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Full text of "Histoire de Touraine, depuis la conquête des Gaules par les Romains, jusqù'a l'année 1790; suivie du dictionnaire biographique de tous les hommes célebres nés dans cette province"

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HISTOIRE 

DE  TOURAINE. 


TOME  III. 
DÏÏBeSSS   LÎBRAÎRE 


y        (T         IMPRiMERlE  DE  H.  POURNIER,         i 


RUE    liK    SElWt,    M"     14. 


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HISTOIRE 


DE 


TOURAINE, 


DEPUIS     LA     CONQUÊTE     DES     GAULES     PAR     LES      ROMAINS, 


jusqu'à  l'année   1790 


DU  DICTIONNAIRE  BIOGRAPHIQUE 

BE   TOUS   L£S  HOMMES    CÉlÈBRES    WÉS    DAWS    CETTE  PROVINCE. 

Par  J.-L.  CHALMEL. 


TOME  m. 


^Q-HOmitm 


PARIS, 

CHKZ  H.  FOURNIER  Je,  LIBRAIRE,  RUE   DE  SEIiNE,   N*»  14. 

A  TOURS, 

CHEZ  A.  MAME,  IMPRIMEUR-LIBKAIRE; 
KT  CHEZ  MOIST,  UBRAïHE. 

Jincnnxxvin. 

WîA^SSE   LIBRAIRE 

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HISTOIRE 

DE  TOURAINE. 

SECONDE  PARTIE 

CONTENANT 

LES    ANTIQUITÉS    DES    VILLES,    TERRES    ET    LIEUX    TITRES 
DE    LA    PROVINCE,     PAR    ORDRE    ALPHABETIQUE. 


AMBOISE,    BARONNIE. 

La  ville  d'Amboise  est  située  à  six  lieues  au  levant 
de  celle  de  Tours,  au  pied  d'un  coteau  baigné  par  la 
Ijoire.  Son  château ,  qui  a  été  long-temps  le  séjour 
de  plusieurs  de  nos  rois ,  est  sans  contredit  le  plus 
ancien  de  ceux  de  la  province.  On  y  voyait  encore  du 
temps  de  saint  Martin  des  traces  de  son  antiquité. 
Sulpicc-Sévère  rapporte  qu'il  y  avait  alors  un  temple 
magnifique  où  se  trouvait  une  idole  qui  maintenait 
les  liabitans  dans  leurs  anciennes  superstitions.  Ceux- 
ci  s'étant  opposés  à  ce  que  Marcellus ,  curé  d'Amboise, 
la  fît  abattre ,  saint  Martin  fut  obligé  d'aller  lui-même 
sur  les  lic^ix  pour  la  détruire.  Cependant  l'existence 
3.  I 


1  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

(le  ce  temple  ne  serait  pas  la  preuve  qu'il  y  eût  alors 
un  château.  Ceux  qui  ont  parlé  de  son  antiquité  se 
sont  principalement  appuyés  sur  le  traité  qui  a  pour 
titre  :  «  de  Compositione  castri  Ambasiœ ,  etc. ,  » 
par  le  moine  Jean ,  dit  l'anonyme  de  Marmoutier  ; 
mais  cet  ouvrage ,  rempli  de  fables  et  d'anaclironismes, 
ne  peut  mériter  aucune  confiance.  Les  faits  y  sont 
presque  toujours  ou  inventés,  ou  altérés  par  l'igno- 
rance ou  la  crédulité.  Selon  cet  auteur,  dont  le  récit 
a  prévalu  jusqu'à  certain  point ,  ce  château  devrait  sa 
première  fondation  à  Jules  César,  qui,  après  avoir 
pris  Bourges,  serait  venu  camper  à  dix  lieues  d'Am- 
boise,  pour  de  là  se  porter  sur  la  ville  de  Tours.  Ces 
détails  à  la  rigueur  pourraient  être  vrais;  mais  ils  ne 
sont  appuyés  de  l'autorité  d'aucun  autre  écrivain, 
aucun  auteur  avant  Sulpice-Sévère  n'ayant  parlé  de 
la  ville  d'Amboise ,  dont  César  à  coup  sûr  n'eût  pas 
manqué  de  faire  mention  dans  ses  Commentaires.  A 
1^  vérité  on  y  voit  qu'il  laissa  deux  légions  en  Tou- 
raine  •  mais  il  est  probable  que  ces  treize  mille  hommes 
furent  répartis  sur  différens  points  de  la  province, 
puisque  leur  séjour  n'avait  d'autre  but  que  de  tenir 
le  pays  en  respect. 

Malgré  toutes  ces  incertitudes  on  ne  peut  se  refu- 
sai' à  croire  qu'il  existait  un  fort  ou  une  espèce  de 
camp  retranché  pour  la  sûreté  de  quelques  cohortes, 
que  César  aura  dû  placer  sur  les  hauteurs  d'Amboise. 
Ce  n'est  pourtant  que  par  la  tradition  qu'on  a  pu 
avancer  que  ce  fort ,  détruit  par  les  Ba-caudes ,  fut 
reconstruit  vers  l'an  35o  par  Anicien,  que  nous  savons 


AMBOISE.  3 

avoir  été  en  ce  temps  comte  ou  gouverneur  pour  les 
Romains  du  pays  des  Turones.  Effectivement  cette 
éminence  avait  conservé  depuis  le  nom  de  Motte- 
Anicien  ;  mais  on  doit  ranger  au  nombre  des  fables  la 
donation  qu'une  prétendue  Lupa  aurait  faite  à  Clovis 
du  domaine  d'Amboise,  et  cela  parce  qu'il  y  avait, 
dit-on,  une  porte  appelée  la  Porte  de  Louve.  Ainsi, 
tout  en  convenant  de  l'antiquité  du  fort  Anicien,  on 
peut  assurer  sans  crainte  que  nous  ne  savons  rien  de 
positif  sur  l'origine  du  château  d'Amboise ,  qui  ne  s'est 
agrandi  que  successivement. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  certain,  c'est  que,  vers  l'an  54o, 
saint  Baud ,  sixième  évêque  de  Tours  et  grand  réfé- 
rendaire du  roi  Clotaire  I",  était  seigneur  du  château 
qui  existait  alors  :  son  fils  eut  des  enfâns  qui  conti- 
nuèrent sa  postérité.  Adalard,  archevêque  de  Tours, 
et  Raymond  son  frère,  évêque  d'Angers,  le  possé- 
daient au  commencement  du  neuvième  siècle  ;  mais 
lorsqu'ils  étaient  encore  en  bas  âge,  Cliarles-le-Chauve 
leur  en  avait  oté  le  gouvernement  et  y  avait  mis  gar- 
nison. Ce  n'était  probablement  qu'un  acte  conserva- 
toire; car  le  roi  Eudes,  à  la  prière  de  ces  deux  pré- 
lats, le  rendit  à  Ingelger  I",  qui  avait  épousé  leur 
nièce  Adelinde.  A  Ingelger  succéda  FouIques-le-Roux 
son  fils,  comte  d'Anjou,  père  de  Foulques-le-Bon,  et 
à  celui-ci  Geoffroy -Grisegonn elle.  Après  lui  vint 
Foulques -Nerra,  dont  le  fils  Geoffroy,  qui  n'avait 
^ft  point  d'enfans,  laissa  se^  états  à  Geoffroy-le-Barbu  et 
•  à  Foulques-Réchin  ses  neveux. 

Amboise  se  trouvait  partagé  entre  trois  seigneurs. 

I. 


4  HISTOIRE   DE  TOURA.INE. 

Le  comte  d'Anjou  possédait  le  principal  château,  avec 
cette  partie  de  la  vilk,  jusqu'à  l'Amasse,  qu'on  nom- 
mait autrefois  la  maison  consulaire.  Sulpice  d'Amboise 
avait  l'autre  moitié  qu'on  appela  depuis  La  Tour.  Elle 
s'étendait  jusqu'à  l'église  de  Saint-Denis,  excepté  un 
petit  canton  qui  formait  la  baronnie  de  la  Maison- 
Fort.  Le  domaine  dépendant  de  La  Tour, en  deçà  de 
l'Amasse,  avait  été  donné  à  Hémon,  premier  seigneur 
de  Buzançais,  par  Charles-le-Chauve.  Archambault 
de  Buzançais,  son  petit-fîls,  y  avait  élevé  une  tour  en 
bois  que  Sulpice  de  Buzançais,  trésorier  de  Saint- 
Martin  ,  fit  reconstruire  en  pierre.  C'est  ce  qu'on  ap- 
pelait la  Tour-Fondue.  Il  y  avait  une  autre  forteresse 
au-dessus  du  château,  au  lieu  nommé  autrefois  la 
Motte-Anicien,  puis  la  Motte-aux-Conins ,  ensuite  la 
Motte -Fourcroy.  Les  seigneurs  de  ces  trois  places, 
dans  la  même  enceinte,  se  firent  long-temps  la  guerre, 
jusqu'à  ce  que  ceux  de  la  Tour ,  ayant  détruit  la  Motte- 
Fourcroy,  se  rendissent  maîtres  de  l'ancien  château, 
et  donnassent  naissance  à  l'illustre  maison  d'Amboise, 
qui  réunit  les  trois  seigneuries  dans  un  seul  et  unique 
château. 

Lysois  ou  Lizoye ,  seigneur  de  Bazougers ,  sénéchal 
d'Anjou ,  est  celui  qu'on  reconnaît  pour  le  chef  de 
cette  famille.  Il  était  fils  de  Hugues ,  seigneur  de  La- 
vardin,  et  d'Adeline  de  Sainte- S usanne.  Son  nom, 
célèbre  parmi  tous  ceux  du  pays ,  fut  d'un  heureux 
présage  pour  la  grandeur  de  la  maison  d'Amboise, 
que  nos  anciens  poètes  français  ont  depuis  surnommée 
la  race  de  Mars»  Il  rendit  d'importaus  services  à 


ÂMfiOISË.  5 

Foulques-Ncrra,  qui  l'en  récompensa  par  la  seigneu- 
rie de  Cicogné,  et  lui  procura  l'alliance  d'Hersinde  ou 
Elindc  de  Buzançais,  qui  lui  apporta  en  dot  la  tour 
d'Amboise,  d'où  cette  famille  a  pris  son  nom,  ainsi 
que  les  seigneuries  de  Mouzay  et  de  Verneuil.  De  ce 
mariage  sortirent  quatre  garçons  et  trois  filles,  savoir: 
Sulpice,  seigneur  d'Amboise  ;  Lysois,  seigneur  de 
Verneuil;  Hugues  et  Albëric.  Les  filles  furent  Euphéf 
mie,  femme  de  Bouchard  de  Montrésor;  Sibylle, 
épouse  de  Thibault  des  Roches,  seigneur  de  Roche- 
Gorbon ,  et  Elisabeth  mariée  a  Fourcroy  de  Thorigny, 
seigneur  de  la  Motte-Fourcroy. 

Sulpice,  premier  du  nom,  se  rendit  maître  de  la 
Motte-Fourcroy,  fit  raser  cette  forteresse  jusqu'aux 
fondemens,  défendit  la  tour  d'Amboise  pendant  cinq 
semaines  contre  toules  les  forces  de  Foulques-Réchin, 
et  parvint  ainsi  h  lui  en  faire  lever  le  siège.  Il  fit 
depuis  sa  paix  avec  le  comte  à  condition  que  la  tour 
serait  mise  en  séquestre  ,  et  donna  son  fils  pour  otage. 
Il  épousa  Denise  de  Fougères,  qui  lui  apporta  de 
grands  biens  en  mariage,  avec  les  terres  de  Ghau- 
mont,  de  Saint-Gyr  et  la  Voirie  de  Ghâteauneuf  à 
Tours ,  qu'elle  avait  héritée  de  son  oncle  maternel , 
Geoffroy  de  Ghaumont,  fils  de  Gelduin  II,  seigneur 
de  Saumur.  Sulpice  mourut  au  château  de  Roche- 
Gorbon  le  i*'  juin  1080 ,  laissant  un  fils  et  deux  filles, 
dont  l'une,  nommée  Adenorde  ou  Honneur,  épousa 
le  seigneur  de  Limeray;  l'autre,  du  nom  de  Hermen- 
sande,  fut  mariée  à  Archand)aud  seigneur  de  Bray, 
aujourd'hui  Reignac. 


6  HISTOIRE    DE  TOURAINE. 

Hugues ,  premier  du  nom ,  fils  de  Sulpice ,  qui  avait 
été  donné  en  otage  au  comte  d'Anjou ,  ne  fut  mis  en 
liberté  qu'en  io85  à  la  sollicitation  de  Lysois  son 
oncle  paternel.  Mathieu  Paris  rapporte  qu'il  fut  fait 
prisonnier  par  les  Anglais  dans  un  combat ,  et  con- 
duit à  Bonneval  d'où  il  trouva  moyen  de  se  sauver 
en  corrompant  son  gardien  Guillaume  de  l'Espi- 
nay.  Il  se  croisa  en  1096  dans  l'église  de  Mar- 
moutier,  en  présence  du  pape  Urbain  II,  et  fît  le 
voyage  de  la  Terre- Sainte.  A  son  retour  Geoffroy- 
Martel,  fils  aîné  de  Foulques -Réchin,  lui  donna  sa 
sœur  utérine  en  mariage,  avec  promesse  de  lui  laisser 
le  château  d'Amboise  après  la  mort  du  comte  son 
père;  mais  Huguéis  n'attendit  pas  que  Foulques-Ré- 
chin  eût  cessé  de  vivre;  car  Geoffroy -Martel  étant 
mort  auparavant,  il  commença  par  s'en  rendre  maître 
dans  la  crainte  que  le  vieux  comte  ne  voulut  pas 
ratifier  la  promesse  de  son  fils.  Il  réunit  aussi  à  son 
domaine  le  château  de  Montrichard ,  que  les  comtes 
d'Anjou  avaient  usurpé  sur  Gelduin  de  Saumur  et  de 
Ghaumont,  son  bisaïeul  maternel.  Ce  fut  à  lui  qu'on 
dut  la  construction  d'un  pont  de  pierre  sur  la  Loire 
en  face  du  château  d'Amboise,  ainsi  que  celle  de 
l'église  de  Saint-Thomas ,  et  surtout  la  fondation  de 
treize  pauvres,  en  mémoire  des  treize  apôtres,  nour- 
ris pendant  tout  le  carême  aux  frais  des  seigneurs 
d'Amboise,  et  habillés  complètement  le  jour  de  Pâques, 
et  non ,  comme  quehjues-uns  l'ont  dit ,  le  jour  de  la 
Fête-Dieu,  qui  ne  fut  instituée  qu'en  1264  par  le 
pape  Urbain  IV,  Il  mourut  en   1128  au  retour  du 


AMBOISE.  7 

second  voyage  qu'il  avait  fait  à  la  Teire-Sainte  avec 
Foulqiies-le-Jcunc,  comte  d'Anjou,  depuis  roi  de  Jé- 
rusalem. D'Elisabeth,  fille  de  Guillaume  do  Jaligny 
et  d'Ermengarde  de  Bourbon,  il  laissa  trois  enfans  : 
1**  Sulpice,  son  successeur;  2*  Hugues,  qui  épousa 
Lisoye,  fille  unique  de  Geoffroi-le-Roux ,  seigneur  de 
Colombiers,  dont  il  n'eut  point  d'enfans;  3"  Denise, 
mariée  a  Oldin  de  Bourbon,  morts  aussi  sans  lignée. 
Sulpice  II,  seigneur  d'Amboise  et  de  Chaumont, 
naquit  en  iio5,  et  fut  souvent  heureux  dans  les 
guerres  fréquentes  qu'il  eut  avec  ses  voisins.  Il  défit 
Bouchard  de  Saint -Amand,  sénéchal  de  Vendôme  ? 
auprès  de  Cangy,  a  deux  lieues  d'Amboise,  et  le  fit 
prisonnier  avec  sept  chevaliers,  battit  Geoffroy-Gri- 
segonnelle,  comte  de  Vendôme,  et  le  fit  de  même 
prisonnier;  enfin  dans  une  autre  rencontre  auprès  de 
Ville-Chauve,  il  remporta  un  pareil  avantage  sur  Jean 
de  Vendôme,  fils  du  comle,  et  l'emmena  prisonnier 
dans  son  château  de  Chaumont.  Enflé  de  tant  de  suc- 
cès, il  osa  s'attaquer  à  Geoffroy- le -Bel,  comte  de 
Touraine,  son  seigneur,  et  enleva  des  bourgeois  de 
Châteauneuf ,  qui ,  suivant  la  coutume,  allaient  rendre 
hommage  à  leur  comte  au  nom  des  autres  habitans, 
afin  d'être  maintenus  dans  leurs  privilèges  pendant  la 
guerre.  Il  fit  cependant  la  paix  avec  lui  ;  mais  il  ne 
fut  pas  aussi  heureux  dans  la  guerre  qu'il  eut  à  sou- 
tenir contre  ïhibaut-le-Bon ,  comte  de  Blois,  guerre 
.dont  nous  avons  donné  les  détails  au  quatrième  livre 
de  notre  histoire  sur  l'année  1 1/(3.  Il  mourut  en  1 153, 
ayant  épousé  Agnès ,  fille  de  Hervé  de  Donzy,  seigneur 


8  HISTOIRE    DE  TOURAINE. 

de  Saint-Aignan.  De  ce  mariage  naquirent  deux  fils 
et  deux  filles ,  Hugues  et  Hervé ,  Denise  et  Elisabeth. 
Denise  épousa  Ebbon ,  seigneur  de  Déols  en  Berri , 
et  Elisabeth  André  T'  d' Aluye ,  seigneur  de  Châteaux 
et  de  Saint-Christophe  en  Touraine. 

Hugues  II,  seigneur  d'Amboise,  de  Chaumont  et 
deMontricliard,  avait  été  fait  priso«nier  ainsi  qu'Hervé 
son  frère  par  Thibaut  comte  de  Blois.  Tous  les  deux 
ne  furent  mis  en  liberté  qu'en  1 1 54  au  mois  de  sep- 
tembre par  le  traité  de  paix  fait  entre  ce  comte  et 
Henri  duc  de  Normandie,  depuis  roi  d'Angleterre, 
à  la  condition  que  le  château  de  Chaumont  serait 
démoli.  Quelque  temps  après  Thibaut  surprit  le  châ- 
teau d'Amboise.  Mais  en  décembre  i  iSy  il  fut  obligé 
de  le  rendre  au  roi  d'Angleterre,  qui  le  fit  fortifier  et 
y  mit  une  bonne  garnison.  Dans  le  même  temps 
Louis-le-Jeune  ayant  déclaré  la  guerre  à  ce  même  roi 
d'Angleterre  Henri  II,  les  trois  frères,  Henri  comte 
de  Champagne ,  Thibaut  comte  de  Blois ,  et  Etienne 
de  Sancerre,  beau-frère  du  roi  Louis,  s'emparèrent  de 
Chaumont,  et  y  bâtirent  une  nouvelle  forteresse  ;  mais 
Henri,  étant  promptement  accouru  avec  tout  ce  qu'il 
avait  de  troupes  en  Touraine,  l'emporta  d'assaut  et  le 
remit  entre  les  mains  de  Hugues  d'Amboise,  qui  ^  pour 
venger  la  mort  de  son  père ,  ne  cessa  de  faire  la  guerre 
au  comte  de  Blois  jusqu'à  la  paix,  qu'amena  enfin  le 
mariage  de  Sulpice ,  son  fils  aîné ,  avec  Isabelle ,  fille 
aînée  de  Thibaut.  Hugues  II  avait  épousé  Mahaud, 
fille  de  Jean  I"  de  Vendôme  et  de  Richilde  de  Lavar- 
din ,  dont  il  eut  :  i°  Sulpice;  2°  Jean  ;  3**  Guillaume, 


AMBOISE.  9 

chanoine  de  Chartres;  4"*  Isahelle,  comtesse  d'An- 
goulême  ;  5"  Agnès ,  femme  du  comte  d'Evreux  ; 
6°  Denise.  On  y  ajoute  une  Marguerite  mariée  à  Re- 
naud ,  seigneur  de  Berrie  dans  le  Loudunois. 

Sulpice  III ,  seigneur  d'Amboise ,  de  Chaumonl  et 
deMontrichard ,  fut  un  des  premiers  qui  quittèrent  le 
service  du  roi  d'Angleterre ,  comte  de  Touraine ,  pour 
suivre  le  parti  de  Philippe-Auguste.  En  i  ioi  il  se 
jeta  dans  Châteauneuf  par  ordre  du  roi ,  empêcha  par 
cette  démarche  les  courses  de  la  garnison  anglaise  qui 
tenait  le  château  de  Tours,  et  conserva  le  pays  sous 
l'obéissance  du  roi  de  France.  D'IsabeMe  de  Blois, 
comtesse  de  Chartres,  son  épouse,  il  eut  deux  enfans, 
Hugues,  mort  jeune,  et  Mathilde  qui  suit. 

Mathilde,  dame  d'Amboise,  de  Montrichard  et  de 
Chaumont,  comtesse  de  Chartres,  fut  mariée  deux 
fois.  La  première  à  Richard  ,  vicomte  de  Beaumont , 
et  la  seconde  à  Jean,  comte  de  Soissons;  mais  elle 
n'eut  point  d'enfans  de  ses  deux  maris ,  et  mourut  en 
1256,  laissant  sa  succession  paternelle  à  Jean  de 
Berrie,  son  cousin-germain. 

Jean  de  Berrie,  premier  du  nom, chevalier,  devint 
seigneur  d'Amboise,  de  Chaumont,  de  Montrichard, 
de  Lirtieray,  par  la  mort  de  Mathilde  d'Amboise. 
Nous  avons  dit  qu'une  Marguerite  d'Amboise  avait 
épousé  un  Jean  de  Berrie.  L'abbé  de  Marolles  prétend 
au  contraire  que  ce  fut  Jean  d'Amboise  qui  épousa 
Marguerite  de  Berrie.  D'après  lui  la  ligne  directe 
n'aurait  pas  été  interrompue.  Mais  comme  il  n'ap- 
porte point  de  preuves,  la  question  reste  au  moins 


lO  HISTOIRE  DE   TOUR  AINE. 

indécise.  Jean,  devenu  seigneur  d'x4mboise,  affran- 
chit les  habitans  de  Limeray  de  la  taille  et  de  quelques 
autres  droits  onéreux  moyennant  quarante  livres  de 
rente,  et  il  en  donna  ses  lettres  au  mois  de  décembre 
1 256.  Il  mourut  dans  son  château  de  Berrie  le  6  juillet 
j  274,  laissant  d'Agnès  sa  femme ,  entre  autres  enfans, 
Jean  qui  suit. 

Jean  de  Berrie ,  deuxième  du  nom ,  seigneur  d'Am- 
boise ,  de  Chaumont ,  de  Montrichard,  de  Bléré  et  de 
Berrie,  prit  en  1296  qualité  d'héritier  ah  intestat  à^i 
Sulpice  III  d'Amboise.  Il  eut  de  Jeanne  de  Charost 
son  épouse  trois  fils,  Pierre  P%  Hugues,  qui  a  fait  la 
tige  des  seigneurs  de  Chaumont,  et  Gilbert,  grand- 
archidiacre  de  Tours  en  i3o4-i3i2. 

Pierre  T',  seigneur  d'Amboise,  de  Montrichard  et 
de  Bléré,  prit  alliance  avec  Jeanne  dame  deChevreuse 
et  de  Maurepas ,  qui  était  veuve  en  i?>ii.  Il  en  eut 
cinq  fils  :  Jean ,  mort  au  berceau ,  auquel  on  donna 
ce  prénom  en  l'absence  du  père ,  qui  avait  prescrit 
qu'on  le  nommât  Ingelger,  en  mémoire  de  celui  qui 
avait  rapporté  d'Auxerre  les  reliques  de  Saint-Martin. 
Cette  faute  fut  réparée  à  la  naissance  du  second  fils, 
Ingelger  qui  suit;  3°  Anceau,  seigneur  de  Civray  et 
de  Bléré;  4"  Guy;  5°  César,  chanoine  et  chantre  de 
l'église  de  Tours ,  mort  le  4  mai  1 36 1 . 

Ingelger,  seigneur  d'Amboise,  de  Montrichard,  de 
Bléré,  de  Civi-ay,  de  Gamaches,  de  Berrie  et  de  Che- 
vreuse,  surnommé  le  Grand,  fut  fait  prisonnier  à  h 
bataille  de  Poitiers  en  1 356.  Depuis  ayant  été  déli- 
vré, il  fut  au   nombre  des  cautions  du  roi  Jean  en 


AMBOISE.  1*1 

i36o  pour  faire  rendre  TAngoumois  au  roi  d'Angle- 
terre. Les  frères  Sainte-Marthe  disent  qu'il  fut  marié 
deux  fois,  la  première  avec  Marie  de  Flandre,  dame 
de  Nesle,  de  Mondoubleau,  de  Ruremonde,  etc.,  et 
la  seconde  avec  Isabeau ,  fille  de  Louis  II ,  vicomte  de 
Thouars,  avec  laquelle  il  acheta  une  partie  de  la  terre 
de  la  Fertë-Bernard ,  de  Jean  comte  d'Anjou  et  du 
Maine,  vente  confirmée  par  Philippe  de  Valois,  qui, 
en  i344?  céda  à  Ingelgerle  reste  de  la  seigneurie.  De 
sa  première  femme  il  n'eut  que  deux  filles,  Jeanne, 
femme  de  Charles  de  Trie  comte  de  Dammartin ,  et 
Marguerite,  mariée  à  Pierre  de  Sainte-Maure.  De  la 
seconde  il  eut  Pierre  II  qui  suit ,  Ingelger,  seigneur 
de  Roche  -  Corbon ,  et- deux  filles.  Ingelger  épousa 
Jeanne,  fille  de  Pierre  de  Graon,  dont  il  eut  Louis 
d'Amboise,  que  l'on  verra  après  le  suivant. 

Pierre  II,  vicomte  de  Thouars,  comte  de  Bonon, 
seigneur  de  Mauléon ,  de  Renais,  du  Brandon,  de  Châ- 
teau-Gonthier,  d'Olonne,  de  Talmont ,  de  l'Ile-de- 
Rhé,  de  Rléré  et  de  Montrichard ,  servit  utilement 
Charles  VII  dans  les  guerres  que  ce  prince  eut  à  sou- 
tenir contre  les  Anglais.  Il  fonda  les  cordeliers  d'Am- 
boise et  mourut  en  i4i6.  Il  avait  épousé  en  premières 
noces  Jeanne,  fille  de  Jean  II,  vicomte  de  Rohan  , 
dont  il  n'eut  point  d'enfans ,  non  plus  que  de  sa  seconde 
femme  Isabeau,  fille  de  Bertrand  Goyon  de  Matignon 
et  de  Marie  de  Rochefort. 

Louis  d'Amboise,  unique  de  ce  nom,  fils  aîné  d'In- 
gelger  et  de  Jeanne  de  Graon ,  hérita  de  tous  les  biens 
de  Pierre  II,  son  oncle  paternel.  Nous  avons  parlé  au 


12  HISTOIRE   DE    TOURAINE. 

huitième  livre  fie  ses  intrigues ,  de  ses  complols  à  la 
cour  de  Charles  VII,  ainsi  que  de  la  peine  de  mort 
prononcée  contre  lui.  Ses  biens  furent  confisqués  par 
suite  de  cette  condamnation,  mais  ils  lui  furent  ren- 
dus quelque  temps  après  ,  à  l'exception  cependant  des 
villes  d'Amboise  et  de  Château-Gonthier,  qui  demeu- 
rèrent annexées  à  la  couronne  par  lettres  du  mois  de 
septembre  i434.  Louis  fut  ainsi  le  dernier  seigneur 
d'Amboise.  Il  fut  marié  deux  fois  :  la  première  à 
Jeanne ,  fille  de  Jean  III  sire  de  Rieux ,  et  la  seconde 
avec  Nicole,  fille  de  Jean  de  Chambre  et  de  Jeanne 
Chabot,  dont  il  n'eut  point  d'enfans ;  mais  la  pre- 
mière lui  donna  trois  filles  :  i"  Françoise,  mariée  le 
21  juillet  i43i  à  Pierre  duc  de  Bretagne;  2°  Jeanne, 
première  femme  de  Guillaume  d'Harcourt ,  comte  de 
Tancarville;  3**  Marguerite,  épouse  de  Louis,  fils  de 
ce  même  Georges  de  La  Trémouille  que  son  père , 
Louis  d'Amboise ,  avait  enlevé  à  Chinon  sous  les  yeux 
du  roi.  Elle  eut  en  dot  la  principauté  de  Taimont, 
avec  les  seigneuries  de  Berrie,  de  l'île  de  Rhé, 
d'Olonne,  de  Marennes,  etc.  Après  la  mort  de  son 
père  elle  recueillit  tout  l'héritage,  ses  deux  autres 
sœurs  n'ayant  point  laissé  d'enfans. 

Il  y  a  eu  trois  autres  branches  de  la  maison  d'Am- 
boise dont  il  n'entre  point  dans  notre  plan  de  faire 
mention.  Ce  sont  celles  de  Chaumont,  d'Ambijouxet 
de  Bussy,  toutes  les  trois  du  nom  d'Amboise.  Cette 
maison  portait  d'or  à  trois  pals  de  gueules. 

La  ville  d'Amboise,  peu  considérable  dans  son 
principe,  commença  a  prendre  quelque  accroissement 


AMBOISE.  l3 

SOUS  le  gouvernement  des  comtes  d'Anjou.  Les  sei- 
gneurs du  nom  d'Amboise  l'agrandirent  encore;  mais 
ce  fut  principalement  sous  les  règnes  de  Charles  VII , 
de  Louis  XI  et  de  Charles  VIII,  qu'elle  parvint  au 
degré  de  population  oii  elle  est  aujourd'hui.  Ce  der- 
nier roi,  qui  y  était  né  en  1470,  avait  intérieurement 
le  désir  d'y  établir  son  séjour.  Aussi,  voulant  rendre 
le  château  d'Amboise  le  plus  magnifique  de  ceux  qui 
existaient  alors,  il  avait  appelé  près  de  lui  les  meil- 
leurs artistes  de  l'Italie;  mais  sa  mort  prématurée  fit 
évanouir  ce  projet.  Il  n'y  eut  d'achevé  que  la  chapelle 
et  les  deux  tours  qui  s'élèvent  depuis  le  pied  du  roc 
jusqu'au  corps -de -logis  nommé  les  Sept -Vertus. 
Louis  XII,  son  successeur,  fit  faire  la  grande  galerie 
et  le  balcon  qui  regarde  du  côté  de  l'ancien  couvent 
des  Minimes.  On  dut  ensuite  à  François  P^  l'appar- 
tement du  roi  et  de  la  reine.  Enfin ,  la  superstitieuse 
Catherine  de  Médicis ,  veuve  de  Henri  II,  fît  construire 
à  côté  une  chambre  soutenue  par  quatre  piliers  de 
pierre,  et  qui  n'avait  qu'une  simple  ouverture  sans 
plancher ,  ce  qu'elle  fit  pour  éviter  la  prédiction  d'un 
astrologue  qui  l'avait  avertie  de  craindre  la  chute 
d'un  grand  édifice. 

L'institution  de  l'ordre  de  Saint-Michel  à  Amboise 
par  Louis  XI,  le  i^^  août  1469,  et  la  conjuration 
qui  y  éclata  en  1 56o ,  ont  trouvé  leur  place  dans  le 
cours  de  notre  histoire. 

Depuis  la  réunion  de  la  ville  d'Amboise  h  la  cou- 
ronne, le  château  eut  des  gouverneurs  particuliers 
qu'on  nomma  d'abord  cliâtclains,  et  ensuite  capi- 


l4  HISTOIRE    DE    TOTJRAINE. 

laines  ;  mais  leur  nomenclature  n'offre  pas  assez  d'in- 
térêt pour  trouver  place  ici.  Nous  dirons  seulement 
que  Gaston  de  France,  duc  d'Orléans,  frère  unique 
de  Louis  XIII,  ayant  eu  la  ville  et  le  château 
d'Amboise  en  augmentation  d'apanage ,  sur  la  fin  de 
l'année  1629,  il  y  mit  pour  gouverneur  le  marquis 
de  Puy-Laurens;  mais  Gaston  s'élant  brouillé  avec 
son  frère,  au  mois  de  février  i63i,  le  château  fut 
assiégé  le  3o  mars  par  ordre  du  roi,  pris,  et  remis 
le  5  avril  suivant  entre  les  mains  du  maréchal  de 
Chatillon,  qui  en  donna  le  commandement  au  sieur 
de  Saint-Règle. 

Le  gouvernement  d'Amboise  avait  aussi  un  lieu- 
tenant de  roi,  place  qui  fut  créée  le  1"  avril  1639 
en  faveur  de  Laurent  Le  Blanc  de  La  Vallière,  troi- 
sième du  nom,  et  dont  fut  également  pourvu  son 
fils,  Laurent  IV,  père  de  la  célèbre  duchesse  de 
La  Vallière. 

Amboise,  baronnie.,  avait  deux  chatellenies,  deux 
prévotés,  et  cent  quarante-six  fiefs  qui  en  relevaient. 
Son  bailli  de  robe-courte  a  subsisté  depuis  la  réunion 
de  la  ville  à  la  couronne  jusqu'en  i5i6  que  le  roi  y 
établit  un  bailli  de  robe-longue.  Nous  avons  déjà  dit 
comment  ce  bailliage  fut  supprimé  en  1764  lors  de 
l'érection  d'Amboise  en  duché-pairie.  On  y  comptait 
une  élection ,  un  grenier  à  sel ,  et  une  maîtrise  des 
eaux  et  forêts. 

La  ville,  à  l'exception  des  faubourgs, 'jouissait  de 
l'exemption  de  tailles,  en  vewti  de  lettres  patentes 
données  par  Loufis  XI  au  mois  d'octobre  1482.  Les 


AMBOISE.  l5 

fonctions  de  maire,  d'abord  électives  annuellement, 
avaient  subi  toutes  les  variations  qui  depuis  Tan- 
née 1692  avaient  dénaturé  le  régime  municipal. 

Le  collège  pour  l'instruction  de  la  jeunesse  y  fut 
fondé  par  Henri  III  en  1 678. 

Quant  au  spirituel,  il  se  composait  d'une  collé- 
giale, de  deux  paroisses,  indépendamment  de  la 
succursale  de  Notre-Dame,  à  Textrémité  nord  des 
ponts,  fondée  en  i358,  de  deux  chapelles,  d'un 
hôtel-Dieu  et  de  trois  monastères. 

La  collégiale  placée  dans  l'intérieur  du  château,  et 
dédiée  d'abord  à  Notre-Dame,  le  fut  ensuite  à  saint 
Florentin ,  après  que  le  corps  de  ce  saint  y  eut  été 
apporté  par  Foulques-Nerra.  Elle  était,  dans  le  prin- 
cipe, desservie  par  six  chanoines  et  un  chevecier, 
fondés  par  ce  même  comte  d'Anjou ,  et  par  Sulpice 
de  Buzançais,  seigneur  de  la  tomMl'Amboise.  Dans 
ces  derniers  temps  le  nombre  en  était  de  dix  a  la  col- 
lation du  roi,  ainsi  que  le  doyenné  institué  en  1390 
par  le  pape  Boniface  IX,  à  la  prière  d'Ingelger;  mais 
depuis  l'érection  d'Amboise  en  duché-pairie,  la  colla- 
lion  de  tous  les  bénéfices  avait  été  dévolue  au  titu- 
laire de  ce  duché,  qui  n'en  a  compté  que  deux,  le 
duc  de  Choiseul  et  le  duc  de  Penthièvre. 

L'église  paroissiale  de  Saint-Denis  fut  bâtie  par 
saint  Martin ,  oui  y  plaça  pour  euro  un  prêtre  nommé 
Marcellus.  C'e^  ce  que  nous  apprend  le  testament  de 
saint  Perpète,.qui  légua  à  cette  église  un  calice  d'ar- 
gent, et  une  croix  dariSs  tequelle  il  y  avait  des  reliques 


.^ 


l6  HISTOIRE    DE    TOURAIJNE. 

de  saint  Denis.  Il  en  dépendait  une  chapelle  dédiée 
à  saint  Simon. 

Le  duc  de  Choiseul  avait  donné  à  l'église  de  Saint- 
Denis  un  cimetière  dans  lequel  il  s'était  réservé  une 
place  particulière,  séparée  de  l'enceinte  commune.  Un 
monument  en  marbre  y  avait  d'avance  été  érigé  par  ses 
soins,  sans  beaucoup  de  faste,  sinon  dans  les  inscrip- 
tions. Ses  restes  y  avaient  été  déposés  ;  mais  à  cette 
époque,  où  l'asile  même  de  la  mort  n'était  pas  res- 
pecté, ce  tombeau  fut  détruit  ainsi  que  tant  d'autres 
beaucoup  plus  respectables.  Cependant,  en  1802,  ses 
débris  ayant  été  retrouvés ,  il  fut  rétabli  aux  frais  d'un 
habitant  d'Amboise,  le  sieur  Perrault,  reconnaissant 
des  bienfaits  de  l'ex-ministre ,  cause  première  de  sa 
fortune. 

La  chapelle  de  Saint-Florentin ,  dans  l'intérieur  de 
la  ville,  fut  érigée  en  paroisse  l'an  io44î  ^n  faveur 
seulement  des  nobles  et  de  leur  suite ,  et  en  outre  pour 
tous  les  étrangers  pendant  l'espace  d'une  année  à  l'é- 
gard de  ces  derniers. 

Cette  église  renferme  un  monument  assez  curieux, 
surtout  quand  on  en  connaît  l'allégorie.  Placé  d'abord 
dans  l'église  du  prieuré  de  Bon-Désir  près  le  château 
de  la  Bourdaisièrc,  construit  par  Francjois  1"  pour  la 
famille  Babou ,  il  en  fut  retiré  lors  de  la  suppression 
de  ce  prieuré  et  transféré  dans  la  collégiale  du  châ- 
teau d'Amboise,  d'où  il  est  passé  en  1 802  dans  l'église 
paroissiale  de  Saint -Florentin,  où  on  le  voit  encore 
aujourd'hui  dans  la  nef  en  face  de^k  porte. 


C'est  un 


AMBOISE.  l'y 

sarcophage  ouvert  par  le  devant ,  laissant  voir  le  Christ 
étendu  mort.  Sur  le  derrière  sont  sept  figures  debout, 
en  costume  oriental,  au  nombre  desquelles  sont  quatre 
femmes.  Elles  représentent  Nicodême  à  la  tête  du 
tombeau  ;  au  pied  Joseph  d'Arimathie  ;  à  gauche  on 
remarque  la  Vierge,  saint  Jean-Baptiste  et  une  des 
saintes  femmes.  A  la  gauche  de  saint  Jean  sont  les 
deux  autres  saintes  femmes,  en  tout  huit  figures,  y 
compris  celle  du  Christ.  Les  quatre  figures  de  femmes 
sont  les  portraits  fort  ressemblans  de  Marie  Gaudin, 
épouse  de  Philbert  Babou  de  La  Bourdaisière ,  et  de 
ses  trois  filles,  qui  furent  successivement  maîtresses 
de  François  1*'.  Celui-ci  à  sa  haute  stature  est  parfai- 
tement reconnaissable  dans  le  Joseph  d'Arimathie,  et 
le  Christ  est  le  portrait  non  moins  ressemblant  de 
Philbert  Babou,  pour  lequel  ce  tombeau  fut  exécuté. 
Il  est  en  terre  cuite  et  peinte,  ainsi  que  les  autres 
figures,  qui  sont  de  grandeur  un  peu  plus  que  natu- 
relle. Peut-être  dans  le  Nicodême  et  le  saint  Jean  a-t- 
on voulu  représenter  les  deux  fils  de  Babou ,  Jacques 
et  Philbert,  qui  furent  l'un  après  fautreévêques  d'An- 
goulême  et  doyens  de  Saint-Martin.  Il  esta  croire  que 
ce  monument  fut  l'ouvrage  de  quelques-uns  de  ces 
artistes  italiens  que  ramenèrent  avec  eux  Charles  VIII 
et  François  I",  et  qui  furent  les  meilleurs  fruits  de 
leurs  désastreuses  guerres  d'Italie. 

Auprès  de  ce  tombeau  est  une  autre  figure  prove- 
nant également  de  Bon -Désir,  et  qu'on  dit  être  celle 
d'Agnès,  épouse  de  Victor  Gaudin,  père  de  l'épouse 
de  Philbert  Babou.  D'autres  pensent,  ce  qui  est  plus 
3.  2 


ï8  '  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

probable ,  que  c'est  celle  de  la  dame  Babou  elle-même. 
Cette  figure  en  marbre  blanc  représente  une  femme 
nue  près  de  rendre  le  dernier  soupir;  elle  tient  de  la 
main  gauche  un  linceul,  qui,  se  repliant  sous  son 
cou ,  vient  en  passant  sous  le  coude  cacher  le  ventre 
et  une  partie  des  cuisses,  laissant  les  jambes  à  décou- 
vert. L'humidité  du  roc  où  dans  l'origine  ce  marbre 
était  placé  l'a  empreint  d'une  teinte  verdâtre  qu'il 
conserve  toujours,  mais  qu'on  pourrait  peut-être  faire 
disparaître. 

Il  y  avait  dans  cette  même  église  de  Bon-Désir,  au 
dessus  du  tabernacle,  une  Vierge  de  bronze  en  ronde- 
bosse  du  poids  de  sept  cents  Uvres,  ouvrage  précieux 
coulé  à  Florence.  Cette  Vierge  tient  l'Enfant  Jésus  et 
n'est  vue  qu'à  hauteur  de  ceinture.  Elle  est  portée  sur 
un  nuage  soutenu  par  des  têtes  de  chérubins.  Les 
bords  de  la  draperie  sont  dorés  :  mais  le  reste  de  la 
figure  conserve  la  couleur  du  métal.  Depuis  la  sup- 
pression de  Bon-Désir,  ce  monument  avait  été  placé 
au  haut  du  rond-point  de  l'église  de  Saint-Florentin, 
et  on  lisait  au  bas  cette  inscription  :  «  Henricus  II, 
«  religionis  christianœ  protector  piantissimus,  in  me- 
V  moriam  suse  devotœ  visitationis ,  hue  me  apportari 
«  curavit  anno  i555  die  22"  martis.  » 

L'Hôtel-Dieu  d'Amboise  est  peut-être  le  premier  en 
France  qui  ait  été  gouverné  par  des  sœurs  hospita- 
lières. Mathilde,  dame  d'Amboise,  par  ses  lettres  du 
12  juillet  1243,  leur  accorda  le  droit  d'usage  et  de 
chauffage  dans  sa  forêt,  ainsi  que  le  droit  de  pêche 
dans  la  Loire  et  l'Amasse,  avec  exemption  de  dîmes  et 


I 


AMBOISE.  19 

faculté  d'acquérir  toutes  sortes  d'héritages  dans  ses 
fîefs  sans  payer  aucuns  droits. 

Les  Cordeliers  furent  fondés  en  i4t2  par  Pierre 
d'Amboise,  deuxième  du  nom,  qui  leur  accorda  de 
même  le  droit  d'usage  et  de  chauffage  dans  sa  forêt. 
Plusieurs  seigneurs  de  la  même  famille  y  ont  eu  leur 
sépulture.  On  voyait  dans  le  choeur,  derrière  le  grand 
autel ,  le  tombeau  de  Charles  d'Amboise ,  seigneur  de 
Chaumont,  mort  à  Tours  le  22  février  i48i.  A  côté 
du  chœur,  dans  la  chapelle  de  Saint-Jean,  était  celui 
de  Charles  II  d'Amboise,  grand-maître,  maréchal  et 
amiral  de  France. 

Dans  la  chapelle  de  Notre-Dame-de-Pitié  était  le 
tombeau  de  Guillaume  Gouffier,  père  du  trop  célèbre 
amiral  Bonnivet.  Sa  base  en  pierre  était  couverte 
d'une  table  de  marbre  noir,  sur  laquelle  était  éten- 
due la  figure  en  marbre  blanc  d'un  chevalier  revêtu 
de  son  armure,  ayant  derrière  lui  son  casque  posé  sur 
un  carreau ,  et  à  ses  pieds  un  griffon  ailé.  On  y  lisait 
cette  épitaphe  : 

«  Cy  gist  feu  messire  Guillaume  Gouffier,  seigneur 
«  de  Boisy,  de  Bonnivet  et  d'Oyron,  premier  cham- 
«  bellan  du  roy  Charles  VII ,  et  depuis  gouverneur  du 
«fils  du  roy  Charles  YIII,  lequel  trespassa  en  cette 
«ville  d'Amboise  le  vingt- troisième  jour  de  may 
«  1495.  » 

A  la  tête  de  ce  tombeau  s'élevait  une  pyramide  de 
marbre  noir  posée  sur  une  base  de  pierre  et  couron- 
née d'un  cœur  de  bronze  doré.  Ce  monument  plus 
récent  avait  été  érigé  à  la  mémoire  de  Henri  de  Gouf- 

2. 


no  HISTOIRE  DE   TOURAINE. 

fier,  marquis  de  Boisy,  tué  au  combat  de  Saint-Iber- 
querque  le  24  août  i63g.  On  y  lisait  une  longue  ëpi- 
taphe  de  quarante-trois  lignes  en  style  lapidaire,  et 
eu  outre  deux  autres  épitaphes  en  vers,  dont  nous 
ne  rapporterons  que  la  dernière  et  la  meilleure,  signée 
Coslardeau ,  que  nous  croyons  être  le  même  que  Julien 
Coîardeau ,  assez  bon  poète  du  temps ,  auteur  d'une 
description  en  vers  du  château  de  Richelieu. 

Je  compte  dans  ma  race  uue  suite  d'aïeux 
Du  vieux  sang  de  Gouffier,  souverains  d'Aquitaine. 
Ma  vertu  me  donnait  une  preuve  certaine 
D'être  né  d'une  tige  illustre  en  demi-dieux. 

Mon  épée  a  gravé  ma  gloire  en  mille  lieux  : 
Tous  les  peuples  du  Rhin,  de  Flandres,  de  Lorraine, 
Savent  bien  si  je  fus  soldat  et  capitaine , 
Dign  c  du  lit  d'honneur  où  je  dors  glorieux. 

La  valeur  et  l'adresse,  à  mon  sang  naturelles, 
N'ont  jamais  soutenu  ni  combats  ni  querelles , 
Ni  choc  des  ennemis  que  mon  bras  n'ait  vaincu. 

J'ai  bravé  la  fortune  et  surmonté  l'envie. 
Passant,  que  veux-tu  plus?  Vois  comme  j'ai  vécu. 
Et  juge  par  ma  mort  de  l'éclat  de  ma  vie. 

Dans  le  caveau  de  la  chapelle  de  Saint-Jean  était 
le  tombeau  d'une  Charlotte  de  Rostaing ,  qui ,  selon 
son  épitaphe ,  était  fille  d'honneur  de  Louise  de  Lor- 
raine ,  reine  de  France  ;  ses  armes  sont  une  roue  d'or 
en  champ  d'azur  écartelé  d'or. 

On  a  vu  dans  le  corps  de  notre  Histoire  l'époque  de 
la  fondation  des  minimes  d'Amboise,  faite  par  le  roi 
Charles  VIII  à  la  recommandation  de  Louis  XI  son 
père.  C'est  ici  le  lieu  de  parler  d'un  ancien  monument 


AMBOISE.  tÀ  I 

auquel  on  a  donné  le  nom  de  Greniers  de  César,  parce 
que  tout  ce  qui  porte  quelque  caractère  d'ancienneté 
est  attribué  sans  examen  au  siècle  de  ce  conquérant 
des  Gaules  :  mais  tout  ce  que  Ton  raconte  au  sujet  de 
ces  greniers  n'est  fondé  que  sur  la  tradition  populaire, 
toujours  fort  suspecte.  Une  seule  chose ,  très-douteuse 
encore  ,  pourrait  donner  quelque  vraisemblance  à 
cette  tradition.  Ce  sont  les  traces  d'un  ancien  camp 
romain,  qu'on  a  prétendu  reconnaître  sur  la  plate- 
forme où  ces  greniers  ont  été  creusés.  Mais  le  camp 
lui-même  est  chose  assez  problématique.  En  admet- 
tant son  existence,  ce  serait  de  là  qu'on  serait  des- 
cendu dans  ces  Greniers,  dont  nous  allons  essayer  de 
donner  la  description. 

Ce  sont  deux  édifices  taillés  dans  le  roc ,  ayant 
chacun  quatre  étages ,  au  miheu  desquels  est  un  es- 
calier en  pierre  de  cent  vingt  marches  communiquant 
de  l'un  a  l'autre.  Dans  le  premier  se  trouve  une  cave 
qui  a  deux  cent  dix  pieds  de  long  sur  cinquante-huit 
de  large ,  et  au-dessus  trois  greniers  l'un  sur  l'autre 
voûtés  en  pierre,  carrelés,  et  renduits  non  pas  en 
ciment,  mais  avec  une  couche  de  mortier  fin  tel  que 
celui  dont  on  se  servait  autrefois  pour  appliquer  les 
peintures  à  fresque.  Au  plus  haut  étage  sont  quatre 
cuves  taiUées  dans  le  roc,  revêtues  de  briques  cimen- 
tées en  dedans ,  ayant  environ  quarante  pieds  de  pro- 
fondeur sur  neuf  de  largeur,  et  se  terminant  en  une 
voûte  qui  se  ferme  avec  une  pierre  de  deux  pieds  et 
demi  de  diamètre.  Le  second  édifice  est  pareil  au  pre- 
mier^ excepté  qu'on  n'y  trouve  point  de  cuves.  A 


0 


22  HISTOIRE   DE   TOURAINE. 

l'extrémité  de  ces  deux  greniers ,  au  midi ,  on  voit 
deux  tours  rondes  également  creusées  dans  le  roc  en 
forme  de  puits.  Elles  sont  partagées  dans  leur  éléva- 
tion par  des  divisions  qui  font  que  le  faux  ciel  de  la 
première  sert  de  plancher  à  la  seconde,  et  ainsi  des 
autres.  Quelques  personnes  ont  imaginé  que  ces  tours, 
enduites  du  même  mortier  que  les  caves ,  étaient  des 
espèces  de  foudres  propres  à  contenir  des  approvi- 
sionnemens  de  vin  :  mais  il  resterait  à  savoir  par  oîi 
on  aurait  pu  introduire  et  sortir  des  vaisseaux  pour 
en  extraire  le  vin.  Ces  tours  n'étaient  donc  que  des 
entonnoirs  ou  conduits ,  par  lesquels  on  jetait  le  blé 
déposé  sur  la  plate-forme  pour  l'emmagasiner  dans 
les  greniers,  et  l'ouverture  qui  se  trouve  au  milieu 
des  planchers  ou  étages  de  chacune  de  ces  deux  tours 
vient  à  l'appui  de  cette  opinion  et  détruit  victorieu- 
sement la  première. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  un  pareil  travail  a  dû  être  long 
et  dispendieux ,  et  la  conception  en  est  encore  plus 
ingénieuse  que  l'exécution  n'en  est  hardie.  C'est  ce 
qui  l'aura  fait  attribuer  aux  Romains  ;  et  quoique 
pourtant  rien  n'y  porte  le  caractère  distinctif  de  leurs 
ouvrages,  il  serait  possible  qu'ils  eussent  entrepris 
celui-ci ,  non  pas  du  temps  de  César,  mais  à  l'époque 
où  leur  puissance,  déjà  chancelante  dans  les  Gaules, 
leur  faisait  craindre  de  s'en  voir  expulsés ,  ce  qui 
arriva  en  effet  en  ^So.  Malgré  la  vraisemblance  de 
ces  conjectures,  on  pourrait  sans  inconvénient  se 
ranger  au  nombre  de  ceux  qui  ont  pensé  que  ces  tra- 
vaux étaient  dus  aux  premiers  comtes  d'Anjou ,  pos- 


ARTAKNES.  23 

sesseurs  du  domaine  d'Amboise ,  et  que  c'était  le  lieu 
où  ils  déposaient  ies  provisions  du  château  et  de  la 
garnison.  I^es  nombreuses  forteresses  élevées  par 
Foulques -Nerra  prouvent  qu'il  était  capable  de  pa- 
reilles entreprises. 

Le  monastère  des  Ursulines  ne  datait  que  de  Tan- 
née 1626. 

Nous  avons  parlé  des  monnaies  que  Clovis  fit  frap- 
per à  Amboise  lors  de  son  entrevue  avec  Alaric  en 
5o4.  On  assure  qu'elles  étaient  d'or  pur,  et  qu'elles 
portaient  sa  tête  d'un  côté  avec  une  croix  ancrée  sur 
le  revers.  Mais  ces  monnaies  ne  sont  pas  venues  jus- 
qu'à nous.  Nous  ne  connaissons  que  celles  qui  furent 
fi'appées  par  les  monétaires  du  règne  de  Charles-Ie- 
Chauve.  Ce  sont  des  oboles  d'argent  où  on  lit  du  côté 
de  la  tête,  soit  Amhacia  vic^  soit  Ambacia  castrum, 
soit  tout  simplement  Ambacia.  Le  revers  offre  l'em- 
preinte d'une  croix,  et  autour  le  nom  du  monétaire. 
On  y  on  distingue  trois,  savoir:  Reicisilus ,  Dom^ 
macliarus  et  Sabellicus. 

ARÏANNES,   BARONNÎE. 

Artannes  (^Artannœ)  est  un  bourg  situé  à  quatre 
lieues  de  Tours  au  midi ,  à  la  gauche  de  l'Indre.  C'était 
une  dépendance  de  l'archevêché  de  Tours.  Le  château 
anciennement  bâti  par  les  archevêques  était  pour  eux 
un  lieu  de  plaisance  où  ilsaimaicnt  à  se  retirer.  Il  avait  le 
titre  de  baronnie  ainsi  que  toutes  les  grandes  seigneu- 
ries dépendantes  de  l'archevêché  qui  relevaient  immc- 


24  HISTOIRE    DE  TOURAINE. 

diatement  du  roi.  Ce  fut  Henri  II ,  roi  d'Angleterre , 
comte  d'Anjou  et  de  Touraine,  qui  établit  que  les  ar- 
chevêques, évêques  et  autres  seigneurs  relevant  de  lui 
tiendraient  leurs  terres  à  titre  de  baronnie,  titre  qui 
leur  donnait  plusieurs  privilèges  particuliers,  entre 
autres  celui  de  pouvoir  accorder  la  grâce  à  ceux  qui 
avaient  été  condamnés  au  simple  bannissement.  Ce 
privilège  fut  aboli  lors  de  la  réformation  de  la  cou- 
tume de  Touraine  en  iSSg.  Quoique  nous  ne  con- 
naissions d'autres  seigneurs*^\ç.^tte  baronnie  que  les 
archevêques  de  Tours,  il  paraît  ejj^endant  qu'il  y  avait 
en  Touraine  une  famille  qui  en  portait  le  nom  ;  car 
nous  voyons  que,  vers  i43o  ou  i436,  un  Jean  d'Ar- 
tannes  épousa  Imblette,  fille  de  Jean  de  Voyer,  pre- 
mier du  nom,  seigneur  de  Paulmy. 

Il  dépendait  de  la  baronnie  d'Artannes  une  châtel- 
lenie  et  trente  seigneuriëisou  fiefs  rendant  hommage 
à  l'archevêque,  qui  y  avait  sa  justice  exercée  par  un 
bailli,  un  procureur  fiscal  et  un  greffier. 

AZAY,  VICOMTE. 

Le  nom  d'Azay  est  propre  à  quatre  communes  de 
la  Touraine  :  i  **  Azay-le-Vicomte  ou  le  Cliétif ,  Azia- 
cum-Captivum  ;  2"  Azay-le-Rideau ,  Aziacum  '  Ri- 
delli;  3°  Azay  -  sur  -  Cher ,  Aziacumsuprà-Carum  ; 
4°  Azay-le-Féron ,  AziacurmFjirronu,  Ces  deux  der- 
niers étaient  des  terres  non  titrées  sur  lesquelles  nous 
n'avons  rien  à  dire.  Nous  ne  nous  occuperons  que  des 
deux  premiers. 


AZAY-LE-HIDEAU.  Îi5 

Azay-le-Chëtif  ou  le  Chadieu  est  situe  sur  la  rive 
gauche  de  l'Indre  à  deux  lieues  et  demie  nord-ouest 
de  la  ville  de  Loches.  Il  avait  le  titre  de  vicomte  ;  mais 
nous  ignorons  à  quelle  époque  en  remonte  l'érection. 
Cette  terre  a  long-temps  appartenu  à  la  famille,  de 
Carreleu ,  et  nous  voyons  qu'en  i3i2  un  Hervé  de 
Carreleu  en  était  seigneur.  Si  nous  remontons  plus 
haut,  un  titre  de  l'abbaye  de  Marmoulier  nous  prouve 
qu'en  I2i3  un  Guillaume  d'Azay  fut  le  premier  des 
baillis  de  Touraine  institués  par  Philippe-Auguste.  Il 
est  assez  probable  que  ce  Guillaume  était  seigneur 
d'Azay-le-Chétif ,  puisqu'à  la  même  époque  Hugues 
Ridel  l'était  d'Azay-le-Rideau. 

AZAY-LE-RIDEAU. 

Azay-le-Rideau  est  une  petite  ville  également  située 
sur  l'Indre  à  cinq  lieues  au-dessous  de  Tours,  sur  la 
route  de  Chinon.  Ce  n'était  qu'une  simple  châtellenie, 
mais  qui  datait  d'une  époque  assez  reculée.  Cepen- 
dant la  première  connaissance  que  nous  ayons  de  ses 
seigneurs  châtelains  ne  remonte  qu'à  Hugues  Ridel  ou 
Rideau,  que  nous  voyons  figurer  en  iai3  au  nombre 
des  chevaliers  bannerets  de  la  Touraine  institués  par 
Philippe- Auguste,  ce  qui  indique  une  famille  déjà 
ancienne  à  cette  époque,  et  qui  paraît  avoir  donné  à 
cette  ville  le  nom  qu'elle  porte  encore.  Autrefois  en- 
tourée de  murs  et  fortifiée,  elle  devait  être  plus  im- 
porlante  si  nous  en  jugeons  par  les  différens  sièges 


26  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

qu  elle  a  soutenus.  Les  Bourguignons  s'en  emparèrent 
sous  Charles  VI,  et  elle  fut  reprise  par  le  dauphin  en 
i4i8,  ainsi  qu'on  l'a  vu  dans  le  cours  de  notre  His- 
toire. 

'  Jean  Berthelot,  conseiller  du  roi,  maître  de  la 
chambre  aux  deniers ,  était  seigneur  d'Azay-le-Rideau 
sous  le  règne  de  Louis  XI.  Il  épousa  Perrinelle  Tho- 
reau,  dont  il  eut  entre  autres  enfans  Gilles  qui  suit. 

Gilles  Berthelot ,  seigneur  d'Azay-le-Rideau ,  con- 
seiller secrétaire  du  roi  et  maître  de  la  chambre  des 
comptes  de  Paris  à  la  place  de  son  père ,  fut  maire  de 
Tours  en  iS^o  après  Guillaume  de  Beaune.  Ceux  de 
sa  famille  avaient  leur  sépulture  dans  la  paroisse  de 
Saint-Denis  ,  et  dans  une  chapelle  particulière  qu'on 
nommait  la  chapelle  des  Berthelot.  Ce  fut  lui  qui  fît 
démolir  le  vieux  château  d'Azay  et  en  fît  reconstruire 
un  plus  vaste  et  plus  beau.  Ce  château,  bâti  au  milieu 
d'une  île  formée  par  l'Indre,  est,  par  son  site  et  sur- 
tout par  son  architecture ,  l'un  des  plus  pittoresques 
et  des  plus  remarquables  de  ceux  qu'offre  encore  la 
province. 

Antoine  Raffin,  dit  Potton,  seigneur  d'Azay-le-Ri- 
deau ,  de  Beaueaire ,  etc. ,  capitaine  de  cent  archers  de 
la  garde  du  roi,  gouverneur  de  Cherbourg,  servit 
avec  distinction  sous  François  I".  Il  fut  nommé  de- 
puis gouverneur  du  dauphin  François  à  la  place  de 
d'Urfé ,  qui  avait  été  envoyé  ambassadeur  à  Rome. 

François  Raffin,  seigneur  d'Azay-le-Rideau,  épousa 
Nicole  Leroy  de  Chavigny,  dont  il  n'eut  qu'une  fille 
qui  fut  mariée  à  Guy  de  Lesignem ,  dit  de  Saint-^ 


BAUÇA.T.  a  7 

Gelais ,  seigneur  de  Lan  sac ,  auquel  elle  porta  en  dot 
la  seigneurie  d'Azay-le-Rideau. 

Guy  de  Lesignem  fut  seigneur  d'Azay  du  chef  de 
sa  femme,  dont  il  eut  Artus  qui  suit. 

Artus  de  Lesignem,  seigneur  de  Lansac,  seigneur 
d'Azay-le-Rideau,  épousa  Françoise,  fille  de  Gilles  de 
Souvré  marquis  de  Courtenvaux ,  gouverneur  de  Tou- 
raine  et  du  dauphin  depuis  Louis  XIII.  De  ce  mariage 
naquit  une  fille  qui  épousa  le  marquis  de  Vassé. 

.........  marquis  de  Vassé  fut  seigneur  d'Azay- 
le-Rideau  du  chef  de  sa  femme,  qui  lui  apporta  cette 
terre  en  dot. 

Elle  est  passée  depuis  dans  les  maisons  de  Cosse , 
de  Courdemanchc  et  de  Biencourt,  qui  la  possède 
actuellement. 

BAUÇAY,    BARONNIE. 

Bauçay  ou  Baucé  {Baucœum)^  commune  située  à 
une  lieue  et  demie  de  Loudun ,  a  donné  son  nom  à 
une  famille  assez  illustre  d'où  sont  sortis  quelques 
guerriers  qui  ont  signalé  leur  bravoure  en  différentes 
occasions.  Hugues  I"  fut  chevalier  banneret  de  Tou- 
raine  sous  Philippe-Auguste.  Hugues  III ,  dit  le  Grand, 
accompagna  Charles  de  France,  frère  de  saint  Louis, 
comte  d'Anjou ,  roi  de  Naples,  de  Sicile  et  de  Jéru- 
salem, dans  son  voyage  d'Italie ,  et  se  trouva  à  la  jour- 
née de  Bénévent  où  Mainfroy,  prince  de  Tarente, 
qui  avait  usurpé  la  couronne  de  Naples,  fut  battu  et 
tué  le  26  février  1 1^^,  On  trouve  le  récit  de  cette 


H^^- 


HS  HISTOIRE    DE    TOURAINi:. 

bataille  dans  une  lettre  que  Hugues  III  écrivit  en  ce 
temps  aux  chevaliers  et  gentilshommes  de  Touraine 
et  d'Anjou.  Il  se  croisa  depuis  avec  Guy  son  frère  en 
1268,  lors  de  la  seconde  expédition  de  saint  Louis. 
Après  la  mort  de  ce  monarque ,  tous  les  deux  furent 
tués  en  1270  dans  un  combat  contre  les  Sarrasins, 
leur  valeur  les  ayant  emportés  trop  avant  dans  les 
rangs  ennemis.  Guillaume  Guyart  en  parle  ainsi  dans 
son  Roumans  de  la  branche  aux  réaux  lignages. 

Hue  et  Guy  de  Baucé  deux  frères , 
Avec  eulx  ly  filz  et  ly  père 
De  Préciguy  qui  les  suy virent , 
Entre  Sarrasins  s'embattirent 
Bruyans  comme  foudre  et  acerres. 

Hugues  IV,  fils  de  Hugues-le-Grand,  assista  au  sacre 
de  Guillaume  Lemaire,  évêque  d'Angers  en  1290.  Il 
n'eut  qu'une  fille ,  mariée  à  Charles  d'Artois ,  prince 
du  sang  royal ,  qui  fut  fait  prisonnier  à  la  bataille  de 
Poitiers  en  i356.  Mais  après  la  mort  de  Louis  d'Ar- 
tois ,  fils  de  Charles ,  cette  baronnie  retourna  à  la 
famille  du  nom  de  Bauçay,  éteinte  dans  le  seizième 
siècle.  Elle  était  passée  depuis,  pour  les  deux  tiers 
seulement ,  dans  la  maison  de  Richelieu. 

BEAULIEU,    BARONNIE. 

Beaulieu  (^Bellilocus)  est  une  petite  ville  qui  n  est 
séparée  de  celle  de  Loches  que  par  un  petit  bras  de 
l'Indre  qu'on  traverse  sur  un  pont  au  milieu  duquel 
était  une  porte  fortifiée  formant  la  limite  des  deux 


BEA.ULIEU.  ag 

territoires.  Cette  proximité  eût  dû  en  opérer  la  ré- 
union, si  l'antipathie  qui  de  tout  temps  a  régné  entre 
les  habitans  des  deux  communes  n'y  eût  pas  apporté 
des  obstacles  qu'on  n'a  pas  assez  pris  soin  de  surmon- 
ter; car  si ,  en  1 790 ,  on  eût  fermé  l'oreille  à  de  vaines 
clameurs,  la  fusion  serait  probablement  faite  depuis 
long-temps ,  et  peut-être  de  deux  villes  sans  impor- 
tance fût-on  parvenu  à  en  faire  une  seule  plus  digne 
de  ce  nom. 

Cette  baronnie  ayant  de  tout  temps  été  possédée 
par  les  religieux  bénédictins  de  Beaulieu,  nous  ren- 
verrons à  la  quatrième  partie  pour  ce  qui  concerne 
cette  abbaye. 

C'est  à  elle  que  le  Beaulieu  d^aujourd'hui  doit  son 
origine  et  son  accroissement.  On  sait  qu'elle  fut  fon- 
dée vers  l'an  1010  par  Foulques-Nerra.  Cependant, 
et  sans  se  perdre  dans  les  ténèbres  des  temps  celti- 
ques ,  on  peut  croire  que  même  avant  cette  fondation 
il  existait  déjà  dans  ce  lieu  une  réunion  d'habitations, 
puisque  Foulques-Nerra  dans  sa  charte  le  désigne 
sous  le  nom  de  Burgum,  On  croit  même  que  c'était 
en  cet  endroit  que  le  duel  s'exécutait  toutes  les  fois 
qu'il  était  ordonné ,  ce  qui  l'avait  fait  appeler  Belli 
locus ,  lieu  du  duel,  et  non  Bellus  locusj  ce  lieu  ne 
pouvant  être  renommé  pour  la  beauté  de  son  site.  Mais 
ceci  n'est  qu'une  simple  conjecture,  et  l'on  n'en  est  pas 
moins  fondé  à  croire  que  sans  l'abbaye  et  sans  les  pri- 
vilèges particuliers  qu'en  sa  considération  Foulques- 
Nerra  accorda  aux  habitans,  BeauHeu  fût  resté  comme 


3o  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

tant  d'autres  un  village  sans  aucune  importance.  De 
serfs  qu'ils  étaient,  les  habitans  de  Beaulieu  ayant  été 
affranchis  par  le  comte  d'Anjou,  ils  purent  se  livrer 
à  l'agriculture  et  au  commerce  avec  la  certitude  que 
leur  héritage  passerait  à  leurs  enfans.  Telle  fut  la  cause 
première  de  leur  prospérité.  Ils  éprouvèrent  peu  de 
vicissitudes  jusqu'au  commencement  du  quinzième 
siècle.  A  cette  époque  de  la  faction  des  Armagnacs  et 
des  Bourguignons  ,  les  Anglais  étaient  entrés  en 
France,  appelés  par  des  princes  français,  assez  aveuglés 
par  l'esprit  de  parti  pour  invoquer  les  secours  de 
l'étranger  ;  mais  ces  mêmes  princes,  les  ducs  d'Orléans 
et  de  Berri,  ayant  fait  leur  paix  avec  le  roi ,  l'inter- 
vention des  Anglais  leur  devenait  inutile.  Ceux-ci, 
furieux  de  manquer  une  si  belle  occasion  de  déchirer 
le  royaume,  s'en  vengèrent  par  le  pillage  de  tout  le 
pays  qui  se  trouvait  sur  leur  passage.  Beaulieu  sans 
défense  se  vit  en  proie  à  l'excès  de  leur  brigandage. 
Vainement  les  moines  tentèrent  de  se  fortifier  dans 
leur  abbaye,  elle  fut  prise  et  incendiée.  La  ville 
éprouva  le  même  sort.  L'église  fut  à  peine  sauvée  de 
la  destruction  :  mais  le  trésor,  les  vases  sacrés,  les 
ornemens ,  tout  fut  pillé  comme  en  pays  ennemi ,  et 
l'abbé  fut  emmené  prisonnier  en  Angleterre ,  où  il 
était  encore  détenu  plus  de  quinze  ans  après.  Tels 
étaient  pourtant  les  auxiliaires  que  les  factions  cher- 
chaient à  se  donner  tour  à  tour. 

Ce  désastre  fit  sentir,  mais  un  peu  tard,  la  néces- 
sité de  mettre  à  l'avenir  Beaulieu  à  l'abri  d'un  coup  de 


BEà.ULIEU.  3l 

main;  en  conséquence  on  Fentoura  d'une  forte  mu- 
raille, qui  fut  en  outre  défendue  par  trois  portes  gar- 
nies chacune  de  leur  boulevard. 

Agnès  Sorel  avait  son  hôtel  àBeaulieu,  oîi  elle  sé- 
journait assez  habituellement  lorsque  Charles  VII 
n'habitait  pas  le  château  de  Loches.  Il  n'y  était  connu 
que  sous  le  nom  de  maison  de  la  reine.  Il  devint  par 
la  suite  la  demeure  des  capitaines  de  la  ville  de  Beau- 
lieu,  et  lorsqu'ils  fuirent  supprimés  en  1764  on  en  fît 
une  caserne  de  cavalerie. 

En  1 44o  Charles  VII  mit  à  Beaulieu  une  garnison 
chargée  de  s'opposer  aux  courses  que  faisaient  dans 
tous  les  environs  les  troupes  qui  occupaient  le  châ- 
teau de  Loches,  que  Chaumont,  gouverneur  de  la 
province,  avait  livré  aux  partisans  du  dauphin  Louis, 
alors  en  rébellion  ouverte  contre  son  père.  Cette  gar- 
nison était  commandée  par  Jean  I"  de  Voyer,  vicomte 
de  Paulmy. 

Ce  fut  aussi  à  Beaulieu  que  se  tinrent  les  confé- 
rences d'après  lesquelles  la  reine-mère,  en  1^76, 
ramena  François  duc  d'Alençon  dans  le  parti  du  roi 
son  frère,  et  que  la  paix  fut  signée  entre  eux  le  10 
mai  de  la  même  année. 

Les  murailles  de  Beaulieu  furent  détruites  vers 
l'an  1660. 

Cette  ville  avait  anciennement  son  maire  et  ses 
quatre  échevins  particuliers.  Indépendamment  de  son 
abbaye,  on  y  comptait  trois  paroisses  :  Saint-André, 
Saint -Laurent  et  Saint -Pierre,  dont  la  population 
pouvait  s'élever  de  deux  mille  à  deux  mille  deux  cents 


37.  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

ames.  Il  y  avait  de  plus  quatre  chapelles ,  un  monas- 
tère de  religieuses  chanoinesses  de  Saint -Augustin, 
fondé  par  Catherine  Boursaut  de  Viantais,  d'où  ces 
religieuses  étaient  connues  vulgairement  sous  le  nom 
de  Viantaises. 

Les  bénédictins  étant,  comme  nous  l'avons  dit, 
barons  de  Beaulieu,  leur  justice  seigneuriale  était 
exercée  par  un  bailli,  un  lieutenant,  un  procureur  de 
cour  et  un  greffier. 

Nous  avons  désigné  Beaulieu  par  le  nom  latin  de 
Belliiocus,  mais  nous  devons  dire  qu'on  trouve  éga- 
lement dans  les  chartes  et  dans  les  anciens  titres 
Belluslocus  et  Bellilochia. 

BERRIE,    BARONNIE. 

La  baronnie  de  Berrie  {Beria  ) ,  située  sur  la  Dive, 
commune  de  Nueil,  dans  le  duché  de  ïouraine,  est 
une  des  plus  anciennes  seigneuries  du  Loudunois. 
Elle  a  pris  son  nom  de  sa  situation  dans  une  grande 
plaine  ;  car  suivant  Adrien  de  Yalois  dans  sa  notice 
des  Gaules ,  beria  signifie  plate  campagne.  La  famille 
du  nom  de  Berrie  a  paru  long-temps  avec  éclat  dans 
notre  province. 

Béranger  I"  vivait  avant  le  dixième  siècle,  du  temps 
de  Corbon  des  Roches. 

Béranger  II  lui  succéda  dans  le  cours  du  même 
siècle.  Il  est  probable  qu'il  était  son  fils. 

Gauthier  de  Berrie  vivait  vers  l'an  loio,  à  l'époque 
de  la  mort  d'Effroy  de  Preuilly. 


BERRIE.  33 

Robert  de  Berrie  est  cité  clans  l'histoire  du  Maine 
comme  contemporain  de  Herbert ,  surnommé  Eveille- 
Chien,  qui  fut  comte  du  Maine  de  ici 5  à  io36. 

Centurien  de  Berrie  servit  dans  les  guerres  d'outre- 
mer vers  l'an  1090. 

Normand  de  Berrie  était  chevalier  du  temps  de 
Mathiide ,  abbesse  de  Fontevrault. 

Pierre  de  Berrie  vivait  en  iioo,  ainsi  que  son 
épouse  nommée  Sarrasine  ;  il  en  eut  un  fds  nommé 
Etienne. 

Etienne  de  Berrie  fut  marié  deux  fois  sans  que  nous 
connaissions  les  noms  de  ses  deux  femmes.  Du  pre- 
mier lit  il  eut  Renaud  et  Guyot,  ce  dernier  mort  sans 
lignée,  et  en  outre  Marie,  femme  d'Emery  de  Brienne. 
Du  second  mariage  il  n'eut  que  deux  filles ,  dont  Tune, 
Madeleine,  fut  religieuse  à  Fontevrault. 

Renaud  de  Berrie  eut  également  deux  femmes.  La 
première  fut  Marguerite  d'Amboise  qui  le  fit  père  de 
Gilbert  seigneur  de  Berrie ,  de  Jean  qui  hérita  de  la 
seigneurie  d'Amboise,  de  Guillaume  qui  fut  chanoine 
de  Saint-Martin  de  Tours ,  et  de  Guy  dont  la  destinée 
ne  nous  est  pas  connue.  Du  second  lit  il  eut  une  fille 
mariée  à  Jean  de  Sazilly.  Nous  avons  vu  précédem- 
ment de  quelle  manière  ce  Jean  de  Berrie  hérita  par 
sa  femme  Marguerite  des  biens  de  Mathiide  sa  cousine. 

Gilbert  eut  en  partage  la  seigneurie  de  Berrie; 
mais  étant  mort  sans  enfans ,  elle  passa  dans  la  maison 
d'Amboise. 

Jean  de  Berrie,  deuxième  du  nom ,  seigneur  d'Am- 
boise, etc. 

3.  3 


34  HfSTOmÉ  BK  TOUR  AINE. 

Pierre  I*',  seigneur  de  Berrie,  d'Amboise,  etc. 

ïngelger,  dit  le  Grand,  seigneur  deBerrie,  d'Am- 
boise, etc. 

Pierre  II,  seigneur  de  Berrie,  d'Amboise,  etc. 

Louis  d'Amboise,  seigneur  de  Berrie , etc.  On  peut 
consulter  sur  ces  cinq  derniers  leur  article  à  celui  de 
la  ville  d'Amboise. 

Louis  de  La  Tremouille  devint  seigneur  de  Berrie 
par  son  mariage  avec  Marguerite ,  qui  en  hérita  après 
la  mort  de  son  père  Louis  d'Amboise. 

Louis  de  La  Tremouille, deuxième  du  nom,  succéda 
à  son  père  dans  la  seigneurie  de  Berrie. 

François  de  La  Tremouille,  fils  du  précédent  sei- 
gneur de  Berrie ,  etc. 

Louis  de  La  Tremouille ,  troisième  du  nom ,  sei- 
gneur de  Berrie,  premier  duc  de  Thouars,  prince  de 
Tarente  et  de  Talmont. 

Cette  terre,  étant  sortie  de  la  maison  de  La  Tre- 
mouille, passa  ensuite  à  un  conseiller  au  parlement 
de  Paris,  du  nom  de  Thomas  Dreux. 

BLÉRÉ,  VILLE. 

Bléré  {Blireius)  est  une  petite  ville  assez  ancienne 
située  sur  le  Cher  à  six  lieues  sud  de  Tours  et  à  deux 
lieues  d'Amboise.  Elle  avait  titre  de  château  et  était 
renfermée  de  murs  aujourd'hui  détruits,  qui  avaient 
été  élevés  par  les  soins  de  Jean  Gonsalve  d'Ars,  alors 
gouverneur  de  son  château.  On  a  vu  long- temps  sa 
tombe  et  ses  armes  dans  la  chapelle  de  Saint  -  Jean 


BLÉRÉ.  35 

fondée  par  lui  dans  Tëglise  paroissiale  de  la  ville  dédiée 
à  saint  Christophe. 

L'auteur  du  Traité  de  la  construction  du  château 
d'Amboise  n'a  point  paru  embarrassé  relativement  à 
l'origine  de  la  ville  de  Bléré.  Selon  lui  ce  n'était  d'a- 
bord qu'une  forteresse  bâtie  par  un  certain  Blireius, 
qui  la  donna  en  dot  à  Fausta,  nièce  du  comte  Ani- 
cien  par  sa  fille  Placida.  De  celle-ci  serait  issue  cette 
Lupa,  dont  nous  avons  déjà  parlé,  épouse  (^Eudoxe, 
gouverneur  de  Tours  pour  les  Romains.  Mais  il  est 
facile  de  voir  que  tous  ces  personnages  inconnus  dans 
l'histoire  ne  sont  que  de  pures  inventions  de  l'auteur, 
ou  peut-être  des  fables  puisées  dans  quelque  chronique 
encore  plus  ancienne. 

Quelle  que  soit  l'antiquité  de  Bléré,  rarement  notre 
histoire  en  fait  mention.  Il  en  est  parlé  dans  les  Ta- 
blettes du  voyage  de  Philippe-le-Bel  en  i3oi  ;  mais 
elles  ne  nous  en  apprennent  rien  ,  sinon  que  la  reine 
et  lui  couchèrent  à  Bléré  le  aS  août. 

Le  pont  de  Bléré  est  antérieur  à  ce  voyage  d'envi- 
ron cent  quarante  ans.  Il  était  difficile  d'en  établir 
sur  la  Loire  :  mais  le  Cher  ayant  moins  de  largeur  et 
surtout  moins  de  profondeur,  Henri  II,  simultané- 
ment roi  d'Angleterre  et  comte  de  Touraine,  en  fit 
construire  plusieurs  sur  cette  rivière;  celui  de  Bléré 
fut  de  ce  nombre,  et  date  par  conséquent  du  milieu 
du  douzième  siècle. 

Les  seigneurs  d'Amboise  l'ont  toujours  été  de  la 
ville  de  Bléré  jusqu'à  l'époque  de  la  condamnation  de 
Louis  d'Amboise,  dont  tous  les  biens  furent  confis- 

3. 


36  HISTOIRE   DE  TOtIRAINE. 

quës  et  acquis  à  la  couronne  en  i43i.  Alors  il  serait 
plus  que  superflu  de  rcpc'ter  ici  ce  que  nous  en  avons 
dit. 

Jean  de  Sainte-Maure,  seigneur  de  Mongauger  et 
de  Nesle,  fils  de  Pierre  de  Sainte-Maure  et  de  Mar- 
guerite d'Amboise  ,  eut  la  seigneurie  de  Blërë  pour 
son  partage  dans  la  succession  de  Pierre  d'Amboise; 
mais  il  la  vendit  en  i446. 

Pierre  Bérard,  chevalier,  maître  -  d'hôtel  du  roi 
Louis  XI ,  acheta  d'abord  de  Jean  de  Sainte-Maure  la 
seigneurie  de  Chissay,  et  ensuite  celle  de  Bléré  par 
contrat  du  i4  juillet  i446.  Depuis  ce  temps  elle  rele- 
vait du  roi  à  cause  de  son  château  de  Tours.  Il  fonda 
dans  l'église  de  Blërë  une  chapelle  et  quatre  chape- 
lains j  conjointement  avec  son  épouse  Jeanne  Chëritëe, 
de  laquelle  il  eut  trois  enfans  :  Jean,  François  et  Mar- 
tine. Celle-ci  fut  mariëe  à  Pierre  Marques,  seigneur 
de  Chenonceaux,  qui,  le  3t  janvier  i46i ,  fît  hom- 
mage au  roi  de  cette  terre,  ainsi  que  de  celles  des 
Odets,  du  Coudray  et  du  bourg  de  Saint-Martin -le- 
Beau. 

François  Bërard,  premier  du  nom,  seigneur  de 
Blërë,  de  Chissay  et  de  la  Croix-de-Blërë ,  ëpousa 
Charlotte  de  Lahaye  déjà  veuve,  dont  il  eut  Jacques 
qui  suit,  et  Jeanne,  femme  de  Charles-le-Breton ,  sei- 
gneur de  Chanceaux.  Elle  ëtait  sans  doute  veuve  une 
seconde  fois  en  iSo^;  car  elle  comparut  à  la  première 
rëformation  des  coutumes  de  Touraine  comme  tutrice 
de  ses  enfans  mineurs. 

Jacques  Bërard,  chevalier, seigneur  de  Blërë,  Chis- 


BLÉR^.  37 

say,  les  Roches- Saint-George  et  la  Croix-de-Blëré , 
s'allia  Madeleine,  fille  de  Guy  Cliasteignier,  seigneur 
de  la  Roche-Posay ,  d'où  sortirent  François  qui  suit , 
et  Reno,qui  eut  en  partage  la  Croix-de-Blérë ,  sei- 
gneurie particulière  voisine,  mais  indépendante  do 
celle  de  Bléré. 

François  Bërard,  deuxième  du  nom,  seigneur  de 
Blëré,  vendit  cette  terre,  en  iS^a,  à  François  Chas- 
leignier,  seigneur  de  la  Roche  -  Posay ,  son  cousin - 
germain,  qui  la  revendit  depuis  à  Gaspard  de  Schom- 
berg  son  beau-frère.  II  avait  épousé  Anne  de  Ronsard. 
Il  n'en  eut  que  deux  filles,  dont  l'aînée  Louise  fut 
mariée  deux  fois ,  la  première  à  Gilles  de  Faverolles, 
et  la  seconde  à  Joseph  d'Esparbès. 

François  Chasteignier,  seigneur  de  la  Roche-Posay 
et  de  Bléré,  ne  posséda  pas  long -temps  celte  der- 
nière, qui  lui  fut  retirée  par  son  beau-frère  Gaspard 
de  Schomberg. 

Gaspard  de  Schomberg  fut  à  son  tour  dépossédé 
de  la  même  manière  par  Louise  Bérard  -,  fille  aînée  de 
François  II ,  qui  avait  épousé  Gilles  de  Faverolles. 

Gilles  de  Faverolles,  premier  du  nom  ,  seigneur  de 
Faverolles,  lieutenant  de  la  vénerie  du  roi,  gouver- 
neur du  château  d'Amboise ,  devint  seigneur  de  Bléré 
du  chef  de  sa  femme  Louise  Bérard.  Il  en  eut  Gilles 
qui  suit,  Jeanne,  mariée  à  Charles  de  Vaumin,  et 
Philippe,  femme  du  seigneur  de  la  Borde  -  d'Anet. 
Gilles  P^  étant  mort,  sa  veuve,  comme  on  l'a  dit ,  se 
remaria  à  Joseph  d'Esparbès. 

Gilles  de  Faverolles,  deuxième  du  nom,  seigneur  de 


38  HISTOIRE   DE  TOURAINE. 

Bléré ,  mestre-de-camp  du  régiment  de  Picardie ,  fut 
tué  à  Pontoise  en  1S89,  âgé  de  vingt-quatre  ans.  Il 
avait  épousé  à  dix-neuf  ans  Péronne,  fille  de  Charles 
Kairvel,  seigneur  de  Méré,  et  de  Guyonne  de  Grève- 
cœur.  Il  en  eut  Joseph,  qui  suit,  François,  mort 
jeune,  et  Charles  de  Faverolles. 

Joseph  de  Faverolles,  seigneur  de  Bléré,  gentil- 
homme ordinaire  de  la  chambre  du  roi,  épousa  Claude, 
fille  de  Jacques  de  Rigné.  De  ce  mariage  vinrent  plu- 
sieurs enfans,  sur  lesquels,  pour  acquitter  les  dettes 
de  la  succession,  la  terre  de  Bléré  fut  vendue  par  dé- 
cret. Elle  passa  depuis  ce  moment  dans  la  maison  de 
Bercy,  et  à  l'époque  de  la  suppression  des  titres  et 
des  droits  féodaux,  Charles-François  de  Malon  de 
Bercy  en  était  propriétaire. 

Le  conventionnel  Tallien  est  né  à  Bléré  dans  le 
château  de  M.  de  Bercy.  Envoyé  en  mission  dans  le 
département  d'Indre-et-Loire,  il  n'oublia  point  qu'il 
y  avait  vu  le  jour.  Il  y  fit  preuve  de  beaucoup  de  dou- 
ceur et  de  modération,  et  y  fit  beaucoup  de  bien, 
parce  qu'il  y  fit  le  moins  de  mal  possible. 

A  la  source  du  ruisseau  de  Fontenai,  auprès  de 
Bléré,  commence  un  canal  voûté  qui  se  prolonge 
dans  une  étendue  d'environ  quatre  lieues,  puisqu'on 
en  retrouve  encore  des  vestiges  jusque  dans  la  com- 
mune de  Larçay.  Cette  voûte,  très-élevée  dans  son 
principe,  va  s'abaissanl  jusqu'à  la  hauteur  de  deux 
à  trois  pieds,  et  règne  le  long  du  coteau  qui  domine 
la  rive  gauche  du  Cher.  Quels  sont  les  auteurs,  quel 
put  être  le  but  d'un  pareil  ouvrage  ?  C'est  ce  qu'il 


BUzA?fÇAis.  3gi 

serait  difficile  aujourd'hui  de  déterminer,  puisqu'il 
n'en  est  pas  même  fait  mention  dans  nos  auteurs 
du  moyen  âge  ni  dans  les  chartriers  de  la  province. 
Un  canal  construit  à  grands  frais,  et  suivant  le  cours 
d'une  rivière,  ne  pourrait  s'expliquer  que  par  l'at- 
tention qu'avaient  toujours  les  Romains  de  se  pro- 
cui^r  des  eaux  de  fontaine,  même  dans  le  voisinage 
des  grands  fleuves.  Mais  où  celui-ci  portait-il  ses 
eaux  ?  rien  ne  nous  annonce  que  les  Romains  eussent 
un  camp  ou  une  station  dans  les  environs  de  Saint- 
Avôrtin.  11  est  encore  moins  prësumable  que  ce  canal 
traversât  le  Cher  pour  apportera  Tours,  de  six  lieues, 
des  eaux  de  source  qu'on  eût  facilement  trouvées  sur 
des  points  bien  moins  éloignés. 

Si  Ton  eût  découvert  le  lieu  où  se  terminait  ce 
canal,  on  eût  pu  obtenir  quelques  notions  historiques 
propres  à  mettre  sur  la  voie;  mais  dans  l'absence  de 
ces  renseigneraens,  le  plus  sage  est  sans  doute  de 
s'abstenir  de  toute  espèce  de  conjectures. 

BUZANÇAIS,  COMTÉ. 

Buzançais  (^Buzenciacum)  ,  petite  ville  située  sur 
l'Indre  à  vingt -deux  lieues  sud  de  Tours  et  à  cinq 
lieues  de  Châtcauroux.  Elle  participait  à  la  circon- 
scription vicieuse  qu'on  remarquait  anciennement 
dans  plusieurs  provinces  de  France;  ainsi  elle  ressor- 
tissait  du  duché  de  Touraine  pour  le  temporel  et  la 
justice  :  mais  elle  était  du  diocèse  et  de  la  généralité 
d«  Bourges  pour  le  spirituel  et  les  finances.  C*cst  donc 


40  HISTOIRE   DK   TOURAINE. 

seulement  comme  comté  dépendant  du  duché  de  Tou- 
raine  que  nous  l'envisageons  ici. 

Charles-le-Chauve  donna  le  château  de  Buzançais 
à  un  seigneur  de  sa  cour  nommé  Hémon ,  ainsi  que 
les  domaines  de  la  Mothe,  de  Châtillon  et  d'une 
partie  d'Amboise ,  comme  récompense  des  services 
qu'il  avait  rendus  à  l'état.  Cette  place  ayant  été  mise 
entre  les  mains  de  Henri  II,  roi  d'Angleterre  et  comte 
de  Touraine,  pendant  la  guerre  qui  avait  lieu  entre 
l'Angleterre  et  la  France,  Philippe-Auguste  s'en  em- 
para en  II 73  au  nom  de  Louis  VII  son  père.  Les 
Anglais ,  appelés  en  France  lorsque  ce  royaume  était 
divisé  entre  les  Armagnacs  et  les  Bourguignons,  brû- 
lèrent Buzançais  et  démolirent  ses  fortifications  à  la 
même  époque  où  ils  firent  subir  un  sort  pareil  aux 
villes  de  Loches  et  de  Beaulieu,  ainsi  que  nous  l'avons 
dit  à  l'article  de  cette  dernière. 

Buzançais  fut  érigé  en  comté ,  avec  union  des  châ- 
tellenies  d'Écueillé  et  de  Brion ,  par  lettres  patentes 
vérifiées  au  parlement  le  1 7  décembre  1 533,  en  faveur 
de  Philippe  Chabot ,  comte  de  Charny ,  grand-amiral 
de  France ,  et  depuis  ce  temps  il  fut  érigé  en  gran- 
desse  par  Philippe  V,  roi  d'Espagne,  en  faveur  du 
duc  de  Beauvilliers ,  qui  avait  été  son  gouverneur 
lorsqu'il  était  duc  d'Anjou. 

Hémon  fut  donc ,  comme  on  vient  de  le  voir ,  le 
premier  seigneur  de  Buzançais. 

Sulpice ,  surnommé  Mille-Boucliers ,  seigneur  de 
Buzançais,  de  Châtillon-sur-Indre,  de  Verneuil  et  de 
la  tour  d'Amboise,  fut  père  de  Robert  P'^  et  d'Hervé, 


BDZANÇAIS.  '  4l 

célèbre  trésorier  de  l'église  de  Saint-Martin  de  Tours, 
dont  nous  avons  eu  occasion  de  parler  dans  notre 
histoire. 

Robert ,  premier  du  nom ,  donna,  en  989,  son  con- 
sentement à  la  fondation  de  l'abbaye  de  Miseray.  Il 
eut  deux  fils ,  Archambaud ,  et  Sulpice  seigneur  de 
Verneuil  et  de  la  tour  d'Amboise,  qui  succéda  vers 
l'an  ioi4  à  son  oncle  Hervé  dans  la  dignité  de  tré- 
sorier de  Saint-Martin.  Ce  fut  ce  même  Sulpice  qui 
fit  reconstruire  en  pierre  la  tour  d'Amboise ,  qui  alors 
n'était  qu'en  bois. 

Archambaud  de  Buzançais  épousa  la  fille  de  Roger, 
dit  le  Diable,  seigneur  de  Montrésor,  dont  il  eut 
Robert,  qui  continua  la  postérité,  et  deux  filles,  sa- 
voir :  Hersende  ,  dame  de  Verneuil ,  mariée  à  Lysois, 
chef  de  la  maison  d'Amboise,  et  Hcrmensande,  femme 
de  Foulques,  seigneur  de  Villantrais. 

Robert,  deuxième  du  nom,  dont  nous  ne  savons 
rien,  non  plus  que  des  deux  suivans,  eut  pour  fils  : 

Geoffroy  I",  qui  fut  père  de 

Robert  III,  comme  eux  seigneur  de  Buzançais. 

Robert  IV,  fils  du  précédent,  se  croisa  pour  la 
Terre-Sainte  eu  12  23.  A  son  retour  il  assista  à  un 
tournoi  où  il  trouva  la  mort ,  ayant  été,  dit-on  ,  étouffé 
par  l'excès  de  la  chaleur.  L'auteur  de  la  Chronique 
d'Anjou ,  qui  rapporte  cette  circonstance,  dit  que  cette 
même  année  le  soleil  fut  si  ardent  pendant  tout  l'été, 
que  les  blés  et  les  prés  furent  entièrement  brûlés  par 
la  trop  grande  sécheresse ,  et  que  l'on  ne  recueillit 
aucuns  fruits  honnis  des  pommes  et  des  noix. 


/|1  HISTOIRE   DE  TOURAINE. 

Raôiil  de  Buzançais  paraît  avoir  été  le  dernier  de 
cette  branche.  Après  lui  la  seigneurie  passa  dans  la 
maison  de  Prie. 

Jean  de  Prie ,  premier  du  nom ,  seigneur  de  Buzan- 
Çais,  l'était  également  de  Moulins  en  Berri.  En  I265 
il  donna  soixante  sous  de  rente  au  prieuré  de  Brouil- 
lemont,  de  l'ordre  de  Grandmont.  Ce  n'est  souvent 
que  par  ces  sortes  de  donations  et  de  chartes  monas- 
tiques que  beaucoup  de  dates  nous  sont  connues.  Il 
eut  deux  fîls,  Jean  qui  suit,  et  Robert. 

Jean  de  Prie,  deuxième  du  nom,  assista  les  roisPhi- 
lippe-le-Bel  et  Pliilippe-le-Long  contre  les  Flamands. 
Il  eut  de  son  épouse ,  nommée  Gillette ,  Philippe  et 
Jean ,  qui  fut  seigneur  de  Châteauclos. 

Philippe  de  Prie  ,  seigneur  de  Buzançais  ,  sénéchal 
de  Beaucaire  et  de  Nîmes ,  servit  au  siège  d'Ypres  au 
mois  de  septembre  i3a8,  et  fut  marié  avec  Isabea» 
de  Sainte-Maure,  qui  en  était  veuve  en  i347-  De  ce 
mariage  sortirent  Jean  qui  suit  y  Philippe  ;,  chevalier, 
seigneur  de  Moulins  en  Berri,  et  André,  chevalier. 

Jean  de  Prie ,  troisième  du  nom ,  capitaine  de  la 
Rochelle,  rendit  hommage  au  roi  de  la  ville  et  châ- 
telleniede  Buzançais  le  lo  juillet  1389.  Il  avait  épousé 
philippine  Gourant ,  dont  il  eut  Jean  IV,  Guillaume 
et  une  fille  nommée  Sarrasine,  qui  fut  mariée  a  Es- 
chivard  VI,  baron  de  Preuilly. 

Jean  de  Prie,  quatrième  du  nom ,  rendit  hommage 
au  roi  le  25  mars  j/^ii,  D'Isabeau  de  Chenac  il  eut 
Jean  et  Antoine,  ainsi  que  trois  filles. 

Jean  de  Prie^  cinquième  du  nom,  seigneur  de  Bu- 


BUZAirÇA-IS.  4^ 

zançais ,  grand-pan e lier  de  France  et  capitaine  de  la 
grosse  tour  de  Bourges,  fut  tué  l'an  1427  en  défen- 
dant cette  place  contre  les  Anglais,  qui  à  cette  époque 
avaient  envahi  une  grande  partie  de  la  France.  N'ayant 
point  laissé  d'enfans  de  Marguerite  de  I^imeray  sou 
épouse,  son  frère  Antoine  lui  succéda. 

Antoine  de  Prie,  grand-queux  de  France,  seigneur 
deBuzançais,  de  Montpépon  et  de  la  Mothe  de  Prie, 
épousa  Madeleine ,  fille  de  Hugues  d'Amboise ,  sei- 
gneur de  Chaumont.  Sainte-Marthe  s'est  trompé  en 
disant  qu'elle  se  nommait  Marguerite  de  Joinville.  De 
ce  mariage  naquirent  Louis,  qui  suit;  René,  cardi- 
nal; Ayniard,  grand-maître  des  arbalétriers,  et  trois 
filles. 

Louis  de  Prie,  chevalier,  chambellan  du  roi ,  grand- 
queux  de  France,  rendit  hommage  au  roi  pour  Bu- 
zançais  le  7  mars  i484'  Nous  ne  lui  connaissons  qu'un 
fils  de  Jeanne  de  Salezart  son  épouse. 

Emon  ou  Edmond  de  Prie,  fils  d'Antoine  et  de 
Madeleine  d'Amboise ,  fut  marié  deux  fois  ;  la  pre- 
mière avec  Jeanne,  fille  de  Charles  de  Beauveau,  sei- 
gneur de  Tigny,  et  la  seconde  avec  Anne  de  Cha- 
bannes,  comtesse  de  Dammartin,  dont  il  n'eut  point 
d'enfans.  Du  premier  lit  vinrent  Gabriel  et  René, 
successivement  seigneurs  de  Buzançais. 

Gabriel  de  Prie,  chevalier,  seigneur  de  Buzançais, 
Prie,  Ferrière- l'Arçon,  Prcssigny,  fut  marié  à  Jac- 
queline de  Marans,  dont  il  n'eut  point  d'enfans. 

René  de  Prie ,  baron  de  Buzançais ,  succéda  à  son 


44  HISTOIRE  DE  tOURAINE. 

frère;  mais,  étant  également  mort  sans  lignée,  sa 
succession  passa  à  son  oncle. 

Aymard  de  Prie,  chevalier,  seigneur  de  Montpé- 
pon,  grand-maître  des  arbalétriers  de  France ,  vendit 
à  l'amiral  Chabot  la  seigneurie  de  Buzançais ,  qui 
faisait  partie  de  la  succession  de  René  de  Prie ,  son 
neveu. 

Philippe  Chabot,  comte  de  Charny  et  de  Buzan* 
çais ,  amiral  de  France ,  était  fils  de  Jacques  Chabot, 
baron  de  Jarnac  et  de*  Madeleine  de  Luxembourg. 
Nous  avon5  dit  que  c'était  en  sa  faveur  que  la  baron- 
nie  de  Buzançais  avait  été  érigée  en  comté  l'an  i533. 
Il  en  avait  rendu  hommage  au  roi  deux  ans  aupara- 
vant, d'où  on  peut  conclure  qu'il  en  était  devenu  pro- 
priétaire vers  i53o  ou  i53i.  Il  épousa  Françoise  de 
Longwy,  dame  de  Laigny  et  de  Mirebeau,  dont  il 
eut  :  1°  Léonore;  a"  François,  comte  de  Charny; 
3"  Françoise ,  femme  de  François  de  la  Rochefoucauld, 
baron  de  Barbezieux  ;  4"  Antoinette ,  mariée  à  Jean 
d'Aumont ,  maréchal  de  France  ;  5°  Anne ,  épouse  de 
Charles,  duc  d'Alençon;  6"  une  autre  Anne,  abbesse 
du  Paraclet. 

Léonore  Chabot,  comte  de  Buzançais,  puis  de 
Charny,  grand-écuyer  de  France,  lieutenant-général 
au  gouvernement  de  Bourgogne,  fut  marié  deux  fois; 
la  première  avec  Claude,  fille  de  Claude  Gouffier  duc 
de  Roannais  et  marquis  de  Boisy  ;  la  seconde  avec 
Françoise ,  fille  de  Joachim  de  Longwy.  Il  eut  du 
premier  lit  Catherine  Chabot  qui  suit ,  et  Charlotte, 


BUZANÇAIS.  45 

épouse  de  Jacques-le- Veneur,  comte  de  Tillières.  Il 
n'eut  de  son  second  mariage  que  Marguerite  Chabot, 
femme  de  Charles  de  Lorraine,  duc  d'Elbeuf. 

Catherine  Chabot, comtesse  deBuzançais,à  défaut 
d'héritiers  mâles ,  épousa  en  premières  noces  Guil- 
laume de  Saulx-Ta vannes,  fils  du  maréchal  de  ce  nom, 
et  en  secondes  noces  Aimé  de  Rochechouart,  puîné  de 
la  maison  de  Mortemar,  dont  elle  n'eut  point  d'en- 
fans.  Il  lui  naquit  du  premier  mariage  trois  filles  et 
deux  fils ,  Claude  et  Joachim  ^  baron  d'Arc-sur-Til. 

Claude  de  Saulx,  comte  de  Buzançais,  vicomte  de 
Ta  vannes,  épousa  Françoise,  fille  de  Nicolas  Brulart, 
premier  président  au  parlement  de  Bourgogne,  dont 
il  eut  :  1**  Gaspard,  abbé  de  Sainte -Marguerite  de 
Troyes  ;  2°  Jacques,  qui  suit  ;  3**  Noël ,  comte  de  Beau- 
mont  ;  4"  Nicolas ,  chevalier  de  Malte;  5°  Louis,  comte 
de  Saulx,  et  quatre  filles. 

Jacques  de  Saulx,  dit  le  comte  de  Tavannes,  épousa 
Louise-Henriette  Pottier,  dont  il  eut  René,  marquis 
de  Tavannes,  tué  au  siège  de  Candie  en  1668,  Charles 
qui  suit ,  Henri ,  chevalier  de  Malte ,  et  une  fille  reli- 
gieuse à  Dijon.  Aucun  d'eux  n'ayant  laissé  de  posté- 
rité, le  comté  de  Buzançais  échut  à  Charles  de  Lor- 
raine, 

Charles  de  Lorraine,  duc  d'Elbeuf,  troisième  du 
nom,  était  fils  de  Charles  H  et  de  Catherine-Henriette 
légitimée  de  France.  Il  hérita  de  ce  comté  à  cause  de 
Marguerite  Chabot  son  aïeule  maternelle;  mais  il  le 
vendit  peu  de  temps  après  à  Jean  Phelipeaux. 

Jean  Phelipeaux ,  seigneur  de  Villesavin ,  secrétaire 


46  HISTOIRE   DE    TOURAINE. 

du  roi,  n'eut  de  sa  femme  N.  Blondeau  de  Villesavin, 
qui  lui  succéda,  qu'une  fille  unique. 

Léon  Bouthillier ,  comte  de  Cliavigny,  en  épousant 
Anne  Phelipeaux  de  Villesavin ,  en  reçut  en  dot  le 
comté  de  Buzançais.  De  ce  mariage  sortirent  sept 
garçons  et  cinq  filles.  Léon  mourut  en  1694  grand- 
trésorier  des  ordres  du  roi  et  secrétaire  d'état. 

Armand- Jean ,  fils  aîné  de  Léon ,  fut  le  dernier  de 
cette  famille  qui  posséda  le  comté  de  Buzançais,  qui 
a  passé  aux  ducs  de  Beauvilliers. 

Charles-Paul  de  Beauvilliers  a  été  en  1790  le  der- 
nier comte  de  Buzançais. 

CHAMPIGNY. 

Champigny  (  Campiniacum  )  est  une  petite  ville 
située  sur  les  ruisseaux  de  Vende  et  d'Amable,  aux 
confins  de  la  Touraine  et  du  Poitou  du  coté  du  midi. 
Quoique  simple  châtellenie ,  son  château ,  sa  Sainte- 
Chapelle  ,  et  surtout  les  princes  dont  cette  terre  était 
le  patrimoine ,  pouvaient  la  faire  figurer  parmi  les 
plus  titrées  de  la  province.  Mais  malgré  sa  splendeur, 
ce  château  n'eut  pas  une  longue  durée.  Construit  dans 
les  premières  années  du  seizième  siècle ,  il  n'existait 
déjà  plus  vers  la  fin  du  dix-septième.  Les  immenses 
communs  et  la  Sainte-Chapelle ,  qui  seuls  sont  restés 
debout,  témoignent  encore  quelle  devait  être  sa  ma- 
gnificence ,  cause  de  sa  destruction  par  le  cardinal  de 
Richelieu ,  jaloux  pour  son  château  d'un  pareil  voisi- 
nage. 


CHAMPIG!?T.  '    4? 

La  ville  de  Champigny  fut  assiégée  en  1667  par 
les  protestans  et  prise  par  capitulation.  Le  duc  de 
Montpensier,qui  en  était  seigneur ,  «ayant  pas  voulu, 
de  peur  d'affaiblir  l'armée  royale ,  que  le  duc  d'Anjou, 
frère  du  roi,  qui  la  commandait,  y  jetât  des  troupes 
pour  la  défendre. 

II  y  avait  un  chapitre  composé  de  cinq  dignitaires 
et  onze  chanoines.  Le  nom  de  Sainte-Chapelle  avait 
été  donné  à  son  église,  parce  qu'on  y  conservait,  dit- 
on  ,  Tune  des  épines  de  la  couronnes  de  Jésus-Christ, 
et  l'un  des  trente  deniers  au  prix  desquels  il  fut  vendu. 
On  y  comptait  en  outre  un  couvent  de  minimes,  un 
autre  de  religieuses  de  Saint-François ,  une  aumône- 
rie  et  un  collège. 

Le  plus  ancien  seigneur  de  Champigny  qui  soit 
venu  à  notre  connaissance  est  un  certain  Bemier  qui, 
au  commencement  du  douzième  siècle ,  fut  témoin  à 
une  donation  faite  à  l'abbaye  de  Fontevrault  par  Pe- 
loquin  de  l'Ile-Bouchard.  Il  n'eut  qu'une  fille ,  qui 
porta  cette  seigneurie  dans  la  famille  de  Blo  ou  de 
Blé. 

Gosselin  de  Blo,  premier  du  nom.  On  présume 
qu'il  fut  père  de  celui  qui  suit. 

Robert  de  Blo  suivit  le  parti  de  Henri-le-Jeune , 
qui  s'était  révolté  ainsi  que  ses  frères  contre  leur  père 
Henri  II ,  i»oi  d'Angleterre,  et  s'était  retiré  en  France 
auprès  de  I^uis-leJeune  son  beau-père.  MaisHenri  II, 
ayant  passé  la  mer  en  1173,  mena  son  armée  en 
Touraine,  et  après  avoir  pris  les  châteaux  de  La  Haye 
et  de  Preuilly,  assiégea  Champigny,  ou  Émery  de  Blo, 


48  HISTOIRE   DE    TOTTRAINE. 

frère  de  Robert ,  s'était  jetë  avec  plusieurs  chevaliers 
et  une  partie  des  gentilshommes  voisins.  Le  château 
fut  emporté  d'assaut,  et  six  chevaliers  y  furent  faits 
prisonniers,  savoir:  Émery  de  Blo,  Baudouin  de  Bri- 
zay,  Hugues  de  La  Mothe,  Gaultier  de  Pons,  Orry 
de  Blo  et  Simon  de  Brénezay  ;  mais  le  château  fut 
rendu  à  Robert  l'année  suivante  par  le  traité  de  paix 
fait  entre  le  roi  d'Angleterre  et  ses  fils  au  mois  de 
septembre  1 1 74*  Robert  eut  de  sa  femme  Hermen- 
sande  Josselin .  Robert  et  Adenorde. 

Josselin,  deuxième  du  nom,  fils  aîné  de  Robert, était 
un  des  bannerets  qui  accompagnèrent  Philippe-Au- 
guste dans  la  guerre  contre  l'empereur  Othon ,  le  roi 
d'Angleterre  et  le  comte  de  Flandre. 

Emery  succéda  à  Josselin  II  son  père.  Il  se  trouva 
à  Chinon  en  1242  avec  plusieurs  autres  chevaliers 
que  le  roi  y  avait  mandés  pour  aller  réduire  le  comte 
de  La  Marche.  Il  est  probable  qu'il  mourut  sans  en- 
fans;  car  nous  voyons  par  un  compte  d'Émery  de 
Gennes,  bailli  de  Touraine,  daté  de  l'an  1254?  qu'il 
était  dû  cent  quatre-vingts  livres  pour  le  rachat  de  la 
terre  d'Émery  de  Blo. 

Hugues,  seigneur  de  Bauçay,  hérita  des  seigneuries 
de  Blo  et  de  Champigny.  Il  assista  au  sacre  de  Guil- 
laume Lemaire,  évêque  d'Angers,  en  1291.  Jeanne 
de  Bauçay,  sa  fille,  épousa  en  secondes  noces  Charles 
d'Artois,  auquel  elle  porta  en  dot  la  seigneurie  de 
Champigny. 

Charles  d'Artois,  comte  de  Longueville  et  de  Pé- 
zénas ,  prince  du  sang ,  était  le  troisième  fils  de  Robert 


CHAMPIGNT.  4^ 

d'Artois ,  troisième  du  nom ,  comte  de  Beaumont-le- 
Roger,  et  de  Jeanne  de  Valois,  sœur  consanguine  de 
Philippe  de  Valois ,  roi  de  France.  Il  fut  fait  prison- 
nier à  la  bataille  de  Poitiers  en  i356,  selon  le  Labou- 
reur :  Louis ,  duc  d'Anjou ,  lui  ayant  imputé  plusieurs 
crimes,  le  contraignit  à  lui  abandonner  les  châteaux 
de  Champigny  et  du  Goudray. 

Louis  de  France ,  premier  du  nom ,  duc  de  Tou- 
raine  et  d'Anjou,  lils  du  roi  Jean  et  de  Bonne  de 
Luxembourg ,  mourut  le  ^o  septembre  1 384,  laissant 
de  sa  femme  Marie  de  Bretagne  Louis  et  Charles, 
prince  de  Tarente. 

Louis,  second  du  nom,  roi  de  Naples,  de  Sicile, 
de  Jérusalem  et  d'Aragon ,  duc  d'Anjou ,  mourut  au 
château  d'Angers  le  29  avril  1417-  H  engagea  la  sei- 
gneurie de  Champigny  à  Pierre  de  Beauveau ,  seigneur 
de  la  Roche-su r-Yoïi  et  sénéchal  d'Anjou,  pour  la 
somme  de  quinze  mille  livres,  et  lui  en  fit  depuis  le 
transport  viager  à  charge  de  rachat.  Enfin  il  lui  en 
vendit  la  propriété  d'accord  avec  son  fils  aîné  moyen- 
nant dix-sept  mille  ducats  d'or ,  six  cents  livres  de 
rente  et  quatre  cents  écus  d'or  de  pension. 

Pierre  de  Beauveau,  seigneur  de  Champigny  et  de 
la  Roche-sur- Yon ,  gouverneur  d'Anjou  et  du  Maine, 
était  fils  de  Jean  II  de  Beauveau  et  de  Jeanne  de  Ri- 
gny.  Il  épousa  Jeanne,  fille  de  Pierre  de  Craon,  qui 
était  veuve  d'Ingelger,  seigneur  d'Amboise  et  de  Ro- 
chc-Corhon,  et  dont  il  eut  deux  enfans,  Louis,  qui 
suit,  et  Jean  III,  seigneur  de  Beauveau. 

Louis  de  Beauveau,  premier  chambellan  de  René, 


i 


5o  HlSTOIRt:   DE   TOlIRAIJyE. 

duc  d'Anjou,  roi  de  Sicile  et  de  Naples,  sénéchal 
d'Anjou ,  n'eut  qu'une  fille ,  Isabelle  de  Beauveau , 
mariée  le  9  novembre  i454  à  Jean,  comte  de  Ven- 
dôme et  de  Chartres.  C'est  ainsi  que  cette  terre  passa 
pour  la  seconde  fois  à  des  princes  de  la  famille 
royale. 

Jean  de  Bourbon,  deuxième  du  nom,  comte  de  Ven- 
dôme et  de  Chartrfes ,  de  Montoire  et  d^  Lavardin , 
seigneur  de  Champigny,  eut  d'Isabelle  de  Beauveau, 
entre  autres  enfans,  François  de  Bourbon,  d'où  sont 
sortis  nos  sept  derniers  rois  et  Louis  de  Bourbon , 
prince  de  la  Pvoche-sur-Yon ,  qui  fît  la  suite  des  sei- 
gneurs de  Champigny. 

Louis  T""  de  Bourbon ,  prince  de  la  Roche-sur-Yon, 
épousa  Louise,  fille  de  Gilbert  de  Bourbon,  comte  de 
Montpensier.  Ce  fut  lui  qui  jeta  les  premiers  fonde- 
mens  du  château  de  Champigny  et  de  sa  Sainte-Cha- 
pelle, remarquable  surtout  par  les  beaux  vitraux 
dont  elle  est  décorée ,  et  où  sont  représentéeis  en  dix 
grands  tableaux  les  principales  actions  de  la  vie  de 
saint  Louis.  Ces  vitraux  ont  été  réduits  et  destinés  par 
M.  Marseuvre  avec  autant  de  talent  que  d'exactitude. 
Louis  I"  n'eut  pas  la  satisfaction  de  voir  s'achever 
l'ouvrage  qu'il  avait  commencé.  Il  mourut  en  iSao 
et  eut  son  tombeau  dans  cette  Sainte-Chapelle ,  déjà 
en  grande  partie  construite.  Il  eut  deux  fils  et  une 
fille  :  Louis  II,  Charles,  prince  de  la  Roche-sur-Yon, 
et  Susanne,  seconde  femme  de  Claude  I",  sire  de 
Rieux. 

Louis  II  de  Bourbon ,  duc  de  Montpensier ,  souve- 


CHAMPIGNT.  5t 

rain  de  Bombes,  dauphin  d'Auvergne  et  gouverneur 
de  Tourainc,  fît  achever  le  château  et  la  Sainte-Cha- 
pelle de  Chanipigny.  Nous  parlons  plus  amplement 
de  lui  dans  le  cours  de  notre  histoire  et  à  l'article  des 
gouverneurs.  Il  mourut  le  2  3  septembre  i582  ,  et  fut 
enterré  comme  son  père  dans  la  Sainte-Chapelle.  Ca- 
therine de  Longwy,  sa  première  femme,  fut  la  seule 
qui  lui  donna  des  enfans. 

François  de  Bourbon ,  fds  aîné  du  précédent ,  duc 
de  Montpensier,  prince  de  la  Roche-sur-Yon  ^  dau- 
phin d'Auvergne ,  eut  également  le  gouvernement  de 
Touraine.  Il  mourut  le  4  juin  i  ^92 ,  âgé  de  cinquante 
ans ,  laissant  de  Renée  d'Anjou ,  marquise  de  Mézières, 
son  épouse, 

Henri  de  Bourbon,  duc  de  Montpensier,  etic. ,  né  à' 
Mézières  en  Touraine  le  12  mai  i573;  il  mourut  à 
Paris  le  27  février  1608,  et  eut  sa  sépulture  dans  la 
Sainte-Chapelle.  Il  avait  épousé  Henriette-Catherine, 
fille  et  unique  héritière  de  Henri  de  Joyeuse ,  maré- 
chal de  France,  d'oîi  sortit 

Marie  de  Bourbon,  duchesse  de  Montpensier,  de 
Châtcllerault ,  de  Saint-Fargeau ,  souveraine  de  Bom- 
bes ,  dauphine  d'Auvergne ,  marquise  de  Mézières  et 
dame  de  Champigny,  mariée  à  Gaston  d'Orléans,  frère 
de  Louis  XIII.  Be  cette  alliance  naquit 

Anne-Marie-Louise  d'Orléans,  duchesse  de  Mont- 
pensier, etc.,  princesse  célèbre  par  son  esprit,  ses 
écrits  et  surtout  par  son  union  avec  le  duc  de  Lauzun. 
Elle  mourut  à  Paris  sans  enfans  le  16  avril  1693,  lais- 
sant son  héritage  à  la  maison  d'Orléans, 

4- 


52  HISTOIRE  DE   TOURAINE. 

CHATEAUNEUF,  baronnie. 


La  baronnie  de  Ghâteauneuf  (  Castrum  Novum^ 
MartinopoUs)  était  renfermée  dans  l'enceinte  de  la 
ville  de  Tours  et  possédée  de  tout  temps  par  les  tré- 
soriers de  Saint-Martin.  Deux  châtellenies  et  dix  fiefs 
en  dépendaient.  Il  y  avait  une  justice  exercée  par  les 
juges  ordinaires.  Nous  avons  souvent,  dans  le  cours 
de  notre  histoire ,  parlé  de  l'origine  du  bourg  de  Ghâ- 
teauneuf, de  son  agrandissement  et  de  son  agglomé- 
ration à  la  ville  de  Tours  ;  ainsi  nous  ne  répéterons 
point  ce  que  nous  en  avons  déjà  dit. 

CHATEAU-REGNAULT,  marquisat. 

La  ville  de  Château  -  Regnault  (  Castrum  -  Regi^ 
naldi)  est  située  à  six  lieues  nord  de  Tours ,  au  pen- 
chant d'une  colline  dont  ie  vallon  est  arrosé  par  la 
petite  rivière  de  Bransle.  La  grosse  tour  du  château, 
communément  appelée  le  donjon ,  était  le  principal 
manoir  de  ses  anciens  seigneurs  qu'on  appelait  autre- 
fois seigneurs  du  château,  mais  dont  le  nom  fut  en- 
suite changé  en  celui  de  Château-Renaud  ou  Regnault, 
en  considération  de  R.egnault,  petit-fils  de  Guicher, 
premier  du  nom ,  qui  fit  bâtir  le  premier  château. 
Cette  place  parut  d'une  telle  importance  pendant  les 
guerres  de  la  Ligue,  que  le  roi  Henri  IV  y  établit  un 
gouverneur  particulier  pour  défendre  le  pays.  Du 
temps  même  de  Charles  VII,  il  y  avait  une  garnison 


CHATKAU-RKCNAULT.  53 

qui  incommodait  fort  la  ville  de  Tours,  au  point  que 
SCS  habitans  furent  obliges  d'envoyer,  en  ifiiG,  des 
députés  à  la  reine  de  Sicile,  ducliesse  de  Tourainc, 
pour  se  plaindre  des  courses  que  faisait  cette  gar- 
nison. 

Le  domaine  était  d'une  assez  grande  étendue,  et  la 
justice  une  des  plus  considérables  de  la  province.  Dix- 
sept  paroisses  en  relevaient,  dont  dix  en  première 
instance  et  sept  par  appel.  Baronnie  dans  le  principe, 
en  [620  Louis  XIII  l'érigea  en  marquisat  en  faveur 
d'Albert  de  Rousselet. 

Quoique  ses  seigneurs  rendissent  bommage  à  Blois, 
la  justice  relevait  du  bailliage  de  Touraine.  A  la  vérité 
les  anciens  comtes  de  Blois,  qui  étaient  seigneurs  de 
Cbâteau-Rcgnault,  ont  souvent  tenté  d'attirer  cette 
justice  dans  leur  capitale  ;  mais  le  roi  Jean  termina 
ce  différend  en  ordonnant  que  le  bailli  des  exemptions 
mettrait  au  ressort  de  Tours  la  terre  et  la  cbâtellenie 
de  Cbateau-Regnault. 

Guiclier,  troisième  du  nom,  fut  le  premier  qui 
voulut  se  soustraire  a  l'obéissance  de  Geoffroy-Martel 
en  se  mettant  sous  la  protection  de  Tbibaut,  comte 
de  Blois ,  à  qui  Geoffroy  venait  d'enlever  la  Touraine; 
mais  Henri  II ,  roi  d'Angleterre  et  comte  de  Touraine, 
s'opposa  à  cette  usurpation.  A  la  vérité  son  fils  aîné, 
révolté  contre  lui,  abandonna  h  Tbibaut,  dans  l'as- 
semblée des  états  de  France,  tous  les  droits  que  son 
père  avait  sur  Cbàteau-Regnaull  ;  mais  cet  abandon 
illégal  fut  révoqué  par  le  traité  de  paix  liiit  à  Mont- 
Louis  le  3o  septembre  1 1 74  entre  le  père  et  les  enfans. 


54  HISTOIRE  DE  TOIJUAINE. 

Guicber  est  le  plus  ancien  des  seigneurs  de  Châ- 
teau-Regnault  dont  nous  ayons  connaissance.  Il  vivait 
dans  le  dixième  siècle.  Son  nom  nous  a  été  transmis 
par  Regnault  son  petit-fils,  dans  un  titre  qui  se  trou- 
vait à  l'abbaye  de  Marmoutier. 

Geoffroy,  fils  de  Guicber,  fut  enterré  à  Marmou- 
tier, où  les  seigneurs  de  Cbâteau-Regnault  avaient 
droit  de  sépulture. 

Regnault  ou  Renaud,  premier  du  nom,  fils  de 
Geoffroy,  succéda  à  son  père.  Ce  fut  de  lui ,  comme  le 
rapporte  la  cbronique  de  Tours ,  que  le  cbâteau  prit  le 
nom  de  Cbâteau-Regnault.  Il  mourut  vers  l'an  1020, 
laissant  Guicber,  son  fils,  béritier  de  ses  domaines. 

Guicber  II  eut  plusieurs  enfans ,  entre  autres 
Guicber  III,  qui  continua  la  postérité,  et  Regnault, 
mentionné  dans  une  cbarte  de  1066  avec  Pétronille 
sa  sœur,  femme  de  Foulques-Loyson ,  comte  de 
Vendôme  ,  laquelle  mourut  à  Cbâteau  -  Regnault 
en  1078. 

Guicber  III  ne  fut  pas  plus  tôt  en  possession  de 
Cbâteau-Regnault  qu'il  prit  les  armes  en  faveur  de 
Tbibaut  II,  comte  de  Tours  et  deBlois  ;  mais  Tbibaut 
ayant  été  contraint,  en  1044?  ^^  céder  la  Touraine 
à  Geoffroy-Martel,  Guicber  refusa  de  reconnaître 
celui-ci  pour  son  nouveau  soigneur,  et  de  lui  rendre 
bommage,  ce  qui  obligea  Geoffroy  de  se  saisir  de 
Cbâteau-Regnault,  qu'il  donna  à  Regnault  de  Cbâteau- 
Gontbier,  qui  en  eut  le  gouvernement  pendant  dix- 
buit  ou  dix-neuf  ans. 

L^  conformité  du  nom  de  Regnault  dans  ces  deux 


CHA.TEAU-IltG]VAULT.  55 

familles  a  fait  croire  à  quelques  historiens  que  Châ- 
teau-Regnault  devait  son  nom  à  Regnault  de  Chaleau- 
Gonthier  :  mais  c'est  une  erreur;  car  même  Guicher 
ne  cessa  point  de  jouir  des  revenus  de  sa  terre, 
quoique  Regnault  de  Château-Gonthier  en  eut  pris 
possession ,  et  nous  voyons  qu'étant  à  Blois  au  mois 
de  septembre  1062 ,  il  prétendit  que  les  habitans  de 
Saint-Laurent-en-Gatines  devaient  lui  apporter  à 
Blois  les  redevances  qu'ils  avaient  coutume  de  lui 
payer  à  Château-Regnault.  Guicher  rentra  enfin  dans 
la  jouissance  de  son  château.  La  guerre  s'étant 
déclarée  quelques  années  après  entre  Geoffroy  de 
Preuilly,  comte  de  Vendôme ,  et  Lisoys  d'Amboise 
au  sujet  des  dîmes  de  Saint-Cyr-sur-Loire ,  dont  le 
comte  de  Touraine  prétendait  l'hommage,  Guicher 
s'engagea  dans  le  parti  du  comte  de  Vondôme,  son 
oncle  ;  mais  Lisoys ,  secondé  par  Robert  des  Roches , 
seigneur  de  Roche-Corbon ,  et  par  Jean  d'Aluys,  sei- 
gneur de  Châteaux  et  de.  Saint-Christophe,  leur 
résista  courageusement,  et  les  contraignit  de  se  reti- 
rer en  désordre.  Guicher  fut  pris  par  Jean  d'Aluys 
et  conduit  à  Châteaux  ou  il  mourut  prisonnier. 

Regnault  II,  voulant  venger  la  mort  de  son  père, 
se  mit  à  faire  des  courses  sur  les  terres  du  seigneur 
d^Amboise;  mais  Hugues  de  Chaumont,  accompagné 
de  ses  vassaux  et  d'Hélie  de  La  Flèche,  comte  du 
Maine,  son  cousin,  prit  le  château  de  Moran,  appar- 
tenant à  Regnault,  et  le  détruisit  de  fond  en  comble. 

Quelque  temps  après,  Regnault  ayant  eu  avec 
Geoffroy  son  frère  un  démêlé  relativement  à  leurs 


56  IIISTOIRTi:    DE  TOURAINE. 

partages,  Sulpice  d'Amboise,  qui  avait  succédé  à 
Hugues,  prit  la  défense  de  Geoffroy,  et  força  Re- 
gnault  de  céder  à  Geoffroy  une  partie  de  sa  terre  ^ 
contre  la  coutume  de  la  province  qui  ne  permettait 
pas  de  démembrer  les  baronnies,  les  cadets  n'ayant 
droit  qu'à  des  rentes  en  argent.  Regnault,  mécontent 
de  ce  traité  forcé ,  eut  recours  au  comte  de  Vendôme 
son  cousin ,  et  afin  de  le  lier  plus  étroitement  à  sa 
défense,  il  lui  fit  hommage  de  sa  terre  de  Château- 
Regnault,  imitant  en  cela  l'usage  des  anciens  Gaulois 
qui  se  mettaient  sous  la  protection  de  quelque  grand 
pour  se  soustraire  à  l'oppression  de  leurs  ennemis. 
Le  comte  de  Vendôme  se  mit  donc  en  campagne  pour 
soutenir  les  droits  de  son  nouveau  vassal.  Sulpice 
d'Amboise  s'étant  avancé  jusqu'à  Ville-Chauve  entre 
Moran  et  Château-Regnault ,  le  comte ,  sans  attendre 
le  reste  de  ses  troupeè  conduites  par  Regnault ,  atta- 
qua brusquement  Sulpice,  qui  soutint  vaillamment  ce 
premier  effort ,  mit  en  déroute  les  troupes  du  comte, 
le  prit  lui-même  et  l'emmena  prisonnier  au  château 
de  Chaumont. 

Ce  Regnault  fui  un  des  principaux  bienfaiteurs  de 
l'abbaye  de  Fontaine-les-Blanches ,  à  laquelle  il  donna 
en  I  [4o  le  droit  d'usage,  de  chauffage  et  de  pacage 
dans  sa  forêt.  Il  mourut  peu  de  temps  après ,  ne  lais^ 
sant  qu'une  fille, 

Sibylle  de  Château-Regnault.  Elle  fut  d'abord  fian- 
cée à  Hugues,  fils  aîné  de  Sulpice  II  d'Amboise,  qui 
la  fît  élever  auprès  de  son  fils  jusqu'à  ce  qu'elle  eût 
atteint  l'âge  de  puberté  :  mais  l'archevêque  de  Tours 


CHATEAU-REGNAULT.  IJ'] 

l'ayant  menacé  des  censures  ecclésiastiques  s'il  accom- 
plissait ce  mariage  entre  parens  au  degré  prohibé, 
Sulpice  fut  oblige  de  la  renvoyer  à  Cbâteau-Regiiault, 
ou  elle  épousa  Josselin,  seigneur  d'Auneau  ou  des 
Aunelles.  Sulpice,  irrité  de  ce  mariage,  fit  la  guerre 
à  Josselin ,  et  ayant  mis  le  siège  devant  Château-Re- 
gnault,  l'emporta  d'assaut  et  brûla  tout  hormis  l'église. 
Josselin  étant  mort  peu  de  temps  après,  Sibylle  se  re- 
maria à  Thibaut  de  Champagne,  comte  de  Blois  et  de 
Chartres,  auquel  elle  porta  en  dot  la  seigneurie  de 
Château-Regnault.  Ce  mariage,  omis  par  tous  les  his- 
toriens, a  été  prouvé  par  la  charte  de  fondation  de 
l'abbaye  de  Boullay. 

Thibaut  de  Champagne,  comte  de  Blois,  sénéchal 
de  France,  était  fils  de  Thibaut-le-Grand,  comte  de 
Champagne ,  de  Blois  et  de  Chartres.  La  chronique 
de  Tours  rapporte  qu'en  i\^i  il  voulut  enlever  Alié- 
nor  de  Guienne  que  le  roi  Louis  VII  venait  de  répu- 
dier ,  mais  qu'elle  réussit  à  échapper  à  sa  poursuite. 
Thibaut  mourut  en  1 191  au  siège  d'Acre,  autrement 
Ptoiçmaïde.  En  11 64  il  avait  épousé  en  secondes 
noces  Alix  de  France,  fille  de  Louis-le-Jeune  et  d'A- 
liénor  de  Poitou.  Il  eut  pour  enfans  ,  sans  qu'on  sache 
précisément  de  quels  lits,  Thibaut,  Henri  et  Philippe, 
morts  en  bas  âge,  Louis,  qui  continua  la  postérité, 
Marguerite ,  comtesse  de  Blois ,  Elisabeth ,  comtesse 
de  Chartres  et  de  Chateau-Regnault,  et  Alix,  abbesse. 

Louis  de  Champagne  succéda  à  son  père  l'an  1 191, 
et  fut  tué  à  la  bataille  d'Andrinople  le  i4  avril  i2o5, 
laissant  de  Catherine,  comtesse  de  Clermont,  Thi- 


58  HISTOIRE  DE  TOITRAINE. 

haut  dit  le  Jeune,  Raoul  et  Jeanne,  tous  deux  morts 
en  bas  âge. 

Thibaut,  dit  le  Jeune,  comte  de  Blois ,  de  Chartres 
et  de  Clermont,  épousa  en  premières  noces  Mahaut, 
fille  de  Robert  V  comte  d'Alençon  et  de  Jeanne  de 
la  Guerche.  Il  eut  pour  seconde  femme  Clémence,  fille 
puînée  de  Guillaume  des  Roches,  sénéchal  de  Tpu- 
raine  ;  mais  étant  mort  sans  enfans,  tous  ses  biens  pas- 
sèrent à  ses  deux  tantes  Marguerite  et  Elisabeth  de 
Champagne.  La  première  eut  en  partage  le  comté  de 
Blois  ;  l'autre  eut  le  comté  de  Chartres  et  la  seigneurie 
de  Château-Regnault.  Marguerite  épousa  en  troisiènies 
noces  Gauthier  d'Avesne,  père  de  Marie,  femme  de 
Hugues  de  Châtillon,  par  qui  la  terre  de  Château- 
Regnault  passa  dans  cette  maison. 

Elisabeth  de  Champagne,  comtesse  de  Chartres, 
eut  pour  premier  mari  Sulpice  IIÏ,  seigneur  d'Am- 
boise,  Chaumont,  Bléré  et  Montrichard.  De  ce  ma- 
riage sortirent  Hugues,  mort  jeune,  et  Mathilde,  qui, 
mpurant  sans  postérité ,  laissa  sa  succession  aux  enfans 
de  Hugues  de  Châtillon  et  de  Marie  d'Avesne  sa  coa-» 
sine-germaine. 

Hugues  de  Châtillon,  comte  de  Saint-Paul,  fils  puîqé 
de  Gaucher  de  Châtillon  et  d'Elisabeth  de  Saint- 
faul ,  eut  le  comté  de  Blois  à  cause  de  Marie  d'Avesqe 
son  épouse.  Alors  Hugues  de  Montmirail  et  Elisabeth 
de  Champagne  leur  cédèrent  à  perpétuité  la  châtel- 
leoie  de  Château-Regnault  avec  toutes  ses  dépen- 
dances, ainsi  que  la  forêt  de  Blémars,  à  la  charge 
seulement  du  douaiie  d'Elisabeth  affecté  sur  cette 


CHATFAU-REGNA.ULT.  5^ 

terre.  Hugues  eut  pour  fils  Jean ,  Guy,  comte  de  Saint- 
Paul  ,  et  Hugues  de  Chatillon. 

Jean,  comte  de  Blois  et  de  Chartres,  seigneur  de 
Château-Regnault,  épousa  Alix  de  Bretagne,  dont  il 
eut  une  fille  unique. 

Jeanne  de  Chatillon,  comtesse  de  Blois  et  de  Char- 
tres ,  fut  accordée  dès  l'âge  de  neuf  ans  à  Pierre  de 
France,  comte  d'Alençon,  fils  du  roi  saint  Louis;  et, 
en  faveur  de  ce  mariage,  Alix  leur  donna  la  seigneurie 
de  Château-Regnault,  ainsi  que  les  autres  places  que 
son  mari  lui  avait  assignées  pour  douaire,  se  réser- 
vant seulement  cinq  cents  livres  de  rente  pendant  sa 
vie.  Elle  en  donna  ses  lettres  au  mois  de  mars  1277. 
Jeanne,  devenue  veuve  en  1283,  mourut  le  17  jan- 
vier 1292  sans  laisser  de  postérité.  Par  son  testament, 
daté  du  dimanche,  jour  de  la  fête  de  Saint- Julien 
lagi,  elle  donna  douze  mille  livres  en  legs  pieux, 
dont  trois  cent  cinquante  livres  à  ses  pauvres  ména- 
gers de  Château-Regnault;  deux  cents  livres  aux 
pauvres  filles  du  même  lieu  afin  de  les  marier  ou  de 
les  mettre  en  religion  ;  pareille  somme  aux  pauvres 
femmes  nobles;  vingt  livres  à  l'Hôtel -Dieu  et  qua- 
rante sous  de  rente  sur  le  festage  de  Château-Re- 
gnault. 

Hugues  de  Chatillon,  fils  aîné  de  Guy,  comte  de 
Saint-Paul  et  de  Mahaut  de  Brabant,  hérita  le  comté 
de  Blois  et  la  seigneurie  de  Château-Regnault  par  le 
dc'cès  de  Jeanne  de  Chatillon ,  sa  cousine-  germaine. 
Il  avait  épousé  Béatrix  de  Flandre ,  dont  il  eut  deux 
enfans,  Guy  et  Jean.  Hugues  fit  son  testament  en  1 3,99, 


6ô  HISTOIRE  DE  TOUR  AINE. 

par  lequel  il  fît  plusieurs  dons  aux  pauvres,  aux  hô- 
pitaux et  à  la  maladrerie  de  Cliâteau-Regnault. 

Jean  de  Châtillon ,  dit  de  Blois ,  eut  en  partage  les 
seigneuries  de  Cliâteau-Regnault  et  de  Milaçay,  à 
condition  de  les  tenir  à  foi  et  hommage  du  comte  de 
Blois.  Il  mourut  sans  enfaus,  et  sa  succession  échut  à 
son  frère  aîné. 

Guy  de  Châtillon,  comte  de  Blois  et  de  Dunois,  fut 
fiancé  dès  l'âge  de  dix  ans  avec  Marguerite  de  Valois, 
fille  de  Charles  de  France,  comte  de  Valois,  d'Aleii- 
çon  et  de  Chartres,  par  contrat  passé  à  Saint-Ger- 
main-en-Laye  au  mois  d'octobre  1 298.  De  ce  mariage 
naquirent  trois  enfans,  Louis,  Charles  et  Marie. 

Il  paraît  que  les  rois  de  France  avaient  conservé 
quelques  droits. utiles  dans  la  terre  de  Château-Re- 
gnault  ;  car  nous  voyons  par  le  registre  de  la  chambre 
des  comptes  intitulé  :  Tabula  major  dividens,  etc., 
année  3325,  que  le  dimanche  après  Pâques  iSaa, 
«  Ot  grant  conseil  à  Pontoise  en  l'abbaye,  où  ly  rois 
«  reprent  et  remet  arrières  son  domaine  toute  la  terre 
a  qui  fust  baillée  à  Pierre  de  Machauz  au  prix  de 
(c  2  55  hvres  i4  sous  parisis  de  rente  en  la  chastelle- 
«  nie  de  Chastel-Regnaut  par  ly  rois  Philippe  et  le 
a  frère  du  roy  Monsieur,  laquelle  terre  il  ot  en  ré- 
«  compensation  de  la  ville  de  Lisi  et  de  Villan- 
«  trais,  etc.  )) 

Louis  de  Châtillon ,  premier  du  nom ,  comte  de 
Blois,  de  Dunois  et  de  Soissons,  épousa  Jeanne  de 
Hainaut,  dame  de  Chimay,  qui ,  étant  devenue  veuve, 
fit  avec  Bouchard ,  comte  de  Vendôme ,  le  8  novembre 


CHATEAU-REGNAULT.  6Î 

i347?  ^"  accord  par  lequel  il  fut  convenu  que  tous 
les  fiefs,  arrière-fiefs  et  dépendances  de  Ghâteau-Re- 
gnault  enclavés  dans  le  comté  de  Vendôme  demeure- 
raient au  comte  de  Blois.  Il  laissa  trois  fils,  Louis, 
Jean  et  Guy,  tous  les  trois  successivement  seigneurs 
de  Chateau-Regnault. 

Louis,  deuxième  du  nom,  comte  de  Blois,  de  Du- 
nois  et  de  Soissons,  ne  fut  point  marié. 

Jean,  troisième  du  nom,  comte  de  Blois,  épousa 
Marguerite  de  Gueldres,  dont  il  n'eut  point  d'enfans. 

Guy,  comte  de  Soissons,  puis  de  Blois,  épousa 
Marie  de  Namur,  dont  il  n'eut  qu'un  fils  qui  mourut 
sans  postérité  en  iSgi.  Cet  événement  donna  sujet  à 
Charles  VI ,  qui  était  alors  à  Tours ,  d'aller  trouver 
le  comte  à  Château-Regnault  pour  l'engager  à  vendre 
cetle  seigneurie  ainsi  que  le  comté  de  Blois  à  Louis , 
duc  de  Touraine ,  son  frère ,  qui  avait  eu  de  très- 
grands  biens  de  Valentine  de  Milan  sa  femme.  Le 
comte  y  consentit ,  et  le  contrat  fut  passé  à  Paris  au 
mois  d'octobre  iSqi  moyennant  deux  cent  mille 
francs  d'or  et  six  mille  livres  annuellement  pour  le 
douaire  de  Marie  de  Berri,  veuve  de  Louis  de  Châ- 
tillon. 

Louis  de  France ,  duc  de  Touraine  et  depuis  duc 
d'Orléans,  comte  de  Blois,  fils  de  Charles  V,  roi  de 
France,  fut  assassiné  le  9.3  novembre  1407.  Sa  mort, 
ainsi  que  son  mariage  avec  Valentine  de  Milan^  furent 
deux  sources  de  calamités  pour  la  France,  l'une  en 
faisant  naître  les  factions  des  Bourguignons  et  des 
Armagnacs,  et  l'autre  en  devenant  la  cause  des  désas- 


62  HISTOIRE   DE  TOURAINE. 

treuses  guerres  d'Italie,  qui  avaient  pour  objet  la 
conquête  du  Milanais.  Louis  eut  de  Valentine  Charles 
duc  d'Orléans,  Philippe  comte  de  Vertus,  Jean  comte 
d'Angoulême ,  et  Marguerite,  femme  de  Richard 
d'Étampes.  Il  eut  encore  un  fils  naturel,  Jean  comte 
de  Dunois ,  célèbre  dans  l'histoire  sous  le  nom  du 
bâtard  d'Orléans,  chef  de  la  branche  de  Longueville. 

Charles,  duc  d'Orléans  et  de  Milan,  comte  de  Va- 
lois, de  Beaumont  et  de  Blois,  fut  pris  à  la  bataille 
d'Azincourt  et  conduit  en  Angleterre,  où  il  resta  pri- 
sonnier pendant  vingt-cinq  ans.  Il  en  sortit  en  i44o 
par  l'entremise  de  Philippe -le -Bon,  duc  de  Bour- 
gogne ,  moyennant  une  grosse  rançon ,  pour  le  paie- 
ment de  laquelle  il  vendit,  en  144^?  la  seigneurie  de 
Château-Regnault  à  Jean  de  Daillon,  comte  du  Lude, 
par  contrat  de  réméré  ;  mais  l'ayant  retirée ,  il  la 
revendit  au  comté  de  Dunois  au  prix  de  vingt  mille 
écus  d'or,  par  lettres  du  29  mars  i449' 

Jean,  bâtard  d'Orléans,  comte  de  Dunois  et  de 
Longueville,  grand  -  chambellan  de  France,  épousa 
eh  premières  noces  Marie,  ou, selon  d'autres,  Jeanne, 
fille  du  président  Louvet,  dont  il  n'eut  point  d'enfans. 
Sa  seconde  femme  fut  Marie,  fille  de  Jacques  d'Har- 
court,  comte  de  Tancarville,  et  de  Marguerite  de 
Melun.  Il  mourut  en  1470  âgé  de  soixante  ans,  com- 
blé d'honneurs,  de  gloire  et  de  richesses,  laissant  de 
son  dernier  mariage  François  ;  Marie,  épouse  de  Louis, 
seigneur  de  La  Haye  et  de  Passavant,  et  Catherine, 
femme  de  Jean  de  Sarrebruck. 

François  d'Orléans,  premier  du  nom,  comte  de 


CHATEAU-ftEGÎ^AULT.  63 

Dunois ,  de  Longueville  et  de  Tancarville ,  etc. ,  fut 
marié  avec  Agnès  de  Savoie ,  dont  il  eut  François  qui 
suit,  Louis  duc  de  Ixjngue ville,  et  Jean,  cardinal. 

François  d'Orléans ,  deuxième  du  nom ,  comte  de 
Dunois,  etc.,  grand-chambellan  de  France,  mourut  eil 
13  12,  laissant  de  Françoise  d'Alençon,  son  épouse, 

Renée  d'Orléans ,  comtesse  de  Dunois,  qui  mourut 
1(B  îi  mai  i5i5,  âgée  de  sept  ans. 

Louis  d'Orléans,  duc  de  Longueville,  souverain 
de  Néufchâtel ,  marquis  de  Rothelin ,  comte  de  Du- 
nois, etc.,  grand-chambellan  de  France,  succéda  à 
Renée  d'Orléans ,  âà nièce,  dans  tous  ses  domaines.  Il 
épousa  Jeanne  Hochberg ,  marquise  de  Rothelin.  De 
cette  alliance  naquirent  Claude  qui  fut  tué  devant  Pavie 
en  15^5;  Louis,  qui  suit;  François,  marquis  de  Ro- 
thelin ^  {>ère  de  J^éonor  d'Orléans  qui  continua  la  pos- 
térité, et  Charlotte,  épouse  de  Philippe  de  Savoie, 
duc  de  Nemours. 

Louis  d'Orléans ,  deuxième  du  nom ,  comte  de  Du- 
nois, souverain  de Neufchâtel,  etc.,  grand-chambellah 
de  France,  prit  alliance  avec  Marie,  fille  aînéfe  de 
Claude  de  Lorraine ,  duc  de  Guise ,  qui  la  laissa 
Veuve  et  mère  de  deux  enfans ,  François ,  et  Louis  ^ 
né  posthume. 

François  d'Orléans,  troisième  du  nom ,  duc  de  Lon- 
gueville, mourut  le  2^  septembre  i55l,  âgé  de  sei^ô 
ans,  sans  avoir  été  marié. 

Léonor  d'Orléans ,  marquis  de  Rothelin  ,  comte  de 
Dunois,  etc.,  fils  de  François  d'Orléans,  marquis  de 
Rothelin ,  recueillit  la  succession  de  Fi-ançois ,  son 


64  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

cousin  -  germain.  Il  épousa  Marie,  fille  unique  de 
François  de  Bourbon  comte  de  Saint-Paul ,  dont  il 
eut  Henri  d'Orléans,  duc  de  Longueville;  François, 
comte  de  Saint  -  Paul  et  de  Fronsac ,  gouverneur  de 
Touraine;  Catherine;  Antoinette,  épouse  de  Charles 
deGondy,  marquis  deBelle-Isle,  auquel  elle  porta  en 
dot  la  seigneurie  de  Ghâteau-Regnault  ;  et  enfin  Éléo- 
nore,  mariée  à  Charles  de  Matignon  comte  de  Tho- 
rigny. 

Charles  de  Gondy,  marquis  de  Belle-Isle,  général  des 
galères  de  France,  était  fils  d'Albert  de  Gondy,  duc 
de  Retz,  pair  et  maréchal  de  France.  Il  fut  tué  au 
Mont-Saint -Michel  Tan  i5i6,  laissant  d'Antoinette 
d'Orléans  sa  femme  un  fils  unique  qui  continua  la 
postérité. 

Henri  de  Gondy,  duc  de  Retz  et  de  Beaupreau, 
marquis  de  Belle-Isle.  Ce  fut  lui  qui  céda  la  seigneurie 
de  Château-Regnault  à  Albert,  fils  de  François  de 
Rousselet ,  seigneur  de  la  Pardieu ,  et  d'Emérence 
de  Gondy,  fille  naturelle  du  maréchal  de  Retz. 

Albert  de  Rousselet,  chevalier,  seigneur  de  la  Par- 
dieu,  baron  de  Lilly,  Noyers  et  la  Blanchardaye , 
capitaine  de  cinquante  hommes  d'armes,  gouverneur 
de  l'île  et  des  forts  de  Belle-Isle ,  fit  preuve  de  tant  de 
valeur  et  de  conduite  dans  son  gouvernement  pen- 
dant les  guerres  de  la  Ligue,  qu'il  excita  la  jalousie  de 
tous  les  seigneurs  de  Bretagne,  qui  essayèrent  de  le 
noircir  auprès  de  Henri  IV  ;  mais  ce  sage  monarque 
se  contenta  de  répondre  qu'il  reconnaissait  son  cousin 
de  la  Pardieu  pour  gentilhomme  d'honneur  et  de  mé- 


CHATEAU-REGNAULT.  65 

rite,  auquel  il  n'eût  pas  confié  la  principale  force  de 
son  état  s'il  ne  l'eût  tenu  pour  tel.  Il  épousa  en  1 545 
Madeleine,  fille  deN.  le  maréchal,  baron  de  Noyers, 
«t  de  Cécile  de  Croixmare ,  dont  il  eut  un  fils 
unique. 

Albert  de  Rousselet,  deuxième  du  nom.  Ce  fut  en 
sa  faveur  que  la  terre  de  Château-Regnault  fut  érigée 
en  marquisat  en  1 620  par  Louis  XllI ,  en  considéra- 
tion des  services  de  son  père. 

François  de  Rousselet  fut  le  premier  qui  porta  le 
titre  de  marquis  de  Château-Regnault.  En  1622  il 
épousa  Louise ,  fille  de  Noël  Compans  ,  seigneur 
d'Arcy ,  maître  en  la  chambre  des  comptes ,  et  de 
Louise  de  Dreux.  De  cette  alliance  sortirent  François, 
qui  continua  la  postérité,  Balthasar,  abbé  commen- 
dataire  des  abbayes  de  Pornic  en  Bretagne  et  de  Fon- 
taines-les-Blanches  en  Touraine,  et  François-Louis  j 
comte  de  Château-Regnault,  maréchal  de  France  et 
vice-amiral,  célèbre  par  ses  exploits  maritimes  sous  le 
règne  de  Louis  XIV.  Ce  dernier  mourut  en  17 16  âgé 
de  quatre-vingts  ans. 

François  de  Rousselet,  deuxième  du  nom,  marquis 
de  Château-Regnault,  épousa  en  j658  Marie,  fille  de 
Jean  Leguy ,  seigneur  de  la  Giraudière.  De  ce  ma- 
riage est  né 

Albert-François  de  Rousselet ,  marquis  de  Château- 
Regnault,  dont  le  fils  François  n'eut  que  des  filles. 
L'aînée  fut  mariée  à 

Estaing  (Jean-Baptiste-Charles-Henri  comte  d'), 
marquis  de  Saillans  et  de  Château-Regnault,  vicomte 
3.  :> 


66  msTorwK  di  tottraïne. 

de  Ravel ,  connu  par  ses  services  sur  terre  et  sur  mêr 
sous  les  règnes  de  Louis  XV  et  de  Louis  XVI,  et  sur- 
tout par  sa  fin  tragique  en  1793.  Nous  parlerons  de 
lui  à  l'article  des  gouverneurs  de  Touraine. 

CHATILLON-SUR-INDRE. 

Châtillon  (  Castillio  ) ,  ville  royale  à  seize  ligues  de 
Tours,  sur  les  confins  de  la  Touraine  et  du  Berri,  est 
située  sur  un  coteau  qui  s'aplanit  doucement  jusqu'aux 
belles  et  riches  prairies  qu'on  trouve  à  ses  pieds.  Elle 
d<^pendait  au  temporel  du  duché  de  Touraine  et  était 
régie  par  ses  coutumes  ;  mais  pour  le  spirituel  et  pour 
la  taille,  elle  était  du  diocèse  et  de  la  généralité  de 
Bourges,  amalgame  bizarre  qu'a  fait  disparaître  le 
nouvel  ordre  de  choses,  d'après  lequel  Châtillon  n'ap- 
partient plus  à  la  Touraine.  Il  y  avait  un  présidial 
créé  en  i63i ,  une  pré  voté  et  une  maréchaussée.  Son 
château  placé  sur  une  hauteur  avait  une  ancienne  tour 
fort  élevée  qu'on  nommait  la  tour  de  l'Aigle. 

En  parlant  de  Buzançais,  nous  avons  dit  que 
Gharles-le-Chauve  donna  également  Châtillon  à  l'un 
de  ses  favoris  nommé  Hémon.  On  présume  que  Ro- 
bert, petit-fils  de  ce  Hémon,  épousa  la  fille  de  Bou- 
chard ,  comte  de  Montrésor,  dont  il  eut  Archambaud, 
seigneur  de  Buzançais,  Sulpice,  trésorier  de  Saint- 
Martin  ,  seigneur  de  Verneuil,  et  une  fille  qui  eut  en 
partage  la  seigneurie  de  Châtillon  qu'elle  apporta  en 
dot  à  son  mari ,  dont  le  nom  est  inconnu. 

Son  fils  Ganillon  fit  la  guerre  à  Albéric  de  Mon- 


CHATILLON-SUR-INDRE.  67 

trésor,  son  oncle  maternel,  et  s'empara  de  ses  états; 
mais  Hugues  d'Amboise,  ayant  pris  le  parti  d'Albéric, 
trouva  Ganillon  qui  pillait  la  campagne  sur  les  rives 
du  Cher,  lui  livra  bataille,  le  défît  et  le  retint  en  pri- 
son jusqu'à  ce  qu'il  lui  eût  rendu  hommage  pour  Châ- 
tillon ,  qu'il  lui  eût  abandonné  ses  prétentions  sur 
Montrichard,  et  enfin  qu'il  eût  restitué  Montrésor  à 
son  oncle.  Depuis  ce  temps  nous  ne  trouvons  plus 
aucune  trace  des  seigneurs  de  Châ tillon  jusqu'au  dou- 
zième siècle. 

Les  comtes  de  Touraine  ayant  uni  cette  place  à  leur 
domaine,  Jean-sans-Terre  ,  frère  de  Richard  Cœur- 
de-Lion  ,  la  céda  au  roi  de  France  au  mois  de  janvier 
I  î  93  avec  quelques  autres  terres  pour  garantie  du 
traité  fait  entre  eux ,  à  condition  que  le  roi  pourrait 
y  mettre  en  garnison  quatre  chevaliers  et  quarante 
vassaux  entretenus  aux  dépens  du  prince  anglais,  qui 
serait  en  conséquence  obligé  de  lui  donner  tous  les 
mois  deux  mille  livres  monnaie  d'Anjou ,  et  d'y  mettre 
des  provisions  pour  au  moins  deux  ou  trois  mois. 
Mais  ce  traité  resta  sans  exécution,  et  la  Touraine 
ayant  été  réunie  à  la  couronne  en  i  ao4 ,  Philippe- 
Auguste  assiégea  Châtillon ,  qui  ne  tarda  pas  à  se 
rendre.  C'est  depuis  cette  réunion  que  nous  voyons 
reparaître  les  seigneurs  de  cette  ville. 

Dreux  de  Mello,  connétable  de  France,  pour  prix 
des  services  qu'il  avait  rendus  à  Philippe  -  Auguste 
dans  ses  guerres  contre  les  Anglais,  reçut  de  lui  les 
seigneuries  de  Loches  et  de  Chatillon ,  par  lettres  de 

5. 


68  HISTOrRE   DE    TOURAINE. 

Tan  i2o4»  à  la  charge  de  foi  et  hommage- lige,  se 
réservant  seulement  le  droit  de  régale  sur  les  abbayes 
qui  en  dépendaient.  Il  mourut  le  3  mars  121 8,  lais- 
sant de  sa  femme  Ermentrude  de  Moucy,  Dreux  et 
Agnès  mariée  en  1209  à  Garnier  Dutraisnel. 

Dreux  de  Mello  II  succéda  à  son  père  aux  seigneu- 
ries de  Châlillon  et  de  Loches,  qui  furent  rachetées 
par  le  roi  saint  Louis  moyennant  six  cents  livres  de 
rente,  par  lettres  données  au  camp  d'Egypte  près  le 
Nil  en  décembre  1249.  Il  mourut  l'année  suivante 
sans  laisser  d'enfans. 

Pierre  de  Brosse ,  seigneur  de  Langeais  et  de  Dam- 
ville,  avait  probablement  obtenu  la  seigneurie  de 
Châtillon  pendant  sa  faveur  auprès  de  Philippe- le- 
Hardi.  On  trouvera  son  article  dans  notre  quatrième 
volume.  Après  son  supplice ,  en  1 278,  ses  biens  furent 
confisques  et  acquis  à  la  couronne.  Il  n'y  eut  plus  de 
seigneurs  de  Châtillon  jusqu'au  suivant. 

Tanneguy  Duchâtel,  chevalier,  seigneur  de  Rénac 
et  du  Bois-Raoul ,  grand-écuyer  de  France ,  gouver- 
neur de  Roussillon,  obtint  de  Louis  XI,  en  1472,  à 
titre  d'engagement,  les  seigneuries  de  Châtillon  ,  de 
Passy  et  de  Nonancourt,  pour  l'indemniser  des  grosses 
avances  qu'il  avait  faites ,  tant  pour  le  service  que 
pour  les  funérailles  de  Charles  VII ,  que  lui  seul  n'a- 
bandonna point.  Ce  dévouement  parut  si  beau,  que 
même  cent  ans  après,  quand  le  corps  de  Henri  II fut 
conduit  sans  pompe  à  Saint-Denis ,  on  trouva  sur  le 
corps  ces  mots  écrits'  en  grosses  lettres  :  Oîi  est  main." 


CHATILLON-SUR-INDRE.  69 

tenant  Tanne guj  Duchastel?  11  fut  tue  au  siège  de 
Bouchain  en  1479?  et  fut  enterré  h  Cléry  par  ordre 
de  Louis  XI. 

Jeanne  de  Raguenel ,  vicomtesse  de  Bëlière ,  etc. , 
veuve  de  Tanneguy  Duchâtel ,  jouit  du  domaine  de 
Châtillon  comme  ayant  la  garde  noble  de  Gillette, 
Jeanne  et  Françoise  ses  filles. 

Anne  de  Bretagne,  reine  de  France,  femme  de 
Charles  YIII ,  eut  quelque  temps  la  seigneurie  de 
Châtillon,  par  lettres  données  aux  Montils-les-Tours 
le  4  octobre  i493.  Mais  sur  les  représentations  qu'on 
fit  au  roi  que  ce  château  convenait  peu  »i  la  grandeur 
d'une  reine  de  France,  il  lui  donna  en  échange,  le  i8 
mai  i494>  le  château  de  Meun-sur-Yeurre. 

Jeanne  de  France ,  première  femme  de  Louis  XII, 
après  la  dissolution  de  son  mariage,  en  1498,  obtint 
pareillement  Châtillon  et  son  domaine  pendant  sa  vie. 
Le  roi  y  ajouta  le  duché  de  Berri  et  Châteauneuf-sur- 
Loire.  Elle  mourut  le  4  février  i5o4. 

Charles  Solar,  communément  appelé  du  Solier  ou 
de  Soliers,  comte  de  Moret,  seigneur  de  la  Carte, 
gentilhomme  de  la  chambre  du  roi,  fut  seigneur  de 
Châtillon  après  Jeanne  de  France.  Il  mourut  le  i^^ 
février  i55is,  et  eut  sa  sépulture  aux  Minimes  du 
Plessis. 

Florent  Guyot  de  Lessart ,  dont  nous  avons  fait 
mention  au  dixième  livre  de  notre  Histoire,  ayant  été 
obligé,  en  i589,  de  remettre  son  gouvernement  de 
Saumur  entre  les  maitis  du  roi  de  Navarre  par  ordre 
de  Henri  IH ,  reçut  de  lui  comme  indemnité  à  titre 


^O  HISTOIRE   I>E  TOURAINE. 

d'engagiste,  la  seigneurie  et  le  domaine  de  Châtillon. 

George  Isorë,  marquis  d'Hervaut,  lieutenant-gé- 
néral pour  le  roi  en  Touraine,  a  pareillement  joui  de 
Châtillon  par  engagement. 

Le  président  de  Barillon  Ta  depuis  obtenu  au  même 
titre ,  ainsi  que  son  gendre 

Jean-Baptiste  Amelot,  maître  des  requêtes.  Cette 
terre  est  ainsi  restée  dans  la  même  famille  jusqu'à 
Antoine-Jean  Amelot  de  Chaillou ,  ancien  ministre- 
d'état,  qui  la  possédait  encore  en  1789. 

Lorsqu'il  n'y  avait  point  à  Châtillon  de  seigneur 
engagiste,  le  roi  y  plaçait  des  gouverneurs  particu-? 
liers  ;  ainsi  quand  les  princes  et  les  principaux  sei- 
gneurs se  retirèrent  de  la  cour,  en  1616,  le  seigneur 
de  la  Mardelle,  gentilhomme  de  Touraine,  reçut  du 
maréchal  de  Souvré,  gouverneur  de  la  province, 
l'ordre  d'aller  prendre  le  commandement  de  Châtil- 
lon ,  et  il  fut  porté  en  cette  qualité  sur  l'état  du  roi  à 
raison  de  cent  livres  par  mois  pour  ses  gages,  et  de 
deux  cent  trente-trois  livres  pour  un  sergent  et  dix- 
neuf  soldats. 

Châtillon  avait  une  collégiale  desservie  par  un 
prieur  et  douze  chanoines.  On  tient  que  son  église 
fut  bâtie  vers  l'an  gSg  par  l'un  des  principaux  habi- 
tans  qui  y  mit  des  reliques  de  saint  Oustille,  dont 
p.ichard  I",  archevêque  de  Bourges,  lui  avait  fait  pré- 
sent. Il  y  avait  en  outre  un  couvent  d'Augustins  et  un 
de  religieuses  Ursulines. 


CHENONCEAUX.  7I 

CHENONCEAUX,  chatelleiîie. 

Chenonceaux  n'est  qu'un  très-petit  bourg  situe  sur 
sur  la  rive  droite  du  Cher,  à  huit  Heues  de  Tours,  et 
à  une  heue  et  demie  au-dessus  de  Bléré.  Quoique 
son  château  n'eût  que  le  titre  de  chatellenie  qui  lui 
fut  donne  en  i5i3  par  lettres  patentes  de  Louis  XIÎ, 
son  architecture  et  les  personnages  qui  l'ont  succes- 
sivement habité  ont  rendu  ce  lieu  assez  célèbre 
pour  qu'il  ne  nous  fût  pas  permis  de  le  passer  sous 
silence.  Heureusement  pour  la  Touraine,  dont  il  est 
aujourd'hui  l'édifice  le  plus  remarquable  en  ce  genre, 
il  n'a  point  souffert  les  atteintes  de  la  révolution, 
dont  il  paraît  avoir  été  préservé  par  le  respect  qu'im- 
primaient à  tout  ce  qui  l'environnait  l'âge,  les  vertus 
et  la  bienfaisance  de  celle  qui  la  possédait  alors , 
madame  Dupin ,  qui  y  a  doucement  terminé  sa  longue 
et  brillante  carrière  en  1799,  dans  sa  quatre-vingt- 
treizième  année. 

IjB  terre  de  Chenonceaux,  avant  d'avoir  acquis  la 
célébrité  dont  elle  jouit  encore,  avait  appartenu  à 
une  famille  du  nom  de  Marques,  originaire  d'Au- 
vergne, famille  qui  n'était  pas  sans  illustration  puis- 
qu'on assure  qu'elle  était  alliée  à  la  maison  de  France. 
Nous  voyons,  par  des  titres  originaux,  qu'en  1274 
un  Guillaume  Marques  fît  don  aux  religieux  de 
Montoussan  des  fiefs  de  Bléré,  Franciieil  et  Chisseau. 

Jean  Marques,  premier  du  nom,  seigneur  de  Che- 
nonceaux ,  prit  parti ,  sous  le  règne  de  Charles  VI , 


Hîi  HISTOIRTî   DE  TOTJKAIKE. 

contre  le  dauphin ,  que  la  faction  de  Bourgogne  venait 
de  faire  déclarer  déchu  de  ses  droits  à  la  couronne , 
et  reçut  garnison  anglaise  dans  son  château.  Mais  il 
ne  tarda  pas  à  subir  la  peine  de  sa  félonie,  car  le 
maréchal  Laval  de  Bois-Dauphin  ayant  battu  les 
Anglais  dans  les  prairies  de  Vintin ,  auprès  de  Che- 
nonceaux ,  rasa  les  fortifications  du  château ,  et  en  fit 
couper  les  bois  à  hauteur  d'infamie.  Il  paraît  qu  il 
mourut  en  i43o. 

Jean  Marques,  deuxième  du  nom,  seigneur  des 
Odets,  de  Bléré,  du  Couldray,  fit  hommage  au  roi, 
le  12  mai  i43i,  pour  la  terre  de  Chenonceaux. 
En  1432  il  obtint  des  lettres  patentes  qui  l'autori- 
saient à  relever  les  fortifications  de  son  château,  à 
raison  des  services  qu'il  avait  rendus  à  l'état,  et  en 
considération  de  sa  parenté  avec  la  maison  de  France. 
Il  mourut  en  1460. 

Pierre  Marques,  fils  du  précédent,  rendit  au  roi, 
le  3i  janvier  i46i,  un  pareil  hommage  pour  les 
terres  de  Chenonceaux,  les  Odets ,  le  Couldray  et  le 
bourg  de  Saint- Martin-le-Beau.  Il  fît  construire  au 
milieu  du  Cher  un  moulin  dont  nous  aurons  bientôt 
occasion  de  parler.  Ce  fut  lui  qui,  en  1496,  vendit 
Chenonceaux  à  Thomas  Bohier ,  l'un  de  ses  créan- 
ciers. Il  avait  épousé  Martine,  fille  de  Pierre  Bérard, 
seigneur  de  Bléré  et  de  Chissay. 

Thomas  Bohier,  baron  de  Saint-Cyergue,  seigneur 
de  Chenonceaux,  la  Tour-Boyer,  JNazelles,  Chissay, 
Saint-Martin-le-Beau ,  général  des  finances  de  Nor- 
mandie, lieutenant-général  des  armées,  vice-roi  de 


CHENOTN'CEAtJX.  7  3 

Naples,  etc.,  était  fils  d'Astremoine  Boîiier,  ou  le 
Boiiyer,  originaire  d'Auvergne,  et  de  Béraulde  Du- 
prat,  tante  du  fameux  chancelier  de  ce  nom,  cir- 
constance qui  n'aura  pas  nui  à  Faccroissement  de  sa 
fortune  sous  François  I".  Elle  avait  été  commencée 
par  son  mariage  avec  Catherine,  fille  de  Guillaume 
Briçonnet,  qui,  veuf,  embrassa  l'état  ecclésiastique, 
et  fut  connu  sous  le  nom  de  cardinal  de  Saint-Malo. 
Bohier,  en  i5i5,  jeta,  sur  les  fondemens  du  moulin 
que  Pierre  Marques  avait  fait  établir  sur  la  rivière , 
ceux  du  nouveau  château  qu'il  fît  élever,  au  lieu  de 
celui  qui  existait  anciennement.  L'église  du  bourg  se 
trouvant  au  milieu  de  ses  avenues,  on  assure  qu'il  la 
fit  incendier,  et  qu'il  la  rebâtit  à  ses  frais  au  lieu  où 
elle  est  encore.  Elle  fut  consacrée  par  son  beau-père 
le  cardinal  de  Saint-Malo,  en  vertu  d'une  bulle  de 
Léon  X;  mais  chargé  avec  Lautrec  de  poursuivre  la 
conquête  du  Milanais,  Bohier  ne  put,  pendant  son 
long  séjour  çn  Italie,  s'occuper  que  passagèrement  de 
cette  importante  construction.  Le  soin  d'en  diriger 
les  travaux  fut  laissé  à  son  épouse ,  et  elle  ne  montra 
pas  moins  de  goût  que  son  mari  dans  l'exécution  de 
leurs  plans.  En  examinant  bien  les  détails  d'archi- 
tecture du  château,  on  y  prend  comme  sur  le  fait  la 
révolution  la  plus  importante  dans  les  arts,  c'est-à- 
dire  le  passage  du  style  gothique  au  style  grec,  ou 
plutôt  au  style  italien  des  Bramante  et  des  Michel- 
Ange.  En  effet,  jamais  le  style  gothique  ne  fut  si 
parfait  qu'au  moment  où  il  fut  abandonné  pour 
l'italien ,  qui  de  son  côté  ne  fut  jamais  plus  pur  qu'à 


^4  HISTOIRE  DE  TOUR  AINE. 

Fepoque  où  il  fut  adopté.  Partout  on  voit  le  chiffre  de 
Bohier  ainsi  que  sa  devise  :  S'il  vient  à  point  m'en 
souviendra.  François  I",  par  lettres  patentes  de  1 5 1 7, 
lui  accorda  la  permission  de  construire  un  pont  sur 
le  Cher  ;  mais  trop  occupé  de  l'achèvement  de  l'édi- 
fice principal,  il  ne  put  profiter  de  cette  faveur.  Il 
mourut  dans  le  Milanais  le  i4  mars  i^iZ  ou  i5?4 
nouv.  style.  Son  corps  fut  rapporté  d'Italie  à  Tours  et 
inhumé  dans  l'église  paroissiale  de  Saint-Saturnin,  où 
il  s'était  fait  construire  une  chapelle  enrichie  d'or  et 
d'azur.  Il  y  avait  son  tombeau  en  marbre  blanc.  Les 
restes  de  son  épouse ,  morte  deux  ans  après  lui ,  y 
furent  également  déposés,  et  on  y  lisait  leurs  épita- 
phes.  Ce  monument  n'a  été  détruit  qu'à  l'époque  de 
la  révolution.  De  son  mariage  avec  Catherine  Briçon- 
net  naquirent  cinq  fils  :  1°  Antoine,  qui  suit  ;  a*  Fran- 
çois ,  évêque  de  Saint-Malo  ;  3**  Guillaume  ,  bailli  du 
Cotentin;  4** Gilles,  évêque  d'Agde;  5**  un  autre  An- 
toine, gouverneur  de  Touraine. 

Antoine  Bohier ,  baron  de  Saint-Cyergue ,  la  Tour- 
Bohier,  la  Chesnaye,  Saint-Martin-le-Beau ,  Augy, 
est  encore  traité  de  seigneur  de  Chenonceaux  dans  le 
testament  de  Guillaume  Briçonnet,  évêque  deMeaux, 
daté  du  Ji  janvier  i533.  Ce  ne  fut  effectivement 
qu'en  1 535  qu'il  s'en  dessaisit  en  faveur  de  François  I". 
Guy  Bretonneau ,  p.  38  de  son  Histoire  généalogique 
de  la  maison  Briçonnet ,  nous  apprend  que  «  Bohier 
«ayant,  en  son  voyage  d'Italie,  fait  de  grandes  dé- 
cc  penses  pour  le  service  de  Sa  Majesté ,  se  trouva  re- 
ff  devable  de  grand  nombre  de  deniers  après  sa  mort.  » 


CHENONCEAUX.  7? 

Ce  qui  est  exact.  Mais  il  ajoute  :  «  Sa  veuve  donna  ce 
«  beau  château  tle  Chenonceaux  au  roi  Henri  II  pour 
«  ia  somme  de  cent  mille  livres.  Catherine  de  Médieis, 
«  veuve  de  Henri ,  qui  première  le  posséda ,  l'aug- 
t<  menta  de  plusieurs  édifices  fort  magnifiques.  »  Et 
ici  il  commet  un  double  anachronisme;  car  comment 
la  veuve  de  Bohier,  morte  en  iSaô,  aurait- elle  pu 
vendre  son  château  à  Henri  II,  qui  ne  régna  qu'en 
1 547  ?  Ensuite  on  va  voir  que  Catherine  ne  le  posséda 
pas  avant  Diane  de  Poitiers.  Thomas  Bohier  s'étant 
en  effet  trouvé  redevoir  au  roi  cent  quatre-vingt-dix 
mille  livres,  son  fils  Antoine  fut  obhgé  d'en  tenir 
compte ,  et  la  terre  de  Chenonceaux  fit  partie  de  cette 
restitution,  ou  plutôt  en  fut  le  prétexte.  Anne  de  Mont- 
morenci  en  vint  prendre  possession  pour  le  roi  en  1 535. 
Diane  de  Poitiers  était  fille  de  Jean  de  Poitiers , 
comte  de  Saint-Vallier,et  descendait  ainsi  de  Marie, 
fille  naturelle  de  Louis  XI,  qui  épousa  Aymar  de  Poi- 
tiers, comte  de  Saint -Vallier.  Aussitôt  la  mort  de 
François I",  en  1 547, Henri II,  son  successeur,  donna 
à  Diane  sa  maîtresse  le  château  de  Chenonceaux  et 
le  duché  de  Valentinois.  Les  héritiers  d'Antoine  Bohier 
ayant  élevé  des  réclamations ,  et  voulant  revenir  sur 
la  cession  faite  à  François  r%  Diane,  en  i555,  ra- 
cheta Chenonceaux.  Ainsi  de  Thou  n'a  pas  été  bien 
informé  quand  il  a  dit  au  XXIIP  livre  de  son  histoire, 
tome  III,  page  374  :  «  Astremoine  (i)  Bohier  et  Ca- 
«  therine  Briçonnet  avaient  bâti  cette  maison  de  plai- 

(i)  De  Tbou  s'est  encore  trompé  en  ceci;  c'est  Thomas  qu'il  faut  lire. 


76  HISTOIRE    DE    TOtJRA.lîN'E. 

«  sance,  que  le  baron  de  Saint-Cyergue  leur  fils  avait 
«  donnée,  par  une  folle  vanité,  à  la  duchesse,  etc.  » 
Aussitôt  que  Diane  fut  en  posssesion  paisible  de  Che- 
nonceaux,  elle  fît  abattre  et  reconstruire  la  façade  du 
bâtiment  au  midi  due  à  Th.  Bohier.  Elle  fit  également 
exécuter  les  neuf  arches  du  pont  projeté  trente-huit 
ans  auparavant,  et  qui  du  corps-de-logis  conduit  sur 
la  rive  gauche  du  Cher.  C'est  dans  les  premières  piles 
de  ce  pont ,  qui  sont  creuses ,  que  sont  pratiquées  les 
cuisines  du  château;  mais  elle  n'eut  pas  le  temps  de 
donner  k  ce  séjour  autant  d'éclat  et  de  magnificence 
qu'elle  l'aurait  désiré,  et  que  lui  permettaient  son 
goût  et  sa  fortune,  puisque  peu  d'années  après  elle 
s'en  vit  dépouillée  par  la  violence  autant  que  par  la 
frayeur  que  lui  inspirait  le  ressentiment  d'une  rivale, 
jalouse,  vindicative  et  toute-puissante. 

Catherine  de  Médicis ,  veuve  de  Henri  II ,  était 
mère  de  François  II,  de  Charles  IX  et  de  Henri  III. 
En  i55o  elle  avait  acheté  de  Charles  de  La  Roche- 
foucauld et  de  sa  femme  Antoinette  d'Amboise  la 
terre  de  Chaumont- sur -Loire  pour  le  prix  de  cent 
vingt  mille  livres.  Henri  11  étant  mort  en  i559,  elle 
put  alors  sans  contrainte  faire  éclater  sa  haine  long- 
temps comprimée  contre  celle  qui  avait  été  l'objet 
constant  des  affections  de  son  époux.  Maîtresse  ab- 
solue sous  le  règne  momentané  de  son  fils  François  II, 
comme  elle  le  fut  sous  les  deux  règnes  suivans,  elle 
contraignit  la  duchesse  de  Valenlinois  de  lui  céder 
Chenonceaux  en  retour  de  Chaumont.  La  ratification 
de  cet  échange  forcé  ne  fut  fait  à  Chinon  que  le  10 


CHENONCEA.UX.  77 

mai  i56o,  quoique  la  duchesse  eût  déjà  fait  prendre 
possession  de  Chaumont,  dès  le  27  avril  précédent, 
par  son  secrétaire  Canette,  tant  elle  redoutait  la  ven- 
geance de  l'Italienne  Catherine.  Le  1 7  mai  de  Tannée 
suivante,  elle  obtint  les  lettres  de  reconnaissance  de 
sa  foi  et  hommage.  Dès  le  moment  que  Catherine  fut 
en  possession  de  Chenonceaux,  elle  en  fit  l'objet  d'une 
prédilection  toute  particulière.  Elle  imagina  de  faire 
couvrir  le  pont  que  Diane  avait  fait  construire,  et  de 
former  ainsi  une  belle  et  longue  galerie,  à  l'aide  de 
laquelle  on  est  porté  sans  s'en  apercevoir  sur  la  rive 
opposée.  C'est  à  elle  qu'on  doit  le  grand  bâtiment  qui 
est  au  levant  de  l'avant-cour,  les  douves  et  les  ter- 
rasses. Ce  fut  aussi  par  elle  que  les  jardins  furent 
agrandis  et  embellis.  On  admirait  surtout  ce  parc  ma- 
jestueux qui  régnait  le  long  du  Cher,  avant  que  l'ac- 
cumulation des  années  eût  fait  sentir  la  nécessité  d'en 
renouveler  les  arbres  séculaires ,  auxquels  les  années 
à  leur  tour  ne  tarderont  pas  à  rendre  leur  première 
beauté.  Userait  sans  intérêt  de  relater  ici  toutes  les  cir- 
constances où  la  cour  vint  visiter  ces  beaux  lieux,  plus 
faits  pour  des  âmes  douces  et  vertueuses  que  pour  celle 
qui  avait  été  froidement  l'auteur  et  le  témoin  de 
l'horrible  journée  de  Saint- Barthélemi.  Nous  dirons 
cependant  qu'en  1577  Henri  III  conçut  le  projet 
d'imposer  un  autre  nom  à  Chenonceaux.  Il  était  venu 
y  passer  quelques  jours ,  lorsqu'il  y  apprit  que  ses 
troupes  s'étaient  emparées  de  la  ville  d'Issoire  et  de 
quelques  autres  places  occupées  par  les  protestans. 
Dans  l'effusion  de  sa  joie,  il  voulut  que  dorénavant 


J$  HISTOIRE    DE    TOTJRAINE. 

Chenonceaux  fût  appelé  le  château  de  Bonnes-Nou- 
velles ;  mais  ce  caprice  de  moment  ne  put  l'emporter 
sur  la  force  de  l'habitude,  et  le  château  conserva  son 
nom*  Catherine  termina  ses  jours  à  Blois  le  5  janvier 
1 589,  ayant  avant  sa  mort  légué  Chenonceaux  à  Louise 
de  Vaudemont,  femme  de  son  fils  Henri  III. 

Louise  de  Lorraine  était  fille  aînée  de  Nicolas  duc 
de  Mercœur ,  comte  de  Vaudemont ,  et  de  Marguerite 
d'Egmont  sa  première  femme.  Pendant  la  grande  fa- 
veur des  Guise,  elle  épousa  Henri  HI  le  i5  février 
1575.  Aussitôt  la  mort  de  Catherine,  elle  entra  en 
possession  de  Chenonceaux ,  et  s'occupa  de  la  con- 
servation de  cette  belle  propriété  au  milieu  de  la 
guerre  qui  désolait  l'intérieur  de  la  France  ;  car  nous 
voyons  que  dès  le  i"'  février  iSSq  elle  écrivit  à  Gilles 
de  Faverolles,  capitaine  de  deux  cents  hommes  de 
guerre  à  pied,  de  veiller  à  ce  qu'il  n'y  fût  fait  aucune 
violence.  Ce  fut  là  qu'elle  se  retira  lorsque,  six  mois 
après,  son  époux  fut  tombé  sous  le  fer  de  l'infâme 
Jacques  Clément.  Les  malheurs  du  temps  l'empêchè- 
rent sans  doute  de  suivre  l'exécution  des  plans  d'em- 
bellissemens  tracés  par  Catherine  et  consignés  par 
Androuet  Ducerceau  dans  son  ouvrage  intitulé  :  Les 
plus  excellens  bâtimens  de  France.  Elle  mourut  à 
Moulins  le  29  février  1601.  Après  elle  Chenonceaux 
passa  dans  la  maison  de  Vendôme. 

César,  duc  de  Yendôme,  fils  naturel  de  Henri  IV 
et  de  Gabrielle  d'Estrées ,  né  en  1 594 ,  fut  légitimé 
l'année  suivante.  En  1 609 ,  à  l'âge  de  seize  ans ,  il 
épousa  Françoise ,  fille  de  Philippe  -  Emmanuel  de 


CHKWOîTCEATIX.  7^ 

Lorraine,  duc  de  Mercœur,  nièce  de  Louise  de  Vau- 
dcmont  ,à  qui  Henri  IV  alla  lui-même  à  Chenonceaux 
porter  la  nouvelle  de  ce  mariage.  Celle-ci  ^  n'ayant 
point  eu  d'enfans,  fît  à  Tëgard  de  sa  nièce  ce  que 
Catherine  de  Médicis  avait  fait  pour  elle,  c'est-à-dire 
qu  elle  lui  donna  sa  terre  de  Chenonceaux  pour  en 
jouir  après  sa  mort,  qui  ne  tarda  pas  à  l'en  mettre  ea 
possession;  car,  en  1612  ,  elle  avait  cessé  de  vivre. 
César,  qui  mourut  en  i665,  eut  de  ce  mariage  Louis, 
mort  cardinal  en  1669;  François,  duc  de  Beaufort, 
et  Elisabeth ,  femme  de  Charles- Amédée  de  Savoie. 

Louis- Joseph  ,  duc  de  Vendôme ,  généralissime  des 
armées  de  France  et  d'Espagne,  était  fils  de  Louis, 
dont  il  est  parlé  ci- dessus.  Son  père  étant  devenu 
veuf,  avait  embrassé  l'état  ecclésiastique,  et  fut  créé 
cardinal  de  Vendôme  en  1667.  Louis-Joseph  et  Phi- 
lippe son  frère ,  grand-prieur  de  France ,  lui  ayant 
succédé,  l'aîné  eut  en  partage  la  terre  de  Chenon- 
ceaux. Quoique  né  en"  i654,  il  ne  se  maria  qu'en 
1710a  Marie- Anne  de  Bourbon-Condé ,  à  laquelle, 
par  son  contrat  de  mariage,  il  fît  don  de  Chenon-» 
ceaux.  11  mourut  sans  enfans  le  10  juin  1712,  et  la 
duchesse  son  épouse  en  1718.  La  princesse  de  Condë 
sa  mère  hérita  d'elle  Chenonceaux,  et  le  vendit,  en 
1720,  au  duc  de  Bourbon  ,  qui  n'y  vint  qu'une  seule 
fois  en  allant  conduire  mademoiselle  de  Vermandois 
sa  sœur  à  l'abbaye  de  Beaumont-lcs-Tours,  dont  elle 
fut  depuis  abbesse.  Le  duc  revendit  Chenonceaux  à 
M.  Dupin  en  1733. 

Claude  Dupin ,  issu  d'une  ancienne  famille  noble 


I 


8o  HISTOIRE    DE   TOURAINE. 

du  Berri ,  avait  commencé  par  être  capitaine  au  régi- 
ment de  Noailles,  cavalerie;  mais  une  affaire  d'honneur 
l'ayant  obligé  de  quitter  le  service ,  il  obtint  un  bon 
de  fermier-général ,  après  avoir  épousé  mademoiselle 
Louise  -  Marie  -  Madeleine  -  Guillaume  Defontaine. 
M.  Dupin  est  connu  dans  la  littérature  par  ses  obser- 
vations sur  l'Esprit  des  Lois ,  réfutation  la  meilleure 
sans  contredit  de  toutes  celles  qu'a  fait  naître  cet 
ouvrage  justement  célèbre.  Montesquieu  en  fut  telle- 
ment alarmé ,  qu'il  interposa  le  crédit  de  la  marquise 
de  Pompadour  pour  amener  M.  Dupin  à  la  suppres- 
sion de  l'édition  tout  entière.  Cinq  ou  six  exemplaires 
seulement  ont  échappé  à  cet  acte  de  déférence  envers 
le  grand  homme  dont  il  était  l'ami ,  et  sont  par  con- 
séquent très-rares  aujourd'hui.  L'ouvrage  a  pour  titre  : 
Observations  sur  un  livre  intitulé  :  de  V Esprit  des 
Lois^  Paris  (1753),  3  vol.  in-8. 

Il  est  digne  de  remarque  que  chaque  siècle,  depuis 
le  quinzième ,  offre  à  Chenonceaux  sa  physionomie 
particulière.  Manoir  d'une  famille  factieuse  pendant 
les  guerres  que  l'Anglais  faisait  à  la  France  ;  sous 
François  1",  monument  de  la  protection  que  ce  prince 
accordait  aux  arts,  ainsi  que  de  son  goût  pour  les 
plaisirs  ;  témoin  de  la  magnificence  et  des  intrigues  de 
Catherine  de  Médicis ,  et  peu  de  temps  après  du  gé- 
néreux pardon  accordé  par  le  grand  Henri  aux  fana- 
tiques qui  osaient  lui  disputer  un  trône  dont  il  fit  la 
gloire  et  les  délices  ;  retraite  au  seizième  siècle  de  la 
pieuse  veuve  de  Henri  III ,  et  au  dix-septième  de  l'un 
des  plus  grands  capitaines  du  règne  de  Louis  XIV; 


CHENONCEA.UX.  8 1 

il  était  réservé  à  M.  et  à  madame  Dupin  de  marquer 
à  leur  tour  l'époque  brillante  du  diK-huitième  siècle, 
en  réunissant  dans  leur  riant  asile  les  personnages  les 
plus  illustres  ou  les  plus  aimables  de  cette  période  si 
féconde  en  grands  hommes,  parmi  lesquels  se  faisaient 
encore  remarquer  M.  Dupin  par  son  goût  et  son  éru- 
dition ,  madame  Dupin  par  sa  beauté ,  ses  grâces  et 
son  esprit.  Là  J.-J.  Rousseau ,  qui  leur  fut  attaché 
quelque  temps  en  qualité  de  secrétaire ,  composa  plu- 
sieurs' pièces  pour  le  théâtre  du  château ,  sur  lequel 
fut  joué  pour  la  première  fois  le  Devin  de  Village.  On 
connaît  ces  vers  empreints  d'une  douce  mélancolie, 
qu'il  a  intitulés  l'Allée  de  Silvie ,  du  nom  d'une  des 
allées  du  parc  : 

Qu'à  m'égarer  dans  ces  bocages 
Mon  cœur  goûte  de  voluptés! 
Que  je  me  plais  sous  ces  ombrages! 
Que  j'aime  ces  flots  argentés  !  etc. 

Chenonceaux  réunissait  habituellement  dans  la  belle 
saison  l'élite  de  ce  que  les  lettres,  les  sciences  et  les 
arts,  offraient  de  plus  distingué,  tels  que  Fontenelle, 
Mairan,  Buffon,  le  comte  de  Tressan,  Montesquieu, 
le  marquis  de  Saint-Aulaire ,  l'abbé  de  Saint-Pierre , 
Mably,  Condillac  son  frère,  MM.  de  Sainte-Palaye, 
lord  Bollnghrocke  et  Voltaire  lui-même.  Au  mi- 
lieu de  tant  de  célèbres  personnages  brillaient  aussi 
mesdames  de  Boufflers,  de  Luxembourg,  de  Rohan- 
Chabot,  de  Forcalquicr,  de  Mlrepoix,  de  Tencin  et 
la  marquise  du  DcffaiU,  tons  attirés,  moins  peut-être 
3.  G 


89.  HISTOIRK  DE  TOimAlNE. 

par  le  charme  des  lieux  que  par  celui  de  la  société  de 
leurs  maitres. 

A  l'époque  de  la  révolution ,  madame  Dupia  se  re- 
tira à  ChenoneeauXyOÙ,  comme  nous  l'a  vous  dit,  elle 
mourut  âgée  de  quatre-vingt-treize  ans. 

Le  c^mte  René  de  Villeneuve ,  son  petit-ruevieu ,  a 
eu  en  partage  la  terre  de  Cliewonceaux ,  qui  semble 
n*avoir  pas  changé  de  possesseur ,  grâce  à  l'affabilité 
et  aux  prévenances  dont  sont  l'objet  les  étrangers ,  l^s 
savans,  les  artistes,  enfin  tous  ceux  auxquels  tant 
d'intéressans  souvenirs  inspirent  le  désir  de  visiter  ce 
romantique  séjour. 

CHmON,  COMTÉ. 

La  ville  de  Chinon  (  Cai'no,  Chinones)  est  située 
sur  la  droite  de  la  Vienne  au  nord  -  est  de  Tours , 
dont  elle  est  éloignée  de  dix  lieues.  Le  château  est 
sur  la  hauteur  qui  commande  la  ville  et  la  campagne. 
Quoique  le  temps  de  sa  fondation  soit  fort  incertain, 
il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'elle  était  déjà  une  ville 
assez  considérable  dans  le  cinquième  siècle,  lorsque 
les  Francs  commencèrent  à  s'établir  dans  les  Gaules. 
Dès  Tan  462  elle  fut  assiégée  par  ^Egidius-Afranius, 
gouverneur  des  Gaules  pour  les  Romains ,  siège  dont 
nous  avons  donné  les  détails  dans  le  premier  livre  de 
notre  Histoire,  et  qui  indique  suffisamment  qu'il  de- 
vait alors  y  avoir  un  château  ou  du  moins  un  fort 
pour  la  défense  de  la  ville.  Ainsi  ce  château  n'avait 
pu  être  l'ouvrage  que  des  Romains,  puisque  les  Francs 


CHINON.  83 

n'avaient  pas  encore  pénétré  dans  ces  contrées.  Mais 
il  était  sans  doute  peu  considérable  et  devait  être  à 
peu  près  ruiné ,  lorsque ,  suivant  d'Argenlré,  Thibaut 
le-Tricheur,  premier  comte  héréditaire  de  Touraine, 
le  fît  reconstruire  à  l'aide  des  grands  biens  dont  il 
avait  hérité,  en  953  ,  de  son  petit-fîls  Drogon,'duc  de 
Bretagne.  Henri  II ,  roi  d'Angleterre  et  comte  de  Tou- 
raine, le  fît  fortifier  pour  y  déposer  ses  trésors.  Phi- 
lippe-Auguste, l'ayant  repris  sur  les  Anglais  en  1 204, 
y  ajouta  de  nouvelles  fortifications.  Enfin  le  roi  Char- 
les YII  y  fit  bâtir  la  grosse  tour  du  château  appelée 
d'Argenton,  ainsi  que  celle  qui  était  auprès  de  la  porte 
des  Prés.  Il  fit  aussi  renfermer  la  ville  de  murailles  gar- 
nies de  tours ,  dans  le  temps  où  c'était  presque  la  seule 
place  un  peu  forte  qui  lui  restât.  Il  y  ajouta  les  portes 
de  la  Barre ,  du  Vieux-Marché ,  de  Verdun  et  la  Bas- 
tille du  pont. 

Après  la  mort  de  Thibaut,  Cliinon  tomba  dans  le 
partage  d'Emme  ou  Emmeline  sa  fille ,  mariée  à  Guil- 
laume III ,  duc  de  Guienne  et  comte  de  Poitou.  La 
Chroiîique  de  Maillezais  rapporte  qu'Emmeline  ayant 
conçu  de  la  jalousie  contre  la  vicomtesse  de  Thogars, 
à  laquelle  le  comte  faisait  une  cour  trop  assidue,  la 
rencontra  un  jour  dans  la  campagne,  et  après  l'avoir 
accablée  d'outrages ,  la  livra  à  la  discrétion  de  ses 
palefreniers.  Craignant  la  colère  de  son  niari,  elle  se 
tiiU  ensuite  soigneusement  renfermée  dans  son  châ- 
teau de  Chinon  :  mais  le  faible  Guillaume  ne  songea 
point  à  venger  l'affront  fait  à  la  vicomtesse. 

Son  neveu  Eudes  II,  comte  de  Touraine ,  fut  depuis 

6. 


{54  HISTOIRK  DE  TOURAIJVK. 

mis  en  possession  de  cette  place ,  que  Thibaut  III 
donna  pour  sa  rançon  à  Geoffroy-Martel ,  ainsi  qu'on 
l'a  vu  dans  le  cours  de  notre  Histoire  sur  l'année  io44- 

Geoffroy-le-Bel ,  comte  d'Anjou ,  donna  par  sou 
testament  à  Geoffroy  Plantagenet,  son  second  fils,  la 
ville  et  le  château  de  Chinon  avec  Loudun  et  Mire- 
beau,  en  attendant  qu'il  fût  en  possession  des  trois 
provinces  de  Touraine ,  d'Anjoia  et  du  Maine,  qui  de- 
vaient lui  appartenir  lorsque  son  frère  Henri  serait 
paisible  possesseur  du  trône  d'Angleterre;  mais  Henri  II, 
qui  ne  voulait  point  de  partage ,  passa  la  mer  en 
1 1 56 ,  assiégea  et  prit  la  ville  et  le  château  de  Chi- 
non. Philippe- Auguste  les  réunit  depuis  à  la  cou- 
ronne. 

Chinon  fut  pris  en  i4i^  par  Jean  duc  de  Bour- 
gogne pendant  les  guerres  des  Bourguignons  et  des 
Armagnacs.  La  paix  s'étanl  faite  entre  les  deux  mai- 
sons ,  le  duc  Jean  s'obligea ,  par  le  traité  d'Arras  du 
mois  de  septembre  r4i45  ^^^  rendre  Chinon  au  roi  de 
France.  Cependant  on  fut  obligé  d'en  venir  à  la  force 
ouverte  pour  la  retirer  de  ses  mains.  Raoul  de  Gau- 
court  rassembla  des  troupes  à  ses  frais,  l'assiégea  et 
la  réduisit  sous  l'obéissance  du  roi ,  ayant  employé  à 
cette  entreprise  plus  de  douze  mille  écus  d'or,  dont 
Louis  XI  donna  depuis  ses  lettres  de  reconnaissance 
a  Charles  de  Gaucourt  son  fils. 

Après  la  mort  de  Charles  VII ,  Louis  XI  donna 
Chinon  et  les  émolumens  du  grenier  à  sel  à  la  reine 
sa  mère  pour  surcroît  de  douaire.  Les  lettres  en  furent 
expédiées  à  Maillé  le  6  octobre  i46t. 


CHINON.  85 

Ce  fut  en  ce  lieu  que  François  T',  duc  de  Bretagne, 
rendit  foi  et  hommage  à  Charles  VI  pour  le  duché  de 
Bretagne  et  le  comté  de  Montfort,  le  i4  mars  i445. 
I^  domaine  fut  engagé  à  Henri  de  Lorraine,  duc  de 
Guise,  avec  Issoudun  et  Vierzon  ,  par  lettres  du  4 
juillet  i58i,  pour  treize  mille  trois  cent  trente-trois 
écus  un  tiers,  ou  quarante  mille  livres,  qui  furent 
remhoursés  au  prince  de  Join ville  en  1616  par  le  duc 
de  Bourbon,  des  mains  duquel  il  repassa  en  1629 
dans  celles  du  roi. 

Le  cardinal  de  Richelieu ,  qui  convoitait  ce  do- 
maine pour  composer  le  duché  qu'il  avait  le  projet 
de  faire  créer  en  son  nom,  et  qui  ne  voulait  pas  en 
devenir  possesseur  à  titre  d'engagiste,  comme  l'avaient 
été  les  précédens  seigneurs,  en  fît  opérer  par  le  roi 
l'échange  avec  Louise-Marguerite  de  Lorraine ,  prin- 
cesse de  Conti ,  contre  d'autres  terres ,  au  nombre 
desquelles  figure  une  principauté  de  Chateau-Regnault 
qui  nous  est  inconnue.  Ainsi,  quoique  peu  timoré 
de  son  naturel,  n'osant  pas  cependant  faire  person- 
nellement l'acquisition  d'un  domaine  royal,  il  la  fit 
faire  par  un  prête- nom,  qui  la  lui  rétrocéda  dès 
le  jour  suivant-  au  même  prix  de  cent  dix -neuf 
mille  trois  cent  vingt  livres.  Ce  domaine  et  celui  de 
l'Ile-Bouchard ,  que  le  cardinal  avait  acheté  du  duc 
de  La  ïrémouille,  formèrent  la  portion  la  plus  con- 
sidérable du  duché  qui  fut  érigé,  dans  le  cours  de  la 
même  année,  sous  l'appellation  de  Richelieu.  Jusque-là 
le  château  de  Chinon  n'avait  pas  cessé  de  faire  partie 
du  domaine  de  la  couronne. 


86  HISTOIRE    DE   TOUR4JTfE. 

François,  duc  d'Anjou,  en  1576,  obtint  en  aug- 
mentation d'apanage  le  duché  de  Touraine,  dont  on 
privait  ainsi  Marie  Stuart,  veuve  de  François  II,  re- 
tirée dans  son  royaume  d'Ecosse.  Ce  prince  ayant  été 
abusivement  autorisé  à  aliéner  certaines  parties  du 
domaine  de  son  apanage,  vendit  ou  plutôt  engagea, 
le  4  juillet  i58i,  différentes  terres  qui  dépendaient 
du  château  de  Chinon. 

Henri  I"  de  Lorraine,  duc  de  Guise,  prince  de 
Joinville ,  fils  de  François~le-Balafré ,  se  rendit  acqué- 
reur de  ces  aliénations. 

Henri  II  de  Lorraine ,  duc  de  Chevreuse ,  succéda 
à  son  père  en  i588  dans  la  seigneurie  de  Chinon,  et 
la  vendit,  en  161 6,  au  duc  de  Bourbon. 

Louis  m,  duc  de  Bourbon,  la  posséda  jusqu'en 
1629,  époque  où,  à  l'instigation  du  cardinal,  Louis  XIII 
la  lui  retira  pour  la  donner,  en  échange  d'autres  pro- 
priétés ,  à  la  princesse  de  Conti. 

Louise-Marguerite  de  Lorraine,  princesse  de  Conti, 
vendit ,  le  20  février  i63i,  à  Guillaume  Millet,  prête- 
nom  du  cardinal  de  Richelieu,  le  château  de  Chinon 
et  ses  dépendances. 

Armand-Jean  Duplessis,  cardinal  de  Richelieu,  de- 
vint propriétaire  du  château  et  du  domaine  de  Chi- 
non, en  vertu  de  la  déclaration  de  command  faite  à 
son  profit  par  Guillaume  Millet,  qui  les  lui  rétrocéda, 
ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut. 

Armand -Jean  Wignerod  fut  substitué  au  nom  et 
aux  armes  de  Duplessis-Richelieu  par  le  cardinal  son 
grand-oncle ,  et  devint,  en  sa  qualité  de  duc  de  Ri- 


CHINON.  *^'  87 

chelieu,  seigneur  de  Chinon.  Il  mourut  en  1715,  âgé 
fie  quatre-vingt-six  ans. 

Louis-Fran  roi  s- Armand  Duplcssis,  duc  de  Riche- 
lieu, maréchal  de  France,  né  en  1696,  mourut  le  8 
août  1788,  âgé  de  quatre-vingt-douze  ans. 

Louis-Sophie-Antoine  Duplessis-Richelieu ,  fut  d'a- 
bord connu  sous  le  nom  de  duc  de  Fronsac,  et  devint 
duc  de  Richelieu  après  la  mort  du  maréchal.  Son  fils 
0Îné  porta  le  nom  de  comte  de  Chinon.  Celui-ci ,  de* 
venu  à  son  tour  dac  de  Richelieu,  passa  au  service 
de  Russie,  où  il  se  fît  connaître  sous  les  rapports  les 
plus  favorables  comme  gouverneur  de  la  province 
d^Astracan.  Rentré  en  France  après  la  restauration,  il 
y  est  mort  président  du  conseil  des  ministres ,  ne  lais- 
sant point  d'enfans  de  son  épouse  N.  de  Rochechouart. 
En  lui  s'est  éteinte  la  branche  masculine  des  Duples* 
sis-Richelieu. 

Nous  trouvons,  pour  gouverneurs  des  ville  et  chA- 
teau  de  Chinon , 

Etienne  de  Tours,  qui  y  fut  placé  en  cette  quâhté 
l'an  1 167  par  Henri  II,  roi  d'Angleterre. 

Robert  de  Turnham  ,  seigneur  anglais ,  sénéchal 
des  trois  provinces. 

Aimery,  vicomte  de  Thouars,  sénéchal  des  mêmes 
provinces,  nommé  par  Jean-sans-Terre  en  1 1 99  j  mais 
contraint  de  se  retirer  au  mois  d'octobre  de  l'année 
suivante. 

Roger  de  Lascy,  Anglais,  fait  prisonnier  quand 
Philippe-Auguste  prit  la  ville. 

Guillaume  des  Roches,  sénéchal  héréditaire  des 


88  HISTOIBE  DE  TOURAINE. 

trois  provinces  en  1 204.  Tous  les  autres  sénéchaux 
héréditaires  eurent  ce  même  gouvernement. 

Jean  Pastoureau ,  dit  Tailloche,  par  nomination  du 
duc  de  Bourgogne  en  i4i3. 

Guillaume  de  Remeneuil ,  bailli  des  ressorts  et 
exemptions  de  Touraine,  nommé  par  le  roi  en  i4i4? 
contraignit  par  la  force  Jean  Pastoureau  de  lui  re- 
mettre ce  gouvernement. 

Louis  de  France ,  duc  de  Guienne ,  l'obtint  par 
lettres  du  mois  d'avril  i4i5.  Il  mourut  la  même  an- 
née le  )  8  décembre.  La  ville  ayant  été  donnée  en 
otage  l'an  i433  à  Artus  III,  comte  de  Richemont, 
connétable  de  France ,  il  y  mit  pour  gouverneur  Guil- 
laume Bellier  ;  mais  celui-ci ,  manquant  à  la  foi  qu'il 
avait  jurée  au  connétable,  fît,  le  i3  mars  i4^6,  une 
ouverture  dans  les  murs  de  la  ville ,  dont  il  donna 
l'entrée  aux  troupes  du  roi ,  qui  s'en  emparèrent  mal- 
gré la  présence  de  Marguerite  de  Bourgogne,  femme 
du  connétable,  qui  s'y  était  retirée. 

Raoul  de  Gaucourt ,  premier  chambellan  de  Char- 
les VII,  était  gouverneur  de  Chinon  en  i43î2.  Ce  fut 
son  lieutenant ,  Olivier  Frétard ,  qui  pendant  la  nuit 
facilita  l'entrée  du  château  au  sire  de  Bueil  et  autres 
conjurés  pour  enlever  le  sire  de  La  Trémouille,  mi- 
nistre d''état  et  favori  du  roi  qui  se  trouvait  alors  au 
château. 

Charles  de  Gaucourt ,  maréchal  de  France ,  gou  ver- 
neur  de  Paris  et  de  Chinon  ,  par  lettres  de  Louis  XI 
du  10  décembre  i463. 

Philippe  de  Commines ,  chevalier ,  seigneur  d'Ar- 


CHINON.  89 

genton,  assez  connu  par  ses  mémoires,  obtint  ce  gou- 
vernement en  1477  >  ayant  sous  son  commandement 
quatre-vingts  liommes  d'armes  et  quarante  hommes 
de  trait.  Il  mourut  le  17  octobre  1319. 

Jean  Tiercelin,  seigneur  dea  Brosses.  En  i485  il 
fut  nommé  avec  l'archevêque  de  Tours,  le  sire  de 
Beaujeu  et  le  comte  de  Dunois ,  exécuteur  testamen- 
taire de  Charlotte  de  Savoie ,  veuve  de  Louis  XI. 

Adrien  de  Monberon,  seigneur  d'Archiac,  cham- 
bellan du  roi  Charles  VIII. 

N.  Tiercelin,  seigneur  de  la  Roche -du -Maine. 
Brantôme  dit  qu'en  son  absence  les  protestans  enle- 
vèrent Chinon  par  surprise ,  mais  qu'il  les  en  chassa 
bientôt  après. 

François  Leroy,  seigneur  de  Chavigny ,  comte  de 
Clinchamp ,  lieutenant-de-roi  en  Touraine,  nommé 
par  Henri  III  gouverneur  de  Chinon.  Il  mourut  en 
1606. 

Jacques  de  Rouville  succéda  au  précédent,  son  oncle 
maternel,  et  mourut  en  1628. 

Chinon  ayant  été  accordé  au  prince  de  Condé  pour 
sûreté  du  traité  de  paix  fait  à  Loudun  au  mois  d'avril 
161 6,  ce  prince  en  donna  le  commandement  à  Ro^ 
chefort,  gentilhomme  de  sa  maison ,  qui,  lorsqu'il  eut 
été  arrêté ,  se  jeta  dedans  pour  le  défendre. 

Charles  Tiercelin ,  seigneur  de  Ballon ,  maréchal- 
de-camp,  fut  pourvu  du  gouvernement  de  Chinon  en 
1616,  lorsque  le  prince  de  Condé  eut  prescrit  à  Ro- 
chefort  d'évacuer  la  place. 


90  HISTOIRE  DE  TOURA.INE. 

Charles  ïiercelin  j  deuxième  du  nom  ,  nommé  aux 
mêmes  fonctions  le  i5  octobre  1619. 

Louis  de  Bascle,  capitaine  de  cent  arquebusiers  à 
cheval,  eut  les  gouvernemens  de  Chinon,  Loudun, 
Mirebeau  et  Faye-la-Vineuse.  Il  mourut  à  Chinon ,  où 
il  eut  sa  sépulture  dans  l'église  de  Saint-Maurice. 

On  remarque  dans  la  commune  de  Cinais,  voisine 
de  Chinon,  les  traces  d'un  ancien  camp  que,  suivant 
l'usage,  on  attribue  aux  Romains;  mais,  pouf  peu 
qu'on  ait  l'habitude  de  leurs  divers  genres  de  con- 
struction et  de  la  méthode  de  leur  castramétation ,  on 
voit  facilement  que  ce  travail  ne  remonte  pas  plus 
haut  que  nos  anciens  comtes  de  Touraine ,  et  que 
c'est  encore  un  ouvrage  de  Henri  II ,  roi  d'Angle- 
terre ,  qui  avait  fait  de  Chinon  la  principale  place 
d'armes. 

Il  nous  reste  quelques  monnaies  d'argent  frappées 
à  Chinon  sous  la  seconde  race,  quoique,  dans  son 
ti^ailé,  Leblanc  n'en  ait  pas  fait  mention.  Nous  en 
possédons  deux,  dont  l'une  est  une  obole  qui  nous 
semble  appartenir  au  règne  de  Charles -le -Chauve, 
époque  où  presque  toutes  les  villes  de  France  avaient 
leur  coin  particulier.  D'un  côté  on  y  voit  une  croix, 
avec  ces  mots  dans  le  cercle  qui  l'entoure  :  CAINONI 
CASTRO,  et  au  revers  TVRON;  ce  qui  ne  permet 
pas  de  la  confondre  avec  les  pièces  émanées  des  mo- 
nétaires. 

La  seconde  est  un  denier  d'argent  que  nous  attri- 
buons à  Louis  IV,  fils  de  Louis-le-Bègue ,  les  mon- 


CHINON.  91 

naies  de  ce  dernier  étant  faciles  à  reconnaître  au  mo- 
nogramme. Celle-ci  a  d'un  côté  la  figure  du  roi ,  avec 
ces  mots  à  l'entour  :  LVDOVICYS  REX ,  et  au  re- 
vers  une  croix  dans  un  cercle ,  autour  duquel  on  lit 
également  :  CAINONI  CASTRO.  Leblanc  nous  offre 
Tempreinte  d'un  denier  de  ce  même  Louis  IV,  frappé 
à  Arras  ,  tout-à-fait  semblable  au  notre  du  coté  de  la 
figure  ;  ce  qui  ne  peut  que  nous  confirmer  dans  notre 
opinion. 

L'église  collégiale  de  Chinon,  Saint-Mesme,  Sanc- 
tus-Maximus^  était  une  des  plus  anciennes  de  la  pro- 
vince quant  à  sa  fondation ,  mais  non  quant  à  la  con- 
struction qui  a   dû  être  renouvelée,  plusieurs   fois. 
C'était  dans  le  principe  un  monastère  situé  hors  la 
ville ,  qui  fut  sécularisé  vers  le  milieu  du  onzième 
siècle.  L'église  de  Saint-Martin ,  qui  datait  du  sixième, 
n'était  alors  qu'une  petite  chapelle ,  qui  fut  depuis 
agrandie  et  convertie  en  paroisse.  La  ville  s'élant  suc- 
cessivement accrue,  les  habitans,  pour  leur  commo- 
dité, firent  bâtir  la  paroisse  de  Saint-Etienne,  dont 
le  clocher  fut  fait  aux  frais  de  Charles  VII,  qui  voulut 
en  cela  seconder  leur  zèle.  Ce  fut  également  à  lui 
qu'on  dut  la  construction  de  l'église  de  Saint-Jacques 
dans  le  faubourg  de  ce  nom.  On  croit  que  les  églises 
de  Saint- Melaine  et  de  Saint- Georges,  qui  étaient 
dans   l'intérieur   du  château ,  étaient   l'ouvrage   de 
Henri  II ,  roi  d'Angleterre  et  comte  de  Touraine.  On 
y  comptait  en  outre ,  indépendamment  de  l'hospice, 
gouverné  par  des   sœurs  hospitalières,  un  couvent 


9^  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

d'Augustins  et  trois  monastères  de  filles  capucines , 
ursulines  et  calvairiennes. 

Ce  fut  le  même  Henri  II  qui  y  établit  la  justice,  et 
qui  l'ërigea  en  châtellenie  royale ,  avec  union  des 
villes  de  Candes,  Champigny,  La  Haye,  l'Ile-Bouchard, 
Saint-Epain,  Azay,  Sainte-Maure  et  Bourgueil.  Elle 
était  composée  d'un  lieutenant-général,  un  lieutenant 
particulier,  un  lieutenant-criminel,  un  assesseur,  huit 
conseillers,  un  procureur  et  un  avocat  du  roi,  avec 
un  greffier.  H  y  avait  grenier  à  sel ,  maîtrise  des  eaux 
et  forêts ,  maréchaussée  et  mairie  en  titre  d'office  de- 
puis la  déclaration  du  roi  de  1692. 

Par  l'étendue  qu'occupent  encore  les  ruines  du  châ- 
teau de  Chinon  ,  on  peut  juger  facilement  quelle  de- 
vait être  son  importance.  Quoique  ces  ruines  semblent 
aujourd'hui  n'avoir  formé  qu'un  tout ,  il  n'en  est  pas 
moins  certain  que  leur  ensemble  se  composait  de  trois 
châteaux  différens  réunis  dans  la  même  enceinte , 
mais  construits  à  trois  diverses  époques  :  la  première 
vers  950 ,  sous  Thibaut-le-Tricheur  ;  la  deuxième  sous 
Henri  H,  vers  11 60,  et  la  dernière  sous  Philippe - 
Auguste ,  sans  compter  les  fortifications  qui  y  furent 
ajoutées  sous  le  règne  de  Charles  VH.  Mais,  ainsi  que 
tous  les  châteaux  forts  situés  dans  l'intérieur  de  la 
France ,  celui-ci  a  été  livré  à  la  destruction  rapide  du 
temps,  lorsque  le  royaume  n'a  plus  eu  à  craindre 
d'être  troublé  par  des  guerres  intestines.  Telle  est  la 
masse  imposante  de  ces  ruines,  que  peut-être  plu- 
sieurs siècles  encore  n'en  auront  pu  faire  disparaître 


CINQ-MAARS-  qS 

les  traces,  s'ils  ne  sont  secondés  par  la  main  des 
hommes. 

CINQ-MAARS,  marquisat. 

C'inq'Maars^SanctuS'Ikfedardiis)  est  une  ancienne 
baronnie  qui  fut  érigée  en  marquisat  vers  i63o  par 
Louis  Xin  en  faveur  de  Henri  Ruzé ,  grand-écuyer, 
fils  du  maréchal  d'Effiat.  Le  bourg  est  situé  à  quatre 
lieues  ouest  de  la  ville  de  Tours,  entre  le  coteau  et 
la  rive  droite  de  la  Loire.  Grégoire  de  Tours,  dans 
la  Vie  de  sainte  Monégonde,  nous  apprend  que  de  son 
temps  il  se  nommait  Fi^ena ,  et  que  son  église  était 
sous  l'invocation  de  saint  Médard ,  dont  ce  bourg  lui- 
même  a  fini  par  prendre  le  nom ,  qui  depuis  a  été 
dénaturé  en  celui  de  Saint -Mars,  et  enfin  de  Cinq- 
Maars  ou  Cinq-Maars-la-Pile ,  à  raison  d'un  monu- 
ment dont  nous  parlerons  après  avoir  dit  un  mot  sur 
les  seigneurs  de  cette  baronnie,  dont  plusieurs  le 
furent  en  même  temps  de  la  Guerche  et  de  Maillé. 

Hardouin  est  le  premier  dont  nos  anciens  titres 
fassent  mention.  On  le  voit  présent  avec  Geoffroy  son 
frère  et  Jean-le-Pauvre,  seigneur  de  Saint-Antoine- 
du -Rocher,  à  une  donation  faite  par  Hardouin  de 
Maillé,  premier  du  nom,  à  l'abbaye  de  Marmoutier 
l'année  que  Philippe  P*^  prit  à  femme  Bertrade,  épouse 
de  Foulques-Réchin ,  c'est-à-dire  en  1092. 

Hardouin  H,  fils  du  précédent,  était  un  des  prin- 
cipaux favoris  de  Geoffroy-Planta genêt ,  comte  de 
Touraine,  et  fut  un  des  cinq  chevaliers  qui  l'accom- 


# 


94  HISTOIRE  DE  TOUIIAINE. 

pagnèi'eiit,  en  iiay,  lorsqu'il  alla  «\  Roqen  épouser 
Matlîilde,  fille  de  Henri  I",  roi  d'Angleterre. 

Barthélemi  était  très -probablement  fils  de  Har- 
douin  II.  Il  eut  un  procès  avec  le  chapitre  de  Saint- 
Martin,  qui  fut  juge  en  1178,  en  présence  de  Guil- 
laume de  Montsoreau ,  par  le  sénéchal  du  roi  d'An- 
gleterre et  le  prévôt  de  Tours,  qui  lui  donnèrent  gain 
de  cause.  S.es  enfans  furent  André,  Pierre  et  Guil- 
laume de  Saint-Maars,  chevaliers. 

André  épousa  Marguerite ,  dont  il  eut  Barthélemi. 
Au  mois  de  juillet  12.Q2,  sur  le  point  de  partir  pour 
la  Terre-Sainte,  il  se  désista  des  droits  de  corvée  qu'il 
avait  sur  les  habitans  de  Saint-Maars ,  sujets  du  cha- 
pitre de  Saint-Martin,  qui  avaient  été  adjugés  à  son 
père  par  la  sentence  dont  nous  venons  de  parler.  Bar- 
thélemi son  fils  et  Pierre  son  frère  ratifièrent  ensuite 
cet  abandon. 

Barthélemi,  deuxième  du  nom ,  nommé  dans  le  titre 
dont  nous  venons  de  parler ,  n'eut  qu'une  fille  mariée 
à  Jean  de  l'Ile,  fils  de  Barthélejni ,  troisième  seigneur 
de  rile-Bouchard. 

Jeai^  de  l'Ile,  chevalier,  seigneur  de  Saint-Maars 
et  de  ï-^  Guerche ,  du  chef  de  sa  fem^ie,  n'eut  que  deux 
es  :  Jeanae  qui  suit ,  et  Eustache ,  épouse  de  Jean 
de  Maillé ,  seigneur  de  Clairvaux.  Au  mois  d'avril 
1 336  il  coi^^titua  une  rente  de  quatre  muids  de  fro- 
ment -au  chapitre  de  l'église  de  Tours ,  au  profit  de 
l'Hotel-Dieu,  moyennant  cent  dix  livres  tournois. 

C'est  ce  Jean  de  l'Ile ,  mal  à  propos  nommé  sei- 
gneur de  l'Ile-Bouchard,  qui,  pour  en  abuser,  poursui- 


CINQ-MAABS.  1^5 

vit,  en  1 337,  une  jeune  fille  dont  il  causa  la  mort;  «ar 
pour  échapper  à  sa  brutalité ,  elle  se  précipita  dans  la 
rivière.  Cependant  on  n'osa  pas  l'inhumer  à  raison  de 
son  suicide  sans  consulter  le  pape,  dont  l'histoire  ne 
nous  a  pas  transmis  la  réponse. 

Jeanne  de  l'Ile  fut  mariée  à  Bonabes  de  Rougé, 
quatrième  du  nom.  Par  des  lettres  du  1 8  septembre 
1^73,  il  donna  pouvoir  à  deux  chanoines  de  Saint- 
Martin  de  terminer  un  différend  qu'il  avait  avec  le 
<;hapitre.  H  mourut  l'an  1377 ,  laissant  Jean  et  Galiot 
de  Rougé,  ainsi  que  deux  filles.  D'Argentré  dit  qu'il 
combattit  à  la  bataille  de  Poitiers  et  qu'il  fut  un  des 
otages  du  roi  Jean. 

Jean  de  Rougé,  dievalier,  baron  de  Saint-Maars 
et  de  la  Guerche ,  mourut  sans  enfans ,  laissant  sa 
succession  à  son  frère. 

Galiot  de  Rougé  épousa  Marguerite  de  Beauma- 
noir,  dont  il  eut  Jean  et  Jeanne  4e  Rougé,  femme 
d'Armet  de  Château-Giron,  d'où  vinrent  Patry  et  une 
filie  nommée  Valence ,  qui  épousa  Geoffroy  d/e  Châ- 
teau-Giron. 

Jean  de  Rougé,  deuxième  iiu  nom,  mourut  le  8 
février  i4 1  ^  sans  laisser  d'enfaijsde  Béatrix  de  Rieu|t 
«on  épouse. 

Patry  de  Château-Giron ,  fils  aîné  d'Armet  et  de 
Jeanne  de  Rougé,  succéda  à  son  oncle  en  i4i5.  II 
avait  épousé  Louise  de  Rohan  dont  il  n'eut  point 
d'enfans.  Ainsi  la  succession  passa  a  Valence ,  dont 
nous  venons  de  parler. 

Geoffroy  de  Château -Giron,  Alias  de  Malétroil, 


96  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

mourut  en  i463.  Il  eut  de  Valence  de  Château-Giron 
sa  cousine,  Jean,  Gillette  et  Marguerite. 

Jean  de  Chateau-Giron ,  dit  de  Malétroit,  succéda 
à  son  père  en  i463,  et  Tan  i474  il  échangea  la  ba- 
ronnie  de  Saint-Maars  av€c  Louis  de  La  Trémouille 
et  Marguerite  d'Aniboise  contre  la  seigneurie  de  Fou- 
gerai  en  Bretagne. 

Louis  j  fils  de  George  de  La  Trémouille,  dont  nous 
avons  parlé  à  l'article  des  seigneurs  d'Amboise. 

Louis  II  de  La  Trémouille ,  dit  le  chevalier  sans 
reproche,  tué  à  la  bataille  de  Pavie  en  15^5.  Après 
lui  cette  seigneurie  passa  à 

François  Dufor  ,  chevalier,  qui  comparut  en  idSq 
au  procès-verbal  de  la  seconde  réformation  de  la  cou- 
tume de  Touraine  en  qualité  de  Seigneur  de  Cinq- 
Maars-la-Pile ,  auquel  succéda  "* 

Mathurin  de  Broc ,  dont  nous  ne  connaissons  que 
le  nom.  Celui-ci  paraît  l'avoir  vendue  à  Martin  Ruzé, 
grand-maître  des  mines  de  France ,  qui ,  étant  mort 
sans  enfans,  laissa  tous  ses  biens  à  Antoine  Coëffier 
d'Effiat  son  petit-neveu ,  à  la  condition  de  prendre  le 
nom  et  les  armes  de  Ruzé.  Cette  famille  l'a  possédée 
jusqu'en  1 768 ,  époque  cil  elle  la  vendit  au  duc  de 
Choiseul,  qui  l'échangea  ensuite  avec  le  duc  de  Luynes 
contre  la  terre  de  la  Bourdaisière . 

Il  nous  reste  maintenant  à  parler  du  monument 
connu  sous  le  nom  de  Pile-Cinq-Maars  ou  Saint-Mars , 
qui  a  été  l'objet  des  recherches  de  plusieurs  antiquai- 
res, et  qui  l'est  encore  de  la  curiosité  de  tous  ceux 
qui  le  voient. 


CINQ-MAARS.  97 

Nous  dirons  d'abord  que  c'est  une  pyramide  qua- 
drangulaire  de  quatre-vingt-six  pieds  six  pouces  de 
hauteur,  et  de  douze  pieds  six  pouces  de  largeur  sur 
chacune  de  ses  quatre  faces.  Cette  largeur  est  égale 
depuis  la  base  jusqu'au  sommet,  qui  est  surmonté  de 
cinq  piliers  de  dix  pieds  de  haut ,  assez  semblables  à 
ceux  qu'on  remarque  sur  les  mosquées.  Celui  du  mi- 
lieu a  été  renversé  par  quelque  ouragan,  et  ceux  des 
quatre  angles  sont  seuls  restés  debout.  Cette  pile  est 
un  massif  plein  entièrement  composé  de  briques  de 
treize  pouces  trois  lignes  de  longueur  sur  huit  pouces 
neuf  lignes  de  largeur  et  un  pouce  et  demi  d'épais- 
seur, séparées  par  des  couches  de  mortier  à  chaux  et 
à  ciment  dans  l'épaisseur  d'un  pouce. 

La  pile  est  placée  sur  le  penchant  du  coteau ,  et 
l'on  remarque  sur  la  face  qui  regarde  le  midi  ou  la 
Loire  onze  carreaux  ou  tableaux  figurés  avec  des 
briques  saillantes  d'une  couleur  un  peu  plus  pâle ,  que 
l'on  a  pris  pour  des  armoiries,  quoiqu'il  n'y  ait  aucun 
signe  de  blason,  mais  seulement  des  comparlimens  en 
forme  de  mosaïque ,  disposés  deux  par  deux ,  excepté 
celui  du  quatrième  rang ,  qui  est  seul  et  semblable 
aux  deux  qui  le  précèdent. 

Ce  qui  doit  étonner,  c'est  qu'aucun  auteur  un  peu 
ancien  n'ait  parlé  de  cette  pyramide.  De  là  l'incerti- 
tude oii  l'on  est  encore  et  sur  l'époque  et  sur  l'objet 
de  sa  construction.  Le  titre  le  plus  ancien  où  nous 
voyons  qu'il  en  soit  fait  mention  en  ces  mots  :  in 
parochiâ  Sancti  Medardi  de  Pila ,  ne  date  que  de 
l'an  1218.  Ainsi  il  est  évident  que  le  monument  exis- 
3.  n 


g8  HISTOIRE  DE  TOUR  AINE. 

tait  avant  cette  époque.  Les  uns  ont  cru  qu'il  n'était 
pas  de  beaucoup  antérieur;  d'autres,  au  contraire, 
toujours  tentés  de  voir  partout  l'ouvrage  des  Romains , 
lors  de  la  conquête  des  Gaules,  ont  prétendu  y  re- 
connaître leur  manière  de  bâtir.  Ainsi,  au  lieu  de 
Saint-Médard,  nom  primitif,  on  a  fait  Saint-Mars  et 
ensuite  Cinq-Maars.  Il  n'en  a  pas  fallu  davantage 
pour  assigner  au  monument  des  origines  analogues  à 
ces  nouveaux  noms.  Selon  les  uns  cette  pyramide  fut 
élevée  par  César  en  mémoire  d'une  victoire  éclatante 
qu'il  aurait  remportée  sur  ces  bords.  Malheureuse- 
ment l'histoire  ne  nous  offre  aucun  événement  âe 
cette  espèce  dans  l'étendue  de  notre  province,  évé- 
nement sur  lequel  César  lui-même  n'aurait  pas  gardé 
le  silence.  Selon  d'autres ,  ce  fut  le  tombeau  de  cinq 
généraux  tués  en  combattant,  et  dont  César  aurait 
voulu  consacrer  la  mémoire  par  un  monument  du- 
rable. Mais  malheureusement  encore  on  n'a  vu  nulle 
part  dans  l'empire  romain  des  tombeaux  d'une  pa- 
reille construction  et  surtout  des  tombeaux  sans  in- 
scription. Enfin ,  raisonnant  toujours  d'après  la  base 
vicieuse  des  mots  cin^  mars  ou  quinque  martes  ^  on 
a  dit  que  la  pile  avait  été  construite  en  Thonneur  du 
consul  Quintus  Marcius  ,  compagnon  de  César,  et 
mort  dans  les  Gaules.  Mais  d'abord  il  faudrait  qu'il  y 
fût  venu  et  qu'il  fût  mort  en  Touraine.  Or  il  n'en  est 
point  fait  mention  dans  les  Commentaires.  Nous  voyons 
au  contraire  que  ce  Quintus  Marcius  Rex  n'a  jamais 
rien  fait  de  remarquable,  et  n'est  connu  que  pour 
avoir  été  consul  l'an  68  avant  Jésus-Christ,  dix  ans 


CINQ-MAA.RS.  gg 

avant  que  César  eût  paru  sur  les  rives  de  la  Loire. 
On  doit  donc  rauger  toutes  ces  suppositions  au  nombre 
des  fables ,  puisqu'elles  ne  se  rattachent  à  aucun  fait 
avoué  par  l'histoire.  Quelques  médailles  d'Antonin 
trouvées  aux  environs  ne  sont  pas  une  preuve  plus 
concluante  :  car  en  quels  lieux  de  nos  contrées  n'en 
a-t'On  pas  trouvé  de  semblables  ? 

Quoi  qu'en  ait  dit  La  Sauvagère,  nous  croyons, 
comme  le  comte  de  Caylus ,  assez  bonne  autorité  en 
ce  genre,  que  rien  ici  n'annonce  un  travail  des  Ro- 
mains, ni  la  forme,  ni  les  ornemens ,  ni  l'absence  de 
toute  inscription.  On  verrait  bien  plutôt  le  cachet 
sarrasin  dans  les  mosaïques  ou  arabesques  et  dans  les 
piliers ,  que  nous  avons  dit  ressembler  aux  minarets 
qui  couronnent  les  mosquées  :  mais  les  Sarrasins  ne 
s'étant  jamais  établis  sur  les  bords  de  la  Loire ,  d'où 
ils  furent  chassés  en  7 3 2  par  Charles-Martel ,  il  est 
certain  qu'ils  n'ont  pu  entreprendre  ni  exécuter  un 
pareil  travail.  S'il  nous  est  permis  d'émettre  une  opi- 
nion ,  ou  si  l'on  veut  une  conjecture ,  nous  serons 
tentés  de  croire  que  la  Pile-Saint-Mars  fut  élevée  par 
les  Visigoths ,  qui  s'emparèrent  enfin  de  la  Touraine 
après  avoir  expulsé  les  Romains  en  480.  Ils  l'auront 
fait  pour  célébrer  leur  conquête  autant  que  pour  in- 
diquer les  limites  de  leur  royaume  d'Aquitaine ,  de 
même  qu'ils  l'avaient  fait  sur  les  bords  de  la  Creuse, 
oii  ce  royaume  finissait  avant  qu'ils  fussent  maîtres 
de  la  Touraine.  De  là  est  venue  la  dénomination  de 
Port-de-Piles ,  Portas  de  Pilis ,  parce  qu'il  y  avait 
également  deux  pyramides  qui  formaient  la  ligne  de 

7- 


lOO     '  HISTOIRE   DE  TOUR  AINE. 

démarcation  des  deux  états.  Qu'on  y  observe  quelque 
chose  de  la  manière  de  construire  des  Romains,  cela 
ne  surprendra  pas  en  réfléchissant  que  les  ouvriers 
que  ceux-ci  employaient  habituellement  n'avaient  pas 
abandonné  le  pays  avec  les  armées  romaines,  et  que 
si  les  dessins  et  le  goût  étaient  gothiques ,  la  main- 
d'œuvre  pouvait  et  devait  être  romaine.  C'est  peut- 
être  une  distinction  à  laquelle  on  n'a  pas  fait  jusqu'ici 
assez  d'attention.  Ces  monumens  n'ayant  donc  d'autre 
objet  que  celui  de  déterminer  des  limites,  on  ne  doit 
pas  s'étonner  si  les  auteurs  contemporains  ont  dédai- 
gné d'en  parler.  C'est  l'origine  la  plus  probable  que 
nous  ayons  cru  pouvoir  assigner  à  ce  monument.  On 
n'élève  pas  de  pareilles  masses  pour  couvrir  une  sé- 
pulture, et  l'on  ne  construit  pas  des  phares  où  il  est 
impossible  de  monter,  puisque,  comme  nous  l'avons 
dit,  celte  pile  est  un  massif  plein  qui  n'a  ni  escalier 
ni  fenêtres.  Les  pyramides  de  Saint-Mars  et  du  Port- 
de-Pi'es  n'ont  pu  être  construites  que  dans  un  but 
quelconque.  Masses  de  briques ,  elles  ne  pouvaient  être 
d'aucune  utilité,  si  ce  n'est  de  servir  de  bornes  irré- 
cusables et  inamovibles  à  deux  états  voisins  et  rivaux. 

La  tradition  populaire  veut  qu'il  y  ait  un  souterrain 
sous  la  Pile-Saint-Mars.  Mais  il  est  difficile  de  se  prê- 
ter à  cette  idée  ;  car  on  n'eût  sûrement  pas  bâti  une 
pareille  masse  sur  le  vide ,  et  on  eût  encore  moins 
entrepris  d'y  creuser  après  coup. 

Quoique  notre  conjecture  puisse  rentrer  dans  la 
catégorie  de  toutes  celles  qui  ont  été  faites  à  ce  sujet, 
nous  n'en  conviendrons  pas  moins  que  ce  monument. 


L  I LK-BOIJ  CH ARD.  I O  l 

à  quelque  siècle  qu'il  se  reporte,  mërîle  d*êtrc  con- 
servé, et  qu'il  conviendrait  que  le  gouvernement  fît 
acte  de  propriété;  car  les  terrains-  adjacens  ayant  été 
aliénés,  il  serait  possible  qu'un  beau  jour  leur  posses- 
seur élevât  la  prétention  de  l'être  également  de  la  pyra- 
mide, quoiqu'elle  n'ait  été  nominativement  désignée 
dans  aucune  adjudication. 

Il  paraît  que  vers  le  milieu  du  siècle  dernier  on  a 
voulu  s'assurer  si  la  pile  était  véritablement  massive; 
car  on  y  a  fait  du  côté  du  nord  une  excavation  à  quatre 
pieds  de  terre,  qui,  poussée  plus  avant,  aurait  pu  en 
compromettre  la  solidité. 

L'ILE-BOUCHARD,  baronnie. 

La  ville  de  l'Ile-Bouchard  {Insula  Buccardi)  a  pris 
son  nom  du  lieu  de  son  assiette  dans  une  île  qui  est 
au  milieu  de  la  Vienne,  et  de  Bouchard,  l'un  de  ses 
premiers  seigneurs.  Elle  est  située  sur  les  confins 
de  la  ïouraine  et  du  Poitou.  Elle  renferme  deux 
paroisses ,  Saint-Gilles  et  Saint-Maurice ,  qui  forment 
deux  communes  distinctes.  Elle  avait  précédemment 
un  couvent  de  religieux  de  Saint-François  de  la  petite 
observance  et  un  couvent  d'ursulines.  Sa  justice,  qui 
s'étendait  sur  quinze  paroisses,  était  exercée  par  un 
sénéchal,  un  lieutenant,  un  procureur  du  roi  el.  un 
greffier. 

Le  château,  placé  au  milieu  de  la  Vienne,  avait  été 
construit  vers  le  neuvième  ou  le  dixième  siècle  par  les 
barons  de  TIle-Bouchard  pour  leur  demeure  et  pour 


103  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

leur  sûreté.  La  chronique  de  Tours  nous  apprend 
qu'un  de  ces  barons  accompagna  Ingelger  dans  son 
expédition  d'Auxerre,  en  887,  pour  réclamer  les  restes 
de  saint  Martin,  et  que  les  chanoines,  par  reconnais- 
sance, lui  donnèrent  l'île  de  Bréhémont  avec  la  sei- 
gneurie de  Rivarennes  dont  ses  descendans  ont  joui 
pendant  plus  de  quatre  cents  ans. 

Les  comtes  d'Anjou  tentèrent  à  différentes  reprises 
de  s'emparer  de  cette  place ,  qui  était  fort  à  leur  bien- 
séance ;  mais  n'ayant  pu  y  réussir ,  ils  s'en  vengèrent 
en  faisant  des  courses  sur  les  habitans  de  la  campagne, 
auxquels  ils  enlevaient  leurs  grains  et  leur  bétail ,  se 
retirant  ensuite  avec  leur  butin  dans  leurs  châteaux 
de  Loudun  et  de  Mirebeau.  Nous  indiquerons  dans  la 
série  des  seigneurs  comment  les  comtes  d'Anjou  fini- 
rent par  s'en  rendre  maîtres,  et  comment  elle  fut 
réunie  à  la  couronne. 

Les  Anglais  la  surprirent  sous  le  règne  du  roi  Jean  ; 
mais  ils  furent  contraints  de  la  rendre  par  le  traité  de 
Brétigny,  ainsi  que  nous  le  voyons  par  les  lettres  du 
roi  Edouard,  données  à  Calais  le  24  octobre  i36o. 
Sa  situation  l'ayant  rendue  une  place  importante, 
surtout  pendant  les  guerres  de  la  religion ,  on  a  sou- 
vent été  obligé  d'y  mettre  un  gouverneur  particulier 
avec  une  garnison  pour  empêcher  les  protestans  de 
s'y  établir.  François  Lebascley  était  en  cette  qualité  en 
1498  ;  Henri  de  Craon,  seigneur  deCoulaines,  en  i  SSy; 
et  Charles  Durosel,  en  i65o,  eut  ordre  de  la  garder 
pendant  le  voyage  que  le  roi  fît  en  Guienne  à  cette  épo- 
que. Elle  fut  cependant  prise  en  1662  au  mois  de  mai 


L  ILE-BOUCHARD.  Io3 

par  les  religioniiaires,  qui  s'y  firent  détester  par  leurs 
cruautés  :  mais  ayant  été  instruits  de  l'arrivée  du  duc 
de  Montpensier,  gouverneur  de  la  province,  qui  ve- 
nait pour  les  chasser  de  ce  poste,  ils  en  sortirent  au 
mois  de  juillet.  En  i568  les  princes,  ayant  assiégé  les 
châteaux  de  Champigny  et  de  Savigny,  firent  tous 
leurs  efforts  pour  s'emparer  de  File -Bouchard  en  y 
envoyant  leurs  régimens  de  Monhrun  et  de  Mireheau  ; 
mais  ils  furent  obligés  de  renoncer  à  leur  entreprise. 

Le  prince  de  Condé,  en  i6i5,  s'étant  retiré  mé- 
content de  la  cour  avec  quelques  seigneurs  de  son 
parti ,  eut  permission  de  loger  cent  hommes  d'armes 
dans  le  château  de  l'Ile-Bouchard  pour  sûreté  de  sa 
personne  et  de  ceux  qui  devaient  assister  à  la  confé- 
rence de  Loudun  indiquée  au  mois  de  juillet  i6i6. 

Depuis  ce  temps  les  murs ,  les  fortifications  et  le 
château  sont  tombés  en  ruines ,  et  il  en  reste  à  peine 
quelques  traces. 

Nous  avons  dit  que  l'origine  di# château  de  l'Ile- 
Bouchard  pouvait  remonter  au  neuvième  ou  au  dixième 
siècle.  Cependant ,  à  l'exception  de  celui  qui  accom- 
pagna Ingélger,  et  dont  le  nom  ne  nous  a  pas  été 
transmis ,  ses  seigneurs  ne  nous  sont  connus  que  de- 
puis le  commencement  du  onzième  siècle. 

Bouchard ,  le  plus  ancien  d'entre  eux ,  vivait  vers 
Tan  ioi5.  Il  épousa  Adenorde  dame  de  Bivière,  dont 
il  eut  Hugues,  Émery  de  l'Ile,  religieux  à  Marmou- 
tier,  Geoffroy,  surnommé  Fuel,  seigneur  de  Nuzay, 
et  Machilde  ou  Mathilde. 

Hugues  laissa  deux  cnfiins  :  Bouchard  qui  lui  suc- 


I04  HISTOIRE    DE   TOURAIISK. 

céda,  et  N.  de  l'Ile,  femme  d'Archambaud  Borel,  d'où 
sortirent  Peloquin  ,  Thomas  et  Barthélemi. 

Bouchard ,  deuxième  du  nom ,  était  en  bas  âge 
lorsque  son  père  mourut;  ce  qui  obligea  Thibaut  II, 
comte  de  Touraine,  d'aller  lui-même  sur  les  lieux 
pour  y  établir  un  gouverneur  pendant  la  minorité. 
Mais  les  chevaliers  qui  gardaient  le  château  ne  vou- 
lurent recevoir  le  comte  qu'à  la  condition  qu'il  don- 
nerait des  otages,  et  promettrait  de  ne  rien  entre- 
prendre sans  leur  avis  ;  ce  qui  leur  fut  accordé.  Le 
comte  y  laissa  pour  gouverneur  Emery  de  l'Ile ,  oncle 
de  Bouchard  ,  qui  fut  depuis  religieux  à  Marmoutier, 
ayant  auparavant  remis  le  château  à  Geoffroy  Fuel , 
son  frère,  pour  le  rendre  à  Bouchard  à  sa  majorité. 
Cependant  Geoffroy-Martel ,  ayant  conquis  la  Tou- 
raine en  io44»  donna  l'investiture  de  l'Ile-Bouchard 
à  Geoffroy  Fuel,  qui  lui  céda  à  ce  prix  la  seigneurie 
de  Rivière,  dont  le  comte  fit  don  à  la  Trinité  de  Ven- 
dôme ;  mais  GeoffjjSDy  la  reprit  après  la  mort  du  comte, 
et  en  chassa  les  moines. 

Lorsque  Bouchard  eut  atteint  l'âge  de  sa  majorité, 
il  reprit  l'Ile-Bouchard  sur  son  oncle,  qui  s'empara 
du  prieuré  de  Tavant ,  où  il  se  fortifia  à  la  hâte  et  se 
mit  à  faire  des  courses  dans  la  campagne.  Mais  Bou- 
chard ,  ayant  rassemblé  un  grand  nombre  de  gens  de 
guerre,  fit  le  siège  de  Tavant,  qu'il  emporta  d'assaut. 
Il  en  fit  abattre  les  tours  et  les  murs ,  emmena  son 
oncle  prisonnier,  et  donna  depuis  la  seigneurie  de 
Rivière  à  l'abbaye  de  Marmoutier  pour  la  dédomma- 
ger de  la  perte  des  bâtimens  de  Tavant.  Il  mourut 


l'ile-bouciia-rd.  io5 

peu  de  temps  après,  c'est-à-dire  vers  Tan  1070  o\u 
1 07 1 ,  sans  avoir  été  marie ,  ayant  pris  trois  jours 
avant  sa  mort  l'iiabit  de  Saint-Benoît,  suivant  la  dé- 
votion de  ces  temps.  Il  eut  sa  sépulture  dans  l'église 
deTavant,  où  assistèrent  Foulques-Récliin ,  Josselin 
de  Blo,  seigneur  de  Ghampigny,  Guillaume  de  Mont- 
soreau,  Hugues  de  Sainte-Maure,  Guy  de  Nevers  et 
plusieurs  autres. 

Geoffroy  de  l'Ile  hérita  de  la  baronnie  de  l'Ile- 
Bouchard  après  la  mort  de  son  neveu,  et  reprit  la 
seigneurie  de  Rivière  sur  l'abbaye  de  Marmoutier. 

Archambaud  Borel  fut  après  Geoffroy  seigneur  de 
rile-Boucbard.  Sa  femme,  dont  nous  ignorons  le  nom, 
lui  donna  Peloquin ,  qui  suit. 

Peioquin,  premier  du  nom ,  mourut  jeune,  laissant 
deux  fils,  Peloquin  et  Barihélemi.  Eustacbie  sa  veuve 
épousa  en  secondes  noces  Robert  de  Blo,  qui  fut 
nommé  tuteur  du  jeune  Peloquin  et  de  sa  baronnie. 

Peloquin  de  l'Ile,  deuxième  du  nom,  succéda  à  son 
père.  Mais  étant  tombé  dans  la  disgrâce  de  Foulques- 
le- Jeune,  comte  de  Touraine ,  il  perdit  son  château, 
qui  fut  emporté  par  le  comte.  Cependant,  s'étant  depuis 
réconcilié  avec  lui ,  il  lui  fut  fort  utile  à  la  bataille  de 
Séez  et  à  la.  prise  du  château  d'Alençon.  Geoffroy-le- 
Bel  ayant  succédé  à  son  père  Foulques-le-Jeune ,  les 
principaux  barons  de  ses  états  d'Anjou  et  de  Tou- 
raine se  révoltèrent  contre  lui.  De  ce  nombre  était 
Peloquin,  dont  le  château, ainsi  que  ceux  de ïhouars 
et  de  Mirebeau  ,  fut  assiégé  et  pris.  Mais  la  paix  s'étant 
faite,  le  comte  le  rendit  à  Peloquin,  à  condition  qu'à 


I06  HISTOIRE  DE  TOURAIÎÎE. 

l'avenir  il  lui  serait  plus  fidèle.  Il  mourut  en  ij4o, 
n'ayant  point  eu  d'enfans  d'Hersende,  sa  femme. 

Barthélemi,  premier  du  nom,  frère  de  Peloquin, 
lui  succéda  dans  tous  ses  biens.  Il  donna  plusieurs 
droits  et  privilèges  au  prieure  de  ïavant ,  du  consen- 
tement de  Gerberge  son  épouse. 

Bouchard ,  troisième  du  nom ,  légua  à  l'abbaye  de 
Marmoutier ,  au  profit  du  prieuré  de  Tavant,  un  droit 
de  pêche,  dont  il  donna  ses  lettres  en  1184,  du  con- 
sentement de  sa  femme  Pétronille  et  de  ses  enfans 
Bouchard ,  Barthélemi ,  et  Béatrix. 

Bouchard  IV  succéda  à  son  père.  Avant  que  de 
faire  le  voyage  de  la  Terre-Sainte,  il  donna  à  l'abbaye 
de  Cormeri  quelques  droits  dont  le  produit  devait  être 
pmployé  à  la  nourriture  et  à  l'habillement  des  moines. 
Dans  ses  lettres ,  qui  sont  du  ^3  avril  1 1 89 ,  il  se  dit  : 
Par  la  grâce  de  Dieu ,  seigneur  de  Vile-Bouchard. 

Barthélemi  II  confirma  ,  en  1207 ,  le  don  que  Bou- 
chard ÏII  avait  au  prieuré  de  ïavant.  Il  accompagna 
Philippe-Auguste  à  la  bataille  de  Bovines  le  27  juillet 
12x4?  en  qualité  de  seigneur  châtelain  et  de  chevalier 
banneret.  Il  avait  épousé  Elisabeth,  fille  d'Olivas, 
seigneur  de  Rochefort ,  qui  lui  porta  cette  terre  en 
mariage.  Il  en  eut  Bouchard  et  Eustache. 

Bouchard  V  épousa  Almodie ,  autrement  nommée 
Alicie,  qui  était  veuve  dès  l'an  laSo.  Elle  vivait  en- 
core au  mois  de  novembre  1275.  De  ce  mariage  na- 
quirent deux  fils  et  deux  filles  :  Barthélemi,  Olivier, 
Almurine ,  abbesse  du  Ronceray  d'Angers  en  1 3o4 , 
et  Alix,  qu'André  Duchesne  donne  pour  femme  à 


l'ile-bocchard.  107 

Pierre  de  Brion ,  frère  de  Simon  de  Brion,  pape  sous 
le  nom  de  Martin  IV. 

Barthélemi  III  abandonna,  en  i  sSs,  au  chapitre  de 
Saint-Martin  ses  droits  de  cens  et  de  foi  et  hommage 
sur  Saint-Épain ,  pour  compensation  de  six  livres  de 
rente  qu'il  devait  à  cette  église.  Il  mourut  en  1288, 
et  fut  enterré,  comme  Bouchard  son  père,  aux  cor- 
deliers  de  Tours,  près  la  sacristie.  Nous  voyons  par  le 
rôle  des  usages  de  Touraine ,  qu'il  avait  épousé  la  fille 
de  Jodon  de  Doue.  Cette  famille  était  fort  ancienne 
et  alliée  aux  seigneurs  de  Montreuil-Berlay  ou  Beslay. 
Un  Jodon  et  Grécia ,  sa  femme ,  sont  nommés  dans 
un  titre  de  Saint-Florent  de  Tan  1096.  Les  enfans  de 
Barthélemi  furent  Bouchard ,  Barthélemi  dit  le  Jeune, 
Jean ,  seigneur  de  Cinq -Maars- la -Pile,  Almurine, 
femme  de  Hugues  de  Bauçay ,  et  Agnès ,  morte  en 
i362. 

Bouchard  VI  épousa  Agnès  de  Vendôme,  dont  il 
eut  Barthélemi  et  Eustache  de  llle ,  femme  de  Renaud 
de  Pressigny. 

Barthélemi  IV  épousa,  selon  André  Duchesnc, 
Jeanne  de  Saint-Palais,  qui  était  veuve  en  i336.  Il 
en  eut  trois  enfans  :  Bouchard ,  Barthélemi  et  N.  de 

nie. 

Bouchard  VII  eut  la  garde  noble,  jusqu'en  i336, 
de  son  frère  et  de  sa  sœur  encore  mineurs.  Il  s'en 
remit  en  i34S  au  comte  d'Angoulrmc ,  connétable  de 
France,  au  sujet  d'un  procès  qu'il  avait  avec  le  roi 
Jean,  et  fut  un  des  principaux  barons  portant  ban- 
nière qui  accompagnèrent  le  brave  Saintré  dans  son 


Io8  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

expédition  contre  les  Sarrasins.  On  le  compte  aussi 
au  nombre  des  otages  du  roi  Jean.  Il  avait  épouse 
Agathe  de  Bauçay,  veuve  de  Jean  de  la  Porte,  che- 
valier, dont  il  eut  Jean,  Bouchard  et  Jeanne,  femme 
de  Pierre  d'Avoir,  bailli  de  Touraine,  morte  en  rSgS. 

Jean  de  l'Ile  fut  tué  à  la  bataille  d'Azincourt  en 
i4i5,  laissant  une  fille  unique  de  Jeanne  de  Bueil, 
son  épouse. 

Catherine  de  l'Ile,  fille  du  précédent],  fut  mariée 
quatre  fois  :  la  première  à  Jean  des  Roches  ;  la  seconde 
à  Hugues  de  Challon  ;  la  troisième  à  Pierre  de  Giac, 
surintendant  des  finances  et  ministre  d'état  sous 
Charles  YIÏ.  On  sait  qu'il  fut  accusé  d'avoir  empoi- 
sonné sa  femme  pour  épouser  cette  Catherine  de  l'Ile. 
Ce  fut  un  des  prétextes  dont  se  servit  le  connétable 
de  Richemont ,  qui ,  lui  ayant  fait  faire  son  procès , 
le  fit  coudre  dans  un  sac  et  jeter  dans  la  rivière.  Veuve 
ainsi  pour  la  troisième  fois ,  Catherine  se  remaria  à 
George  de  La  Trémouille  par  contrat  du  2  juillet 
jl[i5.  Elle  mourut  le  1"  juillet  i474-  Son  mari,  qui 
était  mort  dès  l'année  144^?  avait  eu  sa  sépulture  à 
rUe-Bouchard.  Leurs  enfans  furent  Louis,  George  et 
Louise,  épouse  de  Bertrand  de  La  Tour  d'Auvergne. 

Louis  de  La  Trémouille  hérita  de  la  seigneurie  de 
rile-Bouchard  par  la  mort  de  George  son  frère  puîné. 
Il  épousa,  le  2a  août  i44^7  Marguerite  d'Amboise, 
dont  il  eut  Louis  II,  Jean,  archevêque  d'Auch  et  de- 
puis cardinal,  George  et  quatre  filles. 

Louis  II  de  La  Trémouille ,  surnommé  le  chevalier 
sans  reproche,  né  en  i46o,  a  vécu  sous  cinq  rois,  et 


109 

se  signala  dans  toutes  les  batailles  où  il  commanda 
presque  toujours  en  chef.  Nous  avons  ses  mémoires 
au  quatorzième  volume  de  la  collection  de  ceux  rela- 
tifs à  l'Histoire  de  France.  Il  termina  glorieusement 
sa  carrière  à  la  bataille  de  Pavie  le  9.4  février  iS-iS. 
Il  avait  épousé  Gabrielle ,  fille  de  Louis  de  Bourbon , 
premier  comte  de  Montpensier,  dont  il  eut  Louis, 
prince  de  Talmont,  mort  de  ses  blessures  le  lendemain 
de  la  bataille  de  Marignan,  le  i4  septembre  i5i5. 

François  de  La  Trémouille  épousa  Anne  de  Laval, 
et  mourut  en  i54t.  H  en  eut  Louis  III,  qui  suit. 

Louis ,  troisième  du  nom,  premier  duc  de  Thouars, 
prince  de  Tarente  et  de  Talmont ,  mourut  le  26  mars 
1577. 

Claude  de  La  Trémouille,  mort  en  1604.  Ce  fut 
son  fils  qui  vendit  la  terre  de  l'Ile-Bouchard  au  car- 
dinal de  Richelieu,  et  depuis  ce  temps  elle  était  restée 
unie  au  duché  de  ce  nom. 

LA  BOURD Aïs  1ÈRE. 

La  fiourdaisière  n'était  qu'une  simple  châtellenie 
située  à  trois  lieues  de  Tours,  au  levant,  sur  la  rive 
droite  du  Cher,  entre  Azay  et  Yerets  qui  sont  sur  la 
rive  gauche.  Le  château ,  qui  avait  peu  d'importance 
dans  son  origine ,  en  acquit  davantage  lorsqu'il  eut  été 
reconstruit  avec  certaine  magnificence  aux  frais  de 
François  P%  en  faveur  de  la  famille  Babou,  qui  le 
possédait  alors.  Il  avait  d'ailleurs  été  la  propriété  du 
célèbre  maréchal  de  Boucicant ,  et  devint  ensuite  le 


IIO  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

berceau  cle  Gabrielle  d'Estrees.  A  ces  litres  il  avait 
droit  de  figurer  dans  cette  partie  de  notre  Histoire. 

Jean  le  Meingre,  dit  Boucicaut,  deuxième  du  nom, 
était  seigneur  de  Commacre  et  de  la  Bourdaisière. 
Nous  ne  répéterons  point  ce  que  nous  avons  déjà  dit 
de  lui ,  ni  ce  que  nous  en  dirons  dans  notre  quatrième 
volume.  Son  fils  Jean  III  ayant  été  tué,  en  i4i5,  à 
la  bataille  d'Azincourt,  où  lui-même  fut  fait  prison- 
nier, sa  succession,  en  il^Q^iy  époque  de  sa  mort  en 
Angleterre,  passa  au  fils  aîné  de  son  frère  Geoffroy. 

Jean  le  Meingre  de  Bouci'caut,  quatrième  du  nom, 
fils  de  Geoffroy,  seigneur  de  la  Bourdaisière  et  de 
Commacre,  mourut  à  Tours  en  i484-  Il  eut  sa  sépul- 
ture dans  l'église  de  Saint-Martin,  à  laquelle  il  avait 
fait  par  son  testament  plusieurs  dons,  qui  furent  ac- 
ceptés par  acte  du  chapitre  du  19  mars  i484» 

Jean  le  Meingre  de  Boucicaut,  cinquième  du  nom, 
fils  du  précédent,  ne  survécut  pas  long-temps  à  son 
père,  étant  mort  à  Avignon  en  1490-  H  paraît  que  ce 
fut  à  cette  époque  que  la  Bourdaisière  passa  dans  la 
famille  Babou. 

Philbert  Babou ,  seigneur  du  Soulier ,  est  le  pre- 
mier en  qui  ait  commencé  l'illustration  de  cette  mai- 
son, originaire  du  Berri.  Selon  les  uns  il  descendait 
d'un  des  commis  de  Jacques  Cœur,  et,  suivant  Bran- 
tôme ,  son  père  Laurent  Babou  était  notaire  à  Bourges. 

Philbert  Babou  épousa  à  Tours,  où  il  fut  élu  maire 

eu  i52o,  Marie  Gaudin,  dame  de  la  Bourdaisière, 

Wt       célèbre  par  sa  beauté,  qui  en  fit  une  des  maîtresses 

^  de  François  V\  De  là  les  faveurs  sans  nx)mbre  que  le 


LA    BOURDAISIKRE.  1 1  I 

monarque  répandit  sur  cette  famille.  Quand  il  eut 
créé,  en  i52  2  ,  la  place  de  trésorier  de  l'épargne,  ce 
fut  Philbert  qui  le  premier  en  fut  gratuitement  pourvu. 
Sa  femme  lui  donna  quatre  garçons  et  trois  filles.  Si 
l'on  en  croit  la  chronique  scandaleuse,  ces  trois  filles 
partagèrent  comme  leur  mère  les  bonnes  grâces  du 
roi.  L'uQ  de  leurs  fils,  Jacques  Babou,  fut  doyen  de 
Saint-Martin  à  douze  ans ,  et  à  vingt  évêque  d'An- 
goulême.  Nommé  l'an  i532  en  qualité  de  chargé  d'af- 
faires à  Rome,  il  mourut  à  la  Bourdaisière  comme  il 
se  disposait  à  partir ,  âgé  seulement  de  vingt-un  ans. 
Son  frère  Philbert  lui  succéda  dans  son  doyenné ,  son 
évêché  et  son  ambassade  à  Rome,  où  il  mourut  car- 
dinal en  iSyo. 

Jean  Babou,  seigneur  de  la  Bourdaisière  et  de  Sa- 
gonne,  chevalier  des  ordres  du  roi,  gouverneur  de 
Brest  et  grand-maître  de  l'artillerie  de  France.  Il  fut, 
en  1 532 ,  le  premier  des  grands-baillis  d'épée  de  Tou- 
raine  institués  par  François  F'',  et  il  en  exerça  les 
fonctions  jusqu'à  sa  mort  en  iSôg.  Il  avait  épousé 
Françoise  ,  fille  de  Florimond  Robertet ,  ministre 
d'état,  dont  il  eut  quatre  garçons  et  six  filles  :  i"  George 
qui  suit  ;  2"  Jean  comte  de  Sagonne,  tué  à  la  bataille 
d'Arqués  en  i  SSg  ;  S""  Philbert  ;  4°  Fabrice ,  morts 
jeunes  tous  les  deux.  Des  six  filles,  Marie  épousa  Claude 
de  Beauvilliers ,  duc  de  Saint- Aignan.  Françoise  fut 
mariée  à  Antoine  d'Estrécs ,  et  fut  mère  de  la  célèbre 
Gabrielie ,  née  à  la  Bourdaisière  en  1 565.  Isabelle  prit 
alliance  avec  François  d'Fscoubleau ,  seigneur  d'Al- 
luye,  et  Madeleine  avec  Honoré  Isoré  d'Hervaut.  I^s 


112  HISTOIRE    DE    TOURA.INE. 

deux  autres  furent  religieuses  à  Beaumont-les-Tours. 

George  Babou ,  seigneur  de  la  Bourdaisière ,  grand- 
maître  de  rartillerie.  Tandis  que  son  frère  Jean  com- 
battait sous  les  bannières  de  Henri  IV,  celui-ci  s'était 
jetë  dans  la  faction  de  la  Ligue ,  digne  pourtant  par 
sa  bravoure  d'une  cause  plus  belle  et  plus  juste.  C'est 
par  elle  qu'il  avait  été  nommé  grand-maître  de  l'ar- 
tillerie et  gouverneur  de  la  ville  de  Chartres ,  que , 
avec  une  poignée  de  troupes,  il  défendit  vaillamment, 
depuis  le  9  février  1691  jusqu'au  19  avril  suivant, 
contre  toute  l'armée  royale.  Il  y  soutint  deux  assauts  • 
mais  enfin  Châtillon  ayant  fait  jeter  un  pont  sur  la 
rivière,  il  fit  une  capitulation  honorable.  Sa  nièce, 
iGabrielle  d'Estrées,  lui  procura  par  la  suite  une  place 
de  capitaine  de  cent  hommes  d'armes  de  la  maison 
du  roi ,  et  le  collier  de  l'ordre  à  la  troisième  promo- 
tion de  chevaliers  le  5  janvier  lo^S. 

U  eut  pour  femme  Marie,  fille  de  René  II  Dubel- 
lay  et  de  Marie  Dubellay,  princesse  d'Yvetot.  De  ce 
mariage  naquirent  un  fils  et  deux  filles  :  1"  George, 
qui  fut  tué  en  duel ,  ayant  eu  de  Marie  Hennequin  son 
épouse  une  fille  morte  jeune.  Les  filles  furent  Marie, 
épouse  de  Charles  Saladin  de  Savigny ,  dit  d'Anglure, 
et  Anne,  abbesse  de  Beaumont. 

Le  nom  de  Babou  s'étant  éteint ,  la  Bourdaisière 
passa  à  Hercule  de  Rohan ,  duc  de  Montbazon ,  et 
ensuite  à  Charles  d'Albert,  duc  de  Luines,  par  son 
mariage  avec  Marie ,  fille  de  ce  même  Hercule.  Depuis 
ce  moment  les  seigneurs  de  la  Bourdaisière  ne  furent 
plus  autres  que  ceux  de  Luines. 


LA.    BOTJKDAISIÈRE.  Il3 

Lorsque  le  duc  de  Choiseul  fut  exile  h  Chanteloup, 
il  acheta  du  marquis  d'EfTiat  la  terre  de  Cinq-Mars , 
et  la  donna  au  duc  de  Luines  en  échange  de  celle  de 
la  Bourdaisière  ;  mais  cet  échange  cachait,  assure- 
t-on ,  un  sentiment  de  vengeance  assez  puéril  contre 
son  rival  et  son  ennemi,  alors  en  faveur,  puisqu'il 
avait  pour  but  de  priver  le  château  de  Verets,  situé 
sur  la  rive  opposée ,  de  l'agréable  point  de  vue  que 
lui  offrait  celui  de  la  Bourdaisière.  Or  on  sait  que 
Verets  appartenait  au  duc  d'Aiguillon.  Ce  fut  des 
débris  de  la  Bourdaisière  que  l'architecte  Le  Camus 
construisit  la  belle  pagode  de  Chanteloup.  Mais 
d'autres  matériaux  auraient  causé  moins  de  regrets, 
et  la  feraient  trouver  encore  plus  belle. 

Il  y  a  eu  après  l'aliénation  de  la  Bourdaisière ,  par 
le  domaine  national,  une  circonstance  que  nous  ne 
devons  pas  omettre  ici.  L'acquéreur,  M.  Dubernade, 
négociant  de  Morlaix ,  ayant  voulu  faire  faire  quel- 
ques changemens,  en  chargea  M.  Guyot,  expert- 
géomètre  à  Tours,  qui  trouva  pratiqué  dans  l'épais- 
seur d'un  mur  un  petit  cabinet  éclairé  seulement  par 
une  espèce  de  meurtrière,  et  dont  la  porte  était 
murée  avec  beaucoup  de  soin.  Son  intérieur  ne 
contenait  qu'une  simple  table  de  bois  sur  laquelle 
était  posée  une  cassette  dont  l'ouverture  mit  au  jour 
une  grande  quantité  de  lettres  bien  conservées  et 
très-lisiblement  écrites.  C'était  la  correspondance  de 
François  P^  avec  madaine  Babou;  mais  tombées  entre 
les  mains  de  deux  jeunes  demoiselles,  qui  n'en  con- 
nurent pas  le  prix,  ces  lettres  furent  détruites  succes- 
3.  8 


Il4  HISTOIRE  BE  TOURAINE. 

sivement,  et  malgré  les  recherches  que  l'on  fît  faire 
peu  de  temps  après ,  on  ne  put  en  recouvrer  aucune. 
Cette  perte  est  d'autant  plus  regrettable  qu'il  n'était 
pas  impossible  que  beaucoup  de  ces  lettres  contins- 
sent des  détails  confidentiels  qui  auraient  pu  jeter 
quelques  lumières  sur  certains  faits  historiques,  ou 
ignorés  ou  mal  connus. 

On  a  vu  à  l'article  de  Saint-Florentin  d'Amboise 
les  détails  dans  lesquels  nous  sommes  entrés  au  sujet 
du  tombeau  de  Philbert  Babou. 

LA  GUIERCHE,  vicomte. 

La  Guierche  ou  la  Guerche  (  Guerchium ,  Guir-^ 
cia),  située  sur  la  rive  droite  de  la  Creuse,  h  dix-sept 
lieues  de  Tours ,  n'était  autrefois  qu'une  simple  châ- 
teilenie,  érigée  depuis  en  vicomte  en  faveur  d'André 
de  Villequier  par  le  roi  Charles  VII ,  qui  en  racheta 
l'hommage  ainsi  que  tous  les  droits  de  Pierre  Frottier, 
seigneur  de  Prèuilly,  en  mai  il\5i,  ce  qui  fut  ratifié 
en  octobre  1467  par  Prégent  Frottier  son  fils,  lors- 
qu'il eut  atteint  sa  majorité.  L'ancien  château,  peu 
considérable,  fut  reconstruit  à  neuf  par  Charles  VII 
pour  la  célèbre  Agnès  Sorel ,  qui  avait  coutume  d^ 
l'habiter  lorsque  le  monarque  faisait  son  séjour  à  Lo- 
ches. Il  devenait  ainsi  le  rendez-vous  de  ses  chasses 
dans  la  forêt  de  la  Guierche.  C'est  ce  qu'indiquent 
encore  des  restes  de  sujets  peints  h  fresque  sur  les 
murs.  Ce  château,  qui  pour  l'époque  ne  manquait  pas 
d'une  certaine  magnificence,  n'offre  plus  qu'une  image 
très- imparfaite  de  ce  qu'il  était  au  quinzième  siècle. 


LA    GUIERCHE.  Il5 

L'aile  droite  et  les  coinmims  ont  disparu.  Le  corps-de- 
logis  a  été  baissé  d'un  étage  et  les  tours  mises  à  ce 
niveau.  Les  douves  ont  été  comblées.  Le  pont  de  pierre 
qui  communiquait  de  la  rive  droite  à  la  gauclie  de  la 
Creuse ,  fut  rompu  en  1698.  Enfin  les  murs  dont  elle 
était  entourée  ont  été  depuis  long-temps  démolis.  Son 
église,  dédiée  à  Saint-Marcellin,  existait  bien  avant 
la  fin  du  douzième  siècle,  ainsi  qu'on  le  voit  par  une 
cbarte  de  Barthélemi  de  Vendôme,  archevêque  de 
Tours,  datée  de  l'an  J  f g/h 

Nous  n'avons  point  trouvé  de  seigneurs  de  la 
Guierche  antérieurement  au  quatorzième  siècle,  quoi- 
que probablement  il  y  en  ait  eu  avant  cette  époque , 
suivant  l'ancien  axiome  féodal  :  JSulle  terre  sans 
seigneur. 

Jean  de  l'Ile ,  seigneur  de  Cinq-Maars ,  second  fils 
de  Barthélemi  III,  seigneur  de  l'Ile-Bouchard,  était 
châtelain  de  la  Guierche  en  i336.  Il  n'eut  que  deux 
filles,  dont  l'aînée  Jeanne  porta  cette  seigneurie  en 
dot  à  son  mari ,  du  nom  de  Rougé. 

Bonabes  de  Rougé,  quatrième  du  nom,  chevalier, 
seigneuc  d'Erval  et  de  Neuville ,  alla  s'établir  en  Bre- 
tagne, où  il  avait  des  terres.  S'étant  mis  au  service  du 
roi  de  France ,  il  assista  à  la  bataille  de  Poitiers ,  où 
il  fut  fait  prisonnier  et  conduit  en  Angleterre;  il  en 
sortit  en  payant  rançon ,  et  mourut  en  1377 ,  laissant 
de  Jeanne  de  l'Ile,  son  épouse.  Jean  et  Galiot  de  Rougé, 
successivement  seigneurs ;de  la  Guierche ,  ainsi  que 
deux  filles. 

8. 


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H6  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

Jean  de  Rouge  étant  mort  sans  enfans,  sa  succes- 
sion échut  à  son  frère. 

Galiot  de  Rouge  épousa  Marguerite  de  Beaumanoir, 
dont  il  eut  Jean,  qui  suit,  et  Jeanne,  mariée  à  Armel 
de  Château-Giron ,  d'où  naquirent  Patry  et  Valence 
de  Château-Giron ,  dont  il  va  être  parlé. 

Jean  II  de  Rougé ,  sire  de  Derval ,  de  Cinq-Maars- 
la-Pile ,  etc. ,  prit  alliance  avec  Béatrix  de  Dreux ,  et 
mourut  sans  postérité  le  8  février  i4i5. 

Patry,  fils  aîné  d'Armel  de  Château-Giron  et  de 
Jeanne  de  Rougé,  hérita  de  Jean  II,  son  oncle  ma- 
ternel, les  seigneuries  de  Derval,  Rougé,  Guémené, 
la  Guierche  et  Cinq-Maars-la-Pile.  Il  épousa  Louise 
de  Rohan ,  dont  il  n'eut  point  d'enfans. 

Valence  de  Château-Giron,  sœur  de  Palry,  succéda 
à  son  frère,  mort  en  14^7.  Elle  s'était  mariée  à  son 
parent  Geoffroy  de  Château-Giron ,  dit  de  Malétroit, 
sire  de  Combout.  De  ce  mariage  naquirent  trois  en- 
fans  ,  Jean ,  Gillette  et  Marguerite.  Valence  mourut 
le  7  septembre  i435,  et  son  mari  en  i463. 

Jean  de  Château-Giron ,  dit  de  Malétroit ,  leur  fils 
aîné,  succéda  à  sa  mère  en  i435.  Ce  fut  lui  proba- 
blement qui  vendit  à  Charles  VII  le  domaine  de  la 
Guierche ,  relevant  de  la  baronnie  de  Preuilly ,  que 
possédait  alors  Pierre  Frottier,  de  qui,  comme  nous 
l'avons  dit,  le  roi  racheta  tous  les  droits  seigneu- 
riaux. 

Agnès  Sorel ,  dame  de  la  Guierche ,  par  concession 
de  Charles  VII,  consentit  sans  doute  à  s'en  démettre 


LA.   GUIERCHE.  I  r  7 

en  faveur  de  sa  cousine,  Antoinette  de  Maignelais, 
lors  de  son  mariage  avec  le  seigneur  de  Villequier. 

André  de  Villequier,  seigneur  de  Montrësor  et  des 
îles  d'Oleron ,  gentilhomme  de  la  chambre  du  roi , 
reçut  en  dot,  lors  de  son  mariage  avec  Antoinette  de 
Maignelais,  la  châtellenie  de  la  Guierche,  qui  fut 
érigée  pour  lui  en  vicomte.  Il  fit  son  testament  le  1 5 
juin  1454  î  et  laissa  en  mourant  un  fils  nommé  Artus. 
Il  y  avait  dans  ce  même  temps  une  Marguerite  de 
Maignelais,  dame  de  Cholet ,  maîtresse  de  François II, 
duc  de  Bretagne ,  d'où  sont  sortis  les  comtes  de 
Vertus. 

Artus  de  Villequier ,  comte  de  Montrésor,  vicomte 
de  la  Guierche ,  épousa  Marie  de  Monbrun ,  dont  il 
eut  : 

Baptiste  de  Villequier ,  marié  d'abord  avec  Jacque- 
line de  Miolans,  et  par  contrat  du  iS  mai  iSiq  avec 
Anne  de  Rochechouart ,  dame  d'Etableau,  dont  il  eut 
Claude,  René  et  Jaqueline  de  Villequier.  Il  comparut 
en  1559  à  la  deuxième  réforraation  de  la  coutume  de 
Touraine. 

Claude  I"  de  Villequier,  chevalier  de  Tordre  du 
Saint-Esprit,  capitaine  de  cinquante  hommes  d'armes, 
fut  marié  à  Renée  d'Appelvoisin ,  dont  il  eut  : 

George  de  Villequier,  chevalier  de  l'ordre,  qui ,  en 
i58i ,  accompagna  le  duc  d'Anjou  dans  son  expédi- 
tion de  Flandre.  Il  épousa  Louise  Lejay,  dont  il  n'eut 
point  d'cnfans. 

Claude  II,  baron  de  Villequier,  comte  deClervaux, 
avait  pour  père  René,  fds  do  Baptiste  et  de  Louise 


Il8  niSTOlIlE    DE   TOURAINE. 

de  Savonnièree/ Il  mourut  erv  1607  à  dix-neuf  ans, 
sans  avoir  été  marié. 

Charlotte-Catherine  de  Villequier,  fille  également 
de  René  et  de  Françoise  de  La  Marck,  sa  première 
femme,  fut  mariée  deux  fois;  la  première  à  François 
d'O,  surintendant  des  finances,  et  la  deuxième  à 
Jacques  d'Aumont  en  1607.  Ils  eurent  entre  autres 
enfans  César  et  Antoine  d'Aumont,  maréchal  de 
France. 

César  d'Aumont,  gouverneur  de  Touraine,  dit  le 
marquis  d'Aumont,  épousa  en  premières  noces Renée- 
aux -Epaules,  dite  de  Laval,  et  en  secondes  noces 
Marie  Amelot  de  Cornetin  ;  ce  dernier  mariage  lui 
donna  pour  enfans  Jacques ,  mort  sans  alliance  en 
1657  ;  Anne  F%  religieuse  ;  Anne  II ,  femme  de  Gilles 
Fouquet,  marquis  de  Mézières;  Marie,  religieuse; 
N.  d'Aumont,  dite  mademoiselle  de  la  Guierche,  et 
N.  dite  mademoiselle  de  Clairvaux. 

François-Hélie  de  Roger  d'Argenson,  archevêque 
de  Bordeaux,  ayant  acquis,  après  la  mort  de  César 
d'Aumont,  en  1661 ,  la  vicomte  de  la  Guierche,  la 
laissa  en  mourant  à  son  neveu. 

Marie -Pierre  de  Voyer  d'Argenson,  baron  des 
Ormes,  etc.,  ministre  de  la  guerre  et  intendant  de 
Tours  en  172 1. 

Marc- René  de  Voyer  d'Argenson,  baron  des  Or- 
mes, etc.,  grand-bailli  de  Touraine,  lui  succéda.  Celte 
terre  est  encore  dans  la  même  famille  en  la  personne 
de  M.  Marc -René  d'Argenson ,  plusieurs  fois  membre 
de  la  chambre  des  députés ,  oîi  il  s'est  constamment 


I 


LA    HATE.  I  1  9 

signale  par  son  courage  civique,  l'une  des  vertus  les 
plus  rares  en  France ,  et  par  son  zèle  pour  la  défense 
des  droits  qu'un  monarque  législateur  a  garantis  à  la 
nation  française. 

LA   HAYE,    BARONNIE. 


La  Haye  {Haïa  ou  Haga),  ville  située  sur  la  rive 
droite  de  la  Creuse ,  est  éloignée  de  Tours  de  dix 
lieues  du  côté  du  midi.  Dans  le  principe  elle  était 
possédée  par  les  seigneurs  de  Loches,  au  nombre  des- 
quels un  certain  Garnier ,  fils  d'Adeland,  eut  une  fille 
nommée  Roscille,  qui  fut  mariée  à  Foulques-le-Roux, 
comte  d'Anjou.  L'auteur  de  l'Histoire  d'Anjou  rap- 
porte que  Foulques  se  rendit  maître  de  La  Haye  par 
des  voies  violentes  et  injustes  ;  ce  qui  pourrait  donner 
à  penser  que  Roscille  aurait  eu  un  frère  sur  lequel 
le  comte  d'Anjou  aurait  usurpé  la  seigneurie  de  La 
Haye,  qui,  peu  après  cependant,  retourna  dans  la 
même  famille. 

Le  seigneur  de  La  Haye  était  l'un  des  huit  barons 
de  Touraine  qui  devaient  porter  l'archevêque  de  Tours 
le  jour  de  son  entrée,  et  comme  au  dîner  il  faisait  les 
fonctions  d'échanson  ,  il  avait  la  coupe  du  prélat,  ainsi 
que  les  restes  des  vins  et  des  viandes  qui  avaient  été 
servis. 

La  ville  de  La  Haye  était  assez  passablement  for- 
tifiée pour  que  le  roi  Jean,  en  t356,  y  rassemblât 
l'armée  qui  poursuivait  le  prince  de  Galles,  et  qui, 


120  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

l'atteignant  près  de  Poitiers ,  y  perdit  cette  bataille  si 
funeste  à  la  France. 

Le  maréchal  de  Sancerre  la  défendit  contre  les  An- 
glais en  1369,  et  Ton  y  entretint  bonne  garnison  tout 
le  temps  que  durèrent  les  guerres  de  religion.  Le  roi 
de  Navarre ,  en  iSSy  ,  tenta  vainement  de  l'enlever 
à  Lavardin ,  qui  y  tenait  pour  la  Ligue.  Mais  lorsque 
le  royaume  fut  pacifié  ,  ses  fortifications  furent  démo- 
lies, et  son  château  tomba  en  ruines. 

Depuis  Adeland ,  dont  nous  avons  parlé  plus  haut, 
et  qui  devait  vivre  vers  l'an  900,  voici  quels  sont 
ceux  que  nous  trouvons  pour  seigneurs  de  La  Haye. 

Sanson ,  ou  plutôt  Sanction.  Il  accompagna  EudesP', 
comte  de  Touraine ,  au  siège  de  Langeais ,  en  995 ,  et 
assista  à  la  fondation  de  l'abbaye  de  Beaulieu  en  10 10. 
Il  restitua,  en  io5o ,  quelques  domaines  à  l'église  de 
Tours ,  du  consentement  de  ses  enfans  Renaud ,  As- 
selin  et  Hervé ,  qu'il  avait  eus  d'Hameiine  son  épouse. 

Renaud,  premier  du  nom,  fut  présent,  en  io59, 
à  la  donation  des  bois  de  Gâtines  faite  par  Geoffroy- 
Martel  en  faveur  de  l'abbaye  de  Marmoutier. 

André  était  probablement  fils  de  ce  Renaud.  Nous 
le  voyons,  en  11  Ov^,  assister  à  un  acte  de  ratification 
faite  par  Berlay  de  Montreuil  au  profit  de  Saint-Ni- 
colas d'Angers. 

Cassinotle ,  dame  de  La  Haye ,  obtint  par  héritage, 
mais  nous  ignorons  comment,  non-seulement  la  ba- 
ronnie  de  La  Haye ,  mais  encore  la  vicomte  de  Tours. 
Elle  fut  mariée  à  Gosselin  II ,  seigneur  de  Sainte- 
Maure,  qui  fut  assassiné  avec  son  frère  dans  une  ré- 


LA.    HAYE.  lïil 

volte  de  la  garnison  de  La  Haye.  Cassinotte ,  devenue 
veuve ,  se  remaria  très  -  vraisemblablement  à  Jean  de 
Montbazon ,  et  lui  porta  en  dot  la  baronnie  de  La 
Haye;  car  nous  voyons  par  un  titre  de  l'abbaye  de 
Marmoutier  que  Hugues ,  fils  de  ce  Jean  de  Montba- 
zon et  Renaud,  petit-fils  de  Cassinotte,  furent  sei- 
gneurs de  La  Haye.  Ces  deux  époux  vivaient  encore 
en  1126,  temps  auquel  ils  ratifièrent,  avec  leurs  en- 
fans  Hugues  et  Renaud,  une  donation  faite  à  l'abbaye 
de  Fontevrault.  Il  y  avait  aussi  un  Barthélemi  de  La 
Haye ,  qui  est  nommé  avec  son  frère  Renaud  dans  une 
charte  de  l'abbaye  de  Marmoutier. 

Renaud,  deuxième  du  nom,  épousa  Hersende  de 
Colombiers.  Ils  donnèrent  à  l'Hotel-Dieu  de  Tours , 
en  II 59,  conjointement  avec  Hamelin  leur  fils,  une 
dîme  qu'ils  avaient  près  le  Ruau  d'Epeigné,  du  con- 
sentement de  l'archevêque  Joscion. 

Hamelin  fut  élevé  par  Cassinotte  son  aïeule.  Il  fut 
marié  ;  mais  nous  ne  connaissons  que  le  nom  de  son 
fils  Geoffroy. 

Geoffroy,  premier  du  nom,  suivit  le  parti  des  fils 
de  Henri  II,  révoltés  contre  leur  père.  Mais  Henri 
étant  passé  en  France  au  printemps  de  l'année  1 1 78, 
Geoffroy  alla  le  trouver  à  Angers,  et  lui  remit  son 
château,  oii  le  monarque  anglais  mit  garnison.  Ce- 
pendant la  paix  s'étant  faite  entre  le  père  et  les  enfans, 
La  Haye  fut  rendue  à  Geoffroy. 

Hugues  vivait  en  i2o5,  selon  André Duchesne.  On 
présume  qu'il  fut  père  de  celui  qui  suit. 


122  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

Philippe  est,  suivant  toute  apparence,  celui  qui 
figure  sur  la  liste  des  chevaliers  bannerets  de  Tou- 
raine ,  où  il  est  dit  seulement  :  Dominus  Hajœ.  Il 
épousa  Isabelle  de  Passavant,  qui  lui  porta  cette  terre 
en  mariage.  Elle  en  était  veuve  en  1255,  ainsi  qu'on 
le  voit  par  ses  lettres  du  mois  de  mars  de  la  même 
année ,  scellées  de  son  sceau ,  qui  est  le  même  que 
celui  des  seigneurs  de  Montbazon  ;  ce  qui  confirme 
que  Renaud  II  descendait  de  Jean  de  Montbazon.  De 
ce  mariage  sortit  Barthélemi ,  et  Geoffroy ,  qui  fut 
archevêque  de  Tours. 

Barthélemi ,  seigneur  de  La  Haye  et  de  Passavant, 
assista  à  l'arrière-ban  de  France  en  x3o4.  H  avait, 
selon  les  frères  Sainte-Marthe ,  épousé  Édeline  de  Lu- 
signan ,  fille  de  Geoffroy  II ,  dont  il  eut  Geoffroy  et 
Isabelle ,  femme  de  Philippe  Isoré. 

Geoffroy,  deuxième  du  nom,  épousa  Marie  de 
Maillé,  dame  de  la  Croix-de-Bléré,  qui,  en  iSyo,  fît 
aveu  à  l'archevêque  de  Tours  pour  la  seigneurie  de 
La  Haye ,  en  l'absence  de  son  mari.  Il  ne  laissa  qu'une 
fille  héritière  de  tous  ses  biens. 

Isabelle,  dame  de  La  Haye,  prit  alliance  avec  Pierre, 
seigneur  de  Marmande,  dont  elle  n'eut  pareillement 
qu'une  fille. 

Marguerite  de  Marmande ,  dame  de  La  Haye, 
Marmande  et  Saint-Michel ,  épousa  Jean  III ,  comte 
de  Sancerre,  qui^  comme  baron  de  La  Haye  et  de 
Saint -Michel -sur -Loire,  assista,  en  i385,  à  l'en- 
trée de  Séguin  d'Antou,    archevêque  de  Tours,  et 


LA  HATE.  123 

y  fît  les  doubles  fonctions  d'écuyer  tranchant  et  d'é- 
chanson.  Deux  filles,  Marguerite  et  Jeanne ,  furent  les 
seuls  fruits  de  ce  mariage. 

Marguerite  de  Sanccrre  fut  mariée  trois  fois  ;  la 
première  à  Girard,  seigneur  de  Retz  ;  la  seconde  à 
Béraud,  dauphin  d'Auvergne,  comte  de  Clermont  et 
de  Mercœur,  et  la  troisième  à  Jacques,  seigneur  de 
Monberon  et  de  Maulévrier.  Par  le  second  contrat 
de  mariage ,  son  père  et  sa  mère  l'instituèrent  héri- 
tière de  tous  leurs  biens,  à  l'exception  de  Marmande, 
Faye-la-Vincuse  et  Saint-Michel-sur-J^oire,  qu'ils  se 
réservèrent.  De  ce  second  mariage  Marguerite  eut 
un  fils  avec  lequel  elle  fit,  le  22  novembre  1^09  ?  "^e 
transaction  eu  vertu  de  laquelle  les  terres  de  La  Haye 
et  d'Azay  devaient  rester  au  seigneur  de  Monberon, 
son  troisième  mari. 

Jean  de  Torsay ,  chambellan  du  roi  Charles  VI  et 
grand-maître  des  arbalétriers  de  France,  paraît  avoir 
acquis  de  Jacques  de  Monberon  la  seigneurie  de  La 
Haye.  Il  avait  épousé  Marie  d'Argenton,  veuve  de 
Bertrand  de  Cazelas,  chevalier  de  Béarn  ,  dont  il  eut 
une  fille  unique.  Il  mourut  en  14^3. 

Jeanne  de  Torsay,  sa  fille,  fut  également  mariée 
trois  fois ,  l'une  à  André  de  Beaumont,  en  i4*^4  ?  ^^^^^ 
elle  eut  Jacques  de  Beaumont;  l'autre  à  Jean  de  Ro- 
chechouart,  seigneur  de  Mortemart,  qualifié  de  baron 
de  La  Haye  dans  un  titre  de  i432  ;  et  la  dernière  h 
Philippe  de  Molun,  qui  vivait  encore  en  i444- 

Jacques  de  Beaumont,  cbambellan  du  roi,  seigneur 
de  La  Haye,  la  Roche-Raffîn,  Bressuire,  etc. ,  épousa 


124  HISTOIRE  DE  TOTTRAINE. 

Louise,  fille  de  Jean  de  Rochechouart ,  son  beau-père, 
et  de  Jeanne  Turpin ,  sa  première  femme ,  par  con- 
trat du  9  janvier  i45i.  Il  fut  fait  sénéchal  de  Poitou 
par  lettres  de  Charles  VIII  du  2 3  mars  i49i-  H  eut 
de  ce  mariage  trois  filles,  dont  l'aînée,  Jeanne  j  fut 
dame  de  Bressuire.  Philippe ,  la  seconde,  eut  La  Haye, 
et  la  troisième  la  seigneurie  de  Beaumont. 

Philippe  de  Beaumont  fut  alliée  avec  Pierre  de  La- 
val ,  seigneur  de  Loué  et  de  Benais ,  fils  de  Guy  Laval 
et  de  Charlotte  de  Sainte-Maure.  De  ce  mariage  na- 
quirent Gilles  et  Guy  de  Laval,  qui  fut  seigneur  de 
Lezay. 

Gilles  de  Laval ,  baron  de  La  Haye ,  de  Loué ,  de 
Bressuire,  épousa  Françoise  de  Maillé. 

Pierre  de  Laval  comparut  l'an  i5o7  au  premier 
procès-verbal  de  réformation  des  coutumes  de  Tou- 
raine  en  qualité  de  seigneur  de  Ija  Haye.  Il  paraît  que 
ce  fut  lui  qui  vendit  cette  baronnie  à  Guillaume  de 
Morenne ,  qui  la  rétrocéda  à  Louis  de  Rohan ,  sei- 
gneur de  Guémené. 

Louis  de  Rohan- Guémené  eut  procès  contre  les 
officiers  de  la  reine  Éléonore ,  veuve  de  François  P' 
et  duchesse  de  Touraine,  qui  avaient  fait  saisir  la 
seigneurie  de  La  Haye,  faute  par  lui  d'avoir  exhibé 
son  contrat  d'acquêt,  payé  les  droits  seigneuriaux  et 
rendu  la  foi  et  hommage.  Il  comparut ,  en  1 659,  à  la 
seconde  réformation  des  coutumes  de  Touraine.  Mais 
en  1 588  cette  terre  fut  annexée  à  celle  de  Montba- 
zon,  qui  fut  alors  érigée  en  duché -pairie  en  faveur 
de  Louis  de  Rohan ,  septième  du  nom.  Celui-ci  étant 


LANGEAIS.  Il5 

mort  sans  enfans ,  le  duché  passa  à  Hercule  son  frère, 
et  depuis  ce  temps  il  est  resté  dans  la  même  famille, 
branche  dite  de  Montbazon. 

La  ville  de  La  Haye  avait  deux  paroisses  :  Saint- 
George  et  Noire-Dame. 

La  justice  y  était  exercée  par  un  bailli,  un  procu- 
reur de  cour  et  un  greffier.  Six  paroisses  en  relevaient 
en  première  instance ,  et  deux  autres  en  appel.  Le 
maire  avait  été  créé  par  l'édit  de  1692. 

Ce  fut  à  La  Haye  que  naquit  l'illustre  René  Des- 
cartes le  3i  mars  iSgô.  On  y  conserve  encore  reli- 
gieusement la  maison  où  reçut  le  jour  le  père  de  la 
philosophie  moderne,  et  la  chambre  qui  fut  son  ber- 
ceau est  décorée  d'un  buste  en  terre  cuite  envoyé  au 
propriétaire  de  cette  maison  par  le  ministre  de  l'in- 
térieur, et  solennellement  inauguré  par  le  général 
Pommereul,  préfet  d'Indre-et-Loire,  le  samedi  2  oc- 
tobre j  802.  Depuis  ce  moment  la  ville  a  pris  le  nom 
de  La  Haye-Descartes.  On  se  rappelle  à  ce  sujet  une 
plaisanterie  de  Voltaire.  Il  raconte  qu'étant  à  La  Haye 
en  Hollande,  on  lui  adressa  une  lettre  qui  fut  dirigée 
sur  La  Haye  en  Touraine ,  mais  que  le  directeur  de 
la  poste  écrivit  au  dos  :  Inconnu  dans  le  pays. 

LANGEAIS,  BARONNiE. 

Langeais,  autrefois  Langez  [Jlinga^^ia)^  ville 
située  à  la  droite  de  la  Loire ,  entre  le  fleuve  et  le 
coteau,  à  six  lieues  de  Tours,  fut  un  des  premiers  lieux 
de  la  province  où  saint  Martin  prêcha  l'évangile;  ce 


ia6  HISTOIRE  DE  TOUR  AINE. 

qui  prouve  sa  haute  antiquité.  Il  y  fit  bâtir  une  église 
où  il  plaça  des  reliques  de  saint  Jean ,  et  qu'il  mit  sous 
son  invocation.  C'était  en  dernier  lieu  simultanément 
une  paroisse  et  un  chapitre  composé  de  quatre  cano- 
nicats ,  dont  l'un  était  uni  à  la  cure.  La  seconde  pa- 
roisse était  dédiée  à  saint  Laurent. 

Le  château  fut  bâti  par  Foulques-Nerra  sur  la  fin 
du  dixième  siècle.  Eudes  I",  comte  de  Touraine,  irrité 
d'une  pareille  entreprise  de  la  part  du  comte  d'Anjou, 
en  fît  le  siège  en  994 ,  ainsi  que  ce  fait  nous  est  con- 
firmé par  la  charte  de  fondation  de  l'abbaye  de  Bour- 
gueil,  datée  de  cette  même  année.  Quoique  nous  ne 
sachions  pas  précisément  quel  en  fut  le  succès ,  nous 
devons  croire  qu'il  se  rendit  maître  de  la  place,  puis- 
que ses  successeurs  la  possédèrent  depuis  jusqu'à  Thi- 
baut II,  comte  de  Touraine,  son  petit -fils,  qui  la 
donna  pour  sa  rançon  à  Geoffroy-Martel,  comte  d'An- 
jou, en  io44- 

On  tient  pour  constant  que  le  château  fut  rebâti  en 
son  dernier  état  sous  le  règne  de  Philippe -le- Hardi 
par  son  ministre  Pierre  de  la  Brosse ,  dont  nous  avons 
déjà  rapporté  la  fin  tragique.  Les  Anglais  s'emparè- 
rent de  Langeais  sous  le  roi  Jean  ;  mais  ils  furent 
obligés  de  le  rendre  en  i36o  par  le  traité  de  Bréti- 
gny.  Ils  le  reprirent  encore  en  14^8.  Comme  les 
troupes  de  leur  garnison  faisaient  des  courses  fré- 
quentes jusqu'aux  portes  de  Tours ,  les  habitans  com- 
posèrent avec  le  commandant,  et  achetèrent  leur  tran- 
quiUité  moyennant  une  somme  de  deux  mille  cinq 
cents  écus  d'or. 


LANGEAIS.  127 

Sous  Jean  de  Montsoreau ,  archevêque  de  Tours , 
il  y  eut,  en  1270,  un  concile  provincial  tenu  à  Lan- 
geais, où  assistèrent  tous  les  cvêques  suffragans. 

Ce  fut  pareillement  le  lieu  où  on  rédigea  pour  la 
première  fois  par  écrit  les  coutumes  de  Touraine  dans 
l'assemblée  qui  s'y  tint  le  i4  mars  1460,  par  ordre 
de  Charles  VII,  et  où  fut  célébré,  le  26  décembre 
1491,  le  mariage  de  Charles  YIII  avec  Anne,  du- 
chesse de  Bretagne. 

Hubert  est  le  premier  des  seigneurs  de  Langeais 
qui  soit  venu  à  notre  connaissance.  Il  est  probable, 
ainsi  qu'on  le  verra  à  l'article  de  son  fils ,  qu'il  vivait 
vers  l'an  980.  Il  eut  trois  enfans  :  Hubert  II  ;  Foul- 
croy,  père  de  Raoul,  archevêque  de  Tours,  et  Robert 
de  Langeais,  qui  se  trouve  présent  à  la  donation  du 
bourg  et  de  l'église  de  Semblançay  par  Hubert,  son 
frère. 

Hubert ,  deuxième  du  nom ,  surnommé  le  Gros- 
Chevalier,  accorda  aux  religieux  de  Marmoutier 
l'exemption  des  droits  de  péage,  tant  par  eau  que  par 
terre ,  pour  toutes  celles  de  leurs  provisions  qui  pas- 
seraient dans  l'étendue  de  ses  domaines.  Cette  dona- 
tion eut  lieu  sous  Ébrard ,  qui  fut  abbé  de  Marmou- 
tier de  ioi5  à  io32,  et  il  la  confirma  depuis,  du 
consentement  de  Geoffroy  son  fils,  sous  Albert,  qui 
gouverna  cette  abbaye  de  1082  à  1064.  Hubert  II 
eut  plusieurs  enfans  :  i**  Hamelin.,  seigneur  de  Lan- 
geais; 2°  Geoffroy,  doyen  de  Saint-Martin  de  Tours  ; 
3°  Hugues  qui  donna  plusieurs  domaines  à  l'abbaye 
de  Bourgueil,  en  loSg;  4*  Gautier,  qui  ratifia,  en 


128  HISTOIRE  DE  TOTTRAmE. 

To65,  la  donation  de  quelques  propriétés  situées  au 
Sentier ,  faites  à  l'abbaye  de  Marmoutier  par  Hamelin 
et  Hugues ,  ses  frères. 

Hameîiu  de  Langeais  succéda  à  son  père,  et  con- 
firma l'exemption  de  péage,  dont  nous  avons  parlé, 
par  lettres  de  l'année  1106,  sous  l'abbé  Guillaume 
de  Comborn. 

Ingelger  de  Langeais  ratifia  la  même  exemption, 
du  consentement  d'Hermensande ,  son  épouse,  de 
Ricliilde,  femme  de  Marcellus,  et  de  ses  autres  en- 
fans. 

Léonin  donna  le  lieu  de  Chaufournais ,  paroisse  de 
Neuillé-Pont-Pierre ,  à  Robert  d'Arbrissel ,  du  con- 
sentement de  Barbotte  sa  femme  ,  de  Dreux  son  frère 
et  de  Guy ,  fils  de  Dreux.  Cette  donation  eut  lieu  né- 
cessairement avant  l'année  11 1 7  ,  époque  de  la  mort 
de  Robert  d'Arbrissel. 

Depuis  ce  temps  Langeais  appartient  aux  comtes 
de  Touraine,  et  en  1204  il  fut  réuni  à  la  couronne 
de  France  ;  ce  qui  donna  lieu  aux  seigneurs  enga- 
gistes. 

Robert  de  Vitré,  premier  baron  de  Bretagne,  fut 
un  des  principaux  partisans  du  jeune  comte  Artus , 
dont  il  était  parent.  Il  l'enleva  dé  Rennes,  en  1 196, 
par  ordre  de  Constance  sa  mère ,  pour  le  soustraire 
à  Richard,  roi  d'Angleterre.  Artus,  devenu  comte  de 
Touraine,  lui  donna  le  château  et  le  domaine  de  Lan- 
geais par  lettres  du  mois  de  juin  11 99  ;  mais  après  la 
mort  de  ce  prince.  Vitré  les  rendit  à  Philippe- Au- 
guste,  qui  lui  donna  en  échange  Saînt-Sever,  avec 


LANGEAIS.  129 

quelques   terres  en  Nonnaiulic  par  lettres  de  Tan 
1206. 

Guiliaunie  des  Roches,  sénéchal  de  Touraine,  oh- 
tint  de  Philippe-Auguste  la  ville  de  Langeais,  à  con- 
dition de  la  garder  à  ses  frais  tant  qu'elle  ne  sérail 
pas  assiégée  par  le  roi  d'Angleterre  en  personne.  11  la 
remit  depuis  entre  les  mains  du  roi,  s'étant seulement 
réservé  les  droits  de  sénéchaussée. 

Hugues  de  Lézignan  ,  deuxième  du  nom ,  comte  de 
La  Marche  et  d'Angoulême,  avait  épousé  Isabeau, 
veuve  de  Jean-sans-ïerre.  Pour  dédommager  le  comte 
du  douaire  qu'Isabeau  avait  en  Angleterre ,  Louis  VIII 
lui  donna  la  ville  de  Langeais,  à  condition  qu'il  ne 
pourrait  la  fortifier  sans  son  consentement.  Il  la  ren- 
dit depuis  à  saint  Louis  moyennant  dix  mille  six  cents 
livres,  que  le  roi  s'obligea  de  lui  payer  chaque  année 
pendant  dix  ans.  Par  le  traité  fait  à  Clisson  en  i23o, 
Louis  la  lui  donna  de  nouveau  avec  quelques  autres 
places,  comme  garantie  du  mariage  de  Hugues,  fds 
aîné  du  comte,  avec  Isabeau  de  France.  Mais  la  ré- 
bellion du  père  empêcha  le  mariage  du  fils.  Obligé  de 
prendre  les  armes  contre  lui,  saint  Louis  le  défit  à 
Taillebourg,  et  reprit  sur  lui  Langeais,  ainsi  que  les 
autres  places  qui  furent  confisquées  et  de  nouveau 
réunies  à  la  couronne. 

Alphonse  de  France,  frère  de  saint  Louis,  comte  de 
Poitiers  et  de  Toulouse ,  fut  mis  en  possession  des 
terres  du  comte  de  La  Marche,  par  lettres  données 
au  camp  près  la  ville  de  Pons  au  mois  d'août  1242. 

3.  9 


j3o  histoire  de  touraixe. 

Il  mourut  sans  postérité  en  Italie,  le  ii  août  1271. 

Pierre  cle  Brosse  ou  de  la  Brosse,  chambellan  de 
France,  second  fils  de  Pierre  de  la  Brosse,  sergent  à 
masse  de  saint  Louis,  acquit  d'Alphonse  de  France  la 
seigneurie  de  Langeais.  Peu  de  temps  après  il  racheta 
de  Maurice  de  Graon ,  sénéchal  des  trois  provinces , 
les  droits  qu'en  cette  qualité  il  avait  sur  Langeais.  Il 
avait  tellement  capté  la  faveur  de  Philippe-le-Hardi, 
qu'il  eut  seul  l'administration  de  l'état;  ce  qui  excita 
contre  lui  la  jalousie  des  ducs  de  Bourgogne ,  de  Bra- 
bant  et  d'Artois,  qui  parvinrent  à  lui  faire  faire  son 
procès  et  à  le  faire  condamner  à  mort  en  1278.  Tous 
ses  biens  furent  confisqués  et  réunis  à  la  couronne. 
Il  avait  épousé  Philippe,  fille  de  Mathieu  de  Saint- 
Yenant ,  dont  il  eut  :  Pierre  de  la  Brosse ,  qui  suit  ; 
Jeanne,  femme  de  Simon  de  Beaugenci;  Isabeau, 
alliée  à  Mathieu  de  Vatebois;  et  Perrenelle,  mariée 
à  Etienne  II  de  Jaulnay.  Pierre  son  fils  avait  été  fiancé 
en  1274  avec  Jeanne,  sœur  de  Guillaume  Larche- 
vêque ,  seigneur  de  Parthenay  ;  mais  la  fin  funeste  de 
son  père  le  priva  de  cette  alliance  ainsi  que  de  la  sei- 
gneurie de  Langeais. 

Depuis  ce  moment  jusqu'en  i466,  il  n'y  eut  plus 
à  Langeais  que  des  gouverneurs  qu'on  nommait  châ- 
telains. 

François  d'Orléans ,  comte  de  Dunois  et  de  Lon- 
gueville,  fils  du  célèbre  bâtard  d'Orléans,  obtint  de 
Louis  XI,  par  lettres  données  h  Montargis  le  2  juillet 
1466,  la  ville  et  le  domaine  de  Langeais  en  assigna- 


LANGEAIS.  l3li 

lion  de  dot  et  pour  garantie  de  quarante  mille  ëcus 
d'or  que  le  roi  promit  en  mariage  h  Agnès  de  Savoie, 
sa  belle- sœur. 

Jean-Bernardin  de  Saint-Severin ,  duc  de  Somma 
au-  royaume  de  Naples ,  gentilhomme  ordinaire  de  la 
maison  du  roi ,  fut  gratifié  de  la  seigneurie  de  Lan- 
geais par  lettres  de  Henri  II  du  16  septembre  i547'. 
Cette  famille  était  établie  en  France  depuis  le  traité 
de  mariage  projeté  entre  Charles  d'Anjou,  prince  de 
Tarente ,  et  Polyxène  de  Saint-Severin  ;  mais  on  sait 
que  ce  traité  n'eut  pas  d'exécution. 

Marie,  dame  de  Belleville,  veuve  de  François  de 
Balzac  d'Entraigues,  eut  la  chàtellenie  de  Langeais  à 
titre  d'engagement  pour  neuf  années ,  par  contrat 
définitif  du  1 3  février  1 63 1 . 

Louise-Marguerite  de  Lorraine ,  fille  de  Henri  P% 
duc  de  Guise  et  veuve  de  François  de  Bourbon,  prince 
de  Conti,  eut  cette  même  chàtellenie  à  titre  d'échange, 
par  lettres  de  Louis  XIII  du  1  février  r63i,  dont 
nous  avons  déjà  parlé  à  l'article  de  Chinon.  Mais  dix- 
huit  jours  après  elle  la  revendit  au  maréchal  Antoine 
d'Effiat. 

Antoine  Coeffier,  dit  Ruzé,  marquis  d'Effiat,  baron 
de  Cinq-Maars,  maréchal  de  France,  acquit  de  la 
princesse  de  Conti  la  terre  de  Langeais,  qui,  au  moyen 
de  l'échange ,  cessa  de  faire  partie  du  domaine  en- 
gagé. Elle  est  restée  dans  la  même  famille  jusqu'à 
l'année  1768,  que  le  marquis  d'P^ffiat  la  vendit  au  duc 
de  Luines,  qui  la  réunit  à  son  duché.  Elle  avait  pré- 
cédemment été  possédée  par  Armand-Charles  de  La, 

9- 


l3l  HISTOIRE   DE    TOURAINE. 

Porte,  (lue  de  Mazarin  et  de  la  Meilleraie,  du  clief 
de  Marie  Ruzé  d'Effîat ,  sa  première  femme ,  et  ensuite 
par  l'une  de  leurs  filles ,  qui  avait  épousé  le  marquis 
de  Bellefons. 

Il  y  avait  à  Langeais  un  siège  royal  dont  la  juri- 
diction était  de  très-peu  d'étendue.  Il  était  composé 
d'un  lieutenant-général  et  criminel ,  de  deux  conseil- 
lers et  d'un  greffier. 

LA  VALLIERE,  duché-pairie. 

Châteaux,  aujourd'hui  Château- la- Vallière,  était 
autrefois  la  première  baronnie  d'Anjou,  et  fait  main- 
tenant partie  du  département  d'Indre-et-Loire.  Plu- 
sieurs barons  de  Saint-Christophe  avaient  en  même 
temps,  ainsi  que  nous  le  verrons  à  leur  article,  été 
seigneurs  de  Châteaux,  et  la  réunion  de  ces  deux  terres 
pour  en  former  un  duché  avait  fini  par  en  placer  le 
siège  en  Touraine. 

Pierre  Trousseau,  seigneur  de  Vérets,  l'était  aussi 
de  Châteaux  en  1 394. 

Hardouin  de  Bueil,  évêque  d'Angers,  en  était  éga- 
lement seigneur  en  i/joy  et  même  en  i4^4î  i^^lis 
nous  ne  savons  comment  il  possédait  ces  deux  baron- 
nies.  Il  fallait  qu'il  n'en  eût  qu'une  portion,  puisqu'il 
est  certain  qu'a  celte  même  époque  Jean  Larchevêque 
en  prenait  le  titre.  Mais  sans  nous  arrêter  a  la  baron- 
nie de  Châteaux ,  qui  dans  le  principe  ne  faisait  pas 
partie  de  notre  province,  nous  ne  nous  occuperons  ici 
que  du  duché  de  La  Vallière. 


LA    VALLlèRE.  l33 

Louise-Françoise  de  La  Baume-le-Blanc  do  La  Val- 
lière,  née  à  Ambolsc  le  samedi  6  août  i644>  ^"^  de 
Louis  XIV,  entre  antres  enfans ,  Marie-Anne  de  Bour- 
bon, née  le  17  octobre  1666  et  légitimée  de  France 
le  t4  mai  1667.  Le  roi,  par  ses  lettres  patentes  du 
même  mois,  érigea  en  duché-pairie,  en  faveur  de  la 
mère  et  de  la  fîUe,  avec  clause  de  réversion  à  défaut 
d'héritiers  directs  ,  les  baronnies  de  Châteaux ,  de 
Saint-Christophe  et  de  Vaujour  ,  sous  l'appellation  de 
La  Vallière. 

La  Vallière  est  une  terre  située  en  Touraine  dans 
la  commune  de  Reugny,  d'où  la  famille  de  La  Baume- 
le-Blanc  avait  pris  celui  de  La  Vallière. 

Marie-Anne  de  Bourbon  épousa,  le  16  janvier  1680, 
Louis -Armand  de  Bourbon,  fds  aîné  d'Armand  de 
Bourbon,  prince  de  Conti,  qui  mourut  sans  postérité 
le  9  novembre  1686,  à  l'âge  de  vingt- cinq  ans. 

La  duchesse  de  La  Vallière  étant  retirée  aux  Car- 
mélites, la  princesse  de  Conti,  douairière,  resta  en 
possession  du  duché  :  mais  n'ayant  point  eu  d'enfans, 
d'après  la  clause  de  retour,  le  duché  devait  s'éteindre, 
et  les  domaines  qui  l'avaient  formé  retourner  à  la 
couronne.  En  1698  elle  obtint  du  roi  son  père  des 
lettres  patentes  qui  l'autorisaient  à  disposer  de  ces 
domaines  en  faveur  de  son  neveu  le  marquis  de  La 
Vallière.  Ces  lettres  patentes  furent  enregistrées  au 
siège  de  Tours  le  12  août  1698. 

Charles-François  de  La  Baume-le-Blanc,  marquis 
de  La  Vallière,  fils  de  Jean -François,  frère  de  la  du- 
chesse, épousa  Marie-Thérèse,  fille  du  maréchal  de. 


l34  HISTOIRE    DE  TOURAINE. 

Noailles.  Ce  fut  en  faveur  de  ce  mariage  qu'on  songea 
à  faire  revivre  le  duché  de  La  Vallière.  Des  lettres 
patentes  du  7  février  1723  rétablirent  l'union  des 
baronnies  de  Saint-Christophe,  Châteaux,  Courcelles 
et  autres  pour  n'en  composer,  y  est-il  dit,  qu'un  seul 
et  même  corps  de  terre  sous  l'appellation  de  duché- 
pairie  de  La  Vallière.  C'est  peut-être  le  seul  qui  offre 
cette  double  érection.  Les  lettres  patentes  furent  en- 
registrées au  parlement  le  22  février  1723,  et  le  28 
mai  suivant  à  la  chambre  des  comptes.  Quoique  la 
princesse  de  Conti  ait  encore  vécu  jusqu'en  1739,  le 
nouveau  duc  entra  pourtant  en  possession  du  do- 
maine dont  il  ne  devait  jouir  qu'après  la  mort  de  la 
princesse  douairière.  Il  eut  de  son  mariage  Louis- 
César,  qui  suit,  et  Louis-François,  mort  sans  posté- 
rité. 

Louis-César  de  La  Baume-le-Blanc,  duc  de  La  Val- 
lière, né  le  9  octobre  1 708  ,  est  connu  dans  le  monde 
savant  par  la  riche  et  curieuse  bibliothèque  qu'il  avait 
rassemblée  à  très-grands  frais ,  et  dont  les  parties  les 
plus  précieuses  furent  dispersées  par  la  vente  qui  en 
fut  faite  après  sa  mort,  arrivée  le  16  novembre  1780. 
Nous  avons  de  lui  la  bibliothèque  du  Théâtre-Fran- 
çais en  3  vol.  in-i2.  Il  na  laissé  qu'une  fille. 

Louis  Gaucher,  duc  de  Châtillon,  etc.,  épousa  la 
fille  unique  de  Louis-César,  qui  lui  porta  en  dot  le 
ducbé  de  La  Vallière. 

Adrienne-Emilie-Elisabeth  de  La  Baume-le-Blanc 
de  La  Vallière,  duchesse  de  Châtillon,  était  veuve, 
en  1790,  de  Louis  Gaucher,  duc  de  Châtillon,  lors- 


LIGUEIL.  IÎ5 

qu'elle  vit  finir  en  elle  le  titre  de  duché  de  La  Vaî- 
Hère ,  dont  elle  a  conserve  le  domaine  utile  que  depuis 
elle  a  alie^né.  C'est  en  elle  qu'a  fini  également  la  pos- 
térité de  La  Baume-le-Blanc. 

Nous  avons  parlé  dans  notre  introduction  des  forges 
de  Chateau-la-Vallière ,  nom  qui  a  prévalu  aujour- 
d'hui ,  lorsque  l'on  devrait  dire  plus  correctement  : 
Chateaux-la-Vallière. 

La  commune  de  Courcelles-la-Suse,  qui  concourait 
à  former  le  second  duché  de  La  Vallière,  offre  du 
minerai  dans  lequel  se  trouvent  quelques  parties  d'é- 
taiu  et  d'argent,  mais  en  très-petite  quantité. 

LIGUEIL  ,    BARONWIE. 

Ligueil  {Ligolium  ou  Liiggogalus)  est  un  gros 
bourg  à  quatre  lieues  de  Loches,  sur  la  rive  droite 
du  Lestrigneul.  C'était  autrefois  une  petite  ville  ayant 
son  château  avec  titre  de  baronnie ,  et  renfermée  de 
murailles.  Nous  aurons  peu  de  choses  à  en  dire,  parce 
que  nous  ne  lui  connaissons  d'autres  seigneurs  que 
les  doyens  du  chapitre  de  Sainl-Martin  de  Tours.  Ce 
fut  Eudes  Clément,  vingt-sixième  doyen ,  qui,  en  1 2 1 3, 
l'acheta  de  Barthélemi  Payen  pour  rester  à  perpétuité 
affectée  au  revenu  du  doyenné.  Il  est  certain  cepen- 
dant que  l'église  de  Saint-Martin  avait  déjà  joui  de 
ce  domaine  plusieurs  siècles  auparavant  ;  car  nous 
voyons  par  une  charte  de  Charlemagne  de  l'année 
770,  qu'Aulland ,  prédécesseur  d'Ithicr,  abbé  de 
Saint-Martin ,  avait  consacré  à  la  mense  annuelle  des 


l36  HfSTOIRE    DE    TOURAINE. 

frères  plusieurs  domaines,  au  nombre  desquels  était 
celui  de  Ligueil  qu'ils  perdirent  ensuite,  et  que  leur 
restitua  Cbarles-le-Ghauve  par  un  diplôme  donné  à 
Tours  en  862.  Dépouillés  de  nouveau ,  ils  furent  remis 
en  possession  l'an  899  par  Charles-le-Simple.  Enfin 
Hugues  Capet  les  y  maintint  par  une  charte  de  l'an 
987.  Malgré  cela  il  paraît  que  le  domaine  de  Ligueil 
était  encore  passé  en  d'autres  mains,  et  ce  fut  pro- 
bablement pour  mettre  un  terme  à  ces  alternatives  de 
jouissance  et  de  dépossession ,  que  le  doyen  Eudes  Clé- 
ment se  détermina  à  consolider  irrévocablement  par 
une  acquisition  authentique  une  propriété  si  souvent 
disputée  à  féglise,  dont  il  était  le  premier  dignitaire. 

On  voit  par  les  différentes  dates  que  nous  venons 
de  citer  que  Ligueil  est  une  ville  déjà  assez  ancienne. 
La  fertilité  des  plaines  au  milieu  desquelles  elle  se 
trouve  située  explique  et  justifie  la  persistance  de 
l'église  de  Saint-Martin  à  se  maintenir  dans  une  pa- 
reille propriété. 

Nous  n'avons  eu  que  trop  souvent  occasion  de  si- 
gnaler les  désastres  qui  affligèrent  la  Touraine  pen- 
dant le  cours  des  guerres  de  religion  ,  principalement 
en  i562.  Les  protestans  ,  dans  celte  même  année, 
s'emparèrent  de  Ligueil,  que  ne  purent  défendre  ses 
faibles  murailles  et  d'assez  mauvaises  fortifications. 
Ils  y  commirent  les  mêmes  excès  que  dans  toutes  les 
autres  villes  qui  étaient  tombées  en  leur  pouvoir ,  en 
pillant  et  dévastant  les  églises,  profanations  qui  exas- 
péraient le  peuple  au  plus  haut  degré.  Aussi  lorsque 
la  chance  commença  à  tourner,  les  catholiques  ne 


LOCHES.  187 

restèrent  pas  en  arrière,  et  se  livrèrent  même  à  des 
actes  de  cruauté  dignes  des  nations  les  plus  barbares. 
La  populace,  peu  contente  d'avoir  massacre  tous  les 
protestans  qui  tombèrent  sous  ses  mains,  se  saisit  du 
ministre,  lui  creva  les  yeux,  et  le  fit  brûler  à  petit  feu 
sur  la  place  publique,  sans  songer  qu'elle  autorisait 
par  là  des  représailles  aussi  cruelles.  Mais  la  vengeance 
ne  raisonne  ni  ne  réflécbit.  On  doit  croire  pourtant 
que  le  souvenir  de  ces  excès  s'était  affaibli  par  le 
temps  ;  car  on  ne  dit  point  qu'ils  se  soient  renouvelés, 
quand,  sept  ans  après,  les  réformés  se  saisirent  de 
nouveau  deLigueil,  où  commandait  Claude  de  Gouf- 
fîer ,  et  dont  ils  furent  à  leur  tour  cbassés  par  Jean  III 
de  Voyer,  vicomte  de  Paulmy,  que  le  duc  d'Anjou 
avait  cbargé  de  cette  expédition. 

Ligueil,  comme  nous  l'avons  dit,  n'est  plus  qu'un 
gros  bourg  non  fermé  depuis  que  ses  murs  et  son 
cbaleau  ont  disparu  sans  qu'il  reste  de  tiaccs  de  ses 
anciennes  fortifications,  si  ce  n'est  celles  des  larges 
fossés  qui  entouraient  la  ville.  On  croit  que  ce  cb«iteau 
fut  bâti  par  Foulques- Nerra,  qui  en  effet  en  hérissa 
la  province  au  nord  et  au  midi ,  puisqu'il  est  certain 
que  ce  fut  lui  qui  fît  construire  ceux  de  Chaumont, 
Longeais,  Monlrésor,  Sainte-Maure,  Faye-la-Vineuse 
et  plusieurs  autres  encore. 

LOCHES,    VILLE    ROYALE    ET    COMTJÎ. 

La  ville  de  Loches  {^Lochia,  Lucca,  etc.),  di- 
stante de  celle  de  Tours  de  dix  lieues  au  sud-est,  est 


t38  histoire  de  touraine. 

située  sur  la  rive  gauche  de  l'Indre ,  au  bas  du  coteau 
sur  lequel  son  château  est  assis.  Il  serait  difficile  d'in- 
diquer, même  approximativement,  l'époque  de  sa 
fondation.  Le  moine  Jean ,  connu  sous  le  nom  de 
l'anonyme  deMarmoutier,  qui  n'est  jamais  embarrassé 
pour  trouver  des  origines ,  dans  son  histoire  passa- 
blement fabuleuse  de  la  construction  d'Amboise,  at- 
tribue celle  de  Loches  à  un  personnage  probablement 
de  son  invention,  qu'il  nomme  Tursiomod us  Lochiùs, 
et  qu'il  fait  tout  à  la  fois  fils  de  Théodoric ,  roi  des 
Visigoths  de  Toulouse  et  frère  d'Alaric,  avec  lequel 
il  partage  les  états  de  son  père.  Cet  anachronisme  joint 
à  d'autres  prouve  quel  degré  de  confiance  peut  inspi- 
rer cet  auteur  et  combien  on  doit  se  mettre  en  garde 
contre  tout  ce  qu'il  avance.  Ce  que  nous  pouvons  dire 
de  plus  positif,  c'est  que  Loches  existait  déjà  au  milieu 
du  cinquième  siècle,  puisque,  selon  le  témoignage  de 
Grégoire  de  Tours ,  l'évêque  saint  Eustoche  y  fit 
construire  une  église  vers  l'an  45o  ou  4^5 ,  ce  qui 
supposait  un  bourg  ou  une  réunion  d'habitations  déjà 
assez  considérable,  et  qui  par  conséquent  devait  re- 
monter à  une  époque  beaucoup  plus  éloignée.  D'après 
le  même  historien ,  on  serait  également  fondé  à  croire 
que  le  château  ne  datait  que  des  commencemens  du 
sixième  siècle  ;  c'est  du  moins  ,  en  se  pénétrant  bien 
de  ses  expressions,  ce  qu'on  peut  entendre  de  ce  pas- 
sage de  la  vie  de  saint  Ours ,  où  il  est  dit  que  ce  so- 
litaire, qui  vivait  vers  l'an  ^So,  fit  bâtir  un  autre 
monastère  appelé  Loches,  et  situé  sur  l'Indre  au  pied 
d'un  coteau  dominé  maintenant  par  le  château  qui 


LOCHES.  1^9 

porte  le  même  nom ,  cm  nunc  castrum  supereminet. 
D'où  Ton  doit  naturellement  conclure  que  dans  l'opi- 
nion de  Grégoire,  ce  château  n'existait  pas  encore  du 
t«mps  de  saint  Ours  ;  autrement  il  n'eût  pas  dit  :  cui 
nunc  castrum ,  mais  simplement  cui  catirum  super^- 
eminet.  On  voit  effectivement,  par  la  portion  la 
plus  ancienne  qui  reste  de  cet  édifice  ,  la  tour  carrée, 
que  c'est  un  ouvrage  du  moyen  âge.Cette  tour  à  quatre 
étages  peut  avoir  cent  vingt  à  cent  vingt-quatre  piedâ 
de  haut,  et  pouvait  contenir  environ  douze  cents 
hommes  de  guerre. 

Les  traces  d'une  voie  romaine  que  l'on  distingue 
encore  dans  quelques  endroits  du  voisinage  de  Loches 
nous  portent  à  croire  que  César  la  fit  exécuter  par 
ses  légions ,  lorsque ,  après  s'être  emparé  de  la  ville  de 
Bourges,  il  se  disposa  à  marcher  sur  le  pays  des  Tu-» 
rones  ;  et  comme  cet  habile  conquérant  ne  s'avançait 
jamais  sans  les  plus  sages  précautions,  il  est  à  pré- 
sumer que ,  indépendamment  de  cette  voie ,  il  aura 
profité  de  la  situation  avantageuse  que  lui  offrait  le 
coteau  de  Loches  pour  y  établir  une  mansion ,  ainsi 
qu'il  avait  l'habitude  d'en  placer  de  distance  en  dis- 
tance à  mesure  qu'il  s'avançait  dans  le  pays. 

Loches  était  sans  doute  un  de  ces  nombreux  ha- 
meaux qui  couvraient  le  sol  des  Gaules,  mais  dont  les 
noms  ne  nous  ont  pas  plus  été  conservés  que  ceux  des 
cités  principales.  Ainsi  les  mots  Leuccœ,  Lochiœ  ^ 
ne  sont  que  des  noms  latins  ou  au  moins  latinisés, 
qui  auront  été  substitués  au  nom  primitif,  dont  il 
serait  plus  qu'inutile  de  prétendre  aujourd'hui  trou- 


l4o  HÎSTOmt    DE    TOUR  AINE. 

ver  la  racine  ou  re'tymologie  dans  le  mot  Loches,  qui 
n'a  probablement  rien  de  commun  avec  le  nom  gau- 
lois. 

Quoique  dans  l'origine  le  territoire  de  Loches  fût 
incontestablement  compris  dans  celui  des  Tiirones , 
il  fut  long-temps  par  la  suite  sans  faire  partie  inté- 
grante de  la  Touraine.  D'abord  soumise  comme  tout 
le  reste  à  la  domination  des  Romains,  lors  de  leur  ex- 
pulsion àes  Gaules  en  l\^o^  la  ville  de  Loches  passa 
sous  celle  des  Visigoths.  Elle  en  dépendait  encore  en 
742 ,  lorsque  Hunald ,  duc  d'Aquitaine,  refusant  pour 
ce  duché  la  foi  et  hommage  à  Pépin  et  à  Carloman, 
prit  les  armes  contre  ces  deux  Ç\\s  de  Charles- Martel. 
Ceux-ci,  marchant  à  sa  poursuite,  assiégèrent,  pri- 
rent et  ruinèrent  la  ville  de  Loches,  dont  ils  firent 
les  habitans  prisonniers,  et  qu'ils  traînèrent  à  leur 
suite  jusqu'au  vieux  Poitiers,  où  ils  les  relâchèrent 
après  avoir  partagé  le  butin  qu'ils  avaient  fait  dans 
cette  expédition.  Il  est  évident ,  d'après  cela ,  que 
Loches  était  alors  étrangère  à  la  France.  Les  comtes 
d'Anjou  la  possédèrent  ensuite,  avant  même  qu'ils 
eussent  réuni  la  Touraine  à  leurs  autres  possessions; 
et  voici  comment  cette  ville  passa  sous  leur  autorité. 

Sous  Charles-le*Chauve  le  midi  de  la  Touraine  ne 
faisait  plus  partie  du  royaume  d'Aquitaine.  Ce  mo- 
narque donna  Loches  et  son  domaine  à  Adeland,  l'un 
des  principaux  seigneurs  de  sa  cour ,  comme  récom- 
pense des  services  signalés  qu'il  avait  rendus  à  l'état. 
Adeland  eut  pour  fils  et  héritier  Garnier,  que  quel- 
ques-uns nomment  Gautier,  qui  fut  seigneur  de  Lo- 


LOCHES.  l4l 

ches,  de  Villantrais  et  de  La  Haye.  Celui-ci  eut  une 
fille  nommée  Roscillc,  qui  c'pousa  Foulques  1%  dit  le 
Roux ,  auquel  elle  porta  en  dot  la  ville  de  Loches  : 
mais  il  paraît  que  La  Haye  et  Villantrais  ne  firent 
point  partie  de  cette  dot ,  puisque  Foulques  s'en  em- 
para dans  la  suite  par  ruse  ou  par  violence. 

Foulques-le-Roux  avait  succédé  à  son  pèreingelger 
dans  une  partie  de  l'Anjou,  qui,  en  ce  temps,  était 
partagé  en  deux  portions  égales  portant  chacune  le 
titre  de  comté.  Celle  au-delà  de  la  Mayenne  appar- 
tenait à  Robert-le-Fort ,  qui  résidait  à  Châteauneuf, 
et  l'autre,  en-deçà,  était  possédée  par  Foulques,  qui 
faisait  sa  demeure  à  Angers.  Ce  fut  lui  qui ,  sous  l'es- 
pèce d'anarchie  du  règne  de  Charles-le-Simple ,  réunit 
en  sa  personne  les  deux  portions  de  ce  riche  comté, 
dont  il  fut  probablement  redevable  à  Hugues -le- 
Grand  ;  car  nous  voyons  que  Geoffroy  Grisegonnelle, 
son  petit-fils,  se  disait  comte  d'Anjou  par  la  grâce  de 
Dieu,  et  par  la  faveur  de  Hugues  son  seigneur,  ainsi 
que  par  celle  de  sa  mère  Gerberge  :  gratiâ  Dei  et 
senioris  mei  largitione  Andegavensis  cornes ,  matris 
quoque  meœ  Gerbergœ  ;  voulant  sans  doute  faire 
connaître  par  ces  mots  gratid  Dei  qu'il  ne  devait  qu'à 
sa  naissance  et  à  ses  ancêtres  le  comté  d'Anjou  en-deçà 
de  la  Mayenne, et  par  les  autres  expressions  qu'il  était 
redevable  de  l'autre  partie  à  Hugues -le -Grand  son 
oncle,  ainsi  qu'à  sa  mère. 

Les  successeurs  de  Foulques  dans  le  comté  d'Anjou 
possédèrent  donc  comme  lui  la  ville  de  Loches  et 
celle  de  Beaulieu ,  qui  n'étaient  pas  les  seuls  dotnaines 


\^Ql  histoire   de   TOURAmE. 

qu'ils  eussent  en  Touraine.  De  là  le  désir  qu'ils  mani- 
festèrent toujours  d'envahir  cette  province, désir  que 
montra  plus  que  tout  autre  Foulques-Nerra ,  quand 
il  l'entoura  d'une  ceinture  de  châteaux  et  de  forte- 
resses qu'il  fît  bâtir  à  grands  frais  et  avec  une  promp- 
titude qui  pourrait  étonner  si  l'on  ne  savait  que  ces 
cpmtes  disposaient  à  leur  gré  des  bras  de  leurs  sujets, 
qui  presque  tous,  surtout  dans  les  campagnes,  n'é- 
taient alors  que  des  serfs  attachés  à  la  glèbe. 

Richard  Cœur-de-Lion  ayant  été  retenu  prisonnier 
par  l'empereur  Henri  VI,  lorsqu'il  revenait  de  la 
T^rre-Sainte ,  Jean-sans-Terre ,  son  frère ,  se  mit  en 
devoir  de  s'emparer  de  ses  états.  Il  fallait  pour  cela 
mettre  Philippe-Auguste  dans  ses  intérêts.  Pour  mieux 
l'y  décider ,  il  lui  abandonna  plusieurs  places ,  entre 
autres  celle  de  Loches.  Par  le  traité  fait  entre  eux  au 
mpis  de  janvier  iiqS,  il  fut  stipulé  que  la  garnison 
serait  entretenue  aux  dépens  du  prince  anglais,  qui 
serait  obligé  d'y  tenir  toujours  des  provisions  pour 
deux  mois  et  d'y  maintenir  onze  chevaliers  avec  cent 
quarante  écuyers.  Mais  le  roi  Richard ,  de  retour  en 
Angleterre ,  passa  en  France  en  1 194?  reprit  la  ville 
de  Loches,  et  y  fît  prisonniers  quatre-vingts  écuyers  et 
Sioixante-quatre  chevaliers,  au  nombre  desquels  était 
Guy  de  Laval ,  gouverneur  de  la  place  pour  le  roi  de 
France.  Philippe- Auguste  à  son  tour  l'assiégea,  en 
1204,  aussitôt  qu'il  eut  réuni  la  Touraine  à  sa  cou- 
ronne ;  mais  cette  fois  elle  fît  une  plus  longue  et  une 
plus  vigoureuse  défense ,  et  elle  ne  se  rendit  que  par 
composition  au  commencement  de  l'année  isto5,  après 


LOCHES.  143 

avoir  soutenu  un  siège  de  près  d'un  an.  C'est  de  cette 
époque  seulement  qu'elle  peut  être  considérée  comme 
appartenant  à  la  Touraine. 

Le  roi  la  donna  comme  récompense  à  Dreux  de 
Mello,  connétable  de  France,  qui  s'était  rendu  cé- 
lèbre par  un  grand  nombre  d'exploits  militaires ,  tant 
dans  l'intérieur  du  royaume  qu'à  la  Terre-Sainte,  où 
il  avait  accompagné  le  monarque  en  1 1 9 1 .  Loches 
appartenait  alors  à  la  reine  Berengaire,  veuve  de  Ri- 
chard ,  et  elle  en  jouissait  comme  faisant  partie  de  son 
douaire ,  ce  qui  lui  fit  intenter  un  procès  à  Dreux  de 
Mello;  mais  Philippe-Auguste  étant  intervenu  dans  la 
cause,  Berengaire,  au  mois  de  janvier  12145  donna 
sa  déclaration  portant  qu'elle  n'entendait  point  con- 
tester au  roi  l'hommage  et  la  souveraineté,  mais  seu- 
lement le  domaine  utile  contre  qui  que  ce  fût.  Cepen- 
dant Dreux  continua  d'en  jouir  jusqu'à  sa  mort,  qui 
eut  lieu  en  1218.  Il  était  âgé  de  quatre-vingts  ans, 
laissant  d'Ermentrude  de  Moucy,  son  épouse,  deux 
fils  et  une  fille.  Il  paraît  que  Guillaume^  l'aîné  des 
deux,  était  mort  avant  son  père. 

Dreux  de  Mello.,  deuxième  du  nom ,  fils  puîné  du 
précédent,  lui  succéda  dans  les  seigneuries  de  Loches 
et  de  Châtillon-sur-Indre ,  dont  son  père,  en  1206, 
avait  promis  au  roi  4e  lui  remettre  les  châteaux, 
toutes  les  fois  qu'il  l'exigerait.  Il  épousa  Isabelle,  dame 
de  Mayenne  ,  dont  il  n'eut  point  d'enfans,  et  mourut 
dans  nie  de  Chyprele  8  janvier  1 249.  Un  mois  aupa- 
ravant il  avait  vendu  ses  deux  seigneuries  au  roi  saint 
Louis  moyennant  six  cents  livres  de  rente,  dont  il 


l44  HISTOIRE    DE   TOUR  AINE. 

donna  ses  lettres  datées  du  mois  de  décembre  1249, 
au  camp  d'Egypte  proche  du  fleuve  du  Nil,  la  vingt- 
quatrième  année  du  règne  de  saint  Louis. 

Le  domaine  de  Loches  fut  engage  le  26  juin  i5g4 
h  Gaillard  de  Saint-Pastour  pour  la  somme  de  quatre 
mille  cinq  cents  livres.  Il  le  fut  depuis  à  un  seigneur 
de  Braque,  qui  prit  le  titre  de  comte  de  Loches.  En 
1790  le  marquis  de  Verneuil  prenait  ce  même  titre 
en  qualité  d'engagiste. 

Depuis  sa  réunion  à  la  couronne ,  Loches  eut  des 
gouverneurs  particuliers.  Tous  ne  nous  sont  pas  con- 
nus. Voici  ceux  dont  l'histoire  ou  les  archives  nous 
ont  transmis  les  noms. 

Pierre  de  la  Brosse  ^  sergent  d'armes  du  roi  saint 
Louis ,  est  un  des  premiers.  II  paraît  d'après  cela  que 
son  fils,  dont  nous  avons  déjà  parlé  plusieurs  fois, 
n'était  pas  d'une  si  basse  extraction  qu'on  le  croit 
communément.  Le  roi  Philippe  de  Valois,  en  i345, 
lui  accorda  trente  livres  de  rente  pour  lui  et  ses  hé- 
ritiers en  ligne  directe. 

Enguerrand  Dubin  ,  chevalier,  était  gouverneur  de 
Loches  lorsque,  le  5  septembre  i36o,  il  fit  un  traité 
avec  les  habitans  de  Tours. 

Philippon  de  Voyer,  sire  de  Paulmy,  fils  de  Guil- 
laume et  de  Nicole  de  Pressigny,  eut  également  le 
gouvernement  de  Loches. 

Pierre  de  Voyer, sire  de  Paulmy,  fils  de  Jean,  pre- 
mier du  nom  ,  et  d'Alix  de  Cluys ,  figure  au  rang  des 
gouverneurs  de  Loches. 

Pierre  d'Amboise,  seigneur  de  Chaumont,  remit, 


LOCHES.  145 

en  144O7  Itî  château  de  Loches,  que  le  roi  lui  avait 
confié ,  entre  les  mains  du  duc  de  Bourbon  et  des 
autres  seigneurs  mécontens  qui  avaient  suivi  le  parti 
du  die  d'Alençon.  Mais,  par  le  traité  fait  à  Cassel  dans 
le  cours  do  la  même  année,  il  s'obhgea  de  le  rendre 
'au  roi. 

Olivier  Dain ,  barbier  du  roi  Louis  XI,  fut  placé 
par  lui  moins  comme  gouverneur  que  comme  geôlier 
du  château  de  Loches. 

François  de  Ponbrillan  ,  chambellan  du  même  roi, 
obtint  de  lui,  en  1479?  ^i^  mille  arpens  de  terres  et 
bois  dans  la  forêt  de  Loches  et  aux  environs  pour  y 
construire  places  fortes  ,  maisons  et  métairies,  projet 
qui,  comme  on  croit  bien,  ne  fut  point  exécuté.  Ce 
même  Ponbrian  fut  enlevé  par  la  garnison  de  Beau- 
genci  au  mois  de  septembre  i485,  tandis  qu'il  se 
rendait  à  Tours. 

Louis  Brossin,  chevalier  de  Tordre  du  roi,  gentil- 
homme ordinaire  de  sa  chambre  et  capitaine  de 
cent  hommes  d'armes,  gouverneur  de  Loches,  était 
beau -frère  de  Jean  de  Taix,  colonel  de  l'infanterie 
française. 

Honorât  de  Savoie,  marquis  de  Villars,  baron  de 
Pressigny,  maréchal  de  France,  gouverneur  de  Lo- 
ches ,  y  mourut  en  1 58o. 

Gaillard  de  Saint-Pastour,  seigneur  de  Salerne. 
Nous  avons  vu  plus  haut  qu'il  avait  obtenu  le  do- 
maine de  Loches,  à  titre  d'engagiste,  en  1594. 

Jean-Louis  Nogaret  de  La  Valette,  duc  d'Epernon, 
mourut  daiis  son  gouvernement  de  Loches,  le  i3 
3.  10 


l46-  HISTOIRE  BE  TOURAINE. 

janvier  1642.  II  est  trop  connu  dans  l'histoire  pour 
que  l'on  entre  ici  clans  aucuns  détails  sur  ce  qui  le 
concerne.  ^ 

Bernard  de  La  Valette  et  de  Foix ,  duc  d'Éperaon  ^ 
succéda  à  son  père,  et  mourut  à  Paris  le  2 5  juillet 
1661. 

François  de  Beauvilliers,  duc  de  Saint-Aignan, 
pair  de  France,  chevalier  des  ordres  du  roi,  premier 
gentilhomme  de  sa  chamhre,  réunit  au  gouverne- 
ment de  la  Touraine  celui  des  ville  et  château  de 
Loches.  Il  mourut  en  1687,  membre  de  l'académie 
française. 

Paul  de  Beauvilliers^  duc  de  Saint-Aignan ,  pair  de 
France,  chevalier  des  ordres,  fut  créé  chef  du  conseil 
des  finances  et  gouverneur  du  duc  de  Bourgogne.  Il 
mourut  en  1714?  %^  ^e  soixante  ans. 

Paul-Hippolyte  de  Beauvilliers ,  fils  puîné  du  pré- 
cédent, chevalier  des  ordres  du  roi.  Comme  son 
aïeul,  il  fut  admis  à  l'académie  française,  et  mourut 
en  1776. 

Le  château  de  Loches  avait  en  outre  un  lieutenant 
de  roi,  et  une  compagnie  d'invalides  en  formait  la 
garnison. 

L'église  collégiale  de  Notre-Dame,  située  dans 
l'intérieur  du  château,  a  été  bâtie  vers  Tan  98^  par 
Geoffroy -Grisegonnelle,  qui  y  était  représenté  à 
genoux  sur  un  pilastre  derrière  l'autel,  du  coté 
gauche.  A  droite  était  une  autre  statue  également  en 
pierre  que  quelques-uns  ont  cru  être  celle  du  roi 
Lothaire,  qui  permit  à  Geoffroy  de  bâtir  cette  église 


LOCHES.  14-7 

par  lettres  patentes  données  à  Laon  le  i3  août  984  ; 
mais  comme  on  nV  distinguait  aucun  signe  de 
royauté,  d'autres  ont  pensé  que  ce  pouvait  être  la 
figure  de  Foulques-Nerra ,  qui  aura  voulu  être  placé 
auprès  de  son  père ,  fondateur  de  cette  église.  Quoi 
qu'il  en  soit ,  ces  deux  statues  méritaient  d'être  con- 
servées comme  monumens  des  arts  du  moyen  âge. 
On  nous  assure  cependant  qu'elles  ont  échappé  à  la 
destruction  par  les  soins  d'un  habitant  de  Loches 
qui  les  a  recueillies  et  placées  dans  son  jardin. 

Cette  église  n'était  auparavant  qu'une  simple  cha- 
pelle dédiée  à  sainte  Madeleine,  et  l'opinion  commune 
est  qu'elle  avait  été  bâtie  par  saint  Eusloche,  cin- 
quième évêque  de  Tours,  vers  l'an  45o.  Geoffroy,  en 
la  faisant  reconstruire ,  y  avait  fondé  douze  chanoines. 
Ses  lettres ,  sans  date ,  furent  données  en  présence  de 
ses  deux  fils  Foulques  et  Maurice,  de  Hardouin, 
archevêque  de  Tours,  et  de  plusieurs  autres.  L'église, 
située  au  plus  haut  du  château ,  est  couverte  en  pierre, 
et  offre  à  son  sommet  deux  pyramides  (i)  hautes  d'en- 
viron vingt-cinq  toises,  accompagnées  de  deux  clo- 
chers qu'on  tient  avoir  été  bâtis  aux  frais  de  Thomas 
Paccius  ou.Pascius,  prieur  de  Loches  et  auteur  d'une 
chronique  d'Anjou  dont  nous  parlerons  dans  notre 
Biographie.  Entre  ces  deux  tours  est  la  nef  surmontée 
dans  toute  sa  longueur  de  deux  voûtes  pyramidales 

(i)  Et  non  pas  trois,  ainsi  que  nous  ravuns  dit,  toro.  I,  pag.  3i5. 
La  tour  la  plus  voisine  du  portail  a  Bq"»,  fi5<'  ou  119  pieds  métriques 
de  hauteur  perpendiculaire;  et  celle  plus  rapprochée  du  sanctuaire,  dont 
la  base  n'a  pu  étro  mesurée ,  peut  avoir  4^5  pieds  de  plus. 

10. 


I/J8  HISTOIRE    DE  TOURMNE. 

en  pierre,  de  forme  octaèdre,  recouvertes  en  ardoises, 
et  dont  les  sommets  sont  élevés  au-dessus  du  pavé  de 
l'église  de  80  pieds  9  pouces  métriques,  ou  26"",  Ç)'y. 
Au  milieu  du  chœur  se  voyait  le  tombeau  d'Agnès 
Sorel.  Nous  ne  placerons  point  ici  ce  que  nous  avons 
à  dire  de  cette  femme  célèbre  dans  notre  quatrième 
volume.  Nous  dirons  seulement  que  ce  tombeau,  qui 
remonte  à  la  renaissance  des  beaux  arls  en  France, 
était  relégué  dans  une  chapelle  où,  tout-à-fait  dé- 
gradé ,  il  était  menacé  d'une  destruction  totale.  L'ad- 
ministrateur qui  était  alors  à  la  tête  du  département, 
le  général  Pommereul,  consacra  à  sa  restauration  une 
somme  de  1 865  fr.  La  statue  d'Agnès,  envoyée  à  Paris, 
en  revint  aussi  parfaite  que  dans  son  état  primitif, 
et  le  monument  fut  placé  dans  une  tour  dont  l'entrée, 
donnant  sur  la  terrasse  du  château ,  est  décorée  de 
quatre  colonnes  et  de  leur  entablement  surmonté  d'un 
fronton.  On  lit  sur  une  des  faces  du  sarcophage  cette 
nouvelle  inscription  : 


Les  chanoines  de  Loches ,  enrichis  de  ses  dons , 

Demandèrent  à  Louis  XI 

D'éloigner  son  tombeau  de  leur  chœur. 

J'y  consens,  dit-il ,  mais  rendez  la  dot. 

Le  tombeau  y  resta. 

Un  archevêque  de  Tours  moins  juste 

Le  fit  reléguer  dans  une  chapelle. 

A  la  révolution  il  y  fut  détruit. 

Des  hommes  sensibles  recueillirent  les  restes  d'Agnès, 

Et  le  général  Pommereul,  préfet  d'Indre-et-Loire, 

Releva  le  mausolée  de  la  seule  maîtresse  de  nos  rois 

Qui  ait  bien  mérité  de  sa  patrie , 


LOCHES.  149 

En  mettant  pour  prix  à  ses  faveurs 
L'expiiîsion  des  An;,'Iaîs  hors  de  la  France. 
Sa  restauration  eut  lieu  l'an  M.  DCGC  .  VI. 

Les  anciennes  inscriptions  y  ont  été  conservées. 

Sous  le  Jubé  se  voyait  un  autre  tombeau  que  Ton 
disait  être  celui  du  duc  de  Sforce,  quoique  rien  ne 
pût  autoriser  cette  opinion.  Dans  le  mur  de  la  nef  à 
gauche  était  celui  de  Raoul  de  Préaux  et  de  sa  femme. 
Leurs  figures  y  étaient  sculptées  en  bas- relief,  ainsi 
que  celles  des  chanoines  qui  avaient  assisté  à  leurs 
obsèques  l'aumusse  sur  la  tête  ;  maison  n'y  remarquait 
ni  date  ni  inscription. 

Les  tapisseries  qui  décoraient  le  chœur  de  cette 
église,  et  qui  étaient  un  don  d'Agnès  Sorel,  passaient 
pour  être  d'un  fort  beau  travail ,  mais  relativement 
au  temps  où  elles  avaient  été  faites  ;  car  quant  au 
dessin  et  à  la  vérité  du  costume,  on  peut  en  juger  par 
une  Susanne  qui  était  représentée  avec  des  manchettes 
de  dentelles,  dont  pourtant  on  ne  pouvait  s'empêcher 
d'admirer  la  finesse  et  la  beauté. 

Mais  un  monument  auquel  on  n'a  pas  apporté  assez 
d'attention  est  un  autel  antique  d'un  seul  bloc  de 
pierre  de  forme  circulaire,  qui  a  été  renversé,  et  dont 
on  a  creusé  le  dessous  pour  en  faire  un  bénitier.  Il 
est  orné  dans  son  pourtour  de  diverses  sculptures  où 
l'on  peut  distinguer  un  guerrier  nu  dans  l'attitude  de 
combattre,  un  vase,  une  tête  casquée;  le  surplus  est 
enclavé  dans  le  mur,  et  peut-être  y  est-il  encore  in- 
tact. Il  serait  facile  de  remplacer  par  un  bénitier  plus 
élégant  et  pUis  conforme  a  sa  destination  ce  monu- 


l5o  HISTOIRE    DE    TOURIINE. 

ment  antique,  qui  pourrait  ainsi  enrichir  un  musée 
ou  tout  autre  édifice  public. 

Au  bas  de  la  porte  du  chçsur  se  trouvait  unb  tombe 
garnie  de  lames  de  cuivre  sur  lesquelles  était  gravée 
répitaphe  suivante  : 

Sous  ce  piteulx  édifice  dolent 
Se  gist  le  corps  de  messlre  Roland 
De  TEscoûel,  trèz  léal  chevalier, 
En  son  vivant  chambellan ,  conseiller 
Du  roi  des  Francs ,  et  grand  veneur  de  France  : 
De  Montargis  baillif  de  granî  prudence. 
Maître  des  eaux  et  forêts  de  Touraine , 
De  Loches  fust  général  capitaine , 
Et  de  Bourgouiu;  moult  vaillant  el  expert. 
Seigneur  aussi  estoil  deKéripert  , 
Et  de  Kemblec,  voire  de  Grillemonl, 
Qui  trcspassa,  comme  tous  vivans  font, 
Le  jour  mortel  dixiesrae  de  décembre 
Mil  et  cinq  cents ,  de  ce  suis-je  remembre  : 
Et  puis  luy  mort  fust  mis  soubs  cette  lame. 
Priez  à  Dieu  qu'il  veuille  avoir  son  amc. 

L'église  paroissiale  sous  l'invocation  de  saint  Ours 
est  dans  l'intérieur  de  la  ville,  avec  une  succursale 
sous  le  nom  de  Saint- Antoine. 

Le  couvent  des  Cordeliers  était  situé  au  dehors; 
fondé  vers  l'an  1229,  il  fut  consacré,  en  laS^,  par 
Farchovêque  de  Tours,  Juhel  de  Mayenne  :  mais  il 
avait  été  supprimé  dès  l'année  1774-  H  y  avait  éga- 
lement un  couvent  de  capucins  fondé  en  161 9  et  une 
maison  de  religieuses  ursulines  établie  en  1627;  de 
plus  un  hôpital  qui  ne  datait  que  de  1629,  et  un  col- 
lège sous  la  direction  de  rehgieux  barnabites.  La 


LOCHES.  I^f 

chartreuse  du  Ligct  élait  située  dans  la  foret  de  Lo- 
ches. Nous  avons  rapporté  son  origine  en  parlant  de 
Henri  II,  roi  d'Angleterre  et  comte  de  Touraine,  au 
sujet  du  meurtre  de  Thomas  de  Cantorbéry. 

La  justice  consistait  en  un  siège  royal  relevant  par 
appel  du  présidial  de  Tours  et  compose  d'un  lieute- 
nant-général, mi  lieutenant  particulier,  un  lieutenant- 
criminel,  un  assesseur, huit  conseillers,  un  procureur 
et  un  avocat  du  roi.  Il  y  avait  élection^  grenier  à  sel, 
maîtrise  des  eaux  et  forêts.  La  pohce  se  faisait  jadis 
par  deux  élus  assistés  du  procureur  de  la  commune, 
qui  ne  pouvaient  juger  les  causes  que  jusqu'à  la  con- 
currence de  cent  sous.  Lorsque  la  somme  excédait , 
ils  devaient  en  référer  a  l'assemblée  des  habitans,  qui 
était  présidée  par  le  lieutenant-général.  Ceci  s'observa 
jusqu'en  i56o,  époque  où  le  roi  Charles  IX  permit 
aux  habitans  de  se  choisir  un  maire,  un  procureur  de 
ville,  trois  échevins,  deux  élus  et  un  greffier.  Ces 
élections  se  faisaient  tous  les  ans  en  présence  du  lieu- 
tenant-général. Mais  ce  corps  de  ville  subit,  comme 
tous  les  autres ,  les  fréquens  changemens  qui  eurent 
lieu  sur  la  fin  du  règne  de  Louis  XIV  et  sous  celui 
de  son  successeur. 

On  trouve  à  une  lieue  de  Loches ,  dans  la  com- 
mune de  Perrière ,  les  restes  d'un  aqueduc  dont  quatre 
arcades  assez  bien  conservées  existent  encore.  On  a 
prétendu,  suivant  la  coutume,  que  c'était  un  ouvrage 
des  Romains  destiné  à  porter  les  eaux  du  ruisseau 
d'Orfon  à  la  ninnsio  ^  qu'on  croit  avoir  été  établie  par 
eux  à  Cornillé.  Mais  d'a])ord  rien  n'y  porte  le  carac- 


iS^  HISTOIRE   DE  TOI]RAI?ÎE. 

tère  des  constructions  romaines.  En  second  lieu  com- 
ment supposer  qu'on  eût  à  grands  frais  entrepris  un 
pareil  travail  pour  porter  de  l'eau  au-delà  de  la  ri- 
vière de  rindre,  et  dans  un  lieu  surtout  où  se  trouve 
un  ruisseau  abondant  dont  les  eaux  sont  les  plus  sa- 
lubres  et  les  plus  limpides  de  toutes  celles  des  alen- 
tours? On  peut  avancer  avec  plus  de  raison  que  cet 
aqueduc  n'est  qu'un  ouvrage  moderne  destiné  à  quel- 
que établissement  qui  a  disparu ,  et  qu'il  doit  êlre  pos- 
térieur au  commencement  du  onzième  siècle,  époque 
de  la  fondation  de  l'abbaye  de  Beaulieu ,  puisque  dans 
le  titre  de  cette  fondation  il  est  parlé  de  ce  ruisseau 
d'Orfon,  sans  qu'il  y  soit  fait  aucune  mention  de  cet 
aqueduc.  Mais ,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  remarqué, 
il  n'est  ni  ruines  ni  monumens  anciens  qu'on  ne  soit 
tenté  d'attribuer  aux  conquérans  des  Gaules. 

LOUDUN,  DUCHÉ-PAIRIE. 

La  ville  de  Loudun  (^Lauscluniwi)  a  appartenu 
autrefois  aux  comtes  de  Poitou,  puis  à  ceux  d'Anjou 
et  ensuite  aux  ducs  de  Touraine  ,  si  bien  que  chacune 
de  ces  trois  provinces  se  croyait  également  fondée  à 
la  revendiquer,  principalement  le  Poitou,  puisqu'elle 
se  trouvait  comprise  dans  son  diocèse ,  et  que  la  cir- 
conscription ecclésiastique  déterminait  presque  tou- 
jours l'état  civil.  D'un  autre  coté  elle  dépendait  du 
duché  de  Touraine  pour  le  temporel,  du  présidial  de 
Tours  pour  la  justice,  et  du  bureau  de  la  généralité 
de  Tours  pour  les  finances.  Cest  sous  ce  triple  rap- 


LOUDUN.  l53 

port  que  nous  on  faisons  mention,  la  partie  ecclé- 
siastique étant  étrangère  aux  objets  que  nous  traitons 
ici.  Cependant  nous  n'avons  pas  cru  devoir  donner 
place  dans  notre  biographie  aux  hommes  célèbres  nés 
dans  le  Loudunois. 

Loudun  est  à  quatorze  lieues  de  Tours  du  coté  du 
midi ,  sur  les  confins  du  Poitou  et  de  l'Anjou.  Cette 
ville  est  située  sur  une  hauteur;  aussi  l'on  prétend 
qu'elle  a  pris  son  nom  du  mot  celtique  dun^  d'où  l'on 
a  fait  Loudun  d'après  l'usage  du  pays,  où  l'article  le 
se  prononce  lou.  Mais  cette  étymologie  pourrait  bien 
être  controuvée,  puisque  le  mot  latin  Lausdunuin 
était  connu  bien  long-temps  avant  qu'il  fût  question 
du  dialecte  loudunois.  Quant  au  mot  Juliodunuin  ^ 
ce  ne  fut  qu'au  seizième  siècle  que  le  poète  Salmon 
Macrin  s'avisa  de  l'imposer  au  lieu  de  sa  naissance. 

Les  comtes  de  Poitou  ont  toujours  été  les  seigneurs 
de  Loudun  jusqu'en  986.  A  cette  époque  Guillaume- 
Fier-à-Bras ,  duc  d'Aquitaine  et  comte  de  Poitiers , 
étant  en  guerre  avec  Geoffroy-Grisegonnelle,  comte 
d'Anjou  ,  il  s'ensuivit  un  traité  de  paix  d'après  lequel 
Guillaume  céda  à  Geoffroy  le  Loudunois,  soit  que 
Geoffroy  eût  battu  le  duc  de  Guienne,  comme  le 
prétendent  les  historiens  d'Anjou,  soit  qu'il  eût  été 
vaincu  par  lui;  ce  qui  est  bien  moins  probable, 
puisqu'il  agrandit  ses  domaines  aux  dépens  de  ceux 
de  son  ennemi. 

Environ  deux  siècles  après ,  Gcoffroy-le-Bel ,  par 
son  testament  en  forme  de  partage ,  donna  Loudun  à 
Geoffroy-Plantagenet,  son  second  fils,  par  provision 


l54  HISTOIRE  DE  TOURAIiyE. 

et  jusqu'à  ce  que  Henri,  son  aîné,  fût  reconnu  roi 
d'Angleterre  ;  mais  Geoffroy  n'en  fut  pas  moins  dé- 
pouillé par  son  frère  et  contraint  de  l'abandonner, 
par  le  traité  fait  en  ii56,  moyennant  mille  livres 
sterling  et  deux  mille  livres  monnaie  d'Anjou. 

Loudun ,  devenu  partie  intégrante  de  la  Touraine, 
fut  avec  elle  réuni  à  la  couronne ,  en  1 2o4 ,  et  Phi- 
lippe-Auguste le  donna,  pour  le  récompenser  de  ses 
services,  à  Aimery,  vicomte  de  Thouars,  qui  lui  en 
fit  hommage. 

Au  mois  de  février  1 366,  Charles  V  en  fit  don,  à 
l'exception  de  l'hommage ,  de  la  souveraineté  et  du 
ressoit,  à  Louis  duc  d'Anjou,  son  frère,  pour  le  dé- 
dommager de  Chantoceauxj  qui  venait  d'être  cédé  au 
duc  de  Bretagne.  11  lui  accorda  depuis  la  Touraine  en 
augmentation  d'apanage,  l'an  1370,  sa  vie  durant 
seulement,  à  la  condition  que  Loudun  et  le  Loudu- 
nois  seraient  réunis  au  duché  de  Touraine  après  sa 
mort  et  celle  de  son  fils  aîné.  Ils  en  donnèrent  le  même 
jour  leur  reconnaissance  par  lettres  datées  de  Vin- 
cennes  le  17  mai  1376.  Cependant  René,  roi  de  Si- 
cile, ne  laissa  pas  d'en  jouir.  Mais  étant  mort  en 
1480,  sans  laisser  d'enfans,  Louis  XI,  pour  éviter  les 
difficultés  qui  pouvaient  s'élever  à  ce  sujet,  donna  à 
Charles  d'Anjou ,  neveu  du  roi  de  Sicile ,  tant  pour 
lui  que  pour  ses  héritiers  mâles,  les  comtés  de  Beau- 
fort  en  Vallée,  de  Mirebeau ,  de  Sablé  et  de  la  Roche- 
Guyon,  à  la  charge  par  lui  de  renoncer  aux  droits 
qu'il  pouvait  avoir  sur  le  duché  d'Anjou,  sur  Baugé, 
Saumur  et  Loudun. 


LOUDUÎf.  ï55 

Louis  XI,  ayant  ainsi  réuni  Loudun  à  la  couronne, 
y  érigea  la  même  année  un  siège  royal  dont  les  appels 
allaient  au  présidial  de  Tours. 

Loudun  fut  érigé  en  duché,  l'an  1 579,  par  Henri  ïïl, 
en  faveur  de  Françoise  de  Rohan,  dame  de  la  Gar- 
nache ,  pour  en  jouir  pendant  sa  vie  ;  ce  qui  lui  fut 
confirmé  par  Henri  IV  en  avril  iSqi.  Mais  le  duché 
fut  éteint  après  sa  mort.  Ce  domaine  fut  depuis  en- 
gagé à  Charles  Bellegigue  de  La  Trémouille  ,  duc  de 
Thouars,  prince  de  Tarente,  qui  en  a  joui,  ainsi  que 
ses  descendans ,  à  titre  de  duché-pairie. 

Cette  ville  possédait  deux  chapitres,  trois  paroisses, 
une  maison  de  jésuites,  trois  couvens  de  religieux  ,^ 
autant  de  religieuses,  une  communauté  de  filles  de 
l'Union  chrétienne  et  une  de  sœurs  hospitalières. 

L'un  de  ces  couvens,  celui  des  Ursulines,  a  acquis 
une  bien  triste  célébrité  par  le  procès  de  l'infortuné 
Urbain  Grandier,  curé  et  chanoine  de  Saint-Pierre 
de  Loudun ,  procès  dans  lequel  on  ne  sait  ce  qui  doit 
affliger  et  révolter  le  plus,  ou  la  condescendance  cou- 
pable des  religieuses,  ou  la  fourberie  des  exorcistes, 
ou  la  perversité  des  juges  assez  scélérats  ou  assez 
stupides  pour  entendre  et  rejcevoir  comme  preuves  le 
témoignage  des  diables. 

Loudun  avait  un  temple  de  protestans  que  Louis  XIV 
fit  raser.  Cependant  le  nombre  de  religionnaires  y 
fut  toujours  assez  considérable  relativement  à  sa  po- 
pulation. / 

La  justice  y  était  exercée  par  un  bailli,  un  prési- 
dent, un  heutenant-civil ,  un  lieutenant-criminel,  un 


l56  HISTOIRE   DE   TOUR  AINE. 

assesseur,  dix  conseillers,  deux  conseillers  vérifica- 
teurs des  criées ,  un  avocat  et  un  procureur  du  roi , 
un  substitut  et  un  greffier.  Il  y  avait  aussi  une  élection 
et  un  hotel-de-ville. 

Le  Loudunois  avait  sa  coutume  particulière ,  qui 
fut  rédigée  séparément  en  i5i8.  Elle  était  restée,  à 
peu  de  chose  près,  la  même  que  l'ancienne  coutume 
de  Touraine  avant  la  réformation  de  iSSg. 

MAILLÉ,  coMTi, 
ou 

LUINES,    DUCHÉ-PAIRIE. 

Maillé  (Malliacurn) ,  aujourd'hui  Luines,est  une 
petite  ville  située  à  trois  lieues  au-dessous  de  Tours, 
sur  la  rive  droite  de  la  Loire  et  entre  deux  coteaux 
couverts  de  vignobles.  Ce  lieu  avait  donné  son  nom  à 
une  des  plus  anciennes  familles  du  royaume  alliée  à 
la  maison  royale  de  France  et  aux  maisons  d'Amboise, 
de  Bauçay,  de  Chateaubriant ,  de  Champchevrier,  de 
Laval,  de  Roban,  de  Sainte-Maure  et  de  plusieurs 
autres  non  moins  illustres.  Nous  trouvons  des  preuves 
irrécusables  de  l'ancienneté  de  Maillé  dans  le  testa- 
ment de  saint  Perpète,  qui  date  de  Tan  47^1  et  par 
lequel  il  recommande  a  son  successeur  de  ne  jamais 
rétablir  dans  ses  fonctions  le  prêtre  curé  de  Maillé. 
On  en  trouve  de  même  dans  Grégoire  de  Tours ,  qui 
nous  dit  que  de  son  temps  on  y  voyait  encore  les  ves- 
tiges d'un  ancien  monastère  qui  était  placé  sur  le  haut 


MAILLÉ.  l57 

du  coteau.  Or  ce  monastère  devait  déjà  remonter  à 
une  époque  assez  reculée,  puisque  alors  on  n'en  voyait 
plus  que  les  ruines.  Il  est  assez  probable  que  ce  fut 
sur  ce  même  emplacement  que  l'on  construisit  depuis 
le  château  de  Maillé,  puisqu'il  était  également  sur  le 
point  le  plus  élevé  du  coteau.  Quant  à  l'église  de 
Saint-Venant ,  elle  fut  bâtie  par  les  anciens  seigneurs 
et  donnée  avec  le  monastère  de  Saint -Solenne,  en 
1084,  à  Fabbaye  de  Marmoutier  par  Hardouin  II  de 
Maillé. 

Cette  baronnie.  Tune  des  plus  anciennes  de  la  Tou- 
raine ,  fut  érigée  en  comté  en  faveur  de  Jean  de  Laval, 
baron  de  Roche-Corbon ,  Bressuire ,  etc. ,  par  lettres 
de  Charles  IX  données  à  Boulogne  au  mois  de  juin 
iS'jCLy  à  la  charge  qu'à  défaut  d'hoirs  mâles  elle  re- 
prendrait son  premier  litre  de  baronnie.  Mais  il  n'y 
eut  pas  lieu  à  la  clause  de  retour.  Elle  fut  même  érigée 
depuis  en  duché-pairie  en  faveur  de  Charles  d'Albert 
sous  l'appellation  de  Luines ,  par  lettres  patentes  de 
Louis  XIII  données  à  Amboise  au  mois  d'août  161  g. 
On  y  avait  postérieurement  uni  la  baronnie  de  Sem- 
blançay ,  la  vicomte  de  Thouars  et  la  châtellenie  de 
Neuvy,  par  lettres  du  mois  de  février  i663. 

Quoique  Maillé ,  ainsi  que  nous  venons  de  le  dire, 
nous  soit  connu  dès  le  cinquième  siècle,  les  noms  des 
seigneurs  qui  l'ont  possédé  ne  se  trouvent  <lans  aucun 
titre  antérieur  au  dixième  siècle. 

Gelduin  de  Saumur,  premier  du  nom,  était  sei- 
gneur de  Maillé,  d'Ussé,  de  Pont-le-Voy  et  de  plu- 
sieurs autres  grandes  terres.  II  prit  alliance  avec  Ger- 


l58  niSTOIIlÈ  DE  TOURAINE. 

berge,  fille  de  Bérenger  et  sœur  d'Hiîdegarde,  femme 
d'Airaery ,  vicomte  de  Thouars.  Il  eut  pour  fils  Gel- 
duin  et  une  fille  nommée  Âdelaïs,  femme  de  Ber- 
lay  1%  seigneur  de  Mon  treuil,  aujourd'hui  Montreuil- 
Beslay. 

Gelduin  de  Saumur,  deuxième  du  nom,  fut  un  des 
principaux  partisans  d'Eudes  II ,  comte  de  Touraine. 
Il  l'accompagna  dans  toutes  ses  expéditions ,  et  se 
trouva  l'an  1016  à  la  bataille  de  Montrichard,  ainsi 
qu'au  siège  de  Montboyau  en  1026.  Il  perdit  dans 
cette  circonstance  le  château  et  la  ville  de  Saumur , 
qui  lui  furent  enlevés  par  Foulques  -  Nerra ,  comte 
d'Anjou.  Pour  l'en  dédommager,  Eudes  lui  donna  le 
château  de  Chaumont-sur-Loire.  Gelduin  fonda  l'ab- 
baye de  Pont-le-Voy  en  io35 ,  et  donna  la  seigneurie 
de  Maillé  à  Gosbert  à  la  charge  de  foi  et  hommage , 
clause  qui  fut  la  cause  première  des  guerres  qui  eurent 
lieu  entre  les  seigneurs  d'Amboise  et  de  Maillé,  ceux- 
ci,  comme  héritiers  de  Gelduin,  prétendant  avoir  droit 
à  l'hommage  de  Maillé.  Gelduin  épousa  Adenorde, 
autrement  Honneur,  dont  il  eut  Geoffroy-le-Bel,  sei- 
gneur de  Chaumont,qui  fut  fait  prisonnier,  en  io44> 
à  la  bataille  de  Saint-Martin-lc-Beau  et  conduit  au 
château  de  Baugé,  d'où  il  ne  sortit  qu'à  condition  qu'il 
rendrait  hommage  à  Geoffroy- Martel  pour  toutes  les 
terres  qu'il  possédait  en  Touraine.  On  dit  qu'il  mou- 
rut âgé  de  cent  ans. 

Gosbert  de  Maillé  a  été  le  premier  et  le  chef  de  la 
maison  de  Maillé.  En  io3o  il  eut  un  différend  avec 
les  religieux  de  Marmoutier  relativement  au  droit  de 


MAILLÉ.  1 59 

péage ,  qu'il  voulait  exiger  sur  toutes  leurs  denrées 
passant  par  eau  et  par  terre  dans  toute  l'étendue  de  sa 
seigneurie  :  mais  il  se  désista  de  ses  prétentions  en  pré- 
sence d'Eudes,  comte  de  Touraine,  et  de  Gelduiud« 
qui  il  tenait  Maillé.  Ses  enfans  furent  Hardouin;  Gel- 
duin,  seigneur  de  Maillé  après  son  frère;  Sancelin  ou 
Sanzo,  clerc;  Geoffroy;  et  Milesende,  femme  de  Ro- 
bert de  Blo. 

Hardouin,  premier  du  nom,  vivait  en  1062,  et 
mourut  quelque  temps  après  ses  enfans ,  laissant  son 
frère  héritier  de  ses  domaines.  Il  donna  la  terre  de 
Martigny  à  l'abbaye  de  Marmoutier,  à  la  charge  par 
Gelduin  son  frère  d'indemniser  de  ce  qu'ils  y  possé- 
daient ses  trois  chevaliers ,  Alfroy,  Geoffroy  et  Gar- 
nier.  Ces  chevaliers  étaient  proprement  des  vassaux 
qui  étaient  obligés  d'accompagner  leur  seigneur  à  la 
guerre  et  do  faire  la  garde  dans  son  château.  Cette 
donation  fut  depuis  ratifiée  par  ce  Geoffroy  de  Chau- 
mont,  que  nous  venons  de  voir  prisonnier  à  Baugé, 
duquel  Maillé  relevait  à  foi  et  hommage. 

Gelduin ,  qui  succéda  à  son  frère ,  épousa  en  pre- 
mières noces  Agnès,  dont  il  eut  Hardouin,  Hugues, 
Josbert  ou  Gosbert,  Ammeline  et  Marguerite. 

Hardouin  H  fit  bâtir  à  Maillé  l'église  de  Saint- Vei- 
nant, qu'il  donna  à  l'abbaye  de  Marmoutier  en  1084, 
avec  l'église  de  Saint-Solenne ,  en  présence  d'Agnès 
sa  mère.  C'est  de  lui  que  parle.,  dans  une  de  ses  let- 
tres, Geoffroy,  abbé  de  Vendôme,  en  se  plaignant  à 
Raoul,  archevêque  de  Tours,  des  vexations  qu'il  exer- 
çait contre  son  abbaye  de  la  Trinité,  ce  qui  le  fit  ex- 


l6o  HISTOIRE   DE   TOUR  UNE. 

communier  par  ce  prëiat.  Ge  fut  aussi  sur  ce  même 
prétexte  que  Foulques-Rëcliin ,  lui  ayant  déclaré  ia 
guerre,  assiégea  et  prit  le  château  de  Maillé  en  1096, 

y  après  avoir  désolé  toute  la  contrée.  Il  avait  épousé 

Béatrix ,  dont  il  eut  cinq  fils  et  deux  filles  :  Jacquelin, 
Barthélemi ,  Clérembault ,  Adaôe  et  Agnès.  Les  deux 
autres  garçons  nous  sont  inconnus. 

Jacquelin  de  Maillé  se  rendit  fameux  ainsi  que  ses 
quatre  frères  dans  les  guerres  des  comtes  d'Anjou 
contre  Henri,  roi  d'Angleterre.  11  accompagna  Foul- 
ques-le-Jeune  dans  toutes  ses  expéditions  militaires , 
et  assista  à  la  bataille  de  Séez  en  1118.  On  le  choisit 
entre  les  capitaines  les  plus  vaillans  et  les  plus  habiles 
pour  attaquer  l'avant-garde  de  l'ennemi.  Ce  fut  un 
des  principaux  barons  qui  accompagnèrent  Geoffroy 
d'Anjou,  fils  de  Foulques-le-Jeune ,  lorsqu'il  alla  à 
B-Ouen  épouser  Mathilde ,  fille  de  Henri  T',  roi  d'An- 
gleterre, en  II 27.  L'an  ii5i ,  par  l'ordre  du  comte 
d'Anjou,  il  fit  la  guerre  à  Sulpice  d'Amboise,  auquel 
cependant  il  rendit  par  la  suite  des  services  impor- 

;^  tans.   De  sa  femme  Adeline  il  eut  Hardouin,  qui 

suit. 

Hardouin  HI  fut  père  d'un  autre  Hardouin ,  sei- 
gneur de  Maillé,  et  de  Jacquelin  de  Maillé ,  chevalier 
de  l'ordre  des  Templiers ,  qui  se  signala  à  la  bataille 
^  de  Tibériade,  oii  il  mourut  glorieusement  l'an  1 187. 
Hardouin  IV,  sénéchal  de  Poitou,  s'était  réuni  à 
Amaury  I"  de  Graon  pour  secourir  les  barons  de  Bre- 
tagne ,  qui  s'étaient  révoltés  contre  leur  duc  Pierre , 
fils  de  Robert  de  Dreux;  mais  le  3  mars  1222  il  fut, 


MAILLÉ.  l6l 

ainsi  qu  Amaiiry,  fait  prisonnier  auprès  de  Château- 
briant.  Depuis  il  fut  caution  de  Louis  IX  pour  le  traité 
de  paix  fait  avec  le  comte  de  Foix  le  i6  des  calendes 
de  juin  1229.  Il  eut  de  sa  femme  Emme,  autrement 
nommée  Ammette,  Hardouin  V  et  Catherine,  dame 
de  Saint-Brice  et  de  Cliahaigne. 

Hardouin  V  fît  le  voyage  de  la  Terre-Sainte  avec 
saint  Louis.  Il  fut  marié  deux  fois  :  la  première  avec 
N.  de  Cliampchévrier ,  dont  il  n'eut  point  d'cnfans, 
et  la  seconde  avec  Jeanne  de  Bauçay,  de  laquelle  il 
eut  Hardouin  et  Jean,  seigneur  de  Clervaux.  Quel- 
ques-uns ajoutent  un  autre  Jean  de  Maillé,  seigneur 
de  Brézé,  d'où  seraient  descendus  les  marquis  de 
Brézé.  Hardouin  V  et  Jeanne ,  sa  femme,  eurent  leur 
sépulture  dans  la  nef  de  l'église  des  Cordeliers  de 
Tours,  sous  une  tombe  placée  auprès  de  la  chaire  du 
prédicateur. 

Hardouin  VI ,  dit  le  Jeune  Chevalier,  accompagna 
Philippe-le-Bel  dans  les  guerres  de  Flandre  en  i3o3. 
Il  mourut  le  24  février  i336,  et  fut  de  même  inhumé 
aux  Cordeliers  de  Tours  dans  la  chapelle  de  Maillé, 
qui  depuis  était  devenue  la  sacristie.  Il  avait  épousé 
Jeanne,  fille  de  Barthélemi  de  Montbason ,  qui  lui 
apporta  en  dot  les  seigneuries  d'Isernay,  de  Bois- 
Robert  et  de  l'Archeraye  avec  trente  livres  de  rente 
sur  le  péage  de  Colombiers.  De  cette  alliance  sortirent 
Hardouin ,  Jeanne,  Marie  (^J lias)  de  Maillé,  mariée  à 
Robert  de  Silly,  morte  en  odeur  de  sainteté,  et  Isabelle, 
femme  de  Jean  de  Beaumont,  seigneur  deBressuire. 

Hardouin  YIl ,  chevalier,  se  trouva ,  en  i34o,  à  la 
3.  n 


iGîl  HfSTOIRE    DE    TOURAINE. 

bataille  où  Eudes  IV,  duc  de  Bourgogne,  hattit  Tar- 
mée  d'Edouard  III,  et  il  y  fut  fait  prisonnier  avec  le 
comte  d'Harcourt  et  le  vicomte  de  Melun.  On  le 
compte  au  nombre  des  cautions  du  roi  Jean.  11  mou- 
rut le  27  mai  i38i,  et  fut,  comme  les  précédens,  en- 
terré aux  Cordeliers  de  Tours.  Il  avait  épousé  M ahaud, 
fille  de  Jean  Levayer,  chevalier,  seigneur  de  la  Clarté, 
qui  après  sa  mort  se  remaria  à  Jean  de  Laval.  Du 
premier  lit  était  né  Hardouin ,  qui  suit. 

Hardouin  VIII ,  baron  de  Maillé  et  de  Roche-Cor* 
bon ,  seigneur  de  Bauçay  et  des  Montils-les-Tours , 
vicomte  de  Tours ,  assista  au  sacre  de  Charles  VII  à 
Reims  le  8  juillet  14^9,  et  y  fit  les  fonctions  de 
duc  et  pair  de  France  à  la  place  du  comte  de  Cham- 
pagne qui  porta  l'étendard  de  France  à  cette  céré- 
monie. Il  épousa  à  Angers,  le  1 3  juin  i4i2,  Perre- 
nelle,  fille  d'Ingelger  d'Amboise  et  dç  Jeanne  de  Craon, 
qui  lui  porta  en  mariage  la  baronnie  de  Roche-Cor- 
bon ,  la  vicomte  de  Tours  et  la  terre  des  Montils.  Elle 
mourut  le  i3  juillet  i44i-  Son  mari  était  mort  le  2 
mai  1432,  et  tous  deux  eurent  leur  sépulture  dans 
l'église  des  Cordeliers  de  Tours.  De  ce  mariage  na- 
quirent Hardouin-Juhez  et  Mahaud.  Quelques  généa- 
logistes prétendent  que  les  marquis  de  Carman ,  sei- 
gneurs de  la  Guéritaude ,  descendaient  de  Juhez  de 
Maillé.  Cependant  nous  voyons  cent  ans  auparavant 
un  Guy  de  Maillé,  seigneur  de  la  Guéritaude,  dont 
la  veuve  Jeanne  de  Sillé  donna  les  dîmes  de  Veigné 
à  l'abbaye  de  Cormeri ,  le  mercredi  après  la  Saint- 
Denis,  l'an  1372. 


(    ,^ 


MAILLÉ.  l63 

Hardoiiin  IX,  baron  de  Maillé,  etc.,  sënëchal  de 
Saintonge.  Ce  fut  lui  qui  vendit  à  Louis  XI,  pour  le 
prix  de  cinq  mille  cinq  cents  écus  d'or,  la  baronnie 
des  Monlils-les-Tours,  à  la  condition  de  l'union  des 
trois  seigneuries  do  Maillé ,  de  Roche-Corbon  et  de 
la  vicomte  de  Tours  sous  une  même  foi  et  bommage. 
L'acte  en  fut  reçu  sous  le  sceau  royal  de  Tours  par 
Pons  Jean  de  Bire  le  i5  février  t463,  époque  des 
premiers  travaux  faits  au  cbâteaii  du  Plessis.  Il  fonda, 
en  i486,  le  chapitre  de  Maillé.  De  sa  première  femme 
Antoinette,  fille  de  Guy  III,  seigneur  de  Chavigny, 
morte  le  20  février  147^,  il  eut  Jacques,  mort  sans 
postérité;  François,  qui  suit;  Hardouin,  qui  épousa 
Françoise  de  Latour-Landry  à  condition  d'en  prendre 
le  nom  et  les  armes  ;  et  Françoise,  mariée  à  François 
de  Beaujeu,  seigneur  de  Linières.  Après  la  mort 
d'Antoinette,  Hardouin  épousa  Marguerite  de  La 
Rochefoucauld,  dame  de  Barbezieux,  d'où  Louis  de 
Maillé  et  Claude ,  femme  de  Jean  sire  de  Rieux. 

François,  baron  de  Maillé  et  dernier  de  cette  fa- 
mille,  épousa  Marguerite,  fille  de  Louis  de  Rohan, 
seigneur  de  Guémené,  dont  il  n'eut  que  deux  filles  du 
nom  de  Françoise.  L'aînée  fut  mariée  à  Gilles  de 
Laval ,  auquel  elle  porta  en  dot  la  baronnie  de  Maillé, 
et  la  cadette  à  François  de  Bastarnay. 

Gilles  de  Laval,  premier  du  nom,  chevalier,  sei- 
gneur de  Loué  et  de  Benais ,  baron  de  Maillé ,  de 
Roche-Corbon,  de  Bressuire  et  de  J^a  Haye,  vicomte 
de  Tours,  fils  aîné  de  Pierre  de  Laval,  eut  de  Fran- 
çoise de  Maillé ,  son  épouse,  René,  mort  sans  cnfans; 

II. 


l64  HISTOIRIÎ    DE   TOURAINE. 

Gilles,  qui  suit,  et  Anne,  mariée  à  Philippe  de  la 
Chambre,  baron  de  Montsoreau. 

René  de  Laval ,  seigneur  de  Maille  et  de  Roche- 
Corbon ,  signa  en  cette  qualité  le  second  procès-verbal 
de  réformation  de  la  coutume  de  Touraine  en  1569. 
11  n'eut  point  dfe  postérité,  et  son  héritage  passa  à 
Gilles  son  puîné. 

Gilles  II  de  Laval  épousa  Louise ,  fille  de  Jean  de 
Sainte-Maure ,  comt^î  de  Nesle  et  de  Joigny.  De  ce 
mariage  naquirent  Jean,  qui  suit,  et  René,  marié  à 
Renée  de  Rohan. 

Jean  de  Laval ,  capitaine  de  cent  gentilshommes  de 
la  maison  du  roi,  qui  érigea  en  sa  faveur  la  baronnie 
de  Maillé  en  comté ,  par  lettres  données  à  Roulogne 
au  mois  de  juin  1572.  Il  épousa  en  premières  noces 
Renée  de  Rohan,  veuve  de  René  son  frère,  dont  il 
eut  Guy,  qui  suit,  et  en  secondes  noces  Françoise, 
fille  de  René  de  Birague ,  chancelier  de  France. 

Guy  de  Laval,  chevalier,  etc.,  prit  pour  femme 
Marguerite,  fille  du  chancelier  Philippe  Huraut  de 
Chiverny.  Il  fut  tué  à  la  bataille  d'Ivry  en  combat- 
tant sous  la  bannière  de  Henri  IV ,  et  sans  laisser 
d'enfans.  Après  sa  mort  sa  veuve  se  remaria  à  Anne 
d'Anglure,  seigneur  de  Givry  et  de  Narbonne,  et  en 
troisièmes  noces  à  Arnaud-le-Daijgereux,  dont  elle  eut 
un  fils  unique  du  même  nom. 

Arnaud-le-Dangereux,  seigneur  de  Beaupuy,  comte 
de  Maillé. 

Charles  d'Albert ,  seigneur  de  Luynes ,  ayant  ac- 
quis par  décret  le  comté  de  Maillé,  la  baronnie  de 


MAILLÉ.  l65 

Roche-Corbon  et  la  vicomte  de  Tours,  obtint  des 
lettres  de  Louis  XIII  données  à  Amboisc  au  mois 
d'août  1619,  portant  création  de  Maillé  en  duché- 
pairie  sous  le  nom  de  Luynes.  Il  en  prêta  serment  au 
parlement  le  i4  novembre  de  la  même  année.  On  sait 
comment  il  devint  favori  du  roi ,  qui  le  fit  conseiller 
d'État,  chevalier  de  ses  ordres,  premier  gentilhomme 
de  sa  chambre,  grand -fauconnier,  gouverneur  de 
Picardie,  etc.,  gardé  des  sceaux  et  enfin  connétable 
de  France.  On  a  dit  que  cette  famille  était  issue  des 
comtes  d'Alberti  en  Italie ,  quoique  pourtant  son  nom 
patronimique  fût  Cadenet.  Celui-ci  épousa,  le  11  sep- 
tembre 16 17,  Marie,  fille  d'Hercule  de  Rohan,  duc 
de  Montbason ,  et  de  Madeleine  de  Lénoncourt.  Il 
mourut  en  Languedoc  le  i5  décembre  1621,  d'où 
son  corps  fut  apporté  à  Luynes  et  enterré  dans  l'église 
du  ^château.  De  son  mariage  vint  Louis-Charles  d'Al- 
bert, qui  suit.  Sa  veuve  se  remaria,  en  1622  ,  avec 
Claude  de  Lorraine,  duc  de  Chevreuse,  pair  et  grand 
chambellan  de  France. 

Louis-Charles  d'Albert ,  duc  de  Luynes ,  etc. ,  fut 
marié  trois  fois  :  la  première,  en  i65i ,  avec  Marie, 
fille  et  héritière  de  Louis  Séguier,  marquis  de  Nesle; 
la  seconde,  le  i4  décembre  1661,  avec  Anne  de  Rohan, 
sa  filleule,  morte  en  1684?  et  la  troisième  en  i685, 
avec  Marguerite,  fille  d'Etienne  d'Aligre,  chanceher 
de  France ,  qui  elle-même  était  veuve  du  marquis  de 
Vaneville.  Il  eut  du  premier  lit  Charles-Honoré ,  qui 
suit,  et  Paule-Charlotte-Françoise ,  épouse  de  Henri- 
Charles  de  Reaumanoir,  marquis  de  Lavardin. 


i66  HISTOIRE   BE   TOURAINE. 

Charles-Honorë  d'Albert,  chevalier  des  ordres  du 
roi ,  duc  de  Chevreuse,  fut  reçu  duc  de  Luynes,  au 
mois  de  décembre  1688,  sur  la  démission  de  son 
père.  Il  avait  épousé,  le  i^'  février  1667,  Jeanne- 
Marie,  fille  de  Jean-Baptiste  Golbert,  ministre  et 
secrétaire  d'Etat,  dont  il  eut  cinq  enfans,  Honoré- 
Charles  qui  suit;  Louis- Auguste,  vidame  d'Amiens; 
Marie-Anne ,  épouse  du  duc  de  Montmorenci  ;  Thé- 
rèse, mariée  au  comte  de  Mortain,  et  Marie  -Fran- 
çoise, nommée  mademoiselle  de  Chevreuse. 

Honoré  -  Charles  d'Albert,  duc  de  Chevreuse, 
nommé  ordinairement  le  duc  de  Montfort ,  ne  jouit 
d'abord  que  du  domaine  du  duché  de  Luynes ,  son 
père  s'en  étant  réservé  la  nue-propriété  pour  avoir 
toujours  l'entrée  au  parlement.  Il  épousa,  en  février 
1694  ,  Anne-Marie ,  fille  de  Philippe  de  Coursillon  , 
marquis  de  Dangeau  ,  gouverneur  de  Touraine. 

Charles-Philippe  d'Albert,  duc  de  Luynes  et  de 
Chevreuse ,  pair  de  France ,  comte  de  Monfort  et  de 
Tours,  né  le  20  juillet  1695. 

Marie-Charles-Louis  d'Albert ,  duc  de  Luynes  et 
de  Chevreuse ,  pair  de  France ,  etc. ,  né  le  24  avril 
1617. 

Louis  d'Albert,  duc  de  Luynes  et  de  Chevreuse,  etc., 
colonel  -  général  des  dragons,  épousa  en  pre- 
mières noces,  le  28  janvier  1735,  Thérèse-  Pélagie 
d*Albert  de  Grimberghem.  Étant  devenu  veuf,  il  se 
remaria,  le  27  avril  1738,  à  Henriette-Nicole  d'Eg- 
mont-Pignatelli ,  dont  il  eut 

Louis-Joseph- Charles -Amable  d'Albert,  duc  de 


MAILLlé.  167 

Luynes,  né  le  l\  novembie  174B.  Il  avait  épousé,  le 
19  avril  1768,  Giiyonne-Élisabeth-Josephe  de  Laval 
Montmorenci.  Il  est  mort  le  ai  mai  1807,  après 
avoir  aliéné  la  plus  grande  partie  du  domaine  qui 
constituait  son  ancien  duché  de  Ijuynes. 

Le  chapitre  que  nous  avons  dit  avoir  été  fondé 
en  i486,  par  Hardouin,  neuvième  du  nom  de 
Maillé,  était  composé  d'un  doyen  avec  six  cha- 
noines, sept  prcbendiers,  un  marguillier,  et  deux 
enfans  choriaux. 

Louis -Charles,  duc  de  Luynes ,  fît  démoHr  ,  en 
i658,  la  tour  du  château,  dont  les  matériaux  ser- 
virent à  bâtir  l'enclos  des  religieuses  chanoiaesses 
du  Saint- Sépulchre,  ordre  de  Saint -Augustin  ,  qui 
furent  par  lui  établies  le  21  octobre  1662,  à  la 
charge  d'y  avoir  deux  prêtres,  une  messe  tous  les 
jours,  école  et  caléchisme. 

Ce  fut  de  même  à  lui ,  que  Luynes  fut  redevable 
d'un  hospice  qu'il  fonda  le  22  novembre  1664.  Il 
eut  sa  sépulture  le  10  octobre  1690,  «ayant  voulu» 
dit  son  épitaphe,  qu'on  y  lisait  en  lettres  d'or  sur 
un  marbre  noir,  «être  enseveli  avec  les  pauvres 
qu'il  avait  tendrement  aimés  et  généreusement  secou- 
rus.» Sa  seconde  femme  Anne  de  Rohau,  eut  sa  sépul- 
ture dans  le  même  tombeau. 

On  lisait  également  dans  l'église  des  chanoinesses 
une  longue  épitaphe  apologétique  du  connétable  de 
Luynes,  surmontée  de  ses  armes,  au  bas  desquelles 
étaient  ces  mots  :  Pacc  micat  ^  belloque furit. 

Les    restes    d*un    aqueduc    et    quelques    ruines 


l68  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

éparses  sur  les  hauteurs  de  l'ancien  Maillé,  ont  été 
l'objet  (les  recherches  d'un  de  nos  compatriotes, 
le  chevalier  de  la  Sauvagèrc,  qui  y  a  vu  l'ouvrage 
des  Romains ,  ainsi  que  dans  tous  les  monumens 
qu'il  a  eu  occasion  d'examiner.  Ces  ruines  l'ont  con- 
duit à  imaginer  que  la  ville  de  Tours  devait  autre- 
fois avoir  été  bâtie  sur  ces  hauteurs,  et  que  ce  n'est 
qu'à  une  époque  qu'il  ne  peut  indiquer  qu'elle  a  été 
reportée  au  lieu  où  nous  la  voyons  aujourd'hui.  Il 
s'appuie  pour  cela  du  nom  de  Cœsarodunum ,  parce 
que,  dit-il,  la  terminaison  celtique  Dun  ne  s'applique 
qu'aux  villes  situées  sur  des  éminences  :  mais  il  n'a 
pas  fait  réflexion  que  le  nom  de  Cœsarodunum , 
comme  nous  l'avons  dit  ailleurs ,  n'avait  été  imposé 
à  la  capitale  des  Turones,  que  plus  de  deux  siècles 
après  la  conquête ,  et  dans  un  temps  où  la  ville  de 
Tours  était  incontestablement  sur  le  bord  de  la 
Loire.  Ce  n'est  pas  le  tout;  il  forme  sa  conviction 
sur  deux  vers  de  Paulin  de  Périgueux  ,  dans  sa  Vie 
de  saint  Martin  ,  qu'il  cite  de  cette  manière  : 

Gallorum  quondam  valde  florebat  in  oris , 

Urbs  Tnromim  distans  ab  agris ,  populisque  referla. 

Ce  qui  n'offre  aucun  sens;  car,  qui  pourrait  ex- 
pliquer urbs  Turonwn  distans  ab  agris Pl\  y  trouve 
cependant  celui-ci,  que  long-temps  avant  lui  elle 
florissait  dans  les  Gaules^  quelle  était  très-peu- 
plée ,  et  qu'elle  était  distante  de  la  ville  de  Tours 
d^  son  temps.  Il  n'y  a  à  tout  cela  qu'une  légère  ob- 


MAILLÉ.  169 

servalion  h  faire ,  c'est  que  saint  Paulin  n'a  point 
dit,  en  faisant  l'éloge  de  Tours,  distans  ab  agris, 
mais  bien  distenta  agris^  ce  qui  est  fort  différent, 
et  ce  qui  s'entend  à  merveille.  Nous  nous  bornerons 
à  relever  ces  deux  erreurs ,  bien  convaincu  que  le 
paradoxe  de  la  Sauvagère ,  ne  mérite  pas  une  plus 
longue  réfutation. 

D'après  la  conjecture  de  notre  compatriote  sur  la 
situation  de  son  ancien  Cœsarodunum ,  il  est  évi- 
dent que  Taquéduc  dont  il  s'agit  ici  ne  pouvait  être 
qu'un  ouvrage  de  Jules-César.  Quoique  nous  ne 
puissions  pas  réfuter  cette  seconde  assertion  aussi 
victorieusement  que  la  première,  ni  déterminer  l'é- 
poque de  la  construction  de  cet  aqueduc,  nous  allons 
à  notre  tour  exposer  notre  opinion  particulière.  S'il 
n'y  a  eu  sur  les  hauteurs  de  Maillé,  ni  ville  de  Tours, 
ni  camp  romain  ,  notre  aqueduc  a  dû  avoir  une 
destination  quelconque,  et  voici  ce  que  nous  avons 
recueilli  à  cet  égard. 

Grégoire  de  Tours  (chapitre  xxi,  de  la  gloire 
des  confesseurs)  nous  apprend  qu'il  découvrit  le 
corps  de  saint  Solemne  ou  Solenne,  évêque  de 
Chartres ,  mort  vers  5 1 1 ,  dans  le  monastère  de 
Maillé,  situé  sur  le  haut  d'un  coteau  oii  l'on  distin- 
guait quelques  ruines  :  mais  il  ne  dit  pas  que  ces 
ruines  appartinssent  à  l'ancien  Cœsarodunum  ,  cir- 
constance qu'à  coup  sûr  il  n'eût  point  oubliée.  Or , 
ce  monastère  ne  pouvait  ctre  que  l'église  que  nous 
avons  vu  saint  Eustoche  fonder  à  Maillé  vers  45o. 
11  ne  fit  que  s'accroître  par  la  suite ,  et  il  existait 


lyO  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

encore  en  1084,  puisque  Hardouin  deuxième  de 
Maillé,  en  fît  don,  ainsi  que  du  prieuré  de  Saint- 
Venant  qu'il  venait  de  fonder,  à  l'abbaye  de  Mar- 
moutier.  Placé  sur  un  lieu  aussi  élevé ,  le  premier 
soin  de  ses  moines  devenus  plus  nombreux  et  plus 
riches ,  dût  être  de  se  procurer  de  l'eau  plus  abon- 
damment et  avec  moins  de  peines.  N'en  pouvant 
trouver  qu'à  une  certaine  distance ,  c'est-à-dire ,  à 
l'étang  des  Arènes  et  à  la  fontaine ,  dite  aujourd'hui 
de  la  Pie -Noire,  ils  songèrent  à  rapprocher  cette 
distance  au  moyen  d'un  aqueduc ,  procédé  alors  plus 
connu  que  celui  des  canaux  souterrains.  La  citerne 
profonde  qu'on  remarque  encore  au  lieu  où  était  le 
monastère,  indique  assezun  réservoir  pour  les  besoins 
les  plus  communs.  Si  l'on  opposait  la  dépense  qu'a 
pu  occasioner  la  construction  d'un  pareil  édifice,  il 
nous  serait  facile  de  fournir  des  preuves  de  travaux 
beaucoup  plus  considérables  exécutés  dans  ces  temps 
par  des  maisons  religieuses.  Quant  au  chemin  qu'on 
a  baptisé  du  nom  de  César,  et  que  la  Sauvagère 
attribue  en  effet  à  ce  conquérant ,  nous  en  trouvons 
l'origine  dans  la  Charte  de  fondation  de  Hardouin  II, 
par  laquelle  il  permet ,  en  1084?  aux  moines,  d'ou- 
vrir un  grand  chemin  au  milieu  de  ses  terres ,  ce 
que  probablement  il  n'eût  pas  fait  s'il  y  en  eût  déjà 
existé  un  autre  de  la  façon  des  Romains. 

Au  reste ,  quelle  que  soit  l'époque  de  la  construc- 
tion de  cet  aqueduc  qui  ne  peut  être  que  fort  ancien 
par  rapport  à  nous,  nous  dirons  qu'indépendamment 
de  ses  piliers  plus  ou  moins  ruinés ,  et  dont  les  voûtes 


MAR  MANDE.  I7I 

sont  tombées ,  il  en  reste  encore  huit  arcades  entières 
au  moyen  desquelles  on  peut  juger  de  son  élévation. 
Elle  est  de  vingt-quatre  pieds  du  cintre  à  la  base,  qui 
repose  sur  un  mur  de  fondation  ou  espèce  de 
chaussée  pratiquée  dans  toute  l'étendue  que  parcou- 
rait Taquéduc,  et  dont  on  retrouve  encore  des  ves- 
tiges dans  les  vigjies  et  dans  les  champs  voisins, 
mur  que  la  Sauva  gère  a  pris  pour  des  restes  de  celui 
de  l'enceinte  de  son  Cœsarodunum .  Les  piliers  ont 
cinq  pieds  six  pouces  sur  chacune  de  leurs  quatre 
faces ,  à  six  pieds  de  terre  seulement  :  mais  là  ils 
diminuent  progessivement  d'environ  six  pouces  par 
toise.  Tous  sont  construits  en  moellon  dur,  de  pierre 
calcaire  de  six  pouces  de  parement ,  posés  sur  un  lit 
de  mortier  à  ciment,  d'un  pouce ,  d'épaisseur.  L'ou- 
verture de  chaque  arcade  est  de  dix  pieds  par  la 
base,  et  de  douze  pieds  six  pouces  vers  le  cintre ,  au 
moyen  de  la  diminution  progressive  des  piliers  dont 
nous  avons  parlé. 

Si  l'on  nous  accorde  que  la  ville  de  Tours  n'a 
jamais  existé  primitivement  sur  les  hauteurs  de 
Luynes ,  on  pourra  croire  également  que  cet  aque- 
duc n'a  jamais  eu  d'autre  origine  et  d'autre  destina- 
tion que  celles  que  nous  lui  assignons. 

MARMANDE,  barootie. 

La  baronnic  de  Marmande  (  Mirmanda  ) ,  au- 
jourd'hui commune  de  Marigny-Marmande,  située  au 
midi  de  la  Touraine,  faisait  autrefois  partie  de  l'élec- 


iqi  HISTOIRE  DE  TOtîRAlNE. 

tion  de  Loudun  et  du  duché  de  Tours.  Elle  a  donné 
son  nom  à  une  ancienne  famille  qui  s'est  fondue 
dans  celle  de  Sancerre ,  mais  qui  devait  être  bien 
antérieure  au  onzième  siècle,  temps  où  nous  la 
voyons  figurer  pour  la  première  fois  dans  un  titre 
de  l'abbaye  de  Marmoutier. 

Bouchard  I",  seigneur  de  Marmande,  et  son  épouse 
Elisabeth ,  vivaient,  d'après  ce  même  titre  ,  l'an  1 080. 
C'est  tout  ce  que  nous  en  savons ,  et  pendant  l'espace 
d'un  siècle  nous  ne  trouvons  qu'un  seul  nom  entre 
ceux  qui  ont  dû  lui  succéder. 

Acharie,  seigneur  de  Marmande,  pouvait  être 
petit-fils  de  Bouchard  r"";  il  nous  est  connu  par  la 
guerre  qu'il  eut  à  soutenir,  vers  l'an  1 148  ou  11 5o, 
contre  le  vicomte  de  Chatellerault,  le  seigneur  de 
Faye  et  celui  de  l'Ile-Bouchard ,  à  la  suite  de  laquelle 
son  château  fut  rasé  de  fond  en  comble,  et  lui-niême 
fait  prisonnier  et  renfermé  au  château  de  Nouâtre  : 
mais  par  la  suite  il  recouvra  sa  liberté ,  grâce  aux 
bons  offices  de  Bernier,  abbé  de  Noyers. 

Guillaume  ,  seigneur  de  Marmande  ,  accompagna, 
en  iai4,  Philippe- Auguste,  en  qualité  de  chevalier 
banneret,  à  la  célèbre  bataille  de  Bovines,  contre 
l'empereur  Othon,  le  roi  d'Angleterre  et  le  comte  de 
Flandres.  Il  avait  épousé  Béatrix,  seconde  fille  de 
Gautier  de  Montsoreau  et  de  Marguerite  de  Loudun , 
dont  il  eut  Bouchard  qui  suit. 

Bouchard ,  deuxième  du  nom ,  seigneur  de  Mar- 
mande, ratifia,  au  mois  d'août  1276,  la  vente  des 
bois  de  laChateigneraie,  faite  quelques  années  aupa- 


MA.RMANDE.  I  yS 

ravant  par  Thomas  do  la  Roche-Clermau,  à  Vincent 
de  Pilmil ,  archevêque  de  Tours. 

Guillaume ,  deuxième  du  nom ,  seigneur  de  Mar- 
mande  ,  était  probablement  fils  du  précédent;  car, 
par  un  compte  du  bailliage  de  Touraine,  rendu 
en  1278  par  Denis  de  Paray ,  bailU,  nous  voyons 
que  Guillaume  II  vivait  dans  cette  même  année,  ce 
qui  indique  que  Bouchard  II  serait  mort  dans  l'in- 
tervalle de  1276  à  1278. 

Pierre,  chevalier,  seigneur  de  Marmande,  de  La 
Haye  ,  de  Faye-la-Vineuse ,  et  de  la  Roche-Clermau, 
institua ,  le  1 1  juillet  1 343,  avec  Isabelle  de  La  Haye , 
son  épouse  ,  quatre  chapelains  à  Chinon ,  du  consen- 
tement de  Pierre  de  Frctaud ,  archevêque  de  Tours. 
Il  n'eut  qu'une  fille  unique  qui  hérita  des  baronnies 
de  Marmande  et  de  La  Haye. 

Marguerite ,  dame  de  Marmande ,  fut  mariée  à 
Jean  III,  comte  de  Sancerre,  fils  aîné  de  Louis  II, 
connétable  de  France ,  et  de  Béatrix  de  Roucy.  De 
cette  alliance  sortirent  Marguerite  et  Jeanne. 

Marguerite ,  deuxième  du  nom ,  comtesse  de 
Sancerre  ,  baronne  de  Marmande ,  de  Saint-Michel 
sur  Loire,  de  La  Haye ,  et  de  Faye»  fut  mariée 
quatre  fois.  La  première  à  N.,  seigneur  de  Retz;  la 
deuxième  à  Béraud  II ,  comte  de  Clermont ,  dauphin 
d'Auvergne;  la  troisième  à  Jacques  dcMonberon, 
et  la  quatrième  à  Jean  III  de  Bueil ,  comte  de  San- 
cerre. Elle  eut  deux  enfans  de  son  second  ma- 
riage ,  Marguerite  de  Clermont ,  et  Béraud  III , 
comte  de  Clermont    et  dauphin  d'Auvergne,  avec 


1^4  HISTOIRE  DE  TOUR  AINE. 

lequel  la  mère  transigea  ,  le  11  novembre  i4o9i 
à  la  condition  qu'elle  conserverait  en  toute  propriété 
la  seigneurie  de  Marmande  et  les  autres  terres 
situées  en  Touraine  et  en  Anjou.  Béraud  III  étant 
mort  sans  enfans ,  Marguerite,  sa  sœur,  hérita  de 
tous  ses  biens ,  qu'elle  porta  par  mariage  dans  la  mai- 
son de  Bueil. 

Jean  ,  troisième  du  nom  ,  sire  de  Bueil ,  grand- 
maître  des  arbalétriers  de  France,  eut  de  Margue- 
rite,  son  épouse,  Jean  de  Bueil  qui  suit;  Pierre, 
seigneur  de  la  Motthe-Sonzay ;  Louis,  mort  sans 
postérité  ;  Guillaume-Hardouin  ,  évêque  d'Angers ,  et 
trois  fdles. 

Jean ,  cinquième  du  non! ,  sire  de  Bueil ,  comte 
de  Sancerre,  baron  de  Marmande ,  amiral  de  France, 
épousa  en  premières  noces  Jeanne  de  Montejan , 
dont  il  eut  Antoine  de  Bueil ,  comte  de  Sancerre. 
Il  épousa  en  secondes  noces  Marguerite ,  fille  d'An- 
toine Turpin-Crissé  qui  donna  naissance  à  Edmond 
qui  suit. 

Edmond  de  Bueil ,  baron  de  Marmande  ,  seigneur 
de  Faye-la-Vineuse ,  fut  marié  à  Françoise  de  Laval. 
Il  fallait  que  son  mari  fut  mort  en  1 507 ,  car  elle 
figure  comme  tutrice  de  ses  enfans  mineurs  à  la 
réformation  de  la  coutume  de  Touraine,  faite  en 
cette  même  année.  De  cette  alliance  sortirent  Louis , 
Isabelle  et  Françoise  qui  donna  sa  procuration  en 
15^9  pour  assister  à  la  réformation  de  la  coutume 
de  Touraine;,  comme  dame  en  partie  de  la  baroimie  de 
Marmande.  Elle  mourut  depuis  sans  avoir  été  mariée. 


j 


MÉSIÈRES.  175 

Louis  de  Buell,  baron  de  Marraaude,  mourut 
sans  alliance ,  laissant  sa  succession  à  ses  sœurs,  dont 
Taînée  Isabelle  avait  épousé  Joachim  Gillier. 

Joachim  GilUer,  seigneur  de  Puy-Garreau  ,  baron 
de  Marmande  et  de  Faye ,  eut  de  son  mariage  avec 
Isabelle  de  Bueil  un  fils  unique. 

Bonaventure  Gillier  épousa  Marie ,  fille  de  Phil- 
bert  Babou ,  seigneur  de  la  Bourdaisière.  De  ce  ma* 
riage  sont  issus  René  qui  suit ,  et  Anne ,  épouse  de 
René  de  Larochefoucauld ,  seigneur  de  Neuilly-le- 
Noble  ,  en  Touraine. 

René  Gillier ,  baron  de  Puy-Garreau  et  de  Mar- 
mande, eut  pour  femme  Claude,  fille  de  Pierre  de 
Laval ,  baron  de  Lezay ,  d'où  sont  sortis  Urbain  ,  et 
Magdeleine  ,  épouse  de  Balthazar  le  Breton ,  seigneur 
de  Villandry ,  baron  de  Mondoucet. 

Urbain  Gillier,  marquis  de  Puy-Garreau,  baron 
de  Marmande ,  eut  d'une  épouse  dont  nous  ignorons 
le  nom,  Urbain  et  Gabriel  Gillier,  comte  de  Clé- 
rembault. 

Urbain,  deuxième  du  nom,  marquis  de  Puy-Gar- 
reau ,  baron  de  Marmande,  mourut  sans  postérité. 

Louis  Gillier,  marquis  de  Puy-Garreau,  baron  de 
Marmande  ,  laissa  plusieurs  enfans  sur  lesquels  la 
baronnie  de  Marmande  fut  décrétée  et  adjugée  à 
Gabriel  Gillier,  comte  de  Clérembault,  leur  oncle 
paternel ,  dans  la  famille  duquel  elle  est  restée. 

MÉZIÊRES  ,   MARQUISAT. 

Le  château   de  Mézièrcs  {  Maceria)^  ancienne- 


1^6  HISTOIRE    DE    TOUR  AINE. 

ment  nommé  Mazère ,  du  mot  latin  macéra ,  était 
seulement  du  duché  de  Touraine,  et  situé  sur  la 
Claîse,  dans  la  paroisse  de  Subiray.  Il  y  avait  dans  le 
château  une  chapelle  desservie  par  les  chanoines  du 
heu.  On  donne  à  ce  pays  le  nom  de  Brenne  ;  ainsi 
Tondit  Villiers  en  Brenne  ;  Saint-Siran  en  Brenne,  etc. 
On  croit,  mais  nous  ne  l'affirmerions  pas,  que  cette 
dénomination  lui  vient  de  Geoffroy  de  Brenne,  pre- 
mier mari  de  Jeanne  de  Mézières ,  pour  distinguer 
ce  Mézières  de  plusieurs  autres  lieux  de  Touraine  et 
d'Anjou  qui  portent  le  même  nom.  Cette  seigneurie 
fut  érigée  en  marquisat  en  faveur  de  Nicolas  d'Anjou , 
seigneur  de  Saint-Fargeau ,  fils  de  Nicolas  d'Anjou 
et  d'Antoinette  de  Chabannes ,  par  lettres  patentes 
de  Charles  IX  du  i6  juillet  i566. 

Jeanne  de  Mézières  ,  épousa  Hervé,  troisième  du 
nom,  seigneur  de  Vierzon  ,  fils  de  Guillaume  IL  De 
ce  mariage  naquit  une  fille  unique. 

Jeanne  de  Vierzon ,  dame  de  Mézières  ,  fut  mariée 
deux  fois  :  la  première  à  Geoffroy  de  Brenne,  que 
Ton  suppose  avoir  donné  son  nom  au  pays  de  Brenne. 
Il  était  fils  aîné  de  Robert  de  Brenne,  comte  de 
Dreux  et  seigneur  de  Rochecorbon  ;  et  la  seconde 
à  Geoffroy  de  Brabant,  sire  d'Arschot,  frère  puîné  de 
Jean  ,  duc  de  Brabant.  Jeanne  n'eut  point  d'enfans 
de  Geoffroy  de  Brenne.  Elle  eut  sa  sépulture  dans 
l'église  des  cordeliers  de  Vierzon  qu'elle  avait  fait 
bâtir ,  où  on  lisait  cette  épitaphe  : 

Johanne ,  dame  de  Yierz9n, 
De  Maizière  et  Rochecorbon , 


BJEZIERES.  177 

Cy  fist  l'iune  et  l'autre  maison. 
Dieu  li  face  à  lanue  pardon. 

Nous  aurons  lieu  de  parler  plus  amplement  de 
Geoffroy  de  Brenne,  à  l'article  des  seigneurs  de  Roclie- 
corbon. 

Geoffroy  de  Braban  ,  sire  d'Arschot,  fils  de  Henri, 
duc  de  Brabant,  et  d'Alix  de  Bourgogne,  fut  sei- 
gneur de  Mézières  et  de  Rociiecorbon ,  du  chef  de 
Jeanne  ,  son  épouse.  Il  en  eut  Jean  de  Brabant ,  qui 
suit,  et  Alix,  dame  de  Mézières ,  après  la  mort  de 
son  frère ,  laquelle  fut  mariée  à  Jean ,  baron  d'Har- 
court. 

Jean  de  Brabant ,  seigneur  de  Mézières  et  de  Ro- 
checorbon,  épousa  Marie  ,  dame  de  Mortagne ,  dont 
il  n'eut  point  d'enfans.  Il  fut  tué  à  la  bataille  de 
Coutras,  l'an  1 3o2 ,  laissant  sa  succession  à  son  beau- 
frère,  ou  plutôt  à  Alix,  sa  sœur. 

Jean  d'Harcourt ,  troisième  du  nom ,  dit  le  Boi- 
teux ,  vicomte  de  Chatellerault ,  fils  de  Jean  II ,  dit 
le  Pieux,  maréchal  et  amiral  de  France,  posséda  les 
seigneuries  de  Vierzon  et  de  Mézières,  qui,  comme 
nous  l'avons  dit,  échurent  à  Alix  sa  femme.  Il  mou- 
rut le  9  novembre  iSaô,  laissant  quatre  fils  et  quatre 
filles. 

Jean  d'Harcourt ,  quatrième  du  nom  ,  fils  aîné  du 
précédent ,  seigneur  de  Mézières ,  se  trouva  engagé 
dans  les  intérêts  de  Charles  d'Évreux,  roi  de  Na- 
varre, dit  le  Mauvais.  Arrêté  le  6  avril  i355  ,  son 
procès  lui  fut  fail ,  et ,  ayant  été  condamné  à  avoir  la 
tête  tranchée,  il  fut  exécuté  au  mois  d'avril  i357, 
3.  1^ 


rjS  HISTOIRE    DE    TOCRAINE. 

SOUS  le  règne  du  roi  Jean  :  mais  Charles  V ,  parvenu 
a  la  couronne,  reconnut  que  le  jugement  avait  été 
rendu  avec  trop  de  précipitation,  et  que  les  formalités 
judiciaires  n'avaient  pas  ctë  observées.  En  consé- 
quence, il  rétablit  sa  mémoire  par  une  déclaration  de 
l'année  1 374.  Il  avait  été  marié  avec  Blanche ,  fille 
aînée  de  Jean  de  Ponthieu ,  comte  d'Aumale,  et  de 
Catherine  d'Artois.  De  ce  mariage  sortirent  onze 
enfanis. 

Jean  d'Harcourt ,  sixième  du  nom,  fils  de  Jean  V, 
seigneur  de  Mézières,  fut  marié  a  Catherine,  fille  de 
Pierre  de  Bourbon,  premier  du  nom,  comte  deClei^- 
mont  et  de  la  Marche.  Il  mourut  le  29  février  i388, 
laissant  plusieurs  enfans. 

Jean  d'Harcourt,  septième  du  nom,  vicomte  deClia- 
tellerault,  seigneur  de  Mézières ,  fils  aîné  de  Jean  VI, 
épousa ,  le  1 7  mai  1 389 ,  Marie ,  fille  de  Charles  de 
Yalois ,  comt€  d'Alencon.  Il  eut  avec  son  frère  Louis 
d'Harcourt,  archevêque  de  Rouen  ,  un  différend  re- 
liatif  à  la  succession  de  leur  mère.  Par  un  accord 
fait  entre  eux  le  18  février  i4o4?  Louis  renonça  à 
toutes  ses  prétentions ,  moyennant  la  vicomte  de 
Chatellerault ,  les  seigneuries  de  Mézières  et  de  l'île 
Savary ,  dont  il  jouirait  pendant  sa  vie  seulement. 
Jean  ,  après  la  mort  de  Louis,  étant  rentré  en  posses- 
sion de  ses  domaines,  vendit, en  i44o?  sa  seigneurie 
de  Mézières  et  la  vicomte  de  Chatellerault  à  Charles 
d'Anjou. 

Charles  d'Anjou ,  comte  du  Maine ,  troisième  fils 
<le  Louis  d'Anjou  ,  deuxième  du  nom  ,  roi  de  Sicile 


MÉZièRES.  179 

et  d'Yoland  d'Aragoa  ,  était  né  au  cliàteau  des  Mon- 
tils-les-Tours,en  i4i4-  Il  rendit  aveu  à  Charles  VII 
pour  la  seigneurie  de  Mézières,  au  château  de  Chinon, 
le  i4  janvier  144^5  ^t  mourut  le  16  avril  1472. 
De  sa  seconde  femme,  Isabelle  de  Luxembourg,  il 
eut  Charles  IV,  roi  de  Naples  ,  et  Louise,  femme  de 
Jacques  d'Armagnac,  duc  de  Nemours.  Il  eut  aussi 
deux  fils  et  une  fille  naturels.  Louis,  qui  fut  la  souche 
des  marquis  de  Mézières,  Jean,  mort  sans  postérité, 
et  Jeanne,  mariée  à  N.  d'Autriche. 

Louis  d'Anjou ,  bâtard  du  Maine ,  fut  légitime  à 
Amboise  au  mois  de  mai  1468.  Son  père,  de  son 
vivant ,  lui  avait  donné  la  baronnie  de  Mézières,  par 
lettres  expédiées  à  Poitiers,  le  10  mars  i465.  Cette 
donation  fut  confirmée  le  10  août  suivant,  par 
Charles  IV ,  roi  de  Sicile.  Cent  ans  après  cette  ba- 
ronnie fut  érigée  en  marquisat  par  le  roi  Charles  IX , 
le  16  juillet  i566.  Louis  d'Anjou  fut  marié  à  Anne, 
fille  de  Louis  de  J^a  Trémouille,  premier  du  nom  ,  et 
de  Marguerite  d' Amboise.  De  cette  alliance  vinrent 
Louis,  mort  jeune;  René  qui  suit;  Anne,  et  Renée 
femme  de  François  ,  vicomte  de  Rochechouart ,  tous 
les  quatre  nés  à  Mézières. 

René  d'Anjou,  marquis  de  Mézières,  seigneur  de 
Saint-Fargeau ,  né  à  Mézières,  le  5  octobre  i483, 
servit  dans  la  marine  et  participa  à  la  prise  de  la 
ville  de  Gènes  ,  en  1507.  l\  épousa  Antoinette,  fille 
aînée  de  Jean  de  Chabannes  ,  comte  de  Dammartin , 
et  de  Susanne  de  Bourbon -Roiissillon ,  dont  il  eut 
Nicolas,  Louis  abbé  de  Pont -le- Voy,  et  trois  filles. 


l8o  HISTOIIIE    DE    TOUR  AINE. 

Ce  fut  en  sa  faveur  que  Charles  IX ,  en  1 567  ,  érigea 
la  terre  de  Mézières  en  marquisat. 

Nicolas  d'Anjou ,  marquis  de  Mézières ,  comte  de 
Saint  -  Fargeau ,  eut  pour  femme  Gabrielle  ,  fille 
imique  de  Guy  d'e  Mareuil,  et  de  Catherine  de  Cler- 
mont.  Il  mourut  en  î  568,  ne  laissant  de  ses  cinq  enfans 
qu'une  fille  née  à  Mézières,  le  21  octobre  i55o  ,  et 
mariée  en  1 566  à  François  de  Bourbon  ,  duc  de 
Montpensier. 

François  de  Bourbon ,  dauphin  d'Auvergne  ,  duc 
de  Montpensier,  gouverneur,  lieutenant  -  général 
de  Touraine,  fut  marquis  de  Mézières,  en  i567,  ^ 
cause  de  sa  femme  Renée  d'Anjou,  de  laquelle  il 
n'eut  qu'un  fils. 

Henri  de  Bourbon,  dernier  duc  de  Montpensier, 
prince  de  Dombes ,  marquis  de  Mézières ,  épousa 
Henriette-Catherine  de  Joyeuse,  fille  unique  de 
Henri ,  comte  du  Bouchage ,  maréchal  de  France. 
De  ce  mariage  est  sortie  une  fille  unique. 

Marie  de  Bourbon,  duchesse  de  Montpensier, 
première  femme  de  Gaston  Jean-Baptiste  de  France, 
duc  d'Orléans.  Elle  mourut  au  Louvre,  le  4  juin 
1627. 

Anne-Marie-Louise  d'Orléans ,  duchesse  de  Mont- 
pensier, de  Chatellerault,  de  Saint  -  Fargeau ,  mar- 
quise de  Mézières ,  souveraine  de  Dombes ,  princesse 
de  la  Roche-sur- Yon  et  dauphine  d'Auvergne,  née  à 
Paris,  le  29  mai  1627  ,  et  morte  au  Luxembourg,  le 
5  avril  1693,  sans  avoir  été  mariée.  Avant  sa  mort 
elle  avait  vendu  le  marquisat  de  Mézières  à  N. ,  du- 


MIRÉ.  l8l 

chesse  de  Mortemart ,  qui  Ta  transmis  aux  ducs  de 
son  nom. 

MIRE,  BARONNIE, 

Miré  (  Miriacus  Ficus  ) ,  est  un  bourg  de  très- 
peu  d'importance ,  situe  à  environ  trois  lieues  sud- 
sud-ouest  de  Tours,  entre  les  communes  de  Ballan 
et  d'Artanne  :  mais  ses  landes,  connues  sous  le  nom 
de  landes  de  Gliarlemagne,  ont  droit  à  quelque 
renommée  puisqu'il  paraît  certain  que  c'est  sur  ce  ter- 
rain aride  et  découvert  que  se  donna,  en  7 32,  la  cé- 
lèbre bataille  dans  laquelle  Charles-Martel  défît  les 
Sarrasins,  commandés  par  Abdérame,  qui  y  perdit  la 
vie  ainsi  que  la  plus  grande  partie  de  son  armée. 
Nous  renvoyons  à  ce  sujet  à  ce  que  nous  avons  dit 
de  cette  bataille  dans  notre  troisième  livre ,  année 
782. 

Les  anciens  barons  de  Miré  ne  nous  sont  connus 
que  parce  qu'ils  étaient  au  nombre  des  huit  qui 
avaient  le  droit  de  porter  l'archevêque  de  Tours  ,  le 
jour  de  son  entrée  solennelle  dans  sa  cathédrale. 
Nous  avons  déjà  dit  que,  dans  cette  cérémonie,  le 
baron  de  Miré,  faisant  l'office  d'écuyer-tranchant , 
pouvait  s'approprier  les  couteaux  et  les  fourchettes 
qui  avaient  servi  au  dîné.  Depuis  que  cette  baronnie 
avait  cessé  d'exister,  c'était  l'église  de  Tours  qui  fai- 
sait remplir  par  l'un  de  ses  membres  les  fonctions 
d'écuyer-tranchant.  C'est  en  cette  seule  circonstance 
que  nous  voyons  qu*il  soit  fait  mention  des  barons 


i8a  histoire.de  touba.ine, 

(le  Miré ,  qu'on  ne  voit  point  figurer  ailleurs  clans 
notre  histoire ,  au  point  qu'il  nous  serait  impossible 
d'indiquer  l'origine  de  cette  baronnie,  ainsi  que  l'é- 
poque oii  elle  s'est  éteinte. 

Parmi  les  chevaliers  bannerets,  dont  nous  avons 
donné  la  liste  d'après  André  Duchesne  ,  se  trouve  un 
Guillelmus  de  Meriaco  que  nous  n'oserions  pas  assu- 
rer être  un  baron  de  Miré ,  parce  qu'il  y  a  également 
eu  Touraine  une  commune  de  Méré.  Cependant  les 
noms  chez  Duchesne  sont  écrits  d'une  manière  si 
incorrecte ,  et  la  seigneurie  de  Méré  était  si  peu  im- 
portante ,  qu'il  ne  serait  pas  impossible  que  ce  ban- 
neret  eût  été  réellement  un  baron  de  Miré. 


MONTBAZON,  duché-p/Virie. 

Le  château  et  la  ville  de  Montbazon  (  Mons  Baso- 
nis  )  sont  situés  sur  l'Indre ,  à  trois  lieues  de  Tours, 
sur  la  route  qui  conduit  à  Poitiers.  Le  château  fut 
bâti  à  la  fin  du  dixième  siècle  par  Foulques  Nerra, 
comte  d'Anjou,  seigneur  de  Loches ,  qui  s'emparait 
volontiers  et  sans  titres  des  situations  les  plus  avan- 
tageuses pour  y  construire  des  citadelles.  Les  reli- 
gieux de  Cormery  prétendirent  toujours  que  la  pro- 
priété du  fond  du  château  de  Montbazon  leur 
appartenait ,  et  que  c'était  pour  cela  que  ces  sei- 
gneurs leurs  devaient  cinq  sous  de  rente  payables 
tous  les  ans  dans  une  bourse  neuve,  le  jour  de  la 
conversion  de  saint  Paul,  jour  auquel   ils  avaient 


MOIVTBAZON.  l83 

coutume  d'appeler  le  seigneur  de  Montbazon  à  l'of- 
fertoire de  la  messe. 

Ce  château  ne  fut  pas  plus  tôt  bâti  que,  malgré  la 
distance ,  l'abbaye  de  Cormery  en  sentit  toute  l'in-* 
commodité ,  les  soldats  de  la  garnison  faisant  des 
courses  sur  ses  terres  et  jusqu'à  ses  portes.  Ils  s'en 
plaignirent  à  Foulques,  qui  leur  accorda  des  lettres 
de  sauve-garde  pour  tous  leurs  biens,  lettres  dont  la 
confirmation  par  le  roi  Robert  était  soigneusement 
conservée  dans  les  archives  du  monastère. 

Eudes  II,  comte  de  Touraine,  s'étant  emparé  de 
Montbazon ,  Foulques  Nerra  vint  l'assiéger  dans  le 
dessein  de  le  reprendre;  mais  Eudes  étant  accouru 
au  secours  avec  de  bonnes  troupes,  le  comte  d'Anjou 
fut  obligé  de  se  retirer. 

Ce  fut  en  ce  château  que  Pierre ,  <luc  de  Bretagne , 
qui  avait  succédé  à  François ,  son  frère  aîné ,  vint 
rendre  foi  et  hommage  au  roi  Charles  VII,  le  3  no- 
vembre i45o,  pour  son  duché  de  Bretagne,  ainsi 
que  nous  l'avons  détaillé  dans  notre  histoire. 

Cette  seigneurie  fut  érigée  en  comté  par 
Charles  IX ,  au  mois  de  décembre  1 669  ,  en  faveur 
de  Louis  de  Rohan ,  sixième  du  nom ,  prince  de 
Guémené,  et  depuis,  en  duché-pairie  en  faveur  de 
Louis  VII,  de  Rohan,  par  lettres  données  à  Paris 
au  mois  de  mai  i588,  et  enregistrées  au  parlement, 
séant  à  Tours ,  le  ^7  avril  iSSg.  lia  justice  y  était 
exercée  par  un  bailli,  un  procureur  de  cour  et  un 
greffier.  Douze  paroisses  en  relevaient ,  et  les  appels 
allaient  au  présidial  de  Tours. 


l84  HISTOIRE    DE    TOURAIKE. 

Le  château  n'offre  plus  que  des  ruines  au  milieu 
desquelles  reste  encore  debout  une  grosse  tour  dé- 
gradée seulement  vers  sa  sommité,  sur  laquelle  on 
a  récemment  établi  un  télégraphe. 

On  distingue  deux  familles  de  Montbazon.  La  pre- 
mière n'a  subsisté  que  pendant  un  siècle.  La  seconde 
s'est  fondue  dans  la  maison  de  Rohan.  Un  titre  de 
l'abbaye  de  Cormery ,  sous  le  roi  Robert  II ,  fait  men- 
tion d'un  Godefroy  de  Montbazon.  Un  autre  titre 
parle  d'Aldegaire  de  Montbazon  ;  enfin ,  dans  un  in- 
ventaire des  titres  deMarmoutier,  nous  avons  trouvé 
un  Hugues  de  Pocens,  seigneur  de  Montbazon,  cité, 
ainsi  que  sa  femme  Adenarde,  à  la  date  du  28 
février  1095  :  mais,  selon  toute  apparence,  ils  n'en 
furent  que  gouverneurs,  l'usage  d'alors  étant  que 
ces  sortes  d'officiers  portassent  le  titre  de  seigneurs 
des  lieux  oîi  ils  commandaient. 

Payen  de  Mirebeau ,  autrement  nommé  Hémery 
Payen,  seigneur  de  Colombiers,  est  reconnu  pour  le 
chef  de  la  première  famille  de  Montbazon.  Il  était 
fils  de  Guillaume  de  Mirebeau,  auquel  Foulques 
Nerra  avait  donné  le  gouvernement  de  Montbazon. 
Il  épousa  Bélutea  de  Sainte-Maure ,  dont  il  eut  trois 
enfans,  Jean,  Geoffroy  et  Archambaud  ,  du  consen- 
tement desquels  il  fit  quelques  dons  à  l'abbaye  de 
Fontevraut  sous  le  règne  de  Philippe  T'. 

Jean,  seigneur  de  Montbazon,  épousa,  comme 
nous  l'avons  dit  à  l'article  de  La  Haye,  Cassinotte, 
dame  de  La  Haye,  et  vicomtesse  de  Tours,  du  con- 
sentement de  laquelle  il  ratifia  le  don  fait  par  son 


3IONTBAZOÎÎ.  l85 

père  à  Tabbaye  de  Fon levraut.  On  présume  qu'il  fut 
père  de  Pierre  qui  suit. 

Pierre,  seigneur  de  Montbazon ,  eut  un  fils  nommé 
Jean,  qui  vendit,  en  iii5,  la  seigneurie  de  Mont- 
bazon à  FouIques-le-Jeune ,  comte  de  Touraine, 
entre  les  mains  duquel  et  de  ses  successeurs  elle 
demeura  jusqu'à  Tannée  i2o4,  époque  de  la  ré- 
union de  la  Touraine  à  la  couronne.  En  effet,  Mont- 
bazon fut  donné  en  douaire  à  Eléonore  de  Poitou , 
veuve  de  Henri  II,  roi  d'Angleterre,  et  Ricbard 
Cœur-de-Lion,  son  fils,  l'assigna  pareillement  pour 
douaire  avec  la  ville  de  Loches  à  la  reine  Berengaire, 
son  épouse.  C'est  ici  que  finit  la  première  branche 
des  seigneurs  de  Montbazon. 

Philibert  Savary,  seigneurs  de  Colombiers  ,  reçut 
Montbazon  de  la  générosité  de  Philippe- Auguste.  Il 
mourut  peu  de  temps  après  en  avoir  pris  possession , 
c'est-à-dire  vers  i2o4ou  i2o5. 

Pierre  Savary,  deuxième  du  nom,  seigneur  de 
Montbazon  et  de  Colombiers,  s'obligea,  l'an  1206, 
envers  Philippe-Auguste,  de  remettre  Montbazon 
entre  ses  mains  toute  les  fois  qu'il  en  serait  requis  ; 
promettant  de  ne  le  point  fortifier  sans  son  agrément. 
Ce  même  roi  le  choisit,  en  iii/^,  avec  Guy  Turpin  , 
l'abbé  de  Marmoutier,  et  l'archidiacre  de  Tours, 
pour  traiter  de  la  paix  avec  le  roi  d'Angleterre.  Il 
assista  la  même  année  à  la  bataille  de  Bovines,  et 
donna,  au  mois  de  juillet  1220,  à  l'Hotel-Dieu  de 
Tours  tout  ce  qu'il  possédait  au  heu  de  Bois-Robert, 
dans  la  paroisse  de  Savonnières,  excepté  le  droit  de 


l86  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

chasse.  Il  épousa  la  fille  de  Gautier,  seigneur  de 
Montsoreau.  Un  titre  de  l'abbaye  de  Marmoutier 
BOUS  apprend  qu'elle  se  nommait  Féno,  son  fils 
Emepy  et  ses  filles  Mabille ,  Mathilde  et  Tiphaine. 
Il  paraît  qu'il  y  eut  encore  un  autre  fils  nommé 
Pierre. 

Hëmery  ou  Emery  Savary,  seigneur  de  Montbazon, 
épousa  Alix.  De  cette  alliance  vinrent  Philippe  et 
Pierre  qui,  en  laSa  et  I233,  étaient  sous  la  tutelle 
d'André  de  Chavigny.  Celui-ci  étant  mort,  ils  eurent 
pour  tuteur,  en  1^38  et  1^39,  Pierre,  leur  oncle 
paternel ,  qui ,  suivant  l'usage,  prenait  le  titre  de  sei- 
gneur de  Montbazon.  Alix  était  morte  au  mois  de 
juin  1232. 

Philippe  ou  Philbert  Savary ,  fils  aîné  d'Emery , 
promit  au  roi  saint  Louis ,  Tan  124^,  de  lui  remettre 
son  château  de  Montbazon  quand  il  l'exigerait.  Il 
mourut  en  i2  5o  sans  postérité. 

Pierre  Savary ,  troisième  du  nom  ,  frère  d'Emery , 
s'obligea  en  ia5o  de  payer  au  roi  70  liv.  pour  le 
rachat  de  la  terre  de  Montbazon  qui  lui  était  échue 
par  la  mort  de  Philippe,  son  neveu.  Ses  enfans  furent 
Geoffroy,  et  Renaud  archevêque  de  Tours.  Nous 
trouvons  aussi  un  Jean  de  Montbazon  qui  fit,  avec 
Hugues  de  Ghâtillon ,  une  transaction  que  Geoffroy 
s'obligea,  en  1271 ,  ainsi  que  Guillaimie  de  Sainte- 
Maure,  de  faire  ratifier  par  ses  enfans. 

Geoffroy  Savary ,  autrement  nommé  Payen  Valet, 
assis^ta  Philippe-le-Hardi,  l'an  1 27 1 ,  contre  le  comte  de 
Fôix,  accompagné  d'un  chevalier  et  de  cinq  écuyers. 


MONTBAZON.  187 

Il  fut  fait  chevalier  Fan  1287  ,  et  donna  quittance 
de  22  liv.  qu'il  avait  reçues  propallio  novœmilitiœ. 
Il  épousa  Jeanne  ,  fille  de  Bouchard  VI ,  comte  de 
Vendôme,  morte  le  2  5  décembre  i3o2  ,  et  enterrée 
dans  l'église  des  cordeliers  de  Tours.  Il  paraît  qu'il 
n'en  eut  qu'un  fils. 

Barthélemi ,  premier  du  nom  ,  seigneur  de  Mont- 
bazon ,  de  Colombiers  ,  d'Isernay  et  de  Bois-Robert. 
Il  fut  marié  deux  fois  ;  la  première  avec  Marie ,  fille 
de  Robert  II ,  de  Dreux  ,  et  la  seconde  avec  Jeanne 
Barbe,  dame  de  Grillemont.  Il  mourut  en  i347,  ^^ 
sa  veuve  se  remaria  à  Hugues  de  Villaines.  Les 
enfans  du  premier  lit  furent  Barthélemi,  et  Jeanne, 
femme  de  Hardouin  VI  de  Maillé.  Jean  de  Mont- 
bazon  fut  le  seul  fruit  du  second  mariage. 

Barthélemi  II ,  nommé  ordinairement  Berthelon 
ou  Berthin  ,  eut  trois  enfans  ,  Barthélemi  qui  mou- 
rut en  1349,  ^^"^  enfans  de  Jeanne  de  Maulevrier, 
son  épouse  ;  Renaud ,  et  Jean  avec  lesquels  leur  père 
se  déclara  héritier  de  Barthélemi ,  son  fils  aîné ,  par 
acte  du  5  avril  i35o.  En  i35i ,  il  assigna  une  rente 
de  trois  muids  de  froment  à  l'Hotel-Dieu  de  Tours , 
sur  les  dîmes  de  Savonnières,  moyennant  100  florins 
d'or,  nouvellement  faits  à  VÉcu.  Il  fut  une  des  cau- 
tions du  roi  Jean  ,  et  vivait  encore  en  i362. 

Renaud,  seigneur  de  Montbazon,  fonda  dans  son 
château  une  chapelle,  d'accord  avec  Eustache  d'An- 
thenaise,  son  épouse.  De  leur  mariage,  fait  en  i35o, 
sortit  Aine  fille  unique. 

Jeanne,  dame  de  Montbazon,  Colombiers,  Mont- 


l88  HISTOIRE    DE    TOUR  AINE. 

soreau  ,  etc. ,  fut  mariée  deux  fois  ;  la  première  avec 
Simon ,  fîls  puîné  de  Bouchard  VII ,  comte  de  Ven- 
dôme ,  et  la  seconde  à  Guillaume  II  de  Craon , 
vicomte  de  Ghâteaudun ,  auquel  elle  porta  en  mariage 
les  seigneuries  de  Montbazon ,  Colombiers  ,  Savon- 
nières  ,  Montsoreau ,  la  Perrière ,  Moncontour ,  le 
Brandon,  et  plusieurs  autres  grandes  terres.  Elle 
fit  son  testament  en  1 894 ,  et  eut  sa  sépulture  dans 
l'église  des  Cordeliers  de  Tours. 

Guillaume  de  Craon ,  troisième  du  nom,  seigneur 
de  Montbazon ,  vicomte  de  Ghâteaudun ,  baron  de 
Sainte-Maure ,  Pressigny ,  la  Ferté  -  Bernard  ,  eut  de 
son  alHance  avec  Jeanne  de  Montbazon  :  1°  Guil- 
laume IV;  2**  Jean  ;  3°  Marguerite,  épouse  de  Guy 
de  La  Rochefoucauld;  4°  Marie,  femme  de  Louis  Cha- 
bot; 5"  Isabelle,  qui  épousa  Guillaume  Oudart,  sei- 
gneur de  Verrières;  6"  Louise,  femme  de  Milez  de 
Hangest ,  dit  Rabâche  ;  7'*  enfin  ,  Jeanne ,  femme  de 
Pierre  de  Tournemine ,  seigneur  de  la  Hunaudaye. 

Guillaume  de  Craon,  quatrième  du  nom  ,  cheva- 
lier, seigneur  de  Montbazon,  etc.,  rendit  hommage 
au  roi  Charles  VI ,  en  1 392  ,  pour  les  seigneuries 
de  Montbazon  et  de  Sainte-Maure.  Il  mourut  en 
1396.  D'après  son  testament  fait  en  cette  année, 
son  corps  fut  apporté  aux  Cordeliers  de  Tours ,  où 
il  eut ,  selon  sa  volonté ,  sa  sépulture  auprès  de  sa 
mère. 

Jean  de  Craon,  chevalier,  second  fils  de  Guil- 
laume III,  succéda  à  son  frère,  mort  sans  postérité. 
Il  fut  tué  à  la  bataille  d'Azincourt,   l'an   i4i5  ,  sans 


MONTBAZON.  189 

avoir  eu  d'enfans  de  Jacqueline  de  Montagu ,  son 
épouse  :  sa  succession  échut  ainsi  à  ses  deux  sœurs 
Marguerite  et  Marie  qui  la  partagèrent  en   i4i9- 

Guy  de  La  Rochefoucauld  hérita ,  du  chef  de  Mar- 
guerite de  Craon ,  son  épouse ,  les  seigneuries  de 
Montbazon  ,  Sainte-Maure ,  Nouâtre  et  le  Brandon. 
Marguerite  ayant  survécu  à  son  mari,  elle  rendit 
foi  et  hommage  à  Charles  VII,  pour  les  terres  qu  elle 
possédait.  De  leur  alliance  naquirent  cinq  enfans, 
1"  Foucauld  III;  2°  Aymard;  3"  Hector,  mort  jeune; 
4**  Catherine-Agnès;  5°  Létice. 

Aymard  de  La  Rochefoucauld  eut  en  partage  les 
seigneuries  de  Montbazon ,  de  Sainte-Maure  et  de 
Nouâtre  ,  ce  qui  fut  le  sujet  d'un  procès  entre  sa 
mère  et  lui  ;  mais  ils  transigèrent  le  i8  août  i453. 
De  son  mariage  avec  Jeanne  de  Martreuil,  il  eut 
Jean  qui  suit;  Françoise,  mariéeà  Jean  d'Estoute ville 
chevalier,  seigneur  de  Torcy;  Jeanne,  épouse  de 
Jean  Dufou  ;  et  Guillemette. 

Jean  de  La  Rochefoucauld  mourut  sans  avoir  été 
marié ,  vers  Tan  i465. 

Françoise  de  La  Rochefoucauld  fut  dame  de  Mont- 
bazon ,  de  Sainte-Maure  et  de  Nouâtre ,  par  le  décès 
de  Jean  ,  son  frère.  De  son  mari  Jean  d'Estouteville , 
prévôt  de  Paris ,  et  grand-maître  des  arbalétriers  de 
France,  elle  eut  Louis,  mort  sans  postérité,  laissant 
sa  sœur  Jeanne,  épouse  de  Jean  Dufou  ,  héritière  de 
tous  ses  biens. 

Jean  Dufou,  chevalier,  chambellan  du  roi  Louis  XI, 
et  son  premier  échanson ,  bailli  et   gouverneur  de 


\ 


igO  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

Touraine  ,  fut ,  du  chef  de  sa  femme ,  seigneur  de 
Montbazon  ,  Sainte-Maure  et  Nouâtre.  Il  eut  d'elle 
une  fille  unique. 

Renée  Dufou  fut  mariée  deux  fois  :  la  première 
avec  Louis  de  Rohan ,  seigneur  de  Guémené ,  troi- 
sième du  nom,  mort  le  29  août  149B,  et  la  seconde 
avec  Guillaume  de  La  Marche.  Du  premier  lit  elle 
eut  un  fils  du  nom  de  son  père. 

Louis  IV  de  Rohan ,  seigneur  de  Guémené , 
Montbazon,  etc.,  bailli  et  gouverneur  de  Touraine, 
fut  marié  avec  Marie ,  fille  puînée  de  Jean  II,  vicomte 
de  Rohan ,  qui  le  rendit  père  de  Louis  V  et  de  Renée. 
Louis  V  de  Rohan ,  seigneur  de  Guémené , 
Montauban  ,  Montbazon ,  Sainte-Maure  et  Nouâtre , 
épousa  Marguerite  de  Laval  -  Montmorenci,  dont 
Louis  VI  de  Rohan. 

Louis  VI  de  Rohan,  prince  de  Guémené ,  comte  de 
Montbazon,  etc., sénéchal  d'Anjou,  épousa  Eléonore, 
fille  de  François  de  Rohan  ,  seigneur  de  Gié,  dont  il 
eut  quatre  fils  et  six  filles  :  Louis  qui  suit  ;  Pierre 
prince  de  Guémené;  Hercule;  Alexandre;  Renée, 
Lucrèce  ,  Isabelle ,  Eléonore  ,  Sylvie  et  Marguerite. 

Louis  VII  de  Rohan,  premier  duc  de  Montbazon, 
pair  de  France ,  prêta  serment  en  cette  qualité  ,  le 
^7  avril  1689,  et  mourut  le  1*'  novembre  de  la 
même  année  sans  avoir  été  marié,  de  sorte  que  le 
duché  de  Montbazon  retourna  à  Louis,  pi^ince  de 
Guémené ,  son  père,  qui  en  disposa  en  faveur  d'Her- 
cule de  Rohan,  son  troisième  fils,  du  consentement 
de  Pierre  qui  se  trouvait  son  aîné. 


MONTÉ  AZON.  19 1 

Hercule  de  Rohan ,  duc  de  Montbazon  ,  comte  de 
Rochefort,  grand- veneur  ch  France,  gouvei^neur  de 
Paris  et  de  l'Ile-de-France,  fut  confirmé  dans  le  duché 
ck  Montbazon  que  lui  avait  cède  son  père,  par  lettres 
de  Henri  IV  données  à  Chartres,  au  mois  de  mars  1 594- 
Il  mourut  à  Couziers ,  près  Montbazon  ,  le  1 6  octobre 
1654,  âgé  de  quatre-vingt-six  ans,  ayant  été  marié 
deux  fois.  La  première  à  Madeleine  de  Lénoncourt, 
morte  le  28  août  i6o3  ,  et  la  deuxième  avec  Marie 
de  Bretagne ,  fdle  du  comte  de  Vertus.  Du  premier 
lit  il  eut  Louis  VIII  qui  suit ,  et  Marie ,  femme  du 
connétable  de  Luines.  Il  eut  du  second  lit  François, 
prince  de  Soubise;  Marie-Éléonore,  abbesse  de  Male- 
noûe ,  et  Anne ,  seconde  femme  de  Louis-Charles  , 
duc  de  Luines. 

Louis  VIII  de  Rohan ,  prince  de  Guémené,  due  de 
Montbazon,  grand- veneur,  chevalier  des  ordres  du 
roi.  Il  mourut  à  Paris  le  19  février  1667,  à  soixante- 
huit  ans.  Il  avait  épousé  Anne  de  Rohan ,  princesse  de 
Guémené,  sa  cousine-germaine.  De  ce  mariage  sont 
venus  Louis,  nommé  M.  de  Rohan  et  Charles  qui 
suit. 

Charles  de  Rohan ,  duc  de  Montbazon ,  prince  de 
Gi;émené,  etc. ,  épousa  Jeanne-Armande  fille  de  Henri 
de  Schomberg ,  maréchal  de  France ,  de  laquelle  il  a 
eu  trois  fils  et  trois  filles ,  Charles  ,  Jean-Baptiste  dit 
l'abbé  de  Rohan  ,  et  Jean  dit  le  prince  de  Montau- 
ban;  Thérèse,  Elisabeth  et  Charlotte. 

Charles  II  de  Rohan,  duc  de  Montbazon,  etc.,  fut 
marié  deux  fois.  La  première  ea  août  1678,  a  Marie- 


iga  HISTOIRE   DE   TOURAINE. 

Anne ,  fille  du  duc  de  Luines ,  et  la  seconde  en  dé- 
cembre 1679,  à  Charlotte  -  Elisabeth  de  Cochefilet. 
De  ce  mariage  sont  issus  François-Armand ,  nommé 
le  prince  de  Rohan;  Louis -Henri -Casimir,  nomme 
le  comte  de  Rochefort  ;  le  chevalier  Charles  de  Rohan 
et  cinq  filles,  Charlotte,  Thérèse,  N.  nommée 
mademoiselle  de  Rochefort ,  Marie-Anne  et  Eléonore- 
Angélique,  dont  aucune  ne  fut  mariée. 

François-Armand  ,  prince  de  Guémené ,  duc  de 
Montbazon ,  succéda  à  Charles  II ,  son  père.  Son 
fils,  le  duc  de  Montbazon  ,  est  mort  à  Cousiers,  où  il 
était  dans  une  espèce  d'exil  pour  parvenir  à  l'extinc- 
tion de  ses  dettes. 

Ainsi  que  nous  l'avons  vu ,  plusieurs  terres  impor- 
tantes, telles  que  celles  de  Nouâtre,  de  Colombiers, 
autrement  Villandry,  et  surtout  de  Sainte-Maure , 
étaient  tombées  par  alliance  dans  la  maison  de 
Rohan,  et  avaient  concouru  à  faire  ériger  Montba- 
zon en  duché -pairie.  Ce  fut,  si  l'on  en  excepte  Loudun, 
le  premier  duché -pairie  qui  fut  érigé  dans  la  Tou- 
raine  proprement  dite ,  où  dans  les  derniers  temps 
ils  étaient  au  nombre  de  cinq,  sans  compter  celui  de 
la  province. 

MONGOGER,  duché-pairie. 

Mongoger,  Mongauger,  ou  Mongogier  (^  Mon- 
gaugerius  ) ,  est  un  château  situé  à  environ  huit  lieues 
sud-ouest  de  Tours  dans  une  commune  du  même 
nom  réunie  depuis  à  celle  de  Saint-Epain.  Il  avait 


3I0NG0GER.  igS 

autrefois  donné  son  nom  à  une  famille  de  Mongogier, 
fondue  dans  la  maison  de  Sainte-Maure ,  par  le  ma- 
riage d'une  fille  de  Philippe  de  Mongogier  avec 
Hugues  II ,  seigneur  de  Sainte-Maure.  Depuis  elle 
passa  à  un  puîné  de  cette  maison ,  d'où  sont  venus 
les  Sainte-Maure-Mongogier ,  héritiers  du  nom  et 
des  armes  de  Sainte-Maure.  Cette  terre  fut  par  la 
suite  érigée «n  marquisat,  et  enfin  en  duché-pairie, 
ainsi  que  nous  allons  le  voir. 

Philippe  de  Mongogier  est  le  seul  de  ce  nom  dont 
nous  ayons  connaissance;  il  maria,  comme  nous 
venons  de  le  dire,  sa  fille  à  Hugues  II,  seigneur  de 
Sainte-Maure ,  dont  il  eut 

Pierre  de  Sainte-Maure,  seigneur  de  Mongogier, 
qui  épousa  Mahaud  dont  le  nom  de  famille  n'est  pas 
venu  jusqu'à  nous.  De  ce  mariage  naquirent  quatre 
garçons  et  deux  filles,  savoir  :  Pierre  qui  suit  ,  Guil- 
laume,  chancelier  de  France  en  l'^ig,  Guy  et 
Hugues ,  Jeanne  et  Iseult ,  mariée  à  Geoffroy  de  Pal- 
luau.  On  tient  que  la  branche  de  Sainte-Maure, 
ducs  de  Montausier  et  marquis  de  Jonsac,  tirait  son 
origine  de  ce  Guy  de  Sainte-Maure. 

Pierre  de  Sainte-Maure ,  deuxième  du  nom  ,  sei- 
gneur de  Mongogier ,  fut  marié  à  Marguerite  d'Am- 
boise ,  dame  de  Blo ,  dont  il  eut  : 

Jean  de  Sainte-Maure,  seigneur  de  Mongogier, 
qui  épousa  Jeaime ,  dame  Des  Roches  en  Anjou ,  et  de 
La  Haye-Jouslin.  De  ce  mariage  vinrent  Jean  II  et 
Charlotte  de  Sainte-Maure ,  femme  de  Guy  de  Laval, 
seigneur  de  Loué. 

3  i3 


1^4  HISTOIRE   DE    TODRAIPfE. 

Jean  de  Sainte -Maure  ,  deuxième  du  nom,  sei- 
gneur de  PvTongogier,  de  Nesle,  de  La  Haye  et  Des 
Roches,  prit  alliance  avec  Jacquette  de  Puysieux, 
nièce  de  Renaud  de  Chartres ,  archevêque  de  Reims 
et  chancelier  de  France.  Il  en  eut  un  fils  unique 
nommé  Charles.  Devenu  veuf,  il  se  remaria  avec 
Louise  de  Rochechouart ,  dont  il  eut  un  autre  fils  du 
même  nom  de  Charles. 

Charles  de  Sainte-Maure,  fils  aîné  de  Jean,  sei- 
gneur de  Mongogier  et  de  Nesle,  fut  marié  à  Cathe- 
rine de  Tourville  ,  dont  il  n'eut  qu'une  fille. 

Antoinette  de  Sainte-Maure ,  dame  de  Mongogier 
et  de  Rivarennes ,  fut  mariée  à  Louis  de  Barathon. 
De  leur  mariage  naquit 

Guyonne  de  Barathon ,  qui  porta  en  dot  la  sei- 
gneurie de  Mongogier  à  Jacques  de  Brillouet,  son 
mari ,  dont  elle  n'eut  également  qu'une  fille. 

Charlotte  de  Brillouet  fut  femme  de  Louis  do 
Boauveau,  seigneur  des  Aurais  et  de  Rivarennes. 
Nous  ignorons  s'ils  eurent  des  enfans ,  mais  la  terre 
de  Mongogier  passa  en  d'autres  mains. 

Louis  de  Burgensis  fut  seigneur  de  Mongogier  par 
l'acquisition  qu'il  en  fit.  Premier  médecin  de  Henri  H, 
il  l'avait  été  précédemment  de  François  P"*,  et  con- 
trihua  beaucoup ,  dit-on ,  à  abréger  la  captivité  de 
ce  monarque,  en  persuadant  à  Charles-Quint  que  l'air 
de  Madrid  serait  mortel  à  son  prisonnier ,  qui  pour- 
tant n'était  malade  que  d'ennui;  ce  qui  fit  craindre  à 
l'empereur  de  perdre  les  dix-neuf  cent  mille  écus 
d'or  qu'il  espérait  pour  la  rançon  du  roi.  Ce  médecin 


MONÛOGER.  195 

était  né  a  Bîois,  vers  i494)  ^t?  suivant  la  coutume  de 
SCS  confrères ,  il  latinisa  son  nom  de  Bourgeois  en 
celui  de  Burgensis ,  sous  lequel  il  est  plus  particu- 
lièrement connu. 

Claude  de  Burgensis,  fds  du  précédent,  secrétaire 
des  finances  du  roi,  seigneur  de  Mongogier  et  de 
Saint-Épain  ,  terres  que  ses  héritiers  vendirent  après 
sa  mort. 

Michel  Duguast,  chevalier  de  l'ordre  du  roi,  dont 
nous  avons  parlé  à  l'article  des  gouverneurs  de  la 
ville  et  château  d'Amboise.  De  cent  mille  écus  qu'il 
avait  reçus  pour  l'indemniser  des  fortifications  qu'il 
avait  ajoutées  à  ce  château ,  il  acquit  la  seigneurie 
de  Mongogier,  qui  pour  lui  fut  érigée  en  marquisat, 
et ,  après  sa  mort ,  vendue  par  décret  sur  ses  héri- 
tiers. Elle  rentra  alors  dans  la  maison  de  Beauveau, 
qui  l'avait  déjà  possédée  quelque  temps.  Un  autre 
Louis  de  Beauveau  en  était  possesseur  au  commen- 
cement du  dix-huitième  siècle.  De  lui  elle  est  entrée 
dans  la  maison  de  Choiseul.  C'est  en  faveur  de  César- 
Gabriel,  comte  de  Choiseul-Chevigny,  qu'en  1762 
ce  marquisat  fut  érigé  en  duché-pairie  sous  l'appel- 
lation de  Praslin ,  pendant  le  ministère  de  son  parent 
le  duc  de  Choiscul-Stain ville. 

Regnault-César-Louis  de  Choiseul  fut,  en  1790, 
le  dernier  qui  ait  porté  le  titre  de  duc  de  Praslin. 
La  terre  de  Mongogier  est  encore  possédée  par  une 
dame  du  nom  de  Chois^iul ,  madame  de  Gorlier- 
Choiseul. 


iq6  histoire  de  tour xVine. 

MONTRÉSOR,  comté. 

Montrcsor  (  Mojis  Thesauri  )  est  situé  à  treize 
lieues  sud-est  de  la  ville  de  Tours,  sur  la  rive  gauche 
de  rindrois,  et  à  quatre  lieues  de  Loches.  C'était 
sans  contredit  le  plus  ancien  comté  de  la  province, 
puisque  Balderic  ou  Baudry  ,  abbé  de  Bourgueil  et 
évêque  de  Dol ,  donne  déjà,  vers  j  Ii5,  le  titre  de 
comte  à  Bouchard  I".  A  la  vérité ,  on  ne  voit  pas 
comment  est  venu  aux  seigneurs  de  Mon  trésor  ce 
titre  qui  n'appartenait  alors  qu'aux  plus  grands  sei- 
gneurs, espèce  de  souverains  dans  leurs  possessions. 
Une  tradition  populaire  existe  encore  dans  le  pays 
au  sujet  de  l'origine  du  château  de  Montrésor,  qu'on 
prétend  avoir  été  bâti  par  le  roi  Contran  qui  lui 
imposa  ce  nom  à  cause  d'un  trésor  qu'il  trouva 
dans  ce  lieu.  Voici  la  fable  que  racontent  Aimoin , 
Sigebert  et  Paul  Diacre.  Ils  disent  que  Contran, 
roi  d'Orléans  et  de  Bourgogne ,  s'étant  endormi  près 
d'un  ruisseau  swr  les  genoux  de  son  écuyer,  rêva 
qu'il  était  entré  dans  une  grotte  où  il  avait  trouvé 
un  trésor  inestimable.  A  son  réveil,  son  écuyer  lui 
rapporta  qu'il  avait  vu  sortir  de  sa  bouche  une  espèce 
de  petit  lézard  qui  s'était  dirigé  vers  le  coteau  voi- 
sin ,  d'où  il  était  revenu  reluisant  comme  l'or,  et 
était  rentré  dans  sa  bouche.  Le  roi  fît  alors  fouiller 
dans  le  lieu ,  et  y  trouva  des  richesses  immenses. 
Beaucoup  d'étymologies  reçues  ne  sont  guère  moins 


MONTRESOR.  ig'J 

absurdes.  D'un  autre  coté,  le  fragment  de  l'histoire 
d'Anjou,  écrite  par  Foulques-Réchin  ,  nous  dit  que 
ce  fut  Foulques-Nerra,  son  aïeul,  qui  fît  bâtir  Mon- 
trésor  :  mais  rien  n'est  encore  moins  certain  si, 
comme  le  dit  la  chronique  de  Tours,  le  seigneur  de 
Montrésor  était  du  nombre  de  ceux  qui ,  en 
887 ,  accompagnèrent  Ingelger  dans  son  expédi- 
tion d'Auxerre  pour  reprendre  les  reliques  de  saint 
Martin.  Maan  prétend  au  contraire ,  dans  son  his* 
toire  de  la  cathédrale  de  Tours ,  que  Montrésor  fut 
ainsi  nommé  parce  qu'il  dépendait  de  la  trésorerie 
de  cette  église.  Nous  voyons  en  effet  que  Tarche- 
vêque  Hugues  refusa  de  consacrer  l'église  de  Beau- 
lieu  qu'avait  fait  bâtir  Foulques-Nerra ,  parce  que 
ce  comte  s'était  emparé  du  terrain  sur  lequel  était 
construit  le  château  de  Montrésor,  terrain  qui  était 
la  propriété  de  son  église.  11  résulte  de  ces  diverses 
opinions  que  Montrésor  était  peut-être,  même  avant 
le  huitième  ou  neuvième  siècle,  un  simple  castel 
que  Foulques-Nerra,  grand  constructeur  de  châ- 
teaux ,  aura  fait  agrandir  et  fortifier  en  s'emparant 
pour  cela,  selon  sa  coutume,  des  terrains  qui  pou- 
vaient lui  convenir. 

Il  dut  y  avoir  des  seigneurs  de  Montrésor  depuis 
celui  qui  accompagna  Ingelger;  cependant,  l'histoire 
de  ces  temps  ne  nous  en  indique  aucun. 

Roger,  surnommé  le  Diable,  est  le  premier  que 
nous  voyons  prendre  le  titre  de  seigneur  de  Mon- 
trésor. Il  paraît  assez  probable  qu'il  n'était  que  gou- 
verneur de  ce  château,  mais  que,  suivant  l'usage 


iqS  histoire  de  touraine. 

observé  dans  ce  temps ,  il  s'en  fit  et  en  devint  sei- 
gneur. Il  eut  deux  fils  :  Bouchard  qui  continua  la 
postérité ,  et  Guillaume ,  mort  en  1 07 1 . 

Bouchard,  premier  du  nom.  Balderic,  qui  en  fait 
un  des  héros  de  son  siècle,  dit  de  lui  dans  ses  car* 
mina  heroica. 


Si  quis  Achilleos  roirando  recensuit  actus, 
Actùs  Bucardi  pluris  habens  recolat. 


Il  fut  marié  deux  fois.  La  première  avecEupliémie 
d'Amboise,  fille  de  Lysois  et  d'Elinde  de  Buzançais. 
La  seconde  à  Agnès,  veuve  d'un  marquis  de  Lom- 
bardie,  dont  l'histoire  ne  nous  a  pas  conservé  le 
nom.  Avant  ce  mariage ,  il  s'était  fait  moine  et 
avait  été  relevé  de  ses  vœux  par  le  pape.  Nous 
croyons  qu'il  ne  revint  pas  en  ïouraine  et  qu'il  fit 
l'abandon  de  tous  ses  biens  au  fils  qu'il  eut  d'Eu- 
phémie  d'Amboise,  ainsi  qu'une  fille,  épouse  de 
Robçrt  II,  seigneur  de  Buzançais.  C'est  à  ce  Bou- 
chard I"  que  Balderic,  qui  était  son  contemporain, 
donne  le  titre  de  comte. 

Albéric  de  Montrésor  fut  père  de  Villaine,  autre- 
ment nommée  Wille,  qui  fit  plusieurs  donations  à 
l'abbaye  de  Baugerais.  L'abbé  de  Marolles  croit  que 
cette  Wille  fut  mariée  dans  la  maison  de  Vendôme, 
et  que  d'elle  vint  Mathilde,  mariée  à  Geoffroy  de 
Fallu  au. 

Geoffroy  de  Palluau,  premier  du  nom  ,  seigneur 
de  Montrésor  et  de  Palluau  ,  fit  plusieurs  donations  a 


MOXTRÉSOR.  199 

l'abbaye  de  Baugcrais ,  du  consentement  de  Mabaud 
ou  MatbJlde,  nièce  de  Bartbëlemi  de  Vendôme, 
arcbevêque  de  Tours  en  1 1 74.  H  prêta  serment  de 
fidélité  à  Pbilippe-Auguste ,  en  1 2o5 ,  avec  promesse 
de  lui  remettre  à  sa  volonté  la  forteresse  de  Mon- 
trésor,  sous  la  caution  de  Robert  de  Buzançais.  L'an 
1209,  s'étant  croisé  pour  la  Terre-Sainte,  Guy  Séné- 
baud  renouvela  en  son  nom  la  même  promesse.  Son 
frère  Roger  de  Palluau  était  un  des  cbevaliers  ban- 
nerets  créés,  en  1210,  par  Pbilippe-Auguste.  Geof- 
froy était  fils  de  Haraud  de  Palluau.  Il  eut  de  Ma- 
llîilde,  son  épouse  :  Boucbard  qui  suit,  Guy  de 
Palluau,  seigneur  de  Langé  en  i23i  et  i236,  Jean, 
Isabelle  ,  Pierre ,  seigneur  d'Oigniez  dans  la  paroisse 
de  Préaux  en  1 2^5  ,  et  Eglantine  de  Palluau ,  femme 
de  Renaud  de  Pressigny.  Matbilde  testa  en  1235, 
et  donna  dix  sous  de  renie  a  l'abbaye  de  Baugerais 
pour  célébrer  son  anniversaire. 

Boucbard  de  Palluau,  seigneur  de  Montrésor, 
deuxième  du  nom,  fît,  en  1239,  une  fondation  à 
l'abbaye  de  Baugerais,  du  consentement  de  Marie, 
son  épouse.  De  celte  alliance  sortirent  Geoffroy  et 
Adenorde,  ou  Honneur ,  religieuse  h  l'abbaye  de  la  Vir- 
ginité. Son  frère  Geoffroy  et  son  oncle  Pierre  de 
Palluau  lui  assurèrent  sa  vie  durant  21  liv.  de  rente, 
et  deux  muids  et  demi  de  méteil,  racbelables  moyen- 
nant quarante  sous  de  rente.  Ils  en  donnèrent  leurs 
lettres  au  mois  de  décembre  1254. 

Geoffroy  de  Palluau ,  deuxième  du  nom ,  dit 
Payen,  cbevalier,  fît,  en  I255,  le  voyage  de  Jéru- 


200  IlISTOIRB   DE   TOURAINE. 

salem.  En  127 1  ,  il  donna  à  l'abbaye  de  Bau gérais 
les  forges  qu'il  avait  dans  le  bois  de  Chédon.  Il  eut 
de  sa  femme,  dont  le  nom  n'est  pas  venu  jusqu'à 
nous  ,  Geoffroy,  Marguerite  et  Perrenelle ,  religieuses 
à  l'abbaye  de  la  Virginité. 

Geoffroy  de  Palluau,  troisième  du  nom,  était  sei- 
gneur de  Montrésor,  en  1276;  il  l'était  encore  en 
1297, comme  on  le  voit  par  la  donation  de  six  livres 
de  rente  à  prendre  sur  la  taille  de  Montrésor ,  qu'il 
fit  à  l'abbaye  de  la  Virginité,  en  considération  de  ce 
que  ses  deux  sœurs  y  avaient  été  i^ecues  religieuses. 
Il  eut  de  Marguerite,  son  épouse,  Bouchard  et 
Geoffroy. 

,  Bouchard  de  Palluau ,  troisième  du  nom ,  seigneur 
de  Montrésor,  de  Luçay-le-Mal  et  de  la  Motthe, 
donna  ,  en  iv3io,  dix  livres  de  rente  à  l'abbaye  de 
Villeloin,  où  il  eut  sa  sépulture.  Il  était  mort  avant 
i3f9;  car,  en  cette  année,  Hélie  de  Brosse,  cheva- 
lier ,  qui  probablement  était  tuteur  de  son  fils ,  rendit 
hommage  en  son  nom  à  Philippe-le-Long  pour  la 
seigneurie  de  Montrésor.  L'aveu,  qui  est  daté  du  lundi 
avant  la  Toussaint ,  porte  qu'il  est  dû  quarante  jours 
de  service  au  roi,  dans  son  ost.  Ce  fils  mineur  étant 
mort  jeune,  l'héritage  échut  à  Geoffroy,  son  oncle. 

Geoffroy  de  Palluau,  quatrième  du  nom,  seigneur 
de  Montrésor,  etc.,  succéda  à  son  neveu.  Nous  avons 
de  lui  deux  titres  de  i325  et  i335,  relativement  à 
cinq  sous  de  rente  qu'il  reconnaît  devoir  ^  l'abbaye 
de  Baugerais  à  cause  de  son  château  de  Montrésor. 
Il  épousa  Iseult  de  Sainte-Maure,  sœur  de  Guillaume, 


MONTRKSOR.  201 

chancelier  de  France,  et  il  en  eut  Pierre,  et  Isabelle 
de  Palluaii,  à  laquelle  cet  oncle  Guillaume  laissa 
par  son  testament  du  17  janvier  i334  mille  liv. 
qu'il  lui  avait  promises  en  mariage ,  et  mille  autres 
liv.  qu'il  ordonna  lui  être  payées  par  Pierre  de  Pal- 
luau,  son  frère.  L'abbé  de  Marolles  a  cru  qu'Iseult 
était  femme  de  Pierre  de  Palluau  ;  mais  il  s'est  trompé, 
puisqu'il  est  certain  qu'elle  était  sa  mère. 

Pierre  de  Palluau,  chevalier,  seigneur  de  Mon- 
trésor,  etc.,  donna  à  l'abbaye  de  Baugerais,  en 
1371,  une  rente  de  quatre  septiers  de  seigle,  à  la 
charge  de  deux  messes  solennelles  par  an,  et  en 
iSqt  il  ratifia  la  donation  faite  par  son  aïeul  à  l'ab- 
baye de  Villeloin  ,  en  i3io.  Il  eut  un  fils  d'une 
femme  qui  ne  nous  est  pas  connue. 

Jean  de  Palluau  ,  seigneur  de  Montrésor ,  etc. , 
fils  du  précédent ,  mourut  sans  alliance,  de  sorte  que 
sa  succession  échut  à  son  cousin  Jean  deBueil  qui  suit. 

Jean  de  Bueil,  chevalier,  grand-maître  des  arba- 
létriers de  France  ,  petit-fils  de  Jean  II  de  Bueil  et  de 
N.  de  Palluau,  fit  hommage  au  roi,  à  cause  de  sa 
seigneurie  de  Montrésor,  le  2  octobre  1398.  Il  fut 
marié  à  Marguerite,  fille  de  Beraud  II,  comte  de 
Clermont,  dauphin  d'Auvergne,  et  de  Marguerite  dç 
Sancerre.  De  ce  mariage  vinrent  Jean  ,  Pierre ,  Louis 
et  Anne. 

Jean  de  Bueil,  deuxième  du  nom,  chevalier,  sire 
de  Bueil,  amiral  de  France,  comte  de  Sancerre  et 
de  Montrésor ,  vendit  cette  dernière  terre  le  5  mars 


202  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

i45i,  à  André  de  Villequier,  fils  de  Colas  et  de 
Marie  de  Gamaclie. 

André,  baron  de  Villequier,  vicomte  de  la 
Gnierche ,  capitaine  de  cinquante  hommes  d'ar- 
mes, et  premier  gentilhomme  de  la  maison  du  roi 
Charles  VI,  eut  d'Antoinette  de  Maignelais ,  son 
épouse ,  Artus  de  Villequier ,  vicomte  de  la  Guierche, 
et  Antoine  qui  suit.  Artus  se  disait  seigneur  de  Mon- 
trésor  en  i483  :  mais  il  est  certain  que  cette  sei- 
gneurie passa  ensuite  à  son  puîné. 

Antoine  de  Villequier ,  seigneur  de  Montrésor , 
vicomte  de  Saint-Sauveur-le-Vicomte,  épousa  Char- 
lotte de  Bretagne,  sur  lesquels  la  seigneurie  de  Mon- 
trésor fut  vendue  par  décret  en  1491  ^  Imbert  de 
Bastarnay,  second  fils  d'Artaud  de  Bastarnay  et  de 
Catherine  Gastonne. 

Imbert  de  Bastarnay  ,  chevalier,  baron  du  Bou- 
chage et  d'Auton ,  seigneur  de  Montrésor  et  de 
Bridoré,  chambellan  de  Louis  XI,  rendit  foi  et  hom- 
mage-lige,  en  1495,  au  roi  Charles  VIII,  pour  la 
seigneurie  de  Montrésor.  Il  y  fonda,  le  16  mars  1 5^  i , 
une  collégiale  dont  le  chapitre  était  composé  d'un 
doyen ,  un  chantre  et  six  autres  chanoines.  Mort  le 
î'j.  mai  iDi3,  il  eut  sa  sépulture  dans  l'église  de 
cette  collégiale.  Il  avait  épousé  Georgette ,  fille  de 
Falco  de  Monchenu,  qui  mourut  le  2  août  i5ii ,  et 
fut  enterrée  auprès  de  son  mari.  De  cette  alliance 
naquirent  Jean,  mort  sans  lignée,  François ,  mort 
de  même  avant  son  père,  mais  ayant  épousé,  le  99 


4 


]MO!STPÉSOR.  203 

mai  i5oa,  Françoise  de  Maillé ,  dont  il  eut  un  fils 
qui  continua  la  postérité,  et  deux  filles,  l'une  mariée 
à  Jean  de  Dailloii,  comte  du  Lude,  et  l'autre  à  Jean 
de  Poitiers  de  Saint-Vallier. 

René  de  Bastarnay ,  chevalier,  seigneur  du  Bou- 
chage, d'Auton,  de  Montrésor,  de  Bridoré,  de 
Saint-Michel ,  etc. ,  fils  de  François ,  dont  nous  venons 
de  parler,  rendit  foi  et  hommage  au  roi  en  i53q, 
pour  son  château  de  Montrésor.  De  son  alliance  avec 
Isaheau  ,  fille  de  René  ,  bâtard  de  Savoie ,  comte  de 
Villars,  vinrent  Claude,  tué  à  la  bataille  de  Saint- 
Denis  en  1567,  âgé  de  vingt-deux  ans,  sans  laisser  de 
postérité  de  sa  femme  Jacqueline,  comtesse  do  Montbel; 
René,  mort  jeune;  Françoise,  épouse  de  François 
d'Ailly,  vidame  d'Amiens,  qui  suit;  Marie,  femme 
de  Guillaume  II  de  Joyeuse ,  maréchal  de  France  ; 
Anne,  morte  sans  enfans  de  l'amiral  Bernard  de  La 
Valette  ;  Henriette ,  morte  sans  alliance  ,  et  Gabrielle, 
mariée  à  Gaspard  de  la  Châtre.  René  de  Bastarnay 
et  Isaheau  ,  son  épouse  ,  furent  inhumés  dans  l'église 
de  Montrésor,  où  l'on  voyait  leur  tombeau.  Ce  céno- 
taphe se  composait  d'un  dé  de  marbre  blanc,  posé 
sur  un  socle  de  marbre  noir  et  surmonté  d'une  table 
de  même  marbre  sur  laquelle  étaient  couchées  trois 
figures  de  marbre  blanc,  représentant  au  milieu 
Isaheau,  à  droite  René,  son  mari,  et  à  gauche 
Claude,  son  fils.  Dans  les  quatre  niches  des  angles, 
on  avait  sculpté  les  quatre  évangélistes,  et  dans 
douze  autres  niches  les  douze  apôtres ,  le  tout  en 
marbre  blanc.  Claude  avait  eu  sa  sépulture  particu- 


204  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

lière  dans  chapelle  du  château ,  sur  laquelle  on 
avait  élevé  un  piédestal  de  pierre  surmonté  d'un 
bloc  de  marbre  noir.  Les  quatre  faces  de  ce  pilier 
étaient  revêtues  de  panneaux  de  marbre  blanc  sur 
l'un  desquels  on  lisait  : 

a  Cy  gist  enclos  le  cœur  de  feu  haut  et  puissant 
«  seigneur  messire  Claude  de  Bastarnay,  chevalier, 
«  baron  d'Auton ,  capitaine  de  cinquante  hommes 
«  d'armes  des  ordonnances  du  roi ,  gentilhomme 
«  ordinaire  de  la  chambre  de  Sa  Majesté ,  capitaine 
ce  et  gouverneur  du  Mont-Saint-Michel ,  lequel  décéda 
a  à  Paris  le  dix-huitième  jour  de  novembre  1667  , 
«  estant  au  vingt-deuxième  an  de  son  âge.  » 

Ces  monumens  ont  été  impitoyablement  détruits 
aux  époques  désastreuses  de  la  révolution. 

François  d'Ailly ,  vidame  d'Amiens  ,  fut  seigneur 
de  Montrésor,  du  chef  de  Françoise  de  Bastarnay, 
son  épouse  :  mais  il  n'en  eut  point  d'enfans.  Elle 
mourut  en  grande  réputation  de  sainteté,  le  17 
octobre  161 7,  âgée  de  quatre-vingts  ans,  et  fut 
enterrée  dans  l'église  de  Montrésor. 

Henriette  -  Catherine  de  Joyeuse ,  fille  unique  de 
Henri ,  second  fils  de  Guillaume  de  Joyeuse  et  de 
Marie  de  Bastarnay ,  hérita  la  seigneurie  de  Mon- 
trésor, en  1617,  par  la  mort  de  Françoise,  sa  grand' 
tante  maternelle;  mais  elle  ne  la  garda  pas  long- 
temps, et  la  vendit  en  1620  à  Henri  de  Bourdeilles, 
son  cousin,  du  consentement  de  Charles  de  Lorraine, 
duc  de  GuiseJ,  sou  second  mari.  Elle  avait  été  mariée 
en  premières   noces  à  Henri   de  Bourbon ,  duc  de 


MONTRKSOR.  ao5 

Montpensier,  dont  elle  eut  Marie  de  Bourbon,  épouse 
de  Gaston  d'Orléans,  frère  unique  de  Louis  XIÏI. 

Henri  de  Bourdeilles,  vicomte  et  baron  de  Bour- 
deilles ,  chevalier  des  ordres  du  roi ,  s'allia  avec 
Madeleine,  fille  de  Gaspard  de  la  Châtre,  et  de 
Gabrielle  de  Bastarnay,  dont  il  eut  François -Sicaire 
de  Bourdeilles,  marquis  d'Orchiac,  et  Claude  qui 
suit. 

Claude  de  Bourdeilles,  comte  de  Montrésor,  abbé  de 
Launay  .11  mourut  sans  postérité  en  1 663.  Ainsi  que  son 
grand-oncle  Brantôme ,  ila  laissé  desmémoires  curieux 
en  deux  volumes,  connus  sous  le  nom  de  Mémoires 
de  Montrésor.  On  a  dit  que  c'était  en  sa  faveur 
que  cette  terre  avait  été  érigée  en  comté ,  mais  il 
serait  difficile  d'en  produire  la  preuve.  Nous  avons 
indique  au  commencement  de  cet  article  que  Mon- 
trésor jouissait  de  ce  titre  plus  de  cinq  cents  ans 
auparavant. 

Paul  de  Beauvilliers ,  duc  de  Saint-Aignan ,  pair 
de  France,  gouverneur  des  ducs  de  Bourgogne, 
d'Anjou  et  de  Berry,  ministre  d'État,  fut  comte  de 
Montrésor  par  l'acquisition  qu'il  fit  de  cette  terre 
après  la  mort  de  Claude  de  Bourdeilles. 

On  peut  voir  à  l'article  de  Loches  la  suite  des 
ducs  de  Saint-Aignan ,  qui  furent  en  même  temps 
comtes  de  Montrésor ,  jusqu'en  ces  derniers  temps, 
c'est-à-dire  jusqu'en  1790,  que  cette  terre  était  pos- 
sédée par  indivis  entre  Paul-Marie-Vicloire  de  Beau- 
villiers, duc  de  Saint-Aignan,  Charles-Paul-Fran- 
çois de  Beauvilliers,  comte  de  Buzançais,  et   leur 


206  HISTOIRE   DE  TOURAINE. 

sœur  Colette  -  Marie  -  Paul  -  Hortense  -  Bernardine  , 
épouse  d'Antoine -Charles -Guillaume,  marquis  de 
La  Roche-Aymon,  qui  en  est  resté  propriétaire. 

La  petite  ville  de  Montrésor  n'est  pas  très-ancienne 
et  paraît  n'avoir  dû  son  existence  qu'au  cliateau  d'où 
elle  a  tiré  son  nom.  Ce  château ,  autrefois  flanqué  de 
tours ,  et  entouré  de  douves  profondes ,  est  aujour- 
d'hui tout-à-fait  ruiné. 

L'église  fondée  par  Imbert  de  Bastarnay  en  i5ai  , 
fondation  ratifiée  en  iSiS  par  Fournier  de  Beaune , 
archevêque  de  Tours,  ne  fut  construite  qu'en  i5/|4? 
par  René  de  Bastarnay. 

MONTRICHARD ,  ville. 

Cette  ville,  nommée  en  latin  Mons  Ricardi  o\x 
Mons  Tricardi  et  située  sur  le  Cher  à  neuf  lieues 
de  Tours  du  côté  du  levant,  avait  toujours  fait  partie 
de  la  Touraine,  et  n'en  a  été  distraite  que  depuis  la 
nouvelle  division  du  territoire  de  la  France.  Son 
château  fut  bâti  par  Foulques-Nerra,  au  retour  de 
son  premier  voyage  à  la  Terre-Sainte,  environ  l'an 
loio,  pour  réprimer  les  courses  des  seigneurs  de 
Pont-le-Voy  et  de  Saint-Aignan,  qui  incommodaient 
les  habitans  d'Amboise  et  de  Loches.  Rigord ,  histo- 
rien presque  contemporain,  dit  qu'il  fut  nommé 
Montrichard ,  c'est-à-dire  Montrlcheur,  ou  trom- 
peur ,  parce  qu'il  fallait  y  monter  par  un  chemin 
fort  étroit  et  presque  impraticable.  Mais  cette  éty- 
mologie  ressemble  beaucoup  à  celles  dont  nous  avons 


MONTRICHARD.  207 

eu  lieu  de  parler.  La  propriété  du  fonds  où  fut  bâti 
ce  château  appartenait  à  Gelduin ,  premier  du  nom, 
seigneur  de  Saumur  et  de  Pont-le-Voy,  qui  se  plai- 
gnit de  celte  entreprise  à  Eudes  II,  comte  de  Tou- 
raine  et  de  Blois.  Le  comte  aussitôt  manda  ses  vas- 
saux pour  l'aider  à  venger  Gelduin.  Ayant  donc 
rassemblé  ses  troupes  ,  il  leur  donna  rendez-vous  à 
Pont-le-Voy,  où  il  ne  tarda  pas  à  les  rejoindre  : 
mais  Foulques-Nerra ,  s'étant  mis  en  mesure  de  dé- 
fendre sa  conquête,  alla  au-devant  du  comte  de  Blois, 
et  gagna  la  bataille  de  Montricbard  ou  de  Pont-le- 
Voy,  qui  se  donna  le  i6  juillet  1016,  et  dont  nous 
avons  fait  le  récit  dans  le  quatrième  livre  de  notre 
Histoire. 

Le  château  étant  tombé  au  pouvoir  des  seigneurs 
d'Amboise  ,  héritiers  de  Gelduin,  Hugues  I"',  sei- 
gneur d'Amboise ,  fît  bâtir  la  grosse  tour  de  Montri- 
cbard, avec  la  grande  salle  à  coté.  Il  fut  depuis  for- 
tifié de  nouveau  par  les  rois  d'Angleterre,  comtes  de 
Touraine ,  qui  étaient  obligés  d'y  entretenir  une 
garnison  de  cinq  cents  hommes  pendant  la  guerre. 
La  ville  et  le  château  furent  pris  d'assaut,  en  1 188, 
par  Philippe- Aiigusle  :  mais  deux  ans  après  ils  furent 
rendus  au  roi  d'Angleterre  par  le  traité  fait  à  Colom- 
biers, près  Tours,  le  5  juillet  1190,  et  Richard 
Cœur-de-Lionfît  alors  rétabhr  le  château  et  renfermer 
la  ville  de  murs.  Ce  château,  étant  retourné  entre  les 
mains  des  seigneurs  d'Amboise  qui  y  entretenaient 
garnison  ,  fut  pris  par  Foulques-Guidas,  capitaine 
d'Amboise,  et  Jamet  Dutillay,  capitaine  de  Blois, 


ao8  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

qui  y  entrèrent  par  Fentremise  d'un  maçon  occupé  à 
réparer  une  brèche. 

Montrichard  fut  pris  au  mois  de  septembre  iSSg, 
par  Claude  de  Marolles ,  l'un  des  plus  fameux  ligueurs. 
Ayant  fortifié  le  château  à  la  hâte  ;  il  fit  des  courses 
jusqu'aux  portes  de  Tours  :  mais  La  Trémouille  ayant 
été  désigné  pour  marcher  contre  lui ,  et  le  roi  étant 
alors  près  de  se  rendre  à  Tours ,  Marolles  n'attendit 
pas  son  arrivée,  et  rendit  la  place. 

Roger,  que  nous  avons  vu  premier  seigneur  de 
Montrésor ,  le  fut  aussi  de  Montrichard  ;  il  n'avait 
d'abord  été  établi  que  gouverneur  de  ces  places, 
dont  il  finit  par  se  rendre  tout-à-fait  propriétaire. 

Bouchard ,  fds  de  Roger.  (  Voj.  son  article  aux 
seigneurs  de  Montrésor.  ) 

Albéric  ,  fils  de  Bouchard,  seigneur  de  Montrésor, 
eut  un  démêlé  pour  la  propriété  de  Montrichard 
avec  Sulpice  d'Amboise  ,  premier  du  nom,  son  oncle 
maternel ,  qui  avait  épousé  Denise  de  Fougère, 
petite-fille  de  Gelduin  de  Pont-le-Voy.  Sulpice  pré- 
tendait que  le  château  de  Montrichard  avait  été  bâti 
sur  un  fonds  appartenant  à  Gelduin,  dont  il  était 
héritier  universel.  Le  différend  fut  terminé  à  l'amiable 
par  leurs  amis  communs ,  a  condition  qu'Alberic  et 
ses  successeurs  tiendraient  la  ville  et  le  château  de 
Montrichard  à  foi  et  hommage  des  seigneurs  d'Am- 
boise. Mais  après  la  mort  de  Sulpice,  Albéric  ayant 
refusé  de  rendre  hommage  à  Hugues ,  son  fils  amé , 
ce  seigneur  assembla  ses  sujets  et  ses  vassaux  pour 
le  ramener  à  son  devoir.  Ceux  de  Sainte-Maure  et 


MONTRICHARD.  aOQ 

de  La  Haye  vinrent  au  secours  d'Albéric ,  de  sorte 
qu'il  y  eut  de  part  et  d'autre  plusieurs  combats  dont 
eurent  a  souffrir  les  campagnes  voisines  d'Amboise , 
de  Loches ,  de  La  Haye  ,  de  Sainte-Maure ,  de  Mon- 
trésor  et  de  Montrichard.  Epfin^  Hugues  ayant  invo- 
qué l'appui  de  Raoul  de  Beaugency,  de  Piobert  de 
Rocliecorbon  et  de  plusieurs  autres,  rencontra  x\lbé- 
ric  dans  cette  partie  de  la  Touraine  qu'on  appelle 
Champagne,  et  après  un  assez  long  combat  le  défit 
complètement,  prit  douze  chevaliers,  fit  une  cen- 
taine d'autres  prisonniers,  et  alla  mettre  le  siège  de- 
vant Montrichard  :  mais  il  se  hâta  de  le  lever  sur 
l'avis  qu'il  reçut  que  le  comte  d'Anjou  venait  au 
secours  des  assiégés.  Il  y  retourna  quelque  temps 
après,  et  attaqua  la  place  avec  tant  de  valeur  qu'elle 
fut  obligée  de  capituler.  Montrichard  alors  fut  mis 
en  dépôt  entre  les  mains  du  comte  d'Anjou ,  qui  le 
rendit  à  Hugues,  en  iiio,  après  s'être  fait  rem- 
bourser de  ce  qu'il  avait  dépensé  pour  les  nouvelles 
fortifications. 

Louis ,  dernier  seigneur  d'Amboise  et  de  Montri- 
chard, vit,  comme  nous  l'avons  dit  ailleurs,  tous  ses 
biens  confisqués  et  réunis  à  la  couronne.  Mais  Mon- 
trichard se  trouvant  au  nombre  de  ceux  qui  lui 
furent  rendus,  il  le  vendit ,  le  18 mars  i448  ?  ^  Guil- 
laume d'Harcourt  et  à  Perrenelle  d'Amboise,  sa 
femme ,  moyennant  la  somme  de  onze  mille  ëcus. 

Guillaume  d'Harcourt,  comte  de  ïancarville, 
vicomte  de  Meulan ,  baron  de  Mongommeri ,  après 
la  mort  dePerrcnelle  d'Amboise,  sa  première  femme, 

3.  i4 


aïO  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

épousa,  au  mois  de  juillet  t454  ,  Yolaiid  de  Laval, 
et  échangea  avec  Louis  XI  la  seigneurie  de  Moutri- 
chard ,  contre  la  vicomte  de  Gournay  en  Normandie 
et  La  Ferté  en  Bray,  par  contrat  passé  à  Tours,  le 
5  novembre  i46i .  Depuis,  sous  le  règne  de  Louis  XII, 
la  ville  et  le  château  de  Montrichard  furent  aliénés 
à  faculté  de  rachat  perpétuel  au  seigneur  de  Gri- 
gnault ,  pour  la  somme  de  7000  liv.  qui  fut  rem- 
boursée à  ses  héritiers. 

Jacques  de  Génouillac,  dit  Galiot,  sénéchal  d'Ar- 
magnac, chevalier  de  l'ordre  du  roi,  grand-écuyer 
de  France  et  général  d'artillerie ,  obtint,  en  i5i6,  de 
François  I" ,  la  terre  et  seigneurie  de  Montrichard 
avec  tous  les  droits  de  justice  pour  la  somme  de 
ao,ooo  ducats  que  ce  roi  lui  avait  accordés  pour 
récompense  de  ses  services,  à  la  charge  de  rem- 
bourser les  héritiers  Grignault.  Ce  fut  lui  qui  fit 
bâtir  le  palais ,  le  minage  et  la  boucherie.  Il  mourut 
en  1 546 ,  et  fut  enterré  aux  Célestins  de  Paris.  Mon- 
trichard étant  depuis  rentré  à  la  couronne ,  la  reine 
Eléonore  d'Autriche ,  veuve  de  François  I" ,  Marie 
Stuart,  veuve  de  François  II,  et  François  de  France, 
duc  de  Touraine ,  en  jouirent  à  titre  d'apanage. 

Scipion  de  Piovenne,  chevalier,  seigneur  de  Fou- 
chant  en  Touraine ,  eut  aussi  la  jouissance  de  Mon- 
trichard, qui  lui  fut  donné  par  François  II,  en  i55g, 
avec  la  charge  de  grand-écuyer. 

Philippe  Huraut ,  chevalier,  comte  de  Chiverny, 
chancelier  de  France,  acheta  Montrichard  de  HenrillI, 
le  23  octobre  i585  ,  pour  la  somme  de  6,1 34  écus, 


MONTRICHARD.  »         211 

à  faculté  de  rachat  perpétuel ,  et  il  en  jouit  tant 
qu'il  vécut.  Il  mourut  le  29  juillet  1699,  ayant 
épousé  Anne,  fille  du  premier-président  Christophe 
de  Thou,  dont  il  eut  Henri,  comte  d'Esclimont; 
Henri,  comte  de  Chiverny;  Louis  qui  suit;  Margue- 
rite, Anne  et  Catherine. 

Louis  Huraut,  comte  de  Limours ,  baron  de  Vriel, 
fut  seigneur  de  Montrichard  après  son  père.  Il 
épousa  Isabelle  d'Escoubleau ,  dont  il  n'eut  point 
d'enfans,  ce  qui  le  décida  à  vendre  Montrichard  à  la 
marquise  de  Sourdis,  sa  belle-sœur. 

Jeanne  de  Monluc ,  épouse  de  Charles  d'Escou- 
bleau ,  marquis  de  Sourdis  et  d'Alluye  ,  dame  de 
Montrichard,  laissa  pour  enfaus  Paul,  marquis  d'Al- 
luye; Henri,  comte  de  Monluc;  l'abbé  et  le  cheva- 
lier de  Sourdis  ,  et  Isabelle,  femme  d'Antoine  Rusé, 
marquis  d'Effiat ,  père  d'Antoine  qui  suit  : 

Antoine  Rusé,  marquis  d'Effiat,  premier  écuyer 
du  duc  d'Orléans,  eut  Montrichard  dans  son  partage. 
,  Il  avait  épousé  Marie-Anne ,  fille  de  Louis'  Olivier , 
marquis  de  Leuville ,  dont  il  n'eut  point  d'enfans. 

La  terre  de  Montrichard  est  tombée  ensuite  à  la 
princesse  de  Chabanais ,  puis  à  son  fils  le  marquis 
deChabanais,  en  son  nom  Colbert  de  Saint-Pouange, 
et  est  enfin  rentrée  au  domaine  royal. 

La  paroisse  de  Notre-Dame  est  située  dans  le 
faubourg  de  Nanteuil  ;  mais  il  y  a  dans  l'intérieur 
de  la  ville  une  succursale  sous  l'invocation  de  sainte 
Croix. 

Un  hôpital  fut  fondé  à  Montrichard ,  vers  la  fin 

14. 


212  HISTOIRE  DE  TOIl RAINE. 

du  dix-seplième  siècle,  par  le  marquis  d'Effiat ,  sei- 
gneur engagiste,  pour  y  recevoir  six  pauvres  in- 
firmes ,  savoir  :  deux  de  la  ville ,  deux  de  Ghissay , 
et  deux  de  Cinq-Mars-îa-Pile.  Il  y  avait  en  outre  un 
couvent  de  religieuses  ursulines. 

NOUATRE,BARONNIE. 

La  baronnie  de  Nouâtre  (  Noastrum) ,  située  sur 
la  Vienne  au-dessus  de  l'île  Bouchard ,  peu  considé- 
rable d'ailleurs  ,  ne  figure  ici  que  sous  le  rapport  de 
son  ancienneté.  Il  y  a  eu  autrefois  une  famille  du 
nom  de  Nouâtre,  mais  dont  il  serait  impossible  au- 
jourd'hui de  retrouver  la  filiation.  Nous  nous  borne- 
rons donc  à  indiquer  ce  que  nous  avons  pu  recueillir 
dans  quelques  anciens  litres. 

Marray,  baron  de  Nouâtre ,  vivait  en  1027.  C'est 
ce  qu'on  voit  par  un  titre  du  monastère  de  Cormery , 
dont  Bouchard  était  alors  abbé.  Il  eut  un  fils  du 
même  nom. 

Marray  II ,  baron  de  Nouâtre ,  fils  et  héritier  du 
précédent.  Nous  ignorons  de  même  avec  qui  il  prit 
alliance  de  laquelle  sortit  celui  qui  suit. 

Gueunon  ou  Ganillon,  baron  de  Nouâtre,  était 
un  des  principaux  partisans  de  Foulques-Nerra , 
comte  d'Anjou  et  seigneur  de  Loches. 

Clerpas,  baron  de  Nouâtre.  Nous  ne  pourrions 
pas  dire  de  qui  il  était  fils;  mais  il  vivait  vers  la  fin 
du  onzième  siècle,  du  temps  de  Guy,  deuxième  du 
nom,  abbé  de  Cormery. 


FALLU AU.  21 3 

L'histoire  ne  nous  a  point  conservé  le  nom  du 
seigneur  de  Nouâtre  qui  reçut  Acarie  prisonnier  dans 
son  château,  vers  l'an  1 148,  ainsi  que  nous  l'avons 
dit  à  l'article  des  seigneurs  de  Marmande. 

Dans  le  treizième  siècle  ,  Nouâtre  était  possédé 
par  les  seigneurs  de  Pressigny  et  de  Sainte-Maure, 
d'où  il  passa  dans  la  maison  de  La  Rochefoucauld,  et 
de  là  dans  celle  deMontbazon,  ainsi  qu'on  peut  le  voir 
aux  articles  Montbazon  ,  Pressigny  et  Sainte-Maure. 

Le  château  de  Nouâtre  était  très-ancien  ,  puisque 
nous  avons  vu  qu'en  gij  il  existait  déjà  ,  et  que  ce 
fut  là  que  se  jugea,  par  l'épreuve  du  feu  ,  un  procès 
survenu  entre  les  curés  d'Antogny  et  de  Pussigny. 
Sa  position  au  sein  de  la  Vienne  le  rendait  très-fort  : 
mais  il  n'en  reste  plus  que  la  roche  sur  laquelle  il 
était  assis. 

Cette  baronnie  fut  réunie,  en  i588,  au  duché  de 
Montbazon ,  la  maison  de  Rohan  possédant  déjà 
depuis  long-temps  la  terre  de  Nouâtre. 

PALLUAU,    BARONNIE. 

VsiWiiau  (Paludellus)  ,  baronnie  du  duché  de  Tou- 
raine,  dépendait  de  la  généralité  de  Bourges,  tant 
pour  le  spirituel  que  pour  les  finances;  situé  sur  la 
rivière  de  l'Indre ,  à  quinze  lieues  de  Tours ,  le  châ- 
teau est  sur  une  hauteur  et  la  ville  est  au-dessous. 
11  paraît  qu'elle  était  anciennement  fortifiée,  car 
nous  voyons  qu'en  iiSB  Philippe-Auguste  la  reprit 
sur  les  Anglais ,  ainsi  que  Montluçon.  Il  y  avait  une 


2l4  HISTOIRE    DE  TOUR  AINE. 

collégiale.  La  paroisse  nommée  Onzay  est  au-delà 
tle  la  rivière.  Palluau  fut  érigé  en  comté  vers  les  com- 
mencemens  du  dix-septième  siècle ,  en  faveur  de 
Henri  de  Buade ,  vice-roi  du  Canada. 

Jean  de  Palluau,  qui  vivait  vers  107 5,  est  le  pre- 
mier des  seigneurs  de  Palluau  dont  nos  anciens 
titres  fassent  mention.  On  le  voit  figurer  dans  une 
donation  faite  par  Foulques-Réchin. 

Geoffroy,  premier  du  nom ,  était  seigneur  de 
Palluau  ,  en  Ii55  ,  selon  des  titres  de  l'abbaye  du 
Landais.  Il  pouvait  être  fils,  ou  petit-fils  de  Jean. 

Guillaume  de  Palluau  eut  plusieurs  enfans  de 
Béatrix ,  sa  femme ,  savoir  :  Geoffroy  qui  suit ,  Har- 
raud ,  seigneur  de  Montrésor ,  et  Hervé ,  chanoine 
de  Saint-Martin  de  Tours. 

Geoffroy  de  Palluau ,  deuxième  du  nom  ,  sur  le- 
quel nous  ne  savons  rien. 

Pierre  de  Palluau,  dont  la  femme  se  nommait 
Létice. 

Geoffroy  de  Palluau,  troisième  du  nom,  vivait 
encore  en  i236.  On  a  parlé  de  lui  sous  le  nom  de 
Geoffroy  I",  seigneur  de  Montrésor.  Nous  ne  pour- 
rions dire  comment  la  seigneurie  de  Palluau  passa 
entre  les  mains  de  la  maison  d'Argy  et  de  celle-ci 
dans  la  famille  de  Tranchelion. 

Archarabaud  d'Argy ,  chevalier  ,  fils  de  Guillaume 
et  de  Philippe  de  Mœuvres ,  était  seigneur  d'Argy  et 
de  Palluau,  en  1249.  Il  fonda  en  1260  un  anniver- 
saire dans  l'abbaye  du  Landais,  pour  Guillaume 
d'Argy ,  son  fils  ;  ce  fut  sans  doute  à  défaut  de  pos- 


PALLUAIJ.  2l5 

tëritë  que  la  terre  de  Palluau  changea  de  proprié- 
taire. 

Charles  de  Tranchelion ,  seigneur  de  Palluau  et 
de  Ville-Savin ,  épousa  Anne  de  Silly. 

Guillaume  de  Tranchelion ,  seigneur  des  Roches  , 
près  rile-Bouchard ,  fît  hommage  de  la  seigneurie  de 
Palluau  au  roi  Charles  VI,  en  i4oo,  et  à  Charles  Ml, 
le  i8  juillet  i438.  Il  fut  marié  deux  fois.  La  première 
avec  Isabeau  de  Menou ,  dame  de  Sennevières,  dont  il 
eut  Jean  qui  suit ,  et  Jeannet,  seigneur  de  Senne- 
vières.  Sa  seconde  femme  fut  Guillaume  d'Orcy. 

Jean  de  Tranchelion ,  seigneur  de  Palluau ,  épousa 
Jeanne  de  Roucy,  dont  il  eut  une  fille  unique  nom- 
mée Charlotte ,  qui  porta  son  héritage  dans  la  maison 
de  Brachet. 

Gilles  Brachet,  chevalier,  baron  de  Maignac,  de 
Palluau  et  de  la  Péruse ,  eut  de  sa  femme  Charlotte 
de  Tranchelion ,  entre  autres  enfans , 

Jean  Brachet,  chevalier,  seigneur  de  Palluau,  qui 
eut  pour  femme  Jeanne  ,  fille  de  Jean  de  Blanchefort, 
seigneur  de  Saint-Janvrin.  De  ce  mariage  sortit 

Claude  Brachet ,  chevalier ,  seigneur  de  Palluau. 
Il  épousa  Anne  ,  fille  de  Pierre  de  Conighan  ,  sei- 
gneur de  Cangé  près  Tours.  Il  n'en  eut  qu'un  fils. 

Claude  Brachet,  deuxième  du  nom,  chevalier, 
seigneur  de  Palluau  et  de  Villegouin ,  fut  marié  à 
Françoise  ,  fille  d'Edme  de  Prie.  Il  vivait  en  iSSq, 
et  assista  à  la  seconde  réformation  de  la  coutume  de 
Touraine. 

Antoine  de  Buade,  seigneur  de  Frontenac,  cheva- 


2l6  HISTOIRE    DE   TOUIIAÎNE. 

lier  de  l'ordre  du  Saint-Esprit ,  fut  seigneur  de  Pal- 
luau  par  acquêt.  Il  on  rendit  hommage  le  17  sep- 
tembre 1606,  entre  les  mains  du  garde-des-sceaux 
Brulard  de  Sillery.  De  sa  femme  Jeanne  de  Secondât, 
il  eut  Henri  qui  suit  et  Roger  ,  abbé  d'Obasine. 
,  Henri  de  Buade ,  comte  de  Palluau  et  de  Frontenac, 
premier-maître-d'hôtel  du  roi ,  fut  nommé  vice-roi 
du  Canada.  Nous  avons  dit  que  ce  fut  pour  lui  que 
Palluau  fut  érigé  en  comté.  Il  eut  d'Anne  Pheli- 
peaux,  son  épouse,  Louis  qui  suit,  Anne  et  Hen- 
riette. 

Louis  de  Buade ,  comte  de  Frontenac  et  de  Pal- 
luau ,  seigneur  de  l'Ile-Savary,  n'eut  d'Anne  de  La- 
grange  de  Trianon,  son  épouse,  qu'un  fils  nommé 
François,  tué  dans  une  campagne  d'Allemagne  sans 
avoir  été  marié. 

Roger  de  Buade,  fils  puîné  d'Antoine,  abbé 
d'Obasine  et  d'Angle  ,  reçut  son  prénom  de  Roger , 
duc  de  Bellegarde  ,  qui  fut  son  parrain.  Il  joignit  à 
sa  terre  de  Palluau  celle  de  l'Ile-Savary  qu'il  acquit 
de  Louis  de  Couhé,  seigneur  de  Betz.  Mais  à  sa 
mort  sa  succession  fut  vendue. 

Jacques  Clérembault,  chevalier,  comte  de  Pal- 
luau par  acquêt.  Il  avait  épousé  Louise  de  Villepied 
dont  il  eut 

Louis-Philippe  Clérembault ,  chevalier  ,  comte  de 
Palluau,  seigneur  de  l'Ile-Bouin ,  maréchal  de  France , 
célèbre  par  son  esprit  et  sa  bravoure,  dont  les  enfans 
sont  morts  sans  postérité.  La  baronnie  de  Palluau 
fut  alors  unie  au  comté  de  Montrésor. 


PAULMY.  217 

PAULMY,  VICOMTE. 

Le  château  de  Paulmy  (  Palmariutn  )  est  situé  à 
dix  lieues  de  la  ville  de  Tours ,  du  coté  du  midi ,  sur 
la  petite  rivière  du  Brignon,  qui  se  jette  dans  la  Glaise 
à  quatre  lieues  de  sa  source.  11  fut  bâti  en  \[\l\\  par 
Pierre  de  Voyer  ,  seigneur  du  lieu.  Etienne  Jodelle , 
meilleur  poète  latin  que  français,  prétend  que  ce 
château  fut  appelé  Paulmy,  à  cause  des  palmes  et 
des  lauriers  qui  ont  honoré  les  victoires  des  seigneurs 
de  cette  maison.  C'est  ce  qu'il  donne  à  entendre 
dans  l'épitaphe  de  Jean  II  de  Voyer. 

Ex  titulis  tibi  jure  tuis  facit  inclyta  nomcn 
Palma,  diîi  palmas  Musis  ac  Marte  tulisti. 
Vivere  rite,  mori  quoque  rite,  fit  imica  genti 
Palma  piae  :  reliquas  terris  fas  quaerere  palmas, 
Hsc  tibi  siiprema  est  quœsita  in  œthere  palma. 

Cette  étymologie  poétique  se  fonde  sur  ce  que 
Paulmy  se  nomme  en  latin  Palmarium. 

Il  y  avait  autrefois  dans  le  château  une  chapelle 
pour  la  sépulture  des  seigneurs,  consacrée  en  1476 
par  l'archevêque  de  Tours,  sous  l'invocation  de 
saint  Nicolas.  Jean  II  y  fut  enterré.  Elle  était  des- 
servie par  un  doyen  et  quatre  chapelains  :  mais  en 
161 5  Louis  de  Voyer  la  fit  détruire  et  remplacer  par 
un  couvent  qu'il  fît  bâtir  dans  l'intérieur  de  son  parc. 
Ainsi,  en  1622  ,  les  cinq  anciens  desservans  ou  cha- 


2l8  HISTOIRE    DE  TOURAINE. 

pelains  furent  changes  en  Augustins  réformés  de  la 
province  de  Bourges. 

Paulmy,  dans  Forigine,  n'était  qu'un  hameau 
dépendant  de  la  paroisse  de  Ferrière -l'Arçon ,  mais , 
par  lettres  patentes  du  i  septembre  lySy,  on  en  fit 
une  paroisse  particulière  formée  du  démembrement 
de  quatre  autres ,  et  desservie  par  le  prieur  de  ces 
Augustins. 

Le  château  et  le  beau  parc  de  Paulmy,  qui  avait 
alors  deux  lieues  d'étendue ,  eurent  d'autant  plus  à 
souffrir  des  excès  commis  par  les  protestans  dans  la 
province,  depuis  1 662  jusqu'en  i575,  que  le  vicomte 
de  Paulmy,  Jean ,  troisième  du  nom ,  fut  un  des  chefs 
de  l'armée  royale  qui  les  poursuivirent  avec  le  plus 
de  vigueur.  Aussi  son  château  fut-il  pillé  et  dévasté 
en  1569,  époque  où  le  vicomte  se  rendait  person- 
nellement caution  des  cinquante  mille  livres  que 
Charles  IX  empruntait  à  la  ville  de  Tours ,  pour  la 
solde  de  ses  troupes.  La  famille  de  Voyer,  dans 
laquelle  cette  terre  se  trouve  encore ,  est  aujourd'hui , 
ainsi  qu'on  va  le  voir ,  l'une  des  plus  anciennes  de  la 
Touraine. 

Mathieu  de  Voyer ,  chevalier ,  seigneur  du  Breuil 
dans  la  paroisse  de  Saint- Aubin-le-Dépeint ,  vivait 
en  \ioi,  Robert  III,  comte  d'Alençon,  qui  mourut 
en  1217,  lui  donna  pour  ses  bois  du  Breuil  une 
exemption  de  toute  espèce  de  droits ,  excepté  le  ser- 
vice pendant  huit  jours  dans  son  château  d'Essé.  Il  y 
eut  procès  entre  ses  héritiers  et  ceux  de  Robert  qui 
prétendaient  le  tiers  des  bois;  mais  un  arrêt  du  par- 


PAULMY.  2T9 

lement  de  la  Pentecôte  1 269  déclara  qu'il  n'était 
rien  dû.  Nous  ignorons  quels  furent  ses  successeurs 
immédiats  jusqu'au  suivant. 

Etienne  de  Voyer  est  le  premier  que  nous  voyons 
faire  souche.  L'abbé  de  Marolles ,  dans  ses  mémoires , 
nous  apprend  qu'un  titre  de  son  abbaye  de  Bauge- 
rais,  parle  d'une  rente  de  blé  que  lui  donna  Agathe, 
femme  de  cet  Etienne ,  à  prendre  sur  sa  dîme  de  Fer- 
rière-l'Arçon.  On  pourrait  conclure  de  là  qu'elle  lui 
avait  apporté  en  dot  cette  seigneurie,  ou  du  moins 
la  portion  où  se  trouvait  Paulmy,  dont  ses  descen- 
daus  auront  porté  le  nom.  Etienne ,  dans  les  titres , 
est  nommé  Stephanus  Vigerii. 

Renaud  de  Voyer,  chevalier,  par  un  acte  du  jeudi 
avant  la  Saint-George  (19  avril)  1285,  obtint  pour 
lui  et  ses  héritiers  ,  de  Berthelemy  ,  seigneur  de  La 
Haye  et  de  Passavant ,  la  remise  de  plusieurs  droits 
qui  lui  étaient  dus  comme  baron  de  La  Haye. 

Guillaume  de  Voyer ,  qualifié  de  varlet ,  rendit 
aveu  du  lieu  de  la  Touche  des  Ferreaux,  situé  dans 
la  paroisse  de  Mouzé  ou  Mouzay,  le  mardi  avant 
l'Epiphanie  i333.  Ce  même  lieu  de  Mouzé  fut, 
l'an  1680  ,  érigé  en  vicomte  en  faveur  de  Pierre  de 
Voyer. 

PhelippinouPhelipponde  Voyer ,  écuyer ,  seigneur 
de  Paulmy,  est  relaté  dans  des  actes  de  i374  et  1378. 
Il  se  maria  deux  fois  :  la  première  a  Jeanne  de  Ver- 
neuil,  et  la  seconde  à  Marguerite  Sigoignc.  Il  vivait 
encore  le  2  février  i[\\\.  On  ne  hii  connaît  qu'un 
fils. 


220  HISTOIRE  DE  TOU       INE, 

Jean  de  Voyer ,  premier  du  nom ,  seigneur  de 
Paulmy  ,  épousa  en  i4o8  Alix ,  fille  de  Mouton  de 
Cluys,  qui  ^n  était  veuve  en  i443.  De  ce  mariage 
naquirent  :  Pierre  1";  Jeanne,  épouse  du  seigneur  de 
Preuilly;  Jeanne  II  et  Marie,  vivantes  en  i443; 
Imblette,  mariée  la  même  année  à  Jean  d'Artannes, 
et  enfin  Josseline ,  qui  épousa,  en  i458  ,  Hélion  de 
la  Motlhe,  dit  Bouchardon. 

Pierre  de  Voyer,  premier  du  nom,  seigneur  de 
Paulmy  et  de  La  Roche  de  Gennes,  épousa,  en  i434  j 
Marguerite  de  Betz.  Il  mourut  vers  i48i  ou  1482; 
car  sa  veuve  transigea  avec  Jean,  l'un  de  ses  fils, 
en  i483.  Les  enfans  furent  :  Pierre  H;  Bertrand, 
grand-prieur  de  France;  Jean;  Jeanne,  mariée  en 
1482  ,  à  Mathurin  de  Gannes;  et  Jacquette ,  mariée 
en  i485  à  Victor  de  l'Espinay. 

Pierre  II  de  Voyer,  seigneur  de  Paulmy,  de  La 
Roche  de  Gennes,  etc. ,  s'allia  par  contrat  passé  à 
Chinon  ,  en  il^'ji  <,  à  Jeanne  des  Aubuys  dont  il  eut 
Jean  II ,  Nicolas ,  Pierre ,  Renée ,  mariée  en  1 5o5  à 
Jacques  de  Saint- Jouy ,  et  Marie ,  femme  de  Bertrand 
le  Gay  ,  chevalier. 

Jean  de  Voyer,  deuxième  du  nom ,  seigneur  de 
Paulmy,  rendit  hommage  de  ce  fief,  le  2  3  avril  i532, 
à  Jean  de  Laval ,  seigneur  de  La  Haye,  et  de  La 
Roche  de  Gennes  le  10  mars  i547-  ^^  mourut  à 
La  Haye,  âgé  d'environ  quatre-vingts  ans,  fet  fut 
enterré  dans  la  chapelle  de  Paulmy ,  où  on  lisait  son 
épitaphe  faite  par  Jodelle.  Il  fut  marié  deux  fois  ;  la 
première  à  Louise ,  fille  de  Guillaume  Dupuy ,  sei- 


PAULMY.  221 

gneur  de  Baigneux,  et  la  seconde  à  Françoise  de 
Haulbuys.  Il  eut  du  premier  lit  seulement,  Jean  III, 
qui  suit  ;  François  ;  Renée,  femme  de  Jacques  Herpin, 
seigneur  de  Guindray  ;  Anne,  épouse  de  François  An- 
celon  ,  seigneur  de  Fonbaudry ,  près  Preuilly ,  en 
1 53o  ;  Catherine ,  mariée  en  1 536  à  Isaac  de  Mons , 
écuyer;  et  Jeanne,  qui,  en  i542,  épousa  René  Persil, 
écuyer,  seigneur  des  Genêts. 

Jean  III  de  Voyer ,  seigneur  de  Paulmy ,  Argenson , 
Rippon ,  Balême  et  La  Roche  de  Gennes  j  chevalier 
de  l'ordre  du  roi,  gentilhomme  ordinaire  de  sa 
chambre ,  épousa ,  le  c)  novembre  1 538 ,  Jeanne  de 
Gueffaut,  dame  d' Argenson,  dont  il  eut  :  René  de 
Voyer  de  Paulmy  ;  Pierre ,  qui  fît  la  branche  d' Argen- 
son ;  Yolande ,  mariée  en  1 563  avec  Pierre  Frottier  ; 
Anne;  Louise,  femme  de  Louis  Fumée;  et  Margue- 
rite, mariée  en  i573,  à  Robert  Robin,  écuyer* 
Jean  III,  mourut  en  1571.  La  même  année  Jean 
Bien  né  publia  son  Tombeau,  vol.  in-4,  qui  contient 
en  plusieurs  langues  les  pièces  composées  en  son  hon- 
neur par  Antoine  Valet  et  autres. 

René-Victor  de  Voyer,  vicomte  de  Paulmy,  de 
La  Roche  de  Gennes,  etc.,  grand-bailli  deTouraine, 
en  1 57 1 ,  mourut  en  i586.  Il  avait  épousé  Claude 
de  Turpin-Crissé,  avec  laquelle  il  fonda  à  Paulmy 
un  collège  pour  douze  élèves  :  il  n'en  eut  qu'un 
fils. 

Louis  de  Voyer,  vicomte  de  Paulmy,  etc.,  che- 
valier de  l'ordre  du  roi,  gentilhomme  ordinaire  de 
sa  chambre ,  capitaine  de  cinquante  hommes  d'armes 


22  2  HISTOIRE  DE  TOURAmE. 

et  conseiller  d'ëtat,  né  en  iS'jS.  En  i6o5  ,il  épousa 
Françoise  de  Larçay,  dont  il  eut  :  Jacques  qui  suit  ; 
François ,  seigneur  de  Boizé;  Gabriel ,  évoque  de 
Rhodez  ;  René ,  comte  de  Dorée  ;  Hardouin  ,  cheva- 
lier de  Malte;  et  Léonor,  mariée  en  1629  à  Léo- 
nor  Barjot ,  comte  de  Ronce. 

Jacques  de  Voyer ,  vicomte  de  Paulmy  ,  etc.,  che- 
valier de  l'ordre  du  roi ,  gentilhomme  de  sa  chambre , 
mort  en  1674*  H  avait  épousé,  en  i638,  Françoise 
deBeauveau,  dont  il  eut  Jean-Armand,  Gabriel, 
Marc- Antoine ,  Louis-Basile  -  Alexandre  ,  Jacques , 
René ,  Marie  et  Françoise ,  religieuses. 

Jean-Armand  de  Voyer,  vicomte  de  Paulmy,  etc., 
épousa  en  premières  noces  Anne-Radegonde  de  Mau- 
roy ,  et  après  sa  mort,  arrivée  en  1674?  elle  se  re- 
maria à  François  de  Crussol-d'Uzès.  Il  eut  pour 
enfans  Séraphin- Jean- Armand ,  mort  sans  alliance  au 
combat  de  Senef,  en  1674,  et  Marie-Françoise-Cé- 
leste, héritière  de  sa  branche  par  la  mort  de  son 
frère.  Elle  épousa ,  le  3o  août  r  689 ,  le  comte  de  La 
Rivière,  auquel  elle  porta  en  dot  la  vicomte  de 
Paulmy,  etc. 

Charles-Yves-Jacques  du  Plessis,  comte  de  la 
Rivière  et  de  Ploeuc ,  vicomte  de  Paulmy  et  de  La 
Roche  de  Gennes,  du  chef  de  sa  femme  Marie- 
Françoise-Céleste  de  Voyer  qui  mourut  en  1732  ,  et 
dont  il  eut 

Charles-Yves-ïhibaud,  comte  de  La  Rivière,  de 
Mur,  de  Ploeuc,  marquis  de  Paulmy,  qui  épousa 
Louise-Julie  de  Barberin  de  Reignac.  Il  revendit  les 


PRESsiGNT.  aaS 

biens  qu'avait  apportés  sa  mère  à  Marc-Pierre  de 
Voyer ,  comte  d' Argenson  ,  baron  des  Ormes ,  alors 
ministre  de  la  guerre. 

Marc-Pierre  de  Voyer ,  comte  d'Argenson ,  mar- 
quis de  Paulmy ,  ministre  de  la  guerre,  sur-intendant 
des  postes  ,  etc. ,  racheta ,  comme  nous  l'avons  dit , 
les  terres  de  Paulmy,  de  La  Roche  de  Gennes  et  de 
Mouzé.  Le  24  mai  1719,  il  avait  épousé  Anne  Lar- 
cher ,  dont  il  eut 

Marc-René  de  Voyer ,  deuxième  du  nom  ,  baron 
des  Ormes ,  connu  sous  le  nom  de  marquis  de  Voyer, 
grand-bailli,  lieutenant-général  pour  le  roi  en  Tou- 
raine  ,  directeur-général  des  haras ,  né  le  2 a  sep- 
tembre 1772,  mort  en  1781  ;  il  avait  épousé  Constance 
de  Mailli,  dont  il  eut  Marc-René  qui  suit. 

Marc  René  de  Voyer,  troisième  du  nom,  actuel- 
lement vivant,  né  en  1771 ,  a  épousé  Sophie  de  Ro- 
sen ,  veuve  de  Victor  prince  de  Rroglie ,  dont  il  a 
eu  René  et  quatre  filles,  dont  l'une  morte  en  bas 
âge. 

PRESSIGNY,  BARONNE. 

Précigny ,  ou  le  grand  Pressigny  (  Prisciniacum^ 
Preciniacum)^  est  nommé  dans  les  anciens  titres 
Précigny-le-Souverain.  On  l'a  depuis  appelé  le  Grand, 
pour  le  distinguer  d'une  autre  paroisse  qui  en  est 
distante  de  deux  lieues,  nommé  le  Petit-Pressigny. 
Le  Grand,  qui  avait  le  titre  de  haronnie,  est  à  sept  lieues 
sud-ouest  de  Loches ,  et  à  dix-sept  lieues  sud-est  de 


2^4  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

Tours,  non  loin  des  bords  de  la  Glaise.  Grégoire  de 
Tours,  dans  la  vie  de  saint  Nizier,  §  1 1,  nous  apprend 
qu'il  y  avait  une  église  bâtie  depuis  long-temps  à 
Pressigny ,  lorsqu'il  y  plaça  des  reliques  de  cet  évêque 
de  Lyon.  Ainsi,  l'on  ne  peut  révoquer  en  doute  l'an- 
cienneté de  ce  lieu,  dont  il  est  également  fait  men- 
tion dans  une  charte  de  Gharles-le-Ghauve ,  de  l'an 
862,  relative  à  la  mense  des  chanoines  de  Saint- 
Martin  de  Tours.  Il  serait  difficile  d'après  cela  d'in- 
diquer l'époque  où  son  château  fut  construit.  Ge  fut 
Guillaume  I"  qui,  vers  11 90,  y  fonda  un  chapitre 
composé  de  sept  chanoines. 

Pressigny  avait  donné  son  nom  à  une  famille  dont 
la  souche  doit  remonter  à  des  temps  assez  reculés. 
Gependant  nous  n'en  trouvons  de  traces  que  vers  la  fin 
du  onzième  siècle ,  lorsque  cette  famille  se  confondit 
avec  celle  de  Sainte-Maure. 

Guillaume  de  Pressigny,  chevalier,  est  le  plus 
ancien  dont  nous  ayons  connaissance.  Il  épousa  vers 
II 60,  Avoise  ou  Avoy,  dame  de  Sainte-Maure,  qui 
lui  porta  en  dot  to;is  les  biens  de  son  père  Guil- 
laume F'^,  seigneur  de  Sainte-Maure.  Il  en  eut  entre 
autres  enfans  Guillaume  II ,  qui  continua  la  posté- 
rité. Il  portait  tantôt  le  nom  de  Pressigny ,  tantôt 
celui  de  Sainte-Maure,  selon  les  actes  qu'il  faisait 
dans  l'une  ou  dans  l'autre  de  ces  deux  seigneuries  : 
quelquefois  aussi  il  prenait  le  titre  de  Pressiguy- 
Sainte-Maure,  mais  il  scellait  toujours  du  sceau  de 
Pressigny. 

On  trouvera  à  l'article  des  seigneurs  de  Sainte- 


PRESSIGNY.  !225 

Maure  les  détails  relatifs  aux  six  noms  suivans, 
distingués  par  des  italiques. 

Guillaume  II,  seigneur  dePressigny  et  de  Sainte- 
Maure. 

Guillaume  III ,    idem,    chevalier    banneret    eu 

1214. 

Josbert,  seigneur  de  Pressigny  et  de  Sainte-Maure. 

Guillaume  IV,  seigneur  de  Pressigny,  de  Sainte- 
Maure  et  de  Nouâtre,  en  iiiSo. 

Guillaume  V,  idem  ,  en  1271. 

Isabeau,  idem,  en  i3io.  Celle-ci,  fille  unique  de 
Guillaume  V,  porta  tous  les  biens  de  la  maison  de 
Craon ,  par  son  mariage  avec  Guillaume  I". 

Guillaume  de  Craon ,  deuxième  du  nom ,  cheva- 
lier ,  seigneur  de  Montbazon ,  de  Sainte-Maure ,  de 
Nouâtre ,  fit  hommage  au  roi  à  cause  de  sa  baronnie 
dePressigny,  le  6  septembre  iSqî.  Il  épousa,  le  i3 
avril  1 396 ,  Jeanne  de  Montbazon ,  dont  il  eut  :  Guil- 
laume III;  Jean  de  Craon;  Marguerite,  alliée  à  Guy 
de  La  Rochefoucauld;  Marie  de  Craon  qui  suit;  Isa- 
belle et  Louise. 

Marie  de  Craon  épousa  Louis  Chabot,  seigneur 
du  Petit-Château  et  de  la  Grève  en  Poitou,  fils  de 
Thibaut  Chabot ,  et  d'Amicie  de  Sainte-Maure.  Elle 
lui  porta  en  mariage  les  seigneuries  de  Pressigny,  de 
Colombiers,  Monconlour  ,  Montsoreau  et  Jarnac; 
leurs  enfans  furent  Thibaut  Chabot  qui  suit,  et 
Renaud  qui  fit  la  souche  des  seigneurs  de  Jarnac. 

Thibaut  Chabot,  seigneur  de  la  Grève  et  de  Mont- 
soreau,  fit  hommage  au  roi,  le  17  mars  il\i'2. ,  pour 
3.  i5 


2l6  HISTOIRE    Dt  TOUR  AINE. 

les  seigneuries  de  Pressigny  ,  de  Colombiers  et  de  la 
Ferrière.  Il  épousa  Bonnissarde ,  autrement  Brinis- 
sant,  fille  de  Guillaume,  seigneur  d'Argenton,  en 
Poitou,  qui,  étant  veuve  de  lui,  fit  hommage  au  roi 
des  terres  de  Pressigny  et  de  la  Ferrière,  le  8  juin 
1433.  Ses  enfans  furent  :  Louis  qui  suit;  Catherine, 
femme  de  Charles  de  Chatillon;  et  Jeanne,  dame 
de  Montsoreau. 

Louis  Chabot ,  baron  de  Pressigny ,  demeura  en 
la  garde  noble  de  sa  mère ,  et  eut  depuis  pour  tuteur 
Guillaume  d'Argenton  ,  son  aïeul  maternel ,  qui 
vendit  la  baronnie  de  Pressigny  à  Bertrand  de  Beau- 
veau  ,  et  à  Françoise  de  Brézé ,  sa  seconde  femme. 

Bertrand  de  Beauveau  était  fils  puîné  de  Jean  II  de 
Beauveau ,  et  de  Jeanne  de  Rigny  ,  chevalier,  bailli- 
gouverneur  de  Touraine ,  baron  de  Pressigny  et  de 
Briançon.  Il  fut  marié  quatre  fois  :  k  première  à 
Jeanne  de  La  Tour  Landry  ;  la  deuxième  à  Françoise 
de  Brézé-Maulevrier  ;  la  troisième  à  Ide  du  Châte- 
îet ,  et  la  quatrième  à  Blanche ,  fille  naturelle  de 
René,  roi  de  Sicile,  par  contrat  du  20  novembre 
14(37.  Du  premier  lit  il  eut  Louis,  mort  jeune,  et 
Antoine  qui  continua  la  postérité;  Jean,  évêque 
d'Angers  ;  Catherine ,  femme  de  Philippe  de  Lénon- 
court;  Charlotte,  femme  de  Yves  de  Scépeaux,et 
Marguerite  ,  mariée  à  N.  de  Maigneville.  Du  second 
lit  vinrent  Jean  et  Jacques  de  Beauveau-Tigny;  Charles, 
depuis  baron  de  Pressigny,  Bertrand,  Pierre  et  trois 
filles.  Enfin,  du  treizième  lit,  il  eut  René,  Jean 
et  Guyonne  qui  épousa  Jean-Juvénal  des  Ursins. 


PRESSIGNY.  a  a  7 

La  baronnie  de  Pressigny  ayant  été  acquise  par 
lui  conjointement  avec  sa  seconde  femme  ,  dont  les 
enfans,  suivant  leurs  conventions  matrimoniales, 
devaient  succéder  aux  acquêts ,  le  père  ordonna  par 
son  testament,  le  lo  février  1468,  que  cette  baronnie 
appartiendrait  à  Antoine ,  fils  aîné  de  cette  seconde 
femme. 

Antoine  de  Beauveau ,  comte  de  Policaste ,  baron 
de  Pressigny  et  de  Sillé-le-Guillaume ,  prit,  du  vivant 
de  son  père,  le  titre  de  baron  dePressigny.il  assista, 
le  10  novembre  i449>  ^  l'entrée  de  Charles  VII 
dans  la  ville  de  Rouen,  et  moui'ut  au  mois  de  mai 
1489 ,  laissant  d'Anne  dlnterville ,  son  épouse, 
Louis ,  Bertrand  ,  Jean  ,  Artus ,  et  deux  filles. 

Louis  de  Beauveau  ,  chevalier ,  baron  de  Pressigny, 
de  Sillé ,  etc. ,  épousa  Renaude  Huré  ,  dont  il  n'eut 
qu'un  fils.  Aussitôt  la  mort  de  son  père,  il  rendit 
hommage  au  roi  pour  les  seigneuries  de  Pressigny  et 
de  Ferrière -l'Arçon ,  par  acte  du  1 1  juin  iSSg; 
mais  il  fut  obligé  de  rendre  la  première  à  son  oncle. 

Charles  de  Beauveau ,  seigneur  de  Passavant ,  de 
Tigny  et  de  Ternay ,  troisième  fils  de  Bertrand  de 
Beauveau,  et  de  Françoise  de  Brézé,  sa  seconde 
femme,  après  la  mort  de  Jean  et  Jacques ,  ses  frères 
aînés,  succéda  à  la  baronnie  de  Pressigny,  qui  lui 
appartenait  suivant  les  conventions  matrimoniales  de 
sa  mère.  Il  épousa  Barbe  de  Lange,  et  mourut  en 
i5o8. 

R^né ,  bâtard  de  Savoie ,  fut  reconnu  par  Phi- 
lippe II,  duc  de  Savoie,  son  père  ,  qui  lui  donna, en 

i5. 


a  a  8  HISTOIRE    DE    TOUR  AINE. 

1457,  le  comté  de  Villars.  Il  acheta  Presslgny  et 
Ferrière-l'Arçon  dont  il  fit  hommage  à  François  P', 
le  18  juillet  i523.  Il  mourut  peu  de  temps  après  la 
bataille  de  Pavie,  des  blessures  qu'il  y  avait  reçues. 
Il  eut  d'Anne  de  Lascaris ,  comtesse  de  Tende, 
Claude  ,  comte  de  Tende  ,  Honorât  qui  suit;  Made- 
leine, mariée  à  Anne  de  Montmorenci ,  connétable 
de  France  ;  Marguerite,  épouse  d'Antoine  de  Luxem- 
bourg ,  comte  de  Brienne ,  et  Isabelle,  mariée  à  René 
de  Bastarnay,  comte  du  Bouchage. 

Honorât  de  Savoie ,  marquis  de  Villars ,  comte  de 
Tende ,  maréchal  et  amiral  de  France ,  fît  hommage 
au  roi  de  la  baronnie  de  Pressigny ,  le  ^5  novembre 
1 546.  Il  avait  épousé  Françoise  de  Foix ,  dont  il  eut 
Henriette,  mariée  en  premières  noces  à  Melchior 
Des  Prés ,  seigneur  de  Monpezat,  et  en  deuxièmes  à 
Charles  de  Lorraine,  duc  de  Mayenne. 

Macé  Bertrand ,  premier  du  nom ,  seigneur  de  la 
Basinière ,  trésorier  de  l'épargne ,  fit  l'acquisition  de 
la  baronnie  de  Pressigny.  Il  épousa  Marguerite  de 
Yertamont,  dont  il  eut  un  fils  qui  suit. 

Macé  Bertrand,  deuxième  du  nom,  seigneur  de 
la  Basinière,  de  Clichy,  de  la  Garenne,  baron  de 
Vouvant  et  de  Pressigny,  trésorier  de  l'épargne, 
épousa,  en  i645,  Françoise  de  Barbezieux,  fille 
d'honneur  de  la  reine -mère,  dont  il  eut  Louis, 
mort  en  1686,  N.  Bertrand;  N.  abbé,  tué  en  duel 
dans  la  place  des  Victoires  ;  Marguerite,  femme  de 
Jean-Jacques  de  Mesme ,  comte  d' A  vaux ,  et  Marie- 
Anne  qui  suit. 


PREITILLT.  a  39 

Marie- Anne  Bertrand  de  la  Basinière  fut  mariée 
à  Claude  Dreux  ,  marquis  de  Nancré ,  capitaine  aux 
gardes ,  gouverneur  d'Arras ,  lieutenant-général  des 
armées ,  mort  en  i68g. 

La  baronnie  de  Pressigny  a  été  possédée  depuis , 
et  jusqu'en  nos  derniers  teinps,  par  la  famille  Gilbert 
de  Voisins. 

Pierre  Gilbert  de  Voisins,  président  à  mortier 
au  parlement  de  Paris,   en  était  propriétaire,  en 

1789- 

Le  château  de  Pressigny  était  très-fort  autrefois , 

et  même  encore  dans  le  cours  du  quinzième  siècle, 
car  l'histoire  nous  apprend  qu'après  s'en  être  emparé 
en  1417,  le  duc  de  Bourgogne,  Jean-sans-Peur,  y 
mit  une  garnison  qui  en  fut  délogée  par  Charles  VII, 
en  i4i8.  Ce  château  est  aujourd'hui  entièrement 
détruit ,  et  son  parc,  qui  était  très-vaste  et  très-bien 
planté,  a  été  converti  en  terres  labourables.  La  collé- 
giale dont  nous  avons  parlé  au  commencement  fut 
supprimée,  en  178a ,  par  l'archevêque  de  Tours. 

PREUTLLY  ,  BARONNIE. 

Preuilly  (  Prulliacum  )  est  une  petite  ville  sur  la 
Claise  ,  à  dix-neuf  lieues  sud-sud-est  de  Tours,  et  «1 
neuf  lieues  sud-sud-ouest  de  Loches.  Elle  avait  le 
titre  de  première  baronnie  de  Touraine.  Nous  jugeons 
en  effet  de  son  ancienneté  par  le  testament  de  saint 
Perpète,  fait  en  47^,  par  lequel  il  donne  à  l'église 
de  Preuilly  un  calice  et  doux  burettes  d'argent.  Elle 


23o  HISTOIRE   DE    TOURAINE. 

a  donné  son  nom  au  château  et  à  une  des  plus  an- 
dîëïïnes  familles  du  royaume  d'où  sont  sortis  les 
comtes  de  Vendôme.  Ce  château  fut  bâti  au  commen- 
cement du  dixième  siècle,  par  le  vicomte  Atton ,  qui, 
peu  de  temps  après,  c'est-à-dire  vers  9 3 5,  acquit 
soixante-deux  arpens  de  terre  auprès  de  son  manoir, 
par  échange  avec  Hugues -le -Grand,  pour  d'autres 
terres  que  le  vicomte  possédait  dans  la  voirie  de 
Dolus.  Ils  en  donnèrent  leurs  lettres  au  mois  d'avril 
936 ,  la  première  année  du  règne  de  Louis  d'Outre- 
mer. La  seigneurie  de  Preuilly  était  dans  son  prin- 
cipe beaucoup  plus  considérable.  Pressigny  et  la 
Guierche  en  relevaient  il  y  a  plus  de  quatre  cents 
ans.  On  y  comptait  encore  cinq  châtellenies  et  cent 
fiefs  qui  lui  devaient  foi  et  hommage.  Sa  justice 
était  une  des  plus  grandes  de  la  Touraine,  et  s'éten- 
dait sur  vingt-sept  paroisses ,  dont  sept  en  première 
instance  et  vingt  par  appel.  Les  barons  de  Preuilly 
étaient  avoués  de  l'église  de  Saint-Martin ,  et  avaient 
seuls  le  privilège  de  porter  son  étendard  en  l'absence 
des  comtes  d'Anjou. 

Les  Anglais  se  saisirent  du  château ,  sous  le  règne 
du  roi  Jean,  et  s'y  retranchèrent  si  bien  qu'ils  purent 
faire  des  courses  dans  toute  la  Touraine,  et  jusque 
dans  l'Anjou.  Le  pillage  qui  en  était  la  suite  obligea 
les  seigneurs  voisins  de  se  réunir  pour  les  chasser  de 
ce  poste.  Jean  de  Bueil ,  depuis  grand  -  maître  des 
arbalétriers  de  France  ,  fut  le  chef  de  cette  entre- 
prise ,  et  le  célèbre  Duguesclin  voulut  en  cette  occa- 
sion combattre  sous  sa  bannière.  Les  Anglais  en 


PREUILLY.  a3l 

furent  chassés,  et  le  seigneur  de  Preuilly  rentra 
dans  son  château  qu'il  mit  en  état  de  résister  à  une 
nouvelle  attaque. 

On  croit  que  ce  fut  en  ce  temps  que  les  barons 
de  Preuilly  ordonnèrent  à  leurs  principaux  \assaux 
de  fortifier  leurs  châteaux ,  soit  pour  y  recevoir  gar- 
nison ,  soit  pour  y  renfermer  les  prisonniers  de 
guerre.  Nous  observerons  à  ce  sujet  que  ,  pendant 
toute  la  durée  des  hostilités ,  le  seigneur  de  Preuilly 
était  maître  absolu  du  château  de  son  vassal ,  dont 
il  devait  user  en  bon  père  de  famille,  et  le  rendre 
dans  le  même  état  qu'il  l'avait  pris.  Au  nombre  des 
châteaux  qui  relevaient  à  ce  titre  de  la  baronnie  de 
Preuilly,  nous  voyons  Doiré  ,  près  Châtelleraull, 
Rouvray,  la Gâtelinière ,  Launay-sur-Fourche,  Tour- 
neau,  Monéor,  la  tour  de  la  Gharlottière  et  le  Roul- 
let,  nommé  depuis  Verneuil-le-Château. 

La  ville  et  le  château  de  Preuilly  furent  pris 
pendant  les  guerres  de  la  religion  par  un  enseigne 
du  capitaine  Belon.  Ses  intelligences  avec  quelques- 
uns  des  habitans  lui  en  facilitèrent  l'entrée ,  le  2 
juin  i562 ,  et  il  s'y  maintint  avec  sa  troupe  jusqu'au 
16  octobre  suivant.  Sans  attendre  qu'il  en  fût  chassé, 
il  prit  le  chemin  de  la  Charilé-sur-Loire. 

Le  vicomte  Atton,  quoiqu'il  eût  fait  bâtir  le  châ- 
teau de  Preuilly ,  pouvait  bien  n'en  pas  être  le  pre- 
mier seigneur ,  de  même  qu'il  est  assez  probable  que 
ce  ne  fut  pas  lui  qui,  en  888,  accompagna  Ingelgcr 
dans  son  expédition  d'Auxerre  ;  car ,  en  ne  lui  sup- 
posant que  vingt-cinq  ans  à  cette  époque,  comme 


aSîJk  HISTOIRE    DE    TOUR  AINE, 

nous  avons  vu  plus  haut  qu'il  traita,  en  936,  avec 
Hugues-le-Grand ,  il  aurait  alors  été  âgé  de  soixante- 
douze  ans.  Nous  observerons  que  dans  cet  acte  d'é- 
change il  est  qualifié  di  illustre ,  titre  qui  ne  se 
donnait  qu'aux  plus  grands  seigneurs  et  aux  princi- 
paux officiers  de  la  couronne.  Nous  savons  que  sa 
femme  se  nommait  Emme;  mais  nous  ignorons  s'il 
en  eut  des  enfans  ,  et  de  quelle  manière  la  baronnie 
de  Preuilly  passa  dans  la  famille  de  ce  nom.  Au 
reste ,  s'il  y  a  une  lacune  entre  lui  et  le  suivant ,  elle 
ne  peut  être  tout  au  plus  que  d'une  génération. 

Effroy  ou  Euffroy  est  le  premier  que  l'on  voit  pa- 
raître sous  le  nom  de  Preuilly,  vers  l'an  965.  Ce  fut 
lui  qui ,  en  l'an  1 001  ,  fonda  dans  la  ville  l'abbaye 
de  Saint-Pierre,  où  il  eut  sa  sépulture.  On  y  lisait 
cette  épitaphe  en  vers  rimes  et  léonins ,  suivant 
l'usage  et  le  goût  du  temps  un  peu  récent  où  elle 
fut  composée  : 

Inter  mortales  quos  Gallia  nobilitavit , 
Quondam  regales  geuus  et  probitas  decoravit, 
Tutor  eram  patrise,  pax  jnris  et  emoluraentum , 
Dux  quoque  militise ,  subvertens  castra  furenttim. 
Sic  cum  vidèrent  mihi  facta  ,  meiqiie  valerent 
Sensus  et  mores,  in  Christo  splendidiores, 
Fanum  fundavi ,  cuUuque  sacro  decoravi , 
Iq  quo  nunc  jaceo  sublimis  honore  trophaeo. 
Effredus  nomen,  plebs,  clerus  funeris  omen 
Supplens,  subveniat  prece,  veto  munere  fiât. 

Effroy,  qui  était  aussi  seigneur  de  la  Roche-Posay, 
avait  épousé  Béatrix  d'Issoudun ,  dont  il  eut  Geof- 


PREUILLY.  233 

froy,  Robert  et  Gosbcrt,  ou  Gaudebert  qui  fonda 
l'église  de  Bossay,  Fan  ioa4,  ou,  suivant  la  tradi- 
tion du  pays,  en  io8o,  ainsi  qu'on  l'a  consacré  par 
cette  inscription.  «L'an  mille  quatre-vingts  de  grâce, 
«  monsieur  de  Preuilly  Godebert,  fils  d'Effroy ,  fonda 
«  cette  place.  »  Mais  cette  date  ne  saurait  s'accorder 
avec  le  temps  où  vivait  son  successeur. 

Geoffroy ,  premier  du  nom  ,  baron  de  Preuilly  , 
seigneur  de  la  Rocbe-Posay,  épousa  Almodie ,  avec 
laquelle  il  vivait  encore  en  io3o,  car  ils  cédèrent  en- 
semble à  cette  époque  à  l'abbaye  de  Marmoutier 
un  droit  de  forage  qu'ils  avaient  sur  la  terre  de  Mar- 
ligny.  C'est  ce  titre  qui  nous  a  transmis  le  nom  de 
ses  enfans  ,  savoir  :  Geoffroy,  Guy  ,  Gosbert,  Hilde- 
garde  et  Adenorde  ou  Honneur,  dont  quelques-uns 
ont  été  omis  par  André  Duchêne.  Notre  Geoffroy  est 
mentionné  dans  plusieurs  cbartes  de  Geoffroy  Mar- 
tel, et  notamment  dans  celle  de  io5o ,  par  laquelle 
il  soumet  au  saint-siège  l'abbaye  de  Vendôme. 

Geoffroy  II,  baron  de  Preuilly  et  de  la  Roche-Po- 
say  j  fut  tué  le  jeudi-saint  1 066  avec  quelques  autres 
barons  qui  tenaient  le  parti  de  Foulques-Réchin , 
contre  Geoffroy-le-Barbu  ,  son  frère  ,  comte  de  Tou- 
raine.  La  chronique  de  Tours  et  celle  de  Saint-Mar- 
tin le  font  l'inventeur  des  tournois  :  mais  il  ne  fit  que 
les  renouveler  et  en  dresser  les  réglemens  ,  car  on 
sait  qu'ils  étaient  en  usage  dès  le  règne  de  Charles- 
le-Chauve.  Il  eut  d'Ameline,  son  épouse,  deux  fils  : 
Geoffroy,  comlo  de  Vendôme,  surnommé  Jourdain  , 
qui  épousa  Euphrosine ,  fille  de  Foulques  Loyson  , 


234  HISTOIRE    DE    TOURAIT^E. 

comte  de  Vendôme ,  souche  des  comtes  de  Vendôme 
de  la  première  branche ,  et  Eschivard  qui  suit. 

Eschivard ,  premier  du  nom  ,  baron  de  Preuilly  et 
de  la  Roche-Posay ,  se  révolta  contre  Foulques-le- 
Jeune,  comte  de  Touraine ,  qui  se  vit  ainsi  forcé  de 
lui  faire  la  guerre;  il  l'assiégea  vainement  dans  son 
château  ;  mais  l'ayant  rencontré  en  campagne ,  il  le 
battit  et  le  fit  prisonnier.  Cependant  il  lui  pardonna 
depuis  sa  rébellion.  Les  enfans  d'Eschivard  furent 
Pierre;  Joubert  ou  Gosbert ,  chevalier,  qualifié  de 
seigneur  de  la  Guierche  dans  un  titre  du  Cartulaire 
de  Saint-Martin,  de  l'an  ii 68;  Jourdain  et  Gautier. 
Pierre,  ditMon  trabel  ou  Montrabut,  baron  dePreuilly 
et  delà  Roche-Posay.  Il  accompagna  le  comte  d'Anjou 
dans  les  guerres  qu'il  eut  avec  Henri  P',  roi  d'An- 
gleterre ,  et  se  trouva  à  la  bataille  de  Séez,  en  ii  1 5. 
Il  fut  enterré  dans  l'abbaye  de  la  Mercy-Dieu  qu'il 
avait  fondée.  Il  n'eut  qu'un  fils  d'une  femme  dont  le 
nom  est  inconnu. 

Pierre  II  de  Mon  trabel ,  baron  de  Preuilly  ,  etc. , 
suivit  le  parti  de  Henri  II ,  qui  s'était  révolté  contre 
son  père.  Celui-ci ,  étant  venu  en  Touraine,  assiégea 
et  prit  le  château  de  Preuilly,  l'an  i  lyS  :  mais  il  le 
rendit  l'année  suivante,  par  le  traité  de  paix  fait  entre 
le  roi  d'Angleterre  et  ses  enfans.  Ce  prince  le  choisit 
depuis,  avec  Maurice  de  Graon  et  Guillaume  Meingot, 
pour  traiter  de  la  paix  avec  Louis  VII ,  dit  le  Jeune , 
l'an  T177.  Il  eut  un  fils  unique  qui  lui  succéda. 

Eschivard  II ,  baron  de  Preuilly  ,  etc. ,  se  trouva 
à  la  Roche-Martel  au   Loudunois,  l'an  11 83,  aux 


PREIILLT.  2  35 

obsèques  de  Henri  au  Courl-Mantel ,  fils  aîné  du  roi 
d'Angleterre,  qui  y  mourut  le  samedi  5  juin.  Après 
l'assassinat  d'Artus,  comte  de  Touraine,  il  rentra 
dans  le  parti  de  la  France,  et,  en  1206,  jura  la  trêve 
conclue  entre  Philippe-Auguste  et  Jean-sans-Terre. 
La  même  année,  il  entreprit  le  voyage  de  la  Terre- 
Sainte  ,  et  étant  prêt  à  partir ,  il  donna  à  l'église  de 
Saint-Martin  cinq  sous  de  rente  (i),  à  prendre  sur 
les  droits  qui  lui  étaient  dus  par  la  Monnaie  de  Tours. 
Ce  fut  en  considération  de  ce  don  que  le  chapitre  le 
nomma  chanoine  honoraire.  Il  mourut  vers  1260, 
et  fut  enterré  dans  l'abbaye  dePreuilly.  De  sa  femme 
Marille  il  eut  Geoffroy  lïl ,  Josbert  qui  épousa 
N.  de  La  Trémouille ,  d'où  vint  Guy  ou  Gace  de 
Preuilly,  seigneur  de  la  Roche-Posay.  C'est  depuis 
notre  Eschivard  II  qu'on  commença  à  dire, par  alté- 
ration, Preuilly-l'Eschoart,  parce  qu'alorson  écrivait 
Eschiuard. 

Geoffroy  III ,  baron  de  Preuilly,  fut  caution  envers 
le  roi  Louis  VIII ,  en  juillet  1 2 1 8  ,  que  Guillaume 
de  Paye  ne  ferait  la  guerre  ni  à  lui  ni  à  ses  sujets. 
Il  eut  quatre  enfans  ,  dont  Eschivard  qui  continua  la 
branche  ;  Jourdain  ,  marié  à  Guy-de-Leste  de  Mon- 
treuil,  avec  laquelle,  au  mois  de  novembre  ï23i  ,  il 
engagea  les  dîmes  d'Autrêche  à  l'église  de  Tours, 
pour  la  somme  de  quatre  cents  livres;  et  Isabelle, 
femme  de  Geoffroy  Payen  ,  seigneur  de  Bossay  ,  en 
1223.  Le  roi   saint  Louis,  en   1229,  lui  confia  la 

(t)  On  sait  qu'en  ce  cas  il  faut  toujours  entendre  des  sous  d'or. 


236  HISTOIRE   DE   TOURAINE. 

garde  de  sa  maison  du  Bouchet  qu'il  promit  de  lui 
rendre  à  sa  volonté. 

Eschivard  III ,  baron  de  Preuilly  et  de  la  Rocbe- 
Posay,  accompagna  Louis  IX,  en  12^1,  contre 
Hugues  de  Lézignhem ,  seigneur  de  La  Marche ,  et 
par  lettres  du  mois  de  septembre  1256,  il  accorda  à 
son  beau-frère  Geoffroy  Payen  le  droit  de  chasse 
dans  les  bois  de  Bossay  et  de  Chambon;  la  même 
année  il  composa  avec  les  habitans  de  Preuilly  pour 
la  taille  qu'ils  payaient  à  ses  prédécesseurs  ,  moyen- 
nant cinquante  livres  de  rente.  Il  laissa  d'Alix ,  sa 
femme,  deux  fils,  Geoffroy  qui  suit,  et  Eschivard, 
qui  servit  Philippe  -  le  -  Bel  dans  les  guerres  de 
Flandres  ,  en  i3o2  et  i3o3. 

Geoffroy  IV  succéda  à  son  père  aux  seigneuries 
de  Preuilly  et  de  la  Roche-Posay  ,  et  fit  hommage  en 
1274  ?  3^1  célèbre  Pierre  de  Brosse,  seigneur  de  Lan- 
geais et  de  Ghâtillon-sur-Indre ,  des  terres  qu'il 
tenait  de  lui,  à  cause  de  la  terre  de  Châtillon.  Par 
son  testament  fait  en  1^85  ,  il  voulut  avoir  sa  sépul- 
ture dans  l'abbaye  de  Preuilly ,  auprès  d'Eschivard , 
son  père.  Il  avait  épousé  Marguerite  ,  dont  il  eut 
Eschivard  IV ,  et  Jeanne ,  femme  de  Guillaume 
Meingot,  seigneur  de  Surgères. 

Eschivard  IV  ,  baron  de  Preuilly  et  de  la  Roche- 
Posay,  contracta  mariage  avec  Marguerite  Turpin, 
dame  de  Cingé  et  d'Azay-le-Féron ,  fille  de  Guy  Tur- 
pin de  Crissé.  De  ce  mariage  naquirent  trois  fils  et 
trois  filles,  i"  Eschivard;  2°  André,  seigneur  d'Azay- 
le-Féron;  3°  Grisel;  4"  Marguerite,  mariée  à  Jean, 


PREUILLT.  l'd'J 

chevalier,  seigneur  de  Pierre  Buffîer,  et  de  Château- 
Neuf  en  Timerais;  5°  Jeanne,  femme  de  Bernard 
Robert,  chevaher,  seigneur  de  Saint-Jal;  6*  Isabeau, 
reHgieuse. 

Eschivard  V,  baron  de  Preuilly,  etc. ,  fut  fait  che- 
vaher en  i34ij  et  mourut  en  i348  ou  1349-  ^^ 
épousa  Isabeau  de  Mongeron,  dont  il  n'eut  qu'un  fils. 

Eschivard  VI,  baron  de  Preuilly,  etc.,  eut  procès 
avec  Bernard  Robert  et  Jeanne  de  Preuilly,  sa  tante 
maternelle,  pour  la  succession  de  Marguerite  Turpin, 
son  aïeule,  sur  lequel  il  y  eut  un  arrêt  de  rendu 
en  i363;  mais  il  fut  depuis  terminé  par  une  transac- 
tion de  1 369.  Il  fut  marié  trois  fois  :  la  première,  avec 
Blanche,  fille  de  Guillaume  de  Montendre,  seigneur 
de  Gié  et  de  Mauléon,  dont  il  n'eut  point  d'enfans; 
la  deuxième,  avec  Isabeau,  fille  de  Guy,  seigneur  de 
Brizay;  et  la  troisième,  avec  Sarrasine  de  Prie,  fille 
de  Jean  de  Prie,  seigneur  de  Buzançais.  Du  second 
lit  seulement  il  eut  Orable  de  Preuilly,  femme  de 
Renaud  de  Mauléon,  seigneur  de  Toufou.  Il  mourut 
le  a 3  avril  1409?  ^t  fut  enterré  dans  l'abbaye  de  la 
Mercy-Dieu ,  laissant  de  son  troisième  mariage  deux 
fils  et  deux  filles  :  savoir,  Gilles;  Antoine,  seigneur 
de  la  Roche-Posay  ;  Louise ,  mariée  à  Geoffroy  Cha- 
teigner,  auquel  elle  porta  en  dot  la  seigneurie  de 
la  Roche-Posay,  après  la  mort  de  Pierre  de  Preuilly, 
son  neveu;  enfin  Jeanne,  premièrement  mariée  à 
Nicolas  Braque,  seigneur  du  Laz  et  de  Coucy  en 
Gatinois,  ensuite  à  Gaucher  Aubin,  seigneur  de 
Malicorne ,  maître-d'hotel  du  roi  Charles  VI. 


238  HISTOIRE    DE    TOURA.11VE. 

Gilles,  unique  du  nom  et  le  dernier  de  cette  famille, 
baron  de  Preuilly ,  rendit  hommage  à  Charles  VI  pour 
la  baronnie  de  Preuilly,  le  28  juin  1409.  Il  s'allia 
avec  Françoise,  fille  de  Guillaume  de  Naillac,  vicomte 
de  Bridieu ,  seigneur  du  Blanc  en  Berry.  Il  fut  tué 
au  combat  du  pont  de  Saint-Cloud,  Tan  1412,  dans 
le  parti  du  duc  d'Orléans  contre  le  duc  de  Bourgogne, 
et  ne  laissa  que  quatre  filles  :  i**  Marie  de  Preuilly, 
femme  de  Jacques  Pot,  dont  elle  n'eut  point  d'en- 
fans;  2^  Marguerite,  qui  suit;  S"*  Isabeau,  religieuse; 
4**  Jeanne,  mariée  à  Raoul  de  Gaucourt,  grand- 
maître  de  France.  Aussitôt  après  la  mort  de  Gilles 
de  Preuilly,  Gaucher  Aubin,  son  beau-frère,  fit 
hommage  au  roi  de  la  baronnie  de  Preuilly,  au  nom 
de  ses  nièces,  le  18  décembre  i4i2. 

Marguerite  de  Preuilly,  seconde  fille  de  Gilles, 
devint  héritière  de  la  baronnie  et  du  Blanc  en  Berri 
par  la  mort  de  Marie,  sa  sœur  aînée.  Elle  fut  mariée 
le  6  août  14^1  à  Pierre  Frottier,  seigneur  de  Mel- 
zéart ,  grand-écuyer  de  France,  auquel  elle  porta  en 
dot  sa  terre  de  Preuilly.  Elle  mourut  le  12  août  i445, 
et  son  mari  en  14^9,  laissant  deux  enfans,  George 
et  Prégent  Frottier.  George  fut  fiancé  fort  jeune  avec 
Marguerite  d'Amboise,  par  contrat  du  27  janvier 
i435;  mais  il  mourut  du  vivant  de  son  père  avant 
la  conclusion  du  mariage. 

Prégent  Frottier ,  deuxième  du  nom ,  succéda  à  sa 
mère  dans  la  baronnie  de  Preuilly  et  la  seigneurie  du 
Blanc.  Il  se  saisit  du  château  de  la  Roche-Posay  en 
vertu  d'une  lettre  de  cachet  qu'il  avait  obtenue  par 


PREUILLY.  239 

surprise  du  roî  Louis  XI ,  et  s'empara  de  tout  1  argent 
et  des  meubles  de  Louise  de  Preuilly,  sa  grand'  tante 
maternelle ,  veuve  de  Geoffroy  de  Chateigner.  Cette 
veuve  rendit  plainte  au  parlement ,  qui  permit  d'in- 
former; mais  elle  se  désista  et  transigea  avec  lui.  Il 
épousa  Isabeau  de  JBilly.  De  ce  mariage  sortirent 
Grisegonnelle  Frottier;  Pierre,  seigneur  d'Azay-le- 
Féron;  Charles,  seigneur  de  la  Messelière;  Isabelle, 
femme  de  Guillaume  d'Avarie  ou  de  Varie ,  seigneur 
de  rile-Savary,  et  Jeanne ,  femme  de  Léon  Taveau , 
seigneur  de  Mortemar. 

Grisegonnelle  Frottier ,  baron  de  Preuilly  et  sei- 
gneur du  Blanc,  épousa  Françoise,  fille  de  Jean 
d'Amboise,  seigneur  de  Bussy,  par  contrat  du  3i 
mai  1664.  De  ce  mariage  sortit  Jean  Frottier  qui 
suit. 

Jean  Frottier,  baron  de  Preuilly,  seigneur  du  Blanc, 
reçut ,  en  1 5^3,  l'aveu  de  la  terre  de  Fombaudry  rele- 
vant de  Preuilly.  Il  épousa  Louise  de  Reillac,  et  n'en 
ayant  point  d'enfans,  il  transporta  ses  terres  de 
Preuilly  et  du  Blanc  à  Louis  de  Clermont  d'Anjou, 
son  oncle  maternel. 

Louis  de  Clermont  d'Anjou ,  baron  de  Preuilly , 
seigneur  de  Gallerande,  d'Azay-le-Féron  et  du  Blanc, 
reçut  l'hommage  de  ses  vassaux  le  8  octobre  iSag, 
et  le  2 1  du  même  mois  il  confirma  à  René  de  Menou 
plusieurs  privilèges  pour  sa  terre  de  Boussay.  Il  épousa 
Renée  d'Amboise ,  dame  de  Bussy,  et  en  eut  plusieurs 
enfans  qui  prirent  le  nom  et  les  armes  d'Amboise. 

François    de   Vendôme,  prince  de  Chabannaig, 


0,4o  HISTOIRE    DE   TOURAINE. 

vidame  de  Chartres ,  était  baron  de  Preailly  en  1 544. 
Il  mourut  à  trente-huit  ans,  le  i6  décembre  i56o, 
sans  enfans  de  Jeanne  d'Estissac.  Après  sa  mort  le 
roi  donna  les  rachats,  lots  et  ventes  qui  lui  appar- 
tenaient sur  la  terre  de  Preuill}^,  en  qualité  de  comte 
de  Poitiers,  à  Claude  Gouffier,  seigneur  de  Boisy, 
grand-écuyer  de  France,  par  lettres  patentes  du  19 
juillet  i56i.  , 

Antoine  de  La  Rochefoucauld,  baron  de  Barbe- 
zieux,  ayant  acquis,  comme  nous  l'avons  dit,  avec  sa 
femme  Antoinette  d'Amboise,  les  droits  d'Antoine 
Frottier,  héritier  en  partie  de  Jean  Frottier,  s'em- 
para de  toute  la  terre  de  Preuilly  ;  mais  il  y  fut  trou- 
blé par  les  époux  de  Madelaine  et  Renée  Frottier, 
cousines  -  germaines  de  Jean.  Ils  s'accommodèrent 
depuis  et  vendirent  leurs  droits.  Peu  de  temps  après 
Jean  Chateigner,  seigneur  de  la  Roche-Posay,  s'étant 
fait  relever  de  la  transaction  faite  par  Louise  de 
Preuilly  sa  mère,  avec  Prégent  Frottier,  obtint,  le 
II  mars  i552,  un  arrêt  définitif  par  lequel  le  tiers 
de  la  baronnie  de  Preuilly  lui  fut  adjugé  contre  Louis 
de  Luxembourg  et  Antoinette  d'Amboise,  qu'il  avait 
épousée  après  la  mort  d'Antoine  de  La  Rochefou- 
cauld son  premier  mari. 

François  Chateigner,  chevalier  de  l'ordre  du  roi, 
seigneur  de  la  Roche-Posay,  et  de  Preuilly  en  partie, 
épousa  Louise  de  Laval,  dont  il  eut  un  fils  unique, 
mort  à  l'âge  de  treize  ans,  de  manière  que  toute  sa 
succession  échut  à  Louis  d'Abain,  son  oncle,  qui 
réunit  toute  la  baronnie  de  Preuilly. 


PREUILLT.  ll\  I 

Charles  de  La  Rochefoucauld,  seigneur  de  Barbe- 
zieux,  etc.,  fils  aîné  d'Antoine  et  d'Antoinette  d'Am- 
boise,  succéda  à  son  père  dans  la  baronnie  de 
Preuilly.  Il  mourut  eu  i583;  mais  après  sa  mort  sa 
veuve  et  ses  enfans  vendirent  cette  terre,  le  a4  avril 
i586,  à  Charles  d'Escars,  évêque  et  duc  de  Langres, 
sur  lequel  elle  fut  retirée  féodalement  par  Louis 
Chasteigner,  seigneur  d'Abain  en  i588,  le  i8  dé- 
cembre. 

Louis  Chasteigner,  baron  de  Preuilly,  seigneur  de 
la  Roche-Posay  et  d'Abain ,  épousa  Claude  Du  Puy. 
Après  sa  mort ,  sa  veuve  et  ses  enfans  vendirent  la 
terre  de  Preuilly  à  César ,  duc  de  Vendôme ,  le  26 
janvier  1607. 

César,  duc  de  Vendôme ,  comte  de  Buzançais,  etc., 
fils  naturel  de  Henri  IV  et  de  Gabrielle  d'Estrée, 
jouit  de  la  baronnie  de  Preuilly  depuis  1607  jus- 
qu'à 1660  qu'il  la  vendit  à  Louis  de  Crevant,  moyen- 
nant 200,000  livres  et  6000  de  pot-de-vin. 

Louis  de  Crevant  d'Humières,  chevalier  des  ordres 
du  roi ,  vicomte  de  Brigueil ,  seigneur  d'Argy,  d'Azay- 
le-Féron ,  etc. ,  baron  de  Preuilly ,  fut  marié  avec 
Jacqueline,  fille  de  Jacques,  marquis  d'Humières, 
dont  il  eut  Hercule,  tué  au  siège  de  Royan ,  et  Louis, 
mari  d'Isabelle  Phelipeaux,  d'où  sont  issus  Louis  qui 
suit,  cinq  autres  fils  et  trois  filles  religieuses. 

Louis  de  Crevant  d'Humières ,  maréchal  de  France, 

grand-maître  de  l'artillerie,   duc  d'Humières,  baron 

de  Preuilly,  etc.,  épousa  Louise-Antoinette  de  La 

Châtre,  dont  il  eut  Henri-Louis,  tué  au  siège  de 

3.  16 


242  HISTOIRE  DE  TOUR  AINE. 

Luxembourg  en  i634y  Marie-Thérèse,  épouse  du 
prince  de  Senghien ;  Marie-Louise,  religieuse;  Anne- 
Louise  et  Julie. 

I^uis-Nicolas  Le  Tonnelier,  baron  de  Breteuil, 
Fomhaudry,  Tournon,  etc.,  acheta  la  baronnie  de 
Preuilly  378,000  livres,  d'Anne-Louise  de  Crevant, 
héritière  de  feu  le  maréchal  d'Humières ,  par  contrat 
du  1 1  avril  1699.  Il  avait  épousé  Anne-Gabrielle  de 
Froullay,  et  eut  d'elle  Louis-Alexandre,  François- 
César  et  une  fille. 

Louis-François ,  marquis  de  Gallifet ,  baron  d'Ho- 
non,  acquit,  en  l'jl^i^la.  baronnie  dePreuilly  de  Louise- 
Micolas  de  Breteuil.  Il  fut  le  dernier  de  ces  barons 
qui  se  soient  fait  installer  à  Saint-Martin  en  qualité 
de  chanoine  honoraire. 

Hyacinthe-Marie  Du  Tertre,  baron  de  Sancé,  a 
été  le  dernier  des  barons  de  Preuilly  en  1789. 

La  ville  de  Preuilly,  indépendamment  de  son 
abbaye,  comptait  trois  paroisses,  Notre-Dame,  Saint- 
Pierre  et  Saint-Melaine.  On  ne  sait  comment  le  corps 
de  ee  dernier,  qui  était  évêque  de  Redon,  fut  trans- 
porté à  Preuilly,  où  on  en  fit  la  reconnaissance, 
l'an  1224,  le  dimanche  avant  l'Ascension.  La  justice 
était  exercée  par  un  bailli,  un  avocat,  un  procureur 
fispal  et  un  greffier.  Il  y  avait  un  maire  en  titre 
d'office,  et  six  échevins  ou  conseillers,  un  grenier  à 
$d,  un  bureau  de  contrôle  et  un  des  fermes. 


REiGNAC.  a43 

REIGNAC,    MARQUISAT. 

Reignac,  situé  à  trois  lieues  nord-ouest  de  Loches, 
et  à  sept  lieues  de  Tours,  se  nommait  dans  l'origine 
Bray  oXi  Brays.  On  Tappela  depuis  Le  Fau,  et  enfin 
Reignac,  nom  qu'il  porte  exclusivement  aujourd'hui. 

Grégoire  de  Tours,  liv.  X,  ch.  xxxi,  §  4,  nous 
apprend  que  saint  Brice ,  évéque  de  Tours,  fit  con- 
struire pendant  son  épiscopat  cinq  églises  au  nombre 
desquelles  était  celle  du  lieu  nommé  Bricca^  que  l'on 
croit  être  notre  Bray,  ce  qui  placerait  cette  commune 
au  rang  des  plus  anciennes  de  notre  province.  Cepen- 
dant son  nom  ne  se  trouve  plus  prononcé  dans  notre 
Histoire  jusqu'au  douzième  siècle  où  il  est  question  ^ 
en  II 20,  d'un  Archambaud,  seigneur  de  Bray,  qui 
épousa  Ermensaude,  fille  de  Sulpice  I"  d'Araboise. 
Un  siècle  plus  tard,  en  I2i3,  Pierre  de  Brosse  ou  de 
La  Brosse,  premier  du  nom,  en  était  probablement 
seigneur,  puisqu'il  fit  don  des  dîmes  qu'il  y  possédait 
à  l'église  de  cette  paroisse.  Il  eut  pour  successeur  son 
fils  Pierre  II,  sergent  à  masse  du  roi  saint  Louis. 
Celui  -  ci  fut  père  de  Pierre  III  de  La  Brosse , 
chambellan ,  puis  principal  ministre  du  roi  Philippe- 
le-Hardi,  sous  le  règne  duquel  il  fut  pendu,  ainsi 
que  nous  l'avons  dit  dans  notre  septième  livre,  à 
l'année  1278.  Ses  biens  ayant  été  confisqués  et  réunis 
à  la  couronne ,  nous  ignorons  en  quelles  mains  passa 
alors  la  seigneurie  de  Bray. 

La  famille  Du  Fau  en  était  propriétaire  dès  les 


244  HISTOIRE    lîE  TOUR  AINE. 

commencemens  du  quinzième  siècle,  et  ce  fut  elle  qui 
lui  imposa  le  nom  Du  Fau,  substitué  à  celui  de  Bray. 

Jean,  seigneur  Du  Fau,  maître- d'hôtel  du  roi 
Louis  XJ,  épousa,  en  1472?  Jeanne  de  Bourbon, 
fille  naturelle  de  Charles  V%  duc  de  Bourbon,  et  de 
Jeanne  Souldet,  légitimée  en  146:2.         , 

Ce  fut  en  faveur  de  son  fils  Louis,  seigneur  Du 
Fau,  que  cette  ten-e  fut  érigée  en  baronnie.  Har- 
douin  Du  Fau  vivait  dans  le  seizième  siècle,  et  com- 
parut en  i559  à  la  deuxième  réformation  des  cou- 
tumes de  Touraine.  Adrien  Du  Fau,  son  fils,  seigneur 
Du  Fau  et  d'Espinay,  lui  succéda.  La  branche  mas- 
culine s'étant  éteinte ,  la  terre  passa  dans  la  famille 
Gillis,  vers  l'an  i58o,  par  le  mariage  de  Marthe  Du 
Fau  avec  Alexandre  Gillis. 

Louis  Barberin ,  comte  de  Reignac ,  marquis  de 
Vartigny  et  lieutenant  pour  le  roi  de  la  Haute-Tou- 
raine ,  ayant  acquis  la  baronnie  Du  Fau  ,  lui  fit  à  son 
tour  changer  de  nom  en  obtenant,  en  17 10,  des  lettres 
patentes  qui  l'érigèrent  en  titre  de  marquisat  sous 
l'appellation  de  Reignac.  Louis  Barberin  n'ayant 
laissé  que  deux  filles  de  son  mariage  avec  Marie- 
Marguerite  de  la  Vallée  de  Pimodan,  le  marquisat  de 
Reignac  passa  par  l'une  d'elles  dans  la  maison  de 
Laval,  et  de  là  aux  marquis  de  Lafayette  et  de  Lusi^ 
gnem ,  qui  en  jouissaient  encore  par  indivis  en  1 789  ; 
mais  cette  terre  a  été  dépecée  par  l'injuste  inscription 
sur  la  liste  des  émigrés  de  l'illustre  général  Lafayette, 
dans  le  temps  même  qu'il  gémissait  dans  les  cachots 
d'Olmutz. 


ROCHE-CORBON.  2l[3 

On  n'aperçoit  plus  de  traces  de  l'ancien  château  de 
Bray  qui  était  situé  sur  le  coteau  qui  domine  le  vil- 
lage, autrefois  fermé  par  des  ponts-levis.  Le  nouveau 
château  a  été  reconstruit  entre  le  hourg  et  la  rivière 
de  l'Indre.  Le  comte  de  Reignac  s'était  plu  à  l'agran- 
dir et  à  remhellir.  Il  y  mourut  en  17 19,  et  eut  sa 
sépulture  dans  la  chapelle  qu'il  y  avait  fait  bâtir.  On 
y  lisait  son  épitaphe  sur  un  mausolée  érigé  par  son 
épouse  et  par  ses  deux  filles,  la  comtesse  de  La  Ri- 
vière et  la  comtesse  de  Laval-Montmorenci. 

Lorsque  le  roi  venait  pour  la  première  fois  au 
château  de  Loches,  le  seigneur  de  Bray  devait  l'at- 
tendre à  la  porte  de  la  ville,  lui  tenir  l'étrier  pour 
descendre  de  cheval,  et  le  conduire  à  l'éghse  ou  au 
château ,  en  menant  par  la  bride  le  cheval  dont  il 
était  alors  libre  de  disposer  à  son  gré.  Le  même 
cérémonial  s'observait  à  l'entrée  de  la  reine,  et  son 
cheval,  ou  son  carrosse,  ou  sa  litière  devenait  éga- 
lement la  propriété  du  seigneur  de  Bray. 

ROCHE-CORBON,  raroiynii:. 

Roche-Corbon  [Rupes  Corbonis)  est  un  village 
situé  à  une  lieue  est  de  la  ville  de  Tours,  sur  le 
coteau  qui  règne  le  long  de  la  rive  droite  de  la  Loire. 
Il  se  nommait  anciennement  Les  Roches,  du  nom  de 
l'une  des  plus  anciennes  familles  de  la  province,  dont 
sortait  le  célèbre  Guillaume  Des  Roches ,  sénéchal  de 
Touraine,  d'Anjou  et  du  Maine,  sous  Philippe- 
Auguste.  Le  château  qui  existait   dans  l'origine  fut 


a46  HISTOIRE    DE  TOURAI]\E. 

rebâti  par  Robert  Des  Roches,  petit-fils  de  Corbon, 
et  depuis  ce  temps    on   le  nomma  toujours  Roche- 
Corbon  pour  ie  distinguer  de  plusieurs  autres  châ- 
teaux qui   s'appelaient  également  Les  Roches.    Ce 
Robert  était  cousin  de  Hugues  d'Aniboise ,  premier 
du  nom.  Celui-ci  s'étant  croisé  pour  la  Terre-Sainte , 
en  1095,  lui  laissa  le  gouvernement  de  la  tour  d'Am- 
boise.  Or,  Robert  craignant  que  Foulques-R.échin , 
comte  de  Tourame  et  d'Anjou,  ne  fît  quelque  entre- 
prise sur  le  château   de  Roche-Corbon  tandis  qu'il 
garderait  la  tour  d'Amboise,  le  fit  fortifier,  et  y  fit 
élever  une  tour  carrée  dans  un  des  angles  du  château 
qui  regarde  la  Loire.  Par  ce  moyen  les  soldats  de  la 
garnison  pouvaient  instruire  ceux  de  la  tour  d'Am- 
boise de  ce  qui  se  passait,  et  réciproquement,  ce  qui 
s'exécutait  au  moyen  d'un  certain  nombre  de  flam- 
beaux allumés  qu'on  élevait  au  haut  de  ces  deux  tours 
correspondantes,  et  qu'on  abaissait  selon  les  signes 
dont  on  était  convenu.  La  tradition  lui  a  conservé  le 
nom  de  Lanterne  de  Roche-Corbon.  Elle  est  encore 
entière,  et  c'est,  avec  quelques  fragmens   de  murs, 
tout  ce  qui  reste  de  l'ancien  château.  La  tour  elle- 
même  n'a  pas  plus  de  trente  pieds  de  haut  ;  mais  elle 
est  construite  sur  le  point  le  plus  élevé  du  rocher 
qui  n'a  souffert  aucune  altération,  quoiqu'il  y  ait  eu 
des  éboulemens  fréquens  dans  les  autres  parties  du 
roc. 

Ingelger,  seigneur  d'Amboise,  surnommé  le  Grand, 
fit  reconstruire  encore,  vers  1 35o,  le  château  de  Roche- 
Corbon  qui  lui  avait  été  porté  en  dot  par  Jeanne  de 


ROCHE-CORBON.  247 

Thouars  sa  seconde  femme.  Cette  baronnie  fut  depuis 
unie,  ainsi  que  la  vicomte  de  Tours,  à  celle  de 
Maillé  par  lettres  de  Louis  XI,  données  en  1462  en 
faveur  de  Hardouin  IX  de  Maillé.  Cette  union  fut 
confirmée  par  Charles  IX  lors  de  l'érection  de  Maillé 
en  comté,  et  enfin  par  Louis  XIII,  au  mois  de  no- 
vembre 1619,  lorsque  Maillé  fut  érigé  en  duché  de 
Luines.  C'est  depuis  cette  époque  qu'on  a  laissé  smi 
château  tomber  en  ruines. 

Les  Anglais  s'emparèrent  de  cette  place  au  com- 
mencement de  l'année  i4^8;  et  comme  ils  occupaient 
également  celle  de  Maillé,  c'est-à-dire,  au-dessus  et 
au-dessous  de  la  ville  de  Tours,  les  habitans,  fort 
incommodés  de  leurs  courses,  furent  obligés  de  les 
faire  cesser  au  prix  de  cinq  cents  écus  d'or  qu'ils 
payèrent  au  commandant. 

Corbon,  chevalier,  seigneur  Des  Roches,  neveu  de 
Hardouin,  archevêque  de  Tours,  vivait  sur  la  fin  du 
dixième  siècle.  C'était  un  des  plus  riches  seigneurs 
de  la  Touraine.  En  999  il  donna  le  métairie  de  Sully 
à  l'abbaye  de  Bourgueil ,  du  consentement  d'Aldesende 
sa  femme.  Il  était  alors  vassal  d'Archambaud  de  Sully, 
archevêque  de  Tours.  Ce  vassal  était  un  officier  que 
le  roi  donnait  a  l'archevêque  pour  prendre  soin  de 
ses  revenus,  maintenir  la  paix  dans  sa  maison,  et 
rendre  les  honneurs  aux  commissaires  qui  venaient 
dans  la  province  de  la  part  du  roi.  Corbon  fut  en- 
suite vassal  royal ,  et  assista  en  cette  qualité  à  plu- 
sieurs jugcmcns  rendus  à  Tours,  ainsi  que  nous  l'ap- 
prennent plusieurs  titres  de  l'abbaye  de  Marmoutier, 


248  histothe  de  touraine. 

commençant  par  ces  mots  ;  In  nomine  Sahatoris 
Dei ,  ego  Corbo  gratia  Dei  vasus  dominicus  et 
indominicatus  :  ces  mots  vasus  dominicus  signifient 
vassal  royal.  Il  y  avait  plusieurs  sortes  de  vassaux 
royaux  distingués  par  la  nature  de  leurs  emplois. 
Les  uns  étaient  occupés  au  service  du  roi ,  ainsi 
que  le  sont  encore  les  officiers  commensaux;  d'au- 
tres l'étaient  à  garder  les  frontières  du  royaume, 
tels  que  nos  gouverneurs  de  provinces;  il  y  en  avait 
d'autres  qui  faisaient  valoir  les  domaines  et  les  fiefs 
qu'ils  tenaient  du  roi  à  titre  de  bénéfice,  ou  qu'ils 
possédaient  en  propre.  Ces  fiefs  se  donnaient  ordi- 
nairement aux  militaires  pour  leur  entretien  tant 
qu'ils  étaient  au  service  du  prince,  ou  même  pendant 
leur  vie  pour  les  récompenser  de  leurs  services;  c'est 
pourquoi  on  appelait  ces  domaines  des  bénéfices.  Il 
y  en  avait  aussi  d'autres  qui  se  tenaient  auprès  des 
comtes  pour  les  aider  dans  l'administration  de  la  jus- 
tice. Corbon  était  au  nombre  de  ces  derniers.  Il  assis- 
tait le  comte  de  ïouraine  au  jugement  des  causes;  et 
comme  les  comtes  et  vicomtes  avaient  déjà  de  son 
temps  négligé  leurs  plus  belles  fonctions,  qui  étaient 
de  rendre  la  justice,  il  était  devenu  par  ce  moyen  le 
principal  juge  de  la  province.  Cette  dignité  de  vassal 
royal  avait  été  déjà,  avant  lui,  possédée  par  un 
autre  Corvon,  ainsi  que  nous  le  voyous  par  un  juge- 
ment que  rendit  Tbibaut,  vicomte  de  Tours,  le  8  des 
calendes  de  juillet  908,  car  Corbon  ou  Corvon  n'é- 
taient qu'un  même  nom  par  le  cbangement  très- 
fréquent  du  V  en  B.  Ce  Corvon  nous  semble  donc 


I\0CHE-CORBON.  ^49 

devoir  être  le  père  de  notre  Corbon,  parce  que  l'un 
et  l'autre  se  trouvent  dans  le  même  siècle  revêtus 
de  la  même  dignité  au  même  lieu.  Corbon  Des  Ro- 
cbes  voulant  témoigner  qu'il  ne  tenait  pas  sa  dignité 
à  titre  de  bénéfice,  comme  les  autres  vassaux,  mais  à 
titre  héréditaire  et  successif,  se  sert  du  mot  latin 
indominicatus  qui  répond  au  mot  propriétaire,  11 
eut  d'Aldésende,  son  épouse,  Corbon,  probablement 
mort  jeune;  Thibaut  qui  suit;  Handouin;  Guillaume 
et  Hervé.  On  Croit  que  Guillaume  Des  Roches,  qui 
fut  sénéchal  héréditaire  des  trois  provinces,  était  issu 
d'un  petit-fils  de  Hardouin. 

Thibaut  Des  Roches,  premier  du  nom,  seigneur  de 
Roche-Corbon ,  épousa  Sibylle  d'Amboise,  fille  de 
Lysois,  dont  il  eut  Robert  et  N.  Des  Roches. 

Robert  Des  Roches,  soigneur  de  Roche-Corbon, 
assista,  en  ioqG,  à  la  dédicace  de  l'église  de  Mar- 
moutier,  faite  par  !e  pape  Urbain  II.  Il  vivait  encore 
en  1127,  car  dans  cette  même  année  il  accompagna 
Hugues  d'Amboise  au  siège  de  Montrichard,  et  fut 
présent  à  la  donation  que  fit  Renaud,  seigneur  de 
Château -Regnault,  à  l'abbaye  de  Fontaines-les- 
Rlanches.  Il  fut  marié  deux  fois  :  la  première ,  selon 
toute  apparence,  avec  Ammcline,  fille  de  Gelduin, 
seigneur  de  Maillé;  la  seconde,  avecMaycnce,  dont 
la  famille  nous  est  inconnue.  Il  eut  plusieurs  enfans  : 
savoir,  i**  Thibaut,  qui  continua  la  postérité;  2°  Ro- 
bert; 3"  Sulpice,  moine  à  Marmoutier  ;  4°  Ganelon  , 
doyen  de  l'église  de  Tours  en  1 1 4  ^  et  1 1 49  ;  ^'^  Lucie  ; 


aSo  HISTOIRE    DE   TOUR  AINE. 

6'  Sibyile,  qui  fut  mariée  avec  Renaud  II,  seigneur 
de  Château-Regnault. 

Thibaut  Des  Roches ,  deuxième  du  nom ,  seigneur 
de  Roche-Gorbon ,  accompagna  sulpice  d'Amboise 
dans  la  guerre  qu'il  eut  à  soutenir  contre  Thibaut , 
comte  de  Blois  ;  mais  Sulpice  ayant  été  pris  dans  une 
embuscade  avec  deux  de  ses  enfans,  Thibaut  Des 
Roches  eut  le  temps  de  se  sauver  dans  le  château 
de  Chaumont,  près  duquel  l'action  se  passait.  Il  eut 
pour  enfans  Geoffroy,  Hugues,  Hervé  et  Robert;  mais 
on  ignore  quelle  fut  sa  femme. 

Geoffroy  Des  Roches  succéda  à  son  père ,  comme 
on  le  voit  par  une  enquête  faite  sur  un  différend 
entre  le  seigneur  de  Roche-Corbon  et  le  chapitre  de 
l'église  de  Tours  ;  mais  nous  n'avons  pu  apprendre  de 
même  comment  cette  baronnie  passa  dans  la  maison 
de  Dreux.  Nous  trouvons  en  ce  même  temps  un  Geof- 
froy Des  Roches,  gouverneur  de  la  ville  et  du  château 
de  Tours  qu'il  rendit  assez  lâchement  au  roi  d'An- 
gleterre, et  il  pourrait  bien  se  faire  que  ce  fût  le 
notre,  si,  comme  il  est  plus  que  probable,  il  n'y  en 
avait  pas  alors  deux  du  même  nom. 

Robert  de  Brenne,  chevalier,  seigneur  de  Roche- 
Corbon.  On  croit,  mais  sans  certitude,  qu'il  était  fils 
de  Robert  de  France ,  comte  de  Dreux  et  de  Brenne. 
Il  fit  plusieurs  transactions  avec  Téglise  de  Tours 
en  r2oV,  i2o4,  1214  et  12x8.  Il  y  a  deux  choses  à 
remarquer  dans  celle  de  ïii/\;  c'est  qu'il  avait  un 
fils  du  nom  de  Geoffroy ,  dont  les  généalogistes  né 


ROCHE-CORBON.  iBl 

parlent  point,  et  en  second  lieu ,  c'est  que  sur  son 
sceau  est  une  colice  chargée  de  six  fleurs  de  lis,  ce 
qui  fait  voir  que  Robert  n'avait  ni  quitté  les  armes 
de  France,  ni  pris  celles  de  Dreux,  comme  le  pré- 
tendent tous  les  généalogistes.  Il  fut  marié  deux  fois  : 
la  première,  avec  Mahaut  de  Bourgogne,  dont  il  fut 
séparé  pour  cause  de  parenté;  la  seconde,  avec 
Yoland,  fille  de  Raoul  I",  sire  de  Coucy.  Ses  enfans 
furent:  Geoffroy  de  Brenne  qui  suit;  Robert;  Pierre 
de  Dreux  ou  de  Brenne,  duc  de  Bretagne;  Henri, 
archevêque  de  Reims;  Jean,  et  six  filles. 

Geoffroy  de  Brenne,  chevalier,  seigneur  de  Roche- 
Corbon  ,  fils  aîné  de  Robert ,  fut  aussi  seigneur  de 
Mézières,  du  chef  de  sa  femme.  Nous  avons  de  lui 
un  sceau  où  l'on  voit  un  cavalier  tenant  une  épée 
nue  de  la  main  droite,  et  sur  le  bras  gauche  un  écu 
chargé  d'un  lion  rampant  ,  entouré  de  ces  mots  : 
Sigillum  Gauffredi  de  Brenna,  et  au  contre-sceau, 
une  biche  courante ,  autour  de  laquelle  on  lit  :  Ru- 
pium  Corhonis.  En  i23o,  à  la  prière  de  Louis  IX,  il 
fit  remise  au  chapitre  de  Saint-Martui ,  de  Tours  , 
de  l'hommage  qui  lui  était  dû  pour  les  dîmes  de 
Saint-Pater.  Il  épousa  Jeanne  de  Vierzon;  mais  ils 
ne  vécurent  pas  long-temps  ensemble,  Geoffroy  étant 
mort  jeune. 

Jeanne  de  Vierzon.  Nous  en  avons  déjà  parlé  à 
l'article  des  seigneurs  de  Mézières.  Elle  jouit  à  titre 
de  douaire  de  la  baronnie  ,  et  prit ,  suivant  l'usage 
du  temps,  le  titre  de  dame  de  Roche-Corbon.  Elle  se 
remaria  à  Geoffroy  de  Brabant.  On  lit  autour  de  son 


aSct  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

sceau  :  Johanna  de  Vierzon  et  de  Rupihus  Corh. 

Jean  ,  deuxième  du  nom ,  surnommé  le  Bon ,  fils 
de  Robert  IV ,  comte  de  Dreux ,  et  de  Bëatrix  de 
Montfort ,  hérita  la  seigneurie  de  Roche-Corbon,  après 
la  mort  de  Jeanne  de  Vierzon.  Sa  première  femme 
fut  Jeanne ,  fille  unique  de  Humbert  de  Beaujeu ,  sei- 
gneur de  Montpensier  et  connétable  de  France ,  et 
la  seconde  fut  Perrenelle,  fille  de  Henri  III,  de 
Sully,  dont  il  eut  pour  fille  unique ,  Jeanne  de  Dreux, 
première  femme  de  Louis,  vicomte  de  Thouars.  Jean 
était  mort  en  i338. 

Louis,  vicomte  de  Thouars,  seigneur  de  Roche- 
Corbon  ,  eut ,  de  son  mariage  avec  Jeanne  de  Dreux , 
deux  fils  et  trois  filles  :  Jean ,  mort  du  vivant  de  sa 
mère;  Simon,  qui  mourut  en  i363,  sans  enfans  de 
Jeanne  d'Artois ;Perrenelle,femmed'Amaury  deCraon; 
Isabeau  dont  nous  parlerons  tout  à  l'heure ,  et  Mar- 
guerite ,  femme  de  Guy  Turpin ,  seigneur  de  Crissé. 

Amaury  de  Craon ,  quatrième  du  nom  ,  seigneur 
de  Sainte-Maure,  etc. ,  était  fils  de  Maurice  de  Craon 
et  de  Marguerite  de  Mello.  H  y  a  apparence  que 
Perrenelle  dé  Thouars,  son  épouse,  fut  dotée  de  la 
baronnie  de  Roche-Corbon ,  car  il  la  possédait  déjà 
en  i348.  Il  fut  fait  prisonnier  «\  la  bataille  de  Poi- 
tiers, en  1 356,  et  conduit  prisonnier  en  Angleterre, 
d'où  il  eut  permission  de  revenir  en  France,  pour 
travaillera  sa  rançon.  Lorsqu'il  fut  libre,  le  roi  le 
nomma  avec  le  maréchal  Boucicaut  pour  traiter  de 
la  paix  avec  le  duc  de  Bretagne.  Il  mourut  le  3o  mai 
1379,  sans  avoir  eu  d'cnfans.  Après  sa  mort,   sa 


ROCHE-CORBON.  ^53 

veuve  se  remaria  à  Clément  Rouault ,  dit  Tristan , 
chevalier,  seigneur  à  cause  d'elle  de  la  baronnie  de 
Roche-Corbon.  Us  ne  lais^^t  n^nt  également  aucune 
postérité. 

Isabelle  de  Thouars ,  seconde  fdle  de  Louis ,  et  de 
Jeanne  de  Dreux,  dont  nous  avons  déjà  parlé,  fut 
héritière ,  après  la  mort  de  sa  sœur ,  de  la  baronnie 
de  Roche-Gorbon.  Elle  eut  trois  maris  :  i°  Guy  de 
Nesle,  maréchal  de  France;  îi°  Ingelger,  fils  de 
Pierre  d'Amboise;  3°  Guillaume  d'Harcourt.  Du 
deuxième  lit,  naquit  Pierre  ,  seigneur  d'Amboise; 
Ingelger,  et  quelques  autres  dont  nous  avons  fait 
mention  dans  la  série  des  seigneurs  d'Amboise. 

Ingelger  ou  Ingerger  d'Amboise,  deuxième  du 
nom,fds  d'Ingelger  ¥^  et  d'Isabelle  de  Thouars, 
eut  en  partage  la  seigneurie  de  Roche-Gorbon,  celle 
de  La  Ferrière  et  la  vicomte  de  Tours.  Il  s'acquit 
beaucoup  de  réputation  dans  les  armes ,  et  fît  la 
guerre  d'Afrique,  en  iSgo  ,  avec  le  duc  de  Bourbon. 
Il  mourut  vers  l'an  i4io,  et  laissa  de  sa  femme 
Jeanne  de  Graon  deux  fils  et  quatre  filles  :  i*"  Louis; 
a°  Jean;  3°  Perrenelle;  4**Isabeau,  alliée  au  seigneur 
de  Montigny-Griant  ;  5"  Jacqueline,  femme  de  Jean 
deLaTrémouille;  6°  Marie.  Les  deux  fils  moururent 
jeunes ,  ou  du  moins  sans  avoir  été  mariés. 

Perrenelle  d'Amboise,  épousa,  le  i3  juin  i^ii 
Hardouin  VIII ,  baron  de  Maillé  ,  auquel  elle  apporta 
en  mariage  la  baronnie  de  Roche-Corbon  ,  la  vicomte 
des  ponts  de  Tours  et  la  terre  des  Montils.  Son  fils, 
Hardouin   IX  de   Maillé,  vendit  cette  dernière   à 


254  HISTOIRE  DE  TOURAlNE. 

Louis  XI,  qui  y  bâtit  son  château  du  Plessis-les- 
ïours  dont  elle  prit  le  nom.  Par  l'une  des  clauses  de 
la  vente ,  Roche-Corbon  et  les  ponts  de  Tours  furent 
réunis  à  Maille  ,  et  depuis  ce  moment  n'eurent  pas 
d'autres  seigneurs  que  ceux  de  Maillé  et  de  Luines, 
auxquels  nous  renvoyons. 

Il  dépendait  de  la  baronnie  de  Roche-Corbon  trois 
châtellenies  et  vingt-deux  fiefs,  au  nombre  de  ceux- 
ci  était  le  château  de  Saint-George,  dans  la  commune 
de  ce  nom ,  distante  de  Roche-Corbon  d'une  demi- 
lieue.  Il  était  situé  sur  le  penchant  du  coteau  qui 
domine  et  termine  la  vallée  qui  le  partage ,  à  quel- 
ques toises  de  distance  de  la  Loire.  Ce  château 
ne  joue  aucun  rôle  dans  notre  histoire,  et  il  n'en 
existe  plus  de  traces  depuis  long-temps,  si  ce  n'est  un 
escalier  Àe  cent  vingt-deux  marches  et  cinq  paliers, 
taillé  dans  le  roc ,  espèce  de  chemin  couvert,  con- 
duisant sur  le  sommet  du  coteau  ,  et  dont  l'issue 
déguisée  avec  soin ,  d'ailleurs  très-facile  à  défendre , 
permettait  la  sortie  et  la  rentrée  des  troupes ,  ainsi 
que  l'introduction  sans  danger  des  approvisionnemens 
du  château. 

ROCHE-POSAY  (la),  baronnie. 

La  Roche-Posay  (  Rupes  Pusiaca  ) ,  nommée  an- 
ciennement la  Roche  de  Pouzay,  située  sur  la  Gar- 
tempe,  à  dix-neuf  lieues  sud  de  Tours,  était  du  du- 
ché de  Tour  aine  pour  le  temporel ,  mais  du  diocèse 
de  Poitiers  quant  au  spirituel ,  quoique  sa  cure  fût 


I 


ROCHE-POSAY.  255 

à  la  collation  de  l'archevêque  de  Tours.  Sa  position 
entre  deux  coteaux  élevés  donne  naissance  à  un 
ruisseau  qui  disparaît  pendant  l'été ,  et  a  une  source 
d'eau  minérale  très-limpide  et  sans  aucune  saveur. 
Ces  eaux  ont  quelque  réputation  dans  le  pays ,  mais 
en  général ,  elles  sont  peu  fréquentées. 

Cette  source  ne  fut  découverte  qu'en  iS^S.  Millon, 
premier  médecin  du  roi,  en  donna  l'analyse  dans 
une  brochure  intitulée  :  Description  des  fontaines 
médicinales  de  Roche-Posay  ^  en  Touralne;  Paris, 
1617,  in-8. 

Les  barons  de  Preuilly  sont  les  plus  anciens  sei- 
gneurs de  la  Roche-Posay  que  nous  offre  notre  his- 
toire; peut-être  en  existait-il  avant  eux  ;  mais  ce  serait 
en  vain  qu'on  en  chercherait  quelques  traces  anté- 
rieurement à  Euffroy ,  qui  vivait  en  965.  Trois 
familles  principalement  ont  composé  la  série  des  sei- 
gneurs de  la  Roche-Posay.  Ce  sont  celles  de  Preuilly, 
de  Chasteignier,  et  d'Isoré  d'Hervaut.  Nous  ne  ré- 
péterons donc  pas  ici  les  détails  que  nous  avons 
déjà  donnés  sur  les  quinze  premiers  seigneurs  de 
Preuilly,  qui  l'étaient  en  même  temps  de  la  Roche- 
Posay,  Nous  nous  bornerons  seulement  à  rappeler 
leurs  noms  en  cette  dernière  qualité. 

Effroy  ou  Euffroy  de  Preuilly,  seigneur  de  la  Ro- 
che-Posay, vivait  en  965. 

Geoffroy  de  Preuilly  vivait  encore  en  io3o. 

Geoffroy  de  Preuilly ,  deuxième  du  nom  ,  mort 
en  1068. 

Eschivard  I*',  'vivait  en  i  iio. 


Q.56  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

Pierre ,  son  fils  ,  dit  Montrabel ,  premier  du  nom , 
était  à  la  bataille  de  Se'ez,  en  1 1 15. 

Pierre  ,  dit  aussi  Montrabel ,  deuxième  du  nom , 
assiégé  par  Henri  II ,  en  ii yS. 

Eschivard II ,  assista^  en  ii 80,  aux  funérailles  de 
Henri  au  Gourt-Mantel. 

Geoffroy  ITI,  cité  dans  un  titre  de  12 18. 

Eschivard  III.  On  a  de  lui  des  lettres  datées  de 
1256. 

Geoffroy  IV,  fît  hommage  à  Pierre  de  Brosse, 
en  1274. 

Eschivard IV,  de  laSi  à  i3i8. 

Eschivard  V,  de  i3i8  à  i349. 

Eschivard  VI,  mort  en  1409,  âgé  de  quatre-vingts 
ans. 

Gilles  de  Preuilly,  tué  en  i^i^,  eut  pour  fille 
Marguerite  ,  qui  épousa  Prégent  Frottier. 

Antoine  de  Preuilly ,  frère  de  Gilles,  fut  tué  en 
14^3,  laissant  Pierre  et  Louise  de  Preuilly. 

Pierre  de  Preuilly ,  étant  mort  sans  alliance  ,  la 
seigneurie  de  la  Roche-Posay ,  passa  à  sa  sœun Louise, 
qui  fut  mariée  à  Geoffroy  Chasteignier. 

Geoffroy  Chasteignier ,  devint  baron  de  la  Roche- 
Posay  ,  du  chef  de  Louise  de  Preuilly,  sa  femme,  de 
laquelle  il  eut  Guy  Chasteignier. 

Prégent  Frottier  était  fils  de  Pierre  Frottier,  et  de 
Marguerite  de  Preuilly ,  dont  nous  avons  parlé  plus 
haut.  Mécontent  sans  doute  de  ce  que  la  baronnie  de 
la  Roche-Posay  avait  été  distraite  de  celle  de  Preuilly, 
et  quelle  était  passée  à  Guy  Chasteignier,  du  chef 


ROCHK-POSA.T.  I^J 

diî  Louise,  alors  veuve  de  Geoffroy  Chasteignier,  il 
obtint  de  Louis  XI,  en  1471  >  "°6  lettre  de  cachet, 
en  vertu  de  laquelle  il  se  mit  en  possession  du  châ- 
teau de  la  Roche-Posay ,  d'où  il  chassa  violemment 
sa  grand'tante  maternelle.  Il  y  eut  entre  eux  un 
procès  à  ce  sujet  ;  mais  il  se  termina  par  une  transac- 
tion dont  le  résultat  fut  que  la  Roche-Posay  demeura 
dans  la  famille  Chasteignier. 

Guy  Chasteignier ,  épousa  ,  en  1 480  ,  Catherine  du 
Puy,  dont  il  eut 

Jean  Chasteignier ,  premier  du  nom  ,  baron  de  la 
Roche-Posay ,  qui  fut  père  de 

Jean  Chasteignier,  deuxième  du  nom ,  baron  de  la 
Roche-Posay. 

Jean  Chasteignier,  troisième  du  nom,  comparut  à 
Langeais,  en  iSSg,  lors  de  sa  seconde  réformation 
des  coutumes  de  Touraine.  Il  avait  épousé  Claude  de 
Montléon,  dont  il  eut  Roch  -  François ,  qui  suit,  et 
Jeanne  ,  qui  épousa  ,  le  1 5  juillet  1 573 ,  Henri  Clufîn. 

Roch-François  Chasteignier,  baron  de  la  Roche- 
Posay  ,  de  Touffou  ,  de  Talmont ,  chevalier  de  Tordre 
du  roi,  se  distingua ,  en  i555,  dansla  guerre  d'Italie, 
au  siège  de  San-Balcgno ,  où  il  tailla  en  pièces  les 
six  cents  mousquetaires  que  commandait  Emmanuel 
de  Luna ,  qui  n'entra  dans  la  place  assiégée  qu'avec 
quatre-vingts  de  ses  hommes ,  le  reste  ayant  été  tué 
ou  pris.  Il  avait  épousé,  le  27  septembre  t566, 
Louise  de  Laval. 

Louis  Chasteignier,  seigneur  d'Abain  et  de  la 
Roche-Posay,  ambassadeur  en  Suisse,  prit  alliance 
3. .  ly 


258  HISTOIRE    DE    TOUR  AINE. 

le  i5  de  janvier  1667,  avec  Claude  Dupuy,  dont  ^ 
entre  autres  enfans  ,  il  eut  Jean  qui  suit. 

Jean  Chasteignier ,  quatrième  du  nom  ,  seigneur 
de  la  Roche-Posay ,  lieutenant-gënéral  au  gouverne- 
ment de  la  Haute  et  Basse  Marche  ,  eut  pour  femme 
Diane ,  fille  de  Charles  de  Fonsèque ,  baron  de  Sur- 
gère, dont  il  eut 

Charles  Chasteignier,  baron  d'Abain  et  de  la 
Roche-Posay,  comte  de  Chinssé.  Il  avait  épousé 
Charlotte  de  Jousseran.  Des  enfans  nés  de  ce  mariage, 
il  ne  resta  qu'une  fille  ,  Marie  -  Gabrielle .  qui ,  en 
1662,  épousa  René  Isoré  d'Hervault. 

René  Isoré  d'Hervault,  troisième  du  nom,  mar- 
quis de  Pleumartin ,  baron  de  la  Roche-Posay,  lieu- 
tenant-général pour  le  roi ,  dans  le  Haut  Poitou  ,  et 
ensuite  dans  la  Touraine.  Ce  fut  en  sa  faveur  que  la 
terre  de  Pleumartin  fut  érigée  en  marquisat  par 
lettres  patentes  du  mois  de  janvier  i652.  Depuis  ce 
temps ,  la  terre  de  la  Roche-Posay  est  constamment 
restée  dans  la  même  famille. 

Armand-Louis-François  Isoré  d'Hervault ,  marquis 
de  Pleumartin  ,  fut ,  en  1790 ,  le  dernier  baron  de  la 
Roche-Posay. 

SACHE,    BARONNIE. 

La  commune  de  Sache  {Sacciacum)^  située  sur 
la  rive  gauche  de  l'Indre ,  dans  le  canton  d'Azay-le- 
Rideau ,  avait  donné  son  nom  à  une  ancienne  famille, 
dont  la  descendance  nous  est  totalement  inconnue. 


SACHE.  269 

Nous  savons  seulement  qu'en  1260,  le  mardi  après 
l'octave  de  la  Trinité,  un  Guillaume  de  Sache  tran- 
sigea avec  le  chapitre  de  l'église  de  Tours,  et  s'ohli- 
gea  de  lui  payer,  conjointement  avec  le  prieur  de 
Sache,  quinze  septiers  de  seigle  pour  les  dîmes  et 
novales.  Depuis  ce  temps ,  il  s'écoule  un  assez  long 
espace  sans  que  nous  voyions  aucun  seigneur  de  Sache 
reparaître  sur  la  scène. 

François  Savary ,  seigneur  de  Sache  et  du  Pont- 
de-Ruan,  épousa  Marguerite,  fille  de  N.  Bérard,  sei- 
gneur de  Bléré,  dont  il  eut  François  qui  suit,  et 
Jeanne ,  mariée  à  Louis  d'Aloigny. 

François  Savary ,  deuxième  du  nom ,  seigneur  de 
Sache  et  du  Pont-de-Ruan ,  eut  une  fille  unique 
nommée  Renée,  qui  porta  son  héritage  dans  la 
famille  de  Rouxelley. 

François  de  Rouxelley,  seigneur  de  La  Treille  en 
Anjou,  le  devint  de  Sache  et  du  Pont-de-Ruan,  par 
son  mariage  avec  Renée  Savary ,  d'où  naquit 

René  de  Rouxelley ,  soigneur  de  Sache  ,  du  Pont- 
de-Ruan  et  de  La  Treille ,  chevalier  des  ordres  du 
roi.  Il  épousa  Marguerite  de  Montmorenci-Bouteville, 
dame  de  Roche-Millet  et  de  Corbeil-le-Cerf ,  par  con- 
trat du  23  juin  1589.  De  ce  mariage  vinrent  plu- 
sieurs enfans,  entre  autres  René  qui  suit,  et  une 
fdle  nommée  Marguerite ,  comme  sa  mère  ;  elle  voulut 
se  faire  carmélite;  mais  ses  parens  s'y  étant  con- 
stamment opposés,  elle  persista  à  vouloir  en  suivre 
le  règle  au  sein  même  de  la  maison  paternelle ,  et- 
mourut  en  1628,  victime  des  austérités  qu'elle  s'im- 

'7- 


^Qo  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

posait.  Nous  en  parlons  plus  en  détail  dans  le  qua- 
trième volume.  On  lui  donna,  après  sa  mort,  la  qua- 
lification de  Bienheureuse. 

René  de  Rouxelley  ,  deuxième  du  nom .  fils  du 
précédent,  seigneur  de  Sache  ,  du  Pont- de- Ruan 
et  de  La  Treille ,  eut  entre  autres  enfans  François 
qui   suit. 

François  de  Rouxelley,  deuxième  du  nom,  sei- 
gneur de  Sache ,  du  Pont-de-Ruan  et  de  La  Treille, 
épousa  Henriette  -  Antoinette ,  fille  de  Hyacinthe  de 
Quatreharbes  ,  chevalier  d'honneur  de  Madame  , 
charge  dont  il  obtint  la  survivance.  Il  mourut  en 
1692.  On  le  nommait  le  marquis  de  Sache,  quoique 
cette  terre  n'eût  que  le  titre  de  baronnie. 

Au  commencement  du  dix-huitième  siècle,  N.  de 
Villiers  était  propriétaire  de  la  baronnie  de  Sache, 
qui  se  composait  alors  des  seigneuries  de  Sache,  Vil- 
laines  ,  Thilouze ,  Pont-de-Ruan  ,  Méré  dans  la  com- 
mune d'Artannes,  et  Vallesne  dans  celle  de  Sache. 
Etant  célibataire,  il  démembra  sa  baronnie  en  ven- 
dant la  terre  de  Villaine  au  seigneur  d'Azay-le-Rideau, 

celle  de  Thilouse  à  N ,  et  le  surplus ,  c'est-à-dire , 

Sache,  Vallesne,  Pont-de-Ruan  et  Méré  à  celui  qui 
suit. 

N.  Péan,  chef  d'escadre ,  après  avoir  été  amputé 
d'une  jambe,  obtint  sa  retraite,  et  se  maria  à  la 
dame  veuve  de  Blois  ,  avec  laquelle  il  acquit  ce  qui 
restait  de  la  baronnie  de  Sache.  Après  sa  mort,  sa 
veuve,  qui  avait  eu  une  fille  de  son  premier  mariage, 
la  dota  de  la  seigneurie  de  Méré ,  que  celle-ci  vendit 


SA.INT-ANTOINE-DU-ROCHER.  'aGi 

à  la  dame  veuve  Landriève.   De  son  côte ,  la  mère 
vendit  Sache,  Vallesne  et  le  Pont-de-Ruan  à 

Jean  Butet,  ancien  négociant  à  Tours  qui,  lors  de 
l'assemblée  de  la  noblesse,  en  1789,  prit  encore  la 
qualité  de  seigneur  de  Sache.  Depuis,  cette  propriété 
à  été  partagée  entre  ses  deux  filles,  mesdames  de 
Savary  et  de  Margonne. 

SAINT-ANTOINE-DU-ROCHER. 

Saint-Antoine-du-Rocher  n'est  qu'un  simple  vil- 
lage non  titré ,  situé  à  environ  trois  lieues  nord-ouest 
de  la  ville  de  Tours.  Nous  n'en  eussions  pas  fait  men- 
tion s'il  ne  se  trouvait  sur  son  territoire  un  monu- 
ment celtique  le  plus  grand  et  le  mieux  conservé  de 
ceux,  en  petit  nombre,  que  renferme  la  province. 
C'est  un  de  ces  édifices  grossiers  connus  sous  le  nom 
de  dolmen  ou  dolmein ,  mot  qui  signifie  en  breton 
tal?/e  de  pierre,  et  formé  de  taol ,  table  ,  contracté 
en  dol ,  et  de  inen  ,  pierre ,  au  pluriel  mein. 

Trois  pierres,  dont  deux  debout  et  une  placée 
horizontalement  au-dessus  ,  composent  assez  ordinai- 
ment  ces  dolmen  que  l'on  considère  comme  des 
autels  druidiques.  Celui-ci ,  connu  dans  le  pays  sous 
le  nom  de  grotte  de  fées  ,  est  formé  de  douze  pierres, 
savoir  :  deux  à  l'ouverture,  i ,  2;  trois  du  côté  gauche , 
3 , 4  y  5;  une  au  fond ,  6  ;  trois  du  côté  droit ,  7,8,9; 
et  trois  placées  horizontalement  au-dessus ,  10,  11 
et  1 2 .  Les  pierres  numéros  i  et  2  sont  rentrantes  de  cinq 
pieds,  de  manière  à  former  une  espèce  de  vestibule;  des 


262  HISTOIRE    DE    TOL'IIAJNE. 

trois  pierres  posées  aplat,  celle  du  milieu  ,  numéro  10^ 
domine  les  deux  autres  d'environ  deux  pieds,  et  l'on 
pourrait  croire  que  c'était  véritablement  la  table  ou 
l'autel ,  dans  la  supposition  où  ce  monument  eût  été 
destiné  aux  sacrifices.  Ces  trois  pierres  sont  beau- 
coup plus  grossesque  lesautres ,  qui  toutes  sont  brutes 
et  du  même  grain  que  celles  qui  se  trouvent  dans  le 
voisinage.  On  serait  volontiers  tenté  de  croire  que 
le  nombre  trois,  si  respecté  dans  l'antiquité,  a  pré- 
sidé à  la  distribution  de  ce  dolmen.  Il  est  à  remar- 
quer aussi  que  les  trois  pierres  horizontales  sont  pla- 
cées de  manière  que  chacune  d'elle  ne  porte  que  sur 
trois  pierres,  savoir  :  le  numéro  10  sur  5 ,  6,  7  ;  le 
numéro  1 1  sur  4,5,7,  et  le  numéro  12  sur  3,  /j,  9  ; 
et  qu'ainsi  il  reste  trois  pierres  i  ,  2,8,  qui  ne 
portent  rien  :  aussi  le  numéro  8  est-il  un  peu  incliné. 
On  retrouve  encore  le  nombre  trois  dans  cette  sorte 
d'arrangement. 

Ce  monument  est  placé  a  mi-cote  à  environ  cin- 
quante toises  de  la  petite  rivière  de  la  Choisdle.  Sa 
direction  est  du  levant  au  couchant;  ainsi,  l'entrée 
se  trouve  au  levant,  contrairement  h  l'usage  observé 
pour  les  temples  du  christianisme.  A  quelque  dis- 
tance de  l'entrée  on  aperçoit  une  treizième  pierre  en- 
terrée, dont  on  ne  découvre  que  la  surface;  mais, 
selon  toute  apparence,  ce  n'est  qu'une  prolongation 
de  la  roche  sur  laquelle  le  monument  est  assis. 

Sa  longueur  totale  est  de  trente-quatre  pieds  sur 
onze  pieds  de  haut ,  et  sa  largeur  est  de  neuf  pieds 
dans  œuvre.Le  bloc  numéro  1 1  adix-huit  pieds  de  long. 


SAINT- A.NTOINE    DU    ROCHER.  .i63 

Le  bloc  numéro  i  o ,  qui  forme  le  milieu  de  la 
couverture,  cubant  environ  quarante  pieds,  et  la 
pesanteur  spécifique  de  cette  sorte  de  pierre  étant  de 
170  liv.  par  pied  cube  ,  il  en  résulte  que  son  poids 
doit  être  de  4o,8oo  liv. 

Le  bloc  numéro  1 1  cubant ,  à  très-peu  de  chose 
près ,  trois  cents  pieds ,  son  poids  doit  être  de 
5 1,000  liv. 

Enfin  5  le  bloc  numéro  1 1 ,  étant  de  cinq  cents 
pieds  cubes  ,  pèsera  85,ooo  liv. 

Total  pour  les  trois  pierres  de  la  couverture , 
1 76,800  liv. 

Nous  avons  dit  qu'il  se  trouvait  dans  notre  pro- 
vince peu  de  monumens  de  cette  espèce ,  et  l'on 
devrait  même  s'étonner  qu'il  y  en  existât  encore 
d'après  les  arrêts  sévères  qui  les  proscrivirent  dès 
les  premiers  siècles  du  christianisme.  Nous  voyons 
en  effet  dans  les  Capitulai res  un  édit  du  roi  Chil- 
debert,  publié  en  554  ,  qui  ordonne  d'abattre  les 
statues  et  les  monumens  des  dieux  du  paganisme, 
portant  en  outre  que  quiconque  ne  rejetterait  pas  de 
son  champ  les  simulacres  qui  s'y  trouvaient ,  et  em- 
pêcherait les  prêtres  de  les  détruire ,  serait  consi- 
déré comme  sacrilège.  Quelques  années  après ,  Chil- 
péric  renouvela  cette  ordonnance,  et  prescrivit  de 
même  de  détruire  toutes  les  pierres  qui  couvraient  les 
champs  xle  la  Gaule.  Nous  ne  devons  pas  être  sur- 
pris maintenant  si  les  monumens  druidiques  sont 
devenus  si  rares  dans  un  pays  voisin  des  lieux  où 
les  rois  faisaient  leur  résidence,  et  où  même  ils  fai- 


264  HISTOIRE  DE  TOlTRAINE. 

saient  d'assez  fréquens  voyages.  Peut-être  les  anciens 
monumens  que  l'on  rencontre  encore  n'ont-ils  dû 
leur  conservation  qu'aux  bois  épais  dont  les  cam- 
pagnes étaient  alors  couvertes,  et  surtout  a  rattache- 
ment secret  que  les  habitans  portaient  toujours  au 
culte  de  leurs  aïeux ,  puisque  nous  avons  vu ,  au 
troisième  livre  de  notre  Histoire ,  que  le  vingt-et- 
unième  canon  du  concile  de  Nantes,  en  658,  en- 
joignit aux  évêques  de  faire  abattre  et  brûler  les 
arbres  que  le  peuple  révérait  encore. 

En  consacrant  cet  article  au  dolmen  de  Saint- 
Antoine-du-Rocber,  nous  avons  cru  qu'il  serait  in- 
utile de  parler  de  quelques  autres  monumens  de  la 
même  nature,  mais  beaucoup  moins  considérables, 
qui  se  trouvent  disséminés  sur  quelques  points  de 
notre  territoire.  Si  l'on  nous  objectait  qu'ils  se  ren- 
contrent en  très-grand  nombre  dans  la  Basse-Bre- 
tagne, nous  répondrions  que  l'Armorique,  dans  tout 
le  moyen  âge,  fut  gouvernée  par  des  princes  particu- 
liers ,  et  n'était  point  soumise  aux  lois  françaises. 

SAINT-CHRISTOPHE,  baronnie. 

Saint  -  Christophe ,  ou  Christophle  ,  ainsi  qu'on 
écrivait  autrefois ,  est  un  gros  bourg ,  distant  de 
Tours  de  six  lieues  du  coté  du  nord,  sur  le  penchant 
du  coteau,  dont  le  vallon  est  arrosé  par  le  Gavot, 
ruisseau  qui  tombe  dans  le  Loir.  C'était  la  première 
baronnie  de  Touraine,  et  le  Sergent  bailliager  de 
la  province  :  mais  depuis  l'érection  de  Châteaux  en 


SAINT-CHRISTOPHE.  265 

duché  pairie,  sous  le  nom  de  La  Vallière  ,  avec  l'u- 
nion de  la  baronnie  de  Saint-Christophe,  elle  ne 
reconnaissait  plus  le  bailli  de  Touraine  pour  la  jus- 
tice, et  ses  appels  allaient  droit  à  Château -La 
Vallière  ,  et  de  là  au  parlement  de  Paris.  11  reste 
encore  à  Saint-Christophe  quelques  traces  du  châ- 
teau qui  était  sur  la  hauteur  du  côté  de  l'orient.  On 
voit  sur  les  registres  de  la  maison-de-ville  de  Tours, 
de  l'année  il[i6y  que  les  habitans  de  Tours  étaient 
fort  incommodés  par  les  courses  de  la  garnison  de 
Saint-Christophe,  et  qu'ils  furent  obligés  de  recourir 
à  la  reine  de  Sicile,  duchesse  de  Touraine,  pour 
l'inviter  à  y  faire  mettre  un  terme.  On  pourrait  pré- 
sumer de  là ,  que  cette  place  était  alors  plus  impor- 
tante qu'elle  ne  l'est  aujourd'hui. 

Nous  voyons  dès  le  dixième  siècle  paraître  sur  la 
scène  des  })arons  de  Saint-Christophe. 

Hugues  d'Aluys  est  le  premier  qui  se  présente. 
C'était  un  des  favoris  et  des  plus  zélés  partisans  de 
Foulques-Nerra  ,  il  l'accompagna  dans  toutes  ses 
guerres ,  et  le  reçut  dans  son  château  lorsqu'il  tra- 
versait la  Touraine  pour  aller  d'Angers  à  Aniboise. 
Il  laissa  deux  enfans  de  Richilde ,  son  épouse  :  Jean 
et  Hugues. 

Jean  d'Aluys,  premier  du  nom,  baron  de  Saint- 
Christophe  et  de  Châteaux,  accompagna  Foulques-le- 
Jeune,  comte  d'Anjou  ,  à  la  bataille  de  Séez,  en 
1 1 1 5  ,  avec  Hugues,  son  frère ,  et  seconda  utilement 
le  seigneur  d'Amboise  dans  la  guerre  qu'il  eut  contre 
Geoffroy  de  Preuilly ,  comme  nous  l'avons  dit  précé- 


266  HISTOIRE  1)K  TOUR. UNE. 

déminent.  Il  épousa  une  fille  de  Robert  II ,  seigneur 
de  Semblançay  ,  dont  il  eut  Hugues  qui  suit. 

Hugues  d'Aluys,  quatrième  du  nom,  baron  de 
Saint-Christophe  et  de  Châteaux ,  était  un  des  plus 
considérables  barons  du  royaume.  Il  passa  en  Angle- 
terre avec  les  troupes  que  le  roi  Louis-le-Jeune 
envoyait  au  secours  des  fils  de  Henri  II,  révoltés 
contre  lui  :  mais  l'armée  conduite  par  Robert,  comte 
de  Leicester ,  fut  défaite  en  j  1^3 ,  et  Hugues  d'Aluys 
fut  comme  lui  fait  prisonnier.  Conduit  au  château  de 
Falaise ,  il  en  sortit  bientôt  moyennant  une  légère 
rançon,  S'étant  croisé  pour  la  Terre-Sainte ,  avant 
que  de  partir,  il  restitua  à  l'église  de  Tours  tout  ce 
qu'il  avait  pris  injustement  sur  ses  sujets.  Il  en  donna 
ses  lettres  sans  date,  du  consentement  de  Guiburge 
de  Charocé ,  sa  femme ,  et  d'André ,  son  fils  unique. 

André  d'Aluys ,  baron  de  Saint-Christophe  et  de 
Châteaux,  épousa  Elisabeth,  fille  de  Sulpicell  d'Am- 
boise,  qui  mourut  à  la  fleur  de  son  âge,  et  fut  en- 
terrée dans  l'abbaye  de  Ponl-le-Voy,  laissant  un  fils 
et  une  fille,  Hugues  et  Agnès. 

Hugues  d'Aluys,  cinquième  du  nom,  baron  de 
Saint-Christophe  et  de  Châteaux ,  succéda  à  son  père. 
Sa  femme  nous  est  inconnue.  Il  n'en  eut  qu'un 
fils. 

Jean  d'Aluys ,  deuxième  du  nom ,  baron  de 
Saint-Christophe  et  de  Châteaux  ,  est  nommé  entre 
les  principaux  seigneurs  du  royaume  qui  portaient 
bannière,  sous  Philippe-Auguste,  en  1214.  En 
laSg,  il  fit  plusieurs  donations  à  l'abbaye   de    la 


SAIKT-CHRISTOPUE.  'iCj 

Clarté-Dieu  ,  où  il  eut  sa  sépulture  à  Tentrée  des 
galeries.  Sur  son  tombeau  ,  élevé  de  deux  pieds,  il 
était  représenté  armé  de  sa  cotte-d'armes,  l'épée  au 
côté,  et  son  écu  sur  le  bras  sans  aucunes  armoiries. 
Il  eut  pour  fils      * 

Hugues  d'Aluys,  sixième  du  nom  ,  baron  de  Saint- 
Cliristoplie  et  de  Châteaux.  Il  ratifia  les  dons  faits 
par  son  père,  en  lîiSg,  à  l'abbaye  de  la  Clarté- 
Dieu,  et  lui-même  lui  abandonna  toute  la  justice,  au 
mois  de  juillet  1248,  du  consentement  d'Alix,  sa 
femme,  et  de  ses  quatre  filles,  Catlierine,  Margue- 
rite ,  Constance  et  Isabelle  ;  l'aînée  mourut  jeune.  Les 
deux  autres  furent  dotées  de  cent  livres  de  rente,  et 
la  seconde  lui  succéda. 

Marguerite  d'Aluys  ,  devenue  unique  héritière  de 
Hugues ,  fut  mariée  à  Rotrou  de  Montfort ,  seigneur 
de  Semblançay ,  de  Pernay  et  de  la  Motthe-de-Son- 
zay,  auquel  elle  porta  en  dot  les  baronnies  de  Saint- 
Christophe  et  de  Châteaux.  Ils  échangèrent, en  laSy, 
avec  les  religieux  de  la  Clarté,  le  bourg  que  leur 
avait  donné  Hugues  IV,  contre  quelques  terres,  et 
trente  livres  de  rente  sur  le  péage  de  Saint-Chris- 
tophe; et,  en  1267,  ils  payèrent  la  somme  de  trois 
cents  livres  qu'ils  devaient  à  l'abbaye  de  La  Boissière, 
pour  l'exécution  du  testament  de  Hugues,  leur  aïeul 
maternel.  Jeanne  fut  le  seul  fruit  de  ce  mariage. 

Jeanne  de  Montfort ,  fdle  de  Rotrou  et  de  Mar- 
guerite d'Aluys,  fut  mariée,  en  1276,  à  Guillaume 
l'Archevêque ,  deuxième  du  nom ,  seigneui'  de  Par- 
thenay,  Mervant,   Vouvent  et  Taillebourg,  en   h 


*l6S  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

famille  duquel  elle  porta  les  baronnies  de  Saint- 
Christophe,  Châteaux,  Semblançay ,  Montfort,  et 
plusieurs  autres  belles  terres  et  seigneuries.  On  tient 
que  cette  famille  descendait  d'un  archevêque  de 
Bordeaux  qui  quitta  son  archevêché  pour  se  marier, 
et  qu'en  raison  de  cela  ,  les  garçons  prirent  le  nom 
d'Archevêque,  et  les  filles  celui  de  Parthenay.  Mais 
ce  récit  ressemble  fort  à  un  conte  fait  à  plaisir;  car 
cet  archevêque  avait  sans  doute  un  nom  que  ses  en- 
fans  n'auraient  pas  répudié. 

Notre  Guillaume  eut  de  Jeanne  de  Montfort 
trois  fils  et  trois  filles,  i"  Hugues,  seigneur  de 
Saint-Christophe;  i°  Jean  qui  continua  la  postérité; 
3*"  Guy,  baron  de  Soubise  et  de  Taillebourg;  4**  Ma- 
rie de  Parthenay ,  femme  de  Girard  Chabot;  5°  Isa- 
beau  ,  dame  d'Apremont,  mariée  en  12 56,  à  Jacques 
d'Harcourt;  6**  Létice ,  mariée  en  12  83  ,  à  Maurice 
d'Harpedane ,  seigneur  de  Belleville. 

Hugues  Larchevêque ,  cinquième  du  nom ,  sei- 
gneur de  Parthenay,  de  Saint-Christophe,  de  Châ- 
teaux et  de  Semblançay ,  épousa  Isabeau  de  Nesle , 
dont  il  n'eut  point  d'enfans ,  de  sorte  que  sa  succes- 
sion passa  à  son  puîné. 

Jean  Larchevêque  ,  seigneur  de  Parthenay,  Saint- 
Christophe  ,  etc. ,  prit  alliance  avec  Marie ,  fille  de 
Guichard  V ,  comte  de  Beaujeu  ,  dont  il  n'eut  qu'un 
fils. 

Guillaume  Larchevêque ,  seigneur  de  Parthenay  , 
Saint-Christophe,  Semblançay,  Châteaux,  les  Ponts- 
de-Tours,  Secoudigny,  Fontenay,  Vouvant,  Chas- 


SAINT-CHRISTOPHE.  l6c) 

telaillon  et  Bczay,  épousa,  en  i34o,  Jeanne  deMa- 
thefelon ,  fille  de  Thibaut  et  de  Béatrix  de  Dreux. 
Il  mourut  le  mardi  17  mai  i4o7-  Ses  enfans  furent 
Jean  qui  suit,  Jeanne  de  Parthenay  ,  femme  de  Guil- 
laume vicomte  de  Melun  et  de  Tancarvillc ,  et 
Marie ,  épouse  de  Louis  de  Cliallon ,  comte  de 
Tonnerre. 

Jean  Larchevê^ue,  deuxième  du  nom  ,  succéda  à 
son  père  aux  baronnies  de  Saint-Christophe  et  de 
Châteaux.  11  fut  marié  à  Brunissant,  vicomtesse  de 
JJmoges ,  dont  il  n'eut  point  d'enfans.  Il  suivit  le 
parti  de  Philippe-le-llardi,  duc  de  Bourgogne, 
contre  le  roi  Charles  VI,  l'an  i4j5.  Il  fut  condamné 
pour  ce  sujet ,  et  ses  biens  confisqués  à  la  couronne 
furent  donnés  à  Charles  dauphin  de  France,  duc  de 
Touraine ,  qui  s'en  dessaisit  en  faveur  du  comte  de 
Richemont,  connétable  de  France.  Mais  il  se  vit 
remis  en  grâce  Tannée  suivante  ,  et  fut  rétabli  dans 
tous  ses  biens.  Il  était  encore  baron  de  Saint-Chris- 
tophe en  1445. 

Nous  venons  de  dire,  d'après  les  généalogistes, 
que  Jean  Larchevêque  n'avait  point  eu  d'enfans.  Ce- 
pendant nous  trouvons  à  Tours,  en  14^7  >  "^^  Guil- 
laume Larchevêque  qui  ne  pouvait  être  que  son  fils. 
Il  y  a  à  ce  sujet  une  anecdote  qui  mérite  d'être  rap- 
portée. Maittaire,  dans  ses  annales  typographiques, 
a  cru  que  la  ville  de  Tours  avait  été  la  première  en 
France  où  l'imprimerie  avait  été  introduite  dès 
l'année  1^6'],  se  fondant  pour  cela  sur  la  souscrip- 
tion de  l'ouvrage  de  Florius ,  de  Amore  Camilli  et 


110  HISTOIRE   ïiE    TOlIRAINfi. 

jE milice,  à  la  fin  duquel  on  lit  :  Francisci  Florii 
Florentini  liber  félicite?^  exp Ictus  est  Turonis ,  et 
éditas  in  domo  dorn.  Guillermi  archiepiscopi  ^ 
Turonensis  ^  pridie  kalendas  januarii,  anno  Do- 
mini  1467.  Il  est  claii'  qu'il  s'agit  ici  de  Guillaume 
Larchevêque  Tourangeau ,  et  non  de  l'archevêque  de 
Tours  qui  était  alors  Gérard  de  Crussol.  Quant  au 
mot  editus ,  on  a  fort  bien  prouvé  par  plusieurs 
exemples  que  libri  editi  ne  signifie  autre  chose  que 
livres  publiés,  quoique  manuscrits;  et  celui-ci  ne 
pouvait  être  autrement  qu'écrit  à  la  main ,  puisqu'il 
n'y  eut  d'imprimerie  en  France  que  trois  ans  plus 
tard. 

Les  baronnies  de  Saint-Christophe  et  de  Châ- 
teaux furent ,  comme  nous  l'avons  dit,  réunies  pour 
former  le  duché  de  La  Vallière. 

SAmT-MICHEL,  baronnie. 

Saint-Michel-sur-Loire  est  situé  à  une  lieue  au- 
dessus  de  Langeais.  C'est  un  bourg  qui  n'est  consi- 
dérable ni  par  son  titre ,  ni  par  sa  population  ;  cette 
baronnie  est  cependant  l'une  des  plus  anciennes  de 
la  province.  Elle  a  été  possédée ,  il  y  a  plus  de  neuf 
cents  ans ,  par  une  famille  qui  n'avait  point  d'autre 
nom,  mais  qui  a  fini  par  être  fondue  dans  celle  de 
Marmande  On  ne  doit  pas  confondre  cette  terre 
avec  celle  de  Saint-Michel-des-Bois ,  dans  l'arrondis- 
sement de  Loches,  qui  n'était  qu'une  simple  chatel- 
lenie. 


SAÏNTE-MAURÉ.  U7I 

Ëbbon  est  !e  premier  baron  de  Sainl-Micbel  dont 
nous  ayons  connaissance.  Il  signa  les  lettres  que 
Foulques-Rëcbin  donna ,  le  3  des  ides  de  mars  1073, 
en  faveur  de  labbaye  de  Marmoutier. 

Depuis  ce  temps ,  les  seigneurs  de  Saint-Michel 
ne  figurent  que  très-rarement  dans  l'histoire  de  la 
province.  Cependant  nous  trouvons,  en  12 14,  parmi 
les  chevaliers  bannerets  créés  par  Philippe- Auguste, 
un  seigneur  de  Saint-Michel  qui  n'est  désigné  par 
aucun  prénom  ,  ainsi  que  quelques  autres  qui  sont 
venus  après  lui. 

Yers  iSgo,  Marguerite,  fille  aînée  de  Jean  III, 
comte  de  Sancerre,  et  de  Béatrix  de  Roucy  ,  est 
indiquée  comme  baronne  de  Marmande  et  de  Saint- 
Michel. 

Dans  les  commencemens  du  seizième  siècle,  et 
même  sur  la  fin  du  quinzième,  cette  baronnie  était 
possédée  par  la  famille  d'Espinay. 

En  1 507  ,  nous  voyons  assister  à  la  première  ré- 
formation des  coutumes  de  Touraine  Jacques  d'Es- 
pinay ,  premier  du  nom  ;  et,  en  i  oSg  ,  un  autre  Jac- 
ques d'Espinay  comparaît  également  à  la  seconde 
ré  formation. 

Il  est  probable  que  ce  fut  quelque  temps  après 
que  cette  baronnie  fut  fondue  dans  celle  de  Mar- 
mande. 

SAINTE-MAURE,  baronnie. 
La  ville  de  Sainte-Maure,  située  à  neuf  lieues  de 


O.'J'l  IIISTOirxE    DE    ÏOURA.IJfE. 

Tours ,  du  coté  du  Poitou ,  doit  son  nom  et  son  ori- 
gine à  une  sainte  du  même  nom ,  qui  avait  ëtë  en- 
terrée dans  ce  lieu  avec  sa  sœur  nommée  Britte. 
Grégoire  de  Tours  rapporte  qu'un  des  principaux 
habitans  du  pays  y  bâtit  une  église  qui  fut  consacrée 
par  saint  Eufrone ,  évêque  de  Tours,  en  570.  La 
dévotion  y  ayant  attiré  plusieurs  personnes ,  il  s'y 
forma  en  peu  de  temps  un  bourg  où  Foulques-Nerra, 
comte  d'Anjou,  profitant  de  sa  situation  élevée,  fit 
bâtir  un  cliâteau  au  commencement  du  onzième 
siècle.  Ce  cliâteau  a  donné  son  nom  à  une  famille 
long-temps  célèbre  ,  mais  dont  l'existence  connue  ne 
peut  guère  remonter  qu'à  la  construction  de  ce  châ- 
teau, oïl,  selon  sa  coutume,  Foulques-Nerra  aura  mis 
des  gouverneurs  qui  en  sont  devenus  propriétaires. 

Geoffroy  de  Sainte-Maure,  fils  d'Amaury,  était 
seigneur  de  Sainte-Maure  dès  le  commencement  du 
onzième  siècle. 

Gosselin,  autrement  Josselin,  qu'on  reconnaît  pour 
le  chef  de  la  famille  de  Sainte-Maure,  fut  surnommé 
le  Poitevin.  C'était  un  des  chevaliers  les  plus  consi- 
dérables de  son  temps ,  qui  prit  part  aux  actions  les 
plus  célèbres  de  cette  époque.  On  le  voit  présenta  la 
fondation  de  l'abbaye  de  Beaulieu ,  en  1012  ,  et  en- 
core en  io4o  ,  à  celle  de  la  Trinité  de  Vendôme.  Il 
eut  plusieurs  enfans  de  sa  femme  Aremburge,  savoir: 
Hugues  qui  lui  succéda ,  Guillaume,  Gosbert,  Clerc, 
et  Geoffroy.  Il  est  probable  qu'il  eut  aussi  une  fille 
du  nom  de  Bélutia ,  qui  fut  mariée  à  Emery ,  dit 
Payen  ,  seigneur  de  Colombiers. 


S.UNTt-MAURE.  l'-J^ 

Hugues ,  premier  du  nom ,  chevalier ,  baron  de 
Sainte-Maure,  eut  plusieurs  démêlés  avec  les  princi- 
paux seigneurs  de  Touraine,  particulièrement  avec 
l'archevêque  de  Tours ,  et  Tabbé  de  Marmoutier.  Le 
pape  Grégoire  VII,  irrité  de  ses  procédés,  le  somma 
de  comparaître  au  premier  synode  qu'il  tiendrait  à 
Rome  pour  donner  ses  moyens  de  défense ,  le  mena- 
,  çant  des  censures  ecclésiastiques,  s'il  n'obéissait  à  ses 
ordres.  Nous  ignorons  s'il  fut  docile  à  l'injonction  de 
l'impérieux  Hildebrand.  Il  fonda  à  Sainte-Maure, 
vers  l'an  1060,  le  prieuré  de  Saint-Même.  Le  titre 
de  cette  fondation  est  remarquable  en  ce  qu'il  s'y 
dit':  par  la  grâce  de  Dieu,  seigneur  et  propriétaire 
à  titre  héréditaire  du  château  de  Sainte-Maure.  Un 
titre  de  donation  faite  à  l'abbaye  de  Fontevraud , 
par  Bélutia  ,  sa  sœur,  et  approuvée  par  lui,  vient  à 
Tappui  de  ce  que  nous  avons  dit  des  enfans  de  Gos- 
selin.  Il  épousa  Adénorde ,  autrement  Aénor  ou  Hon- 
neur ,  fille  de  Berlay  ,  premier  seigneur  de  Montreuil 
et  d'Adelaïs  de  Saumur ,  dont  il  eut  trois  garçons  et 
une  fille,  Gosselin,  Hugues,  Geoffroy  et  Denise, 
mariée  à  Gosbert ,  qui  fit  le  voyage  de  la  Terre- 
Sainte. 

Gosselin  ou  Josselin ,  deuxième  du  nom ,  baron 
de  Sainte-Maure,  jouissait  ainsi  que  ses  frères  d'une 
grande  réputation  de  bravoure  et  de  puissance ,  for- 
tifiée de  l'appui  de  Foulqucs-Réciiin,  qui  les  rendait 
redoutables  à  leurs  ennemis.  Ils  déclarèrent  la  guerre 
à  Hugues ,  premier  seigneur  d'Amboise ,  à  l'instiga- 
tion du  comte  qui  cherchait  l'occasion  de  se  venger 
3.  j8 


2^4  HISTOIRE    DE    TOUR  AINE. 

de  la  prise  du  château  d'Amboise ,  dont  Hugues  s'ëfait 
emparé.  Ils  prirent  le  prétexte  de  réclamer  le  par- 
tage de  leur  aïeule,  tante  de  Geoffroy-le-Bel.  Après 
la  mort  de  Foulques-Réchin ,  ils  s'attachèrent  à 
Foulques ,  son  fils  aîné ,  dit  le  Jeune ,  et  le  secon- 
dèrent à  la  bataille  de  Séez,  en  iii5.  Gosselin 
épousa  Cassinotte,  dame  de  La  Haye,  dont  il  n'eut 
point  d'enfans.  L'auteur  du  traité  de  la  construction 
d'Amboise,  assure  que  les  deux  frères  de  Gosselin 
furent  massacrés  par  les  soldats  de  la  garnison  de 
La  Haye,  révoltés  de  leur  cruauté. 

Hugues ,  deuxième  du  nom  ,  chevalier ,  était  fils  , 
ou  de  Hugues  ou  de  Geoffroy,  fils  de  Hugues I",  et 
d'Adenorde  deBerlay,  et  succéda  à  son  oncle  Gos- 
selin. Il  eut  un  démêlé  avec  le  chapitre  de  Saint-Martin 
de  Tours ,  au  sujet  des  exactions  et  des  mauvais  traite- 
mens  qu'il  avait  exercés  envers  les  habitans  de  Saint- 
Epain,  sujets  de  cette  église.  Il  en  fit  satisfaction,  en 
Il  55,  en  présence  de  l'archevêque  Engebaud  ,  et  du 
consentement  de  ses  deux  fils  Guillaume  et  Gosselin. 
Les  lettres  portent  que ,  par  l'ordre  de  l'archevêque , 
ayant  l'habit  de  pénitent,  il  alla  nu-pieds  depuis 
l'archevêché  jusqu'au  tombeau  de  saint  -  Martin , 
tenant  en  main  une  poignée  de  verges ,  dont  il  se 
donna  plusieurs  fois  la  discipline.  Ces  sortes  de  péni- 
tences publiques  étaient  alors  assez  en  usage  à  l'égard 
des  grands ,  et  s'exécutaient  avec  beaucoup  de  sévé- 
rité ,  par  le  soin  des  évêques  qui ,  sous  prétexte  de 
religion  ,  voulaient  s'acquérir  une  sorte  de  supré- 
matie  sur  les   grands   seigneurs.   La  chronique  de 


SAINTE-MAURE.  275 

Tours  rapporte  que  lîugues  II  fut,  avec  Raoul  de 
Faye ,  un  des  principaux  moteurs  de  la  rébellion  des 
enfans  de  Henri  II,  roi  d'Angleterre.  L'an  1172,  il 
les  accompagna  dans  cette  guerre,  et  remit  son  châ- 
teau entre  leurs  mains.  Selon  toute  apparence,  il 
épousa  la  fille  de  Philippe,  seigneur  de  Mongoger, 
qui  lui  apporta  cette  terre  en  mariage.  Il  en  eut 
Guillaume,  Gosselin  et  Josbert,  doyen  de  l'église  de 
Tours ,  qui  donna  à  son  chapitre  plusieurs  maisons 
dans  le  cloître  que  son  père  lui  avait  léguées  avec  la 
terre  de  Charentilly. 

Guillaume  ,  premier  du  nom,  seigneur  de  Sainte- 
Maure  ,  avait  été  présent,  en  i  t55  ,  «\  la  satisfaction 
faite  par  son  père  à  l'église  de  Saint-Marlin.  On  ne 
sait  pas  le  nom  de  sa  femme,  dont  il  n'eut  qu'une 
fille  nommée  Avoyse. 

Guillaume  ,  deuxième  du  nom ,  seigneur  de  Sainte- 
Maure  et  de  Pressigny ,  reçut  en  dot  d'Avoyse ,  sa 
femme  ,  la  baronnie  de  Sainte-Maure.  Il  fonda  avec 
elle,  dans  l'église  de  Tours,  la  chapelle  de  Saint- 
Jacques,  où  leurs  armes  sont  peintes  sur  les  vitraux. 
Leurs  enfans  furent  i**  Guillaume  qui  suit;  2**  Jos- 
bert, seigneur  de  Sainte-Maure,  après  son  frère; 
3"  Hugues,  doyen  de  Saint-Gatien  ,  en  1 29.2-129,9; 
4*  Garcie;  5°  Aremburge,  femme  de  Renaud  de  Su- 
blaines; 6"  Pétronille;  7"  Domite. 

Guillaume  ,  troisième  du  nom ,  seigneur  de  Sainte- 
Maure  et  de  Pressigny,  laissa  tout-à-fait  le  nom 
de  Pressigny  pour  prendre  celui  de  Sainte-Maure. 
Il  promit  au  roi  que  Guillaume  de  Faye  ne  prendrait 

18. 


276  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

les  armes,  ni  contre  lui,  ni  contre  ses  sujets,  sous 
peine  de  deux  cents  marcs  d'argent,  qu'il  s'obligea 
de  payer  en  cas  contraire.  Il  en  donna  acte  au  mois 
de  juillet  iai8.  C'était  souvent  par  de  pareilles  pré- 
cautions que  le  souverain  était  obligé  de  s'assurer  de 
la  fidélité  de  ces  grands  seigneurs.  Ou  il  ne  fut  pas 
marié ,  ou  il  n'eut  pas  d'enfans. 

Josbert ,  seigneur  de  Sainte-Maure  et  de  Pressi- 
gny,  succéda  au  précédent ,  son  frère  aîné.  Il  ratifia ,  au 
mois  de  janvier  I2a8,  la  fondation  de  la  chapelle  de 
Saint- Jacques  dont  nous  avons  parlé ,  et  fut  une  des 
cautions  du  roi  saint  Louis ,  pour  son  traité  de  paix 
avec  le  comte  de  Foix,  en  1229.  Il  épousa  Agnès, 
fille  de  Bouchard  V,  comte  de  Vendôme,  dont 

Guillaume ,  quatrième  du  nom,  seigneur  de  Sainte- 
Maure,  de  Pressigny,  de  la  Croix-de-Bléré ,  le  Plessis, 
Nouâtre  et  Ghissay ,  fut  présent  en  i25o,  à  une  or- 
donnance rendue  au  château  de  Saumur,  par  Gharles, 
comte  d'Anjou  et  de  Provence,  touchant  le  salaire 
des  avocats  en  cour  laye.  Il  épousa  Jeanne  de  Rançon, 
dont  il  eut  plusieurs  enfans  qui  héritèrent  en  partie 
de  Geoffroy ,  seigneur  de  Rançon  et  de  Taillebourg , 
mort  sans  postérité.  Gette  succession  fut  la  source 
d'un  procès  contre  Hugues  Larchevêque,  qui  fut  jugé 
par  Alphonse  de  France ,  frère  de  saint  Louis ,  le 
vendredi  i5  août  1269.  Ses  enfans  furent  Guil- 
laume qui  suit,  et  Pierre,  seigneur  de  Mongoger, 
père  de  Guillaume  ,  chancelier  de  France. 

Guillaume ,  cinquième  du  nom ,  seigneur  de  Sainte- 
Maure  ,  de  Pressigny  et  de  M^sillac ,  vivait  en  1271. 


SAINTE-MACRE.  277 

Il  n'eut  qu'une  fille,  Isabeau,  héritière  universelle  de 
tous  ses  biens. 

Isabeau  de  Sainte-Maure,  dame  de  Sainte-Maure, 
de  Pressigny  et  de  Marsillac,  prit  alliance  avec 
Amaury  de  Craon.  Elle  mourut  le  16  décembre 
i3io,  et  fut  inbumée  aux  Cordeliers  d'Angers ,  dans 
la  chapelle  de  Craon  ,  ayant  eu  de  son  mari  Maurice, 
seigneur  de  Craon  et  de  Sablé,  et  Guillaume,  sur- 
nommé le  Grand  ,  qui  continua  la  postérité. 

Guillaume  de  Craon,  seigneur  de  Sainte-Maure, 
de  Pressigny  et  de  La  Ferté-Bernard ,  épousa  Mar- 
guerite de  Flandre ,  vicomtesse  de  Cbâteaudun  , 
fille  puînée  de  Jean  de  Flandre  ,  seigneur  de  Nesle , 
vicomte  de  Cbâteaudun.  Il  en  eut  sept  enfans  : 
1°  Guillaume  qui  suit;  2°  Pierre  ,  seigneur  de  Sablé, 
qui  assassina  le  connétable  de  Clisson ,  le  1 4  juin 
iSgi.  Ses  biens  furent  confisqués,  ses  châteaux  dé- 
molis, et  son  hôtel  converti  en  cimetière.  On  sait 
que  le  connétable  ne  mourut  pas  de  ses  blessures. 
3°  Jean ,  seigneur  de  Montsoreau  et  de  Nouâtre  ; 
4"  Guy,  seigneur  de  Sainte -Julitte  en  Touraine; 
5°  Marie ,  femme  en  premières  noces  de  Marie  d'An- 
ton, et  en  secondes  de  Hervé,  seigneur  de  Mauny  ; 
ô'^Béatrix ,  mariée  à  Renaud  de  Maulévrier;  7°  Jeanne, 
épouse  de  Pierre  de  Tourneminc,  seigneur  de  la 
Hunaudaye. 

Guillaume  II  de  Craon ,  vicomte  de  Cbâteaudun, 
seigneur  de  Sainte-Maure ,  de  Pressigny  ,  Maulé- 
vrier ,  etc. ,  chambellan  du  roi  Charles  VII ,  épousa 
Jeanne  do  Montbazon,  dont  nous  avons  déjà  indiqué 


27  B  HISTOIRE    DE    TOUR  AINE. 

la  descendance  à  larticle  des  seigneurs  de  Montbazon. 

Cette  baronnie  fut  unie  à  Montbazon ,  par  lettres 
d'érection  en  duché,  du  mois  de  mai  i588.  Sa  jus- 
tice, exercée  par  un  sénéchal,  un  procureur  de  cour 
et  un  greffier ,  comprenait  trois  paroisses  qui  en  rele- 
vaient en  première  instance  ,  et  deux  autres  en  appel. 
Le  corps  de  ville  était  composé  d'un  maire,  un  éche- 
vin ,  un  conseiller ,  un  greffier  et  un  receveur.  Il  y 
avait  grenier  à  sel ,  contrôle  et  maréchaussée. 

L'hôpital,  qui  n'avait  été  établi  qu'en  i75o,  était 
desservi  par  des  religieuses  de  la  Providence.  L'église 
paroissiale  n'avait  rien  de  remarquable.  Les  ducs  de 
Montbazon  l'avaient  choisie  pour  le  lieu  de  leur 
sépulture.  On  voyait  précédemment  un  tombeau  en 
pierre  dure  du  pays  sur  lequel  étaient  sculptées  trois 
figures  en  marbre  blanc,  ayant  chacune  la  tête  ap- 
puyée sur  un  carreau  de  marbre  pareil.  Celle  du 
milieu  représentait  une  femme;  les  deux  autres  aussi 
de  grandeur  naturelle  étaient  celles  de  deux  hommes 
revêtus  de  leurs  habits  de  cour ,  et  décorés  du  cor- 
don de  Saint-Michel.  On  lisait  sur  une  des  faces  du 
tombeau  : 

«  Cy  gist  messire  Loys  de  Rohan,  en  son  vivant 
«  conseiller ,  chamberlandu  Roy, nostre sire,  seigneur 
a  de  Montbazon ,  Sainte-Maure  et  Nouastre ,  lequel 
a  décéda  le  vingt-neuvième  jour  d'aoust,  l'an  de 
u  grâce  1498.  Priez  Dieu  pour  son  ame.  » 

Ce  tombeau  était  celui  de  Louis  de  Rohan ,  qua- 
trième du  nom,  auquel  son  épouse  Renée  Dufou 
apporta  la  terre  de  Montbazon  en  mariage.  Dans 


SAINTE-MAURE.  1']^ 

l  epitaphe ,  les  deux  femmes  n'étaient  pas  nommées  ; 
mais  il  est  probable  que  l'une  était  cette  Renée  Du- 
fou ,  épouse  de  Louis ,  et  l'autre  Louise  de  Rieux ,  sa 
mère. 

Dans  la  chapelle  à  gauche ,  près  celle  de  Notre- 
Dame-des-Vertus ,  on  lisait  les  vers  suivans ,  gravés 
sur  une  table  de  marbre  noir,  adossée  au  mur  et 
surmontée  d'un  cœur  doré. 

Ici  repose  un  cœur  où  nul  vice  du  monde 
Ne  sçut  oncq  acquérir  la  force  de  germer , 
Non  plus  qu'on  dit  qu'en  Crète,  isle  riche  et  féconde, 
Rien  qui  soit  venimeux  ne  sçauroit  se  former. 

Les  plus  rares  vertus  dont  on  prise  l'exemple 
Logeaient  dedans  ce  cœur  en  un  corps  jeune  et  beau  : 
Mais  ainsi  que  vivant  il  leur  servoit  de  temple, 
Maintenant  qu'il  est  mort  il  leur  sert  de  tombeau  ; 

Car  alors  qu'il  mourut,  aussi  moururent-elles, 
Et  dans  lui  pour  jamais  s'enterrèrent  en  deuil, 
Ne  pouvant  vivre  ailleurs  en  ces  plaines  mortelles, 
Et  ne  se  voulant  pas  choisir  d'autre  cercueil. 

Non,  je  faux  :  les  vertus  d'une  ame  si  parfaite 
N'ont  point  senti  le  coup  que  donne  le  trépas; 
Ains  vivent  d'une  vie  à  la  mort  non  sujette. 
Et  la  font  elle-mesme  encor  vivre  ici-bas. 

Pour  le  moins  leur  mémoire  incessamment  vivante 
La  maintient  immortelle  au  cœur  de  son  époux , 
A  qui,  bien  que  la  perte  en  soit  triste  et  cuisante, 
Le  nom  ne  laisse  pas  d'en  estre  cher  et  doux. 

Aussi ,  portant  en  l'ame  une  juste  tristesse 
De  voir  que  cette  tombe  enferme  tout  son  bien , 
Il  donne  ses  soupirs  au  regret  qui  le  blesse , 
Et  grave  sur  ce  cœur  les  paroles  du  sien  ; 

Paroles  qui  font  voir  que  rien  ne  le  contente  ; 
Sinon  le  souvenir  de  leurs  aimables  feux , 
Et  que  dedans  le  vase  où,  trompant  son  attente, 
La  mort  n'a  mis  qu'un  cœur ,  l'amour  en  loge  deux. 


280  HISTOIRE    DE    TOUR  AINE. 

On  lisait  sur  un  marbre  placé  au-dessous  :  «Haulle 
«  et  puissante  dame  Magdelaine  de  Lénoncourt,  femme 
a  de  hault  et  puissant  seigneur  messire  Hercule  de 
((  Rohan ,  duc  de  Montbazon ,  pair  et  grand-veneur 
«  de  France ,  lieutenant-général  au  gouvernement  de 
ce  Bretagne,  laquelle  décéda  en  sa  maison  de  Coupuray 
«  en-Brie,  le  28  août  i6o3.  » 

SEMBLANÇAY,  barownie. 

Le  château  de  Semblançay  {Semhlancœuin) ^  situé 
à  quatre  lieues  nord  de  la  ville  de  Tours ,  n'était  pas 
moins  considérable  par  son  ancienneté  que  par  sa 
position  au  milieu  d'un  étang  rempli  d'eaux  vives , 
que  sa  largeur  et  sa  profondeur  rendaient  autrefois 
impraticable  ;  de  même  que  par  là  le  château  deve- 
nait en  quelque  façon  inaccessible.  La  chronique  de 
Tours  nous  apprend  qu'un  seigneur  du  lieu,  en  888, 
accompagna  Ingelger  lorsqu'il  rapporta  d'Auxerre 
le  corps  de  saint  Martin ,  et  que  les  chanoines ,  vou- 
lant reconnaître  ce  service ,  lui  donnèrent  l'église  et 
le  bourg  de  Semblançay  avec  les  vinages  d'outre- 
Loire.  Le  même  auteur  nous  dit  encore  que  Foul« 
ques-Nerra ,  s'en  étant  rendu  maître ,  y  fit  bâtir  et 
fortifier  cet  ancien  château,  dont  il  ne  reste  plus 

rien  maintenant. 

Semblançay  et  la  Roche-Posay  étaient  les  deux 

seuls  endroits  de  la  province  où  se  trouvassent  des 

eaux  minérales  :  mais  ni  les  unes  ni  les  autres  n'ont 

encore  pu  acquérir  aucune  célébrité. 


SK  M  blanc:  A  Y.  -281 

Pendant  l'espace  de  deux  siècles,  c'est-à-dire 
depuis  l'expédition  d'Ingclger  jusque  vers  Tan  1060, 
nous  ne  connaissons  aucun  de  ceux  qui  ont  possédé 
Semblançay. 

Alleaume,  chevalier,  est  le  premier  qui  soit  men- 
tionné dans  les  anciens  titres.  On  y  voit  qu'en  1064 
il  donna  le  bourg  et  Tégli'je  de  Semblançay  à  l'abbaye 
de  Marmoutier ,  du  consentement  de  Rostalde  ou 
Rohaide ,  sa  femme ,  en  présence  de  Robert  de 
Langeais,  son  frère.  11  mourut  en  io83. 

Robert ,  premier  du  nom ,  succéda  à  son  père 
dans  la  seigneurie  de  Semblançay.  Il  se  désista,  en 
1091 ,  des  prétentions  qu'il  pouvait  avoir  sur  un  clos 
de  vigne  qui  avait  appartenu  à  l'abbaye  de  Mar- 
moutier du  temps  de  son  abbé  Bernard ,  c'est-à-dire 
sept  à  huit  ans  seulement  auparavant.  Il  vivait  en- 
core fort  vieux,  en  iio5,  temps  auquel  il  se  fit 
moine  à  Marmoutier,  du  consentement  de  sa  femme 
Ammeline ,  dont  il  avait  eu  deux  enfans  :  Alleaurae 
qui  suit,  et  Robert  de  Semblançay,  moine  dans  la 
même  abbaye ,  vers  i  i4o  ou  ï  1 5o. 

Alleaume ,  deuxième  du  nom ,  chevalier  ,  seigneur 
de  Semblançay,  assistait  Foulques-le-Jeune ,  en  i  j  1 5, 
à  la  bataille  de  Séez  ou  d'Alençon.  Sa  femme  Bos- 
chère  le  fit  père  de  deux  enfans,  Robert  et  Philippe. 
Nous  voyons  ce  dernier  témoin  dans  un  acte  de 
Ikigues  d'Aluys ,  seigneur  de  Saint-Christophe ,  en 
1174. 

Robert ,  deuxième  du  nom  ,  seigneur  de  Semblan- 


282  HISTOIRE    DE    TOUR  AINE. 

çay ,  fut  un  des  chevaliers  qui  accompagnèrent  Geof- 
froy-Ie-Bel ,  comte  d'Anjou  ,  dans  la  ville  de  Rouen , 
en  II 28,  lorsqu'il  alla  épouser  Mathilde,  fille  de 
Henri  P',  roi  d'Angleterre  et  duc  de  Normandie.  Il 
eut  deux  enfans ,  Guillaume  et  N.  qui  épousa 
Hugues  ni  d'Aluys ,  baron  de   Saint-Christophe. 

Guillaume,  premier  du  nom,  seigneur  de  Sem- 
blançay  et  de  la  Carte ,  prétendit  à  une  indemnité 
des  dîmes  des  Ruaux  ,  dans  la  paroisse  de  Balan ,  qui 
avaient  été  données  à  l'Hôtel- Dieu  de  Tours,  par 
Renaud ,  seigneur  de  La  Haye ,  et  par  Hamelin ,  son 
fils  :  mais  il  s'en  désista  depuis  en  faveur  des  pauvres , 
par  un  titre  daté  de  11 5g.  Il  n'eut  qu'une  fille  nommée 
Edeline. 

Edeline  ou  Asceline ,  dame  de  Semblançay ,  fut 
mariée  deux  fois  ;  la  première  à  Guillaume  Hostile 
qui  était  bailli  du  Maine.  Il  fut  un  des  principaux 
officiers  de  Henri  II ,  et  l'un  de  ceux  à  qui  ce  mo- 
narque adressa  ses  lettres  pour  la  fondation  de  la 
Chartreuse  du  Liget;  il  y  est  nommé  immédiatement 
après  le  sénéchal  d'Anjou.  Il  fit  aussi  plusieurs  dons 
à  l'Hôtel-Dieu  de  Tours,  en  ratifiant  ceux  que  Ro- 
bert et  Guillaume  lui  avaient  faits  précédemment. 
Il  mourut  sans  enfans,  et  sa  veuve  se  remaria  à  Robert 
de  Perrenay ,  aujourd'hui  Pernay.  De  ce  second  ma- 
riage sortirent  Robert ,  Gautier  et  Geoffroy.  Gautier, 
chevalier  et  seigneur  de  la  Motthe- Sonzay  donna  , 
en  1228,  à  l'église  de  Tours  ce  qui  lui  était  dû 
pour  les  dîmes  de  Sonzay.  Quant  à  Geoffroy ,  il  fut 


SEMBLANCAY.  283 

chanoine  de  la  même  église ,  et  fît  son  testament  en 
1253,  ce  qui  doit  être  à  peu  près  l'époque  de  sa 
mort. 

Robert  de  Perrenay,  deuxième  du  nom,  seigneur 
de  Semblançay ,  assista,  en  J2i4,  à  la  convocation 
du  ban  et  de  Tarrière-ban  de  France,  et  accorda  au 
prieur  de  Semblançay  le  droit  de  moyenne  justice , 
ainsi  que  plusieurs  autres  droits.  De  son  alliance 
avec  Persois  vinrent  deux  filles,  Isabelle  et  N.  de 
Perrenay  ,  femme  de  Guy  Turpin. 

Isabelle  de  Perrenay ,  dame  de  Semblançay ,  fille 
aînée  du  précédent,  fut  mariée  deux  fois;  la  pre- 
mière à  Rotrou  de  Montfort ,  premier  du  nom ,  dont 
elle  était  déjà  veuve  en  1 200  ;  en  secondes  noces , 
elle  épousa  Herbert  Turpin ,  frère  de  Guy,  qui  avait 
épousé  sa  sœur  puînée.  Cet  Herbert,  en  I223,  pre- 
nait le  titre  de  seigneur  de  Semblançay.  Du  premier 
lit  seulement  vinrent  Geoffroy  et  Rotrou  de  Mont- 
fort  qui  suivent. 

Geoffroy  de  Montfort,  seigneur  de  Semblançay. 
On  ne  sait  s'il  fut  marié  :  mais  n'ayant  point  laissé 
d'enfans  ,  sa  succession  passa  à  son  frère. 

Rotrou  de  Montfort ,  seigneur  de  Monfort  et  de 
Semblançay ,  s'allia  avec  Marguerite  d'Aluys ,  fille  de 
Hugues,  seigneur  de  Châteaux  et  de  Saint-Chris- 
tophe ,  dont  elle  eut  Jeanne  ,  fille  unique. 

,  Jeanne  de  Montfort  épousa  Guillaume  Larche- 
vêque,  seigneur  de  Parthenay,  Mer  vaut.  Vouant  et 
Taillebourg,  auquel  elle  porta  en  mariage  les  baron- 
nies  de  Semblançay,  Montfort,  Châteaux  et  Saint- 


V' 


284  HISTOIRE    DE    TOUR  AINE. 

Christophe.  D'après  un  titre  de  l'abbaye  de  Mar- 
moutier,  tous  les  deux  vivaient  encore  en  1291.  De 
ce  mariage  sortirent  trois  fils  :  Hugues  et  Jean,  suc- 
cessivement barons  de  Semblançay,  et  Guy,  baron 
de  Soubise. 

Hugues  Larchevêque ,  seigneur  de  Semblançay  et 
de  Montfort,  etc.,  prit  alliance  avec  Isabeau,  fille 
de  Raoul  de  Clermont ,  seigneur  de  Nesle ,  conné- 
table deFrance ,  laquelle,  après  la  mort  de  son  mari , 
prit  le  titre  de  dame  de  Semblançay ,  dont  elle  n'é- 
tait que  douairière,  mais  dont  les  dispositions  entre- 
vifs avaient  été  approuvées  par  lettres  patentes  du 
roi  Louis-Hutin,  du  i"  décembre  i3i4.  Elle  signa 
en  cette  qualité  le  contrat  de  mariage  d'Alix  de 
Flandre,  sa  petite-nièce,  avec  Jean  de  Luxembourg, 
au  mois  de  juillet ,  et  donna  en  même  temps  à  l'ab- 
baye de  Marmoutier  huit  livres  de  rente,  sept 
sommes  de  vins  et  deux  muids  de  froment ,  à  la  me- 
sure des  Ponts-de-Tours.  Elle  mourut  en  1334,  sans 
enfans ,  et  eut  sa  sépulture  au  milieu  du  chœur  de 
l'église  des  Cordeliers. 

Jean  Larchevêque  ,  frère  de  Hugues ,  hérita  de  lui 
la  seigneurie  de  Semblançay ,  dont  il  était  en  posses- 
sion dès  l'année  i348;  car  nous  voyons  qu'en  cette 
même  année  il  fit  faire  le  procès  au  prieur  de  Sem- 
blançay, au  sujet  de  quelques  crimes  qu'il  avait 
commis.  Il  n'eut  qu'un  fils,  du  nom  de  Guillaume. 

Guillaume  Larchevêque,  troisième  du  nom,  sei- 
gneur de  Semblançay ,  de  Parthenay ,  de  Saint-Chris- 
tophe,   de    Bézay  et  des   Ponts-de-Tours,  épousa 


SEMELANÇAY.  285 

Jeanne  de  Matliefeion ,  dont  il  eut  Jean ,  qui  fut  sei- 
gneur de  Parthenay  et  de  Saint-Christophe  ;  Jeanne 
qui  suit ,  et  Marie,  aUiée ,  en  iSyo,  avec  Louis  de 
Ghallon ,  comte  de  Tonnerre  et  de  Saint-Aignan. 

Jeanne  de  Parthenay  fut  dotée  par  son  père  et  par 
Jean  ,  son  frère ,  de  la  seigneurie  de  Semblançav. 
Elle  épousa  Guillaume ,  vicomte  de  Melun ,  comte 
de  Tancarville.  De  ce  mariage  sortit  Marguerite. 

Marguerite  de  Melun  épousa  Jacques  d'Harcourt, 
seigneur  de  Montgommery,  auquel  elle  porta  en  dot 
la  seigneurie  de  Semblançay.  Elle  n'eut  également 
qu'une  fille  unique. 

Marie  d'Harcourt  fit  de  même  passer  la  barounic 
de  Semblançay  dans  une  nouvelle  famille ,  par  son 
mariage  avec  Jean  de  Beaumont ,  mariage  d'où  ne 
sortit  qu'une  fille. 

Marie  de  Beaumont ,  fut  mariée  à  Guillaume  Gha- 
maillard,  chevalier,  seigneur  d'Anthenaise ,  auquel 
elle  porta  la  vicomte  de  Beaumont ,  et  les  seigneuries 
de  Semblançay  et  des  Ponts-de-Tours  ,  comme  seule 
héritière  de  Louis ,  vicomte  de  Beaumont,  son  oncle 
maternel.  Ils  eurent  pour  enfans  Simon ,  mort  sans 
postérité ,  et  Marie  qui  suit. 

Marie  Ghamaillard ,  fut  mariée  le  20  octobre  1371 
à  Pierre  II ,  comte  d'Alençon  et  du  Perche,  surnommé 
le  Noble ,  qui ,  par  ce  mariage,  reçut  les  seigneuries 
de  Semblançay  et  des  Ponts-de-Tours,  dont  il  rendit 
hommage  le  10  février  iSqS,  en  déclarant  qu'il  les 
tenait  à  cause  de  sa  très-chère  et  amée  compagne, 
comtesse  et  vicomtesse.  H  mourut  le  20  septembre 


286  HISTOIRE  DE  TOURiUNE. 

i4o4,  et  sa  femme  le  18  novembre  1/425  ,  ayant  eu 
six  enfans ,  Pierre,  qui  mourut  jeune,  Jean  qui  con- 
tinua la  postérité  ,  et  quatre  filles. 

Jean ,  premier  du  nom,  duc  d'Alençon,  comte  du 
Perche  et  vicomte  de  Beaumont ,  fut  seigneur  des 
Ponts-de-Tours  et  de  Semblançay.  Gilles  Bry  s'est 
trompé  en  disant  dans  son  histoire  du  Perche  que 
Jean  avait  acheté  la  terre  de  Semblançay ,  puisqu'il 
est  évident  qu'il  la  tenait  du  chef  de  sa  mère.  Il  fut 
tué  à  la  bataille  d'Azincourt ,  en  i4i5,  ayant  eu  de 
son  mariage  avec  Marie  de  Bretagne  deux  fils  et 
trois  filles. 

Jean  II,  duc  d'Alençon,  pair  de  France,  comte  du 
Perche ,  seigneur  de  Semblançay  et  des  Ponts-de- 
Tours,  fils  aîné  de  Jean  P%  fut  convaincu  d'intelli- 
gence avec  les  Anglais ,  condamné  à  mort  au  châ- 
teau de  Vendôme,  le  10  octobre  i458 ,  et  toutes  ses 
terres  confisquées  au  profit  du  roi.  L'arrêt  porte  que 
le  roi  a  retenu  et  retient  à  lui  le  châtel  et  châtellenie, 
terre  et  seigneurie  de  Semblançay,  en  Touraine,  en- 
semble les  péages  que  ledit  d'Alençon  prenait  en  la 
ville  et  châtellenie  de  Tours. 

Antoine  d'Aubusson,  seigneur  de  Monteil,  cham- 
bellan du  roi,  bailli  de  Touraine,  jouit  pendant 
quelque  temps  de  la  seigneurie  de  Semblançay ,  que 
le  roi  Charles  VII  lui  donna  par  lettres  du  20  no- 
vembre i458.  Louis  XI,  parvenu  à  la  couronne, 
par  lettres  données  à  Tours,  le  10  octobre  i46i, 
rendit  la  liberté  au  duc  d'Alençon  ,  et  le  rétablit  dans 
tous  ses  biens  :  mais ,  étant  retombé  dans  son  pre- 


SEMBLANÇAY.  287 

mier  crime,  il  fut  de  nouveau  arrêté  ,  condamné  à 
mort  le  i4  juillet  i474  >  ^t  ses  biens  furent  confis- 
qués à  la  couronne.  Il  mourut  depuis,  à  Paris,  de  sa 
mort  naturelle,  laissant  de  Marie  d'Armagnac,  sa 
seconde  femme ,  René,  et  Catherine ,  femme  de  Fran- 
çois, appelé  communément  Guy,  comte  de  Laval. 

René ,  duc  d'Alençon  ,  comte  du  Perche ,  etc. , 
fut  remis  en  possession  de  tous  les  biens  de  son  père. 
Le  roi  lui  avait  donné,  par  provision ,  les  revenus  du 
comté  du  Perche,  avec  les  seigneuries  de  Semblan- 
çay ,  des  Ponts  -  de  -  Tours ,  et  de  quelques  autres 
terres  ;  mais ,  ayant  été  calomnié  auprès  du  roi ,  il 
fut  arrêté ,  enfermé  au  château  de  Chinon ,  et  con- 
damné par  une  commission,  le  11  mars  \[\%'i. 
Louis  XI  étant  mort  l'année  suivante,  il  fut  reconnu 
et  déclaré  innocent.  Il  vécut  encore  jusqu'au  i"  no- 
vembre 1492  t  laissant  un  fils  et  deux  filles  :  Charles 
qui  suit;  Françoise,  femme  de  François  II  d'Orléans, 
duc  de  Longueville,  puis  de  Charles  de  Bourbon, 
duc  de  Vendôme  ;  et  Anne ,  mariée  à  Guillaume 
Paléologue ,  marquis  de  Montferrat. 

Charles ,  dernier  duc  d'Alençon ,  etc. ,  seigneur  de 
Semblançay  et  des  Ponts-de-Tours,  relira,  le  3o  avril 
i5i6,  la  seigneurie  de  Baugé,  avec  quelques  autres 
terres  et  châteaux ,  que  François  I"  avait  engagés  à 
Louis  de  Rohan  ,  seigneur  de  Montbazon ,  auquel  il 
donna  en  échange  Semblançay  et  les  Ponts-de-Tours. 

Louis  de  Rohan ,  cinquième  du  nom  ^  seigneur  de 
Guémené ,  Montbazon,  Sainte-Maure ,  vendit  la  même 
année,  par  acte  du  21  octobre  i5i6,  les  seigneuries 


a 88  HISTOIRE   DE   TOURAINE. 

de  Neuvy ,  de  Semblancay  ,  et  des  Ponts-de-Tours , 
à  Jacques  de  Beaune ,  surintendant  des  finances , 
qui  depuis  ne  fut  connu  que  sous  le  nom  de  Sem- 
blançay. 

Jacques  de  Beaune,  chevalier,  fils  aîné  de  Jean 
de  Beaune ,  argentier  de  Charles  VIII ,  alors  Dau- 
phin de  France ,  baron  de  Semblançay ,  vicomte  de 
Tours ,  seigneur  de  Neuvy ,  de  la  Carte ,  près  Balan , 
et  de  Bezay  ,  chambellan  du  roi  François  V^ ,  surin- 
tendant des  finances ,  bailli  et  gouverneur  de  Tou- 
raine,  épousa  Jeanne  Rusé,  dont  il  eut  trois  fils  et 
deux  filles  :  i°  Guillaume,  qui  continua  la  postérité; 
2°  Jacques,  évêque  de  Vannes;  3°  Martin,  arche- 
vêque de  Tours  ;  Marie ,  femme  de  Raoul  Huraut  II 
de  Chiverny ,  général  de  France  ;  et  Anne ,  épouse 
de  René  Duchesnel ,  bailli  et  gouverneur  de  Touraine , 
de  i5ioà  i5i2.  On  connaît  sa  catastrophe,  dont  on 
trouvera  les  détails  à  son  article  dans  notre  qua- 
trième volume. 

Guillaume  de  Beaune ,  baron  de  Semblançay ,  vi- 
comte de  Tours,  etc.,  général  des  finances  en  la 
généralité  de  Languedoc ,  fut  pourvu ,  en  survivance 
de  son  père ,  de  la  charge  de  gouverneur  de  Tou- 
raine,  le  22  décembre  i522.  Il  épousa  Bonne  Cote- 
reau ,  dame  de  Vauperreux  et  de  Maintenon ,  dont  il 
eut  :  i"  Jacques  qui  suit;  2**  Jean,  seigneur  de  la 
tour  d'Argy  et  de  Vauperreux,  premier  maître-d'hô- 
tel de  Catherine  de  Médicis;  3"  Martin,  évêque  du 
Puy  ;  4**  Renaud ,  archevêque  de  Bourges  ;  5**  Claude , 
femme  en  premières  noces  de  Louis  Burgensis ,  sei- 


SEMBLANÇAY.  289 

gneur  de  Mongoger  et  premier  médecin  du  roi,  et 
en  secondes  noces  de  Claude  Gouffîer ,  duc  de  Roan- 
nais; et  Bonne  ,  morte  en  bas  âge. 

Jacques  de  Beaune  ,  deuxième  du  nom ,  chevalier , 
baron  de  Semblançay ,  vicomte  de  Tours,  seigneur 
delà  Carte ,  de  Neuvy,  ambassadeur  en  Suisse ,  épousa 
Gabrielle  de  Sade,  dont  il  eut  i*"  Jean;  2"  Claude, 
3°  Marie j  toutes  deux  mortes  au  berceau;  4"  Char- 
lotte qui  succéda  à  Jean. 

Jean  de  Beaune,  baron  de  Semblançay,  etc., 
favori  du  duc  d'Alençon  ,  frère  du  roi  Henri  III , 
mourut  sans  avoir  été  marié. 

Charlotte  de  Beaune  fut  héritière  de  tous  les 
biens  de  son  frère.  Elle  eut  la  réputation  d'être  la 
plus  belle  femme  de  son  temps.  Elle  fut  mariée  deux 
fois;  la  première  avec  Simon  de  Fizes,  seigneur  de 
Saumur  et  secrétaire  d'état  ;  la  seconde  avec  François 
de  la  Trémouille ,  marquis  de  Noirmoutier.  De  ce 
dernier  mariage  vinrent  deux  fils,  Louis  qui  suit,  et 
François. 

Louis  de  la  Trémouille ,  premier  du  nom ,  marquis 
de  Noirmoutier,  baron  de  Semblançay  ,  vicomte  de 
Tours,  etc. ,  épousa  Lucrèce ,  fille  de  Vincent  Rahier, 
trésorier  de  l'épargne ,  dont  il  eut 

Louis  de  la  Trémouille ,  deuxième  du  nom ,  duc 
de  Montmirail,  marquis  de  Noirmoutier,  etc.;  il 
vendit,  en  1648,  la  baronnie  de  Semblançay  et  la 
vicomte  de  Tours ,  avec  la  terre  de  Neuvy,  à  N.  Mal- 
lier, sieur  du  Housset,  qui  la  revendit  a 

Louis  -  Charles  d'Albert,  duc  de  Luines,  grand- 
*  3.  19 


I 


aQO  HISTOIRE    DE  TOURAINE. 

fauconnier  de  France.   On  peut  voir  la  suite  de  la 
descendance  à  l'article  de  Luines. 


SENNEVÏERES,  baronnie. 

Sennevières  est  situé  à  deux  lieues  est-sud-est  de 
Loches,  à  Tentrée  de  la  forêt,  et  à  douze  lieues  sud- 
sud-est  de  la  ville  de  Tours.  Hadrien  de  Valois ,  dans 
sa  Notice  des  Gaules,  croit  que  son  nom  latin  de 
Sinapariœ  lui  vient  de  ce  qu'il  croissait  beaucoup 
de  sénevé  dans  ses  environs.  Quoi  qu'il  en  soit ,  ce 
bourg  peut  être  mis  au  rang  des  plus  anciens  de  la 
province.  Ce  fut  en  ce  lieu  que  saint  Ours  fit  bâtir 
un  monastère  au  commencement  du  cinquième  siècle. 
Plusieurs  personnes  attirées  par  sa  piété  et  par  son 
exemple  ,  se  rangèrent  sous  sa  discipline.  Saint-Leu- 
baste  ayant  succédé  à  saint  Ours,  ce  monastère  se 
rendit  célèbre  jusqu'au  temps  oii  il  fut  tellement 
ruiné  par  les  guerres,  qu'il  n'en  resta  plus  aucun 
vestige.  On  tient  même  que  l'église ,  mise  sous  l'in- 
vocation de  saint  Leubaste,  qu'on  nomme  mainte- 
nant saint  Libesse ,  ne  fut  bâtie  que  long-temps  après 
la  mort  de  saint  Ours. 

Les  barons  de  Sennevières  y  avaient  une  justice 
exercée  par  un  bailli ,  un  procureur  fiscal  et  un  gref- 
fier. Le  bourg  ni  le  château  n'offraient  rien  de  remar- 
quable. 

Malgré  l'ancienneté  de  Sennevières ,  ses  seigneurs 
ainsi  que  ceux  de  beaucoup  d'autres  lieux  ne  remou- 


SENNEVIERES.  -29 1 

tent  pas,  du  moins  à  notre  connaissance,  au-delà  dtr 
onzième  siècle. 

Renaud  de  Sennevièrcs  fut  un  des  seigneurs  do 
Touraine  qui  se  croisèrent  en  1 146.  On  présume  que 
celui  qui  vient  après  fut  sou  fils. 

Renaud  II  de  Sennevières  fut  témoin  à  une  dona- 
tion faite  en  faveur  de  l'abbaye  de  Villeloin,  par 
Henri  II,  roi  d'Angleterre  et  comte  de  Touraine, 
Tan  1178.  Il  est  probable  que  ce  Renaud  eut  une 
fille  qui  porta  la  seigneurie  de  Sennevières  dans  la 
famille  Péan ,  ou  plutôt  Payen ,  alors  fort  considé- 
rable en  Touraine. 

Geoffroy  Payen,  surnommé  le  Chien,  seigneur  de 
Sennevières  et  de  Boussay ,  était  frère  de  Barthélemi 
Payen  ,  l'un  des  chevaliers  banneiets  de  la  Touraine 
en  12 14. 

Jean  Payen,  seigneur  de  Sennevières,  eut  d'une 
femme  inconnue  une  fille  nommée  Jeanne ,  qui  fut 
mariée  à  Nicolas  de  Menou ,  deuxième  du  nom  ,  com- 
munément nommé  Colas. 

Nicolas  de  Menou,  seigneur  de  Boussay,  le  fut 
aussi  de  Sennevières ,  du  chef  de  sa  femme  Jeanne 
Péan ,  qui  lui  apporta  cette  terre  en  mariage.  Jeanne 
étant  morte ,  il  se  remaria  avec  Marguerite  de  Cler- 
mont.  Il  eut  du  premier  lit,  Amaury  qui  suit;  Jean, 
seigneur  de  Boussay,  Perrinet,  Admains  et  Alix, 
mariée  à  Véron-le-Vert ,  mais  morte  sans  postérité  , 
ainsi  que  son  frère  Perrinet. 

Jean  de  Menou,  chevalier,  seigneur  de  Senne- 
vières, de  Boussay ,  Dumée  et  de  Cougny,  capitaine 

^9- 


292  HISTOIRE   DE  TOUR.A.INE. 

de  cinquante  hommes  d'armes  des  ordonnances  du 
roi.  Il  fut  fait  prisonnier  à  la  bataille  de  Poitiers,  et 
conduit  en  Angleterre  où  il  resta  cinq  ans,  jusqu'à 
son  échange.  De  retour  en  France ,  il  épousa  en 
1 369  Agnès  de  Galardon ,  qui  le  fit  père  de  quatre 
enfans.  Jean  mort  sans  postérité,  Perrinet,  seigneur 
de  Boussay ,  amiral  de  France  ;  Collinet ,  qui  a  fait 
la  branche  des  seigneurs  Dumée ,  et  Isabelle  qui  suit. 
Jean  fit  partage  à  ses  enfans  en  i4oi,  et  vivait 
encore  en  1^02. 

Isabelle  de  Menou  fut  apanagée  de  la  seigneurie 
de  Sennevières,  qu'elle  porta  dans  la  maison  de 
Tranche-Lion ,  par  son  mariage  avec  Guillaume  de 
Tranche-Lion ,  chevalier,  seigneur  de  Marteau  ,  puis 
de  Palluau ,  auquel  Geoffroy  de  Fougères  rendit  par 
aveu  la  moitié  de  la  grande  dîme  de  Bridoré ,  l'an 
1419,  à  cause  de  sa  seigneurie  de  Sennevières.  Ses 
enfans  furent  Jean  de  Tranche-Lion,  seigneur  de 
Palluau,  et  Jeannet  qui  suit. 

La  famille  de  Menou ,  l'une  des  plus  anciennes  de 
la  province,  s'est  maintenue  jusqu'à  nous  en  Touraine, 
dans  les  branches  de  Boussay  et  Dumée,  ainsi  qu'en 
Nivernois  et  Auxerrois ,  par  la  branche  de  Charnisay 
et  du  Chiron. 

Jeannet  de  Tranche-Lion,  seigneur  de  Sennevières , 
puîné  de  Jean ,  qui  eut  en  partage  la  baronnie  do 
Palluau ,  épousa  N.  de  Chévrières  de  la  maison  de 
Pody.  De  ce  mariage  sortit  un  fils  unique. 

Antoine  de  Tranche-Lion ,  seigneur  de  Senne- 
vières. Le  chapitre  de   l'église  de  Tours  lui  rendit 


SENNEVIÈRES.  298 

aveu  pour  la  Tour  Ysoré,  en  iS/jS.  Il  n'eut  qu'un 
fils  de  son  mariage  avec  Antoinette  de  Siry. 

Gabriel  de  Tranche-Lion,  chevalier,  seigneur  de 
Senncvièrcs,  gentilhomme;  ordinaire  de  la  chambre 
du  roi  Henri  III.  Il  épousa  Renée,  fille  de  René  de 
Marray,  seigneur  de  la  Roche-Chargé,  auprès  d'Arn- 
boise ,  dont  il  eut  Charles  qui  continua  la  postérité; 
François  ,  Antoinette ,  mariée  à  Charles  Guénant , 
seigneur  du  Breuil  Guénant,  et  N.  de  Tranche-Lion, 
épouse  d'Émery  Dupuy ,  seigneur  de  la  Roche-Pelo- 
quin. 

Charles  de  Tranche-Lion  ,  seigneur  de  Rochefort, 
gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre  du  roi,  gou- 
verneur de  Châtillon-sur-Indre.  Ce  fut  en  sa  faveur 
que  Louis  XIII  érigea  en  baronnie  la  terre  de  Scn- 
nevières.  Il  épousa  en  1098  Jeanne,  fille  d'Honorat 
Ysoré,  baron  d'Hervaut,  seigneur  de  Pleumartin,  de 
Coiron  et  du  grand  Bossay.  Sa  mère  était  Marguerite 
Babou.  De  ce  mariage  vinrent  plusieurs  enfans,  entre 
autres  René,  seigneur  de  Bussy  en  Bourbonnais; 
Charles,  destiné  à  l'église,  et  Charlotte.  La  seigneu- 
rie de  Sennevières,  ayant  été  saisie  sur  eux,  fut  ven- 
due par  décret  à 

Bertrand  de  Grateloup,  écuycr,  sieur  Dufay ,  ca- 
pitaine au  régiment  de  Piémont  et  sous-lieutenant  du 
duc  d'Épernon  à  Metz.  Il  épousa  N.  dont,  entre 
autres  enfans,  il  eut  celui  qui  suit. 

Gabriel  de  Grateloup,  chevalier,  baron  de  Senne- 
vières ,  lieutenant-général  pour  le  roi ,  et  gouverneur 
des  ville  et  château  de  Loches. 


!294  HISTOIRE   DE   TOURAINE. 

TOURS,    VILLE,   VICOMTE. 

Tours  est  une  de  ces  anciennes  villes  gauloises 
dont  on  chercherait  en  vain  l'origine,  et  dont  le  nom 
primitif  n'est  pas  venu  jusqu'à  nous.  César,  qui  parle 
en  plusieurs  endroits  des  peuples  appelés  Turones, 
ne  nomme  point  leur  ville  capitale,  non  plus  que 
beaucoup  d'autres,  et  la  désigne  toujours  sous  le  nom 
de  cité  des  Turones.  Le  géographe  Ptolémée  nous 
apprend  que  sous  l'empereur  Hadrien  Tours  se  nom- 
mait Cœsarodunum ,  ce  qui  prouverait ,  selon  Sca- 
liger,  que  dunum  ou  dun^  vieux  mot  celtique, 
signifie  ville  ou  fort,  aussi  bien  que  montagne  ou 
lieu  élevé,  puisque  Tours  est  situé  dans  un  vallon. 
C'est  probablement  cette  terminaison  en  dunum  qui 
a  fait  croire  à  quelques-uns  que  le  Tours  des  Gaulois 
existait  ou  sur  les  hauteurs  de  Saint-Symphorien  ou 
même  sur  celles  de  Luines,  et  qu'il  n'a  été  transporté 
sur  son  assiette  acluelle  que  du  temps  de  César;  mais 
ils  n'ont  pas  réfléchi,  d'après  leur  système  étymolo- 
gique ,  que  s'il  en  eût  été  ainsi ,  on  n'eût  pas  alors 
terminé  en  dunum  le  nom  d'une  ville  bâtie  en  plat 
pays.  Ce  fut  seulement  vers  le  quatrième  siècle  qu'on 
commença  à  donner  aux  cités  le  nom  de  leurs 
peuples;  ce  qui  arriva  surtout  lorsque  les  Francs 
eurent  chassé  les  Romains  de  la  Gaule. 

Les  étymologistes  trouvent  l'origine  du  nom  de 
Tours  dans  le  mot  celtique  Tur ,  et  en  construction 


TOURS.  2^5 

Turon ,  qui  tourne ,  qui  change ,  ce  qui ,  selon  eux , 
aurait  fait  dire  à  Lucaiu  ,  liv.  I",  vers  436: 

Nec  uUra 
Instabiles  Turones  circumsita  castra  coercent. 

Mais  il  est  bien  reconnu  que  ces  vers  et  les  trois 
suivans  ne  sont  point  de  l'auteur  de  la  Pharsale,  et 
qu'ils  ont  été  interpoles  dans  son  poëme  où  on  a  soin 
de  les  mettre  en  italiques  pour  indiquer  la  supposition. 
Les  villes  des  Gaulois  étaient  en  ge'neral  peu  consi- 
dérables. Ce  n'étaient  que  des  espèces  de  boiu^gades, 
à  l'exception  des  cités  ou  capitales  des  différens 
peuples,  qui  étaient  défendues  par  des  bastions  et  des 
murs  faits  de  poutres  entrelacées  de  pierres  et  de 
terre  délayée  en  guise  de  mortier,  ce  qui  pouvait  leur 
suffire  entre  Gaulois,  mais  non  contre  des  troupes 
munies  de  machines  de  guerre  dont  ils  ignoraient 
l'usage.  Tours  devait  être  ainsi  construit  dans  le  prin- 
cipe en  sa  qualité  de  capitale.  Il  fallait  cependant 
qu'il  l'emportât  sur  la  plupart  des  autres  villes,  si 
nous  en  croyons  le  témoignage  d'Ammien  MarccUin , 
contemporain  de  l'empereur  Julien.  Cet  historien 
nous  dit  que  Tours  et  Rouen  faisaient  Fornement  de 
la  Seconde  Lyonnaise.  Paulin  de  Périgueux ,  qui  vivait 
dans  le  cinquième  siècle,  assure  de  même  que  Tours 
était  autrefois  l'une  des  villes  les  plus  florissantes  des 
Gaules  par  sa  richesse  et  sa  population. 

Gallorum  quondam  valdc  florebat  in  oris 

Urbs  Turonum,  distenta  agris,  populisquc  referla. 


1(^6  mSTOIRE    DE   TOURAII^E. 

De  la  Gaule  autrefois  Tours  effaçait  les  villes 
Par  ses  peuples  nombreux,  et  ses  plaines  fertiles. 

Elle  jouissait  encore  de  cette  réputation  de  pro- 
spérité au  commencement  du  treizième  siècle ,  sous  le 
règne  de  Philippe- Auguste ,  quoiqu'elle  fût  alors  bien 
loin  d'avoir  l'étendue  que  nous  lui  voyons  aujour- 
d'hui. Ce  fait  est  constaté  par  ces  vers  de  Guillaume- 
le-Breton ,  au  troisième  livre  de  sa  Philippide  ; 

Inde  iter  accélérât  Turonis  festinus  in  urbem 
Quam  geminum  nitidâ  flumen  circumfluit  undâ. 
Hinc  Liger,  iude  Carus  :  medio  sedet  inter  utrumque 
Clara  situ,  speciosa  solo,  jucunda  fluentis  , 
Fertilis  arborîbus,  uberrima  fruge ,  superba 
Cive,  potens  clero,  populis  numerosa,  referta 
Divitiis,  lucis  et  vitibus  ubique  lucens; 
Quam  sacro  saneti  praesentia  corporis  ornât 
Prœsulis  eximii  Martini,  gloria  cnjus 
Omnibus  ecclesiis  summum  decus  accuraulavit. 

Il  dirige  ses  pas  vers  les  remparts  de  Tours , 

Que  deux  fleuves  voisins  embrassent  dans  leur  cours. 

Assis  entre  les  bords  du  Cher  et  de  la  Loire, 

Tours ,  d'un  peuple  nombreux  et  l'amour  et  la  gloire. 

Dans  un  site  enchanteur  offre  aux  yeux  étonnés 

Ses  fertiles  coteaux  de  vignes  couronnés. 

Ses  vergers,  ses  jardins  ,  ses  eaux  délicieuses. 

Et  d'un  brillant  clergé  les  cohortes  pieuses. 

C'est  peu  que  tant  de  biens ,  et  Tours  possède  encor 

Dans  son  temple  célèbre  un  plus  rare  trésor, 

Le  corps  de  saint  Martin ,  de  ce  prélat  illustre , 

Qui  sur  l'Église  entière  a  répandu  son  lustre. 

On  ne  peut  disconvenir  en  effet  que  l'accroissement  de 


TOURS.  297 

la  ville  de  Tours,  dans  les  siècles  qui  suivirent  la  mort 
de  saint  Martin ,  ne  soil  dû  en  grande  partie  aux  fré- 
quens  pèlerinages  des  chrétiens  qui  venaient  de  toutes 
parts  visiter  son  tombeau.  Le  séjour  de  plusieurs  de 
nos  rois  acheva  dans  la  suite  ce  que  la  dévotion  des 
premiers  temps  avait  commencé.  A  la  vérité  l'assiette 
de  cette  ville  est  aussi  riante  qu'avantageuse,  grâce 
au  large  vallon  dans  lequel  elle  est  placée  entre  la 
Loire  ^  qui  baigne  ses  murs  au  nord,  et  le  Cher  qui 
n'en  est  éloigné  que  d'un  quart  de  lieue  du  coté  du 
midi. 

Son  enceinte  actuelle  ne  date  que  de  la  fin  du 
seizième  siècle ,.  époque  où  l'on  résolut  de  l'entourer 
de  nouvelles  fortifications;  mais  ce  projet  ne  reçut 
qu'un  commencement  d'exécution.  Elle  avait  alors 
douze  portes,  sans  y  comprendre  celles  de  l'intérieur 
qui  fermaient  les  cloîtres  de  Saint-Gatien  et  de  Saint- 
Martin.  Il  n'en  reste  plus  aujourd'hui,  si  ce  n'est 
celle  de  Saint-Eloi  qui  a  été  conservée  dans  sa  forme 
primitive,  à  l'exception  de  son  pont-levis  devenu  un 
pont  solide. 

On  peut  diviser  la  ville  en  quatre  parties  :  1°  la 
cité  ou  ancienne  ville;  2"  Château-Neuf  ou  Martino- 
polis;  3°  la  ville  neuve;  4*^  les  faubourgs;  division 
que  nous  allons  rendre  plus  claire. 

1^  La  cité  s'étendait  au  levant,  depuis  la  Ruelle  et 
la  tour  du  Cupidon  jusqu'à  la  tour  feu  Hugon ,  du 
côté  de  la  Loire;  au  nord,  le  long  des  murs  du 
château;  au  couchant,  jusqu'à  la  rue  des  Amandiers; 
et  du  côté  du  midi,  le  long  de  la  rue  des  Ursulines 


298  HISTOIRE   DE  TOURA.INE. 

jusqu'au  point  de  départ.  Les  terrains  qui  l'environ- 
naient étaient  fermés  par  de  larges  fossés  où  coulaient 
les  eaux  de  la  Loire ,  et  en  outre  par  un  chemin  cou- 
vert destiné  à  empêcher  l'approche  de  l'ennemi.  On 
assure  que  les  murs  du  cloître  qui  s'avancent  en 
forme  de  ravelin  du  côté  des  Ursulines,  n'ont  été 
bâtis  que  pour  soutenir  les  terres  qu'on  avait  tirét\s 
en  jetant  les  fondemens  de  la  cathédrale,  et  qu'en- 
suite ou  les  fortifia  d'un  bastion  pour  ajouter  à  la 
défense  de  la  ville.  En  ce  cas  cette  partie  ne  daterait 
que  du  douzième  siècle. 

Il  y  avait  près  de  la  cité ,  au  nord  et  au  nord-ouest, 
un  faubourg  qui  prenait  depuis  une  des  tours  de  Tar- 
chevêché  jusqu'à  celle  nommée  autrefois  la  tour  de 
Saint-Vincent,  aujourd'hui  le  portail  de  la  chancel- 
lerie, et  qui  de  là,  passant  au  milieu  de  la  paroisse 
de  Saint-Pierre  du  Boile,  finissait  à  une  tour  paral- 
lèle. Entre  ces  deux  tours  était  la  principale  porte  de 
la  cité.  Le  corps  de  ville  ayant  depuis  obtenu  de 
Charles  VII  la  permission  d'abattre  la  tour  de  Saint- 
Vincent  ,  et  d'y  faire  bâtir  une  porte  pour  aller  direc- 
tement de  la  cathédrale  à  Saint-Martin,  le  roi  donna 
la  propriété  des  murs  et  des  fossés  au  chancelier 
Guillaume  Juvénal  des  Ursins  qui  fit  bâtir  la  porte , 
que  de  là  on  nomma  portail  de  la  Chancellerie.  De 
même  la  rue  qu'on  perça  prit  le  nom  de  la  Scelleric 
ouScellerie.  On  pourrait  retrouver  encore  dans  quel- 
ques anciennes  maisons  voisines  des  restes  de  murs  à 
créneaux  qui  avaient  formé  la  clôture  de  ce  faubourg 
appelé  faubourg  de  la  Trésorerie. 


TOURS.  îi99 

Quant  aux  anciens  murs  de  la  cite,  dont  il  ne 
reste  plus  que  quelques  fragmens,  on  peut  se  con- 
vaincre encore  qu'ils  avaient  été  construits  sur  le 
modèle  indiqué  par  Vitruve.  Ce  sont  de  petites  pierres 
de  trois  pouces  en  carré,  taillées  seulement  on  dehors, 
et  dont  les  liaisons  sont  faites  de  deux  tiers  de  chaux 
et  d'un  tiers  de  sable  mêlé  de  ciment.  On  y  remarque 
plusieurs  rangs  de  grandes  briques  placées  en  forme 
de  cordons  à  distances  inégales.  Il  y  avait  des  tours 
éloignées  de  quatre-vingts  pieds  les  unes  des  autres, 
selon  la  règle  observée  par  les  anciens  architectes, 
excepté  pourtantdu  côté  de  la  Loire,  parce  que  la 
ville  y  était  assez  bien  défendue  par  le  fleuve  qui 
baignait  ces  murs  dont  les  fondemens  se  composaient 
de  très -grandes  pierres  superposées  sans  aucune 
espèce  de  liaison,  ainsi  qu'on  a  pu  le  voir  par  les 
fouilles  qui  ont  été  faites. 

2°  Chateau-Neuf,  dont  nous  avons  souvent  parlé 
dans  notre  histoire,  se  composait  des  maisons  qui 
s'étaient  successivement  agglomérées  autour  de  l'é- 
glise de  Saint-Martin.  Ce  bourg  décrivait  un  carré 
assez  régulier  qui  traversait  le  cloître  au  sud,  passait 
le  long  des  maisons  du  grand-marché,  parcourait  la 
rue  de  la  Rôtisserie  jusqu'au  porlail  Saint-Denis,  qui 
formait  une  des  portes  de  Chateau-Neuf  nommée  la 
porte  Pctnicienne,  parce  que  par  elle  on  entrait  dans 
le  faubourg  de  Sainl-Pierre-le-Puellier;  traversait 
ensuite  la  rue  du  Petit-Soleil  jusqu'au  portail  de 
l'Ecrignole,  abattu  en  16G0,  et  continuant  par  la  rue 
de  Jérusalem,  allait  finir  à  une  tour  placée  à  l'extrë- 


3oO  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

mite  de  la  rue  Quincangrogne,  et  détruite  tout  ré- 
cemment. 

3°  La  ville  neuve  n'était  proprement  composée  que 
de  tout  ce  qui  avait  été  bâti  entre  la  cité  et  Château- 
Neuf,  et  qui  avait  fini  par  les  lier  ensemble.  Elle  con- 
serva cette  dénomination  long-temps  encore  après  la 
réunion  qui  fut  opérée  de  ces  trois  parties  en  une  seule 
et  même  ville  par  lettres  patentes  du  roi  Jean,  données 
à  Beauvais  le  3o  mars  i354. 

4*  Les  faubourgs  de  la  Ville  perdue ,  de  Saint-Éloi , 
de  Saint-Etienne ,  de  Saint-Pierre-des-Corps  et  de 
Saint-Symphorien,  ne  faisaient  point  alors  partie  in- 
tégrante de  la  ville.  Le  faubourg  Saint-Père,  ou 
Saint-Pierre-le-Puellier ,  était ,  comme  Château-Neuf, 
sous  la  dépendance  du  chapitre  de  Saint-Martin. 
Mais  tous  se  trouvèrent  enveloppés  dans  son  enceinte 
au  moyen  des  fortifications  dont  elle  fut  entourée, 
et  qui  furent  détruites  en  1724,  époque  où  les  fossés 
furent  comblés. 

L'intérieur  de  la  ville  n'offre  aucun  monument 
d'antiquité.  Son  château,  presque  entièrement  détruit 
et  converti  en  caserne  de  cavalerie,  ne  pouvait  être 
considéré  que  comme  datant  du  onzième  siècle,  ayant 
été  rebâti  par  Henri  II,  roi  d'Angleterre  et  comte  de 
Touraine.  Il  fut  agrandi  un  siècle  après ,  par  Phi- 
lippe-le-Hardi.  La  Tour  Hugon,  nommée  dans  les  an- 
ciens titres  la  Tour  du  Comte,  était  auparavant  le 
seul  manoir  des  comtes  de  Touraine. 

Ce  château  formait  un  carré  irrégulier,  flanqué  de 
quatre    tours,   dont  une  seule  est  encore  debout; 


TOURS.  3oi 

c'est  celle  qui  a  pris  et  conserve  le  nom  de  Tour  de 
Guise ,  depuis  la  prison  du  prince  de  Joinville ,  dont 
nous  avons  rapporté  l'évasion  dans  notre  dixième 
livre,  année  iSgr.  Il  n'occupait  qu'une  partie  de 
l'enceinte  de  l'ancien  palais  que,  dit-on,  les  empe- 
reurs romains  avaient  à  Tours  :  mais ,  si  ce  palais  a 
réellement  existé,  l'époque  de  sa  construction  et 
celle  où  il  fut  détruit  sont  des  faits  absolument  in- 
connus. Du  reste,  il  n'offrait  rien  qui  fût  digne  de 
fixer  l'attention  :  seulement  on  remarquait  au-dessus 
de  la  porte  principale  trois  figures  en  relief,  dont 
les  connaisseurs  faisaient  assez  de  cas  ^  l'une  repré- 
sentait un  architecte,  vêtu  à  la  romaine,  tenant  à  la 
main  une  équerre  à  angle  obtus,  sans  doute  pour 
désigner  l'irrégularité  des  angles  du  château;  les 
deux  autres  étaient  des  figures  de  femme ,  dont  l'une 
était  nue,  et  l'autre  en  costume  romain  :  mais  elles 
n'avaient  aucun  attribut  qui  indiquât  l'emblème  que 
nécessairement  elles  devaient  offrir. 

Au-dessus  d'une  fausse  porte,  pratiquée  au  nord 
dans  la  muraille  de  ce  château ,  pour  aller  à  la  ri- 
vière qui  coulait  immédiatement  au  bas  ,  se  trouvait 
une  pierre  que  l'ignorance  offrit  long-temps  à  la  cré- 
dulité comme  étant  le  tombeau  de  Turnus ,  pré- 
tendu fondateur  de  la  ville  de  Tours.  On  y  voit,  car 
on  la  conserve  encore ,  une  coupe  sculptée  en  bas- 
reliefs  ,  d'où  sort  à  droite  et  à  gauche  un  fleuron  en 
forme  d'arabesque  dans  les  contours  duquel  se  trouve 
de  chaque  coté  un  oiseau  ressemblant  à  une  colombe. 
Cette  pierre,  haute  de  deux  pieds  et  demi,  et  longue 


3oa  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

de  quatre  pieds  quatre  pouces,  avait  sûrement  fait 
partie  de  quelque  édifice  d'ordre  corinthien  avant  que 
d'être  employée  dans  la  construction  du  mur.  Tel 
était  ce  fameux  tombeau ,  dont  les  historiens  du  sei- 
zième siècle ,  et  même  des  écrivains  plus  modernes , 
s'autorisaient  pour  faire  remonter  à  Turnus  la  fon- 
dation de  la  ville  de  Tours. 

Il  ne  se  trouve  aujourd'hui  aucunes  traces  des 
édifices  que  les  Romains  pouvaient  avoir  construits 
à  Tours  pendant  un  séjour  de  près  de  cinq  cents  ans, 
si  ce  n'est  quelques  ruines  informes  ensevelies  dans 
les  caves  et  dans  les  fondations  de  plusieurs  maisons 
situées  dans  le  voisinage  de  la  cathédrale.  Les  siècles 
plus  rapprochés  n'ont  pas  été  plus  féconds  en  con- 
structions dignes  de  remarque.  Les  temples  même 
n'offraient  rien  qui  fût  au-dessus  du  médiocre,  à 
l'exception  pourtant  de  la  cathédrale,  d'une  archi- 
tecture assez  élégante ,  et  dont  on  admire  le  portail , 
orné  d'une  belle  rosace ,  entre  ses  deux  tours  jumelles 
de  deux  cent  seize  pieds  de  haut ,  dont  les  nom- 
breuses sculptures  étaient  garanties  par  des  verres 
que  le  temps  a  détruits,  mais  dont  on  aperçoit  en- 
core des  vestiges.  L'église  de  Saint-Martin  était 
beaucoup  plus  ancienne  ,  quoique  toutes  ses  parties  ne 
fussent  pas  du  même  âge.  Le  chevet ,  ou  rond-point , 
était  la  seule  qui  méritât  quelque  attention.  Le  reste 
n'était  qu'une  vaste  carrière  où  le  goût  était  aussi 
oublié  que  la  matière  y  était  prodiguée  :  mais  nous 
renvoyons^ la  quatrième  partie,  où  nous  traitons  des 
établissemens  ecclésiastiques.  Nous  nous  bornerons 


TOURS.  3o3 

à  dire  ici  qu'en  tout  temps  ils  furent  très-nombreux 
à  Tours.  En  1777,  on  y  comptait  encore,  outre  ces 
deux  chapitres ,  seize  paroisses ,  dont  deux  étaient 
en  même  temps  collégiales;  deux  séminaires,  trois 
hospices ,  deux  prieurés,  six  chapelles ,  onze  couvens 
d'hommes  et  neuf  de  filles ,  dont  nous  ne  présente- 
rons ici  que  la  simple  énumération. 

Paroisses  : 

Saint-Clément,  place  du  marché,  aujourd'hui  la 
halle  au  blé. 

Sainte-Croix,  rue  de  la  Longue  Echelle  ,  supprimée 
le  i"  janvier  1782. 

Saint-Denis, rue  du  Change,  supprimée  à  la  même 
époque. 

Saint-Etienne  ,  place  de  l'Archevêché  ,  détruite. 

Saint- Hilaire,  rue  de  l'Intendance,  détruite. 

Notre-Dame  de  l'Ecrignole ,  place  Saint-Martin, 
détruite. 

Notre-Dame-La-Riche,  conservée  comme  paroisse. 

Saint-Pierre-des-Corps ,  conservée  comme  paroisse. 

Sai^Pierre-du-Boile,  Grande  Rue,  détruite. 

Saint-Pierre-le-Puellier ,  carroi  de  Saint-Pierre, 
détruite. 

Saint-Pierre  du  Chardonnet,  rue  du  Chardonnel, 
supprimée  le  1*'  janvier  1782. 

Saint-Saturnin  ,  Grande  Rue ,  détruite. 

Saint-Simple,  au  nord  de  la  place  d'Aumont,  sup- 
primée le  17  juin  1777. 

Saint-Symphorieu ,  faubourg  du  même  nom  ,  con- 
servée comme  paroisse. 


3o4  HISTOIRE   DE   TOURAINE. 

Saint-Vincent,  rue  de  la  Scellerie,  détruite. 

Il  y  avait  en  outre  une  succursale  dans  l'île  Saint- 
Jacques  qui  a  été  détruite  lors  de  la  construction  du 
nouveau  pont. 

Saint-Gatien ,  autrefois  Saint-Maurice,  cathédrale, 
a  été  conservée.  La  paroisse  Saint-Martin  y  a  été 
réunie. 

Saint-Martin ,  collégiale  détruite.  La  rue  Saint- 
Martin  a  été  percée  sur  son  emplacement. 

Le  grand  et  le  petit  séminaire ,  rue  Chaude.  Le 
collège  en  occupe  les  bâtimens. 

L'Hôtel-Dieu ,  en  face  de  la  cathédrale ,  détruit. 

L'Hospice  des  enfans  trouvés,  à  l'extrémité  du  fau- 
bourg Saint-Pierre-des-Corps ,  détruit. 

L'Hôpital  -  général  de  la  Charité  réunit  aujour- 
d'hui les  deux  précédens. 

Le  prieuré  de  Saint-Eloi ,  à  l'extrémité  occidentale 
du  Mail  j  détruit. 

Le  prieuré  de  Saint- Jean-des-Coups  forme  le  ci- 
metière de  l'Est. 

La  chapelle  de  Saint-André ,  à  l'extrémité  nord  de 
la  rue  Rapin ,  détruite. 

La  chapelle  de  Tous  les  Saints ,  place  du  Grand 
Marché,  supprimée  vers  1770. 

La  chapelle  de  Saint-Sébastien,  faubourg  Saint- 
Étienne  ,  supprimée  dans  le  siècle  dernier. 

La  chapelle  de  Saint-Protais  et  Saint-Gervais,  sur 
les  murs  de  la  ville ,  supprimée. 

La  chapelle  du  Petit-Saint-Martin ,  fossés  Saint- 
Martin  ,  détruite. 


TOURS.  3o5 

La  chapelle  de  Sainte-Anne,  à  l'extréinité  de  la 
Ville  perdue ,  détruite. 

Le  couvent  des  Augustins ,  à  l'angle  des  rues  de 
l'Intendance  et  de  la  Galère  ,  détruit. 

Le  couvent  des  Bénédictins  de  Saint-Julien ,  rue 
Traversaine,  aujourd'hui  rue  Royale  ,  détruit. 

Le  couvent  des  Capucins ,  sur  le  coteau  de  Saint- 
Symphorien ,  détruit. 

Le  couvent  des  Carmes.  Son  église  forme  la  pa- 
roisse de  Saint-Saturnin ,  succursale. 

Le  couvent  des  Cordeliers ,  rue  de  la  Scellerie , 
aujourd'hui  salle  de  spectacle. 

Le  couvent  des  Feuillans ,  près  la  place  de  l'Arche- 
vêché ,  détruit. 

Le  couvent  des  Jacobins,  place  de  la  Foire-le-Roi , 
aujourd'hui  magasins  du  munitionnaire. 

Le  couvent  des  Jésuites,  aujourd'hui  Saint-Fran- 
çois-de-Paule ,  paroisse  succursale. 

Le  couvent  des  Minimes ,  rue  Chaude ,  bâtimens 
détruits,  église  conservée,  formant  chapelle  à  l'usage 
du  collège. 

J^e  couvent  des  Oratoriens,  rue  de  la  Guerche, 
détruit. 

Le  couvent  des  Récollets,  rue  des  Récollets,  au- 
jourd'hui caserne  d'infanterie. 

Le  couvent  des  Annonciades,  ou  Bleues,  place  de 
l'Archevêché,  supprimé  en  1777. 

Le  couvent  des  Calvairiennes ,  faubourg  Saint-Sym- 
phorien ,  détruit. 

3.  ao    - 


3o6  HISTOIRE   DE    TOURAINE. 

Le  couvent  des  Capucines,  place  d'Aumont,  dé- 
truit. 

Le  couvent  des  Carmélites,  rue  de  Mont-Fumier, 
rétabli. 

Le  couvent  des  Repenties,  faubourg  La  Riche, 
rétabli. 

Le  couvent  des  Sœurs-Grises ,  rue  des  Récollets, 
rétabli. 

Le  couvent  des  sœurs  de  l'Union-Chrétienne ,  rue 
Chaude,  détruit. 

Le  couvent  des  Ursulines,  rue  du  même  nom, 
détruit. 

Le  couvent  des  Visitandines ,  rue  Chaude,  détruit. 
On  y  a  reconstruit  depuis  le  vaste  hôtel  de  la  Pré- 
fecture. Cet  édifice  et  celui  de  rArchevêché  sont  les 
seuls  de  la  ville  qui  aient  quelque  importance. 

Tous  ces  établissemens  ecclésiastiques  pouvaient 
être  en  rapport  avec  l'ancienne  population;  mais  dès 
1^77  on  en  avait  déjà  senti  l'exubérance,  en  sup- 
primant cinq  paroisses  qui  en  laissaient  encore  trop 
de  onze. 

On  croit  que  vers  la  fin  du  seizième  siècle  la  popu- 
lation de  Tours  ne  s'élevait  pas  à  moins  de  quatre-vingt 
mille  âmes;  en  1672  on  y  comptait  de  même  soixante 
mille  communians ,  dont  trente  mille,  dit-on,  en 
état  de  porter  les  armes.  On  se  demande  comment  la 
ville,  avec  cent  trente-huit  rues  et  quatre  mille  cinq 
cents  maisons,  pouvait  contenir  autant  d'habitans  : 
mais  on  ne  fait  pas  attention  que  de  quarante  mille 


f 


TOURS.  3o7 

individus,  alors  employés  aux  travaux  de  la  soie, 
plus  de  la  moitié  logeait  dans  des  chambres ,  dans 
des  greniers ,  et  même  dans  des  caves  où  la  plupart 
des  métiers  étaient  établis.  En  1698,  après  la  révo- 
cation de  l  edit  de  Nantes ,  la  population  était  tombée 
à  six  mille  six  cent  soixante-dix-huit  feux ,  non  com- 
pris environ  mille  deux  cents  ecclésiastiques,  tant 
réguliers  que  séculiers;  la  consommation  des  bœufs, 
qui  précédemment  était  d'environ  quatre-vingt-dix 
par  semaine,  fut  réduite  à  vingt-six.  En  1763,  on 
comptait  encore  quarante  mille  âmes  ;  mais  ce  re- 
censement fut  fait  sans  doute  d'une  manière  fort  in- 
exacte, puisque  celui  qui  eut  lieu  quatre  ans  après, 
et  qui  repose  sur  des  détails  plus  circonstanciés ,  ne 
s'élève  qu'à  vingt-sept  mille  âmes.  Quoi  qu'il  en  soit , 
en  1  790  il  n'en  restait  pas  plus  de  vingt  et  un  mille 
qui  forment  la  population  actuelle. 

L'industrie  et  le  commerce  étant  déchus  en  pro- 
portion, et  ne  s'étant  pas  encore  relevés ,  les  capitaux 
ont  cherché  une  autre  direction  en  se  portant  vers 
les  reconstructions.  Ainsi  disparaissent  journellement 
les  masures  et  les  antiques  maisons  bâties  en  colom- 
bage et  recouvertes  d'ardoises  depuis  le  haut  jusques 
en  bas,  pour  faire  place  a  des  habitations  qui,  en 
élargissant  les  rues,  reçoivent  plus  d'élégance  et  de 
commodité,  et  donnent  à  la  ville  un  aspect  moins 
sombre.  Les  habitans  semblent  s'être  dit  :  ne  pou- 
vant la  faire  riche  ^faisons-la  belle.  Ce  goût  paraît 
avoir  pris  naissance  lors  de  la  construction  du  nou- 
veau pont  et  de  la  rue  qui  la  traverse  dans  sa  moyenne 

20. 


3o8  HISTOIRE   DE  TOURAINE. 

largeur  qui  n*est  que  de  quatre  cents  toises  du  pont 
au  Mail,  sur  mille  trois  cents  toises  de  longueur. 
Ce  Mail,  planté  de  quatre  rangs  d'ormeaux  (i),  est 
}3ordé  dans  toute  son  étendue ,  du  coté  du  midi ,  par 
une  terrasse  ou  rempart  long  de  neuf  cent  quatre- 
vingt-dix-huit  toises,  sur  vingt-quatre  pieds  de  large  , 
formant  une  double  promenade  d'où  la  vue  s'étend 
d'abord  sur  les  riantes  campagnes  que  le  Cher  arrose  , 
et  ensuite  sur  le  riche  coteau  que  baigne  la  Loire. 

Ce  sont  les  sources  des  coteaux  du  Cher  qui  ali- 
mentent les  sept  fontaines  de  la  ville,  commencées 
en  1 507.  Les  quatre  premières  furent  terminées  en 
i5 1 1 ,  et  deux  autres  en  i5  ig.  Une  seule  est  remar- 
quable par  sa  belle  pyramide  de  marbre  blanc  de 
Gênes,  ornée  de  sculptures,  présent  du  surinten- 
dant de  Beau  ne  de  Semblançay  :  mais  elle  est  défi- 
gurée par  un  bassin  en  pierre  commune ,  qu'avec 
l'amour  du  beau  le  corps  de  ville  d'alors  eût  pu 
faire  exécuter  en  marbre  pareil.  Les  cinq  autres  sont 
de  la  simplicité  la  plus  mesquine.  Quant  à  celle  exé- 
cutée dernièrement  pour  remplacer  l'ancien  réser- 
voir appelé  la  Belle  Fontaine  ,  elle  ne  se  distingue 
que  par  un  excès  de  mauvais  goût  qui  la  fait  ressem- 
bler à  ces  anciens  tombeaux  qu'on  trouvait  sur  les 
voies  romaines. 

Il  en  est  une  septième  placée  à  l'extrémité  sud  de 
la  rue  Royale.  Celle-ci  plus  moderne,  et  construite 


(i)  1374  ormeaux,  sur  deux  rangs  de  chaque  côté,  espacés  de  trois 
toises  chacun. 


TOURS.  3o9 

en  même  temps  que  la  rue  par  les  soins  de  l'inten- 
dant Ducluzel  (  et  non  De  Cluzel  comme  le  porte 
l'inscription),  est  d'une  élégante  simplicité  qui  se 
lie  à  l'ordre  d'architecture  de  cette  partie  de  la  rue. 

Depuis  l'année  i347)  ^^  commune  était  adminis- 
trée par  six,  et  ensuite  par  quatre  élus,  expression 
du  vœu  des  habiîans.  Mais  Louis  XI,  en  1462, 
leur  substitua  un  corps  de  ville,  composé  d'un  maire, 
de  vingt-cinq  échevins  perpétuels ,  et  de  soixante- 
quinze  pairs  à  vie,  auxquels  il  accorda  le  privilège 
de  noblesse.  Nous  ne  retracerons  point  les  nom- 
breuses modiGcations  que  ce  régime  éprouva  jus- 
qu'en 1771 ,  époque  où  l'office  de  maire  fut  de  nou- 
veau rendu  vénal,  et  où  les  échevins  étaient  réduits 
à  quatre.  Nous  dirons  seulement  que  de  Jean  Bri- 
çonnet ,  en  1462  ,  à  Etienne  Benoît  de  la  Grandière  , 
en  1 790 ,  la  ville  de  Tours  a  compté  deux  cents 
maires  dans  une  période  de  trois  cent  vingt-neuf 
ans. 

Quoique  Tours  fût  une  ville  royale  depuis  la  ré- 
union de  la  Touraine  à  la  couronne,  elle  avait  dans 
son  sein  ,  outre  la  baronnie  de  Château-Neuf,  dont 
nous  avons  parlé,  une  autre  seigneurie  connue  sous 
le  nom  de  vicomte  des  Ponts-de-Tours ,  qui  datait  du 
temps  où  les  comtes  de  Touraine  abandonnèrent 
l'administration  de  la  province  à  des  suppléans  nom- 
més pour  cela  vicomtes.  Adralde  en  fut  le  premier , 
en  889.  Cette  vicomte  passa  successivement  de  famille 
en  famille,  jusques  à  celle  de  Maillé.  Louis  XI,  en 
i463,  ayant  acheté  de  Hardouin  de  Maillé  la  terre 


3X0  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

des  Montils  ,  consentit  à  l'union  de  la  vicomte  de 
Tours  aux  baronnies  de  Maillé  et  de  Roche-Corbon. 
C'est  ainsi  qu'en  dernier  lieu  elle  fit  partie  du  ducbé 
de  Luines,  avec  lequel  elle  s'est  éteinte. 

Nous  ne  parlerons  point  des  événemens  dont  la 
ville  de  Tours  a  été  le  théâtre ,  parce  qu'on  les  a 
trouvés  répandus  dans  tout  le  cours  de  notre  histoire, 
et  qu'il  en  sera  encore  fait  mention  dans  ce  qui  nous 
reste  à  dire. 

VÉRETS,  BARONNIE. 

Le  château  de  Vérets  (  Pagus  de  Viretis  ) ,  situé 
auprès  du  bourg  de  ce  nom ,  sur  le  coteau  que  baigne 
la  rivière  du  Cher,  à  trois  lieues  sud  de  Tours,  fut 
bâti,  il  y  a  environ  trois  cent  cinquante  ans,  par  Jean 
de  La  Barre ,  premier  gentilhomme  de  la  chambre  de 
Charles  VIII ,  qui  fit  placer  au-dessus  du  grand  esca- 
lier la  statue  équestre  en  pierre  de  ce  prince.  Il  y 
était  représenté  à  l'âge  de  vingt-cinq  ans  ,  tel  qu'il 
était  à  la  bataille  de  Fornoue^  selon  la  description 
qu'en  a  donnée  Sala ,  son  pannetier,  qui  l'avait  suivi 
au  voyage  d'Italie.  L'opinion  vulgaire  des  habitans 
du  pays  était  que  cette  figure  représentait  le  fils  aîné 
de  Jean  de  La  Barre  ,  également  seigneur  de  Vérets  ; 
mais  on  peut  croire  qu'ils  n'avaient  pas  lu  l'ouvragé 
de  Sala ,  où  il  est  dit  en  parlant  de  cette  bataille  et 
de  Charles  VIII  :  <.<  Il  estoit  petit  decorps,  mais  fort  bel 
«  homme,  et  avoit  alors  vingt-cinq  ans.  Ainsy  que  le 
tf  roy  estoit  parmy  les  rangs  combattant ,  un  escadron 


VtRETS.  3ll 

«  d'environ  vingt-cinq  hommes  bien  armés  et  bardés, 
«  cogneurent  de  loin  leroy  au  garnement  de  ses  armes 
«  qui  estoit  tout  semé  de  croix  de  Hiérusalem  ,  et 
«  à  son  cheval ,  qui  estoit  par  adventure  le  plus  beau 
(f  et  le  meilleur  qu'on  eut  sçeu  choisir.  Le  duc  Charles 
ff  de  Savoye ,  qui  son  cousin-germain  estoit,  le  lui 
«  avoit  donné  ,  et  pour  ce  le  nommoit  Savoye,  etc.  » 
Il  ne  fallait  donc  pas  beaucoup  de  discernement  pour 
voir  qu'on  n'aurait  pas  mis  sur  la  statue  d'un  simple 
seigneur  de  Vérets,  une  cotte  d'armes  semée  de 
croix  de  Jérusalem  qui  n'appartenaient  qu'à  la  maison 
royale  de  France,  car  on  sait  que  Charles  VIII  écar- 
telait  de  France  et  de  Jérusalem. 

Les  Anglais  s'emparèrent  de  ce  château  pendant 
leurs  guerres  avec  le  roi  Jean  ,  et  furent  obligés  de  le 
rendre  en  i36o,  par  le  traité  de  Brétigny. 

En  1730,  le  poète  Ducerceau  fut  trouvé  mort 
dans  le  parc  de  Vércfs.  Ce  jésuite  faisait  alors  l'éduca- 
tion du  fds  du  duc  d'Aiguillon.  On  prétendit  qu'il  avait 
été  tué  par  son  élève.  Sa  sépulture  précipitée  dans  le 
cimetière  de  Vérets ,  où  on  ne  lui  donna  pas  même 
une  pierre  sépulcrale ,  sembla  confirmer  cette  opi- 
nion, qui  d'ailleurs  ne  reposait  sur  aucune  conjec- 
ture raisonnable. 

L'archevêque  de  Tours  de  Chapt  de  Rastignac 
mourut  de  même  subitement,  dit-on  ,  au  château  de 
Vérets,  en  i-ySo.  Son  mandement  contre  le  père 
Pichon  fit  accuser  les  jésuites  de  sa  mort.  Cette  ac- 
cusation a  été  accueillie  par  l'auteur  des  Jésuitiques, 
qui  a  dit,  ode  2,  strophe  5  : 


3 12  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

Sous  leurs  coups  Rastignac  succombe , 
Et  je  vois  entrer  dans  la  tombe 
Maillard  et  La  Rochefoucauld. 

Mais  cette  mort  subite  est  plus  qu'apocryphe, 
puisqu'il  fut  ordonné  des  prières  de  quarante  heures 
dans  tout  le  diocèse ,  pour  la  conservation  de  ses 
jours. 

Voici  ce  que  nous  avons  pu  recueillir  sur  les  dif- 
férens  seigneurs  de  Vërets. 

Pierre  Trousseau  ,  chevalier,  seigneur  de  Vérets, 
de  Launay  ,  de  Trousseau  et  de  Châteaux ,  aujourd'hui 
Château-la-Vallière,  était  chambellan  de  Philippe  de 
Valois,  au  mois  de  janvier  i  3do.  Il  fut  nommé  en  1 369 
gouverneur  du  château  de  Tours,  et  en  1 370,  par  lettres 
patentes  de  Charles  V,  du  12  février,  il  fut  retenu  au 
nombre  de  dix  hommes  d'armes.  Il  eut  plusieurs  en  fan  s. 

Guillaume  Trousseau  ,  chevalier ,  seigneur  de 
Vérets,  vicomte  de  Bourges ,  etc. ,  fils  aîné  de  Pierre , 
fut  au  nombre  des  cautions  pour  le  traité  de  paix  de 
Brétigny,  en  i36o. 

Catherine  de  l'Isle  ,  dame  de  Vérets,  lui  succéda 
vers  i388. 

Catherine  de  La  Trémouille  était  dame  de  Craon 
et  de  Vérets ,  en  i43o. 

Jean  de  La  Barre ,  premier  gentilhomme  de  la 
chambre  du  roi  Charles  VIII,  prévôt  de  Paris,  comte 
d'Etampes,  vicomte  de  Bridieu  et  baron  de  Vérets  , 
épousa  Marie  de  la  Primaudaye,  dont  il  eut  Margue- 
rite, mariée  le  10  mai  152^  à  François  de  Cour- 
tenay. 


VÉRETS.  3l3 

François  de  Courtenay  fut  seigneur  de  Vérels 
du  chef  de  sa  femme. 

Jean  d'Estouteville ,  chevalier,  seigneur  châtelain 
de  Vérets,  comparut  en  cette  qualité  à  la  deuxième 
réformation  des  coutumes  de  Touraine ,  en  i559. 

Pierre  Forget  Dufresne ,  secrétaire  d'état. 

Denis  Le  Bouthillier,  seigneur  de  Rancé,  baron 
de  Vérets  et  de  Larcé ,  eut  deux  fds.  François ,  cha- 
noine de  Notre-Dame  de  Paris,  mort  en  1640  ,  et  le 
célèbre  abbé  de  Rancé,  qui  suit  : 

Armand-Jean  Le  Bouthillier  de  Rancé ,  abbé  de 
la  Trappe.  Son  frère  aîné  François  étant  mort,  il  se 
trouva  héritier  de  la  terre  de  Vérets,  On  prétend 
qu'au  retour  d'un  voyage  il  vint  à  sa  terre,  d'où  il 
se  hâta  de  se  rendre  à  Couziers ,  pour  y  voir  sa  maî- 
tresse, la  belle  duchesse  de  Montbazon,  dont  il 
ignorait  la  mort  toute  récente.  Etant  monté  par  un 
escalier  dérobé  qui  conduisait  à  la  chambre  de  la 
duchesse,  il  fut  frappé  de  terreur  en  voyant  dans  un 
bassin  d'argent  la  tête  séparée  du  corps,  parce  que 
l'on  avait  fait  le  cercueil  de  plomb  beaucoup  trop 
court.  Tel  est  le  motif  que  l'on  donne  h  sa  conver- 
sion; mais  ce  récit  a  bien  l'air  d'une  fable  :  car  com- 
ment supposer  que  Rancé  eût  pu  entrer  dans  le'  châ- 
teau sans  rencontrer  au  moins  quelque  domestique 
qui  n'eût  pas  manqué  de  lui  annoncer  la  mort  de  la 
duchesse?  Quoi  qu'il  en  soit,  avant  que  de  se  rendre 
à  la  Trappe  ,  Rancé,  en  1 660 ,  vendit  à  l'abbé  d'Effîat 
sa  terre  de  Vérels,  moyennant  la  somme  de  3oo,ooo 
liv.  qu'il  donna  à  l'Hôtel-Dieu  de  Paris. 


3î4  HISTOIRE  DE  TOUR \INE. 

Jean  Riizé  d'Effiat ,  abbé  de  Saint-Sorlin  de  Tou- 
louse, et  de  Trois-Fonlaines,  mort  le  19  octobre 
1698,  avait  revendu  la  terre  de  Vërets  au  duc  de 
Mazarin ,  qui  suit  : 

Armand-Charles  de  La  Porte ,  fils  du  maréchal  de 
La  Meilleraye ,  duc  de  Richelieu-Mazarin  ,  pair  de 
France,  etc.,  épousa  Hortense  Mancini,  nièce  du 
cardinal  Mazarin,  à  condition  d'en  prendre  le  nom 
et  les  armes.  Il  en  eut  un  fils  unique. 

Armand  de  La  Porte ,  duc  de  Mazarin  ,  etc. ,  baron 
de  Vérets,  n'eut  qu'une  fille  qui  fut  mariée  au  mar- 
quis de  Richelieu. 

Louis  Duplessis,  marquis  de  Richelieu,  neveu  de 
Marie-Madelaine ,  duchesse  d'Aiguillon,  qui  n'avait 
point  d'enfans ,  fut  substitué  par  elle  dans  son  duché 
et  dans  tous  ses  autres  biens.  En  conséquence,  il  fut 
institué  duc  d'Aiguillon,  par  arrêt  du  parlement  de 
Paris,  en  r-ySi. 

Emmanuel-Armand  Duplessis-Richelieu  ,  duc  d'Ai- 
guillon ,  connu  par  son  ministère,  sous  le  règne  de 
Louis  XV,  après  avoir  fait  exiler  à  Ghanteloup  le 
duc  de  Ghoiseul,  fut  exilé  lui-même,  en  1775,  dans 
le  château  de  Vérets  qu'il  avait  fait  reconstruire  dans 
un  goût  plus  moderne.  En  17.60,  quelques  cailloux 
agatisés  trouvés  par  hasard  engagèrent  le  duc  à  faire 
faire  des  fouilles  auprès  de  son  château,  et  l'on  y 
trouva  beaucoup  de  pétrifications  et  de  fossiles  ,  dont 
à  la  vérité  la  Touraine  abonde,  des  cailloux  sus- 
ceptibles de  recevoir  le  plus  beau  poli,  mais  surtout 
des  agates  de  diverses  couleurs.  Il  ne  paraît  pas  que 


VERNOU.  3l5 

Ton  ait  donné  plus  de  suite  à  ces  recherches.  Il  eut 
une  fille  mariée  au  comte  de  Chabrillant ,  et  un  fils 
qui  suit  : 

Armand-Désiré  Duplessis -Richelieu,  duc  d'Ai- 
guillon ,  fut  le  dernier  des  seigneurs  de  Vérels.  Il 
s'est  fait  connaître  dans  le  parti  de  la  minorité  de  la 
noblesse  de  l'assemblée  constituante ,  et  est  mort 
à  Hambourg ,  le  4  i^i^i  ^  ^oc>. 

Le  château  de  Vérets  a  été  entièrement  détruit  de- 
puis cette  époque. 

VERNOU  ,  BARONWIE. 

Vernou  {Vernotum\  suivant  la  Notitia  Galliarum, 
fol.  594?  est  un  nom  commun  à  plusieurs  bourgs  de 
France ,  placés  dans  le  voisinage  des  forêts.  On  lient 
en  effet  que  notre  Vernou  était  autrefois  couvert  do 
bois ,  et  que  la  forêt  de  Reugny  s'étendait  jusques-là  : 
mais  ces  bois  en  très-grande  partie  ont  fait  place  à 
de  riches  vignobles,  principalement  sur  les  coteaux. 
Le  village  est  situé  sur  la  Eransle,  à  quatre  lieues 
nord-est  de  la  ville  de  Tours. 

De  tout  temps  cette  baronnie  a  été  dans  le  tem- 
porel des  archevêques  de  Tours ,  qui  en  ont  été  les 
premiers  et  les  derniers  seigneurs;  ainsi  nous  n'avons 
à  cet  égard  à  offrir  aucuns  détails  particuliers;  ils  y 
avaient  leur  justice,  dont  relevaient  trois  châtelle- 
nies  et  dix  fiefs.  L'archevêque  Victor  Le  Bouthiilier 
avait  obtenu  en  faveur  de  Vernou  rétablissement 
d'un  marché  qui  s'y  tenait  tous  les  lundis. 


3l6  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

VILLANDRY,  marquisat. 

Villandry  (  Filla  Andriaca)^  situe  vers  l'embou- 
chure du  Cher,  îi  trois  lieues  au-dessous  de  Tours, 
n'était  autrefois  qu'un  petit  château  connu  sous  le 
nom  de  Colombiers  ,  dont  nous  avons  eu  occasion  de 
parler  dans  notre  Histoire  au  sujet  de  la  paix  qui  y  fut 
conclue  en  1 189,  au  mois  de  juillet,  entre  Philippe- 
Auguste  et  Henri  H ,  roi  d'Angleterre  et  comte  de 
Touraine.Il  fut  rebâti  par  Jean  Le  Breton,  secrétaire- 
d'ëtat,qui  en  devint  acquéreur,  en  i532,  ainsi  que 
de  la  châtellenie  de  Savonnières ,  et  ce  fut  son  petit- 
fils,  Balthasar  Le  Breton,  qui  obtint  la  réunion  de 
ces  deux  seigneuries  et  leur  érection  en  marquisat, 
sous  l'appellation  de  Villandry  ,  par  lettres  patentes 
de  Louis  XHI  de  16 19,  qui  ne  furent  vérifiées  au 
parlement  que  le  26  novembre  1639. 

Le  bourg  de  Savonnières  dont  il  est  ici  question  , 
nommé  en  latin  Saponaria ,  ainsi  que  nous  le  voyons 
par  le  testament  de  saint  Perpète,  fait  le  i^'  mars  47 5 , 
était  à  cette  époque  déjà  renommé  par  les  savons 
blancs  qu'on  y  fabriquait.  Comme  l'usage  en  était 
fréquent  parmi  les  Romains ,  et  qu'ils  estimaient  beau- 
coup les  savons  blancs  qui  venaient  de  la  Gaule  ,  il 
s'en  faisait  un  très-grand  commerce;  c'est  pourquoi 
il  y  avait  toujours  non  loin  des  grandes  villes  un  lieu 
nommé  Savonnerie  ou  Savonnières. 

Nous  avons  parlé  dans  notre  introduction  des  sou- 


VILLANDRY.  3  1 7 

terrains ,  ou  grottes  de  Savonnières ,  connus  sous  le 
nom  de  Caves  Gouttières. 

Ces  deux  chatellenies,  avant  le  treizième  siècle , 
avaient  chacune  leurs  seigneurs  particuliers,  dont 
ceux  qui  suivent  étaient  mentionne's  au  cliartrier  de 
Marmoutier. 

Geoffroy ,  dit  Le  Roux ,  ainsi  que  nous  l'avons  vu 
précédemment  à  l'article  de  Hugues  I"  d'Amboise  , 
était  seigneur  de  Colombiers ,  vers  la  fin  du  onzième 
siècle,  et  avait  épousé  Lisoye,  fille  de  ce  même 
Hugues  d'Amboise,  dont  il  n'eut  point  d'enfans. 

Emcry  Payen  était  seigneur  de  Colombiers  et  de 
Montbazon  ,  en  io83. 

Auger,  seigneur  de  Colombiers  ,  vivait  en  1094. 

Lélice,  dame  de  Savonnières  en  11 85,  fut  ma- 
riée à  Philippe,  seigneur  de  Montoire,  d'où  est  sortie 
une  branche  des  seigneurs  de  Vendôme. 

Philbert  Savary,  seigneur  de  Colombiers,  étant 
devenu  seigneur  de  Savonnières,  et  Philippe-Auguste 
lui  ayant  donné  le  château  de  Montbazon,  au  com- 
mencement du  treizième  siècle,  les  seigneuries  de 
Colombiers  et  de  Savonnières  furent  unies  à  celle  de 
Montbazon ,  ce  qui  dura  environ  deux  cents  ans , 
jusqu'à  Guillaume  de  Craon,  troisième  du  nom.  Jean 
de  Craon,  son  frère  puîné,  étant  comme  lui  mort 
sans  enfans  ,  leur  succession  fut  partagée  entre  leurs 
sœurs. 

Marie  de  Craon ,  seconde  fille  de  Guillaume  de 
Craon  et  de  Jeanne  de  Montbazon ,  eut  en  partage 
les  seigneuries  de  Montsoreau  ,  Jarnac ,  Pressigny , 


3l8  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

Colombiers  et  Savonnières  qu'elle  porta  en  dot  à 
Louis  Chabot. 

Louis  Chabot ,  seigneur  du  Petit-Château  et  de  la 
Grève,  était  fils  de  Thibaut  Chabot,  sixième  du  nom. 
De  sa  femme,  Marie  de  Graon,  il  eut  Thibaut  et 
Renaud. 

Thibaut  Chabot ,  septième  du  nom  ,  fit  hommage 
a  Charles  VII,  le  17  mars  14^7  ,  des  seigneuries  de 
Colombiers  et  de  Savonnières.  Il  prit  pour  femme 
Brunissant  d'Argenton ,  dont  il  eut  trois  enfans , 
Louis  qui  suit  et  deux  filles. 

Louis  Chabot,  baron  de  Pressigny,  seigneur  de 
La  Grève,  de  Colombiers  et  de  Savonnières  rendit 
par  aveu  la  seigneurie  de  Savonnières,  à  Philippe  de 
Coëtquis ,  archevêque  de  Tours,  le  i"  juin  i436.  Il 
épousa  Jeanne,  fille  de  Guillaume  de  Coursillon, 
dont  il  eut  une  fille  unique. 

Marie  Chabot,  fille  du  précédent,  dame  de  Savon- 
nières et  de  Colombiers ,  fut  mariée  deux  fois;  la  pre- 
mière à  Joaclîim  Rouault,  et  la  seconde  à  Navarret 
d'Anglade.  Celui-ci ,  pendant  la  minorité  d'Adolphe 
Rouault,  né  du  premier  mariage,  vendit  les  biens  de 
la  succession  de  son  père  Joachim.  Il  y  eut  procès  à 
ce  sujet,  et  en  i5o5  intervint  un  arrêt  du  parle- 
ment d'après  lequel  les  biens  furent  revendus  au 
profit  du  mineur.  Henri  Bohier  s'en  rendit  acqué- 
reur. 

Henri  Bohier ,  chevalier ,  sénéchal  de  Lyon  ,  sei- 
gneur de  Chesnaye  ,  deuxième  fils  d'Astremoine  Bo- 
hier, devint  seigneur  des  terres  de  Colombiers  et  de 


VILLANDRY.  3ig 

Savonnières,  par  l'achat  qu'il  en  fit  en  i5o5  :  mais 
elles  furent  revendues  sur  lui  par  décret  forcé. 

Jean  Le  Breton,  chevalier  ,  baron  de  Mondoucet, 
seigneur  de  Villesquin ,  conseiller  du  roi  et  secré- 
taire d'état ,  acquit  les  cliâtellenies  de  Colombiers  et 
de  Savonnières ,  en*  vertu  de  l'arrêt  rendu  par  les 
juges  des  finances,  le  4  mars  i532,  moyennant  la 
somme  de  35,ooo  liv. ,  formant  132,290  liv.  de  notre 
monnaie,  le  marc  d'argent  étant  alors  à  i3  liv. 
5  sous.  Il  épousa  Anne  Gédouin ,  dont  il  eut  deux 
enfans ,  Claude  et  Balthasar.  Lui-même  était  fils  de 
Charles  Le  Breton,  seigneur  de  Chanceaux,  et  de 
Jeanne,  fille  de  François  Bérard ,  premier  du  nom  , 
seigneur  de  Bléré. 

Claude  Le  Breton  ,  seigneur  de  Villandry,  de  Co- 
lombiers et  de  Savonnières,  épousa  Claude,  fille  de 
Florimond  Robertet,  secrétaire  d'état  sous  les  rois 
Louis  XII ,  François  I"  et  Henri  IL  II  mourut  sans 
enfans,  en  i556.  Il  reste  de  lui  des  lettres  écrites  en 
i536  et  1537,  relatives  au  règne  de  F'rançois  L^  : 
elles  étaient  conservées  parmi  les  manuscrits  de 
Pierre  Dupuy ,  numéro  i65. 

Balthasar  Le  Breton  ,  premier  du  nom,  succéda  à 
Claude,  son  frère,  et  fut ,  ainsi  que  nous  l'avons  dit 
en  commençant,  le  premier  marquis  de  Villandry. 
Il  avait  épousé  Madelaine ,  fille  de  René  Gillier, 
baron  de  Marmande  et  de  Puy  Carreaux,  dont  il  eut, 
entre  autres  enfans  ,  Balthasar  qui  suit. 

Balthasar  Le  Breton,  deuxième  du  nom,  seigneur 
de  Villandry,  épousa  N.  de  Coulas,  dont  il  eut  un  fils. 


3aO  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

Ballhasar-Leonor  Le  Breton-Gouias,  seigneur  de 
Villandry,  prit  alliance  avec  Marie-Claude  Bonneau 
de  Rubellez.  Cette  union  ne  leur  donna  qu'une  fille, 
Henriette-Marguerite,  qui  porta  la  terre  de  Villandry 
dans  une  autre  famille. 

Louis-François ,  comte  d'AÛbigny  ,  seigneur  de 
La  Touche,  épousa  en  171 3  Henriette-Marguerite 
Le  Breton-Goulas,  et  devint  par  là  seigneur  de  Vil- 
landry. Sa  femme  mourut  en  1721 ,  âgée  de  trente- 
deux  ans. 

Esprit-François- Henri ,  marquis  de  Castellane  , 
maréchal-de-camp,  ayant  acquis  la  terre  de  Villandry, 
en  fit  reconstruire  entièrement  le  château  tel  qu'il 
existe  aujourd'hui;  il  en  fut  aussi  le  dernier  seigneur, 
et  depuis  sa  mort  cette  terre  est  passée  successive- 
ment en  différentes  mains. 

USSÉ,  CHA.TELLENIE. 

Le  château  d'Ussé  (  Ussœum  )  se  trouve  dans  la 
commune  de  Rigny  ,  canton  d'Azay-le-Rideau ,  sur 
la  rive  gauche  de  la  Loire,  au  point  où  l'Indre  vient 
terminer  sa  course  dans  ce  fleuve.  Il  ne  pouvait  être 
remarquable  autrefois  que  par  ses  eaux  ,  ses  bois ,  et 
son  site  heureux  sur  le  penchant  d'une  colline ,  d'où 
l'œil  découvre  à  travers  le  bassin  de  la  Loire  les 
riches  coteaux  de  la  rive  opposée  :  mais  depuis  sa 
reconstruction  ,  ses  vastes  bâtimens  sa  belle  et  noble 
architecture  en  ont  fait  l'un  des  édifices  de  ce  genre 
dont  le  sol  de  la  Touraine  ait  le  plus  à  s'enorgueillir. 


ussÉ.  32  r 

Il  est  vrai  qu'il  est  eu  partie  l'ouvrage  du  célèbre 
Vaubaii,  qui  venait  quelquefois  dans  cette  agréable 
retraite  passer  chez  son  gendre  les  courts  instans 
de  loisir  que  lui  permettaient  les  innombrables  occu- 
pations qui  remplirent  le  cours  de  sa  vie.  Ce  fut  sur 
ses  plans  et  ses  dessins  que  les  travaux  en  furent 
exécutés. 

Gelduin  de  Saumur  est  le  premier  que,  dans  l'his- 
toire de  notre  province,  nous  voyons  paraître  comme 
seigneur  d'Ussé,  en  même  temps  qu'il  l'était  de  Maillé 
et  de  Pont-le-Voy,  vers  la  fin  du  onzième  siècle. 

Gelduin,  deuxième  du  nom,  son  fils,  le  fut  égale- 
ment après  lui  :  mais  depuis  eux  il  s'écoule  un  assez 
long  espace  de  temps  sans  que  nous  ayons  connais- 
sance d'aucun  des  seigneurs  d'Ussé, 

Jacques  d'Espinay  possédait  cette  terre  vers  i48o. 
Il  comparut  à  ce  titre  au  procès-verbal  de  réforma- 
tion des  coutumes  de  Touraine,  en  i  Soy.  Ce  fut  lui  qui 
fit  construire  la  chapelle  du  château  que  consacra  le 
cardinal  André  d'Espinay,  son  frère,  archevêque  de 
Lyon,  mort  en  i5oo. 

Jacques  d'Espinay,  deuxième  du  nom,  seigneur 
d'Ussé,  y  fonda,  en  i538,  une  collégiale  de  huit 
chanoines,  tous  à  la  collation  du  châtelain.  François 
d'Espinay,  surnommé  le  Brave-Saint-Luc,  était  de 
cette  même  famille.  Ce  fut  lui  qui  fut  envoyé  à  Senlis , 
en  1^94,  vers  Henri  IV ,  pour  traiter  de  la  reddition 
de  Paris. 

Claude  I",  sire  de  Rieux ,  seigneur  de  Rochefort , 
d'Ancenis  et  d'Ussé ,  avait  probablement  acheté  cette 
3.  21 


3^2  HISTOIRE   DE   TOUR  AINE. 

terre  de  la  famille  d'Épinay,  ou  plutôt  ce  fut  sa 
femme  Suzanne  de  Bourbon ,  fille  de  Louis  prince 
de  La  Roche-sur- Yon ,  qu'il  épousa  en  secondes 
noces,  en  15^9,  car  il  était  mort  en  i533.  Il  n'eut 
de  ce  second  mariage  qu'un  fils,  nommé  Claude, 
comme  lui,  qui  mourut  sans  avoir  été  marié,  en 
i548. 

Suzanne  de  Bourbon ,  après  la  mort  de  son  époux 
et  de  son  fils,  devint  dame  d'Ussé,  et  comparut  en 
cette  qualité  à  la  seconde  réformation  des  coutumes 
de  Touraine ,  en  iSSg.  Elle  mourut  en  1570. 
Claude  II,  en  mourant,  avait  laissé  héritière  de  tous 
ses  biens  Louise  de  Rieux,  sa  sœur  paternelle  du 
premier  lit.  Celle-ci  fut  mariée  à  René  de  Lorraine, 
marquis  d'Elbeuf,  auquel  elle  porta  en  dot  toute 
cette  succession. 

Louis  Bernin  de  Valentinay,  premier  du  nom, 
contrôleur-général  de  la  maison  du  roi ,  fut  acquéreur 
de  la  terre  d'Ussé.  Il  épousa  Catherine,  fille  d'André 
Coudreau  ,  seigneur  de  Planchouri  en  Touraine ,  et 
maire  de  Tours  en  i65i.  Il  eut  de  ce  mariage  Louis 
qui  suit. 

Louis  Bernin  de  Valentinay ,  deuxième  du  nom , 
contrôleur-général  de  la  maison  du  roi ,  épousa 
Jeanne-Françoise,  fille  aînée  du  maréchal  de  Vauban, 
qui,  comme  nous  l'avons  dit,  donna  ses  soins  à  la 
reconstruction  du  château  d'Ussé ,  où  l'on  reconnaît 
facilement  la  main  de  ce  grand  homme. 

Louis  de  Bernin  de  Valentinay,  troisième  du  nom, 
seigneur  d'Ussé ,  contrôleur-général  de  la  maison  du 


ussK.  3a  3 

roi ,  était  fils  de  Louis  II ,  et  de  Jeanne-Françoise  de 
Vauban.  Il  prit  alliance,  en  1708,  avec  Anne-Tlieo- 
dore  de  Carvoisin. 

Louis-Vincent  Roger  ,  marquis  de  Chalabre,  était 
seigneur  d'Ussë ,  lorsqu'il  quitta  la  France  à  l'époque 
de  la  révolution.  Cette  terre  était  déjà  sous  le  séquestre 
lorsqu'un  fils  légitimé  en  réclama  et  en  obtint  la  res- 
titution ;  elle  a  passé  depuis  à  M.  le  duc  de  Duras , 
premier  gentilhomme  de  la  chambre  du  roi ,  qui  en 
est  aujourd'hui  propriétaire. 

On  a  cru  voir  dans  la  chronique  du  petit  Jehan 
de  Saintré,  long  et  ennuyeux  roman  d'Antoine  de 
La  Salle,  rajeuni,  raccourci  et  rendu  supportable 
par  le  comte  de  Tressan,  quelque  analogie  entre  Ussé 
et  les  li^ux  où  le  romancier  place  le  théâtre  des  aven- 
tures de  la  dame  aux  belles  cousines.  Quoique  Saintré 
fût  effectivement  né  sur  la  rive  opposée  de  la  Loire, 
nous  ignorons  comment  on  prétendrait  chercher 
quelque  air  de  vérité  dans  des  faits  entièrement  fabu- 
leux. 

On  remarquait  à  Ussé  deux  caisses  de  momies , 
l'une  en  marbre  blanc,  l'autre  en  basalte,  ou  plutôt 
en  pierre  de  touche,  toutes  deux  couvertes  d'inscrip- 
tions hiéroglyphiques,  que  tenta  vainement  d'expli- 
quer Court  de  Gébelin ,  trop  peu  versé  dans  ce  genre 
d'études,  dont  les  étonnans  progrès  semblent  être 
réservés  aux  travaux  et  à  la  sagacité  de  M.  Cham- 
pollion.  Ces  caisses,  venues  de  la  Haute-Egypte,  furent 
débarquées  à  Marseille  en  i63i  ;  plus  de  vingt  ans 
après,  elles  furent  achetées  par  le  surintendant  Fou- 

•21, 


324  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

quet ,  et  revendues  après  sa  mort,  en  1680.  Le 
célèbre  Lenostre  ,  qui  en  fut  acquéreur,  en  fît  présent 
à  Louis  II  de  Valentinay  ,  qui  les  fît  placer  dans  son 
château  d'Ussé.  Enfin  ,  pendant  le  séquestre  momen- 
tané dont  nous  avons  parlé,  ces  deux  monumens 
précieux  ont  été  transportés  à  Paris,  et  réunis  à  tous 
ceux  que  renferme  le  Musée  des  Arts. 


FIN    DE    LA    SECONDE    PARTIE. 


HISTOIRE 


DE  TOURAINE. 


TROISIÈME  PARTIE, 


CONTENANT 


LE  TABLEAU  HISTORIQUE  DES  SENECHAUX,  GOUVER- 
NEURS, LIEUTEir ANS-GÉNÉRAUX,  GRANDS-BAILLIS, 
INTENDANS,    ETC.,    DE    LA    PROVINCE. 


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CHAPITRE  I. 

SÉNÉCHAUX. 

La  dignité  de  sënëclial  de  ïourainc  a  pris  nais- 
sance sous  les  comtes  héréditaires.  Les  fonctions  de 
ces  officiers  comprenaient  l'intendance  de  la  maison 
du  prince,  l'administration  de  la  justice,  la  dispo- 
sition des  charges  de  judicature,  la  direction  des 
troupes,  enfin  le  gouvernement  des  places  fortes.  Le 
sénéchal  de  Touraine  l'était  en  même  temps  de 
TAnjou  et  du  Maine;  mais  généralement  on  ne  le 


3^6  HISTOIRE   DE    TOURAINE. 

désignait  que.  sous  le  nom  de  sénéchal  d'Anjou.  C'était, 
après  le  comte,  le  personnage  le  plus  important,  et 
les  évêques  même,  soit  par  écrit,  soit  en  parlant  de 
lui,  se  servaient  toujours  de  l'expression  de  seigneur, 
titre  qui  ne  se  donnait  alors  qu'aux  princes  et  aux 
grands-officiers  de  la  couronne. 

Ces  places  furent  amovibles  jusqu'à  la  fin  du  dou- 
zième siècle;  mais,  en  1204, Philippe- Auguste,  ayant 
réuni  ces  trois  provinces  à  sa  couronne,  conféra  la 
dignité  de  sénéchal  à  titre  héréditaire  à  Guillaume 
Des  Roches,  qu'Artus,  duc  de  Bretagne,  avait  déjà 
institué,  en  iigS,  sénéchal  héréditaire  et  feudataire 
d'Anjou.  La  sénéchaussée  passa  après  lui  à  la  maison 
de  Craon ,  qui  la  posséda  jusqu'à  ce  que  le  titre  en 
eût  élé  supprimé,  ce  qui  eut  lieu  pour  la  Touraine 
en  i323,  et  en  i33o  pour  les  deux  autres  provinces, 
au  moyen  des  arrangemens  faits  avec  les  titulaires 
dont  il  sera  parlé  à  leur  article. 

Ce  n'a  été  qu'à  force  de  recherches  que  nous  avons 
pu  former  une  nomenclature  exacte  des  sénéchaux 
amovibles;  mais  il  ne  nous  a  pas  été  possible  de 
déterminer  aussi  bien  la  durée  exacte  de  leurs  fonc- 
tions. Il  en  est  même  quelques-uns  dont  nous  n'avons 
pu  connaître  que  les  noms. 

La  série  des  sénéchaux  héréditaires  ne  se  compo- 
sant que  de  sept  individus,  il  nous  a  été  plus  aisé  de 
la  donner  plus  complète. 

Lorsque  cette  dernière  dignité  eut  été  abolie, 
une  partie  de  ses  attributions  passa  aux  grands- 
baillis,  qui,  dès  ce  moment,   furent  institués  gou- 


SÉNÉCHACX.  3^7 

verneurs  des  provinces.  Auparavant  ces  baillis  avaient 
l'administration  de  la  justice  ainsi  que  la  conduite 
des  nobles  et  des  autres  militaires  lorsque  la  guerre 
survenait.  Quelquefois  les  rois  envoyaient  en  outre 
des  lieutenans  qui  souvent  n'avaient  que  le  titre  de 
capitaines,  et  auxquels  on  donnait  la  direction  des 
gens  de  guerre  de  trois  ou  quatre  provinces  contiguës. 
C'est  ce  qui  s'observa  assez  régulièrement  jusqu'au 
règne  du  roi  Jean,  c'est-à-dire,  tant  que  la  Touraine 
se  trouva  exposée  aux  courses  continuelles  des  Anglais 
qui  étaient  maîtres  de  la  Guienne  et  d'une  partie  du 
Poitou;  mais  après  le  trop  célèbre  traité  de  Brétigny, 
en  i36o,  les  baillis  reprirent  la  plénitude  de  leur 
autorité,  et  firent  rentrer  dans  leurs  attributions 
toutes  les  parties  qui  en  avaient  été  distraites  par  la 
force  des  circonstances. 

Indépendamment  des  grands-baillis-gouverneurs, 
il  y  avait  dans  chaque  province  un  lieutenant-général 
pour  le  roi,  qui  pouvait  être  considéré  comme  un 
vice-gouverneur.  Les  fonctions  de  gouverneur  et  de 
grand-bailli  commencèrent  à  être  désunies  et  distinctes 
en  i543.  Alors  il  s'en  forma  trois,  différentes  de  dé- 
nomination et  d'attributions,  savoir  :  gouverneurs, 
lieutenans-généraux  et  grands-baillis  d'épée.  Ceux-ci 
avaient  leurs  lieutenans  chargés  exclusivement  de 
l'administration  de  la  justice ,  et  connus  depuis  sous 
le  nom  de  lieutenans-gcnéraux  du  bailliage. 

En  i532  les  gouverneurs  des  provinces  furent  au- 
torisés à  prendre  le  titre  de  gouverneurs  lieutenans- 
généraux;  mais  les  lieutenans-généraux  pour  le  roi 


3lS  HISTOIRE   DE  TOURAINE. 

n'en  subsistèrent   pas  moins,   et   leurs  attributions 
n'en  éprouvèrent  aucun  changement. 

Ces  ëclaircissemens  préliminaires  nous  ont  paru 
indispensables  pour  mettre  à  même  de  bien  connaître 
la  nature  des  fonctions  des  divers  officiers  dont  nous 
avons  à  parler.  Les  sénéchaux  amovibles  étant  les 
plus  anciens,  ce  sera  "par  eux  que  nous  commen- 
cerons. 

§1- 


SENECHAUX    AMOVIBLES. 

Lysois,  chef  de  l'ancienne  famille  du  nom  d'Am- 
boise,  était  fils  aîné  de  Hugues  de  Lavardin.  Après 
que  Geoffroy-Martel  eut  réuni  la  Touraine  à  son 
comté  d'Anjou,  il  créa  Lysois  de  Bazogers  sénéchal 
des  trois  provinces  pour  le  récompenser  des  services 
signalés  qu'il  lui  avait  rendus,  principalement  à  la 
bataille  de  Nouy  qui  l'avait  rendu  possesseur  de  la 
Touraine.  Lysois  fut  revêtu  de  la  dignité  de  séné- 
chal, vers  l'an  1046  ou  1047.  L'époque  de  sa  mort 
n'est  pas  bien  connue  :  on  pense  qu'elle  eut  lieu  peu 
de  temps  après  celle  de  Geoffroy-Martel ,  c'est-à-dire 
vers  1060  ou  ro6i. 

Algérius  ou  Auger  de  Bazogers ,  frère  de  Lysois , 
lui  succéda  dans  l'office  de  sénéchal,  sous  Geoffroy- 
le-Barbu  et  Foulques-Réchin.  On  croit  communément 
qu'il  mourut  vers  1080. 

Pierre.  On  ne  lui  connaît  pas  d'autre  nom.  Il  suc- 
céda à  Auger,  en  jo8o.  Il  est  fait  mention  de  lui, 


SÉNÉCHAUX.  329 

comme  sénéchal  des  trois  provinces ,  dans  un  titre 
de  Téglise  de  Saint-Aubin  d'Angers,  daté  de  jo83. 

Giroye,  ou  Giroir.  Claude  Ménard  le  nomme  Gi- 
rard dans  son  histoire  d'Anjou.  Un  titre  de  l'abbaye 
de  Marmoutier  de  to85  l'indique  comme  sénéchal 
des  trois  provinces,  fonctions  que,  d'après  l'article 
suivant,  il  paraît  avoir  exercées  seulement  jusqu'en 
1088. 

Payen  de  Maugé  prend  la  même  qualification  en 
1089,  dans  une  charte  de  l'abbaye  de  Saint-Nicolas 
d'Angers. 

Durand  Broquet.  On  ne  sait  rien  de  lui. 

Etienne  Bautan.  Il  est  fait  mention  de  lui  dans  un 
titre  de  l'abPjaye  de  Marmoutier,  de  \iii. 

Geoffroy,  sans  autre  dénomination.  Il  pourrait  se 
faire  que  ce  fût  Geoffroy  Fuel,  seigneur  de  l'Ile-Bou- 
chard,  qui  vivait  en  ce  temps.  Ce  sénéchal  fut  pré- 
sent à  un  jugement  rendu  à  l'audience  ,  dans  la  salle 
du  comte  Geoffroy,  au  profit  de  l'abbaye  de  Mar- 
moutier, le  3  août,  jour  de  l'invention  de  saint  Clé- 
ment, sans  indication  d'année.  Le  comte  Geoffroy, 
dont  il  est  parlé  dans  ce  jugement,  ne  pouvait  être 
que  Geoffroy-le-Bel ,  mort  en  1 1 5 1 . 

Blo  ou  Blé  (  Robert  de  ) ,  fils  de  Gosselin  de  Blo , 
seigneur  de  Champigny  et  grand-père  de  Josselin, 
qui  fut  l'un  des  chevaliers  bannerets  ,  sous  Philippe- 
Auguste.  Il  a  été  fait  mention  de  lui  h  l'article  des 
seigneurs  de  Champigny. 

Jean  Jouslain  de  Tours ,  autrement  nommé  Josselin 
et  même  Gosselin ,  seigneur  de  Fontaine-Milon  en 


33o  HISTOIRE    DE    TOURiVINE. 

Anjou.  Ce  fat  Geoffroy- le-Bel  qui  le  nomma  séné- 
chal,  dignité  qu'il  conserva  depuis  ii58  jusqu'en 
ji63,  ayant  été  maintenu  par  Henri  lî,  roi  d'An- 
gleterre. Il  signa,  en  i  iGq  ,  le  privilège  que  le  prince 
avait  accordé  à  l'abbaye  de  Saint-Florent,  portant 
exemption  du  droit  de  péage  sur  le  pont  de  Saumur. 
De  Barvine ,  sa  femme ,  il  eut  un  fils  nommé  Geof- 
froy, qui  épousa  Hilarie. 

Guy  Des  Moulins  paraît  comme  sénéchal ,  en  1 1 64 , 
dans  le  cartulaire  de  l'abbaye  de  Ronceray ,  d'Angiers. 

Guillaume ,  fils  d'Hémon  ,  fut  premièrement  séné- 
chal de  Bretagne,  sous  le  duc  Geoffroy,  puis  séné- 
chal d'Anjou,  sous  Henri  H,  en  ii-yo.  C'est  de  lui 
que  Guillaume,  évêque  d'Angers,  se  plaignit  au  roi, 
prétendant  qu'il  l'avait  empêché  de  juger  une  cause 
que  le  pape  avait  renvoyée  devant  lui  au  sujet  d'un 
bénéfice  de  l'église  de  Saint-Martin  de  Tours.  Les 
deux  parties  étaient  Hugues  de  Marson  et  Olivier , 
neveu  du  sénéchal.  Le  prélat  l'accusait  d'avoir  inti- 
midé les  témoins  de  Hugues ,  et  de  les  avoir  détour- 
nés par  menaces  d'aller  déposer  à  Tours.  Il  paraît  en 
effet  qu'il  avait  une  telle  autorité,  que  Barthélemi, 
doyen  de  Saint^Martin ,  pria  un  jour  le  roi  Louis  VII 
de  lui  recommander  une  affaire  pendante  devant  lui. 

Etienne  de  Marçay ,  ou  plutôt  de  Marchay.  Il  est 
indiqué  comme  sénéchal  dans  des  titres  de  ii-ya  et 
1 1 80,  époque  où  il  fonda  l'hôpital  de  Saint-Jean  d'An- 
gers. Il  mourut  en  1 190  :  mais,  quelques  années  aupara- 
vant, il  avait  remis  la  dignité  de  sénéchal  entre  les 
m^iqs  de  Henri  II.  Ce  fut  probablement  en  1 18/4  ou 


SJÉNÉCHAUX.  33 1 

II 85,  puisque,  comme  on  le  verra  à  l'article  sui- 
vant, nous  avons  une  sentence  rendue  par  son  suc- 
cesseur ,  en  1 185. 

Etienne.  Il  est  nommé  en  latin  Stephanus  de 
Turonis  ^  cFoù  nous  avions  pensé  qu'il  fallait  tra- 
duire Etienne  de  Tours;  mais  il  paraît  certain  qu'il 
était  anglais.  Matthieu  Paris  l'appelle  Stephanus  de 
Tournliam.  Quant  à  nous  ,  nous  croyons  que  son 
véritable  nom  était  Etienne  de  Tournon.  C'est  ainsi 
qu'il  est  désigné  dans  la  charte  de  Henri  II  qui 
donne  les  Ponts-de-Cé  à  l'abbaye  de  Fontevraud ,  où 
il  est  dit  :  Teslibus  Stephano  de  Turon ,  senescalco 
andegavensi  ^  etc.  C'était  un  des  principaux  confîdens 
de  Henri  II  qui ,  en  1 1 69  ,  lui  confia  la  garde  de  son 
trésor  en  lui  donnant  le  gouvernement  de  la  ville  et 
du  château  de  Chinon.  Lorsque  ce  roi  fonda  la  Char- 
treuse du  Liget ,  ce  fut  lui  qu'il  choisit  pour  l'exécu- 
tion de  ses  lettres ,  conjointement  avec  Guillaume , 
chancelier  d'Angleterre,  et  Guillaume  de  Hostile. 
Etienne  commandait  dans  la  ville  du  Mans,  lors- 
qu'elle fut  assiégée,  en  1 189,  par  Philippe-Auguste: 
mais  après  la  mort  de  Henri  II,  son  fils  Richard  Cœur- 
de-Lion  le  fit  emprisonner,  le  destitua  de  sa  charge, 
et  le  dépouilla  de  tous  ses  biens.  On  ota  même  à 
son  fils,  sous  prétexte  de  sa  basse  extraction,  la 
femme  qu'il  avait  épousée  pendant  la  fortune  de  son 
père,  parce  que  les  lois  du  royaume  ne  permettaient 
pas  aux  femmes  nobles  de  se  mésallier. 

Peau ,  ou  Payen  de  Rochefort ,  favori  du  roi  Ri- 
chard, profita  de  soa  crédit  pour  obtenir  la  dignité 


33î2  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

de  scnëclial  des  trois  provinces ,  après  la  disgrâce 
d'Etienne.  Il  fut  témoin  ,  avec  l'archevêque  de  Tours 
etlevêque  d'Angers,à  la  confirmation  du  droit  d'usage 
dans  la  forêt  de  Chinon  ,  que  Richard  donna  à  l'ab- 
baye de  Turpenay,  le  19  avril  11 90.  Mais  sa  faveur 
n'ayant  pas  été  de  longue  durée,  avec  elle  il  perdit, 
en  1 192,  sa  dignité  de  sénéchal. 

Robert  de  Turneham  était  anglais,  d'une  famille 
illustre ,  et  shérif  de  Wiltshire ,  selon  Dugdale  dans 
son  Baronnage.  Il  eut  beaucoup  de  part  à  la  faveur 
du  roi  Richard ,  qu'il  accompagna  dans  son  voyage 
de  Palestine ,  où  il  commanda  l'aile  gauche  de  son 
armée  navale  à  l'attaque  de  l'île  de  Chypre,  en  1 191 , 
et  après  qu'elle  eut  été  prise,  il  en  fut  nommé  vice- 
roi,  conjointement  avec  Robert  de  Chamwrill.  Celui- 
ci  étant  mort ,  il  en  eut  seul  le  gouvernement.  De 
retour  en  France ,  il  fut  nommé  sénéchal  des  trois 
provinces;  mais,  en  11 99,  Jean-sans-ïerre  ayant 
succédé  à  Richard,  il  lui  remit  la  dignité  de  séné- 
chal et  ses  autres  gouvernemens,  ainsi  que  le  trésor 
du  feu  roi.  Jean  cependant,  ne  voulant  pas  le  laisser 
sans  récompense,  lui  donna  la  sénéchaussée  du  Poi- 
tou ,  où  il  alla  réprimer  quelques  désordres  et  con- 
tenir la  noblesse  dans  les  bornes  de  son   devoir. 

Aimery,  vicomle  de  ïhouars.  Vers  la  fin  d'avril 
1 199,  le  roi  Jean  l'investit  delà  dignité  de  sénéchal, 
ainsi  que  du  gouvernement  de  la  ville  et  du  château 
de  Chinon  :  mais  sa  conduite  l'ayant  fait  soupçonner 
d'intelligence  avec  les  Français,  il  fut  contraint ;,  au 
mois  d'octobre  suivant ,  de  remettre  entre  les  mains 


SlêNÉCHAUX.  333 

du  roi  sa  dignité  et  son  gouvernement.  Aimery  était 
frère  aîné  de  Guy  de  Tliouars ,  qui ,  en  1 199 ,  épousa 
Constance,  duchesse  de  Bretagne,  veuve  de  Geof- 
froy II ,  et  mère  d'Artus ,  comte  de  ïouraine. 

§11. 

SÉNÉCHAUX    HÉRÉDITAIRES. 

Guillaume  Des  Roches,  seigneur  du  Chateau-du- 
Loir,  de  Sablé,  de  Baugé,  de  Mouliherne,  de  Sau- 
mur,  de  Précigné,  et  de  plusieurs  autres  grandes 
terres,  fut  nommé  sénéchal  amovible  des  trois  pro- 
vinces ,  par  lettres  d'Artus  de  Bretagne,  du  mois  ,de 
mai  1 J99,  confirmées  par  Philippe-Auguste;  d'où  il 
résulte  qu'il  y  eut  alors  deux  sénéchaux ,  l'un  nommé 
par  le  roi  Jean  ,  qui  se  prétendait  comte  de  Touraine , 
et  l'autre  par  Artus ,  son  neveu  ,  qui  l'était  plus  légi- 
timement, comme  représentant  Geoffroy.,  son  père, 
qui  était  l'aîné  de  Jean-sans-Terre.  Philippe-Auguste, 
en  vertu  de  l'arrêt  de  confiscation  prononcé  contre  ce 
dernier,  ayant  réuni  ces  trois  comtés  à  sa  couronne 
de  France,  continua  Guillaume  Des  Roches  dans  ses 
fonctions  de  sénéchal ,  (ju'il  rendit  même  héréditaires 
en  sa  faveur  par  ses  lettres  du  mois  d'août  1 204. 

Il  mourut  en  ia'25i ,  et  eut  sa  sépulture  dans  l'ab- 
baye de  Bonlieu,  auprès  du  Chateau-du-Loir.  On  y 
voyait  son  tombeau  et  celui  de  sa  femme  Marguerite 
de  Sablé.  Il  en  eut  un  fils  et  deux  filles  :  Robert, 


334  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

mort  en  bas  âge ,  Jeanne  et  Clëmence.  Celle-ci  fut 
mariée  premièrement  à  Thibaut  VI  comte  de  Blois , 
puis  à  Geoffroy  vicomte  de  Châteaudun.  Jeanne 
l'aînée  épousa  Amaury  de  Craon.  Ce  fut  par  ce  ma- 
riage que  la  dignité  de  sénéchal  passa  dans  l'illustre 
maison  de  Craon. 

Voici  ce  qu'on  lit  à  ce  sujet  dans  l'enquête  sur  les 
usages  d'Anjou ,  de  Touraine  et  du  Maine  :  «  et  en- 
ce  sèment  ot  missires  Guillaume  Des  Roches  deux 
«  filles ,  desquelles  missires  Amorris  de  Craon  ot 
a  l'aisnée,  et  porceot  lidiz  Amorris  toutes  lesappar- 
«  tenances  au  D.  Guillaume ,  sans  que  l'autre  fille 
«  qui  fut  comtesse  de  Blois,  et  puis  vicomtesse  de 
«  Châteaudun,  ot  rien  en  l'héritage,  ne  ez  con- 
«  quesles ,  oultre  son  mariage  que  son  père  lui  donna, 
«  sans  que  missire  Jeufroy  Marciau  qui  ot  l'autre  à 
«  femme  en  eust  ne  tenist  rien  oultre  cinquante  livres 
a  de  rente  que  li  diz  Robert  li  avoit  donné  en  ma- 
«  riage.  »  En  effet,  les  dots  des  plus  grandes  dames 
n'excédaient  jamais,  en  ce  temps,  cinquante  ou 
soixante  livres  de  rente. 

Amaury  de  Craon  ,  premier  du  nom,  de  1222  à 
1226.  Il  était  seigneur  de  Durtal  et  de  Sablé  ,  et  fils 
de  Maurice  II  de  Craon.  On  vient  de  voir  comment 
il  se  trouvait  possesseur  de  la  dignité  de  sénéchal 
des  trois  provinces.  Il  fit  la  guerre  en  1222  à  Pierre 
Mauclerc ,  duc  de  Bretagne ,  et  prit  sur  lui  la  Guerche 
et  Châteaubriant  ;  mais  dans  le  combat  du  mois  de 
mars,  il  fut  battu  et  fait  prisonnier  avec  quelques 
seigneurs  de  Touraine  et  d'Anjou.  Guillaume-le-Bre- 


SIENÉCHAUX.  335 

ton  parle  de  lui  en  ces  termes,  au  douzième  livre  de 
sa  Philippide  : 

Hinc  sub  Aitialrico  Cenomanensis,  et  omnis 
Andcgavensis  eques,  Turonique,et  quisquis  ab  iisque 
Carnuto  laudis  aliquid  «  vel  honoris  habebat. 

Il  mourut  en  Anjou,  au  mois  de  mai  1226,  et  fut 
enterré  dans  l'abbaye  de  La  Roë.  Après  sa  mort ,  sa 
veuve  exerça  la  charge  de  sénéchal  qu'elle  avait  ap- 
portée en  dot  à  son  mari ,  et  dont  elle  fît  hommage^ 
lige,  en  1226,  au  roi  saint  Louis,  qui  dit  à  ce  sujet 
dans  ses  lettres  :  «  Notum  sit  omnibus  quod  nos  di- 
(f  lectam  et  fidelem  nostram  Johannam  de  Credona 
«  recepimus  in  feminam  ligiam  nostram  de  sene- 
«  caltiâ  Andegaviae,  Turoniœ  et  Ccnomanioe  tenenda 
«  de  nobis  et  habenda;  sicut  bonae  memoriœ  Guillel- 
«  mus  de  Rupibus  pater  ejus  eam  tenuit  et  habuit.  » 
Jeanne,  par  cet  hommage  ,  s'engagea  envers  le  roi 
de  s'en  rapporter  au  jugement  de  ses  pairs  s'il  s'éle- 
vait entre  lui  et  elle  quelque  contestation  au  sujet  de 
cette  sénéchaussée.  Elle  eut  de  son  mariage  avec 
Amaury  deux  filles  et  Maurice  qui  suit. 

On  lit  dans  les  preuves  de  l'histoire  de  Bretagne, 
tom  i",  page  847  ,  qu'un  Thierri  de  Galardon  était 
sénéchal  de  Touraine  en  1 220  ,  et  qu'il  fit,  par  ordre 
de  Philippe-Auguste,  une  enquête  à  Nantes  au  sujet 
dos  droits  du  duc  de  Bretagne  sur  les  sels  ;  mais  il  y 
a  erreur,  et  ce  sénéchal  de  Poitou  ne  pouvait  l'être 


336  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

de  la  Touraine ,  puisqu'à  cette  époque  la  sénéchaussée 
était  déjà  devenue  héréditaire. 

Maurice  de  Craon,  quatrième  du  nom,  seigneur 
de  Sablé,  de  Briolé ,  de  Chantocé,  d'Ingrande,  etc. 
A  la  mort  de  sa  mère ,  en  1 2 36,  il  hérita  de  la  dignité 
de  sénéchal.  Il  avait  épousé  Jeanne,  dont  le  nom  de 
famille  n'est  pas  plus  connu  que  l'époque  de  la  mort 
de  son  mari.  Elle  en  eut  Amaury  II  et  Maurice  que 
quelques-uns  ont  confondu  avec  son  père. 

Amaury  de  Craon,  deuxième  du  nom,  seigneur 
de  Sablé,  etc.,  succéda  à  son  père  Maurice  IV,  dans 
la  dignité  de  sénéchal.  Il  avait  épousé  Yolande,  fdle 
de  Jean  de  Dreux ,  premier  du  nom ,  et  de  Marie  de 
Bourbon-l'Archambault  ;  étant  mort  sans  postérité, 
en  1 268  ,  l'office  de  sénéchal  passa  sur  la  tête  de  son 
frère  puîné  Maurice  V. 

Maurice  de  Craon ,  cinquième  du  nom ,  succéda  à 
son  frère ,  en  1 268 ,  non-seulement  dans  la  dignité 
de  sénéchal,  mais  encore  dans  les  seigneuries  de 
Craon  et  de  Sablé.  Par  un  compte  que  rendit  à  la 
chambre  Gaultier  de  Villette,  bailli  de  Touraine, 
pour  le  ternie  de  l'Ascension  1269,  on  voit  qu'en 
cette  année  Maurice  était  sénéchal.  Il  épousa  Isa- 
belle de  Lusignhem  ,  fille  de  Hugues  X ,  comte  de 
La  Marche,  et  d'Isabelle,  comtesse  d'Angoulême, 
dont  il  eut  Maurice  qui  suit,  et  mourut  en  1282. 

Maurice  de  Craon ,  sixième  du  nom  ,  succéda  à 
son  père  en  1282,  et  mourut  lui-même  en  1292, 
le  II  février,  qui  devait  alors    être   I283.  Il  avait 


SÉNÉCHAUX.  337 

épouse,  en  1277,  Maliaut  de  Malines,  fille  de  Gau- 
tier Berthouletde  Marie  d'Auvergne.  Les  enfans  nës 
de  ce  mariage  furent  :  Amaury  qui  suit  ;  Marie ,  femme 
de  Robert  de  Brienne  ,  vicomte  de  Beaumont  ;  Isa- 
belle ,  mariée  a  Olivier  de  Clisson  ;  et  Jeanne ,  morte 
sans  alliance. 

Amaury  de  Craon,  troisième  du  nom,  seigneur  de 
Sablé  et  de  Briolé,  fut,  en  T292  ,  le  dernier  sénéchal 
héréditaire  des  trois  provinces.  Charles-le-Bel ,  ayant 
conçu  le  dessein  d'éteindre  cette  dignité ,  traita  d'a- 
bord de  la  sénéchaussée  de  Touraine  avec  notre 
Amaury  qui  la  lui  céda  au  mois  de  juin  i323j  avec 
tous  les  droits  et  émolumens  qui  en  dépendaient,  du 
consentement  de  Béatrix  de  Roucy ,  dame  de  la  Suze, 
son  épouse,  qui  en  donna  ses  lettres  le  4  juin.  Il 
traita  de  même  avec  le  roi  Philippe  de  Valois ,  au 
mois  de  mars  j33o,  pour  celles  de  l'Anjou  et  du 
Maine,  qu'il  lui  abandonna  moyennant  mille  cinq 
cents  livres  de  rente. 

Ce  fut  ainsi  que  s'éteignit  cette  dignité,  qui  s'était 
maintenue  pendant  cent  trente  ans.  Amaury  mourut 
le  26  janvier  i332.  Il  avait  épousé  Isabelle,  dame 
de  Sainte-Maure ,  fille  et  unique  héritière  de  Guil- 
laume IV,  seigneur  de  Sainte-Maure;  et  en  secondes 
noces  Béatrix,  fille  de  Jean  IV  de  Roucy  et  de 
Jeanne  de  Dreux.  Du  premier  lit  il  eut  Maurice  VIT 
et  Guillaume  de  Craon,  surnommé  le  Grand,  qui 
devint  seigneur  de  Sainte-Maure,  comme  on  l'a  vu 
à  son  article. 


21 


338  HISTOIRE    DE  TOURAINE. 

CHAPITRE  II. 

GOUVERNEURS  DE   TOURAINE. 

Les  baillis,  dont  les  fonctions  étaient  subordonnées 
à  celles  du  sénéclial ,  devinrent,  lors  de  l'abolition  de 
cette  dignité ,  les  premiers  officiers  de  la  province , 
parce  que,  comme  nous  Tavons  dit,  on  réunit  à  ce 
titre  celui  de  gouverneur ,  et  celui  de  bailli  n'en  fut 
distrait  que  quand  les  gouverneurs  furent  créés  lieu- 
tenans-généraux, 

s  I- 

GRAIfDS-BAILLIS-GOUVERNEURS. 

Davoir  (Pierre),  chevalier,  sire  de  Château-Four- 
mont,  est  le  premier  bailli  de  Touraine  que  nous 
trouvons  avoir  été  revêtu  du  titre  de  gouverneur.  Il 
existe  à  la  maison-de-ville  de  Tours  des  titres  des  29 
août  i385,  18  août  1 386  et  6  novembre  1387,  où 
il  est  nommé  gouverneur  au  bailliage  de  Touraine. 
Il  était  chambellan  de  Louis  V  d'Anjou  ,  duc  de 
Touraine  et  roi  de  Sicile.  H  y  a  de  lui  des  lettres 
données  au  Mans,  le  a3  octobre  1 383 ,  dans  lesquelles 
il  prend  la  qualité  de  lieutenant-général  au pajs  de 


GOUVERNEURS.  33^ 

Touraine  pour  mondit  seigneur  le  duc  d'Anjou, 
Elles  sont  adressées  au  sénéchal  de  Tours. 

Il  paraît  qu'il  eut  le  titre  de  gouverneur  vers  Tan 
i38o.  Il  mourut  sans  enfans,  en  iSgo. 

Prunelé  (Jean  de  ),  chevalier ,  sire  d'Herhaut,  de 
Marchainville  et  de  Beauverger,  de  l'une  des  plus 
anciennes  maisons  de  la  Beauce.  Il  était  chambellan 
du  roi  Charles  VI  et  du  duc  de  Touraine.  Celui-ci  le 
nomma  bailli  et  gouverneur  de  la  province  après  la 
mort  du  sire  de  Cliateau-Fourmont.  Il  mourut,  en  1 4 1 7, 
dans  un  âge  fort  avancé.  Il  avait  épousé  Mabille,  fille 
de  Guy-le-Baveux  et  de  Marie  d'Amboise. 

Remeneuil  (Guillaume  de),  ouRiveneuil ,  e  tmême 
Remenel ,  suivant  Froissard ,  chambellan  du  roi 
Charles  VI  et  duc  de  Bourgogne ,  fut  pourvu  de  la 
charge  de  bailli  -  gouverneur  de  Touraine,  par  la 
reine  Isabeau  de  Bavière,  par  lettres  du  18  no- 
vembre 14 17.  Il  était  fils  de  Guyon  de  Remeneuil 
et  de  Jeanne  de  Brenezay.  De  Marguerite  d'Azay , 
son  épouse ,  il  eut  un  fils  qui,  comme  lui,  fut  obligé 
de  sortir  de  France  pour  avoir  pris  le  parti  du  duc  de 
Bourgogne  contre  le  roi  Charles  VII.  Leurs  biens 
furent  confisqués  et  acquis  a  la  couronne;  mais  après 
leur  mort  on  les  rendit  à  leurs  héritiers. 

Avaugour  (  Guillaume  d'  ) ,  seigneur  de  Roche- 
Mabillc ,  chambellan  du  roi  Charles  VII ,  issu  d'une 
des  plus  illustres  maisons  de  Bretagne ,  fondue  par 
la  suite  dans  celle  de  Rohan  -  Soubise.  Après  la  dis- 
grâce des  Remeneuil,  en  i4?3,  il  fut  nommé  bailli- 
gouverneur  de  Touraine ,  et  il  assista  en  cette  qualité 

22. 


34o  HISTOIRE    DE    TOURÂINE. 

à  l'entrée  de  Charles  VIÏ  dans  la  ville  d'Angers ,  le 
jg  octobre  i424-  On  assure  qu'il  fut  un  de  ceux  qui 
donnèrent  au  dauphin  le  mauvais  conseil  de  faire 
assassiner  le  duc  de  Bourgogne  à  Montereau,  et  que 
ce  fut  le  motif  de  sa  disgrâce,  en  i4^5.  Il  fut  en  effet 
à  cette  époque  privé  de  son  emploi,  qui  fut  donné  au 
sire  de  Tassé. 

Baudouin  de  Champagne ,  seigneur  de  Tassé  ou 
Tucé,  et  de  La  Bourdaisière,  chevalier,  conseiller  et 
premier  chambellan  du  roi  Louis  XI ,  grand-cham- 
bellan de  René ,  roi  de  Sicile  ,  fut  bailli-gouverneur 
de  Touraine,  en  î/^q^S,  Il  avait  assisté  à  la  bataille 
du  Petit-Baugé,  où  les  Anglais  furent  défaits  le  sa- 
medi 22  mars  14^1?  et  fut  nommé,  en  i436,  par 
Charles  VII ,  pour  demander  à  l'archevêque  de  Tours 
dispense  d'âge  en  faveur  du  dauphin  Louis,  fiancé 
à  Marguerite  d'Ecosse. 

Il  était  le  second  fils  de  Pierre  de  Champagne, 
premier  du  nom,  et  de  Marie  de  Laval.  Il  épousa 
Jeanne  ,  fille  et  unique  héritière  du  sire  de  Tusse  ^  à 
la  charge  d'en  prendre  le  nom  et  les  armes. 

Avaugour  (Guillaume  d'),  de  i44o  à  i/^lfi.  Étant 
rentré  en  grâce  auprès  du  roi  Charles  VII,  il  fut 
réintégré  dans  son  gouvernement ,  et  en  donna  avis 
au  parlement  par  une  lettre  du  11  avril  144^?  où  il 
est  dit  :  «  qu'il  plaise  à  la  cour  commettre  et  ordonner 
«  aucun  notable  homme ,  pour  être  son  juge  et  lieu- 
ce  tenant  à  Tours.  »  Il  ne  conserva  ce  gouvernement 
que  jusqu'en  i446'  H  paraît  qu'il  n'en  avait  pas 
moins  fixé  sa  résidence  à  Tours ,  car  y  il  mourut  en 


GOUVERNEURS.  34 1 

1472 ,  et  fut  inhumé  le  8  mai  aux  Cordeliers  ,  dans 
la  chapelle  de  Saint-Lidoire,  oîi  l'on  voyait  ses  armes 
dans  les  vitraux.  Sa  femme,  Blanche  de  La  Tour', 
mourut  à  Angers ,  le  1  mars  de  Tannée  suivante.  Son 
corps  fut  apporté  à  Tours  et  enterré  auprès  de  celui 
de  son  mari ,  ainsi  qu'elle  l'avait  ordonné  par  sou 
testaments 

Beauveau  (  Bertrand  de),  de  i446  ^  i45o,  baron 
de  Pressigny  et  de  Briançon  ,  chambellan  du  roi , 
président  des  comptes,  grand-conservateur  des  do- 
maines du  roi,  gouverneur-bailli  de  Touraine,  capi- 
taine des  châteaux  de  Tours  et  d'Angers  ,  suivant  des 
titres  de  i446  et  i447-  ^  ^^^  envoyé  en  Ecosse,  en 
1448  7  avec  l'éveque  de  Maillezais  et  Guillaume  Cou- 
sinot  5  maître  des  requêtes ,  pour  renouveler  l'alliance 
avec  Jacques  II.  Disgracié  par  Louis  XI,  il  mourut  à 
Angers ,  le  3o  septembre  i474-  I^  avait  eu  quatre 
femmes  ;  1°  Jeanne  de  La  Tour-Laudry  ;  2°  Françoise 
de  Brézé;  3°  Ide  Duchastelet;  4°  Blanche  d'Anjou, 
dame  de  Mirebeau.  Il  fut  auteur  de  la  branche  de 
Beauveau-Pressigny  ,  en  Touraine. 

Il  est  peint  aux  premiers  vitraux  de  la  cathédrale 
de  Tours ,  à  genoux ,  avec  cinq  de  ses  fils  ;  en  regard , 
dans  la  même  vitre ,  est  sa  seconde  femme  Françoise 
de  Brézé ,  avec  leurs  quatre  filles ,  et  au-dessous  des 
armes  qui  sont  d'azur ,  à  un  ccusson  d'or  vidé  et  rem- 
pli d'argent,  en  cœur  à  l'orle  de  huit  croisettes  d'or, 
trois  au  chef,  deux  en  fasce  et  trois  en  pointe.  De  ses 
trois  premières  femmes ,  il  eut  dix-sept  enfans,  dont 
l'aîné,  Antoine,  continua  la  brandie. 


34^  HISTOIRE   DE    TOURAINE. 

Aubusson  (Antoine  d')  de  i45o  à  1460,  seigneur 
de  Monteil-au- Vicomte  et  de  Semblançay,  cham- 
bellan du  roi,  bailli-gouverneur  de  Tou raine,  jus- 
qu'à la  fin  de  l'année  i459,  car  en  i458,  il  rendit 
encore  une  sentence  en  faveur  de  l'abbaye  de  Mar- 
moutier.  Il  servit  fidèlement  Charles  VII  contre  les 
Anglais,  se  trouva,  en  i453  ,  à  la  prise  de  Castillon 
en  Périgord,  où  le  général  Talbot  fut  tué.  Accom- 
pagné de  plusieurs  gentilshommes  français,  il  con- 
duisit mille  hommes  de  pied  à  Pierre  d' Aubusson , 
son  frère,  grand-maître  de  l'ordre  de  Saint-Jean-de- 
Jérusalem  ,  si  célèbre  par  le  siège  de  Rhodes ,  qui  le 
fît  général  de  ses  troupes. 

Il  était  fils  aîné  de  Renaud  d'Aubusson  et  de  Mar- 
guerite de  Combornc.  Il  épousa  en  premières  noces 
Marguerite  de  Villequier,^  et  en  deuxièmes,  Louise 
de  Peyre. 

Rar  (Jean  de),  de  1460  à  1466,  seigneur  de 
Raugy,  de  la  Guerche,  de  Savigny  et  d'Estrechy, 
chambellan  des  rois  Charles  VII  et  Louis  XI,  général 
des  finances,  bailli  et  gouverneur  de  Touraine  jus- 
qu'en 1 465  ,  capitaine  des  villes  et  châteaux  de  Tours 
et  d'Amboise.  Il  se  rendit  utile  à  Charles  VII ,  tant 
de  ses  biens  que  de  sa  personne,  et  contribua  beau- 
coup à  la  réduction  de  îa  Normandie.  Il  fut  fait  che- 
valier le  20  juillet  1449  >  aupî'ès  du  château  d'Har- 
court,  par  le  célèbre  comte  de  Dunois,  à  la  tête  de 
l'armée  qui  était  en  bataille  pour  combattre  le  géné- 
ral anglais  Talbot.  Il  mourut  le  jour  de  Pâques  1469, 
et  fut  enterré  dans  l'église  des  Jacobins  de  Rourges, 


GOUVERNEURS.  343 

où  Ton  voyait  sur  son  tombeau  son  effigie  et  son 
épitaphe. 

Il  était  fils  de  Jean  de  Bar,  seigneur  de  Villemart, 
premier  valet-de-chambre  du  roi.  On  ignore  le  nom 
de  sa  femme,  mais  on  voit  par  ses  armoiries  qu'elle 
portait  d'azur  au  cygne  d'argent,  à  la  bande  de 
gueule  brochant  sur  le  tout.  Il  en  eut  six  enfans , 
dont  Robert,  seigneur  de  la  Guerche  et  de  Chan- 
teloup,  fut  député  de  la  noblesse  de  Touraine  aux 
États  tenus  à  Tours ,  en  1 484. 

La  Trémouille  (George  de) ,  de  1466  à  i479j  sei- 
gneur de  Craon  ,  de  l'Ile-Bouchard,  chevalier  de 
l'ordre  ,  premier  chambellan  du  roi ,  bailli-gouver- 
neur de  Touraine ,  et  bailli  des  exemptions  d'Anjou 
et  du  Maine.  Il  résulte  d'un  compte  de  la  ville  de 
Tours  pour  i466,  que,  par  délibération  du  3o  mai, 
il  futarrêtéparlecorpsde  ville  qu'illui  serait f ait  pré-- 
sent  de  deux  cents  écus  d' or  neuf  s  ^  pour  reconnais- 
sance  de  bailli-  nouvel^  et  à  ce  quileût  les  affaires 
de  la  ville  en  plus  grande  considération.  Il  assista, 
en  1 467,  aux  états-généraux  de  Tours  sous  le  nom  de 
sire  de  Craon ,  et  se  trouva  à  l'affaire  de  Liège,  eu 
1468.  Chevalier  de  l'ordre  de  Saint-Michel ,  en  1469, 
lieutenant-général  au  gouvernement  de  Champagne 
et  de  Brie,  en  i474?  il  mourut  en  ï479-  ^^  avait 
épousé  Marie  de  Montauban  ,  dont  il  n'eut  point 
d'enfans. 

Il  était  le  second  fils   de  (îeorge  P*  de  La  Tré- 
mouille, et  de  Catherine  de  l'Ile,  dame  de  l'Ile-Bou- 


I 


344  HISTOIRE    DE    TOURAI^VE. 

cliard ,  qui  porta  cette  terre  dans  la  maison  de  La 
Trémouille. 

George  II  fut  le  premier  gouverneur  de  Tou- 
raine  qui  annexa  à  son  gouvernement  celui  de  la  ville 
et  du  cliâteau  de  Tours. 

Daillon  (Jean  de  ),  de  i479  à  i48o,  seigneur  du 
Lude ,  chambellan  de  Louis  XI ,  et  l'un  de  ses  favoris; 
capitaine  de  sa  porte  et  de  cent  hommes  d'armes  de 
ses  ordonnances;  gouverneur  d'Alençon,  du  Perche 
et  du  Dauphiné,  en  i474  î  ^^  ^^  ^'i^^^-  d'Arras  et  du 
comté  d'Artois, en  1477;  lieutenant-général  enRous- 
sillon,  et  depuis  en  Picardie,  gouverneur,  bailli  de 
Toui'aine ,  des  ressorts  et  exemptions  de  l'Anjou  et 
du  Maine,  en  i479'  Il  fallait,  dit  Brantôme,  que  ce 
fût  quelque  chose  de  poids  ,  car  le  roi  se  connaissait 
en  gens  de  bien. 

Fils  de  Gilles  de  Daillon  et  de  Marguerite  de  Mon- 
beron,  il  épousa  d'abord  Renée,  dame  de  Fontaine, 
fille  de  René  et  de  Jeanne  de  Vendôme,  et  en 
deuxièmes  noces  Marie ,  fille  de  Guy  de  Laval  et  de 
Charlotte  de  Sainte-Maure. 

Dufbu  (Jean),  de  1480  à  i48.3,  seigneur  de  Ros- 
tenay  ou  Roslrenen  ,  et  de  Nouâtre,  chambellan  de 
Louis  XI,  et  son  premier  échanson.  Il  entra  en  exer- 
cice des  fonctions  de  bailli-gouverneur  le  9  novembre 
1480  ;  mais  trois  ans  après  il  se  vit  disgracié  et  des- 
titué de  ces  deux  charges  qui  furent  momentanément 
séparées.  Celle  de  grand-bailli  fut  donnée  à  Yves  Du- 
fou,  son  frère,  également  chambellan  du  roi,  grand- 


GOrVERNEURS.  34$ 

veneur  de  France ,  gouverneur  d'Angoulême ,  et  celle 
de  gouverneur  de  la  ïouraine ,  à  Guy  Pot. 

Dufou  avait  épousé  Jeanne  de  La  Rochefoucauld  , 
fille  d'Aj^mar,  seigneur  de  Montbazon  et  de  Sainte- 
Maure.  De  cette  alliance  sortit  Renée  Dufou,  qui 
fut  mariée  à  Louis  II  de  Rohan,  auquel  elle  porta 
en  dot  ces  deux  seigneuries  ainsi  que  celle  de 
Nouâtre. 

Pot  (Guy),  comte  de  Saint-Pol,  seigneur  de  La 
Roche-Pot,  de  Château-Neuf,  de  Damville,  de  la 
Prugne  et  de  Toiré,  chambellan  du  roi  Louis  XI, 
bailh  du  Vendômois,  fut  établi  gouverneur  de  la 
Touraine  après  la  disgrâce  de  Jean  Dufou;  mais  il  ne 
jouit  pas  long-temps  de  cet  emploi ,  car  nous  trou- 
vons qu'il  eut  un  successeur  dans  le  courant  de 
la  même  année.  Il  était  le  second  fils  de  Renier  Pot 
et  de  Radegonde  Guénant,  auparavant  veuve  do 
Guy  V ,  sire  de  La  Trémouille. 

Il  épousa  Marie  de  Villiers  de  l'Ile-Adam ,  sœur  de 
Philippe,  grand-maître  de  Rhodes.  De  cette  alliance 
naquirent  deux  enfans  :  i°  Renier ,  mort  sans  posté- 
rité; 2"  Anne,  dame  de  Damville,  héritière  univer- 
selle de  son  frère.  Elle  fut  mariée,  le  17  juillet  i484> 
à  Guillaume,  sire  de  Montmorenci ,  fils  de  Jean, 
grand-chambellan  de  France. 

Laval  (Louis  de),  de  i483  à  1489,  seigneur  de 
Châtillon  en  Bretagne,  chevalier  de  l'ordre  de  Saint- 
Michel,  fut  nommé  gouverneur  de  Touraine  après 
Guy  Pot,  et  le  fut  aussi  du  Dauphiné,  de  Paris,  de 
Gênes,  de  Champagne  et  de  Brie.  Il  était  en  même 


346  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

temps  grand-maître  des  eaux  et  forêts  de  France. 

Son  père ,  Jean  de  Montfort ,  prit  le  nom  et  les 
armes  de  Laval  h  cause  d'Anne  de  Laval ,  son  épouse , 
fille  et  unique  héritière  de  Guy  XII ,  sire  de  Laval 
et  de  Vitré,  et  de  Jeanne  de  Laval,  veuve  de  Ber- 
trand Duguesclin ,  connétable  de  France. 

On  l'appelait  ordinairement  le  seigneur  de  Châ- 
tillon ,  et  c'est  sous  ce  titre  ce  qu'il  est  désigné  dans 
plusieurs  lettres  patentes  des  rois  Charles  VII  et 
Louis  XI,  ainsi  que  dans  l'histoire  de  Charles  VII, 
composée  par  le  hérault  d'armes  du  Berri ,  et  publiée 
sous  le  nom  d'Alain  Cliartier.  Il  mourut  sans  laisser 
d'enfans,  le  21  août  14B9. 

Dufou  (  Jean  ).  Après  la  mort  de  Louis  de  Laval , 
Charles  VIII  le  rétablit  dans  les  deux  charges  dont  il 
avait  été  dépouillé.  11  ne  les  conserva  que  trois  ans 
environ ,  et  s'en  démit  en  faveur  de  Louis  de  Rohan 
au  commencement  de  l'année  1492- 

Rohan  (Louis  IV  de  ),  de  1492  à  i5o2,  seigneur 
de  Guémené,  de  Montbazon,  de  Nouâtre,  de  Sainte- 
Maure  et  de  Montauban ,  fils  aîné  de  Louis  III,  et 
de  Renée  Dufou.  Sur  la  démission  de  Jean  Dufou, 
son  aïeul  maternel,  il  fut,  par  Charles  VIII,  pourvu 
de  la  charge  de  bailli-gouverneur  de  la  Touraine ,  et 
reçu  au  parlement ,  le  5  juin  149^  ?  ^^  présence  de 
Pierre  de  Rohan,  maréchal  de  France,  son  grand- 
oncle,  et  de  Louis  de  Rohan,  son  père,  du  consen- 
tement de  Raoul  Dufou,  évêqued'Évreux,  son  grand- 
oncle  maternel ,  qui  présenta  au  parlement  la  procu- 
ration eUle  consentement  de  son  frère  Jean. 


GOUVERNEURS.  347 

11  avait  épouse  Marie  de  Rohan,  fille  de  Jean  III, 
vicomte  de  Rohan ,  et  de  Marie  de  Bretagne. 

Duchesnel  (René),  écuyer,  seigneur  d'Ange, 
conseiller  et  chambellan  du  roi ,  succéda  à  Louis  de 
Rohan,  en  iBoi.  Nous  voyons  qu'en  1 5 lo,  con- 
jointement avec  le  maire  Victor  Blondelet ,  il  donlïa , 
le  28  octobre,  les  provisions  de  procureur  de  l'hotel- 
de-ville  de  Tours.  Il  exerça  les  fonctions  de  bailli- 
gouverneur  jusqu'en  i^iQ. 

De  Beaune  (  Jacques  ) ,  vicomte  de  Tours,  seigneur 
de  Semblançay  et  de  la  Carte  près  Ballan ,  surin- 
tendant des  finances,  fils  de  Jean  de  Beaune  et  de 
Jeanne  Binet.  Il  fut  bailli -gouverneur  de  Touraine 
depuis  1 5 19  jusqu'en  iSay,  époque  de  son  supplice, 
dont  nous  donnons  les  détails  dans  notre  quatrième 
volume.  Il  avait  obtenu ,  pour  Guillaume ,  son  fils 
aîné,  la  survivance  de  cette  charge  qui  fut  enregistrée 
à  la  cour  de  parlement  le  ïi  décembre  iSaa;  mais 
la  condamnation  du  père  priva  le  fils  des  avantages 
que  lui  promettaient  ces  dispositions. 

C'est  à  tort  que  quelques-uns  ont  mis  Jean  de 
Beaune,  père  de  Semblançay,  au  rang  des  gouver- 
neurs de  Touraine,  en  i5i  i  et  iSis;  à  cette  époque, 
il  avait  été  exilé  à  Montpellier  par  Louis  XI,  et  il 
est  certain  qu'il  y  mourut  de  chagrin  de  sa  disgrâce, 
en  1480. 

La  Marthonie  (Robert  de),  chevalier,  seigneur 
de  Bonne  en  Périgord,  province  où  il  était  né  d'une 
très-ancienne  famille.  Il  était  maîtrc-d'hotel  du  roi 
François  I",  sous  le  règne  duquel  il  eut  la  direction 


348  HISTOIRE  DE    TOURAINE. 

des  vivres  de  toutes  les  armées  de  France ,  conjoin- 
tement avec  Charles  Duplessis  ,  seigneur  de  Savon- 
nières,  et  Pliilbert  Babou  de  La  Bourdaisière.  Nommé 
bailli-gouverneur  en  1527  ,  il  en  exerça  les  fonctions 
jusqu'en  i53o.  Il  était  le  quatrième  fils  d'Etienne  de 
La  Marthonie ,  conseiller  au  parlement  de  Bordeaux, 
et  d'Isabeau  de  Pompadour.  Son  oncle ,  Pierre  Mon- 
dot  de  La  Marthonie ,  premier-président  au  parle- 
ment de  Bordeaux ,  fut  appelé  par  François  I"  pour 
occuper  le  même  poste  au  parlement  de  Paris. 

Villemart  (Jean  de),  écuyer,  conseiller  du  roi, 
seigneur  de  La  Motthe  et  de  l'Ile-Barbe ,  fut  le  der- 
nier pourvu  du  titre  de  bailli-gouverneur  de  Touraine. 
Il  n'exerça  ces  deux  fonctions  que  pendant  les  années 
i53o  et  i53i.  Alors,  elles  furent  désunies  lorsque 
les  gouverneurs  furent  érigés  en  lieutenans-géné- 
raux. 

§11. 

GOUVERNEURS-LIEUTEN  ANS-GÉNÉRAUX. 


Clermont  (Jacques  de) ,  gentilhomme  ordinaire  de 
la  chambre  du  roi.  Ce  n'est  que  par  les  provisions  de 
son  successeur  que  nous  voyons  que  dès  la  création 
il  avait  été  nommé  gouverneur -lieutenant -général 
du  roi  au  pays  et  duché  de  Touraine  ,  emploi  dont , 
est-il  dit  dans  ces  provisions ,  il  donna  sa  démission 
en  faveur  d'Antoine  Bohier.  Du  reste,  aucun  acte 


I 


GOUVERNEURS.  349 

n'indique  qu'il  en  ait  jamais  exercé  les  fonctions,  que 
Ton  peut  en  conséquence  considérer  comme  ayant 
été  vacantes  depuis  i53i  jusqu'à  i543. 

Ce  Jacques  était  fils  de  Louis  de  Clermont ,  maître- 
d'hotel  de  François  I"  et  de  Renée  d'Amboise  ,  sœur 
du  cardinal  George.  Il  fut  la  tige  des  barons  de  Bussi 
au  moyen  dei  la  donation  du  cardinal,  son  oncle ,  qui 
lui  imposa  l'obligation  de  prendre  le  nom  et  les  armes 
de  la  maison  d'Amboise,  qui  portait  d'or  à  trois  pals 
de  gueule. 

Bohier  (  Antoine  ,  deuxième  du  nom) ,  de  i543  à 
i56o,  chevalier,  baron  de  Saint -Cyergue,  de  La 
Tour-Bolîier ,  de  Chenonceaux  ,Saint-Martin-le-Beau, 
Nazelle  et  Berri,  conseiller  du  roi  en  ses  conseils 
d'état  etprivé,  et  général  de  ses  finances.  Il  fut  pourvu 
de  la  charge  de  lieutenant-général  au  pays  et  duché 
de  Touraine,  par  lettres  patentes  du  roi  François  I", 
données  à  la  Ferté-sur-Oise  le  il\  octobre  i543,  et 
enregistrées  au  parlement  le  i3  novembre  suivant, 
avec  la  clause  ordinaire  ,  «  pour  en  jouir  et  user  sui- 
«  vant  les  ordonnances  royaux,  et  comme  avaient 
«  accoutumé  ses  prédécesseurs.  »  Mais  ayant  fait  re- 
montrer au  parlement  par  Gilles  Le  Maître  ,  avocat 
du  roi ,  qu'il  était  le  premier  gouverneur-lieutenant- 
général  qui  eût  été  reçu  à  la  cour,  il  y  eut,  le  20  no- 
vembre ,  arrêt  portant  que  la  clause,  «  comme 
«  avaient  accoutumé  ses  prédécesseurs ,  »  serait  rayée. 
Il  alla  le  lendemain  remercier  la  cour ,  et  prit  séance 
au-dessus  des  conseillers ,  au  rang  des  lieutenans- 
généraux  des    provinces,  usage  abrogé  depuis,  le 


35o  HISTOIRE   DE  TOUR  AINE. 

gouverneur  de  Paris  ayant  seul  conservé  ce  privilège. 

Antoine  était  fils  de  Thomas  Boliier ,  chambellan 
des  rois  Louis  XI,  Charles  VIII  et  Louis  XII,  géné- 
ral des  finances,  lieutenant-général  des  années ,  mort 
au  camp  de  Yigelli,  en  i524.  H  avait  épousé  Anne 
de  Poncher,  dame  de  Villemenon,  dont  il  n'eut 
qu'une  fille  nommée  Anne,  mariée  à  Nicolas  de  Céri- 
zay ,  baron  de  La  Rivière. 

Bourbon  (  Louis  de  ) ,  surnommé  le  Bon ,  duc  de 
Montpensier  ,  pair  de  France ,  souverain  de  Dombes, 
prince  de  La  Roche-sur-Yon  ,  dauphin  d'Auvergne  , 
comte  de  Castres  et  de  Morlain ,  seigneur  de  Cham- 
pigny  ,  fils  aîné  de  Louis  de  Bourbon ,  prince  de  La 
Roche-sur-Yon ,  et  de  Louise  de  Bourbon  ,  comtesse 
de  Montpensier  et  dauphine  d'Auvergne ,  gouverneur- 
lieutenant-général  au  pays  et  duché  de  Touraine , 
d'Anjou  et  du  Maine ,  par  lettres  patentes  du  roi 
François  II ,  données  au  mois  d'août  1 56o. 

Il  se  rendit  aussitôt  dans  son  gouvernement ,  visita 
toutes  les  places  et  forteresses,  et  arrêta  la  révolte  de 
la  ville  d'Angers,  alors  remplie  de  religionnaires 
étrangers ,  dont  il  ramena  plusieurs  à  son  parti ,  entre 
autres  Gaspard  de  Schomberg ,  seigneur  allemand , 
qui  fut  depuis  colonel  des  reitres  ,  et  qui  servit  uti- 
lement les  rois  Charles  IX ,  Henri  III  et  Henri  IV , 
pendant  les  guerres  des  protestans. 

La  guerre  civile  ayant  recommencé  en  i  ^62 ,  le 
duc  de  Montpensier  se  rendit  à  Angers ,  au  mois  de 
juin,  et  s'étant  jeté  dans  le  château  qui  tenait  pour 
le  roi ,  il  attaqua  les  rebelles  dans  la  ville  même , 


GOUVERNEURS.  35 1 

força  les  retrancheniens,  et  fît  exécuter  les  principaux 
de  ceux  qui  furent  pris.  Il  reprit  ensuite  Saumur  et 
tous  les  autres  châteaux  de  la  province,  dont  les  rc- 
ligionnaires  s'étaient  empares.  En  Tourainc ,  ceux-ci 
n'attendirent  pas  son  arrivée ,  et  abandonnèrent 
Tours,  Chinon,  Loches,  Cormery,  Ligueil,  l'Ile- 
Bouchard  ,  en  un  mot  toutes  les  places  qui ,  depuis 
deux  mois ,  étaient  en  leur  pouvoir. 

Ce  fut  lui  qui  fit  bâtir  le  château  de  Champigny 
on  Touraine.  Il  en  acheva  la  Sainte-Chapelle,  qui  fut 
dédiée  à  saint  Louis.  Il  fonda  aussi  au  même  lieu  un 
couvent  de  religieuses  de  l'ordre  de  saint  François  : 
enfin ,  en  1 565  ,  il  se  démit  de  son  gouvernement  en 
faveur  de  son  fils ,  pour  passer  b  celui  du  Dauphiné. 
Il  mourut  à  Champigny,  le  ^3  septembre  i582.  Il 
fut  marié  deux  fois ,  la  première  à  Jacqueline  de 
Longwy,  comtesse  de  Bar-sur- Aube ,  fille  de  Jean, 
et  de  Jeanne  bâtarde  d'Angouleme.  Sa  seconde  femme 
fut  Catherine  de  Lorraine,  fille  de  François,  duc  de 
Guise;  il  n'eut  point  d'enfans  de  ce  dernier  mariage, 
du  premier  il  eut  cinq  filles  et  François  de  Bourbon 
qui  suit.  , 

Sous  lui  le  gouvernement-  général  comprenait  la 
Touraine,  l'Anjou,  le  Maine,  le  comté  de  Laval,  le 
grand  et  le  petit  Perche,  le  Vendomois,  le  comté  de 
Blois,  les  bailliages  d'Amboise  et  du  Loudunois, 
division  qui,  comme  on  va  le  voir,  reçut  quelques 
restrictions  sous  son  successeur. 

Bourbon  (François  de),  duc  de  Monlpensier,  de 
Châtcllerault  et  de  Saint-Fargeau  ,  pair  de  France  , 


i 


3^5a  HISTOIRE    DE   TOURAINE. 

souverain  de  Dombes ,  prince  de  La  Roche-sur- Yon , 
dauphin  d'Auvergne,  marquis  de  Mëzières ,  comte  de 
Mortain  et  seigneur  de  Champigny,  ne  en  i542.  On 
l'appelait  le  prince  dauphin  d'Auvergne,  du  vivant 
de  son  père,  auquel  il  succéda  en  i565  jusqu'en 
iS^o  dans  le  gouvernement  de  Touraine,  suivant 
les  provisions  qui  lui  en  furent  données  par  Charles  IX 
à  Champigny ,  le  3o  septembre.  Peu  de  temps  après 
il  se  démit  du  gouvernement  d'Anjou,  entre  les  mains 
du  roi ,  qui  l'en  dédommagea  par  celui  d'Orléans  et 
d'Étampes.  Les  lettres  lui  en  furent  délivrées  à  Mou- 
lins le  premier  mars  1 566, et  vérifiées  au  parlement 
avec  les  provisions  de  celui  de  Touraine  le  1 1  mai 
suivant  ;  «  aux  conditions  de  garder  les  ordonnances 
«  royaux ,  de  ne  rien  entreprendre  contre  l'autorité 
a  de  la  cour ,  et  de  n'avoir  qu'un  lieutenant  en  cha- 
-Jc^çun  de  ses  gouvernemens.  »  On  voit  par  là  qu'ils 
se  réduisaient  à  deux.  Son  père  étant  passé  depuis 
au  gouvernement  de  Bretagne,  il  le  remplaça  dans 
celui  du  Dauphiné ,  par  provisions  données  au  camp 
cle  Thonne-Boutonne  le  lo  septembre  1069.  Il  s'en 
démit  en  if)^5,  et  obtint  le  gouvernement-général 
de  Normandie ,  sur  la  démission  du  duc  d'Epernon  , 
par  lettres  du  1 5  juillet  i488.  Il  y  commanda  jusqu'à 
sa  mort,  arrivée  à  Lisieux,  le  4  j^^*^  1^9^?  ^  l'^g^ 
de  cinquante  ans.  De  Renée  d'Anjou ,  marquise  de 
Mézières,  en  Touraine,  il  eut  un  fils  unique  nommé 
Henri ,  né  à  Mézières  le  12  mai  i573,  et  mort  en 
1608. 

Cossé  (  Artus  de  ) ,  seigneur  de  Gonnor ,  comte  de 


L 


GOUVERNEURS.  i^SS 

Secôndigny,  chevalier  des  ordres  du  roi ,  grand-pan- 
noticr,  marécha^  de  France,  et  surintendant  des 
finances,  fut  pourvu  de  la  charge  de  gouverneur, 
lieutenant-général  en  Touraine ,  par  lettres  patentes 
de  Charles  IX ,  vérifiées  au  parlement  le  1 7  avril 
iSyo.  Il  eut  part  aux  affaires  sous  la  régence  de  Ca- 
therine de  Médicis,  mais  n'ayant  pas  gardé  assez  de 
mesure  dans  sa  conduite  et  dans  ses  paroles ,  il  se 
rendit  suspect  d'intelligence  avec  le  duc  d'Alençon , 
et  fut  enfermé  avec  le  duc  de  Montmorenci.  Cette 
disgrâce  ne  fit  que  l'attacher  davantage  aux  intérêts 
du  prince ,  dont  la  protection  parvint  à  lui  procurer 
la  liberté.  Il  acquit  beaucoup  de  gloire  au  siège  de 
Metz,  dont  il  était  gouverneur,  lorsque  cette  place 
fut  vainement  attaquée  par  Charles-Quint,  avec  une 
armée  de  cent  mille  hommes.  11  se  signala  également 
aux  affaires  de  Saint-Denis  et  de  Moncontour.  Il 
était  de  petite  taille ,  mais  bien  fliit,  et  si  brave  que 
le  duc  de  Montmorenci,  en  mourant,  le  désigna  au 
roi  comme  l'un  des  plus  capables  de  lui  succéder  au 
commandement  des  armées.  Il  obtint  le  bâton  de 
maréchal,  en  1^6'j ,  et  le  collier  de  l'ordre  du  Saint- 
Esprit,  en  décembre  i5i8.  On  l'appelait  ordinaire- 
ment le  maréchal  de  Cossé ,  pour  le  distinguer  de 
son  frère  qu'on  nommait  le  maréchal  de  Brissac.  On 
l'avait  surnommé  le  Maréchal  des  Bouteilles,  parce 
que,  aimant  la  bonne  chère,  il  ne  marchait  jamais 
sans  une  grande  quantité  de  provisions  de  toute  es- 
pèce. Il  quitta  le  gouvernement  de  la  Touraine  en 
l'année  1 676 ,  et  mourut  dans  son  château  de  Gonnor 
3.  .  a3 


354  HISTOIRE    DE   TOURA-INE. 

en  Anjou  ,  le  1 5  janvier  1 582.  Il  eut  pour  père  René 
(le  Cosse,  grand -pannetier  et  grand  -  fauconnier  de 
France ,  et  pour  mère  Charlotte  de  Gouffîer.  Devenu 
veuf  de  Française  DuBouchet,  dont  il  eut  trois  filles, 
il  épousa  en  secondes  noces  Anne-Charlotte  Le  Roi , 
dont  il  n'eut  point  d'enfans. 

La  Tour  (  Henri  de  ) ,  duc  de  Bouillon  ,  prince  de 
Sedan ,  vicomte  de  Turenne  et  maréchal  de  France , 
de  1576  à  ifï83.  Le  gouvernement  de  Touraine  et 
d'Anjou  lui  fut  donné  le  i4  mai  1576,  par  lettres  de 
François  de  France  ,  duc  d'Alençon ,  qui  avait  en 
apanage  l'Anjou  et  la  Touraine.  Castelnau  rapporte 
dans  ses  Mémoires  que  Charles  IX,  ayant  eu  quelque 
soupçon  qu'il  favorisait  secrètement  le  parti  protes- 
tant en  Normandie,  lui  fit  permuter  ce  gouvernement 
avec  le  duc  de  Montpensier  pour  celui  de  Touraine  : 
cependant,  nous  n'avons  trouvé  cette  particularité 
dans  aucun  autre  historien.  Il  eut  une  très-grande 
part  aux  événemens  les  plus  mémorables  ,  tant  dans 
la  paix  que  dans  la  guerre,  sous  les  rois  Charles  IX, 
Henri  III ,  Henri  IV  et  Louis  XIII ,  commanda  une 
compagnie  de  trente  lanciers  au  siège  de  La  Rochelle, 
en  1 573 ,  combattit  pour  le  roi  de  Navarre  à  la  ba- 
taille de  Coutras  ,  en  i586,  le  suivit  au  siège  de 
Paris,  en  1690,  et  fut  envoyé  par  lui,  en  i5gi, 
vers  Elisabeth,  reine  d'Angleterre.  Il  fut  également 
député  vers  les  princes  protestans  pour  leur  deman- 
der du  secours,  défit  en  i5g^  les  troupes  du  duc 
de  Lorraine  ;  enfin ,  Henri  IV  le  choisit  une  seconde 
fois  pour  aller  conclure  un  traité  d'alliance  contre  les 


I 


GOUVERNEURS.  355 

Espagnols  avec  les  états  de  Hollande  et  la  reine  Eli- 
sabeth. On  l'accusa  d'être  un  des  principaux  moteurs 
des  troubles  qui  agitèrent  la  France  sous  la  régence 
de  Marie  de  Médicis ,  jusqu'à  la  mort  du  maréchal 
d'Ancre. 

Il  termina  sa  carrière  à  Sedan,  le  aS  mars  i6^3. 
Son  père  était  François  de  La  Tour,  vicomte  de  Tu- 
renne  ,  gouverneur  de  Bresse ,  et  sa  mère  Eléonore 
de  Montmorenci ,  fille  du  connétable.  Jacques  VI , 
roi  d'Ecosse,  en  parlant  de  cette  famille,  disait 
qu'elle  était  une  des  premières  de  la  chrétienté. 

En  premières  noces ,  il  épousa  Charlotte  de  La 
Mark ,  duchesse  de  Bouillon  et  princesse  de  Sedan , 
morte  sans  postérité.  Malgré  cela,  il  conserva  la  prin- 
cipauté de  Sedan  pour  ses  enfans  du  second  lit, 
sans  avoir  égard  à  la  revendication  du  comte  deMau- 
levrier  qui  s'en  prétendait  légitime  héritier.  De  sa 
seconde  femme,  Isabelle  de  Nassau,  fille  de  Guil- 
laume, prince  d'Orange, i  1  ewt,  indépendamment  de 
six  filles ,  Frédéric-Maurice ,  duc  de  Bouillon ,  et 
Henri  de  La  Tour,  devenu  depuis  si  célèbre  sous  le 
nom  de  maréchal  de  Turenne ,  l'un  des  plus  grands 
hommes  de  guerre  que  la  France  eût  produits. 

Aurilly  (  Jacques  d'  ) ,  conseiller  de  François  de 
France,  duc  d'Alençon  et  duc  apanagiste  de  Tou- 
raine,  grand-maître  de  sa  garde-robe,  fut  nommé 
par  lui,  en  i583,  au  gouvernement  de  Touraine  : 
mais  le  duc  étant  mort  en  i584  ,  le  roi  lui  retira  ce 
gouvernement  dans  la  même  année. 

Joyeuse  (Henri  de),  comte  du  Bouchage,  puis 

23. 


356  HISTOIRE   DE  TOURAINE. 

duc  (le  Joyeuse ,  pair  et  maréchal  de  France,  chevalier 
des  ordres  du  roi ,  grand-maître  de  sa  garde-robe , 
de  i584  à  i585.  Après  la  mort  du  duc  d'Aîençon , 
Joyeuse  fut  pourvu  par  le  roi  du  gouvernement-général 
de  Touraine,  d'Anjou,  du  Maine  et  du  Perche: 
mais  il  ne  le  conserva  que  peu  de  temps ,  ayant  été 
nommé,  vers  le  commencement  de  i585,  au  gouver- 
nement de  Languedoc  qu'il  quitta  au  mois  de  sep- 
tembre 1587  pour  entrer  aux  Capucins,  où  il  fit 
profession  sous  le  nom  de  père  Ange.  Il  sortit  de  son 
couvent  en  i  ^gi ,  à  la  sollicitation  des  seigneurs  du 
Languedoc,  pour  reprendre  le  gouvernement  d-e  cette 
province  pendant  les  guerres  de  la  Ligue.  Il  fut  fait 
maréchal  de  France,  en  1696  :  mais  trois  ans  après 
il  rentra  aux  Capucins,  oii  il  mourut  le  o.'j  septembre 
1608,  âgé  de  quarante-six  ans.  C'est  de  lui  que  Vol- 
taire a  dit  dans  la  Henriade  : 

Il  prit ,  quitta ,  reprit  la  cuirasse  et  la  haire. 

Son  père  Guillaume  II,  vicomte  de  Joyeuse,  avait 
eu  trois  garçons  de  son  mariage  avec  Marie  de  Bas- 
tarnay,  héritière  du  comté  du  Bouchage.  Lui-même 
avait  épousé  Catherine  de  La  Valette,  dont  il  eut 
Henriette-Catherine,  femme  en  premières  noces  de 
Henri  de  Bourbon,  duc  de  Montpensier,  et  en  secondes, 
de  Charles  de  Lorraine,  duc  de  Guise. 

Dubois  (Louis),  seigneur  des  Arpentis,  chevalier 
des  ordres  du  roi ,  maître  de  sa  garde-robe  et  capi- 
taine de  cinquante  hommes  d'armes  de  ses  ordon- 


GOUVERNEURS.  SSy 

nances,  fut  (Uabord  lieutenant  général  au  gouverne- 
ment de  ïouraine ,  par  lettres  du  17  janvier  iSyS, 
puis  gouverneur  lieutenant- général  vers  la  fin  de 
i585.  La  guerre  civile  s'étant  alors  déclarée  dans  les 
provinces,  il  eut  ordre  de  se  rendre  de  suite  dans  son 
gouvernement  pour  apaiser  les  troubles  suscités  par 
les  querelles  des  catholiques  et  des  protestans.  Il  fit 
plusieurs  réglemens  utiles  à  la  discipline  militaire 
dans  ces  temps  de  désordre  et  d'anarchie ,  et  fut  dé- 
coré du  collier  du  Saint-Esprit ,  au  huitième  chapitre 
tenu  par  Henri  111,  le  3i  décembre  i585,  où  il  est 
qualifié  de  gouverneur  lieutenant -général  de  ïou- 
raine. 

Il  était  fds  de  Louis  Dubois,  deuxième  du  nom, 
chevalier,  seigneur  des  Arpcntis,  Montreuil ,  Au- 
trêche,  etc.,  et  de  Louise,  fdle  de  Jacques  de  Sur- 
gères, et  avait  épousé  Claudine,  fille  de  Claude  de 
Robertet ,  seigneur  d'Alluye,  et  d'Anne  Briçonnet. 
Il  mourut  en  i588. 

Souvré  (  Gilles  de  ),  marquis  de  Courlenvaux, 
conseiller  du  roi  en  ses  conseils  d'état  et  privé ,  pre- 
mier gentilhomme  de  sa  chambre,  capitaine  de  cent 
hommes  d'armes  de  ses  ordonnances,  fut  pourvu  de 
la  charge  de  gouverneur  lieutenant-général  au  duché 
de  Touraine,  par  Henri  III,  après  la  mort  de  Louis 
Dubois  ,  avec  lequel  il  avait  été  reçu  chevalier  de 
l'ordre,  en  i585.  Il  se  signala  h  la  bataille  de  Con- 
tras, en  1587,  et  conserva  la  ville  de  Tours  sous 
l'obéissance  du  roi ,  pendant  les  troubles  de  la  Ligue. 
Il  y  reçut  Henri  III  avec  toute  sa  cour  au  mois  de 


358  HISTOIRE  DE  TOUR  AINE. 

janvier  i  ^89 ,  et  fut  choisi  par  Henri  IV  pour  être 
gouverneur  du  dauphin  Louis.  Crée  maréchal  de 
France  en  i6i5,  il  mourut  en  1626,  âge  de  quatre- 
vingt-quatre  ans.  Dès  l'année  t6jo,  il  s'était  démis 
de  son  gouvernement  en  faveur  de  son  fils. 

Il  avait  suivi  en  Pologne  Henri  III,  qui  eut  tou- 
jours pour  lui  beaucoup  d'affection.  Ce  prince  avait 
résolu  de  perdre  le  maréchal  de  Montmorenci. 
o  L'exécution  de  ce  projet ,  dit  de  Thou,  fut  commise 
«  à  Gilles  de  Souvré ,  grand-maître  de  la  garde-robe  : 
«  mais  Souvré  était  trop  honnête  homme  et  trop  en- 
«  nemi  de  la  violence  pour  obéir  aveuglément.  11  sut 
a  habilement  traîner  l'affaire  en  longueur.  Il  donna 
«  au  repentir  le  temps  de  succéder  à  la  haine ,  et  aux 
a  faux  bruits  de  la  mort  de  Damville,  frère  du  maré- 
«  chai ,  celui  de  s'évanouir.  Ce  fut  ainsi  que  le  roi ,  à 
a  qui  la  reine  sa  mère  avait  persuadé  que  celt,e  mort 
«  était  nécessaire,  fut  malgré  lui  redevable  a  Souvré 
«  de  la  vie  de  ce  grand  homme.  » 

Gilles  de  Souvré  était  fils  de  Jean ,  seigneur  de 
Courtenvaux ,  et  de  Françoise  Martel.  Il  avait  épousé 
Françoise  de  Bailleul ,  dont  il  eut  Jean  qui  suit ,  et 
Jacques  de  Souvré ,  grand-prieur  de  France.  Ce  fut 
en  faveur  de  Gilles  que  la  terre  de  Courtenvaux  fut 
érigée  en  marquisat  par  lettres  patentes  du  mois  de 
mars  1609. 

Souvré  (Jean  de),  marquis  de  Courtenvaux,  con- 
seiller du  roi  en  ses  conseils  d'état  et  privé ,  chevalier 
de  ses  ordres,  premier  gentilhomme  de  sa  chambre, 
capitaine  de  Fontainebleau  et  de  cent  hommes  d'armes 


GOUVERNEURS.  Sog 

des  ordonnances,  fut  nommé  au  gouvernement  de 
Touraine,  sur  la  démission  de  son  père,  datée  du 
mois  de  mai  i6to. 

Le  26  mai  1616,  il  rendit  une  ordonnance  pour 
Tembeliissement  de  la  ville  de  Tours ,  et  pour  les  for- 
tifications que  Henri  IV  avait  prescrit  d'y  faire  dès 
Tannée  1 59 1 .  Cette  ordonnance  est  signée  par  le  père  et 
par  le  fils,  quoique  le  premier  ne  fût  plus  gouverneur 
depuis  16 10.  Le  fils  à  son  tour  se  démit  de  cet  em- 
ploi entre  les  mains  du  roi ,  dès  l'année  1627. 

Il  avait  épousé  Catherine  ,  fille  de  Charles  de  Neu- 
ville ,  marquis  de  Villeroi ,  baron  d'Allincourt ,  dont 
il  eut  Louis  de  Souvré  lue  à  l'attaque  des  lignes 
d'Arras,  le  a  juin  1640,  et  Charles^  marquis  de 
Courtcnvaux,  qui  n'eut  que  trois  filles  dont  l'une  fut 
mariée  au  marquis  de  Louvois. 

Coëffier,  dit  Ruzé  (Antoine  ),  marquis  d'Effiat, 
de  Ghilly  et  de  Longjumeau,  baron  de  Massy  et  de 
Cinq-Mars,  chevalier  des  ordres  du  roi,  conseiller  en 
ses  conseils  d'état  et  privé,  surintendant  des  finances, 
grand- maître  des  mines  et  minières  de  France,  et 
grand-bailli  de  Touraine. 

Le  marquis  de  Courtenvaux  s'étant,  comme  nous 
l'avons  dit,  démis  du  gouvernement  de  Touraine,  celui- 
ci  en  fut  pourvu  par  lettres  patentes  de  Louis  XIII, 
données  à  Villeroi,  le  27  juillet  1627.  Il  s'en  démit 
en  i63o  pour  passer  à  celui  d'Anjou  ,  ensuite  à  ceux 
d'Auvergne  et  du  Bourbonnais.  Il  fut  fait  maréchal 


de  France,  en  iG3i 


Le  3o  septembre  16x0,  il  épousa  Marie,  fille  de 


36o  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

Jean  de  Fourcy,  surintendant  des  bâtimens,  dont  il 
eut  Martin,  marquis  d'Effiat ,  Henri,  marquis  de 
Cinq-Mars,  Jean,  abbé  de  Saint-Sorlin,  et  Marie 
première  femme  de  Charles ,  duc  de  La  Meilleraye , 
pair  et  maréchal  de  France.  Le  roi  l'avait  envoyé 
prendre  le  commandement  de  l'armée  en  Allemagne, 
lorsqu'il  mourut  en  chemin  à  Luzzelstein,  près  Trêves, 
le  27  juillet  i632. 

On  peut  consulter  son  article  au  tome  iv  de  cette 
Histoire. 

Orléans  (François  d'),  comte  de  Saint-Pol,  duc 
de  Fronsac  et  de  Château-Thierri ,  pair  de  France  et 
chevalier  des  ordres  du  roi.  Les  provisions  en  vertu 
desquelles  il  fut  nommé  gouverneur  de  Touraine 
sont  datées  de  Paris,  le  3i  janvier  i63o,  enregis- 
trées au  parlement  le  1  mars  suivant.  Il  avait  aupa- 
ravant le  gouvernement-général  de  l'Orléanais,  Blai- 
sois,  Vendomois  et  pays  Charlrain,  dont  le  roi  dis- 
posa au  mois  de  février  de  la  même  année  en  faveur 
de  son  frère  le  duc  d'Orléans. 

Nous  voyons  qu'il  prit  possession  de  son  gouver- 
nement de  ToîU'aine,  et  fit  son  entrée  solennelle  dans 
sa  capitale,  le  i3  août  i63o  :  mais  il  n'en  jouit  pas 
long-temps,  étant  mort  à  Château-Neuf-sur-Loire,  le 
7  octobre  i63i  ,  ne  laissant  d'Anne  de  Caumont, 
marquise  de  Fronsac,  son  épouse,  auparavant  veuve 
de  Claude  d'Escars,  seigneur  de  Carency,  ([u'un  fils 
nommé  Eléonor,  tué  au  siège  de  Montpellier,  le  3 
septembre  1611. 

Il  était  le  deuxième  fils  de  Léonor  d'Orléans,  duc 


GOUVERNEURS.  36 1 

de  Longueville  et  d'Estouteville  ,  souverain  de  Neuf- 
Châtel,  marquis  de  Rothelin  ,  et  de  Marie  de  Bour- 
bon, fille  uiiiquc  <h  François  de  Bourbon,  comte  de 
Saiut-Pol,  et  d'Adrienne  d'Estouteville. 

Aubépine  (Charles  de  F),  chevalier,  marquis  de 
Château- Neuf,  abbé  de  Préaux,  conseiller  du  roi  en 
ses  conseils  d'état  et  privé,  commandeur  de  ses  ordres, 
né  le  23  février  i58o.  D'abord  conseiller  au  parle- 
ment de  Paris,  en  i6o3,  il  fut  envoyé  ambassadeur 
en  Hollande,  en  1609.  II  négocia  en  161 7  le  retour 
des  princes ,  fut  chancelier  des  ordres  du  roi ,  en 
survivance  de  son  père,  l'an  1620;  envoyé  en  1621 
et  1622  vers  l'empereur  Ferdinand,  et  vers  Bethlem 
Gabor ,  prince  de  Transylvanie ,  pour  réconcilier  ces 
deux  souverains  dont  la  mésintelligence  mettait  l'Al- 
lemagne en  feu;  ambassadeur  à  Venise,  en  1626, 
puis  en  Angleterre,  en  1629  et  i63o,  au  retour  il 
reçut  les  sceaux  de  la  main  du  roi ,  le  4  novembre  , 
et  fut  nommé  gouverneur  lieutenant-général  de  Tou- 
raine  par  lettres  patentes  données  à  Saint-Michel ,  le 
22  juin  i632.  Malgré  tant  d'importans  services,  de- 
venu suspect  au  cardinal  de  Richelieu  ,  le  roi  lui  or- 
donna de  remettre  les  sceaux  entre  les  mains  de  La 
Vrillièro ,  secrétaire  d'état ,  ce  qu'il  fît  à  Saint-Ger- 
main-cn-Laye,  le  soir  du  25  février  i633.Lemême 
jour  il  fut  arrêté  et  conduit  prisonnier  au  château 
d'Angoulême,  oîi  il  demeura  jusqu'au  mois  de  janvier 
1643.  Il  fut,  du  moment  de  son  arrestation, privé  de 
fait  de  son  gouvernement  de  Touraine.  Cependant  ce 
ne  fut  qu'en  1637  que  le  roi  lui  donna  un  successeur. 


362  HISTOIRE    DE    TOÙRAINE. 

Henri  II  de  Bourbon  ,  prince  de  Condé ,  fut  établi 
par  Louis  XIII  lieutenant- général,  commandant 
pour  les  provinces  de  Nivernais ,  Berri,  Bourbonnais , 
Touraine,  Poitou,  Aunis  ,  Saintonge,  Angoumois, 
Haute  et  Basse-Marche,  Limousin,  et  Haute  et  Basse- 
Auvergne.  Cette  commission  est  datée  de  Paris  ,  le 
12  août  i63i.  Il  paraît  en  effet  que ,  déjà  en  1682, 
le  prince  de  Condé  commandait  à  Tours ,  puisque  ce 
fut  lui  qui,  au  moyen  de  lettres  de  cachet  dont  il  les 
menaça ,  contraignit  les  membres  du  corps-de-ville  à 
admettre  les  jésuites  repoussés  par  eux  et  par  la  gé- 
néralité des  habitans. 

Lorraine  (  Henri  de  ),  comte  d'Harcourt  et  d'Ar- 
magnac ,  chevalier  des  ordres  du  roi ,  grand  -écuyer 
de  France  et  sénéchal  de  Bourgogne. 

te  ne  fut,  comme  nous  l'avons  dit,  qu'en  1637 
que  le  roi  se  décida  à  retirer  définitivement  les  pro- 
visions du  marquis  de  Château-Neuf,  qui  furent 
transmises  à  Henri  de  Lorraine  par  lettres  patentes 
données  à  Saint-Germain-en-Laye ,  le  i5  décembre 
de  la  même  année.  Il  y  est  dit  :  «  qu'il  avait  com- 
te mandé  l'armée  navale  avec  autant  de  conduite  que 
«  de  valeur,  fait  descente  dans  les  pays  ennemis,  et 
«  remporté  tous  les  avantages  qu'on  pouvait  attendre 
«  pour  la  gloire  et  la  réputation  des  armes  de  Sa 
«  Majesté;  qu'il  avait  donné  des  preuves  signalées  de 
«  son  courage  dans  l'action  des  îles  de  Sainte  -  Mar- 
«  guérite  et  de  Saint -Honorât  en  Provence,  que 
«  quoique  les  ennemis  eussent  fortifié  ces  îles  avec 
«  tant  de  soin ,  de  peine  et  de  travail ,  qu'on  croyait 


GOUVERNEURS.  363 

a  cette  entreprise  une  des  plus  difficiles  et  hasardeuses 
a  qui  se  fussent  trouvées  depuis  un  fort  long  temps , 
«  néanmoins  il  avait  attaqué  les  retranchemens  des 
«  ennemis  avec  tant  de  conduite  et  de  courage  qu'il 
«  les  avait  chassés.  » 

Le  4  janvier  i638,  il  prêta  serment  de  fidélité 
entre  les  mains  du  roi  à  Saint-Germain-en-Laye,  et 
ses  lettres  furent  enregistrées  au  parlement  le  27 
avril  suivant.  En  lô/p  ,  il  se  démit  de  ce  gouverne- 
ment pour  ceiui  de  Guienne;  en  i643,  il  obtint  la 
charge  de  grand-écuyer,  et  fut  envoyé  dans  la  même 
année  ambassadeur  en  Angleterre.  De  là  il  passa 
avec  le  titre  de  vice-roi  en  Catalogne ,  et  eut  ensuite 
le  gouvernement  d'Alsace,  dont  il  se  démit  pour 
celui  d'Anjou.  H  mourut  subitement  le  iS  juillet 
1666. 

Il  était  le  second  fils  de  Charles  de  Lorraine ,  duc 
d'Elbeuf ,  grand-écuyer  de  France ,  et  de  Marguerite 
Chabot. 

De  son  mariage  avec  Marguerite  de  Combout , 
veuve  d'Antoine  Delage,  duc  de  Puy-Laurens,  sor- 
tirent cinq  garçons  et  une  fille  :  i*  Louis  de  Lorraine, 
comte  d'Armagnac ,  grand-écuyer  de  France  ;  2*  Phi- 
lippe ,  dit  le  chevalier  de  Lorraine  ;  3°  Alphonse- 
Louis  ,  chevalier  de  Malte  ,  général  des  galères  de  la 
religion  ;  4"  Raymond-Bcranger,abbé  de  Saint-Faron; 
5**  Charles,  comte  de  Marsan;  6"  Armande- Hen- 
riette, abbesse  de  Notre-Dame  de  Soissons. 

Pottier  (Louis),  marquis  de  Gesvres,  maréchal- 
de-camp,   bailli  de  Caen  et  de  Valois,  de  1642  à 


364  HISTOIRE   DE  TOUKAINE. 

1643.  Le  roi  lui  donna  le  gouvernement  de  Touraine 
aussitôt  que  le  comte  d'Harcourt  fut  nommé  à  celui 
de  Guyenne  ;  mais  il  n'en  jouit  que  pendant  à  peu 
près  l'espace  de  dix  mois ,  car  il  fut  tué  le  6  août  de 
l'année  suivante  ,  au  siège  de  Tbionville ,  n'étant  âgé 
que  de  trente-trois  ans ,  sans  avoir  été  marié ,  et  fort 
regretté  à  cause  de  sa  bravoure  et  de  ses  autres  qua- 
lités. Il  était  fils  de  René  Potier ,  duc  de  Tresmes ,  pair 
de  France  ,  capitaine  des  gardes-du-corps  du  roi,  et 
de  Marguerite  de  Luxembourg. 

Aubépine  (  Charles  del'),  de  i643  à  j65o. 
Louis  XIV  étant  monté  sur  le  trône,  le  marquis  de 
Château-Neuf  sortit  enfin  de  sa  prison  après  dix  an- 
nées d'une  injuste  captivité.  Le  roi  lui  rendit  son  gou- 
vernement de  Touraine,  le  29  décembre  de  cette 
même  année,  immédiatement  après  la  mort  du  mar- 
quis de  Gesvres.  Le  mercredi  2  mars  i65o,  il  reçut 
une  seconde  fois  les  sceaux  des  mains  du  même  La 
Vrillière  à  qui  il  les  avait  remis  en  i633.  Ce  fut 
alors  qu'il  donna  sa  démission  du  gouvernement  de 
Touraine  ;  mais  l'âge  et  la  prison  ayant  affaibli  sa 
santé,  il  rendit  les  sceaux  au  président  MoIé,  le  3 
avril  i65i ,  et  mourut  à  Leuville,  près  Montlhéri  , 
le  26  septembre  i653,  âgé  de  soixante-treize  ans  et 
demi.  Son  corps  fut  porté  à  Bourges,  oîi  il  eut  un 
tombeau  sur  lequel  on  lisait  son  épitaphe. 

Son  père  était  Guillaume  de  l'Aubépine ,  seigneur 
de  Château-Neuf-sur-Gher  ,  chancelier  des  ordres  du 
roi,  et  sa  mère  Jeanne  Bochetel. 

Aumont  (César  d') ,  marquis  d'Aumont  et  de  Clair- 


GOUVERNEURS.  365 

vaux  ,  vicomte  de  I^  Guerclie  en  Touraine,  seigneur 
d'Ivry-les-Châteaux,  conseiller  du  roi  en  ses  con- 
seils d'état  et  privé,  chevalier  de  ses  ordres  et  capitaine 
de  cinquante  hommes  d'armes  de  ses  ordonnances. 
Après  la  démission  du  marquis  de  Château-Neuf,  il 
fut  pourvu  du  gouvernement  de  Touraine,  au  mois 
de  juin  i65o.  Ce  fut  de  son  temps  que  l'on  déblaya 
et  que  l'on  forma  à  Tours  la  place  qui  porte  encore 
son  nom ,  quoique  depuis  quelque  temps  on  lui  ait 
imposé  celui  de  place  du  Cirque.  Comme  il  n'y  avait 
point  alors  d'issue  pour  aller  au  Mail ,  on  en  prati- 
qua une  au  moyen  dim  terrain  qu'on  acheta  de  la 
famille  Chaloineau  dont  cette  rue  a  pris  et  conserve 
le  nom.  Il  mourut  le  20  avril  1661. 

Il  était  fils  aîné  de  Jacques  d'Aumont ,  baron  de 
Chappes ,  gentilhomme  de  la  chambre  du  roi ,  prévôt 
de  Paris ,  et  de  Charlotte-Catherine  de  Villequier ,  et 
par  conséquent  petit-fils  du  maréchal  d'Aumont,  qui 
avait  servi  les  rois  Henri  III  et  Henri  IV  avec  un 
égal  succès  à  la  guerre  et  dans  les  négociations. 

Sa  première  femme  fut  Renée  de  Laval ,  fille  de 
René  aux  Épaules,  dit  Laval,  et  sa  seconde  fut  Marie 
Amelot  de  Carnetin  ,  de  laquelle  il  eut  cinq  filles  et 
un  garçon  mort  en  bas  âge. 

Beauvilliers  (François  de),  dnc  de  Saint-Aignan, 
pair  de  France  ,  comte  de  Séry,  vicomte  de  Jalongnes, 
baron  de  La  Ferté-Hubert,  de  La  Salle  et  de  Ché- 
mery ,  seigneur  de  Montigny-la-Grange ,  chevalier  des 
ordres  du  roi,  premier  gentilhomme  de  sa  chambre, 
enfin  gouverneur    de  ville    et  citadelle   du  Ilayre. 


366  HISTOIRE  DE  TOUKAINE. 

La  charge  de  gou ver neur-iieutenant- général  de  Tou- 
raine,  vacante  par  la  mort  du  marquis  d'Aumont , 
lui  fat  accordée  par  lettres  patentes  données  à  Fon- 
tainebleau, le  i"  mai  1661.  Il  s'en  démit  en  1664. 

Il  commença  par  servir  pendant  les  années  i634 
et  i635,  en  qualité  de  capitaine  d'une  compagnie  de 
chevau-légers ,  dans  l'armée  que  le  cardinal  de  La 
Valette  commandait  en  Allemagne.  Il  se  distingua 
surtout  au  combat  de  Steinbruck  en  Alsace,  sous  le 
duc  de  Rohan,  ainsi  qu'à  la  retraite  de  Mayence  où, 
avec  quatre  cents  chevaux,  il  soutint  par  sa  valeur 
et  sa  prudence  l'effort  de  plus  de  quatre  mille  cava- 
liers ennemis ,  étant  resté  seul  de  tous  les  comman- 
dans  à  la  tête  de  son  escadron.  En  i636 ,  il  se  trouva 
au  siège  de  Dole,  où  il  fut  blessé  à  la  cuisse,  ensuite 
à  ceux  de  Corbie ,  de  Landrécies ,  de  Chimay  ,  de 
Barlemont ,  deMaubeuge  et  d'Yroi.  Il  était  au  passage 
de  Colme ,  en  i645,  et  à  la  prise  du  fort  de  Lincke, 
en  1649-  I^O'^s  de  la  première  guerre  civile,  il  rendit 
au  roi  un  service  important  en  lui  amenant  à  Saint- 
Germain  quatre  cents  gentilshommes  qu'il  avait  levés 
à  ses  frais,  et  en  i6v^o  eu  remettant  sous  son  obéis- 
sance la  grosse  tour  de  Bourges,  et  plusieurs  châ- 
teaux en  Berri.  Chevalier  de  l'ordre  en  1661 ,  il  fut 
créé  duc  et  pair  en  i663  ,  et  mourut  le  16  juin 
1687.  Il  aimait  et  cultivait  les  lettres.  On  a  de  lui 
quelques  poésies  éparses  dans  différens  recueils  et 
qui  l'avaient  fait  admettre  à  l'académie  française. 

Il  était  fils  aîné  d'Honorat  de  Beauvilliers ,  comte 
de  Saint-Aignan ,  mestre-de-carap  de    la    cavalerie 


GOUVERNEURS.  367 

légère  de  France,  et  de  Jacqueline,  fille  du  maréclial 
de  Montigny.  En  premières  noces  il  avait  épousé  An- 
toinette Servien  ,  dont  il  eut  douze  enfans ,  cinq 
garçons  et  sept  filles.  Il  eut  encore  deux  garçons  et 
une  fille  de  sa  seconde  femme,  Françoise  Géré  de 
Rancé. 

Son  fils  Paul,  duc  de  Saint- Aignan ,  fut  gouver- 
neur du  duc  de  Bourgogne ,  père  de  Louis  XV ,  et 
mérita  que  l'académie  française  proposât  son  éloge 
pour  sujet  de  l'un  de  ses  prix. 

Courcillon  (Philippe  de),  marquis  de  Dangeau , 
comte  de  Mesle  et  de  Givray ,  baron  de  Sainte-Her- 
mine ,  de  Saint-Amand  et  de  Bressuire ,  seigneur  de 
La  Bourdaisière  et  de  Chausseraye ,  fut  pourvu  du 
gouvernement  de  Touraine  par  lettres  patentes  don- 
nées à  Saint-Germain  en  Laye,  le  4  niars  1664,  sur 
la  démission  du  duc  de  Saint-Aignan. 

Après  avoir  été  colonel  du  régiment  du  Roi ,  il  fut 
nommé  aide-de-camp  de  Sa  Majesté,  en  lô'ji,  et 
continua  toujours  de  servir  en  cette  qualité  dans  toutes 
les  campagnes  que  le  roi  fît  depuis.  En  1679,  il  fut 
choisi  pour  être  placé  auprès  du  dauphin,  et  en 
i685,  pour  être  chevalier  d'honneur  de  la  dauphine, 
sur  la  démission  du  duc  de  Richelieu  que  le  roi  ve- 
nait de  nommer  pour  exercer  le  même  emploi  auprès 
de  la  duchesse  de  Bourgogne ,  et  d'envoyer  au-devant 
de  cette  princesse  pour  la  recevoir  aux  frontières  de 
France  et  de  Savoie.  Le  3o  décembre  1688,  il  reçut 
le  collier  de  l'ordre  du  Saint-Esprit,  et  en   1691  , 


368  HISTOIRE  DE  TOURAmE. 

après  la  mort  de  Louvois  qui  était  grand-vicaire  de 
l'ordre  de  Notre-Dame  du  Mout-Garmel  et  de  Saint- 
Lazare,  il  en  fut  nommé  grand-maître  au  spirituel 
et  au  temporel ,  tant  de  ça  que  de  là  les  mers.  L'an- 
née suivante,  le  roi  le  fît  conseiller-d'état  d'épée. 
L'académie  française  l'admit  au  nombre  de  ses 
membres,  en  1667,  et  celle  de  Padoue  en  1680. 
Le  roi  le  désigna  en  1687  ,  après  la  mort  du  duc  de 
Saint-Aignan ,  pour  être  le  protecteur  de  l'académie 
d'Arles.  Il  fut  aussi  employé  dans  plusieurs  ambas- 
sades. 

Il  tenait  son  nom  du  château  de  Courcillon  sur  les 
confins  du  Maine  et  de  la  Touraine.  Sa  famille,  l'une 
des  plus  anciennes  de  France ,  était  alliée  à  celles  de 
Craon  ,  Perrenay ,  Montfort ,  Chabot ,  Saintré  ,  Tais , 
Liancourt,  en  un  mot  à  ce  qu'il  y  avait  de  plus 
illustre.  Le  roi  les  avait  toujours  traités  de  cousins, 
jusqu'à  l'époque  où  ils  changèrent  de  religion. 

Le  marquis  de  Dangeau,  né  en  i638,  mourut  à 
Paris,  en  r720,  âgé  de  quatre-vingt-deux  ans.  Ses 
mémoires,  long-temps  connus  manuscrits,  n'ont  été 
imprimés  par  extrait  qu'en  181 7. 

Il  avait  fait  recevoir  en  survivance  du  gouverne- 
ment de  Touraine  le  marquis  de  Courcillon ,  son  fils, 
qui  mourut  avant  lui.  Celui-ci  avait  pour  mère  Sophie 
de  Bavière,  comtesse  de  Loevensteln ,  sœur  du  car- 
dinal prince  de  Furstemberg,  seconde  femme  du  mar- 
quis de  Dangeau  ,  qui,  de  son  premier  mariage  avec 
Françoise  Morin ,  sœur  de  la  maréchale  d'Estrées , 


GOTJVERPnEURS.  ^69 

n'eut  qu'une  fille  marie'e  à  Honore-Charles  Dalbert , 
duc  de  Chevreuse,  auquel  elle  porta  en  dot  tous  les 
biens  de  la  maison  de  Courcillon. 

BourLon-Gondé  (  Charles  de  ),  comte  de  Cliaro- 
lais,  pair  de  France,  chevalier  des  ordres  du  roi,  né 
le  19  juin  1700.  Il  partit  secrètement  de  Chantilly, 
en  1717  ,  pour  aller  faire  la  campagne  de  Hongrie, 
en  qualité  de  volontaire  dans  l'armée  impériale  contre 
les  Turcs.  Après  cette  campagne  il  voyagea  en  Italie, 
et  de  là  se  rendit  en  Bavière,  et  fit  un  assez  long 
séjour  à  la  cour  électorale  de  Munich.  Il  revint  en 
France  ,  en  1720,  et  le  16  juin,  fut  admis  au  con- 
seil de  régence.  Le  o  septembre  suivant  il  succéda 
au  marquis  de  Dangeau  dans  le  gouvernement  de 
Touraine.  Il  représenta  le  comte  de  Toulouse  à  la 
cérémonie  du  sacre  de  Louis  XV,  le  2  5  octobre  1722, 
fut  fait  chevalier  des  ordres  dans  l'église  de  Reims, 
le  27  du  même  mois,  et  mourut  sans  alliance  en 
1760. 

Il  était  fils  de  Louis  III  de  Bourbon-Condé ,  et  de 
Louise-Françoise  de  Bourbon,  légitimée  de  France, 
appelée  auparavant  mademoiselle  de  Nantes,  fille  de. 
Louis  XIV. 

Choiseul  f Etienne-François),  d'abord  duc  de  Choi- 
seul-Stainville ,  ensuite  duc  de  Choiseul  -  Amboise , 
pair  de  France,  grand-bailli  des  Vosges  et  de  Mire- 
court,  fut  colonel  du  régiment  de  Navarre,  en  1745; 
brigadier  des  armées,  en  17/iG;  maréchal-de-camp, 
en  1748;  ambassadeur  à  Rome,  en  1753,  et  à 
Vienne,  en  17^9;  chevalier  des  ordres  du  roi  et  de 
3.  ^  24 


#r 


370  HISTOIRE    DE   TOUR  AINE. 

la  Toison-d'Or,  en  1761  ;  ministre  de  la  guerre  la 
même  année  jusqu'à  la  paix;  colonel  -  général  des 
Suisses  et  Grisons,  en  1762;  ministre  des  affaii*es 
étrangères ,  en  1 768  ;  enfin  ministre  de  la  marinie  , 
et  pour  la  seconde  fois ,  des  affaires  étrangères. 

Après  la  mort  du  comte  de  Cliarolais ,  en  1 760  , 
il  obtint  le  gouvernement  de  la  Touraine  ,  où  il  s'é- 
tait établi  par  l'acquisition  de  la  terre  de  Chanteloup, 
dont  il  fit  rebâtir  le  cbâteau  avec  beaucoup  de  ma- 
gnificence. 

Le  duc  de  Cboiseul ,  sacrifié  dans  des  intriguer  de 
cour  au  parti  des  ducs  d'Aiguillon  et   de  Richelieu, 
appuyés  par  la  favorite  Dubarri,  se  vit  exiler  à  Chan- 
teïoup  ,  en  1770.  Ce  fut  là  qu'il  composa  et  qu'il  im- 
prima lui-même  sa  comédie  intitulée  :  «Le  Royaume 
((  d'Arlequinerie  ,  ou  Arlequin  prince  héréditaire ,  de- 
«  venii  homme  d'esprit  par  amour ,  y>  satire  fort  mé- 
diocre contre  Louis  XV .  dont  il  n'aurait  pas  dû  ou- 
.blier  les  bienfaits.  Malgré  sa  disgrâce,  il  ne  fut  pas 
^i-  !     pi^i^e  de  son  gouvernement  de  Touraine,  qu'il  con- 
"  vj^%  serva  tant  qu'il  vécut.  Il  était  né  en  1719,  et  mourut 
à  Paris  en  1785. 

Il  était  fils  de  François  -  Joseph  de  Cboiseul , 
deuxième  du  nom ,  baron  de  Stainville ,  et  de  Beau- 
pré, que  le  comte  de  Stainville  son  oncle  maternel 
.  avait  institué  son  héritier  universel,  à  la  charge  de 
prendre  son  nom  et  ses  armes.  Sa  mère  était  Fran- 
çoise-Louise de  Bassompierre. 

Le  12  décembre  1760,  il  épousa  Louise -Hono- 
rine Crozat  du  Châtel ,  de  laquelle  il  n'eut  point  d'en- 


i 


É 


GOTVER  NEUR  S .  3^1 

fans.  Nous  avons  déjà  parlé  de  lui  a  Tarlicle  d'Ani- 
boise. 

Estaing  (  Jean-Bapliste-Charles-Henri,  comte  d'), 
marquis  do  Saillans  et  de  Cliateau-RÊgnault ,  vicomte 
de  Ravel ,  lieutenant-général  des  ^^f^s  ,  vice-amiral 
de  France,  chevalier  des  ordres  du  roi,  grand 
d'Espagne  de  premiète  classe,  citoyen  de  l'état  de 
Géorgie ,  fut  d'abord  colonel  d'un  régiment  d'infan- 
terie ,  passa  dans  l'Inde  en  qualité  de  brigadier,  et 
fut  fait  prisonnier  en  17^9,  au  siège  de  Madras. 
Relâché  sur  parole,  il  n'en  porta  pas  moins  les  armes; 
il  équipa  deux  bâtimens ,  détruisit  le  comptoir  de 
Gomron  dans  le  golfe  Persique,  et  s'empara  de 
tous  les  établissemens  anglais  dans  l'île  de  Sumatra  : 
mais  pris  une  seconde,  il  fut  envoyé  en  Angleterre, 
et  jeté  dans  un  cachot  à  Portsmouth.  En  1763,  il 
fut  fait  lieutenant-général  des  armées  navales  y'tîhe- 
vaîier  des  ordres  du  roi  et  gouverneur  de  Saint-Do- 
mingue, en  1764,  jusqu'en  1766.  La  France,  en 
1778 ,  ayant  envoyé  des  forces  de  terre  et  de  mer  au 
secours  de  la  nouvelle  Angleterre,  il  y  commanda 
une  escadre  de  douze  vaisseaux ,  et  prit  l'île  de  la 
Grenade,  après  avoir  échoué  devant  celle  de  Sainte-'" 
Lucie.  Blessé  deux  fois  au  siège  de  Savanah ,  qu'il 
manqua  de  prendre  par  un  délai  de  vingt-quatre 
heures  imprudemment  accordé  à  l'ennemi,  il  fut 
contraint  de  repasser  en  France,  en  1780.  L'année 
suivante  il  eut  le  commandement  d'une  flotte  qu'il 
ramena  heureusement  de  Cadix  à /Brest,  et  il  était 

24. 


toTtr 


3n'2  iiisTorRi:  de  iôura.ine. 

encore  à  la  tête  des  flottes  combinées  de  France  et 
d'Espagne,  lorsque  la  paix  se  fît  en  1783,  entre  la 
France  et  l'Angleterre. 

La  mort  du  duc  de  Clioiseul ,  en  17 85,  lui  pro- 
cura le  gouveaBnent  de  Touraine,  où,  comme  son 
prédécesseur ,  il  avait  ses  principales  possessions.  Ce 
fut  à  ce  titre,  qu'en  1787,  il  fut  nommé  à  l'assem- 
blée des  notables.  Dans  les  crises  de  la  révolution  il 
crut  pouvoir  ménager  les  deux  partis  ,  et  se  rendit 
suspect  a  la  cour,  comme  il  le  fut  ensuite  aux  comi- 
tés de  la  Convention,  qui  le  firent  périr  sous  la  hache 
révolutionnaire,  le  29  avril  1793  ,  à  l'âge  de  soixante- 
cinq  ans.  Il  était  né  en  1729,  de  Charles-François 
d'Estaing,  marquis  de  Saillans  ,  et  de  Marie-Henriette, 
fille  de  François-Edouard  Colbert,  marquis  de  Man- 
ié vrier. 

En  1746,  il  avait  épousé  Marie  de  Rousselet  de 
Château-Regnault ,  fille  du  maréchal  de  ce  nom ,  de 
laquelle  il  eut,  en  1768,  un  fils  mort  à  l'âge  de  dix 
ans ,  en  qui  s'éteignit  la  famille  d'Estaing  qui  datait 
au  moins  du  douzième  siècle. 

Il  portait  de  France  au  chef  d'or.  On  rapporte  à 
ce  sujet,  qu'un  d'Estaing  combattant,  en  12 14,  à  la 
bataille  de  Bovines  auprès  de  Philippe-Auguste,  et 
lui  ayant  sauvé  la  vie,  obtint  de  ce  monarque  le  pri- 
vilège de  porter  sur  son  écu  les  armes  de  France. 
,  Le  comte  d'Estaing  aimait  et  cultivait  les  lettres. 
11  est  auteur  d'un  petit  poëme  intitulé  le  Rêve., 
Paris ,  1755,  in-i  2 ,  et  des  Thermopjles,  tragédie  de 


GOUVERJSEURS.  373 

circonstance ,  Paris,  1792,  in-8.  Il  fut  le  dernier  des 
gouverneurs  de  Tourainc,  dont  les  fonctions  et  le 
titre  furent  abolis  en  1790. 

s  ni- 

LTEUTENAKS- GÉNÉRAUX    DU    ROI    AU    GOUVERNEMENT 
DE    TOUR  UNE. 

Les  lieutenans -généraux  ,  avant  que  François  V^ 
eût  institué  des  gouverneurs  ,  avaient  dans  les  pro- 
vinces le  même  emploi  et  la  même  autorité  que  ceux- 
ci  eurent  depuis.  Ils  étaient  chargés  de  maintenir  les 
sujets  dans  l'obéissance  due  au  souverain,  de  rassem- 
bler la  noblesse  en  cas  de  guerre,  en  un  mot,  de 
faire  tout  ce  qu'eût  fait  le  monarque  lui-même ,  s'il  eût 
été  présent.  Cependant  leurs  fonctions  embrassaient 
plus  particulièrement  tout  ce  qui  concernait  les 
armes;  ils  avaient  en  conséquence  la  direction  des 
gens  de  guerre  dans  leur  département  qui ,  par  rap- 
port à  nous,  ne  se  bornait  pas  toujours  à  la  ïouraine, 
mais  qui  souvent  comprenait  aussi  l'Anjou ,  le  MaiiTè, 
le  PoTOu,  l'Aunis,  et  quelquefois  aussi  le  Limousin 
et  la  Saintonge. 

Dans  le  principe,  la  commission  qu'ils  recevaient 
du  roi  n'était  que  pour  une  année.  Lorsqu'elle  était 
expirée,  il  leur  fallait  de  nouvelles  lettres  s'ils  n'é- 
taient pas  remplacés.  Par  la  suite  la  durée  de  leurs 
fonctions  fut  indéterminée. 

Louis  de  Bourbon  et  François ,  son  fils ,  tous  les 


3^4  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

deux  princes  du  sang,  avaient  eu  sous  Charles  IX  le 
gouvernement  de  la  Touraino  :  mais  étant  obligés 
d'être  presque  toujours  à  la  cour,  il  s'attribuèrent  le 
droit  de  se  choisir  des  lieutenans  pour  les  remplacer 
pendant  leur  absence,  ce  qui  mit  le  roi  dans  la  né- 
cessité d'y  établir  aussi  un  lieutenant  de  sa  part ,  afin 
de  balancer  l'autorité  du  gouverneur,  et  c'est  pour 
cela  qu'il  prii  le  titre  de  lieutenant-général  du  roi. 
Cette  double  autorité  ayant  beaucoup  plus  d'incon- 
vénient que  d'avantage  ,  on  ota  bientôt  aux  gouver- 
neurs le  droit  usurpé  de  nommer  leurs  lieutenans  ,  et 
les  rois  se  le  réservèrent  à  eux  seuls. 

Guy,  septième  du  nom,  comte  de  Forêt,  est  le 
premier  que  nous  trouvions  avoir  été  revêtu ,  en 
i347  1  ^"  ^^^^'^  ^^  lieutenant-général  du  roi  es  par- 
ties de  Poictou ,  Sainctonge ,  Touraine ,  Limousin 
et  autres  pays  circouvoisins.  11  était  fils  aîné  de 
Jean ,  comte  de  Forêt.  Il  épousa  Jeanne  ,  fille  de 
Louis  1",  duc  de  Bourbon  et  de  Clermont ,  surnommé 
le  Grand,  et  de  Marie  de  Hainaut.  De  cette  alliance 
sortit  Jeanne  de  Forêt,  dame  d'Ussel,  femme  de 
Béraud  II,  comte  de  Clermont  et  dauphi©  d'Au- 
vergne. '0 

Saintré  (Jean  de),  connu  dans  l'histoire  sous  le 
nom  du  Petit  Jehan  de  Saintré,  chambellan  du  roi 
Jean  ,  sénéchal  d'Anjou  et  du  Maine,  fut  établi,  vers 
l'an  i35i,  lieutenant -général  du  roi  dans  les  pro- 
vinces de  Touraine,  Poitou,  et  autres  lieux  circon- 
voisins.  Il  était  né  en  Touraine  et  fut  amené  à  la  cour 
de  Philippe  de  Valois,  à  l'âge  de  treize  ans,  par  le 


GOUVERNEURS.  '^']0 

seigneur  de  Pouiliy ,  son  parent.  Ce  fut  un  des  plus 
vaillans  chevaliers  de  sou  temps  ;  il  resta  toute  sa 
vie  incommodé  des  blessures  qu'il  avait  reçues,  en 
i356  ,  à  la  bataille  de  Poitiers,  et  mourut  au  Pont- 
Saint-Esprit  sur  le  Rlione  ,  le  i3  octobre  i368,  âgé 
de  cinquante-cinq  ans.  (  P  oj:  son  article  dans  notre 
Biographie,  toineiv.) 

Clermont  (  Jean  de  )  ,  dit  de  Nesle,  chevalier ,  sei- 
gneur de  Chantilly,  vicomte  d'Aunay,  maréchal  de 
France,  fit  les  fonctions  de  lieutenant-général  de 
Touraine,  au  mois  de  mai  t356,  visita  les  fortifica- 
tions de  la  ville  et  du  château  de  Tours,  accompagné 
des  principaux  de  la  noblesse  de  la  province  qui 
étaient  venus  pour  le  compHmenter  ,  et  y  ordonna 
quelques  ouvrages  :  mais  il  fut  tué  quatre  mois  après 
la  bataille  de  Poitiers. 

Fioissard  rapporte  que  la  veille  du  combat ,  pen- 
dant une  suspension  d'armes,  il  eut  un  démêlé  avec 
Jean  Chandos,  l'un  des  plus  vaillans  chevaliers  d'An- 
gleterre ,  et  il  en  décrit  ainsi  le  sujet.  Pendant  la 
suspension  d'armes  obtenue  par  l'entremise  du  car- 
dinal de  Périgord  qui  voulait  faire  la  paix  entre  les 
deux  couronnes,  Chandos  vint  visiter  le  camp  fran- 
çais. Clermont  de  son  coté  voulut  aller  voir  celui  des 
Anglais ,  où  il  remarqua  que  la  bannière  de  Chandos 
portait  sa  devise,  c'est-à-dire  u/ie  dame  bleue  ou- 
vrée de  bordures  à  rais  de  soleil.  Il  s'arrêta  devant 
Chandos,  et  lui  demanda  fièrement  depuis  quand  il 
portait  sa  devise.  L'Anglais  lui  répondit  sur  le  même 
ton  :  Depuis  quand  portez-vous  la  mienne?  car  elle 


376  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

€sl  aussi  bien  à  moi  qu'à  vous.  Clermont  repartit  : 
Je  >vous  ferai  voir  demain  que  vous  n'avez  pas  droit 
de  la  prendre.  Et  vous  me  trouverez  prêt  à  la 
défendre,  répliqua  Chandos.  Clermont  ajouta  en 
en  se  retirant ,  que  c'étaient  là  les  manières  ordi^ 
naires  des  Anglais,  qui  prennent  des  Français  ce  qui 
leur  semble  beau,  sans  rien  inventer  d'eux-mêmes. 
Ces  paroles  furent  cause  de  sa  mort;  car  le  lende- 
main, jour  de  la, bataille,  son  cheval  ayant  été  tué 
sous  lui ,  les  Anglais  ne  voulurent  pas  le  recevoir  à 
rançon,  et  lui  ôtèrent  la  vie,  pour  se  venger  de  ce 
qu'il  avait  dit  de  leur  nation. 

Il  avait  été  lieutenant  du  roi  en  Picardie,  eu 
i,353,\avant  que  de  l'être  en  Touraine.  Il  était  le 
I  ,  r:  Second  fil^de  Raoul  de  Clermont ,  seigneur  de  Mon- 
«^j^^*  gobert,  etficïë  Jeanne  de  Chambly.  Son  épouse,  Mar- 
guerite de  Mortagne ,  vicomtesse  d'Aunay  ,  le  fit  pcre 
de  Jean  de  Clermont,  marié  à  Claire  de  Lezay  de 
Boëslec. 

Louis ,  (ils  de  France ,  comte  d'Anjou  et  du  Maine, 

et  depuis  duc  de  Touraine,  second  fils  du  roi  Jean 

et  de  Bonne  de  Luxembourg,  succéda,  en  i356,  à 

M  Jean   de  Clermont  dans  la  lieutenance- générale  de 

;'  Touraine,  dont  il  fut  pourvu  par  Charles,   duc  de 

Normandie  ,  son  frère  aîné,  qui  prit  le  gouvernement 

&t^^        du  royaume  pendant  lu  prison  du  roi,  son  père.  On 

HB        trouve  dans  les  archives  de  la  maison -de- ville  de 

W^     ^  Tours,  qu'il  ordonna  divers  ouvrages  pour  la  défense 

de  cette  ville,  dont  il  donna  ses  lettres  le  mercredi 

avant  la  Toussaint  de  l'an  1359. 


V 


GOUVERNEURS.  377 

,  Craon  (  Guillaume  de  )  surnommé  le  Grand ,  vi- 
comte de  ClKiteaiidiin ,  chambellan  de  Philippe  de 
Valois  et  du  roi  Jean ,  remplaça  le  duc  d'Anjou  vers 
la  fin  de  l'année  i357,  et  tut  nommé  lieutenant-gé- 
néral des  parties  de  ïouraine ,  d'Anjou,  du  Maine 
et  de  Bretagne.  Il  porta  depuis  le  titre  de  lieutenant 
de  M.  le  duc  de  Normandie,  dauphin  de  Viennois 
pour  ces  mêmes  provinces. 

C'était  le  troisième  fils  d'Amaury  de  Craon ,  troi- 
sième du  nom ,  dernier  sénéchal  héréditaire  de  Tou- 
raine,  et  d'Isabeau  de  Sainte-Maure.  Il  épousa  Mar- 
gueiite  de  Flandre  ,  vicomtesse  de  Châteaudun  ,  dont 
il  eut  sept  enfans.  Il  mourut  vers  i384. 

Larchevêquc  (Guillaume),  seigneur  de  Parthenay, 
de  Semblançay  ,  de  Saint-Christophe,  de  Bezay  et  des 
Ponts < de-ïours  ;  lieutenant- général  pour  le  roi  ès- 
parties  de  Touraine,  Poitou  et  Saintonge ,  entre  les 
rivières  de  Loire  et  de  Charente,  par  nomination  du 
mois  de  décembre  i358. 

Il  était  fils  unique  de  Jean  Larchevêquc,  premier 
du  nom ,  seigneur  de  Semblançay ,  et  avait  épousé 
Jeanne  de  Mathefelon. 

Boucicaut  (Jean  Le  Meingre  de  ),  premier  du  nom, 
maréchal  de  France,  donna,  le  lo  février  i36i ,  ses 
lettres  en  qualité  de  lieutenant-général  du  roi  en 
Touraiué,  par  lesquelles  il  accorda  aux  habitans  (Je 
la  ville  de  Tours  un  certain  droit  de  péage  pour  h  s 
mettre  à  même  de  faire  face  à  une  sonnne-de  dix-» 
huit   mille  moutons   d'or   qu'ils  étaient   obligés    de 


378  ÏILSTOIIIE    DE    TOUR  AIR  E. 

payer  (i)  à  la  ciiarge  qu'il  eu  serait  enipioyë  quatre 
mille  à  la  clôture  et  fortillcations  de  la  ville.  Il  y  a  un 
autre  titre  de  l'an  iSôy,  où  il  prend  seulement  la 
qualité  de  capitaine  pour  le  roi  es-parties  de  Poitou, 
deTouraine,  Limousin  et  autres  pays  circoiivoisins. 

Nous  parierons  plus  amplement  de  lui  dans  notre 
biographie. 

Bueil  (Jean  de),  seigneur  de  Montrésor,  conseil- 
ler et  chambellan  du  roi,  grand -maître  des  arbalé- 
triers de  France.  Il  fut  envoyé,  l'an  iSôg,  en  qualité 
de  lieutenant-général ,  pour  commander  les  gens  de 
guerre  en  Touraine ,  Anjou  et  Poitou.  Froissard  dit 
qu'ils  se  montaient  à  vingt  mille  combattans,  dont 
Jean  de  Bueil  était  capitaine  avec  Louis  de  Saint- 
Julien  et  Guillaume  Des  Bordes.  Saint  -  Julien  était 
capitaine  et  gouverneur  de  La  Roche-Pozay,  et  Des 
Bordes  l'était  de  La  Haye.  De  Bueil  et  Duguesclin 
chassèrent,  en  loGg  ,  les  Anglais  qui  occupaient  ces 
différentes  places ,  ainsi  que  le  château  de  Preuilly. 

Il  avait  épousé  Marguerite  de  Clermont,  dame  de 
Marmande ,  dauphine  d'Auvergne,  dont  il  eut  Jean, 
sire  de  Bueil,  qui  fut  amiral  de  France. 

Monberon  (Jacques  de),  seigneur  d'Avoir,  con- 
seiller et  chambellan  du  roi ,  fils  de  Robert  et  d'Yo- 
lande de  Mathas ,  était  un  des  plus  zélés  partisans 
du  duc  de  Bourgogne.  Il  fut  nommé,  vers  la  fin  de 


(i)  Le  mouton  d'oi-  fin,  de  5i  au  marc,  pesait  'î  deniers  6  grains,  et 
valait  2  5  sous  d'alors,  ou  a 4  fr.  5o  cent,  d'aujomd'liui. 


GOUVERNEURS.  879 

i4i6,  lieulenant-géneral  pour  le  roi  eu  ïouraine, 
où  il  fit,  en  il[iS,  quelques réglemeiis  clans  lesquels  il 
s'intitule  lieutenant-général  pour  le  roi  ès-parties  de 
ïouraine,  d'Anjou,  du  Maine,  de  Poitou,  Saintonge 
et  La  Rochelle.  On  voit  aux  archives  de  Tours  une 
lettre  de  Jean  II,  duc  de  Bourgogne ,  dont  l'adresse 
est  â  notre  cher  et  hien-aimé  cousin^  le  sieur  Mon- 
beron ,  maréchal  de  France  et  gouuerneur  de  Ïou- 
raine :  mais  dans  tous  les  autres  actes  il  est^seule- 
ment  qualifié  de  lieutenant-général. 

Il  fut  fait  maréchal  de  France  à  la  place  de  Pierre 
de  Rieux,  seigneur  de  Rochefort,  qui  avait  suivi  le 
parti  du  dauphin  Charles,  régent  du  royaume  pen- 
dant la  maladie  de-  Charles  VI ,  son  père ,  et  qui  fut 
destitué  le  22  janvier  i4''iï. 

De  sa  première  femme  Marie ;,  fille  de  Renaud  de 
Maulévrier ,  et  de  Béatrix  de  Craon  ,  il  eut  deux 
enfans,  savoir  :  François,  haron  de  Monheron ,  et 
Yoland,  femme  de  Michel-Juvénal  des  Ursins.  Sa 
seconde  femme  fut  Marguerite,  comtesse  de  Ton- 
nerre. 

Nous  sommes  fondé  à  croire  qu'entre  Jean  de 
Bueil  et  lui  il  existe  une  lacune  que  toutes  nos  re- 
cherches n'ont  pu  nous  mettre  à  même  de  remphr; 
car,  comme  nous  l'avons  dit,  ces  sortes  de  commis- 
sions n'étant  que  pour  un  an ,  sauf  renouvellement , 
il  ne  doit  pas  paraître  probable  qu'il  n'y  ait  eu  aucun 
autre  lieutenant -général  dans/ un  espace  de  plus  de 
quarante  ans,  c'est  à-dire  depuis  iSÔg,  époque  de  la 
nomination  de  Jean  de  Bueil,jusqu'à celui-ci,  en  i4i6. 


38o  HISTOIRE  DE  TOURAINK. 

Harcourt  (Jean  ci'  ).  comte  d'Aumale  et  de  Mor- 
tain ,  seigneur  d'Anvers  et  de  Quatre-Mare ,  né  en 
1396 ,  lieutenant  et  capitaine-général  de  Normandie, 
capitaine  de  la  ville  et  château  de  Rouen ,  ainsi  que 
de  la  forteresse  de  Sainte-Catherine-du-Mont,  par 
provisions  du  il[  avril  1/117,  fut  nommé  lieutenant- 
général  pour  le  roi ,  dans  les  provinces  de  ïouraine , 
d'Anjou  et  du  Maine,  et  il  y  en  exerça  les  fonctions 
en  1422  et  i4?3.  Il  défît  les  Anglais  sur  les  fron- 
tières du  Maine  et  de  la  Bretagne ,  vers  le  commen- 
cement de  14^4)  tandis  qu'ils  s'en  retournaient  char- 
gés de  butin,  et  emmenaient  avec  eux  beaucoup  de 
prisonniers.  Il  leur  tua  quatorze  cents  hommes  sur 
la  place,  et  plus  de  trois  cents  dans  leur  retraite,, 
leur  reprit  tout  leur  butin ,  et  fit  prisonnier  leur  chef 
Alexandre,  frère  du  comte  de  Suffolk.  Il  fut  tué  le 
J'y  août  de  la  même  année,  à  la  bataille  de  Verneuil- 
au-Perche.  Il  était  fds  de  Jean  VII,  comte  d'Har- 
court  et  d'Aumale ,  et  de  Marie  d'Alençon. 

Il  avait  épousé  Marguerite  de  Preullay,  vicomtesse 
de  Dreux.  On  assure  cependant  qu'elle  ne  fut  point 
sa  femme,  et  que  leur  fils,  Louis  d'Harcourt,  arche- 
vêque de  Narbonne ,  fut  légitimé  par  lettres  du  roi 
données  à  Ruffec,  au  mois  d'avril  jâl\i. 

Orléans  (  François  d'),  premier  du  nom ,  comte  de 
Dunois  et  de  Longueville,  grand -chambellan  de 
France,  gouverneur  du  dauphin  de  Viennois,  fils  de 
Louis  XI. 

On  ne  voit  point  qu'après  la  mort  de  Jean  d'Har- 
court, il  ait  été  nommé  d'autres  lieutenans-généraux 


GOUVKRNr.URS.  38 1 

pour  le  roi ,  jusqu'à  celui-ci ,  qui  en  eut  les  provisions 
pour  les  pays  deïouraine,  Anjou,  Maine  et  Poitou, 
par  lettres  patentes  du  grand-sceau,  données  à  Paris, 
par  Louis  XI,  le  29.  avril  if\']/\.  Sa  commission  expi- 
rant, il  en  reçut  une  nouvelle,  également  pour  un 
an,  datée  du  Plessis,  le  ai  janvier  i^'jS. 

Il  était  né  de  Jean  d'Orléans,  comte  de  Dunois  et 
de  Longueville,  connu  dans  l'histoire  sous  le  nom 
de  bâtard  d'Orléans.  Il  épousa  Agnès  de  Savoie, 
sœur  de  la  reine  Charlotte,  femme  de  Louis  XI,  dont 
il  eut  François  II,  duc  deLopgucville. 

Beaumont  (Jacques  de),  seigneur  de  Bressuire, 
de  La  Haye,  de  Lamothe  Saint-Héraye ,  de  Beaumont- 
la-Ronce,  de  Lezay,  clc. ,  capitaine  de  cent  arque- 
busiers, sénéchal  de  Poitou  et  d'Angoumois,  et 
chambellan  du  roi  Louis  XI,  qui  le  choisit,  en  i479> 
pour  commander  ses  troupes  dans  les  provinces  de 
Touraine  et  d'Anjou,  avec  le  titre  de  lieutenant- 
général.  Il  était  fils  d'André  de  Beaumont,  seigneur 
de  Lezay,  et  de  Jeanne  deTorsay.  Sa  femme,  Jeanne 
de  Rochechouart-Mortemar,  ne  lui  donna  que  trois 
filles. 

On  remarque  encore  ici  une  interruption  dans  les 
lieutenans-généraux.  Il  est  probable  qu'il  n'en  fut 
point  nommé  sous  Charles  VIII,  Louis  XII  et  Fran- 
çois I"  :  du  moins  n'en  trouve-t-on  aucunes  traces. 

Champagne  (Jean  de),  sire  de  Pescheseul,  Parce, 
Avoisé,  Ravaudun,  Vallon,  Clervaux ,  Bailleul,  le 
Plcssis-Fourmantière,  le  Plessis-Tacé,  Crénon ,  la 
Réaulté,   Martigny,  Beaumont,  Duretal,  Lézigné, 


38a   '  HISTOIRE    DE    TOUR  AINE.      * 

Saint-Bernard,  Magne,  Béni,  Longcharaps,  Briant, 
Bessé  et  la  Vauvrille,  premier  baron  du  Maine,  che- 
valier de  l'ordre  du  roi ,  gentilhomme  ordinaire  de 
sa  chambre,  capitaine  de  cent  hommes  d'armes  de  ses 
ordonnances,  fut  créé,  en  i542,  par  le  roi  Henri  II, 
lieutenant-général  des  provinces  deTouraine,  d'An- 
jou et  du  Maine.  11  était  connu  sous  le  nom  de 
Grand-Jean ,  à  cause  de  sa  taille  élevée.  Sa  haine 
contre  les  protestans  dégénérant  en  cruauté  réflé- 
chie ,  il  en  fît  noyer  un  grand  nombre  dans  le  vivier 
de  sa  terre  de  Pescheseul ,  qu'il  appelait  le  grand 
Gobelet.  Son  fanatisme  allait  si  loin  que  peu  s'en 
fallut,  dit-on,  qu'il  ne  fît  subir  le  même  sort  à  sa 
femme,  sur  le  simple  soupçon  qu'elle  inclinait  vers  la 
réforme.  Il  sauva  la  vie  à  Charles  IX,  qui  avait  pensé 
périr  dans  la  Sarthe ,  en  1 5^  i ,  et  mourut  à  Pescheseul 
le  3  juillet  1576. 

Il  était  fils  de  Pierre  III ,  sire  de  Champagne ,  et 
d'Anne  de  Fourmantière.  Sa  femme ,  anne  de  Laval , 
lui  donna  deux  fils  et  deux  filles. 

Brichanteau  (Nicolas  de  )  ,  seigneur  de  Beauvais  et 
de  Nangis ,  chevalier  des  ordres  du  roi ,  et  capitaine  de 
cinquante  hommes  d'armes  de  ses  ordonnances.  Ce 
fut  le  duc  de  Montpensier,  gouverneur  en  chef  de  la 
Touraine,  qui  l'en  créa  lieutenant-général  en  i562. 
Il  fît  preuve  de  beaucoup  de  bravoure  à  la  bataille 
de  Dreux,  oîi  il  reçut  plusieurs  blessures  graves,  des 
suites  desquelles  il  mourut  dans  son  château  de 
Nangis ,  en  i564j  laissant  de  sa  femme  Jeanne  Da- 
guerre,  Antoine  de  Brichanteau,  marquis  de  Nangis, 


'iip 


GOUVERNEURS.  383 

grând-aiTiîral  de  France,  mort  en  1617.  Il  était  fils 
de  Louis  de  Brichanteau  et  de  Marie  de  Veres. 

Chabot  (Paul  de),  seigneur  de  Glairvaux,  cheva- 
lier de  l'ordre  du  roi ,  capitaine  de  cinquante  hommes 
d'armes  de  ses  ordonnances.  11  fut  lieutenant-général 
de  Toiiraine ,  également  par  nominalion  ,  en  i563, 
de  Louis,  duc  de  Montpensier.  Quoiqu'il  prît  le 
ûtre  de  lieutenant -général  du  roi,  en  la  ville  de 
Tours  et  pays  de  Touraine,  en  l'absence  de  moaséï» 
gneur  le  duc  de  Montpensier ,  il  n'en  est  pas  moins 
vrai  qu'il  n'était  que  l'un  de  ces  lieutenans  que  les 
gouverneurs  se  choisissaient  eux-mêmes..  Celui  qui 
précède  était  dans  le  même  cas.  On  trouve  nne  or- 
donnance de  Paul  de  Chabot,  du  21  août  i563, 
interprétative  d'un  règlement  fait  la  veille  par  le  duc 
de  Montpensier  pour  la  police  de  la  ville  de  Tours. 

11  était  fils  de  Robert  de  Chabot ,  seigneur  d*As- 
premoat,  et  d'Antoinette  d'illiers.  Il  avait  épousé 
Jacqueline,  fîUe  de  Jacques  de  Montigny,  de  laquelle 
il  n'eut  point  d'enfans.  « 

Le  Roi  (  François  ) .  comte  de  Clinchamp  ,  sei- 
gneur de  Chavigny  et  de  La  Baussonnière,  capitaine 
de  cinquante  hommes  d'armes,  des  ordonnances  et  de 
cent  gentilshommes  de  la  maison  du  roi ,  fut  créé 
chevalier  de  ses  ordres,  le  3i  décembre  15^8,  et 
pourvu  de  la  charge  de  lieutenant -général  des  pro- 
vinces d'Anjou,  de  Touraine  et  du  Maine,  par  la 
faveur  du  duc  de  Guise,  et  pour  partager  l'autorité 
du  duc  de  Montpensier ,  gouverneur  en  chef.  Il  reste 
plusieurs  réglemens  qu'il  fit  à  Tours  pour  la  disci- 


r 


384  HISTOIRE  DE  TOUR  AINE. 

pline  militaire ,  pour  la  garde  et  la  défense  de  la  ville , 
pendant  les  années  i56i,  i563,  i564  et  i565,  ce 
qui  prouve  qu'il  exerçait  concurremment  avec  les 
deux  précédens.  Le  roi  le  nomma  depuis  gouver- 
neur du  château  de  Cliinon. 

Ce  fut  en  sa  faveur  que  la  terre  de  Clinchamp 
fut  érigée  en  comté  par  lettres  patentes  du  mois  de 
décembre  i565.  Il  mourut  aveugle,  le  i8  février 
1606,  âgé  de  quatre-vingt-sept  ans,  ne  laissant 
point  d'enfans  de  ses  deux  femmes  Antoinette  de 
ïurenne ,  et  Renée  d'Avaugour  ,  dite  de  Bretagne. 
Son  père  était  Louis  Le  Roi,  seigneur  de  Chavigny, 
capitaine  des  gardes  du  roi. 

Tripier  (Innocent),  seigneur  de  Monterud  et  de 
Pleumartin  ,  chevalier  de  l'ordre  du  roi ,  gouverneur 
et  lieutenant -général  des  pays  et  duchés  d'Orléans 
et  d'Etampes,  et  aux  pays  de  Touraine,  Maine,  comtés 
de  Laval,  grand  et  petit  Perche,  Blois,  Dunois, 
bailliages  d'Amboise  et  de  Loudunois  pour  le  prince 
dauphin,  ^près  lui  les  lieutenans-généraux  au  gou- 
"vernement  de  Touraine  furent  nommés  indépendam- 
ment et  sans  le  concours  du  gouverneur  en  chef. 

Prie  (René  de),  baron  de  Toucy,  seigneur  de 
Monpépon ,  chevalier  des  ordres  du  roi ,  conseiller 
en  son  conseil  privé,  capitaine  de  cinquante  hommes 
d'armes,  lieutenant  -  général  aux  pays  et  duché  de 
Touraine,  depuis  i568  jusqu'à  i^'j'j. 

C'est  un  des  hommes  qui  aient  le  mieux  mérité  de 
la  province  par  sa  conduite  pleine  de  sagesse  et  de 
modération ,  pendant  les  guerres  intestines  suscitées 


GOUVERNEURS.  385 

par  la  différence  des  opinions  religieuses.  Après  les 
déplorables  excès  auxquels  les  deux  partis  s  étaient 
portés  en  Touraine,  il  sut  si  bien  se  concilier  l'es- 
time et  Taffection  de  Tun  et  de  l'autre  qu'il  eut  le 
talent,  sinon  de  les  réunir,  ce  qui  était  impossible, 
du  moins  de  les  maintenir  en  paix  et  de  les  empêcher 
de  faire  aucune  entreprise  de  la  nature  de  celles  qui 
avaient  déjà  fait  répandre  tant  de  sang.  Ce  fut  sur- 
tout dans  l'horrible  journée  de  Saint-Earthélemi  que 
la  province  recueillit  le  fruit  de  sa  prudence  et  de 
son  humanité.  La  Touraine  resta  calme  et  dut  se 
trouver  heureuse  de  n'avoir  pas  un  gouverneur  du 
caractère  de  Jean  de  Champagne,  car  à  coup  sûr 
des  flots  de  sang  auraient  inondé  cette  province,  ou 
les  protestans  étaient  en  grand  nombre.  Nous  avons 
déjà  rendu  hommage  à  la  noble  résistance  qu'il 
opposa  à  des  ordres  sanguinaires. 

Il  était  fils  d'Edme  de  Prie ,  baron  de  Toucy ,  et 
de  Charlotte  de  Rochefort-Pleuvant,  et  avait  épousé, 
le  19  novembre  iSoq,  Jossine  de  La  Selle,  fille  d'An- 
toine ,  seigneur  de  Beusville. 

Dubois  (Louis),  seigneur  desArpentis,  fut  pourvu 
de  la  charge  de  lieutenant-général  au  gouvernement 
de  Touraine,  par  lettres  patentes  du  roi  Henri  III, 
du  mois  de  novembre  1577,  vérifiées  au  parlement, 
le  17  janvier  1578.  Il  fut  depuis  nommé  au  gouver- 
nement en  chef  la  Province,  ainsi  qu'on  l'a  vu  au 
paragraphe  précédent,  auquel  nous  renvoyons. 

La  Châtre  (Claude  de),  chevalier,  baron   de  la 
Maison-Fort,  chevalier  des  ordres  du  roi ,  capitaine 
3.  25 


386  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

de  cent  hommes  de  ses  ordonnances  et  gentilhomme 
ordinaire  de  sa  chambre,  fut  d'abord  page  du  con- 
nétable de  Montmorenci,  qui  contribua  beaucoup  à 
son  avancement  pendant  ses  premières  campagnes. 
S'étant  ensuite  attache  au  duc  de  Guise,  il  se  jeta 
dans  le  parti  de  la  Ligue,  pour  lequel  il  s'empara  du 
Berri,  ce  qui  lui  valut  d'être  nommé  par  ce  même 
parti  maréchal  de  France,  en  i585.  Il  avait  été 
nommé  lieutenant-général  ail  gouvernement  de  Tou- 
raine  et  des  villes  d'Amboise,  Loches,  Châtillon- 
sur-Indre,  Buzançais,  Loudun  et  pays  Loudunois. 
Ce  fut  lui  qui ,  eii  i  Sg  i  ,  facilita  l'évasion  du  prince 
de  Joinviile  ,  détenu  au  château  de  Tours. 

S'étant  réconcilié  avec  Henri  IV ,  il  lui  remit  les 
villes  d'Orléans  et  de  Bourges,  et  fut  confirmé  par 
lui  dans  la  charge  de  maréchal  de  Ft-ance.  Il  fit  les 
fonctions  de  connétable  de  France,  aU  sacre  de 
Louis  XIII ,  qui  lui  donna ,  la  même  année ,  le  com- 
mandement de  l'armée  qu'il  envoyait  dans  le  pays  de 
Juliers.  Il  mourut  le  i8  décembre  i6i4j  âgé  de 
soixante-dix-huit  ans. 

Il  était  fils  aîné  de  Claude  de  La  Châtre ,  baron  de 
la  Maison-Fort,  et  de  Catherine  de  Menou,  fille  de 
Jean  de  Menou.  De  Jeanne  Chabot,  son  épouse,  il 
eut  Louis  de  La  Châtre,  comme  lui  maréchal  de 
France. 

Ruzé  (Henri  d'Effiat,  dit)  ,  marquis  de  Cinq-Mars, 
grand-écuyer  de  France,  né  en  1612.  Son  père, 
ayant  été  nommé  gouverneur  de  Touraine,  lui  fit 
obtenir,  en    1628,  quoique  âgé  seulement  de  seize 


GOUVERNEURS.  387 

ans ,  les  provisions  de  lieutenant-général  pour  le 
roi,  clans  la  même  province.  Il  en  exerça  les  fonc- 
tions jusqu'en  i632,  époque  où  il  s'en  démit  en 
faveur  du  marquis  de  Ruffec. 

C'était  le  second  fils  du  maréchal  d'Effîat ,  dont 
nous  avons  parlé  à  l'article  des  gouverneurs ,  et  de 
Marie  de  Fourcy.  Par  la  faveur  du  cardinal  de  Riche- 
lieu, il  fut  nommé  capitaine  des  gardes  et  grand- 
maître  de  la  garde-robe,  en  j  537  '  P"*^  grand-écuyer 
de  France,  en  lôSg.  Le  grand  crédit  dont  il  jouis- 
sait auprès  de  Louis  XIII  ayant  donné  de  l'ombrage 
au  cardinal,  celui-ci  le  traita  fort  durement,  et  lui 
défendit  de  se  trouver  dorénavant ,  en  tiers ,  dans  les 
conseils  secrets  du  roi.  Le  cardinal  cependant  allait 
être  disgracié  lorsqu'il  découvrit  le  traité  que  Gaston 
d'Orléans,  le  duc  de  Bouillon  et  Cinq-Mars  avaient 
fait  avec  l'Espagne.  Il  en  donna  avis  au  roi,  et  Cinq- 
Mars  eut  la  tête  tranchée  à  Lyon,  le  12  septembre 
1642.  (  Voj.  notre  Biographie,  tome  iv.)  Il  n'avait 
pas  été  marié. 

Aubépine  (  François  de  1'  ),  chevalier,  seigneur  de 
Haute-Rive,  marquis  de Ruffec ,  maréchal  des  camps 
et  armées  du  roi,  colonel  d'un  régiment  d'infanterie 
française  entretenu  en  Hollande,  frère  de  Charles 
de  l'Aubépine ,  marquis  de  Château-Neuf,  gouver- 
neur de  Touraine,  en  i632  et  i645  ,  fut  nommé 
lieutenant -général  de  cette  province,  par  lettres  du 
2 '2  juin  i632  ,  et  prêta  serment  entre  les  mains  du 
roi ,  le  21  juillet  suivant  :  mais  son  frère  ayant  été 
arrêté,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  précédemment,  il 

25. 


y 


f 


^m: 


388  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

se  retira  à  Sedan ,  et  de  là  à  Leyde  ,  où  il  entra  au 
service  du  prince  d'Orange.  Il  passa  seul  le  fossé  à 
Bréda ,  et  contribua  pour  beaucoup  à  la  prise  de 
cette  ville,  dont  il  fut  établi  gouverneur.  Il  mourut 
à  Paris,  le  i'^  mars  1670,  âgé  de  quatre-vingt-quatre 
ans.  Il  avait  épousé,  le  17  novembre  1637 ,  Eléonore 
de  Yolvire  ,  marquise  de  Ruffec,  fille  unique  de  Phi- 
lippe de  Vol  vire,  marquis  de  Ruffec,  et  d'Aymerie 
de  Rochecbouart  -  Mortemar,  dont  il  eut  deux  gar- 
çons et  deux  filles. 

Gassion  (Jean  de)  avait  déjà  acquis  une  grande 
réputation  militaire,  lorsqu'il  obtint  la  charge  de 
lieutenant-général  au  gouvernement  de  Touraine, 
par  lettres  de  Louis  XIII,  du  4  septembre  i64o, 
dont  il  prêta  serment  de  fidélité  entre  les  mains  du 
roi,  le  6  mars  164 1.  Nommé  maréchal  de  France, 
le  17  novembre  i643,  il  reçut  un  brevet  du  roi, 
qui  lui  ,  ?rmeltait  de  traiter  de  l'emploi  de  lieutc- 
iiant-gcnéral ,  dont  il  se  démit,  en  1644?  en  faveur 
du  marquis  d'Hervaut. 

Gassion  ,  l'un  des  plus  grands  capitaines  de  son 
tem'J)»,  commença  à  servir  dès  l'âge  de  seize  ans, 
dans  la  compagnie  des  gendarmes  du  prince  de  Pié- 
mont, suivit  le  parti  du  duc  deRohan,dans  la  guerre 
des  religionnaires,  se  signala  au  siège  de  Pignerol , 
aux  combats  de  Veillane,  de  Carignan  et  de  Gazai.  Il 
passa  ensuite  au  service  de  Gustave,  roi  de  Suède, 
sous  lequel  il  fit  des  prodiges  de  valeur  qui  lui  méri- 
tèrent d'être  nommé  capitaine  de  ses  gardes.  Ce  prince 
ayant  été  tué  à  Lutzen,  en  i632,  Gassion  repassa 


I 


GOUVERIVEURS.  389 

en  France  avec  son  régiment,  et  continua  de  se  dis- 
tinguer dans  toutes  les  occasions  par  une  intrépidité 
quelquefois  imprudente ,  mais  toujours  heureuse. 
Il  ne  trouvait  rien  d'impossible ,  et  lorsqu'on  objec- 
tait quelques  difficultés  au  cardinal  de  Richelieu,  il 
répondait  :  Gassion  les  lèvera.  En  butte  aux  tracas- 
series du  cardinal  Mazarin  ,  il  s'exposa  en  simple 
soldat  au  siège  de  Lens,  où  il  fut  blessé  d'un  coup 
de  mousquet,  le  iS  septembre  1647.  Il  en  mourut  à 
Arras,  le  2  octobre  suivant,  n'ayant  jamais  été  marié, 
parce  que,  disait-il,  il  voulait  mourir  soldat  et  gar- 
çon. 

Il  était  né  à  Pau ,  le  20  août  1 609 ,  de  Jacques 
Gassion,  président  au  parlement  de  Béarn,  et  de 
Marie  d'Esclaux. 

Isoré  (George),  chevalier,  seigneur  de  Pleumar- 
tin ,  marquis  d'Hervaut ,  conseiller  du  roi  en  ses 
conseils  d'Étal  et  privé,  capitaine  de  cent  Iv^mes  de 
ses  ordonnances ,  obtint  les  provisions  de  lieStenant- 
général  pour  le  roi  en  Touraine,  le  1  août  16/^4  >  a" 
moyen  de  la  cession  que  lui  en  avait  faite  le  maré- 
chal de  Gassion ,  et  prêta  serment  de  fidélité  entrél;^. 
les  mains  de  Louis  XIV ,  le  1  y  du  même  mois.  Sé'l^*" 
.lettres  portent  que  «  Sa  Majesté  n'avait  pas  pu  faire 
«  un  meilleur  choix  que  celui  de  sa  personne,  tant  à 
«  cause  de  ses  louables  et  recommandables  qualités , 
a  que  pour  les  témoignages  particuliers  qu'il  avait 
«  donnés ,  de  longue  main ,  de  sa  grande  fidélité  et 
«  affection  à  Sa  Majesté  et  à  son  Etat ,  que  pour  la 
«  prudence  et  conduite  qu'il  avait  fait  paraître  dans  les 


390  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

a  emplois  honorables  qu'il  avait  eus  dans  les  années 
t(  dedans  et  dehors  le  royaume ,  dans  lesquels  il  s'était 
«  signalé  en  sa  valeur  et  générosité.  »  Le  roi ,  vou- 
lant récompenser  plus  particulièrement  son  mérite , 
augmenta  ses  gages  de  trois  mille  livres ,  ce  qui  les 
porta  à  neuf  au  lieu  de  six  qu'ils  étaient  auparavant , 
et  l'on  y  ajouta  l'entretien  de  douze  gardes  et  d'un 
capitaine. 

Aubépine  (  François  de  1'  ).  Le  marquis  de  Châ- 
teau-Neuf, son  frère, ayant  été  rétabli  dans  son  gou- 
vernement de  Touraine,  celui-ci,  rentré  en  France, 
sollicita  et  obtint  également  de  rentrer  dans  l'em- 
ploi de  lieutenant-général ,  ce  qui  ne  lui  fut  pas  très- 
difficile  ,  ce  même  frère  ayant  été  de  nouveau  nommé 
garde-des-sceaux  ;  il  fut  donc  réintégré  en  vertu  de 
deux  arrêts  du  conseil  des  12  juin  et  2  septembre 
i65o.  (  F'oj'.  plus  haut  son  premier  article.) 

Isoré  (  George  ) ,  marquis  d'Hervaut ,  obtint  à  son 
tour,  le  3  juin  i65i ,  un  arrêt  du  conseil  qui  le  ré- 
tablissait dans  les  fonctions  de  lieutenant-général.  Il 
ne  les  reprit  cependant  qu'à  la  suite  d'un  arrange- 
ment fait  avec  le  marquis  de  Ruffec.  Il  était  fils  aîné 
de  René  Isoré,  deuxième  du  nom ,  baron  d'Hervaut, 
et  de  Marguerite  de  Chambéraud.  Son  aïeul ,  Hono- 
rât Isoré ,  avait  épousé  Madelaine  Babou  de  La  Rour- 
daisière. 

De  sa  femme  Marie  de  Roncherolles  de  Pont- 
Saint-Pierre  il  n'eut  qu'un  fils  qui  fait  l'objet  de 
l'article  suivant. 

Isoré  (René,  troisième  du  nom),  chevalier,  mar- 


GOUVERNEUBS.  SqI 

quis  d'Hervaut  et  de  Pleumartiii ,  licutcnant-général 
pour  le  roi  dans  le  Haut-Poilou,  obtint,  en  1661, 
la  survivance  de  son  père ,  pour  en  jouir  conjointe- 
ment avec  lui ,  et  à  la  charge  d'en  faire  les  fonctions 
pendant  son  absence.  Ce  fut  pour  lui  que  la  terre  de 
Pleumartin  fut  érigée  en  marquisat  par  lettres  pa- 
tentes du  mois  de  janvier  i652. 

Il  e'pousa  Marie-Gabrielle  Chasteignier  de  La 
Roçlie-Posay ,  fille  de  Charles  et  de  Charlotte  Jous- 
seran  de  Londigny. 

Mathieu  Isoré  d'Hervaut,  *de  cette  même  famille 
de  Touraine,  fut  nommé  archevêque  de  Tours,  en 

1694. 

Razilly  (Gabriel  de  Launay  de),  chevalier,  mar- 
quis de  Razilly,  seigneur  de  Beaumont  en  Véron, 
Vélort,  Fontenay  et  les  Aumêles ,  conseiller  du  roi, 
en  ses  conseils  d'Etat  et  privé.  Après  la  mort  du 
marquis  de  Pleumartin ,  il  lui  succéda  dans  l'emploi 
de  lieutenant-général  au  gouvernement  de  Touraine , 
par  lettres  patentes  données  à  Versailles ,  au  mois 
d'avril  1676,  et  prêta  serment  de  fidélité  entre  les 
mains  du  roi ,  au  mois  de  mai  suivant. 

En  1690,  il  fut  nommé  sous-gouverneur  des  ducs 
de  Bourgogne ,  d'Anjou  et  de  Berri ,  petits-fils  de 
France  et  fils  du  grand  dauphin ,  choix  qui  doit  don- 
ner une  haute  opinion  de  son  mérite  et  de  sa  probité, 
puisque  par  là  il  se  trouvait  associé  à  deux  hommes 
tels  que  Bossuet  et  le  duc  de  Montausier. 

Il  était  né  dans  cette  contrée  de  l'arrondissement 
de  Chinon  qu'on  nomme  le  Véron ,  au  château  de 


3C)1  HISTOIRE   DE   TOURAÏNE. 

de  Razilly,  qui  a  donné  son  nom  à  cette  ancienne- 
famille  de  Touraine.  Son  père  était  Claude  Delaunay 
de  Razilly  ,  gouverneur  des  îles  de  Rhé  et  d'Oleron, 
vice-amiral  de  France  ,  ensuite  vice-roi  de  la  Nou- 
velle-France. Nous  en  parlons  dans  notre  quatrième 
volume.  Sa  femme  le  fit  père  de  cinq  garçons  et  de 
sept  filles.  Le  second  de  ses  fils  lui  succéda. 

Razilly  (  Armand  -  Gabriel  Delaunay  de  )  ,  cheva- 
lier ,  marquis  de  Razilly,  par  le  décès  de  son  frère 
aîné,  mort  colonel  du  régiment  de  son  nom.  D'abord 
guidon  de  la  gendarmerie ,  lorsque  son  père  eut 
cessé  de  vivre ,  en  1726,  le  roi ,  dans  la  même  année , 
le  pourvut  de  l'emploi  de  lieutenant-général  au  gou- 
vernement de  Touraine,  qu'il  conserva  jusqu'à  sa 
mort,  arrivée  au  château  de  Razilly,  dans  le  cours 
de  l'année  1769.  Ainsi,  depuis  1676,  la  charge  de 
lieutenant-général  avait  été  occupée  par  le  père  et 
le  fils  pendant  l'espace  de  quatre-vingt-treize  ans 
consécutifs. 

Argenson  (Marc-René  de  Voyer  d'  ),  deuxième  du 
du  nom ,  marquis  d' Argenson ,  vicomte  de  La  Guerche 
et  de  La  Roche  de  Gennes,  baron  des  Ormes,  com- 
mandeur des  ordres  du  roi,  ministre  d'État,  direc- 
teur-général .des  haras  de  France ,  etc. ,  fut  pourvu 
de  la  charge  de  lieutenant-général  pour  le  roi  au 
gouvernement  de  Touraine ,  après  la  mort  du  mar- 
quis de  Razilly,  en  1769,  et  la  conserva  jusqu'à  sa 
mort,  en  1782.  Son  fils,  âgé  seulement  alors  de  onze 
ans,  lui  fut  donné  pour  successeur;  mais  son  extrême 
jeunesse  ne  lui  permit  pas  d'en  exercer  les  fonctions. 


GOUVERNELRS.  SqS 

Il  était  né  de  Marc-Pierre ,  comte  d'Argenson , 
intendant  de  Tours  ,  en  1721 ,  et  ensuite  ministre  de 
la  guerre,  en  174'^?  et  avait  épousé  Constance  de 
Mailli,  dont  il  eut  Marc-René,  troisième  du  nom  , 
et  N.  épouse  du  comte  de  Murât. 


394  HISTOIRE    DE   TOURAINE. 


CHAPITRE  IIL 


BAILLIS,   GRANDS-BAILLIS  D'ÉPÉE,  ET 
BAILLIS   DES  RESSORTS. 


L'ÉTABLISSEMENT  dcsbaillis  se  trouve  dans  le  testa- 
ment que  fit  le  roi  Philippe- Auguste  ,  en  1 191 ,  avant 
que  d'entreprendre  le  voyage  de  la  Terre-Sainte. 
Par  leur  institution ,  ces  officiers  avaient  dans  leurs 
attributions  les  armes,  la  justice  et  la  finance.  Ils 
faisaient  la  recette  du  domaine  dans  leur  bailliage, 
dont  ils  rendaient  compte  à  la  chambre  de  six  mois 
en  six  mois.  Quelquefois  aussi  on  les  nommait  séné- 
chaux, usage  qui  s'était  assez  généralement  conservé 
en  France  dans  les  provinces  qui  avaient  appartenu 
aux  Anglais,  à  l'exception  pourtant  de  la  Touraine, 
où  le  titre  de  bailli  avait  prévalu;  mais  en  général , 
on  appelait  sénéchaux  ceux  qui  appartenaient  à  des 
seigneurs  particuliers  ,  et  baillis  ceux  des  provinces 
qui  étaient  immédiatement  sous  l'autorité  du  roi. 

Les  baillis  de  Touraine,  dans  l'origine,  rendaient 
eux-mêmes  la  justice  et  prononçaient  les  jugcmens  ; 
mais  ce  droit  leur  fut  oté  dans  la  suite,  lorsque  le 
titre  de  bailli  fut  annexé  à  celui  de  gouverneur ,  et 
ils  n'eurent  plus  que  la  voix  honoraire  ou  consulta- 
tive, sans  pouvoir  participer  aux  délibérations.  Fran- 


BAILLIS.  395 

cois  I"  sembla  vouloir  les  en  dédommager  par  sa 
déclaration  du  mois  de  mars  1628,  portant  que  les 
sentences ,   appointemens ,    contrats   et  tous  autres 
actes  de  justice  seraient  intitulés  de  leurs  noms  et 
qualités.   Ce  fut  alors  qu'ils  furent  connus  sous  la 
dénomination   de  grands-baillis,   ou  baillis  d'épée; 
institution  illusoire,  sans  but  et  sans  utilité,  qui  pla- 
çait à  la  tête  des  tribunaux  des  hommes  qui  n'avaient 
rien  de  commun  avec  la   magistrature  ,   pas  même 
voix  délibéralive  dans  les  actes  inscrits  de  leur  nom. 
Il   est  vrai  qu'ils  avaient  des  lieutenans  par  qui  la 
justice  s'exerçait.  Anciennement  ces  lieutenans  étaient 
à  la  nomination  des  baillis   qui  disposaient  de  ces 
charges  à  leur  volonté  ;  mais  Charles  VII  les  priva 
de  cette  prérogative  ,  en  ordonnant  qu'à  l'avenir  les 
lieutenans  ne  pourraient  être  choisis  que  sur  l'avis 
des  cours  souveraines ,  ce  qui  commença  à  s'exécuter, 
pour  la  Touraine ,  en  i440'  Louis  XII  modifia  en- 
core cet  ordre  de  choses,   par   son  édit  de  1498, 
qui  prescrivit  que  l'élection  des  lieutenans-généraux 
et  particuliers  se  ferait  à  l'audience  des  sièges  locaux, 
en  présence  des  baillis  ou  sénéchaux ,  des  avocats  et 
procureurs  du  roi ,  ainsi  que  des  autres  officiers  du 
bailliage  qui  seraient  convoqués  quinze  jours  après 
la  vacance  des  offices,  si  les  baillis  étaient  présens, 
ou  un  mois  après ,  en  cas  d'absence.  Mais  le  même 
roi  changea  encore  ces  dispositions  par  la  déclaration 
de  i5i'2,  portant  qu'en  chaque  siège  on  nommerait 
trois  personnes  des  plus  capables,    l'une   desquelles 
serait  choisie  par  Sa  Majesté.  C'est  ce  qui  eut  liçu 


396  HISTOIRE    DE    TOI] RAINE. 

pour  la  première  fois  à  Tours,  en  i566,  après  la 
mort  du  lieutenant  particulier  Gervais  Goyet. 

On  sait  que  depuis  ces  mêmes  charges  furent  créées 
en  titre  d'office ,  moyennant  finance ,  ainsi  que  tous 
les  autres  emplois  de  la  magistrature.  Il  fallait,  il  est 
vrai,  l'attache  de  la  cour  souveraine  du  ressort; 
mais  il  était  bien  rare  qu'on  ne  l'obtînt  pas. 

Les  gages  des  baillis  n'étaient  autrefois  que  de  cent 
vingt-quatre  livres  par  an,  non  compris  vingt-sept 
•livres  pour  la  nourriture  d'un  palefroi  et  d'un  som- 
mier, c'est-à-dire  d'un  cheval  de  main  et  d'un  cheval  de 
charge  :  vingt  livres  pour  deux  robes  et  vingt  autres 
livres  pour  un  clerc  ou  écrivain,  en  tout  cent  quatre- 
vingt-onze  livres.  Ce  traitement  fut  augmenté  depuis 
à  diverses  époques.  Déjà  en  1269,  les  baillis  avaient 
trente  sous  par  jour  et  cent  livres  par  an  pour  toute 
espèce  de  frais. 

Il  y  eut  pendant  quelque  temps  une  autre  sorte  de 
baillis  qui  étaient  également  à  la  nomination  du  roi: 
c'étaient  ceux  des  ressorts  et  exemptions  de  Tou- 
raine  ,  d'Anjou  et  du  Maine. 

Philippe-le-Bel ,  ayant  donné  l'Anjou  et  le  Maine 
en  apanage  à  Charles  de  Valois ,  son  frère  établit  le 
bailli  de  Touraine  pour  connaître  des  causes  des 
exempts  ou  privilégiés  de  ces  deux  provinces,  ce 
qui  s'exécuta  tant  qu'elles  furent  l'apanage  du  duc 
d'Anjou;  mais  quand  la  Touraine  devint  apanage  à 
son  tour,  les  rois  établirent  un  juge  spécial  pour 
connaître  des  causes  des  privilégiés  des  trois  pro- 
vinces, sous  le  titre  de  bailli  des  exemptions  des  res- 


BAILLIS.  397 

sorts  de  Toiiraine,  d'Anjou  et  du  Maine  :  c'est  pour- 
quoi, dans  toutes  les  lettres  d'apanage  données  pour 
le  duché  de  Touraine,  il  y  a  toujours  eu  réserve  d'é- 
tablir un  bailli  des  ressorts  pour  Tours ,  Château- 
Neuf,  Chinon  et  autres  lieux  exempts.  Dans  les  in- 
struclions  données  à  ces  officiers,  il  est  dit  que  le 
bailli  aura  son  siège  à  Tours  ou  à  Château-Neuf,  et 
qu'il  placera  dans  les  autres  lieux  un  lieutenant  avec 
des  notaires  et  des  sergens. 

Peu  de  temps  après  que  la  Touraine  eut  été  réunie 
à  la  couronne,  ce  fut  le  bailli  de  Touraine  qui  fut  en 
même  temps  bailli  des  exemptions,  même  après  la 
réunion  de  l'Anjou  et  du  Maine;  mais  alors  les  séné- 
chaux de  ces  deux  provinces  revendiquèrent  leurs 
droits.  Il  s'éleva  à  ce  sujet  une  contestation  portée  au 
conseil  du  roi  Charles  VIII,  qui,  par  une  déclara- 
tion du  5  février  1489,  ordonna  que,  nonobstant  la 
réunion  des  comtés  d'Anjou  et  du  Maine  à  la  cou- 
ronne ,  les  privilégiés  de  ces  deux  provinces  conti- 
nueraient de  plaider  devant  le  bailli  de  Touraine. 
C'est  pour  cela  que  lors  de  la  première  rédaction  des 
coutumes  de  Touraine,  faite  à  Langeais,  en  i453, 
elle  fut  intitulée  :  Coutumes  de  Touraine  et  des  res- 
sorts et  exemptions  d'Anjou  et  du  Maine. 

Cependant ,  les  réclamations  s'étant  reproduites 
avec  plus  de  force  et  avec  autant  de  fondement , 
Charles  IX  ôta  au  bailli  de  Touraine  la  juridiction 
des  exempts  d'Anjou  et  du  Maine,  et  l'attribua  aux 
sénéchaux  respectifs  des  deux  provinces,  par  lettres 
du  28  juillet  i568,  enregistrées  au  parlement  le  4 


398  HISTOIRE  DE  TOURiVlNE. 

août  suivant,  nonobstant  l'opposition  des  maires  et 
échevins  de  Tours  qui  avaient  employé  tout  ce  qu'ils 
avaient  de  crédit  pour  faire  maintenir  le  bailli  de 
Touraine  dans  ses  précédentes  attributions. 

On  conhut  encore  une  autre  espèce  de  baillis  qui 
étaient  nommés  par  les  ducs  apanagistes,  mais  comme 
ils  formaient  une  juridiction  particulière,  distincte  de 
la  juridiction  royale,  nous  nous  abstiendrons  d'en 
parler.  Il  nous  a  suffi  de  faire  connaître  dans  cet 
exposé  l'origine  des  baillis,  leurs  diverses  attribu- 
tions ,  et  les  modifications  que  leur  régime  a  éprou- 
vées. 

§1- 

BAILLIS  DE  TOURAINE. 

Gliillàume  d'Azay,  de  11 93  à  19.14.  Ce  fut  le  pre- 
mier bailli  établi  par  Philippe-Auguste.  On  lui  trouve 
cette  qualité  dans  un  titre  de  l'abbaye  de  Marmou- 
tier,  daté  de  12 13.  Ridel  ou  Rideau  étant  alors  sei- 
gneur d'Azay-le-Rideau,  celui-ci  l'était  sans  doute, 
ou  d'Azay-le-Vicomte ,  dit  aussi  le  Chétif ,  ou  d'Azay- 
le-Féron. 

Crespière  (  Robert  de  ) ,  de  1 2 1 4  à  1 2 1 6.  Il  pre- 
nait le  titre  de  bailli  du  roi  en  Touraine  et  en  Poi- 
tou, pour  se  distinguer  du  bailli  des  trois  provinces, 
qui  n'était  proprement  que  son  lieutenant.  Il  donna, 
en  I2i4,  des  lettres  en  faveur  du  prévôt  d'Oé,  de 
l'église  de  Saint-Martin  de  Tours. 

Des  Loges  (Robert),  de  1216  à  12 19.  On  l'appe- 


BAILLIS.  399 

lait  le  éënëchal ,  parce  que ,  en  effet ,  il  l'était  du 
Poitou.  Il  jouissait  encore  de  ces  deux  emplois  en 
12 18.  Nous  avons  de  lui  des  lettres  en  faVeur  des 
chanoines  de  Saint-Martin  pour  l'ensaisinement  de 
l'abbayfe  de  Corthety ,  011  il  promet  de  leur  dontler 
main-forte  cdntre  ceux  qui  Voudraient  les  troubler 
dans  leur  possession.  Ces  lettres  sont  date'es  du  ven- 
dredi après  la  chaire  Saint-Pierre,  l'an  12 17. 

Gallardon  (Geoffroy  de),  de  12 19  à  1227.  Il  se 
disait  pareillement  sénéchal  de  Touraine  et  de  Poitou. 
On  voit  de  lui  une  sentence,  rendue  en  12^9,  au 
profit  de  l'abbaye  de  Marmoutier. 

Leclerc  (  Richard  ),  de  Ï227  à  1280,  bailli  d'An- 
jou ,  de  Touraine  et  du  Maine. 

Fougères  (Guillaume  de),  de  1280  à  1240.  May- 
nard  l'appelle  improprement  Fougère,  bailli  du  roi 
en  Touraine,  il  l'était  également  dans  l'Anjou  et  le 
Mairie,  ainsi  qu'on  le  voit  par  un  titré  daté  de  Toiirs, 
le  lendemain  de  la  fête  de  la  Madelaine,  Tàh  1280. 

De  Bonnes  (Josse) ,  de  1240  a  1249,  bailli  de 
Touraine,  il  rendit  compte  à  la  chambre,  en  cette 
qualité,  de  la  recette  du  domaine  du  roi,  en  1248, 
semestre  de  l'Ascension.  Dans  le  mémorial  de  la 
chambre  des  comptes,  il  est  nommé  Jodocus  de 
Bonnis.  Il  existe  un  titre  de  la  même  année ,  souscrit 
de  Richard ,  bailli  de  Jeanne  de  Craon ,  sénéchale 
des  trois  provinces  ,  ce  qui  confirme  encore  que  les 
sénéchaux  avaient  leurs  baillis  particuliers. 

Bruère  (Geoffroy),  de  1249a  12  54-  Nous  voyons 
que,  à  la  Chandeleur  1249,  *^  rendit  compte  de  la  re- 


400  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

cette  du  bailliage  de  Touraine.  Il  y  prend  la  qualité 
de  chevalier. 

Gans  (Hémery  de),  chevalier,  de  12^4  «^  iiS6. 
Il  rendit  compte  à  la  chambre  de  la  recette  du  bail- 
liage de  Touraine,  pour  les  termes  de  la  Toussaint 
1254,  et  de  l'Ascension  1^55.  Par  le  premier  de  ces 
comptes ,  on  voit  qu'il  était  du  ,  par  Hugues  de  Bau- 
çay,  cent  quatre-vingts  livres ,  pour  le  rachat  de  la 
terre  de  Champigny,  dont  il  avait  hérité  d'Hëmery 
de  Blo ,  mort  sans  enfans. 

Magny  (Raoul  de),  de  I256à  1260.  Cette  famille 
était  très -ancienne.  Il  y  eut  un  Renaud  de  Magny, 
chevalier,  tué  au  siège  de  Saint-Jean-d'Acre,  en 
1 191.  Raoul  rendit  compte,  pour  le  terme  de  l'As- 
cension 1260,  et  la  même  année,  il  fut  nommé  par 
le  parlement  de  Pâques ,  avec  Jean  de  Quarrois , 
chevalier,  pour  informer,  s'il  était  vrai  que  les  gens 
du  comte  d'Anjou  se  fussent  portés  en  armes  sur  la 
ville  de  Tro.  Son  procès-verbal  à  ce  sujet  se  trouve 
dans  le  registre  Olim. 

Sancerre  (Gervais  de),  de  1260  à  1261.  On  le  voit 
assister,  en  qualité  de  bailli  de  Touraine,  à  un  juge- 
ment qui  fut  rendu  ,  en  1 260 ,  au  parlement  de  Pâques, 
au  profit  de  l'abbaye  de  Fleury,  contre  son  abbé. 

Yilletle  (Geoffroy  de),  de  1161  à  1266.  Il  était 
maître  des  requêtes  du  roi  saint  Louis,  et  son  am- 
bassadeur vers  la  république  de  Venise  ,  bailli  de 
Touraine,  et  châtelain  de  la  ville  et  du  château  de 
Tours.  C'était  un  des  hommes  en  qui  saint  Louis 
avait  le  plus  de  confiance  dans  les  affaires  impor- 


BAILLIS.  4oi 

tantes.  Il  se  tenait  souvent  auprès  du  monarque, 
qui,  dans  ce  cas,  dit  Joinville ,  appelait  monseigneur 
Villette,  et  monseigneur  Pierre  de  Fontaine,  en  leur 
disant  :  Délivrez-moi  les  parties.  Personne  n'était 
alors  revêtu  de  la  dignité  de  bailli  sans  avoir  acquis 
par  l'étude  et  l'expérience  une  parfaite  connaissance 
des  affaires. 

Ville tte  (Gaultier,  ou  Guitier  de),  chevalier,  de 
1266  à  1273,  succéda  à  scn  frère  Geoffroy  dans 
l'office  de  bailli  de  Touraine.  En  cette  qualité ,  il  fit , 
l'an  ia66,  une  enquête,  par  ordre  de  saint  Louis, 
pour  savoir  si  la  garde  des  chemins  appartenait  au 
roi  dans  la  voirie  de  Cormeri. 

Le  comte  d'Angouleme  ayant  été  accusé  par  le 
clergé  et  parle  peuple  d'avoir  altéré  ses  monnaies, 
le  roi  nomma  Gaultier  de  Villette  et  Guy  de  Neaufle, 
doyen  de  Saint  -  Martin  de  Tours ,  pour  aller  faire 
une  enquête  à  Angoulême.  Sur  leur  rapport ,  il  fut 
jugé  au  parlement  de  la  Chandeleur,  que  le  comte 
serait  tenu  de  faire  réformer  sa  monnaie,  et  d'en 
faire  frapper  une  autre  de  bon  aloi. 

Lhuissier  (Robert),  de  1273  à  1274?  rendit 
compte  pour  ces  deux  années  de  la  recette  du  bail- 
liage de  Touraine.  Ou  le  retrouve  bailli  du  Berri 
en  1289. 

Saint-Soulange  (Renaud  de),  de  1274  à  1276'. 
Il  mourut  quelque  temps  après  avoir  rendu  à  la 
chambre  des  comptes  celui  de  la  recette  du  domaine , 
pour  le  terme  de  la  Toussaint  1275.  Le  jeudi  après 
la  Saint-Denis,  1 274 ,  les  chanoines  de  Saint-Martin , 
3.  26 


4o^  HISTOIRE   DE  TOURAINE. 

par  une  déclaration  faite  à  Jean  Picard ,  serviteur  et 
alloué  du  bailli ,  menacèrent  d'interdiction  la  cour 
séculière,  pour  avoir  saisi  dix-neuf  muids  de  vin  et 
cent  livres  des  cens  d'Émery  d'Avoir ,  chevalier.  Celui- 
ci  en  appela  au  roi  ;  mais  il  fut  décidé  que  l'appel 
devait  être  porté  devant  le  bailli  de  Touraine. 

Ydré  (Philippe  d'),  de  1275  à  1277.  ^^"  compte 
de  la  Recette  du  domaine  date  depuis  la  mort  de 
son  prédécesseur  jusqu'à  l'Ascension  1276.  Après 
être  sorti  de  sa  charge ,  il  fut  choisi  avec  Guillaume 
Dupuy^  pour  être  juge  d'un  différend  entrfe  le  roi 
Philippe-le-Hardi  et  l'archevêque  de  Tours,  Jean  de 
Montsoreau,  au  sujet  du  domaine  de  la  forêt  de 
Teillay  ,  autrement  de  Chinon  ^  dont  l'archevêché 
possédait  une  partie. 

Humbaut  de  Châteaux,  de  1277  à  1278.  Il  était 
probablement  seigneur  de  Châteaux,  aujourd'hui 
Château-la- Vallière.  Soû  compte  pour  la  recette  du 
domaine,  en  l'année  1277,  se  trouve  encore  à  la 
chambre  des  comptes. 

Herbert  Turpin  ,  chevalier,  de  1278  à  1279.  Il 
était  fils  de  Herbert  Turpin-Crissé ,  premier  du  nom, 
chevalier  banneret  de  Touraine,  en  12 14,  et  fut  un 
de  ceux  que  le  roi  manda  à  Chinon,  le  lendemain  de 
l'octave  de  Pâques  1241  ,  pour  marcher  contre  le 
comte  de  La  Marche.  Il  rendit  son  compte  à  l'As- 
cension 1278,  et  en  128 1  ,  il  fut  caution  pour  cin- 
quante livres  de  rente,  que  Jean  Potin,  chambellan 
du  roi ,  avait  sur  les  péages  de  Tours  et  de  Semblan- 
çay,  dont  il  était  baron. 


BAILLIS.  4o^ 

Parroy ,  ou  plutôt  Paroyc  (  Denis  de  ) ,  chevalier 
du  roi,  de  i^ygà  i:tS5f  fils  de  Simon ,  sixième  du 
nom,  d'une  ancienne  famille  de  Lorraine,  qui  des- 
cendait en  ligne  directe  des  comtes  de  Metz  et  de 
Lunëville.  On  trouve  ses  comptes  rendus  pour  les 
six  années  pendant  lesquelles  il  fut  bailli  de  Tou- 
raine. 

Barbou  (René),  de  i285  à  1289.  Après  avoir  eu 
la  garde  de  la  prévôté  de  Paris  en  1270,  il  obtint 
l'office  de  bailli  de  Touraine,  et  fut  nommé  en  cette 
qualité  pour  évaluer  le  revenu  de  la  ville  d'Ingrande, 
que  Charles,  comte  d'Anjou  ,  roi  de  Sicile  et  de  Jé- 
rusalem avait  donné  à  Maurice,  S*"  du  nom  deCraon, 
le  lundi  après  le  dimanche  que  Von  chante  oculi , 
Van  de  grâce  ia88.  H  rendit  son  dernier  compte 
à  la  chambre  en  1289. 

Fontenay  (  Pierre  de  ),  de  1289  à  1291. 

Bcaumanoir  (Philippe  de) ,  chevalier ,  est  nommé 
au  compte  de  l'année  1 292 ,  et  dans  un  titre  de  l'ab- 
baye de  Marmoutier,  du  mois  d'août  de  la  même 
année.  Il  fut  aussi  bailli  de  Clermont ,  et  conseiller  de 
Robert  de  Clermont ,  fils  de  saint  Louis.  C'est  lui 
qui  le  premier  écrivit  les  coutumes  de  Bcauvoisis, 
dont  le  manuscrit  a  été  imprimé  en  1690. 

Maugés,  ou  Mauger  ( Robert ),  de  1293  à  1295. 

Pannetier  (Jean  ),  de  1295  à  1298,  suivant  son 
dernier  compte  rendu  à  l'Ascension. 

Trousseau, ou  Troussel  (Jacques), de  1298  à  i3o2. 
11  était  frère  de  Pierre  Trousseau,  dont  nous  avons 
parlé  à  l'article  des  seigneurs  de  Vérets. 

26. 


4o4  HISTOIRE   DE   TOI] RAINE. 

Saimel  (Pierre  de),  de  i3o2  à  i3o3. 
Fontenay  (Pierre  de),  de  i3o3  à  i3o4.  H  prenait , 
comme  Denis  de  Paroye,  le  titre  de  chevalier  du 
Toi.  Cependant ,  nous  croyons  que  c'est  le  même  que 
celui  dont  il  est  parlé  un  peu  plus  haut.  C'est  à  tort 
que  la  Thaumassière ,  dans  son  histoire  de  Berri,  lui 
donne  le  titre  de  gouverneur  de  Touraine,  dont  il 
n'était  que  bailli. 

Guyart  de  La  Porte ,  de  i3o4  à  i3o6. 
Vaucelles  (Jean  de)  chevalier,  de  i3o6  à  i3i3. 
Nous  voyons  par  les  archives  de  la  ville  de  Tours , 
que  le  bailli  Jean  de  Vaucelles ,  en  1 3 1 1  ,  fît  couper 
les  ponts  du  Cher,  c'est-à-dire  ceux  de  Vançay  et  de 
Saint-Sauveur,  pour  fermer  le  passage  à  un  parti 
d'Anglais  qui,  venu  du  Poitou,  se  dirigeait  sur  la 
ville  de  Tours. 

Chévrier  (Guy),  de  i3i3  h  i3i6. 
Vaudrighen  (  Jean  de  ),  de  j3i6  à  i3i8. 
-f^^'Chaillox  (Raoul  de),  chevalier,  de  i3i8  à  i32i. 
Benchivilliers  (Renaud  de),  de  i3sii  à  i324. 
On  a  de  lui  une  sentence ,  rendue  la  veille  de  Notre- 
Dame  d'août,  au  profit  de  l'abbaye  de  la  Clarté- 
Dieu. 

Récuchon  (Robert),  de  i325  à  i328.  Il  fut  un 
des  commissaires  nommés  par  le  roi  Charles-le-Bel , 
en  juillet  1 326,  pour  la  recherche  des  francs-fîefs  et 
nouveaux  acquêts,  et  désigné  de  nouveau  en  la  même 
qualité,  l'an  i328. 

Puymar  (Ithier  de  j ,  écuyer,  de  iSiS  à  j336.  Il 
est  nommé  Puy  à  Mar,  dans  une  sentence  qu'il  ren- 


BAILLIS.  4o5 

dit  en  septembre  i332,  pour  la  justice  et  grande 
voirie  de  Marmoutier ,  et  Pnymar ,  dans  une  autre 
sentence  rendue  à  Loudun  au  profit  de  la  même 
abbaye. 

Crève-Cœur  (Alexandre  de),  de  i336  à  i338.  Il 
était  frère  d'Antoine  de  Crève-Cœur,  qui  fut  prévôt 
de  Paris,  depuis  i348  jusqu'à  i353. 

Bigot  (Jean),  de  i338  à  i347.  ^^  ^"^  anobli, 
ainsi  que  toute  sa  postérité ,  par  lettres  du  roi  Phi- 
lippe de  Valois,  données  au  mois  de  février  i437, 
avec  pouvoir  de  recevoir  l'ordre  de  chevalerie.  Ou 
voit  par  son  compte  de  i343,  que  les  gages  du  gou- 
verneur des  ville  et  château  de  Tours  étaient,  à 
cette  époque,  de  cent  vingt-cinq  livres  par  an,  y 
compris  une  robe  évaluée  six  livres.  De  son  temps , 
le  bailliage  comprenait  les  villes  royales  de  Tours , 
Langeais,  Loches ,  Châtillon-sur-Indre,  Chinon  et 
Ijoudun. 

Guichard  d'Ars,  chevalier  de  l'ordre  du  roi,  de 
i348  à  i35i.  Il  tint  ses  premières  assises  du  bail- 
liage, au  château  de  Tours  ,*rah  de  grâce  i348  ,  sui- 
vant un  titre  de  l'abbaye  de  Marmoutier. 

Maillé  (  Jean  de  ) ,  chevalier ,  seigneur  de  Chan- 
çay,  de  i35i  à  i353.  Selon  toute  apparence,  ce 
Jean  de  Maillé  était  le  seigneur  de  Clervaux ,  fils  de 
Jean  I"  de  JVIaillé ,  et  de  Jeanne  de  Parlhenay,  Il 
testa  en  i386  ,  et  mourut  peu  de  temps  après. 

Gayen  (Etienne),  de  i353  à  i354. 

Mauvinet  (Guillaume),  chevalier  de  l'ordre  du 
roi,  de  i354  à  i356. 


4o6  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

Mauvinet  (Maurice),  chevalier  de  l'ordre  du  roi, 
de  i356  à  iSSg.  Il  était  frère  du  précédent,  et  avait 
épousé  Florie  de  Linière ,  qui ,  devenue  veuve ,  se 
remaria  au  maréchal  de  Boucicaul,  le  père. 

Bernier  (Jean),  chevaher,  de  iSog  à  i36i  ,  fut 
installé  bailli  le  i^'  juin  1 36o ,  et  prêta  serment  à  la 
cour  le  27  du  même  mois.  Fait  chevalier  par  le  duc 
d'Anjou,  il  fut  depuis  prévôt  de  Paris,  en  i362,  et 
bailli  de  Beaucaire  en  1373. 

Brion  (  Jean  de) ,  chevalier,  de  i36i  à  1370.  Il 
prend  le  titre  de  sénéchal  de  Touraine  dans  des 
titres  de  i36i  ,  1367  ,  et  1369.  Il  fut  nommé  ,  en 
i364,  l'un  des  commissaires  du  roi  pour  la  recher- 
che des  nouveaux  acquêts  et  indemnités  dues  par 
les  gens  d'église  de  Touraine.  Il  eut  la  même  com- 
mission le  21  janvier  i366.  Il  prenait  aussi  quelque- 
fois le  titre  de  gouverneur  au  bailliage  de  Touraine, 
titre  qui  n'était  autre  chose  que  celui  de  bailli.  On 
voit  même  par  d'anciens  actes  qu'il  avait  distincte- 
ment la  qualité  de  bailli  du  roi ,  et  de  sénéchal  du 
duc  de  Touraine.  Il  ^taî\,  selon  toute  apparence,  de 
la  famille  de  Simon  de  Brion,  pape  ,  en  1261  ,  sous 
le  nom  de  Martin  IV ,  dont  nous  parlons  au  quatrième 
volume. 

Avoir  (Pierre  d') ,  de  1370  à  i38o.  Il  était  bailli 
royal ,  et  en  même  temps  sénéchal  du  duc  de  Tou- 
raine; mais,  en  i38o,  ayant  été  établi  gouverneur  de 
la  province,  il  fut  le  premier  en  qui  la  qualité  de 
bailli  fut  unie  à  celle  de  gouverneur.  C'est  donc 
dans  la  liste  de  ceux-ci  qu'il  faut  chercher  la  suite 


BAILLIS.  4^ 

des  baillis ,  jusqu'à  l'année  i53!2  ,  époque  où,  comme 
on  va  le  voir,  ils  prirent  une  forme  et  une  dénomi- 
nation nouvelles.  Nous  ne  pouvons  cependant  nous 
dispenser  de  mentionner  celui  qui  suit. 

Baudouin  de  Crénon ,  chevalier,  est  indiqué  comme 
bailli  deTouraine,  par  le  Laboureur,  page  511  de 
ses  additions  aux  Mémoires  de  Castelnau.  Ce  Bau- 
douin, qui  avait  époust^  Marie,  sœur  de  Jean  de  Bueil, 
comte  de  Sancerre ,  aura  pu  être  pourvu  de  la  charge 
de  bailli  de  Touraine,  vers  i38o,  lorsque  Pierre 
d'Avoir  fut  nommé  gouverneur,  et  révoqué  bientôt 
par  suite  de  cette  nouvelle  création.  Dans  ce  cas,  ce 
serait  lui,  et  non  le  précédent,  qui  aurait  été  le  der- 
nier des  baillis  de  Touraine. 

Nous  ignorons  l'époque  de  sa  mort  ;  mais  il  servait 
encore,  en  iSga  et  iSgS,  avec  un  bacheher  et  quatre 
écuyers.  Il  eut  sa  sépulture  dans  l'église  de  Mansi- 
gné,  diocèse  du  Mans,  où  il  avait  un  tombeau  en 
pierre ,  sur  lequel  on  voyait  sa  statue ,  ayant  un 
trou  au  genou ,  sans  doute  pour  indiquer  la  blessure 
dont  il  mourut. 

§  "• 

GRANDS-BAILLIS  ,  OU  BAILLIS    d'ÉP^E. 

Nous  ne  comptons  que  douze  grands-baillis  d'épée 
dans  l'espace  de  deux  cent  cinquante  ans,  c'est-h- 
dire  depuis  i5'32  jusqu'à  1782. 

Babou  (Jean  ) ,  chevalier ,  seigneur  de  La  Bour- 
daisièrc  et  de  Sagonne ,  conseiller  du  roi ,  chevalier 


4o8  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

de  ses  ordres,  gouverneur  de  Brest  et  grand-maître 
de  Fartillerie  de  France,  grand-bailli  de  Touraine, 
de  i532  à  i56g. 

Nous  avons  vu  précédemment  que  Jean  de  Ville- 
mart  avait  été  le  dernier  des  gouverneurs  qui  eût 
porté  le  titre  de  bailli  en  i532.  Le  roi  François  P' 
créa  pour  lors  des  grands-baillis,  ou  baillis  d'épée, 
et  celui-ci  fut  le  premier  qui  fut  revêtu  de  cette 
dignité  dans  la  même  année.  Il  était  fils  de  Pbilbert 
Babou ,  et  fut  aïeul  de  Gabrielle  d'Estrée ,  par  Fran- 
çoise Babou  sa  fille. 

Voyer  (René-Victor  de),  vicomte  de  Paulmy , 
chevalier  de  l'ordre  du  roi  et  du  Saint-Sépulcre,  fut 
nommé  gentilhomme  du  duc  d'Orléans,  depuis  duc 
d'Anjou,  le  i6  juillet  i565,  et  gentilhomme  ordi- 
naire de  la  chambre  du  roi,  le  i8  septembre  1567. 
Marie,  reine  d'Ecosse,  duchesse  de  Touraine^  le 
pourvut  de  la  charge  de  grand-bailli ,  par  lettres  du 
12  février  1571.  Gouverneur  du  château  de  Loches, 
en  157.5  ,  il  fut  choisi  pour  être  gouverneur  de  Henri 
de  Bourbon,  prince  de  Bombes,  le  19  juin  1579. 
Il  mourut  au  mois  d'avril  i586,  après  avoir  fondé 
un  collège  à  Paulmy.  Il  était  fils  de  Jean,  troisième 
du  nom,  et  de  Jeanne  de  Gueffaut,  dame  d'Argen- 
son  ,  et  avait  épousé  Claude  de  Turpin-Crissé. 

Voyer  d'Argenson  (  Pierre  de  ) ,  troisième  du  nom  , 
frère  puîné  du  précédent,  fut  pourvu  après  sa  mort 
de  la  charge  de  grand-bailli ,  par  lettres  du  a6  avril 
i586,  enregistrées  au  parlement  le  6  juin  suivant, 
chevalier  des  ordres  du  roi ,  en  i6o5,  et  gentilhomme 


BAILLIS.       --^'r^rr  4^9 

ordinaire  de  sa  chambre.  Il  assembla  les  états  de  la 
province  en  i6i4,  et  mourut  le  22  décembre  1616. 
Il  avait  épousé  Elisabeth  Huraut  de  Chiverni,  dont 
il  eut  trois  garçons  et  deux  filles ,  et  fut  le  premier 
de  la  branche  d'Argenson  ,  terre  que  sa  mère  avait 
portée  dans  la  famille. 

Voyer  d'Argenson  (  René  de  ) ,  premier  du  nom , 
seigneur  d'Argenson,  de  la  BailloUière ,  de  Châtre  en 
Touraine,  et  de  Weil-le-Mesnil  en  Berri,  conseiller 
d'état,  et  ambassadeur  auprès  de  la  république  de 
Venise  ,  fut  pourvu  de  la  charge  de  grand-bailli  en 
161 6,  après  la  mort  de  son  père,  et  s'en  démit  en 
1627.  Le  roi  le  nomma,  en  i63i ,  intendant-général 
des  provinces  de  Berri,  Touraine,  Limousin,  An- 
goumois,  Haute  et  Basse  -  Marche  ,  Haute  et  Basse- 
Auvergne  ,  pour  en  faire  les  fonctions  sous  le  prince 
de  Condé,  gouverneur  -  général  de  ces  mêmes  pro- 
vinces. Après  avoir  été  intendant  d'Auvergne  et 
intendant  des  armées,  il  fut  nommé,  le  24  juin 
i65o,  à  l'ambassade  de  Venise.  Ce  fut  à  cette  époque 
que,  étant  veuf,  il  embrassa  l'état  ecclésiastique ,  et 
reçut  la  prêtrise  le  24  février  i65i.  Il  se  rendit  de 
suite  à  Venise,  où  il  mourut,  le  i4  juillet  de  la 
même  année ,  âgé  de  cinquante-quatre  ans  et  demi. 
Il  eut  sa  sépulture  dans  l'église  du  grand  couvent 
des  Cordeliers ,  oii  son  fds  aîné ,  René  II ,  qui  lui 
succéda  dans  cette  ambassade ,  lui  fit  ériger  un  très- 
beau  mausolée. 

Sa  femme  Hélène  de  La  Fon,  morte  en  i638,  lui 
donna  quatre  garçons  et  une  fille. 


4 10  HISTOIRE  DE  TOUR  AINE. 

Coèffîer  (Antoine,  dit  Ruzé),  de  1627  à  i633i. 
Lorsque  René  de  Voyer  eut  donné  sa  démission, 
celui-ci  obtint  la  charge  de  grand-bailli,  par  lettres 
du  roi  Louis  XIII,  données  à  Villeroi  le  27  juillet 
1627.  On  a  vu  ce  qui  le  concerne  d'ailleurs  au  cha- 
pitre des  gouverneurs  ,  §  I. 

Ruzé  (Henri  ),  marquis  de  Cinq-Mars  et  de  Lan- 
geais, fils  du  précédent.  Son  père  étant  mort  en 
i632,  il  lui  succéda  dans  la  charge  de  grand-bailli 
de  ïouraine.  (Voyez  son  article  parmi  les  lieutenans- 
généraux,  chap.  II,  §  I,  et  tome  4-) 

Voyer  d'Argenson  (  Pierre  de  ) ,  second  fils  de 
René  1",  vicomte  d'Argenson,  seigneur  de  Châtres 
et  de  Mousay ,  conseiller  du  roi  en  tous  ses  conseils , 
gentilhomme  ordinaire  de  sa  chambre.  Après  le  sup- 
plice du  marquis  de  Cinq -Mars,  il  rentra,  le  i4 
juin  1643,  dans  la  charge  de  grand-bailli,  que  sa 
famille  avait  déjà  possédée  trois  fois  ;  mais  il  s'en 
démit  en  1662  ,  ayant  été  nommé  gouverneur  de 
la  Nouvelle-France ,  ou  Canada. 

Dubois  (  Louis  ) ,  marquis  de  Givry  et  de  Vende- 
nesse,  etc.,  lieutenant- général  des  armées  du  roi. 
D'après  la  démission  du  vicomte  d'Argenson,  il  fut 
pourvu  de  la  charge  de  grand-baiUi  de  Touraine , 
par  lettre  du  11  avril  1662,  et  reçu  au  parlement 
le  18  du  même  mois.  Il  était  fils  de  Pierre  Dubois, 
et  de  Françoise  Olivier  de  Leuville,  et  avait  épousé 
Marie,  fille  de  Thomas  de  Morant,  intendant  de 
Tours,  dont  il  eut  le  fils  qui  suit.  Il  mourut,  en 
1699,  âgé  de  quatre-vingt-trois  ans. 


BAILLIS.  4lY 

Dubois  (Louis-Thomas,  dit  Olivier),  marquis  de 
Leuville,  de  Vendenesse  et  de  Givry ,  lieuteuant-gë- 
neral  des  armées,  et  gouverneur  de  Charlemont, 
succéda  à  son  père,  en  i6()9,  dans  la  charge  de 
grand-bailli  de  Touraine,  et  mourut,  en  1742,  de- 
vant Égra  en  Bohême ,  où  il  commandait.  De  sa  se- 
conde femme  Marie  de  Voisin ,  fille  du  chancelier 
de  France,  il  n'eut  qu'une  fille,  mariée  au  marquis  de 
Poyanne. 

Baylens  (Charles-Léonard  de),  Olivier  de  Leuville, 
marquis  de  Poyanne ,  lieutenant-général  des  armées 
du  roi ,  chevalier  de  ses  ordres ,  colonel  des  carabi- 
niers, succéda  à  son  beau-père,  en  174^^?  dans  la 
charge  de  grand-bailli  de  Touraine ,  qu'il  exerça  jus- 
qu'en 1759.  De  son  épouse,  Antoinette  -  Madelaine 
Olivier  de  Leuville ,  il  n'eut  qu'une  fille ,  qui  a  épousé 
le  duc  de  Sully.  Elle  descendait  du  célèbre  chance- 
lier de  France  François  Olivier  de  Leuville,  mort  à 
Amboise  en   i56o. 

Voyer  d'Argenson  (Marc-René  de),  deuxième  du 
nom.  C'est  le  même  que  celui  dont  nous  avons  déjà 
parlé ,  et  qui  termine  la  liste  des  lieutenans-généraux 
pour  le  roi  en  Touraine.  La  charge  de  grand-bailli 
rentra  encore  une  fois  dans  la  famille,  en  17 5g,  par 
ia  cession  que  lui  en  fît  le  marquis  de  Poyanne.  Il  la 
conserva  jusqu'à  sa  mort  en  1782. 

Voyer  d'Argenson  (Marc-René  de),  troisième  du 
nom,  comte  d'Argenson ,  marquis  de  Paulmy.^  vicomte 
de  la  Guerche,  etc.  Son  père  étant  mort  en  1782, 
le  roi  lui  donna  pour  successeur    le  marquis  de    La 


4l2  HISTOIRE    DE    TOUR  AINE. 

Vaiipaiière;  mais  celui-ci  eut  la  générosité  de  re- 
fuser cette  place,  en  exprimant  le  désir  qu'elle  ne 
sortît  pas  de  la  famille  d'Argenson ,  et  qu'elle  fût 
conservée  au  fils  du  marquis  de  Voyer,  qui  n'était 
alors  âgé  que  de  onze  ans,  étant  né  en  1771.  H  en 
fut  en  effet  pourvu  malgré  son  extrême  jeunesse; 
mais,  quoiqu'il  eût  déjà  été  reçu  au  parlement,  son 
âge  et  la  révolution ,  qui  bientôt  amena  un  autre 
ordre  de  choses ,  l'empêchèrent  d'en  exercer  les  fonc- 
tions. C'est  lui  qui,  en  181 5,  éleva  à  la  chambre 
une  voix  courageuse  pour  dénoncer  l'assassinat  des 
protestans  du  Midi ,  voix  qui  fut  étouffée  par  les 
clameurs  d'un  parti  nombreux  et  violent  qui  ne  res- 
pirait qu'exils,  proscriptions,  et  plus  encore,  si  on 
eût  secondé  ses  désirs. 

Nous  avons  parlé  dans,  le  préambule  de  ce  chapitre, 
des  lieutenans-généraux  de  bailliage,  institués  pour 
siéger  et  rendre  la  justice  au  nom  des  baillis  d'épée  : 
mais  nous  croyons  inutile  d'en  donner  la  nomen- 
clature. Nous  dirons  seulement  qu'on  en  a  compté 
cinquante-sept  depuis  Guillaume  Travaillard,  qui 
en  fut  le  premier  en  i3i2,  jusqu'à  M.  Valleteau  de 
Chabrefis,  qui  en  a  été  le  dernier  en  1790. 

Nous  remarquons  que  Guillaume  Travaillard, 
dans  un  titre  daté  de  i3i2,  prend  la  qualité  de  sous- 
bailli  ,  ce  qui  répondait  à  celle  de  lieutenant. 


BAILLIS.  <■  4^3 

SI". 

BAILLIS    DES    RESSORTS    ET   EXEMPTIONS. 

Nous  avons  expliqué  la  différence  qu'il  y  avait 
entre  ces  officiers  et  ceux  du  bailliage.  Comme  ils 
sont  en  petit  nombre ,  nous  allons  en  donner  la  suite 
pour  compléter  l'histoire  de  nos  baillis. 

La  Treille  (Jean  de  ) ,  de  1370  à  1376.  Il  est  le 
premier  qui  ait  été  spécialement  commis,  en  1370, 
pour  connaître  des  causes  des  privilégiés  des  trois 
provinces.  On  lui  donna  depuis  les  exemptions  du 
Poitou,  ainsi  qu'on  le  remarque  par  un  titre  de 
1372.  En  quittant  ces  fonctions,  il  passa  bailli 
d'Arras,  dont  il  prêta  serment  à  la  cour  en  1376. 
Il  fut  ensuite  bailli  d'Amiens,  en  1379,  ^^  Rouen 
en  i383,  et  de  Gisors,  en  iSgi. 

Armeville  (Thomas  d'),  écuyer,  fut  bailli  des 
ressorts  des  quatre  mêmes  provinces  que  son  prédé- 
cesseur en  1375,  1376  et  1377. 

Négron  (  Pierre  de  ) ,  chevalier ,  conseiller  du  roi , 
seigneur  de  Négron  près  Amboise ,  bailli  des  ressorts 
de  Chartres ,  fut  commis  par  le  roi  aux  mêmes  fonc- 
tions pour  la  Touraine ,  l'Anjou ,  le  Maine  et  le  Poi- 
tou. C'est  ce  qu'on  voit  par  un  titre  du  25  septembre 
1379. 

Ailgembourse  (  Pierre  d'  ).  Celui-ci  n'eut  dans  ses 
attributions  que  les  trois  provinces ,  depuis  l'année 
1377  jusqu'en  1391. 


4ê^  histoire  de  touraine. 

Bueil  (Pierre  de),  chevalier,  chambellan  du  roi, 
se  trouve  avec  la  qualité  de  bailli  des  exemptions  de 
Touraine ,  Anjou ,  Maine  et  Poitou ,  dans  des  titres 
des  années  1407,  i4o8  et  i4i3.  Il  exerça ,  en  effet, 
depuis  1391 ,  jusqu'à  i4i6.  Il  était  frère  de  Jean  de  1 
Bueil ,  quatrième  du  nom ,  grand-maître  des  arbalé- 
triers de  France,  et ,  comme  lui ,  se  rendit  célèbre  par 
sa  bravoure  et  ses  faits  d'armes  contre  les  Anglais. 
Tous  les  deux  étaient  nés  au  château  de  Bueil  en 
Touraine. 

Montejean  (  Renaud  de),  chevalier,  chambellan 
du  roi ,  fut  nommé  par  la  cour  de  parlement ,  le  11 
janvier  ï4i6j  bailli  des  exemptions  de  Touraine, 
d'Anjou,  du  Maine  et  du  Poitou.  Il  fut  père  de 
Jean  P'  de  Montejean,  qui  épousa  Marie,  fille  de 
Hardouin  VIII  de  Maillé,  et  de  Perrenelle  d'Am- 
boise. 

Remeneuil  (Guillaume  de) ,  chevalier ,  conseiller 
et  chambellan  du  roi ,  fut  bailli  des  exemptions  de 
Touraine,  en  1417  ?  et  dans  la  même  année,  il  fut 
nommé  gouverneur-bailli  de  Touraine,  comme  on 
l'a  vu  au  §  I  du  chap.  II.  Depuis  lui ,  nous  ne  trou- 
vons plus  de  baillis  spéciaux  pour  les  exemptions. 
Il  paraît  que  les  baillis -gouverneurs  en  firent  les 
fonctions  jusqu'en  i568,  époque  où,  comme  nous 
l'avons  dit ,  Charles  IX  en  donna  les  attributions 
aux  baillis  et  sénéchaux  des  trois  provinces ,  chacun 
en  ce  qui  le  concernait. 


.VI: 


IICTENDANS.  4^5 


JQ,  iij' 


CHAPITRE  IV. 


INTENDANS    DE    ÏOURAINE. 

Les  rois  des  deux  premières  races  se  reposaient  ^ 
pour  l'administration  intérieure  de  leurs  provinces, 
sur  des  commissaires  que  l'histoire  nous  fait  con- 
naître sous  le  nom  de  missi  dominici.  Il  y  en  avait 
ordinairement  deux  pour  chaque  province  ^  un  comte 
et  un  ecclésiastique  qui  était  presque  toujours  ua 
évêque.  L'un  avait  dans  son  département  les  affaires 
civiles,  et  l'autre,  celles  du  clergé,  qui  n'étaient  pas 
alors  les  moins  importantes,  eu  égard  à  Ja  grande 
influence  que  ce  corps  avait  dans  l'état.  Cet  ordr* 
de  chose  se  maintint  en  Touraine  jusqu'au  règne  de 
Louis-le-Bègue;  mais  il  ne  fut  plus  question  de  ces 
commissaires  sous  le  gouvernement  des  comtes  hé- 
réditaires qui ,  fixant  habituellement  leur  résidence 
dans  leurs  provinces,  y  avaient  leurs  officiers  parti- 
culiers ,  et  souvent  rendaient  eux-mêmes  la  jus- 
tice à  leurs  sujets.  Ces  comtes,  à  la  vérité,  étaient 
les  grands  vassaux  de  la  couronne  ;  mais  ils  étaient 
réellement  les  souverains  de  leurs  états,  et  plus  d'une 
fois  on  les  a  vus  faire  la  guerre  au  monarque.  On  ne 
parla  donc  plus  de  ces  missi  dominici^  pendant  près 
de  sept  cents  ans ,  lorsque  enfin  les  troubles  violens 


I 


4f  6  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

suscites  par  la  différence  des  opinions  religieuses 
firent  sentir  à  Charles  IX ,  vers  1 564  •>  ^^  nécessité 
d'avoir  dans  chaque  province  un  commissaire  dé- 
parti,  revêtu  de  grands  pouvoirs,  pour  maintenir 
l'ordre,  et  surtout  pour  faire  exécuter  les  nombreux 
édits  que  faisaient  naître,  abroger,  et  renaître  les 
vicissitudes  d'une  guerre  intestine,  et  des  pacifica- 
tions toujours  méconnues  dans  les  succès ,  mais  invo- 
quées dans  les  défaites. 

Henri  III ,  quoique  son  royaume  ne  fût  pas  moins 
en  proie  aux  fureurs  des  factions,  mais  vivement 
pressé  par  les  remontrances  de  trois  ordres,  dans  les 
états  tenus  àBlois  en  1676,  abolit  ces  commissaires 
par  un  édit  de  i58o.  Cette  révocation,  qui  fut  géné- 
rale, dura  trente-huit  ans,  c'est-à-dire  depuis  i58o 
jusqu'à  161 8,  époque,  où  ils  furent  rétablis  et 
maintenus  pendant  trente  ans ,  sans  aucune  innova- 
tion. 

Louis  XIV,  par  une  déclaration  donnée  à  Saint- 
Germain-en-Laye ,  le  î^o.  octobre  1648  ,  les  abolit  de 
nouveau ,  mais  non  pas  entièrement ,  car  il  les  con- 
serva dans  les  provinces  de  Bourgogne ,  Languedoc, 
Provence ,  Lyonnais ,  Picardie  et  Champagne.  Cette 
suppression,  selon  toute  apparence,  ne  fut  pas  de 
longue  durée ,  car  à  peine  aperçoit-on  un  léger  in- 
tervalle dans  la  série  de  nos  intendans. 

Ces  magistrats  n'eurent  d'abord  dans  leurs  attribu- 
tions que  la  justice  et  la  police,  ce  qui  les  mettait 
dans  l'obligation  de  faire  enregistrer  leurs  commis- 
sions aux  présidiaux  ,  où  ils  avaient  séance.  Depuis 


INTENDANS.  4^7 

le  cardinal  de  Richelieu ,  vers  1 687,  on  y  ajouta  le  droit 
de  connaître  de  toutes  les  affaires  qui  concernaient 
les  impôts  et  l'administration  des  fonds  publics.  Dès 
ce  moment,  ils  prirent  le  titre  d'intendans  de  justice, 
police  et  finances ,  qualité  qui  leur  était  donnée  par 
leurs  provisions. 

Nous  allons  présenter  le  tableau  de  tous  ceux  qui 
ont  exercé  les  fonctions  d'intendant ,  d'abord  dans  la 
Touraine ,  ensuite  dans  la  généralité  de  Tours. 

1 565-1 566.  Viole  (Jacques),  seigneur  d'Andresel 
et  d'Aigremont ,  conseiller  au  parlement  de  Paris , 
est  le  premier  que  nous  voyons  revêtu  de  la  qualité 
d'intendant,  pour  la  province  de  Touraine  seule- 
ment. Les  lettres  patentes  de  Charles  IX,  données  à 
Blois,  le  4  décembre  i565,  lui  conféraient  le  pou- 
voir «  de  connaître  de  toutes  causes  civiles  et  cri- 
«  minelles,  malversations  des  juges,  port  d'armes, 
«  assemblées  illicites,  séditions  et  autres  cas  sembla- 
«  blés;  présider  en  toutes  les  justices  du  bailliage, 
ce  évoquer  devaai  lui  les  causes  des  juges  inférieurs, 
if  juger  en  dernier  ressort  avec  dix  conseillers  du  bail- 
ce  liage  ou  avocats  tels  qu'il  voudrait  choisir;  convo- 
cc  quer  et  assembler  les  officiers  et  habitans ,  voir 
ce  les  départemens  des  élus,  leur  faire  administrer  la 
«justice,  écouter  leurs  plaintes,  et  en  cas  d'abus, 
ce  malversations  ou  négligence ,  en  donner  avis  à  Sa 
ce  Majesté.  » 

Nous  avons  cité  ce  passage ,  pour  faire  voir  quelles 
étaient  dans  ces  premiers  temps  les  attributions  de 
3.  '  ay 


4l8  HISTOIRE   DE    TOURAINE. 

ces  magistrats.  Ces  lettres  furent  enregistrées  au  prë- 
sidial  (le  Tours  le  19  décembre  id65. 

Jacques  Viole  n'exerça  ses  fonctions  d'intendant 
que  pendant  environ  six  mois.  Il  paraît  qu'il  s'en  dé- 
mit en  faveur  de  son  neveu  Bruslart.  Il  revint  a 
Tours  en  iSôg,  mais  seulement  comme  commissaire 
du  roi  pour  faire  exécuter  un  arrêt  du  conseil  qui 
rétablissait  le  corps-de-ville  sur  le  même  pied  quil 
était  par  l'édit  de  création ,  arrêt  contre  lequel  il  exis- 
tait une  opposition  très-prononcée  de  la  part  des 
habitans ,  qui  ne  voyaient  pas  sans  humeur  un  corps 
composé  de  cent  privilégiés. 

Déjà,  en  i559,  il  avait  été  nommé  par  le  roi, 
avec  Christophe  de  Thou  et  Barthélemi  Faye ,  pour 
la  réformation  des  coutumes  de  Touraine.  Né  en 
1617,  de  Jacques  Viole  et  d'Isabeau  Caille,  il  mourut 
à  Paris,  le  3o  juillet  i584.  Son  fils,  Jacques  Viole, 
fut  premier  président  aux  requêtes  du  palais. 

'  1 566-1 58o.  Bruslart  (Pierre,  troisième  du  nom), 
succéda  a  son  oncle  Jacques  Viole,  par  lettres  pa- 
tentes du  16  juillet  i566,  et  ne  fut  pourvu  comme 
lui  que  de  l'intendance  de  la  Touraine.  Il  monta 
sur  le  siège  et  y  tint  l'audience  le  i^'  août  suivant. 
Ses  fonctions  cessèrent  au  moyen  de  l'édit  de  i58o, 
qui  révoquait  tous  les  intendans,  ou  plutôt  les  com- 
missaires départis;  car  alors  ils  n'avaient  pas  d'autre 
qualité. 

Il  mourut  en  i584  j  étant  président  des  enquêtes. 
Il  avait  épousé  Marie  Cauchon ,  qui  lui  porta  les 
terres  de  Puisieux  et  de  Sillery.  Cette  dernière  ayant 


INTENDANS.  419 

été  érigée  en  marquisat  en  1 619,  ce  fut  son  fils 
aîné,  Nicolas ,  qui  le  premier  prit  la  qualité  de  mar- 
quis de  Sillery. 

(  Intervalle  de  trente-huit  ans.  ) 

i6i8-i63o.  Aubery  l'aîné  (Jean),  conseiller  d'état 
et  du  conseil  privé  du  roi ,  maître  des  requêtes ,  fut 
le  premier  qui  fut  pourvu  de  la  commission  d'inten- 
dant de  justice  et  police  dans  les  provinces  de  Tou- 
raine,  Anjou  et  le  Maine,  par  lettres  patentes  de 
Louis  XIII  du  3o  juillet  1618,  époque  où  les  in- 
tendances furent  rétablies ,  et  quelques-unes ,  au 
nombre  desquelles  était  la  Touraine ,  érigées  en  gé- 
néralités. Il  était  fds  de  Jacques  Aubery,  lieutenant 
civil  de  Paris ,  qui  fut  envoyé  par  Henri  II  en  An- 
gleterre, en  i555,  pour  y  traiter  de  la  paix. 

«  Jean  Aubery,  disent  Ancillon  et  Du  Maurier 
«  dans  leurs  Mémoires ,  était  un  homme  habile ,  es- 
te timé  des  savans,  et  en  commerce  de  lettres  avec  le 
«  célèbre  Duplessis-Mornay.  Il  épousa  en  premières 
(c  noces  Catherine  de  Bellièvre ,  dont  il  eut  une  seule 
«  fille  qui  fut  très-estimée  à  la  cour,  où  elle  était 
«  ordinairement  avec  Marguerite  de  Montmorenci  , 
«  princesse  de  Condé.  M'""  Aubery  a  été  célébrée  par 
«  Voiture ,  qui  a  fait  plusieurs  vers  à  sa  louange.  » 
Son  père  mourut  en  i636,  doyen  des  conseillers 
d'état. 

i63o-i637.    Ktampes  (Jeand'),  chevalier,  sei- 

27. 


/|!iO  HISTOIRE   DE  TOURAINE. 

gneur  de  Valençay,  conseiller  d'état  et  du  conseil 
privé ,  conseiller  au  parlement  de  Paris ,  maître  des 
requêtes ,  et  président  du  grand  conseil ,  fut  nommé 
intendant  de  la  généralité  de  Tours  par  lettres  pa- 
tentes données  à  Fontainebleau  le  5  juin  i63o,  vé- 
rifiées au  parlement  le  i4  septembre  i63i. 

Il  fut  envoyé  ambassadeur  auprès  des  Grisons 
lorsqu'il  quitta  son  intendance,  en  lôSy,  et  ensuite 
vers  les  États  de  Hollande.  Il  était  fils  de  Jean  d'É- 
tampes ,  chevalier  des  ordres  du  roi ,  et  de  Sara 
d'Aplincourt ,  et  né  h  Tours  ainsi  que  le  cardinal 
de  Valençay  son  frère.  Il  mourut  le  4  février  167 1 , 
âgé  de  soixante- dix-sept  ans. 

1637-1641.  Martin  (Pierre),  seigneur  de  Lau- 
bardemont,  conseiller  du  roi  en  ses  conseils  d'état 
et  privé,  maître  des  requêtes,  fut  le  premier  inten- 
dant qui  ait  eu  les  finances  dans  ses  attributions.  Son 
mot  affreusement  célèbre  :« Donnez-moi  une  ligne  de 
l'écriture  d'un  homme,  et  j'y  trouverai  de  quoi  le 
faire  pendre»,  fut  sans  doute  ce  qui  lui  mérita  la 
préférence ,  de  la  part  du  cardinal  de  Richelieu ,  pour 
présider  la  commission  chargée  d'instruire  le  procès 
d'Urbain  Grandier.  Le  dévouement  servile  qu'il  mon- 
tra au  cardinal  dans  cette  horrible  affaire  lui  valut 
l'intendance  de  la  généralité  de  Tours ,  qu'il  conserva 
jusqu'à  la  fin  de  1640.  En  1642,  il  fut  encore  choisi 
par  le  cardinal  pour  assurer  la  condamnation  de 
Cinq-Mars  et  de  François-Auguste  De  Thou.  Ainsi 
sa  conduite  iustifîait  ses  maximes.  Il  laissa  en  mou- 
rant    une  mémoire  abhorrée    et    un  nom    devenu 


IjSTENDANS.  4^1 

injure.  On  fît  sur  lui  ce  quatrain,  au  sujet  du  procès 
de  Grandier  : 

Vous  tous  qui  voyez  la  misère 
De  ce  corps  qu'où  brûle  aujourd'hui , 
Appreuez  que  son  commissaire 
Mérite  mieux  la  mort  que  lui. 

Il  eut  d'Éléonore  Fourre  de  Dampierre ,  son  épouse, 
un  fils  nommé  comme  lui  Pierre  Martin  de  Lau- 
bardemont  qui,  quoique  marié  à  la  veuve  de  Jean 
de  Bragelogne ,  s'associa,  dit-on,  à  une  troupe  de 
voleurs  dans  laquelle  il  fut  tué.  Si  le  fait  est  vrai,  ce 
fils  n'avait  pas  dégénéré. 

164 1- 1642.  Renouard  (Jean- Jacques),  seigneur 
de  Yillayer,  conseiller  du  roi,  maître  des  requêtes 
ordinaire  de  son  liotel ,  fut  nommé  intendant  de  jus- 
tice, police  et  finances  de  la  généralité  de  Tours, 
par  lettres  patentes  données  à  Saint-Germain-en- 
Laye  le  j6  janvier  1641 ,  et  enregistrées  au  prési- 
dial  de  Tours  le  i5  mai  suivant.  Il  avait  été  reçu 
conseiller  au  parlement  le  i4  jî^iin  i632,  et  conseiller 
d'état  en  1674-  H  en  mourut  le  doyen  en  mars  169Î  , 
âgé  de  quatre-vingt-sept  ans. 

L'académie  française,  en  i658,  l'avait  admis  au 
nombre  de  ses  membres;  mais  il  n'est  pas  à  notre 
connaissance  qu'il  ait  publié  aucun  ouvrage.  Ce  fut 
en  considération  des  services  qu*il  avait  rendus  dans 
j.  ses  divers  emplois,  disent  les  lettres  patentes  d'érec- 
tion, que  la  terre  de  Villayer,  en  1749?  f"t  érigée 
en  comté  pour  Claude-François  de  Kenouard ,  l'un 


4^2  HISTOIRE    DE    TOUR^\mE. 

de  ses  descendans.  Ce  comté  était  passé  dans  la  fa- 
mille de  Rosmadec. 

1642-1643.  Besançon  (Charles  de),  chevalier, 
seigneur  de  Jaligny  et  du  Plessis,  baron  de  Bazoches, 
conseiller  d'état,  maître  des  requêtes,  obtint  l'inten- 
dance de  la  généralité  de  Tours  par  lettres  patentes 
données  à  Saint-Germain-en-Laye  en  1642.  Mais 
il  ne  la  conserva  que  jusqu'au  commencement  de 
l'année  i643,  ayant  été  à  cette  époque  appelé  au 
conseil  d'état. 

1643-1647.  Héere  (Denis  de),  seigneur  de  Vau- 
doy  ,  de  Poncelet,  de  Rademont,  du  Four,  du  Grès  , 
du  Colombier,  du  fort  de  Presle,  etc.,  conseiller  du 
roi  en  ses  conseils  d'état  et  privé.  Il  fut  reçu  con- 
seiller au  parlement  le  28  mai  1627,  maître  des  re- 
quêtes le  12  septembre  i636,  intendant  de  }a  géné- 
ralité de  Bourges  en  i638,  et  de  celle  de  Tours 
par  lettres  patentes  données  à  Saint-Germain-en- 
Laye  le  29  avril  i643,  enregistrées  au  présidial  de 
Tours  le  jeudi  28  mai  suivant.  11  y  fut  maintenu 
jusques  en  1648,  époque  où  les  intendans  furent  de 
nouveau  supprimés,  mais  presque  immédiatement 
rétablis. 

En  1644  on  lui  avait  adjoint  le  comte  de  Serrent, 
et  en  1647  le  président  Paget.  C'est,  relativem.ent  à 
notre  province,  le  seul  exemple  que  nous  ayons  de 
ces  sortes  d'adjonctions.  Cependant  ces  deux  colla- 
borateurs aj^ant  eu  comme  lui  le  titre  et  la  commis- 
sion d'intendant  de  la  généralité ,  nous  les  placerons 
ici  dans  Tordre  de  leurs  nominations. 


IJVTENDAWS.  4^^ 

1644-1647.  Bautru  (  Guillaume  de  ) ,  troisième 
du  nom,  comte  de  Serrent,  conseiller  d'état,  et  du 
conseil  prive  du  roi,  fut  adjoint  en  i644  *^  Denis 
de  Héere,  avec  le  titre  d'intendant  pour  la  partie  de 
l'Anjou,  province  dont  sa  famille  était  originaire. 
En  1647  ,  il  quitta  ces  fonctions  pour  être  garde  des 
sceaux  et  chef  du  conseil  de  Monsieur,  frère  unique 
du  roi. 

Il  était  fils  de  Guillaume  de  Bautru,  comte  de 
Serrent ,  ambassadeur  à  Vienne ,  en  Espagne  et  en 
Savoie,  qui  fut  l'un  des  premiers  membres  de  l'aca- 
démie française.  C'était  ainsi  que  son  père  un 
homme  h  bons  mots.  Il  mourut  en  t  7 1 1 ,  âgé  de 
quatre-vingt-treize  ans.  L'une  de  ses  deux  filles  avait 
épousé  le  frère  aîné  du  grand  Colbert. 

1647-1648.  Paget  (  Jacques  ) ,  seigneur  de  Ville- 
nomble ,  président  de  la  chambre  des  comptes  de 
Montpellier,  et  maître  des  requêtes  en  i644-  En 
1647,  on  le  donna  pour  successeur  au  comte  de  Ser- 
rent, et  quoique  adjoint  il  reçut  commue  lui  par  sa 
commission  le  titre  d'intendant  de  justice,  police  et 
finances  de  la  généralité  de  Tours.  Il  exerça  donc 
conjointement  avec  Denis  de  Héere ,  et  se  retira  en 
même  temps  que  lui ,  d'après  la  déclaration  du  roi 
du  22  octobre  164B  qui  révoquait  les  intcndans, 
à  l'exception  des  six  provinces  dont  nous  avons 
parlé. 

Son  fils,  Jacques  Puget,  fut  exempt  dans  les  gardes- 
du-corps  du  roi. 

1 649- 1 656.  De  Héere  (jDcnis  ).  Lorsque  Louis  XIV 


I 


4^4  HISTOIRE    DE    TOURAINE, 

eut  rétabli  les  intendans ,  huit  mois  environ  après  les 
avoir  révoques,  celui-ci  fut  pourvu  d'une  nouvelle 
commission  pour  la  généralité  de  Tours,  que  cette 
fois  il  administra  seul  jusqu'à  sa  mort,  en  i556. 
De  Tours ,  son  corps  fut  transféré  à  Paris,  et  inhumé 
à  Saint-Christophe.  Il  était  arrière-petit-fîls  de  ce 
Denis  de  Héere,  conseiller  au  parlement,  d'abord 
ligueur  outré,  mais  qui,  ayant  changé  de  principes, 
fut  arrêté  par  les  ligueurs  eux-mêmes ,  et  conduit  à  la 
bastille  avec  plusieurs  autres  conseillers  au  parle- 
ment, d'après  ce  que  dit  le  P.  Maimbourg.  Cepen- 
dant on  lit  à  la  fin  du  tome  II  de  la  Satyre  Ménippée 
qu'il  se  trouvait  le  sixième  sur  la  liste  de  ceux  qui, 
en  i5ç)^,  devaient  sortir  de  Paris. 

1656-1657.  Hotman  (Vincent),  chevalier,  sei- 
gneur de  Fontenay,  Nancel,  Marcigny ,  reçu  le  3o 
mai  i65o  conseiller  au  grand-conseil,  maître  des 
requêtes  le  ^'5  août  i656,  fut  en  cette  même  année 
nommé  à  l'intendance  de  la  généralité  de  Tours, 
qu'il  quitta  en  lôS-y  pour  passer  à  celle  de  Bordeaux, 
et  à  celle  de  Paris  en  i663.  Il  remplaça  dans  la 
chambre  de  justice  le  procureur -général  Talon  : 
enfin,  en  1669,  il  fut  fait  conseiller  d'état  et  inten- 
dant des  finances.  Le  i4  mars  i683,  il  mourut  sans 
enfans  de  son  mariage  avec  Marguerite  Golbert.  Il 
était  fils  de  François  Hotman  de  Morfontaine ,  mort 
ambassadeur  en  Suisse,  et  de  la  même  famille  que 
François ,  Antoine  et  Jean  Hotman ,  connus  par  divers 
ouvrages.  François,  jurisconsulte  célèbre,  professait 
le  droit  à  Bourges  lorsque  ses  écoliers,  dont  il  était 


INTEND  ANS.  ^'l5 

chéri ,  l'arrachèrent  aux  assassins  de  la  Saint-Bar- 
thélemi. 

1 657-1659.  Bochard  (Jean,  septième  du  nom), 
seigneur  de  Noray  et  de  Champigny,  conseiller  au 
grand  conseil  et  maître  des  requêtes ,  succéda  à  Vin- 
cent Hotman  dans  rintendancc  de  la  généralité  de 
Tours  ,  d'où  il  passa  en  1659  à  celle  de  Normandie. 

Fils  de  Jean  Bochard,  conseiller  d'état,  et  petit- 
fîls  de  Jean  Bochard,  premier  président  au  parle- 
ment de  Paris,  il  mourut  le  9  août  1691.  Le  savant 
et  vertueux  Bochard  de  Sarron ,  premier  président 
de  ce  même  parlement ,  et  mort  révolutionnaire- 
ment  le  20  avril  1794?  descendait  de  Jean,  père  de 
celui  dont  il  s'agit  ici. 

1 659- 1 66 1 .  Morant  (Thomas  de) ,  chevalier ,  mar- 
quis de  Mesnil-Garnier,  comte  de  Penzés,  etc.,  con- 
seiller au  grand-conseil  le  18  septembre  i636, 
maître  des  requêtes  le  6  août  i643,  successivement 
intendant  de  Bordeaux  et  de  Montauhan  en  i65o; 
de  Bourgogne  en  i65i;  de  Caen  en  i653;  de 
Rouen  en  1 655,  obtint  l'intendance  delà  généra- 
lité de  Tours  en  1659.  Après  deux  années  de  fonc- 
tions dans  cette  place  ,  il  se  retira,  et  fut  nommé,  le 
3o  août  1 663  ,  maître  des  requêtes  honoraire  et 
conseiller  d'état.  Il  mourut  à  Paris,  le  16  octobre 
1692  ,  âgé  de  soixante-seize  ans  ,  et  fut  inhumé  dans 
leglisc  de  Saint-Jacques  du  Haut-Pas.  Ce  fut  en  sa 
faveur,  que  la  terre  de  Mesnil-Garnier,  auparavant 
baronnie,  fut   érigée  en  marquisat   sous  l'appella- 


426  HISTOIHE    DE    TOUR.UNE. 

tion  de  Morant,  en  1672.  Son  père,  Thomas  de  Mo- 
rant ,  maître  des  requêtes ,  avait  été  trésorier  de  l'é- 
pargne en  16 17,  et  grand- trésorier  des  ordres  du  roi. 

166 1-1663.  Lejay  ( Charles J,  chevalier,  baron 
de  Tilly,  marquis  de  la  Maison  Rouge,  seigneur  de 
Saint-Fargeau  ,  de  Villiers-sur-Seine,  conseiller  au 
grand -conseil  le  20  août  i638;  maître  des  requêtes 
le  28  février  1642;  intendant  de  Limoges  en  i6547 
fut  nommé  en  1661  à  l'intendance  de  la  généralité 
de  Tours ,  d'où  il  passa  à  celle  de  Bordeaux,  et  enfin 
à  celle  de  Lorraine.  Il  mourut  à  Paris  en  novembre 
167 1 ,  et  eut  sa  sépulture  aux  Minimes. 

Il  était  fils  de  Jacques  Lejay  ^  conseiller  d'état , 
gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre  du  roi ,  et 
neveu  du  premier  président  Nicolas  Lejay. 

1 663- 1666.  Colbert  (Charles) ,  marquis  de  Croissy 
et  de  Torcy ,  conseiller  d'état ,  grand-trésorier  des 
ordres  du  roi ,  maître  des  requêtes ,  commença  par 
avoir  en  i663  l'intendance  de  la  généralité  de 
Tours,  qu'il  conserva  jusques  en  1666,  époque  oîi  il 
fut  nommé  président  du  conseil  souverain  d'Alsace. 
Il  fut  depuis  ambassadeur  en  Angleterre,  plénipo- 
tentiaire au  congrès  de  Nimègue  pour  la  paix  géné- 
rale ,  et  en  dernier  lieu  ministre  secrétaire  d'état 
au  département  des  affaires  étrangères,  en  1689. 

Second  fils  de  Nicolas  Colbert ,  il  était  par  consé- 
quent frère  du  grand  Colbert.  De  Françoise ,  fîUe 
de  Joachim  Béraud,  grand-audiencier  de  France,  il 
eut  trois  fils  qui   formèrent  la  branche  des  Colbert- 


INTENDAîfS.  4ï^7 

Croissy.  Il  mourut  le  28  juillet  1696,  âgé  de  soixante- 
sept  ans. 

1666-167 1.  Voisin  (  Jean -Baptiste  ),  seigneur  de 
la  Noiraye ,  conseiller  du  roi  en  tous  ses  conseils  et 
maître  des  requêtes,  fut  nommé  en  1666  à  l'inten- 
dance de  la  généralité  de  Tours ,  où  il  mourut  le  26 
septembre  1671.  Il  eut  sa  sépulture  dans  l'église  de 
Saint-Vincent ,  sa  paroisse ,  où  on  lisait  son  épitaphe. 

Son  fils  Daniel-François  Voisin  fut  chancelier  de 
France  le  i5  juillet  17 14-  On  assure  que  Louis  XIV, 
déjà  très-affaibli  par  l'âge,  ayant  accordé  la  grâce  à 
un  fameux  scélérat ,  Voisin  refusa  d'en  sceller  les 
lettres.  Le  roi  fît  demander  les  sceaux,  et  les  ren- 
voya au  chancelier  après  en  avoir  fait  l'usage  au- 
quel ce  magistrat  s'était  refusé  :  mais  Voisin  les  re- 
fusa, en  disant  :  Ils  sont  pollués,  Je  n  en  veux  plus. 
Le  roi  se  contenta  de  dire  :  Quel  homme  !  Les  lettres 
furent  brûlées,  et  le  chancelier  reprit  les  sceaux  en 
ajoutant  :  Le  feu  purifie  tout. 

1672 -1674.  Ribeyre  (Antoine  de),  seigneur 
d'Ompne,  conseiller' au  parlement  de  Paris  le  26 
mai  1667,  maître  des  requêtes  le  27  mai  1667  ,  in- 
tendant de  Limoges  en  1671,  et  de  Touraine  en 
1672.  Il  quitta  son  intendance,  le  3o  avril  1674? 
pour  aller  occuper  la  place  de  lieutenant-civil  au 
nouveau  châtelet  de  Paris.  Il  rentra  cependant  dans  la 
carrière  administrative,  et  obtint  en  1689  l'inten- 
dance de  Poitiers  ,  ayant  auparavant  été  fait  conseil- 
ler d'état,  en  i68v3.  Le  7  octobre  17 12,  il  mourut 
conseiller  d'honneur  au  parlement. 


4^8  HISïOIllE  DE  TOURAINE. 

Il  était  de  la  province  d'Auvergne ,  et  fils  d'Antoine 
de  Ribejre,  lieutenant-général  au  présidial  de  Cler- 
mont ,  ensuite  conseiller  à  la  cour  des  aides  d'Au- 
vergne. Sa  sœur  Jeanne  épousa  Charles  Tubeuf ,  père 
de  celui  qui  suit. 

1674-1680.  Tubeuf  (Charles),  seigneur  de  Blan- 
sac,  de  Vert  et  de  Mondesir,  maître  des  requêtes, 
succéda  en  1674  ^  son  oncle  dans  l'intendance  de 
la  généralité  de  Tours,  emploi  qu'il  occupa  jusqu'au 
3  septembre  1680,  époque  de  sa  mort  au  chef-lieu 
de  sa  résidence.  Son  cœur  fut  porté  à  Saint-Pierre- 
du-Boiie,  sa  paroisse,  et  son  corps  aux  Minimes  du 
Plessis-les-Tours  ,  suivant  ses  dernières  volontés. 

Par  le  lieu  de  sa  sépulture  et  celle  de  son  prédé- 
cesseur Voisin ,  on  voit  que  les  intendans  n'avaient 
point  alors  d'hôtel  spécial ,  et  choisissaient  à  leur  gré 
le  lieu  de  leur  domicile. 

Ce  fut  lui  qui  le  premier,  en  1678,  commença  à 
donner  quelque  embellissement  à  la  ville  de  Tours  en 
faisant  percer  une  rue  qui  la  traversait  du  nord  au  midi, 
et  que  de  là  on  nomma  rue  Traversine.  C'est  la  même 
que  plus  tard  nous  verrons  une  seconde  fois  recon- 
struite régulièrement  et  former  la  rue  Royale. 

Son  père,  Jacques  Tubeuf,  conseiller  d'état,  était 
président  en  la  chambre  des  comptes  de  Paris ,  in- 
tendant des  finances,  et  surintendant  de  la  maison 
de  la  reine  Anne  d'Autriche. 

1680- 1689.  Béchameil  (Louis  de),  marquis  de 
Nointel ,  conseiller  au  parlement,  maître  des  requêtes 
au  mois  d'avril  1674,  et  intendant  de  la  généralité 


INTEND  ANS.  4^9 

(le Tours  en  tG8o,  jusques  en  1G89.  En  1700,  il 
fut  fait  conseiller  d'état,  et  mourut  le  3  mars  1703. 
Il  avait  épousé  Marie  Colbert,  dont  il  eut  une  fille 
qui  fut  mariée  à  Artus-Timoléon-Louis  de  Cossé,  duc 
de  Brissac. 

Le  marquis  de  Nointel  avait  été  comme  son  père , 
et  après  lui,  surintendant  des  maisons,  domaines  et 
finances  de  Philippe  d'Orléans,  Monsieur,  frère 
unique  du  roi. 

Ce  fut  lui  qui,  en  1688  ,  fît  élever  à  l'extrémité 
nord  de  la  rue  Traversine,  dont  nous  venons  de 
parler,  un  arc  de  triomphe  à  la  gloire  de  Louis  XIV. 
Ce  monument,  qui  portait  pour  seule  inscription 
LUDOVICO  MAGNO ,  fut  détruit  en  1777.  La  con- 
struction d'une  nouvelle  rue  l'avait  fait  ériger  ;  la 
reconstruction  de  la  même  rue  l'a  fait  disparaître. 

1689-1704.  Hue  (Thomas),  chevalier,  marquis  de 
Miroménil,  seigneur  de  La  Roque  et  de  Latingy, 
conseiller  au  grand-conseil  le  29  mai  1609,  maître 
des  requêtes  le  10  décembre  1668,  président  au  grand- 
conseil  le  9  mars  167 1  ,  eut  l'intendance  de  Poitou 
en  1672,  d'où  il  passa  à  celle  de  Champagne  en 
1673,  et  enfin  à  celle  de  la  généralité  de  Tours  en 
1689.  Président  honoraire  en  1690,  il  obtint  l'a- 
grément d'en  démembrer  son  office  de  maître  des  re- 
quêtes. H  mourut  on  août  17T2.  Il  était  fils  de  Michel 
Hue  de  Miroménil,  conseiller  au  parlement  de  Rouen, 
et  de  Marie  Duval  de  Bonneval. 

1704-17  10.  Turgot  (Jacques-Etienne),  chevalier, 
seigneur  de  Sousmont,  Bons,  Ussy,  Brucourt,  etc., 


43o  HISTOIRE   DE   TOUR  AINE. 

maître  des  requêtes  \e  ^i  mai  1690;  intendant  de 
Metz  en  1697  ;  de  la  généralité  de  Tours  en  1704, 
et  depuis  de  celle  de  Moulins  en  1710,  mort  le  a8 
mai  1722.  11  était  fîis  posthume  de  Dominique  Tur- 
got,  maître  des  requêtes,  et  père  de  Michel-Etienne 
Turgot ,  prévôt  des  marchands,  à  qui  Paris  fut  rede- 
vable de  ces  grands  égouts  par  où  s'écoulent  les  im- 
mondices de  cette  capitale. 

1711-1717.  Chauvelin  (Bernard  de),  conseiller 
au  parlement,  maître  des  requêtes  le  23  février 
1703;  intendant  de  la  généralité  de  Tours  en  17 1 1 , 
de  Bordeaux  en  17 17  ,  et  enfin  d'Amiens  en  1740» 
Nommé  conseiller  d'état  ordinaire,  il  mourut  le  16 
octobre  1755,  âgé  de  quatre-vingt-trois  ans.  Il  avait 
épousé  en  1700  Catherine,  fille  de  Louis  Martin, 
seigneur  d'Auzielles. 

17 17-1721.  Legendre  (Gaspard-François) ,  cheva- 
lier, vicomte  de  Montclar,  baron  de  Salvagnac, 
conseiller  du  roi  en  tous  ses  conseils  et  au  parle- 
ment de  Paris,  maître  des  requêtes,  en  171 4  inten- 
dant de  Montauban  ,  et  de  la  généralité  de  Tours  en 
1717  ,  mort  conseiller  d'état.  Il  avait  épousé  Marie- 
Anne  Pajot. 

J721-1722.  Voyer  (Marc -Pierre  de),  comte  d'Ar- 
genson ,  seigneur  de  Villantrais ,  de  Lys  ,  baron  des 
Ormes,  né  le  16  août  1696,  de  Marc- René,  garde 
des  sceaux  de  France ,  et  de  Marguerite  Lefebvre  de 
Caumartin.  Avocat  du  roi  au  châtelet  en  17 18 ,  con- 
seiller au  parlement  de  Paris  le  29  août  17 19,  maître 
des  requêtes  le  1 7  septembre  de  la  même  année ,  et 


irrTENDANs.  43 1 

lieutenant  de  police  le  26  janvier  1720,  place  dont 
il  donna  sa  démission  le  i"  juillet  suivant.  Il  fut 
nommé  intendant  de  Tours  le  18  février  172 1  ,  et 
grand cToix,  chancelier,  garde  des  sceaux  de  Tordre 
de  Saint-Louis ,  par  la  démission  de  René  Louis , 
son  frère  aîné  ;  mais  il  ne  conserva  que  très-peu  de 
temps  son  intendance ,  ayant  é(é  rappelé  le  16  avril 
17 2*2  aux  fonctions  de  lieutenant  de  police  de  Paris, 
dont  il  se  démit  de  nouveau,  en  1724,  pour  être 
conseiller  d'état.  Le  régent  l'avait  nommé,  en  17^3, 
son  chancelier  garde  des  sceaux,  et  surintendant  de 
ses  finances,  fonctions  qu'il  continua  de  remplir, 
quand  ce  prince  fut  mort,  auprès  du  duc  d'Orléans 
son  fils.  Maître  des  requêtes  honoraire  le  27  fé- 
vrier 1724,  il  fut  reçu  membre  honoraire  de  l'aca- 
démie des  sciences  :  enfin  il  obtint  la  surintendance 
des  postes  et  le  ministère  de  la  guerre,  qu'il  perdit 
l'un  et  l'autre,  en  1757,  par  les  intrigues  de  la  favo- 
rite Pompadour,  qui  le  fit  exiler  à  sa  terre  des 
Ormes  ,  où  il  est  mort,  en  1764?  avec  la  réputation 
d'un  homme  de  beaucoup  d'esprit,  de  savoir  et  d'ha- 
bileté dans  les  affaires. 

Il  avait  épousé,  le  24  mai  17 19,  Anne  Larcher, 
qui  le  fit  père  de  Marc-René,  deuxième  du  nom, 
dont  nous  avons  |>arlc  à  l'article  des  lieutenans-géné- 
raux  du  roi ,  ainsi  qu'aux  grands  baillis. 

1722-1725.  Hérault  (René),  seigneur  de  Fon- 
taine-l'Abbé  et  de  Vaucresson  ,  avocat  du  roi  au 
châtclet  de  Paris,  le  i4  septembre  1712,  procu- 
reur-général au  grand-conseil  le  iG  février  1718, 


432  HISTOIRE   DE  TOURAINE. 

et  maître  des  requêtes  le  28  novembre  1719,  avec 
des  lettres  de  compatibilité.  Le  4  mars  ,  il  fut  pourvu 
de  la  commission  d'intendant  de  la  généralité  de 
Tours,  et  le  28  du  même  mois  nommé  conseiller 
d'honneur  au  grand  -  conseil.  Son  administration 
comme  intendant  fut,  heureusement  pour  la  Tou- 
raine,de  très-courte  durée.  Le  genre  de  talens  dont 
il  avait  déjà  fait  preuve  le  fît  appeler  en  1725  à  îa 
place  de  lieutenant  de  police  de  Paris ,  où  il  eut  oc- 
casion de  développer  son  caractère  inquiet  et  violent. 
Ce  fut  à  lui  surtout  qu'on  dut  de  voir  ériger  l'espion- 
nage en  moyen  administratif,  invention  immorale, 
signe  infaillible  d'un  gouvernement  faible  ou  oppres- 
seur, et  portée  depuis  à  un  point  de  perfection  ef- 
frayante pour  la  société. 

Après  s'être  rendu  justement  odieux  dans  cet  em- 
ploi ,  dont  il  pervertit  les  attributions  pendant  qua- 
torze ans  ,  il  fut  récompensé  de  ses  services ,  le  20 
décembre  J739,  par  l'intendance  de  Paris  :  mais  il 
n'en  jouit  pas  long-temps ,  éiant  mort  le  2  août  1740? 
âgé  seulement  de  quarante-neuf  ans.  Il  avait  épousé 
en  secondes  noces  Marie-Hélène ,  fille  de  Jean  Moreau 
de  Séchelles ,  contrôleur  -  général  des  finances ,  en 
1756. 

1725-1726.  Ravot  (  Jean- Baptiste  ),  seigneur 
d'Ombreval,  avocat-général  à  la  cour  des  aides  de 
Paris,  maître  des  requêtes  en  1722,  fut  nommé  en 
1725  à  l'intendance  de  la  généralité  de  Tours,  qu'il 
quitta  l'année  suivante.  Après  avoir  administré  plu- 
sieurs autres  provinces,  il  fut  choisi  en  1739  pour 


INTENDANS.  4^^^ 

remplacer  René  Hérault  dans  les  fonctions  de  lieute- 
nant-général de  police  de  Paris. 

Il  était  fils  de  Jean-Baptiste  Ravot  d'Ombreval, 
également  avocat-général  à  la  cour  des  aides  de  Pa- 
ris ,  et  de  Geneviève  Berlhelot. 

1 7  26- 1 7  3 1 .  Pomraereu  (Michel-Gervais-Robert  de), 
marquis  de  Rizeys,  conseiller  au  parlement  de  Paris 
le  17  mars  1706;  maître  des  requêtes  le  17  janvier 
1713,  sur  la  démission  de  son  père  Jean-Baptiste  ; 
intendant  d'Alençon  en  1720,  et  de  la  généralité 
de  Tours  en  17^6.  Il  passa  en  mars  à  l'intendance 
de  Pau,  où  il  mourut  le  17  février  1749- 

Né  en  i685 ,  il  avait  épousé  en  1724  Catherine, 
fille  de  Jean  Oursin  ,  receveur-général  des  finances 
à  Gaen. 

1731-1743.  Le  Clerc  de  Lesseville  (Charles-Nico- 
las ) ,  seigneur  de  Saint-Leu  et  de  Saint-Prix ,  baron 
d'Authon,  conseiller  au  parlement  de  Paris  le  i5 
avril  1702  ;  maître  des  requêtes  le  3  mai  171 1  ;  in- 
tendant de  Limoges  en  17 16,  d'Auch  en  17 18, 
et  de  Tours  en  1731  jusqu'à  1743  :  mort  le  17 
février  1749* 

Son  père  Charles  Le  Clerc  de  Lesseville,  second  de 
la  branche  de  Saillancourt,  était  conseillera  la  cour 
des  aides  de  Paris,  et  le  fils  avait  épousé  en  1708 
Charlotte-Françoise  Le  Clerc  de  Lesseville ,  sa  cou- 
sine germaine  ,  morte  en  1 765  à  l'âge  de  quatre- 
vingts  ans. 

1743- 1745.  Pineau  de  Lucé  (Jacques),  seigneur 
de  Yiennay,  la  Pèchellerie,  conseiller  au  parlement 
3.  28 


434  HISTOIRE  DE   TOURAINE. 

de  Paris  le  i5  février  l'j^o,  maître  des  requêtes  le 
ai  juillet  1737,  président  au  grand  conseil  le  18 
avril  1739,  fut  nommé  intendant  de  Tours  en  1743. 
De  là  il  passa  à  l'intendance  du  Hainaut  en  174^? 
et  à  celle  d'Alsace  en  1753.  Il  fut  conseiller  d'état 
au  mois  d'octobre  1761  ,  et  mourut  en  1764. 

Il  avait  épousé  en  I743  Marie -Charlotte -Fran- 
çoise de  La  Live  de  Bellegarde. 

Ce  fut  sous  sa  courte  administration  que  l'on  perça 
et  que  l'on  construisit  la  rue  à  laquelle  on  imposa  son 
nom. 

1 745-1 756.  Sa  Valette  de  Magnanville  (  Charles- 
Pierre  de),  maître  des  requêtes  en  1738;  il  fut 
nommé  en  174^  à  l'intendance  de  la  généralité  de 
Tours ,  qu'il  ne  quitta,  en  1756,  que  pour  passer  à 
l'emploi  de  garde  du  trésor  royal. 

Ce  ne  fut  guère  que  depuis  cette  époque  que 
les  intendans  prirent  un  peu  de  fixité,  et  ne  passèrent 
plus  rapidement  d'une  province  à  une  autre  plus 
importante,  après  avoir  à  peine  acquis  quelques 
notions  sur  le  pays  où  ils  ne  faisaient  qu'apparaître. 

1 766-1 766.  Lescalopier  (Gaspard-César-Charles) 
fat  d'abord  conseiller  au  parlement  de  Paris ,  puis 
maître  des  requêtes  ;  intendant  de  Montauban  en 
i'74o,  et  de  la  généralité  de  Tours  en    1756. 

Il  descendait  en  neuvième  ligne  de  Pietro  de  l'Es- 
eale,  mort  en  i44^î  ^^h  ^^  premier,  changea  son 
nom ,  et  le  francisa  en  celui  de  l'Escalopier.  Ainsi  que 
les  Scaliger ,  il  prétendait ,  et  peut-être  avec  plus  de 
fondement ,  être  issu  des  princes  de  Vérone. 


INTEWDANS.  4^5 

Ce  fut  sous  lui  que  furent  conçus  les  premiers 
projets  d'embellissement  de  la  ville  de  Tours,  et  sur- 
tout la  construction  du  nouveau  pont,  l'un  des  plus 
beaux  de  la  France.  Au  nombre  des  grands  travaux 
exécutes  ou  commencés  sous  son  administration ,  on 
doit  compter  l'ouverture  de  la  nouvelle  route  de  Tours 
à  Bayonne ,  la  confection  de  la  belle  digue  plantée 
de  quatre  rangs  d'ormeaux ,  dans  une  étendue  de  trois 
quarts  de  lieue ,  pour  joindre  le  coteau  de  Grand- 
mont  ,  et  enfin  un  fort  beau  pont  en  pierres  établi 
sur  le  Cher ,  vers  l'extrémité  de  cette  chaussée. 

1 766- 1 783.  Ducluzel  (François-Pierre) ,  chevalier, 
marquis  de  Montpipeau ,  baron  du  Chezay,  seigneur 
de  Blan ville,  etc.,  d'une  ancienne  famille  du  Périgord. 
Maître  des  requêtes  en  1759,  il  fut  nommé  en 
1766  à  l'intendance  de  Tours,  qu'il  ne  voulut  plus 
quitter ,  quoiqu'on  lui  en  eût  offert  de  plus  impor- 
tantes. 

Il  ne  négligea  rien  pour  porter  à  leur  perfection 
les  grands  travaux  commencés  sous  son  prédécesseur , 
et  ne  profita  guère  de  son  crédit  et  de  ses  liaisons 
avec  le  duc  de  Choiseul,  alors  gouverneur  de  la 
Touraine ,  que  pour  l'avantage  de  la  province. 

On  ne  pourrait  lui  reprocher  qu'une  mauvaise 
opération  faite ,  dit-on ,  par  égard  pour  son  épouse , 
femme  d'ailleurs  très-respectable.  Comme  elle  ne  pas- 
sait qu'en  tremblant  sur  le  mauvais  pont  de  bois  du 
canal  de  Sainte-Anne  pour  aller  à  sa  maison  de  Saint- 
Côme ,  au  lieu  d'en  faire  construire  un  plus  solide  , 
soit  en  bois ,  soit  en  pierre ,  on  le  supprima  tout-à- 

a8. 


435  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

fait,  et  avec  lui  la  communication  du  Cher  à  la 
Loire,  opération  non-seulement  nuisible  au  com- 
merce, mais  encore  à  la  salubrité  de  ce  canton,  où 
se  trouve  placé  l'hôpilal  général,  parce  que  ce  canal, 
interrompu  dans  son  cours,  s'était  converti  en  un 
vaste  marais  qui  commence  pourtant  à  se  combler. 

Cet  intendant  est  mort  à  Tours  en  178^,  géné- 
ralement regretté.  Il  n'était  âgé  que  de  quarante- 
quatre  ans.  Son  corps  fut  transporté  à  sa  terre  de 
Montpipeau ,  pour  laquelle  il  avait  une  prédilection 
toute  particulière.  Il  n'est  point  d'intendant  qui  ait 
laissé  à  Tours  une  mémoire  aussi  révérée. 

1783- 1789.  Daine  (Marius-Jean-Baptiste-Nicolas), 
membre  de  l'académie  royale  de  Berlin ,  et  maître  des 
requêtes  en  1 757.  Il  fut  d'abord  nommé  à  l'intendance 
de  Pau  en  1767  ;  à  celle  de  Limoges  en  1774?  et 
enfin  à  celle  de  la  généralité  de  Tours  en  1783.  Il 
la  conserva  jusqu'à  l'époque  des  premiers  troubles 
de  la  révolution  naissante ,  qui  le  déterminèrent  à 
quitter  précipitamment  la  ville  de  Tours  et  à  se  re- 
tirer à  Paris ,  le  nom  seul  d'intendant  suffisant  à  cette 
époque  pour  devenir  une  cause  de  proscription. 

Quelque  temps  après  il  s'éloigna  de  la  France,  où 
il  revint  cependant  en  des  temps  plus  calmes,  et 
mourut  à  Paris  en  i8o4,  âgé  de  soixante- treize 
ans. 

Il  était  beau-frère  du  célèbre  baron  d'Holbach, 
dont  il  paraît  qu'il  n'avait  pas  adopté  les  principes 
philosophiques ,  quoique  lui-même  cultivât  les  lettres. 
On  a  de  lui  une  traduction  en  prose  des    quatre 


INTENDANS.  4^7 

églogues  de  Pope.  11  a  traduit  également  de  Robert 
Dodsiey,  t Économie  de  la  vie  humaine,  lon^-tem^s 
attribuée  au  comte  de  Chesterfieid.  Il  avait  la  réputa- 
tion d'être  fort  instruit  ;  mais  surtout  très-grand  par- 
leur. On  assure  que  c'est  à  lui  que  la  maligne  mar- 
quise Du  Deffant  dit  un  jour,  après  l'avoir  écouté 
long- temps  :  «  Mon  cher  monsieur  Daine,  si  vous  pre- 
niez un  autre  livre ,  celui-ci  est  un  peu  ennuyeux.  » 
On  sait  que  la  marquise  était  aveugle. 

Ce  fut  le  trente-troisième  et  dernier  intendant  de 
Tours. 


FIN   DE    LA   TROISIÈME    PARTIE, 


HISTOIRE 

DE  TOURAINE. 


QUATRIÈME  PARTIE 


HISTOIRE   ECCLÉSIASTIQUE 


I 


Le  diocèse  de  Tours  avait  moins  d'étendue  que  la 
province;  il  ne  contenait  que  3o3  paroisses,  y  com- 
pris les  seize  de  la  ville  de  Tours ,  et  renfermait  en 
outre  i6  chapitres,  17  abbayes,  4  commanderies  de 
Tordre  de  Malte ,  98  prieurés  simples ,  4^0  chapelles 
fondées,  4^  monastères  d'hommes  et  29  couvens  de 
filles,  en  tout  943  établissemens  ecclésiastiques;  mais 
nous  n'entrerons  dans  quelques  détails  que  relative- 
ment aux  plus  anciens  et  aux  plus  importans  de  ces 
établissemens ,  nous  bornant  à  indiquer  l'époque  de 
la  fondation  et  de  la  destruction  des  autres. 

La  province  ecclésiastique  de  Tours  comprenait 
les  diocèses  du  Mans,  d'Angers,  de  Nantes,  de  Rennes, 
de  Dol ,  de  Saint-Malo ,  de  Vannes ,  de  Quimper,  de 


44o  HISTOIRE    DE    TOTJRAIINE. 

Léon,  de  Trëguier  et  de  Saint-Brieuc;  mais  ces  onze 
suffragans  sont  étrangers  à  notre  travail. 

Le  diocèse  était  divisé  en  trois  archidiaconés ,  six 
archiprêtrés ,  et  subdivisé  en   vingt-trois  doyennés 


ruraux. 


CHAPITRE  I. 

COLLÉGIALES. 
SI- 

SAINT-GATIEN,    CATHÉDRALE. 

La  première  église  de  Tours  où  les  chrétiens  com- 
mencèrent à  s'assembler,  fut  bâtie  par  saint  Lidoire , 
successeur  de  saint  Catien,  vers  le  milieu  du  qua- 
trième siècle,  au  moyen  de  l'abandonnement  de  sa 
maison  que  fit  un  centurion  nommé  Cornélius,  suivant 
le  témoignage  de  saint  Jérôme ,  dans  sa  44*"  épître  à 
Marcellus.  Crégoire  de  Tours,  liv.  x,  ch.  3i ,  dit  que 
ce  fut  dans  la  maison  d'un  sénateur  dont  il  ne  nous 
transmet  pas  le  nom.  Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  là  que 
furent  sacrés  saint  Martin  et  tous  les  évêques  ses  suc- 
cesseurs. Dès  son  origine,  saint  Martin  la  mit  sous 
l'invocation  de  saint  Maurice,  et  elle  y  resta  jusqu'à 
la  fin  du  treizième  siècle,  où  elle  porta  indistincte- 
ment le  nom  de  Saint-Maurice  ou  de  Saint-Catien  ; 
mais  ce  dernier  a  prévalu,  et  ce  changement  fut 
opéré  h  l'occasion  d'une  confrérie  que  les  chanoines 


SAINT-GATIEN.  44 1 

avaient  établie  en  Thonneur  de  leur  premier  ëvêque. 

Il  est  probable  que  cette  église  commença  à  jouir 
du  droit  de  métropole  du  moment  que  les  Romains 
eurent  établi  la  ville  de  Tours  métropole  de  la  troi- 
sième province  lyonnaise.  Telle  est  l'opinion  de  beau- 
coup de  savans,  contraire  à  celle  de  la  cour  de  Rome, 
qui  a  toujours  prétendu  que  le  droit  de  métropolitain 
ne  dérive  point  de  l'état  civil,  mais  de  l'autorité  des 
apôtres  et  des  papes. 

Grégoire,  en  parlant  d'elle,  ne  la  nomme  jamais 
que  l'église  sainte ,  l'église  de  Touis.  Adrien  I" , 
Urbain  II,  Alexandre  III,  s'expriment  à  son  égard 
dans  les  mêmes  termes.  Adrien  II,  écrivant  à  Charles- 
le-Chauve  en  871,  la  cite  comme  la  seconde  ou  troi- 
sième église  de  France.  Nos  rois  l'ont  toujours  honorée 
de  leur  bienveillance  et  d'une  protection  toute  parti- 
culière. Philippe-Auguste  écrivit  au  pape  Luce  III  qu'il 
la  considérait  comme  un  des  plus  beaux  fleurons  de 
sa  couronne ,  et  que  quiconque  attaquerait  l'église  de 
Tours,  s'attaquerait  à  sa  propre  personne.  Ce  prince, 
ainsi  que  son  prédécesseur,  la  défendit  constamment 
contre  les  entreprises  de  Henri  II  et  de  Richard- 
Cœur-de-Lion,  comtes  de  Touraine,  lorsqu'ils  ten- 
tèrent de  diminuer  ses  attributions.  De  même  les 
rois  Jean,  Charles  V,  Charles  YI,  Charles  VII  et 
Henri  IH  ne  permirent  jamais  que  l'archevêché  de 
Tours  fût  distrait  de  la  couronne  toutes  les  fois 
qu'ils  donnèrent  la  Touraine  en  apanage. 

Cette  église  fut  brûlée  deux  fois.  La  première  dans 
un  incendie  général  de  la  ville  en  l'année  56 1 ,  sous 


44^  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

l'ëpiscopat  de  saint  Euphrône ,  et  la  seconde  en  ii 66 
par  un  ëvënement  dont  nous  avons  donne  les  détails 
au  6"  livre  de  notre  Histoire.  Elle  fut  rétablie  en 
premier  lieu  par  Grégoire  de  Tours ,  qui  l'orna  de 
plusieurs  peintures ,  ainsi  qu'il  le  rapporte  lui-même. 
Mais  la  seconde  basilique,  celle  qui  existe  encore 
aujourd'hui,  ne  s'acheva  pas  aussi  promptement. 
G)mmencée  vers  1170,  son  chœur  ne  fut  terminé 
que  sous  le  règne  de  saint  Louis ,  c'est-à-dire  environ 
un  siècle  après,  ainsi  qu'on  le  voit  aux  vitraux  qui 
sont  bordés  des  armes  de  Blanche  de  Castille  sa 
mère  (1).  Les  travaux  se  continuèrent  à  l'aide  des 
indulgences  que  les  papes  Eugène  IV,  Sixte  IV  et 
Innocent  VIH  accordèrent  à  ceux  qui  contribueraient 
à  l'achèvement  de  cet  édifice.  Malgré  cela ,  il  ne  fut 
porté  à  sa  perfection  qu'en  i5o7  et  en  i5io,  époque 
où  ses  deux  tours  jumelles  furent  achevées  aux  frais 
de  l'un  de  ses  chanoines  nommé  Gavé. 

L^  chapitre  de  Saint-Gatien  était  un  des  plus 
anciens  de  France  et  le  premier  dont  il  soit  fait  men- 
tion dans  l'histoire.  Grégoire  de  Tours  nous  apprend 
qu'il  fut  établi  par  saint  Baud ,  seizième  évêque, 
qui  sépara  la  mense  des  chanoines  d'avec  le  revenu 
de  l'évêque.  Il  était  composé  de  huit  dignités,  sa- 
voir :  le  doyen  ,  le  grand  archidiacre ,  le  trésorier  ,  le 
chantre,  le  chancelier,  l'archidiacre  d'outre  Loire,  l'ar- 
chidiacre d'outre  Vienne  et  le  grand  archiprêtre.  On 

(i)  Dans  l'un  des  vitraux  du  chœur  on  remarque  les  armes  de  la  ville, 
qui  dans  ce  temps  étaient  une  tour  surmontée  de  trois  autres  petites 
tours ,  et  ornées  des  bannières  de  France. 


SAINT-GATIEN.  44^ 

donnait  autrefois  le  titre  d'abbés  aux  cinq  premiers 
dignitaires  qu'on  nommait  aussi  les  cinq  prieurs; 
ils  étaient  appelés,  mais  seulement  pour  la  forme, 
lorsque  l'archevcque  voulait  conférer  une  dignité  ou 
une  prébende  de  son  église.  Ce  fut  l'archevêque 
Barthélemi  II  qui ,  à  la  prière  de  son  chapitre,  sup- 
prima, en  1187,  l'office  d'écolâtre,  dont  le  revenu 
fut  annexé  à  la  dignité  de  chancelier.  Des  quarante- 
neuf  prébendes ,  l'une  était  affectée  à  l'Hotel-Dieu^ 
la  seconde  au  collège  de  Tours,  et  deux  autres  à 
l'entretien  de  la  psallette.  On  y  comptait  en  outre 
huit  personnats,  l'archiprêtre  de  Loches,  ceux  de 
rile-Bouchard ,  de  Sainte-Maure  et  d'outre  Vienne , 
le  sous-pelletier,  le  sous-chantre,  le  grand  pénitencier, 
créé  en  148  5  par  une  bulle  d'Innocent  VIII,  et  le 
secrétaire.  Il  y  avait  de  plus  un  maître  et  un  sous- 
maître  de  psallette,  deux  diacres,  seize  vicaires, 
deux  marguilliers ,  dix  enfans  de  chœur  et  plus  de 
cent  chapelains.  Le  grand  sceau  du  chapitre  était  un 
saint  Maurice ,  et  le  petit  était  un  écu  d'argent  à  la 
croix  pattée  de  gueules. 

Le  doyen,  élu  par  le  chapitre,  était  confirmé  par 
l'archevêque.  Nous  en  comptons  soixante-trois  depuis 
Frandebertus  en  SSq  jusqu'à  N*  Ducluzel  qui  en  fut 
le  dernier  en  1782,  époque  de  sa  mort. 

Dans  le  1"  volume  de  notre  Histoire,  nous  avons 
donné  quelques  détails  sur  les  premiers  cvêques  de 
Tours.  Il  nous  reste  îi  en  offrir  ici  la  liste  complète 
dégagée  des  erreurs  de  chronologie  qu'on  remarque 
dans  celles  qui  avaient  été  publiées  précédemment. 


444  HISTOIRE    DR  TOURAINE. 

I.  Saint  Catien  est  généralement  reconnu  pour 
avoir  été  le  premier  évêque  de  Tours  en  ^Si ,  jus- 
ques  en  3o4.  Après  sa  mort,  le  siège  resta  vacant 
environ  trente-sept  ans. 

1,  Saint  Lidoire,  ou  Litoire,  lui  succéda  en  34i , 
et  mourut  en  374* 

3.  Saint  Martin,  célèbre  dans  toutes  les  Gaules, 
fut  appelé  au  siège  de  Tours  en  375 ,  ou  même  vers  la 
fin  de  374.  Ceux  qui  placent  sa  mort  en  397  font 
remonter  son  ordination  en  37 1  ;  mais  nous  démon- 
trerons ailleurs  qu'il  mourut  véritablement  l'an  400. 

4.  Saint  Brice  avait  été  le  disciple  chéri  de  saint 
Martin,  auquel  il  succéda  en  4oo.  Après  avoir  quitté 
et  repris  son  siège,  il  mourut  en  447* 

5.  Saint  Eustoche  fut  élu  immédiatement  après  la 
mort  de  saint  Brice.  Le  premier  concile  qui  ait  eu 
lieu  dans  la  province  ecclésiastique  de  Touraine  fut 
tenu  par  lui  à  Angers  le  4  octobre  453.  Il  mourut 
en  4^4?  ou  en  461  suivant  ceux  qui  font  mourir 
saint  Martin  en  397. 

6.  Saint  Perpète ,  ou  Perpétue.  Crégoire  de  Tours 
nous  apprend  qu'il  fut  ordonné  soixante-quatre  ans 
après  la  mort  de  saint  Martin.  D'après  notre  suppu- 
tation ,  ce  dut  être  en  464'  Premier  concile  tenu  à 
Tours  en  461 ,  suivant  les  uns,  et  selon  nous  en  482. 
Saint  Perpète  mourut  le  8  avril  494» 

7.  Saint  Volusien,  de  494  à  498  ou  499?  ^poq"^ 
où  il  fut  exilé  et  mis  à  mort  par  les  Visigoths. 

8.  Vérus.  L'incertitude  qui  règne  sur  la  date  de 
l'exil  et  de  la  mort  de  son  prédécesseur,  ne  permet 


I 


SAINT-GATIEN.  44^ 

pas  de  préciser  celle  de  l'ordination  de  celui-ci.  On 
présume  que  ce  dut  être  vers  l'an  5oo.  Envoyé  de 
même  en  exil  par  les  Visigolhs,  il  y  mourut  vers 
l'an  507. 

9.  Licinius  tint  le  siège  depuis  607  jusqu'en  5 19. 

10.  Procule  et  Théodore  siègent  simultanément 
en  519.  On  assure  qu'ils  moururent  à  peu  de  jours 
d'intervalle,  en  62 1. 

11.  Dinifîus.  Quelques-uns  placent  entre  lui  et  les 
précédens  un  saint  Arnoux ,  qui  n'a  jamais  été 
évêque  de  Tours.  Dinifîus  n'occupa  le  siège  que  jus- 
qu'en t)2a  ou  523  au  plus  tard. 

12.  Ommatius,  de  5ii  à  526. 

i3.  Léon,  abbé  de  Sain l-Martin ,  est  promu  au 
siège  épiscopal  en  52  5,  et  meurt  en  527. 
14.  Francilion,  de  527  à  529. 
t5.  Injuriosus,  de  529  à  546. 

16.  Saint  Bauld,  de  546  à  552. 

17.  Contran  P%  ou  Gonthaire,  de  552  à  555.  Il 
y  eut  après  sa  mort  une  vacance  de  dix  mois. 

i8.  Euphrône,  de  556  à  573.  Sous  lui  eut  lieu, 
en  566,  le  17  novembre,  le  deuxième  concile  de 
Tours. 

19.  Grégoire,  dit  de  Tours.  Il  nous  apprend  qu'il 
fut  élu  en  573.  11  occupa  glorieusement  ce  siège  jus- 
qu'à sa  mort  en  595. 

20.  Pelage  P%  Pallade,  ou  Pelade,  car  dans  les 
manuscrits  ce  nom  s'offre  sous  ces  trois  variantes. 
Il  succéda  à  Grégoire ,  et  mourut  en  602. 


44^  HISTOIRE    DE  TOUR  AINE. 

2 1 .  Luparius ,  Leuparius ,  ou  Leopacharius  ,  de 
602  à  614. 

22.  Algérie  ou  Agiric,  de  6i4  à  617. 

23.  Ginaldus  ne  siégea  qu'environ  quinze  mois, 
et  mourut  en  618. 

24.  Valatus  ou  Yalarius,  de  618  à  619. 
2  5.  Sigelaïcus,  de  619  à  622. 

26.  Leobald  ou  Liébaud,  de  622  à  625. 

27.  Modégisile,  de  625  à  638. 

28.  Latinus,  de  638  à  65o. 

29.  Carigisile,  de  65o  à  652. 

30.  Rigobert ,  de  652  à  654- 

3i.  Papolène,  de  654  à  660.  L'année  même  de 
sa  mort ,  il  assembla  à  Nantes  un  concile ,  qui  fut  le 
premier  de  cette  ville. 

32.  Chrotbert,  de  660  à  695.  Son  nom  a  retenti 
long-temps  dans  l'église  de  Saint-Martin ,  relative- 
ment au  privilège  d'exemption  qu'il  lui  avait  accordé. 
Nous  ne  plaçons  pas  après  lui  un  évêque  du  nom  de 
Bert,  ainsi  que  quelques-uns  l'ont  fait,  parce  qu'il 
est  démontré  que  ce  Bert  est  le  même  que  son  pré- 
décesseur. 

33.  Pelage  ou  Pelade ,  deuxième  du  nom ,  de  69$ 
à  700. 

34.  Evartius  ou  Ebartius,  de  700  à  709. 

35.  Ibbon,  de  709  à  724.  H  confirma  le  privilège 
que  Chrotbert  avait  accordé  à  l'église  de  Saint- 
Martin. 

36.  Contran,  deuxième  du  nom,  était  abbé  de 


SAINT-CATIEN.  44? 

Saint-Martin ,  dont  a  son  tour  il  confirma  les  privi- 
lèges quand  il  eut  succédé  à  Ibbon  en  724.  H  mourut 
en  73-2. 

37.  Didon  ou  Vidon,  de  73^  à  733. 

38.  Raimbert  ou  Rigambert,  de  733  à  752. 

39.  Aubert,  de  762  à  754. 

40.  Ostald,  de  754  à  760. 

41.  Gavien,  de  760  à  765. 

42.  Eusèbe,de  76^  à  771. 

43.  Herling,  de  771  à  792. 

44-  Josepli,  premier  du  nom,  de  792  à  81 5.  En 
796 ,  il  tint  à  Tours  un  concile  qui  en  est  le  troi- 
sième. 

45.  Landran,  premier  du  nom,  de  81 5  à  836.  Il 
est  le  premier  de  nos  évêques  qui  ait  été  décoré  du 
pallîum ,  et  qui  par  conséquent  ait  été  revêtu  du  titre 
d'archevêque,  que  tous  ses  successeurs  ont  porté 
depuis. 

46.  Ursmarus  ,  second  archevêque  ,  succéda  à 
Landran  en  836.  En  843,  il  assembla  un  concile 
à  Loire  en  Anjou  ;  et  dans  la  même  année ,  un  autre 
à  Colaines  en  Touraine.  11  mourut  en  846. 

47.  Landran,  deuxième  du  nom,  de  846  à  852. 
L'archevêque  de  Gonzié  ,  dans  son  rituel  de  1785,  ne 
l'a  point  compris  dans  la  série  de  nos  archevêques , 
probablement  parce  qu'il  aura  cru  qu'il  était  le  même 
que  Landran  i*^**;  mais  c'est  une  erreur  qui  se  dé- 
montre par  les  deux  conciles  que  Ursmarus  présida 
en  843.  Landran  2**  fut  élu  en  846,  et  siégea  jus- 
qu'en 852.  Il  présida  eu  849  le  concile  de  Paris ,  ce 


44^  '       HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

qui  le  fit  appeler  également  concile  de  Tours ,  ou  des 
quatre  provinces. 

48.  Amalricus  ou  Amaury ,  de  85^  à  856.  Il  fut, 
en  853 ,  l'un  de  ceux  qui  présidèrent  le  concile  tenu 
à  Soissons  le  10  avril,  en  présence  du  roi  Charles-le- 
Chauve.  Il  mourut  au  commencement  de  l'année  856. 

49.  Herard  fut  élu  au  mois  d'avril  856.  Le  16  mai 
suivant,  il  assembla  à  Tours  un  concile,  ou  plutôt 
un  synode  de  tous  les  curés  de  son  diocèse ,  où  l'on 
arrêta  cent  quarante  canons  de  pure  discipline.  Il 
présida  le  concile  tenu  à  Soissons  le  18  août  866 
par  ordre  du  pape  Nicolas  F"",  et  mourut  fort  avancé 
en  âge,  sur  la  fin  de  l'année  871. 

50.  Actard ,  de  87 1  à  874.  H  avait  été  précédem- 
ment évêque  de  Nantes,  et  deux  fois  violemment 
chassé  de  son  siège;  la  première  par  les  Normands, 
et  la  seconde  par  le  duc  de  Bretagne.  Il  mourut  au 
mois  d'octobre  873. 

Entre  lui  et  le  suivant ,  Maan  et  Leclerc  de  Bois- 
rideau  placent  un  Ragenelmus  ou  Rageneaume;  mais 
c'est  une  méprise  de  leur  part.  Ragenelmus  était 
évêque  de  Tournay  et  non  de  Tours. 

5i.  Adalardus  ou  Adalandus,de  874  à  891.  Il  fut 
excommunié  en  882  ,  ainsi  que  les  archevêques  de 
Rouen  et  de  Bourges ,  pour  avoir  communiqué  avec 
Formose ,  évêque  d'Ostie  ;  mais  ils  furent  ensuite 
absous  par  le  pape  Marin.  Ce  fut  lui  qui  reçut  à 
Tours  la  châsse  de  saint  Martin,  rapportée  d'Auxerre 
en  887  par  les  soins  du  comte  Ingelger.  Il  mourut 
en  890. 


SAINT-GAÏIEN.  449 

52.  Héberne,  de  890  à  y  16.  Il  était  Yun  des 
moines  de  Marmoutier  qui  avaient  accompagné  en 
Bourgogne  les  reliques  de  saint  Martin.  A  son  retour, 
il  fut  choisi  pour  succéder  à  Adaland.  Il  mourut  sur 
la  fin  de  916,  âgé  de  quatre-vingt-quatorze  ans. 

53.  Robert,  deuxième  du  nom,  de  916  à  ySa. 
Ce  fut  lui  qui,  le  i3  mai  917,  consacra  la  nouvelle 
église  de  Saint-Martin ,  dans  laquelle  il  fît  transférer 
le  corps  du  saint.  Ayant  fait  un  voyage  à  Rome,  à  son 
retour  il  fut  assassiné  au  passage  des  Alpes ,  en  93 1 , 
par  des  brigands  qui,  la  nuit,  le  surprirent  dans 
sa  tente  ainsi  que  ceux  de  sa  suite ,  qui  presque  tous 
éprouvèrent  le  même  sort. 

54.  Théotolon,  de  93^  à  945.  Il  avait  été  doyen 
de  Saint-Martin,  et  s'était  ensuite  retiré  à  l'abbaye 
de  Gluny,  où  il  apprit  son  élection.  Il  s'y  refusa  d'a- 
bord avec  assez  d'opiniâtreté  ;  mais  saint  Odon ,  son 
abbé  et  son  ami,  le  força  d'accepter.  Ce  fut  lui  qui 
fît  reconstruire  l'église  et  l'abbaye  de  Saint-Julien  de 
Tours ,  qui  avaient  été  ruinées  par  les  Normands. 

55.  Joseph ,  deuxième  du  nom ,  de  945  à  967  , 
époque  de  sa  mort  le  18  juin. 

56.  Frotaire,  de  957  à  960.  La  Chronique  de 
Tours  le  fait  mourir  en  966;  mais  ou  ne  doit  pas 
avoir  grande  confiance  dans  sa  chronologie,  qui  se 
trouve  ici  en  contradiction  avec  des  auteurs  contem- 
porains qui  sont  des  guides  plus  sûrs. 

57.  Uardouin  ,  de  960  à  980.  L'an  985,  il  consa- 
cra l'égUse  de  Notre -Dame- de -Loches,  bâtie  par 
Geoffroy  Grisegonnelle,  comte  d'Anjou  et  seigneur 

3.  29 


45o.  HISTOIRK  DK  TOURAINE. 

de  Loclies.  Il  mourut  peu  de  temps  après  celte  céré- 
monie, ayant  tenu  le  siège,  suivant  le  cartulaire  de 
Saint- Julien,  dix-neuf  ans  onze  mois  et  neuf  jours. 

58.  Archambaud,  de  981  à  ioo5.  Il  était  fils 
d'Arcanaldus  ,  seigneur  de  Sully  ;  il  est  en  effet 
nommé  Arcenaldus,  dans  un  titre  de  l'abbaye  de 
Marmoutier  ;  mais  le  nom  d'Arcbambaud  a  prévalu. 
Nous  avons  eu  occasion  de  parler  de  lui  au  iv^  livre 
de  notre  Histoire.  Ce  fut  lui  qui  le  premier  attaqua , 
mais  vainement ,  les  privilèges  d'exemption  de  l'église 
de  Saint-Martiii. 

5c).  Hugues,  premier  du  nom,  de  ioo5  à  102 3. 
Son  père  était  Hugues  de  Châteaudun,  et  sa  mère 
Hildegîarde  du  Perche.  Il  excommunia  Hubert, 
évêque  d'Angers,  pour  être  entré  à  main  armée  dans 
la  Touraine,  où  il  avait  commis  des  excès  indignes 
d'un  évêque.  En  ioi4j  il  consacra  l'église  de  Saint- 
Martin  qu'avait  fait  reconstruire  le  trésorier  Hervé, 
et  mourut  le  1 2  mars ,  ou ,  selon  d'autres  ,  le  i  o 
juin  I023. 

60.  Arnoul,  neveu  du  précédent,  fut  élu  en  loaS, 
à  la  place  de  son  oncle.  En  io3o,  il  consacra  l'église 
abbatiale  de  Noyers,  et  mourut  en  io52,  ayant  tenu 
le  siège  environ  vingt-neuf  ans. 

6ï.  Barthélemi  j  premier  du  nom,  de  io53  à  1068. 
En  io55,  il  présida  le  cinquième  concile  de  Tours, 
convoqué  relativement  à  l'hérésie  de  Bérenger,  qui 
Setnbla  l'abjurer  de  bonne  foi,  mais  qui  ne  tarda  pas 
à  se  rétracter.  La  même  année ,  Barthélemi  ouvrit  à 
Angers  un  autre  concile,  dont  le  but  était  le  même, 


s  AIN  T-G  À  TIEN.  4^1 

et  qui  eut  un  pareil  résultat.  Enfin,  le  i*'inars  1060, 
il  présida  le  sixième  concile  de  Tours.  Il  mourut  le 
11  avril  1066,  la  quinzième  année  de  son  épiscopat. 
Après  sa  mort,  le  siège  éprouva  une  vacance  de 
quatre  ans. 

62.  Rodolphe,  autrement  Raoul  I",  de  1072  à 
io85,  fils  de  Foulcroy,  seigneur  de  Langeais.  Son 
épiscopat  s'ouvrit  par  un  événement  fort  simple  en 
lui-même,  mais  dont  pourtant  on  tira  un  mauvais  au- 
gure; il  fut  effectivement  très-orageux.  Comme  il 
était  sur  le  parvis  de  l'église  pour  aller  se  faire  instal- 
ler, l'archidiacre,  lui  demandant,  suivant  l'usage,  si 
son  entrée  était  pacifique,  une  pierre  se  détacha  du 
clocher,  et  tua  auprès  de  lui  un  de  ses  officiers.  Nous 
renvoyons  à  ce  que  nous  avons  dit  de  ses  différens 
démêlés ,  au  v^  livre  de  notre  Histoire. 

63.  Rodolphe  ou  Raoul  II ,  surnommé  d'Orléans , 
pour  le  distinguer  de  son  prédécesseur,  auquel  il 
succéda  en  1086.  Son  épiscopat  est  surtout  remar- 
quable par  le  concile  que  le  pape  Urbain  II  tint  à 
Tours  en  1096,  pour  engager  les  chrétiens  à  se  croi- 
ser. Ce  concile  est  le  septième  de  Tours,  et  le  trei- 
zième de  la  province  ecclésiastique.  Raoul  II  mourut 
le  26  août  II  1 7  ,  selon  le  cartulaire  de Pont-le-Voy. 
La  Chronique  de  Tours  le  fait  mourir  en  11 19. 

64.  Gilbert,  neveu  du  précédent,  deiiiBà  iisS. 
La  noblesse,  en  opposition  au  clergé  et  au  peuple, 
avait  élu  de  son  côté  Gautier,  grand-chantre  de  Saint- 
Martin  ;  mais,  à  la  recommandation  du  roi,  le  premier 
fut  choisi  par  le  pape.  Étant  allé  à  Rome  pour  y 

^9- 


452  HISTOIRE    DE    TOIIRAÏNE. 

suivre  le  procès  contre  les  évêques  deDol,  il  y  mourut 
en  iisS,  suivant  le  témoignage  d'Orderic  Yilalis, 
qui  était  contemporain.  L'auteur  de  la  Chronique  de 
Tours,  et  Guillaume  de  Nangis,  qui  n'écrivirent  que 
dans  le  siècle  suivant,  reculent  sa  mort  de  deux  ans. 

65.  Hildebert,  de  ii25  à  ii34.  H  était évêque  du 
Mans ,  lorsqu'il  fut  promu  à  l'archevêché  de  Tours. 
Ainsi  que  Grégoire,  il  se  signala  par  ses  écrits  qui 
l'ont  fait  mettre  au  rang  des  pères  de  l'Église  du 
douzième  siècle.  Nous  avons  plus  amplement  parlé  de 
lui  à  la  fin  de  notre  v^  livre.  Nous  ajouterons  qu'il 
assembla  à  Nantes ,  au  mois  d'octobre  ii  27  ,  un  con- 
cile composé  de  tous  ses  suffragans,  dans  lequel 
Conan ,  duc  de  Bretagne ,  renonça  au  droit  de  sau- 
vetage, en  vertu  duquel  étaient  inhumainement  dé- 
pouillés tous  ceux  qui  faisaient  naufrage.  Hildebert 
mourut  le  18  décembre  ii34 ,  âgé  de  plus  de  quatre- 
vingts  ans. 

66.  Hugues  a*" ,  surnommé  d'Étampes  ou  de  Char- 
tres, de  II 34  à  1148.  La  Chronique  de  Tours,  et 
Guillaume  de  Nangis  se  sont  également  trompés  en 
le  faisant  mourir,  l'une  en  1 149?  et  l'autre  en  1 1  5o. 

67.  Engebaud,  de  ii48  à  11 57.  Il  était  fils  de 
Geoffroy  de  Preuilly ,  dit  Jourdain ,  et  d'Euphrosine 
de  Vendôme  ;  ainsi  il  avait  pour  frère  Geoffroy-Grise- 
gonnelle  II,  comte  de  Vendôme.  Les  auteurs  varient 
sur  la  date  de  sa  mort  ;  mais  la  pancarte  noire  de 
saint  Martin  lui  donnant  neuf  ans  d'épiscopat,  il  est 
clair  qu'il  dut  mourir  en  11 57. 

68.  Joscius ,  Josse  ou  Joscion ,  de  11 57  à  1174» 


SATIVT-GVnii.X.  453 

Deux  circonstances  ont  rendu  son  ëplscopat  remar- 
quable. La  première  est  le  concile  assemblé  à  Tours  par 
le  pape  Alexandre  III,  le  10  mai  1 163.  Ce  concile  fut 
si  célèbre,  qu'il  fit  donner  à  la  ville  de  Tours  le  nom 
de  seconde  Rome.  On  y  compta  dix-sept  cardinaux, 
cent  vingt-quatre  éveques  et  quatre  cent  quatorze 
abbés.  Le  second  événement  est  l'embrasement  de  la 
catliédrale  de  Tours,  en  1166,  à  la  suite  d'une 
émeute  occasionée  par  le  conseil  que  Joscion  avait 
donné  au  roi  de  remettre  entre  les  mains  seules  de 
ses  commissaires  les  sommes  que  Henri  II ,  roi  d'An- 
gleterre ,  avait  fait  lever  dans  ses  états  pour  la  Terre- 
Sainte,  et  qui  avaient  été  déposées  dans  cette  cathé- 
drale. Joscion  mourut  le  i3  février  1174?  si  pauvre 
par  suite  de  son  amour  pour  les  procès,  qu'il  laissa 
à  peine  de  quoi  faire  face  aux  frais  de  ses  funérailles. 

69.  Barthélemi  II,  de  11 74  à  1206.  Il  était  fils 
de  Geoffroy  Grisegonnelle ,  comte  de  Vendôme ,  et 
de  Mathilde  de  Châteaudun ,  par  conséquent  neveu 
d'Engebaud,  prédécesseur  de  Joscion.  Ce  fut  lui  qui, 
en  1 189,  fit  à  Foutevrauld  les  obsèques  de  Henri  II, 
roi  d'Angleterre ,  et  comte  de  Tourainc  ,  en  présence 
de  Richard-Cœur-de-Lion ,  son  fils  et  son  successeur. 
Barthélemi  avait  pour  frère  Hugues  de  Vendôme,' 
doyen  de  sa  cathédrale ,  et  pour  neveu  Jean  de  Faye , 
qui  succéda  à  celui  qui  suit. 

70.  Geoffroy  de  La  Lande,  et  non  du  Lude, 
comme  quelques-uns  l'ont  écrit,  de  1207  à  1208. 
On  voit  qu'il  ne  tint  le  siège  que  fort  peu  de  temps, 
étant  mort  à  Tours  le  ig  avril  1208,  après  Pâques. 


454  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

On  croit  que  sa  mort  ne  fut  pas  naturelle ,  et  Guil- 
laume de  Nangis  fait  entendre  qu'il  aurait  été  em- 
poisonné. 

71.  Jean  de  Faye,  de  1208  à  1228.  Lors  de  l'élec- 
tion ,  les  voix  furent  partagées  également  entre  lui  et 
Robert  de  Vitré;  mais  Robert  étant  mort  en  allant  à 
Rome  pour  tâcher  de  faire  valider  son  élection ,  celle 
de  Jean  de  Faye  fut  confirmée  par  le  pape.  Le  mar- 
tyrologe de  la  cathédrale  place  sa  mort  au  2 3  avril 
1226;  mais  la  chronique  latine  de  l'abbaye  de  Saint- 
Julien  de  Tours  l'indique  d'une  manière  bien  plus 
exacte,  et  qui  ne  peut  laisser  aucun  doute.  Elle  dit 
qu'il  mourut  en  Tannée  1228,  cycle  de  la  lune  xiii, 
indiction  i,  épacte  xii,  circonstances  qui  ne  peuvent 
en  effet  s'appliquer  qu'à  l'année  1228  et  non  à  1226. 

72.  François  Cassard,  de  1228  à  1229.  Maan  l'a 
omis  dans  sa  liste  des  archevêques;  mais  les  frères 
Sainte-Marthe  et  André  Duchesne  prouvent  qu'il  le 
fut  véritablement,  ce  qui  est  en  outre  confirmé  par 
son  épitaphe  qu'on  lisait  dans  l'église  des  Jacobins 
de  Lyon ,  où  il  mourut  en  1237.  Il  avait  été  nommé 
cardinal  du  titre  de  Saint-Martin-du-Mont. 

73.  JuheJ  de  Mayenne^  fils  de  Juhel,  deuxième 
du  nom,  de  1229  à  i244-  Nous  trouvons  trois  con- 
ciles tenus  sous  son  épiscopat  ;  l'un  à  Château-Gon- 
tier  en  I2  3i  ;  l'autre  à  Tours  en  1236,  et  le  dernier 
encore  à  Tours  en  1239.  Maan  parle  de  deux  autres 
qçijciles  qui,  selon  lui,  auraient  eu  lieu  àSaumuren 
15^4^  ^t  1243;  mais  ni  l'un  ni  l'autre  ne  se  trouvent 
d^ns  les  recaeiU  des  coaciles.  Juhel  quitta  au  mois 


SàïNT-GATIEN.  455 

d'août  1244  l'archevêché  de  Tours ,  pour  passer  à 
celui  de  Reims. 

74.  Geoffroy  Marcel  ou  Marceau,  de  \il^S  à  laSl. 
Il  était  fils  de  Geoffroy-Marceau  et  de  Philippe  de 
Sablé ,  seconde  fille  de  Robert  d^  Sablé  et  de  Clé" 
mence  de  Mayenne.  Il  ne  fut  sacré  qu'en  ia45>  après 
la  Pentecôte.  On  croit  qu'il  était  neveu  de  Juhel  de 
Mayenne.  Il  mourut  le  12  juillet  I25i. 

Maan  a  fait  deux  archevêques  de  ce  Geoffroy 
Marceau ,  en  mettant  l'un  sous  le  seul  nom  de  Geof- 
froy ,  et  l'autre  sous  celui  de  Martel. 

75.  Pierre  de  Lamballe,  de  I25i  à  I256.  Ce  sur- 
nom lui  venait  du  Ueu  de  sa  naissance.  En  I253,  il 
tint  un  concile  à  Saumur,  et  un  autre  à  Château- 
Gontier  en  1254- 

76.  PhiUppeF^de  i256à  1257.  Le  peu  de  durée 
de  sou  épiscopat  Ta  fait  omettre  par  quelques  auteurs  ; 
mais  son  existence  a  été  prouvée  et  rétablie  par  les 
auteurs  de  la  Gallia  Christiana^  d'après  des  titres 
de  l'abbaye  de  Baugerais  ,  de  l'année  1257. 

77.  Vincent  de  Pirmil,  ou  suivant  d'auti-es  de 
Pinellis,  de  1267  à  1270.  Il  ouvrit  à  Nantes,  le 
mardi  après  la  Saint-Pierre  1 264 ,  un  concile  com- 
posé de  ses  dix  suffragans,  et  en  1268,  le  lundi 
gprès  la  Madelaiue ,  il  en  tint  un  autre  à  Chateau- 
Gontier.  Sa  mort  est  indiquée  au  [9  septembre  1270. 

78.  Jean  de  Monsoreau,  de  1271  à  i285.  Il  fut 
élu  le  jeudi  i(3  janvier,  après  la  fête  de  Saint-Hilaire 
1270,  c'est-à-dire  1271,  nouv^^au  style.  On  compte 
cinq  conciles  sons  sou  épiscopat.  Il  tint  le  premier  à 


4^6  HISTOIRE   DE  TOURAINE. 

Rennes,  le  22  mai  layS  ;  le  deuxième  à  Saumur,  le 
3i  août  10, -76;  le  troisième  à  Langeais,  en  1278;  le 
quatrième  à  Angers,  le  11  octobre  1279;  et  le  cin- 
quième à  Tours,  en  1282.  Il  mourut  le  26  janvier 
1284.  Il  avait  été  pendant  quelque  temps  expulse  do 
son  siège ,  et  privé  de  son  temporel ,  par  ordre  de 
Philippe-le-Hardi ,  fils  de  saint  Louis ,  dont  il  finit 
par  recouvrer  les  bonnes  grâces. 

79.  Olivier  de  Craon  ,  fils  de  Maurice  IV  de 
Craon.  Élu  par  la  voie  du  compromis,  dont  il  fut  fait 
usage  pour  la  première  fois  le  24  mai  i285  ,  il  mou- 
rut à  Rome  dans  la  même  année,  sans  avoir  été  sa- 
cré, en  sorte  qu'on  pourrait,  à  la  rigueur,  ne  pas  le 
compter  au  nombre  de  nos  archevêques. 

80.  Bouchard  Daye ,  Dain ,  ou  plutôt  Daën ,  de 
1285  à  1290.  On  se  servit  encore  de  la  voie  du  com- 
promis pour  cette  élection,  qui  fut  confiée  à  Lui  Bou- 
chard, trésorier,  et  à  Renaud  de  Montbazon,  doyen 
du  chapitre  de  la  cathédrale.  Celui-ci  désigna  son 
collègue,  qui  fut  en  conséquence  proclamé  le  jeudi 
20  décembre  1285.  Il  mourut  au  mois  d'octobre  1290. 

81.  Philippe  de  Candé.  Il  paraît  que  la  méthode 
du  compromis  était  alors  en  faveur,  car  on  en  fit  de 
nouveau  usage  pour  donner  un  successeur  au  précé- 
dent. L'élection  ayant  été  remise  à  trois  chanoines, 
Philippe  fut  élu  le  3  janvier  1291  ;  mais  il  mourut  le 
i5  février  suivant,  quarante  jours  après  son  élection, 
sans  avoir  pu  prendre  possession  du  siège  ;  ainsi  il  se 
trouve  dans  la  même  catégorie  que  Olivier  de  Craon. 

82.  Renaud  de  Montbazon,  de  1291  à  i3i2.Il 


SAllNT-GATIEN.  4^7 

était  fils  de  Geoffroy  de  Montbazon  et  de  Jeanne  de 
Vendôme.  Ce  fut  encore  par  la  voie  du  compromis 
que  celui-ci  fut  élu;  mais  cette  fois,  le  choix  fut 
confié  à  dix  membres  du  chapitre,  tant  dignitaires 
que  chanoines ,  qui  nommèrent  leur  doyen  Renaud 
le  29  avril  1291.  Il  alla  à  Rome  la  même  année,  et 
obtint  ses  bulles  au  mois  de  décembre  suivant.  Il 
mourut  à  Tours  le  23  août  i3i2.  Il  eut  sa  sépulture 
dans  la  cathédrale,  entre  les  deux  piliers  du  sanc- 
tuaire, oïl  on  lui  érigea  un  grand  monument  qui  fut 
détruit  en  1684  pour  faire  place  h  une  balustrade 
qui  découvrait  le  grand  autel. 

83.  Geoffroy  de  La  Haye,  de  i3i2  à  i'5i3 ,  fils 
de  Philippe,  seigneur  de  La  Haye,  et  d'Isabelle  de 
Passavant.  Deux  conciles  eurent  lieu  sous  son  épisco- 
pat;  le  premier  à  Saumur,  le  3  octobre  i3i5,  et  le 
deuxième  à  Château-Gontier,  en  1 320.  Il  mourut  le 
i3  avril  13^3. 

84.  Etienne  de  Bourgueil ,  lieu  de  sa  naissance,  de 
13^3  à  i335.  Le  pape  Jean  XXIl  ayant  nommé,  de 
piano  Jure,  un  jeune  homme  qui  n'était  pas  encore 
dans  les  ordres,  le  chapitre  s'en  plaignit  au  roi,  et 
un  arrêt  du  parlement  du  2  mai  i323  ordonna  au 
chapitre  de  s'assembler  pour  procéder  suivant  les 
formes  accoutumées  h  l'élection  d'un  nouvel  arche- 
vêque ,  et  les  suffrages  se  réunirent  en  faveur  d'Etienne , 
quoique  né  de  parens  obscurs.  Peu  de  temps  avant 
son  décès,  il  fonda  à  Paris,  en  i334,  un  collège 
pour  les  pauvres  écoliers  de  son  diocèse.  Il  mourut 
le  6  mars  j33'>. 


458  HISTOIRE    DE    TOCRAINE. 

65.  Pierre  de  Fretaud,  de  i335  à  1357.  I^  ^^^ 
principalement  son  élection  à  la  recommandation  du 
pape  Benoît  XII.  Le  20  novembre  i336,  il  tint  un 
concile  à  Château-Gontier,  et  un  autre  à  Saumur,  en 
3.34^;  mais  ce  dernier  n'est  pas  mentionné  dans  les 
recuieijs  généraux,  quoiqu'il  soit  composé  de  trente-* 
fleux. jçai>ons. Pierre  Frétaud,  ou, suivant  d'autres,  de 
Fritof;,  m(>urut  le  21  mai  i357. 

B6.  Pliijippe  Blanche,  de  135^  à  i363.  Ce  fut  le 
premier  qui  se  fit  porter  par  les  barrons  le  jour  de  son 
lentrée.  Il  était  si  libéral  envers  les  pauvres ,  qu'il  ne 
laissa  pas  de  quoi  se  faira  enterrer. 

S'j,  Simon  de  Pe^pul,  4^  i363  à  iSyQ.  H  ne  fut 
sacre  qu'en  i364.  H  tint  un  concile  à  Angers,  en 
.i36l5  9  et  obtint  de  Charles  V,  au  mois  de  septembre 
^372^  que  dorénavant  les  archevêques  de  Tours 
§çr|iieqt  ppnseillers-nés  au  parlemeut  de  Paris. 

88.  Séguin  d'Anton,  de  1379  à  i38o.  Il  fiit 
pomwé  direçtemjent  par  Charles  V,  en  vertu  dç  l'in- 
duit accordé  k  Sa  Majesté  par  Clément  VII,  pape 
d'Avignon ,  qui  avait  transmis  au  roi  la  faculté  de 
npmmer  au^  premières  dignités  de  toutes  les  églises 
4e  son  royaume.  Séguin  d'Anton  abdiqua  son  arche- 
vêchié  en  1 38o ,  et  fut  nommé  patriarche  d'Antioche. 

8q.  Aleaume  Boistel,  de  i3SiQ  à  i383.  Il  fut 
utilement  employé  dans  diverses  négociations  par 
Cliarles  YI;  mais  il  mourut  en  i383,  n'ayant,  dans 
Iç  cours  de  ces  trois  années,  résidé  que  peu  de  temps 
d^us  spn  diocèse. 

90.  Guy  de  Roye,  de  i383  à  i384.  H  ne  con- 


SAINT-GATIEN.  4^9 

serva  qu'un  an  rarchevêché  de  Tours ,  d'où  il  passa 
à  l'archevêché  de  Sens ,  et  ensuite  à  cohii  de  Reims. 
En  se  rendant  au  concile  de  Pisc,  il  fut  tué  à  Vollri 
près  Gènes,  dans  une  sédition  suscitée  par  l'un  de 
ses  gens  qui  avait  tué  un  homme  du  peuple  avec 
lequel  il  avait  eu  querelle. 

91.  5éguin  d'Anton,  pour  la  seconde  fois,  de 
i385  à  1395.  Malgré  son  abdication  pour  le  patriar- 
cat d'Antioche,  le  pape  Clément  VII  lui  accorda, 
au  mois  d'avril  i385,  de  nouvelles  bulles  qui  l'auto- 
risaient à  réunir  l'admimstration  spirituelle  et  tem- 
porelle de  l'archevêché  de  Tours,  au  spirituel  et 
temporel  du  patriarcat  d'Antioche;  mais  au  lieu  du 
titre  d'archevêque,  il  ne  voulut  prendre  que  celui 
d'administrateur  perpétuel.  Il  mourut  à  Candes  le  a5 
mai  1895,  et  eut  sa  sépulture  dans  l'église  collégiale 
du  lieu. 

92.  Ameil  Dubreuil,  de  i395  à  i6i4'  Son  élec- 
tion eut  lieu  le  26  juillet.  Ce  fut  lui  qui  conseilla  d'ei^ 
agir  avec  Benoît  XIII  par  la  voie  de  la  douceur  ^ 
préférable  à  celle  des  armes.  Il  fut  en  conséquenc.e 
député  vers  lui  en  14^7?  pour  l'amener  à  renoncer 
au  saint- siège;  mais  ses  démarches  furent  vaines. 
Il  mourut  à  Tours  le  i*''  septembre  14^4- 

93.  Jacques  Gélu,  de  i4i4  ^  ^^^'J-  Sa  nomina- 
tion par  le  pape  Jean  XXIII  eut  lieu  en  vertu  du 
droit  de  résiervation.  Il  fit  son  entrée  solennelle  le 
8  avril  i4i5,  et  partit  aussitôt  pour  le  concile  de 
Constance,  où  le  pape  Benoît  fut  déposé.  Le  concile 
ayant  statué  qu'il  serait  adjoint  aux  cardinaux ,  po^r 


46o  HISTOIRE    DE    TOURAÎNE. 

l'élection  du  nouveau  pape,  cinq  dcpulës  de  chaque 
nation,  Jacques  Gélu  fut  du  nombre  des  cinq  prélats 
français,  et  il  eut  même  des  voix  au  conclave.  Au 
mois  de  juillet  14^6,  il  permuta  avec  Philippe  de 
Coëtquis  pour  l'archevêché  d'Embrun  ,  où  il  mourut 
le  7  septembre  i[\Si. 

94.  Philippe  de  Coëtquis  ou  Coëtkis,  de  1427  à 
i44i-  Il  116  fwt  installé  que  le  29  mai  1428;  il  ou- 
vrit à  Nantes,  le  liS  avril  i43i ,  un  concile  synodal 
de  tous  les  évêques ,  abbés  ^t  chapitres  de  la  province 
ecclésiastique.  Choisi  pour  être  ambassadeur  du  roi 
auprès  du  concile  de  Baie,  il  y  fut  créé  cardinal  le 
12  novembre  i44o>  P^ï*  l'anti-pape  Félix;  mais  il  ne 
jouit  pas  long-temps  de  la  pourpre ,  étant  mort  à 
Tours  huit  mois  après,  le  12  juillet  i44i* 

gS.  Jean  Bernard,  de  i44i  *^  i466.  Charles  VII 
le  nomma  son  ambassadeur  à  Rome,  et  il  fut  envoyé 
dans  la  même  qualité,  en  \t\^l\^  auprès  de  Henri  IV, 
roi  de  Castille.  Il  avait  tenu  à  Angers,  en  i44^5  ^^^ 
concile  qu'on  ne  trouve  point  dans  les  recueils.  Tours, 
qui  était  le  lieu  de  sa  naissance,  fut  témoin  de  sa 
mort  le  28  avril  1466.  Il  était  âgé  de  quatre-vingts 
ans. 

96.  Giraud  Bastet  de  Crussol,  de  1466  a  1468.  Sa 
nomination  fut  l'ouvrage  du  pape  Paul  II ,  et  eut  lieu 
en  vertu  du  privilège  des  grâces  expectatives.  Sacré 
le  i3  octobre  1466,  il  se  démit  de  son  archevêché 
en  1468,  pour  l'évêché  de  Valence,  en  Dauphiné, 
et  fut  ensuite  nommé  patriarche  d'Antioche.  Il  mou- 
rut à  Valence  en  1472. 


SAINT-GATIEN.  ^6  S 

97.  Hëlie  de  Bourdeilles,  de  1468  à  1484.  De 
l'évêchë  de  Përigueux  il  passa  à  rarchevêché  de 
Tours.  Aucun  de  ses  prédécesseurs  ne  s'était  encore 
signalé  par  un  zèle  aussi  ultramontain.  11  avait  beau- 
coup d'empire  sur  l'esprit  de  Louis  XI ,  et  ne  con- 
tribua pas  peu  à  lui  faire  abolir  la  pragmatique 
sanction,  monument  de  sagesse  et  de  politique  de 
Cbarles  VIL  Ce  dévouement  servile  lui  mérita  le 
chapeau  que  lui  donna  Sixte  IV,  en  i483,  sous  le 
titre  de  Sainte-Lucie.  Il  mourut  l'année  suivante  au 
château  épiscopal  d'Artannes,  le  5  juillet,  âgé  seu- 
lement de  soixante-un  ans. 

98.  Robert  de  Lénoncourt,  de  i484  à  1509.  Le 
chapitre  s'étant  assemblé  plusieurs  fois,  sans  avoir 
pu  s'accorder  pour  donner  un  successeur  à  Hélle  de 
Bourdeilles ,  le  pape  Sixte  IV ,  à  la  demande  du  roi , 
nomma  Robert  de  Lénoncourt,  qui  n'était  âgé  que 
de  vingt-cinq  ans,  avec  la  clause  qu'il  n'aurait  l'ad- 
ministration du  siège  que  lorsqu'il  aurait  atteint  sa 
vingt-septième  année.  Cinq  ans  après,  il  permuta 
son  archevêché  de  Tours  contre  celui  de  Reims, 
dont  il  fut  pourvu  le  7  avril  1 509. 

99.  Charles -Dominique  de  Carette,  ou  plutôt 
Caretto,  de  i5o9  à  i5i4.  H  était  frère  de  Fabrice 
Caretto,  grand-maître  de  Rhodes.  Il  fut  employé  par 
Charles  VIII  dans  plusieurs  négociations  importantes 
auprès  du  pape  Pie  II,  de  Ferdinand,  roi  d'Espagne, 
et  de  Maximilien ,  roi  des  Romains.  Le  pape  Jules  II 
le  créa  cardinal  du  titre  de  Saint-Vital,  puis  de  Saint- 
Nicolas,  et  enfin  de  Sainte-Cécile.  Il  avait  échangé 


46'^  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

avec  le  précédent,  contre  rarchevêché  de  Tours 
celui  de  Reims ,  qui  est  réputé  le  premier  siège  de 
la  Fï'ance.  Il  se  démit  de  nouveau  de  celui  de  Tours 
pour  l'évêché  de  Gahors.  Il  est  vrai  qu'il  était  en 
même  temps  archevêque  de  Thèbes.  En  iSio,  il 
avait  présidé  le  douzième  concile  de  Tours.  Tl  mourut 
à  Rome,  au  mois  de  juillet  iSiy. 

loo.  Christophe  deBrillac,  de  i5i4  à  i520.  Il 
était  fils  de  Jean  de  Brillac ,  chevalier,  seigneur 
d'Argy,  de  Monts  en  Touraine,  et  d'Anne  de  Tran- 
chelion.  Sous  son  épiscopat  furent  consacrées ,  par  lui 
l'église  de  Chenonceaux,  reconstruite  par  Thomas 
Bohier  eu  i5i5  ;  et  par  Odarl ,  évêque  de  Troyes,  le 
àvt  novembre  iSig;  celle  de  Vérets,  bâtie  par  Jean 
de  La  Barre ,  seigneur  du  lieu. 

loi.  Martin  de  Beaune,  de  jSso  à  i^a^jfilsdu 
surintendant  Jacques  de  Beaune  de  Semblançay.  Ce 
fut  le  premier  qui  fut  nommé  par  le  roi,  en  vertu  d\i 
concordat  de  Léon  X.  Il  mourut  à  Tours  le  i  juillet 
1527,  du  chagrin  que  lui  causa  le  procès  de  son 
père ,  dont  il  ne  vit  pas  du  moins  le  supplice  qui  eut 
lieu  six  semaines  plus  tard. 

lOa.  Antoine  de  La  Barre,  de  iSay  à  i547.  Le 
6  février  i533,  il  consacra  l'éghse  de  Vosnes,  au- 
jourd'hui Rochecorbon ,  qui ,  du  coteau  où  elle  était 
au*]f>àrcivant  placée  à  côté  du  château ,  avait  été  trans- 
férée dans  le  vallon  ou  on  la  vait  encore  à  présent. 

11  était  né  au  château  de  Vérets,  dont  son  père  Jean 
de  La  Barre  était  seigneur.  Son  diocèse  le  perdit  le 

12  janvier  i547. 


SAI^T'ÔAÏIEK.  /f^â 

to3.  George  d'Armagnac ,  de  i547  ^  '55i ,  car- 
dinal du  titre  de  Saint-Jean  et  Saint-Paul,  ndtnmé 
par  le  roi  François  I".  Il  était  fils  de  Pierre  d'Anna^ 
gnac ,  comte  de  l'Ile-Jourdan ,  et  de  Yoland  de  Là 
Haye-Passavant.  Il  se  démit  de  cet  arehev^clié  éhtre 
les  mains  du  roi  en  1 55 1 ,  et  fut  successivement  arche- 
vêque de  Toulouse  et  d'Avignon ,  où  il  motiif'Ut  le  ^ 
juin  i585. 

104.  Étieiine  dé  Poncher,  de  i55i  à  i553.  De 
l'évêché  de  Bayonne ,  Henri  H  l'appela  à  rarclieVêché 
de  Tours,  lieu  de  sa  naissance,  en  vertu  de  btilles 
du  pape  Jules  HI  du  6  avril  i55ï.  Il  mourut  à  Paris 
le  ï5  mars  l553,  à  l'âge  de  quaraute-tjuatre  ans. 

!o5.  Alexandre  Farnèse,  cardinal,  de  i553  à  l65^, 
fils  de  Pierre- Louis  Farnèse,  duc  de  Parme  et  de 
Plaisance.  En  i554,  il  remit  son  archevêché  entre 
les  mains  du  roi ,  et  reçut  en  échange  l'abbaye  de 
Bonport ,  diocèse  de  Saint-Brieuc.  Il  mottrut  à  Rome 
le  3  mars  1589. 

106.  Simon  de  Maillé  de  Bréiié,  de  i554  à  t5gf. 
Il  était  déjà  évêque  de  Viviers ,  lorsque  la  fateùr  de 
Diane  de  Poitiers ,  sa  parente ,  lui  procura  l'archevê- 
ché de  Tours.  De  retour  du  coBfcile  de  Constance,  en 
i583,  il  assembla  à  Tours,  au  mois  de:  mai ,  un  con- 
cile qui  fut  obligé ,  h  cause  de  la  peste  qui  venait  de 
5e  déclarer  dans  cette  ville ,  de  se  transférer  à  Angers. 
Son  penchant  pour  la  ligue  hii  attira  des  désagi*é- 
mens  qui  le  forcèrent  de  quitter  la  ville  de  Tours, 
et  de  se  reléguer  dans  son  château  de  Brézé ,  où  il 
mourut  le   1 1  janviet»  1 5g7 ,  Agé  de   quatre-vingt- 


464  HISTOIRE  DE   TOURAIHE. 

deux  ans.  Quelques  années  auparavant,  il  avait  failli 
d'y  être  écrasé  par  la  chute  du  plancher  de  la  chambre 
dans  laquelle  il  couchait ,  chute  qui  causa  la  mort  de 
plusieurs  des  siens. 

107.  François  de  La  Guesle,  de  1^97  à  161 4-  H 
était  fils  de  Jean  de  La  Guesle,  premier  président  au 
parlement  de  Paris ,  et  n'en  perdit  pas  moins  le  pro- 
cès qu'il  intenta  au  chapitre  de  Saint-Martin ,  dont 
il  voulait  faire  abolir  le  privilège  d'exemption.  Ce 
fut  son  père  qui  perça  de  son  épée  Jacques  Clément, 
au  moment  oii  il  venait  d'assassiner  Henri  IIL 

1 08.  Sébastien  Dori-Galigaï ,  abbé  de  Marmoutier, 
frère  de  la  maréchale  d'Ancre,  de  1616  à  1617.  Il 
n'avait  pas  encore  pris  possession  de  son  siège,  lors- 
que le  maréchal ,  son  beau-frère  ,  fut  tué  sur  le  pont 
du  Louvre  le  24  avril  16 17.  Craignant  la  fureur 
populaire  qui  se  manifestait  dans  tout  Paris,  il  se 
réfugia  au  collège  de  Marmoutier,  rue  Saint-Jacques , 
d'oii  il  partit  secrètement  pour  l'Italie,  laissant  vacans 
son  siège  et  son  abbaye. 

1 09.  Bertrand d'Eschaux ,dei6i7ài64i. Nommé 
à  l'évêché  de  Eayonne,  en  1598,  il  fut  appelé  au 
siège  de  Tours  le  20  juin  1617.  Ce  fut  lui  qui  admit 
dans  l'intérieur  de  la  ville  de  Tours  les  minimes, 
les  prêtres  de  l'Oratoire,  les  religieuses  ursulines, 
les  fdles  de  la  Visitation  et  celles  du  Calvaire.  Il 
mourut  à  quatre-vingt-cinq  ans,  le  2J  mai  1641. 

iio.  Victor  Le  Bouthillier,  de  1641  à  1670. 
Ayant  cédé  son  évêché  de  Boulogne  à  un  neveu  de 
l'archevêque    Bertrand   d'Eschaux,   il    fut    nommé 


SAINT-GATIEN.  4^5 

coadjuteur  de  ce  dernier,  et  lui  succéda  de  plein 
droit  après  sa  mort.  Ce  fut  lui  qui  établit  un  séminaire 
à  Tours,  et  qui  y  appela  les  religieuses  capucines 
ainsi  que  celles  de  l'Annonciation  appelées  les  Bleues. 
11  termina  sa  carrière  à  soixante-treize  ans ,  le  1 2  sep- 
tembre 1670.  Il  était  oncle  du  célèbre  abbé  de  Rancë. 
m.  Charles  de  Rosmadec,  de  1671  à  167a.  Le 
roi  le  fît  passer,  ainsi  que  quelques  autres  de  ses 
prédécesseurs,  du  siège  deBayonne  à  celui  de  Tours, 
cil  sa  cathédrale  le  reçut  solennellement  le  12  jan- 
vier 1672.  Mais  le  mauvais  état  de  sa  santé  lui  fit 
sentir  le  besoin  de  prendre  les  eaux  thermales.  Il  se 
rendit  h  celles  de  Bourbon,  où  il  languit  encore 
quelques  mois,  et  finit  par  y  mourir  le  12  juillet  de 
la  même  année.  Ses  restes  furent  rapportés  à  Tours, 
et  inhumés  à  Saint-Gatien. 

112.  Michel  Amelot  de  Gournay,  de  1673  à  1687. 
Il  avait  été  nommé  évêque  de  Lavaur  l'année  qui 
précéda  sa  translation  à  l'archevêché  de  Tours,  dont 
il  prit  possession  le  16  novembre  1673. 11  confia  aux 
prêtres  de  la  Mission  la  direction  du  séminaire  créé 
par  Victor  Le  Bouthillier,  et  établit  à  Tours,  en  1670, 
les  filles  de  l'Union  chrétienne.  Sa  carrière  ne  fut  pas 
longue.  Il  la  termina  le  17  février  1687,  à  l'âge  de 
soixante-trois  ans. 

11 3.  Claude  de  Saint-Georges,  de  1687  à  1693. 
Il  avait  successivement  occupé  le  siège  de  Maçon , 
en  1682,  et  celui  de  Clermont,  en  1684,  lorsqu'il 
fut  appelé  à  l'archevêché  de  Tours;  mais  d'après  la 
mésintelligence  qui  régnait  alors  entre  les  cours  de 

3.  3o 


466  HISTOIRE    Di:    TOURA.INE. 

Rome  et  de  Versailles,  il  ne  put  parvenir  à  obtenir 
ses  bulles:  c'est  pourquoi,  dans  l'assemblée  générale 
du  clergé  de  1690,  il  ne  prend  que  la  qualité  cVar- 
chevêque  désigné.  Cependant,  les  difficultés  ayant 
été  aplanies,  il  fut  nommé,  le  5  septembre  1693, 
à  l'archevêclié  de  Lyon,  où  il  mourut  en  1714» 

ï  ï/j.  Matthieu  Jsoré  d'Hervaut,  de  1698  à  1719. 
Ji  n'avait  pas  encore  reçu  ses  bulles  pour  l'évêché  dje 
Condom,  que  le  roi  le  transféra  au  siège  archiépisco- 
pal de  Tours,  le  17  novembre  de  la  même  année  1693. 
Plusieurs  de  ses  successeurs  avaient  tenté  vainement 
de  soumettre  à  leur  juridiction  le  chapitre  de  Saint- 
Martin  ,  et  de  faire  abolir  ses  privilèges  d'exemption. 
Ce  fut  lui  qui  les  attaqua  avec  le  plus  de  chaleur  et 
de  ténacité,  et  ses  efforts  furent  couronnés  du  succès 
que  lui  procurèrent  deux  arrêts  du  parlement  dics 
20  novembre  1700  et  i3  avril  1709.  Le  chapitre  de 
sa  cathédrale  fut  compris  dans  cette  abolition.  Il 
jouit  encore  dix  ans  de  son  triomphe,  étant  mort  à 
Paris,  en  17 19»  dans  sa  soixante-neuvième  année. 

Il  5,  Armand-Pierre  de  La  Croix-Castries.  Il  fut 
sacré  à  Paris  le  29  octobre  1719;  mais  il  n'avait  pas 
encore  pris  possession  quand ,  dans  le  cours  de  cette 
même  année,  au  mois  de  novembre,  il  fut  transféré 
à  l'archevêché  d'Alby,  oii  il  est  mort  le  i5  avril  1747» 
âgé  de  quatre-vingt-huit  ans. 

116.  Henri-Osvald  de  La  Tour  d'Auvergne,  de 
17 19  à  17^1.  Quoiqu'ayant  été  sacré  dans  l'année 
de  sa  nomination,  il  ne  vint  point  prendre  possession 
-de  son  siège,  d'où  il  fut  transféré  à  celui  de  Vienne 


en  Daupliiné,  le  4  janvier  17^1.  Il  se  démit  de  cet 
archevêché  lorsqu'il  eut  été  créé  cardinal,  et  mourut 
à  Paris  le  i3  avril  1747- 

117.  François  Blouet  de  Camiily,  de  1721  à  1723. 
De  révêché  de  ïulle,  qu'il  possédait  depuis  le  1 1 
mai  1704,  il  passa  à  rarchevêché  de  Tours,  oii  il  fit 
son  entrée  le  i"  mai  1723.  Après  quelques  mois  de 
séjour  à  Tours,  ayant  entrepris  une  tournée  dans 
son  diocèse,  il  tomba  malade  à  Ligueil,  et  il  y  mou- 
rut le  17  octobre  de  la  même  année. 

118.  Louis-Jacques  de  Chapt  de  Rastignac,  de  1 7  23 
à  1750.  Nommé  à  l'évêché  de  Tulle  en  172  j  ,  il  passa 
au  mois  d'octobre  1723  à  rarchevêché  de  Tours.  La 
manière  brillante  dont  il  parut  à  l'assemblée  géné- 
rale du  clergé,  en  1726,  donna  une  si  haute  idée  de 
ses  talens,  qu'il  fut  ensuite  choisi  pour  présider  celles 
de  1745,  1747  ^t  T748.  Il  avait  été  nommé  en  1746 
commandeur  de  l'ordre  du  Saint-Esprit.  Ce  fut  lui 
qui,  en  174^,  ht  réunir  pour  toujours  à  l'arche- 
vêché de  Tours  la  mense  abbatiale  de  Marmoutier. 
On  lui  dut  la  fondation  et  la  dotation  du  collège  de 
Chinon,  ainsi  que  l'établissement  de  l'hospice  de  la 
Madelaine  pour  les  enfans  trouvés,  qui  auparavant 
étaient  placés  à  l'hôpital.  Il  mourut  au  château  de 
Verets,  en  1760,  âgé  de  soixante-cinq  ans. 

1  iQ.  Henri-Marie-Bernardin  de  Rosset  de  Fleury, 
de  X75oà  i774'  Gilles  de  Coëtlosquet,  évêque  de 
Limoges,  ayant  refusé  l'archevêché  de  Tours,  le  car- 
dinal de  Fleury  le  fit  obtenir  à  son  neveu,  qui  n'était 
âgé  que  de  trente-deux  ans.  Il  fut  sacré  à  Saint-Cyr, 

3o. 


/|()8  HrsToiiu-  ni:  iodlune. 

le  -jj)  juin  1751 ,  CM  présence  du  roi  et  de  la  famille 
royale.  En  1774?  il  ^1*^  appelé  à  rarcheVêché  de  Cam- 
bray,  qu'il  n'accepta  qu'après  des  refus  réitérés  et  sur 
l'ordre  exprès  du  roi.  11  y  est  mort  le  2 3  janvier  178  J , 
aussi  chéri  et  aussi  vénéré  qu'il  l'avait  été  dans  son 
ancien  diocèse. 

19.0.  Joachim-François-Mamert  de  Conzié,  de 
1774  à  1790.  Son  frère  aîné,  Louis-François-Marc 
Hilaire,  évêque  d'Arras,  ayant  refusé  rarclievêché  de 
Tours  après  la  promotion  de  M.  de  Fleury,  celui-ci  y 
fut  nommé  à  sa  place.  Il  était  député  du  clergé  de 
Touraine  aux  Etats  généraux  lorsque  la  constitution 
civile  du  clergé ,  décrétée  par  l'assemblée  consti- 
tuante, le  détermina  à  quitter  la  France  et  à  passer 
en  Angleterre  avec  son  frère,  qui,  comme  lui,  y 
termina  sa  carrière. 

î-21.  Pierre  Suzor,  évêque  constitutionnel.  Il 
était  curé  de  la  paroisse  d'É cueille^  qui  depuis  a 
été  distraite  de  la  Touraine,  lorsqu'il  fut  nommé 
éi^éque  par  rassemblée  électorale  du  département 
d' Indre-et-Loire ^  conformément  aux  dispositions 
de  la  constitution  civile  du  clergé.  Il  reçut  à  Châ" 
teauroux  V institution  canonique  par  V évêque  du 
département  de  V Indre,  et  fut  sacré  à  Paris ^ 
en  1 791  ?  dans  le  mois  qui  suivit  son  élection. 

Il  n'occupa  le  siège  que  jusqu'en  1793,  époque 
oit  toute  espèce  de  culte  fut  abolie  par  la  conven- 
tion  nationale;  mais ^  en  1797,  ^^  culte  ayant  été 
rétabli.,  il  assista  au  concile  qui  fut  convoqué  au 
mois  de  fructidor.  Bientôt  une  attaque  d'apoplexie 


S\i:VT-CATlEN.  4^9 

Tobligea  de  renoncer  à  ses  fonctions  épiscopales. 
Il  se  retira  dans  le  sein  de  sa  famille ,  à  PreuHljr^ 
où  il  est  mort  le  1 3  ai'ril  1 80 1 ,  âgé  de  soixante- 
huit  ans. 

11%,  Jean  de  Dieu-Raymond  de  Boisgelin  de  Cicé, 
ancien  archevêque  d'Aix,  de  1802  à  i8o5.  D'après 
le  concordat  conclu  le  i5  juillet  entre  la  France  et 
le  pape  Pie  VII,  les  difficultés  qui  s'étaient  élevées 
relativement  aux  institutions  canoniques  furent  en- 
tièrement aplanies,  les  archevêchés  furent  rétablis, 
et  les  ëvêques  purent  aller  administrer  leurs  dio- 
cèses. M.  de  Boisgelin  fut  mis  à  la  tête  de  celui  de 
Tours,  en  1802,  et  bientôt  après  nommé  cardinal. 
Ses  talens,  plus  que  son  nom  et  ses  dignités,  l'avaient 
fait  admettre  à  l'ancienne  académie  française.  Il  est 
mort  «î  Angervilliers,  près  Paris,  le  'in  août  i8o5. 

123.  Louis-Matthias  de  Barrai,  de  i8o5  à  1816. 
En  1788,  il  avait  été  sacré  évêque  de  Troyes,  et 
n'avait  occupé  que  très-peu  de  temps  ce  siège,  dont 
il  fut  expulsé  par  la  révolution.  Rentré  en  France 
sous  le  consulat,  nommé  ensuite  premier  aumônier 
de  l'impératrice  Joséphine,  il  fut  donné  pour  succes- 
seur au  cardinal  de  Boisgelin.  Il  est  mort  à  Paris  dans 
l'année  18 16. 

\i[[.  Jean-Baptiste  Duchillau,  de  1817  à  ï^^4' 
Evêque  de  Châlons-sur-Saone  en  1 781 ,  il  fut  nommé 
par  le  diocèse  de  Langrcs  l'un  de  ses  quatre  députes 
aux  étals  généraux.  Comme  presque  tous  les  prélats 
de  France,  obligé  de  s'expatrier  pour  fuir  la  persé- 
cution, il  quitta  sa  patrie  et  n'y  rentra  qu'avec  la 


470  HISTOIRE    DE    TOURAmE. 

famille  royale.  Désigné  à  rarchevêché  de  Tours,  les 
obstacles  survenus  à  l'occasion  du  concordat  de  181 7 
Tempêchèrent  de  venir  prendre  possession  de  son 
siège;  mais  enfin  ces  obstacles  ayant  été  levés,  il  se 
rendit  dans  son  diocèse,  oii  il  fit  son  entrée  le  6  no- 
vembre 1819.  Il  y  termina  sa  longue  carrière  le  26 
novembre  1824,  à  l'âge  de  quatre-vingt-neuf  ans. 

12  5.  Augustin-Louis  Dumontblanc  fut  nommé 
en  1817a  l'évêcbé  de  Saint-Diez ,  et  le  1 2  août  1 82 1 , 
sacré  en  qualité  d'archevêque  de  Cartilage  et  de  coad- 
juteur  à  l'archevêché  de  Tours,  dont  il  a  pris  pos- 
session en  vertu  de  ce  titre  successif,  le  jour  même 
de  la  mort  de  son  prédécesseur.  Ainsi  que  lui,  il  a 
été  appelé  par  le  roi  h  siéger  dans  la  chambre  des 
pairs. 

Sn. 

SAINT-MARTIN    DE    TOURS. 

Quelque  illustre  qu'ait  été  la  cathédrale  de  Tours, 
on  peut  assurer  que  l'église  de  Saint-Mai^tin  fut  plus 
célèbre  encore  par  l'immense  réputation  que  son 
patron  eut  dans  toutes  les  Gaules,  où  sa  mémoire 
était  en  telle  vénération ,  que  des  contrées  les  plus 
éloignées  on  venait  prier  à  son  tombeau,  et  que  le 
voyage  de  Tours  était  assimilé  à  celui  de  Jérusalem. 

L'église  dédiée  à  saint  Martin  par  saint  Brice,  son 
successeur,  ne  fut  autre  d'abord  que  l'oratoire  de 
Saint-Etienne,  situé  à  cinq  cent  cinquante  pas  de  dis- 


SAIiVT-MARTïN.  471 

tance  de  la  ville,  dans  le  cimetière  des  chrétiens. 
Saint  Perpète  en  fit  élever  une  beaucoup  plus  vaste 
sur  le  même  emplacement,  vers  l'an  469.  Elle  se  vit 
considérablement  endommagée  par  un  premier  in- 
cendie quelle  éprouva  en  56o,  à  l'occasion  de  l'asile 
que  Chramne  y  avait  reçu.  Le  roi  Clotaire,  causé 
première  de  ce  désastre ,  se  chargea  de  la  faire  réta-' 
blir.  On  croit  qu'elle  n'eut  pas  moins  à  souffrir  en 
801  d'un  second  embrasement;  mais  en  853  ,  elle  fut 
en  grande  partie  ruinée  par  les  Normands,  qui,  en 
Tannée  goS ,  l'incendièrent  de  nouveau,  ainsi  qu'une 
grande  partie  de  la  ville  de  Tours.  Robert,  second  fils 
de  Robert-le-Fort ,  comme  lui  abbé  de  Saint-Martin, 
la  reconstruisit  presque  entièrement.  Elle  fut  de 
même  enveloppée  dans  le  désastre  qui  consuma,  en 
994,  le  bourg  de  Châteauneuf.  Cette  fois,  ce  fut  son: 
trésorier  Hervé  qui  la  fit  sortir  de  ses  ruines  plus 
vaste  et  plus  belle  qu'elle  n'avait  été  jusque-là.  Elle  fut 
terminée  en  ioi4;  niais  en  1096  et  en  ii23,  elle 
eut  encore  à  souffrir  des  ravages  du  feu,  la  première 
fois  par  un  accident  dû  à  une  imprudence,  et  la 
seconde  à  la  suite  d'une  guerre  intestine  entre  les 
chanoines  et  les  habitans  de  Châteauneuf,  Enfin  le 
commencement  du  treizième  siècle  fut  pour  la  der- 
nière fois  témoin  d'une  pareille  catastrophe.  Jean- 
sans-Terre  s'étant  emparé  de  Châteauneuf  le  3 1  août 
iao3,  y  fit  mettre  le  feu,  et  l'église  de  Saint-Martin 
ne  put  échapper  entièrement  aux  ravages  des  flammes. 
Des  temps  plus  calmes  permirent  de  réparer  toutes 
les  parties  que  le  feu  avait  altérées,  et  depuis  ce  mo- 


47  2  HISTOIRE    DE    TOUR  AINE. 

ment ,  aucun  événement  fâcheux  ne  vint  troubler  la 
paix  de  cette  église,  jusqu'à  l'époque  où  elle  eut  à 
déplorer  la  perte,  non-seulement  de  son  riche  trésor 
entièrement  pillé  par  les  protestans  en  i5ô?. ,  mais 
encore  celle  de  toutes  ses  reliques ,  et  surtout  du  corps 
de  son  patron,  cause  première  de  son  opulence  et  de 
tout  Téciat  qu  elle  avait  répandu. 

Tout  ce  qui  tient  a  l'histoire  et  aux  antiquités  de 
l'église  de  Saint-Martin,  se  compose  de  faits  assez 
nombreux  et  assez  intéressans  pour  avoir  été  de  notre 
part  l'objet  d'un  ouvrage  spécial  qui  deviendra  une 
suite  nécessaire ,  et  en  quelque  façon  indispensable 
de  notre  Histoire.  Nous  nous  bornerons  donc  ici  à 
indiquer  sommairement ,  ainsi  que  nous  le  ferons  pour 
les  autres  établissemens  ecclésiastiques ,  ce  qu'il  im- 
porte le  plus  de  ne  pas  ignorer. 

L'église  de  Saint-Martin  fut  d'abord  un  monastère 
desservi  par  des  moines  sous  la  conduite  d'un  abbé 
régulier.  En  vertu  d'un  privilège  de  l'évêque  Chrot- 
bert  et  d'une  bulle  du  pape  Adéodat,  il  fut  soustrait  à 
la  juridiction  du  métropolitain,  et  eut  ou  s'attribua 
le  droit  d'avoir  son  évêque  spécial.  Ces  religieux, 
devenus  opulens  et  sans  doute  las  de  l'uniformité  de 
la  vie  monastique,  se  transformèrent ,  vers  l'an  848, 
en  chanoines  séculiers.  Cependant  ils  continuèrent 
d'avoir  des  abbés,  mais  séculiers  comme  eux,  parce 
qu'aucune  charte  n'avait  encore  légalisé  leur  collé- 
giale. Le  dernier  de  ces  abbés  fut  Hugues  le  Grand , 
père  de  Hugues  Capet.  Celui-ci  ayant  été  élu  roi  par 
la  nation,  annexa  pour  toujours  à  la  couronne  la 


SAINT-MARTIl^r  DE  TOURS.  47  ^ 

dignité  d'abbé  de  Saint-Martin,  ainsi  que  le  pape 
Urbain  II,  en  1096,  réunit  au  Saint-Siège  le  titre 
d'évêque  de  Saint-Martin,  d'où  cette  collégiale  s'in- 
titulait dans  tous  ses  actes  au  Saint-Siège  apostO' 
lique  sujette  sans  moyen.  Les  moines,  qui  étaient 
précédemment  en  nombre  indéterminé,  devenus 
chanoines,  furent  fixés  à  deux  cents  par  Charles-le- 
Chauve,  ensuite  à  cent  cinquante,  et  enfin  à  cin- 
quante, en  1^37,  moyennant  l'établissement  de 
cinquante-six  vicaires. 

Quoique  la  Touraine  ait  été  long-temps  soumise  \ 
des  comtes  héréditaires,  l'église  de  Saint-Martin  n'en 
resta  pas  moins  constamment  annexée  à  la  couronne 
de  France,  soit  avant,  soit  après  que  la  province  y 
eut  été  réunie.  Les  rois,  chanoines-nés  de  toutes  les 
cathédrales,  étaient,  indépendamment  de  cela,  cha- 
noines de  l'église  de  Saint-Martin. 

Peu  de  chapitres  avaient  un  clergé  aussi  nombreux. 
Sans  y  comprendre  vingt-huit  chanoines  honoraires, 
dont  quatorze  ecclésiastiques  et  quatorze  laïques,  il 
comptait  d'abord  onze  dignitaires,  savoir:  le  doyen, 
le  trésorier,  le  chantre,  l'écolâtre,  le  sous-doyen,  le 
cellerier,  le  granger,  le  chambrier,  l'aumonier,  l'abbé 
de  Cormery  et  le  prieur  de  Saint-Come.  Après  eux 
venaient  les  quinze  prévôts,  savoir  :  de  Mahyet,  de 
Saint-Épain,  d'Oé,  de  Chablis,  de  Léré,  de  Milccy, 
de  La  Varenne ,  de  Suèvre ,  de  Courçay,  de  Chalautrc, 
de  Blasiay,  de  Restigny,  d'Antogny,  d'Anjou  et  de 
Vallières.De  plus  cinquante-un  canonicats,  dont  huit 


474  HISTOIRE    DE    TOUR  AINE. 

prébendes  étaient  distraites  pour  des  services  parti- 
culiers, ce  qui  les  réduisait  à  quarante-trois  chanoines 
effectif.  Les  sous-dignités  étaient  au  nombre  cinq  : 
le  sous-chantre,  le  sous-pelletier  ou  supplétier,  le 
sous-écolâtre ,  le  sénéchal  et  le  chefvccier.  Il  faut  y 
ajouter  les  trois  personnats  ou  prestimonies  de  Mo- 
rîgnaii ,  de  Châtillon ,  et  de  Milan  en  Italie;  cinquante- 
six  vicaires,  six  aumôniers,  trois  clercs  d'aumône, 
quatre  marguilliers ,  quatre  incepteurs,  deux  péni- 
tenciers, deux  sacristains,  un  oblatier  et  quatre- 
vingts  chapelains ,  au  total  deux  cent  soixante-trois 
bénéfîciers,  auxquels  il  faut  ajouter  les  emplois  sui- 
vans  :  dix  enfans  de  chœur,  un  maître  de  chapelle,  un 
maître  de  latin,  un  organiste,  huit  musiciens  semi- 
prébendës,  un  pauvre  de  Saint-Martin  fondé  par 
IjOuis  XI,  quatre  bâtonniers,  un  maître  de  sonnerie , 
et  trente  sonneurs  à  gages. 

Indépendamment  des  chanoines  d'honneur,  le 
chapitre  avait  établi  des  associations  de  confraternité 
avec  les  églises  les  plus  célèbres  de  l'Europe,  au 
nombre  de  douze  cathédrales  et  d'autant  d'abbayes. 
Enfin  il  comptait  vingt-neuf  églises  sous  sa  dépen- 
dance, tant  au  dedans  qu'au  dehors  de  la  province. 
C'est  ce  qui  lui  composa  long-temps  une  espèce  de 
diocèse  pour  lequel  il  avait  son  contingent  particulier 
dans  la  répartition  des  décimes. 

Nous  renvoyons  pour  tous  les  autres  détails  à  l'ou- 
vrage dont  nous  venons  de  parler. 

Les  autres  collégiales  du  diocèse,  beaucoup  moins 


SAINT-VKNANT.  475 

considérables,  offrant  par  ce\sL  même  bien  moins 
d'intérêt,  nous  aurons  peu  de  chose  à  dire  sur  ce 
qui  les  concerne. 

s  in- 

SAlNT-VENANT. 

Dans  l'origine  Saint -Venant  était  un  monastère 
d'hommes  placé  dans  l'intérieur  du  cloître  de  Saint- 
Martin ,  et  fondé  vers  l'an  460  par  saint  Silvin,  qui 
fut  son  premier  abbé;  mais  après  la  mort  de  saint 
Venant,  son  successeur,  l'église  fut  mise  sous  l'invo- 
cation de  ce  secohd  abbé,  qui  y  fut  inhumé,  et  dont 
les  restes  furent  transférés  à  Paris,  en  856,  pour  le 
soustraire  aux  ravages  des  Normands.  Quand  la  châsse 
de  saint  Martin  revint  d'Auxerre,  où  on  l'avait  mise 
à  l'abri  de  ces  barbares,  ce  fut  dans  l'église  de  Saint- 
Venant,  à  raison  de  sa  proximité,  qu'elle  resta  dé- 
posée, jusqu'à  la  reconstruction  de  la  basilique  de 
Saint-Martin  qu'ils  avaient  détruite. 

Les  moines  de  Saint -Venant  furent  sécularisés 
dans  le  neuvième  siècle,  probablement  en  même 
temps  que  ceux  de  Saint-Martin.  Nous  parlons  dans 
notre  4'  vol. ,  p.  174  ,  de  saint  Guillaume  Firmat, 
qui,  au  onzième  siècle,  était  chanoine  de  Saint- 
Venant. 

Le  chapitre  était  composé  de  dix  chanoines,  tous 
à  la  nomination  de  celui  de  Saint-Martin.  Ils  étaient 
reçus  dans  le  choeur  où  ils  partageaient  les  honneurs 


47^  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

et  les  prérogatives  des  autres  chanoines.  Il  y  avait 
même  une  prébende  qui  leur  était  spécialement 
affectée  et  dont  ils  partageaient  entre  eux  le  revenu. 
Une  église  paroissiale  fut,  vers  le  quatorzième 
siècle,  établie  dans  son  sein  pour  la  commodité  des 
particuliers  qui  habitaient  le  cloître  ou  son  voisinage. 
La  cure  était  à  la  présentation  du  chapitre  de  Saint- 
Venant,  et  à  la  collation  du  chapitre  de  Saint-Martin 
qui  était  en  possession  de  conférer  tous  les  bénéfices 
des  églises  qui  dépendaient  de  la  sienne.  Cette  pa- 
roisse a  disparu  en  même  temps  que  le  chapitre. 

s  IV. 

SA.INT-PIERRE-LE-PUELLIER. 

Cette  église  fut  bâtie  par  saint  Perpète,  sixième 
évêque  de  Tours,  vers  Tan  670,  sous  l'invocation  de 
saint  Pierre  et  saint  Paul.  Grégoire  de  Tours  la  dé- 
signe suffisamment  en  disant  qu'elle  était  dans  le 
voisinage  de  Saint-Martin  (i).  A  la  vérité  il  fait  men- 
tion d'une  autre  église  qu'il  indique  sous  le  nom  de 
Saint-Pierre  seulement  ;  mais  comme  il  la  place  vers 
la  cathédrale ,  il  n'est  pas  possible  de  les  confondre. 


(i)  L'auteur  de  la  vie  de  sainle  Clotilde  s'est  trompé  en  disant  que  ce 
fut  celte  reine  qui  fit  bâtir  l'église  de  Saint-Pierre  et  Saint-Paul,  qui 
était  devant  la  porte  de  Châteauneuf.  Mais  ceux  qui  ont  prétendu  que 
cette  vie  avait  été  écrite  dans  le  sixième  ou  le  septième  siècle,  se  sont 
trompés  également,  puisqu'il  y  est  fait  mention  de  Châteauneuf  qui  ne 
fut  connu  qu'au  commencement  du  dixième. 


SAINT-PIERRK-LJ-PIIELLIER.  /|77 

Sainte  Clotide ,  femme  de  Clovis  1",  s'étant  retirée 
à  Tours,  vers  l'an  5i2,  y  établit  une  communauté  de 
filles (i),  qu'elle  plaça  auprès  de  cette  église,  ce  qui 
lui  fît  donner  le  nom  do  Saint-Pierre-le-Puellier, 
S.  Petrus  puellarum ,  ou  a  Puellis.  Philippe  PF 
en  fit  don,  ainsi  que  du  faubourg  Saint-Père  dans 
lequel  elle  était  située,  au  chapitre  de  Saint-Martin, 
parce  que  les  rois  de  France  en  étaient  seigneurs 
comme  héritiers  de  la  reine  Clotilde,  qui,  lors  de  sa 
mort,  en  avait  la  possession.  Cette  donation  fut  con- 
firmée par  lettres  patentes  de  Louis-le-Gros  et  de 
Louis-le-Jeune ,  ainsi  que  par  une  bulle  du  pape 
Calixtc  II,  du  consentement  de  Gilbert,  soixante- 
quatrième  archevêque  de  Tours,  sous  la  réserve  de 
tous  ses  droits  épiscopaux. 

Les  papes  Honoré  II  et  Innocent  II  confirmèrent 
de  nouveau  cette  première  bulle ,  mais  sans  aucune 
réserve;  et  ce  fut  l'origine  du  différend  qui  s'éleva 
dans  le  douzième  siècle  entre  le  litigieux  archevêque 
Joscion  et  le  chapitre  de  Saint-Martin.  La  cause 
portée  à  Rome  fut  jugée  en  faveur  de  larchevêque; 
mais  le  chapitre  lui  ayant  fait  fermer  les  portes  du 
faubourg,  Joscion  s'en  plaignit  à  Louis  VII,  par  une 
lettre  qu'on  lit  au  4"  vol.  des  historiens  de  France. 

Ce  monastère  de  filles  existait  encore  au  temps  de 
Charlemagne.  11  en  est  fait  mention  dans  le  testa- 
ment de  l'abbé  Ithier,  en  780,  sous  le  nom  de  mo^ 
nasterium  puellarum ,  et  il  n'y  a  pas  à  s'y  méprendre 

(i)  Quelques-uns  pensent  que  ci'  nionastèie  ne  fut  établi  que  par  sainte 
Menegoude  après  la  mort  de  sainte  Clotilde.  ' 


47^  HISTOIRE   DE   TOUR  AINE. 

puisqu'il  n'existait  alors  clans  toute  la  province  au- 
cune autre  communauté  de  filles.  Il  fut  depuis  con- 
verti en  un  monastère  d'hommes,  et  enfin,  dans  le 
dixième  siècle ,  érigé  eu  chapitre  et  en  paroisse  simul- 
tanément. 

Le  nombre  des  chanoines  avait  sans  doute  été  plus 
grand  dans  le  principe  que  dans  les  derniers  temps, 
puisque  nous  apprenons  par  une  bulle  d'Alexandre  111, 
qu'en  1176  il  fut  réduit  à  dix  pour  les  rappeler,  y 
est-il  dit,  à  leur  première  institution.  Ce  chapitre  et 
sa  paroisse  reconnaissaient  toujours  la  juridiction  de 
Saint-Martin.  C'était  tout  ce  qui  restait  à  celui-ci  de 
son  ancienne  propriété. 

§  V. 

LA    BASOCHE. 

Nous  avons  rapporté  dans  notre  m*  liv. ,  p.  i[\^% , 
l'événement  qui  donna  naissance  à  l'église  de  La 
Basoche,  ou  Notre-Dame-de-la-Consolation.  Quoique 
cet  événement  datât  de  l'an  838,  elle  ne  fut  cepen- 
dant construite  qu'en  885.  Dans  cette  année ,  Charles- 
le-Gros  voulant  faciliter  l'exécution  du  vœu  des  habi- 
tans  de  Tours,  leur  accorda,  par  ses  lettres  patentes, 
l'emplacement  du  palais  des  Plaids ,  connu  alors  sous 
le  nom  de  Salle  maudite^  avec  quatre-vingt-seize 
perches  de  terrain,  y  compris  le  mur  et  le  chemin  de 
ronde. 

Ce  ne  fut  long-temps  qu'une  simple  chapelle  placée 


LE    PLESSIS-LES-TOURS.  479 

sur  les  murs  de  la  cité,  auprès  de  la  tour  du  Cupidon; 
mais,  en  1171,  elle  fut  érigée  en  chapitre  par  une 
huile  du  pape  Alexandre  III,  donnée  à  Tusculum  Iç 
20  juin.  Ce  chapitre,  à  raison  de  son  origine,  était 
alor§  sous  la  dépendance  de  celui  dp  Saint-Martin; 
mais  environ  deux  cents  ans  après,  c'est-à-dire  verp 
le  milieu  du  treizième  siècle,  il  en  fut  distrait  pour 
êjLre  agrégé  à  celui  de  la  cathédrale  dans  le  cloîtrp 
de  laquelle  il  se  trouvait  placé.  Cette  mutation  se  fît 
au  ipoyen  d  un  accord  par  lequel  le  chapitre  de  Saint- 
Pierre-le-Puellier  rentra  sous  la  juridictioa  de  celw 
de  Saint-Martin. 

L'église  collégiale  de  La  Basoche  n'était  composée 
que  de  quatre  chanoipes,  dont  le  revenu  devait  ê^ce 
assez  médiocre,  car  lors  de  l'échapge,  ceux  de  Saintr 
Gatien  se  dessaisirent  d'une  de  leurs  préhendes  çf» 
feveur  des  premiers  auxquels  ils  accordèrent  eq  outrç 
Mpe  part  dans  les  distributions  manuelles  et  journar 
lières. 

Ce  chapitre  a  été  supprimé  au  commencement  du 
siècle  dernier. 

§  VI. 

LE    PLESSIS-LES-TOURS. 

Louis  XI,  en  montant  sur  le  trône,  ayant  établi 
sa  résidence  au  Plcssis-les-Tours,  dont  il  fît  recou- 
istruire  le  château  nommé  auparavant  les  Montils, 
fît  consacrer  dans  l'intérieur  une  cliapelle  royale, 


48o  HISTOIRK    DE    ÏOURAINE. 

dont  il  donna  ses  lettres  au  mois  de  novembre  1462. 
Il  n'y  plaça  d'abord  que  quatre  chapelains  dotés  de 
400  liv.  de  renie  à  prendre  sur  le  greffe  de  la  pré- 
vôté de  Chinon,  et  le  tabellionnage  dudit  lieu.  Il 
paraît  que  le  monarque,  dans  le  choix  des  quatre 
premiers  titulaires,  ne  fut  point  dirigé  par  l'éclat  des 
noms;  car  nous  voyons  qu'il  tomba  sur  les  personnes 
de  Nicolas  Caudevant,  Jean  Thuseau,  Jean  Barbeau 
et  Guillaume  Jacob. 

Par  la  suite  j  voulant  donner  plus  de  lustre  à  cette 
fondation ,  il  se  décida  à  y  établir  un  collège  de  cha- 
noines auquel  ces  quatre  vicaires  seraient  unis;  et, 
à  cet  effet,  il  assigna  4ooo  liv.  de  rente,  y  compris 
les  400  liv.  des  vicaireries  ;  et  pour  rendre  cette  fon- 
dation stable,  perpétuelle  et  irrévocable,  o  le  bon 
plaisir  vouloir  et  consentement  de  notre  saint-père 
le  pape,  il  créa,  i**  douze  chanoines  prébendes,  qui 
tous  seront  de  l'âge  de  cinquante-cinq  ans,  en  ce 
compris  lesdits  quatre  chapelains;  2°  huit  vicaires, 
aussi  de  l'âge  de  cinquante-cinq  dns,  et  quatre  enfans 
de  l'âge  de  douze  à  treize  ans,  au  lieu  de  l'un  desdits 
chanoines,  avec  un  do^^en  et  un  chantre;  la  collation 
des  canonicats  à  lui  réservée  ainsi  que  le  doyenné; 
la  collation  de  la  chanterie,  simple  office,  ainsi  que 
des  huit  vicaires  réservée  au  chapitre  ;  sans  que  les- 
dits doyen,  chapitre  et  liabitués  dudit  collège  soient 
ores  et  pour  le  temps  à  advenir  subjects  à  aucun 
ordinaire,  sinon  de  notre  saint-père  le  pape  seule- 
ment, sans  aucun  moyen ,  le  tout  selon  le  bon  plaisir, 
vouloir  et  consentement  du  saint-père. 


SAINT-FLORENTIN   d'aMBOISE.  4^1 

Et  pour  parfaire  la  fondation  de  4,000  liv. ,  le  roi 
donne  le  greffe  de  la  prévoté  de  Chinon,  les  péages, 
les  deffais  diidit  lieu  ;  le  greffe  du  bailliage  de  Chinon 
pour  la  somme  de  4oo  liv. ,  et  le  péage  par  eau  de 
Langeais,  la  ferme  des  bouchages  de  Saumur,  la 
ferme  des  nomblages  dudit  lieu,  les  exploits  de  jus- 
tice, les  foires  de  may  et  niy-aoust,  les  deux  étaux  à 
boucher,  1  etau  h  poisson,  la  ferme  du  maire,  des  re- 
gistres, etc.,  le  tout  donné  en  franchise,  aumosne, 
amorty  et  indemne.  Donné  à  Tours,  au  Plessis  du 
Parc-lez-Tours ,  en  novembre  1482. 

Ces  lettres,  enregistrées  a  la  chambre  des  comptes 
le  18  juillet  t483  et  le  29  du  même  mois  en  la  cour 
de  parlement,  ne  reçurent  l'approbation  de  Rome 
qu'au  mois  de  septembre  i485,  après  la  mort  du 
fondateur.  Ce  fut  Guy  Vigier,  abbé  de  Marmoutier, 
qui  installa  le  chapitre  le  16  août  i486.  Dans  les  der- 
niers temps  il  n'était  plus  composé  que  d'un  doyen 
et  de  sept  chanoines. 

§VII. 


SAINT-FLORENTIN    d'aMBOISE. 


Sous  Foulques-Nerra ,  comte  d'Anjou  et  seigneur 
du  château  d'Amboise ,  il  y  avait  dans  l'intérieur  do 
ce  château  une  église  dédiée  à  Notre-Dame,  bâtie,  à 
ce  qu'on  croit,  par  Foulques  II  dit  le  Bon,  aïeul  de 
Foulques  Norra.  Celui-ci  ayant  rapporté ,  on  ne  dit 
pas  d'où,  le  corps  de  saint  Florentin,  évêque  d'Arles, 
3.  3i 


482  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

martyriçp  en  I^o6 ,  érigea,  de  concert  avec  Sulpice  P', 
seigneyr  de  J^  tour  d'Anjboise,  la  chapelle  du  cjiâ- 
teau  en  collégiale  qu'il  mit  sous  l'invocation  de  saint 
Florentin ,  et  en  même  temps  il  dota  le  chapitre,  qui 
fut  compose  d'un  chefvecier  et  de  sï%.  chanoines.  11  y 
eut  par  la  suite  im  doyen  qui  ne  fut  institué  qu'en  iSqp 
par  le  pape  Boniface  IX ,  à  la  prière  d'Ingelger  dit  le 
Qrand. 

Ce  fMt  dans  l'église  de  S^int-Florentin  que  se  fit  1^ 
cérémonie  de  l'institution  de  l'ordre  de  $aint-Micl^el, 
créé  par  Louis  XI  en  j469,  ordre  que  Henri  III  rem- 
plaça? en  1^79,  par  celui  du  Saint-Esprit. 

Depuis  ce  temps  le  chapitre  n'avait  éprouvé  aucun 
changement  jusqu'à  l'époque  ou  le  duc  de  Chpiseid, 
jpendant  son  ministère,  fît  ériger  en  sa  faveur  la  ville 
4'AKiï^oJse  en  duché-pairie,  d'après  l'échange  qu'il 
avait  fait  de  plusieurs  de  ces  terres  contre  ce  domine 
de  la  couronne.  Alors  le  nombre  des  chanoines  fut 
porté  à  neuf,  non  compris  le  doyen  et  le  sous-doyen 
qui  devinrent  tous  à  la  collation  du  seigneur,  sans 
que  pourtant  le  collège  perdît  son  titre  de  chapitre 
royal.  Le  duc  de  Penthièvre,  acquéreur  du  duché 
d'Amboise  après  la  mort  du  duc  de  CJioiseul,  était 
prieur  et  chanoine  d'honneur  du  chapitre. 

§  VIII. 

BUEIL. 

La  collégiale  de  Bueil  fut  fondép  en  1476?  spi^is 


SAINT-MARTIN  DE    CANDES.  4^3 

l'invocation  des  saints  Innocens,  par  Jean  sire  de 
Bucil,  chevalier,  haron  de  Châteaux  et  de  Mar- 
mande,  comte  de  Sancerre.  C'est  de  cette  famille  de 
Touraine  quêtait  issu  notre  poète  Honorât  deBueil, 
marquis  de  Racan. 

Le  chapitre  était  composé  d'un  doyen  et  de  six 
chanoines,  et  le  droit  de  patronage  appartenait  au 
seigneur,  ou,  en  cas  d'extinction,  au  seigneur  q,ui  le 
représenterait. 

§  IX. 

SAINT-MARTIN  DE   CANDES. 

On  sait  que  saint  Martin  mourut  à  Candes,  village 
de  §on  diocèse  situé  au  hord  de  la  Loire,  à  l'embou- 
chure de  la  Vienne.  Il  y  était  venu  pour  y  rétablir  la 
concorde  parmi  des  clercs  divisés  entre  eux.  Il  paraît, 
par  cette  circonstance  que  rapporte  Sulpice  Sévère, 
qu'il  y  avait  déjà  une  église  que  saint  Martin  lui- 
même  avait  fait  construire;  mais  ni  lui  ni  Grégoire 
de  Tours  ne  nous  ont  dit  sous  quelle  invocation. 
Quoi  qu'il  en  soit,  ce  fut  probablement  dans  cette 
même  église  que  s'établit  à  Candes  le  culte  qu'on  ne 
tarda  pas  à  y  rendre  à  saint  Martin.  Il  en  résulta 
d'abord  un  monastère  qui  devint  ensuite  yne  collé- 
giale dont  la  sécularisation  remonte  à  la  même  t^poque 
que  celle  de  l'abbaye  de  Saint -Martin,  c'est-à-dire 
vers  Van  848.  On  y  comptait  douze  chanoines,  dont 
le  preniier  avait  le  titre  de  chefvecicr.  L'archevêque 
de  Tours  nommait  à  tous  ces  canonicats. 

3i. 


484  HISTOIRE  DE  TOURAINE. 

§x. 

SAINT-MEXME   DE  CHlîfON. 

Cette  église  remonte  aux  premiers  temps  où  le 
christianisme  commença  à  se  répandre  en  Touraine, 
quoique  précédemment  il  y  en  eût  une  que  saint 
Brice  avait  fait  construire  dans  le  cours  de  son  épis- 
copat.  Celle  dont  il  s'agit  ici  doit  son  origine  à  saint 
Mexme  ou  saint  Maxime  (sanctus  Maximus).  Il  passe 
pour  avoir  été  l'un  des  disciples  de  saint  Martin,  ce 
qui  pourrait  être  a  la  rigueur,  quoiqu'on  prétende 
qu'en  /^6i  ou  4 6^  il  était  renfermé  dans  le  château 
de  Chinon ,  assiégé  par  le  général  romain  ^gidius 
Afranius,  et  que  ce  fut  à  ses  prières  que  les  assiégés 
durent  une  pluie  abondante  au  moment  où,  à  défaut 
d'eau,  ils  étaient  sur  le  point  de  se  rendre. Quoi  qu'il 
en  soit ,  suivant  l'opinion  commune,  ce  fut  vers  44^? 
qu'en  sortant  de  l'île  Barbe ,  près  Lyon ,  il  vint  s'éta- 
blir en  Touraine  où  il  fonda  un  monastère.  Ces  reli- 
gieux assistaient  à  l'office  de  l'église  paroissiale  bâtie 
par  saint  Brice,  parce  qu'alors  les  monastères  en 
général  n'avaient  que  des  oratoires. 

On  ne  pourrait  pas  dire  précisément  en  quel  temps 
ces  moines  furent  sécularisés.  Si,  comme  on  l'a  dit, 
ce  fut  en  1 145 ,  ce  ne  put  être  que  par  Luce  II,  qui 
fut  tué  le  9.5  février  de  cette  même  année,  ou  par 
son  successeur  Eugène  III.  Ce  qu'il  j  a  de  plus  cer- 
tain, c'est  qu'en  loii  nous  vovons  un  Robert,  abbé 


SAINT- JEAN  DK  LANGEAIS.  4 85 

de  Saint-Florent,  enterré  dans  i'églisc  de  Vabbaye  de 
Saint-Mexme,  et  qu'en  iioi  le  chapitre  existait  déjà, 
comme  le  témoigne  une  lettre  de  Tarchevêque  de 
Tours,  Hugues  d'Etampcs.  Ainsi  la  sécularisation 
de  1145  doit  être  reléguée  au  nombre  de  ces  dates 
controuvées  par  certaines  chroniques  peu  scrupu- 
leuses a  cet  égard.  Hugues ,  dans  cette  lettre ,  parle 
de  la  dignité  de  chefvecier  qui  avait  été  substituée  à 
celle  d'abbé ,  circonstance  qui  indiquerait  que  la  sé- 
cularisation n'aurait  eu  lieu  que  depuis  peu  de  temps. 

Ce  chapitre  avait  un  chefvecier  à  la  tête  de  onze 
autres  chanoines. 

Malgré  les  marques  d'antiquité  qu'offraient  encore 
l'église  de  Saint-Mexme  ainsi  que  ses  caveaux,  il  est 
certain  qu'elle  ne  remontait  pas  au-delà  du  neuvième 
siècle,  parce  qu'on  connaissait  en  France  le  peu  d'é- 
glises qui  étaient  antérieures  à  cette  époque. 

§  XI. 

SAINT-JEAN   DE  LANGEAIS. 

En  1/186  Hardouin  IX  de  Maillé  fonda  dans  le 
bourg  de  ce  nom  un  chapitre  composé  d'un  doyen, 
six  chanoines,  un  marguillier  et  deux  enfans  choriaux. 
Ce  chapitre  a  subsisté  jusqu'en  166*2  que  Charles 
d'Albert,  duc  de  Luynes,  y  substitua  des  chanoinesses 
religieuses  de  Saint- Augustin  ;  mais  la  ville  de  Lan- 
geais faisant  partie  de  son  duché  de  Luynes,  il  y 
transféra  le  chapitre  de  Maillé,  qui  ne  se  composa 


486  HISTOIRE  DE  TOTJRAINE. 

plus  que  de  quatre  chanoines,  dont  l'un  était  en 
même  temps  curé  de  la  paroisse  de  Saint-Jean.  Ces 
canonicals  étaient  à  l'entière  collation  du  seigneur. 

.    §XII. 

NOTRE-DAME-DE-LOCHES. 

D*après  les  détails  que  nous  avons  donnés  précé- 
demment, pâg.  145,  ainsi  qu'au  premier  volume  de 
notre  Histoire,  liv.  iv,  pag.  3i5,  il  nous  reste  peu  de 
choses  à  dire  sur  la  collégiale  de  Loches,  dont  nous 
avons  placé  la  fondation  en  963;  mais  elle  ne  put 
avoir  lieu  qu'en  966  ou  au  plus  tôt  à  la  fin  de  960 , 
après  le  voyage  que  Geoffroy  Grisegonnelle  fît  à 
Rome,  et  non,  comme  nous  l'avons  dit,  à  Jérusalem, 
où  il  pai*aît  certain  qu'il  n'est  jamais  allé.  Lui-même 
nous  donne  ces  indications  dans  sa  charte  de  fonda- 
tion ,  quoiqu'elle  ne  soit  point  datée.  Il  y  dit  en  effet  : 
«Romam  petii,  ibidemque  postquam  adveni,  magni- 
«ficandi  Johannis  papœ  prœsentiâ  honorifîce  sus- 
ce  ceptus  cxtiti. — J'allai  à  Rome ,  et  après  y  être  arrivé 
«je  fils  honorablement  admrs  en  la  présence  du  très- 
«  vénérable  pape  Jean.  »  Or,  le  pape  Jean  XIII,  dont 
il  s^agit  ici,  n'ayant  été  intronisé  que  le  1"  octo- 
bre 965,  la  fondation  du  chapitre  de  Loches,  au 
retour  de  Geoffroy,  ne  peut  guère  dater  que  de 
l'année  966. 

Ses  chanoines,  au  nombre  de  douze,  éhsaient  eux- 
mêmes  leur  prieur  qui  était  installé  sous  le  portique 


]>rOTRK-D  AME- DE-LOCHES.  4^7 

de  l'église;  mais  Vers  Tan  i44^î  Agnès  Sorcl  obtint 
de  Charles  Vil  la  suppression  d'une  de  ces  pré- 
bendes, dont  le  revenu  fut  affecté  à  l'entretien  de 
quatre  enfans  de  cbœur  et  d'un  maître  de  chapelle; 
en  sorte  qOe  le  chapitre  re^ta  composé  d'un  doyen , 
un  gt'and-chantre  et  neuf  chanoines,  ce  qui  fut  ratifié 
par  une  bulle  du  pape  Nicolas  V,  la  deuxième  année 
de  son  pontificat.  L'église  de  Loclies  avait  le  droit 
de  haute,  moyenne  et  basse  justice,  et  Tofficialité  de 
Tours  n'avait  sur  elle  aucune  juridiction. 

En  faisant  mention  du  tombeau  d'Agnès  Sorel, 
placé  dans  le  chœur  de  cette  église,  nous  n'avons 
point  rapporté  les  différentes  inscriptions  et  épitaphes 
dont  il  était  accompagné*  Nous  allons  suppléer  à  ce 
silence,  renvoyant,  pour  ce  qu'on  ne  trouvera  pas  ici, 
à  l'article  Sorel  du  iv''  vol.  Sur  Tune  des  faces  du 
tombeau  étaient  gravés  les  vers  suivans:  - 

Fulgor  apoUineus ,  rutilantis  luxqiie  Diana: 

Quam  jubaris  radii  clarificare  sol«nt , 
Nunc  tegilops,  et  opem  negat  atrox  Iridis  arcus, 

Dum  furiœ  prima  tela  supcrveniunt. 
Nunc  elcgis  diclare  decet ,  planctuque  sonora, 

L,ietitiam  pcllal  Uirtureus  geniitus. 
Libéra  dlim  quondam  qiiae  subveuiebat  egeuis 

Ecclesiisqne ,  modo  cogitur  »gra  niori. 
O  morss.Tva  niniis,  qua»  jam  juvcuilibus  annis 

Abstulit  a  terris  mcotbra  serena  suis. 
Manibus  ad  tuniulum  cinicti  celebretis  bonorcs , 

Effundendo  preces,  quas  nisi  parca  sinit. 
Qua;  titulis  decorata  fuit,  decoratur  amiclu , 

lu  laudis  tituluui  picta  ducissa  jacet. 
Occubuere  simul  sensus,  spccics  et  bouestas 


488  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

Solas  virlutes,  nicritum  ,  famamque  relinquens  , 

Corpus  ciim  specie  mors  rniseranda  rapit. 
Prœmia  sunt  mortis  liictus ,  quaerimonia  ,  tellus  : 

Huic  ergo  célèbres  fundite,  qiueso,  preces. 

Sur  une  plaque  de  cuivre  attachée  à  un  pilier  du 
sanctuaire,  du  côté  de  l'épître,  on  lisait  l'acrostiche 
que  nous  rapportons  au  tom.  iv,  pag.  467 ,  et  celle-ci 
également  en  vers  léonins,  rimes  seulement  h  la  fin 
de  chaque  hémistiche  : 

Hac  jacel  in  tumba  simplex  milisqiie  columba , 
Candidior  cycnis  ,  flammâ  rubicimdior  ignis  ; 
Agnès  pulchra  nimis  terrae  latitatur  in  irais. 
Ut  flores  veris  faciès  hiijiis  mulieris. 
Belaltaeque  domum  nemus  astans  Vinceniainim 
Rexit,  et  a  specie  nomen  suscepit  utrumque, 
Severiamque  Roquam  ,  Vernonis  et  ulique  genîem 
Acissoldiinum  regimen  dédit  omnibus  unum. 
AUoquiis  mitis,  compescens  scandala  litis; 
Ecclesiisque  dabat,  et  egenos  sponte  fovebat. 
Illi  Scurellte  cognomen  erat  Domicellœ  ; 
Et  non  mirelur  quis  si  species  decoretur 
Ipsius ,  est  ipsa  per  quam  depicta  Ducissa. 
Hoc  factura  sponte,  certâ  ratione  movente, 
Pro  laudum  titulis ,  meritorum  sive  libellis. 
Hic  corpus  ;  reliqua  sunt  gemeticis  inhumata 
Illam  cura  sanctis  comitetur  vita  perennis. 
Mille  quadringentis  quadraginta  novera  tulil  annis 
Nona  dies  mensis  hanc  abstulit  inde  secundi, 
Palmis  extcnsis  Iransivit  ab  ordine  mundi. 

§  XIII. 

MOjNTRÉSOR. 

Le  chapitre  de  Montrésor   dut   son  existence  à 


PRESSIGNY.  4^9 

îmbert  de  Bastarnay,  baron  du  Bouchage,  seigneur 
de  Montrésor,  qui,  le  26  mars  id^i,  y  fonda  une 
collégiale  confirmée  en  i523  par  Martin  de  Beanc, 
archevêque  de  Tours.  Elle  se  composait  d'un  doyen, 
un  chantre  et  six  chanoines,  dont  la  nomination 
appartenait  aux  seigneurs  qui  de  droit  y  avaient  leur 
sépulture.  Nous  avons  parlé  à  la  pag.  204  du  tom- 
beau de  Claude  de  Bastarnay  :  à  Tépitaphe  en  prose 
nous  allons  ajouter  celle  en  vers  qui  la  précédait. 

Arrête  ici  passant ,  arrête  ici  tes  yeux  ; 
Contemple  ce  pilier,  si  tu  es  curieux 
De  sçavoir  ce  qui  est  en  iceluy  compris. 
Sache  que  c'est  le  cœur  d'un  seigneur  de  hault  prix. 
Qui  vivant  a  monstre ,  par  brave  expérience , 
Quelle  estoit  de  ce  cœur  l'honneur  et  l'excellence  : 
Mais  mort  qui  a  toujours  envy  sur  la  vertu , 
L'a  en  ses  jeunes  ans,  de  son  corps  devestu , 
L'épiant,  pour  ce  faire,  en  belliqueux  arroy, 
Combattant  vaillamment  pour  Dieu  et  pour  son  roy  ; 
Délaissant  à  sa  mort  à  son  roi  la  victoire, 
Et  à  ce  gentil  cœur  immortelle  mémoire. 
Veux-tu  sçavoir,  amy,  par  avai:!  fon  départ. 
Quel  estoit  ce  seigneur?  voi-le  de  l'autre  part. 

Ce  dernier  vers  se  rapporte  à  Tépitaphe  en  prose 
dont  nous  venons  de  parler. 

§  XIV. 

PRESSIGNY. 

Rien   ne  nous   indique,  même  indirectement,  à 
quelle  époque  prit  naissance  la  collégiale  du  grand 


490  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

Pressigny,  ni  par  conséquent  quel  fat  celui  des  sei- 
gneurs de  ce  lieu  auquel  elle  fut  redevable  de  sa 
fondation.  Nous  ne  serions  pas  éloigné  de  croire 
qu'elle  a  pris  son  origine  dans  le  monastère  que 
Guillaume,  baroii  de  Pressigny  et  de  Sainte-Maure, 
institua  en  1190,  à  la  prière  de  Renaud,  abbé  de 
Pont-Ie-Voy,  monastère  que  quelque  autre  seigneur 
ixurû  converti  en  collégiale,  d'autant  plus  que  par  la 
suite  nous  n'en  trouvons  plus  dé  traces. 

Le  chapitre,  dont  tous  les  membres  étaient  à  la  no- 
mination du  seigneur,  se  composait  d'un  doyen  et  de 
six  chanoines,  dont  l'un  était  de  droit  curé  de  la 
paroisse.  Dès  l'année  1-782  îl  avait  été  supprimé  par 
l'archevêque  de  Tours. 


CHAPITRE  IL 

ABBAYES. 

Parmi  les  dix-sept  abbayes  que  contenait  le  diocèse 
de  Tours,  il  n'en  était  qu'une  seule,  celle  de  Mar- 
moutier,  qui  eût  acquis  de  la  célébrité.  Ce  sera  aussi 
la  seule,  comme  la  plus  ancienne  de  la  France,  à 
laquelle  nous  consacrerons  un  article  de  quelque 
étendue,  en  lui  donnant  même  le  pas  sur  les  autres, 
que  nous  rangerons  ensuite  dans  leur  ordre  alpha- 
bétique. 


J 


MAHMOUTIER.  491 

SI- 

MARMOUTIER. 

L'abbaye  de  Marmouticr  était  plus  ancienne  que 
la  monarcbie  française,  car  son  origine  remonte  au 
quatrième  siècle,  tandis  que  l'autre  ne  date  que  du 
cinquième.  Saint  Martin  ayant  été  appelé  au  siège 
de  Tours,  en  l'année  87 5,  s'occupa  presque  aussitôt 
de  se  cboisir  un  lieu  de  retraite  où  il  pût  réunir  ith 
certain  nombre  de  disciples  et  se  livrer  avec  eux  à 
la  méditation  et  à  la  prière.  Le  vallon  qui  règne  ati 
bas  du  coteau  de  Marmouticr,  lieu  alors  inculte  et 
solitaire ,  lui  parut  favorable  à  son  projet.  En  peu  de 
temps  il  y  rassembla  environ  quatre-vingts  disciples, 
nombre  considérable  pour  cette  époque,  et  qui  rie 
fit  que  s'augmenter  par  la  suite,  ce  qui  fit  donner  à 
ce  monastère  le  nom  de  Majtis  Monasterium ,  Mait*e 
Môuslier,  et  depuis  Marmouticr. 

Les  ravages  causés  par  les  Not*mands  nous  ont 
privés  de  tous  les  documens  qui  auraient  pu  nom 
écldirer  sur  l'histoire  de  cette  abbaye  pendant  les 
septième  et  huitième  siècles ,  et  même  sur  les  pré- 
cédens;  mais  nous  savons  que  dans  le  neuvième, 
Louis-le-Débonnaire,  à  l'exemple  de  Charicmagne , 
jjon  père ,  prit  Marmouticr  sous  sa  protection ,  dé- 
fendit à  tous  les  officiers  de  son  empire  de  le  troubler 
dans  aucune  de  ses  possessions,  et  l'exempta  do  tous 
les  droits  du  fisc.  Charles-le-Chauve  en  fit   autant 


492t  HrSTOIRE    DE    TOIJRAINE. 

en  849.  Les  détails  qui  nous  sont  parvenus  sur  les 
dévastations  exercées  par  les  hordes  du  Nord ,  témoi- 
gnent qu'il  y  avait  alors  à  Marmoutier  cent  quarante 
religieux,  dont  cent  quinze  furent  massacrés  par  ces 
barbares.  Les  vingt-cinq  autres,  après  s'être  cachés 
dans  les  grottes  profondes  du  coteau,  se  réfugièrent 
auprès  des  chanoines  de  Saint-Martin,  et  furent 
choisis  pour  accompagner  la  châsse  qui  renfermait  les 
restes  de  leur  patron  qu'on  transportait  en  Bourgogne. 
Ainsi  le  monastère  ruiné  resta  long-temps  vide  et 
abandonné  ;  mais  enfin ,  pour  que  le  service  divin  n'y 
fût  pas  tout-a-fait  interrompu,  le  chapitre  de  Saint- 
Martin  y  plaça  des  chanoines  réguliers  vers  l'an  958. 
Ceux-ci  n'y  restèrent  que  jusqu'en  987 ,  époque  où 
l'abbaye  reprit  sa  première  forme.  Le  rétablissement 
de  la  règle  y  fut  opéré  par  saint  Mayeul  et  par  treize 
autres  religieux  de  l'abbaye  de  Cluni,  après  un  in- 
tervalle de  cent  quarante-deux  ans.  Cette  restauration 
fut  principalement  l'ouvrage  de  Robert,  comte  de 
Tours,  et  de  Berthe,  son  épouse.  Ce  prince  y  eut 
sa  sépulture,  ainsi  que  son  fils,  Eudes  IL  Thibaut, 
fils  de  ce  dernier,  obligé  de  céder  la  Touraine  au 
comte  d'Anjou ,  Geoffroy-Martel ,  se  réserva  expres- 
sément l'abbaye  de  Marmoutier,  ce  que  son  vain- 
queur lui  accorda.  Elle  jouissait  alors  d'une  si  grande 
réputation  que  les  seigneurs  venaient  y  demander 
des  sujets  pour  les  abbayes  qu'ils  fondaient.  Foulqucs- 
Nerra  en  obtint,  en  1020,  pour  l'abbaye  de  Saint- 
Nicolas  d'Angers.  Geoffroy  Martel  y  eut  également 
recours  pour  celle  de  la  Trinité  de  Vendôme;  Hubert, 


MATiMOUTIEK.  49^ 

pour  celle  de  Noyers,  en  io3o,  et  Guillaume-le- 
Conquérant,  en  1066,  pour  celle  de  la  Bataille  en 
Angleterre.  Enfin,  les  religieux  de  Marmoutier,  vers 
la  même  époque,  furent  aussi  les  restaurateurs  des 
abbayes  de  Saint-Florent  de  Saumur,  de  Saint-Julien 
de  Tours,  de  Saint-Serge  et  de  Saint- Aubin  d'Angers. 

On  peut  juger  du  rôle  important  que  jouaient  dans 
l'Église  et  dans  l'État  les  abbés  de  Marmoutier,  par  le 
choix  qu'on  fit  d'eux,  en  1 196  et  en  i2o4,  pour  être 
les  négociateurs  entre  les  couronnes  de  France  et 
d'Angleterre. 

Pour  soustraire  l'abbave  aux  vexations  des  nou- 
veaux  comtes  de  Blois,  saint  Louis  la  mit  sous  la 
protection  du  trône.  Charles  VII,  en  donnant  la  Tou- 
raine  en  apanage  au  duc  d'Anjou,  son  frère,  ne  se 
réserva  que  l'abbaye  de  Marmoutier. 

Elle  fut  mise  en  commende  en  i539.  Ce  fut  chez 
elle  que  commença  la  congrégation  gallicane  or- 
donnée par  le  concile  de  Trente  et  par  les  états  gé- 
néraux de  Blois,  en  1^79.  Environ  vingt-cinq  années 
après  elle  vit  naître  en  son  sein  la  réforme  dite  de 
Bretagne,  qui  depuis  a  été  fondue  dans  l'illustre 
congrégation  de  Saint-Maur. 

On  sait  que  cette  abbaye  était  dépositaire  d'une 
relique  nommée  sainte  ampoule,  devenue  célèbre 
dans  notre  histoire  par  le  sacre  de  Henri  IV.  Nous 
voyons  par  le  second  concile  de  Châlons,  en  S-yg, 
qu'un  très-grand  nombre  de  chrétiens,  et  que  les 
rois  même  venaient  visiter  cette  relique,  principa- 
lement aux  deux  fêtes  qui  suivaient  celle  de  Pâques. 


494  IIISTOTJIE  DE    TOURAINE. 

I^Oi|is  XI,  dans  la  maladie  dont  il  mourut ,  avait 
obtenu  un/3  bulle  du  pape  pour  se  faire  apporter  la 
sainte  ampoule  de  Marmoutier,  ainsi  que  celle  de 
Il^im3. 

Quoique  Marmoulier  eût  beaucoup  perdu  par  1^ 
distraction  des  biens  qu'il  possédait  en  Angleterre 
avant  le  schisme,  et  par  le  pillage  des  protestans 
ep  i562,  ce  monastère  était  encore  Tun  des  plus 
considérables  de  la  congrégation  de  Saint-?tlaur.  S'il 
n'était  plus  le  premier  par  ses  richesses,  il  l'était 
toujours  par  sa  splendeur  et  son  antiquité.  Sa  bibho- 
thèque,  assez  nombreuse,  renfermait  beaucoup  d'édi- 
tio|îg.  du  quinzième  siècle^  et  surtout  de  manuscrits 
(Jpnt  plusieurs  n'ont  pas  été  inutiles  à  la  république 
des  lettres  par  l'usage  qu'en  ont  fait  les  savans  béné- 
dictins, auxquels  nous  devons  les  excellentes  éditions 
de$  saints  pères.  Ces  manuscrits  formaient  trois  cent 
soixante  volumes  contenant  huit  cent  vingt  ouvrages 
différens,  suivant  le  catalogue  raisonné  que  nous  en 
avons  rédigé. 

L'église  était  une  des  plus  belles  de  royaume.  Ce 
fi^t  Hugues  de  Roche-Corbon ,  son  quatre-vingt-nçu- 
vième  abbé,  qui,  en  12:20,  entreprit  sa  reconstruc- 
tion. Continuée  par  Etienne  P^,  Robert  IV,  et  Eudes 
)i^ :  I}i:accolis ,  elle  fqt  enfin  terminée  sous  Je^n  de 
Monthelon,  vers  i3ao.On  avait  récemment  construit 
dans  l'intérieur  de  la  maison  conventuelle  un  escalier 
qui,  par  sa  hardiesse,  sa  hauteur,  sa  largeur  et 
la  beauté  de  son  exécution ,  attirait  sans  cesse  les 
curieux. 


MAHMOLlTIEH.  49^ 

C'était  à  Marmoutier  que  se  tenaient  ordinairement 
les  chapitres  généraux  de  la  congrégation  de  Saint- 
Maur  depuis  l'année  1661.  D.  Ambroise-Augustin 
Clievreux  a  été  le  dernier  supérieur  de  l'ordre 
en  1783,  et  continué  en  1788.  Depuis  sa  création, 
lyi^rs  l'an  378,  ou  y  a  pûmpté<ient  yingt-trois  abbés, 
.(tpnt  les  treize  derniei's  étaient  dps  ^bbés  commpiîi- 
Jataires,  sayojr:  Jean  et  Charles,  cardinaux  deLoi> 
raine;  Jeap  de  fjaJ!pçhefoucauld ;  François,  cardinal 
de  Joyeuse;  Gli^iies,  cardin^il  de  BoMrbop;  S41?,astii^^ 
DoriGaligai,  frère  de  la  maréchale  d'Ancre;  Alex^n^ 
dre  de  Bourbon-Vendôme,  fils  naturel  ^ç  ïje^ri  IV 
et  de  Gabnelle  d'Estrées;  Pierre,  ç^r^inaldeBérulle; 
Arn?and-Jean  du  .Plessi3,  cardinal  de  liigheLieu; 
Emmanuel-Joseph,  comte  de  Richelieu;  Jules-Paul 
de  J^ionne,  enfin  Louis  de  Bourbon-Condé ,  comte  de 
Çlermont. 

En  1740,  la  mense  abbatiale  ayant  été  réunie  po^' 
toujours  à  rarchevêché  de  Tours ,  en  faveur  de  M.  de 
Rastignac,  le  comte  de  Çlermont  fut  dans  la  néces- 
sité de  donner  sa  démission.  Il  fut  aiu^i  le  dernii^ 
abbé  de  cet  antique  monastère,  le  plus  anciew  ^i^s 
ceat  quatre-vingt-treize  établi^^eraens  ^e  çp  genre 
qui  existaiçpt  çn  Fi^nçp, 

L'église  et  les  vastçs  bâtimeas  di^  mon«astère,  re- 
construits à  i^euf  dans  le  dernier  siècle,  ont  été 
aliénés  en  1 797 ,  et  si  co^i^pLètewent  livré?  ji  }q,  dé- 
molition ,  qu'il  n'en  reste  pas  aujourd'hui  la  moindre 
trace,  si  ce  n'est  le  vieux  portique  qui  formait  la 
principale  çntrée  au  midi. 


49^  HISTOIRE    DK  TOURAINE. 

§11. 


AIGUË 'VIVE. 


Aiguc-Yive  ou  Aigues-Vives  (Sancta-Maria  de 
Aqua-Viva),  de  l'ordre  des  chanoines  réguliers  de 
Saint-Augustin,  congrégation  de  France,  était  située 
au  milieu  des  bois ,  dans  la  paroisse  de  Faverolles ,  à 
une  lieue  sud-ouest  de  Montricliard.  Elie  fut  nommée 
Aigues-Vives  à  cause  de  la  quantité  de  fontaines  et 
d'eaux  vives  qui  se  trouvaient  dans  son  voisinage. 

Pérégrin ,  auteur  d'une  histoire  de  l'abbaye  deFon- 
taines-les-Blanches,  dont  nous  parlerons  à  cet  article, 
nous  apprend  que  Geoffroy,  premier  ermite  qui  ait 
habité  ce  lieu  de  fontaines,  n'ayant  pas  voulu  suivre 
la  règle  de  Cîteaux  que  la  plupart  de  ses  confrères 
avaient  embrassée,  se  retira  à  Aigues-Vives  en  1 127. 
Depuis,  étant  mort  à  Montricliard,  son  corps  fut 
rapporté  à  Aigues-Vives ,  oîi  il  eut  sa  sépulture 
dans  le  cimetière,  probablement  dans  celui  de  la 
paroisse. 

Garlet  de  Mont  richard ,  l'un  des  principaux  che- 
valiers du  seigneur  d'Amboise,  fit  don  aux  solitaires 
d'Aiguës -Vives  de  bois  et  autres  domaines  qu'il  pos- 
sédait auprès  du  prieuré  deBelvau,du  consentement 
de  Payenne ,  sa  femme ,  et  de  ses  enfans ,  et  y  fonda 
ainsi ,  en  1x47?  une  abbaye  oiJi  furent  placés  des 
chanoines  réguliers.  Elle  fut  confirmée  en  1 177, par 
lettres  de  Henri  II ,  roi  d'Angleterre ,  comte  de  ïou- 


BACGERAIS.  497 

raine,  et  ratifiée  depuis,  en  121 5,  parSulpice  troi- 
sième ,  seigneur  d'Amboise  et  de  Montrichard. 

§  m. 

BAUGERAIS. 

Baugerais  (Baugeriacum  ou  Baugeretum),  de  l'ordre 
de  Citeaux  ,  paroisse  de  Loche ,  à  trois  lieues  de  Châ- 
rillon-sur-Indre,  et  à  pareille  distance  de  Loches. 

Les  titres  de  cette  abbaye  portent  que  le  domaine 
en  fut  donné  par  quelques  personnes  pieuses  de  ce 
voisinage,  en  1 1 53 ,  à  un  certain  Serlon  et  à  quelques 
autres  solitaires  qui  s'étaient  réunis  à  lui.  Henri  II 
confirma  cette  donation  par  lettres  données  à  Châ- 
tillon-sur-Indre ,  à  condition  qu'ils  vivraient  selon  la 
règle  observée  dans  l'abbaye  de  Sainte-Barbe  :  mais 
quelques  jours  après,  ce  prince  ayant  changé  de  des- 
sein, donna  ce  même  lieu  à  l'abbaye  du  Loroux,  en 
Anjou,  h  la  charge  d'y  établir  une  abbaye  de  l'ordre 
de  Citeaux;  ce  qui  fut  exécuté  en  ii^S.  Plusieurs 
gentilshommes  de  Touraine,  qui  s'étaient  croisés 
pour  la  Terre-Sainte,  s'empressèrent  d'enrichir  de 
leurs  dons  ce  nouveau  monastère.  Nous  trouvons  dans 
ce  nombre  Geoffroy  de  Palluau ,  seigneur  de  Mon- 
trésor  ;  Robert  de  Buzançais  ;  Jean  Savary ,  seigneur 
de  l'île;  Sulpice  d'Amboise  ;  Hélie  de  Grillemont; 
Archambaut  et  Renoul  d'Argy  ;  Guillaume  et  Robert 
de  Sainte-Maure;  Jean  d'Appclvoisin  et  plusieurs 
autres. 

3.  3a 


49^  HISTOIRE   DE  TOURAINE. 

Nous  ne  croyons  pas  que  celte  abbaye  ait  jamais 
été  bien  considérable.  Depuis  le  commencement  du 
siècle  dernier  on  n'y  comptait  que  trois  religieux. 

§  IV. 

BEAULIEU. 

L'abbaye  de  la  Trinité  de  Beaulieu  (  Bellilocus , 
Bellilochia),  de  l'ordre  de  Saint-Benoît,  congrégation 
de  Saint-Maur,  n'était  séparée  de  la  ville  de  Lockes 
que  par  la  rivièrje  de  l'Indre.  Raoul-Glaber,  historien 
à  peu  près  contemporain ,  rapporte  qu'après  son  se- 
cond voyage  à  la  TeiTc-Sainte,  Foulques-Nerra  fît 
bâtir  à  Beaulieu,  dont  il  était  seigneur,  une  église  en 
l'honneur  de  la  Sainte-ïrinité,  dans  laquelle  il  mit 
un  fragment  de  la  vraie  Croix ,  et  un  morceau  du 
saint  Sépulcre,  qu'il  avait  rapportés  de  Jérusalem , 
morceau  que,  suivant  quelques-uns  de  nos  crédules 
chroniqueurs,  il  avait  détaché  avec  ses  dents.  Pour  la 
desservir,  il  fit  venir  des  r^Jigieux  de  Saint-Genouph , 
au  diocèse  de  Bourges.  Nous  avons  rendu  compte 
dans  notre  iv^  liv. ,  pag.  829  du  démêlé  qui  s'éJeva 
entre  lui  et  Hugues,  archevêque  de  Tours,  au  sujet 
du  refus  de  ce  prélat  de  consacrer  la  nouvelle  église. 
Les  historiens  varient  sur  l'époque  de  sa  construc- 
tion :  mais  Foulques-Nerra  n'étant  revenu  pour  la 
seconde  fois  de  la  Terre-Sainte  qu'en  1 008 ,  on  doit 
enci'oire  les  auteurs  de  la  Gallia  Christiana  ^  quand 


BFAULIF.TT.  ,  499 

ils  fixent  à  l'an  1012 ,  la  consccratioH  de  l'église  de 
Beaulieu. 

Foulques-Nerra ,  par  son  testament,  fit  don  à  l'ab- 
baye de  tous  les  domaines  qu'il  possédait  en  ce  lieu, 
ainsi  que  de  la  justice,  des  cens,  rentes ,  coutumes  et 
généralement  tout  ce  qui  pouvait  lui  appartenir,  sans 
réserve  aucune.  Il  ota  même  à  la  ville  de  Loches  le 
droit  de  frapper  sa  monnaie ,  qu'il  transféra  aux  re- 
ligieux de  Beaulieu  ;  il  accorda  aussi  plusieurs  privi- 
lèges aux  habitans,  qu'il  affranchit  de  tous  droits  de 
servitude.  Parmi  les  signataires  de  ce  testament ,  on 
remarque  ,  après  celles  du  comte  et  de  Hildegarde  sa 
femme,  celles  de  Geoffroy  de  Preuilly,  de  Lysoisd'Am- 
boise,  de  Sanction  de  Lahaye  et  de  Gosselin  de  Sainte- 
Maure. 

Foulques-Nerra  avait  son  tombeau  dans  l'église  de 
cette  abbaye,  auprès  de  la  sacristie. 

llaoul-Glaber  ,  aux  récits  duquel  on  ne  doit  pas 
toujours  ajouter  foi ,  donne  pour  cause  de  la  fondation 
de  Beauheu ,  une  circonstance  assez  apocryphe.  Il 
prétend  que  Constance,  épouse  du  roi  Robert,  femme 
d'ailleurs  bien  capable  de  commander  un  assassinat, 
pria  Foulques-Nerra,  son  oncle,  de  la  débarrasser  de 
Hugues  de  Beauvais,  favori  du  roi,  qui  mettait  la 
division  entre  elle  et  son  époux,  et  que  Foulques 
confia  cette  mission  à  douze  de  ses  chevaliers  qui 
poignardèrent  Hugues  de  Beauvais,  sous  les  yeux 
même  de  Robert.  Foulques  ensuite  alla  confesser  ce 
crime  au  pape  qui,  pour  expiation,  lui  enjoignit 
d'aller  à  la  Ïerrc-Sainte ,  et  de  fonder  une  abbaye  à 

Sa. 


i 


5oO  HISTOIRE  DE  TOl]RAII<îE. 

son  retour.  De  son  côté ,  le  moine  anonyme  de  Mar- 
moutier,  assure  qu'étant  à  Jérusalem ,  le  comte  touché 
de  repentir  de  tout  le  sang  qu'il  avait  fait  répandre, 
fit  vœu  de  faire  construire  une  église  à  son  retour, 
et  que  telle  fut  l'origine  de  celle  de  Beaulieu.  Il  est 
juste  cependant  de  dire  qu'il  existe  une  lettre  at- 
tribuée à  Fulbert,  évêque  de  Chartres,  dans  laquelle 
ce  prélat  lui  reproche  le  crime  dont  parle  Glaber. 

§  V. 

BE  AUMONT-LES-TOURS. 

"^^^îl  n'y  a  eu  long-temps,  dans  le  diocèse  de  Tours, 
d'autre  abbaye  de  filles  que  celle  de  Beaumont-les- 
Tours,  de  Tordre  de  Saint-Benoît  (Bellus-Mons)  , 
située  à  la  porte  de  la  ville ,  du  côté  du  sud-ouest. 

p.nqYers  le  milieu  du  sixième  siècle, Ingeltrude,  veuve 
d'un  prince  de  la  famille  royale ,  ayant  fondé  auprès 
de  l'église  de  Saint-Martin ,  un  monastère  qu'on 
nomma  Notre-Dame-de-l'Ecrignole  (Sancla-Maria  de 
Scriniolo),  plusieurs  filles  de  qualité  se  rangèrent  sous 
sa  discipline,  entre  autres  Berteflède  ou  Berthoflède, 
fille  du  roi  Caribert.  Elle  y  attira  aussi  sa  propre 
fille  Bertegonde,  qu'elle  excita  à  quitter  son  mari 
dans  l'espoir  qu'elle  dirigerait  le  monastère  après  elle. 
Dans  le  neuvième  siècle  ce  monastère  éprouva  le 
même  sort  que  celui  de  Saint-Martin ,  et  fut  réduit 
eu  cendres  par  les  Normands  :  mais  il  se  releva  bientôt 
de  ses  ruines ,  et  ceux  qui  ont  écrit  que  ces  religieuses 


BEAUMO:VT-LES-TOCRS.  5oi' 

avaient  été  réduites  à  faire  leur  office  dans  l'église 
do  Saint-Martin,  se  sont  étrangement  Irouipés.  Ce- 
pendant vers  la  fin  de  ce  même  siècle ,  Hervé  de  Bu- 
zançais,  trésorier  de  Saint-Martin,  homme  aussi 
pieux  qu'opulent,  entreprit  de  leur  faire  construire 
des  bâtimens  plus  vastes  et  plus  commodément  placés. 
Il  choisit  à  cet  effet  la  paroisse  de  Beaumont,  qui  lui 
pei-mit  d'exécuter  son  projet  au  moyen  de  l'échange 
qu'il  fit  avec  Ebbon,  l'un  de  ses  vassaux,  de  cet  em- 
placement ,  contre  un  autre  fonds  de  terre  égal  en 
revenu.  Les  religieuses  y  furent  transférées  en  1002 , 
et  Hervé  les  dota  de  ses  propres  fonds ,  à  la  condition 
seulement  qu'elles  paieraient  tous  les  ans  vingt  sous  de 
cens  au  chapitre  de  Saint-Martin,  qui  ne  contribua 
à  la  dotation  que  par  vingt  arpens  de  vignes,  situées 
près  le  bourg  de  Chîkeau-Neuf,  entre  la  Loire  et  le 
Cher;  car  à  cette  époque  la  Loire  tournait  et  cou- 
lait au  midi  de  la  ville.  A  ces  dons  étaient  joints  deux 
autres  domaines:  i"  celui  nommé  CurteiU'Liutzam^ 
que  nous  croyons  être  Lièze ,  avec  toutes  ses  dépen- 
dances ;  2"  celui  qui  y  est  désigné  sous  le  nom  de 
Quiacuni  Villa ,  Cussay.  Le  comte  Eudes  el  Landry 
son  frère,  sire  de  l'île  Bouchard  y  donnèrent  leur  con- 
sentement le  i5  des  calendes  d'octobre  ou  17  sep- 
tembre 1007,  et  le  roi  Robert  approuva  le  tout  par 
SCS  lettres  patentes ,  données  au  bois  de  Boulogne  le 
26  du  même  mois. 

Les  fastes  de  celte  abbaye  royale  offrent  trente- 
sept  abbesses  d(^puis  Ersendis  ou  Théophanio  en 
1007,  jusqu'à  Marie-Agnès  de  Viricu,  dont  les  fonc- 


i 


5o2  HISTOIRE  DE  TOURAIKE. 

tions  ont  cesse  avec  l'abbaye ,  en   1 790.   Il  y  avait 
soixante  religieuses. 

§  VI. 

BOIS-AUBRY. 

Bois-Aubry  (Boscus  Alberici) ,  de  Tordre  de  Saint- 
Benoît  ,  était  situé  à  trois  lieues  au  sud  de  l'Ile-Bou- 
chard,  sur  les  confins  du  Poitou.  Ce  n'était  dans 
l'origine  qu'un  prieuré  nommé  Luzé  ou  Luzeray  (mo- 
nasterium  Liicisense).  Un  gentilhomme  nommé  Brice , 
seigneur  de  Clieillé ,  y  mit  le  prêtre  Robert  :  celui-ci 
y  fît  bâtir  une  chapelle  dédiée  à  saint  Michel ,  qu'il 
donna  depuis  à  l'abbaye  de  ïyron  ,  diocèse  de  Char- 
tres, du  consentement  de  ce  même  Brice  de  Cheillé, 
qui  y  joignit  en  même  temps  d'autres  domaines,  dont 
vingt  bouées  de  terre ,  c'est-à-dire  autant  que  vingt 
bœufs  pouvaient  en  labourer  dans  un  jour,  avec  pro- 
messe du  double  si  les  moines  de  Tyron  y  érigeaient 
une  abbaye.  Cette  condition  ayant  été  exécutée,  le 
prieuré  converti  en  abbaye  reçut  sa  consécration  de 
Hugues,  archevêque  de  Tours,  en  1 138. 

La  suppression  eut  pu  s'en  effectuer,  même  avant 
l'année  1790,  car  à  cette  époque,  et  depuis  long- 
temps, on  n'y  comptait  plus  que  deux  religieux. 

s  VII. 

CORMERY. 

L'abbaye  de  Gormery  (S. Paulusde  Gormeriaco), 


COR  MER  Y.  5o3 

de  l'ordre  de  Saint-Bcnoîl,  congrégation  de  Saint- 
Maur,  était  située  dans  la  petite  ville  du  même  nom, 
à  quatre  lieues  et  demie  sud-est  de  Tours,  sur  la 
gauche  de  l'Indre.  Elle  fut  fondée  en  791  par  Ithier, 
abbé  de  Saint-Martin,  qui  en  fit  bâtir  l'église  du  con- 
sentement de  SCS  religieux,  et  la  dota  de  plusieurs 
domaines  qu'il  possédait  en  ïouraine  et  en  Poitou , 
ainsi  que  de  quelques  autres  propriétés  dépendantes 
de  Saint-Martin. 

AlcliTvin  lui  ayant  succédé,  obtint  de  Charlemagne 
la  permission  d'établir  des  moines  à  Cormery,  pour 
y  faire  le  service  divin  de  la  manière  dont  il  était  cé- 
lèbre dans  Féglise  de  Saint-Martin.  L'empereur  en 
donna  ses  lettres  datées  de  Tours ,  au  mois  de  juin  de 
l'an  800,  premier  de  son  empire,  à  condition  que  le 
monastère  de  G:)rmery  serait  sous  la  puissance  de 
celui  de  Saint-Martin.  Louis-le-Débonnaire confirma 
ces  dispositions  à  Aix-la-Chapelle,  Van  820,  en  y 
ajoutant  la  permission  d'élire  eux-mêmes  leur  abbc 
qui  cependant  ne  pourrait  recevoir  son  investiture 
que  de  l'église-mère. 

Les  comtes  d'Anjou  étaient  les  avoués,  c'est-à-dire 
les  défenseurs  et  les  protecteurs  de  l'abbaye  de  Cor- 
mery ,  probablement  comme  seigneurs  de  Loches. 

L'église  ayant  été  détruite^  par  les  Normands  dans 
te  dixième  siècle,  fut  rebâtie  par  le  roi  Robert,  et 
consacrée  en  io54,  par  Barthélemi  I",  archevêque 
de  Tours. 

L'abbé,  qui  portait  la  mitre  et  la  crosse,  était  cha- 
noine et  dignitaire  de   l'église  de  Saint- Martin , 


5o4  HISTOIRE    DE   TOURAIINK. 

ayant  séance  au  chœur  après  le  trésorier.  Il  jouis- 
sait en  outre  d'une  maison  canoniale  dans  l'intérieur 
du  cloître. 

s  VIII. 

FONTAmES-LES-EL  àNCHES . 

Dans  la  paroisse  d'Autrèche,  entre  Ambolse  et 
Ghâteau-Regnault ,  se  trouvait  l'abbaye  de  Fontaines- 
les-Blanches  (  Fontanae  albœ ,  ou  Beata  Maria  de  Fon- 
tanis),  ordre  de  Citeaux,  filiation  de  Clairvaux.  Pé- 
régrin  son  septième  abbé,  qui  en  a  écrit  l'histoire 
jusqu'à  l'an  1200,  nous  a  transmis  les  détails  de  son 
origine  et  de  sa  fondation.  Cette  histoire  se  trouve 
dans  le  Spicilegium  de  Dachéry,  tom.  11,  in-fol. , 
pag.  573,  ou  tom.  x,in-4°,  pag.  367.  Son  nom  de. 
Fontaines-les-Blanches  lui  fut  donné  par  rapport 
aux  sources  qui  arrosent  le  lieu  où  elle  était  placée , 
ainsi  qu'à  la  couleur  de  l'habit  de  ses  religieux. 

Un  solitaire,  nommé  Geoffroy,  fut  le  premier 
ermite  qui  se  retira  dans  un  lieu  inculte ,  auprès  du 
pont  de  Rune;  il  s'associa  bieutôt  d'autres  hommes 
pieux ,  entre  autres  Geoffroy  de  Bouillon ,  Girard  de 
Lomenie,  Hervé  de  Galardon  ,  etc. ,  etc.  Sept  d'entre 
eux  embrassèrent  la  vie  monastique,  mais  leur  re- 
traite étant  trop  resserrée,  et  surtout  trop  incom- 
mode, ils  se  transportèrent  à  Fontaines,  où  ils  bâtirent 
auprès  de  leur  nouvelle  demeure,  une  chapelle  sous 
l'invocation  de  sainte  Maric-Madclaine,  Leur  nombre 


FONTA.INES-LES-BLANCEIES.  5o5 

s'étant  accru ,  ils  résolurent  d'adopter  la  règle  de  quel- 
que ordre  monastique,  et  se  décidèrent  pour  celle  de 
Citeaux.  Alors  ils  députèrent  vers  Geoffroy ,  abbé  de 
Savigny ,  qui  leur  envoya  un  de  ses  religieux  nommé 
Eudes,  pour  les  instruire  dans  la  règle  qu'ils  venaient 
d'embrasser.  Ayant  choisi  ce  même  Eudes  pour  leur 
abbé,  ils  le  firent  sacrer  par  l'archevêque  Hilde- 
bert,  le  jour  de  la  Saint-Martin  1126.  Pérégrin  dit, 
en  11 54;  mais  ce  doit  être  une  erreur,  Hildebert 
étant  mort  dans  cette  même  année.  Renaud  II ,  sei- 
gneur de  Château-Regnault,  leur  accorda  la  justice 
du  lieu  de  Fontaines  avec  usages,  chauffage,  droit 
de  pacage  et  de  glandée  dans  la  forêt  de  Blémars. 
Quelques  autres  seigneurs  leur  firent  don  de  divers 
domaines  dans  le  voisinage  de  l'abbaye,  donation  que 
Hildebert  ratifia  par  ses  lettres  du  7  août  i  127. 

Quelques  années  après,  Serlon,  abbé  de  Savigny, 
ayant  adopté  la  réforme  de  saint  Bernard ,  abbé  de 
Clairvaux,  les  religieux  de  Fontaines  suivirent  son 
exemple  vers  l'an  1 1 5o ,  et  le  pape  Alexandre  111 , 
venu  à  Tours,  en  1162,  confirma  les  dotations  de. 
cette  abbaye  par  une  bulle  du  19 octobre,  indiction  xi, 
la  quatrième  année  de  son  pontifical. 

Pérégrin,  chap.  iv,  rapporte  qu'un  des  solitaires 
de  Fontaines  s'étant  trouvé  à  Jérusalem  le  samedi- 
saint  I  i3o,  jour  où  s'opère  le  prétendu  miracle  du 
fou  descendu  ciel,  le  cierge  que  portait  Guillaume, 
allumé  spontanément,  fut  aperçu  resplendissant  de 
lumière,  cl  qu'aussitôt  il  fut  proclamé  patriarche  à 
la  place  de  celui  qui  était  mort  peu  de  temps  aupa- 


5o6  HISTOIRE    DE    TOURAINÊ. 

ravaiit.  Il  est  bien  vrai  qu'en  ii 3o ,  Guillaume  suc- 
céda à  Etienne  dans  le>^  patriarcat  de  Jérusalem  ; 
mais  il  est  également  certain  qu'il  était  déjà  depuis 
long-temps  prieur  du  Saint-Sépulcre,  et  que  par 
conséquent  ï\  «'arrivait  pas  de  la  Touraine. 

r' 

§.  IX. 

i  GATINES. 

Gâtrnes  (Gastinac,  ow  Beata  Maria  de  Gastinetis), 
abbaye  de  l'ordre  de  Saint-Augustin,  était  située  dans 
la  paroisse  de  Villedomer,  à  six  lieues  nord-est  de 
Tours.  Ce  nom  lui  vint  du  sol  de  ce  canton  commu- 
nément nommé  les  Gâtines,  Dans  son  principe  elle  ne 
fut,  comme  beaucoup  d'autres,  qu'un  simple  ermi- 
tage habité  par  des  anachorètes.  Mais  en  ii  38  ,  Hu- 
gues,  archevêque  de  Tours,  y  fonda  une  abbaye  du 
consentement  des  chanoines  de  sa  cathédrale ,  sei- 
gneurs du  fief,-  qui  se  réservèrent  la  nomination  des 
abbés.  Mais  ils  ne  jouirent  pas  long-t^mps  de  ce  pri- 
vilège ;  car  il  fut  bientôt  changé  en  celui  de  confir- 
mation,  qu'ils  perdirent  enfin  par  l'effet  du  concordat 
de  François  P^. 

En  concourant  à  cette  fondation  par  le  don  de 
plusieurs  domaines,  le  chapitre  de  la  cathédrale  de 
Tours  imposa  à  l'abbé  et  aux  moines  de  Gâtines 
l'obligation  de  recevoir  tous  ceux  de  ses  membres 
qui,  relevant  de  maladie,  auraient  besoin  d'aller  res- 
pirer l'air  de  la  campagne,  et  de  les  défrayer  jusqu'à 


LA  CLARTE-DIEU.  ^07 

la  fîadeleurconTalescence;  mais  les  chanoines  usèrent 
bien  rarement  de  cette  faculté. 

L'abbaye  de  Gâtines,  mise  sous  l'invocation  de 
Notre-DaiTMi ,  fut  brûlée  par  accident  sur  la  fin  du 
douzième  siècle,  et  rétablie  vers  Tau  laoi  ou  1202, 
par  Thibaut  de  Champagne ,  dit  le  jeune ,  comte  de 
Blois,  de  Chartres,  de  Clermont,  et  seigneur  de  Châ- 
teau-Regnault.  L'église  ayant  de  même  été  recon- 
struite, fut  sacrée  par  l'archevêque  de  Tours,  Geoffroy 
de  Lalande,  le  29  avril  laon.  Elle  fut  long-temps 
desservie  par  les  chanoines  réguliers  du  même  ordre. 
Les  religieux  n'y  étaient  qu'au  nombre  de  cinq. 

§x. 

LA    CLARTÉ-DIEU. 

L'ordre  de  Citeaux  avait  dans  la  commune  de 
Saint-Pater ,  à  six  lieues  nord  de  la  ville  de  Tours , 
l'abbaye  de  la  Clarté-Dieu  (Bcala  Maria  de  Claritatc 
Dei),  qui  fut  fondée  vers  l'an  1240,  sous  le  règne  de 
saint  Louis.  Guillaume,  abbé  général  de  Citeaux, 
avait  reçu  de  Pierre,  évêque  de  Winton  en  Angleterre, 
une  somme  d'argent  à  la  condition  de  l'employer  à  la 
fondation  d'une  abbaye  de  son  ordre;  il  chargea  donc 
de  celte  commission  Jean  ,  abbé  Lepau-au-Maine ,  et 
celui-ci,  en  I239,acheta  le  fief  de  Belvet  d'Ebbon  de 
la  Chaîne,  chevalier,  et  y  fit  balir  un  monastère  du 
consentement  de  Juhel  de  Mayenne,  archevêque  do 
Tours.  Cette  fondation  fut  approuvée  et  confirmée  par 


5o8  HISTOIRE  DE  TOURAlîfE. 

lettres  patentes  du  roi  saint  Louis ,  du  mois  de  juin 
1248,  quoique  l'église  et  les  bâtimens  eussent  été 
achevés  dès  l'an  1240. 

L'abbé  de  Giteaux  y  avait  envoyé  douze  religieux 
avec  trois  frères  convers ,  accompagnés  de  Renaud , 
qu'il  leur  donna  pour  abbé,  et  tous  prirent  possession 
de  l'abbaye  le  dimanche,  jour  de  la  Madelaine,  22 
juillet  de  cette  même  année  1 240. 
y  Ebbon  de  laXhaîne  leur  vendit  en  outre  tous  les 
domaines  qu'il  possédait  dans  la  baronnie  de  Saint- 
Christophe,  vente  qui  fut  ratifiée  par  Jean  d'Aluys, 
baron  de  Saint-Christophe,  en  1248,  ainsi  que  par 
Hugues  d'Aluys ,  son  fils  aîné. 

On  voyait  dans  l'église  de  la  Clarté  un  monument 
en  pierre  assez  élevé,  avec  un  tombeau  haut  de  deux 
pieds,  sur  lequel  était  représenté  un  Geoffroy  de 
Courcillon,  seigneur  de  Mairolles,  près  Beaugency. 
On  y  remarquait  onze  écussons  portés  par  des  hérauts 
d'armes.  Le  premier  était  celui  de  ce  même  Courcil- 
lon ,  portant  d'or  à  la  bande  de  gueules  fuselée  de  six 
pièces,  avec  un  lion  d'azur  au  canton  gauche.  Dans 
le  fond  du  monument  étaient  deux  personnes  à 
genoux,  dont  l'une  était  Amaury  de  Fromentières, 
chevalier  et  seigneur  de  Chambon.  Quant  à  l'autre  ce 
pouvait  être  ou  Ebbon  de  La  Chaîne  ou  Jean  d'Aluys. 
Même  après  l'aliénation  de  l'abbaye,  ce  monu- 
ment avait  été  conservé  par  le  premier  acquéreur  ; 
mais  depuis  les  mutations  nous  ignorons  s'il  existe 
encore. 


MONCÉ.  609 

§  XI. 

MONCÉ. 

Moncë,  ou  Moncey  (Monceyum,  Mons  Cœlestis), 
abbaye  desservie  par  des  religieuses  de  Tordre  de  Ci- 
teaux,  située  dans  la  paroisse  de  Limeray ,  à  deux 
lieues  d'Amboise,  et  sur  le  penchant  d*un  coteau  non 
loin  duquel  passe  la  Cissc. 

Les  circonstances  de  la  fondation  de  cette  abbaye 
nous  ont  été  transmises  par  Fauteur  de  la  Chro- 
nique de  Tours ,  qui  sur  cela  est  d'autant  plus  digne 
de  foi  que  non-seulement  il  était  contemporain  , 
mais  encore  qu'il  habitait  le  monastère  de  Mar- 
mouticr ,  qui  n'est  qu'à  sept  lieues  de  distance  de 
Mon  ce. 

Yers  l'an  1212,  deux  religieuses  de  Beaumont-les- 
Tours,Hermengarde  Duplessis  etPerrenelle  deMëré, 
ainsi  que  deux  autres  religieuses  du  monastère  de 
Saint- Avit ,  diocèse  de  Chartres,  nommées  l'une  Pèle- 
rine et  l'autre  Agnès  de  Linières,  résolurent  de  suivre 
la  règle  de  Citcaux,  qui  était  alors  en  grande  faveur. 
A  cet  effet,  elles  se  réunirent  dans  une  maison  située 
à  Moncé,  maison  tout  simplement  en  bois,  et  qu'elles 
firent  construire  elles-mêmes  sur  le  sommet  du  coteau. 
Elles  y  demeuraient  depuis  trois  ans,  lorsqu'un  bour- 
geois de  Tours  ,  nommé  Hcrmenard  ,  leur  fit  bâtir  un 
monastère  en  pierre,  avec  des  offices  et  une  église.  Il 
acheta  ensuite  des  rentes  et  des  domaines  en  quantité 


5 10  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

suffisante  pour  fournir  à  l'entretien  de  vingt  reli-  i 
gieuses.  Ce  nombre  fut  bientôt  rempli ,  et  ayant  élu 
pour  leur  prieure  Hermengarde  Duplessis,  elles  pri- 
rent solennellement  possession  de  leur  monastère 
le  27  décembre  1216.  Leur  église  fut  consacrée  le  7 
juin  iQ.i3  ^Y^SLV  Maurice,  cvêque  du  Mans. 

Quelques  auteurs  ont  pensé  que  ce  fut  Sulpice 
d'Amboise  qui  leur  fit  construire  ce  monastère  à 
<îondition  qu'elles  s'engageraient  par  vœu  à  garder  la 
clôture.  Sulpice  IIP  du  nom  vivait  en  effet  à  cette 
époque  :  mais  peut-être  la  version  de  la  Chronique 
de  Tours  est -elle  plus  sûre,  d'autant  plus  que 
le  même  Payen  Hermenard  est  celui  qui,  en  1224? 
fit  bâtir  une  église  aux  Cordeliers  de  Tours. 

La  supérieure  de  Moncé  ne  prit  d'abord  que  le 
titre  de  prieure.  Elle  était  élective  par  la  commu- 
nauté, qui  n'était  également  qualifiée  que  de  prieuré. 
Cet  ordre  de  choses  fut  maintenu  jusqu'en  i652  que 
le  pape  Innocent  VIII,  à  la  demande  du  roi,  érigea 
Moncé  en  abbaye,  en  faveur  de  madame  d'Epinoy,qui 
en  fut  ainsi  la  première  abbesse. 

§  XII. 

NOYERS. 

L'abbaye  de  Noyers  (Nuceria ,  ou  Beata  Maria  de 
Nucbariis),  de  l'ordre  de  Saint-Benoît ,  congrégation 
de  Saint-Maur,  était  située  dans  le  village  du  même 
nom ,  sur  le  bord  septentrional  de  la  Creuse ,  à  la 


PREUILLT.  5 II 

droite  de  la  Vienne,  et  à  une  lieue  du  Port-de-Piles. 
On  tient  par  tradition  quelle  fut  fondée  par  le  roi 
Robert ,  et  consacrée  en  io3o  par  Arnoul,  acdaevêcpie 
de  Tours,  sous  l'invocation  de  Notre-Dame. L'auteui' 
de  la  Chronique  de  Maillezais  prétend  que  la  Suda- 
tion ne  date  que  de  l'an  ïo46,sous  le  roi  Henri  il*'., 
mais  cette  opinion  est  contredite  par  les  titres  .même 
de  l'abbaye  qui  portent  pour  abbé ,  en  iq3o  ,  Evrard , 
.mort  le  6  noveoibre  io56. 

§  XIII. 

PREUILLI. 

Saint-Paul  de  Preuilli  (Pruliacum  ou  Proillium), 
était  une  abbaye  de  l'ordre  de  Saint-Benoît,  dans 
l'intérieur  de  la  ville  qui  est  située  sur  la  rive  droite 
de  la  Glaise,  à  neuf  lieues  sud-sud-ouest  de  Loches, 
et  à  dix-neuf  sud-sud-est  de  Tours.  Effroy,  baron  de 
Preuilli  ainsi  que  de  La  Roche  -Posay,  et  Béatrix 
^'Issoudun ,  sa  femme,  la  fondèrent  en  Tan  rooi. 
Hervé,  trésorier  de  Saint-Martin,  n'en  fît  pas  con- 
s-lruire  lesbâtimens  comme  le  dit  l'auteur  de  la  Chro- 
nique de  Saint-Maixent  ;  il  fut  seulement  invité  par 
Effroy  à  y  mettre  des  religieux, qu'effectivement  il  fît 
venir  de  l'abbaye  de  Massé  en  Berri.  Ces  bâtimens 
furent  achevés  en  1009.  Cependant  l'église  fut  con- 
sacrée sous  l'invocation  de  Saint-Paul,  par  l'arche- 
vêque de  Tours,  Archambaud  de  Sully,  qui  était  mort 
'Cn  ioo5.  Eifroy  dota  l'abbaye  de  domaines  et  de 
rentes  pour  l'entretien  de  sept  religieux. 


5l2  HISTOIRE    DE    TOUR  AINE. 

Sur  la  fin  du  dix-septième  siècle  on  voyait  encore 
dans  l'église  son  tombeau  avec  son  épitaphe ,  ainsi 
que  ceux  de  quelques  seigneurs  de  Preuilli.  ^Voy, 
p.  a 32.) 

-?:f)ILes  religieux,  dans  les  derniers  temps, étaient  en- 
core au  nombre  de  sept ,  conformément  au  titre  de 
leur  fondation;  mais  on  y  en  avait  compté  jusqu'à 
trente-trois  au  commencement  du  douzième  siècle. 

L'abbaye  de  Preuilli  fut  au  nombre  de  celles  que 
les  protestans  pillèrent  en  i562. 

§XIV. 

SAINT-JULIEN. 

Tours  ne  renfermait  dans  son  intérieur  qu'une 
seule  abbaye,  celle  de  Saint-Julien  (Sanctus  Julianus  de 
Scalarlâ),  de  Tordre  de  Saint-Benoît,  congrégation 
de  Saint-Maur.  On  la  nommait  Saint-Julien-des- 
Echelles,  non  qu'il  fallût  y  monter  ou  descendre ,  mais 
parce  qu'elle  était  située  sur  le  bord  de  la  Loire ,  au 
lieu  oîi  arrivaient  les  bateaux,  ce  qu'on  nommait  alors 
Eclielles,commeon  dit  encore  aujourd'hui  les  échelles 
du  Levant. 

Grégoire  de  Tours  rapporte  que  son  église  fut  bâtie 
avant  qu'il  eût  été  appelé  à  l'épiscopat,  par  des  religieux 
qui  étaient  venus  d'Auvergne,  et  la  Chronique  de  Tours 
ajoute  qu'elle  avait  été  dédiée  à  saint  Maurice.  Ces 
religieux  ayant  appris  que  Grégoire ,  en  revenant  de 
Clermont,  en  avait  rapporté  des  reliques  de  saint 


SAINT- JULIEN.  5l3 

Julien,  le  prièrent  d'en  gratifier  leur  église,  ce  qu'il 
leur  accorda  :  alors  elle  fut  mise  sous  l'invocation  de 
ce  saint,  et  il  la  consacra  le  29  juin  576. 

En  io3o,  un  certain  Geoffroy,  fils  d'Othon,  et 
Guilburge  son  épouse,  firent  don  à  l'abbaye  de 
Saint-Julien  de  l'église  de  Saint-Médard,  avec  toutes 
ses  dépendances ,  lieu  connu  depuis  sous  le  nom  de 
Saint-Mars  ou  Cinq-Mai's-la-Pile. 

L'abbaye  fut  détruite  en  856  par  les  Normands, 
ïhéotolon,  arcbevêque  de  Tours,  la  fît  reconstruire 
en  938 ,  et  la  dota ,  d'accord  avec  sa  sœur  Ger- 
sinde,  de  plusieurs  domaines  de  leur  patrimoine. 
En  942  il  y  fit  venir  Odon ,  abbé  de  Cluni,  son  ami 
et  son  compatriote ,  pour  y  faire  revivre  la  règle. 

Le  24  février  i  .224,  un  orage  épouvantable  ébranla 
tellement  la  voûte  de  l'église  qu'elle  tomba  avec  une 
partie  des  murs  qui  la  soutenaient.  Elle  ne  fut  bien 
rétablie  que  sous  le  règne  de  saint  Louis.  Robert , 
prieur  de  Rhédon,  contribua  à  la  reconstruction  de 
la  voûte,  ainsi  que  l'indiquait  l'inscription  qui  y  était 
placée. 

On  a  prétendu  que  les  comtes  d'Anjou  avaient  été 
autrefois  les  avoués  de  l'abbaye  de  Saint-Julien ,  et 
l'on  en  donne  pour  raison  une  lettre  de  Henri  II, 
roi  d'Angleterre,  par  laquelle  il  assure  que  le  roi  de 
France  lui-même  avait  reconnu ,  aux  états-généraux 
d'Orléans,  que  ce  droit  appartenait  aux  comtes  d'An- 
jou, comme  sénéchaux  héréditaires  de  France  :  mais 
cette  lettre  est  d'autant  plus  suspecte ,  que  les  rois 
d'Angleterre,  comtes  d'Anjou,  n'ont  jamais  eu  cette 
3.  33 


5l4  HISTOIRE    DE   TOTJRÂINE. 

qualité.  Les  véiûtables  avoués  ot  protecteurs  de  Saint- 
Julien  ont  toujours  été  les  archevêques  de  Toui's,  ainsi 
que  l'écrivait  k  Louis  VII  l'archevêque  Joscion ,  x[m 
vivait  ^u  fcempfe  de  ce  même  Henri  II. 
dI  Ijq  pâfxe  Jean  XXIÏI  -exempta  Fahbaye  ide  Saint- 
Jwlien  de  la  juridiction  de  Tordinaire,  parti^n^  bulle 
du  i6  septembre  14115  mais  rarchevêque  Jacques 
Gélu  obtint  du  pape  Martin  V  la  révocation  de  cette 
bulle  au  concile  de  CoûstancC)  en  1417. 
u.  George,  Pierre,  Clément  et  Louis  de  Catinat, 
neveu  du  célèbre  maréchal  de  ce  nom ,  furent  sans 
interruption  abbés  commendataires  de  Saint-Julien  , 
depuis   i6a5  jusqu'en  17 14' 

§  XV. 

SEUILLY. 

Seuilly  s'est  dit  également  Seuillé  (  Sulliacum ,  ou 
B.  Maria  de  Sulleyo).  C'était  une  abbaye  de  Tordre 
de  Saint-Benoît ,  congrégation  de  Saint-Maur,  située 
à  une  lieue  de  l'Ile-Bouchard ,  an  nord-ouest  de  la 
Vienne;  elle  avait  commencé  par  n'être  qu'un  simple 
prieuré,  dont  jouissaient  autrefois  les  seigneurs  de 
Monsoreau ,  suivant  les  usages  des  onzième  et  dou- 
zième siècles. 

Guillaiume  II,  chevalier,  seigneur  de  Monsoreau, 
fit  don  du  prieuré  de  Seuilly  à  l'abbé  de  Saint- 
Etienne-de-Va«x ,  en  Limousin,  du  consentement  de 
Mâbille  sa  mère ,  qui  joignit  à  cette  dotation  la  moitié 


SEUILLY.  5î  5 

du  nioulin  de  Virelay.  Raoul  I",  archevêque  de 
Tours,  s'opposa  d'abord  à  cette  institution,  mais  il 
finit  par  y  donner  son  consentement. 

Gautier,  ayant  succédé  à  Guillaume  son  père, 
obtint  de  labbé  de  Saint-Elienne-de-Vaux  Tagré- 
ment  d'ériger  Seuilly  en  abbaye,  sous  le  titre  du 
Saint-Sépulcre,  à  la  condition  d'une  redevance  an- 
nuelle de  20  sous. 

En  considération  de  cette  érecti  on,  Qauticr  donna 
a  la  nouvelle  abbaye  plusieurs  domaines ^  entre  autres 
le  bois  de  Bort ,  nommé  depuis  le  bois  de  Fonte- 
vrauld,  à  la  condition  de  l'essarter  et  de  le  mettre  en 
culture.  Ce  bois  fut ,  entre  l'abbé  et  Robert  d'Arbris- 
sel ,  le  sujet  d'un  procès  qui  fut  terminé  par  le  j)ar- 
tage  de  l'objet  litigieux  entre  les  deux  parties,  accord 
que  sanctionna  Giraud,  légat  du  saint-siège,  et  auquel 
souscrivirent  Raoul,  archevêque  de  Tour3,  et  Pierre , 
évêque  de  Poitiers. 

Les  religieux  de  Seuilly  voulant  se  soustraire  à  la 
juridiction  de  l'abbé  de  Saint-Etienne-de-Vau3(, 
élurent  d'eux-mêmes  leur  abbé,  et  refusèrent  de 
payer  les  20  sou3  de  rente.  Godin,  abbé  de  Saint- 
Maixent,  à  qui  celui  de  Vaux  en  avait  référé,  offrit 
à  celui-ci  de  se  charger  de  la  rente ,  s'il  voulait  lui 
céder  ses  droits.  La  proposition  ayant  été  acceptée, 
l'abfcaye  de  Seuilly  depuis  ce  moment  releva  de  celle 
de  $aint-Maixent,ce  changement  ayant  été  approuvé 
par  Engebaud,  archevêque  de  Tours,  qui  J'en  mit  09 
possession  en  i  j  5o. 

Ce  fut  dans  l'abbaye  de  Seuilly ,  dont  était  voisine 

33. 


5l6  HISTOIRE  DE  TOUR  AINE. 

la  maison  de  la  Devinière ,  que  Rabelais  commença 
ses  premières  études. 

§  XVI. 

TURPENAY. 

L'abbaye  de  Turpenay  (Turpiniacum) ,  de  l'ordre 
de  Saint-Benoît,  congrégation  de  Saint-Maur,  se 
trouvait  sur  la  paroisse  de  Saint-Benoît  de  Lac-Mort, 
entre  le  Cher  et  l'Indre,  près  la  forêt  de  Chinon. 
Elle  fut  fondée  en  1107,  par  Foulques-le-Jeune , 
comte  de  Touraine,  d'Anjou  et  du  Maine,  qui  donna 
aux  religieux  quatre  bouées  de  terre,  avec  le  droit 
d'usages,  chauffage,  pacage  et  glandée  dans  la  forêt 
de  Teillay,  aujourd'hui  forêt  de  Chinon.  Cette  dona- 
tion fut  confirmée  depuis  par  lettres  patentes  de 
Richard-Cœur-de-Lion ,  données  à  Chinon,  le  19 
avril  1 1 89.  Les  seigneurs  de  l'Ile-Bouchard  ac- 
crurent ,  par  leurs  libéralités ,  les  possessions  de  ces 
religieux. 

Henri  Clément,  maréchal  de  France, appelé  com- 
munément le  Petit-Maréchal,  eut  sa  sépulture  dans 
cette  abbaye.  11  était  fils  de  Robert  Clément,  ministre 
d'état  et  gouverneur  du  roi  Philippe-Auguste.  Son 
frère,  Albéric  Clément,  fut  aussi  maréchal,  et  l'on 
sait  qu'il  n'y  en  avait  qu'un  seul  à  cette  époque; 
Henri,  qui  mourut  en  Poitou,  l'an  iii4?  avait  de- 
mandé à  avoir  sa  sépulture  à  Turpenay. 


VILLELOIN.  017 

§  XVII. 

■ 

VILLELOIN. 

Villeloin  (Villalupa,  ou  Sanctus-Salvator  Villalu- 
pcnsis)  :  cette  abbaye  de  l'ordre  de  Saint-Benoît, 
congrégation  de  Saint-Maur,  était  située  sur  l'Indrois, 
à  trois  quarts  de  lieue  de  Montrésor,  et  à  cinq  lieues 
de  Loches.  Elle  dut  sa  fondation  à  un  gentilhomme 
de  Touraine ,  nomme  Maynard  ,  fondation  qui  re- 
monte à  l'année  85o.  Charles-le-Chauve  autorisa  Au- 
ducher,  abbé  de  Cormeri,  à  accepter  les  domaines 
donnés  à  cet  effet  par  Maynard.  Sa  charte  est  datée 
de  Vermerach,  le  6  des  calendes  de  juin,  ou 27  mai 
85o.  En  conséquence,  il  soumit  ce  monastère  à  celui 
de  Cormeri,  conformément  aux  intentions  du  fon- 
dateur ;  ainsi ,  x\udacher  gouverna  simultanément  les 
deux  monastères.  Cette  cumulation  eut  lieu  jusqu'à 
Hubert ,  quatrième  abbé  qui,  en  960,  fut  nommé  par 
les  moines  de  Villeloin,  au  moyen  du  droit  d'élection 
qui  venait  de  leur  être  accordé.  Depuis  ce  moment 
ils  eurent  leur  abbé  distinct  de  celui  de  Cormeri. 

L'église  de  Villeloin  ne  fut  construite ,  ou  du 
moins  achevée,  qu'environ  neuf  ans  après  la  fonda- 
tion; car  nous  trouvons  quelle  fut  consacrée  le  8  mai 
859,  par  Hérard,  archevêque  de  Tours.  Le  nombre 
des  religieux  fut  fixé  a  vingt. 

Cette  abbaye  ne  fut  pas  épargnée  lors  des  ravages 
commis  dans  ces  contrées,  en  1^12  ,  par  les  troupes 


5l8  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

anglaises  :  aussi  son  abbé  fut-il  dispensé  par  le  roi 
(lu  subside  qui  était  demandé  au  clergé.  Micbel  de 
MaroUes,  qui  obtint  ce  bénéfice  le  5  décembre  1626, 
en  fit  réparer  labbatiàle,  qui  fut  reconstruite  à  neuf 
en  1772.  La  maison  conventuelle  le  fut  en  1782, 
époque  très-voisine  de  celle  où  elle  devait  cesser 
d'exister.  Elle  ne  comptait  alors  que  quatre  religieux. 
On  s'étonne  que  le  laborieux  Marolles  n'ait  pas  écrit 
î'histoirê  de  âes  deux  abbayes  de  Rangerais  et  de  Vil- 
leioin  j  et  qu'il  se  soit  borné  à  donner  une  liste  exacte 
de  leurs  abbés. 


CHAPITRE  m. 

PRIEURÉS  EN  COMMENDE. 
§1- 

ifl  PRIEURÉ   DE    SAÎNT-COME. 

•  La  Loire  forme  différentes  îles  dont  quelques-unes 
ont  certaine  étendue»  Celle  de  Saint-Gôme  se  trou- 
vait à  une  demi-lieue  au-dessous  de  la  ville  de  Tours  ; 
mtiis  depuis  à  peu  près  un  siècle  on  l'avait  réunie  au 
continent ,  dont  elle  n'était  séparée  que  par  un  faible 
cours  d'eau. 
<i;>  C'est   dans  cette  île  qu'était    situé  le  prieuré  de 


SAINl>COME.  619 

Saint-Come,  desservi  pendant  un  long  espace  de 
temps  par  des  chanoines  réguliers  de  l'ordre  de 
Saint-Augustin. 

Le  domaine  de  cette  île  appartenait  à  Féglise  de 
Saint-Martin.  Hervé,  son  trésorier,  en  ayant  obtenu 
la  jouissance  pour  s'y  retirer  et  y  vivre  avec  plus  de 
recueillement,  y  fît  bâtir  une  chapelle  sous  l'invoca- 
tion de  Saint-Côme ,  d'où  l'île  avait  pris  son  nom  : 
mais  forcé  en  quelque  sorte  par  les  instances  de  ses 
confrères  de  reprendre  ses  fonctions,  il  donna  de 
leur  consentement  cette  île  aux  religieux  deMarmou- 
tier  pour  y  venir  prendre  leur  récréation  ,  à  condition 
qu'ils  reconnaîtraient  les  chanoines  de  Saint-Martin 
pour  leurs  premiers  seigneurs ,  et  qu'ils  en  paieraient 
le  cens  au  cellerier  du  chapitre.  Hervé  abandonna  en 
même  temps  la  chapelle  qu'il  avait  faitconstruire,vou- 
lant  que  douze  moines  y  fussent  entretenus  pour  ne 
pas  y  interrompre  le  service  divin.  Ces  dispositions 
fbrent  ratifiées  par  GelduinH,  deSaumur,  qui  tenait 
nie  à  foi  et  hommage  de  Eudes,  comte  deïouraine. 

Les  moines  de  Marmoutier  avaient  à  peine  un 
siècle  de  jouissance  qu'ils  refusèrent  de  reconnaître 
la  suprématie  du  chapitre  et  de  payer  le  cens  con- 
venu. Ce  fut  la  matière  d'un  procès  qui  fut  jugé  par 
les  nobles  du  pays.  En  vertu  de  leur  sentence  les 
moines  se  virent  expulsés  de  l'île  et  le  chapitre  rentra 
dans  sa  propriété. 

Ce  fut  là  que  l'archidiacre  Bérenger  se  retira,  après 
sa  dernière  rétractation.  Il  y  mourut  le  1"  janvier 
1088,  suivant  l'épitaphe  que  lui  fit  Hildobcrt  qui  avait 


020  HISTOIRE    DE    TOUR  AINE. 

été  son  disciple.  Cette  date  est  indiquée  par  le  qua- 
trième vers  où  il  est  dit  : 

Jani  prima  dies  abstulit,  ausa  nefas. 

Après  la  mortdeBérenger,  quelques  chanoines  de 
Saint-Martin,  ayant  résolu  d'abandonner  leurs  béné- 
fices pour  embrasser  la  vie  religieuse  selon  l'ordre 
des  chanoines  réguliers  de  Saint- Augustin,  obtinrent 
du  chapitre  l'île  de  Saint-Come,  à  la  charge  d'ob- 
server effectivement  la  vie  religieuse,  de  ne  point 
changer  d'ordre ,  d'assister  aux  obsèques  des  chanoi- 
nes ,  aux  processions  des  rogations ,  et  de  présenter 
à  la  confirmation  du  chapitre  le  prieur  qu'ils  auraient 
élu,  dans  le  cas  où  ils  excéderaient  le  nombre  de 
douze.  En  conséquence  de  cette  cession,  ils  firent 
construire  les  bâtimens  qui  leur  étaient  nécessaires,  et 
ils  en  prirent  possession  la  veille  de  Noël  de  l'année 
1092.  D'abord  ils  n'étaient  que  cinq;  mais  plusieurs 
chanoines  de  Saint-Martin  ayant  suivi  leur  exemple , 
ils  se  trouvèrent,  en  iioi,  au  nombre  de  quinze  ou 
seize ,  ce  qui  leur  permit  d'élire  un  prieur.  Ces  prieurs 
étaient  installés  au  chœur  de  Saint-Martin  au  rang  des 
dignitaires,  quoique ,  depuis  le  concordat,  ils  ne  pris- 
sent plus  l'investiture  du  chapitre. 

Ce  prieuré  fiit  supprimé  en  i y 4^,  et  ses  revenus 
retournèrent  à  leur  origine  ,  c'est-à-dire  au  chapitre 
de  Saint-Martin.  Il  en  dépendait  trente  bénéfices. 

Le  poète  Ronsard,  clerc  tonsuré  du  diocèse  du 
Mans ,  conseiller  et  aumônier  du  roi  Charles  IX ,  fut 


lîOIS-I\Ai:iER.  521 

reçu  prieur  commendatairc  de  Saint-Come  le  ven- 
dredi 1 5  mars  1 564  >  P^*'  permutation ,  et  par  la  même 
voie  fut  fait  chanoine  de  Saint-Martin  et  installé  le 
1 6  janvier  i565.  Quoique  prieur  il  ne  lui  fut  pas 
permis  de  siéger  au  ehapitre  au  rang  des  dignitaires, 
mais  seulement  à  son  rang  de  chanoine.  Le  i5  mai 
1570  il  permuta  son  canonicat  pour  le  prieuré  de 
Guingalais  au  châleau  du  Loir,  avec  M.  Florentin 
Regnard ,  conseiller  au  parlement  de  Paris  et  prési- 
dent aux  enquêtes. 

Ronsard  mourut  à  Sain l -Corne,  le  mardi  au  soir 
27  décembre  i585.  Sur  son  tombeau  se  lisait  cette 
épitaphe  qu'à  coup  sûr  on  ne  lui  eût  pas  faite  un 
siècle  plus  tard. 

Cave,  viator,  cave  :  sacra  haec  humus  est. 

Abi  néfaste ,  quam  calcas  humum  sacra  est. 

Ronsardiis  jacet  hic , 

Quo  oriente  oriri  musse ,  et  occideote  commori 

Ac  secum  inhumari  voluerunt. 

Hoc  non  invideant  qui  sunt  superstites. 

Nec  parem  sortem  sperent  nepotes. 

Obiit 

VI.  Kal.  Jan.  no.  lo.  lxxxv. 

En  1742,  époque  de  la  suppression  du  prieuré,  le 
chapitre  de  Saint-Martin  fit  enlever  le  cénotaphe  de 
Ronsard,  qu'il  fit  placer  dans  sa  salle  capitulairc. 


2  2  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 


§    II. 


Ce  n'était  guère  que  sous  le  nom  de  prieure  de 
Grandmont  qu'était  connu  celui  de  Bois  Rahier  (  de 
Bosco  Raberii),  de  Tordre  de  Grandmont  en  Limou- 
sin: il  était  situé  à  une  lieue  sud  de  la  ville  de  Tours, 
sur  le  coteau  qui  est  à  la  gauche  du  Cher .  Ce  fut  une 
fondation  faite  en  1177  pâl*  Henri  II,  roi  d'Angle- 
terre et  comte  de  ïouraine. 

Il  paraît  par  les  lettres  de  fondation ,  qui  sont  sans 
date,  que  Henri  y  affecta  le  lieu  de  Bois  Rahier  avec 
les  terrains ,  bois,  prés  et  généralement  tout  ce  qui 
en  dépendait,  francs  de  toute  espèce  de  droits.  Il  y 
ajouta  les  bois  et  boires  depuis  les  ponts  de  Vançay, 
aujourd'hui  Saint-Avertin  ,  avec  usages  dans  les  fo- 
rêts de  Loches,  de  Chinon  et  de  Bréchesnay  ( nemus 
Brusennium).  Il  donna  de  plus  3oo  livres  de  rente, 
monnaie  d'Anjou,  à  prendre  sur  les  afforages  de 
Loches,  et  quelques  autres  rentes  qui  lui  étaient  dues 
au  Château  du  Loir.  Ces  lettres  furent  données  à  Nort- 
hampton,  en  présence  de  Richard,  archevêque  de 
Cantorbéry  et  autres.  Depuis  elles  furent  confirmées 
en  France  par  Charles  YH,  au  mois  d'avril  i433; 
par  Louis  XI,  en  146 1  ;  par  Louis  XÏU  et  Louis  XIV, 
en  161 1  eta645. 

L'éghse  était  desservie  par  six  religieux.  Le  prieur 
de  cette   maison  était  l'un  des  deux  supérieurs  de 


viLLiEr.s.  623 

l'ordre  qui  avaient  le  droit  de  confirmer  lo  gênerai, 
après  son  élection.  Ce  privilège  leur  avait  été  con- 
firmé par  une  bulle  du  pape  Jean  XXII. 

Le  prieuré  ayant  été  supprimé  en  17  ,  les  reve- 
nus en  furent  affectt's  au  séminaire  de  Tours,  et  les 
bâtimens  étaient  devenus  une  maison  de  plaisance 
pour  les  archevêques. 

§  ni. 

PRIEURE   DE  POMMIERS-AIGRES. 

Le  prieuré  de  Pommiers-Aigres  (  de  Pomerio  acri), 
communément  nommé  Grandmont,  près  Chinon, 
de  l'ordre  des  religieux  de  Grandmont ,  était  situé 
dans  la  paroisse  de  Lac-Mort.  Il  avait  la  même  ori- 
gine que  le  précédent,  et  était  de  même  une  fonda- 
tion faite  par  Henri  II ,  en  1 177  ou  1 178.  Ce  prieuré 
de  peu  d'importanoe  n'était  desservi  que  par  deux 
religieux»  L'abbé  Régnier  Desmarcts,  de  l'académie 
française,  en  a  été  prieur  jusqu'en  l'année  1713. 

PRIEURS  DE  VILLIERS. 

On  a  prétendu  rjuc  le  prieuré  de  Villiers  {  Ville- 
rias  )  pareillement  de  l'ordre  de  Grandmont ,  et  situé 
dans  la  commune  deCoulange,  canton  de  Montré^ 
«or,  était  une   troisième  fondation  de  cette  espèce. 


524  HISTOIRE    DE    ÏOU  RAINE. 

faite  on  1 170  par  Henri  II.  D'après  des  lettres  pa- 
tentes de  Richard-Cœur-de-Lion ,  datées  de  1196, 
quelques-uns  ont  cru  que  la  fondation  de  Villiers  ne 
pouvait  pas  être  antérieure  à  1192.  Mais  il  est  bien 
plus  probable  que  ces  trois  prieurés  datent  de  la 
même  époque,  et  qu'ils  furent,  de  la  part  de  Henri  II , 
une  expiation  du  meurtre  de  Thomas  de  Cantorbéry 
dont  ce  monarque  avait,  sinon  ordonné,  du  moins 
provoqué  la  mort. 

Ce  prieuré  fut  compris  dans  la  suppression  qui 
atteignit  les  deux  précédens. 

§  V. 

PRIEURÉ  DE  SAINT-JEAN-DU-GRÈS. 

Saint-Jean-du-Grès  ou  du  Gréez ,  situe  entre  Truye 
et  Azay-sur-Cher,  paraît  avoir  été  fondé  vers  l'an 
1017  par  Foulques-Nerra ,  qui  fît  don  de  l'église  et 
de  ses  dépendances  au  chapitre  de  Saint-Martin. 

En  1 163 ,  ce  chapitre  en  fît  l'abandon  à  quelques 
ermites  qui  s'étaient  retirés  dans  les  bois  dont  ces 
lieux  étaient  couverts.  La  charte  d'abandon  ,  signée 
par  le  doyen  Barthelemi,  le  trésorier  Geoffroy  et 
autres  chanoines,  porte  pour  clause  expresse,  que 
cette  église  restera  a  toujours  sous  la  protection  et 
dépendance  du  chapitre  de  Saint-Martin. 

En  i6o3  ,  le  prieuré  passa  à  l'ordre  des  chanoines 
réguliers  de  Saint-Augustin  qui  s'affranchirent  bien- 
tôt de  leurs  obligations  envers  l'église  fondatrice,  à 


LA.    BOURDILLIKRE.  5^5 

laquelle  ils  ne  payaient  plus  que  deux  sous  de  cens. 
C'est  auprès  du  prieuré  du  Grès  qu'était  située  la 
Tour  des  Brandons,  bâtie  par  Foulques-Nerra ,  et 
dont  nous  avons  parlé  au  tom.  1",  pag.  3 14. 

§  VI. 

PRIEURÉ  DE  LA  BOURDILLIÈRE. 

La  Bourdillière ,  prieuré  de  filles  de  l'ordre  de 
Cîteaux,  était  située  dans  la  paroisse  de  Génillé,  à 
deux  lieues  et  demie  nord  de  Montrésor,  et  à  onze 
lieues  sud-est  de  Tours. 

Louis  de  Menou ,  seigneur  de  Génillé ,  ayant  ac- 
quis le  château  de  la  Bourdillière,  y  fonda,  en  1661, 
en  prieuré  perpétuel ,  une  communauté  de  filles  de 
l'ordre  de  Cîteaux,  destinée  selon  toute  apparence 
à  procurer  un  établissement  aux  filles  nombreuses 
qui  se  trouvaient  dans  sa  famille  :  c'est  pourquoi  sans 
doute  il  se  réserva  la  nomination  de  la  supérieure. 
Sept  de  ses  sœurs,  dont  la  plupart  étaient  engagées 
dans  d'autres  couvens ,  obtinrent  la  permission  de  se 
réunir  à  la  Bourdillière,  et  l'aînée  en  fut  nommée 
supérieure.  Quatre  des  filles  du  fondateur  vinrent 
accroître  ce  nom])re,  qui  bientôt  après  fut  encore 
augmenté  par  l'admission  de  treize  de  ses  nièces,  en 
sorte  que  l'établissement,  porté  ainsi  à  vingt-quatre, 
se  trouva  entièrement  composé  des  membres  de  la 
même  famille. 

Louis  de  Menou  ,  en  1668,  obtint  de  Louis  XIV 


526  HISTOrRE  DE  TOURAINE. 

des  lettres  de  confirmation  de  ce  prieuré,  sous  le 
nom  de  Notre-Dame  de  la  Bourdillière ,  et  comme  il 
avait  renoncé  à  son  droit  de  nomination,  le  roi 
donna  pour  çoa<ljutrice  à  Claude  de  Menou ,  sœur 
du  fondateur,  Catherine  de  Menou  sa  fille  :  dès  ce 
moment,  le  prieuré  de  la  Bourdillière  fut  mis  au  rang 
des  monastères  de  fondation  royale. 

Il  existait  encore  quatre-vingt-treize  prieurés 
simples,  trente  monastères  d'hommes  et  vingt-sept 
couvens  de  filles;  mais  on  conçoit  aisément  que 
nous  n'entreprendrons  point  l'énuméralion  fastidieuse 
de  tant  d'établissemens  qui  ne  pourraient  offrir  au- 
cun intérêt  historique.  Nous  croyons  seulement  devoir 
terminer  cette  quatrième  partie  par  quelques  détails 
sur  les  églises  paroissiales  de  la  ville  de  Tours. 


CHAPITRE  IV. 

ÉGLISES  PAROISSIALES  DE  TOURS. 
§1- 

JSA.IWT-CLÉMENT. 

Daiys  l'origine,  Saint -Clément  était  un  hospice 
destiné  à  recevoir  les  pauvres  gentilshommes  qui 
venaient  visiter  le  tombeau  de  Saint-Martin.  Il  y  en 


SAJ^T-CLÉMENT.  5*7 

avait  un  autre  à  côte ,  nommé  l'hospice  de  Saint- 
André,  pour  les  personnes  d'une  moindre  condition. 
Ces  sortes  d'élablissemens  avaient  été  recommandés 
aux  chapitres  et  aux  grands  monastères ,  par  le  con- 
cile tenu  en  816  à  Aix-la-Chapeïle ,  confirmant  le  7* 
canon  du  concile  général  de  Nice. 

Le  comte  Eudes,  alors  «bbé  de  Sainte  Martin, 
donna  à  titre  de  bénéfice  à  Tua  de  ses  chanoines 
riiospioe  de  Saint-Clément  avec  les  revenus  qui  en 
dépendaient;  mais  Robert  son  frère,  et  son  successeur 
dans  cette  abbaye,  restitua  cet  hospice  aux  pauvres, 
en  896.  Cependant  les  voyages  au  tombeau  de  Saint* 
Martin  étaient  devenus  moins  frequens,  et,  n'étant 
plus  entrepris  que  par  des  personnes  opulentes  ,  cet 
établissement  devint  sans  utilité,  et  ne  tarda  pas  à 
recevoir  une  autre  destination.  La  populaûon  du 
bourg  de  Ciiâteauneuf  s'étant  accrue,  il  fut  érigé  en 
paroisse  sous  k  même  vocable  de  Saint -Clément. 
Mais  comme  l'église  était  peu  spacieuse,  elle  fut  re- 
construite vers  le  milieu  du  quinzième  siècle ,  par  les 
soins  et  en  partie  aux  frais  de  Jean  Briçonnet  l'aîné , 
premier  maire  de  Tours,  qui  était  né ,  at  qui  demeu- 
rait sur  cette  pai^oisse. 

La  cure  était  à  la  présentation  de  l'aumônerie  de 
Saint-Martin.  La  paroisse  a  été  supprimée  à  la  ré- 
volution et  le  bâtiment  forme  aujourd'hui,  provi- 
soirement sans  doute,  la  halle  aux  blés. 


5^8  HISTOIRE  DE  TOUR  AINE. 


SAINTE-CROIX. 

Baudonivie  qui  a  écrit  la  vie  de  sainte  Radegonde 
dont  elle  avait  été  la  compagne ,  nous  apprend  que 
cette  reine,  avant  que  de  se  retirer  à  Poitiers,  avait 
demeuré  pendant  quelques  années  à  Tours,  auprès 
de  i'église  de  Saint-Martin,  où  elle  allait  prier  tous 
les  jours.  Durant  son  séjour,  elle  y  fît  construire  un 
monastère  qui  fut  occupé  par  des  hommes;  mais 
avant  son  départ  elle  en  fit  don,  ainsi  que  de  lat 
maison  qu'elle  occupait,  à  l'église  de  Saint-Martin. 
Grégoire  de  Tours  parle  de  cet  oratoire  ou  couvent, 
et  dit  qu'il  était  situé  auprès  de  la  basilique  de  Saint- 
Martin.  L'église  de  Sainte-Croix  en  était  en  effet 
très-rapprochée.  Il  est  même  probable  qu'alors  elle 
se  trouvait  dans  l'enceinte  du  cloître.  L'empereur 
Justin  ayant  envoyé  à  sainte  Radegonde  un  mor- 
ceau de  la  vraie  croix,  cette  relique  resta  déposée 
dans  l'oratoire  de  ce  monastère  jusqu'à  ce  qu'elle 
eût  été  transférée  à  Poitiers;  mais  la  reine  y  laissa 
un  morceau  du  voile  qui  l'avait  enveloppée.  C'est  à 
ce  sujet  que  Grégoire  de  Tours  mit  sous  l'invocation 
de  la  sainte  croix  l'église  qu'il  fît  ensuite  bâtir  pour 
ce  monastère ,  qui  paraît  avoir  subsisté  jusqu'à  la  fîn 
du  douzième  siècle.  Il  n'existait  plus  en  1200,  car 
à  cette  époque  son  église  fut  érigée  en  cure,  dont  la 


SAINT-DENIS.  5^9 

présentation  appartenait  à  l'abbé  de  Bourgueil,  ce 
qui  fut  confirmé, en  i2o3,parunebuile  du  pape  In- 
nocent III. 

Cette  paroisse  devenue  ifttitiW,  attendu  la  dimi- 
nution de  la  population  de  la  ville,  avait  été  sup- 
primée des  le  ï*'  jiiri^ief  i'jQl. 

§  ttî- 

SAIïn'-DETflS. 

Ce  fut  Renaud ,  abbé  de  Pont-le-Voy,  qui ,  vers 
Fân  1 187  ou  I  ï88,  fit  construire  à  Toxtrs  une  église 
qui  fut  mise  sous  l'invocation  de  saint  Denis.  Mais 
cette  construction  se  trouvait  placée  dans  la  voirie 
de  Châteauneuf ,  qui  appartenait  au  cbapitre  de  Saint- 
Martin  ,  dont  Renaud  aurait  dû  pt'endre  le  consen- 
tement avant  que  de  rien  cntreprcndi^e.  Il  è^hsuivit 
un  procès  dans  lequel  l'abbé  eût  nécéssâireftierit  suc- 
combé s'il  ne  l'eût  pas  terminé  par  une  transaction 
passée  en  1 189,  d'après  laquelle  le  cbapitre  consentit 
que  les  murs  et  la  voûte  de  l'église ,  ({uï  étaient  déjà 
achevés,  fussent  conservés.  L'abbé  en  doima  ses  let- 
tres, où  il  est  dit  :  «  Cum  gratiâ  capituli  obtinuiftitis 
quod  prescfiptae  ecclesiae  parrete.^  et  volta,  sictit  erant 
exaltati,  remanercnt.» 

La  présentation  de  la  cure  appartenait  à  l'abbé  de 
Pont-le-Voy  et  la  collation  à  l'archevêque  de  Tours. 
Ainsi  que  la  précédente,  elle  fut  supprimée  au  mois 
de  janvier  178a. 

3.  M 


53o  HISTOIRE    DE    TOUR  AINE. 

§  IV. 

«AINT-toENNE. 

Il  est  certain  que ,  dès  les  premiers  temps  où  le 
christianisme  eut  à  Tours  un  culte  public ,  il  y  avait 
im  oratoire  placé  auprès  d'un  cimetière  des  chrétiens. 
Grégoire  de  Tours  en  parle  au  chap.  34  du  livre  de 
la  Gloire  des  Martyrs,  en  disant  qu'il  avait  été  an- 
ciennement érigé  par  les  liabitans  en  l'honneur  de 
saint  Etienne  ;  mais  que  le  trouvant  beaucoup  trop 
resserré,  il  l'avait  fait  agrandir  sous  son  épiscopat, 
c'est-à-dire  vers  les  commencemens  du  septième  siè- 
cle. Les  anciens  historiens  ne  nous  ont  rien  appris  de 
l'usage  auquel  il  fut  postérieurement  destiné.  Nous 
voyons  seulement  qu'il  était  placé  dans  le  bourg  de 
la  trésorerie,  voisin  de  la  cathédrale;  ainsi  il  n'y  a 
pas  de  doute  que  ce  fut  ce  même  oratoire  qui  fut 
converti  en  une  église  paroissiale  dont  la  population  se 
composait  en  grande  partie  des  liabitans  de  la  cam- 
pagne ,  ainsi  que  cela  existait  encore  à  l'époque  de  sa 
suppression ,  et  c'est  ce  qu'on  appelait  Saint-Etienne 
extra  muros. 

L'oratoire  érigé  en  paroisse  étant  devenu  par  la  suite 
trop  peu  spacieux,  les  liabitans,  vers  l'an  i35o,  ré- 
solurent d'en  faire  construire  un  plus  commode;  mais 
le  terrain  leur  manquant ,  ils  y  suppléèrent  en  y  ajou- 
tant celui  du  cimetière ,  qui  fut  remplacé  par  une 
portion  de  celui  de  Saint-Sébastien ,  que  l'Hotel-Dieu 


SAINT-HILAIRE.  53 1 

de  Tours  consentit  à  leur  céder  pour  y  enterrer  leurs 
morts. 

La  cure  était  à  la  présentation  du  trésorier  de  la 
cathédrale  qui ,  en  cette  qualité ,  était  seigneur  d'une 
partie  de  la  paroisse. 

§v. 

SAINT-HILAIRE. 

Nous  pouvons  mettre  cette  église  au  nombre  des 
plus  anciennes  de  la  ville  de  Tours ,  puisqu'elle  date 
d'environ  l'an  Goo.  C'est  ce  qu'on  pouvait  reconnaître 
à  la  construction  de  ses  murs  dont  une  partie  était 
bâtie  en  petites  pierres  carrées  de  même  nature  que 
les  anciens  murs  de  la  cité. 

Ce  n'était  dans  le  principe  qu'une  simple  chapelle 
qu'un  certain  Gautier  donna  à  l'église  de  Saint-Mar- 
tin, à  condition  que  le  revenu  en  serait  employé  au 
soulagement  de  ceux  de  ses  bénéficiers  qui  seraient 
malades.  Le  chapitre  en  fit  don  à  son  tour  à  un  diacre 
nommé  Geoffroy,  pour  lui  et  pour  ses  héritiers.  Tom- 
bée entre  les  mains  d'un  gentilhomme  que  le  titre 
désigne  sous  le  nom  de  Simon  de  Marchille,  celui-ci 
la  donna,  vers  1 1 3o,  à  Hildebert,  archevêque  de  Tours, 
qui  l'érigea  en  cure  dont  la  présentation  appartenait 
à  l'abbé  de  Toussaints,  d'Angers,  de  Tordre  des  cha- 
noines réguliers  de  Sainl-Augustin ,  congrégation  de 
France ,  dite  de  Sainte-Geneviève.  Aussi  le  curé  avait- 
il  le  titre  de  prieur. 

34. 


5^9^  HISTOIRE  DÏ3  TOUR  AINE. 

A  cette  époque,  le  lieu  où  l'ëglise  de  Saint-Hilaite 
était  située  ne  faisait  pas  encore  partie  de  la  ville  de 
Totïts  j  àiiîsî  qu'on  le  voit  par  laf  charte  d'Hildebert: 
«  Je  teiix ,  dit-il ,  qu'on  sache  que  l'un  dé  ilos  ba^-dtts 
«  nommé  Simon ,  mais  surnommé  Matôhille,  est  VëBîtt 
«  vers  nous,  et  a  remis  en  nos  mains  l'église  de  Saint- 
ce  Hilaire,  située  entre  la  ville  de  Tours  et  celle  de  Châ- 
«  teauneuf. — Notum  fieri  volo  quemdam  de  baronibus 
«  nostris,  Simonem  nomirie,  sed  cognomento  Marchil- 
«lum,  ad  nos  venisse  et  ecclesiam  B.  Hilarii  inler  ci- 
«  vitatem  Turotiis,  et  castellum  È.Maftini  sitam,  quam 
«defetido  nostro  tenebat,  iri  tnanunostra  dimisisse»  » 

§  VI. 

W0TRE-DAME-L4-RICIÏÏ?. 

11  pass^  pour  conâtâitt  qiië  l'église  de  Nôtré-Damê- 
la-Riche  à  été  bâtie  sut  l'un  des  cimetières  des  chfé- 
tj^fts  011  Saint-Gatien  avait  eu  sa  sé^ilture.  Sainf- 
Lidoire  ^  sOU  successeur,  fît  construire  à  côté  une 
chapelle  dans  laquelle  il  fut  enterré  ;  mais  Saint-Maf- 
ti*i  iît  transférer  ses  restes,  ainsi  que  ceux  de  Saint*- 
Oâtièô,'  dttus  mti  aùti^  chapelle  dédiée  à  Saint-Mé- 
dârd ,  et  presque  attenante  à  celle  de  Notre-Dame-laf- 
Riehe.  Grégoire  de  Tours ,  au  livre  de  la  Gloire  àés 
Martyrs ,  dit  qu'elle  fut  consacrée  sous  le  nom  de  la 
Vierge  et  de  Saint-Jean-Baptiste.  Jusqu'au  douzième 
siècle ,  elle  fut  connue  sous  le  nom  de  Notre-Dame- 
la-Pauvre,  pour  la  distinguer  de  Notre-Dame-de-l'É- 


notre-dame-de-l'écrignole.  533 

crignole.  Mais  vers  ce  même  temps,  les  reliques  de 
Saint-Gatien  y  ayant  été  déposées ,  elle  prit  de  là  la 
deBomination  de  Notre-Dame-la-Riche  qu'elle  con- 
serve encore  aujourd'hui ,  étant  une  des  paroisses  qui 
ont  été  maintenues. 

Elle  fut  démolie  en  i562,  probablement  par  suite 
de  sa  vétusté  et  des  ravages  commis  à  cette  époque 
par  les  protestans.  L'ancien  édifice  devait  être  plus 
grand  et  plus  élevé  que  celui  qu'on  voit  aujourd'hui, 
si  l'on  en  juge  par  le  haut  pilier  qui  était  resté  de- 
bout et  qui  n'a  été  détruit  qu'en  1789  ,  sans  qu'on 
aperçoive  le  motif  qui  jusque-là  l'avait  fait  res- 
pecter. 

Louis  XI  y  avait  annexé  l'une  des  prébendes  du 
Plessis ,  qui  se  trouvait  sur  le  territoire  extra  muros, 

La  cure  était  à  la  présentation  de  l'abbé  de  Vil- 
Icloin. 

§  VII. 


N  OTRE-D  AME-DE-Ii'ÉCRIGBTOLE . 


Il  Hôus  reste  peu  de  choses  à  dire  sur  l'église  de 
i'Éçrignole ,  dont  nous  avons  rapporté  l'origine  à  l'ar- 
ticle de  l'abbaye  de  Beaumont  qui,  en  1002,  fut  for- 
mée de  ses  débris. 

Les  incursions  des  Normands  ayant  tout-à-fait 
cessé ,  l'église  que  ces  reHgieuses  avaient  abandonnée 
pour  leur  nouvel  asile  fut  reconstruite  sur  de  nou- 
veaux fondemens  et  érigée  en  paroisse,  dont  la  cure 


534  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

était  à  la  présentation  de  l'abbesse  de  Beaumont,  et 
à  la  collation  de  l'archevêque. 

Quand  on  eut  reconnu  l'opportunité  de  restreindre 
le  nombre  des  paroisses  de  la  ville  de  Tours ,  Notre- 
Dame-de-l'Ecrignole  fut  une  de  celles  mises  en  pre- 
mière ligne,  et  sa  suppression  fut  effectuée  le  7  juin 
1777. 

§  VIII. 

SAINT-PIERRE-DU-BOILLE. 

Quoique  Grégoire  de  Tours  ne  nous  apprenne 
point  à  quelle  époque  remontait  la  construction  de 
l'église  de  Saint-Pierre-du-Boille ,  il  n'en  paraît  pas 
moins  constant  qu'elle  a  été  la  plus  ancienne  des 
églises  paroissiales  de  la  ville.  Ce  fait  nous  est  dé- 
montré par  un  passage  du  testament  de  saint  Per- 
pète,  huitième  évêque  de  Tours,  qui  avait  déjà  pres- 
crit qu'on  célébrât  la  fête  de  Saint-Pierre  et  Saint- 
Paul  dans  l'église  qui  leur  était  dédiée.  Il  y  est  dit  : 
«  Je  donne  et  lègue  à  l'église  de  Saint-Pierre  les  ta- 
»  pisseries  que  je  lui  ai  souvent  prêtées  pour  la  fête  de 
»  son  patron.  —  Ecclesiœ  Sacti-Petri  peristromata  quae 
»  ei  ad  utendum  in  natali  ejusdem  sœpe  concessi,  om- 
»  nino  et  absolute  do ,  lego.  »  Or  sous  l'épiscopat  de 
saint  Perpète  les  trois  autres  églises,  que  nous  allons 
voir  sous  l'invocation  de  saint  Pierre,  n'existaient 
pas  encore. 

Celle-ci  fut  bâtie  sur  les  remparts  du  Bourg  de  la 


SAINT-PIERRE-DES-CORPS.  535 

Trésorerie  qui  sVtcnclait  depuis  la  tour  de  Saint- 
Vincent,  ou  portail  de  la  Chancellerie ,  en  tournant 
par  la  rue  du  Cygne,  jusqu'à  la  porte  de  la  cite  où 
étaient  anciennement  les  prisons.  A.ussi  fut-elle  nom- 
mée Sanctus-Petrus  de  Ballo;  ballum  étant  un  mot  de 
la  basse  latinité  employé  au  lieu  de  vallum  qui  si- 
gnifie rempart. 

Probablement  elle  avait  été  reconstruite ,  et  peut- 
être  plusieurs  fois  depuis  sa  fondation  ;  mais  elle  le 
fut  en  dernier  lieu  vers  la  fin  du  quinzième  siècle, 
et  terminée  en  1 5^0  par  les  soins  de  Guillaume  Gal- 
loclieau ,  qui  contribua  à  l'achèvement  de  la  voûte, 
comme  on  le  voyait  par  l'inscription  qui  se  trouvait 
à  la  clef.  La  cure  était  à  la  présentation  du  chapitre 
de  la  cathédrale ,  en  conséquence  de  la  cession  faite 
par  l'archevêque  Barthélemi  II ,  approuvée  par  une 
bulle  d'Innocent  III ,  eu  date  du  i5  mai  1 198.  Cette 
paroisse  n'existe  plus. 

§  IX. 

SAINT-PIERRE-LE-PUELLIER. 

Nous  n'avons  rien  à  ajouter  à  ce  que  nous  avons 
déjà  dit  de  cette  église,  considérée  comme  collé- 
giale, f^oj,  le  ch.  l*"',  §  4» 

§  X. 

SAINT-PIERRE-DES-CORPS. 

L'église  de  Saint-Pierre-des-Corps  peut  aussi  être 


536  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

citée  pour  son  antiquité.  Quelques-uns  ont  pensé 
qu  elle  était  l'ouvrage  des  premiers  chrétiens  de  la 
ville  de  Tours,  qui,  ayant  un  cimetière  hors  des 
piurs^yava^ent  construit  une  chapelle,  suivant  l'usage 
observé  dans  ces  temps  ;  et  comme  on  y  déposait  les 
corps  avant  que  de  les  enterrer,  ils  prétendent  que 
de  là  elle  aurait  pris  le  nom  de  Saint -Pierre- des- 
(Corps;  mais,  s'il  jcn  était  ainsi,  les  chapelles  des  au- 
tres cimetières  auraient  dû  recevoir  la  même  déno- 
mination. D'ai4tres  au  contraire  y  ont  trouvé  une 
origine  historique  heaucoup  plus  vraisemblable ,  en 
disant  que  cette  chapelle  avait  été  ainsi  nommée 
9près  que  les  Normands,  en  838,  eurent  été  défoits 
sous  les  murs  de  Tours,  en  assiégeant  cette  ville. 
Comme  l'action  principale  se  passa  au  levant  de  la 
cité,  précisément  tout  près  du  lieu  oii  l'église  est 
située ,  ce  fiit  là ,  disent-ils ,  qu'on  rassembla  et  qu'on 
enterra  tous  ceux  des  ennemis  qui  étaient  tombés  en 
grand  nombre  sous  les  coups  des  assiégés.  C'est  pour- 
quoi on  appela  ce  lieu  Saint-Pierre-des-Corps ,  ainsi 
qu'on  nomma  Saint-Jean-des-Coups  le  prieuré  qui 
fut  construit  non  loin  de  là ,  en  commémoration  de 
cette  victoire  attribuée  à  l'exposition  des  reliques  de 
saint  Martin. 

C'est  après  cet  événement  qu'elle  fut  érigée  en 
paroisse ,  dont  la  cure  était  à  la  présentation  du  doyen 
de  la  cathédrale  ,  et  à  la  nomination  de  l'archevêque; 
mais  les  chanoines  s'en  prétendaient  toujours  les  curés 
primitifs.  Elle  a  été  conservée  comme  paroisse  du 
faubourg  qui  en  porte  le  nom. 


SAINT-SATURNIÎÎ.  537 

§  XL 

SAINT-PIERRE-DU-CHARDONNET. 

Cette  église  est  bien  moins  ancienne  que  la  pré- 
cédente. Ce  n'était  dans  l'origine  que  la  chapelle  af- 
fectée au  cimetière  du  Bourg  de  Chateauneuf,  et 
celle-ci  servait  véritablement  à  y  déposer  les  corps 
avant  leur  inhumation.  Aussi  était-elle  connue  sous 
le  nom  de  Saint-Pierre-du-Cimetière.  On  a  prétendu 
que  les  chardons  qui  y  croissaient  l'avaient  fait  ap- 
peler Saint-Pie  rre-<Ju-Chardonnet ,  Sanctus-Petrus  de 
Cardoneto  ;  mais  comme  il  y  a  eu  à  Paris  et  ailleurs 
des  églises  portant  cette  même  dénomination ,  nous 
pensons  qu'on  doit  y  chercher  une  autre  étymologie. 

Ce  cimetière  et  sa  chapelle  étaient  en  dehors  des 
murs  :  mais  la  ville  s'étant  accrue  de  ce  côté ,  tous  les 
deux  se  trouvèrent  alors  compris  dans  son  enceinte , 
et  l'église  fut  érigée  en  paroisse  pour  ces  i?ouvelles 
habitations ,  placées  au-delà  des  fossés  qui  furent 
comblés.  La  cure  était  à  la  collation  du  chapitre  de 
Saint-Martin.  L'église  était  de  la  plus  petite  dimen- 
sion ,  et  les  paroissiens  très-peu  nombreux  :  aussi 
fut-elle  comprise  dans  la  réduction  qui  eut  lieu  en 
1782. 

SA^IJTT-SATURWIN. 

La  paroisse  de   Saint-Saturnin  était  considérée 


538  HISTOIRE    DE    TOURAINE. 

comme  la  principale  de  la  ville.  C'en  était  effective- 
ment et  la  plus  spacieuse  et  la  plus  peuplée.  Gré- 
goire nous  apprend  qu'il  avait  fait  bâtir  à  Tours  une 
chapelle  dans  laquelle  il  avait  mis  des  reliques  de 
saint  Saturnin.  Cette  chapelle  étant  tombée  entre  les 
mains  de  Théotolon,  cinquante-quatrième  archevêque 
de  Tours ,  il  la  donna  à  perpétuité  au  monastère  de 
Saint-Julien  qu'il  venait  de  faire  reconstruire,  les 
Normands  l'ayant  entièrement  détruit  en  856.  Les 
lettres  qu'il  donna  à  ce  sujet ,  en  945 ,  portent  qu'il 
la  leur  abandonne  avec  les  terres  et  vignes  adjacentes, 
prés,  pacages,  jardins,  cours  d'eau,  meubles  et  im- 
meubles ,  et  généralement  tout  ce  qui  en  dépend.  On 
voit  par  là  que  son  emplacement,  et  tout  ce  qui  l'en- 
tourait, ne  faisaient  point  encore  partie  de  la  ville. 
Les  lettres  de  Théotolon  ont  cela  de  particulier  que  son 
nom ,  et  ceux  des  personnes  en  présence  desquelles 
elles  furent  données,  sont  signées  en  caractères  grecs 
sur  l'original. 

Ce  fut  le  cardinal  Briçonnet ,  né  à  Tours ,  qui,  vers 
l'an  1 5oo ,  lit  bâtir  la  haute  et  belle  tour  qui  soute- 
nait le  clocher.  Nous  avons  parlé  du  monument  qui  y 
avait  été  érigé  à  Thomas  Boliier  et  à  son  épouse.  La 
cure  était  à  la  présentation  de  l'abbé  de  Saint-Julien. 
Cette  église  a  été  aliénée  et  convertie  en  habitations. 

§  XIII. 

SAINT-SIMPLE. 

Nous  ne  pourrions  dire  à  quelle  époque  remonte 


SAIMT-STMPnOBIEW.  SSq 

Texistence  de  rëgliso  de  Saint-Simple ,  puisque  Fau- 
teur, ou  plutôt  le  continuateur  de  la  Chronique  de 
Tours,  est  le  pi-emier,  ou  peut-être  le  seul,  que  nous 
trouvions  en  avoir  fait  mention  au  sujet  d'un  miracle 
qui  s'y  opéra,  dit-il,  le  lendemain  de  la  Saint-Bar- 
thélemi  12^4  sur  une  femme  privée  de  l'usage  de  ses 
membres.  Il  nous  apprend  également  que  cette  église 
fut  presque  entièrement  brûlée  un  vendredi,  à  mi- 
nuit, jour  de  Saint-Luc ,  c'est-à-dire  le  i8  octobre  de 
la  même  année.  Elle  était  située  dans  le  bourg  de 
Châteauneuf  pour  lequel  elle  fut  érigée  en  paroisse , 
vers  l'an  i36o.  Mais  comme  elle  était  de  très-peu 
d'importance ,  elle  fut  comprise  dans  la  première  ré- 
duction opérée  le  17  juin  1777. 

s  XIV. 

SAINT-SYMPHORIEN. 

On  ne  peut  révoquer  en  doute  l'ancienneté  de 
cette  église,  qui  fut  construite  pour  l'usage  des  habi- 
tans  du  faubourg  de  ce  nom,  parce  qu'alors  il  n'y 
avait  point  de  ponts  qui  le  joignissent  «1  la  ville,  et 
que  le  passage  de  la  Loire  était  souvent  difficile  et 
périlleux.  On  a  cru  qu'elle  avait  été  bâtie  par  l'évêque 
Perpète;  mais  nous  estimons  qu'elle  fut  l'ouvrage  du 
prêtre  Eu  frosne,  son  ami,  et  qu'à  cet  égard  on  a  mal 
interprété  le  ch.  xiv  du  liv.  11  de  Grégoire  de  Tours, 
chapitre  qui  n'est  que  la  suite  du  précédent.  En  effet, 
après  avoir  parlé  au  ch.  xiii  de  la  reconstruction  de 


54Ô  HISTOIRE   lîE  TOURAllîE. 

la  basilique  de  Saint-BIartin ,  il  continue,  et  dit,  sans 
aucune  transition  :  «  Eo  tempore  et  basilica  beati 
pSymphoriani,  Augustodunensis  martyris,  ab  Eu- 
fffronio  prœsbytero  aedificata  est.  Et  ipse  Eufronius, 
«  hujus  deinceps  urbis  episcopatum  sortitus  est.  —  En 
ff  ce  même  temps  l'église  deSaint-Symphorien,  martyr 
ff  d'Autun,  fut  bâtie  par  le  prêtre  Eufrosne  ,  qui,  dans 
«  la  suite,  fut  nommé  évêque  de  la  même  ville.  »  Il  est 
donc  évident  que  Grégoire  n'a  ici  en  vue  que  saint 
Sympborien  de  Tours,  autrement  il  n'eût  pas  manqué 
de  dire  ;  Le  prêtre  Eufrasne  bâtit  à  Autun ,  ^iont  il 
fut  ensuite  évêque,  etc.  Ce  qui  vient  à  l'appui  de 
notre  opinion,  ce  sont  les  mots  eo  tempore;  car 
Eufrosne  était  notoirement  à  Tours  lorsqu'on  rebâ^ 
tissait  Saint-Martin.  Dans  le  même  temps  il  faisait 
élever  celle  de  Saint-Symphorien  ;  or  ce  ne  pouvait 
être  que  celui  de  Tours. 

Le  faubourg  <Je  Saint-Symphorien  a  conservé  sa 
cure  dont  auparavant  la  nomination  appartenait  à 
l'abbé  de  Marmoutier. 

§  XV. 

SAINT-VEWANT^ 

Nous  renvoyons  pour  jcette  paroisse  a  ce  que  nous 
en  avons  dit  en  sa  qualité  de  collégiale  au  §  3  du 


SAINT- VINCENT.  54 1 

§  XVI. 

s  A  TNT- VINCENT. 

Grégoire  de  Tours,  à  la  fin  de  son  dixième  livre, 
nous  donne  indirectement  l'époque  de  la  construction 
de  Téglise  de  Saint-Vincent.  Après  avoir  rapporté 
l'incendie  de  la  basilique  de  Saint-Martin  par  Willa- 
caire ,  en  56o  ,  il  ajoute  que  dans  le  même  temps  fut 
bâtie  l'église  de  Saint-Vincent,  ce  qui  ne  put  avoir 
lieu  que  par  l'évêque  Euphrone,  qui  occupa  le  siège 
de  Tours  depuis  5 Sa  jusqu'à  573. 

Le  curé  de  Saint-Vincent  était  en  possession  de 
faire  porter  une  croix  double  aux  processions.  Ce 
privilège  lui  venait  de  ce  que  le  palais  archiépiscopal 
se  trouvait  dans  la  circonscription  de  celte  paroisse- 
Mal  gré  cela  il  n'avait  aucune  espèce  de  prééminence 
sur  les  autres  curés.  Il  avait  le  titre  de  prieur,  parce 
que  la  cure  avait  été  autrefois  desservie  par  des 
chanoines  réguliers  de  Saint-Augustin  de  l'abbaye 
de  Saint-George-des-Bois ,  au  diocèse  du  Mans,  dont 
elle  dépendait,  et  dont  l'abbé  avait  la  présentation. 

Le  curé  portait  toujours  le  titre  de  prieur,  de  l'ordre 
des  génovéfains,  comme  celui  de  Saint-Hilaire,  et 
ainsi  que  lui  était  vêtu  de  blanc. 


FIN   DU    TROISIKME    VOLUME. 


ERRATA 


Page». 

Lignes. 

lO 

4 

75 

a8 

io4 

24 

106 

22 

i57 

28 

198 

3o 

217 

6 

ai8 

24 

a65 

7 

TOME  I". 

iÇ^âcez  :  de  Blérë. 

3oi  ;  lisez:  3o4. 

Baudomine;  lisez  :  Baudonivie. 

du  Clain;  lisez  :  de  l'Auzance. 

1367;  lisez:  1637. 

6^5;  lisez  :  61 5. 

avait  ;  lisez  :  avaient. 

sa  fîUe  ;  lisez  :  sa  femme. 

Nous  attribuons  à  Robert-le-Fort  un  gros 
tournois  que,  mieux  informés,  nous 
croyons  appartenir  à  Robert  H,  duc 
de  Bourgogne. 


388 

3 

repnetir  ;  lisez  :  repentir. 

392 

10 

Tarchevêque  ;  lisez  :  Tévêque. 
TOME  II. 

27 

6 

Effacez  :  et. 

43 

7 

La  Châtre;  lisez  :  La  Cbartre. 

265 

i3 

mios  ;  lisez  :  mois. 

326 

18 

Carroir  ;  lisez  :  Carroy. 

359 

i3 

d'un  des;  lisez:  lun  des. 

371 

^9 

1669;  ^'•^^2*  1569. 

45o 

i3 

Courtevanes;  lisez  :  Courtenvaux. 
TOME  m. 

7» 

14 

la  possédait  ;  lisez  :  le  possédait. 

79 

8 

1G12;  lisez:  1601. 

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DC      Chalmel,  Jean  Louis 
611        Histoire  de  Touraine 


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t. 3 


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