 
vous. Des  priions  de  Roaneje  premier  de  Mars,  m.d.l  m.  Par  voftre  trefeher  frère 
&:  entier  amy, Bernard  Seguin. 


PIERRE    N  A  V  I H  E  RE  S. 

A  prouidence  de  Dieu  s  eft  monftree  admirable  en  la  caufe  de  ces  cinqEf- 
coliers,&:  des  autres  prifonniers  d'vn  mefme  temps  à  Lyon ,  en  ce  qu'au  mi- 
lieu des  loups  6c  des  lions  rugiflàns  ils  ont  eu  commodité  &:  delay non  feule- 
ment de  difeourir  partous  les  poinds  delafain&c  Efcnture:  maisauflidô 
mettre  par  eferit  leurs  refpôfes,  après  les  auoir  coftamment  éi  dodement  maintenues 
deuantles  luges,  afin  de  feruir  à  laduenir  d'armes  &c  d'inftrudionàceuxqui  fouftien- 
droy  ent  pareils  a/Taux. Quant  à  Pierre  Nauiheres,Limofift,quatrieme  en  ceft  ordre  des 
Cinq,outre  les  côbats  communs  qu'il  a  fouftenus  auec  les  autres ,  il  a  eu  à  eombafre  en 
particulier  contre  les  arFeûions  &:  pourfuites  de  les  parens:&en  eltdemourévidorieux* 
furmontant  en  la  vertu  du  faindEfprit  toutes  tentations&:  allechemens  humains:eom 
me  nous  verrons  par  plufieurs  lettres  eferitespour  refponfe  aufdits  parens,  lesquelles 
nous  auons  miles  au  prefent  difeours  après  la  Confeiïîô  de  foy  prefentee  aux  luges  par 
ledit Nauiheres,&  puil'ee  des  faindes  Éfcritures,&;  des  Dodeurs  anciens. 

PIE  R.  R  E  Nauihcrcs  apres  auoir  rendu  entière  confcfsion  de  fa  foy  deuaht  les  luges  de  Lyon,  l'a  prefentee  aufii  par 
eferit  en  la  forte  qui  s'enfuit.audit  mois  de  May,M£).LIII. 

Ifn^l  VIS  qu'ainfi  eft  que  tous  Chrefticns  doiuent  toufiours  eftre  appareillez  de  ren- 
l^^g  dre  raifon  de  l'efpcrance  qui  eft  en  eux,  à  chacun  qui  les  interroguera ,  &:  ce  auec 
benignicé  &:  rcuerence:cftant  interrogué  par  vous,  Meilleurs ,  touchant  ma  foy ,  ie  mdf 
fuis  mis  en  deuoir  de  fatilfaire  à  voftre  requeftc.Mais  pource  que  ie  ne  me  fens  eftre  tat 
exercé  aux faindes  Efcritures  pource  faire^qu'il  feroit de  befoimievous  fupplie  me  par 
dôner,(i  ie  ne  vous  fatilfay  en  tout^Toutefois  ie  n'efpere  dire  chofe  qui  ne  foit  confon- 
nante  à  la  parolle  de  Dieu,comme  le  pourrpt  voir  tous  bons  efprits  fldeles,&:  vous  auf- 
li.Premieremét  ie  croy  en  vh  feulDieu  immortel& inuifiblc,diftingué  en  trois  perfort- 
nes,le  Pere,le  Fils  &  le  faind  Efprit,qui  ne  font  qu'vhe  mefme  fubftance  &:  e/Tence  eter 
nelle:àlavrayecognoiftance  duquel  Dieu,rhommedè-fa  nature  ne  peut  venir,d'autat 
qu'il  eft  aueugle  aux  chofes  diuihes,  &:  ne  peut  iuger  ficelles .  car  l'homme  charnel  ne 
comprend  point  les  chofes  de  l'Efprit  de  Dicu,&:neles  peut  entendre ,  d'autant  quel- 
les  fc  difeernertt  fpijituellerhent tOr  le  premier  homrrre  fe  deftournant  de  fon  Dieu,  s'- 
eft  tcllcmentafluiettià  péché,  qu'il  a  efté  fait  fon  efclaue  ..  Toutefois  afin  qu'il  ne 
pretendift  exeufe  d'ignorance,  luy  a  efté  laiftevntefmoignage  en  fon  cœur,  qu'ilya- 
uoitvn  Dieu:mais  tant  s'en  faut  que  par  cela  il  peuftvenir  àlavraye  cognoiflance  d'i- 
celuy  jqui  eft  par  IefusChriftyqu'il  le  cognoift  feulement  iufte  luge  de  ceux  qui  l'auoyét 
offcnfé'Parquoy  ie  dy  que  l'homme  de  fa  nature  a  vite  intelligence  vniucrlelle,  qu'il  eft  KQm  i 


Liurc_jIII  Tieirc^>  ^juiberes. 

vn  Dicu-.laquelle  il  luy  a  imprimée  en  fon  cœur,afin  qu'il  fuft  inexcufâble.mais  quant  à 
lavraye  cognoi/lancequieft  par  Iefus  Chrift,&:  que  le  pouucns  appeler  Pcre,ilncTa 
point. Donc  il  faut  que  pour  le  cognoiftre  il  nous  ouureles  ycux,change  noftre  cceur  de 
pierre  en  vn  de  chair, pour  en  iceluy  imprimer  fa  parolle.Er  tout  ce  bien  la  vict  deDicit 
De  bono  fcu!,&  non  de  l'homme ,  félon  fainct  Auguftinau  liure  du  bien  de  perfeuerance  :  difant 
;  ^  que  depuis  que  l'homme  s  cft  deftourné  de  Dieu  par  fon  péché ,  il  appartient  à  la  feule 
grâce  de  Dieu  qu'il  fc  conucrtilîc  &:  retourne  vers  luy>&:  qu'il  ne  s'en  recule  point. 

Iecroydauantage,querhommenepeut  eftre  iuftifîé  que  parla iêulefoy, laquelle 
eft  don  deDicu:&  que  tout  ce  que  l'hommcfaït  fans  icelle,n'eft  autre  choie  que  péché. 
>m.i4    Or  depuis  qu'il  l'a  obtenue ,  tout  ce  qu'il  fait  eft  agréable  à  Dieu ,  &c  eft  réputé  iufte  par 
icelle  :  laquelle  n  cft  point  morte  >  ains  produit  les  fruits  dignes  de  l'Eiprit  de  Dieu  qui 
habite  en  luy. Or  quand  Dieu  rccompenfe  les  frui&s  d'icelle,c'cft  de  fa  feule  eracenon 

»  i'      l  1  n.  /-..._:   »  ^  ,  -rJ? 


R.om.3,& 

4 


Ambroife 
fur  le  6. 

chap.aux    à  caufe  de  nousrcar  de  noftre  nature  nous  ne  les  faurions  produire.  Q  uand  DÏcu  courô- 

Kom.  & 
lurlc  Plai 
loi 


Surlc  Pfcl. 
Sur  Ici.. 


ne  les  bonnes  œuures  qui  font  en  nous,ilnc  couronne  rien  du  noftre,mais  le  fïen  qu'il  a 
mis  en  nous  par  fon  faillit  Efprit. Quant  à  ce  que  dit  fainct  Iaques,vous  fauez  qu'il  parle 
à  ceux  qui  le  glorifioyent  d'auoir  la  foy>&  cependant  ne  le  monftrcyent  par  œuures  di- 
gnes d'iccllc.Parquoy  qui  fc  vâte  d'auoir  la  foy  fans  faire  les  œuures  dignes  d'icclle,  il  fe 
mocjrcar  elle  ne  peut  eftre  fâs  icellcs,noh  plus  que  le  bon  arbre  fâsle  bon  fruiét.  le  croy 
pareillement  que  puis  que  Dieu  cft  efprit  immortel  &:  inuifible,  qu'il  ne  peut  ne  doit 
eftre  rcprdcnté  par  çhofccorruptiblerains  doit  eftre  adoré  en  efprit  &  verité.Parquoy 
qui  le  veut  représenter  par  image ,  &c  en  icelle  le  fcruir,fait  contreles  commandemens 
Exode  xo  qU'j]  a  donnez  de  cela  :  comme  il  appert  parle  liure  d'Excdc.  Auïïî  qui  fe  profterne  dc- 
ut'4,5  <s  uant  quelque  îimulacrecjue  ce  foit,&:  luy  fait  honneur,iceluy  commet  idolâtrie,  car 
i.Cor  §     comme  dit  fainft  Paul»  L  image  n  cft  rien  au  monde:&:  fain&  Iean,En£ms,  gardez-yous 
i.ican  î     des  images.Parquoyl'excufencft  valable  ne  receuable,  de  dire  que  ce  qu'on  fait  aux  i- 
mages,on  ne  le  fait  à  caufe  d'iccîles,mais  à  caufe  de  ceux  qu'elles  reprefèntent.  Car  co- 
rne dit  fainct  Auguftin,  L'image  retire  pluftoft  le  cœur  du  ciel,qu'elle  ne  l'y  efleue:d'au 
tant.que  la  voyant  faite  comnu-  nous,ayantyeux,bouchc,oreillcs,bras  &c  iambes,  nous 
eftimons  qu'il  y  a  quelque  diiHnité,  6c  nous  amufons  à  icclle.il  dit  dauantage ,  que  c'eft 
a"  Lj°ure,  vnc  choie  mefehate  d'ériger  vn  unmlacre  taillé  en  forme  humaine ,  au  tépledes  Chre- 
Dc  h  cite  àiensivoiremeûneàDieulePere.    Et  en  vnautrelicu,  Tous  les  fimulacres  Se" images 
chaDiCiU  7  *ont  exterminez  par  l'Euangile,&  mis  en  oubli,comme  s'ils  eftoyent  enfeuelis. 

Quant  à  la  vénération  des  Sain&s  après  leur  mort,nous  n'en  auons  rien  aux  fainftes 
Efcritores,  &  ne  trouuons  qu'il  foit  commandé  de  nous  adrefler  à  eux  :  mais  feulement 
à  Dieu  par  Iefus  Çhrift,qui  eft  noftre  Aduocat  :  lequel  dit  ainfi,  Venez  à  moy  vous  tous 
quitrauaillez&eftes  chargez:&:ievousfoulageray.  il  ne  commande  dc  nous  adre/Ter 
Matth.u    à  faine*  Pierre  ny  à  (aincï  Paul,Et  puis  en  faind  Iean  14.15.1 6,Tout  ce  que  vous  deman- 
derez à  mon  Pere  en  mon  nom,il  le  vous  dônera.Il  ne  faut  pas  douter  q  s'il  euft  efté  loi 
Sur  le  <;     uhle  de  s'y  adre/Ter  en  vn  autre  nom, il  ne  l'euft  dit.Sain£t  Auguftin  dit  que  dc  ceux  qui 
SurlePiàh  om  P01 chair humaineilefus  Chrift  feul  intercède  pournous.&:  puis  aiUcursàce  pro 
108         pos,L'oraiibn  qui  n'eft  point  faite  par  Iefus  Chrift  feulement, ne  peut  pas  effacer  les  pe 
chapdts'    chez:mais  elle  cft  faite  en  péché.  Et  fainét  Ambroife,  Pour  venir  à  Dieu,  il  n  eft  point 
Rom.       befoin  d'interceffeur: mais  d'vn  cœur  côt rit  &deuot.  Au  furplus,  quand  en  l'ancienTe- 
ftamcnr  les  fain&s  perfonnages  demandent  à  Dieu  quelque  cas,propofans  les  noms  d'- 
Abraham,Iiaac  &c  Iacobjç'eft  ayans  efprd  aux  promeiTes  dc  Dieu  faites  auf-dits  Patri- 
arches,^ nonl'inuoquans  en  leurs  noms. Quant  aux  morts,  nous  auons  fain&paul  qui 
i.Tcflâ.4.  nous  défend  de  nous  contrifter  fur  iceux:carc'cft  à  faire  aux  Payens  qui  n'ont  point  d- 
efperance  qu'ils  reiTufciteront.il  ne  cômande  point  de  prier  pour  eux.ee  qu'il  n'euft  ou 
blié  de  fairc,s'il  euft  efté  tant  expedien  t  qu'on  le  dit  comunercent,  S.  Auguftin  dit  qu'il 
Sur  le  Pfal.  ne  paruient  feulemétaux  efprits  des  moits,que  ce  qu'ilsont  fait  eftans  en  vie.  Que  s'ils 
n'ont  rien  fait  eftans  yiuans,il  ne  leur  paruient  rien  eftans  morts. D'autre  part>s'il  eftoit 
ain  fi  q  par  prières  on  leur  peuft  aider  à  faire  leurfalut,ilfaudroitquê  Iefus  Chrift  n'euft 
fait  leur  redeptiô  qu'à  demy,&:  que  nous  fifliôs le  refidu.Orcft-ilmanifeftc  qu'ilaentie 
rcmënt  effacé  l'obligation  qu'auiôsauec  le  diable. S.  Pierre  auflîdemôftre  que  nous  ne 
Holnc!  i    fommes  rachetez  par  or  ou  par  argé*t:mais  parle  précieux  fang  de  Iefus  Chrift:  fi£  Qu'il 
fur  ie  so.  ^  n'y  a  falut  en  autre  nom  qu'aufien.  S.Chryfoftome  dit  q  quand  on  demande  miiericor- 
Pf«u.      de,c  eft  afin  de  n'eftre  examiné  de  noftre  peché,pour  n'eftre  point  traité  felo  la  rigueur 

de 


.Pier. 


SP^rro  JsÇjuSeres.  219 

dciufticc:caroùilya  mi(cricdrde,ii  n'y  a  plus  ne  géhenne,  ny  examen, ne  rigueur  ne 
peine.  Parquoy  ceux  quiom  obtenu  mifericorde  par  Iefus  Chrift,n'ont  point  befoin  d'- 
autre purgation  après  leut  vie:&  n'attendent  peine  ne  tourmét,mais  vonr,  en  ioyc  eter- 
nelle.Etquantàcequieftditauliure  des.Machabees,vousfauez  que  lcliure  n'eft  pas 
canonique,comme  on  le  voit  par  S.Hierome .  Nous  auons  deux  Sacremefis  en  l'Eglife 
ordonnez  par  Iefus  Chriitja/Taucir  le  Baptefme  &:  la  fain&e  Cene.Le  Baptefme  eft  Sa- 
crement de  pcnitence,&  comm  c  vne  entrée  en  l'Eglife  de  Dieu ,  pour  eftre  incorporé 
au  corpsdclefus  Chrift.Iceluy  nous  reprefente  la  remiflîon  de  nos  péchez  paflez&:  fu- 
turs,laquelle  eft  pleinement  acquife  parla  feulemort  de  Iefus  Chrift.Dauantage  nous 
y  eft  monftree  &c  lignifiée  la  mortification  de  noftre  chair,&  rcnouuellement  de  vie,ce 
qui  eft  reprefente  par  l'eau  iettee  fur  l'en fant,qui  eft  figne&  marque  du  S.Efprit, lequel 
eftle  vraylauementde  nosames.Etparcefommesadmonneftez,que  comme  legrad  J0™* 
Pharaonfut  fubmergé  en  la  mer  rouge,aufli  noftre  vieil  Adam ,  &c  tout  ce  que  nous  te-  ^ 
nons  de  luy,doit  eftre  noyé. Et  d'autant  que  cefte  eau  iettee  fur  l'enfant,  ne  le  noye  pas,  Coiofl.5. 
mais  il  vit  encore  après:  aufil  nous  deuôs  viure  en  nouueauté  de  vie:  &:  no  plus  en  nous, 
mais  a  Iefus  Chrift.Nous  ne  crouuons  que  IefusChrift  ait  ordonné  autre  chofe  en  ce  S. 
Sacrement ,  que  l'eau  &  la  forme  accouftumee  en  l'Eglife ,  Au  nom  du  Pere ,  du  Fils  &:  i.Picr.4. 
du  S.Efprit.  Quant  au  crefme  &c  aux  autres  cérémonies ,  nous  ne  les  trouuons  aux  faill- 
ies Efcritures.Dauanrage,de  dire  que  le  Baptefme  extérieur  fait  par  eau,  foit  neceflai- 
re  à  falutren  telle  forte  que  quiconque  ne  l'aura  receu,ne  foit  fauué:cela  eft  inique.  Car  ig 
c'eftlier&aftreindrelagracede  Dieu  aux  choies  extérieures,  comme  s'il  ne  pouuoit 
befongner  fans  icelles.    Nous  lifons  au  vieil  Teftament,que  laCirconcifion,qui  à  efté 
figure  du  Baptefme,aeftéfouuétobmife;&:puis  elle  ne  fefaifoit  que  le  huitieihje  iour, 
félon  le  commandement  de  Dieu.Or  celuy  qui  diroit  que  les  enfans  qui  mouroyét  de- 
uantceditiour,  eftoyent  perdus: en  iugeroit  témérairement.  Autant  en  pouuons-nous 
dire  desChreftiens:car  les  Sacremens  de  la  nouuelle  loy  n'ont  point  efté  plus  vertueux 
en  eux, que  ceux  de  l'ancienne. comme  fain&Paul  le  demonftre  trelbiçn,difanc que  les  1.  Corin.i© 
Pères  ont  mangé  vne  mefme  viande auec  nous,&:  beu  vn  rocfme  breuuage.  La  difFere- 
cc  qui  peut  eftre  entre  lefdits  Sacren4os,cft  qu  e  ceux  de  l'anciene  loy  ont  figuré  les  cho- 
fes  qui  dcuoyent aduenir,  &c  ceux  de  la  nouuelle  demonftrent  les  chofes  eftre  venues,  Homdie 
comme  dit  fairid  Auguftin.'On  lait  bié  que  ceux  qui  euflènt  voulu  mefprifer  h  Circô  *«  furS- 
cifion»cuflehc  bien  grandement  ofFenlc  contreDieu  qui  la  cohîmandoitrparcillcment  En'rEpîft; 
ceux  qui  ne  tiennent  conte  auiourdhuy  du  Baptefme,  mefpriferoyent  les  grâces  que  f.àMarcd- 
Dieu  offre  en  iceluy.que  fi  l'enfant  meurt  deuant  qu'eftre  baptiférie  ne  le  voudroye  co- lia' 
damncr,&:  ne  s'enfuit  point  qu'il  ne  foit  fauué.car  comme  dit  faind  Ambroife  ,*  On  fait,  sur  le  clup. 
bien  que  le  S.Efprit  a  efté  donné  fans  l'impofition  des  mains  :&  celuy  quin'auoitbbint  3(Jr'an1,aux 
efté  baptifé,  auoit  obtenu  remiflîon  des  péchez,  or  n'eft  pas  celuy  baptifé  inuifiblemet     '  j 
quiareceule  don  du  Baptefme?&:  faind  Auguftin*  dit  que  la  fandification  eft  aucune  Au3- 
fois  fanslcfacrementvifible  :&lefacrementvifible,fansl4  fandification  intérieure,  on» îu vieil 
Parquoy  ic  conclu  que  le  Baptefme  extérieur  fait  par  eau,  n'eft  point  heceftairc  à  fa-  Tcft'amect 
lut  :&  qu'on  n'eft  point  fauué  par  le  moyen  de  l'eau,  mais  par  ce  quieftrcprelémépar  l  Corul-  " 
ledit  Baptefme ,  affauoir  l'atteftatibn  de  bonne  confeience  :  &c  par  la  remi-flion  des  pe- 
chez,taite  par  la  mort  de  Iefus  Chrift  :  de  laquelle  fi  nous  nefommes  participans,  nous 
fommes  perdus.il  refte  à  dire  de  l'autre  Saci  ement,qui  eft  Jafainde  Ccne  de  noftre  Sei 
gneur  Iefus  Chrift  :  laquelle ,  comme  tefmbignent  les  quatre  Euangeliftes  Se  S.  Paul ,  il 
ordonna  la  nuid  deuant  qu'il  foulFrift,aflauoir  qu'il  print  le  pain &le  rompit,difant,Pre 
«îez ,  mangez  :  cecy  eft  mon  corps  qui  eft  liuré  pour  vous.  Et  après  auoir  rendu  grâces, 
print  le  calice ,  difant,  Cecy  eftle  nouueaû  Teftarnent  en  mon  fang:beuuez  tous  d'ice- 
luy.  Toutefois &quântes  que  vous  ferez  cecy ,  vousannoncerez  la  mort  du  Seigneur  1 
iulquacequ'ilvienhe,Voiiarinftitutiondclafain£tc  Cene.  En  premier  lieu  vous  vo- f^"^^ 
yezcommctlecommandement  de  participer  tous  au  calice,  eft  violé;  car  il  eft  nié  aux  1 
laies.  Tous  les  anciens  Dodcurs  ■  ont  commandé  expreifémét  que  tous  participaflent  ^  lc/el3i 
aux  deux,au  pai &c  au  calice,au  corps  &c  au  fang  du  Seigneur.Chry foft.  *  dit,Ce  n'eft  pas      x  c0  * 
comme  en  la  Loy  ancienne,  où  le  Preftre  auoit  fa  portion  par  deflùs  le  peuple  :  mais  en  3 
l'Euchariftie  tout  eft  commû  entre  le  Preftre  &:  le  peuple.Carvn  mefme  corps  eft  pro-  comperi- 
pofé  à  tous,&  vn  mefme  calice.  Gelafe' aufli  euefque  de  Rome,ordonne  que  tous  ceux  mus.Je 
qui  s'abftiendront  du  calice  foyent  repouflez  de  tout  le  Sacrement:  Pource ,  dit-il ,  que  Dift[na?L 


Panitcn. 
ajft.i.c.dc 
Chanure. 


tkb.4 


ladiuifion  de  ce  rhyftere  fie  ce  fait  point  fans  faerileçe.  Or  venons  maintenant  à  parler 
"de  ce  qu'on  fait  eh  ce  fain&  Sacrement  >  Vous  dites  qu'on  y  reçoit  Je  corps  &  le  fang  de 
lefusChrift.  le  le  confeiTe:mais  voyons  en  quelle  manière.  Vous  ne  me  nierez  pas  que 
nous  ne  pouuôs  communiquer  à  lefusChrift  fihon  par  fov,pour  auoir  falot,  or  puis  que 
la  foy  n'eft  \omt  vne  chofe  charnelle ,  il  ne  faut  point  préparer  les  déts  de  la  chair  pour 
le  receuoir  &:  manger  charnellement ,  mais  les  dents  de  l'efprit ,  qui  font  la  foy ,  par  la- 
quelle nous  receuonsIciusChrift  à  falutiOrl'orficè  delà  foyiceftcroire.donc/edy  que 
qui  croit  en  IcfusChrift,!'^  mangé:  côme  dit  faihd  Auguftin  ,  Pourquoy  appreftes-tu  la 
becrct.de   ^cnt  &  le  vehtre;Croy,&  tu  l'as  mangé.  A  quoy  s'accorde  le  Décret  de  Pccnitence.Par- 
quoyiedy,  que  qui  croit  Icfus  Chriftdefcendu  du  ciel,  auoir  fouffert  mort  &C  palîion 
pour  luy,&  par  icelle  l'auoir  deliuré  de  la  mort  éternelle^  fait  héritier  du  cieheftré  re- 
fufcité,môté  au  ciel,  deuoir  vemViuger  les  vifs  &  les  morts:celuy  reçoit,  communique 
&  mangela  chair  &:  le  fang  de  Iefus  Chrift.  Et  comme  dit  S.  Auguftin ,  C'eft  habiter  en 
luy,&:  luy  en  nous .  Voila  la  communication  que  nous  auons  aùec  luy ,  qui  eft  faite  par 
foy .  Ft  quant  à  la  nature  humaine,&  à  la  chaii  &c  au  fang  qu'il  a  apporté  du  ventre  de  la 
Vicige,tous  hommes  communiquent  auecluy,d'autant  qu'il  eft  fils  d'Adam  quant  à  V 
humanité  ,comme  les  autres  :  &c  a  cité  fait  femblable  â  nous  en  toutes  chofes ,  excepté 
péché,  mais  celle  communication  auec  fa  nature  humaine  ne  nous  proufîte  rien  à  fa- 
lut,fi  l'autre  n'y  eft:a/Tauoir  la  fpirituclle,qui  eft  faite  par  foyrpar  laquelle  nous  fommes 
régénérez  &  fais  enfans  de  Dieu  :  de  laquelle  font  feulement  participais  les  fidèles  ef- 
leus.Parquoy  ie  conclu  que  la  manducation  charnelle  de  la  chair  &  du  fang  naturel  de 
Iefus  Chrift ,  fi  que  le  pain  &:  le  vin  foyeh  t  conuertis  eh  iceux,n'eft  point  faite  en  la  Ce- 
ne:ains*qiî'il  eft  aflîs  à  la  dextre  de  Dieu  fon  Pcre,fi  l'article  delà  foy  n'eft  faux,&:  Thiftoï 
re  de  fon  Aicenfion.mais  feulement  nous  eft  lignifié,  que  tout  ainfi  que  nos  corps  font 
nourris  &:  fubftatez  par  le  pain  &:  le  vin,auffi  Iefus  Chrift  par  fa  vertu  &  puifTance  nour 
rit&  entretient  nos  ames,&:  les  fait  participantes  defachair&:delbnfang,&de  tous 
fes  benefices.Eopour  plus  grande  confirmation  de  cecy ,  voyons  l'interpretatiô  des  pa- 
rolles  de  Iefus  Chrift. Il  dit,Cecy  eft  mon  corps.Ie  vous  fupplie,n'apportons  içy  rien  du 
LiM-con-  noftrej&  entrons  en  noftre  confoencciTertuliarV  explique  ces  parollcs  âinfi ,  Cecy  eft 
trcMarciô.  le  fighe  Se  la  figure  de  mô  corps. Sainct  Auguftih  dit*  *Le  Seigneur  n  a  point  fait  de  dou- 
CôtreAdi.  ce  de  dirc,Cecy  eft  mon  corps,combien  qu'il  ne  donnait  que  la  figure  d'iceluy.  Et  puis 
ounui  %di(  encore  il  dit,*lefus  Chrift  admit  Iudas  au  banquet  auec  fes  difciples ,  auquels  il  recom- 
KuukL    rnatlcla  ^  donna  le  ligne  &:  la  figure  de  fon  corps.  Bref,touslesanciensDocl:eursdifent 
ujâ c  a    le  fembla  ble.Sainâ:  Iren  ee  dit  ,Le  pain  terreftre  receuant  la  benedittion  de  Dieu ,  n'efl: 
î      plus  pain  commû:mai$rEuchariftic  contenant  deux  chofes jl' vne  terreftre  fid'autredi- 
v£at  uiftejefquelles  paiolles  Gelafe  interprète  ainfi,4  Les  Sacremens  du  corps  &  du  fang  de 
4    '  îefusChrift jlefqls nous  receuÔSifom  chofes  dmines:à  caufe  dequoy  par  iccux  nous  fom 

Decréi  ^tsPârtIC'P^S^e'anatured^ 

crfI*     demeure:&:  certes  nearmoins  la  figure  &:fimilitude  du  corpsSi  du  fang  de  Iefus  Chrift 
ftmt  célébrez  en  l'adminiftration  des  myfteres.S.  Auguftin  au  liure  de  la  doctrineChre- 
ftienneparlant  du  mefme  Sacrement,  dit  i  Comme  c'eft  feruile infirmité  de  fuyurc  la 
lettre ,  &  prehdre  les  lignes  pour  les  chofes  fignifiees  :  auffi  interpréter  inutilement  les 
iignes,ceft  vn  erreur  pernieieuX.Si  cecy  ne  fuffit,voyons  la  chofe  de  plus  près.  Vous  cô- 
a  Bomrice  fclfez  que  la  faincte  Cene  eft  vn  Sacrement.    Or  voyons  la  fimple  définition  du  Sacre- 
'?    meht,donnee  de  S.  Auguftin .    Il  dit  que  Sacrement  eft  vn  ligne  de  la  chofe  facree,  ou 
chofe  vifmlede  la  grâce  inuifible  .    Donc  ce  n'eft  pas  la  choie  mefme  lignifiée  :  au- 
trement ce  ne  feroit  plus  Sacrement.    Orla  Cene  eft  vn  Sacrement,  donc  ccftvnfi- 
gne  qui  derrlôftre  quelque  cas:  mais  toutefois  telligne,que  ce  qu'il  reprefente  eft  don- 
ne fearement &"  vrayement  à  celuy  qui  1  e  reçoit  par  viue  fby:autrement  non.  Dauanta- 
Gcncfe  4i   £e  vous  f*ocz  que  oe  verbe  fubftantif,Eft,fe  prend  pour  le  verbe, Sighifier,  auxfainûes 
Cor.  u    Efcritu res.com rrie,Les  fept  bceufs&  les  fept  efpics  de  blé,ft>t  les  fept  années:  La  pierre 
cftoit  Chrift:ïeah  eftoit  Hclie.  Teftimc  que  vo'  ne  me  nierez  pas  que  tous  ces  partages 
lie  fe  doyuct  interpréter  par  le  verbe,Signifier.  Or  qui  empeichera  qu'on  ne  face  lefe- 
blablc  àu  jf  parolles  de  Iefus  Chrift,  &  mefmcmét  après  que  les  anciés  Do&eurs  les  ont 
ainfi  interprétées?  Au  refte ,  G  on  dit  que  cefte  tranffnbftantiation  du  pain  &:  du  vin  au 
corps  &:  au  fang  de  Icfus  ChnO-eO'^e^'-  miracle,  il  nyapaserande  raifon.  Car  quel 
miracle  me  dônerez- vous  en  toutes  les  fain&es  E£criturcs,qui  a  ait  efté  appen  &mani* 

fefW 


M  «th  ii. 


fcfte  à  tous  les  Cens  corporels,&  qui  ne  rauiJÎe  en  admiration  ceux  qui  Je  voyet ,  comme 
ceux  de  Moy  fe  faits  en  Egypte  \  Or  on  ne  voit  point  que  le  pain  &c  le  vin  ibyent  aucune- 
ment muéz&:  changez  en  autre  couleur  ou  faucur,parquoy  onpuiflééftreefmcrucilléi 
donc  ce  n'eft  point  miracle.  Vous  dites  que  Ion  côprcnd  cela  par  foy,qui  ne  doutepoint 
des  parolles  de  Iefus  Chrift,&  que  c'eft  par  icclle  qu'ô  ented  ces  hauts  myftercs.Ie  m'y 
accorde:  mais  la  foy  n'eft  point  charnelle,  &  ne  comprend  point  les  chofescharnelle- 
ment,ainsfpirituellement.Parquoy  nousnedeuons  nen  imaginer  de  charnel  en  ce  S. 
Sacrcment,&:  ne  nous  amufer(comme  il  eft  commandé  au  premier  concile  'de  Nicee)  i 
au  pain  &  au  vin  qui  nous  font  donnez:mais  cileuer  nos  efpnts  en  haut,pourcontépler  mîëTdifcX 
par  foy  l'Agneau  de  Dieu  à  la  dextre.Ie  vous  prie  au  no  de  Dieu  penfer  à  cecy,iî  lacho-  aie  de  Ni- 
fe  n'tft  pas  ainh.  Vous  fauez aufli  que  leCanon 1  delà  tran/îubftantiatiô  n'eft;  que  depuis  cce* 
le  pape  Grégoire  7-Quant  à  ce  que  les  ancics  Docteurs  appelcn  t  aucunefois  ce  S*  Sacre  t 
ment  Sacrificc,c'cft  a  caufe  de  la  commémoration  qu'on  fait  en  iceluy  de  ce  grâd  &i  per  Au  concile 
pc  tuel  facriflce  de  Iefus  Chrift,fait  vne  fois  pour  tous  en  la  croix  »  Ils  l'ont  auftî  appelé  fces  Vcrcd~ 
Euchariftie,c  eft  à  dire  action  de  grâces. lequel  facrificc  nous  refte  feulemét  pour  luy  of  Hebr.ij 
fi  ir,  comme  il  eft  dit  aux  Hebr.Le  fruid  des  leures:&  par  Dauid,  Vn  cœur  penitét  &  hu  j^"'*1 
milié.Cartous  autres  facrifîces  ont  prins  fin  en  Iefus  Chrift, qui  s'eft  offert  loy-meime  %,9)io 
à  Dieu  fon  Pere:&:  nul  ne  le  peut  offrir  que  luy-mefme,qui  eft  le  grand  Sacrificateur,  fe 
prefentant  &  priant  Dieu  fon  Pere  inceifamment  pour  nous, En  toute  cefte  inftitution 
de  la  S.Cene,ny  en  toute  la  S.Efcriturc,on  n'oit  point  parler  de  Meffe,  ne  del'inftitutiô  i.cor.n 
qui  en  eft  auiourdhuy.Parquoy  ie  nefay  quelle  raifon  il  y  a  en  ce  qu'on  dit  queS.  laques 
la  célébra  le  premier  en  Ierufalem.les  autres  difent  que  ce  fut  S.  Pierre  en  Antioche.les 
autres  attribuent  rmftitutiond'icclleà  S.  G rcgoire:les  autres  àS.Ambroile.  Voila  qui 
eft  peu  folide  ,pour  vne  chofe  qu'on  veu  t  eftre  tenue  corne  article  de  foy.  S.  Paul  parlât 
de  laCcnejditjQu'il  a  receu  du  Seigneur  ce  qu'il  leur  a  donné. Et  ne  faut  douter  que  les 
autres  Apoft.  n'ayent  fait  le  féblable.Or  il  eft  manifefte  que  neftre  Seigneur  Ief  Chrift 
ne  fit  iamais  telle  inftitutio  deMeffe.il  faut  doc  dire  que  fi  faintt  Pierre  ou  fainct  laques 
lont  donnce,qu'ils  n'ont  efté  fidèles  fejruitcurs  &.  Apoftrcs,veu  qu'ils  auroyent  inftitué 
autre  chofe  qu'il  ne  leur  auoit  efté  commande  par  leur  maiftre.  ce  qu'il  ne  faut  penfer. 
Vous  n'ignorez  quelIntroitedelaMeffea efté prinsdela  couftumequi  eftoit  en  l'E-  ^'^s  { 
glife  ancienne,laquelle  eftoit  de  chanter  quelques  Pfeau.  ou  lire  quelque  chap.de  la  S.  nuanus iL 
b  Icriturejcepcndant  que  le  peuple  entroit  au  temple,&:  qu'il  s'alfembloit.  Pareillemét  P"1-*  H°- 
forfrade  qu'on  fait  s  c'eftoyét  les  collettes  que  faifoyct  les  Diacres  entre  le  peuple  pour  ™le^. ur 
les  poures.Confiderez,ie  vous  pric,le  changement  de  tout  cela. le  ne  fay  point  d'autres 
Sacremens  ordonnez  en  l'Eglife  par  Iefus  Chrift ,  que  ces  deux  deuantdits .  Quant  à  la 
Confirmatiô,ou  Impolitio  des  mains,ôcExtreme  on£tion,ie  ne  fay  pas  quelle  raifon  il  y 
a  de  les  retenir:  veu  que  ce  pou  rquoy  ces  cérémonies  eftoyée  obferuees,àceffé:affauoit 
le  don  de  Miracles. Car  vous  fauez  que  par  l'impofïtio  des  mains  vous  ne  pouuezdôner 
le  S.  Efpritrcar  c'eft  au  feul  Dieu  de  le  donncr,comme  dit  S.  Ambroife.Par  l'ondliô  vous  *™  ,e3-ch. 
ne  rendez  guarifon  aux  malades,eômerailoyent  les  Apoft.maisaucontraire,quâd  vous  conmh. 
l'a  pportezjc'eft  figne  de  mort, ou  maladie  mortelle. le  croy  d'autre  part  ,quc  l'Eglife  n'a 
point  d'autre  chef  que  Iefus  Chrift, duquel  tous  les  vrais  fidèles  font  mébres,&:  nul  d'en 
tre  eux  n'a  preeminéce  lui  les  autres  pour  les  affuiettinains  tous  font  freres,&:  fe  doiuét  EfiKi,,f 
cheir  mutuellemct.ee  qui  a  efté  obferué  en  l'Eglife  primitiue,e  ôme  on  le  peut  voir  par 
je  s  h  ift. anciennes. S. Cyprian  en  fEpift  qui  eft  prinfeau  côciledeCarthagc,dit  telles  ou  ir'trrcf 
lcblal  les  parolles, No9conuiédronstouspourdirenoftreopinion:&:  s'il  y  aquelcûqui 
contredile,nous  ne  le  mettrons  pas  hors  de  la compagniercar  il  n'y  a  aucû  de  no9  qui  fe 
dife  fouuerainEucfq, pour  contraindre  les  autres  à  luy  obéir.  Vo9voyez  par  cela  corne  il 
n'y  auoit  point  pour  lors  aucû  desEuefqs,qui  fe  dift  auoir  domination  furies  autres  :  tat 
s'en  faut  delîu  s  les  Priées, cômefe  dit  auoir  le  Pape  auiourdhuy.Vo9  fauez  que  S.^Greg. 
mefme  a  refufé  ce  nom,  dilat  que  celuy  qui  l'vfurpoit,eftoit  precurfeur  de  l'Antechrift. 
Autanten  a-il  dità  Amian  diacre,en  TEpiftre76,&  i8b\deleaneuefque  de  Conftanti-  Epift^i 
noble,qui  le  vouloir  vfurper.  Vous  n'ignorez  quel  eftoit  l'office  des  Eucfque  aneiens,&  Maunce 
comme  ledeferitfainet  Paul.-&  quel  nom  leur  donne  fainct  Grégoire,  s'ils  ne  font  leur 
officc,les  appelans  Chics.  Vous  n'ignorez  aufli  l'office des  Preftres,&:  qu'emporte  le  nô 
duquel  on  fe  contente  auiourdhuy.de  la .vie&:  de  la  puredot~trine,on  ne  s'en  foucie.Da 
uantage,ie  crovque  c'eft  alaicule  paroîledeDieu,de  remettre  les  pechcz:delaqlle,co  l  Tiffl  J 

P.i. 


JerConom 


Homil  in 
m'ai  jo 


me  dit  S«Ambroife,rhome  ntft  que  le  miniftre.Et  pourrant  s'il  condamne, ce  n'eft  pas 
luy,mais  la  parolle  de  Djcu  qu'il  annonce. Ce  qui  eft  conforme  à  vne  femence  de  S.  Au 
i.de   guftin, récitée  aux  Dccrets,oùil  dit,  Ce  n'eft  point  par  les  mérites  des  hommes  que  les 
Pœi  kent.  pCcncz  (  ôc  rcmis:mais  par  la  vertu  du  S.Efprit.Car  le  Seigneur  auoit  dit  à  les  Apoftrcs, 
Vtcuide"  Receliez  le  5»Efpr:c:&  puis  il  adiouftcjSi  vous  remettez  âquelcuri  les  péchez, non  pas 
ter-         vous,mais  le  S.Efprit  que  vous  auez  receu.  Voila  ce  que  dit  S.  Auguftin.  S.  Cyprian  dit 
aufli,Le  ferait  eur  ne  peut  remettre  l'ofFenfe  commife  contre  ion  mailtrc.Parquoy  iene 
fay  point  d'autre  confellîon  que  celle  que  nous  dcuons  à  Dieu     la  reconciliation  fra- 
tcrnclle,&  la  confelïion  publique  deuât  rEgliic,de  ceux, qui auoyét  fait  quelqucfcan- 
MattL  g    dalc:comme  Pcnfeignent  les  anciens  Do  ftcurs. Quant  au  partage  de  S.Matthieu,quad 
Iefus  Chnft  dit  au  ladre,  Va,&:  te  monftrc  au  Preftrc:fainct  Ambroifc  furie  Pfalme  1 18, 
demande  là  delTus,Qui  eft  le  vray  Preftre,finon  Iefus  Chnft?  Or  celte  cérémonie  eftoit 
de  la  Loy  ancienne, qui  eft  abroguee.  Vous  auec  S.Chryfoftomc,qui  dit  cxpreflemét,Ic 
ne  tedy  pas  que  tu  confelîcs  tes  péchez  à  vn  home:  mais  à  part  toy  confelfc-les  à  Dieu. 
Que  faut  il  dauantagerTcftimc  que  vous  auczveu  l'hiftoiie  du  diacre  de  Conftantino- 
ble,&:  touchant  ce  qu'il  commit  fous  l'hombre  de  la  confeflion  auriculaire  ,  laquelle  n  - 
eftoit  pasainii  conftituee  comme  elle  eft  auiourdhuy:  car  il  n'y  auoit  qu'vn  Diacre  à  ce 
commis.  Vous  fauez  comme  telle  manière  de  le  confelîer  à l'oreille,fut  abolie  pourlors 
par  Neetiriuscuefquedc  Côftantinoblc,hommede  bien:  ce  qu'il  n'eu  II  fait  li  elle  euft 
efté  conftituee  par  droiéfc  diuin,ains  fe  fuft  cohtenté  de  punir  ledit  Diacre  délinquant* 
Au  reftc,ie  demande  à  tous  fidèles  auditeurs  qui  font  verfezaux  hiftoires  Ecclcfiaftiqs, 
J :|R  fi  la  couftume  des  anciens  Pères  n'a  pas  efté  de  pourfuiure  feulement  lcsherctiques,nô 
à  niort,mais  par  les  Efcritures  pour  les  côueincre&:  les  faire  retourner  au  droit  chenu. 
vf  ft-48    Que  s'ils  eftoyent  opiniaftres,pour  la  plus  grande  peine  ils  c  ftoyent  mis  en  exil, de  peur 
qu'ils  n'infe&afTent  les  autres,  mais  auiourdhuy  il  femble  qu'on  s'eftudie  du  tout  àe- 
xercer  tyrannie. Non  pas  que  par  cecy  ic  me  vueille  impofer  crime  d'herefie  :  car  Dieu 
fait  premieremét, qu'en  tout  ce  que  i'ay  dit, n'y  a  aucune  herelïc:  6c  tout  bon  Chreftien 
qui  le  Jira,&:  vous-mcfmes, meilleurs, li  voulez  entrer  en  voftre  confeience,  &:  eniuger 
à  la  vérité, le  cognoiftrez  ainfi.    Gloire  foit  à  Dieu. 

E  P  I  S  T  R  E  dudit  Pierre  Nauihtrw,à  vn  fien  an  y.aufsi  prifonnier  pour  la  parolle  du  Seigneur. 

Ous  vous  prions  de  nous  pardôner,treichet&  bié-aime frere,{i  ne  faifons  mieux 
2j|gjj  '  noftre  deuoir  de  vous  elcrire&  confoler  par  lettres.  Gc  que  volontiers  fcriôs  pluf 
toit  qu'autre  chofc,li  en  au  ions  plus  grande  commodité  6c  loifir.  Mais  vous  pouuez  cô- 
ie&urer  qu'il  nous  faut  à  prêtent  penfer  ce  que  deurons  refpondreà  ecluy  deuant  le* 
quel  nous-nousattédonsdeftrcprefeiitez.Etpource  qu'il  n'y  a  pas  meilleur  baftôpour 
nous  defendre,queceglaiLïetrenchantdela  parolle  de  Dieu:ilnouseftbe(oindcn"e- 
ftre  endormis, mais  nous  en  armennonobltant  que  nous  ne  foyons  tant  diligens  à  le  fai 
re,qu'il  feroit  bien  requis. Toutefois  nous-hous  confions  que  celuy  duquel  nous  main- 
tenons lâquerclle,nenouslailTera  point  defpourueus  de  parolle  pour  fouftenir  Se  dé- 
fendre fon  honneur  6c  gloire:de  laquelle  il  nous  a  conftituez  tclmoins  deuant  les  hom 
Luc  it.il  mes.Cequeluy-mel'me  de  fa  bouchefàcree  promet,  difant, Quand  ils  vous  mèneront 
aux  ailcmblccs,aux  Magiftrats  6c  aux  Puilîances,  ne  l'oyez  point  en  foucy  comment  ou 
quelle  chofe  vous  refpondrez ,  ou  que  vous  direz ,  car  le  fainct  Efprit  vous  enfeignera  à 
celle  heure-la  ce  qu'il  vous  faudra  dire.  Voila  vne  parolle  qui  ne  peut  faillir .  parquoy 
il  eft  feulement  befoin  de  prier  ce  bon  Dieu  qu'il  luyplaife  regarder  à  nous,  l'ouurage 
de  fes  mains:&:  que  puis  qu'il  nous  a  produits  deuant  les  hommes, &  nous  afait  confef- 
ferfoh  fainftnom  deuant  eux, aulîî  qu'il  nous  vueille  fortifier,  &"  nous  donner  conftace 
iufques  au  dernier  foufpir.  Vous  6c  nous  fomes  détenus  captifs  pour  vne  mefme  querel 
le,elle  n'eft  pas  noftre,mais  de  Dieu.mettons-luy  au  deuant  doneque  ce  n'eft  pas  pour 
nous  que  nous  combatons:mais  pour  maintenir  là  caufe.Prcfentonsluy  noftre  infirmi 
té  6c  fragilités  que  nous  ne  pouuons  fubllfter  vne  feule  minute  de  temps  deuant  la  fa- 
ce de  nos  ennemis. Qu'il  luv  plaife  monftrer  fa  vertu  en  nous  poures  vaiïleaux  fragiles: 
6c  en  noftre  infirmité  &  foifelcfte,fa  puilTance:afin  que  la  fagelTe&:  prudence  des  hom- 
mes foit  confule  par  la  croix  de  Iefus  Chrift ,  laquelle  leur  femble  folie.  Conliderons, 
trefcherfrerc,puis  que  la  volonté  de  noftrç  bon  Dieu  eft  que  nous  conuerfions  entre 
les  infidèles, que  c'eit  afin  que  nous  foyons  en  tout  bon  exemple,  ÔC  que  noftre  conuer- 
fationrcluife  au  milieu  d'eux:auxvns  pour  en  eitre  édifiez,  aux  au  très  poureftrecon- 

ueincus 


•.Cor.  i  S 


^Pierrcj  J^auiberes,  222 

ueincus,à  ce  qu'ils  foyent  fans  cxcufc.  Penfons  que  quand  le  temps  paiie  DieUviiitoit 
fon  peuple  par  captiuité,  cen'eftoit  pas  feulement  pour  le  chaftier  ,mais  aufll  par  ce 
moyen  appeler  plulicurs  à  fa  cognoiflanec. Combien  penfez-vousque  la  oaptiuitédes 
compagnons  de  Daniel  &  de  luy-mefme  aufll,a  ferui  a  la  gloire  de  Dieu  ?  Car  il  ne  faut 
douter  que  les  infidèles  voyans  les  bonnes  mceui -s, la  bonne  vie  &  conuerfation  de  ceux 
lefquelsils  eftimoyenteftre  comme  monftres,ne  foyent  contraints  de  confciTer  que  l'- 
opinion qu'ils  ont  de  nous, eft  faufTe,&:  de  donnergloire  à  Dieu .  Prenons  en  patiéce  ce 
qu'il  luy  plaift  nous  enuoyenattcndons  fa  bonne  volonté,  perfiftans  en  prières  pour  re- 
fîfteraux  dards  flamboyans  de  l'ennemy  Satan,qui  nous  enuironne  toulïours  comme 
vn  lion  rugifTant.Prions,prions  ce  bon  Dieu, qu'il  luy  plaife  eftendre  fon  bras  fort  pour 
maintenir  fes  poures  feruiteurs,à  ce  qu'il  foit  glorifié  par  nous  en  tout  &:  par  ton  t. 

LEs  combats&  aflaux  que  Pierre  Nauiheres  en  particulier  à  fouftenus  (  comme  nous 
auons  dit). &:  principalement  ceux  que  Martial  fon  oiiclc  paternel  luy  a  liurcz  du- 
rant l'emprifonnemcnt  de  Lyon,ne  fe  peuucnt  mieux  déclarer  &  donner  à  cognoiftre 
que  par  les  epiftres  dudit  Nauiheres. Parquoy  nousauons  ky  mis  les  lettres  dudit  Mar- 
tial,eferites  au  nom  des  autres  parens  &:  amis,  pour  diuertir  Pierre  Nauiheres  de  fon 
entreprife  par  rcmonftrances  méfiées  de  menaces  &;  iniures >  aufquellcs  reiponddiui- 
nement  ledit  Nauiheres, comme  nous  verrons  par  la  teneur  des  lettres. 

Epifbc  de  M  .Martial  Nauihcrcs,onc!e  de  Pierre  Nauihercî. 

ïïffîb  Ierre,icn'entendoye&:n'attendoye  pas  (  veu  ce  que  m'as  coufté  à  te  faire  cnfei- 
gncr  tant  a  Pans  qu'en  cefte  vniuedité)que  par  talegere  témérité  tu  eu/Tes  il  toft 
dcfuoyc  de  la  bonne  do£tnne,fuyuant  vn  autre  laquelle  ie  ne  fay  où  tu  as  apprinfe.  Bien 
fay  que  plulieurs  qui  ont  erré  en  pareille  opiniaftretc,en  ont  efté  punis  par  feu:  comme 
auffi  ia  picça  tu  euifes  efté,fi la  bonté  deDieu  &.  de  moileur  l'Ofticial  ton  iuge  ne  t'euifè 
attendu  à  refipifeencede  ta  folle  opinion  .  Ce  que  ie  te  commande  faire,  ces  prefentes 
veues:fansplus  attendre  &:  bailler  tnftcfTe  à  ton  pcre&  mere,&:  dsfuoyerde  l'abeif- 
fance  que  tu  leur  dois.  Par  les  lettres  que  tu  as  eferites  dernièrement,  iecognoy  que 
ton  outrecuidance  te  perfuade  d'entreprendre  vne  reformation  fur  tout  l'eftatdei'e^ 
glife en  laquelle  nous  viuons,qui appartient  à  Dieu  premièrement, &:  au  Magiftrat le- 
quel eft  donné  pour  icelleadminiftrer:  &:  non  à  toy  qui  n'es  que  vermine  de  fuperbei- 
gnorance,laquelle  a  conduit  tes femblablcs  à  la  fin  que  deflus.Et  ne  les  ont  peu  fauuer 
ceux  qui  les  fupportoyét.aufquels  par  ta  faute  tu  bailles  trop  de  peinc:&:  qui  pis  eft ,  em 
pefche  tes  compagnons  de  reuenir  à  la  recognoiflance  qu'ils  doiuct .  Ne  me  baille  plus 
de  peine  de  t'cfcrire,ny  a  autres  de  foliciter  pour  toy.  mais  dy  que  tes  malheureufes  pa- 
rolles,  comme  dites  en  taueine,mcritentrecantation.Etrecognoy  la  gtand'graccque 
te  fait  monditfeigneurrOfncial,de  tercceuoiràcefterepentance.  Euite  la  difîamatiô 
que  tu  fais  &  feras  à  tes  parcs  &C  amis. ie  prie  le  Seigneur  qu'il  te  doint  cefte  cognoiftan- 
ce.  De  Poitiers  ce  cinquième  de  Septembre:  Par  ton  oncle,h"  tu  fais  l'office  de  bonne- 
ueu,        Martial  Nauiheres. 

Lettres  de  Pierre  Nauilieres,conter.antes  refponfes  à  toutes  obieftions  &  reproches  que  les  aduerfaires  ont  accouftumé  de 
faire,pour  rendre  ûdjeufe  la  cuufe  de  ceux  qui  iont  empnionnez  pour  la  vérité  du  Seigneur. 

^Lapaix,grace&  charité  de  noftrebon  Dieu&  Pere,  parlefus  Chnft  noftreSei- 
gneur,cn  la  vertu  du  faincl:  Efprit  foit  auec  vous.  ** 

O  N  treshonnoré  pere:apres  auoir  entédu  par  mon  Oncle  la  caufe  qui  l'amenoit 
par-deça,i'ay  efté  fort  marry  de  la  peine  quo  prenoit  pour  moy:&  encore  pluscô- 
triftéde  la  fafcheric,angoiile&:  maladie  qui  vouseftaduenue  à:  aufl!àmamere,pour 
caufe  de  ma  captiuité.Ie  vous  prie  au  nô  deDieu  me  vouloir  pardonner,puis  que  ie  fuis 
autheur  de  tout  ccla:d'autre  part  aufTi  c6(idercz,que  ce  qui  m'eft  aduenu  n  eft  point  las 
la  grande  preuoyance  de  Dieu: lequel  difpofe  de  toutes  chofes  félon  ion  bon  plai{îr&: 
volôté.Quand  ie  péfe  ce  qui  m'eft  aduenu  depuis  mon  deparicmêt  de  la  maifbn  de  mô 
fîeur ,  ie  ne  puis  autre  cas  apperceuoir(de  quelque  cofté  que  ie  me  tourne  )  que  la  main 
tutrice  de  noftre  bon  Dieu, laquelle  m'a  conduit  par  tout:&  encores  ie  lapperçoy  plus 
clairement  que  iamais me preferuer& garder , il quvncheueu  delà  teftenemepeut 
eftreoftéfansfapermiflion.Etpuis  que  tel  eft  fon  bon  vouloir,  que  ie  foye  détenu  ca- 
ptif,non  comme  iureur  &:  blalphemateur>meurtrier,paillarde,infame,ou  larron, mais 

P,ii, 


Liurc^III*  'Pierre^  ^Çjtuiheres. 

comme  Chrcfticmaucz-vous  matierc  de  vous  contrifter&:  fafcher? Certes  vous  l'auriez 
fi  i'eftoyc  tci.li  luis  ie  toutefois  de  chair , d'os  &c  de  fang  côme  vn  autre,pour  commettre 
telles  choies. car  lemences  de  tout  mal  l'ont  en  noftre  maudite  &  mifcrable  nature  cor- 
rompue par  noftre  péché  :  &  autres  fruits  ne  pouuons  produire  de  nous-melmes,  lilc 
Seigneur  Dieu  ne  nous  preferuc  par  fa  bonté. Or,di-ie,  puis  que  ie  ne  fuis  tôbé  pour  tels 
affaires  en  la  main  des  nom  mes, n'auez- vous  point  caufed'en  eftreioyeux,&:  en  rendre 
grâces  à  ecluy  qui  m'a  amli  gardé?  Pour  quelle  caufe  vous  conttiltcz-vous?eft-ce  pour- 
tant que m'eftaduenu  leplusgrand  honneur&  leplusgrand  bien  que  pourroit  adue1 
nir  à  homme  mortel, s'il  le  l'auoit  bien  entcndte?l'honneur  ,di-ic,  &:  bien,  non  paTdcuat 
les  hommes  charnels ,  niais  deuant  celuy  qui  nous  a  faits  &:  formez ,  qui  a  foufFcrt  pour 
•  nous  en  l'arbre  de  la  croix,  quiàcelanousauoit  conftituez  deuant  que  fuflions  nais. 
Voulez-vous  empefeherqueiefoye  du  nombre  de  ceux  qui  ont  expofé  leur  vie  pour 
maintenir  la  facree  &C  fainde  vérité  de  Dicu,lefquel?repo(ent  maintenant  auec  luy?  I'- 
enten  bie  ce  que  les  moqueurs  dilént,0  voila  de  beaux  tclmoins  pour  maintenir  la  vé- 
rité de  Dieu. que  leur  Dieu  face  quelque miracle,&  qu'il  les fauue  .  O  gens  miferablcs 
bc  aucuglcsrne  dites-vous  pas  que  croyez  au  Dieu  tout-puifîant?Et  celuv  n'a-il  point  de 
puiflancedenousdeliurer ,  s'il  luy  plaift  ?  Que  fi  nous  mourons,eftimcz-\  ous  pourtant 
auoir  gagnc,&:  auoir  obtenu  victoire:  Certes  vous  poifez  bien  mal  le  dire  de  fainct  Paul* 
Phih  11  Mourir  nous  eft  gain. car  nous  fommes  vidoricuxde  ceux  qui  nous  penlent  vaincre  :&: 
en  mourant  nousviuons,&  ibmmes  deliurczdc  ce  mifcrable  mondc.Mais,ô  moqueurs, 
quand  la  mort  vous  viendra  failir  au  collet  ,&  qu'il  vous  faudra  aller  rendre  conte  dciiat 
le  throne  iudicial  de  Dicu,vous  changerez  alors  de  propos,  car  la  confciencc  vous  pref- 
fera,&  vous  mettra  au  deuant  ces  blafphemcs  qu'auez  proferez  de  voftre  orde  &c  puan- 
te gorge  cotre  Dieu  &:  les  liens.  Vous  auez  mené  loye, mais  vous  pieu  rcrezà:  grincerez 
les  dents. le  fay  bien  aufsi  que  pour  rendre  &t  nous  &  noftre  caufe  odieule ,  on  met  en  a- 
uant  que  quant  nous  parlons  des  fainds  SacremensqueIefusChriftainftitucz,&:luy- 
mcfme  receus,  que  nous  les  rcietrons,&  n'entenos  conte. parcillem et  que  nousdilbns 
mal  des  fainds  &:  laindes,&  mefmementdela  vicrgeMarie,luy  donnant  des  titres  que 
mefmelcs  Turcs  ne  font  pas. le  vous  prie,  de  quel  clprit  font  menées  telles  gens  :  Cer- 
tes ils  donnét  à  entédre  qu'ils  fuyuét  la  manière  de  faire  du  diable  leur  pere ,  duquel  ils 
fôt  imitateurs.il  eft  appelé  Pere  de  mélongc,caloniatcur  &  impoliteur  de  faux  crimes. 
Et  quoyrCeux-cy  ne  font  ils  pas  fes  fils  ?  car  en  ce  qu'ils  mettent  en  auant  de  nous ,  &c  en 
abbreuent  les  oreilles  du  peuple,ils  mentent  malheureufement,  &  fauflément  calom- 
nient ceux  lefqucls  parlent  de  telles  chofes  en  plus  grande  reuerence  qu'eux. Eft-ce  re- 
ietter  les  faindes  ordonnances  deDieu, quand  nous  ne  voulons  receuoir  celles  des  ho- 
mes, ne  leurs  fatras  &:  abus,  lefquels  ils  ont  introduits  en  la  lainde  Eglifede Dieu?  Et 
comme  nous  ne  les  voulons  pas  oftcr,d'autant  que  c'eft  à  faire  à  Dieu  &c  au  Magiftrat, 
aufll  ne  nous  doit  on  pas  contraindre  de  les  approuuer ,  veu  qu'ils  font  manifeftement 
contre  Dieu.Voicy ,  il  en  prend  à  ces  impudens  calomniateurs  comme  aux  Pharilicns 
Kl^cl.,13.  qui  eftoyent  du  temps  de  Iefus  Chnft.  ils  le  vantent  d  honnorer  les  fainds,ils  ornent  Se 
l+  parent  leurs  iépulcres(commc  fan'byent  les  autres  des  Prophetes)&:  cependant  calom- 
nient faulîcmcnt  ,&pourfuyuentàlamortceuxquileur  propofentla  mcfmcdodtinc 
des  Sainds.  Voyons  ie  vous  prie  les  calomnies  qu'on  mettoit  fus  à  kfus  Chrift,quieft- 
la  vérité  infaillible .  S'il  parloit  du  Temple ,  ou  de  la  Loy  deMoyfc,  on  l'accufoit  d'a- 
lcauS.38  uoir  mal  parle  de  tout  cela:  qu'il  auoit  le  diable  au  corps ,  qu'il  eftoit  vn  fedudeur, 
&:  femeur  dcnouuelledodrine.autantendilbit-on  des  Apoftres.  &c  maintenant  que 
fait-on  autre  choie?  Si  nous  parlons  de  l'Eglife,  Ion  donne  a  entendre  que  nous  endi- 
fons  mal,  &:  que  nous  la  voulons  abolir.  Si  nous  tenons  propos  delà  bien-heureufe 
vierge  Marie,lon  dit  que  nou  s  la  diffamons;  &c  l'appelons  paillât  de:&:  autat  des  fainds. 
O  Tangues  venimeufes,enfans  du  diable  pere  de  mcnfongeJceiTerez-vous  tantbft  deca 
lomnier  la  vérité  de  Diçu^  Ne  penfez  vous  point  qu'il  y  a  vn  feu  éternel  qui  vous  attéd, 
our  en  iceluy  toufiours  bruficrfanseftreconfumez?nc  penfez-vous  pointqUc  l'horrH 
le  &  terrible  iugcmét  de  Dieu  vous  eft  préparé, pour  vous  foudroyer  aux  abylmes  des 
enfers,aucc  voftre  pere  le  diable  lequelvous  enfuyuez?Cuidez-vous,gens  infenfcz,que 
nous  ne  croyons  pas, que  c'eft  en  Dieu  feul  auquel  il  faut  mettre  fon  efperancc,  &at-- 
tendredeluy  feuli'ecours,faueur&:aide?  'Eftimez  vous  que  nous  ne  croyons  pas  que 
ce  bô  Dieu  à  cnuoyé  fon  fils  bien-aimé  pour  nous  racheter  de  la  mort  éternelle,  lequel 

a  elle 


Pterrc^^Cjtuihfres.  22  j 

a  efté  conceu  du  fainft  Efprit,nay  de  la  vierge  rharie,voirè  vierge  deuant  l'enfantemét 
&viergcapres  rcnfanccmec  ôi  toucce  pareillement  que  comprennent  les  articles  de  s.Xugu.âu 
lafoy^auantage,lcsfain&s  nenousfont-ils  pointprqpofez  comme  exemples  pour  les 
cnfuyure?pour  donner  toute  gloire  àDieu  comme  ils  ont  fait?pour  viure  comme  ih  ont  d,cu  cha. 
vefcu,non  en  blafphcmes,paillardifes  &c  toute  ordure?  pour  expofer  noftre  propre  vie 
à  maintenir  l'honneur  de  Diéu,comme  ils  ont  expofé  la  leur'Ou  font  ces  beaux  décora 
tcurs  des  faincls,&  qui  fe  djfcnt  les  auoirtn  fi  grande  reuerécc?Où  eft  cejuy  d'entre  eux 
qui  voudra  mettre  le  petit  doigt  au  feu,pour  maintenir  la  gloire  deDieu  côme  lesfaîcts 
ont  fait  ?  Ils  iafent  &:  babillent  prou,qu'ils  le  feroyeht  s'ils  eftoyent  entre  les  Turcs.cel» 
leur  eft  facile  àdirejcependantqinls  en  font  bien  loin.  Etdea,eftïment-ils  quel'Eglifc 
doiue  eftre  en  paix&  fans  perfecutrô,finô qu'ellefoit  pourfuiuie  des  Turcs?mais S.Paul  *.Tim.a.ii 
dit,Que  ceux  qui  veulent  viure  fidèlement  en  Iefus  Chrift,fourfriront  perfecution.  Et 
puis  il  dit  qu'aux  derniers  temps  fe  monftrerala  patience  des  faincts.  c'eft  vn  cas  tout  af  Apoc  j}  jq 
leuré-que  rEglife  ne  feraiamaisfansperlecution.  Mais  certes  ceux  qui  ainfi  nous  calô- 
nient,ne  demandent  telles  chofes,il  leur  fuffit  d'auoir  les  pieds  bien  chauffez,le  ventre 
bié  entretenu, eftre  mollemet couché,dafer,gaudir  &:  rire:&:  ainfi feruir  àDieu,&maî- 
tenir  la  querelle  de  Iefus  Chrift  ■>  lequelils  oyeht  auoir  efté  iour  &:  hui&  en  peine  &  eh 
rrauail ,  auoir  efté  en  opprobre '&  honte  au  monde ,  auoir  mefme  prononcé  de  fa  facree 
bouche,Que  celuy  n'eft  poit  digne  de  luy,qui  ne  porte  Ta  croix  tous  les  iours  après  Juy.  Mat* 10  38 
Autant  en  eft  aduenu  a  fes  Apoftres&  difciples:  àc  moins  n'en  doit  aduenir  à  ceux  qui 
les  voudront  enfuyure.Parquoyreux  ne  doyuét  cftre  eibahis,enuers  lefqls  auiourdhuy 
iecas  pareil  eft  exercé.Et  quoy  que  le  mondé  fe  trauaille ,  s'efforce ,  crie,  perfecute  par 
mer  &:  par  terre>  fi  eft-ce  que  la  vérité  deDieu  demeurera  inuincible&  vi&orieufe:  ô£ 
ceux  qui  la  perfecu'tenr,  &:  fauflfement  la  calomhient,fcront  eh  fin  miferablement  fou- 
droyez^ par  fon  terrible  iugement  âbyfmez,car  ce  n'eft  pas  contre  les  hommes  qu'ils 
bataillent, mais  contre  Dieu. Il  en  prendra  à  ces  miferables  calomniateurs  côme  au  cra 
pâud,leql  après  qu'il  eft  bien  plein  de  venin,creue,ainfi  ccux-cy  [après  qu'ils  aurôt  bien 
prouoquéfire  deDieu  fur  leur  tefte,en  fin  perirôt  miferablemét.OrpourccqiehedoU 
te  point(côme  mcfme  ie  l'ay  peu  entendre  par  les  propos  que  m'a  tenu  mon  onclejquc 
tel  bruit  court  no  feulemé't  par  delà, mais  en  gênerai  par  tout:ie  vo9  prie  au  nô  deDieu, 
ôcautant  que  vous  doit  eftre  fon  honneur  eh  recô mahdation,que  ne  preftiez  facilemét 
l'aureille  à  telles  vaines  &  friuoles  parolles,regardons  diligemment  à  ce  que  Ion  dit  »  a- 
uant  que  ietterfentence  de  quelque  chofe:  car  Dieu  nous  promet  q  de  telle  mefureq  Mar.7.i 
nous  mefurerôs  les  autres,nous  ferons  mefurez.  Vous  pouucz  pefer  par  ce  que  vous  re£ 
eri,fi  les  rapports  qu'on  fait  de  nous  font  véritables. Dieu  eft  tefmoin  qu'on  nous  àccufe 
d  vne  chofe  à  laquelle  nous  n'âUohs  iâmâis  feulemet  befé.Ie  prie  le  Seigneur,  que  ceux 
qui  nous  calomnient  fâuflement:quand  ce  viendra  à  comparoir  deuant  le  throne  iudi- 
cial  de  Dieu,qu'ils  ne  fe  tlouuent  du  nôbre  de  ceux  defquels  à  prefent  ilsdonnent  à  en 
tendre  que  nous  fommes,Helas!  ne  leuerôs-nous  iamais  nos  efprits  plus  haut  que  cefte 
terre?Regarderons-nous  toufiours  aux  apparéces  &  pompes  mondaihesf'Ô  que  Dauid  pfcau.7j.i7 
deferit  bien  la  fin  de  telsîdifant,Quand  ie  me  mettoye  à^pehfer  &:  coghoiftre  cclà,ce  in' 
eftoit  chofe  trop  lafeheufe  iufqiies  à  ce  que  iefuife  entre  au  fàn£tuàire  deî)ieu,&;  que  i' 
euiTe  confideré  leur  fin,certes  tu  les  as  mis  eh  lieu  gliffantjtu  les  précipites  en  ruine  .voi 
la  ce  que  le  S.Prophete  dit.Peiifohs  donc  à  la  grande  preuoyancc  de  Dieu.  îefùs  Chrift  mt  I0  ^ 
teftifie  qu'vn  petit  pâiTereâU  ne  tombe  point  en  terre  fans  le  feu  de  fon  Pere:&nous  qui 
fômes  bien  plus  qu'vn  petit  pa/Tereau,qui  fômes  faits  à  l'image  de  Dieu,  eftimons-nous 
eftre  conduits  à  la  volée  ?  nos  cheueux  ne  font-ils  pas  tous  nombrez  ?  &  nul  ne  tombera 
fans  le  feu  de  celuy  qui  nous  â  faits  &:  formez. Pourquoy  vous  fafchez-vous  donc  ?  pour- 
qùoy  voulez- vous  mettre  fhoftfoyâuX  tpports  qu'on  fait  de  nous?  voulez-vous  con- 
damner celuy  que  vous  n'auez  ouy?Ce  n  èit  pas  de  maintenant  que  la  vérité  a  efté  calô 
niée:  mais  les  calomniateurs  périront  miferablemeht,&Ie  bon  droit  fe  cognoiftra  à  ja 
parfin.car  nous  auons  tous  vn  luge  deuat  lequel  il  nous  faudra  tous  côparoiftre  vn  iour, 
fclà  r*todre  conte  de  tous  les  iugemens  que  nous  aurons  faits.Là  ferôt-ouuérts  les  liurcs 
des  confciences,&:  par  icclles  chacun  cognoiftra  fa  condamnation  ou  abfolution.  Que 
les  calomniateurs  penfent  à  cecy:  ceux  auffi  qui  font  refpandre  le  fang  iniuftemcnt, 
qu'ils  y  prennent  garde.  Car  le  fang  crie  &:  criera,  voire  celuy  d'Âbel  iufqucs  au  der-  Mat13'35 
nier  tué:&  demande  vengeance  à  Dieu ,  &  il  l'exaucera ,  &c  le  redemandera .  Et  vous, 

P.  iii. 


Liur(U  UL  jPierrcj  J\(jiuihem. 

meurtriers, pourréZ-vo9  fubfifter  deuât  la  face  du  Fils  deDieu,leqlvous  meurtriflez  iom 
fc.  503-1  nencrncnc  en  les  membres?  Et  pourcequ'il  diflimule  touteecy  ,&:  qu'il  n'en  fait  ven- 
geance fubite,  vous  l'eftimez  femblable  à  vous:  maisil vous  en  reprendra  ,&rdedinta 
par  ordre  tous  vos  faits  en  voftre  prclence.Ic  vouspric,  mon  pere ,  ne  vous  tourmencez 
plus  à  caufe  de  moy:ne  vous  donnez  plus  de  fafcherfe. remettez  le  tout,comme  aufïi  ie 
le  fay ,  entre  les  mains  de  Dieu  :  lequel  conduira  l'affaire  en  telle  forte ,  que  tous  en  de- 
mont  eftre  contens.Et  ne  le  dcuons-nous  pas  cftre,quand  le  tout  fera  à  l'on  honneur  &: 
gloire  à  noftre  falnt  ?  Orie  le  prie  afTcctueufement  qu'ainfl  foit,&  vouloir  &c  vous  &: 
ma  mere  >&:  tousenfemble  tenir  en  fa  fain£tefauue-garde&:  protection  :  nous  gouuer- 
ner  &  conduire  par  fon  fainct  Efprit,a  ce  que  toutes  nos  ceuures  foyét  à  la  gloire  de  fon 
tresprecieuxnom,Ainfifoit-il.   Voftretrefhumblc&:  obeillant  fils, Pierre  Nauihei  es. 

C  ESTE  Epifrre.comme  la  precedente.eft  accommodée  à  h  oapacitc  de  ceux  à  qui  elle  eft  adn  flee  & contient  en  erlecH: 
caufe  de  la  haine  mortelle  que  portent  le  Pape  &  les  fuppofts  à  la  parolle  du  Seigneuries  crimes  dont  on  aceufe  ceu*  qui 
la  l)fent:finalemcnt  il  met  en  auant  le  deuoir  qu'il  a  entiers  ceux  qui  /ont  fes  parens:!cs  exhortant  à  mefpnltr  telles  calom- 
nies^: cc-que  ce  pourc  monde  fait  dire  &  faire. 

pjpSji  A  R  cydeuantiene  vous  auoyc  fatiffait  amplement  quant  à  la  caufe  pour  laquel 
Ûzted.  ^c  *e  ^LU s  détenu  prifonnier  de  long  temps:ie  le  voudroye  à  prefent  fane .  Or  puis 
que  ne  pouucz  rien  ignorer  de  tout  cela,ie  ne  me  metci  ay  en  celle  pcine:il  me  fuffiia  de 
certifier  deuât  Dieu,  que  vous  &:  tous  ceux  qui  ont  veu  mes  lettres,  ont  peu  cognoiftre 
&C  entendre, s'ils  ont  voulu, que  la  foy  laquelle  ie  tien  ,  &c  pour  laquelle  ie  fuis  tout  preft 
de  foufFrir  la  mort  quand  il  plaira  àDieu,n'cft  point  hérétique  &:damnable,comme  on 
dit:  mais  fondée  fur  la  dodrine  des  faincts  Prophètes  &:  Apoftres,  qui  eft  la  parolle  de 
J ph.  i.io  £)jcu  éternel .  Lesallegations  prinfes  tant  de  cefte  laincte  doctrine  que  des  faincts  Do- 
cteurs anciens &c  vrais  Concilesdefquelles  auez  peu  Voir  &c  lire ,  rendét  tefmoignage  de 
cela.  Or  i'eufTc  bien  defire  que  ceux  qui  ont  tafché  par  tous  moyens  à  me  diuertir,  &: 
donner  à  entendre  que  i'eftoye  en  erreur ,  euffent  fait  le  femblable ,  &:  prouué  leur  dire 
par  la  parolle  de  Dieu,  comme  ie  les  ay  fort  priez  parlant  à  eux  :  mais  ce  n'eft  pas  ce  qu'- 
ils demandent,  car  ils  fentent  bien,  quand  ce  viendroit  à  examiner  les  poin&s  en  telle 
rorme,qu'il  leur  faudrait  quitter  le  ieu,&:  confcfTer  qu'eux  mefmesfonten  erreur  Se  hc 
refie  ;  voire  telle  que  iamais  fut.  Et  partant  afin  qu'ils  ne  tombent  là ,  ils  veulent  qu'on 
les  oyc  &:  mette  foy  à  leurs  raifons,fahs  rien  répliquer  ne  refpondre.  Nous  fômes  prefts 
à  les  efeouter  paifiblement:fculemcnt  nous  demadons,  côme  c'eft  raifon,qu'ils  facet  a- 
pres  le  femblable  entiers  nous:&  puis  q  le  tout  foit  coiifideré  félon  la  parolle  de  Dieu  &: 
ceux  qui  l'ont  fidèlement  interpretec,oomme  les  faincts  Docteurs  anciens.  Eux  veulét 
le  contraire,&  pour  celte  caufe  s'efleuêt  contre  nous,£c  nous  condamnent  à  mort.don- 
nans  à  entendre  au  commun  populaire  que  fommesheretiques,nccroyâspasèn  Dieu, 
blafphemâs  contre  luy,contre  Icfus  Chrift  fon  Fils  vnique,contre  la  trefheureufe  vier- 
ge Marie  &c  les  faincts&:  fainctes,  &:  contre  la  S.Eglife  .dont  le  poure  peuple  efmeu  con- 
tre nous, nous  eltime  pires  que  chiens.  Ce  qui  certes  feroit  à  bon  droit,fi  telles  gens  di- 
foyent  la  vprité.rnâis  leur  malice  feradefcouuerte,cv  la  parolle  de  Dieu  cognue,  nonob 
{tant  toutes  leurs  pratiques. le  vous  prie  confiderez  fi  le  femblable  ne  vous  eft  pas  venu 
enuers  moy .  le  ne  doute  point  qu'au  commencement  vous  n'eufïicz  cefte  opinion  de 
moy  ,queie  ne  croyoye  point  en  Dieu,&:confequemmentquei'vfoyede  telles  mef- 
châtes  parolles  qu  o  nous  met  fus  à  tort., mais  ie  ren  grâces  à  mon  Dieu  par  Iefus  Chrift 
que  vous  auez  peu  voir  &z  cognoiftre  le  contrait  e,voire  par  telles  raifons  qu'homme  du 
monde  n'y  fauroit  contredire,  s'il  ne  vouloit  du  tout  contrariera  la  faincte  patolle  de 
Dieu.  Vous  mefmes  cites  tefmoins  que  ie  donne  telle  refolutiô  de  mon  dire,&:  le  prou- 
ue  tellement  par  paffages  non  tirez  de  mon  ccrueau>  mais  de  cefte  faincte  parolle  de 
Dieu,  &  des  faincts  Docteurs  anciens,qu'il  neft  pofTible  de  dire,finon  faufîemét,que ie 
fuis  en  erreur  &:  hereiie.  Si  mon  beau-frere  euft  ainfi  prouué  les  propos  qu'il  m'a  eferita 
autrefois ,  i'eufTe  eu  matière  d'y  penfer.  Mais  quelle  raifon  y  a-il  de  dire ,  pour  prouuer 
vne  chofe  qu'on  veut  eftre  tenue  pour  article  de  foy ,  On  a  veu  en  vne  chappelle  fous  le 
règne  d'vn  tel  Roy,  tel  cas  &:  tel  ?  tels  ont  tenu  &:  creu  cecy  &  cela  de  long  tem  ps?  par  ce 
moyen  on  pourroit  prouuer  beaucoup  de  belles  chofes. .  Mais  vn  vray  Chreftien ,  en 
matière  de  Religion  ne  mettra  iamais  foy  à  quelque  c^ofe  qu'on  luy  die ,  finon  entanc 
qu'dverra  que  c'eft  la  parolle  de  Dieu, ou  qu  elle  a  fondemet  fur  icelle.  car  il  a  cela  pour 

tout 


Tierrcj      anthères.  224. 

toutrefolu,  que  lafainvfto  parolle  de  Dieu  contient  pleinemét  ce  qui  eft  necc/Iaire  a  fa- 
lut:voire  de  telle  forte ,  qu'il  n'eft  licite ,  fur  peine  de  damnation  6c  mort  éternelle ,  d'y  Dcut-4 
adioufterou  ofter  quelque  chofe  que  ce  Toit.  Que  doyucnt  doheques  actédre  autre  cho 
le  ceux  qui  ofent  dirent  &:  affermer,  que  Iefus  Chrift  le  Fils  vnique  de  Dieu ,  n'a  pas  cô- 
pris  en  fon  faind  Euangile&:  nouueau  Teftament,  tout  ce  qui  eft  nece/Taire  à  noftre  fa- 
lut^ôi  partant  qui  leur  cft  licite  d'y  adioufter  ce  que  bon  Ieurièmblc:  àquoy  il  faut  ad- 
ioufter  foy  comme  à  la  parolle  de  Dieu?  Et  quel  horrible  blafpheme  cft-ce  cy?toutefois 
c'eft  ce  que  dit  le  Pape  &  Ces  do&eurs.Cecy  n'eft-il  pas  for ty  de  leur  boutique,comme  il 
appert  par  fes  canons,  Combien  que  le  Pape  meneroit  à  grandes  trouppes  les  ames  en 
enfer,  toutefois  nul  ne  doit  prefumerde  luy  dire,  Pourquoy  fais-tu  cela?  Voila  commet 
parce  moyen  on  a  introduit  tant  d'impietez  entre  le  poure  peuple  Chreftien:  lefquel- 
les  fi  on  veutauiourdhuy  reietter,  auffi  toft  on  eft  eftimé  hérétique  :  on  dit  qu'on  veut 
deftruire  feglife.  Et  la  caufequi  meut  ceux  qui  difent  telles  chofes,  eft  pource  qu.e  fi  on 
examine  leur  doctrine  6c  leur  vie  parla  parolle  de  Dieu ,  il  leur  faudra  diminuer  de  leur 
ordinaire,&  n'eftre  fi  gras  ne  fi  gros:il  leur  faudra  trauailler  de  leurs  mais,  6c  ne  viure  en 
oifiuetc  aux  defpens  du  peuple:il  leur  faudra  rendre  le  bien  des  poures  qu'ils  detiennet. 
parquoy  pour  euiter  telles  chofes, ils  défendent  à  tous  la  parolle  de  Dieu:&:  veulent  qu 
eux  fculemet  la  lifent,  pourpuis  après  l'interpréter  à  leur  profit.  Si  on  voit  vn  nouueàu 
Teftament  entre  les  mains  d'vn  poure  mécanique  ,on  dit  aufli-toft  qu'il  eft  hérétique: 
mais  il  luy  eft  bien  permis  de  tenir  quelque  liurc  d'amours,de  folie,  direchafons  de  tel- 
les chofes,danfer,iouer  aux  cartes  6c  dez.  Et  quelle  pitié  eft-ce  cy  ?  n 'eft-ce  point  la  ma- 
lédiction de  Dieu  qui  femanifefte?  Et  comment  pourrons-nous  fauoir  le  chemin  pout 
aller  en  Paradis,li  on  ne  le  voit  parla  parolle  de  Dieu  ?  On  veut  bien  obtenir  l'héritage 
de  Dieu  noftre  Père ,  &:  on  ne  veut  pas  lire  fon  fainft  Teftament .  &  toutefois  fi  noftrè 
pere  charnel  nous  a  laifle  vne  vigne  ou  vn  champ  par  fon  Teftamér,  nous  prédrôs  bien 
la  peine  de  le  lire  ou  faire  lire:  &:  ne  lirons  point  le  Teftamet  de  noftre  Pere  celefte?  Au- 
iourdhuy  cela  eft  défendu  :  ia  foit  que  Dieu  die  expreflement,  Ce  Jiure  ne  partira  point 
detabouchc,  maistuy  pehferas&iour&:nui6t,en te leuant& couchant :&:  ledôneras  0  u  ï8' 
à  entendre  à  ta  femme,à  tes  cnfans,à  tes  feruiteurs  &c  feruantes.  Et  Iefus  Chrift  côman- 
de,Çerchez  les£fcritures:car  elles  rendent  tefmoignage  de  moy.  A  caufe  de  quoy  tous  Iein  *'3S>" 
les  fàin&s  Docteurs  anefés  ont  exhorté  le  pcuple,&  gens  demeftier,&  femmes,&:  tous 
en  gênerai  tant  petis  que  grans ,  d'auoir  le  vieil  &C  nouueau  Teftamet  en  leurs  maifons, 
6c  y  lire  fouuençmefmementdeuant  que  venir  au  fermon  lire  cequife  doitprefcher,à- 
ïin  qu'ils  l'entendi/fent  mieux .  mais  auiourdhuy  il n'eft  nouuelle  de  telle  chofe .  noftre 
bon  Dieu  y  vueille  mettre  ordre  par  fa  grâce,  6c  retirer  le  poure 'peuple  des  ténèbres  où 
il  eft,  afin  que  Iefus  Chrift  feulement  règne  par  fa  parolle.  Or  donc,  mes  treshonnorez, 
ie  vous  prie  confiderer  ce  que  vous  ay  eicrit<>  6c  ne  penfer  que  ie  foye  tat  inhumain,  que 
je  vueille  eftre  meurtrier^  de  vous&:  de  mô  ame.Ie  dy  cecy  pource  qu'on  allègue  que 
ie  pourroye,fi  ie  vouloye,vous  mettre  hors  de  triftcfte,&:  moy  de  captiuité.Eftimcz  que 
ieîuis  celuy  qui  ne  penferoye  vous  auoir  fatisfait  quand  l'auroye  mis  ma  vie  pour  vous: 
mais  âufli  d'autre  part,(àchez  que  la  gloire  de  Dieu  nous  doit  eftrè  en  plus  grande  recô- 
niandation  que  qui  que  ce  foit.  Iefus  Chrift  nous  commande  de  lai/Ter  6c  pere  6c  mère,  Matxo  37 
6c  femme  &:  enfans,  6c  champs  6c  Vignes  pour  le  fuyure ,  6c  n'aimer  ces  chofes  plus  que 
luy. partant  qu'il  ne  vous  foit  grief  ne  fafcheux  quand  bien  vous  entendriez  ma  mort, 
car  défia  vous  auez  feu  pourquoy  ie  pourroye  6c  fuis  preft  de  la  fouffrir  :  afiauoir  pour  la 
gloire  de  Dieu,&  non  pour  quelque  crimc  queiayccômis.  Vous  auez  matière  de  vous 
confolerfic  cfiouir.  carie  fuis  afieuré  que  plus  grande  gloire  ne  vous  fauroi  t  eftre  dônee 
enuers  Dieu ,  duquel  i'efp ère  6c  mecofic  que  par  fa  grâce  il  mé  receura  en  fon  royaume  Ephef.i..?. 
celefte:lequel  il  m'a  acquis \6c  donnera  à  la  fin^non  point  par  mes  mérites  &  ceuures,lef- 
quellçsne  peuuentd'elles-mefmes,non  plus  que  de  tous  hommes, mériter  que  damna- 
tion 6c  enfer:  mais  par  fon  feul  Fils  Iefus  Chrift,  par  le  fang  duquel  feul  tous  nos  péchez  lPklA- ls 
font  effacez,  6c  fommes  rachetez,  6c  non  par  au  tre  chofe.  Certes  c'eft  peu  de  cas  que  de 
ce  miferable  monde  :  mais  quelle  ioye  eft-ce  que  d'eftre  deuant  la  face  de  Dieu ,  en  la 
compagnie  de  tant  de  milliers  d'Anges,deS  Prophètes,  Apoftres»  faincts  6c  fain&es ,  6c 
là  viure  éternellement?  Apprenons  doncàmefpriferc'cjpoùre  monde  pour  fuyure  Iefus 
Chrift,  qui  feul  eft  noftre  efperance,  noftre  (alut&:  vie .  auquel  ie  vous  recommande, 
mes  treshonnorez  pere  &merc,  pour  lefquelsie  fuis  contrifté  d'angoiiTe,faifant  iour 


&  nuift  prière s<&  oraifons  pour  vous.  Penfez,  ie  vous  prie,  qu'il  vous  faudra  cômparoi- 
fttedcuantlethroneiudicial  de  Dieu^  lequel  iefupplie  affe&ueufemcnt  vouloir  eftre 
voftre  garde.        Voftre  treshumWe&obeiiTantfîîs,  P.  N. 

AVTR.E  Fpifttc  Judit  Nauiheresà  fon  pere,  contenant  exhortation  &  ioftru&ioc  à  laparolletlu  Seigneur. 

ÏJ&JIO  Npere,ie.fuis  grandement  contrifté,veu  que  vous  ay  cfcritfouuent,  tant  pour 
||\p|Jvous  déclarer  mon  affaire,quc  pour  vous  donner  à  entendre  que  n'auiez  matière 
ny  occafion  de  vous  contrifter  &  îafcher,  fi  vous  côfiderci  les  chofesde  plus  près ,  leuât 
les  yeux  par  défais  la  tcrre:&:  neantmoins  n'ay  encores  receu  refponfe  certaine  à  aucu- 
ne de  mes  lettres,  pour  eftre  alfeuré  fi  les  auez  receués*  Seulement  i'en  ay  veu  aucunes, 
par  lefquelles  n'ay  peu  eftre  qu'incité  à  gemir&  foufpirer ,  confiderant  cornent  il  plaift 
au  Seigneur  que  les  chofes  fe  portent  pour  le  prefent  :  &c  entre  autres  par  celles  que  i'ay 
receuès  depuis  le  départ  de  mon  oncle,par  le  fire  Iean  Moret.Mais  ie  prie  ce  bon  Dieu, 
qui  fait  &:  cognoift  le  téps  &  l'heure  >  vouloir  mettre  en  bref  ia  main  à  l'on  œuurc  :  fi  que 
ceux  mefme  qui  font  en  obftacle ,  cognoiffent  &:  entendent  que  c'eft  le  doigt  de  Dieu, 
voire  à  leur  confolatiomcômeaufli  ie  le  defîre,&  l'en  prie.  Helaslmon  ptre,cftcs-vous 
marry  ii  ie  vous  appelé  Pere,ou  vo9  defplaift-il  fi  ie  me  tien  pour  voftre  fils  ?  fi  eft-cc  que 
celuy  qui  eft  Pere  de  tous ,  &c  quiho9  a  faits  &c  formefc,ne  m'en  a  point  dôné  d'autre  que 

11a  4êMî.  vo9  en  ce  mode.  Et  luy-mcfme  parlât  par  fon  Prophète  Tfaie  dit ,  La  merc  oubliera-elle 
le  fruid  de  fon  vétre?&  fi  elle  l'oublie,  fi  eft-ce  que  ie  ne  t'oublieray  pas,&  ne  te  delâiffe- 
ray.  Voila  cômentle  Seigneur  Dieu  propofe  ccft  exéple  de  la  mere ,  corne  fi  cela  eftoit 
impoflible.  Et  quad  encores  vn  tel  cas  aduiendroit  (ce  qui  feroit  fort  ellrange)  fi  jpmet- 
il  toutefois  qu'il  ne  delaifîèra  poît  les  ficns<>  &c  ceux  qui  ont  efpoir  en  luy.  Parquoy,quad 
tout  le  monde  deuroit  fe  troubler,&  le  diable  faire  le  pis  qu'il  pourroit,  fi  eft-ce  que  nul 
ne  me  fera  déchoir  de  cefte  certitude  de  f  oy,qu'il  eft  mô  Dieu>ayat  dôné  fon  bieh-aimé 
Fils  pour  moy  à  la  mort:  par  laquelle  il  m'a  racheté  de  la  captiuité  du  diable,  &  fait  héri- 
tier du  ciel.  Et  fi  donc  Dieu  m'a  donné  cefte  ferme  foy  &  efperance ,  &  l'a  engrauee  en 
mon  cœuncomment  ofe-on  dire&  prononcer  tât  franchemét ,  qu  âpres  mon  corps  ex- 

ican  s  M'-  ecuté,mô  ame  fera  au  diable?  Iefus  Chrift  dit  que  qui  oit  fa  parolle*  àc  croit  en  celuy  qui 

*  '3-,<5-  l'a  cnuoyé,il  a  vie  eterneHe:&  ne  viendra  point  en  condanation,  mais  eft  paffé  de  mort 
à  vie.  Item,  Qui  croit  au  Fils  de  l'home  ne  peut  périr,  mais  a  la  vie  éternelle.  Ôr  ce  bon 
Dieu  par  fa  grâce  &  mifericorde  m'a  dôné  de  croire  en  luy ,  &:  s'il  luy  plaift  me  maintien 
dra  en  cefte  foy  iufques  au  dernier  foufpir:  6c  cepédant  l  hôme  ofe  affermer  que  mon  a- 
me  fera  condânee,&:  au  diablelO  home  &  beau- frère ,  pleuft  au  Seigneur  Dieu  que  vo* 
enfliez plus  diligémen  t  penfé  auant  qu'eferire  &:  dire  le  mor,&  vous  ôc  d'autres. le  le  dy 
&  efery  auec  pleurs  &:  larmes,defqueîles  celuy  qui  nous  voit  &c  cognoit  tous ,  voire  iuf- 

rfc.)5.if.  ques  au  profond  du  cccur>tant  foit  couuert  &  caché,  eft  tefmoin  véritable.  Ne  iugeons 
point.car  le  îugement  des  homes  eft  faux,mais  celuy  de  Dieu  eft  Véritable ,  qui  vn  iouf 

Rom.z.ij.  nous  iugera  tous:&:  nos  confeiences  nous  accufâns,ferohs  condamnez  par  celuy  qui  ne 
peut  errer.  Suyuons  ce  iugement  de  Dieu,  &:  lors  nous  ne  ferôs  point  en  danger  de  mal 
iuger.Moti  pere,  vous  n'aûez  point  matière  de  vouloir  me  faire  traiter  rudemet:&:  ceux 
qui  le  vous  confeillent,ont  bien  peu  de  charité  Chreftiéne.Ils  doyuét  pour  le  mois  pch 
fer  que  ie  fuis  fait  à  l  image  de  Dieu  corne  eux  ;ie  ne  fuis  point  vn  chien  ny  autre  befte 
brute,  mais  fuis  Chreftié,&:croy  enDieu>lequelfeul  par  fa  mifericorde  me  fàuucra.  Or 
ie  le  prie  qu'il  ne  leur  vueille  point  imputer  ce  qu'ils  font  6c jpeurent  côtremoy.  s'ils  pé- 
fent  bien  faire,qu'ils  voyent  que  ce  foit  felô  Dieu  :  car  il  faudra  qu'ils  luy  en  redent  côte 
vn  iour.Ie  vous  ay  efcrit,& vo9  efery  derechef,  q  i'ay  efpoir  de  me  porter  en  telle  forte,  c{ 
ce  fera  à  la  gloire  de  Dieu.&  par  ainfi  en  deuez  eftre  content ,  veu  que  toutes  nos  actiôs 
doyuét  toufiours  tédre  à  ce  but.  Or  ie  prie  Dieu  aiFe&ueufemét  qu'il  vo9  vueille  côdui- 
re  &:  gouuerner  par  fon  S.Efprit,&:rna  mereauffi(à  laquelle  defire  eftre  recômandee)  &C 
toute  voftre  famillc:afin  que  tous  enfem  ble  puifïîôs  eftre  trouucz  agréables  deuat  fa  fa- 
ce, par  fon  bienain\é  Fils  Iefus  Chrift,  quant  ce  viendra  à  comparoir  deuant  le  thrôn© 
iudicial  de  fa  maiefté,  Ainfi  foit-il.        Voftre  treshumble  &:  obeifTant  fils  à  iamais. 

AVTK.E  Epiftrc  du fufdit.par  laquelle rernonurant  à  fes parcs  leur  deuoir,iHfs  inuiteà  ".'enquérir  delà  veritéEuâgeliqucJ 

Grâce  &c  paix  de  Dieu  noftre  Pere,par  Iefus  Chrift  fon  Fils  vnique. 
F^liïO  NOBSTANTq  n'ay  e  receu  il  y  a  lôg  rép  s  aucunes  lettres  de  vous*  d$t  puif- 
($fj|g  fc  apperceuoir  voftre  vouloir  enuers  moy ,  fi  eft-ce  que  de  ma  part  ic  ne  laiffcray 

en  ef- 


?%ro  ÏN^auieres.  22  j 

en  efcriuant,  de  vous  rendre  dcuoir  de  fîls.  le  ne  fay  bonnement  il  ie  me  puis  iuftement 
approprier  ce  que  dit  ce  bon  &C  excellent  Prophète  &royDauid  au  Pfcaume  vingtfe- 
•ptieme  :  aflauoir,  mon  Pere&:  ma  merc  m'ont  abandonné,  mais  le  Seigneur  Dieu  me 
recueillera.  Quant  à  celle  dernicre  partie,ie  puis  dire  aileurément  que  ce  bon  Dieu  ne 
ma  point  delaiffé,  quelque'tribulation  &L  afHi&ion  que  i'aye  eu,  ains  m'a  toujours  con- 
folé, &:  confole  deprefent  autant  que  iamais:  me  reiiouuTant  de  Phoneur  qu'il  luy  plaift 
mefaire.  Quant  à  rautrepartie,afîauoir  que  m'ayez  abandonné, ie  ne  lofe  bonnement 
afrermercarfe pourroit-il  faire qu'euiïiez enliaine  le frui&de  voftre  vétre,lequel  Dieu 
vous  a  donné?  certes  cela  n'aduient  pas  aux  beftes  brutes.  Vous  me  pourrez  dire  que 
vous  auez  iufte  occafiô  de  ce  faire. mais  ie  ne  le  voy  point:  veu  que  n'ay  fait  le  pourquoy. 
Si  c'eft  pource  qu'ay  rendu  raifon  de  l'cfperancedc  la  vie  éternelle  que  i'ay  par  Iefus 
Chrift  noftre  Seigneur  (  comme  de  ce  faire  nous  commande  fainft  Pierre  en  fa  premiè- 
re Epiftre,  troiiîeme  chapitre  )  vous  n'auez  en  cela  matière  ne  dem'auoir  en  haine, 
ne  de  vouscontrifter.  Si  c'eft  pource  que  penfczque  ie  foye  Luthérien  (  comme  ort 
dit  communément  )  encores  aucz-vous  moins  d'occaiion  .  car  ie  ne  fuis  pointtel:  mais 
Chreftien ,  croyant  fermement  à  ce  que  nous  enfeigne  la  parolle  de  Dieu.    Vray  eft  V(c.^.7. 
que  ie  fuis  vn  poure  pécheur,  conceu  &nayen  péché,  enfant  d  ire  &  fuietàdamna-  FpJ«ft.j. 
tion:comme  il  nous  faut  croire  que  fommes  tous  tcls,ainii  qu'enfeigne  l'Efcriture  fain-  Rom  5" u 
cte:  mais  au  fil  ie  croy  que  pour  me  racheter  de  cefte  condamnation ,  Luther  n'eft  point 
defcendudu  cichmais  Ieius  Chrift  vray  Fils  de  Dieu  éternel .&:  non  feulement  Dieu  l'a 
enuoyéfouffrir  mort&  paillon  pour  moy ,  mais  pour  tous fesenfans  efleus  qui  croyent 
en  luy,  ainfi  qu'il  cft  enfeigné  en  la  mefmc  parolle.  le  croy  donc  fermement  auoir  efté 
racheté  de  ma  mauuaife  conuerfation  (comme  dit  S.Pierre  en  ia  première  Epiftre, pre- 
mier chap.)non  par  or,  argét ,  ou  autre  chofe  corruptible ,  mais  par  le  fang  précieux  de 
Iefus  Chrift  noftre  Seigneur,  1  Agneau  immaculé,  par  lequel  ieul  î  cfpcre  entrer  en  Pa- 
radis, &C  nô  par  autre  moyé,  Luy  tout  feul  cft  fufHfant  pour  nous  purger  &c  lauer  de  tous 
nos  pechez,quels  qu  ilsfoyét:&  le  fait  &  la  vérité,  comme  ditfaincl:  Iean  en  fa  première  i.  iean  1. 1 
epiftre  Canonique  -.  &:  n'en  faut  point  cercherny  adioufterd  autre .  Par  cecy  il  appert 
que  ie  fuis  Chreftien.&:  iî  pour  cela  ie  fuis  détenu  prifonnier  &  perfecuté ,  il  n'en  faut  e- 
ftre  esbahy. car  ii  autrement  aduenoit,il  faudroit  que  la  parolle  deDieu  fuft  fauife-.mais 
elle  cft  trefueritable ,  &c  ditapertement,  Que  ceux  qui  voudrôt  viure  fidèlement  félon  t.Tim.3  « 
IefusChrift,foufFnront  pcrfccution.Et  Iefus  Chrift  dit  de  fa  facree  bouche,QujDn  pen-  ican 
fera  faire  facrifice  à  Dieu,quand  on  les  mettra  à  mort .  bref,  toute  l'Efcriture  eft  pleine 
de  telles  chofes.  Et  il  on  dit  que  cela  s'adreile  feulement  au  tem  ps  des  Apoftresxertes 
fainct  Pierre  en  fa  première  Epiftre  dénonce  femblables  chofes  àtous  les  vrais  Chre-  i,Pien.u. 
ftiens  qui  eftoyent  de  ion  temps,&:  qui  feront  iufques  à  la  fin  du  monde  :  &:  en  gênerai  à 
toute  leglife  de  Dieu.&:  en  fa  dernière  Epiftre,  il  demonftre  quel  fera  le  falaire  desper-  i.pjcr.14 
fecuteurs:qui  feduifans  parleurs  inuentions  le  poure  peuple, viuét  en  toutes  voluptez, 
en  blafphemes,  pailIardifes,yurongnerics,  danfes,  ieux  &c  auarices.    Au  refte ,  ii  ie  ne 
vousauoyeiaefcrit,&refpondu  aux  calomnies  qu'on  nousmet  lus fauiTement,  pour 
nous  mettre  en  haine  à  tous,  ie  le  feroye  a  prefent,mais  il  n'eft  pas  befoin.  Ma  refolutiô 
eft  que  ie  tien  la  parolle  de  Dieu  qui  nous  a  efté  laiflee  par  Iefus  Chrift  noftre  Seigneur, 
&efcriteparlesfain&s  Apoftres,  fufHfante  pour  nous  enfeigner  comment  il  faut  aller 
en  Paradis.&  ne  faut  point  que  les  hommes,  fous  prétexte  du  nom  de  l'Eghfe,  mettent 
leurs  traditions  en  auant,  eftudians  cependant  à  leur  profit  &:  auarice.car  l'Eglife  vraye 
n'a  point  d'autres  commattdemens  ne  loix  que  celle  que  ion  efp  ou  x  Iefus  Chriftluy  a  Epkf.z.io. 
données,  qui  font  la  doctrine  des  Prophètes  &  Apoftres.  Et  fi  iufques  à  prefent  vous  fl- 
ânez peu  entendre  clairement  quelle  eft  ma  foy&:  créance  en  Dieu  ,ie  vous  enuoye 
maintenant  vn  petit  liure  par  lequel  le  poifrrez  cognoiftre:  c'eft  lefymbole  des  Apo- 
ftres, appelé  communément  le  Credo,  lequel  ie  vous  fupplie  lireàpart-vous  &bien 
conilderer,car  vous  n'y  trouuerez  chofe  qui  ne  (bit  prinfe  de  l'Efcriture  faincte. 

^Le  t  ire  s  de  Pierre  Nauiheresefcrites  delà  prifon  de  Lyon,àfon  oncle  M.Martiàl 
Nauiheres,  auec  lequel  il  demeuroit  à  Poitiers, lors  qu'il  iortit  de  la  Papauté. 

Aprts  auoir  mis  au  deuant  le  dcuoir  du  Neucu  à  l'Oncle,  il  fait  vn  fomrnairc  de  la  foy  Chrétienne,  propofantlcs  if- 
fues  des  deux  voyes:aflauoir  de  celle  qui  mené  à  falut,  &  de  l'autre  qui  eft  a  damnation  éternelle. 

O  N  feigneur,  ie  pourroye  parauéture  eftre  veu  digne  de  reprehcnfîon,dc  ce  que 
deiia  tant  de  téps  s'eft  cfcoulc  fans  vous  auoir  efcrit,toutefdis  il  h'ay-ie  pas  différé 


; 


Lmrcj  111.  Tierrcj  ^(jmhra. 

fans  caufe>combien  que  ne  l'aye  fait  comme  ignorant  du  deuoir  que  Dieu  m'a  coman- 
dé  vous  rcdrcCar  ie  vous  recognoy  tel, que  Ci  ie  mettoye  &:  expofoye  ma  vie  pour  vous, 
ie  ne  pourroye  neantmoins  fatisfaire  au  moindre  bien  que  m'auezfait.  Or  pource  qu'- 
elles délia  pleinement  aduerty  delà  caulc  pour  laquelle  ie  fuis  16g  temps  adetenu  pri- 
fonnier,  il  n'eftbcfoin  d'employer  le  papier  pour  ce  faire,  il  me  luffira  de  vous  teftificr 
derechef,felon  mon  deuoir,  fommairement  deuat  Dieu,  que  quand  ie  fouffriray  mort, 
ce  ne  fera  point  comme  hérétique  defuoyé  de  la  religion  Chrefticnne  qui  nous  eften- 
feignee  par  la  parolle  de  Dieu, mais  comme  vray  Chrcftien  ,  croyant  &C  efperant  n 'eftre 
ïcan  5.14.  fauué  par  aucune  chofe  corruptible,maisfeulemct  par  le  précieux  fang  de  IcfusChrift. 
Or  qui  croit  en  luy,n'tft  point  compris  fous  condamnation,  ains  eft  délia  palîe  de  mort 
à  vie,  &C  ne  gouftera  point  la  mort  féconde.  Neantmoins  ie  confclïèque  fuis  conceu&: 
Pfcau.51.7.  nay  en  péché, enfant  d'ire, mort  par  peché-.ne  pouuant  fculemét  penler  bicn,tat  moins 
le  faire  :  eftant  defnué  de  toute  iuflice ,  &:  partant  fuiet  à  damnation  &:  mort  éternelle, 
kan  3.16.  mais  iecroy  fermement  que  ce  bon  Dieu  par  fa  grande  charité  a  enuoyéfon  bien- aime 
Fils,  afin  que  croyant  en  luy  ,  iefulle  fauué,  &:  tous  ceux  qui  y  croyent:aulTi  croy  &c  cfpe- 
re  que  ie  comparoiftray  deuant  la  face  de  Dieu,  eftant  veftu  de  laiuftice  d'iceluy,  &:  par 
cefeulmoyen  me  fera  donné  Paradis.  Item  qu'il eftnoftre  feulfacrifice  entfer&par- 
D.iBapttf-  fait,noftrcfeuladuocat  enuers  Dieu  l'on  Pcre  .     le  croy  en  outre  Je  laind  Sacrement 
me         du  Baptcfmeauoir  efté  ordonné  par  Ielus  Chrift,  auquel  les  eileus  de  Dieu  reçoyucnt 
Gal.3.i.7.  véritablement  ce  qui  eftreprefenté  parle  ligne  de  l'eau:  ailauoirla  remilîion  des  pé- 
chez, &lauement  des  confeiences  par  le  fainct  Efprit.  Ils  y  veftent  lefus  Chrift  >&:  y 
fontenfeuelis  auecluyen  fa  mort,  afin  aulTi  qu'auec  luy  ils  refTufcitent,  Acheminent 
en  nouueauté  de  vie.  Or  comme  parauant  ce  renouuellement  de  vie  &:  régénération 
ils  eftoyent,  au  regard  d'Adam,  enfans  dire,&:  ne  pouuoyét  penfer  ne  faire  aucun  bien: 
auffi  après  auoir  efté  régénérez  par  l'efprit  de  Dieu,  qui  habite  en  eux  &c  les  conduit,  ils 
veulent  &c  font  toutes  bonnes  ceuures:  voire  de  telle  forte  que  toute  la  gloire  d'icelles 
en  doit  eftre  donnée  à  Dieu  feul ,  qui  par  fa  grâce  befongne  en  eux .  &:  non  en  partie  à 
Dieu  &:  à  l'homme  (  comme  toutefois  auiourdhuy  on  ledit  auxefcolcs  )ii  que  par  cela 
il  doyue  eftre  dit  Cooperateurde  Dieu      partant  mériter.  Car  li  l'homme  a  quelque 
i.Cor.  4.7.  bonne  chofe  en  foy,  il  n'a  rien  qu'il  n'ait  receu  de  Dieu  :  &c  s'il  l'a  receu ,  il  n'a  matière  de 
s'en  glorifier  en  aucune  partie.  Ainli  donc  font  exclus  tous  les  mérites  des  hômes,&:  tou 
te  la  gloire  des  bonnes  ceuuresdonnee  à  Dieu  feul ,  qui  par  pure  grâce  donne  l'héritage 
DelaCene.  éternel.    Enoutre,ie  croy  le  Sacrement  delà  fainéte  Cene,en  laquelle  iecroy  que  fuis 
fait  realemcnt  &:  de  fa  ici  participant  du  corps  &c  du  làng  de  lefus  Chrift ,  &c  ce  par  viue 
ïcan  6.      foy  en  efprit .  &:  croy  fermemét  qu'il  eft  le  vray  pain  de  vie,&:  vray  pain  celefte,nô  point 
pour  nourrir  nos  ventres,  mais  nos  efprits  fpirituellemcnt  en  l'efperance  de  la  vie  éter- 
nelle. Et  dauatage,ie  croy  que  comme  l'eau  du  Baptefme  demeure  &:  retient  toulîours 
(a  propre  fubftance  naturelle,  &  n'eft  point  changée  en  ce  qu'elle  iîgnin"e,afTauoir  au  S. 
Efprit,  qui  eft  le  vray  lauement  de  nos  confeiences,  qu'aulîî  le  pain  &c  le  vin  du  S.  Sacre- 
Marc  16. 19.  ment  de  la  Cene  demeurent  toufiours  en  leur  propre  fubftance,  fans  eftre  changez  ne 
iU66.z.    muez  aucunement  au  corps  U  au  fang  de  lefus  Chrift:lequel  comme  homme  eft  feule- 
ment au  ciel  à  la  dextre  de  Dieu  lePere,enfon  corps  glorieux:  mais  comme  Dieu  eft 
par  tout  5C  remplit  tout  par  fa  diuinité.     Orli  pour  touteecy  onmc  condamne  héré- 
tique, &:  me  fait-on  mourir,  il  faudra  auiîicondamner&  les  Apoftres&tous  lesfaincts 
Docteurs.fnais  Dieu  eft  mfte  Iuge,qui  iugera  du  tout  à  la  vérité.  On  me  condâne  pour- 
ce  que  ne  veux  receuoir  les  traditiôs  faites  parles  hommes  au  poure  peuple  Chreftien: 
comme  pource  que  ne  veux  croire  que  l'homme  par  l'es  ceuures  &merites  puifle  entrer 
en  Paradis:Que  ie  ne  veux  receuoir  autre  purgation  des  péchez  que  le  précieux  fang  de 
lefus  Chrift,  &:  non  le  Purgatoire  inuenté  parles  Papes  contre  la  parolle  de  Dieu:  n'au- 
tre  facxificc  que  celuy  qui  a  efté  fait  en  l'arbre  de  la  croix  par  le  Fils  de  Dieu ,  &:  non  ce- 
luy  de  la  Meftc  forgé  Cotre  la  parolle  de  Dieu ,  au  grand  détriment  &  danation  de  ceux 
qui  y  croyét&:  y  mettét  leur  fîance:nautre  Aduocatou  interce/Teur  enuers  Dieu  que  le 
îeul  lefus  Chrift,  me  propofant  les  faintts  &:  fain&es  pour  imiter  &  viure  comme  ils  ont 
vefcu,&:  non  pour  les  tenir  côme  mes  aduocats:d'auiâtquec'eftleurfaireiniurc&def- 
hôneur,  veu  que  cela  appartint  feulement  au  Fils  de  Dieu, qui  nous  a  efté  côftitué  pour 
tel  de  Dieu  fon  Pere  :  Dauantage  pource  que  ie  ne  veux  receuoir  ny  approuuer  les  ido- 
latriesjimagesjpelerinagcsjconfrainesjprieres  pour  les  morts,pardons,bullesôJ  autres 

friper- 


Charles  Faurz^f. 


fuperftitionsprinfes  des  Payens&:  idolâtres  anciens  contre  la  parolle  duDieuviuant, 
au  grand  deshonneur  de  fa  haute  maiefté:  Etpourcequene  veux  receuoir  autre  chef 
en  l'Eglife  que  Iefus  Chrift  feul',&  non  le  Pape: lequel  S".  Paul  appelé  fils  de  perdition  &c  î.ThcfTi  3 
homme.de  péché,  &  S. Grégoire  le  grand  (  auquel  on  vouloir  donner  ce  nom  )  dit  eftre 
Antechrift.  Si,dy-ic,  pour  tout  cecy  on  me  condamne  à  la  mort  comme  heretiquercer- 
tes  on  ne  me  condamne  pas  feuli  mais  la  parolle  de  Dieu,les  Apoftres&  lesfain&s  Do- 
cteurs. Et  vous  mon  feigneur,n'eftcs  point  ignorant  de  tout  cecy:  vous  lecognonTez 
&fauez eftre  ainfi:&neantmoins  vous  n'en  fonnezmot,com bien  que  ce  foitvoftre  of- 
fice. Comment?eftimez-vous  plus  les  richeffes  Se  les  honneurs  du  monde  que  la  gloire 
de  Dieu  ?  ne  penfez-vous  pas  qu'il  vous  faudra  vn  iour  comparoiftre  deuât  fa  face?  Vous 
eftes  ancien,  &:  ne  pouuezlonguementviure:&:  encore  quepuifliezviure  quinzemille 
ans,  c'eft  peu  de  cas,ii  par  après  il  vous  faut  eftre  fruftré  de  l'héritage  im  mortel,  pource 
qu'aimant  le  monde,auriez  fait  au  contraire  de  ce  qucDieu  vous  a  donné  à  cognoiftre, 
££  dont  eftes  conueincu  en  voftre  confeience.  Mais  il  y  a  encores  vn  grad  mal  :  c'eft  que 
vous  entretenez  tout  le  parentage&plufieurs  autres  gens  (  lefquels  ont  l'œil  fiché  fur 
vous  pour  vous  fuyure)en  leur  vie  adbnnee  à  toutes  idolâtries  &  fu  perditions.  Et  ne  fa- 
uez-vous  pas  que  Dieu  demandera  de  vos  mains  le  fang  d'iceux  :  Car  fi  vous  leur  decla-  Eze.33.tf.  ». 
riez  la  vérité  que  vous  auez  cognue,vou s  feriez  quitte  deuant  Dieu ,  &c  eux  mettroyen  t 
peine  de  le  feruir autrement  qu'ils  ne fonr.  Que  craignez-vous?  auez-vous  peur  d  auoir 
difette  de  biens  quant  vous  feruirez  à  Dieu  purement?  Et  qui  vous  donne  ceux-la  que 
vous  auez  en  le  deshonnorant  contre  voftre  confeience,  à  voftre  grande  condânation? 
Laiifez  donc  ces  honneurs  d'Egypte  enfuyuât  Moy  fe ,  &  eftimez  plus  la  croix  &  oppro-  H**'  "*s- 
bredeChrift.  Souftrez/oufFrez  auecluy,  fi  voulez  eftre  glorifié  auecluy.  Unenouseft  plul1-1*- 
point  donné  feulement  de  croire  en  Iefus  Chrift,mais  auffi  de  foufFrir  pour  fon  nom  .ne 
penfons point  que  Iefus  Chrift  ait  efté  iamâis  veftu  de  veloux  ou  de  foye.  Nous  trouue- 
rons  autour  de  fon  chef  vne  couronne  d  efpines.nousle  verrons  battu,  moqué,  craché, 
eftendu  en  la  croix.  Mais  quelle  eft  la  fin  de  tout  cela?gIoire  eterhelle,ioye  indiciblc,re- 
pos  perdurable,couronne  incorruptible,vifion  de  Dieu .  mais  la  fin  des  plaifirs  &:  hon- 
neurs mondains  eft  grincemehtde  dents,  pleurs  amers,  confufion,  triftefTe&:  forment 
éternel.  Monfeigneur,  ie fembleroye  eftre  trop  afpre  en  vous  efcriuant  cecy,mais  ma 
confeience  m  y  contraind  :  Dieu  qui  eft  encore  par  deffus,  me  le  commande  :  le  grand 
défi  r  que  fay  de  voftre  falut,m'y  incite. d'autre  part  ie  ne  vous  efery  rié  de  nouueau  :  ce- 
la vous  eft  cogneu  &: notoire. n'en  foyez  donc  contrifté.  Fay  bien  voulu  defeharger ma 
confeience  aua  nt  mourir.  Car  s'il  plaift  à  Dieu ,  ie  fuis  preft  de  foufFrir  pour  fa  vérité ,  & 
eftre  retiré  en  fon  héritage  éternel,  lequel  il  m'a  acquis  parla  mort  &  paffiô  de  fon  bien 
aimé  Fils  Iefus  Chrift .  lequel  ie  prie  auec  le  faind  Efprit  vous  vouloir  tenir  en  leur  gar- 
de^ faire  cefte  grace,qu'auant  que  defeendre  au  fepulchre,puiflicz  aduancer  la  vérité 
éternelle  à  tout  le  parétage,&:  à  ceux  que  deuez.  Voftre  hûble&  obeifTant  neueu.P.N. 


CHARLES  FAVRE. 


|1f5?SpîS  E  n  eft  pas  de  merueilles  fi  ces  cinq  efeoliers  ont  fait  a&es  germains  &:  tous 
WfS*xê  ^cmD^at,^es  ^es  vns  aux  autl'esî cn  rendant  tefmoignage  à  la  doctrine  du  Sei- 
\r  ^fe^^S^gneur5  puis  que  d'vne  mefme  efcole,oud'vne  mefme  falled'efcrime  ,  par 
^j^^^^  manière  de  dire,  ils  eftoyent  fortis,  &:  s'eftoy ent  appreftez  pour  fouftenir  les 
plus  grans  combats  qui  fe  facent  entre  les  hommes.  Charles  Faure  Angoulmois,vienc 
cinquième  &  dernier  en  ceft  ordre:lequel  combien  qu'il  ait  moins  eferit  que  les  quatre 
autres,  cftant  inférieur  en  érudition  :  neantmoins  en  pareille  confonance  de  doctrine 
&:  conftance  a  rendu  confeffion  de  fa  foy  deuant  les  iuges  Lyonnois ,  la  donnant  par  ef- 
erit en  la  forme  qui  s'enfuit: 

Premiereme  n  T,iecroy&:  confefTevhe  feule  Efcriture  eftre  la  reigle  de  la  reli- 
gion &  foy  Chreftienne,laquelle  eft  contenue  au  vieil  &;  nouueau  Teftamét:&  qu'icel- 
le  eft  ferme,  certaine  &  veritable,infallible  &:  parfaite.  Car  c'eft  la  parolle  de  Dieu,  qui 
a  efté  iadis  annoncée  par  les  Prophètes,  eftans  menez  &:  conduits  du  S.Efprit,  &:  parlâs 
comme  parla  bouche  d'iceluy:  &c  en  ces  derniers  temps  prefehee  &c  publiée  par  Iefus 


Liurc^fllI. 


Charles  Faurc~>. 


Chrift  Fils  de  Dieu,  eftant  vray  homme ,  comme  il  nous  eft  demonftré  au  premier  des 
MattLas.   Hebricux.Puis  après  elle  a  cfté  publiée  par  le  monde  vniuerfel  par  les  difciples  de  Iefus 
Chrift,  iuyuans  le  commandement  qui  leur  auoitefté  fait  daller  par  tout  le  monde 
prefeher  l'Euangile  à  toute  créature.  S.Pierre  auflî  nous  parle  bien  de  la  fermeté  de  ce- 
i.Picr.i.     île  Efcriture,  quand  il  dit,  Nous  auôs  auflî  la  parolle  des  Prophètes  plus  fermera  laquel- 
le vous  faites  bien  d'y  entendre,  corne  à  vne  chandelle  qui  efclaire  en  lieu  obicur.Nous 
difons  qu'il  ne  faut  rien  adioufter  ne  diminuer  à  icelle.  Car  de  cela  il  y  en  acommandé- 
ment  exprez  du  Seigneur  au  Dcuteronome  chap.ii.où  il  eft  dit,Tu  feras  feulement  ce 
que  ic  te  commande,&:  n  y  adioufteras  aucune  chofe,ne  diminueras. Et  au  dernier  cha- 
pitre de  l'Apocalypfc,il  eft  parlé  de  la  punition  &:  vengeance  fur  ceux  qui  le  feront. Car 
Apocaî.    il  eft  dit  là,  Si  aucun  adioufte  à  ces  choies,  Dieu  adiouftera  fur  luylesplayes  eferitesen 
ce  liurc.&:  li  aucun  diminue  des  parolles  du  liure  de  cefte  Prophétie, Dieu  oftera  fa  part 
du  liure  de  vie,  &r  de  la  fain&c  Cite' ,  &:  des  chpfes  qui  font  efentes  en  ce  liure.  Parquoy 
nous  reiettons  toutes  doctrines  des  hommes,  qui  ne  font  que  pour  lier  les  confeiences, 
&c  ne  font  aucunement  comprifes  enicelle  faincte  Efcriture:comme  la  inoincrie,la  con 
fc/Iîon  auriculaire ,  les  pèlerinages ,  Se  autres  chofes  femblables,qui  iont  traditions  hu- 
maines, par  Iefquelles  Dieu  ne  veut  cftre  feruy  ny  honnoré ,  comme  Iefus  Chrift  le  mô- 
Mattfc.15.  ^rc  |^jcn  claircniciit  en  fon  fainct  Euangile  félon  S.Matthieu,difant ,  pour  néant  ils  m - 
lù.%9.       honnorent,  enfeignans  pour  doctrines  commandemés  d'hommes.  Ifaie  auflile  tefmoi- 
gne  bien, quand  il  dénonce  vne  horrible  vengeance  de  Dieu  fur  le  peuple  d'Ifrael,d'au- 
gIui  CU'    tant  9U  ^s  honnoroyent  Dieu  félon  le  commandement  des  hommes.  Dauantagc,ie 
croy  en  vn  feul  Dieu  créateur  du  ciel  &C  de  la  terre,  tout-puiflant,tout  bon ,  plein  de  pi- 
tié   de  mifericorde.car  il  fait  mifericorde  en  mille  générations  à  ceux  qui  l'aiment  &£ 
Ei.2o,&?4  gardent  fes  commandemens, comme  il  eft  eferit  en  Exode.  AufTi  il  eft  iufte  luge  :  car  il 
vihte  l'iniquité  des  pères  fur  leurs  enfans,  iufques  à  la  troifïeme&  quatrième  généra- 
tion ,  comme  le  tefmoigne  le  mefme  Prophète  aux  c  hapitres  prealleguez.  le  croy  qu'il 
eft  d'vne  elfence  fpiritucllc,eternelle  &c  infinie,  &  qu'en  icelle  e/Tence  nous  auons  à  cô- 
fiderer  trois  perfonnesrle  Pere,comme  le  commencement  &:  origine  de  toutes  chofes: 
le  Fils,qui  eft  la  lageffe  étemelle  du  Pcre:le  S.  Efprit,  qui  eft  fa  vertu  &  puiflance.  Eten 
conhderant  diftinctement  ces  trois  perfonnes ,  Dieu  n'eft  pas  pourtant  diuifé  :  car  ces 
trois:  comme  dit  S.  Iean,  ne  font  qu'vn  .    Iecroyauflî  qu'iceluy  feul  doit  eftre  adoré, 
Adoration,  feruy  &:  honnoré,  &c  non  autre.  Car  il  eft  efcnt,Tu  adoreras  vn  feul  Dieu  ton  Seigneur, 
Dcut.6.     &  a  jUy  fcuj  tuferuiras.  Et  en  Exode  vingtième,  Tu  n'auras  point  de  dieux  eftrangcs  en 
lxo.20.         prefence.  Parainfi  fl  ne  faut  point  tranfporter  ailleurs  l'honneur  qui  appartiét  à  luy 
feul.  Dauantagetqu  aluy  feul  eft  deu  tout  honneur  &  gloire,il  appert  parle  tefmoigna- 
i.Tim.r.    ge  de  S/Paul  à  Timothec.  Au  Roy  des  iiecles  (dit-il)  immortel  &:  inuilible  ,  à  Dieu  feul 
fage,  honneur  &c  gloire  à  touiiourfmais.  Parquoy  ceux  pèchent  mortellement ,  qui  a* 
dorent  la  créature  au  lieu  du  Créateur:  veu  que  l'adoration  appartiét  à  Dieu  feulemét, 
ifa  41.      qui  a  dit  qu'il  ne  donnera  point  fa  gloire  à  vn  autre.  Pourtant  nous  voyons  S.  Pierre  qui 
Aa  10'      reprend  grandement  Corneille ,  de  ce  qu'il  s'eftoit  profterné  deuant  luy.  Et  auflî  d'vne 
Apoc.i9.li  mefme  chofe  l'Ange  rcpn'ntS.  Iean, difant,Garde  que  tu  ne  le  faces:  Ieluisferuiteura- 
ucctoy,  &aucc  les  Prophetes:adore  Dieu.  Pareillement  S.  Paul  &Barnabas  eftansen 
Aa.i4.      Lyftre,refufcrcntgrandcment  l'honneurquelepeuplelcurvouloit  faire, difans qu'ils 
inttocanon.  eftcyehthommcs  fuietsàmcfmes palîîonsqu eux.     Item  iceluy  fculdoit  eftreinuo- 
leanUio°i4.  que  &:  prié  au  nom  de  Iefus  Ch'rift:carle  Seigneur  protefte  que  ecluy  eft  lcferuicefpiri- 
Erhtï.3.    tuel  de  fon  nom, &:  nous  prepofe  fon  Fils  pour  Médiateur  vnique,pai  l'interceffion  du- 
Hcbr.4.    quels.  Paul  dit  que  nous  auons  alternance  &accez  à  Dieu  auec fiance,  par  la  foyque 
nous  auons  en  luy.  Et  aux  Hcbrieux  il  nous  exhorte  de  nous  adreffet  hardimet  au  thro- 
ne  de  la  grâce  de  Dieu,  puis  que  nous  auons  vn  tel  Aduocat:afin  que  nous  obtenions 
j.ican  1.     mifericorde,&i  trouuiens  grâce  pour  eftre  aidez  en  temps  opportun. Et  S. Iean  en  faCa- 
nonique,  Si  aucun  a  péché, nous  auons  vn  Aduocat  enuers  le  Perejelus  Chrift  le  Iufte. 
Parquoy  Dieu  eft  grandement  offenfé  quand  on  prie  la  vierge  Marie,  ou  les  Anges ,  ou 
faincts  6V:  fainctes  de  Paradis:  veu  qu'il  n'y  a  nul  commandement  en  toute  la  faincte  Ef- 
criture de  recourir  à  leur  interecifion,  &:  qu'il  ne  s'en  trouue  nulle  promeiTe.  Dauanta- 
ge ,  les  Prophètes  &:  les  A  poftres  ne  nous  ont  iamais  monftré  vn  tel  exemple.  Mainte- 
nant que  chacun  fidèle  confidere  en  foy ,  quel  danger  il  y  a  d'entreprendre  vne  nouuel- 
Ie  façon  de  prier  non  feulement  fans  la  parolle  de  Dieu,mais  aufii  fans  aucun  exemple. 

Tout 


Charles  Faurc^f.  227 

Toutainfi  que  noftre  Seigneur  eft  d'vne  e/Tcncc  Ipirituelle,  au/fi  veut-il  eftre  adore  en  image*, 
efprit  &  vérité, comme  Iefus  Chrift  le  monftre  à  la  Samaritaine,difant,  Le  temps  vien- leao  *• 
drai& maintenant  eft  défia  venu,  que  les  vrais  adorateurs  n'adoreront  plus  le  Pereny 
eh  cefte  montagne  ny  en  Ieruialem,  mais  ils  adoreront  Dieu  en  efprit  &:  vérité. car  auf- 
fi le  Pere  en  demande  de  tels  qui  l'adorent.  Pource  il  nefâut  point  adorer  Dieu  en  cho- 
ies matérielles, corruptibles  &:  caduques,  comme  en  or  ou  en  argent,  ou  en  autres  cho- 
fes  precieufes.  Ny  au/fi  Dieu  ne  veut  point  eftre  reprefenté  neferuy  aucunement  par 
images  taillées,  qui  le  corr  c  mpent  àucc  le  temps,  &;  font  mangées  des  vers .  car  de  cela" 
nous  auons  exprezeommandemet  du  Seigneur  au  chapitre  de/Tus  allégué,  où  il  eft  dit, 
Tu  ne  te  feras  tailler  image  ne  fcmblance  aucune  des  chofesqui  font  là  fus  au  ciel,  ne'£lo<Jci0- 
ça  bas  en  la  terre,  n'y  és  eaux  deficus  la  terre.  Tu  ne  leur  feras  aucune  reuerence  ,&  ne 
t'enclineras  point  deuat  icelles,&r  ne  les  feruiras  point. Puis  s'eniuit  la  grande  vengean- 
ce Se  menace  lur  ceux  qui  le  feront.  Le  Prophète  Dauid  s'en  mocque  ,les  appelant  V-  Bfcmiif: 
ouurage  de  main  d'homme:  qu'elles  ont  bouches  &:  ne  parlent  point ,  qu'elles  ont /eux 
&  ne  voyent  goutte,  qu'elles  ont  aureillcs  &:  fi  n'oyent  point ,  qu  elles  ont  des  mains  $C 
ne  touchent  point,  qu'elles  ont  des  pieds  &:  ne  marchent  point,&  que  ceux  qui  les  font 
font  femblables  à  icelles,  &:  tous  ceux  qui  s'y  confient.  Nous  auons  au/îî  au  vieil  Tefta- 
ment  des  exemples  terribles  du  ingénient  de  Dieu  fur  ceux  qui  en  ont  fait.  Le  peuple 
d'Ifrael  n'a-il  paseftégrieuement  puny  pour  auoir  fait  le  venu  d  or,  &  d'autres  lefquels  1 
il  feroit  trop  long  de  raconter?    le  me  tay  aufïl  de  ce  qu'en  dit  fain&Auguftin, 1  enfem-  &twi£}' 
bleLattance^irmian,  lefquels  en  parlent  à  la  grande  confufion  des  Papiftes.  Il  fut  Rom.  15. 
auffi  deffendu  autres  fois  en  vn  Concile *,qu  on  ne  fîft  nulles  images  &peirt&ures  aux  l^édca^ 
temples.- &:  que  ce  qu'on  deuoit  adorer  ne  fuft  point  aux  parois.  Et  faind  Grégoire  con-  Dieu,cju  9. 
felTe  que  Serenuseuefque  de  Marfcille  euft  bienfait  de  défendre  à  fon  peuple  d'adorer  Li€tf. 
les.images.    Pareillement  iecroy  en  IefusChnft,qui  eft  la  féconde  perfonnedeladi-  eha.i7J£> 
uinit^&iqu'iceliiyeft  noftrc  Sauueur,  comme  auffi  l'interprétation  du  nom  le  porte:  3 
carlefus  fignifîeSauueUr.  Ce  que  l'Ange  nous  monftreclairement,difantà  la  vierge  t^1^' 
Marie,  Tu  enfanteras  vn  fils, &:  appeler^  fon  nom  Iefus.cariceluy  fauuera  fon  peuple  mo. 
de  leurs  pecheZ.  Parquoy  ceux  flient  Iefus  eftre  le  Sauueur,qui  penfent  eftre  fauuez  par 
leurs  œuures,  ou  par  autre  moyen  que  parla  feule  foy  en  Iefus.  Car  il  n'y  a  point  d'autre 
nom  donné  fous  le  ciel, par  lequel  il  nous  faille  eftre  fauuez,  finon  au  nom  de  Iefus.  at-  aû.4. 
tendu  auffi  comme  dit  l' Apoftre ,  qu'iceluy  peut  fauuer  à  plein  ceux  qui  s'approchét  de  Htb* 
Dieu  par  luy.  Iecroy  auffi  qu'il  aeftéliuré  à  la  mort  pour  no9  fauuer,&:  nousdeliurerde 
la  mort  eternelle,laquc  lie  no9  auiôs  tous  méritée  dés  le  vétre  de  noftre  mere  :  car  no9  a- 
Uohs  efté  enfantez  en  iniquité,&:  noftre  mere  no9  a  coceus  en  pechéde  loyer  duquel  eft 
la  mort,cômc  dit  S.  Paul  aux  Rom.  Pourtat  nous  n  auôs  rien  de  nous  que  nous  luy  puif-  Rom.*, 
fions  alleguer,fincn  nousaccufergvademcntdcuat  fa  face,en  teccgnoiflant  nos  fautes 
&:  péchez  en  toute  humiliréde  priant  qu'il  n'entre  point  en  iugement  aucc  nous,côfne 
luy  demade  ce  grand  Prophète  Dauid, difant,  Seigneur  n'entre  point  en  iugemetanec  Pfeau.  145. 
ton  feruitcurxar  nul  viuant  ne  fera  trouué  iufte  en  ta  prefence.Et  en  vn  autre  lieu  il  dir, 
O  Seigneur,  fi  tu  prens  garde  aux  miquitez,  qui  eft-ce  qui  fubfifteraî  Cerchons  d6c  no- 
ftre iuftice au  feul  Icfus,&:là  nous  la  trouueros,cn  luy  demâdant  en  foy,&  nô  pas  en  nos 
œuures. car  fa  mort  eft  noftre  feule  fatiffac"riô,  corne  il  appert  par  beaucoup  de  pafTageS  Rom  4; 
de  l'Efcriture  faîcte.  Dauâtage  ie  croy  le  fang  de  Chrift  eftre  le  feul  lauemét  de  nos  pe-  Co11- 
chez.car  le  SwEfprit  nous  enfeigne  par  S.Ican  en  fa  Canonique,  &:  au  premier  de  l'Apo-  \ 
calypfe,que  par  le  fang  de  Iefus  no9fommes  purgez  &:  lauez  de  nos  péchez .  &r  en  l'Epi- 
ftre  aux  Hebrieux,Que  le  fang  des  boucs  &des  taureaux  n'a  pas  telle  vertu  de  nettoyer  Hcbr.10. 
nos  cofeiences  de  nos  ofTenlcs:mais  que  c'eft  le  fang  deChrift. Parquoy  ie  nie  totalement 
le  Purgatoire  des  Papiftes: veu  qu'il  n'en  eft  fait  nulle  métion  en  toute  l'Efcriture  faî&e. 
Car  elle  ne  parle  q  de  deux  lieux  où  vot  les  ames  en  forrat  de  ce  monde.  L'vn  eft  le  lieu 
de  reposnômé  Paradis,  où  les  ames  des  efleus  s'en  vont  incontinét  après  la  mort.  Car  il 
eft  eferit  que  ceux  qui  meuretau  Seigneur  font  bié-heureux  :  d'autant  qu'après  la  mort  Apoc  i4. 
ils  rcpofent:côme  nous  en  auons  l'exéple  au  larron  qui  futpeduenlacroixauec  noftre  Luc -3. 
Seigneur  Iefus  Chrift. auquel  il  dit ,  Tu  feras  auiourdhuy  auec  moy  en  Paradis.  L'autre 
eft  le  lieu  de  tous  formés,  afiàuoir  Enfer,pour les  mefchâs  &  reprouuez,ccmeil  appert 
par  l'exemple  du  mauuais riche. Pourtant  S.Auguftindit  quelesrmescnfortantdece  SurS.iea» 
monde  ont  diuers  receptaclcs,où  les  bons  reçoyuent  ioyc,lcs  mauuais  font  tormentez:  lom 

Q.. 


Charles  Faurc^, 


mais  que  chacun  en  tre  incontinent  après  la  mort  au  repos  des  (ideles,quâd  il  eft  digne- 
)e  Aîjra-  S.  Ambroifçauflîditàccpvopos,  Apres  auoir  par  fepulture  exercé  office  d'humanité 
.r.  entiers  les  morts,  on  les  doit  laiiTcr  rcpolcr.   Scmblablement  ie  croy  auccS.Paul,com- 
:  rim.i.    me  il  n'y  a  qu'vn  Dieu, qu'il  n'y  a  auflî  qu\  n  fcul  Moycneur  de  Dieu  &L  des  hommes ,  In- 
£phcf  z.     terccifeur&:  Aduocat  pour  nous  au  ciel  cnuers  Dieu  le  Peie,aifauoir  Iefus  Chrift ,  qui 
Hcbr.7     cft  aflis  à  la  dextre  de  Dieu  ion  Pere,  toujours  viuant  pour  prier  &  faire  requefte  pour 
nous  à  Dieu  Ion  Pere.  Parle  moyen  duquel  nous  auôsaccez&:  entrée  par-deuers  Dieu 
Ton  Pere ,  &:  luy  l'ommes  agréables  <3c  réconciliez ,  faits  fes  enfans  adoptifs ,  &:  frères  de 
Iefus  Chrift,faits  hcntiers:hcriticrs,dy-ie,de  luy,Ôc"  cohéritiers  de  Icfus  Chrift. Parquoy 
nous  ne  receuons  point  la  doctrine  des  Papilles ,  qui  constituent  beaucoup  d  aduoeats 
là  fus  au  ciel  prians  pour  nous.  Car  cela  contreuient  non  feulement  à  la  faincte  Efcritu- 
SurlcPf.j>4  re:  maisaufli  àcequ'enontefcrit  les  anciens  Docteurs.  Car  S.  Auguftin  fur  les  Pfèau- 
mes  dit,  Si  tu  cerches  tô  Médiateur  pour  l'introduire  à  Dieu, il  eft  au  ciel:&  prie  là  pour 
toy,comme  il  eft  mort  pour  toy  en  la  terre.  Et  fur  TEpiftre  aux  Hcbricux,  il  dit,  Auffi  le 
feul  Iefus  Chrift,  entre  tous  ceux  qui  ont  porte  chair,  interpelle  &:  prie  pour  nous. Et  S. 
De  îfaac3&  Ambroïfe  pareillement  dit,  Iefus  Chrift  eft  noftre  bouche ,  par  laquelle  nous  parlés  au 
âumu*      Peremoftre  œil,  par  lequel  nous  voyons  le  Pere  :  noftre  main  dextre ,  par  laquelle  nous 
offrons  au  Pere-.ians  lequel  Moyenneur il  n'y  a  nulle  approche  aùec  le  Pere,  ny  à  nous 
ny  à  tous  les  Saincts.  Item, au  Concile  de  Carthage  il  fut  défendu  que  les  Saincts  ne  fuf- 
fent  point  inuoquez  à  iautel:&  que  les  Preftres  ne  prononçaflent  point  cefte  prière , S. 
Au'^Iù  irai  P*crrc  &  S.Paul  priez  pour  nous.     En  outre,  ie  croy  vne  faincte  Eglife  catholique^  v- 
léKePf.  niucrfellcj&cnonpasplufieurs.cariln'ycn  a qu'vne feule, laquelle  n'eft  pas  icyculà: 
î<î,  &  90.    majs  eft  cfpandue  par  tout  le  mode.  Et  le  Chef  vmuerfcl  d'icelle  eft  Icf  us  Chrift,  &:  non 
ucor!ii.     autre  :  laquelle  eft  fondée  fur  la  doctrine  des  Prophètes  &  Apoftres  denoftre  Seigneur, 
com  me  il  eft  eferit  au  fécond  chapitre  des  Epheficns.  Aufliie  recognoy  icelle  eftre  la 
vraye  Eglife,  en  laquelle  la  parolle  de  Dieu  eft  purement  prefehee ,  &  les  Sacremens  fi- 
dèlement administrez .  car  ce  font  les  deux  marques  de  la  vraye  Eglife  Chreftiennc.  A 
cefte  caufe,  ceux  faillent  grandement,  qui  difent  que  le  Pape  eft  le  chefdefEglife:  veu 
que  toute  l'Efcriture  n'en  dit  vn  fcul  mot.  Car  fi  ainfi  eftoit ,  1  Eglife  feroit  vn  monftrc 
ayant  deux  teftes,  alfauoir  Iefus  Chrift  &  le  Pape .  ce  qui  eft  faux. Car  vn  Antechrift  co- 
Grcg.cn  1'-  me  cft  le  Pape,ne  peuc  eftre  chef  d'vne  vraye  Eglife  Chreftienne.  Auffi  nous  confefïons 
?M«ir?ccl  ceu:e  cghfe  du  Pape  eftre  fauife:d'autant  que  nous  n'y  voyons  nulle  de  ces  marques  def- 
Lesckts.    quelles  nous  auons  parlé  cydeffus.     Quant  eft  des  clefs, que  les  Papilles  difent  qu'el- 
les ont  cfté  données  à  faind  Pierre  ,&:  confequemmét  aux  Preftres, &c  qu'ils  ont  la  puif- 
fance  de  lier  &:  deflier  les  pechcz:ie  dy  que  ce  mandemêt  de  remettre  &c  retenir  le  s  pe- 
Matth.ttf.   chez,&:  lamefme  promeffefaiteà  S.  Pierre  de  lier&  deflier ,  fedoyucnt  rapporter  au 
icaaio.     minjfterc  de  la  Parolle,  lequel  noftre  Seigneur  commettoit  à  fes  Apoftres.  Ainfînous 
entendons  que  la  puiflànce  des  clefs  eft  fimplemcnc  la  prédication  de  l'Euangile,  qui 
n'eft  linon  miniftere.  Car  Iefus  Chrift  n'a  pas  donne  aux  hommes  cefte  puiffance:  mais 
à  fa  parolle,  qui  eft  la  vraye  clef  par  laquelle  le  ciel  eft  ouuert  ou  ferme,  &:  les  péchez 
font  pardonnez  ou  retenus.  Pourtant  ie  nie  les  Preftres  auoir  telle  puiflance:  veu  que 
communément  ils  lient  ceux  qu'il  faut  deflier,&:  dellient  ceux  qu'il  taudroit  lier.  En 
SacremcDs.  après  ie  dy  &:  confeife  qu'il  n'y  a  que  deux  Sacremcs  en  l'Eglife  Chreftienne,  que  le  Sei- 
gneui  ainftituez,affauoirle  Bapcefme&;  lafaîcte  Cene  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift: 
&:  nie  les  autre  cinq  que  les  Papiftesappclent  Sacremens:veu  que  nous  n'en  auons  nul 
tefmoignage de l'Efcriture faincte,ne mefme qu'ils foyent  approuuez parles  Docteurs 
Bapt.i'nje.  anciens.    Pareillement  ie  confefTe  le  Baptcime  nous  eftre  comme  vne  entrée  en  fE- 
glife  de  noftre  Seigneur  Iefus.  Car  c'eft  la  marque  de  noftre  Chreftienté,  &  le  ligne  par 
lequel  Dieu  nous  teftific  quenous  ibmmes  rece  us  en  la  compagnie  de  PEglife,afin  que 
Ticc3.      nous  foyons  reputezdu  nombre  de  fes  enfans.  Le  Seigneur  auffi  nous  reprefente  lela- 
uement  de  nos  péchez,  &c  puis  la  mortification  de  la  chair ,  ou  noftre  régénération ,  au 
ligne  de  l'eau ,  laquelle  a  grande  fimilitude  auececs  chofes  pour  les  reprefenter .  car 
i.Picr  ;.    comme  par  l'eau  les  ordures  extérieures  du  corps  font  oltces,  auffi  au  Baptefmc  nos  a- 
mes  font  purgées  de  leurs  macules.  Non  pas  que  i  attribue  à  Peau  la  vertu  de  nettover 
nos  ames:car  elle  n'eft  que  le  ligne  vifible  &. figure  de  ce  laueme  nt:mais  au  S.Efprit. l'of- 
fice duquel  eft  de  purger  &:  Iaucr  nos  confciencc  s  de  toutes  nos  côcupifcences  &:  mau- 
uaifes  affections  par  le  fang  de  Iefus  Chrift ,  quia  efté  refpandu  pour  effacer  toute  s  nos 

fouil- 


EpiHres  aux  Qnqdc^j  Lyon.  22  S 

feuillures:  ce  qui  eft  accomply  en  nous ,  quand  nos  consciences  en  font  arrôufcesparle  r.Pier.i. 
S.Efprir.  Toutefois  i'enten  que  l'eau  eft  tcllemêt  figure,  qu'elle  a  auec  foy  la  vérité  con-i 
ioinâe.car  Dieuneno9prometrienenvain.Parainfîcequ'ilnousfigureau  Baptefmc, 
nous  eft  véritablement  offert.    Finalement,ic  dy  que  tout  ainli  que  le  Baptefme  nous  La  Cen,e: 
eft  comme  vne  entrée  en  la  maifonde  Dieu ,  qui  eft  l'Eglilc ,  aulfi  parla  laintre  Ccne  le 
Seigneur  nous  y  veut  nourrir  &repaiftre,  comme  vn  bon  Perede  famille  a  le  loin  de 
nourrir  ceux  de  fa  maifon.-tcllemcnt  que  par  la  Cene  nous  cÔmuniquons  à  tous  les  bies 
de  noftrc  Seigneur  Icfu s  Chrift,  &z  au  mente  de  fa  mort  &  palîîon.  Nousy  mangeôs  fpi- 
rituellemenc  en  foy  la  chair,  &:  beuuons  le  fang  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift  :  &c  non 
pas  corporellcment  de  la  bouche  corporelle.  Item,ie  dy  que  nous  deuons  feulemét  te- 
nir la  forme  de  célébrer  la  faincte  Cene  que  Iefus  Chrift  a  inftituce,  &:  que  les  fain&s  A-  Mmh.ig: 
poftres  ont  gardeedaquelle  inftitutiô  eft  parfaite  &:  entière,  &fefaifoit  en  deux  lignes,  JJ,^4' 
aiTauoir  au  pain  &T  au  vin,  la  parolle  précédante  auec  prières  &:  oraifons,  fans  grades  ce-  i.Cor.ii. 
rcmonies  6c  pompes.  Item  ic  confelie  que  le  pain  &  le  vin  l'ont  lignes  vilibles,  aufquels 
la  vérité  eft  coniointe.car  il  ne  faut  point  douter  que  tout  ce  que  le  Seigneur  figure  en 
la  Cene  n'y  foit  vérifié,  félon  qu'il  promet  &c  reprefente  :  &  qu'en  prenant  le  pain  &:  le 
vin,lefqucls  nous  reprefentent  le  corps  &:  le  fang  de  Iefus  Chrift(iî  nous  auôs  vraye  foy) 
nous  mangeons  vrayement  le  corps,  &c  beuuons  le  fang  d'iccluy.-mais  rïon  pas  en  la  for- 
mel manière  que  les  Papiftes  le  tiennent,  iefquels  dilcnt  que  le  pain  eft  tranlfubftâtié  Tranflub- 
au  vray  corps  de  Iefus  Chrift,  &  le  vin  en  ion  fang.cn  quoy  ils  faillent  grandement.  Car  ftancut,t>n- 
li  ainli  eftoit,ces  trois  articles  de  foy  ne  feroyét  pas  véritables,  Qu'il  eft  môté  aux  cieux,  A&  i- 
Allisàladextrcdu  Pere,  Et  qu'il  viendra  iuger  les  vifs  &  les  morts.  Car  s'il  eft  au  ciel, 
comment  fera-il  delfous  l'efpece  du  pain  :  veu  qu'vn  mefme  corps  ne  peut  eftrc  en  vnc 
mefme  heure  en  plulicurs  lieux  ?  Or  Iefus  Chrift  mefme  après  la  refurrettion  auoit  vn 
vray  corps;car  il  fut  veu  &c  touchc,&idit  luy-mefme  à  fes  difciples,Taftez-moy,&:voyez:  Luc  14. 
car  vn  efprit  n'a  ne  chair  ny  os  ainli  que  vous  me  voyez  auoir.  Et  combien  que  fouuen- 
tefoisilfe  foit  apparu  à  les  difciples,  toutefois  en  vn  mefme  temps  il  ne  s'eft  point  veu 
en  plulicurs  heux.  Et  de  ce  qu'il  eft  entré  à  les  difciples  les  portes  eftans  fermees,çela  s'- 1«° 
eft  fait  par  miracle,  &:  non  pas  que  la  nature  d'vn  corps  glorifié  fuft  telle.  Parquoy  ie  cô- 
clu  auec  S.Auguftin,qu'vn  corps  glorifie  ne  peut  eftreen  plulieurs  lieux.  Et  parainfi  le  Jp 'ePiftie 
çorpsdelefusChriftn'eftpointfouslesefpccesdupain&du vin.ny auecle  vin:  mais  J7/r  anUÏ 
que  nous  deuons  tenir  ce  qui  fut  dit  au  Canon  du  premier  cociledeNicee:alTauoir  que 
nous  ne  regardions  point  le  pain  &:  le  vin  qui  nous  font  prefentez:mais  qu'eileuansl'ef- 
prit  en  haut,nous  confiderions  par  foy  l'Agneau  de  Dieu.Pourtât  ie  croy  que  nous  par- 
ticipons en  foy  par  la  vertu  du  S.  Efprit ,  au  corps  &:  au  fang  de  noftre  Seigneur  Iefus 
Chrift  (encores  qu'ils  loyer  au  ciel)en  prenant  le  pain  &  le  vin ,  qui  font  les  lignes  de  ce- 
lle communication.  L'vndefquels  ne  doit  eftrediftribué  ne  baillé  au  peuple  fans  l'au- 
tre. Carie  mandement  de  Iefus  Chrift  porte  que  nous  beuuions  tous  du  calice.Mefme  Mauh.i*. 
après  auoir  dit  iimplcmcnt  du  Pain,  Prenez  &:  mangez: quand  ce  vient  au  calice,il  com 
mande  nomément  que  tous  en  boiuent.  Et  cefte  laçon  de  prédre  tous  les  deux  lignes,  a 
efté  gardée  en  l'Eglile  plus  de  mille  ans,côme  il  appert  parles  liures  de  to9  les  docteurs. 
Et  que  du  tout  il  en  faille  ainli  faire,  il  appert  par  le  décret  de  Gelafius,  qui  ordône  que 
tousceuxquisabftiendroyentducalice,feroyent  excommuniez  de  tout  le  Sacremet,  cano.  Re-' 
adiouftantlaraifon,  alîauoir,Queladiuilionde  cemyftere  ne  fe  fait  point  fans  grand  cJXcr'11' 
facnlege.  Partant  il  ne  nous  refte  que  d'obeirau  commandement  de  Dieu  :  afin  qu'en  diftind.i. 
prenant  les  fignes,  nous  iouiluons  aufïi  de  la  vérité  d'iceux.    Gloire  foit  à  Dieu. 

/~>E  ScinqEfcoliersdelefus  Chrift, durant  leur  emprifonnement  non  feulemeot  fe 
^confoloyent  mutuellement  lesvnsles  autres  par  miflkies,  mais  auflî  les  amis  &  les 
eglifes  de  Geneue  &c  Laufanne  leur  efcriuoyent  lettres:&:  fur  tous ,  deux  excellens  mi- 
niftres  de  l'Euangile,  M.IeanCalvi  n  &:  M.  Pierre  Vire  t  ont  enuoyé  celles 
quisenfuyuent. 

PA  R  cette  Epiftre  M.Ican  Caluin  donne  folution  à  quelques  queftions  &  demandes  touchant  certains 
poinftt  de  la  religion  Chrétienne. 

E  S  trefehers  freres,i'ay  différé  de  vous  eferire  iufques  ici,  craignant  que  fi  les  let- 
tres auoyént  quelque  mauuaife  rencontre ,  ce  ne  fuft  occafîon  nouuelle  aux  en- 
nemis de  vous  affliger  plus  durement.    Et  aufïi  i'eftoye  bien  aduerty  que  Dieu  be^ 


Uur<u  Ht*  Epijlres  aux  Cinq  Lyon. 

fongtloit  tellement  en  vous  par  fa  grâce ,  que  vous  n'auiez  pas  grande  neceflîté  de  mes 
lettres.' Cependant  nous  ne  vous  auons  point  oublié ,  ne  moy  ne  tous  les  hères  de  par- 
deça,  en  tout  ce  que  nous  auons  peu  faire  pour  vous.  Si  toit  que  vous  fuites  prins ,  nous 
eneufmes  les  nouuelles,  &:  feufmcs  cornent  &:  par  quel  moyé  celaeftoit  aduenu.  Nous 
auons  procuré  qu'en  diligence  on  enuoyaft  au  fecours. maintenant  nous  attendons  re£ 
ponfe  de  ce  qu'on  aura  impetré.  Ceux  qui  peuuenc  quelque  chofe  entre  le  Prince  és 
mains  duquel  Dieu  a  mis  voftre  vie,  s'y  font  fidèlement  employez .  mais  nous  ne  fauons 
encores  combien  la  pourfuitte  aura  profité.  Cependant  tous  les  enfans  de  Dieu  prient 
pour  vous, corne  ilsy  font  tenus:tant  pour  la  côpaflïon  mutuelle  qui  doit  eltre  entre  les 
membres  du  corps,que  pource  qu'ils  fauent  bien  que  vous  trau aillez  pour  eux,maintc- 
nans  la  caufe  de  leur  falut.  Nous  efperorvs,  quoy  qu'il  en  foit,  que  ce  bon  Dieu  donnera 
heureufehTue  à  voftre  captiuité,  en  forte  que  nous  aurons  dequoy  nous  refiouir.  Vous 
voyez  à  quoy  il  vous  a  appelez .  ne  doutez  pas  félon  qu'il  vous  employera ,  qu'il  ne  vous 
donne  force  d'accomplir  fon  œuure-.carill'a  promis.  Et  nous  auons  alfez  d'expérience, 
comme  il  n'a  iamais  defailly  à  ceux  qui  fe  font  laifTez  gouuerncr  par  luy.mefmc  vous  en 
auez  defiaapprobation  en  vous.  Car  il  a  déclaré  fa  vertu  en  ce  qu'il  vous  a  dôné  vne  tel- 
le conftance  pour  refifter  aux  premiers  affaux.  Confiez-vous  dôc,qu'il  ne  huilera  point 
fouuragedefa  mainimpatfair.  Vousfauez  ce  que  l'Efcriture  nous  met  au  dcuant,pour 
nous  dôner  courage  de  batailler  pour  la  querelle  du  Fils  de  Dieu .  méditez  ce  que  vous 
en  auez  veu  &C  ouy  par  cy  deuât,  pour  le  mettre  en  pratique.  Car  tout  ce  que  îe  vous  en 
fauroye  dire,  ne  vous  pourroit  gueres  feruir ,  s'il  n'eftoit  puilé  de  cefte  fontaine.  Et  de 
faictjil  faut  bien  vn  plus  ferme  appuy  que  les  hommes,  pour  nous  rendre  victorieux  par 
deffus  des  ennemis  fi  robuftes,comme  font  le  diable,la  mort  &  le  mode .  mais  la  ferme- 
té quie|t  enlefus  Chrift,elt  aflczfufrifanteà  cela,&:toutcequi  nous  pourroit  cfbranler 
fi  nous  n'eftions  fondez  en  luy.  Sachans  donc  a  qui  vous  auez  creu  :  monftrez  quelle  au- 
thoritc  il  mérite  qu'on  luy  donc.  Pource  que  fefpere  de  vous  eferire  encore  cy  apres,ie 
ne  vous  feray  à  prefent  plus  longue  lettre.  Seulement  ie  refp&dray  en  bref  aux  articles, 
DisVœui.  dontle  frère  Bernard  m'ademandé  refolution.  Touchant  des  vœus,  nous  auons  à  te- 
nir cefte  règle,  qu'il  n'eft  paslicite  de  vouer  à  Dieu,  finon  ce  qu'il  approuue.  Oreft-il 
ainfi,qucles  vœusMonaftiques  netendét  qu'à  vne  corruption  du  feruice  d'iceluy.Pour 
le  fécond,  nous  auons  à  tenir  que  c'eft  prefomption  diabolique  à  vn  homme,  de  voik  . 
outre  la  mefure  de  fa  vocation.  Or  l'Efcriture  nous  declare,que  le  don  de  côtmence  eft 
particulier,tataudixneufieme  de  S.Matthieu,  qu'au  (epticme  de  la  première  aux  Cor. 
Il  s'enfuit  donc ,  que  ceux  qui  fe  mettét  ce  lien  &:  ncceifité  de  renôcer  au  Mariage  pour 
toute  leur  vie,ne  peuuét  eftre  excufezde  tcmcrité,&:  qu'en  ce  faifant  ils  ne  tentétDieu, 
La  chofe  fe  pourroit  bien  déduire  plus  au  long,c  n  difant  qu'il  faut  confiderer  qui  eft  ce- 
luy  auquel  on  vouè':quellé  eft  la  chofe:  &  tiercement  qui  eft  le  vouât.  Car  Dieu  eft  trop 
grand  Maiftre ,  pour  fe  iouer  à  luy.&  l'home  doit  regarder  fa  faculté  .  &:  de  prefenter  fa- 
crificc  fans  obeifTance,  ce  n'eft  que  toute  pollution. Toutefois  ce  feul  poinft  vous  pour- 
ra fufEre,de  leur  remonftrer  que  c'eft  vn  don  fpecial  de  fe  pouuoir  con tenir:&:  tcllemét 
fpecial, qu'il  n'eft  que  temporel  à  beaucoup. Parquoy  celuy  qui  l'aura  eu  pour  tiéte  ans, 
comme  Iiàac,  ne  l'aura  point  pour  le  refte  de  fa  vie.  De  là  vous  pouuez  côclure,que  les 
Moines  s'obligeans  à  ne  fe  marier  iamais ,  attentét  fans  foy  de  promettre  ce  qui  ne  leur 
eft  point  donné!  Quant  à  leur  poureté,  elle  cft  du  tout  contraire  à  celle  que  noftre  Sei- 
la  nature  gneut*  Iefus  commande  aux  ficns.  Touchant  de  la  nature  d'vn  corps  glorifié,  vray  eft 
gtortôT  clue  ^cs  qualicezy  /ont  cliangees,maisnon  pas  toutes.  Car  il  conuient  diftinguer  entre 
les  qualitez  qui  procèdent  de  la  corruption  du  péché,  &c  celles  qu i  font  propres  &  infe- 
parôbles  à  la  naturedu  corps.  S.  Paul  au  5.  des  Philippiens  dit,Que  noftre  corps  abieèt 
ou  infirme,  fera  rendu  côforme  au  corps  glorieux  de  Chrift.  Par  ce  mot  d'Humilité,  ou 
Tttpmofis ,  il  marque  quelles  qualitez  nous  portons  auiourdhuy  en  nos  corps  ,lefquelles 
feront  changees.-afîauoir  celles  qui  feront  de  l'eftat  corruptible  &c  caduque  de  ce  mon- 
de. Et  à  ce  propos  S.  Auguftin  dit  in  epiftolaad  Dardanum,  qui  eft  en  nôbrela  57,  Vtn- 
turws  eft  in  eadern  ctrriu  forma  atque  fùbftantia  :  cm profe£lo  immortalitatem  dédit ,  naturam  non  abpu- 
In.SecundumhancfomamnonputandHiefiybicjMed/^uJUs.  Il  pourfuit  ceft  argument  plus  ad 
long,  déclarant  que  le  corps  de^Chrifteft  contenu  enfes  dimenfions.  Et  de  fait,  nos 
corps  ne  feront  point  glorifiez  pour  eftre  par  tout  :  lefquels  toutefois  auront  cefte  con- 
formité dont  parle  faind  Paul.    Quantau  pafTage  de  l'^pocalypfe ,  les  mots  font  teU 

au 


Epifire*  aux  Cinq  <s/o  tjori.  p 

au  chapitre  ciiiquicme,v^«cl/w  omnem  creaturam  <p& in  ctlo  eft,  &*  jupertemnh, & fub  tèrràfè* 
qu&  Jûntmmari:  ontnes  audiui duentes ,  Sedenri inthrono  &*  *Agno  benei/Oh,  honor& gloriai'  Or 
vous  voyez  que  c  eft  vne  cauillàcioh  puenle  d'appliquer  cela  aux  ames  de  Purgatoire. 
Gar  pluftoft  S.  Iean  entédparfigure  qui  fc  nomhle  Pràfbpopeeiafquc  les  poiYTons  mefiriés 
benifToy ent  Dieu.  Quant  aux  paffages  des  Do&eurs,réuoyez  vos  gens  à  TEpiftre  vingt 
feptiemcdefâin&  Auguftinâd  Bonifaciumjoù iltràitte en la  fin *  Qnod Sacramenrafmfïfe 
tudinem  tjuandam  habcant  earum  remm  tfHtofigttranu  Qgofit,  vtftcundum  àliqu&m  modum^Saeramen^ 
tftmœrporuChnft^œrpusChriftijà.  Item  fce  qu'il  traite  au  liure  troifieme  Dedo&rina  Chfri- 
ftiana ,  où  il  dit  entre  autres  chofes  au  chapitre  cinquième ,  Ea  demum  htifirabilii  eft  animât 
fewttutff^aproytbmdmpetVy&frpra&edmrama  adhaunenAum  Sternum 

lumen  non  leuart.  Item  chap.neufieme,  ^gnojatfideluquorcferantHt'myflcriumBaptfa 
pom  aefanguinti  Domintcelebratm ,  yt ea  non  carnaiifhhéiiuti  ,fid Jptrituali potktoJêertatc  yeneretur, 
Vt  autem  itérant feqiti],  &•  figna  pro  rebm fignatis  acctyerejèriiito  tnprmhatU  éft.ita  inutiliter ftgna  tnter- 
pretari ,  maie  vagantts  errortf  eft.  le  ne  vous  en  amafïe  point  d'autres ,  pOurce  que  Ceux-la 
vous  pourront  bien  fuffire.  Faifanc  d6c  fin,  ie  prie  noftre  bon  Dieu,qu'illuy  plaife  vous 
faire  fentir  en  toutes  manières  que  vaut  la  protection  furies fiens  :  vous remplirde  fon 
fainct  Efprit,  qui  vous  donne  prudence  &  vertu,  &  vous  apporte  paix,ioye  &:  contente- 
ment^ que  le  nom  de  noftre  Seigneur  Iefu s  foit  glorifié  par  vous,  à  l'édification  de  fon 
Eglife.        De  Gcneue,  ce  dixième  de  juin,  m.  d. 

AVTRE  Epiftrc,  auffi  dcritep«ir  M.  I.  Caluin  aine  fufJksciocjprifonDieri. 

JSÊjîlES  trefehers  frères,  à  cefte  heure  la  necelîité  vous  exhorte  plus  que  Jamais  daf- 
g^îrefter  tous  vos  fens  au  ciel.  Nous  ne  fauons  pas  encores  quelle  fera l'iiTuc  .  mais 
poureequ'ilfembleque  Dieufe  vueillefcruir  de  voftrefang  pour  figrierfâ  vérité,  il  n'y 
a  rien  meilleur  que  de  vous  difpofer  à  cefte  fini  le  priant  de  vous  affuiettir  tellement  a 
fon  bonplaifir,que  rien  ne  vous  empefchfc  defuyureoùilvoùsa*p£clera.  Gafvoûsfa- 
uez ,  mes  frères ,  qu'il  nous  faut  eftre  ainfî  mortifiez ,  pour  luy  eftre  offerts  en  facrifices. 
11  ne  fe  peut  faire  qiifc  vous  rie  foufteniezdedurs  combats:  afin  que  ce  quia  eftédità 
Pierre,  s  accompli/Te  ert  Vous,  Qu'on  vo*  tirera  ou  vous  ne  voudrézpoint.tnais  vousû-  Iein  »•  * 
uez  enrquelle  vertu  vous  auez  à  batailler:  fur  laquelle  tous  ceux  qui  feront  appuyez, 
ne  fe  trouueront  iamais  eftonnez ,  &  encore  tant  moins  confus .  Ainfi ,  mes  frères, 
confiez-vous  que  vous  ferez  fortifiez  au  befoin  de  l'Efprit  de  noftre  Seigneur  Iefus, 
pour  ne  défaillir  fous  le  faix  des  tentations,  quelque  pefant  qu'il  foit ,  non  plus  que  luy, 
qui  en  a  eu  la  victoire  fi  glorieufe,  du  elle  nous,  eft  vn  gage  infaillible  de  noftre  triôphe 
au  milieu  denosmiferes.  Puis  qu'illuy  plaift  vous  employer  iufqu  a  Ja  mort  à  oiaintenir 
fa  querelle,  il  vous  tiendra  la  main  forte  pour  batailler  conftammerit,&  ne  foi^frnra pas 
qu'vne  feule  goutte  de  voftre  fang  demeure  inutile.  Et  côbien  que  le  iruift  ne  Vcn  ap- 
perçoy  ue  pas  fi  toft ,  fi  en  fortira-il  auec  le  temps  plus  ample  que  nous  ne  faurions  dire. 
Mais  d'autant  qu'il  vous  a  fait  ce  priuilege ,  que  vos  liens  ont  cfté  renommez ,  &  qâç  le 
bruit  en  a  efté  efpandu  par  tout,  il  faudra  en  defpit  de  Satan,  que  voftre  mort  retentnTe 
encores  plus  fortrà  ce  que  le  nom  de  noftre  bon  Dieu  en  foit  magnifié.  Quant  à  moy,  ic 
ne  doute  point,  s'ilplaiftàceboiiPerede  vous  retirer  àfoy,  qu'il  ne  vous  ait  referuez 
iufques  ici,afin  que  voftre  longue  detétion  fuft  vn  pteparatif pour  mieux  efueillcr  ceux 
qu'il  a  délibéré  d'édifier  par  voftre  fin.  le  ne  vous  côfole  ny  eihof  te  plus  au  long/achat 
quelePere  celeftc  Vous  fait  fentir  que  valent  fes  confolations,3cque  vous  eftes  afTez 
foigneux  à  méditer  ce  qu'il  vous  propofe  par  fa  parolle.fi  a  défia  tant  monftré  par  effeii 
corne  fa  vertu  nabitoit  en  vous,  que  nousdeuons  bien  nous  afTeUrer  qu'il  acheuera  iuf- 
ques au  bou  t.  Vous  fauez qu'en  partant  de  ce  monde  nous  n'allons  point  à.  l'aduéturcr 
non  feulemét  pour  la  certitude  que  vous  auez  qu'il  y  a  vnc  vie  celefte,  mais  auffi  pource 
qu'eftas  affeurez  de  l'adoption  gratuite  de  noftre  Ùieu  >  voùs  y  allez  corne  à  voftre  heri- 
tage.Ce  queDieu  vous  a  ordônei  Martyrs  de  fon  Fils,vôus  eft  come  vne  marque  de  fu- 
perabondant.Refte  le  côbat,auquel  l'Ëfprit  de  Dieu  non' feulement  nous  exhorte  d'al- 
lcr,mais  aufTi  de  courir.Ce  font  tétations  dures  &:  fafcheufes,de  voir  l'orgueil  des  enne- 
mis de  vérité  fî  énorm  e,  fans  qu'il  foiç  reprimé  d'enhaut  :  de  voir  leur  rage  fi  delbordeey 
fans  queDieu  pouruoye  aux  fiés  pour  les  foulager.mais  s'il  nous  fouuiét  qu'il  eft  dit,que 
noftre  vie  eft  cachee,&:  qu'il  nous  conuient  reffembler  à  trefpaffez  Çcc  n'eft  pas  vne  do- 
ârine  pour  vn  iour,mais  permanente)nous  ne  trouuerons  pas  trop  eftrage,que  les  affli-  Co1'^* 

Q3< 


Liurcs  III.  E  filtres  aux  Qnq  Lyon. 

&ions  continuent.  Puis  qu'il  plaift  à  Dieu  de  lafeher  fi  long  téps  la  bride  à  fes  ennemis, 
noftre  deuoir  cft  de  nous  tenir  quois  :  combien  que  le  temps  de  noftre  rédemption  tar* 
de.  Au  rcfte,s'il  a  promis  d'eftre  iuge  de  ceux  qui  auront  aiferuy  fon  peuplc,ne  doutons 
pas  qu'il  n'y  ait  vne  horrible  punition  appreftec  à  ceux  qui  auront  dcfpité  l'a  maiefté  a- 
uec  vn  orgueil  fi  énorme,  &:  qui  auront  cruellement  perfecuté  ceux  qui  inuoquent  pu- 
Ffr.19.tfx.  rement  fon  nom.  Pratiquez  donc,  mes  frères,  cefteléntence  de  Dauid,  Que  vous  n'a- 
io>.&  J53.  uez  p0int  oublie  la  Loy  du  Scigneur:combicn  que  voftre  vie  Toit  en  vos  mains,  pour  la 
quitter  à  toute  heure.  Et  puis  qu'il  employé  voftre  vie  à  vne  caufe  fi  digne  qu'eft  le  tef- 
moignage  de  l'Euangile ,  ne  doutez  pas  qu  elle  ne  luy  foit  precieufe.  Le  temps  cft  pro- 
chain que  la  terre  dcfcouurira le  fang  qui  aura  eftécachc»&  que  nous,  après  auoir  cité 
delpouillcz  de  ces  corps  caduques ,  ferons  pleinement  reftaurez.  Cependant  que  par 
noftre  opprobre  le  nom  du  Fils  de  Dieu  (bit  glorifié,  &  nous  contentons  de  ce  tei'moi- 
gnage  qui  nous  eft  bien  alleuré ,  que  nous  ne  femmes  perfecutez  ne  blafmcz  iinô  pour- 
ce  que  nous  cfperons  au  Dieu  viuant.  En  cela  nous  auons  dequoy  defpitet  rout  le  mon- 
de auec  fon  orgueil ,  iufques  à  ce  que-nous  foyons  recueillis  c  n  ce  royaume  éternel ,  au- 
quel nous  iouyrons  pleinement  des  biens  que  nous  nepolTcdons  que  par  efpcrance. 
Mes  feres,  après  m'tftre  de  bon  cœur  recommandé  àvospiieres,ie  fupplieray  noftre 
Dieu  vous  auoir  en  fa  faincre  prote&iô,  vous  fortifier  de  plus  en  plus  en  l'a  vertu  ,&:  vous 
faire  l'en  tir  quel  foin  il  a  de  voftre  falut:&  augmenter  en  vous  les  dos  de  fon  Efprit>pour 
les  fa  ire  feruir  à  fa  gloire  iufques  à  la  fin.  Ic  ne  fay  point  mes  recommandations  en  par- 
ticulier à  nos  autres  frères,  pource  que  iccroy  que  la  prefenteleur  fera  commune.  I'a- 
uoye  iufques  icy  différé  de  vous  eferire,  pour  l'incertitude  de  voftre  eftat,  de  peur  de 
vous  ennuyer  en  vain.  Derechef  ic  pricray  noftre  bon  Dieu  d  auoir  là  main  eftendue 
pour  vous conferucr.        Voftre  humblcircre,  I.  C. 

S'e  n  s  v  1  t  vne  Epiftre  de  M.Pierre  Viret,  eferite  à  Pierre  Nauihercs,&:  aux 
autres  prifonniers d'vn  mefme  temps. 

C  E  S  T  E  Epiftre  contient  pour  fa  première  partie,  vne  exhortation  &  confol  tir  n  pour  les  fidèles  qui  funt  prifonniers  pour 
Iefus  Chrift  :  par  laquelle  il  elî  ironflré  con  ment  Dieu  fe  fert  d'eux  &  de  leurs  liens ,  pour  condarr  ne  r  &  confondre  fes 
ennemis.  Puis  après  il  cft  parlé  a  fiez  amplement  du  vray  vfage,  de  l'cfiicice  &  des  ertefts  du  miniftere  iel'Fuangile,& 
des  chofes  qui  y  font  à  confiderer,  &  principalement  au  Baptelme.  1  ntre  les  autres  poincts  qui  y  jont  traitez  plus  fpe- 
cialement,  il  y  eft  parlé  du  Baptcfmedespetis  enfans,  &  de  ceux  qui  mu  rent  auantqu'auoir  eflébaptifez  duBaptefme 
cxteneur,&  des  tr.oyés  par  lelquels  Dieu  communique  (es  grâces  aux  petis  enfans.U  y  eft  auffi  parK  de  la  différence  qui 
peut  cftre  entre  le  Baprelme  de  S.Iean  BapuftcA  celuy  de  Iefus  Chrift  de  des  Apoftres  &  de  cous  autres  miniftres. 

^^îR  A  CE  &:  paix  par  noftre  Seigneur  lefu  s  Chrift.  Mon  cher  rrerc  &:  bien  aime, 
fjl^depuis  qu'il  a  pieu  au  Seigneur  vous  appeler  à  ce  lair& combat,  auquel  vous  &: 
vos  compagnons  combatez  maintenant  pour  fon  faind  nom  ,  comme  vrais  chcualicrs 
Chrcftiens,  ie  vous  ay  eferit  par  plufieurs  fois:mais  ie  ne  fay  fi  auez  veu  &.  reccu  les  let- 
tres. Pour  le  moins  ie  n'en  puis  rien  apperceuoirpar  lateneur  des  vcftrcs  qui  me  l'ont 
venues  entre  les  mains.  Comment  qu'il  en  foit  *  ie  ren  grâces  à  Dieu  incefiàmmenr,dc 
l'affiftcnce  qu'il  fait  à  vous  tousrpar  laquelle  il  vous  fait  cegnoifti  e  par  eypericnce,ccm 
bien  il  eft  véritable  en  fes  promelfes  :  lefquclles  il  vous  îigiu  &c  conférait  par  ici  De,  co- 
rne par  vn  feau  &c  vn  facrement  de  grande  efficace ,  auquel  il  le  mamh  lie  à  vous ,  côme 
fi  vous  le  voyez  à  l'œil,  &  le  touchiez  à  la  main.  Enquoyvous  pouucz  auffi  iuger  com- 

pfeau-14  4*  bien  1  homme  cft  heureux, qui  a  le  Seigneur  Dieu  pour  L'on  Dieu,&  qui  le  craint,&:  met 
toute  fa  fiance  &  fon  efperance  en  luy  par  Iefus  Chrift  nofti  c  Seigneur.  Orcomm  e  ie 
ren  grâces  à  Dieu  de  cegrad  bénéfice,  duquel  vous  ôc  vos  compagnons  ne  receliez  p^s 
feulement  le  frui&&:  la  confolation  ,  mais  auffi  tous  ceux  qui  aiment  noftre  Seigneur 
Iefus  Chrift,  aux  liens  duquel  vous  eftes  :  ainfi  ic  prie  journellement,  &:  non  feulement 
moy,mais  auffi  tous  mes  frères, ce  bon  Perc,  Peiede  mifericorde&  de  toute  côfoî  .tion 

1  Cor.i.  par  jcfus  Chrift  noftre  Seigneur,qu'il  luy  plaife  vous  côfc  rmer  toufiours  de  plus  en  plus 
en  lafoy&:  en  la  confeffion  de  l'on  S.nom,&  vous  augmenter  les  dons  &  graecs^vous 
donner  toufiours  bouche  &  figelfe,  à  laquelle  tous  vosaduerfaires  ne  pu?fTc  nt  r<  fîfter: 

a^        côme  il  l'adonnec  à  S. Efticnne,& comme  il  en  a  fait  lapromclTe  à  fes  feruireurs.  Caril 

Maûh.io.  ne  vo9  faut  point  douter  que  Dieu  par  fa  prouidécene  vous  ait  amc  nez  à  ceux  qui  vous 
détiennent  prifonniers,  afin  que  vous  leur  fuffiez  en  tefmoignnge  pour  fa  venté,  &  que 
vous  fuiiîcz  leurs  iuges  par  îcellcau  lieu  qu'ils  penfent  cftre  les  voltres.  Car  Japarclle 


EpifttC-j  aux  Cinq       Lyon.  2 30 

de  Dieu  cft  mife  en  la  bouche  de  Tes  fcruiteurs,afin  qu'ils  iugent  par  icellc  tous  les  hom 
mes  de  la  terre.  Car  elle  leur  cft  commife  tant  pour  prononcer  la  lentence  de  falut  &  de  Mat 
vie  aux  enfans  de  Dieu  qui  la  receuront  par  vraye  foy  6c  obcilFance,  que  pour  pronoccr 
la  ùntence  de  condamnation  6c  de  mort  contre  les  infidèles  &;  les  rcprouucz.  Et  pour-  Ma,c  itf 
tant  Icfus  Chrift  dititiotammcnt,que  le  fainct  Efprit, lequel  il  a  promis  à  les  Apoftres  Se  ^ 
tiifciplcs,&  qui  parle  par  leur  bouche,reprendroit  le  monde  de  péché .  Celle  fentence 
cft  donc  certaine^'  ne  faut  point  douter  qu'elle  ne  foit  exécutée  en  l'on  iour ,  attendu 
qu'elle  c  ft  donnée  de  Dieu, qui  eft  leiugedes  vif's&:  des  morts,duquelceux  qui  portent  Manli.io 
cefte  parollc,font  la  bouche  pour  la  prononcer  &  manifeftcr.Ltpourtant  il  la  nous  faut  ternio 
tenir  pour  vnc  fentence  fans  appel, puis  que  le  fouuerain  Seigneur  &:  Prince  de  tous  l'a 
donnée. Mais  c'eft  autre  chofede  lafentence  de  vos  aduerfaircs.  Vous  fauez  quelle  puil 
lance  ils  ont  fur  vous.vous  en  eftes  aduertis  Se  aifeurez  par  voftrc  maiftre  Se  Pafteur  le-  Mmh  10 
fus  Chrift. Rcceucz  donc  comme  de  la  main  de  voftrePere  tout  ce  qui  vous  aduiendra: 
Se  dites  toulioursaucc  lob, Le  nom  de  Dieu  foit  beny.  Puis  donc  que  vous  auez  à  faire  Iobl 
aucc  voftre  Pere,&:  non  feulement  au  ee*4es  hommes ,  relïouilTcz-vous .  car  c'eft  luy  qui 
par  fon  Fils  Icfus  Chrift  fera  le  luge  de  vosiugcs,dcuant  lequel  il  faut  vue  fois  tous  corn 
paroiftrc.Lors  les  ténèbres  ferôtcfclarcies  parla  lueur  &fplcndcur  de  fon  aduenemét.  Kom.14 
lors  vous  aurez  appclation  de  leur  fentencc.Ils  ne  vous  peuucnt  condamner  qu'au  feu  L<  (r  4 
matériel, qui  cft  bien  peu  a  eftimer,au  pris  de  ccluy  de  la  géhenne,  lequel  ne  ft  pas  te  m 
porel  comme  ccftuy-cy, mais  éternel. Car  c'eft  le  feu  duquel  il  (  ft  eferit,  qu'il  ne  peut  e-  Uak" 
ltreeftcint,&:  auquel  le  ver  ne  meurt  point,  &:  auqucliln'ya  lînon  ténèbres,  pleurs  Se  m"^9, 
grincemcns  de  dencs  perpétuels. Parquoy  vos  aducrlaires  ont  beaucoup  plus  grande  h  2$ 
occafion  de  craindre  que  vous .  Car  ils  ne  vous  peuuent  condamner  à  ce  feu  temporel 
qu'il  ne  rcçoyuent  quant  &  quant  fentenec  contre  eux-mefmcs,par  laquelle  ils  font  cô  Roni 
damnezau  feu  éternel  parle  luge  fouuerain,  deuantle  fiege  duquel  vous  Se  vos  aduer- 
faires  comparoiftrez  vne  fois. C'eft  vn  luge  deuant  lequel  ils  ne  feront  pas  afïis  comme 
luges, mais  comme  criminels, pour  ouyr  leur  fentence  centre  leurs  iniques  iugemens, 
s'ils  p  erfeuerent  en  leurs  iniquitcz. Toutefois  s'il  plaift  au  Seigneur ,  qui  vous  a  mis  en- 
tre leurs  mains, il  ne  leur  permettra  pas  qu'ils  viennent  fiauant.  Ceneantmoins  il  vous 
faut  difpofer  à  tout  cuenement,fachans  qu'ils  font  tous  en  la  main  de  Dieu  voftre  Pere, 
Se  non  point  en  la  main  de  fortune:  laquelle  n'eft  rien  linon  vne  fauffe  opinion  à  ceux 
qui  n'ont  point  telle  cognoirtance  de  la  prouidence  de  Dieu ,  ne  telle  fiance  en  ictlle 
que  les  enfans  de  Dieu  la  doiuentauoir.Lc  Seigneur  fait  qu'il  a  à  faire  de  vous,  &:  qu'il 
en  veut  faire.  S'il  veut  cftre  glorifié  en  voftre  vie,  il  eft  alfcz  puiffant  pour  la  vous  gar- 
der, maugre  tous  vos  ennemis .    S'il  veut  eft  re  glorifié  par  voftre  mort,voftrc  mort  ne 
vous  fera  point  morr,mais  vne  vraye  vie. Et  le  Seigneur  auquel  vous  feruez,vous  baille- 
ra la  vcrru,&:  la  force,&  laconfolation  requifeen  tclcôbat&afTaut.Car  vouscnauczla 
promefle  de  celuy  qui  iamais  ne  trompe  1  cfperance  deceux  qui  s'attendent  àluy.  Par- 
quoy il  ne  vous  faut  point  douter  qu'il  ne  parface  l'amure  qu'il  a  commencé  en  vous.  Il 
vous  faut  donc  dilpofer,comme  les  bons  Se  vaillas  gédarmes,  qui  vont  àla  guerre  pour 
maintenir  la  querelle  de  leur  Prince,&:  pour  côbatrc  vaillament  pour  icellc,  foit  à  vie,  Rom  f 
ioit  àmort.Mais  vous  auez  vne  alfeutace  6e  vnc  confolation  dauantage  que ceux-la.car 
foit  que  vous  viuiez, foit  que  vous  mouriez,vous  viucz  &  mourez  à  Dieu:  &£  eftes  aflcu- 
rczdc  la  vicloirc,li  vous  perfeuerez  en  cefte  fiance  &:ei'perance  que  vous  auez  enluy, 
comme  i'ay  bonne  cfpcrace  qu'il  vous  en  fera  la  grâce.  S'il  luy  plaift  que  vous  mouriez, 
voftre  mort  fera  vn  tcfmoignagé  à  l'Eglife  de  Dieu, de  la  conftance  6c  victoire  de  voftre 
foyô£  de  voftre  cœur:  lequel  n'aura  point  efté  veincu,  combie  que  le  corps  aura  efté  ef- 
forcé parla  violence  de  vos  aduerfaircs, lefqucls  n'ont  point  depuiffance  furie  cœur, 
ne  fur  lafoy,nefurl'efperanced'iceluy.Orpource  que  vous  eftes  encore  au  combat,  Se 
y  ferez  tant  qu'il  plaira  au  Seigneur,  vous  me  demandez  mon  aduis,&  requérez  plus 
ample  inftruction  touchant  aucuns  poinéls  fur  lefquelsvous  auez  eu  à  combatte  auec 
vos  aduerfaircs  .  Puisquevouslcdefirezainfi,ievousyrefpondray  le  pins  brieuement 
te  le  plus  proprement  qu'il  me  fera  pofsible,fclon  que  la  matière  me  lemblcra  le  reque 
rir.  Quant  au  poinct  des  images,il  ne  requiert  point  de  rcfponfe.  Quant  au  Baptefme,  t  uc 
il  eft  certain  que  faind  Iean  Baptiftc  met  différence  manifefte  entre  fon  Baptefme  I(ani 
Se  ccluy  de  Icfus  Chrift .  Or  il  n'y  a  point  de  doute  qu'il  ne  faille  entendre  le  mefmc  que 
faincHean  dit  de  foy  &:  de  fon  Baptefme, non  feulementdu  Baptefme  adminiftré  par 

QJiii. 


Pfcaa.ir^ 


Matth* 


Liurt^llL  Epiftr&dUxQnqdeLyon. 

tous  le  s-autresMiniftres  de  la  parolle  dcDieu,voire  de  celuy  des  Apoftres  mcfmes,mais 
àuflî  de  tout  leut  miniftc  re.Car  l'intention  de  fainct  Iean  eft,de  monftrer  que  les  hom- 
mes ne  peuuét  donner  le  S.Efpritpai  lcurminiftere,ne  parles  lignes  extérieurs  admi- 
niftrcz  par  iceluy, mais  que  ceft  office  appartient  à  Icfus  Chrift  tant  feulement .  Ce  que 
IefusChrift  a  bien  voulu  monftrer  tout  manifeftemét  par  ce  grand  miraclc,par  lequelil 
Ailf,  r  a  enuoyé  le  S.Efprit  à  les  Apoftres, en  efpece  de  vent  &:  de  langues  de. feu  le  iour  dePen 
M-irc  3  tecofte .  Pour  celle  caufe  S.  Iean  dit  que  c'cftlcfus  Chrift  qui  baptizedu  l'aind  Efprit& 
Aa"  1  du  feu. Laquelle  chofe  il  a  voulu  manifefter  vne  fois  par  fignesvifibles,  pour  déclarer 
par  iceux  la  vertu  inuifible  de  fon  faind  Efprit,par  laquelle  il  befongne  iourncllement 
au  cœur  des  fiens, comme  il  luy  plaift,&:  quand  il  luy  plailt:&  principalement  parle  mi- 
niftere  de  fa  parolle  &:  de  fes  Sacremens,dcfqucls  il  a  commis  ladminiftration  aux  vrais 
Miniftres  de  l'on  Eglifc,fes  feruitcurs.  Nous  auons  donc  à  confidercr  au  Baptefmc,ce 
qui  eft  aulîi  à  cenfiderer  non  feulement  en  tous  Sacrcmcns,mais  aufli  en  la  Parolle  mei 
me,c'eft  afîauoir  l'œuure  vifiblc  de  fhomme  duquel  Dieu  Ce  fert  pour  Minifti  c  :  &:  puis 
l'aiiure  inuifible  de  Dieu  reprefenteepar  celle  du  Miniftrc  par  laquelle  Dieu  befon- 
gne au  cœur  de  fes  cfleus  parla  vertu  de  fon  iainft Efpht .  Or  combien  qu'il  foit  requis 
de  confidercr  ces  deux  ceuures  conioincleseniemblc,  entant  que  Dieu  eft  autheurdu 
fainâ  minifterc,&:  véritable  es  prome/Tcs  qu'il  nous  fait  par  iceluy:  fi  eft-cc  ncantmoins 
qu'ils  ne  nous  faut  pas  eftimer  queDieu  foit  tellement  lié  au  minifterc  extericur,lequel 
il  a  commis  aux  hommes,qu'il  ne  pui/Te  toufiours  fauuer  fans  iceluy  tous  ceux  qu'il  luy 
plaift:  ou  qu'il  foitfuictà  fauuet  tous  ceux  aufquels  fes  dons  &  grâces  font  prefentees 
par  la  parolle  &  fes  Sacrcmens.Car  lafain&eEfcriture  nous  rend  tclmoignagcdeplu- 
fieursquiontouy  la  parolle  de  Dieu  &ont  receules  Sacremcns  félon  les  lignes  eXte- 
rieurs,qui  toutefois  n'ont  point  eu  de  communication  vraye  à  la  chofe  fpirituelle  figni- 
fiee  par  iccux.il  n'eft  befoin  d'en  alléguer  les  exemples .  car  ils  font  allez  communs  4 1\ 
appertdoncparcelaquelagracedeDieun'eft  pas  tellement  liée  aux  elemens  corru- 
ptibles,qu'ils  la  portét  toufiours  auec  eux, en  telle  forte  qu  elle  ne  puilTe  eftre  feparee. 
Pourcefaind  Paul  dit,que  celuy  qui  plante&  qui  arroufe  n'eft  rien:  mais  que  Dieu  eft 
î.Cor.  3  tout, lequel  baille raccroillemcnt. Pour ceftecaufefainûPierreparlantdulalutqui  eft 
dôné  parle  Baptefme, âdioufte  vne  corre&iô  a  ce  qu'il  en  dit,par  laquelle  il  déclare  qu' 
il  entend  cela  non  pas  du  Baptefme  vifible&  matericl,lequelnepeutlauerles'  ordures 
1. Pierre  3  de  l'ame  &  de  la  c  cnicience-.mais  du  Baptefme  fpiritucl, lequel  a  vertu  en  l'ame.Carce 
Baptefme  eft ^pprement  la  chofe  fpirituelle,qui  eft  fignifiee  par  lcBaptcfme  extérieur, 
&  qui  fait  qlc  Baptefme  extérieur  n'eft  par  vain. Nous  deuons  donc  entendre  que  quad 
1'ceu  urc  de  Dieu  eft  coniointe  auec  celledu  Miniftt  e,lors  le  Sacre  ment  a  fa  vertu  &:  fon 
efficace. Et  pouttanenous  ne  deuôs  point  douter  qu'alors  ce  Baptefme  du  faindEfprit 
Rom  s  lequel  IeùisChriftadminiftre,  ne  foit  conioint  auec  celuy  de  l'eau,  qui  eft  adminiftré 
GaUt.  ?  par  les  Miniftres  d'iceluy, comme  il  a  efté  adminiftré  par  faind  Iean  Baptifte  <  Alors  ce 
que  fainct  Paul  dit,a  lieu:  Vous  tous  qui  eftes  r  aptizez,auez  veftu  Chrift,&:  eftes  morts 
&c  enfeuelis  &  refiufcitez  auec  luy.  Car  fainct  Paul  parle  là  aux  fidèles, entiers  lefqtiels  le 
minifterc  de  PEuagile  a  toufiours  fa  vertu. Car  puis  qu'ils  font  des  cfleus  de  Dieu  &;  qu' 
il  a  ordonnédés  le  commencement  de  les  amener  à  Icfus  Chrift  fon  Fils  parle  moyé  de 
ce  minifterc, pour  les  fauuer  en  iceluy:il  n'y  a  point  de  doute  qu'il  ne  manifefte  aufïifa 
vertu  par  luy, &  qu'ilnefaceen  effectee  qu'il  tefmoigne  parles  fignes  extérieurs.  Mais 
ily  aautre  raifon  touchant  les  infideles&:  reprouucz.Car  pour  autant  que  Dieu  ne  be- 
fongne pas  en  eux  par  fon  faind  E  fpnt,comme  en  fes  ef!eusT  les  mefmes  effe  dsne  s'en 
cnfuyuentpas:com bien  qu'au  refte  les  Miniftres  deDicu  aurôtfàit  tout  leur  deuoir  en- 
tiers eux. En  quoy  il  eft  tout  euidét  que  les  caufes  ne  font  pas  fémblables ,  yeu  que  leurs 
efTe&s  font  tant  diucrs:cardiuers  erTcctsnepeuuet  venir  de  mefmes  caufes,  qu'il  n'y  aie 
dcladiuerfité.Orladnierfitén'cft  pascncccydelapartdcs  Miniftres  &  de  leur  mini- 
ftere,cntant  qu'ils  font  leur  deuoir  félon  lachargequi  leur  eft  donneede  Dieu.OùIa 
cercherons-nousdonc?  La  certlïerons-nous  en  l'infidélité  des  reprouuez,quireiettent 
la  grâce  qui  leur  eft  prefcntec.?Nous  ne  pcuuons  nier  que  la  caufe  n'en  foit  eneux-mef- 
mcs.  Car  puis  qu'ils  font  infidèles  &;  peruers  de  leur  nature ,  ils  ne  peuuent  autre  cho- 
it* d'eux-mcfmes  par  leur  propre  coulpe,finon  toufiours  refifter  à  Dieu, &:  endurcir  leur 
cœurcontreluy,finon  que  Dieu  le  leur  changeparfa  grâce. Et  pourtant  que  Dicune 
leur  fait  pas  la  melinc  grâce  qu'il  a  fait  à  fes  efleus,cômc  il  appert  par  les  effects  qui  s'en 

enfuy- 


Epiftres  aux  Qinq  </o  Lyon.  sjr 

éhiuyuehtjils  demeurent  en  leur  nature  corrompue  &:  peruerfe ,  par  le  iufte  iugement 
de  Dfeu:Iequel  ne  peut  iamais  eftre  que  iufte,combien  que  les  caufes  ne  nous  en  appa- 
roifTent  pas  à  l'œil.  Car  puis  que  la  première  nature  tant  des  vns  que  des  autres,afTauoir 
des  efleus  &£  des  reprouuez,eft  egalc:fi  la  grâce  auflï  eftoit  égale ,  les  efFcéts  en  feroyent 
égaux. Et  qu'il  l'oit  vray  que  Dieu  face  aux  vns  plus  de  grâces  qu'aux  autres  felô  la  bon-  toie* 
ne  volonté,&  qu'il  face  mifericorde  aux  vns,&:  les  illumine,  &C  aueuglnTe&:  efcdurcifle  j^m^ 
lesautres,Ia  fain&eEfcriture  en  rend  les  tefmoignages  fi  euidens,  qu'il  n'eft  befoinde 
les  alléguer  icy.Orpuisquetelle  eft  la  bonne  volonté  de  Dieu, les  efleus  &  les  fidèles 
ont  dequoy  luy  rendregraces:&  les  infidèles  &:  rcprouuez  n'ont  point  de  iufte  caufe  de 
murmurer  contre  luy,attendu  que  Dieu  ne  leur  doit  rien,&:qu  eux-mefmes  portent  a- 
uec  eux  la  caufe  de  leur  damnation. Dôcques  pour  reuenir  au  vray  vfage  du  Baptefme, 
il  a  fa  vertu  en  ceux  qui  font  ordonnez  à  falut,  entant  que  Dieu  befongne  en  leur  cœur 
félon  fa  promefTe.Mais  il  n'a  pas  celle  vert  u  enuers  les  reprôuuez,pourtat  queDieu  par 
fon  iiifte  iugement  les  laiffc en  leur  infidélité  &:  obftination  :  combien  que  quant  aux 
Miniftresla  chofe  fbit  égale  d'vne  part&  d'autre.Si  cecy  eft  bien  entendu ,  il  fera  facile 
aufli  à  entendre  iufqucs  où  le  Baptefme  extérieur  eft  necefTahe  à  fàlut,ou  non. Il  eft  ne- 
cefîaire  à  falut,entant  qu'il  eftordonné  de  I)ieu,&:  qu'il  ne  peut  eftre  mcfprifc  fans  eui- 
dent  tefmoignage  d'infidélité  &:  rébellion  contre  luy.  Parquoy  puis  que  Dieu  f  aordon 
né  pourl'vn  des  moyens  par  lefquelsil  nous  veut  communiquer  fa  grâce,  il  eft  certain 
que  nul  ne  le  peut  mefprifer,fans  mefprifcr  Dieu,&  confequemment  fans  le  dommage 
de  fon  falut:comme  faind  Auguftin  l'a  trefbien  dit. Mais  il  y  a  autre  raifon ,  quand  ily  à 
tel  empek  hemét  que  l'homme  n'y  peut  aucunemet  obuier,&  qu'au  refte  il  n'y  a  point 
demefprisnedefautedefapartjcommeiladuientauxpetits  enfans  mort-nez.  Ceux 
donc  ne  concluent  pas  bien, qui  tiennent  pour  damnez  tous  ceux  qui  n'ont  point  efté 
baptizez  du  Baptefme  exterieut,fans  auoir  regard  ny  au  mefpris  ny  à  la  neceflité ,  linon 
feulement  à  ce  qu'ils  n'ont  pas  efté  baptizez  d'eau. Et  comme  ils  faillent  de  ce  cofté,ain 
fi  ne  faillent-ils^as  peu  de  l'autre,en  concluat  que  tous  ceux  font  fauuez  quifont  bapti- 
zcz,fculementpource  qu'ils  font  baptizez.  I'enten  cecy  des  enfans.  Car  iepenfe  bien 
que  vos  aduerfairesnefontpas  encores  fi  hors  du  fens,  qu'ils  veulent  affermer  cela  des 
grans.Car  ils  difent  que  les  grans  peuuent  empefeher  le  falut  qu'ils  dcuoyent  receuoif 
par  leur  Baptcime,&:  aneâtir  la  grâce  qu'ils  ont  receue  en  iceluy  parleur  coulpexe  que 
les  petits  enfans  qui  meurent  cftans  baptizez,ne  peuuent  faire .  Parquoy  félon  leur  di- 
rc,le  Baptelmc  des  enfans  qui  ont  efté  baptizez,a  telle  efficace  en  eux ,  qu'ils  font  tous 
fauuez:  côme  par  le  côtraire  tous  les  autresfont  dânez  par  faute  d'iceluy,lefquels  n'ont 
pasefté  baptizez.Etpar  ainfi,ilfemblequ'ils  veulerît  prendrele  Baptefme  des  enfans 
comme  vn  tefmoignage  de  l'eleâion  de  ceux  qui  le  reçoyuent,  &  de  la  réprobation  de 
ceuxquinele  rcçoyuencpas:  en  quoy  ilsfaudroyentgrandement,s'ilsl'entendoyenc 
ainfi. Car  quel  telmoignage  en  ont-ils  de  l'Efcritureîce  feroit  monter  bien-haut  auxfe- 
crets  de  Dieu.  Il  nous  fuffit  donc  d'entendre  que  Dieu  fait  bien  trotiuer  les  moyes  pour 
amener  à  falut  ceux  lefquels  il  a  efleus  à  cela  désle  commencement:  &  que  noftre  falut 
dépendant  de  l'eledion  éternelle  de  Dieu, gift  non  pas  es  lignes  extérieurs  des  Sacre- 
mens,mais  en  vertu  de  l'alliance  laquelle  Dieu  a  faite  auec  nous  &auec  nos  enfans. 
Carc'cftle  moyen  par  lequel  non  feulement  nous,maisaufïi  nos  enfans,  fommes  faits  Ce  r 
participansdelachofefpirituelle  lignifiée  parles  Sacremens  extérieurs  ,&cecy  parla  ixodêio 
vertu  de  l'Efprit  de  Dieu,qui  fan&ifie  ceux  qui  font  efleus  à  fan&ificatiô.  Pour  cefte  eau  1  Cor*- 
fe  faintt  Paul  dit,que  les  enfans  des  fidèles  font  fain&s.Il  ne  les  appelé  pas  Sainfts  feule- 
ment pour  raifon  du  Baptefme  duquel  ils  font  baptizez:car  il  n'en  parle  point  là .  mais 
pourtant  qu'iltffont  compris  en  l'alliance  de  Dieu,  laquelle  les  fan£tifie,&:  leur  appar- 
tient entant  qu'ils  font  nez  de  parens  fideles,qui  parleur  foy  font  entrez  en  pofTefïiô  de 
cefte  alliacé  pour  eux  &c  pour  tous  les  feurs,lefquels  il  plaira  au  Seigneurappcler  &  fâ&i 
fier  par  fa  grâce .  Puis  donc  qu'il  eft  queftiô  des  enfans  nô  pas  des  infidèles  qui  font  hors 
de  cefte  alliance,mais  de  ceux  des  fideles,qui  y  font  comprisril  n'eft  point  de  befoin  de 
difputer  fi  tous  ceux  qui  font  baptizez ,  font  fauuez  :  &c  fi  tous  ceux  qui  meurent  auant 
que  reftre,(ont  priuez  du  falut  duquel  les  autres  font  faits  participas,  car  Dieu  cognoift  ^  ^  ^ 
ceux  qui  font  f iens.ll  nous  fuffit  que  nous  fâchions  que  la  première  caufe  de  noftre  falut  *'  im'i 
&  le  fondemét  de  toutes  les  autres  caùfes,eft  l'éternelle  élection  de  Dieu,laquelleDieu 
manifefte  en  Ion  temps  comme  il  luy  plaift,  en  appelant  pour  iuftifier&  gloriéerccuX 


Lmcj  II I.  Epifircs  aux  Cinq  <k_>  Lyon* 

lefqncls  il  a  efleus  &:  prcdeftinez  à  cela:  comme  faind  Paul  le  môftre  bien  euidemmer, 
&mp  8.5    prîcipalement  en  i'Epiftre  aur  Romain  s,&  aux  Ephefiens.Puis  donc  que  nous  ne  pou- 
"  fhcf  ï     uons  pénétrer  iufqu  a  ce  confeil  éternel  de  Dieu,îinon  entant  qu'il  nous  en  baille  quel 
que  manifeftation  par  les  tei'mo ignages  que  nous  auons  de  la  bontë,par  le  miniftcre  de 
fon  Euangile,&:  les  efFects  d'iceluy  en  nous ,  contentons-nous  de  ces  tefmojgnages ,  & 
JanTons  le  refte  à  fa  prouidence.Or  il  eft  certain  que  Dieu  tient  vn  autre  moyé  auec  les 
enfans,pourfairepîffucniràeux  le  frui&defon  élection,  qu'auec  les  grans.  Car  nous 
voyons  clairement  qu'il  n'appelé  pas  les  enfans  qui  meurent  auant  ï'aage  de  diferetion  ' 
par  lapredication  de  la  Parollc,  par  laquelle  il  appelé  les  grans,veu  que  les  enfans  ne 
font  pas  encore  capables  de  ce  moyen,comme  ceux-cy.Ce  neantmoins  il  eft  eferit  que 
Rom  10    k*ns  *°Y  *l c^  impoilible  ^c  plaire  a  Dieu,&;  que  la  foy  procède  de  l'ouye  de  la  Parolle  d  - 
içeluy.Puisqu'ainlieft,nous  conclurons  donc,  que  les  enfans  n'ont  point  de  foy  telle 
que  les  grans, attendu  qu'ils  nefont  pas  capables  du  moyen  par  lequel  Dieu  communi- 
que celte  foy  aux  hommes. S'ils  n  ont  point  de  foy, ils  ne  peuuent  donc  plaire  à  Dieurs- 
ils  ne  plaifent  point  à  Dieu,ils  ne  peuuét  cftre  fauuez.Mettrons-nous  donc  en  enfer  ou 
au  Lymbc  tous  les  enfans  qui  feront  morts  auant  Ï'aage  de  diferetion,  com  me  les  here- 
Epipfu  de  tiques  nommez  Hieracites  le  faiîoyét?la  choie  feroit  trop,  eftrâge.  Où  aurons-nous  doc 
i*rd.      recours,(inon  à  la  fanctification  interieure,par  laquelle  Dieu  bêfongne  és  petits  enfans 
fans  \c  miniftere  extérieur  de  la  Parollc,par  tel  moyen  qu'il  luy  plaill ,  à  caufe  de  fon  al- 
liance?S'il  lait  bien  pouruoir  à  cecy  par  autre  moyen  que  par  la  prédication ,  ne  pourra- 
il  faire  aulîî  le  lemblable  fans  le  Baptefmc  exterieur,lequel  n'eft  linon  la  figure  de  Tinte 
rieur,&  vne  dépendance  de  la  prédication?  laquelle  S.  Paul  a  iugé  trop  plus  necelîaire 
que  le  Baptefme  :comme  il  a  alîez  déclaré  par  ce  qu'il  a  lailîé  par  plulieurs  fois  l'admini 
i.Com     ftrationdu  Baptefme  pour  feruir  à  la  prédication, difant  qu'il  n'a  pas  efté enuoyé pour 
lean4      baptizer,mais  poureuangelizer.il  eft  dit  aufli  deIefusChrift,qu'ilnebaptizoit  point, 
mais  qu'il  laiflbit  faire  cela  à  les  difciples-.laquellechofefe  doit  entendre  du  Baptefme 
exterieur,commc  fain&  lean  le  monftre  manifeftcmét.Si  donc  Dieu  peut  aufli  bien  la- 
ftifier  les  enfans  fansBaptefme,côme  fans  prédication, &  le  peut  faire  quad  il  luy  plaift, 
Rom**1  vo're  au  vcntrc  de  leur  o*ere ,  comme  nous  en  auons  les  exemples  en  Iacob,&  en  Iere- 
icîcmic  i    mie,&  en  fain&  lean  Baptiftc,nous  ne  deuons  pas  iuger  pour  perdus  &c  damnez  les  en- 
Luci       fans  morts  fans  Baptefme,siils  fontnez  en  l'Eglife  de  Dieu  de  paren  s  fidèles,  &  qu'il  n'y 
ait  point  eu  de  melpris  da  Sacrement.Car  CDieu  les  a  efleus  à  la  vie,rte  les  peut-il  pas  fa 
cilemciitfanaificr,m.eûriesau  vcntredeleurmcre?Et  nelespcut-ilpas  deliurçrparce- 
pfcau.îi    ftelàn&ificarion,delacoulpe&de  la  peine  du  péché  originel,  auquel  ils  fontengen- 
Roœ  1     drcz,conccus  &nez?Sera-il  empefehéde  ce  faire  s'ils  ne  font  lauez  d'eau?Lelàng  de  le- 
fusChrift  &C  Efprit  deDieu  nauront-ils  point  leur  effiçacecnuers  les  enfans  des  fidèles, 
par  faute  d'vn  petit  d'cau,&  du  miniftere  des  hômes?Car  quel  partage  trouuerontceux 
qui  en  iugent  autrement,pour  conf  ermet  leur  opinion?Feront-ils  Dieu  plus  feuere  en- 
Gcntfc  17  uers  les  enfans  des  Chrefticns,qu'il  ne  l'a  efté  cnuers  crux  des  IuifsrCar  laCirconciliô  à 
efté  eniointe  beaucoup  plus  eftroitemét  aux  Iuifs,que  le  Baptefmc  n'a  efté  enioint  aux 
ic  an  3      Chrcftiens.S'ils  allèguent  le  paifage  dcS.Iean,auquel  il  dit  que  qui  ne  fera  nay  de  nou- 
Hebr.n    ueau  de  l'eau  &:  du  S.Efprit,  ne  pourra  entrer  au  royaume  des cieux:nous  leur  mettrôs- 
auffi  au  deuant  ce  qui  eft  efcrit,Sans  foy  il  eft  impoffibl'e  de  plaire  à  Dieu .  Car  c  eft  vn 
paifage  auquel  il  leur  fera  plus  difficile  à  rcfpondrcqu'il  ne  nous  fera  difficile  derefporr 
drc  à  ce  paifage  de  S.  le  an ,  lequel  ne  fe  peut  entendre  proprement  finon  du  Baptefme 
fpirituel  &  de  la  vraye  regeneration,comme  ic  l'ay  expofé  amplement  là  où  i'ay  expref 
femét  traitté  celle  matière  au  dialogue  intitulé  Le  Lymbe,comme  vous  le  fauez.Nous 
conclurons  donc,  que  s'il  y  a  quelque  raifon  pour  condamner  les  enfans  des  Chre- 
Afles  ij.   ft,ens  qU  j  mcurent  fan$  Baptefme,il  n'y  a  pas  moins  pour  condamner  ceux  qui  meurér 
auant  qu'ils  puiflent  eftrç  capables  de  la  foydaquelle  purifie  les  cceurs,nô  pas  le  Baptef- 
me exterieur.Si  donc  ils  ne  peuuent  permettre  cecy  aux  vns,  qu'ils  aduifent  qu'ils,  ne 
foyent  pas  plus  iniques  aux  autres  par  faute  d'vn  peu  d'eau,  veu  que  le  fondement  de 
la  làn&ification  de  tous  gift  en  l'alliance  de  Dieu  commune  à  tous  Jcs  efleus. Qu'ils  pre- 
fumentpluftoftdes  enfans  desChrefticns  qui  meurent  petits(foyent-ils  baptizez  d'eau 
eu  non  )qu'ils  font  fauucz,que  le  contraire:  véu  que  ce  n'eft  pas  vn  petit  tefmoignage  du 
bon  vouloir  de  Dieu  enuers  nous  &c  les  noftrcs ,  d'eftre  nez  deparens  fidèles  en  fon  E- 
ghfe& en  fon  alliance.  Voila  que  i'ay  voulu  dire,  pour  rcfpondrc  non  feulement  ace 


EpiRmœux  Qinq  Jcj  Lyon.  231 

que  vous  mauezpropofé,m.ais  aufli  à  ce  à  quoy  il  me  fembleque  vosaduerfairesp.rete- 
denr,&:  qui  peut  venir  en  difpure  auec  eux>à  caufe  de  la  çon  jonction  que  toutes  ces  ma 
tieres  ont enfemble.Ilreftc  encore  vn  poind  touchant  Ja différence  que  i'aymife entre 
le  Baptefme  de  Iefus  Cbrift,&  celuy  de  Iean  Baptiftc,  lequel  vos  aduerfaires  ne  paie- 
ront pas  racilement.Car  quand  on  parle  de  la  différence  de  ces  deux  Baptefcnesj  ils  cô, 
prennétlc  Baptefme  des  Apoftres&:  de  tous  leurs  fucceffeurs,fousceluy>  de  Ic$ 'Chrift: 
6c  ainti  failant  ils  mettent  prcfque  telle  dirferenceentre  ce  baptefme  &  celuy  de  Iean, 
que  celle  qu'ils  mettent  communément  entre  les  Sacrcmens  du  vieil  &c  nouueau  T$- 
itament.En  quoy  ils  faillent  de  toutes  pars,difans  que  ceux  du  nouueau  Teftaroét^cou- 
ferent  grace,non  pas  ceux  du  vieil. Car  ne  les  vns  ne  les  autres  ne  pcuuent  côferer  gra  - 
cc,iînon  entant  qne  Dieu  befongne  en  iceux  par  la  vertu  de  fon  faindEfprit.  Si  Dieu 
befongne  par  iceux,  ils  ont  tous  autant  de  vertu  qu'il  plaift  à  Dieu  leur  en  donner 
félon  la  difpenfation  des  temps.  Parquoy  quand  nousconfideronsle  Baptefme  ayant 
l'œuure  de  Iefus  Chrift  coniointe  auec  foy,nous  le  pouuôs  appeler  à  bon  droid  Baptef 
me  de  Iefus  Chrift.Si  nous  le  confiderons  fans  icelle,ayant  regard  à  cela  tant  feulemét 
que  les  hommes  y  apportent  de  leur  part>nous  le  pouuons  appeler  à  bon  droid,Bapte£ 
me  de  faind  Iean  6c  des  Miniftres  qui  l'adminiftrent.  S'ils  ne  veulent  ainû  entendre  les 
parolles  de  faind  Iean, comme  nous  les  auôs  declarecs:ie  ne  fay  pas  quelle  raifon  ils  ont 
pour  prouuer  la  différence  qu'eux  veulent  mettre  entre  ces  deux  Baptefmes.Car  quad 
Hïfcriture  parle  du  Baptefme  de  faind  Iean,  elfe  dit  qu'il  baptizoit  ejikremhTiondes  Muth. 
pcchez.elle  n'en  dit  pas  plus  du  Baptefme  des  Apoftresi  Que  s'en  pourroit-il  dire  dauâ-  ^kù. 
tage?car  quel  autre  moyen  de  falut  auons-nous  en  Iefus  Chrift,finô  parla  remiflion  des  Aûe  ij 
pechez?Si  cecy  eft  bien  entehdu,il  fera  auffi  facile  d'entendre  comment  ceux  quiaurôt 
efté  baptizez  par  S.Iea  ont  efté  rebaptizez  par  S.Paul. S. Luc  ne  veutpas  direque  ceux-  A^e  1 
cy  ayans  efté  baptizez  d'eau  par  S.  Iean,ayent  derechef  efté  baptizez  d'eau  par  S.Paul, 
car  cela  n'euft  de  rien  feruy,s'il  n'y  euft  eu  quelque  chofe  dàuantage.  Mais  il  nous  faut  i- 
cy  noter  deux  poinds.Le  premier  cft,  que  le  nom  du  Baptefme  eft  pris  quelque  fois  nô 
feulement  pour  la  cérémonie  du  Sacrement,  mais  pour  tout  le  minifterc  duquel  il  eft 
féel&  tefmoignage,&:  comme  vnfommaired'iceluy,  félon  la  nature  desSacrcmerw.il  Aftci3 
appert  manifeftement  qu'il  cft  ainfî,par  ce  que  faind  Paul  dit ,que  faind  Iean  a  prefché  Matth 
le  Baptefme  de  repentance  à  Ifrael:&  par  cela  femblablement  que  Iefus  Chrift  a  demâ 
dé  aux  Iuifs,Si  le  Baptefme  de  faind  Iean  eftoit  du  ciel,ou  des  hommes.  C'eft  chofe  cer 
taine  que  Iefus  Chrift  &:  faind  Paul  n'entendent  pas  par  le  nom  du  Baptefme,feulemét 
le  Sacrement  lequel  faind  Iean  adminiftroit  par  eau:mais  auffi  toute  la  dodrine  6c  tout 
le  miniftere  de  faind  Iean,auquel  ce  Baptefme  eftoit  conioint,pour  la  raiibn  qui  a  tan- 
toft  efté  dite.En  aprcs,ce  nô  dcBaptefme  fe  prend  auftî  pour  la  cômunication  de  ce  don 
miraculeux  du  faind  Efprit,qui  a  efté  donné  à  TEglife  primitiue,en  ce  mefme  fens  que 
faind  Iean  a  dit,que  Iefus  C  hrift  baptizoit  au  feu  &:  au  faind  Efprit  :  corne  il  appert  par 
U  répétition  des  mefmes  parolles  de  faind  Iean,laquelle  Iefus  Chrift  a  faite  deuant  fon  A£Xc  h 
afeenfion  parlant  de  ce  don-cy,  lequel  il  deuoit  enuoyer  à  fes  Apoftres  tantoft  aprcs.la- 
quelle  répétition  a  pareillement  efté  faite  par  faind  Paul  au  partage  queie  traite  à  pre- 
fent.  Donques  il  nous  faut  entendre  que  combien  que  ceux  defquels  faind  Luc  par- 
le, euffent  efté  inftruits&:  mefmes  baptizez  par  faind  Iean,  ce  neantmoins  leur  in- 
ftrudion  n'eftoit  pas  encore  Ci  parfaite  qu'ils  font  receue  depuis.  Car  le  miniftere  de  S. 
Iean  ne  propofoit  pas  encore  fi  clairement  Iefus  Chrift,que  celuy  des^poftres:côbien 
que  tous  ne  prefehaffent  qu'vn  mefme  Iefus  Chrift. En-apres,ils  n'auoyent  point  enco- 
re reccu  ce  don  miraculeux  du  fairid  Efprit,  lequel  pour  lors  eftoit  donné  comme  par 
miracle  aux  croyans.Et  ne  faut  douter  qu'il  ne  raille  prendre  en  ce  paffage  le  nom  du 
S.  Efprit  en  ce  fens.  Cariln'ya  pointdepropos  ,de  direque  ceuxqui  ont  eftéinterro- 
guezpar  faind  Paul,euffent  entendu  qu'il  ne  fuft  du  tout  point  de  faind  Efprit ,  quand 
ils  ont  refponduyNous  n'auons  encore  point  ouy  dire,s'il  eft  vn  faind  Efprit  .  Car  alors 
que  faind  Paul  leur  demanda,Quand  vous  auez  creu,auez-vous  receulc  faind  Efprit? 
ils  firent  telle  refponfé.  Car  quelle  apparence  y  a-il  que  les  difciples  de  faind  Iean  Ba- 
ptifte  difent  qu'ils  n'auoyent  iamais  ouy  parler  du  faind  Efprit?  car  ils  auoycnt  ouy  leur 
maiftre,  lequel  n'a  pas  prefché  la  parolle  de  Dieu  fans  parler  fouuent  du  faind  Efprit 
bien  manifeftement:comme  il  appert  par  fes  fermons &propos.Il  n'eft  pas  aufli  vray  fe-  ^ 
blable  qu'il  ait  reccu  à  fon  Baptefme  des  hommes  ignorans  s'il  eftoit  point  de  faind  E-  feMI 


Liurc^j  II L  Tierrc^  ïhQauiheru. 

fprit.il  faut  donc  rapporter  celle  refponfe,&  l'interrogation  femblablement  que  faind 
Paul  leur  a  faite,à  ce  don  miraculeux  du  faind  Efprit,le  prenat  félon  la  manière  de  par- 
ler comme  aux  faindes  Efcritures,  lefquelles  prennent  communément  le  nom  du 
faindEfpfit  pour  fes  dons  &  graces.Pour  cefte  caufe  S.Paul  les  ayant  ouys,leur  remit  au 
deuant  ce  que  S.Iean  auoit  délia  dit  de  ion  Baptcfmc,&  de  celuy  de  Iefus  Chrift:&  puis 
S.Luc  dit  qu  ayans  efté  enlcigncz  fur  ce  poind,ils  furent  baptizez  au  nom  du  Seigneur 
Iefus.  Laquelle  chofe  S.Luc  déclare  par  ce  qui  s'enfuit  incontinent  après,  quand  il  dit 

Afoy  i9  que  S.Paul  ayant  mis  fes  mains  fur  eux,le  S.Êfprit  vint  fur  eux',  &  parloyent  langages  te 
.  prophetifoycnt.Et  par  ainli  ils  furent  baptizez  au  nom  du  Seigneur,quand  il  furent  ba 
ptizez  du  S.Efprit,&:  faits  participans  des  dons  d'iceluy  comme  les  autres  Chrefticns, 
auquel  Dieu  auoit  fait  celle  grâce. Car  fi  le  Baptefme  d'eau  donné  parles  Apoftres  euft 
efté  plus  excellent  que  celuy  de  S.Iea,il  euft  fallu  rebaptizer  tous  ceux  qui  auoyent  def 
iaefté  baptizez  par  luy,  voire  les  Apoftres  mefmes:ce  que  toutefois  nous  ne  lifôs  point 
en  partage  quelconque.il  eft  donc  aduenu  à  ceux-cy  tout  au  contraire  qu  aCorneille  &c 

Aaejio  '  à  ceux  qui  oyoyent  le  fermon  de  S.Pierre  auec  luy. CarCorncille&:  les  autres  auditeurs 
de  S.Pierre  furent  baptizez  du  S.Efprit,en  la  manière  que  nous  auons  maintenant  de- 
clarce,auant  qu'ils  fu/ïent  baptizez  d'eau  .  Pource  S.  Pierre  dir,  Quelcun  peut-il  défen- 
dre l'eau, à  ce  que  ceux-cy  ne  foyent  baptizez,  lefqucls  ont  receu  le  faindEfprit  comme 
nousîCela  vaut  prefques  autât  comme  s'il  euft  dj t,Puis  qu'ils  font  ia  baptizez  du  faind 
Efprit,qui  empefehera  qu'ils  ne  le  foyent  auffi  d'eau,  qui  eft  beaucoup  moins?  Au  côtrai 
re  ceux  defquels  nous  parlons  maintenant,  ont  efté  premièrement  baptizez  d'eau  par 
S.Iean  Baptifte:&  puis  l'ont  efté  par  le  S.Efprit  en  la  manière  que  nous  auons  déclarée: 
ou  fi  nous  aimons  mieux  dire,qu'ils  ont  efte  baptizez  d'eau  ôc  du  S.  Efprit  par  le  minifte 
re  de  S.Paul,nous  pourrons  prendre  ce  qui  a  efté  dit  parauant  du  Baptefme  de  S  Jean, 
pour  la  dodrine  &  l'inftrudion,&  le  miniftere  d'iceluy  Jl  me  fcmble  que  ces  expoiitiôs 
font  trop  plus  certaines  &  côuenables  au  iens  de  ce  pafîage,&:  aux  circonftances d'ice- 
luy,&  à  tous  les  autres  que  nous  auons  alléguez  à  ce  propos ,  que  celle  de  nos  aduerfai- 
res,  laquelle  baille  grande  ouuerture  à  l'erreur  des  Anabaptiftes.  Voila  que  i'auoyeà 
vous  refpondrefurvosqueftions.en  quoyiay  efté  parauenture  plus  long  qu'il  ne  vous 
eftoit  de  befoin.mais  ie  l'ay  fait  pource  qu  e  ie  fay  que  vous  ne  pouuez  auoir  grande  con 
ference,fïnon  auec  ceux  qui  tafehent  à  vous  deftourner  de  la  voye  de  vérité. le  l'ay  auflî 
fait  pour  vous  déclarer  que  ne  vousay  point  oublié,&:  queienemevoudroye  en  ri  en  ef 
pargner  pour  vous,quelques  autres  affaires  que  ie  puiife  auoir.  car  ie  n'en  ay  point  de  fi 
vrgent,que  ie  ne  laiiîe  facilement  pour  vous  &  vos  compagnons,veu  le  combat  auquel 
vous  eftes,auquel  le  Seigneur  vous  vueille  fortifier  par  fa  grace:à  laquelle  ie  vous  recô- 
mande,vous  admonneftât,puisquenousauôs  parlé  du  Baptefme,que  vous-vous  redui 
fiez  fouuét  en  mémoire  au  nom  de  qui  vous  eftes  baptizez,&:  du  tefmoignage  que  vous 
auez  en  iceluy  de  la  grâce  deDieu  enuers  vous,&:  de  voftre  mort  &c  \je  fpirituellc.Tous 
ceux  de  noftrc  maifon  petits  &r  grans,&:  toute  l'Eglife  d'icy  vous  faluent  afTedueufemê*t 
auec  affedueufes  prières  queDieu  vous  afîifte,conferme  &c  côfcrue  par  fa  grâce,  &:  qu'il 
paracheue  l'œuure  qu'il  a  commencé  en  vous,iufques  au  iour  du  Seigneur Iefus,auqucl 
feul  foit  honneur  &  gloire  à  tout  iamais:  Amen. 

LES  deux  F.piftres  fui'uantes.aflauoir  celle  à  fes  Coufins  &  l'autre  à  fon  perc,ont  grande  cooaenance  auec  les  précédâtes  c{ 
crices  par  Pierre  Nauiheres:&  demonftrerit  le  foin  qu'vn  vray  fidèle  doit  auoir  enuers  ceux  de  fon  fang  &  parentage.  Il 
admonnefte  fes  coufins  de  fuiure  la  vraye  voye  pour  paruemr  à  l'héritage  acrnel. 

jfrfîjt  E  S  bien-aimez  coufins,fi ie  fauoye  que  ne fu liiez  pleinemét  aduertis  depuis  quel 
gvll  temps  ie  fuis  détenu  captif,  &c  pour  quelles  chofes ,  ie  me  mettroye  volontiers  en 
deuoir  de  vous  déclarer  le  tout  par  la  prefente:maisconfiderant  que  n'en  eftes  ignoras, 
&c  que  le  bruit  en  peut  eftre  paruenu  auffi  toft  à  vos  oreilles  qu'à  celle  de  mes  tresfiôno- 
rez  pcre&mere,  ie  fuis  fort  cfbahi  que  n'ay  receu  de  vous  aucunes  lettres  confolatoi- 
res.  Toutefois  loué  foit  Dieu  ,  qui  nonobftant  qu'on  ait  tafché  de  me  contrifter  &C 
molefter,  m'aneantmoins  toufioursconfolé,&:  donné  matière  pour  confoler  de  mef- 
me  ceux  qui  cftoyent  defolezàraifondemoy.Or  quant  à  vous  qui  ne  m'auez  confolé 
par  vos  lettres  en  ma  captiuité,ie  vous  excufe,in  terpretant  tout  à  la  meilleurepart,  co- 
rne requiert  la  charité  Chreftienne-.ioint  que  ie  regarde  que  me  pourriez  aceufer  de  la 
mefmc  faute  dont  ie  vous  aceufe.  Mais  combien  que  ne  vousayeeferit  fouucnt,fTeft- 
ce  que  certaines  lettres»Iefquelles  vous  ay  enuoyees  ily  a  long  lemps,  m'exeuferont  de 

ceblaf- 


de  ce  blafmc:  au  moins  fi  elles  font  paruenues  encre  vos  mains.  Dauantage  elles  ten- 
dront tefmoignageeuuic ne  de  l'affection  que  vous  ay  touliours  portée,  mefme  au  ceps 
qu'eftoye  fortcllongné  de  vous,&:  quaprefent  vous  porte  encores:  tellement  que  le 
dirt  commun  ne  pourra  auoir  aucun  lieu  en  mon  endroit,  que  Qui  ellongne  desyeux, 
cllongneducccur.Car  ccbonDieum'eft  tcfmoinque  loumellcment  ic  faymemoite  CoU.s 
de  vous  enmesoraifons:afin  que  cheminans  félon  fa  la  incte  parolle,&  non  félonies  de  J^™1™^ 
ctets  &:  traditions  des  hommes, puiflîez  finalement  t  itre  faits  héritiers  du  ciel.  Or  ie  de  Uin  &  de 
mande,Ay-ic  malfait  en  priant  cesdeux  excelles  peribnnagcs& en  doctrine  &:  en  fain  y**™Tt 
cteté  de  vie, de  mettre  la  main  à  la  plume  pour  vous  efci  irc  les  lettres  que  vous  ayen- 
uoyees:Certcs  l'affection  que  ie  vous  porte  ma  induit  à  ce  faire.  Et  fi  elles  vous  ont  efté 
réducs, vous  pourrez  entendre  &  cognoiftre  que  i  ay  mémoire  de  vous,quad  il  apparoi- 
ftra  que  ne  me  fuis  en  riecfpargné  pourtafeher  de  vous  retirer  des  enfers  à  la  vie  bien- 
heureufe.Helas,mes  bié-aimez,prcncz  garde  à  vous-mcfmes,&  ne  permettez  ce  corps 
cftre  en  oifiueté^dc  peur  queSatâ  cauteleux  pour  vn;n'en  gagne  deux  fur  vo'.Mais  criez 
àDieu,rccognoiffans  voftre  fauterafinqu'il  luy  plaife  par  fa  mifencorde  vous  dclpeftrer 
&:  retirer  des  filets  fecrets  de  ceft  ennemy  mortel. le  parle  principalement  à  vous  qui  e- 
itcsle  plus  ancien:&:  vous  prie  que  preniez  mon  dire  à  la  bonne  part ,  côme  auffi  i'cfpe- 
requeferez.Eftoyc-iepointenla  mefme  voye  que  vous  pour  poffedcrà  l'aduenir  les 
mcfmes  bien  s  dont  iouy  ffez  à  prefent'Dieu  foit  loué,qui  m'en  a  retire  par  fa  grâce.  Cer 
tes  quâd  il  fut  queftiô  de  reictter  arrière  de  moy  la  corde  qu'on  pretédoit  me  mettre  au 
col,nonobftant  que  ie  me  monftraffe  trop  infirme  &:  obeiffant  en  ceft:  endroit,  fi  eft-cc  GaLi.il 
qu'en  fin  Dieu  me  fit  la  grâce  de  n'acquielccr  point  auecques  la  chainmais  auec  larmes 
deuant  luy  ie  me  commis  à  fa  garde  &:  protection,pour  eftrc  conduit  en  mavoye:propo 
fant  en  moy-mefme  de  pluftoft  mourir  quereceuoir  la  marque  de l'Antechrift.Orfi  en- 
cores en  ce  temps-la  ie  n'auoye  tel  refpect  à  la  gloire  de  Dieu  que  ie  deuoyc,  pour  feule- 
ment fui ure  fon  commandement,ie  le  prie  ne  me  l'imputer,Certcs  ic  fu  marry  qu'auât 
partir  ie  n'eu  la  cômodité  de  voir  voftre  face,En  ma  vie  i'ay  eu  plufieurs  affaux  &:  tenta- 
tiôspar  le  diable:i'ay  enduré&  fouffert, voire  plus  en  l'efprit  qu'au  corps.mais  celuy  qui 
m'auoit  pris  ert  fagarde,m'a  deliuré  du  tout,me  côduifant  au  lieu  auquel  la  côfciécede 
tout  vray  Chreftien  peut  auoir  repos,  oyant  iournellcment  la  par  olle  de  Dieu  viuanr> 
purement  annoncée  &prefchee.  l'aylàdemouré  certain  temps. puis  ayant  defirde 
vous  reuoir,i'ay  efté  arrefté  prifonnier,non  pour  quelque  malefice,ou  que  i'euffe  mef- 
pris  contre  aucun.màis  pour  auoir  donné  gloire  à  mon  Dieu, qui  m'a  fait  la  grâce  de  co 
reiTer  (on  Fils  Iefus  Chrift  deuant  le  Magiftrat.pour  lequel  auffi  ie  fuis  tout  preft  de  fouf 
frir  mort:cfperant  &  croyat  que  par  luy  feul  ie  pafferay  de  cefte  poure  vie  en  la  gloire  e-  ^P^-'-îî 
ternellejeftant  lauc  &c  nettoyé  de  tous  mes  péchez  par  fon  fang  précieux.  Or  côfiderez 
&iugezàla  vérité  quel  eftat&  condition  eft  la  m  eilleure,la  voftre  ou  la  miéne.  S'il  faut 
iuger  félon  la  chair  &c  le  mondc,la  voftre  fera  approuuee,&  la  mienne  condamnée  &:  re 
iettee.maisl'EfpritdeDieuen  iuge  tout  autrcment,difanc  ceux  bien-heureux  qui  fouf  Matth.j.iô 
frent  pour  iuftice,&  qui  font  perfecùtez&  reiettez  du  monde.Suyuant  laquelle  leçon, 
rude  à  la  chair,mais  douce  à  I 'efprit,ie  me  délecte  en  mes  afflictions  .  Le  tempsne  m  eft 
point  long  aux  piifons,  encore  qu'vn  an  entier  foit  défia  efeoulé  entre  les  fers,  ceps  &c 
liens.LesfofTes&  lieux  obfcurs  me  font  plus  délectables  que  les  fales  tapiflees.  Le  fon 
.des  clefs  du  Geôlier  me  plait  plus  quele  fondu  tabourin ,  du  lucôc"  de  la  mufîque  lubri- 
que,accouftumee  entre  les  grans feigneurs &: commun  populaire.  le  fuis  confolé  en  l'- 
ombre delà  mort,voyant  que  ie  fuis  preft  d'eftredeueftu  de  cefte  corruption  humaine, 
pour  régner  en  repos  auec  monDieu.Ec  vous,ttouuez-vous  telle  confolation  au  milieu 
de  voftre  rcuenu  annuelfau  milieu  de  vos  chambres  parées  ?  Léchant  de  vos  chantres 
&de  voscloches,côfole-ilainfi  voftre poureté&mifererne  vous  fêtez  point  preficzdu 
jugement  de  Dieu  *  d  auoir  cotre  voftre  eonfciéce  receu  la  marque  de  la  bcfte,&  main-  Apor.i  5.  ic 
tenant  participer  au  falaire  d'iniquité,commeBalaam?ce  que  toutefois  auiez  (i  longue- 
mentfuy.  Voftre  confeience  dort,mais  quelque  iour  le  îugement  de  Dieu  11  rtueil-  Iu<ic  11 
lera.  Vous  voulez  aunr  vn  Iefus  Chrift  bien  veftn  &:  bien  nourry.  ha  certes  Iefus  Chrift 
vray  Fils  de  Dieu,courôné  d'efpines,n'eft  ainfi  reueftu,&  n'entretient  fa  chair  fi  délica- 
tement &:pompeufement  que  le  reuerend  pere  le  Pape,  &:  ceux  qui  fe  difent  fuccef- 
feursdes  Apoftres.  Les  délices  de  cefte  grande  paillarde  Babylon,quife  fiedfurles  Apoc.17.1 
peuples  &:  nations,  vous  plàifent-elles  î    Confiderez ,  confidei ez  quelle  fera  la  fin  &c 

R.i. 


Liurcj  III.  Tierrc-j  S^juAittes. 

d'elle  &  de  tous  Tes  paillards,paillardans  aucc  les  idoles  d'or ,  d'argent  te  de  bois .  Dieu 
par  la  grâce  vous  a  fait  cognoift  re  cecy,&:  vous  ne  fonirez  pas  du  milieu  :  mais  qui  plus 

.  <eri47.  eft  y  entretiendrez  les  autres.  Si  le  feruiteur  ignorant^  qui  ne  s'eft  pas  enquis  délaver 
lonté  de  fon  maiftre,n'eft  point  excufable,quel  iugement  &  cbndânation  penfez-vous 
que  fouftiendra  celuy  qui  en  eftant  aduerti,  ne  l'a  toutefois  mife  à  exécution:  mais  qui 
pluseft'encorcs  empefche les  autres,&  les  entretient  en lcurignorance?Pcnfez,pcnfci 
à  cecy,&:  fâchez  que  Iefus  Chrift  couronné  d'efpines,portât  la  croix,flagellé,moqué,rc 
gnera  auec  les  liens  en  defpit  du  mode  &  de  fes  ennemis,lefqucls  il  brifcra,&  a  défia  bri 

Hcb.n.  i4  fez.Eftimez  plus  l'opprobre  de  Iefus  Chrift,à  l'exemple  de  Moyfe,que  les  richeflfcsd'E- 
gypte,&:  ces  délices  èc  voluptez  aufquelles  (mes  bien-aimez)  vous  fauez  que  i'ay  autre- 
fois efté  plôgé:  mais  Dieu  me  a  retiré  par  fa  grace.&  encore  que  ie  foye  en  moquerie  au 

Rom.14 10  monde,fi  eft-ce  que  ie  m'efiouy,&:  eftime  celagloire.Pource  ie  vous  prie  côfiderez  qu'il 
or.5  10  vous£au£jra  vn  jour  coparoiftre  deuat  le  throne  iudicial  deDicu,pour  là  receuoir  gloire 
fi  auez  cheminé  félon  les  commandemés:ou  condanation,û  auez  fait  au  côtrâirc.  Don- 
ques  n'aimez  point  tant  cefte  tcrrc,que  veniez  à  perdre  l'héritage  éternel.  le  vous  efcri 
ces chofes  non  comme ignoTans  d'icelle^, mais  pourdefcharger  ma  confcicnceenuers 
vous,&  pour  tefmoigner  de  mon  deuoir,lequel  toutefois  ie  n'ay  fait  comme  il  eftoit  re- 
quis.Dieu, Pere  de  toute  mifcricorde,vous  vueille  tenir  en  fa  laincle  garde  &:  proteelio. 
De  Lyon,    Voftre  humble  &  obeiflànt  coufin  &:  feruiteur,P.Nauiheres» 

C  E  S  T  E  Epiftre  au  perc  &  à  la  merc.a  de  fpecial  vne  admonition  à  bien  prier  Dieu.monftrant  combien  Coraifoo  eft  ne- 
ceffaire  eftant  faite  auec  intelligence  &  fby,&  les  fhiiéb  &  Vtilitcr  fpirituellej  qu'elfe  apporte  aux  fidèles. 

SjSSÏEs  treshonnorez  pere&:mere,tout  ainfi  que  les  armes  matérielles  nous  font  don- 
i^^l  nées  pour  refifter  à  la  violence  des  ennemis  qui  nous  voudroy ent  molefter  :  ainfi 
les  prières  &:  oraifons,qui  font  armes  fpirituelles,nous  font  données  de  Dieu  pour  re- 
poufTer  les aflaux  &  la  violence  de  noftre  ennemy  mortelle  diable.Or  s'il  n'eft  queftion 
de  lafeher  les  armes  &  d'eftre  endormy  quand  l'enncmy  eft  deuant  la  porte,  mais  faut 
toufiours  veiller  &  eftre  au  guet,afin  qu'on  ne  foit  furpris:encores  requiert  plus  laguer 
re  continuelle  que  nous  auons  auec  ceft  ennemi  caut  &  fin,  que  nous  foyôs  fur  nos  gar- 

MatMtf.îi  despour  defcouurir  fes  embufehes.  Ceft  aulïilacaufe  pourquoy  Iefus  Chrift  admon- 

i.Picr.î.8  nette  les  fietts  de  veiller &prier,afin  qu'on  n'entre  en  tentation.  Saincl  Pierre  pareille- 
ment cognoiflant  bien  les  rufes&  firtefiresdeceftaduerfaire,&  combien  il  eft  diligent 
à  nous  pouifuire,dit,  Soyez  fobres& vcillez,car  voftreaduerfaire  le  diable  circuit  co- 
rne vn  lion  rugiflant,cerchant  quelcu  pour  deuorerrauquel  refiftezferme  en  foy.  Voyla 
donc  les  armes  qui  nous  fontdonnees  par  la  parolle  deDieu  pourrefifterau  diable:afla- 
uoir  les  prières  faites  en  foy.  Et  certes  fi  le  mode  fauoit  bien  à  quel  ennemy  il  a  affaire,ic 
ne  doute  point  qu'il  ne  fulVplu  s  affiducl  en  prieres,pour  fe  tenir  fur  fa  garde.  Or  il  eft  fa 
die  de  prier  fouucnt,&  dire  plufieurs  oraifons  tous  les  iours:mais  en  cela  ne  côfifte  pas 
la  vraye  pfiere,de  laquelle  ie  ne  doute  qu'elles  bien  informé:  toutefois  pour  fatisfaire  à 
mondebuorr,ilm'afemblé  bon  devoustoucherfommairementceques'enfuit,pour 
plus  grande  inftru&ion.Premierement  la  prière  eft  inftituee,ou  pourdemâderà  Dieu 
nos  necefsitez,  ou  pour  luy  rendre  grâces  de  ce  qu'auôs  défia  receu  de  luy.  Nous dcuôs 

pfeau.33.15  donc  adrefier  nos  prières  à  Dieu ,  pource  que  luy  feul  cognoift  nos  cœurs,  comme  il  eft 
ditauPfeaumetrcntetroifieme:&  qu'il  nous  peut  donner  ce  que  luy  demandons.  Da- 

Hcbr.itf  uantagenous  les  luy  deuons  adrelfer  par  Iefus  Chrift  noftré  Seigneur ,  par  lequel  nous 
auons  accez  auec  fiâce  &  hardiefle(comme  dit  faincl  Paul  aux  Hebrieux  )  au  throne  de 
Dieu  .En  outre,quand  nous  prions,nous  deuons  entendre  ce  que  nous  difons  &  dema- 

i.Cor.14.  dons  à  Dieu.&  partant  il  faut  prier  en  langage  qu'on  entende ,  fuyuant  (àincl  Paul  aux 
Corinthiens:  où  il  dit ,  l'aime  mic uxparler  en  l'Eglife  cinq  parollcs  en  mon  intelligen- 
ce,afin  que  i'inftruife  les  autres,  que  dix  mille  parolles  en  langage  eftr.ange.  Et  vn  pca 
deflus  il  dit,Ie  prieray  de  voix:  mais  ie  prieray  aufii  d'intelligence .  le  chanteray  de  voix, 

Rom.10.17  majs  jc  chanteray  aufli  d'intelligence.  ^  Puis  il  faut  que  la  prière  foit  faite  à  la  reigle  de 

Rom  1  1  ^a  Par0^e  ^c  Dieu,  ou  autrement  elle  eft  faite  fans  foy.  Car  la  fov  eft  par  louye  de  la  pa- 
om.14.23  rojcck£)j£U  >(rommeditS.  Paul.  Et  fi  elle  eft  faite  fans  foy,cen'cft  que  péché,  comme 

Hebr.n  ledit  au  lîllemefme  Apoftre.  Donques  il  eft  requis  que  celuy  qui  vient  à  Dieu,  croyc 
que  Dieu  eft,&  qu'il  eft  rémunérateur  à  ceux  qui  le  requièrent  &  prient,Partant  iJ  faut 
quand  nous  prions  Dieu, que  nous  croyons  fermement  que  nous  obtiendrons  de  luy 
ce  que  luy  demandons ,  ou  chofe  meilleure  :  afiauoir  ce  qu'il  fait  &:  cognoift  nous  eftre 

necef- 


Les  Qnqdcj  Lyon.  234. 

nece/Taire,  moyennant  aueluy  demandions  en  ferme  £oy&c  Comme  il  faut,eftans  afTeu- 
rez  qu'il  eftpuiffant  dedonner  ce  queluy  demandons,  que  il  autrement  le  faifons  c- 
eft  fe  moquer  de  Juy .  Car  que  fait  autre  chofe  celuy  qui  prie  Dieu,&:  cependant  doute 
s'il  luy  donnera  ce  qu'il  demandejCertes  ce  doute  prouiet  de  ce  que  nous  eftimôs  Dieu 
n'eftre  alTez  puiflant  pour  nous  donner  ce  que  luy  demadons:ou  bien  pource  que  nous 
ne  luy  demandons  pas,&  ne  le  prions  pas  comme  if  faut,&  le  commande.  Voila  ce  que 
dit  fainct  laques,  Vous  demandez,&  ne  reccuez  point:pource  que  vous  demandez,afm  u^ua  4* 
que  le  delpcdiez  en  voluptez.En  Comme  donc  que  celuy  qui  prieDieu  entende  ce  qu'il 
demande,&  qu'il  demande  en  foy  félon  la  parollc  de  Dieu.Qu'il  ne  pcfe  pas  eftre  exau- 
ce pour  l'amour  de  foy-me(me&:  de  fes  meritesrmais  par  le  mérite  delefusChrlftnoftre 
Seigneur,au  nom  duquel  il  demadercôme  luy-mefmc  lcdit,En  verité,en  vérité  ie  vous 
dy,que  toutes  choies  que  vous  demanderez  à  mon  Pere  en  mon  nouilles  vous  donnera. 
Mais  aufliil  faut  demander  corne  luy-mefme  l'enfeigne  en  vn  autre  lieu,difant,Demâ-  kia  %f 
dez  premièrement  le  règne  de  Dieu  &:  fa  iuftice:  afîauoir  ùl  gloire  &  fon  honneur.  Tou 
tes  nos  prières  &oraifonsdoiuent  eftre  reigleesàces  parolles  delefus  Chrift,&  lors  Matth.tf.jj 
nous  obtiendrons  tout  ce  que  nous  demandons,  en  temps  &c  lieu ,  &  comme  ce  bon 
Dieu  cognoiftra  eftre  expediet  pour  fa  gloirc&  noftre  falut.Commc  en  maladie ,  nous 
luy  demanderons  en  foy  qu !il  luy  plaife  au  nom  de  fon  Fils  bien-aimé  Iefus  Cbrift  nous 
enuoyer  fanté  &  guairifon. Mais  il  faut  adioufter,Si  fa  volonté  eft  telle  ,&:  s'il  eftnecef- 
faire  pour  fa  gloire  &:  noftre  falut.Quand  nous  ferons  à  Dieu  vne  telle  requefte ,  il  faut 
croire  fermement  que  nous  l'obtiendrons,  fila  fanté  nous  eft  nece/Taire  pourferuir  à  fa 
gloire  &c  pour  noftre  falut,nous  l'aurons,  ou  bien  vne  chofe  meilleure .  Et  pourtant  en 
toutes  nos  prières  nous-nous  deuos  fubmettre  à  la  bonne  voloté  de  Dieu ,  qui  cognoic 
ce  qui  nous  eft  nece/Taire  mieux  que  nous-mefmes .  Et  pource  q  ie  fay  côbien  vous  eftes 
adonnez  à  prières  &c  oraifons ,  i'ay  bien  voulu  vous  enuoyer  celles  que l'E/prit  de  Dieu 
a  di&ces  à  ce  tant  excellent  Prophète  &:  RoyDauid.ce  font  les  Pfeaumes,lefquels  vous 
dites  iournellcment  enLatin.Ceux  que  ie  vous  enuoye  font  en  françois:&vous  les  trou 
uerez  te  ls  qu'ils  font  en  la  Bible  qui  eft  en  voftre  maifon.il  y  en  a  qui  font  en  rithme  Frâ 
çoife,lcfquels  on  peut  chanter  en  toute  reueréce  deuant  Dieu,au  lieu  de  tant  de  chan- 
fons  fales&:  vilaines  qui  courent  communement.Ceux-cy  que  ie  vous  enuoye  ne  font 
pas  tels:  mais  fon  t  en  profe.heatmoins  &  les  vns  &  les  autres  reuiennét  tous  à  vn,&font 
fembiablesàccuxquifontenlaBible.Pourlemoinsiepeux  dire  que  vous  entendrez 
mieux  ceux-cy  qui  fon  t  en  François  en  priant  Dieu, que  ceux  qui  font  en  Latin .  Et  lors 
(comme  dit  faind  Paul)  vous  prierez  en  intelligence.  Au/fi  ie  vous  enuoye  aucunes  peti 
tes  prières  que  i'ay  eferites  à  la  maimlefqllesDieu  m'a  fait  la  grâce  de  dire  tous  les  iours 
auec  d'autres  qui  font  plus  amples  &:  longues,  aufquelles  vous  n'eftes  oubliez,  foitiôur 
foitnui&,ainfi  que  Dieu  nous  commande  de  prier  les  vns  pour  les  autres.  Dauantage,  h  uej 
peurce  que  vous  lauez  que  Dieu  ne  nous  a  pas  mis  au  mode  pour  toufiours  y  demeurer: 
mais  qu'ils  nous  faut  mourir  vn  iour&  retourner  en  terre,&(comme  di  tl'Apoftrc)  que 
nous  n'auonsicy  vne  cité  permanente,  mais  en  cerchons  vne  qui  eft  àvcnir,aiTauoirle  c  11314 
royaume  de  Paradis:pour  cefte  caufe,dy-ie,i'ay  bien  voulu  vous  enuoyer  vn  petit  liure, 
par  lequel  pourrez  entendre  comment  vn  bon  Chreftien  (e  doit  préparera  bien  mou- 
rir.Ccrtes  i'ay  trouuc  grande  confolation  en  lifant  ledit  petit  liure:&  ne  doute  quevous 
n'en  trouuiez  autant.Parquoy  ie  vous  prie  le  lire  à  part  vous, ou  lefairc  lire  à  mes  frères. 
Le  paiTage  de  la  mort  eft  vne  chofe  à  laquelle  nous  deurions  bien  penfer,  afin  de  nous  y 
préparer:  Car  c'eft  là  où  il  nous  faudra  rendre  conte  àDieu  de  tout  ce  que  nous  auôs  fait 
en  noftre  vie.Or  ie  prie  ce  bon  Dieu  qu'il  luy  plaife  par  fa  fain&e  grace,quand  ce  viédra 
àcepafTage,nousreueftirdelaiuftice&:  innoednee  de  fon  bien-aimé  FilsIelusChrift 
noftre  Seigneur,afln  que  tous  nos  péchez  foyent  couuerts  &  cachcz,&  qu'ainfi  puiflrôs 
eomparoiftre  deuant  fon  throne  iudicial  fans  crainte,pour  eftre  receus  en  la  ioye  de  Pa 
radis:  Ainfi  foit-il.    Voftre  humble &c  obehTant  fils  P.Nauiheres. 

S  E  N  S  V  I T  rhiftoirc  de  l'hcurcufc  iflûcdc  ces  cinq  Efcolieis,&  la  pourfuitte  tenue  deuant  leur  mort. 

Près  les  ac\es,côfcfTions,lettrej&  procédures  iudiciaires  cy  deflus  recitees,ilrefte 
de  raconter  l'iiTue  heure'uie  q  Dieu  a  donnée  aux  cinq  fufdits  Efcoliers,ayans  ren 
du  tefmoignage  à  la  vérité  du  grand  précepteur  Iefus  Chrift.  Et  comme  la  vertu  d'en- 
haut  a  toujours  accompagné  leurs  aûions  en  vraye  confonance  &  conformité  de  do- 
drine,aufli  la  fin  en  a  efté  magnifique  &  triomphante .  ^"Les  luges ,  ennemis  de  vérité 

R.ii. 


i/Wo///.  Les  Cinq  dc_j  Lyon. 

les  firent  mettre  enfemble,afin  qu'ils  n'infeétaflent  les  autres .  Et  pendat  la  longue  dc^ 
^inas j^c  tcntion>^curs  exercices  eftoyent  en  prières  bc  oraifons,rcconcihation  &:  comunicatiori 
^Efco- C  fraternelle  chacû  iour  auât  fe  coucher. Celuy  d'être  eux  qui  deuoit  faire  la  prierc(poUr- 
Uki        ce  que  les  vns  après  les  autres  la  faifoycnt)propofoit  de  bien  aduifer  ensemble  fi  au  lôg 
duiourilsauoyentdit  ou  fait  chofe :  dont  aucun  fuft  orfenfé  (  cat  de  tant  plus  qu'ils  e- 
ftoyent  appelez  àceuure  lain&,  de  tant  plus  auffi  l'ennemy  s'effbrçoit  l'empefcher)& 
ainfi  prefchoyent&annonçoycnt  les  vns  aux  autres  la  mifencorde  &:le  iugement  du 
Seigneur.Peu  deuant  leur  mort,ainfi  qu'ils  s'eftoyent  préparez  aucevn  fixieme,quie- 
ftoit  compagnon  de  leurs  liens,pour  célébrer  la  Gene  entre  eux,  &  fe  fortifier  en  la  cô- 
memoration  de  la  mort  6c  pafîîon  du  Seigneur: voicy  Guillaume  le  grand  geôlier  de  la 
prifon  qui  vint  à  la  porte,leur  anoncer  que  le  Prcuoft  eftoit  venu  pour  les  queiir&  me- 
ner tous  fix  à  Rouane.  Leur  en treprife  donc  eftant  rompue ,  fortirent  tous  comme  po- 
ures  brebis  de  l'eftable,  pour  eftre  menez  à  la  boucherie.  Le  Preuoft  fit  marcher  deuat 
les  trois  d'entre  eux^fiauoir  Martial  Alba,Pierre  Efcriuain  (qui  eftoit  nômé  entre  eux 
le  petitPierre)&  celuy  qui  eftoit  compagnon  en  leurs  liens:Ies  autres  demeurèrent  der 
niers  en  ladite  prifon  de  l'euefque  de  Lyon.  Quand  ces  trois  premiers  furent  arriuez  a 
Rouane,leGeoliei  fîr  difficulté  de  les  receuoiriufquesà  ce  qu'il  euft  parle  à  monfieur 
du  Puis,vicegerent  du  lieutenant  de  Lyon.Cependant  que  celafe  faifoit,vn  nommé 
kandc  Sâ-  iean  je  San-gal  marchand  du  pays  de  Suifle(qui  leurauoit  toufioursaffifté  )  eftant  ad- 
gii  SuifTc  uerty  £cs  mences  des  aduerfaires,vint  haftiuement  aux  prifons  de  Rouane  :  &c  voyant 
qu'on  vouloir  procéder  contre  eux  en  cachette,  eiTaya  tous  moyés  de  les  faire  deliurer: 
&  fur  l'heure  print  la pofte  vers  les  feigneurs  de  Berne,  en  la  iurifdi&ion  defquels  eft  la 
ville  de  Laufanne,pour  les  induire  à  fupplier  plus  fort  le  roy  Henry  de  rendre  leurs  Ef- 
coliers.Or  les  fix  eftans  amenez  à  Rouanc,on  les  enferma  au  lieu  où  couftumierement 
on  donne  la  queftion  &:  torture;puis  on  les  vint  querir,pour  en  commun  auditoire  leur 
prononcer  l'areft  de  la  cour  du  Parlement  de  Paris,  qui  auoit  efté  apporté  le  dernier 
iour  de  Feurier  m.o  . x  1 1 1  .L'official  Buaticr  eftant  adextré  du  fufnommé  du  Puis,com- 
mença  lire  vn  billet  qu'il  auoit  entre  fes  mains,contenât, Comme  ainfi  fuft  que  depuis 
neuf  ou  dix  mois  Martial  Alba,Bernard  Seguin,Pierre  Efcriuain,Charles  Faute  Se  Pier 
re  Nauiheres  euflfent  efté  arreftcz&:  détenus  prifonniers  aux  prifons  du  rcucrendifme 
Cardinaljà  raifon  qu'ils  venoyent  des  pays  de  Berne ,  Laufanne  &c  Geneuc  :  ledit  Offi- 
ciai ayant  fait  deuoir  auec  plu ficurs  gens  fauans& religieux  de  reuoquer  &:  retirer  les 
dcfTufnommez,d'herefie  en  laquelle  ils  eftoyent:&  qu'après  plufieurs  admonitions  les 
auroit  déclarez  heretiques,&:c.  Et  pource  qu'ils  auoyet  mefprifé  lefdites  admonitions, 
mefme  que  d'icelle  déclaration  ils  s'eftoyent  portez  pour  appelans  en  parlement  à  Pa- 
ris: La  Cour  ayant  cognu  qu'iceux  n'eftoyent  receuables  en  appel,  les  auoit  renuoyé  &c 
renuoycit,&:c.    ^Les  chofes  ainfi  mifes  en  voye  de  condamnation ,  ledit  Buatier  tira 
du  fac  ledit  arcft,&:  le  bailla  audit  du  Puis,qui  le  deliura  au  Greffier  auec  les  procès  des 
Cinq.Lc  Greffier  ayant  fait  le&ure  publique  dudit  areft,Bernard  Seguin  demanda  lice 
ce  de  parler.  Alors  en  peu  de  parolles  commença  à  remonftrer  que  touchant  l'areft  de 
Paris,laCour  auoit  efté  mal  informee:&:  qu'ils  eftoyent  efeoliers  des  feigneurs  deBerne 
A  quoy  fut  refpondu  qu'ils  eftoyent  deFrance3&:  partant  iufticiables.&:  fur  ce  rcmenez 
en  ladite  prifon  de  Rouane:  de  manière  que  la  mort  de  ces  Cinq  fëbloit  eftre  prefte  de 
iour  en  iour.Et  combien  que  depuis  leur  emprifonnement  le  feigneur  ait  fouuent  ren- 
uerfé  les  côplots&conclufions  des  ennemis,&  corne  emmufelé  leursgueules  ouuertes 
pour  les  deuorenil  monftra  encore  manifeftemét  que  la  vie  &c  la  mort  eftoit  en  fa  feule 
puùTance.CarleSamedy4.  iourdeMars,ainfrque  par  trouppes  le  peuple  alloit  deçà 
delà  a  la  Grenette  &  aux  Terreaux,  lieux  ordinaires  des  derniers  fupplices  pour  voir  fi 
préparatifs  s'y  faifoyent  pour  exécuter  la  condamnation  de  ces  Cinq,  arriua  vn  héraut 
des  feigneurs  de  Berne  auec  lettres  au  lieutenant  de  Lyon  &  au  fufdit  Cardinal,qui  na- 
Çueres  reuenant  d'Iralic,&:  partant  parles  terres  defditsSeigneurs,auoit  promis  d'aider 
Sduc^di  a  ^  ^ehur*cc  ^e  leurfdits  Efcoliers.Mais  arriué  que  fut  ledit  Cardinal  au  lieu  où  il  defi- 
n»idcTour  roit  eftre, ayant  entenduque  le  Roy  enclinoit  à  la  requefte  dudit  heraur,fit  tous  efforts 
de  le  deftourner  de  celte  volonté ,  &c  de  hafter  le  procès  defdits  Efeoliers  :  detnaniere 
que  leSamedy  premier  iour  d'Auril  les  nouuelles  vinrét  à  Lyon  qu'à  l'inftarite&  pour- 
fuitte  dudit  Cardinal  Se  autres  de  la  Courfufcitez  parluy,lefdits  Efeoliers  incontinent 
deuoyent  eftre  defpefchez  en  vertu  des  lettres  que  l'official  Buatier  auoit  reccus  le  Sa- 

medy 


Les  Qinq  <s*o  Lyon.  2  $j 

medy  précèdent. Mais  le  Seigneur  dcrcchefrompit&:  dilhpal'entrcprifedeceux  qui  s' 
eftoyét  ledit  lour  premier  d'Auril,  alfemblczpour  enuoyeràlamortlesfufdits.  Carnô 
obftant  que  quatre  des  principaux  de  ladite  alfemblec  eulTentcôclu,qu"on  enuoyaft  en 
corc  quérir  deux  bourreaux  auec  celuy  de  Lyô  pour  les  defpefcher  ce  iour-la.  Dieu  vou, 
lut  que  les  autres  ne  s'y  accordèrent  pas,n'eftas4d'aduis  qu'on  procédait  il  foudainemét 
centre  eux, à  raifon  de  tant  de  lettres  qu'ils  auoyent  receues  des  feigneurs  de  Berne,  lef 
quels  à  bon  droiâ  pourroyent  à  l'aducnir  faire  inftance  contre  tous  ceux  quiiugeroyét 
lefdits  Efcoliers  fur  lettres,^  à  la  pourfuitte  dudit  Cardinal.  Voila  côment  le  Seigneur 
parplufieursfoisà  voulu  déclarera  veued'ceil  jquclapuilfance  que  les  ennemis  de  fa 
venté  exercent  furies  fidèles ,  eft  de  luy,  &  que  nul  ne  les  rauira  de* fa  main ,  non  pas  vri 
fculcheueu  de  leur  tefte  ne  tombera  en  terre  fans  fa  prouidence.  Que  ce  nous  loiticy 
vn  miroir  pour  contempler  la  bote  admirable  de  noftre  Dieu,  lequel  ne  delailfe  iamais 
les  liens  (ans  leur  donner  ligne  de  fa  prefehee  &C  de  fon  aide ,  quand  mefme  les  ennemis 
auront  fait  toutes  leurs  concluions  pour  les  extermincr.il  nous  alfcure,  di-ie,par  ces  e- 
xtmples,qu'il  conduit  manifeftement  la  caufe  de  fa  verité:&  combien  qu'ilne  nous  dé- 
clare pas  l'pecialemcnt  par  quels  moyens, retenant  cela  en  fon  confeil  fecret,tât  y  a  que 
nous  les  voyons  iournellement,&:en  fommes  efmerueillez  quand  ils  font  faits  par  ceux 
la  mefme  quife  vantent  d'auoir  toute  puifîanceen  celte  terre  balle  Pendit  ce  refpit, 
ces  Efcoliers  ne  ceifcnt  de  faire  &c  pourfuiure  l'ceuure  encommencé  en  defpit  de  Satan 
&£  de  fes  fuppofts,qui  comme  beftes  forcenées  ne  celfoyent  de  crier  tout  le  long  de  leur 
Quarefmc  en  leurs  temples  contre  iceux  prifonniers,qu"on  leurdonnoit  trop  deliber- 
tc,&  qu'ils  infectoyent  toute  la  ville  de  Lyon. Sur  tous  vn  Minim«^enfumé ,  enflé  d'ou- 
trecuidance,;* raifon  de  quelque  fauoir  aux  langues  qu'on  luy  attribuoit,crioit  à  outrart 
ce  cotre  eux  &  contre  les  fidèles  Miniftres  de  la  parolle  du  Seigneur,fpecialemét  cotre 
ceux  dcGcneuc.Lc  iy.iour  d,ÀuriI,entretrois&:  quatre  heures  après  midy,lelieutenât 
de  Lyon  vint  aux  prifons,&  fe  retira  auec  laduocat  &  procureur  du  Roy,  aucd'inquill- 
teur  de  la  foy  &  l'Orncial  &:  quelques  autres  en  lachambre  du  confeil .  Et  incontinent 
enuoyerent  quérir  Matthieu  Dimonet,auflTi  pour  lors  prifonnier  pour  vne  mefme  cau- 
fe delà  do&rine  de  vérité  ,  côme  il  fera  déclare  en  fon  lieu. puisapres  les  cinq  Efcoliers 
fui  ent  appelez  les  vns  après  les  autres.  Ledit  Lieutenant  auec  fa  côpagnie  taîcha  d'inti 
miderles  poures  prifonniers,di(ant  quelque  fois  qu'il  atioit  lettres  du  Roy  pour  les  def- 
pefcher,autre  fois  qu'il  les  auoit  duCôneftablc:maisDieu  dônaairx  pfifonniers  iagelfe 
de  refpôdre  fi  bicn,q  lcditLieutenat  efpouuaté,n'ofa paffer  outre  qu'iln 'euft  écorc  plus 
certaines  nouuclles  du  Roy.  Il  eft  bien  vray  que  le  Mercrcdy  dixneufieme  dudit  mois 
d'Auril,s'aiïemhlercntdix  Confeillicrs  auec  ledit  lieutenant  de  Lyon  ,&;  que  les  cinq 
conclurét  qu'on  palferoitoutrermais  les  autres  ne  furent  de  ceftaduis,  d'autant  que  le 
iourdedeuant  Ican  de  Sangalfufnommé,&:  belle  côpagnie  de  marchât  Sùiftes  a  uoy  et 
tous  ligné  vne  proteftation  qu'ils  faifoyent  pourlefdits  Efcoliers  au  nom  des  feigneurs 
de  BerncTlaqlle  prefentee  audit  Lieutenant,empefcha  de  palTer  plus  auat,  iufques  à  ce 
qu'o  euft  encore  reccu  nouuelles  du  Roy. Et  cependat  ledit  Sagal  defpefcha  lettres  aux 
feigneurs  de  Berne  ,les  aduertiffant  de  tout,&  les  priant  qu'il  leur  pleuft  efcrirè  au  C6- 
neftable,&:  mander  lettres  au  lieurde  Baire-fontaine,ambafTadeur  pour  le  Roy  au  pays 
de  SnilTe,pour  adreffer  leurs  lettres  en  diliegee  par  la  pofte  ordinaire.  Mais  le  Seigneur 
qui  fe  vouloit  leruir  de  fes  vrais  Efcoliers  iufques  à  la  fin ,  &:  triompher  en  leur  mort ,  fit 
valoir  tous  ces  alfaux  par  tant  de  fois  Iiurez,pour  préparatifs  au  dernier  combar,afîn 
qu'ils  ne  fuflent  lurpris  au  defpourueu.Eux-mefmes  l'ont  teftifîé  par  leurs  lettresen  ces 
parolles:  Nouslommesaduertisdel'indiçiBleragede  nos  ennemis  :  mais  auffi  nous-  l  Côr-7 
nous  préparons  alliduellemcnt  par  prières  à  combattre  contre  iceux.Notis  fentons  au 
vif  ce  que  l' Apoftre  difoit,alTauoir  que  noftre  chair  n'a  aucun  repos  :  nous  auons  tribu- 
lations &  alfaux  au  dehors  &:  au  dedans,  à  raifon  que  iour&nuict  nous  n'attendons 
que  le  coup  de  la  mort,  comme  poures  brebis  de  long  temps  préparées  à  occifionï 
nous  efpcrons  neantmoin  s  alaigrement  endurer  la  mort,nous  confians  que  celuy  pour 
lequel  &  fous  l'enfeigne  duquel  nous  bataillons,eft  fidèle,  &:  ne  permettra  que  foyons  I-Cor  i° 
tentez  outre  ce  que  nous  pourrons.  Pour  eefte  caufe  nous-nous  appuyons  fur  luy,e- 
ftans  alfeurez  que  li  noftre  maifon  terreftre  de  cefte  loge  eft  deftruite,nousauôs  vn  édi- 
fice de  par  Dieu,vne  maifon  éternelle  es  cieux,qui  n  eft  point  faite  de  main  d'homme.  Rom. 5. 
Bref,  eftans  iuftifiez  par  foy,  nous  fentons  vne  paix  vers  Dieu,  par  noftre  Seigneur  ïe- 
fusChrift,&  nous  glorifions  en  Tefpcranccdela  gloire  d'iceluy:  nôus-nous  glorifions 

R.iii. 


Liurcs  III.  Les  Qnq  de  Lyon. 

aufli  erl  nos  tribulations,  voire  de  telle  forte  que  mefmes  nous  exhortans  &  fortifias  les* 
â.tomo.    vfls  les  autres, chantons  alaigremcnt  Pleaumes-&  cantiques,non  feulement  de  iour  au 
lieu  où  nous  fommes,mais  aufli  au  croton  où  nous  couchons.  ^Nous-nous  préparons 
par  prières  &  orài(bns,par  ce  que  les  armures  de  noftre  guerre  ne  font  poît  charnelles: 
&  corne  le  règne  du  Roy  duquel  fômes  ioldats,n'eft  point  tëporel,ains  fpiritucl,qu'ain- 
fi  faut-il  que  fpirituellementfoyonsarmez,afîn  que  puiflions  relifter  contre  lesaflaux 
du  diable,&  demourer  fermes. Et  d'autant  que  l'affliction  nous  enuironne  de  plus  près, 
Kîanhi*  Autant  que  la  tribulation  cft  plus  prochaine,  d'autant  plus  eft-il  requis  que  foyons 
veillans  en  prières. Ce  qu'aufli  nous  a  appris  noftre  chef  &  capitaine  Iefus  Chrift,  quâd 
'fe  voyant  prochain  de  la  mort,par  trois  fois  s'eft  adonné  à  prier:en  cela  nous  laiflant  c- 
xemple  de  recourir  à  Dieu  par  prières  au  temps  d'affliction. comme  auiîi  à  ce  faire  nous 
pfeau.jo    inuite  iceluy  noftre  bon  Dieu,difant,Inuoque-moy  au  temps  d'affliction,&:  ic  t'en  tire- 
ray  hors,&:  tu  me  feras  honneur,&:c.  Voila  les  armures  defquelles  ces  faincls  pcribnna- 
gesfe  font  munis  pour  fouftenir  le  dernier  combat,lequelleur  fut  liuré  lefeiziemeiour 
du  mois  de  May,  l'an  de  leur  emprifonnement,reuolu  au  premier  iour  dudit  mois,  au- 
quel ils  auoycntefté  emprifonnez,commeditaefté  au  commencement  &:  entrée  de 
leur  hiftoire.Le  feizieme,dy-ie,lcur  apporta  deliurance,  &:  fut  le  iour  bien  heureux  au- 
quel la  couronne  d'immortalité  leur  eftoit  préparée  par  le  Seigneur  après  vne  (iver- 
tueufe  luitte.  Enuiron  les  n  tuf  heures  du  matin  dudit  iour,  après  auoir  receu  fentence 
Sentence    de  mort  au  parquet  deRouanc:laqlle  en  fôme  eftoit  d'eftre  menez  aulicu  des  terreaux, 
donnée  cô-  &  ^a  ercre  bruflez  vifs  infques  à  y  faire  par  le  feu  entière  confomptiô  de  leurs  corps:  tous 
irclesCinq  cinq  furent  mis  au  lieu  où  on  fait  retirer  les  criminels  après  qu'ils  ont  receu  leurienten 
ce,en  attendant  le  temps  d'entre  vne  &  deux  heures  après  midy .  Cependant  ces  cinq 
Martyrs  fe  mirent  premièrement  à  prier  Dieu  auec  grande  ardeur,  Û  véhémence  d'- 
efprit,efmerueillable  à  ceux  qui  les  regardoyétrles  vns  fe  profternâs  en  terre,les  autres 
regardans  en  haut:&  puis  commencèrent  à  s'efiouyr  au  Seig.  &c  luy  chanter  Pfeaumes. 
Et  comme  les  deux  heures  approchoyent,ils  furent  menez  hors  dudit  lieu,  reueftus  de 
leurs  robes grifes,&  liez  de  cordes:  &:  s'exhortoyent  l'vn  l'autre  à  perfeuerer  conftam- 
ment: puis  que  la  fin  de  leur  courfe  eftoit  au  pofteau  bien  prochain,  &  que  la  victoire  e- 
ftoit  là  toute  certaine .  Eftansdoncmis  fur  vne  charerte,  commencèrent  à  chanter  le 
Pfeaumep.De  tout  mon  cœur  t'exalteray,&:e.Et  côbicn  qu'on  ne  leur  donnaft  leloiiir 
dc  l'acheuer,fi  eft-eequils  ne  ceflerét  d'inuoquerDieu,&  de  prononcer  en  pa/Tant  plu- 
fieurs  fentences  de  l'Efcriture. Entre  autres,ain(i  qu'ils  paflbyët  par  la  place  de  THerhe- 
rie,au  bout  du  pont  de  la  Saone,l'vn  d'eux  fe  tournant  vers  lagrand'tourbe,dit  à  haute, 
Heb.ij.io,  voix.LeDieu  de  paix, qui  a  ramené  des  morts  le  grand  Pafteur  des  brebis ,  noftre  Seig. 
Iefus  Chriftypar  le  lang  du  Teftament  éternel  vous  conferme  en  tout  bon  œuure  pour 
faire  fa  Volonté.  Puis  commencèrent  le  Symbole  des  Apoftres,lediuflànt  par  articles: 
&  l'vn  fuyuaht  l'autre  le  prononçoyent  auec  vne  fain&e  harmonie ,  pour  monftrer  qu'- 
ils auoyent  enfemble  vne  foy  accordante  en  tou  t  &  par  tout.Ceftuy  a  qui  vint  de  pronô 
£%.  cer,Qui  a  efté  conceu  du  faincl  Efprit,nay  de  la  vierge  Marie,haufla  fa  voix,  afin  de  dô- 
neràcognoiftreau  peuple  la  faufle  calomnie  des  ennemis, qui  auoyent  fait  accroire 
qu'ils  nioyent  ceft  article,&qu'ils  auoyent  mefdit  de  la  vierge  Marie.  Aux  fergeans&  fa 
tellites,qui  fouuent  les  troubloyent,les  menaçans  s'ils  ne  fe  taifoyent,refpondirent  par 
deux  fois,Nous  empefcherez-vous,fi  peu  que  nous  auons  à  viure ,  de  louer  &  inuoquer 
noftre  DieuîEftans  venus  au  lieu  du  lupplice,  montèrent  de  cœur  alaigre  fur  le  mon- 
ceau deboisquieftoitàl'enuirondu  pofteau.    Les  deux  plus  ieunes  d'entre  eux  mon- 
La  minière  tcrent  ^es  premiers  l'vn  après  l'autre. &  après  auoir  defpouillé  leurs  robbes,le  bourreau 
du  dernier  les  attacha  au  pofteau. Le  dernier  qiu monta  fut  Martial  Alba,le  plus  aagé  desCinq,le- 
fupplicc.    qUCi  auoit  cfâ  longtéps  à  deux  genoux  furie  bois,priant  le  Seigneur.Le  bourreau  ayat 
attaché  les  autres,le  vint  prendre  eftant  encores  à  deux  genoux:&  l'ayant  foufleué  par 
les  aiflelles,le  vouloir  defeendre  auec  les  autres:  mais  il  demanda  inftamment  aulieu- 
tenantTignac  de  luy  ottroyer  vn  don. Le  Lieutenat  luy  dit,Que  veux-tu?Il  luy  dit,Que 
ie  puifle  baifer  mes  frères  deuat  que  rnourir.Lc  Lieutenat  luy  accorda:&  lors  ledit  Mar 
tial  eftant  encores  au  defîus  du  bois,en  Te  baiflant  baifa  les  quatre  eftansia  liez  &  attâ- 
chez,leur  difant  à  chacun,  Adieu,  Adieu, mon  frère.  Lors  les  autres  4.1a  attachez,auffi  s' 
entrebaiferent,rctournans  le  cohen  difant  l'vn  à  l'aurre  les  mefmes  parolles,  Adieu  mêV 
frère.  Cela  fait,  après  que  ledit  Martial  eue  recommandé  fcfdits  frères  à  Dieu,auant 

que  de- 


Tierrc^>  Berger.  ijf 

que  defcendre 5c  cftre attaché ,  baifa  au/Iî  le  bourreau ,  en  luy  difant ces  parolles ,  Mon 
amy,n'oub]ic  pas  ce  que  ie  t'ay  dit.Puis  après  fut  lié  &  attaché  au  mefmepoftcau:&lors 
ils  furent  tous  ceints  d'vne  chaine  en  rondeur  à  l'entour  dudit  pofteau.  Or  eft-il  que  le 
bourreau  ayant  eu  charge  des  luges ,  de  hafter  la  mort  de  ces  cinq  Efcoliers ,  leur  mita 
chacun  vne  corde  au  col,  Se  les  cinq  fe  rédoyent  à  vne  groife  corde,  qui  eftoit  fur  vn  en- 
gin qui  rouloit  aucc  poullieS,  afin  de  les  eftrangler  plultoft.  Parquoy  le  bourreau  après 
auoirgrefte  leur  chair  nue,  &c  ietté  de/Tus  du  îbuffre  puluerifé,  &  ayât  fait  tous  àpprefts: 
ainfi  qu'il  les  penfoit  hafter  par  ledit  engin ,  le  cordage  fut  incontinent  confume  par  le 
feu ,  tellement  que  ces  cinq  Martyrs  furent  ouis  quelque  temps  prononcer  &  réitérer 
à  haute  voix  ces  parolles  d'exhortation,  Courage,  mes  frères  :  courage.  Qui  furent  les 
dernières  parolles  ouyes  &:  entendues  du  milieu  du  feu ,  qui  tantoft  confuma  les  corps 
defdits  cinq  vaillans  champions  &:  vrais  Martyrs  du  Seigneur. 


PIERRE  BERGIER. 

L'Exemple  de  ce  Martyr  peut  fpecialcment  fertiir  à  ceux  lefqucls  eftans  enueloppez  Je  plufieurs  faciende$,ne  fepeuuent 
donner  loifir  de  penfer  au  principal  .de  telle  manière  de  vie  Dieu  a  tiré  Pierre  Bcrgier  pour  le  faire  tefmoin  de  fa, 
vérité, au  mcfmc  tunpj  que  les  cinq  Efcoliers, en  la  ville  de  Lyon.  * 

VIS  que  Pierre  Bergier,  pour  vne  mefme  caufe&:  au  mefme  temps  a  cfte  M*  D*LïI- 

•/•       .  iniT  rr       •  ■    i    \t  »  eu  regard 

pnlonnicr  en  la  ville  de  Lyon,  aliauoir  au  mois  de  May  m.d.lii.&  que  cer-  a  îempri- 
tainsades  faits  en  la  prifon  dépendent  du  récit  cy  deuant  touché,  il  cft  ne-  fonneméc. 
cenaire  de  faire  fuyure  ion  hiftoire.  Eftant  de  Bar  fur  Seine ,  patifïîer  de  fon 
meftier,  vint  demeurer  à  Lyon:&:  de  là  en  la  ville  de  Geneue,  en  laquelle  ayant  demeu- 
ré quelque  temps,  fut  receu  au  nombre  des  bourgeois  :  &  faifoit  eftat  d'acheter  &:  ven- 
dre choies  appartenantes  aux  viures.  Aduintqu  eftant  à  Lyon  pour  quelques  affaires.  . 
fut  appréhendé  par  la  iuftice  en  la  maifon  de  fon  beau-frere ,  enuiron  trois  iours  après 
remprifcnnementdesfufdits  cinq  Efcoliers.  Et  comme  il  eftoitd'vn  efprit  prompt  & 
libre,  incontinent  qu'il  fut  intèrrogué,  il  confenapuremét  la  doctrine  du  Fils  de*  Dieu, 
non  feulement  deuant  les  luges, mais  aufli  deuant  tous  ceux  qui  le  venoyent  voir.  Mef- 
me après  auoir  par  plufieurs  fois  réitéré  deuant  les  luges  vne  vraye  dodrine  de  tous  les 
poinds  de  fa  créance ,  pour  plus  ample  tcfmoignâge  fouffigna  aufti  la  côfcffion  de  Ber- 
nard Seguin  ,cy  deftus  mife  en  la  procédure  des  Cinq,  d'autant  qu'ils  auoyent  tous  vne 
mefme  caufe  à  confclTer,  fouftenir  &:  défendre.  On  pourra  donc  auoir  recours  aux  ades 
defdits  cinq  Martyrs,fpecialement  pour  fauoir  l'hiftoire  du  brigand  Iean  Chambon, le- 
quel fut  engendré  au  Seigneur  parles  faindes  exhortations  coniointes  aueeprieres  & 
oraifons,  que  faifoit  Pierre  Bcrgier  pour  ledit  Chambon.  Aufli  pour  entendre  le  grand 
profit  de  la  cognoi  fiance  qu'il  receut  ayant  demeuré  à  Geneue,  où  l'Eglife  cft  reformée 
félon  la  pure  parolle  de  Dieu.  Il  auoit  en  ladite  ville  fa  femme  &  fa  famillc:laquelle,du- 
rantfonempnfonnementil  confola  grandement  par  lettres  pleines  d'exhortations: 
comme  eft  celle  qui  s'enfuit, 

Grâce  &C  paix  par  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift. 

A  trefehere  fœur  &:  loyale  efpoufe,combien  que  ia  par  plufieurs  fois  en  vous  eferi- 
uanti'ayeprins  congé  de  vous,  félon  que  Dieu  nous  faifoit  cognoiftre  qu'il  nous: 
vouloit  appeler  à  foy,  &c  vous  aye  recômandé  les  chofes  que  vous  deuez  auoir  plus  pre- 
cieufes  que  voftre  propre  vie,  afiauoir  la  crainte  &  gloire  de  Dieu:  toutefois  pource  que 
depuis  le  Seigneur  a  renuerfé  les  entreprifes  de  nos  aduerfaires ,  &:  nous  a  prolôgé  pour 
quelque  temps  noftre  vie  contre  noftre  propre  efperance  :  &:  après  cela  nous  a  de  nou- 
ueau  appelez  au  côbat,  pour  à  cefte  fois  ligner  fa  fainde  vérité  par  noftre  fang,  fa  ns  que 
rien  félon  le  monde  puifle  empefeher:  i'ay  eftiméquecene  feroit  chofefupcrflue  de 
vous  eferire  de  mefme  chofe,  &  vous  prie,  autant  qu'il  m'eftpoifible,  que  vous  ayez  la 
gloire  de  Dieu  fur  tout  ert  recômandation,&:  que  de  plus  en  plus  vous  tafehiez  de  prou- 
fiter  en  fa  fainde  cognoiftance ,  pour  le  feruir  félon  fa  volôté,  &  glorifier  fon  (aind  nom 
par  voftre  bonne  vie  &:  conuerlàtion.  Vfez  des  moyens  que  Dieu  vous  baille  pour  le  fa- 
lut  de  voftre  ame,  &  non  pour  la  condamnation  d'icelle.  I'enten  de  la  parolle  de  Dieu, 
laquelle  iournellcment  vous  pouuez  ouir  viuement  &C  purement  prefehee  :  &  auffi  des 

R.iiiï. 


Liurc-j  II L  SPtfrro  Herget. 

il  entend  la  cMemplcs  de  tant  de  gens  de  bien,  de  tant  d'honneftes&  vertuéliies  dames  que  le  Sei- 
^npagnie  gneur  vous  propofe  deuant  les  yeux  en  ce  lieu  tant  heureux  &:  bénit  par  luy.  <[Et  pour- 
encue.  ^  Dieu  nous  a  donné  des  enfans  :  faites  fur  tout  qu'ils  foyent  bien  inftrùits  en 

lacràintedu  Seigneur,  afin  que  quelque  iour  ils  puififent  feruirà  la  gloire  d'iceluy.  De 
ma  part,  puis  que  le  Seigneur  me  veut  employerà  rendre  tefmoignage  à  fon  nom  par 
monfang,i'en  fuis  defehargé  .  la  charge  de  cecy  retombe  fur  vous.  Parquoy  aduifez  de 
vous  en  bien  acquiter.  Ceft  le  meilleur  héritage  que  vous  leur  fautiez  laiflcr  &  acqué- 
rir :  aflauoir  quand  par  bonne  inftru&ion  ils  apprendront  à  craindre  Dieu  .  vous  y  ferez 
voftre  deuoir,  comme  vous  eftes  tenue.  Quant  à  vous,  après  que  Dieu  m'aura  retiré  à 
foy,  vous  vous  conlblercz  en  celuy  qui  eft  le  defenfeur  des  vefucs,  &:  le  perc  des  orphe- 
lins^ fi  fentez  que  Dieu  vous  ait  donné  le  don  de  continence,vous  de  meurerez  en  vo- 
i  Cor.7.  ftrc  viduitc,  félon  le  confeil  que  S.  Paul  en  donne.  Car  par  ce  moyen  vous  aurez  plus  de 
commodité  de  vaquer  aux  chofes  diuincs  &:  cclcftcs,  fans  cftre  diftraite  par  le  foucy  de 
ces  chofes  terriennes  &c  corruptibles:  veu  auflî  que(graces  à  Dieu)vous  aucz  encores  af- 
fezde  bien  pour  vous  entretenir  &;  vos  enfans.  Que  fi  le  don  de  continence  ne  vous  eft 
donné, ie  vous  confeille  de  vous  remarier  :  pourucu  que  ne  faciez  rien  làns  le  confeil  de 
nos  parcns,&  autres  gens  d  c  bien,qui  ne  voudreyét  pas  moins  voftre  profit  que  le  leur: 
ôVquc  fur  tout  aduifiez  de  prendre  quelque  perfonnagequiaitla  crainte  de  Dieu.  Et  â- 
fîn  que  nos  enfans  ayent  perpétuelle  mémoire  de  moy,ie  vous  prie  recouurer  toutes 
les  lettres  que  ie  vous  ay  enuoyees ,  &c  plufieurs  autres  qui  m'ont  efté  eferites ,  defquel- 
les  il  y  en  a  vn  grand  nombre  par-deça  chez  mon  beau-frere ,  &  les  faire  referire  à  fr  on 
frère  Denis*  ou  a  quelque  autre  dans  vn  liure  exprez.  Et  après  les  auoir  fait  cfcrire,vous 
pourrez  distribuer  lefdites  lettres  aux  vns  &:  aux  autres,afin  qu'il  en  reuienne  plus  giad 
p  Bergier  fVuicIt  à  TJEglife .  le  vous  mande  ces  chofes  comme  eftat  plus  prochain  de  la  mort  que 
uuHCTiii-  iâmais.  car  vo9  deuez  fauoir  que  ce  Lundy  quinzième  de  May,  nos  cinq  frères ,  qui  font 
gesauee  les  efcoliérséles  Seigneurs  de  Berne,  ont  efté  fur  les  neuf  heures  du  matin  produits  Ivn  a- 
einq  Efco-  pres  l'autre  par  deuant  les  luges ,  &:  moy  après  eux  tout  le  dernier  :  &:  ce  afin  que  lefdits 
lugçs  y$ent  fi  nous  voudrions  refpondrc  deuant  eux.  Aufquels  nous  tous  auôs  fait  réf. 
ponfçi  qûïls  n'eftoyent  point  nos  luges  ccmpetens:&  que  pourtant  nous  en  appelions 
pardèuan^qui  il  appartiendroit.  Monfieur  le  Lieutenat  a  dit  qu'il  auoit  charge  expref- 
fedélaJSpjicnedu  Roy  de  procéder  cotre  nous  tous  :  &:  mefmc  qu'outre  cela  il  en  auoit 
receu  pluècurs  miffiucs  &  lettres  patentes,  lcfquelles  il  nous  môftra,fans  toutefois  qu- 
elles ^py§iuffentleues.Ornos  autres  freres,&:  mcfmemét  les  Cinq, ont  appelé  del'im- 
petratio&c  exécution  defdites  lettrcs,côme  obtenues  fous  faux  dôné  à  entédre,&  en  la 
faueur  du  cardinal  de  Tournon,qui  depuis  peu  de  iours  eft  venu  en  cefte  ville  pour  no9 
faire  depefchcr.En  fomme ,  les  luges  ont  tenu  plufieurs  &:  diuers  propos  à  vn  chacû  de 
nous,felô  qu'il  a  efté  produit  particulieremét  par  deuât  eux.Mais,graces  à  Dieu, tous  a- 
uôs  fenty  telle  aflîftéce  de  noftre  Dieu, qu'il  n'y  a  aucun  qui  ne  fc  foit  féty  merucilleufe- 
mët  fortifié.  De  ma  part ,  ie  puis  dire  q  Dieu  ne  m'a  pas  abandonnerais  m'a  rédu  con- 
Dimone"  ^c  &&rnK!>c°mc  ^  eftoit  de  befoin.  Aufîi  le  frère  Dimonet  a  efté  mené  aux  prifons  de 
lfÀrcheucfque,&r  a  efté  déclaré  publiquemét  en  l'Officialité,heretique.Et  côbien  qu'il 
en  ait  appelé  côme  d'abus:  toutefois  il  a  efté  quat  &:  quant  ramené  en  noftre  côpagnie. 
qui  eft  vn  ligne  que  fon  appel  n'aura  point  de  lieu.  Puis  il  a  efté  produit  deuat  les  luges, 
côme  nous  auos  efté.  Certes  il  n'a  pas  eu  la  bouche  pl9  fermée  que  tous  les  autres, pour 
donner  gloire  à  Dieu:ains  Dieu  a  defployé  vne  telle  vertu  en  la  parolle  d'iceluy ,  qu'il  a 
non  feulemét  eftôné  to9  les  Officiaux,  mais  qui  plus  eft  a  rédu  fi  trefeôfus  vn  prefeheur 
Ceft  le  Mi  qu'on  ncme  l'Enfumé,qui  a  prefché  ce  Quarefme  par-deça  au  téple  faincte  Croix,&:  le- 
c^deimit1  ^l1c^  Peu  s  cn  ^aut  *luc  *es  iènoi*s  n'adorent  :  qu'il  a  efté  contraint  de  fe  taire,  &:  de  hote 
eft  faite  s'eft  party  de  la  côpagnie  defdits Officiaux  fans  fe  vouloir  figner  aux  coclufions  qu'on  a- 
mentim.  u  oit  faites  con  tre  noftre  dit  frère  Dimonet.  De  noftre  frère  Denis  Peloquin,nous  n'en 
D.Peloqur.  feuôs  rien. Le  bruit  eft  par  toute  la  ville,q  cefte  femaine  nous  ferôs  depefehez,  ou  à  vnc 
fois,ou  à  diuerfcs:mais  foyez  alTeurec  q  pour  cela  nous  ne  fommes  eftônez,&  ne  perdôs 
courage:ainsDieu  nous  fortifie  de  pl9  en  plus,tellcmét  q  d'heure  en  heure  il  nous  donc 
plus  grade  efperace  qu'il  paracheueral'eeuure  qu'il  a  cômencé  en  no9:  en  forte  q  fon  E- 
glife  en  feragrandemét  édifiée.  Il  no9fait  défia  Voir  en  partie  le  ftuiâ  qu'il  fera  fortirde 
neftre  mort,  qui  nous  eft  vne  côfolation  ineftimable.Or  vo9  difant  à  Dieu  par  la'  prefen 
te,  &  a  tous  nosenfans,icpriele  Seigneur  qu'il  vo9 face  toufiours  viure  félon  fa  fai&e  vo 
lôté,&  qu'il  me  maintienne  iufques  à  la  fin  pour  m'ofTrir  à  luy  en  facrifice  volontaire  ôc 


Tâ-rro  Utrgier.  *j? 

de  bône  odeur:&  que  finalcmét  il  nous  recueille  tous  en  Ton  royaume  celefte ,  où  nous- 
nous  verrons  maugré  que  les  ennemis  delà  vérité'  en  ayent.  Tous  les  frères  qui  font  a- 
Ucc  moy ,  vous  en  difent  autant:&:  tous  enfemble  vous  priôs  que  faluyez  en  noftre  nom 
meilleurs  les  Minières ,  &  tous  les  frères  &:  fœurs  de  l'Eglife  qui  fentent  nos  afflictions. 
Saluez  particulièrement  au  nom  du  frère  Matthieu ,  fon  coufin  que  bien  cognoiffèz. 
Nous  ne  nous  recommandons  pas  àcefte  fois  aux  prières  de  l'Eglife ,  pource  que  nous 
efperons  qu  auant  que  vous  ayezreceu  la  prefente ,  Dieu  nous  aura  appelez  en. fa  fain- 
&e  compagnie,  en  laquelle  n'aurons  befoin  des  prières  des  viuans  :  car  toute  larme  fera 
eflliyec  de  nos  yeux ,  &:  ferons  en  vn  lieu  oùnous  n'aurons  faute  de  rien.  Seulemét  nous 
vous  prions,  qu'en  faluant  au  nom  de  nous  tous  meffieurs  les  Miniftres,  vous  les  aduer-  Laconftacc 
tiflîez  que  nous  vous  auons  donné  charge  de  les  fupplier,  qu'après  qu'ils  auront  entodu  t"IS  ^  r,~ 
la  grâce  que  Dieu  nous  aura  faite  au  milieu  des  formés ,  corne  nous  efperons  qu'il  fera,  côfolatioa 
eux  &:  toute  l'Eglife  en  remercient  le  Seigneur.  Nous  fauyons  bien  qu'ils  le  feroyét,en-  dc  1E§llfc! 
cores  que  ne  vous  en  efcriuiflions  rien  :  mais  neantmoins  nous  vous  auons  voulu  parti- 
culièrement mander  cecy,  afin  que  par  l'afliftence  qu'il  nous  aura  faite  ,  toute  l'Eglife 
en  foit  édifiée,  &  ceux  qui  font  infirmes  foyent  fortifiez,  en  mettant  toute  leur  confian- 
ce en  celuy-la feulement  qui  n'abandonne  iamais  les  fiens  :  duquel  la  grâce  &  paix  foit 
aueevous.        Ce  lundy  quinzième  de  May.  m.  d.  lui. 

LETTRES  de  M.François  Bourgoin  minière  de  l'eg'ife  de  Gcncue,  par  le/quelles  ilconfole  Pierre  Bergicr ,  &  Ici 
autres  pnfonniersd'vn  ruelmc  temps. 

]R  E  R  E  S  bien-aimez,  ie  ren  grâces  à  noftre  bon  Dieu  &c  Pere ,  de  la  confiance  & 
tJjfcrmeté  de  foy  qu'il  vous  a  donnée,  le  fuppliant  humblement  qu'il  continue  fes 
dons  en  vous:  voire  qu'il  les  augmente  de  plus  en  plus ,  en  forte  que  voftre  vie  &  voftre 
mort  foit  du  tout  employée  àglorifier  fon  fainetnom.  Penfez,mes  amis,  au  refte  de  vo- 
ftre combar,  fur  lequel  noftre  Dieu  regarde  des  hauts  cicux.  Vous  auez  deûa  fouftenus 
de  gras  afîauts:mais  la  gloire  ne  fe  prefente  point  encore,  iufqu  a  tât  que  ce  lion  bruyat 
foit  du  tout  matté:lequel  ne  quittera  iamais  la  bataille,fînon  que  la  victoire  foit  du  tout 
obtenue  fur  luy.Quel  befoin  dôcauez-vous  icy,mes  bon  amis,finon que  vous  refigniez 
entièrement  l'ifTue  de  voftre  combat  à  celuy  qui  a  fait  force  en  vous  en  ce  commence- 
ment? Pour  ce  faire,  dreffez  les  yeux  incefTamment  au  ciel. là  fe  defploye  manifeftemét  La  fouue- 
le  bras  fort  du  grand  Roy  de  gloire,  lequel  n'a  peu  eftre  veincu  par  la  violence  de  fes  en-  raine  con- 
nemis.  Si  en  l'humilité  de  fa  chair  il  a  fi  heureufement  combatu ,  qu'il  a  mené  fes  enne-  S  d^euer 
mis  captifs:ad  uifez  de  quelle  force  il  combatra  maintenant  pour  les  fiens,  eftat  fait  fou-  les  yeux  co 
uerain  Monarque  du  ciel  &:  de  la  terre,  eftantefleué  en  la  haute  &;  triomphante  maie-  ixiUt- 
fté  de  fon  Pere .  C'eft  donc  icy  la  feule  prudence  des  Chreftiens,  toute  côtraire  à  la  pru- 
dence folle  &;  vaine  de  ce  monde,  laquelle  a  accouftumé  de  ietter  fes  yeux  fur  la  terre.il 
ne  fe  faut  point  efbahir  fi  au  premier  bruit  elle  perd  du  tout  courage. Car  cj  peut  prefen 
ter  la  terre  que  vanité  ?  Et  celuy  qui  s'appuyera  fur  vanité ,  qu'elle  fermeté  trouuera-il? 
Regardez  donc  les  deux,  mes  frères  &C  amis:  de  là  vient  voftre  fecours,  de  laie  Fils  dc 
Dieu, le  Roy  de  toute  gloire  tend  la  main  aux  fiens,  leur  préparant  vn  triomphe  afTeuré 
de  gloire  incomprchenfible.  Les  grans  coups  voirement  font  encore  à  fouftenir:  mais 
qui  font  vos  ennemis  au  prix  de  celuy  qui  combat  pour  vous  ?  Us  font  grans  &  redouta- 
bles,voire  fi  vous  auez  efgard  à  vos  forces:mais  ils  font  moindres  que  vermiffeaux ,  fi  de 
droit  œil  vous  regardez  Je  Fils  de  Dieu  affis  à  la  dextre  glorieufe  du  Pere ,  intercédant 
pour  vous,  combatant,  voire  obtenat  la  vi&oirepour  vous.  Voyez,ie  vous  fupplie,quel 
honneur  &  auantage  il  vous  prefente,  ne  faifant  point  cefte  grâce  à  tous ,  aflauoir  d'en- 
durer pour  fon  nom.  Que  ce  feul  regard  vous  contienne  affiduellement  en  fainctes  mé- 
ditations^ ne  doutez  point  que  la  fin  ne  foit  bône  &  heureufe ,  beaucoup  plus  que  ne 
fauriez  penfer .  Cependant  cegrancf  Seigneurdes  armées,  qui  vous  aduouë  pour  fes 
prifonniers,  vous  face  combatre  pour  fa  gloire,  en  forte  qu'ayons  aufîî  matière  dc  nous- 
en  refiouir.  Sa  grâce  foit  perpétuellement  auec  vous ,  mes  frères  &  bons  amis ,  Ainfi 
foit-il.        Voftre  humble  frère,  F.  B. 

LETTRES  de  M.  Ican  de  faindr.  André*  miniftre  de  l'eglifede  Geneue.efcritej  à  Pierre  Bergier. 

I  la  paix  eftoit  criée  entre  lefus  Chrift  &:  Belial ,  entre  l'afTemblee  des  Chreftiens 
jj§J^&  la  fynagogue  de  l'Antechriftril  y  auroit  efpoir  que  la  cruauté  cefferoit  :  &  vous, 
&  tous  nos  frères  prifonniers  pour  la  mefme  caulé  que  vous,  feriez  relafchez&:  mis  en 


Liurc^  III.  Tierrc^  berger. 

liberré:mais  cerne  les  parties  fcnt  fi  diffère  tes  qu'il  n'y  peut  auoir  accord >  aufli  ne  faut- 
il  pas  que  nous  attendions  modération  aucunedes  inhumanitez&  tyrârties  de  nos  par- 
ties aduerfes,  iufques  à  ce  que  noftre  cher",  qui  cft  le  plus  fort ,  y  mette  fin  :  ce  qu'il  faura 
bien  faire  auec  tcmps&  moyens  opportuns.  Ne  refte  flnon  de  noftre  cofté  qu'attendas 
telle  iffue  qu'il  luy  plaira, nous  facions  file  nce,&  en  patience  iettiôs  nos  yeux  aux  cicux: 
dontilnousfautattendreiecoursj&nond'ailleurs.  le  dy  cecy,  trefeher  frère ,  pourec 
que  fi  ce  n'eftoit  que  vous  receuez  d'enhaut  force&  vertu ,  vous  feriez  chacun  iour  ac- 
cablez par  affauts  &:  alarme  s  qui  vo9  font  faites,  &:  par  cruelles  menaces  defquelles  fou- 
uent  on  vous  vient  lalucr,&  des  promeffes  parlefquelles  on  tafche  de  vous  feduire  &: 
deftourner  de  voftre  bon  propos. Or  louange  au  Seigneur  qui  vous  a  iufques  icy,&vous 
&:  tous  nos  autres  frères,  preferuez:de  forte  que  vos  ennemis ,  qui  font  bien  les  noftres, 
font  demeurez  veincus,  &  vous  victorieux.  A  celuy  feul  foir  la  gloire, de  l'E  fprit  duquel 
procède  la  victoire  &c  le  triomphe.  le  ne  doute  point  que  fouuent  n'ayez  des  apprehenr 
fions  qui  pcuuent  vous  donner  grand  efpduantement ,  comme  la  chair  cft  foible  &:  de- 
bile:mais  le  marinier  agité  &:  tempefté,  s'efiouit  &  fe  confole  quand  il  void  le  port ,  en- 
core qu'il  ne  foit  pas  certain  d'y  paruenir.  Ainfi  ic  ne  doute  point  que  lecombat  auquel 
vous  eftes,  encores  qu'il  (bit  afprc  &:  difficile ,  ne  vous  l'oit  adoucy  par  l'efpcrance ,  ouy 
par  la  veuë'  de  la  couronne,  qui  eft  préparée  à  ceux  qui  conftamment  combatrôt  :  &:  eft 
vne  couronne  certaine ,  comme  celuy  qui  la  garde  eft;  certain.  le  vous  prie  confiderons 
L'cftat  des  vn  peu  l'eftat  de  ceux  qui  vous  moleftent,&:  le  voftre  qui  eftes  moleftez.Us  font  côuein- 
deUverité  cus  4U  ^s ^ont  ma*>  ^  vous  ^ont  tort°  Leur  cruauté  eft  furmontee  par  voftre  patience. 
c  leur  confeience  letir  fert  d'aceufateur ,  &:  leur  eft  plus  que  mille  tefmoins  :  &c  eft  leur  iu- 
ge>  voire  leur  bourreau.  Ils  fentent  maugré  qu'ils  en  ayent,  que  Dieu  cft  leur  partie  ad- 
uerfet  Ils  grincent  les  dents  quand  ils  ne  peuuent  gagner  leur  caufe:&  eftans  bié  libres 
en  apparence,  font  plus  captifs  beaucoup  que  vous  n'eftes.  Car  vous  fauez  que  vous  e- 
Luc  8.31-  ftes  là  par  la  prouidence  de  celuy  qui  vous  eft  Pere,  pour  la  caufe  de  celuy  auquel  toute 
puiffance  eft  donnée  au  ciel  &  en  la  terre,  fans  la  permiflion  duquel  les  diables  mefmes 
ne  peuuent  nuire  aux  pourceaux,  tan  t  moins  à  ceux  qui  font  fes  membres.  La  confeié- 
ce  vous  rend  contentement  &:  repos. vous  eftes  libres,encores  que  foyez  enclos  :  car  la 
parolle  du  Seigneur  qui  habite  en  vous ,  ne  peut  eftre  liée.  En  fin ,  lefdits  ennemis  font 
en  toutes  cjiofes  beaucoup  inférieurs  de  vous,  finon  en  rage  &  violence,  àquoy  ils  re- 
courent pour  leur  dernier  refuge,  afin  de  maintenir  leursmenfonges.  Voftre  frè- 
re en  Iefus  Chrift,  I.D.S.A. 

T  A  conuerfion  de  Iean  Chambon  prifonnicr  en  ce  mefme  temps  pour  voleries &  bri- 
"^gandages,  cft  digne  d'eftre  notée  à  toufiours.  Pierre  Bergier  rut  le  moyen  &  l'inft ru- 
inent d'icelle.  Ce  ne  rut  pas  vne  conuerfion  vaine  ou  friuole:car  incontinent  il  en  fortit 
cfFect,  ientenfruidts  dignes  de  pénitence.  Voudroit-on  auiourdhuy  demander  des  mi- 
racles de  la  parolle  de  Dieu  plus  exprès  &:  manifeftes?  Qui  pourra  allez  exprimer  l'hon- 
neur que  Dieu  fait  à  fes  poures  crearures,  de  les  faire  inftruments,  voire  coadiuteurs  de 
fa  grâce  &  de  fa  vertu ,  pour  attirer  à  voye  de  falut  les  poures  ames  efgarees  &  qui  périt 
foyent?  Maisoyons  parler  mefme  Iean  Chambon,  oyons-le  maintenant  prefcherles 
merueilles  du  Seigneur.  Voicy  fa  lettre  propre  que  nous  auons  ici  inférée  de  mot  à  mot 
en  fon  langagc,&  l'auions  referuee  en  ce  lieuxar  comme  dit  a  efté,les  exhortations  fré- 
quentes de  ce  Bcrgier,a  amené  le  pou  re  brigand  maugré  fon  naturel,  fa  rébellion  &:  ré- 
pugnance, maugré  Satan  &c  fes  fuppofts,  au  clos  &c  à  la  bergerie  du  Seigneur. 

C  O  P  I  E  des  lettres  eferites  par  Iean  Chambon ,  prifonnier  pour  les  démérites,  aux  cinq  Efcolieri  deflufdits,  &  autres  de-' 
tenus  pour  la  parolle  de  Dieu  :  eiquclles  il  raconte  lesgrans  merueilles  delà  conuerfion. 

Tr  e  s  c  h  E  r  s  frères  &  vrayementChreftiens,  en  premier  lieu  ievous  fàluctous 
en  Iefus  Chrift,  qui  eft  la  chofe  que  de  long  temps  i'auoyeenuie  de  faire,  mais  n'ayeu 
le  moyen  iufques  à  l'heure  prefente:  toutefois  que  levoudroye  bien  faire  autrement, 
moyennant  que  ce  fuft  la  volonté  de  noftre  bon  Pere  celefte,  en  forte  que  ma  perfonne 
peut  auoir  communication.des  voftres.  Neantmoins  ie  vous  prie  de  tout  mon  cœur,  le 
receuoir  autat  aggreable  que  fi  ainfi  eftoit:car  ie  vous  promets  que  le  cœur  va  auec  luy, 
vous  aduertifTant  d'vne  chofe  vraye ,  que  depuis  le  4.iour  du  mois  d' Aouft,  que  ie  fu  ad- 
uertyparvnprifonnier,de  voftre  detétion&Captiuiré,  de  laquelle  iauoye  ouy  parjer  à 
noftre  frère  Pierre  Bergier,en  lamétat  de  vo9:depuis,dy-ie,  ledit  iour  n'auezefté  tât  luy 
<j  vous,oubliez  en  mesprieres,tantcômunes  queparticulieres,voirciour&nui&,ayat 

toufiours 


&iefrcj  'Sérier.  238 

toufiours  mctnoirc  deypus,  quelque  peine  ou  maladie  que  i'aye  eue  :  nô  plus  qu'vn  frè- 
re que  i'ay,  lequel  eft  (détenu  pour  la  faute  que  i'ay  commife,  de  laquelle  neantmoins  il 
eft  innocent,  voire  autant  que  vous.qui  me  fait  plus  de  mal  que  toutes  les  peines  que  ie  Fruiûs  de 
fouffre,  voyant  le  tort  qu'on  luy  en  fait.&  le  Seigneur  m'eft  tefmoin  de  ce  que  deflus  eft  j-*oconucr~ 
die;  Or  eft-il,  chers  frères,  que  vous  veux  remercier  de  la  lettre  confolatoire  &c  vraye-  l0n' 
ment  Chreftienne  que  m'auez  efcrite&:  fait  tenir  par  noftre  frère ,  ou  pour  mieux  dire, 
par  fon  moyen ,  fans  que  de  vous  ne  luy  i'eufTe  iamais  mérité  tel  bien  &:  plaifir  que  vous 
offrez  me  faire.  De  laquelle  lettre  i'ay  receu  grade  ioye  &  confolation,plus  que  ne  vous 
pourroyc  direrdont  ie  ne  vous  fauroye  faire  recompenfe  en  fapience  ny  en  biens  autre- 
ment, finon  de  prie/  ce  bon  Dieu  &  Pere  qu'il  vous  foit  conducteur ,  en  forte  que  de- 
meuriez victorieux  entre  les  ennemis  de  vérité  (  qui  font  les  noftres  )  félon  ce  c^ue  defi- 
rezrou  pour  mieux  dire,  ainli  que  la  volonté  du  Seigneur  l'a  décrété  &  ordonnc:laquel- 
le  ne  peut  eftre  que  bonne  6c  iufte  en  toutes  chofes.Si  ie  defau  en  quelque  chofe  en  pro 
pofant ,  ie  vous  prie  le  me  faire  fauoir  :  car  iene  fuis  pas  comparable  â  vous  de  fapience 
celcfte,  ayant  efté  endoctriné  enlavoyede  Satan  dés  le  berceau,  par  les  aueuglesqui 
font  encores  viuans: qui  toufiours  errent  de  la  droite  voye,pâr  ce  que  ne  leur  fut  iamais 
monftree.car  les  caphars  &:  pourceaux  de  noftre  pays  ne  deflien t  iamais  le  trefor  de  ce- 
tte vérité  :  mais  pluftoft  le  lient  en  obfcurité  :  en  forte  que  le  poure  peuple  n'entend  le 
commencement,le  milieu,ne  la  fin.  Iene  fay  s'ils  pourront  eftre  excufezpourcela.tou- 
tefois  i'ay  veu  aux  Efcritures  que  non.  Si  i'eftoye  près  deux ,  ie  leur  demonftreroye  la 
vérité,  &  ne  leur  flatteroye  rien.  le  fuis  bien  afTeuré  queieferoye  receu  mieux  que  les 
pourceauxdefquels  ont  receu  vne  grande  proye,  de  laquelle  ils  enflent  leurs  ioué's.c'eft 
le  feigneur  de  la  Palice,  qui  eft  mort  de  maladie.  Mais  c'eft  aflez  parlé  dételles  chofes: 
car  mieux  les  entendez  que  moy,&:  me  pourrez  eftimer  en  cela  vn  for.  Or  faut-il  main- 
tenant que  ie  vous  face  au/fi  entendre  la  grande  faueur  que  mon  frère  a  receu  de  Dieu,  Lefreredc 
en  recôpenfe  du  tort  qu'on  luy  fait:  c'eft  qu'il  entra  auflî  aueugle  en  ces  prifons  de  Rou-  [c0anaB™,rJ. 
ane,mais  parlapeine&  moyen  de  noftre  frère  Pierre  Bcrgier,  il  fortira  par  la  mifericor- 
de  de  noftre  bon  Dieu,  auec  la  lumière  de  vérité.  Cequei'eftime  plus,  que  sileuft  ac- 
quis tout  for  de  ce  monde.car  fi  laques  eft  tué,  Pierre  demeurera  pour  enfeigner  les  a- 
ueugles.  Voila  en  quoy  ie  me  refiouy  en  partie.  Or  maintenant  ie  vous  derhandc,mes 
frères,  fi  la  recompenfe  n'eft  plus  grande  que  le  mal  :  &  quand  noftre  frère  Pierre  Ber- 
gicr  nauroit  fait  autre  bien  en  ces  prifons ,  n'eft-ce  pas  beaucoup  ?  Certes  il  me  femble 
qu'ouy:&  vrayement  il  en  a  bien  fait  d'autres,  ne  fuft-ce  qu'à  moy  &:  à  d'autres,  comme 
ie  le  £ay  bien:  lequel  m'a  grandement  aififté  &  confolé  par  liures  &  par  vos  lettres:com- 
me  par  les  Pfeaumes  &  Epiftres  confolatoires ,  &  le  liure  de  lob  &  plufieurs  autres  cho- 
fes, iufqu  a  m'offrir  de  faire  tout  ce  qu'il  pourroit,côme  au/fi  vous  m'auez  ofFert,dont  ic 
vous  remercie ,  &  prie  le  Seigneur  des  lumières  qu'il  vous  en  recôpenfe  le  fuis  grande- 
mét  marry  de  la  feparatiô  qu'on  a  faite  entre  le  fire  Pierre  Bergier  &  mon  frerc,lefquels 
fouloyét  coucher  enfemblc,& maintenant  ne  fevoyentplus:dôt  mon  frère  porte  gran 
de  trifteffe ,  ainfi  qu'il  m'a  fait  entendre  par  fes  lettres  :  lequel  m'a  mandé  qu'il  ne  vous 
oublioit  point  en  fes  prières.  Or  chers  frères,  après  ces  chofes  defius  eferites ,  il  eft  bien 
raifon  que  ie  tienne  propos  des  grandes  grâces  que  le  Seigneur  noftre  Dieu  m'a  faites: 
enfemble  des  grandes  peines  &  rigueurs  que  i'eu ,  &:  qu'on  me  fit  au  commencement, 
auant  que  d'obéi r  &  prendre  en  gré  la  volonté  du  Seigneur  Dieu.  C'eft  que  ces  deux 
premiers  mois ,  que  ie  f  u  en  cefte  fofie  obfcure  &  noire ,  ayant  les  fouches  &  les  fers ,  tri 
forte  que  ne  m'aidoye  d'aucun  de  mes  membres  ne  le  iour  ne  la  nui£t,&nc  me  pouuoye 
tourner  ne  virer:  tellement  que  bien  fouuent  me  falloit  piffer  fous  moy  :  &C  crioye  nuitt 
&iour,&maudiiToyeceuxquimenuifoyent,  voire  le  pere,  &c  l'heure  quei'auoye  efté 
nay. mais  cependant  que  ie  crioye  ainfi,  le  Seigneur  Dieu  ne  m'efeoutoit  point  criant 
en  cefte  forte:ains  laifibit  doubler  mes  douleurs ,  &  fu  tellemét  couuert  de  poux  &  ver- 
mine,que  les  prenoye  à  douzaines  en  mon  corps  &c  en  mes  habits,  qui  m'eftoit  vné  pei- 
ne plus  dure  que  toutes  les  autres.laquelleie  meritoye  bien ,  quad  ie  n'eufTe  fait  iamais 
autre  mal  que  les  blafphemcs  que  ieraifoye  lors.  Car  ce  n'eft  pas  la  façon  dechafTer  vn 
diable  par  vn  autre,ne  pour  efteindre  vn  feu,  y  mettre  à  foifon  d'huile.Mais  le  Seigneur 
Dieu  ayant  pitié  de  moy ,  mcmonftra  qu'il  ne  falloit  point  faire  ainfi.car  quad  ie  vy  que 
mes  douleurs  s'augmentoyentdeiouren  iour  en  tenant  tels  propos,  iecommençay  à 
chanter  vne  meilleure  chanfon  laquelle  m'a  efté  fort  fauoureufe  :  c'eft  que  ie  commen- 


LiarcJfJfl*  Tiertc^  "Éergier. 

çay  à  me  recognoiftre ,  &  penfer  à  Ja  mefehante  vie  en  laquelle  i auoye  vefeu  le  temps 
patte,  &c  les  exécrables  péchez  &  maux  a^ue  i'auoye  commis ,  lefquels  çftoyè't  mille  fois 
plus  grans  que  mes  peines.  Alors  ie  me  luis  prins  à  lamenter,  criât  mercy  à  mon  Dieu* 
luy  priant  qu'il  luy  pleuft  auoir  pitié  &  mifericorde  de  moy .  lequel  m'exauça ,  en  forte 
que  ie  reccu  de  luy  vne  grande  coniolation,  vn  grand  allégement  de  mes  douleurs,vne 
O  bonté    Pacicnce  confiante,  laquelle  rte  m'a  iamais  depuis  abandonne.  Et  dauantage,  bien  toft 
admirable  aPrÇS  lètfu  ofté  des  ceps  de  iour.  D'autre-part  les  poux  me  deiai/Teren^tellement  qu'il 
du  ta-    y  a  plus  de  fept  mois  que  ie  n'en  ay  trouué  vn  tout  feul,&:  ne  fay  qu'ils  font  deuehus.t ou- 

Sn"' fag»  C^î5t  ^u  ^roi^' ic  n  cn  icn  Poinc  Suc  ^ien  VCU^  &  nav  k&  ne  couuerture  que  mon  man- 
«  (p.ntu  -  teau.  Et  encores  pour  vous  mieux  aduifer,  Dieu  par  fa  bonté  ne  m'oublia  point.  Car 
bénéfice"    lon  mc  ^aiHoit  au  commencement  du  pain  tel ,  que  par  le  rapport  des  feruiteurs ,  les 
c«cor ^.  chiens  Se  cheuaux  n'en  vouloyent  point  mangenmais  grâces  au  Seigneur  Dieu, depuis 
relies:       deux  mojs  cn-ça  Ion  me  donne  du  pain  blanc,&"  de  pitance  plus  deux  fois  qu'on  ne  (bù- 
loit,eniembIe  quelques  aumofnesaue  le  Seigneur  Dieu  depuis  de  fa  grâce  m'eriuoye: 
en  forte  que,  grâces  à  Dieu ,  ic  fuis  de  prefent  a/Tez  bien  nourry.  Ce  feroit  trop  long  à 
vous  reciter  par  le  menu  toutes  les  grâces  qu'il  luy  plaift  me  faire,qui  n'ay  mérité  de  luy 
que  mal:  voire  mille  fois  plus  que  n'en  pourroyé  porter.  Luy  rendant  grâces  de  ce  qu'il 
luy  plaifb  de  me  chaftier&:  corriger  fi  benignement,cependant  que  fuis  en  ce  mitèrable 
monde:  afin  qu'il  ne  me  damne  en  l'autre.  Si  les  peines  m'ont  efté  grandes  &:  fortes  à 
porter ,  je  vo*  promets  que  mes  péchez  font  plus  coulpab'les  mille  fois,  &:  de  plus  grief- 
ue  punition.  Parquoy  ie  ne  les  trouue  cftranges,quant  à  moy:car  ie  ne  les  fuy  point,ains 
les  reçoy  en  grande  patience:&  m'efmerueille  de  Jâ  grade  mifericorde  qu'il  vfe  enuers 
chambon  moy -.dont  fuis  Pre^  d'endurer  &:  foufFrir  tout  ce  qu'il  luy  plaira  m 'enuoyer,&  le  rece- 
deriande"  uoir  patiemment  :  vous  priant  affe&ueufement  de  m'eferire  comment  ieme  doy  con- 
auoirin-    ^u[tc  à  la  mort,  fe  i'y  fuis  condamné  :  afin  que  foye  préparé  ceiour-la,&  qucpui/Tc  di- 
pou?T    rech,ôfe  qui  redonde  a  l'honneur  &  à  la  gloire  dcDieu,&:aufalutdemoname:&mc 
iour  du    ferqzvn  grand  bien  &:  charité.  Me  recommandant  à  vos  prières &oraifons:  car  auflïie 
fuppiice.    nc vous oublie pasaiix miennes.  Si  i'ay  grandement  failly, comme i'ay fait, c'eftoitde- 
uant .<ju,c  le  Seigneur  Dieu  me  donnaft  lafain&e  cognoiflance.Êt  le  faid  pour  lequel  ie 
mis  détenu,  il  y  a  trois  ans  &  trois  mois  qu'il  a  efté  fait.  Si  auez  quelques  hures,  vous  m'- 
en aiderez  s'il  vous  plaift,  &:  puis  ic  les  rendray  ànoftre  frère  Pierre  Bergier,maisqueie 
les  aye  leus'.  le  n'ay  à  faire  d'autre  chûfe  pour  le  prefent ,  grâces  à  Dieu.  Voila  ce  que  ie 
vous  enuoyepour  le  prefent.  Le  Pere  de  toute  mifericorde,  le  Dieu  de  toute  patience 
&  confolation  vous  vueillc  confoler  &  donner  bône  patience  en  voftre  captiuité ,  vous 
con/olant  par  fon  S.Efprit,afin  que  puifliez  fouffrir  &:  endurer  patiemment  tout  ce  qu  - 
il  luy  plaira  vous  enuoycr,  au  nom  de  fon  Fils  Iefus  Chrift  noftre  Seigneur  &  feul  Sau- 
ueunauquelauec  le  S.Efpritfoithonneur,gloire& empire  éternellement,  Ainfî  foit-il, 
ainû  foit-0-  Si  ma  lettre  eft  fafcheufe  à  lire,vous  rexcuferez:car  ie  n  ay  clarté  que  par  vu 
trou  a  pafter  la  main,&  ne  puis  couper  ma  plume,Iaquellc  ne  vaut  rien.Dauantage  i'ef- 
cry  à grad  peine,plus  que  ne  pourriez  croirè.encorc  me  faut-il  eferire  fecrettementxar 
il  m'a  efté  défendu,  &  m'ont  ofté  encre  Se  papiét  :  &c  ay  recouuré  ce  que  i'ay  à  grade  dif- 
ficulté, &n  y  a  qu'vn  feruiteur  qui  lefachc.        Voftre  poure  frère  &:amy,Iean  Pier- 
re Chambon,pri  fonnier  pour  fes  péchez,  &  vous  pour  dire  vérité. 

TÉUc  fut  la  conuerfiort  de  Ican  Chambon,&  la  confeflîon  qu'il  en  a  rédue  à  ceux  qui 
lors  çftoyét  prifonniers  pour  la  parolle  du  Seigneur  :  lefquels  il  a  recogneus  pour  pè- 
res qui  j'auoyent  engendré  au  Seigneur  en  la  prifon.duquel  il  a  annoncé  depuis  les  lou- 
anges, &c  principalement  le  iour  qu'il  fut  mis  far  Iarouercomme  il  fera  récité  és  eferits 
«de 'Denis  Pelo^uin.  Surtous,  il  â  recognu  pour  infiniment  &  moyen  de  laditcconuer- 
fion,  Pierre  Bergier:duquel,  félon  Tordre  encommencé ,  nous  auons  maintenant  à  dé- 
clarer Pi/Tue  heureufe  que  Dieu  luy  donna  en  fa  mort. 

^Ape  e  s  qu'iceluyeutreceu  fentencedecôdamnation,  onletiradc  laprifonpouc 
le  mener  au  fuppiice.  Onques  la  face  ne  luy  fut  fi  riante  ôc  ioyeufe  que  lors,de  manierc- 
que  ceux  qui  le  virent  fortir,  s'en  efmerueilloycnt.  Et  auant  que  monter  fur  la  charette* 
demâda  au  Lieutenant,  comme  auec  familiarité,de  luy  ottroyer  vn  don.  Le  Lieutenat 
le  rcietta:&:  il  luy  dit,  Monfieur,  vous  me  l'accorderez ,  c'eft  feulement  de  pouuoir  dire 
piêmBer  mon  mon  Crf^°>  vfant  de  ces  termes  vfitez.Le  Lieutenant  rcfpondit,Dy-le  fi  tu 

gicr.       veuxcnallant.  Lors  Pierre  luy  dit,  Grand  mercy>moniieur,ieprieray  Dieu  pour  vous. 

Les 


IrTuguts  G raukf.  23  p 

Les  (atellitcs  qui  là  eftoyent  luy  dirent  par  irrifion,  Il  a  bien  à  faire  de  tes  prières,  Or  a- 
prcs-qu'il  fut  fur  la  charette,  à  haute  voix  il  demanda  pardon,  &  fi  pardonna  à  tous*  Au 
long  du  chemin  difoit  Adieu  à  vn  chacun  d'vne  face  ioyeufe ,  demandant  qu'on  priaft 
Dieu  pour  luy.  Il  y  eut  entre  autres  vn  vieil  preftre  Italien ,  qui  luy  dit  en  paifant  en  pa- 
rclles  femblables ,  Auiourdhuy  en  enfer  fera  ta  demeure.  A  cefte  voix  Pierre  retournât 
fafacc,Iuy  dit,Dieu  le  vous  vueille  pardonner.Eftant  venu  au  lieu  des  Terreaux,il  dit  à 
haute  voix,  O  que  la  moulbn  eft  grande  :  Seigneur,  enuoye  des  bons  moiiîbnneurs.  E- 
ftant  monté  fur  le  bois,  après  auoir  fait  déclaration  de  la  caufe  qu'il  fouftenoit ,  &:  la  cô- 
feiliô  defa  foy,côme  s'efgayant  auec  cxclamatiôs  dit  à  haute  voix,Seigncur*q  ton  nom 
cft  gràcieux  &  doux.  Ce  fait,  cependat  que  le  bourreau  l'attachoit  &  guindoit  à  la  façÔ 
des  autres  Martyrs,il  dit  &  réitéra  par  diuerfes  fois ,  Seigneur  ie  te  recômande  mô  ame. 
Depuis  en  regardât  au  ciel  d'vne  veuë  immobile,  &:  s'eferiat  dit ,  Auiourdhuy  ie  voy  les 
deux  ouuerts.  Plufieui  s  du  peuple  n'entedans  q  s'eftoir  par  foy  qu'il  les  voyoit  ouuerts, 
regardoyent  en  haut.  Et  incontinent  après  cefaind  perfonnage  rendit  l'efprit  à  Dieu. 


HVGVES    GRAVIER,  du  Maine. 

C  E  V  X  du  comté  de  Neuf-chaftcl  auoyent  choi il  ce  perfonnage  pour  y  cftrc  miniftre.  mais  le  grand  Pcrede  famille 
qui  a  (es  temps  &:  fis  failons,&  fcsouuriers  quant  &  quant  pour  Ls  enuoyer  où  bon  luy  femble, s'en  eit  feruy  pour 
édifier  à  Bourg  en  Briffe. 

jNIanuier  de  cefte  année,  trois  mois  entiers  deuantl'emprifonnement  des  M  D  LII 
|fufditsEfcoliers,M.  Gugues  Grauier,  maiftre  d'efcole  de  Courtaillou  au  '  ' 
[comté  de  Neuf-chaftel,  reccut  couronne  de  martyre  en  la  ville  de  Bourg  en 
z^Breile,diftantedeLyon  dix  lieues,  ou  vne  iournee  de  chemin.  Ilcftoit  du 
pays  du  Maine ,  d'vn  lieu  nommé  Viré ,  &  de  fa  première  ieuneffe  adonné  aux  eftudes 
des  bonnes  lettres,  par  la  conduitedefquelles  le  Seigneur  l'amena  à  fa  cognoiffance,  &C 
le  fit  venir  à  Geneue  pour  eftrc  plus  amplement  informé  &  inftruit  en  icelle.De  Gcne- 
ue  il  fe  retira  au  comté  de  Neuf  chaftel ,  &  fe  dedia  totalement  au  feruice  de  l'Eglife  du 
Seigneur,  Il  fut  ordonné  maiftre  d'efcole  premieremét  à  Boudri,  &  puis  à  Çourtaillou: 
auquel  lieu  il  fut  efleu  miniftre  par  ceux  de  la  cla/Te  de  Neuf-chaftel ,  mais  auant  qu'ac- 
cepter la  charge  il  déclara  qu'il  auoit  vn  voyage  à  faire  en  fon  pays  pour  quelques  affai- 
res domeftiques.  Or  le  Seigneur  qui  ne  laifle  les  liens ,  où  qu'ils  foyent ,  fans  confola- 
tion  &:  aide ,  fit  feruir  le  voyage  de  ce  fié  feruiteur  pour  appeler  des  ténèbres  d'idolâtrie 
quelques  poures  pcrlonnages ,  &:  les  amener és  lieux  où  Ion  faind  nom  eft  inuoqué  en 
fincerité  de  doctrine.  Le  retour  d'iceluy  fut  par  la  ville  de  Mafcon,pour  vifiter  les  pa- 
rens  de  fa  femme  :  defquels  il  fut  gratieufemet  accueilly  auecques  toutefa  compagnie. 
Au  départir  du  logis  du  pere  de  fa  femme, il  fut  pris  a  l'iilue  du  pont  de  ladite  ville  auec-  Gi™*t 
ques  toute  fa  compagnie,non  feulement  celle  qu'il  côduifoit,ains  aufli  ceux  qu  i  par  de-  PnfoDKr* 
uoir  d'amitié  les  accompagnoyent  pour  les  conduire.  &  furet  tous  amenez  prifonniers 
àBagi.  Luy  fe  doutant  de  l'infirmité  des  femmes  qu'il  amcnoit,les  admonnefta  pre- 
mièrement le  bien  garder  de  renoncer  aucunement  la  venté  .&nonobftant  n'entrer 
trop  auant  en  matière ,  pource  qu'elles  n'eftoyent  encorcs  allez  refolues  ny  édifiées  en 
la  religion.  le  fuis  bien  alfeuré  (difoit-il  )  qu'il  me  faut  mourir  :  car  ie  ne  fuis  délibéré  de 
flefehir  ou  renoncer  la  vérité.  I'efpere  auflî  que  ma  mort  vous  fera  en  exemple  &  édifi- 
cation.mais  pourautant  que  n'eftes  encores*aiTezinftruites ,  &  que  pourriez  pis  faire  &: 
tomber  en  plus  grand  inconuenient,ie  vous  confeillc  de  remettre  toute  la  faute  de  vo- 
ftre  voyage  fur  moy,  comme  fur  celuy  qui  vous  a  folicitees  devenir.  Par  fon  côieildon- 
ques  &C  aduis  il  demeura  tellement  chargé,  que  quelque  diligence  que  feuiTent  faire  les 
Seigneurs  de  Berne,  de  fouuent  enuoyer heraux  vers  le  gouuerneur  de  Breife,il  n'y  eut 
moyen  de  le  pouuoir  faire  deliurer.car  combien  que  l'Official  mefme  du  lieu  ne  le  vou- 
lift  condamner,  confeflant  qu'il  le  trouuoit  home  de  bien,  ne  difant  rien  qu'il  ne  prou- 
uaft  pat  authoritc  de  TEfcriturcfi  fut-il  lentcntié  &c  adiugé  au  feu-.où  il  alla  ioyeulcmét, 
peu  fe  troublant  de  ce  que  les  Preftres  &  Moines  luy  icttoyét  de  la  fange  &c  d'autres  or- 
duresjs'efcrians  après  luy  comme  forcenez.  Sa  patience  &:  modeftie  fut  caufe  d'édifier 
plufieurs  perfonnes^&  eft  bien  à  prefuppofer  que  fon  fang  efpandu  a  là  feruide  femen- 
ce  pour  produire  vne  pipiniere  de  fidèles* 

S>  i» 


%ené Voyet  :  ^enis  Teloqu'm. 


RENE    POYET,  d'^ruou. 

REVO  O^V  A  N  T  Us  choies  corporellts  plus  haut,  recognoiflons  en  ccft  exemple  ce  Dieu  qui  a  kgicime  les  lient  ,8c 
qui  de  baftardsno'  aians  les  entaus  lcgiiwkspar  grac  ,r«iclictez  au  fang  de  (on  propre &natuici  tUls  Icfu»  Chiilt 
pour  annoncer  cette  grâce  de uant  les  hommes. 

M.  D.  Lii.  JffîsŒ^^iO  M  B I E  N  que  ledifeours  des  prifonniers  de  Lyon,  cy  deuat  mis,foic  par- 
iuenu  iufqucs  en  l'an  m.d.liii,  pour  la  longue  procédure  qui  ne  pouuoit 
ibonnement  eftre  entre-rompue  fans  en  déclarer  la  fin:  fi  ne  faut-il  pas  pai- 
ller le  martyre  de  René  Poyer,aduenu  eh  Tan  m.d.iii  ,  en  la  ville  de  Saul- 
mur,  pays  d'Ahiou,  cependant  que  les  fufdits  eftoyent  détenus  en  prifon.  Sa  naiifance 
G.Poyet.  illegitimetourncen  reproche  à  Guillaume  Poyet  fon  pere, chancelier  de  Fiance, qui 
toute  fa  vie  tenant  à  peu  l'inftitutiondiuine  touchant  le  mariage,  s  eft  abandonné  à 
paillardifes  &C  cônion&ions  illicites.  Or  le  Seigneur ,  qui  ne  peut  eftre  cmpefché  par  l'- 
iniquité des  hommes,qu'il  ne  race  mifericorde  à  qui  bon  luy  femble,  occalionné  par  fa 
feule  bonté ,  appela  René  à  la  cognonTance  de  fa  vérité  :  tellement  que  quittant  toute 
commodité  de  parentage  &:  pays,  fe  retira  à  Geneue  pour  plus  amplcmét  eftre  inftruit 
en  icelle.  ^"Là  eftant  il  ne  defdaigna  d'apprendre  le  meftier  de  cordonnier,  pour  man- 
ger fon  pain  à  la  fueur  de  (on  vifâge.  Sciourné  qu'il  eut  quelque  temps  en  ladite  ville,  il 
fe  délibéra  de  faire  vn  voyage  au  pays.d' Aniou ,  où  il  fut  empoigné  pour  caufe  de  la  vé- 
rité par  luy  fouftenue:&  fut  côdamné  d'eftre  bruflé  vif  en  la  fufdite  ville  de  Saulmur.  Si 
poffible  nous  euft  efté  de  rccouurer  lesa&es  judiciaires  aufïï  certains  que  la  confiance 
de  fa  vertueufe  mort  nous  a  efté  teftifiee,  nous  euffiôs  eu  matière  d'ici  déduire  plus  am- 
plement fon  hiftoire:l*ur  tout,  les  afTauts  qu'il  a  fouftenus  des  aduerfaires  de  l'Euangilc. 


DENIS    PELOQVI  NjeBlo». 


M.  D.  LU. 
eu  regard  à 
ion  empri- 
fonuemét. 


VOICI  le  fécond  des  deux  Peloquini  mentionnez  cy  d>umr ,  duquel  les  actes  iuJiciajrcstant  à  Lyon  qu'a  Ville-franche, 
adesEpiftresqu'il  aelcritcs  font  cy  après  au  difeours  de  fa  procédure. 

VIS  que  le  Seigneur  a  fait  vne  grâce  fiexquifcàDenis  Peloquin  ,d'auoir 
eu  ample  moyen  d'eferire  en  la  prifon  chofes  nompareilles,nous-nous  arre- 
fterons  pluftoft  à  fes  eferits,  que  de  faire  plus  ample  récit  ou  préface.  Ayant 
_  cftéprifonnierlexix.d'Odobre  m.d.iii  ,  (  comme  il  fera  veu  en  la  fin  de 
fon  hiftoire)il  rendit  incontinent  confeflion  de  fa  foy,  laquelle  il  enuoya  eferite  à  fes  pa- 
rens&  amis  comme  s'enfuit, 

M  e  fouucnant  du  grand  fcandale  que  vous  printes  par  lemprifonnement  &:  mort 
de  noftrc  bon  frère  Eftienne,&:  craignant  que  le  pareil  ne  vous  aduintpour  moy,  qui 
fuis  en  mefme  com  bat  :  ayant  par  la  grâce  de  noftre  bon  Dieu  le  moyen  qui  ne  luy  a  ja- 
mais efté  donné:affauoir  de  referire  à  fes  amis:i'ay  penfé  que  mon  deuoir  eftoit  de  vous 
déclarer  la  caufe  pourquoy  il  a  foufFert,&  s'eft  fi  franchement&volontairement  expo- 
fé  à  la  mort  :  &  pourquoy  ic  reçoy  en  fî  grande  confolation  les  afflictions  &c  tribulations 
qu'il  plaift  à  Dieu  m'enuoyer,attendant  en  patience  fi/Tue  telle  qu'il  luy  plaira  donner. 
Or  pour  bien  euiter  ce  fcandale,  il  eft  necefïaire  que  vous  ccgnoiflïez  tout  première- 
ment que  rien  ne  fe  fait,  &  que  rien  ne  nous  aduien  t  fans  la  volonté  de  noftre  Dieu  :  &: 
mefme  que  les  hommes  n'ont  nulle  puifTancc  fur  nous,finon  entant  que  Dieu  leurper- 
mer.lequel  a  vn  tel  foin  de  nous ,  qu'il  ne  tombera  point  vn  cheueu  de  noftre  tefte  fans 
fa  volonté-  Outre,que  nous  ne  foufFrons  point  comme  malfaictcurs,meurtriers,larrÔs, 
ou  conuoitetix  des  biens  d'autruy,mais  comme  Chreftiens  :  ainfi  que  vous  cognoiftrez 
Delà  MclTe  Par  les  interrogations  de  nos  aduerfaires ,  &  les  refponfes  que  ie  leur  ay  faites.  ^Pre- 
mièrement donc  ils  m'ont  interrogué  fi  ie  nè  croy  pas  que  la  Méfie  eft  bonne,  &:  qu'il  la 
faut  ouïr.  Aufquels  i'ayréfpondu  que  non:  mais  au  contraire  ie  croy  que  c'eftvn  facri* 
fice  diabolique ,  inuenté  des  hommes  au  grand  mefpris  delà  gloire  de  Dieu ,  &  *nean- 
tiffement  de  la  mort  &  paflîon  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chriftrd'autant  qu'on  luy  attri- 
bue ce  qui  appartient  au  feulfangdelcfusChrift  vne  fois  refpandu ,  aflàuoir  la  fàtisfa- 
ction ,  purgation  &  remiffion  de  nos  pechez:&;  que  là  on  adore  vn  morceau  de  pafte  au 
lieu  de  Iefus  Chrift.  Parquoy  ie  croy  que  c'eft  vne  idolâtrie  exécrable,  de  laquelle  tous 

Chre- 


DenisTeloqpim.  24.6 

Chrétiens  fedoyuentaBftenir  fur  peine  d'ofFenfer  Dieu.  Interroguéfiiehereçoy  pas  DeiaCcœ 
le  faind  facremcmdel'aucel:  i'ay  refponduquc  non  pas  en  telle  lorceque  le  Pape  l'a 
ordonné  :  mais  bien  le  faind  facrcmenc  de  la  fainde  Ccne  de  noftre  Seigneur  lefus 
Chrift  félon  fon  infticution, laquelle  nous  eft  déclarée  enl'Efcriture  fainde  >  &c  un- 
gulieremencaux  Corinthiens  :  c'eft  aflauoir  qu'en  prenant  le  pain &:  le  vin  de  la  main  i.C«r.ti, 
duMiniftre,nous  participons  vrayement  au  corps  &:  au  fang  de  noftre  Seigneutlefus 
Chrift,c'eft  a  dire  que  tout  ainfî  que  nos  corps  foc  nourris  de  pain  &c  de  vin,  qu'auffi  nos 
ames  font  nourries  du  corps  &:  du  fang  d  iceluy:6£  que  vrayement  nous  mangeons  fon 
corps  &c  beuuons  fon  fang,  non  pas  à  la  bouche  ny  au  ventrc,mais  àl'efpric  par  foy»  Ec 
pourtanc  il  n'eft  poinc  meftier  que  lefus  Chrift  defeéde  icy  bas  àïious,ny  aufli  que  nous 
nous  arreftions  au  pain  &c  au  vin  qui  nous  font  là  prefentez  :  mais  il  faut  que  nous  eleui- 
ons  nos  efprits  là  haut  au  ciel ,  pour  là  contempler  par  foy  noftre  Seigneur  lefus  Chrift) 
qui  eft  aflis  à  la  dextre  deDieu  fon  Pere,ainfi  que  nous  le  confeflbns  au  Symbole,&:  auf-  Aa"  ' 
h  que  nous  en  auons  le  tefmoignage  des  Anges  aux  Ades.  Parquoy  ie  reiette.la  Tranf- 
fubftanciacion  que  les  Papiftes  ont  inuentee,  &:  croy  que  le  pain  eft  toufiours  pain,&  le 
vin  demeure  vin,  fans  qu'il  fe  face  aucun  changement  ne  mutation  au  corps  ny  au  fang 
de  lefus  Chrift: combien  que  le  pain  &C  le  vin  font  difFerens  des  autres  viandes  commu- 
nes, tant  par  l'vfage  que  par  les  promettes  que  le  Seigneur  y  fait.     Interrogui  fiie  ne  j^fiCon" 
croy  pas  qu'il  fe  faille  confefTer  à  l'oreille  d'vn  preftre:iay  die  que  non,  &:  que  celle  con-  c  lon" 
feflîon  n'eft  poinc  de  Dieu,  d'aucant  qu'elle  fe  fait  à  vn  homme  lequel  n'a  point  puiflan- 
ce  de  nous  pardonner  nos  péchez  :  mais  que  c'eft  Dieu  feul ,  lequel  nous  auons  ofFenfé. 
Ils  m'ont  allégué  pour  réplique  le  paflàge  de  S.Iaquesdà  où  il  dit,  ConfeiFez  vos  péchez  Ia(JUCS  ** 
&  défauts  l'vn  à  l'autre,  le  leuray  refponduquc  cela  ne  s'entend  aucunemenede  cefte 
confellîon  auriculaire:mais  que  faind  laques  nous  veut  admonnefter  de  fe  reconcilier, 
&  remettre  les  ofFenfes  les  vns  aux  autres.  Quefi  cela  eftoitvray,  il  faudroit  donc  que 
quand  le  Preftre  confefle  vne  femme,  que  la  femme  aufli  le  confefTaft.  Dauantage,que 
cefte  confeflion  eft  vne  tyrannie  diabolique  exercée  furies  poures  ames,  &  vne  mal- 
heureufe  efeorcherie  :  d'autant  qu'il  eft  là  requis  vne  enumeration  de  tous  péchez ,  qui 
eftvnechofedu  toutimpoflîble,  voire  auplusiufte  du  monde:  comme  nous  voyons 
que  Dauid,  qui  eftoit  comme  vn  ange  de  Dieu ,  demande  pardon  à  Dieu  de  fes  péchez  Pfcau.u 
cachez.  Parquoy  ie  conclu  qu'il  ne  fe  faut  confefTer  aux  hommes ,  mais  à  Dieu  feul  le- 
quel nous  auons  ofFenfé:&:  non  feulement  tous  les  iours,  mais  à  touces  heures  s'il  eft 
pofllble:ainli  que  nous  voyons  queles  Pacriarches,Propheces  &  Apoftres  ont  faid.  In- 
terrogué  il  ie  ne  croy  point  qu'il  foie  vn  Purgatoire ,  où  les  ames  fouffrent  après  qu'elles  DuPtir^ 
font  forties  de  ce  monde,  &  s'il  ne  faut  pas  prier  pour  icellesn'ay  refpÔdu  que  ie  ne  croy  touc* 
ne  reçoy  autre  Purgatoire  que  le  fang  de  lefus  Chrift,  lequel  nous  a  purgez  &  neccoyez 
de  tous  péchez ,  ainli  que  tefmoigne  faind  Iean  en  fa  Canonique  i .  chap.  Dauancage, 
que  l'Efcriture  fainde  ne  nous  enl'eigne  que  deux  lieux  où  vont  les  ames  en  forcanc  de 
ce  monde  :  aflàuoir  Paradis  pour  les  eleus,  &  Enfer  pou  r  les  reprouuez.ee  que  no9  pou- 
uons  facilcmenc  cognoiftre  par  ce  qui  eft  dit  en  faind  Iean,  difanc ,  Qui  croie  au  Fils  de  IcaQ  *• 
Dieu,  il  n  e  fera  point  condamné  :  mais  qui  ne  croit ,  il  eft  délia  condamné.  Ec  quant  à 
prier  pour  eux,  faire  dire  des  Méfies,  des  Jjbera>  ietter  de  l'eau  bénite:  ie  leuray  die 
que  non  feulement  cela  eft  peine  perdue,  mais  vn  grand  blafphemc  contre  Dieu,  d'- 
autant qu'il  n'en  eft  rien  commandé  en  l'Efcritui  efainde.  Ils  m'ont  bien  allégué  quel- 
ques badinages  là  defîus:  mais  cela  ne  mericed'eftre  recité    Ils  m'ont  après  demandé 
que  ie  fentoyede  la  vierge  Marie,  i'ayrefpondu  queie  croy  quelle  eftmcre  de  lefus  Dclavier- 
Chrift  félon  la  chair,  &c  qu'elle  l'a  enfanté  vierge,  comme  nous  le  conférions  au  Sym-  êc  Marie. 
bole.auec  cela,  qu'elle  eft  bien-heureufe  fur  toutes  les  femmes,  fuyuant  ce  qui  eft  ef- 
cric  en  S. Luc. mais  quanc  à  l'adorer,prier  ou  inuoquer  en  nos  neceflicez ,  l'appeler  Roi-  Lue  i. 
ne  du*ciel,  Aduocate,  Médiatrice,  &  autres  chofes  femblables,  ie  croy  que  cela  n'eft  1- 
honnorer,maisgrandemcnc  vicuperer,d'aucanc  quelle  ne  demande  poinc  de  raujr  à 
lefus  Chrift  l'honneur  qui  à  luy  feul  appartient ,  &c  qui  luy  a  efté  donné  de  Dieu  fon  Pe- 
re,mais  au  cocraire,nous  renuoye  à  luy  pour  faire  ce  qu'il  nous  commandera,comme  il 
eft  eferic  en  S. Ieanx.chap.  Parquoy  ccux-la  blafphemec&ofFenfencgrandemée  Dieu, 
qui  adorent,  prient ,  ou  inuoquét  la  vierge  Marie,ny  autres  Sainds  ou  Saindes,qui  leur 
portenc  châdelles  ou  on°randes,&  leur  for\t  quelque  aucre  hôneur,  veu  qu'il  n'en  eft  rie 
cômandc  en  l'Efcricure  fainde.mais  au  côtraire,  elle  nous  enfeigne  qu'il  ne  faut  adorer 

S.ii. 


Liurc^j  HL  T)ems  Teloquin. 

qu'vnfeul  Dieu ,  comme  porte  le  premier  commandement  de  la  Loy:  voire  l'adorer, 
prier  &  inuoquer  au  feulnom  de  Iefus  Chrift:lequcl  eft  ordonné  de  Dieu  fon'Pere,  Mé- 
diateur &  Aduocat  entre  luy  &  nous:  comme  nous  tefmoigne  S.Iean  en  fa  Canonique» 
z.chap.difant,  Que  uquelcun  a  péché»  nous  auonsvn  Aduocat  enuers  lePere,  Iefus 

i.Timi.  Chrift  le  iufte.  S. Paul-dit  qu'il  y  a  vn  Dieu,  &vnMoyenneur  de  Dieu  &:  des  hommes» 
aflauoir  Iefus  Chrift  homme.  Lc-feul  moyen  donc  d'honnorer  la  vierge  Marie  àc  les 
Sain&s,c'eft  que  nous  les  ayons  pour  exemple  de  bonne  vie  ence  en  quoy  ils  ont  enfuy- 

i.Cor.io.    ujnoftre  Seigneur  Iefus  Chrift:commeauffi  nous  enfeigne  S.  Paul,  difant,  Soyez  mes  i- 

Dcs  images  mitateurs,  comme  auflî  ie  fuis  de  Chrift.  Quan  t  à  leur  faire  images,  ie  leur  ay  dit  que 
c'eft  vne  fuperfticion  damnable  que  cela,  laquelle  eft  grandement  côdamneede  Dieu, 

E^ode  îo.  comme  il  appert  au  iecond  commandement  de  la  Loy ,  là  où  il  eft  dit ,  Tu  ne  te  feras  i- 
mage  taillée,  ne  femblance  aucune  des  chofes  qui  font  là  fus  au  ciel ,  n'icy  bas  en  la  ter- 
re, ny  es  eaux  de/Tous  la  terre.  Tu  ne  t'ehelineras  point  à  icelles,  &:  ne  les  feruiras.  Auffi 
nous  fauons  que  Dieu  maudit  l'image  &  l'imageur,  comme  il  appert  au  Pfeaume  cent 

Du  Pape,  quinzième.  Ils  m'ont  interrogué  puis  après ,  fi  ie  ne  croy  pas  que  le  Pape  foit  chef  de 
l'eglife  Chreftienne.  le  leur  ay  trefbien  rcfpondu  que  non:  mais  au  côtraire  que  ie  croy 
qu'il  eft  vrayement  vn  Antechrift ,  lequel  s'efleue  contre  Dieu ,  &  mefmc  fe  fait  appe- 

i.Tlieff.i.  ler  Dieu.  Et  leur  ay  dit  que  ie  croy  que  c'eft  de  luy  que  parle  S.Paul,&  que  ie  ne  cognoy 
ne  recoy  autre  Chef  en  l'eglife  Chreftienne,  que  Iefus  Chrift  fcul.  Au  refte  il  eft  mani- 
fefte  que  l'eglife  dont  le  Pape  eft  chef,  n'eft  point  la  vraye  Eglife  :  d'autant  que  les  mar* 
ques  de  la  vraye  EgJifene  s'y  trouuent  point,  aflauoir  la  prédication  de  la  parolle  de 
Dieu,&  l'adminiftrationdesfainctsSacremens.  Voila  fimplement  les  interrogations 
qui  m'ont  efté  faites,  &:  les  rcfponfes  que  i'ay  données  à  Ville-franche.  Puis  après  auoir 
efté  amené  à  Lyon,  l'Inquifiteur,  l'Official  &c  autres  m'ayans  fait  le&ure  d'icelles,m'ont 
demandé  fi  ie  vouloye  perfeucrer  en  ces  erreurs ,  ainfi  qu'ils  les  appelent.  Aufquels  i'ay 
refpondu  que  ie  prie  Dieu  iournellcment  qu'il  m'en  face  la  grâce:  puis  qu'il  luy  a  pieu 
par  fa  grande  mifericorde  me  dôner  à  cognoiftre  par  l'Efcriture  fain&e ,  que  c'eft  la  vc- 

Dc  l  Efcri-  rite  8c  ce  qu'il  faut  croire.    Lors  l'Inquifiteur  me  demanda  que  i'appeloye  TEfcriture 

ture  faicie.  fejn£c#  rav  refpondu  que  c'eft  vne  vérité  infaillible ,  certaine  &  parfaite ,  laquelle  eft 
contenue  au  vieil  &nouucauTeftament:  à  laquelle  il  n'eft  licite  d'adioufter  ny  dimi- 
nuer, en  laquelle  aufli  il  n'y  a  rien  omis,  des  chofes  qui  font  necelîaires  à  noftre  falut .  te 
pourceic  croy  que  c'eft  la  feule  reigle  de  la  religion  Chreftienne.  Adonc  l'Inquifiteur 
bien  fafché  m'-a  demandé,  Qui  l'a  dit  que  c'eft  là  l'Efcriture  fain&c  ?  &  comment  le  fais- 
tu,  finon  que  l'Eglife  t'en  afîeure?  Or  ie  fauoye  bien  qu'il  vouloit  entendre  de  l'eglife  du 
Pape:&  pource  ie  leur  ay  refpédu  que  ce  n'eft  oit  point  l'eglife  qui  m'en  afleuroit ,  mais 
quec'eftoit  lefainft  Efpritfeul,  qui  m'en  rendoit  certain  &bien  afleuré  en  ma  con- 
feience ,  en  forte  que  ie  defire  de  viure  &  mourir  en  l'obeifTance  d'icelle,  laquelle(di-ie) 
ne  prend  point  fon  authorité  de  l'Eglife  ancienne(ce  feroit  mettre  la  charrue  deuat  les 
bœufs:  )car  l'Eglife  eft  fondée  fur  la  dodrine  des  Prophètes  U  Apoftrcs  de  noftre  Sei- 

Ephcf.z.  gneur  Iefus  Chrift,  comme  le  tefmoigne faind  Paul  aux  Ephefiens.  Or  ayans  feu  quei'- 
auoye  efté  en  cefte  abomination  de  Moinerie ,  ils  m'ont  interrogué  bien  diligemment 
quim'auoitefmeud'enfortir&delalaùTcr.  Aufquels  i'ay  refpondu ,  que  ç'a  efté  pour- 
ce  que  le  Seigneur  m'a  fait  la  grâce  de  cognoiftre  que  c'eftoit  vne  inuention  humaine» 
du  tout  contraire  à  la  parolle  de  Dieu  :  d'autant  que  là  il  n'eft  queftion  que  de  fe  fauuer 
&  mériter  Paradis  par  fes  propres  œuures ,  par  fatisfactions ,  obferuations  de  iours ,  ab- 
ftiriences  de  viandes  à  certains  iours,  &  autres  cérémonies  damnables ,  qui  font  toutes 
doctrines  des  diables,  contraires  à  la  liberté  Chreftienne:  comme  il  appert  par  toute  I- 

DcsVcuz.  Efcriturefain&e.  Interroguédes  Vœus,  &  s'il  ne  les  falloir  pas  rendre  &garder:i'ay 
refpondu  que  cçux  qui  font  faits  à  Dieu  ou  aux  hommes  félon  fa  parolle ,  il  les  faut  ren- 
dre &:  teninrhais  au  contraire ,  ceux  qui  font  fans  &  contre  la  parolle  de  Dieu  (  comme 
font  ceux  des  Moines ,  lefquels  mefmcs  ne  font  point  en  la  punTance  deJhomme  )  n'o- 
bligent aucunement,  ainspeuuentfain&cmcntcftrerompus&delaiiTez.  Interrogué 
pourquoy  ie  me  fuis  marié ,  veu  que  i'auoye  voué  chafteté:i'ay  refpôdu  que  chafteté  eft 

Matth.u».  vn  don  de  Dieu  Ipccial,  comme  il  appert  en  fainct  Matthieu,  lequel  n'eft  pas  donné  à 
tous  lesMoines  qui  le  vouent,  comme  on  le  void  par  trop  grande  expérience:  Et  quant 
à  moy ,  cognoifiant  que  le  Seigneur  ne  m  auoit  point  donné  ce  don  :  pour  cuiter  forni- 

i.Cor.7.    cation  i'ay  fuyui  fon  commandement ,  ainfi  que  S.  Paul  le  déclare  aux  Corinthiens ,  di- 


bems^ebqU'm.  g±t 

fant  que  pour  eùiter  fornication  vn chacun  doit auoir fa femme,  &  vne chacune  fem- 
me fon  maxy  :  fâchant  que  ne  les  paillards ,  ne  les  adultères ,  ne  les  bougres  n  nerire- 
ront  point  le  royaume  des  cieux.    Dauantage  le  mariage  eft  entre  tous  honnorable<  Hcbr.ij.' 
&le  lift  fans  macule,  mais  Dieu  iugera  les  paillards  &L  les  adultères,  comme  tcfmoi- 
gne  l'ApoftreauxHebrieux.    Etquantà  ladefenfedu  mariage  à  certains  perfonna- 
ges,  cela  eft  vne  doctrine  diabolique,  comme  letefmoigneS.  Paul  en  la  première  à 
Timot.4.chap.  D'autres  chofes  ne  m'ont-ils  point  inrerrogué  qui  foyent  dignes  d  eftré 
eferices.  Il  eft  vray  que  flnquifiteur  a  bien  vfé  de  quelques  flatteries  enuers  moy  pour  F,a[f«'f? 
me  diuertir,  me  promettant  beaucoup  de  biens,  &c  me  propofant  maieuneffe.  Laquel-  ^"815; 
le(dit-il)  eft  dommage  que  tu  expofes  fi  témérairement  au  feu ,  comme  il  faudra  qu  elle 
foit  fi  tu  perfeueresi  Penfe  donc  à  toy,&  regarde:il  eft  en  ta  puiflïnce  de  te  fauuer.  Voi- 
re, dy-ie,en  me  damnant.  Orvoila,  dit-il  ranima  tua  m  mumbwstm'.  c'eft  àdire,tavie  eft 
entre  tes  mains.  le  luy  ay  refpondu  qu'elle  feroit  bien  mal  gardée  &:  en  grand  danger, fi 
autre  que  moy  n'en  auoitlelbin:&  quei'auoye  bien  eftéen  vrt  autre  efcole,  oùi auôye 
bien  appris  vn  autre  leçon  meilleureraflauoir  à  l'efcole  de  noftre  Seigneur  Icfus  Chrift, 
lequel  nous  enfeigne  queceluy  qui  voudra  fauuer  fâ  vie,  la  perd ra:&  qui  la  perdra,  la 
fauuera  en  la  vie  éternelle.  Mais  ne  fè  contentant  point  de  cela ,  le  lendemain  il  m'en- 
uoya  fon  Moine,  pourtafcheràfairece  que  luy-mefme  n'auoit  peu  faire.  Lequel  venu 
vers  moy,  me  propofa  la  bonne  volonté  de  monfieur  le  cardinal  de  Tournon  :  Lequel, 
difoit-il ,  a  bonne  arFedion  de  vous  retirer,  êc  vous  régér  en  voftrc  premier  eft ar,&  vous 
donnera  vne  bonne  robe  neufue,  &:  vous  enuoyera  en  quelcune  de  fes  maifons.  Au- 
quel après  plufieurs  propos  ie  reipondy  que  i'auoye  affez  porté  la  robe  noire ,  &  qnc  rc 
délire  d'en  porter  vne  blanche  :  non  point  corruptible  ,  mais  femblable  à  celles  dont  il 
eft  parlé  au  6>  de  l'Apocalypfe .     Voila  trefehers  frères  &fœurs  ,lacàufe  pourquo? 
touslesenfansde  Dieu  font  perfecutez,  ou  phiftoft  Iefus  Chrift  en*  leurs  perfonnefc 
d'autant  que  ce  n'eft  point  fiaftre  caulè  que  nous  maintenons ,  mais  la  fîenne  propre. 
Nous  voyons  aulîi  qu'il  s'attribUel'iniure  qu'on  nous  fait,  comme  a  fa  propre  perîbn- 
ne  :  ainfî  que  nous  auons  le  tefmoignage  aux  A&es  des  Apoftres,quand  il  eft  dit  à  fain&  A«ftei  >? 
Paul,  Saul,  Saul,  pourquoy  me  perfecutes-tu  ?  Or  il  eft  certain  qu'il  ne  perfecutoit  pas 
Iefus  Chrift  en  fa  propre  perfonne,  lequel  cftoit  &:  eft  à  la  dextre  de  DieU  afïïs  :  mais,  en 
fesmembres .  carcequicftfai6tàrvndespluspctisdesfiens,illetientc0mméfaic>àfa  Matth.i£ 
propre  perfonne.  Si  donc  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift  nous  aime  tant,  que  de  receuoir 
à  iby  l'opprobre  qu'on  nous  fait,  quelle  ingratitude  fera-cc,li  après  auoir  reteu  vh  bé- 
néfice li  grand  comme  eft  la  cognoifïânce  de  fa  vérité,  ftous  n'en  daignons  faire  confef- 
fion  telle  qu'il  la  requière  de  nous,  mefme  après  tat  de  menaces  &  fi  grades?Iefus  Chrift 
dit,Qui  me  niera  deuant  les  hommes,  ie  le  nieraydeuant  Dieu  monPere^qui  mecô-  Ma«k.io: 
felfera  deuant  les  hommes*  ie  le  confefTeray  deuant  Dieu  mon  Pere.  Qu'eft-ce,ie  vous 
prie, que  d'eftre  renoncé  de  Iefus  Chrift, par  lequel  feul  nous  auos  açcez  au  PerC,-  finon 
vne  fentence  de  mort  éternelle?  Il  eft  vray  que  les  tyrans  &  ennemis  de  Dieu  nous  dé- 
fendent de  le  côfeffenmaisnoùsfauons  à  l'exemple  des  Apoftres,  qu'il  faut  pluftofto- 
beir  à  Dieu  qu'aux  hommes:&:  ne  faut  craindre  ceux  qui  tuent  les  corps,  te  n'ont  aucu- 
ne puifTance fur \ 'ame.  Nous  fommes  donc  àfTeurez d'eftre  periecutez:mais  nous  fauôi  ^«  f* , 
que  c'eft  par  croix  &  tribulations  qu'il  faut  entrer  au  royaume  des  cieux.  SvPaul  dit,qu'-  r" 
il  ne  nous  eft  pas  donné  feulement  de  croire  ctt  Iefus  Chrift  :  mais  jtûflî  de  fouffrir  pour 
luy.  Item  ert  vn  autre  partage  il  dit,  que  tous  ceux  qui  voudront  viure  fidèlement  en  le-  ^p^*^ 
fus  Chrift,  foufFriront  perfecution.  S.Pierre  dit  que  nous  fommes  bien-hcureux,<î  nous 
fommes  vituperezau  nom  de  Chrift:  car  fefprit  de  Dieu  repofe  fur  nous.  Maintenant 
donc  après  tant  de  fi  cxcellens  tefmoigrtagés,eftimerons-nous  perdre  noftre  vie ,  quad 
nous  l'aurons  expofee  &ù  mife  entre  les  marrrs  de  nos  ennemis  pour  vne  caufe  tant  iufte 
&  tant  fain&e?Nouseftimerons-nousmal-heureu£,quâd  Iefus  Chrift  par  fa  bouche  fà-  Mmb.*'. 
crée  non  prononce  bien-»heureux?Nous  iugerôns-nous  mourir  à  credit,<6me  rols&  ift- 
fenfez,quad  luy-mefme  nous  promet  vn  loyer  fi  grâd  du  ciel  ?  Or  dôo,trefchers  frères  Se  L* mc{mt* 
fœurs,ie  vous  prie  ne  vous  arrcftezpoincauiugemcntdu  mÔdejlequel  eft  tant  aueugle 
qu'il  ne  peut  trouuer  vie  en  la  mort,nc  benediâion  en  maîed  i&ion .  Et  ne  nous  fcadali- 
zôs  point,quad  riousvoyôslesferuiteurôdeDieu  fouffrir  perfecutiôifachans  q  le  moyê* 
pour  nous  conformer  à  noftre  chcf&  capitaine  Iefus  Chrift ,  c'eft  que  nous  portions  la  Mattlub; 
croix  après luy.  car  le  feruiteur  n'eft  pas  plus  grand  quelemaiftre.  Allons  donc  à  luy  HebrJJ- 

S.iii. 


Uurcslll-  DemsTcloquin. 

hors  dés  tentes  portansfon  opprobre:  car  nous  n'awms  point  ici  de  cité  permanente, 
mais  nous  en  cerchôs  vne  à  v  enir:  à  laquelle  le  Seigneur  par  fa  mifericordé  nous  vueillc 
tous  conduire  :  Ainfifoit-il. 

C  E  S  T  E  Epiftre  contient  pour  fa  première  partie,  comme  Dfnis  s'eftant  de  long  temps  apprefté  au  voyage,  attribue 
proprement  la  caufe  de  fa  prifeau  Seigneur,  &  non  à  la  conduite  desfemmes.  Sur  ce  fondcment.il  confolc  fcs pa- 
réos, (a  fœur,  &  fa  mcre. 

jfSB  RE  R  E  &  amy,  i'eufife  mis  peine  de  vous  efcrire  plus  amplement,  n'euft  efté  que 
j|j|Éjj  i'ay  receu  de  mes  frères  cefte  lettre ,  laquelle  ie  vous  ay  bien  voulu  enuoyer ,  afin 
que  vous  participiez  tous  en  la  confolation  que  le  Seigneur  nous  y  donne ,  &  que  vous 
foyez  tant  plus  affeurez  de  la  grande  bonté  de  noftre  bon  Dieu  enuers  les  enfans ,  &:  de 
l'affiftence  qu'il  leur  fait  au  milieu  desgrans  aflauts  &:  troubles  que  Satan  &:  fes  mem- 
bres, péché  &c  la  chair  leur  prefentenc  :  afin  que  vous  en  faciez  voftre  profit  à  fa  gloire, 
&C  que  vous  appreniez  &  foyez  tous  efmeus  à  vous  préparer  de  receuoir  les  afflicliôs  qu 
il  plaira  au  Seigneur  vous  enuoyer  :  defquelles  vous  ne  vous  pouuez  exempter  aucune- 
ment, fi  vous  eftes  de  fes  enfans,  comme  ie  ne  doute  que  vous  eftes:car  il  faut  que  tous 
s.Tûn.5.  ceux  qui  voudront  viure  fidèlement  en  lefus  Chrift ,  foufFrent  perfecution.  Non  pas 
qu'il  faille  que  tous  foyent  bruflez&:  meurtris  parles  tyrans  :  carie  fay  qu'il  néft  pas  dô- 
né  à  tous  de  boire  de  ce  calice,  mais  fi  eft-ce  qu'il  faut  que  tous  endurent  affliction  :  d'- 
autant que  c'eft  le  chemin  pour  paruenir  à  la  vie  éternelle.  Il  n'eftiameftierque  ie  ré- 
pète ce  qui  eft  eferit  cy  défi  us ,  il  me  fuffira  que  ie  vous  donne  à  cognoiftre  que  de  tout 
moncœuri'yconfen,&deûrede  mourir  en  telle  foy,  priant  continuellement  ce  bon 
Dieu  au  nom  de  lefus  Chrift  noftre  Sauueur,  qu'il  me  face  la  grâce  d'y  perfeucrer.  ce 
que  certes  ie  ne  doute  qu'il  fera.  L'autre  caufe  qui  me  garde  de  referire  plus  amplemét, 
c  eft  que  voyant  la  grande  grâce  que  le  Seigneur  nous  a  fai&e  par  le  pane ,  de  nous  con- 
foler  les  vns  les  autres,il  mefemble  que  i'ay  plus  grade  occafion,  &  vous  aufîî  auec  moy, 
deiglorifierk  bonté'  de  noftre  bon  Dieu,  que  non  pas  de  m'amufer  à  vous  faire  longue 
Exhoru-  lettre.  Il  meïuffiradonc  vous  exhorterquevous.perfeueriez  de  profiter  de  plus  en  plus 
tioas  aux  çpfcctjptkit&ù  Seigneur:fi£  que  tant  de  beaux  exéples  que  vous  voyez  deuât  vosyeux, 
*4ren,'  vousferubeflt  pour  vous  renger  en  l'obeiiîànccde  Dieu  &  defaparolle  tantplus  pres:  &: 
que  vous- v^us  gardiezd'abufer  de  fes grâces  ,8£mefprifiez  ce  monde  auec  ces  concu- 
pùcences.  Gonuernez  vcfbé  famille  en  la  crainte  de  Dieu.  Gardez  que  les  loups  n'y 
entrentpour  deftruire  quel  que  membre  d'icellé.  Remettez  en  Dieu  voftre  affaire ,  &c 
fbyezafiéurez  qu'il  çonduira.tout  à  fa  gloire  fie  à  voftre  falur.  Ne  vous  eftonnez  fi  vous 
voyez  Jeschofes  aller  au  rebours  félon  le  monde.  Ne  vous  contriftez-point  pourtant  û 
tous  ne  voyez  les  grans  profits:  mais  tenez- vous  ferme  encepropos  quele  Seigneur 
vou$adoné,afTauoir  de  vouloir  demeurer  aux  parais  du  Seigneur  &  en  îbnEglife.  Ce- 
pendant afTeurcz-vous  qu'il  vous  faura  bien  enuoyer  ce  qui  vous  fera  neceflaire  pour  fa 
glpirefiÉ pour  voftre  falut,  moyennant  que  fur  toutes  chofes  vous  cerchiezfa  gloire ,  fit 
que  yous  cheminiez  en  fa  crainte.  Et  combien  que  quelquefois  ilfoit  aduisàceftepo- 
ure  chair  tout  lé  contraire,  fi  eft-ce  neantmoins  qu'il  nous  faut  faire  ceft  honneur  à  no- 
ftre Dieu,  de  nous  fier  en  luy  $c  en  fa  bonté  vraye:mefme  après  tant  de  fi  grandes  pro- 
meiTes.  Ayez  auffi  mémoire  detrauailler  en  l'œuuredu  Seigneur  félon  la  grâce  qu'il 
vous  fera,£  ne  foyezfiparefTcux  comme  i'ay  efté  d'annoncer  à  ceux  qui  font  en  tene- 
tesrepro-  bresla  vraye  lumière.  Orie  prie  ce  bon  Dieu,  qu'il  mevueille  pardonner  au  nomde 
w«  f^<£°  ^us  Chrift,&  qu'il  ne  m'impute  point  ma  grade  négligence  en  ceft  endroit-Etgardez 
rws.  de  confentir  &  adhérer  à  ces  poures  aueuglcs  qui  ne  fauent  iuger  des  çeuures  de  Dieu, 
non  plus  qtt'vnaucugle  des  couleurs  :quidifcnt>  voire  raefmes  en  fe  moquant,  Afon 
4àm,  pour<|iK>y  y  allait-il?  Ne  fâuoit-il  pas  bien  que  fon  frère  y  auoit  efté  pris?  ne  fauoit- 
il  pas  bien  que  c  eft  vn  mauuais&  dangereux  charoy  que  de  femmes?  O  parolle  exécra- 
ble /  6  blafphemç  intolèrablé!  Voulons-nous  empefeher  la  prouidence  de  Dieu  ?  Vou- 
lons-nous refifter  à  fà  volonté?E*  mcfme  ie  n'y  fuis  point  aile  volontairement,  c'eft  à  di- 
reexprcs:car  te  n'en  fauoye  rien.  il  eft  vray  que  i'auoye  bien  l'aiTe£tion:  mais  cependant 
le  Seigneurm'y  a  appelé  fans  mon  feu.cbmbicn  qu'encores  plus  franchement  l'eufTe-ie 
fai it  fi  iefeu/Teiéu.  Etmefmecefutce  qui  fit  confèn tir  ma  femme  à  mon  partement, 
affauoir  le  defir  qu  elle  auoit  que  ie  vous  amena/Te  auec  moy .  Maintenant  donc  at- 
tribuerons-nous ma  prinfc  à  la  conduite  des  femmes»  pluftoft  qu'à  la  prouidence  de 
Dieu ,  lequ  el  manifeftementnous  rend  conueincus ,  que  telle  a  efté  fa  fâinâe  volonté, 

par 


^enis^Peloqmn.  14.2 

par  la  procédure  qu'il  a  tenue  en  ceft  œuure?E  t  encorcs  dauantage*ma  femme  m  cfttef  °». 
moin  que  plus  d'vn  an  deuant  îe  luy  ay  tenu  tels  propos:Cc  n'eft  point  moy  (di-ic)  ma»  b^îlpîî- 
ie  croy  que  le  Seigneur  l'a  ainfiordonnc.Puis  donc  que  i'apperçoy  par  expérience  qu*  Peio- 
telle  eft  la  volon  té,&:  qu  e  mefme  il  luy  a  pieu  la  me  déclarer  auant  le  temps,  pour  le  fou .  *wio' 
lagement  de  mon  infirmité:que  refte-il  finon  de  le  prier  qu'il  luy  plaife  par  (à  diuine  bô 
té  parfaire  l'œuure  lequel  de  l'a  grâce  ilafi  bien  commencé  en  moy,  enlbrte  que  fon 
fainct  nom  en  foit  gloritié,quc  l'on  Eglife  en  reçoyuc  edification,&  que  mô  falut  en  foi* 
auancéîCequeie  vous  prie  tous  de  foire  aucc  moy,  tant  pour  moy  que  pour  ceux  qui 
font  en  pareil  combat  aucc  moy.ôi  ce  au  nom  &c  en  la  faueur  dt  Iefus  Chrift  noftre  feul 
Seigneur  êc  Sauueurtauquel  auec  lePere  &c  le  fainct  Efprit  foithonneur,gloireô£  empi- 
re  à  toufiourfmais,  Ainfi  foit-il.  ^Or  ie  vous  prie  tous  au  nom  de  noftre  bon  Dieu,con* 
folez-vous  en  ces  chofes,&  gardez  d'eftimer  que  noftre  vie  foit  conduite  par  fortune  &: 
aduenture-.mais  au  contraire: penfez  que  Dieu  conduit  toutes  chofespat  fa  fâincte  pro 
uidence  &  bonne  volonté .  Suyuezdonc  la  vocation  en  laquelle  le  Seigneur  vous  apr 
pelera,fans  aucune  crainte.^  vous  contentez  de  -voir  le  royaume  de  Dieu  à  venir/ans  Queliepru 
vousamuferàlaconfiderationdevoftreproprevie.Ie  ne  veux  pas  pourtant  dire  qu'il  denceeftit 
fe  faille  ietter  en  danger  fans  aucune  confideratiommais  au  contraire  s  il  faut  que  ecluy  JJJjj"  au. 
qui  eft  appelé  à  telle  vocation,foit  prudent  &  fimple:&:  qu'il  chemine  auec  vnegrande  eftappdé. 
modeftie,preuoyant  de  loin  les  dangers  qui  peuuent  aduenir  en  telles  chofès  par  faute 
de  meure  délibération  .&  cependant  fe  faut  garder  d'vferde  quelque  prudence  char- 
nelle: mais  conuient  entièrement  fe  remettre  en  la  protection  &fàuue^garde  de  noftre 
bon  Dieu,eftans  bien  afTeurez  qu'il  ne  tombera  point  vn  cheueu  de  noftre  teftefansfa 
volonté.Quantà  vous,matrefcherefœur,  iene  vous  pourroyc  pas  ex  primer  la  grande  up^^ 
confolation  que  ie  reçoy  enconûderant  les  grandes  grâces  que  le  Seigneur  vous  fartée  fœur,«fut 
l'obenTance  que  vous  luy  rendez,ayant  apprehendéïés  bénéfices  enuers  vous.Pârquoy  dc  Laf«é* 
il  me  femble  qu'il  ne  me  refte  finon  d'en  magnifier  fa  bonté  auec  vous^fc  vou^exhorter 
félon  mon  petit  pouuoir,àperfeuerer  en  augmentation,*: faire  voftrc  proufît  des  œu- 
ures  deDieu:leiqucUes  vous  voyez  fi  manifeftemêt  deuant  vos  ycux,qu  àîa  vérité  vous 
feriez  digne  de  grande  reprehenfion  >  fi  voûs  n'eftiez  par  cela  cûneue  à  cognoiftre 
la  prouidence  de  noftre  Dieu  enuers  les  tien  s:  lequel  ne  fe  contente  pas  de  vous  donner 
fa  Parolle,laquellc  eft  an^ezaiffifante  pour  vous  a/Tcurer  de  là  bonté:  mais  veutmÔftret 
q'escxemplesdeuant  vos  yeux*Il  en  prend  du  milieu  de  vous  fie  devoftre  propre  fang, 
&  non  feulement  il  y  en  a  vn-.mais  vous  voyez  dcfiale  deuxieme,qui  eftoit  tout  préparé 
par  la  grâce  de  noftre  bon  Dieu,de  ratifier  &  fécllcr  la  vérité  de  fon  Dieu  &  du  voftre,a* 
uec  fon  fang.  &  non  feulemét  vnefois,mais  cinq  cens  fi  faire  fe  pouuoit.EtieloueDieU 
que  vous  fauez  quelle  a  efté  ma  vie  pa(Tee»&  en  quelle  exécration  &  abomination  i'ay  H  met  au 
vefeu  tout  le  temps  de  ma  ieuneiîe:afin  que  tant  plusviuement  vous  appréhendiez  la  J^JJJ^t 
grande  mifericorde  de  Dieu  enuers  fes  poures  creatures,quand  d'vn  vaiffeau  fi  ofrd  &  fi  ' 
infctt,il  en  a  faict  vn  vaifTeau  d'élection:  voire  pour  l'ériger  à  tel  honneur  commercé  t& 
luy-la,affauoir  de  porter  tefmoignage  à  fa  faincte  verite.O  heureufe  race,  ô  heurêù*I& 
gnage  des  Pcloquins  lie  vous  prie,  penfonsvn  peu  s'il  y :à  quelque  chofe  en  nouSplui  .l*fMoJ 
qu'aux  autres,  par  laquelle  leSeigneurait  efté  cfmcu  à  nousfaire  tant  de  gracc-.Heft  nie  <luin9' 
certain  que  nommais  ùl  feule  grâce  &c  bonté  a  trouuéla  caufeen  elle  mefme .  Faifotfs 
donc  noftre  profit  de  telles  chofes,afin  que  ne  foyons  trouuez  ingrats  de  fi  grans  bene-- 
fices.Que  fi  nous  ne  le  faifons,il  eft  bien  à  craindre  que  le  Seigneur  ne  fe  courrouce,  te 
qu'il  neîace  la  vengeance  d'vn  tel  mcfprisTSoumcttons-nous  donc  en  fon  obehTâncé, 
&luy  difons  fans  aucune  feintife,Seigneur  ta  faincte  volonté  foit  feite.Et  combien  que 
que  les  afflictions  àc  tribulations  foyent  fafcheufes  &  ennuyantes  à  cefte  chair ,  combié 
que  nous  voyons  nos  aduerfairesen  apparence  eûre  bienforts,&  nous  fort  foiblcs&ih 
firmes: toutefois  cela  ne  nous  doit  eftonncr,fachans  à  quelle  fin  telles  chofes-  nous  mei- 
nent .    Il  nous  penfent  mènera  la  mort: mais  c'eft  au  contraire ,  ils  nou  s  meïnent  à*  H 
vie .  Ils  nouspenfont  ruiner:  mais  ils  font  inftrumcns  pour  nous  faire  entrer  en  porTeft 
fion  de  la  gloire  etemelle,laqucHe*ious  eftpreparec  deuant  la  confticution  <ro  monder 
Satan  fait  de  grans  efForts.il  dreflfe  fes  groflès  bômbardesimais  nous  fauons  queçe  tfcft 
que  fumée  que  dc  toutes  fes  ammonicion s. Nous  fauons  dauatage  que  noftre  Seigneur 
Iefus  Chriflen  a  rapporté  la  victoire,^  a*riornphé  de  nos  àdfcérfaires .  H  néréfteMihon1 
qu'entièrement  nous-nous  remettions  en  fa  protection  &  (auue-garde:  car  celuy  qui  fe 

S.iiii. 


limcu,  ///.  dtyft*  SfrApA*. 

confie  au  Seigneur  tic  fera  iamais  confos-ayonsJcdoricfioùr  noftre  bouclier  &:  forterèf 
k:remcttons  6c  nous  6c  cous  nos  affaires  en  Ton  iein  ,&  nous  tenons  bi  en  aiïcurez  qu'il 
conduira  le  toutàfa  gioire&  à  noftreiâlut:  voire  combien  que  bienfouuent  ilfemble 
aduis  qu'iinousait  delailfezdu  tour,  6c  ne  nous  àpparouTe  point  qu'il  v  eille  pour  nous. 
Ccrchons  donques  prem  ieremét jCeft  à  dire  par  deflus  touc,le  royaume  dcDicu  &  fa  m 
ftice:&  toutes  choies  necefTaires  nous  ferofitdÔnces.Or  quant  à  vous,ma  bonne  mere, 
ic  me  tien  bien  afleuré,voyant  lesgrans  grâces  que  de  ti  long  temps  le  Seigneur  vous  a 
faites,que  ne  demeurerez  derrière^  ne  permettrez  que  ma  fœur  *qui  vo9  a  tant  faict  dé 
peine, vous  precede:fingulierement  quand  vous  considérerez"  les  grâces  fi  grandes  qud 
le  Seigneur  vous  afâites,de  vous  auoir  retirée  d'vne  telle  boùrbc:en  laquelle  vou  s  aucz 
eftéfi  fort  plongee,qu'il  vous  en  a  failli  retirer  comme  à  grahd'force.Qué  lerà-ce  donc 
qui  vous  retardera  d'eftre  de  celle  belle  baderSera-ce  la  confideratiô  des  riche/Tes  6c  h6 
neurs  de  ce  monde?mais  vous  lauez  que  tout  cela  n'eft  que  vanité .  Seront-ce  les  volu- 
ptez&:  plaifîrs  mondainsjaufquels  vousàuezefté  nourrie  en  voftre  ieune/Te?  mais  vous 
îauez  que  telles  chofes  nous  meinent  à  perdition  pluftoft  qu'à  falut.Glorifîez-vous  dôc 
en  la  croix  de  IefusChrift,&  délirez  auec  ce  grand  prophcteMoyfe,d'eftre  pluftoft  me(* 
prifee  6c  affligée  auec  le  peuple  de  Dieu,quexl'eftre  en  la  maifon  de  Pharao  en  hôneurs 
&c  voluptcz:lefquelles  précipitent  ceux  qui  s'y  atreftent,en  danation  &  mort  éternelle. 
Suyuez  ce  bon  foldat  que  le  Seigneur  vous  a  donné  pour  môy,&  aimez  auec  luy  d'habi- 
ter aux.  paruis du  Seigneur,  voire  mefmes  en  grande  poiJreré  6c  affli&ion ,  s'il  plaift  à  ce 
bon  Dieu  vous  exercer  ainfi.  le  ne  dou  te  point  que  Charlotte  n'ait  bonne  affection  dé 
vous  fuyure:&:  ie  prie  au  Seigneur  qu'il  luy  en  donne  la  grace.Et  vouslcanne  ma  bonne 
amie,doy-ic  vfer  enuers  vous  de  nouuelle  admonitionîau  contraire  il  me  femble  que  i - 
ay  plus  grade  occafion  de  glorifier  Dieu  auec  vous,de  la  grâce  qu'il  nous  a  faite  de  nous 
exhorter,admonncfter  6c  confoler  les  vns  les  autres  par  l'efpace  de  cinqou  fix  mois. Par 
quoyie  vous  renuoye  aux  conlolations  que  le  Seigneur  m'a  donné  de  vous  faire  parle 
pairé,aufquelles  il  me  femble  n  auoir  rien  omis.  11  ne  me  refte  plus  linon  que  de  predre 
Le  demkr  congé  de  vou*,&  vous  dire  Adieu.  Adieu  donc  tous  mes  amis,  Adieu  ma  bonne  fœur, 
pdiC"u1n  à  ^1CU  ^CIUS  mon  zmY  »  Adieu  ma  bonne  mere  6c  toute  voftre  famille ,  Adieu  Ieanne, 
fespreni*  Adieu  malœur  in'amic.Et  certes  Dieum'eft  tefmoin  que  ic  ne  vous  donne  point  vn  A- 
dieu  fourrebec  n'eft  point  vn  Adieu  couuert  d'hypocrilieoufimulation  :cc  n'eft  point 
vn  Adieu  contraint  ne forcé,mais  c'eft  vn  Adieu  volontaire  6c  libre,vn  Adieu  conioint 
auec  vneobciûance  que  iedefire  de  rendre  à  mon  PereçelcfteJ  c'eft  vn  Adieu  qui  me 
conduit  aux  biens  celeftcs*lailFant  derrierclcs  ter f cftres.    Pârqûoy  ie  vous  prie ,  priez 
tous  ce  bon  Dieu,  qu'il  me  face  lagrace  de  perfeuerer  en  fon  obeilTânce  iufques  à  la 
morc^afi&quelefoye  participant  de  la  gloire  immortelle*  laquelle  ilâ  prorhife  a  tous 
ceux  qui  perfeuereront  iufques  à  la  fin.&  ce  au  nom  de  IefusChrift  noftre  Seigneur  6c 
feu!  S«uueur,auquel  auec  le  Pere  6c  le  faind  Efprit  foit  honneur  6c  gloire ,  puùTance  6c 
cm  pire  itoufiours-mais,  Amen.    Saluez *ie  vous  prie,  toute l'Eglifc  qui  eft  en  Iefus 
Chrift,  fingulieremcnt  monfieur  Charles  6c  fes  compagnons .    Gardez- vous  de  con- 
tentions 6c  debats.Supportez  Jesinfirmitez  les  vns  des  au  très.  Red  reliez  celle  qui  aura 
failli,  auec  efpnc  de  douceur  6c  manfuetude.    Fuyez  les  caquets  &  parolles  vaines  6c 
©ifeufesrçar  certes  il  en  faudra  rendre  conte  vn  iour .  6c  à  cela  ma  fœur  y  prendra  garde 
comme  la  merede  famillerà  laquelle  il  vous  faut  porter  honneur,  vous  ieunes ,  à  caufe 
de  l'aage.La  grâce  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift  foit  auec  voustems  >  Ainfi  foit-il .  Ce 
neufiemedeMars,M.D.L  ni. 

I  L  confole  par  rtpiftre  firyuanec  ceux  qui  d'vn  me/me  temps  dîéy?at  prifûnntérs  à  tyonxotnbicn  que  le  nombre  des  fi- 
dèles kit  petit,  que  nea  i  tmoinsjcur  conditioa  eft  afleufee.S  ur  la  fin  il  recommande  les  poura, 

E  ren  grâces  à  noftre  bonDieu,trefchers  feigneurs  6c  frercs,de  ce  qu'il  vous  forti- 
j  fie  en  confiance  cotre  fes  a/Taux  &  tentations  que  vous  auez  à  fouftenir  par-delà, 
&  qu'au  milieu  de  la  rage  des  ennemis  if  maintiét  le  règne  de  fon  Fils:  mefme  que  iour- 
nellemen  t  il  augmente  le  nombre  de  lesenfans.  Vray  eft  qu'au  prix  de  la  grande  multi 
te  nomb   tU(*e  <^CS  mcrcc^u^cs  ^  contépteursde  l'Euangile,Ic  nôbre  des  fidèles  eft  bie  petite  mais 
desfidTicI'  &  ^ut-il  que  nousconfefiions  qiie  c'eft  vn  cTroid  miracle  de  Dieu ,  qu'il  y  ait  encore  de 
«ftpeth.    fafemence,veuque  Satan  a  machiné  detoutrentrerfcrôJ  ruiner.  Or  efperons  que  ce 
bon  Dieu  ne  foufFrira  point  qile fon ouurage  perhTe.Et  fur  tout,  tenons-nous  aifeurez 
que  Iefus  Chrift  fera  fi  bonne  garde  de  noftre  iaiut  que  toutes  les  forces  d'enfer  ne- 

pour- 


DenisTeloqmjt  j+j 

pourront  rien  àl'encontre.Cependant  apprenons,  quoy qu'il  en foit,d'eftre touflours 
préfts  aux  combats  çfquels  il  nous  voudra  exercer.&  ne  nous  trompons  point,  en  nous 
promettant  paix  &  repos  au  monde.Mais  puis  que  nous  fommes  aduertis  de  fuyure  no 
ftre  Capitaine  à  la  croix,&:  que  telle  eft  noftre  deftineeiarmons-nous  deuant  le  coup,a- 
fînden'eftre  furprinsaudefpourueu.Sinous  confiderons  la  fin  &  le  fruiét  denbsafRi- 
ttions,il  ne  nous  doit  pas  faire  mal  d'eftre  conformez  aux  paffions  du  Fils  de  Dieu ,  no- 
ftre Maiftre  &:  Sauueur,pour  eftre  participais  de  fa  gloire.  Si  la  plufpart  font  adonnez  à 
la  terre,aux  delices,vanitez  &  pompes  de  cefte  vie  caduque  :  fi  faut-il  que  nous  regar- 
dions au  ciel,  &  à  l'héritage  éternel  qui  nous  eft  promis  à  cefte  condition,  que  nous 
foyons  eftrangers  icy  bas.De  noftre  cofté,  nous  auons  compaffionde  voftre  captiuit© 
&c  de  vos  fafcheries,comme  nous  y  fommes  tenus  ï  &  prions  noftre  bon  Dieu ,  qu'il  luy 
plaifc  brider  la  cruauté  des  ennemis,renuerfer  leurs  côplots  &  machinations,&  fe  mo- 
ftrer  voftre  protecteur  en  toutes  fortes .  Ayez  auffi  mémoire  de  nous  :  car  combien  que 
les  perfecutions  ne  foyent  pas  telles  qu  e  vous  les  fcntez,fi  eft-ce  que  Satan  ne  laiffe  pas 
de  nous  faire  la  guerre  en  pluiieurs  fortes.il  y  a  auffi  beaucoup  de  neceffitez  aux  poures 
qui  fe  retirent  icyraufquels  fi  aucuns  de  vous  ont  moyen  d'y  fubuenir,  ie  vous  prie  au  nô 
de  noftre  Seigneur  Iefus,  vous  y  vouloir  employer.Ie  ne  vous  en  prelTe  non  plus,pource 
que  i'efpere  que  l'Efprit  de  Dieu  vous  folicite  a/Tez  d'en  faire  voftre  deuoir.  Parquoy 
meffieurs&:  frere^, après  mettre  a/Fe&ueufement  recommandé  à  vos  prieres,ie  fupplié 
derechef  noftrePere  celefte,qu'il  vous  augmente  en  tout  bienjqu'il  vous  gouuerne  tel- 
lement,que  fon  Nom  foit  glorifié  en  vous  de  plus  en  plus,comme  il  le  mérite. 
E  PI  STRE  des  cinq  Efcoliers  de  Lyon  à  Denis  Peloquin. 

ELLE  S  connermencrcfponfeauiiettr«  précèdent^ 
lors  qu'ils  eftoyent  prochains  de  la  mort. 

jj|8|j3!0  V  S  ne  vous  ferions  dire  ny  efcrire(trefcher&  bien  aiméfrere)  la  grande  con- 
folatiô  que  nous  auons  receue  par  vos  lettres:  tant  par  celles  que  vous  nous  auez 
enuoyees  quad  eftions  auprès  devous,qpar  celles  que  nous  auez  eferites  dernièrement 
par  lesquelles  nous  enhortez  d'vn  grand  zele  à  marcher  conftamment  en  bataille  &  au 
mefme  combat  qui  nous  eft  propofé:afin  que  par  noftre  exemple ,  vous  &  pluficurs  au- 
tres frères  prifonniers  pour  la  parolle  deDieu,foyez  édifiez  &  fortifiez  pour  marcher  a- 
pres  nous  au  mefme  combat.De  laquelle  chofe  nous  rendons  grâces  à  noftre  bonDieu 
&:  Pcre ,  &C  vous  remercions  auffi  trefaffe&ue.ufement  :  vous  prians  tant  feulement  de 
prier  pour  nous,afin  que  ce  bon  Dieu  nous  donne  viétoirc&  perfeuerace  iufqu  a  la  fin. 
Ce  que  croyons  &:  efperôs  qu'il  fera ,  ainfi  que  défia  en  auons  fait  l'expérience  par  plu- 
fieurs  fois:&  entre  les  autrésjmainrenant.  Car  ia-foit  que  nous  foyons  aflàillispar  Sa- 
tan &:  par  nos  ad  uerfaires,qui  font  fes  membres,de  plu  s  près  &:  plus  fort  que  iamais:  ia- 
foit  que  nous  foyons  enuironnezde  toutes  pars,  &  que  nous  ne  puiffions  voir  deuant 
nous  que  la  mort,  les  tourmens,la  honte  &c  confufion  du  môdemeantmoins  nous-nous  u  CODfoi* 
refiouifTons  &:  fommes  con/olez  par  le  faincl  Efprit:  d'vne  ioye  &  confolation  inenarra-  tion  dc>  fi- 
ble,laquelle  furmonte  &  engloutit  toute  angonfe  &  trifteiTc.Certes,trefcher  frère,  nos  î^tiïii. 
aduerfaires  nous  donnent  grans  a/Taux: noftre  poure  chair  fecontrifteauffiaucunemét,  ta  angoif- 
d'autant  qu'elle  ne  peut  entendre  que  la  vie  foit  en  la  mort,  &C  benedi&ion  en  maledi- 
&ion,gloire&  honneur  en  mefpris&:  deshonneunmaistout  cela  neft  que  vent  enfu- 
mée qui  s'efuanouit  deuant  le  Seigneur,  qui  eft  au  milieu  de  nous  pour  noftre  garde  & 
forterelîe:lequel  par  fon  fain&Efprit  nous  fortifie  &  fait  goufter  les  ioyesceleftes,telle- 
ment  qu'il  n'y  a  rien  qui  nous  empefche  de  nous  refiouir  &c  chanter  louanges  à  noftre 
bonDieu  nuift  &  iour,  regardât  la  gloire  infinie  &c  la  couronne  d'immortalité,qui  nous 
eft  préparée  là  haut  au  ciel.il  n'y  a  mort  ne  tourmens,  quelques  horribles  &  cruels  qu'- 
ils foyet,qui  nous  empefehent  ou  retiennent  qu'alaigrcment  nous  ne  cou  rions  au  com- 
bat pour  obtenir  la  couronne  de  gloire,  qui  nous  eft  préparée  deuant  la  conftitution 
du  monde:  laquelle  Iefus  noftre  Capitaine  nous  prefente  maintenant  :  voire  fi  nous  luy 
tenôs  la  foy  que  nous  luy  auons  promife,iufqu  a  la  fin  .Car  ce  n'eft  pas  a/Tez  de  batailler 
pour  vn  temps:mais  il  faut  garder  la  foy  iufqu'à  la  mort  â  noftre  bon  Capitaine ,  lequel 
a  marché  le  premier  au  combat.Parquoy  comme  bons  champions  ^gendarmes  efle- 
uons  nos  teftes  en  haut,luy  demandans  aide&  fecours  en  tels  a/faux-.&:  foyons  afleurez 
qu'il  nous  deliurera. Courons  par  patience  au<:ombat,cnfuyuans  IefusChrift  noftre  bô 
Capitaine,&:  tant  de  fain&s  Martyrs  qui  ont  efte  deuant  nous,lefquels  par  leur  foy  &  cÔ 


LiurcsUL  Denis  Trioquito. 

ftance  nous  exhortent.Quc fi noftrc chair fccontri{tc:iettonsnoftre  veuepar  lesyeu* 
de  lafoy  en  la  triomphante&  glorieufe  rcfurrection,cîi  laquelle  noftrc côrps,qui  main- 
tenant eft  abiect  &:  caduque,fera  femblablc  au  corps  glorieux  de  ïefus  Chrift*  eftât  cou 
ronnéde  gloire  &  immortalité,&  reiplendiiTant  comme  le  foleil  au  royaume  de  noftre 
Iean  Père  cetefte,auquel  nous  ferons  en  repos,paix,ioyc&:  félicité,  cftans  mefmes  fcmbla- 
bles  à  Diéu(ainfi  que  dit  l'Àpoftre)  lequel  nous  verrons  face  à  face:&  non  tat  fculcmet 
le  verrons  tel  qu'il  eft,mais  le  cognoiftrons  ainfi  qu'il  nous  cognoift,&  ferens  vnis  &cô 
ioincts  àluyparvnlienindifToluble.  Voila  toute  noftrc  confolatîon  &  efperance,qui 
nous  donne  victoire  du  monde.  Or  trefeher  frère,  puis  qu'il  plaift  à  neftre  bon  Dieu 
que  nous  allions  à  luy,&  marchions  deuant  vous  pour  receuoir  la  courone  de  gloire  &: 
immortalité  vniour de ceftefepmaine,  ainfi  qu'auons  entendu  en  efcriuantceftcpre- 
fentc(car  nous  auôs  feu  qu'il  a  efté  arrefté  ainfi  entre  les  aduerfaires)priezpour  nous  ce- 
pendant^ prenez  bon  courage  de  nous  fuyure  après.  RefiouiiTez  vous  aucc  nous, de  ce 
que  nous  allons  à  noftrePere  celefte,pour  eftrc  participans  du  royanmc&  de  l'héritage 
qui  nous  cft  préparé  deuant  la  conftitution  du  mon'de.  Recommandez  noftre  Cau- 
fe à  Dieu,  pour  lequel  nous  enduros. Si  vous  efcriuez  aux  frères,  faluez-les  en  noftre  Sei 
gneur:auqucl  prions  qu'il  luy  plaife  nous  faire  la  grâce  quefon  faincT:  Nom  foit  glorifié 
par  nous  iufqu  a  la  dernière  goutte  de  noftre  fang ,  au  nom  de  Icfus  Chrift  :  Auquel  foit 
gloire,honneur  &c  empire  à  tout  iamais.  Ainfi  foit-il.  Vos  frères  prifonniers  côme  vous 
pour  la  parolle  de  Dieu,ayans  conceu  en  cuxfentcnce  de  mort. 

LETTRES  dudit  Peloquin,par  lefijuclles  il  dernonftre  l'aflcurance  qu'il  a  en  h  vertu  du  Seigneur,  par  laquelle  il  « 
certaine  confiance  de  furmonter  h  mort. 

^Raignant  de  n'auoir  plus  le  moyen  de  vous  efcrirc,trefcher  frcre,par  ce  que  nous 
voyons  nos  aduerfaires  fi  enflammez  contre  nous  ,que  c'eft  merueille:  ie  me  fuis 
halte  de  vous  referire  la  prefente,  ne  fâchant  toutefois  fi  Dieu  permettra  que  ce  foit  la 
dern  iere.Tant  y  a  que  i'vferay  d'icellc,commcfi  ie  prenoyc  congé  de  vous,  quât  à  cefte 
vie  prefente,pour  marcher  deuant,puis  qu'il  plaift  à  ce  bonDieu  &  Pere  me  faire  hfgfa 
ce  fi  grande  d'cftre  l'vn  de  fes  heraux  ou  de  fes  trompettes,pour  fonner  à  haute  voix  de- 
uant les  hommes,&  confeffer  fes  bontcz,  &  me  faire  digne  de  refpandre  m  on  fang,& 
foufrrir  mort  pour  maintenir  fa  caufe,  laquelle  mortie  fuis  certain  luy  eftre  grande- 
ment precïcufc,d'autant  qu'i| la  dediee  à ceft  office  tant  excellent,  aiTauoir  pour  eftre 
vn  feau  pour  féeller  &  cacheter  fa  fain&c  verité.Etcombié"  que  cela  ne  fe  face  pas  fans 
grand  combat  à  l'encontre  de  mes  ennerrfis  domeftiques,affauoir  le  diable ,  le  monde, 
6c  ma  propre  chair:  car  certes  ce  n'eft  pas  le  naturel  de  l'homme  de  volontairement 
fouffrir  telles  choies,  comme,  il  a  efté  dit  ifainât  Pierre,  On  te  mènera  làoùtu  nevou- 
dras pas:  fi eft-ce que  ie  mafTeurc  tellement  aux promefTes  dece  bon  Maiftre, lequel 
pfeau.51  noiis  a  tant  bien  promis  fon  affiftcnce,laquelïe  mefroe  l'ay  défia  (félon  la  neceffité  que  f 
en  ay  eué)fi  ainplemet  cxprcrimétee,que  ie  feroyc  puisque  miferable,fi  ie  la  reuoquoye 
iean  r«  en  doute  aucunement. le  fay  qu'il  a  vaincu  le  môde:&  mefme  ie  fuis  afTcuré  qu'il  a  triô- 
lpiicf.4  phé  &  obtenu  vi&oire  à  l'encontre  dctousmesennemis.il  a  emmené  captiue  la  capti- 
uité.bre£fa  mort  a  englouti  la  noftre:tcllement  que  ie  fuis  bien  perfuadé ,  parla  grâce 
de  Dieu, que  mes  ennemis(quelque  effort  qu'ils  facent  )ne  pourront  rien  à  l'encontre 
dcmoy,finon  autant  que  Dieu  leur  permettra. Or  il  ne  permettra  rien  qui  ne  foit  pour 
fa  gloire  &  pour  mon  falut;&iinefme  il  ne  mepourroit  aduenir  vn  plus  grand  bien  que 
là  mort:  d'autant  que  c'eft  le  paflage  pour  aller  à  la  vie.Laquclle  mort  i'efpere  (  moyen- 
nant la  grâce  Çc  affiftence  de  noftre  bon  Dieu)reccuQir  en  grand  ioyc  &:  confôlatiomnc 
tenant  pas  grand,  conte  d  eftre  deliurc,d'autantque  fenten  vnc  meilleure  réfurrection 
Hcbr.i»  &  qu'icynous  n'auons  point  de  cité  prcmancnte,mais  riouscn  attendons  vneà  venir. 
Apprenons-dônc,frere  &  amy,dc  cognoiftre  que  c'eft  de  ce  poure  malheureux  monde 
&:  de  routes  fés  concupifcences,  pour  nous  en  retirer ,  afin  que  nous  ne  periffions  aucc 
^  s  luy.&  apprenons  à  l'exemple  de&incï  Paul,dc  ne  nous  glorifier  en  aucune  chofe,finon 
en  la  croix  de  Chrjftjquelque  ohofe  que  iuge  çe  poure  monde  :  lequel  eft  tant  aueuglé 
qu'il  ne  fait  trouucr  vie  en  la  morr,ne  bénédiction  en  malédiction .  iVtcfme  nous  eftimé 
fo!s&  infenfcz,di(antquenous-nousfaifonsmourirà  crédit. Helas, frère  &  ami,  nous 
cftimerons-nous  mourir  à  ccedit,nous(dy-ie)à  qui  Dieu  a  ouuert  les  yeux  de  noftre  en- 
tendement, o^iancl  nous'auons  vn  tel  arre,&  vnfi  bon  gage  de  noftrc  réfurrection? 
quand  nous  auoqs  noftre  chef&:  Capitaine,qui  nè-us  a  acquis  vne  couronne  incorrupti 
blclaquell'c  nous  Ibmmes  afîeurez  de  receuoir  au  bout  deIacourfe?quand  nous  voyôs 

par 


par  foy  fcefte  grânde  compagnie  de  Martyrs  qui  nous  ont  précédez  *  Iefquels  font  iouif* 
fans  des  mefmes  chofes  que  nous  efperons  &:  attendons  par  foy?  &:  mcfme  ceux  de  no- 
ftre  fang,defquel s  la  mémoire  eft  encore  toute  frarfehe.  Allons,aiJons  donc:  &c  non  feu- 
lement iedy*Àllons:mais  courons  après  noftre  chef  &  capitaine  IefusChrift,portans  Hebr.ia 
fon  opprobre.ôdaifTonsflagcoller  ce  poure  monde  fol  8£irifcnfe,quinc  cognoiftnen 
aux  ceuures  de  Dieu.Le  Seigneur  par  fa  mifericordè  vous  a  appelez  au  chemin  vous  U 
voftrcfamillc.Ie  vous  exhorte  donc  au  nom  de  Dieu,  prenez  garde  de  cheminer  droit, 
&  ne  varier  n'adextren  afeneftre  en  pourfuyuant  voftre  pèlerinage,  vous  tenans  tou£ 
ioursprcfts,ayans  (à  l'exemple  des  fages  Vierges  )  de  l'huile  en  voftre  lampe -.afin  que  ■ 
quand  l'efpoux  vieridra,vous  entriez  auec  luy  aux  nopees.  le  ne  vous  tien  pas  long  pro-  1 
pos  fur  cepafTagc,d'autant  que  iecognoy  les  grandes  grâces  qùe  le  Seigneur  vous  fait: 
aufli  que  vous eftes  aux  lieux  là  où  telles  chofes  vous  font  diftribuees  abondamment* 
Priant  noftre  bon  Dieu  par  fon  Fils  Iefus  CJirift,qu'il  vous  face  la  grâce  d'en  bîc  vfer,& 
vous  garde  parla  vertu  de  fon  fain&Efprit  d'eftrcdu  nom  bre  de  ces  malheureux  conté- 
pteurs  de  Dieu  &  de  fa  parolle,  Iefquels  en  defpit  de  luy  veulent  viure  fans  manger  du 
bon  paimle  nombre  deîquels  eft  plus  grand  qu'il  ne  feroit  de  befoin.  mais  c'eft  la  com- 
mune condition  de  l'Eglifc.U  faut  que  la  paille  foitmeflec  auec  le  grain  iufqu'àce  que  Mat,,w,J 
le  moiffonneur  vienne,qui  aura  le  van  en  la  main,&  nettoyera  fon  airc,&:  ferrera  le  grai 
en  fon  grenfcnmais  la  paille  fera  iettee  àu  feu  qui  iamais  ne  s'efteind .  Etpqurtant  cela 
ne  vous  doit  cftonner  fi  vous  voyez  les  mefehans  eftre  parmi  les  bons ,  voire  mefinc  c- 
ftreen  plusgrand  nombre: mais  au  contraire  vous  doit  eftre  vn  aduertùTement  pour 
vous  entretenir  en  la  crainte  de  ce  bô  Dieu  &  de  fa  parolle,qui  eft  le  feeptre  par  lequel 
il  veut  gouuerner  les  fiens>&: la  vraye  nourriture  de  nos  ames.  Parquoy  gardons  de  la 
mefpriler,craignahs  que  le  Seigneur  ne  fe  courrouce*  &:  qu'i  1  ne  nous  priue  d'vn  fi  grâtl 
bien  par  noftre  malheureufe  ingratitude. 

C  E  ST  ËÈpiftre  contient  la  grande  confoUtion  qu'à  receu  Denis  Peloquin  par  l'ttcmpïe  de  la  conucdvon  &  conftaa- 
ce  de  Iean  Chambon.lequcl  fut  brifé  fur  la  roué  le  Mardy  14-jour  de  Ianuier^  ^3  .par  Exemple  duquel  ff  dit  auoir  dU 
grandement  fortifié. 

A  foit  que  ie  ne  pui/Te  prétendre  aucune  caufe  d'ignorancc*pour  les  grandes  grâ- 
ces que  le  Seigneur  me  fait,&  la  grande  a/Teurancc  qu'il  me  donne  en  fes  faindes 
promefTes,ainfi  que  fouuentie  Vous  ay  mandé:toutefois  pour  le  (bulagement  de  mon 
infirmité,!!  me  donne  à  l'œil  tant  d'exemples  &  fi  approuuez ,  que  i'ây  bien  gTandc  oc- 
cafîon  de  me  contétet,&:  prendre confolation  en  mes  afflictions ,  attédant  eri patience 
f  iflue  telle  qu'il  luy  plaira  enuoyer,fachant  qu'elle  ne  peut  eftre  qu'à  fa  gloire  &C  mon  fa 
lut.Or  à  cela(commei'aydit)meferucntgrandemcntle$  grâces  que  le  Seigneur  faiti 
nos  frères  :  defquelles,ie  vous  promets ,  ie  fay  bien  mon  proufit,graces  à  mon  Dieu .  Et 
mefme  ce  la  nous  doit  tous  grandemét  inciter  à  emulâtion,quâd  nous  voyôs  queceux- 
la  nous  precedét,aufquels  le  Seigneur  n'a  point  faitlagrace  qu'il  nous  a  faite ,  aflauoir 
d'auoirefté  fi  long  temps  enfeignezenla  fainetc  afTemblee,&:  d'auoir  participé  aux 
pricres,predications&  iain&s  Sacremens  de  fon  Èglife.Nous  en  auons  encores  vn  nou 
ueau  exemple  en  ce  poure  frcre,duquel  ie  vous  auoy  e  enuoyé  ces  iours  pafTcz  la  coppie  J**0  chi* 
d'vne  lettre,lequel  fut  rompu  Mardi  dernier:&:  qui  a  tellement  glorifié  noftre  bô  Dieu, 
&  faiét  vne  telle  confeflîpn  de  la  foy  Chreftienne5que  ce  feroit  bien  vne  grande  vergon 
gne  à  nous,ii  nousn'eftions  à  tout  le  moins  auffi  conftans  à  maintenir  la  querelle  de  no 
ftre  grad  Capitaine^  Sa\iueur  IefusChrift,puis  qu'il  luy  plaift  nous  faire  tât  d'honneur 
que  de  nous  appelex,commc  luy  à  qui  Dieu  n'a  point  fait  c'eft  honneur  de  foufFrir  pour 
icelle,mais  pour  fes  pecheZ:&  que  nous  pernfilfions  que  les  brigans  nous  precedailcnt. 
Et  cela  ne  feroit-cc  point  vne  ingratitude  trop  vilainc?Ori'efpere  en  noftre  bon  Dieu,- 
u'il  me  fera  la  grâce  de  pourfuyure  ma  vocation,en  forte  que  ion  nom  en  fera  glorifié, 
bn  Eglife  édifiée ,  &c  mon  falu  t  auancé.  Et  combien  que  ie  n'en  doute,fi  eft-ce  toute- 
fois que  vos  exhortations  Se  confolations  me  feruent  grandement ,  pour  toufiours  m'-» 
entretenir  en  l'afTeurance  de  ces  chdfes.ioint  auffi  les  prières  &  oraifons  de  toute  f  Egli 
fe  qui  fe  font  pou  r  moy,&:  pour  tous  ceux  qui  font  en  pareil  combat  que  moyiO  frère  U 
amy,ie  vousenuoyelaconfeffion  de  ma  foy ,  en  laquelle  i'ayfuyui  le  plus  fimplefnenf 
qu'il  m'a  efté  poflîblc  les  refponfes  que  i'ay  fartes  à  nos  aduerfaircs.que  li  i'y  ay  adioufté 
quelque  chofe,ie  l'ay  fait  pour  l'édification  de  l'Eglife  &  de  nos  pourcs  parens  aufquefs 
lé  l'ay  adreflèc.11  me  féblc  qu'ilfcroit  bo  que  vous  leur  cnuoyiffiez  ma  lettre  du  deuxie- 


Livres  III. 


Denis  Teloqum. 


Leeouiïn 
de  Marfac 
prilonnier 


Sainfle  e 
mulation. 


me  iour  de  Ianuicr.ie  le  dy  fous  corredion>afin  qu'ils  puiffent  mieux  cognoiftre  les  gran 
des  grâces  que  le  Seigneur  m'a  fait:  pour  l'en  glorifier.non  pas  que  ie  cerche  ma  propre 
gloire  :  car  ie  ne  preten  de  me  glorifier  finon  en  la  croix  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift: 
car  ç'a  efté  en  icelle  que  ce  Sauueur  &:  Médiateur  a  trouué  la  vie,non  pas  pour  luy,mais 
pour  nous  tous.&c'eitaufl]  en  icelle  mefme  que  tous  vrais  enfans  de  Dieu  tiouuent 
leur  gloire  &vraye  félicité. ReiïouifTons-nous  donc  quand  nous-nous  verronshais  de 
ce  monde.  Au  furplus,pource  que  defirezfauoir  quels  frères  nous  auons  aucc  nous  :  il  y 
le  coufin  de  Marfac  6c  vn  Magifter^lefquels  font  defâillis,&  pour  crainte  des  tourmens 
n'ont  peu  demeurer  fermes. li  eft-ce  que  nous  efperons  encores  quelque  bonne  ifluc  d'- 
eux.Depuis  huid  iours,le  couiin  de  noftre  frère  Marfac  fréquente  fort  auec  nous,  me!1 
me  y  boit  &:  mange  ordinairement:auquel  nous  faifons  plufîeurs  remonftrances ,  &  c- 
fperons  quelles  ne  feront  point  infru&ueufes.Quanr  auMagifter,il  cft  homme  bien  in- 
ftruit,&  homme  de  lettres:il  ne  luy  refte  finô  d'embrafler  IeïusChrift  crucifié. l'ayen  co 
re  ce  iourdhuy  parlé  à  luy  &  l'ay  admonnefté  de  rentrer  au  combat. nous  n'en  efperons 
encores  que  tout  bien, aidât  Dieu. Or  vous  aurez  mémoire  fingulieremcnt  de  ces  deux 
qui  font  céans,  &£  en  aduertirez  l'Eglife ,  afin  que  s'il  eft  pofîlble  ils  retournent  au  com- 
bat auec  nous, qui  feroit  grandement  à  la  gloire  de  Dieu,&  à  la  ruine  &  confufiô  de  nos 
aduerfaires.Le  Seigneur  y  vueille  pouruoir  à  fa  gloire  &:  noftre  falut.  Au  refte  nous  cfpe 
rions  bien  que  nos  aduerfaires  fe  ruaflent  furnous  cefte  fepmaine:mais  ils  n'en  ont  rien 
fait.ee  fera  par  le  vouloir  de  noftreDieu:&:  non  autrement. La  grâce  de  noftreSeigneur 
demeure  éternellement  auec  vous  tous.  Noftre  frère  Marfac  (c  porte  bien,  &  a  grand 
courage:  tellement  qu'il  dit  que  combien  que  ie  foye  vn  vieil  routier ,  que  toutefois  il  a 
grande  enuye  de  fe  monftrer  auffi  vaillant  ou  plus  que  moy. 

LETTRE  dudit  Peloquin,enuoyee  à  fa  femme  le  feptieme  de  Iuillet,i^;,  par  laquelle  il  demonfVre  quelle  ioye  doiut  t 
auoir  les  fidèles  aux  affligions  qucjDieU  leur  enuoye  pour  eftre  tefmoins  de  fa  caufe.  Et  d  clare  par  les  exéples  des  Pè- 
re* anciens:quc  ç'eft  U  feule  voye  par  laquelle  on  paruient  à  félicité  &  repos  éternel. 

Eanne  ma  fœur,vos  lettres  dernières  m'ont  grandement  relîouy  &:  confolé ,  co- 
gnoiftant  la  grade  grâce  que  ce  bonDieu  vous  fait,pour  auec  vne  ii  grade  patiéce 
&c  confiance  receuoir  en  humilité  les  afflidions  cni'il  luy  plaift  vous  enuoyer:  aufli  de  ce 
qu'auccvnefifaindeafFedionvousmefoliciteza  vousconfoler.  Et  certes  tenez  pour 
certain  que  c'eft  ce  que  ie  defirc  faire  fuyuant  mon  deuoir.toutefois  que  vous  &:  moy  a- 
uons  bien  grande  occafion  de  magnifier  la  bonté  &c  mifericorde  de  noftre  bon  Dieu, 
qui  nous  a  fait  la  grâce  de  vaquer  abondamment  à  ces  chofes,depuis  qu'il  a  pieu  à  fa  di- 
uine  &:  facree  prouidence  m'auoir  reténu  en  cefte  captiuité  temporelle:  tellement  que 
quartd  ne  verriôs  autre  proufît  que  celuy  que  &C  vous  Se  moy  auons  fait  en  mes  liens,ce- 
la  feroit  bien  fufHfant  pour  nous  refiouir  &  donner  gloire  à  Dieu. mais  encores  voyons- 
nous  que  le  Seigneur  s'en  fert  pour  l'edification&:  confolation  de  fon  Eglife.  En  cela 
(trefeherc  fœur)nous-nous  deuons  grandement  confoler,  que  ce  bon  Dieu  nous  appe- 
lé à  vn  eftat  tant  excellen^aflauoir  de  foufFrir  &  endurer  pour  fon  faind  nom:  nous(dy- 
ie)tant  miferables  créatures,  remplies  de  toute  ordure,iniquité  &c  abomination:&:  non 
feulement  menteurs,mais  le  menfonge  mefme .  Cependant  il  nous  choifît  pour  main- 
tenir &:  défendre  fa  fainde  &  facree  vérité  deuant  les  iniques  &  peruers:nous  fortifiant 
tellement  parla  vertu  de  fon  Efprit,  qu'aucunement  nousne  craignons  ncmort,ne 
cruautez,neperfecutions,ne  mefmela  mortignominieufe  &  efpouuantable,pour  la 
grande  certitude  &  afteurance  que  nous  auons  en  fes  faindes  promefTes,  lefquelles  fôt 
infailltbles,&  desquelles  nous  ne  pouuons  ignoramment  douter .  Car  encore  que  nous 
n'euftions  point  i'Efcriture,les  exemples  que  nous  voyons  journellement  deuant  nos 
yeux,tant  en  nos  frères,  qu'aufli  l'expérience  que  nous  en  auons  en  noufmefmes  font 
plus  que  fufHfans  pour  nous  conuaincre  de  fa  bonté  &faueur  paternelle  enuers  nous. 
Que  fi  du  temps  de  noftre  ignorance  nous  euflîons  efté  ioyeux  d'auoir  accès  à  quelque 
grand  perfonnage,duquel  nous  cuflïons  cfperé  quelquefaueur  pour  nour  en  aider  en 
noftre  neceflîté,&  mefmes  nous  fuffions  mis  en  hazard  &£  dâger  de  noftre  vie  pour  luy: 
que  deuons-nous  faire  pour  obéir  %  noftre  Dieu?  Auquel,combien  que  pour  noftre  mal 
heureté  &  indignité  ne  puiffions  rendre  aucun  feruice  agreable:&  mefme  qu'il  aitplu* 
que  iufte  caufe  de  punir  les  péchez  &c  tranfgreffions  que  iournellemcnt  nous  commet 
tons  à  l'encontre  de  fa  maiefté:  toutefois  par  fa  grande  mifericorde  il  nous  retient  à  fon 
feruice,&:  fait  en  nous  chofes  merueiHeufes  pour  fa  gloire ,  pour  l'édification  de  fon  E- 

gbïe, 


Denis  Teloquin.  24.  j 

£life,&  pour  noftre  falut.Que  fi  nous-nous  plaignons des afflictiôs  &  perfccutions que 
nous  endurons,&:  que  telles  chofcs  nous  féblent  eftrangés  &  fafcheufcs:pehfohs  néan- 
moins que  c'eft  le  droit  chemin  pour  parucnir  à  cefte  cité  pèrrnanéte,laquellc  hous  at- 
tendohs.c  eft  la  voye  eftroitc  &c  fafcheufc,  pleine  d'efpines,d'afm'&ions&:croix,qui  me- 
ne  à  la  vie.Confiderons  par  quels  deftrbits  &  angoifîès  tous  les  ferùiteurs  de  Dieu  font 
entrez  en  la  béatitude  8c  félicité  ôù  ils  font  maintenant,  confiderohs  pourquoy  Abel 
à  efté  meurtri  de  fon  frère,  voyons  quels  plaifirs  rribhdains  ce  grand  perforinage  &c  boni 
feruiteurdeDieu  Abiaham  âeuén  ce  monde .  N'a-il  pàs  efté  contraint  de  vaguer  par 
les  champs  &  champagnes  en  mille  afflictions? n'a-il  pas  efté  en  danger  d'eftre  misa 
mort  par  Àbifhèiech  roy  de  Sichem?Quelle  tribulation  penfohs-nous  qu'il  ait  foufFert 
pour  foh  fïlsbien-aimé  Ifaac,quand  le  Seigneur  luy  a  fait  commandement  de  luy  offrit 
cnfacrifîcervoireceluyenlaperfonne  duquel  luy  auoitefté  faite  là  promeifcdc  falut? 
Cecy,trefchcre  fœur,vous  doit  bien  âduertir  de  rendre  TobeiiTancetolon taire  à  ce  bon 
Dieu  telle  qu'il  la  requiert.Ie  fuis  àfteilré  que  vous  ne  pourriez  porter  plus  grande  ami- 
tié à  voftrc  mari, que  faifoit  Abraham  à  fon  fils. à  fon  exemple  donc  foufFrez  que  le  Sei- 
gneur en  face  à  fa  volonté, puis  qu'il  luy  plaift  de  s'en  vouloir  feruir .  Voyez  après  ce  bô 
perfonnage  Noé,en  quelles  tribulations  &:  angôiftes  il  a  pafîer  cefte  poure  vie,parmi  ce 
miferable  peuple  lequel  il  voyoitainfi  defbordé,attendant  le  iugemet  horrible  qui  luy 
deuoit  àduenir.  Voyons  ce  grand  prophète  Moyfc,qui  a  mieux  aimé  eftre  en  opprobre 
Se  abiectionaueclepeupledeDieu,qued'eftreen  grandes  pompes &:  délices  mondai- 
nes en  la  maifon  dé  Pharao.  Voyons  ce  bon  Dauid,en  quelles  deftreiFes  &  angoifîcs  il  a 
vfé  fa  vic,encore  qu'il  fuft  Roy  oinct  fui  le  peuple.mais  voyons  comment  Sâul  l'a  pour- 
chafTé  àla  mort. puis  après  il  a  efté  pourfuyui  de  fon  propre  fih,iufques  à  eftre  contraint 
de  s'enfuir  &:  quitter  fon  pays.Ilfcroittrop  longdem'amufer  à  raconter  de  tous  les  bôs 
Rois&:  Proph.lcfquels  ont  tô9participé  à  cefte  croix.Et  c'eft  aufîï  ccque  ditS.Paul,qu'il 
faut  que  tous  ceux  qui  voudront  viufe  fidèlement  en  IelusChrift,foufFrenr  perfecutio.  î.Tim.j 

Tenons-nous  doc  pour  refolus, qu'il  nous  faut  porter  noftre  croix  fi  nous  voulÔsfoy- 
urc  noftre  capitaine  Iefus  Chrift.Péfohs-noUs  àuoir  meilleur  marche  que  luy':  vouk  ns- 
nous  aller  par  vn  autre  chemin  q  le  fien?vouIoh's-nôus  aller  a  la  vie  etcrnefle  auec  nos  ri 
chefles,pôpes,delices,honneurs,credits,faueurs,&ch6fesféblables.quandnousvcyos 
qu'il  y  eft  allé  par  poureté,melpris,abiedion,opprobre,calomnic,detracl:iô ,  bref,par  là 
mortignominieuicdclacroix?Ôtiy,mais(direz-vo9)ilmeféblequeienevoypointqui 
ayent  tant  d'affliction  qtic  moy.ie  Voy  mon  mari  en  prifon, journellement  attendant  la 
mort  cruelle-Iay  perdu  fi  peu  de  biens  que  i'auoye:fay  perdu  mon  enfant,qui  cftoit  tou 
te  ma  ccnfolaticn.ic  fuis  iournellement  malade  en  grande  affliction  Se  deftrefie:  &  i'en 
voy  tant  qui  font  à  leur  aife,qui  ont  leur  plaifir  &  délices  à  louhait.Or  ie  ne  doute  point 
que  telles  choies  ne  vous  apportent  quelque  fafcherie,&  que  ne  foyez  tentée  de  telles 
chofesrmaisie  vous pric^prenez  courage,  &  vous  cohfolezen  la  prôuidence  denôftre 
bon  Dieu  &:  Pcre,fachant  que  rien  ne  vqus  aduient  fans  fa  volonté  .&:  dauantage  qu'il 
ne  vous  enuoyera  rien  qui  ne  foit  pour  fa  gloire  &:  pour  voftre  falut.Qu'il  vous  ibuuien- 
ne  que  le  pere  chaftie  tou  t  enfant  qu'il  aime. Il  eft  vray  que  la  correctif)  femblc  rude  &£ 
fafcheufe:mais  puis  après  elle  rendra  vn  grand  fruict,&  vous  apportera  vn  mcvueilleu* 
poidseterneldegloire.Confiderezdauanrage  s'ilvousferoitpoiîiblede  foufFrircecué 
ce  bon  perfonnage  lob  a  foufFert. que  fi  vous  faircs  comparaison  de  fes  a  ffljcnôs  aux  vo- 
ftres,voustrouuerezquec'eft  moins  que  rien  ccque  vous  endurez.  Quant  au  n<  hef- 
fes,gracesà  Dacu,vo9n'enauez  gueresperdurcaraufli  vo9n'enauiezgucres.&  <  ncores 
bénit  foit  Dieu, qu'elles  n'ont  point  efté  defpenducs  en  gourmandiie,n'yur(  greric,n'y 
autres  difibIutions.Quantauxenrans,Iobenauoit(ceme  femble)dix,&:tOLi'.onrrfté  Icb  , 
mis  à  mort:&;  vous  en  aùez  perdu  vn.  Quant  à  la  maladie &:  indigence, il  eft  impoflïble 
que  vous  en  puiffiez  autant  porter  que  luy .  toutefois  ,  que  dit-il  de  tes  pertes  f  Le  Sei- 
gneur l'a  donné, le  Seigneur  l'a  ofté:  foh  nom  foit  bénit.  î  Donc,rrcfcherefccur,  que  ce 
vous  foit  vn  miroir  de  patienceen  vosafflictions.&:  comme  i  ay  dit,  cognoiflez  par  cela  patjciicc  cn 
que  le  Seigneur  vous  ayme,ne  voulant  point  que  vous-vous  arreftiez  ace  miferable  aiâiaion. 
mohdé,maisqueles  afflictions  que  vous  portez,  vous  foyent  vn  aduertiflement  pour 
vous  humilier  deuant  ce  bon  Dieu,&:rccognoiftre  vos  fautes  cVofFenfes.  Aufii  pour 
vous  faire  viuemcnt  cognoiftreque  c'eft  enDieufcul  que  vous  deuez  mettre  voftre 

T.i. 


i.Tim.} 


Liurc^  III.  T>enù  Teloquin. 

appuy, lai/Tant  derrière  toutes  les  confideratios  du  fecours  humain:  lanTant  toute  cefte 
maudite  dcffiace,qui  naturellemét  eft  enracinée  en  nos  cceurs  ,  pour  vous  fier  entiere- 
mét  (  n  la  fain&e  jpuidence  &:  bonté  paternelle  de  noftre  bon  Dieu  &c  Pere,duql  il  nous 
faut  aifeurer  qu'il  aura  vn  tel  loin  de  nous ,  qu'il  ne  tombera  point  vn  cheueu  de  noftre 
teftefansfavolonté.Ques'ilalefoin  de  nos  cheueux,  par  plus  forte  raifon  l'aura-ildc 
nos  corps, pour  nous  adminiftrcr,ainli  qu'vn  bon  perede  famille,  tout  ce  qui  nous  eft 
neceifaire.Ouy  bien, mais  c'eft  fous  cefte  condition,quenous  luy  rendions  l'obenTance 
qu'il  requiert  de  nous,&  que  nous  nous  fou  mettions  entièrement  à  la  faincte  volonté, 
pour  receuoir  auec  hu  milité  tout  ce  qu'illuy  plaira  nous  enuoyer .  Que  fi  nous  reccuos 
auecioye  les  biens  qu'il  luyplaift  nous  enuoyer  ,pourquoy  aufîine  receuons-nouslés 
maux  &  afflictions,voirc  mefmes  lefquellcs  nous  fauons  qu'elles  redonderont  à  fa  gloi- 
re &  noftre  falutiVous  fauez  que  nous  n'auonspoint  icy  de  cité  permanente  :  mais  que 
nous  en  cerchons  vnc  qui  eft  à  venir  meilleure  &c  perdurabie. Or  poury  paruenir ,  nous 
auons  dit  qu'il  faut  que  ce  foit  par  croix  &c  tnbulations:lefquelles,combié  qu'elles  nous 
femblent  maintenant  bien  rudes  &  fortes  à  porter,  fi  eft-ce  toutefois  qu'elles  ne  font  à 
Gomparer  à  cefte  gloire, laquellcnous  a  efté  préparée  dés  la  conftitution  dumpnde.Or 
donc,ma  fceur,ie  vous  prie  au  nom  de  noftre  Scigneur,cxercez  vous  en  ces  chofes,&les 
méditez  fouuent:vousrc4uifant  en  mémoire  par  quels  deftrois&  difiicultez  ce  grand 
Sauucur  Iefus  Chrift  eft  entré  en  vne  fi  grande  gloire. 

Considérez  fouucnt  ce  que  le  fainct  Efprit  nous  prononce  par  la  bouche  de 
fainct  Paul,  Qu'il  faut  que  tous  ceux  qui  veulent  viurc  fidèlement  en  Icfus  Chrift  eri 
durent  perfecution. Or  il  c  ft  bien  certain  que  cela  ne  s'entend  pas ,  qu'il  faille  que  tous 
fidèles  fouffrent  par  les  mains  des  aduerfaires:fi  eft-ce  ncantmoinsqu'ily  en  a  plusieurs 
qui  ne  font  point  détenus  comme  nous, toutefois  fouffrent  beaucoup:ouy  (dy-ie)plus 
fans  comparaifon  que  nous,qui  fômes  touslcs  iours  attédans  que  nos  aduerfaires  exer* 
cet  leur  rage  fur  nous.Ie  vous  fupplie,  péfez  auffi  qui  eft  celuy  qui  parle  à  vous,&:  quelle 
eft  fa  condition:&:  vous  trouuerez  qu'elle  n'eft  de  rien  moindre  que  la  voftre.  Si  vous  e- 
ftes  malade, le  Seigneur  m'en  a  départi  auffi  bien  qu'à  vous;  voire  &c  nevous  pourroye 
pas  exprimer  cobien  elle  m'a  apporté  vne  grande  obeiffance  à  la  volonté  de  monDieu: 
tellement  que  tant  s'en  faut  que  i'aye  occafion  de  m'en  contrifter,  que  mefme  par  cela 
ie  trouue  &:  cognoy  que  ce  bonDieu  a  vn  fein  plus  que  paternel  de  moy,en  me  chaftiat 
en  fa  benignité:afin  que  quand  ce  viendra  à  luy  rendre  l'obeifTance  plus  grande,  ie  foye 
tât  mieux  préparé.  Voila  cornent  il  vous  faut  faire  de  voftre  part,en  priant  toufiours  ce 
bon  Pere,  qu'il  ne  permette  point  que  vous  fuccombiez  aux  tentations  de  Satan,  de  pc 
ché  &  de  la  chair:mais  qu'il  donne  bonne  uTue,à  fa  gloire,  Ainfifoit-il. 

LETTRE  dudit  Peloquin  enuoyee  à  Tes  frères  &  fceurs.parens  &  amis  en  la  ville  de  Blois,  du  10  de  Mar» ,  1553 .  par  la-< 
quelle  il  les  exhorte  tous  J'cmbrafler  i  b<  n  efcient  la  co,  nonTance  de  Icfus  Chrift ,  &  n'di  auoir  honte:  &  cci  l'cxcnu 
pie  de  feu  de  bonne  mémoire  Eftienne  Peloquin  mar:)  r  au  Seigneur. 

O  V  R  C  E  que  ces  iours  paffez  ie  vous  ay  amplement  déclaré  la  caufe  pourquoy 
jf§  ie  fuis  détenu  captif,par  vnes  lettres  que  ie  vous  ay  enuoyees,aufquellcs  i'ay  com- 
pnns  les  interrogations  de  mes  aduerfaires,&  refponfes  que  le  Seigneur  m'a  donné  de 
faire:ienem'arrefteray  pas  maintenant  de  repeter  tcllescholes  ,efperant  que  ce  que 
ie  veusenay  efcrir,vous  fatisfera  allez.  Mais  feulement  il  me  fuffïra  derafeher  à  faire 
mon  deuoir  félon  la  mefure  de  la  grâce  que  le  Seigneur  me  fera,  de  vous  exciter  à  vous 
arrefter  vn  peu  à  la  côfideration  d'icelles. Et  d'autant  qu'elles  font  neceffaires  pour  vo- 
ftre falur,ie  vous  prie  d'y  penfer  dauan tage.  I'ay  bien  mémoire  qu e  ie  vous  exhortoye  à 
ne  vous  fcandalifer,fi  vous  voyiez  défia  le  deuxième  de  vos  frères  qui  eft  perfecutémon 
pas(graccsàDieu)pourlarrecins,brigandages,meurtres,  paillardifes  ou  côuoitifesdes 
biens  d'autruy.mais  feulement  pour  la  confefîïon  du  nom  de  Iefus  Chrift ,  ainfi  que  fa- 
cilement vous  pouuez  iuger  par  icelles  mes  refponfes.  Vous  voyez  affez  que  nos  aduer-» 
faires  ne  trouuent  autre  caufe  pour  me  tourmenter  &  afiliger,que  celle-la,afTauoir  que 
iean4  ievcuxferuirau  Dieu  viuanr  en  efprit  &verité,felon  ce  qui  m'eft  enfeigné  parfEfcri- 
ture  faincte,qui  eft  la  feule  reigle  de  la  rehgion  &ù  foy  Chreftiéne,  en  laquelle  auffi  il  ny 
a  rien  d'omis  des  chofes  qui  font  neceffaires  à  noftre  falut. 

S 1  donc  l'Eferiture  eft  la  feule  règle  de  bienviure,que  péfons-nous,que  nous  ne  nous 

y  ar- 


i.Picrre  4 


Denis  Teloquin.  *4  f 

y  arreftons  dauantage?Faut-il  que  les  biens  de  ce  monde>lcs  honneurs ,  les  pompes ,  le* 
voluptez&delices,qurfont  toutes  choies  caduques &c  traiijitoires,nous  empelchenc 
d'appréhender  la  do&rine  de  falut&  vic?Faut-il  que  nous  foyons  tant  abrutis,que  de  re 
ietter  volontairement  ce  que  nous  lauons  qui  nous  annonce  noftre  falùt^folujerain  bié 
&:  felicité?confidcré  mcfmes  que  nous  en  Tommes  bien  conueincus  en  nos  confeiences 
iniques  à  dire,Ce  que  vous  dites  cft  vray:mais  iene  me  veux  pas  fairemourir  à  credit.Ie 
voy  que  tous  ceux  qui  veulent  faire  comme  vous,&  qui  veulent  tant  parler  >  on  les  per* 
fecute,on  les  iette  en  prifon,on  les  meurtrit  iournellement:bref,on  les  brulle.Parquoy 
i'ayme  mieux  me  déporter  de  telles  chofes,&:  faire  comme  les  autres  ,.que  de  me  met- 
tre en  tel  danger.    O  parolle  exécrable  '■  Nous  difons  bien  que  nous  voulons  obéir  à 
Dieu:  nous  difons  que  nous  voulons  eftre  fauuez  &  que  nous  voulons  paruenir  à  la 
vie  éternelle. mais  quoyinousy  voulons  aller  par  vn  autre  chemin  que  celuy  que  le  Sei- 
gneur a  ordonné .    ^Si  noftre  chef  &  capitaine  Iefus  Chrift  eft  entré  en  gloire  par  po-  A&CS14 
ureté&:parafflidions,y  penfons-nous  entrer ayans  toutes  nos  voluptez& plaifirs,&  Matj,13 
fans  fouffrir  aucune  tribulationî Voulons-nous(com me  i'ay  dit)  faire  vn  autre  chemin 
que  celuy  qui  eft  ordonne  de  Dieu?Ne  iàuons-nous  pas,ainfi  que  dit  faindt  Paul,  que  c'- 
eft  par  croix  &:  tribulatiôs  qu'il  nous  faut  entrer  au  royaume  des  deux:  VouJôs-nous  re  ,CiD  11 
culer  de  cefte  ientence  de  IefusChrift,qui  dit,Que  celuy  qui  ne  portera  fa  croix  &  ne  le 
fuyura,  ne  fera  point  digne  d'eftre  des  fiens?  Voulôs-nous  plus  auoir  de  priuilege  que  ce 
luy  qui  nous  cnleigne  fi  bien,dilant,S'ils  m'ont  perfecu  té,  auflî  vous  perfécuteront-ils? 
Ne  fauons-nous  pas  que  le  feruitcur  n'eft  pas  plus  grand  que  le  maiftre?  Que  ceux  donc 
qui  veulent  participer  à  la  gloire  du  Fils  de  Dieu  fans  participer  à  fa  croix ,  qui  mefmes 
en  ont  honte,que  ceux-la(dy-ie)aillent  cercher  leur  falut  autre  part  qu'en  Iefus  Chrift. 
car  quant  à^ous,nous  ne  cognoiiîbns  point  de  Iefus  Chrift ,  fans  croix .  Nous  fauons 
que  tous  ceux  qui  veulent  viure  fidèlement  en  Iefus  Chrift,  qu'il  faut  qu'ils  foufFrent  i.Tim.j 
perfecution.    Non  pas  queievueille  dire  qu'il foit  neceftaire  que  tous  tombent  en- 
tre les  mains  des  tyrâs  &l  ennemis  de  vérité,  pour  eftre  cruellement  meurtris .  car  ie  fay  philiPJ 
bien  que  c'eft  vn  donfpecialde  Dieu,  que  d'eftre  appelé  à  maintenir  fa  vérité,  &  i- 
celle  confefTer  franchement  deuant  les  hommes,  fans  aucune  crainte  de  perdre  fà  *-om-8 
vie  .    Mais  fi  faut-il  toutefois  que  nous-nous  préparions  à  foufFrir  auec  noftre  Sei-  gJk™* 
gneur  Iefus  Chrift,  toutes  &:  quantes  fois  qu'il  luy  plaira  nous  faire  ceft  honneur  de 
nous  y  appeler;  voire  fi  nous  voulons  régner  auec  luy .    Sain&  Paul  dit  qu'il  ne  fe  veut 
glori  fier  en  choie  qui  foit, fînon  en  la  croix  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift  :  par  laquel- 
le (dit-il)  le  monde  m'eft  crucifié  ,&:  moyau  monde.    Cependant  toutefois  nous 
prefumetons  tant  que  de  iuger  vn  homme  téméraire  &  mal  aduifé,  qui  eftant  appelé 
a  faire  confeftion  de  fa  foy, n'aura  nul  elgard  de  fauuer  fa  vie:mais  feulement  penfera  de 
rendre  l'obeiiîance  à  Dieu  telle  qu'il  la  requiert  de  luy  ,afïauoir  la  confeilion  defon 
fain&nom! 

Et  combien  que  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift  ait  prononcé  vnefentence  fi  cer-  Macth.10 
taine  de  cecy ,  quand  il  dit,    Qui  me  confeftera  deuant  les  hommes ,  ie  le  confefleray 
deuant  Dieu  mon  Pere:  &£  qui  me  niera  deuant  les  hommes, iele  nieray  deuant  Dieu  m1JCt 
mon  Pere:fi  eft-ce  toutefois  que  ce  poure  monde  eft  tant  aueugle  aux  œuures  de  Dieu, 
qui  ne  fe  peut  faire  à  croire  que  la  vie  foit  en  la  mort  IefusChrift  dit,Qui  voudra  fauuer 
la  vie,la  perdra*: &c  qui  la  voudra  perdre,il  la  gardera  à  la  vie  éternelle .  Au  contraires 
poure  monde  dit,    Qu'il  n'eft  que  d'eftre:  il  dit  qu'il  faut  ditfîmuler  pour  fe  fauuer,  & 
qu'il  ne  fe  faut  pas  ainfiexpofer  au  danger.il  eft  bien  certain  qu'vn  homme  ne  fe  doic 
pas  expofer  témérairement  entre  les  mains  des  epnemis  de  la  vérité:  mais  au  con- 
traire il  fe  doit  garder  de  leur  rage,&  fuir  tant  qu'il  luy  fera  pofllble:  comme  nous 
■voyons  par  l'Efcriture  fain&e,que  les  fain&s  perfonnages  ont  fait .  cependant  tou- 
tefois eftant  appelé  parla  prouidence  de  Dieu,  fans  laquelle  rien  ne  fe  fait*  à  rendre 
eonfelTion  de  fa  foy,ilfe  doit  bien  garder  deflefchir  tant  peu  que  ce  (bit,  &£  de  vouloir 
fauuer  fa  vie  en  renonçant  fon  Dieu.  Voire  quelque  chofe  que  ce  fot  monde  flageole,  il 
doit  bien  penfer  pluftoft  à  cefte  fentence  de  Iefus  Chrift  que  i'ay  défia  alleguec,Quime 
confefTera  deuant  les  hommes,ie  le  confelTeray  deuantDieu  monPere.Il  doit  bien  pluf» 
toft  penfer  à  l'exhortation  de  fain&  Pierre,  qui  nous  admonnefte  d'eftre  preftsà  ren-  i.picwj 
dreraifon  de  noftre  foy, toutefois  &:  quantes  que  nous  en  ferons  requis.  ^CXiyymais 
(dira  quelcun  )  fi  ie  le  fay,ie  fuis  aifeuré  d'eftre  perfecuté  .  parquoy  ie  feroye  bien 

T.ii. 


Uur(Lj  UL  Denis  Feloquin. 

content  de  flefchirvnpeu,&:  difiimuler;non  pas  que  mon  intention  foitde  vouloir  re- 
noncer Iefus  Chrift,mais  feulement  pour  euiter  la  fureur  Se  cruauté  des  hommes .  Ce- 
lles «  pendant  fi  faut-il  que  tu  confclfcs  qu'il  y  a  vnehypocrifie  diabolique  en  ton  cœur,  la- 
quelle tu  délires  cacher  .Car  il  eft  certain  que  fi  tu  aimes  Dieu  de  tout  ton  cœur ,  côme 
rl  eft  neceflaire  que  tout  Chrcftien  le  face,  tu  n'aimeras  pas  tant  ta  vie,  quin'eft  qu'vn 
ombre  qui  pafle,que  la  gloire  de  Dieu ,  &;  ne  la  préféreras  point  à  l'obeifîànce  laquelle 
il  requiert  de  toy:  mais  volontairement  &d'vn  franc  courage  tu  1'expolerase.n  proye 
&:  danger  pour  icelle.  Et  mcfmes  en  cela  tu  te  monftreras  plus  que  brutal ,  d'autant 
quetunepeuxapperceuoirlcgiand  bien  quit'eft  offert, quand  tu  es  appelé  à  vn  c- 
ftatfi  excellent.  ^  Sivn  Prince  terrien  commande  à  vn  ioldatdes'expofer  à  quelque 
gros  danger,il  n'en  fera  aucune  difficulté:  mcfmes  il  eftimeracela  vn  grand  honneur, 
moyennant  qu'il  luy  appai  oiiîc  qu'il  en  doiue  receuoir  quelque  falaire .  Et  nous  qui 
auons  les  promefTes  d'vn  loyer  fi  grand  au  ciel,lefquelles  ne  nous  peuucnt  défaillir ,  d'- 
autant,que  celuy  qui  les  nous  promet  eft  veritable,lequel  ne  no9  defaudsa  point ,  moy- 
ennant que  nous  luy  foyons  fidèles  iufques  à  la  fin  :  craindrons-nous  de  paifer  ce  paifa- 
ge  qui  eft  fi  léger  &c  de  lî  peu  de  durée  ?  Craindrons-nous  pluftort  ceux  qui  ne  peuucnt 
Mactli.13   tucr  que  le  corps  ,  que  celuy  qui  peut  ietter& le  corps  Se  lame  en  la  géhenne  de  feu? 

Apprenons  donc  à  iuger  plus  fain&ement  des  œuuresde  Dieu,&  ne  foyons  point  fi 
Matth  3  prefbmptueux  de  vouloir  condamner  ce  que  Dieu  abfout.ne  jugeons  point  mal-heu- 
reux ceux  que  Iefus  Chnft  prononce  bien-heureux. n'eftimons  point  téméraires  &;  ou- 
trecuidez  ceux  qui  melprilent  celte  vie  caduque,en  cerchant  vnc  incorruptible  &:  ini- 
moi  telle.ne  iugeons  point  intentez  ceux  qui  eft  iment  plus  la  gloire  de  Dieu  &:  l'obcil- 
fance  qu'ils  doiuent  à  fa  fain&e  volonté, que  non  pas  leur  propre  vie. 

Or  cequinousempcfcheleplusde  bieniuger  de  telles  chofes,  c'eft  quand  nous 
fommes  fi  abrutis,  que  de  vouloir  comprendre  &mefurer  la  gloire  de  Dieu&lefou- 
ucrainbien  de  l'homme  félon  noftre  efprit  charnel,  par  lequel  nous  nepouuons  au- 
'•Cor  l     cunement  iuger  des  chofes  celeftes .    L'homme  en  fa  nature  fe  iugera  bienheureux, 
quand  il  pourra  trouuer  moyen  de  fatisfaire  à  tous  fes  defirs .    Si  c'eft  vn  auaricieux, 
il  préférera  fon  gain  &:  proufit  particulier  à  la  gloire  de  Dicu,&  àtoutlecleuoirde 
(on  prochain.    Il  n'aura  autre  penfement,  finon  que  d'amailcr  :  &  ne  luy  chaut  fi  c'eft 
à  tort  ou  à  droit,  moyennant  qu'il  puifîe  fatisfaire  à  fa  mefehante  concupifcence.&: 
mefme  il  tombera  en  vne  telle  brutalité,qu'il  iugera  fon  fouue/ain  bien  eftre  enfesri- 
chefTes,fans  aucune confidciationdelaviefuture.il  eft  vray  qu'il  fera  bien  fcmblant, 
Se  mefme  dira  qu'il  veut  obéir  à  Dieu,  &  qu'il  ne  veut  faire  tort  à  perfonne ,  cepen- 
dant toutefois  on  voit  que  par  tous  moyens  il  tafche  de  ruiner  fon  prochain,  pour  fa- 
tisfaire à  fa  conuoitife.    On  voit  tout  clairement  qu'il  n'a  autre  penfement ,  n'autre 
dieu, finon d accumuler &fe  faire  de  grans  threfors  ,lefquels  toutefois (  félon  quel'- 
Matth.15    Efcriture  nous  monftre  )  ne  font  qu'autant  d'efpines  en  fes  pieds  pour  le  faire  trebuf- 
cher.    L'autre  fera  vn  homme  ambitieux,  qui  seftimera  bien-heureux  moyennant 
qu'il  fe  puifTe  voir  en  grand  crédit  &  honneur,  Se  qu'il  s'apperçoiuc  qu'on  die,  C'eft 
monfieur:  fans  aucunement  fe  vouloir  contenter  de  l'cftat  que  le  Seigneur  luy  a  don- 
né ,pour  l'appctit  defoidonnéqu'ilad'eftre  grand  Se  eftimé  .    Cependant  neant-- 
moins  on  voit  que  tout  cela  s'en  va  en  fumee,&:  s'efiianouit  comme  l'ombre .  L'au- 
tre fera  homme  voluptueux,  qui  fc  iugera  eftrc  en  grande  félicité  quand  il  pourra  iouir 
de  toutes  délices  &voluptez:&  y  fera  fi  enyuré,  qu'il  n'eftimera  rien  toutes  les  chofes 
de  ce  monde  au  prix  d'icelles:  Se  mefme  oubliera  les  chofes  celeftes.  Autant  en  prend- 
il  de  toutes  autres  telles  vanitez,qui  ne  font  qu'autant  d'empefehemens  aux  hommes, 
pour  les  garder  de  cognoiftre  leur  falut.  mais  la  faute  ne  vient  que  de  nouf-mefmes  Se 
de  noftre  negligece ,  ou  pluftoft  de  certaine  malice. Car  il  eft  certain  que  nous  n'auons 
Cabt.î     point  faute  d'aduertiflemens.nous  auons  kparolle  de  Dieu  qui  nous  admonnefte  dé- 
tailler toutes  auarices ,  rancunes,  inimitiez,  noifes ,  débats ,  &:  autres  telles  ordures .  Se 
mefme  prononce  fentence  contre  ceux  qui  s'adonnent  à  icelles,difant  que  rels  n'héri- 
teront point  le  royaume  des  cieux.Mais  quoy?nous  ne  faifons  conte  de  la  lire:  Se  qui  pis 
.  eft,nous  la  fuyons  comme  la  pefte:tant  feulement  nous  n'en  voulons  pas  ouir  parler,en 
corcs  que  foyons  bien  conucincus  qu'elle  nous  annonce  noftre  fouuerain  bien ,  Se  qu'- 
Kom,i      en  iceUe  eft  compris  tout  noftre  falut,ainfi  que  bien  tefmoignefaindt  Paul,  difnnt  que 

c'eil 


Denis  Teloqum.  2  4- 7 

ceft  la  puiflânfce  de  Dieu  en  falut  à  tout  croyant. 

Or  ie  vous  prie,penfcz  à  ces  choies  de  plus  pi  es  que  vous  n'auez  fait  par  le  paiîé:d'au- 
tant  mcfmcsque  vous  y  cites  folicitez  par  les  œuurcsdu  Seigneur.  Penfez-vous  que 
ce  l'oit  par  aduenture  ou  par  fortune  que  i'ay  efte  appelé  où  ie  iuisr  Eftimcz-vousquc 
eccyne  vous  attouchc.cn  rien?  Eftimçz-vous que  cenc  loit  pas  vn  aduertiflement 
pour  vous ,  afin  que  peniicz  à  vous  de  plus  près ,  &  que  ne  piiiflicz  prétendre  caufe  d'i- 
gnorance pour  vous  exeufer?  .  Et  Ci  les  exemples  de  fEftrfturc  faincte  font  fumïans 
pour  vous  conuejnere  de  voftre  ingratitude,  que  peniez-vous  que  c  e  fera  ii  vous  mef- 
priiez  ceux  que  le  Seigneur  vous  donne  pour  le  foulagemcnt  de  voftre  infirmité  qui 
font  tirez  du  milieu  de  vous, voire  mefme  de  voftre  propre  fang  rEt  non  feulement  vn: 
mais  vous  voyez  défia  le  deuxième  qui  eft  appelé  poureitre  cclmoin  de  la  venté,  à  la- 
quelle vous  ne  voulez  point  entendre. Ne  voyez-vous  peint  qu'il  ne  nous  refte  nulle  ex 
cufeîQue  tardez-vous  donc>  que  ne  lanTez-vous  ces  richefles  qui  periifent ,  &c  qui  mè- 
nent à  perdition  ceux  qui  s'y  arreltent?que  ne  laiiTez-vous  ces  voluptez&:  plaifirs  mon- 
dains,pour  aucc  Ielus  Chrift  fournir  vn  peu  de  temps  quelques  petites  afflictions,  pour 
en  la  fin  paruenir  à  1  a  gloire  promife  à  ceux  qui  porteront  leur  croix  après  luy  ?  Voulez- 
vous  auoir  vn  plus  grand  priuilege  que  luy?  Voulez- vous  toujours  eftre  en  vosaifes  fans 
aucune  affliction^  en  la  fin  iouir  des  biens  qui  ne  pcuuent  eftre  donnez  finô  à  ceuxqui 
endureront  iniures,opprobies,vilenies,calomnies,detractions,violéces,outrages,pcr- 
fccutions,afflictions,prifons,banninremens,&:  en  la  fin  la  mort  cruelle  &  ignominieufe? 
Le fquclles  choies  ne  font  à  coparer  à  la  gloire  laquelle  fera  reuelce  aux  etleus,&:  à  ceux  Rom  g 
qui  Auront  attendu  la  venue.Eftimcz  vous  que  ie  foye  d'vne  autre  matière  que  vous,ou 
dvnc  autre  terrc.?Eftimez-vous  qu'en  ma  nature  ie  ne  foye  aufli  fafché  de  foufFrir  affli- 
ction nue  vous; 

ChPVNDAM  vous  voyez  quelles  grâcesleScigneurmefait,en  me  donnant  force  • 
&conftancepour  entierementrenoncerà  toutes  choies  de  ce  monde,  voire  quelque 
apparence  de  félicité  qu'elles  puùTent  auoir,pourdu  toutme  foumettre  à  fa  faincte 
volonté,  defirant  pluftoft  mourir  en  grande  ignominie  &  cruauté,  que  de  renoncer 
à  la  vente  de  fa  faincte  Parolle,  laquelle  il  m'a  manifeftée  par  fon  fainct  Euangile,  m'- 
ayantbien  appris  cefte  belle  leçon  là  où  il  dit,  QuinedelaiiTerapere,  mcrc,enfans,  Marthe 
honneurs ,  richeftes,  po/lcflions,  voire  auifi  fa  propre  vie  pour  mon  nom  :  il  n'eft  pas  di- 
gne d'eitre  des  miens,  àc  puis,  Qui  met  la  main  à  la  charrue,  &:  regarde  derrière  foy,  Lucj» 
il  n'eft  pas  digne  du  royaume  des  cieux.  Or  déroutes  ces  choies  à  luy  feul  en  foit  gloi- 
re, comme  de  raicic'eft  à  luy  feula  qui  elle  appartient.  ^Et  certes  ie  loue  Dieu  que 
vous  fauez  quelle  a  efté  ma  vie pailee,&:  en  quelle  ordure  &:  abomination  i'ay  pa/Té 
ma  ieuneife ,  afin  que  par  cela  vous  fuyez  tant  plus  efmeus  de  penfer  combien  cft  gran- 
de la  bonté  &:  mifencordedenoftre  bon  Dieu  enuers  fes  poures  créatures.  Que  fi  vous 
ne  prenez  garde  de  faire  voftre  proufitde  ces  chofes,  il  cft  bien  à  craindre  que  le  Sei- 
gneur ne  fe  courrouce,&:  qu'il  ne  face  vne  vengeance  horrible  d'vn  tel  mefpris .  Car  ce 
n'eft  point  feulement  pour  moy  &:  pour  mon  falut  que  telles  chofes  fe  font:mais  pour  T 
édification  de  toute  fon  Eglife.Or  le  Pere  de  route  mifericorde&:  confolation  vous  dô 
ne  e(pnt,force, entendement  pour  bien  méditer  fes  œuures,  &:  en  faire  voftre  proufit  à 
fa  gloire. 

Lettres  duditPeloquin,enuoyees  à  fon  nepueu  le  douzième  d'Àuril, 
mille  cinq  cens  cinquante  trois. 

I  L  fait  mention  d'vnpnfopnier  qui  auoitrnoncé  Iefu<  Chrifl:  di-  lacormerft'  n  duquel-il  fc  refiouic ,  item  de  la  confef- 
fion  qu'auoit  faite p  'rc  &:  •  ntiere  vn  .utre  prifonnier: à  l'exemple  defquels  il  admonnefte  tous  fidèles  de  bien  v!er  des 
dons  &  grâces  du  Seigneur. 

pleins  Chrift  crucifié  pour  nos  pechez,&  rem^fcitépournoftreiuftification,vous 
foit  pour  falut ,  forrerefle  &:  ferme  appuy  à  l'encontre  de  tous  les  aiTaux  &c  tenta- 
tions des  aduerfaires,  Ainiî  foit-il. 

E  me  fuis  hafté  de  vous  eferire  la  prefente,pour  le  delir  que  i  ay  que  foyez  adùerty 
des  grandes  grâces  que  ce  bonDieu  nous  fait  iournellemét  fentir  &  experimérer 
Où  entre  les  autres  nousauons  eu  vne  grande  confolation  depuis  hier  matin,  en  ce 
que  ce  bon  Dieu  nous  a  tellement  fortifiez  par  Ca.  vertu,qu'eftans  menez  deuant  nos  ad 

T.iii. 


Liurc^  II I.  Denis  TPeloquin. 

uerfaires,il  nous  a  donné  bouche  pour  parler  auec  hardie/Te  chofes  à  fa  gloire,  &  à  la  cô 
fulion  hc  ruine  de  nos  aduerfaires;&  efperons  qu'en  bref  il  nous  recueillera  à  foy ,  pour 
nous  colloquer  en  Ion  repos  erernel,&  nous  donner  pleine  iouiilance  de  fesgrans  biés 
éternels  &  cefte  vie  immortelle  &£  couronne  incorruptible  degloire,laquellenous  aac 
quife  noftre  Seigneiulefus  parla  mort&pafliô.  Or  ces  chofes  nous  font  en  bien  grade 
con  folation,comme  1  ay  di  i  mais  encore  n  ous  abondons  en  ce  qu'il  a  pieu  à  celle  bon- 
té diuinc  nous  faire  la  gra«  c  d'auoir  exaucé  nos  prieres&:  oraifons,&  lingulierement  de 
toute  l'Egliie  de  noftre  Seigneur,en  ce  qu'il  a  fait  mifericorde  à  noftre  frerc!  Michel ,  le- 
quel elloitdefailly,  6c  auoit  renoncé  pleinement  à  fon  falut,  &:  luccombe:  mais  le  Sei- 
gneur l'a  tellement  releué,quc  ce  fera  pour  fa  grade  gloirc,&:  pour  la  confolatiô  de  tou- 
te fonEgltfe.On  nous  impute  que  nous  l'auôs  gafté:&:  pour  cela  Ibmmcs  iettez  aux  crot 
tons:mais  ce  bonDieu  ne  leur  permet  pas  de  nous  empefeher  de  glorifier  Ion  nom  tous 
trois  enfemblc.  Ils  creuent&:  enragent  de  defpit.ils  clcumcnt  cemme  beltesfuricu- 
fes&  cruelles. Mais  quoyrnous  fauons  que  leur  puifîàncc  eft  tellement  limitee,quilsnc 
feront  finon  ce  que  celuy  qui  a  toutes  chofes  en  fa  main, a  ordônc&:  leur  permettra .  Ils 
nous  penfent  faire  mourinmais  ils  nous  font  viure.ils  nous  penfent  exterminer ,  ruiner 
&  dcltruire:mais  au  contraire  ils  nous  font  inftrumens&:  aides  pour  paruenir  à  celte  vie 
immortelle  &:  celte  couronne  incorruptiblc,pour  pofTcderpleinemétChrift&:  tous  (es 
biens  qu'il  nous  a  acquis  par  la  mort  &:  palsiô.  Voila  auffi  pourquoy  voyas  qu'il  ne  nous 
chaut  rien  de  la  mort,ils  nous  dilent  que  nous  fom  mes  dânez.Si  eft-ce  qu'ils  voyent  bié 
tout  manifeftemet,&  font  bien  conueincus  en  leur  confciéce,qu 'il  y  a  plus  de  fermeté 
en  nous  &C  en  la  doctrine  que  nous  maintcnôs,que  non  pas  en  eiux.il  eft  vray  qu'ils  nous 
perfecutent,ils  nous  bruflcrmais  ils  font  lans  aucune  doute  plus  tourmétez  que  nous. 
Et  certes  tant  plus  nous  fentôs  leurs  aflàux  &  machinations,tant  plus  ils  nous  pourchaf 
fent.&tantplusnouslentonslaperfecution  &la  mort  ignominieufe  approcher  pour 
nous  engloutir,tant  plus  aulïi  nous  fentôs  l'alïillence  de  noltreDieu:tcllemét  que  nous 
pouuons  alleureren  vérité,  que  le  Seigneur  eft  pour  nous,voire&:  qu'il  ne  nousaban- 
donnera  point  au  milieu  des  gras  aflaux.Nous  auons  la  conuerfion  de  ce  bon  frère,  qui 
nous  eft  en  telle  confolatiô  &c  ioye,qu'il  nous  feroitimpoffiblede  la  pouuoir  exprimer. 
O  Seigneur,q  tes  merueilles  font  grades!  Voicy  maintenât  la  débilitera foiblelïe  &:  lai- 
cheté  qui  nous  eft  donnée  en  exemple  de  forcc,ah*eurance  &  perfeuerâce.  Voicy  celuy 
lequel  à bô  droit  nous  auoit  dédaigné  à  caufe  de  fon  forfait,qui  nous  precede:toutefois 
voicy  à  qui  nous  auons  remonftré  de  ne  craindre  point  la  mort,  qui  marche  deuanr. 
Que  fera-ce  donc  maintcnantjSera-ceà  nous  à  recullerinon  certainement.  Auffi  efpe- 
rons-nous  auec  certitude,  qu'il  n'en  aduiedra  rien:  mais  que  celuy  qui  a  commencé  bô 
œuure  en  nous, le  parfera,&:  fera  que  fon  non  fera  magnifié  en  nous  ,iufqu  a  la  dernière 
gouttede  noftre  fang.Or  frere,nous  auons  encore  vne  nouuelle  matière  de  ioye,en  vn 
bôfrere  qui  fut  prins  Mardy  dernier.il  elt  vray  que  voyans  la  cruauté  des  aduerfaires  de 
prifenni^  ^ vcrité,nous auons efté contriftez :  mais  aulïi ayans  cftéaduertis  delapurc& faincte 
confeflion  qu'il  a  faite,nous-nous  fommes  grandement  eliouis,  cognoilîans  que  la  gloi 
re  de  noftre  Dieu  eft  d'autant  plus  aduanece.  Non*  vous  en  euffions  eferit  plus  am  plc- 
ment:mais  nous  n'auons  eu  aucun  moyen  de  parler  à  luy ,  ny  cnuoyer  aucunes  lettres, 
ioint  auflï  qu'il  eft  en  vn  crotton  obfcur.Vous  en  aduertirez ,  s'il  vous  plaift ,  noftre  bon 
frère  Louis  le  menulier,par  lequel  ie  vous  ay  eferit  ces  iourspalfez:  &L  luy  direz  que  c- 
eft  Eftiennele  menulierqui  vint  Dimanche  dernier  auec  luy  nous  vifiter.Or  vous  l'au- 
rez pour  recommandé  en  vos  fainetes  pneres,&:  ferez  que  tant  qu'il  plaira  au  Seigneur 
le  retenir  en  cefte  captiuité,il  foit  alïifté  parles  prières  de  l'EgJiie,&  par  vos  fain£tcs  ex- 
hortations conlblé,fclon  les  moyens  que  le  Seigneur  vous  donnera .  Vous  làluercz,s'il 
vous  plaift,tous  nos  amis  &  frcres,qui  font  en  noftre  Seigneur.Quat  à  m'arrefter  à  vous, 
eferire  amplement,il  n'en  eft  ia  grâd  befoin:mais  pluftoft  nous  auons  matière  d'enfem- 
ble  glorifier  noftre  Dieu,&:  luyrendre  grâces,  de  ce  qu'illuy  a  pieu  nousfare  tantde 
bien,  de  nous  auoir  donné  moyen  de  nous  confolcr  abondammcnt.il  ne  nous  refte 
linon  de  le  prier  qu'il  nous  face  la  graçç  d'en  bien  vfer  à  fa  gloire:  fingulierement  vous 
qui  dtmourez  en  ce  poure  monde, ie  vous  fupplie  d'en  faire  voftrc  proufit,à  ce  que  ces 
exemples  vous  foyent  autant  d'aduertilfemens  pour  vous  retirer  de  ce  monde  mau- 
uais,&  vous  foumettre  pleinement  en  la  prouidence  &:  bonne  volonté  denoftrebon 
Dieu. Sur  tout,ie  vous  prie  ayez  mémoire  qu'il  faut  que  tous  ceux  qui  veulét  viure  fidè- 
le me  ne 


i>ems  tpelôquiri.  *if  7 

lcment  en  Iefus  Chrift,  foufïrcnt  perfecution.  Confolez-vous  doc  en  noftre  bon  Dieu:  ^Tim  it 
&  qu'il  vous  fuffife  qu'il  eft  voftre  protecteur,  &  qu'il  ne  tombera  point  vncheueude  Lucii 
voftr e  tefte  fans  fa  volonté.  Car  encores  que  le  ciel  &:  la  terre  fuifent  renuerfez.  fi  eft-ce 
que  Dieu  demeure  véritable.  le  defire  que  cecy  foit  communiqué  à  toute  voftre  famil- 
le, en  laquelle,  fuyuant  ma  couftume,  îe  compren  ma  femme. 

Lettres  dudit  Peloquin, enuoyees  à  fafemme  le  1 5.iourd'Aouft  1 553. 

I  L  monftre  de  quelle  confiance  Dieu  l'enuironnc:&  qu'en  attendant  fa  bonne  volonté ,  il  prend  le  chaftic- 
menc  pour  vraye  marque  d'eftre  du  nombre  des  enfans  légitimes. 

e  Dieu  &:  Pere  de  toute  mifericorde&  confolation  vous  vueille  tellement  forti- 
fier&:  confoler  en  vos  afflictions  &:  tribulations,  que  pour  la  grâdeur  d'icelles  vous 
ne  défailliez  aucunemét:mais  qu'ainfi  que  ce  grand  Sauueur  Iefus  Chrift  a  obtenu 
victoire  en  noftre  nom,aufïi  en  fa  vertu  nous  fubfiftions  à  fencôtre  de  tous  afTauts. 

WiïEk  E  ne  m'attendoye  pas  d'auoirle  moyen  de  rendre  refponfe  à  voftre  lettre,  laquel- 
fiËiii  l£m  a  bien  fort  confolé,&  me  confolcra  tant  que  ie  viurayicy  bas,  pour  la  grade 
grâce  que  ic  voy  que  ce  bon  Dieu  vous  fait,  de  vous  remettre  fi  pleinement  à  fafain&e 
prouidence  &C  bonne  volonté  :  &c  que  vous  aucz  tellemét  renoncé  à  ce  miferable  mon- 
de, que  vous  cognoiflez  que  c'eft-ci  le  temps  qu'il  faut  plourer ,  cependant  que  le  mon- 
de s'eliouit.  Vous  cognoifTez  que  c'eft  par  plufieurs  tribulations  qu'il  nous  faut  entrer 
au  royaume  de  Dieu:quc  c'eft  bien  railbn  que  le  (bruiteur  foit  traitte  comme  le  maiftre. 
Bref,  que  par  tel  chemin  qu'il  eft  entré  en  gloire,  qu'aufli  no9  y  faut-il  entrer,  car  fi  nous 
voulons  régner  au ec  luy:  il  faut  que  nous  fourfrions  auffi  auecluy.  O  mafeeur  &:  bonne 
amie,ie  glorifie  mon  Dieu,  que  fay  plus  matière  de  m'arrefter  à  la  méditation  des  gras 
bénéfices  qu'il  plaift  au  Seigneur  faire  à  vous&  à  moy ,  que  non  pas  de  vous  admonnç- 
fter  &;  exhorter.  Seulement  il  fuffira  de  vous  prier  que  vous  perfeuerieztoufiours  en  ce 
fainct  propos  que  le  Seigneur  vous  a  donné  :  &:  que  par  prières  &  oraifons  continuelles 
vous  le  folicitiez  de  plus  en  plus  à  vous  maintenir  &:  garder  à  l'encontre  des  afi*auts,ma- 
chinations,  confpirations  &:  tentations  de  ce  maudit  Satan  &  de  tous  fes  fuppofts ,  afin 
que  vous  ne  défailliez  nullement  de  fon  obeifiance:mais  qu'en  toute  humilité  &:  obeif- 
fance,  vous-vous  foumettiez  pleinement  &  parfaitement  à  fa  ("aincte  prouidence  &C  bô- 
ne  volonté ,  eftant  aiTeuree  qu'il  ne  vous  enuoyera  rien  qui  ne  foit  pour  fa  gloire,  &C  vo- 
ftre falut  &  grand  proufit .  ouy,  combien  que  la  chair  iuge  du  contraire.  Et  certes  auffi 
(ainfi  que  bien  me  mandez)  c'eft  en  afflictions  &:  tribulations  qu'il  nous  faut  efiouir:  car  On  fedoit 
cela  vous  eft  vn  certain  tefmoignnge  que  Dieu  vous  aime,  &:  que  vous  eftesdes  fiens.  [^^rcn 
carie  pere  corrige  &:  chaftie  tout  enfant  qu'il  aime.  Que  fi  nous  fommes  fans  chaftie-  a  1  l°DJ* 
ment,  nous  ne  fommes  plus  enfans,  mais  baftards.  Et  ie  ren  grâces  à  ce  bon  Dieu ,  que 
vous  entêdez  ces  choies  mieux  que  ie  ne  les  vous  puis  exprimer.  le  leprie  donc  au  nom 
de  Iefus  Chrift ,  qu'il  vous  face  la  grâce  d'en  bien  vfer  à  fa  gloire  &  à  voftre  falut.^Quat 
à  ce  que  me  mandez  que  ma  dernière  lettre  vous  eft  venue  à  point ,  pource  que  vous  a- 
uez  entendu  que  mon  département  eftoit  prochain  :  certes  ma  keur ,  ie  ne  doute  point 
que  telle  nouuelle  ne  vous  foit  quelque  occafion  de  triftefte  félon  la  chair  :  mais  fi  vous 
entrez  en  considération  du  bien  qui  m'eft  préparé  après  auoirvn  peu  fouffert,certaine- 
ment  vo\is  y  trouuerez  grande  matière  de  loye  &!  confolation .  Helas  !  ma  fœur ,  ie  vous 
priepenfczvnpcuàcequeievay  prendre  &receuoir,&  que  c'eft  au  prix  de  ce  que  ie 
lanTe.  Conliderez  que  fi  noftre  maifon  terreftre  de  cefte  loge  eft  deftruite ,  que  nous  a- 
uonsvn  édifice  de-parDieu,  vne  maifon  éternelle  és  cieux,  qui  n'eft  point  faite  de 
main  :  car  pour  cela  à  la  venté  nous  gemifibns,  defirans  eftre  reueftus  de  noftre  habita- 
tion,qui  eft  au  ciel.  Voila  certes  comment  vous-vous  deuez  côlbler  en  lifant  la  prelen- 
te,  laquelle,  ie  penfe, n'aurez  point  receuë.  que  ie  ne  foye  auec  noftre  bon  Dieu  :  lequel 
a  vn  tel  foin  de  nous ,  qu'il  ne  tom  bera  point  vn  cheueu  de  noftre  tefte  fans  (à  volonté. 
Regardons  donc  de  luy  obéir,  &  nous  gardons  de  murmurer  contre  luy.  Vous  voyez  le 
grand  honneur  qu'il  me  fait ,  de  pleinemét  me  faire  conforme  à  l'image  de  fon  Fils  par 
fa  croix.  Il  eft  vray  que  la  chair  ne  fi  veut  bonnement  accorder,  voire  mefmes  elle  né 
peut,  mais  louange  au  bon  Dieu,  ie  ne  me  gouuerne  pas  par  fon  confeil  en  vn  tel  affai- 
re. Et  c'eft  auffi  ce  qui  a  efté  dit  à  S.Pierre,  On  te  mènera  là  où  tu  ne  voudras  pas.  Si  eft-  Ican  M; 
ce  pourtant,que  ie  ne  doute  point  qu'il  n'ait  rendu  vn  facrifice  agréable  &:  volontaire  à 
noftre  bon  Dieu ,  ainfi  qu'il  en  fait  mention  en  fa  première  Epiftre.  le  croy  auffi  &  me  I-Picr-1- 

T.iiii. 


DenisTeloquin. 


2  Rois  fi. 


Combien 
vaut  tic 
participer 
aux  atrli- 
etiousdes 
Martyrs. 


tien  feur,  que  ce  bon  Sauucur  Ôc  Rédempteur  me  fortifiera  tellement  par  la  vertu  de 
Ion  S.Efprit,que  ne  lediablc,le  monde,lachair,i'Antechrift,ne  tous  fes  fuppofts  ne  me 
diuertiront  point  que  ie  ne  rende  vne  obeiflance  volontaire  à  mon  Dieu  >  telle  qu'il  la 
requiert  Et  ce  non  point  de  moy, mais  de  luy  &de-par  luy.car  il  nous  a  dit, Cofiez- vous, 
iayvemcu  le  monde.  Et  certes  voila  la  vidoire  parlaquelle  l'efpcre  veinçrele  monde* 
aiîauoir  la  foy  :  de  laquelle  le  Seigneur  me  munit  auec  vne  fi  grande  abondance ,  que  ie 
luis  leur  que  pour  quelques  perfecutions  ou  tormens  qui  me  pui/Tcnt  eftre  prefentez,ie 
ne  defaudray  aucunement  :  car  puis  que  i'ay  Dieu  pour  moy,ic  ne  crain  point  tout  ce 
que  les  hommes  me  fauroyent  faire. Dauantage  ieme  tien  aifeuré  auec  ce  bon  prophè- 
te Elifec,  qu'il  y  en  a  plus  pour  moy  que  contre  moy.  Si  Dieu  eft  donc  pour  nous, qui  f  e- 
ra contre  nous?  Voila, ma  fœur,  en  quelle  confiance  ie  marche,  &  en  quelle  patience  1- 
atten  cette  heureufe  iournee,  en  laquelle  cé  bon  Dieu  me  retirera  à  (by,  &:  eîluycra  tou 
tes  larmes  de  mes  yeux,  pour  me  colloquer  en  l'on  repos  éternel.  Donc ,  ma  treiche- 
re  lccur,gardez  que  vous  ne  déniez  occaiion  de  iuger  que  vous  ioyez  marrie  de  ma  gran 
de  félicite  &:  gloire:  mais  qu'en  toutemodeftie  &:  humilité  vous-vous  confoliez  en  ce 
bon  Dieu ,  &  en  fes  fain&es  promciTes,  en  attendant  auec  patience  le  demoli/fejnét  de 
ce  corps  mortel,  &c  que  le  lour  qu'il  a  ordonne  foit  venu,  pour  vous  attirer  à  la  gloirc:de 
laquelle  ic  me  tien  ail  eu  ré  qu'il  vous  fera  participâte,puis  qu'il  luy  a  pieu  vous  faire  par- 
ticiper aux  afflictions  de  f on  threfeher  Fils  noftre  Seigneur  Icfus  Chrift , &:  aux  miénes, 
qui  fuis  fvn  de  fes  membres.  Et  certes  ie  croy,  encore  que  vous  mouriez  envoftre  li&, 
que  vous  ferez  cependant  au  nombre  des  Martyrs  du  Seigneur,  d'autant  que  vous  ayat 
conioint  par  mariage  auec  l'vn  de  fes  petis,  vous  auez  abondamment  communique  à 
fes  affligions  &£  croix ,  entant  qu'il  vous  a  cité  pofTible.  Ce  bon  Dieu  par  fa  faintte  grâ- 
ce &mifericorde  vous  vueille  toufiours  maintenir  en  fonobeiiTance  :  en  forte  que  ion 
nom  foit  glorifié  en  nous,  tant  en  la  vie  qu'en  la  mort.  Iene  mepuis  laffer  de  vousef- 
crire  :  mais  ie  fuis  contraint  de  faire  fin,  à  caufe  que  le  temps  me  prelTe:&  pourvoftre 
Adieu, ie  vous  recommande  à  ce  bon  Pere  de  famille ,  pere  des  vefucs  &c  orphelins.  le 
vous  rccommâde  la  gloire  d'iceluy  &  fon  honneur.  Soyez  humble  &:  obeiiTante  à  tous: 
portez-vous  conftamment  &:  vertueufement .  monftreZ-vous  en  toutes  vos  ceuurcs 
femme  Chreftienne  &C  amiable  à  tous .  l'oyez  patiente  &:  humble  en  toutes  vos  aducr- 
fitez.  LeSeigneur  parla  mifericorde  vous  remplilTede  ces  grâce  s  ,  en  forte  que  ieco- 
gnoifTe  que  vous  elles  des  ficns ,  au  nom  de  Iefus  Chrift  noftre  Seigneur,  feul  Sauueur, 
Médiateur,  IntercefTeur  &  Aduocat:auquel  auec  le  Pere  &  le  Fils  &  le  S.Efprit  foit  lion 
neur,  gloire,puiiTance  &  empire  éternelle  met,  Amen.  Quant  à  ma  perfonnc,ma  bon- 
ne fceur,ic  ne  vous  en  puis  mander  autre  choie,  finon  que  iefuis  iournellement  atten- 
dant qu'il  plaira  au  bon  Dieu  me  feparer  de  ce  corps  mortel ,  pour  me  faire  eftre  iouif- 
fant  de  cefte  couronne  incorruptible  de  gloire,  laquelle  eft  préparée  à  tous  ceux  qui  en 
patience  aurôt  attendu  fa  venue. ^  Au  refte,iay  receu  les  recommandations  de  nos  bos 
amis. le  fuis  marry  qie  ne  leur  puis  refcrire,pour  les  remercier  du  grâd  foin  qu'ils  ont  de 
nous. Il  vo9  plaira  leur  prefenter  nos  recômandations:&:  faluer  fpecialcmét  môfieur  N. 
&:  generalemct  toute  l'Eglife.Mon  bô  frère  Marfac  vous  falue  tous  en  noftre  Seigneur. 

Lettre  s  dudit  Peloquin  enuoyees  à  fon-dit  nepueu,le  14.  iourd'Aouft. 

IL  propofe  l'exemple  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift  comme  vn  fouuerain  miroir  de  confolation  en  tribulation  :  &  ré- 
cite fur  la  fin  quelques  nouuclles  de  fes  autres  compagnoosprifonnicrsdemcfme  tempi. 

O  N  neueu,frere  &c  amy  en  noftre  Seigneur ,  iene  doute  point  que  ne  foyez  bien 
duerty  de  la  pourfuitte  qui  fe  fait  contre  nous,  &  que  pour  cefte  caufe  ie  nay  pas 
euleloilir  nele  moyen  de  vous  referire  fi  amplement  qu'euiîe  bien  voulu.ee  que  ie 
croy  auili  vous  empefeherde  ce  faire  de  voftre  part.  Mais  nous  auons  grandement  à 
magnifier  la  bonté  de  noftre  bon  Dieu,pour  la  grâce  qu'il  nous  a  faite  fi  long  temps  de 
nous  eftre  confolezenfemble,  fans  qu'aucunement  nos  aduerfajres  s'enfoyent  apper- 
ceus:  &;lc  prier  qu'il  nous  face  la  grâce  que  nous  en  puiflions  vfer  à  fa  gloire  &:  à  noftre 
falut:&  (ingulicrement  vous  qui  demeurez,  que  ce  que  vous  voyez  deuantvos  yeux, 
vous  foit  pour  vne  forrifîcarion  &c  alTeurance  en  fes  fain&es  promefies  :  &que  vous 
foyez  tant  plus  efmeu  à  mcfpnfer  ce  poure  monde,à  le  renoncer  pleinement,voirc  &c  à 
le  reietter  du  tout ,  afin  qu'il  n,e  vous  foit  empefehement  pour oercher  les  chofes  celc- 
ftes  &:  éternelles. car  qui  fe  fait  amy  du  monde,il  fe  conftitue  ennemy  de  Dieu.Lailîbns 
donc,  an  nom  de  Dieu,  le  monde  aux  môdains,laùTons  les  morts  enfeuelir  leurs  morts. 

Suy- 


DenisTeloquin*  24.8 

Suyuons,fuyuons  ce  grand  capitaine  Icfus  Chrift,  qui  nous  appelé  tant  doucement.  Et 
où?  à  la  croix.  Et  certes  c'eft  bien  raifon  que  nous  le  fuyuions,  puis  que  c'cftla  voye,la  Iean  1 
vérité  &la  \ic:&c  que  luy-  mefme  nous  en  a  monftré  le  chemin. Car  côfiderons  par  quels 
deftroits&angoiifcsileft  entré  en  vne  fi  grande  gloire,  &;  ne  nous  fafchons  point  de 
marcher  par  vn  mefme  chemin,&  fyoirevn  mefme  brcuuagerbref,  deftre  traitez  Com- 
me luy*  qui  cft  le  vray  Fils  de  Dicu,feul  iufte, pur  innocét  &c  fans  macule  aucune.  Si  doc 
luy  a  tat  foufïert  pour  nous  poures&:  miferables  pecheurs:luy(dy-ie)qui  eftoit  l'Agneau 
fansmacule,&:  fans  tache  aucune:ie  vous  prie,  fera-ce  raifon  que  nous  foufFrions  à  re- 
gret quelques  petites  affligions,  en  maintenant  fon  honneur  &:  fa  gloire  ?  Aurons-nous 
honte  de  l'es  afflictions  &:  croix,  puis  que  c'eft  pour  iuftfce&  vérité  ?  Si  nous  eftioïis  em- 
prifonnez,  perfecutez,  affligcz& tormentezpourlarrecins,brigadages,meurtrcs,pail- 
lardifes,  conuoitifts  ou  autres  telles  chofes ,  à  la  vérité  nous  auriÔs  matière  de  nous  faf- 
cher  &c  ennuyer.  Mais  fi  aucun  eft  affligé  corne  Chreftien,dit  S.Pierre ,  qu'il  fe  refiouif-  1  Pier- 
fc,  qu'il  glorifie  Dieu  en  cefte  partie-la.  Et  certes  ce  bon  Dieu  auoit  bien  plus  que  iufte 
caufe  de  nous  punir,  voire  &  de  nous  abyfmer  du  tout ,  s'il  nous  vouloit  prendre  à  la  ri- 
gueur^ à  pied  lcué,comme  Ion  dit  :  mais  par  fa mifcricorde  grande  &c  incomprehenfi- 
ble,il  efface  toutes  nos  offenfes ,  &:  les  laue  au  fang  précieux  de  fon  Fils  bien-aimé  Iefus 
Ch  nft ,  lequel  à  cfté  refpandu  en  la  croix:&:  nous  fait  ceft  honneur ,  de  fouffrir  pour  fon 
nom:tellemcnt  que  les  hommes  quelques  mefehans  &cauteleux  qu'ils  foyent,ne  peu- 
uenttrouuer  autre  matière  ne  caufe  pour  no-.is  affliger  &;  tourmenter, finonquenous 
ne  voulons  point  fuyure  leurs  inuentions  diaboliques&:  damnables:mais  feulement  la 
pure  parolle  de  Dieu,  laquelle  feule  nous  peut  rendre  fages  à  falut.  Puis  donc  que  tel 
honneur  nous  eft  fait,  afîauoir  que  nousfommes  faits  conformes  à  l'image  du  Fils  de 
Dieu  paraiflj&ions,refiouiiTons-nous,&;ne  nouseftonnons  point, encores  que  nous 
voyons  &c  ciel  &c  terre  renuerfer.  Tenons  cela  ferme,  qu'il  faut  que  la  parolle  pour  la- 
quelle nous  endurons ,  demeure  éternellement.  Contentons-nous ,  Puis  que  ce  Dieu 
&;  Pcre  de  mifericordc  nous  promet  qu'il  fera  noftre  fortcre/Te&  ferme  appuy  à  l'encô-  Pfcau 
tre  de  tous  nos  ennemis  :  voire  qu'ils  demeureront  confus  en  fa  force  &  vertu.  Nous  fa- 
uons  que  tous  ceux  qui  veulent  viure  fidèlement  en  IefusChrift,foufrrirôt  perfecution. 
Ne  cerchon  s  donc  point  d'euiter  la  croix,  puis  que  c  eft  le  chemin  pour  aller  à  la  vie.  ne 
cerchôs  point  vn  autre  chemin  que  celuy  qui  eft  défia  tout  frayé  :  par  lequel  nous  voyos 
vne  fi  grande  armée  qui  nous  précède: voire  auffi  noftre  grand  capitaine  &  Sauueur  Ic- 
fus qui  marche  le  premier,nous  donnant  exemple ,  afin  que  nous  fuyuions  fes  pas.  Et  à 
la  vérité,  nous  voyons  que  de  tout  temps  la  condition  des  enfansde  Dieu  aefté  telle, 
alîauoir  d'eftre  perfecutez  par  les  iniques  &:  mefehans.  La  venté  a  efté ,  eft^  fera  touf- 
iours  perfecutee  par  le  méfonge.iamais  Iefus  Chrift,qui  eft  la  vraye  vérité ,  ne  fera  d'ac- 
cord auec  Satan  qui  eftmenfongerdésle  commencement.  Ne  nous  eftonnons  point 
donc  fi  en  bien  faifant  nou  s  fommes  blafmez,  voire  perfecutez  parles  mefehans.  &  cer- 
tes il  eft  expédient  que  telles  chofes  foyènt  pour  noftre  probation.  Car  fi  l'or ,  qui  eft  r  pierr 
corruptible,eft  mis  en  la  fournaife  pour  eftre  efprouué:par  bien  plus  forte  raifon  noftre 
foy  doit  eftre  efprouuee  par  tribulatiôsr&ce  pour  noftre  probation, afin  que  par  patien- 
ce &C  confolation  des  Efcritures  nous  ayons  efperance  en  celuy  qui  a  refufeité  Iefus  des 
morts,  Se  l'a  eflcuc  par  delTus  tout  noimafin  qu'en  fon  nom  toutgenouil  fe  ployé,  tant 
au  ciel  qu'en  la  terre ,  &  fous  la  terre.  le  vous  eferi  cecy ,  trefeher  frère ,  non  pas  pour 
prefumer  de  vous  enfeigner  ce  que  ie  fay  qu'auez  bien  refolu  en  voftre  cœur:  mais  pour 
me  confoler  auec  vous,  &:  auffi  pour  vous  faire  entendre  la  grand'  bote  de  noftre  Dieu 
enuers  moy,  lequel  me  fortifie  tellement  au  milieu  de  ma  grade  affli&ion.  Et  c'eft  auffi 
ce  qu'il  nous  a  promis,  quand  il  nous  a  enfeignez,difant,  Inuoque  moy  au  iour  de  ta  tri-  pf«u 
bulation,  &:  ic  t'exauceray,  puis  tu  m'en  glorifieras.  Il  dit  autre  part,  que  ceux  qui  fe  cô-  pfeau 
fient  au  Seigneur  ne  font  point  confus.  Et  certes,trefcher  amy,  i'experimente  ces  cho- 
fes abondamment:  en  forte  qu'il  me  feroit  du  tout  impoffible  d'en  reuoqucr^  aucune 
chofe  en  doute:tellement  que  ie  conclu  afleurément  qu'il  m'affiftera  iufques  à  la  fîn,&: 
qu'ainli  qu'il  a  commécé  bon  œuure  en  nous,  auffi  il  le  parfera  à  fa  gloire,  à  l'edificatioa 
&  confolation  de  fa  poure  Eglife,  &  à  la  ruine  &:  deftru&ion  de  ce  faux  Satan ,  &  de  fon 
miniftrerAntcchrift,&:  de  leur  règne,  voire  &  à  mon  falut.  Et  bénit  foie  noftre  bon 
Dieu,  qui  me  fait  la  grâce  de  défia  en  voir  quelque  apparence  vifible  deuant  mes  yeux. 
Car  ie  vous  prie,  ce  bon  Dieu,  riche  en  miierieorde,  ne  s'eft-il  point  voulu  feruir  de  nos 


Limc^lII*  DenùTeloquin. 

liens  pour  fa  gloire  ?  l'cnten  de  mon  frère  Marfac  &:  moy ,  quand  il  nous  fait  inftrumens 
pour  releuer  noftre  frère  Michel  de  l'abyfme  infernale ,  en  laquelle  il  eftoit  fuccombé 
pour  fa  trop  grande  infirmité  &  débilité  de  foy.  Penfez,  ie  vous  prie,  quel  foufflet  l'An- 
technft  a  receu,  voyant  perdre  fa  proye  deuant  fesyeux,  fans  aucun  moyen  de  la  recou- 
urer.  Il  eft  vray  qu'ils  crient  au  feu  :  mais  louange  au  bon  Dieu ,  telles  choies  ne  nous  e- 
ftonnent.  Et  certes  c  eft  bien  merueilles  :  &  pouuons  bien  facilement  cognoiftre  que 
telamoureftdu  Seigneur,  &  non  pas  des  hommes:que  ceiuyquiauoitii  grandfaimde 
fauuer  fa  vie,a  efté  fi  toft  perfuadé  de  la  vouloir  perdre, pour  la  gagner  à  la  vie  éternelle. 
Or  à  la  vérité  la  chair  &le  fang  n'ont  point  mis  telles  chofes  en  l'on  cœuncar  nous  fauôs 
comment  il  a  efté  conduit  quand  il  s  eft  appuyé  en  la  fageffe ,  pmdcnce&  hauteflé  hu- 
maine. Voila  certes  des  chofes  allez  fufnTantes  pour  rauir  en  admiration  les  Chreftiés. 
O  Seigneur ,  que  tes  merueilles  font  grandes,  que  tes  iiigemens  incÔprehc  nliblcs  i  cer- 
tes il  eft  impollîble  de  réciter  ce  que  i'en  fen  en  mon  cœur.  Ce  bon  Dieu  me  face  In  gra- 

Lafov  du  cc  d'en  faire  mon  profit  à  fa  gloire  f  NousauonsaprescebonfrereMenuifierJequel 
ainliqu  il  n  auoit  point  eu  honte  de  nos  liens,  en  nous  venant  viliter  le  Dimanche,  dot 
il  fut  pnns  le  Mardy.auiîî  n'a-il  point  de  honte  de  confclTer  ce  mefme  Icfus  Chnft,  &  de 
nous  eftre  adioint.  Voila  maintenant  deux  vaillans  champions ,  que  le  Seigneur  nous 
auoit  ordonnez  pour  compagnons  à  maintenir  fa  querelle:lefqucls  auec  nous  marchét 
conftamment ,  &.  délia  ont  receu  l'opprobre  des  hommes  auec  nous.  Car  lundy  der 
nier ,  onzième ,  nous  fuîmes  déclarez  hérétiques ,  fchifmatiques ,  pertinax  &c  apoftars. 
Voila  le  commencement  de  noftre  triomphe:  voila  l'entrée  denoftrc  victoire  qui  ap- 
proche. Il  ne  nous  refte  linon  de  prier  ce  bon  Dieu ,  qu'il  luyplaifenous  fortifier  en  v- 
neperfeuerance&  conftanceinuincible  ,  pour  receuoir  celle  couronne  incorruptible 
de  gloire ,  laquelle  eft  préparée  à  tous  ceux  qui  auront  attendu  fa  venue  auec  patience 
&:  humilité:laquelle  aufTi  luy,qui  eft  iufte  Iuge,nous  rendra:&  de  ma  partjie  n'en  doute 
nullement.  Or  ayans  efté  declarez,mes  frères  ont  efté  menez  à  Rouane,&:  fuis  demeu- 
ré feul.  On  m'a  dit  qu'ils  furent  hier  interroguez.il  eft  bruit  qu'ils  feront  menez  au  fu  p- 
plice  Samedy  prochain  .ce  fera  la  volonré  de  noftre  Dieu,  qui  conduit  toutes  chofes. 
Quant  à  moy,ie  n'ay  pas  encores  efté  dégradé: i'atten  de  îour  en  îour  l'heure,&:  me  dou- 
te que  ce  fera  demain  ou  Samedy.  Au  refte,  i'ay  efté  aduerty  qu'on  me  veut  remener  à 
Ville-franche,  pour  là  cftre  exécuté. Telle  nouuelle  ne  m'apporte  que  trifteiTe,pourvn 
delir  que  iauoye  de  tenir  compagnie  à  mes  frères  :  mais  cependant  ic  me  refiouy  de  ce 
qu'il  plaift  à  noftre  bon  Dieu,  îetter  de  fa  femence  en  ce  poure  pays  ruftique  &:  ignorât. 
Qupy  quecefoit,ie  loueDieu,queiefuisafieuré  que  foit  que  i'aillelà,foitqueiedemeu 
re  icy,  il  fera  feruir  ma  mort  à  la  gloire,àla  grande  ruine  &:  diflîpation  del'Antechrift  èc 
de  fon  règne,  &:  à  mon  falut. Comme  i'ay  dit,ie  fuis  journellement  attendat  que  fa  fain- 
&e  volonté  feule  foit  faite  &:  accomplie,  ce  qu'aufîi  ieluy  demande  par  prières  &orai- 
fons  continuelles,  ne  doutant  nullement  qu'il  ne  m'exauce  :&  ce  par  IefusChrift  no- 
ftre feul  Sauucur,  IntercelTeur,  Médiateur  &:  Aduocat .  auquel,  auec  le  Pcre  &  le  S.  Ef- 
prit  loit  honneur,  gloire,puilTancc  &  empire  éternellement,  Ainli  foit-i),&:  ainfi  foit-il. 
^Or  frère  àc  amy,ielouë  Dieu(côme  délia  i'ay  dit)qu'il  nous  a  fait  la  grâce  de  commu- 
niquer abondamment  enfemble  iufques  icy  :  tellement  qu'il  ne  nous  refte  rien ,  que  n'- 
ayons ample  matierede  le  glorifier &luy  rendre  grâces.  Seulement  donques  ievous 
prie  de  perfeucrertoulioursen  l'obeiflancede  noftre  bô  Dieu  &  de  fa  parolle  :  que  vous 
regardiez  de  conduire  toufiours  voftre  famille,  &C  la  nourrir  en  la  crainte  de  Dieu:en  la- 
quelle ie  compren,  fuyuant  ma  couftume,  Ieanne  ma  bonne  feeur.  le  vous  recomman- 
de aulfi  nos  poures  frères  qui  font  en  cefte  tyrannie  abominable,  &c  fingulierement  nos 
païens.  le  luis  dolent  de  ce  que  i'ay  fi  mal  fait  mon  deuoir  enuerseux  .  le  Seigneur  ne 
me  vueille  point  imputer.  Saluez,  s'il  vous  plaift,  tous  nos  amis.  La  grâce  de  noftre  Sei- 
gneu  r  Icfus  Chrift,&  la  charité  de  Dieu ,  &:  la  communication  du  S.  Efprit  demeure  a- 
ucc  vous  tous*  Ainli  fqit-il.  Viuezen  paix  auec  tous,  fi  faire  le  peur, &:  Je  Dieu  dedile- 
ction  &c  de  paix  fera  auec  vous.  Ayez  toufiours  mémoire  que  nous  n'auons  point  icy  de 

Hcbr.13.  CJte'  permanente- mais  que  nous  en  cerehons  vncà  venir,  laquelle  vous  attendrezen 
patie  nce&:  amitié,  viuant  en  diledion  auec  vos  prochains.  Puis  que  ie  nay  l'opportu- 
nité de  relcrire  dauantage,la  prefente  feruira  à  tous  nos  amis ,  aufquels  par  ces  prefen- 
tes  ie  dy  A-dieu.  A-dieu  mes  frères.  A-dicti  mes  amis.  Le  Seigneur  vous  benilTe&vous 
confe  rue ,  le  Seigneur  foit  protecteur  &  defenfeur  à  rencontre  de  tous  vos  aduerfaircs, 

&ne 


Denis  Teloquin.  jjo 

&  ne  vous  laiiTc  point  fuccomber  en  tcntatiomEt  quant  à  noUs,  qu'il  luy  plaifc  nous  fai- 
re Ja  grâce  de  perfeuerer  c  n  ce  com  bac,auquel  il  iuy  a  pieu  nous  appcler,tcllemcnt  que 
ion  fainct  nom  en  (bit  glorifié  »  Ton  Fglife  édifiée  &:  confolee ,  &  noftre  falut  auancé  :  le 
tout  au  nom  de  Iefus  Chrift,  foii  trefchcrFils  bien-aimé,  Amen.  Le  vingtquatriemc 
iourd'Aouft*  m»  d.  lui. 

L  E  T  T  R.  ES  dudit  Peloquin  cnuoyecsàfifcmme  .IVxhorrantde  s'au*eurcr ,  puis  que  par  foy  elle  a  fenty  la  ioye  Se. 
le  repos  qu'il  aura  par  vnc  mort  heureufe  :  &  pour  la  fiu  il  adioufte  particulières  admonitions  comment  elle  fc 
doiteon  liire. 

^Iesvs  Chrift  crucifié  pour  nos  pechez,&rel7ufcité  pour  noftre  iuftification,voui 
foit  pour  falut,  ioyeôi  confolatlon  en  vos  tribulations  &  afflictions:  Amen. 

(£$|§OEur&  bonne  amie,ie  n'ay  voulu  Jaiflcraller  cefte  tant  grade  occafion  fans  vouS 
^^^faire  fauoir  de  ma  difpofition  tant  d'efprit  que  de  corps  :  ioint  aufli qu a  cela  i'ay  c- 
fté  grandement  incité  par  les  bonnesnouuelles  quemon  bon  maiftre  dhoftel  m'aap- 
portees  de  la  confolation  inefkimable  que  ce  bon  Dieu  vous  donne.  Et  cet  tes, ma  b6ne 
fœur,  c'eft  ai  n  fi  qu'il  en  faut  taire ,  &  qu'il  le  faut  conformera  la  volonté  de  noftre  bon 
Dieu.  Que  fi  vous  n'auiez  point  appréhendé  laprouidencede  cebonPcre  celefte,  & 
vous  n  eufliez  point  goufte  quelle  eft  la  confolation  &:  ioye  qu'il  dône  aux  fiens ,  à  la  vé- 
rité il  feroit  bien  difficile  de  vous  refiouir  maintenant.  Mais  ie  loue  ce  bon  Dieu ,  qu'il 
vous  fait  fentir  par  foy  la  ioye  &  repos  auquel  en  bref  i'efpere  qu'il  me  retirera:  &:  qu'il 
vous  fait  cognoiftre  que  c'eft  le  plus  grand  bien  qui  me  îauroit  aduenir.  Parquoy  ce  n  - 
eft  point  en  vain  que  vous-vous  cfiouyficZjCe  n'eft  point  lans  caufe  &  fans  rai(on:&:  non 
feulement  que  vous- vous  efiouifTez,  mais  que  vous  follicitez  ceux  qui  veulent  pleurer* 
pour  fe  refiouir  auec  vous.  Certes  ma  fœur  &:  amie ,  ic  ne  vous pourroye  pas  exprimer 
combien  grande  confolation  telles  chofes  m'apportent.Dcma  part,  afleurez-vous  qu  * 
onques  ie  ne  fu  fi  ioyeux  ny  en  fi  grand  repos  de  mon  efprit  que  ie  fuis  maintenant  >  ten- 
tant que  ce  bon  Dieu  me  veut  faire  mifericorde ,  &:  m'attirer  à  foy,  pour  me  mettre  en 
fon  repos  etcrnel,faifant  fin  à  toutes  mes  miferes&  calamitez.Or  ma  fœur,ie  vous  prie 
au  nom  de  noftre  bon  Dieu,  perfeuerez  toufiours  en  l'obeiiTance  de  noftre  bon  Dieu  te 
en  fa  crainte.  Suyuez  bonnes  compagnies,  euitez  propos  oififs  ,&  qui  ne  conuiennent 
point  à  femmes  Chreftiennes  :  fingulierement  à  vous.  Que  vous  foyez  enexempk  de 
bonne  conuerfanon&:  de  modeftie,  de  douceur  &c  d'humilitcà  tous  :  qu'on  cognoiïïe 
que  vous  aucz  profité  en  l'cfcole  de  Iefus  Chrift  par  mes  liens.  Ne  faites  rien  fanscon- 
feil  de  vos  amis,  quelque  chofe  que  ce  foit.  Soyez  vertueufe  en  vos  faits  èc  dits:  foyez 
humble  cnuci  s  tous,  &  fingulierement  enuers  ceux  fous  la  charge  defquels  vous  ferez. 
Viuez  en  paix  &:  amitié  auec  tous,fi  faire  fe  peut,afin  qu'on  cognoiiTe  que  vous  eftes  du 
nombre  de  ceux  que  le  Seigneur  a  eferit  en  fon  liure.  Et  certes  ie  loué' ce  bon  Dieu ,  de 
ce  que  i'ay  plus  grande  matière  de  le  glorifier  &:  magnifier  fon  fainct  nom ,  que  non  pas 
de  m'arrefter  dauatage  à  vous  admonnefter &inftruire  en  ces  chofcs,aufquclles  ie  vous 
voy  &  cognoy(graces  à  fa  bonté)que  vous  eftes  bien  refolue  &:  arreftee.  Il  ne  vous  refte 
donc  plus  maintenant ,  finon  que  de  prier  ce  bon  Dieu,  qu'il  vous  donne  perfeucrance 
en  fon  obeifiance&  crainte ,  &:  qu'il  vous  face  la  grâce  de  non  défaillir  aucunemét.  Ce 
qu'il  fera  moyennant  que  de  cœur  humble  &c  droit  vous  luy  demandiez  au  nom  de  ce 
grand  Sauueur  Iefus  Chrift  noftre  feul  Seigneur. 

C  E  S  T  E  Epiftrccft  pour  rcfponfe  de  Denis  Peloquin  à  vnc Damoifcllc  qui  luy  auoirr ferit.*'  eft  en  dartedu  cinquiè- 
me de  lui  Met,  M.  D.  L  I  1 1.  le  fom  maire  He  laquelle  eft  ,  que  nous  nous  tenir  m  bien  rcloluscn  to  ce  adue  rilcé, 
que  nos  ennemis  nenous  peuuent  rien  faire  fans  la  pcrmiffion  de  Dieu. 

CjjSSpA  D  A  M  O ISE  L  LE, fœur  &  bonne  amie  en  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift,il  ny* 
ggjjgja  ecluy  (i'enten  d'elprit  regenei  é)qui  facilement  ne  iugeque  telle  amitié  c  emme 
celle  que  i'apperçoy  par  vos  lettres  que  vous  nous  portez,ne  foit  entièrement  diurne  6c 
fpirituelle.  Car  félon  le  monde,ce  n'eft  pas  entre  telles  gens  comme  nous  qu'il  faut  cer- 
cher  des  amitiez  ou  faueurs  môdaincs  ,  pour  en  efperer  quelque  profit  6U  lécours  tem- 
porel. Iedyenuers  nous,quifommcs  iournellementexpofez  en  moquerie  Se  derifion, 
&:  eftimez  félon  le  îugement  des  hommes,  les  ordures  du  monde ,  indignes  que  la  terre 
nous  fouftienne,  &:  mefmes  quant  aux  hommes(i'enten  de  ma  perfonne)  le  plus  abiccr. 
Il  eft  facile  donc  de  iuger  que  ce  n'eft  point  la  faueur  du  monde  que  vous  efpcrcz ,  ains 
du  grand  Dieu  viuant ,  cognoiiTant  bien  que  l'amitié  du  monde  luy  eft  inimitié:  c'eft, 
dy-ie,pourquoy  vous  cercliez  auec  le  bon  Moyfe,d'eftrepluftoft  affligée  &meiprifee  Htbr.n. 


Liurc^  III.  Denis  Peloquin. 

nucc  le-  peuple  de  Dieu ,  que  d'eftre  en  grandes  pompes  &  délices  en  la  maifon  de  Pha- 
raon. Ce  que  Vous  auez  allez  manifefté ,  ayant  delaifie  lesfaueurs  &  amitiez  des gi  ans 
Rois  &c  Grinces  delà  terre*  pour  venir  cercher  celles  des  pou res  affligez &:  opprefléz, 
aufqueîs  on  ne  peut  contempler  autre  chofe  qu'vhe  horrible  &:  efpouuantable  face  de 
iamort.  Mais  louange  à  rEterncl,qui  vous  a  ouuert  les  yeux  pour  iuger  que  ceux  font 
Ucaufc  de  bien-heureux  qui  fouffrent  iniures,voire  la  mort  ignominieufe  pour  iuftice ,  qui  vous  a 
hconion-  fait  cognoiftre  que  la  mort  de  tels  eft  precieufedeuaht  Dieu:quec'eft  le  moyen  d'eftre 
°  cohformesàrimagedcnoftreSeigneurIefusChrin:.Voila(cecroy-ie)lacaufeqtiivoiis 
aefmeu  aucc  grade  affection  de  nous  confoler,  d'autant  que  fommes  tous  membres  d'- 
corps,dôt  Iefus  Chrift  efî  ie  chef.&r  que  defia  la  conion&ion  de  cefte  amitié  Chreftien- 
ne  eft  faire,  &:  ne  vous  faut  aucunement  douser  que  ne  vous  tenions  ôcme  noftre  bons 
fœur  6c  amie  en  noftre  Seigneur  Iefus.  Quant  à  ce  que  vous  nous  dites  ehfans  de  Dieu, 
ayans  grand  accez  ôefaueur  cnuers  luy:à  la  vérité  nous  le  croyons  ainfi  au  moyen  de  no- 
ftre Seigneur  Iefus  Chrift, qui  nous  aadoptez  pour  eftre  faits  enfans  &;  héritiers  auec 
luy,  nous  ayant  choifis  pour  eftre  de  les  domeftiques,&  des  plus  pioches ,  voire  iufques 
à  nous  faire  boire  en  fa  couppe,&  coucher  en  fon  liâ:brc£  nous  fait  abondammét  par- 
ticiper en  fes  croix  &c  tribulations, ie  dy  fi  auant  que  nous  en  pouuôs  poi  ter,ahn  de  par- 
uenir  à  la  mefmc  gloire  à  laquelle  il  eft  paruenu:  &  nous  à  dôné  non  iculcmét  de  croire 
en  luy,  mais  aufti  de  foufFrir  pour  lui. Et  combien  que  par  nos  iniquitez&  o/rénfcs,lef- 
quelles  nous  cômettons  iourncllemcnt  deuât  fa  faifiéte  face,  il  ait  plus  q  jufte  ôccafion 
de  nous  punir,non feulement  d'vne  punition  temporellc,maisd'vhemorteterncllc:fî- 
cft-cc  que  par  fa  grade  mi(cricorde&:  bôté,cn  la  faneur  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift 
fon  trcfchcr&:  bicmaimé  Fils ,  il  nous  remet  entièrement  nos  fautes,&  veut  que  nous' 
foyonsaffligez&pcrfccutezpouf  lacohfciTion  de  fon  S.nom.    Car  voilalafculecaufe 
pour  laquelle  nos  aduerfaires  nous  perfccutent:aiTauoirqucnousvoulôsferuirauDieu 
viùat  en  efprit& vérité, ainfi  qu'il  le  requiert. Et  que  pluftoft  nous  voulÔs  obcir&crain- 
dreceluyqui  peut  ictter  corps &ame  en  la  gehenne,que  ceux  quenepeuucnt  tuer  que 
les  corps:&  ne  le  peuuent  faire  finon  qu'il  leur  en  donne  la  licéce.  Il  eft  vray  qu'ils  nous 
tiennent  en  leurs  mains ,  &:  n'ont  point  faute  de  mauuais  vouloir ,  n'eftans  defgarnis  de 
ragcfurieufeàrcfpandrele  fang  innocent  :  mais  noftre  Dieu&  Peretout-puilTant  leur 
met  vne  boucle  aumufeau  pour  les  retenir,en  forte  qu'ils  ne  peuuent  exécuter  finori 
cequefafain&e&facree  prouidence  éternelle  en  a  ordonné  deuant  tous  ficelés  :&c'- 
Lucu.     eft  ce  qui  nous  eft  dit,qu  il  ne  tombera  point  vnfeul  cheucu  de  noftre  tefte  fans  fa  vo- 
lonté.Que  fi  nos  aduerfaires ,  quelque  force  apparente  qu'ils  ayent ,  n'ont  aucune  puif- 
fance  fur  nous  finon  autant  qu'il  leur  en  eft  donné  d'enhaut,  que  deuos-nous  craindre? 
&  fi  Dieu  eft  pournous,quifcracontrcnousîVoila,trefchere  fœur  vne  confolatio  mer- 
ueilleufe&bicn  fuffifante  pour  nous  alTeurer  contre  la  force  de  tous  nos  ennemis,  voy- 
ant qu'ils  n'ont  point  lcpouuoir  tel  que  le  vouloir  :&  qu'il  faut  que  celuy  qui  nous  eft 
La  neceffi-  Pere  propice  &;  rauorable,leur  permette  exécuter  l'a  volonté,^:  non  autrement.  Ceftc 
do.îinc.,lC  doctrine  nous  eft  mcrueillcufcment  necefiaire ,  non  feulement  à  nous  qui  fommes  de- 
tenus  captifs, aciendans  en  patience  la  bonne  volonté  de  noftre  bon  Dieu,  mais  aufïi  à 
tousChrcfticnsfidelcs.Carilcftccrtainqucfinous  anionsbien  profité  en  ctfte  leçon 
on  ne  verroit  point  tant  de  rebellions  àl'encontrc  de  la  bonne  volonté  de  noftre  Dieu 
&.  de  lobeifiancc  que  nous  dcuons  à  fa  parolle&  à  fes  faindes  promclTcs.    ^Ccux  qui 
font  encore  détenus  en  ces  miferablcs  idolâtries  de  la  Papauté,  en  feroyet  bien  toft  de* 
hors,  s'ils  auoycnt  vne  telle  cognoilfance  de  ceftc  tant  fainfte  prouidence  de  ce  boa 
Dieu  cuers  nous.Et  à  la  mienne  voloté  que  ie  n'eulTe  que  dire  de  ceux  qui  fe  lot  retirez 
par  de-là,  qui  font  tat  conucincus  en  leur  côfcience  du  grand  foin  que  ce  bô  Dieu  mô- 
ftreiourncllemétauoir  d'euxxependant  ils  ne  ceffent  de  fclaificr  mener  par  leurs  arTc- 
ctios  pour  murmurer  quelque  fois  cotre  Dieu,  fe  nourrifiànt  en  vne  défiance  plus  que 
ta  «lefun-  Paycnne.Et  cncoYcs  que  les  promelfesde  Dieu  leurs  foyêt  toutes notoircs,ils  ne  s  y  fîe- 
"i"  fon:  ronC"'a'>  unon  f°us  Don  £age-  Car  moyennant  qu'ils  ayent  la  bourfc  plcinc,qu'ils  ayent 
retirez  S*  fanté,  &  qu'ils  voyent  entièrement  toutes  choies  leur  rire  $c  applaudir,  alors  ils  eroirôt 
ighk<  rc-  bien  que  Dieu  eft  tout-puiftànt:  &:  mcfmes  feront  les  premiers  à  condamner  ceux  qui 
cc"    par  grande  pourcté,  ou  aucune  autre  tribulation  tomberont  en  quelque  petite  défi- 
ance. Cèleront  les  premiers  qui  cricrontapres  les  autres  qui  pour  crainted'auoirne- 
ccfîitc  au  troupeau  de  noftre  Seigneur  IcfusChrift,fôt  détenus  en  l'idolâtrie  exécrable 

de 


£/^2ro  aux  prifonniers  dz~>  Lyon.  *j( 

de  la  Papauté:cependant  on  ne  voie  en  tels  iuges  que  coûte  auarice  &T  pure  deffiance .  il 
n'eft  queftion  que  de  ccrchcr  terres  èc  poircfliôs  pour  auoir  moyen  d'entretenir  les  mef 
mes  cftats,  pompes&:  délices,  &:  de  prendregardequelemôccaunappetiiTe.Onnoic 
autre choie que  dire,Nous  mangeons  tout,  nous  defpédons  tout,  nous  ne gagnôs  rien: 
&  cependant  d'auoir  foucy  de  receuoir  auec  humilité  &  obeiifance  cefte  pafturc  de  vie 
qui  leur  cft  donnée  en  fi  grande  abondace,  il  n'en  cft  point  de  queftion.  Il  nous  fuffit  de 
voir  les  murailles  delà  ville  &:  celles  du  temple,  (ans  nous  foucier  d'entrer  dedans  pour 
ouyr  la  parolle  de  Dieu. Il  l'unit  d'eftre  hors  (ce  nous  lemble)  de  la  main  de  nos  aduerfai- 
res  poui  viiue  en  repos  charnel, fans  aucû  regard  de  ccrchcr  la  choie  qui  nous  eft  la  plus 
neceflairr,&  pour  laquelle  mcfmcs  nous auôscfté créez, 2/làuoir  le  royaume  de  Dieu 
&C  fa  iuftice:  auec  lefquelles  choies  touteffois  no9  fommes  aiîcurczque  tout  ce  qui  nous 
fera  neceffairc  nous  fera  amplement  donné,  c'eft  la  venté  mcfme  qui  le  nous  a  promis: 
parquoy  nous  ne  deuons  nullement  douter,  que  s'il  aie  Coin  de  celle  vie  tant  caduque 
&:  mifcrab]c,il  nous  faut  a/Feu  rcr  qu'au/fi  aura-il  de  lame ,  laquelle  a  efté  fi  chèrement 
rachetée  parle  précieux  fang  de  noftrc  Seigneur  Icfus.Nousauonstâtde  promefTesde 
ces  chofes  par  toute  l'Efcriturc, qu'il  n'eft:  poflîhle  que  nous  ncloyonsgrandcmétcoul- 
pables  fi  nous  n'y  adiouftons  foy.  Mais  qnoyr  noftre  infidélité  cft  fi  grade  que  c'eft  pitié. 
&  partant  nous  aiions  bon  meftier  de  prier  inceifamment  ce  bon  Dieu  &  Pere,au  nom 
&  en  la  faneur  de  noftrc  feul  Seigneur  &c  Sauueur,  Interccflcur,  Médiateur  &  Aduocat 
Iefas  Chrift.le  prier,dy-ic,  qu'il  vucille  fupporter  noftre  infii  miré,&:  nous  augmenter  la 
foy,&  dôner  certaine  aliéuranec  en  fesfain&es  promeilés,alin  de  nous  y  fier&aiTeurer 
pleinement,  encores  que  nous  viiTîons  le  ciel  &  la  terre  rcnucrfer:fachans  que  la  parol- 
le deDieu  demeure  éternellement. le  vous  ay  ici  fait  vn  long  difeonrs  de  cefte  matière, 
trefchcredame& (ceui:  non  pasquefayeaucunedouteque  n'y foyezfuffifamment  in- 
ftruice  :  loinct  au/fi  que  vous  eftes  à  la  fonraine  pour  pujfer  fans  grande  difficulté  de  ce- 
fte eau  viue  en  abondance:  mais  délirant  fatiifaire  à  voftre  fainctdefir,  après  auoir  de- 
mandé à  noftre  bon  Dieu  la  grâce  de  Ton  S.Efprit ,  îen'ay  point  trouuéde  matière  plus 
propre  pour  me  confoler  auec  vous.  Car  ie  croy  qu'il  n'y  a  celuy  qui  n'ait  bien  befoin  d'- 
eftre fouuentfolicité  à  telles  choies,  d'autant  que  naturellement  nous  fommes  remplis 
d'vnc  deffiance  de  la  prouidence  de  Dieu ,  &  de  rébellion  à  fa  faincte  volonté.  le  vous 
fupplic  donc  trefehere  feeur,  prendre  en  gré  ce  petit  que  le  Seigneur  m'a  donné,&fup- 
porter  mon  imbécillité  6c  ignorance,  à  laquelle  ic  n'ay  aucun  elgard,  me  fiât  que  lâcha 
ricé  Chrcftiennc  que  me  portcz,cxculera  facilement  ce  qui  a  befoin  d'eftre  exeufe. 

Or  ie  vous fupplie  humblcmét  de  perfeuerer  en  vos  fain&cs prières &C  oraifons,pour 
les  neccflîccz  de  la  poureEglife  de  noftre  Seigneur  tant  del'olee  &  affligée .  ôcfingulie- 
rement  pour  nous  qui  l'ommesappelez  àcelte  vocation  tant  faincte,pour  maintenir  fa 
faincte  &  facree  venté  deuant  les  hommes,  &  faits  dignes  de  fouffrir  pour  le  nom  de  Ic- 
fus,à  ce  que  ne  défaillions  point  de  la  confellion  d'icclle  :  mais  que  nous  y  demourions 
fermes  &c  conftans  iuiques  à  la  dernière  goutte  de  noftre  fang ,  à  1a  gloire  de  ion  S.  nom 
le  édification  de  nos  prochains,&:  à  noftre  falut.  De  noftre  part  nous  taicherons  de  fai- 
re noftre  dcuoir  pour  vous,tar  qu'il  plaira  à  noftre  bon  Dieu  nous  tenir  en  ce  corps  mor 
tel.  l'en  dy  autant  à  noftre  bonne  fœurmadamoifcllc  dcTillacJaquellc  ie  délire  afFe- 
ûucufementeftrc  participante  de  laprefente.  Vous  remerciant  humblement  de  la 
faincte  amitié  &:  bonne  affection  que  vous  portez  à.ma  femme,vous  priant  auffi  de  con- 
tinuer vos  fainctes  conlolanons  enuers  elle ,  félon  la  necefficé  que  vous  cognoiftez  qu'- 
elle en  peut  auoir. 

Voftre  humble  feruitcur &: frère,  Denis  Peloquin. 

JJElon  l'ordre  qui  a  efte  tenu  au  prccedent,auat  que  deferire  la  dernière  exécution  fai- 
te contre  Denis  Peloquin ,  nous  auons  inféré  les  lettres  que  M.Iean  Caluin  a  eferites 
audit  Peloquin,Louys  de  Marfac&  autres  auflî  prifonniers  pour  vne  mcfme  caufe dei - 
Euangile  de  leius  Chnft,  iefquelspeu  après  font  mis  en  leur  reng. 

Le  fomrruire  de  celle  Epiftre  eft,  qu'ayant  monftré  le  foin  qu'il  a  de  les  confoler  &  fortifierai  inftruit  vn  d'entr'eu x  dcbile  co 
la  do&r  ne,  comment  il  doit  refpondre  fur  pluficurs  poinéfe  de  la  religion,  pu  is  les  çonfole  tous  en  gênerai ,  leur  mou» 
ftrant  la  rclicite'  de  leur  vocation. 

Trischirs  Frère  $,  combien  qu'en  efcriuant  voftre  lettre,  vous  pendez 

V. 


Liurc^  111.  Epifire  aux  pri/onniers  de  Lyon. 

que  les  ennemis  de  vérité  vous  dculfcnt  facrifier  bien-toft  ,ien'ay  point  lai/le  de  vous 
cicrirc  la  prefente:  afin  que  s'il  plaift  à  Dieu  qu'elle  vienne  à  temps,  vous  ayez  encore 
quelque  mot  de  confolation  de  moy.  C'eft  trelbien  &:  trefprudcment  conlideré  à  vous 
les  grâces  de  Dieu,  quand  vous  cognoifTez  qu'il  a  encores  mieux  conferméenvous  fes 
promelfes ,  vous  dônant  vne  telle  conftance  comme  vous  l'auez  fentie nagueres  en  vos 
dernières  rcfpôfes.  C'eft  bien  de  luy  à  la  vérité,  qu'eftes  demeurez  ainli  fermes  pour  ne 
point  rlelchir .  ainli  ie  me  tien  bien  alTeuré  que  ce  feau  qui  porte  la  vraye  marque  du  S. 

G^araîa  Efprirne  fera  iamais  effacé.  D'autre  part,  il  a  lipuiiTamment  befongne  en  Michel  G. 

perfeuerc.  que  la  foiblclfe  qui  auoit  efté  en  luy  par  cy  deuant ,  donne  tant  plus  g;  and  luftre  à  celle 
vertu  laquelle  il  a  receue  d'enhaut.  Ienedoutepasquclesennemismclmes  ne  foyenc 
conucincus,quc  ce  changement  n'eft  pas  procède  de  l'homme .  ainii  par  plus  forte  rai- 
fon  nous  deuons  bien  auoir  les  yeux  ouuerts  pour  contempler  la  main  de  Dieu ,  laquel- 
le s'eft  ici  eftendue  dvne  façon  admirable ,  pour  retirer  fa  poure  créature  de  l'horrible 
confuiion  où  elle  eftoit  tombée.  Du  temps  qu'il  a  efté  conduit  de  (on  fens ,  jl  cuidoic  a- 
uoir  beaucoup  gagné,  ayant  racheté  quelque  peu  de  temps  de  celte  vie  caduque  6c  mi- 
ferable,&*  s'eftant  plonge  aux  abyfmes  de  mort  éternelle. C'eft  dôqucs  vne  ceuure  diui- 
tie,  que  de  l'on  bon  gré  il  foie  rentré  en  la  mort  pour  paruenir  à  la  droite  vie:  de  laquelle 
non  feulement  il  s'eftoit  eiîongné ,  mais  du  tout  forclos  entant  qu'en  luy  eftoit.  Car  la 
bonté  de  Dieu  s'eft  tant  plus  richement  dcfployceen  ceft  endroic1:,qu 'il  a  releué  fa  cré- 
ature d'vne  cheute  qui  pouuoit  fcmbler  mortelle  :  voire  pour  ti  iôpher  en  icelle  ma- 
gnifier la  gloire  comme  il  a  commencé,  &i'efpere  qu'il  le  parfera. 

Va  y  veulaconfelîion  qu'ilafaite, laquelle eft  pure  &  franche,  &  digne  d'vn  homme 
Chreftien.Toutesfois  il  eft  bon,  ce  me  femble,qu'il  loit  aduerty  de  quelques  poincb,a- 
fîn  que  les  aduerfaircs  foyenc  tant  plus  confus, quand  il  leur  fera  relponfc  plus  diftin&e. 
Non  pas  que  ce  qu'il  a  dit  ne  loit  vray,mais  pource  que  les  malins  prennet  touliours  des 
occalions  bien  légères  de  calomnier  &£  peruertir le  bien. 

lTcor^sdc      Estait  interrogué ,  Si  le  corps  de  IefusChrift  n'eft  pas  fous  l'efpecedupain}ila 

kSchrift.  refpondu  que  non.  Quand  on  luy  a  demâdé  pourquoy,il  a  refpondu  que  c'eftoit  vn  pur 
blafphemeanneantilfantlamortdelelus  Chrift.  Or  il  falloir  qu'il  reprouuaftnotam- 
mét  deux  choies  en  la  Melîed'vne  eft  vne  idolatrie,en  ce  qu'ils  font  vne  idole  d'vn  mor 
feau  de  pain, l'adorant  comme  Dieu,  La  féconde  eft,  qu'ils  en  font  vn  facrifice  pour  re- 
concilier les  hommes  à  Dieu. Or  comme  Iefus  Chrift  eft  le  feul  Sacrificateur  ordôné  de 
Dieu  le  Pcre:aulfi  luy-m  efme  s'eft  offert  vne  fois  pour  toutes,&fa  mort  a  efté  le  facrifice 
vnique  &  perpétuel  pour  noftre  rédemption.  Mcfme  fur  le  premier  article ,  il  euft  efté 
bon  de  protefter  qu'il  croit  bien  qu'en  la  Cene  nous  cômuniquons  au  corps  &C  au  fang 
de  Iefus  Chrift:mais  que  c'eft  en  montant  en  haut  au  ciel  par  foy,&  nô  pas  le  failant  de- 
feendre  icy  bas:adiouftant  toutefois  que  cela  ne  fait  rien  pour  leur  Mefle,  veu  que  c'eft 
vn  a&e  du  tout  contraire  à  la  Cene  de  Iefus  Chrift. 

Estant  interrogué,  Sila  vierge  Marie  &:  les  Sain&s  intercèdent  pour  nous:  ilare- 
fpondu  qu'il  n'y  a  qu'vn  feul  Ielus  Chrift  IntcrceiTeur&  Aduocat.  Ce  qui  eft  vrayxar  il 

Les  moru  n'y  a  ny  homme  ny  Anges  qui  ayent  accez  à  Dieu  le  Perc  que  par  ce  Médiateur  vnique. 

Dont  ponu  mais  il  euft  efté  bon  d'adioufter  pour  déclarant), que  l'office  d'intercéder  n'eft  point  dô~ 

ofhcc  dm-     ,  r  j    jf.  j      i  ,         r  t 

itrccdcr.  ne  aux  morts,comme  Dieu  nous  commande  d  intercéder  les  vnspour  les  autres  enla 
vie  prefente.  Cependant,  pource  qu'il  n'eft  licite  de  prier  Dieu  qu'en  certitude  de  foy» 
qu'il  ne  nous  refte  flnon  d'inuoquer  Dieu  au  nom  de  Iefus  Chrift ,  &c  que  tous  ceux  qui 
cerchent  la  vierge  Marie  &C  les  Sain&s  pour  leurs  aduocats,extrauaguent,&:  fe  deftour- 
nent  du  chemin. 

Du  Franc  Es  t  an  t  interrogué  du  Franc-arbitrcrpour  monftrer  qu'il  n'y  a  en  nous  aucun  pou- 
arUtrc.  uoir  de  bien  faire, il  allègue  le  dire  de  S.  Paul  au  feptieme  des  Romains ,  le  ne  fay  pas  le 
bien  que  ie  veux ,  &c.  Or  il  eft  certain  que  S.  Paul  ne  parle  point  là  des  incrédules  qui 
font  du  tout  denuez  de  la  grâce  de  Dieu:  mais  de  luy  8c*  des  autres  fldeles,aufquclsDieu 
auroit  défia  fait  la  grâce  d'afpirer  à  bien  faire.  Sur  cela  il  cofe/le  qu'il  fent  en  foy  vne  tel- 
le repugnancc,qu 'il  ne  peut  venir  à  bout  de  sacquiter  pleincmcnt.il  falloit  dôques  ad- 
ioufter  pour  déclaration, Si  les  fidèles  fentent  toute  leur  nature  contraire  à  la  volonté 
de  Dieu ,  que  fera-ce  de  ceux  qui  n'ont  que  pure  malice  &:  rébellion  ?  comme  il  dit  au 
huitième  chapitre ,  que  toutes  les  afFe&ions  de  la  chair,  font  autant  d'inimitiez  contre 
Dieu.  &c  au  fécond  des  Epheiiens,ilmonftre  bien  que  c'eft  qu'il  y  a  en  l'homme.  Item 

aupre- 


Denis  Teloquin.  iji 

au  premier  &  fécond  chapitre  de  la  première  aux  Corinthiens,  te  au  troifieme  cha.  des 
Romains.  Dont  il  s'enfuit  que  ceft  Dieu  qui  fait  en  nous  &:  le  vouloir  àc  le  parFaire  felô 
fon  bon  plaifir,  commeil  eft  dit  au  fécond  chap.des  Ephehens. 

Estant  interrogué  furies  Vœuz,  ilarefponduque  toutes  nos  promettes  ne  font  DesVœuz. 
que  menterie.Or  il  euft  efté  bon  de  fpecifïer  quvne  partie  de  leurs  voeuz,eftans  impof. 
fibles,nefont  quedefpitcr  Dieurcôme  quand  les  Moines  2>C  Preftres  renoncent  au  ma- 
riage:&que  tous  en  gênerai  ne  font  que  faillies  inuentions  pour  abaftardir  leferuice  de 
Dieu:&  qu'il  ne  nous  eft  permis  de  luy  promettre  ou  offrir ,  linon  ce  qu'il  approuue  par 
fa  parolle.  le  croy  que  ledi£t  frère  fera  bien  aife  d'eftre  aduerty  de  ces  choie  s  :  afin  que  la 
vérité  de  Dieu  foit  tant  plus  vi&oricufe  en  luy. 

^  A  v  refte,  comme  au  milieu  de  cefte  vie  nous  fommes  en  la  mort:auflî  maintenant 
il  vous  faut  eftrc  refolus  qu'au  milieu  de  la  mort  vous  cftes  en  la  vie.  Et  en  cela  voyons- 
nous  qu'il  n'eft  point  queftion  de  nous  gouuerner  félon  noftrc  f'enspour  fuyure  Iefus 
Chrift:car  il  n'y  a  rien  qui  nous  foit  plus  eltrange,  que  de  nous  plonger  en  opprobre  ,& 
nousabbatrciufques  à  la  mort,pour  eftrc  eflcuczàlagloircdes  cieux.  Mais  nous  fend- 
rons en  la  fin  par  efïe£t,que  le  Fils  de  Dieu  ne  nous  a  poinr.  fruftrez,en  nous  promettant  Maceh.ro; 
que  quiconques  quiteera  fa  vie  en  ce  monde,  la  recouurera  pour  en  îouyr  à  ïamais.  Par- 
quoy,  mes  freres,fi  iufques  ici  vous  auez  cogneu  par  expérience  que  val  enc  les  confola- 
tions  que  ce  bon  Seigneur  Iefus  donne  aux  fiens ,  pour  leur  faire  trouuer  doux  &:  amia- 
ble tout  ce  qu'ils  foufFrcnt  pour  fa  querellc:&:  que  vaut  l'aide  de  fon  Efprit  pour  leur  dô 
ner  courage,  à  ce  qu'ils  ne  défaillit  point:pnez-le  qu'il  continue  l'vn  &:  l'autre  :  &c  en  le 
priant  repofez  vous  en  luy,  qu'il  accomplira  voftre  faind  defir.  De  noftre  part ,  cepen- 
dant que  vous  ferez  au  corn  bat ,  nous  ne  vous  mettrons  point  en  oubly.  Tous  mes  frè- 
res vous  faluent.  Ce  bon  Dieu  &  Pcre  de  mifericorde  vous  ait  en  fa  protection  :  &;  s'il 
luy  plaift  que  vous  enduriez  la  mort  pour  le  tefmoignage  de  fon  Euangile,comme  l'ap- 
parence y  eft ,  qu'il  monftre  qu'il  ne  vous  a  point  abandonnez,  mais  pluftoft  qu'en  vous 
ordonnant  fes  Martyrs ,  il  habite  &  règne  en  vous:  voire  pour  triompher  en  vous  à  la 
confufion  de  fes  ennemis ,  &:  pour  édifier  la  foy  de  fes  efîeus  ;  Se  qu'il  nous  côduife  tous 
iufques  ace  qu'il  nous  recueille  enfemble  en  fon  royaume .  Cevingtdcuzieme  d'- 
Aouft,   M.  D.  LUI. 

Excvsez-moy  fi  ie  ne  vous  ay  pluftoft  refpondu:  carie  reccu  feulement  hier  vo- 
ftre lettre,  laquelle  eftoit  dattee  du  douzième. 

Voftre  humble  frère,  I.  Caluin. 

COPIE  d'vne  lettre  de  Peloquin  &de  Marfac ,  enuoyee  à  monfieur  Caluin  rainiftre,  le  quatorzième  de 
Iuillet,  M.  D.  LUI. 

jO  N  S I E  V  R  &  frère  en  noftre  Seigneur,  de  puis  hier  ce  bon  Dieu  Se  Pere  de  cô- 
Jolation  ayant  voulu  donner  moyen  plus  grand  de  le  glorifier,  nous  a  fait  la  grâce  Touchant 
d'auoir  efté  mis  enfemble  de  iour.Parquoy  nous  auons  penfc  tous  d'vn  accord  vous  ref-  l'appel  des 
crire,  pourhumblemcnt  vous  remercier  de  vos  fain&cs  confolations  &  admonitions  J^Lyon" 
qu'il  vous  a  pieu  nous  faire. Et  quant  à  ce  que  nous  mandez  de  fappeljà  la  vérité  ça  efté 
toufiours  noftre  but  de  tendre  à  la  gloire  de  noftre  Dieu.  Il  eft  vray  que  nous  auiôs  con- 
clu d'en  vfer  fuyuant  l'aduis  de  quelques  bons  amis  qui  le  trouuoyent  vtile-.mais  voyant 
que  voftre  confeil  eftoit  autre,  mcfmes  ayant  entendu  les  caufes  qui  font  à  la  vérité  bié 
dignes  d'eftre  obferuecs ,  encorcs  qu'il  nous  fuft  permis  parnos  aduerfaircs  d'appeler, 
nous  auions  conclude  ne  le  faire.  Cependant  Dieu  nous  a  ofté  tel  moyen,  d'autant  qu'- 
auons  efté  aduertis  que  nos  aduerfaircs  ont  obtenu  lettres  en  dernier  reflbrt,&:  en  auôs 
veu  l'cxperiéce  en  la  perfonne  de  noftre  frère  Dimonet ,  lequel  a  efté  fruftré  de  fon  ap- 
pel^ de  fait  il  a  efté  grand  bruit  ces  iours  paflez  qu'il  deuoiteftreexecuté,commeà  la 
vérité  nos  ennemis  ont  fait  grand  pourchas  pour  ce  faire:  mais  fes  amis  félon  la  chair,  Se  Dimonet 
toute  la  nobleffe  de  Lyon  font  fort  après  à  le  pourf  uyure  &torméter,tendas  à  ce  but  de  inquiccé  de 
lediuertirde  fonfaintt&facré  propos.  Ceneantmoinsnous-nous  tenons  affeurez  que  kdcii^- 
celuy  qui  acômencé  bon  ceuure  en  luy,  le  parfera,comme  auons  cogneu  par  vne  lettre 
qu'il  no9enuoya  hier(laquelle  nous  enuoyôs  par-delà)afin  que  tât  plus  nous  foyôs  afTeu- 
rez  du  foin  que  ce  bô  Dieu  a  des  fies,  lefquels  il  a  choifis  pour  le  glorifier.Et  côbien  que 
nous  ne  doutions  nullement  du  foin  que  vous  auez  de  nous  tous  qui  fommes  en  ce 
combat  tant  heureux ,  fi  eft-ce  que  ces  chofes  nous  efmeuuent  à  vous  fupplier  au  n  ora 

V.ii. 


Liurc^f  III.  Matthieu  Hïmonet. 

de  noftre  bon  Dieu,  d'auoir  fouuenc  mémoire  de  nous  en  vos  fain&es  prières ,  afin  que 
nous  ne  defailliôs  poinr,  &:  que  ne  foyons  point  furmontez  par  ce  malheureux  Satan  &: 
tous  Tes  fuppofts:  vous  fupplian  t  auflî  falucr  tous  meilleurs  vos  frères,  nous  recomman- 
dant humblement  à  leurs  lain&es  priercs,&:  généralement  à  toute  l'Eglife.  Si  vous  ret 
criuiez à  Laufanne ,  nous  délirerions  grandement  cftre  recommandez  à  moniieur  Vi- 
rer voftre  bon  frère, &:  aulli  à  rous  les  frères  qui  fonr  de  par-delà:  le  remerciant  humble- 
ment des  lainctes  conk  dations  qu'il  luy  a  pieu  nous  enuoyer,lciqucllcs,  comme  les  vo- 
ftresjfcruent  grande  ment  à  noftre  forrifkation  ,&  nous  donnent  grand  courage  à  per- 
feuercr  pour  mainte  nirtoufiours  la  gloire  de  noftre  bon  Dieu. 

Par  les  voftres  treshumblcs  &  obeiifans  dilciples ,  De  Marfac&  Peloquin, 
prifonniers  pour  le  nom  de  Iclus. 

S'  r  N  S  V  1 T  après  le  combat,  l'ifluc  &  la  firfheureufe  de  Denis  Peloquin. 

I L  eftoit  queftiô  dafîembler  ici  toutes  les  lettres  que  Denis  Peloquin  a  eferites 
ygjgig&à.  fcspaiens&amis  cependat  qu'il  aefte  détenu  prironnicr,cc  ne  fer  oit  fi  toft  fait, 
ains  meriteroit  vt  recueil  à  part .  nous-nous  contenterons  de  celles  cy  de/Pus  extraites 
de  plufieurs.  Il  auoit  beaucoup  de  parens  à  confolcr,  &c  fur  tous  fa  fceur  laquelle  il  auoit 
tirée  de  Blois,  n'eftant  encore  inftruite, pour  la  conduire  àGeneuc:  mais  fut  arrefteea- 
uec  luy  &c  toute  la  compagnie  au  chemin  de  Lyô  iur  la  i iuierc  de  Saonne  près  de  Belle- 
ville:^  de  là  menez  priîonniers  à  Ville-franche.Tous  turent  finalement  deliurez  après 
grans  frais  &  trauaux  :  mais  Peloquin  demeura  conftant  en  la  côtclTîon  delà  vérité  par 
tout  où  il  fut  mené,  comme  nousauons  veu  cy  delPus. Finalement  ledit  Peloquin  après 
auoirefté  dix  mois  en  prifon, depuis  le  dixneufiemciour  d'Octobre,  m.  d.  l  ii, demeu- 
rant inuincihle,  fut  tiré  des  priions  de  Lyon  le  Dimanche  quatrième  de  Septembre, 
m  .  d  .  l  1 1 1 ,  à  trois  heures  du  matin,  &:  mené  à  Ville-franche.  Le  lendemain  cinquième 
dudit  mois  fut  dégradé,  &c  toft  après  condamné  à  eftre  brufié  vif. 

L  t  lundy  fuyuant, onzième  dudit  mois,  fut  le  iour  de  fa  deliurance,  auquel  il  endura 
vne  efpcce  de  mort  qui  a  efté  admirable  à  tous  les  fpeetateurs.Car  ayant  le  bas  du  corps 
quafibruilé,neceiTaiufqu'au  dernier fentiment,  d'efleuer  les  mains, en  inuoquant  le 
Seigneur  en  Ion  aide.  ^  Or  combien  que  Matthieu  Dymonet  ait  enduré  la  mort  aupa- 
rauant  luy,  fi  eft-ce  que  d'autant  que  leseferits  dudit  Peloquin  contiennent  plufieurs 
chofes  qui  concernent  le  fait  dudit  Dymonet  &  d'autres  prifonniers ,  nous  l'auons  mis 
deuant,  ayant  au/Ti  elgaid  au  temps  de  leurs  emprifonnemens. 


M-  D.LIIL 


MATTHIEV    DYMONE  T,deLyon,di&  Destwfieres. 

L  A  conuerfion  &  changement  de  vie  en  la  perfonne  du  fidelc.n'eft  pas  moins  notable  que  la  doctrine  qu'il  porte  :  car  la  do^ 
élrine  ift  pour  inftruirc  ceux  qui  font  encores  ignorans.mais  la  vie  bien  réduite  ferc  non  feulement  d'exemple  à  ccux-Ja, 
ains  au/G  de  confirmation  à  ceux  mcfmes  qiù  font  défia  inftruits. 

(^w>E  naturel  de  Matthieu  Dymonet,  enfant  de  Lyon,eftoit  fort  corrompu  &a- 
;^|grjdonné  à  diilblution:&  hatoit  ordinairement  toute  manière  degens  qui  font 
i f  fSlc^at  &  profefîion  de  gaudiflerie.  mais  depuis  que  le  Seigneur  luy  eut  donné 
^£jjtt:  fa  cognoiflanccjon  apperceut  incontinent  en  luy  vn  changement  de  vie  au- 
tant réduite  quauparauant  on  l'auoit  cognuéefgaree.  Dont  plufieurs  qui  ne  cognoiC 
foyent  la  caufe, en  cftoyent  fort  efmerueilicz ,  &:  principalement  ceuxaucc  lcfquels  il 
traffiquoit  du  train  de  marchandée  qu'il  exerçoit  II  fut  grandement  inftruit&:  confir. 
mé  par  l'exemple  des  Martyrs  precedens,  voyant  leur  grande  finceriré  &:  intégrité  de 
doctrinCj&laconftanccdeleurmort.Et  à  vray  dire,  il  auoit  befoin  d'eftre  muny  de  tels 
cxcmp!cs,&:  que  hardis  champions  marcha/lent  deuant  luy:car  il  auoit  double  combat 
â  (buftenir  en  la  viJ  le  dont  il  eftoit  natif,  afiauoir  contre  les  ennemis  mrezde  la  vérité 
quilaiioycntcmpriionnc  ,&  fecondement  contre  les  parens  Garnis,  voire  &  contre 
vne  grande  partie  des  principaux  de  la  ieunefife  de  Lyon  :  qui  tous  s'efForçoyent  de  le 
deftourner  du  bon  chemin  pour  luy  fauuer  comme  à  trauer  s  champs  la  vie.  Mais  Dieu 
luy  donna  dés  la  première  poïncre  &  entrée  au  combat,  vne  roideur  &  ferueur  d'efprir, 
dont  les  ennemis  picquez  luy  hafterent  fon  procez  fans  le  fce  tremper  long  temps  en 
prU'on. 

Le 


•Matthieu  Dimonef,  2j$ 

Le  Lundy9.  de  Ianuier  1553,  eftantcnnoftremaifon  deuant  le  Lieutenant  du  Roy 
&  l'Official  Buathier,  après  qu'ils  curent  cerché  &  vilîte  mcsJiures,  ne  trouucrcnt  rien 
iînon  vn  petit  liure  de  châions  spirituelles  en  muhque.  Lors  îe  fu  interrogué  de  ma  roy 
par  l'Official  :  mais  ie  ne  luy  fy  rt  iponlc,d'autam  qu'il  n'eftoit  mon  luge:  Ô£  partant  pria 
le  Lieutenant  de  mevouloir  interreguenlequel  me  dit  que  puis  quei'eftoyeChrcfticn, 
iedeuoye  rendre  raifon  de  maroy.ccquene  voulu  différer  aucunement. 

Aprï  s  donc  m'auoir  demande  de  premier  abord, de  quelle  parroiffe  i'ch:oye,iIs  me  Jnuocation 
dirent,  Ne  croyez-vous  pas  qu'il  faut  prier  la  vierge  Marie  &:  les  Saincts,&  qu'ils  foyent  cs  "m  s* 
nosaduoeats?  R.  le  croy  la  vierge  marie  eftre  bénites  fur  toutes  femmes,  &C  les  Sain&s  Luci. 
eftre  bien-heureux,  &  nous  ont  monftré  Je  vray  chemin  :  parquoy  les  deuons  imiter. 
Mais  quant  à  eftre  aduoeats  pour  nous ,  nous  n'en  auons  qu'vn  feul ,  qui  eft  Iefus  Chrift 
leiufte. 

Interrogve  s'il  n'y  a  pas  vn  purgatoire  ou  lésâmes  de  ceux  qui  font  morts,  font 
purgées?  R.  Iefus  Chrift  a  fait  par  foy-mefme  la  purgation  de  tous  nos  vices,  &:  ne  fay  Hebr.i.<?. 
autre  Purgatoire.  Interrogué  s'il  ne  le  faut  point  confeifer  à  tout  le  moins  vne  fois  1- 
anau  Preltre  de  tous  nos  péchez.  R.  Il  ne  fe  faut  pas  confeifer  vne  fois  l'animais  le  faut 
confefîer  tous  les  îours  à  Dieu  &c  deuant  les  hommes, pecheur.Et  après  leldjtcs  rcfpon- 
fes,  monueur  le  Lieutenant  me  commanda  de  le  iuyure  iufques  à  fon  logis.auqueleftât 
arriué,il commanda  que  ie  fuffe  mis  en  prilon. le  luy  demanday  s'il  auoit  quelques  char 
ges,  informations  ou  plaintes  contre  moy.  Aquoyilrcfponditqu'ilparleroit  à  moy  le 
lendemain. 

Dn  Ieudy  u.  iour  de  Ianuier,  ifyj. 

Vindre  n  t  en  la  prifonl'official  de  la  Primace,&:  l'ofhcial  Buathicr^'inquiiïteur 
Orry,&  autres,  lefquels  me  voulurent  interroguer .  mais  ie  leur  dy  derechef  qu'ils  ne- 
ftoyent  pas  mes  IugcsA'  n'auoye  rien  affaire  auec  eux. Et  eftant  prelfé  par  ledit  Orry,  ie 
luydy  par  plufieurs  fois,  le  ne  vous  cognoy  point,  &  n'ay  rien  à  faire  auec  vous.  lime 
pteffa  plus  auant  fur  peine  d'excommunicatiommais  ie  ne  voulu  refpondrc  autre  cho- 
ie,ùnon  que  feftoye  prifonnier  par  le  Lieutenant,  &:  que  toutes  &:  quantes  fois  qu'il  me 
viendroit  parler,  i'eftoyc  preft  de  luy  refpondre.  Eux  ne  pouuans  faire  autre  chofe ,  me 
voulurét  faire  mettre  en  vn  crottô.  mais  ie  dy  au  Geôlier  qu'il  regardait  bic  qu'il  feroit. 
Du  Vendredy ,  io.  iour  de  Ianuier,  xyyj. 

L  e  lieutenant  du  Roy  reuint ,  &C  l'officiai  Buathier,  l'inquifiteur  Orry,&  autres,  lef- 
quels me  voulurent  interroguer.&  perfiftay  qu'ils  n eftoyent  pas  mes  luges .  puis  adref- 
fant  au  Lieutenant  ma  parolle,  ie  fy  les  rcmôftrances  que  deiius:aifauoir  s'il  auoit  char- 
ges ou  plaintes  contre  moy:&  demanday  qui  cftoit  ma  partie,&  aufîî  que  i'eftoye  appe- 
lant de  mon  emprifonnement.  Et  après  plufieurspropos,ledit  Lieutenant  me  dit  qu'il 
eftoit  venu  pour  afllfter,&:  tefmoigner  que  ledit  Inquititeur  &t  autres  eftoyent  députez 
par  le  Roy,&  qu'il  me  falloir  refpondre  par  deuant  eux.  Parquoy  eftat  interrogué  pour 
la  féconde  fois,ie  dy,  le  croy  tout  ce  que  la  faincte  Eglife  Catholique, c'eft  à  dire  vniuer- 
fclle,croit.  le  croy  en  Dieu  le  Pere  tout-puiffant,creatcur  du  ciel  &:  de  la  terre. Et  en  Ie- 
fus Chrift  fon  feul  Fils  noftre  Seigneur,&:c.Ie  croy  au  S.  Efprit:la  i'ain&e  Eglife  Catholi- 
quc,&c.  Ilsmepreffoycntdedire,  L 'Eglife  Romaine-.mais  ie  leur  refpondy,NefufhVil 
pas  de  dire,L'eglife  Catholiq  ou  vniueifellc, fans  mettre  vne  eglife  q  ie  necognoy  poït? 

Interrogve  comment  l'cntenla  communion  de  s  Sain&s.  R.  La  communion 
des  Saintts  eft  de  tous  fldelesdefquels  coniointsen  vn  par  foy,  (ont  vn  m  cime  corps,  &C 
Iefus  Chrift  eft  le  chef:  corne  dit  S.  Paul,  La  couppe  de  bénédiction ,  laquelle  nousbc  i-Cor-ia 
niffons ,  n'eft-ce  pas  la  communion  du  corps  de  Iefus  Chrift  ?  Certes  nous  qui  fommes 
plufîeurs,fommes  vn  corps.  Car  nous  tous  fommes  participais  d'vn  mefme  pain. 

In  t  e  rrog  v  e,  Comment  croyez-vous  qu'il  faut  manger  la  chair,  &c  boire  le  fang 
de  Iefus  Chrift?  R.  En  efpnt  &:  verité,ainii  que  luy-mefmc  a  dit,  le  fuis  le  pain  de  vie,de-  ican  g 
feendat  du  ciel.  Qui  viét  à  moy,il  n'aura  pas  faim:&  qui  croit  en  moy, n'aura  iamais  foif, 
&c.  Et  aufTi  quand  il  fit  la  Cene,il  print  du  pain:&  après  qu'il  eut  rendu  graces,il  le  rom-  Matth.i<s. 
pitôc  le  donna  à  fes  difciples,&  dit,Prenez,mâgez:cecy  eft  mon  corps,Ôcc.Et  ayât  prins 
La  couppe,&  rendu  graces,il  leur  donna,difant,Beuuez  tous  de  cecy;  car  c'eft  mon  fang 
du  nouueauTeftamét,lequel  eft  efpadu  pour  plufîeurs  en  remiffiô  des  péchez.  Et  en  S. 
Paul,  Faites  cecy  toutes  les  fois  qvo9  le  beurez  en  mémoire  de  moy.  Car  toutes  les  fois  i.Co'n. 
qvousmâgerezdecepain,&beurezde  ceftecouppcvous  annoncerez  la  mort  du  Sei- 
gneur iufqu  a  ce  qu'il  vienne.Et  encore  qn  S.  Iean,  Cecy  vous  fcandalife-il  ?  Que  fera-ce 

V.hi 


^Matthieu  Dimonet. 


donc  fi  vous  voyez  lcFils  de  l'homme  môter  où  il  eftoit  premieremet  ?  Ccft  l'efpritqui 
viuifie,la  chair  ne  profice  de  rien.  Les  parolles  que  ie  vous  dy,font  efpric  &  vie.  D.  Ne 
croyez-vous  pas  que  le  corps  &  le  fang  de  Iefus  Chrift  foie  en  l'hoftie  quand  le  Preftrc  a 
confacré:qu'il  cft  là  localement  &:  véritablement?  R.  Le  pain  alevin  nous  font  don- 
nez pour  lignes  Se  arres,pour  aider  à  noftre  infirmité.&ne  le  faut  arrefter  à  ceselemens 
vifibles  :  mais  faut  leuer  les  yeux  &  le  cœur  en  haut,  &  cercher  Ielus  Chrift  au  ciel  :  où  il 
A£«  i,  cft  môté  en  fon  corps  glorieux,&:  fe  lied  à  la  dextre  du  Perc,  de  de  là  doit  venir  iuger  les 
viuansôi  les  morts.  D.  Que  croyez  vous  delà  Me/Te?  R.  La  Mefle  n'eft  point  inftituee 
par  Iefus  Chnft,&:  n'auons  plus  autre  facrifïce  que  celuy  de  Icfus  Chrift,qui  fcul  a  aboli 
tous  autres  facrifices,&:  n'eft  faite  aucune  métion  de  la  MelTe  en  toute  l'Elcriture.Mais 
ceux  qui  l'ont  controuuee,&:  quiladi{ent,crucinentdcnouueau  leFilsdeDieu,entanc 
qu'en  eux  eft.  D.  Ne  croyez-vous  pas  qu'il  y  a  vn  Pape  qui  cft  chef  de  l'Eglife,  &:  a  pou- 
uoirde  conférer  les  indulgences?  R.  Ienecognoy  poincle  Pape, &:  ne  cognoy  autre 
cher  en  l'Eglife  que  Iefus  Chrift,  duquel  nous  lommes  les  membres:  &:  lequel  a  dit  à  fes 
Mattkzo.  dilciples,  Celuy  d'entre  vous  qui  voudra  eftre  le  maiftre,fera  fait  voftrc  fcruiteur.Item, 
tCor*     Nul  ne  peut  mettre  autre  fondement  que  celuy  qui  eft  mis, qui  eft  Icfus  Chi  ift. 

Apr  e  s  plulicurs  autres  proposais  me  voulurentfaireiigncrmefditesrefponfcs.ee 
que  ie  fy:apres  les  auoir  fait  relire  &  pararFcr  par  tout,comme  aufli  les  premières:  com„ 
bien  qu'ils  n  efcnuilTcnt  lefdites  choies  ainfi  comme  elles  fe  difoyent, 

Dn  S^mcdy  il.  iour  de  lanuier,  1553. 

Vin  dre  n  t  derechef  lefdits  Lieutt  nât,Orhcial  &:  Inquiiiteur  pour  m'interroguer. 
Auquel  Lieutenant  ie  fy  les  rcmonftrances  comme  deilus  >  difant  que  ie  ne  refpôdioyc 
autre  chofe,qu'il  ne  me  haillaft  acte  tel  que  ie  luy  auoye  demandé  ,&  qu'il  m'auoit  pro- 
misse qu'il  n'auoit  bit. Et  cepédant  il  fe  lauoit  les  mains  de  moy,difant  que  ce  n'eft  pas 
luy  qui  me  pourfuit.  Or  voyant  qu'ils  me  vouloyent  encor  examiner,&:  aufîî  qu'il  a  pieu 
à  noftre  bô  Dieu  de  m'auoir  eleu  &:  appelé  à  ce  côbat,pour  maintenir  la  querelle  de  fon 
Fils  bien  aimé  noftre  Seigneur,  lequel  me  fouftient  &  fortifie  par  fon  S.  Efprit  :  me  fuis 
préparé  pour  gagner  ce  prix  &:  couronne  promife  à  tous  ceux  qui  pcrfeuererôtiufqu'à 
la  fin  decefte  bataille,  pour  maintenir  la  gloire  de  Dieu.  ledycecyafin  qu'vn  chacun 
prenne  courage ,  mes  frères.  Ordcuantquc  pa/Ter  outre,  ie  leur  demanday  qu'ils  me 
baillaftent  par  eferit  tous  les  articles  fur  lefqucls  ils  me  vouloyét  encore  interroguer,  &C 
tcraicauifi  pour  refpondre  parefcrit.ee  qu'ils  ne  voulurét  faire.  le  leur  fy  telle  demâde, 
pource  que  quand  ie  leur  vouloye  dôner  la  raifon  des  rcfpôfes,ils  me  difoyent  que  ic  ne 
vouloye  faire  que  prefeher :&T  cepédant  n'efcriuoyent  pas  les  chofes  corne  on  les  difoir. 

Intbrrogve  que  c'eft  que  cette  Eglife ,  &:  s'il  n'y  a  pas  vne  Eglife  vilible  qui  ne 
peut  errer.  R.  le  fuis  vray  Chreftien,  &c  croy  tous  fes  articles  de  la  foy ,  &:  tout  ce  qui  cft 
côtenu  au  vieil  &  nouueau  Teftamét,&  l'Eglife  telle  que  la  fainéte  Efcnture  no'enfei- 
gne,affauoir  la  côgregation  des  fideles,en  quelque  part  qu'ils  foyét  aflem  blez ,  &  de  la- 
quelle Icfus  Chrift  eft  le  chel*:&:  eft  ladite  Eglife  vniuerfelle,&:  n'eft  point  limitée  en  au- 
cun lieu. 

iNTERROGvEfilcs  Euefquesâ:  autres  Ecclefiaftiques  n'ont  pas  pouuoir  de  faire 
des  conftitucions&:  ordonnanccs,aufquelles  tous  hommes  foyent  tenus  dbbeir  fur  pei 
nedepechémorteheomme  de  s'abftenir  des  viandes,  defairedes  vœuz  de  religion  &: 
chafteté,&  autres  femblables.  R.  Ce  qui  n'eft  point  reuelé  aux  farctes  Efcritures,  n'eft 
t.Tim.3.    point  requis  à  noftre  falu  t.  L' A  poftre  dit,  que  toute  Efcnture  diuinementinfpirceeft 
Mâtth.7.    vtilepourfalut.Et  Iefus  Chrift  nous  enfeigne,difanr,Donnez-vousgardedcsfaux-pro- 
Matth.^.   phetes  qui  viennent  à  vous  en  vertement  de  brebis,  &  par  dedens  font  loups  rauùTans: 
Uâici?.     vous  les  cognoiftrez  à  leurs  frui&s.  Et  ailleurs  il  dit,Hypocrites,  Ifaie  a  bien  prophetizé 
de  vous,  difant,  Ce  peuple  s'approche  de  moy  de  fa  bouche  &m'honnore  des  leures: 
mais  leur  cœur  eft  loin  de  moy.  Pour  néant  ils  m'honnorent,cnfeignans  pour  doctrine, 
commandemens  d'homes.  Quant  aux  vœuz  de  religion  &chaftcté,  les  vœuz  qui  font 
faits  felô  Dieu  &  (a  faincle  Efcriture,  il  les  faut  auflï  rendre  félon  iceux.mais  nous  fauôs 
Matth.i*.   qUC  lcdondecontinécen'eftpasdônéàtous.  Et  il  eft  eferit  que  le  mariage  eft  hônorfc- 
Hcbr.13.         ^  jqu^  |e     fans  macule:  mais  Dieu  iugera  les  paillards  &  les  adultères.  Parquoy 
r.Cor.7.     qui  ne  fe  peutcontenir,qu'il  fe  marie:caril  vaut  mieux  fe  marier  q  brufler.Surquoy  me 
fut  demâdé  par  l'Inquifiteur,difant,Moy  qui  ay  voue  chaftcté,vous  femblc-il  que  ie  me 
puùTe  marier  fans  offenfe?  R.  Si  vousne  vo"  pouuez  co tenir  ,il  vo'  eft  licite  &  perm is  de 

-   -  vous. 


^Matthieu  Dimonet. 

vo9  mariencar  il  n'y  a  home  qui  fc  punTe  promettre  le  dô  de  cotinece>g.  eft  dô  de  Dieu. 
Et  quant  aux  viandes  &  autres  chofes  que  de/Tus ,  l'Efcriture  nous  enfeigne ,  difanr, 
Maintenez-vous  en  la  liberté  de  l'Euangile*  Et  aufli  nous  içauohs  que  rien  n'eft  fouillé 
defoy-melme,finonàceuxquieftiment  quelque  chofeeftrelouillée  :  car  elle  leur  eft  Tit.i 
fouillée.Toutes  chofes  certes  font  nettes  à  ceux  qui  font  nets  :  mais  aux  fouillez&infi  Roaw4 
deles  rien  n'eft  nct.il  fc  trouuc  alfez  de  partages  en  la  faincteEicriture,tan t  de  cecy  que 
des  autres  chofes,  lefquelsie  vouloye  mettre  en  auant.  Et  lors  ils  médirent queie  ne 
vouloye  faire  que  prefeher.  D.  Si  les  Sacremens  d'extrême  On£tion,deCôfirmation, 
de  Mariagc,ordonnez  par  l'eglife  Romaine,nc  (ont  pas%  à  garder  &:  obferuer  ?  R»  L'E- 
feriture  ne  nous  en  enfeigne que  deux,&  n'en  croy  point  d'autrcs,aflauoir  leBaptefme 
&  kCene:&  n'ont  peu  obtenir  de  moyrien  de  leur  eglife  Romaine.  D.  Derechef 
touchant  la  confeffion  auriculaire.  R.  L'Efcrictirc  nousenfeigneà  nouscôfe/Ter  ainfi 
qu'il  eft  dit  par  Dauid,ie  confelferay(dit-il)mon  forfait  à  l'Eternel  :<x  tuas  ofté  la  coul- 
pedemonpeché.&en  S.Matth.que  le  peuple  venoità  leâ  Baptifteau  Iordainpourc-  m^'j1 
ftrebaptizé,  confefTans  leurs  péchez.  D.  Si  les  images  qui  l'ont  mifes  pourindui.eà 
prierDicu&:lcsfain£ts,fontmauuaifes.R.  Dieu  lesadef5duesexpreiTémé'r,difanr,Tu  lx0<i'lc 
ne  feras  image  taillée,ne  femblâce aucune  des  chofes ,  &c.Et  aulfi  toute  l'Efcrirureeft 
pleine  de  femblables  dcfenfes,&  auffi  de  ceux  qui  ôc  efté  reprins&  grieuemét  punis  à 
caufe  des  images  &:de  l'idolâtrie. S.  Tean  dic,Enfans,gardeZ-vousdcsimages.EtS.Paul,  ^JJJJ 
Ceux  ont  cfté  remplis  de  ténèbres, lefquels  cuidâs  eftre  fages,font  deuenus  fols,  &:  ont 
muélagloirede  Dieu  incorruptible,  en  Jafcmblance  d'image  d'hommecorruptible* 
d'oifeaux  Se  de  beftes.  D.  Qui  m'auoit  enfeigne  &c  apprins  ces  chofes,&  quelles  côpa- 
gniesiauoyefuyuij&uYauoye  eftè  à  Geneue,&:  autres  chofes.  R.  le  les  ay  apprinfes 
àl'cicole  de  celuy  qui  dit,Cerchez  les  Efcritures:car  ce  font  celles  qui  rendent  tefmoi- 
gnage  demoy.Et  cependant  les  hommes  défendent  de  les  lire. mais  il  vaut  mieux  obe- 
ir  à  Dieu  qu'aux  hommes.  le  ne  fu  iamnis  à  Gencue  i  &c  n'ay  fuyui  nulles  côpagnies  où 
ie  les  aye  apprinfcs:mais  c'eft  la  grâce  de  Dieu*par  fon  Fils  lefus  Chrift,en  fon  S.Efprit. 
<Çlc  n'ay  pas  tât  feu  faire  aucc  eux,que  i'aye  peu  auoir  vn  double  de  mes  refponfes ,  au  f- 
quellesic  n'ay  rien  obmisny  adiouftéde  touteedequoy  ie  me  fuis  fouuenu  auoir  ref- 
pondu. Il  vous  plaira  de  prier  ce  bon  Dieu  pour  nous  *  comme  aufli  nous  le  prierons  de 
vous  auoir  en  fafain&egarde.Ainiifoit-il. 

IETTR  ES  du  dit  Dimonct,parlcfquel!es  i!  montre  les  tentations  qu'il  a  fduftenuw  par  les  remontrances  dî  fes  para» 
&  amisdcLyoïiiLe  furpliud'icellei  eft  eti  chofes  famili  ères. 

(ONSIEVR  &  frcre,i  ay  eu  grand  defîr  par>plu  (ieurs  fois  depuis  que  fuis  pnfon- 
__jnieride  vousrefcrirc&:  preienter  mes  humbles  recommâdations  :  mais  il  ne  m'a 
efté  poffible  iufques  à  prefent,  &c  pour  deux  raifons.  Laprcmiereipourcequei'eftoyc 
attendant  à  toutes  heures  qu'on  me  vinft  mterroguer,  comme  aufii  onnem'apaslaif- 
fégueresfeiourner:l'autre,c'cft  quei'ayeu  degrans  afl"auts&  tentations  j  tant  à  caufe 
de  celle  chair  qui  eft  infirme, comme  par  les  parens  &  amis  charncls&:  qui  n'ont  aucu- 
ne cognoilfanccjdelquels  le  diable  c'eft  bien  aidé  pour  empefeher  que  fon  royaume^ 
celuy  de  l' Antechrift  ne  fe  diminue,  lequel  eft  défia  fort  elbranlé.Et  deuez  fauoir,  qu'il 
n'eft  rien  demeuré  de  tout  ce  qu'on  pourroit  pcnfer&  dire,pour  deftourner  vnepoure 
perfonne  de fuyure  vne  fi  bône  ceuure,  que  celle  à  quoy  il  a  pieu  à  ce  bôDieu  ôiPcre de  Tenfeuio» 
toute  mifericorde  m'auoir  eleu  &c  appelé. Car  d'vn  cofté  lo  me  mettoit  les  toUrmés  &£  mifes  au 
fa  mort  au  dcuant,puis  la  honte  &:  deshonneur  de  moy  &£  de  mes  parens ,  la  melanco-  Jj2^J* 
iie  de  ma  mcre,laquelle  ils  difent  mourir  de  regret,  &  tant  d'autres  chofes  femblables 
qui  feroyent  longues  à  raconter  '•  &£  tout  par  faute  qu'ils  n'ont  point  cogrtoiffance  de 
Dieu.&  lefquelles  chofes  m'euflcht  efté  fortes  à  porterai  le  Seigneur  ne  m'euft  fortifié 
par  fon  S.Efprit ,  qui  nous  enfeigne  qu'il  faut  lailîermerc,  femme  &cnfans,  frères  «8C 
îceurs,mefme  noftre  propre  vie  &ame,  pour  fuiurenoftre  bon  capitaine  lefus  Chrift; 
&  batailler  pour  fa  querelle.  Au  moyen  dequoy  ie  vouspreferite  mes  recommandation 
&  à  tous  nos  frères  &c  bons  amis.  Àufquels  ie  prie*&:  à  vouS,de  prier  noftre  bo  Dieu,  par 
fon  Fils  lefus  Chrift  noftre  Seigneur  6c  feul  Sauueur ,  me  vouloir  donner  la  grâce  de  Ci 
bien  perfeuercr  iufques  à  la  fin, que  le  tout  foit  à  fon  honneur  &  gloire  ,  au  falut  de  nos 
amcs,&  édification  de  fa  poure &c  defolée  Eglife.  Aiftfi  foit-il.^Trefcher  frère  &  ami,ic 
vous  ay  bien  voulu  communiquer  vn  double  des  interrogatoires  qui  m'ont  efté  faits, 
Se  aesreiponfes  Ôcconfelfion  defoy  qu'il  a  pieu  au  Seigneur  Ôdeul  Sauueur  me  donner 


LiuJII.  M  attkieu  Tïimonet. 

a  parlerpai  fonS.Efprit  pour  la  gloire  de  ion  nom,  fclon  la  mefurc  de  fa  grâce  qu'il  a  mi 
fc  en  moy,&  n'a  pas  permis  que  Taye  caché  le  talent, lequel  i'ay  receu  pour  le  faire  mul 
tiplier ,  comme  verrez  par  mes  dires  refponles  :  6c  exeuferez  mon  pecit  fauoir ,  6c  aulfi 
qu'il  n'y  a  paslongtéps  que  le  Seigneur  m'a  appelé  à  fa  cognouTancc,  6c  m'a  retiré  des 
ténèbres  6c  ombre  de  mort,aufquelles  la  plu  s  part  des  hom  mes  loin  plongez.  Le  Sei_ 
gneur  vous  benùTe  &:  vous  conferue  ,  le  Seigneur  illumine  (a  race  fur  vous  ,&:  vous 
maintiéncenbône  prolpcrité. Ce  zj.de  Ianuier,i  yjz.pai le  tout  voftre  ami,  Matthieu 
Dimonet,pril"onnierpour  la  parole.  Noftretrerc  Pierre  Bcrgieriè  recômandc  à  vous 
coLis&r  à  vos  bonnes  prieres>comme  auiïi  nous  puons  pour  vous. 

F  P  I  S  T  R  E  cnuo)  te  par  ledit  M.Din.onct  à  :  )euis  Peloqiùn  prifonnicr.par  laquelle  ayant  donne  a  cognoifbc  les  ten- 
Ucions  qu'il  a  enJurtc  a!  pne  Peloquin  ne  croire  accux  qui  .woyent  leme  rn  bruit  qu'il  (c  vouloir,  rétracter. 

Grâce  vous  fou  donnée  6c  paix  de  par  Dieu  noftre  Pcre,&  le  Seigneui  Ieius  Chrift: 
Amen. 

£?$bî  K  R frère  &:  bien  aymeen  noftre  Seigneur  IenisClirift,par  lequel  nous  eft  don- 
|né  non  feulement  de  croire  en  luy,mais  auiïi  de  fourTrir  aucc  luy;  ic  receu  Diman 
che  au  loir  voftre  lettre,  laquelle  me  fut  grandement  aggrcable,à  cauie  des  bonnes  ad- 
monitiôs,6cexhortationsà  perfeuercr  conftamment  en  celle  tant  faincte  vocation, en 
laquelle  il  a  pieu  à  ce  bon  Dieu  nous  auoir  eleus 6c  appelez ,  contenues  en  icclle  :  dont 
vous  remercie  humblement  6c  de  tout  mon  cœur:  vous  aduilanc  que  i'auoyc  bon  vou- 
loir de  vous  taire  rcfponfepluftoft:mais  il  ne  m'a  elle  polfiblc,  àcaufeque  iay  elle  fore 
prefle  d'ailleurs,&:  ay  eu  de  tels  aifaux,que  Ion  m'a  aduerti  qu'il  s'en  falloir  bic  peu  que 
le  Samedi  te  ne  lu  fie  mené  au  fuppliec. Depuis  on  me  dit  que  ce  deuoit  eftre  hyer  au 
matm:toutcsfois  le  Seigneur,  (ans  lequel  tous  hommes  ne  pcuuent  rien  taire  fearc- 
cftluy  qui  diflïpe&renuerfc  toutes  leurs  enn  epnnfes  )  m'a  refonte  mfques à mainte- 
nant,£c  fera  tant  qu'il  luy  plaira.  Auquel  iay  eiperance  que  foie  par  mort  ou  par  vie,ion 
faincl  nom  fera  glorifie^  que  tout  ainii  qu'il  luy  a  pieu  commencer  fon  œuure  en  moy, 
&le  côtinuor  iufques  à  prefent,qu'aufiî  il  le  parfera  comme  il  eognoit  eftre  expédiée 
pourfonhonneur&:gloire,aulàlutdemon  ame  &:  édification  delà  poure  &:  defolec 
Eglife,&:  à  la  confuiion  de  tous  fes  ennemis  6c  aduerfaires  de  vérité.  Parquoy,trefcher 
frcre,ie  vous  prie  ne  vous  arrefter  aux  parolles  d'vn  tas  de  foulHets  de  Satan,  qui  ne  fer- 
uent  qu'a  inuenter  parolles  de  menfonge,fuyuas  la  nature  de  leur  pere  pour  touliours 
Mateiuo  calomnier  ceux  qui  veulent  viure  fidèlement  en  Iefus  ChnTt.  delquelles  choies  ne  no* 
deuôsefbahir:car  s'ils  ont  appelé  le  pere  de  famille,Bcelzcbub,  combic  plus  fes  dome- 
ftiques?Leferuiteur  n'eft  pas  plus  grand  que  fon  feigne  ur  ,  ne  ledifciplc  par  deiTusfon 
maiftre.  Au  moyen  dequoy,frere&  bon  ami,  îe  vous  prie  ne  croire  aucunement  ceux 
qui  vous  on  c  rapporté  que  î  auoye  prefenté  requefte,  ahn  de  me  rétracter  de  la  tat  fain- 
cte &:  véritable  confeffion  qu'il  a  pieu  à  ce  bon  Dieu  mefauefairc,&y  côcinuer  iufques 
àprefent.  1  eiperc  de  vous  relcrireplus  amplcmét,iilc  Seigneur  le  permet:  mais  pour 
leprefentnevous  puis  mander  autre  chofe  ,  linon  que  nous-nous  attendions  bien  de 
vous  voirauiourdhuy,à  caufeque  penliez  eftre  déclaré.  Qui  fera  l'endroit  où  le  me  re- 
tommauderay  à  voftre  bonne  grâce,  auflîfait  noftre  frerc  &c  bon  aim  LouysCorbcil: 
vous  fupplians  eftre  rec  ommandez  à  celle  de  noftre  bon  frerc  &:  ami  monfieur  de  Mar 
ùc.6c  prie  z  pour  nous,comme  auiïi  nous  puons  toujours  ce  bon  Dieu  6c  Pere  de  toute 
miiericordc,nousfaiLeà  tous  lagracede  perfeuercr  iulqu  a  la  fin  ,  pour  obtenir  cefte 
couronne  dcvie&'immortalitcaqui  nous  eft  préparée  la  haut  au  ciel  par  IctusChnltno 
lire  Seigneur.  Ain  h  foit-ilLe  Mercredi  u.de  Iuillet,  i  sSh  Par  le  tout  voftre  frerc  6l  bô 
ami,  Matthieu  1  )inionct. 

ï ,V  I  S  T  R  E  de  M.Ican  Caluin,efcrite  audit  Dunonet. 

||||§>0  M  B I  F.  N  que  ic  n'aye  pas  a  fouftenit  pour  celle  heure  tels  combats  que  vous 
(^^(trefeher  frerc)li  cft-cc  que  vous  ne  taillerez  de  rece  non  auiïi  bien  mon  exhorra- 
tion  corne  h  i'eftoyeprifonnierauec  vous.&  défait,  lczelc  qui  mefmeuc  à  vous  cfcii- 
ic,ne  procède  point  d'ailleurs.  Cependant  ie  vous  prie  de  conliderer  que  nous  deuons 
remettre  tout  à  la  volotc  6c  difpolinô  de  noftre  bon  Pcrecelcfte,quiappellcchac2de 
nous  en  tel  reg  qu'il  luy  plaift.(^iclqvicfoisilcfpai^nefes  cntas,iufquesàcequ'illesaic 
duits  &:  formez  de  lôguc  main,  corne  nous  oyôs  qu'il  eft  dit  à  S.Pierre  parla  bouche  du 
MaiftrCjQuad  tu  teras  vieil, on  te  mènera  où  tu  ne  voudras  point. Mais  il  aduiédra aulifi 
k*rui  parfois,qu'il  en  prend  des  nouices:  pour  le  moins  qui  n auoycnt  pas  elle  exercez  de 
longtemps  à  batailler. Q^uoy  qu'ilenfoit,ilya  vnbien,  qu'il  n'eft  pas  moins  puilTanri 

de  fp  loyer 


Epiïirc^)  à  M atthien  Ditnonet.  j// 

defployer  fa  vertu  fus  les  de  bilcs,pour  les  rendre  inuincibles  en  vn  moment ,  comme 
pour  la  continuer  à  ceux  qui  l'ont  délia  fentie  par  longue  efpace  de  temps.  A  ce  que  i'- 
entcn,vousn'auez  pas  efté  appelé  des  premiers  à  fa  cognoiflance  :  mais  Dieu  neant- 
moins  vous  a  mis  en  a  liant  pour  eftre  de  les  tefmoins.U  vous  adonné  telle  vertu  &:  co- 
llance  au  premier  alfaut  ,  que  les  ennemis  de  vérité  ont  cogneu  la  marque  de  Icius 
Chnft,laquelle  ils  ne  peuuér.  fouffrir.Ie  ("en  bien  par  la  compalïion  que  i'ay  de  vous  co- 
rne ie  doy,que  Satan  ne  celle  pas  de  vous  faire  nouueaux  alarmes  :  mais  il  faut  recourir 
à  cclny  qui  a  h  bien  commence, le  priât  qu'il  paracheuc  fon  œuute.  Si  vous  aucz  beau- 
coup de  tcntations,nc  vous  en  esbahilfcz  pas  :  mefme  li  vousfentez  telle  fragilité  en 
vous, que  vous  loyez  comme  preft  à  eftre  csbrâlé.plus  toft  cognoifTcz  que  par  ce  moye 
Dieu  vous  veut  humilier,  afin  que  Ion  aide  foit  mieux  cognuc  parla  necelîité:  &  puis, 
qu'il  vous  follicitc  àmuoquer  fon  nom,&  auoir  tout  voftre  recours  à  là  grâce, félon  qu' 
il  ell  befoin  que  nous  loyons  pou  liez  à  cela  comme  par  force,  le  ne  doute  point  qu'il 
n'y  ait  aulii  des  boure-feux  par  dehors:lefquels  fous  ombre  d'amitié  &£  parentage  vous 
feront  les  pires  ennemis  &c  le  s  plus  mortels. car  pour  fauuer  ie  corps ,  ils  tafeheront  en- 
tant qu'en  eux  fera  de  mener  lame  en  perdition.Etpuisla  fantalie  de  l'homme  elt  vne 
merueilleufe  boutique  pour  forger  des  toiles  imaginations, qui  nefont  que  pour  trou- 
bler le  vray  repos  que  nous  dcuôs  auoir  en  la  fain&e  vocatiô  de  noftre  Dieu ,  le  ql  nous 
cômâde  de  regarder  fimplemct  àfoy,comme  aufii  ce  il  bié  raifon.Parquoy  il  c  ft  beloin 
d'élire  arme  &muny  de  tous  collez. Mais  vous  n'auez  point  occafid  d'élire  ellôné ,  puis 
que  Dieu  a  promis  d'equipper  les  liens  félon  quils  ferôt  alfaillis  de  Satan. leulement  re- 
mettez-vous à  luy,cn  vous  deffiât  de  tout  ce  qui  ell  en  vous:cfperezqu'il  fera  allez  fuffi- 
lanr  luy  ieul  pour  vous  fouflcnir.  Au  relie, vous  auez  à  regarder  fur  tout  à  deux  choies, 
Quelle  querelle  vous  dcfédcz,&:  quelle  coui  ône  cil  promile  à  ceux  qui  fe  feront  côfta- 
ment  portez  en  la  côfeflion  de  TEuagilcCeil  vne  chofe  tât  pretieufe  que  le  feruice  de 
Dieu,la  grâce  infinie  qu'il  nous  àmôftréeenfon  Fils,6j  toute  la  gloire  de  Ion  royaume: 
qu'il  ne  doit  pas  faire  mal  à  vn  homme  mortel,  d'employer  fa  vie  pour  combatre  cotre 
lesvillaines  corruptions  qui  ré  gnent  par  tout  au  môde,pour  anéantir  tout  cela. Et  puis, 
nous  fauôs  quelle  fera  l'iflue  de  nos  combats:&:  que  celuy  qui  nous  a  rachetez,  ne  fouf- 
friraqu'vn  prix  ficher  comme  Ton  langibit  perdu,  quand  nous  en  aurons  la  lignature. 
Or  nous  fauons  com  me  il  aduoue  pour  lîens,&protefte  de  les  aduouer  au  dernier  iour, 
tous  ceux  qui  l'auront  confelTcicy  bas.  Nous  ne  fauons  pas  encore  qu'il  a  délibéré  de 
faire  de  vous. mais  il  n'y  arien  meilleur  que  de  luy  facrificr  voftre*  vie ,  cftant  preftde  la 
quitter  quand  il  voudra.&:  toutelfois  elperant  qu'il  la  preferuera  autant  qu'il  cognoift 
élire  vtile  pour  voftre  lalut:combien  que  ce  foit  choie  difficile  à  la  chair,li  eft-ce  levray 
contentement  des  fidèles.  Et  vous  faut  prier  qu'il  plaiie  à  ce  bon  Dieu  le  vouloir  telle- 
ment imprimer  en  voftre  cœur, que  iamais  il  n'en  foit  crîàcc.Nousle  prions  auflî  de  no 
lire  collé  qu'il  vous  face  fentir  fa  vertu,  &:  vous  rende  pleinement  aflcuté  qu'il  vous  a 
en  fa  garde, qu'il  bride  la  rage  de  vos  ennemis,&:  en  toutes  fortes  fe  môftre  voftre  Dieu 
&c  Pere.Pour  ce  qfcntë  que  noftre  frère  Pierre  Bergier  eften  vne  mefme  prifonauec 
vous,  ie  vous  pneray  de  le  faluer  de-parmoy,&:  que  ces  lettres  luy  foyent  commune. 
Marchos  iufques  à  ce  que  nous  foyôs  venus  à  noftre  but,pour  eftre  recueillis  au  royau- 
me éternel. Le  dixième  de  Ianuier.  1555- 

I'a  v  o  y  e  oublié  vn  poincbc'eft  que  vous  refpondiez  aux  ennemis  auec  reuerence 
&:  modeftie, félon  la  mefurc  defoy  que  Dieu  vous  donnera.  Iedy  cecy  ,pource qu'il n- 
eft  pas  donné  a  tous  de  dilputer. comme  aulli  les  Martyrs  n'onr  pas  elle  gi  ans  clers ,  ne 
fubtils  pour  entrer  en  difputcs  protondes.  Ainlî  en  vous  humiliant  fous  la  conduite  de 
TElprir  de  Dieu,relpondez  fobrement  félon  voftre cognoilfance,luyuant la reigle  de 
rEfcritureJ'ay  crcu,pourtat  ie  parleray .Et  toutesfois  que  cela  n'empefche  pas  que  vo9  *.Cor4 
ne  procédiez  franchementSc  en  rondeur,  ellant  tout  rcfoln  que  celuy  qui  a  promis  de 
non  s  donner  bouche  &iagelfc\à  laquelle  tous  aduerfaires  ne  pourront  refiiler,ne  vous  LuciI 
defaudra  point. 

A  V  T  R  E  Epiftrc  parM.Te.inCaluinai«fufditsprifoniîiers  détenus  pour  la  parollc  de  Dieu  à  Lyon. 

ESEŒSE  S  freres,nousauonseftécesiourspairezen  plus  grande  folicitude&trifteiTe 
j^^que  iamais,avans  entendu  la  conclufiô  prinfe  par  les  ennemis  de  verité.Quand  le 
Seigneur  que  vous  fauez  paffr  paricy,  pendant  qu'il  difnoit  bien  enhaftepour  euiter 
tout  retardement,ie  luy  fy  telle  forme  delettres  qu'if  me  fembloit  eftre  expédier  d'e- 


L/«ro  ///.  Spifir^f  aux  prifonniers  dc^>  Lyon. 

lcrirc. Dieu  a  donne  tant  à  vous  qu'à  tous  les  fîcns  encore  quelque  refpit.  nous  atten- 
dons l'ilftie  telle  qu'il  luy  plaira  d'enuoyerrle  prians  toujours  de  vous  tenir  la  main  for- 
te,&  ne  permettre  que  vous  défailliez  :  au  relie  vous  auoir  en  fa  garde  .  le  me  tien 
bien  alïèuré  que  rien  n'esbranle  la  vertu  qu'il  a  mile  en  vous  .  Délia  de  long  temps 
vous  auez  prémédite  le  dernier  combat  que  vous  aurez  à  fouftenir,  fi  fon  bon  plailir 
eft  de  vous  amener  îulques  là  :  incline  vous  auez  tellement  bataillé  iufques  icy  ,  que 
la  longue  pratiqua  vous  a  endurcy  à  pourfuyure  le  relie.  Cependant  il  ne  fe  peut 
faire  que  vous  ne  Tentiez  quelques  poindes  de  fragilité. mais  côriez-vous  que  celuy  au 
fermée  duquel  vous  eftes,domincra  tellement  en  vos  cœurs  par  fon  S.Efpnt,quefagra. 
ce  viendra  bien  à  bout  de  toutes  tentations.  S'il  a  promis  de  fortifier  en  patience  ceux 
qui  fou  firent  quelques  chaltimês  poûrleurs  péchez  :  tantmoins  encore  defaudra-il  à 
ceux  qui  louftiennét  fa  querelle,&:  lelquels  il  employé  à  vne  chofe  fi  digne,  que  d'eftre 
tefmoinsde  fa  vente.  Aind  qu'il  vous  iouuiennedc  cefteicntcnce,Que  celuy  qui  habi- 
te en  vous  cil  plus  fort  que  le  monde .  Nou  s  f eron s  icy  noftre  dcuoir  de  le  prier  qu'il  fc 
glorifie  de  plus  en  plus  en  voftre  conftance,  &  que  par  la  confolation  de  fon  Efprit  ila- 
doucùîe  &c  rende  amiable  tout  ce  qui  eft  amer  à  la  chair:  &£  tellement  rauilTe  vos  fens  a. 
foy,qu'en  regardant  à  celle  couronne  celefte  ,  vous  foyez  prefts  de  quitter  fans  regret 
tout  ce  qui  cil  du  monde.  I'ay  receu  vn  certain  papier  contenant  des  argumens  bien 
fubtils  de  celle  malheureufe  betleOrry,pour  prouuer  qu'il  eft  licite  de  faire  des  idoles, 
le  ne  fay  iî  vous  le  m'auez  enuoyé,&:  fivous  entendez  que  iy  face  refpofe.Ie  n'y  ay  point 
voulu  toucher,pource  que  l'en  eftoye  en  doute.&  de  fait  ie.croy  quevousn'en  auez  pas 
grand  belbin  de  voftre  cofté  :  mais  fi  vous  le  délirez ,  Vous  en  aurez  refponfe  par  le  pre- 
mier. Il  y  a  vne  choie  dont  i'ay  à  vous  requérir.  Vous  auez  nagueres  veu  lettres  d'vn  pe- 
tit moqueur  de  Dieu  qui  eft  icy,  lequel  ne  fait  que  troubler  l'Eglilé,  &  n'acefféde 
faire  ce  meftier  palîé  a  cinq  ans .  le  voudroye  bien  donc  que  par  le  premier  vous  fit 
fiez  vn  mot  d'aduertiffement  pour  defcouurir  fa  malice,puis  qu'ainli  eft  qu'il  continue 
L'Eglife  de  fans  fin. Et  decelaie  vous  prie,comme  vous  aymez  le  repos  de  celle  Eglife,  laquelle  eft 
xéTpar  Pms  vexée  que  vous  ne  faunez  croire,par  les  ennemis  domeftiques .  Sur  quoy,  mes  fre- 
nemisdo-  res,apres  aubir  fupplié  noftre  bon  Dieu  de  vous  tenir  en  fa  garde  ,  vous  aïfifteren  tout 
melbcjucs.  ££partour>Vous  faire  fentir  par  expérience  quel  Pcre  il  eft,&:  combien  il  eft  fongneux 
du  falut  des  fiens:ie  prie  aulii  eftre  recommandé  à  vos  bonnes  prières.  Du  feptieme  de 
Mars,iç$$. 

Voila  comme  en  peu  d'heure  Dieu  attire  les  fiens,&  les  inftruit.  Carceperfonna- 
ge  après  auoiribuftenu&repoulTé  tous  les  a/Tautsde  fes  parcns&  desiugesqui  le 
vouloyéediuertir  pourlefauuenfut  mené  au  dernier  fupplice le  Samedi  quinziemcde 
Iuillet,  1 5  f  3 .Et  là  eftant,remonftra  plulîeurs  choies  au  peuple,&  Ipecialement  les  abus 
delaMefle  &  du  Purgatoire,de  forte  qu'il  fu t  efeouté  pailiblement.Et  puis  tout  ioycux 
(priant  le  Seigncur)endura  le  tourment  de  la  mort. 

EP  IS  TR  E  de  M.  lierre  Virct  aux  prifonniers  détenus  pour  h  vérité  du  Seigneur. 

IL  eft  monftré  quelle  inimitié  Satan  porte  aux  enfans  de  D<eu,&  quel  refpit  le  Seigneur  baille  aux  liens  pour  les  foulager,& 
quelle  eft  la  fauue-^arde  de  Dieu.en  laquelle  ils  font  Delà  victo'redes  enfans  de  Dieu  contre  leurs  ennemis ,  &  en  quoy 
elleconlïfte.Dervnion&dc  lahardielïe&  conftance  qui  eit  requife  encre  les  fidèles,  en  cefte  guerre  fpirituetle,&  des 
grans  maux  que  les  peureux  &  couars  font  à  leurs  frères  par  leur  couardife.  De  l'imitation  de  la  foy  &  conftance  des  an- 
ciens Mart  yrs,&  de  leurs  vi6loires.Dc  1  ordonnance  de  Dieu  touchant  la  croix  laquelle  vn  chacun  doit  porter,  &  de  l'o- 
beiflancc  &  fubmiflïon  d'vn  chacun  enuers  luy  en  telle  matière. 

H  E  R  S  frères  &  bien  aimez, nous  auons  efté  aduertis  des  a/Taux  qui  vous  font  li- 
irez,&:  qui  fe  renforcent  journellement  contre  vous,  à  la  pourfuite  des  ennemis 
de  vérité. En  quoy  nous-nous  tenons  bien  pour  certains  que  vous  n  elles  pas  furpris 
au  defpourueu,que  parauant  vous  ne  vous  y  loycz  préparez  de  bonne  heure.  Car  Dieu 
délia  dés  long  téps  a  fait  la  grâce  nô  feulemét  à  vous,mais  auffi  à  vos  predeceiTeurs ,  de 
croire  à  fon  Fils  lefusChrift  &  à  fa  fain&c  dodrine,&de  foufrïir  pour  icelledaqlle  chofe 
n'eft  pas  vn  petit  don  deDieu,ny  vn  petit  tefmoignage  de  fa  grande  bonté  &c  mifericor 
de  enuers  vous  &:  enuers  toute  voftre  nation, &c  pareillemct  du  foin  qu'il  a  toufiours  eu 
de  vous  6c  des  voftres,&  qu'il  a  encore  auiourduy  autant  que  iamais.  Vous  n'eftes  donc 
point  nouueaux  en  celle  guerre,laquelle  défia  de  fi  16g  téps  a  efté  drelTec  fort  aigre  co- 
tre vous.Parquoy  nous  eftimons  bien  de  noftre  part ,  que  vous  ne  trouuez  pas  fi  eftran- 
ges  les  corn  bats  lefquels  vous  font  maintenant  prefentez,comme  vous  les  trouueriezfî 
vous  n'eftiez  point  accouftumez  en  iceux,&  fi  vous  auiez  toufiours  eu  vn  lefusChrift 


Efifhrc^  auxprifomiers  d<u  Lyon.  2j6 

mol  5C  delicat>{àns  croix,fans  doux  &  fans  efpines: comme  plufieurs  qui  auiourdhuy  fe 
glorùicnc  de  la  profeffion  de  rEûangilejle  requierêt:lefquels  auffi  lot  eu  à  leur  ibuhait 
iufqucs  icy»iâns  falloir  que  c'eft  que  foufFrir  perfecution  pour  le  Nom  d'iceluy .  Partant 
jjous  ne  faiions  point  de  doute  que  vous  ne  l'oyez  plus  esba  his  du  repos  que  Vous  auez 
eupourquelque  temps,fans  eftre  pourfuyuis  de  ii  près  que  vous  l'cftes à  prefent  j  que 
vous  n'eftes  esbahis  de  ce  que  vous  voyez  maintenant^  de  quoy  vous  elles  menacez. 
Car  vous  fauez  quelle  eft  la  natu  re  de  l'ennemy  qui  vou  s  pourchaifeià  càufe  de  la  haine 
qu'il  axontre  Dieujauquel  vous  feruez.C'eft  vn  ennemy  qui  ne  tafche  finô  a  eftcihdre 
la  gloire  de  Dieu^pour  laquelle  vous  trauaillez  en  Ton  œuurc ,  pourtant  que  vous  l'efti-  G  n  { ^ 
mezplus(comrtieil  eft  bien  de  raifoti)que  vos  propres  vies  ,  &:  vos  propres  femmes  &  icaniléq 
cnfans.Car  puis  que  nous  fotomes  créez &c  régénérez  par  la  fain&e  parolle  de  ce  bon  ia  ier  r 
Dieu,àcellefin^uenousJeglorifions:commeilnenouspeutaduenir  chofe  plus  heu- 
reufe  que  de  feruir  à  cela  pourquoy  Dieu  nous  a  m is  au  monde-  aulii  par  le  contraire  j  il 
ne  nous  peut  aduenir  chofe  plus  malheureufe,  que  de  faire  autrement  que  le  Seigneut 
Dieu  requiert  de  nous. 

O  r  comm  ele  Seigneur  requiert  de  nous  a  bon  droit*que  nous  employons  à  vne  œli 
ure  û"  excellente  tout  ce  qu'il  nous  a  donné  :  par  le  contraire ,  il  n'y  a  rien  en  quoy  nous 
puùTions  plus  defplaire  à  fonaduerfaire,  qu'en  nous  dédiant  du  tout  à  la  fain£te  votan- 
te" de  noftre  Dieu,voire  iufques  à  eftre  facrifiez  pour  fa  gloire.  Parquoy  il  nous  faut  tou 
fiours  tenir  pour  aflèurczqceftaduerfaire  ne  nous  laiffera  point  à  repos;  ainsno9pour- 
fuyura  toujours  à  la  mort,fuiuant  fa  nature  meurtriere,pour  raifon  de  laqlle  noftre  Sei 
gneur  &  Maiftre  à  dit  *  qu'il  eftoit  meurtrier  dés  le  commencemenr.Pour  ceftecaufe  il 
nous  faut  toufîou  rs  de  deux  chofes  préparer  à  l'vne.il  nous  faut  préparer  ou  nous  expo- 
fer  àla  fureur  du  diable  &  des  fiens,autant  qu'il  plaira  au  Seigneur  leur  lafeher  la  bride 
pour  efprouuernoftrefoy&  noftre  conftâce&patience,afinqueparcemoyéDieuioiÉ 
fan£tifié&:  glorifié  en  nous:ou  il  nous  faut  préparer  à  nous  reuolter  côtre  noftre  fouue- 
rain  Seigneur  &  Prince  naturel,&  comme  traiftresinous  accorder  fon  ennnemy  ;  pour 
porter  les  armes  contre  Iefus  Chriftrlaquelle  chofe  eftleplus  grand  malheur  aThom- 
meiVotis  entendez doneques  quel  eft  voftre  eftati&:  à  quoy  vous  deuez  eftre  préparez; 
Mais  cependant  conhdcrez  la  grande  prouidence  de  Dieu  enuers  vous .  cohliderez  là 
grande  bénignité  de  laquelle  il  a  vfé  en  voftre  endroit  jen  ce  qu'il  vous  a  dôné  du  refpit 
pour  quelque  bonne  cfpace  de  tcmpsrprincipalemeht  pour  deux  caufes.  La  première* 
c'eft  pour  vous  foulager&  pour  vousfuppOrtcr  en  vos  infirmirez.L'autre,c'eft  afin  que 
durant  ce  temps  vous  euffiez  le  moyen  d  eftre  enfeignez,&:  d'auoir  eh  plus  pleine  liber 
té  toutes  les  chofes  qu'il  a  baillées  à  foh  Eglife  par  le  fainct  mihifterc  qu'il  a  ordonné  en 
icellc. 

Vov  spouuezcognoiftre  par  cela,que  le  Seigneur  a  tenu  bride  à  ce  grad  meurtrier^ 
&  ce  dragon  roux,&  qu'il  a  lié  les  mains  à  tous  vos  aduerfaires,comme  il  les  lia  à  fes  en- 
nemis au iardinauquel  il futprins.Car combien  qu'il  fefoitlaifle  prendre  à  eux*  tou- 
tesfois  il  les  a  tellement  rend  Us  eftonnez  par  fa  fai incte  parolle ,  &c  leur  a  tellement  ofté 
toute  puiiîance  de  nuire  cependant  qu'il  luy  a  pleu,que  non  k  ulement  il  les  a  tous  faits 
tomber  à  larenuèrfe,  niais  auffi  leur  a  tellement  ferré  les  mains ,  qu'il  n'ont  pas  eu  tous 
enfemblela  pui/Tanced'ofterVnièul  poil  de  tefte  à  nul  de  fes  diïciples.  Car  comme  il 
!euradit|SivousquerezIefusNazarien,cefuis-ie:maislaiflczallerceux-cy.  Ceftepa- îean  - 
rolle  aeu  vertu  de  commandement  expres,auqucl  tous  les  ennemis  ont  efté  contrains 
d'bbeir  bôgré  maugvé  qu'ils  en  âyét  eu.  Or  û  Iems  Chrift  a  eu  telle  puiffance  contre  fes 
cnnemisjvoire  à  fheure  mefme  qu'il  a  voulu  mou  rir  par  leurs  mains  :  nous  pouuohs  fa- 
cilement iuger  s'il  en  aura  point  maintenant ,  quil  eft  régnant  à  la  dextre  de  Dieu  foh 
Pcrc  î  pour  refréner  la  rage  des  ennemis  lefquels  il  a  à  prefent ,  &  pour  garder  fes  diCcU 
pies  au  milieu  d'eux,cependât  que  tel  fera  fon  plaifin  II  a  fait  cela  deuât  vos  yeux  pour 
vous  baillerrepos  quelque  temps,à  celle  fin  que  vous  euffiez  meilleur  loihr&:  meilleu- 
re occafion  de  vous  fournir  des  armes  qui  font  necelîaires  en  cefte  guerre,&  de  fourbir 
les  harnois  &  les  glaiues  par  leiquels  il  conuient  combattre  les  aduerfaires,  8c  fedefen- 
dre  contre  leurs  aiTaux.  car  vos  ennemis&lechefd'iceuxn'aùoyent  point  changé  de 
nature  :  mais  le  Seigneur  a  refréné  ces  beftes  fauuages  &:  furieufes,commeila  fermé 
iadis  la  gueule  des  lions  aufquelsDaniel  fut  ietté  pour  eftre  deuoré.  Et  comme  il  l'à  fait  JjjJ"* , 
iufques  â  prefcnt,il  le  fera  encore  autant  longuement  que  bon  luy  fem  bléra  vous  deli- 


Liure  III.  Eftftrtj  aux  prifonniers  dc^  Lyon. 

urant  de  la  gueule  du  lion  autant  quil  le  cognoift  eftre  requis  pour  fa  gloire,  pour  vo- 
M«t.  i8.i«.  itre  falut,&  pour  l'édification  de  l'on  Eglile,laquelleiamais  il  ne  delaiffera .  car  comme 

il  ne  fe  peut  renier  loy-meSme,  ainfi  le  Seigneur  IcSus,  qui  eft  le  vray  Fils  de  Dieu  &:  le 
Cotoflti.  chef de  ion  Eglite ,  ne  peut  non  plus  abandonner  ion  corps  &  Ses  membres  que  Soy- 
r.Corir.»  -meSme. 

Et  s'il  aduict  qu'il  plaife  au  Seigneur  que  vous  fourfriez,  &:  qu'il  lafchc  la  gueule  du 
Ieani       lion, 8c  luy  deilie  les  pattes  pour  vous  eSgratigner&  dclchirer ,  ayez  recours  aux  armes 
Apocal.y     desquelles  IeiusChnit,qui  eft  l'agneau  deDieu  &deliôde  luda,  vous  a  fournisxar  puis 
qu'il  eft  agneau,  &  il  eft  voftre  chef  &;  Capitaine,  il  vous  conuicnt  eftre  brebis  ,  ôcvfer 
des  armes  deiquellcs  luv-me  fme  a  vSé.car  il  ne  peut  eftre  le  Pafteur  des  loups&:  des  bc- 

ican  lO  -  1         î  '    i      i       •     t    *  i-iii 

lies  iauuages:mais  des  bicbis  lculcment,Iclquelles  ilcognoittoutesnom  par  nom. Par 
quoy  ii  vous  defpouillcz  la  nature  de  brebis  pour  vous  transformer  en  beftes  fauuages, 
voulans  vSer  d  aimes  charnelles, vous  vous  mettrez  hors  de  la  vocation,&abandonne- 
rezSonenScignc.&:  parainii  vous  ne  l'aurez  plus  pourCapitaine.Or  s'il  vousabandône, 
aduifez  en  quel  cftat  vous  en  pourrez  eftre.  mais  ii  vous  demeurez  toufiours  fous  fon 
enfeigne,vSans  des  armes  Spirituelles ,  vous  Serez  beaucoup  plus  forts  que  tous  vos  en- 
nemis.car  les  armes  Ipiric  uelles  ne  fon  t  pas  feulemét  plus  fortes  que  lescharnelles  fans 
aucune  comparaifon,mais  auSfî  elles  Sont  du  tout  inuincibles.&  fi  vous  en  eftes  armez, 
vous  aurez  aufli  pour  voftre  Capitaine  celuy  qui  eft  inuincible,  &:  qui  eft  tellement  la- 
gneau  enuers  les  liens  lelquels  le  Pere  luy  a  mis  entre  les  mains,qu'il  eft  auSfi  vn  lion  ef- 
pouantable,quand  Sa  fureur  eft  embrafeecontreSesaduerSaires. 
MattLio  Sovvenez-vovs  dôc  de  ce  qu'il  dit,  le  vous  enuoye  comme  des  brebis  entre  les 
loups.il  ne  dit  pas, le  vous  enuoye  comme  des  loups  contre  des  brebis  ,  ou  comme  des 
loupscontre  des  loups ,  ou  comme  les  beftes  fauuages  contre  des  autres  beftes  fauua- 
ges:mais  côme  des  brebis  entre  des  loups.  Le  propos  de  première  arriuee  femblcfort 
eftrange.car  quelle  eSperance  de  victoire  pcuuent  auoir  les  brebis  miles  en  côbat  con- 
tre les  loups,finon  d'eftre  Soudain  deuoreesrmais  il  ne  faut  pas  Seulement  ici  regarder  à 
lanacuredesbrebis&:  des  loups,ainsà  celuy  qui  dit  ,  le  vous  enuoye.  carpuisqueluy 
lean  to  qui  eft  le  Pafteur  ,  enuoye  les  bre  bis  qui  luy  lont  données  en  charge  du  Pere  ,  voire  en 
ieanw  te^c  c^arge  clue  *a  volonté  d'iccluy  eft  quil  n'en  perifle  pas  vne,nous  Sommes  tous  cer- 
tains qu'il  ne  les  enuoye  pas  pour  les  laiifer  deuorer  &:  perir:car  ceft  luy  qui  dit  que  nul 
ne  les  rauiradelamain. 

Qv^e  l  q_v  e  choSe donc  qui  nous  puifTeaducnir  du  cofte  des hommes,tenons-nous 
contens  de  ce  que  nous  auons  vn  tel  protecteur,lequel  n'eft  point  Seulement  homme, 
mais  Dieu  immortels  éternel.  Parquoy  nous  Sommes  certains,  plus  que  de  ce  que 
nous  voyons  à  l'œil  &c  que  nous  touchons  à  la  main,que  iamais  nous  ne  pouuons  périr, 
non  meSme  lors  quand  il  Semble  mieux  au  iugement  des  hommes  que  nous  perhTons: 
ains  en  mourant  nous  viuons ,  &c  eftans  veincus  nous  veinquons .  car  combien  que 
les  hommes  oftent  la  vie  corporelle  aux  enfans  de  Dieu,quâd  Dieu  leur  laSche  la  bride 
iuSques  là(ce  qu'autrement  ils  ne  peuuent)&  qu'en  cela  ils  Scmblét  eftre  les  plus  forts, 
&  qu'ils  ayent  obtenu  la  viftoire:ce  neantmoins  les  enfans  de  Dieu  fe  monftrcnt  auoir 
eftéles  plus  forts,&  eftre  demeurez  victorieux  en  ce  que  leur  cœur  n'a  point  efte  vehv 
cu.Et  par  ainfi  ils  monftrent  euidemmen  t  par  leur  foy  &  confiance,  que  toute  la  tyran- 
nie du  monde,ne  toute  la  violence  &  rage  des  hommes  n'eft  pas  allez  forte  pour  vein- 
cre  vn  vray  Chreftié.car  vn  bon  Capitaine  n'eft  pas  veincu  pour  auoir  receu  des  coups 
en  labataillemon  pas  meSme  quand  le  corps  y  demeureroit  du  cour,  &  qu'il  y  Seroit  oc- 
cis.ce  luy  eflafTez  qu'il  ait  combatu  vailiamment,&:  qu'il  ait  efte  loyal  à  Son  feigneur,SC 
quela  vi&oire  demeure  à  SonPnnce,&:  pourtant  il  demeure  victorieux  en  lacauScpour 
laquelle  il  combatoit:  car  puis  que  l'homme  eft  compoSc  decorps& d'ame,ilnefauc 
eftimer  le  corps  lequel  les  hommes  peuuent  tuer,linon  comme  la  defpouille  &:  la  rob- 
be  de  rhomme:&  lame  comme  l'homme,  qui  eft  veftu  de  ceft  habit  terreftre.  ceft  doc 
le  vray  homme  qui  demeure  entier,&  Surmonte  tous  Ses  ennemis. 

Ad  vi  s  ez  donc  de  demeurer  fermes  en  la  foy,dc  laquelle  vous  auez  défia  fait  tant 
belle  ,  tant  ample,  tant  confiante  &  tant  publique  confefiion,&:  par  icelle  combatez 
contre  vos  erine m is,&:  parvrayeconftance,Ô£patience,&  prières.  Car  voila  les  armes 
par  lesquelles  dés  le  commencement  du  môde>l'Eglife  deDieu  a  toufiours  veincu  tous 
les  Empires  &  royaumes  de  la  terre  qui  fe  font  drcSez  contre  elle,&;  toute  la  rage  &  fu- 
reur 


Ef>iftrc^>  aux  prifonniers      Lyon.  237 

reurdefes  ennemis.  Gardez-vous  d'vfer  en  la  caufe  prefente  d'autres  armes  que  de  ee- 
ftes-cy ,  Se  d'autres  femblables  defquelles  S.  paul  arme  le  cheualier  Chreftien  en  l'epi- 
ftre  aux  Ephefiens.  Vous  fauez  que  vos  predeceflfeurs  defquels  vous  eftes  iflus,  n'ont  Ejfcd*. 
pas  entretenu  par  le  moyen  des  armes  charnelles,  mais  de  celles  feulement  defquelles 
ie  vous  parle,  cela  que  Dieu  leur  a  lai/Té  de  refte  de  bénédiction  Se  d'Eglife,au  milieu  de 
la  grande  Babylone.  qui  auoit  occupé  toute  la  Chreftienté.  Aduifez  donc  de  prendre 
bon  cœur  au  Seigneur,  Se  de  perfeucrer  en  la  grace.cn  laquelle  il  vous  a  appelez.Difpo- 
fez-vo9  à  endurer  toutes  choies  auant  q  fîefchir  d'vn  pas  en  la  côfeflion  de  vérité,  quoy 
qu'en  puiffe  aduenirrcar  vous  fauez  à  quel  Seigneur  vo'  feruez,&quclle  affiftéce  il  vo9  a 
jpmile,&quel  loyer  vo9  eft  pparé  au  ciel  par  la  pure  libéralité  &gi  ace  de  voftre  bô  Pere. 

S  v  r  tout  trauaillezà  eftre  tous  bien  vnis  enfcmble,  à  celle  fin  que  vous  dôniez  meil- 
leur courage  les  vns  aux  autrcs,&:  que  les  plus  fortsfoulagcnt Se  tonferment  les  plus  foi 
bles,&leurfoyentenaidcencecôbat.  Il  eft  donc  bien  requis  que  ceux  qui  ne  fefont 
point  encores  déclarez  fi  auant  que  les  autres,  monftrent  au  befoin  qu'ils  ne  veulét  pas 
abandonner  leurs  frères  Se  l'enfeigne  de  ce  grand  Capitaine  Iefus,  duquel  ils  fuyuent  la 
mefme  confe(Tion,c6me  les  autres  qui  en  ont  défia  rendu  publique  tefmoignage.  Vous 
voyez  par  expérience  qu'és  guerres  qui  fefont  par  armes  charnelles,les  plus  hardis  non 
feulement  baillent  plus  grand  courage  à  ceux  qui  fon  défia  afiez  hardis  deux-mefmes, 
mais  aulfi  enhardiflent  les  plus  peureux  Se  couars  mefmes.  auffi  par  le  contraire  les  peu- 
reux Se  les  couars  fôt  perdre  le  cœur  par  leur  couardife  Se  lafchcté  aux  pl9  hardis  mefme 
Se  aux  plus  courageux.  Or  fi  cela  fe  fait  aux  guerres  charnelles ,  il  ne  fe  fait  pas  moins-és 
guerres  fpirituelles.  Et  pourcat  il  feroit  trop  meilleur,  tat  pour  tous  les  fidèles  que  pour 
ceux-la  auffi  qui  tournent  le  dos  quand  il  eft  temps  de  côbatre ,  que  iamais  tels  person- 
nages n'eufientprotefté  ne  fait  femblant  de  vouloir  combatre  fous  lenfcigne  de  Iefus 
Chrift,  que  fe  faire  enrouler  entre  les  gendarme  s  &cheualiers  d'iccluypour  fe  porter 
puis  après  fi  lafchemcnt.car  outre  le  deshôneur  qu'ils  font  à  Iefus  Chrift  leur  Seigneur, 
ils  font  auffi  vn  fort  grand  mal  &vn  fort  grand  dommage  à  tous  leurs  frères.  Pour  cette 
caufe  le  Seigneur  a  iadis  ordonné  en  fa  Loy,  qu'on  fift  crier  à  fon  de  trôpe  que  les  peu-  ^gU7tao' 
rcuxfe  retirafientde  l'armée  de  fon  peuple,  afin  qu'ils  ne  flfient  perdre  le  cœur  à  leurs 
frères.  Cela  eft  vn  poinct  auquel  il  faut  auoir  grand  efgard  en  cefte  bataille  fpirituelle. 

Or  nousnefommes  pas  fous  vn  Capitaine  par  l'exemple  duquel  nous  puifsions  ap- 
prendre à  eftre  lafehes  &  couars.  car  luy  s'eft  mis  le  premier  au  combat  pour  nous,&  en 
cft  reuenu  victorieux  non  feulement  pour  Juy,mais  auffi  pour  nous.  Prenons  donc  cou-  JJ^jJ1'1*" 
rage,  &  le  fuyuonsportansnoftre  croix  après  luy,  veu  que  par  icelleraccez  &  l'entrée  R.om.8.*" 
nous  eft  préparée  au  ciel.  Ne  faites  rien  témérairement  &:  à  l'eftourdie,ne  fans  bon  c»on 
(cil.  Et  fi  vous  le  voulez  auoir  bon, ne  le  prenez  finon  de  Dieu  &c  de  l'a  parollc*  Se  non  de 
la  prudence  humaine. &:  s'il  aduient  qu'en  quelque  endroidt  vous  vous  trouuiez  en  dif- 
ficulté Se  perplexité,ne  vous  pouuans  pas  bien  refoudre  touchant  les  moyens  lefquels 
vous  pourrez  fuy  ure  pour  les  plus  feurs:aycz  toufiours  recours  au  Seigneur  par  prières 
Se  oraifons  faites  en  vraye  foy.&  luy  vous  ouurira  l'entendement  pour  cognoiftre  fa  vo- 
lonté félon  la  manifeftation  qu'il  en  a  faite  en  fa  parolle ,  par  laquelle  feule  il  veut  que 
vous-vous  régliez.  Vfcz  toufiours  de  voftre  modeftie  accouftumee,coniointeauec  vne 
(ain&e  confiance  Se  hardieffe  Chreftienne,&  non  pas  de  témérité  arrogante. 

Cela  faifant,remettez&:  vous  Se  voftre  caufe  Se  tous  vos  autres  affaires  en  la  main  Pfe-37-ïf. 
du  Seigneur,  auquel  vous  vous  eftes  côfacrez,  auec  vos  femmes&  vos  enfans:&:  duquel 
vous  auez  certain  tefmoignage,  qu'il  vous  a  receus  en  fa  fauue-gardc,&vous  a  aduouez 
non  feulement  pour  fesferuiteurs,  mai  s  aufsi  pour  fcsenfans&  héritiers,  c'eft  luy  qui  Rom.s. 
(comme  Salomon  le  tefmojgne)a  le  cœur  du  Roy  en  fa  main,  Se  l'encline  du  cofté  qu'il Ican 
luy  plaift,  corne  le  cours  des  eaux  .  Se  pourtant  il  eft  affez  puifTant  pour  changer  le  cœur  Prou  ir- 
«le  ceux  qui  vous  pourfuyuér,  ou  de  réuerfer  tous  leurs  confeils  Se  entreprifes,  fi  bon  luy 
femble.c  eft  luy  qui  par  fon  Prophète  dit  aux  aduerfaires  de  fô  peuple,  Affem  blez-vous,  ifeie  8. 
Se  vous  ferez  difiîpez  Se  efpars:&  dites,Nous  ferons  cela,&:  il  n  en  fera  rien  faitrcarDieu 
cft  auec  nous.  Il  dit  femblablement  par  ce  mefme  Prophete,que  la  force  des  liens  eft  en  ikic  3a 
filence&:  efperance: c'eft  à  dire  en  ce  qu'ils  attendent  patiemment  le  Seigneur ,  iufques 
ace  que  fon  bon  plaifir  foit  de  les  deliurer .  Se  cependant  que  fes  enfans  atttendent  fon 
fecours ,  Se  qu'ils  font  en  pleurs  &  larmes ,  ic  Seigneur,  comme  il  cft  eferit  és  Pfeaumes,  Pfcau  s6 

X. 


L  'mrc^  Il Y.  Epijlrc^>  aux  prifonniers  de  Lyon. 

recueille &C  amafletoutes  leurs  larmes  en  vne  phiole.  En  quoy  il  nous  donne  bien  à  en- 
tendre qu'il  les  voit,  &  qu'il  oie  nos  foufpirs &:  gemifTcmens  pour  faire  la  raifon  ,quâd  le 
temps  fera  venu  lequel  il  a  ordonné  à  cela. 

Faites  feulement  ce  qu'il  vous  commande,  autant  qu'il  vous  en  donne  lesmoyés 
de  la  gracc.&:  puis  cela  fait,  attendez  fa  bonne  volonté  à  l'exemple  des  bôs  Martyrs  an- 
ckns:leiqucls  ont  iad  is  cftonné  les  tyran?  par  leur  foy,vnion  &  confiance ,  &  par  la  gra- 
de multitude  en  laquelle  ils  f<  font  trouuez,ayans  vn  fi  grand  cœur  pour  rendre  tefmoi- 
gnageà  la  vérité  de  Dieu  par  leur  fang,  que  les  tueurs  &:  meurtriers  qui  les  ont  meur- 
tris,ontcfté  veincus  par  ceux-la  k  fquclsils  ont  tuez &:  meurtris.  carlestytâs&Jesper- 
fecuteurs  ont  eft  é  pluftoft  las  de  pei  lecuter  &c  de  tuer ,  que  les  perfecutez  &  tuez  n'ont 
cfté  las  d'eftre  tucz&  perfecutez.  Or  le  Dieu  qui  a  donné  celte  force  &  cefte  confiance 
àfesfain&s  Martyrs, c'eft  le  voltre  mefmc, lequel  eft  piaffant  pour  vous  fortifier  iufques 
à  la  mort  au  combat  qui  vous  efl  prefenté:ou  bien  vous  en  deliurerpar  les  moyens  qu'il 
faurabien  trouuer,s'il  eft  a  in  (i  expédient.  Aduilez  donc  tous  en  gênerai  à  ces  menaces 
mTuJ)  8°   ^U  $elgncm'  qui  dit, Qui  me  reniera  deuant  les  hommes,  ie  le  renieray  aufîi  deuât  mon 
Pere&  fes  Anges.  &:  derechef,  Qui  aura  honte  de  moy  &:  de  mes  parollcs  ejeuant  cefte 
génération  adultère  &  perherefle,  l'auray  aufîi  honte  de  luy  deuât  mon  Pere  &:  fes  An- 
ges. Oyez  auflî  de  l'autre  cofté  les  belles  promettes  qu'il  fait  à  ceux  qui  perfeucrét  en  la 
Match .10.  confeflion  jc  fon  S. Nom.  Qui  me  confefïera  deuant  les  hommes,  dit-il, Je  le  côfefferay 
Luc  y      aulfi  &r  l'adijoucray  deuant  mon  Pere  &t  fes  Anges.&:,qui  perfeuercraiuiques  à  la  rince- 
ra fauué.  Puis  doc  que  vo9  aucz  mis  la  main  à  la  charrue,ne  regardez  plus  derrière  vous: 
mais  ayez  fouucnâce  de  la  femme  de  Lot. N'ayez  aucun  regret  de  laiffer  Sodome  &c  Go 
morre:mais  vous  eflimez  trop  plus  heureux  en  mourât  pour  Iefus  Chnft,fi  fa  volôtéeft: 
telle,  que  de  viure  en  ce  mode  miferable,apres  l'auoir  renoncé  &:  blafphemé:  voire  d'v- 
ne  vie  fi  malheureufe  laquelle  il  faudra  aufîi  abâdonner  puis  apres,&  bie  toft,  vueillôs- 
Mitthitf    nous  ou  nô.  Ccftuy  eft  le  vray  moyen  de  garder  fa  vie:  laquelle  ceux  la  perdet  q.  la  veu- 
iean  6.      lét  garder  en  abadonnât  lefus,qui  feuleft  noftre  vie,&  qui  la  no9  peut  bailler  éternelle. 
i.icam.        Considérez  quel  grand  bien  c'eft  qu'eftre  aduoué  du  propre  Fils  de  Dieu,&  d - 
auoir  de  luy  vn  tel  tcfmoignage  qu'il  le  promet  aux  liens  deuât  Dieu  fon  Pere  &:  fes  An- 
ges,&:  toutes  créatures.  Confiderez  s'il  y  a  royaume  au  monde  digne  d'eftre  comparé  à 
vn  tel  bien  &  honneur.confiderez  aufîi  par  le  conttairc,  quel  malheur  c'eft  d'eftre  defa- 
uouéô£  reietté  du  propre  Fils  de  Dieu,  voire  en  telle  compagnier&f  s'il  y  a  malheur  qui 
puifTe  eftre  côparé  à  ccftuy-ci.car  c'eft  le  côble  de  tous  malhc  urs.  11  y  en  a  eu  entre  vous 
plufîeurs  qui  ont  beaucoup  (burferr,  voire  la  mort:les  autres  ont  efté  plus  efpargnez.Or 
i.Pier.3.     il  eft  requis  que  ceux  qui  ont  défia  fouffert,fc  préparent  encores  à  fouffrir  dauantage,fî 
tel  eft  le  bon  vouloir  de  Dicu.&  s'il  plaift  ainfi  à  Dieu, qu'au  fortir  d'vne  affliction  &per- 
fecution,  nous  nous  préparions  à  vne  autre-.que  doyuent  faire  ceux  qui  font  tous  fraiz, 
&  qui  n'ont  encore  rien  fouffert,ou  bien  peu?  Veulent-ils  auoir  part  à  la  victoire  &:  à  l'- 
honneur d'icelle,  fans  point  côbatre,&  fans  rien  fouffrir  au ec  leur  Seigneur&Maiftrc? 
icmii.         I e  s  v  s  ChriftaditàS.Pierre,Quadtueftoisplusieune,tuteceignois,&:cheminois 
là  où  tu  voulois:mais  quâd  tu  feras  ancien,  tu  eftédras  tes  mains,&:  vn  autre  te  ceindra, 
&  te  mènera  là  où  tu  ne  voudras  point.  Saîct  Iean  expofe  que  Iefus  Chrift  dit  cela  pour 
lignifier  de  quelle  mort  S.  Pierre  deuoit  glorifier  Dieu.  Sainét  Pierre  ayant  ouy  ce  pro- 
pos de  la  bouche  de  (on  maiftre,  print  la  hardieffede  demandera  Iefus  Chrift  que  ce 
feroit  aufîi  de  S.  Iean  fon  compagnon  qui  eftbit  là  prefent.Sur  quoy  Iefus  Chrift  luy  ref- 
pondit,Si  ie  veux  qu'il  demeure  iufques  à  tant  que  ie  vienne,qu'en  as-tu  affaire'quant  à 
toy,fuy-moy.  Noftre  Seigneur  Iefus  nous  donne  par  ces  parolles  beau  coup  de  bons  en- 
feignemens.  Le  premier,  c'eft  que  Dieu  eft  glorifié  &C  en  noftre  mort,&  en  tout  ce  que 
nous  foufFrons  pour  fon  Nom.  Le  fécond,  c'eft  que  noftre  bon  Pere  nouscfpargne  ce- 
pendant qu'il  luy  plaift.  Le  troifieme,  qu'il  nous  a  ordonne  ce  que  nous  deuons  fouffrir, 
&  de  quelle  mort  nous  deuons  mourir  pour  le  glorifier.  Le  quatrième  ,  c'eft  qu'il  nous 
faut  préparer  6c  tenir  tous  prcfls  pour  fouffrir  quand  il  luy  plaira.  Le  cinquième,  c'eft 
que  nous  ne  deuons  point  porter  d'enuie  aux  autres,  s'il  les  efpargne quand  nous  fouf- 
frons.car  nous  ne  nous.deuonsfoucierfinon  d'obéir  àDieu  en  tout  ce  qu'il  luy  plaira  or- 
donner de  nous,&  laiifer  les  autres  en  fa  main,  car  il  fait  bien  qu'il  en  veut  faire. 

Pv  1  s  donc  qu'ainfi  eft,  vous  maris,  gardez- vous  foigneufement  que  l'amour  char- 
nelle que  vous  pouuez  auoir  enuers  vos  femmes  ,  ne  furmonte  l'amour  de  laquelle 

vous 


Louys  d<Lj  Marfactë fon  Coufm.  2  jS 

vous  deviez  aimer  Iefus  quieft  more  pour  vous.  Et  vous  femmes,  puis  que  le  SeigneUr 
vous  a  cortiointesauec  vos  maris,  non  pas  pour  leur  cftre  en  deftourbier,  mais  en  aide: 
neleurfoyezpas  en  empefehement  en  l'œuure  du  Seigneur  .-mais  leur  baillez  pluftoft  Gcoaà. 
courage  à  s'y  employer  comme  il  appartient.  Coniïderez  tant  d'vne  part  que  d'autre, 
que  vous  eftes  Conioin&s  &:  liez auec  Iefus  Chrift  par  vn  mariage  diuin &  eclefte ,  pour 
lequel  il  faut  rompre  tout  autre  lien  auant  qiie  fe  ieparer  de  luy.Sémblablement  fbuue- 
tlez-vous  que  vous  eftes  tous  enfemble  appelez  à'vn  commun  herirage,trop  plus  exccl  El,Ilcf:+- 
lent  que  ceux  qu'il  faut  ici  abandonnerpour  lcfuyurc.  Vousauflî  pères,  faites  le  fem- 
blable  enuers  vos  enfans:&;  vous  enfans, enuers  vospercs.  Percs, gardez-vous  quela- 
itioUr  charnel  enuers  vos  cnfans,ne  vous  face  oublier  de  qui  vous  eftes  enfans ,  Se  quel 
Pere  vous  auez  au  ciel .  Et  vous  enfans, ne foyez  pas  caufe  que  vos  pères  Se  vous  perdiez 
vn  tel  Pere.  Et  vous  frères  Se  feeurs,  conliderez  quel  frère  vous  auez  en  Iefus  Chrift,pâr 
lequel  vous  eftes  faits  enfans  de  Dieu  :&  quel  partage  il  vous  a  fait  au  ciel  de  l'heritagè  î. 
éternel,  lequel  de  droit  appartient  à  luy  feuliôd  auquel  nous  n'auons  aucun  droit ,  finoh  ^^fg' 
celuy  lequel  luy  nous  y  aacquis,&:  nous  y  baille  par  fa  grâce.  En  ibmme,con(iderez  tous 
en  gênerai  Se  en  particulier  ce  qu'il  dit,  Qui  aimera  fon  pere,  fa  mère*  fa  fem  me,  (es  eri-  MaxcLiai 
fans,fes  frères  Se  fes  fœurs,fes  maifons&:  poflefîions  plus  quemoy ,  ne  peut  eftre  de  mes 
difciples,  Se  n'eft  pas  digne  d'eftre  des  miés.  Prenez  doc  tous  bon  cbtirage  au  Seigneur, 
comme  vrais  enfans  de  Dieu,  Se  héritiers  de  fon  Royaume:  à  la  grâce  duquel  îe  vous  re- 
commande,le  priant  auec  toutes  les  Eglifes  de  deçà, qui  ont  le  foin  de  vous,  &  le  prient 
pour  vous,  qu'il  vous  foittoufiours  protecteur,  vous  augmentant  fes  grâces  &:  bénédi- 
ctions, &:  qu'il  vous  réde  victorieux  de  Satan,  Se  de  tous  les  ennemis  delafaincte  vérité. 


LOVYS  DE  M  AK$  A  C,  Bourbonnais  &  fin  COVSIN. 

A  V  difedurs  des  refponfes  faites  par  Louys  de  Marfac,  il  y  a  des  chofes  grandement  notables  :car  en  fouftenant 
l'authonté  bc  maicité  de  l'Efcriturc  fainde  contre  l'impiété  &  blafphtmes  exccrables  du  Lieutenant ,  Inçpjt- 
fiteur,  Officiai,  &  autres  de  Lyon,  il  a  monttré  vn  zele  héroïque,  de  l'honneur  de  Dieu. 

E  qu'on  pouf  mit  direde  Lôriys  de  Marfac,  qui  cftoit  gentil-homme  de  mai-  M  D  Ltir 
fon  au  pays  de  Bourbonriôis,&:  qu'il  àuroitfuyui  les  armes,  ayâtefté  des  or-  M^hc  dej 
donnâces  du  Roy,  h'eftrien  au  prix  d'vne  vie  noble  Se  entière  qu'il  a  menée  ^j^"" 
depuis  que  Dieu  l'eut  appelé  à  l'on  feruice  en  fa  Cite  de  Gencuc,pour  en  pi9 
grand  repos  luy  faire  part  au  bien  qu'il  fait  à  fes  domeftiques.  Là  dcmeurant,il  ne  trou- 
ua  eftrange  ne  mal  feat  à  vraye  noblefte  de  s'appliquer  à  quelque  meftier  honefte  poUr 
éuîteroifiueté,  Se  dônerexerciceaucorps,cependantqnedeplusenplus  ilfefortifioit 
en  la  cognoilTanCc&aumanimét  dès  armes,efquclles  le  Seigneur  veut  inftruirc  les  fies 
pour  s'en  feruir  puis  après,  &  les  faire  marcher  fous  lenfeigne  defployec  du  fouuerain. 
Capitaine  &  Seigneur  Iefus  Çhrift.  '  1 

c  e  combat  Marfac  êftanteuoqué  de  Gcneue  auec  vn  fîen  CouiTn,  pour  renfor- 
cer la  compagnie  des  autres  pnlbnniers  de  Lyon,dont  cy  debant  la  mort  vi&orieufe  eft 
delcrite:fe  porta  en  vray  homme  deguerre;&  h'efpargna  errfaçon  qudcoquc  fes  luges 
propres,  quand  par  outrage  de  parolfes  ilstoucherent  rh'dnncurde  fon  Seigneur &  V- 
authoritédefaparollefacree,commeon  verraau  dilcourscrefcsefcrits.         1  •  "  '  : 

E  t  après  qu'il  eut  redu  confeffion  entière  des  poinds  fur  ïcfquels  il  fut  interrôgûé  drï 
la  prifon  de  Lyon  le  pénultième  iour  de  Iuillet,  m.d.lixï.  ioncoùiineftantenlamef- 
meprifon,  depremiere  entrée  fut  efpouanté,  Se  ne  donnoit  qu'apparence  dé  foiblcfTe: 
mais  quand  il  vit  fon  couiîn  Marfac  marcher  en  telle  a'ffeur  ace  de  docl:rine,il  print  cou-  Le  Coufc 
rage  au  Seigneur ,  Se  confefîa  vne  mefme  dcdi  ine  auec  fon  Coufin  :  tellemét  que  tous  de  Mirl  u  ' 
deux  ont  laifte  exemple  de  confiance  à  l'Egliie  du  Seigneùr,-&:  en  la  vie  &enla  mort, 
comme  nous  verrons  es  eferits  qui  s'cnfuyucnt1. 

Interrogve  de  premier  abord  fi  îecrovoye  qu'il  y  euft  vn  Libéral-arbitre,  Ô£  DuFr 
iî  nous  n'auons  pas  pui/îance  de  bien  &demal  faire  :  fay  refpondu  que  ie  ne  coghoif-  arbitrc- 
foyc  ,&  n'auoye  aucune  puiffanccde  breh  faire  sll  ne  m  eftoïtdonné  de  Dieu ,  Se  dbe 
tous  les  dons  viennent  denhaut  du  Pere  desnimieres,  &°que  îé1  puis  direaueefaifitt  iiq-i. 
Paul,  que  voulant  faire  le  bien ,  lç  niai  - m'eft  aeiiouïct  :  &:  qtié    ne  puis  faire" Te  bien 

X.ii. 


-r.inr. 


Li»ro  ///.  Louys  dc^>  M  arfa  &  fin  Coufin. 

que  ie  veux,  &:  fay  le  mal  que  ie  ne  veux  pas . 

UjSainOs.  IT  t  M,fi  ie  croy  la  vénération  des  Sainds:&  s'ils  ne  prioyent  point  pour  nous, &:  s'il  ne 
les  falloit  point  prier,  Se  s'ils  n'eftoyct  point  nos  aJuocats,&:  la  vierge  Marie  noftre  acl- 
uoeate.  R.  Que  ie  ne  cognoiiroyc  point  d'autre  qui  priait  ou  intercédait  pour  moy  que 
Icfus  Chritt,&:  queluyleuleftoitmôIntercefleur,Mediatcu:  &i  Aduocat.  Ils  m'ont  ré- 
pliqué que  les  Saincts(deiqucls  ie  leur  auoye  nie  Tinterceflion)  auoyct  fait  plulieurs  mi- 
racles, lcfquels  ils  me  prouucroyent  par  l'Elcriture.  le  leur  dy  que  îenc  difbye  point  le 
contraire,  mais  qu'ils  regarda/lent  bié  que  les  mil  acles  que  Dieu  a  raid  par  la  main  des 
Apoftrcs,  ont  elle  leaux  pour  lec  lier  rEuangile,&:  pour  rendre  le  peuple  attécif  à  la  pa- 
rollcde  Dieu, comme  on  voit  aux  Ades,dc  S.  Pierre  &de  S.  Iean.  Et  queiene  croyoye 
point  ny  alleguoye  autre  dodrine  que  ceJle-la  On  ne  me  répliqua  rien,fînon  qu'on  me 
baillero  itvndodeur  qui  rat  feroit  bie  n  entendre  le  contraire.  D.  Si  ie  ne  croyoye  pas 
eftre  fauué  parles  bonnes  ceuures,&  par  le  mérite  d  ire  lies  :  6c  li  elles  n  eltoyent  pas  ne- 
ceflaircsà  neftre  falut.  R.  Que  l'eltoye  fauué  par  la  feule  roy,&:  non  point  parles  am- 
ures de  la  Loy.  toutesloisnous  faifons  bonnes  œuuics,  lesquelles  Dieu  a  préparées  à 
nous  qui  fommes  fon  ceuurede  grâce.  Quâr  au  mérite, il  ne  nous  en  faut  point  cercher 
d'autre  qu'en  IcfusChrift  feul,qui  eft  noftre  ialut:&  qu'il  n'y  a  point  d'autre  nom  donne 
aux  hommes,  auquel  nous  (oyons  fauuez. 

Item,  Si  ie  croyoye  qu'il  y  cuftvn  Purgatoire.  Iedyqu'ouy,&:que  ie  croyoye  eftre 
purgé  par  le  lcul  fang  de  Iefus  Chrift.  Et  lors  me  demandèrent,!!  ie  ne.eroyoye  pas  qu'il 
.  y  eue  vn  reu  de  Purgatoirc,auquel  lésâmes  font  purgecs:&s'il  ne  falloit  pas  prier  pour  u 
celles. le  leur  dy  q  n'en  croyeye  polt  d'autre  que  celuy  q  îeleur  auoye  dit. Et  que  des  tref 
paiïez,ic  ne  auoye  nulle  <  cgnoiiTâcc,&qiuls  lot  en  la  mal  du  Seigneur  q  cft  îufte  luge. 

It  e  m  silfailoit  confeiferau  Prelttefes  péchez  pour  en  auoir  abfolution  en  rece- 
uoirpcniccn.e.  I'ayrcfpondu  que  quandiefenmaconfcienceopprelTeedufentiment 
de  mes  péchez,  ie  me  retire  à  Dieu ,  auquel  feul  faut  confefTer  Ion  péché  pour  obtenir 
pardon  au  ncmdefon  Fils  Icfus  Cliuft  noftre  Seigneur.  Sur  quoy  me  demanderét  liie 
ne  tenoye  pas  les  Preftrcs  d'vnc  paroillc  pour  Pafteurs  tat  en  dodrine  qu'en  vie.  Ic  leur 
refpondy  qu'ils  eftoyent  faux  pafteurs  tat  en  dodrine  qu'en  vie-  &  que  ieferoyefort  mal 
conduit  ôc  tiendrewe  vne  poure  voye,  li  ie  tenoye  la  leur.  Us  me  dirent  que  ie  les  tene>ye 
donc  pour  pafteurs  ignorans.  le  dyqueie  neies  vouloye  nulleme:t  tenir  pour  palleuis. 
f  Alors  l'vn  me  diiant  que  ic  cuidoye  eftre  bien  fauant  :ie  luy  fi  refponfeque  iene  cui- 
uoyerien  fauoirnecognoiltre  linon  Iefus  Chrift  ,&iceluy  crucifié  pour  moy.  lime  dit 
qu'aufiî  faifbit-il  bien  luy.    le  dy  que  nous  citions  donc  d'accord  quant  à  cela.  D.  S'il 

puiufne.  ne  falloir  point  iulner.  R.  Qiùl  cltoit  bô de îufner,  voire  auec  prières &:  oraifons,quâd 
nous  nous  fentons  affligez  ôtoppreflcz  en  quelque  forte.  Alors  ils  me  dirent  queie  les 
vouloye  faire  a  mon  plaifîr,&  non  pas  corne  il  eftoit  commandé  de  l'Egiife,  obfcruanc 
les  iours  ordonnez.  Se  ielcurdy  que  le  vrayiufne  doit  eftre  continuel  au  Chreitien.  ^  I- 
tem  fi  ie  croyoye  le  Symbole  des  Apoftres,ie  dy  qu'ouy.Item,fi  ie  croyoye  le  Sacrement 

Delà  Ceuc.  de  ^a  Cene(&:  vibrent  de  ce  terme.  )  le  rcfpôdy  qu'ouy •&  que  quand  elle  cft  adminiftrec 
purement,ic  croy  cômuniqucr&:  vrayement  reccuoir  lecorps&:  le  fang  de  noftre  Sau- 
ucur  Icfus  Chrift  lous  l'efpece  du  pain  6e  du  vin.  Us  me  dirét,  Mais  croyez-vous  pas  que 
le  vray  corps  de  Icfus  Chrift  foit  contenu  realemcnt  &C  eorporellemcnt  dedans  le  painî 
le  dy  que  non:&  queie  croyoye  qu'il  eft  mocé  au  ciel,&  qu'il  cft  affîs  à  la  dextre  de  Dieu 
le  Pere.  Alors  l'vn  d'eux  me  dit  que  i'eftoye  eômclcs  luifs  de  Capcrnaum  ,&rque  ie  ne 
vouloye  croire  fi  ie  ne  voyoye  la  prefence  corporelle  de  Iefus  Chrift  dedans  le  pain  :  6C 
queiene  pouuoyccôtrcdirequc  Iefus  Chrift  n'euft  dit ,  Qui  mangera  ma  chair  &bcu- 

(pan  tf.  uramoniang.  le  luy  dy  qu'il  regardai!  bien  cornent  Icius  Chrift  dit  qu'il  eft  le  pain  vif 
qui  eft  defeendu  du  ciel  pour  donner  vie  à  ceux  quicroyenten  luy:ôt  pour  conclulion 
il  dit  que  la  chair  ne  profite  ncn,&:  que  c'eft  l'efprit  qui  viuifîe.  le  leur  dy  dauatage  qu% 
ils  regarda/lent  bien  comment  S.Luc  &  S.  Paul  en  traitent:&:  leur  recitay  le  texte  félon 
S.  Paul,&:  leur  di,  Notez  bien  quand  il  dir,Prencz,mangez:c'elt  mon  corps  qui  cft  hure 
pour  vous.  Toutes  les  fois  que  vous  ferez  cccy,vous  le  ferez  en  mémoire  de  moy.  Car 
toutes  les  fois  que  vous  mangerez  de  ce  pain  &:  beuurez  de  ce  calice  >  vous  annoncerez 
la  mort  du  Seigneur  iufques  à  ce  qu'il  vienne.  Et  leur  dy,Notez  bien  ces  mots;  6c  parlât 
à  l'Officialde  luy  dy  qu'il  ne  falloit  pointfaue  mémoire  de  ce  qui  eft  prefent:  tout  ainfi 
qu'il  ne  falloit  queie  fille  mémoire  dcluy,d'antant  que  ic  le  voyoye  deuant  moy.  Ouy 

mais 


Louys  de  Mar/ac  &fon  Çoufin.  3j # 

mais(dirent-ils)ne  vous  voulez-vous  pas  tenir  à  ce  que  les  faincts  Conciles  &  Docteurs 
ont  arrefté:  Iercipondy,  Ouy  bien  en  ce  qui  leroit  conforme  a  Ja  paroJle  Dieu  &:  autre- 
menenon.  car  fi moy-mefme  (dit  S.  Paul)ou  vn  Ange  du  ciel  vous  annonçoït  autre  pa-  c. 
rollc  que  celle  que  ie  vous  ay  annoncée,  qu'il  vous  (oit  exécrable.  Item,  ils  me  deman- 
dent où  fauoye  apprins  toutes  ces  choies.  le  dy, Au  S.Euagile,&:  en  la  parolle  de  Dieu. 
Item,  s'ilm'appartcnoitdelalire,coniidc;réque  l'eftoyehôme  mécanique  &i'ansfa- 
uoir,&:  (i  ie  fauoye  bien  que  ce  fuit  rEuangilc,&  qui  le  m 'auoit  apprins. le  rcfpondy  que 
Dieu  le  m'auort  apprins  par  ion  S.  Eiprit  ,&:  qu'il  appartient  à  tous  Chrefticns  de  le  fa- 
uoir  pour  apprendre  la  voyc  de  leur  lalur. 

Item  ti  i'auoye  veu  1  inltitution  de  Caluin,  dite  Chreitienne.  le  dy  qu  ouy.  Voila  ce 
qui  me  fut  demandé  au  premier  interrogatoire. 

^  L  a  féconde  fois  ie  fu  interrogué  par  le  grand  Vicaire ,  lequel  pour  fa  grande  befti- 
fe,  me  fit  pluficurs  demandes  friuoles  ,lei"quclles  ne  méritent  pas  d'eftre  eicrites.  Apres 
cela,  il  me  demanda  de  quel  eltat  1  auoyc  elle.  le  dy  que  fauoye  cité  de  s  ordônanccs  du 
Roy,  delà  compagnie  de  monfieurde  Lorgc.  Alors  l'vn  me  dit  qu'il  ne  m'auoitpas  ap- 
prins celte  doctrine,  ôc  que  c  eitoit  vn  bon  cheualier.Ie  luy  dy  que  non,&  que  cela  ne  s'- 
apprenoit  point  en  com  bâtant. 

Interrogve  fiiecroyoyelcvœudechaftetc^ieluydemandayques'eftoit.ilme  De  chafteré 
dit  que  celtoitdcitre  religieux,  6c  de  faire  quelques  autres  badinages  qu'il  me  nôma. 
le  luy  relpondyque  dechafteté  ie  n'en  fauoye  point  demcilleurc  que  celle  que  Dieu 
nous  auoit  dit ,  que  quand  nous  fommes  preiTezdesaiguiilosdc  la  chair,  il  le  faut  prier 
qu'il  luy  plaifc  de  mortifier  nos  affections  mauuailes,  &:  reiiiter  à  icelles  par  les  moyens 
que  Dieu  nous  a  donnez.  &c  que  de  religion,  ic  n'en  cognoiiïbye  point  d'autre  que  celle 
dequoy  faind  laques  parle.  kqws  r. 

Interrogv  e  fi  ic  croy  les  faincts  Sacremens  de  l'egliié  :  ie  demanday  quels  ils  c- 
ftoyent.  Alors  il  me  les  nomma.  le  luy  dy  qu'il  n'y  en  auou  que  deux  que  Dieu  auoit  or- 
don  nez,aifauoit  le Bapteimc&: la faincte Cene. 

I  nterrogve  fi  du  temps  que  i'eftoye  des  ordonnances,ic  n'alloye  point  à  la  Mef 
fe,fi  ie  m'agcnouilloye  deuât  les  images, ii  ie  ne  me  confcflbycrie  dy  qu'ouy,  mais  que  ie 
rendoye  grâces  à  ce  bon  Dieu, de  ce  que  par  fa  bonté  &  mifericorde  il  m'en  auoit  retiré, 
&:  m'auoit  mis  en  la  droite  voyc  de  mon  falut.  Ils  me  dirent  que  i'en  cftcye  bien  loin,  ie 
dy  que  i'en  auoye  cilé  plus  loin  autresfois.  Et  à  ceite  heure  (dit-il)y  cuidez- vous  eftre?ie 
dyqu'ouy:&:quc  non  feulement  ie  le  cuidoye,maisi  en  eitoyeafTeuré  par  lespromeiTes 
que  le  Seigneur  m'en  a  faites. 

Apres  il  me  dit  qu  il  me  baillcroit  vn  Docteur  qui  me  feroitbien  entendre  queie 
failloyc  gtandement.  le  dy,  que  s'il  mêle  monftroitparl'Elcriture  faincte;iele  croy- 
roye.  Il  me  dit  qu'il  le  me  monftrcroit  par  l'Efcriturc  fainctc,&:  par  le  s  ordonnances  des 
Conciles.  le  dy  que  s'ils  s  accordoyent  à  la  parolle  de  Dieu  ,  que  ie  les  croiroyc  :  mais  s'- 
il s  y  conrreuenoyenr,ic  diroye  com  me  S.  Paul  nous  apprend, c'eit  que  iiluy  ou  vn  Ange 
de  Dieu  difoitou  prefehoit  autre  Euangile, &c.  ils  m'ont  fculemét  allégué  leurs  Con- 
ciles 6c Docteurs  ancics:mais  i'ay  touliours  oppofé  ce  paffage.&auilï  que  mafoy  n'eftoic 
pou  fondee  fur  les  homes, &:  qu'elle  feroit  mal  rôdee,attédu  que  tout  home  elt  méteur. 

De  là  cnuiron  ti  ois  iours,  le  grand  Vie  aire  penfant  auoir  quelque  grafîe  defpouille 
de  moy ,  vint  aucc  le  luge  crimincljefquels  m'ofterent  mon  argcnt:toutesfois  ils  m'en 
firent  bailler  pour  viurc.  Et  après  pluiieurs  fots  propos ,  le  Vicaire  me  demanda  ii  ic  ne 
me  vouloye  pas  rapporterai!  dire  de  leurs  Docteurs,  aufquels  il  appartenoit  d'interpré- 
ter l'Efcnturc,&;  non  point  à  rooy:&  fi  ievouloye  eftre  plusfage  que  le  Roy,  &fiiene 
vouloye  pas  croire  ce  qu'il'croyoit.  le  leur  rcfpondy  queie  n'auoye  que  fane  de  leur  in- 
terprétation, &  que  fans  rie  n  interpréter  ic  leur  monitreroye  au  doigt,quc  ce  queiedy 
elt  vray:  Que  corne  ma  foy  n'e  ftoit  fondee  fur  le  Roy,  aufîi  ie  n'eltoye  point  là  pou  r  par- 
Jerdefafoy.  Ilmc  ditdcreehcf  qu'il  me  bailleroitvn  Docteur.  Icluy  demanday  s'iln'- 
cftoit  pas  fufrifant luy-mefmc,veu qu'il  eftoit en eftat de iudicature. 

L'a  v  t  r  e  foisen(uyuant,quiacftéladernierc,en  laquelle  le  Lieutenantdu  Roy  e- 
ftoit  prefent , le  grand  Vicaire  me  demandai!  ievouloye  periifteren  mes  opinions  & 
erreurs  ,  qu'ils  appellent.  le  le  priay  de  m'en  faire  lecture,  ce  qu'il  fit,  me  deman- 
dant toufiours  fi  ie  m'en  vouloye  deiifter  ,  &c  qu'on  me  feroit  mifericorde  .  le 

X,  iii, 


Lwrc^>  III.  Louys  de  sffîarfac. 

dy  que  ie  ne  me  vouloye  point  defdire  d'vne  chofe  tant  bonne  &£  veritable,&:  que  de  mi- 
fericorde  ie  n'en  demandoyc  point  d'eux,  mais  que  ie  prioye  Dieu  qu'il  me  la  fift. 

^  E  t  en  lifant  lefdits  interrogatoires ,  ils  me  vindrent  prendre  encore  fur  cefte  que- 
ftion,  s'il  m'appartenoit  de  lire  l'Euangilc:  ô£  aulfi  qui  m 'auoit  die  que  c'eftoit  riiuâgile. 
le  dy  que  Dieu  par  l'on  S.Efprit  le  m'auoit  fait  entendre ,  &:  qu  autremêt  ne  le  pouuoye- 
Juxfen&T  ie  fauoir- Ai°l  S  le  Lieutenat  du  Roy  dit,que  quant  aux  quatre  Euangchftcs,  qu'il  n'y  en 
nunrdcLyô  auoit  que  deux,  aifauoh  S.  Matthieu  &  S.  Ican  qui  fuiîent  purs:&:  que  S.Marc  &c  S.  Luc 
n'eiloyent  que  de  pièces  rama/fees  par  cy  par  là  ,&  faincl  Paul  pareillement .  &  dit  que 
fi  les  Docteurs  de  l'Eglife n'euifent  authonzé  les  Epiftres  de  fainct  Paul,  qu'il  ne  les  efti- 
meroit  non  plus  que  les  râbles  d'Elopet.Ie  leur  dy  que  fàinct  Paul  auoit  bon  telmoigna 
ge  Je  la  vocation,  ainliqu'il  eft  eferit  aux  Galat.  i .  chap.  Il  me  ht  relponfe  qu'il  rendoit 
tefmoignage  de  loy-mcfme. 

Von  t  z ,  ic  vous  prie,  mes  frères  le  grand  blafpheme  contre  celle  tant  faincle  paroi 
le  de  noftre  Dieu.  Prions-le  qu'il  nous  face  la  grâce  de  ne  tomber  en  telle  impieté:  mais 
que  parla  vertu  de  Ion  S.  Cfpritnous  demeurions  fermes  en  1  obciiîance  d'icelle,  Ame. 

Apr  e  s  ces  chofes,  le  Lient*  nant  fit  derechef  lire  la  reiponfe  quciauoye  faicte  fur 
le  traire  dclaCcnc.&:  me  demanda  h  ie  ne  vouloye  pas  croire  que  le  vray  corps  de  Iefus 
Chrift  fuft  contenu  au  pain.  le  dy  que  ie  croyoye  ce  qu auoye  délia  dir.Sur  cela  il  dit  qu 
il  croyoït  qu'auilî  toit  que  le  Preftre  a  dit  les  parolles  Sacramentales  fur  le  pain ,  que  le 
corps  de  Iefus  Chnft  citoit  dedans.  Et  ie  dy  que  ie  ncle  croyoye  pas,&:  qu'il  eftoit  mon- 
té au  ciel,&:  lé  lied  à  la  dextre  de  Dieu  fon  Pere.  Lors  il  dit  que  ce  qu'il  auoit  dit  eftoit  fa 
tby,&:  qu'il  vouloit  viure  &  mourir  en  icèlle.&:  ie  vouloye  aullî  viure  &:  mourii  en  celle 
que  îauoyedite. 

C  e  fut  la  fin  de  nos  propos, combien  que  ie  n'aye  pas  bien  tenu  l'ordre  comme  i'ay  e- 
ftc  interrogué.I'ay  aulfi  mieux  aimé  de  lai/fer  quelque  chofe ,  que  d'y  adioufter  vt  mot 
hha^Kt   dauantage.&:  ce  cllu  m  a       mettre  cefte  dite  côfeilion  par  efcrit,n'eft  point  que  ie  de- 
dent  lacoa  mâdc  qu'elle  foit  mile  en  lumière,  mais  afin  qu'en  ma  petitefTe  Dieu  foit  glorifiédequel 
fdsion.     m'aglorifîé,&  m  afair  cognoiftre  fa  force  en  madebilité&:  limplicité.-tellemét  quenos 
ennemis  fontveincus,&:nc  fauent  alléguer  autre  chofe  finon  que  nous  ne  nous  voulôs 
pas  tenir  au  dire  de  leurs  Docte  urs,&:  que  voulons  eftre  plus  fages  qu'eux.  Cependant 
demourans  ainfi  preifez,  ils  ne  fauênt  que  dire,  linon  que  de  tafeher  racieement  (s'ils  o- 
foyent)à  reictter  l'Elcriture  faincle.Et  ie  prie  à  noftrc  bon  Dieu  &:  Pere  de  toute  miferi- 
ricorde, qu'il  nous  vucillc  augméterfes  laindes  grâces ,  afin  que  nous  puiflïôs  touiiours 
glorifier  fon  S.  nom  tant  en  la  vie  qu'en  la  mort,  tellement  que  ce  foit  à  l'auancemét  de 
fon  règne,  à  l'édification  de  fon  Eglife  tant  defolee,&  à  noft  re  falut.  Et  ce  luy  dcmâde- 
rons-nousaunom&enlafaueurde  fon  trefcherFils  noftre Seigneur,  lequel  règne  a- 
uec  le  Pere  &c  le  S.  Efprit,  A inli  foit-il. 

LETTRK  que  ledit  de  Marfac  a  enuoyee  à  M.  D.  S.  L.  le  dernier  dudift  mois  de  Iuiller,  1553.  Par  laquelle  i! 
monitre  la  ioye  qu'il  a  de  te  que  le  Seigneur  fe  fert  d'eux  pour  la  confolation  des  autres. 

£j§pONSIEVR  &: frère,  nous auons  reccuvos  lettres aucc grand'  ioye  &:con(ola- 
§|^|eion,ain(i  qu'à  la  vérité  elles  en  font  pleines:&:nous  feroit  impoflible  de  vous  pou 
uoir  exprimer  combien  grande  fortification  elles  nous  apportent  en  nos  affliétiôsrvous 
fuppliant  humblement  de  perfeuerer  félon  la  neceffité  que  cognoilfez  que  nous  en  a- 
uons,  pour  l'infirmité  &  débilité  defoy  quieft  en  nous.  Nousendifons  autant  à  mada- 
moifelle  voftre  temmc,noft-e  bône  fœur,à  laquelle  nous  referirons ,  (i  le  Seigneur  nous 
donne  le  moyen,  pour  la  remercier  humblement  des  fainctes  exhortations  qu'il  luy  a 
pieu  nous  cnuoyer.  Defquclles,  ainli  que  des  voftres,nous  fommes  grandement  confo- 
lez.  Quant  à  ce  que  vous  mandez,  que  vous  auez  reccu  confolation  par  nos  lettres  :  en, 
cela  nous  auons  grande  matière  deglorifier  Dieu,  qui  fe  veut  feruir  de  nous  fes  poures 
créatures  tant  frangiles,  pour  la  confolation  des  fiens.cobien  que  ce  foit  aucc  grade  in- 
firmité &  ignorâce,  laquelle  no9  vous  fupplions  grâdcment  defupporter.  Il  n'eft  ia  me- 
ftier  que  nous-no9  arreftiôs  beaucoup  à  vous  exhorter  des  choies  lcfquelles  vo9  ne  pou- 
«au^i*  l,czignorcr'att:^^u  Sue  iournellemét  le  Seigneur  parle  à  vous  par  viue  voix.Seulemenc 
meurent  c»  nolls  vous  priôs  de  perfeuerer  en  l'obeidance  de  noftre  Dieu  &defa  parollc:afin  q  toul- 
igiijcs  rC.  iours  vo9foycz  en  exeple  de  bône  vie  &;  conuerfation  à  vos  prochais,&:q  par  ce  moyen 


LouysdcjMarfac*  2jo 

la  gloire  de  noftre  Dieu  foie  damât  plus  exaltée  ,  &c  le  règne  de  noftre  Seigneur  auâcé, 
à  la  ruine  &:  deftru&ion  de  Satan,de  l'An technft  de  Rome  Ton  miniftre,  &c  fes  fu  ppofts: 
à  l'aneantifTemcnt  au  ffi  de  toutes  leurs  machinations,confpirations  &:  entreprîtes  qu  - 
ils  font  pour  rompre  &c  ruiner  tout  ordre  &C  police  Ecclcfiaftique.Or  nous  continuerôs 
tant  que  Dieu  nous  donnera  de  viure,àprier  ce  bon  Dieu  pour  la  defolationdefapo- 
ure  Eglife,tant  affligée  Se  afîaillie  de  toutes  pars  par  tant  d'ennemis,  non  feulemet  ma- 
nifcftes  &  ouuers,mais  aulfi  iecrets  Se  cachez,voire  domeftique  s:  à  ce  qu'il  luy  plaifela 
maintenir  &:  fortifier  par  l'on  faind  Efprit  à  l'encontre  de  tous  fes  aduerfaires.  Vous  fup 
pliant  aulfi  de  faire  le  fcmblable,afin  quefon  nô  l'oie  glorifié  en  nous,foitenla  vie,  foie 
en  la  mort.    Cepimanchc,pcnultiemede  Iuillet,M.D .  l  m. 

L  A  prière  en  la  fuicriprion  de  cefte  letti  e,regarde  au  temps  oui  étroit  lors:car  mefme  à  Gcncuc  vne  trouppe  de  gens  ennemis 
de  la  rcformation  de  l'Euaii^ilcdemouroit  bandée  contre  les  Minières  d'icelle,  iut<jii»*àce  que  le  Seigneur  lesrcnueru 
&  chaffa  lefeiziemc  de  May,  M.D.LV. 

Le  Perc  de  toute  mifericorde  vous  vueillc  de  plus  en  plus  atigméter  fes  grâces, &:  vous 
fortifier  pour  louftenir  tant  d'aiîaux  qui  font  faits  de  prêtent  à  l'a  poure  Eglifc,  &:  à 
tous  les  pouresferuiteurs  de  Dieu, defquels  le  Seigneur  vous  vueilledeliurer  ,  &C 
regarder  en  pitié  fa  poure  Egliic  par  fa  bonté  paternelle:  Ainfi  foit-il. 

ÊkSJ^ON  S  1E  VR&  frere,ic  ne  puis  allez  magnifier  le  Seigneur,  ne  déclarer  la  ioyeq 
^^Jmon  poure  cceur  reçoit, de  ce  que  ie  voyque  les  frères  le  relioinlFent  de  celle  tant 
débile  côfeflion  q  ce  bô  Dieu  m'a  dôné  de  faire. Dcbile,dy-ic,cn  ce  qui  eft  du  mié:mais 
ce  qui  elt  de  luy  eft  fort:voire  fi  fort  q  nos  aduerfaircs,maugré  leurs  dents  Se  leur  vifage, 
font  conueincus  en  leurs  caurs:tellcment  qu'ils  ne  s'attachent  point  feulement  à  nos 
pcrfonnes,mais pleinemet  &L  ouuertemet  à  la  parolle  de  Dieu:voyans  qu'ils  ne  peuuet 
renfler  à  l'encontre. Ils  nous  appellët  lots,beftes  &  idiots.&:dcfaicl:,"tels  fommes-nous: 
mefme  i'ay  toufiours  cflé  eftime  de  mes  frères  6c  parens  cflre  tel: mais  c'eft  ce  que  dit  S. 
Paul,queDieu  a  efleu  les  chofes  folles  de  ce  môde,pour  confondre  les  fages:  &:  les  cho- 
fes foibles  de  ce  monde, Dieu  lésa  cfleues, pour  confondre  les  fortcs:&:  les  chofes  viles 
de  ce  mode  &:  les  mefprifees,  voire  celles  qui  n'eftoyent  point,  Dieu  Lesaelleues ,  pour  l  Cor  ! 
abolir  celles  qui  font-afin  que  nulle  chair  ne  fe  glorifie  deuant  luy.  Ce  font  les  docteurs 
que  le  Seigneuf  a  choifis  pour  maintenir  la  parolle,pour  les  faire  tefmoins  d'icell  e.  Or 
nous  le  prierôs  qu'il  nous  face  la  grâce  que  nous  puilîiôs  tellemét  perfeuerer  àla  main- 
tenir,que  tous  les  tourments  que  nos  ennemis  nous  pourroyent  faire ,  ne  nous  reculer 
aucunement.Car  quant  ànous,nous  fommes  tant  débiles  de  noftre  nature,  quenous  J"JU8^'"" 
ne  fauriôs  endurer  qu'on  nous  iette  des  petites  gouttes  d'eau  froide  fur  noftre  chair, q  det.iittrei- 
netreHaillions&fremillions. comment  donc  pourrions  nous  ioufFnr  vn  demy  quart  ^U'y10- 
d'heure,veu  que  noftre  nature  eft  tant  debilcrMais  l'efpeiance  &C  vraye  afleurance  que  rcc  a'r* 
nous  auons  à  noftre  Dieu, eft  relle,qu'ilnous  fortifiera,  &  non  feulement  nousdonne- 
ra  force  de  fouffrirvn  fi  brief  temps,  mais  auffi  de  furmonter  tous  les  tourmens  :  voire  Les  tour- 
quand  on  nous  ti  aineroit  par  les  rues&:  bourbiers,  &c  autres  peines  qu'il  feroit  poffible  ^"^J^ 
depenfer.    ^  Voyons  quels  tourmens  ont  enduré  tant  de  Martyrs  qui  nous  ont  precc  ksMarty^' 
dez:&ce  en  vertu  de  lafoy.Celuy  mefme  qui  leur  a  donné  la  force  de  furmonter  toutes 
ces  chofes  nous  fera  le  fcmblablc.N'cftoyent-ils  point  hômesfémblables  à  mefmcs  paf 
fions  &c  infirmitez  que  nous  fommes? Il  n'en  faut  nullemét  douter.  Or  donc  fi  nous  vou 
Ions  viureaueclefus  Chrift, c'eft  bien  raifon  qne  nous fouff rions  aulli  auecluy.  Seroit- 
ce  raifon  que  nous  euffions  communication  à  fes  biens,hôneurs  6c  gloire, fans  commu- 
niquer à  fa  croix?Que  fi  les  fouffrances  du  temps  prefent  ne  fontpas  dignes  de lagloire 
aducnir,qu'eft-cedoncdefouffrir  icy  vn  peu  de  temps.'  Car  noftre  tribulation  qui  eft 
de  peu  deduree  6c  légère  à  mcrueille,produit  en  nous  vn  poids  d'étemelle  gloire,quad 
nous  ne  connderons  point  les  chofes  vifiblcs,  mais  lesinuifiblcs:  car  les  chofes  vifibles 
font  temporelles,mais  les  inuifibles  font  éternelles. 

Voila,trefchcrfrere,qui  nous  doit  apporter  afleurance  tout  aiîeuree,  pour  ne  crain- 
dre la  mort,quelque  cruelle  qu'elle  foit.Et  en  cela  ie  me  tien  aifeuré  que  ce  bon  Dieu 
m'en  fera  la  grace,d'autant  qu'il  me  l'a  promis, &:  qu'il  eft  véritable.  Au  refte,ie  ne  vous 
pourroye  réciter  la  grande  confolation  que  i'ay  receue  de  la  cômunication  qui  m'a  efté 
faite  des  lettres  qu'auez  enuoyees  à  mon  frère  Denis  Peloquin, lequel  trouua  moyc  de 
les  bailler  à  vn  de  nos  frères  qui  eftoit  en  vn  croton  au  defTus  du  mien,lequel  m'en  fit  le 

X.  iiii. 


Liure  III.  Epifirc^  aux  pri/onniers  d<u  Lyon. 

cture,pource  que  ie  ne  les  pouuove  lire,d'autant  que  ie  ne  voyoye  rien  en  mon  croton. 
le  vous  prie  doncdeperfeucier  pour  nous  allîfter  touiiours  de  femblableconlblation: 
car  icellenuus  incite  à  plourer&:  prier,  qui  font  les  vrayes  confolations  qui  nousfonc 
necelTaires  en  ceft  endroid. 

S'ensviveht  deux  Epiftrcsfingulieres&:  pleines  de  grande  confolarion.efcrices  T 
vne  par  M.Guillaume  Farel,&  l'autre  par  M.Icâ  CaJuin,&  en  uoyces  aux  fufdits pri- 
fonniers  Pcloquin,Dimoner,Marlac&  autres d'vn  mcfme  temps  detenusà  Lyon. 

M.  G  V  I  L  L  A  V  ME  Farel.en  ccfk-  Ipiftre  principalement  prop  ofe  vnc  indicible  bonté  de  Dicu.quand  il  donne  fa  co 
gnoilLncc  à  fes  poures  crcaturc;:&  les  a/leure  aue  les  ennemis  ne  t  eront  rien  cju'il  ne  vucillc,&:  que  préalablement  il  n'ait 
ordonné. 

[E  S  frères  en  noftre  Seigneur,  quelle  grâce  deuons-nous  tous  rendre  à  la  bonté 
^infinie  du  Perc  de  toute  mi/eticorde,qu'illuya  pieu  nous  fane  tant  de  bien 
tant  de  grâce  à  nous  miferables  pécheurs,  qui  n'auons  gaigné  feulement  de  demeurer 
&croifticcn  toute  maledidion  &  mefchancccé,maisau(iideitic  totalement  aby/mez 
au  profund  d'enfer:qu'au  lieu  derane  vn  tel  îugcmct  lur  nous,  par  fa  bôte  infinie  nous 
a  attirez  àlacognoiiïancedc  Ion  Filslelus  àlagrâdelumieicdeloniaincrEuâgilc,en 
fe  déclarât  pleinemét  eftic  noltre  bon  Pere  mifcricordieux, pitoyable  &:  propice ,  &c  ce 
en  nous  pardonnant  nos  péchez  hiifant  vn  tel  châgement,trcfgiand&:  trefexcelléten 
nos  œuures, tellement  que  ce  qui  nous  lembloit  beau  &  bon  au  parauant, félon  la  trom 
&.TfccflkL>  perjc  &  déception  de  Satan, &:  en  la  puilfance  qu'il  exerce  par  1  A  ntechnft  ,  l'homme 
de  péché  &  de  toute  malédiction, au  maudit, execrable&  plus  qu'abominable  eftat  Pa 
pal,au  (itgc  plus  qu'infernal:  maintenant  nous  ellcogneu  tel  qu'il  eft, alfauovr  ladre,  vi- 
lain, maudit  &:  exécrable.  Et  cède  quoy  ne  tcniôs  côte, aifauoir  de  la  vraye&viue  foy,& 
de  regarder  la  faincte  volonté  de  noftre  bon  Perc,(on  vray  teftament  nouueau,  l'alliacé 
de  grâce  &  lalut  &:  vie, maintenant  nous  eft  tout,comme  il  doit  e  ftre.  Car  quelle  choie 
deuons-nous  eftimer  fors  que  Iefus  mort  pour  nos  péchez,  &:  refufeiré  pour  noftre  îufti 
fication?où  cft  toute  noftre  fagefle,iuftice,  fanctification,  rançon  &:  falut,qu'cn  luy  feulî 
Vrayemcntcecy  eft  tant  grand&  tantexcellét,  que  non  feulemct  les  deteftables  abo- 
minations &  diaboliques  iniquiteznousdoyuenteftre en  horreur, &  pourl'amourde 
Iefus  les  deuôs  fuir&  dcteftcr,&  pluftoft  mille  fois  mourir,  q  d'en  tenir  la  moindre  qui 
foit,ou  feulement  en  faire  aucû  femblant.mais  encore  quelque  chofe  qui  foit,  quelque 
apparence  qu'elle  ait  en  pays  que  ce  foit  ,  nousladeuonsreputcr  comme  fiente  fie  or- 
Pî  dure,afin  qu'on  poiîede  feulement  Iefus,  &c  que  foyons  trouuez  ayans  feulement  la iu^ 
fticequieft  en  Iefus,pour  comparoir  hardiment  &C  nous  approcher  du  thronedela  gra 
ce  du  Pere. 

O  mes  freres,que  ceftecognoilfance  eft  grande ,  parfaite  Se  excellente  !  de  laquelle 
nous  ne  l'aurions  ne  pournôs  allez  dignement  louer  ce  bon  Perc,&:  l'en  remercier  com 
me  il  appartienttvoire  quand  non  feulement  tout  ce  qui  eft  en  tous  les  homes  qui  font, 
quelques  faincts  qu'ils  (oyent,ne  mefme  de  ceux  qui  ont  iamais  efté  depuis  la  fondatio 
du  môde,feroit  c  n  nous:mais  auf/i  quand  nous  aurions  la  perfection  de  tous  les  Anges. 
Parquoy  nousauons  plus  grand  befon  de  recourir  à  noftre  Seigneur,Sauueur ,  Moyen- 
neur&:  Aduocat:&  luy  fupplicr,puis  qu'il  nous  eft  autheur&rcaule  de  tout  ce  bien,  &: 
que  de  luy  nous  tenons  tout.&  puis  qu'il  nous  a  fait  ce  bien  de  nous  apporter  la  parolle 
dcfalut,qu'il  nous  donne  le  Ion  le  bon  vouloir  du  Perc,dcquoy  non  s  luy  rendons  grâces 
quefon  bon  plaihrfoitcn  remercier  le  Perc ,  qui  bien  aura  agréable  le  remerciement 
fait  d'vn  tel  Fils, qui  tant  luy  a  pieu  &:  luy  plaiften  tout&  partout. Mais  quedy-ie  .?  que 
Matthieu  n  Iefus  en  remercie  le  Pcre?Ne  l'a-il  pas  délia  fait,&  pour  nous  &:  pour  tous.?&  le  fait  plei- 
nement cncore,cn  ce  qu'il  eft  mort  pour  nous ,  fait  ohci/iànt  au  Perc  iniques  à  la  mort 
delà  croixfEtcc  qu'au  parauant  il  difoit  qu'il  rcmerc  îoit  le  Pcre,de  ce  qu'il  auoit  caché 
ces  choies  tant  grandes  &:  tant  dignes,&:  qui  fur  tout  font  à  prifer ,  aux  lagcs&  fort  en- 
tendus de  ce  monde,&  les  auoit  rcuelces  à  ceux  qui  elloycnt  tant /impies, tant  enfans 
&:peu  cntendus:ce  bien,ccfte  grâce  ne  doyuent  cftre  mis  en  oubly, mais  nous  doyuent 
continuellement  eftrc  en  la  mémoire,  comme  noftre  bien  trefparfait  ,  con/ommc,&: 
plus  dclirablc  que  chofe  qui  foit. 

4  Et  quelqucclH)fcquinousaduicnne,quelquemal-heurcté  que  fentions icy  bas, 
nous  deuons  en  cefte  grâce  nous  efiouyr  &:glorifier,en  magnifiât  touiiours  le  Seigneur 
noftre  Dieu  ,  fans  perdre  iamais  courage,  ne  défaillir  delafoy  &:  e/peranec  que  nous 


auons 


Epifire  aux pri/onniers  de  Lyon.  2p/ 

suions  en  &C  parcelle  grâce  trefgrande ,  qui  nous  doyuent  conduire  &:  mener  à  faincle- 
ment  cheminer  corne  il  faut:&pour  fortir  de  toute  poureté  &c  malediclio,  dot  fbmmes 
cncores  cnuirônez&:  détenus,  par  ce  qui  refte  encore  du  vieil  home ,  pour  batailler  la 
droite  bataille.  Nousenauonsicy  vneobfcure&latehtecn  nous-mefmes:  mais  vous, 
mes  trefchersfrercsjauez  par  la  grâce  de  Dieu,vne  trcfgrn.nde  bataille:&:  cftes  appelez 
comme  trefaimez  enfans  &  héritiers  de  la  vie  >  en  ce  que  ce  bon  Rçre  vous  fait  ce  bien, 
que  non  feulement  vous  croyez  &  efperez  en  fonnom:mais  auffi  que  vous  ibuffrezcô-  ? 
me  vrais  membres  de  Iefus.Et  combien  que  la charitéque  chacun  Chreftien  vouspor 
te,nous  contraind  à  eftre  marris  de  vous  vbir  entre  les  mains  de  tels  ennemis  de  Dieu^ 
U  eftre  traitez  fi  amerement;C<:  que  h  c'eftoit  le  bon  plaïur  de  Dieu  que  fuifiez  deliurez 
&L  retirez  d'entre  les  in  iques, pour  eftre  rendus  à  vos  frères ,  &:  auec  nous  ouy r  la  fain&e 
doctrine  de  noftre  Scigneur,&rinuoquer  en  fa  fain&ealfemblce,  grandement  le  déli- 
rerions :  ce  neantmoins  nousauohs  trop  plus  doccaiion  de  louer  Dieu,  que  fa  bon- 
ne volonté etf  cellc,dc  vous auoirchoifis  comme  fingtiliers  membres  du  corps  delefus 
pour  magnifier  Ton  fainttnom,&:  de  vouloir  en  vous  eftre  prifonnicr,preile,perfecutéi 
condamnée  iuiifFrir  tant  de  poureté  &c  tant  d  angoiflé  que  rien  plus.  Mais  en  cecy  tac 
s'en  faut  que  nous  &  vous  défaillions,  que  pluftoft  en  ibyede  cœur  vous-vous  glorifiez 
en  noftre  Seigneur,en  prenat  le  tout  patiemment&:  fehtez  voftre  probarion,  ayas  fer- 
me efperance,en  laquelle  point  ne  ferez  confondus,  car  tout  ce  qui  vous  a  elle  donné,  foo,,  f, 
&  de  croire  &  de  fouftrir  pour  noftre  Seigneur  Icfus,vicnt  de  la  grade  charité  de  Dieu: 
laquelle  ie  ne  doute  point  que  ne  fentiez  efpahdue  en  vos  cœurs.  De  quoy  nous  remer- 
cions Dieu:&:  vous  recommondans  à  fa  fain&e  gracc,luy  fupplions  que  ce  foie  Ion  bon 
plaifir  deconfommtr  &:  parfaire  ce  qu'il  a  commence.  Et  comme  vrayement  cites  pri- 
fonniersinon  du  diable,comme  au  parauant  quahdvous  feruiezà  l'Antechriftimais  de 
Iefus:&:  qu'aueiles  liens, non  d'idolatric^d'erreur  &:  fuperftition ,  mais  du  fainét  Euah- 
gile:que  perfeueru  z  en  la  confeffion  de  ce  bon  Sauueur,en  toute  conftance  &  fermeté 
de  foy.Et  comme  auezfamdemeht  commencé, &  perfcueréiufques  à  prefent,auffiiuf 
ques  à  la  fin  perleueriez,&:  pleinement  glorifiez  ce  bon  Pcre;fidele  &c  véritable ,  qui  fe- 
ra au'milieu des affli&ior^angoifies &  pnfons:afin qu'abondiez  & croiffîez en fes con-- 
folations. 

Qv  e  leshommeslient&nttachentcepourecorpsmortel  (ceque  neantmoins  ils 
ne  peuuent  faire  fans  le  bon  vou  loir  de  noftre  Percmon  pas  mefmes  faire  tôber  vn  che-  L 
ueu  de  noftre  tefte)quand  ils  auront  tout  fait,&  qu'ils  exécuteront  autant  qu'il  leur  eft 
donné,neantmoins  le  Tout-puiiîant,qui  nous  a  prins  pour  eftre  des  liens ,  &  veut  eftre 
noftre  defenfeur  &:  proceéteur,eft  plus  fort  que  tous  tât  qu'ils  fôt,lefquels  mefmes  font 
côtraints  de  ne  palier  ce  qu'il  leur  eft  permis.  Ce  Tout-  pui/fanr,  di-ie,  delliera noftre  e- 
fprit,&:  nous  ayât  défia  mis  en  liberté,de  plus  en  plus  nous  deliurcra:&:dônerâno  feule- 
ment à  lame  pleine  vie, falut&  toute  benediétiô,mais  aufii  à  nos  corps:  ne  permettant 
point  mcfme  en  celle  vallée  de  mifere^en  ces  lieux  d'afflidios,  que  nous  portiôs  plus  q 
poUuons  :  maisilattéperele  tout  par  iagrace,tellemccquepar  patiéce  nouspouuonè 
tout  porter^  vcincre.Seulem^nt  inuoquons-le  en  nos  aftlidions*&  mettons  toute  no- 
ftre foiicitude&:  tout  foin  en  luy,  ayant  pleine  fiâce  en  ces  fainttes  promeifes,que  nous 
fendrons  plus  de  fbn  aide  que  ne  pourrons  perifer.  Ne  regardons  point  la  terre  j  ne  les 
ennemis  qui  font  icy,ne  leur  fureur&rage,pourauoir  peur  &:  crainte  .  quclehombre 
ne  nous  trouble  n'efpoùante^comme  le  feruiteur  du  prophète  Elifee  :  mais  regardons  liR&IS? 
au  ciel  à  hoftrc  Pere;&:  à  fa  puiifante  armée  de  tant  de  m  ille  qui  regardent  noftre  com- 
bat^ bataillent  pour  nous. Car  fans  comparaifon  il  y  en  a  plus  pour  nous ,  &c  plus  puif- 
fans,  voire  innumcrables,qu'il  n'y  a  contre  nous. 

En  t  «.on  s  donc  au  combat,eftans  afieurez  de  la  vi&oire,  laquelle  eft  toute  certai- 
ne en  vertu  de  l'Agneau  qui  a  veincu.  Donnons  b6  courage  tât  à  ceux  qui  font  prefens 
qu'à  ceux  qui  viennent  après  nous,  de  bien  batailler  &:  puilfamment  s'employer  pour 
Iefus.  Faites,  mes  freres,que  toutes  les  Eglifes  redoublent  leur  ioye  auec  tous  les  An- 
ges du  ciel,de  voftre  vi£toire,&:  que  nous  tous  rendions  grâces  à  Dieu.  Et  comme  tous 
rendons  grâces  à  Dieu  de  voftre  îain&e  ôc  vrayement  Chreftienne  confeffion:  ainfi  auf 
fi  magnifions  noftre  Seigneur  de  voftre  petfeuerance  ferme  &c  puiifante  en  ce  bon  Sei- 
gneur qui  vous  a  cfleus. 

^LAgrace,benedi&ioh,paix&corffolationdenoftre  bon  Dieu  règne  &  triomphe 


jjwc-j  I IL  Epiflre  aux pri/onniers  de  Lyon, 

en  vous &:  en  tous  les  feruiteurs  de  Icfus:&  la  fureur,maledi£tion,  trouble Sz  defolation 
ioitrurrAntechnft,&:  fur  toutes  fesabominations. Et  ce  bonSauueur  &c  Rédempteur 
non  feulement  règne  en  vous,&:  en  toutes  fes  fainctes  Eghfes,vifi  tees  par  le  fainit  Euâ- 
gile,&  quioycht&tiennent  la  vérité  de  Icfus:mais  paria  grâce  illuminant  ton  s  poures 
aucugles>tadrcnTant  tous  errans,&  fortifiant  tous  débiles,  face  qu'en  tout&:  par  tout 
le  monde  il  règne  par  vrayeobeilïance  de  foy. 8£  que  cous  empefehemens  que  Satan  a 
drefle  pour  empeicher  le  cours  de  i'Euangilc,foyentoftez:  &:  que  la  doctrine  delcfus 
feule  &:  pure,foit  par  tout  prcfchce,tcnuc&  fuyuie.Mes  chers  frères,  ie  vous  recôman- 
de  à  la  grâce  de  noftre  Seigneur.  De  Geneue,cc  fepticme  de  Iuillet,  m.d.l  i  i  i. 

Voftre  frère, Guillaume  Farci. 

E  P  I  S  T  R  E  enuo)  ce  par  M.I.Caluîn  auec  la  fiiW:te,ponr  la  confolation  dcfdits  prifonniers. 

O  V  T  R  F.  la  confolation  ,  ily  a  vn  vray  tcfmoignapc tjuc  donne  M.Ican  Caluin  aux  cfuii'  ,  d«   <    i  kiui  h  nt  prifonnicrs 
pour  la  vcritticonfefTint  anoir  cité  grandement  ediné  en  les  lifant. 

^Ctfteepifrremeiitcroii  d'efrre  nufe  au  commencement  du  liuredc:  Marty-,pour  Authcriic  ;  u  •  ckiîh  procéder» 
de  l'Efprit  de  Dieu. 

(j^^|ES  freres,iecroy  qu'auezeftéaducrtisquc  î'eftoyc  abfcntdela  ville  ,  quand  les 
H^Jnouuelles  vmdrent  de  voftre  prifon,&nc  fuis  pas  retourne  de"  huit  iours  apres. 
Parquoy  iln'eftia  bcioinque  iem'ei'cul'edecequei'ay  tat  différé  à  vouseicrire.  Orcô- 
bicn  que  ce  nous  ait  cite  vn  meiTagc  trifte  felô  la  chair,mefmc  félon  le  îufte  amour  que 
nousvousporrbnsenDicu,commenousy  fommestenus  :  ii  nous  faut-il  ncantmoins 
renger  à  la  volonté  de  ce  bon  Pere  &  Seigneur  fouuerain:  &"  non  leulement  trouuer  m- 
fte&:  rai  Tonna  Lie  ce  qu'il  difpofe  de  nous  ,  mais  l'accepter  de  cœur  bénin  &  amiable, 
comme  bon  &:  propre  pour  noftrc  falut:attendans  patiemmét  qu'il  monftre  par  efrect 
qu'ainii  loir  Au  relie, nous  auons  au  milieu  de  noftre  trilleiîe  dequoy  nous  eliouyr  ,  en 
ce  qu'il  vousafipuiiiammcntaffifté.carilabirn  efté  requis  qu'il  vous  fortifiait  par  Ion 
Efprit.àcequclaconfeffiondefafacreeverité  vous  fuit  plus  precieufe  que  voftre  vie. 
Nous  fauons  tous, voire  par  trop,combien  il  eft  difficile  aux  hommes  de  s'oublier.Ain- 
fi  il  faut  bien  ce  que  bon  Dieu  defploycfon  bras  fort,  quand  pour  le  glorifier  nous  ne 
craignons  point  ne  tourment ,  ne  honte  ,  ne  la  mort  mefme.  Or  comme  il  vous  a 
muny  de  fa  vertu  pour  fouftenir  le  premier  affaut ,  il  refte  de  le  prier  qu'il  vous  renfor- 
ce de  plus  en  plus ,  fclon  que  vous  aurez  à  combatre.  Et  puis  qu  i!  nous  a  promis  la  vi- 
ctoire finale,ne  doutez  point  que  s'il  vous  a  fait  fentir  vnc  partie  de  fa  vei  tu,  vous  aurez 
plus  ample  tcfmoignage  par  cffc&& expérience  à  l'aduenir  ,  qu'il  ne  commence  pas 
Pfcau.138.*  Pour  laitier  fon  ouurage  imparfait,comme  il  eft  dit  au  Pleaumc.  Sur  tout,quand  il  fait 
ceft  honneur  aux  (iens,de  les  employer  pour  maintenir  fa  vcrité,&:  qu'il  les  ameineau 
martyre  comme  par  la  man:il  neles  laiitè  jamais  defpourueus  des  armes  qui  y  (ont  re 
quifes.Mais  qu'il  vous  fouuienne  cependant  de  Jeuer  les  yeux  à  ce  royaume  éternel  de 
Iefus  Chrift,&:  de  penfer  pour  quelle  querelle  vous  bataillez:car  ce  regard  nô  feukmét 
vous  fera  furmonter  toutes  tentations  qui  vous  pourront  furuenir  de  l'infirmité  de  vo- 
ftre chair,mais  auffi  vous  rendra  inuincibles  contre  toutes  les  cautellcs  de  Satan ,  &  ce 
qu'il  pourra  bra/fer  pour  obfcurcir  la  vérité  de  Dieu.  Car  iefay  bien  que  par  fa  grâce 
vous  eftes  li  bien  fondez,que  vous  n'y  allez  point  à  l'aducnture.:  mais  que  vous  pouuez 
x.Tim.i     dire  auec  ce  vaillant  champion  de  I  efusChrift,  iefay  de  qui  ic  tien  ma  foy 

C  est  la  caufepourquoyie  ne  vous  enuoye  point  vne  telle  confeffîon  de  foy  que 
m'auoit  requife  noftre  bon  frère  Peloquin. Car  Dieu  fera  beacoup  mieux  profiter  celle 
qiùrvousdonneradefahefelonlamcfuredc  voftre  efprit  qu'il  vous  a  departy  ,  que 
Cec  eft  no  tout  cc  vous  ^cro'r  ^ug&cr<^  ^  a^^curs-  Mefme  eftantprié  par  aucuns  de  nos  frères» 
table  po"r  °,u'  olH  nagueres  cfpandu  leur  fang  pour  la  gloire  de  Dieu  ,  de  reuoir&  corrige?  leur 
l'authorité  confeffion  qu'ils  auoyent  f  aite:i'ay  efté  bien  aife  de  la  voir  pour  en  eftre  édifie  .  mais  ic 
dsrSii"  n  V  ay  voulu  adioufter  ne  diminuer  vn  feuf  mot  :  penfant  que  ce  qui  auroit  efté  ebangé, 
paritntpar  ne  feroit  que  diminuer  l'authorité&:  efficace  que  mérite  la  fagellé  ôc  confiance  qu'on 
ks  iVLrt>rs  voit  clairement  eftre  venue  de  l'Efprit  de  Dieu. 

Soyez  donc  afleurez,que  ce  bon  Dieu  quife  monitre  au  befoin ,  te  accomplit  fa  ver* 
tu  en  noftre  foiblei7e,ne  vous  delaiflera  pornt,que  vous  n'ayez  dequoy  magnifier  puif- 
ïammcntfonnom  :  feulement procedez-y  en  fobrieté  &  reuerence ,  fachansque  Dieu 
n'acceptera  pas  moinsle  facrifîceque  vous  luy  ferez  félon  voftre  portee&  faculté  que 

vous 


Louys  de  tfflar/ac.  262 

vous luy  ferez' félon  voftreportee& faculté' que  vous  auez  receuë  de  luy  ,  que  fi  vous 
compreniez  toutes  les  reuclations  des  Anges.A:  fera  valoir  ce  qu'il  vous  aura  mis  en  la 
bouche,tant  pour  confermer  les  hens,que  pour  confondre  les  aduerfaires.  Car  com- 
me vous  eftes  aflez  aduertis  que  nous  auons  à  refifter  conftamment  aux  abominations 
de  la  Papauté,fi  nous  ne  voulôs  renoncer  le  Fils  de  Dieu ,  qui  nous  a  tant  chereraët  ac- 
quis à foy:aum  méditez  cefte gloire &:  immortalité  celcfte ,  à  laqlle  nous  fômes  côuiez 
&:  Tommes  certains  de  paruenir  par  la  croix,ignominie  &  mort.C'eft  choie  eftrangc  au 
fenshumain,qlcsenfans  de  Dieufoyct  iaouk*zd'angoiire,cepédantqlesmefchâs  s'ef- 
gayenten  leurs  delices.mais  encores  plus,  que  les  elclaues  de  Satan  nous  tiennent  les 
pieds  fur lagorge (comme  on  dic)&:  facentieurrnomphedenous.Sieft_ceque  nous  a- 
uonsà  nous  coniolcr  en  toutes  nos  miferes  ,  attendans  cefte  heureufe  iflue laquel- 
le nous  eftpromife,que  non  feulement  il  nous  deliurera  pair  fes  Anges  ,  maisauffi  luy- 
mefmetoithcrales  larmes  de  nos  yeux.  Et  parce  moyen  à  bon  dro  ici  nous  auons  de- 
quoydefpitcr  l'orgueil  de  ces  pouresaucugles,qui  à  leur  ruyne  eilcuent  leur  rage  con 

treleciel.  ^ 

Cependant  côbien  q  nous  ne  foyons  pas  à  prefent  en  pareille  condition  q  vous, 
fi  ne  laiflbns-nous  à  batailler  quant  &  quant  par  pricre,folicitudc&compaf/ion,  com- 
me vos  membres-puis  qu'il  a  pieu  au  Pereceleftc  par  fa  bonté  infinie  de  nous  vnir  en 
vn  corps  fous  l'on  Fils  noftre  chef.  Sur  quoy  ie  le  lupplieray  vous  faire  grâce  qu'eftans 
appuyez  fur  luy,vous  ne  chanceliez  nullement  ,  mais  pluftoft  croiliicz  en  vertu  :  qu'il 
vous  tienne  en  la  protection,  &  vous  en  donne  telle  certitude  ,  que  vous  puiffiez  mef- 
priier  tout  ce  qui  cft  du  monde.  Mes  frères  vous  faluent  trefaftect-ueufement,  &:  plu- 
fieurs  autres.  Voftre  frère  Iean  Caluin. 

Po  v  r  c  e  q  cefte  lcttre,comme  i'efperejfera  commune  à  vous  deux:  feulement  i'ad 
iouitt  ray  et  mot,qu'ii  n'eft  ia  beioin  que  ie  vous  face  longue  exhortation. car  c'eft  affez 
que  ie  prie  Dieu  qu'il  luy  plaife  de  continuer  à  vous  imprimer  de  mieux  en  mieux  au 
cœur  ce  q  fay  cogneu  par  vos  lettres,que  vous  gouftez  crefbié .  Côbienquc  ce  foit  cho- 
fe  ralcheufe  de  languir  il  long  temps  :  quand  il  n'y  auroitquele  fruict  que  Dieu  vous 
monftre,qu'il  ne  vous  a  pas  referuez  iufques  icy  fans  caufe  :  vous  auez  iufte  occafion  de 
ne  vous  latferny  ennuyer  pour  la  longueur.  Et  quant  àla  maladie  ,  c'eft  prudemment 
confideré  à  vous,que  Dieu  parce  moyen  vous  veut  mieux  préparer  à  plus  grand  com- 
bat,afin  que  la  chair  eftat  bien  donuce,puiiTe  mieux  fe  refigner.  Voila  comme  nous  dé- 
lions conuertir  à  noftre  profit  tout  ce  que  le  Pere  celefte  nous  enuoye.  Si  vous  pouuez 
communiquer  auec  les  autres  freres.ie  vous  prie  de  les  faluer  auffi  de  par  moy.  Ce  bon 
Dieu  vous  tienne  à  tous  main  forte,vous  garde  &:  vous  conduife,&  face  de  plus  en  plus 
reluire  fa  gloire  en  vous.  I.Caluin. 

L  £  T  TRES  de  Louys  de  Marfac.du  vJngrcinquiemc  d'Aouft;M.D.LIII. 

jj£H  E  R  frere,ie  vous  eienui  dernieremét  du  quinzième  d'Aouft ,  comme  iefi  aufli 
Jà  noitre  frère  àc  bon  amy,N.ie  ne  fay  pas  fi  les  lettres  font  paruenues  a  vous.  No- 
ftie  frère  Denis  pareillementefcnuit  àfon  nepueude  tout  ce  qui  nous  cftoitaduenu, 
&  que  nous  efpcrionseftre  déclarez  bien  toft.  ce  qui  fut  tait  Lundy  dernier  11.  dudit 
mois.  Apres  la  déclaration  nous  fufmes  amenez  à  Rouane,  excepté  noftre  frère  Denis, 
lequelf  comme  on  nous  a  donné  à  entendre)  on  veut  mènera  Ville  hache,  poureftrelà 
facrifié:afin  qu'en  plufieurs  lieux  noftre  Dieu  foit  glorifié  par  la  mort  de  (es  e  nfans.  De 
noftre  part,  nous  peniions  que  dés  le  lendemain  on  pronôçaft  fentenee  de  mort  à  ren- 
contre de  nous:mais  ce  bon  Dieu  nous  a  preferuez  iufques  à  ce  iour,afin  que  nous  foy- 
ons toufiours  plus  fortifiezicomme  à  la  vérité  nous  lefentons  par  l'affiftéce  qu'il  nous 
afait,tcllemcnt  que  (la  mercy  a  fa  bonté)  ceux  qu'on  penlbit  les  plus  débiles  ,  font  les 
plus  forts.  Etdefaictnosadueifaires  font  fort  fafchcz  à  caufe  demonCoufin  :  pource 
qu'ils  auoyent  opinion  que  c'eftok  quelque  légèreté  friuoSeque  nous  luy  auions  mife 
cnlarefte:mais(la  merci  à  ce  bon  Dicujijsfont  deccus,voyans  la  perléue  t  ance  qu'il  luy 
adonnée  à  maintenir  la  confefnon  de  fa  foy. 

Me  kciedi  derniernousfulmesinterroguezparlelieutenantduRoy:lequclcô-  nltdcfon 
tinuantenfes  blafphemes  accouftumez  nous  afiaillit  par  plufieurs  argumens:prineipa  connue  en 
lement  moy,quifu  amené  lepremier  deuant  luy,m'interroganc  c  omme  s'il  ne m'auoit       'r  1C 


Liure  III.  Lonys  dc^>  Marfac. 

iamais  veu.    Le  bon  Dieu  me  donne  force(commc  auffi  il  a  fait  à  mes  freres)pour  luy 
re(pondre:en  force  qu'il  ne  îauoit  que  dire,finon  que  i  eftoye  vn  ignare  &  fans  (auoir:&: 
que  ce  n'eftoit  pas  à  moy  de  fauoir  fEfcncure  fainéte:&:  que  tant  de  grans  perfonnages 
qui  ont  eftudié  vinrgcinq  ou  trente  ans,auoyent  bien  à  faire  à  l'entendre.  A  quoy  ie  rcf 
pondiquece  leurcftoitplusgrand'honce:  &c  que  le iemblableauoit  efté  raicaux Scri- 
bes Se  Pharifiens  ,  Docîcurs  de  IaLoy:&ique  Dicul'auoit  reuelé  aux  femmes  &po- 
M  thi  u  x  ures  boiteux,aueugles ,  ladres ,  paralytiques  ô£  autres  :  afin  que  ce  que  noftre  Seigneur 
4'1  C  '  IcfusChnftdit,remerciantDieu  ion  Pere,fuftaccomply:c'eft  qu'il  l'auoit  caché  aux  fa- 
gcs&prudens,&:  l'auoic  reuelc  aux  pens&  (impies.  Lors  ils  fe  pnndrent  à  rire  Se  mo- 
quer de  moy.  Cependant  ledic  Lieutenant  parlant  au  procureurdu  Koy  Se  à  vnautre 
Âduocat,iuraia  foy  iur  quoy  ie  le  reprin,diiant  que  celuy  qui  m'auoit  apprins  à  ne 
nLuTuwnc  P°*nt  iurer,m'auoit  auffi  apprins  que  ce  q  ie  maintenoye  eftoit  fa  parolle.Lors  tout  hô- 
par  t»toy    teux,il  me  dit  qu'il  pourroit  bié  auoir  failly.Le  procureur  du  Roy  infifta  que  ie  ne  pour- 
cft  rcpnm.  rove  nier  que  S. Iean  neuft  du  laMeiTeen  Ephefe.  Auquel  ic  demadayou  ilauoittrou- 
uc  cela  par  efcric,&  fi  c'eftoit  en  i'Euangile.Lors  il  fe  teut  ,ne  me  rendant  aucune  refpô  ■ 
fe,finonde  m  appeler  ignare  Se  btfte.Iedy  queieftoye  content  d'eftre  tel  qu'il  me  vou- 
droiteftimenmais  cepédat  i';i  uoye  appris  à  cognoiftre  IeiusChnft  qui  luy  eftoit  caché. 

Av  reftc,nous  eftimons  félon  lapparéce  des  hommes,  que  demain  nous  nous  ent- 
rons auecnoftre  Dieu, pour  eftre  facrifiez  ,  &receuoir  cefte  couronne  de  gloire  incor- 
ruptible^ l'héritage  éternel, lequel  nous  a  efté  préparé  dés  la  conftitution  du  monde: 
dequoy  nous-nous  efiouyifons  grandement \Sc  prions  ce  bon  Dieu  que  noftre  (acrifi- 
ce  luy  foit  en  bonne  odeur,comme  il  fera  fans  doute.  Nous  fencons  fon  afiiftence  croi- 
ftreen  nous  de  plus  en  plus, félon  que  la  fin  de  nos  iours  s'approche,  mettant  finàccftc 
vie  tant  caduque  &:  pleine  de  miferes,oùnousne  voyons  que  matière  de  dcfolation&: 
occafiondeplourer&gemi'  ,  à  caufedetantdeblafphemes  qui  fe  commettent  à  l'en- 
contre  de  la  maiefté  de  noftre  Dieu. 
Dîuers  en  No  v  s  voyons  les  adueriaires  defcouuerts  Se  manifeftes ,  qui  ne  tafehent  qu'à 
ncmis  deP-  ruiner  la  poure  Fgliié,perfecutans  de  toutes  pars  les  enfans  de  Dieu,  relpandas  le  iang 
fgliic  du  innocent.  D'autre  part,il  y  a  auffi  des  aduerfaires  qui  font  en  l'Eglife,qui  ne  tafehent 
Se^acur.  qUecjc  rompre  &  abbatre  tout  ordre  &  police  Ecclefiaftique,  s'eileuans  contre  les  fer- 
uiteursôc  Miniftresdefaparolle  :&  d'autres  qui  en  leurs  cachettes fement  zizanie  Se 
fauiTe  doctrine  entre  les  petis  Se  les  fimples.Helasique  telles  choies  nous  doyuent  bien 
donner  occafion  de  pleurer  Se  de  nous  contrifter ,  trop  plus  grande  que  toutes  les  cru- 
autez  qu'ô  pout roit  exercer  fur  nous,qui  ne  font  que  fumées  au  prix  de  celles-la.Et  pat 
ainfi,trefcher  frcre,cela  nous  doit  de  tant  plus  humilier,cognoilTans  q  ce  bôDieu  nous 
enuoyeceschofes,  non  point  pour  nous  punir,maispour  nous  chaftier&:  amender,  Se 
auffi  pour  la  probation  des  fiens,pour  nous  exercer  à  patiéce.  Car  comme  dit  faintt  Ia- 
raq,i.t  ques,Mes  frères, reputez que  c'eft  toute  ioycquad  vous  cherrez  en  diuerfes  tentatios. 
Sachiez  que  la  probation  de  voftre  foy  engendre  patience  :  mais  il  faut  que  la  patience 
ait  ceuure  parfaite,a  fin  que  foyez  parfaitsS:  entiers,ne  dcfaillans  en  rien. Et  certes  nous 
ne  pouuôs  entrer  au  royaume  des  cieux  par  autre  voye  que  celle  qui  nous  eft  enfeignec 
Act.14.i-t  par  IefusChrift:c'eft  par  l'cftroite,  Se  commedit  fainct  Paul,que  par  beaucoup  de  tribu 
lations  il  nous  faut  entrer  au  royaume  des  cieux. Et  à  la  venté ,  quand  nous  voyons  que 
telles  chofes  nous  aduiennent,  nous-nous  pouuons  bien  affi  urer  que  nous  auons  les ar- 
res,&  fommes  vrayement  enfans  de  Dieu,efcritsau  liure  de  vie. Ce  ne  feroit  pas  raifon 
que  le  feruitcur  fuit  bié  traitc,&:  cependant  que  fon  (eigneur  foie  moqué ,  craché ,  buf- 
fetc,&:  mis  en  opprobre,&(commci'ay  dit)leferuiteurfuft  àfonaife  :  il  faut  bien  donc 
que  fi  nous  voulons  viu  i  e  auec  luy, nous  foufFrions  au  ffi  auec  luy,&:  que  nous  plourions 
Se  le  monde  fe  refiouyra.mais  le  change  fera  bien  aufîi  à  noftre  profit  :  c  elt  qu'ils  plou- 
reront,&  nous  nous  refiouyrons,  voire  éternellement .  RefiouyiTez-vous  donc  auec 
nous,trcfcher  frevc,dequoy  noftre  bon  Dieu  nous  a  tellem  ent  fortifiez,que  nous-nous 
refiouyfibns  tous  de  ce  iour  tant  heureux ,  auquel  nous  efperons  &c  croyons  vrayement 
que  noftre  Dieu  fera  glorifié  par  noftre  mort,&  nous  donnera  force  de  pei  feuerer  en  la 
confeffion  de  fa  fainCte  8c  iacrec  parolle,iufques  à  la  dernière  goutte  de  noftre  fang ,  en 
forte  que  le  règne  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chriftferaauancé  à  noftre  falut  Se  à  l'édifi- 
cation de  nos  prochains  Se  de  fa  poure  Eglife  tant  defolee ,  &  à  la  ruine  Se  defolation  de 
ce  miferable  fils  de  perdition,  homme  de  péché ,  Se  aduerfaire ,  ce  grand  Antechrift  de 

Rome 


Eftiennc^  Ç  rauot.  263 

Rome,  &  de  tous  fes  membresrlcfquelsnous  voyons  que  quand  ils  ne  peuuent  par  leur 
rage  nous  faire  raire,  ils  ne  fauent  faire  autre  chofe  qu'eux  defpiter  contre  la  fainde  & 
lactée  doctrine  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chnft .  comme  ce  miferable  Lieutenant ,  le- 
quel en  interroguant  hier  vnc  feruante  de  rnontieur  Copus,profci  a  tels  blalphcmcs,di 
fant,  Que  maugré  en  euft  Dieu  de  la  Loy.  Voyez  quel  blal'phemei  or  ie  prie  ce  bô  Dieu  Blafpheme. 
qu'il  luy  face  mifericorde,&:  luy  donne  cognoi/lanccde  ion péché.  Cependant  jevous 
dyAdieu,&  le  prie  vous  donner  lagrace  de  perfeuerer  en  ion  feruice.  Mesfreresfc  re- 
commandent à  vos  bonnes  prières  &oraifons,&:  de  toute  l'Eglùc,rt  nous  femmes  enco 
res  en  vie  quand  les  lettres  feront  paruenues  à  vous.  La  grâce  de  noftre  Seigneur  foit 
aucevous:  Ainfifoic-il.    Ce  vendredy  vingtcinquiemciourd'Aouft. 

Voltre  treshumble  Frère  >  Louysdc  Marfac. 


ESTIENNE    GRAVOT,  de  Gyanfir  Loire. 

A  V  X  précédentes  éditions  des  Martyrs,  nous  auionîf  ait  déclaration  feulement  ie  !a  mort  J'Eilienne  le  menuificr ,  compa- 
gnon aux  l.em  des  fuldi  ts  Marlac  &  Ion  <  oufimrrutv  maintenant  auec  le  liirnom&:  quelque  récit  de  (a  vie  nous  donné", 
certaine*  lettres  qui  nous  ont  efté  communiquées,  cfcrites  de  (a  propre  main. 

BO  NT  E  admirable  du  Seigneur  ,quitanta  voulu  honnorer  cespourcs  MDUU 
S#^f!sSkr  va^caux  ^c  terlt>>  de  leur  auoir  cômis  celle  charge  tant  excellente  de  por- 
r\  ^%&7'É  tcr  *on  110111  ^euant  'cs  fiegcs  des  luges ,  d  auoir  daigné  de  fe  feruir  des  po- 
tN^SSs  ures  artilans  pour  côfondre  les  fages  de  ce  monde  !  Voicy  pour  coadiuteur 
Se  compagnon  aux  precedens ,  vn  menuificr  Efticnne  Grauot,  natif  de  Gyan  fur  Loire: 
lequel  en  cefte  fureur  de  la  perfecunon  de  Lyon  eftant  appréhendé ,  ne  fut  qu'vn  mois 
pnfonnicr,  cVreccut  la  couronne  de  Martyre  auec  les  fufdits  Louys  de  Marfac  ,&  fon 
coulin,  com  me  il  fera  tantoft  après  déclaré.  Il  auoit  demouré  quelque  temps  en  la  ville 
de  Gencue»  trauaillant  de  fon  meftier  fous  les  maiftres.  Il  eftoit  vif  &c  vehemet  d'efprit 
&:  de zcIc,&dcmoura quinze  iours  enlaprifonde  i'Archeuefque,&:  autres  quinze  a 
Rouanc  ;pendant  lequel  temps  entre  auttes  lettres  qu'il  efcrmit  à  fes  amis ,  nous  ayons 
icy  mis  les  deux  qui  s'enfuyuent: 

Voi  c  y  maintenant,  mon  tref  aimé  frere,  que  iadrefleray  à  tous  vos  autres  mes  a- 
mis auec  lefquelsiay  communiqué  :C  cft  que  iercn  grâces  à  noftre  bon  Dieu  &Pcre 
parnoftre  Seigneur  Iefus  Chrift,  de  ce  qu'il  luy  a  pieu  nous  donner  matière,  &:quantô£ 
quant  le  moyen  de  nous  conloler  enfcmble  par  eferits,  quand  nous  ne  le  pouuons  faire  fphef.cr. 
de  prefencede  priant  vous  maintenir  touflou  rs  en  fa  garde ,  &:  vous  armer  de  fes  arm  u- 
1  es  fpiritucllcs,  par  lcfquelles  il  faut  que  tous  Chrcftiens  bataille nt  à  l'encontre  des  cn- 
ncmisdelaparollc&rveritéde  Dieu, lequelnc permettra  ïamais  qu'vn  cheueu  devo-  MjtdlI°- 
ftre  telle  tombe  fans  fon  vouloir. 

Pa  r  qjv  o  y  mes  frères  &  bien  aimez,n'ayons  honte  d'élire  vitupérez  pour  fon  nom:  Hcbr.13. 
&:  de  porter  fon  opprobre  fur  nous  ,fachans  que  fi  noftie  maifon  terreftre  de  cefteloge  lCorî« 
eft  deftruite)que  nous  auons  vn  édifice  de  par  Dieu,  vne  maifon  éternelle  és  cieUx,  qui  l  Plcr 
n'eft  faicede  main.  Remettons  donc  tout  noftre  affaire  en  luy  :çar  il  a  foin  de  nous,&: 
nousaauffi  précieux  comme  la  prunelle  de  fon  oeil.  Il  nous  a  aulficflcusnon  point  à  or-  rPhcf.i. 
dure,  mais  à  fa  nctifuation:  laiffons-nous  donc  conduire  parla  faintte  &:  Diuinc  proui- 
dence,  nousdcfpouillans  de  tout  ce  qui  pourroit  eftre  en  nous  de  ce  vieil  hômc,&met- 
tans  toute  noftre  ciperance  en  cefte  tant  heureule&  triomphante  rcfurre&ipn:  ne  crai 
gnans  point  ceux  qui  ne  peuuent  tuer  que  le  corps,&:  ne  peuuent  palier  outre  rfachan  s  J^J^" 
aulfi  que  noftre  tribulation  cil  legierc&de  peu  de  durée,  qui  produit  en  nous  vn  poids 
éternel  de  gloire,  quand  nous  ne  conlidercrons&:  ne  nous  arrefterôs  point  aux  choies 
vifibles,  mais  aux  inuiiibles.  attendu  que  les  vifibles  font  temporelles  ,&  les  inuiliblcs 
éternelles.  Or  fus  donc,  mes  frères,  necraignons  d'allerapres  noftre  Capitaine  pour  Mjxth  lf- 
prendre  polfellîon  de ceft  héritage  éternel  qu'il  nousa  acquis  parla  mort, &:  nous  eft 
preparedeuant  la  fondation  des  fkclesmousaifcurans  de  ne  point  mourir  comme  les 
meie  hans  &:  rcprouuez,  mais  que  nous  paiTcrons(ain(i  qu'il  dit)de  la  mort  à  la  vie  Nous 
n'auôs  point  ici  de  ciré  permanéte,mais  nous  en  attédons  vne  à  venir. Et  puis  que  ce  b  ô  lîtbl 
Dieu  a  voulu  faire  de  nos  corps  le  téplede  fon  S. Efprir, lequel  habite  en  nous,&:  fanons  1X01  °' 
de  D  ieu,&:  n  e  lommes  pas  à  nous-meimcs:  (car  nous  femmes  rachetez  nô  par  orne  par 

Y. 


Liurc^  III-  Eïliennt^>  (jrauot. 

i.Picr.i.  argent,  mais  par  le  précieux  corps  &c  fang  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift.)  glorifions-le 
donc  de  noftre  corps&  denoftre  efprit  :  ne  difans  point  comme  aucuns  contempteurs 
de  Dieu,  aufquels  il  mrtît  (comme  ils  parlent)  dauoir  leur  cceur  à  Dieu  fculcmét ,  &.  ce- 
pendant ne  lailfent  pas  à  fe  veautrer&.  fouiller  parmy  les  idolatnes,voire  des  premiers, 
afin  qu'ils  lovent  veus  :  ne  confiderant  point  que  ce  bon  Dieu  a  creé,&:  derechef  par  fou 
Fils  bien  aime  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift  racheté &:  afTranchy  &  le  corps&:  l'eiprit,a- 
fin  d  auoir  à  fon  feruice  les  deux,  ou  du  tout  rien,  car  il  eft  certain  que  nous  ne  pouuons 
feru  ira  deux  maiftres. 

O  r  mes  bien-aimez  hères, ie  loue  ce  bon  Dieu  de  ce  qu'il  luy  a  pieu  impiimer  cela  en 
nosca'Lirs,&;nou.saaljturezenresfainétcspromefres.  Vous  priant  aufîi  tousenfemble 
i.Pkr.î.     qUe  nc  vous  cndoi  miez  pointrcar  noftre  adueifaire  le  diable  ne  fait  quecircuir,cerehâc 
quelcun  pour  lcdcucrenauqneliltaut  reliftcrparfoy.  Ne  laiffez  donc  peint  de  vousaf- 
Hcbr.io.    fcmblcr  pour  prier  ce  bon  Dieu,  ainfi  quenfeigne  lefainct  Apoftre:&:  que  Ja  parollc  de 
lpLcï.4.    Chn'ftfoit  habitante  en  vous  plantineufement.  En  toutepatienccenfeignezl'vn  Tau 
treen  Plcaumcs, en  louanges, en  chaulons  lpintuellcs,aucc  grâce  chat  ans  au  Scigne.r.. 
&:  vous  gardez  que  ne  foyezdiftraits  ça  nc  là  par  diuerlcs  doctrine?.  Vojla  mes  ti tics, 
quecebon  Dieu  m  adonné  pour  me  coniolerauecvous,8cUc  vous  cuiJ'ecfcrit  dauan- 
tage,  mais  1  heure  me  preife.  Adieu.    DeRouanecc  29.  d'Aouft,à  lahaftc. 

Voftre  frère  prifonnier  pour  Iefus  Chiift,  Elbe  une  Grauot. 

Autre  tpiltreJuJir  Fftiennc  Grauot  à  fes  amis. 

Fj^||E  S  frères,  ie  vousay  bien  voulu  claire  la  preîcntepour  la  dernière,  vous  faifa.it 
èRv^J.'auoirdc  nos  nouucllcsrc'eft  que  nuict&:  iour  nous  priôs  noftre  bon  Dieu,  faifans 
mémoire  de  vous  en  nos  oraifons:  vous  priant  aulîl  de  faire  le  femblablc  enuers  nous,  à 
ce  que  ce  bon  Dieu  &.  Pere  nous  maintienne  toujours  cnfafaincteprotectiô  &fauuc- 
garde,  par  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift,  voire  nous  fortifie  iufqu  a  la  findaquellc  (corne 
nous  elperons,&:  tant  que  nous  pouuons  voir  lclon  les  hommes  )  lèra  en  bref,  car  nous 
auons  eftéce  iourdhuy,quieft  Vendrcdy,au matin  prefentezdeuant  les iuges,  lcfqucis 
nous  ont  dit  qu'ils  cftoyen t  alîemblcz  pour  iuger  noftre  procez.ic  nc  m'eitonne  pas  s'ils 
fe  fontaflcmblez.  voire  totalement  bandez,puis  queiadis  il  nous  a  cfte  prédit  qu'ils  s- 
Pfciua»  afTemblcrenc contre  Dieu  &:  fon  Chrift.  le  vous  prie, mes  frcrcs{ comme aulH  font  mes 
compagnons  qui  iont  auec  moy  )  de  ne  vous  endormir  point  tains  que  veilliez  &  priez 
pour  nous,  à  ce  que  noftre  bon  Dieu  parfacecc  bel  ccuure  lequel  paria  grâce  il  a  com- 
mencé en  nous,  &  que  fon  bon  plaifirfoit  nousauoir  agréables  en  fon  Fils  noftre  Sei- 
gneur Iefus  Chrift ,  afin  que  luy  puiflions  rendre  vne  obeiftance  volontaire, &  qu'il  aie 
pour  agréable  le  facrifiecque  nous  luy  offrions. Et  de  noftre  paî  t  nous  nous  prelentons 
deuant  fa  face,  nous  humiliant  fous  fa  puiffante  main,  pour  le  prier  qu'il  nous  encoura- 
ge par  fon  S.  Efpnr,afin  que  par  lafoy  que  nous  auons  en  luy  par  Iefus  Chrift,nous  puif- 
lions furmonter  toutes  tentations  icy  bas:&:  que  menace,perfecution,  neglaiue,nef/..'u 
ne  foyent  pour  cftonner  noftre  chair, -mais  qu'en  la  vertu  d'icellcfoy  nous  allie  ns  cen- 
ftamment  &c  alaigrement  hors  des  portes ,  portans  iur  nous  fon  opprobre.  C  ar  cer- 
tes,mes  fi  ères  &:  bien  aimez, c'eft  bien  raifon  que  nous  foufTiions  pour  fon  nom  &:  auec 
luy,  il  nous  voulons  participer  à  les  biens.  Voila  mes  frères,  ce  peur  <,u'ii  a  pieu  a  noftre 
Dieu  me  donner  pour  me  confolcr  auec  vous:  vous  priant  derechef  uio;r  mémoire  de 
nous.  Car  vous  voyez  comme  noftre  bon  Dieu  conduit &gouucrne  tout  p.  rfiDiuine 
prouidcnce.Tant  mes  frères  qui  font  auec  moy ,  que  me/ auflj ,  vous  prie  ns  de  nefire 
nullement  troublez  de  cecy  que  ie  vous  mande, côi  ne  îic'efloit  quelque  chofe  Jenou- 
ueau:maisqu'auccpatience  vousattendiezeebon  Dio  ,lequclic  pue  vous  maintenir 
toufiours  en  fa  garde,  &:  de  nous  donner  vraye  pcrfeuei .  -\cc  en  celte  tent  fair.&c  &.Lu  u 
reufe  vocation  à  laquelle  il  nous  a  appelez,  au  nom  denuftre  Seigneur  Iefus  Chrift,&: 
en  la  vertu  de  fon  S. Efprit.  Ainfifoit-il.    Ce  Vendredy  api  es  difner. 

S  ENS  VITla  morni»  trpitdefTus-dits,aflàuoir  de  Louys  de  Marfac,dc  Ton  Ci  u.:n ,  &  d*  t  Aicnne. 

pE  Vdeioursapresfutprbccdéàl  execûtion  comte  L  ouysdcMa;fa'«:,ion  C  ..fîn,&: 
Eftienne  Grauot,  compagnons  au  mefme  combat,  le/quel.ei  ù.  n  l  le  recturenten 
ladite  ville  de  Lyon  vne  mefmerentence  de  condamnation,  deftie  bruflcz  vifs.Lt  s  lu- 
ges après auoir rendu icelle fcntencc,s'eft on nerent grande  ment ,  voyans  que  ces  t  eis 
perfonnagesaulieu  d'cftreefmcus  de  quelque  horreur  ou  apprchcnficndvric  mort  fi 
prochainc,rcndoyét  grâces  à  Dieu ,  tous  ioyeux  dcl  hôneur  ineltimable  qu'il  leur  prè- 
le m  oie 


Recitctlfiftoirc-*.  264, 

fentoit  d'endurci  pour  fon  nom:  de  forte  qu'au  fortirdu  parquet  ils  commencèrent  à 
chanter  vnPfeau  me.  Mais  le  Lieutenant  ne  pouuant  plus  dilîimuler,  de  defpit  qu'il  a- 
uoit  de  ce  que  lefdits  personnages  n'eftoyent  autrement  efmcus ,  commanda  qu'on  les 
n*ft  taire:&  au  Sortir  dit  ces  mots, Faut-il  qu'vn  tas  de  coquins  s'eileuent  contre  vue  mo- 
narchie? Lors  ledit  de  Marfac  print  vn  petit  coin  du  lieu  où  ils  eftoyent:  &:  fc  mettant  à 
deux  genoux ,  commença  à  puer  Dieu.  Et  il  y  eut  vn  des  fergeans  qui  le  vouloit  empef- 
cher. mais  Eiliennc  luy  dit,  Y  a-il  raifon  de  nous  empefeher  maintenant  de  prier  Dieu? 
A  celle  voix  Je  Sergeant  eut  quelque  frayeur,&  fe  retira  incontinent.  Or  vn  peu  dçuac 
que  Sortir  de  la  priion  pour  les  mener  au  lieu  du  dernier  lupplice,on  mit  aux  deux ,  affe- 
uoir  au  coufin  dudit  Marfac  &:  audit  Eftienne,à  chacun  vne  corde  au  col.Louys  de  Mar 
fac  ayant  attendu  la  m  cime  liuree,  voyât  qu'au  fortir  on  ne  la  luy  prefentoit  point,pour 
quelque  regard  que  les  luges  auoyent  eu ,  d'autant  qu'il  auoit  feruy  le  Roy ,  ayant  efté 
des  ordonnances:  prefentlc  Lieutenant  &  ceux  de  la  lufticequi  là  eftoyent, demanda  Marfac  Je- 
à  haute  voixfi  lacaufe  defes  deuxfreres  eftoit  différente  de  la  fienne,adiouilant  ces 
mots  auec  prière,  Helas  !  ne  me  refufez  point  le  collier  d'vn  ordre  tant  excellent.  Lors  chrift, 
le  Lieutenac  di  t ,  Puis  qu'ainfi  eit,qu'on  luy  baille  vn  licol  comme  aux  autres.  Cela  fait, 
furent  menez  au  lieu  du  fupplicc  ,accompagnez  de  quatre  Cordeh'ers ,  &c  d'vn  nombre 
de  fergeans,  qui  expreffément  enuironnoit  la  charreue,afin  d'empefeher  çes  trois  per- 
fonnages  de  parler  au  peuple.  Eftans  venus  audit  lieu  du  Supplice ,  ils  furent  haftez ,  &c 
incotinent  attachez  au  pofteau  ,  les  fagots  difpofezàl'cntouri&rainl)  enuironnez  com- 
mencèrent tous  trois  à  chanter  à  haute  voix  ic  Cantique  de  Simeon,  Or  laiiTe  Créa- 
ceur,&c.  cependant  que  le  bourreau  mettoit  le  feu  à  l'enuiron ,  qui  toft  après  confuma 
les  corps  de  ces  trois  Martyrs. 


QV  ATRIEME  LIVRE 

DelhiftoiredcsM 


arty 


rs. 


Xcat  des  ihoju  aduenues  durant  la  ma!adie>&  après  la  ntortd'  EDOV  +4  RD 
V  I  y  roy  d'Angleterre. 

E  Roy  Edov  a  r  d  eftant  malade,  le  duc  de  Northumbeland 
i(qui  loi  s  manioit  les  affaires  à  Son  plaifir  )  consulta  auccques  le 
I duc  de  SufFolc,pour  luy  faire  bailler  fa  fille  en  mariage  à  Son  fils. 
Icyiene  me  veux  arrefterà  enquérir  lesmyfteres  de  ces  nop* 
ces,nô  plus  que  la  maladie  du  Roy ,  &:  les  Secrettes  requeftes  du 
Duc:&nelesveuxpourfuyureàprefent  par  conie&ures  corne 
à  la  tracc,confideré  qu'il  nous  eft  plus  ailé  de  déplorer  le  j>ane, 
que  de  l'amender,  Tant  y  a  que  la  choSe  va  ainfi:  Cependat  qu% 
ils  font  leurs  nopees  en  vn  temps  fi  incommodc,lors  que  tous  e^ 
ftoyent  en  dueil, Edouard  rby  de  telle  eiperance,pieté  &  fauoir,que  ie  ne  fay  fi  ïamais  l'- 
Angleterre en  auravn  fcmbiable,eftoit  en  extrémité  de  maladie. Et  pour  le  faire  court, 
les  nopees  finies, comme  le  Roy  empiroitde  iourà  autre,  fi  que  Sa  vie  eftoit  deSeSperee, 
on  pratiqua  par  le  moyen  de  quelques  vns,  non  toutesfois  fans  le  confentementdes  E* 
ftats  &:  de  tous  les  Iuiifconiultes,  que  le  Roy  lailferoit  par  fon  teftament  de  dernière  vo- 
lonté, lafucceffion  héréditaire  du  royaume  à  cefte  I  a  n  e  fîlle'du  duc  de  Suffblc,  petite 
niepee  de  Henry  huincme,de  par  fa  fceur,fans  auoir  efgaid  à  Ses  deux  Sceurs,Marie  &:E- 
lizabcth.  Vnfeulïunfconfulte  Halefius,  afFe&ionç  à  l'Euangile  luge  autant  entier 
qu'il  en  fuir  en  toute  l' A  ngleterre,fauorifant  à  Marie,ne  voulut  foubfigner  :  duquel  s'il  j 
p  laift  au  S  eig  n  e  u  r,nc  u  s  fc  ro  n  s  cy  a  p  tes  plus  grand  récit, 

Y.ii. 


M.  D.LIH. 


Iane  fille  du 

duc  de  Sut- 
foie. 

Halefius  in 
haa- 

dics. 


LiurfU  Il  IL  Récit  Hftftoirc. 

Ce  s  cho(esainfiordonnces& fignees  par  tous,  Edouard  icunc  roy  d'Angleterre  de 
fi  grande  attente,  aagé  de  feize  ans,  eltant  opprefle  par  la  violence  de  la  maladie  nô  en- 
cores  alTezcogneué,  le  feptieme  an  de  Ton  règne,  le  lixiemc  iour  de  Juillet  ,&  trois  hcu- 
Parolles  no  res  dcuant  fa  mort,  adrelfa  Tes  dernières  prières  &C  loufpirs  à  Dieu  :  Se  ne  penfant  point 
totlci.         ^  perfonne  l'ouift ,  profera  denant  la  mort  ces  parolles  :  Seigneur  Dieu  deliure-moy 
de  celte  miferable  &:  ennuyeufe  vie,  &:  me  reçoyen  ta  compagnie:  toutesfois  non  la 
mienne,  mais  la  tienne  volonté  foit  faite.  Seigneur,  ie  te  recommande  mon  efprit.  O 
Scigneur,tu  fais  combié  ce  leroit  choie  heureule  pour  moy  d'eltre  auec  toy:  mais  à  cau- 
fc  de  tes  efleus  garde  celte  vie,  &:  merenma  première  fanté  :  afin  que  ie  puitfe  m'em- 
ployer  vrayement  à  ton  feruice.  Seigneur  Dieu,beny  ton  peuple ,  fois  luy  propice&  fa- 
uorablc,&:  (auue  ton  hericage.  Seigneur  Dicu,preferue ton  peuple eileu  d'Angleterre. 
O  mon  Seigneur  Dieu,  defen  ce  pourc  royaume  de  tout  erreur  Papiltiquc,  &c  maintien 
ta  vrayeReligion,Ôc  le  feruice  de  ton  nom, afin  que  moy  &  mon  peuple  puiflions  louer 
&r  célébrer  ton  S.  nom.  ^  Lors  il  retourna  fa  face  ,&  vid  qu'il  y  auoit  des  gens  auprès  de 
luy,&;  leur  dit,  Eites-vous  fi  près  de  moy  s  ie  penfoye  que  fumez  plus  loin.  Adom  Jedo- 
deurOvvcndir,  Sire,  nous  vous  auonsouy  parler,  mais  nous  nations  pa«  enrendu  les 
L« derniers  parolles.  Lorsil  dit  ie  prioye  Dieu.  ^Or  les  derniers  mor<;  qu'il  profera,  furent  ceux-cy: 
prier»  da  Seigneur,ie  n'en  puis  plus:aye  mercy  de  moy,&:  reçoy  m  01 1  efprit .  &  à  l'heure  mefme  il 
foy  E-    le  rendit  en  prelence  de  meiîlre  Henry  Seduey,&  meflîre  Thomas  Vrots,chcualiers,& 
aouarc1'     deux  gentils-hommes  de  la  chambre  priuce,ô£  du  docteur  Ovvcn,&:  du  docteur  Vven- 
dic,  &c  ChriltophlcSalmon.  ô£  quanti  quant  quafi  tout  lebon-hcur&  excellence  des 
Anglois  périt auecques  luy.^  Adonc  les  affaires  des  Angloiscftoycnt  en  poure&  mife- 
rable eitat,aggraué  par  les  inimitiez  mortelles  entre  les  nobles  &:  le  vulgaire.  Edouard 
mort,  celte  lanc  luy  lucceda  au  titre  royal, bien  du  contentement  de  la  nobleife,mais  à 
fon  grand  regret:&:  incontinent  fut  criee&:  publiée  Roine,voirc  mefme  receué ,  tant  à 
Londres  que  par  quelques  autres  villes  plus  célèbres.  Celte  ieune  PrincclTe  cltoit  de 
mefme  aage,à  peu  près,  que  le  roy  Edouard:  qu'elle  furmontoit  nonobltant  en  érudi- 
tion, lettres  &:  langues, ayant  eité  apprife  fous  Iean  Aclmer, homme  trclTauant. 

S  v  r  ces  entrefaites, Marie  aduertie  de  la  mort  de  fon  t  rcre,ctrchoit  de  ie  mettre  en 
feureté  par  fuittes  &c  cachettes ,  fe  fiant  à  la  faneur  du  c6mun,bien  qu'il  peut  eltre  qu'- 
elle n'eltoit  deltitucc  d'intelligence  auec  la  noblclfc.  Le  duc  de  Northiïbcland  voyant 
fbn  opiniaftix-tc,&  que  les  choies  n'alloycnt  félon  fon  fouhait,  alTembla  la  plus  groife 
armée  qu'il  peut,  &fc  mit  en  campagne  pour  pourfuyure  ladite  Marie.  Il  luy  euft  elté 
ailé, comme  il  fembloit,  de  la  réduire  en  fa  puilfancc,8£  mettre  fin  à  celte  cntrcprifc,sil 
luy  eult  elté  loiliblc  de  fuyure  fa  pointe  félon  fa  véhémence  &c  imperuolîté.  mais  pour- 
autantquelc  royaume  eltoitencores  frais,  &:  n'ofoit  rien  attenter  de  fon  authorité  pri- 
uee,  force  luy  cltoit  de  manier  tout  l'affaire  félon  l'aduis  &:  délibération  du  Parlement: 
û  qu'on  luy  ordonnoit  le  chemin  qu'il  deuoit  faire,  lesiours ,  comment  &  combien  il  fe 
deuoit  auancer  par  chacune  iournee,&  luy  eitoïc  autant  peu  licite  que  leur  d'outrepaf- 
fer  les  mandemens  qui  luy  eltoyent  faits.  Cependant  Marie  allant  çà  &c  là ,  &:  trauaillee 
de  tant  chemincr,cn  fuyuant  les  lieux  leurs, finalemët  fc  rendit  aux  marches  de  North- 
folc&  de  Surfolc-.où  elle  lauoit  que  le  nom  du  Duc  cltoit  hay, à  raifondela  récente  def- 
faitedespaifans.  Là  ayant  amafle  d'vne  part  &  d'autre  lécours  du  peuple,  fe  tint  quel- 
que temps  au  chalteau  de  Freminghamcn. 
Ceux  de       Ce  v  x  deSuffol^quitoufioursonteltélinguIieremcnc  arfe&ionnezà  auancer  TE- 
tent  aideT  uanguc)flccoururent  tous  premiers  à  elle,  offrans  faider  de  leur  pouuoir ,  pourucu  qu'- 
la  roine  "  elle  ne  châgeall  rien  de  l'eftat  de  la  Religion  que  ion  frerc  Edouard  auoit  înltituc.  Pour 
Mjnc-      le  faire  brcf,clle  accepta  celte  condition,^  donna  lafoy ,  de  forte  que  chacun  fe  tenoit 
pour  aifeuré.Que  fi  puis  apres  elle  cuit  autant  conltammcnt  gardé  les  paches,qu  iceux 
la  défendirent  hanchenu  nt  d'armes    de  corps, elle  eult  fait  vn  acte  digne  de  noblelfc, 
&  euft  rendu  fon  royaume  plus  ferme  &:  paifiblc ,  &£  de  plus  longue  durée.  Car  quelque 
puisante  que  puilîè  eltre  la  perfonne,  ce  neantmoins  à  grand'  peine  la  delloyauté  peut 
Marie  mu-  connfter  longuement,  encorcs  moins  la  terreur,&  fur  tout  la  cruauté.  Marie  ain/î  mu- 
nie du  fe-  nie  du  fecours  des  Euangcliiles, contraignit  quant&r  quant  les  autrcs,&  le  Duc  mefme 
mn  'ehftcj"  ^C  ^  rcnc*re-  ^r  *cs  cn°fcs  ainfi  aduenues,  on  trouue  fort  elt range  la  refponfe  qu  elle  fie 
'  à  ceux  de  Suffolc,qui  la  fommoyent  par  vne  requefte  de  garder  la  foy  promife.  Pourau- 
tant(dit-clle)quevouscltuns  les  membres,  voulez  nonobltant  gouuctner  voftre  chef, 

vous 


vous  entendrez  finalement  que  les  membres  doyuent  eftrc  au  de/Tous,&:  non  au  de/Tus 
de  leur  chef. 

D  e  ce  temps  &  pour  la  mefme  caufe  vn  noble  feigneur  nommé  Dob,qui  fe  tenoit  Lcfagqcur 
pies  de  la  ville  de  Vindan,fut  par  troisfois  mené  au  milieu  du  marché,  &:  forcé  de  faire 
amend'e  honorable.  Or  il  aduient  ordinairement,(elon  la  couftume  ordinaire  des  hom 
mes,quc  quand  nous  auons  bcfoin  de  laide  d'autruy,  nous  fommes  plus  prompts  à  cer- 
chcr  fa  bonne  grace,que  prefts  à  rendre  le  pareil  après  auoir  receu  le  plajfir.  Mais  il  va 
bien  qu'il  refte  vne  confolation  aux  miferabîcs  humains:c  eft  qu'encores  que  lafoy  &e- 
quitéloyétforclofesdela  terre,&  nefetrouuent  parmy  les  hommes:  fi  eft-ce  qu'elles  fe 
trouucront  au  ciel  par  deuers  le  Seigneur  pour  tout  certain.  Mais  pourautant  que  nous 
récitons  îimplementl'hiftoire,  lailTons  là  vn  peu  ceux  de  Suffolc,  fans  autrement  en- 
quérir combien  ils  ont  meriré  entiers  la  Roin  e  par  leur  promptitude  &  diligéce .  quant 
à  la  recôpenfe  faite  par  elle,le  fait  écoute  I  hiftoire  de  ccft e  persécution  la  déclare  haut 
&;  clair.  ^Voicydoncques  maintenant  Marie deuenue  Roinedefugitiue,tellemêt  ef- 
chappee  de  grands  périls  &:  terreurs,qu  elle  ell  terrible  aux  autres.Elle  a  maintenant  le 
glaïue  en  la  main,  qu  elle  a  exerce  contre  les  fidèles  à  la  mode  &  façon  que  nous  vcrrôs 
cy  après  :  &  premièrement  contre  celle  Princefle  tant  noble  &c  vertueufe. 


I  A  N  E    G  R  A  Y  E,  fille  du  duc  de  Suffok. 

ï. acre  toutes  1«  femmes  d'Angleterre  uuf.judies  de  ce  temps  le  Seigneur  a  manifefté  fa  cognoiffance ,  cefte  Iane  de  Sutfolc  fe 
trouuera  auoirefte  la  perle  :  non  feulement  j  our  les  dons  &  grâces  fîngulieres  qu'elle  aur>it,mais  furto  ut  pour  la  conftàce  ad- 
mirable que  Dieu  luy  a  donnce,de  maintenir  fa  fainfle  doctrine  au  milieu  d'vn  royaume  de  nouucau  reuolté  cotre  l'tuâgile. 

PRES  que  Mane,comme  dit  a  efté,  fe  vid  ainfi  exaltée  parles  Euageliftes,  ^  J  ^ 
&C  fes  ennemis  domtez,tout  luy  eftre  feur,  elle  fe  partit  du  camp  pour  venir  fon  entpri 
.à  Londres,  ou  elle  fut  t  eceue  à  grand'  ioye  extérieure  de  quelques  vns,mais  fondement . 
'pour  crainte  de  la  plus  part  :  par  flatterie  excellîue  de  tous.  Là  tout  premie- 
rcmeiitcllc  dédia  l'entrée  de  fon  règne  par  le  fang  de  cefte  ieune  dame  Iane  :  laquelle 
elle  fit  conftitucr  prifonniere  à  fa  venue,&:  toft  après  exécuter  auec  fon  mary.Et  côbien 
que  les  ennemis  d'icelle  doctrine ,  voulans  obfcurcir  les  grâces  du  Seigneur  par  ce  pré- 
texte qu'elle  auroit  efté  exécutée  pour  crime  d'auoir  afpiré  à  la  courône,contre  le  droit 
de  légitime  fucceflîon:  ce  neantmoins  il  a  efté  cogneu  qu'à  (on  grand  regret  elle  auroit 
efté  proclamée  rome  d'Angleterre:&:  que  le  tout  s'eftoit  démené  par  Iean  duc  de  Nor- 
thumbeland  homme  feditieux,  pour  attirer  la  couronne  en  fa  maifon ,  ayant  allié  pat 
managé  Guilford  Dudley  fon  hlsauec  ladite  Iane.  Noithumbeland  en  receut  fon 
falaire  puis  aprcs,&:  fur  decapité:acconfuyui  au  mefme  fupplicc  du  duc  de  SufFolc.  Les 
autres  nobles  furent  feulement  punis  parla  bourfe,de  leur  rébellion.  Quant  à  Iane, il 
eft  ailez  notoire  que  Marie  fa  couhne  ne  l'affligea  pour  autre  caufe  que  pour  haine  de  la 
Religion,  qu'elle  maintenoit  auec  telle  conftance& intégrité ,  que  les  ennemis  en  e- 
ftoyent  eftôncz.Et  qu'ainiî  foir,  quatre  iours  deuant  qu'elle  endû raft  la  mort:  Feknam, 
qui  depuis  fut  eileu  abbe  de  Vveftmunfter,fut  enuoyé  vers  elle  du  vouloir  de  la  Roine, 
pour  la  diuertir  de  cefte  conftance,&  de  fa  foy  &  religion:^  pour  la  réduire  à  la  discipli- 
ne Papale,&:  ramener  au  bon  chemin,  comme  ils  eftiment .  Nous  auons  penfé  qu'il  fe- 
roit  bon  de  mettre  icy  le  fommairedeleurdeuis  &:  confcrence,cn  la  forte  qu'elle  l'a  re- 
cueillie &c  publiee;à  ce  que  le  lecteur  en  puiffe  donner  fon  aduis. 

La  conférence  entre  le  docteur  Felznam  &  Iane  fille  du  duc  de  Suffolc,  quatre  iours  auant  qu'elle  cuit  la  telle  trenchee. 

Fe  k  h  a  m,  Madame,  iay  grand  pitié  de  voftre  piteufeaduerfité:  toutesfoisie  ne  dou- 
te aucunement  que  ne  porticzceftefaicherieconftamment&:  virilement.  Iane,  Vo- 
ftre venue  m'eft  bienaggrcable:pourucuque  vous  y  foyezvenu  pour  me  donner  quel- 
que ex  horration  Chrcltienne.  Au  regard  delafflidion ,  tant  s  en  faut  (  grâces  à  Iefus 
Chnft)qu'elle  me  foie  ennuycufe,que  ic  l'cftimc  vn  figne  de  grade  faueur  Diuine,&tel- 
le  qu'oneques  il  ne  me  monftra.Parquoy  il  n'eft  befoin  que  cefte  chofe  tant  à  moy  iàlu- 
taire  vous  contnftc,ou  ceux  qui  me  portent  faueur.  F  e  k  n  a  m,  le  fuis  icy  enuoyé  de  la 
part  de  la  Rome  &  de  fon  conieil,  pour  vous  inftituer  en  la  foy  catholique:  bien  que  i'ay 
opinion  que  n'en  auez  aucun  befom,  I  a  n  s  >  Certes  ie  remercie  la  maiefté  de  la  Roine* 

Y.iii. 


Liurc^j  1  II  L  Jane  Cjrayc^>. 

qui  a  fouuenâce  de  moy  fa  poure  fubiettc:enfemble  îe  me  fie  que  vous  vous  acquitcrez 
faindcment  apurement  de  la  charge  qui  vous  eftcniointe.  Fe  kn  a  m,  Quellechofe 
eftrequifeàvn  Chreftien?  Iane,  Ceft  de  croire  en  Dieu  le  Pere,  Dieu  le  Fils,  Dieu  le 
S.Efprit:troisperlbnnes&:  vnDieu.  Fe  kn  a  m,  N'y  a-il  autrechofcrtrquîicà  vn  Chre- 
ftien,  linon  de  croire  en  Dieu?  Iane,  Si  a  bien:  il  nous  conuient  croire  en  luy ,  l'aimer 
detoutnoftrecœiir,detoutenolheame,&:detoute  noftrepcnfee:&  noftre  prochain 
comme  nous-mefmes.  Fe  kn  am,  Il  s'enfuie  doc  que  la  foy  ne  nous  îulhht  pas.  Ïa  n  e, 
Rom.3.     Sifaïc  veritablcmentda  feule  foy,commeditS.  Paul  nous  iuftific.  lt  km  a  m,  Pourquoy 
GiUw.     donc  dit  S. Paul, Si  nous  auons  toute  la  foy,&:  que  n'ayons  charité,  il  ne  proticerien?  Ia- 
ne ,  Il  eft  vray:car  commet  puis-ie  aimer  celuy  auquel  le  nefpere  point  .  ou  cômepuis- 
ie  eiperer  en  celuy  que  ie  n  aime  pas:Foy  &  chante  font  coniointes  cnfemblc:&  encore 
amour  efteompris  fous  la  foy.  Fe  k  n  a  m,  Et  comment  deuons-nous  aimer  noftre  pro- 
chain5. Ian  e,  Aimer  noftre  prochain,  c'elt  donner  àmanger  à  celuy  qui  afaim,reue- 
ftirceux  quifont  nuds,&  donner  à  boire  à  celuy  qui  afoif,&  luy  faire  comme  noJs  vou- 
drions qu'il  nous  fift.  Fe  knam,  Donc  il  eft  neccifaire  pour  le  falut  de  faire  bônesceu- 
ures,&  ne  furfit  pas  de  croire.  Iane,  Cela  ne  s'enfuit  pas:car  il  eft  certain  que  par  la  foy 
nous  fommcsfauuez  :  mais  il  eft  necciîairc  que  les  Chrefticns  pour  fuyure  leur  Maiftre 
IefusChrift,faccnt  bonnes  œuuics.  Or  ce  n  eft  pas  pourtant  adiré  qu'elles  profitent 
pour  le  falut.  car  combien  que  nous  ayons  fait  tout  ce  que  nous  pouvions  fane ,  encores 
Luc  17.     fommes-nousicruiteurs  in.utilcs:tellement  que  la  feule  foy  au  fangde  Chnft  nous  iau- 
Suaemens.  uc.  F  e  knam,  Mais  combien  y  a  ildeSacremcns?  Iane,  Deux:rvncftlelacrement 
du  Baptefmc,&:  l'autre  eft  le  facrement  de  la  Ccne  du  Seigneur.  Fe  knam,  Non,ily 
enafept.  Ian  e  ,  En  quelle  Efcricure  le  trouuez-vous?  Fe  k  n  am,  Nous  en  parlerons 
cy  apres:mais  dites  moy,quefignifîét  vos  deux  Sacremens?  Iane,  Parlefacremcntdu 
Baptefme  ie  fuis  Iauee  d  eau,&:  régénérée  par  l'Efprit:&:  ce  lauemet  meft  vn  ligne  que 
ie  fuis  enfant  de  Dieu. Le  facrement  de  la  Cene  du  Seigneur  m  eft  donné  pour  leur  tef- 
moignagc&feau  que  ie  fuis  participante  du  royaume  éternel  parle  Iang  de  Chnft  qu'- 
il a  efpâdu  pour  moy  en  la  croix.  Fe  k  m  a  m,  Que  receuez-vous  en  ce  pain .?  ne  receuez- 
vous  pas  lccorpsà:  fang  de  Iefus  Chrift?  Iane,  Non. pour vrayie  nelecroypas  ainfî 
que  vous  autres  l'entendez  :  car  en  la  Ccne  ie  ne  rc  çoy  ne  chair  ne  fang  corporel ,  mais 
du  pain  $£  du  vin  :  lequel  pain  quand  ileft  rompu,  &  le  vin  quand  il  eft  heu  corne  le  Sei- 
gneur la  ordonné,nous  fommes  faits  participans  du  corps 6c  du  Iang  de  Chnft,  quia  e- 
fté  rompu  &  efpandu  pour  nous:&  aucc  ce  pain  &:  vin  ie  reçoy  les  bénéfices  qui  font  ve 
nus  par  le  brifement  de  Ion  corps ,  &  par  l'crfulion  de fon  fang  en  la  croix  pour  mes  pé- 
chez. Fe  knam,  Comment?  Chrift  ne  dit-il  pas  ces  parolles,  Prenez,mangez,c'eft-cy 
mon  corps?&:c.  Demandons  nous  paroi  les  plus  manifeftes?  ne  dit- il  pas  que  c'eft  fon 
corps?  Iane,  l'accorde  qu'il  die  cela:&  aulli  il  dit,le  fuis  la  vigne,ie  fuis  l'huisimais  né- 
anmoins il  n'eft  ne  vigne  ny  huis.  Si  ic  mangeoye  le  corps  matériel ,  ou  beuuoye  le  na- 
turel fang  de  Chrift,  ie  me  priueroye  de  ma  redemptiomou  il  faudrait  qu'il  y  euft  deux 
corps  en  Chrift:car  comme  vous  le  prenez,  ii  les  Apoftres  ont  mâgé  le  corps  de  Chrift, 
il  s'enfuit  que  ce  corps  qu'ils  ont  mangé  n'a  point  efté  rôpu  en  la  croix.ou  s'il  a  efté  ropu 
en  laeroix,lcsApoftresnel'ontpoint  mangé.  Fe  k  n  a  m,  N'eft-ilpasaufiipolïiblc  que 
Chrift  par  fa  puilfan  ce  pu  iife  faire  que  fon  corps  foit  mangé&aulli  rompu, corne  ilelt 
pofiible  qu'il  ait  efté  nay  d'vne  femme  fans  {eméce  d'hommc,&:  comme  il  a  marché  fur" 
la  mer  ayant  vn  corps,  &c  félon  tels  miracles  qu'il  a  faits  par  fa  puiftance  ?  Iane,  Ouy 
véritablement,  Ci  Dieu  euft  voulu  auoir  fait  vn  miracle  au  louper  où  il  inftitua  là  Cene. 
mais  ie  dy  que  fon  intention  à  cefte  heure-là  n'eftoit  point  de  faire  aucune  œuure  mira- 
culeufe-.ains  fculcmét  d'inftruire  &  de  dôner  à  cognoiftre  qu'il  eftoit  noftre  vrave nour- 
riture en  viande  éternelle.  Or  ic  vous  prie  donnez  moy  rciponfeà celle  queftion,Où  e- 
ftoit  Chrjft  quand  il  dic,Prencz  mâgcz,c  eft-cy  mon  corps?n'cftoit-il  pas  a  rableril  eftoit 
àcefte  Iwure-la viiiant,&:nefoufriitpasiufques auiourenfuyuanr.  Que  pnnt- il  linon 
du  pain;&,  que  donna-il  finon  du  pain  r&:  que  rompit-il  linon  du  pain?  Notons  que  ce 
qu'il  print,  il  le  rompit:&:  ce  qu'il  rompit ,  il  le  donna:&  ce  qu'il  donna ,  cela  mclme  fut 
mangéî&toutcsfoisccpédantluy-mcfme  eftoit  aflis  au  louper  entre  fesdifcipies.F  e  k  - 
nam,  Vous  tondez  &c  appuyez  voftre  foy  fur  des  autheurs  qui  difent,  Ouy  ôc  Non:  àC 
qui  afferment,  puis  fe  deiUifent:&:  non  pas  tur  l'eglife  à  laquelle  vous  deuez  croire.  I  a  . 
k  £ ,  Non  fay  rie  fonde  ma  foy  fur  /aparolle  de  Dieu ,  àc  non  fur  l'eglife  :  car  fi  l'eglife 

eft 


eft  vraye  Eglife,lafoy  d'icelle  doit  eftre  approuuee  par  la  parolle  de  Dieu,  &:  non  pas  la 
parolle  par  l'eglife,ne  ma  foy  aufli.Croiroy'-ie  l'eglife  à  raifon  de  ion  antiquité?  ou  don- 
neroy'-iefoyàcefteeglifc-la,quimedefrobe  &C  dénie  vnc  portion  du  foupper  du  Sei- 
gneur qui  ne  veut  fouffrir  qu'vn  homme  laic,comme  ils appcllét,le  reçoyue en  deux 
efpeces.?&:  qu'il  appartient  à  eux  feulemét  quife  difent  gens  d'eglife ,  nous  priuans  d'v- 
ne  pâme  de  noftre  faluation?Ie  dy  que  c'eft  vne  eglife  maligne  :  ôc  non  pas  l'efpoufe  de 
Chrift,mais  celle  du  diable,qui  change  la  Cenc  du  Seigneur,cny  adiouftât  &  d  iminu-  Apoc.it 
ant:iedyq  Dieuluy  adiouftera&:  multiplierales  playes  qu'il  a  ordônees  pour  telle  e- 
glile,&  qu'il  luy  diminuera  defa  portion  du  liurè  de  vie.  Vous  n'auez  pas  appris  cela  de 
fain&  Paul, quand  il  adminiftroit  la  Ccne  aux  Corinthiens  en  deux  efpeces.  Croiroy'- 
ie(dy-ic)à celte eglife-la.?  îan'aduienne.F  e  kn  a  m  ,Celaeftoit  fait  à  bonne  intention, 
poureuitcrvne  herefic  qui  s'y  commcnçoit.I  a  n  e  ,  Pourquoy  changera  l'eglife  la  vo- 
lonté de  Dieu  finies  ordonnances,  kir  bonne  intention  ?  comment  ordonna  Dieu  du  tSam^ 
roySaul,auec  routes  Tes  belles  intentions  ?  ^Feknam  me  voulut  perkiader  de  croire 
btauc  oup  de  choies, ce  qu'il  ne  fit  pas.&  y  eut  pluueurs  autres  propos  entre  nous:mais 
voila  les  principaux.  Ainii  eft-il,    fane  Dmlley. 

Qv  and  Feknam  vid  qu'il  ne  pouuoit  rien  gagnerai  prind  congé  d'elle,en  luy  di- 
fantqu  il  efloit  grandement  delplailant  pour  l'amour  d'elle.  Car(  dit-il  )  ie  fuis  affeuré 
que  ïamais  nous  ne  nou s  trouueronsl'vn  l'autre. Il  cft  vray,refponditIane,fi  vous  ne  fai 
tespenircnce,&:  vous  retournez  à  Dieu:  car  vous  eftes  en  mauuais  erreur,  le  prie  Dieu 
que  parla  mifericorde  il  vous  donne  Ion  S.Efprit  :  &  comme  il  vous  a  donné  quelque 
don  de  langue,aufïi  qu'il  luy  plaife  vous  illuminer  le  cœur  à  cognoiftre  la  verité;&  ainlî 
le  départit. 

N  O  V  S  auor.s  icy  inféré  vnc  Epifhc  qu'elle  cfcriuit  en  vulgaire  Atidois  à  vn  perfonruge,  qui  par  crainre  du  monde  &  par 
ambition  s'ettoit  deltotirnc  du  bon  chemirklacjuelle  cft  pleine  de  doctrine  &:  de  pictc:&  de  mot  à  mot  traduite,cefttieot 
ce  cjuc  (enfuit. 

P^3V  AND  icreduy  en  mémoire  les  tcrribles&:  redoutables  parolles  deDieu,que  LuCj> 
^^.  tiuy  qui  met  lamain  à  la  charrue  &  regarde  derrière  luy,n'eft  point  digne  d'en- 
trer au  royaume  des  deux:  &:  d'autre  part  que  ie  coniidere  les  parolles  confortables  &: 
douces  de  noftre  Sauueur  Icfu  sChrift,qu'il  adicffe  à  tous  ceux  qui  renoncer  à  eux  mef- 
mes&:  l'enfumcnt'iay  grande  oceaiion  de  m'efmerueillcr  &:  de  lamenter  pour  toy,  qui  , 

rt   •       •  1  j    /-m     tl  <>  ri  t-sfi  Matth.10 

au  tcpspalleeltoisvn membre  viuant  de  Chnlt,&:  maintenant  tu  es  vn  elclaue  diftor 
me  du  ikablc:autresfois  le  plailant  temple  de  Dieu,  mais  à  preient  vn  infect  canaldu 
diable  autrclfois  e(pouredeChrift,mais  à  prcl'ent  le  defhonté  paillard  de  l'Antechrift: 
autreffois  mon  frcrefidele,mais  maintenanteftranger  &  apoftat  :  voire  mcfmeautref 
fois  vn  ferme  &  alleuré  champion  de  Chrift,mais  maintenant  rcuolté  &  fugitif.Toute 
les  rois, dy-ic,quc  ie  coniidere  les  menaces  &  promeuves  de  Dieu  cnuerstous  ceux  qui 
l'aiment  fidelemem,iekiis  contrainte  de  parler  à  roy,voirc  pluftoft  de  crier  après  toy, 
Toy  i'e  mence  de  Satan,&  non  pas  deluda:quc  le  diable  a  deceu,  que  le  monde  a  trom- 
pc,&:  le  deiir  de  cefte  vie  milerable  a  fubucrty,&:  fait  d  vn  Chrefticn  vn  infidèle.  Pour- 
quoy as-tu  pris  le  teftament  du  Seigneur  en  ta  boucherpourquoy  as-cu  maintenant  de- 
dié  ton  corps  aux  mains  fanglâtcs  des  aduerfaires  &:  cruels  tyrans?  Pourquoy  as-tu  par 
cy  deuant  inftruit  les  autres  d'eftre  fermes  en  Chrift,  &:  maintenant  toy-mefme  abufes 
du  Tekamcnt&  delaLoydu  Seigncurrtoy  qui  as  prefché  qu'on  ne  defrobe,  tudefro- 
bes  trefabt>minablement, non  pas  les  hommes, mais  Dieu  :  &:  comme  vn  facrilege  tu 
defrobes  Chrift  ton  Seigneur  du  droid  de  l'es  membres-.^  defrobes  &:  defraudes  &  ton 
corps  K  ton  amc,quand  tu  te  monflres  aimer  mieux  viure  miferablement  auec  honte 
en  ce  mcnde,que  mourir  &:  régner  en  gloire  &c  honneur  auec  Icfus  Chrift,auquel  en 
mourant  on  obtient  la  vie.C.cferoit  maintenant  que  tu  te  deurois  monftrer  vertueux: 
caria  vertu  efforce  n'eft  cognac  que  quand  oneftaiTailly-.maisaucôtraire  tu  te  caches 
deuant  qu'on  te  pourkiyue.  Miferablc& mal  heureux  qu'es-tu  fi  non  poudre  &  cèdre? 
veux-tu  rclîfter  à  ton  Createur3qui  t'a  formé  &  fait  ?  as-tu  vouloir  d'abandonner  celuy 
qui  t'a  appelé  d'vn  poure  lieu  de  peager  entre  les  Romains  Antechrifls,  pour  eftre  am- 
bafiadeur&:  meflagerde  la  parolle  éternelle  i  Celuy ,  dy-ie,  qui  t'a  eftabli,&:  depuis  ta 
creatiô  &:  nat-uitc  t'a  preferué,t'a  nourri  &:  gardc,voire  &c  infpiié  l  Efprit  de  fa  cognoif- 
fance(ic  n'oie  pas  due  de  gtace)n'aura-il  point  la  iouùfancc  de  toy  ?  Ole  tu  bien  te  don- 

y.iiii. 


L'mre  1111.  Jaruu  Çraye. 

ner  àvnautre,veuquetu  n'es  point  à  toyfCommentofes-tuainti  mefprifer  la  Loy  du 
Seigneur,&enfuiurc  les  vaines  traditions  des  hômes?&:  au  lieu  que  tu  as  efté  profelfeur 
pubJiquedc  Ton  nom.eftre  deuenu  vn  renicur  de  fa  gloire?Tu  refuies  le  vray  Dieu,&  a- 
dorcs  les  inucntxns  jes  hommes ,  le  veau  d'or ,  la  putain  Babylonique,  la  religion  Ro- 
maine,l'idoIe abominable  delà  Meifetrefabominable.  Veux-tu  encores  tourmenter ôc 
defmembrer  le  trefpfeeieux  corps  de  notfcie  Sauueut  Ieius  Chrift  de  tes  dentspuantes 
Se  charnellcs?nc  te  (ufrït-il  point  qu'il  ait  efté  rompu  pour  nous  en  la  croix  ,  pour  nous 
conferueremiersdeuâtlamaiefte  de  Dieu  fon  Pere?  Oies-tu  bien  entrepredre  d'offrir 
aucû  làcrificc  aDieu  pour  nos  pechez,coniïderé  queChnft  luy-melme,côme  dit  iain£t 

HcU  w  Paul,s'cft  offert  en  la  croix  en  facrifice  viuant,  vne  fois  pour  toutes?  N'es  tu  pas  efmeu 
de  la  punition  des  Ifraelites,  laquelle  ils  ont  endurée  iigricue&:  foouent  pour  leursi- 
dolatries?les  menaces  terribles  des  Prophètes  ne  t'elmeuueut-clles  pas.?n 'as-tu  pashor 
reur  d'honnorer  vn  autre  dieu  que  le  Dieu  viuant  &:  éternel  î  n'as-tu  pas  cigard  à  celuy 
qui  n'a  point  efpargné  Ion  propre  Fils  pour  toy  î  veux-tu  attribuer  honneur  aux  idoles, 
qui  ont  bouche  ÔJ  ne  parlent  point,yeux  &c  ne  voyent  point,  qui  périront  comme  ceux 
qui  les  font  ?  Que  di:  le  prophète  Baruch ,  recitant  l'epiftre  de  Ieremie  efente  aux  Iuifs 
captifs,lcs  adueitiiî'ant  qu'en  Bibylone  ils  verroyent  des  dieux  d'or  &c  d*argent,de  bois, 
de  pierre  portez  fur  les  efpaules  des  hommes ,  pour  donner  crainte  aux  Gentils? 
Maisnclcscraignez  point  difoit-ihcar  quand  vousapperceurez  les  autres  qui  les  ado- 
rerontjditcsen  voscuturs,  C'efttoy,Scigneur,qu'ilconuient  adorer  feulement  :  carie 
charpentier  en  a  ordonne  le  bois,&  les  a  ornez,  voirc&  font  dorez  d'or ,  &  efleuez  en 
haut  en  argent  &.  choies  vaincs,&  ne  peuuent  parler .  Il  monftre  dauantage  leur  abus 
en  leurs  accouftremcs,cômc  les  preftres  on:  accouftré  leurs  idoles  de  toute  façon, telle- 
ment que  l'vn  tiét  vn  fceptrc,l'autre  vn  poignarc  en  ia  main:&:pour  tout  cela  ne  peuuêt 
iuger  aucune  cholc,ne  fe  défendre  ne  garentir  de  la  vermine  ou  rouillurc.  Voicy  les  pa- 
rolles  que  leur  ditleremic.cn  quoy  il  approuue  que  c'eft  choie  vaine,&qu'elles  ne  font 
pas  dieux. En  la  fin  il  conclud  ainlî, Confondus  foyent  ceux  qui  les  adorent, &c.  Ils  ont 
efté  admonneftez  par  Ieremie,&:  tu  en  as  admonnefté  les  autres  comme  a  fait  Ieremie, 
&  tu  es  admonnefté  aufii  en  tanc  de  lieux  de  l'Efcriture  fain&e. 

Exodcio  Di  e  v  dit  qu'il  cil  vn  Dieu  ialoux,lequel  veut  qu'on  luy  attribue  tout  honneur  & 
gloire,&:  qu'on  l'adore  feul:  &  Iefus  Chrift  au4.de  S.Luc ,  en  parlant  à  Satan  qui  le  ten- 
toit(qui  eft  celuy  mefme  Sata,ce  Beelzebub,cediable  qui  t'a  ainfi  fubuerty)  Ileft  eicrir, 
dit-il  Tu  adoreras  le  Scign.ton  Dieu3&  à  luy  feul  tu  feruii  as.  Ce  paifage  &  les  autres  fé- 
blables  te  defendent,ôc  a  tpusChrcfticns, d'adorer  aucun  autre  Dieu  que  celuy  qui  e- 
ftoitdcuant  tous  les  iiccles,&:  qui  a  fondé  le  ciel&ia  tcrre:&:  tu  le  veux  delaifîér,  hono- 
rant vne  idole  det  cftablc  inuentee  par  le  Pape  de  Rome,  &  par  l'abominab le  fecle  des 
Cardinaux?Chrift  s'eft  offert  vne  fois  pour  toutes,&  le  veux-tu  offrir  encore  iournelle- 
ment  à  ton  plaifir?Mais  tu  me  refpondras  que  tu  le  fais  par  bonne  intention.  O  fourec 

iSarai  dépêché  !  O  enfant  de  perdition  !fonges-ru  là  vne  bonne  intention,oùtaconfciécete 
donne  tefmoignage  de  lorfenfe  de  Dieu  &c  de  l'ire  du  Seigneur?  Autant  en  faifoit  Saul: 
lequel d'autat qu'il n'auoit obéi  àlaparolledeDieu  ,  pourvne  beneintetion  qu'ilpre- 
tendoit,fut  reietté  &:  priué  de  fon  royaume.Toy  qui  effaces  ainfi  l'honneur  de  Dieu,& 
luy  defrobbes  fon  droit ,  penies  tu  auoirlc  royaume celefte&:  éternel?  veux-tu ietter 
Chrift  du  ciel  pour  vne  bonne  intétion,&:  faire  que  fa  mort  foit  vaine,&  annuller  le  tri- 
omphe de  fa  croix,le  facn  riant  ainii  àtonplaifir?  veux-tu  aufiî  ou  pour  crainte  de  mort, 
ou  efpoir  de  viurc,denicr  ou  reictter  ton  Dieu,qui  a  enrichi  ta  pouretc,  guairi  ton  inflr 
mité,&:reftitucen  vraye  ianté,(i  tu  l'euflesgardeeîNe  côfideres-tu  point  que  le  fil  de  ta 
viedepéd  deceluy  qui  t'a  fait?qui  eft  celuy  qui  peut  à  fon  plaifîrdoubler  lcfil  pour  plus 
durer,ou  le  defdoubier  pour  cftre  pluftoft  rompu,finon  luy?  Te  louuiét-il  point  q  le  no 
bleroy  Dauid  te  le  déclare  au  Pfeau.104,011  il  dit,  O  Seign.qua  tu  retires  ton  efpntdes 
homes, ils  meurét  &:  retourner  en  poudre: mais  quad  tu  leur  trâimets ,  derechef  tu  les 
remets  en  vic,&:  rcnouuclles  la  face  de  la  terre?Remets,rcmets  en  mémoire  la  parolle 

Ican  11  S  *ems  a  ditc,Qui aime  &  vie,il  la  perdra:mais  qui  la  perdra  pour  mô  nô ,  il  la  trouuera, 
&c  en  l'autre  pailage,Quicô  q  umè  pere  ou  mere  pl9  q  moy  il  n'eft  pas  digne  de  moy  :  car 

Matih.io  celuy  qui  veut  eftre  mô  diilii  >,ilfaut  qu'il  abâdône  perc&  mere&  loy-mefme,&  qu'il 
port  e  fa  croix  &  m'éfuyuc.Et  qlle  croix  cft-ce?c'eft  la  croix  d'infamie  &c  de  hôte,de  mife 
ic&:  pou  rcté ,  d'afflictio  Se  pcHccutiô  pour  fon  nô.Souffre  q  leglaiue  tréchant  de  deux 
coftez  te  i'epare  de  ces  affligions  môdaincs-.voire  iufqu'ala  moelle  de  tô  cœur  charnel, 


Jane^Cjraye. 

afin quetu puifTesrenier,& embraiTer Chrift.  6c  tout  ainfi  que  bonsfuictsnercfufent 
point  de  mettre  leur  vie  en  hazard  pour  la  defenfe  de  leur  gouuerneur  tempoi  el ,  aufti 
net  en  fuy  pas  comme  lafche  traiftre,du  lieu  où  ton  Capitaine  Chrift  t'a  ordonne  en 
cefte  vie.  Bataille  viiïlemenr,vienne  la  vie,viennela  mort.c'eft  la  cauie  Dieu:&:  fans 
doute  la  victoire  eft  à  nous.Mais  tu  diras, le  ne  veux  pas  troubler  perfonne ,  ne  rompre 
i'vnion.Qupy?tu  ne  veux  pas  rompre l'vnion  d'entre  Satan  6c  fes  membres ,  l'vnion  des 
tenebres,l'accord  de  l'Antcchrift  6c  de  les  adherans.Ha,  tu  te  déçois  auec  imaginatiôs 
controuuees  d'vne  telle  vnion  d'entre  les  ennemis  de  Chrift.  Les  f  aux  prophètes  n'e- 
ftoyent-ils  pas  en  vnionrles  frères  de  Iofeph&  lesenfansde  Iacob  ?  les  Gentils&:  les  A- 
malechitesî'lesPhereliens  &c  Iebufiens  n'eftoyent-ils  pas  vnis  eniemble  ?  les  Scribes  & 
Phariliés  n'eftoyent-ils  pas  en  vnion?Mais  ie  ne  garde  pas  l'ordre.  îe  deuroye  pluftoft  re 
tourner  à  ma  matière. Leroy  Dauid  le  teftifie  clairement  au  Pfeaumez,  Ils  ont  conue- 
nu  eniemble  à  l'encontre  du  Seigneur.voirc  les  larrons  meurtriers  6c  traiftres  ont  vniô 
enfemble:maiS  lois  aduerty  qu'il  n'y  a  pas  d'vnion  linon  où  Chnft  côioinct  les  fiens.mef 
me  fois  du  tout  afTcuié  que  Chrift  eft  venu  pour  mettre  en  guerre  6c  dmifionl'vn  con- 
tre l'autre,le  fils  contre  le  perc,la  fille  contre  la  merc:&:  pource  donne-toy  garde  d'eftre 
deceu  par  la  Iplendeurôi  glorieux  nom  d' Vnion. cari  Antechnfta  ion  vnion  :  encores 
non  pas  en  effect,mais  en  apparence  feulement.  L'accord  d'vn  chacun  n'eft  pas  vnion, 
mais  pluitoft  confpiration.Tu  as  ouy  aucunes  menaces, aucunes  malédictions  6c  aucu- 
nes admonitions  de  l'Efcriture,adreifans  à  ceux  qui  s'aiment  plus  qu'ils  ne  font  Iefus 
Chrift:  tu  as  ouy  aufli  les  afpres&:  poignantes  parollesqui  s'adreifent  à  ceux  qui  le  de- M^ 
nient  pour  fauuer  leur  vk, Que  celuy  qui  me  nie  deuant  les  hommes  :ie  le  denieray  de- 
uant  mon  Pere  qui  eft  es  cicux:&  en  1  epiftre  aux  Hebneux  6,Ceux ,  dit-il ,  qui  ont  efté 
vne  fois  illuminez,&:  ont  goutté  le  don  celeftc,&  efté  faits  participans  du  fainct  Efprir, 
6c  goufté  la  bonne  parollc  de  Dieu  &  les  puiiiances  du  fiecle  à  venir  ,  s'ils  retombent, 
il  eft  impofiiblc  qu'ils  foyent  renouuelez  par  penitence:entant  qu'ils  crucifiée  derechef 
derechef  Iefus  Chrift  le  fils  de  Dieu  en  eux-mefmes,&  le  diffamét.Et  derechef  il  eft  dit* 
Si  nous  péchons  volontairement  après  auoir  receu  la  cognoiflance  de  la  vérité ,  il  ny  a 
plusd'oblatiôpourle  péché, mais  vne  terrible  attéte  du  mgcmctdu  feu  éternel  qui  de- 
uorera  les  aduci  faites. Ln  iiiant  ces  horribles  ientéces  6c  menaces, ne  trébles-tu  point? 
Bien,ii  ces  terribles  &:eipouuantablcs  foudres  ne  te  peuuent  efmouuoiràtcioindre  à 
Chrift  6c  renoncer  le  monde:pour  le  moins  que  les  douces  confondons  6c  promelîes 
des  Elcritures,que  l'exemple  de  Chrift  &  fes  Apoftres,  faincts  Martyrs  &:  ConfefTeurs 
te  donnent  courage  déplus  vertueufement  t'appuyer  fur  Iefus  Chrift.  Enten  ce  qu'il  ^attj 
dit  ,  Vous  eftes  bien  heureux  quand  les  hommes  vous  outrageront  6c  perfecuteront 
pour  mon  nonitcar  voftre  rétribution  eft  grandies  cieux:ils  ont  auffi  perfecuté  les  Pro 
phetes  qui  ont  efté  de  uant  vous.E  feoute  que  dit  lfaie,Ne  crain  point  la  maledictiô  des 
hommes,ne  tefpouuante  de  leurs  blafphcmcs&:  outrages:  car  la  vermine  les  mangera  ^ 
comme  drap  6c  laine:mais  ma  îuftice  durera  éternellement ,  6c  mon  falut  de  generatiô 
en  gencration.Qui  es-tu  donc,qui  as  crainte  (dit-il)  d'vn  homme  mortel ,  de  l'homme 
qui  périt  comme  vn  fleur.?3c  mets  en  oubly  le  Seigneur  qui  t'a  faict  ,  voire  qui  a  créé  les 
cieux  6c  pofé  les  fondemens  de  la  cerre.?Ie  fuis  le  Seigneur  ton  Dieu ,  qui  fay  cfcumer& 
enfler  lamer,puislaren  paifible.  le  fuis  le  Seigneur  des  armées.  Iemettray  maparolle 
en  tabouche,&  tedefendray  entournantlamain.  Etnoftrc  Sauueur  Iefus  Chrift  dit  à 
fcsdilciplcsjls  vous  acculeront,^  vous  mèneront  deuant  les  Princes  6c  Gouuerneurs  luc2 
pour  mon  nom, &  en  perfecuteront  aucuns,&  les  occirôt:  mais  ne  craignez  point  (dit- 
il  )6C  ne  lovez  en  fouci  que  vous  direzrcar  c'eft  mon  Efprit  qui  parle  en  vous. La  main  du 
Trefhaat  vous  dcfcndra:car  les  cheueux  de  voftre  telle  font  nombrez  A'nuld  iceux  ne 
fera  perdu. le  vousay  taitvn  threfor,laoù  les  larrons  nepcuuêtdefrobber,  ne  la  vermi- 
ne ou  tigne  nelc  peut  corrompre  :&vous  cites  heureux,  fi  vous  endurez  îufqua  la  fin. 
Ne  craignez(dic  Chrift)ceux  qui  ont  puilfanec  îur  les  corps  feulement  :  mais  craignez  Maul 
celuy  qui  a  puiJlance  iur  le  corps  &  fur  lame. Le  monde  aime  ce  qui  eft  fier»  :  fi  vous  e- 
ftiezdu  monde, lemôde  vousaimcroic:maiS  vous  eftes  à  moy,&:  pourcele  monde  vous  eaQ/ 
hait. Que  ces  côfolatios  &  autres  paroilcs  fcblablcs  de  l'Efct  iture  vous  douent  courage 
vertueux enuers  Dieu.  Qucl'excple  des  faincts  perfonnages ,  tant  homes  que  femmes 
foit  touiiours  en  voftre  mémoire ,  comme  de  Daniel  6c  des  autres  Prophctes,des  Trois 
enfans  en  la  fournaife,d'Elcazar  ce  pere  confiant  des  fept  cnfans?dont  il  eft  fait  ment  iô 


Liurcj  11  IL  Jane  Çfrayc^. 

es  Machabees,  de  Pierre  &  Paul,  Eftienne,  &c  autres  Apoftres  &  faincts  Martyrs  qui 
ont  efté  du  commencement  de  l'Eglife,côme  du  bon  Simeon  archeuefquc deSeloma, 
&c  Zetrophohe,auec  plulieurs  autres  infinis  qui  ont  enduré  fous  Sapores  le  roy  des  Per- 
ûens&c  Indiens:lefquels  ont  mefprifé  tous  les  tourmens  dont  les  tyrans  fefauoyentad- 
uifer,&:  tout  pour  l'amour  de  leur  Sauucur.Retourne  ,  retourne  donc  en  la  bataille  de 
Chrift:&  comme  vn  fidèle  foldat  doit  faire,  pren  les  armes  que  fainft  Paul  nous  enfei- 
gne  eftre  necefîaires  à  vn  Chreftien:  &c  fur  tout  pren  l'efcu  de  la  foy ,  &:  fois  incité  à  le- 
P  c  ,ens  xcmple  deChrift  de  refifter  au  diablc&  renoncer  au  monde,&:  deuenir  vn  vray &fide- 
le  membre  de  fon  corps  myftique,n'ayant  efpargné  fon  corps  pour  nos  forfaits.  Humi- 
lie-toy  en  la  crainte  de  fa  terrible  vengeance, pour  cefte  tiéne  tant  grade  &c  vilaine  apo 
ftafie,&  te  conforte  d'autre  cofté  en  la  grace,fang&promeiTcs  de  ecluy  quieftpreft  à 
te  receuoir  toutes  fois  &c  quates  que  tu  retourneras  à  luy.ne  defdaigne  point  de  retour- 
ner auec  1  efant  prodigue,veu  que  tu  t'es  efearté  d'aucc  luytn'aye  vergongne  de  retour- 
ner auecluy  après  auoir  mangé  le  (on  &  l'ordure  des  cftrangcrs,  pour  maintenat  iouu 
des  viandes  délicates  de  ce  Pere  tref-benin  &c  mifencordicux ,  recognoilfant  que  tu  as 
péché  au  ciel  ÔC  en  la  terre:au  ciel,pource  quetu  as  cfteint,entant  qu'en  toy  a  elle  ,  fon 
fain&nom,&: donné occafion  qu'on  aitmal  parlé  delà  treflacree  &C  pure  parolle:en 
la terre,en  ayant  ofFenféplulieursde  tes  frères  débiles  &c  infirmes ,  aufquels  tu  as  e- 
fté  en  grand  fcandulc  par  ta  defe&ion  &C  foudain  trebufehement .  Ne  fois  hon- 
teux de  reuenir  comme  Marie  ,  oc  de  plourer  amèrement  comme  Pierre:  non  feule- 
ment en  refpandant  les  larmes  des  yeux  corporels ,  mais  aufii  en  iettant  de  bonne 
heure  l'efcumc  du  cœur  pour  nettoyer  tout  :  afin  que  le  Seigneur  n'entre  enfonhor- 
LucxS  rible  iugement.  Ne  fois  honteux  de  dire  auec  le  Publicain  ,  Seigneur  ,  fois  moy 
propice,qui  fuis  miferable  pecheunqu'il  te  fouuienne d  vne  hiftoire  ancienne  de  Iuhe, 
&  depuis  n'a  gueres  de  la  cheute  lamentable  deFrançois  Spiera*qui  n'eft  de  tat  loin  ad- 
uenue  qu'il  ne  t'en  puiffe  fouuenir.Tu  deurois  craindre  le  femblable:&:  en  l'oyat  confef 
fer,Helaslic  fuis  tombé  en  telle  offenfe.  Finalement  que  tu  ayes  vne  viue  mémoire 
du  dernier  iour,&  en  quel  terreur  &c  crainte  feront  tous  femblables  apoftats  qui  fe  ferôt 
deftournez  arrière  de  Chrift,&:  qui  auront  plus  eftimé  le  monde  que  le  ciehla  vie ,  q  ce- 
luy  qui  la  leur  a  donnée:&  qui  fe  font  deftournez  de  celuy  qui  onc  ne  les  auoit  abâdon- 
nez.  D'autre  part  ie  ce  lanlé  à  méditer  les  ioyes  préparées  à  ceux  qui  n'ont  redouté  aucû 
péril  ne  l'efpouuantahle  mort:mais  ont  bataillé  virilement ,  &:  triomphé  vi&orieule- 
ment  fur  toutes  puiffances  de  tenebres,par  dcilus  l'enfer,la  mort  &:  damnation  ,  par  le 
moyen  du  trefredouté  Capitaine  Iefus  Chrift:lequel  eftend  fes  bras  pour  te  receuoir,8£ 
eft  appareillé  de  t'embraiîcr,&:  finalement  te  feftoyer,  &couurir  de  fa  propre  robbe, 
lequel  s'il  elloitpoflible  qu'il  peuft  aller  contre  ce  qu'il  à  détermine  (ce  qui  ne  fe  peut 
faire)voudroit  encore iouffrir&efpandrc  fon  précieux  tang  pluftoft  que  tufuiles  per- 
du. Auquel  auec  le  Pere  ôc  le  S.Efpntfoit  honneur,  louange 6c  gloire  éternellement, 
Amen. 

Soi  s  confiant, fois  conftant:ne  crain  point  le  tourment:C  h  r  i  s  t  t'a  racheté,  &: 
le  ciel  eft  encore  pour  toy. 

S  EN  $  V  I  T  vne  exhortation  que  ladite  dame  Iane  fit  ta  nuiâ:  deuant  qu'elle  niftc*ecuteeJaqiielIcexhomtionellc  eiaùiir 
en  la  fin  d'vn  nouueau  teftament  Grec,  qu'elle  enuoya  à  vne  lieune  lecur  nommée  dame  Catherine 

gjg^E  vous  cnuoyc,ma  bonne  fœur  Catherine ,  vn  liure:  lequel  combien  qu'il  ne  foie 
glljlgpas  polli  ou  orné  exteneurement,&:  reueftu  d'or ,  ncantmoins  intencuremét  eft 
plus  digne  quene  font  pierres  precicufes.C'eftleliurc,chere  iœurdel  Euangiledu  Sei 
gncurx'eft  fa  dernière  volonté  6c  teftament  qu'il  a  lailTé  à  nous  poui  es  misérables,  leql 
vous  enfeignera  le  vray  chemin  de  la  ioye  eternclle.&:  ii  vous  le  voulez  lire  de  bonne  af 
fe&ion&  l'enfuiure  de  vray'dc(îr,il  vous  côduira  à  la  vie  immortelle  6c  eternclle:il  vous 
enfeignera  à  bien  viure&  bien  mourir: il  vous  apportera  plus  de  fruitt&de  gain  que  ne 
fautiez  auoir  de  toutes  les  feigneuries&  poiieitions  miferablesque  vous  aucz  des  héri- 
tages de  voftre  perc. Que  fi  vous  appliquez  voftre  eftude  à  entendre  ce  hure  ,  6c  que 
mettiez  peine  d'adrelfcr  voftre  vie  6c  la  reigler  à  ce  qui  y  eft  contenu  vous  ferez  héri- 
tiers des  riche/Tes  que  les  hommes  ne  vous  pourrôt  ofter,nc  les  larrons  defrober,  ne  la 
Ifcir*  tigne corrompre.  Priez  auec  Dauid  (bonne  fœur)  d'auoirintelligencede  la  L  oyde  Sei- 
gneur voftre  Dieu:viueztdufiours  pour  mourir,  afin  q  parla  mort  puilïiez  acquérir  la 
vie  éternelle^  ne  vous  fiez  pas  que  voftre  tendre  aage  vous  doiuc  prolonger  la  vie:  car 

aufii 


Janc^>Cjraye,  26  S 

auffitoft  meurt  ieune  que  vieil.  Apprenez  donc  toujours  à  mourir,abandonnez!c  mo- 
de,renoncezaudiable,&:defprifcz]a  chair.?prenez  voftre  leule  dilc&ion  au  Seigneur. 
Repentez-vous  de  vos  oftenies, mais  ne  vousdefefperez  pas.Soyczfortecnlafoy,&:  ne 
prefumez  rien  pourtant^  defirez  auec  laincl:  Paul ,  d'eftre  fepai  ce  de  ce  corps  mortel,  pj,^ 
&c  eftre  en  la  compagnie  de  Chrift-.auec  lequel  eftiîs  morts  nous  (ommes  viuans. Faites 
comme  le  feruiteur  fidèle  qui  eft  touiiouis  veillant,  afin  que  quand  la  mort  viendra  co- 
rne le  larrô  qui  viét  de  nuict,vous  ne  foyezpas  trouuéc  la  feruante  du  diable  en  do;  mât,  M 
afin  que  par  faute  d'huile  ne  (oyez  trouucc  comme  les  cinq  toiles  vierges ,  ou  comme  n 
ecluy  quinauoitpaslarobbe  nuptiale. Rcfiouiflez  vous  en  Chnh\comme  l'efpcreque 
vous  ferez;&:  veu  que  portez  le  nô  de  Chrcftiéne,enfuyuez  voftre  maiftre  Iefus  Chrift, 
&:  portez  voftre  croix, &c  FembraiTez.  Et  touchant  ma  mort, refiouiifcz-vous  comme  îe 
fay -'(douce  (ceur)car  îe  feray  defehargee  de  celte  corruption,&:  paiJeray  à  incorruption, 
car  ie  fuis  alîeuree  qu'en  perdant  la  vie  mortelle ,  i auray  la  vie  immortelle  ,  laquelle  ie 
prie  Dieu  vous  dôner,&:  vous  faire  gi ace  de  viureen  facraintc,&  de  mourir  enlavraye 
foy  Chreftiéncde  laquelle  ie  vous  exhorte  au  nom  de  Dieu  ne  décliner,  ne  pour  efpe- 
râce  de  vie ,  ne  pour  crainte  de  mort. car  (i  vous  voulez  denier  fa  vérité  pour  prolonger 
voftre  vie,  Dieu  vous  dcnieia:aueôtraire  fi  vous  vous  adreftez  à  luy,  il  vous  prclôgera 
vos  iours  pour  voftre  confort  &C  fa  gloire.  A  laquelle  gloircDicu  me  vueille  conduire  & 
vous  ciapres  quand  il  luy  plaira  vous  appeler.  Adieu  ma  Cœur,  mettez  voftre  efperâce 
en  Dieu  lequel  vous  donnera  fecou  rs.  Voftre  bien-aim  ee  (ccur  Iane  Dudley. 

LES  paroUcs  dites  par  cefte  noble  Dame,  quand  on  la  menoie  au  fupplicc 

-•0  m  m  e  s  frères  ,ie  fuis  adiugée  à  la  mort  fous  vneloy&  par  la  loy,nonpour  aucun 
llforfait  par  moy  commis  contre  la  maiefté  de  laRoine:(car  pour  protefter  de  mon  in- 
nocence deuant  vous  ie  ne  me  fenen  rien  coulpable  quant  à  ceft  endroit)  ains  pource 
que  contre  mon  vouloir  &:  par  force  on  m'a  fait  confentir  à  la  chofe  que  fauez .  mais  ie 
confefte  auoir  ofTenfé  mon  Dieu,pource  que  i'ay  trop  lal'ché  la  bride  aux  conuoitifes  &c 
allcchcmens  tant  de  la  chair  que  du  monde,&  n'ay  ordonne  ma  vie  félon  fa  treifainde 
volonté,&:  felô  la  reigle  qui  m'eft  enfeiencepar  fa  parolle.  Qui  eft  la  caufe  pour  laquel- 
le maintenant  le  Seigneur  me  chaftie  de  ce  genre  de  mort,ainii  que  fay  trefbien  defer- 
ui.com  bien  que  de  tout  mon  cœur  ie  remercie  fa  bénignité,  de  ce  qu'en  ce  monde  il 
:n  ottroyeefpace  de  pleurer  mes  péchez. 

Par  qv  o  y  ievous  fupplie afTe£tueufemenr>frcrcs Chreftiens,que demon viuant 
vous  priezauec  moy &pour  moy,à  ce  que  la  diurne  clémence  me  pardene  mes  péchez. 
Aulîiicvouspriemeferuirdetefmoins,qu'i-cy  iufqua  la  finie  tien  ccnftan.entiafoy 
Chreftienne,  mertanttouterefperancedemôfalutau  feul  fang  de  noftrc  Seigneur  ie- 
fus  Chrift,  A  cefte  caufe  ie  vous  fupplie  maintenat  tous  de  prier  auecques  moy,  û  pour 
moy. 

Pv  1  s  fe  tournant  vers  Feknam  luy  dit,  Vous  plaift-ilqueiediece  Pfeaume  ?  Ouyfi 
^•ous  voulez,  dit-il.  Lors  ouurant  le  liure,  recita  de  grande  affcclionlc  Pfeaume  51,0 
Dieuayc  mercyde  moy  felôtaclemécc  ,&;c.  depuis  le  commencemét  iufqucsà  iafin, 
Cela  fait  elle  (c  leua  fur  fespieds,&  bailla  fesgans  &:  mouchoir  à  dame  Tylnecfaicr- 
uante,le  liure  au  feigneur  Bruge ,  frère  de  ecluy  qui  auoit  charge  de  lacour:puis  fe  vou- 
lant delpouiller,commença  à  détacher  premièrement  (agi  and'  robbe.  Là  le  bourreau 
luy  accourut  pour  luy  aidcr:mais  elle  le  pria  de  la  laiifer  vn  peu:&  fe  tournant  vers  deux 
tiennes  nobles  feruantesfe  laifladefueftir  par  icclles.  Et  après  qu  elles  luy  eiuctoftéfes 
ornemens  &C  fon  atour  de  reftc,luy  baillèrent  le  bandeau  en  la  main  dont  elle  fe  deuoit 
fermerlesyeux.Surcclale  bourreau  fe  mettant  à  genoux  i  luy  requit  humblement  luy 
vouloirpardoner.ee  qu'elle  fit  de  bô  coeur. Puis  après  il  la  pria  le  vouloir  vn  peu  retirer 
du  lieu  où  il  mettoit  la  paille.  Ce  railant  elle  apperce ut  le  tronc  fur  lequel  on  la  deuoit 
décapiter.  Lors  elle  dit  au  bourreau, le  te  prie  que  tumedefpefchcshaftincmtnt  Les 
choies  accouftrees,laieune  princeile  feieçta  à  genoux,  demandant  au  bourreau  -.'il  luy 
trencheroit  premièrement  la  tefte  que  la  mettre  (ur  le-  bloqucau:Non,dit-iî, Madame, 
Elle c'eftant  bandée  ÔJayantla face couuertc sefena pireufemét,Que  feray-ie  me ir.re- 
nant:quemefautilfaire.?oueftcebloqueau?Surccla  l'vndesaflîftans  luy  mit  la  main 
delfus.Et  ellebaiflantla  teftc,&:fe  couchant  tout  de  fon  long,Seigneur,dit-clie,  ie  re- 
commande mon  efpric  entre  tes  mains.  Comme  elle  proferoit  ces  parolles,le  bourreau 


Lwre  I11L  J^icolas  Naii 

ayant  dcfgainc,luycoupp*  la  tcfte,  l'an  du  Seigneur,  m.  d.  l  i  i  i  i. le  douzième  de 
Feburicr.Ellc  droit  aagec  de  dix  lept  ans  quand  elle mourur,&  non  plus:delaquellc  la 
mort  eft  d'autat  plus  «à  regieter,  quelle  eftoit  douée  d'vn  exceller  Ôdingulier  efprit:(car 
elleauoit  tellement  comoinct  les  lettres  Grecques  auec  les  Latines  &  Hébraïques, 
qu'en  fi  ieune  aage  elle  pouuoit  promptement  parler  en  celle  langue  )  mais  beaucoup 
plus  pource  que  contre  le  vouloir  de  la  Rome  elle  perfeuera  en  la  vérité  de  l'Euangile, 
6C  ainfi  endura  la  mort  fansl'auoir  dcfcrui:&  de  laquelle  le  premier  motiffut  feulcmét 
pource  que  par  vue  malheuicufc  deftinee  Ton  pere  l'auoit  mariée  au  iîls  du  duc  deNor 
tumbcland. 

Prie  e  par  Ican  Brugc,  garde  de  la  tour  de  Londres,defcrire  quelque  chofe  en  fou 
liure  pour  garder  en  mémoire  d'elle,cn  peu  de  lignes  elle  luy  laiflà  ces  lentences: 

Pv  i  s  qu'il  te  plaift,Seigneurcapitaine,me requérir  queie  laine  quelques  marques 
de  ma  plume  en  vn  liure  ii  notable  qu'eft  le  tiemfatifrailant  à  ton  vouloir,premieremec 
ie  t'exhorte,&:  pour  le  deuoir  de  Chrcftienté  admonefte  q  fu  inuoques  Dieu,  afin  qu'il 
rlechi/Iètavolontéàl'obfLruanccdefaLoyjqiril  t'encourage  &c  fortifie  en  fes  voyes, 
de  peur  que  la  parolle  de  ven  te  l'oit  oftec  de  ta  bouche.  Vy  comme  fi  tu  deuois  mourir 
iournellemët  :  Meur  en  telle  iortc que  toufiours  tu  viues,fans  iamais  mourir.Quela  fra 
gile  fiancede  la  vie  incertaine  ne  t  abulc.Mathuialë  (corne  t  enfeignent  les  fain&eslet 
tres)quelquelo^tempsqu'iiaitve(cu,eltmorttoutetois,&atrouuefafin.  Et'certaine- 
ment,eomme  annonce  le  fage  Prefcheur,il  y  a  temps  de  naiftre&:  temps  de  mourir:  àc 
edetj     vaut  mjcux  ic,oul-jc.  la  mort  que  celuy  delà naiifance. 

NICOLAS  NAlU«^i»<. 

I1  VIS  que  les  aduerfaires  trauaillcnt  de  plus  en  plus  tant  qu'ils  peuuent  de  trouuer  nouueaux  tourmens  pour  exécuter  leur 
rage,  ce  nous  foit  pour  enfeignenient  de  nous  fortifier  rantplus,&  apprefkr  à  patience  &  fermeté  nos  amcs&nos 

corps. 

M.d.l.iii.  v^^^^i^I  COLAS  Nail  natif  du  Mans,compagnon  cordonnier,ayantdemouréà 
Laufanne,s'adujia  de  mener  en  la  ville  de  Paris  quelque  quantité  de  liures 
%dc  la  fainetc  Eiciiture,  imprimez  à  Geneue  i& fut  cenftituéprifonnier  le 
&  Mardi  x  1 1 1  i.dcFcurier,  l'an  m.d.l  m.  Lequel  après  auôir  maintenu  la 
pure  cognoi/Tance  de  la  do&rine  de  l'Euangile ,  a  cfté  aflailly  en  la  prilon  par  horribles 
tourmens,afin  de  luy  raiie  nommer  ceux  à  qui  il  auoit  vendu  des  liures .  &:  côbien  qti'i- 
ceux  tourmens  en  la  gehéne  luy  ayét  efté  réitérez  iufques  à  luy  dilToudre  les  membres, 
neantmoinsil  demeura  conftant  fans  mettre  en  danger  aucun  fidèle. 
Nouuraux  De  i'  v  i  sellantcôdamneàeftrebruiîé  vif, auatqueletirerdelaprifonpourle  me- 
tounnens.  ner  en  la  place  Mauberr,licu  du  fupplicc,on  luy  mit  vn  baillô  de  bois  en  la  bouche,atta 
ché  par  derrière  auec  cordes,&:  de  telle  forte  eftreint ,  que  la  bouche  de  grande  violéce 
luy  faignoit  des  deux  coftez,&:  la  face  par  grade  ouuerture  de  la  bouche  eftoit  hideufe 
&c  defiguree.C'a  efté  le  premier  en  la  ville  deParis  auql  cefte  nouuellc  efpece  de  cruau- 
té a  efté  faite.Et  côbien  qla  bouche  luy  fuft  en  cefte  forte  bouclée,  fi  ne  lai/Toit-il  point 
par fignes&: regards  conunuelsauciel,dedonneràcognoiftie  l'efperance  &c  foy  qu'il 
auoit:dc  manière  qu'eftant  venu  à  l'endroit  de  l'hoipital  qui  eft  nommé  L'hoftel-dieu, 
on  le  voulut  forcer  de  prier  en  paiTant  l'idole  d'vne  Noftre-dame,qu'ils  appellenttmais 
cefainctperfonnagedetoutclaforccquiluyreftoit,  tourna  le  corpsd'cntre  les  mains 
du  bourreau  qui  lepre/lbit,&  monftra  le  dos  à  l'idole .  Le  populace  efmeu  de  rage  du 
mefpris  de  leur  idolc,commença  à  s'eferierôde  vouloir  outrager,n'ayant  cfgard  qu'il  c- 
ftoitprochaindc  la  mort. 

Ame  n  e  qu'il  fut  audict  lieu  du  fupplice,on  le  traita  fort  cruellement,  car  auantqu  - 
eftre  attaché  pour  le  guinder  en  l'ai  r,le  corps  luy  fut  graifTé  ,  &puis  la  poudre  de  foul- 
fre  mife  par  delTus:tellement  que  le  feu  à  grand  peine  auoit  prins  au  bois ,  que  la  paille 
flamboyante  faifit  la  peau  du  poure  corps,&;  ardoit  au  de/Tus  fans  que  laflambe  encore 
penetraft  au  dedans. En  ce  tourment  le  Seigneur  luy  redoubla  fa  confolation  Ôt"  aflîftca 
ce:car  il  luy  fit  la  grâce  au  milieu  de  ce  tourmét  d'inuoquer  fon  fainct  nom  à  haute  voix, 
quifutouyeaumilieudufcur&ce  fut  après  que  les  cordes  qui  tenoyent  le  bâillon  fu- 
rent bru/îees,afTcz  bonne  efpacedeuant  que  ce  Martyr  expiraft. 

ANTOINE 


ANTOINE    MAGNE,  A'^uucr&c. 

Quelque  différent  qu'aycnt  entr'eux  Icscnnemis  Je  vérité,  nous  voyons  couecsfois  que  finalement  ils  s'accordent  i  vn,e  chofe, 
"""  c'eft  affauoir  i  perlécuter  Ielus  Chrilt  en  fes  membres. 

E  perfonnage  allant  d'OrJcac  aux  montagnes  d'Auucrgne,  apporta  les  M.p.L.111- 
nouuelles  àTEgliledc  Geneue,de  l'emprilonnementdu  lutdit  Martyr  &C  d'- 
autres, d'vnmcfme  temps  détenus  à  Paris  pour  la  parollcdu  Seigneur,  afin 
de  les  recommader  en  particulier  aux  prières  des  fidèles,  Toft  après  retour- 
nant en  France  pour  quelques  affaires, fut  appréhendé  en  la  ville  de  Bourges ,  ayat  elle 
trahi  par  certains  Preftres,qui  le  liurerér  entre  les  mains  de  l'OfticiaUenuiion  trois  heu 
res  après  qu'il  fut  arriué  en  ladite  ville  de  Bourgcs,le  19.de  Mars,  m.d.li  1 1.  Mais  quel- 
ques iourspailez,  il  fut  ofté  par  les  gens  du  Roy  audit  Bourges  des  mains  &c  priions  du- 
did  Officiai,  &C  depuis  mené  à  Paris  :  où  il  receut  fentenec  de  mort,  après  auoir  fait  con, 
feflîon  entière  de  la  foy,&:foultcnu  griefs  outrages  &  tortures  en  laprifon.  Il  eut  la  lan- 
gue coupée, &  fut  bruflé  vif  en  la  place  Maubert,  le  x 1 1 1 1  .de  Iuin  l'an|fufdid. 


GVILLAVME    NEE  L,  de  Normandie. 

Pour  vne  mefine  caufe  que  l'autre  fufdit,  ceftuy-cy  auffi  fut  arrefté  prifonnicr.  Ses  eferirs  dcmonftrent  h 
confiance  &  pureté  de  foy. 

^  N  T  R  E  ceux  qui  ont  grandement  édifié  les  fidèles  efpars  au  pays  de  Nor- 
mâdie,&  par  doctrine  &:  par  exéplc,Guillaume  Neel  ne  doit  eltre  oubliéde- 


jquel  ayât  efté  de  la  fede  des  Auguftîs,apres  que  le  Seigneur  luy  eu  t  fait  grâce 
^gjtde  cognoiftre  fa  verité,neceiîa  par  tous  moyens  à  luy  pofïïbles ,  d'enfeigner 
la  doctrine  de  l'Euangile.  Aduint  au  mois  de  Feuricr,  qifcitat  party  de  la  ville  de  Roua, 
doùileftoitnatif ,  vint  à  Eureux:&;  comme  il  fut  arriué  à  vne  bourgade  nommée  No- 
nancourtjilcntraen  la  tauernepour  prendre  fa  réfection  ,&  trouua  plufieurs  preftres 
yurongnans&  menans  vie  dilToluè,leiquels  il  reprint  &c  admonnefta  auec  grande  mo- 
deftic,  comme  il  a  cité  prouué  qu'il  raifoit  par  les  logis  où  il  pa/Toit.  Voyant  ces  preftres 
tant  defbordez ,  il  fe  mit  à  taxer  non  feulement  leurs  vices,  mais  aulîl  leur  dodrine:  tel- 
lement qu  vn  nommé  Lcgoux,doyen  d'Illiers)eftât  là, le  fit  mettre  prifonniet,&mencfr  doy^n*<Vïi 
âEureux,auquel  lieu  eftant  en  laprifon  de  l'Euefque,  fut  prefenté  poureftre  examiné  lier  • 
deuantle  PenitcntierduditEureux,nomméM. Simon  Vigor,hommequi  aleu  les  li  y-gô^r 
ures  de  ceux  de  ce  temps  qui  ont  purement  eferit  delà  religion  Chreftienne:&:  côbien 
que  l'ambition  &auaricel'ayent  du  tout  tranfporté,  fi  eft-il  du  nombre  de  ceux  qui  ne 
veulentpointauoirlenomdc  brufler& perfccuterles  fidèles. 

Ledit  Neel  eftant  deuantluy,confeiTa  la"  vérité  de  tous  les  articles  non  feulement 
defquels  il  fut  enquis ,  mais  aulîï  propofa  tous  ceux  que  les  Papilles  fauffemét  fouftien- 
nent,  les  réfutant  par  texte  de  l'Efcriture:&  ce  fit-il  non  feulement  par  vn  îour  ou  deux, 
mais  prcfquc  tous  les  jours  du  Quaref  me:  durant  lequel  temps  ledit  Pcnitentier  s'adon- 
na àdifputer.  contre  luy,&:  neantmoins  nepouuoitrien  gagner:  car  ledit  Neel  demeu- 
roit  ferme  ôc  confiant  en  la  vérité.  Plufieurs  fois  ce  Pcnitentier  luy  remonftroit,&  fore 
doucement  l'exhortoit  de  fe  defdire,  8£  qu'il  luy  feroit  fauuer  la  vie. 

Qv  e  l  qj  e  fois rcucfquedudit  Eureuxfc  trouuantà  l'examen  dudit  Neel, quand  le 
Penitentier  voyou  qu'il  ne  gagnoit  rien  fur  ledit  Neel, luy  diioit  ces  parollcs:Mon  amy, 
ne  dites  rien  contre  voltre  confcience.  Et  après  que  par  tant  de  fois  il  eut  réitéré  les  ex- 
aminations,Neel  pour  obuier  à  toutes  palliations  &:  delguifemés  de  la  vérité  que  ledit 
Penitentier  pretendoit,fupplia  qu'il  luy  f  uft  permis  en  fomme  mettre  par  e  icrii  rout  ce 
qu'il  fentoit  de  la  dodrine  qu'il  tenoir.alleguant  que  fouuent  on  deprauoit  les  refpô&s  j£  rjJ,^ 
d'vn  prifonnier,ou  mefme  que  leprifonnieraucunesfois  fe  defdifoit  corne  n'ayant  ainli  nien  font 
dit.  Ce  Penitentier  fut  de  ceft  aduis,  moyennant  que  ce  fuit  dedans  certain  iour  :  telle-  fc"""*  ar- 
ment que  ledit  Neel  ayant  cefte  permiflion,  employa  le  temps  qui  luy  fut  dôné,  à  met-  Vuuçes' 
tte  par  eferit  ce  qu'il  fentoic  de  la  foy  ôc  religion  Chreftienne,  fuyuant  les  principaux 


L/aro  ////•  Çuillaumc-s  Neel. 

articles  fur  lcfquels  il  auoit  cfté  interrogué.  Et  côbien  que  ce  n'ait  efté  fans  grande  pro- 
lixité, neantmoins  le  lecteur  Chreftien  prendra  le  tout  de  bonne  part,  cognoiffant  qu'- 
au fidèle  eftant  ainfi  détenu  par  les  ennemis ,  ne  refte  que  cefte  feule  confolation ,  c'eft 
de  pouuoir  parler  de  fon  Dieu ,  &  mettre  par  eferit  chofe  qui  foit  à  fa  louange  &c  gloire. 
Parquoy  de  mcl'me affection  pourra  eftre  receu  ce  que  nousauons  icyaffemblé  des  e- 
ferics  d'iceluy  Neel.  En  premier  lieu  ayant  efté  interrogué  de  ce  qu'il  fentoit  du  Sacre- 
ment de  l'autelf  qu'ils  appelent)a  dit  par  eferit  ce  qui  s'enfuit. 
Rcfponfcs  L  a  vraye  inftitution  de  la  Cene.  eft  que  Iefus  Chrift  print  du  pain,ôc  le  rompit ,  &:  a- 
deCNeel.  près  auoir  rédu  grâces, dit,PreneZic'cft-cy  mon  corps  qui  fera  liuré  pour  vous.  faites  ce- 
cy  en  ma  mémoire.  Pareillement  du  calice,  dit,Tenez,  prenez  tous  :  c'eft  cy  mon  fang 
qui  fera  pour  plufieurs  refpâdu  en  la  remiffion  des  péchez.  A  ces  paiolles  nous  conuiét 
regarder  de  pres,pour  la  vertu  &:  dignité  d'icelles.  car  tantplus  la  chofe  eft  haute  &:  pre 
tieufe,  tant  plus  fe  raut  efforcer  de  la  garder  en  fonentier,depcurde  la  corrompre.  Or 
Iefus  a  inftitué  &c  ordonné  ce  Sacrement  à  fon  Eglife,  pour  luy  réduire  en  mémoire  qu- 
elle eft  rachetée  de  la  mort  de  péché  par  l'oblatidn  qu'il  a  faide  luy-mefmc  de  fon  pro- 
precorps:commedit  l  Apoftre  en  fon  epiftreaux  Hebrieux,  queluy-mefmes  eft  offert 
vnc  fois&:  que  plus  ne  mourra,dit  S.  Paul  Venons  doc  à  regarder  de  près  à  ces  parolles, 
potar  auoir  mémoire  qu'il  a  refpadu  le  fang  de  fon  corps,lequel  il  a  offert  à  Dieu  fon  Pè- 
re pour  la  rem  iffion  des  péchez  de  fon  Eglife,  pour  la  fauuer  éternellement.  En  cette 
faincte  Cene  Iefus  Chrift  fe  môftre  maiftre,&  l'Eglife  luy  doit  toute  obeiffance:&  com- 
me l'office  du  maiftre  eft  de  commandcr,roffice  de  la  feruante  eft  d'ouir,&  faire  ce  que 
fon  maiftre  luy  a  commandé.  Iefus  Chrift  en  fa  Cene  fe  monftre  eftre  cfpoux  de  fon  E- 
gIife,laquelleilaprifepourfalegitimecfpoufè.orroffice  d'vne loyale efpoufc, c'eft  de 
confentir  &:  faire  le  bon  vouloir  de  fon  eipoux.que  fi  elle  fait  autremcnt,ellc  ne  fera  pas 
loyale,humblc&obci(fante,ainsfaufle,orgueilleufe&:  defobeiffante.Item  Iefus  Chrift 
en  fa  Cene  monftre  office  de  pere,qui  eft  de  nourrir  fes  enfans  i  ce  qu'il  fait  en  donnant 
aux  fiens  fon  corps  ôc  fon  fang(fignifiez  par  le  pain  &c  le  vin)  qui  eft  vnc  réfection  incor- 
ruptible &C  eternelle.il  eft  dit  qu'il  a  pris  du  pain  &  du  vin;difanr,C'eft  mô  corps  &:  mon 
fang:mangez  &:  beuuez-en  tous.où  il  faut  entendre  que  Iefus  Chrift  veut  enfeigner  fes 
difciples  à  comprendre  l'inftruction  qu'il  leur  faic,cognoiffant  l'ignorance  d'iceux,&;  la 
rudeffe  de  leur  efprit ,  les  voyant  eftre  plus  charnels  quefpirituelsxomme  fouuetesfois 
de  ce  les  a  repris.  Et  à  vray  dire,  nul  ne  fauroit  comprendre  les  chofes  celeftes  &  fpiri- 
tuelles,pource  que  nous  lomes  de  nature  charnels,mais  il  faut  que  Dieu  feul,lequel  eft 
tout  fpirituel,donne  à  entendre  les  chofes  fpirituellcs.Ce  qui  appert  de  Nicodeme,qui 
fwn3.  eftoit  grad  docteur  de  la  Loy,&  toutesfois  ne  pouuoit  comprendre  cefte  chofe  dite  par 
Iefus  Chrift, qu'il  falloir  naiftre  derechef,  pour  entrerau  royaumedes  deux. Iccluy  doc 
ayat  cognoilfance  de  noftre  îmbecillité^pofe  en  fa  Cene  vnc  chofe  vifible  &c  palpable 
à  nos  mains,  pour  nous  faire  entédre  vne  chofe  inuifible  qui  nourrit  nos  ames  :  q.  eft  fon 
corps  &C  fô  fag,  q  no9  ne  pouuôs  voir  ne  toucher  finô  par  foy,laqlle  y  eft  fur  tout  requife. 

1' a  y  dit  que  Iefus  Chrift  en  fa  Cene  fe  môftre  Maiftre,Efpoux  &C  Percen  difant, Pre- 
nez &:  m  angez,c'eftcy  mon  corps.Qui  voudra  donc  eftre  receu  de  Icjiis  pour  feruiteur 
obeiffant,pour  efcolier,  pour  fils,  il  luy  conuient  prendre&:  manger  fon  corps,&:  boire 
fon  fang  côme  il  commande^  non  pas  comme  les  Scribes  &  Phariliens  ont  eftimé,  ne 
penfans  à  autre  manducation  que  des  dents  &  de  la  gorgc,comme  la  chair  fe  mange& 
le  vin  fe  boit,  mais  regardons  que  Iefus  en  prefentantdu  pain,  monftroit  que  fon  corps 
eftoit  le  vray  pain  celcfte  qui  feul  nourrit  l'âme ,  côme  le  pain  matériel  nourrit  le  corps, 
&C  en  prefentant  le  vin,monftroit  que  fon  fang  eftoit  le  breuuage  de  noftre  ame  altérée 
parla  fechereffede  péché. fon  fang,  dy-ie,  nous  réconforte  &c  refiouit,  entant  qu'il  ofte 
le  péché,  qu'il  efchauffe  l'ame  de  vray.zcle& affection  :  comme  le  vin  ofte  l'altération, 
efchauffe  &  fortifie  le  corps.  A  utrement  nous  prcndriôs  la  Cene  indignemenr,  fi  nous 
ne  regardions  à  ce  que  Iefus  Chrift  nous  offre  :  affauoir  fon  corps  &:  fon  fangpour  fpiri- 
tuelle  nourriture,  car  l'ame  ne  vit  point  de  pain  &:  devin  matériel,  defquels  le  corps 
préd  fubftancc:d'autant  qu'elle  eft  efprit.  I'ay  dit  aufïi  qu'il  faut  obéir  à  Iefus  Chrift,qui 
a  dit,Prenez  &:  mangez:&:  non  poinr,  Prenez  mon  corps,  $£  l'offrez  en  làcrifice  pour  la 
remiffion  despechez,&  puis  le  mâgez:car  celafcntiroit  encore  fa  vieille  Loy,en  laquel- 
le les  Preftres  &C  Sacrificateurs  prenoyent  les  gblatiôs  des  beftes,  defquelles  après  lesa- 
uoir  offertes  en  oblation,en  mâgeoyent  certaine  portion,&:  brufloyet  les  autres:^  tout 

cela 


Çuillaume  J\(êel.  z?a 

cela  eftoit  la  figure  de  l'oblation  que  Iefus  Chrift  a  faite  luy-mefme  en  Ton  corps,par  la- 
quelle il  a  confommé  le  falut  deybien-hetireux.  Et  pource  qu'icellc  vne  fois  faite,  eft  e- 
t ernclle ,  qui  gardeles  elleus  non  feulement  en  ce  monde,  mais  en  la  vie  éternelle:  l'of- 
fice des  Chrelticnsift  de  prendre &c  manger,  &:  non  pas  de  l'offrir:  veu  que  Iefus  Chrift 
s'eit  offert  lby  mefme.  Parquoy  ne  fruftrons  noftre  elpritde  la  nourriture,  laquelleil  re- 
çoit par  foy:&:  recommandons  noftre  cfprit  &:  noftre  corps  au  Pere ,  en  vertu  de  la  iâin- 
tte  oblation  de  fon  cher  Fils ,  qu'il  a  rcccuc  vne  fois  pour  la  fatisfaction  de  tous  nos  pé- 
chez .  car  ayant  reccu  celte  oblation, il  nous  a  receus  enfemble  pour  iuftes  &:  agréables: 
entant  que  Iefus  Chrift,en  ncus  donnant  l'on  corps&:  fon  fang  poumoftre  rcfcctiô:s'tft 
donc  à  nous  auectout  ce  qui  eft  ficiv.auquclgloire&  honeui  loi c  eternellcmcr,  Amen. 

Il  futadiutc  de  dire  s'il  ne  croyoit  pas  que  le  corps  dclclus  Chrift  eftoit  au  Sacremét  Toudunr 
de  lautcl  realcmcm  &  de  faict ,  comme  il  ibrtitdu  ventre  de  la  vierge  Marie,  comme  il la  re^eti4 
prefchoit, comme  il  mangcoit&:  beuuoit  en  laCcnc,&  corne  il  eftoit  en  la  croix  :  &  s'il  C°  f 
ne  croyoit  pas  qu'il  falloir  ainli  le  manger  au  Sacrement.  Il  rcfpondit  qu'il  ne  pouuoic 
comprendre  ces  chofes  eftre  en  la  forte  au  facrement  de  la  faindeCcne  de  Iefus  Chrift: 
car  fi  ainli  eftoit(dit-il)  nous  ne  ferions  point  rachetcz,&:  l'Efcriturc  {croit  menteufe ,  Ô£ 
noftre  foy  vaine,  car  Iefus  Chrift  cftantforti  du  ventre  de  la  Vierge,  fut  fuiect  à  allaiter 
fa  mere:&:  en  prefehant,  eftoit  fubiect  à  faim,foif,chaud,  froid ,  &c  à  la  malédiction  de  la 
croix,pource  qu'il  eftoit  mortel  &:  non  refufcité.Or  eltant  tel,  nous  ne  ferions  point  af- 
franchis de  la  mort  en  la  vierveu  que  pour  eftre  rachetez,  il  falloit  qu'il  mouruft  &ù  refu- 
feitaft  de  mort  en  vic.c'eft  dôc  herefie  manifcfte&  deteftable,  de  dire  qu'il  faut  eftimer 
en  celte  forte  le  corps  de  Iefus  Chrift.  le  confefTe  bien  qu'il  a  le  mefme  corps  qui  eft  for- 
tidu  ventre  delà  Vierge,  lequel  il  a  elleuéàladcxtredeDieulcPere.maisladirFeicce 
des  qualitez  du  corps  &  de  la  manducation  cft,que  nous  ne  le  mangeons  pas  comme  il 
eftoit  lortant  du  ventre  de  la  vierge  Marie, mais  comme  il  eft  feantàladextre  de  Dieu 
fon  Pere:autrement  le  facremét  de  laCene &c  du  Baptefme  ne  feroyent  point  facremés; 
entant  qu'ils  ont  leur  vertu  en  l'effuiion  du  lang  de  Iefus  Chrift,  &c  en  fa  mort  &C  refurre- 
t~tion.&:  que  partant  leur  dire  eftoit  heretique:auquel  pour  tourmét  quelcôque  ne  croi- 
roit,ny  adhereroit  tant  qu'il  viuroit  au  monde. 

Dv  Purgatoirc,interrogué  s'il  ne  le  croyoit  pas:Refpondit  qu'il  ConfefToit  &foufte-  DuPurga^ 
noit  pour  mourir,  que  le  fang  de  Chrift  efpâdu,eft  le  feul  &c  parfaid  Purgatoire,qui  pur  toue' 
gc  les  ames  des  enfans  de  Dieu  de  tous  pechez,comme  il  appert  aux  Hebricux,&:  en  la  Hebrj.5.*. 
Canonique  de  S.Iaques:monftrât  par  ces  partages  qu'après  que  l'homme  Chreftien  eft 
mort,il  eft  purge  de  tout,&  entre  au  repos  incontinct  que  l'efprit  eft  parti  de  fon  corps. 
Il  eft  efcritjOù  l'arbre  tombera ,  au  lieu  mefme  il  demourera:c'eft,ii  l'homme  ne  meurt 
en  la  grâce  de  Dieu, il  demourera  au  heu  où  il  n'y  a  point  de  grâce ,  qui  eft  enfer .  car  dit 
S.Paul,par  la  grâce  de  Dieu  vous  cftes  fauucz,  par  la  foyx'eft  don  de  Dieu ,  non  par  les  Epkef.t. 
ceuures,afîn  que  nul  ne  fe  glorifie.  &:  en  autre  lieu,  Selôfa  mifericorde  il  nous  a  fauuez.  TJk 
Ccluy  qui  meurt  ayant  obtenu  grâce  Se  mifericorde  de  Dicu,puis  qu'il  eft  purifié  de  fes 
péchez, ne  fera- il  pas  fauuércela  eft  tout  certain.  Iefus  Chrift  a  dir,  le  fuis  la  refurrection  lemu. 
&:  la  vie .  qui  croit  en  moy  ,&  fuft-ilmort  ,il  viura:&:  celuy  qui  vit  &c  croit  en  moy ,  il  ne 
mourra  iamais.IefusC  hrift  le  dit  eftre  la  relurrcttio&la  vic:puis  il  propofe  deux  morts, 
l'vnc  corporelle^  l'autre  éternelle. Quand  il  fe  confelfe  eltre  la  refurrect  ion, il  ne  parle 
point  de  la  générale, en  laquelle  tous  refufciteront:mais  non  pas  à  la  vie,  aflauoir  les  re- 
prouuez,pa;  ce  qu'ils  font  mores  delà  mort  féconde  où  il  n'y  a  nulle  vie. il  s'enfuit  donc 
que  les  parollcs  de  Iefus  Chrift  font  dites  pour  ccluy  qui  meurt  en  foy, lequel  Iefus  refuf- 
cite  de  ceîte  mort  corporelle  en  la  vie  éternelle :comme  il  fe  déclare  incontinét,difant, 
Qui  croit  en  moy,&:  fuit  il  mOrt,llviura:demonltrant  que  le  corps  mort,incontinêt  1'-  kan^; 
efprit  commence  de  viure.  s'il  vit,c'eft  de  la  vie  éternelle  :  en  laquelle  n'y  a  nulle  peine 
de  Purgatoire  ne  d'autrc,commc  il  moftre  après, difant,Ft  ccluy  qui  vit&croitcnmoy, 
ïamaisne  mourra,dc  la  mort  féconde  qui  eft  enfer.  Au  mefme  Euangilc  eftefent,  Qui 
croit  au  Fils  de  Dieu, il  a  vie  eternelle.écne  viendra  point  en  iugement,  mais  pallcrade 
la  mort  à  la  vie.  Voyez  par  tant  de  paifages,  comme  à  celuy  qui  croiriln'y  a  nul  Purga- 
toire après  fa  mort:car  ii  en  ellant  viuant ,  la  vie  luy  eft  u  donnée  éternelle ,  en  partant 
donc  du  mon  Je,ii  r,  ç  31 1  pleine  pofleiTion  du  don  que  Iefus  Chrift  luy  auoit  promis,en- 
oi'c  viuant  au  mondc.&:  qu'il  foitainii,Iefusleteftifie,difant,iMrf«//  ptjfede  U  mont  à  U 

■'tc-.&c  eft  certain  que  la  mort  corporelle  eft  vn  paffage,par  lequel  l'e  fprit  entre  en  lavie.  . 


Litfro  ////-  Çuillaume  SsQel. 

u  m  5.     11  cft  efcrit  en  la  Canonique  de  S.Iean,que  Dieu  nous  a  donc  la  vie  eternellc:&:  que  ce- 
Aj.ocal.14-  fte  vie  eft  en  fon  Fils,  cm  1  a  le  Fils,  il  a  la  vie  éternelle,  Il  eft  dit  en  VA  pocalypfc,  Bien- 
heureux'font  ceux  qui  meurent  au  Seigneur.  Ceux  qui  meurent  au  Seigneur,  ce  font 
ceux  quicroyenr  en  luy. or  dit-il  qu'ils  font  bien  heureux  :  &:  nul  n'eft  bien  heureux,  s'il 
n'eft  en  la  vie  éternelle .  ceux  donc  qui  meurent ,  &  vont  en  vn  autre  heu ,  ne  font  pas 
bien-heureux.  le  ne  veux  pas  dire  que  combien  que  le  fang  de  Iefus  Chnll  purge  nos  a- 
mes  de  tout  peché,nous  nedeuiôs  foufFrir  peines  en  ce  môde:&da  raifon  eft,qu'enDieu 
La  peines  il  y  a  à  confiderer,  aflauoir  iufticc  &  mifericorde.  Par  fa  iuftice,  iuftement  nous  fommes 
quefouffrét  tous  dancZ:  mais  par  la  mil'ericorde  qu'il  fait  à  ceux  à  qui  il  vomira  faire  mifericorde,  il 
"         châgelespeincseternelles,deués  pour  leurs  péchez, en  peines  coi  poicllcs ,  corne  il  cft 
manifefte.Dauidapresauoircômisadulterc,n'auoit  il  pas  mérite  *i'cftre  damne  ; car  il 
i.Cox.6.     cft  efcrit  que  les  adultères  &:  fornicateursiamais  n'entreront  au  royaume  des  cicux:tou 
tesfois  Dauid  n'eft  point  damné,  mais  fauué  parla  mil'ericorde  de  Dicu,qui  luy  a  chan- 
gé fes  peines  éternelles  en  peines  temporellesrcôme  quant  (on  enfant  mourut ,  dont  il 
en  porta  triftelle&:  angoifle  grande  en  fon  cccur.Item  pour  auoir  commis  vnc  autre  of- 
fenfe,  grande  multitude  de  peuple  mourut  de  pefte .  &.  ainfi  de  tous  les  enfans  deDieu, 
lcfqucls  il  chaftie  en  ce  monde  par  diuers  tourmés,cômc  bon  luy  lcmble  :  il  les  métaux 
tourmens,  corne  en  vnc  fournaife,pour  eftre  efprouuez&:  refondus.  Et  cela  fait  noftre 
Bebr.ii.    t,on  £)1CU  &  Pere,pour  vn  grand  amour  qu'il  nous  portercar  il  cft  ditjl  chaftie  ceux  qu - 
Abacucz    il  aime,  lcfqucls  en  fentant  fa  verge,  fe  retournent  à  luy  d'vncceur  contrit,  luy  deman- 
dant mifericorde.  Le  Prophète  dit,Leiufte  vit  de  fa  foy.puis  qu'il  cft  iufte,&:  qu'il  vit  en 
ce  monde:cn  forçant  dudic  monde,  ne  viura-il  point  d'vne  plus  parfaite  vierNul  ne  fau- 
roic  denier  ce  fait,s'il  n'eft  aduerfaire  de  vérité.  le  dy  donc  pour  conclufîon ,  que  ieme 
contente  pour  mon  purgatoiie,du  fang  de  IefusChrift:car  il  cftfeulfuffiiànt.quines'en 
contentera,  fi  lelaiffe.  Pour  prouuer  le  leur,  ils  allégueront  S.Paul  aux  Philippiens,  di- 
fant,  Tout  genouil  ploye,celefte,tcrreftrc  &:  infcrnal:&  que  l'enfer  cft  leur  purgatoire. 
R.  SainctPaulne  parle  point  de  ce  purgatoire,  mais  veut  monftrer  rcxcellence  de  la 
gloire  &:  triomphe  que  lefus  Chrift  a  obtenu  par  la  mort  de  la  croix  :  en  forte  que  toute 
créature  eft  côtrainte  tant  Angélique  qu'humaine&:  infernale,  affauoir  les  diables,  de 
côfeflcr  que  IefusChrift  par  fa  victoire  eft  moté  aux  cieux,en  la  gloire  deDieu  fon  Père. 

On  luy  piopofa  ce  dire  ancien ,  qu'on  ne  crôiroit  point  à  l'Euangile ,  fi  l'Eglife  ne  l'a- 
uoitreceupour  Euangile:  il  refpondit,  L'Euangile  cft  d'vne  fi  grande  vertu  &c  dignité, 
qu'il  n'a  befoin  d'aucune  créature  qui  (oit  au  ciel  ny  en  la  terre  :  entât  qu'en  luy  font  ca- 
chez les  threfors  &c  richeifes  de  Dieu,  aftauoir  les  promefTcs  de  la  t cmifîion  des  péchez 
&  du  repos  éternel  par  fa  mifericorde. Si  par  viue  foy  nous  recelions  ce  S.Euangile  pour 
Euangile  de  falut  &:  parolle  de  vie  éternelle,  il  ne  fera  point  trouuc  vn  autre  euangile 
qui  ait  cefte  dignité  &  puiftance  defauuer  les ames, félon  le  tefmoignage  des  Apoftres, 
lefquels  n'auoyent  nulle authorité,  dignité  ne  pui/fance,prcmicr  que  Icfus  les  euftap- 
pelczjcarilscftoyentpoures  pefcheurs,  quin'auoyent crédit  ne  vertu, commegens  qui 
eftoyét  idiots  :  mais  après  que  le  bon  plaifir  de  Icfus  Chrift  a  efté  de  les  appeler  &  pren- 
dre pour  fes  Apoftres ,  alors  il  les  a  efteuez  en  telle  dignité  &:  puiftance  par  fon  Euâgile 
qu'il  les  a  faits  (es  ambanadcurs&legaCs  pour  porter  Ion  Nom  parle  monde  vniuerfel, 
Marc  16.  difant,  Allez,  prefehez  l'Euangile  à  toute  creaturerqui  croirai  fera  babtizé, fera  fauué: 
&  qui  ne  croira  point,  il  fera  condané.  Voicy  les  Apoftres  qui  font  par  l'Euangile  con- 
ftituez  en  puiftance  tclle,que  ce  font  ceux  par  lefquels  Iefus  Chrift  a  voulu  planter  fon 
Eglife  vniuerfelle:ce  font  ceux  qui  ont  receu  expiez  commandemét  de  Iefus ,  d'inftrui- 
rc  tout  le  monde  par  ceftEuangilc,qui  eft  la  parolle  de  Dieu  fon  Perc,difant,  Ainfique 
lunio.  mon  Pere m'a cnuoyé, ainfi îe  vous enuoye,  &c.  or  il  cft  certain  que  cefte  puiftance  de 
remettre  les  péchez  n'appartient  nullement  à  la  puiftance  de  l'homme ,  mais  à  la  puif- 
fance de  Dieu, car  il  eft  efcrit  au  Proph.Ifaie,parlât  en  la  perfonne  de  Dieu, le  fuis  celuy 
qui  efface  les  iniquitez  pour  l'amour  de  moy,&n'y  en  a  point  d'autre. En  S.Ica  eft  efcrit, 
q  les  Scribes  ÔcPharifiés  not  pas  dit;No9pardônons  les  pechcz,&remcctôs  les  péchez, 
mais  ils  ont  bien  dit, Qui  eft-ce  qui  pardône  les  pechez,finô  le  feul  Dieu?&  mcfme  quâc 
à  la  vertu  des  miracles,lcs  Apoftres  côfeffenc  que  ce  n'eft  pas  d'eux ,  mais  de  Iefus  par  fa 
flftes.j.  parolle  qu'il  leur  a  baillée  pourporcer:  Ainfi  ledirenc  S.Pierre  &:  S.Ican  au  boiteux  qu'- 
ils guérirent.  De  dire  doc,  le  ne  croiroye  point  à  i'Euâgile,ii  l'Eglife  n'auoit  receu  l'Euâ 
gilc:c'eft  monftrer  par  ces  parolles  qu'ils  ont  plus  de  puiftance  que  la  parolle  de  Dieu, 


•  comme  s  ilsdifoyeit»Nous  qui  fom  nies  legïrfcfi  nous  euffions  teiette'  l'EuangiJe ,  elle 
ne  feroît  point  Euangile:au  contraire  de  ce  que  les  A  poftres  ont  côfe/fé,difims,Ce  n'eft 
point  nous  quifaifons  ces  chofes: car  nous  fomroes  fcmblables  à  vous  :  mais  c*eft  par  le- 
fus Chrift  qui  nous  a  baillé  fa  parolle,par  laquelle  nous  vous  moudrons  la  puuTancc,cô 
bien  que  vous  l'ayez  crucifié.  C'eft  icy  la  confeflïon  des  Apoftres  qui  eftoyét  la  primiti- 
ue  Eglifc,&:  yne  congrégation  fi  fainde(apres  qu'ils  eurét  receu  le  S.Efprit)  que  telle  ne 
feraiamais  trouuce:lefquels  toucesfois  n'ont  rien  entreprins  de  commander  plus  que  1'- 
Euangile  de  lefus  leur  commmdoit:car  les  Apoftres  cftoyentambafladeurs  duS.E-  Aftesij. 
fpritjquilesfaifojtparle^côm^iJ^nrdic,  Ilafcmbl©bonauS.Efprit&ànous:cemott 
Et  à  nous,ils  ne  le  prennent  pas  par  préemption  :  mais  cft  vn  mot  dç  grande  humilité: 
voulans  dirc,Il  a  le  m     Don  au  *  Efprit,  &c  à  nous  qui  nous  côformons  àfon  vouloir,ÔC 
parlons  par  lny.autremcnt  ne  le  pourroit  accorder  ce  que  lefus  dit  d'eux,Ce  n'eft  point 
vou$  qui  parlez,mais  c'eft  l'Efpric  de  Dieu  mon  Pere,qui  parle  p^r  vous.il  s'enfuit  donc  Mattlue. 
bien  qu'ils  attribuent  toute  authorité  à  la  parolle  de  Dieu,  qu'ils  ont  receuë  par  lefus 
Chrift:& ne difent ppint,Nous qui fommes l'egîife,fi nous  n'euiTions receu  l'Euangile, 
l'Euangile  ne  feroit  point  Euangile:eux,dy-ie,qu \  eftoit  la  plus  parfaite  eglife  qui  fut  &: 
fera  iamaisxar  ils  n'ont  prcfché  ny  çferit  chofe  qui  ne  foit  parolle  de  vie  &c  Euangile  de 
falut:ce  qu'on  ne  fauroit  dire  deceux  qui  difentque  l'Euangile  ne  feroit  Euâgilc  s'ils  ne 
l'euiTent  receu.  Iln'yapointdepuùîançeenrEglifc  de  lefus  Chrift  que  par  fa  parolle: 
comme  nous  auons  dit ,  que  la  puiffance  de  lier  te  deflicr,  remettre  8c  retenir,  n'a  point 
efte  dônee  aux  Apoftres  ny  à  leurs  fuccefleurs ,  qu'en  vertu  d'icelle  parolle  de  Dieu,qut 
eftla  clefquiouurc&  ferme  le  royaume  des  cieux  à  ceux  qui  la  reçoyuentou  reiettent.  £  pîX^ 
Or  eft-ileuident  que  l'Eglife  de  lefus  Chrift  n'a  point  d'autre  bafton  pourfe  défendre,  de  Dieu!" 
que  cefte  parolle  de  Dieu,car  S.Paul  le  monftre  bien  aux  Corim{iiês,difant,  Les  armes  J^^" 
de  noftrc  bataille  ne  font  point  charnelles,  mais  {mutuelles  ,&:  pourtant  il  admonefte  P 
de  prendre  le  glaiue  defalut,qui  cft  la  parolle  de  DicU:  dont  aux  Hebrieux  en  eft  dônee  j**M. 
la  raifon,quieft,  que  cefte  fain&e  parolle  eft  plus  tréchante  que  tout  glaiue  coupât  des    'e  4*' 
deux  coftez:c'eft  ce  coufteau  que  Dieu  a  baillé  à  Hieremie,bruflât  en  efpeçe  d'vn  char- 
bon ardâr.&Ifaic  l'a  eu  dedâs  fa  bouche,trenchlt  des  deux  coftez  :  c'eft  cefte  bouche  & 
fapiencc,que  lefus  Chrift  donna  à  fes  Apoftres,pour  veincre  leurs  aduerfaires:lefquels  Aaai*: 
ne  leur  ont  peu  refifter,côme  il  appert  aux  À&es,de  S.Eftienne:&  fera  de  tous  les  Çhre 
ftiens  qui  prédront  cefte  fain&c  parolle,pour  confe/Tcr  6C  fouftenir  conftament  le  nom 
de  Dieu&  de  noftrc  Sauucur  lefus  Chrift, i  ay  dit  que  l'Eglife  de  IefusChrift,pour  fà  do 
arine&  nourriture  de  fon  amena  que  la  parolle  deiuy  qui  eft  fonPafteur&efpoux.Le-  ^  % 
quel  n'a  point  aulfi  d'autres  ouailles,que  celles  qui  oyent  fa  voix,qui  eft  fon  Euangilc,& 
parolle  de  Dieu  fon  Pere:Mes  ouailles,dit-il,oyent  ma  voix ,  &  les  cognoy ,  car  elles  me 
fuyuent,&:  leur  donne  la  vie  eternellc^en  vn  autre  pafTagcdit,  Qui  cft  de  Dieu,il  oit  les  iCJn». 
parolles  de  Dieu.au  Deuteronome ,  L'homme  ne  vit  point  du  feul  pain ,  mais  de  toute  Dcut  8: 
parolle  procedate  de  la  bouche  de  Dieu. Et  pourec  fainct.  laques  nous  admonefte  de  la  *u 
receuoir,difant,  Receuôsen  douceur  la  parolle  plantee,laquelle  peut  fauuer  nos  ames. 
Et  ne  fera  point  dit  ne  trouué  autre  parolle  que  |a  parolle  de  Dieu ,  qui  foit  dite  Parolle 
devic,Euangile  defalurauffi  nul  ne  fera  ditPaftcurde  l'Eglifçde  IefusChrift,que  ceux 
qui  apportent  fainement  cefte  doctrine  Euangelique.  Que  fi  aucun  vient  nous  annon- 
cer autre  doctrine  que  cefte-cy,  ne  la  receuons  point:  mais  pluftoftqu'vn  tel  foit  mau- 
dit, voire  &:  fuft-ce  vn  Ange  du  ciel.  ^La  différence  donc  des  bôs  Pafteu  rs  &c  mauuais, 
&  des  deux  eglifes,  aflauoir  de  lefus  Chrift  &:  de  fon  aduerfaire  l' Antech  rift ,  fe  cognoiç 
par  la  parolle  de  Dieuilaquclle  domine,gouuerne,ordonne  &  conduit  l'Eglife  de  lefus 
Chrift  par  fes  fidèles  miniftres,  qui  n'ont  autre  doctrine.  Pourçe  dit  fainct  Paul ,  Que  le 
fondement  de  l'Eglife  de  lefus  Chrift  eft  la  dpétrine  des  Prophètes  &  Apoftres  :  qui  eft  Ephçf^ 
vne  Eglife  fans  ride  ne  macule,  laquelle  eft  fimple  comme  la  colombe, prudente  corne 
le  (èrpenc,  humble  bc  patiente  comme  la  brebis  entre  les  loups.    Voila  le  p;ouuernc- 
m  et  de  la  vertu  de  la  parolle  de  Dieu,L'eglife  de  l'Antechrift  &  de  fes  miniftres  eft  plei- 
ne de  menfonges,de  déception,  de  cautelle  &  faufleté,&:  pource  qu'elle  n'eft  point  ré- 
gie parla  parolle  de  Dieu, ce  n'eft  qu'abus  de  fa  doctrine  :  car  outre  la  parolle  de  Dieu,il 
n'y  a  point  de  falut,  il  n'y  aura  auffi  que  perdition,  il  n'y  aura  qu'orgueil,vanité&  cruau- 
té,côme  Dauid  le  monftre  bien,diiant:L'eglifc  des  malins  m'ax>ccis.Nous  auôs  les  exé- 
p  les  de  fa  cruauté  &  inhumanité  côtrel'Eglife  de  lefus  Chrift,  Au  vieil  Tçftamét,  Cain, 


Liure->  MI.  Çmllaumcj  Neel., 

meurtrit  Abel,  Pharao  perfeouta  les  enfans  d'Ifrael,  Iefabel  occit  la  faincts  Prophètes, 
ManafTes  remplit  les  rues  de  Ierufalemdeleurfang.  Aupouueau  Tcftament,  les  Scri- 
bes &  Phariiiens  s'efleuent  contre  Iefus  Chrift  &:  fes  A poftrcs ,  &  mettent  à  mort  ceux 
qui  prefehent  le  falut  eternel.&  ce  pourautant  qu'ils  ne  font  point  gouuernez  parla  pa 
rolle  de  Dieu,  mais  par  la  parollc  de  menfonge,  com  me  on  peut  voir  „en  tout  le  Vieil  &£ 
nouueau  Teftamcnt .  îignamment  au  Prophète  Iercmie  chap.zj.  Parquoy  ne  nous  ar- 
iettes point  à  autre  choie  qua  cefte  feule  parolle  de  Dieu  •  car  qui  garde  ce  qu  elle  com- 
made,  Dieu  le  receura  pour  Ton  feruitcur  obei/Çmt.  En  cefte  doctrine  ie  perfifte&veux 
mourir ,  eftant  certain  que  Dieu  mirera  grâce  en  la  vertu  de  fon  faind  nom  ,&  pour  l'- 
honneur &:  dileftion  de  fon  cher  Fils  qu'il  nous  a  donne  poux  Sauueur:  auquel  gloire  & 
honneur  foit  éternellement,  Ainiifoit-il.  • 

Des  iufnesôi  des  v iandes  eftant  interroguera  dit  que  le  iufne  cft  bem  &  faintt,  &  du 
commandement  de  Iehis  Chrift:  non  pas  qu'il  ait  impofé  certain  temps  pour  iufner, 
mais  a  dit,Quand  vous  iufnerez,&:c.lequel  iufne  eft  afin  de  chaftier  &:  réprimer  la  rebel 
lion  de  noftre  chair,pour  la  réduire  en  feruitude,afïn  que  f  cfprit  férue  à  Dieu.Et  ne  cô- 
iifte  point  feulement  en  abftinence  de  manger  &  boire ,  n'en  la  différence  de  viandes: 
mais  en  intégrité  de  vïe,fobrietéj  chaftcté,dilection&  charité  du  prochaimeommedie 
Ifaie,R  omps  ton  pain  à  celuy  qui  araim,&  loge  les  dcflo^ez:&  alors  tu  iufncras  faincte- 
ment,&  ton  iufne  fera  plaifant  à  Dieu.  Quantau  iufoed  abftiuence,il  eft  bommais  que 
l'abftmcrice  foit  fans  fuperftition  ùc  abus,&  fans  faire  confeience  de  manger  d'vne  vian 
dc&c  non  pas  de  l'autre,commcs'iiyauoitfainâ:ctc  à  l'vne  plus  qu'à  l'autre  :  fuyuant  ce 
que  dit  S.Paul,  Le  royaume  des cieux  ncconûfte  point  au  boire  U  manger  :  car  il  faut 
prendre  nourriture  des  viandes  que  Dieu  nous  donne,  aucc  action  de  grâces  :  lâchant 
qu'en  l'Euangileeftdit,  Cequientrcen  la;  bouche  ne  fouille  point  lame.  Il  nçfaut  doc 
errenmais  faut  croire  qu il  nousa  donne  la  nourriture  de  noscorps-.&en  Ianpus  don- 
nant, il  ne  nous  a  pas  défendu  l'vne  plus  quel'autrc:roais  com  me  dit  S.  Paul,Que  celuy 
qui  inange,nedefprifc  pointceiuy  qui  ne  mange  point,*  celuy  qui  ne  mange  point  ne 
condamne  point  celuy  qui  mangeùl  faut  que  celuy  qui  eft  fort ,  (e  garde  de  feandalizer 
par  fon  manger  celuy  qui  eft  débile;  fâchant  que  mieux  vaudroitiamais  n'auoir  mangé 
chair ,  que  de  perdre  celuy  pour  lequel  lefus  cft  mort.  Noftre  vie  dpit  cftre  donc  G  bien 
comparée,  qu'elle  foit  toufiours  édifiante  :  ce  quife  fera,  h"  nous  gardons  la  reiglcde  vi 
ureque  noftre  bon  Dieu  «cfauueor  nous  a  paillée  en  fon  vieil  U  nouueau  Tcftament. 

I  n  t  b  r  k  o  g  v  e  du  Pape  &  de  fon  authorité:refpondit  que  Dieu  eft  feul  maiftrc,qui 
nefa*roit  rien  ignorer,qui  ne  faùroit  faillit:*  partant  le  faut  fuyurefc  non  autre.  Ceft 
luy  qui  a  fait  tout  ce  quieft  côtenu  au  ciel  &  en  terre:  ayant  fait  tout  pour  l'homme ,  au- 
quel il  bailla  faloy  lors  qu'il  le  mit  au  paradis  terfçftre,en  luy  difant,  Mage  de  to*  fruits, 
fors  que  du  fruiet  de  vie  :quc  fi  tu  en  raanges,à  l'heure  roefme  tumourras.  Voila  la  pre- 
mière loy  &  commandement  que  Dieu  a  baillé  à  l'homme  pour  fc  gouuerner  &  côdui* 
re  en  l'obenTancc  de  fon  Dieu:mais  l'homme  fe  voulant  faireplus  grand  que  Dieu  ne  1 - 
auoit  fait,  a  voulu  eftre  pareilàluy,  croyant  l'efprit  d'ambition,  qui  luy  promettoit  qu - 
ilferoitttlpargloutonnie.  La  Malédiction  qui  s'eftenfuyuie  de  cefte  tranfereflîon  d'- 
Adam eft  telle,  qu'il  a  fallu  que  la  féconde  perfonne  de  la  Tnnité,qui  eft  le  Fils  bien  ai- 
mé  du  Pere,prinft  noftre  humanité  ,*  portait  la  peine  de  cefte  malédiction ,  ou  autre- 
ment  nous  tous  eftions  perdus  ;dont  maintenant  par  la  malédiction  de  la  croix  qu'il  a 
foufFerccil  nous  a  acquis  la  benedictio  éternelle  de  Dieu.&auant  que  môter  aux  cieux, 
il  nous  a  îailfé  fa  fainde  parolle,qui  eft  fon  Euangîle:&  après  fes  Apoftres  a  côftitué  des 
Euefques,  Pafteurs  &  Docteurs ,  pour  nous  conduire  félon  la  doctrine  des  Prophètes  &C 
Apoftres'pour  nous  enfeigner  tant  par  la  pure  parolle  de  Dieu  que  par  bône  vie  bc  ex- 
emple de  fainfte  conùerfation .  car  il  faut  qu'vn  Euefque  foit  irreprehenûble ,  nô  point 
yurongne,  paillard  ou  rauiiTeuRmais  doué  des  vertus  qui  font  requifes  à  tel  office.  On 
me  réplique  que  Iefus  Chrift  parlât  des  Scribes  &  Pharifiens,dit  qu'il  fautfaire  tout  ce 
qu'ils  diront:  le  refpô ,  Ceft  pourueu  qu'ils  foyet  affis  fur  la  chaire  de  Moyfc:  or  la  chaire 
de  Moy  fe,eft  la  Loydaquelle  il  falloit  fculernét  qu'ils  annôçaffent,&  nô  autre  doctrine, 
car  quàd  le  peuple  conuenoit  enfemblc,ils  Hfoyët  la  Loy,ôde  peuple  efcoutort,pour  fa- 
uoir  ce  qu'il  deuoit  faire.  Et  pourtât  les  bÔs  Prophètes,  pour  bien  môftrer  qu'ils  eftoyét 
vrais  feruitcurs  de  Dieu,  n'ont  rien  voulu  cômander  au  peuple  qui  fuft  de  leur  cerueau: 
mais  ont  touGours  dit ,  Efcoutcz  la  parolle  du  Seigncur,c'eft  la  voixnu  Scigncur,lc  Sei- 

gncur 


Des  îuines. 


Matth.tf. 


Rom.i4- 


Rom.14. 


i.Cor.8. 


Du  Pape. 


ôcn.i. 


.Guillaume^  Neel  272 

gneur  a  parlé,lc Seigneur  parlexe  qu'onc  auffi  fait  les  A  poftres  de  Iems  Chrift,lefquels 
n'ontrïen  commandé  de  leurdo&rine  humaine^mais  tout  ce  qu'ils  difoyenc  eftoit  do- 
mine du  faind  Efprit,comme  Iefus  Chrift  le  tefmoigne ,  dlfant  d'eux ,  Ce  n  eftes  Vous  Matt:,° 
pas  qui  parlez,maisl'efprit  de  Dieu  mon  Pere  quiparle  par  vous.  ^Donts'ehfukvque 
les  fuccefleurs  des  Apoftrcs,s'ils  annoncent  ou  commandent  autre  chofe  qui  ne  Toit  pa 
rolledcDieu&EuangiledelefusGhriftiqu'ilsfoycntmaudits.Ettel  home  fera  faux 
prophète  &  Antechrift(&:  fuft-cc  le  Pape)  lequel  n  a  hy  aura  plus  de  puiûance  que  les 
Prophètes  &  Apoftres.  Or  qui  enfuit  ces  faincts  perfonnages  en  doctrine  &  vie,ileft 
vrayement  Pafteur  del'Eglife:autremèt  iln'eft  que  deftrticteuri&  comme  vn  loup  en- 
tre les  brebis.Iecôfefle  bien*quctous  Paftèurs  de  Iefus  Chrift,qui  annoncent  faparol- 
le^ont  cefte  puilfancC  de  faire  ordonnâmes  de  iufnes,prieres  ,&:  aumpfnes,lors  qu'il  ver- 
ront l'ire  de  Dieu  fur  la  terre,com  me  guerre^pefte,  famine  ^&  autres  verges  de  Dieu: 
mais  de  loix  perpétuelles ,  cela  n'eft  point  efcrit,&  ne  fe  feroit  qu'il  n'y  euft  fuperftition 
&  abus>&  pareillement  idolâtrie. 

De  s  traditions  humainesnl  a  dit  que  fi  iamais  créature  auoit  eu  ptiiflance  de  com- 
mander pour  noftre  falut  autre  chofe  que  ce  que  Dieu  nous  a  commadë  par  fesProphe  Traditi9Îîs- 
tes  &  Apoftres,cc  ferôyent  les  Anges,qui  aflîftér  au  throne  de  Dicu,&:  font  exécuteurs 
de  Ion  vouloir,qu  i  font  fain  6ts  &c  fans  aucune  m  acule.  Mais  dom  bien  qu'ils  foy  en  t  fi  di- 
gnes &  fi  puifiansitoutesfois  ils  n'ont  iamais  entreprins  de  rien  cômander  du  leur,mais 
feulement  fe  contentent  de  fidèlement  exécuter  les  commandemens  de  Dieii.  Aufli  il 
eft  dit  d'eux  en  l'Epiftrc  aux  Hebr.  qu'ils  font  le  vouloir  de  Dieu ,  &  font  enuoyez  pour  Hebr , 
garder  ceux  qui  doiuentauoirle  royaume  des  cieux.  Les  plus  excellentes  créatures  a-   "  M 
près  eux,ont  efté  les  fainctsProphetes,lefquelsjComme  eft  ditcy  deuant,  n'ont  rien  in- 
u'enté  nccommandc,queceque  Dieu  leur  cotomandoit  de  Faire    dire,  Iefus  Chrift 
eft  venu  après  eux,qui  a  dit,Ma  doctrine  n'eft  point  miéne:  mais  celle  de  celuy  qui  ma 
ehuoyé.    Etaumcfmelieujeneparlepointdcmoy:maisceluy  quim'aenuoyéiparle  lMn* 
par  moy.  ie  ne  vous  ay  rien  annoncé  du  mien,mais  tout  ce  que  i'ay  ouy  de  mon  Pere  i  ie 
vous  l'ay  manifefté .  La  parollc  que  tu  m'as  donnée,  ie  l'ay  baillée  aux  hommes  que  Itafl*7 
tb  m'as  donnez  :  lcfquels  l'ont  receue»    Les  Apoftres  ont  pareillement  ainfi  parlé.  Si 
donc  les  Anges  fi  dignes  jfi  les  Prophètes  de  Dieu,fi  Iefus  Chrift  qui  pouuoit  dire,Ie  dy 
cela  de  mqy,&  le  commande  pour  mon  paifir&par  mon  authorité*n  a  toutefois  rien 
Fait  qu'annoncer  la  parolle  de  Dieu  fon  Pere,  luy  qui  eft  exem  pie  de  toute  fain&eté  :  &s 
fi  les  Apoftres  fe  font  ainfi  gouuernez  enl  obeifianec  de  Dieu,de  n'annoncer  que  fa  pa- 
rolle :  le  Pape  auet  tous  fes  prelats,ont-ils|>lus  de  dignité  &:  puhTance?Au  contraireils 
blafphcment  diaboliquement  le  nom  de  Dieu  fiai:  leurs rraditions  :  de  forte  que  ecluy 
qui  cômettra  paillardife&  adultère  ne  fera  puny,ains  prife  :  mais  qui  mangera  vn  petit 
de  lard  au  Vedredyou  parlera  cotre  certains  abusîincÔtinét  fera  mis  à  mort:mais  Dieri 
qui  eft  patient  n'en  dit  encore  mot,viendra  vn  iour  les  reprédre  àleurface.Et  lors  ils  au 
ront  beau  direjNousauôscftéprefquetout  le  mode  qui  faifions  ces  chofes  :  nousauôs1 
énfuiuy  nos  pères  anciens  qui  cftoyehtdu  temps  des  Apoftres ,  les  Rois  te  les  grans  du 
monde  eftoyent  des  noftrcs  :  eft-il  pofîiblc  qu'ils  ayent  tant  erré,  &  que  Dieu  ait  laifle 
perdre  tant  de  peuple?Si  en  lagrande  multitude  du  peuple  eftoit  le  falût  î  la  parolle  de 
Dieu  ne  feroit  point  veritable,laquelle  monftre  au  vieil  &  nouucau  Teftament,  que  la 
plus  petite  part  du  peuple  a  efté  le  peuple  deDieu,voire  les  plus  vilipendez  du  monde. 
Regardez  au  commencement,qu'eftoit-ce  d'Abraham  &  de  Loti  au  regard  des  gran- 
des villes,&  de  Sodome?  Regardez  les  enfahs  d'Ifrael,au  regard  du  peuple  de  Pharao 
&  d'autres  nations.comme  Moyfe,les  liures  des  Rois,&  Daniel  demoftrent.  Regardez 
les  Prophetes,au  regard  du  grand  peuple fuict  à  Iefàbel^  qui  mettoit  à  mort  les  bons. 
Venons  au  nouueau  Teftament ,  &  voyons  Iefus  Chrift  &  fes  Apoftres  au  regard  de  fi 
grandcmultitude,defîgransRoiSjScribcs&:Pharifiés,aucc  tant  d'autres  peuples.Qu'- 
eft-ce  des  Apoftres  après  la  mort  de  Iefus  Chrift,  au  prix  du  peuple  qui  eftoit  aduerlai- 
re  de  Dieu?LaifTons  donc  la  grade  multitudc,veu  que  ce  n'eft  point  le  peuple  de  Dieu?  M«tid 
car  il  eft  efcrit,Beaucoup  font  appelez,mais  peu  font  cleux.  Nul  ne  deuroit  oublier  ce 
queIefusChriftdit,Necraignezpoint,petittroupeau:carila  pieu  à  rnori  Pere  de  vous  LÙC" 
donner  le  royaume  des  cieux.au  eontraire,il  dit  des  grâsje  te  ren  grâces,  Pere ,  qu'il  t'a  Mm.n 
pieu  cacher  la  cognoiffance  de  moy  aux  fages  &  prudens,&:  la  rcueler  à  ces  petisiQu'il 

2.  iui. 


Ltu  te  UIL  Çfùllaumt^  NeeL 

foie  ain&que  la  plus  petite  part  du  monde  fera  feule  fauuee,on  le  voiApar  la  fimilitude 
Maa.13     JeiafemeneejquelefusChriftbaill^difantquelelemeuren  femantfafemence ,  vnc 
partie  eft  cheute  en  la  voye,  &:  n'a  profite  :  l'autre  fur  la  pierre ,  &;  n'a  pareillement  £aie 
aucun  profit:  l'autre  entre  les  e(pines,&  n'a  fait  au/fi  nul  bien  :  mais  la  quatrième  par- 
tie qui  eft  cheute  en  bôneterre,a  apporté  grâdfruid:qui  demoftrebien  q  la  plus  gran- 
de partie  périt:  &n'y  en  auraqu'vn  petit  nombre fauué.  Voyez  donc  que  c'eft  que  de  le 
fier  àlagiandemukitude,& s'y  accorder.  Parquoy  retirons-nous  au  petit  troupeau  de 
Iefus  Chrift,qui  eft  mort  pour  luy  donner  la  vie. 
Des  téplcs     In  t  e  rrog  v  e  qu'il  fent  des  Temples:dit  que  Dieu  eft  efprit  ,qui  n'achairnyos, 
&:  eft  inuifible  auquel  nulle  créature  ne  fauroit  baftir  ny  édifier  demourance,  pou  rec 
fc*66     qu'il  la  requiert  rpirituelle:  car  il  ditfarfon  Prophète  Ifaie  ,  quelle  maiibnm'ediflerez- 
vous:le  ciel  n'eft-il  point  mô  h*ege,&:  la  terre  mô  marche-pied?  Il  faut,!!  Dieu  veut  eftre 
logé  que  luy  mefme  fe  coi\  mife  &  édifie  maifon:  ce  qu'il  fait  quad  il  purge  la  confeiéce 
de  l'homme  par  ion  S. F  (L  ic&  après  qu'il  a  purgée  en  fait  ion  temple  &  demourance, 
comme  S.Paul  le  teftifle,diiànt,V©us  eftes  le  temple  du  Dieu  viuant.  Le  téple  de  Dieu 
i'Cor'3      eft  faiud,qui  eft  vous.celuy  qui  violera  le  temple  de  Dieu,Dieu  le  perdra.  C'eft  le  lieu 
où  il  fe  plaift,&:  duquel  il  d.irjç  marcheray  entre  eux,&  feray  leur  Dieu^i  ils  feront  mô 
peupk.Ondemande,fi  Dieu  n  eft  pas  fous  le  pain  de  l'autel:  i'ay  défia  dit  que  Dieu  eft 


Gcncfci7 


ijKit,qui  ne  fâuroic  eftre  autre  qu'il  eftoit  au  parauantria  n'aduienne  que  ie  diequil 
foitdu  pain  .gardons-nous  de  defguifer  famaiefté,quieftincomprehéiibIe:  mais  prios- 
le  qu'il  purifie  nos  cceurs,&:  y  race  fa  demourance.Quant  au  temple  matériel ,  i'ay  con- 
feflé  qu'il  eftoit  de  bonne  ordonnance:auquel  tousChrefticns,doiuent  couenir  enfem 
ble  en  paix  &c  vnion  pour  prier  Dieu. Le  temple  eft  vne  maifon  d'oraifon ,  &  où  on  s'af- 
fcmble  ppur  ouyt  la  parolle  de  Dieu  &:  receuoir  les  fainds  Sacremens,aflauoir  la  Cene, 
&le  Baptefme:pour  eftre  plus  incitez  à  nous  aimer  parla  prédication  de  la  parolle  de 
Dieu,qui  a  cefte  vertu  &:  efficace,  de  difpofer  les  cceurs  à  s'entre-aimer  &:  aider  les  vns 
les  autres,comme  membres  d'vn  corps,qui  reçoiuentvne  mefme  nourriture. 

Del  AConfeffioncftantinterrogué,refponditqu'iln'yaqueDieu  feul  qui  pardon- 
Confcffion  ne  jcs  pechez,comme  il  teftine  par  fon  Prophete^difant ,  le  fuis  celuy  qui  efface  les  pe- 
aie4*'     chez  pourfamour  de  moy:5i  n'y  en  a  point  d'autre.  Ceque  confefToyentlesScribcsÔC 
Marc  %      Pharifiens,quand  ils  difoyent,Quieft-cequi  pardonne  les  pechez,finonDieu  feul? Par- 
quoy à  luy  feul  nous  nous dcuons  tous confefler,comme les  fainds  Prophètes  ontfai't: 
èc  ilgnamment  Daujd  ,  lequel  fait  parfaite  confeflîon  de  fespechez,en  demandant  à" 
Pfci  ji     j-j-cu  grace^r  mifericorde.il  eft  vray  q  nous  deuons  confelter  nos  péchez  l'vn  à  l'autre, 
comme  S. laques  nous  admonefte  :  autrement ,  Dieu  iamais  ne  nous  pardonnera,  ainfi 
laquer     fi  nous  auonsofrenfé  l'vn  l'autre  Iefus  Chrift  leteftifle,  difant  ,Si  vous  ne  pardonnez 
lespechezaux  homes  qui  vous  ont  ofTenfé,voftrePerecelefteaufïi  ne  vous  les  pardon 
Mitthkui^  ncrapoint>parcjônons,&  il  nous  fera  pardonne. 

S  v  r  la  Me/Te  eftant  enquis:il  a  refpondu  que  l'Efcriture  fainde  contient  entieremét 
Meflè      les  commandemensque  Dieu  nous  commande  de  garderai  nous  voulons  eftre  fauuez 
par  lefquels  les  idolâtres  (ont  condamnez.  On  trouue  en  Exode  les  commandemens 
Exode  zo  d'aim  er  Dieu  &c  le  prochaimnon  pas  de  faire  idoles.  Au  nouueau,que  IefusChrift  com- 
j.  tth      mande  d'aim  er  nos  ennemis,de  prier  pour  ceux  qui  nous  perfecutét ,  &c  leur  faire  bien: 
s'ils  ont  faim,de  leur  bailler  à  manger:s'ils  ont  foif,de  leur  donner  à  boire-.mais  de  Mef- 
fe,en  toute  l'Efcriture  fainde  il  n'en  eft  mention  quelconque.  Dôtn'éparleray  dauan- 
tagepuis  que  l'Eicnture  fainde  n'en  parle  point:  pluftoft  pricrayDieu  qu'il  nous  face- 
garder  fes  fainds  c6mandemés,&:  ne  permette  point  q  nous  facions  iamais  chofes  qui 
luy  foyent  defplaifantes.En  ce  faifant  nous  viurons  par  fa  grace,laquelle  il  ne  veut  eftre 
laiiTee  pour  vn  myftere  d'abomination  queSatan  à  fabriqué  malheureufemét  en  l'hom 
me  de  péché  &:  fils  de  perdition ,  lequel  par  fon  orgueils  vaine  prefomption  veut  per- 
,  dreleshabitansdelaterre. 
Vaux.         jL  futauniinterrôguédesvceuz:&:refpondit  que  toute  créature  qui  voudra  entre- 
prendre de  faire  vne  œuure  pour  complaire  à  Dieu  ,  fansauoir  efgardau  vouloir  d'ice- 
luy, il  eft  impoffible  que  cefte  œuure  ne  foitmalheureufe  ,  comme  vne  œuure  idolâtre 
qui  fe  baftit  félon  l'intention  &  aftedion  du  cerueau  de  l'hommedequel  eft  pi  's  fouuéc 
deftourné  de  Dieu  qu'il  n'eft  régé  àfairefon  vouloir.  Le  vœu  q  toute  créature  doit  fai- 
re pour  fon  falut,eft  de  prier  Dieu  qu'il  luy  face  la  grâce  de  faire  fa  volôté,  &  renoncer  à 
la  iiéne,qui  eft  plus  pr  ompte  à  mal  faire  q  biemcar  le  bien  q  nous  voulons  fairc,nous  ne 


lefaifonspoint-&  le  mal  que  nous  ne  voulons  faire,nous  lefaifohs.La  vraye  médecine 
pour  renoncer  à  nous,&  mettre  bas  tout  noftre  vouloir  eft  *de  dire  purement  de  cœur  à 
Dieu,Tayolontéfoitfait€:çvot€0:zm  de  ne  vouloir  faire  autre  chofe  qu'icelle  :  autrement 
.  celuy.  qui  voudra  faire  Ta  volute  propre,fe  moquera  deDieu,en  difant,r<*  yolontéfott faite.  Dcuc, 
Remcctôs  donc  en  luy  nous  &c  noftre  arFairexar  c'eft  luy  feul  duquel  tout  bien  prouict, 
&c  qui  donne  le  vouloir  àc  le  parfaire,felô  Ion  bon  plaifïnàcquiefçant  à  ce  que  ditMoyfc 
au  Deuteronome,  Vous  ne  ferez  point  ce  qui  vous  femblera  bon  &  droit*  mais  vousfe- 
rez  feulement  ce  que  Dieu  vouscommande,&:  ne  déclinerez  riy  à  dextre  nyafcneftre.  pèlerinages 

Interrogv  e  des  pelerinagcsrdit  que  le  pèlerinage  falutaire  à  tout  Chrcftien,eft 
de  cheminer  fainctement  en  ce  monde,en  patience,  dilec^ion ,  chafteté  &c  charité  ,  fâ- 
chant que  nous  ne  fauons  iour  ny  heurc,&  que  nous  ne  fommes  que  pèlerins  durant  le 
teps  de  noftre  vie:que  fi  nous  lauons  employée  &  conlommce  en  abus,laiflans  de  faire 
fœuure  deDieu,pour  circuir  çà&là  parmy  la  terre  qui  eft  fiéne,  fans  fon  cômandemétj 
il  ne  fera  pas  moins  qu'vn  homme  quiferoit  Roy  ou  Prince,  qui  demâderoitpourquoy 
on  feroit  vagabond  fur  fes  terres  &c  pays. Et  pource  que  le  temps  eft  court,haftons-nbus 
de  nous  en  aller  au  Seigneur  noftre  createur,duquel  nous  auons  toute  force  &  vertu:&: 
nous  retirer  à  luy  feul  par  fon  Fils  Iefus  Chrift,pou  r  auoir  remiifiô  de  nos  péchez ,  &  viè 
eternelle:lc  prians  denous  reccuoir  au  iour  dernier.  v 

Înïerrogvi  qu'il  fencoit  de  lapreftrife  :  a  refpondu  que  tous  Chreftiens  foht  De  ^  ^ 
preftres,car.S  Paulaux  Romains  dit,Que  Dieu  en  donnant  fon  Fils;  rious'a  donné  tout  ftrife. 
auec  luy.&  eft  bien  manifefte qu'en  l'ayant  noftre,auôs  toutrcar  iamais  le  Fils  «eft  fans  Rom-* 
le  Pere  &L  le  S.Efprit,  entant  qu'eux  trois  ne  font  qu'vn  Dieu,vn  vouloir ,  vnfcefTencefc 
vncpuiflance,vn  repos  &  vie  eternellerainh*  donc  en  ayant  tout  >  il  n'a  rien  qui  ne  foie 
noftre:luy  qui  eft  Dieu, nous  a  faits  dieux  auec  luy:luy  qui  eft  Roy^nous  a  oints  aqec  luy 
rois,  pour  régner  éternellement  en  fon  royaume:luy  qui  eft  Preftrc ,  nous  a  facrezaucc 
luy  preftres  par  fon  fâg*pour  faire  oblations  &c  facrifices  de  nos  corps,de  rtos  efprits ,  de 
nos  cœurs  côtrits  à  Dieu  fon  Pere  &  le  noft  re:côme  il  eft  eferit  aux  Rom.  de  l'obJatiô,& 
auxHcbr.&  auxPfeau.Des  Preftres,il  eft  eferit  en  l'Apocal.i.&  io.chapitres.Ie  ne  parle 
pointdelapreftxifeRomaine,mais  delà  preftrife intérieure  &fpirituclle  ,  de  laquelle 
parle  S.Efprit  tout  bon  Chreftien  qui  a  viue  foy,eft  preftre:non  point  en  office,  c'eft  à 
dire,depouuoiradminiftrer-  publiquement  la  Éaincteparolle  de  Dieu,  qui  n*appartieht 
qu'aux  Pafteurs  que  Iefus  Chrift  a  m  is  pour  ce  faire  en  fon  Eglife  :  mais  en  dignité.c'eft 
que  Iefus  Chrift  les  a  faits  dignes  d'offrir  leurs  corps,ames,&£  cœurs  contrits,en  oblatiô 
à  Dieu  le  Pere,qui  eft  l'efFed  &c  dignité  des  Preftres. qui  nous  doit  donner  grand  coura- 
ge de  nous  prefenter  deuant  Dieu,pour  impetrer  remiflîon  de  nos  péchez,  &  nous  af- 
feurer  que  la  vie  éternelle  nous  fera  donnée  par  Iefus  Chrift  noftre  Sauueur  ,  qui  nous 
a  acquis  tous  biens  celeftes,qu'ilnousa  dônez&  faits  noftres,  pour  viurc  eterncllemét 
auec  luyiauquelfoithohneut&gloireà  iamais. 
*  p  r  e  s  que  ledit  Neel  eut  pour  confeflion  &  profeffion  de  fa  foy,  préfènté  lesref- 
/xponfes  cydcfTuscontenues,les  ayant  fou(iîgnees,fut  procédé  par  les  officiers  du  fuf- 
dit  euefque  d'Eureux  à  la  condamnation  d'iceux  articles  &c  refponfes.  Cepédant  Neel 
eftoit  fort  mal  traité  es  prifons  dudit  Euefque,  &  partant  fit  requefte  au  Lieutenant 
criminel  duditlieu(quifouuent  le  venoit  vilîter  &confoler  auec  vn  aduoeat  homme 
craignant  Dieu)à  ce qu'il  fuft  mené  és  prifons  de  Cour  feculiere,qu'ils  appcllent.Quoy 
encêda  s  les  officiers  de  l'Euefque,  après  auoir  détenu  ledicNeel  l'efpace  de  deux  mois, 
le  hafterent  de  prononcer  contre  luy  fentence  de  condamnation  &:degradation:de  la- 
quelle fentence  ledit  Neel  par  l'aduis  de  fes  amis  fe  porta  pour  appelant  cÔme  d'abus. 
Les  raifons  pourquoy  il  appela  en  cas  d'abus  de  la  fentéce  des  officiers  dudit  Euefque, 
ledit  Neel  les  a  mifes  par  eferit  comme  s'enfuit, 

Caufes  &  moyen  d'appel  de  Guillaume  Neel. 

An  v  in  t  le  Mercredy  de  Pafques  dernières,  m.d.lii  i, que  l'cuefque d'Eureux  me 
fît  venir  deuant  luy  en  fa  chambre,où  eftoit  grand  nombre  de  Chanoines  ,  pour  fa- 
uoirfi  ie  vouloye  perfîfter  en  la  côfeffion  de  ma  foy,que  i'àuoye  faite:  auquels  ie  dy  qu'y 
peruftoye:&:  quant  &  quant  que  ie  m  oppofoye  à  l'information  qu'a  faite  de  moy  leur 
Doyen,&  à  la  depofition  des  tefmoins  d'icelle,comme  i'ay  toufiours  fait  :  ayant  perfîfté 
depuis  le  premier  iour  iufques  à  maintenant  en  la  r  eie&ion  de  ladite  depofition .  Ces 


G  uillaumc^j  Neel 


parollcs  dites,ledit  Euefq  me  reuoyaen  ma  prifon:  vne  heure  après  me  réuoya  quérir, 
eitât  en  Ion  liège  de  la  cour  d'egli  (e,où  grâd  nôbrc  de  peu  pic  eitoi it  afîcblé:  &:  eitâ  t  de- 
uant  luy,me  commanda  de  me  mettre  à  genoux:cc  que  ie  fy  ,  ne  lâchant  qu'il  me  vou- 
loir dire  ne  faire:carvne  heure  deuantie  l'auoye  prié  au  nom  de  Dieu  de  ne  me  faire 
agenouiller.le  leur remonftray qu'ils  examinaflent  bien  macôfeliioii,laquelle  n'eiloit 
point  de  petite  importances:  que  la  vie  de  l'homme  eltoir  plus  precieute  que  celle  d'- 
vn  poulet-.ee  neantmoins  fans  aucun  efgard,i'Euefque  l'cant  en  fondit  liege ,  commen- 
ça a  due  comment  i'eftoycobllinc,&:  que  pourtant  il  m'alloit  prononcer  ma  lcnten- 
ce  .Mais  auant  qu'il  commençai!:  àmcla  prononcer,  ieluydy  ces  parollcs  deuanc 
tous,Monfieur,micux  vaut  tard  que  iamaisne  vous  reeufepour  mon  iuge,  pour  certai- 
nes &fuffifanrescaufcs  de  rccufatiomqueli  vous  procédez  plus  outre  ,  ie  protefte  de 
nullité  entierementde  tout  ce  que  vous  ferez. Commeie  difoyeccsparolles,  l'official 
dudit  Euefque  commença  à  prononcer  ladite  fentence  deuant  moy.  &:  incontinent  ie 
luydy,ren  appelé  comme  d'abus,pardeuant  meilleurs  de  Parlement  •  &L  nonobftant 
mon  appelation  dudic  abus,  ils  pourfuyuirent  iufqu  a  la  fîi).  Ladite  fentence  acheuee, 
ie  dy  audit  Euefque  ces  mots, Montieur,aycz  mémoire  que  ie  vous  ay  recule  pour  mon 
iuge, pour  railon  lufftfante:dont  derechef  l'en  appelé  comme  d'abus .  Et  pour  mes  rai- 
fons,iedyoutrccequ'ilaattentéplusoutrequ'ilneIuyappartenoit ,  qu'ona  rapporté 
contre  moy  au  procès  de  londit  Doyen,  que  i'ay  deu  dire  dudit  euefque  d'Eureux  qu'il 
eftoitmcichâthomme,dc  faire  des  afnespreftres:  pour  laquelle  délation  ielay  reculé 
pour  raoo  iuge,craignant  qu'il  ne  donnaft  contre  moy  fentence  vindicatiue,  comme  il 
appert  eftre  aduenu,&:  voit-on  par  expérience  de  fa  fentence  de  dégradation .  L'autre 
raifon,  c'eft  que  fondit  Doyen  difoit  à  certain  tefmoin,  comme  il  appert  parle  procès, 
ces  parolles,Aidez-moy  à  mettre  ce  mefehant  hors  du  monde,  qui  fera  vne  œuure  de 
charité.-lequel  doyen  eft  celuy  qui  m'a  volé  ii  peu  dè  bien  que  i'auoye  ,  tant  en  hardes 
Blafphcmw  qu'en  argent.  L'autre  raifon  eft,que  ledit  Euefque  auec  les  Tiens  m'ont  iugé  facramen- 
conerc  k  b  caire,&:  eux  melmes  renient  le  vray  facrement .  Leur  erreur  eft,comme  appert  audit 
panent.  procés,qu'ils  ont  dit  qu'il  faut  du  tout  croire  &c  confeiTer,quc  le  corps  de  IefusChrift  eft 
realement  &  de  fai£t  en  leur  Euchariftie,comme  il  eft  forty  du  ventre  de  la  vierge  Ma- 
Argumcnt  rie,comme  il  a  marché,beu  &  mangé  eftant  mortel  au  monde,comme  il  fut  affiché  en 
pour  rc  ia  croix:ce  que  i'ay  nié  &  nie  eftre  en  cefte  forte  en  la  Ccne  que  Iefus  Chrift  a  faite  U  in- 
KeS-  ftituce  pour  la  commémoration  de  fa  mort  &c  refurreétion.  Et  ay  reprouué  leur  erreur 
ûintiition:  par  ceft  argement,S'il  vous  conuient  manger  le  corps  de  Iefus  Chrift  comment  il  eft 
forty  du  vëtre  de  la  vierge  Marie,commc  il  cftoit  au  monde  &  en  la  Cene,commeil  fut 
fiché  en  la  croix. nous  ne  feriôs  point  encores  rachetez:noftre  foy  feroit  f auiîe,&:  l'Efcri 
ture  feroit  menteufe .  car  nous  croyons  que  le  corps  de  Iefus  Chrift  eft  immortel ,  glo- 
rieux^ affranchi  de  tout  vitupere&  touiment,afïïs  à  la  dextre  de  Dieu  le  Pere  au  roy- 
aume des  cicux:comme  la  fain&e  Efcricure  nous  le  monftre.Et  telle  eft  noftre  foy,  qu'il 
nous  affilie  en  cefte  forte,en  faifant  vne  vnion  en  fa  fain&e  Cene.  Ainfi  il  y  a  grande  dif- 
férence entre  ce  qui  eftoitdeuant  la  mort  de  Iefus  Chrift,  &:  eft  maintenant  après  fa 
mort.  On  void  donc  par  cela  leur  herelie:&:  comment  ils  ont  mef-ule  en  me  iugeant. 

Ayant  ainfi  remonftré  mes  caufes  de  reeufation ,  ie  dy  à  mon  aduoeat ,  Monfieur 
ie  vous  prie  au  nom  de  Iefus  Chrift  de  défendre  ma  caufe,ou  pluftoft  la  fiéne.  carie  n'ay 
dit  parolle  qui  ne  foira  la  gloire  de  Dieu  ,&  àl'edifîcatiô  del'Eglife.  Et  ii  parle  comme 
vn  homme  au  li&  delà  mort,nc  penfant  qu  amaconfcicnce. 

De  quelle  confiance  le  Seigneur  arma  ce  Martyr  au  dernier  combat. 

r  s  t  a  n-  t  Neel  es  angoilies  de  la  detention,fit  quelques  efcrits,fecôfolant  en  iceux: 
E-sôc  encre  autres  il  alailië  cerrain  aduertifremem,pour  di/cernerles  fauxprefcheurs, 
qui  defguifent  la  vérité  en  menlonge.Finalement  après  qu'il  eut  auili  mis  par  efcrit,&: 
remonftré  poui  griefs  d'appel  les  raifons  cydeflus  deduites,&queles  tefmoins  contre 
luy  produits  cftoyent l'es  parties  aduerfes:  d'autant  quil  les  auoit  reprins  yurongnans 
&:  blafphemans  le  nom  de  Dieu, le  îour  duMardi-gras  (  ainfi  nommé  entre  eux,  à  cau- 
fe  des  defbordemcns  énormes  qui  s'y  commçttét)  tut  tiré  de  la  prilon  pour  eftre  m  ené 
àRouan.Enforrantietca  la  veue  furie popUlace(qui  là eftant  mené  de  grande  cruau- 
té,crioit  après  luy)&;  de  grande  compaftion  qu'il  cut,les  admonnefta&:  pria  Dieu  d'à- 
uoirpijic  de  leur  ignorance.Et  voyant  qu'il  n'auoic  aucune  audiencc,&:  quclesfergcâs 


Simon La/oc.  274. 

le  haftoyent  d'aller,!!  femit  à  chanter  le  Pfeaume,  Apres  auoir  conftamment  attendu, 
&c.&ainû  au  long  du  chemin  sefiouiflfoit  au  Seigneur.  ^  Arriuéqu'ilfutàRouan,in-  pfeau-«* 
continenron  le  prefentaàla  cour  de  Parlemét,pourYaire  iugement  fur  Ton  Appel.  En- 
t  re  autres  cofcilliers  de  ladite  Cour,il  y  en  eut  quihumainemét  l'interrogucrét ,  mon- 
ftransafTez qu'ils  portoyent  bonne  affe&ion  à  l'Euangilerde  forte  qn'ils  firent  leursef- 
forts  de  le  faire  déclarer  bien  appelâc,fous  couleur  de  quelques  formalitez  qu'eux-mef 
mes  mettoyent  en  auant,&  faiiôycnt  valoir.entre  autres  pource  que  ceux  de  lofficiali- 
té  d'Eurcux  procedoyent  à  fa  condamnation  lafepmainc  qu'ils  appelent  fain&e.  Mais 
Neel  ne  voulant  eftre  aidé  de  telles  raifonsiâins  defirant  de  manifefter  la  doctrine  qu'il 
portoit,commençaauec  hardie/Te  defouftenirla  vérité  de  la  doctrine  du  Seigneur,  &: 
fur  tout  de  la  Cene,&:  de  condamner  par  confequent  la  MefTe:dc  manière  qu'on  le  ren 
uoya  à  Eureux  pour  receuoir  fent'ence  de  dégradation.  Les  officiers  de  l'euefquc  d'Eu- 
reux  defirant  dedefpefcherceft  homme  qui  leselclairôit  de  troppres,  ne  tardèrent 
gueres  à  luy  prononcer  fa  fentence,  &  faire  dre/Ter  vn  efchafiaud  deuanc  le  grand  tem- 
ple,pour  mettre  en  exécution  leur  dégradation  a&uelle,qinls  appeler.  Sur  ceft  efchaf- 
iaud monta  l'Euefquc  aucefes  officiers  &:  le  Penitétier  cy  de/fus  nommé:  lequel  s'eftât 
vanté  de  conuaincreNeel  deuant  le  peuple,commença  à  dire  en  monftrant  de  fa  main  Degradatiq, 
le  patient,L'enfant  après  auoir  efté  doucement  traité  de  fa  mere ,  non  feulemêt  ne  luy  deNcd 
cft  obenîant  mais  cerche  fa  rnine,&c.  Et  après  long  proefme  fit  fonillation  ,  Comme 
fait  ce  mal-heureuxtlequel  ayant  efté  religieux  Auguftin,maintenant  perfecute  &  nie 
Dieu  &1  eglife  fa  mere,&:c.Sur  quoyNeel  à  haute  voix  s'eferia  &dit,U  n'eft  pas  vray:car 
ic  croy  en  Dieu,&  fuis  certain  de  la  fain&e  Eglife,laquelle  ie  croy.Puis  ce  teu  t.  &  le  Pe- 
hitécier  pour  le  confuter  luy  accorda  qu'il  eftoit  bien  vray  qu'il  croyoit  vneEglife  inuifi 
blc:& décela  print  occafion  de  s'eferier  cotre  cefte  Eglife  que  fouftenoit  Neel,pourap 
prouuer  celle  du  Pape.Entre  autres  babils,ayant  déduit  vn  catalogue  des  Euefques  an- 
ciens de  rEglifc,dit  pour  conclufion,  Voila  fur  quoy  eft  fondée  noftre  eglife.  Finale- 
ment adrefiant  l'a parolle au  patient,com me  par  mefprisdemanda,M. Guillaume  ,  fur 
quoy  eft  fondée  ton  eglife>qui  font  tes  Euefques  anciero?Lors  Neel  s'eferia ,  dilànt ,  Ie- 
fus  ChriftJeiusChrift  &  fes  Apoftres:&:  n'adioufta  dauantagc.CPeu  de  temps  après  ces 
myfteres  de  degradatiô  fut  côdamné  à  eftre  bru/lé  vif*&  eftre  baaillonné  en  la  bouche 
pour  l'empefcher  de  parler  au  peuple.  Il  endura  aùec  vne  debohnaireté  admirable 
tous  les  tourmens  qu'on  luy  voulut  faire:&  ne  parla  point  iufqu  a  ce  qu'au  plus  fort  de 
la flâme  ardente  le  baaillon  eftant  tombé  de  fa  bouche ,  fut  entendu  crier  au  Seigneur: 
tellemét  que  le  bourreau  luy  dôna  d'vn  crochet  fur  la  tefte,  &:  l'accabla  du  tout.  Le  peu 
pie  s'eferia  contre  le  bourreau:&  nonobftat  q  n'a  gueres  ileuft  eu  horreur  &c  exccrati6 
là  venue  de  ce  fainft  perfonnage,ayantveuneantmoins  fa  grande  conftaceen  la  mort 
fi  cruelle,eut  opinion  qu'il  eftoit  home  de  bien,&  qu'il  eftoit  mort  vray  Mai  tyr.Les  fem 
mes  pleuroyent, &c  difoyent  qu'il  auoit  gaigné  le  Penitentier  :  chacun  en  deuifbit  côme 
il  en  fentoir.  breffarriortfk  vnfrui&ineftimable  au  pais  d'Ettreux&àl'enuiron. 


SIMON     LÂLO  EydeSotfons. 


V  N  E  commCon  tant  rare,atïauoir  d'vn  bourreau  qui  deuoit  exécuter  en  dernier  fupplice  ce  Martyr,  rend  ân^H^ere^  ad- 
mirable la  bonté  du  Seigneur  en  la  mort  des  liens:&  nous  tcftifie  que  iamau  clic  n'dt  lins  produite  infyjjt  i  Hs&aa- 
ceroent  defon  Eglilc. 

I  M  O  N  Laloé  Soiflbnois  lunetier ,  partit  en  ce  temps  de  Gcneue,  où  il 
demôuroit,pour  voyager  eh  Francetfc  fut  appréhendé  en  la  ville  de  Diion  M.D.UH. 
le  Mardy17.de  Se  ptcmbre,M.D.L  i  n.  De  premier  abordle  Vifconte  mai- 
re dudit  Diion  l'examina  fur  trois  poin&s:  a/Tauoirdù  lieudefarefidence: 
de  la  foy  qu'il  tenoit:&:  de  ceux  de  fa  cognoiiTance,qu'il  appeloit  fes  complices.  Quant 
au  premier,il  luy  dit  qu'il  s'eftoit  retiré  en  la  ville  de  Gcneue  auec  fa  famille,  pour  iouir 
des  grâces  q  Dieu  y  a  mifes.Touchât  le  fecôd,  il  redit  entière  confeffiô  de  la  foy  qu'il  te-  toireTd? 
noit,voire  plus  auat  qu'il  n'en  fut  interrogué.  Le  troifieme  poindt  eftoit  ce  q  principa-  uloé 
lemet  les  aduerfaires  vouloéy  t  ouinmais  il  leur  dit  cju  a  cela  il  ne  fauroit  que  refpondre, 


Livre  1 III.  Simon  Laloé. 

ne  fâchant  qu  c  ceux  de  fa  corn  pngnie  eftoyent  deucnus:&:  au  furplus  que  ceux  de  fa  co 

gnoiifance  eftoyent  en  la  ville  de  Gencue.  Lesaduerfaires  par  leurs  interrogations  ne 

pouuanstirerautrecholedeluyjapresqu'ilcucfignéfaconfenionvprocederentâfacô- 
damnation. 

Le  Mardyzi.deNoucmbre.,M.D.L  1 1  i,ayantreceu  fentence  demort ,  ainfiquele 
bourreau  cftoit  venu  en  la  prifon  pour  le  lier&:  menerau  dernier  fupplice,ce  perfonna 
ged'vne  face  loyeufe  le  receut&careffa  de  cette  parolle,  Mon  amy  ,  ien'ay  veu  de  ce 
îourdhuy  homme  qui  me  foit  plus  agréable  que  toy .  &  luy  tint  plufieurs  propos,telle- 
ment  que  l'exécuteur  plouroiteft.int  monté  fur  le  tombereau  auecluy.  Eta  grand  re- 
gret procédai  Ion  exécution.  Simon  auantmourirpriad'vne  véhémente  vertu  d'orai- 
fonpourfesenncmis:&:  endura  le  martyre  bien  allègrement  ledit  iourn.de  Noucm- 
ConuerGô  bre.De  cette  mort  ledit  exécuteur  nommé  M.Iaques  Sylueftre  ,  fut  tellement  confir- 
dc  laque*  mé, qu'il  délibéra  expreffément  d'abandonner  fa  condition  miferable,  &:  ne  plus  eftre 
sykeike.  cxccuteur  du  fang  innocentée  manière  que  quelque  temps  après  il  fc  retira  à  Geneue, 
pour  y  viure  félon  la  reformation  de  l'Euangile .  Ces  propos  &:  autres  lignes  de  gran- 
de repentance,ont  cfté  (  comme  auffi  le  furplus  de  celte  hiftoire)atteftez  par  gens  fidè- 
les Se  dignes  de  foy,qui  ont  etté  prefehs  non  feulement  à  la  mort  du  fufdit  Martyr,  mais 
auflï  depuis  ont  parlé  auditM.Iaques,&  l'ont  adrefTé,coniblé  &c  retiré  de  la  difficulté  & 
deffiance  qu'il  auoit  de  pouuoir  obtenir  remiflion  de  tant  de  fautes  &:  ofFcnfes,  &c  fur 
tout  du  feng  innocent  exécuté  par  fa  main. 


ESTIENNE    LE    ROY,^PIERRE    DE  NO  C  H  E  A  V. 

L*  E  X  F.  M  P  L  E  de  ces  deux  nous  aiîlurc,quand  il  eft  queftion  de  fouftenir  la  vérité  du  Seigncur.quc  la  viftoirc  &  au  com 
bat  eft^u  tout  noftrc.encant  que  le  Seigneur  auquel  nous  feruons.l'a  dés  au-parauantacquife.La  corifeiiîon  icy  conte- 
nue,eft  vn  fommaire  du  Symbole,laqueIle  tous  deux  ont  fecllee  par  leur  mon. 

^D  Lm'   ÇlfllSiPIfP  ^  Beau/Te  de  France  Dieu  appella  en  ce  teps  deux  (iens  domeftiques  pour 
manifefter  l'Euangile  de  fon  Fils.le  premier  Eftienne  le  Roy, natif  de  Chanf 
fours  bourgade  à  deux  lieues  près  de  Chartres,ayat  demouré  quelques  iours 
en  l'eglife  Françoife  de  Straf bourg  reuint  en  fon  pays,&  print  refidence  à  S. 
George,quieft  vne  parroiife  presdudit  lieudeChauffours.où  ilexerçoit  office  de  no- 
taire,ayantprins  en  (a  maifonvn  nommé  Pierre  Dcnocheau,  qui  luy  feruoit  de  clerc. 
Ce  Dcnocheau  auoit  autrefois  demouré  àGcneue,&  fort  profité  en  la  parolle  deDieu, 
tellement  qu  il  faifoit  valoir  le  talent  que  Dieu  luy  auoit  commis,  en  enfeignant  lesi- 
gnorans,&:  reprenant  les  blaiphemes.Ils  ne  furent  pas  long  temps  enfemble  fans  eftre 
fufpe&s&  accufezd'eftrc  Luthericnsrquieft  l'accufation  que  drelfent  les  ennemis  de 
vérité  à  l'encontre  des  enfans  de  Dieu.  Au  mois  de  Décembre ,  l'an  m.d  .l  1 1,  ils  furent 
conftituezprifonnierspar  vn  Preuoftdcs  marefehaux  ,&:  furent  menez  en  la  ville  de 
Chartres,en  laprifondel'Euefque.Là  eftansdetenus,&  interioguczdeleurfoy,rendi- 
rent  ample  telmoignage  fans  aucunement  varier  ne  flefehir.    Dcnocheau  eut  moyen 
delailTerparefcritenlapnfonfàconfcliion,fondeeenla  pure  doctrine  de  l'Euangile, 
dont  nous  auons  icy  inféré  ce  que  nous  en  auôs  peu  tirer,comme  du  milieu  du  feu.  Peu 
té  dlrct"1  de  gens  ignorent  la  difficulté  qu'il  y  a  de  retirer  les  actes  &  contenions  iudiciaircs  de 
rer  ksTd'tes  ceux  ^  ^ont  détenus  prifonniers  pour  la  vraye  do<5trine:d'autant  que  Satan  a  bien  feu 
dugrertc    fuggerer  cette  rufe  au  cerneau  de  fcsiuppofts  ,de  brufler  entièrement  les  procès  aucc 
criminel.    jcs  pCrf0nnes.Ce  qu'auons  peu  retirer  de  ces  peribnnages  eft  tel  qui  fenfuit: 

En  qjt  i  s  quelle  cttoit  ma  croyance, ie  refpondy  que  fay  cette  ferme foy,  qu'il  eft  vn 
Dieu  auciel,viuâ:,immortel,&:  inuifible,en  trois  pcrionnes,&:  non  diuil"c:al]àuoir  Dieu 
le  Pere,commc  nccment  fans  fin,autheur,createur  &£  gouucrneurde  tout ,  ayant  fait  le 
ciel  &:  la  terrc,&  tout  ce  qui  eft  en  iceux,tat  créatures  celeftes  que  terrettres,  &  les  con 
duit&  tient  fousia  iiiiettiomayant  toufiours  la  main  à  la  befongne ,  rien  ne  fe  fait  fans 
fa  volontc,mais  par  fon  congé  &  ordonnance.il  enuoyc  la  pluye,le  beau  temps ,  ftcrili- 
té,fertilité, vents,  orages,foudres,tempeftes ,  fanté  &:  maladie  ;  &c  par  la  prouidence  il 
gouuerne,conduit  &c  nourrit  tout  le  monde,&:  le  tout  fait  &C  difpofe  à  fon  plaifir.  Il  a  en 
fapui/Tance  les  diables,  lefquels  il  conduit  par  fafagcfTe,  tellement  qu'ils  nepeuuent 

bouger 


EJliemele  Roy4  Tierre  Denççhea^  $7/ 

bouger  ne  fe  mouuoir,finon  par  fa  permin*îon:&  leur  fait  mettre  à  exécution  Tes  madé- 
mens,  encores  que  ce  foit  contre  leur  gré  &c  intention.Et  par  ainfi  nous  deuons  bien  co 
gnoiftre,confeifer  &  aduouër  ce  grand  Dieu  comme  noftrc  protecteur  Se  gouuerneur. 
&  le  Fils  fafageiTc,bonté&:  vérité,  quieft  noftre  Seigneur  &  SauueurIefusChrift:& le 
S.Efprit,qui  elUapuiflance  de  Dieu  &  fa  vertu  efpandue  fur  toutes  créatures  :  neant- 
moins  les  trois  refident  tous  en  vn.  L'Ange  impofa  le  nomdeleJUs ,  qui  eft  à  dire  Sau*  Macth.i. 
ucur:&:  Chrift,oin£t  Et  fut  conceu  du  S.Efprit,pour  demonftrer  qu'il  eftoit  enuoyé  de 
Dieu  pour  fauuer  les  fiens:print  chair  au  ventre  d'vne  vierge  nommée  Marie,  immacu- 
lée &  vaiiîeau  d'clettion,de  la  propre  fubftance  d 'icelle ,  pour  eftre  femence  de  Dauid. 
Ettoutesfois  que  cela  s'eft  fait  par  opération  miraculeuie,& conception  du  S.  Efprit,  Luc  1,5:3. 
Ainfi  que  le  foleil  entrepar  vne  verrière  fans  la  froiflenauffi  il  eft  entre  au  vétre  virginal 
fans  compagnie  d'homme,  pour  reparer  l'iniure  faite  à  Dieu  par  noftre  pere  Adam.  En 
après  iceluy  îefus  chriflfittcondam/)e\ ayant  efté  trouué  innocent /par  vn  luge  nommé  Poce 
Pilate:  par  les  luifs  crmfié  ,  ponant  noftre  maledi&ion  furfoy,  pour  nous  deliurer  de 
mort  éternelle  .Mort&  cn)eucl)>&<  mu  autobeau,  pour  nous  môftrcr  quec'eftoit  vne  vraye 
mort,qui  nous  eftoit  trefnecefTaire^  fans  laquelle  eftions  tous  péris  eternellemcnt.f^ 
defeendu  aux  enfers^  d'iceux  a  brifé  les  portes  pour  en  tirer  les  fain&s  Peres,&  nous  ofteç 
d'entre  les  mains  &  tyrannie  du  diable,où  nous  eftions  tous  aflubiettis  à  caufe  de  la  de» 
fobeiiTance  commife  par  noftre  premier  pere.  tiers  tour  eft  rejû/cité,  pour  demonftreç 
que  ce  nous  eft  vne  promelîe  de  refufeiter  d'vne  vie  à  autre,qui  eft  iavic  eternelle.Aïo»- 
té  4«w/,demôftrant  qu'il  auoit  mis  fin  à  toutes  prophéties  &c  reuelation$,&  qu'il  n'eftoit 
plus  befoin  qu'il  conuerfaft  au  monde  :  &  qu'au  moyen  de  ce  qu'il  eft  monte,  nous  auôs 
vn  grand  profitrcar  tout  ainfi  qu'il  eftoit  venu  en  ce  monde  pour  nous  fauuer,  auflS  il  eft 
monté  au  ciel  pour  ndus  y  attirer,^  monftrer  que  le  chemin  nous  y  eft  ouuert  par  luy:&  Rom* 
que  là  il  eft  deuant  la  face  de  Dieu  fon  Pere,  pour  eftre  noftre  Aduocat  &C  Intércefleur, 
Et  toutesfois  il  n'eft  abfent  de  nous  que  de  prefence  corporelle,&  eft,&  fera  près  de  no9 
iufqu  a  la  fin.£#4/&  à  ladextre  de  Dieu  fon  Pwe,pour  monftrer  qu'il  a  reccu  la  feigneurie  du  Madh.^ 
ciel  &  de  la  terre,afin  de  régir  &C  gouuerner  tout.  Et  de  là  viendra  iuger  les  morts  &*ks  vifs: 
qui  eft  à  dire  qu'il  apparoiftra  du  ciel  ainfi  qu'il  y  eft  monté,pour  tenir  fon  iugemét ,  qui 
noWs  fera  vn  fingulier  bien  :  car  nous  deuons  eftre  certains  qu'il  apparoiftra  pour  noftre 
falut.  Parquoy  nous  deuons  attendre  ceftejournee-la,  &ne  lauoiren  telle  crainte  fl£ 
horreur  :  pource  que  celuy  mefmc  qui  eft  noftre  Aduocat  &  Intercciîeur ,  a  pas  noftre 
caufe  en  main,pour  la  défendre  deuant  Dieu  fon  Pere  au  grand  iour  de  fon  jugement. 
Auquel  Iefus  Chrift  ay  confiance  &£  attente,  recognoiiTant  tout  mon  falut  &c  appuy  ve- 
nir de  luy:efperant  eftre  participant  des  grans  biens  qu'il  nous  a  acquis  par  fa  mort  & 
paflion.f  t  qudnou* fait  receuoir  par  fin  S.  Ejpnticeux  bénéfices ,  croyant  fermement  ce  my-, 
ftere-la,  ne  doutant  point  que  le  S.  Efprit  n'habite  en  nous,  pour  nous  faire  fentir  la  ver 
tu  de  noftre  Seigneur  Iefus,&:  cognoiftre  fes  graces.Iequel  nous  illumine  pourno9 faire 
cognoift re  icelles  grâces,  &c  les  feele  &c  imprime  en  nos  cœurs.Er  au  moyen  de  ce  fenti- 
ment,nous  ne  penl'ons  à  autre  choie  pour  efpererialiir\qu'en  Iefus  Chrift.  Outre, iecroy 
tEgtfecatholi^cpù  eft  la  compagnie  des  fidèles  :  laquelle  Eglife  Iefus  Chriftja  rachetée, 
ainfi  qu'il  eft  dit  Ephef.  5,  Iefus  Chrift  ayant  racheté  fon  Eglife,l'a  fan&ifiec ,  afin  qu  elle 
fuftglorieufe,&  fans  macule  ou  pollution,  Laquelle  eft  vne  en  Iefus  Chrift  ,efpandue 
partout  le  monde:pource  eft-elle  nommé  Catholique,qui  eft  à  dire,  vniuerfelle:&qui 
fera  vn  iour  aiîembleeaucc  Iefus  Chrift,  qui  eft  feul  chef  d'icelle  Eglife:  que  tout  ainfi 
qu'il  ne  doit  auoir  en  ce  monde  qu'vne  Eglife,qui  eft  S  vn  commun  accord  <gr  volonté  en  ice- 
luy  Iefus  Chrift,aufli  n'y  a-il  qu'vn  feul  chef,  le  croy  la  remifîon  des  péchez^,  c'eft  que  Dieu 
parfabonré&dc  fa  grâce  les  quitte  &  pardonne  à  fes  fidèles  au  nom  de  fon  Fils  Iefus 
Chrift:tellement  qu'ik  ne  viennent  point  en  condamnation  deuat  fa  face,nous  faifant 
pardon  gratuitemét  par  fon  Fils  vnique  noftre  Aduocat,qui  intercède  pour  nous  deuac 
\x\y.~>4pres  iecroy  la  refûrrecliondeUcljatry&C  la  vie  eternelle,pour  monftrer  que  noftre  félici- 
té &  ioye  ne  gift  en  cefte  terre,&:  qu'appreniôs  à  pafTer  par  ce  monde  corne  par  vn  pays 
eftrange,  ne  mettant  noftre  cœur  aux  biens  &c  délices  de  ce  monde ,  prenans  bon  cou- 
rageen  atttendant  la  venue  ÔC  defeente  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift.  Ainfi  doc,puis, 
que  Dieu  me  fait  ce  bié  &ç  cefte  grâce  de  le  cognoiftreDieu  véritable  &  immortel,crea- 
teur  de  toutes  chofes,8f  qu'il  m'a  mis  au  m  ôde,creé  à  fon  image  &  femblance,ie  le  veux 
toufiours  auoir  en  mémoire,  mettre  toute  ma  (tance  çn  luy?  le  craindre,  aimcr,feruir  &C 

Aa, 


LiurCj  1IIL  Efiienne  le  Roy ,  Tyrre  Denocheait. 

obéir  au  mieux  qu'il  me  fera  poflîble ,  félon  fes  fain&s  commandemens ,  le  requérir  en 
toutes  mes  neceflltez&:  affaires,  cognoiftre  que  de  luy  fcul  vient  tout  bien ,  &c  cercher 
en  luy  tout  mon  falut&  fecours     non  ailleurs. 

invocation      En  q_v  i  s  (i  les fain£b  qui  font  en  Paradis,  ont  puiflance  de  nous  aider  &lecourir  en 

Ibbauîc h  nos  ncccffuct  >  langueurs  &:  arrimes ,  &:  s'il  les  faut  inuoquer,  prier,  &  auoir  vers  eux  re- 
cours, afin  qu'ils foyent  nos  aduocats ,  moyenneurs&  inteiceifeurs  enuers  Dieu ,  pour 
auoir  remiflion  de  nos  fautcs:au5s  dit  qu'il  les  raut  honnorer ,  ccft  leur  porter  honneur 
&reuerence,  en  donnant  la  louange  à  Dieu ,  etf  les  enfuyuant  félon  qu'ils  ont  cnfuyuy 
Iefus  Chrift. mais  de  les  inuoquer&  prier  commeaduocats, il  n'y  en  a  en  toute  l'Efcritu- 
refain&e  aucun  tefmoignage  qui  en  face  mention. Et  eux  eftans  en  ce  monde,prefchas 
la  parolle  de  Dieu,  ils  nenousont  point  cômandé  de  les  prfer  :  mais  feulement  de  nous 
adreiTer  à  Dieu  par  fon  Fils  Iefus  Chrift  noftre  feul  aduocat  &  médiateur ,  d'autant  qu'il 
nyaqucluyfeul  à quigloire& honneur foitdeu, ne  qui  cognoiiîenos  fecrettes  péfees, 

ieani*.  &  fait  fcrutateur  de  nos  cœurs. C  eft  luy  qui  a  dit,  En  verit é,en  vérité  ie  vous  dy,que  tou 
tes  chofes  que  demanderez  à  mon  Pere  en  mon  nom,il  les  vous  donnera.mfqaes  à  pre- 
fent  vous  n'auez  rien  demandé  en  mon  nom. demandez,&  vous  l'aurez ,  afin  que  voftre 

i.TLnoM.  îoye  foit  pleine  &:  accomplie.  Et  S.Paul  dit  que  nous  auons  noftre  Seigneur  IefusChrift 
pour  mediateur,afin  qu'ayas  accezpar  fon  moyé,  ne  doutions  de  trouuer  grâce.  Et  plu- 
sieurs autres  paflages  en  la  faincle  E(criturc,par  lefquels  il  nous  eft  prouué  que  nous  n - 
auons  que  Iefus  Chrift  pour  Aduocat  &  Mediateur.ôi  que  quiconques  met  fa  fiance  en 
autre  qu'en  Dieu  feul,  &:  en  prie  vn  autre  pour  fon  aduocat ,  il  erre ,  &c  n'a  pas  toute  fa 
fiance  en  Dieu.car  quand  on  prie  quelcun,c'cft  d'autant  qu'on  en  attend  quelque  pro- 
fit: ainfi  donc  ceftuy  la  fcdeftourne  de  la  bonne  &:  droite  voyc.  D.  Si  eft-il  commandé 
de  l'eglife  qu'il  faut  prier  &  inuoquer  les  Sain£ts,à  ce  qu'ils  foyent  nos  intercefleurs  en- 
uers Dieu.  R.  Les  prie  qui  voudra,cen'eft  mon  intention. 

Pape.  Enclv  i  s  s'il  ne  croit  point  que  le  Pape  reprefenteà:  foit  lieutenant  de  Dieu,  collo- 

que au  lieu  de  S.  Pierre:  Dit  que  ce  feroit  à  fau/Tes  enfeignes,pource  qu'il  ne  fait  les  œu- 
ures  de  Iefus  Chrift  ne  de  S.  Pierre,&neles  enfuit  en  rien.  ^  S'il  eft  chef  de  l'eglife  Ro- 
maine: Dit  qu'il  ne  (ait  qui  eft  rcglifeRomaine:&  dit  qu'il  ne  cognoit  que  l'EghfcCathd 
lique,dont  Iefus  Chrift  eft  le  chef,  ainfi  que  S.Paul  Ephef.  i  .récite*  que  Iefus  a  efté  con- 
ftituéchefde  toute  l'Eglife,&  exalté  de/Tus  toute  principautés  aux  Philip. r,Qu'il  are 
ceu  vn  nom  par  de/Tus  tout  nom.  Aux  Ephef  5,  &  ColoiT.3,  Iefus  Chrift  eft  chef  des  An- 
ges &c  de  tous  fidèles. Et  encore  aux  Ephef.  z.  Le  fondement  de  l'Eglife ,  eft  la  do&rine 
des  A  poft  tes  &  Prophètes.  Et  aux  Ephef.  5,  Iefus  Chrift  ayant  racheté  fon  Eglife,l'a  fan- 
£tifiee,afin  qu'elle  fuft  glorieufe  &c  (ans  macule. Et  q  quiconques  fe  veut  ofter  hors  de  la 
forme  de  l'Eglife  dont  Iefus  Chrift  eft  le  chef,&  fe  veut  mettre  &:  arrefter  aux  ordônan- 
ces  des  hom  mes  qui  font  de  l' Antechrift-.il  ri'eft  pas  de  l'Eglife  de  Dieu ,  &  renonce  à  la 
communauté  des  Chreftiens&fideles.QuantàlapuilTance  de  lier  &c  deflier,c'eftlapa-  # 
rolle  de  Dieu,qui  a  cefte  vertu  d'attirer  vn  homme  à  la  cognoùTance  de  fon  Euâgile .  &C 
luy  retiré  &  croyant  à  icelle,eft  dellié:&  où  il  n'y  croit  poin  t.  il  demeure  lié. 

Purgatoire.  E  n  qjv  i  s  s'il  croit  qu'ily  ait  vn  tiers  lieu  où  vont  les  ames  pour  eftre  purgees,que  Ion 
nomme  Purgatoire:a  dit  qu'il  ne  fait  autre  Purgatoire  que  celuy  qui  eft  fait  par  le  pre- 
cicuxfang  de  Iefus  Chrift,par  lequel  les  iniquitez  des  pécheurs  font  purgecsxar  en  l'E- 
feriture  nous  ne  trouuôs  que  puifîions  eftre  purgez  de  nos  macules  par  autre  purgatiô, 
que  parle  fang  de  Iefus  Chrift,qui  a  pleinement  fatisfait  pour  rous  vrais  croyans,& n'a 
rien  fait  à  demy.  Or  ce  feroit  faire  les  chofes  à  demy  (  qui  font  neâtmoins  en  fa  poflibili- 
té)les  donner  &  délai/Ter  aux  hommes,pour  par  eux  nous  retirer  de  ce  feu  de  Purgatoi- 
re, en  faifont  œuurcscre  leurs  mains,  il  vaudroitautât  dire  que  nous  fuflîons  fautiez  par 
les  hommes  &  non  par  Iefus  Chrift.  Le  bon  Dieu  n'a  rien  fait  à  demy:  il  nous  pardonne 
&  le  forfait  &  la  peine.  ^"Sur  ce  poin&ie  pris  la  hardie/Te  dé  demander  à  l'Inquifiteur,  fi 
Purgatoire  eftdit  deuant  ou  après  l'incarnation  de  noftre  Seigneur  IefusChrift.dequoy 

M"d»-3-  ilnefitrefponfe.  Et  ie  luy  dy  qu'en  vnEuangile  noftre  Seigrîeuradit,  que  lavoyeeft 
grande&fpacieufe  qui  meincàdamnation,&, la  fente  eftroitequimcineàfaluation.Et 

M-irci*.    quicroira ôc  fera  baptizé,fera  fauué;&r qàïhecroira,il eft defia condamné.  En quoy ap- 
pert qu'il  n'y  a  que  deux  voyes.  Qui  mourra  fidelc,fera  iauuér&-ïnfidele,fera  damné.  Ec 
Iefus  Chrift  eftant  en  la  croitf,lé  brigand  le  firppha,  Seigneur,quand  tu  viendras  en  ton 
iLuc  ij.      royaume,  aye  mémoire  de  rhoy  :  fie  le  Sérgrieur luy  refpondi  Tu  feras  auiourdhuy  cok 

loque 


Eftienne  le  Roy ,  Tierte  Dcnocheaù.  276 

Ioqué  auec  moy  eh  paradis. 

En  ojr  1  s  touchant  les  parollesfacramcntales  dites  furlepain  6d  e  v  in  tafTauoir  fi  Pactes 
par  icellesThoftieconfacree  parle  preftre,  ne  deuient  point  le  corps  de  Iefus  Chrift,tel «^"^ 
qu'il  a  repofé  au  ventre  de  la  vierge  Marie:  Ierefpohdyque  iene  tenoyerien  décela: 
mais  que  i'entendoye  fermemét  que  le  pain  &c  le  vin  en  la  Cehe  du  Seigneur  nous  font 
donnez  comme  tefmoignage,gagc& mémorial  que  noftre  Seigneur  nous  delaiflbit  en 
Commémoration  :  afin  que  toutes  fois,&  quantes  que  nous  ferions  cela  <  nous  euflîons 
fouuenance  &  mémoire  de  fa  mort  &  paillon,  qui  eft  pour  nous  aifeurer  &  tenir  touf- 
iours  fermes  en  la  foy  .Et  qu'il  n'entédoit  &  ne  parloit  point  que  ce  pain  fuft  rôpu  pour 
nous,  ne  ce  vin  refpandu  pour  nousrmais  quec'eftoit  ion  propre  corps  &  fang,qui  nous 
eftreprefenté  par  ce  pain  &  ce  vihenfaifant  la  Cene.  Et  qu'il  ne  fe  falloir  pas  arrefter 
auxelemés  corruptibles:mais  pour  enauoir  la  vérité  qu'ilnous  falloit  efleuer  nos  yeux 
&  noftre  efprit  en  haut  au  ciel,où  Iefus  Chrift  eft  à  la  dextre  de  Dieu  fon  Père.  Nous 
auons  preuuc  fuffifante  en  plufieurs  partages  de  l'Efcriture  faincte,  que  Iefus  Chrift  a- 
uec  fon  corps  eft  monte'  au  ciel ,  d'où  il  ne  defeendra  îufqu'a  ce  qu'il  viendra  polir  tenir  aû«E 
foniugement.  Et  ne  nous  faut  douter  que  par  la  foy  que  nous  auons  aux  promefles  de 
Iefus  par  fon  S.  Èfprit,  en  prenant  le  pain  &  le  vin  qu'il  nous  lai/Te  en  fa  faincte  Cene ,  il 
hliabiteennous&en  nos  cœurs.  Etalleguantcequefainâ,  Auguftin  dit  cnfohliure. 
Des  rétractations  j  Pourquoy  prepares-tu  ta  bouche  &  ton  ventre  ?  croy,&  tu  l'as  man- 
gé :  l'vn  des  aflïftansfoudain  me  dit,que  cela  ne  s  ehtëdoit  que  pour  les  malades  qui  ne 
pcuuçnt  vfer  des  Sacremens.  Mais  ieluyrepliquay,qu'il  n'y  a  quelafo^qucnousauonà 
en  Iefus  Chrift,croyâsen  luy  &c  en  fes  prome/Tes,qui  le  nous  fait  receuoir  en  nous:&que 
le  dire  de  S.  Auguftin  ne  s'entend  point  pour  les  malàdes,mais  pour  ceux  qui  prennent 
ce  pain  6C  vin  en  la  Cene.  Si  vn  Pape  Grégoire  a  mal  interprété  ces  parolles ,  ou  qu'orï 
les  interprète  mal  fous  couleur  de  luy  ou  de  fbn  direis  enfuit-il  que  nous  deuiôs  croirefic 
tenir  cela  autrement  quece  qui  eft  cy  de/Tus  allégué  pour  véritable?  TSlbftre  Seigneur 
Iefus  Chriftainftituéfa  Cene,  pour  nous  a/Icurer  que  par  la  communication  de  fon 
corps,  reprefenté  parce  pain&  vin,nos  âmes  font  nourries  ehcfperance  de  la  vie  éter- 
nelle. Et  aufîî  par  cela  nous  fignifibit&  donnoit  à  entendre,  quainfi  que  le  pain  maté- 
riel a  vertu  defuftéternos  corps  humains  :auffi  fon  corps  fait  le  pareil  enuers  nosames; 
qui  les  nourrit  ôÊviuifiefpirituellemcnt,  Et  mefme  comme  le  vin  rend  l'homme  fort; 
le  conforte  &  le  refiouit ,  au/fi  fon  fang  eft  la  force,la  ioye  &  réfection  fpirituelle  de  nos 
^mcs:&fauttoufioursenprehantce  pain&:vin,reucniràla  chofe  fpirituelle, &  non 
corporelle  ne  corruptible  :  &  croire  que  Iefus  Chrift  eft  mort  pour  nous ,  àc  a  refpandu* 
fon  fang  pour  nous  deliurer  de  la  mort  etcrnelle,&:  nous  acquérir  la  vie.Et  que  ce  figne 
te  tefmoighage  qu'il  monftroit  à  fes  difeiples,  eftoit  pour  leur  fignifier  qu'il  alloit  don- 
ner fon  corps  &L  fon  fang  en  la  remiffiô  de  plusieurs,  afin  qu'ils  n'en  fufTent  point  ea  doit 
te,  &  que  des  grans  biens  &  bénéfices  qu'il  alloit  acquérir  par  fa  mort  6c  paffion,  il  nous 
en  feroit  capable  &c  dignes,  pourfentirle  fruict& l'efficace  d'iceux.  O  rie  moy  en  de  re- 
ceuoir Iefus  Chrift  en  nous,  ce  n'eft  pas  feulement  de  croire  qu'il  eft  mort  &  refùfcitê 
pour  nous  deliurer  de  mort  eternelle,&  nous  acquérir  la  vie  fpirituelle  :  mais  aùffi  qu'il 
habite  en  nous  par  fon  S.  Efpric,&  eft  conibint  auec  nous ,  fi  nous  auons  foy  i  eh  telle  V- 
hion  que  le  chefauec  les  membres:  afin  de  nous  faire  participans  de  toutes  fes  grâces, 
en  vertu  de  cefte  conion&ion.  En  telle  foy  ho9  faut  manger  fon  corps  &  boire  fon  fang* 
comme  os  de  fes  os  &  chair  de  fa  chair. 

Cïcy  eft  quafi  le  contenu  de  mon  procei.  Vray  eft  qu'ils  m  ont  enquis  &  intcrrbgu© 
d'autres  poin&s:mais  rien  ne  fut  mis  par  efevit.  Ils  donnèrent  iugement  fur  ce .  aduifeZ 
quelle  tyrannie.  Et  font  neantmoins  à  croire  au  timplc  monde,  que  nous  tenons  mau- 
uais  propos  contre  Dieu  &  l'Eglifermais  il  appert  bien  du  cÔtraire:car  ce  font  eux-mef- 
mesqui  tiennent  lepoure  monde  en  erreur,  qui  pcnfeeftre  aùvray  chemin  de&lùti 
mais  il  en  eft  bien  eflongné. 

fVo  1  l  a  en  efFeft  la  confeffion  que  fit  Pierre  Denbcheau,deuant  ceux  qui  eftoyent 
commis  à  fon  examen,cependant  qu'il  eftoit  détenu  és  prifoiis  derctlcfque  de  Char- 
tres. QùantàEftienne  le  FLoy,  il  rendit  auffi  bien  ample  confeffiohde  verité:mais  elle  Efticnnele 
ne  fut  pas  recueillie  par  eferit.  Il  compofa  cftant  en  la  prifon  aucunes  châfons  (pirituel-  Roy  $ 
les,quicontenoyentlafoy&refperanceqû'ilauoit:foheftat  àc  condition ,  que  le  Sci- 
gneurauoit  tant  exaltée  i  de  lauoirchoifi  pour  luy  rédre  teûnoignage  deuantlcs  honv  tuSJm" 

Aa.  ii. 


Lime  111 L 


Pierre  S errcJ. 


mes.  Il  s'eiiouyfloit  en  prifon  en  les  chantant,  &:  magnifiant  les  bontez  nompareilles 

du  Seigneur. 

E  S  deux  perfonnages,apres  ainfî  auoir  perfeucré  vaillamment  en  la  vrayc  doctrine, 
&:  auoir  repou/Té  tous  allechemens  &  promeiTes  de  deliurace  qu'on  leur faifoit, voi- 
re &c  les  folicitations  qu'en  fit  fEueique  mefme,afîn  de  les  faire  defdire,  furet  finalcmét 
condamnez  àla  mort  dont  ils  fe  portèrent  pourappelans  au  parlement  deParis:non 
point  pour  efchapper  le  iugement  de  la  mort ,  mais  pour  amplement  magnifier  ,  &de- 
uantlesgransfouftcnirlado&rineduFilsde  Dieu.  La  cour  du  Parlement  les  renuoya 
aucc  arrcft  confirmatif  de  la  fentence  precedentc:tellement  que  peu  après,  fans  les  gar 
der  dauantage,furent  exécutez  en  ladite  ville  de  Chartres,  l'an  prédit , m.  o.  l  i  i  i. 


PIERRE    SERRE,  de  Languedoc. 

NO  T  F,Le&eur,  en  U  procédure  de  ce  perfonnage  vne  refponfc  autant  naifue  &  notable  contre  la  Preflrifc  Papale,  qu'apo- 
pbtbcgme  qui  le  pourrait  dire.  Tu  prendras  amsi  fruift  au  furplus  de  fon  hiftoirc. 

M- D- Lut  STlIl^Sl  I E  R  R  E  Serre  eftoit  de  Lefe,au  pays  de  Coferans,  aflez  près  de  Touîouze. 

tlccluy  ayant  efté  premièrement  preftre,  fe  retira  à  Geneue ,  où  il  apprint  le 
Imcftier  de  cordonnier.  Depuis  il  fut  touché  d'vndefir  charitable  de  retirer 
vn  fien  frère  marié,  hors  de  l'idolâtrie  Papiftique.  8c*  pour  ce  faire,  fe  mit  en 
chemin  au  temps  d'hyuer,  l'an  m  d.li  i  i.Eftantarriué  en  fon  pays,  il  parla  à  fon  frere, 
&  femblablement  à  fa  femme ,  qui  n'y  prenoit  aucun  gouft,&  ne  vouloit  ouyr  parler  de 
delloger.Parquoy  incontinent  elle  1  alla  déceler  à  vne  fienne  voifine ,  laquelle  le  tint  û 
peu  fecret ,  qu'aufli  toft  TOfficialdudit  diocefe  en  fut  aduerty .  &C  craignant  qu'il  ne  luy 
efchappaftjlcfitconftituerprifonnierfans  autreinformation.  De  la  faire ,  n'en  fut  au- 
cun befoin  :  car  prom  ptement  il  leur  déclara  fa  demcure,&  quelle  religion  il  tenoit.Or 
L'inquifî-  ledit  Officiais  fes  confors  craignans  d'eftre  retardez  par  quelques  appelations,aduifc- 
ThouJouxe  rcilt  ^e  Xiurcr  entre  les  mains  de  Tlnquificeur  de  la  fby  ordonné  à.  Toulouzc.  Par-de- 
uant  lequel  aufli  ledit  Pierre  rendit  am  pic  confeflîon  de  fa  foy  ,iufqu  es  à  dire  à  l'Inquifi- 
tcur,  que  s'il  vouloit  fonder  fon  cœur,il  fe  trouueroit  conueincu  que  ce  qu'il  fouftenoit 
n'eftoit  autre  chofe  que  la  pure  vérité  deDieuxc  que  prom  ptement  il  luy  prouuoit,luy 
cottant  les paifagesek  chapitres,tantauoit-il  bône&fraifche  mémoire.  Nonobftant il 
fut  côdamrvé  par  ledit  Inquifiteur  &  le  vicaire  de  l'cucfque  deCoferans,a  cftre  dégradé 
&  mis  en  la  main  de  la  Cour  feculiere.  Pour  faire  cède  dégradation ,  il  fut  mené  en  vne 
petite  ville  près  de  Toulouzc  ,  nommée  Muret,  &  de  là  Huré  au  iuge  des  Appeaux  ci- 
nils  ,en  laSenefchaucé  de  Touîouze,  qui  eft  auflî  iuge  des  incours  d'herefie.  Ce  iuge  d'- 
entrée interrogua  Pierre,dc  quel  meftier  il  cftoit:&  ayat  ouy  de  luy  que  depuis  quelque 
temps  il  s  eftoit  mis  à  eftre  cordonnier,il  luy  demâda  de  quel  meftier  il  eftoit  auparauât: 
Hdas,monfieur{ditPierre)ieneroferoyedireque  fauuevoftre  grâce:  car  i'ay  efté  du 
plus  vilain,  mefchât&  malheureux  meftier  du  monde. Plu ficurs  des  aflSftans  eftimoyee 
qu'il  euftefte  brigand,  voleur,ou  faux  monnoyeur.& partant  Texhortoyent  de  le  dire 
hardiment:&:  fembloit  que  le  remors  &c  doleance  luy  fermaft  la  bouche.  Finalement  e- 
ftant  importuné,  dit  auec  foufpirs,  Las,  miferable  que  ie  fuis,  i'ay  efté  Preftre.  Et  fur  l'- 
heure rendit  raifon  pou  rquoy  ileftimoit  cefteftat  fi  malheureux  &  maudit.  Adonc  le 
iuge  fut  fort  irrité,  &  peu  de  i  ours  après  le  condamna  de  faire  amende  honnorable,  àc 
demander  pardon  à  Dieu,au  Roy,&àiuftice,iauoirla  langue  coupée,  &  cftre  après 
bruflé  tout  vifrdont  Pierre  Serre  fe  porta  pour  appelant. 

A  c  a  v  s  e  de  quoy  il  fut  mené  en  la  chambre  criminelle  de  la  cour  de  Parlement  de 
Touîouze.  où  il  perfifta  cohftam  ment  en  fa  confeflîon .  Et  inte  rrogué  fur  les  griefs  de 
Serrededa-  fon  appel ,  il  plaida  fa  caufe  dit  qu'il  n'eftoit  appelant  de  la  mort ,  pourec  qu'il  ne 
dcfôippcL  vou^oic  efpargnerfa  vie  pour  l'honneur  de  Dieu,  &  le  tefmoignagc  de  fa  vente  fa^ 
uoit  aufnqucceuxaufqùelsilappekiit,  ne  luyfauucroyéntlavie:  mais  il  eftoit  appe- 
lant de  ce  qu'on  lauoit  condamné  à  demander  pardon  au  Roy ,  lequel  il  n'auoit  offenfé' 
non  plus  que  la  iufticcicàr  quant  à  Dieu,  il  eftoit  tenu  &  tout  preft  de  luy  demader  par- 
don.IÎ  eftoit  auflî  appelant  de  ce  qui  auoit  efté  dit,  qu'il  aurqit  Jalanguc  coupée,  car  at- 
tendu que  le  Seigneur  la  luy  auoit  donnée  pour  le  louer ,  il  luy  eftoit  aduis  qu'on  ne  lu} 

de- 


Plufieurs  tïïtartyrs.  277 

deuoit  oftcr  le  moyen  dele  pouuoir  faire  fur  le  dernier  poinct  de  fâ  vie.Mais  nonobftar, 
ladite  fenten  ce  fut  conferniee  par  arreft  de  la  chambre  criminelle  dudit  Parlemét.  tou 
tesfois  à  raifon  de  quelque  commiflîon  baillée  au  premier  Prefidét,  pour  faire  mgerles 
procez  toncernans  la  foy,  en  telle  chambre  du  Parlement  qu'il  aduiferoit;&  que  dés  Y- 
anneepreccdenteilauoitchoiiilagrand'chambre,ilpretendoit  quetel  iugement  n- 
auoit  peu  eftre  fait  en  la  chambre  criminelle, 

Pak.qv  o  y  après  difner  les  deux  chambres,  aflauoir  la  grande  &  la  criminelle,  fu- 
rent aiTemblees>&  ledit  Pierre  derechef  mandé  par-deuant  icelles.  Eftantvenu  ,il  fut 
long  temps  fans  vouloir  refpondre,  difant  qu'il  n'auoit  plus  affaire  qu'à  Dieu ,  puis  que 
fon  arreft  luy  auoit  cfté  prononcé.  Tputesfois  à  la  fin  il  refpondit,  &:  perfifta  en  fa  côfef- 
fion  de  foy:&  ne  peut  eftre  deftourné  par  les  grandes  tentations  dont  il  fut  lors  aiîàilly. 
Il  fut  donc  ordonné  que  ledit  arreft  fortiroitfoneffect,  excepté  f  amende  honnorable 
&  l'abfcifion  de  langue,  pourueu  qu'il  ne  dift  rien  contre  leur  religion.  Comme  on  le 
menoitau  lieu  du  fupplice ,  enpafîant  par-deuant  le  collège  de  S.  Martial ,  le  iuge  luy 
monftra  vne  image  de  la  vierge  Marie ,  &  luy  dit  qu'il  luy  demandait  pardon.  Pierre  re- 
fpondit qu'il  n'en  feroit  rien .  car  il  ne  lauoit  offenfee  :  ioint  que  ce  n'eftoit  pas  la  vierge 
Marie ,  mais  vne  idole  de  pierre.  Cela  dit,le  iuge  luy  commanda  de  bailler  la  langue.ee 
qu'il  fit  fans  delay,&  endura  paifiblement  qu'elle  fut  coupée.  De  là  il  fut  attaché  au  po- 
fteau,pour  eftre  brullé  vif:  ou  il  leua  les  yeux  au  ciel,&:  les  tît  là  fichez  iufqu  es  à  la  mort; 
fi  que  pour  l'ardeut&vehemence  du  feu,  il  ne  fe  remua  non  plus  que  s'il  euft  eftéinfen- 
fible.Dont  tout  le  peuple  fut  fort  efmerueillé:&:  fut  dit  par  vn  confeiller  du  Parlement» 
qu'il  ne  falloir  plus  ainfi  faite  mourir  les  Luthériens,  attendu  quecela  pourroit  plus 
nuire  que  profite  t  à  leur  religion. 


IEAN    M  A  L  O,  Hamçer. 
C  E  S  T  E  perfecurion  au  pays  de  Haynaut  dura  iufqucs  à  l'an  fuyuant,comme  Ion  verra  en  l'ordre  des  Martyrs  cy  après 

E  ST  V  Y-C  Y  eft  delà  femence  des  fidèles  cydeuat  exécutez  à  Mons  en  M.D.LLir, 
1  Haynaut,  en  l'an  m  .  d  .  x  l  i  x .  Il  fut  mis  prifonnier  en  ladite  ville  de  Mons, 
1  pour  auoir  maintenu  en  quelque  copagnie ,  que  le  pain  de  la  MefTe  n'eftoit 
;  qu'vne  idole:&  fut  plus  d'vn  an  gardé  prifonnier  en  fôd  de  fofte  à  grade  mi- 
fere.  Finalement  en  ceft  an  m  .  d  .  l  1 1 1 1 .  il  fut  condamné  à  la  mort.  Ainfi  qu'on  le  me- 
noit  au  fupplice,on  l'ouit  difant  à  haute  voix  ce  propos:  Quand  nous  eftions  foldats  de  Parolle  no: 
l'Empereur,  combien  de  fois  auons-nous  mis  noftre  pourc  vie  en  danger  pour  luy  ?  Sd  tabIc' 
maintenant  craindrons-nous  de  la  mettre  pour  le  Seigneur?  nous  ne  la  {aurions  perdre 
àplus  grand  profit:mais  nous  ne  la  perdrons  pas,car  pour  vne  poure  vie  caduque  &tra- 
fitoire  que  nous  luy  lai/Tons  en  garde  &  gage,  non  en  aurons  vne  éternelle  &  bien-heu- 
reufe  à iamais.    Il  endura  ioy eufement  la  mort,  en  louant  &  beniflànt  le  nom  de  Dieu 
iufques  au  dernier  foufpir. 


*  GVILLAVME  DALENCON  &vn  TONDE  VK  de  draps. 

L'E  X  E  M  P  L  E  iey  propofé  en  la  pçrfonne  de  G.  Dalcncon  &  du  Tondeur,&  pour  nous  donner  courage  en  l'oçuure  du  Sei- 
gneur,&  aufsi  pour  nous  humilier  &  apprendre  à  nous  défier  de  nous-mefrnes,  pour  mettre  toute  noftre  fiance  en  la  force 
du  Maiftre duquel  S.  Paul  dit,  le  puis  toutes  chofes  par  ccluy  qui  me  fortifie.  Philips 

|N  T  RE  ceux  quionttafché  d'aider  les  fidèles  qui  font  fous  l'oppreflîon  de  m.d.liiii. 
Jtla  tyrannie  Papale,  par  communication  &  port  de  liures  de  la  faincre  Efcri- 
[ture,  &  qui  n'ont  pour  ce  faire  efpargné  leur  vie:Guillaume  Dalençon  ,  na~ 
^tif  de  Montauban,  ne  doit  eftre  oublié.  Car  après  auoir  fait  plufieurs  voya- 
ges en  diuers  lieux  :  il  a  efté  finalement  conftitué  prifonnier  à  Mont-peflier ,  ayant  efté 
trahy  &liuré  par  faux  frères.  Il  fut  donc  prifonnier  entre  les  mains  de  ceux  de  la  iufti- 
ce,  lefquels  après  l'auoir  interrogué  de  fa  foy,  voyans  qu'il  perfeueroit  conftamment  en 
la  confeflîon  de  l'Euangile ,  le  condamnèrent  à  la  mort,  le  Samedy  feptieme  de  Ianu  ier 
jd.  ».  ï.  1  1  1  1. 

Aa,iii, 


Richard  le  F Wo. 


O  a  il  y  auoic  vn  autre  prifonnier  aufli  détenu  pour  la  caufe  de  la  verité,qui  eftoit  ton- 
deur de  draps  de  fon  meftier,qui  par  infirmité  s'eftant  deftourné  de  la  pure  côfeflion  du 
Fils  de  Dieu,  tut  condamné  à  taire  amende  honorable ,  &c  eftre  prefent  à  la  mort  dudit 
Dalençon.  Le  iourmefme  ordonné  pour  exécuter  les  fufditesfcntences,le  Seigneur  fît 
grâce  à  G.  Dalençon  de  tellement  fortifier  ledit  perfonnage  par  les  exhortations  &c  pat 
Ion  exemple,qu'iceluy  ayant  receu  nouucau  courage,  demanda  aux  îugcs  où  deftrc  re- 
mené en  pril'on,  ou  d  élire  bruflé  auec  ledit  Dalençon  :  qu'autre  amende  honorable 
il  n'en  teroit  linon  par  la  movt,confeifant  vne  mel'me  doctrine  comme  ledit  Dalençon. 
En  celte  fermetés  conftance  moururent  ces  deux  Martyrs  de  lefus  Chrift.  ledit  Da- 
lençon le  le  ptieme  de  Ianuier:&;  l'autre  le  Mardy  enfuyuant,  dixième  duditmois,  au- 
dit an  m.  l>.  mu. 


RICHARD     LE    F  E  V  R  E,  de  Rouan. 

|^Jl  y  adequoy  magnifiquemét  glorifier  le  nom  de  Dieu ,  en  ce^qu'il  luy  a  pieu 
ç^É  ct  ^l  c  annce  tirer  cn  ^a  dernière  luite,Richard  le  Feure,compagno*n  orfeurc 
l^anatif  de  Rouan,  lequelauoit  eftéauparauant  prilbnnierenlavillede  Lyon, 
Tan  m.  d  .  l  i.  où  il  auoitconltamment  maintenu  la  vérité  de  l'Euangile,iuf- 
ques  à  reccuoir  lentence  de  mort:de  laquelle  s'eftant  porté  pour  appelant ,  ainli  qu'on 
le  menoit  à  Paris,il  fut  recoux  fur  le  chemin  de  Lyô,  &  olté  des  mains  de  ceux  quilecô- 
duifoyent-Et  combien  qu'il  y  ait  plulieurs  eferits  &c  contenions  dignes  de  memoire,fat- 
tes  durant  ce  premier  empnfonnement:neantmoins  puis  que  la  mort  ratifie  tous  lese- 
ferits  des  Martyrs,&:  eft  à  bon  droit  nommée  le  feau&:  confirmation  d'iceux»nous  les  a- 
uons  pa/Tez  en  ce  recueil  :  ayant  feulement  mis  pour  tout  acte  dudit  emprifonnement, 
vne  Epiftrc  que  lors  IeanCaluin  luy  efcriuitfur  quelques  points&difhcultcz  que  Ri- 
chard luy  auoit  propofez,pour  eftre(comme  il  mandoit)  par  luy  foulagé  au  combat  con 
tre  les  obiections  de  fes  ennemis  vifiblesôt"  inuifibles .  Or  pour  conferuer  ladite  Epiftre 
refponliue ,  comme  ainli  foit  qu'elle  contienne  grande  érudition  :  nousl'auons  icy  mife 
pour  en  faire  participans  tous  fidèles, félon  l'ordre  cy  deflus  mis  &c  obferué  és  eferits  de 
tels  excellens  perfonnages. 

EPISTRE  deM.  Iean  Caluin  ,  ennoyee  de  Geneue  i  Richard  le  Feure,  contenant  refponfe  aux  argumens  que 
font  les  aduerfaires  fur  les  poin&s  de  la  religion  Chreftiennc ,  auec  confeil  &  confolation  finguliere,  côment 
le  fidèle  fe  doit  porter  deuant  les  ennemis  de  la  vérité. 

TRESCHER  f  rere,côme  Dieu  vous  a  appelé  pour  rendre  tefmoignage  de  fon  E- 
uangile,  ne  doutez  point  auiïi  qu'il  ne  vous  fortifie  par  la  vertu  de  fon  Efprit:  &  comme 
délia  il  a  commencé,  il  ne  parface,  fe  monftrant  victorieux  en  vous  contre  fes  ennemis. 
Il  eft  vray  que  les  triomphes  de  lefus  Chrift  font  mcfprifez  du  monde:  car  cependant 
nous  fommes  en  opprobre,les  mefehans  fe  glorifient  en  leur  orgueihmais  tant  y  a  qu'ils 
ne  lailTent  point  d'eître  confus  par  la  puiffance  de  celte  vérité  queDieu  nous  amis  en  la 
bouche:&:  aufli  nous  fommes  fouftenus  cn  nos  cœurs, pour  nous  glorifier  contre  Satan 
&  tous  fes  fuppofts,  en  attendant  le  iour  que  la  gloire  de  Dieu  fera  pleinement  reuelee 
àlaconfufion-des  mefehans  &c  incrédules.  Ce  que  vousauezfenty  &:  expérimenté  iuf- 
ques  auiourdhuy  de  la  bonté  de  Dieu ,  vous  doit  confermer  en  certaine  efperâce,  qu'il 
ne  vous  defaudra  non  plus  à  l'aduenir.cepcndat  priez-le  qu'il  vous  face  fentir  toufiours 
micu  x  quel  threfor  ceft  que  la  doctrine  pour  laquelle  vo9  com  battez  :  afin  qu'au  regard 
d'icelle  voftre  vie  ne  foit  poït  pretieufe.  Ayez  aufii  toufiours  les  yeux  leuez  en  haut,à  ce 
bô  Seigneur  Iefusdequel  fera  voftre  garant,  puis  que  vo9n'eftes  perfecuté  que  pour  fon 
nom.Penfez  à  celte  glo'irc  immortelle  laquelle  il  no9a  acquife,  afin  de  pouuoir  endurer 
en  patiéce  les  afflictiôs  où  vous  eftes. Priez  ce  bonDieu  continuellement, qu'il  vous  dô- 
ne  telle  illue  qu'il  a  prom is  à  tous  les  fiens:&:  felo  qu'il  a  voulu  tirer  voftre  foy  à  l'examé, 
qu'il  vous  race  pratiquer  la  vertu  de  fes  promeiîes.Et  cômeil  eft  le  Pcre  de  lumiere,qu'- 
il  vous  efclaire  tellement,que  toutes  les  firmees  que  les  malins  vous  mettront  au  deuat, 
f^T1"'1  ne  VOLlsPu,nrente^ouirlesyeux:&  que  toutes  leurs  finefTes&:  eau  telles  ne  vo'puilîét 
drc^ujfwl  °bfcurcirrentendement,que  toufiours  vousnecontépliezlevray  Soleil  de  iuftiee,qui 
çumens.    eft  le  vray  Fils  de  Dieu.  ^ Quant  eft  de  refpondre  aux  argumens,  vous  faites  bien  de  re- 

fpondre 


Richard  le  F eurcj.  278 

fpondre  en  toute  implicite ,  parlant  félon  la  mefure  de  voftre  foy  :  comme  il  eft  eferir, 
i'aycreu,pourtantieparleray.Vrayeft  que  tout  es  les  fubtilitez  qu'ils  cuidentauoir,  ne  pfcau  iIf 
font  que  îbttifes  ridiculcs:mais  contentez-vous  de  ce  que  Dieu  vous  a  départi  de  fa  co- 
gnoiflance,pour  rendre  pur  tefmoignage  &c  fans  feintife  à  l'a  verkè.  Car  quelque  rifee 
qu'ils  en  facentxe  leur  fera  comme  vne  foudre  à  leur  confu  (ion, quand  ils  n'orront  que 
ce  qui  eit  fondé  en  Dieu  &  en  fa  parolle.  Au  refte,vous  fauez  qui  eft  celuy  qui  a  promis  Luc  « 
de  donner  bouche  Sciagelfe  aux  fiens,à  laquelle  tous  fes  aduerfaires  ne  pourront  reû- 
fter.demandez  luy  qu'il  vous  conduife  félon  qu'il  cognoiftra  eftre  bon.  Ils  ne  lai/Teront 
pas  pour  cela  de  vous  tenir  conueincu  d'herefie  :  mais  autant  en  a-il  efté  fait  à  tous  les 
Apoftres  &c  Prophetes,&  à  tous  les  Martyrs.Le  Greffier  n'eferira  linon  ce  qui  luy  vien- 
dra à  plalirrmais  voftre  confeflion  ne  lailTera  pas  d'eftre  enregjftrée deuant  Dieu  &  fes 
Anges:&  il  la  fera  profiter  aux  liens  félon  qu'il  eft  à  délirer. 

I  e  toucheray  en  brief  quelques  points  fur  lelques  ils  ont  tafche'  de  vous  molefter.  ^[jjj^dc 
Pour  vous  donner  à  entendre  que  nous  ne  fommes  point  iuftifiez  par  la  feule  grâce  de  la  foy. 
Dieu^ils  vous  ont  allégué  queZachai  ie  &  plufieurs  autres  font  nommez  iuftes.  Or  fur 
cela  il  vous  conuiét  regarder  cornent  Dieu  les  a  acceptez  pour  tels.  S'ils  fe  trouue  que 
c'eft  par  fa  bonté  gratuite,en  leur  pardonnant  tout  ce  qui  cftoit  à  redire  en  eux  ne 
leur  imputât  point  leurs  fautes  &c  vices,  voila  tout  le  mérite  exelud .  car  en  difant  que  la 
feule  foy  en  Chrift  nous  iuftifie,nousentédons  en  premier  lieu  que  nous  fommes  tous 
maudits:&:  qu'il  n'y  a  que  peché  en  nous:&:  que  nous  ne  pouuons penfer  ne  faireaucun 
bien,lînon  entant  que  Dieu  nous  gouuerne  par  ion  S.Efprit,comme  mébres  du  corps 
defon  Fils.Dauantage  encores  que  Dieu  nous  face  la  grâce  de  cheminer  en  fa  crainte* 
que  nous  fommes  bien  loin  de  nous  acquiter  de  noftre  deuoir.Or  il  eft  eferit,  Que  qui-  Daiw 
conque  n'accomplira  tout  ce  qui  eft  commandé, fera  maudit.&  ainli  nous  n'auôs  autre 
refuge  qu'au  fang  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift,qui  nous  purge  &  laue  au  facrifîce  de 
Ca  mort,  qui  eft  noftre  fan&ificatiô.Par  ce  mefme  moyé  Dieu  reçoit  pour  agréables  les 
bonnes  œuures  que  nous  faifons  par  fa  vertu:côbien  qu'elles  foyét  toufiout s  entachées 
de  quelq  poureté,  Ainfi  quiconque  fe  voudra  appuyer  fu  r  les  merites,il  fera  comme  pe 
du  en  l'air,pour  branfler  à  tous  vents.  Bref  ceux  qui  penfent  mériter  aucune  chofe ,  fe 
font  Dieu  redeuable:au  lieu  de  quoy  il  nous  faut  tenir  le  tout  de  fa  pure  bonté .  Nous 
ferons  riches  &abondans  en  merites,eftans  en  Ielus  Chrift  reftans  hors  de  fa  grâce,  ne  L  . 
penfons  point  auoir  vne  goutte  de  bien.Si  les  ennemis  vous  allèguent  ce  mot  de  Loy- 
er,n'enfoyez  point  troublé. car  Dieu  rend  aux  liens  loyer,  combien  qu'ils  n'en  foyent 
point  digncs:mais  d'autant  qu'il  accepte  les  œuures  qu'il  a  mis  en  eux  >  les  ayant  confa-  Iuftifier 
crez  au  fang  defon  Fils  Iefus  Chrift-.afin  que  de  là  ils  prennent  leur  valeur.  Parquoyle 
loyer  que  Dieu  promet  à  fes  fidèles, prefuppofe  la  remiffion  de  leurs  pechez,&  le  priui- 
lege  qu'ils  ont  d'eftre  fupportez  comme  fes  enfans.Et  de  fait,ce  mot  de  iuftifier  empor 
te  queDieu  nous  tienne  comme  iuftes,afin  de  nous  aimer:ce  que  nous  obtenons  par  la 
feule  foy. car  Iefus  Chrift  feùl  eft  la  caufe  de  noftre  falut.  Vray  eft  que  S.Iaques  le  prend  UqA 
en  autre  fignification,quand  il  dit  Que  les  œuures  aident  la  foy  pour  nous  iuftifier  :  car 
il  l'entend  pour  approuuer  par  erFed  que  nous  le  fomm  es:côme  aufll  il  ne  difpuic  point  Sût  l'imcr. 
fur  quoy  noftre  falut  eft  fondé,&  en  quoy  il  nous  faut  mettre  noftre  confiance:mais  (eu.  dcs 
lement  comment  eft  cognue  la  vraye  foy, afin  que  nul  n'en  abufe ,  fe  glorifiant  en  vain 
du  titre  feulem  ent.  S'ils  retournoyet  à  vous  plus  importuner  fur  ce  poin&j  i'efpere  que 
Dieu  vous  donnera  dequoy  pour  les  vaincre.  ^  Quant  à  l'intercelïion  de  la  vierge  Ma- 
rie &:  des  Sain&strefpaifez,reueneztouliouus  a  ce  principe  ,  que  ce  n  eft  pointa  nous 
à  faire  des  Aduocats  en  Paradis:mais  à  Dieu,lequel  a  ordôné  Iefus  Chrift  vn  feul  pour 
tous. Item  que  nos  prières  doyuent  eftre  faites  en  foy  :&c  par  confequent  reiglees  par  la 
parolle  de  Dieu, comme  dit  faind  Paul  au  dixième  des  Romains .  Ôr  eft-il  ainfi,qu'en 
toute  la  parolle  de  Dieu  il  n'y  a  point  vne  feule  fyllabe  de  ce  qu'ils  difent  :  parquoy 
toutes  leurs  prières  font  prophanes  &  defplaifantes  à  Dieu.  S'ils  vous  répliquent  plus, 
Qu'il  ne  nous  eft  pas  defendu:larefponfe  en  eft  facile  ,  Qu'il  nous  eft  défendu  de  nous 
ingérer  à  rien  faire  de  noftre  propre  fens,  voire  en  chofe  beaucoup  moindre  :  mais  fur 
tout,Que  l'oraifon  eft  vne  chofe  beaucoup  priuilegee  &:  trop  facree ,  pour  nous  y  gou- 
uerner  en  noftre  fantalîe .  qui  plus  eft,ils  ne  peuuent  nier  que  ce  qu'ils  ont  recours  aux 
Saincts,ne  vienne  d'vne  pure  défiance  que  Iefus  Chrift  feul  ne  leur  foit  afîezfuffifant. 
Quant  à  ce  qu'ils  vont  répliquant,  Que  la  charité  des  Sain&sn'eft  point  diminueerla 

Aa.  iiii, 


Liurc^j  III L 


Richard  le  Feurcy. 


refponfe  cft  facilc,que  la  charité  fe  renge  &  limite  à  ce  que  Dieu  requiert  d'vn  chacun. 
Or  il  veut  que  les  viuans  s'exercent  à  prier  les  vns  pour  les  autrcsules  trefpafîez,  il  n'en 
eft  nulle  mcntion.&:  en  fi  grandes  chofes,  il  ne  nous  faut  rien  imaginer  de  noftre  cer- 
ueau,mais  nous  tenir  à  ce  qui  nous  cft  recité  en  l'Efcrirure. 

o_v  a  n  t  àcequelesaduei  fairc^'alleguét,qu'il  eft  dit  en  Gencfc,quelenom  d'A- 
*f  Jc  braham  Se  Itaac  doit  eftrc  inuoque  api  es  leur  trefpas:vray  eft  que  le  texte  le  porte:mais 
expliqué  c'eft  vne  pure  moquerie  de  ramener  à  ce  propos.  Cela  eit  eferit  au  quarantehuitieme 
de  Genele,où  il  eit  parlé  que  Iacob  beniiîant  Ephraim  &Manan*e  les  enfans  de  Iofeph, 
prie  Dieu, que  les  noms  de  (es  pères  A  braham  Se  Ilaac  Se  le  lien  foyét  muoquez  lui  ces 
deuxenfans ,  comme  fur  les  chefsdes  lignées  defeendantes  de  luy.  Or  c'eft  autant  co- 
rne s'il  difoit, qu'ils  fbyent  reputez  &:  contez  au  nombre  des  douze  lignées  ,  Se  qu'ils  ta- 
cent  deux  teftes  comme  s'ils  eftoyent  les  enfans  en  premier  degré .  Io-.ntt  auflî  qu'ils  e- 
ftoyent  nais  en  Egypte,il  les  ioinct  par  fa  prière  au  lignage  que  Dieu  auoit  bénit  Se  îan- 
élifié:pource  que  de  ce  temps- la  ils  en  eftoyent  comme  feparez  félon  l'apparence  exté- 
rieure. Ainfi  celle  façon  de  parler  nefignifiefinon  de  porterie  nom  d'Abraham,&:de- 
ftre  réclamez  de  fon  lignage:comme  il  eft  ditau  quatrième  d'E(aie,Que  lenom  du  ma- 
ri eft  reclamé  fur  la  femme  :  d'autant  que  la  féme eft  fous  l'ôbrc&:  côduitedefonmari. 
Svr  ce  qu'on  vous  allègue  fainâ  Ignacc,vous  n'auez  point  à  faire  grandeïefpon- 
PaiTagc  de  fe.Il  y  a  vne  fentenec  là  où  il  dir,Qiie  Iefus  Chrift  luy  eft  pour  toure  anciéneté.  Armez- 
s  Ignace.  VQUS  £onc  de  ce  feul  mot,pour  les  ramener  à  la  pure  doctrine  de  l'Euangile.Pource  que 
i'ay  vfé  de  ce  terme-la  contre  les  Papilles,  ils  prennét  couleur  de  dire  que  i  approuue& 
prife  ce  liure-la.or  afin  q  vous  n'en  îbyez  point  eftôné,ie  vous  aiTeure  qu'il  y  a  vn  amas 
de  badinagcs  fi  lourds, que  les  Moines  d'auiourdhuy  n'eferiueroyent  point  plus  fotte- 
ment. Mais  pource  que  n'auezpoint  cognoiffance  de  la  langue  Latine ,  encores  moins 
de  la  Grecque, en  laquelle  fainct  Ignace  à  efcrit,fi  nous  auons  quelque  chofe  de  luy  à  la 
verité,vous  n'auez  que  faire  d'entrer  en  cefte  difpute.  Contentez-vous  de  leur  refpon- 
dre  que  ne  pouuez  faillir  en  fuyuant  Iefus  Chrift  ,  qui  eft  la  Lumière  du  monde. 
Quant  aux  docteurs  anciens  ,  ceux  qui  l'ont  plus  exercitez  leur  en  pourront  dire  af- 
fez  pour  leur  clorre  la  bouche,  que  ce  vous  (oit  aflezd'auoir  vrayefoyafteureecnla 
feule  parolle  de  Iefus  Chrift,lequel  ne  peut  faillir  ne  mentir.  Et  mefme  que  c'eft  où  les 
renuoyent  tous  les  Docteurs  anciens, proteftans  de  ne  vouloir  eftre  creus:  finon  entant 
que  leur  dire  fera  trouué  conforme  à  ce  qui  nous  eft  enfeigné  de  Dieu,  Se  qui  eft  conte- 
nu en  fa  parolle. 

S  v  r  la  matière  du  facrement  delà  Cene,quand  il  Vous  parleront  de  leurTrafliib- 
Sur la  tranf  ftannation,il  y  a  reiponlé  propre,Quc  toutes  ces  ientences  qu'ils  ameinet,encores  qu - 
non1"""  c^es  dcuilcnt  eu^re  entendues  à  leur  lens,nc  fe  peuuét  appliquer  à  la  MciTe.Car  corne  il 
eft  dit,  C  ecy  cft  mon  corps  Se  mon  fang:il  eft  auflï  quat  Se  quant  adiou fié, Prenez, man- 
gez^ bcuuez  tous  de  ce  calice.Or  entre  eux  il  n'en  y  a  qu' vn  qui  mange  tout  :  Se  enco- 
res à  Pafques,ils  n'en  donct  que  la  moitié  au  peuple:mais  qu'il  y  a  encores  vn  plusgrâd 
mal, qu'au  lieu  que  Iefus  Chrift,dir,Prencz:ils  prefumét  défaire  vn  facrifice  qui  doit  e- 
ftre  vnique  &:  perpétuel. Et  ainfi  pour  s'aider  de  ces  parolles,il  faudroit  qu'ils  euftent  IV 
lage  de  laCcnc,cc  qu'ils  n'ont  pas.  Au  refte,vous  au ez  touiiours  à  protcfter,que  vous  ne 
niez  pas  que  Iefus  Chrift  ne  nous  donne  fon  corps  ,  moyennant  quenouslecerchions 
au  ciel. Sur  routes  les  cauiilations  qu'il  vous  pourroyent  amencr,vous  n'auez  finô  à  leur 
déclarer  ce  que  vousauez  veu&:  ouy,fachat  bie  que  c'eft  Dieu  de  qui  vous  le  tenez:  car 
noftre  foy  feroit  bien  maigre,fi  clleeftoitfondcefurlesh6mes.il  n  y  a  doc  rie  meilleur, 
finon  de  méditer  continuellement  la  doctrine  où  gift  la  vraye  (ubftancedc  noftrcChre 
fticnté,afin  qu'en  teps&:  en  lieu  vous  puiiïiez  moftrer  q  vous  n'auez  point  ereu  en  vain. 
Et  côme  i'ay  dit  du  cômenccment,fi  les  ennemis  de  vérité  côbattcnt  par  ambition ,  de 
voftre  pan  monftrez  qu'il  vous  fuffit  de  donner  gloire  à  P  eu,côttc  leurs  rufes  Se  fophi- 
,  .   ,    ftenes.Contétez-vousd'auoir  pour  voftre  bouclier  vne  fi'     !c  eonfeUion  dece  q  Dieu 

La  limple  ,  -i-.  /•  1         »  i  i        •  • 

contdîion  a  imprime  en  voftre  cœur.Tant  moins  vous  faut-il  r;  urm  or  s  ils  vient  de  calomnies 
de  ce  cjui  impudentes  contre  moy  ou  contre  d'autres, puis  qu  ils  on  r ;  ii  cce  de  mefdire  fans  raifori 
la  ie  lou-  ne  propos.  Portons  patiemment  tous  les  opprobres  &  vile  nés, qu'ils  nous  ictterom  def 
dierdes  fi-  fus;car  nous  ne  fommes  pas  meilleurs  quefaind  Paul,qui  difoit  qu'il  nous  faut  chemi- 
c  C5,  ner  par  blafmes  Se  par  vitupères.  Moyennant  que  nousfacions  ce  qui  cft  bon, quand  on 
dira  mal  de  nous  c'eft  allez  pour  nous  defcharger.Mais  encore  quand  il  non  impofenç 

telles 


Richard  le  F  eurc^f.  279 

telles  calônies,nous  auos  bien  à  rendre  grâces  àDieu, quand  nousauons  noftre  côfcien 
ce  pure  deuantiuy  ôedeuat  les  hommes,  &:  que  nous  fommes  hors  de  toute  fufpicion 
mauuaife»  Et  d'autre  part,  combien  que  nous  (oyons  poures  pécheurs, fi  pleins  de  po- 
ureté,quc  nous  auons  à  en  gémir  concinuellemêt:toutefois  qu'il  ne  permette  aux  mef- 
chans  de  mefdite  de nous,finon  en  mencant:voire  pour  les  condamner  de  leur  propre  cWeil  em- 
bouche, d'auoircontrouué  de  nous  ce  qu'ils  ne  doyuenc  point  cercher  loin  ,  d'autant  |^s™'c~ 
qu'il  eft  en  eux. Glorifions-nous  d6nc  en  la  grâce  de  Dicu,Tucc  toute  humilité  ,  quand  ennemis 
nous  voyons  que  ces  poures  mal-heureux, cotnmeyurongnes,  le  glonfîenten  leui  tur- 
pitudc.S'ilvous  fait  mal  de  les  ouir  detra&er  ainii  hauduleufemcnt  de  moy,vous  deuez 
eftre  bien  plus  marri,deles  ouir  blafphemer  contre  nollre  Sauueur&  Maiftrc ,  auquel 
tout  honneur  appartient:quand  auec  toute  1  innocence  qui  fera  en  nous,  nous  fommes 
dignes  d  eftre  accablez  en  toute  confuiîon . 

O  r  cependant  confolez- vous  en  noftrc  bon  Dieu ,  qui  nous  a  fait  la  grâce  de  nous 
côioindretotalemétauecfonFils,&:  quetouslcs  diables  d'enfer  &  touslesiniquesdu 
monde  ne  nous  en  peuuent  feparer.Eiiouilfez-vous  en  ce  quevous  fouftenezfa  querel- 
le en  bonne  confcience,efperant  qu'il  vous  donnera  la  force  pour  porter  ce  qu'il  luy 
plaira  que  vous  fourTriez.Nous  auons  telle  fouuenance  de  vous  en  nos  prieres,comme 
nousdeuons:enfuppliantce  bon  Dieu,puis  qu'il  luy  a  pieu  vous  employer  à  maintenir 
fa  vérité ,  qu'il  vous  donne  tout  ce  qui  eftneceilaire  à  vn  office  tant  honnorable  :  ^u'il 
vous  fortifie  en  vrayeperfeuerancerqu'il  vous  donne  vraye  prudence  fpintuelle  :  pour 
ne  cercher  linon  laduancemttdefonnom,fansauoirefgardà  vous.&qu'ilfemonftre 
tellement  voftre  protecl:eur,que  vous  le  fentiez à  voftre  côïolatiô,&:  que  les  autres  auf- 
iil'apperçoyuent,pour  en  eftre  édifiez.  Tous  les  frères  de  pardeça  vous  faluent  en  no- 
ftrc Seigneur,s'efiouiflans  de  ce  qu'il  a  befongné  fi  puifiamment  en  vous,ayans  auffi  co 
paffion  fraternelle  de  voftre  captiuité:&:  délirent  qu'il  plaife  à  ce  bonDicu  dcfployer  (a 
bonté  ci  merci  fur  vous. De  Geneue,ce  dixneufieme  delanuier,  1 5  5 1 .  Voftre  frère  en 
noftre  Seigneur,  Iean  Caluin. 

To  v  c  h  an  t  l'hiftoire  de  l'emprifonnemet  fécond  en  la  ville  de  Grenoble/cxamé 
deccuxdelaiuftice&fes  refponfes,&  toute  la  procédure  laquelle  finalement  ae- 
fté  couronnée  de  la  mort  qu'il  endura  trefeonftate  en  la  ville  de  Lyon,il  l'a  détente  am- 
plement par  les  eferits  qui  s'enfuyuent. 

Aux  fidèles  de  l'Eglifede  Dieu. 
TRESCHERS  frères  &:  amis  en  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift,  ne  foyez  eftônez 
fi  derechef  me  voyez  en  captiuité,confiderans  que  le  Seigneur  Icfus  ne  m'a  point  en- 
core ordonné  de  repos  en  ce  monde,felon  qu'il  me  l'a  fait  fentir  &plus  abondamment 
depuis  qu'il  ma  deliuré  du  péril  de  morr,&  de  la  main  des  ennemis  que  fort  bien  co- 
gnoiirez:&:  par  expérience  ieî'ay  mieux  cogneu  en  diuers  afîauts  que  Satan  m'a  faits, 
qui  m'ont  efté  comme  monftres&  preparatios  de  nouuellesguerres.  Auffi  le  Seigneur 
ïefus  ne  nous  promet  point  en  ce  monde  auoir  paix, ou  pour  le  moins  gueres  de  treues: 
combienque  iel'euffe  volontiers  fouhaité.  Et  me  fine  il  n'a  point  tenu  à  m'employer 
de  tout  mon  pouuoir,à  cercher  les  moyens  de  tranquillité:  mais  (comme  dit  Dauid)  pfcau.»e 
quâdiela  fouhaittoye,  la  guerre  fe  prefentoit.Et  qui  plus  eft,i'ay  t  fté  tellement  fecoux, 
que  le  plus  fouuent  luis  tombé  par  terre,&  comme  cftourdi,ne  fâchant  de  quel  cofté  ie 
me deuoyc tourner  .  que il  le  Seigneur n'euft eu  pitiédemoy,  l'ycufTe  incontinent  e- 
ftc  accablé. Or  iefpere  que  ces  confiderations,enfemble  le  bon  iugemenc  tpiricucl  que 
le  Seigneur  Dieu  vous  a  donné, ne  vous  permettra  point  tomber  en  vaines  (pcculatiôs, 
pour  ignorer  la prouidencc  de  Dieu  &c  (on  con  feil  éternel, lequel  fcul  a  conduit  le  tout 
jufquesicy:efperant  que  l'ilfue  fera  à  la  gloire  defonnom,  &c  à  l'édification  de  l  Eglifc, 
5c  à  ma  confolacion  :  corne  défia  le  commencement  en  a  efté  à  l'edificatiô  de  plufieurs, 
quiontefté  prefensàmonexarnendeGrenoble,tâtdeceuxdelaiuftice&:des  prifon»  uprifon 
niers  de  Porte-troine,qu'auffi  de  gens  craignâs  Dieu,&  autres  freres,lefquels  en  pour-  &  Grenc*. 
ront  rédre fuffi(ant  tel'moignage,cât  démon  examê,q  des  différés  &:  propofirions  con-  c' 
tenues  en  mô  procès.  Et  corn  bisque  ce  ferait  chofe  prolixe  à  reciter,  à  caulé  de  la  trop 
longue  procedure:toutefois  puis  que  le  defirez,i  en  >eciteray  aucune  choie  ,  eltimant 
que  ne  le  requérez  par  curiolité;mais  ieulement  pour  l'eclification  de  rEglife. 

<j"Vo  v  s  fauezaiTeztrefchers frères, commenous fommes expofezfouuentefoisà 
voir& ouir  diffamer  l'honneur  de  Dieu,  &  pour  cela  me  fuis-ie  aduancé  à  défendre 


Lmr^lllL 


Richard  le  Feurc^r. 


laverité^clon  les  moyens  que  Dieu  m'adonné:d'autantmefme  que  par  folicitation* 
on  me  vouloir  inciter  à  accorder  aucunes  fupcrftitions  qui  eftoyent  pour  me  diuertre 
de  la  religion  &z  foy  Chreftienne,&:  pour  me  réduire  à  leurs  impierez  :  pource  qu'ils  £a- 
uoyent  bien  que  iauoyedemourc  à  Geneue.Iceux  donc  onc  eitc  la  caufe  de  foliciter  le 
Preuoft  des  Marefcbaux  du  pays  deDaulphiné,cependam  que  ie  m'eftoye  retiré  au  lo- 
gis.Lequel  enuiron  dix  ou  onze  heures  de  nuift  me  vinr  appréhender  &:  lier  de  cordes, 
me  m  enant(à  caufe  qu'il  eftoit  nuid)à  la  chambre  d'vn  des  gens  dudit  Preuoft,nommc 
la  Branche:afin  que  le  lendemain  iefufle  enferré  en  quelque  prilbn.  Ce  qu  eftârfaitjie 
fu  prefentë  par  deuanc  le  luge  duditPreuoft  des  Marefchaux:lequel  me  fit  incontinent 
mettre  aux  baffes  fofl*es,où  ie  demouray  enuiron  douze  iours  auec  deux  brigans  qu'on 
dcualloit  le  foir,qui  me  faifoyent  grande  fafch'crie  par  leurs  meichanspropos:doncplu- 
iîeurs  honnelres  perfonnages  prifonniers  cognoiflans  mon  affli&ion,folicitercnt  leCa- 
pitaine  à  ce  que  ie  fuffe  ouyrafin  qu'après  mon  audience  l'eufle  la  commodité  &  béné- 
fice de  lair-&  le  Capitaine  ayant  entendu  ma  mifere ,  fît  toute  diligence  de  foliciter  le 
luge  dudit  Preuoft:lequel  luge  ne  me  voulant  ouyr,ne  prendre  aucune  charge  de  m 'in 
terroguer,me  remit  deuant  ledit  Vi-bailly,pource  que  l'Euefque  ne  voulut  auffi pren- 
dre aucune  charge  de  moy. 

A  l'occahon  de  quoy  le  premier  ioùr  de  ma  captiuité  fu  pourmené  par  la  ville,&de 
première    prïfon  en  autre.En  la  finie  Vi-bailly  enuoya  vn  de  ces  aduocars&  affeffeurs  dedans  la 
dê^Richlrd  Pr,^on  dePorte-troine,pour  m'examiner  auecleGreffienoù  en  la  prefenec  deplufieurs 
c  r  frères  ie  fu  examiné,tât  de  mon  nô  &£  furnom,  q  du  lieu  de  ma  nariuité:d'où  ie  venoyc, 
&:  où  i'alloye^  que  1  attedoye  en  la  ville:enfemble  de  la  caufe  de  ma  captiuité ,  de  mes 
liures,&  des  propos  que  i'auoye  tenus  en  mon  logis.  ^  Or  ayant  refpondu  âffez  ample- 
ment à  cela,ie  fu  derechef  examiné,affauoir  fi  ie  croyoye  en  leglife  Romaine.  R.  Que 
non:  mais  que  ie  croy  l'Eglife  vniuerfclle&  catholique.Interrogué  quelle  eft  cefteEgli 
fecatholiquetayditquec'eftl'aflembleédes  Chrefties.Interroguéqui  eft  cefteaffera- 
blee,&:  comment  elle  eft.  R.  Ce  font  ceux  que  Dieu  a  efleus  pour  cftre  membres  de 
fon  Fils  Iefus  Chrift,qui  en  eft  le  chef.Interrogué  où  c'eft  qu'elle  eft^  &c  comment  on  la 
cognoift,aydit,qu'elleeftefpandueparlemonde,&endiuers  lieux  &c  pays  :&  eft  co- 
gnue  par  le  régime  &  gouuernement  fpirituel  de  la  parolle  de  Dieu ,  &  des  fain&s  Sa- 
cremens  que  Iefus  Chrift  luy  alaifie  &c  ordonné,comme  plufieurs  villes  &  pays  en  ont 
la  police.  Interrogué  fi  ie  croy  qu'à  Geneue,Laufanne,Berne  &r  autres  telles  villes ,  il  y 
aplusvraye&:  catholique  Eglife  que  la  fain&eeglifc  Romaine.    R.    Qu'ouy:  d'auût 
qu'elles  en  portent  les  marques  &enfeignes.  Interrogué  quelle  différence  il  y  a  entre 
la  Romaine  &£  celle  des  villes  fufdites:ay  dit  que  la  différence  eft,que  celle  de  Rome  eft 
gouuerneepartraditionshumaines,&fautreau  contraire  eft  gouuernee  par  la  feule 
parolle  6c  ordonnance  de  Dieu. Interrogué  où  ie  fu  premièrement  inftruit  en  cefte  do- 
ctrine.   R.    En  AngleterreenlavilledeLondres:&:  dés  ma  ieuneffeayefté inftruit 
par  les  fain&es  Elcrirures.Interrogué,dcpuis  combien  de  temps  i'ay  demouré  à  Gene- 
ue:ie  refpondy,Depuis  dix  ans  ou  enuiron. Interrogué  fi  ie  croy  que  la  vierge  Marie  foit 
aduoeate  des  pécheurs.  R.  le  croy  à  ce  que  les  faindes  Efcritures  en  rendent  tefmoi- 
gnagne,afTauoir  que  Iefus  Chrift  eft  le  feul  Médiateur  &  Aduocat  des  pecheurs:$C 
quant  à  la  vierge  Marie,qu'elle  eft  bien  heureufe,  6c  n'a  office  d'aduoeate.  Interrogué 
fi  auffi  les  Sain&s  qui  font  en  paradis  n'ont  nulle  puifTâcc  de  prier  pour  nou&ie  dy  q  nô: 
mais  croy  qu'eftans  bien  heureux  fe  contentent  de  iouir  de  la  grâce  que  Dieu  leur  a  fai 
te,d'eftre  mébres  de  fon  Fils  Iefus  Chrift,duquel  maintenant  ils  iouiflet  en  acfiô  de  gra 
ces,fans  vfurper  ce  faind  &  facré  office  que  Dieu  a  donné  feulement  à  fon  Fils  bien-ai- 
mé  Iefus  Chrift.Interrogué  fiie  ne  croy  point  que  ceux  qui  tiennent  la  religion  del'e- 
glife  Romaine  foyent  Chréftiens.    R.    Que  nomains  font  infidèles.  Interrogué  de  la 
raifbn  pour  quoy:c'eft  comme  i'ay  dit,qu'elle  ne  fe  gouuerne  point,  félon  la  parolle  de 
Dieu.-mais  pluftoft  bataille  entièrement  à  l'encontrc.    Interrogué  fi  ie  croy  que  tous 
ceux  qui  fc  retirent  de  l'eglife  Romaine  font  Chréftiens.    R.    Queienedoy  refpon- 
dre  que  de  ma  foy  6c  ce  de  quoy  ie  fuis  chargé,  me  contentant  de  rcfpondre  pour  moy: 
car  vn  chacun  portera  fon  fardeaujainfi  que  dit  S.Paul.  Dot  ledit  Aduocat  mefolicitâc 
(«Ut.<     derechef,&:  me  tenant  de  pres,me  menaça,difant,Que  fi  ie  ne  refpon,il  me  fera  bic  ref 
pondre  par  force.  Au  quel  iedy,que  ce  ne  feroitpointaonc  par  iuftice  :  6c  quant  à  l'in- 

terrogat, 


Richard  le  Feurc^.  280 

tcrrogat, que  i'auoye  refpondu  comme  iecroyencorc,que  ceux  qui  tiennent  la  rellgiô 
qu'on  preîchc  à Geneue,Laufanne,  Berne,  &en  autres  telles  villes ,  font  Chrcfticns. 
mais  quant  eft  de  tous  ceux  qui  fe  retirent  de  l'eglife  Romaine,  plufieurs  y  en  a  qui  ion  t 
ou  Atheiftes,  Libertins  ,ou  Anabaptiftes&:autres:lefquels  côbienfefoyent  reniez  de 
telle  Babylone,ils  ne  font  pas  pourtant  en  l'eglife  de  Iefus  Chrift ,  fe  laiiîans  gouuernct 
paricelle .  A  quoy  ledit  Aduocat  médit  au  récit  de  tels  furnommez hérétiques, que  ie 
les  cognoiiVoye  bien.  Et  ic  iuy  fy  refponfe  que  voirement  ie  les  cognoiflbye  bien( Dieu 
merci)pour  m'en  lauoir  garder.car  ie  délire  de  demourer  en  la  vraye  do&rine  de  l'eglife 
de  Ietus  Chrift.dont  l' Aduocat  dit,Mais  de  l' Antechrift.  Interrogué  fi  ie  veux  demou- 
rer en  telledo&rine  reprouuee&:damnable:refpondy,Que  la  doctrine  que  ie  tien  n'eft 
reprouuee  ne  damnablc:ains  Chrcftienne  &c  fain&e.Et  pourtanne  defire  tat  que  Dieu 
me  fera  la  grâce  de  imuoquer,&  iufqucs  au  dernier  foufpir  de  ma  vie  ,ydem*ourer 
perfeuerer.Sur  ce  ledit  Aduocat  dit  que  i  eftoye  bien  obftiné.Et  voyat  qu'il  eftoit  tard, 
dit  qu'il  falloir  referuer  le  refte  après  difner,me  failant  le&urc  du  contenu  des  interro 
gats  &c  refponfes  que  le  Greffier  auoit  de  mot  à  mot  eferites.  Lefquelles  après  me  firec 
iigner:&:  requis  audit  Aduocat  me  donnerla  commodité  naturelle  de  l'air  :  ce  qu'il  m  - 
ottroya,dont  plufieurs  de  la  prifon  furent  ioyeux ,  fi  que  le  Capitaine  me  laifla  en  la  to- 
pagnie  de  plufieurs  freres,qui  me  firent  refectionner  en  toute  confolation.  Vne  heure 
après  midi  le  Vi-bailly  me  mâda  quérir  au  bailliage,où  fu  conduit  par  le  Capitaine ,  &: 
prefenté deuant ledit  Vi-bailly  &:  plufieurs  Aduocats,enlcmble  vn  Cordclicr.Et  là  de- 
rechefie  fu  examiné  des  propos  tenus  en  mon  logis,&  fpecialement  fur  les  propos  d'a- 
uoir  reprinsrhofte&rhoftefle  de  ce  que  leur  enfant  n'eftoit  inftruit  autremét  à  prier 
Dieu  àla  rable.Ce  que  i'auoye  veu  &  ouy,auoit  efté  caufe  que  leur  auoye  remonihé  ce 
que  nous  deuons  prier  &c  co mment.dont  ledit  hofte  Se  hoftelTe  m'aceuferent ,  en  reri- 
uerfant  tout  au  rebours  de  la  verité.Et  à  celle  caufe  ie  n'acceptay  lefdits  propos  en  la 
manière  que  ledit  Vi-bailly  mêles  declaroit:  mais  ie  luy  recitay  comment  &  à  quelle 
finie  leur  auoye  remonftrérallauoir  que  tous  les  Chreftiens  doyuent  prier  en  langage 
entendu  &c  de  cœur,felon  qu'il  nous  eft  apertement  enfeigné  par  la  parolle  de  Dieu  :  &  1 
ceafin  que  le  prochain  en  puilTe  receuoir  édification.  Auffi  que  la  forme  de  prier  en  lan 
gage  eftrage,eftoit  venue &C  introduite  par  fuperftition,  laquelle  regnoit  encorcs  poul- 
ie iourdhuy  au  monde  en  grande  ignorancc.Le  Cordelier  oyant  mon  propos ,  deman- 
da permiflion  de  parler.lequel  me  fit  longue  remonftrance  de  leur  Benedtate,  ^igmustiln 
grattas-, Laus  Deo,paxviuis,requies  defunclis,8£  autres  ie  ne  fay  quelles  prières  :  &:  que  Dieu 
entend  tous  langages,&:  que  l'eglife  Romaine  auoit  retenu  la  forme  de  l'eglife  ancien- 
ne desDo&eurs  anciens, qui  auoyent  prié  en  Latin:&  qu'il  s'enfuyuroit,  fi  autrement  e- 
ftoit, qu'il  ne  feroit  befoin  de  prier  finon  en  François, adiouftant  plufieurs  autres  chofes 
qui  feroyent  longues  à  reciter.Le  tout  ouy,ie  requis  d'eftre  efcouté,&:  que  mes  refpon- 
fes fuffcn  t  eferites.  Cela  m'eftant  permisse  rcfpondi,Que  ie  ne  nie  point,  ny  ne  veux  di 
rc  que  prier  en  langue  Latine,Hebraique ,  Grecque  ou  autre ,  foit  marfaic-bmais  qif  en 
compagnie  la  prière  doit  eftre  faite  en  langage  entendu  de  tous,pour  edifier,comme  S. 
Paul  en  inftruit  l'eglife  de  Corinthe.  Sur  quoy  ledit  Cordelier  recommençai  faire  vn 
fermon,&:fousceftc  matière  amena  ie  ne  fay  quelle  fubtilité  6c  philolbphie  de  l'ordre 
des  prières  ôdouanges  de  l'egliferfaifant  leruir  ce  que  recitent  les  Euangeliftes,de  ceux 
qui  à  l'entrée  de  noftre  Seigneur  Iefus  en  Ierufalem,crioyent,  Ofïanna  Filio  Dauid ,  distin- 
guant les  mots,&:les  interpretant,que  ceux  qui  rendoyent  telles  louages  à  Iefus  Chrift 
n'entendoyen  t  point  le  langage,comme  lainit  Hierome  l'a  interprété.  Auquel  refpon- 
di,quc  fa  ind  Hierolme  pouuoit  bien  auoir  eferit  que  ceux  qui  rendoyent  telles  louan- 
ges à  noftre  Seigneur  Iefus  à  fon  entrée  ,  nentendoyent  pas  la  lignification  6c  lubftan- 
ce  de  telles  louanges& pneres,attendu  que  c'eftoit  comme  vne  prophétie  de  laquelle 
Dauid  auoit  prédit  au  Pfeaume  i  i8.maisdulangage,les  Euangeliftes  interpretans  lac 
compluTement  de  celle  prophétie  eftre  en  Iefus  Chrift,ne  font  nullement  mentiô  que 
ces  perfonrtes  ainfi  prians  ne  f  entendififen  t  bien.  Mais  fur  tout  faïnâ  Paul  parlant  par 
l'Efprit  de  Dieu,a  baillé  fuffîfante  reigle  6c  inftruéhon  générale  des  prières  pour  tous 
Chreftiens,difant  icelles  deuoir  eftre  en  langage  entendu,&  ce  pour  édification  .dont 
iemecontentc,fans  vouloir curieufementdifputer par fubtilitez&  philofophies.  Le- 
dit Cordelier  me  dit,quen'eftoyefuffîfant  pour  interpréter  lesfain&es  Efcritures,  at- 
tendu que  ien'entendoye  la  langue  Latine  tpource  que  fermonnant  en  Latin,  requis 


Liure  III I.  Richard  le  fV#ro. 

qu'il  ne  me  parlai!:  autre  langue  que  la  mienne ,  Se  qu'il  n'eftok  befoin  meparfercn  La- 
tin.   Derechef  me  fermonna,remonftrant  des  Concile?  &:  des  dodcurs,auec  ie  ne  fay 
quelles  allégations  qui  contentoyent  ledic  Vi-baillydequel  voulant  pourfuyure  à  l'exa- 
men des  propos  que  mes  accufateursauoyent  produits  ,  qui  tendoyent  à  diffamation 
delapcr(bnneduRoy,&:fcdirion,aumefprisdelavierge  Marie &c  des  Sainds,&  d'ino 
bedience  aux  Princes&Rois:àquoyfu  derechef  exammé  de  tous  les  fufdrts  articles:  3c 
ry  refponfe,  déclarant  felonque  les  aûoye  dit,&  à  quelle  fin  mes  aceufateurs  m  auoyet 
ibliicicc  à  les  accorder.  Apres  fu  examinéparleVi-bailly,fi  ie  croy  en  ladite  faidehoftie 
que  le  Preftreconfàcre.R.  Que  ne  croy  ny  en  telle  hoftie,ne  confecrations.  Interrogué' 
pourquoy  ie  ne  veux  croire  au  faindfacrement  de  Tautel,que  Iefus  a  ordonné.    R,  ïc 
Des  fccre-  croy  les  (ainds  SacremensqueIciusChriftainftituez,&quec'eftmcnfalutquede(îre 
menî"      maintenir  iufques  à  la  mort.  Interrogué  fi  ien'ayereu  autrefois  à  la  MefTe.    R.  Que 
iamais  n'y  fu  inftruit,&;  ne  feu  iamais  que  c'eft  a  dire  Méfie  ,  ne  de  telles  confecrations: 
mais  que  du  faindfacrement  de  la  Ccne  de  noftre  Seigneur  ,  iecroy  qu'en  communi- 
quant en  foy  &:  charité,telle  que  S.  Paul  la  dekric  aux  Corin  th.  1 1  .nous  fommes  nourris 
fpiricuellemét  du  corps  &C  fang  de  noftre  Seigneur  Iefus,  qui  eft  la  vraye  viâde&  le  vray 
breuage  fpirituel  de  nos  ames.C  cft  le  vray  autel  oùie  me  repofe,  corne  l' Apoft,  l'expolè 
au  1 3  .des  Hebr.&  ne  cognoy  autre  Sacremét  ny  autre  autel  q  celuy  la.  Intcjrogué  û au 
Sacremét  IePChrift  n'a  pas  dit,Cecy  eft  mo  corps,cecy  eft  mô  fang. Faites  cecy  en  mé- 
moire de  moy:&  pourquoy  ie  ne  croy  en  la  Mcfîe.R.Que  ie  croy  à  ce  q  Iefus  Chrift  a  dît 
&  promis  par  fon  Euangile,comme  ie  l'ay  défia  confeflé &:  fait  efcrire:mais  que  deMcf- 
fe  iamais  n'y  ay  efté  inft  ruic.Le  Cordeher  m'allégua  Vi  i  .chap.  des  Corinthiés  &  appli- 
quant ce  qui  eft  eferit  au  6.dc  faind  Iean,où  il  eftô!it,Ma  chair  eft  vrayement  viande,  & 
ce  qui  s  enfuit: &  que  les  Docteurs  anciens  de  PEglife  l'ont  décidé  auxConciles,Quc  la 
Méfie  eft  vnc  fainde  mémoire  delà  mort  &  paflion  de  noftre  Seigneur  Iefus  Chrift  :  ic 
luy  refpondi ,  que  iecroy  fermement  que  le  fac  rement  de  la  Cene  eft  vnefain  de  mé- 
moire &c  action  de  grâces  de  la  mort  &  paflion  de  noftre  Seigneur  IefusChriftrainfique 
faind  Paul  le  remonftrc  en  l'onzième  chapitre  delà  première  aux  Corinthiens,&  que 
1  efpreuue  &C  la  dignité  qu'il  dcfire,c'eft  d'auoir  vray  c  repentâce  de  fes  fautes  &pechez: 
auoir  vnion,concorde&:  charité  fraternelle  aucc  fes  prochains,auoir  ferme  foy  à*  la  mi- 
fericordede  Dieu,acceptant  le  mérite  de  la  mort&  paflio  de  fon  Fils  Iefus  Chrift,pour 
la  remiffion  des  péchez  :  qui  s  eft  donné  pour  nous  à  la  mort,nous  laiflant  pour  tciraot- 
gnages  &c  féaux  ce  faind  fàcrement  de  la  C  ene,commc  vn  gage  &:  anneau  des  promef- 
fes  contenues  en  fon  Euangile,qui  eft  la  parfaite  nourriture  de  nos  ames.- Celacroy-îc 
que  c  eft  la  dignité  que  faind  Paul  enfeigne,lequel  ne  donne  autre  inftruction ,  ny  aufi 
Iefus  Chrift:&  que  ce  qu'il  commande  à  fes  difciples,&:  à  toute  l'Eglife,difant,  Prencz> 
mangez,Faites  cecy  en  mémoire  de  moy:n'cft  point  offrir,  ne  facrifier:  car  il  ne  parle 
ne  d'onrir,rte  de  facrifier,mais  de  communiquer  en  mémoire  de  fa  pafîïon.  Lefcjuelles 
chofes  ie  fy  eferire  auec  lefdites  refponfes,que  ledit  Vi-bailly  me  fît  figner.    Et  a  caufe 
qu'il  eftoit  fort  tard,fu  renuoyé  aux  prifons  de  Pone-troine  par  le  Capitaine.  Enuiron 
Troificme  huitiours  apres,le  Vi-bailly  me  manda  àfon  logis,  oùcftoyent  aucuns  perfonnages  »- 
cxaminacio  uec  autres  Iacop?ns,&:  le  Cordelierfufdit.  Et  derechef  fu  examine  par  ledit  Vi-bailly, 
qui  m'interroga  fi  ie  croy  au  Purgatoire.    R.    le  croy  que  Iefus  Chrift  a  fait  la  purga- 
tion  des  péchez  par  fon  fang.Interrogué  fi  ie  ne  croy  point  qu'il  y  ait  autre  moyen ,  &  fi 
après  cefee  vie  il  n'y  a  vn  lieu  où  il  faut  demourer  iufques  à  fatiffadion.  R.  Que  non:SC 
ne  croy  finon  la  feule  &  fuffifanteque  Iefus  Chrift  a  faite  par  lefacrifice  de  fon  fang,qui 
eft  le  lauement  &c  purgation  de  nos  péchez.  L'vn  des  Moines  me  dit  en  Latin  la  fimili- 
tude  qui  eft  au  1 8. de  faind  Matthieu,de  celuy  qui  ne  voulut  quitter  la  dette  à  fon  com- 
pagnommais  le  Vi-bailly  luy  dit  que  nullement  on  ne  me  parlaft  en  Latin:  pource  q  n'y 
refpôdoye.OrleCordeliermeditdclafimilitude,enfemble  de  plufleurs  matières,  dt- 
fant,  Que  Iefus  Chrift  quelquefois  auoit  parlé  par  fimilitudes ,  5£  toutesfoisil  y  a  certai- 
ne fignification  :  comme  celle  où  il  dit ,  Qu'on  ne  partira  point  iamais  qu'on  n'ait  payé 
la  dernière  maille  &:par  ainfi  il  s'entéd  qu'il  y  a  vn  lieumoyé ,  où  il  faut  faire  fatiffadion. 
A  quoy  ie  luy  rel'pon  dy,Que  quac  à  moy  ic  m'arrefte  entièrement  à  la  feule  &  fuffifante 
fatiffaction  du  facrifi.ee  delà  moi*  de  Iefus  Chrift  ,&:  aux  promefTes  de  fon  EùangiIe,où 
il  nous  promet  vn  plein  &c  parfait 'repos:  corne  à  l'i  i  .chap.de  S.Matthicu ,  où  il  nous  ap 
pelle,difant,  Venez  à  moy  vous  tous  qui  trauaillez,&  vous  aurez  repos  en  vos  ames.  Au 

dixie- 


RichardleFeurcj. 


dixième  de  faindt  Iean,Ie  fuis  l'huis  :  fi  aucû  encre  par  moy,  il  ferafauué,  A  l'onzième  Ôc 
quatorzième  de  S.  Iean  ,  lefuisla  voye,  la  veriré,  la  vie.  Au  (h*  des  morts, S.  Iean  dit  en  1 - 
Apocalypfe,quatorziemc,Que  bien-heureux  (ont  les  mores  qui  meurent  en  noftre  Sci- 
gneuncar  ils  ferepofent  de  leurs  labeurs. Et  au  brigand  qu:  hit  crucifié  auprès  de  Iefus 
Chrift,  luy  eft  promis  le  royaume  de  paradis  leiourmelme,(ans  autre  moyen.  Etquanc 
à  la  fimilitude  qu'amenez  elle  ne  lignifie  autre  chofe ,  que  fi  nous  ne  pardonnons  à  nos 
prochains,Dieunenouspardonnerapoinr:comme  le conimcnccmét  delà  fimilitude 
parle  du  pardon  &c  reconciliation.  Ledit  Cordelier  ne  me  voulant  Iaifterdirc,le  Vi  bail 
lyluy  fignificdcmelaiifer  rcfpôdre,  dédire  tout  te  que  ie  voudroye,&  qu'il  me  veut  en- 
tièrement ouir.  Làlelacopin  refpondir  qu'il  s'cnfuyuroicàmcs  relponies,  qu'il  n'y  au- 
roitne  Purgatoire  ne  Limbe:qui  eft  choie  toute  contraire  à  la  foy:&:  que  mclme  lcSym  |  s  ; 
bole  y  repugne,côme  à  l'article  où  il  eft  dit,  Def vendit admfoua.Et  le  Vi  bailly  m  inu  n  o- 
gue  ii  ie  necroy  poit  au  Limbe.  R.  Que  ie  ne  fay  quec'eft,&  que  l'Elcritureiaïcte  ne  fait 
nulle  mention  de  Limbc,&.  quauflnen'y  croy  point.    Le  î.icopin  me  demanda, Où  c- 
ftoyent  les  Pères  anciens  deuant  la  mort  de  Ictus  Chrift?  R.  Ils  eiloycnr.&:  font  encore 
à  la  vie  eternellc,qu'ils  ont  toufiours  eiperee  en  faueur  de  lalliance  piomile  à  Adam, 
Abraham  &  les  Patriarches.  Lelacopinme  rcmcnftra  des  Percsanciës&:  Patriarches, 
que  fain£t  Paul  expofe  de  la  vie  éternelle  IefusChrift  auoir  efte  le  premier.ee  qu  il  nom- 
ma en  Latin,  puis  l'expofa  en  François,  difanr,  Cela  lignifie  Limbe  :  d  autant  que  n'en 
tens  Latin.  A  uiîi  m'allégua  du  liure  des  Machabees,  où  il  eft  fait  mention  d offre  pour 
les  trefpaiîlz.  le  luy  reipondy  qu'en  tout  le  vieil  Ttftamc  nt  il  n'eft  nulle  mention  de 
Limbe,&:  lespalTagesqui  parlent  d'enfer&dufepulchre  &c  delà  mort,  commeenlob, 
&  de  Iacob  regrettant  fon  fils ,  &  autres  que  ledit  Iacob  a  amenez:  ne  parlent  nullcmét 
du  Limbe ,  mais  de  la  mort  &  du  fepulchre&:  d'enfer,qui  s'appliquent  au  trefpas  de  ce- 
tte vie.  Quant  eft:  du  Purgatoire  &:  de  l'offrande  deludas  Machabee,  il  ne  parle  pas 
de  Purgatoire.  Si  Iudas  a  retenu  la  forme  des  fuperftitions  des  Payens ,  cela  ne  doit  pas 
eftreimité. Aufiî  que  toufiours  PEglife  a  tenu  lefdits  hures  pour  Apocryphes. Item  que 
les  Prophètes ,  Iefus  Chrift  &:  les  Apoftres  ne  font  mention  ne  de  Limbe  ne  de  Purga- 
toirermais  que  le  fang  de  Chrift  eft  la  vraye  purgation.  Le  Vi-bailly  en  m  mten  oguanc 
me  demanda  fi  abfolument  ie  ci  oy  qu'il  n'y  ait  ne  I  imbe  ne  Purga  toire ,  ne  nul  moyen 
entre  la  vie  éternelle  &c  ce  monde.  R.  Que  non.Interrogué  il  ie  croy  que  le  Pape  ait  au- 
cune punTance.  R.  Ouy.Interroguéfiiecroy  pasque  le  Pape  ait  puiflànce  d'abfoudrc 
comme  vicaire  de  Iefus  Chrift.  R.  Que  non.  In terrogué  comment  donc  i'enten  celle 
puifîance  du  Pape.  R.  Que  ie  I'enten  telle  quel'Apoftrc  fainct  Paul  le  déclare,  en  la 
îecondeEpiftre  auxTheilalonicicns:aiiauoirque  pourcequele  monde  n'a  voulu  re- 
ceuoir  l'amour  de  vérité  pour  eftre  fauué,Dieu  adonné  efficace  d  abufion  à  Satan  &c  fes 
fuppofts,àcequelemondefoitabbreuuédemcnfongc  &:  d'erreur,  &  qu'il  ait  des  Pa- 
fteurs  tels  qu'il  les  demande  &:  qu'il  les  mérite.  Le  Cordelier  me  remonftra  comment  Pnmwtc 
Iefus  Chrift  a  baille  puiffance  à  S.Piertede  lier&  deflier ,  &  que  le  Pape  eft  fuccefifeur  i>aFJlc- 
de  S.  Pierre, vicaire  de  Iefus  Chrift:&  quel'Eglife  a  toufiours  cfté  conduite  en  cefte  ma- 
nière, ayant  vn  chef  en  ce  monde,  comme  elle  a  au  ciel.  Et  que  fi  IcsPafteurs  ne  fe 
gouucrnent  pas  félon  la  paroile  de  Dieu,  laquelle  ils  prefehent,  qu'il  ne  s'enfuit  pas  qu'- 
on ne  doit  receuoir  Ja  doctrine,  comme  Iefus  Chrift  i'enteigneen  TEuangilc,  vingttroi- 
fiemedeS.Matth.&:  plus  amplement  me  remonftra.  R.  Que  quand  le  Pape  &c  ies  fup- 
pofts  prefeheronc  fidèlement  la  parolledc  Dieu  fans  inucuons'humaincs,&  fansintro- 
duiredesloix  à  leur  plaifir,eneorc  qu'ils  viuent  mefeham  ment,  ie  tiendray  la  doctrine 
de  Iefus  Chrift,ôé  des  Pafteurs  de  rÉglife:&:  en  telle  forte  que  Iefus  Chrift  dit  au  vingt- 
troifiemcde  faind  Matthieu ,  Que  les  Scribes  &:  Pharifiens  fontaffis  fui  la  chaire  de 
Moyfe:fakes  ce  qu'ils  vous  commanderont,  &:ne  faites  point  félon  leurs  œuures.  Mais 
ily  a  bien  différence  entre  eftre  affis  fur  la  chaire  de  Moyie  qui  eft  la  vérité  de  Dicu:&:  e- 
ftreaffis  fur  la  chaire  de  menlonge,&:  fur  le  fiege  d'abomination  &:  de  toute  iniquité, 
comme  Daniel  l'a  prophcrizc,&  faind Paul  l'a  prédit  deuoir  eftre  aiïis  au  temple  de  v™h9^ 
Dieu,fefiiLincaiorcrcomnie  Dieu.  Etquant  ace  que  Iefus  Chntla  donnécharge  à  1    11  1 
fainit  Pierre  de  lier  &:  deflier ,  il  luy  aauffi  limité  fa  charge  &c  fon  otfice ,  en  difant ,  Prcf- 
chezl'Euangile.comme  mon  Pcre  m'a enuoyé,ainfiie  vous  cnuoyc.  Cequeiaincc  Pier- 
re&:  fes  compagnons  onc  bien  entendu,  quand  luy-mefme  efent  aux  Pafteurs  de  lEgli- 
fcqu'ilsn'auancëtpoïc  en  l'Eglife  autre  doctrine  que  la  puic&fimple  paroile  de  Dieu, 

bb. 


Richard  le  F  eurent. 


qui  font  les  liens  pour  lier&:  deflier,  &c  les  clefs  du  royaume  des  cieux:&  no  pas  de  met- 
Ere  6c  impofer  loix  fur  les  confcicnces,autrcs  que  la  Loy  de  Dieu,  lequel  ne  veut  qu'on 
adioulte  ou  diminue  à  fa  parolle:&:  au  contraire,  le  Pape  Impofe  loix  6c  inuétions  à  plai 
iir.  Auflî  l'Eglife  n'a  autre  doctrine  que  la  parolle  de  Dietr.comme  il  appert  en  S.  Iean  8, 
10. &  18,  6c  en  lai.Epiftre  de  S.Iean.  Scmblablement  l'Eglife  ne  depéd  point  de  la  mcl- 
chante  ou  bonne  vie  des  hommes:mais(comme  dit  S.Paul)elle  eft  fondée  au  confeil  de 
Dicui,&  en  fa  parolle,cdifiee  fur  la  doctrine  des  Prophètes  &des  Apoftres,dont  Iefus 
Chrift  eft  la  maiftre/îc  Pierre:  comme  il  en  eft  fait  mention  au  fecôd  des  Ephefiens.  La- 
quelle au/h*  n'a  point  deux  clefs, l'vne  aux  cieux,&  l'autre  en  terreemais  tât  feulemct  vn, 
Icfus  Chrift, fcul  6c  fufrifant  pour  elle  6c  aux  cicux  6c  en  terrc,felon  que  S.  Paul  le  décla- 
re en  plulieurs  palfàges  de  les  Epiltrcs.  A  quoy  le  Cordelier  me  fit  vn  autre  remonftran 
ce  de  l'interprétation  de  S.  Paul,  6c  queie  ne  l'entendoye  point,  6c  qu'il  auoit  veu  à  Ro- 
me le  Pape  prefcher:&:  que  fenparloyc  parafTection,&  que  les  Docteurs  anciesauoyet 
interprète  les  fainctes  Efcriturcs  &:  faincts  Concilcs:&:  plus  longuement  mercmonftra. 
Mais  le  Vi-bailly  voulat pourfuyure,me  dit  que  ic  ne deuoye  citre  ainli  obftinè.  à  quoy 
ie  luy  dy  que  ne  pouuoye  autremet  refpondre.  Il  m'interrogua  fi  i'ay  efté  prifonnier  au- 
tresfoisà  Lyon.  R.  Qu'ouy.  Interrogué  comment  ie  fu  prins,&:  pourquoy  :de  la  procé- 
dure de  mon  procez,de  la  fin,&:  quelle  fentence  a  efte  déclarée, &c  cornent  i'en  fuis  for- 
ti:quifontceuxquim'ontrecoux,pourquellecaufe,&:quilcsinduiloit  àce  faire.  R. 
Que  ic  fii  prins  pour  aller  voir  vn  prifonnier,&ce  qu'on  me  chargeoit  cftoit  pourlafoy, 
laquelle  ie  tien  de  l'Euangile  de  Iefus  Chrift.  Or  ayant  protefte  d'appeler  des  luges  de- 
Lyon, ie  fu  incontinent  après  enuiron  dix  iours  mené  à  Paris ,  où  par  les  chemins  &C  fur 
la  riuierc  de  Loire  ie  fu  recoux  par  gens  makjuez  &:  incogneus ,  me  menans  dedans  les 
bois,&:  me  donnans  adreffe  de  mon  chemin,  &  à  toutes  mes  neceiîïtez,me  recomman- 
dans  à  la  garde  de  Dieu,  fans  me  vouloir  déclarer  leurs  noms  aucunement.  Le  Vi-bail- 
ly me  follicita,&  depuis  par  plufïeurs  fois  m'a  follicitc  à  nommer  6c  déclarer  tels  perfon 
nages.  A  quoy  luy  ay  toutiours  refpondu  ,  qu'iccux  ne  m'auoyent  voulu  déclarer  leurs 
noms.  Le  Vi-bailly  ne  croyant  à  tout  cela,  nyauffi  que  ma  fentence  nem'euft  efté  pro- 
noncée ,  me  demanda  fi  ie  me  veux  rapporter  aux  actes  &c  procédures  de  mo  procez  de 
Lyon.  Ierefpondy  que  volontiers. 
CoiïfcÉioa  Davantage  ,ie  fu  examiné,  fiiecroy  la  Confeftion  aurïculaire,aiîauoirdefecon- 
*uncu«re.  fe jjei-  au  Prcftrc.  R.  le  ne  fay  autre  confeffion,  finon  celle  que  nous  dcuôs  faire  ordinai- 
rement à  Dieu,  comme  il  le  nous  enfeigne  par  fa  parolle  es  fainctes  Efcritures  :  6c  la  ré- 
conciliation fraternelle,que  Iefus  Chrift  6c  fes  Apoftres  nous  recommandent  tant  foi- 
gneuiement.  Le  Cordelier  me  demanda  fi  ie  n'ay  point  veu  ce  que  Iefus  enfeigne  enl'- 
Euangile,de  la  confeffion  au  preftre ,  commandant  au  ladre ,  qui  auoit  eftéguari ,  Va, 
monftrc-toy  au  Sacrificatcur.ee  queles  Docteurs  anciens  &c les  Conciles  ont  tcnu,&:  l'- 
Eglife corn  mande  de  fe  confeffer  au  Preftre.  Or  après  auoir  Entendu  fa  longue  remon- 
ftrance,  ie  luy  dy  que  l'Eglife  de  noftre  Seigneur  Iefus  n'a  iamais  tenu  ceft  ordre  de  Con 
fefîlon  auriculaire  au  Preftre  ou  Sacrificateur.  Que  fila  Romaine  tientvntel  ordre, il 
ne  fenfuit  pas  qu'il  foit  bon.  car  l'Eglife  de  Iefus  Chrift  n'a  point  efté  inftruite  à  cela.  Et 
quâteft  du  ladre  que  noftre  Scigneurlefusguarit:  il  n'eft  pas  eferit  qu'il  luyaitcôman- 
dé  de  confefter  fes  péchez  a  l'aureillc  du  Sacnficateur:mais  bien  qu'ii  fe  monftraft,&:  ce 
pour  tefmoignage  à  ceux  de  l'ordre  de  Sacrificaturc  :  afin  qu'ils  cogneuilent  que  le  fou- 
ucrain  Sacrificateur  eftoit  venu  pour  guarir  les  maladies:  comme  il  appert  au  huitième 
de  S.  Matthieu,  au  premier  de  S.  Marc,&  cinquième  de  S.  Luc.  Dauid  nous  inftruit  af- 
fez  comment  il  nous  faut  confclîer  nos  péchez  à  vnfeul  Dieu, comme  il  appert  au  }2.,&C 
5 1,&  106.  Pfeaumcs,où  il  déclare  comment  il  a  confefle'  fon  péché  à  Dicu,&:  qu'il  a  efté 
abfous-.&  que  Dieu  fe  contente  de  la  contrition  du  pécheur,  qui  eft  plus  aggreable  à 
Dieu  que  nuls  facrifices.  S.Iean  l'Euangelifte  auflî  parlant  de  la  confeffion  des  péchez, 
dit,que  Dieu  eft  lumière, n'ayant  en  foy  nulles  ténèbres  qui  l'empefchent  àcognoiftre 
nos  pechcz:&  que  li  nous  confeffons  nos  péchez ,  Dieu  eft  fidèle  6c  iufte  pour  nous  par- 
donner, 6c  nous  nettoyer  de  toute  iniquité^  ce  par  lefangdefon  FilsIefusChrift,i.Iea 
çhap.i .  A ulfï  l'Apoftre  aux  Hebricux,  premier  chap.& fainct  Pierre  n'enfeignent  autre 
feuement  que  le  lang  de  Iefus  Chrift,  auquel  ie  m'arrefte.  Que  fi  ceux  de  la  grand'  Ro- 
^  maine  fuyuent  l'exemple  de  Iudas ,  lequel  s'eft  confcfTé  à  fes  Preftres ,  Scribes  &c  Phari- 
nfiens,  qu'ils  l'enfuyucnt. 

Or 


Richard  le  F eurej.  2S2 

Or  le  Vi-bailly  voyant  qu'il eftoit  tard,  me  réuoya  parle  Capitaine  de  Porte-troine, 
où  demeuray  alîcz  long  temps  auec  les  frcrcs:  qui  pour  me  faire  repofer  aucc  eux ,  fup- 
plierét  le  Capitaine  me  permettre  dormir  auec  i'vn  deux.ce  qui  me  fut  permis  par  cau- 
tion. Mais  d'autant  que  chacun  de  la  ville&  de?  priions  vouloyent  efeouter  la  doctrine 
qui  eftoit  la  dedans  publique,cela  vint  aux  oreilles  du  Parlementeront  la  Cour  fit  figni- 
fier  audit  Vi-bailly  que  ie  fulTe  feparé.  Parquoy  le  Vi-  bailly  me  fît  tranfporter  en  la  mai- 
fonde  TE  uefque.  lequel  par  commandement  tant'du  Parlement  que  du  Vi  bailly,  me 
fit  enferrer  en  fa  prifon:  combien  que  ledit  Euefquc  ne  me  vouloir  aucunement  en  fa 
maifon,  tellement  que  quelque  temps  après  iefu  derechef  mandé  deuât  ie  Vi-bailly  èc 
fon  confeil,  enfembledes  fufdits  Cordelicrs&:  Iacopins,&:  depluiicurs  autres  del'eftat 
&:  ordre  Romain . 

Et  là  par  deuant  ledit  Vi-bailly  iefu  follicité&:  requis  à  me  réduire  àla  religion  Pa-  Setondcin: 
palc,me  prefentant toute mifericorde.maisie leur rcfpôdy, que ien'atten  mifericorde  tcrrc>SatW' 
îînon  de  mon  Dieu  &c  mon  Seigneur  Iefus  Chrift,  en  faucur  duquel  i'ay  toute  efperâce. 
Sur  cela  le  Cordelicr  me  remonftra  aucc  longue  déduite,  la  dirrerece  de  l'eglife  Romai- 
ne &c  de  l'Eglife  ordonnée  à  Geneuc:pourautant  que  i'auoye  dit,Qu'il  n'eft  licite  au  Pa* 
ped'impoferloix  furies  confciences,fans  la  parollc  de  Dieu:meremonftrant  ce  qui  eft: 
eferit  au  dernier  chap  .de  S.  Ican,où  il  eft  dit  que  pluiieurs  chofes  ne  font  efcntes,&:  c.Ec 
aufli  ce  que  Iefus  Chrift  dit  en  l'Euangile,  au  quatorzième, &c  quinzième^  feziemede 
S.Iean,où  Iefus  Chrift  admônefte  fesdifciples  d'attcdrele  ConfolateUr  ieS.Elpnt,qui 
lesameneroitatouteverité:&cequelesDo£teursderEghfc  &  les  Conciles  ont  déci- 
dé, en  baillant  les  commandemens  à  l'Eglile,  laquelle  a  puiffanec  de  lier  &:  deflier.  Da- 
uantage,que  mefme  à  Gcneuc  il  y  a  des  loix  qui  rte  (ont  point  contenues  en  la  parollc 
de  Dieu:me  remôftrartt  par  mes  Pfeaumes,&:  par  l'ordre  du  iour  des  prières,  que  le  Me- 
credy  eftoit  plflsfainét  en  la  fepmaine,  l'ayant  trouué  par  les  Pfeaumes  en  l'aducrtifle- 
ment.  Surquoy  iercquy  monneur  le  Vi-baillyme  donner  permiflïon  &c  audience  à  re- 
fpondre,tantàla  calomnie  du  Cordelier,  touchant  l'eglife  de  Geneue ,  qu'au  propos 
faux  par  luy  amenérou  bien  qu'ils  mclaiflaflcnt  à  repos,en  parlât  tous  feuls.  Le  Vi-bailli 
fighifia  qu'on  me  laiflaft  dire  tout  ce  que  ie  voudroye.  Et  aya  t  regardé  l'aduertiflemenc 
contenu  aux  Pfeaumes, que  ce  Cordelier  tenoit  en  main,  luy  môftray  le  Mecredy  eftre  Dc  i  orJ0,i 
feulement  vne  police  ciuilc,  fans  obligation  de  confeience  pourconuenir  en  vnion 
fraternelle:&  que  les  Rois  anciens  ont  toujours  gardé  quelque  police,  pour  entretenir  rricrcv  à 
le  peuple  à  la  cognoiflanec  &  obciilancc  de  Dicu,&:  du  i'eiuice  qu'on  luy  doit  rendre.  A  Cc,K-'uc' 
l'exemple  dequoy  les  Princes  Chrefticnsonr  ordonné  telle  police:  non  pas  pour  obli- 
ger les  confeiences  ,mais  pluftoft  pourlefoulagementd'icelles  :  comme aufli  les  Apo- 
ftres  ont  faidt  félon  que  noftrc  Seigneur  Iefus  leur  aenfeigné.  De  ce  il  appert  au  quin- 
zième des  Romains, où  S.Paul  dit  qu'il  n'oferoit  rien  dire  de  ce  que  Chrift  n'a  faitfb  par 
luy  pour  amener  les  Gentils  en  obeiiTance,en  parollc  &£  en  ceuure.  AufliS.Icanenfafe- 
conde  Epiftrc,parlant  de  la  doctrine  de  Iefus  Chrift,  dit,  Si  aucun  vient  ,&  ne  vous  ap- 
porte celte  docîrinc,ne  le  receuez  point.  S.Paul  aux  Galates,premicr  chap.  aduertit  IV 
Eg)ile,ti  vn  Ange  venoitannoncer autre  doclrine  que  l'Euangile  qu'il  leur  a  annoncé, 
qu'il  foit  excom munie.  Aufli  Iefus  Chrift  au  8 .  i  o,  1 8,&  20.  de  S.lcan,  remon (Ire  qu'il  eft 
Te  bon  Pafteur,&  quefes  brebis  n'efeoutét  point  la  voix  des  cftiâgcrs:&:  qui  cftdeDicu, 
oit  la  parolle  de  Dieu:&  qu'il  eft  la  feule  porte  de  la  vie  éternelle. 

I  t  1  m  .que  comme  l'on  Pere  l'a  cnuoyé,  ilcnuoyeiés  Apoftrcs:lel"quelsia mais  n'ont 
enfeigné  autre  do&rine,  linon  celle  en  laquelle  le  Confolatcur  le  S.Elpritlcsa  confer- 
mez&inftruits.  Et  S.  Pierre  leremonftre  auxPaftcurs  de  Ion'  temps,  en  fa  première, 
chap. quatrième,  &c  dit  que  ceux  qui  adminiftrent  en  l'Eglife ,  qu'ils  parlent  les  parolles 
de  Dicu,&:  par  la  puiflance,  fans  aucunement  auoir  nulle  feigneune  ne  domination  fur 
Je  troupeau  &t  l'Eglife.  Au  contraire  les  pafteurs  du  Papcimpofent  loix  en  grande  do- 
mination &  feigneuric,  qui  monftrcaflez  quelle  eglifec'eft. 

L  e  Cordelier  répliquant,  me  remonftra  que  l'Eglife  ancienne  aflembloit  les  Anciés  D«  Céciks 
&  Miniftres  de  l'Eglife: pour  confulter  &:  décider  des  affaires  d'icellexe  qu'au  contraire 
l'eglife  de  Geneue  n'a  confulté  nyaifemble  aucuns  Anciens  pour  décider  &c  lauoirs'il 
falloir  amli  reformer  l'Eglife  :  &  qu'il  me  monftreroit  cela  en  mon  Teftament  meime, 
lequelil  auoit  :  afin  que  plus  euidemmentie  cogneufîc  laforme  de  l'Eglife.  Ce  que  luy 
requisj&dcconfiderer  la  procédure  des  Apoftres,  &:  qu'il  n'eftimaft  pas  qu'en  la  re- 

Bb  .ii. 


Liurc-j  II  IL 


Richard  le  Feurc^j. 


formation  de  Geheue  on  aie  procédé  à  la  volce,&:  fans  le  confeil  du  Magiftrac ,  des  An- 
ciens &£.  minières  de  l'Eglife,  &:  par  bon  ordre,  auec  toute  bonne  diligence  &foin  des 
Efcritures,à  l'exemplede l'eglife  deThefîalonique  &:  de  Berrce,où  les  Apoftres  S.Paul 
&:  Silas  furet  enuoyez,  comme  il  appert  au  dixfeptieme  des  A&es,pour  fauoir  s'il  eftoit 
ainiî.  Mais  fi  on  n'a  pas  appelé  les  miniftres  &:  fuppofts  de  la  grande  Romaine  &c  de  fon 
efpoux  le  Paperil  ne  s'enfuie  pas  qu'on  n'y  aie  procédé  par  bon  ordre.  Et  quant  à  ce  qui  a 
elle  caufede  l'affemblee  du  confeil  des  Anciens  de  l'eglife  de  Ierufalem,  pour  là  confir- 
mation de  l'eglife  d'Ancioche  aux  Actes  quinzième ,  ilappert  allez  comment  les  Apo- 
ftres n'ont  point  introduit  en  l'Eglife  autre  loy  ny  autre  doctrine  que  la  parolle  de  Dieu: 
tôme  S.  Pierre  le  remonftre  au  mefme  pafîage,difanr,Pourquoy  tétez  vous  Dieu, met- 
tant vn  îoug  fur  l'Eglife,que  nous  ne  nos  peres  n'ont  peu  portenmaisnous  croyons  que 
ferons  fauuez  par  la  grâce  du  Seigneur  Iefus. En  outre,ils  refenuent  en  Antioche:qu'on 
s'abftiénc  des  idoles  &  autres  infametez  qui  foc  publiques  en  la  Babylone  du  Pape.  Ce 
qu'oyant  ledit  Cordelier,ne  m'euft  laifîe  dire  fi  par  permifïion  ne  m'euft  efté  ottroyé. 

Ledit  Cordelier  me  remonftra  commet  i'auoyc  efté  baptifé  en  l'eglife  de  ceux-Ia. 
Ileftbieu  vray(dy-ie)quei'ay  eftébaptizé  au  Papifmeunais,  Dieu  mercy,celan'empef- 
che  pas  que  E)ieu  ne  me  retienne  des  fiens:  commeaulTi  l'iniquiré  des  nommes  &  leur 
corruption  n'empefche  rien  la  grâce  de  Dieu,  qu'il  déclare  aux  fiens  quancHl  luy  plaid 
fe  manifefter  à  eux  par  la  regeneratiô  &  renouation  de  vie  par  fon  Efprit,  arroufant  nos 
amesdufangdefon  Fils  Iefus  Chriftxomme  S.  PauH'cxpofeau  fixicme  des  Romains, 
parlant  du  Baptefme.  Mais  vn  des  autres  qui  là  eftoyent)  ayant  affection  de  me  parler 
de  la  Méfie,  qu'il  m'auoit  ouy  blafmer  parauant,  ne  me  voulant  laiiî'er  du  toutaclicuer, 
requit  le  Vi-bailly  pour  m'en  parler,  ce  qui  luy  fù*t  ottroyé.  Il  me  die  que  i'auoye  parle 
La  Méfie,  du  facnfice  de  la  Méfie  en  tout  blafme  &mefpris:&:  me  fit  vne  longue  remonftrance 
des  facrifices  anciens ,  en  difeernant  celuy  de  la  Méfié,  auec  raifons  pourquoy.  Apres  a- 
uoir  le  tout  declaré,fpecifié  &ù  difeerné ,  amena  en  auant  le  Pfeaume  de  Dauid, qu'il  ex- 
pofoit  de  la  facnfîcature  éternelle  &:  perpétuelle  de  la  Meffcen  ce  qui  eft  dit  en  ce  Pie- 
aume  1 10,  Tu  es  Sacrificateur  éternel  felô  l'ordre  de  Melchifedec:&:  requerât  d'aduifer 
à  me  réduire,  fans  refifter  aux  fainctes  Efcritures,me  demandant  que  ie  vouloye  dire  la 
deiîus:ic luy  refpondy  que l'Apoftre aux Hebneux a fufHfamment  refpondu  pour  moy, 
&  a  inftruit  toute  l'Eglife  de  Chrift  de  ne  s'amufer  plus  à  ces  facrifices,  monflrant  que 
ce  quia  efté  allégué  du  Pfeaume  iio,au  quatrième  verfet,  où  il  eft  dit,  Tu  es  Sacrifica- 
teur eternelfelô  l'ordre  dcMelchifedcc,ne  s'applique  à  nul  facrifice  qu'à  celuy  feulvni- 
que,fuffifant&:  parfaict  facrifice  de  Iefus  Chrift,  offert  vne  feule  fois,  cômerÀpoftre  le 
declareamplemcntaux  Hebrieux,7,8,9,io.Et  pourmieux  declarerque  ce  verfet  defa- 
crificature  éternelle  du  Pfeaume  1 10,  doit  eftre  approprié  feulemenc  àlaperfonnc  de 
Iefus  Chrift,  fApoftre  allègue  ce  qui  eft  eferit  au  Pfeaume 40, 6^bc-j  verfec ,  où  il  eft  die 
que  Dieu  n'a  prins  aucun  plaifir  en  facrificeny  oblacion  pour  le  péché:  mais  tant  feule- 
ment en  l'obeiflance  volontaire  du  facnfice  de  Iefus  Chrift ,  qui  eft  la  volonté  de  Dieu. 
Ce  que  l' Apoftre  expofe  au  io.des  Hebr.declarât  plus  à  plein  que  par  la  feule  &:  vnique 
oblation  du  corps  de  Iefus  Chrift,  ilaconfacré  à  perpétuité  ceux  qui  (ontfanctifiez,  di- 
fant,Que  nous  fommes  fanctifiez  par  l'oblation  vne  fois  faite  en  la  croix  du  corps  de  Ie- 
fus Chrift,  lequel  il  dit  eftre  afîls  aux  deux  à  la  dextre  du  Pere ,  iufqucs  à  ce  qu'il  ait  mis 
fes  ennemis  pour  fon  marchepiedrmoftrat  manifefttmét  où  eft  le  corps  de  IefusChrift, 
&  quel  facrifice  de  Méfie  il  a  cômandé.Ce  Docteur  me  refpôd  qu'il  ne  s'entéd  pas  ainfi: 
mais  felô  que  parauat  il  l'auoit  expofé,entédant  ledit  Pfeaume  de  ce  facnfice  de  Méfie. 

I'  a  n  1  o  v  s  t  a  y  à  ce,  que  le  facrifice  que  Dieu  requiert  de  nous,c'eft  la  côtrition  &: 
repentance  des  Chreftiens  :  corne  il  en  eft  parlé  au  Pfeaume  5 1 .  &£  le  facrifice  de  louan- 
ge, que  l'Apoftre  auxHebrieux  1  j, appelé  Le  fruictdesleures. 

O  r  après  plufieurs  remonftrances  faites  par  iceux ,  pour  m  induire  à  leur  eglife  Ro- 
maine, le  Vi-bailly  me  dit,  fi  ie  me  vouloye  rapporter  aux  Atteste  procédures  de  mon 
procezdeLyon.  le  luy  refpondy  que  volontiers. 

Lors  me  f  ut  môftré  vne  partie  des  a&es  par  moy  fîgnez,enfcmble  vne  fentéce  eferi- 
te  en  parchemin,  côtenante  mô  cxccution,d'eftrc  trainé  fur  vne  claye  iufques  aux  Ter 
reaux  de  Lyô,&  là  eftre  attaché  àvn  pofteau  pour  eftre  bruflé, après  auoir  efté  cftraglé. 
.  Apres  ladite  lccture,ledit  Vi-  bailly  m'interroga  fi  le  contenu  eft  tel,  comme  il  ma 
efté  lignifié  &  prononcé  à  Lyon.  le  refpondy  que  quant  aux  actes  parmoy  fignez,fonc 

vne 


Richard  leFeurcj.  iS  3 

vnc  partie  de  mon  proccz:maisdc  Ja  Tcntencc,qu'cllcnemefuftpasprononcee:&:  tou- 
tesfoîs  que  ic  m'en  veux  bien  rapporterai!  eôt.-ni.i:  acceptant  volontiers  ladite  Tenten- 
ceauec  l'appel,  citant  preft  de  ligner  de  mon  fang  mes  articles  tât  de  Lyon  que  de  Gre- 
noble,quci'ay  lignez  feulement  d'encre. 

Apres  m'a  elle  monftré  vn  autree(crit,où  le  procureur  du  Roy  bailloit  Tes  conclu-  Concluiïoa 
lions,  Que  pour  la  charge  qui  m'eftoit  impoTec ,  de  ne  vouloir  déclarer  ceux  qui  m'ont  reurduRoy 
recoux  tut  Jariuicre,  que  Teu/fc  la  queftionkiTques  à  l'extrémité  :&:  pour  le  blalmc&:  côueleFc- 
outrage  de  la  perTonne  du  Roy  &  de  feglile  Romaine»enTemble  de  l'hcrelie  dont  ie  luis  Wt 
charge,  que  ic  loye  mené  à  la  place  desCordeiieis  }&  làauoir  la  langue  couppee,& 
mon  corps  bruflé  a  petit  feu,&c. 

Le  Vi  bailly  après  la  lecture,  me  demanda  que  ievouloyc  djrelà  de/fus.  lerefpon 
Que  ie  n'ay  en  né  peu  cognoiftrclcs  nomsdel'dits  recouurans,lefquels  ne  le  voulurent 
déclarer  ne  dire  quels  ils  citoyen:, ne  qui  les  menoit ,  fors  que  le  zele  delà  religion  que 
ie  tien^qu'ils  auoycnt  ouy  de  moy  à  Lyon,&  que  par-tant  ie  ne  les  lauroye  nommenaut 
il  que  ie  n'ay  en  rie  mefdit  de  la  per  Tonne  du  Roy,&  que  ie  ne  Tuis  point  hérétique,  mais 
Chreftien.Ce  que  ie  h*  coucher  pour  reTpon Tes  aux  concluions  du  procureur  du  Roy. 

Don  Tiédit  Vi-bailly  merenuoyaiuTquesà  vne  autre  fois,&:  par  deuât  luy  iefu  con- 
fronte deuant  deux  teTmoins,&:Teparémcnt:  qui  teftifîerent  de  leuraccuiation  contre 
moy,  tendant  aux  TuTdites  calomnies,  mais  en  leur  preTence  rcmonftray  audit  Vi-bailly 
les  occalîons  de  leurs  faux  telmoignages ,  tellement  que  Dieu  qui  eft  Pere  des  orphe- 
lins, protecteur  des  eftrangers ,  a  conduit  li  bien  le  tout,que  les  accuTatcurs  &  teTmoins 
fe  Tont  trouuez  ennemis  capitaux,tât  par  leur  apparéte  procédure,  qu'en  partie  de  leur 
propre  confeflîon,  Parquoy  le  Vi  bailly  me  demanda  reCpôCeCur  leTditescôclulions  du 
procu  reur  du  Roy:&  icclle  faite  li  ic  vouloye  demeurer  à  la  Tentence  de  Lyon  auec  l'ap- 
pcl.&  ainli  Te  Tont  alfemblez  plulieurs  fois  pour  debatre  la  matière  de  mon  exécution. 

Apre  s  me  manda  ledit  Vi-bailly  deuant  luy  &:  toute  la  luftice:  où  derechef  ie  fu 
follicité,perTuadé  &  conTeillé  de  me  réduire  à  leur  eglilè .  mais  ic  leur  fî  reTponle ,  Que 
n'ay  autre  délibération  quededemeurcren  TEgliTedelcTus  Chrift&fa  parolle:&:que 
ne  fay  autre  religion  que  celle-la.  &:  ii  aucunement  la  parolle  de  Dieu  m'en  môftre  vne 
autre  meilleure  que  celle  que  icticn,ieTuyuray  ce  que  la  parolle  de  Dieu  me  monftre- 
ra.  L'yji  des  Conleilliers  me  fît  vne  rcmonftrance,Que  ie  ne  deuoye  m'arrefter  à  ma  Ta- 
gefle  &  à  mes  opinions:&:  mefme  que  les  egliTes  d'Alemagne  font  dmiTecs  :  &c  que  fi  ne 
meTubmettoye  aux  Conciles, il  Tmdroit  tous  les  iours  vn  Chriftianilmcnouueau.Ieluy 
rcTpon,que  n'ay,&:  ne  veux  demeurer  en  mon  opinion^ny  a  nulle  fagelfe  humainermais 
tant  feulement  à  celle  de  lefus  Chrift,que  le  monde  eftime  follic,comme  dit  S.Paul.Ec 
quant  à  ce  qu'amenez  des  cglifes  d'Alemagne,  celles  qui  tiennent  l'Euagile  Tontvnics  t.cor.r. 
Tans  aucun  diTcord,quât  au  vray  fondement. Et  d'auoir  tous  les  iours  nouueau  Chriftia- 
niTmc  ii  on  ne  s'arrefte  aux  Conciles  :  il  eft  dit  par  Dauid  au  PTeaume  3  3, &  autres  lieux 
de  l'ETcriturc,Que  le  Seigneur  diflîpe  le  conTeil  des  gens,  parquoy  il  faut  demeurer  au 
conleil  de  Dieu,  &  à  Ta  parollc,comme  les  Apoftres  ont  fait.  Or  i'ay  me  mieux  demeu- 
rer au  petit  ChriftianiTme,  qu'au  grand  PapiTme. 

Apres  ces  choTes,  le  Vi-bailly  me  renuoya  à  la  maiTo/i  de l'Euefque,  où  après  quel- 
que temps  ayant  entendu  que  i'eftoye  renuoyé  à  Lyon ,  pource  que  ie  n'eftoye  punifla- 
ble  llnoq  de  la  religion  &  foy  qui  eft  contenue  en  ma  confeflîon,  ie  deliray  parler  à  mô- 
fieur  le  Vi-bailly  ,&  requis  plulieurs  fois  le  courrier  de  l'Euefque  pour  parler  audit  Vi- 
bailly:&:  pour  le  refus  Telcnui  plulieurs  lettres  à  mes  luges  dcGrcnoble:&  entreaucres, 
vne  lelon  qui  s'en  Tu  it, 

^A  Mon  sie  v  *  le  Vi-bailly  de  GriTuodam&;  Ton  ConTeil,  Richard  le  Fc- 
ure  Ton  priTonnier,  Salut*  ' 
'OMME  ainfi  Toit,  Monfieur,que  par  plulieurs  fois  i'aye  efté  par-deuant  vous  ex- 
amine de  ma  foy  &  religion  fondée  en  Dieu  &:  noftre  Seigneur  IeTus  Chrift ,  &  en 
Ton  Euangile;où  en  la  preTence  de  voftre  conTeil,  &  auec  plulieurs  de  voftre  religion,ay 
parla  grâce  du  Seigneur  rout-puiffant,  fait  apparoiftre  la  certitude  de  ma  confeflîon 
de  foy  eftre  fondée  en  la  vérité  de  la  parolle  de  DieuJ'Euangile  delefus  Chrift,  la  do- 
ctrine des  Apoftres, &  confequemment  de  toute l'EgliTe,  Telon  la  petite  cognoùTance 
<ju'uaplcuàDieumedonner,fuffiiance  toiuesfoispourrepoufler&meTpriTerlafagefTc 

Bb.iii. 


LiffîCj  11  IL  Richard  le  Feurc^. 

dumonde:neatmoinsiufquesicy  ien'ayeu  petfonneen  voftrc  Cour  qui  ait  voulu  pro- 
curer pour  moy:&  tant  s'en  faut  que  nul  de  vous  me  défende ,  que  pluftoft  tous  enfem- 
ble  eftes  luges  ô£  partie .  qui  déclare  allez  l'accompliiTement  de  la  prophétie  de  Dauid 
en  lefus  Chrift  &:  fes  mebres  élire  accomplie  deuant  vos  yeux,ainfi  qu'il  eft  efcrit,Pour- 
quoy  femutincntlesgens,& murmurent  les  peuples  choie  vaine  contre  Dieu&lbn 
Chriftr&c.  le  voy  qu'il  me  faut  endurer  cruellement  le  fupplice  de  la  mort:  mais  par  i- 
celle  partant,  i'efpere  m'en  aller  à  mon  Dieu&à  mon  Seigneur  lefus  Chrift  mon  Sau- 
ueur,lbuueram  luge  en  ce  royaume  éternel  &  treshaute  Cour,  où  vous  &c  moy  compa- 
roiftrons  deuant  le  grand  tribunal  de  fa  maiefté,  pour  auoir  railon  de  ma  caule ,  qui  eft 
aulfi  lalieni>c,que  vous  oppugnez&:  contrariez  il  fort:de  laquelle  le  Seigneur  Dieu  ne 
ie  rapportera  point  aux  grans  confeils,  &:  à  la  grande  multitude  du  monde,ny  à  la  gran- 
de &c  belle  apparence:  mais  tant  feulement  à  la  feule  &c  (impie  parolle  :  comme  dit  Da- 
uid, Pfeaume  98,99,11  iugera  le  monde  félon  la  fidélité,  &c  les  peuples  fclon  là  iuftice.  Ec 
comme  dit  S.Iean  en  l' Apocalypfe  premier  chap. Tout  oeil  le  verra, &  ceux  qui  font  na- 
urc.  Tellement  que  toutes  les  exeufes  que  prétendez  pour  ignorance ,  ne  vous  ferunôc 
de  rien:  mais  plultoft  il  y  a  grand  danger  qu'elles  ne  vous  feruent  comme  le  balïïn,  le 
pot  &  l'eau  à  Pilatc  pour  le  rendre  innocent  du  fang  de  lefus  Chrift .  car  comme  ce  bon 
Lcbafsj.ne'k  SauueUr  lefus  dit  de  tous  fes  membres,  Qui  vous  mefprife,  il  me  melprilè:&,  Ce  que 
de" 1  iiate.  "  vous  auez  fait  à  l'vn  de  ces  plus  petis  qui  croyent  en  moy,  aulfi  vous  le  m'auezfait. 
Matth.io.  IE  priedonc  le  Seigneurvous  illuminer  pour  vous  bien  côduire  en  vos  affaires:  vous 
remerciant  de  l'humanité  qu'il  vous  a  pieu  me  raire.&:  vous  priât  au  nom  de  Dieu,  puis 
que  ne  puis  parlera  vous,pour  vous  déclarer  mon  intention  ,  qu'il  vous  plaife  me  faire 
cognoiftre  l'ordonnance  qu'auez  faite  de  moy  :  vous  recommandant  à  Dieu.  Des  pri- 
fonsdelacourreriedeGrenoble,maifondel'Euefque,ce  deuxième  îour  de  Ianuier, 
m.d.  lu  11.  Voftre  prilonnier  Richard  le  Feure. 

Renuoy  Je  Richard  leFeure,  de  Grenoble  à  Lyon. 

f"\R  quelque  cho  fe  qu'il  en  fuft,il  ne  m'a  efté  nullement  polïiblede  plus  parler  à  mon- 
fîeur  le  Vi-bailly:de  forte  qu'eftat  en  ma  retraite,enuiron  dix  ou  onze  heures  du  foir 
le  preuoft  des  Marefchaux  vint  &c  fa  bende  auec  le  Greffier  criminel,  lequel  me  fignifia 
de  bouche,  que  monfieur  le  Vi-bailly  m'cnuoyoit  à  Lyon.  Le  Preuoft  me  mena  iubite- 
ment  en  fachambre  enferre,  attendant  le  clair  de  la  lune.de  forte  qu'incontinent  trois 
heures  après  minuicl;  departifmes,  moy  eftant  monté  à  cheual,  enchaîné, lié  &:  enferré. 
Et  palfafmes  par  Moran  auec  toute  la  bende  du  Preuoft,  lequel  la  nui6t  me  faifoiten* 
chaîner  auec  vnde  fesgens.  Et  en  laifiant  le  chemin  de  Lyon,  palîalmcs  par  Vienne,  à 
caufe  de  la  Crainte  des  embufchesquele  Preuoft  doutoit:  carie  bruit  eftoit  tel.  Ledit 
Preuoft  m'amena  en  fes  priions  de  Rouanne,me  recommandant  au  Concierge:puis  al- 
la lignifier  au  Lieutenant  de  Lyon,nômé  Tignac  mon  arriuee.  Et  cnuiron  douze  iours 
après,  ledit  Lieutenant  me  vint  examiner  qui  i'eftoye,&:  qui  m'auoit  amené,  de  mon. 
nom,&  de  ma  reeoulîc,enfemble  de  quelques  pointts  de  la  religion,  A  quoy  ay  refpon- 
du  félon  ce  que  le  Seigneur  m'a  donné-.&  fuis  demeuré  fans  fauoir  quoy  ne  commet,  at- 
tendant l'heureufeiournee  de  mapleine  deliurance:cn  priant  mon  Dieu  me  donner 
telle  allîttence  qu'il  cognoit  cftre  neceifaire,auec  toute  patience  :  &c  m'augmenter  tel- 
lement la  foy,  qu'elle  furmonte  tout  ce  monde,  pour  pénétrer  iuiques  par  delfus  tous 
les  cieux  en  celte  bien-heureufe  félicité  &:  royaume  éternel ,  auec  ce  bon  Dieu&:  Pere 
de  mifericorde,  &£  ce  bon  Seigneur  &:  Sauueur  lefus  Chrift. 

L  A  procédure  dernicre  tenue  en  la  ville  de  Lyon  contre  luy,  au  lîegc  du  Lieutenant  Tignac. 

M  M  E  ce  bon  Pere  de  milericorde,Dieu  de  confolation  nous  amonftrcfonaf- 
jliftence  du  commencement  en  la  foy  de  l'Euangilede  fon  Fils  lefus  Chrift,  aulTi 
efperons-nous  parfaitement,  qu'ince fiam ment  &:iufqùes  à  la  fin  il  ne  nous  deftituera 
point  de  Ion  aide.  Dequoy  nous  deuonsen  toute  adion  de  grâces  le  louer  &  magni- 
fier, 6c  en  toute  humilité  de  prière  luy  recommander  tous  nos  affaires, les  remettant 
entièrement  fur  luy,  &:  il  les  accomplira  comme  il  a  promis.  Suyuant  cela  ie  le  prie  hû- 
blement  de  parfaire  ce  qu'il  a  commencétefperant  parfaitement  que  fa  bonté  le  fera  en 
moy,felô  qu'ordinairement  par  fa  vertu  il  me  fouftiét  iufques  auiourdhuy.  De  quoy  ie  T 
en  remercie hûblement,me  remettant  entre  fes  mainspour  parfaire  ccquiluy  apleu 
commencer.  Et  à  cela  ie  vous  prie  de  le  fupplier  humblement ,  côme  aufli  nuict  &c  iour 

tek 


Richard  le  F eurcs.  284. 

ielc  requier  de  vous  conduire  en  tous  vos  afFaires,cn  vous  augmen  tac  les  grâces  de  fon 
fàinft  Efpric>à  ce  que  puiffiez  tellement  cheminer  deuât  lûy,que  l'on  fainct  nom  en  ibic 
toufioursglorifié,&:  (on  Eglife  édifiée.  Ainfi  foitiK 

Ta  v  efté grandement  reliouy  (trefeherfrere)  quand  auezeftéaduerti  de  ma  pro- 
chaine expedition,qui  fera(commeie  croy)Samcdi  prochain,  huitième  îour  de  Iuillet: 
afin  qu'en  temps  conuenable  ayez  meilleure  commodité  de  prier  ce  bon  Dieu  pour 
moy.  Auiii  le  Portier  m'a  aduerti  que  déliriez  le  double  des  derniers  Articles  qu'on  m'a 
foit  ligner auiourdhuy.  Sachez(trefcher  frere)queceiouruhuy,Icudi  matin,6.de  Iuil- 
ièt,  ay  efte  examiné  de  me fouuenir  desdernieres  rclponfcs  que  fauoyeparauantfai-  ^ 
tes  deuant  le  lieutenant  Tignac ,  du  commencement  de  l'emprifonnemcnt  de  céans,  faits  i  r 
allauoir  en  venant  de  Grenoble.  A  quoy  i'ay  reipondu  que  bonnement  ne  me  louuient  jj"^ ■ 
de  toutesjpour  la  longue  efpace  du  temps. Ledit  Tignac  m'a  réitéré  aucuns  interroga- 
toires 6c  refponfes  de  moy  à  luy  faites  dudit  temps  ,  qui  cftoyentdelamaniercdema 
rccouile:ce  que  luy  ay  accordé,ne  luy  déclarant  le  propre  faict.amli  fur  la  cognoifîance 
des  personnes  m'eitans  încognues. Outre  ay  elle  examiné  il  perliltemment  ie  demeure 
en  mes  opinions.  A  quoy  i'ay  rcfpondu  quede  moy  ie  n'ay  aucune  opinion  particulière: 
mais  veux  demourer  en  la  foy  delefus  Chrilt  auec  toute  l'eglifeChrelticnnc,&:  comme 
membre  d'icelle,  tenir  toutes  les  ordonnances  que  Iefus  luy  a  eftablies .  Surquoy  ledit 
Tignac  m'amena  toute  celte  grande  eftendueoù  le  Pape  domine. I'ay  reipondu  que  ie 
ne  me  fonde  point  fur  telle  multitude  &c  paradc,qui  ne  peut  auoir  aucune  fermeté  en 
foy,non  plus^ue  le  fondement  aflîs  fur  l'abondance  de  lable:mais  me  contente  d'eftre 
appuyé  &fouftenu  fur  vne  feule  roche,qui  eit  Iefus  Chrilt  &:  fon  Euangile .  ^  Et  à  cela  Mau^ 
leditTiguac  en  riant  regarda  fon  compagnon ,  &:  die  que  ecltoit  vne  belle  comparai- 
ent m'a  demandé  quelle  conuenance  pouuoit  auoir  icclle  à  ce  qu'il  m'auoit  deman- 
dé.le  luy  refpon  que  puis'  qlei'usChriit  l'a  ainfi  appliqueeà  la  differéce  de  Y opiniô  com 
m  une  du  môde,SÎ  la  foy  de  les  elleus  à  vn  feul  Dieu,&:celuy  qu'il  a  enuoyé  Iefus  CJuift, 
quelle  cft  aiîezfuffilante  pour  ma  defenfe  contre  luy.  Donc  parlant  ledit  Tignac  a<fon 
compagnôidit  qu'en  cela  il  n'y  auoit  nul  propos  ne  raifon.^  Item,  m'examina  fi  ie  croy 
qu'au  Sacrement  de  l'autel, après  la  conlecration  faite  par  le  Preftre  au  pain  ,  le  vray 
corps  de  Iefus  Chrift  realcment  &:  fubftantiéllement  y  cil  pas.Rcfponfe  ,Quant  à  moy 
ic  croy  parfaitement  qu'en  communiquant  au  fainct  Sacrement  de  la  Cene,ie  partici- 
pe&  luis  nourri  du  corps  &  du  fang  de  Iefus  Chrift,quieltmontéaucielàla  dextredu 
Pere,&quedesconfecrationsdecepays,ien'yentcnrien,nyà  tous  agiotsquis'y  font:  ï  Cor 
mais  ie  me  tien  à  la  reigle  générale  que  fainct  Paul  à  monitree  à  toute  l'Eglilc,  après  l'a- 
uoir receu  du  Seigneur  Ieius,comme  il  fa  inftitué,&  que  les  Apoftres  ont  cntretenu,&: 
confequemmenc  toute rEglile,auee  laquelle  ie  veux  demourer!  &c  ne  cognoy  nulle  re- 
ligion Chrefticnne  en  ce  pais  fubiect  à  la  religiô  Papale. Item, m'a  examiné,  s'il  m'eftoit 
remôlhé  par  la  parolle  deDieu  mes  articles  eltre  faux,fi  ic  ne  me  voudroye  point  redui 
re:i'ay  reipondu  que  volontiers.&:  luy  ay  requis  d'entendre  le  contenu  du  regiftrede 
ma  relponfe,&  de  le  u'gner.Il  me  dit  qu'après  dilner  le  Greffier  me  viendroie  lire  tous 
mes  elcnts  &c  procédures, me  les  faifant  fîgncr. 

Env  1  r  o  n  les  quatre  heures,  Tignac  retourna  auec  plufieurs  de  Ton  conleil,  &C 
ceft  enfume  do£teur  de  Sorbone:  &m'ayant  fait  venir  deuant  eux  ,  derechef  réitéra  le 
propos  de  la  recouife  :  puis  recitant  ma  refpon  Se  faite  à  cela,  m'argua  d'inobcilfan- 
ceàlaiufticc:&:  pour  la  mefcognoiilknccdcldics  recour.ms ,  me  dit  qu'il  ne  peut  eftre 
vray-fcmblable relie faction  m'auoir  cité  incognuc:  mais  ie  luy  monihay  la  raifon  qui 
manifeltoit  le  contraire. 

^  Ai-  r  t  s  m'examina  du  Sacrcment,ailaucn  {iie  croy  qu'au  Sacrement  fous  l'cf- 
pece  du  pain  le  vray  corps  de  Iefus  Chrilt  y  loit.Ie  rcfpondi.,Que  comme  iay  toufiouis 
confelié,ic  croy  qu'en  participant  au  Sacrement, Ielus  Chrilt  nous  y  prefente  &:don  ne 
fon  corps  &:  fon  fang  pour  nous  nourrir  éternellement  :  ainfi  ie  communique  &  fuis 
nourri  ducorps&:dulangdeIefusChrift,qui  eftau  ciel  à  ladextreduPerc  enfaprefen- 
cecorporelle:qiij  par  Ion  lain&Efpric  mefultéte&:  nourrit  fpirituellemét  de  fon  corps 
&:  de  ion  fang  ,  qui  a  elté  donné  pour  nous  nourrir  éternellement  en  fon  royaume  ce- 
Jefte.  Item  m'a  examiné  fi  ie  croy  que  le  pain  foit  tranlfubftantié .  le  refpon ,  que 
comme  les  Apoftres  &c  Pafteurs  de  l'Eglile  ont  creu  &  approprié  les  elemens  ,les  rcte- 

pb.uij, 


Livre  1 III. 


Richard  le  Feurt^. 


nans  en  leur  propre  fubftancc-que  pareille  met  ie  veux  demeurer  en  leur  doc~trine>com 
me  la reigle générale  nous  en  cftmonftree  par  fainct  Paul ,  qui  proprement  l'auoitre- 
ccu  ou  Seigneur  Iefus  Chrift,comnie  il  precefte ,  en  laillant  les  clemens  en  leur  propre 
fubitance:ainli  qu'il  dit,Lc  pam  que  nous  rompôs,  n  cft-ce  pas  laparticipatio  du  corps 

i.Cot.io  dcÇforilt  ?  A  vilii  il  eft  dit  de  tous  le  s  autres  Apoftres  touchant  le  Sacrement ,  qu'ils  e- 
ftoyentd'vnconlcntementcnlemhleen  la  Parolle&:ovaiibn,&  au  brilcmencdu  pain. 

Aâcsi  Sur quov  le  docteur  de  Soibonc,rcquisdepailer,medit  quecombien  que  les  Apoftres 
n'ont  point  vlédc  ce  mot  Tranilubftâriacion, qu'il  ne  s'enfuit  pas  que  lignificatiueméc 
il  ne  foie  enec  ndu:&  me  remonftroit  que  fi  ie  ne  me  vouloyearrefter  aux  mots,  ie  tom- 

fr.        beroyeen  plufieurs  erreurs  corn  me  de  ne  croire  que  fubftant  el  tenu  nt  Iefus  Chrift  aie 

ibntution  cfté  vrav  Dieu  &c  hommeau  ventre  de  laVierge,pourcequii  n'eft  pas  proprement  ain- 
°t  nJu'    ^  efcrit.&  cemroecemotTnn'tt  ne  fe  trouuetn  route  1  tlcnture:ainiien  parlât  du  Sa 

p.r  l  riuu-  ci  emenr, combien  que  ce  m  oc  Tianfliibftanciacion  nes'y  trouuc,toute  fois  a  la  vérité  il 

mé.  s'entend  quand  Iefus  Chnft  a  dit  ,C  eft  mon  corps. le  luy  pnay  de  m  efcouter,luy  refp  ô~ 
danr,Quenonfculemcntlcïus  Chrift  ne  les  Apoftres,  n 'aucuns  Docteurs  &c  Pafteurs 
de  l'Eglile  ancienne  n'ont  lait  mention  de  tramlubftanticr  les  clemens,  mais  ont  mon- 
{hé  du  contraire,  car  ils  onc  voulu  enfeignec  les  fidèles  à  retenir  la  (ubftance  desele- 
mensen  leurs  pi opres  noms:com me  il  appert  au  deuxième  &c  vingtième  des  Actes  ,  &: 
dixième  de  la  première  Epifti'e  aux  Corinthiens ,  &  n .  fcmblablcment  par  tcut  où  il 
eft  fait  mention  delaCene.  Ec quand  Kius  Chrift  a  diftribue  le  facremencaux  Diici- 
ples'l  leur  enfeignc  que  le  Sacrement  eft  vue  fain&e  mémoire  de  fa  mort  &  paffion,&: 
actiôdegr.ices,cômeilleurdecia  e  après, leur  commandant  de  prendre  &c  manger  en 
mémoire  d'ie  elle  paflicn.Et  ce  qu'il  nomme  le  pain  Ton  Corps ,  c'eft  en  les  ramenant  à 

i  Cor  j  ^a  paflioivcommc  l'Agneau  du  pa:;age,qui  n  cftoit  pas  le  pailàge:maisil  fignifioit  le  paf 
fagc6ddehuranccd'Egypte,commeùintl  Paul  en  parle,  ainliil  appelé  ce  qui  lignifie, 
pour  la  choie  lignifiée. En  telle  communication  Iefus  Chrift  nous  donne  Ion  corps &c 
Ion  l.ing,pour  nous  nourrir  éternellement  d'iv.cluy  par  la  foy  en  la  vertu  de  fon  Efprir. 
Et  quant  à  la  Tr:nitc,lcs  trois  pedbnnes  font  fuffiiamment  &ù  apertement  déclarées 
en  vniré,cotnme  laine.!  Ieau  le  declare:&:  aucres  lieux  de  l'Efcritute  monftrencairtze- 
uidemment  la  Ttinitc.&:  auflî  ladiuinite&  humanité  de  Iefus  Chrift  eft  aperceméc  dé- 
clarée aux  Efcrituresicomme  il  en  eft  fait  mention  en  Haie ,  que  la  Vierge  enfanceroic 
lEmanucl^qui  eft  adiré  Dieu  auec  nous:  ÔC  au  premier  de  S.  Matthieu,&:  autres  lieux, 
où  il  eft  parle  de  l'incarnation  delefus  Chnft/maisdc  la  Tranifubltantiation  il  n'yafi- 
gn.fkation  aucune  en  toute  l'Elcriture.Le  Docteur  ne  me  permettant  acheuer,mcref 
pond  que  ce  que  dit  Iefus  Chnft  eftfufriiant  pour  la  Tranifùbftantiation,  quand  il  dit, 
Voicy  mon  corpsicomme  lesdocteurs  de  lTghïe  font  entendu:  &  qu'aulfi  plulîeui  s  ar- 
ticles de  la  foy  ne  font  efcrits,lefqucls  faut  croiic.&  me  fit  vne  longue  exhortaciô,où  ne 
pouuoye  rien  entendre  pour  les  fubtiliccz  rnais  il  ne  pouuoit  trouuer  en  toute  l'Elcn 
turc, tant  des  Apoftres  que  des  Docteuis  ancicns,que  les  clemens  fe  tranilùbftantienr. 
Il  me  die  que  fi  ventablcmét:  mais  que  ie  ne  vouloyc  entendre  ce  qui  eft  au  fixiemede 
lain&  Iean,&  plu  lieu  rs  docteurs  de  l'Eglile.  En  la  fin  luy  refpondi  qu'au  mefme  texte  al- 
légué, Iefus  Chrift  déclare  que  telle  manducation  eft  fpiritucllc  &c  non  charnelle:  ainfî 
qu'il  dit  après ,  La  chair  ne  profite  point, c  eft  l'Efprit  qui  viuifie.ces  parollts  lôc  Efprit 
&C  vie. combien, qu'il  n'eft  la  parlé  que  de  la  foy  en  Iefus  Chrift.  Ioinct  que  faind  Augu- 
ftindicduSacremenr,Croy  &ù  tu  l'as  mangéidcclarac  que  la  foy  nous  lait  viuredu  corps 
de  Iefus  Chriit ,  par  la  vertu  de  Ion  Efpric.  Il  medicque  ie  ne  picnoyedcsparollcsde 
fainec  Auguftin,(inoncequi  me  plailoit,non  pas  ce  qui  appartient  entièrement  à  la  roy 
de  l'Eglile. le  luy  rcfpon  que  ie  fuis  contée  de  amplement  demourcr  en  ladoctrinedes 
Prophctcs,de  Iefus  Chriit  Ck:  de  l'es  Apoftres. 

Tig  n  ac  me  remonftra,que  puis  que  ne  fuis  ne  do<5teur,ne  fondé  en  Théologie, 
nyaux  Docteurs anciens:  pourquoy  ie  me  mecs  tant  auant  à  vouloir  entreprendre 
d  enleigner  les  autres,**:  de  corriger  ce  que  couce  l'vniucrfité  de  l'Eglife  tient . 

R,  Que  quant  à  moy  ie  ne  luis  point'voiremenc  docteur  ,  ne  fondé  en  Théolo- 
gie pour  enfeignerà:  corriger  :  auffi  ie  n'encrepren  poinc  ces  chofes,  nyneveux  e- 
fere  leparédel'vnion  de  l'Eglile  vniuerfelle:ains  comme  membre  d'icelle  &c  de  Iefus 
Chnfr,veuxdemourer:mais  ie  ne  peux  auoiraucre  créance  que  celle  que  Iefus  Chdfc 
aen "cigneeen  fon  Euangile,les  Apofcres,&:confequcmmenccoutc  l'Eglife.  Ainfipuis 
qu'il  a  pieu  au  Seigneur  Iefus  Chrifc  m'enleigncr  par  Ion  Euagile  ce  que  tous  Chrefciés 


Richard  le  Feurc^. 


doyucnt  croire  il  eft  bien  raifonnablc  que  ie  Je  maintienne  iufques  au  bouc. 

T  i  g  n  a  c  m'interrogua  fi  ie  croy  la  conf  ef/îon.  R .  Qu'ouy.  Il  demanda  com- 
ment,&:àqui.  R.  A  Dieu &àceux  que l'ay  otfcnlcz.  Dercchcf,li la confelîion au- 
riculaire n'cll  pasderinftitutiondelefus  Chrift.  R.  Qj.ierEuangilcnefaitmentio 
de  le  confefiér  à  l'oreille  d'vn  homme  fecrettemcnt  :  mais  que  nous  deuons  conte/Ter 
nos  péchez  à  Dieu:&  le  fang  de fon  Fils  Iefus  Chrift  nous  nettoyé  de  tout  péché .  com- 
me il  appert  au  premier  chapitre  delà  première  Canonique  de  fainc"t  Iean,  &enplu- 
iieurs  aucres  lieux  des  Pfeaumes.  Auffi  quant  au  piocham,il  eft  fait  mention  de  le  recon 
cilier  pour  ofter  tout  diicord  :  6c  à  ce  fainct  laques  exhorte  les  fidèles  de  ie  confefler  les  r™., 
vnsaux  autrcs:mais  de  l'auriculaire, il  neneft  nouuelle. 

L'infv  m  l  docteur  de  Sorbone  me  fît  vne  rcmonftrace  de  la  puiiïancc  que  Iefus 
Chrift  a  baillée  aux  pafteurs  de  lonEglife,  A  quiconques  vous  pardonnerez  les  péchez,  IcaE 
ils  feront  pardonnez  :  6c  à  quiconques  vous  les  rcciendrez,ils  feront  retenus .  6c  ce  que 
Iefus  Chrift  à  remonftré  au  dixhuiticme  de  fainct  Matthieu  6c  autres  lieux  :  où  il  eft  fait 
mentiô  du  ncttoyemét  du  ladie,de  ie  prelenter  deuant  le  Sacrificateur  :  6c  diibit  q  puis 
qu'il  y  a  Ablolution&:  Rétention, il  faut  aulii  confelîion.  Ieluy  relpô  q  voirement  il  y  a 
côfelîiô,nô  pas  auriculaire:maisen  la  vertu  de  la  predicatiô  de  l'Euangile,  1a  foy  produi- 
fantlesfruicts  de  pcnitcce&repctance.L  ablolution  eft  cômife  aux  Pafteurs  parla  pré- 
dication: en  ce  qu'aux  obftinez  6c  endurcisses  péchez  font  retenus  auec  excommunie- 
ment,comme  au  cutraire  auxdociles  &:  obeiftans  à  la  prédication  de  l'Euangile,  les  Pa- 
fteurs donnent  pleine  ablblution  en  vertu  de  la  prédication  de  l'Euâgile.  Et  aulii  Iei'us 
Chrift  en  donnant  telle  puifTance  à  fesApoftres,il  leur  a  quant &quant  enchargé  qu'ils 
enfeignent  publiquement  l'Euangile,dii'ant,  Comme  mon  Percma  enuoyc  ,  ie  vous 
enuoye  :  allez ,  prefehez  l'Euangile. 

L  s  d  i  t  Docteur  me  remonftraafïez  longuement  tant  de  fainct  laques  que  des  ka 
autres  partages,  telle  abfolution  deuoir  eftre  attribuée  à  vn  Preitre,m  alléguant  plu- 
fieurs  raifons  pour  euiter  les  inconucniens-.enfemble  par  les  Conciles  ,  &  par  philofo- 
phie  me  vouloir  perluader  à  le  croire.  le  luy  refpondi  que  quant  à  moy  ie  ne  fa  y  autre 
choie  que  ce  que  l'ay  re(pondu:que  fay  apprins  dés  ma  ieuneiTc  en  l  Euangile  de  noftre 
Seigneur  Iefus  Chrift  &:  de  les  Apoftres.  ^  Le  Docteur  parlant  au  Licutenant&:  fon 
côleil,dit,Ie  me  doutoye  bien  que  ie  n'y  feroye  rie:  car  il  eft  entieremét  obftiné.ôd  ça  c- 
fté  la  caufe  que  ie  dirferoye  à  vouloir  parler  à  luy.  Sur  quoy  il  print  congé, 6c  s'en  alla. 

Le  Lieutenant  derechefm'interrogua  li  ie  veux  derheurer  6c  perhfter  en  ces  er- 
reurs^ qu'ils  m'auoit  fait  venir  vn  fi  fauat  perfonliage  pour  m  enfeigner,&:  que  ie  pen- 
faffe  à  moy  .le  refpondi  que  volôtiers  ie  penfe  à  moy:mais  q  ue  d'erreurs,la  grâce  àDieu, 
ie  n'en  tien, ne  veux  teninains  feulement  les  articles  de  la  foy  Chreftienne.  Plus, il  me 
demadacômeie  fay  que  ce  q  iappelle  Parolle  deDicu,c'eft  laparolle  deDieu.Ieluy  ref 
pon,que  quand  noftre  différent  conlîfteroit  en  cela,  il  feroit  bien-toft  vuidé  :  mais  puis 
que  ceft  la  parolle  de  Dieu  fans  aucune  doute, qu'il  ne  luy  chaillc  qui  me  la  fait  à  croire: 
D.  Où  fay  efté  premièrement  enfeigné.  R.  En  Àngleterre,dés  maieunelîe.  Aquoy 
ilmeremonftra,qu'encepays  lailn'yauoitpasii  long  temps  qu'ils  auoycntdelaifîela 
religion  Romainc:&  me  demanda  corne  i'auoye  donc  ap prins.Ie  luy  relpon ,  Commet 
qu'il  en  l"oit,de  long  temps  l'Angleterre  auoit  eu  multitude  de  Chrefticns  qui  tenoyét 
l'Euangilc,dont  plulicurs  ont  efté  tourmentez  cruellement  à  mort,  comme  vous  nous 
tourmentezauiourdhuy  pour  celle  mefrne  verice.  11  commanda  fur  ceia  qu'on  me  re- 
nie naft. 

Le  Vendredy  apres,i'ay  eftéderechefprcfcnrc  deuant  lcditTignac,auectout  fon 
confcilaffcmblé:où  on  me  demanda  fi  ie  vouloye  demourer  en  mes  opinions  fauffes,6c 
qu'on  auoit  fait  alfcmblcr  meilleurs  pour  appailer  &:  pacifier  le  tout:fiieme  vouloyere 
duirc&qu'au/fi  le  Docteur,fainctperfonnagc,  auoit  efté  mandé  pourme  rcmetticcn 
liberté .  Que  li  obftinémcnt  ie  veux  periifter,  mefiieurs  de  Parlement  leur  ont  donné 
authoricé  de  prononcer  léntence  diffinitiue,&:  fans  appel.Ie  luy  refpon,  que  de  moy  ie 
ne  fuis  ny  obftiné  ny  heretique,ains  Chreftien.  li  le  Docteur  m  a  parlé ,  ie  luy  ay  fait  ap- 
paroiftre  deuant  ce  confeiI,mes  articles  de  foy  eftre  fondez  en  la  parolle  dé  Dicu&:  l'E- 
uangile de  fon  Fils  Iefus  Chrift,cÔfornies  à  l'Eglife  à  laquelle  fuis  vny.  Aufli  ie  Docteur 
n'a  pour  tout  fon  fauoir  fait  apparoiftre  deuant  ce  confeil,  la  doctrine  de  ce  pays  auoir 
aucun  fondement  enla  vérité  de  Iefus  Chrift  6c  fes  Apoftres:  mais  feulement  cnphilçe 


ItcntenJde 
fon  prenne.: 

ncnvot. 


Lim'o  Richardk  FeUrcJ. 

fophie8craifonshimiaines,&fubtiliiez,  voulant  tirer  &:ioindrepar  morceaux  les  pa- 
telles de  Iefus  Chrift. 

E  t  combien  que  par  vous  ie  fuis  condamné  à  mort  comme  hérétique,  vous  ne- 
ttes iuges  competans  delà  caufe  :  mais  vous  6c  moy  comparoiftrons  deuant  le  grand 
tribunal  de  la  iufhce  de  Dieu,legrand  &:  fouuerain  luge  ,  deuantlequel  il  m 'eft:  biena- 
greablc  d'aller  prcmicr.Qui  plus  c  lt,dés  long  temps  vous  m'auezfollicité  de  toutes  vos 
forces,&:m'auezconfeillc  d'en  appeler  deuant  les  Prcfidens  de  Paris:  ce  que  nullcmet 
n'auoyc  délibéré  de  faire. à  l'occalion  de  quoy  m'amenaftes  l'exemple  de  fain  et  Paul  ap 
pelant  à  Ccfar,pourm'mduirc&:  me  taire  accorder  à  voftrc  confeil .  Se  mcfmc  ne  me 
voulu Itesoncques  déclarer  aucune  lcntence:ains  fu  menc,&:nefay  pourquoy,ne  com- 
ment i'ay  cité  empefchc  d'aller  où  Dieu  m'appcloit  Oren  ce  temps  n'auiez  aucun  pri- 
uilegc  de  donner  arreft  diffinitif:&  maintenant  vous  me  dites  qu'il  me  faut  palier  pac 
vos  mains. 

Le  confeil m'cfccutantmemiuement,Tignacrefpôdir, Que  deluy  il  nycftoit,&: 
qu'il  ne  croyoït  pas  qu'il  fuftainfi  c.n  il  c  Itoit  alors  Lieutenant.  le  luy  refpon ,  qu'eftant 
certain  des  paroIles,ie  m  en  rapporté  à  tout  le  confeil  lors  a/fcmblé  :  Se  que  Ipccialc- 
mét  celuy  appeléTignac  s'y  employa  du  tout,  lequel  pour  enteignes  citeit  boiccux,ay- 
ant  des  botincs  de  cuir  noir  ce  qui  me  donne  vraye  cognoilfancc  des  perlonnes,&:  que 
tel  affaire  ne  fe  peut  ignorcr:cnk  mbleprck  nt  monfieurduPuis&rplufieurs  autres  que 
nepuisrccognoiitre.PlufieiirsduccnlaJrctpondircnt  qu'il  pouuoit  cftre  vrav  que  le 
Lieutenant  y  fuft.Tignac  rompant  proposait  qu'il  n'eitoit  bcfoin  de  s'arrefter  à  cela, 
me  demandant  fi  ic  ne  vouloye  point  changer  de  propos  le  luy  rcfpondy  que  ienetay 
autre  chofc.&:  commanda  qu'on  me  rcmen.ut .  ^  Ainiiiuis  attendant  la  bonne  vo- 
lonté de  nollrcDicUjlc  priant  qu'en  toute  patience  il  me  fouftienne  par  fa  vertu,  me 
conduitanrà  cette  vie  éternelle,  qu'il  a  promife  par  lefus  Chrift  fon  Fils  :  auquel  feuî 
foittourc  gloire ,  empire  Se  honneurés  iiecles  des  ficelés.  Des  priions  de  LyonàRou- 
ane,ce  VendredyfixicmedcIuiHet,M.D.L  1 1 1 1. 

Voila  la  refpon (c& la  Confeliion  detnierc  que  Richard  lcFeurea  mainte- 
nue deuant  les  luges  de  Lyon  ,  le  tour  deuant  qu'il  endurait  la  mort:cn  laquelle  s'il  y  a 
redircou  façon  de  parler  non  vlitce,Iedeuor  du  I  (  £tcur  fera  defupporter  le  toutxom 
mêle  noftre  à  efte  de  fidèlement  recueillir  &:  prefenter  lesefcrits  de  ceux  qui  ontper- 
feucré  constamment  en  la  confeliion  de  la  vraye  do  ctrine. 

ORAISON  411e  fit  le  Fcurc  pour  !c  iour  <Iu  dernier  fiipplicc,en  forme  de  confclfion  Jcfoy. 

ÎIE  Vtout-puilîant&  tout  fagequi  des  le  commencement  as  cogneu  l'inconfta- 
|ce&:  fragilité  de  l'iiommc^cquclpai  feu  outrecuidance  fe  voulant  clleucr  par  or 
gueil  contre  ton  fainct  commandcment,elt  tombe  es  filets  du  diable  Se  de  la  mort  éter- 
nelle, enfemblc  toute  là  pofterité:  dont  il  t'a  pieu  par  ta  bonté  infinie  auoir  compaf- 
fiôn,luy  prouuoyant  de  bon  remède  &conucnable  ,  en  fupportant  fa  fragilité,&  luy 
<-encrf 5  promettant  que  la  temencede  la  femme  briferoit  &:  deftruiroit  la  puiiTance  du  fer- 
pent,quieftlcdiablc,quiacfléinitigatcurdu  peché  p;»r  lequel  la  mort  eft  entrée  au 
mondc:à  caufe  de  quoy  tu  as  eftably  ton  alliacé  par  ta  faintte  prome/Te,&:depuis  l'as  pre 
tentée  &:  aufii  confcrmcc  à  Abraham, Ifaac &:  Iacob,les  patriarches, Prophètes Se  Gou- 
uerncursdeton  Eglifed  Ifi  acl,cnettabliflànt  vneLoy  Se  faincteordonnace  de  iuftice 
&fain£tetédc  vie  partcsfainrtscommandemens:enfaifant  cognoiftre  par  iceux  laper 
uerfitc&  miferedes  hommes,afin  qu'en  cfpcrant  aux  diuincs  promeffesderedemptiô 
parlemeliias  promis,qui  eft  ton  Fils  bien-aime, ils  obtiennent  falut  parce  moyen.  Le- 
quel Fils(qoand  le  temps  eft  venu  que  tu  as  ordonné  pouraccomplir  ta  làincte  promef- 
fe,felon  le  bon  plaifirdc  ta  volonté)  tu  as  cnuoyé  au  monde  pour  vray  Rédempteur, 
tuci  pourratificr&:(ccllerlàpromcficdcnofttcfalui:&ae(réfaithomme,  chair  de  noftre 
chair,&:  os  de  nos  os. Et  ce  en  vcltant  noftre  nature  dedans  le  ventre  de  la  Vierge ,  de  la 
fubftanced'iccllc,par  la  vertu  mcomprehcntiblc  du  fainct  Efprit.  AulTi  a  efté  fubict 
aux  infir  mitez  &:  patîions  de  l'homme  en  toutes  chofes, excepté  peché,  cftant  pur  &  in- 
nocent,faincl,iu(cc&parf.iir,afin  de  purifier,fanttifîer&  iuftifier  tous  ceux  qui  par  fer* 
mefoy&efpcrances'arrefceronraufeulfalutacquispariceluy  ton  Fils  :  en  la  foy  du- 
quel fon  t  mftifiez  tous  croyans,lcfquels  tu  as  efleus  pour  eftre  tes  enfans,adoptcz  par  i- 

celuy 


Richard  le  F eurcs.  286 

celuy  ton  Fils  Icfus  Chnft,pour  eftre  faits  membres  de  Ton  corps.  Lequel  pour  fatifïai- 
reàta  iuftice&£  équité  pour  la  punition  du  peché,&:  pour  nous  racheter  de  la  mort,s- 
cftprerentéparobeinTancevolontaireàfourFrirlamort  ignominieul'e  de  la  croix  ,  en 
fàintt  &c  folennel  facrifice  &:  oblation  pour  les  péchez  de  tous  ceux  qui  s'arrefte- 
ront  &receurontparroy  ce  facrifice  faind&vnique,  luffifant  &c  perpétuel  pour  touf- 
iours ,  qu'iceluy  Iefus  Chrift  ton  Fils  t'a  offert  en  la  Croix,où  il  a  porté  fur  foy  la  charge 
pelante  des  péchez  de  tous  ceux  qui  par  ferme  foy  &  efperance  s'arrefteronr  au  feul  la- 
lut  lequel  il  nous  a  acquis,eftant  mort  pour  nos  péchez,  &:  refufeité  en  gloire  pour  no- 
ftre  iuftification:tellement  que  par  ce  feul  moyen  les  croyans  fonc  faits  enfans  de  Dieu, 
membres  du  corps  d'iccluy  Iefus  Chrift,heritiers  du  royaume  des  cicux>&:  participans 
de  fon  immortalité  gloricufe,en  la  vertu  de  fa  triomphante  refurrection,  par  l'Euangi- 
ledc  grace,qui  eftla  bien-heurcufc&ioyeufenouuelle  du  bénéfice  de  reconciliation,  'l-Cor-^ 
K  rédemption. Parquoy ,  Dieu  tresbenin,  Pere  de  mifericordc  &  de  toute  coni'olation, 
commeil  c'a  pieu  par  ta  bonré  me  receuoir  à  merci,  m 'ayant  certifié  celte  heureufe  grâ- 
ce d'élection  étemelle  par  l'adoption  de  ton  Fils  Iefus  Chrift  ,  en  l'Euangile  de  grâce, 
par  lequel  tu  m'as  appelé  à  la  cognoiilance  de  ta  fain&c  &  bonne  volonté  enuers  moy, 
tu  m'as  aufli  eftably  en  ce  lieu  pour  eftre  tefmoin  de  fà  faincte  verité,par  le  fupplice  pre 
Cent  qui  ce  iourdhuy  m'eft  ordonné  &:  appareillé .  ce  que  de  bon  cœur  &:  franchement 
ie  reçoy,eftant  certain  de  la  remiffiô  de  mes  péchez  par  la  vertu  de  la  mort  bic  heureu, 
le  de  ton  Fils  Iefus  Chrift,qui  eft  reiutcité  des  morts,&  monté  à  la  gloire  celefte:en  ver- 
tu de  quoy  ie  refufeiteray  au  dernier  iour  de  fon  triomphant  aduenement  ,pour  parfai- 
tement iouyrde  fon  immortalité  gloneufeauccluy  éternellement  :eftanta/îéuré  que 
maintenir  mon  efprit  fera  receu  en  fa  faincte  protection  &fauue-garde  auec  les  bien- 
heureux en  fon  royaume  éternel ,  en  laiflanteeprefent  monde  par  la  mort  corporelle, 
qui  m'eft  prefentement  en  ce  iour  ordonée  par  le  fupplice  quiàprefent  m'eft  appareil 
lé.  Parquoy,bon  Dieu,Pere  trefbenin  &  plein  de  mifericorde  &c  de  toute  confolation, 
ie  te  prie  qu'il  te  plaife  au  nom  de  ton  Fils  Iefus  Chrift,eftendre  ta  bonté  &  vertu  puiL 
fante  fur  moy  ta  poure  créature^  qu'en  toute  patience  tu  me  faces  pafTer  outre  ce  pas 
de  mort  corporelle,me  tendant  ta  main  puiffante  pour  me  retirer  incontinent  Victo- 
rieux de  tous  mes  ennemis, me  conduifant  à  cefte  vie  bien-heureufe  que  tu  as  promife 
en  faueur  de  Iefus  Chrift  ton  Fils  noftre  feignçur,acceptant  le  mérite  de  fa  mort  &  paf 
{ion  pour  recompéfe  de  toutes  mes  fautes  &  pechez,en  vertu  du  fain&&  parfaietfacri-  Hcbri0 
fîccdeton  Fils  Iefus  Chrift  ,fuffifant,  vnique& perpetuclpourtoufiours:  &deceft  A-  *  " 
gneau  immaculé,  de  cefte  hoftieviuante,dc  cefte  obeiftanec  volontaire  :  Sidecefacré 
iang  précieux  de  ton  Fils  Iefus  Chrift  ,qui  a  efté  efpandu  pour  la  remiffion  des  péchez. 
Et  qu'en  cefte  {orte  ie  me  prefente  en  tagloire,honneur  Ôc  louange,me  couurant  de  la 
iufticc&:  innocence  de  ton  Fils  Iefus  Chrift,pour  me  pre  fenterirreprehenfiblcdeuant 
tafacc.Auffibon  Dieu,qu'il  te  plaife  auoir  pitié  de  to  nEglife,en  reftaurantlesdiffipa- 
tions  &c  ruines  faites  par  la  malice  de  Satan,duquel  vueilles  deftruire  toutes  les  œuures 
auec  fon  règne  d'Antechrift:^  que  tu  eftabliffes  le  règne  bien-heureux  de  ton  Fils  Ie- 
fus Chnft,cn  édifiant  fon  Eglife,laquelle,bon  Dieu,ie  te  recom  mâde ,  comme  de  tout 
temps  tu  en  as  eu  le  foin.  Aufli  Scigneur,ie  recommande  mon  efprit  entre  tes  mains, 
qu'il  te  plaife îe  conduire  en  ton  royaume  bien  heureux. 

Po  v  ri  an  TSeigneur,vueilles-moy  fortifier  en  vrayeconftancc,maÛîfter  par  ta 
vertu  ôc  puiffance ,  me  donnant  vne  patience  inuincible ,  pour  perfeuerer  en  cefte  ba- 
taille ipirituelle  iufqucs  à  la  fin  de  ma  vie. 

A  V  T  R  E  OraifonduJit  Richard  le  Fcurc 

5jE  I  G  N  E  VR  Dieu, Pere  tout- puiflant,ie  te  remercie  de  ce  qu'il  t'a  pleum'ap- 
_A".peler  à  la  cognoiilance  deton  fainct  Euâgile,&fingulieremétdeceque  tu  m'as 
fait  ceit  honneur  que  ie  loye  participant  des  rribulations  de  ton  Fils  IefusChrift.ee  que 
ie  cognoy  euidemment  quand  ie  confidei  e  que  tu  ne  m'as  point  baillé  la  feule  cognoif 
fance:ains  asadiouftéla  prattique  nourme  rendre  àlafin  homme  parfait.  Iefauoye 
bien  que  Iefus  Chrift  auoit  endure  mort  &  palfion  pour  moy,me  donnant  exemple  de 
le  fuy  ure.I'auoye  bien  leu  les  admonitions  eferites  par  les  Apoftres  &  Euangeliftes,que 
nous  fommes  bien  heureux  quand  les  hommes  nous  perfecuteront  pour  ton  Fils  Iefus  *^tth  J 
Chrift»  mais  quoy, Seigneur?  leconfefTequeiulques  àecquetum'ayes  faitprattiquer  *'  lcwe? 


Liure  III I  Richard  le  Féurc^j. 

q  ic  fauoye  de  toy,ic  n'eftoye  de  beaucoup  fi  afleurc  en  la  cognoiflance  de  mô  faille ,  cô- 
Lucn       me  ie  luis  maintenât.  Ic  n  ignoioye  point  la  promène  que  tu  auois  faite,q  quâd  nous  fe 
rions  deuâ^  les  grâ^  du  môde,nous  ne  fuffiôs  point  en  foucy  de  ce  que  nous  leur  pour- 
riôs  refpondre  ,  &  que  bouche  &  fagcfTenousferoyent  données  par  ton  S.  Efpric ,  à  la- 
quelle nos  aduerfaires  ne  pourroyent  concredire:mais  ie  î'ay  maintenant  expérimente 
en  moymefme,&:  que  tu  es  le  Dieu  véritable.  Car  combien  que  ienefoyefauant  >  tuas 
toutefois  rcmplyma  bouc  he  par  ton  Efprit,tcliement  que  Iesfauansdecemondenoc 
peu  par  leurs  menfonges  con  fondre  ta  fimple  venté.  le  ne  recite  point  deuant  toy  ma 
vitroire,mais  la  rienne  vrayement,qui  rens  confondus  6c  eftonnez  mes  aduerfaires. Ta 
gloire  en  cela  en  eft  beaucoup  plus  grâdc,d'autât  que  ie  ne  fuis  ne  fanant  ny  éloquent. 
Parquoy,mon  Dieu, dérocher  ie  te  remercie  de  tant  de  grâces  que  tu  me  fais,  te  fuppli- 
luct;      ant  me  vouloirtoufioursaugmenter  lafoy,comme  tes  Apoftres  t'en  ontauflïrequis:&: 
me  faire  cheminer  de  foy  en  foy,c  eft  à  dire, par  accroiiTemét  de  foy  :  car  i  en ay  grande- 
ment befoin, pour  furmonter  les  tentations  de  cefte  chair  rebelle.O  mon  Dieu, encore 
que  ieloye  en  grand  tour  met &angoilfe:  toutefois  mô  efpritfent  délia  les  joyes  du  ciel, 
qui  me  ion t  oublier  la  douleur, ou  pour  le  moins  vne  partie .    Les  tyrans  ont  beau  lier 
mes  pieds  6c  mes  mains, 6c  mettre  à  mort  cruelle  tous  ces  m  embres:  car  en  defpit  d'eux 
ilsrefu(citeront&:  lieront  glorifiez  :  6c  alors  ic  riray  6c  m  ciîouyray  ,  6c  ilsploureronc 
&  diront ,  Voicyceux  defquels  nous  nous  moquions ,  les  cftimans  fols  6C  infenfez. 
apitace  }  VOyCZCommentiis(ont  rnatntcnancnombrez  entre  les  enfans  de  Dieu.  Ordonc, 
mon  Dieu, mon  Pere,vueilles-moy  armer  maintenant  d'vne  grande  foy  pour  réfuter  à 
toutes  tentations, que  l'horreur  de  la  mort  ne  m'efpouuante  :  mais  que  ic  me  reconfor- 
te en  celle  que  Iefus  Chrift  ton  Fils  a  gouftec  tant  amcre,afin  que  celle  mort  que  fendu 
reray  me  foit  douce.  Que  dy-ie  ?  Ma  mort:  Ha  mon  Dieu, ce  mot  de  Mort  eft  trop  rude: 
ig      ie  parle  impropremcnt:car  il  n'y  a  point  de  mort  au  Chreftien  qui  eft  conioin£t  auec  Ie- 
fus Chrift  qui  eft  la  vraye  vicie  ne  mourrav  doc  iamaisxar  monRedépteur  m'a  promis 
q  puis  que  mon  efprit  a  magé  fa  chair  &:  beu  ion  fang ,  ie  ne  mourray  iamais:  ie  neferay 
que  palfer  d'vne  ligueur  à  vne  vie,&:  de  maladie  à  lame  pcrpctuellc,de  douleur  à  ioye, 
detrifteifeàliefie,detoutemalcd.aion  à  benedi£tion,de  famine  &poureté  à  richefle 
&:  coûte  abondance,d'ignominie  des  lu  nuiusa  la  gloire  des  Anges,  de  la  crainte  des 
tyrans  à  vne  perpétuelle  aileurance,  delà  compagnie  des  milcrables  pécheurs  à  celle 
des  Sam£b&  bien-heureux. Ic  croy,inuuD;,  u  pvus  que  tu  m'cflis  pour  ton  Martyr,qu  a. 
mon  dernier  iour  tu  me  feras  combattre  virilement  contre  ma  pourc  chair  ,  contre  le 
diable 6c le  mondc:afin  que  pourFcdihcacion  Je  1  Eghfe,ie  foye  comme cheualierprc- 
tendanr  en  champ  clos  combattre  6c  abbartre  mes  ennemis  par  ta  vertu ,  6c  par  le  cou- 
fteau  trenchantdcsdeuxcoftez,quieiUaparoile:&en  obtenir  vidoirepar  la  victoire 
Htbr.4.     qUC  itjus  Chrift  en  a  eué.parlcs  mains  duquel  la  couronne  me  fera  dcliuree.Tonfaind: 
Efprit  me  fera  comme  mon  parrin,lequel  me  confolera  ,  dreiîera  6c  enfeignera  aux  ar- 
mes fpirituelles,pour  me  rendre  homme  bien  à  droit},  po  ur  batailler  courageufement 
iufqucs  à  la  dernieregoutte  de  mon  fang. Et  fi  en  attendant  cefte  heureufe  murnee  ,  ie 
fuis  exercé  par  greiillons,fers,ceps,gehenncs,froidures,ordures,tenebrcs,faim,foif ,  6C 
autres  chofes  femblables,cela  ne  me  doit  eftôner,car  les  iambes  enferrées  aux  ceps  ne 
fentent  pas  grâd  mal, quand  la  main  touche  défia  le  ciel.  Auant  qu'entrer  en  champ  de 
bataille,les  chapions  qui  doyueijt  combattre  l'vn  contre  l'autre,ne  prennent  pas  leurs 
déduits  en  vn  lici  mol,ains  mettent  peine  à  s'exercer  auant  que  venir  au  dernier  com- 
bat:&  toutefois  ils  ne  prétendent  que  d'auoir  feulement  vne  couronne  corruptible. 
N'ay-ie  pas  donc  plus  grande  occafion,pour  en  auoir  vne  incorruptible  6c  cternelle,de 
m'exercer  par  ces  petites  croix, auant  que  venir  à  ma  grande  iournee  prochaine?  Pour 
Notczccfte  lemoins,ô  mon  Dieu, li  ie  luis  mis  à  mort  fortant  de  cefte  prifon  ,  iene  ïeray  exécuté 
adhoode   comme  meurtrier  ou  brigand  :  mais  pour  la  meime  querelle  pour  laquelle  font  morts 
Sr*ces      tan  t  de  Martyrs  de  ton  Fils  Iefus  Chrift.Que  fi  i'ay  commis  quelque  grand  malefke>par 
lequel  fauoye  bien  mérite  la  morr(comme  le  moindre  peché  du  monde  eft  digne  de 
morr)tu  l'as  caché  &couuert,afin  que  ma  mort  fuft  referuee  à  feeller  par  mon  fang  la 
doctrine  de  l'Euangilc.  Que  vaut  de  tanc  languir'auflî  bien  faudroit-il  mourir  vne  rois. 
Le  tourment  n'eft  pas  fi  long  ne  fi  grand  ,  d'eftre  dcfpefché  en  vne  heure  ,  que  de 
languirrroismoisen  vn  lier.  Ne  vaut  il  pas  mieux  mourir  alaigrement  pour  mon  Sei- 
gneur Iefus  Chriftr  O  Dieu  etcmel,que  tu  me  fais  vn  grand  hôneur ,  de  ce  qu'il  te  p|aift 

de 


Récit  d'If iftoircj.  2S7 

de  me  faire  boire  à  la  couppede  ton  Fils  bicn-aimé  Iefus  Chrift  ,8<:dç  me  préparer  le 
mefme  breuuage  que  luy-mefme  a  bcu.  le  n'ay  donc  plus  qu e  faire  de  la  lum  iere  du  mo- 
de, puis  que  tu  m'appelles,  ô  mon  Dieu,  pour  me  donner  la  lumière  eternelk  ù  laquel- 
le vueilles  moy  maintenant  conduire  par  ton  Fils  Ielus,qui  en  l'vnité  du  S.  Eiprit  vit  8C 
règne  auec  toy  Dieu  éternellement. 

CONCLVSIONdu  combat  d;  Richard  IcFcure. 

J  Ly  a  icy  belle  matière  pour  confiderer  v ne  prouiden ce  de  Dieu  admirable ,  non  feu- 
lement en  ce  que  d'vn  mouucmcnt  vniuerîel  il  gouuerne  les  choies,  mais  auiliquc 
d'vn  foin  Ipecial  il  n'a  voulu  orner  la  première  luitte  de  R.  le  Feure  de  mort  virtot  îeule, 
ne  qu'il  foit  paruenu  où  il  fembloit  courir  de  toute  fa  force.  Ayant  efte  recoux  par  moyé 
illégitime  des  mains  de  ceux  qui  le  menoyentà  Patis,celuy  fut  corne  vn  delay,  rcfpitô£ 
loilir  pour  le  dilpofer  a  vne  fecôde  bataillc,à  laquelle  le  Seigneur lauoit  relei  Lie, pour  le 
tat  mieux  manifcftci  Se  rendre  exquife  la  vocatiôdeuâtles  homes.  L'inquietudedefon 
efprit  après  celte  dchurâcejes  lôgs  circuis  de  fes  voyages,  &;  (a  côplexion  diuerfe  n'ont 
point  empefché  que  le  Seigneur  n'ait  parfait  fon  œuureen  Iuy,ôJ  que  le  dernier  acte  de 
la  vie  n'ait  efté  à  la  gloire  de  fon  faincï  nom,&  à  la  confolation  de  tous  les  fidèles. La  pri- 
fon  des  aduerfaires  luy  eftoit  non  feulement  pourefcoïe  à  toute  patience,  mais auiîi 
comme  vn  palais  royal ,  où  il  a  triomphé  autât  magnifiquement  qu'homme  de  ia  forte. 
brtf,il  fut  tout  autre  en  la  prifon,  qu'il  n'eftoit  en  liberté.  Or  après  qu'on  l'eut  mené 
&:  pourmene  d'vn  lieu  à  1  autre,&  que  fa  perfeuerance  par  tout  femblabie,  eut  furmôté 
toute  cruauté  des  iuges:fînalement  après  auoirreceu  fentence  de  mort  ,1a  langue  luy 
futincifee,&  ion  corps  bruflé  vif  leSamedyfeptiemedeIuillet,M.  d.  l  nu. 

B  RE  F  récit  de  ce  qui  efl Juruenu  en  ce  temps  aux  Miniftres  d'^nglcteire,  &àla  dijperfion 
des  fidèles  chajjez^dudit  pays. 

PRES  que  Marie  fut  paifibleen  fon  royaume  d'Angleterre,  à  grand'hafte 
ayât  remis-fus  la  PapautédcsEgliles  qui  auovcn  t  flouri  du  règne  d'Edouard, 
furentfubitniiierablcmcntdi/lipees.IcanàLafco  Polonois, fuperinttndât  Icanàufc* 
des  Eglifes  étrangères  eftans  à  Iondrr^fut  en  grand  loin, fuyuantl'atfectiô 
qu'il  portoit  au  troupeau  de  Chriit,  en  quel  payMl  poun  oit  trouuer  liège  pour  le  par- 
quer &pouruoir  de  feure  demeûranre  F  nnîement  de  commun  aduis  il  fut  arrefté  qu'- 
on e/foyeroit  défaire  quelque  choie  vers  le  roy  de  Dannemarc-.dont  toute  la  charge  en 
fut  donnée  par  les  anciens  à  Iean  a  Laie  o,  Iean  Vrcnhoue,&  Martin  Micron.  A  1  inftât  vtéfconîu< . 
de  celle  fortie,laplufpart  de  lEglife,fe  mit  en  la  compagnie  de  ces  trois  perfonnages,  Mcrcmus. 
pour  faire  voile  en  Dannemarc.  Le  dixfeprieme  de  Septembre  s'embarquans  au  port 
de  GrafHenne  en  Angleterre,  finalement  après  plulieurs  dangers  de  tempeftes  &c  ora- 
ges,aborderenr  a  Hellefgnore,haure  de  Dannemarc,  le  zp.d'Octobre.  Entendant  Iean 
àLafco,quelcRoyeftoità  Coldingue,  il  tira  celle  part  accompagné  deldics  Vîéhoue 
&  Micron,  Le  huitième  de  Nouembre  eftans  venus  à  Coldingue,  ils  n'impetrerent  rie 
du  Roy .  car  mefme  fon  prefeheur  en  vn  fermon  auquel  ils  aflîltoyent,lirritoit  &:  enflâ- 
moit  côtr'eux.Et  non  feulement  demeuracc  leur  fut  déniée  poui  lcursEglifes,ains  auf- 
li  le  retour  vers  leurs  gés  par  Hellefgnore  &:  Haffinie.tellement  qu'il  leur  fut  commâdé 
vuider  le  royaume  par  Holface.  Maints  cncombriers&:  mefaduentures  lors  leur  aduin- 
drent  en  la  cour  du  roy  de  Dannemarc,qu'il  n'eft  icy  befoin  de  reciter,pource  que  Iean 
à  Lafco  les  a  fidèlement  &  foigneufement  deferites. 

Donc  q_v  e  $  le  dixneufieme  de  Nouembre  partirent  de  Coldingue,  &:  par  le  corn* 
mandement  du  Roy  paifans  par  Holfacc,s'achcminerent  en  Alemagne. Sur  lequel  che 
min  fe  feparerent,de  forte  que  le  feigneurà  Lafco  &IeanVtcnhouede(ccdirent  en  Fri- 
fe;Micron  s'en  alla  aux  Orientales  citez  maritimes,  pour  là  receuon  les  frères  qui  arri- 
ucroyent  de  Dannemarc  par  mer,pour  les  feftoyer  ci  confoier.Car  on  auoit  fouuent  li- 
gnifié au  nom  du  Roy,  que  fans  delay  tous  feroyentehaflez  du  royaume.  Micron  donc- 
quesarriua  a  Hambourg  le  vingteinquiemede  Nouembre,où  pour  donner  &:  receuoic 
confolation  en  lî  tnfte&:  piteux  eftat  del'Eglife ,  il  feiourna  quelque  temps  auec  les  frè- 
res arriuez  de  Dannemarc.Er  pour cftre  mieux  informé  du  gouuernemcnt  des  Eglifes 
&  de  la  dodrine  qui  là  fc  prefehoit,  il  frequéta  les  fermons  fie  leçons  publiques  en  Thé- 
ologie. De  là  fe  tranfporta  à  Lubecôc"  Vifmarc  ,&  lieux  circonuoilins.  y  faifant  feiour, 

Ce, 


L/V^ro  ////. 


Paris  Panier.  Ottho  Qatel'mc^. 


iufques  à  ce  qu'il  entendit  par  bruit  commun,que  pour  la  gelée  &  froidure  lors  trefue- 
hemer.te,il  n'eftoit  poflîble  qu'aucun  abordait  fain  de  Danncmarc.  Délirant  faire  en- 
tendre ces  choies  &  autres  à  Iean  à  Lafco&  Iean  Vtenhou ,  qu'il  fauoit  eftreen  grand 
foucy  pour  les  frères  demeurez  en  Dannemarc,  il  print  (on  chemin  en  Frife-.&:  le  vingt- 
huiticme  de  Décembre  arnua  à  Emden.  ^Toft  après  quelques  frères  venans  de  Vif- 
marc,  rapportèrent  que  les  autres  laifléz  en  Danncmarc  cftoyét  reuenus  non  fansgrad 
danger  de  leur  vie,  les  vns  à  Lubec,  les  autres  à  Vifmare,tous  neanrmoins  en  bône  ian- 
té.  Micron  n  eut  pluftoft  ouy  ces  nouuelles ,  que  du  confeil  àc  confentement  des  frères 
îl  retourna  vers  eux  le  vingecinquieme  de  Ianuicrà  Vifmarc:dont  rînalemct  après  plu- 
licurs  diTputcs  de  la  religion  en  particulier  auec  les  Miniftres ,  comandement  fut  fait  à 
tous  le  2.2.  de  Fcui  ier,  m  .  d  .  jl  1 1 1 1 .  de  ibrtir.  Parquoy  tous  s'en  allèrent  à  Lubec. 


PARIS    PANIER,  de  Salins. 

SVBMETTANS  à  la  cosnoiffance  <k  verité  tout  cftude  fcumaim.ipprcnons  j  l'exemple  de  ce  perfonnage,  de  tenir  kefle 
verné  plus  precieiile  que  toute  la  plus  longue  vie  que  nous  tiurious  auoiren  ce  monde  mortel. 

lO^^^^  A  cour  du  parlement  de  Dole  au  conté  de  Bourgogncjfembleroit  dégéné- 
rer des  autres  Cours,  fi  par  actes  germains  &:  du  tout  fcmblables,ellenc  fe 
deelaroit  ennemie  mortelle  de  ceux  qui  font  profciîîon  delà  vraye  doctri- 
ne du  Seigneur.  Etfansreccrcherlesexcplcsde  plus  hautcômencemenr, 
eUe  en  a  en  ce  temps  donné  enfeignement  en  la  perfonne  de  M.  Paris  Panier ,  qui  non 
feulement  eftoit  de  leur  corps  commeaduoeat  audit  Paik  ment  &  iurifconfulte  crefdo- 
tte,  mais  auffi  auoic  tous  fes  parens  &c  amis  au  mefme  pays  &:  conté  de  Bourgongrie,  e- 
ft  ant  iflu  d'vn  lieu  nommé  Cornière,  enuiron  trois  lieues  près  de  la  ville  de  Salins.  Il  n- 
auoit  encore  atteint  l'aage  de  vingtquatre  ans,  quand  parla  ton  fpiratipn  de  quelques 
melïîres  preftres  Iean  Sachet  &c  Iean  Paul,auec  vn  troiiieme  de  leur  faction,  il  fut  accu- 
fé  comme  ayant  parlé  contre  le  Dieu  de  leur  MeiTe  nourrice.  Pour  l'cncendemét&  na- 
turel qui  eftoit  en  luy  excellent,  il  eftoit  paruenu  non  feulement  d'eftre  au  râg  des  pre- 
miers hommes  de  lettre  de  fon  pays,  mais  aufll  entre  les  Iurifconlultes  renômeze  à  cau- 
fe  de  fa  feiencefic:  éloquence.  ^"Eftant  prifonnier,  il  fut  refolu  de  ne  flefehir  en  la  ve- 
rité,combicnquepluiicurs  le  folicitaifcnt  de  quitter  quelque  peu  d'icclle  pour  fauuer 
fa  vie,  &:  pour  euiter  la  rigueur  des  placars  de  l'empereur  Chailes  cinquieme,nouuelle- 
ment  publiez  fur  le  faict  des  Luthériens  au  conté  de  Bourgcngne.  Plusieurs  à  cefte  oc- 
casion furent  emprifonnez:  ily  en  eut  qui  s'abfcnterent  du  pays  pour  euiter  l'exécution 
defdits  placars:  mais  Paris  Panier  demeurant  ferme  en  laconrelfion  de  l'Euangile,  au 
grand  regret  de  fes  iuges  fut  condamné  d'auoir  la  tefte  trenchee,  &  fes  liures  eftre  brut 
lezdcuantluy.  CefutleSamedy  feptiemciourd'Auril,  m.  d.  liiii. 


M.d.  LII1I 


Fglife  de 
FÎamcnsà 
Londres. 


OTTHO, o«  OEST  CATELINE,  fUmtng. 

M.  Martin  Micron  duquel  cy  deuant  eft  fait  mention  miniftre  en  la  terre  d'Fmdcn  à  conféré  par  eferit  cefte  hiftoire  mémo- 
rable, de  laquelle  noi.spouuonsrecucilhr.qucla  vent  de  l'Euangile  aucaur  du  fidèle,  eft  vnc  fortereffe  inuincible:&  fait 
des  ailles  autant  hardis  qu'on  lauroit  eftHuer,conrrc  les  tclmoinsdemenionge. 

V  mefme  mois  d'Auril  de  cefte  année,  vn  nommé  Ottho  van  Cateline,na- 
tifde  lavillede  Gang,enduralamorten  ladite  ville  pour  la  vérité  de  l'Euan 
gile.  Il  eftoit  bonouuricr  degraucr  &c  damafquincrcoufteaux, armures  & 
choies  iemblables:&:  le  retira  ieune  garçon  au  pays  d'Angleterre,  où  le  mai- 
ftrequ'iïiéruoir,  luy  mit*nom  Oeft,  ouGeorge:&:  demeura  audit  pays  iufques  au  têps 
qu'il  y  eut  Egliie  deFlamenseftablieà  Lôdresduviuantdu  bon  roy  Edouard  îîxicme, 
l'an  m  .  L> .  l  .  Ottho, combien  qu'il  fuit  ignorant,  voire  adonné  encore  aux  fuperftitiOns 
Papiftiques,frequentoit  foigneufement  les  afTemblees  pour  ouyr  les  fermons  :  mais  du 
commencement  ily  profitoit  bien  peu.  Tantyaque  continuant  l'audition  delaparoU 
le  du  Seigneur,il  y  profita  tellement,que  depuis  ièruic  grandement  à  l'Eglife  en  laquel- 
le il  fe  rangea. 

Advint 


OnhoCatelinc,  2f$ 

Advint  quelque  temps  après  qu'il  eut  la  demeure,  délibérant  de  faire  vn  voyage 
à  Gand^fes  amis  l'admônefteren  t  de  fe  porter  fagement  en  Ion  voyage ,  à  caufe du  grâd 
danger  des  perfecutions  contre  les  fidèles.  &  Ottholeur  refpondit  qu'il  n'efperoit  ne 
faire  ne  dire  rien  témérairement:  mais  s'il  aduenoit  qu'en  faprefence  le  nom  de  Dieu 

de  Iefus  Chrift  fuftblafphemé,  qu'en  ce  cas  on  fetift  pour  tour  alieuré  qu'il  nedilfi- 
muleroit aucunemét,&:ne  cachcroit  le  talét  qu'il  auoit  reccu  parla  parole  de  Ttuâgile. 

A  v  fortir  d'Angleterre,  comme  il  s'eftoit  embarqué  pour  venir  en  Flandre  ,vne  (i 
horrible  tempefte  furuint,que  tous  ceux  qui  eftoyét  auec  luy  n'attendoyét  que  la  mort 
toute prciente:mais  il  les  confola  merueilleufcment , &:  leur  l'eruit  de  miniftre  durât  la 
tépefte.  Apres  que  le  Seigneuries  eut  deliurez  du  peril,&:  tait  paruenirà  bon  port,  Ot- 
tho  les  exhorta  tous  de  rendre  a&ion  de  grâce  au  Seigneur ,  &:  de  retenir  fa  crainte  de- 
uantlesyeux,  fefouuenansd'vnedeliuranccfi  admirable.Illeurditdauantage,comme 
s'ileufteudefiaicntimentdecequi  luydeuoit  aduenir,que  faire  fepourroit  quelque 
iour  que  Dieu  voudra  el'prouuer  par  tourmens  bt  martyres  lafoy  de  ceux  qui  eltoyenc 
efchappez  des  périls  marins  :  &t  pour  glorifier  fou  nom  ,  les  mener  deuant  le  îugemenc 
des  hommes,  &:  ainii  les  retirer  des  miferes  de  cemonde  .    Toft  après,  ce  grand  zele 
dont  il  eftoitafFe&iôné  à  la  vérité  Diuine,  donna  occafion  aux  ennemis  de  le  faire  mou 
rir.  car  eftant  embrazé  de  l'amour  de  Dieu, il  ne  fc  feignit  de  reprédre  librement  &  pu- 
bliquementles  idolâtries,  toute  apprehenfion  de  danger  mife  (bus  le  pied.  Ce  qui  ad-  mmh  fa, 
viint  ainii  :  Arriué  qu'il  fut  à  Gand,  ayat  entendu  qu'vn  Iacopin  nommé  Piftoris  faifoit  COi,1Q. 
profelîîondelaverité,&:annonçoitau  peuple  lavraye  do&rine,  fi  qu'il  y  auoit  grolfe 
preffc  à  les  fermonsrefmeu  de  tel  rapporc ,  fe  délibéra  quelque  fois  de  l'aller  ouyr ,  pour 
en  fauoir  la  vérité.  Le  Ieudy  donc  deuant  Pafques  il  fetranfporta  au  temple  de  S.  Mi- 
chel, &c  retint  place  vis  à  vis  de  la  chaire,  pour  mieux  entédre  tout  ce  qui  fe  diroit .  mais 
iltrouuaaulieu  d'vn  threfor,des  charbons.&au  lieu  de  bonnes  &C  faines  viandes ,  de  la 
poifon  mortelle.Car  lors  ce  prefeheur  afferma  par  plufieurs  parolles,quc  quand  le  Pré- 
fixe manie  le  facrement  del'autel  (comme  ils  appelent)lc  pain  eft  tranfmué  par  la  vertu  pr"IldP  rv'n" 
&  efficace  des  parolles  deflus  ce  pain  proférées,  en  la  vrayefubftance  du  corps  de  Iefus  Capiurd 
Chrift  :  de  manière  que  Chrift  eft  là  corporellement  honnoré,  adoré,&  mangé.  Par  tel-  PrçJcllcur- 
les  &C  femblables  parolles  Ottho  fu  t  fi  efmcu  &c  piqué,  voyant  le  peuple  eftre  ainii  abu- 
fé,que  ceux  qui  eftoyent  près  de  luy  le  virent  du  tout  changer  de  contenance,  &c  bien 
qu'eftant  poufifé  d'vn  grand  zelc3il  defiraft  fort  dire  ce  qu'il  en  fentoit,toutesfois  il  le  re- 
tint, &C  eut  patience  îufqu'à  ce  que  le  moine  euft  acheué  fon  fermon.  Er  comme  il  vou- 
loir defeendre  delà  chane,Otthooftant  le  bonet,luy  dit  haut  &C  clair,  Efcoutez  vnpeu, 
mon amy:tout  voftre fermon  eft  apertement  contraire  à  l'Efcriture iàincte.  &c  il  raflem- 
blee  prefente  veut  auoir  patience,ie  prouueray  manifeftement  par  les  fain&es  Lettres, 
que  vous  auczicy  prefché  au  peuple  vne  doctrine  faufle&rmefchante.  Mais  comme  le 
moine  fort  eftonné  &  troublé  n'y  vouloit  entendre,  &c  luy  côfeillaft  feulcmét  s'en  aller, 
Ottho  s'approcha  de  plus  pres,&  par  vne  grande  véhémence  d'efprit  luy  dit  tels  mots, 
O  faux-prophete,  qui  perluades  au  peuple  que  le  pain  eft  le  vray  corps  de  Chrift,lequel 
eft  monté  au  ciel ,  après  auoir  enduré  mort  &:  paflion  pour  nous.    ^Sur  ces  entrefaites, 
il  s"*efleua  vn  grand  tumulte  du  peuple,  &  difoyent  à  Ottho  tant  hommes  que  femmes, 
Helas  mon  amy,que  veux-tu  faire?  A  quoy  il  refponditd'vne  grade  vehemence,Ce  font 
tous  faux-prophetes, qui  vous  feduifent,  ne  les  croyez  nuliemenr.  Cela  dit ,  il  futeon- 
.  traint  par  la  foule  qui  le  pouiroit,fortir  auec  les  autres  hors  du  temple:&:ia-foit  que  plu 
tieurs  luy  confeillaffent  de  legagner  au  pied, il  n'y  voulut  entendre:mais  leur  dit  que  ce 
qu'il  auoit  dit  publiquement,  fe  deuoit  bien  pefer  :  &  puis  s'en  alla  tout  le  pas.  Et  fubit 
voicy  venir  le  Procureur  gênerai  laques  Heffel,  qui  le  fit  prédre  près  la  porte  nommee  iaquesHcf- 
en  ¥\2LmcngBrugfcheVvalpoorte:&c  le  fit  mener  au  vieil  chafteau,  dit  du  Conte,  furies  dix  fel' 
heures  du  matin,  l'onzième  d'Auril,  m.d.iiiii. 

Apres  difnerce  Procureur  accompagné  de  Piftoris  &  de  fon  compagnon ,  &:  d'au- 
tres qu'il  auoit  fait  venir,fe  tranfporta  en  la  prifon:  où  lefditslacopins  difputcrcnt  trois 
heures  pour  le  moins  contre  Ottho,fans  rien  gagner  fur  luy.  Car  Ottho  vouloit  exami- 
ner tous  les  propos  qu'il  difoit  delà  Cene  du  Seigneur,de  lavraye  inuoeation  ,  du  Pur- 
gatoire,de  la  principauté  ou  primauté  du  Pape,&  femblables,par  l'Efcriture  faincte,<5£ 
non  autrement.Eux  au  contraire  extrauagans  du  vray  but  pour  efchapper,alleguoyent 
telles  quelles  fubtilitez,  ou  le  placard  de  l'Empereur,  ou  les  traditions  des  pères,  o\x 

Cc.ii. 


L/#ro  II II. 


Ottho  CatelirJCs. 


par 
les  ruions 


M<t:h.n 
Mardi.; 
k.aiiô. 


Luc  \6. 


les  décrets  Je  l'cglife  Romaincibrcf ,  tout  ce  qu'ils  pouuoycnt  ramaiTer  pour  eftançon- 
nerleurcaufc  fortruyneufe.  Finalement  il  futarrcltéentr'eux,qu'Ottho  coucheroit 
par  eferit  ce  qu'il  fentoit  des  points  qui  atioyct  efté  par  trop  débattis  entr  eux iàns  fi uiéh 
Pour  ce  fane  le  Procureur  commanda  qu'on  luy  huralt  papier,  encre  &c  plume.  En  celt 
Ortlioilône  t.(cnr^HRU  le  faire  court,  Ottho  affermoit  qu'il  y  auoit  vne  figure  aux  parolles  delems 
Chrilt,Cecy  eft  mon  corps:&  qu'il  ne  les  falloir  entendre  comme  li  le  pain  droit  la  iub- 
ftanec  de fon  corps  naturel.  Pourquoy  prouucril  amenoit  force  raiions  &authontcz 
dcrEfcriturc,aufquellcsIes  aduerfaires  ne  pouuoycnt  rcfpondre.  Ne  pouuans  latiL 
faire,ilslaiifcrentladifputedelaCenc,&:  vindrentàl  înterroguer  qu'il  fentoit  dcl'in- 
uoeation des Sainéts.  11  rcfponditpromptement, qu'il  nelcruoit  &:  ninuoquoit  en  e- 
iput  cv  vérité  autre  fain&.que  ecluy  qui  cft  le  Sainct  des faincls.car attendu  qu  il  iemôd 
tous  ceux  qui  font  tr  au  aillez,  de  venir  à  foy  pour  les  foulagenqu'ihio'  exhorte  de  heur- 
ter, cercher& demander,  auec  a/Feurancc  certaine  de  trouuer&:  obtenir:  veu  auili  que 
nous  Loin  mes  certains  que  Dieu  le  Perefouuerainemcnt  bon,  nous  dônera  tout  ce  que 
nous  requerrons  au  nom  de  Chrift  fon  Fils ,  il  difoit  que  nous  luy  failîons  vne  extrême 
iniure,cn  formant  nos  requcftcs& prières  à  Dieu  le  Pere  au  nom  d'autre  que  deChriit. 
Parquoy  il  concluoit  que  ceux  tailoyent  impudêmcnt&  melchaniment,  lcfqucls  ians 
tcfmoignagede  l'Efci  îture  veulent  perfuader  au  peuple  que  les  Sain tts ont  charge  d- 
aduocaflei  pour  nous  entiers  Dieu  le  Perc:côfideré  que  ce  droic"r,d'cftreaduocat>ledoic 
entièrement  attribuer  à  Chnlt  feul,  quia  elle  crucifié  pour  nous.  Car  à  qui  nous  pou- 
uons  nousretireren  plusgiandeaiîeurance  d'eftre  exaucez, &  en  plus  grande  cciti- 
tude  de  noftrc  falut,  qu'a  celuy  qui  eft  frère  de  nous  tous ,  6c  cft  le  Fils  éternel  de  Dieu 
eternchvoirc  feul  qui  veut  &  peut  bien  faire  au  genre  humain? 

Interrogvb  s'il  croyoit  le  Purgatoire:  refpondit  qu'il  ne  fauoit  que  deux  voyes; 
don t  fvne  menoit  au  ciel, demeure  des  bien  heureux: l'autre  à  la  gehen ne  perpétuelle, 
feiour  des  mal  heureux.  Ces  voyes  font  notifiées  par  les  exemples  qui  font  aux  fain&es 
Lettres,  touchant  le  mauuais  riche,  le  Lazare ,  6c  le  bon  larron,  auquel  il  a  efté  dit ,  Ti» 
feras  auiourdhuy  en  paradis  auec  moy,&  non  pas,  Tuirasauiourdhuy  aufeudePurga- 
toirc,pour  là  faire  pénitence  de  tes  péchez. 

Interrogve  s'ilrecognoiilbitle  Pape  de  Rome  pour  chef  de  lafain&c  6c  Apo- 
ftoliqueeglife:rcfpondir qu'il reueroit  Cluilt  noftrc  rédempteur  pour  chef  ibuueiam 
6c  vnique  dei'Eglilbmaisquantau  Pape,  qu'il  l'ellimoit  le  prélat  de  l'eglifc  dcl'Ante. 
chrift,  &:  fauoit  en  dctcftation  comme  filsde  perdition,  aiïisaulieu  lainct.  Apres  re- 
uenantau  propos  touchant  la  Cenc  du  Seigneur,  qui  auoit  cité  rompu  :  il  nioit  ia  pre- 
fence  corporelle  de  Chrill  en  la  Cenc,  confermant  fon  dire,  ou  bien,  de  Chrift  mcfme, 
par  plulieurstefmoignages  &authoritez  de  S.  Paui&  de  fEfcriture  faindc,  qu'il  alle- 
guoit  (i  bien  à  propos, que  ces  procureurs  de  l'authoritc  Papale  &:  de  la  tramfubftantia- 
tion  n'auoycnt  que  dirc:mais  tant  en  le  taifant  qu'en  extrauaguant  hors  de  celte  matiè- 
re fort  auant  entamée,  ils  confermoyent  bien  auant  es  efprits  des  auditeurs  leur  beftife 
iointe  auec  vne  fotuierainc  impiété  6c  cruauté. 

Vo  y  an  t  leprelident  de  Flaudres,Helvvegh,  qu'en  fa  preience  6c  de  quelques  C6- 
feilliers  Ottho  relpondoit  (i  dextrcment&:  doucement  a  tout  ce  qu'on  luy  demandoir, 
il  allégua  que  par  fedittrefexprez  de  Ion  Prmce,il  luy  eftoitdcfcdu  dediiputer  des  ma- 
tières de  la  foy  auec  hérétique  quclc6que:toutcsfois  qu'il  luy  enuoyeroit  quelque  moi- 
neau s'il  aimoit  mieux, quelque  preftre  laïc  qui  pourhiyuroit  ia  dilpute  encommecee. 
Aquoy  Ottho  fit  rcfponfe  que  ce  luy  eftoit  tout  vn  :  entant  qu'il  eftoit  prcftde  rendre 
raifondeia  foy:non  à  ceux  lafctdcmenr,ainsau  moindre  du  vulgaire.  Quant  au  Preii- 
dentôc  l'es  adioints, qui  ont  pui/fancede  l'auuer,oti  faire  exécuter  ceux  qui  n'auoycnt 
obey  aux  edits  de  la  rc1fgion,&:  cependant  l'Empereur  ne  vouloir  qu'il  leur  fuft  licite  de 
difputer  des  matières  de  la  Religion,  côbien  qu'ils  fcuflêntque  les  Efcrirures  nousfont 
lailîees  pour  doctrine  6c  édification:  il  prioit  le  rreibô  6c  treiîbuucrain  Dieu, qu'ils  peuf- 
fent  long  temps  exercer  leur  office  &c  eftat  à  la  gloire  du  nom  Durin,^  au  falut  de  leurs 
ames:lequel  ertat(commeil  diloit)il  auoit  en  grande  reuerencc,&:  cftimoitdcuoireftrc 
honnoré  par  tous  p!aiiirs<S:  leruices. 

^To  s  t  après  il  efcriuit  à  Chrilb'ne  fa  femme,  qu'il  auoit  laific  e  à  Emden, pour  la  con 
foler,  fadmonneltant  qu'elle  reiettaft  tout  loin  de  fa  vie  fur  le  bon  Dieu  qui  eft  pere  6C 
nournftier  des  vcfues&des  orphelins,comme  il  eft  nommé  es  faindes  Lcttres:&:  s'em- 

ployaft 


Tl.dT.:. 


rj.a  de 

l  Empereur 


T  mJcnvilIi 
de  la  Frifc 
Orientale. 


Ottho  Qatelinc.  tt? 

ployait  du  tout  à  inftruire  Samuel  &  Sara,qui  cftoycnt  les  deux  enfans  qu'elle  au  oit  de 
luy,&  aies  bien  endo&riner  en  lafoy  pour  laquelle  il  donnoic  à  entédre  qu'il  mourroit 
de  bref,&:  laquelle  ils  auoyent  fain&cm en  t  gardée  par  cinq  ans.En  la  fin  il  l'aduertiïïbic 
de bien-toftchoiùrvn certain  eftat  &:  manière  de  viure  parla  conduite  de  l'Efprit  du 
Seigneur.  ^11  efcriuit  auflî  l'Epiftre  qui  s'enfuit  à  M.Martin  Micron,lors  côtrifté  pour 
la  perlccution  qu'enduroit  vn  autre  fien a.my  en  ce  mefme  temps, 
fëfâa  F  R  E  R  E,nc  nous  defeourageons  en  portant  la  croix ,  mais  embrafïbns-la  fran- 
^jgjchement&debon  cœur,eftimans  vn  grand  heur  d'endurer  pcriecution  pour  le 
nom  de  Chrift:commeles  A  poftres  le  refiouifloyent  d'eftre  faits  dignes  d'endurer  pour  A&ai, 
le  mci'me  nom.  Reiîouilîons-  nous,  dy-ie,  auec  action  de  grâces ,  de  ce  que  noftre  Dieu 
veut  orner  il  abondamment  de  tels  lignes  extérieurs  fon  Eglife  efparf  e  par  tout  le  mon- 
de, car  par  tel  moyenil  veut  donner  tefmoignage  que  nous  fommes  vrayement  mem- 
bres d'icelle.Non  que  ie  vueille  affermer  que  ceux  qui  endurent  le  plus.foyent  pourtât 
ducorpsdel'Eglife.carainiiil  faudroicmectre  Satan  du  nombre  des  gens  de  bien,  le-  Satan  k 
quelefttoufiours  en  peine  &  tourment,  &:  toujours  tremblant  quand  il  penfe  au  iour  mcn£d£ 
du  dernier  iugement.mais  ie  dy  de  ceux  qui  endurent  pour  la  pure  profeffion  de  la  veri-  wu«. 
té.  Car  il  eft  certainque  plufieurs  Papiftes,  Anabaptiftes  &  Ariés  n  ont  redouté  la  mort, 
combien  qu'il  n'euflent  la  vraye  foy,  comme  il  fe  peut  prouuer  par  l'Efcriturc  faincte: 
mais  de  ma  part,  ma  confcicnce  me  rend  tefmoignage,  confermé  parl'authorité  de  l'- 
Efcriturc faincte,  que  la  foy  laquelle  Dieuareuelcc  à  Ion  Eglife  par  fon  fainct  Efprit, 
eft  vraye  &Apoitolique:  de  laquelle  le  fondement  eft  Chrift.  Car  on  ne  nous  peut  ar- 
guer que  nous  falhfionsl'Efcriture,  attendu  que  nous  croyons  tereceuonstout  ce  qui 
eft  contenu  cnicelle:  ce  que  ne  font  les  fc&es  deflus  nommées,  qui  eft  vne  chofe  digne 
d'eftre  de  ploree.  Mais  quoyfil  eft  ncceiTaire  qu'il  y  ait  des  fe&es,afîn  que  les  vrais  fidèles 
foyentcogneus.EtdelànousauôsoccafiondccercherlesEfcriturcs:  de  forte  que  i'ex-  uCqt£ 
perimente  en  vérité,  félon  la  doctrine  de  S.Paul,  que  toutes  chofes  tournent  en  biéaux 
fidcles:iiqued'afFe&ionils  louent  Dieu  de  tout  ce  qui  aduient,recognoiiîans  qu'il  la  ^jt, 
ainG  déterminé.  Dauantage,  la  croix  me  refîouit  plus  qu  elle  ne  contrifte,quand  ie  pen- 
fe combien  elle  eft  neceflaire  généralement  à  tous.  Car  Dieu  veut  que  nous  penlîons 
plus  aux  chofes  celeftes  qu'aux  terreftres  &  caduques:  il  veut  au  ffi  que  nous  nous  iugios 
eftre  comme  pèlerins  en  ce  monde ,  n'ayans  ici  habitation  permanente ,  afin  que  nous 
foyons  toujours  appareillez  à  endurer  pcrfecution,renonçans  auxeommoditez  de  la 
vie  prefente:bref,par  le  moyen  des  perfecutions  Chnft  notifie  noftre  foy  à  tout  le  mon- 
de, le  vous  prie  donc,  trefeher  frcrc,dc  vous  confoler  en  l'affliétion  de  N.noftrc  frere,ô£ 
vous  préparer  alaigremét  à  portet  vne  mefme  croix.  Au  refte,  il  fcmble  queDieu  vucil-t 
le  aucugler  &c  abrutir  les  emendemens  de  ceux  de  ce  pays.ee  que  ie  m'aileurc  qu'il  fera 
de  plus  en  plus,s'ils  ne  fc  conuertnfent  à  luy  de  tout  leur  cceurrcar  nous  voyons  le  juge- 
ment du  Seigneur  délia  cômencé  par  fa  maifon.  Parquoy  il  me  femblc  bon  &c  vtile,que 
vousadmonncftieziournellcmentnoftre  Eglife  comment  elle  fe  doit  porter  és  perfe- 
cutions:afin  qu'au  téps  de  probation  ils  foyent  munis  de  cognoifTance &  foy  nccelfairc. 
LagracedenoftreSeigneurdemcure  perpétuellement  auec  vous. 

La  mort  heureufe  de  Ottho  de  Cateline. 

L  E  Samedy  zy.d' Auril,  l'an  fufdit,  Ottho  aagé  enuiron  de  trente  ans  fut  condané  à 
la mort,&:  après  midy  mené  en  la  place  oùlcsfagots  eftoyent  préparez  pour  le  brufler. 
Et  comme  îlfe  difpoibit  de  faire  quelque  exhortation  Chreftiéne  au  peuple  deuât  que 
xnourir,le  Procureur  Heifel  ne  le  voulut  fouffrir ,  mais  crioit  fouucnt  au  bourreau ,  Dc- 
pefche-lerfay  ton  office.  Ce  qu'oyant  Ottho ,  Se  voyant  qu'il  ne  luy  eftoit  aucunement 
permis  de  defeharger  au  peuple  fon  coeur  tout  embraié  d'amourDiuin,&:  que  le  Procu- 
reur luy  difoit  qu'il  flft  ce  qu'il  voudroit  lors  qu'il  feroit  dans  les  fagots ,  il  fut  touché  de 
douleur  extreme,de  ne  pouuoir  admônefter  lepeuple  de  fe  donner  garde  de  ceux  prin 
cipalement  qui  difent,Chrift  eftre  icy,où  làrcomme  s'il  n'eftoit  a  Mis  à  la  dextre  de  Dieu 
fon  Pere.  Si  eft-ce  qu'entre  autres  choies  il  dit  aHelTel  d'vne  voix  piteufe  ^lamentable,  Matth.14. 
lapperçoy  que  tu  es  en  peine  pour  caufe  de  rcfFuilô  de  ce  fang  innocet  :  mais  i'ay  prié  le 
Seigneur  mon  Dieu,qu'il  le  te  voufift  pardôner.  A  quoy  refpôdit  He/Tel,  A  mé,amé.Puis 
Ottho  adreflat  fon  jPpos  au  peuple,dit,Mes  frères  S>C  amis,i'auroye  beaucoup  de  chofes 
àvo'direîmais  on  ne  le  me  veut  pmettrc,dôt  i'ay  le  cœur  fort  defplailat.Sur  cela  le  bour 
reau  felo  la  couftu  me,fe  mit  à>genoux,requerât  qu'il  luyvoufit  pardôner  fa  mort.Ottho 
le  baifa,&dit,Ie  te  pardône  de  bô  cœur,&pricDieu  qu'il  tcvueille  pardôner  tes  péchez» 

Cc.iii. 


Liurc^  II1L  Jean  Filleul,  Julien  Leueillc. 

Lapricred'  Et  incontinent  luy-mefme  fe  iettant  à  genoux  fit  fa  prière  à  Dieu  en  cefte  fub'ftance, 
Oitho.  pcrecelefte,quifelon  tes  prome/fes  as  enuoyé  ton  FiJs  vnique  pour  eftre  offert  en  facri- 
fîce  pour  nos  péchez,  ic  te  prie,  moy  qui  fuis  de  tes  moindres  feruiteurs ,  que  tu  roc  me 
refufes  ta  grâce  &:  mifencorde.  Et  quât  à  vous,trcfchers  freres,ie  vous  fupplie  humble- 
ment  que  d'vn  commun  accord  vous  priez  Dicupour  moy ,  à  ce  qu'il  m'aHifte  en  celte 
dernière  heure  de  la  mort,felon  qu'il  a  promis  à  fes  feruiteurs.Ici  derechef  le  Procureur 
gênerai  cria  au  bourreau, Defpcfche,defpefche. Et  incontinent  Ottho  fe  prefentapour 
titre  lie  au  poftcau.&  comme  on  l'attachoit,  dit,  Gardez-vous  des  faux  prophetesqui 
difent.  Voicy ,  Chrift  eft  ici  oulà.ne  vous  y  fiez  pas:  car  il  eft  au  ciel  ,&  à  la  dextre  de 
Dieu  fon  Pete.  Puis  il  s'eferia,  Pcre  celcftc,  le  recom  mande  mon  efprit  entre  tes  mains: 
&  te  prie  que  tu  faces  la  grâce  à  mes  petis  enfans  de  toujours  marcher  en  ta  craîte.  Ce- 
la fait ,  il  fut  edrâglé  &c  grefillé  feulement,  &:  puis  on  mit  fon  corps  au  gibet  auec  les  au- 
tres:lcqucllc  Seigneur,  félon  fes  promefles  véritables,  refufeitera  au  dernier  iour  auec 
tous  les  SainctsjpoUi  le  taire  participant  de  fa  gloire  éternelle- 


IE AN  FILLEVL,^  IVLIEN  LEVEILLE. 

L  E  procez  fait  contre  ces  deux  Martyrs  de  Dieu,  nionftre  les  rufes  que  tiennent  les  Prcuofts  des  marefehaux  pour  attraper 
les poures  lideicsauajs  quoy  que  la  chair  &  la  iagefle  humaine lâchent  faire,le  fort  de  la  vérité  den»curc  inexpugnable. 

M.D.LIHL  i^SSS^'^  Dimanche  quinzième  d'Auril,  de  ceft  an  m.  d.l  i  i  i  i, Gilles  le  Pers,  Pre- 
|^\W^/wuoft  des  marefehaux  au  pays  &c  SenefchaucédeBourbonnois,  pour  leMa- 
fêri %jÊS& re^haJ  Je  Saintt-andré ,  conftitua prifonnier  lean  Filleul  menuifier , &: Iu- 
W^^M  ^lcn  Leueille'  efguilletier  natif  de  Sanfcrre  près  de  Neuers,fur  le  chemin  de 
Defire.Les  ayant  rencotrez,il  leur  dit  de  premier  abord:  Frères, ie  fay  blé  où  vous  allez, 
ne  craignez  de  vous  déclarer  :  car  nous  vous  voudrions  couurir  de  nos  mâtcaux,&:  vous 
cache* &:  défendre  contre  tous  mefehans.  Ayant  vfé  de  cefte  préf  ace,  il  les  attira  par 
belles  parolles,  fe  feignant  auoir  cognoiffance  de  la  veritédes  aileurant  qu'ils  n'auroyét 
aucun  mal  ne  deftourbicr,  mais  que  pluftofl  leur  donneroitfauue-gardepour  les  con- 
duire. Et  pour  mieux  iouer  fon  perfonnage,  ledit  Pers  fît  marcher  fes  archers  deuât  luy, 
en  leur  diiant,  Allez,allez,piquez  en  auant  :ce  n'eft  pas  ici  où  vous  deuez  arrefter.  ^"A- 
près  ces  chofes  il  les  interrogua  en  telles  parolles,Où  allez-vous,frcrcsfIls  luy  refpondi- 
rent,Nous  allons  cyprès  à  Délire.  Et  le  Preuoft  leur  demandant  s'ils  ne  pailbyent  pas 
plus  outrecrcfpondirent  qu'ils  alloyent  véritablement  plus  loin.  Lors  le  Pers,  Neft-ce 
pas  à  Geneue  que  vous  allez,&:  y  menez  ce  petit  enfant  &:  cefte  ieune  fille  ?  Tous  deux 
refpondirent  qu'ouy,&:  qu'ils  les  menoyent  à  Geneue.  Demanda  en  outre  ledit  le  Pers, 
fi  leurs  femmes  n'y  cftoyent  pas.  Refpondirent  qu'ouy  :  lefquelles  chofes  déclarées,  le 
Preuoft  fifflant  du  poing,appcla fes  archers  pour  les  prendre  &:  mener  àNeuers.Quand 
ils  furent  là  venus,  il  les  interrogua  de  toute  autre  façon  qu'auparauat:c'cft  affauoir  tou 
chant  les  articles  ia  par  eux  confelîez:&:  puisqu'ils  alloyent  faire  à  Geneue.  Ils  luy  direc 
que  c'eftoit  pour  fane  icur  fpirituel  profit,  lequel  ils  ne  pouuoyent  faire  au  royaume 
de  France,  tant  pour  les  blafphcmes,idolatries& faufles  doctrines,  que  pour  les  abus 
qui  fe  commettent  és  Sacremeus  de  l'Eglife.  ce  qui  n'eft  en  la  ville  de  Geneue,  d'au- 
tant que  la  pure  &c  ancienne  doctrine  y  eit  prefehee  &c  annoncée.  ^  Alors  pourec  qu'ils 
auoy  ent  fait  mention  des  Sacrcmens,les  interrogua  de  poincl  en  poinct,&;  de  l'vfage  d - 
iceux,&  de  la  doctrine  qu'ils  difoyent  eftre  fi  purement  prefehee  à  Geneue.  Et  premiè- 
rement s'ils  ne  croyoyent  pas  que  Iefus  Chrift  f  uft  au  pain  de  l'hoftie  tellemét  enfermé 
ÔC  enclos,  que  le  pain  n'eft  plus  pain, ne  le  vin  plus  vin  :  mais  rcalcment  faits  le  corps  &C 
lefang  de  Iefus  Chi  ift,  par  les  parolles  proférées  du  preftre.  A  quoy  les  prifonniers  re- 
fpondirent, qu'il  croyoyent  que  Iefus  Chrift,  ainfi  qu'il  eft  cfcrit,eftoit  monté  au  ciel, 
éc  affis  à  la  dextre  de  Dieu  fon  Pcre  iufques  à  ce  qu'il  vienne  iuger  les  morts  &  les  vL 
uans ,  ainfi  qu'il  eft  eferit  au  Symbole.  Et  que  par  ce  le  pain  &c  vin  demeuroyent  touf- 
iours  pain  &:  vin. 

De  ivfage  E  n  qv  i  s  derechef  par  ledit  Preuoft  de  ce  qu'ils  croyoyét  touchât  le  Sacremét.RefpôV 
tnLsKK'~  dirent  qu'ils  croyoyent  que  le  pain  &:  le  vin  eftoyet  lignes  du  vray  corps  &c  fang  de  Iefus 

Chrift: 


Jean  Filleul,  Julien  Leueille.  jtp0 

Çhrift:&  que  tout  ainfi  corne  par  le  pain  le  cœur  de  l'homme  eft  fouftenU  &:  afFermy,  &: 
par  le  vin  eft  refiouy:auffi  l'efprit  eft  fuftenté  &  fouftenu  par  le  corps  précieux  deChrift, 
&  refiouy  en  gloire  parle  fangd'iceluy,d'autatqueparluy  no'fommesreccus  duPere. 
^  Enquis  qu'ils  croyoyent  de  la  communication.  Refpondirent  que  l'on  adminiftroit 
le  pain&  le  vin  en  commémoration  de  la  mort  &:  pailîon  de  IcfusChrift:&:  qu'en  cefai- 
fant  ils  ne  rcçoiuent  point  du  pain&  du  vin  feulement,mais  le  vray  corps  &c  fang  de Ie- 
fus  Chrift,lequel  purifie  &  fuftenté  l'efprit  par ;foy.    ^  Enquis  qu'ils  votiloyent  dire  de  DcIaMcffc 
la  Me/Te .  Refpondirent  que  c'eftoit  vne  pure  fu  perdition  &  idolatrie,inuen  tee  par  les 
hommes:&  qu'en  ceny  auoitquecondamnation.Etfurceplus  amplement  il  leur  de- 
mandâmes menant  d'vne  demâ\lc  à  l'autre,  Si  fain&Picrren  eftoit  pas  Pape,&  premier 
fondateur  de  la  MelTe.  A  quoy  ils  refpondirent  que  non  :  &:  que  iamais  S.Pierre  n'auoit 
penfé  à  la  MeiTe,mais  feulement  eftoit  appelé  &:efleu  pour  prefcher&:  euangelizcrla 
parollede  Dieu:&  que  s'ily  auoit  quclqfalut  parla  Mefle,tlfaudroit  dire  par  côfcqucr, 
que  Icfus  Chrrft  a  enduré  en  vain.  ^  Ôutre,furcnt  interroguez  fi  le  preftre  auoit  puif- 
fance  de  conuertir  le  pain  au  corps  de  Chrift.  Lcfdits  Lcucillé  &  Filleul  refpondirent 
que  Dieu  n'eft  fubiet  aux  hommes,n'aux  parolles  d'iceux:maîs  que  toutes  choies  luy  e- 
ftoyentfubiettes,&  que c'eft  idolâtrie  que  de  mettre  vertu  &:  puifiance  aux. parolles 
proférées  félon  l'intention  des  hommes.    Furent  enquis  fi  les  chofes  fufdites  ne  profi- 
tent pas  pour  retirer  lésâmes  de  Purgatoire:  &:  s'ils  ne  croyoyent  pas  ledit  Purgatoire.  DnPurg*: 
Refpondirent  lcfdits  Filleul  Ô£  Leueillc,  que  tât  s'en  faut  qu'il  leur  profite,  que  pluftoft  t0  re* 
leurviendroitàcondamnation,comme  chofes  qui  prouoquêt  l'ire  de  Dieu  àleneotie 
d'eux. Et  quant  au  Purgatoire,dirent  qu'il  n'en  eftoit  aucun, finô  lefang  de  IefusChrift, 
ainfi  qu'il  eft  efent  .Le  Preuoft  leur  dit,  Vous  voulez  donc  nier  l'interceffio  &:  adoration 
desSain&sJlsreipondircntqued'attnbuerauxSain&s  l  honneur  qui  appartientà  vn 
feul  Dieu,c'eft  contre  tout  gré  &:  vouloir  des  Sainclsmefme.  car  il  faut  que  tout  hon- 
neur foie  rapporté  à  Dieu, comme  ileftefcrit.    Et  quand  ainfi  feroitquils  nous  pour- 
royent  aider,encores  ne  voudroyent-ils  vfurper  l'honneur  qui  appartient  au  feul  Dieu, 
duquel  vient  toutepuifiahce.Quant  à  l'interceffion ,  nous  ne  recognoiflbns  qu'vn  feul 
quilepuiirefaire,quieftIefusChriftjlequeldelon  propre  vouloir  &:  office  âduocaiîe 
pournous.    ^  Interroguez  de  la  confeffion,&  à  qui  il  le  falloitconfefTcr,  &quicftce-  De>  c^«* 
luy  qui  pardonne,&  s'ils  ne  croyoyent  pas  qu'il fe faut  confefTer  au  Preftre  ,  &s'ilnere-  fdlIon' 
met  pas  les  pèche  z. Refpondirent  que  la  confeffion  fe  doit  faire  ,  non  point  au  Preftre, 
lequel  eft  pécheur  commeles  autres  hommes,  mais  au  feul  Dieu  viuant,  feuliufte,qui 
feul  pardonne  les  pechez,ainfi  qu'il  eft  eferit.  Enquisfiles  Preftres  n'auoycntpas  puif- ^ . 
fance  de  lier  &  deilier.Refpondirent  qu'ils  cftoyent  chargez  de  prefeher  l'Euâgilcjqui  iIC  4h 
eft  la  parolle  de  Dieu  &£  la  vérité,  par  laquelle  la  liaifon  &  defliaifon  fe  fait  tant  en  la  tet 
re  comme  au  ciel.  En  après  furent  interroguez  fi  les  choies  depofees  par  eux  eftoyent 
vrayes .    Refpondirent  qu'ouy:  &  que  telle  eftoit  leur  foy  &  y  appoferent  leurs  femgs: 
proteftanshaut  &:  clair  qu'ils  s'eftimoyent  eftre  bien  heureux  de  foufFrir  pour  cefté 
querelle. 

^  T  antojt  apres,ce  Preuoft  lés  mena  de  Neuers  à  fainct  Pierre  le  Mouftier,  6c 
les  liura  au  Lieutenant  criminel  dudit  lieu*  auec  Jes  charge  s  &  interrogations  fufdites: 
auquel  lieu  furent  derechef  interroguez  par  pluficurs  fois  fur  les  mcfmes  articles,fur  lef 
quels  ont  toufiours  conftamment  perfifté.  Quoy  voyant  ledit  Lieutenant  appela  queî- 
qucsaduocâtspourconfuîter,nonpass'ilseftoyent  dignes  de  mort,  mais  de  la  peine  à 
laquelle  ils  les  dcuoyent  condamner.  Sur  e^uoy  les  vns  opinoyent  d'vne  forte,&  les  au- 
tres de  l'autre.tou tefois  la  plus  faine  partie,a  laquelle  pluîîeurs  condefcendirent,les  de 
îiuroyent ,  en  les  banniiTant  hors  de  France,ians  iamais  y  retourner:leurs  biens  confif- 
qucz,ii  aucuns  en  auoyent.A  ces  opinions  ne  fe  voulut  accorder  le  Lieutenant  crimi- 
nel,nommé  Iean  Bergerontmais  les  condamna  d'eftre  bruflcz&:  ars  vifs,faifans  premie 
rement  amende  honorable  nudz,îa  torche  au  poing,pendant  vne  grande  Méfie  :  de  la- 
quelle fenrence  fut  appelé  à  Paris,auquel  lieu  ainfi  que  plus  eftroitemét  ils  furent  exa- 
mi  ncz,auffi  Dieu  leur  donna  force  &  confiance  inuincible.car  quelque  faueur  d'amis, 
quelques  lettres  qu'ils  eu/Tent  obtenues*  par  lefqucllcs  le  Roy  mandoit  de  reuoir  le 
procès  tout  de  nouueau,fans  tirer  le  précèdent  en  confequencé:iceux  ne  voulurent  au 
eu nement  defuoyer  delà  verité:ains  toufiours  perfifterent  en  leurs  confeflîons.  ^"Pen- 
dant le  voyage  de  Paris,où  ils  furent ;  menez,lefufdit  preuoft  le  Pers ,  qui  les  auoit  fur* 

Ce.  iiii, 


L  'mrellII.  Jean  Filleul,  Julien  Leueille. 

pris  &:  emprifonnez,mourut  fort  piteufement,touché*  de  rage  &  frenefie,  dot  plufieufs 
rîcuoft  1c  eurent  apprehenfionsdiuerfes  de  crainte,les  autres  feconlolercnt,  voyant  vniufteiu- 
îaT    C  fteiugement  du  Seigneur.Or  de  Paris  citansreuenus  audit  lieu  de  iaind  Pierre  le  mou 
ftier,Ie  1 5. de  Ianuier,dernier  iourde  leur  vie, furent  appelez  au  Confeil,pour  fauoir  d'- 
eux s'ils  vouloyent  periifter  en  leurs  premières  opinions, Et  rcfpondirent  qu'ouy:  &:  qu 
autrement  feroyent  enfans  infidèle s>(i  ainfi  le  faifoyenr.  Alors  le  Greffier  prononça  l'ar 
reft  donne  en  la  cour  du  Parlement  de  Paris  ,  lequel  concenoit  qu'ils  fuiTent  brûliez  &: 
ars  tout  vifs,s'ils  vouloyent  perfiiter  :  auec  vn  rettmum  (qu'ils  difent)  contenant  qu'auflï 
leurs  langues  feroyent  coupees:&  où  ils  le  voudroyent  defdire,feroyent  cftranglez  fans 
voir  le  feu,  6l  fans  leur  ofter  les  largues.    Mais  eux  contemnans  l'offre,  dirent,  Vous 
nous  voudriez  bien  faire  renoncer  noftre  Dieu  pour  vn  bien  petit  bénéfice:  mais  il  ne 
fera  pas  ainli .  Et  après  qu'ils  eurent  acheué  ces  mots,on  achcua  de  prononcer  l'arrcft, 
Trois      lequel contenoit  trois  poin&s.Lc  premier  eltoit3  qu'ils  auoycnt  mal  parlé  du  S.Sacre- 
pomftscô-  menc:Mais  pluftoft, dirent  ils, pour  en  auoir  bien  ic  fain&ement  parlé.  Le  fecôd  cftoit, 
femence.    pa-ice  qu'ils  auoyenc  nié  le  Baptefmefauflément:  Mais,dirent-ils  ,  pour  l'auoir  vérita- 
blement confeffé.Le  tiers  pcui  auoir  blafphemé  Dieu  &  les  fain&s:  Mais  au  contraire, 
dirent-ils, pour  louftenir  fon  honncui  .Et  lercgaidans  l'vn  l'autre, s'cncourageoyét,di- 
fans,Nous  l'ommesprefts  de  liurer  non  feulement  vn  membre  ou  deux  ,  mais  tout  le 
coi  ps,&  eftre  ars  &:  brûliez,  fouftenant  la  querelle  de  noftrc  Dieu  :  lequel  tourment  ne 
fauroit  durer  vne  minute  dhcurc,pour  eftre  bien-heureux  à  tout-iamais. 

E  s  t  a  n  s  menacez  par  le  Lieutenant  criminel ,  qu'il  les  feroit  mourir  de  la  plus 
cruelle  mort  dont  ilouirent  iamais  parler,  s'ilsnelcdcfdifpyent  :  ils  refpondirenc  qu'il 
filt  fon  deuoir,&  que  les  tourmens  ne  les  eftonnoyent  nullement  :  car  pariceux  ilspar- 
uiendroyent  à  l'héritage  qui  leur  eftoit  preparé:quand  mefme  vous  nous  côdamneriez 
à  auoir  auiourdhuy  vn  membre  ofté,&  demain  l'autre.  ^  Lors  furent  defpouillcz,$C 
demourerent  depuis  midi  iulques  à  trois  heures  au  Ioir,liez  de  cordes  l'vn  à  l'autrc.Ce- 
pendant  on  les  oyoït  louerDicu,de  ce  quil  les  auoitfait  dignes  d  edurer  pour  fon  nom. 
Etchanterent,eftans  en  cefteftat&:  attente  de  mort  horrible,lc  Pfeaumc  iixicmc,Nc 
vueilles  pas,ô  Sire,nous  reprendre  en  ton  ire,&:c.puis  le  câtique  de  Simeon,  Or'laiflcs, 
Creattur,&:c.Et  ce  fair,leLicutcnât  criminel, pour  exécuter  {a  rage,fit  venir  vnlacopia 
defefpei  é  en  contradittiô  &  colère, l'ayant  mâdc  deNeucrs  à  ces  fins.CcCaphard  cftac 
auprès  de  ces  deux  fideles,&  difputant  contre  eux  ,  fut  tellement  confus  qu'il  ne  feue 
que  dire,finon  qu'il  leur  dit  pour  concluiion,  A  liez  au  diable.  Apres  lcfqucÙesparollcs 
le  Lieutenant  criminel  leurs  prefenta  à  chacun  vne  croix  de  bois  qu'il  leur  mit  entre 
lesmains,&:  par  ce  qu'ils  n'auoyent  les  mains  franches,  les  reietterent  auec  les  dents, 
difans  qu'il  leur  conuenoit  porter  vne  autre  croix  trop  plusnoble&  dcplusgrand  prix 
que  cetje-  la.  De  laquelle  chofe  le  Lieu  tenant  criminel  &  fa  fequelle  furent  grandemet 
irritez,&  en  (uyuant  le  retentum  de  l'arreft,  leur  commanda  qu'ils  baillaflent  leurs  lan- 
gues au  bourreauxe  qu'ils  firent. 

En  la  perfonne  decesdeux  Martyrs  le  Seigneur  monftramanifeftemcnt»  voire 
au  veu  &c  feu  de  tous  ceux  qui  eftoyent  prefen  s  à  leur  execution,qu'il  n'a  point  attaché 
le  pouuoir  de  parler  au  membre  de  la  lâgue.Car  après  qu'ils  les  eurent  coupées ,  le  bon 
Dieu  leur  donna  pouuoir  de  parlencar  on  ouit  d'eux  ces  parolles  quand  ils  furet  venus 
au  lieu  du  fupplice, comme  on  les  attachoit,Nous  difons  maintenant  Adieu  à  peché,  à 
lachair,au  monde  Se  au  diableuamais  ne  nous  retiendront:  &  quelques  autres  propos 
d'exhortation  au  peuple .  Et  cependant  que  l'exécuteur  de  iuitice  les  accouftroitde 
foulphreoi  poudre  à  canon,  Filleul  luy  dir,Salle,(alle  à  bon  efeient  cefte  chair  puante. 
Apres  que  le  feu  eut  efté  allumé,&:  les  eut  iàilis  à  la  face,  ils  furent  incontinent  tranfis, 
fans  qu'on  app  ereeuft  aucun  remuement  de  leurs  corps. 


THOMAS    CALB'ERGV  EyicTournay. 


EN  la  perfonne  de  Calbcr?uc  nous  auons  vn  exemple  de  vraye  confiance  contre  les  affauo  k  malice  iaueteree  dttaduer&i* 
res  de  vcritélaquelle  <ie  tant  plus  cft  adnnrablc,que  ceftuy  eftam  de  baïïc  cocdjcoo,*  funntttté  par  UgttCC de  Dieu 

ce  qui  hty  pouuoit  faire  peur,&  cfblouir  les  yeux. 

EN 


Thomas  Calbergut^j.  2  pi 

[N  la  ville  de  Tournay  fut  confticué  prifonnierThomas  Calbergue,tapi(fier  D.um 
[dcfonmcftier,natifde ladite villc,lei9.iour de Iuin,  m.d.l  i  iii.  Loccaûô  '  ! 
[de  rcmprifonncmentfut,qu'ayancefcrit  pluficurschanlonsl'pirituelles,ex- 
jtraitcs  d'vn  lime  qui  auoit  efté  imprimé  à  Geneue,  il  prefta  fon  extraie!  à  vn 
fien  ramïher,lequcl  auffi  le  communiqua  à  vn  ieune  compagnon  de  meftier,  qui  tofta- 
pres  eftant  appréhendé  par  la  Iuftice,&:  trouué  faili  de  ce  Hure ,  nomma  celuy  qui  luy  a- 
uoit  prefté. lequel  incontinent  mandé  au  Chafteau, ôc  interrogué  de  ce  liure  ,  dit  qu'il 
neftoit  lien, mais  qu'il  l'auoit  eu  deThomas  Calbcrgue.Lcs  luges  ne  tardèrent  de  faire 
venir  Thomas:&;  l'interroguercut  ii  le  liure  eftoit  lien.  Auanc  que  refpondre  il  deman- 
da de  le  voir:&:  l'ayant  veucontcllà  qu'il  eftoic  lien,  &  eferic  de  (jt  propre  main.  On 
luy  demanda  comment  il  auoic  elle  ii  hardy  d'eferire  telles  chanfons  maudites &:  plei- 
ne d'erreurs. Il  rcfpondit  qu'il  n'entendoity  cftrc  contenu  autre  choie  que  la  pure  veri- 
tétlaquclle  il  vouloit  foufienir.  Sur  cela  il  fut  enquis  de  f i  foy,de  laquelle  il  fit  confelîîô 
félon  les  dons  &  grâces  que  Dieu  luy  auoic  départies.  Ce  faïc  on  le  mena  es  prifons  du 
Chafteau:  &:  y  fuc  depuis  le  is>.iour  îufques  au  i4.fuyuanc,  qui  eftoitle  iour  auquel  les  Pa 
piftes  célèbrent  la  naciuicè  de  fainft  Iean  Bapcifte; 

Ce  iour-laenuiron  les  neuf  heures  du  foir  il  fuc  amené  du  chafteau  enlamaifon 
delavillc:&:  ainfiqu'oniemenoicilfemic  à  chancer  le  Pl'eaume,  Iamais  ne  cefleray  Pfeau.34 
De  magnifier  le  Scigneur,&:c.  Le  lendemain  il  fuc  mené  deuancle  Confcil:  où  on  luy 
fie  de  belles  promefles, qu'on  luy  feroïc  grâce  s'il  fe  vouloic  defdiic.  Il  refpondic  que  cel- 
le grâce  menceroic  pluftoft  d'eftre  nommée  Perdition  de  corps  &:  ame,s'il  renonçoic  la 
vérité  &:  que  plus  lu}  eftoic  la  vie  ecernelle,qu'vne  pecitc  prolongation  de  ceftepoure 
&:  mifcrable  vie. Les  Seigneurs  de  la  ville  voyans  qu'ils  n auoyenc  autre  rcfponfe,&:  que 
touiiours  il  perfeueroiten  Jamefmeconfeffion  de  fa  foy  ,  prononcèrent  fencence  de 
mort  contre  luy,alfauoir  d'eftre  bruflé  vif&  réduit  en  cendres. 

o_y  a  n  d  le  peuple  eut  entendu  cefte  fentéce,il  y  eut  grand  murmure  en  la  ville,à  rai 
fon  d'vn  malfaidcur,lequel  ayant  commis  vn  cas  énorme  &c  deceftable,neâcmoins  peu 
de  iours  auparauant  à  la  folicitation  de  fes  parens  &  par  argent  auoit  efté  deliuré  :de  Barabbas 
manière  que  plufieurs  à  hauce  voix  difoyenc  par  les  rues,  Q^i'vn  mefehanc  foie  deliuré,  abfous  & 
qui  a  fait  vn  acte  ii  infame:&  ccft  homme-cy,qui  s'eft  coufiours  bien  gouuerné,&  ahô-  2^°"" 
neftemenc  vtfcu,loic  condamné  &:  mis  à  more  fi  cruelle  !  Le  bruit  fuc  cel,  que  les  Sei- 
gneurs de  la  ville  furenc  concraincs,  pour  appaifer  le  cumulée ,  de  remetere  en  prifon  le 
iufdit  malfaiccur,&:  de  faire  commandemenc  aux  archiers  &:  arbaleftiers*&  ceux  qu'ils 
nomment  du  fcrmcnt,de  fe  trouuer  en  equippage  à  l'exécution  de  Calbergue.  Eftant 
donc  accompagn é  des  bandes  de  la  ville,côme  on  le  menoit  au  fupplice,il  dit  Adieu  à 
plnfieut  s  qui  eftoyent  de  fa  cognoiffance,  Entreautres,voy5tvnefiénevoifirieplourer 
de  pitié  qu'elle  auoit  de  le  voir  en  tel  eftar,luy  dit,  Voifine,ne  plourez  pas-.mais  pluftoft 
refiouiflcz-vousxari'ay  ioye  d'aller  à  mô  Dieu. &c  pour  môftrer  cefte  îoye  ,  commença 
le  Pfeaumc,  Rendez  à  Dieu  louange  &c  gloire,  &c.  mais  l'vn  de  ces  Cordelicrs(qui  felô 
la  couftume  l'accompagnoyenc)oyanc  que  le  peuple  faifoic  grand  bruic  à  l'enuiron  ,  luy  pfcau*  "* 
ditjThomaSïChancezenvoftrecœunmaisilnelaiiTapourcancdepourfuyurele  Pfeau. 
^  Le  Lieu  du  fupplice  fut  ordonné  hors  de  la  porce,en  la  place  nommée  les  prezà  NÔ- 
nain s:a  railon  que  les  marchans  auoyenc  fupplié  que  l'execucion  ne  fe  flft  au  lieu  accou 
ftumé  du  marché,àcaufe  du  grand  venc  qui  pour  lors  ciroic. 

Estant  donc  venu  audit  lieu, il  apperceut  en  la  tourbe  grand  amas  decaphars 
Cordcliers&  Auguftins,quelefenefchaldeHainauc,  capitaine  du  chafteau  de  Tour- 
nay,grandcnnemy&:  perfecureur  de  ceux  qu'on  acenfoiteftre  Luthériens  ,  auoit  fait 
venir  pour  tourmenter  le  paciene,&:  le  diuertir  de  fon  opinion.  Or  Thomas  monta  fu- 
bicemenc  fur  l'efcliarfauccommedefiranc  d'eftre  inconcinét  mis  à  l'eftachc  pour  prier 
Dicu:mais  cefte  vermine  de  moines  moncerenc  après  luy  l'vn  après  l'aucre  ,  pour  faire 
leur  meftier  accouftumé,qui  eft  de  tourméneer  les pourcs  fideles,fur  eouc au  dernier ar 
ticle  delà  morc.canc y  a  qu'ils negagnerene  rien  fur  luy.Le  Souf-preuoft de  la  ville,norrt 
mé  Nicolas  de  Calonne,pour  complaire  au  Senefchal  y  voulue  auffi  moneer,  &c  parla  à 
Thomas  alfez  bonne  efpace  de  cemps,  mais  il  y  proficaaucant  que  les  aucres  .  Qupy 
voyanc  ledicSenefchal,efmeu  de  fureur  qui  luy  eftoic  couftumiere,fur  tout  à  l'encontre 
4es  fidelestrlc  defeendre  les  fufdics  caphars  &c  Souf-preuoft  ,  &c  commanda  au  bourreau 


Liure  M  IL  FranfoisOjamba. 

fubitement  de  mettre  lé  feu .  Trois  de  ces  Cordeliers  n'eftans  contens  de  fi  toft  fe  dc- 
porter,en  dcfcendât  s'efcnerét,Thom  as,croyez  qu'il  y  a  vn  Purgatoire  où  les  aines  doy 
uent  faire  leur  fatiffaSion.Thomas  refpondir,  le  croy  que  lefangde  IefusChrift  nous 
purge&  nettoyé  de  tous  nos  pechez,d  autat  que  luy  a  fatiffait  pour  nous  deuat  Dieu  fô 
'  Pere.  Vnautrcluycria,Thomas,croyezenlaS.  eglifeRomaine.il  rcfpondit,Iecroyla 
faintte  Eglife  vniuerfelle,de  laquelle  lefus  Chrift  eft  le  chef:&  non  autre.  Et  comme  le 
feu  ardoïc  ia,legardien  des  Cordeliers  luy  cria,Retournez  vous,  Thomas ,  il  eft  encore 
temps:ayez  fouuenance  des  ouuriers  qui  furent  les  derniers  venus  en  la  vigne.il  relpcn 
dit  intelligiblement  du  milieu  de  la  flamme  ,  le  croy  eftre  de  fes  ouuriers:  &dreflàia 
veue  au  cicl,&:  en  criant  par  trois  ou  quatre  fois,Mon  Dieu, mon  Dieu, il  rendit  l'elprit. 

Apreî  que  cefte  exécution  fut  faite,  ce  fencfchal  de  Haynaut  s'approchant  du 
chariot  de  fa  femme,laquclle  il  aiioit  fait  cxpreiîément  venir  à  ce  ipe&acleaucc  fes  da- 
Demande  moifelles,dit  deuant  la  multitude  en  iurant  ,  Voila  vne  des  belles  iuftice  que  de  long 
&  rcfponfc  tempson  aitfaitàTournay,d'vnmefchant  Lutherien:mafemme,fiiefauoye  que  vous, 
dcmefme.  en fufl;CZjic  vous  en fer0ye autant.Elle relpondant  de  meime  luy  dit,Ie croy,  môiîeur, 
s'il  a  eu  icy  chaut,que  maintenant  îi  a  bien  plus  chaut  où  il  eft.  Apres  ces  propos  il  appe 
la  l'vn  des  Cordeliers,&  luy  dit  qu'il  allaft  faire  vnc  remonftrancc  au  peuple  quieftoic 
venu  a  ce  fpectaclc.  Le  Cordelier  qui  eftoit  tout  fait  à  cela,defgorgea  tout  ce  qui  eftoie 
en  fon  cftomach contre  ce  faind  perfonnage  :  mais  il  ne  profita  gueresxar  les jgnorans 
eurent  horreur  de  fon  impudence ,  &  des  taux  blafmes  qu'il  efeumoit  contre  ecluy  que 
la  plus  part  auoit  cogneu  de  vie  Se  conuerfation  entière.  Plufieurspar  ce  moyen  fu- 
rent efmeus  à  s'enquérir  de  la  vérité,  &  à  detefterlacaphardifc.  Les  fidèles  du  pais  fu- 
rent grandemét  confolez  de  ce  que  Thomas  n  auoit  aucunemét  flefchy,ains  auoit  ver- 
tueusement bataillé  iufques  à  la  victoire  contre  les  ennemis  du  Seigneur. 


FRANÇOIS    G  A  M  B  A,<fe  Lmbtràie. 

O  £J  doit  recueillir  de  ceftc  hiftoirc.quc  U  cogooilaace  de  r  Euangile  du  Seigneur  ne  fc  peut  apprendre  en  autre  dcole  qu'en 
la  ôenne:aurxement  le  fidèle  ne  pourroit  dcmourer  terme  rat  feule  minute  de  temps  contre  tant  d'afïàuts  diucn  oui  huy 
font  liurez/ur  tout  quand  il  eft  prochain  de  la  mort.Ln  quoy  nous  expérimentons  que  la  foy  dt  fondement  du  vray  1er 
uice,  &  de  l'obeùTance  que  nous  deuou?  à  Dieu  quand  U  nous  appde  a  toufrVir  pour  fà  vérité. 

M,DLIUL  gg^^J  R  ANC  OIS  Gamba  natit  d'Ifé,au  pais  de  Breûc  en  Lombardie ,  ayan 
receu  la  vraye  cognoilTance  de  l'Euangile  vint  â  Geneue  ,  pour  demander 
confeil  de  quelques  affaires  qu'il  auoit  à  cômuniquer.  Il  s'y  trouua  au  téps 
qu'on  faifoit  la  Ccne  à  la  Pentecofte,&:  y  communiqua  en  l'aiTcmblce  des 
fidèles.  Depu  is,comme  il  retournoit,en  pa/Tant  le  Lac  de  Com ,  fut  appréhendé  te  me- 
né prifonnicr  en  ladite  ville  de  Com:où  après  auoir  conftamment  maintenu  la  vérité 
de  TEuangile,il  fut  condamné  à  eftre  bruflé  le  ai.  iour  de  Iuillet,  m.d.uiii.  comme  il 
appert. 

COPIE  d'vnc  lettre  enuoyeepar  vn  Gentil-homme  de  la  ville  de  Com  près  dcMilan,au  rVercdudit  François  Gamba,cn  la- 
quelle il  luy  recite  en  bref  l'heureufc  ùTue  de  fon  frcre,qui  fut  bruflé  pour  la  querelle  de  l'Euangile  à  Com ,  le  XL  iour  de 

]uillet,M.D.LIIII. 

E  N-A  I  M  Efrere,Dicu  fait  combien  i'ay  le  cœur  ferré,quandic  vous  veux  re- 
gfjj^j  citer  la  mort  bien-heureufe  de  voftre  bon  frère  &c  le  mien.  le  ne  doute  point  que 
voftre  couiîn,qui  fut  icy,ne  vous  ait  défia  aduerty  de  tout  ce  que  luy  auoyc  dit  par  de-ça 
mais  d'autant  qu'il  eftoit  preiTé  de  s'en  retourner,comme  ie  luy  confeilloyc au/fi ,  ic  n  - 
eu  pas  le  loifir  pour  lors  de  luy  déclarer  le  tout ,  ainfi  que  ie  defiroye  b  len ,  &  félon  au/fi 
que  iauoye  promis  à  voftre  frere,pour  vous  faire  entendre  à  la  vérité  commentil  s'eft 
porté  iufques  à  la  mort: afin  qu  après  l'auoirfeu,vous  ayez  occafion  non  point  de  vous 
contrifter,mais  pluftoft  de  louer  Dieu  pouriamais,delagrace  finguliere  &  confiance 
admirable  qu'il  luy  àdonnec,depuis  fon  emprifonnement  iufques  au  dernier  foufpir 
de  favie.Parquoyayant  trouué  cefte  bonne  opportunité  de  vous  eferire,  ien'ay  voulu 
faillir  de  vous  aduertir  en  peu  de  parodies  de  ceft  affaire,tant  pour  vous  donner  matiè- 
re de  vous  refiouir  en  noftre  Seigneur,qui  a  vfé  de  telle  mifericorde  enuers  voftre  frè- 
re, 


François  (jamba,  2p* 

re^auçûr^agnéluy  faire  tant  d'honneur,  de  Içchoifir  pour  maintenir  fa  querelle  dc- 
uanc  les  faomme^voire  en  abandonnant  (on  corps  pour  cftre  bruflé  ,  afin  de  fceller  la 
{am&e  domine  d^  cu  home4e  confelTer  hardiment 

deuantKous^u'aulfipQurm'acquitterdela  promcûequc  ie  luy  auoye  faite  de  Ton  vi- 
uant,de  vous  mander  comment  le  tout  eftallé.Ce  que  ie  feray,  non  pas  fi  amplement 
que  la  chofe  le  mériterais  ie  vous  toucheray  breuement  les  principaux  poinûs  de  ce 
quéienay  véu&ouy  inoy-mefme.  Voicydonc  commeilenva. 

I'Oe«vis  quevoftrefrerefutmisenprifon^toutlctempsqu'ilyaeftë.ilneft 
pas  croyable  combien  il  y  a  eu  de  gens  de  celte  ville,  voire  de  toutes  fortes  àc  eftats  ,  &  cnfcnj  de 
principalement  les  Dofteurs  &C  gentils-hommesqui  l'ont  prié  inftamment  de  nés  o- 
piniaftrer  point  àmaintenir  telles  fantafies  &;  folles  imaginations,comme  ils  cuidoyée 
que  voftre  frère  en  fuft  venu  là  &  de  faid  ils  le  iugeoyent  du  tout  defpourueu  de  fens  &C 
d'entendement.  Et  pource  ils  lexhortoyent  d'aduifer  à  fon  affaire,  &  laiifer  toutes  ces 
refueries  aufquelles  ils  penfoyent  qu'il  fuft  tômhé.mais  le  bon  perfonnage  leur  refpon- 
doit  toufiours,que  ce  qu'il  auoit  mis  en  auant,&:  qu'il  maintenoit  fi  conftammentun'e- 
ftoyent  fpeculations  friuoles,ou  vaines  fantafies  qui  viennent  d'vn  fens  tfQublétque  ce 
n'eftoir,  pas  humeur  fantaftique  quife  trafportaft,mais  q  s'cftoit  la  pure  vérité  du  Dieu 
viuat^lâdoftrinedc  falur,&la  fain£te  paroUe  denoftreSeign.Iefus.Etfurchacû.poinâ 
qu'il  prppçioit,il  alleguoit  quant  &:  quant  JespafTages  de  J'Efcriture  fain&e,pour  prou- 
Ùct  cç  qu'il  difoit:  proteftant  auec  vné  conftâce  efmeruei  !^ple,qu.'il  aimoit  t  rpp  mieux 
(ans  coparaifon  eftre  mis  amort^que  de  renoncer  Iefus  Chriftle  fetil  Sauueur  &  Redc- 
pteur  du,monde,duquel il  maintehoit  la  querelle  &  doarine,que  de  renier  la  vérité  de 
rEuagile:bref?que  de  trahir  par  fa  dénoyauté  la  caufe  que  Dieu  luy  auoit  mife  en  main 
pouf  la  (oufteniriuiqu'au  bout.  Finalement,apresauoirlohg  temps  difputé  aueç  les 
Dodeurs  de  cette  ville,auec  les  Preftres,Moines,&  tous  autres  qui  l'alloyent  voirjjpen- 
{ansledeitournerdefonopinion.aucuns  d'entre  eux  meus  de  pitié,  d'autant  qu'ils  le 
cognoiflbyent homme  debïen 6c  entier, tous  d'vh  ac«ord  s'en  allèrent  cnfemble vers 
luy:&  après  l'auoir  prié  de  cnanger  defan'tafie,ih  luy  firent  promefic  ,  s'il  vouloir  faire 
ce  dont  ils  le  requeroycnt,qu'ils  auoyent  grand  defir  de  le  faire  citoyen  de  ceftevù*lc,& 
luy  donner  telle  prouifion  qu'il  vouloir .  mais  il  ne  s'accorda  iamais  à  rien  de  tout  ce- 
la^ n'en  tint  conte  aucunement.Or  voyans  qu'ils  ne  pouuoyentarracher  autre  chofe 
de  luy,tanioft  après  ils  luy  mandèrent  qu'on  le  feroit  mourir,s'il  ne  fcchàngeoit.à  quoy 
il  refpondit  de  grande  promptitude,que  s'eftoit  ce  qu'il  defiroit  le  plus ,  &  qu'ilnç pou- 
uoit  receuoir  meilleures  nouuelles. 

S  v  r  cela  voicy  lettres  qui  viennent  du  Sénat  deMilan,par  lefquelles  il  eft  c6mandé 
qu'on  le  face  mourir,&  qu'il  foit  bruflé  tout  vif.  Comme  oneftoit  après  pour  exécuter  le°s^^r 
ce  mandementjvoiciârriuer  lettres  de  recommandarion  que  l'ambafladeur  de  rEm-concnuè 
pereur^qui  eft  à  Gcnes,efcrit  &  plufifcurs  gentils-hommes  de  Milan  auflî.parquoy  l'exe  J^S* 
cutjon  fut.  différée  pour  quelques  iours.cependant  voftre  bon  frère  demeure  couiîours 
cohftant  U  ferme  en  fon  fain£t  propos.  Peu  de  temps  après  voicy  la  féconde  lettre  »  par 
laquelle  il  eft  commandé  de  le  defpefcher.ainfidbnquesil  fut  mené  du  chafteau  où  ile- 
ftoit  prifonnier  comme  vous  fauez,&  prefenté  deuant  le  Podcftà  qui  eft  à  Com,le  luge 
tant  des  caufes  criminelles  que  ciuiles  :  &c  là  on  luy  prononça  cefte  fentence  ,  S'il  ne  fe 
vouloir  recognoiftre,&  changer  d'opinion$qu'il  eftoit  condamné  à  mourir.  Alors  mon- 
ftrant  qu'il  eftoit  fort  ioyeux,&  merueilleufemenr  confolé, remercia  bien  humblemét 
le  Podeftad'vne fi  bonne nouuclle  qu'il  luy  auoit  apporté.    Nonobftant  cela  le  Po- 
defta  qui  auoit  efté  prié  de  ce  faire  par  aucuns  gentils-hommes,  le  garda  en  priforten- 
cores  cefte  fepmaine-la.  Or  durant  ce  temps,il  difputoit  hardiment  contre  tous ,  allé- 
guant toufiours  plufieurs  raifons  de  l'Efcriture  faincte  pour  confirmatio  de  tout  ce  qu'il 
maintenOir.de  forte  que  de  iourà  autre  le  courage  luy  augmentoit      fa  confiance  fe 
monftroit  d'autant  plus  qu'on  le  laifToit  viure.En  la  fin  le  Podefta  l'enuoya  querir,8duy 
dit  que  le  lendemain,ou  dedans  deux  iours  au  plus ,  il  falloit  qu'il  mouruft ,  fuyuant  ce 
qui  luy  eftoit  commandé  de  faire  par  le  Senar.mais  il  luy  fit  la  mèfme  refponfc  qu'aupa-  Tentation» 
rauant,quc  c'eftoit  de  trefbonne  nouuelles  pour  luy.  Et  après  l'auoir  bié  prié  derechef,  detoutc*. 
&  aduerty  longuement  s'il  fe  vouloit  defdire  de  tout  ce  qu'il  auoit  mis  en  auant ,  à  tout parfc 
le  mo  ins  de  ce  qu'il  auoit  ofé  dire  contre  le  facr  e ment  de  la  Mefie,que  ce  qu'6  luy  auoit 


Luire  II II 


offert  &:  promisfc  feroit  aifémenr.il  ni  luy  chalut  de  u  Iles  promclles  ,  &  n'en  f'ailbit 
non  plusde  casque  d'vnc  bouffée  de  vent  qui  paifc.&:  iiloit  toutic  m  qu  il  ne  falloir  pas 
acconpaier  ce  qu'on  luy  promettait  aux  biens  incltimabk s  qu'il  dloit  alicuit  de  it 
ccuorr  en  bref  du  Sçigovufïairauoil  la  uiuncd'immortalitc,&  la  vie  et»,  rnclle.  Lt  la 
mais  ne  changea  de  couiuge.quo»  qu  *  mvpiopO'aU  pluftolton  voyt  ula  confiance 
croiftred  heute  a  autrc.tommei'ay  uict,itnatu  des  propos  li  cxtcllcns  que  tou>enc 
ftoyent  efmçrucilkz. 

L  a  lolticc  [c  voyant  ainfi  difpofc  A  lî  refolu  que  rien  plus.ot  ienna  qu'il  fcioic def 
pcfché le  lendemain.  Or  lachantque  la  fin  approchoit  ,  il  m  cnuoya  quérir  pour  par- 
ler à  moy.  entre  autres  chofcs,il  me  pria  bien  afFtctucufemcnt  de  vous  icfcnrecômr  nt 
il  cftoit  aile  de  tout  (on  affaire^  quelle  en  auoit  efte  l'iifue:dcvous  prier  aufïi  pour  l'nô 
neurdcDieu,&  pour  l'amitié  que  vous  luy  porceztdc  ne  vous  point  falchcr  à  cauic  de 
fa  mort>puis  qu'il  fendu  r  oit  trel  volontiers  pour  l'amour  de  lelusChîift,ôc  qu'il  fentoïc 
vneiovc&  confolation  iinguliereen  Ion  efprir,rccognoilfant  1  hôncur&  la  grâce  que 
Dieu  luy  raifoit,dc  l'auoir  daigné  choifir  pour  endurer  les  ignom inu  s  lu  môdc,8c  fouf 
frir  la  mort  cruelle  en  maintenant  la  caule  de  (on  Fils  le  lus ,  lequel  n  auoit  point  efpar- 
gné  fa  propre  vie  pourlefalut  de  tous  les  fidèles.  Au  rcltc,qu'il  vous  recommandoitfcf 
torurs&r  lesvo(tres,fcsncpucux&£  ni<  pccs:priant  Dieu  de  vous  nuimcnirtousen  bon- 
ne paix  &  amitié,vousfai(ant  la  grâce  de  conlacrcr  toute  voftre  vie  a  ion  (eruice. 

^  Lî  lendemain  aumatin  le  bourrcau(quiclt  Alemandjsen  alla  vers  luy ,  pourf* 
ftduertir  qu'il  le  deuoit  exee  uter  ce  iour-la  >  fie  pourtant  qu  il  luy  pat  donnait  auquel  vo 
ftre  frerc  rclpôdir  qu'il  ne  ci  aignift  point  de  taire  hardimet  ce  qu'il  luy  eftoit  cômandé, 
U  q  de  fa  parc  nô  Iculcmct  il  luy  pardônoit  de  bô  cœur,mais  qu'il  puoit  auffi  Dieu  pour 
luy*à  ce  qu  il  luy  fill  la  grâce  de  cognoiftre  fon  falut .  &:  adioufta ,  s'il  euft  eu  de  l'argent, 
qu'il  luy  en  euft  donné.  Apres  cela  il  fut  mené  deuant  IcPodcfta,qui  le  pria  ccores  vnc- 
fois  de  fe  vouloir  dcfdire  changer  d'opinion:  mais  il  n'en  fît  rien,  non  plus  qu  aupara- 
uanr.Et  pourec  lePodefta  après  l'auoir  piié  de  netrouuer  eftrâgc  ce  qu'il  faifoic,  luy  de» 
clara  qu'il  cltoit  contraint  par  fes  feigneurs  de  l'enuoyer  à  la  mort.  Alors  il  le  remercia 
sre  (humblement  :  &  luy  dit  qu'il  eltoit  bien  dolent  en  fon  cœur,  d'autant  qu'ils  ne 
fauoyent  pas  ce  qu'ils  faifoycnt  -.&:  qu'il  prioit  Dieu  pour  eux, afin  qu'il  leur  fift  mifcrr 
corde. 

covtinint  que  la  cloche  de  la  iuftice  eut  fonnéj>out  le  dcfpefchcr.Toky 
▼ne  couple  de  moines  Capucins  qui  viennent  là  pour  le  côfcflo  de  première  encrée 
ils  luy  dirent  qu'il  ne  fe  deuoit  point  fafcher  ne  contrifter  :  mais  il  leur  rcfpondit  tout 

La  œb  court,qu'il  ne  vouloit  point  de  leur  compagnie^  qu'ils  feretiralTcnt.  Or  félon  la  cou- 
ftume  de  ces  bons  frercs,ils  auoyent  en  leur  main  vne  croix ,  qu'ils  raonfttoyent  pour 

^unh  en  auoir  fouucnance.Et  il  leur  dilou  qu'il  auoit  Icfus  Chrifl  tout  imprimé  en  fon  cœur, 
&  qu'il  fentoit  viucmcnt  l'efficace  U  la  vertu  delà  mort  fie  paluVncn  lonciprit.  Usre» 
pIiquoyent,s'il  ne  regardoit  leur  croix,qu'il  fe  dcfefpcrcroit  quand  il  viendtoit  à  fentir 
les  tourmens  du  fcu.II  rcfpondit  que  fon  cœur  eftoit  rempli  de  îoye  fit  confolation  :  fit 
qucdcfiailauoit  louiffance d'vnc hcifcincomprehenfiblc  fie  quant  au  mal  qu'il  dcuoic 
fentir  en  fon  corps,qu'il  pafTeroit  incontment  mais  que  Ton  amc  (croit  cantoft  partici- 
pante de  la  béatitude  cclcftc,ôc  qu  elle  feroit  reccue  en  celle  heureufe  Compagnie  des 
Anges,pounouiràiamai$dcs  biens  que  Dieu  a  préparé  pour  fes  enfans,  &  des  grâces 
que  les  yeux  des  hommes  ne  vnem  oncqucs,ne  leurs  oreilles  n 'ouïrent  ïamais 

Apk  i  s  auoirtcnupluficurscclsproposplcinsdcconlolationfïngtthcre»  afin  de 
luy  ofter  tout  moyc  n  de  parler  dauantagc,ôc  qu'il  ne  fuft  plus  entédu  de  la  compagnie, 
on  luy  perça  ia  larguc:puis  il  (ut  mené  au  lieu  du  fupphce  ,où  sagenouillant,cfleua  les 
yeux  au  cicl,&  pria  Du  u  d  vn  cœur  li  ardent,quc  tous  en  cftoyent  eftonnez,  tant  il  fai- 
foit  fa  prière  de  bonne  grâce. Eftantlcué  déboutai  fe  mit  tout-ainfi  que  voulut  le  bour- 
reau,&  incontinent  fut  cftranglc. Or  combien  qu'il  euft  cfté  condamné  d'eftre  bruflé 
tout  vif,neantmoinsonluy  fît  ce  peudcbienqucdeledclpcfcher  fans  le  faire  languir. 
Au  rcfte,ccux  qui  cftoyent  là  prête  ns  fuient  tous  fort  c  fbahis,  voiicefpcrdus .  fie  n'y  a- 
uoit  pertonne  qu»  (euft  que  din  ,finon  qu'on  auoit  fait  mourir  vn  homme  de  bicn,voirc 
innocent,^  viay  Martyr  de  Ielus  Chrift;d*aurant  qu'on  auoit  veu  en  luy  vne  confiance 
inuincible,en  laquelle  il  auoit  perfifté  îufqu'en  la  fin.Cc  bon  perfonnage  tint  plufieurf 
autres  faindts  propos  ôc  digues  d'eft  rc  cognus  de  tous.tant  durit  fa  prifon,quc  quand  il 


Denis  le  Vayr.  spj 

fut  preft  à  mourir,  lefquels  ie  ne.  vouspuis-mandèr  pour  cefte  heure  ;  &  ie  crain  auflî  d'- 
eftfe  par  trop  long. 

Iadiov  steray  feulement  ce  qu'il  fît  eftant  fur  le  poinû  de  rendre  l'efpritrceft 
qu'iiietta  l'œil  fur  moyd'aflez  loin,  me"  voyant  hors  d'vne  troupe  de  quatre  mille  per- 
£onnes:&  me  fit  figne  de  la  main  droitc*la  quelle  n'eftoit  point  liee,pour  me  faire  fouue- 
nir  de  vous  efcrire  le  tout,fuyuant  ce  que  ie  luy  auoyepromis  de  le  faire.  Et  toft  après  il 
fuc*ftranglé,  &c  rendit  l'efprit  à  Dieu  le  xx  i  .four  dé  Iùillet,  m.d.liiii, 

Je  ne  vous  puis  dire  autre  chofe  pour  le  prcfent,  finon  que  ie  vous*  prie  de  vous  con- 
foler  ennoftre  Seigneur,  le  remercier  en  patiéce,  &:  ne  vous  point  contrifter,ne  vos  frè- 
res &  fœurs  auffi  :  mais  pluftoft  de  vous  refiouir,  fachans  que  vollre  bon  frère  &:  le  mien 
s'en  eft  allé  àDieu  pour  iouir  d'vne  félicité  éternelle  auecnoftrechef& Capitaine  lefus 
Chrift,  &:  auec  tous  les  autres  fain&s  Martyrs.  (^nlvousfouuiennetoufîours,'que  ia-  Je,^m,b,: 
mais  il  n'y  a  eu  que  bien  peu  de  vrais  Chreftiens  au  monde,  &  que  de  noftre  temps  il  np  tZûouxs 
s'en  trouuequ'vn  bien  petit  nombre.  Prenez  bon  courage,  &  vous  repofez  du  tout  en  p«u. 
Dieu:lequel  ie  prie  vous  augmenter  de  plus  en  plus  les  iaindtes  grâces ,  vous  auoir  en  fa 
protection,  Se  gouuerner  par  fon  faind  Êfprit.  Ic  me  recommande  de  bien  bon  cœur  à 
vous,&  à  toute  voftre  bonne  compagnie,  vous  priant  de  m 'employer  en  tout  ce  que  ie 
pourray  iamais  faire  pour  vous. 

DeCom,cevingtneufiemciour  deluillet,  m.d.liiii. 


DENIS    LE    VAYR,  de  U  baffe  Normandie. 

D  E  l'cftat  &  condition  des  libraires,  porteurs  &  conducteurs  de  liurcs  de  la  faincte  Ffcriture,  le  Seigneur  en  a  appelé  plufieurçj 
porter  quant  &  quant  fa  parollc  deuanr  les  hoinmes,  voire  &  de  la  tcftiiier  par  leur  fang  pour  plus  ample  imprcffion. 

E  N I S  le  Vayr ,  natif  de  Fontenay  au  diocefe  de  Bayeux  en  la  ba/Te  Nor-  M.  d.ltiii, 
mandic,  après  auoir  quitté  fa  preftrife  Papale  vint  demeurer  à  Geneue ,  où 
il  apprint  la  librairic,&:de  là  fe  mita  porter  liures  en  Frâce  par  pluiieurs  fois. 
Il  fît  depuis  farciidenceaux  Illesde  Gerzc  ôcGucrnezé-.lefquellescômeap- 
partenates  à  la  couronne  d'Anglctcu  c  ,  furet  réduites  à  TE  uagile  du  viuât  du  trefehre- 
ftien  roy  Edouard  vi.  Là  Denis  conrinuanr  la  librairie,  quelque  temps  fît  office  de  Mi- 
niftre  en  vn  village  de  Gucrnezé,y  prefehat  i  Luâgilc,mais  pource  que  l'an  m.d.liiii. 
àlafufciration  du  prince  des  tencbies .  îcs  abus&:  fuperftitions  Papiftiques  par  le  com- 
mandement de  Marie  roine  d  Angleterre  turent  remîtes  cfdites  Ifles  :  ledit  Vayr  accô- 
pagné  tf  autres  rcuint  en  Normandie,  délibérant  de  fe  retirera  Geneue.  Eftantarriué 
en  vn  village  nomme  la  Fueillic,  côduifant  vn  tôneau  plein  de  hures  de  l'Elcriture,ain- 
jfî  qu'il  marchandoit  d'auoir  vue  charrette,  M.  Guillaume  Langlois  lieutenant  du  Vi- 
conte,  iticc  Iean  Langlois  Ion  frère  procureur  du  Roy,fe  trouucrent  Jà,&:  voulurent  fa- 
lloir quelle  cftoit  cefte  marchandife:&  l'arrefterent,&:  l'homme  qui  la  gardoit.  Sur  ces 
entrefaites  le  Vayr  furuenant,nonobftant  qu'il  ouift  le  bruit  de  ceftarreft,  ne  feignit 
àtlemander  promptementlacaufedudit  arreft.  Il  luy  fut  relpondu  que  c'eftoyent  li- 
ures d'herefîe.  Il  répliqua  &:  fouftint  quenon,&  que  c'eftoyent  liures  delà  faincte  Efcri- 
ture,  contenans  toute  vérité,  lefquels  luy  appartenoyenr,&:  non  à  l'home  qu'ils  auoyct 
arrefte.  Sur  l'heure  l'homme  fut  laiché,  Se  le  Vayr  mené  prifonnicr  à  Peries,où  Ufut  bie 
eftroirement  détenu  deux  mois  &demy.  pendant  lequel  temps  il  fut  examiné  par  les 
luges  du  lieu, qui  luy  impoloyét  crime  de  trahifon,  à  raifon  qu'il  auoit  demeuré  au  pays 
fuiet  d' Anglererre.  A  quoy  il  refpodit  (ju'ii  ne  s'y  eftoit  retiré  pour  aucune  trahifon,ains 
pour  y  viurelelon  Dieu  &:  fon  fain&Euangile.  Et  pource  que  les  gens  de  iufticedudit 
Pcriesnehaftoyent  alfezfon  procez,  par  le  cômandement  du  Procureur  gênerai  pour 
le  Roy  à  Rouan, le  Vayr  fut  mené  à  Bayeux,  Se  dix  iours  fi  eftroitement  enferré  dedans 
la  prifon  Epilcopale, qu'il  ne  fut  poflible  à  aucun  de  fes  amis  de  le  vifiter  ne  foliciter.  De 
làfutmenéàRouan,oùilfutcondamnéd'eftrebruflévif,&  furhaufTé  par  trois  fois  fur  Scnrencc  a* 
le  feu.     Ceiugemcnc  prononcé,  on  luy  prefenta la queftion extraordinaire,  pour  de-  j^J?1] 
clarer  ceux  de  fon  opinion.    Le  Vayr  leur  dit ,  que  tous  Chreftiens  amateurs  du  fou 
faincl  Euangile  eftoyent  de  fon  party  ,  dont  eftoit  la  plus  faine  partie  du  royaume 
de  France,  &mcfme  de  leur  Parlement.  Au  refte,  que  torture  ne  tourment  quelcon- 
que ne  luy  ft  royent  dire  autre  choie,  ricftrecauie  démettre  aucun  en  fafcherie.  que 

Dd? 


L/V/ro  Pierre^  de  U  Van.   Jean  Rogers. 

s'il  aduenoit  qu'il  mouruft  en  la  géhenne,  il  eftoit  affeuré  de  ne  mou  rir  au  feu.  Ceftc  af- 
feurance  fut  caufe  qu'ils  ne  le  mirenc  à  la  queftion-.mais  commandèrent  le  mener  droit 

au  fupplice . 

A  v  fortir  de  la  côciergerie  il  y  auoit  grad  peuple ,  que  le  Vay  r  exhorta  à  fuyure  la  pa- 
rolle  de  Dieu,iaçoit  qu'vn  moine  Carme  ruft  auec  luy  dedâs  le  tombereau. L'vn  des  offi 
ciers  s'efcriaau  bourreau,  Coppe,  coppe-luy  la  langue:  ce  qui  fut  aufli  toit  exécuté  que 
dk.Sur  cela  le  moine  luy  prefenta  vne  petitecroix  de  bols  pour  mettre  entre  Ces  mains 
eftroi cernent  liées,  mais  ce  fainct  perfonnage  la  refufa  ,&  de  tout  fon  pouuoir  tournoit 
tant  qu'il  pouuoit  Je  dos  au  moine:dôt  le  moine  cria  au  peuple,  Voyez  mes  amis,  voyez 
lcmefçhantqui  refufe  la  croix.  Puis  ils  le  menèrent  deuanc  la  grande  eglife,  qu'ils  ap- 
pellent Npltrerdame  ,  &  vouloit-on  donner  à  entendre  au  peuple  qu'il  tmloit  amende 
honnorablc.à,  |curs  fainéts:  mais  le  patient  môftroit&  des  mains  &  des  yeux,&  par  tous 
fîgnes  à  luy  poiTîblcs,qu'il  falloir  adorer  vnfeul  Dieu,deftournât  la  face  de  leurs  idoles. 
^Incontinent  après  il  fut  mis  au  feu,  duquel  félon  fa  Tenttnce  il  deuoit  eftre  retiré  par 
trois  fois.ee  que  toutesfois  ne  fut  exccuté.car  auifi  toft  que  le  feu  fut  allumé*  la  flamme 
monta  prefque  vne  lance  de  haut  par  deiîus  le  patient:  tellement  que  les  deux  bour- 
reaux pour  toute  leur  puùTance  ne  le  peurent  refleuer  en  haut  . Cependant  les  fergeans 
frappoyent  à  grans  coups  de  baftô  fur  le  menu  peuple  qui  là  eftoit,pour  aider  aux  bour- 
reaux, mais  il  n'y  eut  homme  qui  y  voulift  mettre  la  main.  Il  expira  en  ce  martyre  le 
neufieme  d'Aouft,  m.d.liiii. 


M.Dimr. 


PIERRE    DE    LA    VA  V,  de  Languedoc. 

NOTABLE  confiance  comme  du  précèdent  en  la  queftion  que  les  ennemis  présentent  extraordiaaircment  pour  aceufer 
ceux  qui  font  vne  melrnc  profeffion  de  l'Eu.ingilc. 

E  Pierre  de  la  Vau,  natifde  Pantillacàcinq  lieues  de  Thoulouze,  la  mort 
&:  la  confiance  aux  tourmés  a  efté  renommée  entre  les  fidèles  cefte  mefme 
année  m.d.lii  i  i.  Il  eftoit  cordonnier  de  meftienmais  au  reftcferuentàla. 
parolle  de  Dieu,  6c  bien  inftruit  en  icelle.  Car  quand  il  fut  conftitué  prL 
bnnier  en  la  ville  de  Nifmes,  après  qu'il  eut  maintenu  la  vérité  de  l'Euangile,on  le  vou 
lut  forcer  d  aceufer  les  fidèles  de  fa  cognoifTance,il  aima  mieux  endurer  la  queftion  ex- 
traordinaire* autant  horrible  que  mutilation  &  fracture  de  membres  fauroit  eftre ,  que 
de  mettre  en  danger  perfonne.  Il  fut  finalement  bruflé  vif  en  ladite  ville  de  Nifmes:ôc 
fa  mort  a  efté  femence  de  f  Euangile  en  plusieurs  endroits  audit  pays. 


IEAN   ROGERS,  ^ingloh. 

I*  A  rie,  les  aflauts  &  la  mort  de  M.  Rogers  font  ky  amplement  defcritj.pource  qu'il  a  cfte*  le  premier  brusl c*  fol»  le  règne  crucJ 
de  Marie  roine  d'Angleterre.  Il  eft  demeuré  terme  comme  vn  bon  gendarme  qui  de  long  temps  auoit  prépare  tes  arma» 
&  s'eJtoit  exerce  en  icel.es,  contre  Eftienne  Gardincr  chancelier  du  royaume. 


EA  N  Rogers  demeura  premièrement  à  Cantabrige,  où  il  employa  fon 
îtempsàcttudier.  Quelques marçhans le tirerét  de  là,&lemeherentà  An- 
!uers,auquellieu  ilmifîjfioit,&  faifoit  comme  les  autres  preftres.  Enuiron 
ce  temps  la  pedonnes  s'eftoyent  retirez  d'Angleterre  au  pays  de  Brabant 
Guillaume  Tyndal,  &c  Milo  Couerdal,  tous  deux  de  grand  renom,&:  iingulierement  Je 
premier  à  caufe  de  Ion  martyre.  Rogers  eut  familiarité  auec  eux,&  commença  petit  à 
petit  par  vn  inftîct  heureux  à  regarder  la  lumière  de  l'Euâgilc,  iufqu  a  ce  que  finalemét 
îelon  que  le  iugem  ént  luy  croifloit,il  fe  defpeftra  de  la  preftrife  Papale:&conio]gnit  fon 
labeur  auec  ccux-cy,anauoir  à  traduirequclques  liures  Grecs.Peu  de  temps  après  eftât 
enfeigné  par  les  (ainctes  Efcrirures,  qu'és  vœuz  illicites  il  n'y  auoit  aucune  vertu  de  lier 
fcanRogm  les  côfciéccs.il  eut  en  horreur  le  célibat  Papal,&fc  maria  à  vneféme^lMoucc  de  bônes 
(c  marie,  mœurs  &fobrieté  de  vie,q  de  richefTes,  Auec  elle  il  s'é  alla  toft  après  à  Vvirtéberg,pour 
apprédre  lalâgueGermanique:&:  l'apprît  Ci  bié, qu'il  fut  ordônéminiftrederEuâgile:& 

exerça 


Jean  Rogers.  2  94. 

exerça  cefte  charge  plufieurs  années  auec  grande  diligence ,  iufqu'à  ce  que  le  règne  du 
roy  Edouard fuft  eftably ,  &c  la  prédication  delà  parolle  de  Dieu  mife  en  liberté  »  qui  a- 
uoit  efté  long  temps  fupprimce  par  la  tyrannie  du  Pape.LorsRogers  eftimât  qu'il  eftoit 
fpecialement  obligé  à  l'on  pays,retourna  en  Apgleterre,&:  s'employa  à  auancer  l'Euan- 
gilc autant  qu'il  luy  fut  po(lîble:&:  ne  fut  pas  là  long  téps, que  fon  labeur  ne  fuit  bien  re- 
compenfé.  Nicolas  Rydlé  euefque de  Londres ,,1  uy  bailla  vne  prébende, &  quelques 
autres  penfions  &:  reuenus,&:  fut  ordonne  profeifeur  en  Théologie.  Il  fut  en  ceft;  eftat, 
iufques  à  ce  que  tout  fut  chagé  en  Angleterre,quand  Marie  fut  eileuee  à  la  dignité  roy- 
alerlaquclle  renucria  totalement  ce  que  fon  frère  auoit  drefle.  Chrift  en  fut  banny,&  le 
Pape  introduit  :  l'Euangilc  charte,  &:  la  Merle  remiie ,  &  rendit  fon  peuple  efclaue  a  1 - 
Antechrift.  Ce  neantmoins  Rogers  ne  lanfa  de  perfeuerer  comme  il  auoit  commencé, 
&:  le  temps  ne  luy  rit  rien  faire  quitter  de  fon  office:  &:  les  dangers  ne  l'ont  peu  faire  flei- 
chir-.ains  lors  que  la  Roincfaifoit  tout  trembler  fous  les  menaces,  &:  que  nul  à  grand' 
peine  ofoit  ouurir  la  bouche  pour  dire  vn  feul  mot  de  l'Euangilc,  il  prefcha  au  temple 
de  faind  Paul,  comme  il  auoit  accouftum é  :  ad monnefta ,  Se  prefla  vn  chacun  à  fe  mon- 
ftrer  conftant&:  ferme  en  la  doctrine  qui  leur  auoit  cfté  annoncée,  &:  detefta  les  idolâ- 
tries &fuperftition  s  de  la  Papauté.  Ce  fermon  irrita  les  feigneurs,  &  d'abondant  la  fa- 
ction des  Papilles  feruoit  de  foufflets  pour  les  inciter ,  &  allumer  le  feu  contre  ce  fidèle 
Miniftre:  toutesfois  pource  qu'alors  il  n'y  auoit  point  encore  d'edi&s  publiez,  parleL 
quels  on  le  peuft  punir  de  droit,  Rogers  efchappa  pour  cefte  fois:  neantmoins  il  ne 
demeura  pas  longuement  fans  punition .  car  bien  toft  après  fut  fait  vn  edict ,  comman-  f  ^J5JÏ! 
dant  à  tous  minillres  de  l'Euangilc  de  fe  taire.  Quelque  edi&  qu'il  y  euft, Rogers  ne  Jaif- 
fa  point  de  faire  comme  il  auoit  accouftumé.  Eftant  adiourné  &c  acculé ,  il  eut  par  com- 
mandement fa  maifon  pour  prifon.  Dieu  voulut  qu'on  ne  luy  baillaft  point  de  £arde, 
Se  qu'on  n'viaft  d'aucune  force  en  fonendroit,&  auoit  beau  loifir  de  s'enfuir:  auoijauul 
plufieurs  occafions  pour  fe  perfuader  de  ce  faire,pource  qu'il  ne  voyoit  aucune  efperan 
ce  que  l'Euâgil  e  peuft  eftre  remis  au  deflus  en  Angleterrc.il  luy  eftoit  aulfi  racile  de  s'en 
retourner  en  Alemagne  d'où  fa  femme  eftoit,&:  de  laquelle  il  auoit  eu  dix  enfans.  tant 
y  a  que  pour  la  confolation  lecrette  des  fiens,  il  aima  mieux  demeurer  que  defe  mettre 
en  feureté:  &:  pluftoft  expérimenter  toutes  rhofes,  que  laifler  la  caufe  de  JEuangile,  la- 
quelle il  auoit  vn  e  fois  entrepris  de  maintenir.Sa  maifon  eftoit  prochaine  de  celle  de  1- 
euefquedeLondres,quiluy  eftoit  vn  mal  prochain^  caufe  que  ledit  Euefque  confit  en 
cruauté  (comme  il  fera  veu  cy  après)  ne  pouuoit  aucunement  porter  la  vertu  &c  bonne 
fenteur  d'vn  tel  bon  voilin.  Finalement  Rogers  de  ù  maifon  fut  mené  en  prifon  publi- 
que^ fut  détenu  plufieurs  mois  auec  meurtriers  &:  brigans,durant  lequel  temps  il  eut 
plufieurs  combats  contre  les  Papiftes,  Sd^ouftint  de  grans  a/Taux  ,&  principalemetcon 
trele  Chancelier  Eftienne  Gardiner  euefque  de  Vvinceftre.  Et  d'autant  que  cy  aptes  il  Fft,^e  c.  r 
fera  parlé  fouucntesfois  de  ceft  Euefque:  pour  ceux  qui  défirent  cognoiftre  lafource  cej^  "a 
des  troubles  d'Angleterre:&:  comment  le  venin  &c  amertume  de  ceft  ennemy  de  Dieu 
s'efpandit,nous  toucherons  comme  en  panant  ce  qui  s'enfuit: 

D  v  temps  que  le  ieune  roy  Edouard  vi.regnoit,&  fon  oncle  Edouard  Semer,  prore- 
.  fteur  du  royaume,gouuernoit  les  affaires,  mandement  fut  donné  à  ceft  Euefque,  qu'en 
certain  fermon  qu'il  deuoit  faire  deuant  le  Roy  &  le  peuple  de  Lôdres ,  il  publiait  quel- 
ques articles  contre  l'authorité  tyrannique&faufie  religion  du  Pape,&:  qu'il  pronôçaft 
le  toutclairemét  &:  en  bon  ordre.Ceft  Euefque  au  lieu  de  faire  ce  qui  luy  eftoit  enioint, 
dit  plufieurs  choies  obliquement&d'vnefaçon  enueloppee  pluftoft  en  faucur  du  Pa- 
pe, quecontre.  Le  Royauecfes  gouuerneursorTeni'czdecela,luy  afîîgneiour  pour  té- 
dreraifon  de  ce  faict,  délègue  pour  fes  iuges,  Thomas  Cranmer  aLcheuefque  de  Can- 
torbie,  Nicolas  Rydlé  euefque  de  Londres,  Tayler  euefque  de  Lincolne,  le  fecretai- 
re  Pierre,&:  plufieurs  autres  Legiftes.  Et  combien  que  Gardiner  n'euft  rien  pour  don- 
ner  couleur  à  fon  offenfe  fi  manirefle,finon  vne  feinte  oubliance:toutesfois  il  entretin  t 
tellemét  la  Iuftice  de  parolles  &de  fubterfuges,qu'il  fit  durer  fon  procez  fix  ou  fept  fep- 
maines.  ce  qu'il  ne  fit  fans  vne  iinguliere  rufe,&:  finefle  fort  malicieufc ,  à  cefte  fin  qu'il 
euft  leloifir  de  parfaire  vneferit,  lequel  il  vouloitprefenterpubliquemét  àl'archeuel- 
que  de  Cantorbie,  touchant  la  prelence  du  corps  de  Chrift ,  la  Tranffubftantiation ,  & 
le  Sacrifice  de  la  Méfie. 

Dd.ii. 


de  l'e;>c'. 
de  Vviuo 


L/«ro  ////.  Jean  Roger  s. 

L'archevesqjve  &:  les  autres  luges  qui  auoyet  pouuoir  de  punir  de  mort  fa  ré- 
bellion contre  la  maielté  du  Roy, ne  luy  rirent  autre  chofe  que  le  dégrader  &c  mettre  en 
prilbn,  luy  lauuans  la  vie.  Ce  fai&tourna  depuis  à  grande  falcherie  aux  luges  mclmes, 
trois  ans  apres:car  Gardincr  leur  garda  iniques  en  ce  téps  du  règne  de  Marie,  lors  qu'il 
?rSi'ut"  fortic  comme  vnfanglier  de  ion  halher,&:  futeftably  Chancelier,  &C  comme  li  leglaiuc 
euft  efté  mis  en  la  main  d'vn  furieux.  Il  exerça  cruellement  celle  dignité  a  la  ruine  de 
ceux  qui  luy  auoyent  fauué  la  vie.Eftant  donc  tiré  hors  des  priions,  lu  ici  ta  de  gras  trou- 
bles contre  les  proreifeurs  de  l'Euangile .  &:  tant  plus  que  la  roine  Marie  l'auoit  auancé 
en  dignité,  tant  plus  gransfeuz  de  perfecutions  alluma  il  contre  les  fidèles.  Et  non  feu- 
lement il  opprima  par  grieue  tyrannie  les  Euefques  qui  maintenoyent  l'Euangile  ,  les- 
quels tous  il  fît  mourir  :  mais  aulîî  il  drefla  des  embufehes  fecrettes  a  1  autre  fille  du  roy 
Heniy,nômeeElizabcth,cellequi  maintenant iouit du  royaume  d'Angleterre,luy  vou 
lât  mal  de  mort.&:  tafcha  par  tous  moyens  ou  de  l'enuelopper  en  quelque  mariage  cura 
gc,ou  la  chaifer  en  quelque  forte  que  ce  fuft.ou  bié  de  luy  faire  perdre  la  vie. Et  poflîble 
que  quelque  fois  il  euft  fait  ce  qu'il  auoit  entrepris,li  la  mort  ne  l'cuft  preuenu,  comme 
enverra  cy  après. 

L  E  combat  que  Ic.ui  Rogicr;  eur  contre  !c  Chancelier  euefque  Je  Vvincefrre,&  autres  iuges  Jcleguez  par  b  BLoinc,  l'an 
1555,  le  ia.  îour  de  lanuier. 

[N  premier  lieu, ce  Chancelier  Gardiner  fît  appeler  Ican  Rogcrs ,  &:  parla  à  luy  en 
jccftefaçomTu  fais  aiftz  en  quel  eftat  font  maintenant  les  affaires  de  ce  royaume. 
Rogers  refpondit,  Ien'enfay  rien. car  comment  le  pourroy  iecognoiftre,veu  que  com- 
me vous  fauez,iay  efté  li  long  temps  enfermé  en  ma  maifon  comme  en  vne  prifon,fans 
qu'homme  euft  accez  à  moy,  &:  fans  auoir  corn  munication  auec  quelques  autres  ?  &  e- 
ftant  ainlî  feul  n'ay  peu  rien  ouir  de  tels  affaires, finô  que  quelque  fois  il  eft  aduenu  qu'à 
table  on  a  bien  parlé  des  affaires  en  commummais  de  tous  ces  propos  &:  deuis  de  gêne- 
rai, ien'ay  peu  rien  recueillir  de  particulier.  Le  Chancelier  luy  dit,Tu  te  moques,quad 
il  entend  le  tu  dis  rien  de  particulier.  Toutesfois  tu  as  bien  ouy  dire  comment  molicur  le  Cardinal 
cardinal  i  o  cft  ]Cj  retourné  nagueres,&:  comment  tous  ont  indifferem ment  receu  le  pardon  qu'il  a 
poïï'qw-  apporté:auquel  nul  de  tout  ce  Parlement  n'a  contredit,excepté  vn  l'eul  qui  s eft  oppofé 
dôdmJape.  publiquement  à  fabfolution  de  monfieur  le  Cardinal.  A  grand  peine  a  onouy  parler 
de  noftre  temps  d'vne  telle  vnité,qui  eft  comme  vn  miracle.  Et  tous  ceux-cy  enfemble 
(ilparloitdeceux  quitenoyent  le  grand  Confeil,  qui  n'eftoyent  pas  moins  de  cent  foi- 
xantc)ont  receu  d'vn  cœur  &  conlentemét  le  pardon  qui  leur  a  efté  offert ,  touchant  ce 
fchifme  par  lequel  tous  Anglois  ont  reietté  le  Pape  chef  de  l'cglifc  catholiquc.Que  dis- 
tu.?ne  te  veux  tu  pas  maintenant  rallier  auec  nous  en  vnité  de  la  foy  &c  de  l'eglife  catho- 
lique,felon  l'eftat  du  royaume,  auquel  il  eft  maintenant?Parle:le  feras-tu,  ou  non?  Ro- 
gers refpondit,  le  ne  fachenullcmét  que  iufqu  a  prefent  ie  me  foye  departy  de  Ja focie- 
té  de  l'Eglife  catholique,&:  ne  m'en  veux  point  departir.Le  Chancelier  luy  dit,Ie  ne  dy 
pas  cela:maisic  parle  de  la  côdition  ou  eftat  de  l'eglife  catholique  que  nous  auôs  main- 
tenant,  par  lequel  on  recognoit  le  Pape  pour  chef  fouucrain  de  l'Eglife.  Rogers  luy 
rcfpondit,Ie  ne  cognoy  autre  chef  de  l'Eglife  catholique  que  Iefus  Chrift,&:  n'en  reco- 
gnoiftray  ïamais  d'autre.&  quat  au  Pape:ie  ne  voy  point  qu'on  luy  doyue  plus  attribuer 
que  l'authorité  de  la  parolle  de  Dieu  attribue  aux  autres  Euefques-.&:  auec  la  parolle,la 
do&rine  auflî  de  l'Eglile  ancienne  &c  pure.ie  parle  de  l'Eglife  qui  a  efté  quatre  cens  ans 
après  Iefus  ChriftSi  les  Apoftres.  Le  Chancelier,  Pourquoy  donc  auois-tu  admis  le 
roy  Henry  huitième  pour  chef  fouuerain  de  l'eglife  ,  li  maintenant  tu  eftimes  qu'il  n'en 
faille  admettre  autre  que  Iefus  Chrift?  Rogers,  Quant  à  moy,il  eft  certain  que  ien'ay 
iamais  eftimé  cela  de  luy,  qu'il  euft  quelque  preemincnce& authorité  éschofes  fpirL 
tuelles:comme  li  on  parloit  de  pardonner  les  pechez,ou  de  côferer  la  grâce  duS.Efprit, 
ou  qu'il  vfurpàft  quelque  droit  &  fuperintendence  par  deftus  la  parolle  de  Dieu.  Sur 
cela  le  Chancelier,l'euefque  de  Dunelme  &C  l'euefque  de  Vvigorne  hochans  la  tefte,&: 
fe  rians  de  Rogers, luy  dirent,  Vrayement  Ci  tu  euiîés  dit  cecy  du  temps  dudit  Roy,tu  ne 
ferois  pas  icy  maintenant  pour  chanter  cefte  chanfon.  Or  corne  Rogers  vouloit  paf- 
fer  plus  outre,&:  dcmonftrer  comment  on  tenoit  le  roy  Henry  pour  chef  fouuerain  de  1' 
eghfe,ces  vénérables  firent  fi  grand  bruit,  qu'il  ne  luy  fut  loilible  dédire  plus  auant  ce 
qu'il  vouloit.&encore  quand  audience  luy  euft  efté  dônec,ccla  n'euft  pas  de  beaucoup 
feruixar  il  n'y  auoit  homme  li  peu  cognoiftant  les  affaires ,  qui  ne  feuft  bien  pourquoy 

cetiltre 


Jean  Roger  s.  *gj 

ce  tiltre  eftoit  donné  au  roy  Henry.  Cependant  le  Chancelier  adreifant  Ton  propos  à 
noble feigneur  Guillaume  Hauarc,  qui  elt oit  près  de  Juy,  commença  à  luy  reraonftrer 
comment  &  Iefus  Chrift  &  le  Pape  pouuoyent  bien  eftre  tous  deux  appelez  Souucrain 
chef  de  l'Eglife.  Et  comme  Rogers  euft  refpondu  à  l'oppofite ,  que  cela  ne  fe  pcuuoit 
nullement  fairc;&  n 'eftoit  point  au ffi  eonuenable  qu'en  vn  mefme  corps,  qui  eft  l'Egli- 
fe,ilyeuftdeuxteftes,&:euft  voulumonftrer&:  déduire  plusaulong  comment  cepro- 
pos  eftoit  tauxde  Chancelier  luy  rompit  la  parolle,&:  luy  commanda  de  refpondre  fim- 
plement  &categoriquement,affauoir  s'il  vouloitprotefter  ou  non  d'eftre  membre  de 
cefte  eglife,  de  laquelle  les  autres  pour  lors  fe  recognoiflbyent  eftre  membres  en  An- 
gleterre. Rogers  refpondit,ie  ne  pourroye  nullement  mettre  cecyen  mon  efprir,que 
vous  croyez  à  bon  efeient  ce  que  vous  dites  icy  du  Pape  &:  de  fa  primauté,  veu  qu'il  y  a 
défia  dix  ans  paiTez  que  vous,  enfemble  les  auc  res  Euefques, &c  to9 le  iùrplus  auec  vous, 
auez  maintenu  le  contraire  tant  de  viue  voix  que  de  confentement,  &:  racfme  aucuns 
d'entre  vous  l'ont  publié  par  efcrit:&  auec  cela  il  y  a  eu  le  confentement  du  Parlemcnc 
publié,^  ratification  de  tous  ordres  &  eftats .  Mais  fur  cela  le  Chancelier  luy  rompit 
derechef  Ton  propos,&:dit,Pourquoy  nvallegues  tuccParlcment,Jequelfutcontreint» 
par  vne  grande  force  &:  cruauté  d'abolir  en  ce  temps  la  primauté  du  fiege  Papal  ?  Ro- 
gers luy  dit ,  Eft-ce  ainfi  que  vous  parlcz?que  cela  a  efté  fait  par  violence  6c  cruauté^Ce- 
la  mefme  me  conferme  dauantage  en  mon  opinion*  que  vous  ne  cheminez  point  droi- 
tement , &  ne  procedezpoint  en  équité,  viant  de  violence  &:  cruauté  pour  dôner  quel- 
que perfuafion  aux  confeiences  des  hommes.  Que  fi ainii  eft  comme  vous  dites,  que  la 
cruauté  de  ceux  qui  eftoyent  en  ce  ternps-la,  a  eu  a/Tez  de  vigueur  &c  force  pour  efmou- 
uoir&efbranlerles  opinions  de  vos  cœurs:  comment  requérez- vous  maintenant  que 
voftre  cruauté  (oit  pour  fatisfaire  à  nos  confeiences  ?  Le  Chancelier,Ie  ne  parle  point 
de  la  cruauté  de  ceux-la:  iedy  feulement  que  les  Sénateurs  &confeillersqui  eftoyent 
lors  au  Parlement,  ont  efté  beaucoup  &  long  temps  tourmentez,  &:  amenez  iufques  à 
ce  poin£t,qu'ils  n'ont  peu  faire  que  finalement  ils  ne  fe  foyent  rengez  de  ce  party,  com- 
bien qu'ils  le  fuîent  à  regretrmais  maintenant  en  ce  Parlement,  la  chofe  va  bien  d'vne 
autre  façon ,  auquel  la  puilfance  du  Pape  eft  confermee,  ratifiée  &c  remife  au  de/Tus  par 
la*volonté&:  confentement  de  tous.  Alors  leMilhordPagct  entrelaça  quelque  peu 
de  parolles,  voulant  plus  apertement  déclarer  l'intention  du  Chancelier ,  &  lefens  de 
fon  propos.  Rogers  luy  refponditainfi,  A  quel  but  tendent  ces  chofes?  ou  quelle  eft  la 
£n  d'icelles:Eft-ce  à  dire,pource  qu'en  cefte  aflcmblee-la  le  moindre  nombre  a  approu- 
ué  ce  qui  eftoit  le  meilleur,  que  pourcelaen  ce  Parlement  alors  il  y  ait  eu  moins  d'au- 
thorité,&  qu'on  luy  doyue  adioufter  moins  de  foy>&:  au  contraire,  qu'on  doyue  plus  dé- 
férer à  ce  Parlement  prefent,  pource  qu'il  y  a  eu  plus  de  voix,  qui  l'ont  emportent  afin 
que  vous  fachiez,feigneur,que  ces  chofes  ne  doyuét  point  eftre  mefurees  felô  le  nôbre  ^3j"|^nc 
de  ceux  qui  ont  donné  leur  voix,  foit  qu'ils  foyenten  grand  nombre  ou  petit:  maison  furCrpar  lé 
doit  eftimer  les  choies  qu'on  met  en  auant,  par  la  vérité,  droiture  &  im  portance  d  urel-  «ombre  g« 
les.  Ainii  que  Rogers  eftoit  en  train  de  continuer  ce  propos,  le  Chancelier  luy  ferma  la  vo,x' 
bouche, propoiant  qu'il  n  eftoit  pas  feul,  ains  qu'il  y  en  auoit  encores  d'autres  à  qui  il  fal 
loit  parler.  Parquoy  il  luy  commandoit  de  refpondre  en  vn  mot,  alTauoir  s'il  fe  vouloit 
rengeràla  mefme  eghfe  auec  tout  le  royaume,  ou  non.  Rogers,  Ce  n'eft  ne  mavo- 
lonté  ne  mon  intention  de  le  faire,finon  que  vous  me  monftncz  par  tcfmoignages  eui- 
dèns  de  i'Efcriture,  que  c'eft  la  vraye  Eglife. Que  fi  vous  m'accordez  que  1e  puifle  recou- 
vrer des  liures,de  l'encre  &:  du  papier,ievousmonftreray  facilement  tout  le  côti  aii  c:&C 
û  euidemmcnt ,  que  tous  pourront  aifément  cognoiftre  qu'il  n'y  a  nulle  fermeté  en  \  o- 
ftre  eglde.  Puis  après  ie  donneroye  volontiers  liberté  à  vn  chacun  qui  y  voudroit  con- 
tredire, de  prendre  la  plume  pour  eferire  ce  qui  luy  fcmbleroit  bon. 

L  e  Chancelier,N'atten  point  que  noustc  permettiosiamais  cela. Et  qui  pis  eft,  nous 
neteprefenterons  pasdorenauantcesmefmes  conditions  que  te  proposons  mainte- 
nant, (i  tu  refuies  a  cefte  fois  deterengerà  l'eglife  catholique.  Tu  as  ici  deux  chofes: 
la  muericorde&:  la  milice,  l'vne  ou  l'autre  t 'eft  offerte  parlaRoine.fi  tu  refufes  la mi- 
fericorde ,  tu  fentiras  la  rigueur  de  laiuftice  impofee  par  lesloix. 

Roc  t  r  s,Ien'ayiamaisofrenlélamaieftédclaRoinedeparollenedcfait.iene vou 
droye  toutesfois  reictter  fa  miiericordc.     Au  refte,  fi  vous  ne  me  voulez  ottroyer 

Vd.iii. 


Liure  ML  fean  Rogrs. 

les  chofes  qucie  vous  ay  ditcs>&:  (i  vous  ne  pouuez  foufFnr  qu  on  face  inquifition  de  vo- 
ftrc doctrine commencee,ou  qu'elle  foit  conférée aucc les  iaindtes  Efcritures:parvn  tel 
refus  vous  déclarez affez  quelle  peuteftre  voftrecaufe.  Or  eft-ilainfi  que  vous  qui  eûes 
les  prelacs  de  ce  royaume,  m'auez  il  y  a  plus  de  x  x.  ans ,  induit  premièrement  à  quitter 
&:  abandonner  la  fauiTe  prééminence  du  liège  Romain:&  maintenant  vous  qui  auez  e- 
ftc  caufe  que  ie  l'ay  ain(i  fait,  me  déniez  la  liberté  de  défendre  monfaiCr.&  comme  ain- 
filbitquefoyezconcrairesàvous-mefmes,vousfuyez  avi/îî  toute  cognoiilànce,&:  ne 
voulez  que  voftre  doctrine  (oit  examinée.  Pour  certain  on  ne  mepourrou  pas*perlua- 
der  par  cefte  façon. 

L  e  Chancclier,Si  tu  n'admets  le  Pape  pour  chefde  l'eglifc,  la  Roine  ne  te  fera  iamais 
mifericorde:  arin  que  tu  ne  t'y  attendes  point.  Au  furplus,quant  à  l'inquifition  de  la  do- 
ctrine, &C  à  auoir  conférence  aucc  toy ,  il  m'eft  défendu  de  le  faire  par  les  parolles  de  l'E- 
fcriturc:&:  fuis  auffi  admônefte  par  S.Paul  de  fuir  l'homme  hérétique  après  vne  ou  deux 
remontrances  :  d'autant  que  celuy  qui  eft  tel,  eft  condamné  par  fon  propre  iugement. 

Roge  r  s,  Monfieur  le  reuerend,  ie  nieen  premier  lieu  qucie  loye  homme  héréti- 
que, quand  vous  m'aurez  conueincu  de  cela,Iors  pourrez  (  comme  bon  vous  femblcra) 
alléguer  ce  qui  refte  en  la  fencence. 

Menaces  de     M  a  i  s  le  Chacelier  retournoit  toufîours  à  fon  proposé  partrois  ou  quatre  fois  me- 

Girdlocr*  naça  Rogers,que  s'il  ne  fe  rengeoit  à  leur  eglife,  il  ne  falloir  plus  qu'il  attendit  aucune 
faueur.&  qu'il  déclarait  s'il  le  vouloir  ainfi  ou  non.  AquoyRogers  rcfpondit,  le  ne  le 
veux  &  ne  le  peux  faire,iufques  à  ce  que  vous  m'ayez  rendu  certain  par  les  faî&es  Efcri- 
tures,que  voftre  eglife  eft  la  vraye  Eglife,&  que  le  Pape  eft  chef  d'icelle.Que  s'il  y  a  quel 
cun  qui  me  le  puilfe  monftrer,au(Ti  ne  feray-ic  rien  par  obftination. 

S  v  r  ce  poinîtl'cucfque  de  Vvigornc  luy  dit,Quoy?crois-tu  pas  le  Symbole  des  Apo- 
ftres?  Rogers  refpondit,Ie  croy  la  faincte  Eglife  catholique.mais  en  tout  ce  Symbole  ie 
ne  trouue  pas  que  mention  foit  faite  du  Pape  en  forte  quelcon  que.  Car  ce  mot  Catho- 
ûgra-  tiqUe  ne  dénote  pas  feulement  l'eglifc  Romaine,  mais  c'eftvn  mot  gênerai  comprenne 

que.  ath°U"  vniuerfellement  la  vraye  Eglife  faifant  confeffion  confiante  :  c'eft  l'afTcmblee  ou  com- 
munion de  tous  lesChrcftiens&:  fidèles  efpandus  par  tout,lefque!s font  cÔfeiîion  vraye 
du  nom  de  Dieu  d'vn  mcfme  cœur&  d'vne  mefme  bouche.  Mais  ie  prie,par  quel  mo^c 
cefte  eglife  Romaine  pourroit-elle  eftre,  ie  nc  dy  point  chef,  ains  feulemét  membre  de 
cefte  Eglife  catholique  ou  vniuerfelle,  veu  qu'elle  s'eft  feparec  d'icelle  en  rat  de  poin&s 
de  la  do&rine ,  te  répugne  manifeftement  a  la  parolle  de  Dieu  ?  Et  comment  leuefquc 
d'icelle fe  pourra-il  vanter  d'eftre  chef  de  cefte  Eghfe,  veu  qu'il  n'y  aprefque  rien  en 
quoy  il  foit  vny  auec  les  membres  d'icelle  ? 

L  e  Chancelier,  Otfus,  alleguc-moy  vn  poin&,'voire~vn  feul  poin£r,  auquel  il  foitdiA 
cordant.  Lors  Rogers  penfant  en  foy-mefme,&  eftimant  qu'il  luy  falloit  produire  pour 
le  moins  vn  poind  d'entre  plufieurs ,  luy  dit  ainû* ,  Or  bien  donc,  ie  vous  en  propoferay 
vn  au  lieu  de  plufieurs,  combien  qu'il  feroit  facile  d'en  produire  plufieurs  au  lieu  d'vn: 
Tout  ce  que  le  Pape  &  toute  fa  fequelledifent,prient  ou  pfalmodientenl'eglife,ilsne 
le  font  qu'en  langue  Latine  :  ce  qui  contreuient  manifeftement  à  la  rcigle  que  S.  Paul 
donne,  i. Cor.  14.  Le  Chancelier  lors  répliqua  en  cefte  forte,  le  nie  que  cela  répugne  à 
l'efcriture  canonique:  par  quelle  forte  d'argument  le  prouueras-tu? 
Ro  gers  cômença  à  déduire  fon  argument,prenant  le  commencement  du  chapitre, 

i.Cor.14.1.  ou  d  cu^  dir,Ccluy  qui  parle  langage  eftrange,ne  parie  point  aux  hom  mes,  ains  à  Dieu» 
&  ce  qui  s  enfuit. Selon  l'Apoftre,  Parler langages,c'eft  parler  en  langue eftrange,côme 
Greque  ou  Latinc:&:  parler  en  cefte  façon  (félon  S.  Paul)ce  n'eft  point  parler  aux  hom- 
mes. Maintenant  puis  qu'ainfî  eft  que  vous  patlez  toutes  chofes  à  tous  en  langue  Lati- 
ne,qui  leur  eft  barbare  &c  eftrange,il  eft  certain  que  vous  ne  parlez  point  aux  hommes, 
ains  à  Dieu .  Ce  que  le  Chancelier  ne  nia  point  :  confe/Tant  qu'il  parloit  à  Dieu ,  6c  non 
point  aux  homes. Lors  Rogers  dit,Si  vous  parlez  à  Dieu,c'eft  doc  en  vain  que  vous  pro- 
noncez deuant  les  hommes.  Le  Chancelier  dir,  Mon  amy  il  ne  s'en  fuit  pas.car  l'vn  par- 
le vn  langage,l'autre  vn  autre,&  chacun  fait  bien.Rogers  refpôdit,Que  feta-cc  fi  ie  mô- 
ftre  que  tels  ne  parlent  ny  a  Dieu  ny  aux  hômes,ains  iettent  des  parolles  vaines  en  l'airî 
Ro  gers  commençoit  à  monftrer  comment  ces  deux  chofes  qui  femblent  eftre  cô- 
traires,aftauoir  Parler  non  point  aux  hommes  bc  non  point  à  Dieu ,  &:  parler  au  vent  fç 
pouuoyent  toutesfois  bien  accorder.mais  tout  incontinent  vn  grand  bruit  fc  leua ,  qui 

fut 


Jean  Rogers.  ipj 

hit  caufc  qucRogcrs  ne  peut  parler  aux hommes,non  pas  mefme  à  grand'peine  au  ve  t. 
Lors  le  Chancelier  reprint  ce  propos,&  dit,Parler  à  Dieu  &c  non  à  Dieu,font  deux  cho 
fes  naturellement  repugnantes&impofîibles:maisRogersinfiftoit  qu'elles  n'eftoyent 
nullement  répugnantes  ou  impoflibies  en  ce  fens  que  S.  Paul  auoit  parlé.  Or  il  auoit 
délibéré  de  paracheuer  ce  qu'il  auoit  commencé  :  mais  vn  certain  gentil  homme  aflîs 
au  bancplus  bas  fc  mit  en  auant,Certainement  ic  pourray  à  cefte heure  bien 6c  ouuer- 
tement  teftifier  contre  luy,qu'il  eft  efloigné  de  la  vérité.  &c  de  fai&,  il  a  tan  toft  confefle, 
que  ceux  qui  vfenc  de  langage  eftrange,parlent  à  Dieu  :  maintenant  il  dit  le  contraire, 
qu'iceux  ne  parlent  ny  à  Dieu  ny  aux  hommes. Rogers  donc  ie  tournant  vers  le  gentil- 
homme,reipondit,La  chofe  ne  va  pas  ainfï  comme  vous  la  prenczdeulement(dùoic-il) 
i'ay  amené  vn  partage  de  fain&  Paul,lequel  ie  vouloye  accorder  auec  vne  autre  fenten- 
ce  de  ce  meime  textc:&:  en  fuiTe  défia  là  venu, fi  on  m 'euft  donné  audience.  Au  refte, 
quant  au  gentil  homme,il  luy  dit,que  ce  n'eftoit  point  là  fon  gibbier  ,  &c  qu'il  n'enten- 
doit  rien  en  cefte  matière.  Etlegentil-hommeluy  refpondit,  I'criten  bien  que  ce  qUe 
tu  dis  n'eft  poflible  naturellement:cela  fent  fafophifterie  ie  ne  lày  quelle. 

Apres  celaleChancelierfemitderechefàparler,&:ditàce  gentil-homme  qui 
s'eftoitainfiauancé  de  dire  fon  mor,Que  lors  qu'il  eftoit  en  Halle  ville  de  Suaube,  le 
peuple  de  cefte  ville  la,qui  au  parauant  faifoit  tout  le  feruice  diuin  en  langage  vulgaL  Halle  de 
re  dupays,maintenantfaifoit  les  prières  communes  se  autres  chofes  appartenantes  au  Suaubc- 
feruice  de  Dieù,en  partie  en  fa  langue  commune,en  partie  en  lague  LatineX'eueique 
de  Vvigorneditfurcela,Onen  fait  autant  maintenant  en  la  ville  de  Vvirtemberg. 

Y  a-il  fi  grand*  merueille  en  cela?ditRogcrs:  veu  que  c'eft  vne  Vhiuerfité  où  la  plus 
part  fauent  parler  Latin.?Or  il  commença  à  raconter  les  façons  de  faire  de  cefte  eglife, 
&c  de  là  vouloir  retourner  à  l'autre  partie  de  la  difpute  qu'ils  auoit  eue  aiTez  long  temps 
au  parauant  auec  le  Chancelier  euefquc  de  Vvinceftre:mais  il  tut  empefché  par  le  cry 
&  grand  bruit  que  faifoyent  ceux  qui  eftoyent  là  affiftans:&:  penfoit  ainfi  en  foymefme, 
O  quelle  poureté  eft  cecy  !  Ces  gens-cy  ne  me  veulent  nullement  ouyr,&  fi  ne  me  per- 
mettent point  quei'efcriue.Quel  remède  donc  y  a-il,finon  que  ie  recommande  le  tout 
au  Seigneur  ?  Toutefois  il  voulut  bien  encore  eflàyer  de  pourfuyure  ce  qu'il  auoit  pro- 
pofé,afFermant  que  facilement  on  pourroit  accorder  les  paflfages  de  fain£t  Paul  quia- 
uoyent  efté  alleguezi&outre  cela  il  promettait  de  prouuer  par  raifohs  de  TEfcriture  les 
chofes  qu'il  afFermoit.Lors  le  chancelier  luy  dit*  Voire,  tu  ne  pourras  rien  prouuer  par 
lesEfcritures.cari'Efcritureeft  vnechofemorte:ellcabcfoin  d'expofiteur»  Bhfpheme 

Rogers  dit,Mais  au  contraire^l'Efcrirure  eft  vne  choie  viue ,  félon  ce  qui  eft  dit  ^  UDCC 
aux  Hcbrieux  quatrième  chap*  Mais  ic  vous  fupplie  ,  permettez  moy  de  venir  à  ce  but 
auquel  i'auoye  prétendu, &  retburher  à  noftre  propos.  L'euefque de  V vigorhe  parla  a- 
lors ,  &c  dit  fa  rattelee  en  cefte  forte  :  Tous  les  hérétiques  ont  cela  de  particulier ,  qu'ils 
combattent  par  les  Efcritures,&  d'icelles  font  leur  bouclier:  &:  pourrant  eft  neceflaire 
qu'vn  vif  expofiteur  y  foit  adioint.  Rogers  dir,Cela  eft  bien  certain,  que  les  hérétiques 
fe  font  ordinairement  aidez  des  Efcritures:mais  auiïî  ils  n'ont  peu  eftre  réfutez  que  par 
icellesmefmes. 

Ce  s  t  Euefquerepliqua,Maisils  n'ont  iamais  voulu  confeiîer  qu'ils  ayent  efté  re 
futez  parles  Efcritures.  Rogers  refpondit,  le  le  croy  bien  ainfi;tânt  y  a  toutefois  qu'ils  nùmcon- 
onteftéxepoufiez& vaincus  par  icellcs.  EsConcilesfrancs&deumentaftemblez^n  ueincre  le* 
n'a  iamais  combatu  contre  euxfinon  par  l'authorité  de  la  fain&e  Efcriture ,  5c  n'ontia-  p**»  et! 
mais  quitté  la  place  qu'ils  nayertt  efté  légitimement  veincus.  Et  fur  cecy  il  auoit  delibe  tritures 
ré  de  déclarer  de  quel  moyen  principalement  les  fidèles  deuoyerit  maintenant  vfer  és 
diflFerens  Ecclefiaftiques,felon  la  façon  des  Anciesîmais  il  eut  à  faire  à  des  oreilles  four- 
des.  Tous  fe  ruèrent  fur  luy  d'vneimpetuofité:  l'vn  difoit  d'vn, l'autre  d'vn  autre :&  de 
toutes  pars  fe  leuavn  grand  bruit,  &c  vn  chacun  faifoit  l'a  queftion,eh  forte  que  fi  ce  po- 
ure  homme  euft  eu  cent  langues  &  bouches,&  autant  d'oreilles,il  n'euft  peu  ouyr  tous 
leurs  propos,&  encore  beaucoup  moins  fatiifaire  à  tous. Là  citant  veincu  par  la  malice 
du  temps,en  partie  quittant  la  place  à  la  fureur  de  ces  beftes,fut  coUtreint  de  fe  fermer 
labouche*voyant  qn  il  ne  profiterait  de  riert  en  parlant.  Depuis  ayant  recouuré  quel- 
que opportunité  de  parlenencore  qu'il  euft  grande  volonté  de  retomber  fur  la  premiè- 
re queftion  qui  auoit  efté  mife  en  auant,toutefois  le  Chancelier  lors  principalement  v- 
fa  de  foûauthorité,&£  commanda  qu'il  fuftpromptementofté  de  là,  &c  remené  en  pri- 

pd.iiii. 


L'mrellIL  Jean  Rogers. 

fon  .Se  propofoit  cefte  raifon,qu  il  y  en  auoit  encore  beaucoup  d'autres,  lefquels  il  fal- 
loicouyr,(inonqueceftuy-cy  voulufteftre  reformétcaril  vfoit  de  ce  mot.  Lors  Rogers 
fe  leua  fur  fes  pieds: car  iufques  à  cefte  heure  la  on  l'auoit  fait  tenir  fur  fes  genoux.  Sur 
ces entrefaites  le  Milhord Richard  Suthvel,cheualier de l'ordrccftant appuyé  fur  vne 
feneftre, voulut  bien  dire  aufli  fon  mot,afin  qu'on  ne  penfaft  qu'il  fuft  du  tout  muet .  6c 
parlaainiî:Iefay  que  quand  ce  viendraau  dernier  poinct,  tu  ne  pourras  &c  ne  voudras 
endurer  le  feu  pour  ces  chofes.  Rogers  efleuant  les  yeux  au  ciel, dit,Certainementie 
ne  m'oferoye  promettre  de  faire  quelques  grandes  chofes  ,  &  auilîcelane  m'eft  point 
expedicntrtoucefois  i  ay  bonne  efperance  au  Seigneur,  &C  volonté  de  perdre  pluftoft  la 
vie  que  de  quicter  vne  bonne  &:  lamcte  opinion. 

Apre  s  celal'euefque  d'Eliecommençaàfaire  vnlongdifcoursde  la volonté&en- 
trepnfe  de  la  Roine.&:  après  auoir  amafle  plufieurs  parolles  pour  faire  valoir  ce  qu'il  di- 
foit,il  conclud  finalement  fon  propos  en  cefte  forte:Que  la  Roine  eftimoic  indignes  de 
la  mifericorde  ceux  q  ne  recognoifToyent  point  lePape  pour  chef  del'eglife.Rogers  dit 
iurcela,  Combien  qu'il  s  en  faille  beaucoup  que  ie  l'ave  iamais  ofFenfee ,  non  pas  mef- 
me d'vne  feule  parolle,nonobftantie  ne  voudroye  point  melpriler  fa  mifericorde  :  &c 
mefme  ie  la  prie  de  bon  cœur  &:  humblement  que  ie  puiile  fentir  fa  faueur,moycnnant 
toutefois  que  ma  confeience  me  demeure  entière. 

I  l  n'eut  point  dit  le  mot,q  plusieurs  crieret  tous  d'vne  voix,&  principalement  Bur- 
no  le  Secrétaire:  Voire,tu  feras  Prcftre  marié,&:  tu  n'auras  iamais  offenie  contre  laloy» 
Et  Rogers  refpondit  ainfi:Qu.M  n'auott  violé  aucune  ordonnance  de  la  Roine  en  cela, 
nyaucuneioy  publiquedUroyaume,veu  qu'il  auoit  efté  marié  aulieuoùle  mariagele- 
gitime  eftoit  permis  ÔC  otttoyé  par  les  loix.  Et  eftant  incerrogué  où  il  s'eftoit  marié ,  il 
leur  refpondiCjEn  Saxe. Etdit  dauantage,  que  fi  cela  n'euft  efté  permis  mefme  au  roy- 
aume d'Angleterre  lors  qu'il  partit  d\Alemagne,il  n'euft  iamais  laide  le  lieu  où  il  eftoie 
pour  venir  en  Angleterre  auec  fa  femme  &c  huit  petits  enfans  .  toutefois  le  cry  du  peu- 
ple ne  ce/Ta  pas  encore  pour  tout  cela.  Adonc  il  y  en  eut  aucuns  qui  dirent  qu'il  eftoit 
trop  toft  venu:Ies  autres  qu'il  eftoit  retourné  à  fon  grand  malheur  auec  tant  d  enfans: 
&  chacù  difoit  ce  que  bon  luy  fembloit.  Vn  entre  les  autres  parla  allez  audacieufemet, 
que  nul  homme  ne  peut  eftre  dit  bon  Chreftien,  qui  permet  à  vn  Preftredefe  marier. 
Rogers  refpondir,que  l'Eglué  vrayement  iàintte  ne  defendoit  point  à  quelque  homme 
que  ce  fuft,non  mefmes  aux  Preft  res  de  fc  marier.  Sur  cela  vn  fergeant  le  mena  hors  de 
la  chambre,  &:  l'euefque  de  Vuigorne  fe  print  encore  à  luy  dire  qu'il  ne  fauoit  où  eftoit 
cefte  Eglife  catholique.Et  Rogers  debatoit  au  côtrairc,  Que  cefte  Eglife  n'eftoit  point 
cachee,&;  qu'il  la  pourroit  facilement  monftrer , s'il  en  eftoit  beloin.  Voicy  en  fomme 
quelles  obic&ions  furent  faites  ce  iour-la  àRogers,&  aufli  quelles  furent  fes  refponfes. 
Ileuft  bien  voulu  recouurer  quelque  loifir  d'elcrire  au  long  tous  les  argumés  defesad- 
uerfaires,Ô£  aufli  expliquer  ce  qu'il  euft  bien  voulu  relpondre ,  &c  plus  amplement  qu'- 
on ne  luy  auoit  permis:mais  ainfi  qu'il  fe  vouloir  mettre  en  train ,  ges  luy  furet  cnuoyez 
pour  luy  dénoncer  qu'il  luy  falloir  comparoiftre  le  lendemain  deuant  les  luges,  pour 
refpondre  plus  amplement  des  chofes  qui  luy  feroyent  propofees.Et  comme  il  cft  con- 
tenu au  fommaire  que  luy  mefme  a  rédigé  par  efcrit,il  fe  recommanda  aux  prières  de 
la  vraye  Eglife,&:  tous  les  autres  aufli  qui  eftoyenr  perfecutez  pour  la  mefme  caufe.  Auf 
fi  il  recommanda  fa  femme  qui  eftoit  làeftrangere,&:  fes  poures  enfans.  Cela  fut  fait  le 
xvn  .iour  de  Iauuier,l'an  m  .  d  .  l  v . 

L  A  féconde  iournee  tenue  contre  Iean  Rogers  le  XVIII.de  Ianuier,M.D.LV. 

@||&§E  iour  enfuyuant  il  fut  interrogué  per  Efticnne  Gardiner  euefque  de  Vuinceftre, 
g|||^qui  eftoit  pour  lors  Chancelier  du  royaume  d'Angleterre,  aïïauoir  s'il  vouloir  re- 
noncer à  fes  erreurs,par  lesquelles  il  auoit  efté  malheureufement  abufé  auparauant:  &C 
retourner  en  la  locieté  de  l'eglife  commune,  approuuee  par  le  Parlemcr,&:  côfcntir  a- 
uec  les  Euefques  &c  tout  le  royaume,&  iouyr  de  la  mifericorde  qui  luy  auoit  efté  propo- 
fee  le  iour  précèdent.  A  cela  Rogers  refpondit  qu'il  n'auoit  pas  bien  confideré  aupara- 
uantquefignifioitceftemifericorde:maismaintenantil  entendoitbien  quec'eftoit  lç 
pardon  &C  reconciliation  de  l'eglife  antichriftiéne  desRomanilques: laquelle  il  prorefta 
franchement  de  ne  vouloir  accepter.  ÔC  Ci  on  luy  vouloir  permettre,il  fe  faifçit  fort  de 
cofermer  par  tefmoignages  de  la  S.  Efcriture,  éc  par  authorité  fuffifante  des  Docteurs 

anciens 


Jean  Roger  s»  297 

anciens  qui  ont  efté  incontinent  après  les  Apoftrcs,les  chofes  qu'il  mettoit  enauant. 
Mais  le  Chancelier  dit  que  cela  ne  luy  fcfoitiamais  permis  :  &fi  n'eftoit  pas  raifonna- 
ble  auffi  qu'il  fe  fift,veu  que  Rogers  cftoit  féul  qui  d'authorité  priuee  contredifoit  au 
décret  &  ordonnance  publique  du  Parlementé  cela  ne  fembloit  necôuenable  ne  rai- 
fonnable,que  ce  qui  auoit  efté  ratifié  &:  eftably  par  tant  de  voix,  fuft  deffait  par  l'opi-  i^fc;^ 
niond'vn  feul  homme.  Et  Rogers  dir,Il  eft  certain  que  fi  on  regarde  à  l'authorité  par-  ^ "  L 
ticuliere  de  moylcul  qui  ne  luisrieniieconfcfTe  franchement  ce  que  voUsditesrmaisla  gcrUcon  : 
vertu  &maiefté  delà  vérité  des  fain&es  Efcritures  eft  telle  ,  qu'il  n'y  a  point  fi  grande  fc,cncc» 
authorité  entre  les  hommes;ne  les  déterminations  des  Côciles  ne  font  point  de  fi  grâd 
poids,que  ma  confcience  en  puifTe  eftre  obligée ,  finon  que  le  tout  foie  approuuê  &c  ra- 
tifié parla  vérité  de  Dieu,à  laquelle  il  faut  neceflairement  que  toutes  choies  obeifTent 
&  quittent  la  place. 

Rog  e  r  s  vouloit  encore  pourfuiurefon  propos:mais  le  Chancelier  laiflant  le  tout 
fe  mit  à  dire  des  calomnies.-difant  qu'il  n'y  auoit  rien  en  RogerS  que  pure  ignorance  Se 
arrogance  enflée.  Quant  à  l'ignorance,Rogers  refpondit  qu'il  n'eftoit  point  fi  aueugle 
qu'il  ne  vift:ne  fi  impudent,  qu'il  ne  confcfîaft  aufli  que  celle  ignorance  eftoit  fi  grande 
6c  plus  que  le  Chancelier  mefmene  pouuoitdire:toutefois  il  n'eftoit  point  fi  mal  four- 
ny  d'aides  de  la  pure  doctrine,que  moyennant  la  grâce  de  Iefus  Chrift  il  ne  fuft  fuffifat 
de  prouuer  ce  qu'il  auoit  maintenu  iufques  à  prefent,pourueu  qu'ô  luy  permift  de  met 
trela  main  à  la  plume.  Dauantage  qu'il  n'eftoit  point  fi  befte  ne  fi  ighorant  que  lcChan 
celicr  le  faifoit:  toutefois  quelque  fauoir  qu'il  y  euft  ,  ilattribuoit  Je  tout  à  la  grâce  de 
Dieu.  Au  demeurant  le  monde  fauoit  bien  de  quel  cofté  eftoit  la  plus  grande  ambitiô. 
6c  ce  feroitvnpoure  orgueil  &miferab!e,que  luy  &  les  autres  qui  eftoyent  prifonniers 
fo  us  telles  belles  inhumaines*,  eufiTent  encore  en  eux  quelque  goutte  d'ambition. 

Adonc  le  Chancelier  commença  à  aceufer  Rogers,qu'il  auoit  dit  publiquemet 
en  fes  fermoris,que  tant  la  Roine  que  tout  le  Royaume  eftoyent  obeififans  à  l'Ante- 
chrift.  Rogers  dit,  La  Roine  (à  qui  ie  defire  longue  profperité)feroitafTez  bénigne  6c 
humaine  enuers  fes  fuiets,fi  elle  n'eftoit  empefehee  par  maUuaiS  confeils. 

L  s  Chancelier  nia  cela  tout  incontinenrafFermant  que  là  Roine  auoit  toufiours 
defon  propre  gré  monftré  le  chemin  à  tous  les  autres ,  &quciamais  elle  n'auoitefté 
poufTee  de  fon  propre  mouuement. 

Rog  e  r  s  refpondit  qu'il  ne  vouloit  &:  ne  pourroitiamais  croire  cela. Sur  quoyl'e- 
ucfque  de  Carniljdodeur  d' Adrifiajconfcrmoit  que  tous  les  autres  Euefques  rendoyét 
tefmoignage  de  cela  au  Chancelier. 

Ie  croy&fay  bien,ditRogcrs,que  vous  le  ferez  ainfî.  Le  peuple  qui  eftoit  la  pre- 
fent,commença  à  foufrire.car  en  cefte  iournee-la  il  y  auoit  plus  grand  nombre  d'audi- 
teurs d'entre  le  peuple,qu'en  laiournee  precedente:&leiour  fuyuant  à  grand'  peine  y 
eut-il  la  millième  partie  de  ceux  qui  eftoyent  venus  pour  ouyrxar  on  ne  laifToit  entrer 
que  ceux  qui  auoyent  intelligéce  &  fait  complot  aucc  les  Euefques.  Le  Secrétaire  Bur- 
no,&  vn  autre  officier  de  la  cour  de  la  Roine  vouloyent  aulîi  teftifier  pour  i'euefque  de 
Vuinceftre:&:  fur  cela  Rogers  penfantqu'iceuxn'cftoyent  pas  des  derniers  ioueurs  de 
cefte  farce,ditjEtbien,c'efttout  vn,vouspouuez  bien  parler  auffi.  Voyant  donc  les 
chofes  eftre  telles,&  qluyfeul  ne  gaigheroit  pas  cotre  tant  de  tefmoins:ôc  qu'on  leur 
adioufteroit  plus  de  foy  en  cela,quc  non  pas  feulemêt  à  luy,mais  auffi  aux  Ajjoftres  &c  à 
îefus  Chrift  mefme,s'ils  eufTcntefté  là  prelcns,il  laifia  tout .  Lors  on  vint  a  ce  poind, 
que  le  Chancelier  fe  leuant  de  fon  fiege,par  forme  de  deuotion  ofta  fon  bonnet,ce  que 
firent  auffi  les  autres  Euefques  fes  compagnons,  &interrogua  Rogers  du  Sacrement 
du  corps  du  SeigneurrafTauoir  s'il  croyoit  que  le  mefme  corps  de  Iefus  Chrift,  lequel  eft 
nay  de  la  vierge  Marie,&:  lequel  à  efté  pendu  en  la  croix ,  fuft  rcalement  contenu  en  ce 
facrement.  S"nt*dd 

Ro  gers  refpondit  peu  fur  cefte  queftion,côme  ainfifoit  qu'en  cefte  matière  il  cenc 
fe  fuft  toufiours  retenu, craignant  de  s'y  fourrer  trop  auant ,  tellement  qu'aucuns  Frè- 
res l'auoyent  pour  fufpeCt,comme  fi  en  ceft  endroit  il  euft  voulu  eftre  de  contraire  opi- 
nion.toutefois  il  refpondit  ainû  à  ces  Prélats  vénérables,  Quant  à  voftre  opinion,  1  cfti- 
me  que  comme  prcfque  tout  le  relie  de  voftre  doctrine  n'eft  qu'erreur  fondé  fur  violen 
ce  &:  cruauté: auffi  ce  q  vous  enfeignez  en  cefte  partie,  eft  féblable  aux  autres  poin&s. 
Car  fi  en  difant  queChrift  eft  règlement  ou  fubftantiellement  au  facremet  de  la  Cene, 


L/«ro  ////.  Jean  Rogers 

vous  entendez  qu'il  y  Toit  corporellement,  il  eft  certain  que  Iefus  Chrift  eft  au  ciel  fclo 
le  corps:&:  en  celle  forte  il  ne  fe  peut  faire  que  tout  cnfemble  il  loit  corporellement  6c 
au  ciel  6c  en  voftre  facremenc.De  ce  pointt-la  Rogers  print  nouuelle  occafion  ,&  com- 
mença à  le  pleindreau  Chancelier  de  la  cruauté  qu'il  exerçoit  iniquement  contre  luy. 
Premièrement  que  (ans  aucune  forme  de  droit  ou  de  iuftice  il  le  tenoiten  prilbn  :  que 
défia  il  l'auoit  là  détenu  vn  an  &  demy,fans  luy  permettre  qu'il  s 'aidait  d'aucune  partie 
de  Ion  bien  pour  fa  nourriture, luy  faifant  grand  tort  en  cela:Fay  efté  côtreint  (diloit-il) 
par  voftre  décret  &  ordonnance, de  me  contenir  fix  mois  en  ma  maifon  fans  en  fbrtir, 
6c  n'ay  fréquenté  peribnne  en  tout  ce  temps-la,&:  n'ay  point  (brty  hors  pour  deuifer  fa- 
milièrement aucc  quelque  homme  que  ce  foit,  afin  qu'il  n'y  cuit  rie  en  quoyon  m'cull 
acculé  de  n  auoir  obey  à  voftre  volontc:&  toutefois  voftre  inhumanité  ne  fc  contentât 
point  de  cela, a  hit  que  i'ay  elle  îcy  tourmeté  en  la  prifon  publiq,où  fay  demoute  délia 
vnancntiei  à  grans  fraiz,ayant  cependant  ma  femme  &:  dix  tnfansenlamaifon.éV:  voi 
cy  de  tous  mes  biens 6c gages  qui m'eftoyentdeuz de  droit  commun,  vous  ne  fouiriez 
que  fen  reçoiue  vnfcul  denier.  Le  Chancelier  refp.ondit  à  cela, que  le  docteur  Ridlé, 
quiauoit  baillé  ces  prébendes  à  Rogers, n'auoit  pas  tenu  deuemétcelicu  6c  puiftanec: 
6c  que  pourtant  ces  rcuenus  n'appartenoyent  point  de  droit  àRogcrs. 

Roger  s  ,Quoyîleroy  Edouard  auffi,qui  luy  auoit  donné  cefte  place,  auroit-ilefté 
vfurpateurdu  royaume?carccfutàradueuduRoy  qu'iceluy  fut  ordonné  Euefique  de 
ceheu-la.  Le  Chancelicr,Ileft  ainfi.  Et  quant  6c  quant  il  vfa  de  plufïeursparolles  ai- 
gres pour  amplifier  le  tort  que  ce  Roy  auoit  fait  tant  à  luy  qu'auffi  à  Boncr  euefquc  de 
Londres.  Puis  comme  par  forme  de  correction  reprimant  aucunement  l'impudence 
de  fa  bouche  dehontee,dit,IIpourroitfembler  que  i'ay  parlé  trop  exceffiuement  con- 
tre ce  Roy,l'ayant  appelé  vlurpatcur  du  royaume:  mais  de  l'abondance  du  cœur  la  bou 
chc  n'a  peu  autrement  parler.  Or  quand  il  eut  dit  cela  (dit  Rogers)  ie  ne  penfe  poiac 
pourtant  qu'il  fe  (bit  repéty  de  bon  cœur  de  ce  qu'il  auoit  dit. le  luy  pouuoye  bien  tenir 
plus  long  propos  fur  cela:mais  me  reprimant  ie  luy  demanday  pourquoy  il  mauoitfaic 
prifonnier.&  il  me  refpondit,C'cft  pource  que  tu  as  prcfchc  contre  la  Roinc.  Rogers 
Fautïe  ac-  dit,Ie  le  nie.&  fi  pourroye  bien  monftrerpar  raifonseuidentes,  que  cela  eftvnecalom- 
cuianon.  me.g£  me  fubmets  à  telle  punition  qu'on  voudrais 'il  y  a  homme  qui  me  puifTe  iuftemec 
accuferdecela.En  cefte  predication-la  il  v  auoit  grand  nombre  d'auditeurs, &-ne  fay 
point  difficulté  de  les  appeler  touj>  pour  tefmoins  de  mon  innocence.  Fay  prefché  au 
temple  de  S.  Paul  vne  fois:mais  nul  ne  peut  dire  que  i'aye  rien  proféré  con  tre  la  Roine. 
Et  outre  cela  Rogers  alleguoit, qu'après  auoir  efté  interrogué  pour  ce  mefme  fait,  le 
Chancelier  luy  mefme  l'auoit  laifte  aller  fans  punition  ne  dommage.LeChancelier  luy 
cîit,Tu  n'as  pas  laifTé  toutefois  de  retourner  à  faire  des  leçons  publiques ,  contre  lade- 
fenfe  du  Parlement.  Et  Rogers  refpondit ,  Qu'on  me  face  mourir ,  fi  quelcun  peut 
prouuer  ceia.cependant  ie  peux  bien  dire  que  vous  m'auez  afTez  inciuilement  traité  &C 
contre  toutes  loix  tant  diuines  qu'humaines:  veu  que  vous  ne  m'auez  iamais  voulu  au- 
parauant  aduertir  non  pas  d'vne  feule  parolle,ne  m'enfeigner  quand  ie  failloyc,  ne  co- 
fereraueemoy  d'aucunes  de  ces  chofes,iufques  à  maintenant  que  vous  auez  le  glaiuc 
en  vos  mains  pour  me  percer  tout  outre,  d'autant  que  ie  n'obtempère  point  à  voftre 
plaifir .  ^  Or  ce  font-cy  les  principaux  articles  qui  furent  propofez  en  cefte  iournee, 
qui  fut  le  xxvn  i.delanuier.  auparauant  le  fleur  Hoper&:  Cardmaker  auoyent  efté 
mis  en  la  torture. Si  le  temps  l'euft  permis,Rogers  euft  bien  peu  faire  plus  longue  corn 
plainte  de  l'inhumanité  de  fes  ennemis.Or  cefte  cruauté  fe  déclare  affez,  en  ce  que  ces 
beftes  cornues  ont  ofté  aux  poures  prifonniers  tons  leurs  biens-da'uâtage ,  preuariquas 
contre  leurs  ordonnâces  propres,les  ont  emprifonnez  fans  caufe,fàns  les  ouyr  en  leurs 
defenfes:&  les  y  ont  longuement  tenus.  Encore  y  a-il  vn  point!  qui  eft  pour  mieux  mô- 
ftrer  l'inhumanité  du  Chancelier  :  La  femme  dudit  Rogers  eftant  enceinte  partit  de 
Londres  pour  aller  enla  ville  de  Richmond,  où  eftoirle  Chancelier  :  auquel  elle  vint 
prcfentcrrequefte,&  par  plufieurs  fois,eftant  accompagnée  de  huit  matrones  l^onno- 
rables.&  encore  il  y  eut  vn  perfonnage  de  renom  6c  d'honneur,docteur  en  Loix,  nome 
M.Gofmold,quiprefentaaufii  requefte  au  Chancelier  pour  Rogers. tant  y  a  qu'il  ne  fut 
nullement  elmeu  de  tout  cela,ains  donna  à  cognoiftre  ouuertement  à  tous  quelle  opi- 
nion on  doit  auoir  de  la  charité  de  ces  antechrifts. 

O  r  quatre  heures  fonnerent,&;  le  chancelier  voulat  mettre  finauprocés,dit  ,Nous 

poui^ 


Jean  Roger  s.  spf 

pourrions  bien  dés  maintenant  donner  fent£cc  diffinitiue  contre  toy:  toutesfois  félon 
la  pitié  &  côpafsion  de  laquelle  noftre  eglife  a  accouftumé  d'vfer  toujours  éuers  ceux 
qui  font  coulpables:or  fus,nous  te  faifons  encore  cciî  auantage*quc  tu  retournes  derc 
chef  icy  dcmam:&  cependant  aduifen*  tu  aimes  que  la  vie  telbit  fauuce  (ce  que  tu  ob- 
tiendras quand  tu  retourneras  au  giron  de  l'eglife  catholique)  ou  bien  fi  tu  veux  périr 
hors  l'egliie.Et  aptes  que  Rogers  eut  refpondu  qu'il  ne  s'eftoit  feparé  de  l'eglife  catho- 
Jique,le  Chancelier  luy  dit, Cela  eft  autant  comme  fi  de  noftre  eglife  catholique  tu  Fai- 
fois  vne  eglife  dAncechrift.EtRogersditjIl  eft  ainfi,&  nelepenfepointautrcment.Le 
Chancelier  interroga  derechef  Rogers  touchant  la  doctrine  du  facrement:  lequel  ref- 
pondit que  leur  doctrine  eftoit  corrompue  &  fauiTe.Il  difoit  cela  aupe  quelque  vehemé  Vegikdc 
ce&c  en  eftendanr  les  bras:ô£cefte  contenance  defpleut  à  queicun  qui  eftoit  là  prefent,  rA°tcdriê 
lequel  du, Il  femble  que  ceftuy-cy  veut  iouer  de  paire-paiTe,&  faire  icy  le  battelcur.Ro- 
gers  ne  refpondit  rien  à  cefte  forte  gaudiilcrie.Et  fur  cela  leChancelier  pourfuy uit,  cô- 
mandant  à  Rogers  de  retourner  le  lendemain  à  dix  heures.  A  quoy  Rogers  refpondit, 
le  ne  refufe  point  de  comparoiftre  là  où  bon  vous  femblera .  Et  incontinent  il  fut  re- 
mené en  prifon  par  quelques  officiers  &  archers  de  la  garde  M.Iean  Hooper  eftoit 
mené  deuant.  Il  y  auoic  fi  grande  multitude  qui  les  accompagnoit,qu  a  grand' peine 
pouuoit-on  palier  par  les  rues.  Voila  cequifutfait  cefte  iournec-laj  qui  futlc  xxvnii 
iourdelanuicr. 

L  A  troificme  iouroec  tenue  centre  Iean  Roger»  le  XXIX  «luditmoù. 

|E  lendemain  qui  eftoit  le  vingtneufieme  iour  de  Iâuicr,Rogersfut  derechef  me- 
!né  par  les  officiers  &:  fergeansenuiron  les  neuf  heurèsau  temple,  où  lcConfeile- 
ftoit  aflemblé.Le  Chancelier  après  auoir  défia  condâné  Hooper,  parla  à  Rogers:OC  cô- 
mença fon  propos  en  remoriftrât  de  quelle  cleméce  il  auoit  vie  enuers  luyi&qu  au  lieu 
dés  le  iour  précèdent  il  euft  peu  prononcer  fentehee  de  mort  contre  luy  *  toutefois  il 
luy  auoit  donné  tem  ps  &C  loifir  de  prendre  adujs,o,ui  eftoit  plus  que  le  droit  ne  portoir, 
que  Rogers  ne  meritoit:mais  que  maintenant  l'heure  eftoit  venue ,  qu'il  falloit  qu'il 
«déclarait  fon  intention,&  de  quelle  affection  il  eftoit  enuers  l'eglife  catholique  ,  fans 
rien  diffimuler.-ailauoir  s'il  renonçoità  fes  premiers  erreurs,*:  s'il  vouloit  point  confen 
tir  aux  opinions  communes  des  autres; 

Rogers  refpondit  à  cela,qu'ilfefouuenoit  bien  des  argumens  lefquels  on  luy  a- 
uok  propoiez  le  iour  precedent,&  requit  qu'on  luy  donnaft  congé  de  parler ,  afin  qu'il 
peuft  refpondre  à  iceux,&quand  il  auroit  refpondu  à  ces  argumcns,il  refpondroit  puis 
après  aux  interrogations  qui  luy  furent  lors  faites  :  Eftant  hier  deuant  vous  (diioit-il  )  ie 
vous  prioye  inftamment  qu'il  me  tuft  loifible  de  maintenir  par  eferit  tarit  ma  perfonne 
que  mon  aduis  &  opinion  contre  les  obiections  de  mes  aducrfaires:&  confermoye  que 
ie  rie  feroye  cela  que  par  tefmoignages  euidens  desfainctes  Efcritures ,  &  par  l'authori* 
té  de  la  plus  pure  Eglife,afin  qu'il  ne  vousfemblaft  qu'au  fait  mefine  il  y  eut  quelque  in- 
certitudejny  en  moy  quelque  feihtife.mais  tât  s'en  faut  q  m'ayezaccordé  ma  requefte 
que  vous  m'auez  imputé  cela  à  crime,que  moy  feul  cÔtrc  tat  de  gens,hôme  priuc  con- 
tre les  perfonnes  eleuees  en  au  thorité  publique  ;  ofoyeainfi  debatre  :  comme  certes 
(quelque  chofe  que  ce  fuft  demoy)ie  ne  pourroye  pas  feUl  debatre  contre  la  prudence 
de  tout  le  royaume,ou  ne  deuoye  par  raifon  me  faire  fort  de  rcfifter.Et  toutefois  il  y  a  af 
fez  d'exem  plesipar  lefquels  on  pourroit  bien  monftrer ,  que  quelquefois  l'authorité  de 
tout  vnConcile  a  acquiefeé  à  l'aduis  &c  opiniô  d'vn  feul,côme  cela  eft  aduenu  au  côcile 
deNicee.  Défia  on  auoit  là  déterminé  cotre  les  mariages  légitimes  des  Preftresmonob- 
ftant  après  que  PajJhnutius  feul  fut  ouy,tous  aufii  furent  de  contraire  opinion  :  &  quel-  paplmutiu* 
que  authorité  que  tous  les  autres  euiTent,toutcfois  ils  n'eurêt  hôte  de  s'accorder  au  bÔ 
aduis  d'vn  feul.i'ay  auflî  vn  autre  féblable  excple.Outreplus  l'authorité  de  S.  Auguftin 
au  troifiemehure contre  Maxence,chapitre  14.  coriuicritaueccccy  :  lequel  deuoitdif- 
puter  contre  ceft  hérétique  ,&  luy  &  fa  partie  aduerfe  auoyent  également  l'authorité 
de  deux  Conciles,par  lesquelles  vn  chacun  pouuôit  également  défendre  fon  party.De 
luy, il  ne  voulut  point  faire  valoir  cela  pour  fa  4efenfe,&ne  permit  auflî  à  fon  aduerfaire 
de  le  faire  de  l'on  cofté,afTermant  qu'il  falloit  huiler  toutes  chofes ,  6c  s'arrefterau  iuge- 
ment  de  la  parolle  de  Dieu:&  qu'icelle  ferôit  vn  bon  luge  également  à  tous  deux,  pouf 
mettre  fin  à  leur  differcm.Ie pourroye  bien  aulli  alléguer  le  teûnoignage  de  Panorm  e, 


Liure  II  IL  JeanRçgérs. 

quUjforœoicquilfaUoitplus  attribtferàlaparolicd'vnfeul ,  encore  qu'il  fnft  homme 
«2ch«t  '  ^ans  lettre.SiCouwfois^topxjlant  la  pacolle  de  Dieu  &  la,  vcrir,e,qua  tout  Je  rcfte  du  C&. 
;«  Cécile*.  cile,quelque  {auoit,quelqueauthohté&  magnificencequaly  ait -le  pente  que  ccxyfuf 
fit  pour  donner  à  eognoiftre  que  rien  ne  me  doitcmpëfcherquemoy  feiUdcxilareruon 
aduis  contre  toutes  les  vôix&  opinions^ écwtlc  Parkrtjîcnr,moycnrmnt^cla|Ku:ah 
le  de  Dieu  foiteoniointe  aucc  mon  opinioxuEt  ie  Vous  demande, Si  le  roy  Henry  r*  i  ti 
aprçs  auoir fait  aflemblerie  Senar&lcsrc&atSieuft  ettec  y  da tout  arrefté  en  ionciprit, 
de  condamner  cefte  Roine  comme  illégitime  &:  baftarde,oude  le  conftituér  chef' Ibu» 
ueraindel!Eglifc,&:  que  vous  M.lc  Chancelier,  &:  vous  autres  JEuciques  euûïezcftc  11 
prelenspourcn  déterminer,  tequ'icemy  vous  euft  m  arquez  au  doigt  l'vnapresl  autre 
pour  en  dire  vpftre  aduis:  neufliez-  vous  pas  refponduincorrtincnr,Sire,ce  qu'il  plaira  à 
voftre  maiefté>quil  foit  tenu  pouffait? 
Calomnies  Q  R  q»eleun  de  la  compagnie  ne  peut  foufFrir  que  ie  pariafle  plus  auant:&  futeela  le 
du  chance-  Chancelier  félon  fa  façon  me  dit  fièrement  en  fe  moquant ,  Secz-vous,monfieurledo- 
^  £teur*Çe  ruftre-cy  cft  icy  appelé  poureftre  enfeigné  &c  admonnefté  ,&  il  fe  conftkuera 
précepteur  ou  inftru&eur  des  autres.&:  iercfpondy,  le  ne  me  fafchc  point  de  me  tenir 
dehout,$C  ne  m'appartient  point  de  racfoïr.mais  quoyîpuis  qu'il  eft  icy  queftion  de  ma 
vie,ne  me  fera-il  point  licite  de  parler  pour  mon  innocence?  Et  le  Châcelicrdit,  Voircî 
fe  pourra- il  faire  que  nous  fou  ririons  que  tu  babilles  icy,&  que  tu  iafes  en  cette  forte?Et 
quant  &:  quant  fe  leuantdefaplace,&eiieuantfes  fourcils,&fa  veue  arreftec  fur  moy, 
penfoit  bien  de  me  faire  vn  mauuais  tour  .  car  il  fentit  bien  que  ie  les  grattoyc  où  il 
leur  demangeoit .  \  Parquoy  il  tendoit  du  tout  à  cela  ,  queparparollesoueftonne- 
ment  &:  authorité  il  me  déftou t  naft  du  propos  quéi'auoye  commencé.  Ce  feroit  cho 
fe  trop  longue,de  reciter  tous  les  diicours  qui  furent  tenus.  le  toucheray  feulement  en 
bref  ces  poin&s  principaux.  QuantàreglifeRomaine,iaydit  Amplement  cequci'c* 
fentoye,a«auoir  que  c'eftoit  vne  eglife  d*À«techrift,cn  laquelle  \d  Chancelier  eucfquc 
deVvinceftre&  les  autres  Euefques  tenoyent  le  principal  lieu  au  royaume  d'Angleter- 
re. Intérrogué  touchant  le  Sacrement  du  corps  &  du  fang  du  Seigneur ,  i'ay  reipotodu 
que  i'-en  auoye  aflèz  parlé  le  iou  raupartu*nt»&  que  ietâr  dovtnne  touchant  leSaeremer 
eft  corrompue  &  falfincc. 

On  procéda  puis  après  à  la  forme  de  l*r oftdamRa  lie  n.Et  quand  elle  eut  efté  leue,ie 
Articles  de  &  dégradé  auec  exécrations  &  maudiffïms,  &  liuréà  la  puinance  du  bras  fectilier  pour 
h  condam-  eftee  mis  àmort.En  cefte  forme  de  condamnation  iîyauoit  deux  principaux  poinftttJe 
wàon  de  ppemier de  Tc^life  Romaine,laquclfe  i'auoye appelée  Eghfe 4e  rAntechrifble second, 
quèr  auoye  nié  le  Sacrement  du  corps  &  du  (angdtfSéigneur.Ccs  chofes  ainûraitcs,ils 
nous  menèrent  M.Hooper  6c  moy  en  laprifon  prochaine  de  la  maifon  de  leuefquc  de 
Vvinceftre,pourycftregardcziu(qucsàlanuiâ.  Delanousfufmes  menez  cri  vne  au- 
tre prifoapubliquc,nommeePorte-ncuué,auec  torches  &  grand  nombre  de  gens  ar- 
mezpournous  conduire.Hoopcr àllbitdeuant,conduit par Tvn des  Capitaines, &lau 
tre  Capitaine  me  menoit.  Il  ne  faut  point  pa/Tcf  cecy,qu'apres  que  la  fentencedecbn- 
damnaEiô eut  efté  récitée ,1e  Chancelier  £c  tournât  vers  le  peuple,  dit  à  haute  voix  que 
i'eftoycexcommunié,aggraué&:reaggraué:cn  telle  forte  quequiconquemarigeroit  a- 
uec  moy,yoire  me  feroit  quelque  fecours,feroit  excommunié  de  mcfme.    Et  à  cela  ie 
refpondy  airiiî:Ie  fuis  icy  deuant  la  face  de  Dieu  viuar,&  fî  affifte  en  la  prefence  de  tous 
ceux  qui  font  icy  en  cefte  noble  affemblee,inuoquant&  appelant  mô  Dieu  en  tefinoin 
que  ie  ne  me  fens  coulpisbie  d'auoir  enfeigné  chofe  iufques  à  prefent  qui  doràe  eftre  e- 
ftimeeetreur,ou  herefie,ou  faune  doctrine.Et  dauantage,moniïeur  le  Reuerend,ic  (ày 
pour  certain  que  le  iourviendra,auquel  vous  &  moy  comparoiftrons  deuant  le  fiegeiu 
dicialdufouùerain&rrefiufteiuge  :  &  me  tien  afTeuré  qu'il  approuuera  mieux  cefte 
mcnTde    miennc  confciencc,qu'il  nefera  pas  la  voftre.   l'efpercauniqueie  ièray  trouue  vraye- 
cefteaffeu-  ment  membre  de  l'Eglife catholique  duFils  de  Dieu,  &  feray  recucilly  en  la  vie  eter- 
rance  qu'a  ncHc.    £c  quant  à  voftre  eelife  il  ne  falloir  point  que  vous  m'en  excommuniffieZ ,  veu 
delà  %.    qu  il  y  a  délia  vingt  ans  panez  que  ie  n  y  ay  eu  aucune  communication  :  dequoy  ie  ren 
de  bon  cœur  grâces  à  Dieu. Or  maintenant  puis  que  vous  eftes  venus  iufques  au  bout 
de  voftre  entceprife^ien'ay  phisriendeqUoyie  vous  puiiTe requérir,  (inonqué  permet^ 
tiez  à  ma  poure  femme  de  m  e  veriir  voir  icy  en  la  prifon,  afin  que  pour  la  dernière  rois 
ielapuiiTeconfoler^mcsdixenrans,  &  leur  donner  quelque  inftru&iort  auant  que 

mourir. 


femlfooper.  2$p 

mourir.  Le  Chancelier  dit,  Ce  neft  point  ta  femme.  AquoyRogers  refpondit,  Sieft 
vrayement,  il  y  a  dixneuf  ans  paûez.  Le  Chancelier ,  Quelque  chofe  qu'il  y  ait,  elle  ne 
viendra  pas.  Rogers,  Voila  donc,i'ay  bien  efprouué  la  force  &c  pleine  abondance  de  vo- 
ftre  charité.  Mais  vous  qui  auez  en  fi  grand  horreur  le  mariage  des  preftres,  ne  defdai- 
gnezpasfi  fort  leurs  concubines  ou  paillardes,  fourfrans  meimes  publiquement  leurs 
paillardifes  exécrables:  comme  non  (eulement  îcy  en  noftie  pays  de  Galles ,  mais  aulli 
par  toute  la  France  teTEipagne  les  loix  du  Pape&  les  voftres  permettent  aux  Preftres 
d'auoir  vn  chacun  fa  putain.  Le  Chancelier  me  regardant  de  trauers,  fur  ce  poinci  s'en 
alla,&:  depuis  ne  le  vy  oneques. 

Qv^a  trï  iours  après,  qui  fut  le  quatrième  de  Fcurier,  Rogers  fut  mené  au  lieu  au-  Sm  Afiu 
quel  on  exécute  les  mal-faitteurs,  appelé  Smythfîld.  Ce  fut  le  premier  qui  fut  bruflé  Ueude  fup- 
fous  ce  règne  de  Marie:car  combien  que  M-  Hooper  euft  receu  condamnation  deuant  Pu«. 
luy  :  û  ne  fut-il  exécuté  que  cinq  iours  après  Rogers  en  la  ville  de  Gloceftre  :  dot  il  nous 
faut  parler  confequemment. 


IE  AN  HOOPER,^». 

COMME  il  a  cfké  des  premiers  qui  ont  purement  prefché  l'Fuangile  en  Angleterre  ,  non  feulement  du  viuant  du  bonroy 
Edouard,  mais  aufsi  du  règne  de  Marie:ainfi  a-il  perfeueré  conftamment,en  forte  que  ny  opprobres,ne  poureté,  ne  longue 
phfon,  ne  l'horreur  de  la  mon  trefcruelle,  de  laquelle  il  fut  execucé.ne  l'ont  fait  chanceler  :  &  nous  a  laiflé  certain  tefmoi- 
gnage,quc  les  grâces  &  dons  que  Dieu  a  vne  fois  conférez  aux  fîens,  font  fans  repentance. 

I  nous  voulions  reuoquer  de  plus  haut  les  premières  eftudes  deleanHoo-  M.  D.  LV. 
per,illes  faudroit  déduire  depuis  le  temps  qu'il  s'adonna  aux  lettres  humai 
nés  en  l'vniuerfitc  d'Oxone  :  mais  il  fuffira  de  toucher  comme  depuis  l'heu- 
'reufe  adrefle  que  Dieu  luy  donna  par  fa  parolle,il  commença  d'eftre  en  liai 
*ne  des  Théologiens  d'Oxone,  auec  grand  danger  de  fa  personne ,  tout  ieu- 
ne  qu'il  eftoit.  tellement  que  contraint  par  la  pourfuite  d'vn  nommé  Smyth,  s'enfuit  d'- 
Angleterre  en  Alemagne:où  il  reiida  quelques  années,  tant  que  feu  de  bonne  mémoi- 
re le  roy  Edouard  lucceda  à  Hcn  t  y  (on  perc.  Et  lots  îtuint  en  Angleterre  auec  fa  fem-  La  femme 
me  qu'il  auoitefpoufee  à  Bafle:&:  comme  nça  de  prelcher  TEuangile  librement  &  pure-  d^j^de^ 
ment,  auec  a/Teurance  grande  dedans  Londres.  Il  eitvray  que  du  premier  coup  il  ne  Brabam. 
monta  pas  en  chaire ,  parce  que  farobbe  eftoit  différente  de  celle  que  portent  commu- 
némét  gens  d'egliie>  ou  bien  qu'il  n'auoit  pas  encores  obtenu  des  Euefques  permifîïon 
de  prefeher  és  temples  :  combien  que  le  duc  de  Sommeifet  lors  gouuernat  le  royaume 
l'euft  difpenfé  de  cela.  Cependant  pouriuyuant  toufiours  le  fil  de  fes  fermons,&:  repre- 
nant viuement  les  mœurs  du  temps ,  &c  la  corruption  de  leglife ,  de  tant  plus  fon  elo-  dên'oop". 
quence  fe  manifeftoit  qui  rauifToit  les  perfonnes  en  admiratiô:  de  manière  que  c'eftoit 
merueille  de  laconcurrence  du  peuple  qui  venoit  ordinairement  pour  l'ouir.  Sa  dili-  Diligence 
gence  eftoit  fi  grade,  qu'il  ne  paifoit  vn  feul  iour  fans  faire  deux  prefehes ,  ou  trois  quel-  eHooPcr' 
quesfois,  félon  que  les  chofes  venoyent  à  propos.  Bref,le  trauail  ne  le  peut  iamais  rom- 
pre, ne  les  honneurs  changer,  ne  les  délices  gafter,  ne  cefte  vogue  populaire  efleuenvi- 
uant  au  refte  en  telle  rondeur  &c  intégrité,  que  mefmes  la  calomnie  àc  malice  des  hom- 
mes ne  trouuoit  que  mordre  fur  luy. 

Qj,  A  N  T 

poflîble, le  courage  grand  en  toutes  chofesrmais  fur  tout  en  adueriité:  conlianten  fon  Hooper. 
opinion,  fobre  en  fon  manger,  Ôiplus  en  fon  parler,vfant  proprement  du  temps. De  re- 
ceuoir  benienement  toutes  perfonnes,&  leur  aiïifter  du  moyen  que  Dieu  luy  donnoif. 
il  le  faiioit  humainement.  Il  auoit  en  fon  vifage  &:  commun  parler, vne  granité  honne-  GTmit£  mo 
fte,quelque  peu  moins  familière  &c  pnuee  que  plusieurs  euiTentdefiré:  de  forte  que  ce-  daec. 
ftc  grauité  ofFenfa  quelque  fois  aucûs  de  la  ville.En  quoy  ceux  queChrift  appelé  au  mi- 
nifteredefaparolle,doyuentprédregarde  dereiglernon  feulement  leur  vie.mais  auffi  AduemiTe, 
leur  vifage  &c  cotenance  exterieure-.de  peur  que  ne  voulâs  eftre  veus  trop  faciles  ,ils  tô-  Maiftî«. 
bentanvice  côtraire,c'eft  d'auoir  pl9  de  grauité&feuerité  qu'il  n'appartiét  pour  le ferui 
ce  de  rEglife,8d'edificatiô  du  peuple  du^  Vils  ont  charge.Toutefois  on  peut  prefupoier 

Ec. 


au  refte,  il  eftoit  d'vne  complexion  afTcz  forte,  la  famé  bonne,i'efprit  vif  au  ^n^îf" 


Liurc^IIlI.  Jean  Hooper. 

qu'il  auoit  quelque  particulière  occafion  qui  le  mouuoit  à  cela. 

Ayant  ainfi  continué  fes  fermons  deuant  le  peuple ,  auec  grand  auancement  & 
Hooper  c-  profit ,  il  fut  appelé  pour  prefeher  deuant  le  Roy  :& fut  fait  Euefquc  premièrement  de 
jei'oucde   Gloccfti  e,puis  après  de  Vvigorne  .mais  mal  heur  vint  s'oppofer  à  l'heur  &  félicité  de 
puis  de  wi-  ce  iainct  pcrlonnagc,  en  cérémonies  &:  manière  de  faire  iur  la  réception  des  Euefqucs, 
gorne.      touchant  leurs  habits  &:accouftremés,&:  (èmblables  choies  plus  ambitieufesqu'vtiles 
qui  reftoyét  encore  en  Angleterre:comme  la  tunique  Epifcopale,  &c  vn  fin  roquet  paf- 
fant  outre  par  deflîis  les  deux  efpaules,puis  le  bonnet  rond,  fignifiant  par  fa  quadratu- 
re les  quatre  parties  du  mondc.Or  ceft  Euefque,  comme  il  auoit  toufiours  mefprifé  ces 
beaux  myfteres  en  la  perfonne  des  autres,  comme  feruans  plus  de  fnperftition  que  d'é- 
dification, auflî  ne  fe  pouuoit-il  difpenferd'en  vouloir  vfer.  Au  moyen  dequoy  il  s'adref- 
faau  Roy,lefupplianttreshumblemét  quefon  plaifirfuft,ou  deluy  ofterlcftat,ou  bien 
qu'il  luy  fuit  loifible  de  le  tenir  fans  s'obliger  &  infecter  de  telles  cérémonies .  ce  que  le 
bon  Roy  luy  accorda  aulfi  libéralement  comme  il  auoit  efté  requis.  Les  autres  EueL 
Eftrif  entre  ques  fe  formalizerent  au  contraire  pour  leurs  mafques&  cérémonies,  &:  remonftreréc 
d^rScKr5  c\uc^c^°^c^c^oyn  cftoitpas  de  fi  grande  importance ,  qu'on  en  deuft  faire  tant  de 
«furies confeience  :  que  le  vice  n'eltoit  pas  aux  chofes,  ains  en  l'abus  d'icclles:  &  que  de  tant  e- 
remonics.   ftriuer  en  chofes  indifférentes,  n'eltoit  ne  conuenable  ne  propre  :  &c  qu  on  deuoit  pluf- 
toft  reprimer  l'audace  &infolence  de  ceft  Euefque  nbuueau.  Finalement  fut  tant  pro- 
cédé, que  cependant  que  les  vns&  les  autres  taîchoyent  défaire  leurcaufe  bonne, les 
Eglifes  reformées  à  l'Euangile,  receurent  grande  playe,  au  grâd  plaifir  des  aduerfaires. 
Et  en  fut  l'iflue  telle, que  les  Euefqucs  gaignans  leur  caufe,  Hooper  fut  contraint  de  ve- 
niriufques  là, que  pour  le  moins  n  fe  monftreroit  vnefoisau  peuple  en  fon  prefche  e- 
ftat  affublé  &:  reueftu  à  la  manière  des  autres  Euefques  :  &  qu'autrement  on  auoit  con- 
fpiré  fa  mort  nonobftant  le  vouloir  du  Roy ,  dont  le  duc  de  SufFolc  en  aduertit  Hooper. 
Acquieflànt  donc  vne  fois  de  iouer  fon  perfonnage,il  vint  auec  cefte  parure.  Le  verte- 
ment premier  eftort  vnechafuble longue  iufques  aux  talons ,  frangée  en  replieure,&: 
rouge  :  par  deflbus  il  auoit  vn  furpelis  de  fine  toile:  vn  bonnet  quarre,  bien  que  la  façon 
de  la  tefte  foit  rôde.Chacun  peut  affezpenfer  combien  il  fe  trouua  lors  honteux  en  tel- 
le nouueauté  d'accouftremens ,  endurant  cela  pour  le  refped  qu'il  auoit  de  l'vtilité  pu- 
blique, le  tairay  le  nom  des  aduerfaires,  par  ce  qu  eftans  depuis  faits  amis  ont  efté  cux- 
mefmes  exécutez  du  mefme  martyre,&  pour  la  mefme  caufe  que  luy  :  &fufnra  quepar 
fat  îïrLt  cc  rec*c  ^e  Lecteur  foit  aduerty  combien  la  croix &perfecution  eft  neceffaire  en  l'Eglife 
des  différés  de  Iefus  Chrift.Car  comme  nous  voyons  mefmes  es  Republiques,  que  bien  fouuentv- 
Icclciîifti-  ne  gUerre  s'engendre  d'vne  paix  trop  granderainfî  la  trop  grande  tranquillité  &  aife  des 
gens  Ecclefiaftiques  caufe  maintesfois  des  dirferens  £  contentions  bien  grandes  en 
l'Eglife. 

Davantage,  il  eft  befoin  pour  le  bien  &:  profit  de  l'Eglife  de  Iefus  Chrift,  que 
tels  exem  pies  de  faincts  peribhnages  viennent  quelque  fois  en  lumière.  Car  fi  le  diffé- 
rent de  Paul  &:  Barnabas,  fi  le  renoncement  de  fainct  Pierre,  fi  l'adultère  de  Dauid  ho- 
micide, ainfi  que  tefmoigne  rEfcriture,nous  eft  matière  de  grand  aduertiflèment&S 
confolation  :  auflî  l'erreur  &:  faute  que  pourroyent  auoir  fait  ces  Martyrs,feruira  àla  po- 
fterité,pour  monftrer  qu'on  ne  doit  defefpcrer  de  la  grâce  &mifericordedeDieu  en 
noftre infirmité,  puis  que  nous  la  voyons  mefmes  és  fain&s  Prophètes,  Apoftrcs  &C 
Martyrs?  Ainfidonques  ce  Martyr  eftant  efprouué  par  tant  d'orages  &:  tempeftes,  fe 
retira  en  fes  Eglifes  :&  refida  l'efpace  de  deux  ans  &  plus ,  fans  aucun  empefehement, 
Hooper^  n'oubliant  rien  qui  fer uift  à  l'inftrudion  du  peuple.  Il  ne  fut  moins  louable  en  la  mai- 
ûfarruie"  *on  &  inftitution  de  fa  famille  :  tellement  que  bienquelaplufpart  du  temps  il  s'ercu 
ployaft  après  fon  troupeau  :toutcsfois  il  referuoit  quelques  heures  pourl'edification 
de  fes  enfans*,  &£  retormation  de  fes  domeftiques  .  fi  qu'on  ne  fauroit  dire  s'il  fe 
monftra  auec  plus  d'honneur  pere  en  fa  maifon  ,  que  vray  pafteur  en  public  ÔCcn 
l'Eglife,  vfant  en  tous  les  deux  endroits  de  mefme  religion  ,  mefme  difeipline,  mefme 
faincteté  &  honnefteté. 

Qv^e  lqjh  s  gens  de  bien  cqmfienr,qu'eftans  en  la  maifon  en  la  fale  prochaine  de 
la  chambre  où  il  mâgeoit,  ils  ont  veu  vne  table  bien  grande  toute  garnie  de  poures  gés: 
&  qu'eux  demandans  aux  feruiteurs  que  c'eftoit,  refpondirent  qu'ils  aùoyent  lcans 

couftu- 


JeanhTooper,  300 

couftume d'amener &receuoir ordinairement  certain  nombre  de  poures, qu'ils  pre- 
noyent  tant  es  maifons  qu'en  la  rue,&:  que  l'Euefquc'  difnoit  après  eux.  Hpoper  en  vfa 
ainfi  l'efpace  de  deux  ans  &  quelque  peu  dauantage,  tant  que  viuant  le  roy  Edouard,  V- 
eftat  de  la  religion  demeura  en  ion  entier.  Apres  la  mort  d'Edouard ,  Marie  Ce  rua  ou- 
trageusement fur  la  Religion ,  &?fur  les  vrais  (bruiteurs  de  Dieurdcfquels  le  premier  fut 
Hooper>auquel  elle  fît  bailler  afllgnation  pour  le  trouuer  à  certain  iour  à  la  cour  de  Lô- 
dres .  &C  ce  poupdeux  raifons:Premierement  pour  refpondre  à  l'euefque  Hetee,duqucl 
reuefché  auoit  efté  baillé  à  Hooper,  à  caufe  que  Hetee  perfiftoit  encore  en  fonPapif- 
me.  Secondement ,  pour  refpondre  auflî  à  Boncr  euefque  de  Londres ,  duquel  il  auoit: 
efté  l'vn  des  aceufateurs,  lors  que  Boner  fut  conueincu  &c  priué  de  l'euefché,  à  caufe  de 
la  do&rine  Papiftique ,  laquelle  il  auoit  publiée  deuant  le  peuple  à  la  Croix  de  S,  Paul. 
Hooper  auoit  preueu  tout  ce  qui  deuoit  aduenir ,  quand  aduercy  par  fes  amis  de  fe  {au- 
uer  pendant  qu'il  en  auoit  le  moyen,  dit  franchement  qu'il  n'en  feroit  rien .  qu'il  laupic 
fait  vne  fois ,  &  qu'il  s'eftoit  en  cclamonftréinconftant&  coulpable.  maintenant  qu'il 
y  eftoit retombé, il  eftoitrefolu  de viure&  mourir  auecfon  troupeau.  Hooper  s'eftanc 
doncquesreprefenté  auiourprefîx  àLondres,  qui  fut  le  premier  iourde  Septembre, 
m  .  d  .  l  .1 1 1  .auant  que  refpondre  à  Hetee  &:  à  Boner,fut  mis  en  procez  deuat  la  Roine  &C 
fon  confeil,  touchant  quelques  contes  &  argent  prefté ,  pour  raifon  duquel  on  preten- 
doit  qu'il  fuft  obligé.  Et  eftant  venu  en  iugement,  l'euefque  de  Vvinceftre  cômença  de 
le  receuoir  auec  parolles  iniurieufes.  L'iflue  fut  qu'on  luy  cÔmanda  d'aller  en  prifon  :  1% 
aduertiflànt  fur  le  chemin  que  ce  n  eftoit  point  pour  caufe  delà  Religion  qu'on  le  me- 
noit  là,ains  de  certain  conte  d  argét,duquel  il  eftoit  tenu  à  la  Roine.  11  fera  monftré  cy 
après  comme  fauiTement  on  luy  impofa  cefte  dette. 

L'ann  e  e  fuyuante,  le  19.  iourde  Mars  fut  appelé  derechef  par  le  commandement 
de  l'euefque  de  Vvinceftre  &:  certains  autres  Commiflaires  députez  de  par  la  Roine: 
mais  ne  pouuat  défendre  fa  caufe  par  l'importunitc  dudit  Euefque  &  la  crierie  de  ceux 
qui  preûdoycnt  au  iugement,  fut  demis  defonEuefché,  Et  pour  monftrer  comment  Hoopcrde. 
&pourquoycela  fe  ht ,  i'adioufteray  icy  les  lettres  d'vn  perfonnage  qui  eJftoit  prêtent 
lors  que  cela  fe  faifoir. 

Atteftation  de  la  procédure  tenue  contre  lean  Hooper  euefque  de  Vvigorne,  en  laquelle  il  fut  fpolié  defon  Euef- 
ché  en  la  raaifon  d'Efttenne  Garduier  euefque  de  Vvinceftre,  le  ij.de  Mars,  M.  D.  LIHI.auant  Pafqucs. 

V  R  T  A  N  T  que  i'enten  que  le  bruit  du  procez  de  M.  Iean  Hooper,  &  iugé  &C 
§yj§g|expedié  par  le  Chancelier  Gardinei  &  autres  députez  pour  ce  fai& ,  cft  contraire 
à  verité:&:  que,peut  eftf  e,  il  a  efté  femé  par  quelques  vns  qui  prenoyent  plaifir  à  defgui- 
fer  les  chofes,  îc  qui  cftoye  prefent  lors  que  lefaidî  fe  demenoit ,  ay  penfé  mon  deuoir  e- 
ftre  de  defcouurir  limplement  &c  fidèlement  ce  qui  en  eft,  comme  pour  faire  entendre 
à  tout  le  monde  l'iniquité  du  iugement  &C  areft  donné  par  les  luges  déléguez  par  la  Roi 
ne  contre  Hooper:  lequel  s'eft  neantmoins  porté  enuers  eux  le  plus  humblement  &C 
modeftemet  qu'ileft  poffible,ne  leur  demandant  iamais  autre  chofe ,  finô  qu'il  fuft  ouy 
en  fes  iuftifications  :  tellement  que  plufieurs  qui  auparauant  vacilloyent  entre  les  deux 
religions ,  ne  fachans  laquelle  prendre ,  fe  font  ce  iour-la  fentis  comme  refolus ,  voyans 
d'vne  part  la  cruauté  de  laquelle  ces  gens  vfoyent  contre  ce  perfonnage  :  &:  au  côtraire 
fa  douceur  &C  modeftie  enuers  eux.Et  combien  qu'on  ne  puuTe  réciter  icy  tous  les  mots 
defqucls  vn  chacun  d'eux  vfoit,ce  qui  euft  efté  bien  difficile  de  recueilli  r  en  fi  grand  de- 
fordre  ;  toutesfois  quant  à  l'ordre  &  fommaire  des  matières  principales ,  commeil n'y  a 
ooint  autre  tefmoignage  que  de  la  propre  confeience ,  ainii  ne  faut-il  douter  d'appelé* 
a  tefmoins  tous  ceux  qui  alïifterent  à  la  procédure ,  fachans  qu'ils  diront  comme  r c  n&, 
pourueu  que  lai/Tans  à  part  toutes  affections,  ils  vueillent  depofer  félon  ce  qui  en  1  ix . 

LES  EueJqucs  de  Vvinceftre,  de  Dunclmc,  de  Londrci,  de  Landaue,dc  Ciceftre,  luges  députez  pour  faire  le  procez 
à  Iean  Hooper. 

|S  T  A  N  T  Hooper  appelé  pour  venir  deuant  ces  Iuges^ut  premièrement  inter- 

 rogué  s'il  eftoit  marié.  Refpondit  qu'ouy  :  &  que  rien  ne  pouuoit  rompre  ce  ma- 

riage  que  la  feule  mort.  Lors  l'euefque  de  Duaelme  dit ,  Encore  qu'il  n'y  euft  autre 
chofe>c'cft  bien  aflez  pour  vous  rendre  incapable  de  l'euefché  que  vous  tenez.  Cefte 
caufe  ,  rcfpondic  Hooper,  neft  pas  aflez  vallablc  se  fuffifante,  £  ce  n'eft  que vçu* 

Ee.ii. 


Liurcj  II  IL  fa"  Kooper. 

vueillicz  deroguer  aux  loix  &:  au  droift  reccu  publiquemét  en  ce  royaume.  Il  n'eut  pas 
fi  roft  dit  cela,  q  les  Iuges,&:  ceux  qui  eftoyent  à  l'entourée  mirent  à  crier,  &  à  l'iniurier 
&  fe  moquer  de  luy.L  euefque  de  Ciceftre  l 'appeloit  Hypocrite: Bekenfal,  &  vn  certain 
Smyth  feruiteurdeceuxduConfeiI,rappeloyent  Beft«.  Bref  tous  leietterent  fur  luy 
aucc  iniures  &:  opprobres:&  après  auoir  fait  le  pis  qu'ils  peurenc  ,1e  Chancelier  finale- 
ment vint  à  dire,  Si  eft-ce  qu'il  eft  fort  facile  à  vn  chacun  de  viure  chaftemenr,  s'il  veut. 

MauLyui  &amenacepaflagedelTuâgile>oùilcftparlé  de  ceux  qui  fe  font  chaftrez  pour  le  roy- 
aume des  deux.  Auquel  Hooper  refpondit,  que  parce  paffage  il  ne  fe  prouuoit  pas  qu'- 
il rut  en  la  puilfance  d'vnchacun  de  viure  chaftement ,  encore  qu'il  le  vouluft:ains  feu- 
lement de  ceux  aufquels  il  eftoit  donné.  &  prenant  le  texte  vn  peu  de  plus  haut,  &:  l'ac- 
commodant à  ce  qu  i  fuyuoic,fe  print  à  le  reciter  :  mais  les  crieries  &:  moqueries  venans 
derechef  en  ieu,  le  priuoyent  de  parler,  &d'eftrc  ouy&  entendu.  Hooper  remonftra 
comme  mefmes  par  les  Décrets  anciens  le  mariage  n'eftoit  point  interdit  aux  preftres: 
&  quant  &  quant  allégua  le  pafTage.  Mais  le  Chancelier  allégua  quelques  autres  canôs 
pris  des  Clementines&:  Extrauagantes,pour  prouucr  le  contraire.  Hooper  infifta ,  di- 
fant que  ce  qu'il  auoit  allégué  n'eftoit  point  en  ces  liurcs-Ja.  Le  Chancelier  seferiant, 
Si  n'aurez  vous,dit-il,aucun  autre  liure,que  vous  ne  foyezpaiTé  par  ceftuy-cy.  Puis  fou- 
dain  on  fe  mit  à  crier  &  faire  tel  bruit,  que  tout  s'en  ail  oit  pefle  mefle  làns  fauoir  q  c'eft 
Leiuge    4U ^s  voul°yéc  dire.Ccla  fait,le  iuge  Morgan,apres  luy  auoir  dit  tout  le  mal  qu'il  peuft, 

Morgan,  commença  à  difeourir  par  le  menu  tout  ce  que  Hooper  auoit  fait  au  diocefe  de  Gloce- 
ftre ,  en  puni/Tant  ceux  qui  auoy  ent  forfait  :  difant  que  iamais  tyran  ne  fe  monftra  plus 

LeconcUc  Cruel  qu'il  auoit  fait  en  ce  pays-la.  Puis  l'euefque  de  Ciceftre  luy  obie&a  le  Concile  An- 

Ancyrao.  Cyran(laifeurant  çftrcplus  ancien  que  celuy  dé  Nicee)par  lequel  le  mariage  eftoit  dé- 
fendu aux  preftres. 

L  e  Chancelier  &c  plufieurs  autres  aucc  luy  criais  contre  Hooper,  difoyent  qu'il  n  a- 
uoit  iamais  leu  aucun  Concile.I'en  ay  leu,dic  Hooper  :  &  monfieur  de  Ciceftre  mefmc, 
s'il  veut  dire  la  vérité,  fait  bien  comme  en  ce  grand  Concile  de  Nicce  il  en  fut  autre- 
ment ordonné  par  l'aduis  d'vn  certain  Paphnuce,  fauoir  eft  qu'aucun  preftre  eftat  ma- 
rié n'euft  à  fe  diftraire  &  retirer  de  la  compagnie  de  fa  femme.  Finalement  après  pla- 
ceurs crieries,  l'euefque  de  Dunelmc  luy  demada  s'il  ne  croyoitpas  que  le  propre  corps 
de  Iefus  Chrift  fuft  au  Sacrement.Hooper  dit  qu'il  n'eftime  point  que  lefus  Chrift  y  foie 
corporellement  comme  ils  entendent.Ceft  Euefque  tira  quelque  liure,faifantfemblâc 
de  Vouloir  lire  quelque  chofe  dedans  pour  la  confirmation  de  fon  proposé  ne  peut-on 
fauoir  quel  ïiure  c 'eftoit.  Le  Chancelier  demanda  de  quelle  authontéilnioitii  opiniâ- 
trement la  prefenec  corporelle  de  Iefus  Chrift  au  Sacrement  :  réfppndit,  De  l'authori- 
Aft.3,11.  ^  &:  fondement  de  la  parolle  de  Dieu.  &  amenaquant  &:  quat  le  paiîage  de  l'Efctiture, 
où  il  eft  dit  comme  il  faut  qu'il  refide  là  haut  au  ciel  iufques  au  tem  ps  de  la  reftaura  tien 
de  tous.  L'autre  palTa  outre, difant  que  cela  ne  faifoit  à  proposé  que  rie  n'empefehoit 
qu'il  ne  peuft  en  vn  mefme  temps  eftre& là  haut  au  ciel,&  au  Sacrement.  Celafait,on 
commanda  aux  Notaires  &  Copiftes  de  rédiger  par  eferit  premieremét  comme  Hoo- 
per eftoit  marié,  &:  qu'il  nepouuoit  eftreperfuadé  delai/Ter  fa  femme  :  fecondement, 
comme  il  nioit  que  la  prefence  corporelle  de  Iefus  Chrift  fuft  au  Sacrement,&c. 

I'at  iufques  icy  recité  amplement  le  faid  tel  qu'il  a  cfté,  félon  qu'il  s'eftprefenté  à 
la  mémoire:  hors  mis  que  i'aypaile  beaucoup  d'iniures  &f  au/Tes  aceufations  de  queL 
ques-vns. 

E»S  C  JL I T  de  Ican  Hooper ,  touchant  le  traitement  oui  luy  fut  fait  en  prifon ,  &  l'accufation 
qu'on  luy  mettoit-lus. 

§T5|)|  A  R  ce  que  viuant  Edouard,&  fes  loix  eftans  en  vigueur ,  ils  n'ont  iamais  peu  mç 
JyigQmoleftcr  touchant  le  faid  de  la  Religion,  ils  ont  inuenté  depuis  vn  autre  moyen: 
car  il  m'ont  aceufé  d'auoir  receu  quelque  argent,  &  m'ont  condamné  à  tenir  prifon  tât 
qu'ils  cuiTcnt  le  moyen  de  mettre-fus  leurs  eglifes,  &c  faire  tout  ce  que  bon  leur  femble- 
roit.  Premièrement  donc  partant  deRychmonde,&  arriué  queiefuà  Londres  ,on 
me  mit  en  prifon  :  moins  toutesfois  eftroite ,  &  auec  plus  de  liberté  qu'on  ne  fait  à  tous 
Babyngton  ordinairement:  à  caufedequoy  me  fallut  bailler  au  Geôlier  quinze  efeus ,  lixioursa- 
gcoiicr,  pres  monemprifonnemenr.  Le  Geôlier  ayant  receu  ceftargent,  ne  demeura  gueres 
qu'il  ne  s'en  allaft  vers  le  Chancelier  luy  faire  quelques  plaintes  de  moy:  tellement  que 

parle 


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